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MuM,
At'T'^IS CCIEMTIA VEKitAè
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^
Histoire
RELIGIEUSE ET CIVILE
DE
SAINT-RAMBERT
En Forez
M. l'Abbé Charles SIGNERIN
//
CUHi-lKCHIFkfrM DI >:ll)IT-KAHBlKT-»-rDIIU
MEMBRe DE \.K lOCIÉTi HIITOmiQUI ET tlCHtOLOOIQtJi !>■ LA • DUHA ■
NOMBREUSES ILLUSTRATIONS PAR HENRI MARTHOVD
SAINT-ETIENNE
SCKIÉTÉ DE L'IMPRIMERIt: THtOLIER — J. THOMAS & C"
lï. Rue Gérenni, n
236
MARTYRE DE SAINT RAMBBRT
(Peinture du itii> ^icle, d4D> l'tgliK parolHÎalc di Saint- Ramber[>«a-ForM).
N- -^
: lù"^/ - /^^
S 5-8
AVANT-PROPOS
Qui ne cannait la petite ville de Saint-Rambert-en-Fore^ assise
aux bords enchanteurs de la Loire? — Le nom de la vieille cité
m
foré^ienne n'est-il pas sur les lèvres de tous ceux qui, dans notre
province, ont le culte religieux du passé ? — Son célèbre Prieuré
de Saint- André'les-Olmes ; sa vieille et remarquable église romane;
les insignes reliques de son illustre Patron saint Rambert; ses
quatre anciennes portes, ouvertes, jadis, dans d'épais remparts;
ses maisons bâties en torchis, élevées en encorbellement et marquées
au front, pour la plupart, du millésime des xv«, xvi« et xvii« siècles,
tout cela n' est-il pas devenu cent fois le but des visites des archéo-
logues, et l'occasion des promenades des curieux?
Et cependant, si l'on met a part quelques pages oii l'imagination
règne en maîtresse plus que la vérité, et qui témoignent des
excellentes intentions de leurs auteurs plus que de leurs recherches,
Saint-Rambert n'a pas encore ^'Histoire !
Serait-ce que les documents fassent défaut? Non certes, car, tout
au rebours, ils abondent; et les aimables érudits préposés à leur
garde, tant à VHôtel de la Diana qu'aux Archives départementales,
en facilitent très courtoisement l'accès et la lecture.
Serait-ce alors que les travailleurs manquent sur cette terre
féconde du Fore\ qui a produit les Anne d'Urfé, les Jean Papon,
les Jean-Marie de la Mure, les Auguste Bernard, et tant d'autres
que la discrétion nous interdit de nommer? Non plus, car de grands
et illustres ouvrages récents prouvent, avec éloquence, que les
vaillants pionniers qui aiment à remuer le champ du passé sont,
aujourd'hui^ plus nombreux et plus actifs que jamais.
VI AVANT-PROPOS
// faut donc chercher ailleurs Vexplication de cette lacune.
Peut-être la trouverons-nous y d'une part, dans robscurité relative
de notre petite ville, actuellement déchue de son ancienne splendeur;
d'autre part, « dans Villusion d'optique » qui, à distance, a induit
les amateurs d'antiquités à croire qu'une Histoire de Saint-Rambert,
outre qu'elle n'offrirait aux lecteurs qu'un intérêt médiocre, aiderait
asse\ peu à mettre en relief leur propre talent d'écrivain. Et ils
ont, ainsi, passé outre.
Mais c'est là une illusion d'optique. En réalité, l'intérêt qu'offre
l'Histoire de Saint-Rambert est extrême : cette Histoire, riche
d'incidents, et mêlée de très près à celle de la vie religieuse et
politique de la province, se déroule, ininterrompue, pendant une
longue suite de siècles; et il suffit de l'entrevoir à travers les vieux
manuscrits pour l'aimer.
Nous avons donc essayé, si lourd que semblât le fardeau pour nos
épaules, de combler cette lacune. C'est à la lumière, et avec le secours
des documents originaux, parchemins, terriers et registres de
toute sorte, que nous avons travaillé; c'est, en particulier, avec
l'aide d'hommes érudits, et soutenus par leurs bienveillants et
précieux conseils, que nous avons entrepris notre tâche, et cherché
à la mener à bien (i).
Peut-être estimera-t-on que nous aurions dû, dans ce travail,
suivre rigoureusement l'ordre des dates, et commencer notre Histoire
par le récit des « origines » de Saint-Rambert. Nous l'avouons
humblement : cette marche eût été, en effet, incontestablement plus
logique. Si nous avons cru cependant pouvoir prendre la liberté de
nous en écarter, c'est qu'il y a, dans cette Histoire même, un fait
qui la domine entièrement, qui l'éclairé, et qui, dans une certaine
mesure, l'explique. Ce fait capital, c'est la « Translation des
reliques » de notre vénéré Patron, saint Rambert, au xi« siècle. Or,
(i) A Messieurs Henri Marthoud» notre dévoué et intelligent collaborateur; J. de
Fréminville, archiviste du département de la Loire; A.Steyert|le savant historien de Lyon ;
J. Condamin, professeur à llJniversité catholique de Lyon; T. Rochigneux, conservateur
de la Bibliothèque de la Diana ; Vivet, archiprètre de Saint-Rambert-en-Bugey ; Abbé
Joseph Faure ; Jules Poinat; Praire de Neizieu ; G.Ebrard; J. Perrodin ; Paul Richard; Abbé
J.-B. Martin, professeur d'Archéologie et d'Hagiologie ; Abbé Trillat, maitre de chapelle
à la Primalialei nous ottrons l'hommage cordial de notre profonde reconnaissancCi pourtant
et de si gracieux services rendus.
AVANT- PROPOS VII
ce fait a pour nous une telle importance, que, à Vencontre de toutes
autres considérations, nous n'avons pas hésité à lui consacrer la
première partie de notre récit. Au surplus, il nous plaisait singu-
lièrement de mettre sous le patronage d'un si puissant protecteur,
roeuvre difficile que nous entreprenions; en lui dédiant, pour ainsi
dire, le début de notre essai, nous avons pensé qu'il daignerait
s'intéresser plus efficacement à la cause si chère de nos Ecoles
catholiques, pour laquelle on sait bien que nous travaillons.
Puisse saint Rambert, du haut du ciel, bénir généreusement
l'oeuvre et l'ouvrier.
"-^^^^gpiK^
INTRODUCTION
l)
Le culte des reliques date des premiers jours de
TEglise.
Dans r Apocalypse (VI, 9), saint Jean Tavait comme
indiqué lorsqu'il écrivait : « Je vis, sous Tautel, les
âmes de ceux qui ont été mis à mort pour la parole
de Dieu, et pour lui rendre témoignage. »
Nous savons, par saint Augustin, que le corps de
saint Etienne, premier martyr, avait été conservé;
des honneurs lui étaient rendus et des prodiges
nombreux étaient opérés par l'intercession de ce
saint corps (2).
Dans les actes du martyre de saint Ignace (106),
nous lisons : « Les saints ossements d'Ignace ont été
reportés à Antioche et renfermés dans une châsse
comme un trésor inestimable laissé à la Sainte
Eglise, en mémoire de ce glorieux martyr. Nous
avons marqué le temps et le jour afin que, nous
assemblant à l'anniversaire de sa mort, nous
attestions notre communion avec ce généreux
athlète de Jésus-Christ. »
II) Par M. l'Abbé Joseph Faure, vicaire.
(2) Cil, de Dieu, XXII, 8.
INTRODUCTION
Les actes du martyre de saint Polycarpe, évêque
de Smyrne (169), ne nous laissent aucun doute sur
le culte des premiers chrétiens pour les reliques,
a Le démon n'a épargné aucun effort pour que
nous ne puissions emporter les reliques de
Polycarpe, quoique plusieurs en eussent le désir,
afin de prier vers son saint corps. Cependant,
nous avons enlevé les os de Polycarpe, plus pré-
cieux que Tor et les pierreries, et nous les avons
déposés où il convient. Assemblés dans ce même
lieu. Dieu nous fera la grâce de célébrer le jour
de sa naissance à la gloire par le martyre, soit pour
honorer le souvenir de ceux qui ont souffert, soit
pour nous animer nous-mêmes par l'exemple de
leur zèle et de leur courage, »
Quelques menus faits, pris au hasard dans
rhistoire de la primitive Eglise, nous peuvent faire
comprendre aussi combien, parmi les premiers
chrétiens, fut rapide et universel le culte des
reliques.
Julien, dans ses livres contre les chrétiens, avoue
qu'avant même la mort de saint Jean, les tombeaux
de saint Pierre et de saint Paul étaient déjà
honorés. — En Tan 258, le pape saint Sixte trans-
porta aux catacombes, et avec grande solennité,
les corps de saint Pierre et de saint Paul. — Les
Carthaginois trempèrent des linges dans le sang
de saint Cyprien, martyr, en 260. — Dioclétien fait
ordonnance de jeter les reliques des martyrs à la
mer, afin que les chrétiens ne puissent pas les
XII Introduction
restes tombés en poussière ! Ils sont donc des
insensés tous ceux qui ont couru au-devant des
saintes reliques, qui les ont accueillies avec autant
de joie que s'ils avaient vu devant eux un prophète
vivant; tous ces peuples qui, de pas en pas, depuis
la Palestine jusqu'à la Chalcédoine, les ont saluées
et ont entonné les louanges du Seigneur ! »
Et Tertullien, qui a vécu à la fin du second siècle,
applique aux martyrs les paroles d'Isaïe : « Leur
tombeau sera glorieux ! (i) »
A se servir d'une expression vulgaire, on pourrait
dire que le culte des reliques est vraiment dans
le sang de la religion chrétienne. A mesure que
circule le sang, naît et circule la vie ; et c'est au
cœur, source même de la vie, que s'accumule le
sang. Ainsi, à mesure que, dans quelque coin du
globe, naît la religion chrétienne, naît aussi et
grandit le culte des reliques. Et c'est à Rome,
centre de la religion, que se retrouvent accumulées,
en plus grand nombre, les plus magnifiques
reliques.
Ainsi, dans notre pays de France, par exemple, le
culte des reliques est bien contemporain de la
prédication évangélique. Aux premiers jours de son
Eglise, Lyon connut la persécution. Les premiers
chrétiens enlevèrent secrètement les corps des saints
martyrs Epipode et Alexandre, et les enterrèrent
sur une colline située près de la ville. Nous
|i) Scorpiace, VIII.
INTtODLXTION Xlll
savons aussi que les chrétiens d'Agen, par crainte
des persécuteurs, cachèrent le corps de sainte Fo\\
martyre du premier siècle. On trouve aussi, dans les
reliquaires de la France, les restes d un très grand
nombre de premiers évêques, d'apôtres ou de
martyrs : saint Irénée, à Lyon ; saint Denis, à Paris ;
saints Crépin et Crespinien,à Soissons; saint Ruf,
à Avignon; saint Catien, à Tours; saint Savinîen,
à Sens; saint Andéol; saints Donatien et Rogatîen ;
saint Lucien, premier évèque de Beauvais; saint
Maximien, premier évêque d'Aix, etc, etc.
Mille autres petits faits indiquent d'ailleurs la
primitivité du culte des reliques. Les corps des
martyrs lyonnais sont jetés par ordre dans le
Rhône, afin qu'ils ne puissent pas être vénérés par
les chrétiens. — Ebroïn, le persécuteur de saint
Léger, ne voulant pas non plus que les chrétiens
rendent un culte au martyr, avait ordonné que
l'exécution eût lieu dans un bois, et qu'on ne
découvrît à personne le lieu de la sépulture. — Les
soldats gardèrent tout un jour le corps de saint
Quentin et, à la nuit, le jetèrent dans la Somme. —
Un fait très curieux se trouve dans la vie de saint
Martin. Le peuple de Tours, abusé, honora pendant
quelque temps la tombe d'un inconnu qui passait
pour un martyr. Martin força le mort à rendre
témoignage de la vérité, et il fut reconnu que les
ossements vénérés étaient ceux d'un malfaiteur.
— Nous lisons dans la vie de sainte Angadrème
que, surprise par la nuit dans ses excursions de
XIV INTRODUCTION
charité, elle attendait le retour du jour, agenouillée
au pied du tombeau des saints et des martyrs.
Mais le plus insigne reliquaire est la ville de
Rome elle-même, centre de la religion. Les
immenses catacombes gardent les restes d'innom-
brables martyrs. Ainsi, au vu* siècle, Boniface IV
fît extraire et transporter trente -deux chariots
pleins d'ossements. Depuis, tous les Papes ont
continué leurs fouilles et elles ne sont pas encore
terminées. Et ce n'est là qu'une partie des reli-
quaires de la Ville Eternelle. Presque tous les
Apôtres sont venus se coucher autour de la chaire
infaillible : saint Pierre, saint Paul, saint Jacques
le Mineur, saint Philippe, saint Mathias, saint
Barthélémy, saint Simon, saint Jude. Et Ton y
trouve des reliques notables de saint Mathieu, de
saint André et de saint Thomas. Nombreux sont
honorés à Rome les Pères de TEglise et les Docteurs :
saint Ignace d'Antioche, saint Justin, saint Grégoire
de Nazianze, saint Chrysostome, saint Léon,
saint Grégoire-le-Grand, etc. ; nombreuses les
vierges : sainte Domitille, sainte Prudentienne,
sainte Praxède, sainte Agnès, sainte Cécile, etc. ;
nombreuses les saintes femmes : Hélène, Monique,
Françoise Romaine, etc. ; nombreux les fondateurs
d'ordre : saint Ignace, saint Philippe de Néry,
saint Paul de la Croix, etc. ; puis les Papes, les
martyrs, les confesseurs, les saints prêtres, etc.
Toutes ces réflexions indiquent que le culte des
reliques est comme sorti de l'Evangile, et tout de
\v
suite : que ce culte est naturel aussi ; et que plus
grande est la religion, plus intense est ce culte du
souvenir.
Comme toute idée religieuse, le culte des saints
devait rencontrer des contradicteurs et des jours
d'efiEaurement. Au rv* siècle, Adrien Eunome, évèque
hérésiarque de Cysique, s élève contre ce qu il
appelle la superstition des reliques. Au siècle
suivant. Vigilance et Fauste le manichéen renou-
vellent les clameurs d'Eunome. C est en vain,
d^ailleurs, car les Docteurs de TEglise, et en parti-
culier saint Jérôme, répondent victorieusement
aux erreurs des hérésiarques.
Quelque dix siècles plus tard, le fanatisme
protestant devait étonner le monde par ses profa-
nations scandaleuses.
Lyon tomba au pouvoir des protestants, dans la
nuit du 29 au 3o avril 1 562 . Et de suite éclatent les
passions haineuses de ces hérétiques. Les religieux
et les. prêtres sont massacrés en grand nombre.
Toutes les églises sont pillées, et quelques-unes
complètement renversées. Mais la fureur de ces
barbares se tourne surtout contre les reliques
insignes que possède Lyon. Saint-Nizier voit dispa-
raître les restes vénérés de ses Pontifes dont les
corps, depuis des siècles, reposaient en paix dans
ses caveaux funèbres. En Téglise des Cordeliers,
les hérétiques découvrent et profanent le corps de
saint Bonaventure. A son tour, Téglise de saint
Irénée fut témoin d'un ignoble spectacle. Les
XVI INTRODUCTION
châsses de marbre ou de plomb sont brisées.
Les corps de saint Irénée, de saint Epipode et de
saint Alexandre sont lacérés. Puis les hérétiques,
aux ossements des saints, mêlent des ossements
d'animaux apportés des fossés de la ville Enfin, ce
fut le tour de l'église des Machabées. Elle gardait
les restes sacrés des saints Just, Arrige, Patient,
Etienne, Alpin, Rémy, Antioche, Elpide, Lupicin,
évêques de Lyon ^ des saints Viateur, Eusèbe,
Antioche, Pérégrin, prêtres et confesseurs; et de
saint Constant, martyr. Sur Tordre du baron des
Adrets, cette église des Machabées n'est bientôt
plus qu'un amas de ruines.
Et ce n'est là qu'un épisode des ravages commis
en France par les protestants. A Romans, les
hérétiques faisaient disparaître les reliques de saint
Bernard, archevêque de Vienne. Au couvent de
Plessis, une troupe de Huguenots exhumait et,
après d'indignes outrages, brûlait le corps de saint
François de Paule. La châsse de saint Rémy, évêque
de Rouen, était aussi pillée par eux. A Chalon-sur-
Saône, les Calvinistes profanent les restes de saint
Contran. Les ossements de saint Martin sont brûlés
et jetés au vent. Les reliques célèbres de saint
Galmier, sous-diacre de Lyon, sont aussi enlevées
et dissipées, etc., etc. C'était, en vérité, une fureur
ignoble et générale contre tout ce qui restait sur
terre de ces grands amis de Dieu, les Saints.
De nos jours, la note caractéristique est peut-
être bien Tindifférence. Les grands mouvements
INTRODUCTION XVII
qui emportaient des populations entières aux
« reméages » célèbres, ont presque disparu. Et là où
ils existent encore, ce n'est plus la foi ardente des
temps antiques. Dans nos églises, les châsses dorées
n'attirent guère que la curiosité. Souvent même,
elles occupent un coin obscur de sacristie d'où
elles ne sortent, une fois Tan, que pour recevoir
les hommages d'un peuple clairsemé.
Et, cependant, elles sont toujours vraies les paroles
du Concile de Trente : « Les corps des martyrs et
des autres saints, entrés en participation de la vie
glorieuse de J.-C, sont dignes du respect et de la
vénération des fidèles. Ces corps ont été les membres
vivants de J.-C. et le temple de V Esprit Saint; le
même Dieu doit un jour les ressusciter à une
éternelle vie, et les doter d'une éternelle gloire; par
eux, enfin, il plait à la divine Bonté d'accorder
aux hommes de nombreuses faveurs (i). »
a Ils ont glorifié Dieu dans leur corps, et
représenté dans leurs chairs la mortification de
Jésus-Christ (2). » Telle est la première raison du
culte des reliques.
En définitive, un saint est en effet celui qui a
multiplié, dans sa vie, les actions saintes. Or, dans
ces actions saintes, le corps et l'âme, intimement
unis dans la personne du saint, ont eu leur part.
L'aumône impose un acte au corps de Thomme :
(i) Conc. — Trident f sess., a5.
(a) I. Cor., VI, 20. — II. Cor.. IV, lO. ^
XVIII INTRODUCTION
mettre la main à la bourse et laisser tomber une pièce
dans Tescarcelle du pauvre. C'est en offrant à Dieu
cet acte matériel que Tâme le sanctifie. Une parole
pieuse ne peut se dire que par un mouvement de
la langue, mouvement que Tâme sanctifie en le
rapportant à Dieu. Et ainsi il ne peut y avoir d'acte
saint auquel le corps, dans une mesure inégale mais
nécessaire, ne participe. L'acte d'amour même
et l'acte de foi qui demandent, semble-t-il, la
moindre participation du corps, passent encore par
notre cœur et par notre cerv^eau.
Or, cette union de Tâme et du corps, dans la
production des actes saints, élève le corps et le rend
digne d'admiration et de louange, comme Tintime
union de la nature divine et de la nature humaine
en Jésus-Christ élevait la nature humaine et la
rendait digne de nos adorations.
Et c'est pourquoi on va pieusement au tombeau
de saint Paul. Son âme était apôtre par excellence.
Mais elle n'a accompli sa grande œuvre que par le
corps de saint Paul. Ses pieds Tont porté sur
presque toutes les routes du monde. Ses lèvres ont
proféré les grands enseignements de l'Evangile. Ses
doigts ont écrit ses magnifiques lettres. Son cœur
s'est épuisé d'amour et de zèle.
Et c'est pourquoi on rend un culte au corps de
saint Vincent de Paul. Vincent de Paul a été l'apôtre
de la charité. Mais, certes, son corps avait bien
quelques mérites quand, résolument, Vincent prit
la place d'un galérien, s'assit sur le banc des
INTRODUCTION XIX
rameurs, se laissa mettre les fers aux jambes, et, de
ses mains, fit aller la rame. Et quand Vincent de
Paul, brisé par les travaux de sa longue existence,
arrivé à quelques heures de sa mort, se faisait
porter auprès de M. Portail, malade aussi, j'admire
Tâme forte du saint, mais je rends hommage à son
corps que tourmentait, dans d'affreuses tortures
d'agonie, ce dernier acte de charité.
Et je comprends les foules accourues aux
funérailles et, depuis, au tombeau du vénérable
curé d'Ars. En notre siècle sensuel, ce prêtre
fut un modèle de mortification. Il crucifiait sa
chair par des instruments de pénitence. Chaque
nuit, il meurtrissait ses os sur la dure. Il se privait
de nourriture et de sommeil pour demander la
conversion des pécheurs. Il en était arrivé à refuser
à son corps, jusqu'à l'ombre d'une satisfaction
sensuelle. Et, chaque jour, il acceptait 12 à
14 heures de confessionnal qui, par suite de
maladies, devinrent bientôt un calvaire. Sa vie ne
fut bien qu'un épouvantable et continuel martyre
de ce qu'il appelait son « cadavre ».
Aussi bien. Dieu lui-même a consacré cette idée
d'union intime, d'union de mérite entre l'âme et le
corps des saints, quand il a assuré la résurrection
des morts et la gloire éternelle au corps même
des saints.
Le culte des reliques est d ailleurs tellement dans
la nature de l'homme, que nous le retrouvons
partout et toujours.
XX INTRODUCTION
Nous le retrouvons chez les Hébreux. Quand les
Israélites quittèrent l'Egypte et que, par le désert
pénible, ils s'acheminèrent vers la terre promise,
ils emportèrent avec eux les os de Joseph (i).
Nous le retrouvons chez les païens qui, tous,
ont le culte des morts. De nombreuses libations se
faisaient toujours aux funérailles. Le sang des
victimes humaines coulait longtemps sur les
tombeaux fermés. Chez les Egyptiens, on embau-
mait les corps. Chez les Romains, on les brûlait
pour en conserver la poussière. Et Homère nous
assure que les restes de Patrocle furent enfermés
dans un coffret d'or, et que Ton mit le plus grand
soin à recueillir les ossements d'Achille (2).
Jetons un regard sur ce qui se fait chaque jour
autour de nous. Un enfant honore les restes de ses
parents, une épouse ceux de son époux. Une mère
jette des fleurs sur la tombe de sa fille. On
conserve avec piété le portrait des êtres aimés,
quelquefois même, on garde quelques cheveux
de ces êtres chers et disparus. Quand on ne peut
conserver toute la dépouille mortelle d'un père,
d'un bienfaiteur, d'un homme de génie, on garde
au moins son cœur. Et même s'il s'agit d'un bon roi,
c'est le corps entier que l'on embaume, et auquel
on rend comme un cultecivil. Et tout cela n'a jamais
suscité le moindre cri d'indignation.
(1) Exode, XIII, 19.
(a) Iliade, XXIV, 72-76.
INTRODUCTION XXI
Mais les coryphées mêmes de Tirréligion, grands
contempteurs de notre culte des reliques, peuvent,
eux aussi, nous instruire par leur manière de faire-
lis ne croient pas aux reliques des saints, mais ils
croient aux restes de Tignoble Voltaire ou du
renégat Renan, de Frédéric-le-Grand ou de Napoléon.
Et ils ont fait à ces restes des funérailles de
triomphe, et ils ont, par des monuments; perpétué
leur mémoire; et chaque année, ils s'en vont brûler
de Tencens à ces cadavres et déposer sur ces
monuments des palmes d'or.
Inutile d'insister longuement- La nature toute
seule qui nous rend sacrés les objets, et nous
rappelle la mémoire de ceux que nous avons aimés,
suffirait à justifier notre culte pour « nos pères dans
la foi, qui ont instruit les peuples des leçons de la
véritable sagesse^ et qui nous transmettent encore
les mêmes oracles à travers les ombres du trépas ».
Dieu, d'ailleurs, a donné son approbation au
culte des reliques par la grande voix des miracles.
Déjà, au livre des Rois, il est raconté qu'un mort
fut ressuscité par Tattouchement des os du prophète
Elisée (i). Et aux actes des Apôtres, nous lisons
que les suaires de saint Paul guérissaient les
malades qui les touchaient (2).
On sait que, souvent, Dieu sest plu à garantir
de toute décomposition les corps des saints.
(I) IV. Reg.,XUh 21.
(a) Act., XIX, 12.
XXII INTRODUCTION
Mais, surtout, Dieu a multiplié les grâces aux
pèlerins des saints tombeaux.
Dans Marbourg, ville de la Hesse électorale,,
s'élève une magnifique église du xm' siècle. Les
statues et les peintures, les sculptures et les fresques-
de cette église redisent la vie et la gloire de sainte
Elisabeth de Hongrie. A la sacristie, on montre la
châsse d'argent qui contenait les restes de la Sainte.
Et les escaliers de pierre, visibles encore, et qui
conduisaient autrefois à la châsse élevée, ont été
profondément creusés par les innombrables pèle-
rins qui vinrent jadis prier leur « chère Sainte ».
Or, dans cette église, et pendant trois siècles, se
passa le drame du miracle. Dieu y manifesta sa
puissance et y montra tout ce que le culte des
reliques pouvait sur son cœur.
Les maux de l'âme, en effet, étaient guéris au
tombeau de sainte Elisabeth. Les peines intérieures
y trouvaient des consolations immédiates. Les
faiblesses de la volonté y étaient immédiatement
domptées. Les souffrances et les infirmités physiques
trouvaient un remède à ce tombeau. Après avoir
prié dans la chapelle où reposait la sainte, les sourds,
les boiteux, les aveugles, les insensés, les lépreux,
les paralytiques s'en retournaient guéris (i). La
mort même fut parfois obligée d'abandonner sa
proie. Et plus le bruit de ces prodiges se répandait,
(i) « La vie est divinement rendue aux morts la lumière, aux aveugles^
l'ouïe aux sourds, la parole aux muets et le marcher aux boiteux. »
(Bulle de canonisation de sainte Elisabeth.)
INTRODCCTION XXUl
plus on voyait s'accroître la foule des malheureux,
et plus se multipliait le nombre des miracles. Et
cette puissante inter\'ention de Dieu dura trois
siècles, jusqu'au jour où Tun des descendants
de la sainte fît profaner la châsse et cacher les
reliques.
Et si nous nous rappelons que cette page
d'histoire s'est renouvelée près des tombeaux de
tous les saints, n'aurons-nous pas raison de
conclure que Dieu lui-même veut et bénit le culte
des reliques ?
A évoquer toutes ces idées saintes et tous ces
souvenirs des temps où la foi était vive, il vient au
cœur le désir de faire revivre un peu dans les
âmes, l'antique confiance aux patrons de nos
églises et à leurs insignes reliques.
Peut-être arriverait-on à ce résultat en faisant
connaître la grande sainteté de nos immortels
protecteurs, et l'histoire, souvent si intéressante,
quoique ignorée^ des reliques de nos églises.
C'est là tout le but de ce livre.
Qu'il fasse donc, dans quelques âmes, revivre
« la tendre et intime familiarité de nos pères avec
celui que Dieu avait manifestement appelé à Lui,
-et dont t Eglise a proclamé la Sainteté ».
HISTOIRE RELIGIEUSE ET CIVILE
DE
SAINT-RAM BERT-EN-FOREZ
TOME PREMIER
SAINT RAMBERT, MARTYR
(vil* siècle)
TRANSLATION MIRACULEUSE DE SES RELIQUES,
DE L* ABBAYE DE SAINT-RAMBERTDE-JOUX, EN BUGEY,
AU PRIEURÉ DE SAINT- ANDRÉ -LES- OLMES, EN FOREZ
(xi« siècle)
iOÎf^
CHAPITRE PREMIER
SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
A VOL D'OISEAU
Avez-vous jamais fait, cher lecteur, Tascension du roc
escarpé, qui, là-bas, au fond de la plaine du Forez, dominant
les Gorges de Saint-Victor^ par où s'échappent bouillon-
nantes les eaux de la Loire, porte majestueusement, en avant
de Chambles, les ruines crénelées du vieux château-fort
d'Essalois(i)?
Si vous avez cédé à la tentation de choisir ces cimes
abruptes pour but de vos excursions, vous n'avez dû regretter
ni votre temps ni votre fatigue, car l'un et l'autre ont été
largement compensés par d*agréables surprises.
Quel curieux coin, en effet, que ce coin pittoresque de
notre vieille province I
Ne dirait-on pas un des sites les plus ravissants de la
Suisse, transporté en notre terre forézienne?
