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Full text of "Histoire religieuse et civile de Saint-Rambert en Forez"

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MuM, 


At'T'^IS     CCIEMTIA     VEKitAè 


r 


^ 


Histoire 

RELIGIEUSE    ET    CIVILE 

DE 

SAINT-RAMBERT 

En   Forez 

M.    l'Abbé   Charles   SIGNERIN 

// 

CUHi-lKCHIFkfrM    DI  >:ll)IT-KAHBlKT-»-rDIIU 
MEMBRe    DE    \.K    lOCIÉTi    HIITOmiQUI    ET    tlCHtOLOOIQtJi     !>■    LA    •     DUHA    ■ 

NOMBREUSES  ILLUSTRATIONS    PAR  HENRI  MARTHOVD 


SAINT-ETIENNE 

SCKIÉTÉ   DE  L'IMPRIMERIt:  THtOLIER    —   J.   THOMAS  &   C" 

lï.  Rue  Gérenni,  n 


236 


MARTYRE     DE     SAINT    RAMBBRT 
(Peinture  du  itii>  ^icle,  d4D>  l'tgliK  parolHÎalc  di  Saint- Ramber[>«a-ForM). 


N-  -^ 


:  lù"^/  -  /^^ 


S  5-8 


AVANT-PROPOS 


Qui  ne  cannait  la  petite  ville  de  Saint-Rambert-en-Fore^  assise 
aux  bords  enchanteurs  de  la  Loire?  —  Le  nom  de  la  vieille  cité 

m 

foré^ienne  n'est-il  pas  sur  les  lèvres  de  tous  ceux  qui,  dans  notre 
province,  ont  le  culte  religieux  du  passé  ?  —  Son  célèbre  Prieuré 
de  Saint- André'les-Olmes ;  sa  vieille  et  remarquable  église  romane; 
les  insignes  reliques  de  son  illustre  Patron  saint  Rambert;  ses 
quatre  anciennes  portes,  ouvertes,  jadis,  dans  d'épais  remparts; 
ses  maisons  bâties  en  torchis,  élevées  en  encorbellement  et  marquées 
au  front,  pour  la  plupart,  du  millésime  des  xv«,  xvi«  et  xvii«  siècles, 
tout  cela  n' est-il  pas  devenu  cent  fois  le  but  des  visites  des  archéo- 
logues, et  l'occasion  des  promenades  des  curieux? 

Et  cependant,  si  l'on  met  a  part  quelques  pages  oii  l'imagination 
règne  en  maîtresse  plus  que  la  vérité,  et  qui  témoignent  des 
excellentes  intentions  de  leurs  auteurs  plus  que  de  leurs  recherches, 
Saint-Rambert  n'a  pas  encore  ^'Histoire  ! 

Serait-ce  que  les  documents  fassent  défaut?  Non  certes,  car,  tout 
au  rebours,  ils  abondent;  et  les  aimables  érudits  préposés  à  leur 
garde,  tant  à  VHôtel  de  la  Diana  qu'aux  Archives  départementales, 
en  facilitent  très  courtoisement  l'accès  et  la  lecture. 

Serait-ce  alors  que  les  travailleurs  manquent  sur  cette  terre 
féconde  du  Fore\  qui  a  produit  les  Anne  d'Urfé,  les  Jean  Papon, 
les  Jean-Marie  de  la  Mure,  les  Auguste  Bernard,  et  tant  d'autres 
que  la  discrétion  nous  interdit  de  nommer?  Non  plus,  car  de  grands 
et  illustres  ouvrages  récents  prouvent,  avec  éloquence,  que  les 
vaillants  pionniers  qui  aiment  à  remuer  le  champ  du  passé  sont, 
aujourd'hui^  plus  nombreux  et  plus  actifs  que  jamais. 


VI  AVANT-PROPOS 

//  faut  donc  chercher  ailleurs  Vexplication  de  cette  lacune. 
Peut-être  la  trouverons-nous  y  d'une  part,  dans  robscurité  relative 
de  notre  petite  ville,  actuellement  déchue  de  son  ancienne  splendeur; 
d'autre  part,  «  dans  Villusion  d'optique  »  qui,  à  distance,  a  induit 
les  amateurs  d'antiquités  à  croire  qu'une  Histoire  de  Saint-Rambert, 
outre  qu'elle  n'offrirait  aux  lecteurs  qu'un  intérêt  médiocre,  aiderait 
asse\  peu  à  mettre  en  relief  leur  propre  talent  d'écrivain.  Et  ils 
ont,  ainsi,  passé  outre. 

Mais  c'est  là  une  illusion  d'optique.  En  réalité,  l'intérêt  qu'offre 
l'Histoire  de  Saint-Rambert  est  extrême  :  cette  Histoire,  riche 
d'incidents,  et  mêlée  de  très  près  à  celle  de  la  vie  religieuse  et 
politique  de  la  province,  se  déroule,  ininterrompue,  pendant  une 
longue  suite  de  siècles;  et  il  suffit  de  l'entrevoir  à  travers  les  vieux 
manuscrits  pour  l'aimer. 

Nous  avons  donc  essayé,  si  lourd  que  semblât  le  fardeau  pour  nos 
épaules,  de  combler  cette  lacune.  C'est  à  la  lumière,  et  avec  le  secours 
des  documents  originaux,  parchemins,  terriers  et  registres  de 
toute  sorte,  que  nous  avons  travaillé;  c'est,  en  particulier,  avec 
l'aide  d'hommes  érudits,  et  soutenus  par  leurs  bienveillants  et 
précieux  conseils,  que  nous  avons  entrepris  notre  tâche,  et  cherché 
à  la  mener  à  bien  (i). 

Peut-être  estimera-t-on  que  nous  aurions  dû,  dans  ce  travail, 
suivre  rigoureusement  l'ordre  des  dates,  et  commencer  notre  Histoire 
par  le  récit  des  «  origines  »  de  Saint-Rambert.  Nous  l'avouons 
humblement  :  cette  marche  eût  été,  en  effet,  incontestablement  plus 
logique.  Si  nous  avons  cru  cependant  pouvoir  prendre  la  liberté  de 
nous  en  écarter,  c'est  qu'il  y  a,  dans  cette  Histoire  même,  un  fait 
qui  la  domine  entièrement,  qui  l'éclairé,  et  qui,  dans  une  certaine 
mesure,  l'explique.  Ce  fait  capital,  c'est  la  «  Translation  des 
reliques  »  de  notre  vénéré  Patron,  saint  Rambert,  au  xi«  siècle.  Or, 


(i)  A  Messieurs  Henri  Marthoud»  notre  dévoué  et  intelligent  collaborateur;  J.  de 
Fréminville,  archiviste  du  département  de  la  Loire;  A.Steyert|le  savant  historien  de  Lyon  ; 
J.  Condamin,  professeur  à  llJniversité  catholique  de  Lyon;  T.  Rochigneux,  conservateur 
de  la  Bibliothèque  de  la  Diana  ;  Vivet,  archiprètre  de  Saint-Rambert-en-Bugey  ;  Abbé 
Joseph  Faure  ;  Jules  Poinat;  Praire  de  Neizieu  ;  G.Ebrard;  J.  Perrodin  ;  Paul  Richard;  Abbé 
J.-B.  Martin,  professeur  d'Archéologie  et  d'Hagiologie  ;  Abbé  Trillat,  maitre  de  chapelle 
à  la  Primalialei  nous  ottrons  l'hommage  cordial  de  notre  profonde  reconnaissancCi  pourtant 
et  de  si  gracieux  services  rendus. 


AVANT- PROPOS  VII 

ce  fait  a  pour  nous  une  telle  importance,  que,  à  Vencontre  de  toutes 
autres  considérations,  nous  n'avons  pas  hésité  à  lui  consacrer  la 
première  partie  de  notre  récit.  Au  surplus,  il  nous  plaisait  singu- 
lièrement de  mettre  sous  le  patronage  d'un  si  puissant  protecteur, 
roeuvre  difficile  que  nous  entreprenions;  en  lui  dédiant,  pour  ainsi 
dire,  le  début  de  notre  essai,  nous  avons  pensé  qu'il  daignerait 
s'intéresser  plus  efficacement  à  la  cause  si  chère  de  nos  Ecoles 
catholiques,  pour  laquelle  on  sait  bien  que  nous  travaillons. 

Puisse  saint  Rambert,  du  haut  du  ciel,  bénir  généreusement 
l'oeuvre  et  l'ouvrier. 


"-^^^^gpiK^ 


INTRODUCTION 


l) 


Le  culte  des  reliques  date  des  premiers  jours  de 
TEglise. 

Dans  r Apocalypse  (VI,  9),  saint  Jean  Tavait  comme 
indiqué  lorsqu'il  écrivait  :  «  Je  vis,  sous  Tautel,  les 
âmes  de  ceux  qui  ont  été  mis  à  mort  pour  la  parole 
de  Dieu,  et  pour  lui  rendre  témoignage.  » 

Nous  savons,  par  saint  Augustin,  que  le  corps  de 
saint  Etienne,  premier  martyr,  avait  été  conservé; 
des  honneurs  lui  étaient  rendus  et  des  prodiges 
nombreux  étaient  opérés  par  l'intercession  de  ce 
saint  corps  (2). 

Dans  les  actes  du  martyre  de  saint  Ignace  (106), 
nous  lisons  :  «  Les  saints  ossements  d'Ignace  ont  été 
reportés  à  Antioche  et  renfermés  dans  une  châsse 
comme  un  trésor  inestimable  laissé  à  la  Sainte 
Eglise,  en  mémoire  de  ce  glorieux  martyr.  Nous 
avons  marqué  le  temps  et  le  jour  afin  que,  nous 
assemblant  à  l'anniversaire  de  sa  mort,  nous 
attestions  notre  communion  avec  ce  généreux 
athlète  de  Jésus-Christ.  » 

II)  Par  M.  l'Abbé  Joseph  Faure,  vicaire. 
(2)  Cil,  de  Dieu,  XXII,  8. 


INTRODUCTION 


Les  actes  du  martyre  de  saint  Polycarpe,  évêque 
de  Smyrne  (169),  ne  nous  laissent  aucun  doute  sur 
le  culte  des  premiers  chrétiens  pour  les  reliques, 
a  Le  démon  n'a  épargné  aucun  effort  pour  que 
nous  ne  puissions  emporter  les  reliques  de 
Polycarpe,  quoique  plusieurs  en  eussent  le  désir, 
afin  de  prier  vers  son  saint  corps.  Cependant, 
nous  avons  enlevé  les  os  de  Polycarpe,  plus  pré- 
cieux que  Tor  et  les  pierreries,  et  nous  les  avons 
déposés  où  il  convient.  Assemblés  dans  ce  même 
lieu.  Dieu  nous  fera  la  grâce  de  célébrer  le  jour 
de  sa  naissance  à  la  gloire  par  le  martyre,  soit  pour 
honorer  le  souvenir  de  ceux  qui  ont  souffert,  soit 
pour  nous  animer  nous-mêmes  par  l'exemple  de 
leur  zèle  et  de  leur  courage,  » 

Quelques  menus  faits,  pris  au  hasard  dans 
rhistoire  de  la  primitive  Eglise,  nous  peuvent  faire 
comprendre  aussi  combien,  parmi  les  premiers 
chrétiens,  fut  rapide  et  universel  le  culte  des 
reliques. 

Julien,  dans  ses  livres  contre  les  chrétiens,  avoue 
qu'avant  même  la  mort  de  saint  Jean,  les  tombeaux 
de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul  étaient  déjà 
honorés.  —  En  Tan  258,  le  pape  saint  Sixte  trans- 
porta aux  catacombes,  et  avec  grande  solennité, 
les  corps  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul.  —  Les 
Carthaginois  trempèrent  des  linges  dans  le  sang 
de  saint  Cyprien,  martyr,  en  260.  —  Dioclétien  fait 
ordonnance  de  jeter  les  reliques  des  martyrs  à  la 
mer,  afin  que  les  chrétiens  ne  puissent  pas  les 


XII  Introduction 

restes  tombés  en  poussière  !  Ils  sont  donc  des 
insensés  tous  ceux  qui  ont  couru  au-devant  des 
saintes  reliques,  qui  les  ont  accueillies  avec  autant 
de  joie  que  s'ils  avaient  vu  devant  eux  un  prophète 
vivant;  tous  ces  peuples  qui,  de  pas  en  pas,  depuis 
la  Palestine  jusqu'à  la  Chalcédoine,  les  ont  saluées 
et  ont  entonné  les  louanges  du  Seigneur  !  » 

Et  Tertullien,  qui  a  vécu  à  la  fin  du  second  siècle, 
applique  aux  martyrs  les  paroles  d'Isaïe  :  «  Leur 
tombeau  sera  glorieux  !  (i)  » 

A  se  servir  d'une  expression  vulgaire,  on  pourrait 
dire  que  le  culte  des  reliques  est  vraiment  dans 
le  sang  de  la  religion  chrétienne.  A  mesure  que 
circule  le  sang,  naît  et  circule  la  vie  ;  et  c'est  au 
cœur,  source  même  de  la  vie,  que  s'accumule  le 
sang.  Ainsi,  à  mesure  que,  dans  quelque  coin  du 
globe,  naît  la  religion  chrétienne,  naît  aussi  et 
grandit  le  culte  des  reliques.  Et  c'est  à  Rome, 
centre  de  la  religion,  que  se  retrouvent  accumulées, 
en  plus  grand  nombre,  les  plus  magnifiques 
reliques. 

Ainsi,  dans  notre  pays  de  France,  par  exemple,  le 
culte  des  reliques  est  bien  contemporain  de  la 
prédication  évangélique.  Aux  premiers  jours  de  son 
Eglise,  Lyon  connut  la  persécution.  Les  premiers 
chrétiens  enlevèrent  secrètement  les  corps  des  saints 
martyrs  Epipode  et  Alexandre,  et  les  enterrèrent 
sur  une   colline    située    près  de  la  ville.    Nous 

|i)  Scorpiace,  VIII. 


INTtODLXTION  Xlll 

savons  aussi  que  les  chrétiens  d'Agen,  par  crainte 
des  persécuteurs,  cachèrent  le  corps  de  sainte  Fo\\ 
martyre  du  premier  siècle.  On  trouve  aussi,  dans  les 
reliquaires  de  la  France,  les  restes  d  un  très  grand 
nombre  de  premiers  évêques,  d'apôtres  ou  de 
martyrs  :  saint  Irénée,  à  Lyon  ;  saint  Denis,  à  Paris  ; 
saints  Crépin  et  Crespinien,à  Soissons;  saint  Ruf, 
à  Avignon;  saint  Catien,  à  Tours;  saint  Savinîen, 
à  Sens;  saint  Andéol;  saints  Donatien  et  Rogatîen  ; 
saint  Lucien,  premier  évèque  de  Beauvais;  saint 
Maximien,  premier  évêque  d'Aix,  etc,  etc. 

Mille  autres  petits  faits  indiquent  d'ailleurs  la 
primitivité  du  culte  des  reliques.  Les  corps  des 
martyrs  lyonnais  sont  jetés  par  ordre  dans  le 
Rhône,  afin  qu'ils  ne  puissent  pas  être  vénérés  par 
les  chrétiens.  —  Ebroïn,  le  persécuteur  de  saint 
Léger,  ne  voulant  pas  non  plus  que  les  chrétiens 
rendent  un  culte  au  martyr,  avait  ordonné  que 
l'exécution  eût  lieu  dans  un  bois,  et  qu'on  ne 
découvrît  à  personne  le  lieu  de  la  sépulture.  —  Les 
soldats  gardèrent  tout  un  jour  le  corps  de  saint 
Quentin  et,  à  la  nuit,  le  jetèrent  dans  la  Somme.  — 
Un  fait  très  curieux  se  trouve  dans  la  vie  de  saint 
Martin.  Le  peuple  de  Tours,  abusé,  honora  pendant 
quelque  temps  la  tombe  d'un  inconnu  qui  passait 
pour  un  martyr.  Martin  força  le  mort  à  rendre 
témoignage  de  la  vérité,  et  il  fut  reconnu  que  les 
ossements  vénérés  étaient  ceux  d'un  malfaiteur. 
—  Nous  lisons  dans  la  vie  de  sainte  Angadrème 
que,  surprise  par  la  nuit  dans  ses  excursions  de 


XIV  INTRODUCTION 

charité,  elle  attendait  le  retour  du  jour,  agenouillée 
au  pied  du  tombeau  des  saints  et  des  martyrs. 

Mais  le  plus  insigne  reliquaire  est  la  ville  de 
Rome  elle-même,  centre  de  la  religion.  Les 
immenses  catacombes  gardent  les  restes  d'innom- 
brables martyrs.  Ainsi,  au  vu*  siècle,  Boniface  IV 
fît  extraire  et  transporter  trente -deux  chariots 
pleins  d'ossements.  Depuis,  tous  les  Papes  ont 
continué  leurs  fouilles  et  elles  ne  sont  pas  encore 
terminées.  Et  ce  n'est  là  qu'une  partie  des  reli- 
quaires de  la  Ville  Eternelle.  Presque  tous  les 
Apôtres  sont  venus  se  coucher  autour  de  la  chaire 
infaillible  :  saint  Pierre,  saint  Paul,  saint  Jacques 
le  Mineur,  saint  Philippe,  saint  Mathias,  saint 
Barthélémy,  saint  Simon,  saint  Jude.  Et  Ton  y 
trouve  des  reliques  notables  de  saint  Mathieu,  de 
saint  André  et  de  saint  Thomas.  Nombreux  sont 
honorés  à  Rome  les  Pères  de  TEglise  et  les  Docteurs  : 
saint  Ignace  d'Antioche,  saint  Justin,  saint  Grégoire 
de  Nazianze,  saint  Chrysostome,  saint  Léon, 
saint  Grégoire-le-Grand,  etc.  ;  nombreuses  les 
vierges  :  sainte  Domitille,  sainte  Prudentienne, 
sainte  Praxède,  sainte  Agnès,  sainte  Cécile,  etc.  ; 
nombreuses  les  saintes  femmes  :  Hélène,  Monique, 
Françoise  Romaine,  etc.  ;  nombreux  les  fondateurs 
d'ordre  :  saint  Ignace,  saint  Philippe  de  Néry, 
saint  Paul  de  la  Croix,  etc.  ;  puis  les  Papes,  les 
martyrs,  les  confesseurs,  les  saints  prêtres,  etc. 

Toutes  ces  réflexions  indiquent  que  le  culte  des 
reliques  est  comme  sorti  de  l'Evangile,  et  tout  de 


\v 


suite  :  que  ce  culte  est  naturel  aussi  ;  et  que  plus 
grande  est  la  religion,  plus  intense  est  ce  culte  du 
souvenir. 

Comme  toute  idée  religieuse,  le  culte  des  saints 
devait  rencontrer  des  contradicteurs  et  des  jours 
d'efiEaurement.  Au  rv*  siècle,  Adrien  Eunome,  évèque 
hérésiarque  de  Cysique,  s  élève  contre  ce  qu  il 
appelle  la  superstition  des  reliques.  Au  siècle 
suivant.  Vigilance  et  Fauste  le  manichéen  renou- 
vellent les  clameurs  d'Eunome.  C  est  en  vain, 
d^ailleurs,  car  les  Docteurs  de  TEglise,  et  en  parti- 
culier saint  Jérôme,  répondent  victorieusement 
aux  erreurs  des  hérésiarques. 

Quelque  dix  siècles  plus  tard,  le  fanatisme 
protestant  devait  étonner  le  monde  par  ses  profa- 
nations scandaleuses. 

Lyon  tomba  au  pouvoir  des  protestants,  dans  la 
nuit  du  29  au  3o  avril  1 562 .  Et  de  suite  éclatent  les 
passions  haineuses  de  ces  hérétiques.  Les  religieux 
et  les.  prêtres  sont  massacrés  en  grand  nombre. 
Toutes  les  églises  sont  pillées,  et  quelques-unes 
complètement  renversées.  Mais  la  fureur  de  ces 
barbares  se  tourne  surtout  contre  les  reliques 
insignes  que  possède  Lyon.  Saint-Nizier  voit  dispa- 
raître les  restes  vénérés  de  ses  Pontifes  dont  les 
corps,  depuis  des  siècles,  reposaient  en  paix  dans 
ses  caveaux  funèbres.  En  Téglise  des  Cordeliers, 
les  hérétiques  découvrent  et  profanent  le  corps  de 
saint  Bonaventure.  A  son  tour,  Téglise  de  saint 
Irénée  fut   témoin    d'un    ignoble   spectacle.  Les 


XVI  INTRODUCTION 

châsses  de  marbre  ou  de  plomb  sont  brisées. 
Les  corps  de  saint  Irénée,  de  saint  Epipode  et  de 
saint  Alexandre  sont  lacérés.  Puis  les  hérétiques, 
aux  ossements  des  saints,  mêlent  des  ossements 
d'animaux  apportés  des  fossés  de  la  ville  Enfin,  ce 
fut  le  tour  de  l'église  des  Machabées.  Elle  gardait 
les  restes  sacrés  des  saints  Just,  Arrige,  Patient, 
Etienne,  Alpin,  Rémy,  Antioche,  Elpide,  Lupicin, 
évêques  de  Lyon  ^  des  saints  Viateur,  Eusèbe, 
Antioche,  Pérégrin,  prêtres  et  confesseurs;  et  de 
saint  Constant,  martyr.  Sur  Tordre  du  baron  des 
Adrets,  cette  église  des  Machabées  n'est  bientôt 
plus  qu'un  amas  de  ruines. 

Et  ce  n'est  là  qu'un  épisode  des  ravages  commis 
en  France  par  les  protestants.  A  Romans,  les 
hérétiques  faisaient  disparaître  les  reliques  de  saint 
Bernard,  archevêque  de  Vienne.  Au  couvent  de 
Plessis,  une  troupe  de  Huguenots  exhumait  et, 
après  d'indignes  outrages,  brûlait  le  corps  de  saint 
François  de  Paule.  La  châsse  de  saint  Rémy,  évêque 
de  Rouen,  était  aussi  pillée  par  eux.  A  Chalon-sur- 
Saône,  les  Calvinistes  profanent  les  restes  de  saint 
Contran.  Les  ossements  de  saint  Martin  sont  brûlés 
et  jetés  au  vent.  Les  reliques  célèbres  de  saint 
Galmier,  sous-diacre  de  Lyon,  sont  aussi  enlevées 
et  dissipées,  etc.,  etc.  C'était,  en  vérité,  une  fureur 
ignoble  et  générale  contre  tout  ce  qui  restait  sur 
terre  de  ces  grands  amis  de  Dieu,  les  Saints. 

De  nos  jours,  la  note  caractéristique  est  peut- 
être  bien  Tindifférence.   Les  grands  mouvements 


INTRODUCTION  XVII 

qui  emportaient  des  populations  entières  aux 
«  reméages  »  célèbres,  ont  presque  disparu.  Et  là  où 
ils  existent  encore,  ce  n'est  plus  la  foi  ardente  des 
temps  antiques.  Dans  nos  églises,  les  châsses  dorées 
n'attirent  guère  que  la  curiosité.  Souvent  même, 
elles  occupent  un  coin  obscur  de  sacristie  d'où 
elles  ne  sortent,  une  fois  Tan,  que  pour  recevoir 
les  hommages  d'un  peuple  clairsemé. 

Et,  cependant,  elles  sont  toujours  vraies  les  paroles 
du  Concile  de  Trente  :  «  Les  corps  des  martyrs  et 
des  autres  saints,  entrés  en  participation  de  la  vie 
glorieuse  de  J.-C,  sont  dignes  du  respect  et  de  la 
vénération  des  fidèles.  Ces  corps  ont  été  les  membres 
vivants  de  J.-C.  et  le  temple  de  V Esprit  Saint;  le 
même  Dieu  doit  un  jour  les  ressusciter  à  une 
éternelle  vie,  et  les  doter  d'une  éternelle  gloire;  par 
eux,  enfin,  il  plait  à  la  divine  Bonté  d'accorder 
aux  hommes  de  nombreuses  faveurs  (i).  » 

a  Ils  ont  glorifié  Dieu  dans  leur  corps,  et 
représenté  dans  leurs  chairs  la  mortification  de 
Jésus-Christ  (2).  »  Telle  est  la  première  raison  du 
culte  des  reliques. 

En  définitive,  un  saint  est  en  effet  celui  qui  a 
multiplié,  dans  sa  vie,  les  actions  saintes.  Or,  dans 
ces  actions  saintes,  le  corps  et  l'âme,  intimement 
unis  dans  la  personne  du  saint,  ont  eu  leur  part. 
L'aumône  impose  un  acte  au  corps  de  Thomme  : 

(i)  Conc.  —  Trident f  sess.,  a5. 

(a)  I.  Cor.,  VI,  20.  —  II.  Cor..  IV,  lO.  ^ 


XVIII  INTRODUCTION 

mettre  la  main  à  la  bourse  et  laisser  tomber  une  pièce 
dans  Tescarcelle  du  pauvre.  C'est  en  offrant  à  Dieu 
cet  acte  matériel  que  Tâme  le  sanctifie.  Une  parole 
pieuse  ne  peut  se  dire  que  par  un  mouvement  de 
la  langue,  mouvement  que  Tâme  sanctifie  en  le 
rapportant  à  Dieu.  Et  ainsi  il  ne  peut  y  avoir  d'acte 
saint  auquel  le  corps,  dans  une  mesure  inégale  mais 
nécessaire,  ne  participe.  L'acte  d'amour  même 
et  l'acte  de  foi  qui  demandent,  semble-t-il,  la 
moindre  participation  du  corps,  passent  encore  par 
notre  cœur  et  par  notre  cerv^eau. 

Or,  cette  union  de  Tâme  et  du  corps,  dans  la 
production  des  actes  saints,  élève  le  corps  et  le  rend 
digne  d'admiration  et  de  louange,  comme  Tintime 
union  de  la  nature  divine  et  de  la  nature  humaine 
en  Jésus-Christ  élevait  la  nature  humaine  et  la 
rendait  digne  de  nos  adorations. 

Et  c'est  pourquoi  on  va  pieusement  au  tombeau 
de  saint  Paul.  Son  âme  était  apôtre  par  excellence. 
Mais  elle  n'a  accompli  sa  grande  œuvre  que  par  le 
corps  de  saint  Paul.  Ses  pieds  Tont  porté  sur 
presque  toutes  les  routes  du  monde.  Ses  lèvres  ont 
proféré  les  grands  enseignements  de  l'Evangile.  Ses 
doigts  ont  écrit  ses  magnifiques  lettres.  Son  cœur 
s'est  épuisé  d'amour  et  de  zèle. 

Et  c'est  pourquoi  on  rend  un  culte  au  corps  de 
saint  Vincent  de  Paul.  Vincent  de  Paul  a  été  l'apôtre 
de  la  charité.  Mais,  certes,  son  corps  avait  bien 
quelques  mérites  quand,  résolument,  Vincent  prit 
la  place   d'un  galérien,   s'assit  sur  le  banc  des 


INTRODUCTION  XIX 


rameurs,  se  laissa  mettre  les  fers  aux  jambes,  et,  de 
ses  mains,  fit  aller  la  rame.  Et  quand  Vincent  de 
Paul,  brisé  par  les  travaux  de  sa  longue  existence, 
arrivé  à  quelques  heures  de  sa  mort,  se  faisait 
porter  auprès  de  M.  Portail,  malade  aussi,  j'admire 
Tâme  forte  du  saint,  mais  je  rends  hommage  à  son 
corps  que  tourmentait,  dans  d'affreuses  tortures 
d'agonie,  ce  dernier  acte  de  charité. 

Et    je    comprends    les    foules    accourues    aux 
funérailles  et,  depuis,  au  tombeau  du  vénérable 
curé  d'Ars.    En   notre   siècle  sensuel,   ce  prêtre 
fut  un  modèle  de  mortification.   Il  crucifiait  sa 
chair  par  des  instruments  de  pénitence.  Chaque 
nuit,  il  meurtrissait  ses  os  sur  la  dure.  Il  se  privait 
de  nourriture  et  de  sommeil  pour  demander  la 
conversion  des  pécheurs.  Il  en  était  arrivé  à  refuser 
à  son  corps,  jusqu'à  l'ombre  d'une  satisfaction 
sensuelle.    Et,    chaque    jour,    il  acceptait    12   à 
14  heures    de   confessionnal   qui,    par  suite   de 
maladies,  devinrent  bientôt  un  calvaire.  Sa  vie  ne 
fut  bien  qu'un  épouvantable  et  continuel  martyre 
de  ce  qu'il  appelait  son  «  cadavre  ». 

Aussi  bien.  Dieu  lui-même  a  consacré  cette  idée 
d'union  intime,  d'union  de  mérite  entre  l'âme  et  le 
corps  des  saints,  quand  il  a  assuré  la  résurrection 
des  morts  et  la  gloire  éternelle  au  corps  même 

des  saints. 

Le  culte  des  reliques  est  d  ailleurs  tellement  dans 
la  nature  de  l'homme,  que  nous  le  retrouvons 
partout  et  toujours. 


XX  INTRODUCTION 

Nous  le  retrouvons  chez  les  Hébreux.  Quand  les 
Israélites  quittèrent  l'Egypte  et  que,  par  le  désert 
pénible,  ils  s'acheminèrent  vers  la  terre  promise, 
ils  emportèrent  avec  eux  les  os  de  Joseph  (i). 

Nous  le  retrouvons  chez  les  païens  qui,  tous, 
ont  le  culte  des  morts.  De  nombreuses  libations  se 
faisaient  toujours  aux  funérailles.  Le  sang  des 
victimes  humaines  coulait  longtemps  sur  les 
tombeaux  fermés.  Chez  les  Egyptiens,  on  embau- 
mait les  corps.  Chez  les  Romains,  on  les  brûlait 
pour  en  conserver  la  poussière.  Et  Homère  nous 
assure  que  les  restes  de  Patrocle  furent  enfermés 
dans  un  coffret  d'or,  et  que  Ton  mit  le  plus  grand 
soin  à  recueillir  les  ossements  d'Achille  (2). 

Jetons  un  regard  sur  ce  qui  se  fait  chaque  jour 
autour  de  nous.  Un  enfant  honore  les  restes  de  ses 
parents,  une  épouse  ceux  de  son  époux.  Une  mère 
jette  des  fleurs  sur  la  tombe  de  sa  fille.  On 
conserve  avec  piété  le  portrait  des  êtres  aimés, 
quelquefois  même,  on  garde  quelques  cheveux 
de  ces  êtres  chers  et  disparus.  Quand  on  ne  peut 
conserver  toute  la  dépouille  mortelle  d'un  père, 
d'un  bienfaiteur,  d'un  homme  de  génie,  on  garde 
au  moins  son  cœur.  Et  même  s'il  s'agit  d'un  bon  roi, 
c'est  le  corps  entier  que  l'on  embaume,  et  auquel 
on  rend  comme  un  cultecivil.  Et  tout  cela  n'a  jamais 
suscité  le  moindre  cri  d'indignation. 

(1)  Exode,  XIII,  19. 
(a)  Iliade,  XXIV,  72-76. 


INTRODUCTION  XXI 

Mais  les  coryphées  mêmes  de  Tirréligion,  grands 
contempteurs  de  notre  culte  des  reliques,  peuvent, 
eux  aussi,  nous  instruire  par  leur  manière  de  faire- 
lis  ne  croient  pas  aux  reliques  des  saints,  mais  ils 
croient  aux  restes  de  Tignoble  Voltaire  ou  du 
renégat  Renan,  de  Frédéric-le-Grand  ou  de  Napoléon. 
Et  ils  ont  fait  à  ces  restes  des  funérailles  de 
triomphe,  et  ils  ont,  par  des  monuments;  perpétué 
leur  mémoire;  et  chaque  année,  ils  s'en  vont  brûler 
de  Tencens  à  ces  cadavres  et  déposer  sur  ces 
monuments  des  palmes  d'or. 

Inutile  d'insister  longuement-  La  nature  toute 
seule  qui  nous  rend  sacrés  les  objets,  et  nous 
rappelle  la  mémoire  de  ceux  que  nous  avons  aimés, 
suffirait  à  justifier  notre  culte  pour  «  nos  pères  dans 
la  foi,  qui  ont  instruit  les  peuples  des  leçons  de  la 
véritable  sagesse^  et  qui  nous  transmettent  encore 
les  mêmes  oracles  à  travers  les  ombres  du  trépas  ». 

Dieu,  d'ailleurs,  a  donné  son  approbation  au 
culte  des  reliques  par  la  grande  voix  des  miracles. 

Déjà,  au  livre  des  Rois,  il  est  raconté  qu'un  mort 
fut  ressuscité  par  Tattouchement  des  os  du  prophète 
Elisée  (i).  Et  aux  actes  des  Apôtres,  nous  lisons 
que  les  suaires  de  saint  Paul  guérissaient  les 
malades  qui  les  touchaient  (2). 

On  sait  que,  souvent,  Dieu  sest  plu  à  garantir 
de  toute  décomposition  les  corps  des  saints. 

(I)  IV.  Reg.,XUh  21. 
(a)  Act.,  XIX,  12. 


XXII  INTRODUCTION 


Mais,  surtout,  Dieu  a  multiplié  les  grâces  aux 
pèlerins  des  saints  tombeaux. 

Dans  Marbourg,  ville  de  la  Hesse  électorale,, 
s'élève  une  magnifique  église  du  xm'  siècle.  Les 
statues  et  les  peintures,  les  sculptures  et  les  fresques- 
de  cette  église  redisent  la  vie  et  la  gloire  de  sainte 
Elisabeth  de  Hongrie.  A  la  sacristie,  on  montre  la 
châsse  d'argent  qui  contenait  les  restes  de  la  Sainte. 
Et  les  escaliers  de  pierre,  visibles  encore,  et  qui 
conduisaient  autrefois  à  la  châsse  élevée,  ont  été 
profondément  creusés  par  les  innombrables  pèle- 
rins qui  vinrent  jadis  prier  leur  «  chère  Sainte  ». 
Or,  dans  cette  église,  et  pendant  trois  siècles,  se 
passa  le  drame  du  miracle.  Dieu  y  manifesta  sa 
puissance  et  y  montra  tout  ce  que  le  culte  des 
reliques  pouvait  sur  son  cœur. 

Les  maux  de  l'âme,  en  effet,  étaient  guéris  au 
tombeau  de  sainte  Elisabeth.  Les  peines  intérieures 
y  trouvaient  des  consolations  immédiates.  Les 
faiblesses  de  la  volonté  y  étaient  immédiatement 
domptées.  Les  souffrances  et  les  infirmités  physiques 
trouvaient  un  remède  à  ce  tombeau.  Après  avoir 
prié  dans  la  chapelle  où  reposait  la  sainte,  les  sourds, 
les  boiteux,  les  aveugles,  les  insensés,  les  lépreux, 
les  paralytiques  s'en  retournaient  guéris  (i).  La 
mort  même  fut  parfois  obligée  d'abandonner  sa 
proie.  Et  plus  le  bruit  de  ces  prodiges  se  répandait, 

(i)  «  La  vie  est  divinement  rendue  aux  morts  la  lumière,  aux  aveugles^ 
l'ouïe  aux  sourds,  la  parole  aux  muets  et  le  marcher  aux  boiteux.  » 
(Bulle  de  canonisation  de  sainte  Elisabeth.) 


INTRODCCTION  XXUl 

plus  on  voyait  s'accroître  la  foule  des  malheureux, 
et  plus  se  multipliait  le  nombre  des  miracles.  Et 
cette  puissante  inter\'ention  de  Dieu  dura  trois 
siècles,  jusqu'au  jour  où  Tun  des  descendants 
de  la  sainte  fît  profaner  la  châsse  et  cacher  les 
reliques. 

Et  si  nous  nous  rappelons  que  cette  page 
d'histoire  s'est  renouvelée  près  des  tombeaux  de 
tous  les  saints,  n'aurons-nous  pas  raison  de 
conclure  que  Dieu  lui-même  veut  et  bénit  le  culte 
des  reliques  ? 

A  évoquer  toutes  ces  idées  saintes  et  tous  ces 
souvenirs  des  temps  où  la  foi  était  vive,  il  vient  au 
cœur  le  désir  de  faire  revivre  un  peu  dans  les 
âmes,  l'antique  confiance  aux  patrons  de  nos 
églises  et  à  leurs  insignes  reliques. 

Peut-être  arriverait-on  à  ce  résultat  en  faisant 
connaître  la  grande  sainteté  de  nos  immortels 
protecteurs,  et  l'histoire,  souvent  si  intéressante, 
quoique  ignorée^  des  reliques  de  nos  églises. 

C'est  là  tout  le  but  de  ce  livre. 

Qu'il  fasse  donc,  dans  quelques  âmes,  revivre 
«  la  tendre  et  intime  familiarité  de  nos  pères  avec 
celui  que  Dieu  avait  manifestement  appelé  à  Lui, 
-et  dont  t Eglise  a  proclamé  la  Sainteté  ». 


HISTOIRE  RELIGIEUSE  ET  CIVILE 


DE 


SAINT-RAM  BERT-EN-FOREZ 


TOME  PREMIER 


SAINT   RAMBERT,    MARTYR 

(vil*   siècle) 


TRANSLATION    MIRACULEUSE  DE   SES    RELIQUES, 

DE  L*  ABBAYE  DE  SAINT-RAMBERTDE-JOUX,  EN  BUGEY, 
AU     PRIEURÉ    DE    SAINT- ANDRÉ -LES- OLMES,     EN     FOREZ 

(xi«  siècle) 


iOÎf^ 


CHAPITRE  PREMIER 


SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 


A    VOL    D'OISEAU 


Avez-vous  jamais  fait,  cher  lecteur,  Tascension  du  roc 
escarpé,  qui,  là-bas,  au  fond  de  la  plaine  du  Forez,  dominant 
les  Gorges  de  Saint-Victor^  par  où  s'échappent  bouillon- 
nantes les  eaux  de  la  Loire,  porte  majestueusement,  en  avant 
de  Chambles,  les  ruines  crénelées  du  vieux  château-fort 
d'Essalois(i)? 

Si  vous  avez  cédé  à  la  tentation  de  choisir  ces  cimes 
abruptes  pour  but  de  vos  excursions,  vous  n'avez  dû  regretter 
ni  votre  temps  ni  votre  fatigue,  car  l'un  et  l'autre  ont  été 
largement  compensés  par  d*agréables  surprises. 

Quel  curieux  coin,  en  effet,  que  ce  coin  pittoresque  de 
notre  vieille  province  I 

Ne  dirait-on  pas  un  des  sites  les  plus  ravissants  de  la 
Suisse,  transporté  en  notre  terre  forézienne? 


(i)  Ce  vieux  chltetiit  éleTé  ta  moyen  ftgc  sar  l'emplicement  de  TancieD  Oppidum  Gallo- 
Romiin,  dont  de  nombreuses  fouilles  ont  révélé  l'existence,  est  situé  sur  la  rive  gauche  de 
la  Loire,  en  face  de  l'ermitage  de  Grantgent.  Essalois  a  été  restauré,  il  y  a  quelque  vingt 
innées,  par  feu  M.  Sauzéa,  de  manière  à  fiûre  croire,  de  loin,  à  un  manoir  complet  du 
moyen  ftge.  Au  fait,  on  n'y  trouve  que  des  pans  de  murs  avec  leurs  créneaux. 


4  CHAPITRE   PREMIER 

Admirez,  en  effet,  cet  horizon  immense  qui,  devant  vos 
yeux,  se  déroule  avec  la  vie  et  le  mouvement  de  ses  milliers 
d'habitations,  avec  l'abondance  de  ses  prés  fleuris  et  de 
ses  guérets  d'or,  avec  la  fraîcheur  qu'y  entretiennent  ses 
arbres  verts  et  son  grand  fleuve  qui  serpente  au  milieu  des 
chambons  qu*il  féconde,  pendant  que  ses  eaux  s'argentent  et 
miroitent  sous  les  feux  du  soleil. 

Devant  vous,  là-bas  dans  le  lointain,  ei  vers  le  Nord,  se 
profilent  les  lignes  ondulées  des  monts  Tarare^  dominés  par 
la  tour  Matagrin  (i). 

C'est  le  fond  du  tableau.  Plus  près,  en  avant,  les  collines 
boisées  de  Néronde,  de  Bellegarde,  de  Saint-Gai  m  ier,  de 
Chazelles-sur-Lyon,  de  Chevrières  et  de  Grammont,  avec 
leurs  flancs  emmaillés  de  fermes  rustiques.  Plus  près  de 
vous  encore,  les  balmes  de  Cuzieu  et  de  Veauche,  couvertes  de 
castels  modernes,  celle  de  Bouthéon,  fléchissant  sous  la 
masse  de  son  imposant  château  féodal  (2).  Ici,  les  gracieuses 
villas  de  Saint-Cyprien,  d'Andrézieux  et  de  Bonson,  à  demi- 
cachées  dans  un  fouillis  de  verdure;  là,  le  pêle-mêle  bizarre 
des  habitations  étagées  aux  flancs  du  Penable  (3),  ou  essai- 
mées  le  long  de  la  Loire,  formant,  d'un  côté  de  ce  fleuve,  la 
petite  ville  de  Saint-Just,  et,  de  l'autre,  le  riant  faubourg 
des  Barques,  Et  enfin,  à  vos  pieds,  tout  au  premier  plan,  la 
vieille  cité  de  Saint-Rambert,  avec  ses  deux  hautes  tours 
carrées,  qui  donnent  l'illusion  de  deux  clochers  de  cathédrale. 
Quoi  de  plus  charmant? 

(i)  Le  mont  Tarare,  qui  porte  la  tour  Matagrin,  est  élevé  de  1,004  mètres  au-dessus  du 
niveau  de  la  mer. 

(3)  Le  chiteau  de  Bouthéon  étale  sur  la  rive  droite  de  la  Loire,  à  sept  kilomètres  au  sud- 
ouest  de  Saint-Galmier,  les  beaux  restes  de  ses  majestueuses  et  solides  constructions.  C'est 
un  des  derniers  débris  de  la  splendeur  des  ducs  de  Bourbon,  et  spécialement  de  Mathieu  de 
Bourbon,  dit  le  «  Grand  BDtard  »,  fils  naturel  de  Jean  II,  duc  de  Bourbon,  comte  de  Forez. 
L'existence  de  ce  manoir  est  constatée  dans  un  acte  de  1224,  par  lequel  Guy  IV.  comte 
de  Forez,  concède  certaines  franchises  aux  moines  de  Saint-Rambert.  (Âug.  Broutin.  Les 
Châteaux  historiquet  du  Fore\.  —  Excursions  foré^iennes  de  Saint-Etienne  à  Thiers, 
par  le  docteur  Rimaud,  p.  24.) 

(3)  Le  Penable,  colline  aux  flancs  de  laquelle  sont  étagées  les  maisons  de  la  petite  ville  de 
Saint-J  ost-sur-  Loire . 


J 


SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ   A   VOL   d'oISEAU  5 

A  votre  droite,  le  ravin  abrupt  et  profond  où  grondent,  en 
se  brisant  sur  les  rocs,  les  eaux  vertes  et  rapides  du  fleuve, 
qui  de  leur  lit  étroit,  encaissé,  sombre,  semblent  avoir  hâte 
de  gagner  le  sable  moelleux,  et  les  bords  fleuris  de  la  plaine 
qui  s'ouvre  devant  elles. 

A  votre  gauche,  toujours  au  premier  plan,  voici  la  noire 
silhouette  des  pans  de  murs  ruinés  de  l'ancien  collège  des 
Pères  de  l'Oratoire,  faisant  sentinelles  auprès  de  l'ancienne 
chapelle  de  Notre-Dame-de-Grâces  (i),  encore  debout  malgré 
deux  siècles  et  demi  d'existence,  et  plusieurs  révolutions. 
Tout  autour  des  vieilles  masures,  qui  furent  autrefois  un 
sanctuaire  célèbre  de  science  et  de  prières,  les  bois  de  pins 
font  comme  une  ceinture  de  deuil,  qui  semble  gémir  et 
pleurer  sur  Tabandon  dans  lequel  gisent  tous  ces  restes  d*un 
passé  illustré  par  Massillon  (2).  Et  là-bas,  vers  l'ouest,  au 
dernier  plan,  tout  au  bout  de  l'immense  plaine,  la  haute  et 
longue  muraille  dessinée  par  les  monts  du  Forez,  aux  cimes 
uniformément  arrondies,  aux  épaules  couvertes  de  sombres 
sapins,  tandis  que  leurs  flancs  sont  piqués  de  jolis  villages  et 
que  leurs  pieds  se  glissent  presque  aux  bords  des  eaux  du 
fleuve  qui  voudrait  les  baigner. 

(I)  L'Ermitage  de  Peu-Cbaud  fut  fondé  en  1608  pir  noble  Vital  de  Saint-Pol,  leigneur 
de  Vas8a!ieu,de  Goillanclie  et  de  Vaux-en- Vaure.  Un  ermite  y  vivait  et  y  priait  au  nom  de 
la  famille  de  Saint-Pol.  C'est  la  chapelle  construite,  alors  pour  le  dit  ermite,  qui  portait  le 
nom  de  chapelle  de  Notre-Dame-de-Grices. 

Les  OratorienSf  successeurs  des  ermites,  s'installèrent  sur  la  montagne  de  Peu-Chaud,  le 
39  novembre  1620.  Vital  de  Saint-Pol,  entré  dans  leur  congrégation,  leur  avait  confié 
l'ermitage.  Ils  firent  construire  l'église  actuelle  vers  i633. 

(3)  La  tradition  locale  rapporte  que  Massillon  fut  élève  du  collège  des  Pères  de  l'Oratoire 
de  Notre-Dame-de-G races.  D'autres  soutiennent  qu'il  fut  professeur  de  belles-lettres  et 
de  théologie  à  l'Oratoire  de  Montbrison,  à  l'époque  où  le  cardinal  de  Noailles  l'enleva  à 
l'abbaye  de  Sept-Fonds,  avant  Tannée  1693.  De  là,  il  fut  rappelé  i  Paris  pour  diriger  le 
séminaire  de  Saint-Magloire. 

Pour  concilier  ces  deux  opinions,  nous  dirons  qu'il  est  fort  probable  que,  pendant  lOD 
ié}onr  an  collège  des  Oratoriens  de  Montbrison,  Massillon  soit  venu  rendre  visite  à  sei 
honorés  confrères  du  professorat,  et  ait  passé  quelques  jours  i  Notre-Dame-de-Grices, 
éloignée  seulement  de  18  kilomètres  de  Montbrison.  (Notes  particulières.) 

On  voit  encore  de  nos  jours,  sur  les  bords  du  vieux  chemin  qui  conduit  du  'chflteau  de 
Vassalieu  à  la  chapelle  de  Notre-Dame-de-Grâces,  un  énorme  chitaignier  dont  le  tronc 
mesure  près  de  3  mètres  de  diamètre,  sous  lequel  la  tradition  veut  que  l'illustre  évêque  soit 
venu  quelquefois  se  reposer  de  ses  fetigues  de  professorat.  Tous  les  Foréziens  connaissent 
le  châtaignier  de  «  Massillon  ». 


b  CHAPITRE   PREMIER 

En  arrière,  vers  le  sud,  le  haut  donjon  de  Chambles,  dont 
le  front  était  déjà  sillonné  de  rides,  lorsque  vinrent  les 
terreurs  de  Tan  mil;  la  vieille  tour  féodale  de  Grantgent  (i), 
qui,  du  haut  du  rocher  où  elle  est  solidement  assise,  près  de 
la  Loire,  ressemble  à  un  chevalier  bardé  de  fer,  gardant  un 
passage  où  Tennemi  ne  doit  point  passer. 

Vaguement,  tandis  que  le  regard  explore  ce  paysage  et  en 
détaille  les  divers  aspects,  vaguement  une  comparaison  se 
fait  dans  l'esprit,  entre  ces  rives  de  la  Loire  et  les  bords  du 
Rhin. 

Les  rives  fameuses  du  fleuve  allemand  sont  enserrées, 
sans  doute,  entre  des  sommets  plus  abrupts  ;  mais,  à  coup  sûr, 
les  lignes  n'y  sont  point  plus  belles,  ni  les  couleurs  plus 
riantes,  ni  les  oasis  plus  pittoresques,  à  côté  d'abîmes  plus 
profonds. 

A  vos  pieds,  enfin,  regardez  l'ondoyant  cirque  de  collines, 
d'où  s'élance,  vers  le  nord-ouest,  la  plaine  du  Forez,  qui 
s'élargit  ensuite  calme,  majestueuse,  semblable  aux  ailes  d'un 
immense  éventail. 

Mais  de  même  que,  sur  une  toile  de  maître,  il  y  a  toujours 
un  point  saillant  qui  attire  le  regard  du  spectateur  et  fixe  son 
attention  ;  ainsi,  dans  le  cadre  pittoresque  qui  nous  occupe, 
il  existe  un  point  central  vers  lequel  tout  paraît  converger  : 
c'est,  à  savoir,  la  ville  même  de  Saint-Rambert,  la  petite  cité 
tranquillement  assise  au  bord  d'une  balme,  sur  un  lit  de 
verdure,  et  toute  fière  de  montrer  les  deux  vieux  beffrois  qui 
dominent,  de  leur  taille  de  géants,  et  son  église  romane  et  les 
toits  irrégulièrement  surbaissés  de  ses  maisons. 

Elle  est  là,  riche  de  ses  souvenirs  et  fière  de  son  passé, 

(i)  L'Ermitage  de  Grantgent  est  en  ruines  aojourd'bai,  sanf  la  grande  tour  qui  se  tient 
encore  debout  sur  le  roc  où  elle  est  fondée  depuis  plus  de  sept  siècles,  puisque  une  tran» 
saction  de  1173,  passée  entre  Guy.  comte  de  Forez  et  Guichard,  archevêque  de  LyoUt 
mentionne  déjà  Grantgent  comme  un  lieu  fortifié.  (Aug.  Broutin.  Notices  historiques  sur 
les  OratoriêHS  de  Notre-Dame-de-Grdces,  —  Gallia  Christ,  Métropole  de  Lyon  et  de 
Vienne,  p.  243  et  seq.). 

La  chapelle  et  la  tour  de  Grantgent  appartiennent  à  la  paroisse  de  Saint-Just-aur-Loirc. 


8  CHAPITRE    PREMIER 

avec  ses  rues  tortueuses,  il  est  vrai,  mais  si  suggestives  pour 
rceil;  avec  son  église  romane  qui  incarne  à  la  fois  Tart  médié- 
val et  les  derniers  efforts  de  l'architecture  mérovingienne. 

Le  touriste  s'empresse  à  dresser  l'inventaire  des  merveilles 
locales. 

Il  a  hâte  de  franchir  le  seuil  de  la  vieille  porte  du  xii*  siècle, 
qui  donne  accès  dans  la  cour  du  très  ancien  Prieuré  de 
Bénédictins,  dont  une  charte  de  Conrad  le  Pacifique,  roi  de 
Bourgogne  et  d'Allemagne,  fait  déjà  mention  en  Tannée  971  (i). 

Il  a  entendu  parler  du  célèbre  Prieuré  de  Saint- André-les- 
Olmes  (2)  qui  eut  l'honneur  et  la  joie  de  recevoir,  autrefois, 
le  sacré  dépôt  des  insignes  reliques  de  saint  Rambert, 
martyr  (3).  Il  a  entendu  vanter  la  fameuse  chasuble  du 
XI*  siècle,  dans  les  plis  de  laquelle  la  tradition  dit  qu'elles  furent 
apportées.  Il  sait  vaguement  que  l'église  (Fig.  3)  conventuelle 
du  Prieuré  fut  la  première  fille  de  l'abbaye  de  l'Ile-Barbe  (4), 
que  les  Prieurs  de  Saint-Rambert,  tous  seigneurs  de  la 
ville,  furent  la  plupart,  et  pendant  huit  siècles,  des  hommes 
aussi  remarquables  par  leurs  titres  de  noblesse  que  par  leurs 
vertus  religieuses  et  leurs  qualités  administratives  (5)  ;  mais 

(i)  Cl.  LB  LABoomuR  cite  cette  charte  dans  son  !•'  tome,  cbap.  XI V,  p.  64,  des  Ma^ureM 
de  riie^BarbCt  et  noua  la  donnons  aux  pièces  justificatÎTes,  sous  le  n*  i. 

(a)  C'est  le  nom  que  portait,  à  son  origine,  le  Prienré  de  Saint-Rambert,  sans  doute  à 
cause  des  ormeaux  qui  l'ombrageaient,  et  jusqu'au  jour  de  la  Translation  miraculeuse  des 
Reliques  de  ce  saint,  comme  nous  le  verrons  dans  la  suite  de  cet  ouvrage.  Ce  nom  de  Saint- 
André  fut  probablement  donné  par  les  religieux  envoyés  par  Tabbaye  de  l'Ile-Barbe  pour 
fonder  un  Prieuré  à  •  Occieu  •. 

(3)  Elles  furent  apportées  de  Saint-Rambert-en-Bugey,  à  Saint-Rambert-en-Forez,  vers 
Tan  1078. 

(4)  Ce  monastère  fut  certainement  fondé  avant  le  x«  siècle,  puisque  la  Charte  de  Conrad 
le  Pacifiqus  le  mentionne,  en  l'an  971. 

(5)  Parmi  les  Prieurs  qui  ont  illustré  le  Prieuré  de  Saint-Rambert  en  Forez,  nous  citerons 
entre  autres  :  Hambert  de  Bouthéon  (laoo):  Humbert  de  Saint-Bonnet  (ia33);  Frère 
Ytier  Raybe,  de  la  famille  des  dOJrfé  (isSS)  ;  le  cardinal  de  Gamon  (i32q)  ;  Jacques 
Robertet  (1460)  ;  Jean  de  Bourbon,  évèque  du  Puy  (1468)  ;  Charles  de  Bourbon,  archevê- 
que de  Lyon  (1488);  Antoine  d'Albon,  archevêque  de  Lyon  (i556);  Pierre  d'ApinaCt 
archevêque  de  Lyon  (1574)  ;  Ferdinand  de  Neuville,  évèque  et  seigneur  de  Saint-Malo 
(i656)  ;  François-Paul  de  Neuville-Villeroy,  archevêque  de  Lyon  (1692)  ;  Emmanuel- 
Henri  Timoléon  de  Cossé-Brissac  (1734)  :  Marie-Eugène  Comte  de  Monjouvent,  doyen 
des  comtes  de  Saint-Jean  de  Lyon  (1766)  ;  l'Abbé  de  QrézoUes,  vicaire  général  de  l'arche- 
vêché de  Vienne  (1788).  Archives  4e  la  Lçire, 


SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ   A   VOL   d'oISEAU  Q 

il  veut  de  plus  amples  renseignements,  il  veut  voir  de  ses 
yeux  toutes  ces  merveilles. 

Fidèle  au  culte  des  hommes  et  des  choses  du  passé,  il 
regrette  amèrement  tout  ce  que  le  pic  du  vandalisme  a 
renversé  et  fait  disparaître,  et  gémit  de  ne  plus  voir  debout 
ni  les  quatre  portes  (i),  ni  les  remparts,  ni  les  tours,  ni  les 
fossés  qui  faisaient  de  Saint-Rambert,  au  moyen  âge,  une 
ville  forte  et  sûre. 

Mais  il  ne  veut  pas  quitter  cette  ville,  ni  dire  adieu  à  ce 
ravissant  coin  du  Forez,  sans  avoir  parcouru  une  à  une,  preuves 
en  mains,  les  phases  de  sa  curieuse  histoire.  Pour  lui,  la  vieille 
cité  de  Sain t- Ram bert  et  les  intéressants  souvenirs  qu'elle 
garde  d'un  passé  trop  tôt  disparu,  c'est  la  partie  pleine  de 
charmes  et  de  vie,  de  cet  immense  panorama  qu'il  vient  de 
contempler  du  haut  du  crêt  d'Essalois,  panorama  qui,  dans 
son  esprit,  fût  resté  comme  un  souvenir  de  nature  morte,  si  sa 
visite  à  Saint-Rambert  ne  Teût  heureusement  animé.    * 

Au  surplus,  la  petite  ville  de  Saint-Rambert,  dont  l'histoire 
détaillée  fera  le  sujet  d'une  étude  particulière  dans  notre 
second  volume,  n'a  pas  toujours  porté  le  nom  de  son  illustre 
et  royal  patron. 

Elle  n'est  appelée  ainsi,  dans  les  vieux  parchemins,  que 
depuis  le  jour  où  les  insignes  reliques  des  saints  Rambert 
et  Domitien  furent  miraculeusement  transportées  dans  son 
église,  au  xi"  siècle. 

Longtemps  auparavant,  et  sans  nul  doute  avant  le 
X*  siècle,  cette  ville   se  nommait   Occiacum  (2)  comme    en 


(i)  La  porte  de  Bost  démolie  en  1867.  La  porte  de  Brochorier  démolie  en  1881.  La 
porte  du  Poyet,  démolie  en  1881.  La  porte  delà  Ghana  ou  de  Saint-Rambert,  démolie 
en  1898. 

(2)  ■  Occiacum  ».  Qui  sait  si  ce  nom  Occiacum  ou  plutdt  Oxiaeum  avec  la  forme  primitive 
des  siècles  qui  ont  précédé  le  x*,  ne  serait  pas  un  mot  composé  du  mot  •  oxius  •  avec  le 
sufBxe  «  acus  •  réveillant  l'idée  de  terres,  de  propriétés  de  la  famille  des  Oxius,  substantif  lui- 
même,  tiré  de  Auctus,  Auxius,  noms  dont  des  in«icription5  révèlent  l'existence  en  Gaule.  La 
famille  chrétienne  des  Auxius  ou  Oxius  n'aurait-elle  pas  donné,  aux  moines  de  Tlle-Barbe, 
des  terrains  dans  notre  région  forézienne,  a  la  condition  d'y  bfltir  un  monastère  où  l'on 


10  CHAPITRE    PREMIER 

témoigne  la  Charte  de  Conrad,  fils  de  Rodolphe  II, 
sous  le  64*  archevêque  de  Lyon  :  Burchard  II,  son 
frère. 

Dans  cette  charte,  datée  du  i3*  jour  des  calendes  de 
Septembre,  an  971,  et  par  laquelle  le  roi  de  Bourgogne, 
d'Allemagne,  de  Lyonnais,  etc.,  confirme  à  Heldebert,  Abbé 
du  Monastère  de  TIle-Barbe  (i),  le  prieuré  de  Saint-André 
au  pays  de  Forez,  déjà  fort  ancien,  d'après  de  la  Mure, 
dans  cette  charte  il  n'est  fait  mention  ni  de  la  ville  de  Saint- 
Rambert  ni  de  son  Prieuré,  mais  seulement  du  monastère 
de  Saint-André  (2),  où  le  corps  de  saint  Rambert  fut 
transféré  depuis,  comme  nous  le  dirons  bientôt  au  chapitre 
VII*  de  cet  ouvrage. 

Or,  ce  Monastère,  dit  Cl.  le  Laboureur  dans  les 
Ma:{ures  de  l'Ile-Barbe^  tome  I,  p.  66  ce  estant  situé 
ff  au  lieu  dit  «  Occiacitm,  il  est  indubitable  que  ce  petit 
«  lieu  aujourd'huy  inconnu,  doit  estre  la  ville  de  Saînt- 
<c  Rambert,  qui  a  receu  ce  nom  de  la  translation  des 
«  reliques  de  ce  saint,  et  de  saint  Domitien,  en  l'église 
«  de  Saint- André.  Ce  qui  arriva  du  temps  du  comte 
<c  Gillinus  ou  Widelinus  (3)  ». 

L'Occiacum^  donc  quelques  médailles  romaines  retrouvées 
dans  son  sol,  confirment  la  haute  antiquité  à  laquelle  fait 
allusion  la  Charte  de  Conrad  le  Pacifique,  et  que  le  Laboureur 


prierait  pour  elle.  De  là,  la  fondation  très  ancienne  du  Prieuré  de  Saint-André,  bien  avant 
le  X*  siècle.  (Notes  particulières.)  Le  R.  P.  Bullioud.  Jésuite,  dans  son  «  Lugdunum 
sacro  prophanum  •,  s'exprime  ainsi  :  Prioratus  hic  s.  Regneberti  in  Foresiis  dependet 
ex  Abbatia  Insulœ  Barbarœ,  ex  catalogi  parv«  et  magns  pancarte.  Sed  quis  auctor  et 
fundator  fuerit  nondum  didici,  etc 

(0  Heldebert  et  quelquefois  Klodebert,  37*  Abbé  du  monastère  de  TIle-Barbe  dont  saint 
Dorothée  est  regardé  le  premier,  par  tous  les  historiens.  Dorothée  vivait  au  iip  siècle  et 
Heldebert  sur  la  fin  du  x*.  [Gallia  Christ.  Métropole  de  Lyon  et  de  Vienne,  p.  716.) 
{Ma\ures  de  Vile-Barbe,  ch.  XIV,  p.  63,  tome  L  Le  Labourkur.) 

(2)  Cellam  quoque  de  Occiaco  cum  Ecclesia  sancti  Andreac,  capellamque  juxta  eam  in 
honorem  sancti  Cosmœ  dicatam  et  Novellis,  universaque  illis  adjacentia.  (Voir  le  texte 
authentique  de  cette  charte,  pièces  justificatives  n*  i.) 

(3)  Voir  le  chap.  suivant  :  Le  Comte  Guillaume. 


SAINT-RAMBERT-EN-POREZ  A   VOf.   d'OISEAU  I  I 

appelle  ici  «  Petit  lieu  »,  n'était,  sans  doute,  à  Tépoque  où  les 
douze  moines  de  TTle-Barbe  (i)  vinrent  bâtir  les  cellules  de 
leur  Prieuré  et  l'église  Saint- André,  qu'un  petit  bourg,  c'est-à- 
dire  une  petite  agglomération  de  pauvres  habitations,  groupées 
autour  des  murailles  du  nouveau  monastère,  et  n'abritant 
que  quelques  groupes  de  laboureurs,  de  pêcheurs  et  de 
manants  dont  les  bras  étaient  nécessaires  aux  religieux.  Et 
il  en  fut  probablement  ainsi  jusqu'au  jour  où,  les  reliques  du 
glorieux  martyr  Rambert  attirant  de  grandes  foules  de  pèle- 
rins, le  petit  bourg  dut  rompre  ses  langes  pour  s'épandre 
sur  la  balme  (2). 

La  primitive  église,  celle  sans  nul  doute,  que  bâtirent  à 
côté  de  leurs  cellules,  les  religieux  envoyés  de  Tabbaye  de 
rile-Barbe,  et  qui  fut  dédiée  à  saint  André,  en  souvenir  de 
leur  monastère  de  TIle-Barbe,  dont  ce  fut  le  nom  primitif  (3), 


(1)  Il  n'y  eut  jamais  a  a  Prieuré  que  is  prébendes,  dont  let  rentes  senrirent  de  tout  temps 
à  entretenir  d'abord  douze  religieux,  et  ensuite  douze  chanoines,  après  la  sécularisation  du 
prieuré  en  i55i.  {Archives  de  la  Loire,  Fonds  du  Prieuré  de  Saint-Rambert.) 

(3)  L'Ocdacum  primitif  était  probablement  plus  rapproché  de  la  Loire,  à  cette  époque 
reculée,  que  la  rille  de  Saint-Rambert  de  nos  jours.  Et  cela,  non  point  parce  que 
•  Occiacum  •  avait  quitté  la  balme,  où  il  était  bflti,  pour  se  rapprocher  de  la  Loire,  nuis 
bien  parce  que  la  Loire,  en  suivant  la  direction  de  l'ancien  pont,  dont  on  voit  encore  près 
de  Saint-Just  la  base  des  piliers,  coulait  droit  par  la  grande  route  actuelle  des  Barques  i  la 
ville  de  Saint-Rambert.  s'avançait  vers  la  balme  qui  porte  la  ville  elle-même,  passait  dans 
les  terains  bas  de  Pré-Glottre  et  de  Fontchaut,  et  rasant  la  balme  qui  porte  la  chapelle  de 
Bonson  allait,  sans  faire  aucun  coude,  baigner  les  pieds  du  château  de  Bonthéon,  d'où  elle 
est  éloignée,  de  nos  jours,  d'un  espace  de  700  à  800  mètres.  Ce  changement  de  lit  du  fleuve 
que  tout  le  monde  peut  constater,  de  visu,  en  prenant  pour  point  de  repère  les  piles  de  l'an- 
cien pont  disparu  et  dont  les  matériaux  sortent  hors  de  l'eau,  existait  certainement  et  déjà 
en  1348,  puisqu'à  cette  époque  un  certain  Jean  Colombet,  d'Anères,  paroisse  de  Saint-Just. 
fait,  dans  son  testament,  un  legs  pour  l'œuvre  du  pont  de  Saint-Rambert,  mais  ajoute  la 
clause:  Quand  Usera  construit  en  pierres  :  quaodo  construetur  de  lapidibus.  (Inventaire 
somm.,  A.  Chavbronoiek.  Archives  de  la  Loire.  Fonds  Saint-Rambert.) 

(3)  L'abbaye  de  ril»-Barbe,  située  dans  une  petite  Ile  au  milieu  de  la  Sadne,  un  peu 
aa-dessus  de  Lyon  dut,  dit-on,  son  origine  à  deux  chrétiens,  dont  l'un  s'appelait  Etienne 
et  l'autre  Pérégrin,  qui,  s'étant  retirés  dans  cet  endroit,  vers  Tan  308,  pour  éviter  les 
persécutions,  y  bfttirent  un  oratoire.  Les  successeurs  de  ces  saints  anachorètes  le  firent 
reconstruire,  le  mirent  sous  le  vocable  de  saint  André  et  fondèrent  une  Société  d'ermites 
sous  la  conduite  de  saint  Dorothée.  {Gallia  Christiana.  Métropole  de  Lyon  et  de  Vienne^ 

p.  7  «3) 
Ne  semble-t-il  pas,  en  effet,  tout  naturel  que  des  religieux  quittant  par  obéissance  et  sans 

doute  avec  regrets,  leur  douce  retraite  de  l'IIe-Barbe,  pour  s'en  aller  fonder  un  prieuré 

sur  une  terre,  à  eux  inconnue,  aient,  par  reconnaissance  et  par  amour  du  sanctuaire  où  ils 

avaient  vécu  henreux,  appelé  du  nom  qu'ils  aimaient  leur  nouveau  monastère  des  bords 

de  la  Loire  ? 


12  CHAPITRE    PREMIER 

remonte  à  une  très  haute  antiquité.  Le  fondateur  nous  en  est 
resté  inconnu  il  est  vrai,  mais  si  nous  n*avons  pas  le  plaisir 
de  faire  connaître  son  nom  béni  à  nos  générations  pieuses, 
nous  avons,  du  moins,  la  joie  de  leur  apprendre  que  la  fonda- 
lion  de  cette  église  qui  fut  autrefois  l'église  priorale  de  Saint- 
André-les-Olmes,  remonte  peut-être  au  vu*  siècle,  sous 
Arige,  évêque  de  Lyon  (i). 

D'après  plusieurs  auteurs  (2),  elle  aurait  été  bâtie,  ainsi  que 
son  cloître,  sur  les  ruines  de  quelque  édifice  romain,  peut- 
être  même  sur  les  ruines  d'un  temple  élevé  à  quelque  divinité 
païenne. 

Ce  qui  le  ferait  croire,  ce  sont  les  blocs  de  granit  dont  sont 
faites  les  larges  bases  de  ses  murs  épais,  blocs  étrangers 
à  nos  régions,  apportés  là  par  la  main  de  l'homme,  et  dont 
les  moulures,  les  entailles  et  les  perforures  offrent  une  preuve 
certaine  d'un  premier  emploi  dans  quelque  construction 
antérieure.  Et  comme  leur  développement  n'est  pas  ordinaire, 
et  que,  d'ailleurs,  c'était  la  règle  chez  les  Romains  de 
n'employer  pour  la  construction  des  édifices  publics  que  de 
grands  et  gros  blocs  de  granit,  nous  pouvons  donc  sans 
crainte  et  par  induction,  avancer  que  notre  église  a  succédé 
à  quelque  édifice  d'architecture  romaine.  Une  autre  preuve 
de  l'ancienneté  de  cette  église,  dont  nous  parlerons  du 
reste  dans  un  autre  volume,  ce  sont  les  pierres  sur  lesquelles 
on  voit  encore  des  inscriptions  romaines.  Ces  inscriptions 
sont  frustes,  il  est  vrai,  et  ne  peuvent  que  difficilement  se 
lire  ;  mais  elles  n'en  restent  pas  moins  comme  un  faisceau 
de  preuves  irrécusables  (3). 

« 

(1)  Saint-Arige  ou  Arédias,  évêque  de  Lyon  (6o3-6ii). 

(3)  Aug.  Bernard.  Histoire  du  Fore^^  I  vol.,  p.  I33. 
Augus.  Broutin.  Châteaux  du  Fore\,  vol.  I,  p.  109. 

P.   BuLLiouD,   Jésuite.    «   Lugdunum   sacro  profanum  :   Fundationes  Abbatianim  in 
Diœcesi  lugud.  Index  XII. 

I 

(3)  Sur  une  de  ces  pierres,  à  gauche  avant  d'entrer,  on  distingue  cependant  encore  la 
silhouette  des  lettres  formant  le  mot  latin  ALBANO  que  nos  vieillards  ont  lu,  il  y  a  trente  ou 


SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ   A   VOL   d'oISEAU  i3 

«  Toutefois,  dit  Aug.  Bernard,  cette  église  peut  bien  se 
passer  de  cette  illustration  de  hasard,  car  n'aurait-elle,  dans 
ses  archives,  que  son  acte  de  naissance  signé  dans  le  premier 
tiers  du  xi*  siècle,  ne  posséderait-elle,  dans  son  trésor,  que  les 
insignes  reliques  du  martyr  saint  Rambert,  et  Tétoffe  de  soie  et 
d'or  qui  leur  servit  de  suaire,  sur  la  fin  du  même  xi*  siècle, 
cela  suffirait  abondamment  pour  la  recommander  à  l'attention 
et  même  à  l'admiration  des  amateurs  de  l'art  chrétien.  » 

Nous  ne  voulons  point,  ici,  faire  la  monographie  de  ce 
monument  historique  de  style  roman,  dont  les  proponions 
admirables,  l'ossature  puissante  ont  défié  huit  siècles,  résisté 
aux  coups  meurtriers  de  cent  guerres,  et  aux  ravages  d'autant 
de  révolutions.  Nous  ferons  ce  travail  intéressant  dès  les 
premières  pages  de  notre  second  volume  de  l'histoire  reli- 
gieuse et  civile  de  Saint-Rambert. 

Nous  avons  simplement  voulu,  dans  ce  premier  chapitre, 
rappeler  au  lecteur  l'antiquité  de  notre  église,  son  agran- 
dissement par  les  religieux  bénédictins  du  Prieuré,  lors  de 
la  translation  des  reliques  de  son  illustre  Patron,  le  grand 
intérêt  qu'elle  offre,  et  lui  montrer  combien  elle  était  digne 
de  recevoir,  sous  ses  voûtes  sacrées,  les  restes  bénis  du 
saint  auquel  elle  doit  sa  célébrité. 

Notre  vieille  église  n*a  rien  perdu  de  sa  médiévale  beauté  ; 
et,  de  nos  jours,  elle  est  encore  digne  de  voir  refleurir 
le  culte  de  son  illustre  Patron;  comme  aussi  toute  prête 
à  accueillir,  avec  bonheur,  les  pèlerins  qui  viendront  vénérer 
les  précieuses  reliques  de  sa  belle  châsse. 

quarante  tDt.  Une  autre  inscription,  réduite  malheureusement  i  sa  dernière  ligne,  V.  S. 
L.  M.  (votum  soMt  libens  merto)  se  lit  encore  sur  une  pierre  de  la  façade.  (D'après 
M.  Vincent  Durand.) 

Et  eoTiron  i  4  ou  S  mètres  au-dessus  du  sol,  on  aperçoit  uo  médaillon  qui  indique  la 
plus  haute  antiquité,  mais  que  le  bras  d'une  lampe  électrique  est  venu  malheureusement 
endommager. 


CHAPITRE    II 


LE  COMTE  GUILLAUME  ' 

DES    COMTES    DE    FOREZ    ET    LYONNAIS 

Première  race  (xi*  siècle) 


Avant  de  dérouler  sous  les  yeux  du  lecteur  la  longue 
chaîne  des  faits  intéressants  qui  se  rattachent  à  la  vie,  au 
martyre  de  saint  Rambert,  et  surtout  à  la  miraculeuse  Trans- 
lation de  ses  reliques  et  de  celles  de  saint  Domitien,  du 
pays  de  Bugey  au  pays  de  Forez,  il  nous  a  paru  utile,  pour 
l'intelligence  des  choses  que  nous  allons  narrer,  de  faire 
l'histoire  abrégée  du  noble  seigneur,  à  la  piété  duquel  nous 
devons,  après  le  personnage  inconnu  qui  eut  mission  de 
nous  les  apporter,  les  précieuses  et  insignes  reliques  des 
saints  Rambert  et  Domitien. 

Si  nous  ne  suivions  ce  plan  dans  ce  deuxième  chapitre, 
après  avoir,  dans  les  pages  précédentes,  pris  soin  de  faire 
connaître  par  une  description  sommaire,  les  lieux  où  se  sont 
accomplies  les  merveilles  dont  ces  lignes  vont  contenir  le 
récit,  le  lecteur  se  trouverait  dans  une  situation  semblable  à 
celle  d'un  homme  qui,  transporté  soudain  dans   un   pays 

(Il  Les  notes  qui  ont  servi  i  élaborer  ce  chapitre  ont  été  extraites,  en  partie,  de  l'intéressante 
Souvtlle  Histoire  de  Lyon,  par  M.  A.  StiybrT)  3  vol.  Lyon,  Bernoux  et  Cumin,  1899. 


l6  CHAPITRE   II 

étranger  au  sien,  est  surpris,  étonné  de  tout  ce  qu'il  voit, 
de  tout  ce  qui  se  passe  autour  de  lui,  et  ne  sait  plus 
où  il  en  est,  par  la  bonne  raison  qu'il  ignore  la  langue, 
les  coutumes  et  les  mœurs  du  pays  où  il  est  arrivé 
soudainement. 

Comte,  vient  du  latin  cornes  qui  veut  dire  compagnon. 
Ce  fut  d'abord  un  titre  de  dignité  ;  ainsi,  au  temps  de  la 
République  romaine  ce  nom  était  donné  aux  tribuns,  aux 
préfets  et  aux  scribes  qui  accompagnaient  les  proconsuls, 
les  propréteurs  et  autres  officiers  civils  et  militaires  envoyés 
dans  les  provinces. 

Plus  tard,  sous  Auguste,  Domitien  et  Constantin,  il  ne  fut 
plus  qu'un  titre  de  domesticité.  L'empereur  Auguste  appe- 
lait de  ce  nom  tous  les  officiers  de  sa  maison  impériale, 
choisis  dans  les  familles  sénatoriales. 

Sous  les  derniers  empereurs,  un  certain  nombre  de  minis- 
tres, ceux  qui  présidaient  aux  finances,  à  la  perception  des 
impôts,  à  l'administration  des  revenus  publics,  le  grand 
maître  du  palais  et  certains  gouverneurs  militaires  de  villes, 
de  provinces,  etc.,  portaient  aussi  le  titre  honorifique  de 
comte. 

Sous  les  rois  Mérovingiens  et  Carlovingiens,  les  gouver- 
neurs de  provinces  étaient  des  comtes  très  puissants  auxquels 
le  capitulaire  de  Kiersy-sur-Oise  (877)  reconnut  le  droit  de 
transmettre  leur  dignité  à  leurs  descendants. 

Depuis  cette  époque,  le  titre  de  comte  a  été  un  des  plus 
élevés  de  la  hiérarchie  féodale.  Les  comtes  venaient  après 
les  ducs  et  après  les  marquis  ;  et,  grands  propriétaires,  ins- 
titués pour  rendre  la  justice,  investis  de  fonctions  très  éten- 
dues, indépendants,  ils  contrebalancèrent  souvent  la  puissance 
royale,  jusqu'au  moment  où  les  rois  leur  ayant  enlevé  tout 
pouvoir,  il  ne  leur  resta  qu'un  titre  et  des  privilèges  honori- 
fiques. 

Les  concessions  faites  par  le  fameux  capitulaire  avaient, 


LE  COMTE   GUILLAUME  I7 

du  reste,  puissamment  favorisé  Tinstitution  de  cette  hérédité. 
En  Burgondie,  on  n'avait  pas  profité  des  faveurs  octroyées 
par  redit,  parce  que  l'aristocratie  burgonde  ne  voulait  point 
de  maître,  et  prétendait  se  gouverner  elle-même.  N'avait-elle 
pas  réclamé  sous  Clotaire  II  l'abolition  de  la  dignité  de  major- 
dome ?  Mais  sous  le  règne  de  Conrad  dont  la  main  faible  ne 
sut  pas  tenir  les  puissants  du  royaume  dans  le  devoir  et 
l'obéissance,  il  fut  facile  aux  ambitieux  de  s'emparer  du  pou- 
voir. Du  nombre  de  ces  hommes  puissants  et  résolus  fut  alors 
un  jeune  gentilhomme  nommé  Arthaud,  plein  de  fougue  et 
d'ambition,  fils  de  Gérard,  noble  lyonnais  et  de  Gimberge, 
dame  forézienne,  lequel  avait  de  grandes  possessions  dans 
les  deux  régions  du  Forez  et  du  Lyonnais,  en  même  temps 
que  de  nombreux  amis  et  clients  prêts  à  suivre  sa  fortune. 
Investi  de  la  charge  de  comte  de  Lyon,  à  titre  temporaire 
probablement,  il  parvint  à  obtenir  du  roi  Conrad  que  la 
charge  de  Comte  de  Lyon  lui  fut  attribuée  à  titre  héréditaire. 
Cela  lui  fut  d'autant  plus  facile  que  le  prélat,  qui  occupait 
alors  le  siège  de  Lyon,  était  un  homme  pacifique,  plus  dévoué 
aux  intérêts  religieux  qu'aux  avantages  temporels  de  sa 
dignité. 

Mais  Amblard  étant  mort  (i)  en  978,  le  roi  Conrad  plaça 
sur  le  siège  archiépiscopal  de  Lyon  son  propre  fils,  Burchard  II. 
Celui-ci,  en  sa  qualité  de  prince  royal,  ne  pouvait  voir  avec 
indifférence  sa  propre  autorité  amoindrie  par  ce  qu'il  devait 
considérer  comme  une  usurpation.  Il  contesta  au  comte 
laïque  les  nouveaux  droits  qu'il  avait  obtenus,  peut-être 
même  arrachés  à  la  faiblesse  du  roi  son  père. 

Il  y  avait,  dans  cette  affaire,  un  double  sujet  de  conflit  : 
d'une  part,  la  dignité;  de  l'autre,  le  droit  utile  affecté  à  la 
charge  elle-même. 

«  Les  hauts  fonctionnaires  de  cette  époque  étaient  rému- 

(1)  AmbUrd,  archevêque  de  Lyon,  957-978. 


l8  CHAPITRE   II 

«r  nérés,  non  par  des  appointements,  comme  de  nos  jours, 
«  mais  avec  les  revenus  de  propriétés  foncières  dont  on  leur 
(c  concédait  l'usufruit. 

«  Les  dignitaires  ecclésiastiques  étaient  de  même  gratifiés 
(c  de  domaines  pour  leur  usage  personnel.  Mais  lorsque, 
((  comme  à  Lyon,  le  pouvoir  était  partagé  entre  un  ecclé- 
(c  siastique  et  un  laïque,  il  en  résultait  une  virtuelle  co- 
«  propriété  ;  et  les  biens  appartenant  soit  au  siège  épiscopal, 
(C  soit  à  la  dignité  de  comte,  étaient  de  même  condition 
a  comme  de  même  origine. 

<ir  Le  comte  Ârthaud  I  réclamait  la  même  situation  ; 
c(  l'archevêque  Burchard  ne  voulut  sans  doute  lui  reconnaître 
4c  que  les  droits  afférents  à  des  bénéfices  précaires  (i)  ». 

De  là  un  conflit  entre  le  comte  Arthaud  I  et  l'archevêque 
de  Lyon  ;  conflit  malheureux  qui,  vers  l'année  98 5,  avait 
dégénéré  en  une  violente  guerre  civile  dans  tout  le  Lyonnais. 

La  paix,  croit-on  cependant,  était  faite  dès  les  premiers 
mois  de  993,  entre  les  deux  adversaires,  sur  la  grave  question 
du  Roannais  qui,  ayant  voulu  profiter  de  la  guerre  intestine 
du  Lyonnais  pour  se  séparer  de  cette  province  et  se  rendre 
indépendant,  trouva  devant  lui,  à  cette  heure,  unis  dans  une 
même  idée  de  répression  d'une  semblable  défection,  les 
deux  ennemis  d'hier,  le  comte  Arthaud  I  et  l'archevêque 
Burchard  IL 

Le  comte  Arthaud  I  fut  un  homme  abandonné  à  toutes 
les  violences  d'un  tempérament  exubérant.  Il  avait  guerroyé 
comme  on  guerroyait  alors,  en  semant  autour  de  lui  les 
ruines  et  la  désolation. 

Il  avait  causé  à  l'Eglise  de  Lyon  de  grands  préjudices... 
Mais  avec  l'âge  il  s'était  calmé,  et  suivant  la  coutume 
des  hommes  simples  de  ce  temps,  qui,  sous  une  écorce 
dure,  cachaient  une  âme  croyante,  tremblant  à  la  pensée 

(1)  M.  A.  Stbtert.  Nouvelle  Histoire  de  Lyon. 


LE   COMTE  GUILLAUME  19 

de  la  justice  de  Dieu,  il  reconnut  ses  torts,  et  se  repentit. 
Pour  réparer  les  dommages  qu'il  avait  faits  autour  de 
lui,  il  fit  des  dons  généreux  aux  églises  ;  puis  également 
à  celle  de  Lyon,  son  ancienne  ennemie.  Arthaud  I 
mourut  vers  999,  et  fut  enterré  à  Saint-Irénée,  une  des 
églises  qu'il  dota  généreusement,  après  lui  avoir  causé  bien 
des  maux. 

Le  comte  Arthaud  I  avait  deux  frères,  Etienne  et 
Umfred  qui  restèrent  dans  la  condition  de  simples 
particuliers.  En  mourant,  il  laissa  une  veuve  et  deux 
enfants  mineurs  :  Arthaud  II,  l'aîné,  qui  vécut  peu  de 
temps,  et  ne  laissa  pas  de  traces  dans  l'histoire  ;  et 
Gérard,  le  second,  qui  succéda  à  son  frère  vers  1017. 
Gérard  I  apparaît  dans  l'histoire  comme  exerçant  à  cette 
époque,  de  concert  avec  l'archevêque  Burchard  II,  le 
droit  de  co-propriété  qui  avait  motivé  la  guerre  sou- 
tenue par  son  père;  ce  qui  prouve  l'union  parfaite  entre 
les  deux  pouvoirs  ecclésiastique  et  laïque.  Le  grand 
comté  de  Lyon  comprenait  alors  :  le  Lyonnais,  le  Forez 
et  le  Roannais. 

Le  comte  Gérard  I  mourut  vers  l'an  1039,  environ 
huit  ans  après  l'archevêque  Burchard  II,  qui  avait  occupé 
le  siège  de  Lyon  de  978  à  io3i.  Il  avait  eu  trois  fils: 
Arthaud  III  qui  lui  succéda,  Umfred  et  Guillaume  qu'il  avait 
fait  asseoir,  quoique  encore  enfant,  sur  le  siège  épiscopal  de 
Lyon,  mais  qui  fut  expulsé  par  le  clergé,  aidé  des  habitants. 

Arthaud  III  avait  probablement  accompagné  Halinard, 
archevêque  de  Lyon  (i 046-1052),  à  Rome  et  assisté  au  cou- 
ronnement de  l'empereur  Henri  III  d'Allemagne,  dit  «  le 
Noir  »  (1046).  Il  était  revenu  de  ce  pèlerinage  avec  des 
idées  pieuses  et  pacifiques,  puisque  nous  le  voyons  augmenter 
les  biens  que  son  père  avait  accordés  à  labbaye  de  Saint- 
Michel  de  l'Ecluse,  qu'il  visitait  pendant  son  voyage.  D'ail- 
leurs, n'ayant  à  craindre  autour  de  lui  aucune  compétition, 


20  CHAPITRE   II 

il  travaillait  à  maintenir  dans  son  comté  la  concorde  qui 
avait  régné  sous  le  pontificat  d'Odolric,  archevêque  de  Lyon 
(1041-1046). 

Toutefois,  convaincu  comme  ses  prédécesseurs  que  l'aris- 
tocratie bourgeoise  lui  était  hostile  (elle  avait  résisté,  je  viens 
de  le  dire,  à  Tinstallation  de  son  frère  sur  le  siège 
archiépiscopal),  il  chercha  à  s'établir  solidement  en  Forez, 
et  choisit  Montbrison  pour  en  faire  la  citadelle  de  son 
pouvoir. 

Il  avait,  il  est  vrai,  de  concert  avec  Humbert  de 
Beaujeu,  guerroyé  injustement  contre  Tarchevêque  de 
Lyon,  Humbert  I  (i 064-1 076);  il  avait,  par  ses  violences, 
désolé  non  seulement  les  domaines  de  l'Eglise  de  Lyon, 
mais  encore  mis  en  péril  les  monastères  étrangers  à  la 
querelle,  dont  Humbert  de  Beaujeu  et  lui,  étaient  les 
deux  fauteurs.  Nous  savons  même  que  le  pape  Grégoire 
se  vit  obligé,  pour  mettre  fin  à  la  tyrannie  des  deux 
ennemis  de  l'archevêque,  de  lancer  contre  eux  les  foudres 
ecclésiastiques.  Mais  l'histoire  nous  apprend  aussi  que  l'année 
après  (1077),  Arthaud  IV  mourut  plein  de  repentir,  laissant, 
de  sa  femme  Raimonde,  un  fils  pour  successeur  :  le  comte 
Guillaume,  nommé  faussement  Gillin  et  Widelin,  celui 
précisément  dont  nous  aurons  l'occasion  de  parler  dans  le 
cours  de  cet  ouvrage  (i). 

Guillaume,  héritier  de  tous  les  biens  de  son  père  et  de  son 
titre  de  comte  de  Forez  et  de  Lyonnais,  commença  à  exercer 

(i)  Gillin,  qui  est  évidemment  une  mauvaise  transcription  par  un  copiste  moderne,  de 
la  forme  abrégée  Guillus  pour  Guillelmus,  ne  se  trouve  que  dans  une  copie  du  xvii*  siècle 
de  Tobituaire  de  saint  Jean.  Celui  de  saint  Paul  porte  correctement  Willetmus. 

La  copie  de  la  légende  de  la  translation  des  reliques  de  saint  Rambert,  publiée  dans  les 
Preuves  de  l'Histoire  des  Ducs  de  Bourbon  et  des  Comtes  de  Fore\  (La  Mure,  t.  III,  p.  i6, 
n*  22  bis)  porte  également  Guillelmus  et  non  Gillinus,  version  que  lb  Laboureur  a 
adoptée  à  tort,  sur  la  foi  de  Tobituaire  de  saint  Jean* 

Quant  à  Vuidelinus,  ce  nom  ne  se  trouve  que  dans  les  copies  modernes  du  Cartulaire 
de  Savigny.  Mais  une  autre  copie,  exécutée  en  1700.  porte  Guillelmus.  La  question  est  donc 
résolue  sous  le  rapport  paléographique;  mais  fût-elle  obscure,  elle  se  trouverait  tranchée 
d'une  manière  décisive  par  la  chronologie  et  les  faits  historiques  pour  lesquels  je  renvoie  à 
mes  notes  sur  la  Murb«  t.  I,  p.  101,  104  et  106.  (Notes  de  M.  André  Steyert.) 


LE   COMTE   GUILLAUME  21 

le  pouvoir  dans  le  temps  que  l'empereur  Henri  IV  était  en 
guerre  avec  Rodolphe,  duc  de  Souabe,  alors  que  le  savant 
moine  Hildebrand  occupait  le  Saint-Siège  sous  le  nom  de 
Grégoire  VII  et  que  saint  Jubin  (Gebuinus)  gouvernait 
TEglise  de  Lyon  (1070- 1088). 

Le  comte  Guillaume  était  un  seigneur  très  bienfaisant. 
Il  fonda,  dans  son  propre  château  de  Montbrison,  un  hôpital 
qu'il  dota  généreusement,  combla  de  ses  libéralités  l'illustre 
cathédrale  de  Lyon  et  la  collégiale  de  Saint-Paul  à  laquelle 
il  fit  don,  entre  autres  choses,  d'éperons  d'or  enchâssés  de 
pierreries,  valant  mille  sols  d'or,  grand  prix  pour  ce  temps-là, 
et  d'un  hanap  ou  coupe  d'une  valeur  de  160  sols  de  la  même 
monnaie. 

Il  fut  particulièrement  généreux  pour  le  prieuré  de 
Saint-André-les-Olmes  qu'il  aimait  et  visitait  sans  doute 
souvent,  car,  d'après  la  légende  du  Bréviaire  de  ce  prieuré 
relatant  le  grave  événement  de  la  translation  miraculeuse 
des  Reliques  de  saint  Rambert,  nous  voyons  qu'il  y  est 
nommé  «  le  Père  temporel  »  (i),  c'est-à-dire  l'ami,  le 
proviseur  dudit  prieuré. 

C'était,  du  reste,  un  homme  d'une  grande  piété.  La 
légende  que  nous  allons  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  au 
chapitre  VIP  de  cet  ouvrage,  respire  un  tel  parfum  de  dévo- 
tion que  l'on  ne  peut  refuser  à  ce  prince,  providentiellement 
mêlé  aux  péripéties  de  la  translation  de  nos  Saintes  Reliques, 
l'honneur  d'avoir  été  un  homme  craignant  Dieu  et  le  ser- 
vant avec  fidélité. 

Guillaume  I  couronna  dignement  sa  pieuse  carrière  par 
une  mort  héroïque  sous  les  murs  de  Nicée.  Entraîné  par  ses 
sentiments  de  foi  autant  que  par  son  courage,  il  avait  pris  la 
Croix,  en  logS. 

(0  Ërat  enim  prafati  monasterii  Pater ^  quem  temporalem  vocant.  Bréviaire  du 
Prieuré  de  Saint-Rambert,  office  de  la  Translation  des  Reliques.  Voir  aux  pièces  iuitifi- 
catÎTet,  o*  3. 


22  CHAPITRE   II 

Il  rejoignit  l'armée  de  Godefroy  de  Bouillon  devant  Nicée 
et  contribua,  dès  les  premiers  moments  de  son  arrivée,  à  la 
victoire  remportée  sur  l'armée  de  secours  des  Musulmans. 
Guillaume  acquit  bientôt  une  haute  réputation  de  vaillance  : 
«  Wuillelmus  de  Foreys  omni  virtute  et  poieniia  bellica 
a  prœclarus  »  (i),  en  même  temps  qu'il  acquit  un  des 
premiers  rangs  dans  les  conseils  de  l'armée,  où  il  était 
considéré  comme  l'un  des  «  fortes  consiliarii  et  autores 
«  rerum  capitalium  »  (2). 

C'est,  emporté  par  sa  brillante  ardeur  qu'il  fut  tué  d'un 
coup  de  flèche,  au  second  assaut.  Sa  mort  excita  les  regrets 
de  toute  l'armée  «  de  sa  perte...  furent  mult  adolé  en  Vost^ 
«  mes  mult  les  réconfortait  que  tuit  avaient  ferme  espérance 
«  que  nostre  Sires^  qui  en  son  service  le  prenait^  lui  guer- 
«  donnerait  mult  hautement  à  tous  jars  ». 

Telle  fut  la  fin  glorieuse  du  dévot  promoteur  du  culte  de 
saint  Rambert,  dans  notre  région  forézîenne. 

Le  comte  Guillaume  I  laissa  de  sa  femme  Vandalmonde, 
deux  fils  encore  jeunes,  et  qui  lui  succédèrent  l'un  après 
l'autre.  L'aîné,  Guillaume  II,  préféra  l'héritage  de  la  piété 
et  des  vertus  de  son  père  à  celui  de  ses  biens  et  de  ses  titres  *, 
il  renonça  à  la  dignité  de  comte  pour  se  faire  Chartreux  (3), 
et  vivait  encore  dans  la  solitude,  en  1 135.  Le  cadet  Eustache, 
si  Ton  en  croit  une  très  ancienne  légende,  fut  assassiné  par 
son  vicomte,  un  seigneur  de  Lavieu,  dont  il  avait  outragé 
l'honneur  conjugal. 

Avec  ces  deux  fils  du  comte  Guillaume  I,  finit  la  première 
race  de  nos  comtes  héréditaires  de  Forez  et  Lyonnais.  Elle 

(1)1  Guillaume  de  Forez  réputé  pour  toutes  les  vertus  et  pour  ses  talents  militaires.  • 

(2)  c  Guillaume  de  Forez  était  très  estimé  et  compté  parmi  les  plus  forts  conseillers  et 
auteurs  des  principales  entreprises.  » 

(3)  Il  n'y  avait  pas  longtemps  que  saint  Bruno,  né  à  Cologne,  en  io3o,  s'était  retiré  dans 
un  lieu  désert  du  Dauphiné  appelé  la  «  Chartreuse  »,  d'où  l'Ordre  qu'il  y  éublit  en  1084, 
tira  son  nom. 


LE   COMTE   GUILLAUME  23 

avait  duré  moins  de  cent  cinquante  ans,  fourni  six  comtes 
(peut-être  sept,  en  faisant  entrer  en  nombre  Umfred)  (i). 

Le  pieux  événement  de  la  translation  des  Reliques  des 
saints  Rambert  et  Domitien,  auquel  fut  providentiellement 
mêlé  le  comte  Guillaume  I,  nous  faisait  un  devoir  sacré  de 
transmettre  son  nom  à  la  postérité,  après  celui  de  ses  illustres 
ancêtres. 

Eclairer  le  lecteur  sur  ce  seigneur,  qui  doit  être  cher  aux 
cœurs  foréziens,  et  sur  sa  noble  famille  qui  fut  la  première 
du  Forez  ;  offrir  notre  tribut  de  reconnaissance  et  d'admi- 
ration à  un  insigne  personnage,  aux  ancêtres  duquel  nous 
devons  la  grandeur  de  notre  province  :  tel  est  le  double 
motif  qui  nous  a  déterminé  à  retracer  en  quelques  pages, 
l'histoire  abrégée  de  nos  premiers  comtes  de  Forez  et  de 
Lyonnais. 


(i)  La  deuxième  race  des  comtes  de  Forez  et  Lyonnais  eut  pour  tige  un  neveu  du  comte 
Guillaume  I,  fils  de  sa  sœur  Ide,  surnommée  Raymonde,  du  nom  de  leur  mère.  Elle  avait 
épousé  Guy,  dit  Raymond,  à  cause  d'elle,  et  second  fils  de  Guy  V,  dit  le  Vieux,  comte  de 
Viennois,  d'Albon  et  de  Graisivaudan. 

Ce  fut  ce  Guy-Raymond,  qui,  héritier  des  comtés  de  Forez  et  de  Lyonnais,  trouva 
tontes  choses  dans  un  état  prospère,  grâce  à  la  paix  heureusement  maintenue  depuis  38  ans 
avec  l'Eglise  de  Lyon.  (André  Stetekt.  Nouvelle  Histoire  de  Lyon.) 


SAINT    RAMBSRT,    MARTYR 

(D'aprttuDTiirail 
t  l'Eglise  de  Siinl-R4intMrt-cn- Forci). 


CHAPITRE    III 


MARTYRE  DE  SAINT  RAMBERT 


VERS    L'AN    680  (I) 


Dans  tout  combat,  la  victoire  est  h  celui  qui  a  terrassé  son 
ennemi.  Mais  dans  la  lutte  que  le  chrétien  doit  soutenir  ici- 
bas  contre  les  adversaires  de  sa  foi,  il  en  va  tout  autrement  : 
un  chrétien  n'est  vraiment  victorieux  qu'autant  qu'il  se  laisse 
immoler. 

Sur  un  champ  de  bataille,  les  honneurs  du  triomphe  sont 
au  soldat  qui  vaillamment  a  manié  son  épée  et  qui  Ta,  au 
péril  de  sa  vie,  rougie  du  sang  de  l'ennemi. 

Pour  le  chrétien,  s'il  ne  tombe  pas  mort  dans  le  combat, 
son  mérite  est  moins  grand,  et  a  moins  de  valeur  que  celui 
du  martyr  qui  succombe  avec  résignation. 

La  mort,  pour  nous  fidèles  serviteurs  d'un  Dieu  crucifié, 
la  mort  est  le  triomphe  de  notre  foi;  et  nous  chantons  victoire 


(i)  Extraits  desAeta  sanctorum  die  décima  tertia^  mentis  junii,  3*  volume  des  Grands 
Bollaudistes,  imprimés  en  1867.  • 

—  Voir  tussi  Histoire  Ecclésiastique  du  Diocèse  de  Lyon,  par  J.-M.  db  la  Murb,  prêtre, 
docteur  en  théologie,  etc.,  chaDoine  de  l'Eglise  collég.  deN.-Dame  de  Mootbrisoa,  page 
370,  édition  de  1671. 

—  Cf.  Histoire  hagiologique  de  Belley,  par  M.  Depért,  Tlcaire  général,  tome  I•^ 
pages  89  et  suivantes. 


26  CHAPITRE   III 

quand,  de  notre  chair  meurtrie  par  les  coups,  le  sang  coule, 
comme  coulait  le  sang  divin  sous  les  fouets  de  la  flagellation. 

A  nouveau  combat  il  faut  nouvelle  tactique;  et  c'est 
pourquoi  nous  voyons  les  athlètes  du  Christ,  les  martyrs, 
dédaignant  Tacier  redoutable,  aller  au  supplice  armés 
seulement  de  la  foi  et  de  la  constance  chrétienne. 

Mourir  résigné  en  regardant  la  Croix  du  Calvaire,  pour  le 
chrétien  c'est  mourir  victorieux. 

Saint  Rambert  est  tombé  victime  du  glaive  homicide,  et 
par  sa  mort  il  a  vaincu  ses  ennemis.  C'est  ainsi  qu'il  est 
parvenu  à  la  gloire  céleste,  récompense  de  son  sang  versé. 

S'il  fût  resté  sain  et  sauf  au  milieu  du  combat,  il  ne 
jouirait  point,  maintenant,  de  l'éclatant  triomphe  qui  est  le 
prix  du  sacrifice. 

Et  pour  quelques  jours  de  souffrances  endurées  patiem- 
ment sur  cette  terre,  il  a  l'éternelle  joie  de  nager  au  sein  de 
délicieuses  voluptés,  dont  le  prix  et  la  splendeur  vont  au- 
delà  de  tout  ce  que  Tesprit  humain  peut  concevoir,  selon  qu'il 
est  écrit  : 

«  Uœil  de  Phomme  rCa  rien  vu^  son  oreille  rien  entendu^ 
«  son  cœur  rien  éprouvé  de  toutes  les  joies  que  Dieu  a 
«  préparées  à  ceux  qui  l'aiment  (i).  » 

Saint  Rambert  (2)  était  issu  d'une  des  plus  illustres 
familles  de  France,  alliée  à  celle  des  rois  de  cette  nation. 
Son  père,  le  très  noble  duc  Ragdebert,  était  alors  (vu*  siècle), 

u)  IsaU,  64,4.  Saint  Paal,  I.  Corinth,^  a,  9. 

(3)  Saint  Rambert  se  dit  quelquefois,  en  latin,  Rayfnbertus  et  même  RambertuSf  mais  plus 
proprement  et  ordinairement  S.  Ragnebertus. 

Ce  prince  de  sang  royal,  sous  la  première  lignée  de  nos  rois,  d'après  une  charte  de 
l'abbaye  de  Saint-Denis  en  France,  rapportée  par  du  Tillet,  charte  donnée  par  le  roi 
Clovis  U  et  datée  de  Clichyi  l'an  seizième  de  son  règne,  qui  tombe  en  Tannée  622,  Rambert 
(notre  saint)  est  le  troisième  des  quatre  grands  du  royaume  qui  y  signent,  et,  après  lui, 
signe  Ebroîn  qui,  depuis,  fut  maire  du  Palais,  sous  le  roi  Théodoric  !•%  et  en  cette  qualité  son 
tyran  et  son  persécuteur.  (La  Murk,  dans  son  Histoire  du  Diocèse  de  Lyon,  page  370, 
édition  de  1671.) 


MARTYRE  DE  SAINT  RAMBHRT  27 

gouverneur  des  provinces  comprises  entre  la  Loire  et  la 
Seine. 

Placé,  au  sein  même  de  la  Cour  royale,  entre  les  mains  de 
maîtres  vertueux  qui  lui  enseignaient  la  religion  et  les  lettres 
humaines,  ce  jeune  athlète  du  Christ  ât  de  si  rapides  progrès 
dans  la  piété  et  la  science,  qu'on  vit  bientôt,  en  lui,  la  noblesse 
du  savoir  et  de  la  foi  remporter  sur  la  noblesse  du  sang. 
Cœur  vaillant,  esprit  prompt  et  élevé,  soldat  habile  au 
maniement  des  armes,  administrateur  sage  et  diplomate 
consommé,  à  Tâge  où  d'autres  se  livrent  encore  aux  jeux  de 
Fenfance,  il  brillait  déjà  du  vif  éclat  qui  jaillit  des  hautes 
qualités  dont  le  monde  est  Tadmirateur.  Et  cependant,  au 
milieu  des  flatteries  et  des  adulations  du  siècle,  il  n'oublia 
jamais  d'aimer  Dieu  de  tout  son  cœur  et  de  le  servir  avec 
zèle. 

Chrétien  convaincu,  il  ne  perdit  jamais  de  vue  le  Ciel  qui 
est  le  but  auquel  nous  devons  tendre.  C'est  là  qu'était  son 
trésor;  c'est  là  qu'aboutissaient  toutes  ses  affections;  là  qu'on 
le  voyait  diriger  tous  les  efforts  de  sa  volonté,  tous  les  actes 
de  sa  vie. 

Et  voyait-il  autour  de  lui  les  envieux  se  multiplier,  il 
aimait  mieux  souffrir  en  silence,  mépriser  les  pièges  tendus 
à  son  honneur  et  à  sa  vie  par  la  malveillance,  que  de  se 
plaindre  et  de  rendre  le  mal  pour  le  mal. 

Mais  il  est  nécessaire,  pour  la  clarté  des  faits  qui  vont 
suivre,  de  faire  l'esquisse  rapide  de  la  situation  dans  laquelle 
se  trouvait,  à  cette  époque,  l'empire  des  Francs. 

Clovis  II  (i)  qui,  par  la  mort  de  son  frère  Sigisbert  et  par 


(i)  Roi  des  Franci  (638-656).  •  Le  roi  Clovis  H  govvernt  son  royaume  paisiblement; 
«  sans  guerre  et  sans  bataille  tut  tous  les  {ours  de  sa  vie.  Une  fois  vint  en  l'église  de  Saint- 
•  Denis,  ainsi  comme  mauvaise  fortune  le  menait^  pour  déprier  les  saints  martyrs.  Et  pour 
«  ce  que  il  voulait  avoir  aucune  alliance  d'eux  tout  adcs  avec  soi,  il  commanda  que  les  cbflsses 
«  des  martyrs  fussent  atteintes  ;  après  les  fit  ouvrir,  et  disjoindre  par  toile  présomption  le 
«  vessel  en  quoi  le  précieux  corps  saint  repose,  moins  religieusement  le  regarda  que  il 
«  ne  dut.  Jaçoit  ce  que  il  fit  par  dévotion,  si  lui  ne  suffit  pas  le  regarder  tant  seulementf 
V  aios  brisa  l'os  de  l'un  des  bras  et  le  ravit.  Et  le  martyr  montra  bien  tantôt  que  il  ne  lai 


28  CHAPITRE   ni 

l*exil  de  Dagobert  II,  son  neveu,  avait  un  instant  réuni  sur 
sa  tête  les  deux  couronnes  de  Neustrie  et  d'Austrasie,  venait 
de  mourir  en  laissant  trois  enfants  en  bas  âge  :  Clotaire, 
Childéric,  Thierry  (656). 

Clotaire  III  (i)  eut  la  Neustrie,  Childéric  II  (2)  TAustrasie; 
quant  à  Thierry,  tantôt  dépouillé,  tantôt  tout  puissant, 
triste  jouet  entre  les  mains  d'un  ambitieux,  il  passa 
alternativement  du  cloître  au  trône  et  abandonna,  enfin,  le 
sceptre  pour  revêtir  définitivement  le  froc  du  moine. 

Une  noblesse  mécontente  et  inquiète,  avide  de  boule- 
versements et  de  révolutions,  parce  qu'elle  sait  y  trouver  un 
accroissement  à  ses  privilèges,  se  sert  de  son  nom  pour 
recommencer  ces  tristes  guerres  civiles  que  la  succession  de 
Clovis  avait  ouvertes,  et  qui  devaient  avoir  pour  résultat  la 
scission  de  TAustrasie  et  de  la  Neustrie,  la  création  des  ducs, 
des  Francs  orientaux,  l'élévation  de  Pépin  et,  plus  tard, 
l'avènement  d'une  monarchie  usurpatrice. 

Tout  est  trouble  à  cette  époque  :  d'un  côté  deux  peuples, 
enfants  de  la  même  patrie,  appartenant  à  la  même  nation  et 
pourtant    rivaux;  de    l'autre,   deux   civilisations  opposées. 


«  plaisait  pas  dont  son  corps  était  ainsi  traité  :  car  le  roi  fut  tantôt  si  espoenté  et  si  ébahi 
«  que  il  chaït  en  frénésie  et  perdit  son  sens  et  sa  mémoire,  en  cette  heure  même  ;  tantôt  fut 
«  le  moustier  rempli  de  ténèbres  et  d'obscurité;  une  peur  si  grande  prit  soudainement  à 
«  tous  ceux  qui  là  étaient,  que  ils  se  mirent  à  la  fuite.  Le  roi  donna  puis  aucunes  villes  au 
«  martyr  pour  l'apaiser  ;  et  pour  ce  que  il   recouvrit  son  sens  et  sa  mémoire,  l'os  que  il 

•  avait  follement  deseuré  du  corps,  fit  vêtir  et  orner  d'or  pur  et  de  pierres  précieuses,  et  le 
«  fit  mettre  en  la  châsse  avec  le  corps.  Pour  cette  raison  peut-on  prouver  que  le  corps  du 
«  glorieux  martyr  git  laïens  entièrement;  quand  il  ne  put  oncques  souffrir  que  un  petit 
a  osselet  fut  ôté  de  son  bras  ni  démembré  de  son  corps.  Le  roi,  toutefois,  recouvra  son  sens 

•  en  partie,  mais  non  pas  entièrement  ni  en  tel  point  comme  il  l'eut  devant  eu  ;  si  ne  vécut 
«  pas  puis  moult  longuement,  car  il  trépassa  au  chef  de  deux  ans  après  ce  que  ce  lui  fut 
■  advenu  (656). 

•  Ce  roi  Clovis  H  eut  femme  qui  fut  du  lignage  de  Saisoigne.  Bathilde  avait  nom,  sainte 
«  dame  et  religieuse  et  pleine  de  la  peur  de  Notre-Seigneur;  et  si  était  sage  dame  et  de 
«  grande  beauté  si  fut  celle  que  Ton  dit  sainte  Bathilde  de  Chelles.  ».  {Gestes  de  Dagobert,  5i 
—  Chroniq.  de  Saint-Denis^  V,  22,  publiés  par  B.  Zbller,  maître  de  conférences  à  la  Faculté 
des  lettres  de  Paris,  1881.) 

(i)  Roi  de  Neustrie  et  de  Bourgogne (656-670). 

(2)  Roi  d'Austrasie  en  660,  de  toute  la  France  en  670,  assassiné  par  Bodillon  en  673, 
dans  la  forêt  de  Chelles. 


J 


MARTYRE   DE   SAINT   RAMBERT  29 

la  civilisation  germanique  et  la  civilisation  romaine, 
s'apprètant  à  renouveler  cette  lutte  mémorable  que  les 
historiens  ont  personnifiée  dans  deux  reines  :  Brunehaut  et 
Frédégonde  ! 

Toute  autorité  royale  ayant  à  peu  près  disparu,  le  règne 
des  rois  fainéants  commence.  C*est  à  qui  s'arrachera  les 
derniers  débris  d'un  pouvoir  à  l'agonie.  L'usurpateur  est 
d'ordinaire  un  maire  du  palais  :  Erchinoald,  Ebroin,  Vulfuad, 
Bertaire  ou  Pépin  d'Héristal. 

Il  attaque,  par  lui-même  ou  par  les  siens,  tous  ceux  qui  ne 
s'unissent  pas  à  lui  pour  panager  ses  rapines;  et  ses  excès 
sont  d'autant  plus  grands,  qu'il  n'existe  aucune  force  publique 
capable  de  les  réprimer. 

Alors  se  forme,  contre  lui,  une  coalition  de  tous  ceux  que 
révolte  l'arbitraire  ou  qui  ont  à  se  plaindre  de  son  despotisme. 
Les  chefs  ne  manquent  pas;  la  féodalité  les  fournit  et  la 
guerre  civile  s'organise,  non  au  profit  de  l'autorité  royale, 
ni  de  quelque  principe  supérieur,  mais  au  profit  d'un  seul 
tyran  brutal  qui  ne  respecte  rien  et  ne  reconnaît  d'autres 
lois  que  ses  volontés  (i). 

Ce  fut  au  milieu  de  ces  conflits  d'ambitions  individuelles, 
alors  que  la  dignité  royale  était  aux  mains  des  grands  du 
royaume,  que  le  jeune  Rambert  cueillit  la  palme  du  martyre. 

Parmi  les  usurpateurs  de  la  royauté,  vivait  à  la  Cour  un 
homme  impie  et  sanguinaire,  Ebroin  (2),  maire  du  palais. 


(1)  Cette  esquiMe  rtpide  de  U  situation  de  Tempire  des  Francs  est  empruntée,  en  partie,  à 
la  Vie  des  Saints  par  une  réunion  d'Ecclésiastiques  et  d'écriTains  catholiques.  Tome  IVy 
pagt  10.  Vie  de  saint  Léger f  passim. 

{2)  Lu  Rois  fainéants.  —  La  famille  de  Clovis  et  de  Mérovée  décline  vite.  Dés  l'année  638 
ne  parurent  plus  sur  le  trône  que  des  rois  enfants  ou  incapables,  les  rois  fainéants.  Chaque 
année^sur  un  lourd  chariot  traîné  par  des  bœufs,  le  roi  se  rendait  à  l'assemblée  générale 
des  Francs  qu'on  appelait  «  Champ  de  Mars  ».  Puis,  il  rentrait  oisif  dans  sa  villa  perdue 
au  fond  de  quelque  forêt. 

Le  Maire  du  Palais*  ->  La  surveillance  de  cette  villa,  son  palais,  était  confiée  à  un 
maire  du  Palais.  Le  Maire  jugeait  les  querelles  des  «  Leudis  »,  conduisait  l'armée.  Il  était 
1^  tuteur  des  princes  enfants.  Ce  fut  le  vrai  roi.  (Hist.  et  civilisation  de  la  France,  par 
Gustave  Ducouorat.) 


3o  CHAPITRE   m 

D'une  basse  origine,  ce  tyran  fameux  dans  nos  annales  par 
ses  atrocités,  était  parvenu  à  force  de  crimes,  à  la  plus  haute 
dignité  du  royaume.  L'illustre  épouse  de  Clovis  II,  la 
vertueuse  Bathilde  (i),  sut  bien  lui  en  imposer  quelque 
temps  par  l'ascendant  de  ses  rares  qualités;  mais  le  ministre 
hypocrite,  ambitieux,  ennemi  de  Dieu  et  des  saints,  réussit 
bientôt  à  se  débarrasser  d'une  surveillance  dont  la  pieuse 
activité  mettait  un  obstacle  à  l'accomplissement  de  ses  noirs 
desseins. 

Devenu  maître  de  tout  par  la  retraite  de  cette  reine,  il  mit 
toute  son  ardeur  impie  à  bannir  du  royaume,  à  enlever  à 
leur  famille  pour  les  faire  mourir,  les  nobles  rejetons  de  la 
très  illustre  race  des  Francs;  tous  ceux,  en  un  mot,  dont  il 
avait  à  redouter  quelque  rôle  important  dans  les  affaires  de 
l'Etat  (2). 

Quant  à  ceux  que  la  mollesse  avait  déjà  énervés,  que  la 
débauche  avait  amollis  ou  qu'avaient  avilis  de  basses  alliances, 
il  sut  les  combler  d'honneurs,  au  point  qu'aucun  d'eux  n'osa 
plus  résister  aux  ordres  de  l'hypocrite  protecteur. 

Après    la  mort  de  Clotaire  III  (3),   il  mit  sur  le  trône 


(i)  Bathilde  (sainte),  femme  de  Clovis  H.  gouverna  pendant  la  minorité  de  ses  fils:  Clovis  HI, 
Childéric  H  et  Thierry.  Elle  mourut  en  680  au  monastère  de  Chelles  (Seine-et-Marne). 

(2)  a  Après  la  mort  du  roi  Clovis  H,  couronnèrent  les  Francs,  Clotaire  UI  un  sien  fils, 
«  l'aîné  de  ses  trois  fils;  il  gouverna  le  royaume  entre  lui  et  sa  mère  la  reine  Bathilde.  Lors 
«  furent  les  Francs  en  doute  de  qui  ils  feraient  Maire  du  palais.  En  la  parfin,  en  élurent 
«  un  qui  avait  nom  Ebroîn.  Ce  fut  lui  qui  fit  martyriser  saint  Léger,  évêque  d'Âutun.  > 
Gestes  des  Rois  de  France.  —  Chron.  de  Saint^Denis^  Y,  23,  publiés  par  B.  Zbllbk, 
etc.  1881. 

(3)  «  Bientôt  le  roi  Clotaire  III  (670)  appelé  par  le  Seigneur,  sortit  de  cette  vie.  Ebroîn 
«  aurait  dû  convoquer  solennellement  tous  les  grands  et  élever  au  trône  le  frère  du  roi 
«c  Théodoric  (Thierry  III);  mais  son  orgueil  l'empêcha  d'agir  ainsi.  Alors  une  multitude  de 
«  nobles  qui  s'empressaient  de  se  rendre  auprès  de  Théodoric,  ayant  reçu  d'Ebroîn  Tordre 
■  de  rebrousser  chemin,  se  réunirent  en  conseil,  et  tous  offrirent  à  Childéric  II,  frère  cadet 
«  de  Théodoric  (Thierry  III).  lequel  régnait  en  Austrasie,  le  royaume  de  Neustrie,  aussi 
«  bien  que  celui  de  Bourgogne.  Le  tyran/  alors,  voyant  que  cela  se  passait  à  cause  de  ses 
«  crimes,  se  réfugia  au  pied  d'un  autel  dans  une  église;  son  trésor  fut  à  l'instant  même 
«  envahi,  et  ce  que  cet  homme  injuste  avait  amassé  méchamment,  fut  dissipé  sur  l'heure. 
«  Alors  quelques  évèques,  et  particulièrement  Léger,  intercédèrent  en  sa  faveur  et  obtinrent 
<  qu'il  ne  serait  pas  mis  à  mort.  II  fut  envoyé  en  exil  au  monastère  de  Luxeuil  pour  y 
«  laver,  par  la  pénitence,  les  crimes  qu'il  avait  commis  (671)  {Vie  de  saint  Léger,  êi'èque 
«  d^Àutun,  • 


MARTYRE   DE   SAINT   RAMBERT  3l 

Thierry  III.  Mais  la  haine  que  les  Francs  gardaient  au 
ministre  despote  et  cruel,  rejaillit  sur  le  roi.  Thierry  III  fut 
chassé  du  trône  et  la  couronne  placée  sur  la  tète  de 
Childéric  II  (i). 

Quant  à  Ebroïn  et  à  son  royal  protégé  Thierry,  ils  furent 
rasés  et  enfermés  dans  le  monastère  de  Luxeuil.  Pendant 
les  vingt  années  que  Tex-maire  du  palais  passa  dans  cette 
sainte  demeure,  il  ne  fut  qu'un  apostat  livré  à  l'esprit  de 
mensonge  et  d'hypocrisie. 

Cependant  Childéric  mourait  en  673.  Thierry  III,  tiré  de 
sa  retraite,  fut  alors  replacé  sur  le  trône  en  vertu  du  principe 
de  légitimité.  Dégagé,  du  même  coup,  des  liens  qui  jadis 
enchaînaient  ses  destinées  à  celles  du  perfide  Ebroïn,  Thierry 
choisit  Leudésie  pour  maire  du  palais. 

Mais,  au  fond  de  sa  prison,  l'avide  et  insatiable  Ebroin 
surveillait  la  marche  des  événements  qui  se  déroulaient 
autour  du  trône,  nouvellement  occupé  par  le  compagnon  de 
son  exil. 

Trompant,  un  jour,  la  surveillance  de  ses  gardiens,  il 
s'échappe  du  monastère  de  Luxeuil,  s'introduit  à  la  Cour, 
fait  assassiner  Leudésie  et  supposant  un  Clovis,  qu'il  disait 
être  le  fils  de  Clotaire  III,  il  parvient  à  le  faire  couronner 
sous  le  nom  de  Clovis  III.  Ce  n'est  pas  tout.  Il  fallait  faire 
reconnaître  à  la  nation  ce  fantôine  de  monarque.  Ebroïn, 
pour  faire  acclamer  le  nouveau  roi,  ne  recule  devant  aucuns 
moyens  violents.  Il  ravage,  pille,  incendie  les  provinces  et 
les  villes    qui   refusent   de   se  soumettre   à    sa   tyrannique 


(1)  Clovis  III,  Childéric  II  et  Thierry  III,  les  trois  fils  de  Btthilde,  femme  de  Clovis  II. 
roi  des  Francs.  Childéric  fit  venir  son  4rère  en  sa  présence  pour  s'entretenir  avec  loi  ;  mais 
quelques-uns  des  principaux  du  royaume,  croyant  faire  une  chose  agréable  à  Childéric, 
osèrent  couper  les  cheveux  de  leur  maître)  et  le  présentèrent  dans  cet  état  à  son  frère* 
Childéric  l'interrogea  et  lui  demanda  comment  il  désirait  qu'on  le  traitflt.  Théodoric 
(Thierry)  répondit  qu'il  avait  été  injustement  chassé  de  son  royaume,  et  ne  désirait  que  le 
Dieu  du  ciel  pour  juge.  Alors«  on  lui  ordonna  de  se  rendre  au  monastère  de  Saint- Denis; 
il  y  vécut  en  secret  et  y  demeura  jusqu'à  ce  que  ses  cheveux  eussent  repousse.  (VU  de 
saint  Léger.) 


32  CHAPITRE  m 

autorité.  Et  lorsque,  forcé  par  les  armes,  le  faible  Thierry  lui 
a  remis  la  charge  de  Maire  du  palais,  le  ministre  cruel 
renvoie  son  faux  Clovis  dont  il  n'avait  que  faire,  et  dès  lors, 
s'abandonne  à  tous  les  excès  de  la  tyrannie  la  plus  hideuse  et 
la  plus  cruelle. 

Comme  s'il  eût  voulu  s'épargner  les  remords  que  la  seule 
vue  des  gens  de  bien  produit  sur  les  âmes  scélérates,  Ebroin 
déchaîna  sa  fureur,  surtout  contre  les  personnages  à  qui  leur 
piété  et  leur  foi  donnaient  quelque  notoriété. 

C'est  ainsi  qu'il  choisit  les  victimes  de  sa  rage,  parmi  les 
hommes  les  plus  illustres  de  l'Eglise  de  France  :  saint  Léger, 
évêque  d'Autun  (i);  saint  Ennemond,  évêque  de  Lyon; 
saint  Lambert,  de  Maastricht  ;  saint  Dagobert  ;  sainte  Anstrude  ; 
saint  Wilfrid,  évêque  d'York;  saint  Philibert;  saint  Amé 
de  Sion  et  plusieurs  autres  hommes  illustres  autant  par  leurs 
vertus  que  par  leur  situation,  tombèrent  sous  les  coups  du 
tyran. 

Quant  aux  grands  du  royaume,  il  poussa  l'injustice 
jusqu'à  les  dépouiller  de  leurs  dignités.  Et,  tournant  sa  haine 
contre  ceux  qu'il  croyait  les  adversaires  jurés  de  sa  politique 
perverse,  tantôt  il  fit  vendre  leurs  biens  à  l'enchère,  tantôt  il 
les  fit  périr  par  l'eau  et  par  le  feu. 

D'autres  (pour  rappeler  ici  le  mot  de  l'apôtre  parlant  des 
chrétiens  de  l'Eglise  naissante),  d'autres  furent  mutilés  dans 
leurs  membres,  pressés  d'abjurer  leur  foi  ou  exterminés  par 
le  glaive. 

Qu'on  ne  s'étonne  point  de  voir,  ici,  le  crime  triompher 
au  préjudice  de  la  vertu.  C'est  la  volonté  de  Dieu  que,  dans 


(i)  Anséghis«  fut  occis  en  ce  point  par  un  homme  qui  avait  nom  Godomès.  Cet  Anséghi»e 
était  fils  de  saint  Arnould  et  fut  le  père  de  Pépin,  le  père  de  Charles  Martel.  Ebroïn  prit 
saint  Léger  et  son  frère  Garin*  et  les  fit  tourmenter  cruellement.  A  la  parfin,  fut  ce  Garin 
lapidé  et  craventé  de  pierres,  et  saint  Léger  fut  jeté  en  prison  et  affamé  par  un  long  jeûne* 
Après,  lui  fit,  Ebroïn,  la  langue  et  les  lèvres  trancher  ;  mais  notre  Sire  le  rétablit  puis,  et 
lui  rendit  la  langue  et  la  parole;  et  en  dernier,  lui  fit  le  chef  couper  pour  le  martyre 
consommer.Tant  le  voulut  puis  notre  sire  honorer,  que  il  montra  les  mérites  et  l'innocence  de 
lui  par  les  miracles  que  il  fit  à  sa  sépulture.  {Chroniq,  de  saint  Denis,  V,  24.  ZKLLKti,passim.) 


MARTYRE   DE  SAINT   RAMBERT  33 

tous  les  temps,  les  hommes  de  bien  soient  persécutés  par  les 
gens  sans  foi,  sans  mœurs  et  sans  probité.  Et  c*est  Thonneur, 
c*est,  plus  encore,  le  salut  des  chrétiens  d*être  choisis  pour 
victimes. 

Rappelons-nous  la  condamnation  à  mort  de  Jésus-Christ 
par  l'hypocrite  Pilate;  souvenons-nous  du  crucifiement  de 
THomme-Dieu  par  Tinfàme  tourbe  des  Juifs  et  des  soldats 
romains,  et  nous  n'aurons  pas  de  la  peine  à  nous  armer  de 
courage,  en  face  de  la  contradiction  ou  du  respect  humain, 
sûrs  que  nous  sommes,  en  pratiquant  notre  religion,  de 
n'être  blâmés  et  persécutés  que  par  des  gens  indignes  de 
notre  estime. 

Mais  les  tlots  de  sang  innocent  versé  par  le  tyrannique 
Ebroîn,  loin  d'assouvir  sa  soif  sacrilège,  ne  firent  que  l'exciter 
davantage.  Plusieurs  seigneurs  de  la  Cour,  coupables 
seulement  de  porter  ombrage  à  son  ambition,  devinrent 
bientôt  ses  nouvelles  victimes. 

De  ce  nombre  fut  Rambert,  fils  de  l'illustre  duc  Ragdebert« 
Sans  nul  doute,  les  qualités  et  les  vertus  qui  brillaient  dans 
ce  noble  jeune  homme,  le  courage  qu'il  montrait  à  désap- 
prouver tant  d'infamies,  les  larmes  qu'il  versait  à  la  vue  des 
maux  qui  accablaient  l'Egh'se  et  l'Etat,  durent  offusquer  le 
ministre  jaloux  et  sanguinaire;  aussi  bien,  chercha-t-il  partout 
l'occasion  de  perdre  Rambert  (i). 

Ebroîn  la  fit-il  naître  ou  se  présenta-t-elle  fortuitement, 
c'est  ce  que  nous  ne  saurions  dire. 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  cenain,  c'est  que  le  perfide  maire  du 
palais  accueillit,  avec  une  joie  satanique,  une  dénonciation 
qu'on  lui  fit  contre  le  pieux  fils  du  duc  Ragdebert.  Des 
gens,  sans  nul  doute  à  la  solde  d'Ebroin,  accusèrent  un  jour 
le  serviteur  de  Dieu,  Rambert,  d'avoir  avec  deux  complices, 
les  princes  du  palais,  Bodon   et  Guiscand,   tramé  le  projet 

(i;  Vie  de  taint  Rambert,  opuscule  imprimé  ti  Tenay  (Aiii/  en  i^b.  passim 


^4  CHAPltRË  II! 

criminel  de  le  faire  périr,  pour  lui  enlever  le  pouvoir  dont  il 
abusait  d'une  manière  si  indigne. 

Rambert  dont  le  courage  chrétien  était  à  toute  épreuve,  et 
qui  ne  redoutait  ni  les  mauvais  traitements  ni  la  mort,  se 
laissa  accuser  sans  daigner  opposer  aux  injures  un  mot  pour 
se  justifier. 

Sa  mort  fut  résolue.  Toutefois,  grâce  à  l'intervention  de 
saint  Ouen  (i),  archevêque  de  Rouen,  dont  la  vertu  et  la 
haute  sagesse  avaient  quelque  empire  sur  Ebroin,  Rambert 
ne  fut  point  mis  à  mort  sur-le-champ. 

Notre  saint  fut  exilé  dans  la  partie  méridionale  de  la 
Bourgogne,  connue  aujourd'hui  sous  le  nom  de  Bugey,  et 
confié,  comme  factieux,  à  la  garde  d'un  prince  puissant  du 
nom  de  Théodefroy.  Ce  seigneur  avait  ordre  du  tyran  de 
faire  périr  secrètement  le  jeune  exilé. 

Mais,  par  une  permission  de  Dieu  qui  tient  entre  ses 
mains  le  cœur  des  hommes,  le  prince  auquel  Rambert  avait 
été  abandonné,  ému  de  pitié  pour  la  jeunesse  et  les  vertus 
de  son  noble  prisonnier,  aima  mieux  lui  laisser  la  vie  sauve 
que  d'exécuter  les  ordres  iniques  d'Ebroïn,  et  de  tremper  ses 
mains  dans  le  sang  innocent. 

Cette  disposition  du  cœur  de  Théodefroy  à  l'égard  de 
Rambert,  fut  un  effet  de  la  miséricorde  divine,  au  tribunal  de 
laquelle  les  cœurs  simples  et  droits  trouvent  toujours  conso- 
lation et  appui.  Dieu  voulait  donner  à  son  digne  serviteur 
le  temps  de  faire  pénitence  et  de   se  préparer  au  martyre. 

Rambert,  heureux  de  cette  faveur,  travailla,  pendant  son 
exil  à  effacer,  par  ses  prières  et  ses  larmes,  les  souillures  que 
le  souffte  corrompu  du  monde  avait  pu  communiquer  à  son 
âme. 


(i)  Audœmus  colitur  24.  AufrusU.  Mortuus  est  anno  683,  Ponti/ex  Rothomagensit 
ereatus  anno  640  (ChesnœOt  Rodomœ). 

II  s'agit  bien  ici  de  saint  Ouen,  dont  on  honore,  de  nos  jours  encore,  les  saintes  Reliques, 
dans  l'église  de  Ronen  qui  porte  son  nom. 


MARTYkE  DE  SAINT  RAMBERT  3  S 

Quant  à  Théodefroy,  l'histoire  rapporte  que  la  charité 
dont  il  usa  envers  son  noble  prisonnier,  lui  valut  de  Dieu, 
la  grâce  d'une  sincère  conversion. 

Après  avoir  fait  lui-même  pénitence,  il  mourut  les  mains 
pleines  des  bonnes  œuvres  qu'il  avait  accomplies,  pour  répa- 
rer les  scandales  de  sa  vie  passée  (i). 

Mais  Dieu  ne  laisse  jamais  une  bonne  œuvre  sans  récom- 
pense. Si  le  verre  d'eau  donné  à  un  pauvre  avec  l'intention 
de  plaire  au  Père  Céleste,  nous  ouvre  la  porte  de  son 
royaume,  quelles  grâces  de  salut  ne  méritera  pas  celui  qui, 
dans  une  plus  large  mesure,  aura  exercé  envers  son  prochain 
les  œuvres  de  miséricorde  et  de  charité  (2)? 

Le  retour  à  Dieu  du  seigneur  Théodefroy,  entre  les  mains 
de  qui  Rambert  avait  été  livré  comme  une  victime  innocente, 
est  un  événement  providentiel  qui  nous  rappelle  deux  des 
vérités  les  plus  consolantes  de  la  Religion.  La  première,  c'est 
que  Dieu  a  des  tendresses  particulières  pour  les  pécheurs  et 
qu'il  veut  leur  salut  (3)  ;  la  seconde,  c'est  qu'il  ne  faut  jamais 
désespérer  du  salut  des  âmes  les  plus  éloignées  de  Dieu,  mais 
prier  pour  elles,  et  attendre  l'heure  de  la  Providence. 

Pour  nous  chrétiens,  qui  savons  que  le  ciel  est  le  prix  du 
labeur  et  de  la  souffrance,  au  lieu  d'escompter  la  grâce 
extraordinaire  qui  fît,  à  la  fin  de  sa  vie,  un  saint  du  mau- 
vais larron,  efforçons-nous  de  mériter,  par  les  œuvres  de  la 
foi,  ce  Ciel  que  Dieu,  dans  l'ordre  ordinaire  des  choses, 
donne  à  ceux  qui  se  sont  fait  violence  et  ont  porté  leur 
croix  à  la  suite  de  leur  divin  Maître  (4). 

(1)  Histoire  hagiologique  de  Belley,  tome  l**,  passim, 

(a)  L'homme  qui  fera  reTenir  un  pécheur  de  son  égarement  sauvera  ton  tme.  (Epit. 
cathol.  de  aaint  Jacques,  chap.  V,  verset  ao.) 

(3)  Je  ne  veux  pas   la  mort  de    l'impie,  mais  qu'il  se  convertisse.  (Ezech..  XXXIH, 

V.    II.) 

(4)  Beati  qui  persecutionem  patiuntur  propter  justitiam  ;  quoniam  ipsorum  est  regnum 
ceetorum,  (Evang.  Math.,  ch.  V,  v.  ii.) 

Regmum  cœlorum  vtm  patitur  et  violenti  rapiuntiUud.  (Math.,  ch.  XI»  v.  la.) 


36  CHAPITRE   III 

Cependant  le  moment  approchait  où  notre  saint  exilé 
allait  émigrer  de  cette  vie  pour  être  présenté  par  les  anges 
aux  divins  regards  du  Christ. 

Ebroïn  ayant  appris  que  Rambert  était  encore  en  vie, 
entra  dans  une  grande  fureur,  et,  semblable  au  fauve  qui  fait 
entendre  des  cris  de  rage,  il  donna  Tordre  de  massacrer, 
sans  délai,  le  serviteur  de  Dieu.  Pour  accomplir  ce  forfait  le 
tyran  choisit  deux  sicaires  qu'il  envoya  en  Bourgogne  à  la 
poursuite  du  jeune  prince. 

Ceux-ci  ayante  bien  à  regret,  accepté  l'odieuse  mission  de 
bourreaux,  partirent  à  la  recherche  de  saint  Rambert  et 
l'atteignirent  dans  une  gorge  déserte  des  monts  du  Jura,  sur 
les  confins  de  la  province  lyonnaise,  près  d'un  torrent 
appelé  «  Bébron  ou  Brévon  »,  non  loin  des  bords  de 
l'Albarine,  à  quelques  pas  d'un  monastère  que  saint 
Domitien  (i)  avait  bâti  pour  satisfaire  sa  piété  et  mener, 
dans  la  solitude,  une  vie  conforme  à  celle  des  Pères  du 
désert. 

Saint  Rambert,  en  voyant  les  émissaires  d'Ebroïn  s'atta- 
cher à  ses  pas,  n'eut  pas  de  peine  à  deviner,  qu'armés  par 
la  haine  du   sanguinaire  ministre,  ils  étaient  venus  pour  le 


(i)  Saint  Domitien,  fils  de  Philippe  et  de  Marciliana,  romaini,  fut  élevé  secrètement  par 
eux  dans  le  christianisme.  Après  leur  mort  il  donna  tous  ses  biens  aux  pauvres  et  se 
retira  au  monastère  de  Lérins  ;  de  là  il  passa  à  Arles  où  saint  Hilaire  lui  conféra  Tordre  de 
la  prêtrise. 

La  réputation  de  saint  Eucher  l'attira  à  Lyon  ;  mais  voulant  vivre  loin  du  monde  il 
bAtit,  dans  la  Valbonne,  une  cellule  et  une  église  sous  le  vocable  de  saint  Christophe,  près 
de  Meximîeux. 

Afin  de  se  soustraire  à  Taffluence  des  personnes  que  sa  réputation  de  sainteté  attirait 
dans  sa  solitude  pour  y  recevoir  des  conseils  de  salut,  il  vint  en  441,  avec  ses  compagnons, 
fonder  un  monastère  en  l'honneur  de  saint  Genès.  martyr,  près  d'une  fontaine  appelée 
«  Hébron  ou  Brévon,  Vébron  ».  (Notes  obligeamment  communiquées  par  M,  Vabbi  Vivet, 
archiprêtre  de  Sainl'Rambert-en-Bugey.)  De  nos  jours,  la  fontaine  ou  ruisseau,  au  bord 
duquel  a  été  martyrisé  saint  Rambert,  se  nomme  depuis  plus  de  100  ans  •  Brévon  •. 
(Réponse  faite  à  M.  Depéry,  vicaire  général  de  Belley,  le  18  septembre  iB34%  P^r 
M.  Garin^  notaire  à  Saint-Rambert-en-Bugey.) 

Le  monastère  de  saint  Domitien,  devenu  plus  tard  une  abbaye  des  moines  de  Cluny,  fut 
sécularisé  en  1788  ;  et  les  biens  qui  en  dépendaient  vendus  en  1791. 

Quant  aux  bâtiments  mêmes,  ils  furent  transformés  en  une  jolie  maison  de  campagne  ; 
l'église  seule  a  été  détruite  et  son  emplacement  est  occupé  par  un  beau  jardin*  (Voir 
le  chapitre  IV  de  ce  tome  !•%  p.  47.) 


MARTYRE  DE   SAINT  RAMBERT  3  7 

faire  mourir.  C'est  pourquoi,  convaincu  que  sa  tin  était  proche, 
il  demanda  à  ses  bourreaux  la  permission  d'aller  faire  sa 
prière  dans  une  chapelle  peu  éloignée  du  monastère  et  que 
saint  Domitien  avait  élevée  en  Thonneur  de  saint  Genès, 
martyr  (i).  Les  valets  d^Ebroïn  refusèrent  cette  faveur  à 
leur  victime.  Le  courageux  athlète  du  Christ,  à  ce  refus,  se 
soumit  sans  laisser  échapper  une  plainte.  Et  s*étant  mis  à 
genoux,  à  l'endroit  même  où  il  avait  été  appréhendé  par  eux, 
il  éleva  ses  mains  et  son  cœur  vers  Dieu.  Sa  prière  faite  : 
(f  II  est  inutile  de  me  contraindre  plus  longtemps  à  la  fatigue, 
a  leur  dit-il  ;  au  nom  de  Dieu,  ne  craignez  point  d'exécuter 
«  les  ordres  que  vous  avez  reçus.  » 

Les  bourreaux,  alors,  font  asseoir  Rambert  sur  une  pierre 
du  bord  du  chemin,  et  d'un  violent  coup  de  lance  lui  arra- 
chent la  vie  (2).  C'était  le  i3  juin  de  l'année  675,  d'après  les 
Bollandistes,  et  680,  d'après  d'autres  historiens. 

Une  croix  de  pierre  indique  l'endroit  où  il  fut  martyrisé. 
Cette  croix,  érigée  en  181 5,  s'élève  sur  le  chemin  qui  mène 
à  l'abbaye,  au  bord  du  ruisseau  de  Bébron,  en  haut  du 
pont  qui  le  traverse  et  tout  près  d'une  maison  dite  du 
a  Cuchon  »,  au-dessous  de  cette  abbaye  même  fondée  par 
saint  Domitien,  et  au  nord  de  la  ville  qui  a  pris  le  nom 
du  saint  (3). 

Leur  crime  perpétré,  les  sicaires  s'en  vont  raconter  aux 


(1)  Saint  Genès,  martyr,  fête  le  25  août.  C'est  près  de  l'autel  de  cette  chapelle  que  saint 
Domitien  fut  enseveli  au  v*  siècle. 

Cette  chapelle  qui  était  a  quelque  distance  des  bâtiments  de  l'ancien  monastère  construit 
par  saint  Domitien  et  qui  lui  servait  d'oratoire,  a  été  détruite  en  1791  et  a  fait  place  k  un 
pré.  {Notes  obligeamment  communiquées  par  M.  Vabbé  Vivet,  archipritre  de  Saint' 
Rambert-en-Bugey.) 

(a)  Une  autre  tradition  prétend  que  saint  Rambert  eut  la  tète  tranchée  et  qu'elle  roula 
dans  le  torrent,  où  un  nimbe  lumineux  la  fit  découvrir.  Cette  tradition  est  très  accréditée 
dans  le  pays;  et  c'est  d'elle  que  s'est  inspiré  le  peintre  qui  a  leproduit  la  scène  du 
martyre  de  saint  Rambert,  sur  la  bannière  de  la  paroisse  de  Saint-Rambert-en-Bugey. 
{Note  tirée  de  la  Vie  de  saint  Rambert,  opuscule  imprimé  à  Tenay  en  tSgS,  et  commu^ 
niquée  obligeamment  par  M.  l'archiprêtre  Vivel.) 

(3)  Détails  que  nous  sommes  allés  nous*mémc  constater  «  de  visu  *  au  printemps 
de  Tannée  1897. 


38  CHAPITRE    III 

religieux  en  prières  dans  la  chapelle  voisine,  qu'ils  ont 
trouvé,  non  loin  de  là,  la  dépouille  mortelle  d'un  jeune 
homme.  Ils  poussent  même  l'audace  jusqu'à  leur  offrir  de 
lui  donner  la  sépulture  dans  l'espoir  d'un  salaire. 

Les  religieux  du  monastère  recueillent  aussitôt  le  corps  du 
saint  martyr  et,  sans  retard,  l'ensevelissent  dans  leur  cloître, 
sous  le  porche  de  leur  église. 

Ainsi  donc,  selon  la  parole  du  grand  Apôtre  des  nations  : 
Ils  sont  profonds  et  incompréhensibles  les  trésors  de  la 
sagesse  et  de  'la  science  de  Dieu  (i).  Le  prêtre  qui  avait 
reçu  les  humbles  aveux  du  jeune  prince,  pendant  son  exil, 
lui  avait  imposé  de  faire  pénitence  durant  sept  ans.  Et 
parce  que,  par  une  mort  prématurée,  Rambert  avait  devancé 
le  terme  fixé  pour  cette  pénitence,  ce  ne  fut  qu'après  un 
espace  de  quatorze  années  que  Dieu  daigna  manifester  la 
sainteté  de  son  serviteur,  en  permettant  qu'un  premier 
miracle  se  fit  à  son  tombeau. 

La  mort  de  l'impie  Ebroïn  suivit  de  près  le  martyre  de 
saint  Rambert  et  fut  le  châtiment  de  ses  crimes.  Sa  cruauté 
ne  faisant  que  s'accroître  de  jour  en  jour.  Dieu  permit  qu'il 
fût  ignominieusement  assassiné  par  le  soldat  Hermanfroy  (2) 
en  681.  Ainsi,  se  réalisa  cette  parole  du  Prophète  royal  :  La 
mort  du  pécheur  est  la  pire  de  toutes  les  morts  (3). 

Or,  voici  ce  que  la  légende  de  l'Office  de  la  Translation 
des  reliques  de  notre  illustre  Patron,  nous  apprend  sur  cette 
mort  tragique  du  sanguinaire  Ebroïn. 

(i)  Epitre  aux  Romains,  ch.  II,  33. 

(s)  Ebroïn  qui  de  rien  ne  se  fût  chfttié  pour  nul  grief  que  on  lui  eut  devant  fait, 
recommença  à  grever  les  Francs  pins  cruellement  qu'il  n'avait  oncques  devant  fait;  mais 
notre  Sire  lui  rendit  les  mérites  de  ses  faits,  en  peu  de  temps  après,  en  vengeance  du  saint 
monseigneur  saint  Léger  et  de  son  frère  que  il  avait  martyrisés,  par  un  Franc  qui  avait 
nom  Hermanfrois  qui  l'épia  une  nuit;  sur  lui  vint  soudainement  entre  lui  et  ses  aides  et 
l'occil.  Après  ce  fait,  s'entuit  en  Ostrasie,  à  Pépin  d'Hersiall  (681).  (2-  Contin.  de  Frédegaire. 
—  Chroniq.  de  saint  DeniSf  V,  24.  —  Zeller,  passim.) 

(3)  Ps.  XXXin.  V.  22. 


MARTYRE   DB   SAINT   RAMBERT  Sg 

Au  temps  où  le  tyran  régnait  en  maître,  vivait  dans  une 
petite  île  de  la  province  lyonnaise,  appelée  Ile-Barbe  (i),  une 
des  malheureuses  victimes  du  cruel  maire  du  palais,  à  laquelle 
îl  avait  fait  crever  les  yeux. 

Pendant  une  nuit  profonde,  le  pieux  aveugle  s'était  retiré  sur 
les  bords  de  la  rivière  de  Saône,  pour  y  prier  à  son  aise.  Tout 
à  coup,  it  entend  comme  un  grand  bruit  de  gens  qui  naviguent 
et  qui,  en  multipliant  le  jeu  de  leurs  rames,  s'efforcent  de 
gagner  en  vitesse  sur  le  cours  trop  lent  de  la  rivière. 

S'étant  mis  à  héler  l'embarcation  et  à  demander  vers 
quel  port  elle  se  dirige  à  si  grande  vitesse,  une  voix  forte  se 
fait  entendre  et  lui  répond  :  «  C'est  Ebroïnque  nous  conduisons 
«  aux  enfers,  où  il  subira  pendant  l'éternité  le  terrible 
t  châtiment  de  ses  crimes  (2).  x  Le  confesseur  du  Christ 
reçut  ces  paroles  avec  une  certaine  joie. 

Elles  lui  firent  comprendre  quelles  peines  sont  réservées 
aux  persécuteurs  du  juste,  et  lui  montrèrent  toute  la  vérité  de 
cette  prophétie  du  psalmiste  :  «  Le  juste  se  réjouira  en  voyant 
qu'il  est  vengé  (3).  »  (Fig.  4) 

Quant  au   soldat  Hermanfroy  qui  avait  tué  Ebroin  (4), 

(i)  Ile  Barbe,  c'est-à-dire  île  déserte  :  Insula  Btrbara,  Ile  barbare,  et,  par  syncope,  He 
barbe.  C'est  ainsi  que  la  vierge  et  martyre  «  Barbara  »  des  Grecs  et  des  Latins  est  appelée 
«  Barbe  »  en  notre  langue. 

(3)  Voir,  aux  pièces  justificatives,  le  texte  de  la  légende  de  saint  Rambcrt,  n*  3. 

(3)  Ps.  LVII,  V.  II. 

(4)  Ebroïn  est  le  plus  redoutable  adversaire  que  l'aristocratie  ait  en  i  combattre,  depuis  la 
mort  de  Brunehaut.  Il  entreprit  de  délivrer  la  royauté,  dont  il  était  le  tuteur,  de  l'oppression 
des  intérêts  des  leudes  lignés  contre  elle,  sauf  à  retenir  pour  lui-même,  an  détriment  du 
prince  qu'il  servait,  tout  ce  qu'il  pourrait  arracher  à  leurs  communs  ennemis.  C'est  li  ce 
qui  ressort  évidemment  de  sa  conduite.  Ce  qui  a  fait  la  force  d'Ebroîn,  c'est  qu'il  s'est 
appuyé  sur  une  classe  que  (e  développement  de  l'aristocratie  tendait  à  ravaler  de  plus  en 
plus,  la  classe  des  simples  hommes  libres,  obligés  de  se  «  recommander  »  à  de  plus  puissants 
qu'eux,  c'est-à-dire  de  perdre  la  possession  de  leurs  terres.  —  Dans  le  pays  romain  où  l'on 
jouissait,  dans  les  derniers  temps  de  l'empire,  ë'une  certaine  égalité  dans  la  servitude, 
l'aristocratie  n'avait  pas  pu  s'établir  si  fortement  que  dans  l'Austrasie;  il  Ait  donc  bien  plus 
facile  de  l'abattre  que  de  l'autre  cAté  des  Ardennes,  et  c'est  ce  à  quoi  tentèrent  les  efforts 
d'Ebrotn.  De  là  vient  que  cette  lutte  de  la  Neustrie  et  de  l'Austrasie,  n'est  pas  autre  chose, 
au  fond,  que  la  lutte  de  la  royauté  appuyée  par  les  simples  hommes  libres,  contre  l'aristocratie 
fortement  et  militairement  constituée  en  Austrasie,  d'après  le  souvenir  des  coutumes 
germaines.  V.  LiMusaoN  (Institutions  earlovingiennes).  Dans  les  Rois  fainéants  et  Maires 
du  jMlais.  Zkllir,  p.  io3. 


CHAPITRE    III 


cet  ennemi  de  Dieu  et  de  toute  religion,  il  s'enfuit  auprès 
de  Pépin  d'Herstall,  et  ainsi,  échappa  au  péril  de  la 
mort  (i). 

Or,  Pépin  d'Herstall  était  fils  d'Anséghise,  prince  romain, 
et  père  de  Charles  Martel. 


(1)  Pour  intéresser  le  lecteur. 

nous  donnons, 

ci,  le  fac-similé  d'une 

monnaie  mérovingienne. 

montrant  le  profil 

de  la  figure  du  trop 

fameux  Ebroïn. 

La  suite  des  monnaies  mérovingiennes  se  dis 

tingue  entre  toutes  let 

autres,  par  la  variété  de  se 

styp 

es  et  par  le  peti 

nombre  de  pièces  qui 

offrent  des  noms  de  rois 

L'i 

Timense  majorité  des  espèces  y  porte  ] 

seulement  un  nom  de  lie 

u,  m 

ais  souvent  de 

localités  dont  le  peu 

d'importance  surprend.  Ce 

n'est 

pas  tout,  on  y  trouve  un  nom  d'officier  | 

monétaire  qui  dans 

blemeni  plus  gros- 

bien des  cas  est  le 

siers  qu'à  l'époque 

m£me  ;    enfin  ,    un 

précédente.   Les 

grand    nombre    de 

draperies  n'y  sont 

lieux  de  la  même 

plus  indiquées  que 

région  y  sont  in- 

par des  traits.  Ce- 

diqués.  Cette  par- 

1  pendant  l'ensemble 

liculariié  lient   au 

garde    encore    une 

système    de    mon- 

sorte   d'élégance 

nayage  établi  alors 

barbare.  Les  types 

chez  les  Francs. 

des  revers  sont  pres- 

Les bustes  de  pro- 

que exclusivement 

fil    beaucoup    plus           à 

\       /^^\ 

le  monogramme 

multipliés,  surtout          P 

^ — T^^l 

cruciforme,    qui 

sur  les  pièces  divi-           " 

? .  N^^y 

se    métamorphose 

sionnaires,  qui  sont 

no 

alors  graduellement 

cellesque  l'on  fabri- 

no. 4 

en     croix    ancrée. 

quait  en  plus  grand 

TIERS-DE-SOI. 

puis  en  croix  haus- 

nombre,  bustes  ins-    "*" 

gr.nd 

i'effigi. 
gramme  d'Ebroïn, 

'    sée,  fichée,  perlée, 

pires  de   ceux  des        dm 

mon 

accostée,  etc. 

des    pièces    impé- 

mai 

e  du  P.l«i,, 

iea-6Hi. 

Les    monnaies 

riales,  sont   nota- 

mérovingiennes 

étaient  le  sou  d'or   (solidus). 

inférieur  comn 

le  poids  au   (solidusj 

Constantinien,  et  divisé  e 

moitié  (semis),  et  en  tiers  (triens);  puis, 

le  denier  d'argent  (saïga). 

don 

il  en  fallait  40  pour  faire  la  valeur 

d'un  sou.       (F.  LiHoaiiANT,  dt 

l'imi 

lui.  Maii>iat«(lMMdi(f«,  p.  107,111,111.) 

MARTYRE    DE   SAINT   RAMBERT  4I 

Charles  Martel  fut  le  père  de  Pépin,  dit  le  Bref,  qui  eut 
pour  fils  Charlemagne,  très  auguste  empereur. 

Ces  observations  sur  les  rois  et  les  princes  sont  faites,  ici, 
pour  que  chacun  sache  à  quelle  époque  et  sous  quel  prince 
régnant^  fut  martyrisé  le  très  vaillant  athlète  de  Jésus-Çhrist, 
le  noble  Rambert. 

Nous  l'avons  dit,  le  martyr  Rambert  avait  été  enseveli  sous 
le  portique  de  l'église  du  monastère  de  Saint  Domitien; 
mais  les  fidèles,  attirés  par  le  bruit  des  miracles  opérés 
à  son  tombeau,  accoururent  en  foule  dans  la  vallée  de 
ce  Bébron  >,  enlevèrent  le  corps  du  saint  du  lieu  où  il 
reposait,  et  le  transportèrent  dans  l'intérieur  de  l'Eglise,  tout 
auprès  des  restes  vénérés  du  bienheureux  Domitien. 

Pendant  plusieurs  siècles,  les  prodiges  se  multiplièrent 
d'une  manière  extraordinaire  au  tombeau  de  notre  illustre 
martyr. 

Les  aveugles  recouvraient  la  vue,  les  boiteux  marchaient, 
les  démons  étaient  mis  en  fuite,  les  frissons  de  la  fièvre  et  les 
maux  de  dents  disparaissaient.  Et,  il  n'était  pas  une  âme  dont 
la  prière  confiante  n'obtînt  de  Dieu,  par  l'entremise  de  saint 
Rambert,  de  douces  et  saintes  consolations. 

Entre  autres  prodiges  que  Dieu  daigna  opérer  au  tombeau 
du  généreux  martyr,  citons  le  suivant  : 

Pendant  un  très  long  temps.  Dieu  permit  que,  du  tombeau 
de  saint  Rambert,  l'huile  coulât  goutte  à  goutte  et  assez 
abondante,  pour  qu'elle  pût  alimenter  les  lampes  suspendues 
tout  auprès. 

Or,  quelqu'un,  alors,  souffrait-il  de  quelque  infirmité,  était-il 
atteint  de  quelque  maladie,  il  recouvrait  la  santé,  dès  que  les 
pieux  fidèles  préposés  à  la  garde  du  tombeau,  l'avaient  oint 
avec  cette  liqueur  merveilleuse. 

Le  mot  grec  Euo^  se  traduit  en  latin  par  «  miséricorde  ». 
Aussi  bien,  par  une  sage  disposition  de  la  divine  Providence, 
est-il  arrivé  que  les    oeuvres   de   piété    s'accomplissent  par 


4^  CHAPITRE   III 

Tonction  de  Thuile.  En  effet,  nous  voyons  dans  l'Ancien  et 
le  Nouveau  Testament  que  les  rois,  les  prêtres,  les  prophètes 
recevaient  la  consécration  avec  l'huile  bénite.  Or,  plusieurs 
documents  des  saints  Docteurs  de  TEglise  nous  démontrent 
que  cette  cérémonie  renferme  quelque  allégorie.  A  ce  pro- 
pos en  effet,  il  est  écrit,  au  sujet  de  l'ancien  peuple  d'Israd  : 
«  Ils  sucèrent  le  miel  de  la  pierre,  et  Vhuile  des  plus  durs 
«  rochers  »  (i).  Suivant  la  même  idée,  saint  Paul  dit  encore  : 
a  Et  la  pierre  était  Jésus^hrist.  Si  donc  la  pierre  est 
«  Jésus^hrist  et  que  Vhuile  jaillisse  du  plus  dur  rocher^ 
«  l'ancien  peuple  de  Dieu  a  sucé  le  miracle  »  (2). 

C'est  ce  que  le  Christ  a  voulu  démontrer,  en  faisant  couler 
l'huile  de  la  pierre  du  sépulcre  de  saint  Rambert,  pour  la 
gloire  de  son  martyr. 

Il  convient  bien,  en  effet,  de  parler  ici  de  la  miséricorde, 
afin  que  les  fidèles  serviteurs  du  saint  martyr  n'hésitent 
point  à  réclamer,  avec  confiance,  son  secours  dans  les  circons- 
tances pénibles  et  malheureuses  de  la  vie  ;  bien  convaincus 
que  la  bonté  du  Saint  dont  ils  auront  invoqué  le  nom, 
sourira  toujours  à  ceux  qui  lui  seront  dévoués. 

Brisons  donc,  nous  aussi,  l'orgueil  de  notre  faible  raison 
contre  la  pierre,  selon  les  paroles  du  psalmiste  (3),  et  sachons 
que  cette  pierre  est  le  Christ. 

Mais,  implorons  sa  clémence  avec  l'espoir  de  notre  pardon, 
afin  que  par  les  mérites  du  bienheureux  martyr  Rambert,  il 
daigne,  dans  sa  miséricorde,  nous  faire  parvenir  au  bonheur 
qu'il  a  promis  à  ses  fidèles  serviteurs. 

Bien  que  les  miracles  dont  nous  n'avons  qu'effleuré  le 
récit  —  les  temps  de  l'Antéchrist  approchent,  selon  qu'il  est 

(1)  Deut.  32,  V.  i3. 

(3)  I  Corinth.  lo,  v.  3,  4,  5. 

(3)  P8.  i36,  V.  9. 


MARTYRE    DE   SAINT   RAMBERT  4^ 

écrit  :  le  ravage  marche  devant  sa  face  [\\  —  paraissent  cesser 
aujourd'hui,  cependant  la  santé  bien  plus  précieuse  des 
âmes  continue  à  être  accordée  par  Tintercession  du  saint 
martyr  Rambert. 

Ce  qui  fait  cesser  les  divins  miracles,  soit  au  tombeau  de 
saint  Rambert,  soit  ailleurs,  c'est  l'énormité  de  nos  péchés, 
nous,  qui  après  la  grâce  du  Christ  révélée  à  tous,  sommes 
retournés  en  arrière. 

C'est  pourquoi  il  est  écrit  de  Jésus-Christ  Notre-Seigneur  : 
«  A  cause  de  l'endurcissement  de  ce  peuple  infidèle^  il  na  pu 
c(  faire  aucun  prodige  à  Capharnaum.  » 

Quant  à  nous,  fidèles  de  ces  temps,  nous  ne  méritons  pas, 
sans  doute,  que  notre  bienheureux  martyr  nous  guérisse  ou 
nous  console  par  ses  faveurs,  comme  autrefois  il  guérissait 
et  consolait  le  cœur  chrétien  de  nos  ancêtres. 

Toutefois,  n'allons  point  mettre  en  doute  la  bonté  et  la 
puissance  de  notre  cher  et  illustre  Patron.  Aujourd'hui, 
comme  aux  âges  lointains,  où  les  prodiges  se  multipliaient 
autour  de  son  tombeau,  il  peut  et  il  veut  exaucer  nos  suppli- 
cations. A  nous  donc  de  Tinvoquer  avec  ferveur  et  de  le  prier 
avec  un  cœur  pur  et  confiant. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que,  pendant  plusieurs  siècles, 
les  reliques  de  saint  Rambert  furent,  dans  le  Bugey, 
en  si  grande  vénération,  que  de  toutes  parts,  les  foules 
accouraient,  confiantes  et  pieuses,  leur  demander  des  grâces 
particulières.  Aussi  bien,  arriva-t-il  que  les  prodiges  se 
multipliant,  les  pèlerinages  aussi  devinrent  plus  nombreux  ; 
tant  et  si  bien  que  leur  affluence  énorme  eut  bientôt 
formé,  tout  près  du  lieu,  un  village  qui  prit  le  nom  de 
Saint-Rambert. 

<i  L'origine  de  cette  ville  est  donc  toute  sainte  ;  elle  est 
<c  due  à  saint  Domitien,  mais  surtout  à  saint  Rambert.  C'est 

(t)  Job.  41,  ▼.  i3. 


44  CHAPITRE  m 

cr  ainsi  que  la  religion  arrive  jusqu'aux  déserts  les  plus 
((  sauvages,  et  que,  dans  notre  patrie  surtout,  elle  fut  un 
«  germe  fécond  de  vie  et  de  civilisation. 

a  Et  telle  est  encore  la  force  de  la  sainteté  qu'elle  rend 
«  éternelle  la  mémoire  d'un  homme  qui  meurt  martyr  pour 
<c  la  Religion  et  la  Justice.  Rien  ne  peut  la  détruire,  tandis 
«  que  la  mémoire  et  les  œuvres  des  impies  périssent,  avec  le 
«  bruit  qui  les  accompagne. 