(i) Ce vieux chltetiit éleTé ta moyen ftgc sar l'emplicement de TancieD Oppidum Gallo-
Romiin, dont de nombreuses fouilles ont révélé l'existence, est situé sur la rive gauche de
la Loire, en face de l'ermitage de Grantgent. Essalois a été restauré, il y a quelque vingt
innées, par feu M. Sauzéa, de manière à fiûre croire, de loin, à un manoir complet du
moyen ftge. Au fait, on n'y trouve que des pans de murs avec leurs créneaux.
4 CHAPITRE PREMIER
Admirez, en effet, cet horizon immense qui, devant vos
yeux, se déroule avec la vie et le mouvement de ses milliers
d'habitations, avec l'abondance de ses prés fleuris et de
ses guérets d'or, avec la fraîcheur qu'y entretiennent ses
arbres verts et son grand fleuve qui serpente au milieu des
chambons qu*il féconde, pendant que ses eaux s'argentent et
miroitent sous les feux du soleil.
Devant vous, là-bas dans le lointain, ei vers le Nord, se
profilent les lignes ondulées des monts Tarare^ dominés par
la tour Matagrin (i).
C'est le fond du tableau. Plus près, en avant, les collines
boisées de Néronde, de Bellegarde, de Saint-Gai m ier, de
Chazelles-sur-Lyon, de Chevrières et de Grammont, avec
leurs flancs emmaillés de fermes rustiques. Plus près de
vous encore, les balmes de Cuzieu et de Veauche, couvertes de
castels modernes, celle de Bouthéon, fléchissant sous la
masse de son imposant château féodal (2). Ici, les gracieuses
villas de Saint-Cyprien, d'Andrézieux et de Bonson, à demi-
cachées dans un fouillis de verdure; là, le pêle-mêle bizarre
des habitations étagées aux flancs du Penable (3), ou essai-
mées le long de la Loire, formant, d'un côté de ce fleuve, la
petite ville de Saint-Just, et, de l'autre, le riant faubourg
des Barques, Et enfin, à vos pieds, tout au premier plan, la
vieille cité de Saint-Rambert, avec ses deux hautes tours
carrées, qui donnent l'illusion de deux clochers de cathédrale.
Quoi de plus charmant?
(i) Le mont Tarare, qui porte la tour Matagrin, est élevé de 1,004 mètres au-dessus du
niveau de la mer.
(3) Le chiteau de Bouthéon étale sur la rive droite de la Loire, à sept kilomètres au sud-
ouest de Saint-Galmier, les beaux restes de ses majestueuses et solides constructions. C'est
un des derniers débris de la splendeur des ducs de Bourbon, et spécialement de Mathieu de
Bourbon, dit le « Grand BDtard », fils naturel de Jean II, duc de Bourbon, comte de Forez.
L'existence de ce manoir est constatée dans un acte de 1224, par lequel Guy IV. comte
de Forez, concède certaines franchises aux moines de Saint-Rambert. (Âug. Broutin. Les
Châteaux historiquet du Fore\. — Excursions foré^iennes de Saint-Etienne à Thiers,
par le docteur Rimaud, p. 24.)
(3) Le Penable, colline aux flancs de laquelle sont étagées les maisons de la petite ville de
Saint-J ost-sur- Loire .
J
SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ A VOL d'oISEAU 5
A votre droite, le ravin abrupt et profond où grondent, en
se brisant sur les rocs, les eaux vertes et rapides du fleuve,
qui de leur lit étroit, encaissé, sombre, semblent avoir hâte
de gagner le sable moelleux, et les bords fleuris de la plaine
qui s'ouvre devant elles.
A votre gauche, toujours au premier plan, voici la noire
silhouette des pans de murs ruinés de l'ancien collège des
Pères de l'Oratoire, faisant sentinelles auprès de l'ancienne
chapelle de Notre-Dame-de-Grâces (i), encore debout malgré
deux siècles et demi d'existence, et plusieurs révolutions.
Tout autour des vieilles masures, qui furent autrefois un
sanctuaire célèbre de science et de prières, les bois de pins
font comme une ceinture de deuil, qui semble gémir et
pleurer sur Tabandon dans lequel gisent tous ces restes d*un
passé illustré par Massillon (2). Et là-bas, vers l'ouest, au
dernier plan, tout au bout de l'immense plaine, la haute et
longue muraille dessinée par les monts du Forez, aux cimes
uniformément arrondies, aux épaules couvertes de sombres
sapins, tandis que leurs flancs sont piqués de jolis villages et
que leurs pieds se glissent presque aux bords des eaux du
fleuve qui voudrait les baigner.
(I) L'Ermitage de Peu-Cbaud fut fondé en 1608 pir noble Vital de Saint-Pol, leigneur
de Vas8a!ieu,de Goillanclie et de Vaux-en- Vaure. Un ermite y vivait et y priait au nom de
la famille de Saint-Pol. C'est la chapelle construite, alors pour le dit ermite, qui portait le
nom de chapelle de Notre-Dame-de-Grices.
Les OratorienSf successeurs des ermites, s'installèrent sur la montagne de Peu-Chaud, le
39 novembre 1620. Vital de Saint-Pol, entré dans leur congrégation, leur avait confié
l'ermitage. Ils firent construire l'église actuelle vers i633.
(3) La tradition locale rapporte que Massillon fut élève du collège des Pères de l'Oratoire
de Notre-Dame-de-G races. D'autres soutiennent qu'il fut professeur de belles-lettres et
de théologie à l'Oratoire de Montbrison, à l'époque où le cardinal de Noailles l'enleva à
l'abbaye de Sept-Fonds, avant Tannée 1693. De là, il fut rappelé i Paris pour diriger le
séminaire de Saint-Magloire.
Pour concilier ces deux opinions, nous dirons qu'il est fort probable que, pendant lOD
ié}onr an collège des Oratoriens de Montbrison, Massillon soit venu rendre visite à sei
honorés confrères du professorat, et ait passé quelques jours i Notre-Dame-de-Grices,
éloignée seulement de 18 kilomètres de Montbrison. (Notes particulières.)
On voit encore de nos jours, sur les bords du vieux chemin qui conduit du 'chflteau de
Vassalieu à la chapelle de Notre-Dame-de-Grâces, un énorme chitaignier dont le tronc
mesure près de 3 mètres de diamètre, sous lequel la tradition veut que l'illustre évêque soit
venu quelquefois se reposer de ses fetigues de professorat. Tous les Foréziens connaissent
le châtaignier de « Massillon ».
b CHAPITRE PREMIER
En arrière, vers le sud, le haut donjon de Chambles, dont
le front était déjà sillonné de rides, lorsque vinrent les
terreurs de Tan mil; la vieille tour féodale de Grantgent (i),
qui, du haut du rocher où elle est solidement assise, près de
la Loire, ressemble à un chevalier bardé de fer, gardant un
passage où Tennemi ne doit point passer.
Vaguement, tandis que le regard explore ce paysage et en
détaille les divers aspects, vaguement une comparaison se
fait dans l'esprit, entre ces rives de la Loire et les bords du
Rhin.
Les rives fameuses du fleuve allemand sont enserrées,
sans doute, entre des sommets plus abrupts ; mais, à coup sûr,
les lignes n'y sont point plus belles, ni les couleurs plus
riantes, ni les oasis plus pittoresques, à côté d'abîmes plus
profonds.
A vos pieds, enfin, regardez l'ondoyant cirque de collines,
d'où s'élance, vers le nord-ouest, la plaine du Forez, qui
s'élargit ensuite calme, majestueuse, semblable aux ailes d'un
immense éventail.
Mais de même que, sur une toile de maître, il y a toujours
un point saillant qui attire le regard du spectateur et fixe son
attention ; ainsi, dans le cadre pittoresque qui nous occupe,
il existe un point central vers lequel tout paraît converger :
c'est, à savoir, la ville même de Saint-Rambert, la petite cité
tranquillement assise au bord d'une balme, sur un lit de
verdure, et toute fière de montrer les deux vieux beffrois qui
dominent, de leur taille de géants, et son église romane et les
toits irrégulièrement surbaissés de ses maisons.
Elle est là, riche de ses souvenirs et fière de son passé,
(i) L'Ermitage de Grantgent est en ruines aojourd'bai, sanf la grande tour qui se tient
encore debout sur le roc où elle est fondée depuis plus de sept siècles, puisque une tran»
saction de 1173, passée entre Guy. comte de Forez et Guichard, archevêque de LyoUt
mentionne déjà Grantgent comme un lieu fortifié. (Aug. Broutin. Notices historiques sur
les OratoriêHS de Notre-Dame-de-Grdces, — Gallia Christ, Métropole de Lyon et de
Vienne, p. 243 et seq.).
La chapelle et la tour de Grantgent appartiennent à la paroisse de Saint-Just-aur-Loirc.
8 CHAPITRE PREMIER
avec ses rues tortueuses, il est vrai, mais si suggestives pour
rceil; avec son église romane qui incarne à la fois Tart médié-
val et les derniers efforts de l'architecture mérovingienne.
Le touriste s'empresse à dresser l'inventaire des merveilles
locales.
Il a hâte de franchir le seuil de la vieille porte du xii* siècle,
qui donne accès dans la cour du très ancien Prieuré de
Bénédictins, dont une charte de Conrad le Pacifique, roi de
Bourgogne et d'Allemagne, fait déjà mention en Tannée 971 (i).
Il a entendu parler du célèbre Prieuré de Saint- André-les-
Olmes (2) qui eut l'honneur et la joie de recevoir, autrefois,
le sacré dépôt des insignes reliques de saint Rambert,
martyr (3). Il a entendu vanter la fameuse chasuble du
XI* siècle, dans les plis de laquelle la tradition dit qu'elles furent
apportées. Il sait vaguement que l'église (Fig. 3) conventuelle
du Prieuré fut la première fille de l'abbaye de l'Ile-Barbe (4),
que les Prieurs de Saint-Rambert, tous seigneurs de la
ville, furent la plupart, et pendant huit siècles, des hommes
aussi remarquables par leurs titres de noblesse que par leurs
vertus religieuses et leurs qualités administratives (5) ; mais
(i) Cl. LB LABoomuR cite cette charte dans son !•' tome, cbap. XI V, p. 64, des Ma^ureM
de riie^BarbCt et noua la donnons aux pièces justificatÎTes, sous le n* i.
(a) C'est le nom que portait, à son origine, le Prienré de Saint-Rambert, sans doute à
cause des ormeaux qui l'ombrageaient, et jusqu'au jour de la Translation miraculeuse des
Reliques de ce saint, comme nous le verrons dans la suite de cet ouvrage. Ce nom de Saint-
André fut probablement donné par les religieux envoyés par Tabbaye de l'Ile-Barbe pour
fonder un Prieuré à • Occieu •.
(3) Elles furent apportées de Saint-Rambert-en-Bugey, à Saint-Rambert-en-Forez, vers
Tan 1078.
(4) Ce monastère fut certainement fondé avant le x« siècle, puisque la Charte de Conrad
le Pacifiqus le mentionne, en l'an 971.
(5) Parmi les Prieurs qui ont illustré le Prieuré de Saint-Rambert en Forez, nous citerons
entre autres : Hambert de Bouthéon (laoo): Humbert de Saint-Bonnet (ia33); Frère
Ytier Raybe, de la famille des dOJrfé (isSS) ; le cardinal de Gamon (i32q) ; Jacques
Robertet (1460) ; Jean de Bourbon, évèque du Puy (1468) ; Charles de Bourbon, archevê-
que de Lyon (1488); Antoine d'Albon, archevêque de Lyon (i556); Pierre d'ApinaCt
archevêque de Lyon (1574) ; Ferdinand de Neuville, évèque et seigneur de Saint-Malo
(i656) ; François-Paul de Neuville-Villeroy, archevêque de Lyon (1692) ; Emmanuel-
Henri Timoléon de Cossé-Brissac (1734) : Marie-Eugène Comte de Monjouvent, doyen
des comtes de Saint-Jean de Lyon (1766) ; l'Abbé de QrézoUes, vicaire général de l'arche-
vêché de Vienne (1788). Archives 4e la Lçire,
SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ A VOL d'oISEAU Q
il veut de plus amples renseignements, il veut voir de ses
yeux toutes ces merveilles.
Fidèle au culte des hommes et des choses du passé, il
regrette amèrement tout ce que le pic du vandalisme a
renversé et fait disparaître, et gémit de ne plus voir debout
ni les quatre portes (i), ni les remparts, ni les tours, ni les
fossés qui faisaient de Saint-Rambert, au moyen âge, une
ville forte et sûre.
Mais il ne veut pas quitter cette ville, ni dire adieu à ce
ravissant coin du Forez, sans avoir parcouru une à une, preuves
en mains, les phases de sa curieuse histoire. Pour lui, la vieille
cité de Sain t- Ram bert et les intéressants souvenirs qu'elle
garde d'un passé trop tôt disparu, c'est la partie pleine de
charmes et de vie, de cet immense panorama qu'il vient de
contempler du haut du crêt d'Essalois, panorama qui, dans
son esprit, fût resté comme un souvenir de nature morte, si sa
visite à Saint-Rambert ne Teût heureusement animé. *
Au surplus, la petite ville de Saint-Rambert, dont l'histoire
détaillée fera le sujet d'une étude particulière dans notre
second volume, n'a pas toujours porté le nom de son illustre
et royal patron.
Elle n'est appelée ainsi, dans les vieux parchemins, que
depuis le jour où les insignes reliques des saints Rambert
et Domitien furent miraculeusement transportées dans son
église, au xi" siècle.
Longtemps auparavant, et sans nul doute avant le
X* siècle, cette ville se nommait Occiacum (2) comme en
(i) La porte de Bost démolie en 1867. La porte de Brochorier démolie en 1881. La
porte du Poyet, démolie en 1881. La porte delà Ghana ou de Saint-Rambert, démolie
en 1898.
(2) ■ Occiacum ». Qui sait si ce nom Occiacum ou plutdt Oxiaeum avec la forme primitive
des siècles qui ont précédé le x*, ne serait pas un mot composé du mot • oxius • avec le
sufBxe « acus • réveillant l'idée de terres, de propriétés de la famille des Oxius, substantif lui-
même, tiré de Auctus, Auxius, noms dont des in«icription5 révèlent l'existence en Gaule. La
famille chrétienne des Auxius ou Oxius n'aurait-elle pas donné, aux moines de Tlle-Barbe,
des terrains dans notre région forézienne, a la condition d'y bfltir un monastère où l'on
10 CHAPITRE PREMIER
témoigne la Charte de Conrad, fils de Rodolphe II,
sous le 64* archevêque de Lyon : Burchard II, son
frère.
Dans cette charte, datée du i3* jour des calendes de
Septembre, an 971, et par laquelle le roi de Bourgogne,
d'Allemagne, de Lyonnais, etc., confirme à Heldebert, Abbé
du Monastère de TIle-Barbe (i), le prieuré de Saint-André
au pays de Forez, déjà fort ancien, d'après de la Mure,
dans cette charte il n'est fait mention ni de la ville de Saint-
Rambert ni de son Prieuré, mais seulement du monastère
de Saint-André (2), où le corps de saint Rambert fut
transféré depuis, comme nous le dirons bientôt au chapitre
VII* de cet ouvrage.
Or, ce Monastère, dit Cl. le Laboureur dans les
Ma:{ures de l'Ile-Barbe^ tome I, p. 66 ce estant situé
ff au lieu dit « Occiacitm, il est indubitable que ce petit
« lieu aujourd'huy inconnu, doit estre la ville de Saînt-
<c Rambert, qui a receu ce nom de la translation des
« reliques de ce saint, et de saint Domitien, en l'église
« de Saint- André. Ce qui arriva du temps du comte
<c Gillinus ou Widelinus (3) ».
L'Occiacum^ donc quelques médailles romaines retrouvées
dans son sol, confirment la haute antiquité à laquelle fait
allusion la Charte de Conrad le Pacifique, et que le Laboureur
prierait pour elle. De là, la fondation très ancienne du Prieuré de Saint-André, bien avant
le X* siècle. (Notes particulières.) Le R. P. Bullioud. Jésuite, dans son « Lugdunum
sacro prophanum •, s'exprime ainsi : Prioratus hic s. Regneberti in Foresiis dependet
ex Abbatia Insulœ Barbarœ, ex catalogi parv« et magns pancarte. Sed quis auctor et
fundator fuerit nondum didici, etc
(0 Heldebert et quelquefois Klodebert, 37* Abbé du monastère de TIle-Barbe dont saint
Dorothée est regardé le premier, par tous les historiens. Dorothée vivait au iip siècle et
Heldebert sur la fin du x*. [Gallia Christ. Métropole de Lyon et de Vienne, p. 716.)
{Ma\ures de Vile-Barbe, ch. XIV, p. 63, tome L Le Labourkur.)
(2) Cellam quoque de Occiaco cum Ecclesia sancti Andreac, capellamque juxta eam in
honorem sancti Cosmœ dicatam et Novellis, universaque illis adjacentia. (Voir le texte
authentique de cette charte, pièces justificatives n* i.)
(3) Voir le chap. suivant : Le Comte Guillaume.
SAINT-RAMBERT-EN-POREZ A VOf. d'OISEAU I I
appelle ici « Petit lieu », n'était, sans doute, à Tépoque où les
douze moines de TTle-Barbe (i) vinrent bâtir les cellules de
leur Prieuré et l'église Saint- André, qu'un petit bourg, c'est-à-
dire une petite agglomération de pauvres habitations, groupées
autour des murailles du nouveau monastère, et n'abritant
que quelques groupes de laboureurs, de pêcheurs et de
manants dont les bras étaient nécessaires aux religieux. Et
il en fut probablement ainsi jusqu'au jour où, les reliques du
glorieux martyr Rambert attirant de grandes foules de pèle-
rins, le petit bourg dut rompre ses langes pour s'épandre
sur la balme (2).
La primitive église, celle sans nul doute, que bâtirent à
côté de leurs cellules, les religieux envoyés de Tabbaye de
rile-Barbe, et qui fut dédiée à saint André, en souvenir de
leur monastère de TIle-Barbe, dont ce fut le nom primitif (3),
(1) Il n'y eut jamais a a Prieuré que is prébendes, dont let rentes senrirent de tout temps
à entretenir d'abord douze religieux, et ensuite douze chanoines, après la sécularisation du
prieuré en i55i. {Archives de la Loire, Fonds du Prieuré de Saint-Rambert.)
(3) L'Ocdacum primitif était probablement plus rapproché de la Loire, à cette époque
reculée, que la rille de Saint-Rambert de nos jours. Et cela, non point parce que
• Occiacum • avait quitté la balme, où il était bflti, pour se rapprocher de la Loire, nuis
bien parce que la Loire, en suivant la direction de l'ancien pont, dont on voit encore près
de Saint-Just la base des piliers, coulait droit par la grande route actuelle des Barques i la
ville de Saint-Rambert. s'avançait vers la balme qui porte la ville elle-même, passait dans
les terains bas de Pré-Glottre et de Fontchaut, et rasant la balme qui porte la chapelle de
Bonson allait, sans faire aucun coude, baigner les pieds du château de Bonthéon, d'où elle
est éloignée, de nos jours, d'un espace de 700 à 800 mètres. Ce changement de lit du fleuve
que tout le monde peut constater, de visu, en prenant pour point de repère les piles de l'an-
cien pont disparu et dont les matériaux sortent hors de l'eau, existait certainement et déjà
en 1348, puisqu'à cette époque un certain Jean Colombet, d'Anères, paroisse de Saint-Just.
fait, dans son testament, un legs pour l'œuvre du pont de Saint-Rambert, mais ajoute la
clause: Quand Usera construit en pierres : quaodo construetur de lapidibus. (Inventaire
somm., A. Chavbronoiek. Archives de la Loire. Fonds Saint-Rambert.)
(3) L'abbaye de ril»-Barbe, située dans une petite Ile au milieu de la Sadne, un peu
aa-dessus de Lyon dut, dit-on, son origine à deux chrétiens, dont l'un s'appelait Etienne
et l'autre Pérégrin, qui, s'étant retirés dans cet endroit, vers Tan 308, pour éviter les
persécutions, y bfttirent un oratoire. Les successeurs de ces saints anachorètes le firent
reconstruire, le mirent sous le vocable de saint André et fondèrent une Société d'ermites
sous la conduite de saint Dorothée. {Gallia Christiana. Métropole de Lyon et de Vienne^
p. 7 «3)
Ne semble-t-il pas, en effet, tout naturel que des religieux quittant par obéissance et sans
doute avec regrets, leur douce retraite de l'IIe-Barbe, pour s'en aller fonder un prieuré
sur une terre, à eux inconnue, aient, par reconnaissance et par amour du sanctuaire où ils
avaient vécu henreux, appelé du nom qu'ils aimaient leur nouveau monastère des bords
de la Loire ?
12 CHAPITRE PREMIER
remonte à une très haute antiquité. Le fondateur nous en est
resté inconnu il est vrai, mais si nous n*avons pas le plaisir
de faire connaître son nom béni à nos générations pieuses,
nous avons, du moins, la joie de leur apprendre que la fonda-
lion de cette église qui fut autrefois l'église priorale de Saint-
André-les-Olmes, remonte peut-être au vu* siècle, sous
Arige, évêque de Lyon (i).
D'après plusieurs auteurs (2), elle aurait été bâtie, ainsi que
son cloître, sur les ruines de quelque édifice romain, peut-
être même sur les ruines d'un temple élevé à quelque divinité
païenne.
Ce qui le ferait croire, ce sont les blocs de granit dont sont
faites les larges bases de ses murs épais, blocs étrangers
à nos régions, apportés là par la main de l'homme, et dont
les moulures, les entailles et les perforures offrent une preuve
certaine d'un premier emploi dans quelque construction
antérieure. Et comme leur développement n'est pas ordinaire,
et que, d'ailleurs, c'était la règle chez les Romains de
n'employer pour la construction des édifices publics que de
grands et gros blocs de granit, nous pouvons donc sans
crainte et par induction, avancer que notre église a succédé
à quelque édifice d'architecture romaine. Une autre preuve
de l'ancienneté de cette église, dont nous parlerons du
reste dans un autre volume, ce sont les pierres sur lesquelles
on voit encore des inscriptions romaines. Ces inscriptions
sont frustes, il est vrai, et ne peuvent que difficilement se
lire ; mais elles n'en restent pas moins comme un faisceau
de preuves irrécusables (3).
«
(1) Saint-Arige ou Arédias, évêque de Lyon (6o3-6ii).
(3) Aug. Bernard. Histoire du Fore^^ I vol., p. I33.
Augus. Broutin. Châteaux du Fore\, vol. I, p. 109.
P. BuLLiouD, Jésuite. « Lugdunum sacro profanum : Fundationes Abbatianim in
Diœcesi lugud. Index XII.
I
(3) Sur une de ces pierres, à gauche avant d'entrer, on distingue cependant encore la
silhouette des lettres formant le mot latin ALBANO que nos vieillards ont lu, il y a trente ou
SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ A VOL d'oISEAU i3
« Toutefois, dit Aug. Bernard, cette église peut bien se
passer de cette illustration de hasard, car n'aurait-elle, dans
ses archives, que son acte de naissance signé dans le premier
tiers du xi* siècle, ne posséderait-elle, dans son trésor, que les
insignes reliques du martyr saint Rambert, et Tétoffe de soie et
d'or qui leur servit de suaire, sur la fin du même xi* siècle,
cela suffirait abondamment pour la recommander à l'attention
et même à l'admiration des amateurs de l'art chrétien. »
Nous ne voulons point, ici, faire la monographie de ce
monument historique de style roman, dont les proponions
admirables, l'ossature puissante ont défié huit siècles, résisté
aux coups meurtriers de cent guerres, et aux ravages d'autant
de révolutions. Nous ferons ce travail intéressant dès les
premières pages de notre second volume de l'histoire reli-
gieuse et civile de Saint-Rambert.
Nous avons simplement voulu, dans ce premier chapitre,
rappeler au lecteur l'antiquité de notre église, son agran-
dissement par les religieux bénédictins du Prieuré, lors de
la translation des reliques de son illustre Patron, le grand
intérêt qu'elle offre, et lui montrer combien elle était digne
de recevoir, sous ses voûtes sacrées, les restes bénis du
saint auquel elle doit sa célébrité.
Notre vieille église n*a rien perdu de sa médiévale beauté ;
et, de nos jours, elle est encore digne de voir refleurir
le culte de son illustre Patron; comme aussi toute prête
à accueillir, avec bonheur, les pèlerins qui viendront vénérer
les précieuses reliques de sa belle châsse.
quarante tDt. Une autre inscription, réduite malheureusement i sa dernière ligne, V. S.
L. M. (votum soMt libens merto) se lit encore sur une pierre de la façade. (D'après
M. Vincent Durand.)
Et eoTiron i 4 ou S mètres au-dessus du sol, on aperçoit uo médaillon qui indique la
plus haute antiquité, mais que le bras d'une lampe électrique est venu malheureusement
endommager.
CHAPITRE II
LE COMTE GUILLAUME '
DES COMTES DE FOREZ ET LYONNAIS
Première race (xi* siècle)
Avant de dérouler sous les yeux du lecteur la longue
chaîne des faits intéressants qui se rattachent à la vie, au
martyre de saint Rambert, et surtout à la miraculeuse Trans-
lation de ses reliques et de celles de saint Domitien, du
pays de Bugey au pays de Forez, il nous a paru utile, pour
l'intelligence des choses que nous allons narrer, de faire
l'histoire abrégée du noble seigneur, à la piété duquel nous
devons, après le personnage inconnu qui eut mission de
nous les apporter, les précieuses et insignes reliques des
saints Rambert et Domitien.
Si nous ne suivions ce plan dans ce deuxième chapitre,
après avoir, dans les pages précédentes, pris soin de faire
connaître par une description sommaire, les lieux où se sont
accomplies les merveilles dont ces lignes vont contenir le
récit, le lecteur se trouverait dans une situation semblable à
celle d'un homme qui, transporté soudain dans un pays
(Il Les notes qui ont servi i élaborer ce chapitre ont été extraites, en partie, de l'intéressante
Souvtlle Histoire de Lyon, par M. A. StiybrT) 3 vol. Lyon, Bernoux et Cumin, 1899.
l6 CHAPITRE II
étranger au sien, est surpris, étonné de tout ce qu'il voit,
de tout ce qui se passe autour de lui, et ne sait plus
où il en est, par la bonne raison qu'il ignore la langue,
les coutumes et les mœurs du pays où il est arrivé
soudainement.
Comte, vient du latin cornes qui veut dire compagnon.
Ce fut d'abord un titre de dignité ; ainsi, au temps de la
République romaine ce nom était donné aux tribuns, aux
préfets et aux scribes qui accompagnaient les proconsuls,
les propréteurs et autres officiers civils et militaires envoyés
dans les provinces.
Plus tard, sous Auguste, Domitien et Constantin, il ne fut
plus qu'un titre de domesticité. L'empereur Auguste appe-
lait de ce nom tous les officiers de sa maison impériale,
choisis dans les familles sénatoriales.
Sous les derniers empereurs, un certain nombre de minis-
tres, ceux qui présidaient aux finances, à la perception des
impôts, à l'administration des revenus publics, le grand
maître du palais et certains gouverneurs militaires de villes,
de provinces, etc., portaient aussi le titre honorifique de
comte.
Sous les rois Mérovingiens et Carlovingiens, les gouver-
neurs de provinces étaient des comtes très puissants auxquels
le capitulaire de Kiersy-sur-Oise (877) reconnut le droit de
transmettre leur dignité à leurs descendants.
Depuis cette époque, le titre de comte a été un des plus
élevés de la hiérarchie féodale. Les comtes venaient après
les ducs et après les marquis ; et, grands propriétaires, ins-
titués pour rendre la justice, investis de fonctions très éten-
dues, indépendants, ils contrebalancèrent souvent la puissance
royale, jusqu'au moment où les rois leur ayant enlevé tout
pouvoir, il ne leur resta qu'un titre et des privilèges honori-
fiques.
Les concessions faites par le fameux capitulaire avaient,
LE COMTE GUILLAUME I7
du reste, puissamment favorisé Tinstitution de cette hérédité.
En Burgondie, on n'avait pas profité des faveurs octroyées
par redit, parce que l'aristocratie burgonde ne voulait point
de maître, et prétendait se gouverner elle-même. N'avait-elle
pas réclamé sous Clotaire II l'abolition de la dignité de major-
dome ? Mais sous le règne de Conrad dont la main faible ne
sut pas tenir les puissants du royaume dans le devoir et
l'obéissance, il fut facile aux ambitieux de s'emparer du pou-
voir. Du nombre de ces hommes puissants et résolus fut alors
un jeune gentilhomme nommé Arthaud, plein de fougue et
d'ambition, fils de Gérard, noble lyonnais et de Gimberge,
dame forézienne, lequel avait de grandes possessions dans
les deux régions du Forez et du Lyonnais, en même temps
que de nombreux amis et clients prêts à suivre sa fortune.