«  En  effet,  vainement  des  hommes  égarés  essayèrent,  à 
«  l'époque  de  la  Révolution  de  1 798,  de  faire  oublier  le  nom  de 
«  saint  Rambert.  Celui  de  «  Montferme  »  qu'on  donna  à  la 
(c  Ville  semblait  être  le  plus  propre  à  résister  aux  injures  du 
i<  temps  ;  mais  il  n'eut  pour  durée  que  celle  du  vertige  des 
«  impies  qui  avaient  conçu  la  folle  pensée  d'effacer  les  traces 
(c  de  saint  Rambert,  dans  une  vallée  toute  pleine  de  ses  sou- 
cc  venirs. 

<c  Aussi,  au  bout  de  quelques  années,  la  ville  reprit-elle 
«  le  nom  de  celui  à  qui  elle  devait  l'existence  et  qui  la 
((  protégeait  depuis  plus  de  onze  cents  ans  (i).  » 

Ce  que  nous  venons  de  dire  au  sujet  de  la  petite  ville  de  Saint- 
Rambert-en-Bugey,  nous  le  dirons,  dans  un  autre  volume, 
de  sa  sœur  la  petite  cité  de  Saint- Rambert-en -Forez  qui, 
elle  aussi,  changea  vers  la  fin  du  xi*  siècle,  son  nom  gallo- 
romain  «  d'Occiacum  Occieu  »  en  celui  de  Saint-Rambert, 
le  martyr  illustre,  dont  elle  venait  de  recevoir  providen- 
tiellement une  partie  [considérable  des  précieuses  reliques. 

Avant  de  rapporter  les  merveilles  de  cette  translation 
miraculeuse  d'une  partie  du  corps  sacré  de  saint  Rambert, 
des  bords  du  torrent  de  Bébron  où  il  était  vénéré  depuis 
quatre  siècles,  dans  l'église  du  prieuré  de  Saint-André  à 
Occieu,  vers  1078,  nous  demanderons  au  lecteur  de  vouloir 


(i)  Nous  empruntons  ces  excellentes  réflexions  et  les  détails  qui  les  accompagnent,  à 
l'érodit  auteur  de  l'Histoire  hagiologique  de  Belley  :  M.  Depéry.  vicaire  général  de 
Belley.  1834. 


MARTYRE   DE   SAINT  RAMBERT  46 

bien  nous  suivre  dans  quelques  détails  historiques  relative- 
ment au  culte  de  ce  saint  martyr,  dans  la  vallée  de  TAlbarine, 
en  Bugey. 

Ces  détails,  dont  l'authenticité  repose  sur  les  pièces  justifi- 
catives reproduites  à  la  fin  de  cet  ouvrage,  seront  précédés 
d'une  notice  historique  sur  la  petite  ville  de  Saint-Rambert- 
de-Joux,  illustrée  par  le  tombeau  de  notre  saint  martyr,  et 
sur  Tabbaye  de  Saint-Domitien  qui  eut  Tinsigne  honneur  de 
posséder,  la  première,  le  corps  vénéré  de  saint  Rambert. 


(..   L.U».OA) 

avec  11  ch»ubl«  primïlivt. 

i  l'«bbay«  de  Hohtiubourg. 

Delà  Vie  de  saint  Léger, 
pir  les  RR.  PP.  BJDcdJEtini 
DomPiTMclDoniDiviD. 


CHAPITRE   IV 


SAINT-RAMBERT-DE-JOUX 


(I) 


(bugey) 


La  Gaule  conquise  par  Jules  César,  un  demi-siècle  avant 
Jésus-Christ,  n'avait  eu  pendant  quatre  longs  siècles,  d'autre 
histoire  que  l'histoire  de  l'empire  romain. 

Rome,  qui  avait  le  génie  du  gouvernement  des  peuples 
vaincus  et  soumis  à  ses  lois,  apporta  aux  Gaulois  les  bienfaits 
de  sa  civilisation  en  échange  de  leur  liberté  ravie.  Et  l'Eglise 
naissante,  qui  entreprenait  déjà,  par  ses  missionnaires, 
sa  grande  œuvre  de  moralisation  au  profit  des  nations, 
leur  apporta  l'Evangile,  bien  autrement  précieux  que  celui 
d'une  civilisation  plus  ou  moins  raffinée. 

Les  Barbares  pouvaient  maintenant  se  ruer  sur  la  Gaule 
chrétienne.  Celle-ci  était  prête  à  lutter  contre  eux. 

Ils  vinrent,  en  effet,  des  contrées  septentrionales  de 
l'Europe  et  de  l'Asie,  attirés  par  les  richesses  de  l'empire 
romain,  et  entraînés  par  l'appât  du  carnage  et  de  la 
dévastation. 

C'était  le  25  décembre  de  l'année  406,  les  Alains,  les  Suèves, 


(i)  La  Notice  historique  et  descriptive  de  Saint-Rambert-de-Joux,  par  H.  Letmaric, 
nous  a  fourni  en  grande  partie  les  documents  de  ce  chapitre. 


40  CHAPITRE   IV 

les  Vandales  et  les  Burgondes,  de  la  race  des  Germains,  tra- 
versèrent le  Rhin.  Mais  rejetées  vers  les  Pyrénées  après  deux 
années  d'affreux  ravages,  ces  hordes  sauvages  passèrent  en 
Espagne. 

Les  Burgondes  seuls  s'arrêtèrent  en  Gaule,  où  ils  fondè- 
rent, dans  la  vallée  de  la  Saône,  le  royaume  de  Bourgogne 
(41 3).  Pacifique  bien  que  conquérante,  la  race  des  Burgondes 
s'attacha  au  sol  qu'elle  venait  d'occuper,  s'y  mêla  sans  peine 


auxGalIo-Romains,  et  finit  par  se  convertir  au  christianisme, 
grâce  à  l'influence  des  Evêques  catholiques,  et  aux  prédica- 
tions multipliées  de  l'Evangile. 

Mais  les  fils  de  Clovis,  roi  des  Francs,  voulant  continuer 
les  conquêtes  de  leur  illustre  père  devenu  maître  de  la  Gaule, 
organisèrent  une  expédition  contre  la  Bourgogne.  Ils  s'en 
emparèrent  et  la  traitèrent  avec  la  dernière  cruauté.  Et  comme 


SAINT-RAMBERT-DE-JOUX  49 

la  province  de  Lyon  avec  le  Bugey  en  faisaient  partie,  celui-ci 
tomba  donc  au  pouvoir  des  Francs. 

Les  petits-fils  de  Charlemagne  furent,  eux  aussi,  les  maîtres 
de  la  Bourgogne  jusqu'en  879,  où  elle  devint  la  proie  de 
l'usurpateur  Boson  (i). 

Un  des  successeurs  de  Boson  céda  le  Bugey  aux  rois  de  la 
Bourgogne  cisjurane.  Ils  étaient,  du  reste,  maîtres  depuis 
longtemps  déjà,  de  la  partie  orientale  de  ce  territoire.  Enfin, 
Rodolphe  III,  dit  le  Pieux  ou  le  Fainéant,  transmit  à  sa  mort, 
—  arrivée  en  loSa  —  la  souveraineté  du  royaume  d'Arles  à 
Conrad  le  Salique,  roi  de  Germanie  (2). 

Ces  préliminaires  historiques  étaient  nécessaires  pour  bien 
fixer  la  date  des  événements  que  la  légende  de  saint  Domitien 
va  nous  révéler,  événements  intéressants,  qui  se  passaient 
dans  la  vallée  de  TAlbarine  après  l'invasion  des  Burgondes, 
au  V*  siècle,  et  que  nous  allons  résumer  en  quelques 
lignes. 

f  I 

LÉGENDE  ABRÉGÉE   DE  SAINT   DOMITIEN  (3) 

Domitien  naquit  à  Rome  au'  temps  de  l'empereur  Cons- 
tantin. Sa  famille  était  noble  et  connue.  Son  père  se  nommait 
Philippe  ;  sa  mère  Marcianilla. 

Domitien  fut  élevé  dans  les  écoles  catholiques.  Il  avait 
quinze  ans  quand  son  père  fut  tué  par  les  Ariens,  en  haine 
de  la  foi.  Bientôt  après,  sa  mère  mourait  de  chagrin.  Orphelin, 
Domitien  hésita  quelque  temps  entre  les  dignités  laïques,  que 
facilement  il  pouvait  obtenir,  et  la  vie  religieuse.  Mais,  une 

(I)  Boson.  rot  d'Arles  et  de  ProTence,  beau-frère  de  Chirles-Ie-Chauve  (879-^88). 

(3)  Rodolphe  Iir,  petît-fils  de  Rodolphe  II,  roi  de  U  Bourgogne  cisjurtne  et  transj urine, 
roi  d'Arles,  en  fat  le  dernier  monarque  (994-1033). 

(3)  Voir  le  texte  entier  de  la  légende,  aux  pièces  justiflcatiTes  n*  3. 


5o  CHAPITRE   IV 

fois  sa  résolution  prise,  en  deux  semaines  il  eut  vendu  et 
distribué  aux  pauvres  tous  ses  biens. 

De  ce  temps,  Constantin  était  mort,  et  Julien  l'Apostat  lui 
avait  succédé.  C'était  le  commencement  de  la  persécution 
contre  les  moines.  Prenant  à  la  lettre  le  mot  de  l'Evangile  : 
<c  Si  on  vous  persécute  dans  une  ville^  passe\  en  une  autre  », 
Domitien  s'enfuit  d'abord  à  Marseille,  puis  à  Lérins  où  il 
séjourne  un  an  ;  à  Arles  encore,  où  il  est  ordonné  prêtre  par 
l'évêque  Hilaire.  Enfin  il  arrive  à  Lyon,  vers  480.  Il  fait 
part  de  son  désir  de  vie  monastique  à  l'évêque  Eucher.  Avec 
l'approbation  de  Tévêque,  il  se  retire  en  un  Heu  désert  appelé 
Axancia.  Il  y  fonde  un  oratoire  sous  le  patronage  de  saint 
Christophe.  Bientôt  ses  vertus  lui  attirent  des  disciples  et  la 
foule  des  pèlerins.  Troublé  par  cette  affluence,  il  s'enfuit,  un 
jour,  jusqu'à  la  vallée  de  Bébron  qui, autrefois,  avait  été  l'asile 
d'une  troupe  de  faux-monnayeurs. 

Dès  la  première  nuit  de  son  arrivée  en  ce  pays,  Jésus-Christ 
apparut  en  songe  à  Domitien.  Il  lui  assura  que  des  disciples 
nombreux  viendraient  se  ranger  autour  de  lui ,  et  il  lui  demanda 
de  bâtir  une  hôtellerie  pour  les  voyageurs  pauvres.  Ayant 
connu,  ainsi,  la  volonté  de  Dieu,  Domitien  se  mit  à  l'œuvre. 
Il  construisit  tout  d'abord  deux  oratoires,  l'un  en  Thonneur 
de  la  Bienheureuse  Mère  de  Dieu  ;  l'autre  sous  le  vocable  de 
saint  Christophe.  Puis,  il  songea  au  défrichement  des  bois 
d'alentour  et  à  la  culture  des  terres. 

L'esprit  de  pénitence  de  Domitien  était  très  grand.  Il  était 
arrivé  à  ne  prendre  de  la  nourriture  qu'une  fois  la  semaine. 
Souvent,  il  s'enfonçait  dans  le  désert  pour  échapper  aux  foules 
attirées  vers  lui  par  les  guérisons  nombreuses  qu'il  opérait. 
Ses  compagnons  se  plaignirent  même  bientôt  de  rester  ainsi 
sans  direction,  et  de  voir  le  saint  s'anémier  faute  de  nourriture. 
Domitien  se  rendit  à  leurs  remontrances.  Il  consentit  à  rester 
continuellement  avec  eux,  et  à  prendre  tous  les  jours  un  peu 
d'aliments. 


SAlNT-ltAMBKRT-DE-JOUX  S I 

Alors,  aussi,  Domitien  voulut  répondre  à  la  demande  de 
Notre-Seigneur.  Il  se  mit  donc,  avec  ses  compagnons  et  des 
aides  maçons,  à  construire  une  hôtellerie  pour  les  voyageurs 
pauvres. 

Mais  pendant  que  s'élevaient  les  murs  de  l'édifice,  une 
famine  vint  affliger  la  contrée.  Bientôt  les  ouvriers  man- 
quèrent de  pain.  Domitien  les  laissa  à  leur  travail  et  vint  au 
village  de  Torcieu.  Il  y  arriva  au  lendemain  de  la  cuisson 
du  pain.  Or,  comme  il  considérait  le  brasier,  il  aperçut  un 
pain  magnifique  qui  y  était  encore.  Il  le  prit,  le  montra  à 
tous  les  habitants  de  la  petite  ville,  de  peur  que  quelqu'un 
d'entre  eux  ne  l'eût  oublié.  Mais  comme  il  ne  fut  réclamé 
par  personne,  Domitien  le  porta  à  ses  frères  et  à  ses  ouvriers. 
Le  pain  dura  cinq  jours.  Et  de  nouveau  la  faim  se  fit  sentir. 
Domitien  remonta  donc  à  âne,  et  de  nouveau  alla  chercher 
des  vivres. 

Or,  dans  le  pays  où  vint  Domitien,  se  trouvait  un  homme 
riche  et  noble  du  nom  de  Latinus.  Cet  homme  puissant  avait 
même  voulu  que  la  terre  qu'il  habitait  portât  son  nom,  d'où 
Latiniacus,  et  plus  tard  Lagnieu  (i).  Sa  femme  qui  se  nommait 
Syagria  était  chrétienne,  mais  lui  était  arien.  Domitien  leur 
fit  part  des  besoins  de  sa  communauté.  Immédiatement 
s'engagea  une  longue  controverse  entre  Latinus  et  le  servi- 
teur de  Dieu.  A  la  fin,  Latinus  congédia  Domitien.  Alors  le 
saint  s'écria  :  «  Si  j'ai  dit  la  vérité,  que  les  deux  temples  païens, 
qui  sont  là-bas,  s'écroulent.  »  Au  même  moment  éclata  un 
orage  épouvantable,  et  les  temples  de  Saturne  et  de  Jupiter 
furent  abattus  et  ruinés  par  le  feu  du  ciel.  Converti  par  ce 
prodige,  Latinus  fit  des  dons  magnifiques  à  Domitien.  En 
particulier,  il  lui  donna  une  terre  située  à  Arandaz,  et  un 
vignoble  situé  à  Vaux,  vers  45o.  Domitien  revint  immédia- 
tement en  son  désert. 

(i)  C'est  à  ce  noble  personnage,  dit-on.  que  U  Tille  de  Lagnieu  doit  son  nom. 


^2  CHAPtTRÈ   IV 

La  renommée  du  saint  s'ébruita  bientôt,  de  plus  en  plus. 
Plusieurs  nobles  personnages  vinrent  lui  demander  l'habit 
religieux.  Plus  tard,  il  abandonna  la  direction  du  monastère 
à  son  disciple  Jean.  Quand  il  vit  arriver  sa  dernière  heure, 
il  fit  réunir  tous  les  religieux,  déjà  au  nombre  de  vingt-cinq. 
Il  les  embrassa  tous,  remit  son  âme  entre  les  mains  de  Dieu 
et  expira.  Immédiatement,  une  odeur  suave  s'exhala  de  son 
corps  et  cette  odeur  guérit  un  des  religieux  malade  d'une 
fièvre.  Bientôt  aussi,  les  miracles  se  multiplièrent  au  tom- 
beau de  saint  Domitien  :  les  aveugles  y  recouvraient  la  vue, 
les  boiteux  la  marche,  les  possédés  la  tranquillité  (i). 


I  n 

L'ABBAYE    DE    SAINT    DOMITIEN 

Les  œuvres  de  Dieu,  celles  qu'il  bénit  et  auxquelles  il 
promet  une  longue  et  brillante  durée,  naissent  dans  la  pau- 
vreté et  l'épreuve,  vivent  et  se  développent  dans  la  tribulation, 
et  n'exercent,  autour  d'elles,  leur  bienfaisante  influence  que 
par  la  puissance  de  la  Croix,  sur  laquelle  elles  sont  comme 
clouées.  Le  grand  œuvre  de  la  Rédemption  du  genre 
humain  par  le  Fils  de  Dieu,  n'a-t-il  pas  eu  pour  berceau  la 
pauvre  crèche  de  Bethléem,  et  à  travers  les  ignominies  de  la 
Passion,  la  croix  du  Calvaire  pour  trône  de  triomphe  ? 

Telle  fut  l'œuvre  de  saint  Domitien,  d'après  notre  légende, 
humble,  précaire  dès  le  début.  Mais  Dieu  veillait  sur  le  saint 
anachorète  et  sur  ses  travaux;  et  comme  Dieu  ne  laisse 
jamais  sans  récompense  la  moindre  action  faite  pour  lui,  il 
récompensa  l'austère  vertu  de  son  serviteur,  par  le  don  des 
miracles  et  la  puissance  de  persuader  et  de  changer  les 
cœurs. 

* 

(i)  Domitien»^  accablé  parles  ans,  mourut  plein  démérites,  le  i*'  juillet  440,  à  TAge 
de  93  ans. 


SAIN  T-R  AMBERT-DE-JOUX  5  3 

Nous  savons,  en  effet,  par  le  texte  de  la  légende  de  saint 
Domitien,  que  ce  saint  religieux  convenit  à  la  foi  catholique 
le  schismatique  Latinus.  Le  fruit  de  cette  conversion  fut 
un  dévouement  absolu  du  noble  personnage  aux  œuvres  du 
saint  Abbé.  Latinus  devint  le  protecteur  de  l'abbaye  de 
Domitien,  prit  en  pitié  son  état  de  dénûment,  et  sur  les 
instances  de  son  humble  Prieur,  lui  fit  de  riches  donations. 
Or,  ces  donations  devinrent,  croyons-nous,  le  noyau  des  terres 
que  l'abbaye  de  Saint-Rambert-de-Joux  posséda,  plus  tard, 
autour  du  couvent. 

Du  reste,  Domitien,  après  avoir  distribué  soq  patrimoine 
aux  pauvres,  en  quittant  le  monde  pour  la  solitude  eut,  sans 
doute,  la  prudence  de  se  réserver  quelques  ressources,  pour 
la  réalisation  de  ses  projets  pieux. 

Ces  modestes  ressources,  grossies  des  largesses  de  son 
généreux  bienfaiteur,  lui  servirent,  en  effet,  à  achever  les 
constfuctions  qu'une  malencontreuse  famine  lui  avait  fait 
interrompre  (i). 

Dès  lors,  le  nouveau  monument  prit  le  nom  d'Abbaye  de 
Bébron  (2),  du  nom  du  torrent  sur  les  bords  duquel  il 
s'élevait.  L'abbaye  nouvelle  devint  bientôt  un  centre  autour 
duquel  se  groupèrent  quelques  maisons,  à  l'instar  de  celles 
qui,  tout  près  de  là,  sur  les  deux  rives  de  l'Albarine, 
formaient  déjà  une  agglomération  importante,  et  portaient 
depuis  quatre  cents  ans  le  nom  de  «  bourg  »  (3). 

Ce  bourg  primitif,  dont  l'origine  fort  ancienne  nous  est 
inconnue,  mais  dont  l'accroissement  est  cenainement  dû  au 


(i)  C'ctt  ainsi  qu'il  put  bitir  sur  la  route  une  église  assez  Taste  «  nom  ita  modUum  »  que 
Ton  peut  prendre,  dit  M.  H.  Leyiiakic,  pour  l'ébauche  de  l'église  paroissiale  actuelle  :  jeter 
les  fondements  d'un  oratoire  à  Axancia,  dans  la  Valbonne  ;  acheter  plus  tard  un  vaste 
territoire  dans  la  vallée  de  Bébron,  y  élevé/  plusieurs  édifices  coûteux,  et  faire  face  aux 
dépenses  peu  ordinaires  d'un  grand  nombre  d'ouvriers  occupés,  pendant  de  longs  jours,  à 
de  multiples  travaux.  ^ 

(a)  Bebronensiê  locellus.  Voir  les  pièces  justificatives  n*  3. 

(3)  àionasierium  eum  kurgo  udjacenti,  Ibid.  n*  3, 


54  CHAPITRE  rv 

voisinage  de  i'abbaye,  fut  le  berceau  de  la  cité  actuelle  de 
Saint-Rambert-de-Joux. 

S'il  est  vrai  que  les  commencements  de  l'œuvre  de  Domi- 
tien  furent  précaires  et  durs,  il  est  vrai  aussi  que,  dans  la 
suite,  l'aisance  et  même  la  richesse  succédèrent  à  l'état  de 
gêne. 

Les  dons  généreux  de  Latinus  avaient  inspiré,  à  la  piété  et 
à  la  reconnaissance,  d'autres  dons.  Les  seigneurs  voisins 
ayant,  les  uns,  à  se  faire  pardonner  quelques  actes  de  brigan- 
dage ;  les  autres,  à  témoigner  leur  reconnaissance  aux  abbés 
du  monastère  pour  de  nombreux  services  de  religion  ou 
de  médiation,  comblèrent  ces  derniers  de  leurs  libéralités. 
On  comprend,  dès  lors,  combien  il  fut  facile  à  l'abbaye  de 
Saint-Rambert-de-Joux  de  sortir  de  sa  situation  modeste, 
pour  devenir  riche  et  puissante. 

Longtemps  indépendante  de  toute  suprématie  temporelle, 
elle  posséda  des  domaines  jusqu'en  Savoie  et  se  trouva,  au 
xii'  siècle^  un  des  petits  états  les  plus  riches  du  Bugey.  Une 
Bulle  du  Pape  Célestin  III,  datée  de  1 191,011  sont  énumérés 
ses  bénéfices,  nous  apprend  qu'à  cette  époque,  l'étendue  de 
ses  biens  était  plus  considérable  que  tout  le  canton   actuel. 

Pendant  la  néfaste  période  qui  vit,  sous  Charles  Martel  (i), 
les  Arabes  ou  Sarrazins,  et  sous  Charlemagne  (2),  les  Saxons, 
les  Avares  ravager  plusieurs  fois  la  région  lyonnaise,  le 
Bugey,  qui  en  faisait  partie,  dut  probablement  souffrir  du 
passage  de  ces  peuples  barbares  (3)  ;  car  les  soldats  dont  était 
composée  l'armée  d'Abdérame,  aussi  bien  que  ceux  des  troupes 
entraînées  par  Witikind,  n'étaient  ni  plus  ni  moins  que  des 
hommes  cruels  et  sauvages,  vivant  de  rapines  et  s'abreuvant 
de  s^ng. 

(i)  Au  viii*  siècle. 

(3)  Au  IX*  siècle. 

(3)  L'abbaye  de  Nantua  fut,  dit-on,  ravagée  par  les  Sarrazins. 


s  AINT-RAMBERT-DE-JOUX  D  ^ 

Aussi  bien,  peut-on  craindre  que  la  vallée  de  TAlbarine, 
qui  de  tout  temps  fut  la  voie  naturellement  ouverte  aux  flots 
des  invasions  barbares  ne  soit  devenue,  à  certaines  périodes, 
un  champ  de  dévastation. 

Mais  l'abbaye  elle-même  eut-elle  beaucoup  à  souffrir  alors, 
c'est  ce  que  nous  n'avons  pas  pu  constater. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain  cependant,  c'est  qu'au  xi*  siècle  elle 
était  florissante,  souveraine  même,  à  côté  de  plusieurs  chefs 
ou  gouverneurs  de  cantons  ses  voisins,  qui,  profitant  de  l'éloi- 
gnement  de  leurs  nouveaux  seigneurs  suzerains,  les  Empereurs 
d'Allemagne,  et  de  l'impuissance  où  ces  derniers  étaient  de 
soutenir  leurs  droits,  se  firent  usurpateurs  (i). 

Toutefois,  cette  abbaye  qui  s  était  protégée  elle-même 
pendant  près  de  huit  siècles  ne  sut  ou  ne  put  pas  garder  sa 
souveraineté.  Que  se  passa-t-il  alors  ?  —  Nous  l'ignorons.  — 
Ce  qui  nous  est  connu,  par  un  acte  authentique  de  1196, 
c'est  que  labbé  de  Saint-Rambert  fait,  à  cette  époque,  à 
Thomas,  comte  de  Savoie,  la  cession  du  château  de  Cornillon 
avec  celle  de  certains  droits,  de  certaines  redevances,  de 
certains  fiefs.  II  s'engage  envers  le  comte  et  ses  successeurs  à 
Taider,  avec  ses  hommes,,  dans  la  défense  du  château, 
à  condition  que  celui-ci  et  ses  successeurs  défendraient  à 
l'avenir,  en  toute  circonstance,  l'abbaye  et  ses  dépendances. 

Et  voilà  comment  les  comtes  de  Savoie  devinrent  les 
hommes  liges  des  abbés  de  Saint-Rambert,  pour  le  mince 
domaine  que  ce.ux-ci  leur  avaient  cédé. 

Mais,  cet  état  de  dépendance  et  de  vassalité  ne  durera 
pas  longtemps.  Les  comtes  de  Savoie,  maîtres  du  donjon  de 
Cornillon  (en  Bugey),  vont  s'en  servir  comme  d'une  forteresse, 
d'où,  retranchés,  ils  pourront  se  défendre  contre  leurs  voisins; 
et  comme  d'un  centre,  où  iront  se  réunir  toutes  les  terres  du 
voisinage. 

(1)  Rodolphe  le  Fainéant  avait  cédé  aux  empereart  d'Allemagne  Toccident  du  Jura,  vert 
le  commencement  du  xr  siècle. 


56  CHAPITRE   IV 

En  effet,  quelques  années  suffirent  à  l*ambitieuse  maison 
de  Savoie  pour  devenir  maîtresse  de  tous  les  biens  de  l'abbaye^ 
situés  autour  de  Saint-Rambert.  Et  l'abbaye,  impuissante  au 
xii"  siècle  à  garder  sa  propre  citadelle,  à  se  défendre  contre 
des  pillards  ou  contre  de  pauvres  feudataires,  le  fut  bien 
davantage  plus  tard,  contre  la  volonté  sans  réplique,  d'une 
famille  de  princes  ambitieux. 

Devant  les  moyens  puissants  que  ceux-ci  employèrent 
pour  s'enrichir  aux  dépens  de  faibles  moines,  TAbbé  dut,  de 
nouveau,  céder  et  s'humilier. 

Comment  les  religieux  de  Saint-Rambert  se  dessaisirent- 
ils  de  leurs  terres,  les  vendirent-ils  bénévolement  aux  comtes, 
ou  bien,  ces  derniers  parvinrent-ils  à  s'en  rendre  maîtres  en 
employant  la  ruse  et  la  terreur  ?  C'est  ce  que  l'histoire  ne 
nous  dit  pas. 

Tout  ce  que  nous  savons,  c'est  qu'à  cette  époque,  les 
limites  des  possessions  abbatiales  se  resserrent,  les  titres 
sont  ravis  à  l'Abbé  qui  se  trouve,  à  la  fin,  fort  heureux  de 
conserver  sous  les  murs  de  sa  basilique  chancelante,  quelques 
arpents  de  terre,  dont  le  rapport  lui  aide  à  nourrir  ses 
prébendiers. 

Cette  cession  de  leurs  domaines  à  des  seigneurs  plus 
puissants  qu'eux,  aux  ducs  de  Savoie,  assurait,  il  est  vrai, 
aux  religieux  une  protection  qu'ils  ne  trouvaient  plus  dans 
leurs  propres  forces,  à  une  époque  où  la  chevalerie  maîtresse 
du  pays,  avait  détruit  l'équilibre  en  sacrifiant  son  indépen- 
dance. 

Mais  alors,  si  leur  personne  et  leur  monastère  se  trouvaient, 
par  cette  combinaison,  désormais  à  l'abri  de  toute  injuste 
violation,  le  crédit  et  la  puissance  leur  échappaient. 

Privés  d'une  grande  partie  de  leurs  anciens  domaines,  et 
par  conséquent  des  droits  qu'ils  avaient  d'abord  sur  Oncieu, 
Argis,  Tenay,  Arandas,  Cleyzîeu,  Torcieu  et  Saint-Rambert, 
les  Abbés  du  monastère  des  bords  du  Bébron  n'étaient  plus, 


SAINT-RAMBERT-DE-JOUX  0~ 

au  XV'  siècle,  que  de  petits  seigneurs.  Ils  nommaient 
encore,  il  est  vrai,  à  cette  époque,  aux  cures  des  paroisses  que 
nous  venons  de  citer,  mais  ils  n'étaient  plus  propriétaires  du 
sol,  que  pour  de  minimes  proportions. 

Au  commencement  du  xvi'  siècle  l'abbaye  fut  mise  en 
commende.  Cette  transformation  dans  sa  vie  lui  porta  un 
coup  fatal,  et  fut  le  commencement  de  sa  décadence  (i). 

Un  siècle  plus  tard,  les  religieux  n'habitaient  plus  qu'un 
pauvre  monastère,  oli  la  misère  avait  fait  place  à  l'abondance 
et  à  la  richesse. 

Et  quand,  en  lygS,  les  Ordres  religieux  furent  supprimés, 
l'abbaye  ne  comptait  plus  que  six  mansionnaires  menant 
une  vie  simple,  sans  luxe,  et  un  Abbé  commendatatre  que 
son  bénéfice  ne  devait  intéresser  que  médiocrement,  puisqu'on 
ne  le  vit  peut-être  jamais  rendre  visite  à  ses  six  pauvres 
subordonnés. 

Qu'était  devenu  le  monument  même  de  l'abbaye,  au  milieu 
des  transformations  plus  ou  moins  heureuses  dont  chaque 
siècle  avait  été  témoin  ?  Mais  surtout  qu'était-il  resté  de  son 
ancienne  splendeur,  après  les  longs  jours  de  gêne  et  de 
pauvreté  ?  —  Des  ruines. 

En  effet,  mutilé  par  le  marteau  révolutionnaire,  il  fut 
partagé  en  différents  lots  et  vendu,  comme  bien  national^  avec 
toutes  ses  dépendances,  terres,  jardins,  etc.  ;  et  chaque 
propriétaire  de  lots  cherchant,  avant  tout,  ses  avantages  et 
ses  aises,  ne  se  fit  aucun  scrupule  de  démolir  les  bâtiments 
qui  le  gênaient,  pour  se  créer  une  demeure  à  son  gré. 

La  maison  conventuelle,  les  cloîtres,  l'église  et  la  demeure 
de  l'Abbé  furent  aussi  démolis,  et  leurs  décombres  dispersés 
pour  faire  place  à  un  parterre. 

(1)  Une  ptïi.« 
fngmcnli  rclitivt 


58  CHAPITRE.  IV 

Une  partie  des  constructions,  celles  qui  étaient  situées 
près  de  l'entrée  du  sud,  et  plus  loin,  au  nord,  la  maison  du 
Prieur  furent  cependant  conservées.  Mais  tous  ces  restes 
épars  d'un  monument  qui,  pendant  de  longs  siècles,  eut  une 
célébrité,  sont  tellement  méconnaissables  qu'il  serait 
impossible  d'y  retrouver  les  éléments  d'une  restauration 
complète. 

Cependant,  pour  intéresser  le  lecteur,  nous  allons  mettre 
sous  ses  yeux  les  pages  curieuses  que  M.  H.  Leymarie 
consacre  à  faire,  d'après  les  restes  que  l'on  trouvait  il  y  a 
cinquante  ans,  la  description  approximative  de  l'important 
monument  qui  fut  Jadis  l'abbaye  de  Saint-Domitien  : 

«  Les  bâtiments  de  cette  antique  et  illustre  abbaye  s'éten- 
daient, sur  un  plateau  exposé  au  levant  et  au  sud,  à  loo 
mètres  environ  du  torrent  de  Bébron  ou  Brévon,  et  sur  sa  rive 
droite.  Leur  élévation,  au-dessus  de  son  niveau,  était  à  peu 
près  de  5o  mètres,  et  leur  distance  de  l'Albarine  d'un  peu  plus 
de  200  mètres.  Abrités,  au  couchant,  par  les  hautes  crêtes 
d'Angrière  et,  au  nord,  par  le  contrefort  de  Mont-Joux,  dont 
le  ruisseau  de  la  Fondrière  les  séparait,  ils  occupaient  le  seul 
emplacement  à  la  fois  praticable,  chaud,  fertile  et  à  Tabri  des 
inondations,  qu'il  y  ail  dans  le  voisinage  de  Saint-Rambert. 

«  Les  particuliers  devenus  acquéreurs,  à  la  suite  de  la 
Révolution,  ayant  démoli  le  couvent,  sauf  un  fragment  vers 
l'entrée  et  la  maison  du  Prieur,  tous  deux  relativement 
modernes  et  encore  dénaturés  depuis  (1),  on  ne  pourrait  se 
faire  maintenant  qu'une  idée  très  fausse  de  l'ancien  aspect 
du  monastère.  Il  est  bon  de  savoir  que  le  long  espace 
compris  entre  l'entrée  et  la  maison  du  grand  Prieur  était 
occupé,  du  nord  au  sud,  par  une  ligne  de  bâtiments  :  c'était 
le  logement  des  religieux  proprement  dits.  Depuis  la  même 
entrée,  une   seconde   ligne   de   constructions  s*étendait   de 

(i)  M.  H.  Lkymarie  écrivait  ces  lignes  vers  l'année  1843. 


SAINT-RAMBERT-DE-JOUX  bo 

Touest  à  l'est,  et  faisait  un  angle  droit  avec  les  précédentes  : 
c'était  le  petit  prieuré  et  le  palais  abbatial.  D'un  autre  côté, 
à  la  suite  de  la  maison  du  Prieur,  existaient  quelques  maisons 
destinées  aux  dignitaires,  puis,  de  Textrémité  de  celles-ci, 
jusqu'au  palais  abbatial,  partait  en  équerre  un  mur,  au  centre 
duquel  aboutissait  perpendiculairement  l'église.  Ce  monument 
occupait  donc  à  peu  près  le  centre  d'un  carré  presque  régulier. 
Le  reste  de  la  superficie  était  partagé  en  cours,  hangars  et 
jardinets. 

«  En  dehors  du  couvent,  du  côté  du  sud,  une  petite  chapelle 
dédiée  à  saint  Roch,  s'élevait  sur  un  monticule  ;  tout  auprès 
était  le  cimetière  de  l'abbaye.  Une  charte  de  1226,  citée  par 
Collet,  nous  apprend  que  les  corps  des  habitants  de  Saint- 
Rambert-de-Joux,  décédés  après  Tâge  de  sept  ans,  étaient 
enterrés  dans  ce  cimetière,  et  que  les  droits  de  sépulture,  les 
chandeliers  ou  cierges,  et  les  vêtements  précieux  des  défunts, 
appartenaient  aux  moines.  II  est  probable  que  les  enfants 
étaient  enterrés  autour  de  l'église  paroissiale,  dans  le  cimetière 
qui  Temourait. 

«  Il  ne  paraît  pas  que  les  constructions  de  notre  abbaye 
méritent  de  grands  regrets  de  la  part  des  artistes  ni  des 
antiquaires.  On  n'a  trouvé  dans  leurs  débris  rien  d'orné, 
rien  de  monumental,  rien  même  d'ancien  ;  car  nous  ne  pou- 
vons employer  ce  mot  pour  de  pauvres  moulures  du  xv*  ou 
du  xvi^  siècle,  dont  les  portes  et  les  fenêtres  étaient  entourées, 
pour  de  mesquins  écussonsdont  la  date  la  plus  reculée  serait 
de  1480  ;  enfin,  pour  de  longues  murailles  presque  récentes, 
froides,  lisses,  monotones  et  qui  allaient  tomber  d'elles- 
mêmes,  lorsque  le  marteau  du  maçon  les  jeta  sur  le  sol. 

«  Il  n'en  est  malheureusement  pas  ainsi  de  l'église,  intéres- 
sante par  son  ancienneté,  sinon  par  son  élégance  et  ses  vastes 
dimensions.  Elle  devait  ajouter  à  l'agrément  du  paysage,  et 
comblerait  aujourd'hui  une  lacune  fâcheuse  parmi  les  rares 
monuments  religieux  du  Bugey.  Elle  fut  démolie  en  1793, 


6o  CHAPITRE    IV 

et  certes,  on  ae  s'attendait  pas  à  en  voir  reparaître  une 
portion  remarquable,  lorsqu'un  éboulement,  arrivé  en  i838, 
au  milieu  d'un  parterre,  à  la  place  qu'avait  occupée  le  chœur, 
fit  supposer  que  la  crypte  existait  toujours  (Fie.  6).  L'abside 
centrale  de  cette 
crypte  et  les  arra- 
chements de  ses 
absides  latérales  se 
voyaient  toujours, 
il  est  vrai,  au  bord 
d'un  chemin  oii 
elles  servaient  de 
contreforts  au  jar- 
din supérieur,mais 
on  croyait  l'inté- 
rieur anéanti;  et, 
le  parement  défi- 
guré par  des  répara- 
tions maladroites, 
n'attirait  nullement 
les  regards. 
ria.  6  «  Les  déblais  ter- 

minés, on  procéda 
à  une  restauration 
complète.  Lesmurs 
étaient  intacts  ;  les  jours  bouchés  furent  ouverts  ;  la 
suppression  de  l'escalier  communiquant  avec  l'église  né- 
cessita une  porte  dans  le  milieu  de  la  convexité  de  l'abside 
centrale.  Les  colonnes  gisaient  renversées,  mais  les  frag- 
ments en  place  et  la  forme  des  voûtes,  indiquèrent  leur 
position.  Enfin,  les  amorces  des  voûtes  dirigèrent  le  rétablis- 
sement de  leur  appareil  compliqué.  Au-dessus  de  la  crypte, 
on  éleva  un  pavillon  qui  montre,  au  loin,  l'emplacement  du 
chevet  de  l'ancienne  église;  on  y  utilisa  quelques  chapiteaux 


VUE   EXTÉRIEURE 

DE  LA  CRYPTE  DE   L'ANCIENNE  ABBAYE 

DE  SAINT-RAM  BERT-KN -BUG  e Y 


SAINT-RAMBERT-DE-JOUX 


assez  curieux,  trouvés,  à  différentes  époques,  en  fouillant  le 
sol  (FiG.  7).  Une  portion  du  soubassement  des  murs  du  chœur 
existe  encore.  Il  avait  été  décoré,  à  deux  reprises,  de  peintures 
à  fresque  :  la  plus  ancienne,  à  fond  blanc,  était  composée  de 


02  CHAPITRE    IV 

guirlandes  de  fleurs  et  d'ornements,  dans  le  goût  du  xy''  siècle  ; 
la  seconde,  appliquée  sur  celle-ci,  n'offrait  qu'un  misérable 
badigeon  jaunâtre,  accompagné,  en  guise  de  bordures,  de 
draperies  rouges  à  franges  jaunes,  avec  de  gros  nœuds  de 
distance  en  distance.  Pour  la  crypte,  placée  depuis  sa  restau- 
ration sous  le  vocable  de  saint  Domitien,  nous  la  décrirons 
en  peu  de  mots  : 

«  Elle  se  compose  de  trois  absides  en  partie  souterraines, 
dont  celle  du  centre  a  le  plus  grand  diamètre.  Celle  du  sud 
n'a  pas  été  entièrement  déblayée.  Toutes  sont  ornées,  dans 
leur  circonférence  intérieure,  d'arcatures  simulées  sans  orne- 
ments, sauf  ceux  que  nous  indiquerons  plus  loin.  Leurs 
archivoltes  et  les  consoles  ou  colonnes  engagées  qui  les 
supportent,  sont  en  moellons  de  petit  appareil,  comme  le 
reste  des  murs  (Fig.  7). 

«  Trois  fenêtres  à  plein  cintre,  nous  devrions  dire  trois 
meurtrières,  éclairaient  la  crypte  centrale;  Tune  d'elles  a  été 
remplacée  par  la  nouvelle  porte;  deux  donnent  du  jour  dans 
les  hémicycles  latéraux.  Quatre  colonnes  placées  en  carré,  dans 
l'abside  centrale,  et  deux  seulement  disposées  parallèlement 
au  grand  axe  de  l'église,  dans  les  absides  latérales,  supportaient 
les  retombées  des  voûtes  (Fig.  7).  Celles-ci,  grossièrement 
uniformes  et  d'une  très  petite  portée,  sont  d'arêtes,  à  plein 
cintre,  avec  arcs-doubleaux.  En  raison  du  poids  minime 
qu'elles  supportent,  les  colonnes  sont  d'une  pierre  blanche, 
tendre,  tirée  sans  doute  d'Evosge  ou  de  Lacoux.  Il  serait 
difficile  de  trouver  quelque  chose  de  plus  barbare  et  de  plus 
désagréable  que  la  forme  des  colonnes.  Leurs  fûts  sans  bases, 
quelquefois  d'une  seule  pièce,  sont  en  fuseaux  très  renflés.  Les 
chapiteaux  ne  sont  que  des  pyramides  tronquées,  renversées 
et  chanfreinées  aux  arêtes  verticales  (Fig.  9).  L'autel  placé 
aujourd'hui  à  l'occident,  contre  le  mur  du  fond,  était  adossé 
à  la  portion  circulaire  de  la  maîtresse  abside  ;  sa  face,  d*une 


-i 

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64  CHAPITRF    IV 

grande  pierre  commune,  n'a  qu'une  moulure  très  simple 
autour  d'un  champ  légèrement  enfoncé  ;  un  charnier  a  été 


ABSIDE   SBPTEKTRIOHALB    DE    LA   CRYPTE    DE    L  ANCIENNE    ABBAVE 
DB  SAINT-RAM  BKBT-EN-Bur,E  Y 

trouvé  au  devant.  Deux  portes  s'ouvrent  à  droite  et  à 
gauche  dans  les  absides  secondaires;  le  linteau  de  celle  qui 
conduit  au  nord,  porte  un  grand  lobe  sculpté  en  creux,  et 


semble  appaneoir  à  une  aDcicnoe  restauraiioD.  La  chapelle 
qui  vient  à  la  suite,  renfermait  un  petit  escalier  communiquant 
avec  l'élise  supérieure.  Les  sculptures  qu'on  y  voit  sont  les 


seules  de  toute  l'abbaye,  qui  restent  encore  sur  place.  Ce  sont, 
une  main  et  une  tête  de  taureau  grossièrement  sculptées  sur  des 


66  Chapitre  iv 

consoles,  à  1^  naissance  de  la  voûte.  Par  malheur,  la  barbarie 
n'a  pas  d'époque.  La  leur,  qui  est  extrême,  ferait  supposer 
qu'elles  sont  l'œuvre  d'un  enfant,  et  il  est  impossible  de  s'en 
servir  comme  d'un  point  de  départ,  pour  fixer  l'âge  du 
monument  (Fig.  ii). 


CHAPITEAUX    DE    L  ABSIDE   SEPTENTHIOHALE 

«  Nous  ne  pouvons  pas,  non  plus,  asseoir  une  supposition 
sur  l'examen  seul  de  l'appareil,  qui  est  ici  de  moellons  très 
réguliers  et  très  petits,  car  la  facilité  de  se  procurer,  dans  les 
environs,  des  pierres  d'un  volume  égal,  a  dû  favoriser  singu- 
lièrement le  parallélisme  des  assises.  Toutefois,  nous  serons 
amenés  à  une  date  approximative,  soit  par  l'examen  des 
caractères  négatifs  plutôt  que  positifs  de  notre  monument, 
soit  par  le  style  ancien  des  chapiteaux  qu'on  a  trouvés  épars 
autour  de  lui,  soit  enfin  par  la  certitude  que  l'église  supérieure 
en  certaines  positions,  était  l'œuvre  du  xi"  et  du  xn"  siècle. 
Nous  croyons  donc  qu'on  peut  assigner  le  vi*  siècle  aux 
cryptes  que  nous  venons  de  décrire.  Nous  ne  connaissons 
rien  d'antérieur  dans  le  pays. 

«  L'abside  abbatiale  occupait  le  dessus  de  ces  trois  cryptes 


SAINT-RAMBERT-DE-JOUX  67 

et  s'étendait  bien  au-delà  du  côté  du  couchant.  C'était  une 
basilique  de  dimensions  moyennes,  sans  transept  ni  chapelles 
latérales.  Enterrée  par  les  élévations  successives  du  sol  voisin. 


comme  celle  de  tous  les  monuments,  son  entrée  était  précédée 
d'un  porche  eu  bois,  auquel  on  descendait  par  quatre  ou  cinq 
marches.  Si  les  anciens  du  lieu  ne  se  trompent  pas,  car 
c'est  d'après  leurs  souvenirs  que  nous  réédifions,  la  porte 


68  CHAPITRE    IV 

était  à  plein  cintre,  supportée  par  des  colonnes  et  accotée 
de  deux  statues  (Fig.  12  et  i3).  Celles-ci  qui  existent  encore 
dans  te  coin  d'une  cour,  sous  le  nom  de  saint  Domitien  et 
de  saint  Rambert  (i),  mais  mutilées  et  méconnaissables, 
appartiennent  au  commencement  du  xiii"  siècle,  et  sont 
d'un  bon  style. 

«  Au-dessus  de  la  porte  régnait,  dans  toute  la  largeur  de  la 
façade,  un  bas-relief  en  forme  de  frise  qui  représentait,  selon 
les  uns,  la  Fassion,  selon  d'autres,  le  Massacre  des  Innocents. 
Il  n'en  reste  pas  le  moindre  vestige.  La  façade  se  terminait 
par  un  gable  ou  pignon  très  simple.  Le  clocher,  placé  sur  le 
chœur,  s'élevait  à  une  hauteur  considérable,  il  était  carré, 
surmonté  d'une  pyramide  à 
quatre  pans  en  pierres;  ses 
fenêtres  étaient  à  plein  cintre, 
et  ornées  de  chapiteaux.  De 
là,    ou  de   l'entrée,  viennent 
Fie.  14  "c-  is  probablement  ceux  que  nous 

CHAPITEAUX  DE  i/jiBBAVE  trouvous  épars  dans  les  envi- 
rons (Fig,  14, 1  b).  Ils  sont  très 
variés,  très  originaux  et  d'un  style  ancien  ;  un  lion  est  sculpté 
sur  l'un  d'eux.  Le  plan  de  l'église  de  l'abbaye  était  basilical, 
c'est-à-dire  qu'elle  n'avait  pas  la  forme  d'une  croix,  mais  celle 
d'un  carré  long,  divisé  en  trois  nefs  par  des  piliers.  Elle  n'avait 
pas  de  chapelles  sur  les  côtés,  mais  se  terminait  à  l'orient  par 
trois  absides,  dont  celle  du  milieu  était  la  plus  grande.  Celle 
du  nord  renfermait  l'autel  dédié  à  saint  Clair  ;  celle  du  sud  était 
la  chapelle  de  Notre-Dame  des  Sept-Douleurs.  Les  fenêtres 
du  chœur  avaient  quelques  vitraux  peints.  La  châsse  de  saint 
Rambert  était  placée  derrière  le  grand  autel.  Par  devant,  le 
chœur  s'étendait  presque  jusqu'au  milieu  de  l'église,  dont  il 
était  isolé  par  une  tribune  et  des  boiseries,  et  son  entrée  était 


SAIXT-RAMBERT-DE-JOUX  69 

surmontée  d'une  voûte  en  ogive,  sous  laquelle  on  voyait  un 
calvaire.  Les  riches  stalles  de  cette  enceinte  résen'ée  étaient 
dues  au  ciseau  spirituel  et  délicat  du  xv'  siècle.  Leurs  armoi- 
ries d*or  à  la  bande  de  gueules,  à  six  coquilles  de  même, 
mises  en  orbe,  nous  apprennent  qu'on  les  devait  à  Louis  et 
à  Georges  de  MareschaU  qui  furent  abbés  de  Saint- Rambert, 
de  1439  à  i48i,et  un  peu  au-delà 

«  On  a  trouvé,  parmi  les  ruines  du  couvent,  les  mêmes 
armoiries  sculptées  sur  pierre,  soit  dans  de  grands  cartouches 
ou  alvéoles,  soit  sur  des  clefs  de  voûte,  et  toujours  avec  la 
crosse  abbatiale  en  pal  derrière  l'écu  ;  ce  quf  indique  que 
messire  de  Mareschal  restaura  plusieurs  portions  de  Téglise 
ou  des  bâtiments  contigus.  Mais  nous  ne  saurions  dire 
lesquelles,  ces  ornements  ayant  été  déplacés  et  dispersés. 

«  L'abbaye  possédait  encore  un  genre  de  sculpture  qui 
ne  nous  semble  pas  très  commun.  C'est  un  dais  gothique 
en  terre  cuite,  avec  sa  couverture  émaillée  d'un  vert  brillant. 
Il  peut  avoir  appartenu  à  une  chapelle^  à  un  tombeau,  à  un 
bénitier,  etc.  Le  dernier  débris  que  nous  puissions  citer  est 
une  cuve  baptismale  en  pierre  blanche,  octogone  et  d'une 
composition  aussi  gracieuse  qu'originale  (i).  » 


f  m 
LA   VILLE   —   SON   ANCIENNETÉ 

La  petite  ville  qui  depuis  de  longs  siècles  étale  si 
pittoresquement,  le  long  des  bords  étroits  de  TAIbarine  (2), 
ses  gracieuses  maisons  dominées  par  le  roc  hardi  où 
dorment   fièrement    les    ruines    du    chàteau-fort    de    Cor- 


(f  )  Voir  aux  pièces  justificatives  n*  3  bis.  l'inscription  gravée  près  de  la  porte  moderne  de 
l'ancienne  crypte. 

'2)  Albarine«  du  latin  Alba  :  blanche,  et  Ruo  :  couler  avec  fracas.  —  Rivière  aux  eanx 
Manches  et  broyantes,  qui  traverse  la  vallée  et  la  ville  de  Saint-Rambert-en-Bagey.  et  va  se 
jeter  dans  TAio,  après  un  parcours  de  60  kilomètres. 


70  CHAPITRE    IV 

nillon  (i),  avec  sa  vieille  tour  couronnée  d'une  blanche 
Vierge  ;  la  cité  qui,  là-bas,  à  l'endroit  où  la  plaine  d'Am- 
bérieux  (2),  étranglée,  assombrie  entre  deux  hautes  murailles 
de  rocs  tourmentés,  semble  faire  sentinelle  à  l'entrée  des 
c(  Gorges  »  bien  connues  dans  les  annales  des  touristes  : 
c'est  la  cité  de  Saint-Rambert-de-Joux  (3).  On  dit  aussi 
Saint-Rambert-en-Bugey  (4). 

La  vallée  à  l'entrée  de  laquelle  est  située  la  petite  ville 
offre  aux  regards  du  voyageur  qui  l'aborde  pour  la  première 
fois,  un  cachet  de  beauté  si  étrange,  qu'il  ne  peut  s'empêcher 
de  manifester  un  profond  étonnement. 

Quoi  de  plus  étonnant,  en  effet,  que  ces  immenses  rochers 
qui  semblent  enserrer  de  toutes  parts,  contre  leur  large  poi- 
trine de  granit,  l'ancienne  seconde  capitale  du  Bugey  réduite, 
aujourd'hui,  aux  modestes  proportions  d'un  chef-lieu  de 
canton  ?  Les  deux  chaînes  de  montagnes  vont  se  rapprochant 
comme  si  elles  voulaient  se  confondre,  empêcher  aux  blanches 
eaux  de  TAlbarine  de  se  creuser  un  lit,  fermer  hermétiquement 
la  route  au  voyageur,  et  défendre  à  la  voie  ferrée  de  tracer 
son  ruban  sinueux  le  long  de  la  bruyante  rivière. 

Là,  tout  prend  alors  un  caractère  sauvage,  âpre  et  presque 
sinistre.  Les  ombres  noires  et  humides  des  monts,  assombris 
encore  par  le  reflet  des  sapins  qui  les  couvrent,  impriment 
une  imposante  mélancolie  dans  l'âme,  mélancolie  qui  fait 
bientôt  place  à  une  véritable  terreur,  lorsque  emporté  par 
une  fulgurante  locomotive,  à  travers  les  rochers  qui  sur- 


(1)  Le  fameux  château-fort  de  Cornillon,dont  le  donjon,  croit  M  .  Hippolytc  Leymarie, 
fut  rebâti  au  xiii*  siècle  par  les  ducs  de  Savoie,  peu  de  temps  après  la  cession  que  leur  en  fit 
l'Abbaye,  fut  démoli  en  1602,  par  le  maréchal  Biron. 

(2)  Ambérieux-en-Bugey,  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement  de  Belley,  3.427  habitants. 

(3)  Saint-Rambert-de-Joux.  Cette  petite  ville,  chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement  de 
Belley,  compte  4.000  habitants  ;  elle  tire  son  nom  et  du  martyr  saint  Rambert,  son  illustre 
Patron,  et  des  monts  de  Joux  ou  Jura,  au  bas  desquels  elle  fut  bâtie. 

(4)  Bugey,  nom  du  comté  de  l'ancien  gouvernement  de  Bourgogne,  compris  aujourd'hui 
dans  le  département  de  l'Ain,  chef-lieu  Belley. 


SAINT-RAMBERT-DE-JOUX  7 1 

plombent  à  droite  et  à  gauche,  le  voyageur  voit  soudain 
leurs  têtes  se  réunir,  et  leurs  âancs  former  comme  une 
infranchissable  muraille,  contre  laquelle  le  char  de  feu  court 
se  briser. 

La  terreur  cependant  a  été  de  courte  durée,  car  soudain 
aussi,  la  roche  puissante  et  noire  a  ouvert  ses  parois,  et  le 
char  de  feu,  avec  les  mille  vies  qu'il  transporte,  est  sorti  sain 
et  sauf  du  trou  béant,  tout  plein  encore  des  flocons  d*un 
immense  panache  blanc. 

En  remontant  toujours  le  cours  de  TAlbarine,  les  roches 
menaçantes  vont  s'écartant  pour  permettre  à  quelques  ruines 
féodales  de  s'étager.  Puis,  l'horizon  s'élargit  et  devient  plus 
gai,  tandis  que  Tâme  inquiète  retrouve  son  calme... 

Mais  revenons  aux  sites  qui  entourent  Saint-Rambert-de- 
Joux,  car  il  n'entre  pas  dans  notre  plan  de  faire  une  descrip- 
tion de  toute  la  vallée  de  TAlbarine. 

Les  sites  qui  dominent  la  vallée  <c  bugéenne  )>  tout  en 
offrant  à  l'admiration  des  touristes  de  belles  horreurs,  ne 
laissent  pas  que  de  leur  ménager  d'agréables  surprises  à 
chaque  sinuosité  du  lit  de  la  rivière  qui  en  égaie  le  ton. 

En  effet,  le  regard  fatigué  de  la  sinistre  silhouette  des 
cimes  aiguës  peut,  en  s'abaissant,  se  reposer  dans  la  vallée 
sur  un  paysage  calme,  frais  et  essaimé  de  vieilles  maisons, 
au  milieu  de  champs  bien  cultivés.  La  plaine  est  étroite, 
sans  doute,  mais  remplie  de  vie  et  de  mouvement  ;  sillonnée 
de  chemins  bordés  de  haies  d'aubépines;  ombragée  de  grands 
arbres  ;  égayée  par  le  roulis  bruyant  des  lourds  vagons  qui 
courent  rapides,  comme  le  vent,  à  travers  ses  combes  et  ses 
rochers  ;  plantureuse  avec  ses  abondantes  eaux  ;  et  surtout, 
riche  avec  ses  nombreuses  usines,  dont  la  rivière  met  en 
mouvement  les  mille  métiers  à  tisser  la  soie.  Car,  en  sortant 
des  gorges  profondes  où,  tout  à  l'heure  encore,  elle  brisait 
ses  ondes  avec  fracas,  TAlbarine  a  trouvé,  maintenant  à 
l'entrée  de  la  ville,  un  lit  plus  vaste  et  plus  doux,  où  ses 


72  CHAPITRE   IV 

eaux,  captéCwS  au  service  de  l'industrie,  sont  devenues  plus 
calmes. 

11  est  rare  d'en  trouver  de  plus  belles,  coulant  avec  plus 
de  charmes  et  de  limpidité  lorsqu'elles  viennent  baigner  la 
longue  file  de  maisons  qui,  sur  un  espace  de  près  d'un 
kilomètre,  forme  la  grande   rue   de  Saint-Rambert-de-Joux. 

L'aspect  de  la  petite  cité  a  bien  changé,  il  est  vrai,  depuis 
un  demi-siècle.  Ainsi,  on  ne  voit  plus  de  grandes  dalles  servant 
de  ponts,  pour  réunir  les  deux  bords  de  la  rivière;  mais 
de  gracieuses  passerelles  font  communiquer  ses  deux  rives. 
Les  remparts  du  moyen  âge,  dont  les  poternes  s'ouvraient 
sur  la  rivière  et  tenaient  lieu  de  fossés,  n'existent  plus  depuis 
longtemps,  mais  ont  été  remplacés  par  de  jolies  villas  ados- 
sées au  coteau,  et  de  vastes  constructions  ménagées  pour 
l'industrie  du  tissu  de  la  soie  ;  constructions  dont  les  hautes 
cheminées  font  penser  aux  donjons  et  aux  tours  des  fortifica- 
tions d'un  autre  âge.  L'ancien  hôtel  de  ville  du  xv*  siècle  a 
été  démoli,  il  est  vrai,  et  rares  sont  devenues  les  maisons  par- 
ticulières de  ce  même  xv®  siècle,  maisons  qui  jadis  donnaient 
à  la  grande  rue  de  la  petite  cité  une  physionomie  si  originale, 
avec  leurs  croisillons  ornés  de  moulures  prismatiques  taillées 
dans  une  belle  pierre  noire  ;  rares  aussi,  les  fragments  de 
l'époque  ogivale  et  les  débris  d'ouvrages  romans,  les  bas- 
reliefs  de  la  Renaissance,  les  cartouches  avec  armoiries  capa- 
bles de  rappeler  quelques  précieux  souvenirs  historiques(i). 
Mais  de  jolis  boulevards  ombragés,  des  quais  pleins  d'anima- 
tion et  de  gaieté,  tracés  le  long  du  lit  de  l'Albarine  ;  des  rues 
larges,  des  maisons  dont  l'aspect  trahit  le  confort  moderne  ; 
enfin,  une  animation,  une  vie  si  extraordinaires  qu'à  certaines 
heures  de  la  journée  vous  prendriez  ce  gros  bourg  pour  une 
de  ces  grandes  villes  du  Nord  de  la  France,  où,  après  un  tra- 
vail aussi  incessant  que  rémunérateur,  des  milliers  d'ouvriers 

« 

(i)  H.  Leyuarie,  Notice  historique  et  descriptive  de  Saint-Rambert-de-Joux,  passim. 


SAINT-FAMBERT-DE-JOUX  "ji 

sortent  des  ateliers,  semblables  à  des  essaims  d'abeilles  qui 
s'envolent,  de  leurs  ruches,  à  travers  la  campagne  fleurie. 

Voilà,  en  quelques  mots,  ce  que  le  progrès  moderne  a  fait 
de  l'ancienne  capitale  de  second  ordre  du  Bugey  :  une  ville 
industrielle,  à  laquelle  l'avenir  sourit,  mais  qui  sait  garder 
le  souvenirdes  hommes  et  des  choses  d'un  passé  que  l'histoire 
lui  a  buriné. 

Ne  me  demandez  pas  la  date  delà  fondation  de  cette  ville. 
Les  vieux  parchemins  se  taisent  sur  le  nom  primitif  de  la 
vieille  cité,  et  sur  l'époque  qui  la  vit  naître.  La  tradition, 
elle-même,  demeure  muette  sur  cette  intéressante  question. 
Tout  ce  que  l'on  peut  dire,  c'est  qu'elle  est  très  ancienne,  et  que 
les  historiens  comme  André  Duchesne,  Samuel  Guichenon  (i) 
qui  ne  font  remonter  le  bourg  de  Saint- Rambert-de-J ou x 
qu'à  la  fondation  du  monastère  de  Saint-Domitien,  vers  le 
v'  siècle,  ne  reculent  pas  assez  loin  la  date  de  son  origine. 

Les  preuves  que  ces  auteurs  donnent,  à  l'appui  de  leur 
thèse,  nous  paraissent  assez  fortes  pour  établir,  sans  conteste, 
l'existence  sur  les  bords  de  l'Albarine,  au  v*  siècle,  d'un 
monastère  et  de  ses  dépendances,  mais  ne  nous  semblent  pas 
concluantes  sur  la  question  d'origine  du  bourg  adjacent  au 
monastère, 

«  En  effet,  dit  M.  LEïMAHiE,  si  l'on  s'en  rappone  à  ces 
f  historiens  du  monastère  de  saint  Domitien,  la  première 
H  origine  de  la  ville  de  Saint-Rambert-de-Joux  serait  due  à 
a  la  construction  d'une  abbaye  par  le  même  saint  Domitien 
a  au  v"  siècle  (2),  et  son  accroissement  aux  visites  de  pèlerins 
o  accourus  nombreux  vers  le  tombeau  de  saint  Rambert, 
«  dès  la  fin  du  vn"  siècle.  » 


(I)  A.  DucHiiHE,  «ivanl  hiiloricn  (iili4-i64o).  —  S.  Cuickihoh.  hisloriographt  frudil 
de  SiToic  et  de  France  (1607-1664}. 


(1)  DoQiilien  naquit  à  Rome, 
La  IfRtnde  cite  un  □nloire  et  1 
l'Albirioe  aa  v  ijjcle. 


74  CHAPITRE   IV 

Et  c'est  ainsi  que  Torigine  de  cette  ville  ne  remonterait 
pas  au-delà  du  v*^  siècle.  Quand  on  lit,  en  effet,  la  légende 
de  saint  Domitien,  on  y  trouve  des  expressions  propres 
à  faire  croire  qu'à  Tépoque  dont  il  s'agit,  le  pays  aux 
environs  de  TAbbaye  était,  vers  420,  un  véritable  désert, 
«  profiindam  heremum  »,  désert  habité  par  des  gens  sans 
aveu,  par  des  brigands  se  livrant  à  la  fabrication  de 
fausse  monnaie,  «  antiqui  falsi  monetarii  olim  versait 
fueranl  ».  Saint  Domitien,  d'après  ces  historiens  et  la 
légende  rapportée  par  les  Bollandistes  (i),  n'avait  choisi 
cette  retraite  que  parce  qu'elle  était  isolée  de  toute  habi- 
tation, à  l'abri  des  bruits  du  monde,  qui,  comme  nous 
pouvons  le  constater  par  le  texte  de  sa  légende,  l'avaient 
troublé  dans  sa  première  résidence  (2)  «  freqiientiam  popu- 
lorum  graviter  ferens  »,  etc. 

Toujours  d'après  les  mêmes  auteurs,  le  village  le  plus 
rapproché  de  l'Abbaye,  Torcieu  était  éloigné  de  six 
kilomètres  (3).  Deux  cents  ans  plus  tard,  lorsque  le  jeune 
prince  Rambert  vint  y  souffrir  le  martyre,  l'aspect  du  pays 
n'avait  pas  changé;  c'était  encore  un  désert  sauvage.  «  Duxe- 
runt  eumper  quoddam  desertum.  » 

Sans  doute,  nous  croyons,  avec  Guichenon,  que  la  vallée 
étroite  du  Bébron  choisie  par  saint  Domitien  pour  y  élever 
son  monastère  était,  à  cette  époque  lointaine,  un  lieu  peu  fré- 
quenté et  donnant  avec  ses  rochers  couverts  de  sombres  bois, 
l'idée  d'un  désert  profond,  désert  dont  il  garde  encore  de  nos 
jours  l'image. 

Nous  sommes  également  bien  porté  à  croire  que  ce  lieu 
très  retiré  du  monde  «  ne  commença  d*être  très  fréquenté 
«  qu'après  la  mort  de   saint  Rambert,  par  le  concours  des 

(i)  Acta  Sanctorum  XdlJunii  p.  Sg^rô.  Histoire  de  Bresse  et  de  Bugey, par  Guichenon. 
Histoire  Française^  par  Duchesne.  Tome  l. 

(2)  Voir  aux  pièces  justificatives  n"  2  la  légende  de  saint  Domitien. 

(3)  Torcieu,  village  du  canton  de  Saint-Rambert-en-Bugey.  717  habitants. 


SAINT-RAMBERT-DE-JOUX  7  5 

«  peuples  qui  pour  être  guéris  de  diverses  infirmités,  venaient 
«  par  dévotion  à  son  sépulcre  »  (i). 

Mais  nous  admettons  difficilement  que  la  vallée  de 
Saint-Rambert  fût  un  pays  désert,  avant  l'arrivée  de  saint 
Domitien  et  de  saint  Rambert.  Les  travaux  de  Térudit 
M.  Hippolyte  Leymarie,  nous  montrent  que  les  déserts 
des  bords  du  Bébron  et  de  l'Albarine,  dont  parle  la  légende 
à  laquelle  Duchesne  et  Guichenon  souscrivent  sans  contrôle, 
étaient  habités. 

«  Peut-être,  dit  l'auteur  de  la  Notice  sur  Saint-Rambert- 
a  de-Joux^  peut-être  la  ville  n*existait-elle  pas  alors  sur 
«  l'emplacement  qu'elle  occupe  aujourd'hui;  peut-être  encore 
«  n'y  avait-il  pas  de  ville  à  proprement  parler  ;  mais  il  y' 
«  avait,  aux  alentours  du  couvent,  des  habitations  qui  lui 
ce  étaient  antérieures,  et  leur  grand  nombre  nous  permet 
ce  de  contredire  quelques-unes  des  assertions  des  légen- 
cc  daires,  ou  des  copistes  de  légendaires  incapables,  à  cette 
«  époque  rudimentaire,  de  reproduire  le  style  et  les  allures 
ce  des  siècles  précédents,  ni  de  reconnaître  les  âges  des 
ce  monuments  qui,  autour  d'eux,  auraient  dû  leur  servir  de 
<c  jalons  pour  dresser  l'histoire  des  localités.  » 

Tout  le  monde  sait,  en  effet,  que  les  Romains,  déjà 
possesseurs  d'une  colonie  dans  la  Gaule,  cent  vingt-cinq  ans 
avant  Jésus-Christ,  y  furent  rappelés  par  les  Marseillais  leurs 
alliés,  qui  leur  demandaient  protection  contre  les  Gaulois 
du  voisinage;  et  un  demi -siècle  plus  tard,  contre  une 
invasion  formidable  de  Germains  ayant  à  leur  tête  Arioviste 
(58  avant  Jésus-Christ). 

César  accourut  de  l'Italie,  traversa  le  pays  des  Helvètes, 
celui  des  Ségusiens,  qui  est  précisément  le  pays  que  nous 
appelons  aujourd'hui  Bugey,et  empêcha  ces  barbares  de  passer 


(i)  La  plus  ancienne  charte  relative  à  TAbbaye  et  au  bourg  adjacent,  et  qui  fasse  mention 
de  Saint-Rambert,  c'est  la  bulle  du  pape  Ccicstin  III.  datée  de  l'an  m 91.  On  y  Ut  ces  mots  ; 
monasterium  cum  burgo  adjacenti. 


76  CHAPITRE   IV 

sur  les  terres  des  Romains,  après  leur  avoir  livré  un  combat 
où  il  leur  tua  deux  cent  mille  hommes  (i). 

11  n'est  nul  besoin  d'insister,  ici,  pour  faire  comprendre  au 
lecteur  que  le  passage  des  légions  romaines  dans  un  lieu, 
surtout  au  lendemain  d'une  victoire,  était  toujours  marqué 
par  quelque  installation  de  camps  militaires,  ou  de  postes 
fortifiés,  destinés  à  garder  le  pays  conquis  contre  les  retours 
offensifs  d'un  ennemi  difficilement  vaincu. 

Or,  autour  de  ces  camps  romains  venaient  nécessairement 
se  grouper  les  habitations  de  cette  caste  d'individus  dont  le 
métier  était  de  suivre  les  armées  victorieuses,  pour  leur  offrir 
leurs  services. 

C'est  ainsi  que  durent  se  passer  les  choses  dans  l'étroite 
vallée  de  l'Albarine,  voie  par  laquelle  César  dut  transporter 
ses  troupes  pour  les  diriger,  d'abord,  sur  les  rives  de  la 
Saône,  et  plus  tard,  sous  les  remparts  de  Bibracte  et  de 
Gergovie  (2). 

«  Et  comme  l'usage  chez  les  Romains,  lorsqu'ils  avaient  fait 
a  la  conquête  d'un  pays,  était  de  le  mettre  en  communica- 
«  tion  immédiate  avec  la  métropole,  par  l'établissement  de 
((  chemins  partant  de  Rome  jusqu'aux  extrémités  des  provinces 
«  conquises,ons'accordeàsupposer  que  la  vallée  de  l'Albarine 
«  et  celle  des  Hôpitaux  reçurent,  fort  anciennement,  une  de 
«  ces  voies,  laquelle  voie  ne  serait  autre  quela  route  actuelle 
((  et  départementale  n*"  4. 

'  «  Cette  hypothèse  est  abondamment  prouvée,  par  la 
«  disposition  même  des  localités  qui  n'admettent  aucun 
«  autre  passage  dans  un  rayon  fort  étendu,  et  par  les 
«  traces  nombreuses  d'antiquités  romaines  trouvées  dans 
«  cette  direction  (3).  » 

(i)  Histoire  Romaine  par  l'abbé  Drioux.  Conquête  de  la  Gaule  par  les  Romains  (58 
avant  J.-C.)- 

(a)  Bibracte,  capitale  des  Eduens,  aujourd'hui  Autun.  —  Gergovie,  capitale  des  Arvernes. 
(3)  Notice  historique  et  descriptive  de  Saint-Ram bert-de-Joux. 


SAINT-RAMBERT-DE-JOUX  77 

Notre  but  n'est  point  de  suivre  H.  Leymarie  dans  les 
découvertes  concluantes  faites,  sous  ses  yeux,  dans  la  vallée 
de  TAlbarine,  pour  prouver  que  l'origine  de  la  ville  de  Saint- 
Rambert-de-Joux  remonte  bien  avant  le  v*  siècle,  époque  où 
Domitien  bâtit  son  oratoire  et  son  hospice. 

Cependant,  pour  que  le  lecteur  n'aille  pas  s'imaginer  que 
nous  passons  les  preuves  sous  silence,  parce  qu'elles 
nous  font  défaut,  nous  allons  lui  en  citer  deux  principales, 
les  plus  saillantes.  Nous  les  extrayons  de  Touvrage  intéres- 
sant et  documenté  de  Tauteur  auquel  nous  avons  emprunté 
une  grande  partie  des  notes  transcrites  dans  ce  chapitre. 

«  Une  preuve  irréfutable,  dit  H.  Leymarie,  de  la  présence 
«  d'habitations  gauloises  sur  le  territoire  de  Saint-Ram bert- 
«  de-Joux,  c'est  d'abord  la  découverte  d'une  hache  celtique, 
«  en  bronze,  d'une  très  bonne  conservation,  qui  nous  vient 
i<  des  fouilles  faites  sous  le  canal  actuel,  il  y  a  quinze  ans  (i). 
«  Un  autre  monument  qui  rappelle  le  passage  des  Romains 
'i  dans  la  vallée  de  l'Albarine,  c'est  la  présence,  dans  l'église  pa- 
c<  roissiale  de  Saint- Rambert,  comme  support  d'un  bénitier  (2), 
((  de  l'autel  votif  que  «  Camulia  Attica  »  avait  dédié  aux  dieux 
(c  Cabires,  ou  aux  dieux  gardiens.  La  forme  de  ce  monument 
«  et  Tinscription  latine  qu'il  montre,  font  croire  que  c'est  une 
«  œuvre  du  deuxième  siècle.  » 

Et  ce  n'est  pas  tout,  une  quantité  de  poteries,  jaunes, 
noires,  rouges,  de  tuiles  à  rebords,  d'amphores,  de  vases  à 
ornements  riches  et  en  bronze  du  bas  empire,  de  meules  en 
basaltes,  de  fragments  de  mosaïque  grossière,  de  bronzes  du 


(1)  M.  H.  Lbtmarib  écrivait  ces  lignes  en  1843. 

(3)  Ce  monument  que  les  anciens  de  la  ville  de  Saint-Rambert  ont  vu,  bien  des  fois,  en 
entrant  dans  régltse  paroissiale,  avait  déjà  disparu  depuis  quelques  années,  quand 
H.  Leymarie  écrivait  sa  notice  sur  Saint-Rambert-dc-Joux.  Voici  IMnscription  qu'on  lisait 
sur  cet  autel  r 

DIBUS  CABI 

CAMULIA    AT 

TICA  ARAM 

posurr 


78  CHAPITRE   ÎV 

meilleur  goût,  de  médailles  du  même  métal,  de  vestiges  de 
murs,  de  débris  de  charbons  trouvés  dans  quelques  localités 
de  la  commune,  prouvent  certainement  l'existence  d'habita- 
tions gallo-romaines  dans  les  environs  de  Saint-Rambert-de- 
Joux,  avant  le  v'  siècle  (i). 

Ces  documents  à  Pappui  de  notre  thèse  devront  suffire.  Car 
nous  n'avons  pas  la  prétention  d'écrire  l'histoire  complète  de 
l'intéressante  cité  «  bugéenne  »,  histoire  que  d'autres  ont  déjà 
traitée  avec  plus  de  compétence  que  nous  ne  saurions  le  faire 
nous-même  (2). 

Et  si  nous  avons  élaboré  ces  quelques  pages  sur  le  chef- 
lieu  de  canton  de  la  vallée  de  l'Âlbarine,  c'est  qu'il  nous  a 
paru  nécessaire  de  faire  connaître  au  lecteur,  par  une  esquisse 
rapide,  les  lieux  dont  nous  sont  arrivés  providentiellement 
les  sacrés  restes  de  l'illustre  martyr  saint  Rambert. 

Toutefois,  nous  ne  terminerons  pas  ce  chapitre  sans  dire 
quelques  mots  de  l'église,  qui  a  l'insigne  honneur  de  posséder 
une  grande  partie  des  reliques  de  notre  saint. 

L'église  paroissiale  de  Saint-Rambert-de-Joux  ne  peut  pas 
être  classée  parmi  les  monuments,  avec  son  lourd  clocher  à 
dôme,  les  angles  nombreux  de  ses  chapelles,  son  porche  dont 
le  plan  et  l'architecture  attirent  les  regards  du  voyageur  ; 
mais  elle  offre  cependant  un  réel  intérêt  ;  d'abord,  au  point  de 
vue  de  sa  pittoresque  position  :  «  Placée  au-dessus  de  la  route 
«  et  au  bas  de  rochers  dont  les  flancs  et  la  tête  disparaissent 
((  sous  un  épais  manteau  de  broussailles  ;  baignée  du  côté  du 
((  midi  par  l'Albarine,  qui  n'en  est  séparée  que  par  le  quai,  et 
c(  du  côté  de  l'ouest  par  le  torrent  de  Bébron,  elle  masque 

(i)  Voici  les  noms  des  localités  citées  par  H.  Lbymarib,  et  où  l'on  a  trouvé,  autrefois, 
des  traces  d'habitations  gallo-romaines  : 

Plateau  des  Ârmers,  Bois  de  Nerva.  Verger  de  Ringe,  Hameau  de  Blannaz,  Hameau  de 
Serrière,  Grange  du  Stabat,  La  Gardinière-Gratoux,  Fontaine  de  Luysandre,  Laroche, 
Mont-Michel,  Granges  au-dessus  de  Lupieux,  Maison  Fallavier,  Vigne  Bourdin,  Au-delà 
de  la  cdte  Répi. 

(2)  H.  Leymarie,  Notice  historique  et  descriptive  sur  Saint-Rambert-en-Bugey,  184a. 
Guide  historique  et  pittoresque  du  voyageur  en  chemin  de  fer,  par  un  Dauphinois,  i858. 


SAINT-RAMBERT-DE-JOUX  7g 

«  l'entrée  du  vallon  ombragé,  discret,  plein  d'eaux  murmu- 
«  rantes  et  de  balmes  touffues,  qui  conduit  à  l'Abbaye  par 
«  un  sentier  montueux,  dont  les  beautés  agrestes  font  rêver 
«  des  sites  enchanteurs  de  nos  Alpes. 

«  Ensuite,  au  point  de  vue  de  sa  disposition  et  de  sa  décora- 
«  tion  intérieures,  qui,  si  elles  ne  répondent  pas  à  la  beauté  de 
«  ses  alentours,  cependant  méritent  de  fixer  l'attention,  c'est 
«  une  grande  nef  sans  collatéraux  ni  voûtes,  flanquée  sur  ses 
«  côtés  de  chapelles  inégales  en  grandeur,  d'époque  et  de  styles 
"  différents.  Les  plus  anciennes  de  ces  chapelles  ne  semblent 
«  pas  remonter  au-delà  du  xv'  siècle,  et  elles  n'offrent  rien  de 
«  remarquable.  Mais  ce  qui  l'est  certainement,  c'est  la  curieuse 
«  disposition  du  chœur  et  de  son  abside  à  pans.  Au  lieu  de  se 
a  présenter  en  face  de  la  grande  porte  de  l'église,  le  chœur,  de 
«  construction  moderne,  est  jeté  sur  le  côté  gauche  dont  il 
K  touche  la  dernière  chapelle.  Et  comme  il  est  beaucoup  plus 
«  étroit  que  la  nef,  il  laisse  du  côté  droit  un  grand  mur  lisse, 
a  contre  lequel  est  adossé  un  autel  à  retable  de  bois.  Plusieurs 
K  œils-de-bœuf  élevés  au  niveau  du  plafond  donnent  du  jour 
«  dans  le  vaisseau. 

a  Rien  de  saillant,  du  reste,  dans  cette  église,  que  la  Révo- 
«  lution  a  dévastée  et  dont  la  restauration  ne  remonte  pas  plus 
«  loin  que  le  commencement  de  ce  siècle,  si  ce  n'est  un  très 
u  ancien  tableau  à  compartiments,  une  chaire  en  bois  sculpté 
«  d'un  joli  travail,  et  l'ancienne  châsse  de  boisdoré  qui  contient 
«  la  moitié  du  corps  sacré  de  saint  Rambert  dont  l'autre  moitié 
«  est  à  Saint-Rambert-en-Forez.  »  Nous  parlerons  de  cette 
précieuse  châsse  et  de  son  précieux  trésor  de  reliques,  dans 
le  chapitre  suivant  (i). 

1)  Sotlet  historique  el  Jelcriplivt  Je  Saiai-Ramberl-dc-Joux,  [S|i. 


CHAPITRE   V 


LE 


CULTE  DE  SAINT  RAMBERT 

DANS  LA  VALLÉE  DE   L'ALBARINE 

(en  bugey) 


Après  la  mort  de  saint  Rambert,  ses  restes  sacrés  déposés 
dans  l'église  du  monastère  près  duquel  il  avait  été  martyrisé, 
furent  conservés  par  les  religieux,  avec  le  plus  grand  soin  et  la 
plus  profonde  vénération.  Toujours  fécondes  en  prodiges,  ces 
Reliques  insignes,  auprès  desquelles  les  fouies  pieuses  ne 
cessaient  de  prier  et  de  recevoir  des  faveurs,  restèrent  intactes, 
formant  un  corps  complet,  jusqu*au  jour  où  sous  l'épiscopat 
de  saint  Gébuin,  archevêque  de  Lyon,  un  comte  de  Forez, 
Guillaume  I,en  obtint  une  partie  considérable  qui  fut  trans- 
portée dans  le  prieuré  de  Saint-André-en-Forez  (i),  vers  Tan 
1078,  comme  nous  le  raconterons  au  chapitre  VII*. 

La  portion  du  corps  du  saint  martyr  restée  à  Saint- Rambert- 
en-Bugey,  but  vénéré  et  constant  de  pèlerinages  pour  les 


(i)  Distant  de  18  kilomètres  de  Montbrison,  sar  la  rive  gauche  de  la  Loire,  élevé  sur  une 
balme  qui  court  du  Sud  au  Nord,  et  à  la  distance  de  1  kilomètre  du  cours  de  ce  fleuve. 


§2  CHAPITRE    V 

fidèles  de  la  ville  et  de  la  contrée,  était  depuis  plusieurs 
siècles  renfermée  dans  une  châsse  de  bois  avec  les  reliques 
de  saint  Domitien.  A  différentes  époques,  cette  châsse  fut 
ouverte  et  le  trésor  qu'elle  gardait  depuis  des  siècles, 
reconnu  soit  par  les  visiteurs  de  Tordre  de  Cluny  dont 
dépendait  Tabbaye  royale  de  Saint-Rambert-en-Bugey,  soit 
par  des  évêques,  dans  le  cours  de  leurs  visites  pastorales  (i). 

Le  10  juin  1689,  Dom  Paturel,  grand  Prieur  de  l'Abbaye 
de  Saint-Rambert-en-Bugey,  avant  de  procédera  la  translation 
des  reliques,  d'un  fort  ancien  reliquaire  qui  les  renfermait, 
dans  une  châsse  nouvelle,  les  visita,  en  assura  l'authenticité 
et  signa  un  procès-verbal  de  sa  visite  avec  les  témoins  : 
Buynand,  chamarier  ;  Delaforest,  sacristain  ;  Trocu,  aumônier  ; 
Michon, chantre  ;Caron,  ouvrier  ;  Guichard,  cellerier  •,et  Vérot, 
réfectorier. 

C'est  ce  procès-verbal  que  Dom  Godard,  visiteur  de  l'Ordre 
de  Cluny,  trouva  plus  tard,  le  10  juin  1763,  dans  l'ancien 
reliquaire  vermoulu  dont  nous  venons  de  parler,  pendant 
que  lui-même,  en  présence  de  Dom  de  la  Lévretière,  grand 
Prieur,  de  Messires  Giraudon,  curé,  Grumet,  maire,  Barron, 
notaire  royal,  et  de  plusieurs  religieux  et  autres  personnes, 
il  vérifiait  les  reliques,  constatait  que  pas  une  seule  parcelle 
n'avait  été  enlevée  au  précieux  trésor,  et  que  les  sacrés  osse- 
ments qu'il  avait  sous  les  yeux,  étaient  bien  les  mêmes, 
quant  à  la  substance  et  au  nombre,  que  ceux  qui  avaient  été 
vérifiés  soixante-quatorze  ans  auparavant,  par  Dom  Paturel, 
grand  Prieur  de  l'Abbaye  (2). 

C'est  alors  que  les  Reliques  de  notre  illustre  Patron  et 
celles  de  saint  Domitien  furent  placées  dans  le  reliquaire 
nouveau  qui  les  contient  aujourd'hui.  Ce  reliquaire,  ou 
châsse,  que  nous  avons  eu  le  bonheur  de  vénérer  au  printemps 

(I)  Voir  les  pièces  justificatives  du  n*  5  au  n*  i3. 

(a)  Voir  les  pièces  justificatives  n*  3,  à  la  fin  de  ce  volume. 


LE   CULtE    DE    SAINT   RAMBERT  S3 

de  l'année  1897  est,  dit  le  texte  du  procès-verbal,  «  ensculp- 
«  ture,  doré  surtout  à  l'extérieur,  avec  des  palmes  en  sautoir 
«  et  des  guirlandes  aux  quatre  faces  et  relevées  en  bosse,  sur- 
«  monté  d'une  couronne  royale  peinte  en  rouge,  et  verni  en 
«  dedans.  »  (Fig.  16.) 

Cette  châsse,  en  bois,  fut  donnée  par  Dom  Jean-Baptiste 
Pellard,  religieux  prêtre,  réfectorier  de  l'Abbaye  de  Saint- 
Rambert- en  -  Bugey , 

Dom  Godard,  assisté 
de  plusieurs  méde- 
cins et  de  plusieurs 
personnages  de  gran- 
de notoriété ,  avait 
trouvé  dans  l'ancien 
reliquaire  quatre  pa- 
quets enveloppés,cha- 
cun,  d'une  étoffe  de 
soie.  L'un  de  ces  pré- 
cieux paquets  conte- 
nait les  deux  os  du 
coccyx,  deux  fémurs, 
dont  la  tète  de  l'un 
était  séparée  de  son 
apophyse,  un  péro- 
né,   un    cubitus,    et  '^"'*^**^  °^  ^*"'''  '**"«"'^ 

,,  ,  .     ,  D«ni  l'ugliie  piroissiale  de  S>iDt-R»mbert-eD-Bugty. 

1  apophyse  ci-dessus. 

Dans  l'autre,  se  trouvaient  des  fragments  de  clavicules,  de 
fausses  côtes,  de  l'épine  du  dos;  un  crâne,  et  d'autres  petits 
ossements  mis  en  pièces. 

Dans  un  troisième  paquet,  étaient  renfermés  plusieurs  frag- 
ments d'os,  que  l'on  ne  pouvait  distinguer,  à  cause  de  leur 
petitesse. 

Le  quatrième  contenait  un  peu  de  terre  dans  laquelle  on 
croit  que  le  saint  fut,  autrefois,  inhumé. 


84  CHAPITRE   V 

Nous  verrons,  plus  tard,  que  tous  ces  ossements  et  quelques 
autres  moins  importants,  dont  une  mention  explicative  est 
faite  dans  le  procès- verbal  (i),  rapprochés  de  la  portion  des 
reliques  que  possède  l'église  de  Saint-Rambert-en-Forez, 
concourent  à  former  le  squelette  d'un  même  corps  :  celui  de 
notre  illustre  et  saint  Martyr  Rambert. 

En  1788,  l'abbaye  de  Saint- Rambert-en-Bugey  fut,  comme 
tant  d'autres,  sécularisée.  Un  administrateur  (2)  nommé  par 
le  Gouvernement  prit  la  régie  des  revenus,  et  les  religieux 
furent  obligés  de  quitter  le  monastère  (3).  La  chrétienne  popu- 
lation de  Saint-Rambert  qui,  depuis  de  longs  siècles,  avait 
identifié  sa  vie  avec  celle  des  moines  ses  bienfaiteurs,  les  vit 
partir  avec  peine,  et  même  avec  larmes,  si  l'on  s'en  rapporte 
aux  sentiments  de  tristesse  exprimés  dans  la  délibération 
prise  par  le  Conseil  de  la  Commune,  au  sujet  de  la  Donation 
à  la  ville,  par  les  religieux,  de  la  relique  du  Saint  (4). 

Dans  cette  délibération  datée  du  14  juillet  1 788,  Jean-Louis 
Grumet  de  Montpie,  maire  de  la  ville  de  Saint-Rambert-en- 
Bugey,  au  nom  de  son  Conseil  et  des  habitants  de  la  paroisse, 
demande  aux  religieux  de  vouloir  bien  que  la  vénérable 
relique  de  saint  Rambert,  Patron  de  la  paroisse,  objet  antique 
de  la  vénération  publique,  soit  transportée,  de  l'église  de 
l'abbaye  dans  l'église  paroissiale. 

Il  prie  Messiresle  grand  Prieur  et  les  religieux  du  monas- 
tère, de  donner  leur  consentement  à  la  translation  de  ladite 
sainte  Relique  <c  comme  une  dernière  marque  de  leur  attache^ 

(t)  Voir  les  pièces  justificatives  n*  3,  à  la  fia  de  ce  volume. 

(2)  M.  Gaillard,  commis  par  M.  de  Saiot-Julien  à  l'administration  des  biens  et  droiu  de 
l'Abbaye. 

(3)  Vie  de  saint  Rambert,  opuscule  imprimé  àTenay(Âin),  1895. 

(4)  L'Abbaye  de  Saint*Rambert-en-Bugey,  dont  saint  Domitien  est  le  premier  fondateur  au 
V*  siècle  et  qui  passa  plus  tard  sous  la  règle  clunisienne,  sécularisée  en  1788,  et  dont  les 
biens  furent  vendus  en  1791,  a  été  transformée  en  une  jolie  maison  de  campagne  apparte- 
nant autrefois  à  M.  le  Docteur  Martin-Cadet  et  aujourd'hui  à  M.  le  baron  Hippolyte  de 
Sylans.  La  très  honorable  famille  de  Sylans  est  originaire  de  la  Savoie.  Elle  s'est  toujours 
fait  remarquer  par  son  esprit  religieux  et  son  dévouement  aux  bonnes  œuvres. 


LE  CULTE   DE    SAINT   RAMBERT 


85 


«  ment  pour  la  viïle^  et  leur  témoignera^  au  surplus^  combien  les 
«  officieras  municipaux  et  tous  les  habitants^  sont  touchés  de  la 
a  dissolution  de  leur  abbaye ^  et  sensibles  à  la  perte  d'une  maison 
a  si  utile  à  la  paroisse  »  (i). 

Ce  que  la  commune  de  Saint-Rambert  avait  demandé  aux 
religieux,  par  son  maire  chrétien  et  dévoué,  fut  gracieusement 
accordé,  et  le  corps  saint,  qui  était  à  l'abbaye,  fut  transporté 
dans  Téglise  du  collège  de  la  ville,  en  attendant  qu'on  lui 
préparât  une  place  d'honneurdans  une  des  chapellesde  Téglise 
paroissiale,  en  reconstruction. 

Or,  voici  en  quelques  mots  comment  les  choses  se 
passèrent  : 

Dès  le  lo  juin  1789,  Dom  Nivîère,  Procureur  syndic  de 
l'abbaye,  député  pour  cela  par  le  Chapitre  conventuel  qui 
avait  consenti  à  céder  la  châsse  à  l'église  paroissiale,  invita 
Messieurs  les  Magistrats  de  la  ville  et  M.  le  curé  Debeney, 
à  prendre  des  mesures  convenables  pour  que  la  translation 
se  fît  avec  les  précautions  et  la  solennité  exigées  pour  la 
circonstance. 

La  châsse,  portée  par  deux  Pénitents,  entourée  du  clergé 
paroissial,  du  grand  Prieur  et  de  ses  religieux,  des  magistrats 
de  la  commune,  prit  sa  marche  par  dessus  les  «  Chênes  » 
précédée  de  la  milice  bourgeoise  sous  les  armes.  Elle 
traversa  solennellement  une  partie  de  la  ville,  drapeau 
déployé,  tambour  battant,  aux  accents  des  hymnes  pieux, 
suivie  d'une  grande  foule  de  peuple,  très  recueillie. 

Reçu  par  M.  Debeney,  curé,  à  la  porte  de  la  chapelle  du 
Collège  où  se  faisait  alors,provisoirement,le  service  paroissial, 
le  vénéré  reliquaire  fut  déposé,  après  les  prières  accoutumées, 
dans  le  chœur,  du  côté  de  l'Evangile. 

Dom  Moynat,  grand  Prieur  de  l'abbaye,  se  déchargeant 
alors  du  précieux  trésor  dont  les  religieux  avaient  eu  la  garde 

(1)  Voir  les  pièeet  justificatives  n*  6. 


86  CHAPITRE    V 

pendant  de  longs  siècles,  remit  à  M.  Debeney,  curé,  et  aux 
magistrats  de  la  ville,  les  deux  clefs  du  reliquaire,  afin  qu*ils 
pussent,  à  Tinstant,  en  vérifier  le  contenu. 

L'ouverture  de  la  vénérable  châsse,  dont  nous  avons  fait 
plus  haut  la  description,  ayant  été  faite  en  présence  de  plusieurs 
graves  témoins  (i),  M.  le  curé  trouva,  dans  l'intérieur,  toutes 
les  reliques  reconnues  et  décrites  dans  les  procès-verbaux  du 
10  juin  1689,  et  du  10  juin  1763  (2),  lesquels  y  étaient  égale- 
ment enfermés. 

Nous  n'insistons  pas  davantage  sur  la  cérémonie  de  cette 
mémorable  translation.  Elle  s'acheva  au  milieu  des  accents 
d'une  joie  bien  facile  à  comprendre  chez  un  peuple  de  foi, 
heureux  de  posséder,  tout  près  de  lui,  les  restes  sacrés  d*un 
illustre  Patron  et  protecteur. 

Le  procès-verbal  en  fut  rédigé,  séance  tenante, et  signé  par 
les  grand  Prieur,  religieux,  curé,  magistrats  et  secrétaire- 
greffier  de  la  ville,  le  12  juin  178g,  dans  la  chapelle  même  du 
Collège  (3). 

Mais  la  sainte  Relique  que  des  mains  pieuses  avaient  sous- 
traite au  péril  d'une  profanation,  en  l'enlevant  au  silence  du 
cloître  sécularisé,  pour  lui  offrir  une  retraite  plus  sûre  dans 
une  chapelle  paroissiale,  la  sainte  Relique  devait  bientôt 
courir  le  danger  d'être  anéantie. 

En  eflFet,  en  1792,  l'orage  révolutionnaire  qui  avait  éclaté 
sur  la  France,  dispersait  les  ministres  du  sanctuaire  et,  avec 
eux,  les  gardiens-nés  des  trésors  de  nos  églises.  La  Révolution 
avait  juré  une  haine  mortelle  à  l'Eglise  catholique,  à  ses 
prêtres,  à  ses  temples,  à  'ses  biens,  à  ses  libertés,  à  tout  ce 


(i)  MM.  Dom  Moynat,  grand  Prieur;  Nivière,  syndic;  Reverdy;  Debeney,  curé;  Gnimet- 
de-Montpie,  maire,  conseiller;  Falavier-Marcschali  lieutenant-juge;  Jarrin,  Juvanon. 
conseiller  ;  Juvjnon,  principal  du  Collège  et  vicaire  à  Saint-Rambert  ;  Baillaz,  Garin, 
Tenand,  Dubreuil,  vicaire;  Bugniod,  Auger,  Bourdin,  Tenand,  secrétaire. 

(a)  Voir  les  pièces  justificatives  n*  7. 

{3)  Voir  les  pièces  justificatives  n*  7. 


LE   CULTE   DE   SAINT   RAMBERT  87 

qui,  de  près  ou  de  loin,  touche  au  culte  divin  ;  et  c'est  à  coups 
de  décrets  et  d^arrêtés  iniques  qu'elle  essayait  de  la  dépouiller, 
et  de  la  réduire  à  l'impuissance,  jusqu'au  moment  où  les  lois 
scélérates,  n'ayant  plus  assez  de  force  ni  de  rapides  effets, 
elle  leur  substitua,  comme  plus  expéditif,  le  couperet  de  la 
guillotine. 

L'arrêté  du  Directoire  de  l'administration  centrale  de  l'Ain, 
relatif  à  l'enlèvement  du  mobilier  des  églises,  à  leur  ferme- 
ture, et  à  l'interdiction  du  culte  divin  sur  leurs  autels,  parvint 
sans  nul  doute  aux  autorités  municipales  de  <c  Montferme  »  (i) 
comme  il  parvint  à  toutes  les  autres  communes  de  France, 
au  pouvoir  de  la  Convention. 

Au  reçu  de  l'arrêté  conventionnel,  le  Conseil  municipal 
s'assembla  pour  délibérer.  On  ne  délibéra  pas  longtemps  ; 
il  fallait  obéir  aux  ordres  intimés  par  la  Convention  sous 
peine  d'être  regardé  comme  suspect,  et  voué  à  une  mort 
certaine.  Aussi  bien,  le  Conseil  municipal  se  hâta-t-il  de 
nommer  une  Commission  chargée  de  confisquer  et  de  faire 
disparaître  tout  objet  religieux  ayant  servi  à  entretenir  des 
idées  de  superstition^  dans  l'esprit  des  ci-devant  catholiques. 

Or,  parmi  les  objets  bénis,  dont  la  présence  à  l'église  de 
Montferme  attirait  les  foules  pieuses,  et  entretenait  dans  les 
âmes  des  catholiques  les  sentiments  d'une  vive  foi  et  d'une 
grande  confiance  en  Dieu,  il  y  avait  l'antique  châsse  contenant 
les  reliques  de  saint  Rambert. 


(t)  MoQtferme  est  le  nom  qui  fut  donné,  en  1793,  à  la  petite  ville  de  Saint-Rambert-en- 
Bugey  par  le  gouvernement  de  la  Révolution.  Il  y  a,  dans  ce  nom  propre  de  lien  composé 
des  deux  mots  :  Mont  et  ferme^  une  double  allusion  à  la  position  de  Saint-Rambert-de- 
Joux  au  pied  d'un  rocher,  et  à  l'énergie  peu  ordinaire  de  ses  enfants.  De  peur  qu'on  ne 
cherchât  un  jour  à  lui  contester  la  vérité  de  cette  glorieuse  épithète,  la  petite  cité  se  bâta 
de  la  justifier,  un  peu  plus  tard,  sous  la  période  des  Cent  jours,  en  fournissant  la  majeure 
partie  des  héros  des  Balmettes. 

Tous  les  habitants  du  pays  savent  que  les  «  Balmettes  »  sont  un  défilé  situé  entre  Saint- 
Germain  et  Torcieu,  et  que  ce  passage  fut  défendu,  en  18 14,  par  une  poignée  de  braves 
qui  y  retinrent,  pendant  plusieurs  jours,  l'armée  autrichienne.  Soldats  improvisés,  sans 
ordre,  et  pour  ainsi  dire  sans  chefs,  ils  montrèrent  ce  que  peut  le  seul  élan  du  patriotisme. 

Notice  historique  et  descriptive  sur  la  ville  et  l'abbaye  de  Saint^Hambert-de^Joux,  par 
H.  Lbtmakii. 


88  CHAPITRE  V 

Il  était  donc  bien  à  craindre  que  ce  précieux  trésor,  tom- 
bant entre  les  mains  d'hommes  remplis  de  haine  pour  tout 
ce  qui  rappelle  Dieu  et  les  saints,  ne  fût  endommagé,  pour 
ne  pas  dire  anéanti. 

Mais  trois  chrétiens  fidèles  veillaient,  d'un  œil  pieux,  sur 
le  vénérable  reliquaire.  Ils  avaient  juré  de  l'enlever  au  rapt 
impie  des  conventionnels,  dût-il  leur  en  coûter  la  vie. 

Le  souvenir  du  dévouement  de  ces  trois  hommes  de  foi  et 
de  cœur,  mérite  de  passer  à  la  postérité.  Et  c'est  pourquoi, 
autant  par  reconnaissance  que  par  légitime  orgueil,  nous 
voulons  que  leurs  familles,  leurs  amis,  la  paroisse  de  Saint- 
Rambert,  tout  entière,  bénissent  leurs  noms. 

Les  voici  :  André  Tenand^  Philibert  Thévenin^  Pierre 
Lyaudet.  Tous  trois,  pour  conserver  à  la  piété  de  la  paroisse, 
les  sacrés  ossements  de  son  cher  et  illustre  Patron,  imagi- 
nèrent de  cacher  la  relique  du  saint  martyr  dans  la  chapelle 
de  la  sainte  Vierge. 

Ils  creusèrent  donc,  secrètement,  le  sol  de  cette  chapelle,  et 
firent  une  excavation  assez  profonde  pour  recevoir  le  trésor 
des  ossements  de  saint  Rambert,  renfermés  dans  une  pièce 
de  taffetas  vert. 

Quant  à  la  châsse  elle-même,  ils  la  transportèrent  discrète- 
ment dans  les  galetas  de  la  municipalité  (i). 

Lorsque  l'orage  eut  passé  et  que  le  ciel  fut  redevenu  serein, 
quand  la  paix  rendue  à  l'Eglise  permit  aux  temples  de  se 
rouvrir  et  aux  prêtres  d'y  venir,  à  nouveau,  sacrifier  l'auguste 
et  sainte  Victime,  les  trois  chrétiens  dévoués  qui  avaient 
sauvé  de  la  destruction  la  sainte  Relique,  s'empressèrent  de 
révéler  ce  trésor  à  M.  Dupuy,  alors  curé  de  Saint-Rambert- 
de-Joux. 

Convoqués  par  ledit  curé   et  son  vicaire,  M.  Darnand,  à 

* 

(i)  Voir  le  petit  opuscule  Vif  de  saint  Rambert^  imprimé  à  Tenay  (Ain),  iSgS. 


LE   CULTE   DE    SAINT   RAMBERT  89 

une  réunion  où  ils  furent  priés  de  faire  le  récit  du  béni 
sauvetage  de  la  vénérée  châsse  et  de  ses  précieuses  reliques, 
ils  racontèrent  le  fait  tel  qu'il  s'était  passé  vingt  et  un  ans 
auparavant.  Ils  attestèrent  avec  serment,  comme  il  est  établi 
par  une  déclaration  qu'ils  signèrent  avec  MM.  le  curé  et  le 
vicaire  (i),  que  les  reliques  présentes  étaient  bien  les 
mêmes  qu'ils  avaient  soustraites  aux  profanations  sacrilèges 
de  l'impiété. 

Ainsi,  l'ancienne  et  précieuse  châsse  avec  son  trésor  de 
reliques,  placée  de  nouveau  dans  une  chapelle  de  gauche 
de  l'église  paroissiale,  redevint  l'objet  chéri  de  la  vénération 
des  fidèles. 

Or,  son  Altesse  Eminentissime  le  Cardinal  Fesch,  Arche- 
vêque de  Lyon,  faisant  en  i8i3,  la  visite  pastorale  de  son 
Archidiocèse,  sur  l'invitation  de  M.  Claude  Dupuy,  curé  de 
Saint-Rambert-de-Joux,  s'arrêta  dans  cette  ville,  le  lo  juin  (2). 
Il  y  fut  reçu  très  solennellement,  et  avec  la  plus  grande  joie. 
L'intention  de  M.  Dupuy  était  de  faire  vérifier  et  reconnaître 
les  reliques  du  saint  Patron  de  la  paroisse  par  son  Eminence 
le  Cardinal,  et  de  donner  à  leur  présence  dans  le  reliquaire 
échappé  au  vandalisme  de  la  grande  Révolution,  un  caractère 
d'authenticité  plus  notoire  et  plus  formel. 

L'Eminentissime  Cardinal  fit,  en  effet,  ouvrir  la  châsse 
vénérable  par  M.  le  curé,  qui  seul  en  avait  la  clef  II  y 
trouva  renfermés  dans  une  étoffe  de  soie  bleue,  les  mêmes 
ossements  grands  et  petits,  le  même  paquet  de  terre  tirée  du 
tombeau  de  saint  Rambert,  les  mêmes  deux  vases  renfermant 
des  mottes  de  terre  imprégnées  de  son  sang,  les  mêmes 
précieuses  reliques,  enfin,  que  celles  dont  faisait  mention  le 
procès-verbal  de  1 789,  marquant  la  date  de  leur  translation 

(I)  Voir  cette  décUratioa  aux  pièces  justificatives  n*  8. 

(s)  A  cette  époque,  le  département  de  l'Ain  faisait  partie  de  l'archidiocèse  de  Lyon. 


90  CHAPITRE   V 

solennelle,  de  l'église  abbatiale  dans  l'église  du  Collège  de  la 
ville  (i). 

Lecture  faite  d'un  autre  procès-verbal  constatant  la  conser- 
vation des  saintes  reliques,  pendant  la  grande  Révolution, 
par  trois  respectables  et  graves  citoyens,  et  de  leur  remise 
fidèle  dans  la  châsse,  après  les  mauvais  jours  de  la  Terreur, 
Son  Altesse  Eminentissime  fit  quatre  lots  des  divers  objets 
recueillis  dans  le  reliquaire.  Elle  les  scella,  les  réunit  en  un 
seul,  dans  une  enveloppe  fie  toile  blanche,  et  le  tout,  marqué 
à  son  nom  et  muni  de  son  sceau,  fut  déposé  dans  la  châsse 
de  bois  doré,  fermée  à  trois  clefs. 

L'Eminentissime  Cardinal  avait,  toutefois,  préalablement 
distrait  un  des  grands  ossements  de  cette  Relique,  pour  être 
déposé  dans  le  trésor  de  l'Eglise  Primatiale  de  Lyon,  lequel 
serait  rendu,  dit  le  procès-verbal,  à  celle  de  Saint-Rambert 
si  cette  dernière  église  avait  jamais  le  malheur  de  perdre  le 
trésor  qu'elle  possède. 

Avant  de  quitter  la  ville  de  Saint-Rambert-de-Joux,  son 
Eminence  le  Cardinal  Fesch,  comme  pour  raviver  dans  les 
âmes  des  fidèles  la  dévotion  à  leur  illustre  Patron,  et  la 
confiance  en  sa  puissante  intercession,  ordonna  que  la  châsse, 
réparée  et  remise  en  bon  état,  serait  désormais  placée, 
comme  avant  la  grande  Révolution,  dans  la  niche  préparée, 
derrière  l'autel  de  la  chapelle  dédiée  à  ce  Saint  (2). 

Ainsi,  élevée  avec  honneur  au-dessus  du  parvis  du  sanc- 
tuaire, et  exposée  visiblement  aux  regards  de  tous^  elle 
deviendrait  l'objet  constant  des  visites  pieuses  et  des  prières 
des  pèlerins. 

Et  pour  que  son  passage  au  milieu  d'une  population 
foncièrement  chrétienne,  fermement  attachée  au  culte  de 
saint  Rambert,  heureuse  même  de  tout  ce  qui  pouvait  lui  en 

(I)  Voir  les  pièces  justificatives  n*  7. 
(3)  Voir  les  pièces  justificatives  n*  9. 


LE   CULTE   DE  SAINT   RAMBERT  9I 

rappeler  le  souvenir,  et  pour  que  son  passage  béni  restât 
gravé  dans  la  mémoire  des  générations,  son  Altesse  Eminen- 
tissime  voulut  que  Ton  rétablît  la  croix,  en  pierre,  qui 
existait  au  lieu  où  la  tradition  porte  que  saint  Rambert 
souffrit  le  martyre  (i). 

ce  Cet  état  de  choses,  dit  Tauteur  de  V Histoire  hagiologique 
«  de  Belle/ ^  durait  depuis  vingt  ans,  lorsque  M.  le  curé 
«  et  les  fidèles  de  la  paroisse  prièrent  Monseigneur  Alexandre- 
ce  Raymond  Dévie,  évêque  de  Belley,  de  vouloir  bien  faire  la 
ce  translation  de  la  châsse,  de  la  chapelle  trop  humide  où  elle 
(c  reposait,  dans  une  autre  chapelle  plus  saine  et  plus  décente, 
ce  et  nouvellement  restaurée.  » 

L'illustre  prélat  s'empressa  d'accéder  à  des  vœux  si  pieu- 
sement exprimés.  Aussi,  le  9  avril  i833,  se  rendit-il  à  Saint- 
Rambert  accompagné  de  MM.  Ruivet  et  Depéry,  chanoines 
et  vicaires  généraux  du  diocèse^  pour  procéder  à  la  recon- 
naissance des  reliques  (2). 

La  châsse  de  bois  doré,  descendue  de  sa  niche,  et  solen- 
nellement portée  à  la  sacristie  par  MM.  les  vicaires  généraux 
en  rochet,  accompagnés  de  MM.  Dupuy,  curé  ;  Tournier  et 
Reigner,  vicaires  ;  Valentin,  prêtre  de  la  Congrégation  de 
Saint-Sulpice,  en  habit  de  chœur  ;  de  MM.  Charles-Annibal 
Carron,  Philippe  Charlin,  Pierre  Rat,  fabriciens,  fut  ouverte 
par  sa  Grandeur  devant  les  témoins  nommés  ci-dessus. 
Vérification  faite  des  précieuses  reliques,  Monseigneur  Dévie 
reconnut,  divers  procès-verbaux  en  mains,  qu'elles  étaient 
les  mêmes  que  celles  qui  avaient  été  constamment  décrites 
depuis  plusieurs  siècles,  par  les  diverses  autorités  ecclésias- 
tiques, y  compris  une  côte  restituée  par  la  famille  Lyaudet 
qui  la   gardait  avec  vénération  depuis   178g.  Sa   Grandeur 


/|)  Ce  n'est  qu'en  18 1 5,  ooas  l'avons  déj&  dit,  que  fut  plantée  la  croix  de  pierre  que 
l'on  Toit  encore)  aujourd'hui,  au  bord  du  ruisseau  de  Brévon  ou  Bébron. 

(3)  Voir  les  pièces  justificatives  n*  10. 


92  CHAPITRE    V 

procéda  ensuite  à  leur  nouvelle  translation  dans  le  reliquaire, 
les  scella  de  ses  armes,  mais  non  toutefois .  sans  avoir 
auparavant  distrait  une  côte,  pour  la  déposer  dans  le  trésor 
de  sa  cathédrale.  Puis,  à  la  sollicitation  pressante  de 
M.  Dupuy,  curé,  Monseigneur  promit  de  revenir  bientôt  en 
faire  une  translation  plus  solennelle. 

En  effet,  le  dimanche  suivant,  14  avril,  qui  était  le  dimanche 
de  Quasimodo,  Monseigneur  Dévie  se  rendit  à  Saint- 
Rambert-de-Joux  accompagné  de  ses  deux  vicaires  généraux, 
MM.  Ruivet  et  Depéry,  pour  faire  cette  translation  des 
reliques  du  saint  Martyr,  dans  la  nouvelle  chapelle  qui  lui 
avait  été  préparée. 

La  cérémonie  rappela  celles  des  siècles  précédents  par  la 
solennité  et  le  concours  des  assistants,  clergé  et  fidèles, 
autant  que  par  la  piété  avec  laquelle  elle  s'accomplit.  La 
châsse  fut  portée  triomphalement  en  procession,  à  travers 
les  rues  de  la  ville,  au  milieu  d'une  grande  foule  qui  n'inter- 
rompait son  recueillement  dans  la  prière,  que  pour  faire 
monter  vers  le  ciel  des  hymnes  de  triomphe,  en  l'honneur 
de  saint  Rambert. 

Rentrée  dans  l'église  paroissiale,  la  vénérable  châsse  fut 
placée,  dans  une  niche,  au-dessus  de  l'autel  de  la  nouvelle 
chapelle  de  saint  Rambert,  dans  la  nef  du  côté  de  l'Evangile. 

Cette  marche  triomphale  du  saint  Martyr  à  travers  les  rues 
de  la  petite  cité  qu'il  protège,  depuis  presque  douze  siècles, 
n'est  pas  un  fait  rare  dans  l'histoire  des  annales  religieuses 
de  la  chrétienne  population  de  Saint-Rambert-en-Bugey. 

Depuis  longtemps,  en  effet,  le  nom  de  l'illustre  Martyr 
ayant  été  inséré  dans  les  divers  martyrologes,  il  y  avait  bien 
des  siècles,  déjà,  que  sa  fête  se  célébrait,  avec  pompe,  dans 
l'église  dont  il  est  le  Patron  bien-aimé  et  le  protecteur 
dévoué. 

«  Chaque  année,  dit  l'auteur  de  l'opuscule  :  Vie  de 
ce  saint  Rambert^  autrefois,  chaque  année,  la  veille  de  cette 


LE   CULTE   DE    SAINT   RAMBERT  qS 

«r  fête,  le  syndic  de  la  ville  était  dans  l'usage  de  se  trans- 
«  porter  à  TAbbaye  pour  prier  les  religieux  de  descendre  la 
«  châsse  dans  Téglise.  Elle  était  portée  processionnellement 
«  par  deux  d'entre  eux,  vêtus  en  dalmatiques.  Le  curé  de 
«  Saint-Rambert-de-Joux  venait  au-devant  de  la  procession 
cf  jusqu'au  ruisseau  de  «  Bébron  ».  Lorsqu'on  était  arrivé  à 
ce  l'église  paroissiale,  on  déposait  la  relique  dans  le  sanctuaire 
a  et  l'on  chantait  les  premières  vêpres. 

«  Le  lendemain,  jour  de  la  fête  patronale,  les  religieux 
a  venaient  officier  solennellement  dans  l'église  de  la  ville.  Le 
c(  soir,  après  les  vêpres,  on  reportait  processionnellement  la 
«  relique  au  monastère.  » 

Dans  le  diocèse  de  Belley,  la  fête  de  saint  Rambert  se 
célèbre  le  i3  juin.  Monseigneur  Dévie  a  élevé  l'office  de 
l'illustre  Martyr  au  rit^double. 

«  Pour  nourrir  la  juste  confiance  que  les  peuples  accor- 
«  dent  à  saint  Rambert,  ajoute  l'érudit  M.  Depéry,  le 
«  pape  Grégoire  XVI,  à  la  sollicitation  de  Monseigneur 
<c  Dévie,  daigna  accorder  à  perpétuité  par  un  bref  du 
«   14  février  1834  : 

a  I*  Une  indulgence  plénière  à  tous  les  fidèles  qui 
ce  communieront  dans  Téglise  de  Saint-Rambert  le  jour  de 
ce  sa  fête,  ou  l'un  des  sept  jours  suivants  ; 

<c  2*  Une  indulgence  de  cinquante  jours  à  toutes  les 
«  personnes  qui  iront  réciter  cinq  Pater^  cinq  Ave  et  cinq 
«  Gloria  Patri^  dans  ladite  église. 

«  On  peut  gagner  cette  indulgence  tous  les  jours  (i).  » 

C'est  de  la  petite  ville  de  Saint7Rambert-en-Bugey  où  les 
foules  pieuses  accoururent  de  tout  temps  pour  en  vénérer  les 
sacrés  ossements,  que  le  culte  du  saint  Martyr  s'étendit  à  la 


(i)  Ces  privilèges  ont  été  accordés  seulement  pour  l'église  de  Saint-Rambert-co-Bugey. 
Voir  aux  pièces  justificatives  n*  i3.  la  supplique  de  Monseigneur  Devic  et  le  rescrit  du 
Pape  Grégoire  XVI,  faisant  droit  à  sa  demande. 


94  CHAPlTkE   V 

région  lyonnaise  et  aux  contrées  limitrophes.  Et  les  miracles 
opérés  à  son  tombeau  étaient  si  nombreux,  si  fréquents,  si 
éclatants  et  si  remarquables,  que  nous  verrons  bientôt  des 
personnages  riches  et  puissants  venir  s'y  agenouiller  et 
ne  le  quitter  qu'avec  le  désir  de  posséder,  dans  leur  manoir, 
quelques  parcelles  de  reliques  si  fécondes  en  prodiges  de 
toutes  sortes.  Après  ces  réflexions,  on  comprendra  mieux  la 
légende  que  nous  allons  raconter. 

Pour  nous,  nous  ne  mettons  pas  un  seul  instant  en  doute 
que  cette  légende  de  la  Translation  d'une  partie  considérable 
du  corps  de  saint  Rambert,  au  prieuré  de  Saint-André-en- 
Forez,  ne  repose  sur  quelque  fond  de  vérité. 

Or,  ce  fond  de  vérité  sur  lequel  les  générations  ont  tissé 
les  détails  si  naïfs  et  si  médiévaux  de  cette  légende  très 
respectable,  ne  serait-il  pas,  à  notre  humble  avis,  l'ardent 
désir  du  noble  comte  de  Forez,  Guillaume  i",  d'avoir  en  sa 
possession  quelques  ossements  de  l'illustre  martyr,  dont  le 
nom  et  les  faveurs  étaient  dans  toutes  les  bouches  au  xi* 
siècle  ! 

Nous    verrons,  par  la  suite,  que  grâce  sans  doute  à  sa 
noblesse,  à  sa   haute  influence,  à  ses   largesses  princières, 
le  pieux  comte  obtint  du  ciel  ce  qu'il  désirait,  et  même  peut 
être  plus  qu'il  n'aurait  osé  espérer. 


CHAPITRE   VI 


DE   LA   TRANSLATION 


DES    RELIQUES    DES    SAINTS 


L'usage  de  transporter  d'un  lieu  à  un  autre  les  restes  sacrés 
d'un  saint,  est  né  de  la  vénération  que  les  fidèles  de  la 
primitive  Eglise  avaient  pour  leurs  martyrs.  Il  leur  a  été 
inspiré  par  le  désir  aussi  naturel  que  religieux  de  posséder, 
tout  près  d'eux,  les  corps  de  ceux  qu'ils  avaient  aimés  pendant 
leur  vie,  et  dont  la  mémoire  leur  restait  chère,  à  quelque 
degré  de  la  société  qu'ils  appartinssent. 

Mais  lorsque  ces  martyrs  étaient  des  évêques,  des  prêtres 
tombés  sous  le  glaive  des  bourreaux,  dans  des  lieux  éloignés 
de  celui  où  ils  avaient  vécu,  on  comprend  très  bien  que  les 
ouailles  désolées  de  ces  victimes  demandassent  la  faveur  de 
transporter  les  vénérés  ossements,  du  lieu  de  leur  supplice 
dans  l'église  même  où  ces  saints  pasteurs  avaient  exercé  leur 
zèle  sacerdotal  (i). 


(i)  La  cérémonie  de  la  translation  dea  reliques  d'an  saint  est  nne  cérémonie  pins  ou 
moins  solennelle,  pour  laquelle  il  n*y  a  pas  de  rit  déterminé,  mais  que  Ton  peut  très  bien 
ordonner,  en  prenant  pour  modèle  les  translations  sur  lesquelles  l'histoire  ecclésiastique 
donne  des  détails. 

Voici  néanmoins,  d'après  les  origines  et  raisons  de  la  liturgie  catholique,  les  dispositions 
générales  qui  sont  ordinairement  adoptées  :  «  La  chftsse  renfermant  les  saintes  dépouilles 
•  est  exposée  la  ▼eille  du  jour  de  la  cérémonie,  dans  un  lieu  convenablement  orné,  et  on  fait 


96  CHAPITRE   VI 

C'est  ainsi  que  furent  transportés  avec  grande  pompe. 
Tan  107,  de  Rome,  où  il  avait  été  martyrisé,  à  Antioche  où 
il  fut  évêque,  les  ossements  de  l'illustre  saint  Ignace,  reliques 
précieuses  que  les  fidèles  reçurent  comme  un  trésor  inesti- 
mable, si  Ton  en  croit  les  actes  de  son  martyre. 

Plus  tard,  vers  261,  on  transporta  encore,  de  Rome  à 
Antioche  où  il  avait  été  martyrisé,  les  reliques  de  saint 
Babylas,  un  des  successeurs  de  saint  Ignace  sur  le  siège  de 
cette  dernière  ville. 

Et  sous  Théodose  le  Jeune  (379-395),  eut  lieu  la 
translation  mémorable,  dans  l'église  de  Sion,  des  sacrés 
restes  de  saint  Etienne,  premier  martyr,  trouvés  près  de 
Jérusalem  par  suite  d'une  révélation  faite  au  saint  prêtre 
Lucien. 

Saint  Bonnet,  évêque  de  Clermont,  mort,  en  odeur 
de  sainteté,  au  monastère  de  TIle-Barbe- lez -Lyon,  le 
i5  janvier  710,  avait  été  enseveli  près  de  Tillustre  martyr 
lyonnais,  saint  Ennemond,  dans  l'abbaye  bénédictine  de 
Saint-Pierre-les-Nonnains,  à  Lyon  même.  Mais  le  diocèse  de 
Clermont  sollicita  instamment  la  faveur  de  posséder  les 
restes  précieux  de  son  ancien  évêque  ;  et,  après  de  longs 
pourparlers  entre  le  clergé  clermontois  et  Tévêque  Fulcoald, 


«  brûler,  autour  d'elle,  au  moins  deux  cierges.  Celui  qui  doit  présider  à  lacérémoDie  se  rend, 
«  en  étole  et  en  chape  au  lieu  où  reposent,  depuis  la  veille,  les  reliques  ;  il  les  encense  de 
I  trois  coups  en  s'inclinant  profondément,  avant  et  après  l'encensement. 

I  Les  chantres  entonnent  un  répons  en  l'honneur  du  saint,  et  tout  de  suite  après  les 
«  Litanies  des  Saints,  la  procession,  précédée  de  la  croix,  se  met  en  marche  à  l'invocation 

■  Sancta  Trinitas.  Un   ou   plusieurs    thuriféraires    encensent   continuellement,  ou   par 

■  intervalles  rapprochés,  la  Relique.  Le  nom  du  saint  ou  de  la  sainte  est  invoqué  trois  fois 
«  par  un  chant  plus  grave,  et  le  clergé  se  découvre  pendant  cette  triple  invocation.  La 
«  châsse  est  portée  par  des  prêtres  ou  des  clercs  dans  les  ordres  majeurs,  ou  mineurs  à 
«  défaut  des  premiers.  Dans  les  campagnes,  on  la  fait  quelquefois  porter  par  des  jeunes 
«  gens  revêtus  d'aubes. 

«  Après  les  Litanies,  on  entonne  des  Psaumes,  si  la  procession  n'est  pas  terminée  et  on 
«  choisit  les  plus  analogues  à  cette  circonstance.  Quand  on  est  arrivé  au  lieu  où  la  chflsse 
•  doit  être  placée,  le  célébrant  entonne  le  Te  Deum,  qui  se  termine  par  l'antienne  propre 
«  du  saint,  pendant  laquelle  la  châsse  est  encensée  par  le  célébrant  lui-même. 

«  Après  le  Verset  et  l'Oraison,  il  est  expédient  de  faire  le  panégyrique  du  saint,  ou  tout 
«  au  moins  d'adresser  quelques  paroles  d'édification  aux  fidèles,  v  (Miche,  Encyclopédie 
théologique.) 


DE   LA   TRANSLATION    DES   RELIQUES   DES    SAINTS  97 

qui  occupait  alors  le  premier  siège  des  Gaules,  eut  lieu 
enfin  (juin  722)  la  translation  solennelle  des  reliques  de  saint 
Bonnet.  Ce  fut  vraiment  une  marche  triomphale  !  Outre  que 
chacune  des  localités  où  s'arrêta  le  cortège  prit  alors,  pour 
ne  plus  en  changer,  le  nom  de  saint  Bonnet,  chacune  de  ces 
haltes  pieuses  fut  marquée  elle-même  par  d*éclatants  miracles 
pour  les  populations  qui,  confiantes  et  empressées,  vinrent 
prier  auprès  des  reliques  :  à  Saint-Bonnet-le-Froid,  à  Saint- 
Bonnet-les-Places,  à  Cleppé,  à  Saint-Bonnet-les-Oules,  à 
Saint-Rambert,  à  Saint-Bonnet-le-Bourg,  à  Saint-Bonnet-le- 
Château,  à  Saint-Bonnet-lcs-Chauriat,  des  grâces  nombreuses 
signalèrent  le  glorieux  passage  et  la  halte  bénie  de  la  châsse 
vénérée  (i). 

Mais  une  des  plus  célèbres  translations  des  âges  passés  est 
celle  de  saint  Sébastien,  martyr,  dont  le  pape  Eugène  donna 
le  corps  à  l'empereur  Louis  le  Débonnaire. 

Elle  eut  lieu  en  827.  Cette  relique  fut  placée  dans  l'église 
de  saint  Médard  de  Soissons,  et  on  y  vit  bientôt  arriver  des 
pèlerins  de  toutes  les  parties  de  la  Gaule.  Les  présents  qui 
furent  faits  à  cette. relique  prirent  de  telles  proportions,  que 
Ton  compta  jusqu'à  85  boisseaux  de  pièces  d'argent,  900  livres 
d'or,  et  plusieurs  bijoux,  comme  colliers  et  bracelets  d'un 
grand  prix. 

Le  zèle  et  Tempressement  des  premiers  chrétiens  à 
recueillir  les  précieux  restes  des  saints,  a  toujours  été 
admirable. 

<c  Arrachés  pantelants  des  mains  du  bourreau,  enlevés 
(c  courageusement  de  la  poussière  ensanglantée  de  l'arène^ 
u  disputés  avec  une  incroyable  énergie  aux  fureurs  des  fauves, 
(c  et  à  la  barbarie  infâme  des  païens  qui  s'ingéniaient,  de  la 
K  façon  la  plus  cruelle,  à  en  détruire  les  traces,  les  corps 


10  Cf.  L'Histoire  Je  Saiiit-BonncHe-Chdteau,   par  MM.  les  chanoines  Condamin   et 
Lanclois. 


98  CHAPITRE   VI 

«  des  saints  martyrs  furent  toujours  l'objet  de  leurs  pieuses 
«  convoitises. 

«  Soutenus  par  une  foi  inébranlable,  les  sacrifices  les 
ce  plus  pénibles,  les  dangers  les  plus  sérieux,  la  menace 
«  même  de  la  mort  ne  pouvaient  les  effrayer  ;  et  souvent, 
«  c'est  sous  les  yeux  des  tyrans  sanguinaires  que  les  fidèles, 
<c  animés  du  plus  ardent  et  du  plus  noble  dévouement, 
'<  recueillaient  ces  corps  sacrés,  mutilés  sous  les  rigueurs 
«  du  supplice  (i).  » 

C'est,  sans  doute,  à  la  vue  de  ce  dévouement  et  de  cette 
charité  des  chrétiens  de  l'Eglise  naissante  envers  leurs  frères 
morts  pour  Jésus-Christ,  que  les  païens  laissèrent  échapper 
la  fameuse  parole  rapportée  par  Tertullien,  et  qui  est 
Tapologie  la  plus  parfaite  de  la  religion  chrétienne  et  de 
ceux  qui  la  pratiquaient  :  yoye:{  combien  ils  s'aiment  entre 
eux  (2) . 

Mais  lorsque,  aux  tombeaux  des  saints  martyrs,  on  vit  se 
multiplier  les  miracles,  le  zèle  à  les  orner,  l'empressement  à 
les  visiter  devinrent  encore  plus  grands.  On  regarda  leurs 
reliques  comme  un  gage  assuré  des  faveurs  du  ciel,  et  dans 
chaque  église  on  voulut  en  posséder. 

Dans  la  suite  des  temps,  aux  viii%  ix*  et  x'  siècles,  alors 
que  les  peuples  du  Nord  s'étaient  jetés  sur  l'Europe 
occidentale  pour  la  ravager,  et  qu'ils  avaient  fait  de  nos  belles 
provinces  de  France  un  champ  de  pillage  et  de  ruines  (3), 
on  vit  un  grand  nombre  de  très  courageux  chrétiens  s'em- 


(1)  D'après  B.  Zbllbr,  maître  de  conférences  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris,  dans 
Charles  le  Chauve,  840-877. 

(3)  Apologétique,  passim. 

(3)  Le  diacre  et  théologien  Floras  Drepanius,  mort  vers  860,  nous  a  laissé  nn  tableau 
lamentable  de  la  France  de  Charlemagne,  divisée  par  de  nombreuses  dissensions,  et  dont  le 
royaume,  oscillant  sur  sa  base,  menaçait  de  s'effondrer.  Nous  en  extrayons  ce  passage 
qui  montre  combien  les  chrétiens  de  cette  époque  troublée  avaient  raison  de  mettre  en 
lieux  sûrs  les  reliques  de  leurs  saints  : 

«  Tout  retentit  sous  les  conps  des  fléaux  divins  qui  nous  entourent.  Partout  la  dévastation, 
«  partout  les  maux  d'un  horrible  dé&astre.  Tous  les  biens  de  la  paix  sont  jetés  au  vent 


I 


I 


bE   LA   TRANSLATION   DES   RELIQUES   bES  SAINTS  gQ 

presser,  au  péril  de  leur  vie,  de  soustraire  à  la  fureur  des 
barbares  le  précieux  trésor  des  reliques  de  leurs  bieo- 
aîmés  saints. 

Or,  ce  n'est  pas  ailleurs  que  dans  les  troubles  incessants 
et  profonds  où  s'agitait  la  monarchie,  à  cette  grave  époque,  et 
dans  son  impuissance  à  entraver  les  fatales  invasions,  qu'il 
faut  chercher  la  cause  des  très  nombreuses  translations  de 
corps  saints,  dont  furent  témoins  ces  âges  reculés. 

En  ces  circonstances  malheureuses,  les  prêtres  et  les 
personnes  pieuses  préposés  à  la  garde  des  reliquaires,  les 
emportaient  dans  des  lieux  écartés,  où  les  barbares  ne  pou- 
vaient pénétrer.  Le  plus  souvent,  quelque  maison  de  chrétiens 
ignorés,  quelque  monastère  caché  au  fond  d'une  vallée, 
recevaient  le  précieux  dépôt.  Et  lorsque  le  calme  était  revenu, 
le  reliquaire  reprenait  sa  place  dans  l'église,  d'où  il  avait  été 
enlevé  par  précautions. 

Les  translations  de  reliques  des  saints,  ne  sont  pas 
cependant  un  fait  dont  le  moyen  âge  ait  eu  le  monopole. 
L'histoire  nous  fournit,  dans  tous  les  siècles,  des  exemples 
de  translations  de  reliques.  Et  dans  ce  xix'  siècle,  nous 
devons  mentionner  la  solennelle  translation  des  reliques  de 
saint  Vincent  de  Paul,  à  l'église  des  Pères  Lazaristes  de  Paris. 
Elle  eut  lieu  le  2*  dimanche  après  Pâques  en  i83o,  avec  une 
pompe  et  une  solennité  absolument  remarquables. 

Toutes  les  translations  de  reliques  ne  se  faisaient  pas  avec 
le  même  respect  ni  avec  la  même  pompe.  L'histoire  de  ta 
ville  de  Montpellier  nous  apprend  qu'une  autre  ville,  Venise, 
fil  tous  ses  efforts  auprès  des  deux  pouvoirs  civil  et  religieux 

■  par  dt*  hiJDC*  cracll».  Tout  \'é;]it  du  royaume  ciT  obtcuni  par  d'iaiqa»   fureurs  :  « 

■  voilt  qoe  l'bonneDr  de  l'Egli»  ibanu,  Ril  auiii  dana  le  lombeiu.  Ln  droita  du  laccrdocc 

■  complèlenieat  anfantii  k  lunt  écrouka:  «n  mime  Iimp*  n'en  floigni  de  nou>,  l'amour 

■  de  la  loi  dlviae  et  ta  craiOTe,..  De  perpitueta  couflila  a""'   '*  <™.i'm-n>   -l'iii.....-—   .iii.. 
<  et  le*  twHliquei  du  Chrial  lonl  dépoullléei  de  leur  an 

•  plus  d'hommage*  aux  martyre,  en  préaeDce  de*  aulela 
>  le*  rite*  ncrti  n'iQ*pireol  plus  de  reapecl.  > 


100  CHAPITRE   VI 

de  Montpellier,  afin  d'obtenir  une  relique  de  saint  Roch, 
sans  pouvoir  y  arriver,  et  que  devant  ce  refus  absolu,  des 
marchands  vénitiens  soudoyés  par  les  Doges,  usant  de  ruse 
et  d'audace,  enlevèrent  le  précieux  dépôt  (i). 

Ce  qui  est  plus  certain,  d'après  les  historiens,  ce  serait 
que  deux  a  moines  de  l'Ordre  de  Saint-Benoît,  sous  prétexte 
((  de  dévotion,  vinrent  solliciter  la  permission  de  prier  la  nuit 
«  sur  le  tombeau  du  saint  pour  obtenir,  de  son  puissant 
f(  crédit  auprès  de  Dieu,  la  cessation  de  la  peste  qui  depuis 
<c  huit  mois  avait  déjà  fait  à  Venise  trente  mille  victimes 

«  (1483). 
«  Qu'arriva-t-il  ?  C'est  que,  plein  de    confiance,  on   les 

«  laissa  seuls  prier  dans  la  solitude  de  la  nuit.  Ils  en  profi- 
te tèrent  et  parvinrent  à  ouvrir  la  châsse  et  à  cacher,  dans 
ce  leurs  <c  sacs  de  toile  »,  les  ossements  précieux  du  saint 
cr  qu'ils  emportèrent.  » 

Le  récit  de  la  translation  des  reliques  des  saints  Rambert 
et  Domitien,  ne  nous  offrira  pas  les  circonstances  originales  et 
quelque  peu  dramatiques  qui  accompagnèrent  l'enlèvement 
de  celles  de  saint  Roch,  mais  il  saura  captiver  l'attention 
du  lecteur,  l'intéresser  très  agréablement  par  le  charme  des 
détails  curieux  et  inédits. 

Nous  raconterons  les  faits  tels  que  nous  les  présente  la 
légende  de  l'ancien  Bréviaire  des  Bénédictins  du  Prieuré  de 
Saint -André- les -Olmes,  légende  pieuse  à  laquelle  nous 
adhérons,  après  le  Laboureur,  de  la  Mure,  et  d'autres  graves 
auteurs,  qui  n'ont  pas  craint  de  la  transcrire  et  de  la 
commenter  dans  leurs  ouvrages. 


(i)  Saint  Rock,  par   l'abbé  Chatanni,   membre   de    la  Société  historique  de  Lyon, 
1875,  p.  3o3. 


CHAPITRE  VII 


LÉGENDE 


DE     LA    TRANSLATION     DES    RELIQUES 

DE    SAINT    RAMBERT 

VERS    L'AN    1078   (I) 


Il  y  avait  donc  déjà  quatre  cents  ans  que  l'illustre  Rambert 
était  tombé  victime  de  la  haine  de  l'impie  et  cruel  Ebroïn, 
Maire  du  palais,  et  qu'il  reposait  sur  la  terre  de  Bourgogne, 
dans  le  monastère  et  près  du  tombeau  de  saint  Domitien, 
honoré  et  invoqué,  comme  on  honore  et  comme  on  invoque 
un  saint  Martyr,  lorsqu'il  apparut  à  un  de  ses  serviteurs 
dévoués. 


(i)  Légende,  du  latin  legtnJa,cho%et  qui  doivent  être  lues,  de  Légère,  lire.  Ce  mot  signifia 
d'abord  les  versets  que  Ton  récitait  dans  les  leçons  de  Matines;  il  fut  ensuite  donné  par 
extension  aux  vies  des  saints  et  des  martyrs,  parce  qu'on  devait  les  lire  dans  les  réfectoires 
et  les  communautés.  —  La  nôtre  est  extraite  de  l'Ancien  Bré%'iaire  du  Prieuré. 

Toute  légende  repose  sur  un  fond  de  vcrité  que  chaque  âge  a  pu  orner  à  sa  façon,  mais 
qui  n'en  est  pas  moins  une  vcrité  respectable  et  digne  d'exciter  notre  attention.  Ici  la  légende 
n'est  ni  plus  ni  moins  que  le  texte  du  bréviaire  récité  pendant  sept  siècles  par  les  religieux 
du  prieuré  de  Saint-André  et  plus  tard  par  les  chanoines  de  la  collégiale  de  Saint- 
Rambert,  texte  précieux  approuvé  par  Rome  et  qui,  à  cause  de  ces  deux  raisons,  mérite  tout 
notre  respect  et  notre  confiance.  Dann  les  preiriers  temps,  il  est  vrai,  le  cri  unanime  du 
peuple  et  l'autorisation  de  l'évêque  suffisaient  pour  canoniser  un  martyr.  Mais,  dans  les  siècles 
suivants,  l'Eglise  établit  des  règles  plus  sévères  pour  réprimer  tout  abus.  Alexandre  III,  sur 
la  fin  du  II*  siècle,  défendit  par  une  Décrétale  «  d'honorer  un  saint  sans  ^agrément  de 
VEglise  romaine  ».  Ce  droit  nouveau  fut  établi  bien  plus  tard  en  France. 


102  CHAPITRE   VII 

Cet  homme,  dont  la  dévotion  à  saint  Rambert  était 
très  grande  et  la  confiance  à  toute  épreuve,  fut  soudain, 
pendant  une  nuit,  favorisé  de  l'apparition  du  saint  Martyr. 
Celui-ci  exprima  à  son  pieux  mandataire  un  vif  désir  de 
voir  ses  sacrés  ossements  enlevés  des  bords  du  Bébron,  et 
transportés  sur  le  sol  forézien,  aux  rives  de  la  Loire. 

Cette  apparition  extraordinaire  de  saint  Rambert  à  un  de 
ses  fervents  serviteurs  avait  lieu  vers  Tannée  1078  (i),  saint 
Jubin  ou  Gébuin  étant  archevêque  de  Lyon,  et  Guillaume  !•% 
comte  de  Forez  et  de  Lyonnais  (2). 

Effrayé  d'abord  d'une  si  étrange  vision,  le  fidèle  serviteur 
du  saint  Martyr  court,  dès  l'aube,  au  tombeau  du  bien- 
heureux Rambert,  s'agenouille  auprès  des  reliques  bénies  de 
son  puissant  protecteur,  et  lui  fait  cette  prière  : 

0  Très  Saint  Ami  de  Dieu^  si  la  vision  dont  j'ai  été  favorisé 
pendant  cette  dernière  nuit  m'est  bien  venue  de  vous^  veuille\ 
sans  retard  me  réitérer  la  même  faveur!  Et,  le  jour  achevé,  il 
va  prendre  son  repos.  Tout  à  coup,  ô  prodige  !  le  saint 
athlète  du  Christ  se  présente  de  nouveau  à  ses  yeux,  vêtu 
d'une  tunique  teinte  de  sang. 

—  Pourquoi  as-tu  douté,  dit  la  vision,  et  pourquoi  as-tu 
refusé  d'enlever,  de  ce  lieu,  mes  restes  sacrés  ?  Mes  instances 
ne  sauraient-elles  te  déterminera  obéir? 

Cependant,  l'aube  du  jour  suivant  venait  à  peine  de  paraître, 
que  le  fidèle   serviteur   du   saint  martyr  était   déjà  à  son 


(i)  J.-M.  DE  LA  Mure  s'exprime  ainsi  dans  son  Histoire  du  Diocèse  de  Lyon,  page  i52  : 
«  L'année  suivante,  1079,  saint  Jubin  consacra  à  Dieu,  en  l'honneur  delà  Sainte  Vierge. 

«  l'église  abbatiale,  depuis  collégiale  de  Beaujeu,  fondée  par  Bérald,  l*un  des  premiers  et 

«  des  plus  anciens  seigneurs  de  Beaujeu.... 
*  Environ  vers  ce  même  temps,  arriva  la    mémorable  et  miraculeuse  translation  des 

«  reliques  de  saint  Rambert  martyr,  en  un  célèbre  Prieuré  de  son  Diocèse,  qui  a  pris  ce 

«  nom,  au  Pays  de  Forés. 

(2)  Saint  Gcbuin  ou  Jubin  fut  élu  Archevêque  de  Lyon  au  Synode  Eduen  tenu  â  Autun, 
vers  1077, et  mourut  le  18  avril  1079.  (Bréviaire  Lyonnais,  légende  delà  fête, au  18  avril.) 

La  «  Galtia  Ghristiana  »,  partie  de  la  Métropole  de  Lyon  et  de  Vienne,  le  fait  mourir  eq 
1082.  Voir  cet  ouvrage,  page  179. 


LÉGENDE   DE   LA   TRANSLATION    DES   RELIQUES  I03 

tombeau.  Le  front  prosterné  dans  la  poussîète,  il  rend  grâces 
à  Dieu  et  remercie  saint  Rambert  de  la  nouvelle  vision  dont 
il  a  daigné  le  favoriser.  Mais  il  supplie  encore  le  bienheureux 
de  ne  point  lui  refuser  une  troisième  révélation  des  choses 
étonnantes  dont  il  a  eu  déjà  deux  fois  la  faveur.  Si  vous 
accédez  à  mes  désirs,  ô  illustre  Patron  et  Protecteur,  lui  dit- 
il,  bannissant  toute  crainte^  je  me  mettrai  en  route  pour  le 
but  indiqué,  sous  la  garde  de  Dieu  qui  a  dit  par  la  bouche  du 
prophète  :  «  Ne  craignei  point  de  paraître  devant  ceux  à  qui 
je  vous  enverrai^  parce  que  je  suis  avec  vous  pour  vous 
délivrer  (i).  » 

Le  jour  suivant,  qui  était  le  dimanche,  les  premiers  rayons 
du  soleil  doraient  à  peine  l'horizon,  que  le  fidèle  ami  du 
saine  martyr  se  disait  déjà  à  lui-même  :  ce  Oui,  si  la  vision 
dont  j'ai  été  favorisé  se  montre  à  mes  yeux  une  troisième 
fois,  obéissant  à  la  volonté  de  Dieu  je  partirai  immédiate- 
ment pour  le  pays  où  je  dois  aller.  » 

Il  avait  à  peine  mis  fin  à  ses  réflexions  que  saint  Rambert 
lui  apparaît  et  lui  dit  :  a  Ami,  lève-toi  promptement  et  hâte-toi 
de  prendre  le  chemin  que  le  Seigneur  va  te  montrer.  Chargé 
des  saints  ossements  de  mon  corps,  et  des  reliques  de  saint 
Domitien,  tu  porteras  ce  précieux  fardeau,  par  delà  le  fleuve 
de  Loire,  au  monastère  de  Saint-André,  dans  le  Comté  de 
Forez  (2).  » 

En  entendant  ces  paroles,  grande  fut  la  joie  du  pieux 
personnage  à  qui  le  saint  athlète  du  Christ  daignait  expliquer, 

(0  Jérémie.  I.  8. 

|a)  Le  monastère  ou  prieuré  de  Saint-André-les-Olmes,  dont  l'église  fui  la  fille  aînée  dt 
la  fameuse  abbaye  de  l'Ile-Barbe.  parce  qu'elle  fut  fondée  par  les  moines  Bénédictins  de 
cette  dernière  abbaye,  existait  déjà  au  x*  siècle.  En  effet,  nous  le  voyons  désigné  dans  la 
charte  de  Conrad  le  Pacifique,  datée  de  971.  Dans  cette  charte,  ce  roi  donne  à  l'abbé  Eldebert. 
prieur  de  l'Ile-Barbe,  pour  son  serment  de  fidélité,  l'investiture  et  la  confirmation  de  tout  ce 
qu'il  tenait  de  lui  —  entre  autres  biens  :  ....  Cellam  quoque  de  Occiaco,  cum  Ecclesià 
Sancti  Andreœ^  capellamque  juxtà  eam  in  honorera  sancti  Cosmc  —  Le  monastère  fut 
dédié  à  saint  André,  en  souvenir  de  celui  de  l'Ile-Barbe.  dont  ce  lut  le  premier  patron. 
—  (Voir  LB  Laboureur.  Masures  de  l'Ile-Barbe,  tome  I,  page  63.) 


104  CHAPITRE  VII 

une    troisième    fois,    la    mission    providentielle    qu'il    lui 
confiait. 

Aussi  bien,  dès  que  la  nuit  suivante  est  venue,  profitant  du 
moment  où  toute  la  nature  est  dans  le  calme  et  le  silence,  il 
se  rend,  Tâme  émue,  au  tombeau  du  glorieux  martyr,  et  les 
yeux  levés  vers  le  ciel,  il  fait  cette  prière  :  «  Seigneur  Jésus, 
<c  Dieu  qui  aime:{  la  bonté  et  qui  en  êtes  Fauteur^  vous  qui  ave:{ 
«  fait  sortir  Lazare  du  tombeau,  quatre  jours  après  qu' il  j' eut 
c<  été  enseveli,  vous  qui  ave:{  ouverte  votr  glorieux  sépulcre  pour 
«  en  sortir  victorieux,  ouvre\-moi  aussi  le  tombeau  de  vos 
«  saints,  non  à  cause  de  mes  mérites^  mais  à  cause  de  ceux  de 
«  vos  élus^  afin  que  je  puisse  facilement  transporter  leurs  corps 
«  au  lieu  que  vous^  mon  Dieu  et  mon  Sauveur^  leur  ave{ 
«  préparé.  » 

Sa  prière  finie,  il  voit  soudain,  renversée  à  ses  pieds,  la 
pierre  qui  fermait  le  tombeau  des  deux  bienheureux.  Saisi 
d'une  grande  frayeur,  il  ose  à  peine  approcher,  —  mais,  peu  à 
peu,  il  se  rassure  et  prend  courage.  Des  deux  mains  il  enlève 
de  leur  châsse  les  précieux  ossements,  et  les  rassemble  en  un 
faix,  qu'il  plie  dans  quelque  grossière  étoffe  à  cet  usage  (i), 
disposée  en  forme  de  besace. 

Il  se  met  en  route  avec  son  béni  fardeau,  marche  longtemps, 
et  arrive  enfin  sur  les  pentes  de  la  montagne  où  se  dresse 
fièrement  un  château  fort.  C'est  le  manoir  d'Yzeron. 

Mais  une  longue  et  pénible  route  a  fatigué  le  voyageur. 
Pour  se  reposer,  il  s'assoit  sur  le  bord  du  chemin,  à  l'ombre 
d'une  blanche  aubépine. 

Or,  dans  ces  parages  et  précisément  à  cette  heure,  il  arriva 
qu'une  troupe  de  chasseurs  au  service  du  comte  Guillaume, 
seigneur  du  manoir,  étaient  à  la  poursuite  d'un  lièvre  que  la 
meute  des  chiens  avait  levé  dans  un  buisson. 


(i)  Le  mot  «  sardnulis  j*  que  nous   lisons  dans  le  texte  de  U  légende  trouvera   son 
explication,  plus  loin,  au  chapitre  IX  de  cet  ouvrage. 


LÉGENDE   DE   LA   TRANSLATION    DES    RELIQUES  I05 

Lancé  dans  la  direction  de  notre  porteur  de  reliques, 
l'animal  s'arrête,  sans  crainte,  tout  auprès  du  mystérieux 
fardeau,  court  et  ferme. 

Quant  aux  chiens,  retenus  en  arrière  comme  par  une  force 
invisible,  ils  poursuivent  à  distance  Tanimal  de  leurs  aboie- 
ments, sans  oser  l'approcher. 

Stupéfaits  à  la  vue  d'un  phénomène  si  étrange,  les 
veneurs  se  demandent  les  uns  aux  autres  :  Qu'est  cela  ? 
—  Qui  a  jamais  vu  pareille  chose?  —  Allons  vite  dire 
à  notre  maître  la  merveille  dont  nos  yeux  sont  témoins. 
Car  il  y  a  certainement,  dans  cet  événement,  quelque  chose 
de  divin.  C'est  un  fait  qui  ne  sera  pas  longtemps  sans  avoir 
du  retentissement. 

Ils  s'en  vont  donc  raconter  au  comte  Guillaume  ce  qui  se 
passe  d'extraordinaire  sur  ses  terres.  Etonné  et  frappé  de 
l'étrangeté  de  l'événement,  le  noble  seigneur  accourt  à  la 
suite  de  ses  gens,  vers  le  lieu  du  prodige,  pour  constater  la 
vérité  des  choses  qu'on  lui  a  rapportées. 

A  peine  s'en  est-il  approché,  qu'il  aperçoit  un  voyageur 
dans  l'attitude  du  repos.  Tout  auprès  de  lui,  et  déposées 
à  terre,  sont  des  sacoches  pleines. 

Très  surpris  à  son  tour,  le  comte  interpelle  notre  homme. 
Qui  es-tu  ?  —  Où  vas-tu  ?  —  Que  portes-tu  dans  tes 
sacoches  ? 

Qui  je  suis  ?  —  Où  je  vais  ?  —  Ce  que  je  porte  ?  —  Le  voici 
en  peu  de  mots,  répond  le  voyageur  : 

«  Je  suis  le  serviteur  de  Dieu  et  du  très  saint  martjT 
«  Rambert.  Je  porte  les  ossements  vénérés  de  son  corps  et 
«f  ceux  du  saint  confesseur  Domitien,  au  comté  de  Forez, 
«  par  delà  la  rivière  de  la  Loire,  dans  le  monastère  de  Saint- 
ce  André,  et  cela,  de  par  Tordre  et  la  volonté  de  saint  Ram- 
«  bert  lui-même.  » 


,  ,,;  CHAPITRE   VU 


Kn  entendant  ces  paroles,  le  comte  Guillaume  ne  peut 
contenir  les  transports  d'une  joie  d'autant  plus  douce  et  plus 
vi\x.  qu'il  était,  selon  les  mœurs  de  ces  temps,  le  Père  tem- 
poH  du  monastère  de  Saint-André-les-Olmes  (i). 

Veuille  rester  quelque  temps  au  milieu  de  nous,  répond  le 

\>mte  au  pieux  voyageur,  nous  ferons  appel  aux  habitants  de 
j  -ontrêc,  et  lorsque  nous  aurons  réuni  un  bon  nombre  de 
pèlerins,  nous  accompagnerons,  en  grande  pompe,  les  reliques 
que  tu  portes  en  Forez. 

Sans  tarder,  le  comte  Guillaume  envoie  les  gens  de  sa 
maison  prévenir  le  Prieur  du  monastère  de  Saint-André,  et 
les  Recteurs  des  églises  qui  se  trouvent  au-delà  de  la  Loire. 
Il  les  invite  à  venir  sur  les  bords  de  la  rive  droite  du  fleuve, 
en  pieuse  et  solennelle  procession  et  au-devant  des  reliques 
des  saints  Rambert  et  Domitien,  qui  leur  arrivent  d'une 
manière  toute  providentielle. 


il)  Erat  eoim  prsfati  Monasterii  Pater,  quem  temporalem  Yocant  {texte  tiré  de  Foffice 
4e  saint  Rambert.  //•  nocturne,  4'  leçon). 

Ce  qui  veut  dire  que  le  comte  Guillaume,  seigneur  très  chrétien,  était  l'ami  et  le  protecteur 
A\x  monastère  de  Saint-André,  à  la  prospérité  duquel  il  s'intéressait  sans  doute.  Et  si  sa  joie 
fut  si  grande  en  trouvant  sur  ses  terres  le  porteur  mystérieux  des  reliques  de  saint  Ram- 
bert, c'est  que  peut-être  ces  mêmes  reliques  si  fécondes  en  miracles,  et  dont  la  renommée  ne 
lui  était  pas  inconnue,  il  les  avait  désirées  pour  l'église  de  son  monastère  favori,  et  peut-être 
Hvait  sollicité  des  religieux  qui  en  étaient  les  heureux  possesseurs  en  Bugey,  l'honneur  d'en 
avoir  à  sa  disposition  quelques  précieuses  parcelles. 

M.  l'abbé  BouÉ,  curé  de  Saint-Just,  Lyon  1844,  dans  sa  Notice  sur  la  chasuble  de  saint 
Rambert,  page  i3,  va  jusqu'à  dire  que  ce  fut  le  comte  Guillaume  qui  fit  faire  au  xi*  siècle 
cette  translation.  Nous  serons  moins  affirmatifs  que  cet  auteur,  après  de  la  Murb  qoi, 
dans  son  Histoire  du  Diocèse  de  Lyon,  mentionne  simplement  que  cette  translation  se  fit 
miraculeusement  du  temps  de  Guillaume,  comte  de  Forez.  Nous  ajouterons  que  ledit  comte 
n'eût  pas  alors  été  étonné  de  voir  arriver,  sur  ses  terres,  l'homme  porteur  du  précieux 
fardeau  des  ossements  de  nos  saints,  s'il  eût  lui-même  commandé  et  organisé  la  trans- 
lation . 

Une  cérémonie  prévue,  commandée,  impose  la  joie,  mais  non  l'étonnement,  la  surprise. 
Du  reste,  que  signifierait  le  mot  «  miraculeusement  »,  si  d'avance  tout  avait  été  prévu  ? —  Pour 
nous,  le  comte  Guillaume  avait  bien  pu  demander  quelques  parcelles  des  reliques,  —  mais 
d'après  la  légende  du  Bréviaire,  d'après  de  la  Mure,  dans  son  Histoire  du  Diocèse^  page 
370,  il  ne  parait  pas  que  le  comte  Guillaume  ait  prévu  d'avance  et  organisé  la  cérémonie 
de  la  translation,  que  toujours  on  a  appelée  «  miraculeuse  ». 

A  moins  cependant  que  M.  l'abbé  BouÉ  veuille  entendre  par  ces  mots  «  le  comte  Guil" 
laume  fit  faire  cette  translation  1,  que  le  comte  Guillaume  fut  l'organisateur  de  la  pro> 
cession,  qui,  partant  de  son  manoir  d'Yzeron.  accompagna  jusqu'au  prieuré  de  Saint-André 
les  reliques  saintes  reçues  chez  lui  miraculeusement. 


LEGENDE   DE    LA   TRANSLATION    DES    RELIQUES  IO7 

Puis,  oubliant  la  chasse  et  ses  plaisirs,  il  charge  ses  nom- 
breux serviteurs  de  convoquer,  autour  du  vieux  manoir 
d'Yzeron,  à  une  date  fixée,  le  clergé  et  les  fidèles  des  paroisses 
d'alentour. 

A  la  nouvelle  qu'elles  allaient  bientôt  recevoir  le  trésor 
précieux  de  reliques  si  fécondes  en  miracles,  les  populations 
riveraines  de  la  Loire  accourent  en  masse,  avides  sans  doute 
de  contempler  la  merveille  que  le  comte  Guillaume  leur 
apporte,  mais  heureuses,  surtout,  de  ce  que  la  présence  au 
milieu  d'elles,  de  ces  saintes  et  puissantes  reliques  serait 
assurément  une  source  de  sanctification  pour  les  âmes  et 
guérisons  pour  les  corps. 

Cependant  le  comte  Guillaume  avait  rassemblé  une  grande 
foule  de  pèlerins  autour  des  saintes  reliques,  abritées  dans 
son  château. 

Au  jour  fixé,  cette  foule  compacte,  prêtres  et  fidèles, 
s'ébranle  et  se  met  en  marche  vers  la  Loire. 

Mais  déjà  un  peuple  innombrable  attendait,  en  prières,  sur 
les  deux  rives  du  fleuve. 

O  prodige,  les  reliques  sacro-saintes  entourées  de  la  foule 
sont  à  peine  arrivées  au  bord  du  fleuve,  que  les  eaux  se 
divisent  et  forment,  à  droite  et  à  gauche,  comme  deux  mu- 
railles, à  l'instar  du  Jourdain  refoulant  autrefois  ses  flots, 
ou  de  la  mer  Rouge  s'ouvrant  devant  les  fils  d'Israël,  qui  la 
traversèrent  à  pieds  secs. 

Ainsi  fut  accomplie  cette  parole  du  Psalmiste  :  «  Ils  ira- 
verseront  le  fleuve  à  pieds  secs  (i)  »  :  ou  encore,  cet  autre 
passage  de  la  Sainte  Ecriture  :  «  L'eau  s'arrêtera  de 
couler  (2).  » 

Nous  ne  passerons  point  ici  sous  silence  les  choses  mer- 

(i)  P&ftume  63,  venet  6. 
(2)  Exode,  i5,  verset  8, 


I08  CHAPITRE   VII 

veilleuses  (i)  que  le  Seigneur  daigna  opérer  par  l'intervention 
de  ses  serviteurs  Rambert  et  Domitien. 

En  effet,  lorsque  la  foule  faisant  cortège  aux  reliques  des 
deux  saints  eut  traversé  le  fleuve  à  pieds  secs;  lorsque  de 
toute  cette  grande  multitude,  pas  un  homme  ne  semblait 
être  resté  en  arrière,  il  arriva  que  le  cours  de  la  Loire  resta 
encore  suspendu,  et  ses  eaux  divisées  comme  deux  murailles. 

Frappé  de  ce  prodige,  le  comte  Guillaume  eut  i^dée  de 
faire  monter  quelqu'un  en  haut  d'un  grand  arbre  voisin,  afin 
qu'il  pût  se  rendre  compte  de  quel  nouveau  miracle  la  divine 
Providence  daignait,  encore,  favoriser  la  foule  pieuse,  puisque 
les  eaux  du  fleuve,  après  le  passage  des  reliques  et  des 
pèlerins,  cessaient  encore  de  couler. 

Un  jeune  homme  monte,  en  effet,  sur  un  arbre,  et  à  peine 
a-t-il  promené  ses  regards  dans  la  direction  de  l'autre  rive 
de  la  Loire,  qu'il  voit  venir  une  vieille  femme  boiteuse. 
«  Je  vois  une  femme  appuyée  sur  un  bâton,  crie-t-il  à  ceux  qui 
se  tiennent  là,  elle  vient  à  nous  avec  une  extrême  lenteur.  » 
Ces  paroles  firent  penser  au  comte  Guillaume  et  à  tous  les 
fidèles  qui  venaient  de  passer  la  Loire  miraculeusement,  que 


(i)  L'innée...  1079,  s*i°t  Jubin  consacra  À  Dieu,  en  l'honneur  de  la  Sainte  Vierge,  l'église 
abbatiale,  depuis  collégiale  de  Beau  jeu,  fondée  par  Bérald,  l'un  des  premiers  et  des  plus 
anciens  seigneurs  de  fieaujeu  et  du  Beaujolais,  qui  a  pris  le  nom  de  cette  ville,  et  sous  ce 
même  saint  prélat.  Environ  ce  même  temps,  arriva  la  mémorable  et  miraculeuse  translation 
des  reliques  de  saint  Rambert,  martyr,  en  un  célèbre  prieuré  de  son  diocèse,  qui  a  pris  ce 
nom,  au  pays  de  Forez,  en  laquelle  translation  la  rivière  de  Loire  se  partagea  au  passage 
de  ces  reliques,  comme  on  apprend  de  titres  et  preuves  authentiques  de  ce  monastère. 
(Histoire  Ecclésiastique  du  Diocèse  de  Lyon, par  M'«  J.-M.  de  la  Mure,  docteur-chanoine 
de  la  collégiale  de  Montbrison.  Edition  de  1671,  page  i56.) 

Ce  miracle  de  la  division  des  eaux  de  la  Loire,  en  deux  murailles,  pour  laisser  le  passage 
libre  aux  reliques  de  saint  Rambert,  n'est  pas  le  seul  qui  rendit  fameux  ce  beau  fleuve. 
Le  Laboureur,  au  tome  II  de  son  Histoire  des  Ducs  de  Bourbon,  et  à  la  page  439  et 
suivantes,  édition  moderne  avec  annotations  par  Chantelauze,  cite  le  miracle  suivant  que 
Dieu  fît  en  l'année  1491,  en  faveur  du  P.  Jean  Bourgeois,  saint  religieux  Cordelier  de 
l'Observance  régulière,  précepteur  et  ami  de  Charles  VIII,  roi  de  France,  et  du  seigneur 
d'Urfé.  Un  jour,  le  Père  Jean  Bourgeois  venant  de  Lyon,  et  voulant  passer  la  rivière  de 
Loire  pour  se  rendre  à  Montbrison.  le  batelier  lui  refusa  sa  barque,  à  cause  que  ne  portant 
point  d'argent,  suivant  son  Observance  régulière,  il  ne  lui  en  pouvait  donner.  Animé  d'une 
vive  confiance  en  Dieu,  à  l'exemple  de  saint  Raymond,  de  l'Ordre  de  saint  Dominique,  il 
étendit  son  manteau  sur  les  eaux,  et  s'étant  mis  dessus  avec  son  compagnon,  faisant  le 
signe  de  la  croix,  il  passa  très  facilement  et  heureusement  à  l'autre  bord  de  la  rivière. 