Investi de la charge de comte de Lyon, à titre temporaire
probablement, il parvint à obtenir du roi Conrad que la
charge de Comte de Lyon lui fut attribuée à titre héréditaire.
Cela lui fut d'autant plus facile que le prélat, qui occupait
alors le siège de Lyon, était un homme pacifique, plus dévoué
aux intérêts religieux qu'aux avantages temporels de sa
dignité.
Mais Amblard étant mort (i) en 978, le roi Conrad plaça
sur le siège archiépiscopal de Lyon son propre fils, Burchard II.
Celui-ci, en sa qualité de prince royal, ne pouvait voir avec
indifférence sa propre autorité amoindrie par ce qu'il devait
considérer comme une usurpation. Il contesta au comte
laïque les nouveaux droits qu'il avait obtenus, peut-être
même arrachés à la faiblesse du roi son père.
Il y avait, dans cette affaire, un double sujet de conflit :
d'une part, la dignité; de l'autre, le droit utile affecté à la
charge elle-même.
« Les hauts fonctionnaires de cette époque étaient rému-
(1) AmbUrd, archevêque de Lyon, 957-978.
l8 CHAPITRE II
«r nérés, non par des appointements, comme de nos jours,
« mais avec les revenus de propriétés foncières dont on leur
(c concédait l'usufruit.
« Les dignitaires ecclésiastiques étaient de même gratifiés
(c de domaines pour leur usage personnel. Mais lorsque,
(( comme à Lyon, le pouvoir était partagé entre un ecclé-
(c siastique et un laïque, il en résultait une virtuelle co-
« propriété ; et les biens appartenant soit au siège épiscopal,
(C soit à la dignité de comte, étaient de même condition
a comme de même origine.
<ir Le comte Ârthaud I réclamait la même situation ;
c( l'archevêque Burchard ne voulut sans doute lui reconnaître
4c que les droits afférents à des bénéfices précaires (i) ».
De là un conflit entre le comte Arthaud I et l'archevêque
de Lyon ; conflit malheureux qui, vers l'année 98 5, avait
dégénéré en une violente guerre civile dans tout le Lyonnais.
La paix, croit-on cependant, était faite dès les premiers
mois de 993, entre les deux adversaires, sur la grave question
du Roannais qui, ayant voulu profiter de la guerre intestine
du Lyonnais pour se séparer de cette province et se rendre
indépendant, trouva devant lui, à cette heure, unis dans une
même idée de répression d'une semblable défection, les
deux ennemis d'hier, le comte Arthaud I et l'archevêque
Burchard IL
Le comte Arthaud I fut un homme abandonné à toutes
les violences d'un tempérament exubérant. Il avait guerroyé
comme on guerroyait alors, en semant autour de lui les
ruines et la désolation.
Il avait causé à l'Eglise de Lyon de grands préjudices...
Mais avec l'âge il s'était calmé, et suivant la coutume
des hommes simples de ce temps, qui, sous une écorce
dure, cachaient une âme croyante, tremblant à la pensée
(1) M. A. Stbtert. Nouvelle Histoire de Lyon.
LE COMTE GUILLAUME 19
de la justice de Dieu, il reconnut ses torts, et se repentit.
Pour réparer les dommages qu'il avait faits autour de
lui, il fit des dons généreux aux églises ; puis également
à celle de Lyon, son ancienne ennemie. Arthaud I
mourut vers 999, et fut enterré à Saint-Irénée, une des
églises qu'il dota généreusement, après lui avoir causé bien
des maux.
Le comte Arthaud I avait deux frères, Etienne et
Umfred qui restèrent dans la condition de simples
particuliers. En mourant, il laissa une veuve et deux
enfants mineurs : Arthaud II, l'aîné, qui vécut peu de
temps, et ne laissa pas de traces dans l'histoire ; et
Gérard, le second, qui succéda à son frère vers 1017.
Gérard I apparaît dans l'histoire comme exerçant à cette
époque, de concert avec l'archevêque Burchard II, le
droit de co-propriété qui avait motivé la guerre sou-
tenue par son père; ce qui prouve l'union parfaite entre
les deux pouvoirs ecclésiastique et laïque. Le grand
comté de Lyon comprenait alors : le Lyonnais, le Forez
et le Roannais.
Le comte Gérard I mourut vers l'an 1039, environ
huit ans après l'archevêque Burchard II, qui avait occupé
le siège de Lyon de 978 à io3i. Il avait eu trois fils:
Arthaud III qui lui succéda, Umfred et Guillaume qu'il avait
fait asseoir, quoique encore enfant, sur le siège épiscopal de
Lyon, mais qui fut expulsé par le clergé, aidé des habitants.
Arthaud III avait probablement accompagné Halinard,
archevêque de Lyon (i 046-1052), à Rome et assisté au cou-
ronnement de l'empereur Henri III d'Allemagne, dit « le
Noir » (1046). Il était revenu de ce pèlerinage avec des
idées pieuses et pacifiques, puisque nous le voyons augmenter
les biens que son père avait accordés à labbaye de Saint-
Michel de l'Ecluse, qu'il visitait pendant son voyage. D'ail-
leurs, n'ayant à craindre autour de lui aucune compétition,
20 CHAPITRE II
il travaillait à maintenir dans son comté la concorde qui
avait régné sous le pontificat d'Odolric, archevêque de Lyon
(1041-1046).
Toutefois, convaincu comme ses prédécesseurs que l'aris-
tocratie bourgeoise lui était hostile (elle avait résisté, je viens
de le dire, à Tinstallation de son frère sur le siège
archiépiscopal), il chercha à s'établir solidement en Forez,
et choisit Montbrison pour en faire la citadelle de son
pouvoir.
Il avait, il est vrai, de concert avec Humbert de
Beaujeu, guerroyé injustement contre Tarchevêque de
Lyon, Humbert I (i 064-1 076); il avait, par ses violences,
désolé non seulement les domaines de l'Eglise de Lyon,
mais encore mis en péril les monastères étrangers à la
querelle, dont Humbert de Beaujeu et lui, étaient les
deux fauteurs. Nous savons même que le pape Grégoire
se vit obligé, pour mettre fin à la tyrannie des deux
ennemis de l'archevêque, de lancer contre eux les foudres
ecclésiastiques. Mais l'histoire nous apprend aussi que l'année
après (1077), Arthaud IV mourut plein de repentir, laissant,
de sa femme Raimonde, un fils pour successeur : le comte
Guillaume, nommé faussement Gillin et Widelin, celui
précisément dont nous aurons l'occasion de parler dans le
cours de cet ouvrage (i).
Guillaume, héritier de tous les biens de son père et de son
titre de comte de Forez et de Lyonnais, commença à exercer
(i) Gillin, qui est évidemment une mauvaise transcription par un copiste moderne, de
la forme abrégée Guillus pour Guillelmus, ne se trouve que dans une copie du xvii* siècle
de Tobituaire de saint Jean. Celui de saint Paul porte correctement Willetmus.
La copie de la légende de la translation des reliques de saint Rambert, publiée dans les
Preuves de l'Histoire des Ducs de Bourbon et des Comtes de Fore\ (La Mure, t. III, p. i6,
n* 22 bis) porte également Guillelmus et non Gillinus, version que lb Laboureur a
adoptée à tort, sur la foi de Tobituaire de saint Jean*
Quant à Vuidelinus, ce nom ne se trouve que dans les copies modernes du Cartulaire
de Savigny. Mais une autre copie, exécutée en 1700. porte Guillelmus. La question est donc
résolue sous le rapport paléographique; mais fût-elle obscure, elle se trouverait tranchée
d'une manière décisive par la chronologie et les faits historiques pour lesquels je renvoie à
mes notes sur la Murb« t. I, p. 101, 104 et 106. (Notes de M. André Steyert.)
LE COMTE GUILLAUME 21
le pouvoir dans le temps que l'empereur Henri IV était en
guerre avec Rodolphe, duc de Souabe, alors que le savant
moine Hildebrand occupait le Saint-Siège sous le nom de
Grégoire VII et que saint Jubin (Gebuinus) gouvernait
TEglise de Lyon (1070- 1088).
Le comte Guillaume était un seigneur très bienfaisant.
Il fonda, dans son propre château de Montbrison, un hôpital
qu'il dota généreusement, combla de ses libéralités l'illustre
cathédrale de Lyon et la collégiale de Saint-Paul à laquelle
il fit don, entre autres choses, d'éperons d'or enchâssés de
pierreries, valant mille sols d'or, grand prix pour ce temps-là,
et d'un hanap ou coupe d'une valeur de 160 sols de la même
monnaie.
Il fut particulièrement généreux pour le prieuré de
Saint-André-les-Olmes qu'il aimait et visitait sans doute
souvent, car, d'après la légende du Bréviaire de ce prieuré
relatant le grave événement de la translation miraculeuse
des Reliques de saint Rambert, nous voyons qu'il y est
nommé « le Père temporel » (i), c'est-à-dire l'ami, le
proviseur dudit prieuré.
C'était, du reste, un homme d'une grande piété. La
légende que nous allons mettre sous les yeux du lecteur au
chapitre VIP de cet ouvrage, respire un tel parfum de dévo-
tion que l'on ne peut refuser à ce prince, providentiellement
mêlé aux péripéties de la translation de nos Saintes Reliques,
l'honneur d'avoir été un homme craignant Dieu et le ser-
vant avec fidélité.
Guillaume I couronna dignement sa pieuse carrière par
une mort héroïque sous les murs de Nicée. Entraîné par ses
sentiments de foi autant que par son courage, il avait pris la
Croix, en logS.
(0 Ërat enim prafati monasterii Pater ^ quem temporalem vocant. Bréviaire du
Prieuré de Saint-Rambert, office de la Translation des Reliques. Voir aux pièces iuitifi-
catÎTet, o* 3.
22 CHAPITRE II
Il rejoignit l'armée de Godefroy de Bouillon devant Nicée
et contribua, dès les premiers moments de son arrivée, à la
victoire remportée sur l'armée de secours des Musulmans.
Guillaume acquit bientôt une haute réputation de vaillance :
« Wuillelmus de Foreys omni virtute et poieniia bellica
a prœclarus » (i), en même temps qu'il acquit un des
premiers rangs dans les conseils de l'armée, où il était
considéré comme l'un des « fortes consiliarii et autores
« rerum capitalium » (2).
C'est, emporté par sa brillante ardeur qu'il fut tué d'un
coup de flèche, au second assaut. Sa mort excita les regrets
de toute l'armée « de sa perte... furent mult adolé en Vost^
« mes mult les réconfortait que tuit avaient ferme espérance
« que nostre Sires^ qui en son service le prenait^ lui guer-
« donnerait mult hautement à tous jars ».
Telle fut la fin glorieuse du dévot promoteur du culte de
saint Rambert, dans notre région forézîenne.
Le comte Guillaume I laissa de sa femme Vandalmonde,
deux fils encore jeunes, et qui lui succédèrent l'un après
l'autre. L'aîné, Guillaume II, préféra l'héritage de la piété
et des vertus de son père à celui de ses biens et de ses titres *,
il renonça à la dignité de comte pour se faire Chartreux (3),
et vivait encore dans la solitude, en 1 135. Le cadet Eustache,
si Ton en croit une très ancienne légende, fut assassiné par
son vicomte, un seigneur de Lavieu, dont il avait outragé
l'honneur conjugal.
Avec ces deux fils du comte Guillaume I, finit la première
race de nos comtes héréditaires de Forez et Lyonnais. Elle
(1)1 Guillaume de Forez réputé pour toutes les vertus et pour ses talents militaires. •
(2) c Guillaume de Forez était très estimé et compté parmi les plus forts conseillers et
auteurs des principales entreprises. »
(3) Il n'y avait pas longtemps que saint Bruno, né à Cologne, en io3o, s'était retiré dans
un lieu désert du Dauphiné appelé la « Chartreuse », d'où l'Ordre qu'il y éublit en 1084,
tira son nom.
LE COMTE GUILLAUME 23
avait duré moins de cent cinquante ans, fourni six comtes
(peut-être sept, en faisant entrer en nombre Umfred) (i).
Le pieux événement de la translation des Reliques des
saints Rambert et Domitien, auquel fut providentiellement
mêlé le comte Guillaume I, nous faisait un devoir sacré de
transmettre son nom à la postérité, après celui de ses illustres
ancêtres.
Eclairer le lecteur sur ce seigneur, qui doit être cher aux
cœurs foréziens, et sur sa noble famille qui fut la première
du Forez ; offrir notre tribut de reconnaissance et d'admi-
ration à un insigne personnage, aux ancêtres duquel nous
devons la grandeur de notre province : tel est le double
motif qui nous a déterminé à retracer en quelques pages,
l'histoire abrégée de nos premiers comtes de Forez et de
Lyonnais.
(i) La deuxième race des comtes de Forez et Lyonnais eut pour tige un neveu du comte
Guillaume I, fils de sa sœur Ide, surnommée Raymonde, du nom de leur mère. Elle avait
épousé Guy, dit Raymond, à cause d'elle, et second fils de Guy V, dit le Vieux, comte de
Viennois, d'Albon et de Graisivaudan.
Ce fut ce Guy-Raymond, qui, héritier des comtés de Forez et de Lyonnais, trouva
tontes choses dans un état prospère, grâce à la paix heureusement maintenue depuis 38 ans
avec l'Eglise de Lyon. (André Stetekt. Nouvelle Histoire de Lyon.)
SAINT RAMBSRT, MARTYR
(D'aprttuDTiirail
t l'Eglise de Siinl-R4intMrt-cn- Forci).
CHAPITRE III
MARTYRE DE SAINT RAMBERT
VERS L'AN 680 (I)
Dans tout combat, la victoire est h celui qui a terrassé son
ennemi. Mais dans la lutte que le chrétien doit soutenir ici-
bas contre les adversaires de sa foi, il en va tout autrement :
un chrétien n'est vraiment victorieux qu'autant qu'il se laisse
immoler.
Sur un champ de bataille, les honneurs du triomphe sont
au soldat qui vaillamment a manié son épée et qui Ta, au
péril de sa vie, rougie du sang de l'ennemi.
Pour le chrétien, s'il ne tombe pas mort dans le combat,
son mérite est moins grand, et a moins de valeur que celui
du martyr qui succombe avec résignation.
La mort, pour nous fidèles serviteurs d'un Dieu crucifié,
la mort est le triomphe de notre foi; et nous chantons victoire
(i) Extraits desAeta sanctorum die décima tertia^ mentis junii, 3* volume des Grands
Bollaudistes, imprimés en 1867. •
— Voir tussi Histoire Ecclésiastique du Diocèse de Lyon, par J.-M. db la Murb, prêtre,
docteur en théologie, etc., chaDoine de l'Eglise collég. deN.-Dame de Mootbrisoa, page
370, édition de 1671.
— Cf. Histoire hagiologique de Belley, par M. Depért, Tlcaire général, tome I•^
pages 89 et suivantes.
26 CHAPITRE III
quand, de notre chair meurtrie par les coups, le sang coule,
comme coulait le sang divin sous les fouets de la flagellation.
A nouveau combat il faut nouvelle tactique; et c'est
pourquoi nous voyons les athlètes du Christ, les martyrs,
dédaignant Tacier redoutable, aller au supplice armés
seulement de la foi et de la constance chrétienne.
Mourir résigné en regardant la Croix du Calvaire, pour le
chrétien c'est mourir victorieux.
Saint Rambert est tombé victime du glaive homicide, et
par sa mort il a vaincu ses ennemis. C'est ainsi qu'il est
parvenu à la gloire céleste, récompense de son sang versé.
S'il fût resté sain et sauf au milieu du combat, il ne
jouirait point, maintenant, de l'éclatant triomphe qui est le
prix du sacrifice.
Et pour quelques jours de souffrances endurées patiem-
ment sur cette terre, il a l'éternelle joie de nager au sein de
délicieuses voluptés, dont le prix et la splendeur vont au-
delà de tout ce que Tesprit humain peut concevoir, selon qu'il
est écrit :
« Uœil de Phomme rCa rien vu^ son oreille rien entendu^
« son cœur rien éprouvé de toutes les joies que Dieu a
« préparées à ceux qui l'aiment (i). »
Saint Rambert (2) était issu d'une des plus illustres
familles de France, alliée à celle des rois de cette nation.
Son père, le très noble duc Ragdebert, était alors (vu* siècle),
u) IsaU, 64,4. Saint Paal, I. Corinth,^ a, 9.
(3) Saint Rambert se dit quelquefois, en latin, Rayfnbertus et même RambertuSf mais plus
proprement et ordinairement S. Ragnebertus.
Ce prince de sang royal, sous la première lignée de nos rois, d'après une charte de
l'abbaye de Saint-Denis en France, rapportée par du Tillet, charte donnée par le roi
Clovis U et datée de Clichyi l'an seizième de son règne, qui tombe en Tannée 622, Rambert
(notre saint) est le troisième des quatre grands du royaume qui y signent, et, après lui,
signe Ebroîn qui, depuis, fut maire du Palais, sous le roi Théodoric !•% et en cette qualité son
tyran et son persécuteur. (La Murk, dans son Histoire du Diocèse de Lyon, page 370,
édition de 1671.)
MARTYRE DE SAINT RAMBHRT 27
gouverneur des provinces comprises entre la Loire et la
Seine.
Placé, au sein même de la Cour royale, entre les mains de
maîtres vertueux qui lui enseignaient la religion et les lettres
humaines, ce jeune athlète du Christ ât de si rapides progrès
dans la piété et la science, qu'on vit bientôt, en lui, la noblesse
du savoir et de la foi remporter sur la noblesse du sang.
Cœur vaillant, esprit prompt et élevé, soldat habile au
maniement des armes, administrateur sage et diplomate
consommé, à Tâge où d'autres se livrent encore aux jeux de
Fenfance, il brillait déjà du vif éclat qui jaillit des hautes
qualités dont le monde est Tadmirateur. Et cependant, au
milieu des flatteries et des adulations du siècle, il n'oublia
jamais d'aimer Dieu de tout son cœur et de le servir avec
zèle.
Chrétien convaincu, il ne perdit jamais de vue le Ciel qui
est le but auquel nous devons tendre. C'est là qu'était son
trésor; c'est là qu'aboutissaient toutes ses affections; là qu'on
le voyait diriger tous les efforts de sa volonté, tous les actes
de sa vie.
Et voyait-il autour de lui les envieux se multiplier, il
aimait mieux souffrir en silence, mépriser les pièges tendus
à son honneur et à sa vie par la malveillance, que de se
plaindre et de rendre le mal pour le mal.
Mais il est nécessaire, pour la clarté des faits qui vont
suivre, de faire l'esquisse rapide de la situation dans laquelle
se trouvait, à cette époque, l'empire des Francs.
Clovis II (i) qui, par la mort de son frère Sigisbert et par
(i) Roi des Franci (638-656). • Le roi Clovis H govvernt son royaume paisiblement;
« sans guerre et sans bataille tut tous les {ours de sa vie. Une fois vint en l'église de Saint-
• Denis, ainsi comme mauvaise fortune le menait^ pour déprier les saints martyrs. Et pour
« ce que il voulait avoir aucune alliance d'eux tout adcs avec soi, il commanda que les cbflsses
« des martyrs fussent atteintes ; après les fit ouvrir, et disjoindre par toile présomption le
« vessel en quoi le précieux corps saint repose, moins religieusement le regarda que il
« ne dut. Jaçoit ce que il fit par dévotion, si lui ne suffit pas le regarder tant seulementf
V aios brisa l'os de l'un des bras et le ravit. Et le martyr montra bien tantôt que il ne lai
28 CHAPITRE ni
l*exil de Dagobert II, son neveu, avait un instant réuni sur
sa tête les deux couronnes de Neustrie et d'Austrasie, venait
de mourir en laissant trois enfants en bas âge : Clotaire,
Childéric, Thierry (656).
Clotaire III (i) eut la Neustrie, Childéric II (2) TAustrasie;
quant à Thierry, tantôt dépouillé, tantôt tout puissant,
triste jouet entre les mains d'un ambitieux, il passa
alternativement du cloître au trône et abandonna, enfin, le
sceptre pour revêtir définitivement le froc du moine.
Une noblesse mécontente et inquiète, avide de boule-
versements et de révolutions, parce qu'elle sait y trouver un
accroissement à ses privilèges, se sert de son nom pour
recommencer ces tristes guerres civiles que la succession de
Clovis avait ouvertes, et qui devaient avoir pour résultat la
scission de TAustrasie et de la Neustrie, la création des ducs,
des Francs orientaux, l'élévation de Pépin et, plus tard,
l'avènement d'une monarchie usurpatrice.
Tout est trouble à cette époque : d'un côté deux peuples,
enfants de la même patrie, appartenant à la même nation et
pourtant rivaux; de l'autre, deux civilisations opposées.
« plaisait pas dont son corps était ainsi traité : car le roi fut tantôt si espoenté et si ébahi
« que il chaït en frénésie et perdit son sens et sa mémoire, en cette heure même ; tantôt fut
« le moustier rempli de ténèbres et d'obscurité; une peur si grande prit soudainement à
« tous ceux qui là étaient, que ils se mirent à la fuite. Le roi donna puis aucunes villes au
« martyr pour l'apaiser ; et pour ce que il recouvrit son sens et sa mémoire, l'os que il
• avait follement deseuré du corps, fit vêtir et orner d'or pur et de pierres précieuses, et le
« fit mettre en la châsse avec le corps. Pour cette raison peut-on prouver que le corps du
« glorieux martyr git laïens entièrement; quand il ne put oncques souffrir que un petit
a osselet fut ôté de son bras ni démembré de son corps. Le roi, toutefois, recouvra son sens
• en partie, mais non pas entièrement ni en tel point comme il l'eut devant eu ; si ne vécut
« pas puis moult longuement, car il trépassa au chef de deux ans après ce que ce lui fut
■ advenu (656).
• Ce roi Clovis H eut femme qui fut du lignage de Saisoigne. Bathilde avait nom, sainte
« dame et religieuse et pleine de la peur de Notre-Seigneur; et si était sage dame et de
« grande beauté si fut celle que Ton dit sainte Bathilde de Chelles. ». {Gestes de Dagobert, 5i
— Chroniq. de Saint-Denis^ V, 22, publiés par B. Zbller, maître de conférences à la Faculté
des lettres de Paris, 1881.)
(i) Roi de Neustrie et de Bourgogne (656-670).
(2) Roi d'Austrasie en 660, de toute la France en 670, assassiné par Bodillon en 673,
dans la forêt de Chelles.
J
MARTYRE DE SAINT RAMBERT 29
la civilisation germanique et la civilisation romaine,
s'apprètant à renouveler cette lutte mémorable que les
historiens ont personnifiée dans deux reines : Brunehaut et
Frédégonde !
Toute autorité royale ayant à peu près disparu, le règne
des rois fainéants commence. C*est à qui s'arrachera les
derniers débris d'un pouvoir à l'agonie. L'usurpateur est
d'ordinaire un maire du palais : Erchinoald, Ebroin, Vulfuad,
Bertaire ou Pépin d'Héristal.
Il attaque, par lui-même ou par les siens, tous ceux qui ne
s'unissent pas à lui pour panager ses rapines; et ses excès
sont d'autant plus grands, qu'il n'existe aucune force publique
capable de les réprimer.
Alors se forme, contre lui, une coalition de tous ceux que
révolte l'arbitraire ou qui ont à se plaindre de son despotisme.
Les chefs ne manquent pas; la féodalité les fournit et la
guerre civile s'organise, non au profit de l'autorité royale,
ni de quelque principe supérieur, mais au profit d'un seul
tyran brutal qui ne respecte rien et ne reconnaît d'autres
lois que ses volontés (i).
Ce fut au milieu de ces conflits d'ambitions individuelles,
alors que la dignité royale était aux mains des grands du
royaume, que le jeune Rambert cueillit la palme du martyre.
Parmi les usurpateurs de la royauté, vivait à la Cour un
homme impie et sanguinaire, Ebroin (2), maire du palais.
(1) Cette esquiMe rtpide de U situation de Tempire des Francs est empruntée, en partie, à
la Vie des Saints par une réunion d'Ecclésiastiques et d'écriTains catholiques. Tome IVy
pagt 10. Vie de saint Léger f passim.
{2) Lu Rois fainéants. — La famille de Clovis et de Mérovée décline vite. Dés l'année 638
ne parurent plus sur le trône que des rois enfants ou incapables, les rois fainéants. Chaque
année^sur un lourd chariot traîné par des bœufs, le roi se rendait à l'assemblée générale
des Francs qu'on appelait « Champ de Mars ». Puis, il rentrait oisif dans sa villa perdue
au fond de quelque forêt.
Le Maire du Palais* -> La surveillance de cette villa, son palais, était confiée à un
maire du Palais. Le Maire jugeait les querelles des « Leudis », conduisait l'armée. Il était
1^ tuteur des princes enfants. Ce fut le vrai roi. (Hist. et civilisation de la France, par
Gustave Ducouorat.)
3o CHAPITRE m
D'une basse origine, ce tyran fameux dans nos annales par
ses atrocités, était parvenu à force de crimes, à la plus haute
dignité du royaume. L'illustre épouse de Clovis II, la
vertueuse Bathilde (i), sut bien lui en imposer quelque
temps par l'ascendant de ses rares qualités; mais le ministre
hypocrite, ambitieux, ennemi de Dieu et des saints, réussit
bientôt à se débarrasser d'une surveillance dont la pieuse
activité mettait un obstacle à l'accomplissement de ses noirs
desseins.
Devenu maître de tout par la retraite de cette reine, il mit
toute son ardeur impie à bannir du royaume, à enlever à
leur famille pour les faire mourir, les nobles rejetons de la
très illustre race des Francs; tous ceux, en un mot, dont il
avait à redouter quelque rôle important dans les affaires de
l'Etat (2).
Quant à ceux que la mollesse avait déjà énervés, que la
débauche avait amollis ou qu'avaient avilis de basses alliances,
il sut les combler d'honneurs, au point qu'aucun d'eux n'osa
plus résister aux ordres de l'hypocrite protecteur.
Après la mort de Clotaire III (3), il mit sur le trône
(i) Bathilde (sainte), femme de Clovis H. gouverna pendant la minorité de ses fils: Clovis HI,
Childéric H et Thierry. Elle mourut en 680 au monastère de Chelles (Seine-et-Marne).
(2) a Après la mort du roi Clovis H, couronnèrent les Francs, Clotaire UI un sien fils,
« l'aîné de ses trois fils; il gouverna le royaume entre lui et sa mère la reine Bathilde. Lors
« furent les Francs en doute de qui ils feraient Maire du palais. En la parfin, en élurent
« un qui avait nom Ebroîn. Ce fut lui qui fit martyriser saint Léger, évêque d'Âutun. >
Gestes des Rois de France. — Chron. de Saint^Denis^ Y, 23, publiés par B. Zbllbk,
etc. 1881.
(3) « Bientôt le roi Clotaire III (670) appelé par le Seigneur, sortit de cette vie. Ebroîn
« aurait dû convoquer solennellement tous les grands et élever au trône le frère du roi
«c Théodoric (Thierry III); mais son orgueil l'empêcha d'agir ainsi. Alors une multitude de
« nobles qui s'empressaient de se rendre auprès de Théodoric, ayant reçu d'Ebroîn Tordre
■ de rebrousser chemin, se réunirent en conseil, et tous offrirent à Childéric II, frère cadet
« de Théodoric (Thierry III). lequel régnait en Austrasie, le royaume de Neustrie, aussi
« bien que celui de Bourgogne. Le tyran/ alors, voyant que cela se passait à cause de ses
« crimes, se réfugia au pied d'un autel dans une église; son trésor fut à l'instant même
« envahi, et ce que cet homme injuste avait amassé méchamment, fut dissipé sur l'heure.
« Alors quelques évèques, et particulièrement Léger, intercédèrent en sa faveur et obtinrent
< qu'il ne serait pas mis à mort. II fut envoyé en exil au monastère de Luxeuil pour y
« laver, par la pénitence, les crimes qu'il avait commis (671) {Vie de saint Léger, êi'èque
« d^Àutun, •
MARTYRE DE SAINT RAMBERT 3l
Thierry III. Mais la haine que les Francs gardaient au
ministre despote et cruel, rejaillit sur le roi. Thierry III fut
chassé du trône et la couronne placée sur la tète de
Childéric II (i).
Quant à Ebroïn et à son royal protégé Thierry, ils furent
rasés et enfermés dans le monastère de Luxeuil. Pendant
les vingt années que Tex-maire du palais passa dans cette
sainte demeure, il ne fut qu'un apostat livré à l'esprit de
mensonge et d'hypocrisie.
Cependant Childéric mourait en 673. Thierry III, tiré de
sa retraite, fut alors replacé sur le trône en vertu du principe
de légitimité. Dégagé, du même coup, des liens qui jadis
enchaînaient ses destinées à celles du perfide Ebroïn, Thierry
choisit Leudésie pour maire du palais.
Mais, au fond de sa prison, l'avide et insatiable Ebroin
surveillait la marche des événements qui se déroulaient
autour du trône, nouvellement occupé par le compagnon de
son exil.
Trompant, un jour, la surveillance de ses gardiens, il
s'échappe du monastère de Luxeuil, s'introduit à la Cour,
fait assassiner Leudésie et supposant un Clovis, qu'il disait
être le fils de Clotaire III, il parvient à le faire couronner
sous le nom de Clovis III. Ce n'est pas tout. Il fallait faire
reconnaître à la nation ce fantôine de monarque. Ebroïn,
pour faire acclamer le nouveau roi, ne recule devant aucuns
moyens violents. Il ravage, pille, incendie les provinces et
les villes qui refusent de se soumettre à sa tyrannique
(1) Clovis III, Childéric II et Thierry III, les trois fils de Btthilde, femme de Clovis II.
roi des Francs. Childéric fit venir son 4rère en sa présence pour s'entretenir avec loi ; mais
quelques-uns des principaux du royaume, croyant faire une chose agréable à Childéric,
osèrent couper les cheveux de leur maître) et le présentèrent dans cet état à son frère*
Childéric l'interrogea et lui demanda comment il désirait qu'on le traitflt. Théodoric
(Thierry) répondit qu'il avait été injustement chassé de son royaume, et ne désirait que le
Dieu du ciel pour juge. Alors« on lui ordonna de se rendre au monastère de Saint- Denis;
il y vécut en secret et y demeura jusqu'à ce que ses cheveux eussent repousse. (VU de
saint Léger.)
32 CHAPITRE m
autorité. Et lorsque, forcé par les armes, le faible Thierry lui
a remis la charge de Maire du palais, le ministre cruel
renvoie son faux Clovis dont il n'avait que faire, et dès lors,
s'abandonne à tous les excès de la tyrannie la plus hideuse et
la plus cruelle.
Comme s'il eût voulu s'épargner les remords que la seule
vue des gens de bien produit sur les âmes scélérates, Ebroin
déchaîna sa fureur, surtout contre les personnages à qui leur
piété et leur foi donnaient quelque notoriété.
C'est ainsi qu'il choisit les victimes de sa rage, parmi les
hommes les plus illustres de l'Eglise de France : saint Léger,
évêque d'Autun (i); saint Ennemond, évêque de Lyon;
saint Lambert, de Maastricht ; saint Dagobert ; sainte Anstrude ;
saint Wilfrid, évêque d'York; saint Philibert; saint Amé
de Sion et plusieurs autres hommes illustres autant par leurs
vertus que par leur situation, tombèrent sous les coups du
tyran.
Quant aux grands du royaume, il poussa l'injustice
jusqu'à les dépouiller de leurs dignités. Et, tournant sa haine
contre ceux qu'il croyait les adversaires jurés de sa politique
perverse, tantôt il fit vendre leurs biens à l'enchère, tantôt il
les fit périr par l'eau et par le feu.
D'autres (pour rappeler ici le mot de l'apôtre parlant des
chrétiens de l'Eglise naissante), d'autres furent mutilés dans
leurs membres, pressés d'abjurer leur foi ou exterminés par
le glaive.
Qu'on ne s'étonne point de voir, ici, le crime triompher
au préjudice de la vertu. C'est la volonté de Dieu que, dans
(i) Anséghis« fut occis en ce point par un homme qui avait nom Godomès. Cet Anséghi»e
était fils de saint Arnould et fut le père de Pépin, le père de Charles Martel. Ebroïn prit
saint Léger et son frère Garin* et les fit tourmenter cruellement. A la parfin, fut ce Garin
lapidé et craventé de pierres, et saint Léger fut jeté en prison et affamé par un long jeûne*
Après, lui fit, Ebroïn, la langue et les lèvres trancher ; mais notre Sire le rétablit puis, et
lui rendit la langue et la parole; et en dernier, lui fit le chef couper pour le martyre
consommer.Tant le voulut puis notre sire honorer, que il montra les mérites et l'innocence de
lui par les miracles que il fit à sa sépulture. {Chroniq, de saint Denis, V, 24. ZKLLKti,passim.)
MARTYRE DE SAINT RAMBERT 33
tous les temps, les hommes de bien soient persécutés par les
gens sans foi, sans mœurs et sans probité. Et c*est Thonneur,
c*est, plus encore, le salut des chrétiens d*être choisis pour
victimes.
Rappelons-nous la condamnation à mort de Jésus-Christ
par l'hypocrite Pilate; souvenons-nous du crucifiement de
THomme-Dieu par Tinfàme tourbe des Juifs et des soldats
romains, et nous n'aurons pas de la peine à nous armer de
courage, en face de la contradiction ou du respect humain,
sûrs que nous sommes, en pratiquant notre religion, de
n'être blâmés et persécutés que par des gens indignes de
notre estime.
Mais les tlots de sang innocent versé par le tyrannique
Ebroîn, loin d'assouvir sa soif sacrilège, ne firent que l'exciter
davantage. Plusieurs seigneurs de la Cour, coupables
seulement de porter ombrage à son ambition, devinrent
bientôt ses nouvelles victimes.
De ce nombre fut Rambert, fils de l'illustre duc Ragdebert«
Sans nul doute, les qualités et les vertus qui brillaient dans
ce noble jeune homme, le courage qu'il montrait à désap-
prouver tant d'infamies, les larmes qu'il versait à la vue des
maux qui accablaient l'Egh'se et l'Etat, durent offusquer le
ministre jaloux et sanguinaire; aussi bien, chercha-t-il partout
l'occasion de perdre Rambert (i).
Ebroîn la fit-il naître ou se présenta-t-elle fortuitement,
c'est ce que nous ne saurions dire.
Mais ce qu'il y a de cenain, c'est que le perfide maire du
palais accueillit, avec une joie satanique, une dénonciation
qu'on lui fit contre le pieux fils du duc Ragdebert. Des
gens, sans nul doute à la solde d'Ebroin, accusèrent un jour
le serviteur de Dieu, Rambert, d'avoir avec deux complices,
les princes du palais, Bodon et Guiscand, tramé le projet
(i; Vie de taint Rambert, opuscule imprimé ti Tenay (Aiii/ en i^b. passim
^4 CHAPltRË II!
criminel de le faire périr, pour lui enlever le pouvoir dont il
abusait d'une manière si indigne.
Rambert dont le courage chrétien était à toute épreuve, et
qui ne redoutait ni les mauvais traitements ni la mort, se
laissa accuser sans daigner opposer aux injures un mot pour
se justifier.
Sa mort fut résolue. Toutefois, grâce à l'intervention de
saint Ouen (i), archevêque de Rouen, dont la vertu et la
haute sagesse avaient quelque empire sur Ebroin, Rambert
ne fut point mis à mort sur-le-champ.
Notre saint fut exilé dans la partie méridionale de la
Bourgogne, connue aujourd'hui sous le nom de Bugey, et
confié, comme factieux, à la garde d'un prince puissant du
nom de Théodefroy. Ce seigneur avait ordre du tyran de
faire périr secrètement le jeune exilé.
Mais, par une permission de Dieu qui tient entre ses
mains le cœur des hommes, le prince auquel Rambert avait
été abandonné, ému de pitié pour la jeunesse et les vertus
de son noble prisonnier, aima mieux lui laisser la vie sauve
que d'exécuter les ordres iniques d'Ebroïn, et de tremper ses
mains dans le sang innocent.
Cette disposition du cœur de Théodefroy à l'égard de
Rambert, fut un effet de la miséricorde divine, au tribunal de
laquelle les cœurs simples et droits trouvent toujours conso-
lation et appui. Dieu voulait donner à son digne serviteur
le temps de faire pénitence et de se préparer au martyre.
Rambert, heureux de cette faveur, travailla, pendant son
exil à effacer, par ses prières et ses larmes, les souillures que
le souffte corrompu du monde avait pu communiquer à son
âme.
(i) Audœmus colitur 24. AufrusU. Mortuus est anno 683, Ponti/ex Rothomagensit
ereatus anno 640 (ChesnœOt Rodomœ).
II s'agit bien ici de saint Ouen, dont on honore, de nos jours encore, les saintes Reliques,
dans l'église de Ronen qui porte son nom.
MARTYkE DE SAINT RAMBERT 3 S
Quant à Théodefroy, l'histoire rapporte que la charité
dont il usa envers son noble prisonnier, lui valut de Dieu,
la grâce d'une sincère conversion.
Après avoir fait lui-même pénitence, il mourut les mains
pleines des bonnes œuvres qu'il avait accomplies, pour répa-
rer les scandales de sa vie passée (i).
Mais Dieu ne laisse jamais une bonne œuvre sans récom-
pense. Si le verre d'eau donné à un pauvre avec l'intention
de plaire au Père Céleste, nous ouvre la porte de son
royaume, quelles grâces de salut ne méritera pas celui qui,
dans une plus large mesure, aura exercé envers son prochain
les œuvres de miséricorde et de charité (2)?
Le retour à Dieu du seigneur Théodefroy, entre les mains
de qui Rambert avait été livré comme une victime innocente,
est un événement providentiel qui nous rappelle deux des
vérités les plus consolantes de la Religion. La première, c'est
que Dieu a des tendresses particulières pour les pécheurs et
qu'il veut leur salut (3) ; la seconde, c'est qu'il ne faut jamais
désespérer du salut des âmes les plus éloignées de Dieu, mais
prier pour elles, et attendre l'heure de la Providence.
Pour nous chrétiens, qui savons que le ciel est le prix du
labeur et de la souffrance, au lieu d'escompter la grâce
extraordinaire qui fît, à la fin de sa vie, un saint du mau-
vais larron, efforçons-nous de mériter, par les œuvres de la
foi, ce Ciel que Dieu, dans l'ordre ordinaire des choses,
donne à ceux qui se sont fait violence et ont porté leur
croix à la suite de leur divin Maître (4).
(1) Histoire hagiologique de Belley, tome l**, passim,
(a) L'homme qui fera reTenir un pécheur de son égarement sauvera ton tme. (Epit.
cathol. de aaint Jacques, chap. V, verset ao.)
(3) Je ne veux pas la mort de l'impie, mais qu'il se convertisse. (Ezech.. XXXIH,
V. II.)
(4) Beati qui persecutionem patiuntur propter justitiam ; quoniam ipsorum est regnum
ceetorum, (Evang. Math., ch. V, v. ii.)
Regmum cœlorum vtm patitur et violenti rapiuntiUud. (Math., ch. XI» v. la.)
36 CHAPITRE III
Cependant le moment approchait où notre saint exilé
allait émigrer de cette vie pour être présenté par les anges
aux divins regards du Christ.
Ebroïn ayant appris que Rambert était encore en vie,
entra dans une grande fureur, et, semblable au fauve qui fait
entendre des cris de rage, il donna Tordre de massacrer,
sans délai, le serviteur de Dieu. Pour accomplir ce forfait le
tyran choisit deux sicaires qu'il envoya en Bourgogne à la
poursuite du jeune prince.
Ceux-ci ayante bien à regret, accepté l'odieuse mission de
bourreaux, partirent à la recherche de saint Rambert et
l'atteignirent dans une gorge déserte des monts du Jura, sur
les confins de la province lyonnaise, près d'un torrent
appelé « Bébron ou Brévon », non loin des bords de
l'Albarine, à quelques pas d'un monastère que saint
Domitien (i) avait bâti pour satisfaire sa piété et mener,
dans la solitude, une vie conforme à celle des Pères du
désert.
Saint Rambert, en voyant les émissaires d'Ebroïn s'atta-
cher à ses pas, n'eut pas de peine à deviner, qu'armés par
la haine du sanguinaire ministre, ils étaient venus pour le
(i) Saint Domitien, fils de Philippe et de Marciliana, romaini, fut élevé secrètement par
eux dans le christianisme. Après leur mort il donna tous ses biens aux pauvres et se
retira au monastère de Lérins ; de là il passa à Arles où saint Hilaire lui conféra Tordre de
la prêtrise.
La réputation de saint Eucher l'attira à Lyon ; mais voulant vivre loin du monde il
bAtit, dans la Valbonne, une cellule et une église sous le vocable de saint Christophe, près
de Meximîeux.
Afin de se soustraire à Taffluence des personnes que sa réputation de sainteté attirait
dans sa solitude pour y recevoir des conseils de salut, il vint en 441, avec ses compagnons,
fonder un monastère en l'honneur de saint Genès. martyr, près d'une fontaine appelée
« Hébron ou Brévon, Vébron ». (Notes obligeamment communiquées par M, Vabbi Vivet,
archiprêtre de Sainl'Rambert-en-Bugey.) De nos jours, la fontaine ou ruisseau, au bord
duquel a été martyrisé saint Rambert, se nomme depuis plus de 100 ans • Brévon •.
(Réponse faite à M. Depéry, vicaire général de Belley, le 18 septembre iB34% P^r
M. Garin^ notaire à Saint-Rambert-en-Bugey.)
Le monastère de saint Domitien, devenu plus tard une abbaye des moines de Cluny, fut
sécularisé en 1788 ; et les biens qui en dépendaient vendus en 1791.
Quant aux bâtiments mêmes, ils furent transformés en une jolie maison de campagne ;
l'église seule a été détruite et son emplacement est occupé par un beau jardin* (Voir
le chapitre IV de ce tome !•% p. 47.)
MARTYRE DE SAINT RAMBERT 3 7
faire mourir. C'est pourquoi, convaincu que sa tin était proche,
il demanda à ses bourreaux la permission d'aller faire sa
prière dans une chapelle peu éloignée du monastère et que
saint Domitien avait élevée en Thonneur de saint Genès,
martyr (i). Les valets d^Ebroïn refusèrent cette faveur à
leur victime. Le courageux athlète du Christ, à ce refus, se
soumit sans laisser échapper une plainte. Et s*étant mis à
genoux, à l'endroit même où il avait été appréhendé par eux,
il éleva ses mains et son cœur vers Dieu. Sa prière faite :
(f II est inutile de me contraindre plus longtemps à la fatigue,
a leur dit-il ; au nom de Dieu, ne craignez point d'exécuter
« les ordres que vous avez reçus. »
Les bourreaux, alors, font asseoir Rambert sur une pierre
du bord du chemin, et d'un violent coup de lance lui arra-
chent la vie (2). C'était le i3 juin de l'année 675, d'après les
Bollandistes, et 680, d'après d'autres historiens.
Une croix de pierre indique l'endroit où il fut martyrisé.
Cette croix, érigée en 181 5, s'élève sur le chemin qui mène
à l'abbaye, au bord du ruisseau de Bébron, en haut du
pont qui le traverse et tout près d'une maison dite du
a Cuchon », au-dessous de cette abbaye même fondée par
saint Domitien, et au nord de la ville qui a pris le nom
du saint (3).
Leur crime perpétré, les sicaires s'en vont raconter aux
(1) Saint Genès, martyr, fête le 25 août. C'est près de l'autel de cette chapelle que saint
Domitien fut enseveli au v* siècle.
Cette chapelle qui était a quelque distance des bâtiments de l'ancien monastère construit
par saint Domitien et qui lui servait d'oratoire, a été détruite en 1791 et a fait place k un
pré. {Notes obligeamment communiquées par M. Vabbé Vivet, archipritre de Saint'
Rambert-en-Bugey.)
(a) Une autre tradition prétend que saint Rambert eut la tète tranchée et qu'elle roula
dans le torrent, où un nimbe lumineux la fit découvrir. Cette tradition est très accréditée
dans le pays; et c'est d'elle que s'est inspiré le peintre qui a leproduit la scène du
martyre de saint Rambert, sur la bannière de la paroisse de Saint-Rambert-en-Bugey.
{Note tirée de la Vie de saint Rambert, opuscule imprimé à Tenay en tSgS, et commu^
niquée obligeamment par M. l'archiprêtre Vivel.)
(3) Détails que nous sommes allés nous*mémc constater « de visu * au printemps
de Tannée 1897.
38 CHAPITRE III
religieux en prières dans la chapelle voisine, qu'ils ont
trouvé, non loin de là, la dépouille mortelle d'un jeune
homme. Ils poussent même l'audace jusqu'à leur offrir de
lui donner la sépulture dans l'espoir d'un salaire.
Les religieux du monastère recueillent aussitôt le corps du
saint martyr et, sans retard, l'ensevelissent dans leur cloître,
sous le porche de leur église.
Ainsi donc, selon la parole du grand Apôtre des nations :
Ils sont profonds et incompréhensibles les trésors de la
sagesse et de 'la science de Dieu (i). Le prêtre qui avait
reçu les humbles aveux du jeune prince, pendant son exil,
lui avait imposé de faire pénitence durant sept ans. Et
parce que, par une mort prématurée, Rambert avait devancé
le terme fixé pour cette pénitence, ce ne fut qu'après un
espace de quatorze années que Dieu daigna manifester la
sainteté de son serviteur, en permettant qu'un premier
miracle se fit à son tombeau.
La mort de l'impie Ebroïn suivit de près le martyre de
saint Rambert et fut le châtiment de ses crimes. Sa cruauté
ne faisant que s'accroître de jour en jour. Dieu permit qu'il
fût ignominieusement assassiné par le soldat Hermanfroy (2)
en 681. Ainsi, se réalisa cette parole du Prophète royal : La
mort du pécheur est la pire de toutes les morts (3).
Or, voici ce que la légende de l'Office de la Translation
des reliques de notre illustre Patron, nous apprend sur cette
mort tragique du sanguinaire Ebroïn.
(i) Epitre aux Romains, ch. II, 33.
(s) Ebroïn qui de rien ne se fût chfttié pour nul grief que on lui eut devant fait,
recommença à grever les Francs pins cruellement qu'il n'avait oncques devant fait; mais
notre Sire lui rendit les mérites de ses faits, en peu de temps après, en vengeance du saint
monseigneur saint Léger et de son frère que il avait martyrisés, par un Franc qui avait
nom Hermanfrois qui l'épia une nuit; sur lui vint soudainement entre lui et ses aides et
l'occil. Après ce fait, s'entuit en Ostrasie, à Pépin d'Hersiall (681). (2- Contin. de Frédegaire.
— Chroniq. de saint DeniSf V, 24. — Zeller, passim.)
(3) Ps. XXXin. V. 22.
MARTYRE DB SAINT RAMBERT Sg
Au temps où le tyran régnait en maître, vivait dans une
petite île de la province lyonnaise, appelée Ile-Barbe (i), une
des malheureuses victimes du cruel maire du palais, à laquelle
îl avait fait crever les yeux.
Pendant une nuit profonde, le pieux aveugle s'était retiré sur
les bords de la rivière de Saône, pour y prier à son aise. Tout
à coup, it entend comme un grand bruit de gens qui naviguent
et qui, en multipliant le jeu de leurs rames, s'efforcent de
gagner en vitesse sur le cours trop lent de la rivière.
S'étant mis à héler l'embarcation et à demander vers
quel port elle se dirige à si grande vitesse, une voix forte se
fait entendre et lui répond : « C'est Ebroïnque nous conduisons
« aux enfers, où il subira pendant l'éternité le terrible
t châtiment de ses crimes (2). x Le confesseur du Christ
reçut ces paroles avec une certaine joie.
Elles lui firent comprendre quelles peines sont réservées
aux persécuteurs du juste, et lui montrèrent toute la vérité de
cette prophétie du psalmiste : « Le juste se réjouira en voyant
qu'il est vengé (3). » (Fig. 4)
Quant au soldat Hermanfroy qui avait tué Ebroin (4),
(i) Ile Barbe, c'est-à-dire île déserte : Insula Btrbara, Ile barbare, et, par syncope, He
barbe. C'est ainsi que la vierge et martyre « Barbara » des Grecs et des Latins est appelée
« Barbe » en notre langue.
(3) Voir, aux pièces justificatives, le texte de la légende de saint Rambcrt, n* 3.
(3) Ps. LVII, V. II.
(4) Ebroïn est le plus redoutable adversaire que l'aristocratie ait en i combattre, depuis la
mort de Brunehaut. Il entreprit de délivrer la royauté, dont il était le tuteur, de l'oppression
des intérêts des leudes lignés contre elle, sauf à retenir pour lui-même, an détriment du
prince qu'il servait, tout ce qu'il pourrait arracher à leurs communs ennemis. C'est li ce
qui ressort évidemment de sa conduite. Ce qui a fait la force d'Ebroîn, c'est qu'il s'est
appuyé sur une classe que (e développement de l'aristocratie tendait à ravaler de plus en
plus, la classe des simples hommes libres, obligés de se « recommander » à de plus puissants
qu'eux, c'est-à-dire de perdre la possession de leurs terres. — Dans le pays romain où l'on
jouissait, dans les derniers temps de l'empire, ë'une certaine égalité dans la servitude,
l'aristocratie n'avait pas pu s'établir si fortement que dans l'Austrasie; il Ait donc bien plus
facile de l'abattre que de l'autre cAté des Ardennes, et c'est ce à quoi tentèrent les efforts
d'Ebrotn. De là vient que cette lutte de la Neustrie et de l'Austrasie, n'est pas autre chose,
au fond, que la lutte de la royauté appuyée par les simples hommes libres, contre l'aristocratie
fortement et militairement constituée en Austrasie, d'après le souvenir des coutumes
germaines. V. LiMusaoN (Institutions earlovingiennes). Dans les Rois fainéants et Maires
du jMlais. Zkllir, p. io3.
CHAPITRE III
cet ennemi de Dieu et de toute religion, il s'enfuit auprès
de Pépin d'Herstall, et ainsi, échappa au péril de la
mort (i).
Or, Pépin d'Herstall était fils d'Anséghise, prince romain,
et père de Charles Martel.
(1) Pour intéresser le lecteur.
nous donnons,
ci, le fac-similé d'une
monnaie mérovingienne.
montrant le profil
de la figure du trop
fameux Ebroïn.
La suite des monnaies mérovingiennes se dis
tingue entre toutes let
autres, par la variété de se
styp
es et par le peti
nombre de pièces qui
offrent des noms de rois
L'i
Timense majorité des espèces y porte ]
seulement un nom de lie
u, m
ais souvent de
localités dont le peu
d'importance surprend. Ce
n'est
pas tout, on y trouve un nom d'officier |
monétaire qui dans
blemeni plus gros-
bien des cas est le
siers qu'à l'époque
m£me ; enfin , un
précédente. Les
grand nombre de
draperies n'y sont
lieux de la même
plus indiquées que
région y sont in-
par des traits. Ce-
diqués. Cette par-
1 pendant l'ensemble
liculariié lient au
garde encore une
système de mon-
sorte d'élégance
nayage établi alors
barbare. Les types
chez les Francs.
des revers sont pres-
Les bustes de pro-
que exclusivement
fil beaucoup plus à
\ /^^\
le monogramme
multipliés, surtout P
^ — T^^l
cruciforme, qui
sur les pièces divi- "
? . N^^y
se métamorphose
sionnaires, qui sont
no
alors graduellement
cellesque l'on fabri-
no. 4
en croix ancrée.
quait en plus grand
TIERS-DE-SOI.
puis en croix haus-
nombre, bustes ins- "*"
gr.nd
i'effigi.
gramme d'Ebroïn,
' sée, fichée, perlée,
pires de ceux des dm
mon
accostée, etc.
des pièces impé-
mai
e du P.l«i,,
iea-6Hi.
Les monnaies
riales, sont nota-
mérovingiennes
étaient le sou d'or (solidus).
inférieur comn
le poids au (solidusj
Constantinien, et divisé e
moitié (semis), et en tiers (triens); puis,
le denier d'argent (saïga).
don
il en fallait 40 pour faire la valeur
d'un sou. (F. LiHoaiiANT, dt
l'imi
lui. Maii>iat«(lMMdi(f«, p. 107,111,111.)
MARTYRE DE SAINT RAMBERT 4I
Charles Martel fut le père de Pépin, dit le Bref, qui eut
pour fils Charlemagne, très auguste empereur.
Ces observations sur les rois et les princes sont faites, ici,
pour que chacun sache à quelle époque et sous quel prince
régnant^ fut martyrisé le très vaillant athlète de Jésus-Çhrist,
le noble Rambert.
Nous l'avons dit, le martyr Rambert avait été enseveli sous
le portique de l'église du monastère de Saint Domitien;
mais les fidèles, attirés par le bruit des miracles opérés
à son tombeau, accoururent en foule dans la vallée de
ce Bébron >, enlevèrent le corps du saint du lieu où il
reposait, et le transportèrent dans l'intérieur de l'Eglise, tout
auprès des restes vénérés du bienheureux Domitien.
Pendant plusieurs siècles, les prodiges se multiplièrent
d'une manière extraordinaire au tombeau de notre illustre
martyr.
Les aveugles recouvraient la vue, les boiteux marchaient,
les démons étaient mis en fuite, les frissons de la fièvre et les
maux de dents disparaissaient. Et, il n'était pas une âme dont
la prière confiante n'obtînt de Dieu, par l'entremise de saint
Rambert, de douces et saintes consolations.
Entre autres prodiges que Dieu daigna opérer au tombeau
du généreux martyr, citons le suivant :
Pendant un très long temps. Dieu permit que, du tombeau
de saint Rambert, l'huile coulât goutte à goutte et assez
abondante, pour qu'elle pût alimenter les lampes suspendues
tout auprès.
Or, quelqu'un, alors, souffrait-il de quelque infirmité, était-il
atteint de quelque maladie, il recouvrait la santé, dès que les
pieux fidèles préposés à la garde du tombeau, l'avaient oint
avec cette liqueur merveilleuse.
Le mot grec Euo^ se traduit en latin par « miséricorde ».
Aussi bien, par une sage disposition de la divine Providence,
est-il arrivé que les oeuvres de piété s'accomplissent par
4^ CHAPITRE III
Tonction de Thuile. En effet, nous voyons dans l'Ancien et
le Nouveau Testament que les rois, les prêtres, les prophètes
recevaient la consécration avec l'huile bénite. Or, plusieurs
documents des saints Docteurs de TEglise nous démontrent
que cette cérémonie renferme quelque allégorie. A ce pro-
pos en effet, il est écrit, au sujet de l'ancien peuple d'Israd :
« Ils sucèrent le miel de la pierre, et Vhuile des plus durs
« rochers » (i). Suivant la même idée, saint Paul dit encore :
a Et la pierre était Jésus^hrist. Si donc la pierre est
« Jésus^hrist et que Vhuile jaillisse du plus dur rocher^
« l'ancien peuple de Dieu a sucé le miracle » (2).
C'est ce que le Christ a voulu démontrer, en faisant couler
l'huile de la pierre du sépulcre de saint Rambert, pour la
gloire de son martyr.
Il convient bien, en effet, de parler ici de la miséricorde,
afin que les fidèles serviteurs du saint martyr n'hésitent
point à réclamer, avec confiance, son secours dans les circons-
tances pénibles et malheureuses de la vie ; bien convaincus
que la bonté du Saint dont ils auront invoqué le nom,
sourira toujours à ceux qui lui seront dévoués.
Brisons donc, nous aussi, l'orgueil de notre faible raison
contre la pierre, selon les paroles du psalmiste (3), et sachons
que cette pierre est le Christ.
Mais, implorons sa clémence avec l'espoir de notre pardon,
afin que par les mérites du bienheureux martyr Rambert, il
daigne, dans sa miséricorde, nous faire parvenir au bonheur
qu'il a promis à ses fidèles serviteurs.
Bien que les miracles dont nous n'avons qu'effleuré le
récit — les temps de l'Antéchrist approchent, selon qu'il est
(1) Deut. 32, V. i3.
(3) I Corinth. lo, v. 3, 4, 5.
(3) P8. i36, V. 9.
MARTYRE DE SAINT RAMBERT 4^
écrit : le ravage marche devant sa face [\\ — paraissent cesser
aujourd'hui, cependant la santé bien plus précieuse des
âmes continue à être accordée par Tintercession du saint
martyr Rambert.