•  •» 


LÉGENDE   DE   LA  TRANSLATION   DES   RELIQUES  I09 

la  divine  Providence  pourrait  peut-être  bien  ménager  à  la 
foule  la  vue  d'un  autre  prodige. 

La  pauvre  femme  estropiée  qui  avait  suivi,  avec  une  piété 
si  tendre  et  si  constante,  les  reliques  des  saints  Rambert  et 
Domitien,  ne  méritait-elle  pas  de  traverser  la  Loire  par  le 
chemin  desséché  qui  avait  servi  à  la  foule  ? 

Tous  les  pèlerins,  alors,  font  halte  un  moment  pour 
attendre  la  vieille  femme. 

Bientôt  elle  entre  dans  le  lit  du  fleuve  et  y  marche,  en  effet, 
sans  encombre.  Bien  plus,  elle  n'a  pas  plus  tôt  atteint  la  rive 
opposée,  que  soudain  la  Loire  recommence  à  rouler  ses  eaux 
avec  sa  rapidité  ordinaire. 

Tout  le  peuple,  témoin  de  ce  tait  prodigieux,  verse  alors 
des  larmes  de  joie  :  c*est  un  concert  unanime  d'actions  de 
grâces  à  Dieu,  et  de  remerciements  à  ses  saints. 

Enfin,  une  longue  procession  s'étant  formée  à  nouveau,  les 
reliques  reprennent  leur  marche  triomphale  vers  le  monas- 
tère de  Saint-André,  aux  accents  des  hymnes  pieux  et  des 
saints  cantiques,  que  les  pèlerins  redisent  avec  le  plus  pieux 
enthousiasme. 

Déposées  dans  l'église  conventuelle  du  monastère  avec  tous 
les  honneurs  qu'elles  méritaient,  ces  précieuses  reliques  sont 
encore  celles  que  nous  vénérons  à  la  fin  de  ce  xix'  siècle. 

Dans  la  suite  des  temps,  il  y  eut  un  grand  concours  de 
malades  venus  de  tous  côtés  pour  implorer  le  secours  du 
vaillant  athlète  du  Christ,  saint  Rambert  (i). 

Et  personne  jusqu'à  ce  jour  ne  s'en  est  allé  sans  avoir 
obtenu  de  lui  quelques  grâces.  Ce  qui  veut  dire,  que  depuis 
huit  cent  vingt  ans  que  la  ville  de  Saint-Rambert-en- Forez 
possède  les  insignes  reliques  de  son  illustre  Patron,  et  que  sa 


(t)  Nous  ne  sommes  pas  éloignés  de  croire  que  c'est  à  ce  concours  de  pèlerins  que 
Tantique  bourg  d'Oecieu  dut  de  devenir  une  petite  cité  qui  compta  plus  tard  parmi  les  treize 
▼illes  «  vocalles  •  du  Forez.  On  appelait,  ainsi,  les  villes  dont  les  députés  avaient  voix  dans 
les  assemblées  du  Forez. 


I  10  CHAPITRE   VU 

vieille  église  reçoit  les  pèlerins  confiants  en  la  protection  du 
généreux  manyr,  le  culte  de  saint  Rambert  a  toujours  tenu 
une  grande  place  dans  la  vie  chrétienne  des  habitants  de 
notre  vieille  cité  et  des  populations  de  la  contrée,  comme 
aussi  la  bonté  de  notre  saint  envers  ses  fidèles  protégés, 
s'est  bien  souvent,  s'il  faut  en  croire  la  tradition  du  pays, 
manifestée  par  des  prodiges  en  leur  faveur  (i). 

i  a  tonjoun  invoqué  uiiil  Rimbin  pour  la  fécoD^té 

iel>  il  «I  repréacnté  dtiDi  Its  imigo  ou  statues  du 

DioycD  Ific  lymbotiHilt  cette  fécondiU,  comme 

il>  tymbolisaienl  jadii  I*  paix  (Fie  17). 

Au  nombre  det  miracles,  insigan  par  leaqueta 


il  faut   placer  l'év 

énement 

prodigieux  qae    la 

tradition  acoDMcr. 

!  comm< 

:  an  fait  d'une  vérité 

Menacée   d(tre    1 

■ssiégée 

et   préparée   i   une 

,   la  Yill. 

!  de  Sslnt-Rambert 

s  apprêtait   k    prendre   con 

qui,  Tenu  de  Maotbrisoa  1 

pour   la  surprendre. 

avait   déjà   fait    ivi 

pied   dei  muraîlki 

.   L'assai 

ji  de  la    Porte  dite 

du   Poyet  était  do 

nné,  les 

deux  tours  carrées 

qui    faisaient    %^a 

corps     venaient    de 

tomber    au    pouvoi 

ssai liants,    la    porte 

lore*e    allait    être 

franchit 

qaand.  6  prodige 

radieuK  de  gloire. 

l'un  jeune  et  brillant 

guerrier,    monlé    > 

ur   un    1 

apparat  aux  yeux  d 

de  majesté,  lui  pri 

rois  épis  d'or  d'une 

main  désarmée,  comme  symbole  de  paix  et  de 

réconciliation. 

Surpri.   de   cette 

vision 

aussi   eitraordinaira 

qu'imprévue,  Teant 

rmi  recala  épouvanté,  et  le* 

chefs  décidèrent  ai 

isiiUti  qi 

le   d-une  place  aussi 

plus  sanglante  défaite.  El  sans  coup  féri 


illustre 

protetlear  saini  Rambe 

l'illustre 

:  martjr  est,  depuis 

cette  époqa 

sous  la 

figui 

re  d'un  pacifique  guerrier 

■  cheval, 

,  ponant  de  la  mai 

n  droite  l'en 

lionnel 

trois  épis  d'or  (•). 

ON' 

dus: 

loonons  Ici  une  repr 

oduction  photo 

i  ancienne  ( 

équestr 

edu 

Patron  et  Prolecte 

ur  de 

illedté.Ellesevoy 

l'arcadi 

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a  pieuse 

procession  des  fidèles  passe  en 

hymae. 

idei 

triomphe. 

LEGENDE   DE   LA   TRANSLATION   DES   RELIQUES  I  1  I 

Voylà,  dit  Claude  le  Laboureur  dans  son  livre  Les  Masures 
de  Vile-Barbe  (tome  I*%  chapitre  VII,  page  8),  voylà  le  récit 
de  la  translation  de  ces  saints,  ce  qui  est  si  bien  circonstancée 
«r  que  je  le  tiens  authentique,  et  les  miracles  qui  s'en  ensui- 
«  virent  ont  esté  si  fréquents  et  si  célèbres,  que  depuis  ce 
«  temps  Téglise  et  monastère  de  Saint-André-en-Forez  ont 
«  changé  de  nom,  et  Taffluence  des  pèlerins  abordants  en  ce 
ff  lieu,  du  petit  Occiacum,  a  fait  une  jolie  ville  qui  porte  le 
<f  nom  de  son  nouvel  hôte,  saint  Rambert.  » 

Quand  on  se  pénètre  du  passage  intéressant  de  notre 
légende,  où  il  est  dit  que  le  comte  Guillaume  réunit  autour 
de  lui  un  grand  nombre  de  fidèles  et  de  prêtres,  pour  faire 
cortège  aux  précieuses  reliques  qui  allaient  quitter  son 
manoir  et  prendre  la  route  du  Forez  (i),  on  ne  peut  se 
défendre  d'un  sentiment  de  curiosité.  On  voudrait  savoir  ce 
qui  se  passa,  en  ces  jours  de  foi  naïve,  où  le  moindre  évé- 
nement religieux  suffisait  pour  exciter  l'enthousiasme  de 
populations  au  cœur  simple  et  croyant. 

Or,  d'après  les  documents  que  nous  avons  étudiés  et 
discutés,  voici  comment  les  choses  durent  vraisemblablement 
arriver. 

Lorsque  le  comte  Guillaume  fit  appel  à  la  piété  des  Rec- 
teurs dont  les  paroisses  étaient  voisines  de  son  château-fort, 
tous  assurément  durent  répondre  avec  le  plus  grand  empres- 
sement à  sa  pieuse  invitation,  entraînant,  après  eux,  un  clergé 
nombreux  et  une  foule  de  paroissiens. 

Et,  lorsque  le  seigneur  Prieur  de  notre  monastère  de 
Saint-André-les-Olmes  reçut  l'heureuse  nouvelle  de  l'arrivée 
toute  providentielle,  dans  son  église  conventuelle,  du  sacré 
trésor  qu'on  lui  avait  annoncé,  il  dut  aussi,  certainement, 

(i)  Voir  la  légende  de  saint  Rambert  aux  pièces  justificatives  n*  3...  Misit  qui  menèrent 
monasierii  rectorcs  et  ecclesiarum,  qus  sunt  ultra  Ligerim,  ut  cum  ornatu  obviàm 
sanctorum  relîquiis  ad  littus  fluminis  procédèrent...  clerum  et  populum  advocat,  qui  cum 
audierunt  taies  margaritas  eô  pervenisse,  catervatim  raunt,  cernere  cupicotet  mira  que 
genintur,  vel  corporis  sanitatem  rccuperare,  etc.«  etc. 


1  I  2  CHAPITRE   VII 

se  préparer  à  faire  aux  précieuses  reliques,  la  plus  solennelle 
et  la  plus  magnifique  réception. 

Pour  tout  dire,  en  cette  circonstance  bénie  où  les  cœurs 
des  recteurs  et  des  religieux  bénédictins,  des  seigneurs  et 
des  manants  battaient  à  l'unisson,  avec  les  tressaillements 
d'une  même  joie,  dans  l'attente  du  plus  extraordinaire  des 
événements,  ce  ne  furent  assurément,  de  toutes  parts,  au 
milieu  des  brillants  préparatifs  de  la  fête,  qu'acclamations 
enthousiastes,  que  brûlantes  invocations  en  l'honneur  des 
saints  de  Dieu . 

Le  texte  de  la  légende  de  la  translation  miraculeuse  des 
reliques,  en  nous  révélant  l'affluence  des  populations  rive- 
raines de  la  Loire,  autour  des  reliques  portées  en  triomphe 
des  bords  du  fleuve  jusqu'au  Prieuré,  ne  fait,  il  est  vrai, 
aucune  allusion  à  la  présence,  dans  le  pieux  cortège,  des 
austères  habitants  du  cloître  de  Saint-André. 

Mais,  n'est-il  pas  tout  naturel  de  penser  que  le  seigneur 
Prieur,  averti  par  l'ami  dévoué  et  le  Protecteur  temporel  de 
son  monastère  (i),  s'empressa  d'adoucir,  pour  la  circonstance 
exceptionnelle,  les  rigueurs  de  la  clôture  ?  Oui,  et  il  n'hésita 
pas  à  donner  à  ses  religieux  toute  permission  de  franchir 
le  seuil  de  leur  cellule,  pour  se  mêler  à  la  foule  des  pèlerins 
marchant  au-devant  des  reliques  attendues  ? 

Et  nous  ne  pouvons  pas  nous  résigner  à  croire  que  les 
pieux  moines  du  prieuré  de  Saint- André,  dont  le  cloître 
dominait  la  plaine  par  où  s'avançait,  processionnellement  le 
cortège,  soient  restés  impassibles  en  présence  de  l'enthou- 
siasme d'une  foule  encore  tout  émue  du  beau  spectacle  d'un 
prodige  accompli  sous  ses  yeux. 

Il  nous  paraît  vraisemblable  de  penser  que,  quittant  leur 
cloître  pour  quelques  instants,  ils  vinrent  au-devant  des 
n:liques  sur  la  rive   gauche  de  la  Loire.   Peut-être  même, 

l)  Le  comte  Guillaume. 


LéCENDE   DE   LA   TRANSLATION   DES   RELIQUES  I  I  3 

furent-ils  témoins  du  miracle  étonnant  qui  marqua  le 
passage  des  saintes  Reliques  à  travers  le  lit  desséché  du 
fleuve. 

Qui  sait  encore  si,  épris  d'un  saint  respect  pour  le  trésor 
sacré  qu'on  leur  apportait  dans  les  riches  plis  d'une  étoffe  de 
soie  et  d'or  (i),  ils  ne  s'empressèrent  point  de  faire  comme 
une  garde  d'honneur,  autour  de  la  châsse  merveilleuse,  à 
l'instar  de  celle  qui  protégeait  l'Arche  Sainte  transportée  par 
les  Israélites,  à  travers  les  champs  déserts  de  l'Arabie. 

Nous  allons  plus  loin.  Au  moment  solennel  où  les  saints 
ossements  de  l'illustre  martyr  Ram bert  furent  déposés  sur 
la  rive  gauche  de  la  Loire,  en  attendant  que  la  foule  des 
pèlerins  traversât  miraculeusement  le  fleuve,  le  seigneur 
Prieur,  entouré  de  ses  religieux,  dut  donner  Tordre  aux  digni- 
taires de  son  monastère  de  charger,  eux-mêmes,  les  précieuses 
reliques  sur  leurs  épaules. 

Elles  furent  ainsi  transportées,  aux  chants  des  hymnes  de 
triomphe,  jusque  dans  cette  église  priorale  dont  nous  pouvons 
encore,  de  nos  jours,  baiser  avec  respect  les  pierres  huit  fois 
séculaires. 

Et  quand  le  vénérable  fardeau,  après  avoir  pénétré 
dans  la  petite  cité  de  Saint- André- les -Olmes  par  le 
sentier  montueux,  ouvert  plus  tard  sous  la  porte  gothi- 
que (2),  dite  porte  de  la  Chana  (3),  arriva  par  la  porte  de 


(i)I.es  pauvres  besaces  d'étoffe  grossière,  dans  lesquelles  l'incoanu  porteur  des  reliques 
les  avait  transportées  jusqu'au  château  du  comte,  avaient  été  remplacées,  dit  la  tradition, 
par  une  étoffe  précieuse,  sortie  des  armoires  du  pieux  comte,  et  qui  devint,  plus  tard,  la 
chasuble  merveilleuse,  dite  de  «  saint  Rambert  ■. 

(3)  Vers  le  ziv*  siècle,  la  ville  de  Saint-Rambert  était  déjà  entourée  d'une  enceinte  de 
hantes  et  épaisses  murailles  flanquées  de  tours  et  percées  de  quatre  portes.  Dans  une 
transaction,  passée  en  1367,  entre  les  habitants  de  Saint-Rambert  et  le  seigneur  Prieur  du 
monastère,  il  est  parlé  de  fossés,  de  clefs  des  portes,  de  murs  de  la  ville...  comme  de 
constructions  existant  déjà  depuis  longtemps.  (Archives  de  lu  Loire»  Fonds  de  Saint- 
Ramben.) 

(3)  La  Porte  de  la  Chana  qui  s'ouvrait  du  cdté  le  plus  rapproché  de  la  rive  gauche  de  la 
Loire,  et  qui,  de  temps  immémorial,  s'est  appelée  aussi  Porte  de  Saint-Rambert,  parce  que 
son  arceau  gothique  a,  de  temps  immémorial  aussi,  abrité  la  statue  équestre  de  l'illustre 
martyr,  nous  semble  avoir  été  le  passage,  tout  indiqué,  de  la  procession  des  reliques,  à  leur 


I  14  CHAPITRE   Vil 

Franchise  (i),  au  seuil  du  grand  portail  roman  de  l'église 
priorale,  il  nous  semble  voir  les  flots  serrés  de  la  foule 
enthousiaste,  envahir  les  trois  nefs  du  saint  lieu.  Soudain, 
une  ovation  solennelle  aux  sacrés  ossements  des  saints 
Rambert  et  Domitien  éclate,  et  les  malades  et  les  infirmes 
de  tout  âge,  de  tout  rang,  essayent  de  les  approcher  de 
plus  près  pour  les  toucher,  afin  d'être  guéris.  Ainsi,  au 
temps  de  Notre -Seigneur,  les  infirmes  et  les  malades 
cherchaient  à  toucher  les  bords  de  sa  robe,  pour  retrouver 
forces  et  santé. 

Mais  puisque  nous  assistons  par  la  pensée  aux  merveilles 
qui  se  déroulèrent,  il  y  a  huit  siècles,  dans  ce  même  temple  et 
sous  ces  mêmes  voûtes  sacrées,  témoins,  toujours  debout,  de 
nos  prières  et  de  nos  cérémonies  religieuses,  entendons  aussi 
les  nombreuses  acclamations  d'un  peuple  de  pèlerins,  faisant 
monter  à  Dieu  les  chants  de  sa  reconnaissance.  Contemplons 


arrivée  dans  la  petite  cité  de  Saint-André.  C'est  du  moins  le  chemin  le  plus  court  pour 
venir  de  la  Loire.  DvC  reste,  comme  souvenir  de  cette  translation  des  reliques  de  sain; 
Rambert,  des  bords  de  la  Loire  dans  l'église  du  prieuré,  on  fait  encore  chaque  année,  au 
jour  de  la  fête  de  cette  Translation  qui  est  la  fête  patronale  —  (premier  dimanche  d'octobre)  — 
une  procession  où  sont  portées  en  triomphe  les  reliques  du  saint. 

Détail  à  remarquer  et  qui  donne  une  forte  présomption  pour  croire  qu'en  1078  les 
reliques  passèrent  par  là  :  c'est  qu'arrivés  sous  l'arceau  de  la  porte  gothique,  les  fidèles  et  le 
clergé  s'arrêtent,  selon  une  très  ancienne  coutume,  pour  laisser  chanter,  par  un  choriste,  le 
Répons  d'un  Martyr  et  l'oraison  du  saint.  Après  cette  cérémonie,  la  procession  reprend  sa 
marche. 

(i)  La  porte  dite  de  Franchise,  ainsi  appelée  parce  que  tous  ceux  qui  pouvaient  en 
franchir  le  seuil  étaient  exempts  de  poursuites  infamantes,  est  encore  debout  et  donne 
accès,  de  la  place  de  la  Mairie  dans  le  quartier  de  la  ville  où  s'élève  l'église.  Jadis, 
elle  faisait  communiquer  la  petite  cité  avec  les  dépendances  du  prieuré,  alors  ceint 
d'épaisses  murailles.  Une  autre  porte,  placée  en  face  de  la  porte  de  Franchise  et  de  l'autre 
côté  de  l'église,  mettait  en  communication  le  quartier  du  Poyet  avec  le  prieuré.  De  cette 
porte  démolie  depuis  longtemps,  il  ne  reste  plus  que  les  deux  corbeaux  qui  supportaient, 
anciennement,  la  retombée  de  l'arc  ouvert  fermant  la  porte.  Il  est  une  autre  interprétation 
du  nom  de  Porte  de  Franchise,  nous  la  donnons  ici,  afin  que  le  lecteur  juge  de  sa  vrai- 
semblance. Après  la  trahison  du  Connétable  de  Bourbon  et  confiscation  de  ses  biens,  en 
i532,  au  profit  de  la  Couronne,  François  I"',  dont  les  Etats  venaient  de  s'agrandir  du  Comté 
de  Forez,  vint  en  prendre  possession.  Arrivant  de  Lyon  et  passant  4  Saint-Rambert,  le  34 
avril  i536,  il  semble  tout  naturel  qu'il  ait  accordé  aux  habitants,  en  cette  heureuse  circons* 
tance,  quelque  franchise  communale,  dont  la  Porte  du  Prieuré,  par  où  passa  le  cortège  royal, 
aurait  gardé  le  souvenir. 

Cette  hypothèse  s'accrédite  par  l'octroi  qu'il  fil,  peu  après,  à  la  petite  ville  de  Sury-le- 
Comtal  qu'il  traversa  en  se  rendant  h  Montbrison.  Le  nom  de  c  rue  Franche  •  conservé  i 
l'une  des  principales  et  anciennes  voies  de  cette  ville,  n'aurait  pas  d'autre  origine. 


LÉGENDE  DE   LA  TRANSLATION   DBS  RELIQUES  I  1 5 

la  nombreuse  couronne  de  prêtres,  de  religieux  agenouillés 
autour  de  Técrin  d'or  et  de  soie,  déposé  sur  le  maître- 
autel,  au  milieu  de  mille  lumières  éclatantes.  Leurs  cœurs 
sont  à  la  confiance  et  à  la  joie,  pendant  que  leurs  lèvres  mur- 
murent d'ardentes  prières. 

Il  n*est  pas  jusqu'aux  joyeuses  envolées  des  cloches  du 
vieux  beffroi  roman,  jusqu'aux  parois  extérieures  et  inté- 
rieures des  murs  de  l'église,  disparues  sous  les  plis  pressés 
de  riches  tentures  aux  couleurs  rouge  et  argent,  rappelant  les 
titres  glorieux  du  martyr  Rambert  et  du  confesseur  Domitien; 
il  n'est  pas  jusqu'aux  autels  ruisselants  d'or  et  de  lumières... 
qui  ne  redisent  la  magnificence  de  cette  grande  fête  de  la 
translation  des  reliques,  fête  où  la  joie  débordante  de  tout  un 
peuple  de  fidèles  et  de  prêtres,  exprime  mieux  que  tous  les 
discours,  le  bonheur  que  chacun  éprouve  de  posséder,  près  de 
soi,  un  pareil  trésor. 

Ah  !  si  les  pierres  de  notre  vieille  église  avaient  une  voix, 
que  ne  nous  raconteraient-elles  pas  de  la  foi  vive  de  nos 
ancêtres,  de  leur  empressement  à  vénérer  les  reliques  de 
notre  cher  et  illustre  Patron,  de  leur  joie  de  les  posséder,  de 
leur  absolue  confiance  en  elles,  et  des  grâces  nombreuses, 
éclatantes  même,  obtenues  par  l'intercession  de  saint 
Rambert  I 

Car  si  nous  en  croyons  ce  passage  de  la  légende  de  l'office 
du  glorieux  martyr  «  Dans  la  suite  des  iemps^  il  y  eut  un 
«  grand  concours  de  malades  venus  de  tous  côtés  pour  implorer 
«  le  secours  du  paillant  athlète  du  Christ^  et  personne ^jusqu  à 
«  ce  jour  ^  ne  s'en  est  allé  sans  avoir  obtenu  quelques  grâces.  » 
Oui,  si  nous  en  croyons  cette  légende  vénérable,  des  flots 
de  pèlerins  affluèrent  de  tout  temps  autour  de  la  châsse  de 
saint  Rambert.  Car  ces  saints  ossements,  loin  de  perdre  leur 
puissance  d'opérer  des  miracles,  après  avoir  été  transportés 
en  Forez,  devinrent,  au  contraire,  une  source  de  grâces  pour 
tous  ceux  qui  les  y  vénérèrent,  dans  leur  nouvel  oratoire. 


Il6  CHAPITRE   VII 

Et  puisque,  d'après  la  légende  de  Toffice  du  saint  martyr 
«  Personne  ^jusqu'à  ce  jour  ^  ne  s'en  est  allé  sans  avoir  obtenu 
quelques  grâces  »,  on  peut  dire  qu'il  fut,  dans  la  suite  du 
temps,  incalculable  le  nombre  des  pécheurs  convertis,  des 
malades  guéris,  des  familles  réconciliées,  des  deuils  consolés, 
des  champs  fécondés  par  l'intercession  de  notre  illustre 
Patron. 

Oui,  quelque  part  que  reposent  les  restes  sacrés  des 
saints,  ils  portent  toujours  en  eux  cette  force  divine  à  laquelle 
les  lois  de  la  nature  sont  obligées  de  céder,  cette  force  sur- 
naturelle qui  en  fait  comme  des- sources  de  vie,  et  des  remèdes 
efficaces  pour  guérir  les  infirmités  du  corps  et  cicatriser  les 
plaies  de  1,'âme. 

S'il  arrive,  souvent,  que  nos  prières  adressées  aux  saints 
dont  nous  vénérons  les  cendres  demeurent  inexaucées, 
ce  n'est  point  que  les  corps  des  saints  auprès  desquels 
nous  nous  agenouillons  soient  dépourvus  de  puissance  et 
d'énergie. 

Mais  si  nos  soupirs  ne  sont  pas  entendus,  c'est  qu'ils  ne 
sont  point  sincères,  si  nos  larmes  ne  les  émeuvent  pas,  c'est 
qu'elles  ne  sont  point  amères,  et  si  nos  prières  restent  stériles, 
c'est  qu'elles  ne  sont  accompagnées,  ni  de  la  pureté  du  cœur 
confiant,  ni  de  la  pénitence  de  l'âme  humiliée. 

Prions  et  humilions  nos  cœurs,  menons  une  vie  chrétienne 
et  nous  verrons  «  les  miracles  se  multiplier  autour  du 
«  tombeau  du  Bienheureux  Rambert,  martyr,  les  aveugles 
M  recouvrer  la  vue,  les  boiteux  marcher,  les  démons  prendre 
«  la  fuite,  les  frissons  de  la  fièvre  et  les  maux  de  dents 
«  disparaître  ». 

Avant  de  terminer  ce  chapitre,  nous  voulons  réduire  à  néant 
quelques  objections  que  ne  manqueront  pas  de  faire  les 
esprits  prévenus  contre  la  vérité  de  tout  récit  tracé  par  la 
plume  des  copistes  du  moyen-àge. 


LEGENDE   DE   LA   TRANSLATION   DES   RELIQUES  I  I  7 

Nous  n'ignorons  pas  que  les  fraudes  pieuses  sont  de 
toutes  les  époques,  et  que  les  historiens  qui,  dans  le  cours  du 
moyen-âge,  rassemblèrent  les  traditions  éparses  n'étaient  ni 
inspirés  ni  infaillibles.  Nous  savons  même  qu'ils  mutilèrent 
quelques-unes  des  légendes,  mêlèrent  souvent  aux  récits 
vrais  ou  faux  que  leur  avaient  légués  les  siècles,  des  erreurs 
et  des  contre-sens  :  c'est  une  conséquence  fatale  de  leurs 
préjugés  et  de  leur  ignorance  des  temps  antiques  (i). 

Nous  savons,  d'autre  part,  qu'en  dépouillant  notre  pieuse 
légende  de  son  vêtement  de  naïveté  toute  médiévale,  nous 
aurions  à  offrir  à  certains  lecteurs,  un  fait  qui  capterait  d'autant 
plus  leur  créance  qu'il  serait  plus  naturel  et  plus  ordinaire  :  le 
rapt,  par  exemple,  des  reliques  du  saint  martyr  Rambert  par  un 
émissaire  du  comte  Guillaume;  ou  encore,  le  simple  enlève- 
ment des  dites  reliques  par  le  comte  Guillaume  lui-même,  qui, 
avec  l'assentiment  des  religieux  du  monastère  de  Saint- 
Domitien,  les  aurait  fait  porter  dans  son  château  d'Yzeron, 
et  de  là,  en  grande  pompe,  dans  l'église  de  son  prieuré 
favori  de  Saint-André-les-Olmes. 

Nous  pourrions  donc,  abandonnant  le  récit  légendaire 
conservé  par  le  Bréviaire  bénédictin  et  la  Tradition  locale, 
écrire  ces  pages  à  l'exemple  de  certains  historiens  qui  répu- 
gnent à  admettre  tout  ce  qui  porte  l'empreinte  du  merveilleux 
et  du  miraculeux.  Mais,  plein  de  respect  pour  la  mémoire 
du  pieux  comte  Guillaume,  nous  n'avons  pas  voulu  mettre 
le  fait  de  la  translation  de  nos  saintes  reliques  au  rang  des 
actes  entachés  de  déloyauté  et  de  profanation.  Nous  n'avons 
pas  voulu  priver  le  lecteur  des  charmes  dont  est  remplie 
notre  vieille  et  chère  légende. 

N'eussions-nous  pas  été  parjure  à  notre  foi,  que  de  traiter 
avec  mépris  les  naïves  légendes  que  l'Eglise  accueille,  avec 

(1)  Pour  ne  citer  qu'un  exemple  à  Tappui  de  ce  que  nous  avançons.  la  légende  de  saint 
Domitien  citée  par  Guichknon  dans  son  «  Histoire  de  la  Bresse  et  du  Bugey  •  est 
agrémeotce  de  Tépithète  «  mutilatam»  mutilée  ». 


I  l8  CHAPITRE   VII 

tant  de  respect,  dans  ses  saints  offices?  C'est  pourquoi,  à  ceux 
qui  se  défient  des  légendes,  les  regardent  comme  des  récits 
fabuleux,  indignes  de  fixer  Tattention  des  esprits  sérieux, 
et  tout  au  plus  bonnes  pour  amuser  les  enfants,  nous  répon- 
drons :  si  les  légendes  ne  sont  que  des  fruits  de  l'imagina- 
tion, si  les  récits  merveilleux  que  nous  lisons  dans  la  f^ie 
des  Saints  ne  sont  que  les  produits  poétisés  de  cerveaux 
enthousiastes,  pourquoi  alors  voyons-nous  des  auteurs 
sérieux  aimer  tant  à  les  insérer  dans  les  pages  de  leurs 
livres  ? 

Sans  doute,  sous  des  dehors  fabuleux,  la  légende  nous  dérobe 
le  fait  historique,  exact  et  précis  ;  mais  les  voiles  dont  elle 
l'entoure  sont  si  transparents  qu'il  suffit  d'un  regard  pour  les 
pénétrer.  On  devine,  à  travers  leurs  séduisantes  couleurs,  la 
vérité  qui,  à  l'instar  d'une  fleur  parfumée  dont  la  suave 
odeur  trahit  la  présence  sous  la  mousse,  se  présente  d'elle- 
même  à  l'esprit,  naïve  et  sincère. 

Les  légendes  sont  des  bouquets  embaumés  des  très  agréables 
parfums  du  passé.  On  est  toujours  tenté  de  détacher 
quelques  fleurs  de  leur  gracieuse  touffe. 

La  légende  qui  suit  offre  un  tel  rapprochement  avec  celle 
de  notre  martyr  saint  Rambert,  soit  par  la  date  des  faits,  soit 
par  les  lieux  où  ils  se  passent,  soit  encore  par  les  qualités 
sœurs  des  deux  saints,  soit  enfin  par  la  façon  dont  leurs 
corps  furent  découverts  et  transférés,  que  nous  n'hésitons 
pas  à  en  reproduire  les  parties  essentielles.  Le  lecteur  nous 
saura  certainement  gré  de  lui  donner,  ici,  un  document 
capable  de  justifier,  au  moins  indirectement,  La  vérité  des  faits 
relatifs  à  la  translation  de  nos  Saintes  Reliques. 


LEGENDE   DE   LA   TRANSLATION   DES    RELIQUES  I  I9 


LÉGENDE    DE    SAINT    FLORENTIN    (56i) 

«  Jadis  advint  que  les  Wendes,  les  Souabes  et  les 
«  Alains  (i)  que  aucun  appellent  Huns,  issirent  de  leur 
«  contrée  pour  France  détruire  et  gâter.  Un  roi  avaient, 
d  qui  Crocus  était  appelé..* 

«  Quand  il  eut  passé  le  pont  de  Mayence  sur  le  Rhin,  et 
«  qu*il  eut  gâté  et  détruit  la  cité,  il  alla  tout  détruisant  et 
«  gâtant  les  terres  et  les  contrées  par  où  il  passait;  moult 
cr  y  fit  griès,  dommages  aux  églises  et  au  peuple. . . 

«  Tant  alla  que  il  parvint  es  parties  de  Bourgogne.  Il 
«  advint,  un  jour,  que  il  s'imagina  d'avoir  Chevaliers  du  pays 
ce  à  être  ses  soudoyers  en  sa  cause  et  en  ses  guerres; 
ce  enseigné  lui  fut  et  indiqué  que  près  de  là,  y  avait  un 
«  chevalier  preux  et  vaillant  et  vigoureux  de  corps  et  bien 
ce  éprouvé  d'armes.  Le  roi  Crocus  le  manda  devant  lui  et 
ce  l'aresna,  et  reprit  que  il  fut  son  soudoyer  avec  autres 
ce  chevaliers  que  il  avait  éprouvés  en  son  service.  Le  che- 
<c  valier  qui  était  bien  garni  et  bien  armé  de  la  foi  de 
ce  Jésus-Christ,  répondit  au  tyran  en  cette  manière  :  ce  Je  suis 
ce  ei  serai  toujours  soudoyer  cVun  seul  Seigneur^  à  qui  je  suis 
ce  et  que  je  servirai  en  cette  vie  temporelle.  » 

«  Le  tyran  lui  demanda  :  comment  ce  Sire  avait  nom  ;  et 
<c  le  chevalier  répondit  que  ce  était  Jésus-Christ,  qui  est  un 
ce  seul  Dieu  en  trois  personnes,  et  triple  unité.  Le  tyran  lui 
ce  redemanda  de  quel  nom  et  de  quelle  religion  il  était  ;  et  le 
ce  chevalier  répondit  :  ce  Florentin  suis  appelé^  par  nonty  et 
ce  suis  chrétien  et  chevalier  de  Notre-Seigneur  Jésus-'Christ 
«  que  je  Vài  nommé,  » 


(i>  Chronique  de  Saint^Denis,  —  Extrait  de  la  brochure  de  B.  Zbller  ,  professeur  an 
Lycée  Charlemagne  :  Les  fils  de  Clotaire  ;  FréJégonde  et  Brunehaut  (Paris,  1880^ 


120  CHAPITRE   VU 

<(  Le  roi  Crocus  lui  fit  couper  la  langue  et,  après  ce,  couper 
a  le  chief.  Le  prud'homme  et  bon  chevalier,  messire  saint 
<c  Florentin  rendit,  par  son  martyre,  Tâme  à  Notre-Seigneur 
«  Jésus-Christ,  et  fut  son  corps  enseveli,  et  mis  en  sépulture 
(c  en  une  ville  qui  est  au  pays,  et  qui,  orendroit^  est  nommée 
«  Saint-Florentin. 

«  Grand  temps  fut  le  corps  de  ce  bienheureux  martyr,  en 
«  l'église  de  cette  ville,  et  encore  y  est  le  chief;  et  pour  les 
((  grands  miracles  que  notre  Sire  faisait  et  fait  encore  pour 
<c  lui  en  ceux  qui,  dignement,  le  requièrent  et  le  requerront; 
«  un  prud'homme  qui  au  temps  de  lors  était,  prit  le  corps  du 
a  benoît  martyr,  et  sans  le  chief  le  translatèrent  de  lieu  en  autre 
«  pour  savoir  où  ils  trouveraient  lieu  religieux  où  ils  pussent 
ce  dignement  et  honorablement  hebergier. 

(c  A  la  parfin,  fut  rapporté  à  Bonneval,  en  l'église  et  diocèse 
M  de  Chartres,  pour  ce  que  ceux  qui  rapportèrent  cuidaient 
(C  que  ce  fût  le  plus  religieux  lieu  où  ils  le  pussent  mettre.  En 
<c  cette  abbaye  est  et  repose,  dignement  moult  honorablement 
ce  et  moult  dignement,  le  corps  de  Monseigneur  saint  Florentin 
«  le  martyr.  Et  là  fait,  notre  Sire,  grans  miracles  de  jour  en 
i(  jour,  en  l'honneur  et  en  mémoire  de  ce  glorieux  martyr. 

«  Quand  Crocus  le  tyran  fut  pris,  il  fut  vilainement  mené 
«  par  les  cités  que  il  avait  détruites;  après  ce,  mourut,  fut 
«  tourmenté  de  divers  tourments,  selon  ce  que  il  avait 
«  desservi  (i).  » 

(i)  Nous  avons  respecté  et  le  style  et  l'orthographe  de  cet  intéressant  document. 


CHAPITRE  VIII 


VOIE    SUIVIE 

PAR  LE  MYSTÉRIEUX  PORTEUR  DES  RELIQUES 
DES  SAINTS  RAMBERT  ET  DOMITIEN 


Il  existait,  au  moyen  âge,  un  grand  nombre  de  petits 
établissements  destinés  aux  voyageurs  que  la  route  avait 
fatigués  ou  que  la  pauvreté  et  la  maladie  contraignaient  à 
suspendre  leur  marche,  pour  réclamer  aide  et  secours  (i). 

Or,  ces  établissements  inégalement  distribués  dans  notre 
région,  cest-à-dire  dans  l'ancien  «  Pagus  lugdunensis  »  (2), 
dont  la  circonscription  territoriale  comprenait  la  presque 
totalité  des  départements  actuels  du  Rhône,  de  la  Loire  et 
de  FAin,  étaient  aux  xii%  xni%  xiv*  et  xv*  siècles,  de  petits 
hôpitaux  affectés  spécialement  aux  pauvres  de  Jésus-Christ 
«  ad pauperes  Christi  »,  et  qui,  distancés  entre  eux,  formaient 
comme  une  série  de  grandes  lignes  ayant  leur  point  central 
à  Lyon,  où  elles  venaient  converger. 

Ces  lignes,  qu'il  est  impossible*de  considérer  comme  un 
résultat  du  hasard  et  qui  reliaient,  entre  eux,  les  hôpitaux  ou 


(1)  L€t  Voies  antiques  du  Lyonnais,  du  Forex*  du  Beaujolais.,»  du  Bugey,  etc.,  déter« 
minéei  ptr  les  hdpitaux  du  moyen  flge,  par  M.  (^  Guioui,  archiviste  du  Rhdne,  1877. 

(s)  Pagus  lugdunensis.  District  lyonnais* 


122  CHAPITRE   VIII 

refuges  de  pèlerins,  de  voyageurs  malades  ou  attardés,  ne 
pouvaient  être  alors,  d'après  Térudît  M.  C.  Guigue,  que  des 
grandes  routes. 

C'est^  du  reste,  ainsi  que  les  nomment  les  vieux  documents  : 
piapublica^  iier  publicum,  magnum  iter^  strata^  iier  f erratum^ 
via  lugdunensis  (i).  Ces  grandes  routes  du  moyen  âge, 
établies  sur  les  voies  antiques  de  l'époque  de  la  domination 
romaine  (2},  et  que  jalonnaient  précisément  les  hôpitaux, 
formaient  un  vaste  réseau  couvrant  tout  le  «  Pagus  major 
lugdunensis  ».  C'est  ainsi  que  sur  la  magnifique  carte  des 
a  Voies  antiques  du  Lyonnais,  du  Fore\^  du  Beaujolais^ 
de  la  Bresse^  de  la  Bombes^  du  Bugey  et  de  partie  du 
Dauphiné  »,  dressée  par  M.  C.  Guigue,  nous  relevons  quinze 
grandes  routes  fréquentées  au  moyen  âge  ;  cinq  voies  du 
Lyonnais  mentionnées  par  Strabon  ;  et  dix  autres  voies 
antiques  dont  les  auteurs  ne  font  aucune  mention  (3). 

Quel  itinéraire  suivit  le  mystérieux  porteur  des  reliques 
des  saints  Rambert  et  Domitien,  en  l'année  1078?  Quelle 
voie  prit-il  pour  venir  de  l'abbaye  de  Saint-Rambert-de- 
Joux,  en  Bugey,  au  prieuré  de  Saint-André-les-Olmes,  en 
Forez?  Telle  est  la  question  difficile  à  laquelle  nous  allons 
essayer  de  répondre,  en  nous  inspirant  du  savant  travail  du 
distingué  archiviste  que  nous  avons  déjà  nommé  plusieurs  fois. 

Et  d'abord  notre  pieux  voyageur,  comme  en  témoigne  la 
légende  de  l'Office  de  Saint-Rambert,  se  mit  en  route  pendant 
la  nuit,  chargé  du  précieux  fardeau  qui  lui  était  providen- 
tiellement confié.  Bien  convaincu  qu'il  lui  fallait  faire  un 
long  voyage  (4)  à  travers  une  région  qu'il  connaissait  peu, 

(1)  Les  Voies  antiques  du  Lyonnais,*du  Forez ^  etc.,  par  M.  C.  Guiguk,  pasiim. 

(3)  C'est  l'opinion  de  M.  C.  Guigue,  c'est  aussi  la  nôtre. 

(3)  Les  Voies  antiques  du  Lyonnais,  du  Forent  etc.,  passim. 

(4,)  Il  y  a  environ  63  kilomètres  de  Saint-Rambert-de-Joux  à  Lyon,  et  environ  70  kilo- 
mètres de  Lyon  à  Saint-Rambert-en-Forez,  en  suivant  l'ancienne  voie  du  moyen  flge. 
C'était  un  voyage  d'une  trentaine  de  lieues. 


VOIE  SUIVIE  PAR  LE  MYSTERIEUX  PORTEUR  DES  RELIQUES    123 

ii  ne  dut  certainement  pas  se  hasarder  ni  dans  les  sentiers 
étroits,  ni  dans  les  petits  chemins  dont  le  tracé  rapproche 
peut-être  du  but  à  atteindre,  mais  dont  le  sol,  ordinairement 
défoncé  et  rocailleux,  est  peu  praticable  pour  le  pied  qui  a 
une  longue  course  à  fournir. 

Du  reste  c'était  la  nuit  et  ses  épaules  étaient  chargées  ;  il 
pouvait  avoir  besoin  de  faire  quelques  haltes  en  route,  soit 
pour  prendre  un  peu  de  nourriture,  soit  pour  se  reposer  de  la 
fatigue  du  voyage.  Il  s*achemina  donc  vers  la  grande  route 
de  Genève  à  Lyon,  route  dont  le  tracé  se  présentait  tout 
naturellement  à  lui,  puisqu'elle  traversait  la  petite  cité  de 
Saint- Rambert-de-Joux  (i).  Cette  voie,  large,  fréquentée,  lui 
offrait  d'ailleurs  plus  de  sécurité  ;  et  il  pouvait  y  trouver 
quelque  abri  dans  les  hôpitaux  dont  elle  était  jalonnée  (2). 

En  effet,  cette  voie  en  partant  de  Genève  gagnait  Saint- 
Rambert  par  Seyssel,  Culoz,  Artemarre,  Virieu-le-Grand  et 
la  Burbanche  (3). 

De  Saint-Rambert-de-Joux  elle  continuait  dans  la  direction 
de  Lyon  par  Ambérieux  (4),  Loyes  et  Meximieux  (5),  le  bas 
de  Pérouge  (6),  le  bourg  Saint-Christophe  (7),  Chanoz  (8), 

(I)  Via  8ivé  strtta  quae  ducit  ab  Ambrionaco  versus  sanctum  Rainebertam  (Acte  de 
I3i3,  Archives  de  l'Ain,  fonds  de  Meyria,  H.  340-34>)*  (Dans  les  Voies  antiques  du 
Lyonnais^  Fore^,  etc.,  passim.) 

(3)  Sur  cette  route  de  Genève  à  Lyon,  on  comptait  huit  hôpitaux,  savoir  :  la  Burbanche- 
les-Hôpitaui,  Saint-Ramben-de-Joux,  Ambérieux,  Loyes,  Pérouge,  Montlnel,  Miribel, 
Lyon.  (Dans  les  Voies  antiques  du  Lyonnais  Fore\^  etc.,  passim.) 

(3)  Ab  oriente  chiminus  roman  us  (Acte  de  1 141.  limites  de  la  charte  de  Portes,  Archives 
de  l'Ain),  ibidem, 

(4)  Voyez  la  note  n*  1  ci-contre. 

(5)  Iter  tendens  de  Meissimiaco  apud  Loyes  (Terrier  de  Saint-Romain,  fol.  14).  {Voies 
antiques  du  Lyonnais,  Fore^^  etc.,  passim,) 

(6)  Iter  tendens  de  Lugduno  versus  Loyes.  —  Apud  Maximiacum,  iter  antiquuro  tendens 
de  Loyes  versus  Chano  (Archives  de  l'Ain,  Terrier  de  Némy-Tanay,  toi.  1  et  7).  (Voies 
antiques  du  Lyonnais,  Fore\,  etc..  passim,) 

(7)  Iter  publicum  tendens  de  Burgo  apud  Lugdunum.  Iter  tendens  de  Montlacl  ad 
Burgum  (Terrier  de  Saint-Romain  de  Lyon  de  1453,  G.  4083,  fol.  9,  10  et  11).  {Voies 
mtiques  du  Lyonnais^  Fore\,  etc.,  passim.) 

(8)  Apad  Maximiacum.  iter  antiquum  tendens  de  Loyes  versos  Chano  {Archives  de  VAin, 
Ttrricr  de  Ncmy-Tanay,  fol.  1  et  7),  ibidem. 


124  CHAPITRE   VIII 

Montluel  (i),  La  Boisse,  au  bas  du  château  de  Girieu  (2), 
Beynost  (3)  et  Miribel  (4). 

Après  avoir  marché  une  partie  de  la  nuit  et,  probablement, 
toute  la  journée  qui  la  suivit,  notre  pèlerin  arriva  à  Lyon  où 
il  dut  certainement  se  reposer.  Et  il  en  avait  besoin. 

Car  la  distance  de  Saint-Rambert-de-Joux  à  Lyon  est  de 
63  kilomètres,  environ  12  lieues,  distance  qu'un  voyageur  ne 
franchit  point  sans  fatigue  dans  l'intervalle  d'une  grande 
journée,  surtout  lorsque  ses  épaules  ou  ses  bras  sont  chargés 
d*une  valise. 

Fit-il  une  halte  dans  les  divers  hôpitaux  qu'il  rencontra 
sur  sa  route,  par  exemple  à  Ambérieux,  à  Pérouge,  à  Montluel, 
à  Miribel  ? 

Nous  pensons  que  si  la  fatigue  et  le  besoin  de  réparer  ses 
forces,  en  prenant  quelque  nourriture,  obligèrent  notre  secret 
messager  à  s'arrêter  dans  un  de  ces  pieux  établissements,  il 
ne  s'y  reposa  que  très  peu  d'instants,  désireux  qu'il  était 
d'arriver,  au  plus  tôt,  au  terme  de  son  voyage,  mais  surtout 
rempli  de  la  crainte  qu'on  ne  lui  fit  quelques  questions 
indiscrètes,  et  sur  le  fardeau  qu'il  portait,  et  sur  les  causes 
de  son  voyage. 

Et  pendant  que  le  dévot  serviteur  de  saint  Rambert 
cheminait  sur  la  route,  seul,  inconnu  à  tous  ceux  qui  le 
rencontraient,  de  quelles  douces  émotions  son  âme  ne  dut- 
elle  pas  tressaillir!  Réjoui,  consolé  par  les  bienheureux  saints 
dont  il  transportait  les    restes    sacrés,  la  fatigue   dut   lui 


(i)  Iter  antiquum  tendens  de  Perogiis  versus  Montemlupellum  (Archives  deVAin^ 
Terrier  de  Némy-Tanay  de  1 388,  fol.  3,  5.  et  i3),  ibidem, 

(a)  In  mandate  et  terragio  castri  de  Gyreu,  juxta  stratam  publicam  Lugduni  (Acte  de 
1266,  Archives  du  Rhône,  tit.  S.  Paul),  ibidem, 

{3)  Iter  tendens  de  ecclesia  de  Benost  Lugduni  —  apud  Beynost,  in  manso  de  Rodano, 
juxta  iter  tendens  de  Montelupello  apud  Lugdunum  (Terrier  de  l'infirnierie  de  TIle-Barbe 
de  145 1.  Arm.  Moïse,  vol.  6,  n«  2,  carton  88,  n*  2,  fol.  33  et  44),  ibidem. 

(4)  Juxta  iter  per  quod  itur  de  Lugduno  apud  Miribejlum  (Acte  de  i35o,  grand  cart. 
d'Ainay,  fol.  190),  ibidem. 


VOIE  SUIVIE  PAR  LE  MYSTÉRIEUX  PORTEUR  DES  RELIQUES     125 

paraître  douce^  douces  aussi  les  sueurs  qui,  sous  le  faix  béni 
dont  il  était  chargé,  coulaient  de  son  front  hâlé. 

Arrivé  à  Lyon,  qui  sait  s'il  ne  gravit  point  la  colline  de 
Fourvière  (i),  et  s'il  ne  s*agenouilla  point  aux  pieds  de  la 
Madone  pour  la  prier  de  le  prendre  sous  sa  protection  ! 

Quelque  hasardée  que  paraisse  cette  hypothèse,  cependant 
elle  nous  semble  n'avoir  rien  que  de  très  vraisemblable.  En 
effet,  voulant  continuer  sa  route  vers  le  Forez,  notre  pieux 
pèlerin  était  absolument  obligé  de  gravir  la  sainte  colline 
pour  atteindre  à  l'ouest  de  Fourvière,  Bonan,  par  où  passait 
la  voie  de  Lyon  à  Saint-Symphorien-le-Châtel,  Saint-Galmier 
et  Saint-André-les-Olmes. 

Voici,  du  reste,  l'itinéraire  qu'il  dut  nécessairement  suivre 
à  son  départ  de  Lyon.  Cet  itinéraire  est  révélé,  au  moyen 
âge,  par  les  hôpitaux  de  Bonan,  de  Saint-Symphorien-le- 


(i)  A  cette  époque,  c'est-à-dire  au  zi«  siècle,  le  sanctuaire  de  Notre-Dame  de  Fourvière 
était  déjà  célèbre  par  les  miracles  qui  s'y  opéraient  et  l'affluence  des  pèlerins  qui  venaient 
s'agenouiller  aux  pieds  de  la  Vierge  miraculeuse,  car  avant  1 192,  date  de  la  fondation  du 
Chapitre  de  Fourvière,  ou  mieux,  avant  1168,  date  de  la  construction  de  la  nef  de  saint 
Thomas,  il  y  avait  une  ■  ancienne  chapelle  de  Notre-Dame  de  Fourvière  ». 

Voici  quelques  preu?es  à  l'appui  de  notre  assertion  : 

I*  VAlmanach  de  Lyon,  lybb,  partie  historique  sur  les  églises  de  Lyon,  de  Matmom  de 
LA  Cour,  affirme,  page  34,  que  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  Fonrvière  à  été  réparbe  par 
Leidrade,  environ  Tan  800.  On  ne  répare  pas  ce  qui  n'existait  pas  auparavant  ; 

a*  Le  même  Almanach,  lySS,  indique,  page  3a,  comme  adjacente  à  l'ancienne  église 
Saint-Etienne  de  Lyon,  l'Eglise  Sainte-Croix,  première  paroisse,  en  dignité,  de  la  ville  de 
Lyon,  et  fondée  par  saint  Ârige,  archevêque  de  Lyon  (6o3-6i  i). 

Or,  au  XVII*  siècle,  un  grand  procès  s'élevait  entre  les  chanoines  de  Fourvière  et  les  cub- 
todes-cnrés  de  Sainte-Croix,  relativement  à  leurs  limites  et  juridiction  respectives.  L'affaire 
est  portée  au  Chapitre  primatial  qui  donne  raison  à  Fourvière,  pour  ce  motif  «  que  Fourvière 
•  est  une  plus  ancienne  paroisse,  d'oii  a  été  démembrée  celle  de  Sainte^Croix  ».  Les  prêtres 
de  Sainte-Croix  n'étant,  primitivement,  que  de  simples  sociétaires  de  l'église  de  Fourvière. 
Cette  sentence  fut  prononcée  à  Lyon  le  20  juillet  i6a6; 

3*  Comme  preuve  corroborative  qu'une  chapelle  de  Notre-Dame  de  Fourvière  existsit 
avant  la  construction  de  la  nef  de  saint  Thomas,  nous  trouvons,  dans  un  antre  procès 
entre  les  chanoines  de  Fourvière  et  ceux  de  Saint-Nizier,  au  sujet  du  •  pas  •  respectif  dans 
les  processions  en  corps,  cette  note,  au  bas  d'une  copie  de  Tacte  de  fondation  du  Chapitre, 
en  1 193  i/ait  mention  d'une  maison  près  l'Eglise  de  Fourvière,  où  habita  saint  Thomas  de 
Cantorbéry^  quand  il  vivait  au  milieu  des  prêtres  de  Fourvière^  c'est-à^tire,  déjà,  en  a  68, 
au  plus  tard.  Or.  s'il  n'y  avait  pas,  alors,  une  église  préexistante,  «ùces  prêtres  de  Fourvière 
auraient-ils  rempli  leur  ministère,  pnisqu'à  cette  date,  l'Egiise  de  Saint-Thomas  n'était  pas 
encore  construite  ?  (Ce  dernier  titre  appartient  aux  Archives  du  Rhône,  fonds  de 
Fourvière.)  Notes  obligeamment  communiquées  par  Ai.  l'Abbé  Peyrieux,  chapelain  de 
Fourvière. 


/ 


130  CHAPITRE   Vllt 

Chàtel  et  Saint-Galmier  (i).  Elle  passait  par  ou  près  de 
Chaponost  (2),  d'où  un  embranchement  se  dirigeait  sur 
Saint-André-la-Côte  par  Saint-Sorlin  (3),  tandis  que  la 
voie  principale  (celle  précisément  que  dut  suivre  notre 
mystérieux  voyageur),  continuait  sur  Maltaverne  (4),  à 
travers  les  territoires  des  communes  de  Soucieu,  Brindas 
et  Messimy  (5). 

De  Maltaverne,  elle  gagnait  Thurins  (6)  et  le  village 
de  Tiremanteau  (7),  en  traversant  une  partie  du  terri- 
toire  de   Rontalon  (8)  et  de   Rochefort   (9),    puis,    Saint- 


Ci)  Les  voies  antiques  du  Lyonnais ^  du  Fore^y  etc.,  page  44.  ~  Route  de  Lyoa  à 
Montbriton.  —  M.  C.  Guigue,  archiviste  du  Rhône. 

(2)  Item  fuit  declaratum  et  ordinatum...,  quod  obedientiarii  de  Briendas  non  possent  nec 
debeant  furchas  erigere  sen  erectas  habere  ex  parte  Yseronis  et  Maie  Taberne,  scilicet  a 
raolendino  de  Cornavire,  sequendo  limites  anpradictos,  usque  ad  locum  ubi  protenditur  iter 
magnum  de  Briendas  versus  Chaponno  incidens  in  magnum  iter  Lugduni  (Acte  de  i3i4, 
Archives  du  Rhônet  arm.  Esdras,  vol.  27,  n*  3). 

(3)  In  parrochia  de  Chapono,  in  territorio  d'AIeysi,  juxta  iter  per  quod  itar  de  Sancto 
Andrea-la-Cota^apud  Lugdunum  (Terrier  de  Chazelles  de  i333,  fol.  5o,  Malte  H,  2374).  — 
Apud  Turins  juxta  iter  antiquum  tendens  de  Lugduno  apad  sanctum  Saturninum  (Terrier 
de  Turins  de  1447  pour  l'Ile-Barbe,  arm.  Loth,  vol.  19,  n«  i,  carton  24). 

(4)  Iter  tendens  de  Mala-Taverna  apud  Sanctum  Symphorianum.  —  Apud  Mala  Taverna, 
juxta  iter  predictnm  Lugduni  (Acte  de  1454,  fonds  de  TIle-Barbe,  carton  34,  arm.  Loth, 
vol.  25,  n»  3). 

(5)  Apud  Sociacum,  in  territorio  de  Bernoneri.  juxta  iter  tendens  de  Sancto-Simphoriano 
Castri  apud  Lugdunum  (Terrier  de  Rochefort  de  1478.  fonds  de  Saint-Just,  G.  3976, 
fol.  36).  —  Apud  Meyssîmiacum,  juxta  iter  tendens  de  Sancto-Symphoriano-Castri  apud 
Lugdunum  (Terrier  de  Rochefort  de  i367,  ibid.^  fol.  20).  —  Ibidem^  in  territorio  de 
Garon,  de  Goenchi,  de  les  Gotes,  de  Pramoleyn,  juxta  iter  tendens  de  Sancto-Symphoriano 
apud  Lugdunum  (Terrier  de  Messimy  de  i383,  ibid.^  fol.  3,  4,  et  5). 

(6)  Iter  per  quod  itur  de  Thurins  apud  Lugdunum...  In  territorio  de  Costa  de  Thurins, 
juxta  viam  tendentem  Sancto-Symphoriano-Castri  apud  Lugdunum  (Terrier  de  Rochefort  de 
i367-i385,  fonds  de  Saint^ust.  fol.  10  et  12).—  In  Castro  de  Thurins  apud  Lugdunum, 
et  juxta  iter  antiquum  tendente  de  Sancto-Symphoriano-Castri  apud  Lugdunum  (Terrier  de 
Thurins  de  1447,  ibid.^  carton  24,  fol.  5,  11  et  16). 

(7)  In  territorio  de  Costa  de  Turins,  juxta  iter  vêtus  tendens  a  Tirementel  apud  Lugdaaum 
(Terrier  de  Rochefort  de  1478,  fonds  de  Saint-Just.  G.  3976,  fol.  31). 

(8)  Apud  Rantalonem,  in  territorio  de  Cruce,  alias  en  les  Costes,  juxta  iter  tendens  de 
Ruppeforti,  apud  Lugdunum  (Terrier  de  Rochefort  de  1478,  fol.  29  et  3o).  —  Apud  Marnas, 
juxta  iter  per  quod  itur  de  Rantalon  apud  Lugdunum  (Terrier  de  Chazelles  de  i333, 
H.  2374,  fol.  I).  —  En  la  Foreyreyri  de  la  Fraissena,  juxta  iter  publicum  per  quod  itur  de 
Sancto-Simphoriano  apud  Lugdunum  (Ibid.,  fol.  3,  i5  et  64). 

(9)  In  territorio  de  la  comba  Roent,  juxta  iter  quod  itur  de  Rochifort  apud  Lugdunum 
(Terrier  de  Chazelles  de  i355,  fol.  24  et  72).  Iter  tendens  de  Rochifort  apud  Lugdunum 
(Terrier  de  Thurins  de  1447,  fol.  12). 


Voie  suivie  par  le  mystérieux  PORTEuk  des  reliques   1I7 

Manin-en-Haut  (Anneaux)  (i)  et  de  là,  Saint-Symphorien-le- 
Châtel  (2). 

A  Saint-Symphorien-Ie-Châtel,  comme  la  route  se  trifurquait 
après  s*être  unie  à  une  grande  voie  venant  de  Test,  par 
Heyrieu  et  Saint-Symphorien-d'Ozon  (3),  appelée  tantôt 
<Y  strata  viannoyse^  tantôt  «  strata publica  viannensis  »,  parce 
qu'elle  reliait  le  Forez  au  Viennois  {4),  notre  voyageur 
laissa  les  deux  premiers  embranchements,  dont  l'un  se  dirigeait 
sur  Montbrison  par  Chazelles,  Saint-André-Ie-Puy,  Montrond, 
Savigneux  (5),  et  l'autre  sur  Feurs  en  passant  par  l'hôpital 
que  la  carte  de  Cassini  indique  près  de  Virigneux  et 
Valeilles  (6),  et  il  s'engagea  dans  le  troisième  pour  Saint- 
Galmier  (7). 

Arrivé  à  Saint-Galmier,  la  route  se  divisant  en  deux 
branches,  il  laissa  celle  qui  tendait  directement  à  Mont- 
brison (8)  pour  prendre  celle  qui  s'ouvrait  dans  la  direction 
de  Saint- André-les-Ol mes,  en  traversant  le  territoire  de  Saint- 
Just-sur-Loire(9). 

Ici  se  présente  une  difficulté. 

(f)  lo  parrochia  Sancti  Martini  Annualium,  in  terrilorio  de  Mala  Comba,  juxta  iter 
Lyooeys  per  qaod  itor  de  Rochifort  apud  Lugdanum  (Terrier  de  Chazelles  de  i335,  fol.  53). 
—  lo  parrochiade  Rochifort,  jaxta  iter  per  quod  itur  de  Rochifort  apod  Saoctum  Martinum 
d'Anoals  {Ibid,,  fol.  58  et  59). 

(a)  Voir  les  notes  précédentes. 

(3)  En  la  Chantri.  jaxta  iter  publicum  per  quod  itur  de  Sancto-Symphoriano-i^astri  apud 
Sanctam  Symphorianum  de  Auzone  (Acte  de  1309.  Grand  cartulaire  d'Ainay,  fol.  i85). 
L€S  Voies  antiques,  par  M.  C.  Guious. 

(4)  Ibidem,  n*  35o,  page  145  (Acte  du  4  juillet  1398.  Archives  du  RMdue,  arm.  Laban, 
vol.  i3,n*  t5). 

(5)  In  parrochia  Sancti  Andrée  lo  Poys  :  en  les  Varennes,  juxu  viam  Lugdani  tendentem 
de  Monte  Rondi  apud  Sanctum  Andream  lo  Poys  (Terrier  de  Chazelles  de  i383.  Archives 
du  Rhâne.  Fonds  de  Malte,  fol.  5o}. 

(6)  Iter  quo  itur  de  Valieles  apud  Forum  (Terrier  de  Sury  de  i358,  pour  le  comte  de 
Forez,  fol.  5  et  6). 

(7)  Iter  quo  itor  de  Sancto  Baldomero  versus  Sanctum  Symphorianum  (Terrier  de 
Chazelles  de  i383,  fol.  la). 

(8)  Iter  qao  itur  de  Sancto  Baldomero  apud  Montembrisonem  (id.  folio  35). 

(9)  Matheus  Merlet  débet  IX  denarios  vicnnieosium  censuales  pro  quftdam  domo  sita 
versas  iter  tendens  de  ponte  Sancti-Ragneberti  apad  Sanctum-Baldomerum  (Terrier  de 
Saint-Victor-sur-Loirc  de  i336).  « 


128  CHAPITRE   Vin 

Le  texte  de  la  légende  de  l'Office  de  la  Translation  des 
Reliques  des  saints  Rambert  et  Domitien  nous  apprend  que 
notre  pieux  messager  s'étant  mis  en  route  avec  son  béni 
fardeau,  marcha  longtemps  et  arriva,  enfin,  vers  les  pentes 
de  la  montagne  au  sommet  de  laquelle  se  dressait  fièrement 
le  château -fort  dTzeron.  Or,  le  tracé  de  la  voie  qui 
menait  de  Lyon  au  prieuré  de  Saint-André-les-Olmes  ne 
côtoyait  point  les  pentes  abruptes  de  la  montagne  d'Yzeron, 
mais  courait  entre  Thurins  et  Ti remanteau,  à  quelque  distance 
à  Test  du  vieux  manoir,  résidence  du  comte  Guillaume. 

D'où  il  n'est  plus  vrai  de  dire  que  notre  pieux  porteur 
de  reliques  ait  suivi  l'itinéraire  dont  nous  venons  de 
parler. 

La  difficulté  n'est  qu'apparente,  et  voici  comment  nous  la 
résolvons.  Nous  avons  vu,  dans  le  chapitre  précédent,  que 
les  veneurs  du  comte  Guillaume  chassaient  sur  les  terres  de 
leur  maître,  lorsqu'ils  firent  la  rencontre  du  mystérieux 
voyageur  fatigué  et  prenant  un  peu  de  repos,  à  l'ombre  d'un 
bouquet  d'aubépines,  au  bord  du  chemin. 

Mais  rien  n'empêche  de  croire  que  les  gens  du  Comte  aient 
rencontré  le  pieux  pèlerin  sur  la  route  même  que  nous  avons 
décrite  plus  haut,  et  que  cette  route  éloignée  du  château- 
fort  traversât,  cependant,  les  terres  dudit  Comte?  Car,  enfin, 
les  dépendances  d'une  seigneurie,  surtout  de  la  seigneurie  du 
Comte  de  Forez,  ne  devaient  pas  être  limitées  à  l'enceinte  des 
murailles  de  sa  demeure;  mais,  au  contraire,  devaient  s'étendre 
dans  un  vaste  rayon  et,  probablement,  jusques  et  au-delà  de 
la  voie  suivie  par  notre  dévot  porteur  de  reliques.  Or,  cette 
voie  n'était  pas  certainement  à  plus  d'une  lieue  du  sommet 
de  la  colline  d'Yzeron. 

Du  reste,  notre  légende  ne  dit  pas  que  le  pieux  voyageur 
eût  déjà  gravi  les  pentes  d'Yzeron,  quand  il  fut  rencontré 
par  les  veneurs  du  comte  Guillaume.  Elle  dit  simplement  : 
«  Lorsqu'il  fut  arrivé  vers  les  pentes  de  la  montagne  qui  porte 


VOIE  SUIVIE  PAR  LE  MYSTERIEUX  PORTEUR  DES  RELIQUES    1  2g 

«  le  château-fort  (VYieron  ».  (i)  Le  lieu  de  repos  indiqué 
par  la  préposition  m  ad  y^  pouvait  très  bien  se  trouver  loin 
du  château-fort,  sur  les  bords  de  la  route  désignée  plus  haut, 
et  cependant  sur  les  terres  du  Comte,  seigneur  et  maître  des 
villages  voisins. 

Et  puis,  quelle  invraisemblance  y  aurait-il  à  croire  que 
notre  Messager,  connaissant  la  piété  du  comt  e  Guillaume, 
sa  dévotion  envers  saint  Rambert,  le  désir  qu'il  avait  de 
vénérer  ses  reliques,  se  soit  détourné  de  son  chemin  pour 
aller  saluer  son  Seigneur  et  Maître,  lui  montrer  le  vénérable 
trésor,  le  lui  faire  baiser,  et  enfin  demander  aide  et  protection, 
pour  le  reste  de  son  voyage,  à  l'ami  et  au  protecteur  du 
Prieuré  de  Saint- André-les-Olmes  ?... 

Nous  ne  sommes  pas  éloigné  de  croire  que  les  choses  se 
passèrent  ainsi.  Le  comte  Guillaume  fort  dévot  à  saint 
Rambert,  après  avoir  pendant  longtemps  témoigné,  en  vain, 
aux  moines  de  l'abbaye  des  bords  du  Bébron,  le  désir  de 
posséder  quelques  reliques  du  martyr  honoré  dans  toute  la 
région  lyonnaise,  finit  par  en  obtenir  d'une  façon  merveilleuse, 
alors,  sans  doute,  qu'il  s'y  attendait  le  moins.  La  Providence 
était  plus  généreuse  envers  lui  que  ne  l'avait  été  le  Prieur 
de  l'Abbaye  (2). 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  savons  par  la  légende  du  Bréviaire 
de  l'Office  de  notre  illustre  Patron,  que  le  mystérieux  porteur 
de  ses  reliques  fut  reçu,  avec  les  plus  grands  égards,  sous  le 
toit  hospitalier  du  comte  Guillaume^  qu'il  séjourna  quelque 


(i)  Cam  aiitem  pcrrenitset  ad  cliTum  oppidi,  qood  ▼algo  Ywron Tocitator.....  Atqac  ex 
Iciocre  fatigatas.  mcm  riam  ad  umbram  albc  apin»  cooscdiMet  (Légeode  de  Tofficc  de  la 
Fête  det  miradea  da  aaint  Rambert.  H  noct.  Leçon  6«.) 

(3)  La  tradition  locale  de  la  vallée  de  l'Albarioe  accuse  les  gens  de  Saint-Rambert-en* 
Forei  d'avoir  volé  la  moitié  da  corps  do  saint  martyr.  Ne  pourrait-on  pas  voir  dans  cette 
légende,  Finaittance  que  le  comte  Guillaume  mettait  à  réclamer  quelques  parcelles  du 
corps  de  saint  Rambert,  et  le  relus  par  les  religieux  de  l'Abbaye  d'obtempérer  à  sa  demande  ? 
Dtt  reste,  l'enlèvement  mystérieux  des  reliques  de  saint  Rambert  et  de  saint  Domitien  par  on 
personnage  providentiellement  inspiré,  a  bien  pu  faire  croire  que  des  gens  envoyés  par 
le  paissant  comte  les  avaient  volées. 

9 


l3o  CHAPITRE   Vfll 

temps  au  vieux  manoir,  que  les  restes  sacrés  de  saint 
Rambert  et  saint  Domitien.  y  furent  entourés  de  la  plus 
grande  vénération.  La  tradition  ajoute  même  qu'on  les 
enleva  des  grossières  sacoches  où  ils  étaient  renfermés,  et 
qu'on  'les  déposa  pieusement  dans  les  plis,  plus  dignes, 
d'une  riche  étoffe  de  soie  et  d'or  :  celle  qui  servit  depuis  à 
confectionner  la  fameuse  chasuble  dont  nous  parlerons 
bientôt . 

Et  quand,  sur  Tordre  du  comte  Guillaume  (i),  les  gens 
de  son  château-fort  eurent  rassemblé  un  grand  nombre 
de  prêtres  et  de  fidèles  d'alentour,  lorsqu'ils  eurent  averti 
et  les  Religieux  du  prieuré  de  Saint-André  et  les  popu- 
lations des  bords  de  la  Loire,  de  l'arrivée  prochaine  des 
reliques  des  saints  Rambert  et  Domitien,  le  pieux  seigneur 
prit  alors  la  route  de  la  Loire  avec  son  mystérieux  hôte, 
et  au  milieu  d'une  foule  de  pèlerins  en  prières.  Il  nous 
semble  le  voir  portant  lui-même  sur  ses  épaules  la  châsse 
improvisée  (2). 

En  quittant  les  hauteurs  d'Yzeron  les  pèlerins  durent, 
vraisemblablement,  prendre  la  grande  voie  qui  les  conduisait 


(I)  Dum  viciais  adsociemar  et  cum  frequenti  populo  solemoi  supplicatione  pariter 
gradicmnr.  Nec  mora  misit  qui  monerent  monasterii  rectores  et  Eccleaiarum  que  sont 
ultra  Ligerim.yFête  des  miracles  de  saint  Rambert,  H  noct.  Leçon  4).  (Bréviaire  dePolBce  do 
saint  martyr.) 

(3)  Il  ne  fant  pas  s'étonner  de  voir  le  Comte  Guillaume  prêter  ses  épaules  au  transport 
des  reliques  des  saints  Rambert  et  Domitien.  En  cela,  il  ne  faisait  que  suivre  un  vieil  usage 
auquel  les  rois  eux-mêmes  se  prêtaient  avec  joie  et  reconnaissance. 

■  Mais  les  Francs  méprisant,  comme  avaient  fait  les  Aqniuins,  le  petit  nombre  des 
H  partisans  qu'ils  voyaient  à  sa  suite,  refusèrent  sous  divers  prétextes  de  se  soumettre  k  lui. 
«  Charles  (Le  Chauve)  s'en  aperçut  et  accéléra  son  voyage. 

■  Comme  il  avançait  vers  Soissons,  les  moines  de  Saint-Médard  accoururent  à  aa  rencontre 
«  et  le  prièrent  de  transporter  les  corps  des  saints  Médard,  Sébastien,  Grégoire,  Tibarce, 
«  Pierre  et  Marcellin,  Marins,  Marthe,  Audifax  et  Habacuc,  Onésime,  Mérésime  et  Léocade, 
«  Marian,  Pelage,  Maure,  Florian  avec  ses  six  frères,  Gildard,  Sérène  et  Rémi,  archevêque 
«  de  Rouen,  dans  la  Basilique  où  ils  reposent  maintenant,  et  qui  alors  était  construite  en 
«c  grande  partie. 

«  Il  y  consentit,  s'arrêta  dans  ce  lieu  et,  comme  les  moines  le  lui  avaient  demandé, 
«  transporta  sur  ses  propres  épaules,  avec  un  grand  respect,  les  corps  des  sants;  de  plus, 
■  il  ajouta,  par  un  édit,  aux  propriétés  de  cette  Eglise,  le  domaine  appelé  «  Braine  •. 

Extrait  de  la  brochure  :  Charlts  le  Chauve,  page  38-39,  par  B.  Zellcr,  maitre  de 
conférences  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris. 


VOIE  SUIVIE  PAR  LE  MYSTERIEUX  PORTEUR  DES  RELIQUES    I  3  I 

à  Saint-Symphorien-le-Châtel,  en  passant  sur  les  territoires 
de  Rochefort  et  de  Saint-Martin-en-Haut  (Anneaux). 

Et,  comme  nous  l*avons  dit  déjà,  à  Saint-Symphorien-le- 
Châtel  la  route  se  trifurquant,  ils  choisirent  tout  naturellement 
l'embranchement  qui  traversait  le  territoire  des  communes 
de  Châtelus,  deGrammont*,  de  Chevrières,  de  Saint-Médard, 
pour  aboutir  à  Saint-Galmier. 

De  cette  dernière  ville,  la  procession  des  pèlerins,  suivant 
la  voie  antique  qui  passait  par  Saint-Bonnet-les-Oules, 
Lapra(FiG.  i8),  le  hameau  de  la  Gouyonnière,  arriva  à  la 
Quérillière  (i)  d'où,  laissant  probablement  à  gauche  Tem- 
'branchement  qui  se  dirige,  par  la  montagne,  vers  Saint- 
Just-sur-Loire,   elle    prit,*  à  droite,  celui  qui   s'ouvre   sur 


(  i;  Dans  une  très  intéressante  étude  publiée  dans  les  Annales  de  la  Société  d'Agriculture, 
Industrie^  Sciences,  Arts  et  Belles-Lettres  du  département  de  la  Loire^  3*  liv.  1896, 
M.  P.  B.  Maussier,  ingénieur  civil  et  président  delà  Commission  de  V  Histoire  des  Gaules, 
signale  une  voie  antique  passant  par  Saint- Bon net-Ies-Oules,  la  Gouyonnière,  pour  arriver 
à  la  Quérillière,  où  elle  se  divise  alors  en  deux  branches  : 

La  première  qui  se  dirige  sur  Saint-Just-sur-Loire  dont  elle  gravit  la  montagne,  et  la 
seconde  qui  touche  Andrézieux  pour  se  continuer  au  lieu  de  la  Roche.  Voici  du  reste  le 
texte  intéressant  de  cette  étude  : 

«  On  ne  peut,  il  est  vrai,  trouver  aucune  trace  d'établissement  d'un  c  Forus  •  romain  à 

•  Saint-Symphorien-le-Chttel,  mais  il  y  a  un  croisement  de  routes.  Huit  ramifications, 
«  d'après  la  carte  de  M.  Guigne,  partaient  de  Saint-Symphorien. 

«  Trois  routes  mentionnées  par  Strabon,  itinéraire  d'Antonin  et  table  de  Peutinger  : 
«  I*  sur  Lyon;  a*  sur  Saint-Galmier,  Saint-Rambert,  Saint-Bonnet-le-Chlteau,  Usson. 
<  Craponne;  3*  sur  Meylieu,  Montrond,  Moingt  ou  Montbrison,  allant  à  Roanne  par 
«  Marcilly.le-Pavé,  Saint-Germain-I^val,  Saint-Maurice.  (Vachsz,  La  voie  Aquitaine  et 

•  la  légende  de  saint  Bonnet^  1883.) 

«  Cinq  voies  antiques  jalonnées  par  des  hdpltaux  du  moyen  tge La  4*  se  dirigeant  sur 

«  Grammont»  Saint-Rambert-sur-Loire,  avec  embranchement  de  Grammont  à  Saint-Galmier. 

«  La  5*  partant  de  Roanne  à  Meylieu-Montrond  par  Feurs.  Voici  la  continuation  de  cette 
«  voie  celtique  de  Meylieu  jusqu'à  Saint'Just  et  Saint-Rambert-sur-Loire.  De  Meylieu  nous 

•  sautons  la  Coise  et  nous  arrivons,  comme  l'indique  le  cadastre,  dans  le  bas  de  Cuzieu  même, 
>  puis,  à  la  •  Grande  Plagne  »  commune  de  Rivas,  après  une  disparition  résultant  de  la 
-  culture.  Ensuite,  nous  croisons  un  vieux  chemin  de  Saint-Galmier  au  •  gué  de  Rivas  >  ; 

•  nous  passons  devant  la  propriété  de  M.  de  Saint-Genest,  dans  le  village  de  Veauche  à  Test 
<(  de  l'église,  devant  les  propriétés  Douvreleur  et  Grange. 

•  A  ce  point,  le  tracé  du  chemin  est  visible,  dans  les  champs,  il  est  cultivé,  en  pré  sur 
«  quelques  points.  Nous  croisons  ensuite  le  chemin  n«  10  d'Andrézieux  à  Saint-Galmier,  à  la 
«  limite  précise  des  communes  de  Veauche  et  de  Bouthéon.  jusqu'au  chemin  actuel  de 

•  Bouthéon  à  La  Fouillousc;  passant  k  la  barrière  P.-L.-M.  n*  385  nous  traversons  le  chemin 
«  de  fer  P.-L.-M.  à  la  barrière  n«  386  et  nous  continuons  suivant  la  limite  précise  de» 
«  communes  de  La  Fouillouseet  d'Andrézieux,  La  Fouillouse  et  Saint- Just-sur-Loire. 

«  Nous  avons  recoupé  à  la  rencontre  des  limites  des  trois  communes  de  Bouthéoo 
<  Andrézieux,  La  Fouillouse,  un  peu  au  sud  de  la  route  actuelle  n*6.  aa  vieux  chemin  tendant 


I 
î 

1 

i 


...1 


VOIE  SUIVIE  PAR  LE  MYSTÉRIEUX   PORTEUR  DES  RELIQUES     l33 

Andrézieux  pour  aboutir  par  le  hameau  de  Collonge  à  la 
Rivoire  (i)  sur  la  rive  droite  de  la  Loire,  au  lieu  de  la 
Roche  (2)- 

Or,  c'est  précisément  au  lieu  de  la  Roche  qu'eut  lieu, 
d'après  la  tradition,  le  passage  miraculeux  du  fleuve  par 
la  foule  des  pèlerins  accompagnant  les  reliques  de  nos 
saints.  Et,  depuis  cette  époque  reculée,  on  a  toujours 
appelé  ce  coin  des  bords  de  la  Loire  a  Le  gué  de  la  Roche  », 


«  da  nord-est  au  sud.ouesr,  passant  à  la  Goayonnière  et  aboatissant  i  Saint-Just-sur-Loire, 

-  par  la  Qnérillière. 

c  Son  tracé  da  côté  de  Saint-Bonnet-les-Oules,  Grammont,  est  à  étudier.  Il  existe  sur  le 
«  cadastre. 

a.  De  la  Qaérillière.  notre  route  •  Roanne,  Meylieu,  Bouthéon  »  arrive  sur  le  territoire  de  la 
«  commune  de  Saint-Just-sur-Loire,  à  la  barrière  du  passage  à  niveau  P.-L.-M.  n*  286,  passe 
«  à  la  limite  des  trois  communes  de  Bouthéon,  Andrézieux,  La  Fouillouse,  et  forme  la 

•  «éparation  des  communes  de  La  Fouillouse  et  Andrézieux  jusqu'au  chemin  de  fer  P.-L.-M. 
«  qu'elle  traverse  sur  un  ponceau  pour  franchir  le  Furan,  recouper  la  nouvelle  route  actuelle 
«  de  Saint- Etienne  à  Saint-Just-sur-Loire,  et  gravir  le  flanc  méridional  de  la  montagne.  Elle 

•  se  bifurque  à  deux  cents  mètres  environ  du  Furan,   au  sud-ouest,    avec  des   pentes 

•  atteignant  o",3o  par  mètre  du  côté  de  Saint-Just. 

•  La  branche  directe  partit  être  celle  qui  se  dirige  au  sud-ouest,  par  le  hameau  du  m  Penable  » 
K  —  bien  nommé  —  et  descendre  par  une  contre-pente  très  raide  au  gué  de  Saint-Just- 
«  sur-Loire,  en  se  dirigeant  sur  le  camp  gaulois  d'Essalois,  d'une  part,  et  Saint-Rambert, 

-  Saint-Marcellin,  Saint-Bonnet-le-Château  et  l'Auvergne  —  probablement  Gergovie  —  de 
•t  l'autre. 

•  On  voit  que  Saint-Just-sur-Loire  a  été  un  point  de  passage  important.  Un  ancien  pont 

•  y  est  encore  visible  dans  l'axe  du  fleuve. 

«  La  branche  sud-ouest  passe  au  hameau  d'Auvernays,  en  ligne  de  crête  ;  elle  arrive  à  la 
«  Bréassière,  commune  de  la  Fouillouse.  » 

(0  Château  de  la  Rivoire  ou  encore  de  la  Merlée,  sur  la  rive  droite  de  la  Loire,  commune 
de  Saint-Just,  appartient  à  la  très  honorable  et  très  bienfaisante  famille  Faure-Portafaix, 
de  Saint-Etienne. 

^3)  Nous  avons  admis  que  notre  porteur  de  reliques,  et  la  foule  de  pèlerins  qui  raccom- 
pagnait, s'étaient  dirigés  de  Saint-Symphorien  à  Saint-Galmier  parGrammontet  Chevrièrea, 
Mais  il  nous  parait  très  vraisemblable  que  cette  route  dut  être  continuée  par  lui  et  les 
pèlerins  jusqu'à  Saint-Bonnet-lev-Oules.  Là,  les  pèlerins  firent  un  angk  droit,  au  lieu  de 
Jjipraj  où  une  croix  de  pierre  très  remarquable  indique  une  voie  très  ancienne. 

De  cette  croix,  que  nous  avons  visitée  au  mois  de  novembre  1899,  le  chemin  bifurque  dans 
la  direction  de  la  Gouyonnière,  et  bientôt  après  aboutit  au  vieux  chemin  indiqué  par 
M.  Maussier,  tendant  à  Saint-Just  (gare)  ;  de  là,  passant  deux  fois  sous  la  voie  du  chemin  de 
fer  et  traversant  le  Furan  sur  un  ponceau,  près  de  la  Quérillière,  il  franchit  la  voie  du 
P.-L.-M.  (ligne  de  Clermoni)  sur  un  pont  pour  se  diriger  vers  la  maisonnette  de  Saint- 
Nicolas. 

Près  de  là,  et  peu  avant  d'arriver  vers  cette  maisonnette,  un  ancien  chemin  descend  la 
pente,  pour  se  développer  entre  Saint-Just-sur-Loire  et  Andrézieux.  jusqu'au  hameau  de 
Collonge,  jusqu'au  chfltcau  de  la  Rivoire  et,  enfin,  (jusqu'au  gué.  de  la  Roche,  en  face  duquel 
se  trouvent  Fontchaut  et  Saint-Rambert.  (Notes  de  Af.  Henri  Marthoud.) 


l34  CHAPITRE    VIII 

en  souvenir  du  prodige  que  nous  avons  raconté  au  chapitre 
précédent  (i). 

Une  fois  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire,  délaissant  le 
chemin  du  «  Garait  »  (2),  la  foule  qui  faisait  escorte  d'honneur 
aux  précieuses  reliques,  grossie  de  celle  qui  avait  suivi  le 
Prieur  de  Saint-André  et  ses  religieux,  se  mit  en  marche 
par  l'antique  chemin  qui  s'ouvrait  devant  elle.  Ce  chemin, 
dont  on  peut  suivre  encore  aujourd'hui  le  tracé  sinueux, 
passait  par  Fontchaut,  arrivait  par  le  pré  des  «  Eparcelles  » 
sous  la  vieille  chapelle  Saint-Côme  (Fig.  19),  longeait  peut-être 
le  ruisseau  dit  du  Moulin  ou  de  la  Bénédiction,  pour  arriver 
par  le  pré  du  «  Cloître  »  derrière  le  mur  des  propriétés  de 
MM.  Lafont  et  Montet,  et  aboutir,  enfin,  au  chemin  qui  monte 
vers  la  fontaine  et  la  porte  de  la  «  Chana  »,  c'est-à-dire  à 
quelques  pas  du  Prieuré. 

Mais  hélas  !  les  émotions,  les  épreuves,  la  fatigue  de  la 
route,  qu'aggravait  encore  une  ardente  soif,  trahirent  les 
forces  de  notre  dévot  messager.  Craignant  quelque  défaillance, 
dit  la  tradition,  il  sort  des  rangs  de  la  procession  et  va 
rafraîchir  ses  lèvres  desséchées,  à  la  source  d'eau  pure  et 
limpide  qu'on  lui  montre  au  bord  du  chemin,  à  Fontchaut. 

Le  souvenir  de  cet  événement  est  demeuré  si  profondément 
gravé  dans  la  mémoire  des  anciens  habitants  de  la  paroisse, 


(i)  A  partir  du  lieu  où  notre  route  gauloise  de  Roanne,  arrivée  sur  le  territoire  de  Saint- 
Just-sur- Loire,  traverse  le  passage  à  niveau  du  chemin  de  fer  P.-L.-M.  pour  franchir,  sur 
un  ponceau,  le  Furan  et  recouper  la  nouvelle  route  actuelle  de  Saint-Just-sur- Loire  à  Saint- 
Rambert,  à  partir  de  ce  lieu  jusqu'aux  bords  de  la  Loire,  vers  le  gué  de  la  Roche,  Titinéraire 
que  nous  faisons  suivre  à  notre  porteur  de  reliques  et  à  la  foule  qui  l'accompagne,  nous 
paraît  tout  naturel  et  bien  choisi. 

En  effet,  du  ponceau  de  Furan  à  Collonge  et  à  la  Rivoire,  et  de  là  au  gué  de  la  Roche, 
nous  ne  faisons  que  suivre  la  voie  indiquée  par  la  tradition  du  pays. 

La  Loire,  devant  Saint-Just  (village  moderne),  est  difficilement  guéable.  Aussi  bien,  un 
pont  existait-il  à  cet  endroit  depuis  un  temps  très  reculé.  Ce  pont,  dont  on  voit  encore 
aujourd'hui  des  vestiges,  desservait  et  le  petit  bourg  et  Saint-Ram bert. 

Quant  au  chemin  qui  conduisait  à  Essalois,  et  desservait  le  vieux  village  de  Saint-Just- 
sur-Loire,  nous  le  retrouvons  partant  d'Etrat  et  traversant  la  Loire  par  le  gué  d'Asnières. 
(Notes  de  M.  Henri  Martkoud.) 

(2)  Nom  d'un  quartier  du  faubourg  des  Barques  —  se  traduit  par  lieu  de  •  Garage  •  — 
des  barques  qu'on  y  fabriquait. 


I"^'. 


r   * 


l36  CHAPITRE   VIII 

que  cette  source  privilégiée  et  intarissable  est  appelée,  de 
nos  jours,  comme  il  y  a  cent  ans,  comme  il  y  a  plusieurs 
siècles  :  Fontaine  de  Saint^Rambert. 

Pour  le  bon  entretien  du  chemin  sur  lequel  elle  s'écoulait 
il  y  a  quelque  vingt  ans,  il  a  paru  nécessaire  d'en  transférer, 
à  quelques  pas  plus  bas,  la  coupe  antique.  Et  maintenant, 
canalisée  avec  soin,  elle  vient  sourdre  modestement  dans  le 
gazon  de  la  prairie  voisine. 

Qu'il  serait  à  désirer  qu'une  Croix  commémorative  s'élevât 
au-dessus  de  cette  source,  pour  rappeler  aux  générations  le  sou- 
venir du  passage,  en  cet  endroit,  des  reliques  de  saint  Rambert! 

Il  ne  faut  pas  confondre  cette  source  de  Fontchaut  avec 
la  vieille  fontaine  de  la  «  Chana  »  (i)  qui  coule  abondante 
tout  près  de  l'ancienne  porte  de  ce  nom,  mais  que  Ton 
dénomme  souvent  :  Porte  de  baint-Rambert,  parce  que  c'est 
par  cette  voie  que  la  procession  des  reliques,  partie  de 
Fontchaut,  entra  dans  Tenceinte  du  Prieuré. 

Ce  chemin  de  Fontchaut  au  Prieuré,  par  les  champs  situés 
au  bas  de  la  balme  où  s'élevait  le  monastère,  et  par  le 
passage  montueux  où  fut,  plus  tard,  bâtie  la  porte  de  la 
((  Chana  »,  nous  paraît,  avec  d'autant  plus  de  vraisemblance, 
avoir  été  la  route  suivie  par  les  pèlerins  et  les  reliques, 
que  de  tout  temps,  jusqu'à  la  grande  Révolution,  on  a 
fait  annuellement  une  procession  à  Fontchaut,  comme  pour 
consacrer  le  souvenir  de  celle  des  reliques  dont  il  est  fait, 
du  reste,  mention  dans  le  Bréviaire  du  chapitre  de  la 
collégiale  (2).  Ajoutons  que  de  temps  immémorial,  la  voie 

(1)  Cette  fontaine  est  connue  de  tons  les  habitants  de  Saint-Rambert  sous  le  nom  de 
«  Fontaine  de  la  Chana  *.  Mais  jamais  on  ne  l'a  dénommée  «c  Fontaine  de  Saint-Rambert  », 
bien  qu'elle  soit  tout  près  de  la  statue  de  ce  saint,  autrefois  placée  sous  l'arceau  de  la  portp 
gothique  dite  :  Porte  de  la  Chana,  ou  plus  récemment  :  Porte  de  Saint-Rambert. 

(2)  Premières  Vêpres  du  jour  de  la  fête  de  saint  Rambert,  3  octobre.  Et.  chaque  année 
encore,  à  la  grande  procession  de  la  Translation  des  Reliques  de  saint  Rambert  dans  les 
rues  de  la  ville,  les  fidèles  de  la  paroisse  font  halte  devant  la  vieille  statue  de  bois  de  leur 
illustre  patron,  pendant  que  le  clergé  chante  le  Répons  et  l'Oraison  du  commun  d'un 
martyr,  en  mémoire  de  la  procession  des  prêtres,  moines  et  fidèles  transportant  sur  leurs 
épaules  les  restes  sacrés  du  saint  martyr  Rambert. 


VOΠ SUIVIE  PAR  LE  MYSTERIEUX  PORTEUR  DES  RELIQUES     I  57 

et,  plus  tard,    la  Porte  de  «  la  Chana  »   ont   été   ornées 
d'une   statuette   représentant  saint   Rambert,    en    guerrier 
franc,   trois  épis  à  la  main  (Pig,    20).  Sans  doute,  ainsi, 
pour  perpétuer  te  souvenir  du 
passage  des  mêmes  reliques  par 
ce  chemin. 

Une  tradition  restée,  jusqu'à 
nos  jours,  très  vive  et  très  res- 
pectée dans  chacune  de  nos 
familles  rambenoises,  nous  a 
conservé  le  fait  suivant,  em- 
preint d'une  naïveté  toute  mé- 
diévale. Parmi  la  foule  des 
pèlerins  marchant  procession- 
nellement  à  la  suite  des  moines 
du  Prieuré  de  Saint-André  et 
du  comte,  porteurs  des  saintes 
reliques,  un  certain  nombre 
s'oublièrent,  au  milieudes  prières 
et  des  hymnes  pieux,  jusqu'à 
s'écarter  du  chemin  ordinaire, 
trop  étroit  pour  contenir  les 
flots  pressés  des  fidèles.  Or,  le 
champ  dont  lés  pieds  des  pèlerins 
foulaient  la  récolte  appartenait  «ub 
à  une  dame  châtelaine.  i.rcc 

La  dame  châtelaine,  dont  la  CVeA"'T".t!  '^^^^  V.% 
demeure  seigneuriale  dominait  '*"'"f'i"' 
la  balme  au  bas  de  laquelle  se  développait  la  procession, 
apercevant  de  la  fenêtre  où  elle  se  tenait,  le  dommage  qu'on 
lui  causait,  se  mit  dans  une  violente  colère,  et  invectiva  la 
foule  pieuse. 

On  essaya  de  calmer  l'irascible  personnage,  en  lui  répon- 
dant :,  Mais,   nous  vous  apportons  les  reliques  de  l'illustre 


HuL  tronçon  de  boiiei 


l38  CHAPITRE   VIII 

martyr  saint  Rambert  ?  —  Que  m'importent  vos  reliques  ! 
Saint  Rambert^* saint  Rambion^je  ne  veux  pas  que  tu  passes 
sur  mes  fonds  ! 

A  peine  Tirrévérencieuse  dame  châtelaine  avait-elle  fini 
de  jeter  à  la  foule  cette  apostrophe  injurieuse,  que  sa 
fenêtre  se  fermant  tout  à  coup,  comme  poussée  par  une 
main  invisible,  elle  fut  cruellement  saisie  par  la  tête  entre 
les  ais  de  bois  dur,  sans  qu'elle  pût  faire  aucun  mouvement 
capable  de  la  tirer  de  cette  périlleuse  situation.  Justes 
représailles  de  l'injure  faite  aux  vénérables  ossements  des 
saints  Rambert  et  Domitien. 

Mais,  ajoute  la  tradition,  l'imprudente  et  irrespectueuse 
châtelaine  allait  succomber,  victime  d*un  supplice  bien  mérité, 
lorsque  ayant  fait  de  pressantes  invocations  à  saint  Rambert 
elle  fut  délivrée. 

L'emplacement  de  la  fatale  fenêtre  historique,  nous 
racontent  encore  les  anciens  de  notre  cité,  est  si  bien 
déterminé,  qu'il  est  reconnu  pour  celui  d'une  des  fenêtres 
de  l'habitation  actuelle  de  l'honorable  famille  Lafont. 

Après  la  vente,  comme  biens  nationaux,  des  bâtiments 
du  Prieuré  à  un  M.  Marcoux,  en  1793,  l'acquéreur, 
tenté  d'en  opérer  la  revente,  mit  cette  clause  dans  l'acte, 
savoir  «  qu'il  se  réservait  toujours  la  propriété  de  la 
fenêtre  ». 

Que  le  lecteur  ne  s'étonne  point  de  la  naïveté  des  faits 
dont  nous  venons  de  lui  faire  le  récit.  L'empiétement  des 
pèlerins  sur  le  champ  d'une  dame  châtelaine,  l'apostrophe 
injurieuse  de  celle-ci  à  saint  Rambert,  le  châtiment  subit 
dont  elle  est  frappée,  et  enfin  sa  délivrance  par  l'intercession 
de  l'illustre  martyr,  peuvent  bien  paraître  chose  extraordi- 
naire à  des  esprits  prévenus  contre  tout  fait  tenant  du  prodige. 
Mais  peut-on  nier  que  la  tradition  soit  respectable  et  qu'elle 
repose  sur  une  vérité  d'intérêt  considérable?  Sans  doute,  il 
faut  accueillir  la  tradition  avec  réserve,  car  si  les  faits  qu'elle 


VOIE  SUIVIE  PAR  LE  MYSTÉRIEUX  PORTEUR  DES  RELIQUES     iSq 

présente  sont  exacts  dans  le  fond,  ils  offrent  souvent,  aussi, 
une  altération  sensible  des  détails,  altération  qui  est  Teffet 
de  l'oubli,  à  travers  les  siècles.  Mais  la  tradition  demeure 
toujours  la  transmission,  à  travers  les  âges,  de  faits  historiques 
qui^  parvenus  de  bouche  en  bouche  jusqu'à  nous,  méritent 
tout  notre  respect. 

Nous  savons  aussi  que  la  tradition  est,  par  essence, 
upe  matière  molle  et  extensible  ;  mais  une  fois  encore,  quelque 
molle  et  extensible  que  soit  cette  matière,  les  éléments  qui 
la  constituent  restent  les  mêmes,  il  n'y  a  variété  que  dans  la 
manière  dont  chaque  génération  d'hommes  se  plaît  à  la 
présenter. 

Ici,  le  fait  d'une  foule  de  pèlerins  s'écartant  d'un  chemin 
trop  étroit  pour  les  contenir  et  cherchant,  dans  le  champ 
voisin,  l'espace  dont  ils  ont  besoin  pour  développer  leurs 
rangs  serrés,  n'a  rien  qui  doive  surprendre.  En  nos  temps 
modernes,  on  ferait  encore  de  même,  et  sans  trop  de 
scrupule. 

La  colère  de  la  personne  lésée  dans  son  bien,  son  invective 
aux  gens  qui  foulent  l'herbe  de  ses  prairies,  ses  paroles 
lAéchantes  au  saint  dont  on  transporte  les  restes  sacrés,  et  la 
punition  sévère  qui  lui  est  subitement  infligée,  tous  ces  détails 
commencent,  sans  doute,  à  entrer  dans  le  domaine  des  faits 
dénaturés  par  l'oubli  et  substitués  par  le  temps  aux  faits 
réels;  mais,  au  résumé,  ces  détails  ne  dépassent  aucunement 
les  limites  de  la  vraisemblance. 

Et  si  aujourd'hui,  en  plein  xix^  siècle,  les  longues  files  de 
pèlerins  qui  marchent,  en  procession,  autour  des  sanctuaires 
célèbres  de  Fourvière,  de  Lourdes,  de  Notre-Dame  de  la 
Salette,  de  Paray-le-Monial,  s'oubliaient  jusqu'à  piétiner  les 
champs  ou  les  parterres  des  propriétés  voisines,  à  quelles 
récriminations  ne  se  laisseraient  pas  aller  les  maîtres  et 
les  maîtresses  de  ces  parterres  et  de  ces  champs  ! 


140  CHAPITRE   Vin 

Peut-on  croire  que  de  la  bouche  de  M.  le  Comte  ou  de 
M™**  la  Baronne  ne  s'échapperaient  pas,  à  Tadresse  des 
déprédateurs,  quelques  épithètes  aussi  blessantes  que  celles 
dont  se  servit,  à  Tendroit  des  pèlerins  de  Saint-Rambert, 
la  dame  châtelaine  et  «  Prieure  »  dont  nous  venons  de 
parler  ?  —  Prieure,  c'est  ainsi  que  la  tradition  désigne 
notre  châtelaine. 

Or,  rien  n'est  à  dédaigner  dans  les  renseignements  que 
nous  fournit  la  tradition,  quelque  vagues  et  confus  qu'ils 
soient.  Soumis  à  un  examen  sérieux,  ces  renseignements  ont 
vite  dépouillé  leur  teinte  obscure,  pour  apparaître  avec  tout 
l'éclat  d'une  vérité  qui  séduit  par  son  charme  et  son  intérêt. 

Ainsi,  un  bronze  antique  dépouillé  de  sa  patine  séculaire, 
montre  avec  éclat,  sur  son  métal  brillant,  tous  les  détails 
des  figures,  en  relief,  que  Toeil  n'apercevait  point  tout  à 
l'heure. 

C'est  pourquoi,  malgré  les  conditions  anormales  et  extra- 
ordinaires dans  lesquelles  la  tradition  nous  présente  notre  dame 
châtelaine;  malgré  ce  que  peut  avoir  de  choquant  le  titre  de 
«  Prieure  »  qu'elle  persiste  à  lui  donner,  nous  ne  craignons  pas 
de  soutenir  que  la  présence  de  cette  noble  personne,  au  milieu 
de  la  grave  cérémonie  de  la  translation  des  reliques,  ainsi  qufe 
le  miracle  dont  elle  fut  favorisée  par  saint  Rambert,  sont  autant 
d'événements  incontestables.  Toujours  vivaces  dans  l'esprit 
de  nos  populations,  ils  ne  sont  pas  près  d'être  oubliés. 

Du  reste,  la  présence  d'une  dame  châtelaine  «  Prieure  »  à 
une  fenêtre  qui  pouvait  être  celle  d'un  bâtiment  adjacent  au 
Prieuré  de  Saint-André-les-Olmes  ou  en  dépendant,  n'est 
point  chose  si  surprenante  que  Ton  peut,  tout  d'abord,  se 
l'imaginer. 

Qui  empêche  de  conjecturer  que  sa  çrésence  au  Monastère, 
en  cette  circonstance  mémorable,  était  due  à  son  privilège 
de  bienfaitrice  ? 

Et,  quant  à  son  titre  de  «  Prieure  »,  les  pieuses  libéralités 


VOIE  SUIVIE  PAfe  LE  MYSTERIEUX  PORTEUR  DES  RELIQUES     I4I 

dont  elle  comblait  les  religieux  bénédictins  ne  le  lui  auraient- 
elles  pas  mérité  ?  Jusque-là  la  tradition  ne  nous  apprend 
donc  rien  que  de  très  vraisemblable. 

D'autre  part,  nous  pourrions  peut-être  justifier  la  vérité 
du  fait  que  nous  avons  rapporté  plus  haut,  et  donner  plus 
de  force  à  notre  preuve  de  tradition,  en  citant  à  Tappui  de 
notre  thèse  un  document  de  valeur. 

Un  jour,  où  nous  faisions  des  recherches,  et  interrogions 
les  pierres  des  vieux  murs  de  notre  antique  chapelle  de  Saint- 
Côme  (i)  —  élevée,  selon  toute  probabilité,  dans  le  voisinage 
immédiat  des  terres  de  notre  dame  châtelaine  —  notre 
curiosité  fut  mise  en  éveil  par  la  décoration  toute  spéciale  de 
l'intéressant  édifice.  Nous  trouvâmes,  en  effet,  entre  autres 
objets  curieux,  un  blason  sculpté  sur  l'un  des  deux  supports 
de  statues  de  saints,  qu'on  y  voit  de  chaque  côté  de  l'entrée 
du  chœur.  Ce  blason,  dont  Técu  losange  porte,  comme 
pièce  principale  et  particulièrement  caractéristique  la  figure, 
en  pied,  d'un  saint  quelque  peu  mutilé  (Fig.  21)  —  peut- 
être  c(  satnl  Rambion  »  —  est  sans  conteste  celui  d'une  noble 
damoiselle. 

Mais  alors,  ne  serait-il  point  celui  de  notre  mystérieuse 
dame  châtelaine  ? 

Il  est  vrai  qu'on  ne  peut  pas  faire  remonter  les  sculptures 
dudit  blason  au-delà  du  xvi*  siècle.  Cependant,  bien  que  de 
beaucoup  postérieur  aux  événements  auxquels  nous  faisons 


(1)  Cette  chapelle,  nous  Tavons  dit  ailleurs,  existait  déjà  eo  971.  Il  en  est  fait  mention 
dans  la  charte  de  Conrad  le  Pacifique,  à  Eldebert,  abbé  du  monastère  de  l'Ile-Barbe.  Or, 
qu'on  se  rappelle  que  la  translation  des  reliques  de  saint  Rambert  n'eut  lieu  qu'en  1078. 

A  gauche  est  une  niche  antique, 
Que  pour  la  fête  du  Patron, 
On  pare  d'an  buste  gothique. 
Image  de  saint  Côme.  dit-on. 
A  la  droite,  est  un  simulacre 
Dressé  par  la  grâce  de  Dieu, 
Qui  représente  le  massacre 
D'un  saint  martyr  chassé  du  lieu. 

M.  de  P. 

(Notes  de  M.  H,  Marthoud.) 


CHAPITRE   VIII 


allusion,  il  n'est  point  invraisemblable  de  dire  qu'il  fut  placé 
là,   comme    un   témoignage    de   reconnaissance    destiné    à 


perpétuer  la  mémoire  de  la  noble  châtelaine;  et  sans  doute 
aussi,  le  souvenir  de  quelque  importante  fondation,  par  elle 
faite  â  cet  antique  sanctuaire. 


VOIE  SUIVIE  PAR  LE  MYSTERIEUX  PORTEUR  DES  RELIQUES     143 

D*accord  avec  la  légende  qui  nous  signale  le  miracle  dont 
elle  fut  l'objet,  après  son  invocation  à  saint  Rambert  outragé, 
la  tradition  va  plus  loin  et  ajoute,  qu*en  reconnaissance  d'un 
si  prodigieux  bienfait,  elle  affranchit  de  la  dîme  toutes  les 
terres  de  son  domaine. 

Ce  trait  remarquable  de  générosité  vaut  la  peine  d*être 
enregistré. 

Il  y  a  plus,  à  une  mesure  aussi  sage  et  aussi  charitable,  la 
noble  châtelaine  n'aurait-elle  pas  ajouté  quelques  oeuvres 
pies  d'une  haute  importance,  oeuvres  dont  le  blason  sculpté 
de  la  chapelle  Saint-Côme  consacrerait  le  souvenir  ?  C'est 
encore  à  la  tradition  locale  que  nous  devons  ce  fait  édifiant 
et  inédit. 


CHAPITRE   IX 


A  PROPOS  DES  SACOCHES 

DANS   LESQUELLES  FURENT  APPORTÉES 

AU   PAYS  DE   FOREZ 

LES.  RELIQUES    INSIGNES    DES    SAINTS    RAMBERT 

ET    DOMITIEN 


Le  lecteur  qui  a  parcouru,  au  chapitre  VIII*,  nos  pages 
inédites  sur  la  voie  suivie  par  le  mystérieux  porteur  des 
reliques  des  saints  Rambert  et  Domitien,  sera  certainement 
heureux  de  trouver,  ici,  quelques  détails  sur  les  sacoches, 
ou  bourses,  dont  se  servit  ce  «  preu<V homme  messaigier  » 
pour  y  placer  son  précieux  trésor. 

Aussi  bien,  essayerons-nous  de  faire  Thistorique  abrégé 
des  bourses  à  reliques^  des  alloières,  des  aumônières,  des 
gibecières,  des  tasses,  etc.,  au  moyen  âge. 

Cette  étude,  appuyée  sur  des  documents  extraits  des  auteurs 
les  plus  compétents  en  matière  archéologique,  facilitera  au 
lecteur  l'intelligence  de  certains  mots  du  texte  de  la  légende 
de  la  Translation  des  Reliques.  Elle  lui  apprendra  quelle  place 
tenait  au  moyen  âge,  dans  la  société  chrétienne,  la  dévotion 
aut  Saintes  Reliques,  en  même  temps  qu'elle  lui  révélera 
quels  pieux  soins  on  prenait  de  les  envelopper  dans  de  riches 


V 


146  CHAPITRE    IX 

écrins  pour  les  poner  sur  soi,  ou  pour  les  transporter  d'un 
lieu  à  un  autre. 

Les  deux   figures  de  besaciers   dessinées  dans  le    texte, 
serviront  de  complément  à  notre  étude  (Fig.  22). 


Les  pauvres  qui  ont  patience 
Et  vivent  selon  conscience. 
En  suivant  nmour  et  concorde  ; 
S'ils  endurent  leur  indigence 
Et  la  prennent  piour  sufHsance, 
Ils  acquerront  miséricorde. 

(Inicriphon  de  la  Cal/icii 


A    PROPOS    DES  SACOCHES  147 

Nous  avons  vu,  d'après  notre  légende,  que  les  reliques 
des  saints  Rambert  et  Domitien  furent  enlevées  du  tombeau 
où  elles  étaient  vénérées,  depuis  quatre  siècles,  pour  être 
déposées,  par  leur  mystérieux  porteur,  dans  plusieurs  bourses 
ou  besaces  préparées  à  cet  effet.  C'est  du  moins  ce  que  nous 
lisons  dans  le  texte  de  la  légende  «  eaque  in  sarcinulis,  quas 
ad  id  negotii  paraverat  reponere  ».  Or,  quelles  furent  ces 
sacoches,  ces  besaces,  ou  pour  traduire  littéralement  le  mot 
«  sarcinulis  »,  quelles  étaient  ces  hardes  dans  lesquelles  le 
dévot  serviteur  de  saint  Rambert  enferma  les  ossements  du 
martyr  et  du  confesseur,  pour  les  emporter  bien  loin,  sur  les 
rives  de  la  Loire,  en  Forez  (i). 

Il  y  a  plusieurs  objets  que  les  archéologues  font  entrer 
dans  la  catégorie  des  reliquaires,  malgré  le  caractère  essen- 
tiellement profane  qui  les  distingue  parfois  ;  ce  sont  :  la 
besace,  la  bourse,  Talloière,  Taumônière,  Tescarcelle,  la  tasse, 
etc.  Leur  dénomination  originale  excite  la  curiosité  ;  mais,  à 
coup  sûr,  elle  est  très  conforme  à  leur  emploi.  En  effet,  à 
toutes  les  époques  les  besaces,  les  alloières,  etc.,  ont  servi 
dans  la  main  de  l'indigent,  comme  dans  celle  du  riche,  à 
symboliser  ou  à  exalter  la  pauvreté. 

La  raison  d'être  de  ces  objets  connus  du  paganisme,  mais 
que  la  religion  de  Jésus-Christ  a  consacrés,  en  les  choisissant 
pour  faire  partie  de  la  livrée  de  ses  enfants  de  prédilection, 
est  toute  dans  l'obligation  de  la  pauvreté  et  de  la  charité 
évangéliques.  La  religion  chrétienne,  en  élevant  vers  le  ciel 
le  cœur  de  l'homme,  lui  a  toujours  montré  le  chemin  pour  y 
arriver.  Et,  quand  elle  lui  enseigne  une  vertu,  elle  ne  manque 
jamais  de  mettre,  entre  ses  mains,  les  moyens  dont  il  a  besoin 
pour  la  pratiquer. 

La  besace  qui  fut,  à  l'origine,  le  signe  distinctif  du  pèlerin 


(i)  La  tradition  locale  eat  formelle  pour  établir  que  c'est  bien  daas  des  besaces  que  le 
porteur  aurait  reafermé  les  reliques. 


148  CHAPITRE    IX 

concurremment  avec  le  traditionnel  bourdon  de  voyage 
l'aumusse  ou  la  lacerne,  garnies  de  coquillages,  est  le  premier 
de  ces  objets  dont  nous  allons  nous  occuper.  Par  sa  forme 
et  son  usage  il  rappelle  très  bien  les  pieux  récipients  dans 
lesquels  furent  apportées  nos  insignes  reliques  de  saint 
Rainbert. 

La  besace  est  cette  longue  sacoche  de  toile,  fermée  à  ses 
deux  extrémités,  ouverte  seulement  dans  le  milieu  de  sa 
longueur  et  disposée  en  deux  compartiments  distincts,  qui 
remplie  de  diverses  choses,  se  jette  sur  Tépaule  de  telle 
manière,  qu'une  partie  en  tombant  par  devant,  et  l'autre 
partie  en  restant  suspendue  par  derrière,  le  poids  s'équilibre 
parfaitement. 

Son  emploi,  très  répandu  parmi  les  populations  travail* 
leuses  et  simples  des  campagnes,  n'a  pas  toujours  été 
l'emblème  exclusif  de  l'homme  indigent.  En  effet,  au  siècle 
du  magnanime  roi  Charlemagne,  nous  voyons  la  besace 
portée  par  le  pèlerin  qui  s'en  va  à  Rome  ou  à  Saint-Jacques- 
de-Compostelle. 

Eginhard,  secrétaire  de  Charlemagne  (i),  en  rapportant  les 
détails  intéressants  de  l'inhumation  de  ce  grand  monarque  à 
Aix-la-Chapelle,  en  814,  prend  bien  garde  de  ne  pas  passer 
sous  silence  la  besace  du  royal  défunt. 

«  Son  corps  embaumé  fut  revêtu  des  ornements  impé- 
«  riaux,  sa  face  fut  couverte  d'un  suaire  sous  le  diadème; 
«  on  posa  sur  sa  chair  le  cilice  qu'il  avait  coutume  de  porter 
((  et,  par  dessus  ses  vêtements,  «  on  passa  sa  besace  dorée^ 
«  insigne  des  pèlerins  »,  qu'il  portait  quand  il  allait  à 
«  Rome.  » 

Ce  n'était  donc  pas  un  objet  vulgaire  que  la  besace,  et  sa 


(i)  Et  son  gendre.  Eginhard  était  de  basse  condition  ;  il  avait  séduit  une  des  filles  de 
Charlemagne.  Pour  relever  et  légitimer  la  situation  délicate  de  son  gendre,  le  grand  roi  le 
nomma  son  secrétaire. 


A   PROPOS    DES   SACOCHES  149 

rusticité    originelle  n'empêchait    point   qu'elle   ne    trouvât 
crédit,  autrefois,  auprès  des  rois  et  des  princes. 

Et  voilà  pourquoi  nous  ne  devons  pas  être  surpris  de  la 
voir  transformée  en  bourse  à  reliques  par  le  porteur  des 
saints  ossements  du  martyr  Rambert  et  du  confesseur 
Domitien,  quelque  deux  cents  ans  plus  tard.  C'est  la  dévotion 
des  fidèles  envers  les  restes  précieux  des  saints  qu'elle  voulait 
transférer  d'une  église  à  une  autre,  qui  se  chargea  de  cette 
transformation.  Mais  avouons  que  l'événement,  en  lui-même, 
n'a  rien  qui  choque  la  piété,  même  la  plus  scrupuleuse.  Les 
saints,  pendant  leur  vie,  n'étaient-ils  point  les  pauvres  de 
Jésus-Christ,  fiers  de  porter  la  bure  de  la  sainte  pauvreté  ? 
Après  leur  mort,  pouvaient-ils  donc  craindre  de  voir  leurs  os 
renfermés  dans  la  grossière  toile  d'une  vulgaire  bourse  ?  Et, 
puisque  les  rois  portaient  la  besace  dans  leurs  pèlerinages, 
pourquoi  les  simples  fidèles  n'auraient-ils  pas  osé  la  passer 
sur  leurs  vêtements,  et  en  faire  comme  une  sorte  de  châsse 
à  reliques? 

C'est  ce  que  fit  notre  mystérieux  porteur  des  ossements  de 
saint  Rambert  ;  d'abord  parce  que  c'était  la  coutume;  ensuite, 
parce  que  ce  mode  de  transport  lui  permettait  de  couper 
court  à  toute  espèce  d'inquisition  indiscrète  et  dangereuse. 

Toutefois,  la  piété  des  fidèles  envers  les  restes  sacrés  des 
saints,  ne  laissa  pas  longtemps  les  bourses  ou  besaces, 
employées  pour  écrins  à  reliques,  dans  leur  rustique 
simplicité.  Elle  remplaça  bientôt  l'étoffe  grossière  dont  elles 
étaient  faites,  à  l'origine,  par  de  riches  tissus  de  velours  et  de 
soie,  brodés  et  même  armoriés  (i). 

Le  trésor  de  la  cathédrale  de  Troyes  possède  de  magnifiques 
bourses  à  reliques,  qui  ont  appartenu  au  comte  de  Cham- 
pagne. Tout  récemment,  de  très  curieuses  bourses   ont  été 


(I)  Voir  les  dessins  du  Glossaire  Archéologique  du  moyen  dge'et  Je  la  renaissance,  par 
Victor  Gat,  ancien  architecte  du  gouvernement.  i883,  fascicules  1,3,  b.passim,  aux  mots, 
bourse,  alloière,  etc.  —  Obligeamment  communiqués  par  M.  J.  Poinat, 


i5o 


CHAPITRE    IX 


retirées  des  châsses  de  la  cathédrale  de  Sens.  Les  motifs  de 
leurs  broderies  ne  sont  pas  toujours  inspirés  par  la  religion, 
car  ces  bourses  ont  dû  servir  d'ornements  de  toilette  aux 
grandes  dames  de  l'époque  où  elles  ont  été  confectionnées. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  leur  richesse  les  fil,  autrefois, 
choisir  pour  écrins  à  reliques,  selon  une  coutume  très 
commune  du  xi®  au  xiv*  siècle  (i). 

D'une  forme  carrée  légèrement  allongée,  ces  bourses  à 
reliques  se  terminaient  quelquefois  par  une  frange,  ou  un 
autre  agrément  de  riche  passementerie.  Elles  se  fermaient  par 
des  cordons,  et  s'attachaient  par  une  courroie  à  la  ceinture  ; 
ou  bien  encore  se  suspendaient  à  la  poitrine,  lorsqu'en  raison 
de  leur  contenu,  elles  étaient  portées  par  dévotion. 

La  ville  de  Caen  était  renommée  pour  sa  fabrication 
spéciale  de  bourses,  que  toute  l'Europe  connaissait  sous  le 
nom  de  «  basques  ».  Un  auteur  rapporte  cette  citation  d'un 
ouvrage  de  l'époque  : 

«  Il  ne  s'en  fait  entr'autres  villes,  de  plus  mignardes, 
«  propres  et  richement  étoffées,  de  velours  de  toutes  cou- 
ce  leurs,  de  fils  d'or  et  d'argent  pour  seigneurs  et  gens  de 
«  justice,  dames  et  damoiselles,  dont  il  se  dit  en  proverbe 
V  commun  :  Par  excellence  bourses  de  Caen.  >» 

Leur  usage  religieux  est  parfaitement  établi  par  de 
nombreuses  ampoules  de  plomb,  historiées,  fleurdelisées  et 
blasonnées  (Fig.  23),  mises  au  jour  par  des  fouilles  récentes, 
et  qui  paraissent  remonter  au-delà  du  xv*  siècle  (2). 


(i)  Année  i353.  Deux  boursetes  à  reliques,  faites  à  ymages  de  brodeure  et  à  cbftpitauz  de 
grosses  perles  et  menues...  un  bon  las  d'or  de  Chypre  et  de  soye  à  les  porter...  et  dix  boutons 
de  perles...  {Cpte  d'Et.  de  la  Fontaine^  D.  J'Arcq,  Cptes  de  l'argenterie^  p.  i32  et  2^9.) 
Dict.  Arch-t  de  Victor  Gay,  2»  fascicule,  p.  197.  —  Ibidem. 

Année  1387.  A  Katherine  la  boursière...  pour  une  petite  bourse  de  veluiau  vermeil  en 
graine,  garnie  par  dedens  et  estoffée  de  boutons  d'or  de  Chippre  et  dependans  de  soye... 
pour  mettre  dedans  une  petite  croix  en  laquelle  il  a  dedens  de  la  vrayc  croix  pour  porter  à 
la  poitrine  de  Mgr  le  duc  de  Thouraine,  8  s.  p.  {8*  Cpte  roy,,  de  Guill.  Brunkl,  fol.  178).  — 
Ibidem, 

(3)  Voir  le  Glossaire  Archéologique  de  Victor  Gat,  2*  fascicule,  page  196;  on  y  trouvera 
une  bourse  à  reliques  du  pèlerinage  de  N.-Dame  de  Boulogne,  en  plomb. 


A    PROPOS    DES    SACOCHES  1 3 I 

Leur  forme  ordinaire  et  particulièrement  caractéristique, 
est  encore  celle  d'un  petit  sachet  fermé  par  un  cordon  et 
muni  de  petites  bélières  de  suspension.  Ces  précieuses  am- 
poules se  présentent, 
quelquefois,  sous  l'as- 
pect  d'une    bouteille 
symbolisant  la  gourde 
du  pèlerin  ou  l'image 
réduite     de     l'aumô- 
nière.    avec    laquelle 
est    souvent   confon- 
due la  bourse  à  reli- 
ques. '"'  '' 

A  cette  catégorie 
se  rattachent  encore 
certaines  amulettes  en 
plomb  ou  en  cuivre,  qui,  sous  la  dénomination  d'insignes 
de  pèlerinages  (Fie.  24),  étaient  comme  VAgnus  Dei,  et 
le  Baiser  de  paix  (i),  destinés  à  servir  d'ex-voto,  ou  à  être 
suspendus  au  cou. 

Variées  à  l'infini,  ces  amulettes  (3)  portaient  fréquem- 
ment des  versets  religieux,  des  insignes  pieux,  l'image  des 
saints  dont  on  implorait  la  protection,  voire  même  des 
inscriptions    comme    la    suivante,    qui    fut    trouvée    aux 


(1]  Le  >  Balterde paix  •  ex  ud  ligne  de  foi,  que  U  religions  coniicri  comme  dd  ilint 
de  r^ooeil illion,  et  que  l'art  i  Ggarc,  auircroii,  comme  ua  lailgoe  iiiirieur  de  d^olion. 
GéDdrdement.  le  -  Balitr  de  piix  ■  offre  t'aipeci  d'un  médaillan  etMnlïellemeDt  religieux. 

supeniiiieiiMi  que  ce  mot  aemble  DaiurelLemenl  éveiller.  En  effet,  «ulreroia,  chez  Ici  païen* 

eertiinti  lame»  de   métal  couvertei  de   caractères   cabalittiques,   auiquellei  cei  peuple! 
iilribuaieol  la  lertu  de  guérir  ou  d(  préienrer  de  loa»  In  maux.  Cei  larati  leur  lerraicni 


Pour  porter  âi 


le  à  cor 

liurer  ]e>  chi 

■rme<  el  1   r 

epoi 

luer  les  malélicei 

.  On 

.ppel.i<  . 

ncore 

•  f 

Tinpta  . 

.dunmolg 

rec,  qui  .ignIGe 

:  objet  luipendii  a: 

làtOUl 

r,  parce  q 

ue   lei 

1  ;  ou  bien 

ire   .  pjr'ta'if"  • 

du 

grec,  plié 

,    parc, 

1  .Ignea  en  ç 

enl. 

d»  morcei 

luide 

dep 

r  |-u>age  pi 

pari 

l'Eglite. 

Ceat  de  en 

amulette)  « 

lime 

«  dont  nous  pirloi 

Il  ici 

I  52  CHAPITRE   IX 

environs  de  Beyrouth,  en  caractères  grecs,  sur  une 
feuille  d'or  : 

«  Je  t'exorcise,  ô  Satan,  —  O  croix  purifie-moi,  afin  que 
«  tu  n'abandonnes  jamais  ta  demeure,  au 
«  nom  du  Seigneur  Dieu  vivant.  » 

Certains  de  ces  objets  ont  la  forme  d'une 
chemise  ou  d'une  tunique.  D'autres  figurent 
des  animaux  allégoriques.  Disposés  en  fibules 
ou  agrafes,  retenant  les  extrémités  d'un 
vêtement  de  pèlerinage,  ils  étaient  quel- 
quefois revêtus  de  plaques  gravées  avec 
devises,  sentences  ou  légendes,  comme  : 
«  Ecce  Homo  »  k  Ave  Mana  gratta  pleita  ». 
Nous  offrons  ici,  au  lecteur,  une  amulette 
trouvée  il  y  a  peu  d'années  dans  les  ruines 
Fm.14  du  château  de  Couzan  (i),  par  notre  excellent 

INSIGNE  ami  et  dévoué  collaborateur  H.   Marthoud. 

knargkht(2)       Dessinée  dans  ses  dimensions  originales,  elle 
xTiriiicLi         laisse    apparaître,    très    vivement    sur    son 
iCoii.H.Marihoud.)    bronze  fonement   patiné,    les   restes  d'une 
damasquinure  d'or.  Le  travail  intéressant  de  cette  amulette 
et  sa  forme  singulière  suffiraient  presque,  à  eux  seuls,  à  lui 

(i)  PiroiswetcommuncdcSiil-aoui-Coiiiin,  c4ntondcSiinl-Gwrgc>.<a-Ci>uztn  (Loire). 

(31  C«  bijou.  reprficDté  <d  grindtnr  Diturtilc.  «M  cd  irgcol  et  comportt,  k  ïtojtn,  ud 
pclil  inneiu  de  luipeniioD  dfttini  1  le  fixer  lur  les  vttcmeaii,  leloD  la  coutume  ordimire- 
mcDt  obiervée  diui  lei  ptleriuigii.  Son  origine  préc'nt  eit  iDCODUue  ;  mail,  i  n'en  p» 
doaler,  ton  louveoir  %t  rattache  é<ridemnieDt  i  quelque  pèlerinage  célibre,  en  l'honneur 
de  la  Trii  Sainte  Vierge  C). 

<*)  De  tout  tempi,  aux  premien  joan  de  l'EgUtc  nalnantt,  lu  moyen  Ige  comme  en 
plela  iD-  aijcie.  U  Mire  de  Dieu,  Vierge  Immaculée,  ■  M  inioquie  par  le>  chrétitni.  Sout 
le*  dtnomlnitioni  le*  plni  diver*e«,  lei  litclea  l'ont  implorée  pour  la  gutriioad»  maladie* 
du  corp*  et  de,rime  lea  pin*  divenea  auaii. 

El  la  sol  de  la  France,  qui  en  bien  toujouT*  le  royaume  de  Marie,  regniim  Gallia,  regnum 
Maria,  eat  cmaillé  des  ainctuaires  binis,  où  l'auguiie  ei  bonne  Mère  de  Jétua  *e  plaît  ■ 

(ombte,  à  guirir  les  corps  et  à  sauver  les  Smts. 

Allez  en  Brecague  ei  todi  irouverei  partout,  autour  du  Ameui  aanctoaire  de  Notre-Dame 
d'Auray,  de  pieuse*  chapelles  élerfea  à  la  Madone,  sous  les  noms  les  plus  varié*. 

El  dans  nos  contrées  n'avons-nou*  pai  ;  N.-Dame  de  ValHeury,  N.-Daroe  du  Vernay,  près 
de  Roanne;  à  Saint-Genest'Lerpt,  N.-Dama  de   Pilié,  ca  souvenir  dea  déioianu  ravages 


A  PROPOS   DES  SACOCHES  t53 

assigner   une  origine  très  lointaine,  origine  d'ailleurs  qui 
pourrait  être  fixée  par  l'examen  de  son  décor  antique  (Fio.  25). 

11  nous  paraît  hors  de  doute  que  la  figure  chimérique 
représentée  sur  cet  objet,  et  que  paraît  compléter  une 
hache  emmanchée,  est  l'hippocampe  ou  cheval  marin  que 
l'on  retrouve,  parfois,  sur  quelques  types  de  monnaies 
gauloises. 

Ce  curieux  petit  poisson  est  non  seulement  «  vivipare  », 
mais  jouit  encore  de  l'avantage  de  pouvoir  vivre  un  certain 
temps  hors  de  l'eau.  Cette  particularité  a 
fait  dire  de  cet  animal,  qu'il  peut  revenir 
à  la  vie,  même  après  qu'il  a  été  momifié. 
Ce  préjugé  tombe  devant  l'expérience  qui 
a  démontré  que  l'hippocampe  ne  peut  pas 
survivre  au-delà  de  vingt-quatre  heures. 

A   l'exemple  du  phénix  qui   renaît  de  ses 
cendres,  et  de  la  salamandre  qui  vit  dans  F'"-  ** 

les  flammes,  ta  fable  a  fait  de  l'hippocampe,'        amulette 
un  être  fantastique  et  légendaire.  Aussi  bien,'  trouvt* 

les  anciens  l'ont-ils  choisi  comme  emblème 
allégorique  de  leurs  cultes  primitifs. 

Pour  revenir  à  notre  sujet,  il  n'y  aurait     ''^'^f'u'"", 
donc  rien  qui  nous  empêchât  de  reconnaître Jj 
dans  l'hippocampe  de  notre  amulette  de  Couzan,  l'image 
de  l'immortalité  par  ta  résurrection.  Le  christianisme  n'a-t-il 


ciiKJt,  diDi  nai  conlrfn,  ptr  1i  pnlc  aux  xvi*  tt  im*  riéclt*.  Plui  prèi  àt  nabi,  N  -Diinc 
dt  Grlcei,  dont  le  pèlcrinigc  m  riitli  par  quclqu»  mJdailIca  que  nou*  pouidoni  >C 
dont  le  monogramme  da  Chriai  dam  une  auréole  rijrooaanle  d'une  pan,  et  de  l'aalr*,  la 
figare  de  la  Vierge  Marie  (deux  lignet  distinrtif)  de*  ancien!  Pèrei  de  l'Oratoire),  paraiueni 

le  dépendance,  N.- Dame  de  Bonion 
,  voDi  implorer  it  lecoun  de  Marie  poar  la  aanié  de  leuri 

Enfin,  il  n'eat  pai  juiqu'an  pieu 
hittorique  de  Sainl-Rimben.  comi 
Vierge  qai,  en  optranl  l'elfei  pro 
pniuancede  Marie. 


chlleau  de  Couua 


l54  CHAPITRE    IX 

pas  personnifié  cette  vérité  dogmatique,  dans  Lazare  sortant 
des  ténèbres  du  tombeau  ! 

Quoi  qu'il  en  soit,  notons  que  ce  curieux  objet  a  été 
trouvé  :  i*  sur  le  sommet  d'une  montagne  escarpée  et  très 
élevée;  2"  en  un  lieu  de  pèlerinage  très  animé,  et  dont  le 
modeste  sanctuaire  est  toujours  très  fréquenté  ;  3®  et  qu'enfin 
cette  précieuse  trouvaille  a  été  faite  dans  le  voisinage 
d'une  station  thermale  très  appréciée,  et  par  les  Anciens  et 
par  les  Modernes. 

Il  n'est  pas  toujours  facile  de  distinguer  des  autres 
bourses  à  reliques,  Vaumônière  sarrasinoise  (i),  très  usitée 
au  temps  des  Croisades.  On  en  possède  de  fort  beaux 
échantillons,  d'une  grande  richesse.  «  Cet  objet,  dit 
«  Victor  Gay  dans  son  Glossaire  Archéologique^  faisait 
ce  partie  du  costume  pendant  tout  le  moyen  âge,  se  portait 
«  à  la  ceinture  et  servait,  dans  le  principe,  à  renfermer 
«  l'argent  de  l'aumône  (2).  d 

«  Dès  l'époque  de  Charlemagne,  il  nous  est  connu  par 
c(  les  monuments.  La  plus  ancienne  des  aumônières  trou- 
*<  vées  ne  diffère  pas  sensiblement  du  type  adopté  aux 
«  xiii*  et  XIV*  siècles.  Sa  forme  trapézoïdale,  à  sommet 
«  arrondi,  est  celle  des  aumônières  sarrasinoises  -,  imitation 
«  des  produits  orientaux  qui  occupait  à   Paris  un  corps  de 


(i)  Année  1298.  —  Che  sont  joiel  ke  on  deliTra  pour  donner  (an  mariage  de  la  comtesse 
d' Artois j.  Une  douxaine  de  bourses  faites  en  sarrasinois.  {Glossaire  Arch,,  Victor  Gat, 
2*  fascicule,  p.  197.) 

(2)  Année  1492.  Ch.  XI. 

La  bourse  de  la  libéralité. 

Une  bource  qu'on  dit  une  aulmosnière 
Nous  conTÎent  pendre  à  ceste  ceincturette 
D'or  et  de  perles  bien  brodée 
...  Avoir  clouans  pour  senrement  garder 
Ce  que  princesse  veult  tenir  ou  donner. 

(Oliv.  DE  LA  Marchb.  Lc  parement  des  Dames.)' 

{Oloss.  Areh.t  Victor  Gay,  2*  fascicule,  p.  199.) 


A    PROPOS    DES   SACOCHES  1  55 

«  métier  (i).  L'aumônîère  des  Croisades  s'est  conservée 
ic  jusqu'au  xvi®  siècle,  mais  avec  Taddition  d'une  garniture 
tf  métallique  souvent  très  riche.  » 

Mais  cette  richesse  de  garniture  ne  date  point  seulement 
de  ce  siècle,  où  le  beau  semblait  renaître  dans  les  arts  et 
dans  tous  les  travaux  de  luxe.  En  effet,  dès  Tannée  1260,  nous 
lisons  dans  un  poème  intitulé  «  Miracles  de  saint  Eloi  »  les 
vers  suivants  qui  nous  apprennent  qu'au  xin*  siècle  le  luxe 
avait  déjà  transformé  les  bourses  à  mettre  l'argent  des 
aumônes,  en  sacs  élégants  de  toilette,  remplis  de  menus 
objets  de  toute  nature  :  clefs,  bijoux,  tablettes  à  écrire  et 
même  médicaments. 

. . .  Les  aumôniéres 
Avoit  tant  riches  et  tant  chières, 
D'or  et  de  gemmes  bien  ouvrées, 
De  boutons  d'or  enfrangelëes. 

(Miracles  de  saint  Eloi,  p.  3i)  {2). 

C'est  alors  que  la  bourse,  fabriquée  avec  les  étoffes  les 
plus  soyeuses  et  les  plus  riches  (3)  fut,  selon  sa  destination, 
dénommée  :  alloière,  escarcelle,  tasse,  réticule. 

Valloière,  du  mot  aloi  ou  titre  des  monnaies,  était  la  bourse 
particulièrement  réservée  à  l'argent  de  «  bon  aloi  d,  puis- 


ai) Année  ia6o.  —  Nus  ne  nulle  (des  merciers)  ne  puet  faire  faire  ne  acheter  aumosnières 
sarraainoises  où  il  ait  mellé  fil  ne  coton  aveques  soie,  pour  ce  que  l'en  ne  doit  pas  mètre  fil 
ne  coton  areques  soie,  parce  que  c'est  décevance  à  ceux  qui  n*i  si  connaissent  pas.  {Rfg^. 
(TEL  BoUeau,  titre  75.;  (^Glossaire  ArchèoL,  de  Victor  Gat,  i«  fascicule,  page  85.) 

Année  i3oo.  —  J'ai  les  diverses  aumosnières 

Et  de  soie  et  de  cordoan... 
Si  en  ai  de  plaine  toile. 

Le  dit  du  Mercier,  édit.  Crapelet,  p.  149. 

(Glossaire  Arch»,  Victor  Gat,  p.  83,  !•■  fascicule.) 

(3)  Glossaire  Arch.,  Victor  Gay.  Ibidem. 

"(3)*i^nnée  i3i3.  —  Que  nuls  ne  nulles  dud.  mestier  (de  Boursier)  ne  mettent  ou  facent 
en  bourSta^^e  lièvre  perlles  ne  perrerie  aucune,  qui  ne  soient  fines  er  loyaux  {Statuts  de 
boursiers  de  Paris.  Ms.  C.  fol.  5  v*.)  {Gtoss.  Arch,,  Victor  Gav,  a*  fascicule,  p.  197.) 

Année  i36o.  —  Quatre  boursettes  batues  àor,  les  deux  pendues  ensemble,  semmées  de  pelles 
menues;  en  cbascune  bourse  trois  boutons  de  pelles,  (/nveii/.  de  Jean  de  Boulogne.)  Ibidem, 


»' 


l56  CHAPITRE    IX 

qu'il  était,  dans  le  principe,  le  denier  de  la  charité  réservé 
aux  pauvres.  On  portait,  suspendue  à  la  ceinture,  cette 
bourse  ou  gibecière,  faite  tantôt  de  cuir,  tantôt  d'étoffes  de 
toutes  sortes,  associées  aux  garnitures  de  fer  ou  d'or  d'orfè- 
vrerie, du  travail  le  plus  délicat  et  le  plus  riche  (i). 

Vescarcelle  ne  semble  pas  s'être  distinguée  des  bourses 
appelées  alloières,  aumônières,  etc.,  par  une  forme 
spéciale.  La  seule  particularité  notable  de  cet  objet,  c'est 
sa  ferrure  devenue  parfois  œuvre  d'art  sous  la  main  de 
l'ouvrier  (2). 

Le  mot  tasse  paraît  offrir  un  air  de  parenté  avec  le  mot 
<c  tassette  »,  par  Thabitude  de  la  porter  suspendue  à  la 
ceinture,  à  la  façon  des  tassettes  de  l'armure,  dont  les 
lames  d'acier  articulées  servaient,  par  leur  tassement^  à 
couvrir  et  à  garantir  des  coups  d'épée,  le  haut  des  Jambes 
du  chevalier. 

Quant  au  réticule  ou  sachet  en  forme  de  filoche,  il  ne  faut 
pas  le  confondre  avec  la  bourse  à  reliques.  Celle-ci  était  à 
l'usage  des  choses  saintes.  Celui-là  servait,  au  moyen  âge,  à 
contenir,  entre  ses  soyeuses  parois,  les  mêmes  objets  de 
toilette  que  l'on  trouve,  de  nos  jours,  dans  le  «  ridicule  » 
d'une  femme  du  monde  :  les  flacons  de  sels  et  d'odeurs, 
l'indispensable  miroir,  le  carnet  d'ivoire  pour  les  visites,  et 
la  bourse  aux  mailles  d'or. 


(i)  Année  1380.  ~  Voroie  volentiers  savoir 

Se  je  doy  celle  mance  avoir. 
La  dame  dist  qu'elle  est  faite, 
Hors  d'une  aloière  l'a  traite. 
Que  elle  à  sa  çainture  avoit. 

{Le  châtelain  de  Coucy,  v.  1027.) 

{Ibidem,  p.  aS;  fascicule  i»'.) 

(3)  Année  i557.  —  Pour  la  façon  d'avoir  monté  ung  fer  d'escarcelle  faict  à  la  damas- 
quine, pour  servira  M.  d.  S.  (le  roi).  Fourny  de  doubleure  et  soye  et  l'avoir  toute  bordée 
et  garnye  de  passement,  bottons  et  cordons,  garnye  de  houppe  et  crespine,  le  tout  d'or 
superfin  et  de  soye  noire  :  63  s.  {Cpte  rojr.  de  Julien  de  Boudcville,  fol.  36  et  61.) 

{Gloss.  Arch,,  de  Victor  Gav,  5*  fascicule,  p.  ôSg.) 


A    PROPOS   DES    SACOCHES  iSy 

Mais  il  est  temps,  cette  énumération  faite,  de  ramener  le 
lecteur  aux  simple  et  pauvres  sacoches  dans  lesquelles  furent 
apportées,  en  notre  Forez,  les  précieuses  reliques  des  saints 
Rambert  et  Domitien. 

Elles  étaient  vraisemblablement  d'une  étoffe  grossière,  celle- 
là  même  dont  se  servaient  les  pauvres  gens,  à  cette  époque 
reculée  (i).  Or,  en  voici  la  double  raison  :  d'abord,  le  pieux 
serviteur  de  saint  Rambert,  chargé  du  soin  de  transporter 
les  reliques  du  bienheureux  martyr,  qu'il  fût  d'ailleurs 
religieux  ou  qu'il  fût  laïque,  n'avait  probablement  pas  à  sa 
disposition  les  ressources  nécessaires  pour  faire  confectionner 
de  riches  bourses,  à  l'instar  de  celles  dont  nous  venons  de 
donner  la  description. 

Et,  ensuite,  il  ne  voulut  se  procurer  aucune  sacoche  de 
prix,  de  peur  d'éveiller  l'attention,  d'exciter  la  curiosité 
et  de  ceux  qui  auraient  confectionné  le  précieux  objet 
et  de  ceux  qui,  dans  le  long  voyage  qu'il  allait  entre- 
prendre, pourraient  l'interroger  sur  la  nature  de  son  riche 
fardeau. 

Vêtu  de  la  modeste  livrée  des  pauvres,  dépourvu  même  de 
l'humble  bourdon  de  pèlerin  qui  aurait  pu  entraver  sa 
marche  hâtive,  il  s'en  va  tout  simplement,  sur  les  grands 
chemins,  chargé  de  la  vulgaire  besace  d'un  homme  que  la 
foule  regarde  passer  avec  indifférence,  parce  qu'il  est  préci- 
sément l'homme  «  à  la  besace  ». 

Mais  l'humble  messager  de  saint  Rambert,  qui  était  venu 
des  bords  de  l'Albarine  au  manoir  d'Yzeron  dans  le  plus 
strict  incognito,  devait  bientôt  ouvrir  publiquement  la 
marche  triomphale  des  pèlerins  faisant  cortège  aux  saintes 


(i)  Streinula,  c»  c'est  le  mot  employé  dan»  le  texte  de  la  légende  de  la  Translation  des 
reliques.  Il  se  traduit,  dans  le  Ùietionnaite  latin-français  de  Quichbeat.  par  bagage, 
bardes...  Or,  tout  le  monde  sait  que  le  root  hardes  éveille  l'Idée  d'étoffe  grossière  et  de  peu 
de  valeur.  Donc,  nous  avons  raison  d'affirmer  que  les  divers  lots  de  reliques  de  saint 
Rambert  étaient  renfermés  dans  quelque  grossière  étoffe,  comme  la  toile. 


l58  CHAPITRE   IX 

reliques,  de  cette  demeure  seigneuriale  à  Téglise  de  Saint- 
André-les-Olmes. 

Les  sacoches,  de  tissu  grossier,  dans  lesquelles  avaient 
été  pieusement  renfermés  les  sacrés  ossements  du  martyr 
Rambert  et  du  confesseur  Domitien,  allaient  bientôt 
disparaître  pour  faire  place  à  un  écrin  plus  riche  et 
plus  digne  des  perles  précieuses,  apportées  du  pays  de 
Bugey. 

En  effet,  la  tradition  locale,  toujours  fidèlement  gardée 
dans  les  familles  rambertoises,  nous  apprend,  dans  son 
langage  naïf  et  pittoresque,  que  les  reliques  arrivèrent 
sur  les  rives  de  la  Loire  dans  une  «  robe  »  de  soie  et 
d'or.  Et  elle  ajoute  que  cette  châsse  improvisée,  choisie 
dans  les  armoires  du  comte  Guillaume,  après  avoir  servi 
de  pieux  suaire  aux  insignes  restes  de  nos  saints,  fut, 
plus  tard,  transformée  en  la  fameuse  chasuble  que  possède 
encore  le  trésor  de  notre  Eglise. 


CHAPITRE    X 


LA 


FONTAINE  DE  SAINT-RAMBERT 

FONTCHAUD 
LE   PONT  DE   SAINT-RAMBERT-SUR-LOIRE 

LE   GUÉ  DE   LA  ROCHE 


§1 

FONTAINE  DE  SAINT-RAMBERT  A  FONTCHAUD 
SON  ANCIENNETÉ  —  SON  RENOM 

Dans  ce  chapitre,  nous  voudrions  non  seulement  faire 
connaître  au  lecteur  la  très  intéressante  fontaine  de  Saint- 
Rambert,  où  trempa  ses  lèvres  brûlantes  le  mystérieux 
porteur  des  reliques  de  notre  illustre  Patron,  mais  encore 
mettre  en  relief  l'obscur  coin  de  terre  appelé  Fontchaud,  où 
cette  vénérée  source  s'est  creusé  une  coupe  aussi  modeste  que 
rustique.  Nous  voudrions  démontrer  que  la  voie  suivie  par  la 
foule  des  pèlerins,  revenant  des  bords  de  la  Loire  au  Prieuré 
de  Saint- André,  ne  fut  pas  celle  du  pont  de  Saint- Rambert,  qui 
alors  n'existait  pas,  mais  certainement  l'antique  chemin  dont 
le  tracé  part  des  bords  du  fleuve  et  passe  aujourd'hui  encore, 
comme  autrefois,  tout  près  de  la  fontaine  de  Fontchaud, 


l60  CHAPITRE   X 

appelée,  depuis  Tépoque   de   la  translation   des  reliques  : 
Fontaine  de  Saint-Ram bert  (Fie.  26). 

Une  très  ancienne  tradition  nous  apprend  que  la  source 
limpide  qui  coule  à  Fontchaud  n'aurait  point  reçu  son  nom 
du  lieu  où  elle  se  trouve,  mais,  au  contraire,  aurait  donné  le 
sien  aux  champs  qui,  de  tous  côtés,  lui  font  une  verdoyante 
ceinture. 

D'autre  part,  une  pieuse  légende  nous  raconte  que  les 
eaux  de  la  source  de  Fontchaud  jaillirent  miraculeusement 
au  passage  des  reliques  de  saint  Rambert,  et  alors  que  le 
dévot  (c  messager  »,  fatigu^  d'un  pénible  voyage,  cherchait  à 
se  désaltérer. 

La  tradition  et  la  légende  sont  ici  en  contradiction.  Or, 
cette  contradiction  n'est  qu'apparente.  En  effet,  si  au  lieu 
d'appeler  la  Fontaine  «  miraculeuse  »,  parce  qu'elle  jaillit 
soudain  sous  les  pas  du  mystérieux  «  messager  »,  nous 
l'appelons  «  miraculeuse  »  parce  que  ses  eaux  tressaillirent 
à  l'approche  des  restes  sacrés  de  saint  Rambert,  la  contra- 
diction disparait;  nous  n'avons  plus  qu'une  source  très 
ancienne,  mais  dont  les  ondes  limpides  furent,  par  miracle, 
favorisées  d'une  vertu  curative.  Et  c'est  ainsi,  croyons-nous, 
que  les  choses  se  passèrent. 

Sans  vouloir  reconnaître  à  la  Fontaine  de  Saint-Rambert 
une  de  ces  origines  dont  la  date  se  perd  dans  la  nuit  des 
temps,  et  que  des  recherches  diflSciles  pourraient  seules  fixer, 
nous  pensons  qu'on  peut  l'assimiler  aux  autres  nombreuses 
fontaines  de  notre  contrée,  dont  la  réputation  d'ancienneté 
est  un  fait  acquis  à  l'histoire  locale. 

Que  le  lecteur  veuille  donc  se  pénétrer  des  détails  inédits 
que  nous  allons  lui  donner  sur  plusieurs  sources,  sœurs  de 
Fontchaud,  et  il  ne  doutera  plus  de  la  haute  ancienneté  de 
la  Fontaine  de  Saint-Rambert. 

L'une  de  ces  sources  les  plus  intéressantes,  certainement, 
est  celle  qui  coule  avec  abondance  dans  le  quartier  <c  du 


l62  CHAPITRE  X 

Calvaire  »,  près  du  Grand-Port  de  Saint-Ramberi,  au  flanc 
d'une  petite  balme  qui  n'est  pas  à  plus  de  cent  mètres  de  la 
Loire.  Cette  fontaine  a  été  signalée  par  l'honorable  ingénieur 
civil,  M.  Maussier,  président  de  la  Commission  Forézienne 
de  l'Histoire  des  Gaules. 

C'est  autour  de  cette  fontaine  que  notre  savant  et  dévoué 
ami,  M.  H.  Marthoud,  trouvait,  en  1886,  des  débris  de 
poteries  rouges.  C'est  dans  son  très  proche  voisinage,  qu'à  la 
même  date,  il  découvrait  une  série  de  poteries  primitives, 
de  nombreux  fragments  de  silex  taillés,  parmi  lesquels  une 
flèche  avec  «  soie  »,  et  une  grande  quantité  de  pierres  polies 
par  la  main  de  l'homme.  Or,  M.  Maussier  est  convaincu 
que  cet  emplacement  est  celui  d'une  station  néolithique,  où 
devait  se  trouver  un  atelier  primitif  de  l'époque  de  la 
pierre  polie  (i). 

Les  poteries,  les  silex,  les  pierres  polies,  recueillis  avec 
soin,  forment  une  collection  particulièrement  intéressante, 
où  Ton  peut  reconnaître  les  premiers  outils  et  les  premières 
armes  de  nos  ancêtres  primitifs  de  la  Gaule  (2). 

D'autres  sources,  connues  dans  notre  région  sous  le  nom 
de  fontaines  de  la  «  Chana  »,  à  Saint-Rambert  (bas  de  la 
ville);  à  Veauche,  sur  le  chemin  du  gué  de  la  Loire;  à  Villars, 
au  hameau  de  La  Chana,  nous  paraissent  remonter  à  la  plus 
haute  antiquité,  car,  naguère  encore,  des  fragments  de  tuiles 
à  rebords  y  étaient  trouvés  (3). 

Il  n'est  pas  jusqu'à  la  source  de  et  VOppidum  »  d'Essalois, 


(i)  «  En  faisant  creuser  un  trou  nous-mème,  dans  une  allée  de  la  propriété  de  M.  Henri 
■  Marthoud,  nous  avons  retiré  une  ébauche  de  hache.  Notre  opinion  est  donc  qu'il  y  avait 
«  là  un  atelier  d'ébauchage  et  de  polissage  de  Pépoque  néolithique.  » 

(Extrait  des  Annales  de  la  Société  d'Agriculture  y  industrie^  sciences,  arts  et  belles^ 
lettres  du  département  delà  Loir^,  septembre  1886,  p.  231-246.) 

(a)  Voir  la  riche  et  intéressante  collection  que  notre  ami,  M.  Marthoud,  possède  dans  sa 
propriété  du  «  Calvaire  ». 

(3)  Par  M.  H.  Marthoud,  dans  le  quartier  de  la  Chana^  à  proximité  du  chftteau  de  Curnieu, 
aux  environs  de  Villars  (Loire). 


LA  I^ONTAINE  DE  SAINT-RAMBERT,  FONTCHAUD,   ETC.       l6i 

jusqu'aux  deux  cuvettes  creusées  à  son  sommet,  sur  une 
roche  émergeant  du  sol  et  conservant  Teau  pluviale,  qui  ne 
nous  révèlent  la  notoire  antiquité  de  nos  fontaines  locales. 

Les  fouilles  pratiquées  par  les  archéologues  y  ont,  en 
effet,  amené  la  découverte,  il  y  a  quelques  années,  de  nom- 
breux objets  de  fer,  de  bronze,  de  verre  ;  des  bracelets,  des 
anneaux,  etc.  Notre  ami  et  collaborateur,  M.  H.  Marthoud, 
a  fait  lui-même,  à  Essalois,  Jà  découverte  de  plusieurs 
fragments  importants  d'une  léte  en  argile,  qu'on  a  tout 
lieu  de  prendre  pour  une  tête  de  divinité,  sous  les  auspices 
de  laquelle  la  source  était  probablement  placée. 

Toutes  ces  épaves  précieuses  d'un  âge  reculé,  en  nous 
révélant  la  présence  d'habitants,  l'existence  d'une  industrie, 
d'un  commerce  dans  ce  lieu,  nous  apprennent  que  les 
Gaulois,  d'abord,  et  les  Romains  leurs  maîtres  ensuite, 
savaient  exploiter  nos  sources,  en  capter  les  eaux  pour 
leurs  besoins.  Plus  encore,  nous  constatons  que  nos  fontaines 
leur  étaient  chose  précieuse.  En  effet,  pas  une  source  ne 
coulait,  qu'elle  n'eût  pour  gardienne  quelque  divinité  de 
l'Olympe. 

Les  fontaines  anciennes  et  partant  historiques  ne  sont 
donc  pas  un  mythe  dans  le  coin  du  Forez  que  nous  habitons. 
Et,  si  la  source  de  Fontchaud  n'a  point  encore  révélé  aux 
chercheurs  la  date  reculée  de  son  origine,  ce  n'est  pas  parce 
que  le  sol  d'où  elle  jaillit  est  pauvre  de  documents,  mais 
simplement  parce  que  ce  sol  est  vierge  de  toutes  fouillés 
sérieuses. 

Creusée  au  flanc  de  la  même  balme  d'où  sortent  ses  deux 
sœurs  «  de  la  Chana  et  du  Calvaire  »,  l'intéressante  fontaine  de 
Fontchaud,  qui  n'est  pas  à  plus  de  cinq  cents  mètres  de  la 
Loire  et  à  plus  d'un  kilomètre  des  deux  sources  que  nous 
venons  de  nommer,  est,  à  notre  humble  avis,  un  champ 
tout  nouveau  d'exploration  offert  à  la  science. 

Dire    de   notre  fontaine   de  Saint-Rambert  à  Fontchaud, 


164  CHAPITRE   X 

qu'elle  est  d'une  notoire  ancienneté,  et  que  pour  cette  cause 
elle  est  digne  d'avoir  sa  place  marquée  dans  l'histoire  locale, 
ce  n'est  point  assez;  ou  du  moins,  ce  n'est  point  avouer 
toutes  les  raisons  qui  militent  en  faveur  de  sa  renommée. 

La  source  de  Fontchaud  est  du  nombre  de  ces  sources 
privilégiées  dont  les  eaux  furent^  de  tout  temps,  considérées 
par  les  populations,  comme  étant  des  eaux  bienfaisantes. 

A  ces  eaux,  les  pèlerins  des  temps  antiques  venaient 
demander  santé  et  soulagement.  Vers  leurs  ondes  bénies  ils 
affluaient  nombreux,  rachetant  leurs  vœux,  après  guérison, 
par  des  offrandes  en  argent,  par  des  souvenirs  commémo- 
ratifs,  par  des  ex-voto  particuliers. 

Si  nous  nous  en  rapportons  à  un  auteur  très  versé  en  cette 
intéressante  matière,  «  l'usage  de  jeter  une  offrande  aux 
((  fontaines  est,  sans  nul  doute,  aussi  ancien  que  le  culte  des 
a  fontaines  lui-même,  car  en  nettoyant  ces  fontaines,  on 
«  retrouve  dans  les  diverses  couches  de  limon  des  pièces  et 
«  des  amulettes  qui,  à  mesure  qu'on  fouille  plus  profon- 
cc  dément,  sont  d'époques  plus  anciennes  >  (i). 

A  cette  antique  coutume  nous  pourrions  peut-être  ratta- 
cher la  découverte  d'épingles  nombreuses  faite  au  mois  de 
Mars  de  l'année  1899,  non  point  près  de  la  fontaine  de 
Fontchaud,  mais  près  de  celle  de  la  «  Chana  »,  et  lors  de  la 
construction  du  grand  égout  collecteur  de  la  ville  de  Saint- 
Rambert.  Cette  fontaine  de  la  «  Chana  »,  assurément  fort 
ancienne,  aurait-elle,  jadis,  joui  d'un  privilège  spécial  ?  — 
Les  pèlerins  qui  y  affluaient,  confondant  indifféremment  ses 
eaux  avec  celles  de  sa  sœur  de  Fontchaud,  leur  auraient-ils 
attribué  une  vertu  particulière  ?  —  Enfin,  par  reconnaissance 
pour  ces  eaux  bienfaisantes,  leur  auraient-ils  aussi  confié 
quelques  souvenirs  commémoratifs  ?  —  Nous  ne  saurions 
nous  prononcer  sur  des  questions  aussi  complexes. 

(1)  Emile  Harmomic.  Revue  des  traditions  populaires.  Mars  1889. 


LA  FONTAINE  DE  SAINT-RAMBERT,   FONTCHAUD,   ETC.        l65 

Toutefois,  les  faits  suivants,  en  nous  éclairant  sur  ce  point 
sont  de  nature  à  nous  faire  croire  que  notre  vénérée  fontaine 
de  Saint-Rambert  à  Fontchaud  a  été,  autrefois,  comme  ses 
voisines  de  la  <c  Chana  »  et  du  «  Calvaire  »,  d'abord  un  lieu 
privilégié,  ensuite,  et  depuis  le  passage  des  reliques  de 
notre  illustre  patron,  un  but  de  pieux  pèlerinage. 

A  la  date  du  9  Mars  1899,  des  ouvriers  terrassiers  trou- 
vaient, un  peu  en  aval  de  la  fontaine  dite  de  la  «  Chana  », 
quelques  mètres  plus  bas  que  le  grand  portail  du  jardin  de 
M.  Auguste  Montet,  notaire,  et  à  i",8o*  de  profondeur,  un 
grand  nombre  d'épingles  en  cuivre,  de  la  longueur  et  de  la 
grosseur  de  celles  dont  se  servent  les  couturières.  Ces  épingles, 
dispersées  sur  un  espace  de  quinze  à  vingt  mètres  dans  un 
terrain  mouvant  et  noir,  rappelant  la  vase  des  marais,  sont 
absolument  indemnes  d'oxydation,  et  assez  brillantes  pour 
faire  croire  qu'elles  ont  été  enfouies  hier  seulement.  Leur 
tête  est  tournée  en  laiton,  à  Tinstar  de  nos  vieilles 
épingles  de  cuivre,  dont  elles  ont,  du  reste,  la  forme  et  la 
silhouette  (1). 

Ce  semis  d'épingles  se  développant  dans  une  vase  pro- 
fonde, non  loin  et  en  aval  d'une  fontaine,  ne  proviendrait-il 
pas  de  certaines  pratiques  bizarres  de  pèlerins  venus  en 
<c  réméage  »  aux  eaux  privilégiées  de  la  source,  et  les*  y 
ayant  jetées  comme  offrandes!... 

C'est  du  moins  ainsi  qu'on  faisait  au  moyen  âge,  et  que  font 
encore,  de  nos  jours,  les  pèlerins  des  fontaines  de  Notre- 
Dame-de-la-Clarté  et  de  Sainte-Ujâne  (Sainte-Eugénie),  en 
Bretagne. 

La  première  de  ces  deux  fontaines,  appelées  miraculeuses 
par  les   populations    de   la  contrée,  coule  près  de  Châte- 

(0  Le  corps  de  ces  épingles,  ordinairement  arrondi,  présente  ici  une  fort  intéressante 
particularité.  Il  porte  ane  cannelure  régulière  dans  le  sens  de  la  longueur.  L'ouvrier  n'avait 
sans  doute  qu'une  tige  plate;  et,  pour  lui  donner  la  forme  ronde,  tl  a  dû  en  rapprocher  les 
deux  parois,  qu'il  n'a  pas  pris  soin  de  souder.  La  longueur  de  ces  épingles  est,  en  moyenne, 
d'un  peu  plus  de  o*,o3  centimètres. 


l66  CHAPITRE   X 

leaudren.  Une  statue  de  la  Vierge,  connue  sous  le  nom  de 
Notre-Dame-de-la-Clarté,  la  domine,  et  semble  inviter  les  pèle- 
rins à  y  puiser  avec  confiance.  Et,  en  effet,  les  pèlerins 
viennent  nombreux;  mais  en  même  temps  que  leurs  lèvres 
murmurent  des  prières  à  la  Madone,  leurs  mains  jettent 
a  des  épingles  »  dans  les  eaux  de  la  fontaine.  Cette  pratique 
a  pour  but  de  guérir  les  maux  d'yeux  (i). 

Près  du  bourg  de  Morieux,  canton  de  Lamballe,  est  une 
fontaine  consacrée  à  sainte  Ujâne.  Elle  est  en  très  grande 
vénération  dans  le  pays,  et  on  y  vient  en  pèlerinage  de  toute 
la  contrée  environnante.  Ses  eaux  ont  la  propriété  de  guérir 
la  migraine.  Avant  d'en  boire,  les  pèlerins  s'entourent  la 
tête  avec  de  la  petite  bougie  en  torche,  qu'ils  font  brûler  sur 
le  bord  de  la  fontaine,  dans  laquelle  ils  jettent,  ensuite,  «  des 
épingles  »  leur  ayant  servi  (2). 

Nous  n'avons  certes  pas  l'intention  d'assimiler  nos  deux 
fontaines  de  la  «  Ghana  »  et  de  Saint-Rambert,  à  ces  deux 
fontaines  extraordinaires,  ni  à  celle  dont  parle  saint  Grégoire 
de  Tours,  et  à  laquelle  on  attribuait  toutes  sortes  de 
vertus,  parce  que  la  tête  du  saint  martyr  Julien  y  avait 
été  lavée  (3).  Mais  le  fait  intéressant  d'épingles  trouvées 
près  de  l'une  de  nos  fontaines,  n'est-il  pas  de  nature  à  nous 
doflner  la  conviction  que  la  première  de  ces  sources,  peut-être 
toutes  les  deux,  furent  dès  les  premiers  âges,  sinon  mira- 
culeuses, du  moins  privilégiées  et  bienfaisantes  ? 