Ce qui fait cesser les divins miracles, soit au tombeau de
saint Rambert, soit ailleurs, c'est l'énormité de nos péchés,
nous, qui après la grâce du Christ révélée à tous, sommes
retournés en arrière.
C'est pourquoi il est écrit de Jésus-Christ Notre-Seigneur :
« A cause de l'endurcissement de ce peuple infidèle^ il na pu
c( faire aucun prodige à Capharnaum. »
Quant à nous, fidèles de ces temps, nous ne méritons pas,
sans doute, que notre bienheureux martyr nous guérisse ou
nous console par ses faveurs, comme autrefois il guérissait
et consolait le cœur chrétien de nos ancêtres.
Toutefois, n'allons point mettre en doute la bonté et la
puissance de notre cher et illustre Patron. Aujourd'hui,
comme aux âges lointains, où les prodiges se multipliaient
autour de son tombeau, il peut et il veut exaucer nos suppli-
cations. A nous donc de Tinvoquer avec ferveur et de le prier
avec un cœur pur et confiant.
Nous avons dit plus haut que, pendant plusieurs siècles,
les reliques de saint Rambert furent, dans le Bugey,
en si grande vénération, que de toutes parts, les foules
accouraient, confiantes et pieuses, leur demander des grâces
particulières. Aussi bien, arriva-t-il que les prodiges se
multipliant, les pèlerinages aussi devinrent plus nombreux ;
tant et si bien que leur affluence énorme eut bientôt
formé, tout près du lieu, un village qui prit le nom de
Saint-Rambert.
<i L'origine de cette ville est donc toute sainte ; elle est
<c due à saint Domitien, mais surtout à saint Rambert. C'est
(t) Job. 41, ▼. i3.
44 CHAPITRE m
cr ainsi que la religion arrive jusqu'aux déserts les plus
(( sauvages, et que, dans notre patrie surtout, elle fut un
« germe fécond de vie et de civilisation.
a Et telle est encore la force de la sainteté qu'elle rend
« éternelle la mémoire d'un homme qui meurt martyr pour
<c la Religion et la Justice. Rien ne peut la détruire, tandis
« que la mémoire et les œuvres des impies périssent, avec le
« bruit qui les accompagne.
« En effet, vainement des hommes égarés essayèrent, à
« l'époque de la Révolution de 1 798, de faire oublier le nom de
« saint Rambert. Celui de « Montferme » qu'on donna à la
(c Ville semblait être le plus propre à résister aux injures du
i< temps ; mais il n'eut pour durée que celle du vertige des
« impies qui avaient conçu la folle pensée d'effacer les traces
(c de saint Rambert, dans une vallée toute pleine de ses sou-
cc venirs.
<c Aussi, au bout de quelques années, la ville reprit-elle
« le nom de celui à qui elle devait l'existence et qui la
(( protégeait depuis plus de onze cents ans (i). »
Ce que nous venons de dire au sujet de la petite ville de Saint-
Rambert-en-Bugey, nous le dirons, dans un autre volume,
de sa sœur la petite cité de Saint- Rambert-en -Forez qui,
elle aussi, changea vers la fin du xi* siècle, son nom gallo-
romain « d'Occiacum Occieu » en celui de Saint-Rambert,
le martyr illustre, dont elle venait de recevoir providen-
tiellement une partie [considérable des précieuses reliques.
Avant de rapporter les merveilles de cette translation
miraculeuse d'une partie du corps sacré de saint Rambert,
des bords du torrent de Bébron où il était vénéré depuis
quatre siècles, dans l'église du prieuré de Saint-André à
Occieu, vers 1078, nous demanderons au lecteur de vouloir
(i) Nous empruntons ces excellentes réflexions et les détails qui les accompagnent, à
l'érodit auteur de l'Histoire hagiologique de Belley : M. Depéry. vicaire général de
Belley. 1834.
MARTYRE DE SAINT RAMBERT 46
bien nous suivre dans quelques détails historiques relative-
ment au culte de ce saint martyr, dans la vallée de TAlbarine,
en Bugey.
Ces détails, dont l'authenticité repose sur les pièces justifi-
catives reproduites à la fin de cet ouvrage, seront précédés
d'une notice historique sur la petite ville de Saint-Rambert-
de-Joux, illustrée par le tombeau de notre saint martyr, et
sur Tabbaye de Saint-Domitien qui eut Tinsigne honneur de
posséder, la première, le corps vénéré de saint Rambert.
(.. L.U».OA)
avec 11 ch»ubl« primïlivt.
i l'«bbay« de Hohtiubourg.
Delà Vie de saint Léger,
pir les RR. PP. BJDcdJEtini
DomPiTMclDoniDiviD.
CHAPITRE IV
SAINT-RAMBERT-DE-JOUX
(I)
(bugey)
La Gaule conquise par Jules César, un demi-siècle avant
Jésus-Christ, n'avait eu pendant quatre longs siècles, d'autre
histoire que l'histoire de l'empire romain.
Rome, qui avait le génie du gouvernement des peuples
vaincus et soumis à ses lois, apporta aux Gaulois les bienfaits
de sa civilisation en échange de leur liberté ravie. Et l'Eglise
naissante, qui entreprenait déjà, par ses missionnaires,
sa grande œuvre de moralisation au profit des nations,
leur apporta l'Evangile, bien autrement précieux que celui
d'une civilisation plus ou moins raffinée.
Les Barbares pouvaient maintenant se ruer sur la Gaule
chrétienne. Celle-ci était prête à lutter contre eux.
Ils vinrent, en effet, des contrées septentrionales de
l'Europe et de l'Asie, attirés par les richesses de l'empire
romain, et entraînés par l'appât du carnage et de la
dévastation.
C'était le 25 décembre de l'année 406, les Alains, les Suèves,
(i) La Notice historique et descriptive de Saint-Rambert-de-Joux, par H. Letmaric,
nous a fourni en grande partie les documents de ce chapitre.
40 CHAPITRE IV
les Vandales et les Burgondes, de la race des Germains, tra-
versèrent le Rhin. Mais rejetées vers les Pyrénées après deux
années d'affreux ravages, ces hordes sauvages passèrent en
Espagne.
Les Burgondes seuls s'arrêtèrent en Gaule, où ils fondè-
rent, dans la vallée de la Saône, le royaume de Bourgogne
(41 3). Pacifique bien que conquérante, la race des Burgondes
s'attacha au sol qu'elle venait d'occuper, s'y mêla sans peine
auxGalIo-Romains, et finit par se convertir au christianisme,
grâce à l'influence des Evêques catholiques, et aux prédica-
tions multipliées de l'Evangile.
Mais les fils de Clovis, roi des Francs, voulant continuer
les conquêtes de leur illustre père devenu maître de la Gaule,
organisèrent une expédition contre la Bourgogne. Ils s'en
emparèrent et la traitèrent avec la dernière cruauté. Et comme
SAINT-RAMBERT-DE-JOUX 49
la province de Lyon avec le Bugey en faisaient partie, celui-ci
tomba donc au pouvoir des Francs.
Les petits-fils de Charlemagne furent, eux aussi, les maîtres
de la Bourgogne jusqu'en 879, où elle devint la proie de
l'usurpateur Boson (i).
Un des successeurs de Boson céda le Bugey aux rois de la
Bourgogne cisjurane. Ils étaient, du reste, maîtres depuis
longtemps déjà, de la partie orientale de ce territoire. Enfin,
Rodolphe III, dit le Pieux ou le Fainéant, transmit à sa mort,
— arrivée en loSa — la souveraineté du royaume d'Arles à
Conrad le Salique, roi de Germanie (2).
Ces préliminaires historiques étaient nécessaires pour bien
fixer la date des événements que la légende de saint Domitien
va nous révéler, événements intéressants, qui se passaient
dans la vallée de TAlbarine après l'invasion des Burgondes,
au V* siècle, et que nous allons résumer en quelques
lignes.
f I
LÉGENDE ABRÉGÉE DE SAINT DOMITIEN (3)
Domitien naquit à Rome au' temps de l'empereur Cons-
tantin. Sa famille était noble et connue. Son père se nommait
Philippe ; sa mère Marcianilla.
Domitien fut élevé dans les écoles catholiques. Il avait
quinze ans quand son père fut tué par les Ariens, en haine
de la foi. Bientôt après, sa mère mourait de chagrin. Orphelin,
Domitien hésita quelque temps entre les dignités laïques, que
facilement il pouvait obtenir, et la vie religieuse. Mais, une
(I) Boson. rot d'Arles et de ProTence, beau-frère de Chirles-Ie-Chauve (879-^88).
(3) Rodolphe Iir, petît-fils de Rodolphe II, roi de U Bourgogne cisjurtne et transj urine,
roi d'Arles, en fat le dernier monarque (994-1033).
(3) Voir le texte entier de la légende, aux pièces justiflcatiTes n* 3.
5o CHAPITRE IV
fois sa résolution prise, en deux semaines il eut vendu et
distribué aux pauvres tous ses biens.
De ce temps, Constantin était mort, et Julien l'Apostat lui
avait succédé. C'était le commencement de la persécution
contre les moines. Prenant à la lettre le mot de l'Evangile :
<c Si on vous persécute dans une ville^ passe\ en une autre »,
Domitien s'enfuit d'abord à Marseille, puis à Lérins où il
séjourne un an ; à Arles encore, où il est ordonné prêtre par
l'évêque Hilaire. Enfin il arrive à Lyon, vers 480. Il fait
part de son désir de vie monastique à l'évêque Eucher. Avec
l'approbation de Tévêque, il se retire en un Heu désert appelé
Axancia. Il y fonde un oratoire sous le patronage de saint
Christophe. Bientôt ses vertus lui attirent des disciples et la
foule des pèlerins. Troublé par cette affluence, il s'enfuit, un
jour, jusqu'à la vallée de Bébron qui, autrefois, avait été l'asile
d'une troupe de faux-monnayeurs.
Dès la première nuit de son arrivée en ce pays, Jésus-Christ
apparut en songe à Domitien. Il lui assura que des disciples
nombreux viendraient se ranger autour de lui , et il lui demanda
de bâtir une hôtellerie pour les voyageurs pauvres. Ayant
connu, ainsi, la volonté de Dieu, Domitien se mit à l'œuvre.
Il construisit tout d'abord deux oratoires, l'un en Thonneur
de la Bienheureuse Mère de Dieu ; l'autre sous le vocable de
saint Christophe. Puis, il songea au défrichement des bois
d'alentour et à la culture des terres.
L'esprit de pénitence de Domitien était très grand. Il était
arrivé à ne prendre de la nourriture qu'une fois la semaine.
Souvent, il s'enfonçait dans le désert pour échapper aux foules
attirées vers lui par les guérisons nombreuses qu'il opérait.
Ses compagnons se plaignirent même bientôt de rester ainsi
sans direction, et de voir le saint s'anémier faute de nourriture.
Domitien se rendit à leurs remontrances. Il consentit à rester
continuellement avec eux, et à prendre tous les jours un peu
d'aliments.
SAlNT-ltAMBKRT-DE-JOUX S I
Alors, aussi, Domitien voulut répondre à la demande de
Notre-Seigneur. Il se mit donc, avec ses compagnons et des
aides maçons, à construire une hôtellerie pour les voyageurs
pauvres.
Mais pendant que s'élevaient les murs de l'édifice, une
famine vint affliger la contrée. Bientôt les ouvriers man-
quèrent de pain. Domitien les laissa à leur travail et vint au
village de Torcieu. Il y arriva au lendemain de la cuisson
du pain. Or, comme il considérait le brasier, il aperçut un
pain magnifique qui y était encore. Il le prit, le montra à
tous les habitants de la petite ville, de peur que quelqu'un
d'entre eux ne l'eût oublié. Mais comme il ne fut réclamé
par personne, Domitien le porta à ses frères et à ses ouvriers.
Le pain dura cinq jours. Et de nouveau la faim se fit sentir.
Domitien remonta donc à âne, et de nouveau alla chercher
des vivres.
Or, dans le pays où vint Domitien, se trouvait un homme
riche et noble du nom de Latinus. Cet homme puissant avait
même voulu que la terre qu'il habitait portât son nom, d'où
Latiniacus, et plus tard Lagnieu (i). Sa femme qui se nommait
Syagria était chrétienne, mais lui était arien. Domitien leur
fit part des besoins de sa communauté. Immédiatement
s'engagea une longue controverse entre Latinus et le servi-
teur de Dieu. A la fin, Latinus congédia Domitien. Alors le
saint s'écria : « Si j'ai dit la vérité, que les deux temples païens,
qui sont là-bas, s'écroulent. » Au même moment éclata un
orage épouvantable, et les temples de Saturne et de Jupiter
furent abattus et ruinés par le feu du ciel. Converti par ce
prodige, Latinus fit des dons magnifiques à Domitien. En
particulier, il lui donna une terre située à Arandaz, et un
vignoble situé à Vaux, vers 45o. Domitien revint immédia-
tement en son désert.
(i) C'est à ce noble personnage, dit-on. que U Tille de Lagnieu doit son nom.
^2 CHAPtTRÈ IV
La renommée du saint s'ébruita bientôt, de plus en plus.
Plusieurs nobles personnages vinrent lui demander l'habit
religieux. Plus tard, il abandonna la direction du monastère
à son disciple Jean. Quand il vit arriver sa dernière heure,
il fit réunir tous les religieux, déjà au nombre de vingt-cinq.
Il les embrassa tous, remit son âme entre les mains de Dieu
et expira. Immédiatement, une odeur suave s'exhala de son
corps et cette odeur guérit un des religieux malade d'une
fièvre. Bientôt aussi, les miracles se multiplièrent au tom-
beau de saint Domitien : les aveugles y recouvraient la vue,
les boiteux la marche, les possédés la tranquillité (i).
I n
L'ABBAYE DE SAINT DOMITIEN
Les œuvres de Dieu, celles qu'il bénit et auxquelles il
promet une longue et brillante durée, naissent dans la pau-
vreté et l'épreuve, vivent et se développent dans la tribulation,
et n'exercent, autour d'elles, leur bienfaisante influence que
par la puissance de la Croix, sur laquelle elles sont comme
clouées. Le grand œuvre de la Rédemption du genre
humain par le Fils de Dieu, n'a-t-il pas eu pour berceau la
pauvre crèche de Bethléem, et à travers les ignominies de la
Passion, la croix du Calvaire pour trône de triomphe ?
Telle fut l'œuvre de saint Domitien, d'après notre légende,
humble, précaire dès le début. Mais Dieu veillait sur le saint
anachorète et sur ses travaux; et comme Dieu ne laisse
jamais sans récompense la moindre action faite pour lui, il
récompensa l'austère vertu de son serviteur, par le don des
miracles et la puissance de persuader et de changer les
cœurs.
*
(i) Domitien»^ accablé parles ans, mourut plein démérites, le i*' juillet 440, à TAge
de 93 ans.
SAIN T-R AMBERT-DE-JOUX 5 3
Nous savons, en effet, par le texte de la légende de saint
Domitien, que ce saint religieux convenit à la foi catholique
le schismatique Latinus. Le fruit de cette conversion fut
un dévouement absolu du noble personnage aux œuvres du
saint Abbé. Latinus devint le protecteur de l'abbaye de
Domitien, prit en pitié son état de dénûment, et sur les
instances de son humble Prieur, lui fit de riches donations.
Or, ces donations devinrent, croyons-nous, le noyau des terres
que l'abbaye de Saint-Rambert-de-Joux posséda, plus tard,
autour du couvent.
Du reste, Domitien, après avoir distribué soq patrimoine
aux pauvres, en quittant le monde pour la solitude eut, sans
doute, la prudence de se réserver quelques ressources, pour
la réalisation de ses projets pieux.
Ces modestes ressources, grossies des largesses de son
généreux bienfaiteur, lui servirent, en effet, à achever les
constfuctions qu'une malencontreuse famine lui avait fait
interrompre (i).
Dès lors, le nouveau monument prit le nom d'Abbaye de
Bébron (2), du nom du torrent sur les bords duquel il
s'élevait. L'abbaye nouvelle devint bientôt un centre autour
duquel se groupèrent quelques maisons, à l'instar de celles
qui, tout près de là, sur les deux rives de l'Albarine,
formaient déjà une agglomération importante, et portaient
depuis quatre cents ans le nom de « bourg » (3).
Ce bourg primitif, dont l'origine fort ancienne nous est
inconnue, mais dont l'accroissement est cenainement dû au
(i) C'ctt ainsi qu'il put bitir sur la route une église assez Taste « nom ita modUum » que
Ton peut prendre, dit M. H. Leyiiakic, pour l'ébauche de l'église paroissiale actuelle : jeter
les fondements d'un oratoire à Axancia, dans la Valbonne ; acheter plus tard un vaste
territoire dans la vallée de Bébron, y élevé/ plusieurs édifices coûteux, et faire face aux
dépenses peu ordinaires d'un grand nombre d'ouvriers occupés, pendant de longs jours, à
de multiples travaux. ^
(a) Bebronensiê locellus. Voir les pièces justificatives n* 3.
(3) àionasierium eum kurgo udjacenti, Ibid. n* 3,
54 CHAPITRE rv
voisinage de i'abbaye, fut le berceau de la cité actuelle de
Saint-Rambert-de-Joux.
S'il est vrai que les commencements de l'œuvre de Domi-
tien furent précaires et durs, il est vrai aussi que, dans la
suite, l'aisance et même la richesse succédèrent à l'état de
gêne.
Les dons généreux de Latinus avaient inspiré, à la piété et
à la reconnaissance, d'autres dons. Les seigneurs voisins
ayant, les uns, à se faire pardonner quelques actes de brigan-
dage ; les autres, à témoigner leur reconnaissance aux abbés
du monastère pour de nombreux services de religion ou
de médiation, comblèrent ces derniers de leurs libéralités.
On comprend, dès lors, combien il fut facile à l'abbaye de
Saint-Rambert-de-Joux de sortir de sa situation modeste,
pour devenir riche et puissante.
Longtemps indépendante de toute suprématie temporelle,
elle posséda des domaines jusqu'en Savoie et se trouva, au
xii' siècle^ un des petits états les plus riches du Bugey. Une
Bulle du Pape Célestin III, datée de 1 191,011 sont énumérés
ses bénéfices, nous apprend qu'à cette époque, l'étendue de
ses biens était plus considérable que tout le canton actuel.
Pendant la néfaste période qui vit, sous Charles Martel (i),
les Arabes ou Sarrazins, et sous Charlemagne (2), les Saxons,
les Avares ravager plusieurs fois la région lyonnaise, le
Bugey, qui en faisait partie, dut probablement souffrir du
passage de ces peuples barbares (3) ; car les soldats dont était
composée l'armée d'Abdérame, aussi bien que ceux des troupes
entraînées par Witikind, n'étaient ni plus ni moins que des
hommes cruels et sauvages, vivant de rapines et s'abreuvant
de s^ng.
(i) Au viii* siècle.
(3) Au IX* siècle.
(3) L'abbaye de Nantua fut, dit-on, ravagée par les Sarrazins.
s AINT-RAMBERT-DE-JOUX D ^
Aussi bien, peut-on craindre que la vallée de TAlbarine,
qui de tout temps fut la voie naturellement ouverte aux flots
des invasions barbares ne soit devenue, à certaines périodes,
un champ de dévastation.
Mais l'abbaye elle-même eut-elle beaucoup à souffrir alors,
c'est ce que nous n'avons pas pu constater.
Ce qu'il y a de certain cependant, c'est qu'au xi* siècle elle
était florissante, souveraine même, à côté de plusieurs chefs
ou gouverneurs de cantons ses voisins, qui, profitant de l'éloi-
gnement de leurs nouveaux seigneurs suzerains, les Empereurs
d'Allemagne, et de l'impuissance où ces derniers étaient de
soutenir leurs droits, se firent usurpateurs (i).
Toutefois, cette abbaye qui s était protégée elle-même
pendant près de huit siècles ne sut ou ne put pas garder sa
souveraineté. Que se passa-t-il alors ? — Nous l'ignorons. —
Ce qui nous est connu, par un acte authentique de 1196,
c'est que labbé de Saint-Rambert fait, à cette époque, à
Thomas, comte de Savoie, la cession du château de Cornillon
avec celle de certains droits, de certaines redevances, de
certains fiefs. II s'engage envers le comte et ses successeurs à
Taider, avec ses hommes,, dans la défense du château,
à condition que celui-ci et ses successeurs défendraient à
l'avenir, en toute circonstance, l'abbaye et ses dépendances.
Et voilà comment les comtes de Savoie devinrent les
hommes liges des abbés de Saint-Rambert, pour le mince
domaine que ce.ux-ci leur avaient cédé.
Mais, cet état de dépendance et de vassalité ne durera
pas longtemps. Les comtes de Savoie, maîtres du donjon de
Cornillon (en Bugey), vont s'en servir comme d'une forteresse,
d'où, retranchés, ils pourront se défendre contre leurs voisins;
et comme d'un centre, où iront se réunir toutes les terres du
voisinage.
(1) Rodolphe le Fainéant avait cédé aux empereart d'Allemagne Toccident du Jura, vert
le commencement du xr siècle.
56 CHAPITRE IV
En effet, quelques années suffirent à l*ambitieuse maison
de Savoie pour devenir maîtresse de tous les biens de l'abbaye^
situés autour de Saint-Rambert. Et l'abbaye, impuissante au
xii" siècle à garder sa propre citadelle, à se défendre contre
des pillards ou contre de pauvres feudataires, le fut bien
davantage plus tard, contre la volonté sans réplique, d'une
famille de princes ambitieux.
Devant les moyens puissants que ceux-ci employèrent
pour s'enrichir aux dépens de faibles moines, TAbbé dut, de
nouveau, céder et s'humilier.
Comment les religieux de Saint-Rambert se dessaisirent-
ils de leurs terres, les vendirent-ils bénévolement aux comtes,
ou bien, ces derniers parvinrent-ils à s'en rendre maîtres en
employant la ruse et la terreur ? C'est ce que l'histoire ne
nous dit pas.
Tout ce que nous savons, c'est qu'à cette époque, les
limites des possessions abbatiales se resserrent, les titres
sont ravis à l'Abbé qui se trouve, à la fin, fort heureux de
conserver sous les murs de sa basilique chancelante, quelques
arpents de terre, dont le rapport lui aide à nourrir ses
prébendiers.
Cette cession de leurs domaines à des seigneurs plus
puissants qu'eux, aux ducs de Savoie, assurait, il est vrai,
aux religieux une protection qu'ils ne trouvaient plus dans
leurs propres forces, à une époque où la chevalerie maîtresse
du pays, avait détruit l'équilibre en sacrifiant son indépen-
dance.
Mais alors, si leur personne et leur monastère se trouvaient,
par cette combinaison, désormais à l'abri de toute injuste
violation, le crédit et la puissance leur échappaient.
Privés d'une grande partie de leurs anciens domaines, et
par conséquent des droits qu'ils avaient d'abord sur Oncieu,
Argis, Tenay, Arandas, Cleyzîeu, Torcieu et Saint-Rambert,
les Abbés du monastère des bords du Bébron n'étaient plus,
SAINT-RAMBERT-DE-JOUX 0~
au XV' siècle, que de petits seigneurs. Ils nommaient
encore, il est vrai, à cette époque, aux cures des paroisses que
nous venons de citer, mais ils n'étaient plus propriétaires du
sol, que pour de minimes proportions.
Au commencement du xvi' siècle l'abbaye fut mise en
commende. Cette transformation dans sa vie lui porta un
coup fatal, et fut le commencement de sa décadence (i).
Un siècle plus tard, les religieux n'habitaient plus qu'un
pauvre monastère, oli la misère avait fait place à l'abondance
et à la richesse.
Et quand, en lygS, les Ordres religieux furent supprimés,
l'abbaye ne comptait plus que six mansionnaires menant
une vie simple, sans luxe, et un Abbé commendatatre que
son bénéfice ne devait intéresser que médiocrement, puisqu'on
ne le vit peut-être jamais rendre visite à ses six pauvres
subordonnés.
Qu'était devenu le monument même de l'abbaye, au milieu
des transformations plus ou moins heureuses dont chaque
siècle avait été témoin ? Mais surtout qu'était-il resté de son
ancienne splendeur, après les longs jours de gêne et de
pauvreté ? — Des ruines.
En effet, mutilé par le marteau révolutionnaire, il fut
partagé en différents lots et vendu, comme bien national^ avec
toutes ses dépendances, terres, jardins, etc. ; et chaque
propriétaire de lots cherchant, avant tout, ses avantages et
ses aises, ne se fit aucun scrupule de démolir les bâtiments
qui le gênaient, pour se créer une demeure à son gré.
La maison conventuelle, les cloîtres, l'église et la demeure
de l'Abbé furent aussi démolis, et leurs décombres dispersés
pour faire place à un parterre.
(1) Une ptïi.«
fngmcnli rclitivt
58 CHAPITRE. IV
Une partie des constructions, celles qui étaient situées
près de l'entrée du sud, et plus loin, au nord, la maison du
Prieur furent cependant conservées. Mais tous ces restes
épars d'un monument qui, pendant de longs siècles, eut une
célébrité, sont tellement méconnaissables qu'il serait
impossible d'y retrouver les éléments d'une restauration
complète.
Cependant, pour intéresser le lecteur, nous allons mettre
sous ses yeux les pages curieuses que M. H. Leymarie
consacre à faire, d'après les restes que l'on trouvait il y a
cinquante ans, la description approximative de l'important
monument qui fut Jadis l'abbaye de Saint-Domitien :
« Les bâtiments de cette antique et illustre abbaye s'éten-
daient, sur un plateau exposé au levant et au sud, à loo
mètres environ du torrent de Bébron ou Brévon, et sur sa rive
droite. Leur élévation, au-dessus de son niveau, était à peu
près de 5o mètres, et leur distance de l'Albarine d'un peu plus
de 200 mètres. Abrités, au couchant, par les hautes crêtes
d'Angrière et, au nord, par le contrefort de Mont-Joux, dont
le ruisseau de la Fondrière les séparait, ils occupaient le seul
emplacement à la fois praticable, chaud, fertile et à Tabri des
inondations, qu'il y ail dans le voisinage de Saint-Rambert.
« Les particuliers devenus acquéreurs, à la suite de la
Révolution, ayant démoli le couvent, sauf un fragment vers
l'entrée et la maison du Prieur, tous deux relativement
modernes et encore dénaturés depuis (1), on ne pourrait se
faire maintenant qu'une idée très fausse de l'ancien aspect
du monastère. Il est bon de savoir que le long espace
compris entre l'entrée et la maison du grand Prieur était
occupé, du nord au sud, par une ligne de bâtiments : c'était
le logement des religieux proprement dits. Depuis la même
entrée, une seconde ligne de constructions s*étendait de
(i) M. H. Lkymarie écrivait ces lignes vers l'année 1843.
SAINT-RAMBERT-DE-JOUX bo
Touest à l'est, et faisait un angle droit avec les précédentes :
c'était le petit prieuré et le palais abbatial. D'un autre côté,
à la suite de la maison du Prieur, existaient quelques maisons
destinées aux dignitaires, puis, de Textrémité de celles-ci,
jusqu'au palais abbatial, partait en équerre un mur, au centre
duquel aboutissait perpendiculairement l'église. Ce monument
occupait donc à peu près le centre d'un carré presque régulier.
Le reste de la superficie était partagé en cours, hangars et
jardinets.
« En dehors du couvent, du côté du sud, une petite chapelle
dédiée à saint Roch, s'élevait sur un monticule ; tout auprès
était le cimetière de l'abbaye. Une charte de 1226, citée par
Collet, nous apprend que les corps des habitants de Saint-
Rambert-de-Joux, décédés après Tâge de sept ans, étaient
enterrés dans ce cimetière, et que les droits de sépulture, les
chandeliers ou cierges, et les vêtements précieux des défunts,
appartenaient aux moines. II est probable que les enfants
étaient enterrés autour de l'église paroissiale, dans le cimetière
qui Temourait.
« Il ne paraît pas que les constructions de notre abbaye
méritent de grands regrets de la part des artistes ni des
antiquaires. On n'a trouvé dans leurs débris rien d'orné,
rien de monumental, rien même d'ancien ; car nous ne pou-
vons employer ce mot pour de pauvres moulures du xv* ou
du xvi^ siècle, dont les portes et les fenêtres étaient entourées,
pour de mesquins écussonsdont la date la plus reculée serait
de 1480 ; enfin, pour de longues murailles presque récentes,
froides, lisses, monotones et qui allaient tomber d'elles-
mêmes, lorsque le marteau du maçon les jeta sur le sol.
« Il n'en est malheureusement pas ainsi de l'église, intéres-
sante par son ancienneté, sinon par son élégance et ses vastes
dimensions. Elle devait ajouter à l'agrément du paysage, et
comblerait aujourd'hui une lacune fâcheuse parmi les rares
monuments religieux du Bugey. Elle fut démolie en 1793,
6o CHAPITRE IV
et certes, on ae s'attendait pas à en voir reparaître une
portion remarquable, lorsqu'un éboulement, arrivé en i838,
au milieu d'un parterre, à la place qu'avait occupée le chœur,
fit supposer que la crypte existait toujours (Fie. 6). L'abside
centrale de cette
crypte et les arra-
chements de ses
absides latérales se
voyaient toujours,
il est vrai, au bord
d'un chemin oii
elles servaient de
contreforts au jar-
din supérieur,mais
on croyait l'inté-
rieur anéanti; et,
le parement défi-
guré par des répara-
tions maladroites,
n'attirait nullement
les regards.
ria. 6 « Les déblais ter-
minés, on procéda
à une restauration
complète. Lesmurs
étaient intacts ; les jours bouchés furent ouverts ; la
suppression de l'escalier communiquant avec l'église né-
cessita une porte dans le milieu de la convexité de l'abside
centrale. Les colonnes gisaient renversées, mais les frag-
ments en place et la forme des voûtes, indiquèrent leur
position. Enfin, les amorces des voûtes dirigèrent le rétablis-
sement de leur appareil compliqué. Au-dessus de la crypte,
on éleva un pavillon qui montre, au loin, l'emplacement du
chevet de l'ancienne église; on y utilisa quelques chapiteaux
VUE EXTÉRIEURE
DE LA CRYPTE DE L'ANCIENNE ABBAYE
DE SAINT-RAM BERT-KN -BUG e Y
SAINT-RAMBERT-DE-JOUX
assez curieux, trouvés, à différentes époques, en fouillant le
sol (FiG. 7). Une portion du soubassement des murs du chœur
existe encore. Il avait été décoré, à deux reprises, de peintures
à fresque : la plus ancienne, à fond blanc, était composée de
02 CHAPITRE IV
guirlandes de fleurs et d'ornements, dans le goût du xy'' siècle ;
la seconde, appliquée sur celle-ci, n'offrait qu'un misérable
badigeon jaunâtre, accompagné, en guise de bordures, de
draperies rouges à franges jaunes, avec de gros nœuds de
distance en distance. Pour la crypte, placée depuis sa restau-
ration sous le vocable de saint Domitien, nous la décrirons
en peu de mots :
« Elle se compose de trois absides en partie souterraines,
dont celle du centre a le plus grand diamètre. Celle du sud
n'a pas été entièrement déblayée. Toutes sont ornées, dans
leur circonférence intérieure, d'arcatures simulées sans orne-
ments, sauf ceux que nous indiquerons plus loin. Leurs
archivoltes et les consoles ou colonnes engagées qui les
supportent, sont en moellons de petit appareil, comme le
reste des murs (Fig. 7).
« Trois fenêtres à plein cintre, nous devrions dire trois
meurtrières, éclairaient la crypte centrale; Tune d'elles a été
remplacée par la nouvelle porte; deux donnent du jour dans
les hémicycles latéraux. Quatre colonnes placées en carré, dans
l'abside centrale, et deux seulement disposées parallèlement
au grand axe de l'église, dans les absides latérales, supportaient
les retombées des voûtes (Fig. 7). Celles-ci, grossièrement
uniformes et d'une très petite portée, sont d'arêtes, à plein
cintre, avec arcs-doubleaux. En raison du poids minime
qu'elles supportent, les colonnes sont d'une pierre blanche,
tendre, tirée sans doute d'Evosge ou de Lacoux. Il serait
difficile de trouver quelque chose de plus barbare et de plus
désagréable que la forme des colonnes. Leurs fûts sans bases,
quelquefois d'une seule pièce, sont en fuseaux très renflés. Les
chapiteaux ne sont que des pyramides tronquées, renversées
et chanfreinées aux arêtes verticales (Fig. 9). L'autel placé
aujourd'hui à l'occident, contre le mur du fond, était adossé
à la portion circulaire de la maîtresse abside ; sa face, d*une
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64 CHAPITRF IV
grande pierre commune, n'a qu'une moulure très simple
autour d'un champ légèrement enfoncé ; un charnier a été
ABSIDE SBPTEKTRIOHALB DE LA CRYPTE DE L ANCIENNE ABBAVE
DB SAINT-RAM BKBT-EN-Bur,E Y
trouvé au devant. Deux portes s'ouvrent à droite et à
gauche dans les absides secondaires; le linteau de celle qui
conduit au nord, porte un grand lobe sculpté en creux, et
semble appaneoir à une aDcicnoe restauraiioD. La chapelle
qui vient à la suite, renfermait un petit escalier communiquant
avec l'élise supérieure. Les sculptures qu'on y voit sont les
seules de toute l'abbaye, qui restent encore sur place. Ce sont,
une main et une tête de taureau grossièrement sculptées sur des
66 Chapitre iv
consoles, à 1^ naissance de la voûte. Par malheur, la barbarie
n'a pas d'époque. La leur, qui est extrême, ferait supposer
qu'elles sont l'œuvre d'un enfant, et il est impossible de s'en
servir comme d'un point de départ, pour fixer l'âge du
monument (Fig. ii).
CHAPITEAUX DE L ABSIDE SEPTENTHIOHALE
« Nous ne pouvons pas, non plus, asseoir une supposition
sur l'examen seul de l'appareil, qui est ici de moellons très
réguliers et très petits, car la facilité de se procurer, dans les
environs, des pierres d'un volume égal, a dû favoriser singu-
lièrement le parallélisme des assises. Toutefois, nous serons
amenés à une date approximative, soit par l'examen des
caractères négatifs plutôt que positifs de notre monument,
soit par le style ancien des chapiteaux qu'on a trouvés épars
autour de lui, soit enfin par la certitude que l'église supérieure
en certaines positions, était l'œuvre du xi" et du xn" siècle.
Nous croyons donc qu'on peut assigner le vi* siècle aux
cryptes que nous venons de décrire. Nous ne connaissons
rien d'antérieur dans le pays.
« L'abside abbatiale occupait le dessus de ces trois cryptes
SAINT-RAMBERT-DE-JOUX 67
et s'étendait bien au-delà du côté du couchant. C'était une
basilique de dimensions moyennes, sans transept ni chapelles
latérales. Enterrée par les élévations successives du sol voisin.
comme celle de tous les monuments, son entrée était précédée
d'un porche eu bois, auquel on descendait par quatre ou cinq
marches. Si les anciens du lieu ne se trompent pas, car
c'est d'après leurs souvenirs que nous réédifions, la porte
68 CHAPITRE IV
était à plein cintre, supportée par des colonnes et accotée
de deux statues (Fig. 12 et i3). Celles-ci qui existent encore
dans te coin d'une cour, sous le nom de saint Domitien et
de saint Rambert (i), mais mutilées et méconnaissables,
appartiennent au commencement du xiii" siècle, et sont
d'un bon style.
« Au-dessus de la porte régnait, dans toute la largeur de la
façade, un bas-relief en forme de frise qui représentait, selon
les uns, la Fassion, selon d'autres, le Massacre des Innocents.
Il n'en reste pas le moindre vestige. La façade se terminait
par un gable ou pignon très simple. Le clocher, placé sur le
chœur, s'élevait à une hauteur considérable, il était carré,
surmonté d'une pyramide à
quatre pans en pierres; ses
fenêtres étaient à plein cintre,
et ornées de chapiteaux. De
là, ou de l'entrée, viennent
Fie. 14 "c- is probablement ceux que nous
CHAPITEAUX DE i/jiBBAVE trouvous épars dans les envi-
rons (Fig, 14, 1 b). Ils sont très
variés, très originaux et d'un style ancien ; un lion est sculpté
sur l'un d'eux. Le plan de l'église de l'abbaye était basilical,
c'est-à-dire qu'elle n'avait pas la forme d'une croix, mais celle
d'un carré long, divisé en trois nefs par des piliers. Elle n'avait
pas de chapelles sur les côtés, mais se terminait à l'orient par
trois absides, dont celle du milieu était la plus grande. Celle
du nord renfermait l'autel dédié à saint Clair ; celle du sud était
la chapelle de Notre-Dame des Sept-Douleurs. Les fenêtres
du chœur avaient quelques vitraux peints. La châsse de saint
Rambert était placée derrière le grand autel. Par devant, le
chœur s'étendait presque jusqu'au milieu de l'église, dont il
était isolé par une tribune et des boiseries, et son entrée était
SAIXT-RAMBERT-DE-JOUX 69
surmontée d'une voûte en ogive, sous laquelle on voyait un
calvaire. Les riches stalles de cette enceinte résen'ée étaient
dues au ciseau spirituel et délicat du xv' siècle. Leurs armoi-
ries d*or à la bande de gueules, à six coquilles de même,
mises en orbe, nous apprennent qu'on les devait à Louis et
à Georges de MareschaU qui furent abbés de Saint- Rambert,
de 1439 à i48i,et un peu au-delà
« On a trouvé, parmi les ruines du couvent, les mêmes
armoiries sculptées sur pierre, soit dans de grands cartouches
ou alvéoles, soit sur des clefs de voûte, et toujours avec la
crosse abbatiale en pal derrière l'écu ; ce quf indique que
messire de Mareschal restaura plusieurs portions de Téglise
ou des bâtiments contigus. Mais nous ne saurions dire
lesquelles, ces ornements ayant été déplacés et dispersés.
« L'abbaye possédait encore un genre de sculpture qui
ne nous semble pas très commun. C'est un dais gothique
en terre cuite, avec sa couverture émaillée d'un vert brillant.
Il peut avoir appartenu à une chapelle^ à un tombeau, à un
bénitier, etc. Le dernier débris que nous puissions citer est
une cuve baptismale en pierre blanche, octogone et d'une
composition aussi gracieuse qu'originale (i). »
f m
LA VILLE — SON ANCIENNETÉ
La petite ville qui depuis de longs siècles étale si
pittoresquement, le long des bords étroits de TAIbarine (2),
ses gracieuses maisons dominées par le roc hardi où
dorment fièrement les ruines du chàteau-fort de Cor-
(f ) Voir aux pièces justificatives n* 3 bis. l'inscription gravée près de la porte moderne de
l'ancienne crypte.
'2) Albarine« du latin Alba : blanche, et Ruo : couler avec fracas. — Rivière aux eanx
Manches et broyantes, qui traverse la vallée et la ville de Saint-Rambert-en-Bagey. et va se
jeter dans TAio, après un parcours de 60 kilomètres.
70 CHAPITRE IV
nillon (i), avec sa vieille tour couronnée d'une blanche
Vierge ; la cité qui, là-bas, à l'endroit où la plaine d'Am-
bérieux (2), étranglée, assombrie entre deux hautes murailles
de rocs tourmentés, semble faire sentinelle à l'entrée des
c( Gorges » bien connues dans les annales des touristes :
c'est la cité de Saint-Rambert-de-Joux (3). On dit aussi
Saint-Rambert-en-Bugey (4).
La vallée à l'entrée de laquelle est située la petite ville
offre aux regards du voyageur qui l'aborde pour la première
fois, un cachet de beauté si étrange, qu'il ne peut s'empêcher
de manifester un profond étonnement.
Quoi de plus étonnant, en effet, que ces immenses rochers
qui semblent enserrer de toutes parts, contre leur large poi-
trine de granit, l'ancienne seconde capitale du Bugey réduite,
aujourd'hui, aux modestes proportions d'un chef-lieu de
canton ? Les deux chaînes de montagnes vont se rapprochant
comme si elles voulaient se confondre, empêcher aux blanches
eaux de TAlbarine de se creuser un lit, fermer hermétiquement
la route au voyageur, et défendre à la voie ferrée de tracer
son ruban sinueux le long de la bruyante rivière.
Là, tout prend alors un caractère sauvage, âpre et presque
sinistre. Les ombres noires et humides des monts, assombris
encore par le reflet des sapins qui les couvrent, impriment
une imposante mélancolie dans l'âme, mélancolie qui fait
bientôt place à une véritable terreur, lorsque emporté par
une fulgurante locomotive, à travers les rochers qui sur-
(1) Le fameux château-fort de Cornillon,dont le donjon, croit M . Hippolytc Leymarie,
fut rebâti au xiii* siècle par les ducs de Savoie, peu de temps après la cession que leur en fit
l'Abbaye, fut démoli en 1602, par le maréchal Biron.
(2) Ambérieux-en-Bugey, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Belley, 3.427 habitants.
(3) Saint-Rambert-de-Joux. Cette petite ville, chef-lieu de canton de l'arrondissement de
Belley, compte 4.000 habitants ; elle tire son nom et du martyr saint Rambert, son illustre
Patron, et des monts de Joux ou Jura, au bas desquels elle fut bâtie.
(4) Bugey, nom du comté de l'ancien gouvernement de Bourgogne, compris aujourd'hui
dans le département de l'Ain, chef-lieu Belley.
SAINT-RAMBERT-DE-JOUX 7 1
plombent à droite et à gauche, le voyageur voit soudain
leurs têtes se réunir, et leurs âancs former comme une
infranchissable muraille, contre laquelle le char de feu court
se briser.
La terreur cependant a été de courte durée, car soudain
aussi, la roche puissante et noire a ouvert ses parois, et le
char de feu, avec les mille vies qu'il transporte, est sorti sain
et sauf du trou béant, tout plein encore des flocons d*un
immense panache blanc.
En remontant toujours le cours de TAlbarine, les roches
menaçantes vont s'écartant pour permettre à quelques ruines
féodales de s'étager. Puis, l'horizon s'élargit et devient plus
gai, tandis que Tâme inquiète retrouve son calme...
Mais revenons aux sites qui entourent Saint-Rambert-de-
Joux, car il n'entre pas dans notre plan de faire une descrip-
tion de toute la vallée de TAlbarine.
Les sites qui dominent la vallée <c bugéenne )> tout en
offrant à l'admiration des touristes de belles horreurs, ne
laissent pas que de leur ménager d'agréables surprises à
chaque sinuosité du lit de la rivière qui en égaie le ton.
En effet, le regard fatigué de la sinistre silhouette des
cimes aiguës peut, en s'abaissant, se reposer dans la vallée
sur un paysage calme, frais et essaimé de vieilles maisons,
au milieu de champs bien cultivés. La plaine est étroite,
sans doute, mais remplie de vie et de mouvement ; sillonnée
de chemins bordés de haies d'aubépines; ombragée de grands
arbres ; égayée par le roulis bruyant des lourds vagons qui
courent rapides, comme le vent, à travers ses combes et ses
rochers ; plantureuse avec ses abondantes eaux ; et surtout,
riche avec ses nombreuses usines, dont la rivière met en
mouvement les mille métiers à tisser la soie. Car, en sortant
des gorges profondes où, tout à l'heure encore, elle brisait
ses ondes avec fracas, TAlbarine a trouvé, maintenant à
l'entrée de la ville, un lit plus vaste et plus doux, où ses
72 CHAPITRE IV
eaux, captéCwS au service de l'industrie, sont devenues plus
calmes.
11 est rare d'en trouver de plus belles, coulant avec plus
de charmes et de limpidité lorsqu'elles viennent baigner la
longue file de maisons qui, sur un espace de près d'un
kilomètre, forme la grande rue de Saint-Rambert-de-Joux.
L'aspect de la petite cité a bien changé, il est vrai, depuis
un demi-siècle. Ainsi, on ne voit plus de grandes dalles servant
de ponts, pour réunir les deux bords de la rivière; mais
de gracieuses passerelles font communiquer ses deux rives.
Les remparts du moyen âge, dont les poternes s'ouvraient
sur la rivière et tenaient lieu de fossés, n'existent plus depuis
longtemps, mais ont été remplacés par de jolies villas ados-
sées au coteau, et de vastes constructions ménagées pour
l'industrie du tissu de la soie ; constructions dont les hautes
cheminées font penser aux donjons et aux tours des fortifica-
tions d'un autre âge. L'ancien hôtel de ville du xv* siècle a
été démoli, il est vrai, et rares sont devenues les maisons par-
ticulières de ce même xv® siècle, maisons qui jadis donnaient
à la grande rue de la petite cité une physionomie si originale,
avec leurs croisillons ornés de moulures prismatiques taillées
dans une belle pierre noire ; rares aussi, les fragments de
l'époque ogivale et les débris d'ouvrages romans, les bas-
reliefs de la Renaissance, les cartouches avec armoiries capa-
bles de rappeler quelques précieux souvenirs historiques(i).
Mais de jolis boulevards ombragés, des quais pleins d'anima-
tion et de gaieté, tracés le long du lit de l'Albarine ; des rues
larges, des maisons dont l'aspect trahit le confort moderne ;
enfin, une animation, une vie si extraordinaires qu'à certaines
heures de la journée vous prendriez ce gros bourg pour une
de ces grandes villes du Nord de la France, où, après un tra-
vail aussi incessant que rémunérateur, des milliers d'ouvriers
«
(i) H. Leyuarie, Notice historique et descriptive de Saint-Rambert-de-Joux, passim.
SAINT-FAMBERT-DE-JOUX "ji
sortent des ateliers, semblables à des essaims d'abeilles qui
s'envolent, de leurs ruches, à travers la campagne fleurie.
Voilà, en quelques mots, ce que le progrès moderne a fait
de l'ancienne capitale de second ordre du Bugey : une ville
industrielle, à laquelle l'avenir sourit, mais qui sait garder
le souvenirdes hommes et des choses d'un passé que l'histoire
lui a buriné.
Ne me demandez pas la date delà fondation de cette ville.
Les vieux parchemins se taisent sur le nom primitif de la
vieille cité, et sur l'époque qui la vit naître. La tradition,
elle-même, demeure muette sur cette intéressante question.
Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'elle est très ancienne, et que
les historiens comme André Duchesne, Samuel Guichenon (i)
qui ne font remonter le bourg de Saint- Rambert-de-J ou x
qu'à la fondation du monastère de Saint-Domitien, vers le
v' siècle, ne reculent pas assez loin la date de son origine.
Les preuves que ces auteurs donnent, à l'appui de leur
thèse, nous paraissent assez fortes pour établir, sans conteste,
l'existence sur les bords de l'Albarine, au v* siècle, d'un
monastère et de ses dépendances, mais ne nous semblent pas
concluantes sur la question d'origine du bourg adjacent au
monastère,
« En effet, dit M. LEïMAHiE, si l'on s'en rappone à ces
f historiens du monastère de saint Domitien, la première
H origine de la ville de Saint-Rambert-de-Joux serait due à
a la construction d'une abbaye par le même saint Domitien
a au v" siècle (2), et son accroissement aux visites de pèlerins
o accourus nombreux vers le tombeau de saint Rambert,
« dès la fin du vn" siècle. »
(I) A. DucHiiHE, «ivanl hiiloricn (iili4-i64o). — S. Cuickihoh. hisloriographt frudil
de SiToic et de France (1607-1664}.
(1) DoQiilien naquit à Rome,
La IfRtnde cite un □nloire et 1
l'Albirioe aa v ijjcle.
74 CHAPITRE IV
Et c'est ainsi que Torigine de cette ville ne remonterait
pas au-delà du v*^ siècle. Quand on lit, en effet, la légende
de saint Domitien, on y trouve des expressions propres
à faire croire qu'à Tépoque dont il s'agit, le pays aux
environs de TAbbaye était, vers 420, un véritable désert,
« profiindam heremum », désert habité par des gens sans
aveu, par des brigands se livrant à la fabrication de
fausse monnaie, « antiqui falsi monetarii olim versait
fueranl ». Saint Domitien, d'après ces historiens et la
légende rapportée par les Bollandistes (i), n'avait choisi
cette retraite que parce qu'elle était isolée de toute habi-
tation, à l'abri des bruits du monde, qui, comme nous
pouvons le constater par le texte de sa légende, l'avaient
troublé dans sa première résidence (2) « freqiientiam popu-
lorum graviter ferens », etc.
Toujours d'après les mêmes auteurs, le village le plus
rapproché de l'Abbaye, Torcieu était éloigné de six
kilomètres (3). Deux cents ans plus tard, lorsque le jeune
prince Rambert vint y souffrir le martyre, l'aspect du pays
n'avait pas changé; c'était encore un désert sauvage. « Duxe-
runt eumper quoddam desertum. »
Sans doute, nous croyons, avec Guichenon, que la vallée
étroite du Bébron choisie par saint Domitien pour y élever
son monastère était, à cette époque lointaine, un lieu peu fré-
quenté et donnant avec ses rochers couverts de sombres bois,
l'idée d'un désert profond, désert dont il garde encore de nos
jours l'image.
Nous sommes également bien porté à croire que ce lieu
très retiré du monde « ne commença d*être très fréquenté
« qu'après la mort de saint Rambert, par le concours des
(i) Acta Sanctorum XdlJunii p. Sg^rô. Histoire de Bresse et de Bugey, par Guichenon.
Histoire Française^ par Duchesne. Tome l.
(2) Voir aux pièces justificatives n" 2 la légende de saint Domitien.
(3) Torcieu, village du canton de Saint-Rambert-en-Bugey. 717 habitants.
SAINT-RAMBERT-DE-JOUX 7 5
« peuples qui pour être guéris de diverses infirmités, venaient
« par dévotion à son sépulcre » (i).
Mais nous admettons difficilement que la vallée de
Saint-Rambert fût un pays désert, avant l'arrivée de saint
Domitien et de saint Rambert. Les travaux de Térudit
M. Hippolyte Leymarie, nous montrent que les déserts
des bords du Bébron et de l'Albarine, dont parle la légende
à laquelle Duchesne et Guichenon souscrivent sans contrôle,
étaient habités.
« Peut-être, dit l'auteur de la Notice sur Saint-Rambert-
a de-Joux^ peut-être la ville n*existait-elle pas alors sur
« l'emplacement qu'elle occupe aujourd'hui; peut-être encore
« n'y avait-il pas de ville à proprement parler ; mais il y'
« avait, aux alentours du couvent, des habitations qui lui
ce étaient antérieures, et leur grand nombre nous permet
ce de contredire quelques-unes des assertions des légen-
cc daires, ou des copistes de légendaires incapables, à cette
« époque rudimentaire, de reproduire le style et les allures
ce des siècles précédents, ni de reconnaître les âges des
ce monuments qui, autour d'eux, auraient dû leur servir de
<c jalons pour dresser l'histoire des localités. »
Tout le monde sait, en effet, que les Romains, déjà
possesseurs d'une colonie dans la Gaule, cent vingt-cinq ans
avant Jésus-Christ, y furent rappelés par les Marseillais leurs
alliés, qui leur demandaient protection contre les Gaulois
du voisinage; et un demi -siècle plus tard, contre une
invasion formidable de Germains ayant à leur tête Arioviste
(58 avant Jésus-Christ).
César accourut de l'Italie, traversa le pays des Helvètes,
celui des Ségusiens, qui est précisément le pays que nous
appelons aujourd'hui Bugey,et empêcha ces barbares de passer
(i) La plus ancienne charte relative à TAbbaye et au bourg adjacent, et qui fasse mention
de Saint-Rambert, c'est la bulle du pape Ccicstin III. datée de l'an m 91. On y Ut ces mots ;
monasterium cum burgo adjacenti.
76 CHAPITRE IV
sur les terres des Romains, après leur avoir livré un combat
où il leur tua deux cent mille hommes (i).
11 n'est nul besoin d'insister, ici, pour faire comprendre au
lecteur que le passage des légions romaines dans un lieu,
surtout au lendemain d'une victoire, était toujours marqué
par quelque installation de camps militaires, ou de postes
fortifiés, destinés à garder le pays conquis contre les retours
offensifs d'un ennemi difficilement vaincu.
Or, autour de ces camps romains venaient nécessairement
se grouper les habitations de cette caste d'individus dont le
métier était de suivre les armées victorieuses, pour leur offrir
leurs services.
C'est ainsi que durent se passer les choses dans l'étroite
vallée de l'Albarine, voie par laquelle César dut transporter
ses troupes pour les diriger, d'abord, sur les rives de la
Saône, et plus tard, sous les remparts de Bibracte et de
Gergovie (2).
« Et comme l'usage chez les Romains, lorsqu'ils avaient fait
a la conquête d'un pays, était de le mettre en communica-
« tion immédiate avec la métropole, par l'établissement de
(( chemins partant de Rome jusqu'aux extrémités des provinces
« conquises,ons'accordeàsupposer que la vallée de l'Albarine
« et celle des Hôpitaux reçurent, fort anciennement, une de
« ces voies, laquelle voie ne serait autre quela route actuelle
(( et départementale n*" 4.
' « Cette hypothèse est abondamment prouvée, par la
« disposition même des localités qui n'admettent aucun
« autre passage dans un rayon fort étendu, et par les
« traces nombreuses d'antiquités romaines trouvées dans
« cette direction (3). »
(i) Histoire Romaine par l'abbé Drioux. Conquête de la Gaule par les Romains (58
avant J.-C.)-
(a) Bibracte, capitale des Eduens, aujourd'hui Autun. — Gergovie, capitale des Arvernes.
(3) Notice historique et descriptive de Saint-Ram bert-de-Joux.
SAINT-RAMBERT-DE-JOUX 77
Notre but n'est point de suivre H. Leymarie dans les
découvertes concluantes faites, sous ses yeux, dans la vallée
de TAlbarine, pour prouver que l'origine de la ville de Saint-
Rambert-de-Joux remonte bien avant le v* siècle, époque où
Domitien bâtit son oratoire et son hospice.
Cependant, pour que le lecteur n'aille pas s'imaginer que
nous passons les preuves sous silence, parce qu'elles
nous font défaut, nous allons lui en citer deux principales,
les plus saillantes. Nous les extrayons de Touvrage intéres-
sant et documenté de Tauteur auquel nous avons emprunté
une grande partie des notes transcrites dans ce chapitre.
« Une preuve irréfutable, dit H. Leymarie, de la présence
« d'habitations gauloises sur le territoire de Saint-Ram bert-
« de-Joux, c'est d'abord la découverte d'une hache celtique,
« en bronze, d'une très bonne conservation, qui nous vient
i< des fouilles faites sous le canal actuel, il y a quinze ans (i).
« Un autre monument qui rappelle le passage des Romains
'i dans la vallée de l'Albarine, c'est la présence, dans l'église pa-
c< roissiale de Saint- Rambert, comme support d'un bénitier (2),
(( de l'autel votif que « Camulia Attica » avait dédié aux dieux
(c Cabires, ou aux dieux gardiens. La forme de ce monument
« et Tinscription latine qu'il montre, font croire que c'est une
« œuvre du deuxième siècle. »
Et ce n'est pas tout, une quantité de poteries, jaunes,
noires, rouges, de tuiles à rebords, d'amphores, de vases à
ornements riches et en bronze du bas empire, de meules en
basaltes, de fragments de mosaïque grossière, de bronzes du
(1) M. H. Lbtmarib écrivait ces lignes en 1843.
(3) Ce monument que les anciens de la ville de Saint-Rambert ont vu, bien des fois, en
entrant dans régltse paroissiale, avait déjà disparu depuis quelques années, quand
H. Leymarie écrivait sa notice sur Saint-Rambert-dc-Joux. Voici IMnscription qu'on lisait
sur cet autel r
DIBUS CABI
CAMULIA AT
TICA ARAM
posurr
78 CHAPITRE ÎV
meilleur goût, de médailles du même métal, de vestiges de
murs, de débris de charbons trouvés dans quelques localités
de la commune, prouvent certainement l'existence d'habita-
tions gallo-romaines dans les environs de Saint-Rambert-de-
Joux, avant le v' siècle (i).
Ces documents à Pappui de notre thèse devront suffire. Car
nous n'avons pas la prétention d'écrire l'histoire complète de
l'intéressante cité « bugéenne », histoire que d'autres ont déjà
traitée avec plus de compétence que nous ne saurions le faire
nous-même (2).
Et si nous avons élaboré ces quelques pages sur le chef-
lieu de canton de la vallée de l'Âlbarine, c'est qu'il nous a
paru nécessaire de faire connaître au lecteur, par une esquisse
rapide, les lieux dont nous sont arrivés providentiellement
les sacrés restes de l'illustre martyr saint Rambert.
Toutefois, nous ne terminerons pas ce chapitre sans dire
quelques mots de l'église, qui a l'insigne honneur de posséder
une grande partie des reliques de notre saint.