Voilà  pour  les  temps  qui  ont  précédé  le  mémorable  évé- 
nement du  passage  des  reliques  de  saint  Rambert,  près  de 
notre  bénie  source  de  Fontchaud. 

Quant  aux  âges  qui  le  suivirent,  qui  sait  si  à  l'approche 
des  sacrés  ossements  de  saint  Rambert  les  eaux  de  la  vénérée 

(i)  M**  Louis  Tezier,  Revue  des  traditions  populairei,  passim. 

(2)  Emile  Harmonic,  Revue  des  Traditions  populaires,  passim. 

(3)  De  Passione  sancti  Juliani  C.  Ut,  ap,  Muratori,  p.  852.  Dans  le  Dictionnaire  des 
Antiquités  chrétiennes,  de  l'abbé  Marticnt,  p.  376. 


LA   FONTAINE   DE   SAINT-RAMBERT,   FONTCHAUD,   ETC.        167 

fontaine,  tressaillant  avec  mystère,  comme  autrefois  celles  de 
la  piscine  Probatique  sous  l'action  puissante  de  Fange  de 
Dieu»  qui  sait  si  ces  eaux  déjà  privilégiées  ne  reçurent  pas 
quelque  vertu  particulière?... 

Nous  le  croyons,  nous  qui  grâce  aux  documents  compulsés, 
avons  pu  nous  convaincre  de  la  profonde  vénération  et  de  la 
confiance  extraordinaire  des  générations  passées,  envers  ces 
eaux  bienfaisantes  ;  nous  qui,  tous  les  jours,  entendons  nos 
vieillards  parler  avec  le  plus  grand  respect  de  la  source  de 
Saint- Rambert,  et  de  la  belle  procession  (i)  qui  se  faisait 
autrefois  chaque  année,  à  Fontchaud,  en  souvenir  du  passage 
des  reliques;  nous  enfin,  qui  sommes  témoin  de  l'empresse- 
ment des  gens  d'alentour  à  venir  s'y  abreuver.  Eaux  très 
salutaires  en  tout  temps,  disent  nos  paysans,  dans  leur  naïve 
et  constante  foi.  Ils  trempent  leurs  lèvres  dans  les  ondes 
fraîches  et  pures  de  la  bienfaisante  fontaine,  et  il  leur  semble 
qu'avec  cette  liqueur  providentiellement  curative,  une  nou- 
velle vie  a  coulé  dans  tout  leur  être. 

*  De  toute  cette  étude  sur  la  fontaine  de  Saint-Rambert,  on 
peut  conclure  que  sa  renommée  s'est  perpétuée  à  travers  les 
siècles,  non  pas  seulement  parce  que  sa  coupe, plus  de  dix  fois 
séculaire,  a  toujours  offert  au  voyageur  altéré,  ou  au  pèlerin 
maladif,  une  onde  fraîche  et  bienfaisante,  mais  parce  qu'elle 
fut  témoin  du  passage  des  reliques  de  notre  illustre  martyr, 
et  surtout  parce  que  l'ombre  de  ces  reliques  saintes  se 
projetant  sur  la  surface  limpide  de  ses  eaux,  leur  communiqua 
quelque  puissance  surnaturelle.  L'ombre  de  l'apôtre  saint 
Pierre,  en  passant  sur  les  malades,  ne  leur  communiquait-elle 
pas  forces  et  santé  ! 

(1)  C'est  le  3  octobre  que  la  paroisse  de  Saint-Rambert  allait  chaque  année,  à  la  suite  du 
clergé,  en  procession  à  la  fonuine  de  Saint-Rambert,  à  Fontchaud.  Cette  procession,  qui 
avait  cessé  pendant  les  mauTais  jours  de  la  Terreur,  se  réorganisa  et  se  fit  encore  lorsque 
les  églises  rouvertes,  en  i8oa,  purent  librement  déployer,  au  dehors,  les  splendeurs  du  culte 
divin.  Et  plusieurs  vieillards  nous  ont  assuré  qu'on  faisait  encore  la  procession,  à  Fontchaud. 
au  temps  où  M.  Anier  était  curé-archiprôtre  de  la  paroisse.  De  nos  jours,  cette  procession 
solennelle  ne  se  fait  plus  que  dans  les  rues  de  la  ville,  et  le  dimanche  de  la  f£te  patronale. 


l68  CHAPITRE   X 

Et,  si  de  nos  jours,  la  source  de  Saint- Rambert  à  Font- 
chaud  ne  voit  plus  la  foule  des  pèlerins  accourir  vers  ses  eaux 
et  leur  demander  des  prodiges,  ce  n'est  pas  qu'elles  aient 
perdu  leurs  vertus  curatives;  mais  c'est  nous  qui  n'avons 
plus  au  cœur  la  même  foi  et  le  même  amour  de  Dieu,  par  qui 
tout  prodige  s'opère. 


§  H 

ETYMOLOGIE    DU    MOT  «  FONTCHAUD  » 

Le  lieu  appelé  Fontchaud,  où  coule  la  fontaine  de  Saint- 
Rambert,  est  situé  sur  le  territoire  de  notre  chef-lieu  de 
canton,  à  cinq  cents  mètres  environ  de  la  rive  gauche  de  la 
Loire,  et  entre  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  Bonson  et  le 
château  de  la  «  Péguette  »  (i). 

Comme  ce  coin  de  terre  ignoré  a  été  une  des  dernières 
stations  de  la  marche  triomphale  des  reliques  de  notre  illustre 
Patron,  nous  voulons  lui  consacrer  quelques  lignes  inédites. 
Le  lecteur  nous  en  saura  certainement  gré. 

Et  d'abord,  nous  essayerons  d'analyser  le  mot  «  Fontchaud  » 
en  laissant  le  lecteur  libre  de  se  faire  une  opinion  sur  le  sens 
de  cette  appellation,  dont  l'orthographe  offre,  d'après  les 
vieux  parchemins  de  notre  bibliothèque,  plusieurs  notables 
variétés.  On  trouve  ce  mot  écrit  de  trois  manières  différentes  : 
Fontchaud^  Fontchaut^  Fontchoi. 

Le  substantif  Fontchaud  est  visiblement  formé  de  deux 
autres  mots  :  Font^  c'est-à-dire  fontaine,  et  «  chaud  »,  «  chaut  » 
ou  er  cho\  »  dont  la  signification  reste  à  déterminer. 

«  Chdud  »  orthographié  avec  un  «  d  »  éveille  tout 
naturellement  Tidée  de  chaleur  «  calor  ».  On  pourrait  donc, 

(i)  Propriété  de  M.  Praire  de  Neizieuz. 


LA  FONTAINE   DE   SAINT-RAMBERT,    FONTCHAUD,   ETC.        169 

en    admettant,  cette   explication,   traduire   le    nom   propre 
ce  Fontchaud  »,  par  fontaine  chaude. 

Nous  avons,  dans  le  voisinage  de  Saint-Rambert,  le  crêt 
de  «  Peu-chaud  »  ou  «  Peuh-chaud  »,  au  sommet  duquel  se 
dressent  les  ruines  de  Notre-Dame  de  Grâces.  Le  mono- 
syllabe «peu»  ou  apeuh»^  en  celtique,  est  l'équivalent  de 
montagne,  crêt,  roc.  Joint  au  qualificatif  «  chaud  »,  il  forme- 
rait un  nom  propre  de  lieu,  qui  pourrait  se  traduire  par 
ce  Crêt  chaud,  montagne  chaude  ».  Mais,  comme  le  mont 
sur  lequel  est  assis  le  sanctuaire  de  Notre-Dame  de  Grâces 
s'élève  à  près  de  600  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
exposé  à  tous  les  vents  et  à  tous  les  frimas,  qui  sait  si  le 
langage  populaire  n'a  pas  appelé  ce  mont,  par  antiphrase  : 
ce  PeU'Chaud  !  » 

«  Fontchaut  »,  orthographié  avec  un  c<  /  »  pourrait  peut-être 
s'interpréter  :  fontaine  d'un  faible  débit,  ou  dont  l'eau  ne 
coule  pas  avec  abondance.  En  effet,  le  mot  ce  chaut  »  avec  une 
négation  semble  avoir  pour  dérivé  ce  chétif  »,  qui  signifie 
faible,  maigre,  mauvais  ! 

Or,  les  terrains  qui  forment  le  crêt  de  Notre-Dame  de 
Grâces  étant,  pour  la  plupart,  des  terrains  maigres  et  de 
peu  de  valeur,  rien  n'empêche  de  croire  que  les  paysans  ne 
les  aient  qualifiés  dans  leur  patois  de  ce  chétifs  »,  comme  il 
est  arrivé  pour  certaines  terres  délaissées  de  la  commune  de 
Saint-Just-sur-Loire,  que  leur  maigreur  a  fait  dénommer  le 
ce  Plat  des  Echauts  ». 

Nous  savons,  d'ailleurs,  que  dans  le  langage  ordinaire  on 
dit  quelquefois,  pour  exprimer  l'indifférence  avec  laquelle 
on  traite  les  hommes  et  les  choses  dont  on  se  désintéresse  : 
Au  reste,  peu  me  chaut!  c'est-à-dire  cela  m'est  indifférent,  je 
l'abandonne,  j'en  fais  le  sacrifice.  C'est  une  chose  sans  valeur 
et  sans  importance  pour  moi. 

D'après  B.  Zeller  ce  ne  te  chaut  »  signifie  :  il  ne  t'importe 


170  CHAPITRE   X 

pas.  Et  dans  la  complainte  de  Louis  le  Débonnaire, 
sur  ses  fils,  publiée  par  le  même  érudit,  on  lit  le  passage 
suivant  : 

<f  O  bon  sergent  et  bon  guête  (guetteur),  et  espérance  de 
«  tous  les  compagnons,  dors-tu  ou  si  tu  veilles  ?  —  Et  il  me 
«  répondit  :  Je  veille,  fe  veille.  Et  je  lui  redis  :  Que  fais-tu  ? 
i<  —  Et  il  me  répondit  :  Que  te  chaut  que  Je  fasse  !  que 
«  t'importe-t-il  que  je  fasse  ?  » 

(c  Ne  te  chaut  »,  si  tu  as  peu  de  chevaliers,  mais  prends 
<c  seulement  ceux  que  tu  as  avec  toi  et  un  écu  (bouclier), 
(c  si  (c  enchauce  »  les  païens  et  n'aie  nulle  peur  »,  lisons-nous 
ce  dans  les  derniers  Carolingiens,  page  46,  par  B.  Zeller  et 
«  C.    Bayet.    ce   Enchaucier  »    veut   dire   poursuivre.    Ne 

ce  t'importe  si  tu  as  peu  de  chevaliers et  ce  enchauce  » 

(poursuis  les  païens). 

D'autre  part^  dans  le  vieux  récit  de  Clovis  II  perdant  la 
raison  pour  avoir  mis  la  main  sur  le  corps  de  saint  Denis, 
nous  trouvons  : 

ce  Et  le  martyr  montra  bien  tantôt  qu'il  ne  lui  plaisait  pas 
(C  dont  son  corps  était  ainsi  traité,  car  le  roi  fut  tantôt  si 
ce  espoenté  et  si  ébahi  que  il  chaït  en  frénésie,  et  perdit  son 
ce  sens  et  sa  mémoire  en  cette  heure  même  (i).  » 

«  Avec  lui  ce  châtrent  »  à  terre  plus  de  vingt,  tant  contes 
ce  que  barons  »  (2). 

Chair,  chaït^  chéir  pour  choir,  tomber,  vieux  mot  français 
duquel  s'est  formé  ce  déchaiement  »,  chute,  décadence,  dégéné- 
rescence, affaiblissement,  amoindrissement,  perdition. 

«  L'empereur  issit  (sortit)  de  l'église  pour  aller  au  palais 
ce  par  une  allée  de  <ifust  »  (galerie  de  bois,  passerelle)  où  il 

(1)  Les  Rois  fainéants  et  Maires  du  PalaiSy  p.  i8.Zkli.br,  i88i. 

(2)  Louis  le  Pieux  (8/4^840),  p.  40,  par  le  m£me. 


LA   FONTAINE   DE   SAINT-RAMBERT,    FONTCHAUD,    ETC.        I7I 

a  lui  convenait  de  passer,  elle  était  vieille  et  pourrie  de 
a  l'humeur  de  Feau  qui  sus  a  chéait  »  (de  l'humidité  causée 
par  l'eau  qui,  par-dessus  coulait  (i). 

Toute  la  nuit  doncques  il  plut» 
Et  tant  d*eau  cette  nuit  il  «  chut  », 
Que  la  campagne  submergée 
Tint  deux  jours  la  ville  assiégée  (2). 

Voici  maintenant  le  texte  abrégé  d'une  reconnaissance  de 
pension  qui,  en  même  temps  qu'elle  est  une  preuve  de 
l'existence  du  lieu  de  Fontchaud,  nous  donne  une  variante 
de  la  vieille  orthographe  de  ce  mot,  et  nous  révèle  dans  le 
voisinage  de  la  source  Saint-Rambert,  à  cette  époque,  de 
nombreuses  prairies  auxquelles  semble  faire  allusion  la 
légende  de  la  châtelaine  dont  nous  avons  parlé  plus  haut  : 

«  M'  Mathieu  Dubrual  (3)  doibt  une  pension  de  quarante 
ce  sols  tournois  soubz  le»principal  de  X'-  tournois  à  luy 
a  baillée  par  lesdits  sieurs  presbtres.  Imposée  sur  une  ferme 
c(  et  pré  siz  au  Garait  dud.  Saint-Rambert  contenant  IIII 
«  mestérées,  joignant  le  pré  de  M*  Nicolas  Aulbar  de  vent,  le 
(c  chemin  du  Tourt  de  matin,  le  ruisseau  des  moulins  de 
ce  soir,  le  pré  de  Jean  Cordeyron  et  son  fils,  de  bize.  » 

c(  Item,  aultre  pension  de  X  sols  avec  son  principal  de  X'- 
c(  imposée  sur  une  maison  size  aud.  Saint-Rambert  par  luy 
«  acquise  de  André  Gérentet,  et  par  iceluy  Gérentet  et 
c«  respondant  le  XXV  novembre  1 606,  par  conctraict  receu 
«  Barthollet.  » 

«  Item,  aultre  pension  annuelle  de  X  sols  fonsière  im- 
ce  posée  sur  un  pré  siz  à  ce  Fontcho:^  »  joignant  le  pré  de 
ce  M*  Anthoine  Retournel,  de  bize  quasi  soir,  pré  des  hoirs 

^i)  Ibidem t  P'40)  par  le  même. 

(3)  Récit  dtun  voyage  fait  à  travers  la  France  à  la  fin  du  xvti*  siècle,  par  Chapelle  et 
Bachaumont. 

(3)  Mathieu  Dubrual,  notaire  royal,  dans  la  juridiction  deSaint-Rambert-en-Forez. 


172  CHAPITRE   X  • 

«  Claude  Martinet,  de  vent.  Le  grand  chemin  de  soir  quasi 
«  vent,  le  ruisseau  des  moulins  de  matin,  revenant  lesd. 
((  trois  pensions  à  III'-  tournois  payables  à  Toussaincts  (i), 
((  comme  est  contenu  au  contraict  receu  BarthoUet  le 
«  XX*  décembre  1614  au  grand  livre  rouge  foU.  V"  VI. 
«  Cy  à  Toussainct...  IIlK  » 

Voilà  bien  des  interprétations  du  mot  chaud^  chaut^  cho^, 
A  laquelle  devons-nous  nous  arrêter  pour  résoudre  la 
question  de  Fontchaud,  lieu  où  coule  la  source  d'eau  qui 
porte  le  nom  de  Saint-Rambert  ? 

Nous  essayerons  la  traduction  ou  plutôt  l'explication 
suivante,  le  lecteur  est  libre  de  l'accepter  ou  non  : 

Font^  fontaine,  source;  chaud^  d'eau  chaude;  ou  chaut  d'un 
faible  débit;  ou  chaut  qui  chaït  coule  en  tombant  par 
déchaiement^  c'est-à-dire  en  s'amoindrissant,  et  s'enchauce^ 
poursuit  son  cours  à  travers  le*  champs  où  elle  cheoit^ 
s'égare  et  se  perd. 

§  III 

LE  PONT  DE  SAINT-RAMBERT 

Le  premier  pont  qui  se  présente  en  amont  de  la  Loire, 
dans  notre  département,  est  le  pont  de  Saint-Rambert, 
mentionné  dans  le  «  Recueil  des  testaments  enregistrés  en  la 
Chancellerie  de  Fore:{  de  1272  à  146J  ». 

En  effet,  nous  lisons  dans  les  «  Inventaires  sommaires  des 
Archives  départementales  antérieures  à  17 go  »  (2),  à  la  date 


(1)  Cette  réponse  oa  reconnaissance  de  pension  est  extraite  de  la  quatrième  ou  dernière 
partie  de  la  Liève  terrienne^  pour  messires  les  chanoines,  curé,  presbtres  de  l'église  .de 
Saint-Rambert-en-Forez,  contre  ceux  qui  leur  doibvent  et  ont  recogneu  de  nouveau  ladicte 
Liève,  commencée  huy  deuxième  jour  de  novembre  mil  six  cent  six. 

(Extrait  pris  et  coUationné  sur  l'original.  Reçu  par  David,  notaire  royal,  le  5*  d'avril  1668.) 
(Archivas  de  la  Loire.) 

(2)  Par  Auguste  Chaveronoibr,  archiviste  du  département  de  la  Loire. 


LA  FONTAINE   DE   SAINT-RAMBERT,   FONTCHAUD,   ETC.        IjS 

du  jeudi  de  la  fête  des  saints  apôtres  Philippe  et  Jacques, 
année  1809  :  «  Dame  Alix  de  Barges,  veuve  de  messire 
«  Jacerand  Veroyl,  chevalier,  seigneur  de  Greygnieu...  Item, 
«  do  et  lego  ponti  Sancti  Reneberti  (sic)^  et  ponti  Spineti 
«  (sic)^  utrique  duodecim  denarios  bonos  viennenses  semel 
ce  tantum  n. 

«  De  même,  je  donne  et  lègue  au  pont  de  Saint- Rambert 
ce  et  au  pont  de  Pinay,  à  tous  les  deux,  douze  bons  deniers 
«  viennois,  une  seule  fois  pour  toujours.  » 

La  noble  dame  Alix  de  Barges  fit-elle  son  legs  pour  bâtir 
un  pont  sur  la  Loire,  parce  qu'il  n'y  en  avait  pas  alors,  ou 
bien,  les  douze  deniers  viennois  qu'elle  légua  devaient-ils 
être  dépensés  à  l'entretien  d'un  pont  déjà  existant  ?  —  C'est 
là  une  question  à  laquelle  il  n'est  pas  facile  de  répondre. 

Cependant,  la  formule  testamentaire  employée  par  Alix 
de  Barges  :  fc  Je  donne  et  lègue  »,  nous  semble  supposer 
l'existence  d'un  pont  sur  la  Loire,  et  d'un  pont  qu'elle 
connaissait,  dont  elle  savait  l'état  délabré.  Ordinairement, 
les  legs  pieux  se  font  en  faveur  d'œuvres  en  souflFrance, 
Celle  du  pont  de  Saint-Rambert,  probablement  très  précaire, 
intéressait  particulièrement  notre  noble  testatrice  ;  et  voilà 
pourquoi  elle  lui  lègue  généreusement  quelques-uns  de  ses 
bons  deniers. 

En  deux  mots,  dame  Alix  de  Barges  fait  un  legs  au  pont 
de  Saint-Rambert,  jeté  depuis  longtemps  déjà  d'une  rive  à 
l'autre  de  la  Loire. 

Mais  la  somme  relativement  importante  dont  elle  fit  don, 
ne  dut  assurément  pas  permettre  aux  autorités  locales  de 
faire  de  grandes  réparations  à  cet  ouvrage  de  bois  (i).  En 
effet,  nous  lisons  dans  le  testament  de  Pierre  Veauche 
«  Velchi  ^),  de  Saint-Rambert,  à  la  date  du  Vendredi  après  la 

(1)  La  plupart  de  nos  Tieux  ponts  étaient  construits  en  bois,  au  moyen  Ige. 


174  CHAPITRE   X 

Purification  de  la  Sainte  Vierge  (1329),  que  cet  honorable 
homme  lègue,  une  seule  fois,  à  l'œuvre  du  pont  de  Saint- 
Rambert,  vingt  livres  viennoises  pour  son  amélioration  ou 
sa  reconstruction  :  «  Operi  pontis  Sancti  Regneberti  super 
«  Ligerim,  pro  ipso  meliorare  seu  edijicare^  viginti  libras 
«  viennensium,  monete  turonensis  semel  ». 

Comme  on  le  voit,  vingt  ans  après  le  legs  de  la  noble 
dame  Alix  de  Barges,  en  faveur  du  pont  de  Saint-Rambert, 
le  testament  de  Pierre  Veauche  nous  en  fait  connaître  un 
autre  au  profit  de  la  même  œuvre.  Mais,  ici,  le  testateur  est 
plus  explicite.  Il  prend  la  peine  d'indiquer,  de  spécifier  les 
travaux  auxquels  il  veut  que  son  argent  soit  employé.  Il 
demande  Tamélioration  du  pont,  et  si  cette  amélioration  ne 
peut  pas  s'entreprendre  et  se  parfaire  utilement,  il  insinue  le 
projet  d'une  reconstruction  totale  de  l'œuvre. 

A  juger  les  choses  de  la  manière  dont  elles  arrivent 
ordinairement,  ce  n^est  pas  après  un  service  de  vingt  ans 
qu'un  pont,  bâti  sur  un  fleuve  et  dans  des  conditions 
exceptionnelles  de  solidité,  peut  avoir  besoin  d'une  améliora- 
tion si  importante,  que  son  délabrement  fasse  naître,  dans 
l'esprit  d'un  testateur  généreux,  l'idée  de  le  reconstruire, 
<c  seu  edificare  ». 

Si  donc  Pierre  Veauche  parle  d'amélioration  et  de 
reconstruction,  c'est  que  ledit  pont  avait  un  réel  besoin 
de  réparations,  et  que  ce  besoin  était  d'autant  plus 
pressant  que  l'œuvre  était  plus  ancienne  et  partant  plus 
vermoulue. 

Et  cependant  le  don  généreux  qu'il  fit  en  cette  circons- 
tance, joint  à  celui  de  la  noble  dame  Alix  de  Barges,  ne 
suffit  pas  aux  dépenses  que  nécessitait  l'état  de  vétusté  de 
ce  pont  de  bois.  Car  19  ans  plus  tard,  le  testament  de  Jean 
Colombet  d'Anères,  paroisse  de  Saint-Just-sur-Loire,  testa- 
ment daté  du   7   septembre  1348,  nous  apprend   que  cet 


LA  FONTAINE   DE   SAÎNT-RAMBERT,   FONTCHAUD,   ETC.        lyS 

honorable  homme  fit,  en  mourant,  un  legs  de  cinq  sous 
viennois,  au  profit  de  l'œuvre  du  pont  de  Saint-Rambert, 
quand  il  serait  construit  en  pierres  (c  Item  operi  pontis 
«  Ligerisy  Sancti  Ragneberti,  quando  construetur  de  lapi- 
«  dibus^  quinque  solidos  viennensium,  idem  testator  dat  semel 
a  et  légat  »  (i). 

Or,  ce  pont  de  bois  ne  fut  construit  en  pierre  qu'en  iSgS, 
et  par  l'architecte  Jeannot  du  Boys,  si  nous  en  croyons  une 
note  du  «  Fore^  pittoresque  »  (2),  ainsi  conçue  :  «  En  bas  de 
c<  Saint-Just  sont  les  ruines  d'un  pont  de  pierre  que  nous 
«  avons  souvent  entendu  qualifier  de  pont  romain,  bien 
«  qu'aucun  des  détails  de  sa  construction  ne  puisse  .justifier 
M  cette  antique  origine.  Il  paraît,  en  effet,  remonter  seule- 
«  ment  à  la  fin  du  xiv*  siècle.  Un  compte  d'Etienne 
«  d'Entraigues,  trésorier  de  Forez,  nous  apprend  que  ce 
et  pont  se  construisit  en  iSgS,  sous  la  direction  d'un  architecte 
«  nommé  Jeannot  du  Boys.  » 

Au  résumé,  le  pont  de  Saint-Rambert-sur-Loire  était 
déjà  un  très  vieux  pont,  en  iSog.  Mais  peut-on  faire 
remonter  ce  pont  avant  l'an  mil  !  —  Et,  est-il  prudent 
d'accepter  l'opinion  de  plusieurs  savants  qui  ont  été  d'avis 
que  nos  anciens  ponts,  sur  la  Loire,  remontaient  jusqu'à 
l'époque  romaine  ?  —  Nous  ne  le  pensons  pas  (3),  Et  même 
nous  sommes  d'avis,  avec  Térudit  archiviste  de  la  Loire, 
Auguste  Chaverondier,  «  qu'il  faut  beaucoup  rabattre  de 
c(  cette  antiquité  et  que  la  fin  du  xii*  siècle  au  plus,  doit  être 


(0  Inventaire  sommaire  des  Archives  départementales  avant  17 go,  par  Auguste 
Chavibondisr. 

(2)  Fore^' pittoresque,  par  Félix  Thiollier. 

(3)  Séduit,  sani  doute,  par  la  découverte  qui  venait  d'être  faite  (décembre  i83o)  à  Chevenet, 
hameau  de  Cordelle,  d'un  trésor  de  1200  monnaies  gauloises  en  or,  M.  le  baron  d'Ailly. 
le  savant  numismate,  soutint  même  l'opinion  que  le  pont  de  Saint-Maurice,  situé  dans  le 
voisinage  de  Chevenet,  devait  être  de  construction  gauloise.  (Notice  sur  le  Recueil  des 
testaments  enregistrés  en  la  chancellerie  ^e  Fore^  (1273-1467),  par  Aug.  Chavbronoibr, 
1888,  p.  41.) 


176  CHAPITRE   X 

(c  fixée  comme  limite  supérieure  de  la  bâtisse  de  nos  anciens 
ce  ponts  sur  la  Loire  ». 

Celui  de  Saint-Rambert,  dont  on  distingue  encore  les 
restes  des  piles  aux  eaux  basses,  n'existait  certainement  pas 
ù  l'époque  de  la  translation  des  reliques  de  notre  illustre 
Patron,  dont  il  a  pris  le  nom  dans  la  suite  des  temps.  Car  s*il 
eût  existé^  assurément  la  légende  qui  nous  a  gardé  le  sou- 
venir de  ce  prodigieux  événement,  au  lieu  de  narrer  le 
passage  d*une  foule  de  pèlerins  à  travers  le  lit  miraculeuse- 
ment desséché  de  la  Loire,  nous  eût  décrit  leur  marche 
triomphale  au-dessus  des  eaux  du  fleuve,  et  sur  les  ais  solides 
d'un  pont  faisant  communiquer  ensemble  les  deux  rives 
foréziennes.  La  tradition  elle-même,  toujours  si  vivace  dans 
notre  Forez,  nous  eût  aussi  gardé  le  souvenir  de  ce  pont 
ayant  eu  Tinsigne  honneur  de  tressaillir,  pendant  quelques 
instants,  sous  les  pas  des  pieux  porteurs  des  reliques  de 
notre  cher  Saint.  Or,  la  tradition  locale  est  absolument  muette 
à  ce  sujet.  Du  reste,  le  chemin  qu'avait  suivi  la  procession 
faisant  cortège  aux  reliques  de  saint  Rambert,  n'aboutissait 
point  au  lieu  où  se  trouve  actuellement  l'agglomération  des 
maisons  de  Saint-Just  (i).  En  descendant  du  hameau  de 
CoUonge,  ce  chemin,  nous  l'avons  dit,  aboutissait  directement 
au  Gué  de  la  Roche,  par  la  Rivoire;  et  de  là,  par  ce  gué 
miraculeux  de  la  Loire,  à  la  Fontaine  de  Fontchaud  et  au 
Prieuré  de  Saint-André-les-Olmes. 


(i)  Dès  longtemps  les  abords  du  pont  de  Saint-Rambert  ont  été  entourés  d'habitations. 
Mais  l'agglomération  actuelle  autour  du  clocher  de  Saint-Just  ne  date  que  de  la  fondation 
de  l'église  même,  en  1827-1829,  par  M«  Mercier,  alors  curé. 


LA   FONTAINE   DE   SAINT- RAMBERT,   FONTCHAUD,   ETC.        I77 


§  IV 

LE    GUÉ   DE    LA   ROCHE 

Le  «  Gué  de  la  Roche  »  était  connu  de  nos  ancêtres.  En 
voici  des  preuves  tirées  de  documents  authentiques,  que 
nous  avons  soigneusement  compulsés. 

Le  premier  de  ces  documents  est  une  Nouvelle  responce 
de  pension  contre  Philibert  Retournel,  de  X  sols  tournois. 

a  Comme    procès    fut   meu    en    la    court    ordinaire    du 

«  baillage  du  Fourez,  à  Montbrison D'entre  vénérables 

«  les  sieurs  curé  et  presbtres  séculiers  desserviteurs  en 
c<  TEsglise  de  Sainct-Rambert,  demandeurs  en  recognois- 
(c  sance  de  pension. 

<f  Disoyent  aussi  que  feu  Messire  Rambert  Retournel  dict 
«  Victry  »  en  son  vivant  presbtre  dudit  Sainct  Rambert 
<f  par  sa  disposition  dernière,  auroyt  légué  auxd.  demandeurs 
«  pour  la  dotation  de  deux  messes  en  charistable  (pour  les 
(c  trépassés),  la  somme  de  dix  livres  tournois  ou  la  pension  de 
((  dix  sols  tournois  annuels  jusques  à  ce  que  la  somme  prin- 
u  cipalle  leur  seroit  payée.  Laquelle  pension  et  principal 
«  d'icelle  il  auroyt  imposé  sur  tous  ses  biens  par  spécia- 
«  lement  sur  une  sienne  terre  sise  au  Garayt  dud.  Sainct 
«  Rambert,  de  la  contenance  deux  mecterées  joignant  à  la 
«  terre  de  Fleury  Motarel,  qui  est  bize.  Au  chemyn  allant 
«  dud.  Sainct  Rambert  au  gué  de  la  Roche ^  de  soir.  Avec 
«  meilleurs  confins,  ainsi  qu'il  appert  par  led.  testament  dud. 
(c  feu  Messire  Rambert  Retournel » 

Faict  et  passé  aud.  Sainct  Rambert  en  la  maison  du  sus 
nommé  Messire  Claude  Murât  soubz  le  scel  de  Fourez,  le 


12 


lyS  CHAPITRE   X 

ungniesme  jour  du  moys  de  may  mil    cinq  cens  soixante 

huict Ainsi  receu  et  expédié  par   lesd.   sieurs  curé  et 

presbtres  par  moy  notaire  royal,  Morien 

Voici  le  texte  du  deuxième  document  : 

«  Anthoîne  Vivier,  marchand  bouchier  de  Sainct  Rambert 
«  doibt  la  pension  annuelle  de  dix-sept  sols,  trois  deniers 
c(  tournois,  sur  une  sienne  maison  sise  au  chasteau  Galhard, 
«  joignant  à  la  rue  publique  de  matin.  Maison  de  Maurice 
«  Daurelle  et  sa  femme,  que  fut  de  feu  Jacques  Roben  et 
<c  Marguerite  Bouvalon  de  bize.  Maison  et  pressoir  de  Grè- 
ce goire  Appoticaire,  que  fut  de  feu  Rambert  Menu  de  vent 
«  et  soir.   » 

a  Item^  sur  ung  jardin  et  colombier  en  lad.  ville  joignant 
«  le  ruisseau  des  Moulins  de  matin.  —  Vigne  de  M*  Denis 
«  Gérentet,  que  souloit  estre  en  pré  de  soir.  Le  jardin  de 
«  Jean  Jossis  de  bize.  )> 

(c   Item^    sur    une    vigne    sise    au    Garait,    joignant    le 
ce  chemin    tendant    du     Pont     au     lieu    de    Bonsson    de 
«  matin.  —   Le  chemin    tendant    dudict  Sainct   Rambert 
«  au  ce  Gué  de  la  Roche  »  de  soir.  —  Vigne  des  hêrs  feu 
«t  M*  Jean .......     que    fut    des    hêrs    feu    M*    Rambert 

ce  et  Grégoire  Dodon,  de  bize  et  la  vigne  de  dame 
<c  Marguerite  Meyer,  que  fut  de  Rambert  Simon  et  vigne 
ce  de  Jean  Jossis,  que  fut  à  feu  Grégoire  Ryvas  de  vent  : 
ce  Sauf  leurs  meilleurs  confins,  comme  appert  par  sa 
ce  response  escripte  au  terrier  par  lettre  G,  au  feuillet 
ce  II<=XLI,  en  date  du  XXIX*  novembre  i6o5.  —  Signé 
«  Bartholet 

«  Pour  ce XVIV  III^  tournois à  Toussaincts  (i).  » 


(i)  Extraits  du  Terrier  de  la  Rente  du  Prieuré  de  Saint-Rambert  de  1544  à  1607.  {Arehipes 
dipartementaUê  de  la  Loire.  Fonds  Saint-Rambert.) 


LA  FONTAINE   DE   SAINT-RAMBERT,   FOXTCHAUD^   ETC.        I  79 

Le  troisième  document  est  ainsi  rédigé  : 

«  Jean  Chabas  et  Catheripe-Percot  ont  imposé  une  pension 
«  annuelle  de  III'  XV^  en  Saint  Nicbllas  de  May  avec  son 
«  principal  de  X*  ;  sur^  une  leur  vigne^size  au  Garait  de 
«  Saint-Rambert,  contenant  sept  joumalfées,  ou  environ, 
«  joignant  le  chemin  dud.  Garait  au  «  Gué  dé-la  Roche  »  de 
<v  soir  quazi  bîze  ;  la  vigne  de  Fleuiy  Reverdin,  de  vent  ; 
«  vigne  de  Jtan  Gerentet  aussy  de  vent.  Vigne  de  Benoîd 
«  Razour  de  bize,  la  rivière  de  Loyre,  ung  chemin  entre  eulx 
ff  de  matin.  Par  contraict  receu  Berthollet,  portant  quittance 
«  à  Claude  et  Jacques  Ennoyeux,  contenu  au  terrier  G  neuf, 

«  au   feulhet   VI"VI  dudit  livre  du  VII»  avril   i6i6 

«  Cy (i)  III^  XV  «ou  (2).» 


{i)  Extrait  de  U  ■  Liève  terrienne  »  pour  MM.  les  chanoines,  curé  et  presbtres  de 
l'église  de  Saint-Rambert,  commencée  le  3*  novembre  1606.  feaillet  XLV.  {Arekivts  dépar* 
tememlaies  de  la  Loire.  Fonds  de  Samt-Rambert.) 

(3)  Voir  aux  pièces  jastificatÎTes  n*  i3  bis» 


CHASUBLE     DE 


CHAPITRE    XI'" 


LA  CHASUBLE 


DE    SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 


(xi*  siècle) 


«I 

xMONOGRAPHIE    DE   LA   CHASUBLE 

La  chasuble  de  Saint-Rambert,  fermée  de  toutes  parts, 
n'a  qu'une  ouverture  trapézoïdale  dans  sa  partie  supérieure. 
Cette  ouverture  bordée  d'un  galon  d'or  de  vieux  style,  mais 
relativement  moderne,  est  assez  large  pour  laisser  passer  la 
tête  du  prêtre  (Fig.  27). 

Elle  n'est  pas  échancrée  comme  les  chasubles  actuelles. 
Les  côtés  sont  cependant  un  peu  arrondis,  et  mesurent 
r",io  cent.  Ils  présentaient,  autrefois,  une  ouverture  de 
o'",3o  cent,  de  diamètre.  Cette  ouverture,  pratiquée  à  la 
hauteur  de  l'avant-bras,  est  aujourd'hui  fermée  par  un 
point  de  couture,  et  rejetée  un  peu  en  arrière  de  la  face 
antérieure,  comme  si  Tétoffe  de  ce  vêtement  avait  été  prise 

(I)  D'après  les  notes  et  les  dessins  «ie  M.  Henri  Marthoud. 


l82  CHAPITRE  XI 

sur  un  autre,  et  retournée  pour  en  confectionner  la  chasuble 
que  nous  possédons. 

La  bande  centrale  qui  descend  du  haut  en  bas  de  cet 
ornement  sacerdotal,  et  sur  les  deux  faces  antérieure  et 
postérieure,  est  large  de  o",i6  cent.  ;  elle  est  longue  sur  la 
partie  dorsale  de  i°,4o  cent.,  et  seulement  de  i",io  cent,  sur 
la  partie  pectorale  ;  mais  les  dix-huit  centimètres  du  bas  de 
cette  bande  ne  montrent  point  le  même  dessin.  Ils  ont  été 
empruntés  au  motif  général  de  la  chasuble,  et  ajoutés  à 
l'aiguille  comme  complément. 

Cette  bande,  dont  les  admirables  dessins  ont,  de  tout 
temps,  excité  la  curiosité  des  savants,  offre  à  l'archéologue 
une  étude  du  plus  haut  intérêt. 

A  elle  seule,  elle  peut  nous  fournir  Tétat-civil  du  vêtement 
dont  elle  ne  fut  point  la  pièce  la  moins  riche,  vêtement  que 
l'on  fait,  avec  vraisemblance,  remonter  au  xi*  siècle  (i). 

Notre  précieuse  chasuble  va  s'élargissant  jusqu'aux  extré- 
mités inférieures,  qui  ont  assez  d'ampleur  pour  que  le  prêtre 
puisse,  au  moment  de  la  célébration  des  saints  mystères,  la 
relever  sur  les  bras,  et  que  cependant  le  devant  et  le  derrière 
continuent  de  retomber  presque  sur  les  pieds.  Le  plus  grand 
diamètre  de  l'étoffe,  dans  le  sens  de  la  largeur,  est  de  i",64 
cent.,  et  dans  le  sens  de  la  hauteur,  de  i",4o  cent.,  y  compris 
le  galon  d'or  qui  borde  l'ouverture,  au  sommet.  Elle  n'a  pas 
la  raideur  de  nos  chasubles  modernes;  mais,  comme  un 
manteau  souple  et  soyeux,  elle  retombe  autour  du  corps  en 

(i)  D'après  M.  de  Linas,  cette  iDtéressante  chasable  serait  sortie  des  manufactures  de  la 
Sicile,  et  aurait  été  apportée  en  France  par  les  Normands,  qui  étaient,  alors,  maîtres  de 
l*!le  entière.  {•Revue  de  l'Art  chrétien,X.  lil.  p.  33;.) 

On  sait,  en  effet,  qu'à  cette  époque,  la  Sicile  était  célèbre  par  son  commerce  de  soieries. 
Jusqu'au  ix«  siècle,  les  tissus  de  soie  avaient  été  le  produit  exclusif  de  l'Orient.  Mais  an 
commencement  de  ce  siècle,  les  Maures  en  importèrent  la  fabrication  dans  le  midi  de 
l*Espagnc,  en  particulier  à  Âlmeria,  petite  ville  située  près  de  Malaga,  d'où  elle  passa  en 
Andalousie.  Enfin,  vers  le  milieu  du  zii*  siècle,  elle  s'établit  et  devint  très  florissante  en 
Sicile,  sous  le  règne  du  premier  roi  normand,  Roger  II.  Les  tissus  qui  sortaient  de  la 
manufacture  de  Palerme,  connue  sous  le  nom  d'  «c  Hôtel  de  Tira\  •  furent  surtout  très 
recherchés.  (Dans  le  Cours  élémentaire  d'Archéoloçie  religieuse,  par  M.  l'abbé  Mauleti 
t.  Il,  p,  175.) 


LA   CHASUBLE   DE   SAJNT- KAMBERT  I  83 

plis  larges  et  ondoyants.  Son  ornementation  est  riche,  simple 
et  gracieuse  :  sur  un  fond  de  soie  qui  fut  peut-être  de  couleur 
«  rose  pâle  »,  des  filigranes  d'or  dessinent  d'élégants  compar- 
timents, dans  lesquels  sont  relevés  en  or,  alternativement 
deux  faucons  et  deux  lions  affrontés,  aux  formes  pures  et 
bien  arrêtées.  Les  compartiments  sont  interrompus  par  la 
bande  médiale  (Fio.  28). 


L'examen  attentif  de  cet  ornement  sacerdotal  nous  a  révélé 
des  détails  curieux  et  inédits.  L'étoffe  qui  servit,  au  Xi*  siècle, 
à  confectionner  notre  célèbre  chasuble  n'étant  pas  assez 
ample  pour  y  couper  cet  ornement  selon  le  type  de  l'époque, 
l'ouvrier  dut  prendre  une  partie  du  tissu  que  la  coupe  du 
nouveau  vêtement  laissait  libre,  pour  l'ajouter  au  bas  des 


184  CHAPITRE   XI 

deux  faces  antérieure  et  postérieure.  Les  pièces  ajoutées  sont 
très  visibles;  leur  dessin,  conforme  à  celui  de  l'ensemble  de  la 
chasuble,  ne  présente,  dans  ses  grandes  lignes,  aucun  accord 
avec  le  reste  du  thème  général  de  Tornement.  On  sent, 
ici,  que  la  nécessité  plutôt  que  l'art,  a  guidé  la  main  de 
l'ouvrier. 

Malgré  son  ampleur,  cette  riche  chasuble  n'est  point 
ce  ialaris  ».  Elle  représente,  toutefois,  un  type  parfait  des 
chasubles  au  xi'  siècle  ;  et  la  richesse  et  la  pureté  de  son 
dessin,  aussi  bien  que  le  fini  de  son  exécution,  dit  M.  l'abbé 
Boue,  feraient  honneur  à  nos  fabriques  lyonnaises  actuelles 
les  plus  renommées  (i). 

Nous  avons  raconté,  au  chapitre  VII%  la  Légende  de  la 
Translation  des  reliques  des  saints  Rambert  et  Domitien.  Le 
lecteur  sait  donc  que  les  vénérables  ossements  de  nos  saints 
furent  apportés,  mystérieusement,  du  pays  de  Bugey  au 
pays  de  Forez,  par  un  homme  craignant  Dieu,  inspiré  et 
encouragé  par  trois  visions  successives  du  bienheureux 
martyr  Rambert. 

Il  sait,  aussi,  que  ces  insignes  reliques  déposées  dans  de 
grossières  besaces  par  le  dévot  porteur  revêtu  de  la  livrée 
d'un  pauvre  pèlerin,  arrivèrent  au  manoir  dTzeron,  où  elles 
furent  reçues  avec  grande  joie  par  lé  comte  Guillaume  et  sa 
noble  épouse  Vandalmonde,  vers  1078. 

Et  cependant,  la  tradition  locale  dit  que  les  ossements* 
bénis  du  martyr  et  du  confesseur  de  Jésus-Christ  arrivèrent 
au    Prieuré    de    Saint -André- les -Olmes,    soigneusement 
enveloppés  dans  une  étoffe  de  soie  et  d'or,  d'une  grande 
richesse. 

Comment  expliquer  cette  contradiction  ?  —  Voici  proba- 
blement ce  qu'il  advint. 

(1)  Notice  sur  une  chasuble  de  SainURamkert-sur-I^oire,  1844. 


l86  CHAPITRE   XI 

Les  reliques  de  nos  saints  Rambert  et  Domitien  arrivèrent, 
avons-nous  dit,  du  pays  de  Bugey  au  manoir  de  Guillaume  de 
Forez,  à  Yzeron,  renfermées  dans  quelque  vulgaire  étoffe. 
Mais  alors,  à  la  vue  des  pauvres  sacoches  qui  servaient 
d'écrin  à  des  perles  aussi  précieuses,  la  piété  du  noble 
comte  s'émut,  et  il  chercha  dans  ses  somptueuses  armoires 
une  enveloppe  plus  riche,  dont  il  fit,  selon  une  coutume 
fréquemment  pratiquée  au  moyen  âge,  un  «  suaire  »  plus 
digne,  aussi,  du  trésor  qu'il  venait  de  recevoir. 

C'est  cette  étoffe  de  soie  et  d'or  qui,  transformée,  plus  tard, 
en  vêtement  sacerdotal,  est  devenue  la  fameuse  chasuble, 
bijou  de  notre  église  romane  (i). 


in 

L'ÉTOFFE    DE    LA    CHASUBLE    DE    SAINT-RAMBERT 

SERVIT  AUTREFOIS   DE   «    SUAIRE   » 

AUX     RELIQUES     DES     SAINTS     RAMBERT     ET     DOMITIEN 

DANS    LEUR    TRANSPORT    DU    MANOIR    D*YZERON 

AU  PRIEURÉ  DE  SAINT-ANDRÉ-LES-OLMES 

Que  le  lecteur  veuille  bien  se  reporter  aux  pièces  j^istifica- 
tives  (2),  et  il  se  convaincra  par  les  détails  que  npus  y  avons 
rassemblés,  de  la  vraisemblance  de  cette  afBrm^ion-:  Tétoffe 
de  la  chasubie  de  Saint-Rambert  servit  autreferfs  de  «  suaire  » 
aux  insignes  os3ements  des  saints  Rambert  et  Domitien, 
dans  leur  transport  du  manoir  ^d^Tzeron  au  Prieuré  de 
Saint- André-les-Olmes. 


(i)  Qaant  à  la  légende  qai  fait  de  notre  yénérab]ie.ch|suble  une  robe  de  la  Sainte  Vierge, 
nous  dirons  simplement  que  cette  légende  naïve  est  née  de  la  version  fort  accréditée  dans 
la  région  rambertoise,  savoir  :  que  rétoffe:aTec  laquelle  a  été  confectionnée  notre  chasuble 
était  primitivement,  peut-être,  une  robe  de  Vandalmonde,  la  noble  épouse  du  comte 
Guillaume.  Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  détails  médiévaux,  et  quelle  que  soit  la  variété  du  récit 
légendaire,  il  nous  confirme  dans  notre  opinion  sur  l'existence  d'un  vêtement  civil  du 
comte  Guillaume,  ayant  servi  de  «  suaire  »,  et  plus  tard,  ayant  été  transformé  en  vêtement 
sacerdotal. 

(2)  Pièces  justificatives  n*  14. 


LA   CHASUBLE   DE   SAINT-RABiBERT  187 

Du  reste,  l'histoire  nous  apprend  qu'après  avoir  servi  aux 
usages  des  peuples  païens,  le  <c  suaire  »  nous  a  été  transmis 
par  le  Christianisme,  comme  un  objet  pieux  destiné  à 
recueillir  et  à  renfermer  ce  qu'il  y  a  de  plus  précieux  dans 
l'Eglise,  après  la  Sainte  Eucharistie  :  les  ossements  vénérés 
de  nos  saints.  Toujours,  dans  tous  les  temps,  et  sous  toutes 
les  latitudes,  les  Anciens  ont  entouré  la  dépouille  de  leurs 
morts  avec  un  soin  extrême*  Et  la  magnificence  qu'ils 
déployèrent,  souvent,  dans  les  ensevelissements  nous  est 
signalée  par  les  auteurs  contemporains. 

Le  Christianisme  ne  pouvait  donc  pas  rester  indifférent  à 
cette  pieuse  coutume,  bien  propre  à  relever  le  caractère  sacré 
de  gloire  et  d'immortalité  qu'il  reconnaissait  aux  restes 
vénérables  de  ses  martyrs.  N'est-il  pas  écrit  que  «  ceux  qui 
«  meurent  dans  la  paix  de  Jésus-Christ,  ne  cessent  pas  de 
«  vivre;  car^  quoiqu'ils  meurent  au  monde  selon  le  corps ^ 
«  néanmoins^  selon  rame  ils  revivent  en  Dieu  »  (i). 

D'après  le  Pontifical  romain,  le  pape  Eutychien  (2)  ordonna 
de  revêtir  d'une  belle  dalmatique  tous  les  corps  des  martyrs. 
Dans  la  «  Vie  de  saint  Pacôme  »j  il  est  raconté  que  tous  les 
Pères  du  désert  étaient  ensevelis  avec  beaucoup  de  richesse. 

Surius  (3)  nous  apprend  que  Cléopâtre,  dame  égyptienne, 
revêtit  de  précieux  habits  le  corps  de  saint  Maximin,  martyr. 
Eusèbe  (4)  rapporte  également  qu'Astérie,  sénateur  romain, 
fit  rechercher  les  restes  de  l'illustre  capitaine  Marin, 
martyrisé  en  Palestine,  pour  les  ensevelir  avec  magnificence. 
Saint  Grégoire  de  Nysse  (5)  reconnaît  avoir  enveloppé  dans 


(1)  DuKANT.  De  rit.  eccl.  lib.,  VII,  c.  35. 

(3)  Saint  Hotychien,  pape  àt  375  à  383.  L'hérésiarque  Manét  parut  tout  son  pontificat. 

(3)  Laurent  Surius,  chartreux,  né  à  Lubeck  en  i533,  mort  en  1578,  a  laissé  des  ouTrages 
très  estimés. 

(4)  Eusèbe  (367-338),  évèque  de  Césarée  ;  un  des  hommes  les  plus  érudits  et  les  plus 
éloquents  de  son  siècle,  surnommé  le  «  Père  de  V histoire  ecclésiastique  ». 

(5)  Saint  Grégoire  de  Nysse,  Père  de  l'Eglise  grecque  (333-396). 


l88  CHAPITRE   XI 

de  magnifiques  étoffes   le  corps  de  Macrine,  sa  sœur,  morte 
dans  un  monastère. 

La  découverte,  faite  en  1458,  d'un  remarquable  tombeau, 
dans  la  chapelle  Sainte-Pétronille,  à  Rome,  mit  au  jour  deux 
cercueils  de  cyprès  couverts  de  lames  d'argent,  et  ornés  du 
signe  de  la  croix.  Chacun  de  ces  deux  cercueils  contenait  un 
corps  revêtu  d*habits  d'or  si  riche,  qu'on  estime  au  poids 
de  quatre-vingts  livres  d'argent  et  seize  d'or,  le  métal  qu'on 
en  retira. 

Dans  le  superbe  tombeau  de  marbre  de  l'impératrice 
Marie,  épouse  d'Honorius  (i),  découvert  sous  le  pape 
Paul  III  (2),  on  trouva,  au  milieu  de  plusieurs  vases  de 
cristal  et  d'agate,  une  infinité  de  bijoux  rares  et  de  si 
riches  étoffes,  qu'elles  accusèrent  le  poids  d'environ  quarante 
livres  d'or. 

Nombreux  sont  les  exemples  que  nous  pourrions  encore 
citer,  pour  montrer  avec  quel  luxe  d'étoffe  on  enve- 
loppait les  restes  sacrés  des  saints,  aux  premiers  siècles  de 
l'Eglise. 

Les  deux  suivants  termineront  ce  paragraphe.  Le  premier 
est  celui  du  célèbre  suaire  de  saint  Victor  conservé  à  Sens. 
M.  de  Linas  le  croit  d'origine  byzantine,  et  du  vi°  siècle. 
Ce  précieux  tissu  est  décoré  de  médaillons  ovales,  dans 
lesquels  est  figuré  un  mystérieux  personnage  aux  prises  avec 
des  lions. 

Le  second  est  celui  du  suaire  de  saint  Germain,  dans 
l'église  de  Saint-Eusèbe,  à  Auxerre.  Cette  belle  étoffe  ornée 
d'aigles  aux  ailes  éployées,  alternés  avec  des  rosaces,  aurait 
été  donnée,  d'après  la  tradition,  par  l'impératrice  Placidie  (3) 

(i)  Honorius  (Flavius),  empereur  d'Occident  (395-423). 

(a)  Paul  I([,  pape  de  i534  à  1549. 

(3)  Fille  de  Théodose  le  Grand,  épouse   de  l'empereur  Constance,  goaveraa  l'empire 
4'Occident  (388-45o). 


LA  CHASUBLE   DE  SAINT-RAMBERT  1 89 

pour  couvrir  le  corps  de  saint  Germain  transféré  de  Ravenne, 
au  v'  siècle  (i). 

Après  avoir  parcouru  les  détails  que  nous  venons  de  lui 
donner  et  s'être  bien  pénétré  des  notes  historiques  sur  le 
«  suaire  »,  notes  insérées  aux  pièces  justificatives  sous  le 
n**  14,  le  lecteur  ne  trouvera  donc  pas  étrange  qu'au  moment 
de  leur  translation  solennelle  dTzeron  au  prieuré  de  Saint- 
André-les-Olmes,  les  reliques  de  nos  saints  aient  été  déposées 
dans  l'étoffe  de  soie  et  d'or  dont  est  faite,  aujourd'hui,  notre 
célèbre  chasuble. 

Et  maintenant,  nous  allons  essayer  de  lui  montrer  que  le 
riche  tissu  du  comte  Guillaume  n'était  point  une  simple  pièce 
d'étoffe  sans  forme  déterminée,  quand  il  l'offrit  pour  enve- 
lopper nos  saintes  reliques,  mais  que  c'était  un  vêtement  civil 
à  son  usage  personnel. 


LA  CHASUBLE   DE    SAINT-RAMBERT 

FUT     UN     VÊTEMENT    CIVIL 

AVANT  d'Être  transformée  en  vêtement  sacerdotal 

Quelle  pouvait  bien  être  la  forme  du  vêtement  que  le 
dévot  comte  de  Forez  tira  de  ses  armoires  pour  y  renfermer, 
comme  dans  une  sorte  de  châsse  provisoire,  les  reliques 

(1)  Le  catalogue  du  riche  musée  de  Cluny  conserve  encore  : 

«  Un  fragment  du  suaire  de  saint  Berthuin,  mort  en  696,  fondateur  de  l'abbaye  de 
Malonne  (pays  de  Liège).  Tissu  de  soie  à  fond  d'or  relevé  d'animaux  chimériques  et 
d'oiseaux  en  or.  » 

«  Un  autre  fragment  du  suaire  trouvé  dans  la  chftsse  de  saint  Florent,  à  Saint-Florent- 
lès-Saumnr  (Maine-et-Loire)  :  étoffe  de  soie  disposée  par  petites  bandes  ornées  de  feuillages 
et  d'animaux  chimériques.  » 

«  Tissu  du  XII'  siècle,  bleu  et  or  quadrillé,  avec  étoiles  et  rosaces  alternées.  Ce  tissa 
renfermait  des  reliques,  et  a  été  fabriqué  en  Orient.  » 

t  Tissu  fait  à  Constantinople  au  xii*  siècle,  et  ayant  servi  A  envelopper,  au  temps  des 
Croisades,  les  reliques  rapportées  à  Cologne.  » 

•  Un  fragment  de  Fétoffe  dans  laquelle  les  restes  de  saint  Bénigne  ont  été  rassemblés 
par  Hugues  d'Arc,  le  19  octobre  1388.  w 


\gO  CHAPITRE    XI 

qu'il  eut  la  joie  d'abriter,  quelque  temps,  dans  sa  demeure 

seigneuriale  ? 
Etait-ce  le  «  sagum  »  romain,  le  «  sayon  »  gaulois,  petit 

manteau  qui  s'attachait  sur  la  poitrine  ou  sur  l'épaule,  ou 
bien  la  «  caracalle  »,  cet  autre 
manteau  que  l'on  portait  en  Gaule, 
et  que  les  Romains  portèrent  aussi, 
sous  le  nom  de  v  lacemula  »  ? 

Etait-ce  la  vulgaire  a  chlaine  » 
manteau  formé  d'une  simple  cou- 
verture d'étoffe  grossière,  ou  bien 
était-ce  la  «  chlamyde  »,  ce  vête- 
ment des  Grecs  et  des  Romains, 

'  plus  tard  des  Francs,  fait  d'une 

ample  étoffe  retenue,  sur  l'épaule 
droite,  par  une  agrafe  de  métal  ? 

Etait-ce  la  «  togt  »  romaine, 
robe  demi-circulaire  sans  manches, 
rejetée  sur  l'épauie  gauche  en  plis 
élégants,  ou  bien  le  «  pallium  n, 
cette  grande  draperie  rectangu- 
laire que  les  Grecs  et  les  Romains 
no.  3»  portaient,  sur  les  épaules,  repliée 

avec  art,  sans  le  secours  d'aucune 
agrafe  ? 

Etait-ce  enfin  le  «  birrus  »  coupé 
en  forme  de  mante  à  grand  capu- 
chon, ou  bien  était-ce  la  <c  pénule  », 

sorte  de  manteau  entièrement  fermé  et  allongé  en  pointe, 

devant  et  derrière,  et  ne  comportant  qu'une  ouverture  pour 

passer  la  tête  (i)  ? 
Notre  opinion  est  que  le  riche  vêtement  du  comte  de  Forez, 


de  l'EgUie 


(i)Vair  ÉUi  pitcc»  juttiGotivt. 


LA  CHASUBLE   DE   SAINT-RAMBERT  \Ç)l 

n'appartenait  à  aucune  de  ces  sortes  de  vêtements  que  les 
premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne  et  le  moyen  âge  conser- 
vèrent, en  les  modifiant  et  en  les  qualifiant  de  noms 
particuliers.  Mais  nous  croyons  que  le  vêtement  médiéval 
dans  lequel  le  comte  Guillaume  enferma  nos  vénérables 
reliques  était  «  Vantique  lacerne  i>,  devenue  au  moyen  âge  la 
ai  chape  »  ou  «  gonnelle  »  (i). 

Voici,  du  reste,  la  description  de  l'antique  «  lacerne  »  et 
celle  de  la  <c  chape  »  qui  en  est  un  dérivé,  et  que  l'on  portait 
au  moyen  âge. 

La  a  lacerne  »  des  Romains  était  un  manteau  d'étoffe 
grossière  muni  d'un  capuchon,  et  généralement  ouvert  sur 
la  poitrine.  Le  peuple  et  les  soldats  le  portaient  pour  se 
garantir  de  la  pluie  et  du  froid.  Quelques  nobles  patriciens 
s'en  revêtaient,  aussi,  durant  les  jours  d'été.  Mais  alors, 
c'était  une  mante  confectionnée  avec  une  riche  étoffe  de 
belle  couleur.  Au  résumé,  la  «  lacerne  »  était  une  sorte  de 
c(  caracalle  »,  dont  l'usage  remonte  à  la  fin  de  la  République 
romaine  (2). 

Quant  à  la  «  chape  »  ou  antique  c<  lacerne  »,  c'était  un 
vêtement  exactement  rond.  Ouvert,  à  l'origine,  par  devant, 
il  était  exceptionnellement  retenu  par  une  bande  transversale 
richement  brodée  (3).  • 

Or,  un  examen  très  approfondi  de  la  chasuble  de  Saint- 
Rambert  nous  a  révélé,  malgré  son  état  de  détérioration,  par 
suite  d'un  usage  plus  de  huit  fois  séculaire,  des  marques 
visibles  d'un  service  absolument  étranger  à  celui  du  culte 
divin  ;  nous   voulons  dire,  des  marques  d'un  service  tout 


(i)  La  chape  était  un  vêtement  de  cérémonie  dont  on  se  servait  même  pour  les  sacres  de 
rois;  tandis  que  la  gonnelle  qui  lai  ressemblait,  parla  forme,  s'en  distinguait  par  son  usage 
vulgaire. 

(3)  Martène.  14.  n.  141  et  alibi. 

(3)  Nous  avons  un  exemple  de  la  •  chape  •  dans  le  manteau  impérial  du  sacre  de 
Charlemagne. 


19^  CHAPITRE   XI 

profane.  Poursuivant  encore  nos  minutieuses  investigations, 
nous  avons  découvert,  sur  cet  ornement  sacerdotal,  la  coupe 
d'un  ancien  vêtement  laïque. 

Le  comte  Guillaume  était  pieux,  et  il  était  généreux  aussi  ; 
par  conséquent  qu'y  aurait-il  d'invraisemblable  dans  le  don 
d'un  de  ses  riches  vêtements  personnels,  pour  en  envelopper 
des  reliques  qui  lui  étaient  chères  ?  Est-ce  que  saint  Martin 
ne  partagea  pas  son  manteau  pour  couvrir  la  nudité  du 
pauvre  d'Amiens  ?  Oui,  à  n'en  pas  douter,  notre  fameuse 
chasuble  de  Saint-Rambert  fut  à  l'origine  l'antique  «  lacerne  » 
des  Romains,  portée  au  moyen  âge  sous  le  nom  de  «  chape  ». 
L'usage  en  était  tout  profane,  nous  le  répétons.  Il  n'est  certes 
pas  besoin  d'un  œil  bien  exercé  pour  retrouver,  sur  cet 
ornement  sacerdotal,  la  coupe  de  l'ancien  vêtement  laïque. 
La  simple  inspection  des  diverses  pièces  rapportées  après 
coup,  au  bas  de  l'étoffe,  a  suffi  pour  nous  convaincre  qu'elles 
ne  sont  point  le  fait  d'une  simple  réparation,  mais  bien  la 
conséquence  naturelle  d'une  transformation. 

Il  serait,  en  effet,  difficile  d'admettre  qu'un  vêtement 
aussi  riche  ait  été,  au  moment  de  sa  confection,  si  mala- 
droitement coupé,  qu'on  ait  cru  nécessaire,  l'instant  d'après, 
de  lui  ajuster  quelques  morceaux  de  la  même  étoffe,  pour 
lui  donner  la  forme  régul?ère  des  chasubles  de  l'époque 
(xi*  siècle). 

Et  dans  Thypothèse  d'un  raccommodage  nécessaire  et 
postérieur  à  la  transformation  du  vêtement  civil  en  vêtement 
sacerdotal,  où  aurait-on  trouvé  des  pièces  d'étoffe  conformes  au 
tissu  de  la  chasuble  ?  —  On  ne  peut  pas  objecter  qu'à  l'heure  de 
la  confection  de  la  chasuble,  l'ouvrier  en  avait  mis  en  réserve, 
parce  qu'alors  nous  répondrions  ;  —  Pourquoi  les  pièces 
ajoutées  à  l'aiguille  sont-elles  si  disparates  et  rapportées 
à  la  suite  du  reste  de  l'étoflFe,  d'une  façon  si  irrégulière  que  les 
dessins  du  gros  de  Pœuvre  ne  concordent  nullement  avec  ceux 


LA   CHASUBLE    DE   SAINT-RAMBERT  IQS 

des  pièces  —  (i)  ?  Ou  bien,  après  la  transformation  de  la 
a  chape  j>  en  chasuble,  plusieurs  morceaux  d'étoffe  restaient 
encore  ;  alors,  l'ouvrier  les  réserva  pour  que  le  raccommo- 
dage se  fit,  plus  tard,  d'une  façon  régulière  et  convenable.  — 
Ou  bien,  l'étoffe  du  vêtement  laïque  n'offrait,  à  l'ouvrier, 
que  la  quantité  d'étoffe  strictement  nécessaire  pour  une 
transformation,  et,  alors,  il  fut  obligé  de  tailler  dans  ce  vête- 
ment de  telle  manière  que  les  morceaux  d'étoffe  supprimés 
dans  la  a  chape  »  servissent  à  compléter  ceux  qui  manquaient 
à  la  coupe  de  la  chasuble. 

Au  résumé,  la  chape  et  la  chasuble  ayant  chacune  une 
forme  dififérente,  on  comprend  que  l'ouvrier  chargé  de  la  trans- 
formation du  premier  de  ces  deux  vêtements  se  soit  trouvé 
dans  la  nécessité  de  parfaire  la  forme  de  son  œuvre  par 
des  ajustages.  Du  reste,  un  œil  exercé  peut  parfaitement 
suivre,  sur  la  ligne  des  parties  ajoutées,  les  traces  d'une 
coupe  de  chape  ou  gonnelle.  Cette  ligne  est  très  apparente, 
bien  que  sur  les  côtés  elle  ait  inévitablement  été  inter- 
rompue par  la  nécessité  d'en  retrancher  quelques  parties, 
autant  pour  préparer  la  forme  de  la  nouvelle  chasuble  que 
pour  en  prolonger  les  extrémités  arrondies.  Nous  le  répétons, 
c'est  certainement  à  la  préexistence  d'un  vêtement  ayant  sa 
forme  particulière,  qu'il  faut  attribuer  la  multiplicité  des 
morceaux  anguleux,  dont  le  raccord  nous  paraît  avoir  été 
difficile,  si  difficile  même,  que  les  lignes  dessinées  sur  l'étoffe 
n'ont  pu,  en  aucun  endroit  de  l'ajustage,  se  rencontrer. 

Et  cette  manière  d'expliquer  la  transformation  d'un 
vêtement  du  comte  Guillaume,  appelé  chape  ou  gonnelle,  en 
la  chasuble  merveilleuse,  nous  paraît  d'autant  plus  vraisem- 
blable que,  par  un  travail  de  patience  possible,  il  serait  facile 

(i)  Si  le  travail  de  raccommodage  ou  de  réparation  avait  été  fait  postérieurament  à  la 
confection  de  la  chasuble  elle-même,  et  parce  que  l'ouvrier  aurait  mis  en  réserve  certaina 
morceaux  de  la  même  étoffe,  ils  nous  paraîtraient,  aujourd'hui,  moins  uses  et  moins 
détériorés  que  l'ensemble  du  vêtement.  Or,  les  parties  rapportées  portent  absolument  les 
mêmes  traces  de  vétusté  que  le  corps  de  la  chasuble. 

13 


194  CÎHÀPITRE   tl 

avec  un  relevé  des  douze  morceaux  d'étoffe  ajoutés,  et  un 
raccord  des  sujets  d'ornementation,  de  reconstituer  non  seule- 
ment l'ensemble  de  la  décoration,  mais  encore  les  lignes  du 
vêtement  primitif. 

Bien  plus,  la  présence  dissimulée,  sur  les  côtés,  de  deux 
ouvertures  verticales,  de  o™,3o  cent,  de  développement,  depuis 
longtemps  inutiles,  et  fermées  par  une  couture  qui  produit  sur 
l'étoffe  un  étranglement  anormal  et  disgracieux,  nous  paraît 
si  inexplicable  que  nous  n'essayerons  même  pas  de  la  justifier. 
La  suppression  de  ces  ouvertures  longitudinales  que  l'on 
constate,  à  hauteur  de  bras^  dans  les  pénules  antiques,  ne 
saurait  s'expliquer,  ici,  que  par  l'intention  qu'a  eue  l'ouvrier 
d'ôter,  au  vêtement  transformé,  tout  caractère  profane.  Et  cela 
est  si  vrai,  que  pour  cacher  le  mauvais  effet  signalé  plus 
haut,  il  a  eu  grand  soin  de  les  rejeter  un  peu  en  arrière  de 
la  ligne  latérale  que  doivent  suivre  les  bras.  Ce  qui  autorise 
à  croire  que  l'ouvrier  a  retourné  le  vêtement  en  le  trans- 
formant. 

La  bande  qui  décore  notre  belle  chasuble,  sur  ses 
deux  faces  pectorale  et  dorsale,  est  cousue  sur  ses  deux 
côtés  et  dans  le  sens  de  sa  longueur,  au  reste  de  l'étoffe 
formant  l'ampleur  du  vêtement.  Elle  n'était  point  assez 
longue  pour  atteindre  le  bas  de  la  chasuble.  Alors,  Touvrier 
n'ayant  plus  à  sa  disposition  d'autres  morceaux  de  cette 
même  bande,  a  pris  dix-huit  centimètres  de  Tétoffe  du  fond 
qui  dessine  les  compartiments  du  vêtement,  pour  les  y 
ajouter  et  prolonger  ainsi,  par  devant,  ladite  bande  centrale. 
Par  derrière,  un  morceau  de  la  même  riche  bande  de  vingt- 
trois  centimètres  a  été  ajouté,  aussi,  pour  en  compléter  la 
longueur  normale. 

Enfin,  —  et  c'est  là  une  autre  preuve  que  la  bande  centrale 
a  appartenu  à  un  vêtement  civil  qu'elle  ornait,  —  c'est  que 
par  sa  disposition  sur  la  chasuble  elle  ne  saurait  être 
considérée  comme  un  «  pallium  »  liturgique.  Elle  ne  don- 


La  chasuble  de  saint-rambert  19^ 

nerait  pas  même  l'idée  du  «  pallium  »  le  plus  primitif;  car 
elle  n'en  offre  ni  la  disposition,  ni  aucun  des  signes  distinctifs 
remarqués  sur  les  monuments  anciens  (i). 

Tous  ces  détails  établissent  suffisamment  l'inversion  d'un 
premier  vêtement,  et  sa  conversion  en  celui  qui  depuis  huit 
siècles  fait  l'objet  de  l'admiration  de  tous  les  visiteurs  (2). 


I   IV 

DÉCORATION  DE  LA  CHASUBLE  DE  SAINT-RAMBERT 

La  décoration  de  notre  célèbre  chasuble  porte  un 
caractère  essentiellement  profane,  détail  qui  se  rencontre 
assez  rarement  dans  les  anciens  vêtements  sacerdotaux.  Et 
lorsque  l'ornementation  profane  y  apparaît,  elle  n'est 
composée,  alors,  qu'avec  des  emblèmes  héraldiques  qui  ne 
sauraient  remonter  au-delà  des  Croisades,  époque  où  Tart  et 
la  science  du  blason  prirent  naissance. 

Le  fond  de  l'étoffe  de  soie  tissée  d'or,  mais  non  brodée, 
est  d'une  richesse  inouïe.  Malgré  son  état  actuel  de  vétusté, 
on  peut  encore  en  deviner  la  couleur  rosée,  presque  éteinte 
il  est  vrai,  mais  que  certains  reflets  rose  cuivré  nous 
autorisent  à  qualifier  ainsi.  La  bande  centrale  montre,  il 
nous  semble,  deux  couleurs  dans  le  sens  de  sa  longueur. 
Tune  rosée,  l'autre  violâtre.  Et  c'est  sur  ces  couleurs  que 
se  détachent  les  dessins  en  filigranes  d'or. 

La  disposition  de  ces  dessins  est  aussi  originale  qu'ingé- 
nieuse. Sur  les  deux  faces  antérieure  et  postérieure,  et  de 
chaque  côté  de  la  bande  médiale,  sont  distribués  des 
compartiments  étages  en  chevrons. 


(1)  Le  «  pallium  >  des  évoques  se  divisait  en  deux  bandes  sur  les  épaules,  et  portait  de 
petites  croix. 

(a)  La  chasuble  de  Saint-Rainbert  a  été  classée  comme  monument  historique  par  un 
arrêté  da  Ministre  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux-Arts,  daté  du  3i  mai  1897. 


196  CriAPltRE   XI 

Au  milieu  de  ces  compartiments,  sont  alternées  et  dessinées 
avec  des  fils  d'or,  des  figures  de  lions  et  de  faucons  affrontés. 
Par  une  disposition  inévitable  de  l'étoffe,  le  revers  de  la 
chasuble  montre  les  dessins  dans  un  sens  horizontal,  tandis 
que  la  partie  antérieure  les  présente  sur  une  ligne  verticale  (i). 

La  grande  beauté  du  tissu  laisse  deviner  combien  était 
somptueux  le  vêtement  du  seigneur  d'Yzeron,  et  justifie 
avantageusement  l'hypothèse  de  la  générosité  et  la  piété  du 
comte  Guillaume,  qui  ne  craint  pas  de  se  dépouiller  d'un 
vêtement  de  grand  prix,  pour  en  envelopper  les  reliques  saintes 
des  bienheureux  Rambert  et  Domitien. 

En  insistant  sur  le  style  profane  de  la  superbe  étoffe  avec 
laquelle  a  été  confectionnée  notre  célèbre  chasuble,  nous 
devons  signaler  l'erreur  commise  par  quelques  savants,  à  la 
suite  de  M.  l'abbé  Boue  (2).  Ils  ont  cru  reconnaître  un  symbo- 
lisme chrétien  dans  les  animaux  décoratifs  de  cet  ornement  du 
XI*  siècle.  Notre  conviction  est  que,  n'ayant  eu  que  quelques 
instants  à  leur  disposition  l'œuvre  d'art  que  nous  avons  le 
bonheur  d'avoir  constamment  sous  les  yeux,  ils  n'ont  pu  en 
faire  qu'une  étude  vague  et  rapide.  Ils  ont  pris  pour  une 
colombe  ce  qui  en  réalité  est  un  faucon,  ou  tout  au  moins  un 
oiseau  de  proie  et  de  chasse  de  la  famille  du  faucon  (3).  Il  suffit 
d'ailleurs  pour  se  convaincre  du  fait,  d'observer  la  forme 
naturelle  de  la  colombe  et  de  la  comparer  avec  la  forme  de 
l'oiseau  dessiné  sur  notre  chasuble.  La  colombe  a  la  tête  ronde, 
les  yeux  petits  et  doux,  le  bec  long  et  terminé  en  pointe.  Le 
faucon,  au  contraire,  porte  une  tête  allongée  et  aplatie  au 
sommet;  son  bec  est  court,  fort,  crochu  ;  ses  yeux  grands  et 
farouches  ;  ses  pattes  ne  sont  point  délicates  et  inoffensives 

(i)  La  chasuble  est  donc  formée  de  deux  parties  que  la  bande  relie,  devant  et  derrière. 

(3)  M.  l'abbé  Bous  dans  sa  Notice  sur  une  chasuble  de  Saint-Rambert'Sur'Loire,  1844, 
page  14. 

<3)  Par  exemple  l'émerillon»  l'àpervier,  le  miiafl. 


LA   CHASUBLE  DE   SAINT-RAMBERT  I97 

comme  celles  de  la  colombe,  mais  fortes  et  armées  des  griffes 
qui  distinguent  les  oiseaux  de  proie. 

Du  reste,  que  le  lecteur  veuille  bien  prendre  la  peine 
d'étudier  le  tableau  comparatif  de  Tart  ancien  que  nous  lui 
donnons  (Fig.  3  i),  et  il  sera  vite  convaincu  que  notre  chasuble 
précieuse  est  chargée  de  faucons  affrontés.  Pour  quiconque 
a  quelques  notions  d'ornithologie,  il  n'y  a  pas  de  doute 
possible. 

Et,  si  Ton  retient  que  cette  belle  étoffe  était  fabriquée  pour 
vêtement  civil,  la  présence  d'un  faucon  comme  «  emblème 
spécial  de  personnes  nobles  »,  s'explique  tout  naturellement 
par  la  faveur  en  laquelle  les  seigneurs,  au  moyen  âge, 
tenaient  cet  oiseau  privilégié,  qu'ils  dressaient  pour  la 
chasse. 

€  Le  beau  faucon  d'Orient  prend  son  estre, 
€  Ayant  bec  court,  plume  subtile  et  forte  ; 
«  Pour  la  beauté  qu'en  son  corps  on  voit  estre, 
«  Dessus  le  poing  maintefoys  on  le  porte  ; 
«  Quand  il  combat  contre  la  grue  ou  Toye, 
«  Légier  au  vol,  courageux  à  la  proye, 
«  Toujours  se  monstre....  (i)  » 

Plus  encore,  si  avec  M.  de  Linas(2)nous  admettons  que  le 
tissu  de  notre  chasuble  est  un  tissu  oriental,  la  présence  du 
lion  et  du  faucon,  dont  le  symbolisme  est  aussi  celui  de  la 
religion  musulmane,  n'auront,  ici,  rien  qui  nous  surprenne. 

Le  Coran, il  est  vrai,  interdit  aux  Arabes  la  représentation 
de  la  figure  humaine  et  de  toute  autre  créature  animée,  et 
voilà  ce  qui  explique  l'art  prodigieux  avec  lequel  ils  se  sont 
exercés  à  composer  cette  admirable  ornementation  désignée 
sous  le  nom  d'arabesques.  Cependant,  on  trouve  chez  eux 
quelques  exemples  de  figures  animales,  sous  la  forme  bizarre 

(i)  Extrait  d'un  poème  du  xv«  siècle  publié  par  D.  M.  Méon,  dans  son  ouvrage  in-8*,8ur 
les  «  Blasons  et  Poésies  anciennes  ■.  Paris  1807. 

(s)  Voir  notre  note  de  la  page  183,  paragraphe  I. 


TABLEAU  COMPARATIF  DE  LART  ANCIEN 


A.,  B.  —  La  Colombe  et  le  Milan.  Fac-simit( 

C.  —  Ciboire  informe  de  colombe.  coBiciyi 

D.  —  Perroquet.  Tir*  d'un*  ornementation  a 

E.  —  ColofHlie  tuiharisliqut,  conservée  a  S> 

F.  —  Figure  d'aigle  du  suaire  de  Saial~Uei 

G.  H.  —  le  Lion  et  le  Faucon,  Fraotnenli 

Ui-  iiicle). 


atifs  de  la  chasuble  de  Salai-Rtmbcn 


LA  CHASUBLE    DE  SAINT-RAMBERT  100 

d*ua  assemblage  de  caractères,  dont  le  symbolisme  religieux 
se  révèle  et  se  traduit  en  invocations^  en  devises  ou  en 
sentences. 

C'est  ainsi  que  le  faucon  si  apprécié  des  Orientaux,  pour 
la  chasse,  a  été  trouvé  en  figure  calligraphique  composée 
avec  les  lettres  arabes,  formant  le  texte  de  l'invocation 
musulmane  :  —  «  Bism,  illah  el-rahman  el*rahim  »•  —  Au 
nom  de  Dieu  clément  et  miséricordieux  (i). 

«  Les  Arabes,  pour  justifier  leur  dévotion  à  cette  formule, 
«  rapportent  que  lorsqu'elle  descendit  pour  la  première  fois 
ff  du  ciel,  toute  la  nature  fut  attentive,  que  les  anges  rebelles 
«  quittèrent  le  ciel,  et  que  l'Eternel  jura  dans  sa  toute- 
«  puissance  que,  quiconque  répéterait  ces  paroles  serait 
«  heureux  en  cette  vie  et  en  l'autre...  (2)  » 

Le  lion  apparaît  aussi,  d'après  une  légende  arabe,  comme 
étant  l'image  du  Kalife  Ali-Açad-Allah  (Lion  de  Dieu),  le 
gendre  présumé  et  le  quatrième  successeur  de  Mahomet,  que 
ses  anciens  coreligionnaires  croyaient  avoir  été  destiné,  par 
Dieu,  pour  prêcher  l'islamisme. 

Mais  il  y  a  mieux  encore,  et  c'est  sur  la  riche  bande  qui 
orne  notre  chasuble  qu'il  faut,  au  milieu  d'entrelacs  aussi 
élégants  que  variés,  chercher  le  sens  énigmatique  caché  dans 
la  suite  des  caractères  arabes  qu'elle  renferme.  Ces  caractères 
qu'on  peut  voir  au  n""  i  de  la  Fig.  32  avaient,  jusqu'à  ce 
jour,  échappé  à  l'examen  de  la  plupart  de  ceux  qui  ont  eu  la 
bonne  fortune  de  voir  de  près  notre  remarquable  chasuble, 
et  n'en  ont  fait  qu'une  étude  sommaire  (3).  Mais  nous 
qui  avons  ce  précieux  objet  à  notre  disposition,  nous  en  avons 


(i)  Voir  It  F16. 33,  n*'  3  et  4.  Si  lei  Arabes  représentent  les  criât  ares  animées  sous  forme 
de  signes  ou  d'inscriptions,  c'est  pour  se  conformer  aux  lois  du  Coran. 

(2)  Extrait  d'un  article  du  Magasin  pittoresque. 

(3)  Le  Congrès  Archéologique  de  France  reconnaissait,  en  i885|  des  caractères  d'appa- 
rence arabe,  sur  notre  cl)asuble* 


La  bindc  longiludinBU  dcl'i 


-  iDKriplioa  inbe. 
Touloqu:  teïti 
parfaite.  D'à  prit 


un  titsu  du  m*  siècle,  diDs  le  tréior  de  Saint-SernÏD,  ï 
traduclion  :  ELBARAKA-T-EL-K AMILA  -  Bénédiction 
>[  CxvuoiiT iAUcidaire  •TArcMalogii.  pageSes). 


Ali.  nommé  AÇAI)-ALT,AH,  ou  Lion  de  Dieu,  composée 
■  Intoque  Ali,  objei  des  plus  grandes  merreillit;  tu  le 
les  malheurs.  Oui,  tous  les  maui  cl  loules  les  peinnacroni 
la  prophéiic,  à  MOHAMMED  !  ainsi  que  par  ta  puitsante 
.11 
,  3.  4,  extraits  da  Magasin  Pillores^ue,  1847,  page  157.) 


LA  CHASUBLE   DE   SAINT-RAMBERT  201 

étudié,  scrupuleusement  pendant  de  longues  heures,  et  les  fils 
de  soie  et  d'or  qui  en  composent  le  tissu,  et  l'ordonnance  du 
décor,  et  le  détail  de  l'ornementation,  et  le  sens  des  énigmes 
que  cache  la  disposition  de  son  admirable  dessin.  C'est 
pourquoi,  nous  nous  faisons  un  devoir  de  les  signaler  aux 
savants  orientalistes,  tout  en  leur  laissant  le  soin  d'en  faire 
l'intéressante  traduction  (Voir  aux  piècesjustificativesn®  ibbis). 

Nous  le  répétons,  la  bande  médiate  qui  divise  en  deux 
parties  égales,  du  haut  en  bas,  et  sur  les  deux  faces  antérieure 
et  postérieure,  la  chasuble  de  Saint-Rambert,  montre 
deux  inscriptions  ;  or  ces  inscriptions,  par  une  singulière 
combinaison  familière  aux  artistes  arabes,  ne  sont,  selon 
toute  probabilité,  autre  chose  que  des  sentences  ou  invo- 
cations religieuses,  à  Tinstar  de  celle  dont  nous  donnons 
le  dessin,  au  w®  2  de  la  figure  32.  Ces  inscriptions  se 
reproduisent  tour  à  tour,  par  inversion  et  régulièrement  en 
face,  au  regard  de  chaque  compartiment  sur  les  deux  côtés 
de  la  largeur,  et  dans  toute  la  longueur  de  la  bande.  La 
forme  spéciale  des  caractères  disposés,  séparément,  dans 
chacun  des  compartiments  formés  par  les  entrelacs  est  à 
remarquer,  surtout  si  l'on  se  rappelle  l'habitude  des  Arabes 
de  modifier  quelquefois  leur  alphabet,  de  façon  à  le  rendre 
mystérieux,  et  à  voiler  ainsi  le  sens  de  leur  écriture. 

D'ailleurs,  nous  terons  observer  que  nous  sommes  appa- 
remment en  présence  d'une  inscription  sarrasine,  dont  les 
caractères  et  le  sens  se  rapportent,  peut-être,  à  un  idiome 
oublié  aujourd'hui. 

En  effet,  il  paraît  évident  qu'il  faut  rapporter  aux  Sarrasins 
la  fabrication  de  la  précieuse  étoffe  de  la  chasuble  de 
Saint-Rambert  (i).    Son  tissu,  son  décor,  rappellent  abso- 


(i)  Les  collections  du  musée  de  Clany,  toujours  intéressantes  à  consulter,  renferment  de 
remarquables  spécimens  de  tissus  fabriqués  par  les  Sarrasins.  Nous  pensons  intéresser  le 
lecteur  en  lui  citant,  d'après  le  catalogue,  quelques  exemples  curieux  : 

«  Tissa  de  soie  à  deux  taccs,  exécuté  soit  en  Sicile,  soit  en   Kspagne.  par  la  main  des 


202  CHAPITRE   XI 

lument  Tart  mauresque  que  les  Arabes  immortalisèrent,  après 
la  conquête  d'Espagne,  dans  ces  admirables  mosquées  qui 
font,  aujourd'hui  encore,  l'objet  de  notre  étonnement.  C'est  à 
la  suite  de  leur  invasion  dans  le  reste  de  l'Europe,  vers  le 
vil"  siècle,  que  les  Sarrasins  paraissent  avoir  abandonné 
l'industrie  textile,  que  la  Sicile  propagea  à  son  tour  jusqu'au 
XIII*  siècle. 

La  réputation  des  riches  tissUs  fabriqués  autrefois  à 
Palerme,  nous  rappelle  encore  aujourd'hui  toutes  les 
merveilles  de  cette  industrie  célèbre,  où  l'art  arabe  s'épanouit 
dans  toute  sa  traditionnelle  splendeur,  art  merveilleux  que 
l'Italie  avec  ses  beaux  draps  de  Lucques,  et  Venise  avec  ses 
draps  d'or,  égalèrent  peut-être,  mais  ne  surpassèrent  jamais. 


IV 

LA  c  PÉNULE  »  ANTIQUE  DES  LAÏQUES 

SERVIT  DE   MOoàLE  AIT  XI*  SIECLE 
POUR   CONFECTIONNER  LA  CHASUBLE   ACTUELLE   DITE  «  DE    SAINT-RAMBERT  B 

La  a  pénule  »  dans  sa  forme  première  était  celle  d'un 
manteau  entièrement  fermé  et  allongé,  devant  et  derrière,  par 
une  légère  pointe,  avons-nous  dit  au  paragraphe  III  de  ce 


Sarrasins.  Ouvrage  du  xiii*  siècle  formant  un  damier  dont  les  cases  sont  décorées 
d'animaux  chimériques  et  d'ornements  divers.  » 

■  Tissu  de  lin,  brodé  en  soies  de  couleurs,  provenant  de  l'abbaye  de  Saint-Martin-du- 
Canigou,  et  reproduisant  des  caractères  arabes.  • 

«  Tissu  de  soie,  d'origine  orientale orné  de  lettres,  d'entrelacs  et  d'ornements 

courants  à  double  face.  » 

«  Tissu  de  soie  d'origine  sarrasine,  fabriqué  en  Sicile  et  probablement  à  Palerme,  au 
xiit*  siècle,  et  décoré  de  médaillons  et  de  perroquets  en  couleurs.  » 

m  Tissu  de  soie,  industrie  sarrasine  des  fabriques  de  Sicile  à  la  fin  du  xiii*  siècle.  La 
bordure  la  plus  large  présente  des  chiens  et  des  cygnes,  comme  motif  principal  d'orne- 
mentation. » 

c  Tissu    de   soie   couvert    d'arabesques  et   d'animaux avec   bordure  ornée  de 

médaillons  et  d'inscriptions  dans  le  caractère  arabe.  Ouvrage  de  l'industrie  sarrasine  du 
XIII*  au  XIV*  siècle.  • 

«  Tissu  de  soie  d'origine  sarrasine,  fabriqué  à  Palerme  au  xvn  siècle  ;  figures  de  femmes 
relevées  d'or,  lions  et  palmiers.  « 


LA   CHASUBLE   DE    SAINT-RAMBERT  2o3 

chapitre.  Elle  ne  comportait  qu'une  ouverture  supérieure 
suffisamment  grande  pour  laisser  passer  la  tête.  Tertullien  (i) 
attribue  aux  Lacédémoniens  l'origine  de  ce  vêtement,  dont 
l'emploi  était  spécialement  réservé  contre  les  rigueurs  de 
l'hiver. 

Les  Gaulois  connaissaient  la  «  pénule  »  ;  ils  en  mo- 
difièrent un  peu  la  forme  et  l'appelèrent  d'un  autre 
nom  (2).  Les  Romains  en  l'adoptant  sous  les  noms  de 
«  penula  »  ou  «  penola  »,  lui  conservèrent  sa  forme 
première. 

Saint  Pierre  et  saint  Paul  étaient  ordinairement  vêtus 
de  la  «  pénule  »,  dans  leurs  nombreux  voyages.  Faite 
avec  une  laine  grossière,  elle  était  quelquefois  en  cuir 
«  scortea  »  (3). 

Ce  ne  fut  que  sous  le  règne  de  Dioclétien  qu'elle  se 
répandit  dans  toutes  les  hautes  classes  de  la  société,  et 
devint  un  vêtement  de  distinction  (4).  Ce  vêtement,  très 
en  faveur  dans  la  société  civile  de  Rome,  fut  cependant 
accepté  par  les  clercs  ecclésiastiques  et  devint  bientôt,  ainsi 
que  nous  allons  le  voir,  le  principe  fondamental  de  la 
première  chasuble. 

La  pénule  antique  des  laïques,  mise  au  service  des  clercs, 

(I)  Apolog.  VI. 

(3)  Ils  faisaient  ainsi,  pour  la  plupart  des  vêtements  de  ce  genre,  à  leur  usage. 

(3)  Ce  qui  la  rendait  très  lourde,  et  en  fit  défendre  l'usage  aux  femmes,  par  Sévère 
Alexandre.  (Lampride.) 

(4)  Décorée  avec  beaucoup  de  magnificence,  ses  proportions  devinrent  plus  amples,  ce 
qui  la  fit  appeler  «  planète  »  parce  que,  descendant  jusqu'aux  pieds,  elle  enveloppait 
complètement  celui  qui  s'en  revêtait.  C'est  dans  cette  disposition  nouvelle  que  les  sénateurs 
l'acceptèrent,  de  préférence  à  la  toge.  Exemple  que  les  autres  Romains  «'empressèrent 
bientôt  de  suivre,  en  l'ornant  de  riches  broderies.  Par  une  loi  de  Gratien,  Valentinien  et 
Théodose  (383),  son  usage  fut  reconnu  aux  chefs  militaires.  «  Mais  en  même  temps»  cette  loi 
«  dispose  qu'à  celles  des  sénateurs  seront  cousues  des  bandes  de  pourpre.  Il  paraît  que,  pour 
<  plus  grande  commodité,  on  y  pratiqua,  à  une  certaine  époque*  deux  ouvertures  latérales 
«  pour  passer  les  bras.  »  (Abbé  Maaticny.  Dict.  des  Antiq.  chrét.,  p.  537.)  Ce  détail  a  été 
observé  sur  deux  statues  antiques  du  Capitole  et  de  la  villa  Borghèse. 


204 


CHAPITRE  XI 


a  toujours  été  regardée  comme  l'origine  de   la  chasuble 

primitive  (i). 
La  chasuble  primitive,  en  effet,  d'après  tous  les  liturgistes 
qui  se  sont  occupés  des  vêtements  sa- 
cerdotaux, était  fermée  de  toutes  parts, 
ne  comportait,  à  l'instar  de  la  pénule, 
qu'une  ouverture  dans  sa  partie  supé- 
rieure, assez  grande  pour  que  la  tête 
du  prêtre  y  pût  passer  facilement,  et 
retombait  jusqu'à  terre  tout  autour  de 
lui. 

La  forme  toute  spéciale  de  la 
chasuble  primitive  (Fm.  33),  de  ne 
comporter  qu'une  ouverture  et  d'en- 
velopper le  prêtre,  la  fit  appeler 
«  casula  »,  parce  que,  suivant  l'opi- 
nion de  saint  Isidore  de  Séville,  elle 
était  l'image  d'une  petite  maison  dans 
laquelle  était  enfermé  le  prêtre  qui  la 
revêtait  (a). 
SAINT  LÉcGR  On  t'appela  aussi  «  planète  »,  parce 

'^  h  ''^"''°*î  •  -       que  ses  bords  flottaient  librement  autour 
du  prêtre  {3). 

La    chasuble     remonte    à    une    très 
haute  antiquité,  et  avec  plusieurs  graves 


c  Hoh«mbourg. 

le  saint  Ugtr. 
PP.  Ben«diclins 


lé  :  De  sacris  ordin, 
iublcs.  Il  qu'elle*  ne 
"  mage»,  el  enire 


s.  T>cil( 


I.  pluie, 


ur.  (BouÉ. 


eioqueniiic  penui»  mas,  quiDUt  aasincii  ei  veiuu  inciusi  cum  ludicibus  fabu 
Notice  SUT  une  chasuble,  1S44,  p.  5.) 
(il  Casula  quasi  minor  caaa,  eo  quod  lotuni  hominem  légal.  {Uv.  des  Origines,  XIX, 


13)  P 
XIX,  chap.XXlV.) 


B  dicta  quod 


r.  Saiat  Isidore,  Lly.  des  Origine 


LA  CHASUBLE  DE   SAINT-RAMBERT  2o5 

écrivains  (i),  nous  ne  craignons  pas  d'avancer  que  ce 
vêtement  est  apostolique,  et  que  les  apôtres,  par  respect 
pour  l'auguste  sacrifice  eucharistique,  à  l'exemple  des 
prêtres  juifs,  se  servirent  de  vêtements  particuliers  et 
consacrés  spécialement  à  l'usage  de  la  célébration  des  saints 
mystères  (2). 

Nous  savons  que  saint  Jean,  saint  Jacques  le  Mineur  et 
saint  Marc,  afin  d'inspirer  aux  chrétiens  plus  de  respect  pour 
le  grand  sacrifice  de  la  nouvelle  loi,  portaient  sur  le  front  une 
lame  d'or,  qu'ils  avaient  empruntée  aux  grands -prêtres 
juifs.  Mais  alors,  on  peut  croire  que,  pour  le  même  motif, 
les  apôtres  adoptèrent  des  vêtements  sacrés.  Aussi  bien,  les 
auteurs  par  nous  cités,  pensent-ils  que  la  chasuble  primitive 
n'est  autre  que  la  pénule  laissée  par  l'apôtre  saint  Paul  à 
Troade  chez  Carpus,  et  qu'il  écrivait  à  son  cher  disciple 
Timothée  de  lui  apporter  avec  quelques  livres  (3).  C'e^ 
l'opinion  de  Ferrari  (4).  Du  reste,  il  semble  tout  naturel  que 
les  successeurs  des  apôtres,  par  respect  pour  l'Apôtre  des 
nations,  aient  voulu  adopter  sa  pénule  comme  modèle  de 
celles  dont  ils  se  servaient  pour  l'oblation  du  sacrifice.  Le 
savant  Buonarrotus  s'exprime  ainsi  à  propos  de  fragments 
de  verre  représentant  les  saints  apôtres  Pierre  et  Paul  et  saint 
Laurent  vêtus  de  chasubles  :  «  Les  planètes  ecclésiastiques 
ont  tiré  leur  origine  des  pénules  romaines  (5).  » 


(i)  Barooios,  Anno  Chriiti,  58,  ham.  67.  —  Ferrariat.  De  re  vesriarift,  lib.  I,  cap.  IL  — 
Rabanus  Maanis.  De  Institatione  cler,  lib.  I,cap.  H.  —  Bona,  Rerum  liturg.Aib.l,  cap.  XXIV, 
t.  a.  p.  935. 

(a)  La  liturgie  de  saint  Jean  Chrysostôme  prescrit  les  prières  que  doit  réciter  le  prêtre  qui 
revêt  les  «  habits  sacerdotaux  >».  Saint  Jérdme  assure  que  l'Eglise  a  des  Têtenieau  spéciauk 
pour  les  cérémonies  religieuses  :  Religio  divina  atterum  habitum  habet  in  ministerio  altenim 
in  nafi  vitftque  communi.  Sur  Ezéchiel,  44* 

(3)  Deuxième  épit.  à  Timothée,  chap.  III.  v.  i3. 

(4)  Sed  postquam  non  una  penulse  imago  in  manu  s  venit,  mntare  opinionem  cogimiir, 
▼estemque  sacrificantium  penulam  fuisse  fatemur. 

(5)  Planetas  ecclcsiasticas,  scu  casolas  originem  habuisse  ab  his  nobitibus  penulis. 
(BoMA,  inf.,  t.  a,  p.  a37«) 


Nous  n'avons  pas  des  représentations  de  chasuble  des 
II*  et  m*  siècles.  Au  iv'  siècle,  on  la  voit  dessinée  dans  les 
mosaïques  de  Sainl-Jean-de-Latran.  Ces  mosaïques,  relevées 
parCiampinus  dans  ses  n  Edifices  sacrés  bâtis  par  Cons- 
tantin »,  nous  montrent,  dans  la  scène  du  sacre  de  l'empereur 

chrétien,    un 
évêque   cou  - 
,  vert  d'un  vê- 

tement qui 
l'enveloppe 
tout  entier,  et 
dont  il  relève 
l'extrémitéin- 
férieure,  pour 
pouvoir  por- 
ter une  croix 
qu'il  tient  éle- 
vée. Ce  vête- 
ment ne  peut 

"■  être  que  iapé- 

^  ""■  ^*  g  nule  romaine 

ou  chasuble 

A  —  Saint  Maxlmiea,  «Ttqoc,  rcvtni  de  1i  •  caiula  ■  (cbuabli      anri 

prlmitiït).  Sur  uae  moulqtie  du  vi-  ilèclc,  1  S«int-Viui,  de      «""qUC- 
lUvcnDC.  Dtprèi  Dominiqu.  P.ptly.  j^y    y.    gj^, 

•c  la  chasuNt  primilire.  Tiret     -l-     l,  rhasu- 

itaut  Birbcrini.  ' 

ble  est  nom- 
mée, dans  les  objets  légués  à  son  Eglise,  par  saint  Per- 
petuus,  évêque  de  Tours  (474).  Comme  vêtement  sacré, 
la  chasuble  reçut  des  embellissements  spéciaux,  mais 
ne  perdit  rien  de  son  caractère  dîstinctif.  Elle  conserva, 
pendant  longtemps,  sa  vaste  ampleur  et  devint  «  lalarîs  » 
par  les  deux  pointes  qui  descendaient  devant  et  derrière, 
jusqu'aux  pieds.  Cette  forme  était  encore  celle  des  cha- 
subles  du   vi'    siècle,   ainsi    qu'en   témoigne    une    célèbre 


La  chasuble  dk  saint-rambert  20^ 

mosaïque  de  saint  Apollinaire,    de  Ravenne,   publiée  par 
Ciampinus  (i). 

Nous  donnons  la  figure  de  saint  Maximien  vêtu  de  la 
chasuble  primitive.  Cette  figure  est  tirée  de  l'une  des 
deux  précieuses  mosaïques  du  vi*  siècle  de  l'église  Saint- 
Vital,  de  Ravenne.  Cette  curieuse  mosaïque  représente 
l'empereur  Justinien,  accompagné  du  saint  évêque,  précédés 
de  prêtres  chargés  de  riches  présents,  et  suivis  par  un 
cortège  de  guerriers,  procédant  à  la  dédicace  de  cette  antique 
basilique. 

Au  x'  et  au  xi*  siècle,  les  chasubles,  sauf  de  très  rares 
exceptions  (2),  gardaient  encore  leur  forme  primitive,  et  c'est 
sur  cette  forme  respectable  que  fut  coupée  notre  précieuse 
chasuble  de  saint  Rambert,  vers  la  fin  du  xi*  siècle.  La 
monographie  que  nous  avons  faite  de  ce  remarquable  vête- 
ment sacré  est  une  preuve  irréfutable  de  ce  que  nous 
affirmons.  Les  chasubles  primitives  ne  se  retrouvent  plus  que 
dans  les  représentations  qui  en  ont  été  faites  d'après  des 
monuments  conservés.  Mais  il  existe  encore  un  certain 
nombre  de  chasubles  célèbres  autant  par  leur  antiquité  que 
par  la  richesse  de  leur  décor,  qui  avec  celle  de  Saint«Ramben 
sont  dignes  d'admiration  (3). 

(I)  Vet.  mon.  Il.tab.  XXIV. 

•• 

(a)  La  chaiable  du  Pape  Jean  XII  en  956,  gravée  par  Ciampinus,  est  écbancrée.  —  De 
sacris  œdificiis,  7*  planche. 

(3)  Au  nombre  des  rares  spécimens  qui  se  soient  conserrés  jusqu'à  ce  jour,  on  peut 
compter  la  chasuble  de  saint  Pierre,  martyr,  conservée  dans  la  basilique  de  Saint-Satumin 
à  Toulouse,  et  dont  l'étoffe  se  fait  remarquer  par  son  extrême  simplicité.  Dans  la  même 
basilique  en  est  conservée  une  autre,  que  l'on  attribue  à  saint  Dominique,  mais  que  les 
PP.  Cahier  et  Martin,  qui  l'ont  examinée,  estiment  être  postérieure  au  xiir  siècle,  et  dont 
le  tissu  passe,  cependant,  pour  avoir  été  fabriqué  en  Orient. 

La  curieuse  chasuble  de  Thomas  Becquet  (saint  Thomas  de  Cantorbéry),  conservée  à  Sens. 
Bordée  sur  tout  son  pourtour,  elle  présente  à  la  partie  inférieure  et  dans  le  haut  de  sa  face 
principale,  un  assemblage  symétrique  de  galons  qu'il  serait  assez  difficile  de  prendre  pour 
une  iigure  du  pallium.  L'ouverture  pour  passer  la  tète  est  entourée,  sur  les  épaules  et  sur 
la  poitrine  principalement,  d'une  riche  décoration  d'entrelacs,  limitée  par  le  croisement 
des  galons  précités. 

Le  savant  Hclgaud  rappelle  le  don  iait  à  saint  Martin  de  Tours  par  Adélaïde  de  Guyenne, 
mère  du  roi  Robert,  d'une  chasuble  «  travaillée  d'un  or  très  pur  »  et  dont  la  décoration 


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fA   CHASUBLE   DE   SAINT-RAMBERT  209 

La  chasuble  conserva  son  ancienne  forme  — qui  du  reste  en 
justifiait  exactement  l'étymologie  —  jusqu'à  la  fin  du  xv*  siècle, 
et  même  jusqu'au  xvi©  siècle.  Alors,  on  en  échancra  les  deux 
extrémités  latérales,  afin  qu'elles  laissassent  passer  plus 
facilement  les  bras.  Peu  à  peu,  l'échancrure,  sous  les  bras, 
est  devenue  tellement  considérable,  que  la  chasuble  en  nos 
temps,  n'est  plus  qu'un  composé  de  deux  pièces.  Tune 
devant,  l'autre  derrière,  donnant  exactement  la  silhouette  de 
l'instrument  à  cordes  appelé  «  violoncelle  »  (i). 

» 

Malgré  cette  malheureuse  transformation,  où  la  commodité 
l'a  emporté  sur  le  bon  goût,  il  existe  cependant  quelques 
beaux  modèles  du  genre. 

Au  château  de  Carrouge  (Orne),  on  conserve  une  chasuble, 
de  forme  moderne,  qui  passe  pour  être  un  don  fait  à  la 
chapelle,  par  Louis  XI,  lors  du  séjour  qu'il  y  fit  en  1473. 


représentait^  sur  le  dos,  le  Père  éternel  dans  la  gloire,  entouré  d'anges  et  de  séraphins  en 
adoration;  et  sur  la  poitrine,  l'Agneaa  de  Diea,  victime  de  notre  Rédemption.  La  même 
princesse  fit  également  à  saint  Denis,  son  protecteur,  une  chasuble  semblable,  d'un  travail 
admirable. 

Enfin,  voici  la  très  curieuse  chasuble  du  xiii«  siècle,  donnée  par  saint  Louis  au  bienheureux 
Thomas  Hélie, de  Biville  (Manche),  mort  en  odeur  de  sainteté  en  1253.  Le  dessin  de  ce 
remarquable  vêtement  sacerdotal,  publié  par  M.  de  Caumont,  d'après  M.  Pabbé  Boue, 
laisse  deviner  tout  l'intérêt  historique  et  archéologique  qu'il  présente.  Dans  sa  forme 
générale  c'est  encore  la  chasuble  primitive;  mais  avec  cette  curieuse  particularité,  que  sa 
coupe  est  rectifiée  sur  les  côtés,  en  s'arrondissant  plus  haut,  pour  la  commodité  du 
mouvement  des  bras.  Ses  deux  pointes  extrêmes  sont  arrondies  et,  détail  intéressant,  elles 
paraissent  avoir  été  prolongées,  par  une  addition  postérieure  d'une  étoffe  semblable,  mais 
de  couleurs  plus  vives.  Doit-on  y  reconnaître  l'effet  d'une  réparation  ultérieure,  ou  un 
simple  ajoutage  rendu  nécessaire  k  l'époque  de  sa  confection,  par  la  largeur  insuffisante  de 
l'étoffe  employée  ?  La  régularité  du  travail  et  le  raccord  parfait  du  dessin,  dans  cette  partie- 
là,  autorisent  facilement  un  doute. 

Le  tissu  infiniment  remarquable,  est  généralement  composé  de  soie  et  de  fils  d'or,  sur 
lequel  s'étale  régulièrement,  dans  la  disposition  d'un  damier  divisé  en  losanges,  une 
variété  de  figures  héraldiques  révélant  assez  bien  son  illustre  donateur.  Et,  bien  que  les 
conleors  en  soient  généralement  éteintes,  il  est  facile  de  reconnaître  sur  un  fond,  apparemment 
rouge,  les  armes  de  France,  figurées  par  la  fleur  de  lys  traditionnelle,  et  celles  de  Blanche 
de  Castille,  mère  de  saint  Louis,  par  un  groupe  de  trois  tours  crénelées.  Ces  emblèmes  sont 
alternés  par  une  autre  ligne,  où  dans  le  champ  de  sinople  des  losanges,  apparaissent  le 
lion  héraldique  du  royaume  de  Léon,  uni  à  la  Castille,  par  la  famille  de  la  reine  Blanche,  et 
dans  un  losange  contigu,  au  champ  également  de  sinople,  l'aigle  simple  de  sable^  aux 
ailes  éployées,  de  la  Maison  de  Maurienne,  dont  était  issue  Marguerite  de  Provence, 
femme  de  saint  Louis.  —  Dict.  des  Aniiq.  chrét.,  passim, 

(i)  En  France,  le  diocèse  de  Moulins  a  conservé,  dans  ses  églises,  l'ancienne  forme  de  la 
chasuble. 


210  CHAPITRE   XI 

D'une  rare  beauté,  ce  vêtement  sacerdotal  présente  un 
magnifique  décor,  fait  de  larges  fleurons  alternés  avec  des 
blasons  de  gueules  chargés 
de  fleurs  de  lys,  d'argent 
sans  nombre,  surun  fond  de 
soie  verte. 

Sur  les  deux  faces  de  celte 
merveilleuse  chasuble,  une 
large  bande  de  soie  rouge 
avec  fleurs  de  lys  d'argent, 
vient  encore  en  forme  de 
croix,  sur  la  partie  dorsale, 
s'enrichir  d'une  chaîne  d'an- 
neaux réguliers,  formés  avec 
des  rubans  bleus  et  violets, 
portant  cette  devise  :  Dieu  et 
mon  droit. 

C'est  la  devise  ordinaire 
des  armes  royales  d'Angle- 
terre. Il  y  a  plus  :  ce  riche 
décor  montre  entre  chacun 
des  anneaux  deux  couronnes, 
l'une  royale,  l'autre  épïsco- 
pale,  séparées  par  une  lettre 
initiale  gothique ,  du  plus 
bel  effet.  Enfin,  dans  chacun 

D'Bprti  an  niiniiïcrit  des  Céleiiins  ^^S  aUUeaUX    et  en  fort  fclief, 

rayonne  un  soleil  d'or  et 
d'argent  alterné,  comme  pour  rehausser  la  splendeur  de 
l'rtuvre  entière  (i). 

(il  OUt.  dttAittiq.ekrit.,paisim. 


CHAPITRE  XII 


LES 


CHASSES  ET  RELIQ^UAIRES 


DE 


L'ÉGLISE  SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 


SECTION    PREMIERE   :    LES   CHASSES 


I    1 

MODE  DE  SÉPULTURE  DANS   L'ANTIQUITÉ 

La  châsse  est,  sans  contredit,  le  plus  ancien  reliquaire  que 
nous  ait  légué  le  christianisme.  Son  antiquité  se  confond 
avec  celle  du  tombeau  des  premiers  martyrs  ;  et,  partant, 
avec  l'origine  du  premier  autel  chrétien. 

Pour  le  démontrer,  nous  pourrions  en  appeler  au 
témoignage  d'autorités  graves,  et  bien  connues  dans  le 
monde  des  savants.  Mais  notre  but  n'est  point  de  faire,  ici, 
un  traité  d'archéologie  sacrée.  Nous  voulons  simplement 
offrir  au  lecteur  l'historique  abrégé  des  châsses  et  des  reli- 
quaires en  général,  afin  de  lui  rendre  plus  attrayante  et  plus 


212  CHAPITRE   XII 

compréhensible,  la  monographie  des  châsses  et   des  reli- 
quaires de  notre  église. 

L'antiquité,  expliquée  par  ses  coutumes  primitives,  va 
nous  fournir  la  base  dont  nous  avons  besoin  pour  asseoir 
solidement  notre  argumentation. 

Nous  sommes  à  une  époque  où  les  sciences  semblent  ne 
plus  avoir  de  mystères  pour  l'esprit  humain,  travaillé  par  la 
fièvre  de  connaître  les  hommes  et  les  choses  du  passé.  Et 
Tarchéologie,  qui  s'est  donné  la  mission  de  tirer  de  l'oubli 
les  anciens  peuples,  descend  jusque  dans  leurs  tombeaux 
pour  y  découvrir  les  secrets  de  leur  existence. 

C*est  là,  du  reste,  disent  les  archéologues,  que  se  trouve 
le  champ  fécond  en  nouveautés  et  en  surprises.  En  effet, 
grâce  à  leurs  recherches  patientes,  le  fait  de  l'incinération 
des  cadavres  sur  un  bûcher  (rogus)^  et  de  la  déposition 
de  leurs  cendres  dans  des  urnes  funéraires,  par  les  peuples 
anciens,  est  passé,  aujourd'hui,  dans  le  domaine  de  la 
vérité  (i). 

Toutefois,  un  autre  fait  dont  les  travaux  de  nos 
archéologues  ont  établi,  aussi,  la  vérité  non  moins  incontes- 
table, c'est  celui  de  l'inhumation  naturelle,  dans  le  sol  ou 
dans  les  latomies  (2).  Cette  coutume  paraît,  même,  avoir  été 
très  répandue  chez  les  anciens. 

De  bien  curieux  sarcophages  (3),  en  métal,  en  marbre, 
en  pierre,  en  terre  cuite,  et  même  en  bois  travaillé  avec 
art,  mis  au  jour  par  des  fouilles  intelligentes  ont  déjà,  et 
depuis  longtemps,  fixé  la  science  sur  ce  dernier  mode  de 


(i)  Cet  usage  païen  fut  pratiqué,  généralement, par  les  peuples  anciens,  et  continué  par  les 
Celtes  et  les  Romains. 

(3)  Latomies.  Chez  les  Anciens,  carrières  où  l'on  enfermait  des  prisonniers.  Chambres 
sépulcrales. 

(3)  Sarcophagus.  Du  grec  aap^,  chair,  et  forjfclv,  dérorer;  parce  que  l'on  faisait  les 
cercueils  en  pierre  assienne  (Assos,  ville  de  la  Troade),  qui  avait  la  propriété  de  consumer 
en  quarante  jours  le  corps,  sauf  les  dents.  (D'  Louis  Batissier.  Eléments  d^ Archéologie 
nationale,) 


LES   CHASSES    ET   RELIQUAIRES  2l3 

sépulture.  On  sait  aussi  que  les  hypogées  (i),  les  nécropoles, 
voire  même  les  pyramides  de  TEgypte  ont  livré,  tour  à  tour, 
aux  investigations  de  savants  français,  avec  les  dépouilles  des 
anciens  Pharaons,  de  surprenantes  richesses  funéraires  (2)  : 
des  sarcophages  de  granit  et  de  basalte,  de  grands  cercueils, 
en  bois,  peints  et  dorés,  d'une  rare  beauté,  couverts  d'ins- 
criptions sous  la  forme  de  sentences  ou  d'invocations,  se 
rapportant  à  l'immortalité  de  Tâme  (3).  L'Assyrie  et  la 
Chaldée  nous  ont  laissé  leurs  grands  cercueils  de  plomb, 
ornés  de  palmettes,  et  de  bas-reliefs  d'une  élégante 
conception. 

La  Rome  antique,  qui  voulait  arracher  àToubli  la  mémoire 
de  ses  opulents  Césars,  de  ses  nobles  patriciens,  abandonna 
l'incinération  de  leurs  dépouilles  mortelles,  pour  l'inhumation 
naturelle  dans  le  sol.  Mais,  alors,  pour  que  la  corruption  du 
tombeau  ne  vînt,  en  aucune  manière,  ternir  l'auréole  de 
gloire  de  ses  héros,  elle  demandait  aux  pratiques  sacrées  des 
embaumeurs,  le  secret  de  perpétuer,  dans  de  magnifiques 
sarcophages  de  marbre,  et  leurs  corps  et  leur  renommée. 

Et  lorsque  l'empire  romain  fut  tombé,  victime  de  sa 
cruauté  et  de  sa  corruption,  lorsque  l'Eglise  de  Jésus-Christ 
eut  grandi  sur  les  ruines  du  paganisme  persécuteur,  les 
premiers  chrétiens  ne  trouvant  plus  de  terre  libre,  au  dehors, 

(i)  Hypogée,  construction  sous  terre,  où  les  anciens  déposaient  leurs  morts. 

(2)  Ces  tombeaux  recelaient  parfois  de  gracieuses  petites  nacelles,  montées  par  dea 
rameurs.  La  signification  de  ces  nacelles  a  été,  depuis  longtemps,  cherchée.  Sur  la  foi  de 
vieux  auteurs,  nous  pouvons  dire  cependant,  que  les  anciens  Egyptiens  les  considéraient 
comme  l'emblème  de  la  mort,  par  une  analogie  de  service.  «  La  mort,  en  effet,  est  la  barque 
qui  nous  passe  où  nous  devons  arriver.  •  Exemple  :  la  célèbre  petite  barque  en  or  massif 
trouvée  dans  le  riche  tombeau  de  la  reine  Aah-Hotep,  femme  du  dernier  Pharaon  de  la 
xTii*  dynastie. 

(3)  Au  commencement  de  la  République,  les  Romains  (Pline,  H.  N.  7,  ch.  54.  Vid.  X, 
phil.  Pert.init.)  enterraient  les  morts,  quoique  cela  ne  se  fît  pas  toujours  ;  puisque  nous 
lisons  que  Ton  brûlait  les  cadavres  dès  l'an  253.  (Lion.  Hal.  3,  c.  47-)  Quoi  qu'il  en  soit, 
depuis  le  temps  le  plus  florissant  de  la  République,  jusqu'aux  derniers  temps  des  Antonins, 
les  corps,  surtout  ceux  des  gens  distingués,  furent  brûlés.  Mais  on  reprit,  dans  la  suite,  la 
coutume  de  les  enterrer.  (Virg.  Eneid.  6,  v.  177.)  Explic,  abrég,  des  coutumes  etcéré" 
moHiet  observées  che\  tes  Romains^  par  M.  Nieuport,  etc. 


2  14  CHAPITRE   XII 

pour  y  déposer  les  restes  précieux  de  leurs  martyrs,  les 
ensevelirent  dans  les  Catacombes,  où  ils  se  cachaient. 
Et  c'est  là,  dans  ces  cryptes  romaines,  dans  ces  galeries 
sacrées,  que  tout  un  peuple  des  victimes  de  sanguinaires 
Césars,  dort  son  dernier  sommeil,  en  attendant  la  résurrection 
glorieuse. 

C'est  aussi  dans  ces  salles  (i)  où  les  premiers  chrétiens 
célébraient  les  Saints  Mystères  (2),  que  nous  retrouvons  le 
tombeau  ou  sarcophage  du  martyr,  sous  le  vocable  duquel 
s'accomplissaient  ces  saintes  cérémonies. 

On  a  dit  souvent,  et  avec  raison,  que  les  Catacombes 
furent  le  berceau  de  l'art  chrétien.  Nous  ajoutons  que  ces 
cryptes  mystérieuses  furent  les  premiers  sarcophages 
chrétiens  et,  partant,  les  premières  châsses  à  reliques  (3). 


f  n 

DESCRIPTION  DU  SARCOPHAGE  ANTIQUE 

UN    SARCOPHAGE    ANCIEN  TROUVÉ    A    SAINT-MARCBLLIN   (lOIRe] 

Nous  allons  maintenant,  pour  intéresser  le  lecteur,  faire 
une  description  sommaire  du  sarcophage,  en  nous  aidant 
de  l'appréciation  de  savants  autorisés. 

<c  Les  sarcophages  antiques,  affectant  la  forme  d'un 
<c  coffre  de  marbre,  dont  le  couvercle  est  plat,  convexe  ou 
(c  prismatique,  et   dont   les    faces    sont  décorées   de    bas- 


(i)  Ces  salles,  dit  l'abbé  Martigny  dans  son  Dictionnaire  des  Antiquités  chrétiennes^ 
étaient  appelées  «  arcosolium  »  d'un  mot  tiré  de  plusieurs  inscriptions  antiques.  C'était,  en 
effet,  des  sanctuaires  voûtés  en  forme  d'arc  ou  de  niche,  dans  lesquels  on  déposait  les  corps 
des  martyrs.  C'est  pourquoi  saint  Grégoire  de  Tours  les  appelle  «  arca  ». 

(2)  Les  Saints  Mystères  étaient  encore  appelés  «  agapes  >,  «  repas  funèbres  >. 

(3)  Il  est  reconnu,  cependant,  que  les  Catacombes  ne  furent  pas  les  seuls  cimetières 
chrétiens.  En  effet,  nous  savons  que  de  saints  martyrs  furent  ensevelis  près  des  grandes 
voies  romaines,  par  exemple  :  la  voie  Cornelia  près  de  laquelle  fut  déposé  le  corps  de 
saint  Pierre.  La  voie  d'Ostie  près  de  laquelle  était  le  tombeau  de  saint  Paul.  Les  voies 
Ardeatine,  Appia,  Latine,  Labicane,  Prénestine,  Nomentane,  Tiburtine,  et  la  voie  Sombre. 


LES  CHASSES   ET   RELIQUAIRES  21  5 

«  reliefs  ou  d'ornements,   ont   été  imités   dans  la  période 
a  latine  (i).  » 

<r  II  y  en  a  de  deux  sortes,  dit  le  D'  Louis  Batissier  (2). 
c<  Les  uns,fort  grands,  sont  ornés  de  bas-reliefs  représentant 
«  des  personnages  ou  des  sujets  historiques  et  religieux,  sur 
ce  leurs  quatre  faces.  Les  autres,  plus  petits,  sont  décorés 
(c  sur  leurs  petits  côtés,  de  cannelures  appelées  strigiles,  et 
c(  sur  leur  face  antérieure,  d'un  bas-relief.  Ces  sculptures 
a  sont  disposées,  souvent,  sous  une  espèce  de  portique  à 
«  arcades.  Sur  la  frise  des  grands  sarcophages,  on  voit  au 
<c  milieu  assez  fréquemment,  le  portrait  du  défunt  en  buste  ; 
«  et  au-dessus,  un  cartouche  pour  Tépitaphe.  On  y  lit  aussi, 
«  quelquefois,  la  formule  funéraire  antique  :  D.  M.  ou 
tf  D.  M.  S;  pour  D.  M.  «  Diis  manibus  »;  et  D.  M.  S. 
<c  Diis  manibus  sacrum.  » 

Bien  souvent  les  premiers  chrétiens,  séduits  par  la  richesse 
décorative  de  certains  sarcophages,  ne  craignirent  pas  de  les 
utiliser  pour  ensevelir  leurs  morts.  Mais  alors,  ils  avaient 
soin  de  substituer,  au  caractère  profane  de  ces  tombeaux,  les 
symboles  religieux  de  la  religion  chrétienne. 

Le  D**  Batissier  ajoute  qu'on  a  trouvé,  dans  le  cimetière  de 
Sainte-Agnès,  un  sarcophage  sur  lequel  on  voit  sculptés 
Bacchus  entouré  de  petits  amours  nus,  et  les  génies  des 
Saisons.  L'inscription  apprend  qu'il  a  reçu  la  dépouille 
mortelle  «  d'Aur.  Agapetilla  »,  qualifiée  servante  de  Dieu 
a  ancilla  Dei  d. 

Mais  voici  deux  exemples  plus  caractéristiques.  La  conque 
de  porphyre  qui  formait  le  couvercle  de  Turne  funéraire  de 
l'empereur  Adrien,  a  servi  de  cercueil  au  pape  Innocent  II. 
Elle  a  été,  depuis,  transformée  en  fonts  baptismaux  que  l'on 
peut  voir,  de  nos  jours,  à  Saint-Pierre  de  Rome. 

(i)  René  Mknard.  Hist,  des  Beaux-Arts, 
(s)  Eléments  d'Archéologie  nationale. 


2l6  CHAPITRE   XII 

c<  Pour  le  corps  de  Charlemagne,  on  prit  un  sarcophage 
«  qui  se  voit  encore  dans  l'église  d'Aix-la-Chapelle,  et  dont 
«  le  sujet  représente  «  VEnlèvement  de  Proserpine  ».  Au 
((  surplus,  les  sujets  mythologiques  n'étant  plus  compris  par 
c(  personne,  il  n'est  pas  étonnant  qu'on  les  ait  laissés  figurer 
«  dans  des  monuments  chrétiens  (i).  d* 

En  rendant  aux  chrétiens  la  liberté  d'exercer,  au  grand  jour, 
les  cérémonies  de  leur  culte,  le  règne  pacifique  de  Constantin 
{3o6-337)  leur  permit  également  d'appliquer,  à  leurs 
croyances,  les  ressources  d'un  art  particulier  qu'ils  mani- 
festèrent, en  toute  sécurité,  dans  l'édification  de  leurs 
monuments. 

«  Cet  art  n'est  pas  encore  chrétien,  dit  l'abbé  Texier  (2)  : 
(c  disposition  des  sujets,  système  général  d'ornementation, 
«  attitude  et  costumes  des  personnages,  symbolisme  indif- 
c(  férent  ou  significatif,  tout  rappelle  l'art  romain  dont  il  est 
w  le  disciple  et  le  continuateur  dégénéré.  C'est  une  forme 
«  grecque  qui  sert  à  revêtir  un  fond  chrétien. 

a  Le  besoin  d'échapper  à  la  persécution  vient  encore 
«  expliquer  cette  tendance...  Mais,  peu  à  peu.  Fart  chrétien  se 
«  constitue  d'une  double  manière: 

«  i**  Il  se  dépouille  de  cet  attirail  symbolique  emprunté 
«  au  culte  qu'il  venait  remplacer.  2"  Une  pratique  de 
«  plus  en  plus  barbare  succède  à  l'habileté  des  premiers 
«  siècles.  On  n'a  voulu  voir  dans  cette  exécution  imparfaite 
«  des  sarcophages  que  la  mort  de  l'art  antique  ;  c'était  bien, 
«  plutôt,  la  renaissance  de  l'art  chrétien  qu'il  fallait  y 
«  chercher.  » 

Nous  donnons,  ici,  le  dessin  d'un  sarcophage  de  pierre, 
du  xni"  siècle  (Fig.  Sy),  découvert  dans  l'ancien  cimetière 

(i)  René  Ménard.  Hist.  des  Beaux-Arts. 
(2)  Etude  sur  ta  sculpture  en  France. 


LES  CHASSES  ET   RELIQUAIRES  217 

de     Saint-Marcellin    (Loire),    lors    de    son    transfert    en 
Novembre  1887(1). 

«  Nous  l'avons  vu,  dit  M.  Henri  Marthoud  (2),  après  son 
K  déblaiement,  alors  qu'il  était  encore  en  place,  et  nous  avons 
«  regretté  amèrement  l'absence  de  son  couvercle  dont  aucun 
«  vestige  ne  nous  fut  signalé.  Enfoui,  à  peu  de  distance  et 
"  parallèlement  au  mur  latéral  de  l'antique  chapelle  romane 
«  dédiée  à  sainte  Catherine,  et  sa  partie  inférieure  orientée 


Découvert  ilaai  l'incita  cimctUre  de  Saiot-MircelliD  (Loire). 

<(  vers  le  chevet  du  sanctuaire,  il  reposait  directement  sur 
<(  te  sol,  autant  qu'il  nous  a  été  possible  d'en  juger,  h  une 
«  profondeur  d'un  mètre  environ.  Nous  ne  pensons  pas  que, 
<(  dans  ces  conditions,  il  occupât  son  premier  emplacement, 
<(  car  sa  décoration,  quoique  élémentaire,  indiquait  le 
«  tombeau  apparent  d'une  sépulture,  hors  du  sol. 

«  Parla  nature  des  déblais  qui    en    provenaient,  et    dans 
«  lesquels  nous  avons  recueilli  une  perle  ancienne,  en  verre 

(1)  M.  l'abbi  Poyet,  notre  cher  défuDi  et  vtDtré  coofrère.  était  lion  curé  de   la  piroisie 
de  Saint-Marcellin. 

Il]  Ce»,  en  cffet,i    M.  H.  Marthoud,  notre   dévoue  coltaboraieur,  que  août  devon*   ce 


2l8  CHAPITRE   XII 

<(  bleu,  et  un  denier  du  règne  de  Louis  XIII,  nous  estimons 
«  qu'il  a  dû  servir,  depuis  fort  longtemps,  à  des  inhumations 
((  successives. 

«  Il  y  a  plus  :  au  mrlieu  du  fond  de  ce  sarcophage  et  dans 
«  une  cavité  carrée,  d'environ  o™,2o  cent,  de  largeur,  avec 
((  bords  supérieurs  légèrement  arrondis,  nous  avons  décou- 
((  vert,  en  fouillant,  quantité  de  cendres  agglomérées,  et 
«  un  fragment  du  rebord  d'une  poterie  noire  et  grossière, 
«  assurément  très  ancienne  (i). 

((  L'épaisseur  de  ses  parois  est  de  o"',io  cent.,  et  sa 
((  longueur  exacte  de  deux  mètres.  Sa  largeur,  à  l'extérieur, 
((  est  de  o"*,4o  cent.,  et  o",7o  cent.  Sa  hauteur  est  de 
<(  o°,35cent.,eto"*,46  cent.  L'emplacement  arrondi,  à  Tinté- 
«  rieur,  pour  recevoir  la  tête,  est  d'une  profondeur  inférieure 
«  à   o°*,o5  cent.,  d'avec  le  fond  général. 

<(  Les  angles  de  la  partie  antérieure  sont  coupés  ;  et  au 
«  milieu,  sont  tracées  deux  arcades  à  plein  cintre,  qui  se 
«  répètent  au  nombre  de  dix,  dans  le  sens  de  la  longueur: 
((  la  dernière,  en  haut,  est  ornée  d'un  fleuron  sur  tige,  grossier 
((  et  difficile  à  déterminer  (2).  d 


(i)  En  1845,  M.  Barou,  propriétaire  d'une  maison  située  sur  la  place  de  l'Eglise  Saint- 
Marcellin,  faisant  creuser  le  sol  pour  établir  une  cave,  trouva  deux  sarcophages  en 
pierre,  que  nous  croyons  pouvoir  dater  dn  xiii*  siècle. 

Le  premier  de  ces  sarcophages  était  vide.  Le  second,  au  contraire,  contenait  un  corps 
entièrement  conservé,  et  enveloppé  de  bandelettes  tellement  adhérentes  au  cadavre,  que  le 
tout  paraissait  ne  former  qu'une  masse  grisfltre.  Un  ouvrier  ayant  voulu  se  rendre  compte 
de  la  résistance  du  corps  ainsi  momifié,  le  toucha  légèrement  et  le  vit,  tout  à  coup,  tomber 
en  poussière.  Les  ossements  les  plus  gros  ne  furent  bientôt  qu'un  amas  de  cendres.  D'après 
les  témoins  de  la  lugubre  trouvaille,  il  n'y  avait,  dans  ces  sarcophages,  ni  vases,  ni  armes,  ni 
aucuns  documents  intéressants. 

Ces  sarcophages  enlevés  du  lieu  où  ils  furent  découverts,  ont  servi  depuis  :  l'un,  d'auge  à 
abreuver  les  bestiaux  ;  l'autre,  de  linteau  à  une  porte  et  de  support  à  une  cheminée  du 
bfltiment.  {Notes  obligeamment  communiquées  par  A/.  Pabbé  AuJogue-'Baroni  vicaire  de 
Saint'Marcellin,  Loire). 

(3)  Dans  son  •  Abécédaire  d'Archéologie  »  M.  de  Caumont  en  a  publié  un,  d'une  forme 
et  d'une  disposition  intérieure  tout  à  fait  identique,  à  propos  duquel  il  dit  :  ■  La  forme  des 
cercueils  ou  des  tombeaux  non  apparents,  a  été,  à  peu  près,  la  même  depuis  le  xi*  siècle 
jusqu'au  xvi*.  Quelquefois,  à  partir  du  xii*  siècle  surtout,  on  remarque  à  l'intérieur 
un  espace  circulaire  pour  recevoir  la  tète.  Quelquefois  aussi,  la  place  de  la  tète  est  indiquée 
par  deux  arêtes  en  pierre,  ménagées  à  l'extrémité  du  coffre.  Le  couvercle  est  tantôt  plat» 
tantôt  prismatique.  Outre  l'eau  bénite,  on  plaçait,  dans  le  cercueil,  des  pots  remplis   de 


LES   CHASSES   ET   RELIQUAIRES  2iq 


I  m 


LES    SARCOPHAGES   OU   TOMBEAUX  DES  MARTYRS 

DANS  LIS  CATACOMBES 

TRANSFORMÉS  EN  AUTELS  POUR  LES  SAINTS  MYSTERES 

FURENT  DE   VÉRITABLES   CHASSES 


Tout  le  monde  sait  que,  pour  échapper  au  glaive  acéré  des 
persécuteurs,  à  leurs  bûchers  ardents  et  à  leurs  chevalets 
terribles,  en  un  mot,  aux  cruels  supplices  auxquels  les  tyrans 
de  Rome  avaient  voué  les  disciples  du  Christ,  les  premiers 
chrétiens  cherchèrent  un  refuge  dans  les  Catacombes. 
Traqués  comme  des  bêtes  fauves  dont  on  veut  la  mort, 
ils  ne  pouvaient  choisir  de  lieux  plus  sûrs  contre  la  fureur 
de  leurs  ennemis  implacables. 

Or,  par  une  douloureuse  antithèse,  il  arriva  que  ces 
serviteurs  fidèles  devaient,  souvent,  trouver  leur  sépulture 
là  où  ils  venaient  chercher  un  refuge  pour  sauver  leur  vie. 
Ce  qui  est  encore  plus  extraordinaire, c'est  que  les  confesseurs 
du  nom  chrétien,  qui  se  réunissaient  dans  ces  asiles  sacrés, 
pour  y  célébrer  les  Saints  Mystères,  virent  souvent  les 
tombeaux  de  leurs  frères  martyrs  servir  d'autel  pour  le 
sacrifice. 

D'où  il  est  vrai  de  dire,  qu'il  faut  remonter  aux  Catacombes 
pour  reconnaître  l'origine  des  premiers  autels  et  des  premiers 
sanctuaires. 


charbon,  dans  lesquels  on  brûlait  de  l'encens  (ces  cassolettes  variaient  en  général  de  nne  à 
quatre)  ;  ils  étaient  percés  de  petits  trous  sur  la  panse,  pour  que  le  charbon  eût  de  l'air,  et 
que  la  combustion  pût  durer  le  temps  nécessaire. 

Cet  usage  exisuittrès  certainement  au  m*  siècle,  et  probablement  longtemps  auparavant. 
«  On  place*  dit  G.  Durand,  de  l'encens  près  du  cadavre  pour  combattre  les  mauvaises  odeurs 
qu'il  exhale  ;  cet  encens  est  aussi  le  symbole  des  bonnes  œuvres  qui  sont,  pour  le  défunt, 
une  recommandation  auprès  de  Dieu.  • 


220  CHAPITRE  XII 

Un  poète  ancien  a  dit,  en  parlant  du  tombeau  de  Sainte 
Eulalie  : 

Sic  venerarier  ossa  libet, 
Ossibus  altare  et  impositum. 

((  Ainsi  il  nous  est  donné  de  vénérer,  en  même  temps,  et 
«  les  ossements  et  l'autel  qui  les  recouvre  (i).  » 

C'est  donc  encore  aux  Catacombes  qu'il  faut  aller  chercher 
les  premières  châsses,  et  ces  châsses  n'étaient  pas  autres  que 
les  tombeaux  des  martyrs,  servant  eux-mêmes  d'autels 
primitifs. 

«  Les  sanctuaires  qui  renfermaient  ces  autels,  dit  le 
«  D*"  Batissier,  n'offraient  rien  de  régulier  dans  leur  plan.  Il 
(^  y  en  a  de  toutes  les  formes,  de  carrés,  de  triangulaires, 
«  d'hexagones,  de  circulaires,  de  pentagones.  Dans  leurs 
((  parois  latérales  sont  creusés  trois  ou  quatre  rangs  de 
((  sépulcres,  disposés  parallèlement  et  en  nombre  égal,  de 
«  chaque  côté...  Le  tombeau  du  martyr  ou  autel,  quelquefois 
<^  au  milieu  de  la  pièce,  souvent  adossé  à  la  muraille,  a  la 
«  forme  d'un  sarcophage  ou  d'une  caisse  quadrangulaire, 
«  recouverte  d'une  table  de  marbre.  C'est  ce  tombeau,  à  n'en 
((  pas  douter,  qui  a  servi  de  type  aux  autels  de  nos  églises  (2). 

«  C'était  sur  cette  table,  ajoute  l'abbé  Martigny  (3),  qui 
((  recouvrait  les  restes  du  saint  martyr,  qu'avait  lieu  primi- 
«  tivement  la  célébration  de  la  messe;  et  les  tombeaux  des 
«  martyrs  devinrent  ainsi,  selon  l'expression  de  saint  Optât 
«  (L.  VL  Ad  vers.  Parmen.)?  le  trône  du  Dieu  qu'ils  avaient 
((  confessé,  dans  les  tourments  et  la  mort  (4).  » 

Du  reste,  le  pape  saint  Félix  avait  décrété,  vers  l'année  270, 

(i)  Prudence  (iv«  siècle).  Péristéph.  III.  211. 

(2)  Eléments  d* Archéologie  nationale. 

(3)  Dictionnaire  des  Antiquités  chrétiennes. 

(4)  Quid  est  eaim  altare  nisi  sedes  corporis  et  sanguinis  Christi  ?  L'autel,  qu*est-il  autre 
chose  que  le  siège  du  corps  et  du  saog  du  Christ  ?  {Ibidem.) 


LES  CHASSES   ET   RELIQUAIRES  221 

Tobligationde  ne  célébrer  le  Saint  Sacriâce  que  sur  le  tombeau 
des  martyrs  (i). 

Les  tombeaux  des  martyrs  de  TEglise  chrétienne,  premières 
châsses  précieuses  renfermant  leurs  restes  sacrés,  ont  donc 
servi  d*autels  pour  Timmolation  de  la  Sainte  Victime  dans  les 
Catacombes,  et  voilà  ce  qui  doit  rendre  ces  objets  du  culte 
vénérables  à  nos  yeux  (2). 


I    IV 

LES    BASILIQUES   PRIMITIVES 

FURENT   DE  VRAIES  CHASSES 

Mais  après  Forage  furieux  qui,  pendant  trois  siècles,  avait 
désolé  et  ravagé  le  champ  de  l'Eglise  fondée  par  Jésus- 
Christ,  revint  le  calme  et  s'épanouit  un  ciel  serein. 

Constantin-le-Grand,  en  élevant,  dans  son  triomphe,  le 
Labarum  sacré,  fit  taire  l'orgueil  du  vieil  empire  romain, 
arracha,  des  mains  des  tyrans,  le  glaive  criminel  dont  ils  avaient 
frappé  indignement  les  chrétiens,  ferma  leurs  temples  encom- 
brés de  dieux  iniques,  et  permit  aux  disciples  du  Christ 
d'élever,  sur  les  ruines  du  paganisme,  les  monuments  sacrés 
de  la  religion  catholique.  Dès  lors,  les  chrétiens  libres  de 
professer  leur  foi  publiquement,  ne  s'occupent  point  de 
calculer  le  nombre  des  victimes  de  la  fureur  sacrilège  des 
Césars;  tout  leur  souci  est  d'assurer  à  la  dépouille  de  leurs 
frères  martyrs  un  abri  convenable  et  sûr.  Et,  voilà  pourquoi 
nous  voyons,  à  cette  époque  de  calme,  tant    de   basiliques 

(1)  Anastask  dit  dans  la  ■  Vie  de  saint  Félix  »  :  Hic  constituittupni  memorias  martynim 
Misaas  celebrare. 

(3)  La  fureur  dei  persécutions  ne  permit  pas  toujours, aux  prêtres  de  la  primitive  Eglise, 
de  célébrer  les  Mystères  divins  sur  le  tombeau  des  martyrs.  Saint  Lucien,  en  prison,  célébrait 
le  Saint  Sacrifice  sur  sa  propre  poitrine.  (Philostorg.  Hist.  ecclés.  L.  IL  C.  XIIL) 

Théodoret,  au  rapport  de  Mabillon,  étant  évèque  de  Tyr,  dans  une  circonstance  a  peu 
près  semblable,  dit  la  sainte  Messe  sur  les  mains  de  ses  diacres.  (Prœf.  in .  sœc.  III.  o.  79.) 


222  CHAPlTltE   II 

s'élever  sur  la  terre  chrétienne.  Ce  qu'il  y  a  d'intéressant,  c'est 
qu*alors  ces  basiliques  s'élèvent  sur  les  corps  des  martyrs, 
leur  offrant  ainsi  un  asile  plus  digne  d'eux. 

Or,  afin  que  les  restes  sacrés  de  leurs  frères  dans  la  foi 
eussent  une  place  choisie  dans  le  temple  du  Dieu  pour  lequel 
ils  avaient  versé  leur  sang,  les  premiers  chrétiens  leur  cons- 
truisirent souvent  des  oratoires  spéciaux.  Ces  oratoires  pre- 
naient, alors,  la  dénomination  de  «  tnartyria  »,  d'  «  apos-- 
tolea  »,  etc.,  suivant  qu'ils  abritaient  les  corps  de  martyrs 
ou  d'apôtres.  Et  ces  oratoires,  élevés  sur  les  ossements  des 
saints,  furent  comme  les  écrins  ou  les  châsses  précieuses  qui 
permirent  aux  bienheureux  athlètes  du  Christ^  de  reposer 
plus  directement  sous  les  yeux  du  Maître,  pour  Tamour 
duquel  ils  avaient  donné  leur  vie. 

Sans  vouloir  décrire  la  basilique  primitive^  qui  ne  compre- 
nait, dans  son  plan  général,  qu'une  crypte  et  un  autel  ;  ni 
nous  occuper  de  sa  division  intérieure,  en  nef,  chœur  et 
sanctuaire,  nous  nous  bornerons  à  parler,  ici,  de  l'autel,  dont 
la  description  se  rattache  plus  étroitement  à  notre  sujet. 

«  Placé,  en  effet,  au  milieu  du  sanctuaire  de  la  basilique, 
«  l'autel  était  formé,  le  plus  souvent,  d'une  table  de  pierre 
«  placée  sur  le  sarcophage  d'un  confesseur  de  la  foi,  en 
«  marbre,  en  granit,  ou  en  porphyre  (i).  Ce  sépulcre  était 
f(  décoré  de  sujets  chrétiens.  Souvent,  les  reliques  du 
((  martyr  étaient  dans  une  crypte  «  confessio  »,  «  marty-' 
«  rium  ».  Et  alors,  la  table  de  l'autel  était  soutenue  par 
((  quatre  petites  colonnes  d'un  riche  travail.  L'autel  n'était 
«  pas  toujours  aussi  simple  que  celui  que  nous  venons  de 
((  décrire  (2).  »  Nous  savons,  en  effet,  que  des  autels  d'argent 


(1)  L*autel  «  altare  •  et  «  ara  Dei  »  selon  saint  Cyprien.  Epist.  XL,  et  Tertullien.  Ad. 
uxor,  1.  I,  c.  VII.  A  partir  du  iv*  siècle,  il  est  désigné  Oi)9ia9rT)piov  pcofio;,  tepa  TpaJceÇa, 
sacra  mensa,  mensa  mystica;  mensa  sacra  tremenda  :  table  sacrée,  tabli  redoutable.  Saint 
Chrysostome  l'appelle  tour  à  tour,  manne  spirituelle,  table  divine,  céleste. 

(2)  L.  Batissier. 


LES   CHASSES   ET   RELIQUAIRES  223 

furent  offerts  à  diverses  églises  de  Rome, par  les  papes  Sixte  III 
et  saint  Hilaire  (i). 

Sur  les  quatre  angles  de  Tautel,  s'élevait,  en  forme  de 
portique,  avec  coupole,  le  «  ciborium^  umbraculum  iegimen 
altaris  ».  C'est  là  qu'était  conservée,  dans  une  custode  en 
forme  de  colombe  ce  perisierium  »,  ou  dans  un  coffret 
((  pyxis  »,  l'Eucharistie  réservée  pour  les  malades.  On  y 
plaçait  aussi  de  petits  ciboires  pour  dire  la  messe,  en  voyage, 
et  quelquefois  des  reliques.  Dans  tous  les  cas,  on  peut  y 
reconnaître  l'origine  du  baldaquin  moderne,  sous  lequel  on 
expose  le  Saint-Sacrement. 

L'autel  était  quelquefois  accompagné  de  deux  tables  :  l'une, 
adroite,  sur  laquelle  les  fidèles  déposaient  leurs  offrandes; 
l'autre,  à  gauche,  appelée  crédence  «  secretarium  minus  », 
près  de  laquelle  se  tenaient  les  diacres  pour  le  service  de  la 
messe.  Et,  sous  la  table  de  certains  autels  des  églises  primi- 
tives, on  réservait  quelquefois  une  porte  grillée,  à  travers 
laquelle  on  apercevait  le  corps  du  martyr  déposé  dans  la 
crypte  (2).  Mais  déjà  aux   iv"   et  v*  siècles,  et   malgré  les 

(i)  Hisi.  ecelés.  liv.  IX,  c.  I.  Le  musée  de  Cluny  possède  le  merveilleux  autel  d'or,  que 
l'empereur  d'Allemagae  Heori  II  (saint  Henri)  donna  à  la  cathédrale  de  Bile,  au  commen- 
cement du  XI*  siècle.  D'une  grande  richesse  d'ornementation,  il  a  o*,95  cent,  de  hauteur 
sur  i«,78  cent,  de  longueur.  Son  poids  total  et  ses  dimensions  lui  donnent,  cependant, 
une  valeur  intrinsèque  qui  dépasse  son  intérêt  historique  et  sa  rareté,  comme  œuvre  d'art. 

(3)  Dans  le  principe,  la  confession  de  saint  Pierre  offrait  une  disposition  particulière  que 
nous  devons  noter,  parce  qu'elle  nous  rappelle  une  circonstance  curieuse  de  la  dévotion 
des  premiers  fidèles.  L'autel  placé,  comme  touiours,  au-dessus  du  tombeau  du  martyr  était 
environné  d'une  grille,  qui  s'ouvrait  pour  quiconque  voulait  faire  sa  prière.  Le  fidèle,  alors, 
se  mettait  à  genoux  et  ouvrait  une  petite  fenêtre  qui  donnait  dans  la  crypte,  au-dessus  du 
tombeau;  il  passait  la  tète  à  travers  cette  ouverture  appelée  «  Jugulum  »,  et  c'est  dans  cette 
position  qu'il  invoquait  le  saint  Apôtre.  On  avait  soin  de  faire  descendre  sur  le  tombeau 
un  linge  «  palliolum  »  «  sudarium  •  ;  ce  linge  avait  été  préalablement  pesé,  avec  soin,  dans 
une  balance  ;  on  le  laissait  sur  le  monument  pendant  que  l'on  priait,  et  il  servait  à 
reconnaître  si  Dieu  avait  exaucé  les  vœux  du  fidèle  qui  lui  adressait  ses  supplications. 
D'  L.  Batissibr.  Bléments  cPArehéol,  nationale. 

On  pourrait  peut-être  voir,  ici,  une  réminiscence  des  traditions  païennes  de  l'antiquité. 
On  connaît  le  culte  des  anciens  pour  leurs  morts,  et  le  soin  qu'ils  prenaient  d'entretenir 
jusque  dans  leurs  tombeaux,  l'illusion  de  la  vie.  Le  musée  du  Louvre  possède  un  sarcophage 
égyptien  dont  le  couvercle,  décoré  de  la  figure  du  personnage  qu'il  renfermait,  présente  le 
détail  curieux  de  cavités  ménagées  dans  les  oreilles  pour  permettre,  croit-on,  de  converser 
avec  lui. 

Dans  certains  cippes  voués  aux  dieux  infernaux,  et  dans  quelques  stèles  dédiées  aux  dieux 
mânes  de  l'époque  romaine,  on  a  bien  des  fois  remarqué  des  ouvertures  tantôt  creusées  en 


224  CHAPITRE    XII 

invasions  désastreuses  des  Barbares,  les  basiliques  se  multi- 
pliaient partout;  dès  lors,  il  devenait  impossible  de  les 
établir  toujours  sur 
les  tombeaux  des 
saints  ;  dès  lors  aussi 
s'imposait  la  nécessité 
de  consacrer  leurs  au- 
tels. En  conséquence, 
au  V*  siècle,  le  cin- 
quième Concile  de 
Carthage  décida 
qu'aucune  église  ou 
chapelle,  si  modeste 
qu'elle  fût,  ne  pour- 
rait être  consacrée 
sans  que  des  reliques 
eussent  été  placées 
sous  l'autel.  A  partir 
de  ce  moment,  les 
autels  devinrent  alors 
des  sortes  de  re/i- 
quaires;  et  s'ils  ne 
continrent  pas  tou- 
jours des  reliques  pré- 
cieuses, dans  l'inté- 
cippE  ANTIQUE  rieur  de  leurs  parois, 

Employa  comme  luppon  j       _    ■  ■       j 

damlenanKcidclEBli»  Saint-Ron>btrt-siir-Loire.         dU    mOlUS    OH     Vit     dC 

fbrmcde  laupe,  à  leur  sommet,  tanl6t  percén  diai  li 
parfois  dans  le  haul.  et  pa 


la  truelle  du  Tindaliime  n'eut  rempli  de  dur  cimeni  Voa' 
*  quelque  vingt  ini,  l'intéiit  di'\k  grand  que  préseï 
it  importiDL  Voyei,  ci-coDtre,  la  Fia.  3S. 


LES   CHASSES   ET   RELIQUAIRES  22 5 

riches  édicules  élevés  au-dessus  de  leur  tabernacle,  montrer 
des  reliquaires  et  même  des  châsses  (i). 


IV 

LA  CHASSE  A  TRAVERS  LES  SIÈCLES 


Il  est  vraiment  solennel  l'insttnt  où  les  osse« 
ments  d'un  homme  .quittent  robscurité,  la 
putridité  et  le  silence  du  tombean,  pour  entrer 
dans  la  lumière,  les  parfumset  les  harmonies  de 
la  vénération  catholique.  Ils  laissent  le  cercueil 
pour  la  chftsse.  Ils  dépouillent  Thumidité  du  sol 
pour  reparaître  au  soleil  de  la  création,  pour 
soutenir  le  corps  et  le  sang  du  Christ  dans  les 
sacrés  mystères,  pour  s'enchflsser  dans  les  pier- 
reries au  front  des  rois  ;  pour  traverser  plus  tard 
les  plaines  des  moissons  et  des  combats,  portés 
sur  les  épaules  des  prêtres  et  des  guerriers, 
calmant  les  tempêtes,  ramenant  la  sérénité,  ren- 
versant ou  relevant  les  empires,  et  changeant  la 
face  des  choses  humaines.  C'est  le  commencement 
de  la  résurrection  glorieuse. 

Le  P.  Frédéric  de  Curley. 


La  châsse  ne  fut,dans  les  premiers  siècles  de  l*ère  chrétienne, 
autre  chose  que  la  bière  dans  laquelle  était  déposé  un  corps  (2). 
«  Elle  n'est  à  proprement  parler,  dit  M.  Viollet-le-Duc, 
que  le  cercueil  de  pierre,  de  bois  ou  de  métal  dans  lequel 
sont  enfermés  les  restes  d'un  mort.  »  Le  mot  châsse,  au 
moyen  âge,  s'applique  indistinctement  aux  coffres  qui  ren- 
ferment des  corps  saints. 

D'anciens  textes  nous  la  font  aussi  connaître  sous  le  nom 
de  n  iumba  »  Tu/ui6a  (3),  et  nous  la  trouvons  encore  confondue 


(i)  Dans  une  de  ses  intéressantes  dissertations,  M.  l'abbé  Texierhous  cite  un  de  ces 
rares  et  curieux  exemples  de  transition  :  IjC  tombeau  de  Junien  (Haute' Vienne).  Ce 
monument  très  remarquable  fut  exécuté  par  Ramnulpbc,  prévdt  de  cette  église  en  iiio. 
Il  a  la  forme  d'un  quadrilatère,  et  donnait,  autrefois,  la  figure  d'un  tau  (T).  par  sa  réunion 
avec  le  maitre-autel,  auquel  il  était  adossé.  Les  trois  faces  de  ce  tau,  seules  visibles  dans  sa 
forme  primitive,  sont  couvertes  de  figures  et  d'ornements. 


(3)  M.  l'abbé  Pascal.  Institution  de  CArt  chrétien. 
(3)  Prad. 


i5 


226  CHAPITRE  XII 

avec  Turne  funéraire  «  solium  »  ;  mais  elle  était  aussi,  dans 
Tantiquité,  selon  ('orcellini,  la  représentation  du  lit  où 
reposait  un  mort  (i).  Cette  définition  est  encore  justifiée  par 
le  nom  d*  «  arca  »  arche,  qui  lui  a  été  reconnu  par  les  pre- 
miers chrétiens.  Ils  y  ont  vu  le  symbole  d'une  nacelle  dirigée 
vers  la  terre  promise,  où  «  l'âme  agitée,  jusque-là,  par  les 
«  flots  inconstants  de  cette  vie  mortelle,  trouvait  le  terme  de 
«  ses  vicissitudes,  et  son  entrée  dans  une  cité  permanente  »  (2). 

Le  xvi'  siècle  à  consacré  à  la  châsse  le  nom  de  <c  basilicule  )» 
petite  basilique^  parce  qu'elle  était,  déjà  à  cette  époque, 
l'image  fidèle  de  la  basilique  primitive.  Un  auteur  inconnu 
du  xin*  siècle  va  plus  loin,  et  la  qualifie  de  «  tabernacle  de 
saintes  dépouilles  »  ;  et  de  nos  jours,  elle  est  connue  sous 
le  nom  de  «  châsse-ossuaire.  »  D'ailleurs,  voici  les  causes 
sur  lesquelles  M.  l'abbé  Mallet  (3)  se  base,  pour  expliquer 
la  forme  d'un  coffre  ou  arche,  donnée  aux  châsses  primi- 
tives. Son  opinion,  loin  de  détruire  la  nôtre,  semble  au 
contraire  la  confirmer. 

«  Les  hordes  des  Wisigoths  et  des  Huns  ayant  envahi 
ff  la  Gaule,  du  iv'  au  v"*  siècle,  il  fallut,  à  ce  moment, 
«  soustraire  toutes  précieuses  reliques  à  leur  rapacité  sacri- 
«  lège,  comme  aux  ix*  et  x"  siècles  à  la  basse  férocité  des 
«  Normands.  On  se  hâta  donc  de  transporter  loin  des 
«  lieux  envahis,  tous  les  ossements  des  saints  martyrs.  Or, 
«  pour  procéder  à  ces  translations  de  reliques,  on  eut  soin 
«  de  les  enfermer  dans  des  coffres  faciles  à  porter,  coffres 
«  qui,  au  fond,  n'étaient  que  des  cercueils  ou  des  sarcophages 
«  réduits  dans  leurs  dimensions  (4).  » 

(1)  On  conserve,;  à  Paris,  un  sarcophage  en  bois  peint,  de  la  nourrice  du  roi  égyptien 
Taraka,  de  la  xxv^dynastie  — yooans  avant  Jésus- Christ  —  qui  nous  donne  la  reproduction 
exacte  de  la  forme  d'un  lit  moderne. 

(a)  M.  l'abbé  MARTicnr.  D/c/.  2es  Antiq.  chrit. 

(3)  Cours  élémentaire  cTArchéologie  religieuse. 

(4)  M.  Tabbé  Mallct.  Cours  élémentaire  d* Archéologie  religieuse. 


LES   CHASSES    ET    RELIQUAIRES  227 

L'origine  funèbre  de  la  châsse  est  incontestablement  celle 
du  sarcophage  antique  ((  sarcophagnm  »,  dont  la  forme 
allongée  est  celle  du  bahut,  de  la  huche  ou  de  l'arche,  dans 
lesquels,  au  moyen  âge,  on  renfermait  les  vêtements  néces- 
saires à  un  voyage.  C'est  donc  bien  avec  raison,  que  de 
nombreux  auteurs  ont  dénommé  la  châsse  «  capsa  »,  parce 
qu'elle  n'est  autre  chose  que  la  figure  d'un  coffre  de  bois  ou 
de  métal  (i). 

Dans  son  «  Lexique  des  termes  d'art  »,  M.  Jules  Adelîne 
nous  dépeint  la  châsse  comme  étante  un  coffre  ou  coffret 
((  de  métal  précieux  et  richement  sculpté,  dans  lequel  on 
((  conserve  les  reliques  des  saints.  Les  châsses  antérieures  au 
((  xiu*  siècle  consistaient  en  simples  coffres  de  bois  recouverts 
«  de  lamelles  de  métal,  étaient  de  grandes  dimensions  et 
«  pouvaient  recevoir  le  corps  entier  d'un  saint,  h 

Lorsque  les  reliques  des  saints  Rambert  et  Domitien, 
provisoirement  enveloppées  dans  l'étoffe  de  soie  et  d'or 
donnée  par  le  comte  Guillaume  de  Forez,  furent  arrivées  au 
Prieuré  de  Saint-André-lesOlmes,  elles  gardèrent  proba- 
blement leur  riche  enveloppe  pendant  quelque  temps,  et 
jusqu'au  jour  où  les  moines  bénédictins  purent  les  déposer 
dans  une  véritable  châsse  de  métal  ou  de  bois. 

Nous  pouvons  même  conjecturer,  avec  quelque  vraisem- 
blance, qu'après  avoir  favorisé  le  salut  des  insignes  reliques 
de  notre  glorieux  martyr  Rambert,  par  une  translation 
solennelle  et  mémorable,  de  son  château  fort  d'Yzeron  dans 
notre  monastère  de  Saint-André-les-OImes,  le  pieux  comte 
Guillaume  tint  à  honneur  de  les  enchâsser,  plus  tard,  dans  un 
monument  à  la  fois  digne  de  leur  sainteté  et  de  sa  munificence. 

Mais  qu'est  devenue  cette  châsse  que  la  piété  et  la  généro- 
sité du  comte  de  Forez  avaient  certainement  faite  merveilleuse  ? 


(1)  Un  magnifique  petit  coffret  du  xiit*  siècle,  couvert  de  médaillont  et  d'armoirieS)  ayant 
appartenu  à  saint  Louis,  a  été  découvert  il  y  a  quelques  années,  dans  une  châsse  de  l'église 
de  Dammarte  iSeine-et-Marne),  où  il  éuit  considéré  comme  ayant  contenu  des  reliques. 


228  CHAPITRE   Xll 

—  A-t-elle  disparu  dans  l'un  ou  l'autre  des  deux  principaux 
désastres  qui  ont  désolé  notre  contrée  :  Tinvasion  anglaise,  à 
la  fin  du  XIV*  siècle,  et  les  guerres  de  religion  au  xvi*  siècle  ?  — 
Ou  bien,  cette  vénérable  châsse,  échappant  au  vandalisme  des 
routiers  et  des  huguenots,  a-t-elle  eu  l'honneur  des  visites  de 
Nos  Seigneurs  les  Archevêques  de  Lyon,  pendant  les  xvii*  et 
xviii'  siècles,  pour  tomber  de  vétusté,  ou  subir  une  odieuse 
profanation  pendant  les  tristes  jours  de  la  Terreur  (i)? 

Nous  ne  savons  rien,  à  ce  sujet,  car  nous  n'avons  trouvé 
dans  les  archives  départementales,  aucun  document  capable 
de  nous  éclairer  sur  un  thème  aussi  intéressant.  Les 
renseignements  recueillis  de  la  bouche  de  nos  anciens,  nous 
apprennent  bien  l'existence  d'une  châsse  de  saint  Rambert 
à  une  certaine  époque  de  la  grande  Révolution  (i  798);  mais 
ils  ne  sont  point  propres  à  nous  éclairer  sur  l'état  de  ladite 
châsse,  ni  sur  le  sort  qui  lui  fut  réservé. 

Quels  étaient  et  la  forme  et  le  style  de  cette  châsse  ?  — 
Nous  en  sommes  réduits  aux  hypothèses,  sur  ces  questions. 

Ce  que  nous  savons,  cependant,  c'est  qu'une  trans- 
formation importante  fut  apportée  à  l'art  de  l'orfèvrerie 
religieuse,  vers  l'époque  de  la  Translation  de  nos  chères 
reliques  (1078).  Les  archéologues  ne  sont  généralement 
pas  d'accord  pour  fixer  cette  époque  de  transition.  Les 
uns  la  font  remonter  au  ix*  siècle,  les  autres  vers  le  xii*  ; 
d'autres  la  placent  vers  la  fin  du  xiii*  siècle.  Peut-être 
trancherait-on  la  question  en  reportant  à  la  seconde  moitié 
du  xn*  siècle  cette  transformation,  qui  ne  devait  se  déve- 
lopper qu'au  xiu*  siècle.  Nous  donnons  les  raisons  de  cette 
opinion  au   n**   1 7   des   pièces  justificatives. 

Sans  oser  assigner  à  notre  châsse  primitive  une  forme 
bien  certaine  et  un  style  bien  déterminé,  nous  ne  pensons 
pas  qu'il  soit  téméraire  d'admettre  que  la  première  châsse 

(i)Voir  aux  pièces  justificatives  n*  i6. 


J 


LES   CHASSES  ET   RELIQUAIRES  2*29 

de  saint  Rambert  ait  conservé  la  forme  caractéristique  de 
sarcophage.         • 

Nous  croyons  même  pouvoir  l'affirmer,  en  prenant  pour 
terme  de  comparaison  la  belle  châsse  de  saint  Calmin,  à 
Mozat,  près  Riom  (Puy-de-Dôme),  dont  le  dessin  a  été  publié 
par  M.  Mallet  dans  son  ouvrage  :  «  Sur  les  églises  by:{antines 
de  l'Auvergne  »,  et  dont  le  souvenir  a  été  évoqué  par 
M.  DE  Caumont,  dans  son  Abécédaire  d'Archéologie^  comme 
appartenant  au  xii*  siècle. 

<c  La  châsse  de  saint  Calmin  est  une  curieuse  châsse. 
<(  D'une  grande  dimension,  elle  se  compose  de  planches  en 
«  cuivre  émaillé,  ajustées  sur  une  charpente  de  manière  à 
<(  présenter  l'image  d'un  cercueil,  à  couvercle  prismatique,  ou 
«  plutôt  celle  d'une  église  à  deux  pignons...  Elle  contient  les 
«  reliques  de  saint  Calmin  et  de  sainte  Numadie,  son  épouse; 
«  les  peintures,  en  émail,  représentent  les  différents  actes  de 
«  piété  qui  signalèrent  leur  vie,  tels  que  la  construction  du 
(<  monastère  de  Mozat.  Des  inscriptions  expliquent  ces 
((  tableaux.  Deux  d'entre  eux  représentent  l'ensevelissement 
«  de  Calmin  et  de  Numadie,  et  leurs  âmes  figurées  par  des 
«  corps  nus  emportés  au  ciel  par  des  anges  (i).  » 

L'antique  église,  abbatiale  et  royale,  Saint-Maurice  dans  le 
Valais,  compte  dans  son  trésor  un  grand  nombre  de  reli- 
quaires précieux,  des  xi*  et  xii*  siècles.  L'une  de  ces  pièces 
remarquables  à  tous  les  points  de  vue,  est  la  châsse  en  argent 
doré,  du  xii*  siècle,  qui  renferme  les  restes  de  saint  Sigismond, 
roi  de  Bourgogne  en  5i5,  et  de  ses  fils  Gistald  et  Gundebald, 
martyrisés  avec  lui. 

La  forme  mixte  de  cette  châsse  rappelle,  plutôt,  celle  d'un 
tombeau^  par  un  couvercle  à  deux  pentes.  Sur  une  de  ses 
petites  faces,  on  voit  la  figure  équestre  de  saint  Maurice,  dans 
le  costume  des  chevaliers  normands  de  la  célèbre  tapisserie 

(i)  Abécédaire  d'Archéologie  de  M.  Dt  Caumont. 


23o  CHAPITRE   XII 

de  Bayeux,  revêtu  du  grand  haubert  de  mailles,  formant 
couvre-nuque  au  timbre  de  son  casque  conique.  La  main 
gauche  est  armée  d'un  bouclier,  de  forme  ovale,  sur  lequel 
se  dessine  une  croix,  au  milieu  d'une  large  bordure  ;  tandis 
que  de  la  droite,  il  tient  un  fanion  à  trois  flammes.  A  droite, 
sur  le  fond,  se  détache  l'inscription  «  Mauricius  )),et  à  gauche, 
sont  gravées  les  lettres  :  S.C.  S.,  avec  un  signe  d'abréviation 
permettant  de  les  traduire  par  le  mot  :  «  sanciusï).  Enfin,  une 
bordure  de  rinceaux  entrelacés  encadre  tout  le  sujet  (i). 

Ainsi  que  nous  l'avons  vu  précédemment,  il  paraît  évident 
que  la  forme  du  tombeau  s'est  maintenue,  pour  les  châsses, 
jusqu'au  moyen  âge.  Ce  n'est  point  chose  étonnante.  A  une 
époque  voisine  de  celle  des  grandes  persécutions,  les  chrétiens 
dont  l'âme  était  encore  si  profondément  impressionnée  par 
le  souvenir  des  martyrs  et  de  leurs  tombeaux  près  desquels 
ils  s'agenouillaient,  ne  durent  rêver  d'autre  forme,  pour  les 
reliquaires  destinés  à  recevoir  de  saints  ossements,  que  celle 
de  la  tombe,  qui  était  en  parfaite  harmonie  avec  le  trésor 
destiné  à  y  être  enfermé. 

Mais  il  paraît  incontestable  que  c'est  vers  le  xiii*  siècle 
qu'apparurent  les  petites  châsses  rectangulaires,  recouvertes 
d'une  toiture  à  deux  pentes,  et  dont  la  forme  simple  était 
celle  de  la  basilique  chrétienne  primitive.  Ce  qui  les  fit 
désigner  sous  le  nom  de  «  basilicides  »,  petites  basiliques. 
C'est  l'opinion  du  P.  Martin  qui  nous  dépeint  la  châsse 
rectangulaire  dans  ses  «  Mélanges  archéologiques  »,  comme 
«  un  motif  conservé  de  l'art  des  Catacombes;  c'est  un  véri- 
«  table  édifice.  La  couche  du  sommeil  de  mort  s'est  changée 
((  en  un  palais,  ou  plutôt,  en  un  sanctuaire  plein  de  magnifi- 
«  cence,  image  du  sanctuaire  oij  l'âme  du  juste  adore  Dieu, 
«  auprès  de  son  autel  éternel.  » 

A  cette  époque,  l'orfèvrerie  religieuse  innovait  peu,  et  elle 

(i)  Voir  aux  pièces  justificatives  n*  i6.  Châsse  de  sainte  Rolande. 


LES   CHASSES   ET   RELIQUAIRES  23 1 

s*exerçait,  trop  souvent,  à  reproduire  d'une  façon  plus  ou 
moins  servile  des  objets  dont  la  richesse  de  la  matière  et  la 
bonne  exécution  surpassaient,  presque  toujours,  le  style  et  la 
composition.  Pouvait-il  en  être  autrement,  dans  nos  contrées 
mises  à  feu  et  à  sang  par  les  barbares  !  Leurs  invasions 
dévastatrices  paralysèrent,  dans  son  essor,  la  tradition  de 
Tart  byzantin,  soutenu  par  Témaillerie  de  Limoges,  qui  devait 
prévaloir  pendant  longtemps.  De  là,  ces  scènes  où  la  vie  du 
martyr  est  souvent  figurée,  sur  les  châsses,  par  des  person- 
nages sans  proportions,  roides  dans  leur  attitude,  gauches 
dans  leurs  mouvements,  et  dont  l'expression  quelquefois 
pleine  de  c  ièvrerie,  est  presque  toujours  dépourvue  de 
sentiment. 

Le  trésor  de  la  cathédrale  d'Albi  conserve  une  châsse  de 
ce  genre,  de  petites  dimensions,  en  cuivre  à  émaux  champ- 
levés  (i). 

«  Avant  la  fin  du  xii*  siècle,  dit  M.  de  Caumont,  les 
«  arcatures  et  les  personnages  qui  décoraient  les  parois  des 
((  châsses,  étaient  presque  toujours  figurés  par  des  émaux. 
«  A  partir  de  la  fin  de  ce  même  xii*  siècle,  et  dans  tout  le 
((  xiii*,  les  arcatures  furent  portées  sur  des  colonnes  détachées. 
((  Les  figures  au  lieu  d'être  en  émail  furent  souvent  en 
((  bronze,  en  argent  ou  en  or.  Les  châsses  devinrent  des 
«  chefs-d'œuvre  d'orfèvrerie  dans  lesquels  l'émail  n'était 
«  qu'accessoire.  Souvent  des  bas-reliefs  décorent  les  toits  des 
a  bas-côtés  et  du  grand  comble.  L'édifice  est  couronné  d'un 
«  faîtage  en  cuivre  découpé  à  jour.  » 

La  châsse  du  Coudray-Saint-Germer  peut  être  considérée 
comme  un  excellent  type  de  transition,  soit  par  la  forme  de 
son  couvercle,  qui  est  encore  celui  du  sarcophage,  soit  par  les 
arcades  en  ogive  où   s'abritent  de  saints  personnages.  Ces 

(i)En  Yoir  le  destin  dans  V Abécédaire  d* Archéologie,  dt  M.  di  Caumont,  p.  336. 


232  CHAPITRE  XII 

détails  nous    font    pressentir    i*art   gothique  primaire    du 
xiii"  siècle  (i). 

De  tout  ce  que  nous  venons  de  dire  sur  les  châsses  pendant 
la  période  classiquement  appelée  romane,  on  peut  tirer  la 
conclusion  suivante,  dont  la  vérité  demeure  incontestable. 
Les  artistes  de  cette  période,  stimulés  par  le  Christianisme 
triomphant,  en  reçurent  non  seulement  l'inspiration,  mais 
encore  cette  impulsion  heureuse  qui  les  porta  à  chercher 
dans  l'architecture,  souvent  admirable  de  nos  temples,  les 
modèles  dont  ils  avaient  besoin  pour  créer  des  œuvres  origi- 
nales, et  marquées  au  sceau  d'un  génie  renaissant.  Ce  qui  a 
fait  dire  à  M.  labbé  Texier,  que  «  l'ari  byzantin  fui  traduit 
«  en  français  ». 

Il  faut  arriver  au  xiii*  siècle  pour  voir  fleurir  cet  art  nou- 
veau, où  l'arc  gothique  le  dispute  à  l'arceau  roman,  en 
défaveur;  et  où  apparaissent  bientôt,  dans  tout  leur  épanouis- 
sement, ces  chef«-d'ceuvre  d'orfèvrerie  qui  ne  sont,  après 
tout,  que  la  réduction  des  grands  édifices  religieux  de  la 
première  époque  ogivale. 

Le  plus  remarquable  monument  que  l'on  possède  de  cette 
époque  de  transition,  par  son  ancienneté,  sa  richesse  et  ses 
grandes  proportions,  est  certainement  la  célèbre  châsse  des 
Rois  Mages,  conservée  à  Cologne  (2) . 

Les  admirables  collections  du  musée  de  Cluny  renferment 
deux  belles  châsses-ossuaires  de  sainte  Fausta,  exécutées  à 
Limoges  au  xiii*  siècle,  à  peu  d'années  d'intervalle  l'une  de 
l'autre.  Toutes  deux  proviennent  du  trésor  de  l'église  de 
Ségry,  près  d'Issoudun  (Indre)  (3). 

On  sait  que  le  grand  mouvement  religieux  des  Croisades, 
en  affirmant  le  règne  du  Christ,  aux  lieux  qui  le  virent  naître 

(i)  Voir  aux  pièces  justificatives  n*  i6,  la  chftsse  du  Condray-Saiat-Germer. 

(2)  Voir  aux  pièces  justificatives  n*  i6,  lacliftsse  des  Rois  Mages,  à  Cologne. 

(3)  Voir  aux  pièces  justificatives  n*  i6,  la  châsse  de  sainte  Fausta. 


LES   CHASSES   ET   RELIQUAIRES  233 

et  mourir  pour  le  salut  du  monde,  inspira  aussi  à  la  foi 
de  nos  ancêtres,  les  œuvres  les  plus  hardies  et  les  plus 
merveilleuses.  Nous  voulons  parler  de  ces  magnifiques 
cathédrales  que  le  génie  de  l'homme  a  fait  surgir  de  notre 
sol  français.  Témoin  de  l'édification  des  monuments  qui 
devaient  demeurer  l'orgueil  du  christianisme,  l'art  religieux 
qui  en  avait  été  l'auxiliaire  indispensable,  pouvait-il  rester 
stationnaire  ?  N'avait-il  pas  éclairé  leurs  sanctuaires  avec  de 
sveltes  et  élégantes  baies,  aux  verrières  étincelantes  de  lumière  ? 
N'avait-il  pas  relevé  la  nudité  de  leurs  pierres  par  des 
images  satiriques  et  grotesques,  pour  flétrir  le  vice  et,  partant, 
exalter  la  vertu  ?  N'avait-il  pas  fouillé,  avec  une  patience 
achevée,  leurs  pinacles  qui  abritent  les  Pères  et  les 
Protecteurs  de  l'Eglise,  et  découpé,  dans  l'azur  des  cieux, 
ces  délicates  dentelles  que  la  grâce  de  Dieu,  seule,  paraît 
soutenir. 

Non,  Tart  religieux  ne  pouvait  rétrograder.  Il  avait  un 
idéal  nouveau,  où  l'orfèvre  vint  puiser  son  inspiration,  pour 
traduire  dans  l'or  ou  dans  l'argent,  ces  merveilles  de  l'art 
gothique.  La  basilique,  entre  ses  mains,  devint  la  châsse 
chargée  de  pierreries  qui  devait  briller  d'un  éclat  nouveau  sur 
l'autel. 

M.  de  Caumont  déclare  également  que  c'est  au  xiii'  siècle 
que  les  châsses  affectent  la  forme  d'une  église  avec  ses 
contreforts,  ses  pinacles,  ses  arcatures  et  même  ses  tours  : 
«  Les  ciselures  rivalisent  avec  l'émaillure  pour  orner  cet 
«  édifice  de  métal.  »  M.  l'abbé  Mallet  ajoute  :  «  Il  n'y 
c(  manque  ni  les  balustrades,  ni  les  gargouilles,  ni  les  tympans, 
«  ni  les  roses,  ni  la  crête  du  toit.  Quelquefois  même,  un 
«  clocher  s'élève  au  milieu  du  faîtage  (i).  » 

Vers  la  fin  du  xiv"  siècle,  et  surtout  au  xv*  siècle,  dit 
M.  René  Ménard  :  «  La  statuaire  commença  à  se  substituer 

(O  Voir  aux  pièces  justificative»  n*  i6  la  chflsse  de  saint  Taurin,  et  celle  de  saint  Germain. 


234  CHAPITRE  XII 

«  à  Tarchitecture,  dans  les  pièces  d'orfèvrerie.  Il  est  vrai  que 

«  dans  les  châsses,  on  avait  toujours  introduit  de  petites 

«  figures   plus  ou    moins  barbares;  mais  à  cette   époque, 

«  l'orfèvrerie  rentre  dans  les  arts  plastiques,  et  devient  une 

«  branche  de  la  sculpture.  » 

Il  ne  nous  paraît  pas  que  la  forme  des  châsses  ait  varié 
sensiblement,  au  xvi*  siècle,  où  la  Renaissance  trouvant  en 
elles  un  élément  propre  à  exercer  l'habileté  de  ses  orfèvres, 
ne  pouvait  moins  faire  que  de  les  marquer  au  coin  de  sa 
prodigieuse  conception,  et  d'une  exubérante  ornementation. 
Il  n'y  a  pas  lieu,  non  plus,  de  croire  qu'en  détruisant  un 
nombre  infiniment  regrettable  de  reliquaires  précieux, 
l'insanité,  la  perfidie  et  Tambition  du  protestantisme  en 
France,  au  temps  de  la  Réforme,  aient  arrêté  le  développe- 
ment de  l'art  religieux.  Bien  au  contraire,  et  par  cette  seule 
cause,  Torfèvrerie  s'applique  à  produire,  sous  une  forme 
nouvelle,  de  splendides  œuvres  d'art  qui  seront  toujours 
l'honneur  et  la  gloire  de  notre  génie  national. 


§vi 

LES  DEUX  CHASSES  MODERNES  DE  SAINT-RAMBERT 

Nous  donnons,  au  lecteur,  le  dessin  des  deux  châsses 
modernes  de  saint  Rambert,  et  nous  accompagnons  la  repro- 
duction de  cet  admirable  travail,  dû  à  la  plume  de  notre 
ami  et  collaborateur,  M.  Henri  Marthoud,  de  la  monographie 
de  ces  deux  précieux  objets. 

Châsse  de  iSoi.  —  Cette  châsse,  en  bois  doré,  sculpté 
dans  le  goût  des  œuvres  de  la  fin  du  xviii*  siècle,  est  un 
travail  très  remarquable,  par  la  perfection  avec  laquelle  il 
a  été  exécuté.  (Fig.  39.) 


;  S", 
'  il 


ïi 


11 


236  CHAPITRE   XII 

Une  inscription  écrite  à  la  main  et  à  l'encre  noire,  sur  une 
des  parois  rouges  de  l'intérieur  de  cette  châsse,  nous  apprend 
qu'  «  elle  a  esté  faitte  par  les  soins  de  Jean  Faure,  de  Bou^ 
chorié^  de  Gaspar  Besson,  de  Pierre  Giraud  cadet  marguillé 
en  1801  (i)  )). 

Les  principales  dimensions  de  cette  châsse  intéressante 
sont  à  la  base,  toute  saillie  comprise,  o"*,57  cent,  de  longueur, 
o",28  cent,  de  largeur.  Sa  hauteur  est  de  o"*,3o  cent,  sans  les 
panaches,  hauts  seulement  de  o",o6  cent. 

Sa  forme,  qui  est  plutôt  celle  d'un  coffre,  rappelle  cependant 
assez  vaguement,  par  ses  pilastres  cannelés  et  leurs  chapi- 
teaux ioniques,  Timage  d'un  temple.  Cette  châsse  supporte 
un  couvercle  à  quatre  pans  égaux  deux  à  deux,  et  inclinés  de 
telle  sorte  que  leurs  bords  viennent  tomber,  en  retrait^  sur 
la  ligne  supérieure  du  rectangle,  qu'ils  laissent  saillir  de 
o'°,02  cent.  Aux  angles  supérieurs  du  couvercle,  quatre 
panaches  en  bois  doré  relèvent  la  silhouette  de  l'œuvre. 

Les  deux  grands  côtés  de  cette  châsse  permettent  de  voir 
les  reliques,  à  travers  deux  glaces,  à  droite  et  à  gauche 
desquelles  sont  deux  panneaux  rectangulaires  chargés 
d'ornements.  Les  deux  panneaux  de  face  montrent  un  rameau 
de  vigne,  mariant  ses  feuilles  et  ses  fruits  avec  une  tige 
d'épis. 

Les  deux  autres  portent  des  motifs  variés.  L'un  est 
fait  d'une  panoplie  d'armes  antiques  croisant  leur  tranchant 
avec  un  carquois  garni  de  flèches,  sous  la  protection  d'un 
bouclier.  L'autre  est  composé  d'une  panoplie  faite  d'un 
faisceau  de  licteur  et  dune  épée,  ombragés  sous  les  plis  d'un 
drapeau. 

Chacun  desdits  panneaux  est  percé  d'une  lunule  de 
o"',o3  cent,  de  diamètre.  C'est  à  travers  le  verre  convexe  de 


(i)  Nous  avons  conservé,  à  cette  inscription,  son  style  et  son  orthographe.  —  Bouchorié, 
Brochoriéf  est  le  nom  d'un  quartier  de  la  ville  de  Saint-Rambert-sur-Loiref  où  se  trouvait, 
jadis,  la  vieille  boucherie  communale. 


LES  CHASSES  ET   KELIQUAIRES  2$-J 

cette  lunule  que  les   pèlerins   pouvaient,  autrefois,  vénérer 
les  restes  bénis  de  saint  Rambert,  en  les  baisant. 

Les  côtés  latéraux  de  cette  châsse  montrent,  en  bas- 
relief  (FiG.  40]  :  l'un,  saint  Rambert  triomphant  de  la 
tyrannie,  à  cheval,  coiffé  du  casque  guerrier,  vêtu  de  la 
tunique  des  Francs,  et  tenant  de  la  main  droite  trois 
épis   allégoriques;   l'autre  porte  le  même   saint  revêtu   de 


SAINT    KAMBERT    BH    BXIL  SAINT    RAMBERT,    UARTVR 

Sculptures  des  cAlés  lilirtui  de  la  Chlssc  de  iHoi. 

la  bure  monastique,  assis  devant  une  croix,  à  l'ombre 
d'un  chêne,  et  occupé  à  méditer  dans  un  livre  de  prières, 
aux  lieux  où  Ebroin  l'avait  envoyé  en  exil,  et  où  il  le  fit 
martyriser. 

Cette  châsse,  d'une  valeur  artistique  réelle,  est  soigneu- 
sement conservée  dans  le  trésor  de  notre  église,  depuis 
le  jour  où  M.  le  chanoine  et  archiprêtre  Subtil,  notre 
digne    prédécesseur,    ta    remplaça    par  celle   qui    renferme 


238  CHAPITRE   XII 

aujourd'hui   les   reliques  vénérées  de   nos  saints    Rambert 
et  Domitien  (i). 

Châsse  de  1872.  —  C'est  en  1872,  à  la  suite  des  répara- 
tions importantes  exécutées  à  l'intérieur  de  notre  église  (2) 
que  les  ossements  de  nos  chers  saints  furent  transférés,  de 
la  vieille  châsse  de  1 801,  dans  une  nouvelle  châsse,  plus  belle 
sans  doute,  mais  tout  à  fait  moderne  (Fig.  41). 

Cette  châsse,  dont  le  poids  énorme  est  à  remarquer, 
mesure  o°,6o  cent.  1/2  de  longueur,  entre  les  deux  angles  des 
pilastres,  et  o",28  cent.  1/2  de  largeur,  o",32  cent.  1/2  de 
hauteur,  corniche  comprise,  et  o",46  cent.,  au-dessous  de 
Tantéfixe. 

Elle  est  faite  en  cuivre  massif,  ciselé,  émaillé  et  doré. 
Le  travail  donne  l'idée  d'un  temple  byzantin  recouvert 
d'une  toiture  à  deux  égouts.  Sur  le  plan  de  chacun  de 
ces  égouts  on  voit  trois  croix  en  relief,  gravées,  encadrées 
d'entrelacs,  de  volutes  et  de  fleurons  dorés  et  émaillés, 
vert  et  rouge,  sur  un  fond  d'émail,  bleu  pâle.  L'œuvre 
se  termine,  au  faîtage,  par  un  chapelet  de  perles,  régulier 
et  peu  saillant. 

Le  corps  principal  de  cette  châsse  comprend,  sur  ses 
grandes  faces,  trois  arcades  à  plein  cintre  avec  denticules, 
au  travers  desquelles  et  abritées  sous  verre,  apparaissent 
complètement  les  reliques.  Des  colonnes  courtes,  entière- 
ment détachées,  aux  fûts  torses,  losanges  et  émaillés, 
avec  chapiteaux  variés,  de  bon  style,  en  soutiennent  les 
arceaux.  L'extrados  est  orné  d'un  bouquet  de  feuillage 
enroulé  avec  un  fleuron  central,  émaillé  blanc  sur  fond  de 
pourpre.  Sur  les  petits  côtés,  une  arcade  embrasse  toute  la 

(i)  Voir  U  figure  39. 

(3)  Par  M.  Bressoo,  architecte  lyonnais,  d'un  mérite  incontestable. 


CHAPITRE   Xtl 


largeur,  de  même  style,  quoique  plus  élevée.  Elle  est  décorée, 
dans  l'extrados  à  fond  de  pourpre,  par  une  suite  de  rinceaux 


DÉTAILS  DK  l'ornementation  DC  LA  CHASSE  E 

RéduclioD  ta  1/4  de  l'originil.  —  ColoDiiellei,  : 


dorés  à   fleurons  émaillés,  d'azur    pâle,  que    recouvre,  au 
sommet,  une  élégante  croix  dorée  et  émaillée  de  rouge. 


Les  chasses  et  RELIQUAlkES  i4i 

Aux  quatre  angles,  sur  des  pilastres  à  chapiteaux  romans, 
finement  exécutés  et  dont  le  corps  forme  un  panneau  à  fond 
de  pourpre,  se  développe  un  enroulement  de  rinceaux  dorés. 
La  composition  de  ces  rinceaux  est  d'un  fini  irréprochable. 
Ils  sont  couronnés  par  une  gracieuse  corniche  à  modillons, 
chapelet  de  perles  et  palmettes  gravées  et  dorées. 

Pour  terminer  ce  couronnement,  des  acrotères  aux  angles 
et  un  antéfixe,  en  haut  relief  doré,  complètent  cet  ensemble 
tout  à  fait  admirable  qui  résume,  selon  la  pensée  d'un 
auteur  :  «  l'art  gréco-romain  qui  admettait  comme  prin- 
ce cipe  la  reproduction  d'un  type  ornemental  qui  reparaît 
(€  identique  à  lui-même,  tout  le  long  d'une  surface  ou  d'un 
cf  édifice,  comme  les  palmettes,  les  oves,  les  méandres,  les 
«  entrelacs,  les  chapelets  de  perles,  etc.  » 

Cette  châsse  que  l'on  peut,  sans  conteste,  considérer  comme 
un  chef-d'œuvre,  est  due  au  talent  d'un  artiste  de  l'ancienne 
maison  Tissot,  de  Lyon.  D'une  parfaite  exécution,  elle 
sera  toujours  digne  de  la  piété  des  fidèles,  comme  aussi,  elle 
fera  toujours  l'admiration  des  amateurs  de  l'art  chrétien. 

Fasse  Dieu  que  la  présence,  parmi  nous,  de  cet  écrin  sacré 
de  nos  chères  reliques  soit,  pour  le  présent  et  pour  l'avenir, 
comme  un  préservatif  salutaire  contre  les  fléaux  de  la  nature, 
le  malheur  des  temps  troublés,  et  les  ravages  de  l'impiété  ! 


i6 


qui  prolège  la  châtie  où  xiDt  rcDrcrmies  les  rdiqu»  de  sainl  Ramben,  martyr. 


SLCTION  DEUXIEME  :    LES   RELIQUAIRHS 


DIVERSES    SORTES    DE    RELIQUAIRES 

Les  reliquaires  que  notre  église  de  Saint-Ramberr-sur- 
Loire  conserve  dans  son  trésor,  n'offrent  pas  un  intérêt 
moins  grand  que  ses  châsses,  malgré  leur  petit  nombre. 

Il  ne  faut  pas  confondre  le  «  reliquaire  »  avec  ia  «  châsse  » 
dont  il  est  le  dérivé  direct,  et  un  diminutif  (i).  Sa  forme  est, 
en  général,  assez  variée  pour  mériter  une  étude  spéciale  (2). 

Mais  nous  n'en  donnerons  qu'une  description  sommaire, 
pour  ne  point  sortirdu  plan  que  nous  nous  sommes  tracé.  Les 
développements  qui  suivent  n'ont  pas  d'autre  but  que  d'initier 
le  lecteur  à  la  connaissance  de  ces  objets  du  culte  divin,  et 
de  lui  rendre  plus  aKrayante  la  description  monographique 
que  nous  allons  faire  de  ceux  que  nous  possédons  (3). 

Il)  Il  Qaoiqu'oD  coûfonde  souvcnl  la  chl>K  avec  1c  reliquaire,  il  ciiatc  pourtant,  «nirt 
•  lei  deux,  UD<  différence,  car  le  dernier  n'en  qu'UD  di  m  in  util  de  la  première.  ilM.  l'abM 
Pàical,  iMtUtKliOnl  dt  VAtI  çhréllea,  tonte  II,  p.  141.) 

(ï)  Phylactirei.  pbilalièrei.  noms  que  Ion  donne  i  tout  meuble  contenant  dei  relique* 
de  taioli.  Il  y  atalt  des  reliquaire!  de  toutet  lei  lormii,  de  toute  nature  et  de  tonte 
dimeniioD.  Il  faat  cependant  dittiuguer  le  reliquaire  de  la  chliK.  La  chlue  conlieu  un 
corpaiainl.  c'eil  le  cercueil.  Le  reliquaire  est  le  vaie, le  coffre,  le  meuble.enfin.dant  lequel  oa 
renrerme  loit  une  partie  d'un  corpa  Hint,  loit  un  objet  laucllfié.  Ain»,  on  ne  pourrait  dire 
que  ta  couronne  d'^pïnei  de  Notre-Seîgneur  fut  renfermfe  dan*  une  ehlase,  main  dan*  un 
reliquaire.  {Diclionnairt  du  Mobitiir ftanfati,  Violut-u-Duc,  lome  I.  p.  110.) 

13)  Le  plni  ancien  et  le  plu*  précieux  de  toui  lei  retiquairti  vénéré*  pendant  le  moyen 
l|e  e*t  le  •  Saint  Graal  >. 

Le  •  Saint  Graal  >  eil  le  vase  qui  icrvii  k  léiui-Chrlit  pour  ctlébrer  la   Ctne,  et   dan* 
lequel  Joaeph  d'Arimaihie  recueitlil  le*  goutte*  de  ung  de  Noire-Seigneur,  apréi  )a  Paulon. 
Ce  taie  paaaa,  dit  la   légende,  de*   maini  de  Joseph  d'Arimaihie,  qui   vécut  plua  de  deoi 
■ièclei.  en  cellea  de  son  neveu  nommé  Alain.  I.lilatoire  de 
■uiet   de   plutleur*  romana    pendant     le   moyen  Ige.    ^Violl 
MobUitr/ranfait.  totne  1,  p.  ]i3.) 


'144  CHAPITRE   Xti 

(a)  Fioles  lacr/matoires.  —  Des  fouilles  intéressantes  opérdeâ 
dans  les  «  loculi  »  des  Catacombes,  ont  mis  au  jour  une 
variété  de  petits  récipients  dont  l'usage  a  été  cherché 
longtemps,  et  est  encore  discuté  aujourd'hui.  Il  s'agit  de 
petits  vases  de  verre  ou  de  cristal  désignés,  parfois,  sous  le 
nom  de  «  Fioles  lacrymatoires  »,  dont  l'emploi  apparemment 
indiqué  serait  difiBcile  à  justifier,  si  nous  ne  savions  déjà 
qu'elles  le  tirent  plutôt  de  leur  forme  particulière,  qui  est 
ordinairement  celle  d'une  larme. 

D'après  certains  écrivains,  Tusage  de  ces  petits  vases 
était  réservé  pour  contenir  des  baumes  odoriférants,  dont  le 
parfum  devait  servir  à  combattre  Todeur  cadavérique  des 
tombeaux.  Selon  d'autres,  ils  étaient  destinés  à  renfermer 
des  onguents  de  toilette  dont  on  a  cru  trouver,  quelquefois, 
les  traces  dans  une  matière  onctueuse  et  grasse. 

Cette  dernière  appréciation  relativement  juste,  paraît  très 
admissible  ;  car  nous  savons  que  dès  le  iv*  siècle,  il  était  de 
tradition  d'honorer^  non  seulement  la  sainte  dépouille  des 
martyrs,  mais  encore  de  considérer  l'huile  des  lampes  qui 
brûlaient  sur  leurs  tombeaux,  comme  un  remède  efficace 
contre  les  maladies,  et  surtout  contre  les  maux  d'yeux. 

Il  est  rapporté  que  saint  Grégoire  (vii^  siècle)  avait  envoyé, 
à  la  reine  Théodelinde,  des  vases  contenant  de  l'huile  des 
tombeaux  des  martyrs.  A  Lyon,  au  monastère  de  Saint- 
Pierre-les-Nonains,  où  l'on  conservait  les  reliques  du 
glorieux  martyr  saint  Ennemond  (vers  663),  on  vit  maintes 
fois  des  aveugles  recouvrer  l'usage  de  la  vue,  en  s'oignant  les 
yeux  avec  l'huile  de  la  lampe  qui  brûlait,  à  perpétuité,  devant 
ses  pieux  restes. 

C'est  ainsi  que  l'huile  merveilleuse  qui  découlait  goutte  à 
goutte  du  tombeau  de  saint  Rambert,  après  avoir  servi  à  ali- 
menter les  lampes  suspendues  tout  autour,  guérissait  de  leurs 
infirmités  les  fidèles  dévots  qui  en  avaient  été  oints  (i). 

(I)  Voir  le  chapitre  lU*  de  cet  ouvrage  :  Martyre  de  saint  Rambertf  p.  36. 


LES   CHASSES  ET   RELIQUAtBPS  345 

Au  viii*  siècle,  saint  Bonnet  guérissait  les  malades  en  les 
oignant  avec  l'huile  de  la  confession  de  saint  Pierre.  Un  fait 
non  moins  prouvé,  c'est  l'emploi  que  faisaient  les  premiers 
chrétiens  de  ces  fioles,  pour  recueillir  le  sang  du  corps  des 
martyrs  (Fio.  44),  qu'ils  épongalent  dans  quelques-uns  de 
ces    vases.    La    présence    d'épongés 
a    été  constatée.    Un    autre    fait  de 
ce  genre,  observé  plusieurs    fois   et 
rapporté  par  le  savant  Bosio,  que  sur 
son    témoignage   le    P.    Mabillon    a 
admis  sans  hésitation  (i),  a  consacré 
la  découverte  de  quelques-uns  de  ces 
vases  restés  hermétiquement  fermés, 

où  le  sang  était  liquide,  mais  que  sa  "■  "*'»^' 

surface  séreuse  obligeait  à  agiter,  pour 
lui    rendre   sa  couleur   naturelle.  Il  antiqum 

est  certain  que  cette  coutume,  aussi    dcUn^»  tcamenirduungdd 

.    -,  ,      .  .    .         martvn,   ou    de    l'huile    d«> 

pieuse  que  pénible  à  constater,  a  ete      i.ni[«.de  leuntombum.  - 
pratiquée    par     les   chrétiens,    ainsi       ^<""'"'  °'-°7  ""'■ 
qu'en    témoigne  le  poète  ancien   dans    son    hymne  sur    le 
martyre  du  diacre  saint  Vincent. 

<  Plerique  vestem  lineam 

«  Slillante  lingunt  sanguine; 

«  Tutamen  ut  sacrum  suis 

I  Domi  reservent  posteris.  > 

«  Beaucoup  —  de  fidèles  —  teignent  une  étoffe  de  Un 
«(  du  sang  qui  coule  des  veines  du  martyr.  C'est  une 
«  protection  sacrée  qu'ils  réservent  dans  leurs  maisons  pour 
«  leurs  descendants  (2).  » 

r)  Ep.  EuKb.M..  4, 1  édil.  Dictionnaire  Jet  AntiiiuiUi  ehrélieKnet,  abbi  Mimnoir. 
'  ;  <  L»  petit»  ampoulK  de  verre  dont  août  donnont  ici  le  de«tia,  >(> part ien Dent  i  11 


246  CHAPITRE   XII 

(b)  Encolpia,  —  Il  est  certain  que  dès  les  premiers  temps 
du  christianisme,  les  fidèles  dont  on  connaît  non  seulement 
la  piété  et  la  vénération  pour  les  ossements  des  martyrs,  mais 
encore  pour  les  objets  qui  leur  avaient  appartenu,  se  firent 
de  petits  vases,  de  petits  coffrets  (capsa)^  pour  conserver  dans 
la  famille,  les  reliques  de  ces  saints  athlètes.  Ces  reli- 
quaires primitifs  étaient  pieusement  gardés,  dans  les  maisons, 
comme  des  objets  propres  à  conjurer  les  malheurs  et  à  attirer 
les.  bénédictions  de  Dieu.  Il  y  a  plus,  les  fidèles  portaient 
suspendues  à  leur  cou,  nous  l'avons  dit  au  chapitre  IX*,  ces 
petites  custodes,  en  or  et  en  argent,  qui  affectaient  quelquefois 
la  forme  de  petits  médaillons  carrés  ou  ronds  (i). 

Les  petits  reliquaires,  de  la  forme  de  ceux  que  nous  venons 
de  décrire,  ne  servaient  pas  seulement  à  renfermer  quelques 
parcelles  des  reliques  des  saints,  mais  encore, après  l'invention 
de  la  Sainte  Croix  de  Notre-Seigneur  par  sainte  Hélène 
(iv'  siècle),  à  renfermer  quelques  fragments  de  ce  bois  sacré. 
Ces  reliquaires,  en  raison  de  leur  destination,  prirent  alors  la 
forme  spéciale  de  la  Croix.  Au  vu*  siècle,  saint  Grégoire-le- 
Grand  avait  envoyé  une  croix  de  ce  genre,  contenant  un 
fragment  assez  considérable  du  bois  sacré  à  la  reine 
Théodelinde,  épouse  d'Aritharis,  roi  des  Lombards.  Cette 
croix  fut  reconnue,  en  1246,  dans  un  inventaire  du  célèbre 


(1)  Voir  le  n*  2  des  notes  de  la  page  i5i,  chapitre  IX.  Saint  Jean  Chrysostôme  mentionne 
ces  écrins  portatifs  (encolpia),  dans  plusieurs  de  ses  œuvres,  et,  en  particulier,  dans  sa 
XIX*  Homélie  :  De  statutis.  Sainte  Geneviève  (432-512),  née  à  Nanterre,  Patronne  de  Paris, 
qu'elle  sauva  d'Attila,  portait  un  médaillon  de  bronze  marqué  du  signe  de  la  croix.  Ce 
médaillon,  qui  lui  avait  été  donné  par  saint  Germain,  évêque  d'Auxerre.  renfermait  des 
parcelles  de  reliques.  Saint  Nicéphore,  patriarche  de  Constantinople,  qui  vivait  vers  806, 
dans  sa  réfutation  des  Iconoclastes,  assure  que,  de  son  temps,  tous  les  chrétiens  portaient, 
suspendus  à  leur  cou  par  une  chaîne,  des  «  encolpia  »,  sur  lesquels  on  voyait,  gravés,  le 
monogramme  du  Christ,  et  les  mystères  de  la  vie  de  Notre-Seigneur.  Et,  ajoute  ce  saint 
évSque,  c'étaient  des  objets  fabriqués  depuis  longtemps.  Nous  savons,  par  le  témoignage  de 
plusieurs  savants  :  Bosio,  Aringhi,  Ciampini  et  Bottari,  que  deux  de  ces  reliquaires  ont  été 
trouvés  en  lôyi,  dans  des  tombeaux  du  cimetière  antique  du  Vatican.  De  forme  carrée  et 
munis  d'une  boucle  de  suspension,  ils  sont  en  or,  et  portent  sur  l'une  de  leurs  faces,  le 
chrisme  accompagné  de  l'A  et  de  l'w.  Les  «  encolpia  ■  de  cette  époque  représentent,  ordi- 
nairement, la  Passion  de  Notrc-Seigneur  Jésus-Christ,  ses  miracles  ou  sa  résurrection.  Ils 
renferment  soit  des  pages  d'iîvangile,  soit  des  parcelles  d'ossements  des  martyrs,  soit  encore 
quelques  fragments  d'étoffe  imprégnés  de  leur  sang.  (D'après  M.  l'abbé  Marti^y.) 


LES   CHASSES   ET   RELIQUAIRES  247 

trésor  de  Monza  :  «  Crux  gemmata  quœ  habei  de  ligno  sanctœ 
Crucis  ».  Et  dans  l'inventaire  de  1276  :  «  Crux  regrtt  cum 
gemmis  et  lapidibus  »  (i). 

Ce  n'est  point  seulement  chez  le  peuple  que  nous  trouvons 
profondément  enracinés,  avec  le  culte  des  reliques,  le  goût  et 
Tusage  des  reliquaires  portatifs.  Les  rois,  les  évêques,  les 
abbés  de  monastères  avaient  trouvé  l'ingénieux  moyen  de  ne 
jamais  se  séparer  des  précieuses  reliques  des  saints  auxquels 
ils  avaient  confiance,  en  transformant  les  insignes  de  leur 
dignité  en  de  véritables  «  encolpia  ».  C'est  ainsi  qu'à  cette 
lointaine  époque,  les  diadèmes  royaux,  les  mitres  épiscopales, 
les  crosses  abbatiales  portaient  souvent  quelques  parcelles 
d'ossements  sacrés,  enchâssés  dans  des  perles,  dans  des 
émeraudes  ou  dans  d'autres  pierreries  montées  avec  un  art 
consommé  (2). 

Pendant  la  période  romane,  la  forme  des  reliquaires 
fut  très  variée.  Au  xi*  siècle  on  en  fit  en  forme  de  tour 
ronde  ;  au  xii*  siècle  on  en  vit  sous  la  figure  d'un  ange 
portant  une  corbeille  ;  au  xiii^  siècle  on  leur  donna  la 
silhouette  d'un  château  fort,  et  même  d'une  lanterne  avec 
volets,  d'une  burette,  d'un  cheval  avec  son  cavalier  (3).  Au 
temps  des  croisades,  de  pieux  et  preux  chevaliers  enchâssaient 
dans  le  pommeau  de  leurépée  de  vénérables  reliques,  comme 
un  talisman  précieux. 

(1)  Voir  aux  piices  jastificatiTci  n*  i8. 

(a)  Suivant  saint  Grégoire,  il  était  d'usage,  en  son  temps,  de  distribuer,  en  présents,  de 
petites  clefs  d'or,  contenant  de  la  limaille  des  chaînes  de  saint  Pierre.  Childebert,  roi  de 
France,  en  reçut  une,  envoyée  par  ce  Pape,  pour  lui  servir  de  préservatif  contre  tous  les 
maux. 

Dans  rinventaire  du  trésor  de  Monza,  en  layS,  il  est  fait  mention  de  la  couronne  des 
rois  lombards,  dans  laquelle  la  reine  Théodelinde  plaça  un  des  clous  de  la  vraie  croix. 
Suivant  le  «  Testament  de  saint  Yrieix  publié  par  M.  Akbellot,  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  Archéologique  du  Limousin  ■,  il  est  dit  qu'en  l'année  573,  il  y  avait,  dans  l'oratoire 
de  saint  Hilaire,  une  couronne  avec  une  croix  faite  d'argent  doré,  enrichie  de  pierres 
précieuses,  pleine  de  reliques  de  saints,  et  son  ornement  valant,  selon  estimation,  100  s.,  etc. 

(3)  Cours  élémentaire  d'Archéologie  religieuse,  tome  II,  p.  141,  par  M.  l'abbé  Mau.bt. 


24^  Chapitre  xit 

Quelquefois  le  reliquaire  affecte  la  forme  d'un  buste  (i) 
représentant  le  saint  ou  la  sainte  dont  il  contient  les  reliques  ; 
d'autres  fois,  il  reproduit  l'image  du  saint  dont  il  renferme 
le  chef,  ou  bien  il  a  la  forme  du  bras,  du  pied  ou  de  quelque 
autre  partie  du  corps  qu'il  contient. 

Pour  justifier  l'originalité  de  ces  diverses  sortes  de  reli- 
quaires nous  pourrions  en  citer  de  nombreux  exemples  (2). 
Nous  nous  contenterons  de  faire  la  description  de  celui  que 
possède  une  église  de  notre  région  forézienne  :  le  Bras- 
reliquaire  de  l'église  de  Veauche  (Loire). 

(c)  Bras-reliquaire  de  r église  de  Veauche  (Loire).  —  Ce  bras- 
reliquaire  dont  nous  donnons  ici  le  dessin  (Fig.  46)  est  un  des 
rares  modèles  du  genre.  C'est  une  pièce  d'orfèvrerie  en  argent, 
du  plus  grand  intérêt.  Sa  hauteur  extrême  est  de  o®,5o  cent., 
et  sa  date  d'origine  ne  saurait,  croyons-nous,  remonter  au- 
delà  du  xv*  siècle.  Il  contient  des  reliques  de  saint  Pancrace, 
patron  de  la  paroisse,  de  saint  Clair,  de  saint  Martin;  et 
nous  sommes  enclin  à  le  considérer  comme  le  pieux  présent 
de  quelque  noble  bienfaiteur  de  la  localité. 

(i)  Le  riche  trésor  du  monaitère  de  Saint-Maurice-en-Valais  conserve  deux  reliquaires 
remarquables  en  argent  repoussé  du  xi*  siècle,  en  forme  de  bustes.  L'un  renferme  le  chef  de 
saint  Victor,  soldat  de  la  légion  thébaine  ;  l'autre  montre  la  figure  de  saint  Candide,  et  il 
contient  aussi  son  chef.  Le  buste  repose  sur  un  pied  carré,  orné  de  la  scène  de  son 
martyre.  Cette  dernière  pièce  d'orfèvrerie  présente  un  intérêt  réel  par  la  richesse  de  ses 
pierreries,  le  fini  de  son  exécution,  et  surtout  par  l'originalité  de  la  coiffure  et  du  costume 
carolingiens.  (D'après  les  notes  de  M.  H.  Marthoud.) 

(2)  M.  l'abbé  Pascal  cite  un  reliquaire  que  l'on  voyait  autrefois  à  Saint-Germain-des-Prés, 
à  Paris,  et  qui  avait  la  forme  de  la  jambe  bardée  de  fer  d'un  preux  chevalier,  (.e  reliquaire 
original  contenait  le  tibia  d'un  des  Saints  Innocents. 

Le  musée  de  Cluny  possède  un  reliquaire  du  ziv*  siècle,  d'origine  italienne,  mesurant 
o^.ao  cent.de  longueur,  en  cuivre  repoussé  et  doré,  ayant  renfermé  le  pied  du  saint  abbé 
Alard,  ainsi  que  l'indique  Tinscription  gravée  dans  le  haut  :  «  Qui  .  entro  .  cil .  piede  .  di  . 
Santo  ,Alardo  .  abate.  » 

L'église  Saint-NIcolas-du-Port,  en  Lorraine,  possédait  un  magnifique  reliquaire  ayant  la 
forme  d'un  bras.  Ce  reliquaire  admirable  contenait  un  doigt  de  saint  Nicolas,  qui  avait  été 
donné,  en  1087,  à  une  chapelle  de  cette  petite  ville,  par  un  seigneur  de  la  contrée.  Suivant 
VArt  ornemental,  année  1884,  n*  72,  qui  en  a  publié  un  dessin  :  «  La  relique  était 
«  contenue  dans  un  bras  supporté  par  un  socle,  en  or,  de  forme  ovale,  et  décoré  de  pierres 
t  gravées  antiques,  et  d'écussons.  Les  pierres  gravées  représentaient  des  sujets  mytholo- 
•  giques  ou  allégoriques.  • 

Malheureusement,  comme  tant  d'autres  merveilles  de  l'art  ancien,  cette  pièce  extra- 
ordinaire a  été  brisée  pendant  la  grande  Révolution  (1793),  et  livrée  au  creuset  égalitaire. 


LES  CHASSES  ET   KEUQCAIIES  349 

D'un  travail  absolument  soigné,  et  d'une  sobre  richesse 
d'ornementation,  rehaussée  autrefois  de  pierreries  dont  il 
reste  fort  peu  de  choses,  nous 
pou%-oas,  d'après  les  trois 
poinçons  et  la  marque  de 
Lyon  dont  il  est  signé,  non 
seulement  juger  de  l'habileté 
des  orfèvres  lyonnais,  à  cette 
époque,  mais  encore  signaler 
la  lettre  initiale  gothique 
>  U  J>  de  l'artiste  qui  l'a 
exécuté,! etire  que  nous  aurons 
bientôt  l'occasion  deretrouver. 

Entièrement  battu  au  mar- 
teau,cet  intéressant  reliquaire 
est  repoussé  avec  un  relief  bien 
naturel  de  forme.  La  main 
fermée  montre  le  pouce  relevé 
et  orné  d'un  fort  anneau  de 
vermeil,  avec  chaton  carré 
enrichi  d'un  gros  grenat.  Le 
poignet  enveloppé  d'un  riche 
tissu  à  bordure  brodée,  se 
dégage  de  la  draperie  qui 
recouvre  le  reste  du  bras,  et 
dont  la  ligne  perpendiculaire 
de  jonction  est  cachée  sous 
une  bande  bordée  de  filets 
torses,  avec,  au  milieu,  des  """  *^ 

têtes  de  clous  saillantes.  Une         reliquaihi  en  aroikt 
fine   bordure     vermeille    de 

Cootcrvé  dini  VtgWte  it  Vcau^'hc  tl.oirti. 

rinceaux,  entre  deux  cordons 

tordus,  couronne   l'emmanchure.  Elle  se    répète   à  la  base, 

sur   une    élégante    moulure  bordée,   également,    d'un   fort 


26o  CHAPITRE   XII 

cordon  torse,  et  sur  laquelle  subsiste  encore,  en  relief,  un 
chaton  garni  d'un  grenat.  Enfin,  au  milieu  du  bras  et  au 
revers,  une  cavité  fermée  à  clef  par  une  petite  porte,  renferme 
les  reliques.  Ces  reliques,  cependant,  apparaissent  sur  la  face 
à  travers  un  cristal  encadré  d'une  bordure  vermeille,  chargée 
de  rosaces  de  même  travail. 

(d)  Les  grands  Ostensoirs-reliquaires  ou  Soleils  d'orfèvrerie. 
—  Il  ne  faut  pas  confondre  l'ostensoir  qui  sert  à  exposer  la  sainte 
Hostie,  avec  l'ostensoir-reliquaire  dont  la  custode  ne  garde 
que  des  reliques  de  saints.  Malgré  la  similitude  apparente  de 
ces  deux  objets,  les  dimensions  et  la  forme  variée  de  la 
custode  du  reliquaire^  le  feront  toujours  distinguer  de 
l'ostensoir  proprement  dit. 

Plusieurs  auteurs,  avec  du  Gange,  appellent  indistinctement 
du  nom  de  «  Monsirances  »  toute  variété  d'ostensoirs  (i),  soit 
qu'ils  gardent  des  reliques  de  saints,  soit  qu'ils  présentent  la 
sainte  Eucharistie.  En  se  plaçant  au  point  de  vue  de  leur  desti- 
nation qui  est  de  montrer  «  monstrare  »  des  reliques,  il  est 
certain  que  ces  auteurs  ont  quelque  raison  d'appeler  ces 
ostensoirs,  de  simples  «  Monstrances  ». 

Cependant,  nous  croyons  qu'il  est  plus  juste  de  se  baser, 
pour  la  dénomination  respective  de  ces  précieux  écrins,  non 
sur  leur  silhouette  souvent  semblable;  non  encore  sur  un 
usage  commun  aux  uns  et  aux  autres  d'être  exposés  à  la 
vénération  des  fidèles,  mais  bien  plutôt  sur  leur  destination 
initiale  qui  était  de  renfermer  la  sainte  Hostie,  ou  même 
d'importantes  reliques. 

Dans  le  premier  cas,  nous  reconnaissons  VOstensoir  ou 
Saint-Sacrement  proprement  dit,  et  dans  le  second,  le 
Reliquaire-rayonnant  ou  Soleil  d'orfèvrerie  qui  l'a  inspiré. 


(i)  «t  Monstrantia  seu   phylacteria,  seu   arculK    in   quibus  reconduntiir  reliquiae   àtque 
d  Eucharisfia.  »  Du  Gange  :  Glossarius  lingux  latinae. 


LES   CHASSES    ET   RELIQUAIRES  25  I 

lequel^  du  reste,  est  toujours  connu  sous  le  nom  significatif 

de  :    OSTENSOIR-RELIQUAIRE. 

L'usage  d'exposer  alternativement,  sur  les  autel  s, l'ostensoir 
et  le  reliquaire  a  non  seulement  permis  aux  artistes  du 
moyen  âge  de  déployer  plus  d'une  fois  un  talent  merveilleux, 
mais  encore  de  donner  à  ces  œuvres  exceptionnelles  des 
dimensions  extraordinaires.  Onena  vuatteignant,quelquefois, 
et  dépassant  même  une  hauteur  de  i"',6o  cent.,  chargées  d'une 
décoration  prodigieuse  pour  les  rendre  plus  visibles,  d'où 
leur  nom  d'ostensoirs  «  ostendere  montrer  ».  Un  maître  de 
l'orfèvrerie  espagnole  au  xvi*  siècle,  Don  Juan  Arphé,  met 
en  principe  qu'il  faut  distinguer  l'ostensoir  à  demeure  fixe 
sur  l'autel, de  l'ostensoir  portatif  utilisé  dans  les  processions. 
Nous  croyons  pouvoir  confirmer  cette  opinion  par  deux 
exemples  :  celui  de  l'ostensoir  de  la  cathédrale  de  Barcelone 
(Espagne),  et  celui  de  l'ostensoir  de  l'église  Notre-Dame  de 
Saint-Chamond  (Loire). 

Le  premier  est  en  vermeil  et  du  xv*  siècle.  Son  poids  exige 
la  force  de  huit  prêtres  pour  le  porter.  Il  s'agit  bien,  ici, 
dans  cette  pièce  extraordinaire,  d'un  ostensoir  et  non  d'un 
reliquaire,  sur  lequel  est  ménagée  une  réserve  pour  contenir 
la  sainte  Hostie,  indiquée,  d'ailleurs,  par  un  petit  calice  sur 
lequel  apparaît  l'image  (i). 

L'autre  ostensoir  mérite  d'être  signalé  parmi  les  travaux 
d'art  du  xix*  siècle.  C'est  une  oeuvre  monumentale  en  bronze 
doré,  qui  après  avoir  figuré  à  l'Exposition  de  Paris,  en  i855, 
et   y  avoir  été  très  remarquée,  fut  acquise  par  la  paroisse 


(i)  Une  semblable  disposition  existe  dans  le  célèbre  ostensoir  du  xvi«  siècle,  de  Daniel 
Hopfer,  où  sous  un  portique  deux  anges  agenouillés  soutiennent  une  hostie,  au-dessus  du 
calice.  Cette  ccuvre  remarquable,  par  son  aspect  architectural  et  les  scènes  qu'elle  représente, 
est  d'une  exécution  qui  fait  songer  au  goût  un  peu  lourd  de  l'art  allemand  k  cette  époque. 

Il  n'est  guère  possible  de  rencontrer  beaucoup  d'œuvres  de  ce  genre  comparables  au 
célèbre  ostensoir  de  Bélem,  attribué  au  Portugais  Gil  Vicente  (1470-1536  environ).  C'est 
une  de  ces  merveilles  qui,  à  elles  seules,  suffisent  à  la  réputation  d'un  artiste.  D'une 
richesse  inouïe,  la  belle  composition  de  cet  ostensoir  est  à  remarquer  à  cause  de  l'heureuse 
disposition  d'une  lunule  centrale,  pour  abriter  l'hostie  qu'entourent  les  figures  des  douze 
apôtres  agenouilles  en  adoration. 


252  CHAPITRE   XII 

Notre-Dame,  à  Saint-Chamond  (Loire),  où  Ton  vient  fréquem- 
ment Tadmirer. 

Malgré  son  caractère  bien  défini,  VOstensoir-reliquaire^  ou 
Soleil  (f  orfèvrerie^  revêt  diverses  formes.  Ainsi,  on  le  trouve 
quelquefois  dominé,  dans  son  œuvre  principale,  par  une  figure 
sainte  environnée  d'une  gloire  rayonnante.  D'autres  fois  il 
apparait  sous  la  forme  d'un  tryptique  de  métal  ouvragé,  monté 
sur  pied.  La  partie  médiale  de  ce  tryptique  contient  la  custode 
pour  les  reliques,  et  sur  des  ailes  latérales  découpées,  ciselées, 
ou  gravées,  se  montrent  de  saints  personnages  abrités  sous  des 
arceaux  gothiques.  Ce  genre  de  reliquaire  est  celui  où  l'orfèvre 
semble  avoir  le  plus  vaste  champ  pour  mettre  en  évidence  les 
richesses  de  son  génie,  et  la  forme  d'édifice  ogival  qu'il  donne 
souvent  à  ces  reliquaires,  est  celle  qu'il  peut  traiter  avec  le  plus 
de  magnificence.  Alors,  l'œuvre  de  l'artiste  devient  une  église 
gothique  en  miniature,  avec  pinacles  pour  recevoir  Timage  des 
bienheureux  dont  elle  garde  les  reliques,  avec  flèche  élancée 
surmontée,  comme  signe  distinctif,  d'un  petit  «  soleil  »  de 
métal  doré  (i). 

(e)  Ostensoirs-reliquaires  ou  «  Soleils  d'orfeifrerie  » 
de  l'église  Saint-Rambert-en-Forez. 

Notre  vieille  église  conserve  deux  ostensoirs  reliquaires  ou 
soleils  d'orfèvrerie.  Le  premier,  le  plus  important  des  deux,  est 
en  cuivre  argenté  et  repoussé  au  marteau.  Il  a  la  forme  d'une 
croix  rayonnante,  montée  sur  un  pied  dont  la  base  rectangu- 
laire mesure,  sur  ses  grands  côtés,  un  peu  plus  de  o",  1 1  cent., 
et  seulement  o",09  cent,  environ,  sur  les  petits  côtés.  Les 
bras  de  la  croix  donnent  une  envergure  de  o",i4  cent,  et  la 
hauteur  totale  de  cet  intéressant  reliquaire  est  de  o™,3o  cent. 
L'ornementation  en  est  simple,  et  l'œuvre  semble  ne  pas 

(i)  C'est  sans  doute  à*  ce  détail  significatif  que  ces  reliquaires  doivent  d'être  nommés: 
tt  Soleils  d'orfèvrerie  »  par  les  anciens,  et  dont  le  xviii*  siècle  s'inspira  pour  modifier 
complètement  l'ostensoir  ou  •  Saint-Sacrement  ».  C'est  depuis  cette  transformation  que 
nous  avons  les  «  Soleils  rayonnants  »  sur  lesquels  apparaissent,  tour  à  tour,  des  tètes  de 
chérubins,  des  images  symboliques  d'épis  de  blé  et  de  grappes  de  raisins. 


Les  chasses  et  reliquaires  2d5 

remonter  au-delà  du  xvii*  siècle.  La  lunule  de  cristal  ménagée 
au  centre  de  la  croix,  et  dont  le  diamètre  n'est  que  de 
o",o3  cent.,  a  montré  depuis  1804  jusqu'en  i863,  un  petit  0^, 
extrait  du  lot  des  reliques  de  saint  Rambert,  intitulé  : 
«  ossicula  manuum  et  pedum  ». 

Mais,  depuis  l'année  i863,  le  petit  ossement  transféré  dans 
la  grande  châsse,  a  été  remplacé  par  une  parcelle  du  bois  sacré 
de  la  vraie  croix.  On  vénère  aujourd'hui  avec  piété,  dans 
notre  église,  cette  précieuse  relique  (i). 

L'autre  ostensoir  reliquaire  est  de  plus  petite  dimension. 
Sa  hauteur  totale  atteint  environ  o™,i3  cent.,  et  les  rayons  de 
son  soleil  ne  se  développent  que  sur  un  diamètre  de  o",27  cent. 
Cette  œuvre  est  en  bois  sculpté,  et  nous  paraît  appartenir  au 
xvii^  siècle.  Elle  est  très  simplement  exécutée,  se  compose 
d'un  pied  prismatique  avec  tige  en  forme  de  cœur  allongé, 
avec  la  disposition  archaïque  d'un  soleil  surmonté  d'une 
petite  croix^  mais  dont  les  rayons  sont  des  pétales  arrondis 
(FiG.  46  n**  i). 

(f)  Les  Reliquaires  sur  pied  sont  les  petits  <(  présentoirs  » 
«  ou  processionnels  »  que  les  prêtres  offrent  à  la  vénération 
des  fidèles  ;  ou  encore  les  reliquaires  que  l'on  portait  dans  les 
processions  solennelles  de  .la  fête  des  saints  patrons  et  protec- 
teurs. Ces  (c  présentoirs  »  ne  renferment,  généralement,  que 
des  fragments  de  reliques. 

C'était,  à  proprement  parler,  de  petits  reliquaires  que  leurs 
dimensions  réduites  permettaient  de  porter  à  la  main,  et  de 
déposer  sur  un  autel. 

Reliquaire  sur  pied  de  l'église  Saint^Rambert-en'Fore:{, 
—  Ce  reliquaire,  en  cuivre  argenté,  et  monté  sur  un  pied  gravé, 
est  de  style  Louis  XI IL  Sa  custode  rectangulaire  est  garnie, 
sur  le  devant,  d'un  cristal.  Elle  n'est  pas  saillante,  n'a  qu'une 

(1)  C'est  M*  te  chanoiàe'^archiprctrc  Subtil  qui  fît  U  translation  de  ce  petit  ossement 
de  saint  Rambert,  dans  un  autre  reliquaire  en  mfime  mctal,  de  forme  carrée  et  de  style 
ancien  quelque  peu  roman,  et  dont  nous  parlerons  aux  pages  suiTantes. 


254  CHAPITRE   XII 

face  à  pans  coupés  et  gravés.  La  hauteur  totale  de  l'œuvre  est 
de  o^^SS  cent.  Ce  reliquaire  intéressant  contient  des  parcelles 
de  reliques  des  saints  Rambert,  Côme,  Tranquiltin,  Fortunat 
et  Vincent,  martyrs  (Fig.  46  n°  2). 


KBLIQUAIRES   CONSERVÉS    DANS    l'ÉGLISE    SAINT -RAUBERT- EN -FOREZ 

1.  -^  Pelil  OsIcHtoir-reliqualre  ta  bois  >culpt6  du  xvii'  liicle;  contcoaDl  une  r<liqu«  de 


«rgenté  (époque  de  Louij  XIII)  i  ci 


èclc  ;  coalieol  do   reliques 


(g)  Les  Monstrances.  —  La  «  monsirance  »  servait  à 
montrer  aux  tîdcles,  par  une  exposition  spéciale,  les  reliques 
d'un  saint,  au  jour  anniversaire  de  sa  fête.  La  forme  des 
monstrances  est  très  variée.  Elles  sont  cependant,  et  en  général, 
montéessur  unpiedetseterminentdans  leur  partie  supérieure 


LES   CHASSES   ET   RELIQUAIRES  255 

en  une  custode  élevée,  tantôt  ronde,  tantôt  carrée,  quelque- 
fois rectangulaire,  affectant,  d*autres  fois,  la  forme  de  la 
relique  qu'elles  sont  destinées  à  conserver  ;  et  toujours  fermées 
par  un  cristal  qui  permet  d'apercevoir  les  reliques,  tandis  que 
leur  sommet  est  fait  d'un  petit  couvercle  surmonté  d'une 
croix.  Les  ((  monsirances  ï>  peuvent  aussi  être  considérées 
comme  une  réduction  de  la  châsse. 

Dans  la  catégorie  des  petits  reliquaires  sur  pied,  dont  le 
genre  est  si  varié,  nous  l'avons  dit,  la  «  monstrance  »  occupe 
un  rang  spécial  que  sa  forme  particulière  distinguera  toujours. 
Or,  la  forme  la  plus  ordinaire  de  la  «  monstrance  »  est  celle 
d'une  custode  ou  boîte  de  métal  richement  montée  pour 
recevoir  des  reliques,  et  supportée  ordinairement  par  un  pied 
souvent  très  ouvragé. 

Le  trésor  de  l'église  Saint-Maurice-en- Valais  conserve  une 
«  monstrance  »  où  l'on  vénère  une  épine  de  la  couronne  de 
Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  relique  sacro-sainte  qui  lui  fut 
donnée  par  saint  Louis,  roi  de  France,  en  1262  (i). 

(1)  L'histoire  nous  apprend  que  le  roi  Louis  IX  obtint  de  pouvoir  racheter  la  Sainte 
couronne  d'épines  des  mains  des  Vénitiens  auxquels  Beaudoin  II,  empereur  de  Constanti- 
nople,  l'avait  abandonnée  avec  d'autres  précieuses  reliques,  en  gage  d'un  emprunt 
considérable.  A  l'arrivée,  en  France,  de  ce  dépôt  sacré,  le  saint  roi  se  rendit  à  Villeneuvc- 
TArchevèque  pour  le  recevoir  solennellement  (i8  août  laSç). 

Cette  insigne  relique,  transportée  à  Paris  par  le  roi  lui-même,  fut  déposée  provisoirement 
dans  le  monastère  de  Saint-Antoinc-des-Champs,  et.  plus  tard,  devint  le  joyau  de  la  Sainte- 
Chapelle.  La  couronne  d'épines  que  l'on  vénère  encore  de  nos  jours  est  dépourvue  de  la 
plupart  de  ses  épines,  qui  sont  allées  enrichir  le  trésor  de  plusieurs  églises,  notamment  de 
l'église  de  l'antique  abbaye  Saint-Maurice-d'Agaune-en-Valais,  de  la  basilique  Saint- 
Saturnin,  à  Tonloase,  en6n,  de  l'antique  basilique  Notre-Dame  du  Puy  en  Velay. 

Cette  basilique,  célèbre  entre  toutes,  par  les  nombreux  pèlerinages  que  nos  rois  et  nos 
pootifes  ont  faits,  en  tout  temps,  à  son  sanctuaire  privilégié,  pourrait  encore  témoigner  des 
pieuses  largesses  dont  ils  ont  enrichi  son  trésor. 

Mais  de  toutes  celles  qui  ont  pu  en  accroître  l'importance,  et  dont  l'un  de  ses  plus  grands 
évèques,  Jean  de  Bourbon,  prieur  de  Saint-Rambert-en-Forez,  malgré  sa  munificence 
extraordinaire,  n'aurait  pu  égaler  l'excessive  richesse,  consistait  en  une  sainte  épine  de 
l'incomparable  couronne  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  donnée  également  par  Saint  Louis. 

Cachée,  pendant  les  troubles  de  la  Révolution  de  lyçS,  par  une  pieuse  fille,  elle  ne  devait 
pas  faire  retour  au  Puy  ;  c'est  par  un  singulier  concours  de  circonstances  qu'elle  vint,  plus 
tard,  enrichir  l'église  Notre-Dame,  à  Saint-Etienne-de-Furan,  où  elle  est  toujours  en  grande 
vénération,  particulièrement  le  jour  de  la  fétc  de  l'Exaltation  de  la  Sainte-Croix. 

Nous  donnons,  dans  la  figure  de  la  page  suivante,  le  fac-similé  de  la  lettre  que  saint 
Louis  écrivit  aux  chanoines  et  aux  chapelains  de  Notre>Dame  du  Puy,  lors  de  l'envoi  qu'il 
fit,  à  leur  église,  de  la  sainte  épine.  Nous  croyons  que  cette  lettre  précieuse  est  un  document 
jusque-là  inédit.  (Fie.  47.) 


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LES   CHASSES   ET   RELIQUAIRES  257 

Mais  voici  deux   «   monstrances   »    qui    intéresseront    le 
lecteur. 

Monstrances  de  l'église  Saint-Rambert  en  Fore^.  — 
La  première  est  une 
pièce  d'orfèvrerie 
assezcurieuse  {Fig.  48) 
qui  nous  paraît  re- 
monter au  xv"  siècle. 
Selon  toute  vraisem- 
blance, elle  fut  un 
don  du  pieux  Jean  de 
Bourbon,  évêque  du 
Puy  -  en  -  Velay ,  et 
Prieur  du  monastère 
de  Saini-Rambert,  où 
il  termina  ses  jours, 
en  1485  (i).  Cette 
ff  monstrance  »  est  en 
argent  avec  parties  en 
vermeil  ;  sa  forme  et 
son  exécution  lui  don- 
nent un  cachet  parti- 
culier. Son  poinçon, 
marqué  de  l'initiale 
«pu  couronné,  per- 
met, par  sa  similitude 
avec  celui  que  nous 
avons  trouvé  sur  le 
«  bras-reliquaire  »  de 
Veauche,  de  l'attri- 
buer au  même  artiste. 
Nous  y  reconnais- 


MONITRANCE  DU  XV'  uiCLE 

tan  tttribuf  ■  TéDJrtbIt  JciD  de  BourboD.  pour 
l'igliM  prionlc  Sunl-Rimbcn.  Ct  reliquaire,  en  «rgcnt 
polnçoDDt  Cl  mi-pirtic  dort,  traviillt  au  martou, 
d'uni  hau[iar  de  o-, 14  cent.,  ■  été  découveneo  1B97, 
par  M.  l'arehiprtlre  curi  de  la  piroiua. 


<i)  JciD  de  Bourbon,  fils  naturel  i 
d'Anvargnc,  comte  de  For»,  etc.,  fut  éi 
de  SaiDt-Ramben.cn-Forei(l46S).ït  m 


cm  ]■■  de  Bourbon,  duc  de  Bourbannaii  et 
e  du  Puy-en-Velay  (1443),  prieur  du  Prieur* 
Il  dani  ledit  Prieuré,  le  1  décMnbre  i4tji. 


258  CHAPITRE  XII 

sons,  en  effet,  la  même  habileté  d'exécution,  le  même 
procédé  de  travail.  Complètement  façonnée  au  marteau, 
cette  «  monstrance  »  a  certaines  parties  en  vermeil, rapportées, 
découpées  et  gravées  avec  beaucoup  d'art.  Sur  son  pied 
rectangulaire,  remplacement  vide  d*un  écusson  laisse  facile- 
ment deviner  les  armes  absentes  du  noble  donateur.  Près  du 
nœud  godronné  qui  orne  le  milieu  du  pied,  apparaissent  les 
traces  de  soudure  de  plusieurs  cabochons  disparus.  La  custode, 
très  gracieuse,  est  rectangulaire,  avec  parois  découpées  dans  le 
goût  gothique.  Au  milieu  de  ces  parois,  et  sur  chacune  des  deux 
principales  faces,  une  lunule  arrondie  permet  de  montrer  les 
reliques.  Aux  quatre  angles,  d'élégants  contreforts  gothiques 
en  vermeil,  reçoivent  une  fine  dentelle  en  bordure  de  couron- 
nement, que  termine  un  couvercle  prismatique  monté  sur 
charnières  et  orné  d'une  croix  (Fig.  48). 

L'autre  ce  monstrance  »  du  trésor  denotre  église  est  plu  s  petite. 
Elle  est  faite  d'un  bois  bronzé  dans  le  style  du  xvii*  siècle. 
Montée  sur  un  pied  tourné  en  forme  de  balustre,  sa  custode, 
qui  se  développe  sur  o°*,io  cent,  de  longueur,  est  rectan- 
gulaire et  garnie,  aussi  sur  le  devant,  d'un  cristal  au  travers 
duquel  on  voyait,  jadis,  les  reliques  de  saint  Vincent  et  de 
saint  Fortunat,  martyrs.  Les  deux  petits  côtés  de  cette  œuvre 
modeste  portent  une  fleur  de  lys,  fixée  en  pointe,  et  son  sommet 
est  terminé  par  une  petite  croix.  La  hauteur  totale  de  cette 
«  monstrance  »  ne  dépasse  pas  o™,2i  cent.  (Fig.  46  n**  3). 

On  voit  encore,  dans  le  trésor  de  notre  vieille  église,  deux 
grands  reliquaires  en  cuivre  doré,  montés  sur  pied,  avec 
custodes  très  bien  décorées  et  d'un  excellent  effet,  mais 
modernes.  Ces  deux  reliquaires  contiennent,  l'un  :  les  reliques 
des  saints  Jean-Baptiste,  Précurseur  de  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ,  Irénée,  évêque  et  martyr,  Just,  aussi  évêque  et 
martyr,  Tranquillin,  martyr,  et  Roch,  confesseur.  L'autre  : 
les  reliques  des  saints  Côme,  Urbin,  Vincent,  Fortunat  et 
Caste,  martyrs. 


CHAPITRE    XIII 


LE 


CULTE  DE  SAINT  RAMBERT 


DANS    LE    FOREZ 


A    TRAVERS    LES    SIECLES 


Nous  avons  prouvé  au  chapitre  VIP,  tant  par  la  tradition  que 
par  les  textes  de  l'ancien  office  de  saint  Rambert,  que  le  culte  de 
cet  illustre  martyr  fut,  dès  les  premiers  temps  delà  translation 
de  ses  reliques,  en  grand  honneur  dans  la  région  du  Forez 
qui  avoisine  la  petite  cité  de  Saint-Rambert.  Nous  avons  dit 
que  de  nombreux  pèlerins,  attirés  par  les  miracles  opérés  près 
de  la  châsse  du  Saint,  venaient  sans  cesse  lui  demander  des 
faveurs,  et  que  personne  ne  s'en  allait  sans  avoir  obtenu 
quelques  grâces. 

Mais,  pendant  combien  de  siècles  le  culte  de  saint  Rambert 
fut-il  en  honneur  dans  notre  chère  paroisse? 

L-affluence  des  pèlerins  autour  de  la  châsse  de  notre  illustre 
et  saint  Patron  se  perpétua-t-elle,  pendant  le  moyen  âge, 
jusqu*aux  jours  néfastes  du  grand  cataclysme  de  1793?  Et 
la  dévotion  à  ses  chères  reliques  provoqua-t-elle,  à  travers 
les  siècles,  de  nombreux  et  éclatants  prodiges? 


200  CHAPITRE   XIII 

Sur  ces  trois  points  intéressants  nous  n'avons  pu,  malgré 
nos  longues  et  actives  recherches,  recueillir  aucun  de  ces 
documents  précis  dont  l'existence  fixe  clairement  la  vérité. 

Toutefois,  d'après  une  tradition  populaire  très  accréditée 
dans  le  pays,  nous  osons  dire,  sans  trop  nous  aventurer,  que 
depuis  les  beaux  jours  de  leur  translation  jusqu'aux  temps 
malheureux  de  la  grande  Révolution  (1793),  les  reliques  de 
saint  Rambert  furent  entourées  de  la  plus  grande  vénération 
par  les  fidèles  de  notre  chrétienne  cité. 

Chaque  année,  principalement  aux    trois  fêtes   qui    leur 
étaient  consacrées,  ces  reliques  insignes  voyaient  une  grande 
affluence  de  fidèles  agenouillés  auprès  de  leur  châsse,  plus 
célèbre  alors  par  le  bruit  des  miracles  que  par  Téclat  de  Tor. 
Nous  ferons  remarquer,  en  effet  :  i"*  que  le  Bréviaire  où 
sont  contenus  l'office  de  la  fête  de  saint  Rambert  et  celui  de  la 
fête  de  la  Translation  de  ses  reliques,  renferme  aussi   l'office 
de  la  Fête  des  miracles;  2^  que,  de  tout  temps,  d'après  le 
même   Bréviaire,  et   d'après    les    Livres    de  Distributions 
manuelles  du  Chapitre  des  chanoines  de  Saint -Rambert^  aux 
xvi*,  xvii'  et    xviii*  siècles  (i),  les  trois  fêtes   suivantes  se 
célébraient  à  la  suite  l'une  de  l'autre,  dans  l'église  priorale, 
savoir  :  la  fête  de  la  Translation  des  reliques,  le  3  octobre  ;  la 
fête  de  la  Dédicace  de  l'Eglise  du  prieuré,  le  4  octobre  ;  et  la 
fête  des  miracles  de  saint  Rambert,  le  5  octobre. 

D'où  il  ressort  que,  si  dans  l'église  de  notre  ancien  Prieuré 
l'on  établit,  à  une  certaine  époque  (2),  la  Fête  des  miracles  de 
saint  Rambert^  c'est  bien  qu'assurément  les  prodiges  se 
multipliaient  autour  de  la  châsse  de  l'illustre  martyr. 


(i)  Livre  des  Distributions  manuelles  du  Chap.  de  l'Eglise  collégiale  de  Saint- Rambert. 
{Archives  de  la  Loire,  Fonds  de  Saint-Rauibert.) 

Ces  Livres  manuscrits  contiennent  pendant  plusieurs  siècles,  outre  les  distributions 
d'honoraires  aux  chanoines,  pour  assistance  aux  offices,  l'ordre  des  fêtes  de  l'année. 

(3)  Et  certainement  bien  avant  le  xvi*  siècle,  puisque  les  livres  des  Distributions 
manuelles  lont  déjà  mention  de  cette  fête  des  Miracles,  à  l'époque  de  la  sécularisation  du 
monastère,  vers  1541*  comme  d'une  fête  ancienne. 


LE   CULTE    DE   SAINT   RAMBERT   DANS   LE   FOREZ  26 1 

C'est  bien,  aussi,  que  la  reconnaissance  de  ses  iidè)es 
serviteurs,  comblés  et  de  grâces  et  de  faveurs,  réclamait  le 
temps  et  les  moyens  de  se  manifester  avec  éclat. 

En  effet,  l'Eglise  dans  sa  haute  sagesse  n'établit  aucune 
fête  en  l'honneur  des  saints,  qu'elle  n'ait,  pour  cela,  de  sérieux 
motifs,  et  qu'elle  n'y  soit  contrainte,  en  quelque  sorte,  par 
l'éclat  des  vertus  des  serviteurs  de  Dieu;  ou  encore  qu'elle  ne 
trouve,  dans  ces  fêtes,  un  moyen  d'exciter  la  foi  des  popu- 
lations et  de  les  retenir  dans  le  devoir. 

D'ailleurs,  dans  la  succession  non  interrompue  des  trois  fêtes 
que  nous  venons  de  nommer,  et  dont  la  célébration  avait 
lieu  jusqu'aux  derniers  jours  du  xviii*  siècle,  les  3*,  4**  et 
5*  jours  d'octobre,  ne  faudrait-il  pas  voir  le  désir  de  l'Eglise  de 
donner  une  large  satisfaction  à  la  piété  des  pèlerins  recon- 
naissants envers  saint  Rambert  thaumaturge  ?  Un  seul  jour 
pour  témoigner  leur  gratitude  à  leur  généreux  bienfaiteur, 
un  seul  jour  pour  faire  éclater  les  transports  de  leur  joie,  eût 
été  trop  peu.  Il  leur  fallait  les  heures  bénies  de  trois  grandes 
journées,  la  magnificence  des  cérémonies,  les  chants  et  les 
prières  de  trois  fêtes,  pour  redire  à  l'illustre  Protecteur 
l'hymne  de  la  reconnaissance  et  de  Tamour. 

Voilà  pourquoi  nous  ne  craignons  pas  d'afl&rmer  que, 
pendant  le  long  espace  de  sept  siècles  (1078-1793),  notre 
vieille  église  fut  témoin  d'un  grand  nombre  de  prodiges  opérés 
par  l'intercession  de  son  illustre  Patron,  et  que  pendant  sept 
siècles  elle  vit  les  pèlerins,  évêques,  prêtres  et  fidèles,  afiluer 
dans  son  enceinte,  pour  s'y  agenouiller  auprès  des  ossements 
sacrés  de  notre  bienheureux  martyr  (i). 

On  pourrait  peut-être  objecter  aux  preuves  que  nous 
venons  de  donner  sur  la  vérité  des  miracles  opérés  par  saint 


(i)  A  la  date  du  12  [uia  1662,  l'archevêque  de  Lyon,  Mgr  Camille  de  Neuville  de  Villeroy, 
faisant  aussi  sa  visite  pastorale,  en  laisse  un  procès-verbal  dans  lequel  nous  lisons  : 
«  Sur  le  raaitre^utel,  il  y  a  une  châsse  de  bois  doré,  où  sont  les  reliques  de  saint  Rambert 
«  et  de  saint  Domitien  que  nous  avons  aussy  vénérées.  » 


202  CHAPITRE  XIII 

Rambert,  dans  le  cours  des  siècles,  et  sur  l'affluence  des 
pèlerins  à  sa    châsse    vénérable,    ce    texte  des    actes    du 

martyr    :  «    Bien    que    les    miracles paraissent    cesser 

aujourd'hui  (i).  »  Mais  ce  texte,  qui  porterait  à  croire  que  les 
cendres  de  notre  cher  Saint  sont,  depuis  bien  longtemps, 
comme  une  terre  stérile  et  inféconde,  nous  paraît  en  réalité, 
tout  au  plus  faire  allusion  à  une  fréquence  moins  grande  de 
faits  miraculeux,  sans  en  nier,  pour  cela,  l'existence  et  la 
continuation. 

Du  reste,  tout  en  reconnaissant  une  certaine  rareté  de 
miracles  autour  de  la  châsse  du  bienheureux  thaumaturge, 
conséquence  non  de  son  impuissance  auprès  de  Dieu,  mais 
de  Ténormité  de  nos  péchés,  nous  allons  montrer  avec  des 
preuves  irrécusables  que  les  dévots  serviteurs  n'ont  pas 
manqué  à  saint  Rambert  dans  le  cours  des  siècles,  et  partant 
que  son  culte  aimé  n'a  jamais  cessé  d'être  en  honneur  dans 
notre  région  forézienne. 

Les  documents  sur  lesquels  nous  nous  appuyons  pour 
prouver  notre  thèse  ne  sont  pas  autres  que  les  legs  pieux 
faits,  à  titre  de  reconnaissance,  à  diverses  époques,  par  des 
testateurs  de  toute  condition,  au  profit  de  l'autel  et  du  lumi- 
naire de  saint  Rambert.  Ces  documents,  tirés  de  l'Inventaire 
sommaire  des  archives  départementales  antérieures  à  17 go  (2), 
sont  de  nature  à  mettre  de  notre  côté  les  esprits  qui  hési- 
teraient encore  à  donner  au  culte  de  notre  illustre  Patron,  la 
notoriété  et  l'efficacité  que  nous  lui  avons  attribuées  pendant 
tout  le  moyen  âge . 

(i)  Actes  du  Martyre  de  saint  Rambert.  (Fonds  BoUandistes,  fête  le  i3  juin.) 

(2)  Par  Aug.   CHAVKtoKOiER,  tome  II,  Archives  civiles^  série  B.,  n**  i583   à   1906, 
année  1888. 


LE   CULTE  DE   SAINT  RAMBERT   DANS   LE   FOREZ  203 


LEGS    PIEUX    FAITS    A    DIVERSES    EPOQUES 

AU     LUMINAIRE     DR     SAINT     RAMBERT 

i3ii.  —  En  juillet  de  cette  année,   dame    Flore,   fille  de 

Guillaume  de  Chambles,  fait  un  legs  de  2  sols 
viennois  à  la  chandelle  (luminaire)  de  saint 
Rambert. 

1329.  —  Le  2  février,  legs  de  Pierre  de  Veauche,  fils  de  feu 

Pierre  Roer,  au  luminaire  de  saint  Rambert. 

1341.  —  Le  21  avril,  legs  de  Benoîte  Boniolha,d'Andreyzieu, 

paroisse  Saint-Cyprien,  au  luminaire  de  saint 
Rambert. 

1348.  —  Le  7  septembre,  legs  de  Jean  Colombet,  d*Anères, 

paroisse  Saint-Just-sur-Loire,  au  luminaire  de 
saint  Rambert. 

i356.  —  Le  10  octobre,  legs  de  messire   Hugue  d'Urgel, 

chevalier,  fils  de  feu  messire  Humbert  d'Urgel, 
aussi  chevalier,  au  luminaire  de  saint  Rambert. 

1 36i .  —  Le  20  août,  legs  de  Jean  de  Bonson,  juré  de  la  cour 

de  Forez  et  noble  Sicarde,  dite  Liatarde,  femme 
de  Falconnet  de  Chambles,  damoiseau,  au  lumi- 
naire de  saint  Rambert. 

1370.  —  Le    i5  septembre,  legs   d'André  Chalandon,   dit 

Malbuyas,  du  Lac,  paroisse  Saint-Cyprien,  au 
luminaire  de  saint  Rambert. 

i382.  — Le    20  janvier,   legs  de   Jacquemet  Vîcaret,    de 

Grantgent,  paroisse  Saint-Just-sur-Loîre,  au 
luminaire  de  saint  Rambert. 

1391.  —  Le  mercredi  après  Noël,  legs  de  Barthélemi  Roland, 

d 'Andreyzieu ,  paroisse  Saint  -  Cyprien  ,  et 
d'Antoine  Milon,  de  Saint-Rambert,  au  lumi- 
naire de  saint  Rambert, 


264  CHAPITRE   XIII 

1400.  —  Vers  le  25  septembre,  legs  de  Jean  de  Mont  Jaunier, 

de  la  paroisse  Saint- Ram bert,  au  luminaire  de 
saint  Rambert. 

1403.  —  Le  21  février,  Messire  Jean  Poncet,  prêtre  curé  de 

Saint-Rambert,  lègue,  pour  une  fois,  trois  francs  en 
orpour  l'entretien  du  luminaire  de  saint  Rambert. 

1403.  —  Le  17  septembre,  legs  de  Jeanne  de  Malhargues, 

femme  de  Jean  de  Bosco  (Du  Boys),  notaire  juré 
de  la  Cour  de  Forez,  au  luminaire  de  saint 
Rambert. 

1408.  —  Le  6  septembre,  legs  de  Catherine  Rochaing,  veuve 

d'Antoine  Milon,  de  Saint-Rambert,  au  luminaire 
de  saint  Rambert. 

141 5.  —  Le  26  février,  legs  de  Messire  André  Granet, prêtre 

habitant  Saint-Rambert,  au  luminaire  de  saint 
Rambert. 

1424.  —  Le  1 1  mai,  honnête  homme  Jean  Bicieu,  clerc  de 

Saint-Rambert,  donne  et  lègue  une  fois  pour 
toutes,  à  l'église  Saint-Rambert  a  une  asnée  » 
d'huile  pour  être  répartie  «  dans  les  lampes  »  de 
saint  Rambert,  de  la  bienheureuse  Vierge  Marie 
et  de  tous  les  saints  et  saintes  de  Dieu,  et  les 
y  tenir  allumées. 

1427.  —  Le  29  avril,  legs  de  honnête  homme  Messire  Déodat 

Sarrazin,  prêtre  curé  de  Saint-Rambert,  au 
luminaire  de  saint  Rambert. 

1428.  —  Le  5  septembre,  legs  de  Jean  Michel,  de  Saint- 

Rambert,  notaire  public,  au  luminaire  de  saint 
Rambert. 

1432.  —  Le  5  janvier,  legs  de  Messire  Jean  Girin,  prêtre  de 

Saint-Rambert,  au  luminaire  de  saint  Rambert. 

1439.  —  Le  i3  août,  legs  de  Pierre  Ponchon,  forgeron,  de 

Saint-Rambert,  au  luminaire  de  saint  Rambert. 


LE   CULTE   DE   SAINT  RAMBERT   DANS   LE   FOREZ  20D 

1444.  —  Le  21  novembre,  autre  legs  de  Messire  Jean  Poncet, 

prêtre  de  Saint*Rambert,  au  luminaire  de  saint 
Ramben. 

1447.  —  Le  29  avril,  legs  de  Pierre  Reynod  de  Mont-Jaunier, 

paroisse  Saint-Rambert,  au  luminaire  de  saint 
Rambert. 

16 14.  —  A  ceue  date,  et  le  mercredi  9  juillet.  Monseigneur  de 

Marquemont  faisant  sa  visite  pastorale  à  Saint- 
Rambert-en-Forez,  constatait  la  présence  d'un 
autel  sous  le  vocable  de  saint  Rambert^  édifié 
derrière  le  grand  autel,  ce  pour  y  dire  Messes  pour 
les  malades  j>.  C'est  une  preuve  évidente  que  le 
culte  de  saint  Rambert  était  bien  vivant,  à  cette 
époque,  dans  les  familles  chrétiennes  qui  lui 
demandaient  la  santé  de  leurs  malades.  (Archives 
de  la  Paroisse.) 

N'est-il  pas  évident  que  tous  ces  legs  pieux,  faits  au  profit 
du  luminaire  de  la  chapelle  ou  de  la  châsse  de  saint  Rambert, 
n'ont  été  que  l'expression  de  la  reconnaissance  des  testateurs 
envers  le  Saint,  dont  ils  avaient  reçu  des  faveurs  signalées? 

Assurément,  si  la  dévotion  à  saint  Rambert  n'avait  pas 
tenu  la  place  d'honneur  dans  les  familles  chrétiennes  de  la 
ville  de  Saint- Rambert, et  dans  le  voisinage;  si  les  membres 
de  ces  familles  n'avaient  jamais  été  l'objet  de  quelques  grâces 
particulières,  assurément,  ils  n'eussent  jamais  eu  Tidée  de 
faire  des  aumônes  pour  l'entretien  des  Reliques  du  grand 
Martyr. 

Remarquons,  ici,  que  certains  legs,  celui  par  exemple  de 
Jean  Bicieu,  est  fait  en  faveur  «  des  lampes  de  saint  Rambert^ 
pour  les  y  tenir  allumées  ï>. 

Donc,  la  châsse  qui  contenait  les  précieuses  reliques  de 
notre  illustre  Patron  était,  au  moyen  âge,  un  objet  de  grande 
vénération.  Loin  d'être  reléguée  dans  un  lieu  obscur,  enve- 


266  CHAPITRE   XHI 

loppée  d'indifférence  et  d'oubli,  elle  occupait,  sous  les  voûtes 
saintes  de  TEglise  priorale,  une  place  d'honneur  (i).  On  la 
voyait,  sans  nul  doute,  au-dessus  du  grand  autel,  toute 
resplendissante  des  lumières  et  des  lampes  merveilleuses 
que  la  piété  des  fidèles  y  entretenait  nuit  et  jour,  et  qui,  en 
lui  faisant  comme  un  brillant  diadème,  la  signalaient  tout 
spécialement  à  la  piété  des  pèlerins. 

Le  seul  fait  de  lampes  brûlant  nombreuses  devant  la  châsse 
de  saint  Rambert  ne  suffirait-il  pas  pour  prouver  qu'au 
moyen  âge,  et  encore  longtemps  après,  le  culte  de  notre  illustre 
Patron  était  cher  à  nos  populations  foncièrement  chrétiennes, 
et  que  des  miracles  s'opéraient  auprès  des  insignes  Reliques 
que  nous  possédons  (2)  ? 

Il  est  fort  regrettable  que,  dans  le  nombre  incalculable  de 
documents  que  nous  avons  fouillés  (3),  nous  n'en  ayons  trouvé 
aucun  nous  donnant,  non  point  le  récit  détaillé  des  grandes 
fêtes  annuelles  de  notre  illustre  Patron,  aux  siècles  passés, 
mais  y  faisant  seulement  quelque  lointaine  allusion. 

Nous  espérons  cependant,  en  poursuivant  nos  recherches, 
être  plus  heureux  dans  la  suite. 

Avant  de  clore  ce  chapitre  sur  le  culte  de  saint  Rambert 
dans  le  Forez,  et  à  travers  les  âges,  nous  voulons,  inspiré  par 


(1)  Dans  le  procès-verbal  de  Mgr  Camille  de  Neuville,  lors  de  sa  visite  en  1663,  nous 
avons  vu  que  ce  prélat  vénéra  la  chflsse  de  nos  reliques,  placée  sur  le  grand  autel.  {Archives 
de  la  Paroisse.) 

(2)  Messire  Jean-Marie  de  la  Mure,  dans  son  Histoire  ecclésiastique  du  diocèse  de 
Lyon,  page  270,  Livre  du  Recueil  des  noms  des  saints  plus  singuliers,  etc.,  s'exprime 
ainsi  à  l'article  Saint-Rambert  :  «  Et  c'est  de  ce  lieu  (de  Saint-Rambert-^eJoux  en  Bugey) 
«  où  se  fit  la  déposition  du  corps  de  saint  Rambert,  environ  Tan  680,  que  ses  reliques 
«  principales  furent  depuis,  par  succession  de  temps,  miraculeusement  transportées  au 
«  pays  de  Fores,  en  ce  même  diocèse  du  temps  de  Gillinus,  comte  dudit  pays,  qui  vivait  en 
«  l'année  1078.  et  qu'elles  y  donnèrent  le  nom  à  un  magnifique  Prieuré  de  l'archiprètré 
«  de  Montbrison,  qui  auparavant  y  portait  celui  de  Saint-André,  où  elles  sont  à  présent 
«  révérées,  et  où  Dieu,  en  leur  faveur,  opère  de  grands  et  fréquents  miracles.  >  (Texte 
authentique.) 

(3)  Grflce  à  Tamabilité  et  à  l'obligeance  inaltérable  et  de  M.  Joseph  de  Fréminville, 
archiviste  du  département  de  la  Loire,  et  de  M.  Th.  Rochigneux,  bibliothécaire  de  la 
pjan^,  à  Mçntbrison. 


LE  CULTE   DE  SAINT  RAMBERT  DANS   LE   FOREZ  2b'J 

la  tradition  locale,  et  appuyé  sur  les  titres  que  nous  avons 
cités,  répéter  encore  une  fois  avec  l'auteur  érudit  des 
«  Excursions  foré^iennes  »  (i)  :  «  Avant  lygS,  un  grand 
a  concours  de  peuple  avait  lieu  le  jour  de  la  fête  de  saint 
«  Rambert,  en  cette  ville,  pour  vénérer  les  Reliques  du 
a  Saint,  et  ce  qu'on  appelait  alors  «  la  Robe  de  la  Vierge  » 
«  ou  Chasuble  de  saint  Rambert  »  (2). 

(i)  M.  le  docteur  A.  Rimauo,  BKCursionsforéxiemmeStp.  37. 

(2)  Robe  de  la  Vierge.  C'est,  nous  l'avons  dit  ailleurs,  le  nom  que  le  peuple  de  la  région 
donne  à  la  fameuse  chasuble  dont  nous  avons  fait  la  description  au  chapitre  XI«. 


CHAPITRE   XIV 


RECONNAISSANCES 


DES 


RELIQUES  DE  SAINT  RAMBERT 

A    DIVERSES    ÉPOQUES 


«  L'Histoire  Ecclésiastique,  dit  le  savant  auteur  des  Archives 
a  de  Belley  (i),  offre  à  notre  admiration  le  zèle  des  premiers 
c<  chrétiens  à  recueillir  les  actes  des  Martyrs,  et  tous  les  faits 
«  qui  pouvaient  constater  Tauthenticité  de  leurs  dépouilles 
«  mortelles.  Leurs  vertus,  leur  courage,  leur  genre  de  mort, 
<c  les  miracles  qui  s'opéraient  à  leur  tombeau,  leurs  panégy- 
<(  riques,  tout  était  fidèlement  enregistré.  La  lecture  de  ces 
«  livres  sacrés  fortifiait  la  foi  des  fidèles,  et  les  animait  à  la 
«  défense  de  la  cause  pour  laquelle  les  Martyrs  avaient 
<c  souffert.  » 

Malheureusement,  le  feu  des  persécutions  allumé  par  la 
haine  du  nom  chrétien  détruisit  ces  annales  précieuses  des 
confesseurs  de  la  foi,  aux  premiers  siècles  de  l'Eglise. 


(i)  M.  Depbry,  vÎMire  général  de  Bclley.  auteur  de  Y  Histoire  hagiologique  du  diocèse 
de  Beliey,  tS3  5. 


270  CHAPITRE   XIV 

Plus  tard,  lorsque  la  mort  eut  eu  raison  des  tyrans  et  des 
persécuteurs,  les  serviteurs  de  Dieu  ne  trouvant  plus  l'occasion 
de  verser  leur  sang  pour  Jésus-Christ,  voulurent  cependant 
lui  consacrer  les  heures  d'une  vie  d'héroïques  vertus.  Aussi 
se  bâtirent-ils,  d'abord,  des  cellules  dans  les  lieux  les  plus  retirés 
du  monde,  pour  y  vivre  dans  la  solitude  et  la  pénitence;  et 
ensuite  des  monastères,  où  vivant  ensemble  ils  s'adonnaient 
à  un  nouveau  genre  de  martyre  :  celui  des  austérités  corporelles 
les  plus  rudes,  et  des  mortifications  spirituelles  les  plus 
austères. 

Or,  ces  maisons  de  prières  ferventes  et  de  fortes  vertus,  ces 
monastères,  soit  qu'ils  abritassent  des  disciples  de  saint  Benoît 
ou  de  saint  Bruno  ;  soit  qu'ils  donnassent  asile  à  des  fils  de 
saint  Bernard  ou  de  saint  François  d'Assise,  ces  monuments, 
en  un  mot,  véritables  sanctuaires  de  la  sainteté,  périrent 
encore  en  grande  partie,  les  uns  par  la  torche  incendiaire  des 
barbares,  les  autres  par  le  pic  destructeur  des  protestants  ou 
le  marteau  haineux  de  la  Convention. 

De  sorte  qu'ils  sont  rares  de  nos  jours,  les  monuments 
fidèles  gardiens  de  la  mémoire  des  saints  ;  rares  sont  les 
reliques  insignes,  les  procès-verbaux  qui  en  constatent  l'authen- 
ticité; rares  les  actes  qui  rappellent  leurs  vertus  et  les  miracles 
opérés  par  leurs  restes  sacrés;  rares  enfin  les  parchemins  qui 
font  mention  de  leur  translation. 

Voilà  pourquoi  nous  ne  pouvons  pas  offrir  à  nos  lecteurs 
le  plaisir  de  lire  les  détails  intéressants  des  Reconnaissances 
de  nos  chères  reliques,  avant  le  xvii*  siècle. 

Il  n'est  pas  douteux  qu'elles  aient  été  maintes  fois  visitées 
et  reconnues  canoniquement  par  l'autorité  archiépiscopale 
du  xii**  au  xvi'  siècle;  mais  comme  tant  d'autres  pages 
pleines  des  événements  de  ces  temps  reculés,  les  annales 
concernant  ces  visites  se  sont  perdues,  pendant  la  Révolution 
qui  couvrit  la  France  de  cendres  et  de  ruines,  au  siècle  dernier. 

La  première  fois  qu'il  est  fait  mention  d'une  visite  pastorale 


RECONNAISSANCES   DES   RELIQUES   DE   SAINT   RAMBERT        27 1 

dans  Téglise  Saint-Rambert,  d'après  les  documents  échappés 
au  vandalisme  de  Thérésie  et  de  l'impiété,  c'est  en  l'année 
1468.  Encore,  cette  visite  ordonnée  par  le  Cardinal  de 
Bourbon  (i)  et  dont  fut  chargé  son  délégué  et  suffragant, 
Etienne  de  Chassaigny  (2),  ne  fait-elle  pas  mention  spéciale 
de  nos  insignes  reliques. 

Le  texte  de  cette  visite  (3)  dont  nous  parlerons  plus  au  long, 
en  son  lieu,  est  d'une  brièveté  désolante.  Et,  quand  on  voit  le 
délégué  de  l'éminent  Cardinal  de  Bourbon  (4)  résumer  toutes 
ses  investigations  au  prieuré  et  à  l'église  Saint- Rambert 
en  ces  quatre  mots,  d'un  laconisme  extrême  :  a  Omnia  ibidem 
bene  siant  y>  :  «  Là,  toutes  choses  sont  en  parfait  état  d,  on  est 
tenté  de  se  demander  si  Etienne  de  Chassaigny  s'est  bien 
explicitement  acquitté  de  la  mission  qui  lui  avait  été 
confiée  (5). 

Il  a  certainement  vu,  dans  sa  visite,  la  châsse  d'or  entourée 
de  lumières,  et  montrant  au  peuple  les  sacrés  ossements  de 
saint  Rambert.  Il  l'a  vue,  il  l'a  certainement  vénérée,  et 
cependant,  il  n'y  fait  pas  la  moindre  allusion. 

Toutefois,  que  le  lecteur  se  console  de  ce  silence,  nous 
allons  nous  en  servir  pour  établir  notre  thèse  sur  l'existence, 

(1)  Charles  II  de  Bourbon,  archevêque  de  Lyoo,  cardinal,  1447- 1488. 

(3)  La  Gallia  Ckristiana  écrit,  page  369  :  Partie  de  la  Métropole  de  Lyon  et  Vienne: 
Etienne  de  la  Chatsaigne. 

(3)  Elle  eut  Heu  le  8  mai  1468,  d'après  le  Manuscrit  f>  i5,  n«  5S39  du  fonds  latin  de  la 
Bibliothèque  nationale. 

(4)  Archevêque  de  Lyon,  1447  à  1488. 

(5)  Voici  le  texte  de  la  visite  faite  en  l'église  de  Saint-Ram  bert  le  8  mai  1468  par 
Mgr  Etienne  de  Chassaigny,  délégué  par  le  cardinal  Charles  de  Bourbon  : 

Apud  Sanctum  Ragnebertum.  Die  octavà  mensis  predicte  Maii,  domtni  visitatores 
advenerunt  ad  sanctum  Ragnebertum  pro  visitando  prioratum  conventualem  dicti  loci,  et 
ecclesiam  parrochialem  ubi  religiosi  dicti  prioratûs  venerunt  ipsi  dominis  obviàm 
processionaliter,  et  receperunt  ipsos  dominos  canonice  et  débite,  et  quia  omnia  ibidem 
bene  stant  in  prioratu,  nihil  fiiit  injunctum. 

Apud  ecclesiam  parrochialem  dicti  loci,  paviatur  aut  Caronetur  Capella  dicte  ecclesitc, 
in  quà  sunt  fontes  baptismales.  Solverunt  expensas  dominorum. 


%'J^  CHAPITRE   XIV 

et  le  parfait  état  des  reliques  de  notre  illustre  Patron,  à  cette 
lointaine  époque. 

Or,  voilà  le  raisonnement  que  nous  faisons  pour  prouver 
ce  que  nous  avançons.  Le  manuscrit  qui  contient,  rédigés  en 
latin,  les  procès-verbaux  des  visites  faites,  au  milieu  du  xv* 
siècle,  par  les  mandataires  de  Tarchevêque  de  Lyon  dans  près 
de  huit  cents  églises  ou  chapelles  relevant  de  sa  juridiction, 
est  un  document  conçu  sur  un  plan  très  restreint  et  composé, 
nous  l'avons  dit  déjà,  avec  un  laconisme  absolument 
regrettable.  L'ensemble  des  faits  qui  s'y  trouvent  exposés 
n'est  guère  qu'une  sèche  nomenclature,  ayant  trait  à  des 
réparations  d'immeubles  et  d'objets  mobiliers,  suivie  de  la 
désignation  et  de  la  nomination  des  luminiers  de  chaque 
paroisse  (i). 

Si  notre  vieille  châsse  des  reliques  de  saint  Rambert,  objet 
mobilier  de  l'église  conventuelle  du  prieuré,  eût  été  en  mauvais 
état,  assurément  Etienne  de  Chassaigny  aurait  donné  ce  détail 
dans  l'exposé  succinct  de  sa  visite.  Il  n'en  parle  pas.  Donc  la 
châsse  était  en  parfait  état  de  conservation  et  gardait  religieu- 
sement son  trésor  de  reliques. 

A  ceux  qui  se  réclameraient  du  silence  d'Etienne  de 
Chassaigny,  pour  objecter  que  les  reliques  de  saint  Rambert 
avaient  alors  disparu,  depuis  longtemps,  de  l'église  du  Prieuré,  • 
sinon  même,  pour  prétendre  que  ces  reliques  n'ont  jamais 
existé,  nous  répondrions  :  —  Non.  La  châsse  n^avait  point 
disparu,  et  les  ossements  précieux  de  saint  Rambert  étaient 
encore  vénérés  à  Saint-Rambert  en  1468,  puisqu'en  1447,  à 
peine  vingt  ans  auparavant,  Pierre  Reynod  de  MontJaunier 
faisait  un  legs  au  luminaire  de  saint  Rambert,  c'est-à-dire 
aux  Reliques  de  cet  illustre  Martyr,  au  profit  desquelles,  déjà, 
en  1424  et  le  11  mai,  honnête  homme  Jean  Bicieu  avait  légué 


(i)  Notes  tirées  de  la  préfq^e  du  tome  XI*  du  Recueil  des  Mémoires  et  Documents  sur  le 
Forent  publié  par  la  Société  de  la  Diana  iBgb,  page  xxxiii. 


RECONNAISSANCES   DES   RELIQUES   DE   SAINT   RAMBERT        273 

une  asnée  d'huile,  pour  être  répartie  dans  les  lampes  suspen- 
dues autour  (i);  puisqu'enfin  nous  savons  qu'en  i625  les 
mêmes  reliques  furent  visitées  et  reconnues  authentiques, 
comme  nous  allons  le  raconter. 

En  effet,  le  29  septembre  de  cette  même  année  j  625  (2),  «  les 
«  Reliques  de  saint  Rambert  et  de  saint  Domitien  ont  été 
«  visitées  par  le  R.  P.  Jésuite  Pierre-François  ChifiBet,  venu 
«  de  la  part  de  Messire  le  Comte  de  Vernes  (3),  alors  prieur 
c(  de  Saint-Rambert  (4).  » 

Ces  lignes  dont  nous  regrettons  encore  la  brièveté  ne  suffi- 
raient pas  cependant  à  prouver  l'authenticité  du  trésor  renfermé 
dans  la  Châsse  de  notre  illustre  Patron,  si  nous  n'avions 
plusieurs  autres  titres  importants  à  présenter  au  lecteur. 
Le  premier  (5),  daté  du  cinquième  Jour  de  juin  1 708,  nous 
apprend  que  les  reliques  furent  visitées,  à  la  réquisition  de 
MM.  les  Chanoines  du  Chapitre  de  TEglise  Collégiale  par 
M.  Pactier,  archiprêtre  de  Montbrison,  en  présence  du 
Chapitre,  du  Curé,  des  Marguilliers  et  des  officiers  de  Saint- 
Rambert  (6).  Le  procès-verbal  de  cette  visite  est  signé  de 
MM.  JuUien,  sacristain;  David,  curé;  David,  procureur  d'office, 
et  de  six  autres  chanoines  :  MM.  David,  Delafuste,  Relogue, 
Gérentet,  Carrier  et  Jacquette.  Et  la  seconde  pièce  probante 
est  le  procès-verbal  de  la  visite  faite  aux  Reliques,  en  1 7 1 8, 
par  Mgr  François  Paul  de  Neuville  de  Villeroy.  Nous  allons 
en  parler. 


(i)  Voir  d-deuttt,  chapitre  XIII%  la  nomenclature  des  legs  au  profit  des  Reliques  de 
saint  Rambert. 

(3)  Document  conservé  aux  Archive»  paroissiales, 

(3)  Le  comte   de  Vernes  lut  prieur  de   Saint-Rambert,  en    i^sSi   sous   Tépiscopat  de 
Mgr  de  Marquemont,  qui  fut  archcTèque  de  Lyon,  de  1 613  à  1636. 

(4)  Archives  paroissiales. 

(5)  Voir  les  pièces  justificatives  n*  19,  à  la  fin  du  volume. 

(6)  M.  l'archiprêtre  de  Montbrison  était  alors  délégué  par   Mgr  Claude  II   de  Saint- 
Georges,  archevêque  de  Lyon  (  1693- 1714); 

18 


274  CHAPITRE  XIV 

Quelques  années  auparavant,  c'est-à-dire  en  l'année  1662, 
et  le  12  juin,  Mgr  Camille  de  Neuville  de  Villeroy  faisant 
sa  tournée  pastorale  s'était  bien  arrêté  à  Saint-Rambert  et 
avait  bien  vénéré,  il  est  vrai,  dans  notre  église,  et  sur  le 
grand  autel  où  elle  était  placée,  la  châsse  de  bois  doré 
contenant  les  Reliques  de  saint  Rambert  et  de  saint 
Domitien  (i),  mais  n'en  avait  point  fait  l'ouverture. 

Disons  en  passant  que  le  premier  titre  nous  révèle  un  pieux 
larcin  fait,  au  détriment  des  insignes  reliques,  par  ceux-là 
mêmes  qui  en  vinrent  constater  l'authenticité  ;  larcin  très 
regrettable  que  la  plus  fervente  dévotion  envers  saint  Rambert 
n'excuserait  pas,  si  nous  ne  lisions,  au  bas  des  lignes  que 
nous  allons  citer  textuellement,  le  nom  de  Mgr  Claude  II 
de  Saint-Georges,  archevêque  de  Lyon,  ayant  tout  pouvoir. 

«  Nous,  Archevêque  et  Comte  de  Lyon,  pour  satisfaire  à 
<c  notre  dévotion,  et  à  celle  de  nos  vicaires  généraux  et  autres 
ce  vénérables  personnages  qui  nous  accompagnaient,  et  en 
«  vertu  du  pouvoir  que  nous  en  avons,  nous  déclarons  avoir 
«  ôté  de  ladite  châsse,  les  parties  des  reliques  suivantes  : 

(c  Une  vertèbre,  six  côtes,  une  grosse  dent,  un  petit  os  du 
«  doigt  de  la  main  (2).  » 

Dix  ans  plus  tard,  le  3  octobre  171 8,  Mgr  François-Paul 
de  Neuville  de  Villeroy  (3),  Archevêque  et  Comte  de 
Lyon,  prieur  de  Saint-Rambert,  voulut  aussi  satisfaire  à  sa 
dévotion,  en  faisant  ouvrir  la  châsse  de  saint  Rambert  pour 
vénérer  les  reliques  de  cet  illustre  martyr,  d'une  manière  plus 
solennelle.  Le  procès-verbal  de  cette  visite  est  notre  2*  titre. 


(t)  Procèt-Terbal  de  la  TÎsite  de  Mgr  Camille  de  Neuville  de  Villeroy,  archevêque  de 
Lyon,  i653-i6<)3.  {Archives  du  Rhône.  Fonds  de  Saint-Rambert-rile-Barbe.)  Une  des 
pièces  obligeamment  communiquées  par  M.  Paul  Richard,  l'érudit  chercheur. 

{2)  Archives  paroissiales»  Mgr  Claude  de  Saint-Georges,  Arch.,  1693-1714^ 

(3)  Mgr  François-Paul  de  Neuville  de  Villeroy  fut  archevêque  de  Lyon,  de  1714  à  lySi. 
C'était  le  neveu  de  Mgr  Camille  de  Neuville,  archevêque  de  Lyon,  de  i653  à  1693. 


RECONNAISSANCES   DES  RELIQUES  DE   SAINT   RAMBERT       27D 

Le  lecteur  s'étonnera  peut-être  de  ces  visites  de  notre 
châsse  à  de  si  courts  intervalles.  Car,  dans  ToTdre  ordinaire 
des  choses,  les  reconnaissances  d'authenticité  de  reliques 
sont  rares.  L*autorité  ecclésiastique  a  toujours  procédé  avec 
prudence,  dans  cet  usage  de  son  droit  ;  et  en  parcourant  les 
annales  diocésaines  contenant  les  visites  pastorales  de  nos 
Seigneurs  les  Archevêques,  on  constate  que  ces  reconnaissances 
ne  se  font  pas  ordinairement  plusieurs  fois  dans  Tespçice 
d'un  siècle. 

Que  penser  donc  de  ces  reconnaissances  de  nos  saintes 
reliques  à  deux  intervalles  si  rapprochés  ? 

Notre  conviction  est  que  la  notoriété  des  insignes  reliques 
de  saint  Rambert,  la  renommée  des  miracles  opérés  par  elles 
donnaient,  à  tous,  Tenvie  de  les  voir,  de  les  vénérer,  et  fina- 
lement d'en  posséder  quelques  parcelles. 

On  comprend  maintenant  que  Mgr  de  Neuville,  bien  qu'il 
connût  le  procès-verbal  constatant  la  visite  de  la  châsse, 
dix  années  auparavant,  par  son  éminent  prédécesseur,  Mgr 
de  Saint-Georges,  désirât,  lui  aussi,  voir  de  ses  yeux,  des 
ossements  dont  la  sainteté,  la  puissance  et  la  célébrité  étaient 
partout  en  si  grand  honneur; 

C'est  pourquoi,  la  quatrième  année  de  son  avènement  au 
siège  archiépiscopal  du  grand  diocèse  de  Lyon,  étant  en 
tournée  pastorale,  il  s'arrêta  dans  sa  bonne  et  chère  ville  de 
Saint- Rambert,  et  pour  satisfaire  à  sa  dévotion, fit  l'ouverture 
de  la  châsse  où  étaient  renfermées  les  reliques  de  notre 
Saint  (i). 

«  Nous  l'avons  trouvée,  dit  le  procès-verbal,  fermée  à  trois 
ce  clefs  ;  et,  après  ladite  ouverture  faite,  nous  avons  vénéré 
c(  ces  précieuses  reliques,  et  nous  les  avons  visitées  pièce  à 
«  pièce.  Nous  les  avons  trouvées  bien  enveloppées  en   dix- 

(t)  Voir  aux  pièces  jastificatiTcs,  n*  20, 


276  CHAPITRE   XIV 

«  huit  paquets,  que  nous  avons  tous  ouverts  et  visitez,  et 
«  avons  trouvé  toutes  les  parties  mentionnées  dans  Tinven- 
«  taire  que  nous  joignons  icy,  entières  et  très  bien  conservez. 
<c  En  foy  de  quoy,  nous  avons  fait  dresser  ce  procèz- verbal, 
«  en  présence  de  nos  vicaires  généraux  et  autres  notables 
«  personnages,  qui  nous  accompagnent  dans  nos  visites, 
(c  dont  nous  faisons  mettre,  icy,  les  noms  et  qualitez 
«  vénérables.  » 

Comme  le  procès-verbal  dont  il  s'agit  ici  a  une  réelle 
importance,  le  lecteur  doit  le  connaître  dans  tous  ses  détails. 
Pour  avoir  une  idée  juste  et  précise  de  la  valeur  authentique 
du  document,  nous  en  continuons  donc  la  transcription  par 
la  nomenclature  des  témoins  présents  à  l'ouverture  de  la 
châsse  : 

«  Furent  présents  :  Messire  Léonard  de  la  Croix,  prêtre 
a  docteur  en   Sorbonne,  abbé    de   Saint-Julien    de  Tours, 
(c  chapelain  de  Sa  Majesté,  obéancier  deSaint*Just  de  Lyon, 
«  notre  vicaire  général;  M''*Paul  Cohade,  prêtre  docteur  de 
c(  la  Maison  et  Société  de  Sorbonne,  notre  vicaire   général 
«  des  Religieuses;  M'*  François  de  Rochefort,  prêtre  prévôt  et 
«  curé  de  l'Eglise  collégiale  et  paroissiale  d'Enay  de  Lyon  ; 
«  M"  Nicolas  Navarre,  prêtre  docteur  de  Sorbonne,   notre 
«  promoteur  général  substitué  ;  M"  Jean   Picheret,  prêtre 
(c  supérieur  de  la  Congrégation  des  Missionnaires  de   Saint- 
ce  Joseph  ;  M"  Laurent  Boyer,curé  archiprêtrede  Saint-Etienne 
fic  et  des  sieurs  sacristains  et  chanoines  dudit  lieu  (i). 

ce  Donné  à  Saint- Rambert  le  jour  et  an  que  dessus,  et  ont 
<r  signez  les  dits  sieurs  mentionnez,  ainsy  signé,  l'archevêque 
«  de  Lyon,  prieur  de  Saint-Rambert,  etc..  (2)  »  —  3*  titre. 

(i)  Les  chanoines  de  l'époque  étaient  :  M'»  JuUieo,  sacristain,  Carrier  aîné,  Carrier  jeune, 
Dubois,  Relogue,  Thévenet,  Escalle,  Roche,  De  Lugny,  Gérentet. 

(a)  Nous  avons  conservé  à  ce  document  le  style  et  l'orthographe  que  nous  lui  avons 
trouvés. 


J 


RECONNAISSANCES   DES   RELIQUES   DE   SAINT   RAMBERT        277 

Nous  venons  de  lire  que  Sa  Grandeur  Mgr  de  Neuville  de 
Villeroy  trouva,  dans  la  châsse  qu'il  visitait,  dix-huit  paquets 
contenant  les  reliques  entières  et  bien  conservées. 

Or,  voici  l'inventaire  qu'il  en  fit,  sous  les  yeux  des  person- 
nages notables  qui  l'accompagnaient. 

Nous  transcrivons  la  pièce  telle  que  nous  l'avons  trouvée, 
dans  nos  archives  paroissiales. 


CATALOGUE   DES   PAQUETS 

ICY    ENFERMÉS    QUI    SONT    DIX-SEPT    EN     NOMBRE 

1  Os  femoris  unum. 

2  Os  femoris  alterum. 

3  Os  brachii  unum. 

4  Os  brachii  alterum. 

5  Os  tibias. 

6  Duo  ossa  peronea. 

7  Cubitus  cum  duobus  radiis. 

8  Pars  ossis  sacri  una. 

9  Pars  ossis  sacri  altéra. 

10  Coccix. 

1 1  Vertebrœ  septem. 

1 2  Costarum  fragmenta. 

i3  Cranii  pars  posterior  cum  dentibus  septem. 

14  Ossicula  manuumac  pedum. 

i5  Deossibus  humeri  et  stemi. 

16  Varia  ossium  fragmenta. 

]8  Pulvis  reliquiarum  S^'  Ragneberti  atque  Beati  Domitiani. 

Le  texte  original  de  la  nomenclature  des  paquets  de  reliques 
ne  porte,  en  vérité,  que  17  numéros.  Le  nombre  ordinal  18, 
énoncé  immédiatement  après  le  chiffre  16,  ne  paraît  point 
avoir  été  placé,  ici,  par  erreur  du  copiste^  qui  sous  la  dictée 


278  CHAPITRE    XIV 

de  M"  Guichard,  délégué  de  Sa  Grandeur  Mgr  de  Saint- 
Georges,  présidait  et  à  l'ouverture  de  la  châsse  et  à  la 
rédaction  du  procès- verbal. 

L'écriture  de  ce  procès  et  celle  du  catalogue  sont  très 
uniformes.  Les  espaces  entre  chaque  ligne  bien  gardés.  On 
ne  voit  aucune  rature,  ni  sur  le  chiffre  16,  ni  sur  le  chiffre  18. 
Voici,  diaprés  nos  recherches,  l'explication  de  cette  présence 
du  nombre  ordinal  18,  dans  un  rang  qui  ne  lui  appartient 
pas. 

D'abord,  les  visiteurs  des  reliques  trouvèrent  18  paquets; 
mais  ensuite  ils  enlevèrent  de  la  châsse  celui  qui  portait  le 
n®  17,  pour  se  l'approprier  sans  doute. 

La  paroisse  Saint-Rambert-en-Bugey  possède,  dans  une 
châsse  vénérable,  plusieurs  parties  importantes  du  corps 
de  saint  Rambert.  On  pourrait,  en  les  joignant  à  celles  de 
Saint-Rambert-en-Forez,  reconstituer  le  corps  presque  entier 
de  rillustre  martyr. 

Voici,  d'après  le  procès-verbal  de  la  reconnaissance  des 
reliques  de  saint  Rambert,  faite  en  1768  par  Dom  Godard, 
visiteur  de  l'ordre  de  Cluny,  les  ossements  contenus  dans 
la  châsse  de  Saint-Rambert-en-Bugey  : 

Deux  os  du  coccix. 

Deux  fémurs. 

Un  péroné. 

Un  cubitus. 

Des  portions  de  clavicules,  de  fausses  côtes,  de  l'épine  du 

dos. 
Un  crâne. 

D'autres  petits  ossements,  plusieurs  fragments  d'os. 
Un  peu  de  terre  dans  laquelle  le  saint  fut  inhumé. 
D'autres  particules  de  reliques. 


RECONNAISSANCES   DES    RELIQUES   DE    SAINT   RAMBERT       279 

En  1 789,  et  le  trentième  jour  du  mois  de  mai,  les  reliques 
de  saint  Rambert  eurent  encore  l'honneur  de  la  visite  de 
Mgr  Emmanuel  Henry  Timoléon  de  Cossé-Brissac,  évêque 
et  seigneur  de  Condom,  abbé  de  Fontfroide  et  de  Saint- 
Urbain,  prieur  de  Saint-Rambert-en-Forez. 

Cet  illustre  prélat  (i),  après  avoir  vénéré  les  précieuses 
reliques,  et  les  avoir  présentées  au  peuple  assemblé  dans 
l'église,  pour  la  circonstance,  procéda  à  l'ouverture  de  la 
châsse,  en  présence  de  M"*  Jullien,  chanoine  sacristain  ; 
Gérentet,  Escalle,  autres  chanoines; et  de  MM.  Pommerol, 
juge  ;  Javelle,  capitaine  châtelain. 

((  Nous  en  avons  fait  la  visite,  dit  le  procès-verbal,  en  la 
«  qualité  de  Prieur.  Et,  pour  notre  propre  consolation  et 
«  dévotion  aux  reliques  dudit  saint,  nous  avons  pris  quatre 
«  morceaux  des  ossements,  pour  les  transférer  dans  notre 
«  diocèse,  ou  autres  lieux  consacrés  à  la  piété  des  fidèles.  (2)  » 

A  en  juger  par  la  teneur  assez  brève  du  procès-verbal  où 
Ton  parle  de  l'ouverture  de  notre  châsse,  par  Mgr  de  Cossé- 
Brissac,  de  la  vénération  des  reliques  qu'elle  renfermait  par 
Sa  Grandeur,  et  de  la  présentation  de  ces  mêmes  reliques  au 
peuple  pour  les  faire  vénérer,  mais  où  ne  se  trouve,  pourtant, 
aucune  allusion  à  l'état  des  reliques  elles-mêmes,  ni  à  leur 
nombre,  ni  aux  procès-verbaux  des  diverses  visites  faites 
antérieurement,  on  a  quelque  peine  à  admettre    que  Mgr 


(I)  Mgr  de  Cossé-Briuac,  prieur  commeodataire  de  Saint-Rambert,  aimait  sa  Collégiale 
de  Saint-Rambert.  Pendant  cette  année  lyBg,  il  passa  toat  le  mois  de  mai  au  milieu  de  ses 
chers  chanoines,  présidant  les  offices  canoniaux,  chaque  fois  que  ses  affaires  lui  en  donnaient 
le  loisir.  C'est  ainsi  que  nous  constatons  sa  présence  au  chœur  les  3,  6,  7,  10  et  17  mai, 
encourageant,  de  sa  haute  présence,  la  piété  des  chanoines  ses  administrés.  Ce  fut,  sans 
doute,  avant  de  reprendre  le  chemin  de  son  diocèse,  qu'il  fit  la  reconnaissance  des  reliques 
dont  nous  parlons. 

Les  de  Cossé-Brissac  portaient  :  De  sable  à  trois  fasces  d'or  danchées  par  le  bas.  Devise  : 
Yirtute  et  tempore. 

(Livre  des  «  Distributions  manuelles  »  du  Chapitre  de  Saint-Rambert,  1715-1748. 
Archives  de  la  Loire,  Fonds  de  Saint-Rambert.) 

(3)  Voir  les  pièces  justificatives  n*  3i. 


28o  CHAPITRE    XIV 

l'évêque  de  Condom  ait  eu  l'intention  de  faire  une  reconnais- 
sance canonique  du  trésor  de  nos  saintes  reliques.  Si  Sa 
Grandeur  avait  voulu  imiter  ses  augustes  prédécesseurs, 
procédant  dans  les  mêmescirconstances,  il  aurait  mentionné, 
dans  le  procès-verbal  qu'il  signe  «  Emmanuel  évêque  de 
Condom  »,  les  dix-sept  paquets  trouvés  dans  la  châsse,  en 
rappelant  chacune  des  légendes  explicatives  dont  ils  étaient 
munis. 

Mgr  de  Cossé-Brissac,  usant  de  son  droit  d'évêque  et  de 
Prieur,  a  tout  simplement  ouvert  la  châsse  de  nos  vénérées 
reliques  pour  lui  enlever  «  quatre  morceaux  des  ossements  » 
qu'elle  renfermait;  toujours  dans  le  but  de  se  consoler  et  de 
satisfaire  sa  dévotion... 

Avec  ce  pieux  prétexte,  il  put  légalement  enrichir  de  ce 
nouveau  trésor  son  oratoire  particulier,  peut-être  la  cathé- 
drale de  sa  ville  épiscopale,  et,àcoup  sûr,  divers  autres  sanc- 
tuaires, puisque  le  parchemin  qu*il  a  signé  de  sa  main,  et  qui 
est  scellé  de  son  sceau,  nous  apprend  qu'il  prit  ((  quatre 
morceaux  d'ossements  pour  les  transférer  dans  son  diocèse, 
ou  autres  lieux  consacrés  à  la  piété  des  fidèles  ». 

Si,  du  moins,  Sa  Grandeur  avait  eu  soin  de  nous  faire 
connaître  les  sanctuaires  privilégiés  qu'elle  voulait  doter  de 
nos  chères  reliques  disparues,  nos  regrets  de  ne  les  plus 
voir  à  leur  place  dans  notre  belle  châsse,  seraient  moins 
profonds! C'est  notre  4*  titre. 

Le  23*  jour  d'octobre  1780,  la  châsse  fut  encore  ouverte 
par  M""*  Malvin,  vicaire  général  de  Lyon,  et  les  reliques 
reconnues,  publiquement,  pour  être  les  mêmes  que  celles 
qu'avait  visitées,  quarante-un  ans  auparavant,  Mgr  de  Cossé- 
Brissac. 

Cette  visite  faite  en  présence  deMessieurs  les  Curé,sacristaîn, 
chanoines  de  Saint-Rambert,  noble  Aubin  de  la  Chièze,  juge; 
noble  Jean-Baptiste  Gérentet  de  Lachaud,  capitaine  châtelain  ; 


RECONNAISSANCES   DES   RELIQUES   DE   SAINT  RAMBERT       28 1 

Maître  Léon  Apothicaire,  notaire  royal  et  procureur  fiscal  ; 
Claude  Antoine  Josué  Gérentet  de  Saluneaux,  conseiller  du 
Roi  aux  bailliage  et  sénéchaussée  de  Forez  ;  Messires  Richerme, 
curé  ;  Rebourceau,  sacristain  ;  et  plusieurs  autres  chanoines 
de  la  Collégiale  (i),  offre  un  intérêt  tout  particulier,  en  dehors 
de  celui  que  nous  présente  la  constatation  officielle  de  la 
présence  des  mêmes  reliques  dans  la  châsse  dite  «  de  saint 
Rambert  ».  C'est  notre  5*  titre. 

Or,  ce  qui  rend  particulièrement  intéressante  cette  visite  de 
Messire  Malvin,  vicaire  général,  visite  que  nous  connaissons 
par  le  procès-verbal  qui  en  fut  fait,  c'est  qu'elle  nous  apprend 
que  notre  vieille  église  possédait  encore,  en  cette  année  1 780, 
«  un  reliquaire  en  bois  sculpté  et  très  antique^  contenant  les 
reliques  de  saint  Rambert  ». 

Ce  reliquaire,  Messire  Malvin  l'appelle  «  très  antique  ».  Si 
l'on  veut  exprimer  la  pensée  vraie  du  vicaire  général,  visiteur 
et  signataire  du  procès-verbal,  ce  superlatif  doit  se  traduire 
par  la  paraphrase  suivante  <c  charge'  d*un  grand  nombre  de 
siècles  ».  L'adjectif  «  antique  »,  d'après  les  meilleurs  diction- 
naires, veut  dire  «  fort  ancien  »,  et  éveille  l'idée  d'un  âge 
plus  reculé  et  plus  éloigné  de  nous,  que  les  temps  qui  nous 
ont  immédiatement  précédés,  et  qu'on  appelle  simplement 
(c  anciens  âges  ». 

On  ne  dira  pas,  par  exemple,  en  parlant  d'un  château-fort 
du  moyen  âge  :  une  antique  forteresse,  mais  bien  et  gramma- 
ticalement :  une  ancienne  forteresse,  un  vieux  château. 
L'épithète  «  antique  »  au  contraire,  s'accolera  très  bien  à  des 
travaux,  à  des  monuments  d'une  époque  remontant  bien  au- 
delà  des  siècles  voisins  du  nôtre.  Ainsi,  on  dit  très  bien  sans 
manquer  aux  règles  de  la  grammaire  :  Les  antiques  jardins 
suspendus  de  Babylone,  les  antiques  Pyramides  d'Egypte... 
D'où  nous  pouvons  conclure,  après  ces  explications  préalables, 

(i)  Voir  Ut  pièc<t  |uftificatWet  n*  as. 


282  CHAPITRE   XIV 

que  la  châsse  de  bois  sculpté  dans  laquelle  Messire  Malvin 
trouva  les  reliques  de  saint  Rambert,  le  23  octobre  1780, 
pouvait  bien  être  celle  que  firent  faire,  vers  le  xi*  siècle,  les 
moines  bénédictins  du  Prieuré,  pour  y  déposer  les  ossements 
des  saints  Rambert  et  Domitien,  transférés  miraculeusement 
dans  leur  église  conventuelle. 

Et  pourquoi  n'en  aurait-il  pas  été  ainsi  ?  Etait-il  donc  plus 
difficile  de  garder,  en  parfait  état  de  conservation,  un  meuble 
en  bois  dur,  qu'une  étoffe  tissée  de  fils  ténus  (i)  ?  Après  huit 
longs  siècles,  où  elle  a  été  exposée  à  toutes  sortes  de  vicissitudes, 
l'admirable  étoffe  de  soie  et  d'or  qui  servit  à  transférer 
les  reliques  de  saint  Rambert,  du  château-fort  du  comte 
Guillaume  (2),  au  prieuré  de  Saint-André-les-Olmes,  se  voit 
encore  bien  conservée,  dans  le  trésor  de  notre  église.  Il  ne 
serait  donc  ni  étonnant,  ni  impossible  que  a  l'antique  » 
châsse  de  bois  sculpté,  au  xi*  siècle,  servît  encore,  pendant 
le  xviii*,  de  pieux  écrin  aux  sacrés  restes  de  notre  illustre 
Patron. 

Dans  ce  même  procès-verbal,  Messire  Malvin  nous  dit  qu'il 
fut  prié  d'extraire  de  la  châsse  de  saint  Rambert  une  partie 
du  crâne  et  une  vertèbre,  pour  les  enfermer  dans  un  reliquaire 
en  vermeil  «  pour  y  être  conservées  et  exposées  à  la  vénération 
des  fidèles  ». 

Ce  reliquaire  d'or  ne  garda  que  pendant  dix  ans  les 
reliques  qu'on  lui  avait  confiées.  Car,  à  la  date  du  6  mars 
mil  sept  cent  quatre-vingt-dix,  nous  trouvons  une  preuve 
que  la  partie  du  crâne  et  la  vertèbre  distraites  de  la  châsse  y 
furent  alors  replacées.  Voici  ce  document  (3)  : 

«  Les  parties  de  Reliques  de  saint  Rambert  martyr, 
c<  mentionnées  au  procès-verbal  (de   1780),  qui  avaient  été 

(i)  Notre  précieuse  chasuble. 

(3)  Voir,  ci-dessus,  le  chapitre  XI*. 

(3)  Archives  paroissiales. 


RECONNAISSANCES   DES   RELIQUES   DE  SAINT   RAMBERT       283 

a  mises  dans  un  ancien  petit  reliquaire  de  vermeil,  ainsi  que 
«  porte  ledit  procès-verbal,  en  ont  été  extraites,  à  l'exception 
«  d*une  pièce,  qui  est  la  partie  de  crâne  désignée  au  susdit 
«  procès-verbal,  laquelle  a  été  placée  dans  un  petit  reliquaire 
«  neuf  d'argent,  fait  en  forme  de  croix,  avec  un  procès-verbal 
<c  qui  rappelle  celui-ci.  Cette  translation  a  été  faite  par 
«  MM.  de  Grézieu,  sacristain,  curé  ;  et  Gérentet,  chanoine  de 
«  la  Collégiale  de  cette  ville,  commissaires  nommés  par 
«  M.  Navarre,  vicaire  général  du  diocèse,  qui  ont  scellé 
«  rintérieur  de  la  châsse  avec  un  ruban  rose  de  chacun 
«  sceau...  »  En  présence  de  MM.  Jean-Baptiste  Guérin(i), 
prêtre,  prédicateur  du  Carême  en  cette  ville,  MM.  Jérôme 
Treynet,  Christophe  Bénévend,  chanoines  de  la  Collégiale  et 
Clément  Perrin,  tailleur  d'habits  (2). 

Nous  n'avons  pas  retrouvé,  dans  notre  sacristie,  parmi  les 
objets  religieux  qui  servent  au  culte  divin,  le  petit  reliquaire 
de  vermeil  auquel  les  deux  procès-verbaux,  de  1780  et  de 
1790,  font  allusion.  Il  aura,  sans  doute,  disparu  pendant  la 
tourmente  révolutionnaire,  comme  ont  disparu  malheureu- 
sement, à  cette  époque,  tant  d'objets  aussi  remarquables  par 
leur  ancienneté  que  par  Tart  avec  lequel  ils  étaient  travaillés; 
témoin  le  fameux  tableau  représentant  le  martyre  de  saint 
Laurent,  que  des  peintres  célèbres  vinrent  souvent  admirer 
dans  Téglise,  et  que  M.  de  Seinas, seigneur  de  Sury-le-Comtal, 
amateur  distingué  et  possesseur,  à  Lyon,  d'une  collection 
précieuse  de  ce  genre,  passait  souvent  des  heures  entières  à 
examiner  et  à  contempler.  Des  vandales  mirent  cette  toile 
célèbre  en  lambeaux. 

Mais,  si  nous  avons  le  regret  de  ne  pouvoir  plus  présenter 
à  la  vénération  des  fidèles  de  notre  paroisse  quelques  parcelles 


(i)  Peut-être  «  Garin  »,  Les  déchirures  et  les  éraflures  du  parchemin  oe  Doot  ont  pai 
permis  de  déchiffrer  sûrement  ce  nom.  Remarquons,  ici,  que  déjà  à  cène  époque,  la  station 
de  Carême  était  prêchée  solennellement  dans  l'église  Saint-Rambert-en-Forez. 

(a)  Voir  les  pièces  justificatives  n*  a3. 


284  CHAPITRE   XIV 

des  insignes  reliques  de  saint  Rambert,  dans  le  reliquaire 
de  vermeil  perdu,  nous  avons  du  moins  la  consolation  de 
posséder  le  petit  reliquaire  neuf  d'argent,  fait  en  forme 
de  croix.  Toutefois,  les  reliques  qu'il  contenait  lui  ont 
été  enlevées  en  i863,  et  transférées  dans  un  autre 
reliquaire  d'aremit  blanchi,  de  forme  carrée  et  de  style 
ancien. 

Et  de  nos  jours,  une  parcelle  authentique  de  la  vraie  Croix 
a  remplacé,  dans  ce  reliquaire  en  forme  de  croix  rayonnante, 
la  partie  du  crâne  de  saint  Rambert  qui  y  avait  été  mise 
en  1790. 

Le  lecteur,  qui  vient  de  parcourir  les  pages  précédentes 
et  les  divers  procès -verbaux,  où  l'autorité  diocésaine 
constate  l'authenticité  des  Reliques  de  saint  Rambert  et  de 
saint  Domitien  pendant  l'espace  de  deux  siècles,  a,  sans 
nul  doute,  remarqué  qu'à  chacune  des  visites  faites  à  la 
châsse,  son  trésor  des  restes  bénis  de  l'illustre  martyr  allait 
s'amoindrissant. 

C'est,  d'abord,  Mgr  Claude  II  de  Saint-Georges,  Archevêque 
de  Lyon  qui,  en  vertu  du  pouvoir  dont  il  jouit,  déclare  avoir 
ôté  de  notre  vénérable  châsse,  lors  de  son  ouverture  par 
M.  l'archiprêtre  de  Montbrison,  Messire  Pactier,  le  5  juin 
1708  :  I*  Une  vertèbre  ;  2®  Une  grosse  dent  ;  3**  Un  petit  os 
du  doigt  de  la  main. 

C'est,  ensuite,  Mgr  de  Cossé-Brissac,  Prieur  commendataire 
de  Saint- Rambert-en- Forez  qui,  le  3i  mai  1739,  après  avoir 
fait  la  visite  des  Reliques,  en  la  qualité  de  Prieur,  pour  sa 
propre  consolation  et  dévotion  s'approprie  «  quatre  morceaux  » 
des  ossements  de  notre  saint  Martyr,  et  les  emporte  dans 
son  diocèse  de  Condom,  ou  autres  lieux  consacrés  à  la  piété 
des  fidèles. 

Et  là  ne  s'arrêtent  point  les  pieux  larcins  commis  légalement 
par  les  augustes  prélats  visiteurs  de  notre  insigne  trésor  de 


RECONNAISSANCES   DES   RELIQUES   DK    SAINT   RAMBERT       285 

reliques.  Nous  verrons  bientôt,  dans  le  cours  du  chapitre 
XVI*,  que  lorsque,  en  1804,  MM.  Claude  Cholleton,  curé 
de  Saint- Etienne-de-Furan  et  Antoine  Coquard,  desservant  de 
Sury-le-Comtal,  reçurent  commission  de  l'autorité  diocésaine 
pour  reconnaître  les  Reliques  de  notre  châsse,  échappée  aux 
profanations  sacrilèges  des  jours  néfastes  de  la  Terreur,  ces 
deux  Commissaires  officiels  ne  se  firent  aucun  scrupule  de 
transférer,  chacun  dans  son  église  paroissiale,  une  parcelle 
du  trésor  de  Saint- Rambert. 

M.  le  Curé  de  Saint-Etienne  s'empara  d'un  petit  os,  extrait 
du  paquet  «  des  fragments  des  côtes  ». 

Et  M.  le  desservant  de  Sury  s'appropria  une  vertèbre  et  un 
petit  os,  pris  au  même  paquet  des  a  fragments  des  côtes  »,  et 
au  paquet  des  «  vertèbres  ». 

En  agissant  ainsi,  à  chacune  de  leurs  visites,  c'est-à-dire  en 
nous  privant,  pour  leur  satisfaction  et  dévotion  personnelles, 
d'une  partie  de  nos  chères  reliques,  nos  seigneurs  les  Evêques, 
les  Prieurs  commendataires  du  Prieuré  de  Saint-Rambert- 
en-Forez,  et  leurs  honorables  délégués  ou  commissaires, 
ne  faisaient  sans  doute  qu'user  d'une  faculté  qui  leur 
appartenait  de  droit  ;  et  nous  nous  garderons  bien  de  juger, 
en  quelque  manière  que  ce  soit,  la  conduite  de  ces 
honorables  visiteurs. 

Mais  nous  ne  pouvons  pas  laisser  passer  l'occasion 
d'émettre,  ici,  nos  regrets  en  voyant  notre  chère  châsse 
si  riche  et  si  renommée  par  le  trésor  qu'elle  gardait 
fidèlement  depuis  de  longs  siècles,  perdre  ainsi,  une  à  une, 
les  perles  d'or  et  de  diamant  qui  faisaient  sa  gloire  et  son 
éclat. 

Il  est  vrai,  les  parties  sacrées  du  corps  de  notre  grand 
Martyr,  ravies  à  leur  écrin  séculaire,  sont  allées  enrichir 
d'autres  reliquaires,  et  proclamer  dans  d'autres  sanctuaires  le 
renom  et  la  puissance  de  Tillustre  Rambert  ;  et  il  ne  nous 


286  CHAPITRE   XIV 

déplait  pas  de  savoir  que  d'autres  paroisses  portent,  comme 
la  nôtre,  son  nom  béni  (i). 

Toutefois,  nous  le  répétons  avec  tristesse,  n'est-il  point 
fâcheux  que  notre  église  et  sa  châsse  si  intéressante,  aient  vu 
leur  trésor  s'amoindrir  peu  à  peu?... 

Avant  de  terminer  ce  chapitre,  nous  sommes  heureux  de 
constater  un  fait.  Si  nous  avons  vu  tant  de  fois,  à  travers  les 
âges,  nos  seigneurs  les  Evêques  ouvrir  notre  châsse  afin 
d'extraire  pour  leur  dévotion  quelques  parties  de  son  trésor 
de  reliques,  c'est  apparemment  que  ces  reliques  étaient 
insignes  ;  c'est  surtout  qu'elles  jouissaient  d'une  renommée 
universelle.  En  rapprochant,  en  effet,  les  divers  ossements 
enlevés  du  reliquaire,  de  ceux  dont  notre  église  avait  le 
bonheur  d'être  en  possession,  on  voit  que  la  châsse  au  xvui* 
siècle  montrait  encore,  aux  fidèles  dévots  à  Saint-Rambert, 
plus  de  la  moitié  de  son  glorieux  corps. 

Enfin,  nous  ne  manquerons  point  d'attirer  l'attention  du 
lecteur  sur  la  place  qu'a  occupée,  sur  le  grand  autel,  de  tout 
temps  et  jusqu'à  l'époque  de  la  grande  Révolution  (lygS), 
la  châsse  de  saint  Rambert,  comme  l'insinue  le  procès-verbal 
de  la  visite  de  Mgr  Camille  de  Neuville,  signé  le  12  juin 
1662  (2). 

Ce  qui  veut  dire  que  les  reliques  de  saint  Rambert  ont  été 
de   temps  immémorial   en  grande  vénération  ;    car  on  ne 


(i)  Claudias  Castellanus  in  sao  vocabulo  :  Hagiolog,  addit  quod  sub  illius  nomine  variie 
reperiantur  ecclesic  etiam  in  Delfinatu.  (Extrait  des  Bollafidistes^  passim.)  Il  s'agit  ici  de 
Saint-Rambert-d*Albon.  Mentionnons  encore  Saint-Rambert-rile-Barbe,  près  de  Lyon. 

«  Quantité  d'autres  lieux  de  la  dépendance  de  l'Ile-Barbe  ont  pris  le  même  saint  pour 

•  leur  Patron,  comme  le  bourg  de  Fauce-Magne,  aujourd'hui  appelé  de  Saint-Rembert,  à 
«  cause  de  l'égliie  et  prieuré  fondés  en  l'honneur  du  saint,  par  quelque  archcTêque  de 

•  Vienne.  L'église  de  Saint-Rembert  du  bourg  de  l'IIe-Barbe,  bastie  depuis  l'an  1 183  ;  car, 
«  en  ce  temps,  ce  bourg  avait  pour  patrons  les  saints  Eléazar  et  Minerve,  martyrs,  Saint'» 
fl  Rembert-de-iVotiaiV/es  dans  le  Lyonnais,  sans  parler  de  l'abbaye  de  Saint-Rembert'«n- 

•  Beugey,  d'où  le  saint  fut  transféré  en  Forez.  >  (Cl.  le  Laboureur,  Masures  de  Nie-Barbe» 
tome  I,  chapitre  XIII*,  page  80.) 

(3)  Nous  donnerons  «  i»  extenso  »  dans  le  a*  volume  de  notre  ouvrage^  les  procès- 
verbaux  des  visites  pastorales  que  nos  seigneurs  les  archevêques  de  Lyon  ont  faites,  dans 
la  région  dont  notre  cité  est  le  centre,  aux  zvit*  et  xvtii*  siècles. 


RECONNAISSANCES  DES   RELIQUES   DE   SAINT   RAMBERT       287 

plaçait  sur  les  autels,  et  quelquefois  dans  les  tombeaux 
d'autels,  que  les  reliques  authentiques  et  dont  le  culte  était 
bien  établi  (i). 

Et,  si  cette  vénération  et  cette  confiance  que  leur  ont 
accordées  les  générations  passées,  semblent  avoir  perdu 
quelque  chose  de  leur  ardeur  et  de  leur  universalité,  depuis 
un  siècle,  disons  cependant  que  l'église  et  la  châsse  de  Saint- 
Rambert  sont  restées  chères  aux  Foréziens.  Alors  que  l'église 
reçoit  chaque  année  de  nombreux  visiteurs  attirés  par  sa  grande 
réputation  de  monument  historique  du  plus  haut  intérêt, 
la  Châsse  reste,  quand  même,  le  but  constant  de  pèlerinages 
accomplis  annuellement  aux  jours  de  la  fête  de  la  Translation 
des  Reliques  de  notre  bien-aimé  Patron.  Et  les  huit  jours  de 
son  Octave,  qui  rappellent  les  anciennes  fêtes  de  la  Dédicace 
de  l'Eglise  du  Prieuré  et  des  Miracles  de  saint  Rambert,  sont 
encore  des  jours  de  prières  et  de  pieuse  manifestation  auprès 
de  nos  insignes  reliques. 

Nous  raconterons,  en  son  lieu,  comment  dans  notre  vieille 
cité,  la  confiance  à  notre  illustre  Patron  semble  renaître 
aujourd'hui  dans  l'âme  des  fils  et  des  petits-fils  de  ces  vaillants 
chrétiens  qui  jadis,  on  l'a  vu,  furent  aussi  bons  qu'ils  furent 
généreux  et  croyants. 


(1)  Un  seal  fait,  entre  mille,  pour  montrer  que  pirtout  les  reliques  de  saint  Rambert 
étaient  en  grande  vénération  et  qu'on  y  venait,  de  tous  côtés,  en  •  réméage  •  pour  demander, 
au  saint  martyr,  soulagement  et  guérison  : 

Le  i3  juin  1681,  disent  nos  Registres  de  catholicité,  eut  lieu,  dans  le  cimetierre  de  la 
paroisse  Saint-Rambert,  la  sépulture  de  Claude  Jacquemond,  de  Cuxieu,  «  décédé  alors 
«  qu'il  avait  esté  conduit  dans  cette  ville  pour  faire  sa  dévotion  à  saint  Rambert  ».  (Archives 
de  la  Paroisse.) 


CHAPITRE  XV 


LES    RELIQUES 


KT    LA 


CHASSE  DE  SAINT  RAMBERT 


PENDANT  LA  GRANDE   RÉVOLUTION   DE   1798 


Nous  raconterons,  dans  ce  chapitre,  l'histoire  intéressante 
du  sauvetage  de  notre  vénérable  châsse  et  de  son  trésor  de 
reliques,  durant  les  mauvais  jours  de  la  Terreur,  en  1793. 

Pendant  sept  siècles,  nous  l'avons  dit,  la  châsse  contenant 
les  sacrés  ossements  de  saint  Rambert,  placée  sur  le  maître- 
autel,  fut  constamment  Tobjet  d'une  profonde  vénération  de 
la  part  des  fidèles  de  notre  chrétienne  paroisse,  et  d'un  grand 
nombre  de  pieux  pèlerins  que  la  dévotion  au  saint  martyr 
attirait  de  toutes  parts  (i). 

Abritée  sous  la  majestueuse  coupole  que  les  moines  du 
Prieuré  élevèrent,  vers  la  fin  du  xi*'  siècle,  au-dessus  du  grand 
autel,  comme  pour  lui  servir  de  diadème,  cette  châsse  vénérée 
restait,  là,  exposée  aux  regards  de  tous,  invitant  par  ses 


(I)  On  l'y  voyait  en  l'année  1662,  lors  de  la  Yîsite  pastorale  de  Mgr  Camille  de  Neuville 
de  Villeroy  :  «  Sur  le  maistre-autel  (est-il  dit  dans  le  procès-verbal  de  cette  visite)  il  y  a 
une  chftsse  de  bois  doré  où  sont  les  reliques  de  saint  Rambert  et  de  saint  Domitien  que  nous 
avons  vénérées.  »  {Archives  du  Rhône,  Fonds  Saint- Rambert,  folio  383.) 

19 


H^Ô  CHAPITRE  XV 

mille  lumières  et  ses  nombreux  ex-voto,  les  pèlerins  à  la 
prière  et  à  la  confiance.  Mais  elle  ne  quittait  jamais  le  trône 
sur  lequel  on  l'avait  déposée,  si  ce  n'est  une  fois  chaque 
année,  au  jour  de  la  fête  anniversaire  de  la  «  Translation  des 
Reliques  ».  Ce  jour-là,  si  nous  remontons  à  une  époque  déjà 
lointaine,  c'étaient  d'abord  les  religieux  bénédictins  du  Prieuré 
qui  la  promenaient  processionnellement  aux  chants  des  hymnes 
pieux,  sous  les  voûtes  sombres  de  leurs  cloîtres  décorés. 

Plus  tard,  et  lorsque  le  monastère  eut  été  sécularisé  (i), 
Messires  les  chanoines  du  Chapitre  de  la  Collégiale,  chargeant 
sur  leurs  épaules  le  vénéré  fardeau,  le  portaient  chaque 
année  triomphalement  en  procession  autour  des  murs  de  la 
ville,  aux  accents  de  joie  de  tout  un  peuple  mêlant  les 
cantiques  à  la  prière. 

Or,  cette  marche  triomphale  de  notre  chère  châsse,  à  travers 
les  rues  de  notre  vieille  cité,  n'a  jamais  cessé  d'être  organisée, 
annuellement,  par  le  zèle  de  Messieurs  les  Archiprêtres,  aidés 
du  dévouement  absolument  désintéressé  de  leurs  paroissiens, 
excepté  pendant  les  années  malheureuses  de  la  Révolution 
de  1793.  Si  bien  qu'aujourd'hui  en  1900,  comme  autrefois 
aux  xn*,  xiii*,  xiv'  siècles,  et  aux  siècles  suivants,  la  grande 
procession  des  reliques  de  saint  Rambert  se  développe, 
chante,  prie,  avec  le  même  entrain,  la  même  piété,  la  même 
confiance,  la  même  ferveur  que  jadis  (2). 


(1)  La  BéculariMtioa  du  monastère  de  l'Ile-Barbe  eut  Heu  par  une  Balle  du  pape  Paul  UI, 
datée  du  mois  d'avril  1549,  et  fulminée  par  son  successeur  Jules  lU,  le  3i  août  i55i.  A  la 
suite  de  cette  sécularisation  de  l'abbaye  de  TIle-Barbe,  eut  lieu  celle  de  tous  les  prieurés 
qui  en  dépendaient,  par  conséquent  de  celui  de  Saint-Rambert-en-Forez,  dont  l'Eglise  était 
la  première  fille. 

(3)  C'était  bien  l'usage  que  les  chanoines  portassent  sur  leurs  épaules  la  précieuse  chftsse 
pendant  la  procession  qui,  chaque  année,  se  déroulait  autour  des  murs  de  la  ville  après  en 
avoir  parcouru  quelques  rues.  Nous  en  avons  pour  preuve  une  note  assez  curieuse  extraite 
du  «  Registre  des  actes  capitulaires  des  chanoines  de  la  Collégiale  de  Saint^Rambert  • 
datée  du  3  octobre  1723,  laquelle  note  nous  apprend  qu'un  jeune  chanoine,  Messire  Degrasse, 
fut  puni  d'interdiction  du  chœur,  pendant  quinze  jours,  et  privé  de  toute  distribution 
pendant  ce  temps  «  pour  avoir  refusé,,,  de  porter  le  grand  reliquaire  à  la  procession  de 
la  Translation  des  reliques  de  saint  Rambert  «,  conformément  à  l'ordre  de  Messire  Morange, 
vicaire  général,  du  la  mai  1691.  {Archives  de  la  Loire,  Fonds  de  Saint-Rambert.) 


RELIQUES   ET   CHASSE   DE    SAINT   RAMBERT   EN    1  ygS         29 1 

Nous  dirons  ailleurs  comment  se  passent  à  la  fin  de  notre 
XIX*  siècle,  et  dans  la  paroisse  Saint- Rambert,  les  cérémonies 
de  la  fête  de  son  noble  et  illustre  Patron. 

Ici,  nous  ferons  simplement  le  récit  des  circonstances 
dans  lesquelles  la  châsse  de  bois  doré,  objet  séculaire  de 
Tamour  et  de  la  vénération  des  fidèles,  fut  soustraite  au 
vandalisme  des  émissaires  à  la  solde  du  sanguinaire 
Javogues  (i). 

Aux  jours  néfastes  où  la  terreur  régnait  partout,  une 
extrême  prudence  devait  accompagner  chaque  parole,  chaque 
acte,  chaque  démarche.  Le  moindre  indice,  le  plus  léger 
soupçon  rendaient  suspect;  la  plus  vague  dénonciation 
entraînait  une  visite  domiciliaire  ;  et,  après  la  saisie  forcée, 
soi-disant  légale,  ne  manquait  pas  de  suivre  l'arrestation 
arbitraire.  Celle-ci,  elle-même,  ouvrait  les  portes  d'une  prison 
d'où  l'on  ne  sortait  que  pour  monter  à  Téchafaud. 

En  ces  jours  terribles  du  grand  cataclysme  de  lygS,  jours 
d'iniquité  où  la  proscription  des  personnes  et  la  destruction 
des  choses  saintes  étaient  à  l'ordre  du  jour,  on  vit  des 
fanatiques  furieux,  échappés  aux  antres  de  l'enfer,  des 
monstres  à  figure  humaine  se  livrer  aux  plus  honteux  excès. 
Iconoclastes  sans  pitié,  les  uns  dépouillèrent  les  autels, 
violèrent  les  tabernacles,  saccagèrent  les  reliquaires  ;  les  autres 
brisèrent  avec  une  satanique  fureur  les  verrières  étincelantes, 
les  statues  vénérables  des  saints,  et  en  vinrent,  les  insensés  ! 
au  nom  de  la  liberté  de  l'homme  révoité,  jusqu'à  abattre, 
partout,  le  symbole  de  la  Rédemption. 

Malheur,  alors,  à  qui  était  signalé  pour  jposséder  ou  abriter 
quelque  objet  portant  un  caractère  religieux!  Dénoncé  comme 
suspect  au  Comité  de  vigilance,  sa  maison  était  aussitôt 
fouillée  de  fond  en  comble,  et  tous  les  objets  délictueux 

(1)  Député  à  la  Convention  de   1793  pour  la   Loire  qu'il  terrorisa  pendant  plusieurs 
années.  A  la  fin,  devenu  suspect  lui-mâme,  il  fut  fusillé,  le  9  octobre  1796. 


292  CHAPITRE   XV 

étaient  transportés  sur  la  place  publique  pour  y  être,  au 
nom  de  la  Raison  déifiée,  livrés  aux  flammes  en  présence  de 
leurs  ci-devant  propriétaires. 

Heureusement,  la  Divine  Providence,  sans  la  permission 
de  laquelle  pas  un  cheveu  ne  tombe  de  notre  tête,  veillait 
sur  les  restes  sacrés  de  son  noble  martyr  Rambert.  Elle  ne 
permit  pas  qu'une  seule  parcelle  de  ses  ossements  fût  détruite 
ou  profanée. 

Aux  heures  terribles  de  troubles  et  de  sang.  Dieu,  qui  veut 
le  salut  de  son  Eglise,  ne  manque  jamais  de  susciter  des 
âmes  héroïques  pour  faire  triompher  sa  cause,  alors  que 
d'autres  la  persécutent. 

Les  corps  des  martyrs,  jetés  à  la  voirie  par  les  bourreaux 
des  empereurs  romains,  trouvèrent  toujours  des  mains 
charitables  pour  les  envelopper  d'un  suaire,  et  leur  donner 
une  pieuse  sépulture. 

Et,  pendant  les  tristes  journées  de  la  Terreur,  on  vit  non . 
seulement  des  familles  héroïques  donner,  au  péril  de  leur 
vie,  asile  aux  prêtres  et  aux  religieux  pour  les  soustraire  à  la 
prison  et  à  l'échafaud,  mais  il  se  trouva  aussi  un  grand 
nombre  de  femmes  courageuses  qui  ne  craignirent  point  de 
recueillir,  dans  leurs  maisons,  les  objets  consacrés  ou  simple- 
ment bénits  du  culte  divin  :  vases  sacrés,  reliques  de  saints, 
croix,  images  vénérées,  etc.,  pour  les  soustraire  aux  mains 
destructrices  de  l'impiété. 

Or,  la  femme  courageuse,  la  chrétienne  dévouée  qui  prit 
sur  elle  de  soustraire  notre  châsse  et  son  riche  trésor  de 
reliques  à  la  fureur  des  bandits,  dont  la  main  sacrilège  avait 
déjà  dépouillé  l'église  de  son  riche  mobilier,  fut  M***  Chapoton, 
dont  l'honorable  famille  habite  encore,  de  nos  jours,  la  ville 
de  Saint-Rambert. 

Le  nom  de  cette  vaillante  femme  appartient  à  l'histoire 
locale,  et  il  doit  être  béni  par  toutes  les  générations  chré- 
tiennes de  la  paroisse  qui,  maintenant,  gardent  et  garderont 


RELIQUES  ET  CHASSE   DE   SAINT  RAMBERT   EN    1 798         298 

dans  l'avenir,  l*aniour  et  de  notre  intéressante  église  et  de 
son  illustre  Patron. 

Voici,  d'après  la  tradition  et  quelques  documents  de  nos 
archives  paroissiales,  comment  eut  lieu  le  providentiel 
sauvetage  de  noschères  reliques.  A  la  date  du  8  septembre  1 798, 
au  moment  où  l'orage  révolutionnaire  déchaîné  sur  la  France 
multipliait  partout  les  ruines  et  le  deuil,  la  petite  ville  de 
Saint-Rambert  jouissait  encore  d'un  calme  relatif.  Bien  qu'on 
entendît  au  loin  gronder  la  tempête,  chaque  citoyen,  malgré 
une  vague  inquiétude,  vaquait  librement  à  ses  affaires.  Nous 
croyons  même  que  certaines  cérémonies  du  culte  divin 
n'avaient  point  encore  cessé,  dans  le  lieu  saint.  La  petite 
chapelle  Saint  Jean-Baptiste  était  encore  ouverte  aux  fidèles, 
qui  y  faisaient  célébrer  les  saints  mystères  pour  leurs 
défunts.  La  châsse  de  saint  Rambert  était  encore  sur  le 
maître-autel  de  l'église  Collégiale,  vénérée  et  entourée  de 
lumières. 

C'est  du  moins  ce  que  semblent  nous  révéler  les  intéressantes 
pages  d'un  «  Journal  de  Recettes  et  Dépenses  »  daté  de  cette 
époque  et  ayant  appartenu,  c'est  notre  conviction,  à  un  de 
Messires  les  curés  ou  chanoines  de  Saint-Rambert  (i). 

En  effet,  voici  ce  que  nous  lisons  dans  cet  intéressant 
a  Journal  »  :  (2) 

Plus  le  20  janvier  1793,  pour  six  messes,  cy.  ...     3* 
Plus  pour  deux  messes  aquitées  les  Lundis,  à  Saint 
Jean,  et  arrérages  de  payés,  cy i  ^ 

Depuis,  jusqu'à  ce  jour  20  juin  1793,  cinq  messes,  cy    2\  10" 

Le  29  juin,  pour  une  livre  cierges,  cy 2*  10^ 

Le  8  septembre,  pour  une  messe,  cy o'  10* 


(i)  Messire  J.-Baptiste  Bérardier  était  curé  de  Saint-Rambert  [cd    1793.  Il  avait  prâté 
serment  &  la  Constitution. 

(3)  Nous  laissons  à  ces  lignes  l'orthographe  que  nous  leur  avons  trouvce. 