L'église paroissiale de Saint-Rambert-de-Joux ne peut pas
être classée parmi les monuments, avec son lourd clocher à
dôme, les angles nombreux de ses chapelles, son porche dont
le plan et l'architecture attirent les regards du voyageur ;
mais elle offre cependant un réel intérêt ; d'abord, au point de
vue de sa pittoresque position : « Placée au-dessus de la route
« et au bas de rochers dont les flancs et la tête disparaissent
(( sous un épais manteau de broussailles ; baignée du côté du
(( midi par l'Albarine, qui n'en est séparée que par le quai, et
c( du côté de l'ouest par le torrent de Bébron, elle masque
(i) Voici les noms des localités citées par H. Lbymarib, et où l'on a trouvé, autrefois,
des traces d'habitations gallo-romaines :
Plateau des Ârmers, Bois de Nerva. Verger de Ringe, Hameau de Blannaz, Hameau de
Serrière, Grange du Stabat, La Gardinière-Gratoux, Fontaine de Luysandre, Laroche,
Mont-Michel, Granges au-dessus de Lupieux, Maison Fallavier, Vigne Bourdin, Au-delà
de la cdte Répi.
(2) H. Leymarie, Notice historique et descriptive sur Saint-Rambert-en-Bugey, 184a.
Guide historique et pittoresque du voyageur en chemin de fer, par un Dauphinois, i858.
SAINT-RAMBERT-DE-JOUX 7g
« l'entrée du vallon ombragé, discret, plein d'eaux murmu-
« rantes et de balmes touffues, qui conduit à l'Abbaye par
« un sentier montueux, dont les beautés agrestes font rêver
« des sites enchanteurs de nos Alpes.
« Ensuite, au point de vue de sa disposition et de sa décora-
« tion intérieures, qui, si elles ne répondent pas à la beauté de
« ses alentours, cependant méritent de fixer l'attention, c'est
« une grande nef sans collatéraux ni voûtes, flanquée sur ses
« côtés de chapelles inégales en grandeur, d'époque et de styles
" différents. Les plus anciennes de ces chapelles ne semblent
« pas remonter au-delà du xv' siècle, et elles n'offrent rien de
« remarquable. Mais ce qui l'est certainement, c'est la curieuse
« disposition du chœur et de son abside à pans. Au lieu de se
a présenter en face de la grande porte de l'église, le chœur, de
« construction moderne, est jeté sur le côté gauche dont il
K touche la dernière chapelle. Et comme il est beaucoup plus
« étroit que la nef, il laisse du côté droit un grand mur lisse,
a contre lequel est adossé un autel à retable de bois. Plusieurs
K œils-de-bœuf élevés au niveau du plafond donnent du jour
« dans le vaisseau.
a Rien de saillant, du reste, dans cette église, que la Révo-
« lution a dévastée et dont la restauration ne remonte pas plus
« loin que le commencement de ce siècle, si ce n'est un très
u ancien tableau à compartiments, une chaire en bois sculpté
« d'un joli travail, et l'ancienne châsse de boisdoré qui contient
« la moitié du corps sacré de saint Rambert dont l'autre moitié
« est à Saint-Rambert-en-Forez. » Nous parlerons de cette
précieuse châsse et de son précieux trésor de reliques, dans
le chapitre suivant (i).
1) Sotlet historique el Jelcriplivt Je Saiai-Ramberl-dc-Joux, [S|i.
CHAPITRE V
LE
CULTE DE SAINT RAMBERT
DANS LA VALLÉE DE L'ALBARINE
(en bugey)
Après la mort de saint Rambert, ses restes sacrés déposés
dans l'église du monastère près duquel il avait été martyrisé,
furent conservés par les religieux, avec le plus grand soin et la
plus profonde vénération. Toujours fécondes en prodiges, ces
Reliques insignes, auprès desquelles les fouies pieuses ne
cessaient de prier et de recevoir des faveurs, restèrent intactes,
formant un corps complet, jusqu*au jour où sous l'épiscopat
de saint Gébuin, archevêque de Lyon, un comte de Forez,
Guillaume I,en obtint une partie considérable qui fut trans-
portée dans le prieuré de Saint-André-en-Forez (i), vers Tan
1078, comme nous le raconterons au chapitre VII*.
La portion du corps du saint martyr restée à Saint- Rambert-
en-Bugey, but vénéré et constant de pèlerinages pour les
(i) Distant de 18 kilomètres de Montbrison, sar la rive gauche de la Loire, élevé sur une
balme qui court du Sud au Nord, et à la distance de 1 kilomètre du cours de ce fleuve.
§2 CHAPITRE V
fidèles de la ville et de la contrée, était depuis plusieurs
siècles renfermée dans une châsse de bois avec les reliques
de saint Domitien. A différentes époques, cette châsse fut
ouverte et le trésor qu'elle gardait depuis des siècles,
reconnu soit par les visiteurs de Tordre de Cluny dont
dépendait Tabbaye royale de Saint-Rambert-en-Bugey, soit
par des évêques, dans le cours de leurs visites pastorales (i).
Le 10 juin 1689, Dom Paturel, grand Prieur de l'Abbaye
de Saint-Rambert-en-Bugey, avant de procédera la translation
des reliques, d'un fort ancien reliquaire qui les renfermait,
dans une châsse nouvelle, les visita, en assura l'authenticité
et signa un procès-verbal de sa visite avec les témoins :
Buynand, chamarier ; Delaforest, sacristain ; Trocu, aumônier ;
Michon, chantre ;Caron, ouvrier ; Guichard, cellerier •,et Vérot,
réfectorier.
C'est ce procès-verbal que Dom Godard, visiteur de l'Ordre
de Cluny, trouva plus tard, le 10 juin 1763, dans l'ancien
reliquaire vermoulu dont nous venons de parler, pendant
que lui-même, en présence de Dom de la Lévretière, grand
Prieur, de Messires Giraudon, curé, Grumet, maire, Barron,
notaire royal, et de plusieurs religieux et autres personnes,
il vérifiait les reliques, constatait que pas une seule parcelle
n'avait été enlevée au précieux trésor, et que les sacrés osse-
ments qu'il avait sous les yeux, étaient bien les mêmes,
quant à la substance et au nombre, que ceux qui avaient été
vérifiés soixante-quatorze ans auparavant, par Dom Paturel,
grand Prieur de l'Abbaye (2).
C'est alors que les Reliques de notre illustre Patron et
celles de saint Domitien furent placées dans le reliquaire
nouveau qui les contient aujourd'hui. Ce reliquaire, ou
châsse, que nous avons eu le bonheur de vénérer au printemps
(I) Voir les pièces justificatives du n* 5 au n* i3.
(a) Voir les pièces justificatives n* 3, à la fin de ce volume.
LE CULtE DE SAINT RAMBERT S3
de l'année 1897 est, dit le texte du procès-verbal, « ensculp-
« ture, doré surtout à l'extérieur, avec des palmes en sautoir
« et des guirlandes aux quatre faces et relevées en bosse, sur-
« monté d'une couronne royale peinte en rouge, et verni en
« dedans. » (Fig. 16.)
Cette châsse, en bois, fut donnée par Dom Jean-Baptiste
Pellard, religieux prêtre, réfectorier de l'Abbaye de Saint-
Rambert- en - Bugey ,
Dom Godard, assisté
de plusieurs méde-
cins et de plusieurs
personnages de gran-
de notoriété , avait
trouvé dans l'ancien
reliquaire quatre pa-
quets enveloppés,cha-
cun, d'une étoffe de
soie. L'un de ces pré-
cieux paquets conte-
nait les deux os du
coccyx, deux fémurs,
dont la tète de l'un
était séparée de son
apophyse, un péro-
né, un cubitus, et '^"'*^**^ °^ ^*"''' '**"«"'^
,, , . , D«ni l'ugliie piroissiale de S>iDt-R»mbert-eD-Bugty.
1 apophyse ci-dessus.
Dans l'autre, se trouvaient des fragments de clavicules, de
fausses côtes, de l'épine du dos; un crâne, et d'autres petits
ossements mis en pièces.
Dans un troisième paquet, étaient renfermés plusieurs frag-
ments d'os, que l'on ne pouvait distinguer, à cause de leur
petitesse.
Le quatrième contenait un peu de terre dans laquelle on
croit que le saint fut, autrefois, inhumé.
84 CHAPITRE V
Nous verrons, plus tard, que tous ces ossements et quelques
autres moins importants, dont une mention explicative est
faite dans le procès- verbal (i), rapprochés de la portion des
reliques que possède l'église de Saint-Rambert-en-Forez,
concourent à former le squelette d'un même corps : celui de
notre illustre et saint Martyr Rambert.
En 1788, l'abbaye de Saint- Rambert-en-Bugey fut, comme
tant d'autres, sécularisée. Un administrateur (2) nommé par
le Gouvernement prit la régie des revenus, et les religieux
furent obligés de quitter le monastère (3). La chrétienne popu-
lation de Saint-Rambert qui, depuis de longs siècles, avait
identifié sa vie avec celle des moines ses bienfaiteurs, les vit
partir avec peine, et même avec larmes, si l'on s'en rapporte
aux sentiments de tristesse exprimés dans la délibération
prise par le Conseil de la Commune, au sujet de la Donation
à la ville, par les religieux, de la relique du Saint (4).
Dans cette délibération datée du 14 juillet 1 788, Jean-Louis
Grumet de Montpie, maire de la ville de Saint-Rambert-en-
Bugey, au nom de son Conseil et des habitants de la paroisse,
demande aux religieux de vouloir bien que la vénérable
relique de saint Rambert, Patron de la paroisse, objet antique
de la vénération publique, soit transportée, de l'église de
l'abbaye dans l'église paroissiale.
Il prie Messiresle grand Prieur et les religieux du monas-
tère, de donner leur consentement à la translation de ladite
sainte Relique <c comme une dernière marque de leur attache^
(t) Voir les pièces justificatives n* 3, à la fia de ce volume.
(2) M. Gaillard, commis par M. de Saiot-Julien à l'administration des biens et droiu de
l'Abbaye.
(3) Vie de saint Rambert, opuscule imprimé àTenay(Âin), 1895.
(4) L'Abbaye de Saint*Rambert-en-Bugey, dont saint Domitien est le premier fondateur au
V* siècle et qui passa plus tard sous la règle clunisienne, sécularisée en 1788, et dont les
biens furent vendus en 1791, a été transformée en une jolie maison de campagne apparte-
nant autrefois à M. le Docteur Martin-Cadet et aujourd'hui à M. le baron Hippolyte de
Sylans. La très honorable famille de Sylans est originaire de la Savoie. Elle s'est toujours
fait remarquer par son esprit religieux et son dévouement aux bonnes œuvres.
LE CULTE DE SAINT RAMBERT
85
« ment pour la viïle^ et leur témoignera^ au surplus^ combien les
« officieras municipaux et tous les habitants^ sont touchés de la
a dissolution de leur abbaye ^ et sensibles à la perte d'une maison
a si utile à la paroisse » (i).
Ce que la commune de Saint-Rambert avait demandé aux
religieux, par son maire chrétien et dévoué, fut gracieusement
accordé, et le corps saint, qui était à l'abbaye, fut transporté
dans Téglise du collège de la ville, en attendant qu'on lui
préparât une place d'honneurdans une des chapellesde Téglise
paroissiale, en reconstruction.
Or, voici en quelques mots comment les choses se
passèrent :
Dès le lo juin 1789, Dom Nivîère, Procureur syndic de
l'abbaye, député pour cela par le Chapitre conventuel qui
avait consenti à céder la châsse à l'église paroissiale, invita
Messieurs les Magistrats de la ville et M. le curé Debeney,
à prendre des mesures convenables pour que la translation
se fît avec les précautions et la solennité exigées pour la
circonstance.
La châsse, portée par deux Pénitents, entourée du clergé
paroissial, du grand Prieur et de ses religieux, des magistrats
de la commune, prit sa marche par dessus les « Chênes »
précédée de la milice bourgeoise sous les armes. Elle
traversa solennellement une partie de la ville, drapeau
déployé, tambour battant, aux accents des hymnes pieux,
suivie d'une grande foule de peuple, très recueillie.
Reçu par M. Debeney, curé, à la porte de la chapelle du
Collège où se faisait alors,provisoirement,le service paroissial,
le vénéré reliquaire fut déposé, après les prières accoutumées,
dans le chœur, du côté de l'Evangile.
Dom Moynat, grand Prieur de l'abbaye, se déchargeant
alors du précieux trésor dont les religieux avaient eu la garde
(1) Voir les pièeet justificatives n* 6.
86 CHAPITRE V
pendant de longs siècles, remit à M. Debeney, curé, et aux
magistrats de la ville, les deux clefs du reliquaire, afin qu*ils
pussent, à Tinstant, en vérifier le contenu.
L'ouverture de la vénérable châsse, dont nous avons fait
plus haut la description, ayant été faite en présence de plusieurs
graves témoins (i), M. le curé trouva, dans l'intérieur, toutes
les reliques reconnues et décrites dans les procès-verbaux du
10 juin 1689, et du 10 juin 1763 (2), lesquels y étaient égale-
ment enfermés.
Nous n'insistons pas davantage sur la cérémonie de cette
mémorable translation. Elle s'acheva au milieu des accents
d'une joie bien facile à comprendre chez un peuple de foi,
heureux de posséder, tout près de lui, les restes sacrés d*un
illustre Patron et protecteur.
Le procès-verbal en fut rédigé, séance tenante, et signé par
les grand Prieur, religieux, curé, magistrats et secrétaire-
greffier de la ville, le 12 juin 178g, dans la chapelle même du
Collège (3).
Mais la sainte Relique que des mains pieuses avaient sous-
traite au péril d'une profanation, en l'enlevant au silence du
cloître sécularisé, pour lui offrir une retraite plus sûre dans
une chapelle paroissiale, la sainte Relique devait bientôt
courir le danger d'être anéantie.
En eflFet, en 1792, l'orage révolutionnaire qui avait éclaté
sur la France, dispersait les ministres du sanctuaire et, avec
eux, les gardiens-nés des trésors de nos églises. La Révolution
avait juré une haine mortelle à l'Eglise catholique, à ses
prêtres, à ses temples, à 'ses biens, à ses libertés, à tout ce
(i) MM. Dom Moynat, grand Prieur; Nivière, syndic; Reverdy; Debeney, curé; Gnimet-
de-Montpie, maire, conseiller; Falavier-Marcschali lieutenant-juge; Jarrin, Juvanon.
conseiller ; Juvjnon, principal du Collège et vicaire à Saint-Rambert ; Baillaz, Garin,
Tenand, Dubreuil, vicaire; Bugniod, Auger, Bourdin, Tenand, secrétaire.
(a) Voir les pièces justificatives n* 7.
{3) Voir les pièces justificatives n* 7.
LE CULTE DE SAINT RAMBERT 87
qui, de près ou de loin, touche au culte divin ; et c'est à coups
de décrets et d^arrêtés iniques qu'elle essayait de la dépouiller,
et de la réduire à l'impuissance, jusqu'au moment où les lois
scélérates, n'ayant plus assez de force ni de rapides effets,
elle leur substitua, comme plus expéditif, le couperet de la
guillotine.
L'arrêté du Directoire de l'administration centrale de l'Ain,
relatif à l'enlèvement du mobilier des églises, à leur ferme-
ture, et à l'interdiction du culte divin sur leurs autels, parvint
sans nul doute aux autorités municipales de <c Montferme » (i)
comme il parvint à toutes les autres communes de France,
au pouvoir de la Convention.
Au reçu de l'arrêté conventionnel, le Conseil municipal
s'assembla pour délibérer. On ne délibéra pas longtemps ;
il fallait obéir aux ordres intimés par la Convention sous
peine d'être regardé comme suspect, et voué à une mort
certaine. Aussi bien, le Conseil municipal se hâta-t-il de
nommer une Commission chargée de confisquer et de faire
disparaître tout objet religieux ayant servi à entretenir des
idées de superstition^ dans l'esprit des ci-devant catholiques.
Or, parmi les objets bénis, dont la présence à l'église de
Montferme attirait les foules pieuses, et entretenait dans les
âmes des catholiques les sentiments d'une vive foi et d'une
grande confiance en Dieu, il y avait l'antique châsse contenant
les reliques de saint Rambert.
(t) MoQtferme est le nom qui fut donné, en 1793, à la petite ville de Saint-Rambert-en-
Bugey par le gouvernement de la Révolution. Il y a, dans ce nom propre de lien composé
des deux mots : Mont et ferme^ une double allusion à la position de Saint-Rambert-de-
Joux au pied d'un rocher, et à l'énergie peu ordinaire de ses enfants. De peur qu'on ne
cherchât un jour à lui contester la vérité de cette glorieuse épithète, la petite cité se bâta
de la justifier, un peu plus tard, sous la période des Cent jours, en fournissant la majeure
partie des héros des Balmettes.
Tous les habitants du pays savent que les « Balmettes » sont un défilé situé entre Saint-
Germain et Torcieu, et que ce passage fut défendu, en 18 14, par une poignée de braves
qui y retinrent, pendant plusieurs jours, l'armée autrichienne. Soldats improvisés, sans
ordre, et pour ainsi dire sans chefs, ils montrèrent ce que peut le seul élan du patriotisme.
Notice historique et descriptive sur la ville et l'abbaye de Saint^Hambert-de^Joux, par
H. Lbtmakii.
88 CHAPITRE V
Il était donc bien à craindre que ce précieux trésor, tom-
bant entre les mains d'hommes remplis de haine pour tout
ce qui rappelle Dieu et les saints, ne fût endommagé, pour
ne pas dire anéanti.
Mais trois chrétiens fidèles veillaient, d'un œil pieux, sur
le vénérable reliquaire. Ils avaient juré de l'enlever au rapt
impie des conventionnels, dût-il leur en coûter la vie.
Le souvenir du dévouement de ces trois hommes de foi et
de cœur, mérite de passer à la postérité. Et c'est pourquoi,
autant par reconnaissance que par légitime orgueil, nous
voulons que leurs familles, leurs amis, la paroisse de Saint-
Rambert, tout entière, bénissent leurs noms.
Les voici : André Tenand^ Philibert Thévenin^ Pierre
Lyaudet. Tous trois, pour conserver à la piété de la paroisse,
les sacrés ossements de son cher et illustre Patron, imagi-
nèrent de cacher la relique du saint martyr dans la chapelle
de la sainte Vierge.
Ils creusèrent donc, secrètement, le sol de cette chapelle, et
firent une excavation assez profonde pour recevoir le trésor
des ossements de saint Rambert, renfermés dans une pièce
de taffetas vert.
Quant à la châsse elle-même, ils la transportèrent discrète-
ment dans les galetas de la municipalité (i).
Lorsque l'orage eut passé et que le ciel fut redevenu serein,
quand la paix rendue à l'Eglise permit aux temples de se
rouvrir et aux prêtres d'y venir, à nouveau, sacrifier l'auguste
et sainte Victime, les trois chrétiens dévoués qui avaient
sauvé de la destruction la sainte Relique, s'empressèrent de
révéler ce trésor à M. Dupuy, alors curé de Saint-Rambert-
de-Joux.
Convoqués par ledit curé et son vicaire, M. Darnand, à
*
(i) Voir le petit opuscule Vif de saint Rambert^ imprimé à Tenay (Ain), iSgS.
LE CULTE DE SAINT RAMBERT 89
une réunion où ils furent priés de faire le récit du béni
sauvetage de la vénérée châsse et de ses précieuses reliques,
ils racontèrent le fait tel qu'il s'était passé vingt et un ans
auparavant. Ils attestèrent avec serment, comme il est établi
par une déclaration qu'ils signèrent avec MM. le curé et le
vicaire (i), que les reliques présentes étaient bien les
mêmes qu'ils avaient soustraites aux profanations sacrilèges
de l'impiété.
Ainsi, l'ancienne et précieuse châsse avec son trésor de
reliques, placée de nouveau dans une chapelle de gauche
de l'église paroissiale, redevint l'objet chéri de la vénération
des fidèles.
Or, son Altesse Eminentissime le Cardinal Fesch, Arche-
vêque de Lyon, faisant en i8i3, la visite pastorale de son
Archidiocèse, sur l'invitation de M. Claude Dupuy, curé de
Saint-Rambert-de-Joux, s'arrêta dans cette ville, le lo juin (2).
Il y fut reçu très solennellement, et avec la plus grande joie.
L'intention de M. Dupuy était de faire vérifier et reconnaître
les reliques du saint Patron de la paroisse par son Eminence
le Cardinal, et de donner à leur présence dans le reliquaire
échappé au vandalisme de la grande Révolution, un caractère
d'authenticité plus notoire et plus formel.
L'Eminentissime Cardinal fit, en effet, ouvrir la châsse
vénérable par M. le curé, qui seul en avait la clef II y
trouva renfermés dans une étoffe de soie bleue, les mêmes
ossements grands et petits, le même paquet de terre tirée du
tombeau de saint Rambert, les mêmes deux vases renfermant
des mottes de terre imprégnées de son sang, les mêmes
précieuses reliques, enfin, que celles dont faisait mention le
procès-verbal de 1 789, marquant la date de leur translation
(I) Voir cette décUratioa aux pièces justificatives n* 8.
(s) A cette époque, le département de l'Ain faisait partie de l'archidiocèse de Lyon.
90 CHAPITRE V
solennelle, de l'église abbatiale dans l'église du Collège de la
ville (i).
Lecture faite d'un autre procès-verbal constatant la conser-
vation des saintes reliques, pendant la grande Révolution,
par trois respectables et graves citoyens, et de leur remise
fidèle dans la châsse, après les mauvais jours de la Terreur,
Son Altesse Eminentissime fit quatre lots des divers objets
recueillis dans le reliquaire. Elle les scella, les réunit en un
seul, dans une enveloppe fie toile blanche, et le tout, marqué
à son nom et muni de son sceau, fut déposé dans la châsse
de bois doré, fermée à trois clefs.
L'Eminentissime Cardinal avait, toutefois, préalablement
distrait un des grands ossements de cette Relique, pour être
déposé dans le trésor de l'Eglise Primatiale de Lyon, lequel
serait rendu, dit le procès-verbal, à celle de Saint-Rambert
si cette dernière église avait jamais le malheur de perdre le
trésor qu'elle possède.
Avant de quitter la ville de Saint-Rambert-de-Joux, son
Eminence le Cardinal Fesch, comme pour raviver dans les
âmes des fidèles la dévotion à leur illustre Patron, et la
confiance en sa puissante intercession, ordonna que la châsse,
réparée et remise en bon état, serait désormais placée,
comme avant la grande Révolution, dans la niche préparée,
derrière l'autel de la chapelle dédiée à ce Saint (2).
Ainsi, élevée avec honneur au-dessus du parvis du sanc-
tuaire, et exposée visiblement aux regards de tous^ elle
deviendrait l'objet constant des visites pieuses et des prières
des pèlerins.
Et pour que son passage au milieu d'une population
foncièrement chrétienne, fermement attachée au culte de
saint Rambert, heureuse même de tout ce qui pouvait lui en
(I) Voir les pièces justificatives n* 7.
(3) Voir les pièces justificatives n* 9.
LE CULTE DE SAINT RAMBERT 9I
rappeler le souvenir, et pour que son passage béni restât
gravé dans la mémoire des générations, son Altesse Eminen-
tissime voulut que Ton rétablît la croix, en pierre, qui
existait au lieu où la tradition porte que saint Rambert
souffrit le martyre (i).
ce Cet état de choses, dit Tauteur de V Histoire hagiologique
« de Belle/ ^ durait depuis vingt ans, lorsque M. le curé
« et les fidèles de la paroisse prièrent Monseigneur Alexandre-
ce Raymond Dévie, évêque de Belley, de vouloir bien faire la
ce translation de la châsse, de la chapelle trop humide où elle
(c reposait, dans une autre chapelle plus saine et plus décente,
ce et nouvellement restaurée. »
L'illustre prélat s'empressa d'accéder à des vœux si pieu-
sement exprimés. Aussi, le 9 avril i833, se rendit-il à Saint-
Rambert accompagné de MM. Ruivet et Depéry, chanoines
et vicaires généraux du diocèse^ pour procéder à la recon-
naissance des reliques (2).
La châsse de bois doré, descendue de sa niche, et solen-
nellement portée à la sacristie par MM. les vicaires généraux
en rochet, accompagnés de MM. Dupuy, curé ; Tournier et
Reigner, vicaires ; Valentin, prêtre de la Congrégation de
Saint-Sulpice, en habit de chœur ; de MM. Charles-Annibal
Carron, Philippe Charlin, Pierre Rat, fabriciens, fut ouverte
par sa Grandeur devant les témoins nommés ci-dessus.
Vérification faite des précieuses reliques, Monseigneur Dévie
reconnut, divers procès-verbaux en mains, qu'elles étaient
les mêmes que celles qui avaient été constamment décrites
depuis plusieurs siècles, par les diverses autorités ecclésias-
tiques, y compris une côte restituée par la famille Lyaudet
qui la gardait avec vénération depuis 178g. Sa Grandeur
/|) Ce n'est qu'en 18 1 5, ooas l'avons déj& dit, que fut plantée la croix de pierre que
l'on Toit encore) aujourd'hui, au bord du ruisseau de Brévon ou Bébron.
(3) Voir les pièces justificatives n* 10.
92 CHAPITRE V
procéda ensuite à leur nouvelle translation dans le reliquaire,
les scella de ses armes, mais non toutefois . sans avoir
auparavant distrait une côte, pour la déposer dans le trésor
de sa cathédrale. Puis, à la sollicitation pressante de
M. Dupuy, curé, Monseigneur promit de revenir bientôt en
faire une translation plus solennelle.
En effet, le dimanche suivant, 14 avril, qui était le dimanche
de Quasimodo, Monseigneur Dévie se rendit à Saint-
Rambert-de-Joux accompagné de ses deux vicaires généraux,
MM. Ruivet et Depéry, pour faire cette translation des
reliques du saint Martyr, dans la nouvelle chapelle qui lui
avait été préparée.
La cérémonie rappela celles des siècles précédents par la
solennité et le concours des assistants, clergé et fidèles,
autant que par la piété avec laquelle elle s'accomplit. La
châsse fut portée triomphalement en procession, à travers
les rues de la ville, au milieu d'une grande foule qui n'inter-
rompait son recueillement dans la prière, que pour faire
monter vers le ciel des hymnes de triomphe, en l'honneur
de saint Rambert.
Rentrée dans l'église paroissiale, la vénérable châsse fut
placée, dans une niche, au-dessus de l'autel de la nouvelle
chapelle de saint Rambert, dans la nef du côté de l'Evangile.
Cette marche triomphale du saint Martyr à travers les rues
de la petite cité qu'il protège, depuis presque douze siècles,
n'est pas un fait rare dans l'histoire des annales religieuses
de la chrétienne population de Saint-Rambert-en-Bugey.
Depuis longtemps, en effet, le nom de l'illustre Martyr
ayant été inséré dans les divers martyrologes, il y avait bien
des siècles, déjà, que sa fête se célébrait, avec pompe, dans
l'église dont il est le Patron bien-aimé et le protecteur
dévoué.
« Chaque année, dit l'auteur de l'opuscule : Vie de
ce saint Rambert^ autrefois, chaque année, la veille de cette
LE CULTE DE SAINT RAMBERT qS
«r fête, le syndic de la ville était dans l'usage de se trans-
« porter à TAbbaye pour prier les religieux de descendre la
« châsse dans Téglise. Elle était portée processionnellement
« par deux d'entre eux, vêtus en dalmatiques. Le curé de
« Saint-Rambert-de-Joux venait au-devant de la procession
cf jusqu'au ruisseau de « Bébron ». Lorsqu'on était arrivé à
ce l'église paroissiale, on déposait la relique dans le sanctuaire
a et l'on chantait les premières vêpres.
« Le lendemain, jour de la fête patronale, les religieux
a venaient officier solennellement dans l'église de la ville. Le
c( soir, après les vêpres, on reportait processionnellement la
« relique au monastère. »
Dans le diocèse de Belley, la fête de saint Rambert se
célèbre le i3 juin. Monseigneur Dévie a élevé l'office de
l'illustre Martyr au rit^double.
« Pour nourrir la juste confiance que les peuples accor-
« dent à saint Rambert, ajoute l'érudit M. Depéry, le
« pape Grégoire XVI, à la sollicitation de Monseigneur
<c Dévie, daigna accorder à perpétuité par un bref du
« 14 février 1834 :
a I* Une indulgence plénière à tous les fidèles qui
ce communieront dans Téglise de Saint-Rambert le jour de
ce sa fête, ou l'un des sept jours suivants ;
<c 2* Une indulgence de cinquante jours à toutes les
« personnes qui iront réciter cinq Pater^ cinq Ave et cinq
« Gloria Patri^ dans ladite église.