294  CHAPITRE  XV 

Le  8  septembre,  pour  fourniture  devant  les  reliques 
de  saint  Rambert,  lors  du  départ  des  citoiens  dans 
les  troubles  de  Montbrison,  six  livres 6' 

Plus  pour  deux  messes  pour  la  Claire  Missol,  à 
l'occasion  de  son  décès. i* 

Jusqu'au  8  septembre,  aucun  grave  événement  ne 
semble  donc  avoir  préoccupé  les  esprits.  Mais  dans  la 
journée  du  8  septembre  lygS,  si  nous  nous  en  rappor- 
tons à  notre  <c  Journal  »,  des  bruits  alarmants  durent 
circuler  dans  la  campagne  et  dans  la  ville.  Et  la 
population  ayant  vu  avec  surprise  les  citoyens  partir 
ce  pour  les  troubles  de  Montbrison  (i)  »,  commença 
sans  doute  à  s'émouvoir,  et  à  manifester  des  craintes 
sur  l'avenir.  Elle  était  chrétienne,  elle  savait,  dans 
les  jours  de  danger,  recourir  à  Celui  qui  tient  dans  sa 
main,  et  les  hommes  et  les  événements.  Aussi  bien,  la 
voyons-nous,  à  l'heure  de  l'épreuve,  tourner  ses  regards 
suppliants  vers  le  saint  Patron  qu'elle  n'avait  jamais 
invoqué  en  vain.  Les  fournitures  dont  il  est  parlé 
dans  le  <r  Journal  de  Recettes  et  Dépenses  »  étaient, 
sans  doute,  des  cierges  allumés  devant  les  reliques  du 
saint,  pour  implorer  son  secours.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  situation  devenant  critique,  on  se  hâta  de  faire 
disparaître,  soit  du  Prieuré,  soit  de  l'église,  tous  les 
objets  du  culte  divin,  objets  dont  la  vue  était  de  nature 
à  provoquer  la  haine  et  la  fureur  des  stipendiés  de  la 
Révolution. 


(i)  On  sait  que  Texpédition  des  Lyonnais  dans  le  Forez  eut  lieu  de  jaillet  à 
septembre  1793,  et  qu'à  ce  moment,  c'est-à-dire  vers  la  fin  de  juillet,  le  Directoire  fit,  de 
son  côté,  une  levée  de  troupes  dans  le  district  de  Saint-Etienne  ;  enfin,  que  les  premiers 
détachements  lyonnais  et  stéphanois  à  Montbrison  arrivèrent  les  premiers  jours  de  juillet, 
et  que  les  premiers  engagements  autour  de  Montbrison  eurent  lieu  pendant  la  journée  du 
3  août  1793.  —  Cf.  Expédition  des  Lyonnais  dans  le  Fore%,  juillet  à  septembre  1793,  par 
Cl.-Joachim  Pur,  capitaine  qnartier-maitre  de  l'armée  départementale  lyonnaise,  avec 
préface  et  notes  de  M.  L.  Chalcyvr,  etc.,  1889. 


RELIQUES   ET   CHASSE   DE   SAINT   RAMBERT   EN    1 798         2gb 

Nous  venons  devoir  qu'à  la  date  du  8  septembre  lygS, 
les  reliques  de  saint  Rambert  étaient  encore  exposées  dans 
le  lieu  saint,  puisque,  à  ce  jour,  quelque  dévote  personne 
fait  une  dépense  de  six  livres  pour  fournitures  devant  les 
reliques  de  saint  Rambert.  Mais,  comme  il  eût  été  im- 
prudent de  les  laisser  à  découvert,  et  à  la  merci  du  fanatisme 
impie  de  quelques  jacobins,  Messires  les  chanoines  de  la 
Collégiale  firent,  sans  nul  doute,  appel  à  la  piété  et  au 
dévouement  de  quelques  courageux  paroissiens  pour  recevoir 
et  cacher,  dans  leurs  maisons,  les  saintes  reliques  et  leur 
châsse. 

C'est  à  ce  moment  que  M"*  Chapoton  leur  offrit  son 
dévouement.  Personne  généreuse,  mais  surtout  discrète, 
elle  consentit  à  recevoir  et  à  garder  le  sacré  dépôt. 
Nous  saluons,  ici,  avec  respect,  le  nom  béni  d'une 
femme  chrétienne  digne  des  éloges  mérités  par  ces 
héroïnes  des  premiers  siècles  de  l'Eglise,  qui  exposaient 
leur  vie  pour  sauver  les  corps  des  martyrs  leurs  frères. 

On  transporta  donc,  secrètement,  dans  la  maison  de 
M"*  Chapoton,  le  riche  trésor  des  reliques  que  l'on  voulait 
soustraire  à  toute  profanation  sacrilège,  et  on  prit  toutes  les 
précautions  imaginables  pour  éloigner,  de  Téglise  et  des 
autels  dépouillés  de  leurs  ornements,  les  gens  suspects  de 
terrorisme. 

Mais  on  ne  réussit  pas  à  protéger  le  lieu  saint  contre  la 
haine  et  l'impiété.  Les  portes  de  l'église  furent  forcées,  et, 
livrée  au  vandalisme  le  plus  aveugle  et  le  plus  fanatique,  la 
maison  de  Dieu  fut  transformée  en  atelier  de  travail  et  en 
lieu  de  trafic  (i). 


(i)  L'église  Sftint-Rambert  garda  intacts  pendant  les  jours  néfastes  de  la  Terreur,  sa 
chaire  k  prêcher,  ses  stalles  du  chœur,  son  banc  d*oeavre.  Sur  un  des  panneaux  de 
la  chaire,  qui  est  une  œuvre  du  xtii*  siècle,  on  voit  encore,  imprimée,  la  marque 
d'un  fer  à  cheval.  Ce  qui  fait  croire  qu'à  cette  triste  époque  elle  servit  d'écurie,  ou 
peut-être  d'atelier  de  forgeron. 


296  CHAPITRE   XV 

Quant  à  M"'  Chapoton,  pour  soustraire  plus  radicalement 
aux  recherches  iniques  des  émissaires  du  farouche  Javogues 
le  trésor  des  reliques  dont  elle  avait  accepté  la  garde  et  la 
défense,  elle  eut  l'idée  de  les  ôter  de  leur  écrin  séculaire,  de 
les  envelopper  soigneusement,  pièce  par  pièce,  dans  des  étuis 
de  toile  blanche,  et  de  les  cacher  dans  une  vieille  arche  de 
bois  ou  coffre  à  blé. 

Ainsi  dissimulés  aux  regards  inquisiteurs,  sous  un  amas 
de  grains,  les  ossements  sacrés  de  notre  illustre  martyr 
purent,  avec  quelques  fragments  du  corps  de  saint  Domitien, 
avec,  probablement  aussi,  les  petits  reliquaires  de  saint  Corne, 
de  saint  Tranquillin  et  de  saint  Roch  (i),  échapper  aux 
profanations  sacrilèges  des  révolutionnaires. 

Nous  avons  encore  sous  les  yeux  les  neuf  étuis,  de  diverses 
grandeurs,  tissés  avec  de  gros  fils  de  chanvre  et  cousus  à 
points  hâtifs,  comme  si  la  main  qui  les  confectionnait,  alors, 
avait  fait  diligence  pour  achever  son  travail. 

Chaque  étui  porte  en  lettres  tracées  à  la  main,  à  la  façon 
des  lettres  typographiques,  et  sur  une  bande  de  parchemin, 
le  nom  de  Tos  qu'il  contient.  Le  type  des  minuscules  de 
chaque  légende  est  bien  celui  des  lettres  manuscrites  du 
xviii*  siècle. 

Que  devint,  entre  les  mains  de  M"*  Chapoton,  la  vieille 
châsse  prudemment  dépouillée  de  son  trésor,  dans  les 
circonstances  que  nous  venons  de  narrer?  Cette  vénérable 
châsse  que  le  procès-verbal  de  la  reconnaissance  des  reliques 
faite  en  1780,  par  Messire  J.- A. -François  de  Malvin  de 
Montazet,   vicaire   général,   appelle    «   très   antique  »,    fut 


(i)  Notre  église  était  riche  en  reliques,  avant  la  RéToIntion.  Les  reliques  de  saint 
Côme  :  une  cÔte  divisée  en  trois  parties  ;  —  celles  de  saint  Tranquillin  :  une  vertèbre  ; 
^  celles  de  saint  Roch  furent  reconnues  authentiques  le  12  août  i8o5,  par  MM.  Gérentet  et 
Javelle,  prêtres,  anciens  chanoines  de  la  Collégiale  avant  1793  et  seuls  survivants  des 
chanoines  de  l'ancien  chapitre,  en  présence  de  M.  Chevallier,  curé  de  la  paroisse  et  de 
Perrin.  le  vieux  serviteur  de  la  Collégiale.  Ces  reliques  furent  enfermées  dans  de  nouveaux 
reliquaires  pour  être  exposées  à  la  vénération  des  fidèles,  par  une  autorisation  épiscopale 
signée  Courbon,  vicaire  général,  du  ai  août  i8o3.  —  Voir  les  pièces  justificatives  n*  35. 


RELIQUES   ET   CHASSE   DE    SAINT    RAMBERT   EN    1798         297 

certainement  mise  en  lieu  sûr,  par  la  personne  dévouée  que 
nous  connaissons.  Combien  de  temps  demeura-t-elle 
secrètement  cachée?  Nous  croyons  que  la  vieille  châsse 
et  son  trésor  de  reliques  ne  demeurèrent  que  pendant 
trois  ans  cachés  dans  la  maison  de  M^'"  Chapoton. 

En  effet,  notre  «  Journal  des  Recettes  et  Dépenses  »  nous 
apprend  qu'à  la  date  du  20  septembre  1796,  on  fit  une 
dépense  de  3  livres,  «  pour  le  pavillon  des  reliques  de  saint 
Rambert  (i)  ». 

La  dépense  d'un  pavillon  pour  les  reliques  de  saint 
Rambert  ne  se  fût  certainement  pas  faite,  si  la  châsse  enlevée 
de  son  obscure  retraite,  et  si  les  reliques  replacées  dans  leur 
vieil  écrin  n'avaient  été,  à  ce  moment,  déposées  sur  le  maître- 
autel  de  l'église  paroissiale  où,  du  reste,  le  8  décembre  de 
cette  même  année,  toujours  d'après  notre  «  Journal  »,  une 
grande  messe  de  l'Office  de  Notre-Dame  était  célébrée,  et 
payée  i^io  deniers. 

Par  qui  se  fit  ce  transfert  des  reliques  de  saint  Rambert, 
de  la  vieille  arche  à  grains  de  M"®  Chapoton,  dans  Téglise 
paroissiale?  Nous  l'ignorons.  Toutefois,  nous  croyons  comme 
très  vraisemblable  que  cette  cérémonie  eut  lieu  sans  éclat,  en 
présence  de  Messires  Gérentet  et  Javelle,  prêtres  et  chanoines 
de  l'ancienne  Collégiale,  seuls  survivants  des  membres  du 
Chapitre  de  l'Eglise,  et  du  vieux  et  fidèle  serviteur  Clément 
Perrin  qui  avait  pu,  lui  aussi,  et  non  sans  peine,  traverser 
les  mauvais  jours  de  la  Terreur,  après  avoir  rendu  à  l'Eglise, 
aux  chanoines,  les  plus  signalés  services. 


(i)  Journal  des  Recettes  et  Dépenses  : 

Le  20  septembre  1796,  pour  le  pavillon  des  reliques  dadit  saint  Rambert,  trois 
livres,  cy 3' 

Plus,  pour  emplette  de  trois  livres  et  demi  de  cierges  à  i>,  10,  cinq  livres  cinq  sols,  cy  5'.  5** 

Le  8  décembre,  pour  une  grande  messe  de  l'Office  de  Notre-Dame,  trente  sols,  cy.  i^io'' 

Plus,  pour  trois  basses  messes  pour  défunte  Claudine  Giraud,  trente-six  sols.  cy..  l'.iô*' 

plus,  deux  basses  messes  pour  la  Nanon,  veuve  Bonncfoy,  vingt-quatre  sols,  cy  ...  i',  4' 

(Archives  de  la  paroisse,) 


29^  CHAPITBE   XV 

Et^  lorsqu*en  1801  on  voulut  substituer  une  nouvelle 
châsse  à  Fancienne  et  rétablir  solenncUement,  dans  la 
paroisse,  le  culte  des  reliques  de  saint  Rambert,  ce 
furent  encore  les  deux  honorables  confesseurs  de  la  foi  : 
Messires  Gérentet  et  Javelle  qui  présidèrent  la  cérémonie, 
aidés  des  missionnaires  :  MM.  Dugueyt,  Polhy,  et  Le  Go, 
chargés  de  la  paroisse  par  l'autorité  diocésaine  (i). 

(  I  )  Archives  de  la  paroisse. 


CHAPITRE    XVI 


LES 


RELIQUES  DE  SAINT  RAMBERT 

DÉPOSÉES  DANS  LA  CHASSE  DE  1801 


I-EUR    RECONNAISSANCE    CANONIQUE    EN    1804 


Lorsque  la  tempête  révolutionnaire  se  fut  apaisée,  et  que 
le  calme  se  fut  fait  en  France,  lorsqu'après  1793,  l'Eglise, 
victorieuse  de  ses  persécuteurs,  réouvrit  aux  fidèles 
catholiques  les  portes  de  ses  temples,  et  qu'elle  fut  libre  d'y 
pratiquer  les  cérémonies  du  culte  divin,  alors  les  prêtres, 
confesseurs  de  la  foi,  que  l'échafaud  avait  épargnés,  revinrent 
au  milieu  de  leurs  ouailles  pour  reprendre  l'exercice  de  leur 
sacerdoce,  et,  partant,  relever  les  ruines  morales  et  maté- 
rielles amoncelées  autour  d'elles. 

Quant  aux  paroisses  dont  les  pasteurs  avaient  payé  de  leur 
sang  le  refus  du  serment  à  la  Constitution  civile  du  clergé, 
elles  furent  confiées  à  des  prêtres  missionnaires,  chargés  par 
l'autorité  diocésaine  de  les  administrer  et  de  les  évangéliser. 

A  Saint- Ram bert,  la  persécution  avait  dispersé  les 
membres   du  chapitre  de  la   Collégiale,    quelques-uns   de 


3oO  CHAPITRE   XVI 

Messires  les  Chanoines  ayant  même  préféré  mourir  plutôt  que 
d'être  parjures  à  leurs  devoirs  sacerdotaux,  l'administration 
de  la  paroisse  fut  confiée  aux  RR.  PP.  Dugueyt,  Polhy  et 
Le  Go  jusqu'à  Tannée  i8o3,  où  M.  l'abbé  Chevallier  en  fut 
nommé  curé. 

Or,  MM.  les  Missionnaires  chargés  de  rétablir  le  culte  dans 
notre  église,  furent  frappés  de  l'état  de  complet  délabrement 
dans  lequel  l'avaient  laissée  les  tristes  journées  de  la  Conven- 
tion. Après  avoir,  grâce  à  la  générosité  de  quelques  familles 
dévouées,  dressé  de  nouveaux  autels,  suspendu  une  nouvelle 
lampe  à  la  voûte  du  sanctuaire,  fixé  le  crucifix  au-dessus  du 
parvis  du  chœur,  replacé  sur  leurs  piédestaux  respectifs  les 
statues  de  la  Vierge  et  de  plusieurs  autres  saints  chers  à  la 
piété  des  paroissiens,  ils  songèrent  à  placer  la  vieille  châsse 
des  reliques  de  saint  Rambert  sur  un  trône  d'honneur  plus 
digne  que  celui  où  elle  reposait  depuis  1796. 

Nous  n'avons  pas  oublié  que  la  vénérable  châsse  avait  été 
enlevée  du  lieu  secret  où  on  l'avait  déposée,  et  apportée  à 
l'église.  Les  reliques  des  saints  Rambert  et  Domitien  avaient 
été,  elles  aussi,  enlevées  de  l'arche  à  blé  où,  cachées  depuis 
trois  années,  elles  attendaient  l'heure  du  triomphe.  Les  dix- 
sept  lots,  enveloppés  dans  leurs  étuis  de  toile  grossière, 
avaient  été  consciencieusement  replacés  dans  leur  écrin 
séculaire.  Mais  le  bois,  vermoulu  sous  l'action  du  temps, 
ne  parut  pas  offrir  aux  vénérables  reliques  un  asile  assez 
convenable  et  assez  sûr.  C'est  pourquoi,  après  avoir  pris  avis 
du  conseil  des  marguilliers  de  l'église,  MM.  les  Missionnaires 
décidèrent  de  faire  fabriquer,  par  quelque  ouvrier  habile, 
une  châsse  nouvelle.  C'était  en  1801,  et  les  marguilliers  qui 
probablement  hâtèrent  de  leurs  deniers  l'exécution  de  cette 
œuvre  artistique,  furent  Jean  Faure  de  Brochorier,  Gaspard 
Besson,  Pierre  Giraud,  cadet. 

Et  quand  la  nouvelle  châsse  eut  été  achevée,  elle  reçut  le 
trésor  de  nos  reliques  insignes. 


CHÂSSE   ET   RELIQUES   DE   SAINT   RAMBERT   EN    180I         3oi 

Cette  châsse  vénérable  devant  laquelle  les  fidèles  dévots  à 
saint  Rambert  purent,  dès  les  premières  années  de  notre 
xix"  siècle,  s'agenouiller  et  prier,  cette  châsse  nouvelle, 
œuvre  d'un  réel  mérite,  comme  nous  Tavons  dit  au  chapitre 
XIP  de  ce  livre  (i),  eut  Thonneur  d'une  visite  officielle  et 
canonique  en  1804.  Cette  visite  fut  faite  par  deux  prêtres 
délégués  de  Son  Eminence  le  cardinal  Fesch,  archevêque  de 
Lyon;  elle  avait  été  provoquée  par  M.  l'abbé  Jean-Louis 
Chevallier,  archiprêtre  et  premier  curé  de  Saint-Rambert, 
après  la  grande  Révolution. 

Ce  prêtre  pieux  et  intelligent,  dévoué  et  généreux  pour  ses 
paroissiens,  ce  pasteur  dont  le  zèle  éclairé  s'appliquait  à 
réparer,  dans  les  âmes,  les  désordres  causés  par  les  excès  de 
la  période  révolutionnaire  et  athée,  comprit  que  pour  ramener 
la  confiance  et  la  dévotion  au  saint  Patron  de  la  paroisse,  il 
fallait  montrer  à  son  peuple,  non  plus  seulement  une  châsse 
dorée  et  sculptée,  simple  œuvre  d'art,  mais  convaincre  les 
esprits  de  cette  vérité,  savoir  :  que  la  nouvelle  châsse  offerte 
à  la  piété  des  pèlerins  contenait  réellement  les  reliques  du 
bienheureux  martyr  Rambert,  que  ces  reliques  étaient  parfai- 
tement authentiques,  qu'elles  n'avaient  jusqu'à  ce  jour  perdu 
aucune  parcelle  de  leur  ancienne  puissance,  en  un  mot,  que 
fécondes  jadis  en  miracles,  elles  pouvaient  encore  les  multi* 
plier  désormais,  pourvu  qu'on  les  vénérât  avec  confiance. 

Aussi  bien  ne  vit-il  pas  d'autres  moyens  plus  efficaces,  pour 
atteindre  son  but,  que  d'inaugurer  la  grave  et  solennelle 
cérémonie  de  la  visite  de  ces  mêmes  reliques,  ou  par  le 
premier  Pontife  du  diocèse,  ou  par  un  de  ses  délégués. 

C'est  pourquoi,  sur  la  demande  que  lui  en  fit  M.  l'abbé 
Chevallier,  Son  Eminence  le  cardinal  Fesch,  archevêque  de 
Lyon,  chargea  son  vicaire  général,  M.  Courbon,  de  nommer 
deux  commissaires  pour  faire  la  visite  de  la  châsse  de  saint 

(i)  Section  VI,  page  234. 


3o2  CHAPITRE   XVI 

Ratnbert,  et  procéder  à  une  constatation  publique  de 
l'authenticité  des  reliques  qu'elle  contenait. 

Les  deux  commissaires  nommés  pour  cette  visite  furent  : 
M.  Claude  ChoUeton,  curé  de  la  principale  paroisse  à  Saint- 
Etienne-de-Furan,  et  M.  Antoine  Goquard,  desservant  de 
la  succursale  de  Sury-le-Comtal.  Ils  avaient  reçu  commission 
le  26  septembre  1804,  mais  la  cérémonie  de  reconnaissance 
des  reliques  n'eut  lieu  que  le  1 1  décembre  suivant,  soit  un 
an  et  demi  après  la  nomination  de  M.  l'abbé  Chevallier  à  la 
cure  de  Saint-Rambert  (i). 

Afin  d'inspirer  à  ses  paroissiens  un  grand  respect  pour  les 
restes  vénérés  de  leur  saint  Patron,  afin  de  raviver  envers 
l'illustre  martyr  une  dévotion  que  le  malheur  des  temps 
avait  bien  attiédie;  en  un  mot,  pour  les  convaincre  de 
l'authenticité  de  l'incomparable  trésor  dont  ils  étaient  les 
heureux  possesseurs,  M.  Chevallier  voulut  qu'on  en  fit  la 
visite  canonique  publiquement. 

La  visite,  annoncée  d'avance,  provoqua  une  curiosité  bien 
légitime  et  réunit,  à  l'église,  un  grand  concours  de  peuple 
et  un  clergé  nombreux. 

L'ouverture  de  la  châsse  fut  faite;  on  y  trouva  les  anciens 
procès-verbaux  des  visites  de  1625,  1708,  1718,  1739,  1780 
et  1790  (2),  avec  les  dix-sept  lots  indiqués  dans  l'inventaire. 
Les  lots  portaient  chacun  leur  numéro  d'ordre,  avec  cette 
particularité  que  le  lot  n**  1 7  n'existant  plus,  comme  nous 
l'avons  fait  remarquer  plus  haut,  la  numération  desdits  lots 
passait  du  n®  16  au  n®  18. 


(i)  M.  Jean-Loais  Chevallier,  dont  la  mémoire  bénie  est  encore  vivante  parmi  nous,  et 
que  plusieurs  de  nos  anciens,  par  exemple  M.  Triboudet,  suisse  de  l'église,  âgé  aujourd'hui 
de  93  anSf  M.  Âbrial.  âgé  de  93  ans,  et  plusieurs  autres  d'un  âge  presque  aussi  avancé, 
ont  connu;  M.  Chevallier,  contemporain  des  deux  chanoines  Javelle  et  Gérentet,  deax 
seuls  survivants  à  cette  époque  de  l'ancienne  Collégiale,  fut  un  pasteur  selon  le  cœur  de 
Dieu,  plein  de  zèle  pour  le  salut  des  ftmes.  Il  signait  son  premier  acte  de  curé  dans  les 
registres  de  catholicité  le  i»  mars  i8o3,  et  son  dernier  le  4  mai  183 1.  Il  mourut  le  14  du 
même  mois. 

(3)  Voir  les  pièces  justificatives  n**  19,  30,  31,  33,  33. 


CHASSE   ET   RELIQUES   DE   SAINT   RAMBERT   EN    180I  3o3 

Après  un  examen  sérieux  de  chacune  des  reliques,  Messieurs 
les  commissaires  reconnurent  leur  identité,  sur  la  foi  de 
MM.  Antoine  Javelle,  Claude-Josué-Pierre  Gérentet,  anciens 
chanoines,  Antoine-Claude-Josué  Gérentet  de  Saluneaux  et 
Clément  Perrin,  serviteur  de  TEglise,  les  quatre  témoins 
présents  à  la  visite  faite  par  M.  de  Malvin,  vicaire  général, 
vingt-quatre  ans  auparavant,  le  23  octobre  1780  (i). 

Bien  que  le  parchemin  qui  nous  conserve  le  souvenir  de 
cette  grande  cérémonie  paroissiale  ne  nous  dise  rien  de  l'éclat 
de  la  fête,  de  la  joie  de  ceux  qui  en  furent  les  témoins  et 
des  démonstrations  ardentes  de  la  piété  autour  de  notre 
châsse  bénie,  cependant  l'affluence  des  fidèles,  le  grand 
nombre  de  personnes  qui  ont  signé  au  procès-verbal,  leur 
notoriété,  tout  fait  supposer  que  la  reconnaissance  de  nos 
reliques  fut  entourée  de  la  plus  éclatante  solennité. 

Du  reste,  à  chacune  des  visites  et  reconnaissances  du  trésor 
de  notre  châsse  de  saint  Rambert,  nous  sommes  heureux  de 
constater  l'empressement  et  des  fidèles  et  du  clergé  à  venir 
les  voir,  et  à  les  vénérer. 

Mais  la  lecture  des  anciens  procès-verbaux,  tout  en 
réjouissant  notre  cœur  de  pasteur,  et  en  nous  donnant  les 
plus  délicieuses  satisfactions,  nous  laisse  toujours  un  fond  de 
vague  tristesse. 

Pourrions-nous,  en  effet,  assister  impassible  et  indifférent 
à  la  dispersion,  si  souvent  renouvelée,  de  nos  chères  reliques  ? 
Il  n*est  pas  un  procès-verbal  qui  ne  nous  révèle  quelque 
larcin. 

Dans  cette  visite  de  Tannée  1 804,  comme  dans  les  précé- 
dentes, notre  châsse  eut  encore  le  malheur  de  perdre  plusieurs 


(1)  A  la  date  du  5  mars  1899.  nous  avons  trouvé,  dans  le  fatte  de  la  châsse  actuelle,  tous 
ce»  mêmes  procès-verbaux.  Leur  état  de  vétusté  et  leurs  pages  moisies  et  déchiquetées 
nous  ont  donne  l'idée  d'en  faire  >ur  parchemin  de  nouvelles  copies  que  nous  avons  remises 
à  la  même  place  tout  auprès  des  anciens  parchemins,  enveloppés  et  cachetés  de  façon  à  ce 
que  leur  durée  soit  prolongée,  le  plus  possible,  pour  l'instruction  et  la  carioaité  de  nos 
succcaa«ars.        * 


3o4  CHAPITRE   XVI 

parties  des  ossements  sacrés  de  saint  Rambert.  Messieurs  les 
commissaires,  délégués  par  l'autorité  épiscopale,  usant  d'un 
droit  à  eux  concédé,  et  sur  la  recommandation  expresse  de 
M.  Courbon,  vicaire  général,  ôtèrent  de  la  châsse  :  i""  un  os 
cubitus  pour  le  transférer  à  l'église  primatiale  de  Saint-Jean, 
de  Lyon  ;  2®  un  petit  os  extrait  du  lot  des  fragments  des 
côtes^tt  que  M.  Cholleton  emporta  dans  son  église  paroissiale, 
àSaint-Etienne-de-Furan;  3"  un  petit  os  extrait  du  même  lot 
que  le  précédent,  et  une  vertèbre  prise  au  lot  intitulé  sept 
vertèbres,  que  M.  Coquard,  desservant  de  Sury-le-Comtal, 
transféra  en  son  église  paroissiale. 

Voici,  d'après  les  détails  fournis  par  les  procès-verbaux 
de  la  visite  de  la  châsse  de  saint  Rambert,  les  lieux  qui  ont 
le  bonheur  de  posséder  quelques  parties  de  nos  insignes 
reliques  : 

I**  Mgr  Claude  de  Saint-Georges,  archevêque  de  Lyon, 
pour  l'église  primatiale  de  Saint-Jean,  emporta  en  1708  : 
une  vertèbre,  une  grosse  dent,  et  un  petit  os  du  doigt  de  la 
main. 

2*  Mgr  Emmanuel- Henry-Timoléon  de  Cossé-Brissac, 
évêque  de  Condom  et  prieur  de  Saint-Rambert,  emporta,  en 
lySg,  pour  en  doter  sa  cathédrale  et  diverses  autres  églises 
de  son  diocèse  :  quatre  morceaux  des  ossements  de  saint 
Rambert. 

3**  M.  Claude  Cholleton,  curé  de  Saint-Etienne-de-Furan, 
emporta,  en  1804,  pour  les  exposer  dans  son  église  archi- 
prêtrale  :  un  petit  fragment  des  côtes. 

4"  M.  Courbon,  vicaire  général  du  diocèse  de  Lyon,  fit 
prendre,  en  1804,  pour  l'église  primatiale  de  Saint-Jean,  de 
Lyon  :  un  os  du  bras. 

5"  M.  Antoine  Coquard,  desservant  de  Sury-le-Comtal, 
emporta,  en  1 804,  pour  les  exposer  dans  son  église  parois- 
siale :  I*  une  vertèbre-^  2^  un  petit  fragment  des  c64es. 


CHASSE   ET   RELIQUES   DE    SAINT   RAMBERT  EN    180I         3o5 

Que  ces  précieux  ossements  du  corps  sacré  de  notre 
illustre  saint  Rambert,  honorés  avec  piété,  vénérés  avec 
confiance  soient,  pour  les  églises  qui  ont  le  bonheur  de  les 
posséder,  et  pour  les  pasteurs  zélés  qui  en  favorisent  la 
dévotion,  une  source  de  grâces  spirituelles  et  de  bénédic- 
tions temporelles! 

Depuis  la  grave  cérémonie  de  la  reconnaissance  de  nos 
saintes  Reliques,  en  1804,  jusqu'à  Tannée  1872,  la  vénérable 
châsse  qui  les  renfermait  n'eut  que  rarement  l'honneur  de 
paraître  dans  les  grandes  cérémonies  de  l'Eglise,  entourée 
de  lumières  et  de  fleurs.  Car  nous  ne  voulons  pas  compter 
au  nombre  des  reconnaissances  canoniques  de  notre  châsse, 
la  simple  constatation  que  fit,  en  1 838  (  i),  de  sa  présence  dans 
l'église  M.  le  chanoine  Cattet,  vicaire  général  du  diocèse. 
En  efiet,  le  procès-verbal  de  cette  visite  pastorale  du  1 1  mai 
de  la  même  année,  ne  nous  apprend  qu'une  chose  :  c'est  que 
le  grand  reliquaire  authentique  était,  à  cette  époque,  privé 
de  son  sceau.  Remarquons  cependant,  en  passant,  l'épithète 
authentique  accolée,  dans  le  procès-verbal  de  la  visite  parois- 
siale faite  par  M.  le  vicaire  général,  au  mot  grand  reliquaire. 
Elle  est  une  preuve  que  l'on  possédait  en  i838,  comme  en 
1 804,  et  comme  bien  auparavant  dans  notre  église,  le  trésor 
des  vraies  reliques  de  saint  Rambert. 

Chaque  année  cependant,  au  jour  anniversaire  de  la  fête  de 
la  Translation  des  Reliques  de  saint  Rambert,  le  3  octobre, 
fête  patronale  de  la  paroisse,  —  dont  la  solennité  a  été,  depuis, 
renvoyée  au  dimanche  suivant,  —  la  châsse  paraissait  à  la 
grande  et  belle  procession  faite  autour  de  la  ville,  en  souvenir 
du  jour  mémorable  où  arrivèrent  miraculeusement,  de 
Saint-Rambert-en-Bugey  en  notre  prieuré  de  Saint-André- 
les-Olmes,  ces  mêmes  saintes  Reliques. 


(1)  Visite  de  la  paroÎMC  de   Saint*Rambert-iur-Loire  par  M*  Catur,  vicaire  général  du 
diocèie.  (Archivas  paroissiales,) 

10 


3o6  CHAPITRE  XVI 

Portée,  alors,  sur  un  brancard  orné  de  draperies  rouges 
frangées  d'or,  précédée  d'un  nombreux  clergé,  suivie  d'une 
foule  de  fidèles  respectueux  et  recueillis,  elle  s'avançait 
triomphalement  aux  accents  des  hymnes  pieux  et  semblait, 
chaque  année,  renouveler  une  prise  de  possession  de  sa 
vieille  et  chère  cité. 

Puis,  les  jours  de  fête  une  fois  écoulés,  elle  rentrait  dans 
l'obscurité  et  le  silence  où  la  confinaient  l'oubli  et  Tindifférence, 
bien  pardonnables,  d'une  population  qui  n'aurait  pas  mieux 
demandé  qu'on  lui  parlât  de  son  Patron,  qu'on  lui  montrât 
ses  reliques  bénies  et  qu'on  mêlât,  autour  de  la  châsse  de 
saint  Rambert,  plus  de  fleurs  et  de  lumières  à  plus  d'hymnes 
et  de  prières. 

Cependant  un  homme  vint,  d'une  intelligence  rare,  et  d'une 
fermeté  de  caractère  peu  ordinaire  greffée  sur  un  fond  d'origi- 
nalité toute  légendaire,  un  prêtre  d'un  grand  dévouement, 
M.  l'abbé  Subtil,  notre  vénéré  prédécesseur  qui,  d'un  seul 
regard  embrassant  le  vaste  champ  que  l'autorité  diocésaine  lui 
donnait  à  cultiver,  en  i863,  comprit  bien  vite  que  les  deux 
premières  fleurs  dont  il  devait  chercher  l'épanouissement, 
c'était  l'amour  de  Jésus-Christ  et  l'amour  du  Patron  de  la 
paroisse. 

Mais  comment  attirer  les  fidèles  sous  les  voûtes  d'une 
église  qui,  si  elle  avait  une  réelle  valeur  comme  monument 
historique,  n'en  offrait  pas  moins  un  état  de  délabrement 
peu  fait  pour  charmer  les  sens^  et  encore  moins  fait  pour 
inspirer  la  piété  ?  Cette  église,  à  force  de  sacrifices  demandés 
à  sa  bourse  et  à  celle  de  paroissiens  généreux,  il  l'eut  bientôt 
débarrassée  de.  tous  les  encombres^  de  tous  les  anachro- 
nismes,  de  tous  les  amas  de  plâtre  qui  furent  la  parfaite 
expression  de  l'ignorance  archéologique  et  du  mauvais  goût 
architectural  de  la  première  moitié  de  notre  xix*  siècle. 
Il   la   fit,    notre   chère   église,    ce   qu'elle   est   aujourd'hui, 


CHASSE   ET   RELIQUES   DE   SAINT   RAMBERT   EN    1 8o  I  3o7 

un  monument  parfait  du  style  roman  simple  et  vrai,  un 
monument  comme  ceux  que  bâtissaient,'  il  y  a  huit  siècles, 
nos  moines  bénédictins,  et  dont  nos  architectes  modernes 
s'appliquent  à  reproduire,  dans  leurs  travaux  religieux,  les 
plans  si  bien  conçus,  les  lignes  si  pures  et  les  silhouettes 
si  imposantes,  sous  le  vaste  ciel  de  notre  plaine  du 
Forez. 

Mais  comment  faire  revivre  dans  les  cœurs  Tamour  du 
Patron,  saint  Rambert,  alors  qu'aucun  monument,  aucune 
statue  ne  rappelait  aux  fidèles  le  souvenir  du  grand  martyr, 
alors  surtout  que  l'ancienne  châsse  renfermant  ses  ossements 
n'était  exposée  à  la  vénération  des  fidèles  qu'une  seule  fois 
pendant  Tannée,  et  durant  les  seuls  jours  de  la  fête  patronale 
et  de  son  octave  ? 

M.  le  curé  Subtil  n'eut  pas  de  peine  à  comprendre 
que  le  vrai  moyen  de  raviver,  dans  l'âme  de  ses  nouveaux 
paroissiens,  la  confiance  en  leur  saint  et  puissant  protecteur, 
c'était  de  leur  en  parler,  de  leur  en  montrer  les  restes 
sacrés,  de  leur  ouvrir  les  pages  d'un  livre  où  ils 
pussent,  sans  cesse^  retrouver,  nous  ne  disons  pas  la  vie 
intime  et  édifiante  du  saint,  mais  du  moins  le  souvenir 
des  bienfaits  dont  il  avait  coutume  de  favoriser  ceux  qui, 
dans  des  temps  plus  chrétiens  que  les  nôtres,  savaient 
l'invoquer. 

Or,  ce  livre  constamment  ouvert  aux  yeux  de  ses 
paroissiens,  et  dont  la  lecture  devait  faire  refleurir  à  notre 
époque  les  beaux  jours  de  la  dévotion  d'antan,  à  Saint- 
Rambert,  M.  le  chanoine  Subtil  le  composa  de  deux  grandes 
et  superbes  pages  :  l'une  de  pierre,  c'est  Pédicule  sur 
lequel  repose  aujourd'hui  notre  châsse  vénérée  ;  l'autre  de 
bronze,  et  c'est  la  châsse  nouvelle  dans  les  parois  em- 
pourprées de  laquelle  sont  enfermées  les  Reliques  insignes 
de  notre  saint  martyr. 


3o8  CHAPITRE  XVI 

Nous  avons  parlé,  au  chapitre  XII*,  de  ces  deux  monuments 
qui,  dans  le  trésor  de  notre  église,  après  la  fameuse  chasuble 
de  soie  et  d*or,  la  monstrance  d'argent  repoussé  du  xv'  siècle, 
la  toile  célèbre  de  Notre-Dame  de  Pitié,  attribuée  à  Valentin, 
la  chaire  sculptée  du  xvii*  siècle,  les  cippes,  les  chapiteaux, 
les  frises  historiques,  etc.,  ne  sont  point  indignes  de  la  visite 
des  amateurs  de  chefs-d'œuvre. 


CHAPITRE    XVII 


LES 


RELIQUES  DE  SAINT  RAMBERT 


*  * 


TRANSFEREES 


DANS  UNE  NOUVELLE  CHASSE  EN  1872 


La  nouvelle  châsse  qui  remplace  celle  de  1801,  nous 
l'avons  dit  au  chapitre  XIP,  page  238,  est  un  vrai  et  très 
exquis  chef-d'œuvre  sorti  des  ateliers  de  M.  Tissot,  de  Lyon. 
Mais  ce  qui  ajoute  encore  à  son  prix,  c'est  qu'elle  est  un  don 
généreux  de  plusieurs  chrétiennes  familles  de  la  paroisse 
Saint-Rambert  (i). 

Elle  fut  placée  en  1872,  par  les  soins  de  M.  le 
curé-archiprêtre  Subtil,  sur  un  petit  édicule  élevé  dans 
la  nef  latérale  de  Téglise,  côté  Nord,  sous  l'arceau 
aveugle   où  s'ouvrait,   jadis,   la  grande  Porte   dite  «  des 


(i)Lct  très  honorables  familles  Louis  Gérentet  et  William  Neyrand,  ainsi  que  plasieors 
antres  qui  ont  voulu  garder  l'anonymat,  se  chargèrent  généreusement  des  frais  de  la  châsse 
et  de  l'édicnle  où  elle  repose. 


3lO  CHAPITRE   XVII 

Lions  »  (i)  qui  mettait  en  communication  l'église  conven- 
tuelle avec  la  chapelle  Saint-Jean-Baptiste.  Cet  édicule, 
dont  le  plan  est  de  M.  Bresson,  Tarchitecte  éminent  auquel 
nous  devons  les  intelligentes  réparations  de  notre  vieille 
église  romane  (2),  fat  exécuté  par  M.  Fabisch,  sculpteur 
lyonnais,  dont  les  œuvres  ont  un  mérite  non  discuté  ; 
décoré  par  M.  Razuret,  peintre  aussi  lyonnais,  d'un  réel 
talent,  dont  le  pinceau  habile  a  su  donner  aux  murs 
intérieurs  de  l'édifice  une  ornementation  parfaitement  en 
rapport  avec  son  air  médiéval.  L'œuvre,  très  artistique,  se 
dessine  aujourd'hui  sur  un  fond  d'or  antique,  derrière  une 
grande  et  superbe  grille  en  fer  forgé  (3)  qui  le  met  à  l'abri 
de  toute  indiscrétion,  tout  en  le  signalant  davantage  à  la 
piété  des  pèlerins. 

A  l'occasion  de  la  translation  du  trésor  des  reliques  des 
saints  Rambert  et  Domitien,  de  l'ancienne  châsse  de  1801 
dans  la  châsse  en  cuivre  doré  de  1872^  M.  l'archiprêtre  Subtil 
organisa  une  magnifique   fête,  dont  le  souvenir  est  présent 


(i)  Cette  porte,  qui  faisait  communiqaer  la  chapelle  paroissiale  Saint-Jean-Baptiste  avec 
réglise  conventuelle  du  Prieuré,  est  depuis  longtemps  condamnée.  En  effet,  un  abénévis 
pour  enterrer  dans  l'église  Saint*Rambert,  accordé  par  illustre  Laurent  de  Siraiane,  seigneur 
prieur,  à  Barthélémy  Faure,  notaire  royal,  daté  du  3o  novembre  1619,  permet  d'enterrer  •  lui 
«  et  les  siens  successeurs  à  l'advenir  en  Tiglise  Saint-Rambert,  le  long  de  la  muraille  de 
«  ladite  église  du  côté  de  bise,  entre  l'autel  sous  le  vocable  de  saint  Antoine,  et  la  place 
«  où  était  la  grande  porte  de  ladite  église,  à  présent  closes  le  long  de  la  tombe  de  feu 
«  vénérable  Jean  Favier,  vivant  sacristain  de  l'église,  etc..  etc.  ».  On  voit  encore,  au  dehors, 
deux  lions  sculptés  en  creux  au  sommet  de  chacun  des  pieds-droits  de  cette  porte.  Le 
lion  a  toujours  été  regardé  comme  le  symbole  delà  force  et  de  la  vigilance.  Le  christianisme, 
en  le  plaçant  à  la  porte  et  en  diverses  parties  de  ses  temples,  a  suivi  l'exemple  de  l'église 
judaïque  qui  regarde  le  lion  comme  l'image  de  la  juste  sévérité  dont  les  pasteurs  doivent 
s'armer  contre  ceux  qui  s'obstinent  à  méconnaître  leur  autorité. 

(3)  Les  intelligentes  et  sérieuses  réparations  de  notre  église,  pour  lesquelles  M.  le 
chanoine  Subtil  se  donna  tant  de  mal,  quêtant,  sollicitant  des  souscriptions  auprès  de  ses 
paroissiens  et  de  ses  amis,  ne  craignant  point  de  faire  lui-même  de  généreux  sacrifices, 
furent  exécutées,  croyons-nous,  en  1871-1873  et  coûtèrent  la  sojnme  nette  de  28.459  fr.  35. 
Nous  voyons,  en  effet,  d'après  le  livre  des  délibérations  de  la  fabrique,  qu'à  fin  décembre 
1872)  toutes  les  dépenses  fkites  pour  les  réparations  de  l'église  étaient  soldées. 

(3)  Cette  grille  de  fer  dont  les  plan  et  dessin  sont  dus  au  crayon  de  M.  Dominique 
Girard,  architecte  lyonnais,  est  l'œuvre  habilement  exécutée  d'un  très  intelligent  maître- 
serrurier  de  Saint-Rambert,  M.  Chol,  dont  les  ateliers,  bien  dirigés,  ont  encore  fait  le  bel 
appui  de  communion  qui  sépare,  dans  notre  église,  le  sanctuaire  du  choeur.  Voir  page  242. 
FiG.  43. 


CHASSE   ET   RELIQUES   DE    SAINT   RAMBERT   EN    1872         3ll 

encore  à  la  mémoire  de  tous  les  paroissiens  qui  portent  le 
poids  du  demi-siècle. 

L*Eglise  catholique,  qui  a  toujours  gardé  le  plus  profond 
respect  pour  les  restes  des  Saints,  après  le  passage  de  leur 
âme  à  une  vie  meilleure,  et  qui  a  autorisé  le  culte  de  leurs 
restes  sacrés,  n'a  pas  voulu  que  ses  ministres  touchassent 
jamais  aux  divers  trésors  de  reliques,  sans  qu'ils  se  soumissent 
aux  exigences  d'un  cérémonial  composé  tout  spécialement 
pour  la  circonstance.  Et  cela,  autant  pour  sauvegarder  le 
respect  dû  aux  cendres  des  bienheureux,  que  pour  mettre 
leur  authenticité  à  l'abri  de  toute  critique  (r). 

C'est  pourquoi  M.  l'archiprêtre  Subtil,  après  avoir  appris 
à  ses  paroissiens  l'acquisition  qu'il  venait  de  faire  d'une 
châsse  plus  riche  et  plus  commode,  pour  contenir  les  reliques 
de  leur  saint  Patron,  leur  annonça  que  la  cérémonie  de  la 
translation  se  ferait  avec  la  plus  grande  solennité,  en  présence 
des  représentants  de  l'autorité  archiépiscopale. 

Au  jour  marqué,  en  effet,  le  clergé  des  environs,  convoqué 
à  cette  intéressante  cérémonie,  accourut  avec  empressement 
sur  l'invitation  paternelle  de  son  archiprêtre.  La  petite  cité 
de  Saint-Rambert  elle-même,  toute  joyeuse,  prit  ce  jour-là 
un  air  de  fête,  et  les  fidèles  attendaient  avec  impatience 
le  moment  où  ils  pourraient  contempler  la  merveille 
annoncée. 

C'était  le  dernier  dimanche  de  septembre  1872:  l'aube 
avait  à  peine  blanchi  les  premières  crêtes  de  Saint-Just-sur- 
Loire,  que  l'air  retentissait  déjà  du  gai  carillon  de  nos  trois 
cloches,  dominé  par  les  notes  graves  du  bourdon.  C'est  la 
voix  pieuse  de  la  religion  qui  appelle  les  fidèles  de  la  paroisse 
à  une  fête  aussi  intéressante  que  rare. 


(0  L'ouverture  d'une  châsse,  non  plus  que  la  translation  des  reliques  qu'elle  contienti  ne 
se  peuvent  faire  sans  l'autorisation  de  l'Ordinaire.  Elles  doivent  avoir  lieu  en  sa  présence, 
ou  en  la  présence  de  ses  délégués  et  d'autres  témoins  indépendants,  choisis  ad  Aocjesquels 
constatent  et  signent  le  procès-verbul,  après  examen  sérieux. 


3l2  CHAPITRE    XVn 

La  vieille  église  parée  de  ses  plus  beaux  ornements,  toute 
éclatante  d'or  et  de  lumière,  ouvre  ses  grandes  portes  à  Theure 
de  vêpres,  et  bientôt  ses  vastes  nefs  sont  envahies  par  une 
foule  compacte,  désireuse  de  jouir  du  rare  spectacle  qu'on 
lui  a  promis. 

Le  chant  des  psaumes  fini,  un  magnifique  panégyrique  du 
saint  martyr  est  prononcé  par  M.  l'abbé  Plantîn  qui  fait 
passer  sur  les  âmes  de  son  auditoire  attentif  comme  un 
soufHe  de  foi  et  de  confiance  en  ce  puissant  protecteur. 
Et  lorsque  la  foule,  empoignée  par  la  parole  brûlante 
de  l'éminent  prédicateur,  s'est  prise  à  admirer  les  vertus  de 
son  auguste  patron,  lorsque  émue  au  récit  de  son  martyre, 
elle  voit  le  clergé,  croix  en  tête,  s'approcher  de  la  vieille  châsse 
de  bois  doré  pour  en  faire  l'ouverture  et  la  reconnaissance, 
elle  perd  son  calme  et  s'approche  pour  voir  de  plus  près 
et  toucher  si  possible,  les  restes  si  vénérés  du  martyr 
illustre  dont  on  vient  de  lui  parler  avec  tant  d'onction  et 
de  vérité  (i). 

C'est,  en  effet,  le  moment  solennel  du  transfert  des  reliques. 
M.  le  chanoine  Peurière,  curé  archiprêtre  de  Notre-Dame  de 
Montbrison,  délégué  de  Mgr  Ginoulhac,  archevêque  de  Lyon, 
est  là  près  des  deux  reliquaires  déposés  du  milieu  du  chœur, 
sur  de  magnifiques  autels  improvisés,  et  marqués  aux  couleurs 
du  martyr.  Autour  de  lui,  et  lui  servant  de  témoins, 
MM.  Subtil,  curé  archiprêtre  de  la  paroisse,  Benoît  Maugé, 
Alexis  Dupin,  ses  dévoués  vicaires,  Plantin,  missionnaire 
diocésain,  Jean-Baptiste  Grata,  prêtre,  et  un  grand  nombre 
d'autres  prêtres  des  paroisses  voisines.  M.  le  chanoine 
Peurière  ouvre  la  vieille  châsse,  prend  connaissance  des 
procès-verbaux  y  enfermés,  reconnaît  les  17  paquets  ou 
lots  de  reliques  mentionnés  dans  les  procès-verbaux  de 
1625  et  de  1804,  puis,  aux  chants  des  hymnes  consacrées 

(1)  Voir  la  monographie  de  la  chisse  de  1873,  au  chap.  XH.  page  338. 


CHASSE    ET   RELIQUES    DE   SAINT   RAMBERT   EN    1872         3x3 

à  saint  Rambert  (i),  sous  les  regards  avides  d'une  foule, 
à  bon  droit  curieuse,  il  transporte  les  sacrés  restes  de  notre 
royal  martyr,  du  reliquaire  ancien  dans  le  reliquaire 
nouveau  (2). 

Et  lorsque  la  magnifique  châsse  a  reçu  le  trésor  qu'elle  doit 
garder  ;  lorsque  le  sceau  de  Sa  Grandeur  Mgr  Ginoulhac  a 
été  apposé  sur  la  cire  rouge  qui  couvre  un  nœud  fait  de 
quatre  fils  d*or,  protecteurs  des  reliques;  lorsqu'enfin  la 
châsse  d'or  aux  émaux  variés  et  chatoyants  a  été  placée  sur 
son  brancard  richement  orné  de  draperies  rouges,  alors, 
quatre  diacres  en  dalmatiques  la  prennent  sur  leurs  épaules 
et  la  portent  triomphalement  autour  de  la  ville. 

Vingt  prêtres  en  habit  de  chœur  lui  font  une  garde  d'hon- 
neur, en  même  temps  qu'ils  ne  cessent  de  répéter  l'hymne  à 
la  louange  de  l'illustre  martyr.  La  foule  précède  et  suit  la 
belle  châsse  à  laquelle  elle  fait  comme  un  immense  et  harmo- 
nieux cortège.  Les  chants,  les  prières  partent  des  cœurs  et 
des  lèvres  de  mille  pèlerins  qui  marchent  gravement  à  l'ombre 
de  nombreuses  bannières  aux  plis  flottants.  Le  spectacle 
est  imposant. 

La  châsse  brillante,  élevée  au-dessus  des  têtes  par  les 
jeunes  diacres,  et  entourée  d'une  foule  immense  qui  lui  fait 
ovation,  rappelle  ici  TArche  d'alliance  rentrant  en  triomphe 
dans  la  ville  de  Jérusalem,  au  sortir  de  la  maison  d'Obédé- 
dom.  Les  jeunes  lévites  l'avaient  chargée  sur  leurs  épaules, 
des  chœurs  de  danses  s'étaient  formés  autour  d'elle,  tous  les 
Hébreux  lui  faisaient  cortège,  et  toute  la  maison  d'Israël 
éclatait  en  des  transports  de  la  plus  vive  joie. 

Inoubliable  fête  que  celle  du  28  septembre  1872,011  notre 
illustre  Patron  et  Protecteur  saint  Rambert  eut  l'heureuse 
occasion  de  faire  le  tour  de  sa  chère  cité,  comme  pour  en 

(i)  Voir  tux  pièces  justificatives,  n*  36,  le  procèi-yerbal  de  la  cérémonie. 
(2)  Voir  aoz  pièces  jastifîcstives  les  hymnes  consacrées  à  saint  Rambert.  n*  27. 


3  14  CHAPITRE   XVII 

prendre  à  nouveau  possession.  C'est  afnsî  qu'un  bon  roi 
parcourt  son  [royaume  afin  d'en  connaître  l'étendue  et  les 
confins,  et  de  faire  savoir  à  ses  sujets  qu'il  est  leur  seigneur 
et  père. 

De  cette  époque,  déjà  lointaine,  date  le  transfert  de  notre 
fête  patronale,  du  troisième  jour  d'octobre  au  dernier 
dimanche  de  septembre.  De  temps  immémorial,  le  3  octobre 
avait  gardé  ses  hymnes  de  fête  pour  les  offrir  à  saint 
Rambert.  La  malheureuse  coïncidence  de  la  fête  balladoire 
avec  la  fête  de  saint  Rambert  est  venue  modifier  un  usage  des 
plus  respectables. 

Hâtons-nous  de  dire  que  cette  coïncidence  n'a  eu  aucune 
influence  fâcheuse  sur  la  dévotion  de  nos  paroissiens  envers 
leur  bien-aimé  Patron.  Aujourd'hui,  comme  il  y  a  trente  ans,  la 
fête  de  saint  Rambert  se  célèbre  avec  la  plus  grande  solennité 
et  la  plus  consolante  piété.  Aujourd'hui,  comme  aux  siècles 
passés,  la  procession  autour  de  la  ville  se  fait  avec  le  plus 
généreux  empressement  et  le  plus  édifiant  concours  de  fidèles. 
La  châsse  des  reliques  de  saint  Rambert,  placée  sur  un 
brancard  aux  draperies  rouges  frangées  d'or,  est  toujours 
portée  en  triomphe  autour  de  la  ville,  par  le  même  chemin 
qu'ont  suivi  nos  ancêtres.  La  foule  accompagne  toujours  et 
avec  recueillement  la  marche  triomphale  de  «  Monseigneur 
saint  Rambert  »  à  travers  les  rues  de  sa  chère  cité. 

On  ne  s'arrête  plus,  il  est  vrai,  sous  Tarceau  de  la  porte  de 
la  «  Chana  »  démolie,  pour  chanter,  devant  la  statue  équestre 
du  saint  qu'elle  abritait,  l'antienne  au  martyr.  Mais  on  fait 
halte,  un  instant,  en  face  de  la  modeste  niche  qui  a  reçu  l'exilé 
du  rempart,  pour  lui  redire  le  chant  de  l'amour  et  du 
triomphe  (i). 


(i)  Répons  à  saint  Rambert,  tiré  de  TOffice  de  la  Translation  de  ses  reliques  : 

Sancte  Ragneberte  Christi  martyr  audi  rogantes  servalos,  et  impetratam  cœlitas  tu  defer 
indulgentiam-  O  Ragneberte  sidus  aureum  Domini  gratift,  servorum  gemitus  solitfl  suscipe 
clementifl.  Et  impetratam,  etc.  —  Gloria  Patri,  et  Filio,  et  Spiritai  Sancto.  Et  impetratam, 
etc.  —  Aperi  os  tuum  in  orationem,  et  pro  delictis  nostris  deprecare.  Et  impetratam,  etc.  — 
Sicut  erat  in  principio,  et  nunc,  et  semper,  et  in  sœcula  sœculorum.  Et  impetratam,  etc. 


CHASSE   ET   RELIQUES   DE   SAINT   RAMBERT    EN    1872         3l5 

Et,  pendant  le  parcours  de  la  procession,  les  prières 
ferventes,  les  cantiques  pieux  des  chœurs  de  jeunes  filles, 
les  hymnes  liturgiques  chantées  par  les  prêtres,  les 
notes  triomphantes  des  instruments  de  cuivre  et  de  bois, 
l'éclat  des  vêtements  d'or  du  clergé,  les  oriflammes  multi- 
colores, les  bannières  déployées,  en  un  mot,  la  joie 
épanouie  sur  tous  les  visages  disent  assez  l'amour  de 
notre  chrétienne  cité  pour  son  royal  et  illustre  Patron,  et 
proclament  avec  autant  de  force  que  jadis,  son  céleste 
crédit. 

Et  c'est  parce  que  nous  ne  voulons  pas  voir  dimi- 
nuer, dans  l'âme  de  nos  chers  paroissiens,  l'antique 
confiance  de  leurs  aieux  en  la  puissance  des  insignes 
reliques  de  saint  Rambert,  que  nous  nous  essayons  à 
déployer  la  plus  grande  magnificence,  chaque  année, 
au  jour  de  la  fête  de  la  Translation  de  ses  bénies 
reliques. 

Cette  fête  patronale  est  suivie  d'une  octave  d'actions 
de  grâces,  dont  les  prières,  récitées  auprès  de  la  châsse, 
ont  déjà  attiré.  Tannée  dernière,  un  très  grand  nombre  de 
fidèles. 

Et,  afin  que  leur  nombre  croisse,  de  jour  en  jour, 
autour  des  précieuses  reliques  de  notre  illustre  Patron, 
afin  que  la  confiance  des  cœurs  chrétiens  trouve  un  aliment 
agréable  et  constant  dans  le  culte  de  notre  glorieux  martyr, 
nous  avons  sollicité  et  obtenu  de  Rome  Tinsigne  faveur 
d*une  indulgence  plénière,  dans  les  conditions  ci-après 
énoncées. 


3l6  CHAPITRE    XVII 


RESCRIT  DE  SA  SAINTETE  LEON  XÏII,  PAPE 

FAISANT   DROIT   A    LA   DEMANDE  FAITE   POUR  OBTENIR  DES   INDULGENCES 

EN   FAVEUR  DES   PERSONNES 

QUI   VONT  VISITER    LES   RELIQUES  DE  SAINT  RAMBERT,  MARTYR 

DANS   l'église   PAROISSIALE  SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 


LÉON  XIII,  PAPE 

A  tous  les  fidèles  qui  prendront  connaissance  des  présentes 
lettres,  Salut  et  Bénédiction  apostolique. 

Pour  augmenter  la  religion  des  fidèles  et  faciliter  le  salut 
des  âmes,  nous  accordons  une  indulgence  plénière  et  la 
rémission  de  leurs  péchés,  à  tous  les  fidèles  des  deux  sexes 
qui,  pénitents, confessés  et  communies,  visiteront  dévotement 
l'église  paroissiale  Saînt-Rambert-en-Forez,  du  diocèse  de 
Lyon,  le  dernier  dimanche  de  septembre  ou  riin  des  fours  de 
l'octave,  et  y  prieront  pour  la  concorde  des  gouvernements 
chrétiens,  l'extirpation  des  hérésies,  la  conversion  des  pécheurs 
et  Texaltation  de  notre  sainte  Mère  l'Eglise. 

Aux  fidèles  vraiment  contrits  de  cœur  qui  visiteront,  à 
n'importe  quel  jour  de  Vannée^  l'église  susnommée,  et  y 
prieront  aux  intentions  indiquées,  nous  accordons  une 
indulgence  de  cinquante  jours. 

Nous  accordons,  également,  la  faculté  d'appliquer  toutes 
ces  indulgences  à  la  rémission  des  péchés,  à  l'adoucissement 
des  peines,  et  même  par  mode  de  suffrage,  aux  âmes  du 
purgatoire. 

Les  présentes  lettres  sont  valables  pour  7  ans. 


CHASSE   ET   RELIQUES  DE  SAINT   RAMBERT  EN    1872         3l7 

Données,  à  Saint-Pierre  de  Rome,  sous  i*anneau  du 
pêcheur,  le  1 7*  jour  d'avril  1 899,  et  de  notre  Pontificat  la 
22'  année. 

Pro  D"®  Gard.  Macchi 
NicoLAUS  Marini 

Sub. 
Vu  : 

Ijron,  le  20  avril  iSgg. 

BONNARDET, 

Vicaire  général. 

D'après  le  Rescrit  de  Sa  Sainteté  Léon  XIII,  on  peut, 
après  s'être  confessé  et  avoir  communié,  gagner  une  indul- 
gence plénière  une  seule  fois,  le  jour  de  la  fête  de  la  Trans- 
lation des  Reliques  de  saint  Rambert,  fête  patronale  de  la 
paroisse,  ou  pendant  un  des  sept  jours  de  l'octave  de  cette 
fête,  en  visitant  l'église  paroissiale,  où  sont  exposées  les 
reliques  insignes  deTillustre  martyr,  et  en  priant  aux  intentions 
du  Souverain  Pontife,  par  exemple  en  récitant  5  Pater, 
5  Ape  et  5  Gloria  Patri. 

De  plus,  les  fidèles  vraiment  contrits  et  humiliés  peuvent 
gagner  une  indulgence  de  cinquante  jours  en  visitant  à 
n'impone  quel  jour  de  l'année  l'église  paroissiale  et  en  y 
priant  aux  intentions  indiquées  ci-dessus. 

Dans  les  deux  cas,  les  indulgences  sont  applicables  aux 
âmes  du  purgatoire. 


CHAPIIRE   XVIII 


LE 


BRÉVIAIRE   MANUSCRIT 


DIT    «    DE    SAINT-RAMBERT   » 


Il  est,  dans  l'Eglise,  un  usage  aussi  ancien  que  le 
Christianisme,  usage  que  les  fidèles  ont  pratiqué  dans  tous 
les  temps,  celui  de  réciter  ou  de  chanter,  en  commun,  des 
prières  pour  rendre  à  Dieu  le  tribut  d'actions  de  grâces  et 
de  saints  désirs  qui  lui  est  dû. 

Et  d'abord,  les  Apôtres  avant  et  après  la  descente  du  Saint- 
Esprit,  persévérèrent  unanimement  dans  la  prière,  au  rapport 
de  l'évangéliste  saint  Luc  (  i  ).  Il  est  fait  mention  d'assemblées  de 
fidèles  dans  diverses  épîtres  de  saint  Paul  aux  Qorinthiens  (2), 
aux  Colossiens  (3),  et  dans  ces  assemblées  publiques,  étaient 
récitées  des  prières  communes  et  publiques  de  la  même 
nature  que  l'office  divin  dont  les  ministres  4e  l'Eglise 
s'acquittent  chaque  jour.  De  plus,  saint  Paul  recommande, 
aux  chrétiens  de  son  temps,  de  s'exciter  et  de  s'édifier  les  uns 

U)  Act.  I  et  n. 

(a)  Epit.  I,  chip.  I,  Terset  ii. 

(3)  Cap.  ill,  verset  14. 


320  ^  CHAPITRE   XVIII 

les  autres  par  des  psaumes,  par  des  hymnes,  par  des  cantiques 
spirituels,  et  de  les  chanter  de  tout  leur  cœur  à  l'honneur  de 
Dieu  (i).  Saint  Luc  écrivant  Thistoire  des  premiers  temps, 
raconte  que  tous  les  disciples  s'assemblaient  pour  prier  en 
commun,  à  la  troisième  heure  du  jour;  que  saint  Pierre  priait 
à  la  sixième  heure;  que  saint  Pierre  et  saint  Jean  montèrent 
au  temple  à  Theure  de  la  prière,  qui  était  la  neuvième  heure; 
que  ceux,  même,  qui  étaient  dans  la  prison,  entendirent 
Paul  et  Silas  prier  et  louer  le  Seigneur  au  milieu  de  la  nuit. 
Pline  le  Jeune,  après  s'être  informé  de  ce  qui  se  passait  dans 
les  assembléesdes  chrétiens,  dit  qu'ils  adressaient  des  louanges 
à  Jésus-Christ  comme  à  un  Dieu  (62-io5)  (2).  On  ne  peut 
donc  pas  nier  que  dès  le  berceau  de  l'Eglise,  les  fidèles  ne  se 
soient  réunis,  soit  dans  les  temples,  soit  dans  quelques  maisons, 
au  temps  de  la  persécution,  pour  célébrer  les  louanges  de  Dieu 
par  des  psaumes,  par  des  hymnes,  par  des  lectures.  Eusèbe 
de  Césarée,  le  père  de  l'Histoire  ecclésiastique  (267-338),  au 
livre  V,  chapitre  28,  cite  les  cantiques  composés  dès  le 
commencement  par  les  fidèles,  et  dans  lesquels  la  Divinité  était 
attribuée  au  Sauveur  (3).  Au  concile  d'Antioche  tenu  l'an 
262,  l'on  voit  déjà  le  chant  des  psaumes  introduit  dans 
l'Eglise.  Or,  l'institution  de  cet  usage  est  attribuée  à  saint 
Ignace,  disciple  des  Apôtres.  Du  reste,  saint  Justin,Tertullien, 
Origène,  saint  Basile,  saint  Epiphane,  et  d'autres  Pères  de 
l'Eglise  font  mention,  dans  leurs  ouvrages  écrits  du  11*  au  v* 
siècle,  de  l'Office  ou  des  prières  publiques  dans  l'Eglise  (4}. 


(i)  Ephèt.  chap.  V,  v.  19;  Coloss.  chap.  UI,  v.  16. 

(s)  Diet.  de  théologie,  par  l'Abbé  BBacisa.  Tome  VI.,  p.  74. 

(3)  Ibidem, 

(4)  Ibidem,  —  Noos  aurionB  pu  faire  remonter  rantiquité  de  l'Office  divin  jusqu'à  l'origine 
des  temps.  Les  Séraphins  ont  chanté  au  commencement  et  alternativement  •  Sanctus, 
Sanctus,  Sauctus  Dominus  Deus  sabaoth  >.  Adam  fut  le  premier,  sur  la  terre,  qui  adressa 
des  louanges  i  Dieu  pour  s'acquitter  de  ses  devoirs  envers  la  Majesté  divine,  et  pour  obtenir 
le  pardon  de  sa  faute.  Il  apprit,  lui-même,  à  ses  descendants  à  adresser  à  Dieu  des  prières,  et  à 
l'honorer  par  des  sacrifices.  De  là,  les  sacrifices  d'Abel,  de  Noé,  les  prières  d'Abraham, 
d'Iiaac,  de  Jacob,  les  cantiques  de  Moïse,  les  psaumes  et  les  hymnes  de   David  qui  louait 


LE  BRÉVIAIRE  MANUSCRIT  DIT  «  DE  SAINT  RAMBERT  »        321 

Et  au  témoignage  de  saint  Augustin,  le  plus  célèbre  des 
Pères  de  TEglise  latine  (354-43o),  le  chant  de  l'Office  divin 
ou  de  la  prière  publique  de  l'Eglise  n*a  été  établi  par  aucune 
loi  ecclésiastique,  mais  bien  par  Texemple  de  Jésus-Christ 
lui-même  et  des  Apôtres. 

Saint  Jérôme,  saint  Ambroise,  le  Pape  saint  Gélase  et 
saint  Grégoire  I"y  ont  ajouté  quelques  parties,  ont  composé 
des  hymnes,  des  antiennes,  des  prières  nouvelles  sur  le  modèle 
des  anciennes  ;  ils  y  ont  mis  de  Tordre  et  de  l'arrangement, 
mais  ils  ne  sont  pas  les  premiers  auteurs  de  l'Office  divin.  Le 
fond  existait  avant  eux. 

Le  livre  qui  contenait  la  prière  publique,  et  que  nous 
appelons  a  Office  divin  »,  a  porté  divers  noms  aux  temps  les 
plus  voisins  des  temps  apostoliques  et  aux  siècles  suivants. 
Comme  les  psaumes  en  faisaient  la  grande  partie,  le  nom  le 
plus  usité  fut  celui  de  «  Psautier  ».  C'est  ainsi  que  saint 
Jérôme  le  nomme  dans  sa  lettre  à  Rustique.  Saint  Grégoire 
de  Tours  (i),  saint  Colomban  (2)  ont  appelé  l'Office  divin 
((  Cursus  )),  soit  à  cause  du  cours  du  soleil  qui  en  dirige  les 
heures,  soit  parce  qu'on  remplissait  ce  devoir  en  parcourant 
une  suite  de  psaumes  et  de  leçons.  Dans  le  principe,  ce 
c(  Cours  »  était  d'une  longueur  considérable,  à  cause  des 
additions  que  chaque  siècle  y  apportait,  au  point  que  le  Pape 
Grégoire  VII  (1073-1085),  dont  la  vie  fut  si  agitée,  se  voyant, 
lui  et  sa  cour,  accablés  d'une  si  grande  quantité  d'aifaires, 
qu'il  ne  pouvait  trouver  le  temps  de  réciter  les  trop  longues 
heures  de  l'Office  divin  ou  a  Cours  »,  jugea  convenable  de 


Dieu  sept  fois  p«r  jour,  et  tous  les  cantiques  que  s'occupaient  a  chanter  les  saints  de  l'Ancien 
Testament;  mais  le  plan  restreint  de  notre  travail  ne  nous  permet  pas  de  rentrer  dans  tous 
ces  intéressants  détails.  Nous  renvoyons  le  lecteur  aux  ouvrages  suivants  qui  traitent 
actuellement  l'intéressante  question  de  l'Office  divin  et  du  Bréviaire  :  Institutions  liturgiques 
par  Jean  Fornici,  traduites  par  M.  Boissonnet,  professeur  au  Grand  Séminaire  de  Valence 
1879.  -  Mgr  Batiffol,  Histoire  du  Bréviaire  romain,  —  Diction,  de  théologie  de  l'Abbé 
BsRGiER.  —  M  IGNE,  Liturgie. 

(1)  Lib.  I.  de  glor.  mart. 

i)  Dans  ses  «  Règles  »,  cap.  47 . 

ai 


322  CHAPITRE   XVlll 

Tabrégerpour  l'usage  de  sa  maison.  Naturellement  ctaCours  » 
abrégé  prit  le  nom  de  Breviarium  romanœ  curiœ^  bréviaire 
de  la  cour  romaine  (i).  Ce  mot  «  Breviarium  »,    bréviaire 
chez  les  anciens  Romains,  signifiait  un  abrégé  et  correspondait, 
pour  eux,  au  mot  «  compendium  »  plus  moderne,  ou  à  cet 
autre  mot  plus  ancien  et  de  meilleure  latinité  «si/mmarit/m». 
Le  vrai  sens  de  ce  mot   ne  serait  donc  pas  celui   qu'on   y 
attache    habituellement,    c'est-à-dire    «    Recueil^   précis^ 
sommaire  »  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  excellent  dans  un 
ou  plusieurs  livres.  Nous  croyons  que  cette  interprétation 
n'est  pas  la  vraie,  parce  qu'elle  n'est  pas  la  plus  simple;  pour 
nous,  le  mot  Breviarium  signifie  abrégé  des  prières  publiques 
de   l'Eglise,    récitées  ou    chantées  par  ceux  dont  une   des 
principales  obligations  était  de  réciter  ou  de  chanter  l'Office 
divin,  comme  les  moines  et  les  clercs  (2)  :  c'est  le  livre  que 
nous  appelons  Heures  canoniales  (3).   Dès  le  principe,  cet 
Abrégé  de  V office  matutinal  et  vespéral^  ce  «  Breviarium  »  dont 
l'arrangement  des  Psaumes,  des  Leçons  et  des  Répons  était  à 
peu  près  semblable  à  la  disposition  de  nos  Bréviaires  actuels, 
fut  une  exception  en  faveur  du  Souverain  Pontife  et  de  la 
cour  de  Rome.  Mais  bientôt  la  basilique  de  Saint- Pierre  l'ayant 
adopté,  les  autres  églises  de  Rome  l'adoptèrent  aussi,  et  il 
n'y  eut  pas  jusqu'à  saint  Jean  de  Latran  qui,  resté  attaché 
à  l'ancien  usage   pour  suivre  l'intention  du  Pape,  ne  finît 
par  se  conformer  au  nouvel  Office  abrégé  :  <(  Le  Bréviaire 
de  la  Cour  romaine.  » 

Quant  aux  autres  églises  de  la  chrétienté,  elles  ne  résis- 
tèrent point  à  l'impulsion  donnée  par  la  basilique  de  Saint- 
Pierre,  et  suivirent  son  exemple.  Au  xiii'  siècle,  les  religieux 
de  saint   François  d'Assise  et   les  fils  de  saint  Dominique, 

(0  MiGNE,  Encyclop,  théoloff.  Tome  VIII.  Liturgie. 

(2)  Bréviaire  :  Brève  orarium. 

(3)  Les  clercs  sont  obligés  par  état  de  réciter  chaque  jour  le  bréviaire. 


LE  BRÉVIAIRE  MANUSCRIT  DIT  «   DE  SAINT  RAMBERT  »        323 

sans  cesse  occupés  de  pénibles  travaux  de  missions, 
demandèrent  qu'on  substituât  à  leur  ancien  et  long  Office, 
le  Breviarium  ;  ce  qui  leur  fut  accordé,  jusqu'à  ce  que 
Haymond,  général  de  l'Ordre  des  Franciscains,  eut  réduit 
l'office  romain  à  peu  près  à  la  forme  qu'il  a  aujourd'hui, 
forme  que  Grégoire  IX  sanctionna  de  son  autorité,  et  que 
Nicolas  III  imposa  aux  églises  de  Rome  et  à  d'autres  églises. 

Plus  tard,  saint  Pie  V,  au  xvi*  siècle,  n'ayant  rien  de  plus 
à  cœur  que  de  mettre  en  vigueur  une  exacte  discipline  dans 
toute  la  catholicité,  conformément  aux  prescriptions  du 
Concile  de  Trente  (sess.  23),  apporta  le  plus  grand  soin  pour 
faire  droit  aux  vœux  de  l'Eglise  universelle.  Clément  VIII 
travailla  à  corriger  les  fautes  qui  s'étaient  glissées,  avec  le 
temps,  après  les  corrections  de  Pie  V.  Enfin,  Urbain  VIII 
retoucha  le  Bréviaire  romain  et  lui  donna  la  forme  actuelle. 

Le  Bréviaire,  nous  l'avons  dit,  est  le  livre  qui  contient  les 
heures  canoniales  ou  office  divin  que  doivent  réciter,  par 
état  et  tous  les  jours,  ceux  qui  sont  dans  les  Ordres  sacrés, 
ou  qui  jouissent  de  quelques  bénéfices  (i). 

Sous  le  nom  d'  «  Heures  canoniales  »  on  désigne  les  prières 
qui  se  font  à  certaines  heures  du  jour  et  de  la  nuit.  Il  y  en  a 
sept,  par  respect  pour  ces  paroles  du  Psalmiste  :  <c  Seigneur, 
à  sept  différentes  fois  j'ai  chanté  vos  louanges  »  :  i*  Matines 
et  Laudes  ;  2*  Prime  ;  3®  Tierce  ;  4**  Sexte  ;  5*  None  ; 
6*  Vêpres  ;  7®  Compiles. 

L'Office  divin  dit  «  de  Saint-Rambert  »  dont  nous  offrons, 
ici,  quelques  pages  au  lecteur,  contient  précisément  les  sept 
parties  liturgiques  dont  se  compose  tout  bréviaire.  Et  ces 
parties  ou  heures  canoniales  sont  complètes,  non  seulement 
pour  l'office  de  la  Translation  des  Reliques,  mais  encore 


(1)  Plusieors  Conciles  tenus  dans  les  Gaules,  celui  d'Agde  (3o6^  le  2*  de  Tours.  le  second 
d'Orléaot  règlent  Tordre  et  les  heures  de  l'Office  et  décernent  des  peines  contre  les  ecclé- 
siattiqnes  qui  manqueront  d*y  assister  ou  de  le  réciter.  [Dict,  de  tMolOfit,  de  Bbkgiim.)* 


324  CHAPITRE   XVni 

pour  l'office  de  la  fête  des  Miracles,  et  pour  celui  de  la  fête 
de  saint  Ratnbert,  martyr  (i). 

A  quelle  époque  peut  bien  remonter  le  texte  de  cet 
Office  ? 

On  sait  que,  dans  les  premiers  temps  du  christianisme, 
la  coutume  était  de  lire  publiquement,  et  d'expliquer  ensuite 
à  l'église  les  actes  des  martyrs,  avant  TEpître  et  l'Evangile  de 
la  messe.  Ces  actes  furent  peu  à  peu  insérés  dans  Toffice  ; 
mais  on  ne  les  lisait  que  dans  les  églises  dédiées  sous  l'invo- 
cation de  ces  saints.  Le  pape  Adrien,  au  viii*  siècle,  est  le 
premier  qui  les  ait  fait  lire  dans  l'église  Saint-Pierre  (2),  Son 
exemple  fut  bientôt  suivi  dans  les  autres  églises  de  la 
chrétienté. 

Or,  à  cette  époque,  c'est-à-dire  de  772  à  796,  il  y  avait 
déjà  un  siècle  que  le  jeune  prince  Rambert  avait  subi  le 
martyre,  et  que  son  tombeau  était  célèbre  par  Taffluence 
des  pèlerins  et  par  les  miracles  qui  s'y  opéraient.  Il  n'y 
a  donc  rien  d'étonnant  que  les  moines  du  monastère  de 
Saint-Domitien  (3),  près  duquel  notre  bienheureux  souffrit 
le  martyre,  aient  consigné,  sur  parchemin,  le  récit  détaillé 
de  sa  mort  pour  en  faire  la  lecture  dans  leur  église  conven- 
tuelle des  bords  de  l'Albarine. 

C'est  ce  récit,  sans  doute,  qui  fait  la  matière  des  leçons  du 
second  Nocturne  de  la  fête  de  saint  Rambert. 

Quelques  siècles  plus  tard,  les  moines  bénédictins  du 
prieuré  de  Saint-Rambert-en- Forez  durent  joindre,  à  ces 
leçons  composées  avec  le  récit  de  la  mort  de  notre  saint,  la 

U)  Voir,  à  la  fin  da  chapitre  XVUr,  TOifice  de  la  Translation  des  reliqaes. 

(s)  Passioncs  sanctorum,  vel  gesta  ipsorum,  usque  Hadriani  tempore  tantummodo  ibi 
legebantur  ubi  ecclesia  ipsius  sancti  vel  titulas  erat.  Ipse  Yero  (Hadrianus)  a  tempore  suc 
redtari  jasslt,  et  in  ecclesia  sancti  Pétri  legendas  esse  constituit.  (Ordre  romain  publié  par 
le  cardinal  Thomasi,) 

(3)  Nous  avons  vu,  au  chapitre  IV,  que  le  monastère  de  Saint-DomitieD  fût  fondé 
au  V* siècle. 


y 


LE  BRÉVIAIRE  MANUSCRIT  DIT  «  DE  SAINT  RAMBERT  »        325 

relation  du  grave  événement  de  la  Translation  de  ses 
Reliques,  arrivé  vers  Tan  1078.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est 
que  la  rédaction  des  leçons  de  l'office  de  la  Translation  des 
Reliques  continuées  dans  l'office  de  la  fête  des  Miracles  est 
une  œuvre  postérieure  au  ix*  siècle  ;  car  à  la  page  i5  on  y 
parle  de  Charlemagne.  Il  y  est  narré  des  choses  extraordi- 
naires, sans  compter  que  le  caprice  littéraire  de  l'auteur  s'y 
donne  libre  carrière.  Il  n'est  point  facile  de  préciser  la  date  de 
la  rédaction  de  ce  texte.  On  n'y  parle  des  choses  qu'en  termes 
vagues.  On  n'y  indique  pas  l'époque  de  la  Translation  (p.  32). 
L'auteur  se  contente  d'affirmer  que,  plus  tard,  le  monastère  de 
Saint-André-les-Olmes  et  la  ville  qui  Tentouraît,  prirent  le 
nom  de  Saint-Rambert  (i). 

Au  reste,  les  leçons  ne  donnent  pas  la  fin  du  texte  de  la 
Translation,  ni  surtout  celui  des  miracles.  On  les  trouverait 
certainement,  en  entier,  dans  le  a  Passionnaire  »  du  monastère 
Saint-Rambert,  s'il  existe  encore  (2). 

Le  contenu  du  manuscrit  est  intéressant.  Il  offre  les  trois 
offices  de  la  Translation,  des  Miracles  et  de  la  Nativité  ou 
fête  de  saint  Rambert.  Les  trois  offices  sont  inédits,  sauf  la 
légende  du  troisième  qui  est  la  vie  du  Saint. 

L'office  de  la  Nativité,  c'est-à-dire  de  la  îfête  de  saint 
Rambert,  contient  deux  hymnes  inédites.  On  les  chercherait 
vainement  dans  le  «  Repertorium  hymnologicum  »  de  M.  le 
chanoine  Ulysse  Chevalier. 

Les  Répons  sont  beaux.  Quant  aux  Leçons,  elles  ne 
contiennent  que  le  début  de  la  vie  du  Saint  martyr. 

Voici  quelques  remarques  au  sujet  de  ces  leçons. 
Henschénius,  en  éditant   la  vie  de  saint  Rambert  d'après 


(1)  D'aprèiJ.-Marie  dc  la  Mure:  Histoire  ecclésiastique  du  Diocèse  de  Lyou^Xû  translation 
des  reliques  de  saint  Rambert,  dont  le  texte  du  Bréviaire  ne  fixe  pas  la  date,  eut  lieu  vers 
1079,  sous  l'épiscopat  de  saint  Jubin,  archevêque  de  Lyon. 

(3)  Le  Passionnaire  du  Prieuré  de  Saint-Rambert  a  disparu  depuis  longtemps,  comme 
tant  d'antres  objets  intéressants  des  siècles  passés. 


32(' 


CHAPITRE    XVIII 


divers  manuscrits  (i),  avait  déjà  fait  remarquer  les  variantes 
considérables  que  présentaient  les  manuscrits.  Il  parie 
notamment  d'une  copie  des  Actes  que  lui  avait  envoyée 
de  Lyon  le  P.  Ferrand,  qui  la  tenait  du  célèbre  Prévôt  de 
rile-Barbe  :  Le  Laboureur.  Cette  copie,  proche  parente 
du  manuscrit  que  nous  étudions,  ne  contenait  pas  le  Prologue. 
Ce  fait  serait  un  indice  d'antiquité.  Mais,  pour  l'Office,  il 
a  bien  pu  se  faire  qu'on  ait  omis  le  Prologue,  pour  arriver 
plus  tôt  au  texte  de  la  vie.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  texte,  comme 
il  est  dit  en  marge,  page  23,  a  été  constitué  à  l'aide  de 
l'éloge  que  du  Saussate  fait  de  saint  Rambert,  dans  son 
«  Martyrologicum  gallicanum  »,  et  de  la  vie  éditée  par 
GuiCHENON  dans  ses  preuves  à  son  «  Histoire  de  Bresse 
et  de  Bugey  (2)  ;). 

Le  manuscrit,  dont  nous  mettons  les  28  premières  pages 
sous  les  yeux  du  lecteur,  n'est,  il  est  vrai,  qu'une  copie  fac- 
similé  du  texte  primitif,  copie  défectueuse  en  plusieurs 
passages,  puisqu'on  y  rencontre  quelques  fautes,  mais 
copie  pleine  d'intérêt  et  fort  bien  exécutée.  On  estime 
qu'elle  a  été  écrite  à  la  fin  du  xvii'  siècle  ou  au  début 
du  xviii"  siècle  ;  plutôt  à  la  première  date  qu'à  la  seconde. 
Ce  qui  l'indique,  ce  sont  la  forme  des  caractères,  l'usage 
modéré  des  abréviations,  et  le  genre  des  lettrines  encadrées 
de  cœurs,  enfin,  la  traduction  française  de  l'hymne  à 
saint  Rambert,  traduction  qui  se  trouve  à  la  fin  de 
l'opuscule  (3). 


(i)  Acta  saDctoruRi,  ad  XIII  junii  —  Tome  II.  p.  695-6. 

(2)  Le  manuscrit  da  Bréviaire  de  l'Office  de  saint  Rambert  présente  parfois  un  texte 
défectueax.  Ainsi  une  main  inhabile  a  transcrit  :  Thelures  proyintias  rfxit,  au  lieu  de 
9.  plures  provincias  rexit  >.  —  Le  copiste  affirme  qu'Ebroîn  a  été  :  «  majore  donatus honore 
«  sublimatus  •,  au  lieu  de  :  «  mijoris  domus  honore  sublimatus  •.  Enfin,  il  omet  le  nom 
des  deux  seigneurs  amis  de  Rambert,  savoir  :  Bodon  et  Guiscandus,  que  fournissent  les 
autres  manuscrits.  (Notes  de  M.  Vahbi  J.-B.  Martin^  professeur  d'Archéologie  et  d'Hagio- 
logie.  Lyon.) 

(3)  Toutes  les  notes  paléographiques  et  critiques  que  Ton  vient  de  lire  aur  les  offices  de 
la  Translation,  des  Miracles  et  de  la  Nativité  de  saint  Rambert  sont  du  très  distingué  et 
très  érudit  M.  l'abbé  J.>B.  Martin,  professeur  d'archéologie  et  d'hagiologie,  à  Lyon. 


LE  BRÉVIAIRE  MANUSCRIT  DIT  DE  «  SAINT  RAMBERT  »        327 

On  le  voit,  notre  Bréviaire  du  Prieuré  de  Saint-Rambert 
offre,  au  point  de  vue  du  texte  et  de  la  copie  qui  en  a  été 
faite,  un  réel  intérêt. 

Quant  au  chant  qu'il  renferme,  voici  ce  qu'on  peut  en  dire  : 
Ce  chant  n'est  cenainement  pas  grégorien.  Il  n'en  a  pas  les 
caractères.  Presque  toutes  les  pièces  sont  des  pastiches 
de  chants  plus  anciens.  Mais  le  travail  d'adaptation  ne 
remonte  pas  au-delà  du  xv'  siècle.  On  y  trouve  toutes  les 
réformes  de  la  Renaissance.  La  mélodie,  par  des  retouches, 
est  devenue  chantante,  presque  musicale  ;  tout  à  fait  dans 
le  goût  du  XV*  siècle. 

Mais  ce  qui,  pour  nous,  double  et  triple  l'intérêt  qu'offre 
ce  manuscrit,  c'est  qu'il  est  une  précieuse  épave  des  ruines 
amoncelées  autour  du  Prieuré  de  Saint-Rambertj  par  le 
vandalisme  sauvage  de  1793.  Les  circonstances  exception- 
nellement curieuses  dans  lesquelles  ce  Bréviaire  fut  mis  à 
l'abri  de  toute  tentative  d'enlèvement,  méritent  d'être 
relatées. 

En  1788,  Messire  Antoine  Condamine,  chanoine  de  la 
Collégiale  de  Saint-Rambert,  mourait  laissant  héritière  d'une 
partie  de  son  mobilier  sa  bonne  et  fidèle  servante  Suzon 
Treilland  (i).  Or,  parmi  les  objets  légués  par  testament  à 
cette  brave  fille,  se  trouvait  un  livre  manuscrit  de  72  pages, 
relié  en  maroquin  rouge.  Ce  livre,  Suzon  Treilland  l'entou- 
rait de  soins  particuliers  ;  elle  lui  avait  réservé  une  place 
choisie  dans  sa  vieille  armoire  ;  car  c^était  le  Bréviaire  de 
son  regretté  maître,  contenant  les  offices  propres  en  l'honneur 
du  Patron  de  la  paroisse. 

Tant  que  la  pieuse  Suzon  n'eut  pas  à  craindre  les  visites 
domiciliaires  des  conventionnels,  elle  laissa  dans  sa  maison 
le   précieux   manuscrit.    Mais   lorsqu'elle   entendit,    autour 

(1)  Messire  Antoine  Condanrine  était  chanoine,  depuis  le  33  décembre  1747. 


328 


CHAPITRE   XVIII 


d'elle,  gronder  l'orage  révolutionnaire,  elle  comprit  que  son 
trésor  n'était  plus  en  sûreté  dans  son  armoire,  et,  dès  lors, 
elle  chercha  à  le  dérober  aux  perquisitions  criminelles  de  la 
Révolution. 

Elle  s'avisa  donc  de  le  cacher  dans  un  récipient  en  terre 
cuite,  hermétiquement  fermé,  qu'elle  enfouit  ensuite,  le 
croirait-on,  dans  un  tas  de  fumier  déposé  intentionnellement 
dans  la  rue  et  au-devant  de  sa  maison. 

Après  les  mauvais  jours  de  1793,  et  sans  doute  à  la  mort 
de  Suzon  Treilland,  le  précieux  manuscrit,  objet  d'une  grande 
vénération,  passa  aux  mains  d'une  de  ses  nièces,  Michelle 
Treilland,  qui  épousa,  en  i8o5,  André  Martinet,  père  de 
M.  Tabbé  J.-B.  Martinet,  ancien  curé  de  Chalain-d'Uzore, 
lequel  avant  sa  mort,  arrivée  en  1892,  était  possesseur  du 
fameux  Bréviaire  (i). 

C*est  ainsi  que  nous  est  parvenu  ce  curieux  document 
dont  les  pages  manuscrites  proclament  la  gloire  de  notre 
éminent  Patron  et  protecteur,  l'illustre  prince  Rambert, 
martyr.  Survivant  dans  son  intégrité  aux  passions  humaines 
déchaînées,  et  à  la  grotesque  philosophie  d'insensés  novateurs, 
ce  livre  de  prières,  témoin  de  la  foi  de  nos  ancêtres,  restera, 
avec  l'aide  de  Dieu,  la  consolation  des  âmes  qui  croient,  et 
accompagnent  leur  foi  des  œuvres  qui  sauvent. 

A  propos  du  Bréviaire-manuscrit  de  saint  Rambert,  le 
lecteur  nous  sera  certainement  reconnaissant  de  lui  faire 
connaître  :  i'*  Le  matériel  des  anciens  livres  çt  les  procédés 
divers  que  le  progrès  des  arts  a  introduits  dans  leur  confection  ; 
2*  De  lui  parler  des  moines  copistes,  et  de  la  corporation  des 
écrivains  au  moyen  âge. 

Nous  ne  ferons,  du  reste,  qu'analyser  les  nombreux  docu- 
ments que  nous  avons  sous  la  main;  notre  plan  n'étant  pas  de 


(i)  Détails  obligeamment  communiqués  par  M"«  veute  Martin-Treilland,  et  M*  Juliea 
Girard. 


LE  BRÉVIAIRE  MANUSCRIT  DIT  «  DE  SAINT  RAMBERT  »       329 

nous  étendre  longuement  sur  un  sujet  que  des  savants,  tels 
que  MM.  Champollion-Figeac  et  Lecoy  de  la  Marche,  ont 
traité  avec  leur  haute  compétence. 


§  I 

MATÉRIEL  DES  ANCIENS  LIVRES  (i) 

Papyrus.  —  Il  n'est  pas  une  matière,  dans  la  nature,  sur 
laquelle  Thomme,  depuis  l'origine,  n'ait  essayé  de  fixer  sa 
pensée  sous  la  forme  de  caractères  écrits.  Le  marbre,  la 
pierre,  la  brique,  les  métaux,  le  bois,  l'ivoire,  Técorce  des 
arbres,  leurs  feuilles,  les  étoffes  même  ont  reçu  son  écriture, 
et  ont  fait  passer  à  la  postérité  ses  actes  et  ses  idées. 

Mais  de  toutes  ces  substances,  celle  qui  a  toujours  fait  une 
concurrence  sérieuse  aux  autres  matières,  et  qui  a  la  priorité 
pour  les  monuments  antiques  arrivés  jusqu'à  nous,  c'est  le 
«  papyrus  »^  plante  d'Egypte  dont  les  pellicules  servaient  à 
fabriquer  les  feuilles  sur  lesquelles  on  écrivait.  L'usage  du 
papyrus  remonte,  selon  Pline,  aux  règnes  de  Numa  et  de 
Tarquin  le  Superbe,  peut-être  même  à  la  guerre  de  Troie. 
Les  Grecs,  d'après  les  études  les  plus  récentes,  auraient 
connu  et  employé  ce  produit,  dès  le  vi*  ou  le  vu®  siècle  avant 
notre  ère.  De  fait,  leurs  plus  anciens  auteurs,  Hérodote,  par 
exemple,  et  Théophraste  en  ont  parlé.  Et,  si  nous  en  croyons 
les  découvertes  faites  dans  les  hypogées  égyptiennes,  il  fau- 
drait reporter  à  trois  mille  cinq  cents  ans  la  date  authentique 
des  premiers  spécimens  de  papyrus. 

L'Italie  est  riche  en  papyrus  parvenus  jusqu'à  nous.  En 
France,  on  possède  quelques  chartes  mérovingiennes  et 
quelques  monuments  latins  sur  papyrus. 

(i)  Notes  extraiten  de  l'ouvrage  de  Paul  Lacroix  :  «  Le  Moyen  Age  et  la  Renaissance  », 
Tome  II,  passim,  —  Et  de  l'ouvrage  de  Lscot  di  la  Marche  :  «  Les  Manuscrits  et  la 
Miniature  »,  passim* 


33o  CHAPITRE   XVIII 

Parchemin.  —  Parmi  les  matières  appartenant  au  règne 
animal,  et  qui  ont  leur  place  dans  l'histoire  du  livre  manuscrit, 
il  faut  citer  le  parchemin  dont  Tinvention  remonte  au  temps 
d'Eumène,  roi  de  Pergame,  monté  sur  le  trône  l'an  197  avant 
Jésus-Christ.  Mais  si  le  parchemin  ou  véritable  peau  à  écrire 
«  Pergamena  char  ta  »  (1)  fit  son  apparition  dans  le  second 
siècle  avant  notre  ère,  ce  ne  fut  que  vers  les  viii«  et  ix*  siècles 
qu'il  fit  une  vraie  concurrence  au  papyrus,  dont  l'usage  fut 
abandonné  à  la  fin  du  xi'  siècle.  Gaëto  Marini  assure  qu'il 
n'a  pas  connu  de  papyrus  plus  récent  que  celui  de  la 
troisième  année  du  Pape  Victor  II,  en  1067. 

Papier  coton.  *—  Le  règne  végétal  a  fourni,  aussi,  une  autre 
matière  subjective  de  l'écriture,  nous  voulons  parler  du 
papier  moderne  fait  avec  du  coton.  Quelques  auteurs  affir- 
ment que  ce  papier  était  connu  des  Grecs,  dès  le  ix*  siècle, 
contre  l'opinion  d'autres  (2)  qui  assurent  que  le  papier  coton 
n'a,  très  probablement,  jamais  existé,  et  que  ce  que  l'on  a  pris 
pour  lui  était  simplement  du  papier  chiffe  plus  grossier,  collé 
à  la  résine. 

Papier  chiffe.  —  Le  papier  chiffe,  du  reste,  se  fabriquait  en 
France  à  une  époque  relativement  assez  reculée,  puisque 
Pierre  le  Vénérable,  abbé  de  Cluny,  nous  parle,  vers  11 25, 
d'un  produit  fait  avec  des  «  rognures  de  vieux  linges  ».  II 
est  vrai  que  la  Bibliothèque  royale  de  Berlin  conserve  un 
manuscrit  sur  papier  chifTe,  de  Tan  io32;  mais  il  est  de  langue 
et  d'origine  orientales.  En  somme,  la  France  est  le  premier 
pays  qui  ait  connu  et  fabriqué  le  papier  moderne.  Ce  papier 
se  propagea  rapidement  au  xrv*  siècle,  et  surtout  à  partir  de 
Philippe  de  Valois.  Néanmoins,  dans  les  manuscrits  propre- 


vO  Parce  qu'elle  fut  employée,  pour  la  première  fois,  à  Pergame,  ville  de  Mysie. 

(2)  MM.  Briquet,  de  Genève,  Giry,  de  Pariç.  Récents  travaux.  Journal  de  Genève^  du 
39  octobre  1884. 


LE  BRÉVIAIRE  MANUSCRIT  DIT  «   DE  SAINT  RAMBERT  »       33  1 

ment  dits,  le  papier  ne  se  substitua  guère  au  parchemin  que 
durant  le  cours  du  xv'^  siècle,  c'est-à-dire  au  moment  où 
naissait  l'imprimerie. 

Instruments  pour  écrire.  —  Les  instruments  de  l'écrivain 
ont  dû  nécessairement  varier,  à  travers  les  âges,  suivant 
la  nature  de  la  substance  sur  laquelle  il  exerçait  son 
talent. 

On  se  servait  de  la  pointe  sèche  pour  fixer  les  caractères  sur 
les  corps  durs.  Cette  pointe  en  fer,  en  bronze,  ou  en  os 
s'appelait  chez  les  Romains  :  «  stylus  ».  L'extrémité  du 
manche  était  souvent  aplatie,  pour  permettre  à  l'écrivain 
d'effacer  ce  qui  était  écrit,  sur  la  cire  par  exemple.  Cet  ins- 
trument resta  à  peu  près  le  même  au  moyen  âge. 

Les  Anciens  écrivaient  avec  le  «  calamus  »  ou  roseau  des 
bords  du  Nil,  sur  le  papyrus  d'abord,  et  plus  tard  sur  le 
parchemin.  Le  «  calamus  »  se  taillait  comme  nos  plumes 
d'oie,  en  fendant  un  de  ses  bouts  par  le  milieu  au  moyen 
d'un  canif.  Mais  la  pointe  du  roseau  n'offrait  pas  assez  de 
fermeté,  elle  s'émoussait  très  vite  sur  les  rugosités  du 
parchemin  ou  du  papyrus.  Aussi  bien,  l'usage  en  fut 
abandonné  de  bonne  heure,  excepté  chez  les  peuples 
orientaux,  et  on  lui  substitua  le  «  calamus  »  en  bronze, 
sorte  de  plume  métallique  dont  les  Romains  se  servaient.  Il 
est  vrai  que  ces  derniers  firent  aussi  usage  de  pinceaux, 
comme  les  Egyptiens  et  les  Chinois,  mais  alors,  c'était 
plutôt  pour  les  encres  d'or,  de  cinabre,  que  pour  l'encre 
ordinaire. 

Le  véritable  remplaçant  du  roseau  primitif  fut  la  plume 
d'oiseau,  qui  figure  déjà  sur  les  colonnes  Trajane  et  Antonine, 
et  dont  il  est  fait  mention  dans  Isidore  de  Séville,  Bède, 
etc.  (i).  Et  c'est  l'oie  qui  eut,  comme  on  le  sait,  jusqu'aux 

(i)  Les  Manuscrits  et  la  Miniature,  par  Lccov  db  la  M auchk ^  passim. 


332  CHAPITRE   XVIII 

temps  modernes,  le  privilège  de  prêter  son  secours  à  la 
calligraphie. 

Pendant  tout  le  moyen  âge  les  écrivains  se  servirent  de 
plumes  d*oie,  et  pendant  tout  ce  temps  elles  conservèrent 
une  certaine  valeur  (i). 

Dès  le  XIV*  siècle  on  commença  à  fabriquer  des  plumes  de 
fer  et  d'airain. 

Encre.  —  Quant  à  l'encre  dont  se  servaient  les  écrivains, 
dans  les  temps  anciens  et  au  moyen  âge,  M.  Lecoy  de  la 
Marche  dit  que  sa  composition  a  beaucoup  varié.  Les  Chinois, 
les  Romains  employaient  une  encre  noire  «  atramentum  ». 
Au  moyen  âge  (xi«  siècle),  les  scribes  se  servaient  d'un  liquide 
noir  qui,  d'abord,  ne  fut  qu'un  mélange  d'eau,  de  vin  et  de 
noir  obtenu  avec  le  bois  d'épine.  Dans  le  siècle  suivant,  on 
commença  à  employer  le  sulfate  de  fer  et  la  noix  de  galle. 
Les  encres  de  couleur  et  les  encres  métalliques  n'étaient 
employées  que  pour  embellir  les  manuscrits. 

Ecriture. —  L'écriture,  dans  le  principe,  fut  hiéroglyphique. 
Les  hommes  dessinèrent  d'abord  les  objets  dont  ils  voulaient 
parler.  Puis  les  caractères  figuratifs  (2)  ne  durent  pas 
longtemps  suilire  à  l'homme.  S'il  pouvait  à  la  rigueur 
représenter  avec  ces  signes  tous  les  objets  matériels,  il  lui 
était  interdit  d'exprimer,  par  leur  moyen,  les  rapports  de  ces 
objets  entre  eux,  et  la  foule  des  idées  qui  germaient  chaque 
jour  plus  multipliées  dans  son  cerveau  (3). 

De  là,  l'écriture  idéographique  ou  symbolique  qui  offrait 
un  amalgame  de  dessins  et  de  signes  emblématiques.  Avec 
cette  écriture,  les  idées,  les  actions, lesqualités,  les  abstractions 

(i)  On  les  vendait  encore,   en   1624,  quatre   sols,  dix  deniers  parisis  le   demi-cent. 
(Lecoy  de  la  Marche.) 

(2)  C'est  ainsi  que  les  appelle  ChampolUon-Figeac. 

(3)  Les  Manuscrits  et  la  Miniature,  par  Lecot  de  la  Marche. 


LE  BRÉVIAIRE  MANUSCRIT  DIT  «  DE  SAINT  RAMBERT  »       333 

pouvaient  se  peindre.  Dès  lors,  la  convention  est  déjà 
introduite  dans  récriture.  Ce  sera  le  principe  fécond,  d'où 
sortira  le  troisième  et  le  dernier  genre  qui  sera  la  perfection  : 
récriture  phonétique  (i).  Cette  écriture  est  la  seule  qui  nous 
ait  laissé  des  monuments  dignes  de  porter  le  nom  de  livre. 
Elle  se  divise  en  diverses  ramifications,  notamment  en 
écriture  grecque  et  en  écriture  latine,  devenue  celle  de  la 
plupart  des  nations  européennes.  C'est  à  l'écriture  latine 
qu'appartient  l'immense  majorité  de  nos  manuscrits,  dont  les 
pages  nous  montrent  quatre  variétés  :  la  capitale^  Vonciale^ 
la  cursive  et  la  minuscule. 

Dès  le  début  de  la  période  carlovingienne,  ces  variétés  de 
l'écriture  latine  ou  romaine  cèdent  la  place  à  la  minuscule 
Caroline  ou  romane.  Cette  dernière  écriture,  elle-même,  eut 
bientôt,  au  xii*  siècle,  une  concurrente  dans  l'écriture 
gothique  ou  scolastique,  pour  employer  l'expression  vraie  (2). 
Il  y  avait  encore  les  écritures  nationales  suivantes  :  la 
ff  wisigothique,  la  lombardique,  l'anglo-saxonne  »,  etc.,  etc. 


5  II 

LES    ÉCRIVAINS 

DANS  LES  TEMPS  ANCIENS  ET  AU  MOYEN  AGE 

Mais  de  quelles  mains  habiles  sortaient  les  travaux  de 
calligraphie,  dont  les  temps  anciens  et  le  moyen  âge 
fournissaient  des  types  si  merveilleux  ? 

Les  Grecs  et  les  Romains  payaient  des  esclaves  pour  faire 
leurs  livres.  Le  Christianisme  vint  plus  tard  qui  émancipa 
peu  à  peu  les  ouvriers  du  livre,  comme  les  autres  artisans. 

(I)  Ibidem, 

(a^LicoT  oi  LA  Mabchb.  Le$  Manuscrits  et  la  Miniature,  passim. 


334  CHAPITRE    XVIII 

Puis,  les  invasions  des  barbares  en  annihilant,  dans  le 
monde  extérieur,  la  culture  des  lettres  et  les  professions 
qui  s'y  rattachaient,  les  parquèrent  pour  longtemps  dans 
l'enceinte  des  monastères  (i).  Dès  le  iv*  siècle,  saint  Jérôme 
recommandait  la  copie  des  manuscrits  comme  une  des 
occupations  les  plus  convenables  à  la  vie  monastique.  Les 
religieux  des  couvents  fondés  par  saint  Martin  de  Tours 
(jv"  siècle),  les  disciples  de  saint  Benoît  (vi*  siècle),  les 
fils  de  saint  Bruno  (xi*  siècle)  travaillaient  tous  à  la  trans- 
cription des  livres.  Et,  au  moyen  âge,  on  vit  même 
une  légion  de  religieuses  aider  les  moines  dans  leurs 
travaux  de  copistes.  Ce  n'était  point,  d  ailleurs,  chose 
extraordinaire,  puisqu'on  avait  vu  déjà,  aux  m*  et  iv* 
siècles,  de  jeunes  vierges,  telles  que  sainte  Mélanie  la  jeune, 
sainte  Césarée  et  ses  sœurs,  copier  les  écrits  des  Docteurs 
ecclésiastiques. 

Mais,  vers  la  fin  du  moyen  âge,  et  même  dès  Tavènement 
des  Valois  au  trône  de  France  (i328),  le  zèle  des  moines 
s'était  sensiblement  refroidi.  La  cause  de  ce  refroidissement 
est  toute  dans  la  concurrence  que  leur  faisaient,  alors,  les 
corporations  laïques.  Celles-ci  s'étaient  emparées  du  monopole 
de  la  calligraphie,  et  avaient  établi  leur  vitalité  sur  des 
Statuts  qu'aucun  de  leurs  membres  ne  pouvaient  enfreindre, 
sans  encourir  quelque  punition  (2).  Au  xv*  siècle,  le  droit  de 
transmettre,  par  l'écriture,  les  auteurs  sacrés  et  profanes 

il)  Ibidem,  passim. 

(3)  c  Aux  termes  du  statut  de  i333,  Técrivain  doit  être  homme  de  bonne  réputation  et 

<  suffisamment  lettré.  Il  devra  veiller  à  ce  qu'aucun  libraire  ou  courtier  (stattonnaire)  ne 
«  tienne  caché  ou  ne  fasse  disparaître  aucun  des  livres  qui  lui  auraient  été  confiés  pour  être 
c  exposés  en  vente.  Il  devra  veiller,  aussi,  à  ce  qu'aucun  libraire  ne  refuse  de  laisser  prendre 
c  copie  d'un  manuscrit,  lorsque  la  personne  qui  voudra  se  procurer  cette  copie  aura  donné 
c  caution,  et  rempli  les  conditions  imposées  par  l'Université.  Il  devra  encore,  s'il  trouve 
c  dans  les  écoles  un  livre  incorrect,  en  faire  sa  déposition  au  recteur  et  aux  procureurs  de 

<  l'Université,  afin  que  le  copiste  qui  aura  livré  un  tel  ouvrage  soit  forcé  de  le  corriger  et 
«  soit  en  outre  puni.  Le  statut  de  i323  lui  donne  encore  le  droit  de  vérifier  les  livres  de 
«  commerce  de  tout  libraire  dont  le  crédit  est  douteux,  et  l'oblige  à  dénoncer  i  l'Université 
■  celui  dont  les  affaires  sont  en  mauvais  état.  •• 


LE  BRÉVIAIRE  MANUSCRIT  DIT  «  DE  SAINT  RAMBERT  »       335 

n'appartient  plus  exclusivement  à  certaines  Communautés 
religieuses  :  la  puissante  corporation  laïque  des  maîtres 
écrivains  est  fondée.  Elle  a  vu  finir  le  moyen  âge  et  a  salué 
l'aurore  des  temps  modernes.  Elle  est  en  possession  du 
marché  de  la  librairie,  et  pense  y  régner,  désormais,  sans 
partage. 

Mais  déjà,  depuis  trente  ans,  un  certain  Henn  (Jean) 
Geinsfleisch,  de  Solzeloch,  dit  Gudinberg  (Gutenberg), 
s'occupe,  durant  les  heures  quMl  dérobe  à  sa  double 
profession  de  lapidaire  et  de  polisseur  de  miroirs,  de 
réaliser  un  projet  si  audacieux  qu'il  semble  une  inspiration 
de  la  folie.  Ce  Geinsfleisch,  pour  ainsi  dire  inconnu,  en  ce 
moment,  à  Francfort  où  il  habite,  et  dont  le  surnom  de 
Gutenberg  doit  retentir  dans  le  monde  entier  jusqu'à  la 
fin  des  âges,  rêve  la  création  d'un  procédé  qui  permettra  de 
répandre,  en  peu  de  temps  et  à  grand  nombre  de  copies, 
de  ces  volumineux  ouvrages,  dont  la  transcription  d'un 
seul  exemplaire  a  demandé,  quelquefois,  toute  la  vie 
de  l'ouvrier  écrivain.  Mais,  autre  menace  pour  l'avenir 
des  copistes  :  déjà  aussi  un  calligraphe  allemand,  Pierre 
Schœffer,  écolier  de  l'Université  de  Paris,  est  allé  porter 
à  Mayence,  pays  d'origine  et  nouvelle  résidence  de 
Gutenberg,  son  invention  des  moules  à  la  main,  qui  fixe 
l'art  nouveau  de  la  fonte  des  caractères  mobiles.  Grâce, 
enfin,  à  la  triple  association  du  génie  :  —  Gutenberg,  — 
de  l'intelligence  pratique  :  —  Pierre  Schœffer,  —  et  de 
l'instinct  opulent  de  la  spéculation  :  —  le  banquier  Pust 
ou  Faust,  la  typographie  est  créée,  et  l'imprimerie  des 
livres  va  naître. 

Au  dehors  de  sa  ville  natale,  ses  premiers  bégayements 
font  si  peu  de  bruit  que  l'écho  n'en  est  pas  venu  jusqu'à  nos 
maîtres  écrivains,  ou  du  moins,  il  n*a  pu  les  émouvoir  au 
point  de  troubler  leur  sécurité.  Mais  laissez  passer  douze 
ans  après  l'apparition  du  Psautier  de  Mayence,  le  second  des 


336  CHAPITRE   XVIII 

a  Incunables  »  (i),  et  vous  verrez  nos  six  mille  copistes  se 
révolter  contre  le  prieur  de  la  Sorbonne,  Jean  Heynlin  de 
la  Pierre  (Lapideus),  et  le  recteur  de  l'Université  Guillaume 
Fichet,  qui  ont  appelé  à  Paris  les  trois  ouvriers  allemands  : 
Ulrich  Gering,  Michel  Friburger  et  Martin  Krantz  pour 
y  fonder  la  première  imprimerie  (1470)  (2). 

Dès  lors,  l'invention  de  l'imprimerie  supprima  la  corpo- 
ration des  Ecrivains,  et  les  manuscrits  exécutés  depuis  cette 
invention,  ne  présentent  plus  que  des  ouvrages  de  patience  et 
de  curiosité,  où  le  caprice  entre  pour  beaucoup,  et  dont  Fart 
ne  profita  que  bien  peu  (3). 

Avant  l'invention  de  Timprimerie,  il  fallait  être  riche  pour 
posséder  quelques  livres.  Si  Ton  calcule,  en  feuilletant  une 
Bible  manuscrite,  même  dénuée  de  miniatures  et  de  lettres 
peintes,  ce  qu'exigeait  de  temps  l'exécution  calligraphique 
d*un  pareil  volume,  et  quel  devait  être,  en  conséquence,  le 
salaire  de  l'écrivain,  on  sera  obligé  d'évaluer  ce  prix  à  celui 
que  coûterait,  de  nos  jours,  une  bibliothèque  d'un  millier  de 
volumes  (4).  Aussi,  vers  la  fin  du  moyen  âge,  avant  Tusage  des 
bibliothèques  publiques,  mais  quand  déjà  l'instruction 
commençait  à  se  répandre,  avisa-t-on  aux  moyens  de  mettre 
à  la  portée  du  commun  des  lecteurs,  mais  avec  précaution, 
les  livres  les  plus  usuels,  c'est-à-dire  à  raison  du  temps,  les 


(1)  lacunabala  :  lange,  berceau,  et  au  figuré  :  commencement,  origine.  On  donne  le  nom 
d'incunables  aux  premiers  produits  de  l'imprimerie  à  son  berceau. 

(a)  Extrait  d'un  article  du  Magasin  pittoresque,  année  1871.  XXXIX*  année,  passimu 

(3)  J.-J.  ChahpoluonoFigbac,  dans  Le  Moyen  Age  et  la  Renaissance^  tome  II,  par  Paul 
Lacroix  et  Ferdinand  Siai,  i84q. 

(4)  En  1399,  Pierre  le  Portier  «  escriTsin  de  lettre  de  fourme  ■  toucha  4  livres  8  sols 
parisis  pour  un  volume  intitulé  «  Lts  Cent  Ballades  ».  —  En  1470,  un  écrivain  chargé  de 
faire  un  antiphonaire  et  \in  processionnaire  pour  la  paroisse  de  Cérisy,  reçut  du  curé  l'équi- 
valent de  160  boisseaux  de  blé,  soit  20  sols;  plus,  des  largesses  de  divers  paroissiens,  etc. 
En  i5o2,  l'Exemplaire  illustré  de  la  «  Fleur  des  Histoires  9  exécuté  pour  le  cardinal 
d'Amboise,  et  qui  revint  en  tout  à  3iô  livres  (soit  1738  francs  de  notre  monnaie),  coûta, 
pour  la  seule  écriture,  3o  sols  par  cahier  de  parchemin  ;  et  comme  il  se  compose  de  3 1 
cahiers,  le  scribe  toucha,  pour  sa  part,  76  livres  losols  (418  francs). 

Les  Manuscrits  et  la  Miniature,  par  Lscor  ds  la  Makchb,  passiwL 


LE  BRÉVIAIRE  MANUSCRIT  DIT  «  DE  SAINT  RAMBERT  »       SSj 

livres  liturgiques.    De  là,   ces  Bibles,  ces    Légendaires    et 
ces    Bréviaires    enchaînés,    mentionnés    dans    les    anciens 
inventaires   des  cathédrales,    et    qui   se    rapportent    à   des 
volumes  déposés  dans  une 
partie  de  l'église  toujours 
accessible   aux    lîdêles,   et 
où  les  pauvres  clercs  pou- 
vaient venir  les  consulter 
sans  déplacement. 

La  cathédrale  du  Mans 
a  conservé  un  rare  et 
curieux  souvenir  de  ce 
vieil  usage.  Dans  l'épais- 
seur du  mur  qui  sépare 
le  chœur  du  bas-côté  méri- 
dional, la  pierre  est  creusée 
en  forme  de  pupitre.  Cette 
sorte  de  niche  est  sur- 
montée d'un  petit  fronton 
ogival,  comme  le  montre 
le  dessin  de  la  Fig.  49,  et 
accompagné  d'une  inscription  latine ,  en  caractères  du 
commencement  du  xv*  siècle,  laquelle  peut  se  traduire 
ainsi  : 

t  Maître  Guillaume  de  Thélsrd, 

c  Chanoine  de  cette  église, 

'  A  donné  ce  Bréviaire  à  l'usage  des  indigents. 

c  Priez  pour  lui.  > 


DESTINEE  A  CONTENIR  UN  ■   BREVIAIRE  » 
■Ds  la  Cithtdrile  du  Mans. 

(D' épris  iaïuelol./ 


Le  Bréviaire  a  disparu,  depuis  un  temps  immémorial;  mais 
on  voit  encore,  dans  te  mur,  les  trous  de  scellement  du  grillage 
qui  le  protégeait,  et  de  la  tablette  qui  le  supportait.  Le  volume 
était,  ainsi,  enfermé  dans  une  sorte  de  cage,  à  mailles,  assez 
larges  pour  que  les  doigts  pussent  tourner  les  feuillets,  et 


338  CHAPITRE   XVIII 

assez  étroites  pour  prévenir  toute  tentative  de  soustraction. 
Nous  ignorons  ce  que  fut,  en  son  temps,  Maître  Guillaume,  le 
chanoine  du  Mans;  mais  il  est  facile  de  prévoir,  d'après  ce 
trait  de  sa  vie  que,  de  nos  jours,  il  eût  été  un  des  promoteurs 
de  l'instruction  gratuite  dans  la  Sarthe.  Le  modeste  monu- 
ment qui  a  conservé  la  mémoire  de  son  nom  et  de  sa  bonne 
pensée,  a  des  droits  à  un  coup  d'œil  de  la  postérité,  même  avant 
les  splendides  tombeaux  qui  l'avoisinent,  et  qui  le  font  trop 
souvent  oublier. 

Quant  à  la  façon  dont  nos  bons  moines  du  Prieuré  de 
Saint-André-les-Olmes  auraient  pu  multiplier  les  exemplaires 
de  leur  Bréviaire  qui  est  arrivé  jusqu'à  nous,  il  est  bon  de  se 
rappeler  qu'ils  étaient  bénédictins. 


OFFICIUM 

SANCTI 

RAGNEBERTI 

MARTYRIS 


30ÏEin.OCTOâïlIS 

in  festo  trâslationis 
s';rag>eberti  martyris. 

In  FHîwis  Vèfperis  Antiphona  Parata 

fedes.Ut  infrà  m  Laudibus 

Pfal.Dixit  Dffs.  cum  relicjuis  deDominicalocouIti 

Kal.  Laudate  Dnm  oes  gfentes.  Capitulum. 

Beatus  Vif  qui  fuffert  tentatiônem;Cjuonià    cùm 
probàtus  fuerit,accîpiet  coroti'&m  vitœ  :  cjuam 
repromiût  Deus  diligentibusfè.Ç.  .Deo  gratias. 

Verfus.Ora  pro  nobis  béate  Ragneberte 
Ç;.Ut  diotii  efficiamur  promifriônibus  Christi. 

AD  MAGNIFICAT  ANTIPHONA 


m^\ 


l,veAthle  ta   glori     o  f e 


Ave  R  agn  e  b^r te  Chrif  ti  dil  e   cte  qui 


recrnasfce  lieiter 


arce    adefto 


^  2.  4^ 

OFFICIUM   5.RAGNEBEB.TI    MARTYRIS  . 


^^■|^:^f>:^M*1'-%" 


Si 


nobis  tefemper  colentibusjut  tuis        ad- 


■w^'^'T 


>■§■  IK 


^ 


C^ 


u  ti    pre  cibualiberemur    à  criminum  ca- 

Dupli-        A 


catur. 


••• 


V 


Canticum 


io  ribus    N4agnificat    anima  mea  Dominu 
^^  Oratio.      O 

■      Mmmpotens  fenipiterneDeus,C|ui  ktinc  • 

V.-_>^diem  beati  Ragnebe'rti  Martyris  tui- 
Tranflatione  facri  Corporis  dedicafti;c|uique 

eum  divensis  Miraculis  declaraïU:  preefta  , 

nobis  ;hujus.RLtroniftifFragantibus  meritis:  ad 
fupernœ  haereditatis  pervenire  confortium. 
T^rDnm  noftrum. AdiPro.Ç-.Laîtetur. 
Oratio.Ecciefiam  tua  Drié,(]|uaefumu5  l^eatiKagneberti 
martyris  tui  cotinuâ  proteétione  cultodi;utficut  illu 
Fkffio  protuo  nomine  glorioftS  èffecibita  nos  ejtis  in- 
tercesaio  intuo  femperraoiat  amore  fervëtes^r  Dm. 
Ad2.Pro3'Sufcipe.Oralioj\uxilitim  tuS    nobis 

iquœfumus  Domine, placalus  impende;6»-interce- 
dente  beato  Ragneberto  Martyre  iuo  •'  dexterS 

fuper  nos  tuas  propitiationis  extende.FferDm. 


4^    .  3.  '*$*' 

AD  MATUTINUM     INVITATORIUM  ; 


"Ve  ni        te  populi       ad  collaudadum 


^ 


gemRegum  ta  Dominum  :Qui  triumphat 


1 


^ 


ni .  j/pin^ 


Vê 


Duplicatur. 


m  martyre^  fu  o  teato  Ragneberto. 


ve  nite 


exuaemus 


émus 


i«a^^B*i 


m-  m 


tt 


•• 


iiii 


^^.■■;14'^ 


Deo  Salutari  noftro'.prœoccupemus  fociem 


^*TI 


ejuô  in  confeffi  o  ne,ôt  in  Pfalmis  jub'i- 


1  e   mus     e       1 


I.  toni. 


e   mus 


v^eni 


OFFICIUM   S.RAGNEBERTI  MAKTYRIS 

InPrimO  p  Anttphona 


lurniki*    ^  obil  iflim  i 


Duci  sRagdeberti 
m^ 


% 


■  ^  ^fJrS 


^ 


* 


1 


Ragnebertus    filius   nobilis    enituit  génère. 


ffe* 


W  ^  W  W|  mi 

Pfalm«s!l.  tcrj 


3 


fed  moru*  nobilior  honeftateBealu  6  virq.oati 


rC  ag  de  ber*tus  fiqui dem  Dux  inter  Sagonam  & 


Ligerim  totius  regebat  IVovinli  se  m  onar 


ifc 


& 


Secundi 


populi 


T1 


JBHalmus2. 


M 


med  itati 


« 


Toni. 


chia.v^  uarefremuerutgetej'.runt   inania. 


M^ 


fW*n 


3^iZ2Ë33: 


elinquitur  a  Pâtre   li aères  Ragnebertus 


IN  PRIMO  NOCTURNO  ANTIPHONA 


i^t?^ 


M 


•' 


"^•X  w  •  ^  >, 


V»i 


tHi 


rn  au  la  régi  a    àdRegisobfe  qtiium  qui 


Venuus  in  om nibus  fe  virum  politum     cundis 

SjI^k^Gloriâéc 

'         tii    Konore . 

ÇcOoronaftr 


^■^*>»:TU 


■  ■->Pfal3. 


toni 


exhibiiit  exprobatu.Dne  cjuid  multi.  eumDSe. 
DeEpillola  beatiRiuli  Apoftoli  ad  Romanos. 

Ledtlo  Prima.  _ 

iRATRES,debitores  fumus  no  carnny 
ut  fecundum  carne  vivamus.Si enim9 
fecundûm  carne  vixEritiS,iTioriémini;fj  autem-r 
fpirilu,facla  carnia  nîortifïcaveritis:VrvEtis.> 

Quicuque  enim  Spiritu  Deï  agtituriii  fut  filii Dei  .^ 
NÔ  enim  accepistis  fpiritufervitutis/iteru  in  timoré; 
fed  accepiftis  Ipiritu  adopiionisfitioru:inc|uoclamamus 
Abba,Fhter.lpfe  enimSpiritus  te^timonVum  recldit~ 
fpiritui  nofitro/cjliod fumus  filiiDei;fiautëfilii,&Lhaerede5i 
hœredes  quideDei:cohaerede5  aute Chrifti  J5i  tame  compa 
timurz'Ut&c^glorificemur.Exiltimo  enim  cjuod  nonfunt 
codignae  Rtuiones  tiujus  teporis:'ad futura  gloria  que- 
revelabitur  in  nobisNam  expeclatio  Creaturœ/revelatio 
nefiliorumDel  expédiât. Tu  aute  Dne  miferere  noilri. 


OFFICIUM   S.RAGNEBERTI  MARITYRIS 


iEteLur  n  oftra Mater  Ee  - 


\^:^^M'^ 


clefia  glorio  fi  Ragneberti  palmâMaF 


"^  l^|V 


m 


e 


tyrii      recelés  &  triumphu.  Jfesht  quem 


devotë  vene  ratur  in  terrisinterces- 


& 


MWftf1['    flÉ\y-*-M^^^ 


^ 


fore  habe  re  mère  a  tu r  in  cœlis  A.d  tan- 


ti  er  go  m  a  rtyns  prœconiu  praelèns  EjC- 

lemni  zet.Etauem 


lefia  lo 


IN  PRIMO  TSTOCTURNO  LEdllO  Secunda. 
■■■H  cimus  autem,quoniam  diligentibus 

JN     I  Deum*,omnia  cooperanturinbonum: 
iis  qtii  lèeundûm  propofitu  vocatif  uni 
Sandti.Nam  quos  prœfcrvit;ôt  prsedeftinavit  - 

eonfcrmes  lîeri  imaginis  filii  lui: ut  fit  ipse  pri- 
mogenitus  in  multis  fratribus  .Quos  autem 
prœdeliinavit.hos  ôtvDcavit;  6iquos  vocavit 
hos  ô^justijRcavit;quos  autem  justifîcavit  i  illos- 

(îiglorificavit.yuid  ergo  dicemus  ad  KfecTSi- 
Deus  pro  nobis  ,quis  contra  nos?  Qui  étiam  pi» 
prio  filio  fuo  non  pépercit,fed  pro  nobis  omnibus 
tradidit  iIlum;quomodo  non  etiam  cum  iilo  c\3 
oninia  nobis  donavit:  Quia  accusabit  adver^us 
élédlosDéi:Dcus  quf  justincat;quis  est  qui  con- 
denet:'  Chriitu/Sjefus  qui  moi'tuus  est.immo  qui& 
refurrexit;qui  est  ad  dexteraDeirqui  etiam  interpellât 

pro  nobis  II 

?«       _.      N 


T3 
O 


ufci 


^J%^rf^>^,jsj 


pe      g!  on  ofe  Martyr 


^-Vnf 


berte     de  votas    tua:  pie- 


bis  obfe  quiunn     iLt     tue       mterveni 


4*       8      4^ 

OFFICIUM  S.RAGNEBERTE  MARTIRIS 

^ 


ffite 


■W^i 


II* 


■*-»{* 


en    te       patrocinio  ChriftiDomini  mère 


m 


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I 


tur  gratiam  obtine  re 


J ! : ! ! 


6 


Obti  ne  Populo  tu  6   ut  quo  d  devo  - 


t 


*^-^ 


W:^^1\^S 


tè   petit,    effieâciter     confe  qua        tur 
Lectio  Tertia-i^ 
uis  ergo  nos  feparabit  à  ChàritSte 
Chrifti:tribulâtio,an  ang(jftia,an 
famés, an  nuditas.an  periculum,an 
perfeculican  gladiu3;Sicut  fcriptum 
esl:'ouia  propterte  mortificamur  tota  die,asftima 
fumus  ficut  oves  occifii^nis.Sedin  his  omnibus  Tupe 
ramiis:  propter  eum  qui  diléxit  nos.Certus  fum 
enim;qui9  neque  mors.neque  vita,ne(jueAngelr, 
neque  Principatus,  neque  virtutee  , neque  inftantia 
neque  futura, neque fortitudo, neque  altiliïdo.iieqw 

profudù,neq;creatura  alia  poterit  nos  feparâne  à 
charitate  Dei:'qiia?  est  in  Christo  Jefu  Dno  nostTO,.T 


^  9-  ^ 

IN  PRIMO  NOCTURNO  RESPONSORIUM 


B    e  ne  diclusDeu  s  qui  tant  3e     pi   e- 


5M 


%'^^^-»^5 


tatisjn-tu-i-tu  nosrefpexit.  Ut 

■mV — ■ 


P^  ^  ^■:i^' 


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^ 


■'Wf^ 


fïbi  thelaurizare    cligna  r^ui* 


fitans 


Cjrloria    Patri .    ôcFilio     6c  Spi- 


rit  ui    fandlo.  Ut     apud  nos. 


•<^  lO.  *$»- 

OFFIGIUM  Ô.RAGNEBERTI  MARTYRIS 


«^  Wf'  lui 


A''.  M  ♦  «^ 


3± 


InSeeundo 

Noc 

turno 

Ant.  KJA-gax  in  eonnliis ,provicIu5 in  a- 


V 


il 


1 ^^^^ L 


i 


géndis  negotiis  ^  circa  regnî  ne  g  o    tia   loi  - 


lh*>^    "^ 


W 


Pfal 


mua 


lieitus  vigilQ  bat  v>ûm  invocarefn4..t. 


Anliphona. 


N 


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I     ^m:<'\^'^ 


3Î 


vJppmîis  fuf&agi  u  ni ,  afflîetiô  patrooi- 


y^^titf^^ 


nium,  lufti       tiamfëper  habens,pr»8e  ocu- 


W 


Aniipho 


•       • 


Kmm%^^' TCalmue. 


lis  impendeba^ 


.^.t.  V  i    duisôc  orphanisL 


nufquam  de  wit,fublevatjorpauperum,&mifo 


-^ 


II-         4* 

IN  SECUNDO   NOCTURxSrO    ANTIPHONA 


■■•^^♦^■■^■■ÎZr'"^^" 


wpm. 


c 


j'oru  prapitius  confolator.DneDnis  nofter  6. t. 

\^erÇusyoce  meâ  ad  Dominum  clamavi. 

Ri.  Et  exaudivit  me  de  monte  fancto  fuo. 

ïncipit  Hifloria  Tranflationis  Sancti  Ragneberti 

Martyris..        Lecftio  Quarta. 

Ùm  à  pluribus  Marfyrum  et  ConFefiorum 
varia  (^tormentorum  â^  Fknionû  gfânei^a- 

litteris  comendantur*;animus  auocjue  nofter  in 

partem  follicitudinis  ingredi  ge"(lit,ôtmoni mentis 
tradere:quomodobinQ  Mundo  fulg>?ntia  fyderù,- 

inelytus  nempe  Martyr  Ragtiebertus;<xegregius 
ConfeflorDomitianus  ad  nos  pefvenerint:locun> 
que  noftrum  CC  Gentem  fuis  corporibus  nobilitaveriut 
Et  quamvis  eorum  merita,cCMiracul^rum  quae  op- 
cratifunt  iniignia,&,fnulta,ôc  pêne  infinita  numeréntuij 
aliqua  tantum  altlng'imus;necui  autoner6fi,auting'rali 

videamur.Nec  aliquis  mirari  débet;  qtiod  cuni  nofatis 
Romane  valeamus  eloquio:  tanta  aggrediamur  ma- 
terlam.Kam  eninjeo  animo  trac[imua;Ut  quis  nobis 
intellecftu  potior,ôteloquetia  major  lArnobiusAvisRhetor 

a  ut  Herodotus  facudiafuâ  ôturbanitateftores  detribih 
lis  ôcRoftis  defpinis  elig)3ns;Tranflationem  Sanctorum 

prœfatorum,quam  nosftilo  admodùm  rudi,6^inc(» 
dito  damusinectareâ  duleedine  impofterois  traducat. 
Tu. 


^  12.  ^ 

OFFIGIUM   S.RAGNEBERTI  MARTYR IS  . 


Reipo  nfo  ri  u  m  4*  * 


JËbb 


ro       ini   nequ  i    tia     in 


idi 


VI  a  1  a  . 


ftimu  lante  innoeens^ôimundocor    de  in 


"  rJ^^V  ■ 


eat»cei»em     int  ru       ditur.Jtj*t  ita  ad  tem - 


Et 


• .  —• 


^ 


•     • 


t 


•     » 


us  vita  mox futuro  martyri       eon 


^^^^^^^ 


tur  Ut    fi 


per  oonvei^ti 


on  em  humanœ  fragilitatis    ad  miferat  ,per 


"~'^""         •""~'''^~        -«"î""^ 


w-* 


pœnûm,capeei*is  pur    ga  r  e 


ixjirEi  *it 


i3.  *^ 

IN  SECUNDO  NOCTURNO  LEGTIOquintâ 

ostquam  ClodovaeusFrêcoru 
Rex  nefario  aufu  braehiu  Sâ(^i 


Dionvfii  Martyris  amputavit;t^- 
quam  his  fatis  fortuna  eoru  oocu 
bufffetï'omnia  in  pejusFpâcis  fublapraRint 
Ità  ut  régal is  dignitas  ad  Procèdes  éevenen\ 
penès  quos  ei*at  tortuna  rerum:  atque  adeb  in 
oulam  remam  dominabanlur.Et»atintereos. 
Et)j*oïnus,cujus  prœter  cœteroseft  nobilitata 
cfudélitas.Is  disjedli5fooiis;adeb  ônia  potuit; 

ut  1  neodorici  Regris  nomme  ipie  regnaret, 
Sed  FraneiTheodoricum.qubdtyrannic^  re- 

Q-eret,ë  r»eg*no  expulerunt;ôtEbroïnu  prop 
tj^t»  nequitiam  OCverfutias  :Monaft.enum  in- 
gredi  coèg'erunt.Qui  fndtus  Apoftatajd^fpiri- 

tu  mëdacii  feducftus  ;qui  eum  duos  ÔCviginti 
totos  -annos  viéturum  anerébatlMonaftério  eoF 
essus;  in  Fidèles  debaeehar'i;R»oGer«s  dignîtatibus 
priva re; et eorum  c^uos  necjuitiœ  .fuse  adverfarioa 
ûr»Ditr»aDatur:vei  bono  puDlîcape;vel  iis  aqua" 

6c  igm  interdicereîAlii  [quod  Apoftplus  de  Pi- 
délibus  nascéntis  Eccleiise  dixit;] distenti  funt: 
allii  verôludibria  iiCverbera  expérti;  infuper 

Ôtvincula  Q-oarceresuedti  funt;tentati  funt: 
in  oeoiiidne  giadii  mortui  funt.Hâo  autem- 
eriecutioniô  lœviénte  procella;EbroïnUiS~ 
SandtumRag'nebéptum  Ragdebérti  inclyti 
Dueis  FiIiuLut  potè    Chriiiianum  perimere 

jliiTit. 

33 


4*  ^'^'         ^ 

OFFICIUM  S,RAGKrEBERTI  MARTYRIS 

juHit.Cijm  autem  in  dies  magis  ac  mao-is  - 
lœvii'et  nequiffimus  ille  ;  jufto  Dei  judieio  :- 
ab  Hermanfredo  milite  ,  turpifftma  mon 
te  iViterAeitur».  Ut  de  ejus  niodi  pecea- 
toribus  prœcinit  reg*i us  va tea  ;  Mo r» s 
pecoatopum  peiTima  ;' morteq-ue  lecundii 
damnatuiS  ;  œternis  i^nibus   inScipatur: 

Ut*de  ejus  interitu  narrât  fiistoria  . 


ri  cors  6(  mife  r  a- 


torDo    m  inus  Athletœ    fui    m  or- 


temd 


'  V..  tA"-" 

iiferri    vo     1  uit.    Ut    probatus 


pei^ 


caroeris  près      f  u  r  a  m  digrius 


înveni     re  tur  coniorti 


o  civi  um 


IN  SECUISDO  NOCTUR'MO  RESPO'WSORIUM 


I 


fuper  n  o 


^^^ 


HH  m  i 


rum 


JBo 


num 


certa 


me 


m^b[  M^:i^''if1'^''|fW^:/%^ 


certavit^eupfij  cofumavit^fidem  ferva  vit -Ut 

LectioSexta, 

UNG  têporis  unus  ex  lllis  quitus 
.  lEbroinusoeulos  eflS>derat;in  itifula  lug^ 

■■lclunenfisR^viriti8e,qu8B  l^Sacta  Barbara 

nomen  accepit:^diverfabatur»..Qui  eu  m  noete  inte- 

peilâ  adripam  Sag^onsenuminis^orandi  gratiâie  re- 

cepiiiet;audivit  navigatium  impétum  vi  braoKîorum;Wmis 

cretrius  acftis  illius  rlurninisfuperâtiurntsirditatem  Cùm 

que  interTogaret,qub  navlcriu  lliud  pix)perarét:vox- 
m  auribus  ejus  ina  percrebruit.Ebi^ïnuô  elt  que- 
ad  inreroô  dereriniusiinquiDusicélerû  pœnas  rn  seterrm 
luet.HaeeConfôlloriIleChrifti  aceepit  in  côiolatione 
propnam;écut  iritelligepet  qu2e  pœnœ  bonoru  perle 
cutores  expedtentratque  adeb  ut  implei^étur  'illud  - 
nalmiftœ  vaticinium;  Lsetâbitur  Tuftusicùm  vîdcrit 
vindidlam .Miles  otite  qui  Dei  ,àc  totius  Relicrionl^  - 
eofecerat  nolteHebroïnum;ad  Rpinum  fuoiene:  ' 
moptis  evafit  perieuIum.Rpinus  lIleFilius  erat  ,. 
Ancnilœ  prlncipis  romànI;&RiterCaroIi  martelli;' 
Carolus  martellus  génuitRpinu  patrë  Caroli  magiVi 


OFFICIU  S.RAG^EBERTI  MARTYRIS  . 

Imperatoris  a u gtiftiffi mi , H aec  deRegibua 
&C  R'inoipibus  prasuDalû  ;  ut  cyu  i vis  intellig'fit 
C|  u6  tem  pore ,  6c  Cj  uo  Pri  n  ci  pe  1  m  pe  r  ante  :  lortif- 

Çimus  Chrlfli  Athléta  RAGNE B E RTUS . 

oocubu0i*it.  lam  Ut  Corpus  ejus  ad  nos  ut 
tranflatumf'expliceiTîus.Tu  aute  Domine 
miferére  noftri.  Ç?.     Deo  aratias. 

efponforium  Sextum. 


cce 


verelfra  ë     lita.in    cjuo  dolus 


4* 


17         ^ 

IN  SeCUNDONOCTURNORESPÔSORIUM 


m  ^'   . ^ 


Patri  , 


(3i    Fi  1  i  o  ,6cSpi ri  tu  i    fanéto.  Et  eoeul 

In3?ÎJo<Aurno    ^  ^  M  m 


^fe3-i 


V 


& 


tt. 


•tt^ 


\riTlb 


Xan  dem  contra  eum  aliciuoru  In  citatur 


♦ta 


1  nvidia ,  ÔC  per  impoli  tione  criminis  additur 


II 


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W^TI 


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♦1 


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vir  exiliOjiLbroini  tyrani  nequ  i  ti  a  procu- 


*#* 


iJL*Pfal.     7.  t. 


Aiiti. 


rante  InDîîo  eoudoJDiiponetetamel^i 


4 


ï 


miferi  eopdiaR*œlulisAu  doe 


%>in  ^< 


fi- 


'^  18.  4^ 

OFFICIUM  S.RAGMEBERTI  MARTIRIS 


yfs 


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V^"  '%i^ 


m  m 


lio    de  truditur»  in   car  eerem.ut  vita 


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B 


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eorpor»!   aliquan  di  u   anima  De    o     in 

Il H ^n-WHi ■  *  M 


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VI 


*PfaI. 


•ron{ 


>er»petuu  coniervetun.  Une  cjuishabit.. 


Anti. 


^ 


Ineareere  enim  detentus  per  aliquantu 


tempus  pur  o'avit  maculas,fi  cjuasoontraxe 

Jumtias  dilexit. 


at     6  m  udanis.ilne  invirtu.'è.t:v'ultus  eius. 


•J 


L  e  cflio  Septiitia . 

Lecflio  San(fti  Evangeliii'fècudÛ  Mattliasu. 
In  illo  tempore:  dixit JefusDifcipuIiifuis.'Mihil 

eftopeVtum  quod  non  revelabitur:'&  occulium 


*^         lo.        -^ 

INTERTIO  •MOCTURNOLecdioSeptîma  . 

quod  non  fcietui».  Et  relîqua. 

Homllia  Sandli  Hilàrii  Epifcopi. 

OMINUS  diem judicii  ofcendit , 
quae  abfkifam  voluntatis.  nottrse 
confcientiarn  prodet;<Sceac|uaeiiunc 

occulta  exiftimantur/luce  cognitioms 
puUicae  déteget .Igitur  non  minas;  no  confilia  ; 
non  potellates  iiifed^antjum  moneteffemetuen- 
das;quia  dies  judicii  nulla-hascfuiffer'atque  inanîa 
revelabit.Et  quod  dicovobis  in  tenebriô,dicite 
in  Iumine;&  quod  in  aure  auditis:'  praBdicate 

fuper  te<fta:*Mon  legimus  Dommun  folîtiim  ^ 
fuiffe  noctibus  fermocinafi  Adoétrinam  in 

tenions  tradidiffe;  fed  quia  omnis  fermo  ejus 
carnalibusrtenebrae  lut:' &  ver  bu  m  ejus  infîde- 
libus  noxeU.  RefpoiifbriumSeptimum. 


^S 


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5îS^ 


a       cet   juxtà  faroi  nulaReliqui  - 


a» 


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arum  le       pus  intrepidus  ea    nibus 


latran  tibus  a  remotis  Ly 


ornes  ve    ro 


OFFICI 


lîJMS. 


20.  4* 

RAGTGBERTI  Martyris 


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à^    fu   i    ad  ipeétaculu  concurrerunt 


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Lu 


cerna 


la  tens   fub  mo  dio 


ita  lupepoa  delabrîi  ponitur  ut  luceat 


Bfu'^r^\iPhsfciB 


Un  i  ver  "fis.  G  ornes  ve    i*  o. 

ILedtro  ocStava. 
taqwe  id  quod  à  fe  di  Aum  ell  jculioertatc 

fidei&  conPefltoms:VuIt  efle  loquedii  Jdcîrto 

quae  mtenebrts  dictafuntjpraedicafi Juffit  în 
lumîner'Ut  quap  fecreto  aurîum  coinnii/Ia  fuiit; 
fuper  teda:  ideft  excéllo  loquentium  praecomo 
audianlur.  Conftantei-enimDei  ingeretida  cog 
nitio  eft"  ;  et  profundum  doctrina?  Évangelicae~ 
fecretutTj.'in  JÛmine  pi^afdicationisApoftolicaB 
révéla ndum;  nMimetes  eoô^quibus  eu  fil  licentia 
in  corpora;  tame  m  a«niia  Ju^nullueft/fèdtîmetei 

potiu5  Deu  ;  oui  perdedae  mgenenaiÂanimae&cor^v 
ris  fit  poteflras.  - 


iTIO  > 


21.         *y 

INTERTÎ&  NOCTURNO  RESPONSORHJ 


pÉ:^>^*y|^,^ 


D  ho  no      r»em  D  .e 


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6tMartyris  obféquium  , 


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in  teftimo  nium  veri ta  ti5,ftetitunda 


^;r*i<;%,,;  ji:^ 


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flu       ens  iter  prsebens  populo   terrse. 


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Utenarrentmirabili  a    Creato  ris. 


OFFICIUM  5.RAGNEBERT1  MARTIRIS 

NL  e  dlio  no  na , 
olite  timere  eos  qui  occtdunV  corpuô. 

Nullus  igitur  corporum  noftrorum  cafus^ 
eft  pertimefcendusjnequeulluô  interimeVi  - 
(la?  carnis  admittendus  en:  dolor/quâdo  pro 

natuVîe  fuae  ;  atque  origîniô  coditione  refoluta: 
m  fubftatiam  fpirituâtis  anima?  refundatur. 
Et  cjuia  doctrinîs  talitus  cohfmaios  ;o-portet 

li liera  cofitedi  Deî  habeVë  côltàtiam:  etiam  con- 
ailione,quâ  tenej^mur,adjeclt;  negaturum  ft 

eum  Patri  in  caelis:'qui  fe  Iiominious  in  terra 

negarfet^eum  porro  qui  cofefTu  s  cora  Kominibus. 
fe  fuirret;àie  in  cœlis  c25ntedu*,  quaiefque  nos  nomm 
fîii  teftes  bomin'ibus  Kiiffemusttali  nos  apudDéutn 

Patr^  iefti  m  ônio  ej u s  Ufu  ros .  Refponforium  9 . 


ANC      TE  RAONB 


BBRTE  CHRISTI 


Mar  tyr    au  di  pocrantes  ^er*-^ 


ai  rogantes  fer- 


*^^^J^h^J 


-vuios 


im  pe  tf»a  tam  eœ  - 


litùs  tu   de 


Fer  indu Igen 


^  ^3-  *^ 

ADPROCESSIONEM     RESPONSORIUM  9 


tiam 


O  Ragneberteiydu5  aureum 


Domini  gpatiâ,-(eiA^oru  gemitus  fol i ta 


I     i^  ^  W      '  ^^    m  '    ^ 

fufcipe      olemén 


tià  E    t.      "5C^ 


G  lo    riàPatrl,(?l  Fi  lio,  ô^Spiri        tu- 


1 


fan  cfto.     Et  3^  -Al  pepi  oatuiim 


in   o  ra  ti   onenn,â^ppodeli(ftisnoilpia   • 


depra      ea    re.Etr-Sieut  e  patin  ppin- 


cipio,  6t  nune,&  fempep,6v,in   laeeulQ 


fae  eu  lo 


pum 


OFFICIUM  S.RAGMEBERTi  MARTYRIS 


ona. 


B 


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arata   fedes    nseeeft  a 


f  aeeulo  beato  martyri  K  agneberto. 

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Antîphona. 


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Euo  uaci.t.  lubiletomniis  terraDômino 


in  IsB  ti  lia  qui  locu  iitu  Ragnebertomar 


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tyri  pr8eparavit.EuOU  âeJLjabiis 


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exultationis  laudemusDomu  quidignatuseft 


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in  loco    iit  o  tnei  aurizare  corpus  fui  m  a 


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^  25.  ^ 

AD  LAUDES    ET 'VE'>S FERAS. 


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tji^risR  ag-neLerti.Eu  O  u      a    63.  toni. 


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A^titiphoriQ. 


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e ned i c at An aeli Do i nu  Atliletae   Rag-ne  - 


bertiiulcipient 


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IfiS. 


euou'  a  e. 


juvenefi  ôtvirp'ines  laudëtnomeDomîni,  àfo 


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incnor  dis  (k  or    aa'no  Ragneoer   ti         p 


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trocinium  invoc  ates.Jjj  U  O   U    £1    C^C.  t. 

BCapitulum. 
onum  certamcn  oertûvj,curlum  cqmummavî,iioei™  icr- 
vQvi;In  reliouo  repdlita  éllmtni  corona  Juiutio;  auQtn  reddetmilM 
Dôminus  in  illa  dtejultus  Juclex;non  lolu  autem  mini  :lecJ& nié 
qui  diligunt  adventum  ejusJv.âtola  jocuditati&^.Indiiit  euDiifi. 


^  26.         ^ 

OFFICIUM  S.RAGNEBERTIMARTIRIS. 

>  BEWEDIOTUS    ANTIPHCNA. 


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agnebê'rti  invidjuimi  maigris  lolem 


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nitas  hodierna  ill uftris   d  i  e  tri  uplio    Paf  fi 


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ui  Franoi  se  nobi 


liDusort4as  nata  li  dus  . 


Galliaru   eii 


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ugnibus  viftutu  6(.egregiè  eum  Clirifto  vidlor 


iignious  viiH 

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Canticum. 


quia  vili 


\ît  tu.  f«eit 
reaepnotiem 


exul  tat  BenedidtDnsDeuslfraël-i-pIe    bis  fuserl 

LJmnipôtentffempiierneDeuSquî  nunc  diemoeatiRûgnebeA 
Maf^^n^is  t^uîTR^ariflationefacri  corporis  declicaft.i;ou'ique 
eum  diveîrfîsMiracultS  declarâftî  :'  prsefta  nolois  ;  nujus- 
fittroni  {uifraffantibus  mentis:  ad  lupernae  Kcereditalis 
pe  rve  ni  re  ccnf orli  um  .^r  Dîi  m  n  odr u  m . 


27 

AciTertiam.CapitulumBeatus  vlrquî  fuFfert  titatioif, 
quonia  eu  probatus  fuent,accipîet  corona  vitœ'quarepromlft 
Deu5  diligentitusfe.Çci^fuirtî  Dne  fuper  caput  ejus.  ij. 
X'iCoronani  de  lapide  pretiofoJl>fuîrt3c^GloriaRtriBfuif^^^ 
W.Glorii&ihonore  coronafti  euDneJg^^t  coftituîftîeufuper 
opéra  manuutuaru.Oratio.OiriMÎpotens  utfuprà  pagina  26. 
Âd  Sextiun,GapitAilu.Beatu5  vîr  qui  invetus  eft  fine  macula 
^  (juî  poftauruttî  non  atîit^necfperavit  m  p^cwma&tKefauris; 

qoîs^ft  kic,<&laudaT3Îmu5etJ:fecîtenim  inlrafcilîa  învitafua- 
R.Gloriâ  &  liOMorc  coronafti  euwD^omîne.ijO^Z^Etcolhtuifn 
eu  fuper  opéra  tnanuum  tuaru.GIonâ&.ho.OIonaRtri\Glona&*. 
^C^^^agna  eftglorîa  ejus  în  Alutantuo.^GIoria&nriagnuclecorï 
împones  fuper eum.Oratîo.Ecclefîam  tuam  Domîne.gusîfumus 
teati  Raffnebertî  Mar^rîs  tui  continua  pi*oteâîone  cuftodi-,ut 

/cciit  illum  Riffio  pro  tuo  MomÎKie  glorîofum  errecitiîla nos  ejus 
îtttercefno  mtiro  (èmper  fàciat  arnore  ferventes. ïWDîïm. 

AdNonam.Capitulum.Bonum  cçrïàme  ccrtavî, 

curfum  confummavi,fîdemfervavi;în  réliquo  re^fitaeftv 
tnilaî  corona  Jultitias^quam  reddet  mî  ni  Domînus  in  {Ha  die 
juftus  Judex5  non  folu  aute  mini  :  ied(^  Kîs  qui  diligwtgdvetum 
eja5.Ç:.Niagna  eft  glorîa  ejus  în  falutarî  tuo.ij^îTGloriam. 
6k  magnum  decorem  îwpones  fuper  eutn.  Xlagtia  eft. 
^ Gloria Bitn, et  filîo^&Spiritui  fatl<f^o.    M^agwa  eft. 

y.Stolà  joctinditatis.Çr.Induit  eum  D?i s.Oratio.Ôre mus 
i^uxîlium  tuum  notîô  quasfumus  J)omine,ptacatus  impende; 
&  interccdente  teatoRagnebérto Martyre  tuo:'dexîerawi 
fuper  nos  tua?  propitîatîonîs  extende.l^rDnm. 


29 


PerAnnumAd  Benedidus  Anti'phona. 


S 


an  cfteRagneterte  martyr  Domini  glorléfe, 


•        4.  tohi.     • 


Magnifi.C  *fip— 

AntipJi.   OancteRa 


adeftb  noftrfsprecituspiusdpropi  tius^enedidus 

Infecundis  B— 

Vèfperis  Ad ^.       •  ^  rt  Ji^fli[  ^:  i^".  «  ■!— 

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equtincœlis   Ise- 

nft — 

it  ^  ^  M  M  É 


bert 


tan5  cumAngelia  vidëdo  fa    ciem  Créa  loris, 


in  tercedepronobisUt    mereamurDomin 


reddere  KoltiamlaudisM  agnificat  anlmameaDnmi.t. 


DIE    V    OCTOBRIS 

IN    FESTO   MIRACULORUM 
SANCTI   RAGNEBERTI   MARTYRIS 

OMNIA  DICUNTUR  UT  IN  DIE  TRANSLATIONIS 
PRiETER   LECTIONES   QUiE   SEQUUNTUR 


IN   SECUNDO  NOCTURNO 

LECTIO  QUARTA 

Cum  igitur,  impio  principe  Ebroïno...  etc.  CVoir  la  suite, 
alinéa  7,  de  la  Légende  de  saint  Rambert).  Tu  autem 
Domine,  etc. 

Respons.  —  Ebroini  nequitiâ,  invidiâ  stimulante, 
innocens  et  mundo  corde  in  carcerem  intruditur.  Et  ità  ad 
tempus,  vita  mox  futuro  martyri  conservatut.  Ut,  si  quse  per 
conversationem  humanae  fragilitatis  admiserat,  per  pœnam 
carceris  purgaretur.  Et  ità,  etc. 

LECTIO  QUINTA 

Tertio,  itaque,  die...  etc.  (Voir  la  suite,  alinéa  8^  de  la 
Légende  de  saint  Rambert).  Tu  autem  Domine,  etc.. 

Respons.  —  Misericors  et  miserator  Domînus  athletae  sui 
mortem  difTerri  voluit.  Ut,  probatus  per  carceris  pressuram, 
dignus  inveniretur  consortio  civium  supernorum.  Bonum 
certamen    certavit,    cursum  consummavit,  fidem   servavit. 

Ut,  etc. 

14 


SyO  IN   SECUNDO   NOCTURNO 

LECTIO  SEXTA 

Gum  autem  pervenisset...  etc.  (Voir  lasuite^  alinéa  p,  de 
la  Légende  de  saint  RambertJ.  Tu  autem  Domine,  etc. 

Respons.  —  Agmina  sacra  Angelorum  Isetamini  pro  concive 
vestro  Ragneberto,  De  quo  gaudet  Christi  Ecclesia  féliciter. 
Et  exsultat  gaudenter.  Ecce  verè  Israelita,  in  quo  dolus  non 
est.  De  quo,  etc.  —  Gloria  Patri  et  Filio,  et  Spiritui  sancto. 
Et  exsultat,  etc. 


DIE    X    OCTOBRIS 

OCTAVA    TRANSLATIONIS 
SANCTI   RAGNEBERTI 

OMNIA    DICUNTUR    UT    IN    DIE    FESTO,    RITU    SERVATO 
PRiETER  LECTIONES  QVM  SEQUUNTUR 


IN    SECUNDO    NOCTURNO 

LECTIO  QUARTA 

Haec  ut  audivit  Comes,  etc.  (Voir  la  suite ^  alinéa  lo^  de  la 
Légende  de  saint  RambertJ.  Tu  autem  Domine,  etc. 

Respons.  i.  — Ebroïni  nequitiâ,  etc.  (Vide  suprd). 

LECTIO  QUINTA 

Nec  illud  praetereundum,  etc.  (Voir  la  suite,  alinéa  1 1,  de 
la  Légende  de  saint  RambertJ.  Tu  autem  Domine,  etc. 

Respons.  2.  —  Misericors  et  Miseralor,  etc.  (Vide  suprâj. 


IN   PRIMIS  VESPERIS  ANTIPHONA  Sjl 


LECTIO   SEXTA 


His  auditis,  Cornes,  etc.  C^oir  la  suite,  alinéa  12,  delà 
Légende  de  saint  Rambert).  Tu  autem  Domine,  etc. 

Respons.  3.  —  Agmina  sacra,  etc.  C^ide  suprà). 


DIE    XIII    JUNII 

IN    FESTO    NATALI 
SANCTI    RAGNEBERTI    MARTYRIS 


IN  PRIMIS  VESPERIS.  ANTIPHONA 

Parata   sedes,   etc.  (Cum  reliquis  de  laudibus^  in  festo 
Translationis). 

Psalmus.  —   Dîxît   (cum  reliquis  de    Dominicâ,   et  loco 
ultimi). 

Psalmus.  —  Laudate  Dominum  omnes  gentes,  etc. 

CAPITULUM 

Beatus  vir  qui...  etc.  —  Comme  aux  i^*  Vêpres  de  la  fête 
de  la  Translation.  —  %  Deo  gratias. 

^  Ora  pro  nobis  béate  Ragneberte. 

A-  Utdigni  eflBciatnur  promissionibus  Christi. 

AD  MAGNIFICAT.  ANTIPHONA 

Ave  athleta  gloriose,  etc.  (Comme  aux  /"•    Vêpres  de  la 
fête  de  la  Translation). 


372  IN    PRIMIS   VESPERIS   AD   PROGESSIONEM 


OREMUS 


Sit  nobis^  Domine  quaesumus,  Beati  Ragneberti  Martyris 
tui  festum  charitatis  augmentum;  ut  sicut  eum  recolimus 
martyrio  ad  te  pervenisse  :  ità  nos  quoque  tibi  commendet 
acceptos  ejus  gloriosa  confessio.  Per  Dominum,  nostrum. 


AD  PRIMAM  PROGESSIONEM 

Respons.  primum.  —  Lœtetur  nostra  Mater  Ecclesia,  etc., 
(Vide  suprà  ad  Matutinum  I  Noct.^  in  festo  TranslationisJ. 

OREMUS 

Ecclesiam  tuam  Domine,  quœsumus,  beati  Ragneberti 
Martyris  tui  continua  protectione  custodi;  ut  sicut  illum 
passio  pro  tuo  Nomine  gloriosum  effecit  :  ità  nos  ejus 
intercessio  in  tuo  semper  faciat  amore  ferventes.  Per  Domi- 
num  nostrum. 

AD  SECUNDAM  PROGESSIONEM 

Respons.  2.  —  Suscipe  gloriose  Martyr,  etc.  (Vide  suprà 
ad  Matutinum  I  Noct.^  in  festo  TranslationisJ. 

OREMUS 

Auxilium  tuum  nobis,  quœsumus  Domine,  placatus 
impende;  et  intercedente  beato  Ragneberto  Martyre  tuo  : 
dexteram  super  nos  tuae  propitiationis  extende.  Per  Dominum 
nostrum. 


IN   PRIMIS   VESPERIS   AD   HTMNUM 


373 


HYMNUS 


Digno  canamus  modulo 
Ragneberto  sanctissimo 
Recolentes  jubilo 
Coronatum  martyrio. 

Te  Christi  martyr  poscimus 
Succurre  nobis  omnibus. 
Et  vota  notra  suscipe 
Pietatis  juvamine. 

Ab  ostium  insidiis 
Te  duce  simus  liberi, 
Fraus  inimica  décidât 
Quam  tua  virtus  comprimât. 

Ragneberte  sanctissime 
Laudes  nostras  fer  in  cœlum, 
Patri  Deo,  ac  Filio, 
Nec  non  et  Flamini  Sancto. 


Cujus  nos  virtus  protegat 
Incessanter  et  muniat, 
Accendens  nostra  pectora 
Spirituaii  gratiâ. 

Exoret  tua  sanctitas 
Quod  prœstet  aima  Trinitas, 
Ut  perfruamur  gaudiis 
Permansuris  in  sacculis. 

Sit  laus  Patri  cum  Filio, 
Sancto  simul  Paracieto, 
Nobisque  mittat  Filius 
Charisma  Sancti  Spiritus 

Amen. 


HYMNUS 


Facta  festivis  tua  Ragneberte 
Sanguinem  fusum  celebramus  hym- 

[nis. 
Et  tuos  laeti  canimus  jucundâ 
Voce  triomphos. 

Te  genu  flexo  venerande  Martyr  ! 
Ad  tuas  Aras  humiles  rogamus, 
Nostra  devoto  tibi  (acta  fletu 
Suscipe  vota. 

Quaesumus   nostras   fer    in    astra 

[voces, 
Flecte  profusis  precibus  Tonantem, 
Ne  reus  justas  patiatur  Orbis 

Criminis  iras. 

Prode  quas  nobis  inimicus  artes 
Injicitp  nostras  cupidus  ruinae, 
Atque  vesanos  meliore  dextrâ 
Comprime  nisus. 


O  Dei  Martyr,  bone  Dux  tuorum. 
Fac  ut  iniernœ  procul  hinc  Pha- 
langes 
In  suas  fractae  redeant  Cavernas, 
Orbe  relicto. 

Nesciat  durum  plaga  nostra  Martem, 
Nullus  armorum  sonus^  aut  tuba^ 

[rum, 
Terreat  mentes,  vel  iniqua  ssevae 
Mortis  imago. 

NuUa  devastet  &ta  nostra  cœli 
Dira  tempestas,  rigidumque  frigus, 
Nec  suo  vites  teneras  adurat 
Syrius  œstu. 

Nostra  mens  nuUas  Veneris  sagittas 
Sentiat,  vani  nec  Amoris  ignés; 
Sed  Dei  tantum  maneat  sacratis 
Persita  flammis. 


374  ^^   MATUTfNUM  INVITATORIUM 

Solve  nostrorum,  Pie  Ragneberte,  Gloriam  Sanctse  Triadi  canamus, 

CriminumnexuSfVeniamprecando,  Cujus  œquali  stabilita  nutu, 

Ut  tuîs  tandem  precibus  fruamur,  Tota  cœlorum  simul  atque  terrse 
Munere  divum.  Machina  substat. 

Amen. 


LE    3    OCTOBRE 

A  LA  PROCESSION  DE  FONTCHAUT 


Sequentia  sancti  Evangelii  secundum  Matthœum.  In  illo 
tempore  :  Dixit  Jésus  discipulis  suis  :  Nihil  est  opertum 
quod  non  revelabitur,  etc..  Coràm  Pâtre  meo  qui  in  cœlîs  est. 


AD    MATITUNUM 

Invitatorium.  —  Venite  populi  ad  collaudandum  Regem 
regum  et  Dominum,  qui  triumphat  in  Martyre  suo  beato 
Ragneberto.  ÇDuplicaiurJ. 

Venite  exultemus  Domino,  jubilemus  Deo  salutari  nostro  : 
prseocupemus  faciem  ejus  in  confessione,  et  in  psaimis 
jubilemus  ei.  —  Venite,  etc. 

Quoniam  Deus  magnus  et  Rex  magnus  super  omnes  deos, 
quoniam  non  repellet  plebem  suam  :  quia  in  manu  ejussunt 
omnes  fines  terrse,  et  altitudines  montium  ipse  conspicit. 
r— Venite,  etc. 

Quoniam  ipsius  est  mare,  et  ipse  fecit  iilud,  et  aridam 
fundaverunt  manus  ejus  :  venite,  adoremus,  et  procidamus 
antè  Deum  :  ploremus  coràm  Domino,  qui  fecit  nos,  quia 
ipse  est  Dominus  Deus  noster  :  nos  autem  populus  ejus,  et 
oves  pascuae  ejus.  —  Venite,  etc. 


AD    MATUTINUM    IN    PRIMO    NOCTURNO  375 

Hodie  si  vocem  ejus  audieritis,  nolite  obdurare  corda  vestra, 
sicut  in  exacerbatione  secundum  diem  tentationis  in  deserto  : 
ubi  tentaverunt  me  patres  vestri,  probaverunt  et  viderunt 
opéra  mea.  —  Venite,  etc. 

Quadraginta  annis  proximus  fui  génération!  huic,  et  dixi  : 
Semper  hi  errant  corde  :  ipsi  vero  non  cognoverunt  vias 
meas,  quibus  juravi  in  ira  meâ,  si  introibunt  in  requiem 
meam.  —  Venite,  etc. 

Gloria  Patri  et  Filio  et  Spiritui  Sancto.  Sicut  erat  in 
principio,  et  nunc,  et  semper,  et  in  sascula  saeculorum,  Amen. 
—  Venite,  etc. 

IN   PRIMO  NOCTURNO 

Antiphona  I».  —  Nobilissimi  Ducis  Ragdeberti,  etc.  C^ide 
suprà^  I  Noci.  injesio  Translai.J.  —  Psalmus  :  Beatus  vir, 
etc.  I.  t. 

Antiphona  2».  — Ragdebertus  siquidem,  etc.  (Vide  suprà^ 
I  Noct.  in  festo  Translat.).  —  Psalmus  :  Quare  fremuerunt, 
etc.  2.  t. 

Antiphona  3».  —  Relinquitur  a  Pâtre,  etc.  (Vide  suprà^ 
I  Noct.  in  festo  Translat.).  —  Psalmus  :  Domine  quid 
multiplicati  sunt,  etc.  3.  t. 

t-  —  Gloria  et  honore,  etc. 

4.  —  Coronasti  eum  Domine.  Pater  noster....  Et  ne  nos 
inducas,  etc.  —  Sed  libéra  nos,  etc. 

Deprecatio.  — Exurge  Domine  adjuvanos,etc. 

Suscipe  Adjutor  et  propitius  sit  nobis  omnipotens  et 
misericors  Dominus. 

LECTIO   PRIMA 

(De  Epistola  beati  Pauli  Apostoli  ad  Romanos).  Cap.  VIII. 
Fratres,  debitores  sumus  non  cami,  etc....  revelationem 
filiorum  Dei  expectat.  (Vide  suprà^  INoct.  in  festo  Translat.). 
Tu  autem,  etc. 


3  76  AD   MATUT»«UM   IN   SECUNDO    NOCTURNO 

Respons.  i.  —  Lastetur  nostra  Mater  Ecclesia,  etc.  ff^ide 
suprà^  I  Noct.  in  festo  Translata 

LBCTIO  SECUNDA 

Scimus  autem  quoniam  diligentibus  Deum,  etc qui 

etîam    interpellât     pro    nobis.    C^ide    suprà^   I  Noct.   in 
festo  Translata).  Tu  autem  Domine,  etc. 

Respons  2.  —  Suscipe  gloriose  martyr,  etc.  CVide  suprà^ 
I  Noct.  in  festo  Translat.).  Tu  autem  Domine,  etc. 

LECTIO  TERTIA 

Quis  ergo  nos  separabit,  etc....  quœ  est  in  Christo  Jesu 
Domino  nostro.  (Vide  suprà^  I  Noct.  in  festo  Translat.). 

Respons.  3.  —  Benedictus  Deus,  etc.  (Vide  suprà^  I  Noct. 
in  festo  Translat.). 

IN  SECUNDO  NOCTURNO 

Antiphona  I'.  Tandem,  contra  eum  aliquorum  incitatur 
invidia^  et  per  impositionem  criminis,  additur  vir  exilio 
Ebroïni  tyranni  nequitiâ  procurante.  —  Psalmus  :  Cum 
invocarem,  etc.  t.  7. 

Antiphona  2*.  —  Disponente,  tamen,  Dei  misericordiâ, 
Prassulis  Audoêni  consilio  detruditur  in  carcerem,  ut  vita 
corporî  aliquandiù  anima  Deo  in  perpetuum  conservetur. 

—  Psalmus  :  Verba  mea,  etc.  t.  8. 

Antiphona  3».  —  In  carcere  enim  detentus  per  aliquantum 
tempus  purgavit  maculas,  si  quas  contraxerat  e  mundanis. 

—  Psalmus  :  Domine  Dominus  noster,  etc.  t.  8. 

f.  Voce  mea  ad  Dominum  clamavi. 

4.  Et  exaudivit  me  de  monte  sancto  suo. 

Pater  noster....  Etnenosinducas,  etc....  Sed  libéra  nos,  etc. 


AD   MATUTINUM   IN   TERTIO   NOCTURNO  377 

Deprecalio.  — Ostende  nobis  Domine  misericordiam  tuam. 
—  Domine,  jubé  benedicere. 

Benedictio.  —  Deus  Dei  Filius  nos  benedicere  et  adjuvare 
dignetur. 

LECTIO  QUARTA       * 

Beatissimus  Ragnebertus  ex  praecelso  Francorum  génère, 
etc.  (Voir  la  suite^  alinéa  2,  delà  Légende  de  saint  Rambert). 
Tu  autem  Domine,  etc. 

Respons.  4.  —  Ebroïni  nequitiâ,  etc.  (Vide  suprà^  II  Noct. 
in  feslo  Translat.J. 

LECTIO  QUINTA 

Cumque  ab  ineunte  œtate  prudenter,  etc.  (Voir  la  suite^ 
alinéa  3^  de  la  Légende  de  saint  Rambert).  Tu  autem 
Domine,  etc. 

Respons.  6.  — Misericors  et  miserator  Dominas,  etc.  (Vide 
supràj  II  Noct.  infesto  Translat.J. 

LECTIO  SEXTA 

Qui  ex  infimo  génère  ortus,  etc.  (Voir  la  suite,  alinéa  4,  de 
la  Légende  de  saint  Rambert). 

Respons,  6.  —  Bonum  est  confiteri  Domino,  qui  se  dili- 
gentibus  tam  abundanter  retribuit.  Et  per  contumelias  et 
pressuras  eis  régna  cœlestia  largiatur.  Justus,  Dominus,  in 
omnibus  viis  suis,  et  factus  in  omnibus  operibus  suis.  Et  per, 
etc.  Gloria  Patri  et  Filio  et  Spiritui  sancto.  Et  per,  etc. 

IN    TERTIO    NOCTURNO 

Antipmona  I*.  —  Ragneberto  purgato  per  carcerem,  datur 
edictum  de  ipsius  morte  properandâ,  ne  palma  martyrii 
differretur.  —  Psalmus  :  In  Domino  confido,  etc.,  t.  7. 


SyS  AD   MATUTINUM    IN   TERTIO   NOCTURNO 

Antiphona  2*.  —  Ebroïnî  sibilo  serpentino  traditur  licto- 
ribus,  qui  deduxerunt  eum,  in  Bebronnas  confinium,  gladio 
feriendum.  —  Psalmus  :  Domine  quis,  etc.  t.  6. 

Antiphona  3*.  —  Percussus  gladio,  invocato  Dei  Nomine^ 
martyr  occubuit;  et  vitam  glorioso  transitu  terminavit.  — 
Psalmus  :  Domine  in  virtute,  etc.,  t,  5. 

LECTIO   SEPTFMA 

Leciio  sancti  Evangelii  secundum  Matthœum.  Cap.,  X.  In 
iilo  tempore  dixit  Jésus  discipulis  suis  :  Nihil  est  opertum, 
quod  non  revelabitur;  et  occultum  quod  non  scietur.  Et 
reliqua. 

Homilia  sancti  Hilarii  episcopi. 

Dominas  diem  judicii  ostendit,  etc..  et  verbum  ejus 
infidelibus  nox  est.  Tu  autem  Domine,  etc.  l' Vide  suprà, 
III  Nocturnum,  in  festo  Translaiionis). 

Respons.  y.  —  Beatus  vir  qui  suffert  tentationem,  quia 
cùm  probatus  fuerit,  accipiet  coronam  vitse.  Quam  repromisit 
Deus  diligentibus  se.  Hic  accipiet  benedictionem  a  Domino, 
et  misericordiam.  Quam,  etc. 

LECTIO   OGTAVA 

Itaquè,  id  quod  a  se  dictum  est,  etc..  et  animœ  et  corporis 
sit  potestas.  —  Tu  autem  Domine  (Vide  suprd^  III 
Nocturnum,  in  festo  Translationis). 

Respons.  <?.  —  Vir  inciytus  Ragnebertus  martyr  Domini 
gloriosus,  succensus  igné  divini  amoris,  constanter  sustinuit 
supplicia  passionis.  Et  per  immanitatem  tormentorum? 
pervenit  ad  societatem  Angelorum.  Cujus  intercessio  nobis 
obtineat  veniam,  qui  per  tormenta  passionis  suœ  seternam 
mèruit  palmam  et  sempiternam  coronam.  Et  per,  etc. 


AD   LAUDES   ET   II    VE€PERAS  879 

LECTIO  NONA 

Nolite  timere  eos  qui  occidunt  corpus,  etc tali  nos 

apud  Deum  Patrem  testitnonium  ejus  usuros.  —  Tu  autem 
Domine,  etc.  (Vide  suprà^  III  Nocturnum^  in  fesio  Trans- 
lationis). 

Respons.  g.  —  Sancte  Ragneberte  Christi  Martyr,  audi 
rogantes  servulos.  Et  impetratam  cœlitùs  tu  defer  indulgen- 
tiam.  O  Ragneberte  sidus  aureum  Domini  gratiâ,  servorum 
gemitus  soiitâ,  suscipe,  clementiâ.  Et  impetratam,  etc. 

Gloria  Patri  et  Filio  et  Spiritui  sancto.  Et  impetratam, 
etc.  Aperi  os  tuum  in  orationem,  et  pro  delictis  nostris 
deprecare.  Et  impetratam,  etc. 

Sicut  erat  in  principio,  et  nunc,  et  semper,  et  in  spécula 
saeculorum.  Et  impetratam,  etc. 

AD  LAUDES  ET  II  VESPERAS 

AD  LAUDES 

ANTiPHONiE  AD  LAUDES  (sicut  vi  Laudibusy  in  festo  Traits* 
lationis). 

Antiphona  ad benedictus,  sicut  in  Laudibus^  ad  «  benedictus  » 
in  festo  Translationis: 

AD  II  VESPERAS 

Antiphona  ad  ii  vesperas,  sicut  in  secundis  Vesperisy  in 
festo  Translationis. 

Aî^riPHONA  AD  MAGNIFICAT,  sicut  in  sccwidis  Vesperis^  in 
festo  Translationis. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


K      1 

CHARTE  DE  CONRAD  LE  PACIFIQUE 

ROT  DE  BOURGOGNE 
ET  SOUVERAIN  DE  LA  VILLE  ET  DU  TERRITOIRE  DE  LYON 

DEÇÀ  ET  DELA  LE  ROSNE 


€  L*Abbé  de  TIsle-Barbe  Heldebert,  successeur  de  Cumanus,.,  nous  a 
c  laissé  diverses  marques  de  son  administration  qui  ont  conservé  sa 
«  mémoire.  La  première  est  une  charte  de  Conrad  le  Pacifique^  roy  de 
«  Bourgogne  et  Seigneur  Souverain  de  la  ville  de  Lyon,  elle  est  de 
c  Tan  neuf  cent  septante  et  un,  qui  doit  être  le  premier  de  TAbbé 
«  Heldeberty  lequel  faisant  le  serment  de  fidélité  au  Prince  pour  son 
«  temporel,  il  receut  investiture  et  confirmation  de  tout  ce  qu'il  tenait 
«  de  luy  ainsi  qu'il  est  pleinement  contenu  en  cette  Charte  que  î'ay 
<  trouvé  à  propos  d'insérer  en  ce  lieu  pour  faire  voir  quel  estoit  Testât 
c  des  afiairea  de  notre  Isle  sous  le  règne  de  ce  Prince,  et  le  gouverne- 
«  ment  de  notre  Abbé  Heldebert.  » 

(Extrait  dei  Ma^urtM  de  Phte-Barbe^  de  Cl.  le  Ladoukbuk,  i"'  vol.  p.  63,  Guious.) 

.  In  nomine  Omnipotentis  Dei  et  Salvatoris  nostri  Jesu  Christi.  Chun- 
radus  divina  praeveniente  clementia  Rex.  Quando  quidem  opportet 
dignitatem  locis  Deo  Sacratis  largitatis  sus  juvamina  conferre  et  néces- 
sitâtes servorum  Domini  proprio  revelari  munimine,  ut  pro  hoc  pietatis 
opère  merces  illis  a  Domino  recompensetur.  Idcirco  notum  esse  volumus 
cunctis  Sanctœ  Dei  Ecclesiae  fidelibus  ac  nostris,  Episcopis  scilicet, 
Abbatibus,    Ducibus,    Gomitibus   vice    Dominis    VicaHis,  Centenariis 


382  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

Teloneariis,  et  omnibus  rempublicam  gubernantibus  prassentibus  videlicet 

futuris  ;  quia  Heldebertus  Abbas   et  Monachi  ex  Monasterio  Sancti 

Martini  Insulas  Barbarse  constructo,  ad  nostram  accedentes  clementiam 

postulaverunt  quatenùs  institutiones  immunitarias  de  rébus  ab  anteces- 

soribus  nostris  seu  à  quibuslibet  fidelibus  Dei  in  supradicto  Monasterio 

concessis  nostra  renovaremus  autoritate.  Quorum  petitionibus  ob  divini 

cultus  amorem,  aurem  démentis  nostrae  accommodantes  hoc  serenitatis 

nostrœ  fîeri  decrevimus  prasceptum.  Per  quod  lubemus  atque  sancimus, 

ut  sicut  hactenùs  quieti  resederunt  Abbates  videlicet  praefati  Monasterii 

et  Monachi  eorum  secundùm  antiquam  auctoritatem,  ità  et  temporibus 

nostris  et  deinceps  absque  ulla  inquietudine  resideant.  Et  quia  rerum 

illorum  positio  secundùm  fidelium  virorum  donationem,   per  diversa 

adjacent  loca  :  Ideô  illorum   nomina    huic  autoritati  nostraç  inscribi 

praecipimus,  quatenùs  eas  liberiùs  ac  licentius  absque  ullâ  inquietudine 

retinere  yaleant.  Id  est  jam  dictum  Monasterium  et  quicquid  ad  ipsum 

pertinere  videtur.  Ecclesiam  S.   Florentii  apud  Vismiacum  ipsamque 

Villam  cum  portu,  vel   omnibus  quae  ad  ipsam  Ecclesiam  Villâmve 

aspiciunt.   Ecclesiam     Sancti   Pétri    in  Montaneisio   sitam.  Ecclesiam 

quoque  Sanctorum  Marcellini  et  Pétri  in  Bressola.  Nec  non  Ecclesiam 

Sancti  Joannis  apud  Noioscum  Villamque  ipsam  Religiacum  vero  atque 

alterum  Religiacum  cum  Villis.  Ecclesiam  denique  Sanctae  Marias  in 

Openaco  Villamque   universam.  Ecclesiam     Sancti   Gypriani  in  Beo, 

Sanctique  Andréas  in  Cimaloco.  Ecclesiam  sancti  Genesii  in  Floriaco  et 

Sancti  Pétri  in  Amodo.  Nec  non  cellam  Sancti  Martini   in   Forense. 

Atque  Ecclesiam  Sancti  Bonniti  in  Claipiaco   cum  Villa  et  quas  eam 

aspicere   videntur.    Cellam    quoque   de  Occiaco  cum  Ecclesia  Sancti 

Andréa  capellamque  juxta  eam  in  honorem  Sancti  Cosmœ  dicatam  et 

Novellis,  universaque  illis  adjacentia.  Cellam  vero  Sancti  Martini  de 

Firminiaco,  atque  Ecclesiam  Sancts  Marias  de  Constantia.  In  provincia 

deinde  Abolenam  Villam  cum    Ecclesia  in  honorem   Sancti  Salvatoris 

dicata  et  omnibus  appendiciis  ad  ipsam  villam  pertinentibus.  Cappellam 

quoque  Sancti  Benedictiab  ipsis  nupermonachisaedificatam.  Et  quicquid 

in  Gapincensi  ab  Hugone  Episcopo  seu  ab  aliis  fidelibus  Dei  praescripto 

Monasterio  in  quibuslibet  nostri  regiminis  partibus  devotè  concessum 

est.  Prasfatas  denique  res  cum  omnibus  appendiciis  suis  volumus  atque 

jubemus  ut  absque  ulla  inquietudine  vel  diminutione  deinceps  teneant. 

Prascipimus  igitur  atque  statuimus  nostram  quoque  autoritatem  decer- 

nendo  confirmamus,  videlicet  quod  annis  singulis  ab  eodem  cœnobio. 

Quœstorihus  proprii  Antistitis  argenti  libra  persolvatur  et  nuUus  qui- 

libet  ampliùs  ab  eis  exquirere  aut  de  rébus  ad  eos  pertinentibus  exigere 

praesumat.    Nec  non    Mansionaticos  vel  Paratas  vel   quaslibet  alias 

redhibitiones  exactare  audeat.  Sed  liceat  Monachos  illic  Deo  militantes 

earodem  cellam  cum  omnibus  rébus  sibi  juste  competentibus  ac  navibus 

ad  eorum  stipendia  integrùm  absque  divisione  aut  diminutione  perennibus 

temporibus  possidere.   Suôque  Praesuli    ut  decet   libéré  et  synceriter 

domino  sufFragante  honorem    conservent.  Habeant  etiam  potestatem 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES  383 

eligendi  Abbatem  ex  eorum  cœnobio  ;  Et  eiectos  ante  prsesentiam 
Lugdunensis  civitatis  Episcopi  deducere  ut  ab  eo  benedictione  accepta 
congregationem  sibi  commissam  regulariter  gubernare  studeat.  Volumus 
etiam  atque  per  hanc  nostram  autoritatem  praecipimus  ut  nullus  judex 
publicus  vel  quilibet  ex  judiciaria  potestate  ad  causas  audîendas  vel 
frasda  exigenda  vel  fidejussores  toUendos  aut  homines  praefati  Monasterii 
super  eorum  immunitate  commanentes  injuste  distringendos,  aut  ullum 
censum,  vel  loca  et  res  memoratas  Ecclesias  ingredi  aut  ea  quae  suprà 
notata  sunt  exigere  uUo  unquam  tempore  praesumat.  Quatenùs  pro  nobis 
vel  stabilitate  regni  nostri  à  Deo  nobis  commissi  Monachos  illic  Domino 
servientes  attentiùs  imô  liberiùs  Domini  misericordiam  exorare  delectet. 
Et  ut  haec  nostra  autoritas  inviolabilis  permaneat  manu  propria  etiam 
subter  signavimus  et  annuli  nostri  impressione  inldgniri  jussimus. 
Datum  1 3.  Kal.  Septembris,  Anno  scilicet  Incafnationis  Christi  nongen- 
tesîmoseptuagesimo  primo.  Indictionedecimaquarta.  Anno  vigesimonono 
Imperii  Chunradi  invictissimi  Régis.  Actum  apud  Viennam  civitatem 
publicè.  In  Dei  nomine  fœliciter.  Amen. 

Charte  extraite  des  Masures  de  Pile-Barbe.  Tome  1,  chap.  XIV.  page  64  et  seq.,  par 
Cl.  UL  Laboureur.  Nouvelle  édition,  par  MM.  Guigue,  archivistes  du  Rhône  et  de  Lyon. 


IWO     A  bis 


PRIORATUS    S.    REGNIBERTI 

IN   FORESIIS   OLIM   S.    ANDREiG 
^  F«  71. 


Et  translatio  retiquarum 
SS.  Domitlani  et  Regnibcrti 
(vide)  Hci^et  ?  III  f*  1. 


Prioratus  hic  S.  Regniberti  in  Foresiis  dependet  ex  Abbatia  Insulae 
Barbares  ut  patet  ex  catalogis  (parvae  et  magnae  pancartae)  ;  sed  quis 
auctor  et  fundator  fuerit  nondum  didici.  Masson,  In  descriptione  Galliae 
perflumina  ubi  de  ponte  Ligero  imposito  per  Romanos. 

R.  sive  Renaudus  sive  Robertus  dominus  S.  Boniti  dat  dilecto  fratri- 
patri  suo  A.  priori  S.  Regniberti  villam  S.  Mauritii,  Anno  Christi  ia34, 


384  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

in  compendio  Actorum  capitularîum.  Et  ibidem,  anno  Christi  i234insignis 
transactio  in  juribus  prioratus  inter  Guillelmum  priorem  et  Guidonem 
comitem  Foresii,  fol.  21  magnse  pancartse  insuis  Barbane. 

Itarius  prior  S.  Regniberti  in  Foresiis  fundat  duas  capellas  ex  bonis 
acquisitislicentiâ  Girini  abbatis  (puta,  insulse  Barbarae),  Anno  Christi  1 281 . 
Ex  magnâ  pancarti  insulae,  fol.  124,  et  parva  fol.  25  verso. 

Joannes  de  Borbonio  abbas  S.  Andreœ,  et  cluniacensis  episcopus 
Aviciensis  electus  archiepiscopus  Lugdunensis  fuit  prior  S.  Regniberti  in 
Foresiis.  Et  ibidem  dicitur  diem  extremumobiisse,lib.  3  cap.  32,  Historia 
B.  V  Avicii  1485^  2  décembre.  Dionysius  Giraudi  prior  prioratus 
S.  Regniberti  in  Foresio  dependentiae  monasterii  regalis  insulse  barbars, 
)urat  obedientiam  abbati  Claudio  de  Sôtizo  abbati,  Anno  1446. 

Petrus  de  B...  archiepiscopus  Lugdunensis,  Laurentius  de  Simiane 
Archidiaconus  ecclesiae  Lugdunensis. 

Notes  tirées  da  «  Lugdunum  Sacro^prophanum  »  du  R.  P.  Buluoud,  jésuite  (x588-i65i). 


N°  2 

LÉGENDE    DE    SAINT    DOMITIEN 

Extraite  du  BréTiaire  de  TAbbaye  de  Saint-Rambert-en-Bugey. 

INCIPIT   VITA    SANCTISSIMI    DOMITIANI    CONFESSORIS    CHRISTI, 
FllNDATORIS  MONASTERII  SANCTI  RAGNIBERTI 


Igitur  Beati  Domitiani  Confessons  Christi  vitam  descripturus,  primi- 
tùs  invoco  Deum  Patrem  omnipotentem,  ut  qui  eidem  Sancto  usque  in 
finem  dédit  bonam  perseverantiam,  nobis  qui  scripturi  sumus,  et  vobis 
qui  compellitis,  per  ejusdem  Sancti,  atque  omnium  intercessionem 
Sanctonim  vitam  tribuat  sempiternam.  Denique  Constantii  Imperatoris 
temporibus  in  Romana  urbe  ex  nobilitatis  lampade  non  obscuris  nata- 
libus  nascitur  Domitianus  Dei  famulus  Pâtre  Philippo,  matre  autem 
Marcianiila,  qui  prae  cseteris  gratia  generositatis  ornati  regenerationis 
gratiam,  ut  à  proie  compertum  est  intégré,  ac  Catholicè  inter  Arrianos 
occursus  fideliter  custodiebant   ablactatum     verô   puerum  prsfatum, 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  385 

scholis  commendayerunt  Catholicis,  in  quibus  aliquandiu  commoratus 
divini  eloquii  strenuum  cœpit  habere  in  discendo  studium,  qui  cum  feré 
jam  duodecim  esset  annorum  libellis  omnis  patrimonii  à  parentibus 
acceptis  ad  scholam  rursus  revertitur  studiisque  majoribus  in  discendo 
mancipatur,  ubi  dum  ferè  usque  ad  quintum  decimum  astatis  suse  annum 
vacandi  haberet  studium  in  divinis  cultibus,  Pâtre  ab  Arrianis  ob  Catho- 
licam  fidem  interrempto,   mater   nimio  dolore  attrita  lucis  hujus  caruit 
visu,  sicque  ab  infidelibus  pâtre  interfecto,  matre  verô  nimio  extinctâ 
dolore  nobilis  qui  remansit   filius,  maximis  repletur  doloribus,  atque 
parentibus    humi    condigne    reclusis,   ex  doloribus  quantuluncumque 
recreatus  cœpit  cogitare,  quid  agere  deberet,  si  patrimonio   contentus 
temporali   laicalem,   an  Ecclesiasticam  expeteret  dignitatem,  cùmque 
duobus  mensibus   in  tali  versaretur  conflictu,   tune  famulum  domus 
susetaliter  alloquitur.  Eia,  inquit  Sisimi  dicitormihi,  sihomodum  liber 
esse  dignoscitur,  et  permanere  securus  in  libero  potest  arbitrio,  impli- 
care  se  débet  in   diversis^  et    multis,  ac  caducis  servitiis  ?  Respondit 
Sisimius    œstimo,    et    verè    fateor,    nobilius    quemquam  cui   facultas 
est  esse  liberum,  quàm  servum.  Et  Dominus  optimè  inquit  respondisti, 
nam  et  doctrina  Apostolica,  quàm  didici  in  scholis,  ità  dicit,  si  potes 
liber  fieri  magis  utere,  hanc  quippe  secundùm  dispositionem,  sequi  cupio 
regulam  te  autem  et  omnes  quibus  praefectus  sum  dimittens  liberos, 
caetera  volo  vendere,  pauperibus  eroganda^  quod  statim  incipiens  agere 
infràduas  hebdomadas,  totumpatrimonium  vendidit,  et  omnia  pauperibus 
erogavit,   atque  monasticam  devotissimè    suscipiens   yitam  secularem 
funditùs  dereliquit.   Intereà  Constancio  Imperatore  defuncto,  Julianus 
Apostata  suscepit  imperium,  qui  crudelitatés  exercens  multos  monachos 
etiam  mulctari  jussit.  Quôd  vir  Domini  audiens  furentis  Diaboli,  et  invi- 
dentis  cognovit  astutias  atque  continué  Evangelicam  protulit  sententiam, 
dicens,  si  vos  persecuti  fuerint  in  unà  civitate,  fugite  in  aliam.  Crescente 
autem  rabie  saevientis  Appstatœ,  praefatus  vir  nobilis  dissimulato  habita 
navigium  expetiit    marinum,  quasi,   in  Thebaïdem    iturus,   sed  quia 
conspexit  qudd  in  ThebaYde  persecutio  major  excitata  erat,  eô  quôd 
ilHc  copia  monachorum  esset,  formidavit  illuc  transmeare  quin  potiùs 
Occidentales  partes  elligens,  navim  quandam  ingressus  Massiliam  usque 
pervenit,  ubi  cùm  Sylvano  eruditissimo  Presbytero  aliquandiu  commo«* 
ratus,  Lirinensem  usque  peragravit  insulam,  inquaunoanno  conversatus, 
cuncta  que  ei  acciderant  Patri  Vincentio  Doctissimo,  ac  disertissimo 
Presbytero  narravit,  et  fratribus,  quo  in  locopersecutionem  audiens  quàm 
fugerat  advenit  Arelatem  apud  Dominum  Hylarium  Episcopum  quantu<* 
luncumquecommoraturuscum  quo  aliquo  conversatus  tempore  Julianum 
insecutorem  divino  audivit  apud  Per fidem  gladio  interiisse,  de  quâ  re 
utcùmque  securus,  et  a  praefato  Venerabili  Episcopo,  ex  sua  conversatione 
admodùm  dilectus  secundùm  Ecclesiasticas  ordines  Presbyter,  ab  eo  est 
ordinatus.  Ac  deinde  humanos  declinans  favores,  petita  benedictione. 
Australes  expetiit  partes,  Heremiticam  ducere  vitam  magis  eligens,  quàm 
civilem,  verùm  audiens,  Beati  Eucherii  sanctitatem  Episcopi  Lugdunensis 

a5 


386  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

inclyta:  urbis  Galliarum  summa  cum  festînatione  illum  videre  desiderans 
Lugdunum    ingreditur   ejùsque  voluntatem    sciens  Pontifex,    tabulam 
etiam  cum  reliquiis  Sanctorum  Chrysanti,  et  Darii,  super  quàm  Missas 
faceret   Heremitœ  futuro    Pius  pater  dédit,  sicque  Lugduno  egressus 
quondam  heremunculam  aggredîtur,  locum  qui  Axancia  vulgô  dicitur, 
atque  ibidem,  non  adhuc  multos  commoratus  dies,  arctum  construxit 
oraculum,  et  Pontifîci  memorato  innotuit,  ut  ejus   jussu    in  honorem 
Sancti  Chrystophori    dedicaretur.  Intereà,  dùm  ibidem  conversaretur 
servus  Dei  Domitianus  jejuniis,  et  orationibus,  ac  vigiliîs  Missarùmque 
solemniis   intentus  discipulos  cœpit   habere  qui  ejus  arctissims  vitse 
cupiebant  esse  pedissequi,  sed  dum  frequentiam  adventantium  circum- 
quàque  residentium   cerneret  populorum  graviter  ferens,  ad  Dominum 
Eucherium     repedat    Pontifîcem,    talitérque   eum    alloquitur  :    Pater 
Venerande,  non  mihi  videtur  tumultuosus,   cunctisque  penè  notus  ille 
locellus  in  quo  habitare  cœpi  aptus  esse  monachis  maxime^  cum  aqua 
îllic  desit,  cui  Papa  Piissimus,  Vade  ait,  et  perquire  ubicumque  vis  locum 
ad   habitandum  congruum,   sicque  benedictione   accepta,  ad  propriam 
revertitur  cellulam,  altéra  verô  post  laudes  Deo  redditas,  et  solemnia 
Missarum    celebrata,    cum    discipulo   suo,     Modesto  nomine,    contra 
Orientales  partes  iter  arripuit,  qui  fluvio,  qui  Igneus  dîcitur  transito  in 
profundam  Heremum  sese  dederunt,  in  confinio  videlicet  Lugdunensis 
Territorii,  inquibuslocis,  antiquifalsi  monetariiolimconversati  fuerant, 
igitur  circùm  circà  illosperscrutantes  locellos,  fontes  reperierunt  irrigos, 
interquos,unuminvenientes  maximum  Bebronas  indiderunt  nomen,  unde 
usque  in  hodiernum  diem  Bebronnensis  dicitur  ille  locellus,  nocte  verô 
illâ  in  quodam  specu  se  recludentes,  hymnus,  et  laudibus  Deo  paractis 
fatigatiex  itinere  fessa  quietidederunt  membra,  circà  verô  mediam  noctem 
non  valdè  saporato  Dei  famulo  Domitiano  Dominus  Jésus  ei  apparuit, 
clementiquevultu  eum  alloquitur  dicens  :  Domitianeathleta  prudentissime 
viriliter  âge,  quia  in  omnibus  sum  tuus  adjutor,  eo  quôd  multos  qui  tuo 
exemplo  nutriendi  sunt  in  hoc  loco  sim  fîlios  recepturus,  sicut  enim 
disposuisti  heri  in  animo  tuo,  ità  aedificare  incipe,  cogitaverat  nàmque 
serô  suprà  collem   qui   praedicto  fonti  eminet,  contra  Occidentem  qui 
quantulamcùmquè  habebat  planitiem  maximam  facere  cellam,  juxtà  viam 
verô  hospitiolumparvulum  propter  pauperes,  acsi  fieri  posset  quandôque 
oraculum.  Expergefactus  itaque  Dei  famulus,  gratias  egit  Deo  qui  ei 
prosperum  suum,  nunciaverat  adventum^  continuôque  reversus  ad  cellam, 
discipulos  ex  loco  aptissimo,  et  maxime  ex  visione,  quàm  viderat  consolatur 
non    modicé.    Oratorium    verô,    et    hortulos,    ac   vineam,    quàm    ibî 
construxerant  cuidam   Presbytero   commendantes  ad   locum  praevisum 
cum  omni  supellectili  devenerunt  atque  ad  habitandum  infrà  biennium 
habitacula  et  duo  oratoria  unum  in   honorem  Sanctae  Dei  Genitricis 
Maris,  alterum  verô  in  honorem  Sancti  Chrystophori  Martyris  condide- 
runt.  Quœ  etiam  jussu  Domini  Eucherii  Papas  Lugdunensis dedicata  sunt, 
cœperunt  autem  quasdam  Heremi  loca  excolere,  semina  jacientes,  uberes 
fructus    unde    recepere    temporibus   suis,    quadam   autem    die,    duro 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES  887 

Domitianus  Dei   famulus,   cum  fratribus    quodam  opère   fatigatus  ad 
vicinum  alveum,  qui  Albarona  dicitur,  ad  lavandum  causa  refrigerationis 
venirentatque  nudati  omnem  ingrederentur,  vulpes,qu£  callidum  animal 
dicitur,  sandalia  Religiosi  Dei  famuli  memorati  oreproprio  laniare  cœpit, 
atque  corrosit,  quôd  vir  Domîni  cernens  ait  :  Domine,  qui  Angelos  fecisti 
quique  vermiculas  condidisti,  et  omnia  quae  suprà,  infrà,  et  subtersunt 
formasti,  te   invoco,   ut  haec  ferula,   ac  genus  illius  ulteriùs  nos,  ac 
successores  nostros  laedere  non  prassumat  ;  necdum  verba  Dei  famulus 
fînierat,   et   bestiola    illa   antè  ejus    oculos    expiravit,    deinceps  verô 
nullam   laesionem    genus   illius    in    eodem   loco   facere    prassumpsit, 
usqué  in  hodiernum  diem,  nam,  et  cum  gallinis  illius  loci  sunt  visae 
posteà    jocasse  vulpes    contra    suam    naturam    agentes,    sed    nullam 
earum    lasdere   praesumpserunt. .  Cœpit   intereà  Dei  sérvus   cum  suis 
arctiorem  vitam  ducere,  ita  ùt  ipse  infrà  hebdomadam^semelcibum  sumeret, 
nam,    et  collata   est  ei  à   Domino   potestas,  Dsemonibus  imperandi, 
et  eos  ab  obsessis  corporibus   pellendi,  unde,   et    cum    multùm    ab 
adyentantibus  tasdium  pateretur,  formidans  humanos  favores,  quos,  et 
decHnare  nitens,  secedebat  clam  in  profundam   Heremum   Sabbatho, 
ad  nocturnas  tandem  yigilias  revertens,  cémentes  autem  ejus  discipuli 
prae  nimiô  eum  abstinentiâ  valdè  debilitatum  pedibus  illius  provoluti 
aiunt,  cur  nos  pater  deserere   niteris,  aut  certe,  cur  non  perpendis 
nos  aliquos  esse  adhuc  rudes,  quod  si  decesseris,  indocti,  et  sine  pastore 
remanebimus,  discipulos    nempé    nimio    afflictos    dolore    conspiciens 
paululùm  cœpit  habere  quotidianum  vilissimum  cibum,  et  vespertinum, 
et  sit    utcùmque    refocillatus   est,  visum    est    intereà   Dei    viro,   ut 
circà  viam  propter  frequentiam  transeuntium,  sicut  priùs  cogitaverat 
Oratorium  facere  et  convocatis  discipulis,  ait,  necesse  est  fratres^  ut  cùm 
Dei    miserentis    adjutorio    incipiamus    unum     circà    viam    «dificare 
Oratorium,  cui  consentientes  eadem  die  cœperunt  fundamenta  aperire, 
atque  alto  die  posuerunt  ibi  ex  vicinis  convocatis  cœmentariis  Oratorium 
non  adèo  modicum  aedificare  cœperunt,  sed  adveniente  famis  inopia  quae 
tune  temporis  Galliam  tenebat  alîqua  per  loca,  panis  etiam  defecit  servis 
Dei,  et  eorum  caementariis  conductis,  quôd  vir   Domini  ait,  laborate 
fratres,   proùt  oportunum  vobis  videtur.  Ego    autem    properabo   ad 
saeculum  aliqua  victui  necessaria  quaesiturus,  Ascenso  autem  asello,  venit 
ad  Viliam,  quae  vulgô  Torciacus  dicitur,  atque  dum  ex  more  homines 
loci  illius  in  clybano  pridie  panes  coxissent  et  ille  prunas  adhuc  ignitas 
conspiceret,  acclivis  intuitus  infrà  clybanum  panem  mirae  magnitudinis 
atque  insoliti  candoris  aspexit  foris,  eum  baculo  extraxit,  et  cunctis 
incolis  praedictae  Villulœ  ostendit,  ne  forte  alicui  illorum  in  oblivionem 
venisset,  sed  cùm  nullus  ex  tpsis  suum  cognosceret  esse  intellexit,  vir 
Doinini  ab  eo  qui  panis  est  vîvus,  suis  esse  caementariis  praeparatum, 
sicque  continué  reversas,  eis  obtulit  dicens  accipite  fratres  annonam 
vobis  à  Domino  praeparatam,  ex  quo  videlicet  pane  sexdecim  monachi 
et  quatuor  caementarii    decem   sunt  pasti    diebus    affatim,  videbatur 
namque  cum  in  eorundem  frangeretur  manibus  crescere,  ergo  ex  eodem 


388  PIÈCES   JUSTIFICATIVES 

pane,  dum  jam  quinque  diebus  essent  refecti,  pater  soUicitusde  discipulis, 
ac  casmentariis^  qui  utrique  in  oratorio  aedîficando  erant  intenti,  rursus 
asello  ascenso,  saculum  repetiit  victui  necessaria  menducaturus. 

Erat  praetereà  quidam  vir  Latinus  nomine  secundùm  saecularem  poten- 
tiam  nobilissimus  in  prsedio  suo  quôd  dicebatur  pridem  Calonaia,  à  fonte 
qui  Calonna  vocabatur  trahens  vocabulum,  sed  hic  vir  eu  m  esset  potens, 
et  inclytus,  voluit  à  nomine  suo  fonti  et  Villse  trahi  vocabulum,  id  est, 
à  Latino  Fons  Latinus,  inde  et  Villa  Latiniacus,  quae  nomina  usque  in 
hodiernum  diem,  et  fons,  et  Villa  retinent,  quadam  verôdie,  dùm  ajocis, 
quos  cum  avibus  facere  solitus  erat  reverteretur  arese  sus  ventilatores 
conspiciens  illic  divertitur,  sed  et  uxor  illius  Syagria  nomine  Religiosa 
matrona  properat  in  occursum,  ibique  dum  famularentur  simul   per 
diversos  amplexus,  et  frumenta  diversis  adventantibus  venderent  suprà 
dictus  seryus  Dei  Heremitanus,  cum  asello  advenit,  eôsque  ità  alloquitur, 
nobile  connubium,  vita  vobis  et  pax  augeatur,  servi  enim  Dei  viventis 
in  vicina  heremo  degentes,  miserunt  me  ad  vos,  sicut,  et  ad  caeteros 
nobiles  victui  necessaria  postulantes  praesertim  cùm  unum  oratorium 
velimus  aedificare,  et  panis  defecerit,  tune  ad  illum  Latinus,  cur  inquit 
expetas  tibi  meum  dari  frumentum  cùm  potiùs  mimum  esse  te  conspiciam, 
quàm  servum  Dei  ;  Domitianus  respondit  :  ô  Dux  inclyte,  benè  apertos 
oculos  habuisti  modo,  cùm  plus  desidiosè  et  negligenter  quàm  expedit 
vivam,  Latinus  autem,  qui  Arrianus  erat  multumque  de  fide  disputare 
cupiens,    ait,    ergo,   quia    ministrum    te    dicis    esse    servorum     Dei 
commorantium   in  heremo  dicito  nunc  mihi   qualem    tenetis    fidem^ 
Domitianus  respondit,  fidessi  varia  fuerit  variantes,  etleprososgignit;  si 
autem  solida,  et   universalis,  solidos  et  absque   ulla    oifuscatione  ad 
Regnum  sine  fine  mansurum  suos  producit.   Tune  Latinus,  quas  est 
solida  et  universalis,   Domitianus  respondit  ipsa  est  quam  audivi,  et 
didici   à   magistris  meis  Apostolis   viris,   et  quae   nunc  multos  habet 
insecutores  Arrianos  ;  Latinus  ait,  quae  est,  Domitianus  respondit,  hase 
est  fides  nostra,  Credere  in  Deum  Patrem  omnipotentem  et  in  Jesum 
Christum  Filium  ejus  unicum  Dominum  nostrum,  et  in  Spiritum  sanctum 
Deum  Patrem,  eô  quôd  habeat  Filium,  Filium  eô  quôd  habeat  Patrem, 
cui  squalis,  seeundum  divinitatem  per  omnia  est,  Spiritus  verô  Sanctus 
ab   utroque  procedens,  nihilominus   consubstantialis,  et  coaeternus  est 
Patri  Filiôque,  has  très  personas  unum  fatemur  Deum,  quia  una  Deitas, 
una  omnipotentia,  una  est  œternitas,  individuàque    Majestas,  Latinus, 
ait,  ergo,  Potestas  Patris  non  est  major,  quàm  Filii,  Domitianus  respondit 
nequaquam,  quia  ipsa  est  potestas  Filii  seeundum  Divinitatem  ;  quae  et 
Patris,  sicut  et  Deitas  et  aeternitas.  Tune  Latinus,  stultè  dicit,  vis  modo 
ut  ego  qui  tants  potestatis  sum  vir  adhue  puerulo  filio  meo,  quem 
cernis  omnem  gloriam  meam  et  dignitatem    credam,  quarum   adhuc 
minime  dominari  valet,  et  si  ego  discedens,  et  moribondus  noio  illud 
facere,  quantô  magis  omnipotens  Deus   pater  filio  suo  adhuc   tenero 
suam   omnem    contulerit    dignitatem,    Domitianus    respondit    ô    Dux 
carnaliter  sapis,et  secundùm  carnem  indicas  omnia,  nos  autem  eredimus, 


PIECES  JUSTIFICATIVES  SSq 

quia  Deus  Pater  per  Filium   omnia  fecit,  sicut  in   Evangelio  legimus 
omnia  per  ipsum  facta  sunt  et  sine  ipso  factum  est  nihil.  Latinus  iratus 
ait,  recède,  mime,  à    nobis,    quia    mentiris,   cogitaveram   nàmque  si 
recté  prosecutus  fuisses,  asellum  tuum  onerare  frumento,  Domitianus 
respondit,  si  ego  de  fîde  rectè  sentio,  et  hsec  vera  sunt,  quas   sum 
prosecutus  modo,  in  nomine  unigeniti  Filii  Dei  per  omnia  costerni,  et 
coaequalis  Deo  Patri,  haec  fana  qus  ad  culturam  Dsemonum  fabricata 
sunt  corruant,  erant  autem  circà  arcam  duo  excelsissima  fana,  quae 
secundùm   Gentilium   ritum   in   honorem   Jovis,  et  Saturni   fabricata 
antiquitùs  fuerant,  et  licet  occulté  tamen  adhuc  colebantur  à  ruralibus, 
rusticisque   hominibus,  qua  ruina  peracta  statim  terra  contremuit,  et 
post  pusillum  cslum   cum  esset  serenum  nubibus  obumbrari  cœpit, 
deinde  tonitrua  mugere,  magna  fulgura  coruscare,  atque  grando  nimia 
cadere,  quôd  Arrianus  vir  conspiciens  cum  uxoré,  et  liberis,  ac  omni 
famulatu  festinus  cucurrit  ad  palatium   suum,   quôd   ex  marmoribus, 
magnisque   silicibus  erat  constructum,  quôd  introgréssus,  cœpit  cum 
conjuge,   ac  proceribus  suis,  considerare  cur,  inquit,  ad  vocem  tanti 
morionis  Rustici,  tanta  Deus  voluit  facere,  fana  corruerunt,  terra  mota 
est,  cœlum  tonitrua,  grandinem,  et  fulgura  dédit,  an   forte  vera  sunt, 
quae  prosecutus  est,  ut  Deus  fllius  aequalis  sit  Deo   Patri  per  omnia, 
Syagria  conjux  ejus  provoluta  pedibus  ipsius  ait.  Domine  mi,  si  benè 
percunctaris  invenies  vera,  qus  famulus  Dei  ille  prosequitur,  quoniam 
dum  tecum  loqueretur  in  arca,  vidi  vultum  ejus  quasi  Angelicum,  quôd 
et  indicare  tibi  volui,  quapropter  obsecro  ut  jubeas  eum  accersiri  ad  te, 
quatenùs  sana  quàm  retinet,  doctrina  te  instruat,  quia  nisi  ita  esset  ut 
ille  prosecutus  est  eàm  grande  rairaculum  minime  fieret  ;  eut  Latinus, 
)ube,  inquit,  intromitti  illum,  quôd  cùm  jussum  esset,  quœsitus  per  omnia 
oflicia  Palatii,  et  minime  repertus  putatus  est  mortuus  esse  grandine,  ac 
coruscationibus,  cujus  cadaver  dum  requireretur  ad  sepeliendum  reperitur 
Dei  famulis  illœsus,  ad  arcam  cum  asello  girans  eandem  arcam,  cum 
proprio  baculo,  et  rivulos,  ex  procella  conglobatos  prohibens,  ne  triticun, 
quôd  grando  non  laeserat  rivuli  contingerent,  quôd  factum  est  grande 
miraculum,  ut  ne  unà  quidem  gutta   quœ   humanis  potuisset  oculis 
apparere,  nec   Christi  amicum  tetigit   Domitianum,  neque   arcam    est 
ingressa,  sed  neque  asellum   quôd  cùm   conspexissent,  juvenes  ilium 
perquirentes,  cursu  prsepeti  suo  nunciaverunt  Domino,  ille  verô  lisec 
audiens,  conjugis  ex  parte  fretus  consilio,  ità  promisit  se  crediturum, 
uti   famulus   Domini   Domitianus    credebat,  quem    intromitti  jubens, 
pedibus  ejus  se  provoluit,  dicens  ne  irascaris  serve  Dei  viventis  quôd  te 
morionem  vocaverim,  et  quia  vera  te  agnosco  prosecutum  esse,  de  fide 
Trinitatis,  ità  credo  ut  tu,  tantùm  obsecro  deprecare  pro  me,  et  domo 
niea  Dominum,  ut  avertere  dignetur  iram  suam  à  nobis,  quia  veraciter 
credo  filium  Dei  xqualem  Deo  Patri  coaeternum,  et  consubstantialem. 
Dei  famulus  harc  cernens  gratias  agit  Domino  dicens.  Domine  gratise 
tuae   à  fidelibus  tuis  innumerabiles    reddendœ  sunt,   quia   ab  errore 
perversos  quosvis  revocare  non  desistis,  sic,  et  propria  levavit  manu 


390  PIKCES  JUSTIFICATIVES 

Latinum  flentem  de  solo,  atque  proùt  potuit  illum,  ac  domum  ejus  ab 
errore  Arriano  ad  veram  retraxit  Catholicam  fidem,  adjutus  maxime  à 
supra  dicta  matrona  Syagria,  quas  nobilis  erat  CathoUca,  triduum  verô 
apud  eos  faciens  famulus  Domini  commonuit  eossinceriter  tenere  rectam 
fidem,  quem  cum  maximis  honoribus  cumulare  vellet,  nihil  aliud 
quisesivit  nisi  servitutem  in  heremo,  quantum  juris  eorum  erai,  et 
aliquam  vineolam,  ex  qua  posset  ille,  atque  alii  servi  Dei  post  illum 
futuri  Deo  offerre  sacrificium. 

Tune  Latinus  heremum  quam  quaerit,  usque  ad  Petram,  qus  Altemia 
dicitur,  à  dextra,  seu  lœva,  sub  integritate  tibi  cedo,  tantûm  ut  per  tuam 
ac  tuorum  sequentium  licentiam,  nos, et  posteri  nostri  vsnandi  îicentiam 
habeamuSy  tune  Syagria,  Domine  mi,  vineam  expedit  dare,  illam 
possumus  illi,  supra  Villam  sitam,  quae  Vallis  dicitur,  quàm  Gontbado 
filio  nostro  dedimus,  quas  propè  heremum  suam  est  et  dicitur  déserta, 
et  sicuti  Deo  decet  ofTerri  optimum  vinum  reddit,  convocato  itaque 
Notario  ac  testibus  continùo,  factus  est  libellus  ità  continens. 

Dominis  magnifîcis  servis  Dei  Domitiano,  et  sociis  ejus  Heremitis 
Latinus,  et  Syagria  proptereà,  quia  servi  Dei  excelsi  estis,  ideô 
concedimus  vobis  jure  proprietario  nostra  quae  sunt  in  pagis  inclytae 
Lugdunensis  urbis  Gallis,  ex  parte  Bellicensis  Castri,  hoc  est,  vineam 
unam  suprâ  Villam  quœ  dicitur  déserta,  et  terminatur  à  mane,  interque 
confortes  Colonos,  et  campum  de  ipsa  ratione  subtùs  viam  à  merîdie 
via  à  serô  inter  confortes  Colonos  à  tergo  silva  Regalis,  suprà  coUem  et 
habet  in  longitudine,  cum  colle,  et  sylva  suprà  viam,  secundùm  virilem 
manum,  perticas  agri  pédales  centum  duodecim  in  latitudine  et  parte 
meridiana,  cum  sarpo,  perticas  agri  pédales  septuaginta  duas,  ac 
semissem  infrÀ  hune  terminum,  et  perticationem  sub  integritate  vobis 
cedimus,  similiter,  et  unum  campellum  subtùs  viam  auperiorem  qui  ad 
styrpum  prœscriptae  vineae  à  serô  jungit,  et  ipsum  campum  secundùm 
morales  defunctos  cum  integritate  vobis  donamus,  suprà  dicta  autem 
omnia,  ut  praefati  sumus  vobis  cedimus,  praeter  quod  in  Arandato  ad 
presens  servamus  nobis,  caetera  verô  pro  œternae  vitae  praemio,  et  pro 
redemptione  animarum  nostrarum,  seu  ut  intercedatis  ad  Dominum  pro 
nobis,  ad  dexteram,  seu  laevam  usque  ad  Petram  Altemiam  jure  vobis 
tradimus  perpetuali,  ad  possidendum  futuris  temporibus  ac  libéré  fîrmis- 
simèque  utendum.  Si  quis  contra  banc  nostram  mercedis  largitionem 
irrumpere  conatus  fuerit,  destruere  tentaverit,  aut  pervadere  aliquid 
voluerit  iram  Dei  omnipotentis  incurrat,  deputandus  aetcrno  supplicio, 
et  non  valeat  vendicare,  quôd  quaerit,  sed  firmum  maneat  et  stabile 
nostrae  mercedis  augmentum,  data  octavo  Kalendarum  Juliarum,  anno 
primo  Valentiniani  Imperatoris,  Duc  Latinus  ultronea  voluntate,  et 
propria  manu  fieri  jussit,  et  subscripsit  Syagriaconjux  similiter,  Gont- 
badus  Genitoribus  sensit,  et  subscripsit,  Dodatus  Rogatus  signavit. 

Igitur  vir  Domini  Domitianus  recepto  libello,  oneratôque  asello,  ad 
propriam  repedare  volens  cellam,  invenit  suos  dormientes  cœmentarios 
juxtà  fontem   qui  dicitur  ad  Condemnans,  famis  epiim  inopia  depressi 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  SqI 

cedificium  reliquerant  monachiab  altissimo  monte  reversi  solitôsque  cibos 
cseroentariis  non  déférentes  ad  proprias  redire  disposuerunt  domos,  quos 
cum  dormientes  reperissetex  parte  illos  cognoscens  excitavit  eos,  dicens, 
Quid  est  fratres  quod  agitis,  cur  cœptum  opus  dereliquistis,  an  forte 
virtus  defecit,  cui  protinùs  responderunt,  verum  est  pater  ;  nam  decem 
diebus  pasti  sumus  ex  pane  abondantîssime,  quem  nobis  detulisti  pridem  ; 
eo  uno  supermansimus  die  sine  victu,   hoc  est,  sexta  feria,  esca  verô 
déficiente  cœpimus  reverti  ad  domos  proprias,  famulus  quoque  Domini 
Domitianus  ait  qualem  hodie  putatis  esse  feriam  dixerunt  illi  Sabbathum, 
erat  autem  secunda  feria,  tune  Beatus  Domitianus  ait  surgite,  quia  satis 
dormitum  habetis,  duobus  diebus  revertimini  ad  cœptum  opus  Dominus 
enim  largitus   est  nobis  uberrimè  victui  necessaria,  surgentes  autem 
secuti  sunt  senem,  cœptùmque  oratorium,  usque  ad  calcem  perduxerunt, 
quadam  autem   die   Latinus,    cum  Syagria  conjuge    heremum  petens 
visitavit  fratres,   videns  verô  conversationem  illorum  laetatus  est  valdè 
multàque  eis  largitus  est,  dona,  sicque  benedictione  accepta  reversus  est 
ad   propria.  Intereà  cœperunt  nobiles  plerique  audientes  famam  sancti 
venire,  et  filio  suos  ad  habitum  Religionis  suscipiendum  ei  tradere,  ora- 
torio quoque  consummato,  et  à  Beato  Eucherio  Pontifice  dedicato  cœpit 
stricte  Dei   famulus,  inibî  jejunus,  ac  vigiliis  senile  corpus  domare  et 
quçndam  prudentissimum  fratrem  Joannem  nomine  Patrem  Monasterii 
constituit   quietem  arripuit  multisque  diebus,  ac  noctibus   in  divinis 
laudibus,  et  orationibus   perseverans  Deo  soli  placere   studebat  atque 
semper   in    virtutibus  succrescebat,  appropinquante  jàm   fîne  dierum 
suorum  febre  levi  corripitur,  accersitôque  pâtre  Monasterii  caeteros  jubet 
adesse,  erant  autem  viginti  quinque  fratres,  quibus  prsesentibus  sic  eos 
alloquitur  :  pacem  sequimini,  et  castimoniam,  sine  quâ  nemo  videbit 
Deum,  ipsi  autem  appropinquate  Deo,  studete,  et  appropinquabit  vobis, 
prsecepta  patris  vestri  custodite  in  omnibus,  quia  credo  cum  recta  vos 
docere  cognoscite  namque,  quia  révélante  Deo  novi  diem  obitus  mei,  qui 
erit  primo  Kalendarum  Juliarum,    quibus  vcrbis  auditis    fratres  flere 
cœperunt  dicentes  :  et  pater  cur  tàm  citô  nos  deseris,  quibus  ille  ait  non 
vos    derelinquo   filii,   sed   Deo   potius   commandare   vado.   Date  mihi 
osculum,  qui  omnes  osculatus  dixit  :  ipse  qui  pati  dignatus  est  pro  vobis, 
et  pro  omnibus  vos  conservare  dignetur,  in  suo  sancto  famulatu,  ite  ad 
propria,  appropinquante  igitur  die    Kalendarum   Julii,    jubet   iterum 
Abbatem  adesse,  et  fratres,  sacràque  Missarum  solemnia  celebrari  sicque 
divino  saginatus  pabulo,  coram   cunctis  discipulis  manibus  ad  cœlum 
erectis,  ait  :  in  manus  tuas  Domine  commendo  spiritum  meum.  Itaque 
cum  hoc  extremo  verbo  efflavit  spiritum,  anima  autem  â  corpore  egre- 
diente,  tanta  illic  fragrantia,    et  odor   suavissimus   ortus  est  quantum 
ullus  hominum  in  eodem  loco  sentire  antea  meruit,  ità  ut  quidam  fratres 
infirmi,  unus  febre  quartana,  alii  salvo  colore  et  melancholica  passione 
depressi,  ex  memorato  odore  repleti,  sani  elTecti  sunt,  tune  Pater  cum 
fratribus    prœlibati    patris    corpus  suscipientes    condigno  honore   in 
sarcophago  praeparato    non  longé  ab   altari  Sancti    Genesii  Martyris 


392  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

posuerunt,  ubi  Deo  favente  usque  in  hodiernum  diemdiyina  ostenduntur 
miraculé.  Recipiunt  ibidem  caeci  visum,  claudi  gressum  inveniunt. 
Dasmoniaci  curantur  et  innumera  alia  per  servum  suum  Dominas  facere 
dignatur  miracula  qui  cum  Pâtre,  et  Spiritu  sancto,  in  Trinitate 
perfecta  vivit,  et  régnât  Deus,  per  omnia  secula  saeculorum.  Amen.(i} 


1^0     (^  bUi 

ABBATIA    S.    RAGNIBERTI 

JURENSIS   OLIM  S.    DOMITIANI 

F*  55. 


Suppono  quod  observatum  est.  Capite  de  claris  sanctitate  Sanctum 
Ragnibertum  vel  Ragnebardum  in  finibus  territorii  Lugdunensis  ad 
montana  jurae  loco  Bredone  ortum  et  filium  fuisse  Radeberti  ducis  qui 
jussu  Ebroini  majoris  domus  turpissimi  Theodorico  rege  lancea  trans- 
fossum  fuisse  et  ad  sepulchrum  ejus  miracula  patrasse  illum  c  »  in 
numerum  martyrum  computatum  esse.  Illius  oflicium  in  omnibus  bre- 
viariis  Lugduni  fieri  mense  Julio.  «  Sepultum  S.  Ragnibertum  in  Monas- 
terio  S.  Domitiani  de  quo  indic     de  quo  11. 175  Severtii.  » 

Videtur  hoc  monasterium  dépendisse  ab  illo  S.  Claudii  seu  S.  Eugendi 
Jurensis  a  finibus  cum  illo  subjectum  fuisse  ecclesise  Lugdunensi  per 
bullam  citatam  Gregorii  papse  §  supplicii?  Et  ex  bullainnocentii  2  papse 
Petro  venerabili.  Hoc  monasterium  videtur  uniri  Abbatiae  Cluniacensi- 
monasterium  (ait  buUa)  SS.  Dominici  {en  marge  :  Domitiani)  et 
Ragniberti  et  (caetera).  Datum  Salerni  4  Kal.  Maii  Anno  Christi  11 38, 
pontificatus  20.  In  bibliotheca  Cluniacensi.  Columna  1404.  Pono  tutelli 
monasterium  de  hac  Abbatia  Jurensi  et  non  prioratu.  S.  Ragniberti  in 
forensibus  patet  ex  eo  quo  scripto  prioratus  ab  abbatia  Insulae  Barbarae 
semper  dépendit  in  quam  nota  est  translatio  reliquiarum  SS.  Domitiani 
et  Ragniberti  ut  patet  ex  historia  huic  antè  ponenda. 


(1)  Nous  avons  laissé  à  cette  légende  et  l'orthographe  et  la  ponctuation  que  nous  lui 
avoqs  trouvés  dans  Guichenon  :  Histoire  de  la  Bresset  etc. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  SgS 

Pono  patet  Anno  Christt  i328  (i5)  aprilis  Abbatem  Ecclesiae  Lugdu- 
nensi  jurasse  subjectionem.  Ego  (ait)  Angelinus  electus  postulatus  et 
confirmatus  monasterii  S.  Ragniberti  jurensis.  Juro  subjectionem  et 
reverentiam  secundum  preceptum  S.  Benedicti  et  (estera).  In  presentia 
et  (caetera)  apud  Severt  (ium)  i  i.io3  §  6. 

Item  et  Hugo  abbas  decano  et  capitulo  prestat  fidelitatem.  Anno 
Christt  i362.  Ex.  III  S.  Statutis. 

Item  et  Aulinus  ?  electus  postulatus  et  confirmatus  abbas  monasterii 
S.  Ragniberti  Jurensis  Anno  Christi  iSiS.  Ibidem  Georgius  Marischalii 
abbas  S.  Regniberti  Jurensis  aflini  Abbatissae  S.  Pétri  Philibertuae 
Marischalii  circa  Annum  i520.  Ex  Archivis  monasterii  Bliensis.  Ex  buUa 
Pauli  Papœ. 

De  isto  monasterio  Jurensi  an  de  forensi  scribat  Ledradus  epistola  ad 
Carolum  Magnum  incertum  est.  Nondum  Lugduni  usque  fuisse  monas- 
terium  S.  Ragniberti  non  apparet.  Aliud  monasterium  (ait)  in  honorem 
S.  Ragniberti  edificatum  ubi  ejusdem^  S.  Aigniescum  ?  corpus  de  novo 
totum  reparatum  et  sive  in  pavimento,sive  in  tectis  vel  etiam  ecclesiis  ubi 
uniter  monachi  numéro  56  sine  dubio  regularem  custodiam  habitabunt, 
in  quibus  monasteriis  unum  puellarum  et  duo  monachorum,  nemo  ante 
erat  qui  regularem  vitam  imitari  nesciat  aut  vellet  propter  quod  plurium 
laborem  et  studium  impendi,  et  ad  hanc  regulam  {en  marge  :  vitae) 
observantiam  pervenire  potuissent  et  uniter.  Deo  auxiliante  pervenisse 
videntur.' 

Notes  extraites  du  «  Lugdunum  Sacro-prophanum  »,  du  R.  P.  Bullioud.  jésaite. 


394  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


N"  2 


ter 


INSCRIPTION 

GRAVÉE  SUR  UNE  PI.AQUE  DE  MARBRE  NOIR 

A    LA    PORTE    DE    LA    CRYPTE    DE    SAINT    DOMITÏEN 

A    SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY 


Hypogeum  honori  Marias  Virginis  jam  indè  ab  quinto  sœculo  a  sancto 
Domitiano  dicatum,  deindé  superstructi  templi  anno  mdccxiv,  eversi 
ruderibus  obrutum  tibi  regina  cœlestis  uti  nobis  liberis  oppidanis  nobis 
nostris  et  vicinee  universae  volens  propitia  sies  Amatus  et  Stephanus 
fratres  concordissimi  Martin,  ex  redivivis  instari  animis  Alexander 
Raymondus  Dévie,  Episcopus  Bellecensîs  pristino  cultu  restituit, 
anno  1840. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  SqS 


W  3 

LÉGENDE  DE  SAINT  RAMBERT 

Extraite   du    Bréviaire  -  Manuscrit   dit    •    de    Saint    Rambert    >. 
SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 


NOTES  POUR  SERVIR  AUX  CHAPITRES  III  et  VII 


Le  nom  de  saint  Rambert  «  5.  Ragnehertus  <>,  ne  figure  pas  dans  le 
Martyrologe  romain,  ^w\  a  été  dressé  par  l'ordre  du  Pape  Grégoire  XIII, 
en  vertu  de  la  bulle  Emendato  du  14  janvier  1384.  Son  office  se  faisait, 
selon  le  Bréviaire  de  TEglise  de  Lyon,  le  i3  juin,  et  la  mémoire  de  la 
translation  de  ses  reliques,  le  i3  octobre.  C'est  ce  que  nous  apprend  la 
notice  insérée  au  «  Recueil  alphabétique  des  noms  des  saints  les  plus 
singuliers  que  le  chanoine  de  Montbrison,  Jean-Marie  de  la  Mure, 
historiographe  du  Forez,  a  mis  dans  son  Histoire  ecclésiastique  du 
diocèse  de  Lyon,  page  270.  Edit.  1671  ». 

Cum  a  pluribus  Martyrum  et  Confessorum  varia  et  tormentorum  et 
Passionum  gênera  litteris  commendantur  ;  animus  quôque  noster  in 
partem  soUicitudinis  ingredi  gestit,  et  monimentis  tradere  :  quomodô  bina 
mundo  fulgentia  sydera,  inclytus  nempe  Martyr  Ragnebertus  ;  et  egregius 
Confessor  Domitianus  ad  nos  pervenerint,  locumque  nostrum  et  Gentem 
suis  corporibus  nobilitaverint.  Et  quàmvis  eorum  mérita,  et  miraculorum 
quae  opcrati  sunt  insignia,  et  multa,  et  pené  infinita  numerentur,  aliqua 
tantum  attingimus  ;  ne  cui  aut  onerosi.aut  ingrati  videamur.  Nec  aliquis 
mirari  débet,  quod  cum  non  satis  Romano  valeamus  eloquio  :  tantam 
aggrediamur  materiam.  Eam  enim  eo  animo  tradimus  ;  ut  quis  nobis 
intellectu  potior,  et  eloquentiâ  major  :  Arnobius  sivis  Rhetor  aut 
Hçrodotus    facundiâ  suâ   et  urbanitate  stores  de  tribulis  et  rosas  de 


396  PIÈCES   JUSTIFICATIVES 

spînis  eligens;  Translationem  Sanctorum  prsfatorum,  quant  nos  stilo 
admodùm  rudi,  et  incondito  damus  :  nectareâ  dulcedine  împosteros 
traducat. 

Beatissimus  Ragnebertus  ex  prsecelso  Francorum  génère  ortus  (i)  : 
Ragdeberti  nobillissimi  Ducis  :  ssculi  dignitatem  filius  extitît.  Qui 
scîlicet  inter  amnis  Sequanse  atque  Ligeris  confînia  plures  Provîncias 
strenue  suis  rexit  temporibus.  Qui  Athleta  Christi  ssculo  nobillîssimus  : 
sed  fide  nobilior  :  Scholastico  ac  Dominico  educatus  est  dogmate... 

Cumque  ab  ineunte  setate  prudenter  officia  ssculi  gereret  :  ut  post 
modum  in  fide  claruit  :  diligebet  attentius  Deum.  Studebat  enim  in 
cunctis  actibus  suis  :  sic  transire  per  temporalia  commoda  :  ut  pervenire 
quandoque  ad  gaudia  mereretur  sterna.)In  diebus  illis  Ebroïnus  nomine  : 
Deo  et  Sanctis  ejus  contrarius. 

Qui  ex  infimo  génère  ortus  :  majoris  domûs  honore,  a  Rege  fuerat 
sublimatus.  Cumque  ad  hoc  plures  ex  Francorum  nobilioribus  dolere 
contra  se  cerneret,  callide  cunctorum  factiones  prœveniens  :  pertinaciter 
versutiis  suis  omnes  revincebat.  Igitur  ipse  impiissimus  Ebroinus,  jam 
dicto  Dei  famulo  Ragneberto  imputare  studuit  ;  quod  consilium  cum 
duobus  Palatii  Proceribus  habuisset  initum  :  ut  ipsum  Ebroinum  absquc 
decreto  Régis  conaretur  occidere. 

Postquam  Clodovaeus  (i)  Francorum  Rex  nefario  ausu  brachium 
Sancti  Dionysii  Martyris  amputavit  ;  tanquam  his  fatis  fortuna  eorum 
occubuisset  :  omnia  in  pejus  Francis  sublapsasunt.  Ita  ut  regalis  dignitas 
ad  Proceres  devenerit  penès  quos  erat  fortuna  rerum  :  atque  adeô  in 
aulam  regiam  dominabantur.  Erat  inter  eos.  EbroVnus,  cujus  prxter 
caeteros  est  nobilitata  crudelitas.  Is  disjectis  sociis  ;  adeô  omnia  potuit  : 
ut  Theodorici  Régis  nomine  ipse  regnaret. 

(i)  Ex  Andréa  Sausaio,  Guichenon  et  Andréa  Duchiske,  vol.  i,  Hist. 

Martyrolog.  gallicanum,  Andréa  du  Saussai,  2  vol.  in-fol.,  1673. 

Hist,  de  Bresse  et  du  Bugey,  par  Samuel  Guichenon,  3  vol.  in-fol.,  1664. 

(1)  Voici,  d'après  les  anciens  chroniqueurs^  l'explication  de  ce  fait  historique  : 

«  Une  fois  vint  en  l'église  de  Saint-Denis,  ainsi  comme  mauvaise  fortune  le  menait, 
pour  déprier  les  saints  martyrs.  Et  pour  ce  que  il  voulait  avoir  aucune  alliance  d'eux  tout 
adès  avec  soi,  il  commanda  que  les  chflsses  des  martyrs  fussent  atteintes  ;  après  les  fit 
ouvrir  et  disjoindre  par  folle  présomption  le  vessel  en  quoi  le  précieux  corps  saint  repose, 
moins  religieusement  le  regarda  que  il  ne  dut.  Jaçoit  ce  que  il  fit  par  dévotion,  si  lui 
ne  suffit  pas  le  regarder  tant  seulement  :  ains  brisa  l'os  de  l'un  des  bras  et  le  ravit.  Et 
le  martyr  montra  bien  tantôt  que  il  ne  lui  plaisait  pas  dont  son  corps  était  ainsi  traité  : 
car  le  roi  fut  tantôt  si  espoenté  et  si  ébahi  que  il  chaït  en  frénésie  et  perdit  son  sens  et  sa 
mémoire  en  cette  heure  même  ;  tantôt  fut  le  moustier  rempli  de  ténèbres  et  d'obscurité  ; 
une  peur  si  grande  prit  soudainement  à  tous  ceux  qui  là  étaient  que  ils  se  mirent  à  la  fuite. 
Le  roi  donna  puis  aucunes  villes  an  martyr  pour  l'apaiser  :  et  pour  ce  que  il  recouvrit  son 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  897 

Sed  Franci  Theodoricum,  quod  tyrannicè  regeret,  e  regno  expulerunt  ; 
et  Ebroïnum  propter  nequitiam  et  versutias  :  Monasterium  ingredi 
coêgerunt.  Qui  factus  Apostata  et  spiritu  mendacii  seductus  ;  qui  eum 
duos  et  viginti  totos  annos  victurum  asserebat  :  monasterio  egressus  ; 
in  fidèles  debacchari  ;  Proceres  dignitatibus  privare  ;  et  eorum  quos 
nequitiae  suas  adversarios  arbitrabatur  :  vel  bona  publicare  ;  vel  ils  aqua 
et  igni  interdicere  :  Alii  [quod  Apostolus  de  fidelibus  nascentis  Ecclesis 
dizit]  ;  distenti  sunt  :  alii  verô  ludibria  et  verbcra  experti  ;  in  super  et 
vincula  et  carceres  :  secti  sunt  tentati  sunt  ;  in  occisione  gladii  mortui 
sunt.  Hac  autem  persecutionis  sseviente  procellâ  ;  Ebroïnus  Sanctum 
Ragnebertum  Ragdeberti  inclyti  Ducis  filium  :  ut  pote  Christianum 
perimere  jussit.  Cum  autem  in  dies  magis  ac  magis  saeviret  nequissimus 
ille  ;  justo  Dei  judicio  :  ab  Hermanfredo  milite,  turpissimâ  morte  inter- 
ficitur.  Ut  de  ejus  modi  peccatoribus  pfascinit  regius  vates  :  Mors 
peccatorum  pessima  ;  morteque  secundâ  damnatus  ;  sternis  ignibus 
mancipatur  :  Ut  de  ejus  interitu  narrât  historia. 

Tune  temporis  unus  ex  illis  quibus  Ebroïnus  oculos  effoderat,  in 
insulâ  Lugdunensis  Provintise^  quse  a  Sancta  Barbara  nomen  accepit  : 
diversabatur.  Qui  cum  nocte  intempestâ  ad  ripam  Sagonse  fluminis, 
orandi  gratiâ  se  recepisset  ;  audivit  navigantium  impetum  vi  brachioVum  ; 
remis  crebriùs  actio  illius  fluminis  superantium  tarditatem.  Cumque 
interrogaret,  quô  navigium  illud  properaret;  vox  in  auribus  ejus  ista 
percrebuit.  Ebroïnus  est  quem  ad  inferos  deferimus  ;  in  quibus  scelerum 
pœnas  in  sternum  luet.  Haec  confessor  ille  Christi  accepit  in  consolatio- 
nem  propriam;  et  ut  intelligeret  quse  pœnœ  honorum  persecutores 
expectent  :  atque  adeô  ut  impleretur  illud  Psalmists  vaticinium  ;  Laetabitur 
justus  :  cum  viderit  vindictam.  Miles  autem  qui  Dei,  ettotius  Religionis 
confecerat  hostem  Ebroïnum;  ad  Pipinum  fiigiens  :  mortis  evasit 
periculum.  Pipinus  ille  filius  erat  Anchisae  principis  romani  ;  et  Pater 


sens  et  sa  mémoire,  l'os  que  il  avait  follement  deseuré  du  corps  fit  yètir  et  orner  d'or  pur 
et  de  pierres  précieuses,  et  le  fit  remettre  en  la  châsse  avec  le  corps.  Pour  cette  raison 
peut-on  prouver  que  le  corps  du  glorieux  martyr  git  laiens  entièrement  ;  quand  il  ne  put 
oncqucs  souffrir  que  un  petit  osselet  fut  ôté  de  son  bras  ni  démembré  de  son  corps.  Le  roi 
toutefois  recouvra  son  sens  en  partie,  mais  non  entièrement  ni  en  tel  point  comme  il  l'eut 
devant  eu  ;  si  ne  vécut  pas  puis  moult  longuement  ;  car  il  trépassa  au  chef  de  deux  ans 
après  ce  qui  lui  fut  advenu  (656.)  t 

{Gestes  de  Dagobert,  5i.  —  Chroniques  de  Saint-Denis,  v.  32.) 
B.  Zeller.  Rois  fainéants  et  Maires  du  Palais,  p.  81,  83. 

• 

Un  auteur  anonyme  complète,  ainsi  qu'il  suit,  le  souvenir  de  cette  profanation  et  le  soin 
que  prit  le  roi  pour  la  réparer. 

«  Clovis»  pour  nourrir  les  pauvres,  avoit  enlevé  de  Téglise  de  Saint-Denis  les  lames  d'or 
et  d'argent  qui  couvroient  les  tombeaux  de  saint  Denis  et  de  ses  compagnons;  ce  prince, 
dans  une  assemblée  d'évôques,  obtint  en  dédommagement,  pour  cette  abbaye,  une  exemption 
de  toute  juridiction,  laquelle  fiit  confirmée  par  Landeric>  évèque  de  Paris.  » 

Nouvel  Abrégé  chronologique  de  VHistoire  de  France,  Paris,  1744. 


398  PIÈCES   JUSTIFICATIVES 

Caroli  Martelli  :  Carolus  Martellus  genuit  Pipînum  patrem  Caroli 
Magni  Imperatoris  Augustisstmi.  Hase  de  Regihus  et  Principibus 
praelibata  ;  ut  quivis  intelligat  quo  tempore,  et  quo  Principe  imperante  : 
fortissimus  Christi  Athleta  Ragnebkrtus,  occubuerit.  Jam  ut  G>rpus  ejus 
ad  nos  sit  translatum,  explicemus. 

Cum  igitur,  impio  Principe  Ebroîno  jubente,  Christi  Martyr  Ragnebertus 
in  Burgundia  Martyrium  consummasset  ;  et  inibî  non  medico  temporis 
intervallo,  celebratâ  passione  quievisset  :  cuidam  ex  clientibus  suis  inter 
somnum  apparuit;  insinuavitque  se  inde  velle  transferri  :  et  in  solum 
Lugdunense  transportari.  Qui  tantâ  visione  perterritus  ;  summo  mane  ad 
sepulcrum  Martyris  advenit  :  invocatoque  sancti  Martyris  nomine,  in 
haec  verba  est  precatus  :  Sanctissime  Dei  dilecte;  si  quam  habui  proximé 
praeteritfi  noctevisionem,  a*te  est  :  ne  cuncteris  eamdem  iterare.  Exacto 
die,  cum  se  somno  dedisset  ;  astitit  Martyr  in  veste  sanguine  rubricatâ 
dicens  :  quare  dubitando  récusas  me  de  loco  isto  removere  i  quare  non 
obtempéras  sermonibus  meis  ?  qui  confurgens  diluculo,  ad  sepulchrum 
Martyris  secundo  perrexit  :  et  in  arenam  procumbens,  gratias  egit  Deo  et 
sancto  Ragneberto,  quôd  iterum  de  eadem  re  monitus  esset  :  rogaïque 
ut  quod  secundo  revelare  sunt  dignati,  idem  nuntiare  tertio  minime 
deprécentur.  Quod  si  faxint  oppido  abjecta  omni  fordimine  ;  provinciam 
sibi  demandatam  exequeretur  Deo  duce  et  adjuvante;  qui  perprophetam 
ait  :  Ne  for  m  ides  a  facie  eorum  ;  quia  tecum  ego  sum  ut  eruam  te  :  dicit 
Dominus. 

Tertio  itaque  die,  qui,  quoniam  deo  dicatus,  Dominicus  dicebatur  : 
antequam  dies  terris  illus  cesceret  :  cœpit  intra  semetipsum  cogitare  ;  si 
tertio  haec  mihi  appareat  visio  quam  habui  :  incunctanter  viam  aggre- 
dior  Domino  annuente  quo  tendere  debeam.Vix  ea  fatus  ;  ecce  sibi  sanctus 
Ragnebertus  dicens  :  surge  velociter  ;  et  concito  gradu,  perge  ad*locum 
quem  tibi  Dominus  manifestabit  :  eôque  corporis  mei  qus  repereris  ossa  ; 
cum  Reliquiis  Sancti  Domitiani  infer  nimirum  ultra  flumen  Ligerim  : 
ad  Sancti  Andreœ  Monasterium,  in  Comitatum  Forensem.  Quibus  ille 
auditis  ;  supra  modum  gaudens  quod  tertio  diligenter  de  omnibus  esset 
per  virum  dei  admonitus  :  nocte  proximâ  sequenti,  dum  quietum  silen- 
tium  tenerent  omnia  ;  et  nox  in  suo  cursu  médium  iter  haberet  :  animo 
perturbatus  accessit  ad  sanctum  gloriosi  Martyris  sepulcrum  ;  et  adorato 
numine  :  in  haec  verba  est  deprecatus.  Domine  Jesu  Christe  ;  totius 
bonitatis  et  amator  et  auctor  :  qui  Lazarum  quatriduanum  de  monu- 
mento  excitasti  ;  qui  sepulchrum  tuum  gloriosum.  victor  resurgens 
aperuisti  ;  aperi  et  mihi  sepulchrum  Sanctorum  tuorum,  non  meis  sed 
eorum  meritis  :  quô  facilius  valeam  eorum  corpora  ad  locum  eis  per  te 
Dominum  meum  Salvatorem  prseparatum  déferre.  Extemplô  lapidem 
ab  ostio  monumenti  vidit  revolutum.  Exhorruit  ;  mox  tarde  accedens  : 
stupore,  ut  solct,  dilabente  ,  injecta  manu  ausus  est  corpora  utriusque 
sumere  :  eaque  in  sarcinulis,  quas  ad  id  negotii  paraverat,  reponere. 


PIECES  JUSTIFICATIVES  3gC) 

O  Cum  autem  pervenisset  ad  clivum  oppidi,  quod  vulgô  Izeron  vocitatur  ; 
atque  ex  itinere  fatigatus,  secus  viam  ad  umbram  albae  spinae  conse- 
disset  :  Venatores  Gillini  Comitis  inibii  commorantis,  canibus  de  scntibus 
excussum  leporem  agebant;  qui  ad  sacra  pignora  accedens,  periculum 
velut  despiciens  :  juxta  ea  mansit  intrepidus.  Canes  verô  de  longé 
belluam  pertinaci  latratu  adigentes,  non  audebant  propiùs  accedere.  Fer- 
territi  Venatores  qusrebant  invicem;  quid  est  hoc?  aut  quis  unquàm 
talia  vidit  ?  renuntiemus  Domino  nostro  Comiti  mira  quœ  nostris  obtu- 
tibus  geruntur  ;  hoc  est  divino  nutu  factum  :  ut  post  modum  innotescet. 
Accedunt  ;  narrant  factum  ;  miratus  cornes  ;  ac  rei  novitate  percussus 
surgit  :  ad  locum  properat,  experturus  an  vera  narrarentur.  Appropians 
videt  Sacrarum  Gestatorem  Reliquiarum.quasdonec  tantillùm  reficeretur 
deposuerat  :  et  non  procul  jacentem  leporem.  Perturbatus  animo  cornes  : 
sic  hominem  compellat.  Qui  es  tu  ?  quo  tendis  ?  quid  tandem  in  sarci- 
nulis  tuis  defers  ?  Qui  sim  ;  quô  pergam  ;  quid  deferam  ;  paucis  excipe. 
Servus  Dei  sum  ;  et  sanctissimi  Martyris  Ragneberti;  cujus  corpus,  et 
sancti  confessons  Domitiani,  in  Comitatum  Forensem  trans  fluvium 
Ligerim  ad  Sancti  Andreee  Monasterium,  ipso  volente  et  prscipiente 
asporto. 

lO  Haec  ut  audivit  Comes  ;  gavisus  est  gaudio  magno  valde  :  erat  enim 
praefati  Monasterii  Pater,  quem  temporalem  vocant.  Mane  hic  tantisper, 
ait,  iste  Cornes  :  dum  vicinis  adsociemur  :  et  cum  frequenti  populo 
solemni  supplicatione  pariter  gradiamur  Nec  mora;  misit  qui  monerent 
Monasterii  Rectores,  et  Ecclesiarum  quas  sunt  ultra  Ligerim  :  ut  cum 
ornatu  obviam  Sanctorum  Reliquiis,  ad  littus  fluminis  procédèrent.  Mox 
lepore  sibi  relicto  ;  Clerum  et  populum  proximum  per  suos  advocat  : 
qui  cum  audierunt  taies  Margaritas  eô  pervenisse  ;  catervatim  ruunt, 
cernere  cupientes  mira  quse  geruntur;  vel  corporis  sanitatem  recuperare. 
Congregati  in  unum  :  profîcîscuntur  ad  Ligerim,  Jàmque  in  utrâque 
ripa  :  populus  penè  innumerus  stab&t  orans.  Res  mira  ;  et  scitu  digna  : 
virtus  Dei  admiranda.  Vix  accesserunt  ad  aquas  cum  populo  sacro-sanctae 
Reliquiae  ;  cum  divisas  aquae  stetcrunt  quasi  pro  muro  a  dextris  et  a 
sinistris  *  velut  Jordanis  quando  conversus  est  retrorsùm;  vel  Mare 
rubrum  ;  quando  Filii  Israél  sicco  vestigio  per  illud  transierunt  ;  et 
impletum  est  illud  Psalmitas  :  In  Flumine  per  transibunt  pede  ;  et  rursùs 
quod  alibi  Scriptura  dicit  :  stetit  unda  fluens. 

i  1  Nec  illud  praetereundum  existimamus  quod  Dominus  etiam  perservos 

suos  est  operatus.  Cum  enini  populus  siccisvestigiis  cum  Sanctorum  Reli- 
quiis fluvium  per  transisset  ;  nec  aliquis  de  tanta  multitudine  super  esset  : 
Ligeris  tamen  divisus  permansit.  Quare  obstupefactus  comes  ;  jussit 
quempiam  in  arborem  proximam  et  excelsam  conscendere  :  ut  experi- 
retur  nùm  Divina  pietas  aliquod  adhuc  prodigium  dignaretur  ostendere, 
propter  quod  fluvius  etiamnum  iluere  cessaret.  Dictum,  factum  ;  juvenis 
conscensa  arbore  oculorum  aciero   longius  protendens  :  vidit  vetulam 


400  PIECES   JUSTIFICATIVES 

quamdam  claudicantem  appropinquare .  Astantibus  itaquè  clamât  ; 
video  quamdam  mulierem  trîpodem  :  gradu  admodum  tardo  ad  nos 
venientem. 

tSS  His  auditis  Cornes  et  caetera  turba  ;  întellexerunt  hoc  divinitiis  esse 
prasstitutum  :  et  ut  ea  quas  Sanctorum  Reliquias  intimo  prosequebatur 
ardore  ;  per  eumdem  siccitatis  callem  :  per  quem  caetera  turba  transire 
mereretur.  Expectant  igitur  venientem  ;  et  médium  fiumen  ingressa  : 
statim  ut  adversam  ripam  superavit  ;  cœpit  de  more  Ligeris  praecipiti 
lapsu  fluere  :  populus  autem  circumstans  prae  gaudio  lacrymas  mittere  ; 
partim  vota  nuncupare  ;  partim  gratias  quam  maximas  :  Deo  et  Sanctis 
referre.  Mox  longa  pompa  in  hymnis  et  canticis  spiritualîbus  psallentes  ; 
ad  Sancti  Andréas  Monasterium  procedunt  :  ubi  honorifice  sunt  condicae 
Sanctorum  Ragneberti  et  Domitiani  Reliquae.  Temporis  lapsu  Urbs  a 
Sancto  Ragneberto]  nomen  accepit.  In  quam  conveniunt  ex  omni  loco 
infirmi  ;  sibi  numen  per  Athletam  Christi  fortissimum  propitiaturi  :  et 
nullus  ad  hanc  usque  diem  indonatus  abivit  (i). 


N"  3 


bU 


CHEMIN  DE  SAINT  CÔME  (chapelle) 
AU    GARAYT    DE    SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 

ANNÉE    1424 


Honnête  homme  Jean  Bicieu,  clerc  de  Saint- Rambert,  après  avoir 

choisi  sa  sépulture  dans  le  cimetierre  de  Saint-Rambert fait  dans  son 

testament,  daté  du  mardi  11  mai  1424,  plusieurs  legs  pieux et  fonde; 

incorpore,  une  chapelle  dans  la  grande  église  Saint-Rambert  en  la  dotant 

d'une  rente  annuelle  de  six  francs  de  bonne  monnaie lesquels  six 

francs  il  veut  que  Ton  prenne  i^  sur  un  pré  sien,  appelé  pré  Rambaut, 


(i)  Noas  avons  respecté  Torthographe  de  cette  légende,  qui  est  l'orthographe  de  l'ancien 
Bréviaire  manuscrit. 


PIECES  JUSTIFICATIVES  40I 

situé  vers  Cossanges,  près  du  chemin  qui  va  de  Péglise  Saint-Côme  au 
Garant  de  Saint-Rambert^  et  proche  du  bief  des  moulins  de  Saint- 
Ramberty  à  l'orient.  ~  i*  «  Super  quodam  prato  suo  vocato  pratum 
Rambaut,  sito  versus  Cossanges,  juxtà  iter  quô  itur  ab  ecclesid  Sancti 
Cosme^  apud  Gareytum  Sancti  Ragneberti,  et  juxta  alveum  molendi- 
norum  Sancti  Ragneberti^  ex  oriente.  » 

Inventaires  sommaires  des  Archives  départementales,  antérieures 
à  17 go.  Tome  II,  par  Aug.  Chaveronoisk. 


K  3 


ter 


A  propos  du  martyre  de  saint  Rambert,  sur  les  bords  du  torrent  de 
Bébron,  en  Bugey,  la  tradition  locale  a  gardé  le  souvenir  d'une  bien 
naïve  légende  : 

«  A  peine  le  chef  du  martyr  Rambert  eut-il  é\é  tranché  par  Tépée  des 
farouches  valets  d'EbroTn,  qu'il  roula  dans  les  eaux  du  Bébron.  Entraîné 
par  les  fiots  rapides  du  torrent,  ce  chef  sacré  arriva  dans  TAlbarine  qui 
le  porta  dans  la  rivière  d'Ain,  dont  les  eaux  vont  se  jeter  au  Rhône. 
Ainsi,  la  tête  du  martyr  charriée  par  le  fleuve  jusqu'au  lieu  où  s'élève 
actuellementfla  petite  ville  de  Saint-Rambert-d'Albon,aurait  été  recueillie 
par  des  mains  pieuses  et  serait  devenue  l'objet  d'une  grande  vénération. 
D'où  la  petite  ville  aurait  pris  le  nom  de  l'illustre  martyr.  »  (i). 

Pour  nous,  plein  de  respect  pour  cette  légende,  nous  aimons  mieux 
croire,  avec  le  texte  du  Bréviaire  et  avec  les  Bollandistes,  que  saint 
Rambert  a  été  percé  d'une  lance. 


(1)  Notes  obligeamment  communiquées  par  M.  l'abbé  Vivet,  curé-archiprétrc  de  Saint- 
Rambert-en-Bugey. 


•  I 


a6 


402  PIECES  JUSTIFICATIVES 


N"  A 


EXTRAIT    DES    BOLLANDISTES 


NOTES  POUR  SERVIR  AUX  CHAPITRES  III  bt  IV 


Auctor  Martyrologii  Gallicani  Andréas  Saussaius,  pagina  1247  sub- 
)unxit  aliqua  nomina  sanctorum,  ex  vetustissimo  Martyrologio  manus- 
cripto  monasterii  Patmim  Benedictinorum  S.  Sabini  sîve  Savini  in 
Levitaniâ,  in  montibus  Pyrenaeis  in  agro  Tarbiensi,  abhinc  circiter 
quadringentis  annis  exarato  in  pergameno.  In  hoc  ad  diem  xiii  Junii  sic 
legi  ait  :  In  territorio  civitatis  Lugdunensis,  natale  sanctî  Ragneberti, 
eu  jus  mortem  in  cônspectu  Domini  pretiosam  miracula  crebra  testantur. 
Habemus  Breviarii  Lugdunensis,  ad  Tridentini  formam  cudendi  pariter 
et  recitandi  Kalendariuro,  et  vitassanctorum,  auctore  Magistro  Stephano 
de  Vernay  Presbytero  Lugdunensi,  cum  approbatione  Domini  Chau- 
mont,  Doctoris  Sacras  Theologis  et  Canonici  Ecclesia&  Collegiatae  sancti 
Justi  in  urbe  Lugdunensi.  Ibi  ad  diem  eumdem  xiii  junli,  pro  festo 
sancti  Ragneberti  martyris,  ponitur  hoc  elogium  :  c  Ragnebertus,  alto 
Francorum  génère  ortus,  patrem  habuit  Radbertum  Ducem,  qui  com- 
plures  inter  Ligeris  ac  Sequanae  confinia  provincias  strenué  admodùm 
suis  rexit  temporibus.  Hic  ab  ineunte  œtate  prudenter  gerens  officia 
hujus  sasculi,  propter  eam  quam  habebat  in  Deum  summè  dilectum 
fidem  prscipuam,  studebat  in  cunctis  actibus  suis  itâ  transire  per  corn- 
moda  temporalia,  ut  pervenire  quandôque  mereretur  ad  «terna  gaudia 
promissa.  Quœ  et  tenuit  tenetque  ab  bac  die,  mucrone  lances  transfixus  ; 
post  multas  persecutiones,  opéra  jussuque  Ebroïni,  Majorisdomus  Theo- 
derici,  qui  factus  est  Rex  Francorum  loco  fratris  Childerici  anno  Christi 
DCLxxvii.  Locus  in  quo  talem  mortem,  pro  justitiae  cultu  injuste  sustinuit 
ab  impio  Tyranno,  Dei  et  Sanctorum  hoste,  atque  Francorum  nobilitatis 
cruento  extirpatore,  Bredone  olim  dictus,  in  Lugdunensium  finibus 
ad    montana    Jurae    positus,    divinae    glorificationis    coruscationibus 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  4o3 

illustratus  est.  Nam  ad  sancti  tumulum  appensœ  lampades,  oleum, 
quod  lumen  fovebat  perenne,  sine  humano  admîniculo  produce- 
bant  (i).  » 

Locus  dupiez  nomîne  sancti  Ragneherti  celebris  est.  Apud  Segusianos, 
nunc  Forenses  appellatos,  eosque  Superiores,  occurit  divi  Ragneberti 
Prioratus  Ordinis  Bénédictin! ,  qui  parùm  abest  à  ripa  fluminis  Ligeris  ; 
in  quo  pontem  lapideum  majores  fieri  curarunt,  indè  vulgô  le  pont  de 
Saint'Ramhert  nominatum,  et  est  in  Archipresbyteratu  Monbrissoniensi. 
Alius  locus  Sancti  Ragneberti  est  in  Bugesiâ  ditione  Bress  ad  fluyio- 
lum  Albarinam,  ad  magnam  illam  viam  quâ  itur  Burgo  Bellicum,  inter 
altos  montes  Jurenses.  Dicitur  autem  tàm  parochia  sive  oppidum  quàm 
Abbatia  sancti  Ragneberti  in  Archipresbyteratu  Ambroniacensi  esse,  in 
registro  beneficiorum  diœcesis  Lugdunensis.  Claudius  Castellanus  in 
suo  Vocabul.  Hagiolog.  addit  quod  sub  illius  nomine  yaris  reperiantur 
ecclesiae,  etiam  in  Delfinatu,  et  in  territorio  Vallis  Romensis,  vulgô 
Valromc^. 

Acta  Martyrii  habemus  yaria;  perfectissima  sunt;  quse  ex  Breviario 
dictas  Abbatis  sancti  Ragneberti  extracta,  edidit  Samuel  Guichenon  in 
Historiâ  Bressianâ  et  Bugesianâ,  parte  quartâ  in  probationibus  pag.  282  (2). 
Proximè  «ccedunt  quse  nobis  à  Joanne  Ferrando  Societatis  Jesu 
Lugduno  sùbmissaannoMDCXLixsunty  ut  à  Domino  Laboureur  Prœposito 
Insulse  Barbarse  suppeditata.  In  hisce  deest  Prologus  et  Epilogus,  et 
hujus  loco  nonnula  de  Bb'roïni  malitiâ,  obitu  et  damnatione  referuntur* 
quœ  judicamus  omittenda.  Tertio  loco  possunt  censeri,  quae  bis  nobis 
fuerunt  submissa  ex  Ms.  eodem  Nicolai  Fabri  :  hsc  autem  ferè  eadem 
dxstantysed  sub  finem  mutila^tomo  primo  Scriptorum  Historis  Francorum 
ab  Andrae  du  Chesne,  pag.  625  édita  ex  Ms.  Codice  Claudii  Oormieux 
Atrebatensis,  viri  mihi  optimè  noti  cum  isinsulis  degeret.  Apud  Andraem 
du  Chesne  margini  adscripts  leguntur  Idus  Julii^  cum  esset  impri- 
mendum  Idus  Junii jfacïli  errore,  et  jàm  ssepiùs  à  nobis  deprehenso:  ob 
quem  tamen  Saussaius  in  CoroUario  ad  Martyrologium  Gallicanum, 
ad  Idus  Julii  seu  xv  diem,  aliquod  elogium  S.  Ragneberti  protulit,  ad 
Idus  Junii  sive  xiii  diem  reducendum. 

Memoratus  ante  Guichenon,  in  Continuatione  partis  secunds  Historis 
pag.  97,  latè  describit  opidum  sancti  Ragneberti  Jurensis,  vulgô  saint 
Rambert  de  Joux,  ubi  asserit,  sanctum  Ragnebertum  martyrium 
coronatum,  sepulturs  traditum,  et  ad  ecclesiam  sancti  Domitiani  trans- 
latum,  ibidem  crebris  clarum  miraculis  hactenùs  quievisse  ;  non  autem 
in  Prioratu  sancti  Ragneberti  apud  Forenses  sacrum  ejus  corpus  cum 
corpore  sancti  Domitiani  asservari. 


(i)  lo  seqaeotibut  Breviaiii  Lugdanensis  editionibus,  acta  sancti  Ragneberti  in  brcTior 
formfl  reperiuntur. 

(3)  Vide  taprà,  pag.  33. 


404  PIECES  JUSTIFICATIVES 

Accrevit  monasterio  adjuncto  summus  splendor  ex  solis  ut  vîdetur, 
miraculis    sancti    Ragneberti    eu  jus    monasterii    Abbates    quatuor   et 
triginta   numerat    Guichenon.    Seztus    eorum    Humbertus   impetravit 
Bullam  à   Celestino    Papa   m,    signatam  anno   mcxci,   quâ   privilégia 
omnia    confirmantur    :    ubi    ille    ait,    se    loca    monasterti    subjecta 
propriis  duxisse  ezprîmenda  vocabulîs  ;   silicet  locum  in  quo  dictum 
monasterium  situm  est,  cum  omnibus  pertinentiis  suis   et  cum  burgo 
adjacenti;   cellam   de   Chamon,  ecclesiam   sancti  Michaelis  de  monte 
Andrico,    ecclesiam    sancti    Pétri  de  Villari  -  Cayerio ,    cum    omnibus 
appenditiis  earum,   Cellam   de   Villars- Sales,  ecclesiam  sancti  Julîani 
de   Monte -majori   cum   omnibus   appenditiis   earum,    Cellam    sancti 
Marise  de  Graneriis,  et  ecclesiam  sancti  Pétri  de  Sauciaco,  ecclesiam 
sancti  Pétri  de  Asperomonte,  ecclesiam  sancti  Baldulfi,  ecclesiam  de 
Munasco    cum    appenditiis   earum,  cellam  sanctœ    Maris  de   Lucey, 
ecclesiam  sanctse   Marias  de   Janua,  ecclesiam   de  Luziaco,  ecclesiam 
sancti   Desiderii,   ecclesiam  de    Champanieu  cum   appenditiis   earum, 
ecclesiam    sancti    Pétri    de    Benoncia,   ecclesiam    sancti    Andréas    de 
Tenayo,  ecclesiam  sancti  Mauricii  de  Argit,  ecclesiam  sancti  Martini 
de  Vangiis,   ecclesiam  sancti  Laurentii  de  Onciaco,   ecclesiam  sancti 
Pétri  de  Aranda,  Cellam  sancti  Michaelis  de  Rupe,  ecclesiam   sancti 
Mauricii  de  Langiis,   ecclesiam   sancti   Hilarii  de  Turciaco,  ecclesiam 
sancti  Martini  de  Clesieu,  ecclesiam  sancti  Martini  de  Varey,  ecclesiam 
sancti   Mauricii  de  Ambutriaco,  ecclesiam  sancti  Mauricii  de    Meyri, 
ecclesiam  sancti  Andréas  de  Rigniaco,  Cellam  sancti  Pétri  de  Vilieu, 
ecclesiam  sanctae  Maris  de   Hospitalari,  capellam  sanctae   Magdalenas 
de    Loyes,    Cellam    sancti    Christophori    de    Burgo,    Cellam    sancti 
Vincentii  de   Faramans,   ecclesiam  sancti   Martini  de  Stingiaco   cum 
appenditiis  earum. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  405 


K  5 

PROCÈS-VERBAL 

DE    LA    RECONNAISSANCE    DES    RELIQUES    DE    SAINT    RAMBERT 

FAITE  LE    10  JUIN    1 768 
PAR  DOM  GODARD,  VISITEUR  DE  l'oRDRE  DE  CLUNY 
A   SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY 


NOTES  POUR   SERVIR  AU  CHAPITRE  V 


L'an  1763  et  le  dixième  jour  du  mois  de  juin,  sur  les  onze  heures 
avant  midi,  en  l'église  de  l'abbaye  royale  de  St-Rambert  en  Bugey, 
diocèse  de  Lyon,  ordre  de  Cluny,  ancienne  Observance,  du  pontificat 
de  notre  saint  père  le  Pape  Clément  xiii,  du  règne  de  Louis  xv, 
surnommé  le  Bien- Aimé,  roi  de  France  et  de  Navarre;  en  présence  des 
notaires  royaux  de  la  ville  de  Saint- Rambert  en  Bugey,  diocèse  susdit, 
généralité  de  Bourgogne,  élection  de  Belley,  soussigné,  dom  Bernard 
Godard,  prieur  claustral  de  St- Vincent  en  Bourgogne,  titulaire  de  celui 
d'Alais  en  Dauphiné,  visiteur  du  susdit  ordre  de  Cluny,  pour  la  pro- 
vince de  Lyon,  étant  dans  le  cours  et  exercice  de  sa  visite  régulière  en 
ladite  abbaye  de  Saint-Rambert,  du  même  ordre  de  l'ancienne  Obser- 
vance, a  procédé  à  l'ouverture  d'une  châsse  ou  reliquairej  contenant  les 
ossemens  et  reliques  de  saint  Rambert,  martyr,  renfermés  dans  quatre 
paquets,  enveloppés  chacun  d'une  étoffe  de  soie,  dans  l'un  desquels  sont 
les  deux  os  du  coxis,  deux  fémurs  dont  la  tête  de  l'un  est  séparée  de 
l'apofise,  un  péroné,  un  cubitus  et  Tapoiise  ci-desssus  ;  dans  l'autre,  des 
portions  de  clavicules,  de  fausses  côtes,  de  l'épine  du  dos,  un  crâne  et 
d'autres  petits  ossemens  mis  en  pièces  ;  dans  un  troisième  paquet  sont 
renfermés  plusieurs  fragmens  d*os  que  l'on  ne  peut  distinguer  à  cause  de 
leur  petitesse  ;  le  quatrième  contient  de  la  terre  dans  laquelle  on  croit  que 


406  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

le  saint  fut  autrefois  inhumé  ;  plus,  dans  une  petite  boîte  de  fer-blanc,  sont 
contenues  de  petites  particules  de  reliques,  trouvées  dans  le  tombeau  de 
l'autel  qui  était  ci-devant  à  la  sacristie,  et  que  feu  dom  Carron,  grand 
prieur,  avait  certifié  être  de  saint  Rambert  et  de  saint  Domitian  ;  dans 
cette  châsse  a  été  trouvée  encore  une  petite  portion  de  reliques  qui  avaient 
été  tirées  du  tombeau  de  l'autel  de  Notre-Dame  de  Pitié  de  ladite  abbaye, 
et  que  feu  M.  Barron,  curé  de  Saint- Rambert,  avait  certifié  être  des  mêmes 
saints  ;  enfin,  dans  ledit  reliquaire  était  un  procés-verbal  de  la  translation 
faite  de  toutes  les  reliques  ci-dessus,  d'une  ancienne  châsse,  dans  celle 
dont  il  fait  actuellement  la  visite,  en  date  du  lo  juin  1689,  et  signé  par 
dom  Paturel,  grand-prieur  ;  Buynand,  chamarier  ;  Delaforest,  sacristain  ; 
Trocu,  aumônier;  Michon,  chantre  ;  Caron,  ouvrier  ;  Guichard,cellérier, 
et  Vérot,  réfectorier  ;  lesquelles  parties  de  reliques  ont  été  nommées  par 
M.  Grumet,  docteur  en  médecine,  demeurant  à  Ambérieu,  invité  à  se 
trouver  pour  ce  faire,  ainsi  qu'il  l'a  afHrmé  et  rapporté  ;  ayant  bien  consi- 
déré tous  lesdits  os,  à  mesure  que  mondit  sieur  le  visiteur  les  tirait  dudit 
reliquaire  ;  et  sur  ce  qui  a  été  représenté  à  mondit  sieur  le  visiteur,  que 
ce  reliquaire  tombait  de  vétusté  et  était  vermoulu,  et  que  dom  Jean- 
Baptiste  Pellard,  religieux,  prêtre  réfectorier  de  ladite  abbaye,  avait  eu 
la  dévotion  d'en  faire  faire  un  autre  en  sculpture,  et  doré  surtout  à  l'exté- 
rieur, avec  des  palmes  en  sautoir  et  des  guirlandes  aux  quatre  faces  et 
relevées  en  bosses,  surmonté  d'une  couronne  royale  peinte  en  rouge  et 
verni  en  dedans  ;  ledit  sieur  visiteur,  revêtu  d'une  aube  et  d'une  étole 
pardessus,  avec  toutes  les  cérémonies  accoutumées,  a  mis  dans  cette  nou- 
velle châsse  toutes  lesdites  reliques  et  le  susdit  procés-verbal,  après  avoir 
enveloppé  tous  lesdits  paquets  de  reliques  dans  une  seule  et  même  enve- 
loppe, d'une  étoffe  de  soie  rayée  et  coupée  par  bandes  bleues  et  jaunes, 
qu'il  a  liée  avec  un  ruban  couleur  rouge,  sur  lequel  il  a  apposé  le  sceau 
de  ses  armes  en  deux  endroits. 

Le  tout  fait  en  présence  de  dom  François-Marin  de  la  Levretière, 
chamarier,  grand-prieur  de  ladite  abbaye,  prieur  titulaire  de  Benassan, 
et  premier  syndic  général  du  clergé  de  Bresse  et  du  Bugey  ;  de  dom 
Philibert  Rousset,  ouvrier  ;  dudit  Jean-Baptiste  Balthasard  Pellard  ;  de 
dom  François  Moynat,  cellérier,  tous  religieux  de  la  même  abbaye  qui 
ont  aidé  et  assisté  mondit  sieur  le  visiteur  dans  la  susdite  cérémonie  ;  et 
ledit  grand  prieur  a  de  même  apposé  son  cachet  sur  la  susdite  enveloppe, 
aussi  en  deux  endroits  ;  et  après  avoir  mis  dans  ledit  reliquaire  un  extrait 
des  présentes  en  due  forme,  signé  de  nous  notaires,  mondit  sieur  le  visi- 
teur l'a  fermé  à  deux  clés  qu'il  a  remises  auxdits  grand-prieur  et  religieux^ 
pour  être   déposées  dans  les  archives  de  ladite  abbaye. 

De  tout  quoi  nous  avons  dressé  le  présent  procès-vfrrbal  dans  l'église 
de  ladite  abbaye,  en  présence  de  M.  Jean-Louis  Grumet,  conseiller  du 
roi,  maire  de  la  ville  de  Saint-Rambert,  conseiller  au  conseil  de  la  pro- 
vince du  Bugey,  juge-mage  au  siège  de  Saint-Rambert  et  des  terres 
d'icelle  abbaye  ;  de  messire  Etienne  Girandon,  prêtre,  curé  de  Sâint- 
Rambert  j  de  messire  Antoine  Pellier,  son  vicaire  ;  de  messire  Antoine 


PIECES  JUSTIFICATIVES  407 

Chapuy,  clerc  tonsuré  de  Saint-Rambert  ;  de  messîre  Jean- Louis  Reverdy 
d'Argentiére,  de  messire  Bourdin,  demeurant  audit  Saint-Rambert,  qui 
ont  tous  signé  avec  les  ci-devant  dénommés  : 

Godard,  visiteur. 

De  la  Levrbtièrb,  grand-prieur. 

RoussET,  ouvrier. 

Pellard,  réfectorier. 

MoYNAT,  célerier. 

GiRANDON,  curé. 

Pellier,  vicaire. 

Chapuy. 

Grumet. 

BocjRDiN  aîné. 

Grumet,  maire. 

Reverdy-d'Argentière. 

Auger,  notaire  royal. 

Barron,  notaire  royal. 

Contrôlé  à  Saint-Rambert,  le  10  juin  1763,  fol.  58,  case  3,  reçu  12  sols 
6  deniers. 

Auger. 


Expédition  prise  et  collationnée  sur  les  minutes  de  M*  Barron,  notaire 
royal  à  Saint-Rambert,  par  nous,  Louis-Joseph  Falavier,  notaire  royal 
h  la  résidence  dudit  Saint-Rambert,  soussigné,  nanti  et  propriétaire 
desdites  minutes. 

A  Saint-Rambert,  le  S  février  1824. 

Falavier,  notaire. 


4^8  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


N^  6 


DÉLIBÉRATION   DU  CONSEIL  DE  LA  COMMUNE 

QUI    DEMANDE   AUX    RELIGIEUX 
LA   DONATION   DE   LA   RELIQUE   DE   SAINT   RAMBERT 

SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY 
14  JUILLET    1788 


NOTES   POUR  SERVIR   AU   CHAPITRE   V 


Du  quatorze  juillet  mil  sept  cent  quatre-vingt-huit;  Jean-Louis 
Grumet-de-Montpie,  avocat  au  parlement,  conseiller  du  roi,  maire 
perpétuel  de  la  ville  de  Saint-Rambert,  conseiller  au  conseil  politique 
de  la  province  du  Bugey;  savoir  faisons  que,  ceiourdliui  quatorze 
juillet  mil  sept  cent  quatre-vingt-huit,  le  conseil  de  l'Hôtel-de- Ville 
de  Saint-Rambert  étant  assemblé  dans  la  grande  salle  dudit  Hôtel- 
de-Ville,  sur  la  convocation  que  nous  en  avons  faîte  en  la  manière 
accoutumée  ;  il  a  été  représenté  que  la  communauté  des  religieux 
de  Tabbaye  de  Saint-Rambert,  va  être  incessamment  dissoute;  que 
la  relique  de  saint  Rambert,  patron  de  la  paroisse,  objet  antique 
de  la  vénération  publique,  existe  de  temps  immémorial  dans  l'église 
de  cette  abbaye,  précieusement  conservée  par  mesdits  sieurs  les 
religieux  ;  que  les  habita ns  désirent  avec  empressement  sa  trans- 
lation dans  l'égli&e  paroissiale,  ainsi  que  celle  de  saint  Clair,  et  que 
le  moment  où  la  dissolution  va  être  consommée  étant  prochain,  il 
convient  de  prendre,  sans  délais,  des  mesures  pour  remplir,  à  cet 
égard,  le  vœu  général  ;  sur  quoi  il  a  été  arrêté  que  M.  Gaillard, 
commis  par  M.  de  Saint-Julien  à  l'administration  des  biens  et 
droits  de  la  communauté  de  ladite  abbaye,  sera  prié  de  faire  trans- 


PIECES  JUSTIFICATIVES  409 

férer,  avec  les  solennités  convenables,  la  relique  de  saint  Rambert 
et  celle  de  saint  Clair  dans  la  chapelle  des  Pénitens  où  se  fait 
le  service  paroissial,  pour  y  être  placées  provisoirement,  dans  le 
chœur,  du  côté  de  l'Evangile,  ensuite  transportées  dans  l'église 
paroissiale  lorsqu'elle  sera  en  état,  et  déposées  dans  la  chapelle  de 
saint  Georges,  qui  touche  au  chœur  de  ladite  église  paroissiale, 
avec  une  grille  et  un  rideau  ;  à  l'effet  de  quoi  le  sieur  Combe,  syndic, 
est  chargé  de  se  transporter  à  ladite  abbaye  où  il  communiquera 
à  Messieurs  les  grand- prieur  et  religieux  la  présente  délibération, 
les  priera  de  donner  leur  consentement  à  la  translation,  comme  une 
dernière  marque  de  leur  attachement  pour  la  ville,  et  leur  témoignera, 
au  surplus,  combien  les  officiers  municipaux  et  tous  les  habitans  sont 
touchés  de  la  dissolution  de  leur  abbaye,  et  sensibles  à  la  perte  d'une 
maison  si  utile  à  la  paroisse. 

Ainsi  fait  et  délibéré  à  Saint-Rambert,  en  la  grande  salle  de  THôtel- 
de-Ville,  les  jour  et  an  dits  ci-dessus. 

Falavibr-Marbschal. 

AUGER. 

Garin. 
Combe,  syndic. 

JUVANON. 

Grumet-oe-Montpie,  maire. 
Tenand,  secrétaire. 


41 0  PIECES   JUSTIFICATIVES 


W  7 

PROCÈS-VERBAL 

DE   LA   TRANSLATION    DE  LA   RELIQUE    DE   SAINT   RAMBERT 

DE   l'aBBATE    DANS   l'ÉGLISE    PAROISSIALE 

DE   SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY 

12    JUIN    1789 


NOTES   POUR  SERVIR  AU   CHAPITRE  V 


Du  douze  juin  mil  sept  cent  quatre-vingt-neuf. 

Jean-Louis  Grumet-de-Montpie^  avocat  au  parlement,  conseiller  du 
roi,  juge  mage  civil  et  criminel  au  siège  de  Saint- Rambert,  premier 
conseiller  au  conseil  politique  du  Bugey  ; 

Le  mercredi  10  de  ce  mois,  Dom  Niviére,  procureur  syndic  de  Tabbaye 
de  Saint-Ramberty  député  ad  hoc  du  chapitre  conventuel  de  ladite 
abbaye,  a  notifié  aux  magistrats  et  à  M.  le  curé  de  ladite  ville,  que 
cejourd'hui,  vendredi  1 2  juin  1 789,  veille  de  la  fête  de  Saint  Rambert, 
patron  de  ladite  ville,  entre  six  et  sept  heures  du  soir,  MM.  les  grand- 
prieur  et  religieux  de  ladite  abbaye  transporteraient  processionnellement, 
suivant  l'usage,  la  relique  de  saint  Rambert  dans  l'église  du  service 
paroissial  ;  mais  que,  comme  leur  communauté  conventuelle  est  au 
moment  d'être  entièrement  dissoute,  en  exécution  de  deux  arrêts  du 
conseil,  sur  lesquels  sont  intervenus  une  bulle  de  notre  saint  Père  le 
Pape,  et  des  lettres  patentes  déjà  enregistrées  en  divers  parlemens,  ils  se 
proposent  de  laisser  ladite  relique  dans  l'église  paroissiale  de  Saint- 
Rambert,  avec  d'autres  reliques  qui  existent,  dès  la  plus  haute  antiquité^ 
dans  ladite  abbaye  ;  et  comme  ces  monumens  sacrés  ont  été,  de  temps 
immémorial,  un  objet  de  la  vénération  publique,  il  a  invité  les  magis- 


PIECES  JUSTIFICATIVES  4I  I 

trats  et  M.  le  curé  à  prendre  les  mesures  qu'ils  croiront  convenables  pour 
que  la  translation  et  le  dépôt  soient  faits  avec  les  précautions  et  les 
solennités  que  le  cas  exige.  Sur  quoi,  ledit  jour  iz  juin.  1789,  entre  six  et 
sept  heures  du  soir,  M.  le  curé,  après  9*être  concerté  avec  les  magistrats, 
a  envoyé  le  clergé  de  son  église  à  ladite  abbaye  pour  accompagner  lesdites 
reliques  dans  leur  translation,  et  les  magistrats,  précédés  de  U  milice 
bourgeoise  sous  les  armes  s'étant  joints  audit  clergé,  ils  se  sont  tous 
ensemble  et  en  ordre  de  cérémonie/ transportés  à  ladite  abbaye,  oii  étant 
arrivés,  ils  ont  été  reçus  à  la  porte  de  Téglise  abbatiale  par  mesdits  sieurs 
les  grand-prieur  et  religieux,  et  tout  de  suite  la  procession  s'est  mise  en 
marche,  la  milice  bourgeoise  en  tête,  tambour  battant  et  drapeau  déployé  ; 
le  reliquaire  doré  où  sont  fermées  les  reliques  de.  saint  Rambert,  était 
porté  par  deux  pénitens,  suivi  du  clergé  de  la  paroisse,  de  mesdits  sieurs 
les  grand-prieur  et  religieux  et  immédiatement  après,  des  magistrats  et 
d'une  foule  de  peuple. 

La  procession  a  pris  sa  marche  par  dessus  tes  Chênes^  et  après  avoir 
traversé  une  partie  de  la  ville,  elle  est  arrivée  à  la  porte  de  la  chapelle 
du  Collège,  où  se  fait  le  service  paroissial  pendant  la  reconstruction 
de  l'église  matrice,  et  elle  y  a  été  reçue  par- M.  le  curé.  Après  quoi, 
étant  entré  dans  ladite  chapelle,  le  reliquaire  a  été  déposé  dans  le 
chœur,  du  côté  de  l'Evangife,  et  après  les  prières  accoutumées,  Dom 
Moynat,  grand  prieur  de  ladite  abbaye,  en  présence  de  MM.  les 
religieux,  a  déclaré  à  mondit  sieur  le  curé  et  aux  magistrats,  qu'il 
livrait  ladite  relique  et  le  reliquaire,  dont  il  entepdait  que  son  chapitre 
demeurât  dès  cet  instant  déchargé,  et  sur-le-champ  il  a  présenté  les 
deux  clés  dudit  reliquaire,  lequel  forme  un  grand  coffre  de  bois, 
sculpté  et  doré,  relevé  en  bosses,  orné  de  palmes  en  sautoir  et  de 
guirlandes  aux  quatre  faces,  surmonté  d'une  couronne  royale,  et 
fermant  à  deux  clés.  M.  le  curé  en  ayant  fait  l'ouverture,  il  s'est  trouvé 
dans  l'intérieur  qui  est  peint  en  rouge  au  vernis  un  paquet  d'une  étoffe 
de  soie  fort  vieille,  rayée  de  bandes  bleues  et  jaunes,  lié  ■  en  croix 
par  des  rubans  de  soie  couleur  rouge,  cacheté  sur  les  deux  faces  avec 
deux  cachets  de  cire  rouge  parfaitement  sains  et  entiers,  dont  l'un 
représente  dans  son  champ  un  lion,  et  l'autre  un  pélican,  et  sous 
ledit  ruban,  deux  actes  dont  l'un  est  un  procès -verbal,  original  du 
dix  juin  rôSg,  dressé  par  les  grand-prieur  et  religieux  de  ladite  abbaye, 
capitulairement  assemblés  pour  constater  la  translation  des  reliques 
de  saint  Rambert  dans  un  nouveau  reliquaire,  et  le  second  est  une 
expédition  en  forme  probante  d'un  autre  procès-verbal  du  10  juin  1763, 
signé  Auger  et  Baron,  notaires  royaux,  dressé  par  Dom  Bernard 
Godard,  prieur  claustral  de  son  vivant  et  visiteur  de  l'ordre  de  Cluny, 
en  présence  des  grand-prieur  et  religieux  de  ladite  abbaye,  contenant 
la  translation  de  la  relique  de  saint  Rambert  dans  le  reliquaire  actuel, 
et  son  dépôt  sous,  l'enveloppe  de  soie  ci-dessus  décrite  avec  le  ruban 
et  les  cachets  qui^  sont  trouvés  entiers  et  dans  la  même  forme  relatée 
audit  procès-verbnl. 


412  PIECES  JUSTIFICATIVES 

Ensuite  mondit  sieur  le  grand-prieur  a  présenté  et  remis  à  mondit 
sieur  le  curé  et  aux  magistrats  : 

i«  Un  ostensoir  de  bois  sculpté  et  doré,  sous  la  glace  duquel  on  voit 
trois  fragmens  des  ossemens  de  saint  Clair,  suivant  l'inscription  antique 
qu'on  lit  sur  iceux,  lequel  ostensoir  est,  ainsi  que  Ta  déclaré  mondit 
sieur  le  grand-prieur,  et  de  notoriété  publique,  exposé  à  la  vénération 
publique  de  temps  immémorial,  dans  Téglise  de  ladite  abbaye. 

2*  Un  petit  colfret  recouvert  de  lames  argentées,  fermé  simplement 
par  un  ruban  en  ligature,  dans  lequel  se  sont  trouvés  quelques  fragmens 
d'os  que  mondit  sieur  le  grand-prieur  a  dit  être  des  reliques  de  saint 
Roch,  de  saint  Marc  et  de  sainte  Barbe,  constatées  par  deux  actes  dont 
Tun  en  parchemin  -qui  se  sont  aussi  trouvés  dans  ledit  coffret,  mais  que 
nous  n'avons  pu  lire,  â  cause  de  l'antiquité  dé  récriture  et  d'une  lacune 
considérable  formée  par  un  trou  au  milieu  de  l'un  des  deux  ;  lesquels 
fragmens  mondit  sieur  le  grand-prieur  a  déclaré  avoir  été  trouvés  avec 
l'authentique  dans  ladite  abbaye,  sous  la  pierre  de  l'autel  de  la  chapelle 
de  St.  Roch,  lorsque  cette  chapelle  fut  démolie, 

3*  Ur  bras  et  une  main  recouverts  de  lames  d'argent,  représentant, 
suivant  l'ancienne  tradition,  un  bras  et  une  main  de  saint  Domitian, 
premier  fondateur  de  l'abbaye,  dans  l'intérieur  desquels  mondit  sieur 
le  grand-prieur  a  dit  être  renfermés,  suivant  la  même  tradition,  des 
fragmens  réels  du  bras  et  de  la  main  de  ce  Saint. 

4*  Une  crosse  d'ivoire  attachée  à  un  bâton  marqueté  d'ivoire,  deux 
souliers,  deux  bas  et  un  gant,  le  tout  de  damas  bleu,  brodé  en  or; 
deux  voiles,  l'un  en  damas  bleu  brodé  en  or,  l'autre  de  toile  brodée  en 
fil,  et  deux  grands  peignes  d'ivoire;  tous  lesquels  effets  mondit  sieur  le 
grand-prieur  a  déclaré  être  conservés,  de  temps  immémorial,  dans 
ladite  abbaye  comme  ayant  servi  aux  saints  abbés  d'icelle,  même  à  saint 
Domitian. 

Mondit  sieur  le  curé  et  les  magistrats  ont  accepté  la  remise  desdits 
reliquaires,  reliques  et  effets  ci-dessus  décrits.  Le  paquet  de  soie  liée  d'un 
ruban  rouge  fermé  par  deux  cachets  qui  contient  les  reliques  de  saint 
Rambert,  a  été  replacé,  sans  être  ouvert,  dans  le  reliquaire  du  Saint, 
avec  les  deux  procès-verbaux  ci-dessus  relatés  qui  y  étaient  joints,  et  un 
double  original  du  présent,  et  le  petit  coffret  contenant  les  reliques  de 
saint  Roch,  de  saint  Clair  et  de  sainte  Barbe,  et  l'ancien  authentique; 
ledit  reliquaire,  après  avoir  été  refermé,  a  été  placé  dans  le  chœur  de 
ladite  chapelle  du  Collège,  du  côté  de  l'Evangile,  en  attendant  qu'il  y 
ait  été  autrement  pourvu,  après  le  rétablissement  de  l'église  paroissiale  ; 
et  les  deux  clés  dudit  reliquaire  sont  restées  entre  les  mains  de 
M.  le  curé;  l'ostensoir  contenant  les  reliques  de  saint  Clair  a  été  placé 
sur  l'autel,  ainsi  que  le  bras  et  la  main  de  saint  Do|uîian,  et  les  autres 
effets  ci-dessus  décrits,  dans  la  sacristie. 


PIÈCES  JUSTrFICATIVES  4l3 

La  cérémonie  étant  achevée,  mesdits  sieurs  les  grand-prieur  et 
religieux  ont  présenté  et  remis  à  M.  le  Curé  un  ornement  qu'ils  ont  dit 
être  un  accessoire  de  la  relique  de  saint  Rambert,  consistant  en  une 
chasuble  aurore,  moirée  d*or,  galons  d'argent;  une  chasuble  et  deux 
dalmatiques  en  soie  rouge  à  fleurs  d'or,  une  chappe  de  satin  rouge  avec 
les  galons  d'or.  Lequel  ornement  ils  ont  déclaré  avoir  fait  faire  en 
remplacement  des  sermons  de  carême  et  fêtes  solennelles  qu'ils 
devaient  à  la  paroisse  et  qu'ils  n'avaient  pu  faire  acquitter  en  nature  : 
M.  l'abbé  de  St-Rambert  consentant  en  ce  qui  le  concerne,  ainsi  que 
l'a  déclaré  Dom  Niviére,  son  procureur  fondé,  à  ce  que  le  surplus  du 
prix,  s'il  y  en  a,  profite  à  l'église  paroissiale. 

Le  présent  procès-verbal  a  été  signé  de  mesdits  sieurs  les  grand-prieur 
et  religieux,  de  M.  le  curé,  des  magistrats,  de  nous  et  du  secrétaire 
greffier  de  l'Hôtel-de- Ville,  et  rédigé  en  deux  originaux,  dont  l'un  déposé, 
comme  est  dit  ci-dessus,  dans  le  reliquaire  de  St.  Rambert,  et  l'autre 
couché  sur  le  registre  de  l'Hôtel-de- Ville,  pour  y  avoir  recours,  et  en 
être  délivré  des  expéditions  à  qui  de  droit,  si  besoin  est. 

A  Saint- Rambert,  le  dit  jour  12  juin  1789,  dans  la  chapelle  du 
Collège. 

Moynat,  grand-prieur;  Nivière,  syndic;  Reverdy,  Debeney,  curé; 
Grumet-de-Montpie,  maire,  conseiller;  Falavier-Mareschal,  lieutenant 
juge  ;  Jarrin,  Juvanon,  conseiller  ;  Juvanon,  principal  du  Collège  et 
vicaire  à  St-Rambert  ;  Baillaz,  Garin,  Tenand,  Dabreuil,  vicaire  ; 
Bugniod,  Auger,  Bourdin,  Tenand,  secrétaire. 


414  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


N^  8 

DÉCLARATION 

DONNÉE   PAR    LES   TROIS     HABITANS    DE    SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY 

QUI    ONT    SAUVÉ    LA    RELIQUE    EN     1 792 


NOTES  POUR  SERVIR  AU  CHAPITRE  V 


Nous  soussignés  André  Tenand,  propriétaire;  Philibert  Thevenin, 
instituteur,  et  Pierre  Lyaudet^  marchand,  demeurant  à  Saint- Rambert, 
certifions  avec  serment  à  tous  ceux  qu'il  appartiendra,  que,  dans  la 
révolution»  lorsque  les  églises  furent  fermées  et  dépouillées,  voulant 
mettre  les  reliques  de  saint  Rambert  à  l'abri  de  la  profanation,  nous  nous 
emparâmes  de  la  châsse  en  bois  doré  que  noas  emportâmes  secrètement 
de  l'église,  nous  en/îmes  Touverture  et  en  retirâmes  un  paquet,  conte- 
nant des  ossemens  renfermés  dans  une  pièce  de  taffetas  vert  que  nous 
enterrâmes  dans  un  lieu  sûr  et  secret  :  dès  que  les  églises  furent  rouvertes 
et  que  l'exercice  du  culte  fut  libre,  nous  retirâmes  ces  reliques  du  lieu  où 
nous  les  avions  cachées,  et  les  rétablîmes  dans  la  même  chasse  où  elles 
existent  actuellement,  et  n'ont  cessé  depuis  lors  d'être  exposées  à  la 
vénération  publique;  en  foi  de  quoi  nous  avons  dressé  le  présent  procès- 
verbal,  pour  servir  et  valoir  ce  que  de  raison  ;  lequel  a  été  signé  de  nous, 
de  M.  Dupuy,  curé  de  Saint-Rambert,  et  de  M.  Darnand,  vicaire. 

A  St-Rambert,  le  i«'  mai  181 3. 

Dupuy,  curé. 

Darnand,  vicaire. 

André  Tenand. 

Philibert  Thevenin,  instituteur. 

Pierre  Lyaudet. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  4l5 


W  9 


ACTE 

DE  VÉRIFICATION,  RECONNAISSANCE  ET  APPOSITION  DE  SCEAUX 

AUX   RELIQUES   DE   SAINT   RAMBERT,   MARTYR 

FAITES  A  SAINT-RAMBERT,  DÉPARTEMENT  DE  L*AIN,  LE  lO  JUIN  l8l3 

PAR  SON  ALTESSE  ÉMINENTISSIME  LE  CARDINAL  FESCH 

ARCHEVÊQUE   DE   LYON 


NOTES  POUR  SERVIR  AU  CHAPITRE  V 


Joseph,  cardinal  Fesch,  archevêque  de  Lyon,  primat  des  Gaules, 
grand-aumônier  de  l'empire,  etc.,  etc. 

Dans  le  cours  de  notre  visite  pastorale,  étant  à  Saint-Rambert, 
département  de  l'Ain,  le  lo  juin  i8i3,  M.  Claude  Dupuy,  curé  de  cette 
paroisse,  nous  a  exhibé  dans  une  chapelle  de  son  église,  à  gauche,  un 
grand  reliquaire  en  bois  doré,  qu'il  nous  a  dit  renfermer  une  portion 
notable  du  corps  de  St.  Rambert,  martyr,  et  nous  a  prié  de  le  recon- 
naître, d'en  faire  la  vérification  et  d'y  apposer  notre  sceau  ;  à  quoi  nous 
avons  procédé  comme  il  suit  : 

1^  Ouverture  faite  de  la  châsse  par  M.  le  curé,  qui  seul  en  a  la  clé, 
nous  avons  trouvé  un  paquet  d'ossemens  gros  et  petit,  renfermés  dans 
une  étoffe  en  soie,  couleur  bleue  ;  plus,  un  autre  paquet  renfermant  de 
petits  ossemens  et  de  la  terre  qu'on  nous  a  dit  avoir  été  tirée  du  tombeau 
de  saint  Rambert;  plus,  deux  petits  vases  renfermantune  terre  imprégnée 
de  son  sang;  plus,  un  autre  paquet  de  vieilles  étoffes  qui  ont  servi 
autrefois  d'enveloppe  aux  reliques  du  saint. 

2«  Lecture  nous  a  été  faite  par  M.  le  maire  de  St* Rambert,  d'un  procès- 
verbal  en  due  forme,  qui  constate  que  la  châsse  des  reliques  de  saint 
Rambert  vénérées  dans  l'église  abbatiale  dudit  Saint-Rambert,  fut 
authentique  ment  remise  et  transférée  avant  la  révolution,  à  l'époque  de 
la  suppression  de  ce  monastère,  dans  l'église  paroissiale  dudit  lieu,  où 
ces  reliques  furent  aussi  religieusement  vénérées,  jusqu'à  l'époque  de 
la  révolution. 


4l6  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

Nous  avons  pris  communication  d'un  autre  procès-verbal,  fait  par  des 
commissaires  nommés  par  nos  vicaires-généraux,  pour  informer  sur  la 
conservation  des  susdites  reliques  pendant  les  malheurs  de  la  révolution  ; 
lequel  procès-verbal  constate,  par  la  déposition  de  citoyens  respectables 
et  dignes  de  foi,  que  les  ossemens  et  autres  objets,  actuellement  dans  la 
châsse,  sont  les  mêmes  qui  avaient  reposés  jadis  dans  le  monastère,  et 
qui  avaient  été  conservés  ensuite  dans  l'église  paroissiale  jusqu'à  la 
révolution. 

Nous  avons  entendu,  sur  ce  point,  le  rapport  de  M.  le  curé,  de  M.  le 
maire,  de  MM.  les  fabriciens,  et  autres  habitants  de  Saint-Rambert,  et 
particulièrement  de  ceux  qui  les  ont  secrètement  conservés  pendant  les 
désastres,  et  les  ont  ensuite  fidèlement  remis  dans  la  châsse  ;  tous  lesquels 
témoignages  sont  parfaitement  conformes  aux  procès-verbaux  précités; 

3«  Nous  avons  recueilli  tous  ces  précieux  objets  en  quatre  paquets  que 
nous  avons  scellés,  et  les  quatre  paquets  ont  été  remis  en  un,  dans  une 
enveloppe  de  toile  blanche  marquée  à  notre  nom,  et  que  nous  avons 
aussi  scellé  et  l'avons  déposé  dans  ladite  châsse  de  bois  doré,  ordonnant 
qu'elle  aura  trois  serrures  et  trois  clés,  dont  une  sera  remise  à  M.  le  curé, 
une  à  M.  le  maire  et  une  à  M.  le  trésorier  de  la  fabrique. 

4*  Nous  avons  distrait  un  des  grands  os  de  ces  reliques  pour  être  déposé 
dans  le  trésor  des  reliques  de  l'église  primatiale,  et  qui  serait  rendu  à 
celle  de  St-Rambert  si  elle  avait  le  malheur  de  perdre  celles  qu'elle 
possède. 

5»  Nous  ordonnons  que  la  châsse,  après  avoir  été  réparée,  sera  placée 
comme  avant  la  révolution,  sur  l'autel  de  la  chapelle  dédiée  à  saint 
Rambert,  pour  être  vénérée  des  fidèles. 

Ordonnons  aussi  à  la  fabrique  de  St-Rambert,  de  rétablir  la  croix  en 
pierre  qui  existait  au  lieu  où  la  tradition  porte  que  ce  saint  souffrit  le 
martyre. 

Fait  et  donné  à  St-Rambert,  département  de  l'Ain,  les  jours  et  an  que 
dessus. 

J.  card.  Fesch. 

DupuY,  curé. 

Darnand,  vicaire. 

Adrien  Falavier,  maire. 

Chapuy,  adjoint. 

Victor  Auger,  juge  de  paix. 

JuVANON,  membre  du  conseil  municipal. 

Carron,  officier. 

Pierre  Rat,  fabricien. 

C.  F.  Lancelot,  fabricien. 

Rambbrt  Martblin,  fabricien. 

Tenaicd. 

DUPOND. 


PIECES  JUSTIFICATIVES  417 


N"  10 

PROCÈS-VERBAL 

DES 

RECONNAISSANCE  ET  TRANSLATION  DES  RELIQUES  DE  SAINT  RAMBERT 
FAITES   PAR   MONSEIGNEUR   DEVIE,    ÉVÉQUE   DE   BELLEÏ 

A    SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY 
LE    14   AVRIL    l833 


NOTES  POUR  SERVIR  AU  CHAPITRE  V 


Alexandre-Raymond  Dévie,  par  la  miséricorde  divine,  et  la  grâce  du 
Saint-Siège  apostolique,  évêque  de  Belley. 

Le  pasteur  et  les  fidèles  de  la  paroisse  de  St-Rambert,  en  notre 
diocèse,  nous  ayant  représenté  que  leur  intention  était  de  transférer 
les  reliques  de  saint  Rambert,  martyr,  de  la  chapelle  trop  humide  où 
elles  reposent  depuis  longtemps,  dans  une  autre  plus  saine  et  qui  vient 
d'être  réparée  à  cet  effet;  faisant  droit  à  une  demande  si  religieuse, 
nous  nous  sommes  rendu  à  Saint* Rambert,  le  9  avril  de  Tannée 
courante,  accompagné  de  MM.  Ruivet  et  Depery,  chanoines  de  notre 
cathédrale,  et  vicaires-généraux,  pour  procéder  d'abord  h  la  reconnais- 
sance desdites  reliques. 

Nous  nous  sommes  transporté  à  l'église  paroissiale,  assisté  de  ces 
deux  Messieurs;  de  M.  Dupuy,'  curé;  de  MM.  Tournier  et  Reigner, 
vicaires;  de  M.  Valentin,  prêtre  de  la  congrégation  de  Saint-Sulpice; 
de  MM.  Charles-Annibal Carron,  Philippe  Charlin,  Pierre  Rat, fabriciens. 
M.  le  curé  nous  a  conduits  à  la  chapelle  où  reposent  les  reliques 
de  saint  Rambert,  en  un  reliquaire  de  bois  doré;  ledit  reliquaire  a  été 
descendu  de  dessus  l'autel,  et  porté  à  la  sacristie  par  MM.  les  vicaires 
revêtus  d'un  rochet,  et  accompagné  par  les  autres  prêtres  sus-mentionnés, 
aussi  revêtus  de  leur  habit  de  chœur,  et  de  MM.  les  fabriciens  portant 
des  cierges  allumés. 

>7 


41  8  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

M.  le  curé,  alors,  nous  a  exhibé  divers  procès-verbauX|  constatant  les 
diverses  reconnaissances  des  reliques,  faites  par  l'autorité  ecclésiastique 
à  différentes  époques;  le  premier  qui  contient  Thistorique  de  tout  ce  qui 
s'est  passé  lors  de  la  visite  que  fît,  le  lo  juin  1763,  dom  Godard,  visiteur 
de  l'ordre  de  Cluny,  qui  reconnut  que  le  reliquaire  contenait  quatre 
paquets  enveloppés  d'une  étoffe  de  soie,  dûment  scellés  :  dans  le  premier 
étaient  renfermés  les  os  du  coxis;  deux  fémurs  dont  la  tête  de  l'un 
était  séparée  de  l'apophyse,  un  péroné,  un  cubitus,  et  l'apophyse  ci- 
dessus  mentionnée  ;  dans  l'autre  étaient  des  parties  de  clavicules,  de 
fausses  côtes,  de  l'épine  du  dos  et  autres  ossemens  en  pièces;  dans  le 
troisième  étaient  encore  plusieurs  autres  fragmens  d'ossemens;  le 
quatrième  contenait  de  la  terre  tirée  du  tombeau  du  saint  martyr;  plus, 
une  petite  boîte  de  fer-blanc  dans  laquelle  étaient  des  particules  de 
reliques  de  saint  Rambert  et  de  saint  Domitian,  trouvées  dans  le  tombeau 
d'un  autel  ;  preuve,  pour  le  dire  en  passant,  que  les  reliques  de  saint 
Rambert  étaient  autrefois  en  bien  grande  vénération,  car  on  ne  mettait 
dans  les  autels  que  les  reliques  authentiques  des  saints  dont  le  culte 
était  bien  établi. 

Dans  ce  même  procès-verbal,  dom  Godard  mentionne  celui  qui  fut 
dressé  par  dom  Paturel,  qui  fit  la  reconnaissance  de  ces  reliques,  le 
10  juin  1689. 

Dans  le  second  procès-verbal,  qui  est  une  déclaration  faite  sur  serment 
par  les  sieurs  André  Tenand,  Philibert  Thevenin  et  Pierre  Lyaudet, 
attestant  qu'ils  sauvèrent  les  reliques  de  saint  Rambert,  lors  de  la  profa> 
nation  des  églises  en  17921  en  les  cachant  dans  la  sacristie,  et  qu'ils  les 
retirèrent  eux-mêmes  de  l'endroit  où  ils  les  avaient  mises,  pQur  les 
rendre  à  M.  le  curé,  qui  les  rétablit  en  leur  présence  dans  l'ancien 
reliquaire  qu'on  avait  conservé,  et  qui  lut  dès  lors  exposé  à  la  vénération 
des  fidèles. 

Le  troisième,  qui  est  le  procès-verbal  dressé  par  son  éminence  Mk**  le 

cardinal  Fesch,  archevêque  de  Lyon,  lors  de  la  reconnaissance  qu'il 

fit  des  reliques  de  saint  Rambert,  le  10  juin  i8i3.  Dans  ce  procès- verbal. 

Son  Eminence  fait   l'historique  du  sort  des  reliques  de  saint  Rambert, 

depuis  l'époque  où  elles   furent  apportées  de  l'abbaye  dans   l'église  de 

St-Rambert,  et   relate   les  divers  procès-verbaux  dont  nous  venons  de 

faire  mention.  Cet  acte  de  vérification  porte  en  substance  que  la  châsse 

fut  ouverte  par  M.  le  curé,  en  présence  de  M^'  le  cardinal,  qui  reconnut 

qu'elle  contenait  plusieurs  ossemens  gros  et  petits,  renfermés  dans  une 

étoffe  de  soie  bleue,  plus  un  autre  paquet  renfermant  de  petits  ossemens 

et  de  la  terre  qu'on  dit  avoir  été   tirée  du    tombeau  de    saint  Rambert, 

deux  petits  vases  en    bois   renfermant  une  terre  imprégnée  de  sang,  et 

enfin,  un  paquet  de  vieilles  étoffes  qui  avaient  servi  autrefois  d'enveloppe 

aux  reliques  du  saint.  Après  cette  vérification,  Son  Eminence  déclare 

qu'elle  remit  ces  pieux  objets  dans  quatre  paquets  qui  furent  scellés  de 

ses   armes,   que    les  quatre   paquets   furent   réunis   en    un,  dans  une 

enveloppe  de  toile  marquée  G.  G.  F.,  et  que  le  paquet  fut  aussi  scellé 


PIECES  JUSTIFICATIVES  4I9 

au  sceau  de  ses  armes  et  déposé  dans  ladite  châsse  de  bois  doré,  qui  fut 
fermée  à  trois  clés  :  lesquelles  clés  furent  remises,  l'une  à  M.  le  curé; 
la  seconde  à  M.  le  maire;  et  la  troisième  au  trésorier  de  la  fabrique. 
Ledit  procès-verbal  relate  que  Son  Eminence  emporta  un  grand  os  de 
cette  relique  pour  être  déposé  dans  le  trésor  de  la  métropole,  déclarant 
qu'il  serait  rendu  à  la  ville  de  St-Rambert,  si  jamais  elle  avait  le  malheur 
de  perdre  les  reliques  qu'elle  possède. 

Après  lecture  de  ce  procès-verbal,  nous  avons  fait  ouvrir  la  châsse, 
nous  y  avons  trouvé  un  paquet  plié  d'un  linge  marqué  G.  C.  F.,  lié 
avec  des  rubans  de  soie  rouge,  scellé  du  sceau  de  son  eminence  M^''  le 
cardinal  Fesch.  Les  sceaux  en  cire  rouge  ont  été  reconnus  intacts; 
après  quoi  MM.  Ruivet  et  Depéry,  nos  vicaires-généraux,  ont  défait 
ledit  paquet  qui  en  contenait  trois  autres  ;  dans  le  premier,  de  soie,  lié 
avec  des  rubans  de  soie  rouge  et  scellé,  nous  avons  reconnu  deux  os  du 
coxis,  deux  fémurs  dont  la  tête  de  Tun  était  séparée  de  l'apophyse,  un 
péroné,  un  cubitus  et  l'apophyse  ci -dessus,  des  portions  de  clavicules, 
de  fausses  côtes,  de  l'épine  du  dos  et  de  plusieurs  autres  petits  ossemens 
mis  en  pièces. 

Le  second  paquet,  de  soie  bleue,  dûment  scellé,  renfermait  de  la  terre 
imprégnée  de  sang;  dans  le  troisième,  enveloppé  de  soie  blanche,  lié 
avec  des  cordons  de  soie  de  différentes  couleurs,  étaient  renfermés 
plusieurs  lambeaux  d'étoffes  de  soie  qui  avaient  servi  à  envelopper  jadis 
le  corps  de  saint  Rambert.  Nous  avons  reconnu  également  une  petite 
boite  en  bois,  contenant  de  la  terre  imprégnée  de  sang,  et  un  étui  de 
fer-blanc  rongé  par  la  rouille. 

Vérification  faite  de  ces  précieuses  reliques,  nous  avons  reconnu 
évidemment  qu'elles  sont  les  mêmes  qui  ont  été  constamment  décrites 
depuis  plusieurs  siècles,  par  les  diverses  autorités  ecclésiastiques  qui  les 
ont  visitées.  MM.  Ruivet  et  Depery,  nos  assistans,  ont  procédé  au 
placement  des  reliques  dans  la  châsse,  après  avoir  toutefois  distrait  une 
côte  qui  sera  déposée  dans  le  trésor  de  notre  cathédrale.  Tous  les 
ossemens  précités,  plus  une  côte  rapportée  par  le  sieur  Lyaudet  qui  a 
assuré  avec  serment  qu'elle  avait  été  distraite  par  son  père  lorsqu'il  cacha 
les  reliques  du  saint,  et  qu'elle  avait  été  conservée  depuis  lors  avec 
vénération  dans  sa  famille;  tous  ces  ossemens,  disons-nous,  ont  été  plies 
avec  du  coton  et  mis  dans  une  étoffe  cramoisie,  liés  avec  un  ruban  de 
soie  rouge,  et  scellés  en  cire  avec  notre  sceau.  Les  étoffes  de  soie  qui 
avaient  servi  à  envelopper  jadis  le  corps  de  saint  Rambert,  ont  été  pliées 
dans  un  taffetas  blanc,  scellé  des  mêmes  armes.  La  terre  dont  il  a  été  fait 
mention  plus  haut,  a  été  pliée  dans  un  morceau  de  soie  blanche,  liée 
avec  un  ruban  rouge  et  scellée  comme  les  autres.  Ces  trois  paquets,  la 
petite  boîte  qui  contient  de  la  terre  et  Tétui  en  fer-blanc  dont  il  a  été 
parlé  ci-dessus,  ont  été  tous  ensemble  enveloppés  avec  le  linge  de  toile 
marqué  G.  C.  F.,  lettres  initiales  des  noms  et  qualités  de  son  eminence 
Ms'  le  cardinal  Fesch  :  lequel  linge  a  été  lié  avec  un  cordon  en  soie  bleue 
et  scellé  soigneusement;  enfin,  pour  dernière  enveloppe,  on  amis  un  drap 


420  PIECES  JUSTIFICATIVES 

de  soie  rouge,  lié  avec  un  ruban  de  soie  bleue,  scellé  en  sept  endroits 
avec  notre  sceau. 

Cette  cérémonie  solennelle  et  le  replacement  des  reliques  dans  la 
châsse  ont  eu  lieu  en  présence  des  ecclésiastiques  et  des  fabriciens  sus- 
nommés. 

Sur  la  pressante  sollicitation  de  M.  Dupuy,  curé  de  St-Rambert,  et  de 
MM.  les  fabriciens,  nous  nous  sommes  rendu  de  nouveau  à  St-Rambert 
le  14  avril,  dimanche  de  Quasimodo,  accompagné  de  MM.  Ruivet  et 
Depery,  nos  vicaires-généraux,  afin  de  procéder  à  la  translation  des 
reliques  du  saint  martyr,  dans  la  nouvelle  chapelle  qui  lui  a  été  préparée. 
Nous  avons  fait  porter  solennellement  en  procession  la  châsse  de  saint 
Rambert,  au  milieu  d'un  concours  d'ecclésiastiques  et  de  fidèles  ;  après 
avoir  parcouru  toute  la  ville  et  être  rentré  dans  l'église,  la  châsse  a  été 
ouverte,  nous  y  avons  déposé  un  double  de  ce  procès-verbal;  elle  a  été 
ensuite  scellée  à  l'ouverture,  et  placée  dans  une  niche  au-dessus  de 
l'autel  de  la  nouvelle  chapelle  de  St-Rambert,  dans  la  nef  du  côté  de 
l'Evangile.  Un  second  double  du  procès-verbal  a  été  remis  à  M.  le  curé 
pour  être  conservé  dans  les  archives  de  la  fabriqué.  Un  troisième  sera 
déposé  au  secrétariat  de  notre  évêché. 

Fait  à  St-Rambert,  le  14  avril  i833. 

f  A.-R.,  Evêque  de  Belley. 

Ruivet,  vicaire-général. 

DEPBRYy  vicaire-général. 

DupUY,  curé  de  St-Rambert. 

TouRNisR,  vicaire  de  St-Rambert. 

Rbignbr,  vicaire  de  St-Rambert. 

Valentin,  prêtre  de  la  congrégation  de  St-Sulpice. 

DupUY,  colonel  en  retr.,  chev.  de  la  Légion  d'Honneur. 

Adrien  Falavier,  membre  de  la  fabrique. 

Charlin,  membre  de  la  fabrique. 

C.  Carron,  membre  de  la  fabrique. 

Rat,  membre  de  la  fabrique. 

Garin,  membre  de  la  fabrique. 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES  42  I 


W  11 


LETTRE 

DE     M.     ANIER,     CURE     DE     SAINT -RAMBERT- EN -FOREZ 
A   M.    DEPÉRY,   VICAIRE   GENERAL   DE   BELLE  Y 


NOTES   POUR  SERVIR  AU  CHAPITRE  V 


Saint-Rambcrl-sur-Loirc,  le  8  mai  i833. 

Monsieur  le  vicaire-général, 

D'après  votre  demande,  je  m'empresse  de  vous  transmettre  tous  les 
renseignemens  que  j'ai  pu  recueillir  sur  saint  Rambert. 

Il  existe  ici  un  vieux  bréviaire  dont  se  servaient  MM.  les  chanoines 
de  notre  chapitre,  avant  la  Révolution  de  1792;  on  y  trouve  une  assez 
longue  légende  qui  contient  l'histoire  de  la  translation  des  reliques 
du  saint  martyr,  du  monastère  de  Saint -Rambert- en -Bugey,  au 
prieuré  de  Saint-André-en-Forez.  La  fête  de  cette  translation  qui  est  la 
fête  patronale  de  ma  paroisse,  se  célébrait  et  se  célèbre  encore  le  3 
octobre.  Cette  légende  que  j*ai  l'honneur  de  vous  envoyer,  rapporte 
des  faits  si  extraordinaires,  que  je  crois  notre  siècle  incapable  d'y  ajouter 
foi.  Cependant  ces  mêmes  faits  sont  mentionnés  dans  VHistoire  ecclé- 
siastique du  diocèse  de  Lyon,  par  de  la  Mure.  D'après  cet  auteur,  le 
corps  de  saint  Rambert  fut  enterré  dans  un  désert  en  Bugey,  environ 
l'an  680,  dans  l'endroit  même  où  saint  Domitian,  200  ans  auparavant, 
avait  bâti  son  ermitage,  et  que  c'est  de  laque  les  reliques  du  saint  martyr 
furent  transportées  au  pays  du  Forez,  du  temps  de  Gillinus,  comte  dudit 
pays,  et  de  saint  Gebuin,  archevêque  de  Lyon,  et  qu'elles  y  donnèrent 
le  nom  de  saint  Rambert  à  un  célèbre  prieuré  qui  auparavant  portait 
celui  de  saint  André.  De  la  Murb  ajoute  que,  lors  de  la  translation  des 
reliques,  la  Loire  se  partagea  en  deux  pour  laisser  un  passage  libre  à 


422  PIECES  JUSTIFfCATlVES 

celui  qui  portait  un  si  précieux  dépôt.  En  mémoire  de  ce  dernier  miracle, 
il  était  d'usage  ici,  et  de  temps  immémorial,  de  faire  chaque  année  une 
procession  presque  jusque  vers  la  Loire.  Cette  habitude  s'est  perdue 
depuis  la  Révolution. 

Il  serait  trop  long  de  vous  rapporter  tous  les  miracles  que  le  peuple 
Forésien  attribue  à  saint  Rambert.  Les  malheurs  des  temps  n'ont  point 
diminué  la  dévotion  de  mes  paroissiens  envers  notre  saint  Patron.  On 
vient  de  très  loin  vénérer  ses  reliques. 

D'après  votre  demande  j'ai  visité  les  nombreux  procès-verbaux  dressés 
par  divers  évèques  qui  ont  visité  lesdites  reliques.  Ils  ne  disent  rien  de 
plus  que  ce  qui  est  rapporté  dans  la  légende;  quelques-uns  nomqcient 
les  ossemens  contenus  dans  la  châsse,  qui  consistent  en  une  partie  de  la 
tète,  quelques  os  gros  et  petits,  et  plusieurs  parcelles  du  corps  de  saint 
Domitian  renfermées  dans  un  petit  sac.  La  tradition  bien  établie  fait 
croire  que  nous  possédons  une  partie  considérable  des  deux  corps 
saints,  et  que  le  reste  est  en  Bugey. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec  une  parfaite  considération. 
Monsieur  le  vicaire-général. 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur, 

Anier,  curé  de  Saint-Rambert-sur-Loire. 


PIKCFS  JUSTIFICATIVES  42  3 


W  12 

SUPPLIQUE 

DK    MONSriGNEUR    AI^EXANDRE-RAYMOND    DEVIE,    ÉVÈQL'E    DE    BELLEY 

AU  PAPE  GRÉGOIRE  XVI 

POUR  OBTENIR  DES  INDULGENCES  EN   FAVEUR   DES   PERSONNES 

QUI   VONT  VISITER   LES  RELIQUES   DE  SAINT  RAMBERT 

ET 

RESCRir    DU    PAPE 

FAISANT     DROIT     A     CETTE      DEMANDE 

14    FÉVRIER     1834 


NOTES    POUR    SERVIR    AU    CHAPITRE    V 


Beatissime  Pater, 

Ad  pedes  Sanctitatisvestrse  humiliterprovolutus  episcopus  Bellicensis, 
cxponit  ecclestam  sancti  Ragneberti  martyris  in  provinciâ  Bugesianâ 
diaecesis  suœ,  in  quâ  asservantur  reliquiœ  sancti  Ragneberti,  turbâ 
fi'ielium  à  longé  accurente  frequentari,diedeciniâ  tertiâ  mensis  junii. 

Quocircà  ad  augendam  fidelium  religionem,  animarum  salutem,  et 
ergh  sanctum  martyrem  Ragnebertum  venerationem  fidelium,  episcopus 
orntor  Sarictitatem  vestram  deprecatur  : 

I*  Ut  omnibus  utriusque  sexûs  fidelibus  veré  pœnitentibus,  confessis 
et  sacra  communione  refectis,  qui  ecclesiam  sancti  Ragneberti,  die  decimâ 
tertiâ  mensis  junii,  à  primis  vesperis  usqué  ad  occasum  solis  hu)usce 
diei,  vel  quâcumque  die  intrà  octavam.  devoté  visitaverint,  ibique  pro 


424  PIECES  JUSTIFICATIVES 

felitfi  statu  sanctœ  matris  ecclesise  et  juxta  mentem  Sanctitatis  vestrae 
oraverint  et  pias  ad  Deum  preces  effuderint,plenariain,etiàm  applicabilem 
per  modum  sufifragii,  animabus  in  purgatorio  detentis,  et  in  perpetuùm 
concedere  dignetur  indulgentiaro. 

2*  Indulgentiam  quinquaginta  dierum  ab  omnibus  utriusque  sexûs 
fidelibus  lucrandam,  etiam  animabus  purgatorii  applicabilem  quoties- 
cùmque  reliquias  sa.ncti  RagnebertiyisitaverintetquinquièsPâ/erno^/er, 
Ave  Maria,  cum  Gloria  Patri,  recitaverint. 

Et  Deus. 


RESCRIT   DU    PAPE   FAISANT   DROIT   A  CETTE    DEMANDE 


Ex  audientiâ  Sanctissimi  : 

Sanctissimus  dominus  noster  Gregorius  papa  XVI,  omnibus  utriusque 
sexûs  Christi  fidelibus,  verepœnitentibus,  confessis,  sacrâquecommunione 
refectiâ  suprà  enuntiatam  ecclesiam,  die  decimâ  tertiâ  niensis  junii,  vel 
septem  diebus  immédiate  sequentibus,  ibique  per  aliquot  temporis 
spatium,juxtâ  mentem  Sanctitatis  suse,orantibus,plenariam  indulgentiam, 
incipiendam  ab  ipsiusdiei  decimse  tertise  primis  vesperis  usquè  ad  ultimse 
ex  dictis  septem  diebus  solis  occasum,  semel  tantiim  eo  temporis 
intervallo,  per  unumcumque  lucrifaciendam,  bénigne  concessit.  Insuper 
induisit,  ut  ipsi  Christi  fidèles  quinquaginta  dierum  indulgentiam 
singulis  anni  diebus,  si  dictam  ecclesiam,  corde  saltem  contrito  et  dévote 
visitaverint,  quinque  Pater,  Ave  et  Gloria  juxtâ  ejusdem  Sanctitatis  sus 
mentem  recitando,  consequantur.  Prsesentibus  in  perpetuùm  valituris 
absque  ullâ  brevis  expeditione,  et  cum  facultatc  easdem  indulgentias  in 
suffragium  fidelium  defunctorum  applicandi. 

Datum  Romae  ex  secretariâ  sanctae  congrégation is  indulgentiarum,  die 
14  februarii  1834. 

A.  Gard.  Frosini  prsfectus. 

(Locus  sigilli.) 

L.  Archiepiscopus  Athènes  S.  G.  I., 
secretarius. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  425 


N"  12 


bis 


RAPT    ET   TRANSLATION    DE    RELIQUES 

AU  MOYEN  AGE 


NOTES   POUR    SERVIR  AU  CHAPITRE    VI 


c  Eginhard  parle  de  saintes  reliques  transportées  dans  des  sacs  de  soie 
déposés  dans  des  coffres  de  bois;  c'est  de  cette  manière  qu*il  fait  venir 
de  Rome  à  Seligenstadt  les  restes  des  saints  Marcellin,  Pierre  et  Tiburce. 
La  translation  de  ces  reliques,  longuement  décrite  par  cet  auteur,  et 
pleine  de  détails  curieux,  fait  ressortir  Timportance  que  Ton  attachait 
alors  à  la  possession  des  corps  saints,  de  quels  soins  et  respects  on 
entourait  ces  restes  et,  il  faut  le  dire,  du  peu  de  scrupule  que  Ton  apportait 
dans  la  manière  de  se  les  procurer.  Le  bénéfice  de  la  possession  semblait 
excuser,  auxyeux  des  personnages  les  plus  respectables,  la  fourberie  et 
le  vol.  Il  est  sans  cesse  question,  dans  l'histoire  du  moyen-âge  de 
reliques  dérobées  et  dont  la  possession  n'en  est  pas  moins  profitable  aux 
larrons,  comme  si  l'intercession  des  saints  était  attachée  à  leurs 
cendres  » 

Dictionnaire  du  Mobilier,  cxc,  Viollet*lb-I)uc.  Tome  I,  p.  3ii. 


4'*^^  PIÈCES    JUSTÎFICATIVFS 


N"  18 


DUCrLTE    DES    FONTAINES 


DANS     I.'aM  IQUITl': 


NOTKS    POUR    SERVIR   AU   CHAPITRE  X 


D*après  le  récit  biblique  et  les  données  de  la  science,  on  ne  peut  pas 
douter  qu'il  n'y  nit  eu,  au  commencement,  un  immense  cataclysme,  et 
que  la  face  de  notre  globe  n'ait  été  totalement  bouleversée  par  les  eaux 
d'un  effroyable  déluge  qui  engloutit  tout  être  vivant  sur  la  terre,  excepté 
la  famille  que  Dieu  s'était  réservée. 

Les  écrivains  qui  ont  essayé  de  nous  dépeindre  la  désolation  et  le 
chaos  du  monde  livré  à  la  fureur  des  éléments  déchaînés,  nous  ont 
toujours,  et  avec  raison,  représenté  l'homme,  à  cette  terrible  époque, 
aux  prises  avec  les  accès  de  la  plus  horrible  épouvante.  Or,  cette 
épouvante  a  laissé  dans  Tespritdes  premières  générations  une  impression 
si  profonde,  que  le  souvenir  du  déluge  ne  s'y  est  jamais  perdu,  et  qu'il 
s'est  même  perpétué,  h  travers  les  <iges,  chez  tous  les  peuples,  par  une 
multitude  de  traditions,  et  par  des  usages  commémoratifs. 

«  Ces  usages  sont  en  vigueur  dans  tous  les  temps  que  l'on  a  jusqu'ici 
«  appelés  inconnus,  fabuleux,  héroïques;  ensuite  viennent  les  temps 
«  connus  dans  lesquels  ces  fêtes  et  ces  usages  sont  pour  la  plupart 
«  altérés  ou  défigurés,  soit  par  les  suites  d'une  ignorance  déjà  générale, 
«  soit  par  les  vues  particulières  des  nouvelles  législations.  Cependant 
ces  fêtes  ne  se  perpétuent  pas  moins,  quoique  sous  des  motifs  étrangers 
ou  mythologiques;  elles  sont  même  encore  aujourd'hui  célébrées  en 
une  infinité  de  contrées  sans  le  moindre  soupçon  de  leur  objet 
«  primitif.  Le  peuple,  qui  corrompt  tout,  sans  le  savoir,  est  toujours 
«  l'esclave  de  ses  usages,  et  y  est  tellement  attaché  qu'il  a  été,  dans  tous 


PIECES   JUSTIFICATIVES  427 

<^  les  temps,  plus  facile  aux  législateurs  politiques  et  religieux  de  changer 
«  les  motifs  des  fêtes  que  de  changer  ou  d'anéantir  les  fêtes  elles- 
«  mêmes  (i)  ». 


FETE  DES  HYDROPHORIES,  A  ATHENES 

Au  nombre  des  cérémonies  intéressantes  dont  le  détail  nous  est 
parvenu,  les  «  Hydrophories  de  la  Grèce  ne  sont  pas  les  moins 
c  remarquables.  Le  nom  tï Hydrophorie  désigne  l'usage  où  étaient  les 
<e  Athéniens,  le  jour  de  cette  fête,  de  porter  en  pompe  de  l'eau  dans  des 
«  vases  et  des  aiguières.  En  mémoire  du  déluge,  ils  allaient,  chaque 
«  année,  verser  cette  eau  dans  une  ouverture  ou  gouffre  qui  se  trouvait 
«  auprès  du  temple  de  Jupiter  Olympien  »  (2). 


CÉRÉMONIE   DE    l'eFFUSION    DES   EAUX   DE   LA   FONTAINE   DE   SlI.OÎc 

CHEZ    LES    HÉBREUX 

€  Entre  les  usages  de  la  fête  des  Tabernacles,  si  rigoureusement 
c  observée  par  les  Juifs,  il  n'y  en  avait  point  de  plus  solennel,  selon 
«  leurs  traditions,  que  l'effusion  qu'on  y  faisait  des  eaux  de  la  fontaine 
<  de  Siloê.  Tous  les  écrivains  en  ont  parlé;  l'Ecriture  Sainte  cependant 
^  ne  dit  rien  de  cet  usage,  et  il  n'a  point  été  ordonné  par  la  loi.  On 
«  remarque  seulement  dans  la  Bible  que  cette  fontaine  était  en  vénération 
'<  chez  les  Hébreux  (3).  Quoi  qu'il  en  soit,  cet  usage  porte,  chez  eux 
«(  comme  chez  les  autres  peuples,  un  sceau  d'antiquité  qu*on  ne  peut 
«c  lui  disputer.  Les  prêtres,  suivis  de  tout  le  peuple  qui  poussait  de 
«  grands  cris,  allaient  le  matin,  au  soleil  levant,  puiser  dans  un  vase  de 
''  l'eau  de  la  fontaine  de  Siloé  et  ils  venaient  la  répandre  avec  un  autre 
«  vase  plein  de  vin,  au  pied  de  l'autel  des  holocaustes.  Cette  cérémonie 
«  se  faisait  deux  fois  le  jour  ou  une  seule  fois,  selon  d'autres^  et  se 
«  répétait  chacun  des  sept  jours  de  la  fête,  etc..  (4)  ». 


0)  L'Antiquité  dévoilée  par  ses  usages^  passim. 

(2}  Ibidem.  Liv.  1,  chap.  I. 

(3)  On  peut  voir  nar  cet  usage  :  Mainmonid.  Corbanoth^  Cap.  Vil.  Scct.  ultim.  idem. 
Tamid.  Cap.  X.  Sect.  6,  et  scq,  Petr,  Zern.  Opusc.  Sacra.  Vol.  3,  p.  20^  etc.,  etc. 
Rechembergerus  Sacr.  Jud.  ritus  antiqui.  Part.  /.  Cap.  2.  i  12g.  La  fontaine  de  SiioC* 
était  hors  des  murs  de  Jérusalem.  11  fallait  que  la  religion  la  rendit  respectable  aux  Hcbreu^, 
puisque  c'était  près  de  cette  fontaine  qu'ils  allaient  faire  le  xacre  de  leurs  Rois.  ~  Livre  lit 
des  Rois,  chap.  I.  vs.  3R. 

f  l)  Voir  l'auteur  de  L'Antiquité  dévoilée  par  se»  usafifs.  1  iv.  I,  ch.ip.  11.  p.  47  et  seq. 


4^8  PIÈCES   JUSTIFICATIVES 


CÉRÉMONIE  DE  l'efFUSION   DES   EAUX  A  ITHOMB,   EN   MBSSÉNIE 

«  La  ville  d'Ithome,  dans  la  Messénie,  avait  une  Hydrophorie  qu'elle 
«  célébrait  sans  faire  aucune  mention  du  déluge.  Les  habitants  appelaient 
«  Clepsidre  »  ou  eau  cachée  (i)  la  fontaine  où  ils  allaient  puiser  de 
«  Teau  pour  en  faire  reffusion,  le  jour  de  la  fête  de  Jupiter  Ithomate. 
«  On  ne  disait  point  cependant  à  Ithome,  ainsi  qu'à  Athènes,  que  des 
«  eaux  débordées  se  fussent  autrefois  dérobées  et  cachées  par  cet  endroit  ; 
«  mais  on  disait  que  Saturne  qui  dévorait  ses  enfants,  ayant  aussi  voulu 
<  dévorer  Jupiter  qui  venait  de  naître,  on  le  lui  avait  enlevé  par  surprise 
«  pour  le  confier  aux  nymphes  de  la  Messénie  qui  rélevèrent,  en  secret, 
c  près  de  cette  fontaine  dont  Teau  servit  à  le  laver  ».  Cette  cérémonie 
n'a  certainement  pas  d'autre  motif  que  le  souvenir  du  déluge  (2). 

Il  existe  à  Rome  une  église. dite  des  «  Trois-F ontaines  »  bâtie  sur 
remplacement  des  trois  sources  désignées  sous  le  nom  de  «  Tre  fontane 
di  S.  Paolo  »  dont  les  fidèles  viennent  puiser  et  boire  l'eau,  avec  une 
grande  piété. 

Sur  un  des  autels  élevés  auprès  de  chacune  de  ces  trois  sources^  un 
tableau  représente  la  tète  de  saint  Paul. 

Une  très  vénérée  légende  rappelle,  qu'après  la  décapitation  de  l'apôtre, 
sa  tête,  en  tombant,  rebondit  trois  fois.  Or,  aux  trois  endroits  marqués 
par  le  sang  du  glorieux  martyr,  trois  fontaines  jaillirent  spontanément. 

Personne  n'ignore  que  Teau  est  entrée  dans  toutes  les  cérémonies 
religieuses  des  anciens  peuples.  Ils  s'en  servaient  pour  faire  des  effusions, 
des  libations,  des  ablutions,  des  purifications  et  des  expiations.  Une 
infinité  de  nations  ont  conservé  ces  usages,  et  presque  tous  les  peuples, 
idolâtres  ou  croyants  dans  l'antiquité,  ont  gardé  pour  l'eau  un  profond 
respect. 

Les  Egyptiens,  longtemps  avant  les  Grecs  et  les  Romains,  les  Perses, 
les  Chinois,  les  Japonais,  les  Arabes  célébraient  les  «  Hydrophories  » 
ou  fêtes  du  déluge.  Et  à  des  époques  plus  rapprochées  de  la  nôtre,  les 
Arméniens,  les  Moscovites,  les  Abyssins,  les  Cophtes  ont  toujours  été 
très  attachés  aux  cérémonies  de  leurs  fêtes  des  eaux  (3).  Toutefois,  nous 
nous  hâtons  de  dire,  avec  Tauteur  de  «  L* Antiquité  dévoilée  par  ses  usages  », 
«  que  toutes  les  purifications,  toutes  les  effusions,  toutes  les  expiations 
«  faites  avec  Teau,  et  regardées  par  le  paganisme,  comme  des  cérémonies 
«  régénératrices,  n'étaient  que  des  inventions  humaines,  illusoires  et  qui 
«  n'avaient  d'autre  effet  que  de  favoriser  les  crimes  en  lavant  les 
c  criminels.  Ces  fausses  expiations  n'ont  dû  leur  origine  qu'aux  méprises 


(1)  Pausanias.  Lib  IV.  Cap.  33.—  Mythologie  de  Bannier.  Tome  III.  p.  35i.  Ed.  in-is 
de  1739. 

(2)  L'Antiquité  dévoilée  par  ses  usages,  passim, 

(3)  Cf.  l'auteur  de  V Antiquité  dévoilée  par  ses  usages.  Liv.  I,  chap.  I  à  IV,  inclus. 


PIECES   JUSTIFICATIVES  429 

<  de  l'ignorance  et  à  l'abus  que  la  superstition  a  fait  de  quelques  usages, 
«  simples  emblèmes  et  commémoration  du  déluge  qui  avait  changé, 
«  détruit  et  renouvelé  la  face  du  monde.  L'homme,  trompé  par  ses 
«  usages,  attribua  à  l'eau  une  puissance  qu'elle  n'avait  point  et  que 
«c  Dieu  seul  pouvait  lui  donner.  Avec  lui,  les  usages  se  changèrent  en 
«  idolâtrie  ».  Au  christianisme,  seul,  appartenait  le  privilège  de  faire  la 
lumière  sur  tous  ces  errements  d'un  monde  païen  et  de  sanctifier  fêtes, 
cérémonies,  usages,  par  l'effusion  régénératrice  des  eaux  sacrées  du 
Baptême. 

Certes,  ce  ne  fut  pas  œuvre  facile  que  de  substituer  le  vrai  Dieu  aux 
idoles,  et  d'élever  le  tabernacle  eucharistique  sur  les  ruines  du  temple 
de  Jupiter  ou  de  Vénus,  si  nous  en  jugeons  par  le  laborieux  apostolat 
des  Apôtres,  et  par  celui  non  moins  pénible  de  leurs  successeurs. 

Et  ce  ne  fut  que  vers  l'année  453  qu'un  Concile,  celui  d'Arles, 
déclarait  sacrilège  celui  qui  persisterait  à  rendre  un  hommage  religieux 
aux  arbres,  aux  pierres  et  aux  Jontaines. 

Un  capitulaire  de  Charlemagne  (Capit,  Karl.  Mag,  lib.  I,  tit.  64, 
«  p.  239)  contient  entre  autres  dispositions  :  c  A  l'égard  des  arbres,  des 
«  pierres  et  des  fontaines  où  quelques  insensés  vont  allumer  des 
«  chandelles  et  pratiquer  d'autres  superstitions,  nous  ordonnons  que  cet 
«  abus  si  criminel  et  si  exécrable  aux  yeux  de  Dieu,  soit  aboli  et 
c  entièrement  détruit,  partout  où  il  se  trouvera  établi.  > 


W  13 


bU 


LE     GUÉ     DE     LA     ROCHE 

ANNÉE     1483- 1484 


NOTES     POUR    SERVIR    AU    CHAPITRE    X    S    IV 


Remise  à  huit  jours  pour  produire  un  rapport  de  prud'hommes,  avant 

d'investir  Rambert  et   Jean   Relogue  d'une  terre,  par  eux  obtenue  en 

échange,  de  Guillaume  Chardon,  sise  au  Garait,  joignant  le  chemin  de 

Saint-Rambert  au  «  Ga  de  la  Rochi  »,  de  matin,  et  autre  chemin  de 

soir. 

iHPentairet  sommaires  des  Arehipes  départementales ^  antérieures  â  17 go, 
par  Au  g.  Chavbronoiu.  B.  1735  (RegUtrat)  in-4** 


43o  PIÈGES   JUSTIFICATIVES 


LE    «    SUAIRE    » 

SON    ORIGINE,    SON    USAGE   KT   SES   DIVERSES    TRANSFORMATIONS 

jusqu'à   NOS   JOURS 


NOTK.>  POUR   SLRViR   Al    CHAPI  IRE  Xi    $   II 


Et  d*abord,  il  n'est  pas  invraisemblable  que  Tétoffe  de  soie  et  d'or, 
don  généreux  du  comte  de  Forec,  ait,  suivant  un  antique  usage,  servi  de 
«  suaire  »  aux  insignes  reliques  des  saints  Rambert  et  Domitien,  à 
Toccasion  de  leur  translation  solennelle  de  son  château-fort  dTzeron  au 
prieuré  de  Saint-André. 

Et^  pour  que  le  lecteur  ne  trouve  point  bizarre  et  en  dehors  des  mœurs 
du  moyen  âge  cette  coutume  de  recueillir  les  ossements  des  saints 
martyrs  ou  confesseurs  dans  des  étoffes  précieuses,  nous  allons  lui  donner 
quelques  intéressantes  explications  sur  le  «  suaire  »,  sudarium  (i). 
Quand  il  les  aura  parcourues,  il  comprendra  mieux  comment  notre 
vénérée  chasuble  a  pu,  dans  le  principe,  servir  d'enveloppe  aux  sacrées 
reliques  de  nos  illustres  saints. 

A  l'origine,  le  «  suaire  »  n'était,  en  général,  qu'une  petite  pièce  de 
linge  destinée  à  essuyer  les  yeux  et  la  sueur  du  visage.  Saint  Ambroise, 
archevêque  de  Milan,  au  iv^  siçcle,  nous  apprend,  il  est  vrai,  que  les 
premiers  chrétiens  faisaient  un  pieux  usage  du  «  suaire  »,  en  le  déposant 
quelquefois  sur  les  tombeaux  des  saints  Gervais  et  Protais,  et  même  sur 
le  tombeau  de  saint  Pierre,  à  Rome,  pour  le  retirer  ensuite,  comme 
témoignage  favorable  à  leurs  prières  (2)  «  enrichi  de  la  vertu  de  guérir  >. 


(i)  Du  substantif  latin  «  sudarium  »,  du  verbe  «  sudare  »,  suer. 

(2}  Quanta  oraria  jactitantur,  et  tactu  ipso  inedicabilia  reposcuntur.  —  lipist.  L.  IV 


PIECES   JUSTIFICATIVES  4^1 

Mais  le  vénérable  Bédé,  au  vii<'  siècle  (i),  et  Alcuin,  au  ix.^  siècle  (2), 
nous  font  entendre,  le  premier,  que  ce  linge  servait  à  essuyer  la  sueur, 
et  le  second,  qu'on  l'employait  comme  un  mouchoir,  pour  essuyer  les 
yeux. 

La  «  mappa  »  était  aussi,  chez  les  Romains,  une  étoile  que  les 
consuls  portaient  à  la  main,  comme  un  attribut  de  leur  charge.  Mais, 
dans  le  principe,  ce  linge  appelé  «  sudarium  »  n'en  était  pas  moins  un 
objet  de  toilette  propre  à  essuyer  le  visage. 

Nous  trouvons  encore  le  «  sudarium  »  chez  les  femmes  romaines, 
dans  le  «  flammeum  »,  ou  voile  dont  elles  se  couvraient  la  tête,  et  qui 
était  de  couleur  jaune,  a  colore  flammeo  (3),  pour  les  jeunes  filles  qui  se 
mariaient.  Son  usage  rappelle  assez  bien  le  voile  que  Véronique  appliqua 
sur  la  face  sacrée  de  Notre-Seigneur,  gravissant  péniblement  la  voie 
douloureuse  du  Calvaire  (4). 

Parlant  des  femmes  gauloises,  dans  son  Histoire  des  costumes  en 
France,  M.  l'abbé  Charlet,  de  Langres,  rapporte  «  que  quelques  femmes 
«  avaient  un  long  voile  qui  ne  cachait  point  le  visage,  mais  seulement 
«  une  partie  du  front  et  le  derrière  de  la  tète,  d'où  il  revenait  pour 
«  couvrir  les  épaules  et  le  sein.  Les  plis  qu'il  formait  s'arrangeaient 
«•  parfaitement  avec  les  tresses  de  la  chevelure  et  les  draperies  du 
«  manteau  ».  A  n'en  pas  douter,  c'était  le  «  flammeum  »  romain,  ou 
encore  1'  «  Apex  »  dont  les  prêtres  païens  se  voilaient  dans  l'exercice  de 
leurs  fonctions. 


(1)  Sudarium,  undc  tcrgitur  sudor,  cl  uiiiiic  supcrtluum  corpuris. 

(2)  Manipula  quà  tcrgitur  pituita  ocuiorum.  —  (De  diviois  officiis,  cap.  XXXIX.) 

(3)  Lucan.  2,  v.  36o. 

(4)  Vossius  et  Denis  d'Halicarnasse  désignent  sous  le  nom  de  •  flammeum  »  le  voile  que 
les  prêtres  flamines  chez  les  Romains,  portaient  comme  signe  distmctif  de  leurs  fonctions. 
Lucrèce  le  nomme  «  Apex  ■  1.  6,  v.  i.o63.  ~  Virgile  appelle  •  Apicatus  >  le  prêtre  qui  en 
est  revêtu.  (Georg.  3,  v.  8.  Eneid.  4,  v.  48.)  —  Oviob.  Past,  1,  4,  v.  347.  —  Le  culte 
primitif  des  prêtres  Hamines  s'exerçait  dans  un  lieu  consacré,  entouré  d*une  enceinte  à 
découvert,  delabrum,  ainsi  nommé,  dit  Varron,  parce  que  la  statue  du  dieu  était  placée  au 
milieu,  comme  un  grand  chandelier,  candelabrum  pour  delabrum  ;  qui  devint  plus  tard  une 
rotonde  ou  temple  (sacellum-sacrum).  Leurs  fonctions  consistaient  dans  les  sacrifices, 
l'adoration  et  la  prière,  privée  ou  publique,  qui  se  faisait  debout  et  la  tête  voilée,  pour  que 
l'esprit,  dit  Virgile  {En,  I.  3,  v.  407)  n'étant  pas  troublé  par  quelque  face  ennemie,  tût  flus 
attentif  à  la  prière  que  le  prêtre  rccitnit  avec  tout  le  monde,  pour  éviter  toute  confusion. 
Pendant  les  prières  on  touchait  les  autels  (Virg.  Eu.  4,  v.  230',  A  l'exemple  de  ceux  qui 
prêtaient  serment  :  d'où  vient  le  nom  d'ara  donné  au  serment  (Prop.,  1.3.  El.  19,  v.  5). 

C'est  bien  à  cette  coutume,  modifiée  dans  an  sens  plus  symbolique  et  mieux  en  rapport 
avec  l'esprit  chrétien,  qu'il  faut  rattacher  l'attitude  des  Orantescn  prières  (Fie  5o),  figurées 
sur  les  peintures  des  catacombes;  généralement  debout,  les  bras  étendus, avec  les  maint 
légèrement  élevées  vers  le  ciel  et  les  yeux  fixés  sur  l'Orient.  Il  est  cependant  établi  que  lea 
premiers  chrétiens  priaient  aussi  à  genoux  etTertuUien  ajoute  (Apologet  XXX)  : 

•  Les  chrétiens  prient  en  élevant  les  yeux  au  ciel  et  en  tenant  les  mains  étendues,  parce 
qu'elles  sont  innocentes,  la  tête  nue,  parce  que  nous  ne  rougissons  pas.  • 

«  Illac  suspicientes  (in  cslum)  Christiani  manibus  expansis,  quia  innocui^.  capiic  nuJo. 
quia  non  crubcscimus.  ••  (Abbé  Martigny.  Dict.  des  Antiq.  chrét.,  p.  356-337') 


I     S' 
3      ii 


:jjîî! 


I-S  1<    1^3 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  433 

L*  €  épkod  >  que  les  simples  prêtres,  chez  les  Hébreux,  portaient 
dans  la  même  disposition  et  dont  les  juifs  ont  conservé  Tusage  en  se 
couYiant,  comme  d'un  voile,  les  épaules  et  la  tête  dans  les  prières 
publiques  et  dans  certaines  cérémonies  funèbres,  n'était  pas  autre  chose 
que  le  c  sudarium  »  primitif. 

L*  «  Orarium  »  (i)>  dont  les  premiers  chrétiens  se  servaient  quelque- 
fois pour  recueillir  le  sang  des  martyrs,  rappelle  très  bien  le  «  sudarium  ». 

C'est  d'ailleurs  ce  qu'a  écrit  Pontius  :  «  Fratres  linteamina  et  oraria 
«  ante  eum  ponebant,  ne  sanctus  cruor  defluus  absorberetur  a  terra  (2)  ». 

L'église  Saint-Apollinaire,  de  Ravenne,  possède  une  chasuble  antique,^ 
dont  l'étoffe  avait  d'abord  servi  de  «  voile  »,  que  l'évêque  Annon  avait 
fait  exécuter,  pour  décorer  le  tombeau  des  saints  martyrs  Firmin  et 
Rusticus  (3). 

Les  Catacombes  nous  ont  laissé,  dans  leur  iconographie,  l'image  d'un 
voile  nommé  c  maforte  ».  C'est  du  moins  ce  que  semble  nous  révéler 
ce  passage  de  TertuUien  (4)  :  «  La  Vierge  pure  cache  sa  tête  sous  un 
41  voile  comme  sous  un  casque,  pour  se  mettre  à  l'abri  des  coups  de  la 
«  tentation  ».  C'est  sans  doute  le  «  sudarium  »  primitif. 

Ce  n'est  qu'au  vi*  siècle  que  l'Eglise  accepta  le  «  sudarium  »  des 
laïques  pour  le  faire  porter  par  ses  prêtres  sous  le  nom  de  «  manipule  ». 
Les  prêtres  en  effet  commencèrent,  dès  cette  époque,  à  le  porter  sur  le 
bras  gauche,  comme  une  marque  d'honneur. 

Aux  IX*  et  XI*  siècles,  il  devient  commun  aux  prêtres  et  aux  diacres 
sous  le  nom  de  «  phanon  »  (5).  Et,  ce  n'est  qu'après  le  xi*  siècle  qu'il 
est  accordé  aux  sous-diacres  (6).  Or,  à  cette  époque,  c'était  déjà  non 
plus  une  simple  étoffe,  mais  une  bande  ornée  de  franges  à  ses  extrémités, 
et  que  les  clercs  portaient  à  la  main  (7).  Au  xii*  siècle,  il  apparaît  encore 
comme  un  simple  ornement  sacerdotal  t8}.  (Voir  Fie.  35,  n9  i,  p.  208, 

chapitre  XI). 

* 

(1)  L'  «  Orarium  »  des  chrétiens  de  la  primitive  Eglise  est  tout  simplement  Y  «  éphod  » 
des  Juifs,  légué  aux  disciples  du  Christ,  par  les  premiers  convertis  de  la  synagogue. 
L*  «  Orarium  •  ne  date  que  de  Constantin  i3o6). 

(i)  Vie  de  saint  Cyprien,  par  Pontius. 

(3)  PouiLLARD.  Del  bacio  de  piedi  del  sommo  pontijiee,  p.  79,  en  note. 

(4)  De  velandis  virgin.  cap.  XV.  --  Pura  virginitas confugit  ad  velamen  capitls, 

quasi  ad  galeam  contra  ictus  tentationis  ».  —  Abbé  Martignt.  Diet,  des  Antiquités 
chrétiennes, 

(5)  Amalaire  Ub.  III,  cap.  6. 

(6)  Alexand.  de  Alex.  In  exposit.  Misse 

(7)  La  célèbre  Bible  offerte  à  Charles-Ie-Chauve,  par  les  chanoines  de  Saint-Martin  de 
Tours,  nous  offre  dans  une  curieuse  miniature,  un  exemple  de  ce  manipule  primitif  qu'ils 
portent  dans  la  main  droite. 

(8)  Les  abbés  et  les  évèques,  au 'lieu  de  le  tenir  à  la  main,  le  mirent  à  leur  crosse,  les 
chantres  à  leur  bâton,  les  porte-croix  au  bout  de  la  croix.  Les  chanoines  de  Reims  le  por^* 
taient  encore,  au  xviii*  siècle,  en  le  soutenant  avec  le  petit  doigt  de  la  main  gauche. 

(Ch.  LouANDRB.  Les  Arts  somptuaires,  p.  4a.) 

38 


4^4  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

Saint  Isidore  de  Séville  (i)  appelle  ce  voile,  dont  les  catacombes  nous 
donnent  l'image,  «  anabolabium  ».  Et  il  ajoute  que  les  femmes  de  son 
temps  en  cachaient  leurs  épaules. 

La  liturgie  primitive  le  désigne  sous  les  noms  d'  «  anagolaium  », 
«  anaholagium  »  (2). 

Les  écrivains  ecclésiastiques  s'accordent  à  le  reconnaître  dans  le 
«  corporale  »  ou  «  cor  ports  palla  »,  ou  nappe  étendue  sur  l'autel  pour 
recevoir  les  Saintes  Espèces.  C'est  la  figure  du  linceul  ayant  servi  à 
envelopper  le  corps  de  N.-S.  Jésus-Christ,  et  la  «  palla  ad  carnem  »  de 
*  saint  Isidore  de  Damiette  (3).  La  «  corporis  palla  »  s'explique  très  bien 
par  la  «  palla  »  qui  n'était  autre  que  le  court  manteau  dont  les  femmes 
se  couvraient  les  épaules,  et  se  voilaient  la  tête  pour  prier. 

Suivant  Suétone,  la  «  palla  »  était,  à  l'origine,  une  simple  couverture 
de  lit.  Apulée  ajoute  que  l'on  voilait  avec  la  «  palla  »  ou  avec  le 
«  pallium  »  (4)  le  visage  des  morts.  Et  c'était  aussi  Tusage  le  plus 
ordinaire,  chez  les  juifs  et  les  premiers  chrétiens,  d'envelopper  de  linges 
blancs,  la  tête  et  les  membres  des  morts  (5).  Le  saint  suaire,  qui  est 
conservé  de  nos  jours  encore,  dans  la  cathédrale  de  Turin,  est  un  long 
linceul  en  toile  de  lin  qui,  en  faisant  penser  au  linceul  que  saint  Pierre 
vit  dans  un  songe  mystérieux,  rappelle  le  «  sudarium  >  dont  nous 
venons  de  faire  l'histoire. 

Et  c'est  ainsi,  nous  l'avons  déjà  dit  au  chap.  XI,  p.  187,  qu'après  avoir 
servi  aux  usages  des  peuples  païens,  le  «  suaire  »  nous  a  été  transmis 
par  le  christianisme  comme  un  objet  pieux,  destiné  à  recueillir  et  à 
renfermer  ce  qu'il  y  a  de  précieux  dans  l'Eglise,  après  la  sainte  Eucharistie  ; 
les  ossements  vénérés  de  nos  saints. 


(i)  Evèque  de  Séville,  en  Espagne  (b^o,  636). 

(3)  Il  ne  serait  point  invraisemblable  de  voir  dans  c  Tanabolabium  »  de  saint  Isidore. 
Torigine  de  Vamict,  dont  le  prêtre  se  couvre  les  épaules  .pour  célébrer  le  saint  Sacrifice 
de  la  Messe.  Dans  la  messe  d'IUyricus  •  Mtssa  Romana  antiqua  »,  il  est  nommé  «  éphod  » 
parce  que  la  prière  qu'on  dit  pour  le  revêtir  est  intitulée  «  ad  induendum  ephod  ». 

Dans  la  messe  de  Rathold  et  dans  le  livre  J}e  divino  qficiOt  cap.  KXXIX,  il  est  nommé 
«  superhumerale  ». 

(3)  Saint  Isidore  de  Damiette  «  dit  l'Hospitalier  •  (318-404). 

(4)  La  ■  palla  »  était  pour  les  femmes,  le  >  pallium  »  servait  aux  hommes. 

(5)  A  l'origine  le  •  corporale  »  était  quelquefois  d'étoffe  variée  ;  mais  dans  le  deuxième 
concile  de  Rome,  en  334,  le  Pape  saint  Sylvestre  ordonna  qu'il  ne  serait,  à  l'avenir,  ni  en 
soie  ni  en  quelque  autre  étoffe  teinte,  mais  d'un  linge  très   blanc  conforme  au  linceul  de 
Notrc-Scigneur. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  435 


N"  15 


HISTORIQUE   DU   MANTEAU 


) 


DANS  L ANTIQUITE  ET  AU  MOYEN  AGE 


NOTES  POUR  SERVIR  AU  CHAPITRE  XI  f  III 


Les  divers  manteaux  anciens  sont  le  sagum,  la  caracalle,  la  chlaine, 
la  chlaœyde,  la  toge,  le  pallium,  la  lacerne,  le  birrus,  la  pénule  et  la 
chape. 

Le  sagum,  —  Chez  les  Gaulois  le  *  sagum  »  était  un  petit  manteau 
carré,  la  «r  saie  »  qui  s'attachait  sur  la  poitrine  ou  sur  l'épaule.  On  le  portait 
ordinairement  contre  le  mauvais  temps.  Cicéron  nous  apprend  que  chez 
les  Romains  le  «  sagum  ^  n'était  autre  chose  qu'une  sorte  de  casaque 
militaire  qui  ne  dépassait  pas  les  genoux,  et  dont  se  servaient  aussi  les 
voyageurs,  les  bergers,  les  chasseurs  (i). 

La  caracalle.  *  La  caracalle  était  un  manteau  gaulois  (2)  que  les 
Romains  portèrent,  aussi,  sous  le  nom  de  «  laeemula  »  et  «  lacerna  ». 
Ce  vêtement  était  à  l'usage  des  hommes  (3).  En  France  on  le  portait,  au 
moyen  âge,  sous  le  nom  de  c  gonnelle  »  ou  «  cagoule  »  (4).  Voici  du  reste 


(I)  On  oommtit  aussi  le  «  sayon  *  gaulois  •  pluvial  ;  Et  quand  il  était  fait  de  peau,  il 
prenait  le  nom  de  «  scorteum  »;  mais  alors  il  était  porté  généralement  avec  le  poil  tourné 
en  dedans. 

(a)  Cucullus.  Lampuds. 

(3)  CiciaoN.  Otidk. 

(4)  Cagoule,  -—  «  Ce  vêtement  n'était  pas  seulement  porté  par  les  religieux,  les  laïques 
s'en  servaient  et  il  prenait  le  nom  de  coule,  cagoule  ou  cape.  Mais  alors,  habituellement 
dépourvu  d'ouvertures  latérales  pour  passer  les  bras,  ce  n'était  qu'une  sorte  d'aumusse 
ample  non  ouverte  sur  le  devant.  Ccne  cape  fermée  ne  pouvait  être  mise  qu'en  passant  la 
tète  par  l'orifice  du  milieu,  auquel  était  adapté  le  capuchon  de  forme  carrée  •. 

Cape,  —  «  Les  religieux  portaient  des  chapes  rondes  fermées  avec  capuchon.  Ces  capes 
descendaient  jusqu'aux  talons.  En  voyage  elles  étaient  portées  par  les  clercs,  les  religieux 


436  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

ce  qu'il  faut  penser  de  ce  vêtement  fabriqué  et  porté  par  les  Gaulois 
Atrébates  (du  pays  d'Arras).  Ouverte  par  devant  comme  la  simarre,  la 
«  caracalle  »,  dit  le  P.  Lucas,  avait  des  manches  d'une  certaine  lon- 
gueur. Son  ampleur,  qui  la  faisait  descendre  à  mi-jambes,  selon  les  uns, 
jusqu'aux  talons,  selon  les  autres,  était  dissimulée,  sur  les  côtés  et  par 
derrière,  avec  des  plis  savamment  combinés  ;  de  telle  manière  qu'on  la 
pouvait  porter  avec  aisance  sur  tout  autre  vêtement.  Il  y  avait  deux 
sortes  de  caracalles  :  celle  du  peuple,  simple  et  giossière,  et  celle  des 
gens  de  condition,  dont  la  couleur  pourpre  ou  écarlate  ajoutait,  par  son 
éclat,  à  la  noblesse  de  celui  qui  la  portait. 

La  chlaine.  —  Les  Romains  empruntèrent  ce  vêtement  aux  Gaulois  (i) 
et  les  Grecs  l'adoptèrent  aussi.  Il  était  ordinairement  formé  avec  une 
couverture  de  laine  ou  avec  une  étoffe  grossière.  Son  usage  était  vulgaire, 
et  on  le  portait  pour  se  garantir  du  froid. 

La  chlamyde,  —  Ce  manteau,  d'un  usage  très  fréquent,  était  ordinaire- 
ment fait  d'une  ample  étoffe  retenue  par  une  agrafe  de  métal,  sur 
l'épaule  droite  de  préférence,  et  pour  faciliter  les  mouvements  du  bras. 

C'était  le  vêtement  des  Grecs  et  des  Romains. 
.  Il  devint  plus  tard  celui  des  Francs  (2).  Il  est  intéressant  de  retrouver 
au  temps  de  Clovis,  et  trois  siècles  plus  tard,  sous  les  filsdeCharlemagne, 
rusage  de  la  chlamyde,  vêtement  gréco-romain  qui,  dans  l'opinion  de 
du  Cange  aurait  été  conservé  de  la  République,  mais  modifié  suffisamment 
dans  le  Bas- Empire,  pour  n'être  reconnaissable  que  par  ses  anciennes 
dénominations. 


et  les  prélats,  comme  par  les  laïques;  mais  elles  étaient  taillées  plus  courtes  et  garnies 
aans  faute,  du  capuchon.  » 

Les  capes  civiles  étaient  parfois  très  riches.  Les  messagers  se  présentaient,  devant  les 
grands,  revêtus  de  capes  faites  d'étoffes  précieuses  ;  ce  vêtement  tenait  d'ailleurs  à  leur 
qualité,  ils  en  recevaient,  en  cadeau,  lorsqu'on  voulait  faire  honneur  à  celui  qui  les  envoyait. 
Ces  capes  parées  étaient  ouvertes  par  devant,  percées  de  deux  trous  latéralement  pour 
passer  les  bras  et  de  la  goule  avec  le  capuchon .  Le  gouleron  ou  goule  était  l'ouverture 
réservée  pour  passer  la  tète. 

11  ne  faut  pas  confondre  la  chape  avec  le  manteau  ;  la  chape  est  exactement  ronde  avec 
un  trou  au  milieu  pour  passer  la  tète,  ouverte  ou  fermée,  et  habituellement  garnie  d*un 
capuchon.  Ce  vêtement  qui,  dans  l'origine,  n'avait  qu'un  usage  d'utilité  devint,  dès  les 
premiers  temps  du  moyen  ftge,  un  habit  honorable.  A  l'occasion  de  certaines  solennités,  les 
empereurs  d'Occident  portaient  la  chape.  La  forme  de  ces  capeg  rondes  et  fermées  n'était 
pas  susceptible  de  modifications,  aussi  resta-t-elle  la  même  pendant  les  xtu*.  uv*  et  xv« 
siècles.  Pour  faire  usage  des  mains,  il  fallait  nécessairement  relever  les  bords  de  la  cape. . . 

(VioLLBT-LE-Duc,  DicHonnaîre  du  Mobilier  français^  tome  III,  p.  31 3.) 

(1)  Désignée  sous  le  nom  de  «  linn  »  ou  <  lina  t  dans  les  dialectes  gallo-kimriques,  les 
Grecs  lui  donnèrent  le  nom  de  «  chlaine  ». 

(2)  Sous  le  nom  de  ehlan^s-chlamfdis  nous  le  retrouvons  au  service  des  légionnaires,  et 
désigne  paludamentum  (Horao.  Epod.  9.  v.  37)  s'il  s'agit  du  manteau  militaire  d*écarlate  ou 
de  pourpre,  porté  par  les  empereurs. 

Dans  son  Abécédaire  d'archéologie  (p.  389)  M.  de  Caumokt  a  publié  le  dessin  d'une 
ancienne  mosaïque  de  l'église  de  Cruas  (Ârdèche)  où  la  figure  du  prophète  Hénoe  (Fie.  ag, 
p.  190)  est  représentée  revêtue  d'une  lacerne  ouverte,  par  devant,  et  agrafée  sur  la  poitrine. 


PIECES   JUSTIFICATIVES  487 

La  toge,  —  Chez  les  Romains,  la  toge  était  le  plus  important  des 
vêtements.  Elle  leur  appartenait  si  bien  en  propre  qu'Horace  (i)  les 
nomme  c  togati  >. 

La  forme  de  la  toge,  d'après  Denis  d'Halicarnasse  (2),  était  celle  d'une 
robe  dont  la  coupe  représentait  le  demi-cercle,  sans  manches,  soutenue 
par  l'épaule  gauche,  de  manière  à  dégager  le  bras  droit,  et  à  pouvoir, 
avec  le  bras  gauche,  soulever  l'étoffe  dont  le  pli  était  alors  appelé 
M  sinus  ».  Porté  indifféremment  par  les  hommes  et  par  les  femmes,  la 
toge  varia  d'appellations,  selon  la  condition  sociale  des  personnes  qui  la 
portaient  ;  et  après  avoir  été  le  vêtement  en  honneur  à  Rome  elle  fut 
abandonnée. 

Sous  Domitien,  les  Romains  de  rang  la  remplacèrent  par  la  ^pénule  »  ; 
et  sous  le  règne  d'Auguste,  les  femmes  de  qualité  lui  substituèrent 
«  la  stole  ».  Ainsi  délaissée  par  les  classes  de  la  haute  société  romaine, 
la  toge  ne  fiit  conservée  que  par  les  femmes  d'une  indigne  conditioa  (3). 

La  palla  et  le  pallium,  —  La  «  palla  »  était,  chez  les  Grecs,  le  vête* 
ment  des  femmes,  comme  le  <  pallium  »  était  celui  des  hommes.  Ce  qui 
fît  donner,  à  ces  derniers,  le  nom  de  «  palliati  ».  Suétone  désigne  le 
c  pallium  >  comme  étant  semblable  à  une  couverture  de  lit.  D'après  les 
monuments  antiques,  il  n'était,  à  vrai  dire,  qu'une  grande  draperie  rec- 


Le  prophète  Hélie,  qui  lui  est  opposé,  porte  la  courte  chltmyde  des  chevaliers  romains, 
arrêtée,  sur  Tépaule  droite,  par  une  agrafe,  et  non  la  laticlave  indiquée  par  erreur  ;  ce  dernier 
vêtement  n'étant  que  la  tunique  distinctive  des  sénateurs  romains  que  justifiait  une  seule 
bande  longitudinale  de  pourpre  (elavus)  fixée  au-dessus  (v.  Alb.  Rubcnius.  De  re  vestiarid 
I.  c.  3,  etc.). 

Les  Daces  et  les  Sarmates  soumis  par  Trajan,  au  deuxième  siècle  après  Jésus-Christ,  sont 
figurés  sur  les  monuments  de  l'époque  revêtus  d'un  ample  manteau  formé  avec  une  étoffe 
flottante,  retenue  sur  l'épaule  droite.  Leur  manteau  royal,  fixé  contrairement  sur  l'épaule 
Raucbe,  conserve  la  même  disposition,  mais  avec  une  bordure  de  franges  à  ses  extrémités  ;  à 
n'en  pas  douter,  c'est  la  chiamyde,  dont  l'usage  très  répandu  s'est  continué  assez  tard  chez 
les  Francs.  Nous  savons,  en  effet,  que  le  Pape  Anastase  II  avait  envoyé  une  tunique  de 
pourpre  et  une  chiamyde  à  Clovis,  qui  s'en  revêtit  pour  la  première  fois  dans  la  basilique 
de  Saint-Martin  de  Tours. 

Au  nombre  des  rares  manuscrits  qui  nous  en  ont  gardé  de  précieux  exemples,  il 
convient  de  citer  les  Evangiles  de  Lothaire,  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale,  exécutés 
de  817  à  843,  et  qui  nous  représentent  Lothaire  vêtu  de  la  chiamyde. 

Dans  la  célèbre  Bible  offerte  à  Charles-le-Chauve,  par  let  moines  de  l'abbaye  de  Saint* 
Martin  de  Tours,  exécutée  entre  837  et  853  par  Vivien,  l'un  des  donateurs,  nous  voyons 
encore  la  figure  de  ce  prince  vêtu  de  la  chiamyde. 

(I)  Odes.  Liv.  3,  5. 

(a)  Rhéteur  et  historien  grec,  vers  Tan  3o  av.  J.-C. 

(3)  La  longueur  extrême  de  la  toge  lui  a  fait  donner  quelquefois  le  nom  de  •  toge  longue  •• 
Cette  longueur  obligeait  les  Romains  à  la  draper  avec  le  plus  grand  soin.  Quelques  auteurs 
supposent  que  la  toge  a  dû  être  ceinte  quelquefois.  Ce  qu'il  y  a  de  certain  c'est  qu'elle  était 
généralement  en  laine  blanche,  atbus  color  ;  et  celui  qui  la  portait  était  nommé  atbatus, 
par  opposition  au  blanc  de  craie  candidus  dont  il  la  lustrait,  quand  il  voulait  briguer  la 
magistrature.  Mais  alors  le  brigueur  était  un  canditatus»  d'où  candidat. 

Il  y  avait  plusieurs  sortes  de  toges.  La  toge  •  prétexta  »,  la  toge  «  picta  ■  ou  ■  patmata  », 
la  toge  i  trabea  »,  et  la  toge  de  deuil  •  puHa  •. 


438 


PIECES  JUSTIFICATIVES 


tangulaire  d'une  extrême  longueur,  atteignant,  environ,  trois  fois  la  hau- 
teur d'un  homme. 

A  Texemple  des  Grecs,  les  Romains  le  portaient  sur  les  épaules,  replié 
avec  un  art  et  une  élégance  infinis,  et  sans  le  secours  d'aucune  agrafe  ou 
fibule.  C'était  le  manteau  des  philosophes.  Les  augures  s'en  envelop- 
paient la  tête  comme  d'un  voile  (i). 

La  lacerne,  —  La  lacerne  des  Romains  était  un  manteau  d'étoffe 
grossière,  muni  d'un  capuchon  et  porté  par  les  soldats  et  par  le  peuple 
pour  se  garantir  du  froid  et  de  la  pluie.  Quelques  nobles  patriciens  la 
portaient  cependant,  durant  les  jours  d'été,  mais  alors  c'était  une  mante 
confectionnée  avec  une  étoffe  riche  et  de  belle  couleur.  La  lacerne 
n'était,  du  reste,  qu'une  sorte  de  «  caracalle  »  dont  l'usage  remonte  à  la 
fin  de  la  République  romaine. 

Le  birrus, — On  a  quelquefois  confondu  le  «  birrus  »  avec  la  «  lacerne  ». 
Le  «  birrus  »  dont  la  forme  et  l'usage  étaient  ceux  de  la  «  lacerne  »  était 
une  sorte  de  mante  à  grand  capuchon  coupé  en  pointe.  Il  se  boutonnait 


(i)  Le  plus  bel  exemple  que  Ton  puisse  trouver  du  pallium  chez  les  Romains,  est  le 
buste  antique  en  marbre  blanc,  rappelant  les  traits  de  Pline-Ie-Jeune,  et  découTert  à  la 
fin  du  XVI*  siècle  par  le  professeur  Âldini,  près  de  l'église  San-Fedèle,  sur  l'emplacement 
de  l'ancien  forum  de  C6me. 

Le  pallium  était  une  aorte  de  vêtement  transitoire,  qui  rappelait  et  suivit  la  chlamyde  et 
fut  porté  en  même  temps  que  la  toge  ;  ce  qui  a  permis  une  confusion  sérieuse  dans 
l'esprit  de  quelques  auteurs  modernes.  Et,  cette  erreur  s'étend  même  à  la  pénnle  ou  planète 
considérée  comme  le  principe  de  la  chasuble  primitive  ;  ou  sans  distinction  de  rornemen- 
tation  spéciale  que  l'Eglise  lui  a  donnée  ;  du  détail  on  a  conclu  à  l'ensemble  pour  lui  con- 
server sa  dénomination  primitive.  C'est  ainsi  que  Dom  Claude  de  Vert  définit  le  pallium 
et  dit  qu'il  :  «  était  une  sorte  de  chasuble  ou  de  chape  magnifique  envoyée  en  présent  par 
les  empereurs  chrétiens  aux  évéques  des  grands  sièges^  surtout  au  pape,  qui  du  consente- 
ment de  ces  mêmes  empereurs,  en  communiqua  l'usage  dans  la  suite  aux  autres  évéques.  • 

Admettant  cette  version  comme  fondamentale,  CUude  de  Vert  prétend  la  justifier  par 
ce  passage  de  la  prière  que  récitait  autrefois  le  prêtre  qui  revêtait  le  pallium  pour  la 
première  fois  :  «  Jugum  meum  suave  est,  et  onus  meum  levé  •. 

Mais  nous  estimons  que  par  le  mot  :  jugum,  il  faut  comprendre,  non  la  chasuble,  mais 
l'insigne  distinctif  dont  elle  était  primitivement  ornée,  et  qu'il  ne  serait  pas  invraisemblable 
de  considérer  comme  une  figure  de  l'étole  originelle.  Et  cela  pourrait  encore  s'expliquer  par 
la  nécessité  de  ne  pas  cacher  sous  l'ampleur  de  l'ancienne  chasuble,  cet  emblème  de  la 
dignité  sacerdotale,  que  le  prêtre,  dans  la  primitive  Eglise,  était  tenu  de  porter  partout, 
même  dans  la  vie  ordinaire,  et  qu'il  ne  devait  quitter  jamais. 

Au  nombre  des  monuments  anciens  qui  peuvent  justifier,  ou  tout  au  moins  autoriser, 
cette  hypothèse,  nous  citerons  la  statue  tombale  de  saint  Léger,  à  Hohembourg  (Alsace^ 
dont  nous  avons  donné  le  dessin  à  la  page  46. 

Bon  nombre  d'anciens  auteurs,  entre  autres  le  savant  Dom  Claude  de  Vert,  s'accordent  à 
vouloir  tirer  l'origine,  assez  accréditée  aujourd'hui  de  l'étole,  de  la  stola  ou  robe  que  les 
femmes  romaines,  de  qualité,  portaient  ornée  de  parements  ou  bandes  longitudinales, 
d'une  grande  richesse.  Cette  opinion  est  d'ailleurs  expliquée  par  l'usage  de  l'Eglise  de 
convertir  et  transformer,  au  besoin,  tous  les  vêtements  laïques,  qu'elle  destinait  au  service  du 
culte,  et  qu'elle  observa  à  propos  de  la  stola,  dont  elle  ne  conserva  que  les  bandes  et  leur 
disposition  pour  en  faire  l'étole. 

Parla  même  raison  s'explique  l'usage  du  ^â//f  «m  devenu  l'insigne  exclusif  des  archevê- 
ques et,  par  exception,  des  évéques  privilégiés,  auxquels  le  canon  sixième  du  concile  de 
Mâcon  de  l'an  58 1,  défendait  de  célébrer  la  messe  sans  en  être  revêtu  :  •  Ut  archiepiscopus, 
sine  pallio  missa  dicere  nonprœsumat  (Tome  V,  Concil.  p.  968),  Abbé  Martignv.  Diction- 
naire des  Antiquités  chrétiennes,  passim. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  4^Ç^ 

sur  la  poitrine  et  se  portait  sur  la  tunique.  Les  soldats  usèrent  d'abord 
de  ce  vêtement  relativement  court.  Mais  quand  il  fut  réservé  à  l'usage 
civil,  ses  dimensions  se  développèrent  de  façon  à  couvrir  tout  le  corps. 
Adopté  par  les  Pères  du  désert  et  par  les  clercs,  ce  manteau,  en  gardant 
sa  forme  primitive  et  sa  simplicité  parmi  eux,  devint  bientôt,  dans  les 
milieux  mondains,  et  à  partir  d'Auguste,  un  vêtement  de  luxe  où 
brillaient,  par  leur  variété,  les  plus  belles  couleurs  et  les  plus  riches 
ornements.  Mais  alors,  par  distinction,  les  chrétiens  le  marquèrent  du 
signe  de  la  croix.  Aussi  bien,  les  savants  se  sont>ils  plu  à  lui  reconnaître 
un  caractère  essentiellement  sacerdotal  (i). 

La  pénule.  —  La  forme  première  de  la  pénule  était  celle  d'un  manteau 
entièrement  fermé  et  allongé,  devant  et  derrière,  par  une  légère  pointe. 
Elle  ne  comportait  qu'une  ouverture  supérieure  sulllsamment  grande 
pour  passer  la  tête  (2). 

La  chape,  —  Il  serait  difficile  de  voir  autre  chose  dans  ce  vêtement 
que  l'ancienne  «  lacerne  »  à  capuchon  que  le  clergé  avait  adoptée  sous 
le  nom  de  «  birrus  »,  comme  nous  l'avons  vu,  ci-dessus,  et  dont  il  se 
servit  sous  le  nom  de  «  pluvial  ».  Dans  les  cérémonies  solennelles  du 
culte  extérieur  le  «  pluvial  »  servait  à  se  garantir  du  mauvais  temps.  La 
«  chape  »  était  exactement  ronde,  ouverte  par  devant  et  fixée  par  une 
fibule  sur  la  poitrine.  Son  usage  s'est  maintenu  assez  longtemps  parmi 
les  laïques,  en  Gaule,  où  de  notables  personnages  s'en  revêtaient,  ainsi 
qu'en  témoigne  la  célèbre  «  chape  »  de  Charlemagne  conservée  à  Metz. 

A  partir  du  grand  empereur,  une  large  bride  brodée  vint  remplacer 
l'agrafe  ou  fibule.  Dès  lors,  on  fabriqua  des  «  chapes  »  en  étoffes  épaisses 
et  couvertes  d'orfrois  et  ces  c  chapes  »  étaient  spécialement  en  usage 
dans  les  cérémonies  de  l'Eglise  et  dans  les  sacres  des  rois  (3).  C'est  la 


(i)  Dans  le  principe  le  «  birrus  •  était  fait  d'un  tissu  grossier  de  laine  brute  et  naturelle. 
Les  Pères  du  désert,  dit  Cassien  (De  cœnob.  instit.  lib.  i  c.  7),  qui  évitaient  les  manteaux 
précieux  trahissant  l'ambition,  se  revêtaient  du  •  birrus  •.  •  Birrorum  pretia  simul 
ambitionemque  déclinant  ».  Baronius  (an.  aôi)  croyait  le  birrus  exclusivement  réservé  aux 
évèqnes.  Du  Cange  (loc.  laud.)  déclare  que  le  •  birrus  •  fut  indifféremment  commun  aux 
clercs  et  aux  laïques.  —  L'abbé  Martigny  estime  que  le  «  birrus  •  est  l'origine  de  la 
mozette  ecclésiastique. 

(a)  Pour  la  suite  des  notes  explicatives,  voir  le  ch.  XI,  f  V.  p.  ao3  de  cet  ouvrage. 

(3)  Dans  une  importante  publication  moderne  «  L'Art  monumenial  •,  fév.  1884,  on  peut 
admirer  le  dessin  d'une  de  ces  chapes  remarquables,  considérée  comme  un  manteau  de 
couronnement,  et  qui  passe  pour  avoir  été  exécutée  à  Palermc  en  ii33,  par  des  artisans 
sarrazins.  Sur  sa  bordure  extérieure  court  une  inscriptioii  arabe  ;  et  sur  le  fond  principal, 
à  gauche  et  à  droite,  est  représenté  le  même  sujet  :  un  chameau  terrassé  par  un  lion,  d'un 
caractère  oriental  exceptionnel.  M.  l'abbé  Martigny  croit  que  la  chape  moderne,  comme 
ornement  sacerdotal  a  conservé  les  traces  du  capuchon  primitif,  et  il  ajoute  :  «  Comme  les 
■  autres  vêtements  vulgaires,  celui-ci,  en  passant  aux  usages  du  culte,  reçut  des  modifica- 
•  tions  et  des  embellissements  successifs,  mais  qui  n'ont  rien  de  commun  avec  l'antiquité  ». 

La  Trésorerie  de  l'cglise  Saint-Hubert  renferme  encore  une  chasuble  très  anciennt  en 
drap  de  soie  avec  un  capuchon  de  même  étoffe.  Une  immense  quantité  de  perles,  de  camées, 
d'onyx,  d'émeraudes  et  d'autres  pierres  précieuses  incrustées  dans  des  mailles  de  fil  et  d'or, 


440  PIECES  JUSTIFICATIVES 

«  chape  »  croyons-nous,  devenue  au  moyen  âge  la  «  gonnelle  »  qui  fut 
un  vêtement  du  comte  de  Forez. 

Echancrures  successives  des  chasubles  primitives,  —  Par  échancrure, 
il  faut  entendre,  non  une  ouverture  précise  pratiquée  dans  le  corps  du 
vêtement,  mais  bien,  ici,  la  réduction  de  son  ampleur  sur  les  deux  côtés, 
pour  faciliter  les  mouvements  des  bras.  C'est  un  signe  distinctif  de  la 
chasuble  et  qui  n'apparaît  pas  dans  les  chapes  civiles  où  des  ouvertures 
spéciales  pour  les  bras  étaient  réservées.  Cette  réduction  successive  de 
l'ampleur  des  anciennes  chasubles  jusqu'au  xv^  siècle,  où  elles  apparaissent 
avec  leur  forme  moderne,  ne  dépassant  pas  les  épaules  qu'elles  recou- 
vrent cependant  sans  raideur,  a  fkit  dire  à  M.  Viollet-le-Duc,  dans  son 
Dictionnaire  du  Mobilier,  etc.,  page  143,  III*  vol.  :  c  On  ne  voulait 
«  pas  toutefois  l'ouvrir  entièrement  à  cause  de  la  tradition  attachée  a 
«  cette  «  robe  ».  Et  parce  ce  que  la  chasuble  est  Tunique  vêtement  de 
«  son  espèce,  dit  Guillaume  Durand,  entière  et  fermée  de  toutes  parts. 
«  elle  signifie  l'unité  de  la  foi  et  son  intégrité.  »  (Rationale^  lib.  i . 
cap.  VII.) 


lui  donnaient  autant  de  luxe  que  de  prix.  Toutes  ces  pierreries  ont  disparu.  Cette  chasuble 
est  un  présent  fait  aux  moines  d'Andage  par  Louis-le-Débonnaire,  lors  de  la  translation  da 
corps  de  saint  Hubert.  Nous  pensons  qu'elle  a  appartenu  à  Charlemagne  qui  s'en  revêtait 
dans  les  cérémonies  religieuses.  On  sait  que  les  rois  de  France,  même  avant  Charlemagne, 
assistaient  au  chœur  et  paraissaient  dans  l'Assemblée  des  grands,  au  mois  de  mai.  vêtus  Sun 
manteau  en  forme  de  chasuble^  enrichie,  ainsi  que  leur  couronne  et  leur  sceptre,  d'ua 
grand  nombre  de  pierreries.  Les  empereurs  d'Allemagne  ont  porté  longtemps  le  même 
ornement  dans  la  cérémonie  de  leur  sacre.  Cette  chasuble  porte  le  monogramme  sacré  du 
Christ.  Son  ancienneté  et  sa  forme  en  font  un  monument  d'une  grande  valeur. 

D'après  Baluze,  Notes  aux  cap.  ;  Ann.  Fui. 

Eitrait  du  Pèlerinage  de  Saint- Hubert-en-ArdenneSt  par  l'abbé  C.-J.  Bertrand. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  44 1 


w  is'*- 


INSCRIPTIONS    ARABES 

DE      LA      CHASUBLE      DE      SAINT     RAMBERT 
ÉGLISE    SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 


NOTES  POUR  SERVIR  AU  CHAPITRE  XI  (i) 


Au  chapitre  XI*,  page  180,  Fie.  27,  on  lit  sur  la  bande  centrale  de  la 
face  pectorale  de  la  chasuble  : 

Al  —  «Aly 

LE    TRÈS-HAUT 

Ces  mots  sont  reproduits  en  sens  inverse  et  répétés  indéfiniment. 
Au  même  chapitre,  page  i85,  Fig.  29,  on  ht  sur  la  bande  centrale  de 
la  face  dorsale  de  la  chasuble  : 

La  Ilâha  illa  Allah 

IL    NT    A    D'AUTRE    DIEU    QUE    DIEU 

Al  —  •Ifz  wal  —  baqïï*  billih 

LA   GLOIRE   ET    LA   DURÉE  (SONT]  EN   DIEU  1 

Ces  deux  formules  se  répètent  d'abord  en  sens  inverse  ;  puis,  Tensem- 
ble  des  deux  parties  semblables,  ainsi  opposées  Tune  à  l'autre,  se  répète 
indéfiniment.  L'inscription  est  donc  très  courte  de  chaque  côté. 


(I)  Ces  notes,  du  R.  P.  Ronzivallb,  S.-J.^MTant  orientaliste,  ne  nous  ont  été  communiquées 
qu'après  l'impression  du  chap.  XI*. 


44^  PIECES   JUSTIFICATIVES 

Rien  ne  s'oppose  palëographiquement  à  faire  remonter  la  forme  des 
caractères  au  xi*  siècle.  Quant  à  leur  provenance,  elle  semble  espagnole. 
Mais  on  pourrait  tout  aussi  bien  leur  assigner  une  origine  sicilienne. 
Les  variations  de  récriture  arabe,  à  cette  période,  ne  permettent  pas  de 
se  servir  d'un  critère  infaillible.  Le  genre  d'écriture  ornemental  qu'offre 
la  précieuse  chasuble  est,  d'ailleurs,  tellement  assujetti  au  caprice  de 
l'artiste,  qu'il  serait  puéril  de  vouloir  fonder,  sur  ce  déchiffrement,  autre 
chose  qu'une  confirmation  aux  conjectures  émises  sur  l'âge  du  monu- 
ment. 

Dans  tous  les  cas,  si  l'on  veut  appeler  cette  écriture  «  coufique  »,  il 
faut  reconnaître  que  les  caractères  sont  de  basse  époque.  De  plus,  ils 
offrent  toutes  sortes  d'ornements  et  d'enchevêtrements,  où  un  œil  un 
peu  exercé  peut  seul  découvrir  les  lettres  qui  composent  le  fond  de  la 
légende. 


W  1(> 

PRINCIPAUX  MODÈLES  DE  CHASSES 

AU      POINT      DE     VUE      DE      L*ART,      DU     XI*     AU     XV"     SIECLE 


NOTES  POUR  SERVIR  AU   CHAPITRE  XII 


CHASSE  DE  SAINTE  ROLANDE  (a   LIÈGE) 

L'histoire  rapporte  que  sainte  Rolande,  fille  de  Didier,  roi  des 
Lombards,  vivait  dans  la  seconde  moitié  du  viii"  siècle,  et  qu'elle  mou- 
rut Tan  800,  à  Villers-Potterie,  hameau  de  Gerpinnes  où  elle  fut  ense- 
velie. Exhumée  par  Obert,  évêque  de  Liège,  son  corps  fut  déposé,  en 
l'année  lOio,  dans  une  châsse  d*une  grande  beauté.  Sa  forme  est  celle 
d'un  coffre  magnifique  avec  couvercle  à  deux  pentes  bordées  d'un  den- 
ticule,  et  ornées  au  faîtage  d'une  crête  ajourée  avec  fleurs  de  lis.  Trois 
statuettes  de  saints  surmontent  encore  l'œuvre,  et  séparées  entre  elles  par 


PIECES  JUSTIFICATIVES  443 

de  petits  poinçons  sphériques  lui  font  une  silhouette  très  mouvementée. 
Ses  grands  côtés  sont  divisés  par  quatre  pilastres  carrés  avec  bases  mou- 
lurées formant  socle,  et  se  prolongeant  en  soubassement  dans  les  inter- 
valles. 

Cette  même  disposition  est  conservée  sous  forme  de  chapiteaux  et  de 
frise  dans  la  partie  supérieure  ornée  avec  une  grande  finesse  de  détails. 
Dans  le  milieu  du  corps  des  pilastres,  une  petite  niche  à  plein  cintre 
abrite  la  staf  uette  d'un  saint  ;  et  les  trois  panneaux  intermédiaires  de  la 
grande  face,  ainsi  que  celui  des  petits  côtés,  sont  réservés  aux  souvenirs 
de  la  vie  de  sainte  Rolande. 

Sur  chacune  des  pentes  du  couvercle  on  voit  encore,  encadrés  dans 
une  moulure  profonde,  chargée  de  délicates  ciselures,  trois  comparti- 
ments décorés  qui  mettent  en  relief  certains  détails  de  la  vie  de  la  bien- 
heureuse, et  célèbrent  sa  gloire.  A  remarquer,  un  blason  dans  Tespace 
triangulaire  supérieur  des  petits  côtés.  L'extrême  richesse  de  la  déco- 
ration de  cette  œuvre,  Tart  consommé  avec  lequel  elle  est  traitée,  aussi 
bien  que  Tabsence  des  pierreries  ordinairement  si  multipliées  dans  Torfé- 
vrerie  primitive,  nous  laissent  croire  que  cette  châsse  n'appartient  pas 
au  xi%  mais  bien  au  xii*  siècle. 

CHASSE   DU   COUDRAY-SAINT-GKRMER    (oISE) 

Cette  châsse  est  aussi  remarquable  par  ses  grandes  proportions  qui 
sont  de  o",82  de  longueur,  o"*,35  de  largeur  et  o",64  de  hauteur,  que  par 
sa  décoration  très  caractéristique.  M.  de  Caumont  attribue  à  cette  œuvre 
remarquable,  comme  date  probable,  la  première  moitié  du  xii*  siècle. 

Elle  est  en  bois  recouvert  de  lames  et  d'ornements  en  cuivre  doré,  du 
meilleur  effet.  Elle  repose  sur  une  plinthe  losangée,  que  termine  sur 
l'angle  supérieur,  une  gorge  d'évidement.  Sa  forme  rectangulaire  est 
composée,  sur  les  grandes  faces,  d'une  série  de  quatre  niches  régulières 
et  contiguC^s,  accompagnée  sur  les  petits  côtés  par  une  seule  niche  plus 
large  et  un  peu  plus  haute  pour  garnir  une  partie  du  gable.  Ces  niches, 
réservées  uniquement  par  la  saillie  des  arcades  ogivales  chargées  de  fins 
ornements  byzantins,  montrent  leur  partie  centrale  tréflée  et  enrichie 
régulièrement  de  trois  pierres  fines  de  couleurs  variées,  qui  entourent 
l'image  d'un  saint.  Le  pilier  qui  les  sépare  et  les  soutient,  est  formé  par 
un  groupe  de  trois  colonnes  assemblées  en  triangle,  avec  bases  plates  et 
chapiteaux  ornés  de  deux  rangs  de  feuilles  d'acanthe,  que  termine  une 
grappe  de  raisin. 

Les  fûts,  divisés  au  milieu  par  trois  tores  ou  anneaux,  ont  une  déco- 
ration  variée  :  en  torses,  en  losanges  avec  fleuron  central,  avec  rinceaux, 
feuillages,  etc.,  etc.  Si  le  dessin  qu'il  nous  a  été  donné  d'étudier  est 
exact,  comme  nous  le  croyons,  la  partie  supérieure  surmontée  d'une 
•:rête  ajourée  de  feuillages  saillants,  de  bon  style,  mérite  d'être  observée. 
La  forme  prismatique  de  tous  ses  côtés  ne  saurait,  par  ce  détail  seul. 


444  PIECES  JUSTIFICATIVES 

laisser  un  doute  sur  le  modèle  qui  a  inspiré  cette  œuvre  intéressante.  Ce 
n'est  pas  encore  la  toiture  à  deux  égouts  du  temple,  mais  bien  Tun  des 
caractères  particuliers  au  sarcophage  antique,  que  complètent,  dans  un 
encadrement  de  rinceaux  disposés  en  bordure  saillante,  trois  couronnes 
circulaires  autrefois,  peut-être,  enrichies  de  médaillons  allégoriques. 

Il  paraît  donc  bien  naturel  et  hors  de  doute,  que  les  artistes  de  l'épo- 
que romane  stimulés  par  le  christianisme  triomphant,  en  reçurent  non 
seulement  l'inspiration,  mais  aussi  une  impulsion  assez  heureuse  pour 
les  porter  à  chercher  dans  l'architecture^  souvent  admirable,  des  temples 
chrétiens,  les  modèles  nécessaires  à  la  création  d'oeuvres  originales 
marquées  au  coin  de  leur  génie  renaissant.  Ce  qui  a  fait  dire  à  M.  l'abbé 
Texier  que  :  «  Part  byzantin  fut  traduit  en  français  », 

Il  faut  donc  arriver  au  xiii*  siècle  pour  voir  fleurir  cet  art  nouveau  où 
l'ogive  gothique  le  dispute  à  l'arceau  roman  en  défaveur,  et  où  apparais- 
sent bientôt,  dans  tout  leur  épanouissement,  ces  chefs-d'œuvre  d'orfè- 
vrerie qui  ne  sont,  après  tout,  que  la  réduction  des  grands  édifices 
religieux  de  la  première  période  gothique. 

Le  plus  remarquable  monument  que  l'on  possède  de  cette  époque  de 
transition,  par  son  ancienneté,  sa  richesse  et  ses  grandes  dimensions  est 
certainement  la  célèbre  châsse  des  Rois  Mages,  à  Cologne. 

CHASSE  DES  ROIS  MAGES  (a  COLOGNE) 

Toute  d'or  et  d'argent,  et  autrefois  recouverte  entièrement  de  riches 
pierreries,  cette  extraordinaire  pièce  d'orfèvrerie  atteint  les  dimensions  sui- 
vantes (mesure  du  Rhin)  :  Longueur  3  pieds  et  demi  ;  largeur  3  pieds  ;  hauteur 
4  pieds,  lo  pouces  et  demi.  Fabriquée  vers  l'année  1 170,  cette  châsse 
fût  modifiée  dans  certaines  parties,  en  119S.  Une  tradition  pieuse 
rappelle  que  sainte  Hélène*  mère  de  l'empereur  Constantin,  ayant 
retrouvé  les  restes  des  Rois  Mages,  qui  étaient  venus  pour  adorer  Jésus  à 
Bethléem,  fit  transporter  solennellement  ces  reliques  à  Constantinople. 
Ce  ne  fut  qu'au  commencement  du  iv*  siècle  qu'un  prêtre,  nommé 
Eustorgius,  les  reçut  en  présent,  des  mains  de  l'empereur,  et  les  trans- 
porta à  Milan,  dont  il  venait  d'être  nommé  archevêque. 

La  forme  générale  de  cette  châsse  est  celle  d'un  édifice  religieux, 
comprenant  une  surélévation  en  retrait,  recouvert  dans  son  ensemble 
par  une  double  toiture  prismatique,  haut  et  bas  étage,  â  deux  portes. 
La  partie  rectangulaire  postérieure  de  sa  façade  principale,  celle  qui  est 
la  plus  ancienne,  est  composée  de  trois  arcades,  dont  celle  du  milieu,  à 
plein  cintre,  renferme  l'image  nimbée  de  la  Sainte  Vierge  assise  sur  un 
trône,  et  soutenant  l'Enfant  Jésus  sur  ses  genoux.  Les  deux  autres 
arceaux  trilobés  et  reposant  sur  d'élégantes  colonnettes  de  forme  variée 
avec  chapiteaux  et  bases  émaillés,  présentent,  à  droite,  la  scène  de 
Jésus-Christ  baptisé  par  saint  Jean,  en  présence  d'un  ange  ;  et,  à  gau- 
che, les  figures  des  Rois  Mages  chargés  de  présents.  Près  d'eux,  se  trouve 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  446 

un  portrait  de  l'empereur  Othon  IV,  élu  en  1198,  ainsi  que  l'indique 
rinscription  :  «  Otto  rex  ».  Au-dessus  des  linteaux  de  ce  panneau  sont  dis- 
posées trois  couronnes  en  cuivre  doré,  mises  à  la  place  de  plus  anciennes, 
en  or  massif,  du  poids  de  six  livres  chacune,  enrichies  de  pierres  fines  et 
d*une  aigrette  en  diamants,  qui  furent  enlevées  pendant  la  grande  Révo- 
lution. Cette  partie  offre  la  disposition  d'un  couvercle  mobile  en  argent 
doré,  laissant  voir  en-dessous,  à  travers  une  grille,  les  crânes  des  trois 
Rois  avec  leurs  noms  :  Gaspar^  Melchior  et  Balta^ar,  Le  haut  de  la  face 
divisée  encore  par  deux  linteaux  unis,  pour  marquer  le  point  de  retrait 
des  deux  parties  de  la  Châsse,  offre  sous  une  grande  arcade  à  trois  lobes, 
que  supportent  de  délicates  colonnettes,  également  émaillées,  l'image  du 
Christ,  Souverain  Juge  des  hommes,  entre  deux  anges  chargés  des  instru- 
ments de  la  passion.  Le  couronnement  de  cette  scène  comprend,  dans  la 
partie  supérieure  triangulaire,  les  figures  en  buste  des  Archanges  Gabriel 
et  Raphaél  accompagnant,  au  centre,  un  soleil  rayonnant  de  gloire,  orné 
d'une  énorme  topaze,  et  autrefois,  resplendissant  de  diamants. 

Toutes  ces  figures,  en  ronde  bosse  et  en  bas-relief,  sont  de  l'or  le  plus 
pur  ;  et  la  face  entière  est  encadrée  dans  une  belle  bordure  d'entrelacs 
émaillés,  alternés  avec  de  riches  pierreries. 


CHASSE  DE   SAINTE   FAUSTA,   A  SÉGRY   (iNDRE) 

Les  admirables  collections  du  musée  de  Cluny  renferment  deux  belles 
châsses-ossuaires  de  sainte  Fausta,  exécutées  à  Limoges,  au  xiii»  siècle,  à 
peu  d'années  d'intervalle  l'une  de  l'autre.  Toutes  les  deux  proviennent 
du  trésor  de  l'église  de  Ségry,  près  d'Issoudun  (Indre).  Voici,  d'après  le 
catalogue  du  musée,  la  description  de  là  moins  ancienne. 

€  Cette  châsse,  dont  la  longueur  dépasse  o»,46  cent.,  sur  une  hauteur 
<  de  0*^,36  cent,  et  qui  représente  le  martyre  de  sainte  Fausta,   est  très 

«  remarquable La  disposition  du  sujet,  le  style  et  l'exécution  des 

«  ornements  en  font  une  œuvre  du  premier  ordre.  La  face  principale 
«  ne  porte  que  cinq  figures  :  celle  du  proconsul  ordonnant  le  martyre, 
«  la  figure  de  la  Sainte  agenouillée  près  du  bourreau,  et,  dans  la  partie 
«  inférieure,  sainte  Marie  et  saint  Jean.  Ces  figures  sont  en  bronze  doré, 
«  de  haut  relief,  sur  un  fond  d'émail  bleu  largement  décoré  de  rinceaux 
«  en  cuivre  gravé  et  de  fleurons  en  émaux  de  couleurs.  Le  revers  porte 
«  six  grands  médaillons  :  chacun  d'eux  présente  un  ange  aux  ailes 
«  déployées,  sur  fond  d'émail  rouge  ;  le  médaillon  lui-même  est  à  fond 
«  bleu  et  sa  silhouette  découpe  quatre  lobes.  Ces  médaillons  reposent 
«  sur  un  fond  de  cuivre  gravé,  doré  et  repoussé.  Les  bordures  sont  en 
«  émail  et  disposées  en  relief.  Les  deux  faces  des  extrémités  sont 
«  décorées  de  beaux  émaux  et  présentent  les  figures  des  apôtres  saint 
«  Pierre  et  saint  Paul,  avec  leurs  attributs,  gravées  au  trait  sur  fond 
«  d'émail.  » 


44^)  PIECES  JUSTIFICATIVES 


CHASSE   DE   SAINT  TAURIN    (a   ÉVRKUx) 

Supportée  par  des  pieds  de  lion,  sur  une  base  formée  par  une  plinthe 
moulurée,  ornée  de  rinceaux,  sur  laquelle  se  poursuivent  des  animaux 
chimériques  dans  une  série  de  petits  compartiments  gravés,  cette  châsse 
offre  un  ensemble  extraordinaire. 

C'est  bien,  en  eflet,  la  représentation  fidèle  d'une  église  ogivale  du 
XIII*'  siècle,  dont  la  face  principale  est  divisée  en  trois  parties  par  des 
contreforts  décorés  de  niches,  baies  tréflées,  gargouilles  et  clochetons 
admirablement  travaillés.  L'arcade  centrale  de  la  nef  qui  se  termine  par 
un  fronton  aigu,  bordé  d'une  suite  de  rinceaux  découpés  à  jour,  abrite 
une  grande  fleur  de  lis  florencée,  sur  une  ogive  trilobée  d'un  détail 
parfait.  Le  tout  soutenu  par  des  colonnes  accouplées,  dont  les  fûts  et  les 
chapiteaux  sont  fouillés  avec  soin. 

Sauf  les  arceaux  légèrement  réduits  du  transept,  et  sa  décoration  de 
fleurons  modifiée  sur  son  pourtour,  cette  disposition  est  d'une  conformité 
parfaite  dans  ses  autres  détails.  Son  couronnement  est  un  riche  faîtage 
où,  en  bordure  de  crête,  une  suite  de  rinceaux  en  volutes  renouvelle 
celle  de  Tarcade  centrale  sur  laquelle,  d'ailleurs,  comme  k  ses  deux 
autres  extrémités,  s'élève  un  riche  poinçon  fleurdelisé  d'un  fini  extrême 
dans  les  détails  de.  sa  boule  d'amortissement.  Au  milieu  s'élance  avec 
majesté  un  élégant  clocher  qui  complète  admirablement  ce  chef- 
d'œuvre  d'orfèvrerie;  et  sur  un  fond  losange  rempli  de  quatrefeuilles,  se 
détache  sous  l'arcade  centrale,  la  figure  mitrée  et  crossée  de  saint 
Taurin  dans  l'action  de  bénir.  Les  voussures  des  arcades  latérales  et 
leurs  extrados  rappellent,  dans  de  curieuses  scènes,  la  vie  remarquable 
de  ce  saint  qu'un  dessin  partiel  de  la  châsse  ne  nous  permet  pas  de 
décrire  plus  amplement^  mais  qui  est  par  sa  merveilleuse  décoration 
d'un  effet  incomparable. 

(Notes  de  M.  H.  Marthoud.) 
CHASSE  DE  SAINT   GERMAIN    (A  PARIS) 

La  châsse  de  saint  Germain  nous  donne  la  reproduction  exacte  d'un 
édifice  religieux.  Le  texte  qui  suit,  et  qui  a  été  emprunté  à  V Histoire  de 
r Abbaye  de  Saint-Germain-des^Prés  —  pièce  justificative  iiy»  —  de 
M.  J.  BouiLLARo,  va  nous  renseigner  suffisamment  à  l'égard  de  cette 
châsse  précieuse. 

—  1408  (18  février)  c  A  tous  ceux  qui  ces  lettres  verront,  Guillaume 
«  par  la  permission  divine,  humble  Abbé  de  l'église  Saint-Germain- 
«  des- Prés-lès- Paris,  et  tout  le  couvent  de  ce  même  lieu,  salut  en 
«  Notre-Seigneur,   savoir  faisons  que  nous,  d'un  commun   accord    et 

«  consentement confessons  avoir  fait  marchié  et  convenances  à  Jean 

«  de  Clichi,  Gautier  du  Four  et  Guillaume  Boey,  orfèvres  demeurant  à 
«  Paris,  de  faire  une  châsse  d'or  et  d'argent  où  sera  mis,  au  plaisir  de 


PIECES   JUSTIFICATIVES  447 

«  Dieu,  le  oorps  de  monsieur  Saint  Germain.  Laquelle  châsse  aura  deux 
«  pieds  et  demi  et  quatre  pouces  de  long,  et  de  hauteur  et  largeur  telle 

«  comme  il  appartient  à  la  longueur  dessusdite La  haute  et  la  basse 

c  couverture  de  ladite  châsse  sera  faite  d'or  à  fleurs  de  lys.  La  pierrerie 
«  qui  est  en  ladite  châsse  où  repose  â  présent  le  corps  dudit  monsieur  Saint 

«  Germain  sera  ôtée  et employée  par  lesdits  orfèvres Les  images 

«  et  les  grands  piliers  et  les  piliers  boutteres,  les  chapiteaux,  les  hotteaux 
«  (osteaux)  et  formes  de  verrières,  les  claires  voies  et  le  clochier,  et  tout 
«  ce  qui  appartient  à  ladite  châsse  seront  d'argent  doré  bien  et 
«  souffisament  au  regard  de  Tor,  au  dire  des  orfèvres   et  gens  à  ce 

«  connaissans Et  laquelle  châsse  lesdits  orfèvres  nous  seront  tenus  et 

«  promettent  de  faire  du  poids  de  1 5o  marcs  d'argent,  et  ce  non  compris 
«  le  fonds  d'icelle  châsse  qui  seront  d'argent  blanc,  etc.,  etc.  » 

Ces  détails  indiquent  qu'il  s'agit,  en  l'espèce,  de  la  transformation 
d'une  ancienne  châsse  de  saint  Germain  en  une  nouvelle  châsse  pour 
l'ornementation  de  laquelle  devront  être  employées  les  pierreries  de 
l'ancienne. 

Cette  châsse  de  saint  Germain,  ainsi  transformée  et  après  avoir 
survécu  à  toutes  les  fluctuations  du  style  ogival,  est  une  preuve  que 
son  admirable  disposition  s'est  continuée,  tout  au  moins,  jusqu'au 
commencement  du  xv«  siècle. 

Vers  la  fin  du  xiv"  siècle  et  surtout  au  xw*  siècle,  dit  M.  René  Ménard, 
«  la  statuaire  commença  à  se  substituer  à  l'architecture  dans  les  pièces 
«  d'orfèvrerie.  Il  est  vrai  que  dans  les  châsses  on  avait  toujours  introduit 
«  Je  petites  figures  plus  ou  moins  barbares;  mais  à  cette  époque, 
«  l'orfèvrerie  rentre  dans  les  arts  plastiques  et  devient  une  branche  de  la 
«  sculpture  ». 


44^  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


W  il 


L'ORFÈVRERIE    RELIGIEUSE 


NOTES  POUR  SERVIR  AU  CHAPITRE  XII 


Nous  croyons  être  agréable  au  lecteur,  en  lui  donnant  un  très  court 
résumé  de  Tart  de  l'orfèvrerie  qui  s'éleva  graduellement  au  rang  d'un 
art  achevé.  Il  est  avéré,  aujourd'hui,  que  sous  la  domination  romaine,  la 
Gaule  s'efforça,  naturellement,  de  dérober  à  son  vainqueur  les  secrets 
de  l'art  de  travailler  les  métaux,  que  celui-ci  même  avait  emprunté 
auparavant  à  l'Egypte,  à  la  Grèce  et  à  l'Etrurie.  Cette  initiative  fut  si 
heureuse,  que  les  premiers  essais  dans  le  travail  du  bronze,  démontrés 
chaque  jour  par  d'intéressantes  découvertes,  nous  permettent  d'apprécier 
avec  quelle  habileté  les  Gallo-Romains  savaient  transformer  le  bronze 
en  bijoux  de  toutes  sortes  :  bracelets,  colliers,  épingles,  fibules,  anneaux, 
etc.,  que  Témaillerie,  dans  l'enfance,  venait  enrichir  quelquefois. 

Nous  avons  admiré  l'orfèvrerie  mérovingienne,  mise  au  jour  de  la 
science  par  des  fouilles  couronnées  de  succès,  opérées  par  M.  l'abbé 
Cochet,  dans  les  cimetières  mérovingiens  de  la  Normandie.  En  effet,  ne 
sont-ce  pas  des  découvertes  d'un  haut  intérêt,  que  celles  qui  ont  arraché 
aux  tombeaux  des  spécimens  aussi  précieux  que  peu  connus,  d'un 
travail  admirable  et  d'un  style  aussi  étrange  que  curieux  ?  Telles  ces 
agrafes  de  ceinturons  où  s'étalent  dans  d'élégants  entrelacs,  les  filigranes 
les  plus  déliés  de  la  damasquinure  en  or  ou  en  argent,  et  avec  non  moins 
de  discernement,  des  figures  allégoriques  très  singulières  où  se  trouve 
représentée,  par  exemple,  la  scène  de  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions. 

Nous  conservons  le  souvenir  du  vase  de  saint  Rémy,  dit  «  vase  de 
Soissons  »,  pour  la  restitution  duquel  Clovis  fît  payer  de  sa  tête  son 
détenteur  rebelle.  La  cathédrale  de  Reims  possède  un  calice  que  la  tradi- 
tion dit  avoir  appartenu  au  saint  pontife  ;  mais  dont  on  attribue  l'exécu- 
tion au  XII®  siècle,  en  remplacement  d'un  autre  légué  par  saint  Rémy  â 
l'église  de  Reims.  Il  y  a  lieu  pourtant  de  constater  la  grande  analogie  de 


PIECES  JUSTIFICATIVES  449 

forme  et  même  de  décoration  qu'il  présente  avec  celui  de  saint  Gozlin  du 
X®  siècle,  que  complète  une  riche  patène  et  qui  est  conservé  dans  la 
cathédrale  de  Nancy. 

L'histoire  n*a  pas  oublié  de  nous  garder  aussi  la  mémoire  de  saint  Eloi, 
de  ses  vertus  et  de  son  exceptionnel  talent  d'orfèvre  qui  lui  gagnèrent 
si  facilement  la  confiance  absolue  de  Dagobert.  Mais  il  ne  faudrait  pas 
attribuer  sa  célébrité  au  seul  fauteuil  remarquable  qu'il  exécuta  pour  son 
maître  ;  car  on  sait  également  qu'il  excellait  dans  la  fabrication  des  châsses. 
L'abbaye  de  Sa int-M a rtm-lez- Limoges  conservait,  autrefois,  une  croix 
double,  gravée  et  émaillée,  d'un  travail  remarquable,  du  vin*  siècle,  qui 
était  considérée  comme  une  de  ses  œuvres. 

L'église  Saint-Denis  possédait  aussi  une  croix  d'or  du  ix*  siècle 
enrichie  de  grenats,  de  saphirs  et  de  perles,  dont  les  extrémités  ornées 
de  trois  lobes  aigus  réunis  en  forme  de  fleur  de  lis,  d'une  assez  belle 
composition  et  qui  lui  avait  été  donnée  par  Charles-le-Chauve. 

Si  nous  consultons  le  curieux  traité  que  nous  a  laissé  le  moine 
Théophile,  qui  vivait  du  \^  au  \i^  siècle  à  ce  que  l'on  croit,  nous  appren- 
drons que  de  son  temps  l'industrie  des  métaux  précieux  était  déjà  l'apanage 
des  monastères.  C'est  une  chose  admise  d'ailleurs,  qu'après  s'être  instituée 
la  protectrice  des  Lettres,  en  sauvant  de  Toubli,  par  une  transcription 
patiente,  les  œuvres  des  grands  auteurs  de  l'antiquité,  l'Eglise  avait  pris 
en  même  temps  sous  sa  sauvegarde  la  culture  des  Beaux-Arts.  Ses 
moines  s'exercèrent  non  seulement  aux  peintures  murales  de  leurs 
monastères,  mais  c'est  encore  sous  leurs  cloîtres  paisibles  que  l'on  vit 
alors  s'organiser  d'importants  ateliers  d'orfèvrerie,  où,  sous  la  direction 
d'habiles  religieux,  vinrent  s'inspirer  et  se  former  d'autres  artistes  qui 
propagèrent  ensuite,  dans  leurs  couvents,  cet  art  nouveau. 

Mais  il  est  établi  que  ce  n'est  bien  qu'au  xii®  siècle,  qu'une  impulsion 
considérable  lui  fut  donnée,  grâce  à  l'intelligence  du  savant  abbé  Suger. 
Ce  célèbre  ministre  des  rois  Louis  VI  et  Louis  VII  n'immortalisa  pas 
moins  son  nom  par  le  soin  particulier  qu'il  apporta  à  faire  exécuter  les 
châsses  de  Saint-Denis,  que  par  une  sage  administration  du  royaume  et 
la  rare  activité  qu'il  mit  à  entreprendre  et  à  parfaire  les  grands  travaux 
qui  furent  sa  gloire. 

Cette  prospérité  ne  devait  pas  durer,  car  voici  venir  le  xni*  siècle  où 
«  le  règne  de  Saint  Louis  peut  être  considéré  comme  marquant  V apogée 
de  Vorfèvrerie  religieuse  en  France  ».  Une  pièce,  entre  toutes, 
conservée  autrefois  â  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  pourrait  en  témoigner  : 
c'est  un  buste  de  Louis  IX,  en  or  repoussé,  dont  la  couronne  et  le 
col  du  manteau  étaient  couverts  de  pierreries.  La  figure,  très  expressive, 
était  frappante  de  vérité. 

Et  c'est  ainsi  qu'après  avoir  brillé  à  cette  époque  d'un  éclat  extraor- 
dinaire, l'orfèvrerie  devait  bientôt  déchoir,  dans  le  mouvement  préparé 
par  l'établissement  des  communes,  mouvement  qui  la  fît  tomber,  à  brève 
échéance,  entre  les  mains  exclusives  des  laïques.  D'ailleurs,  il  est  admis 
que  c'est  au  xiii^  siècle  que  les  orfèvres  purent  s'organiser  en  une 

ao 


45o  PIECES   JUSTIFICATIVES 

corporation,   dont   les  règlemenis  se   trouvent  dans   le    Registre  des 
Métiers  d'Etienne  Boileau. 

Il  était  particulièrement  réservé  au  xv*  siècle  de  restaurer  l'art 
religieux  tombé  en  léthargie,  par  l'application  à  ses  chefs-d'œuvre,  des 
nielles  abandonnées  depuis  longtemps  et  qu'il  sut,  avec  honneur,  faire 
revivre.  D'un  travail  facile,  l'efTet  des  nielles  était  admirable.  Sur  des 
surfaces  planes  et  des  fonds  unis,  les  sillons  pénétrants  de  la  gravure 
se  remplissaient  d'une  matière  noire,  vitreuse  (nigellum)y  mise  en 
fusion  sur  le.  métal,  repoli  peu  après.  Après  ce  travail  apparaissaient 
bientôt  de  charmantes  arabesques  et  de  gracieux  ornements. 

Nombreux  sont  les  chefs-d'œuvre  de  cette  époque,  où  le  talent 
extraordinaire  de  nos  orfèvres  sut  toujours  élever  et  maintenir,  avec 
gloire,  leur  art  merveilleux  au  niveau  des  grandes  écoles  rivales  de 
l'Italie,  de  l'Allemagne  et  de  l'Espagne,  lesquelles  nous  ont  laissé, 
cependant,  des  pièces  de  très  haute  valeur. 

C'est  ainsi  que  d'un  éclat  nouveau  brillèrent  non  seulement  la 
couronne  des  rois,  la  tiare  des  Pontifes,  la  mitre  des  évêques,  la  crosse 
des  abbés,  mais  encore  de  riches  croix  émaillées,  rehaussées  de  pierres, 
de  rares  intailles,  de  camées  et  de  pierres  précieuses  destinées  à  être 
suspendues  au  cou,  aussi  bien  que  des  croix  processionnelles  d'une 
incroyable  beauté. 

Mais  voici  encore  Limoges  qui  nous  ofire,  de  nouveau,  ses  admirables 
émaux,  dans  de  symboliques  crosses  abbatiales,  sur  des  custodes  et  des 
reliquaires  d'une  exécution  parfaite  et  dont  la  magnificence  n'aurait  de 
comparable  que  les  riches  petits  coffrets  ou  cassettes  à  reliques  aussi 
curieux  qu'ouvragés. 

Aussi  bien,  malgré  la  destruction  systématique  de  nombreux  chefs- 
d'œuvre,  que  la  cupidité  et  le  malheur  des  temps  ont  pu  occasionner, 
nous  sommes  redevables,  à  ce  xv"  siècle,  d'un  grand  choix  de  pièces 
magnifiques.  D'une  grande  diversité,  d'une  charmante  et  bonne  exécution, 
çlles  joignent  Télégance  à  l'originalité  la  mieux  entendue.  L'art  français,  au 
XV*  siècle,  a  créé  des  modèles  admirables.  C'est  aussi  grâce  au  zèle  pieux, 
à  la  foi  vive  et  à  la  munificence  de  puissants  donateurs,  que  de  superbes 
monstrances  et  d'éblouissants  ostensoirs  vinrent,  à  cette  époque,  enrichir 
et  le  somptueux  trésor  de  nos  vieilles  cathédrales,  et  le  rétable  de  nos 
gracieux  oratoires  gothiques.  Cet  art,  si  bien  fait  pour  exercer  l'intelligence 
et  l'adresse  de  l'ouvrier,  ne  connut  pour  ainsi  dire  jamais  de  décadence  ; 
toujours  en  progrès,  il  était  particulièrement  préparé  pour  subir  l'influence 
prodigieuse  de  la  Renaissance. 

(Noies  de  M.  H.  Martuouu.) 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  4b  l 


W  18 

LES    RELIQUAIRES 

(A) 


NOTES  POUR  SERVIR  AU  CHAPITRE  XII  -    Section  deuxième 


Le  vandalisme  hérétique  du  xvi^  siècle  détruisit  un  nombre  immense 
de  reliquaires  et  de  châsses,  et,  ce  qu'il  y  a  de  plus  déplorable  encore, 
les  restes  vénérés  que  contenaient  ces  vaisseaux  furent  brûlés  par  cette 
nouvelle  secte  d'iconoclastes,  que  fanatisaient  les  doctrines  de  Luther  et 
de  Calvin.  Les  matières  précieuses  devinrent  la  proie  de  spoliateurs  dont 
le  zèle  était  surtout  inspiré  par   la  cupidité.  Les  deux  siècles  suivants 
avaient  réparé,   en  partie,  ces  affreux  désastres,  et    une  assez  grande 
quantité   de  châsses  et  de   reliquaires  sauvés,  en  outre,  des  fureurs  de 
rhérésie  avaient  repris  leur  place  dans  nos  églises.  Mais  un  nouveau 
fanatisme   non   moins  sacrilège  vint,  en  1794  et  1795,  sous  le  manteau 
d'une   philosophie  pleine    de   tolérance,    consommer  la  ruine  de  ces 
monuments  pieux.  Il  est  donc,  aujourd'hui,  assez  diflicile  de  renouer  la 
chaîne  traditionnelle  de  cette  importante  partie  de  l'art  chrétien.  Cepen- 
dant, il  existe  encore  des  types  peints  ou  gravés,  et  quelques  vitraux 
d'église  peuvent  être  interrogés  utilement  par  un  artiste  consciencieux. 
Il  est  rare  que,  de  nos  jours,  on  ait  l'occasion  de  faire  une  châsse,  car 
comme  il  a  été  dit,  la  possession  d'un  corps  entier  est  peu  commune. 
Quant  au  reliquaire,  comme  on  n'a  qu'une  petite  parcelle  à  y  déposer, 
sa  confection  est  nécessairement  plus  fréquente.  Depuis  le  rétablisse- 
ment du    culte  catholique  en  France,  l'art,  sous  ce  rapport,  s'est  trop 
souvent  fourvoyé.  On  a  trop  oublié  qu'il  ne  s'agissait  pas  d'une  boîte 
quelconque  à  laquelle  il  fût  permis  d'appliquer  toute   espèce  de  forme, 
mais  qu'il  était  question  d'un  objet  religieux  qui  avait  des  antécédents 
aussi  anciens  que  la  religion  elle-même.  Deux  types  qui,  implicitement, 
se  réduisent  à  un  seul,  on  l'a  vu,  peuvent  donc  être  pris  pour  la  confec- 
tion d'un  reliquaire  :  le  tombeau  et  l'église.  Depuis  quelques  années,  le 


452  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

dernier  type  a  été  généralement  suivi.  Le  goût  gothique  qui  s*est  si  admi- 
rablement réhabilité  y  domine  presque  toujours.  Qu'est-ce  en  effet  que 
la  Sainte-Chapelle  du  Palais  de  Justice  de  Paris,  sinon  un  reliquaire  en 
pierres  ?  Ce  n*est  pas  à  dire,  néanmoins,  que  l'on  soit  en  droit  d'exclure 
totalement  le  style  grec  ou  roman.  Rarement  le  reliquaire  a  pris  la  forme 
de  Turne  funéraire.  Ce  type  est  païen.  Avouons,  toutefois,  que  les  tom- 
beaux des  catacombes  n'affectent  pas  une  forme  différente  de  ceux  du 
paganisme.  Cela  se  conçoit,  surtout,  quand  on  n'ignore  pas  que  dans  ces 
premiers  siècles  Tart  chrétien  ne  pouvait  encore  se  formuler  avec  son 
caractère  propre.  Les  transitions  ne  se  brusquent  pas.  On  ne  pourrait 
donc  absoudre  l'artiste  qui,  sous  prétexte  de  remonter  directement  à  cette 
époque,  ferait  une  châsse  ou  un  reliquaire  dont  le  modèle  serait  emprunté 
aux  sarcophages  des  cryptes  romaines  de  saint  Calixte  ou  de  saint 
Sébastien.  On  ne  saurait  remonter  à  un  art  chrétien  qui  n'existait  pas, 
quoique  d'ailleurs  la  ferveur  chrétienne  brillât  de  toute  sa  splendeur.  Ce 
sont  là  des  choses  qu'il  n'est  pas  permis  de  confondre,  dans  l'étude  et  la 
pratique  de  l'Art.  Une  observation  très  importante  de  D.  Mabillon,  dans 
son  Iter  Italicum^  ne  doit  pas  être  omise.  C'est  que  les  chrétiens  des 
premiers  temps  usèrent,  pour  la  sépulture  de  leurs  frères,  non  rarô^  fré- 
quemment, des  tombes  profanes  et  se  les  approprièrent.  Ce  n'est  donc 
point  aux  chrétiens  qu'il  faut  attribuer  l'introduction  de  ces  sarcophages 
païens  dans  leur  art,  si,  comme  nous  l'avons  dit,  il  es»t  possible  de  leur 
attribuer  un  art  spécial,  durant  les  deux  ou  trois  premiers  siècles. 

Le  reliquaire  affecte  quelquefois  la  forme  d'un  buste  qui  est  censé 
représenter  le  saint  ou  la  sainte  dont  il  contient  les  reliques.  Si  ces  véné- 
rables restes  sont  d'un  évêque,  la  tête  du  buste  est  mitrée.  Il  en  est  ainsi 
des  autres,  selon  leur  qualité.  Une  ouverture  pratiquée  au  milieu  de  la 
poitrine  et  munie  d'un  cristal,  permet  d'apercevoir  le  fragment  vénéré. 
Quelquefois,  aussi,  une  relique  consistant  en  un  bras  est  incluse  dans  un 
bras  de  bois  doré  ou  de  métal  ou  bien  dans  une  jambe,  si  la  relique  pro- 
vient de  ce  membre.  On  avouera  que  pour  ces  deux  derniers  genres  de 
reliquaires,  le  bon  goût  n'a  point  à  prodiguer  des  éloges.  On  en  voit  aussi 
qui  offrent  l'aspect  d'une  exposition  ronde,  ovale  ou  carrée,  surmontée 
d'une  croix,  et  portée  par  une  tige  qui  repose  sur  un  pied  le  plus  souveni 
ovale.  Ces  reliquaires  ressemblent  assez  à  un  ostensoir  eucharistique,  et 
le  moyen  âge  en  a  vu  façonnés  de  la  sorte. 

Institutions  de  Part  chrétien,  par  M.  Tabbé  Pascal. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  433 


LE    RELIQUAIRE 


DB  LA 


SAINTE  COURONNE  D'ÉPINES   DE  N.S.  J.-C, 

(B) 


NOTES   POUR   SERVIR  AU    CHAPITRE  XII 

BT  QUI  COHPLBTBNT    CELLES  RELATIVES  A  LA  LETTRE    DE    SAINT    LOUIS   (page  356). 


Saint  Louis  obtint  les  reliques  de  la  couronne  d*épines  de  Beaudoin 
de  Courtenay,  empereur  de  Constantinople...  A  son  arrivée  à  Paris, 
saint  Louis  déposa  la  sainte  couronne  d'épines  dans  un  riche  c  reii^ 
quatre  *  d'or,  qu'il  avait  fait  préparer  à  son  intention. 

«  Ce  reliquaire,  dit  M.  VioUet-le-Duc,  était  en  forme  de  couronne 
«  royale  avec  les  douze  apôtres  dans  des  niches,  sur  le  cercle  ;  un  cylin- 
«  dre  de  cristal  entrant  dans  le  cercle  renfermait  la  relique  ;  le  tout  était 
«  porté  sur  un  pied.  » 


4^4  PIÈCES   JUSTIFICATIVES 


N'  19 


!•'  ET  2'  PROCÈS-VERBAUX 

DE     LA 

RECONNAISSANCE   DES   RELIQUES   DES  SAINTS  RAMBERT  ET  DOMÎTIEN 


♦  » 


DANS   L  EGLISE   SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 

1025- 1708 


NOTES  POUR  SERVIR  AU  CHAPITRE  XIV 


1625 

Ce  jourd'hui,  neufviéme  septembre  mil  six  cent  vingt-cinq,  les  Reliques 
de  saint  Rambert  et  de  saint  Domitien  ont  été  visitées  par  le  R.  Père 
(mot  illisible)  Jésuite,  le  Pére  Pierre-François  ChifHet,  de  la  part  de 
M.  des  Vannes  {sic)^  prieur  de  Saint- Rambert  (i). 

CATAI.OGUE  DBS   LOTS  DE  RELIQUES  TROUVÉS  DANS   LA  CHASSE,  EN    l625 

AU   NOMBRE  DE   DIX-SBPT 

lo  Os  femoris  unum; 

2<>  Os  femoris  alterum  ; 

30  Os  brachii  unum  ; 

40  Os  brachii  alterum  ; 

5°  Os  tibiœ  ; 

6»  Duo  ossa  peronea  ; 

7<'  Cubitus  cum  duobus  radiis  ; 

8»  Pars  ossis  sacri  una  ; 


(i)  Il  s'agit  ici  de  Messire  comte  de  Vernes,  prieur  de  Saint-Rambert,  à  cette  époque. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  455 

90  Pars  ossis  sacri  altéra  ; 
io<*  Coccix  ; 
II»  Vcrtebrae  septem  ; 
1 2<>  Costarum  fragmenta  ; 
i3<>  Cranii  pars  posterior  cum  dentibus  septem  ; 
140  Ossicula  manuum  ac  pedum; 
i5<>  De  ossibus  humeri,  et  sterni  ; 
160  Varia  ossium  fragmenta  ; 
i8<>  Pulvis  reliquiarum  sancti  Ragneberti  atque  beati  Domitiani. 


1708 

Le  cinquième  juin  mil  sept  cent  huit^  les  Reliques  ont  été  visitées  à 
la  réquisition  de  Messieurs  les  chanoines,  par  M.  Pactier,  archiprètre  de 
Montbrison,  en  présence  du  Chapitre,  du  curé,  des  marguilliers  et 
des  oHîciers  de  Saint-Rambert,  ainsy  signé  : 

JuLLiBN,  sacristain,  Gèrent  et, 

David,  curé,  Carrier, 

David,  Jacquette, 

Delafoste,  David,  procureur  d'oiTice. 

Relogue, 


Nous,  Archevêque  et  Comte  de  Lyon,  pour  satisfaire  à  notre  dévotion 
et  k  celle  de  nos  vicaires  généraux,  et  autres  vénérables  personnages  qui 
nous  accompagnent,  en  vertu  du  pouvoir  que  nous  en  avons,  nous 
déclarons  avoir  ôté  de  ladite  châsse  les  parties  suivantes  : 

Une  vertèbre,  une  grosse  dent,  un  petit  os  du  doigt  de  la  main. 


L'ARCHEVfiQUJB  DE    LyON, 

PRIIUR   DB  SaINT-RaMBBRT  (i). 

Par  Monseigneur^ 

GUICHARD. 


Il)  Mgr  Claude  II  de  Saint-Georgc«  'ir>o3-i7i4V 


4^6  PIÈCES   JUSTIFICATIVES 


W  20 


3*    PROCES-VERBAL 

DE   LA 

RECONNAISSANCE   DES  RELIQUES  DES  SAINTS  RAMBERT  ET  DOMITIEN 

DANS  l'Église  saint-rambert-en-forez 


1718 


notes  pour   servir  au   chapitre  XIV 


Ce  jourdhuy,  troisième  octobre  mil  sept  cent  dix-huit,  nous  François 
Paul  de  Neuf  ville  de  Villeroy,  archevêque  et  comte  de  Lyon,  Primat  de 
France,  conseiller  du  Roy  en  tous  ses  conseils,  abbé  commendataire  de 
l'Abbaye  royale  de  la  Très  Sainte  Trinité  de  Fécamp,  prieur  et  seigneur 
de  Saint  Rambert  en  Forez,  étant  dans  la  ville  dudit  Saint  Rambert 
dans  le  cours  de  la  visite  générale  de  notre  diocèze,  nous  avons, 
pour  satisfaire  à  notre  dévotion,  fait  ouverture  de  la  châsse  où  sont 
renfermez  les  Reliques  de  saint  Rambert,  que  nous  avons  trouvée  fermée 
à  trois  clefs;  et  après  ladite  ouverture  faitte  nous  avons  vénéré  ces 
précieuses  reliques,  et  nous  les  avons  visitez  pièce  à  pièce.  Nous  les 
avons  trouvez  bien  enveloppez  en  dix-huit  paquets,  que  nous  avons 
tous  ouverts  et  visitez,  et  avons  trouvez  toutes  les  parties  mentionnez 
dans  l'inventaire  que  nous  joignons  icy,  entières  et  très  bien  conservez. 
En  foy  de  quoy,  nous  avons  fait  dresser  ce  procez  verbal,  en  présence  de 
nos  vicaires  généraux  et  autres  notables  personnages  qui  nous 
accompagnent  dans  nos  visites,  dont  nous  faisons  mettre  icy  les  noms  et 
qualitez. 

Vénérables  Messire  Léonard  de  la  Croix  prestre,  Docteur  de  Sorbonne, 
abbé  de  Saint  Julien  de  Tours,  chapelain  de  sa  Majesté,  obéancier  de  Saint 
Just  de  Lyon^ notre  vicaire  général;  Messire  Paul  Cohade  prestre  docteur 
de  Sorbonne,  custode  de  sainte  Croix  de  Lyon,  notre  vicaire  général  ; 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES  467 

Messire  Pierre  Terrasson,  prestre,  docteur  es  lois,  custode  de  sainte  Croix, 
notre  oflicial,  vicaire  général  ;  Messire  Louis  Anisson,  prestre,  docteur  de 
la  Maison  et  Société  de  Sorbonne,  notre  vicaire  général;  Messire  Michel 
Dupuys  prestre  et  docteur  de  Sorbonne,  notre  vicaire  général  des 
Religieuses  ;  Messire  François  de  Rochefort  prestre,  prévost  et  curé  de 
l'Eglise  collégiale  et  paroissiale  d'Enay  de  Lyon;  Messire  Nicolas 
Navarre,  prestre^docteur  deSorbonne,  notre  promoteur  général  substitué; 
Messire  Jean  Picheret,  prestre,  supérieur  de  la  Congrégation  des 
Missionnaires  de  saint  Joseph;  Messire  Laurens  Boyer,curé  et  archiprètre 
de  Saint-Etienne  et  des  sieurs  sacristain  et  chanoines  dudit  Saint 
Rambert,  avec  les  principaux  officiers  et  habitants  dudit  lieu. 

Donné  à  Saint-Rambert  le  jour  et  an  que  dessus  et  ont  signez  lesd. 
sieurs  mentionnez. 

L'Archevêque  de  Lyon, 

Prieur  de  Saint-Rambert. 


La  Croix,  vicaire  général,  Cohade,  vie.  g., 

Terrasson,  vicaire  général  officiai,  L.  Anisson,  vie.  gén.. 

Du  PuYS,  V.  g.  d.  R.,  N.  Navarre,  prom., 

BoYER,  curé  et  arch.  de  St-Etienne,  F.  Rochefort,  v.  g.  c. 
J.  Picheret,  sup., 


458 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


N'  21 


4*    PROCÈS-VERBAL 


DB 


RECONNAISSANCE   DES    RELIQUES  DES  SAINTS  RAMBERT  ET  DOMITIEN 


»  ' 


DANS   L  EGLISE   SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 


1739 


NOTES   POUR  SERVIR  AU   CHAPITRE  XIV 


Ce  jour  d'huy  trente  et  un  du  Mois  de  May  de  Tannée  mil  sept  cent 

trante-neufy  Nous,  Emmanuel  Henry  Timoléon  de  Cossé  de  Brissac,  par 

la  grâce  de  Dieu  et  du  Saint-Siège,  évèque  et  seigneur  de  Condom,  abbé 

de  Fontfroide  et  de  S<aint  Urbain,  Prieur  de  Saint-Rambert,  après  avoir 

vénéré  les  précieuses  reliques  de  saint  Rambert  et  les  avoir  présentées 

au  peuple  assemblé,  nous  en  avons  fait  la  visite  en  la  qualité  de  prieur; 

et  pour  nostre  propre  consolation  et  dévotion  aux  reliques  dudit  sainct, 

nous  en  avons   pris  quatre  morceaux  de pour  les  transférer  dans 

nostre  diocèse  ou  autres  lieux  consacrés  à  la  piété  des  fidèles.  En  foy  de 

quoy  i'ay  signé     le   présent  certificat   en  présence   des  sacristain    et 

chanoines  dudit  Saint- Rambert  et  des  juges  et  officiers  dudit  lieu,  le  même 

jour  et  an  que  dessus. 

Locum  sigilli  (cire  rouge). 

EMMANUEL,  évèque  de  Condom. 


JuLLiEN,  sîcristain, 

POMMEROI.,  juge, 
GÉRENTST, 


ESCALLE, 

Javelle,   cap.   châtelain. 


PIECES  JUSTIFICATIVES  4D9 


N"  22 


5*    PROCES-VERBAL 

DE  LA 

RECONNAISSANCE   DES  RELIQUES  DES  SAINTS  RAMBERT  ET  DOMITIEN 


»_» 


DANS  L  EGLISE   SAINT- RAMBERT-EN-FOREZ 


1780 


NOTES   POUR  SERVIR  AU  CHAPITRE   XfV 


Ce  jourd'hui  vingt-trois  octobre  mil  sept  cent  quatre-vingt,  nous,  Jean 
Antoine  François  de  Malvin  de  Montazet,  vicaire  général  du  diocèse  de 
Lyon  dins  le  cours  de  nos  visites,  et  après  avoir  fait  celle  de  l'église  de 
Saint-Rambert,  nous  étant  fait  représenter  les  différents  reliquaires 
conservés  dans  ladite  église,  et  notamment  un  reliquaire  en  vermeil,  et 
des  reliques  sans  aucune  authentique,  et  un  en  bois  sculpté  et  très 
antique,  contenant  les  reliques  de  saint  Rambert  fermant  à  trois  clefs 
prohibitives,  nous  l'avons  ouvert  et  visité  en  présence  de  MM.  les  curé, 
sacristain,  chanoines  dudit  saint  Rambert,  noble  Aubin  de  la  Chaize  juge 
du  lieu  ;  noble  Pierre  Jean  Baptiste  Gérentet  de  Leschaud  avocat, 
capitaine  châtelain;  maître  Léon  Apothicaire  notaire  royal  et  procureur 
fiscal  dudit  lieu  ;  noble  Claude  Antoine  Josué  Gérentet  de  Saluneaux 
conseiller  du  Roy,  en  son  bailliage  et  sénéchaussée  de  Forez,  et  avons 
trouvé  tout  conforme  aux  procès-verbaux. 

Duquel  reliquaire  nous  avons  été  prié  de  vouloir  bien  extraire  une 
partie  du  crâne  qui  est  contenu,  dans  un  paquet  séparé,  sous  le  titre  de 
«  crani  pars  posterior,  cum  dentibus  septem  »,  et  une  vertèbre  contenue 
dans  un  petit  paquet  séparé,  sous  le  titre  de  «  vertebra  septem  ». 

Conformément  à  la  demande,  nous  les  avons  extraits  et  renfermés  dans 
le  premier  reliquaire  de  vermeil  énoncé  dans  le  présent  procès- verbal. 


460 


PIECES  JUSTIFICATIVES 


après  y  avoir  joint  le  double  du  susdit  procès-verbal^  les  avons  fermés  et 
scellés  dans  ledit  reliquaire»  pour  y  être  conservés  et  exposés  à  la 
vénération  des  fidèles,  en  foy  de  quoy  nous  vicaire  général,  et  les  témoins 
ci -dessus  nommés,  avons  signé  et  approuvé  l'appostille,  même  jour  et  an 
que  dessus.  Scellé  du  sceau  de  nos  armes. 

MAL  VIN,  vie.  gén. 


Rebourcbau,  sacristain, 
RiCHERME,  curé, 
CoNDAMiNE,  chanoine, 
Francour,  chanoine, 
Gérentet,  chanoine, 
GoNVN,  chanoine, 
BÉNivANT,  chanoine, 
Javelle,  chanoine. 


De  la  Chièze,  juge, 

Gérentet  de  Lbschaud,  capit.  châtel., 

GÉRENTET  DE  Sai.uneaux,  conseillcr, 

De  Brioude,  conseiller  au  baâje, 

Appothxcaire,  procureur  fiscal, 

Chovin, 


^,    r,    (au  verso  de 
N-  ^-  \  la 


copie  originale  : 


S**  Ragneberti 
mart  :  reliquiae 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  46 1 


W  23 


6»    PROCES-VERBAL 

DE  LA 

RECONNAISSANCE  DES  RELIQUES  DES  SAINTS  RAMBERT  ET  DOMITIEN 

DANS  l'Église  saint-rambert-en-forez 


1790 


notes  pour  servir  au  chapitre  XIV 


Les  parties  de  Reliques  de  saint  Rambert  martyr  mentionnées  au 
procès-verbal  cy  contre,  qui  avaient  été  mises  dans  un  ancien  petit 
reliquaire  de  vermeil,  ainsi  que  porte  led.  procès-verbal,  en  ont  été 
extraites  et  rétablies  et  replacées  dans  cette  châsse,  à  l'exception  d'une 
pièce  qui  est  la  partie  de  crâne  désignée  au  susd.  procès-verbal,  laquelle  a 
été  placée  dans  un  petit  reliquaire  neuf  d'argent  fait  en  forme  de  croix, 
avec  un  procès-verbal  qui  rappelle  celui-cy  ;  cette  translation  a  été  &ite 
par  MM.  de  Gresieu  sacristain-curé  et  Gérentet,  chanoine  de  la  collégiale 
de  cette  ville,  commissaires  nommés  par  M.  Navarre,  vicaire  général  du 
diocèse,  qui  ont  scellé  l'intérieur  de  la  châsse  avec  un  ruban  roze  de 
chacun  leur  sceau,  le  sixième  mars  mil  sept  cent  quatre-vingt-dix,  en 
présence  de  M.  Jean- Baptiste  Guérin  (ou  Garin)  prêtre  prédicateur  du 
Carême  en  cette  ville,  M.  Jérôme  Treynet  et  M.  Christophe  Bénévand, 
chanoines  de  la  collégiale,  et  Clément  Perrin,  tailleur  d'habits  qui  ont 
signé  avec  nous 

Perrin,  Gérbntbt, 

Trbynbt^  chan., 

Grézibu,  sacristain, 
BiNÉvANT,  sind.,  curé. 


402  PIÈCES   JUSTIFICATIVES 


N"  24 


7»    PROCÈS-VERBAL 

DB  LA 

RECONNAISSANCE.   DES  RELIQUES  DES  SAINTS   RAMBERT  ET  DOMITIEN 


»  » 


DANS   L  EGLISE   SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 

1804 


NOTES   POUR  ShlKVIR  AU  CHAl'lTRE   XVI 


L'an  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  mil  huit  cent  quatre,  et  le  onze 
du  mois  de  décembre,  nous,  Claude  ChoUeton,  curé  de  la  paroisse  de 
Saint-Etienne  de  Furens,  et  Antoine  Coquard,  desservant  de  la  succur- 
sale de  Suri,  en  conséquence  de  la  commission  à  nous  donnée  par 
M.  Courbon,  vicaire  général  de  son  Eminence  Monseigneur  le  Cardinal 
Fesch,  archevêque  de  Lyon,  Vienne  et  Embrun,  en  date  du  vingt-six 
septembre  dernier,  Nous  sommes  transportés  en  l'église  paroissiale  de 
Saint-Rambert-sur-Loire  pour  faire  la  visite  des  Reliques  de  saint 
Rambert,  patron  de  ladite  paroisse,  et  en  présence  des  témoins  ci-après 
nommés,  avons  ouvert  une  châsse  de  bois  doré  et  sculpté  ayant  deux 
glaces  et  quatre  œilsde  bœuf  contenant  lesdites  saintes  Reliques,  laquelle 
nous  a  été  présentée  par  M.  Jean- Louis  Chevallier,  curé  de  ladite 
paroisse,  et  MM.  les  Marguilliers,  fabriciens  soussignés. 

Et  d'abord,  nous  y  avons  trouvé  trois  anciens  procès- verbaux  de  visite 
desdites  saintes  Reliques.  Le  premier  en  date  du  trois  octobre  mil  sept 
cent  dix-huit,  signé  François- Paul  de  Neuville,  archevêque  de  Lyon, 
prieur  de  Saint-Rambert.  Le  second,  en  date  du  trente-un  mai  mil  sept 
cent  trente-neuf,  signé  Emmanuel,  évèque  de  Condom.  Le  troisième,  du 
vingt-trois  octobre  mil  sept  cent  quatre-vingt,  signé  de  Malvin,  vicaire 
général. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  403 

En   second  lieu,  nous   avons  trouvé   un  inventaire  desdites  saintes 
Reliques^  dudit  troisième  octobre  mil  sept  cent  dix-huit,  signé  l'arche- 
vêque de  Lyon,  prieur  de  Saint- Rambert,    lequel  annonce  qu'il   y  a 
dix-sept  paquets  desdites  saintes  Reliques,  et  que  ledit  seigneur  arche- 
vêque,  pour  satisfaire  à  sa  dévotion,  en  a  extrait  les  parties  suivantes  : 
une  vertèbre,   six  côtes,  une  grosse  dent  et  un  petit  os  du  doigt  de  la 
main.    Et   procédant,   avons    reconnu  qu'il    y  avait    dix-sept  paquets 
comme  il  est  dit  dans  l'inventaire  contenant  les  parties  y  énoncées  ;  et 
les  avons  replacés  dans  le  même  reliquaire  et  dans  Tordre  marqué  audit 
inventaire.  Excepté  !•  L'o5  cubitus  que  nous  en  avons  extrait  pour  être 
transféré  en  1  église  métropolitaine  de  Lyon,  pour  satisfaire  à  la  demande 
de  M.  Courbon,  vicaire  général.  Excepté  2*  un  petit  os  que  nous  avons 
extrait  du  paquet   intitulé  :   ossicula  manuum  et  pedum,  et  que  nous 
avons  renfermé  (i)  dans  un  petit   reliquaire  d'aremit  blanchi,  fait  en- 
forme  de   croix   rayonnante,  avec  une  note  relative  au  présent  procès- 
verbal  et  que  nous  avons  scellé  sur  une   ligature  de  ruban  rose,  pour 
être  exposé  à  la  vénération  des  fidèles.  Excepté  3*  un  petit  os  que  nous 
avons  extrait   du    paquet  intitulé  :    Costarum  fragmenta,  pour   être 
transféré  en   notre  église  paroissiale  de  Saint-Etienne.  Excepté  4*  une 
vertèbre  et  un  petit  os  extraits  dudit  paquet  intitulé  :  Costarum  fragmenta^ 
et  du  paquet  intitulé  :  Vertebrce  septem,  et  qui  sera  désormais  intitulé  : 
«  Vertebrœ  quinque  »  pour  être  transférés  en  l'église  paroissiale  de  Suri, 
et  avons  remis  dans  ledit  reliquaire  doié,  les  actes  et  titres  ci-dessus 
énoncés  ;  mais  attendu  qu'ils  sont  lacérés  et  réduits  en  mauvais  état,  par 
vétusté,  nous  en  avons  fait  une  copie  que  nous  avons  pareillement  ren- 
fermée dans  ledit  reliquaire,  dont  et  du  tout  nous  avons  dressé  le  présent 
procès-verbal  pour  servir  et   valoir  ce  que  de  raison,  en  présence  de 
MM.  Jean-Louis  Chevallier,  curé  dudit  Saint-Rambert  ;  Antoine  Javelle, 
ancien  chanoine   de   la  collégiale  dudit  Saint  Rambert  ;  Josué- Pierre 
Gérentet,   aussi   ancien  chanoine  de  ladite  collégiale  ;  Pierre-François 
Rony,  prêtre  desservant  la  succursale  de  Périgneux  ;   François  Verdier, 
prêtre  desservant  la  succursale  de  Saint*Marcellin  ;  Jean-Claude  Girau- 
don,  vicaire  de  Suri  ;  Jean- Louis  Cuisson,  vicaire  de  Saint-Just-sur- 
Loire  ;   Antoine- Claude- Josué    Gérentet   Saluneaux,  ancien   conseiller 
aux  bailliage  et  sénéchaussée  de  Forez  ;  Pierre  Giraud    cadet   et  Jean- 
Noél  Colombet,  marguilliers  de  ladite  église  de  Saint- Rambert  ;  Jean- 
Baptiste    Jnvelle,  maire  de    la  commune  de    Sain'-Rambert  ;  Claude 
Durieux,  adjoint  du  maire  ;  Antoine-Marie  Brazier  ;  Clément  Duplain  et 
Clément  Perrin,  serviteurs  de  ladite  église  ;  desquels  lesdits  MM.  Antoine 
Javelle,     Josuc-Pierre    Gérentet,    chanoines;    Antoine-Claude-Josué 
Gérentet  Saluneaux   et  Clément    Perrin,    ont   adlrmé   en  leur  âme  et 


(1)  Ce  petit  ossemcnt  a  été  transféré  eu  iK63,  de  ce  petit  reliquaire  en  forme  de  croix 
rayonnante,  dans  un  autre  en  même  métal,  de  lorme  carrée  et  style  ancien,  quelque  peu 
roman. 

Subtil,  curé. 


464 


PIECES  JUSTIFICATIVES 


conscience,  reconnaître  Tidentité  desdites  Saintes  Reliques,  pour  avoir  été 
témoins  de  la  visite  faite  par  M.  de  Malvin,  vicaire  général,  le  vingt- 
trois  octobre  mil  sept  cent  quatre-vingt,  comme  aussi  les  sceaux  et  signa- 
tures apposés  au  procés-verbal  de  ladite  visite  de  M.  de  Malvin,  et  qui 
ont  tous  signé  avec  nous,  excepté  ledit  Pierre  Giraud,  pour  ne  savoir,  de 
ce  enquis  : 


GéRSNTBT  SaLUNBAUX, 

Cuisson,  prêtre, 

Gérentet,  chanoine, 

Verdier, 

Brazier, 

Pkrrin, 

CoQUARD,  desservant  de  Suri,  com^. 

Chevallier,  curé  de  Saint-Rambert, 


Javelle, 

DuRiEUx,  adjoint, 

C0LOMBET, 

Rony,  prêtre  desservant, 

G1RAUDON,  vicaire. 

DuPLAINy 

Cholleton,  curé  de    Saint- 
Etienne,  commissaire. 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES  405 


N^  25 


PROCÈS-VERBAL 

RELATIF   A   l'aUTHENTICITÉ   DES   RELIQUES   DES   SAINTS   COME 

TRANQUILLIN   ET   ROCH 


EGLISE  SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 

i8o5  (i2  août) 

(A) 


NOTES   POUR    SERVIR   AU    CHAPITRE  XVI 


A  Messieurs  les  Vicaires  généraux  de  Son  Eminence 
Mqb  le  Cardinal  Archevêque  de  Lyon, 

En  conséquence  de  la  supplique  présentée  par  nous,  Curé  soussigné 
de  la  ville  et  paroisse  de  Saint-Rambert-sur-Loire,  à  Messieurs  les 
Vicaires  généraux  de  Son  Eminence  Mgr  le  Cardinal  Joseph  Fesch, 
Archevêque  de  Lyon,  Vienne  et  Embrun,  et  du  rapport  qu'il  nous  a  été 
par  eux  ordonné  de  leur  faire  concernant  les  reliques  de  notre  église 
paroissiale.  Nous  avons  pris  la  déclaration  de  nos  vénérables  frères 
Messires  Josué  Pierre  Gérentet,  Antoine  Javelle,  prêtres  et  cy-devant 
chanoines  de  notre  église,  et  de  Clément  Perrin,  ancien  serviteur  de 
ladite  église,  lesquels  pouvoient  en  avoir  connaissance  certaine,  et  nous 
rendre  témoignage  de  leur  authenticité  ;  sur  ce,  consultés  et  priés  de 
vouloir  nous  ouvrir  leurs  favorables  avis,  sont  convenus  unanimement 
après  un  mûr  examen  d'icelles,  et  nous  ont  affirmé  reconnoître  sans 
crainte  de  se  tromper  —  i»  La  Relique  de  saint  Côme,  qui  consiste  en 
une  côte,  laquelle  avoit  été,  dans  ces  derniers  tems,  extraite  de  sa  châsse 
encore  existente  dans  notre  église  —  a»  Celle  de  saint  Tranquillin, 
laquelle  consiste  en  une  vertèbre,  aussi  dans  ces  derniers  tems,  extraite 

3o 


466  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 

de  sa  chasse  encore  ezistente  dans  notre  église  —  3*»  Celle  de  saint  Roch, 
encore  close  et  fermée  dans  sa  châsse,  comme  avant  quatre-vingt-neuf. 

Pressés  du  désir  de  les  voir  vénérées  comme  cy-devant,  Messires  les 
attestants  nous  ont  certifié,  devant  Dieu  et  en  conscience,  Tidentité  des 
trois  susdites  reliques,  celles  de  saint  Côme  et  de  saint  Tranquillin  qu'ils 
ont  vu  constamment  honorées  dans  Téglise  paroissiale  de  Saint- Rambert, 

et  celle  de  saint  Roch,  dans  l'église  conventuelle  des près  ledit 

Saint- Rambert,  et  reconnues  pour  telles  par  messeigneurs  les  Archevêques 
de  Lyon  et  leurs  vicaires  généraux,  lors  de  leurs  visites. 

En  foi  de  quoi,  ils  ont  signé  les  présentes,  pour  servir  en  leur  faveur 
ce  que  de  raison.  Ce  12  août  i8o5,  à  Saint- Rambert-sur-Loire. 

Perrin,  Gérentkt,  prêtre,  chanoine, 

Gérentet  Saluneaux,  Javelle,  prêtre,  chanoine, 

CoNORD,  fab.,  J.-L.   Chevallier,    curé  de    Saint- 
MoussET,  fab.,  Rambert. 


Sont  intervenus  encore  :  Claude  Mousset  et  Claude  Conord,  fabriciens 
de  notre  église,  qui  nous  ont  aflirmé  ce  que  dessus  concernant  les 
susdites  reliques,  et  ont  signé,  ainsi  que  le  sieur  Gérentet  Saluneaux. 

J.-L.  CHEVALLIER,  curé. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  467 


PERMISSION    D'EXPOSER 

LA     RELIQUE     DE     SAINT     ROCH     A     LA     VENERATION     DES     FIDELES 

ET    DE    RENFERMER 

DANS     DE     NOUVEAUX     RELIQUAIRES 

LES   RELIQUES   DE   SAINT  COME  ET  DE  SAINT  TRANQUILLIN 

ÉGLISE  SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 

i8o5  (21  août) 

(B) 


NOTES    POUR   SERVIR  AU  CHAPITRE  XVI 


Nous,  vicaire  général  du  diocèse  de  Lyon,  vu  le  procès- verbal 
ci-dessus,  permettons  d'exposer  à  la  vénération  des  fidelles,  dans  réglise 
paroissiale  de  Saint- Rambert-sur- Loire,  la  relique  de  saint  Rocb,  comme 
elle  rétoit  avant  la  Révolution  ;  nommons  M"  Coquard,  desservant  de 
Sury,  Verdier,  desservant  de  Saint- Marcellin,  Gérentet  et  Javel,  prêtres 
de  Saint- Rambert,  pour  procéder  de  concert  avec  M.  Chevallier,  curé 
de  cette  paroisse,  à  l'inclusion  des  reliques  de  saint  Côme  et  de  saint 
Tranquillin  dans  de  nouvelles  châsses,  les  sceller,  en  dresser  procès- 
verbal,  dont  copie  nous  sera  envoyée.  Ces  précautions  prises,  nous 
autorisons  M.  le  curé  de  Saint-Rambert  à  exposer,  à  la  vénération  des 
fidelles,  les  susdites  reliques  comme  elles  l'étoient  autrefois. 

Fait  à  Lyon  le  21  Août  i8o5. 

COURBON,  v.g. 


468  PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


PROCÈS-VERBAL 

RELATIF   A   l'iNCLUSION   DES    RELIQUES   DES   SAINTS   COME 

et  tranquillin 
dans    de    nouveaux    reliquaires 

église  saint-rambert-en-forez 
1806  (6  mai) 

(C) 


NOTES    POUR    SERVIR    AU    CHAPITRE    XVI 


L'an  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  et  le  six  may  dix  huit  cent  six, 
nous  soussignés  Antoine  Coquard  desservant  de  la  succursale  de  Sury  ; 
François  Verdier,  desservant  de  la  succursale  de  Saint-Marcellin  ;  Josué- 
Pierre  Gérentet  et  Antoine  Javelle,  prêtres  et  anciens  chanoines  de  la 
collégiale  de  Saint-Rambert,  assemblés  dans  la  sacristie  de  l'église  dudit 
Saint-Rambert,  pour  procéder  conformément  à  la  commise  à  nous 
accordée  par  M.  Courbon,  vicaire  général,  en  date  du  21  août  i8o5^  à 
l'inclusion  des  reliques  de  saint  Côme  et  saint  Tranquillin,  dans  des 
nouvelles  châsses  préparées  à  cet  effet,  avons  de  concert  et  en  présence 
de  M.  Jean-Louis  Chevallier,  curé  dudit  Saint-Rambert,  renfermé 
1°  la  relique  de  Saint-Côme,  consistant  en  une  côte  divisée  en  trois 
parties,  dans  un  reliquaire  à  pied  d'aremit  blanchi,  représentant  par  le 
haut  un  carré  long  surmonté  d'une  croix,  fermant  par  emboîtement,  et 
arrêté  par  un  ruban  couleur  rouge,  du  haut  en  bas  et  scellé  d'un 
cachet  en  cire  rouge  ;  a"*  la  relique  de  saint  Tranquillin,  consistant  en 
une  vertèbre,  dans  un  reliquaire  à  pied  d'aremit  blanchi,  représentant 
par  le  haut  une  forme  ovale,  surmonté  d'une  croix  dorée  devant  et 
derrière,  fermant  par  emboîtement  et  arrêté  par  un  ruban  rouge, 
sur  lequel  nous  avons  apposé  le  cachet  en  cire  rouge,  dont  et  du  tout 
nous  avons  dressé  le  présent  procès- verbal,  qui,  annexé  à  la  supplique 
et  à  la  commise,  sera  inséré  dans  le  grand  reliquaire  de  ladite  église 
de  Saint-Rambert. 

Coquard,  curé  commissaire,      Verdier,  curé  commissaire^ 
Javelle,  J.-L.  Chevallier,  curé  de  Saint- 

GÉRENTET,  Rambert. 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES  469 


PROCES-VERBAL 

DE  LA 

RECONNAISSANCE    DES    RELIQUES    DES    SAINTS    ROCH,    CÔME 

ET   TRANQUILLIN 

DANS  l'Église  saint-rambert-en-forez 


1806  (14  octobre) 


tD) 


notes   pour  servir  au   chapitre  XVI 


L'an  de  grâce  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  1806,  et  le  quatorze  du 
mois  d'octobre,  nous  soussignés  Jean  Louis  Chevallier,  curé  de  Saint- 
Rambert-sur- Loire,  Antoine  Coquard,  curé  desservant  la  succursale  de 
Sury,  François  Verdier,  curé  desservant  celle  de  Saint-Marcellin,  Josué 
Pierre  Gérentet  et  Antoine  Javelle,  prêtres  et  anciens  chanoines  de  la 
Collégiale  de  Saint-Rambert  dûment  assemblés  dans  la  sacristie  de 
ladite  église,  pour  procéder  à  l'ouverture  de  la  châsse  de  Saint-Rambert, 
conformément  à  la  commise  à  nous  adressée  par  M.  Cholleton,  vicaire 
général  de  Son  Eminence  Mgr  le  Cardinal  Fesch,  Archevêque  de  Lyon, 
en  datte  du  27  Mai  dernier,  signée  Cholleton,  vicaire  général,  et  d'y 
enfermer  :  i*  le  rapport  ci-joint  par  nous  fait  à  Son  Eminence  conjointe- 
ment avec  Messieurs  Josué  Pierre  Gérentet  et  Antoine  Javelle,  prêtres 
et  anciens  chanoines  de  la  Collégiale  de  Saint-Rambert,  Clément  Perrin, 
Claude  Josué  Gérentet  Saluneaux,  Claude  Mousset  et  Claude  Conord, 
fabriciens  de  ladite  église,  en  datte  du  12  août  x8o5,  pour  constater 
l'identité  des  reliques  de  saint  Roch,  de  saint  Côme  et  de  saint  Tran- 
quillin,  ensemble  l'ordonnance  de  M.  le  vicaire  général  de  son  Eminence, 
signée  Courbon,  vicaire  général,  en  datte  du  21  août  i8o5  ;  2°  le  procès- 
verbal  des  dites  reliques  de  saint  Roch,  de  saint  Côme  et  de  saint 
Tranquillin,  dressé  en  notre  présence  par  les  Commissaires  Antoine 
Coquard,  François  Verdier,  Josué   Pierre  Gérentet  et  Antoine  Javelle, 


470 


PIECES   JUSTIFICATIVES 


en  datte  du  6  Mai  dernier  1806,  lesquelles  pièces  nous  avons  annexées 
aux  procès-verbaux  de  la  relique  de  Saint-Ram bert,  et  les  avons 
enfermées  dans  ladite  châsse  que  nous  certifions  avoir  trouvée  remplie 
d'ossements  précieux,  enveloppés  chacun  séparément  d'une  toile  avec 
leurs  étiquettes  respectives,  entremêlés  de  coton  pour  les  garantir  de 
l'humidité,  et  que  nous  avons  laissés  dans  le  même  ordre  et  état 
qu'ils  étaient,  lors  de  l'ouverture  et  visite  qui  en  fut  faite,  en  notre 
présence,  par  les  Commissaires,  le  onze  du  mois  de  Décembre  rail  huit 
cent  quatre. 

En  foi  de  quoi,  nous  avons  signé  et  apposé,  à  nos  lettres,  le  cachet  en 
cire  rouge,  ce  jour  d'hui  quatorze  Octobre  mil  huit  cent  six,  et  avons 
confié  la  clef  de  ladite  châsse  au  sieur  curé  de  Saint-Rambert,  qui  nous  a 
promis  de  ne  l'ouvrir  que  par  un  ordre  spécial  de  Son  Eminence  ou  de 
ses  vicaires  généraux,  et  selon  les  formes  prescrites. 


GÉRENTET, 

CoQUARD,  com^**,  curé  de  Sury, 
Javelle, 


Verdier,  commissaire. 

J.-L.   Chevallier,    curé    de 
Saint-Rambert. 


PIÈCES   JUSTIFICATIVES  47  I 


N"  26 


8*    ET   9«    PROCÈS-VERBAUX 

DB  LA 

RECONNAISSANCE  DES  RELIQUES  DES  SAINTS   RAMBERT  ET  DOMÏTIEN 


1  * 


DANS   I,  EGLISE   SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ 


1872-1876 


NOTES   POUR   SERVER   AU   CHAPITRE   XVII 


L*an  mil  huit  cent  soixante  et  douze,  et  le  samedi  vingt-huit  septembre, 
nous  Claude  Peurière,  curé  de  Notre-Dame  de  Montbrison,en  vertu  d'une 
délégation  de  Monseigneur  l'Archevêque  (i)  signée  :  Pagnon,  vicaire 
général,  et  en  présence  du  curé  de  la  paroisse,  Subtil  Jean-Baptiste,  et  de 
ses  vicaires,  Maugé  Benoît  et  Dupin  Alexis,  avons  procédé  à  la 
reconnaissance  des  reliques  de  saint  Rambert,  et  à  leur  transfert  de 
l'ancienne  châsse  en  bois  sculpté  et  doré  où  elles  étaient  renfermées, 
dans  une  nouvelle  de  style  roman  et  en  cuivre  bruni  et  émaillé. 

Nous  avons  d*abord  reconnu  qu'il  y  avait  bien  dans  l'ancienne  chÛsse 
dix-sept  paquets,  en  toile,  desdites  saintes  reliques,  ainsi  que  le  constatent 
les  procès-verbaux  des  reconnaissances  ordinaires  dont  nous  avons  pris 
lecture,  et  notamment  le  dernier,  dressé  le  onze  décembre  mil  huit  cent 
quatre  par  MM.  Claude  Cholleton,  curé  de  la  paroisse  de  Saint-Etienne 
de  Furens  et  Antoine  Coquard,  desservant  de  la  succursale  de  Sury-le- 
Comtal,qui  avaient  reçu  commission,  à  cet  effet,  de  M.  Courbon,  vicaire 
général  de  Son  Eminence  le  Cardinal  Fesch,  archevêque  de  Lyon,  Vienne 
et  Embrun. 


(I)  Mgr  Ginottlhac 


47^  PIECES   JUSTIFICATIVES 

Nous  avons  ensuite  transféré,  dans  leur  nouvelle  châsse,  les  reliques 
du  saint  martvr. 

Les  ossements  des  cinq  paquets  intitulés  : 

i^  Costarum  fragmenta  ; 

2»  Ossicula  manuum  et  pedum  ; 

3*  De  ossibus  humeri  et  sterni  ; 

4*  Varia  ossium  fragmenta; 

5*  Pulvisreliquiarum  sancti  Ragneberti  atque  beati  Domitiani,  y  ont  été 
fermés  avec  leurs  enveloppes  et  anciennes  étiquettes  dans  une  petite  boîte 
de  chêne,  de  forme  oblongue  et  revêtue,  en  dedans  et  en  dehors,  de  velours 
soie  cramoisi,  et  autour  de  cette  boîte  et  de  manière  à  être  exposés  à  la 
vue,  en  même  temps  qu'à  la  vénération  des  fidèles^  ont  été  placés  les 
ossements  des  douze  autres  paquets  avec  de  nouvelles  étiquettes  et  dans 
Tordre  suivant  : 

Sur  l'une  des  faces  de  la  boîte  : 

6*  Os  brachii  unum  ; 

7^  Os  tibiae  ; 

8*  Os  femoris  unum. 

Sur  l'autre  face  : 

go  Os  brachii  alterum  ; 

lo*  et  II*  Duo  radii  et  duo  peronea; 

12*  Os  femoris  alterum. 

Sur  Tun  des  côtés  de  la  boîte  : 
i3*  Coccix; 

Sur  l'autre  côté  : 
14'  Vertébrée  quinque. 

Sur  le  dessus  de  la  boîte  : 

iS/*  Pars  sacri  una; 

i6o  Pars  cranii  posterior  cum  dentibus  sex; 

ly  Pars  sacri  altéra. 

Enfin  nous  avons  enveloppé  la  boîte  de  quatre  fils  d'or  que  nous 
avons  réunis,  à  leurs  extrémités,  par  un  nœud,  et  sur  ce  nœud  nous  avons, 
en  preuve  authentique  de  notre  mission,  apposé  avec  de  la  cire  rouge  le 
sceau  de  Tarchevêché. 


PIECES  JUSTIFICATIVES 


47^^ 


Et  du  tout,  nous  avons  dressé,  et  signé  avec  les  témoins  susdits  le 
présent  procés-verbal. 


Subtil,  curé  archip. 
M  AUGE,  vicaire, 
DupiN,  vicaire, 
J.-B.  Grata,  prêtre, 


Peuribre,  curé  de  Notre-Dame  de 

Montbrison, 
Plantin,  missionnaire  diocésain,  ancien 

vicaire  de  Saint-Rambert. 


RECONNAISSANCE    DE    LA    CHASSE 

DANS  l'Église  saint-rambert-en-forez 

EN  1875 


Nous  avons  visité,  le  18  juin  1875,  le  reliquaire  mentionné  à  la  fin  du 
procés-verbal  ci-dessus,  et  nous  l'avons  trouvé  dans  le  plus  parfoit 
état. 

f  ODON,  évêque  de  Sidonie, 

Auxiliaire  de  Mgr  rarcheTèque  de  Lyon  (1). 


<i)  Mgr  Thibaudier,  plus  tard  évêque  de  Soissons.  et  ensuite  archevêque  de  Cambrai. 


474  PIÈCES   JUSTIFICATIVES 


N°  27 

HYMNES  A  SAINT  RAMBERT,  MARTYR 

(Voir  le  texte  latin,  page  373.) 


TRADUCTION    DE    L'HYMNE    N»     i 

EN   !.*HONNEUR  DE   SAINT   RAMBERT,   MARTYR 


1 .  —  Chantons,  à  la  louange  de  Tillustre  saint  Rambert,  un  cantique 
dont  les  accents  honorent  dignement  la  mémoire  de  son  martyre  et  de 
son  couronnement. 

2.  —  O  vous  le  martyr  du  Christ,  nous  vous  en  prions,  venez  à  notre 
aide  en  toutes  circonstances,  et  daignez  agréer  les  vœux  que  notre  piété 
fait  monter  jusqu'à  vous. 

3.  —  Que  par  votre  intercession  nous  ne  tombions  jamais  dans  les 
pièges  de  nos  ennemis,  et  que  votre  puissante  médiation  écarte  sans 
cesse,  du  milieu  de  nous,  toute  sorte  de  complots  ourdis  méchamment. 

4.  —  Très  saint  Rambert,  portez  vous-même  nos  hommages  et  nos 
vœux  jusqu'aux  pieds  du  Très- Haut,  à  Dieu  le  Père,  à  Dieu  le  Fils,  à 
Dieu  le  Saint-Esprit. 

5.  — Afin  que  ce  divin  Esprit  nous  protège  et  nous  fortifie  sans  cesse, 
et  qu'il  embrase  nos  cœurs  de  sa  grâce  toute  spirituelle. 

6.  —  Obtenez-nous,  enfin,  par  vos  saintes  prières,  que  Tadorable  Trinité 
nous  accorde  la  jouissance  des  félicités  éternelles. 

7.  —  Louange  soit  au  Père,  au  Fils  et  au  Saint-Esprit.  Que  le  divin 
Fils  nous  console  par  l'onction  salutaire  de  l'Esprit  Saint.  Ainsi  soit-il. 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES  476 


TRADUCTION     DE    LHYMNE    N»    2 

EN    L*HONNEUR   DE   SAINT   RAMBERT,   MARTYR 


1 .  —  Nous  célébrons  par  des  hymnes  de  fête,  ô  saint  Rambert,  vos 
actions  d'éclat  et  votre  sang  répandu  pour  la  foi.  Et  le  cœur  plein  de 
joie,  nous  chantons  vos  triomphes  avec  les  accents  d*une  vive  allégresse. 

2.  —  Humblement  prosternés  à  votre  autel,  ô  vénérable  martyr,  nous 
vous  supplions  d'agréer  nos  vœux  avec  nos  pieuses  larmes. 

3.  —  Nous  vous  en  prions,  portez  au  ciel  nos  prières,  fléchissez  par 
vos  supplications  le  Dieu  du  tonnerre,  de  peur  que  l'univers  coupable 
subisse,  pour  ses  crimes,  le  )uste  châtiment  de  la  colère  divine. 

4.  —  Révélez-nous  les  pièges  que  cherche  à  nous  tendre  notre  ennemi, 
Satan,  qui  veut  notre  ruine.  De  votre  main  puissante  paralysez  les  efTorfs 
furieux  qu'il  fait  pour  nous  perdre. 

5.  ^-  O  martyr  de  Dieu,  prince  dévoué  à  vos  serviteurs,  faites 
qu'abandonnant  la  terre,  les  légions  infernales  vaincues  par  vous,  et 
dispersées  au  loin,  rentrent  dans  leurs  ténébreuses  cavernes. 

6.  —  Que  notre  patrie  ne  connaisse  plus  désormais  les  horreurs  de  la 
guerre  civile,  encore  moins  les  tristesses  de  la  guerre.  Que  le  fracas  des 
armes  de  combat,  que  le  son  éclatant  du  clairon  ne  vienne  jamais, 
images  terribles  de  la  cruelle  mort,  jeter  le  trouble  dans  les  âmes. 

7.  —  Que  par  votre  salutaire  protection  nos  campagnes  soient  préservées 
des  orages  dévastateurs,  des  grêles  terribles,  des  froids  excessifs  qui 
ruinent  nos  champs,  et  que  nos  vignes  soient  à  l'abri  du  soleil  brûlant  et 
des  longues  sécheresses. 

8.  —  Que  nos  cœurs  ne  soient  jamais  victimes  des  suggestions  de 
l'esprit  impur,  ni  des  atteintes  de  Tamour  profane,  mais  qu'ils  demeu- 
rent toujours  fidèles  à  Dieu,  et  tout  embrasés  du  divin  amour. 

9.  —  Brisez  enfin,  ô  bienheureux  saint  Rambert,  brisez  les  liens  qui 
nous  attachent  au  péché,  faites  notre  paix  avec  Dieu*  afin  que  par  vos 
prières  nous  jouissions,  un  jour,  de  sa  divine  présence. 

10.  —  Rendons  gloire  à  la  Très  Sainte  Trinité  dont  la  toute-puissance 
a  créé  le  monde,  et  conserve  ensemble  la  terre  et  les  cieux.  Ainsi  soit-il. 


TABLE  DES  MATIERES 


PAGES 

Avant-Propos v 

Introduction ix 

Chapitre  I.  —  Saint- Rambert-en-Forez,  à  vol  d'oiseau 3 

Chapitre   IL  —  Le  comte  Guillaume,  des  comtes   de  Forez  et 

Lyonnais.  —  Première  race,  xi«  siècle 1 5 

Chapitre  III.  —  Martyre  de  saint  Rambert,  vers  l'an  680 aS 

Chapitre  IV.  —  Saint-Rambert-de-Joux  (Bugey) 47 

§      I.     Légende  abrégée  de  saint  Domitien 49 

§    II.     L'Abbaye  de  Saint-Domitien,  V*  siècle 52 

§111.     La   ville   de   Saint- Rambert -de -Jouz.    —    Son 

ancienneté ^ 69 

CHAPrrRE  V.  —  Le  culte  de  saint  Rambert  dans  la  vallée  de 
TAlbarine,  en  Bugey. — Reconnaissance  de  ses  reliques  en  1689, 
en  1763.  —  Leur  transfert  de  l'église  de  l'Abbaye  dans  Téglise 
paroissiale,  en  1789.  —  Nouvelle  reconnaissance  des  reliques. 

—  Courageux  sauvetage  de  lâchasse  et  de  ses  reliques  en  179a. 

—  Reconnaissance  des  reliques  en  181 3,  par  Son  Eminence  le 
cardinal  Fesch.  —  Autre  reconnaissance  des  reliques  par 
Monseigneur  Dévie,  évêque  de  Belley,  en  i833. —  Indulgences 
accordées  à  l'église  Saint-Rambert-de-Joux 81 

Chapitre  VI.  —  De  la  Translation  des  reliques  des  saints 95 

Chapitre  VII.  —  Légende  de  la  Translation  des  reliques  de  saint 

Rambert,  vers  Tan  1078 101 

Légende  de  saint  Florentin  (36 1) 119 


47^  TABLE   DES   MATIERES 


FAGES 


Chapitre  VIII.  —  Voie  suivie    par    le  mystérieux   porteur   des 

reliques  des  saints  Rambert  et  Domitien 121 

Chapitre  IX.  —  A  propos  des  sacoches  dans  lesquelles  furent 
apportées,  au  pays  de  Forez,  les  reliques  insignes  des  saints 
Rambert  et  Domitien 145 

Chapitre  X.  —  La  Fontaine  de  saint  Rambert. —  Fontchaud. — Le 

Pont  de  Saint- Rambert-sur- Loire.  --  Le  Gué  de  la  Roche...     139 

§      I.  Fontaine  de  saint  Rambert  à  Fontchaud.  —  Son 

ancienneté.  —  Son  renom i  Sq 

§    IL  Etymologie  du  mot  c  Fontchaud  » , 168 

§  III.  Le  Pont  de  Saint-Rambert.  —  Son  ancienneté....      172 

§  IV.  Le  Gué  de  la   Roche  mentionné  dans  les  vieux 

parchemins 1 77 

Chapitre  XI.  —  La  chasuble  de  Saint-Rambert-en-Forez,  xi*  siècle.     1 8 1 

§     L  Monographie  de  la  chasuble 181 

§  IL  L'étoffe  de  la  chasuble  de  Saint- Rambert  servit 
autrefois  de  c  Suaire  »  aux  reliques  des  saints 
Rambert  et  Domitien,dans  leur  transport  du  manoir 
d'Yzeron  au  prieuré  de  Saint- André-Ies-Olmes. . .     186 

§  III.  La  chasuble  de  Saint-Rambert  fut  un  vêtement 
civil  avant  d'être  transformée  en  vêtement  sacer> 
dotal 1 89 

§  IV.  Décoration  de  la  chasuble  de  Saint-Rambert 195 

§  V.  La  «  Pénule  »  antique  des  laïques  servit  de  modèle, 
au  XI*  siècle,  pour  confectionner  la  chasuble 
actuelle  de  Saint-Rambert 202 

Chapitre  XII.  —  Les  châsses   et   reliquaires    de    l'église  Saint- 

Rambert-en- Forez 211 


SECTION   première  :     LES  CHASSES 


§      I.  Mode  de  sépulture  dans  l'antiquité 211 

§    II.  Description  du  sarcophage   antique.  —  Un  sarco- 
phage ancien,  trouvé  à  Saint-Marcellin  (Loire). . .     214 


TABLE   DES   MATIERES  479 


PAGES 


§111.  Les  sarcophages  ou  tombeaux  des  martyrs,  dans  les 
catacombes,  transformés  en  autels  pour  les  saints 
mystères,  furent  de  véritables  châsses 2x9 

§  IV.  Les  basiliques  primitives  furent  de  vraies  châsses..     221 

§    V.  La  châsse  à  travers  les  siècles 223 

§  VL  Les  deux  châsses   modernes  de   Saint- Rambert.  — 

Châsse  de  1 801 .  —  Châsse  de  1872 284 


SECTION   DEUXIEME   :    LES  RELIQUAIRES 

§  l.  Diverses  sortes  de  reliquaires.  —  Fioles  lacrymatoires.  — 
Encolpia.  —  Bras  reliquaire  de  Téglise  de  Veauche 
(Loire). —  Les  grands  ostensoirs-reliquaires,  ou  soleils 
d'orfèvrerie.  —  Ostensoirs-reliquaires,  ou  soleils 
d'orfèvrerie  de  Téglise  Saint-Rambert-en-Forez.  — 
Les  reliquaires  sur  pied  ou  présentoirs.  —  Reliquaire 
sur  pied  de  Téglise  Saint-Rambert«en- Forez .  — 
Les  Monstrances.  —  Monstrances  de  l'église  Saint- 
Rambert-en-Forez 248 

Chapitre  XI IL  —  Le  cuite  de  saint  Rambert  à  travers  les  siècles, 

dans  le  Forez 259 

Legs    pieux  faits  à  diverses    époques  au  luminaire  de 

saint  Rambert , . . . .     i63 

Chapitre  XIV.  —  Reconnaissances  des  reliques  de  saint  Rambert  a 
diverses  époques  :  en  1625,  par  le  R.  P.  ChifHet,  jésuite  ;  en 
1708,  par  M.  Pactier,  archiprêtre  de  Montbrison  ;  en  1718,  par 
Mgr  François- Paul  de  Neuville  de  Villeroy  ;  en  1739,  par 
Mgr  Cossé  de  Brissac  ;  en  1780,  par  Messire  Malvin  de  Montazet, 
vicaire  général  de  Lyon;  en  1790,  par  M.  de  Grézieu,  sacristain 
curé 269 

Catalogue  des  paquets  de  reliques  trouvés  dans  la  châsse, 
en  i6a5 275 

Chapitre  XV.  ^  Les  reliques  et  la  châsse  de  saint  Rambert 
pendant  la  grande  Révolution  de  1793. —  Courageux  sauvetage 
de  la  châsse  et  de  ses  rehques  en  1793.  —  Transfert  des 
reliques,  de  la  vieille  arche  à  grains  de  M"«  Chapoton,  dans 
l'église  paroissiale 289 


480  TABLE   DES    MATIÈRES 

PAGES 

Chapitre  XVI.  »  Le^  reliques  de  saint  Rambert  déposées  dans 
la  châsse  de  1801.  —  Leur  reconnaissance  canonique  en  1804, 
sur  la  demande  de  M.  l'abbé  L.  Chevallier,  curé  de 
Saint-Rambert,  par  MM.  ChoUeton,  curé  de  Saint-Etienne  de 
Furan,  et  Coquard,  desservant  de  Sury-le-Comtal 2^ 

Chapitre  XVII.  —  Les  reliques  de  saint  Rambert  transférées 
en  1872,  par  M.  le  chanoine  Peuriére,  curé  archiprêtre  de 
Notre-Dame  de  Montbrison,  dans  une  nouvelle  châsse  due  aux 
soins  de  M.  Tabbé  Subtil,  curé  archiprêtre  de  Saint- Rambert. — 
Rescrit  de  Sa  Sainteté  Léon  XIII,  Pape,  faisant  droit  à  la 
demande  faite  pour  obtenir  des  indulgences  en  faveur  des 
personnes  qui  vont  visiter  les  reliques  de  saint  Rambert, 
martyr,  dans  l'église  paroissiale  Saint- Rambert-en-Forez 309 

Chapitre  XVIII.  —  Le  bréviaire  manuscrit  dit  a  de  Saint-Rambert  ». 

—  Son  ancienneté.  —  Comment  il  est  arrivé  jusqu'à  nous. ...     3 19 

§  I  •  Matériel  des  anciens  livres.  —  Papyrus.  —  Parchemin. — 
Papier  coton.  —  Papier  chiffe.  —  Instruments  pour 
écrire.  —  Encre.  —  Ecriture 329 

§  IL  Les  écrivains  dans  les  anciens  temps  et  au  moyen  âge    333 

OpFiauM  Sancti  Ragneberti,  texte  et  plain-chant 339 

Suite  de  l'Office,  texte  seulement 369 

PIÈCES   JUSTIFICATIVES 

N°  I.  —  Charte  de  Conrad  le  Pacifique,  roy  de  Bourgogne  et 
souverain  de  la  ville  et  du  territoire  de  Lyon,  deçà  et 
delà  le  Rosne 38 1 

N«  I  *«. —  Prioratus  S.  Regneberti  in  Foresiis  olim  S.  Andreae 383 

N"»  2.  —  Légende   de  saint  Domitien,  extraite  du   bréviaire   de 

TAbbaye  de  Saint-Rambert-en-Bugey 384 

N©  2^w.—  Abbatia  S.  Ragniberti,  jurensis  olim  S.  Domitiani 392 

M©  2ter, —  Inscription  gravée  sur  une  plaque  de  marbre  noir,  à  la 
porte  de  la  crypte  de  saint  Domitien,  à  Saint-Rambert- 
en-Bugey 394 


TABLE    DES   MATIERES  48 1 

PAGES 

N»  3,  —  Légende  de  saint  Ramberty  extraite  du  bréviaire-manuscrit 

dit  •  de  Saint' Rambert  » SqS 

N»  3W5, —  Chemin    de    Saint -Côme    (chapelle)     au    Garayt    de 

Saint-Rambert,  année  1424 400 

Mo  3/er. —  Naïve  légende  sur  le  chef  sacré  de  saint  Rambert 401 

N«  4.    —  Extrait  des  Bollandistes 402 

N»  5.  —  Procès-verbal  de  la  reconnaissance  des  reliques  de 
saint  Rambert,  faite  le  10  juin  1763,  à  Saint- Rambert - 
en-Bugey 4o5 

N»  6.  —  Délibération  du  Conseil  de  la  commune  deSaint-Rambert- 

en-Bugey.  du  14  juillet  1 788 408 

N''  7.  —  Procés-verbal  de  la  translation  des  reliques  de  saint 
Rambert,  de  Tabbaye  dans  l'église  paroissiale  de  Saint- 
Rambert-en-Bugey,  le  1 2  juin  1789 410 

No  8.  —  Déclaration   donnée   par   les  trois    habitants  de  Saint- 

Rambert-en-Bugey,  qui  ont  sauvé  la  relique,  en  1793.     414 

N<>  9.  —  Acte  de  vérification,  reconnaissance  et  apposition  de 
sceaux  aux  reliques  de  saint  Rambert,  martyr,  â  Saint- 
Rambert-en-Bugey,  parjSon  Eminence  Cardinal  Fesch, 
archevêque  de  Lyon,  le  10  juin  181 3 41 3 

N<>  10. —  Procés-verbal  des  reconnaissance  et  translation  des 
reliques  de  saint  Rambert,  par  Monseigneur  Dévie, 
évèque  de  Belley,  à  Saint- Rambert-en-Bugey,  le 
14  avril  i833 417 

N«  II.  —  Lettre  de  M.  Anier,  curé  de  Saint-Rambert-en-Forez,  à 

M.  Depéry,  vicaire  général  de  Belley 42 1 

N^  12.  —  Supplique  de  Monseigneur  Dévie  au  Pape  Grégoire  XVI, 
pour  obtenir  des  indulgences  en  faveur  des  personnes 
qui  visitent  les  reliques  de  saint  Rambert,  dans  l'église 
de  Saint- Rambert-en-Bugey.  —  Rescrit  du  Pape  faisant 
droit  à  cette  demande,  14  février  1834 423 

N»  i2^<<.  —  Rapt  et  translation  de  reliques  au  moyen  âge 425 

3i 


482  TABLE    DES    MATIERES 

PAGE» 

N»  i3.  —  Du  culte  des  fontaines  dans  rantiquité.  —  Fêle  des 
Hydrophories  à  Athènes.  —  Cérémonie  de  Tefiusion 
des  eaux  de  la  fontaine  de  Siloê,  chez  les  Hébreux.  — 
Cérémonie  de  Teffusion  des  eaux  à  Ithome  en 
Méssénie 426 

No  1 3Wi  —  Le  Gué  de  la  Roche,  année  1483- 1484 429 

N^*  14.  —  Le  «  Suaire  »,  son  origine,   son  usage  et  ses  diverses 

transformations  jusqu'à  nos  jours 430 

N(»  i5.  —  Historique  du  manteau,  dans  l'antiquité  et  au  moyen  âge    435 

N»  1 5^«^.  —  Inscriptions  arabes  de  la  chasuble  de  saint  Rambert. 

—  Eglise  Saint*Rambert-en-Forez 441 

N®  16.  —  Principaux  modèles  de  châsses,  au  point  de  vue  de  l'art, 

du  XI*  au  XV*  siècle 442 

N®  17.  —  L*orfévrerie  religieuse 448 

N»  18.—  Les  reliquaires  (a) 45 1 

(b).  Le  reliquaire  de  la    Sainte    Couronne  d'épines  de 
N.-S.  J.-C 453 

N*  19.  —  !••'  et  2*  Procès  -  verbaux  de  la  reconnaissance  des 
reliques  des  saints  Rambert  et  Domitien,  dans  l'église 
de  Saint-Rambert-en- Forez  :  en  1025,  par  le  R.  P. 
Chifflet,  jésuite;  en  1708,  par  M.  Pactier,  arcniprêtre 
de  Montbrison 464 

N«  20.  —  3®  Procès-verbal  de  la  reconnaissance  des  mêmes  reliques, 
en  1718,  par  Monseigneur  François- Paul  de  Neuville 
de  Villeroy 456 

N"  21.  —  4»  Procès-verbal  delà  reconnaissance  des  mêmes  reliques, 

en  1 739,  par  Monseigneur  Cossé  de  Brissac 468 

N<>  22. —  5û  Procès-verbal  de  la  reconnaissance  des  mêmes  reliques, 
en  1780,  par  Messire  Malvin  de  Montazet,  vicaire 
général 459 

N<^  23.:—  6*  Procès-verbalde  la  reconnaissance  des  mêmes  reliques, 
en  1790,  par  MM.  de  Grézieu,  curé,  Gérentet, 
chanoine 46 1