« On peut gagner cette indulgence tous les jours (i). »
C'est de la petite ville de Saint7Rambert-en-Bugey où les
foules pieuses accoururent de tout temps pour en vénérer les
sacrés ossements, que le culte du saint Martyr s'étendit à la
(i) Ces privilèges ont été accordés seulement pour l'église de Saint-Rambert-co-Bugey.
Voir aux pièces justificatives n* i3. la supplique de Monseigneur Devic et le rescrit du
Pape Grégoire XVI, faisant droit à sa demande.
94 CHAPlTkE V
région lyonnaise et aux contrées limitrophes. Et les miracles
opérés à son tombeau étaient si nombreux, si fréquents, si
éclatants et si remarquables, que nous verrons bientôt des
personnages riches et puissants venir s'y agenouiller et
ne le quitter qu'avec le désir de posséder, dans leur manoir,
quelques parcelles de reliques si fécondes en prodiges de
toutes sortes. Après ces réflexions, on comprendra mieux la
légende que nous allons raconter.
Pour nous, nous ne mettons pas un seul instant en doute
que cette légende de la Translation d'une partie considérable
du corps de saint Rambert, au prieuré de Saint-André-en-
Forez, ne repose sur quelque fond de vérité.
Or, ce fond de vérité sur lequel les générations ont tissé
les détails si naïfs et si médiévaux de cette légende très
respectable, ne serait-il pas, à notre humble avis, l'ardent
désir du noble comte de Forez, Guillaume i", d'avoir en sa
possession quelques ossements de l'illustre martyr, dont le
nom et les faveurs étaient dans toutes les bouches au xi*
siècle !
Nous verrons, par la suite, que grâce sans doute à sa
noblesse, à sa haute influence, à ses largesses princières,
le pieux comte obtint du ciel ce qu'il désirait, et même peut
être plus qu'il n'aurait osé espérer.
CHAPITRE VI
DE LA TRANSLATION
DES RELIQUES DES SAINTS
L'usage de transporter d'un lieu à un autre les restes sacrés
d'un saint, est né de la vénération que les fidèles de la
primitive Eglise avaient pour leurs martyrs. Il leur a été
inspiré par le désir aussi naturel que religieux de posséder,
tout près d'eux, les corps de ceux qu'ils avaient aimés pendant
leur vie, et dont la mémoire leur restait chère, à quelque
degré de la société qu'ils appartinssent.
Mais lorsque ces martyrs étaient des évêques, des prêtres
tombés sous le glaive des bourreaux, dans des lieux éloignés
de celui où ils avaient vécu, on comprend très bien que les
ouailles désolées de ces victimes demandassent la faveur de
transporter les vénérés ossements, du lieu de leur supplice
dans l'église même où ces saints pasteurs avaient exercé leur
zèle sacerdotal (i).
(i) La cérémonie de la translation dea reliques d'an saint est nne cérémonie pins ou
moins solennelle, pour laquelle il n*y a pas de rit déterminé, mais que Ton peut très bien
ordonner, en prenant pour modèle les translations sur lesquelles l'histoire ecclésiastique
donne des détails.
Voici néanmoins, d'après les origines et raisons de la liturgie catholique, les dispositions
générales qui sont ordinairement adoptées : « La chftsse renfermant les saintes dépouilles
• est exposée la ▼eille du jour de la cérémonie, dans un lieu convenablement orné, et on fait
96 CHAPITRE VI
C'est ainsi que furent transportés avec grande pompe.
Tan 107, de Rome, où il avait été martyrisé, à Antioche où
il fut évêque, les ossements de l'illustre saint Ignace, reliques
précieuses que les fidèles reçurent comme un trésor inesti-
mable, si Ton en croit les actes de son martyre.
Plus tard, vers 261, on transporta encore, de Rome à
Antioche où il avait été martyrisé, les reliques de saint
Babylas, un des successeurs de saint Ignace sur le siège de
cette dernière ville.
Et sous Théodose le Jeune (379-395), eut lieu la
translation mémorable, dans l'église de Sion, des sacrés
restes de saint Etienne, premier martyr, trouvés près de
Jérusalem par suite d'une révélation faite au saint prêtre
Lucien.
Saint Bonnet, évêque de Clermont, mort, en odeur
de sainteté, au monastère de TIle-Barbe- lez -Lyon, le
i5 janvier 710, avait été enseveli près de Tillustre martyr
lyonnais, saint Ennemond, dans l'abbaye bénédictine de
Saint-Pierre-les-Nonnains, à Lyon même. Mais le diocèse de
Clermont sollicita instamment la faveur de posséder les
restes précieux de son ancien évêque ; et, après de longs
pourparlers entre le clergé clermontois et Tévêque Fulcoald,
« brûler, autour d'elle, au moins deux cierges. Celui qui doit présider à lacérémoDie se rend,
« en étole et en chape au lieu où reposent, depuis la veille, les reliques ; il les encense de
I trois coups en s'inclinant profondément, avant et après l'encensement.
I Les chantres entonnent un répons en l'honneur du saint, et tout de suite après les
« Litanies des Saints, la procession, précédée de la croix, se met en marche à l'invocation
■ Sancta Trinitas. Un ou plusieurs thuriféraires encensent continuellement, ou par
■ intervalles rapprochés, la Relique. Le nom du saint ou de la sainte est invoqué trois fois
« par un chant plus grave, et le clergé se découvre pendant cette triple invocation. La
« châsse est portée par des prêtres ou des clercs dans les ordres majeurs, ou mineurs à
« défaut des premiers. Dans les campagnes, on la fait quelquefois porter par des jeunes
« gens revêtus d'aubes.
« Après les Litanies, on entonne des Psaumes, si la procession n'est pas terminée et on
« choisit les plus analogues à cette circonstance. Quand on est arrivé au lieu où la chflsse
• doit être placée, le célébrant entonne le Te Deum, qui se termine par l'antienne propre
« du saint, pendant laquelle la châsse est encensée par le célébrant lui-même.
« Après le Verset et l'Oraison, il est expédient de faire le panégyrique du saint, ou tout
« au moins d'adresser quelques paroles d'édification aux fidèles, v (Miche, Encyclopédie
théologique.)
DE LA TRANSLATION DES RELIQUES DES SAINTS 97
qui occupait alors le premier siège des Gaules, eut lieu
enfin (juin 722) la translation solennelle des reliques de saint
Bonnet. Ce fut vraiment une marche triomphale ! Outre que
chacune des localités où s'arrêta le cortège prit alors, pour
ne plus en changer, le nom de saint Bonnet, chacune de ces
haltes pieuses fut marquée elle-même par d*éclatants miracles
pour les populations qui, confiantes et empressées, vinrent
prier auprès des reliques : à Saint-Bonnet-le-Froid, à Saint-
Bonnet-les-Places, à Cleppé, à Saint-Bonnet-les-Oules, à
Saint-Rambert, à Saint-Bonnet-le-Bourg, à Saint-Bonnet-le-
Château, à Saint-Bonnet-lcs-Chauriat, des grâces nombreuses
signalèrent le glorieux passage et la halte bénie de la châsse
vénérée (i).
Mais une des plus célèbres translations des âges passés est
celle de saint Sébastien, martyr, dont le pape Eugène donna
le corps à l'empereur Louis le Débonnaire.
Elle eut lieu en 827. Cette relique fut placée dans l'église
de saint Médard de Soissons, et on y vit bientôt arriver des
pèlerins de toutes les parties de la Gaule. Les présents qui
furent faits à cette. relique prirent de telles proportions, que
Ton compta jusqu'à 85 boisseaux de pièces d'argent, 900 livres
d'or, et plusieurs bijoux, comme colliers et bracelets d'un
grand prix.
Le zèle et Tempressement des premiers chrétiens à
recueillir les précieux restes des saints, a toujours été
admirable.
<c Arrachés pantelants des mains du bourreau, enlevés
(c courageusement de la poussière ensanglantée de l'arène^
u disputés avec une incroyable énergie aux fureurs des fauves,
(c et à la barbarie infâme des païens qui s'ingéniaient, de la
K façon la plus cruelle, à en détruire les traces, les corps
10 Cf. L'Histoire Je Saiiit-BonncHe-Chdteau, par MM. les chanoines Condamin et
Lanclois.
98 CHAPITRE VI
« des saints martyrs furent toujours l'objet de leurs pieuses
« convoitises.
« Soutenus par une foi inébranlable, les sacrifices les
ce plus pénibles, les dangers les plus sérieux, la menace
« même de la mort ne pouvaient les effrayer ; et souvent,
« c'est sous les yeux des tyrans sanguinaires que les fidèles,
<c animés du plus ardent et du plus noble dévouement,
'< recueillaient ces corps sacrés, mutilés sous les rigueurs
« du supplice (i). »
C'est, sans doute, à la vue de ce dévouement et de cette
charité des chrétiens de l'Eglise naissante envers leurs frères
morts pour Jésus-Christ, que les païens laissèrent échapper
la fameuse parole rapportée par Tertullien, et qui est
Tapologie la plus parfaite de la religion chrétienne et de
ceux qui la pratiquaient : yoye:{ combien ils s'aiment entre
eux (2) .
Mais lorsque, aux tombeaux des saints martyrs, on vit se
multiplier les miracles, le zèle à les orner, l'empressement à
les visiter devinrent encore plus grands. On regarda leurs
reliques comme un gage assuré des faveurs du ciel, et dans
chaque église on voulut en posséder.
Dans la suite des temps, aux viii% ix* et x' siècles, alors
que les peuples du Nord s'étaient jetés sur l'Europe
occidentale pour la ravager, et qu'ils avaient fait de nos belles
provinces de France un champ de pillage et de ruines (3),
on vit un grand nombre de très courageux chrétiens s'em-
(1) D'après B. Zbllbr, maître de conférences à la Faculté des lettres de Paris, dans
Charles le Chauve, 840-877.
(3) Apologétique, passim.
(3) Le diacre et théologien Floras Drepanius, mort vers 860, nous a laissé nn tableau
lamentable de la France de Charlemagne, divisée par de nombreuses dissensions, et dont le
royaume, oscillant sur sa base, menaçait de s'effondrer. Nous en extrayons ce passage
qui montre combien les chrétiens de cette époque troublée avaient raison de mettre en
lieux sûrs les reliques de leurs saints :
« Tout retentit sous les conps des fléaux divins qui nous entourent. Partout la dévastation,
« partout les maux d'un horrible dé&astre. Tous les biens de la paix sont jetés au vent
I
I
bE LA TRANSLATION DES RELIQUES bES SAINTS gQ
presser, au péril de leur vie, de soustraire à la fureur des
barbares le précieux trésor des reliques de leurs bieo-
aîmés saints.
Or, ce n'est pas ailleurs que dans les troubles incessants
et profonds où s'agitait la monarchie, à cette grave époque, et
dans son impuissance à entraver les fatales invasions, qu'il
faut chercher la cause des très nombreuses translations de
corps saints, dont furent témoins ces âges reculés.
En ces circonstances malheureuses, les prêtres et les
personnes pieuses préposés à la garde des reliquaires, les
emportaient dans des lieux écartés, où les barbares ne pou-
vaient pénétrer. Le plus souvent, quelque maison de chrétiens
ignorés, quelque monastère caché au fond d'une vallée,
recevaient le précieux dépôt. Et lorsque le calme était revenu,
le reliquaire reprenait sa place dans l'église, d'où il avait été
enlevé par précautions.
Les translations de reliques des saints, ne sont pas
cependant un fait dont le moyen âge ait eu le monopole.
L'histoire nous fournit, dans tous les siècles, des exemples
de translations de reliques. Et dans ce xix' siècle, nous
devons mentionner la solennelle translation des reliques de
saint Vincent de Paul, à l'église des Pères Lazaristes de Paris.
Elle eut lieu le 2* dimanche après Pâques en i83o, avec une
pompe et une solennité absolument remarquables.
Toutes les translations de reliques ne se faisaient pas avec
le même respect ni avec la même pompe. L'histoire de ta
ville de Montpellier nous apprend qu'une autre ville, Venise,
fil tous ses efforts auprès des deux pouvoirs civil et religieux
■ par dt* hiJDC* cracll». Tout \'é;]it du royaume ciT obtcuni par d'iaiqa» fureurs : «
■ voilt qoe l'bonneDr de l'Egli» ibanu, Ril auiii dana le lombeiu. Ln droita du laccrdocc
■ complèlenieat anfantii k lunt écrouka: «n mime Iimp* n'en floigni de nou>, l'amour
■ de la loi dlviae et ta craiOTe,.. De perpitueta couflila a""' '* <™.i'm-n> -l'iii.....-— .iii..
< et le* twHliquei du Chrial lonl dépoullléei de leur an
• plus d'hommage* aux martyre, en préaeDce de* aulela
> le* rite* ncrti n'iQ*pireol plus de reapecl. >
100 CHAPITRE VI
de Montpellier, afin d'obtenir une relique de saint Roch,
sans pouvoir y arriver, et que devant ce refus absolu, des
marchands vénitiens soudoyés par les Doges, usant de ruse
et d'audace, enlevèrent le précieux dépôt (i).
Ce qui est plus certain, d'après les historiens, ce serait
que deux a moines de l'Ordre de Saint-Benoît, sous prétexte
(( de dévotion, vinrent solliciter la permission de prier la nuit
« sur le tombeau du saint pour obtenir, de son puissant
f( crédit auprès de Dieu, la cessation de la peste qui depuis
<c huit mois avait déjà fait à Venise trente mille victimes
« (1483).
« Qu'arriva-t-il ? C'est que, plein de confiance, on les
« laissa seuls prier dans la solitude de la nuit. Ils en profi-
te tèrent et parvinrent à ouvrir la châsse et à cacher, dans
ce leurs <c sacs de toile », les ossements précieux du saint
cr qu'ils emportèrent. »
Le récit de la translation des reliques des saints Rambert
et Domitien, ne nous offrira pas les circonstances originales et
quelque peu dramatiques qui accompagnèrent l'enlèvement
de celles de saint Roch, mais il saura captiver l'attention
du lecteur, l'intéresser très agréablement par le charme des
détails curieux et inédits.
Nous raconterons les faits tels que nous les présente la
légende de l'ancien Bréviaire des Bénédictins du Prieuré de
Saint -André- les -Olmes, légende pieuse à laquelle nous
adhérons, après le Laboureur, de la Mure, et d'autres graves
auteurs, qui n'ont pas craint de la transcrire et de la
commenter dans leurs ouvrages.
(i) Saint Rock, par l'abbé Chatanni, membre de la Société historique de Lyon,
1875, p. 3o3.
CHAPITRE VII
LÉGENDE
DE LA TRANSLATION DES RELIQUES
DE SAINT RAMBERT
VERS L'AN 1078 (I)
Il y avait donc déjà quatre cents ans que l'illustre Rambert
était tombé victime de la haine de l'impie et cruel Ebroïn,
Maire du palais, et qu'il reposait sur la terre de Bourgogne,
dans le monastère et près du tombeau de saint Domitien,
honoré et invoqué, comme on honore et comme on invoque
un saint Martyr, lorsqu'il apparut à un de ses serviteurs
dévoués.
(i) Légende, du latin legtnJa,cho%et qui doivent être lues, de Légère, lire. Ce mot signifia
d'abord les versets que Ton récitait dans les leçons de Matines; il fut ensuite donné par
extension aux vies des saints et des martyrs, parce qu'on devait les lire dans les réfectoires
et les communautés. — La nôtre est extraite de l'Ancien Bré%'iaire du Prieuré.
Toute légende repose sur un fond de vcrité que chaque âge a pu orner à sa façon, mais
qui n'en est pas moins une vcrité respectable et digne d'exciter notre attention. Ici la légende
n'est ni plus ni moins que le texte du bréviaire récité pendant sept siècles par les religieux
du prieuré de Saint-André et plus tard par les chanoines de la collégiale de Saint-
Rambert, texte précieux approuvé par Rome et qui, à cause de ces deux raisons, mérite tout
notre respect et notre confiance. Dann les preiriers temps, il est vrai, le cri unanime du
peuple et l'autorisation de l'évêque suffisaient pour canoniser un martyr. Mais, dans les siècles
suivants, l'Eglise établit des règles plus sévères pour réprimer tout abus. Alexandre III, sur
la fin du II* siècle, défendit par une Décrétale « d'honorer un saint sans ^agrément de
VEglise romaine ». Ce droit nouveau fut établi bien plus tard en France.
102 CHAPITRE VII
Cet homme, dont la dévotion à saint Rambert était
très grande et la confiance à toute épreuve, fut soudain,
pendant une nuit, favorisé de l'apparition du saint Martyr.
Celui-ci exprima à son pieux mandataire un vif désir de
voir ses sacrés ossements enlevés des bords du Bébron, et
transportés sur le sol forézien, aux rives de la Loire.
Cette apparition extraordinaire de saint Rambert à un de
ses fervents serviteurs avait lieu vers Tannée 1078 (i), saint
Jubin ou Gébuin étant archevêque de Lyon, et Guillaume !•%
comte de Forez et de Lyonnais (2).
Effrayé d'abord d'une si étrange vision, le fidèle serviteur
du saint Martyr court, dès l'aube, au tombeau du bien-
heureux Rambert, s'agenouille auprès des reliques bénies de
son puissant protecteur, et lui fait cette prière :
0 Très Saint Ami de Dieu^ si la vision dont j'ai été favorisé
pendant cette dernière nuit m'est bien venue de vous^ veuille\
sans retard me réitérer la même faveur! Et, le jour achevé, il
va prendre son repos. Tout à coup, ô prodige ! le saint
athlète du Christ se présente de nouveau à ses yeux, vêtu
d'une tunique teinte de sang.
— Pourquoi as-tu douté, dit la vision, et pourquoi as-tu
refusé d'enlever, de ce lieu, mes restes sacrés ? Mes instances
ne sauraient-elles te déterminera obéir?
Cependant, l'aube du jour suivant venait à peine de paraître,
que le fidèle serviteur du saint martyr était déjà à son
(i) J.-M. DE LA Mure s'exprime ainsi dans son Histoire du Diocèse de Lyon, page i52 :
« L'année suivante, 1079, saint Jubin consacra à Dieu, en l'honneur delà Sainte Vierge.
« l'église abbatiale, depuis collégiale de Beaujeu, fondée par Bérald, l*un des premiers et
« des plus anciens seigneurs de Beaujeu....
* Environ vers ce même temps, arriva la mémorable et miraculeuse translation des
« reliques de saint Rambert martyr, en un célèbre Prieuré de son Diocèse, qui a pris ce
« nom, au Pays de Forés.
(2) Saint Gcbuin ou Jubin fut élu Archevêque de Lyon au Synode Eduen tenu â Autun,
vers 1077, et mourut le 18 avril 1079. (Bréviaire Lyonnais, légende delà fête, au 18 avril.)
La « Galtia Ghristiana », partie de la Métropole de Lyon et de Vienne, le fait mourir eq
1082. Voir cet ouvrage, page 179.
LÉGENDE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES I03
tombeau. Le front prosterné dans la poussîète, il rend grâces
à Dieu et remercie saint Rambert de la nouvelle vision dont
il a daigné le favoriser. Mais il supplie encore le bienheureux
de ne point lui refuser une troisième révélation des choses
étonnantes dont il a eu déjà deux fois la faveur. Si vous
accédez à mes désirs, ô illustre Patron et Protecteur, lui dit-
il, bannissant toute crainte^ je me mettrai en route pour le
but indiqué, sous la garde de Dieu qui a dit par la bouche du
prophète : « Ne craignei point de paraître devant ceux à qui
je vous enverrai^ parce que je suis avec vous pour vous
délivrer (i). »
Le jour suivant, qui était le dimanche, les premiers rayons
du soleil doraient à peine l'horizon, que le fidèle ami du
saine martyr se disait déjà à lui-même : ce Oui, si la vision
dont j'ai été favorisé se montre à mes yeux une troisième
fois, obéissant à la volonté de Dieu je partirai immédiate-
ment pour le pays où je dois aller. »
Il avait à peine mis fin à ses réflexions que saint Rambert
lui apparaît et lui dit : a Ami, lève-toi promptement et hâte-toi
de prendre le chemin que le Seigneur va te montrer. Chargé
des saints ossements de mon corps, et des reliques de saint
Domitien, tu porteras ce précieux fardeau, par delà le fleuve
de Loire, au monastère de Saint-André, dans le Comté de
Forez (2). »
En entendant ces paroles, grande fut la joie du pieux
personnage à qui le saint athlète du Christ daignait expliquer,
(0 Jérémie. I. 8.
|a) Le monastère ou prieuré de Saint-André-les-Olmes, dont l'église fui la fille aînée dt
la fameuse abbaye de l'Ile-Barbe. parce qu'elle fut fondée par les moines Bénédictins de
cette dernière abbaye, existait déjà au x* siècle. En effet, nous le voyons désigné dans la
charte de Conrad le Pacifique, datée de 971. Dans cette charte, ce roi donne à l'abbé Eldebert.
prieur de l'Ile-Barbe, pour son serment de fidélité, l'investiture et la confirmation de tout ce
qu'il tenait de lui — entre autres biens : .... Cellam quoque de Occiaco, cum Ecclesià
Sancti Andreœ^ capellamque juxtà eam in honorera sancti Cosmc — Le monastère fut
dédié à saint André, en souvenir de celui de l'Ile-Barbe. dont ce lut le premier patron.
— (Voir LB Laboureur. Masures de l'Ile-Barbe, tome I, page 63.)
104 CHAPITRE VII
une troisième fois, la mission providentielle qu'il lui
confiait.
Aussi bien, dès que la nuit suivante est venue, profitant du
moment où toute la nature est dans le calme et le silence, il
se rend, Tâme émue, au tombeau du glorieux martyr, et les
yeux levés vers le ciel, il fait cette prière : « Seigneur Jésus,
<c Dieu qui aime:{ la bonté et qui en êtes Fauteur^ vous qui ave:{
« fait sortir Lazare du tombeau, quatre jours après qu' il j' eut
c< été enseveli, vous qui ave:{ ouverte votr glorieux sépulcre pour
« en sortir victorieux, ouvre\-moi aussi le tombeau de vos
« saints, non à cause de mes mérites^ mais à cause de ceux de
« vos élus^ afin que je puisse facilement transporter leurs corps
« au lieu que vous^ mon Dieu et mon Sauveur^ leur ave{
« préparé. »
Sa prière finie, il voit soudain, renversée à ses pieds, la
pierre qui fermait le tombeau des deux bienheureux. Saisi
d'une grande frayeur, il ose à peine approcher, — mais, peu à
peu, il se rassure et prend courage. Des deux mains il enlève
de leur châsse les précieux ossements, et les rassemble en un
faix, qu'il plie dans quelque grossière étoffe à cet usage (i),
disposée en forme de besace.
Il se met en route avec son béni fardeau, marche longtemps,
et arrive enfin sur les pentes de la montagne où se dresse
fièrement un château fort. C'est le manoir d'Yzeron.
Mais une longue et pénible route a fatigué le voyageur.
Pour se reposer, il s'assoit sur le bord du chemin, à l'ombre
d'une blanche aubépine.
Or, dans ces parages et précisément à cette heure, il arriva
qu'une troupe de chasseurs au service du comte Guillaume,
seigneur du manoir, étaient à la poursuite d'un lièvre que la
meute des chiens avait levé dans un buisson.
(i) Le mot « sardnulis j* que nous lisons dans le texte de U légende trouvera son
explication, plus loin, au chapitre IX de cet ouvrage.
LÉGENDE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES I05
Lancé dans la direction de notre porteur de reliques,
l'animal s'arrête, sans crainte, tout auprès du mystérieux
fardeau, court et ferme.
Quant aux chiens, retenus en arrière comme par une force
invisible, ils poursuivent à distance Tanimal de leurs aboie-
ments, sans oser l'approcher.
Stupéfaits à la vue d'un phénomène si étrange, les
veneurs se demandent les uns aux autres : Qu'est cela ?
— Qui a jamais vu pareille chose? — Allons vite dire
à notre maître la merveille dont nos yeux sont témoins.
Car il y a certainement, dans cet événement, quelque chose
de divin. C'est un fait qui ne sera pas longtemps sans avoir
du retentissement.
Ils s'en vont donc raconter au comte Guillaume ce qui se
passe d'extraordinaire sur ses terres. Etonné et frappé de
l'étrangeté de l'événement, le noble seigneur accourt à la
suite de ses gens, vers le lieu du prodige, pour constater la
vérité des choses qu'on lui a rapportées.
A peine s'en est-il approché, qu'il aperçoit un voyageur
dans l'attitude du repos. Tout auprès de lui, et déposées
à terre, sont des sacoches pleines.
Très surpris à son tour, le comte interpelle notre homme.
Qui es-tu ? — Où vas-tu ? — Que portes-tu dans tes
sacoches ?
Qui je suis ? — Où je vais ? — Ce que je porte ? — Le voici
en peu de mots, répond le voyageur :
« Je suis le serviteur de Dieu et du très saint martjT
« Rambert. Je porte les ossements vénérés de son corps et
«f ceux du saint confesseur Domitien, au comté de Forez,
« par delà la rivière de la Loire, dans le monastère de Saint-
ce André, et cela, de par Tordre et la volonté de saint Ram-
« bert lui-même. »
, ,,; CHAPITRE VU
Kn entendant ces paroles, le comte Guillaume ne peut
contenir les transports d'une joie d'autant plus douce et plus
vi\x. qu'il était, selon les mœurs de ces temps, le Père tem-
poH du monastère de Saint-André-les-Olmes (i).
Veuille rester quelque temps au milieu de nous, répond le
\>mte au pieux voyageur, nous ferons appel aux habitants de
j -ontrêc, et lorsque nous aurons réuni un bon nombre de
pèlerins, nous accompagnerons, en grande pompe, les reliques
que tu portes en Forez.
Sans tarder, le comte Guillaume envoie les gens de sa
maison prévenir le Prieur du monastère de Saint-André, et
les Recteurs des églises qui se trouvent au-delà de la Loire.
Il les invite à venir sur les bords de la rive droite du fleuve,
en pieuse et solennelle procession et au-devant des reliques
des saints Rambert et Domitien, qui leur arrivent d'une
manière toute providentielle.
il) Erat eoim prsfati Monasterii Pater, quem temporalem Yocant {texte tiré de Foffice
4e saint Rambert. //• nocturne, 4' leçon).
Ce qui veut dire que le comte Guillaume, seigneur très chrétien, était l'ami et le protecteur
A\x monastère de Saint-André, à la prospérité duquel il s'intéressait sans doute. Et si sa joie
fut si grande en trouvant sur ses terres le porteur mystérieux des reliques de saint Ram-
bert, c'est que peut-être ces mêmes reliques si fécondes en miracles, et dont la renommée ne
lui était pas inconnue, il les avait désirées pour l'église de son monastère favori, et peut-être
Hvait sollicité des religieux qui en étaient les heureux possesseurs en Bugey, l'honneur d'en
avoir à sa disposition quelques précieuses parcelles.
M. l'abbé BouÉ, curé de Saint-Just, Lyon 1844, dans sa Notice sur la chasuble de saint
Rambert, page i3, va jusqu'à dire que ce fut le comte Guillaume qui fit faire au xi* siècle
cette translation. Nous serons moins affirmatifs que cet auteur, après de la Murb qoi,
dans son Histoire du Diocèse de Lyon, mentionne simplement que cette translation se fit
miraculeusement du temps de Guillaume, comte de Forez. Nous ajouterons que ledit comte
n'eût pas alors été étonné de voir arriver, sur ses terres, l'homme porteur du précieux
fardeau des ossements de nos saints, s'il eût lui-même commandé et organisé la trans-
lation .
Une cérémonie prévue, commandée, impose la joie, mais non l'étonnement, la surprise.
Du reste, que signifierait le mot « miraculeusement », si d'avance tout avait été prévu ? — Pour
nous, le comte Guillaume avait bien pu demander quelques parcelles des reliques, — mais
d'après la légende du Bréviaire, d'après de la Mure, dans son Histoire du Diocèse^ page
370, il ne parait pas que le comte Guillaume ait prévu d'avance et organisé la cérémonie
de la translation, que toujours on a appelée « miraculeuse ».
A moins cependant que M. l'abbé BouÉ veuille entendre par ces mots « le comte Guil"
laume fit faire cette translation 1, que le comte Guillaume fut l'organisateur de la pro>
cession, qui, partant de son manoir d'Yzeron. accompagna jusqu'au prieuré de Saint-André
les reliques saintes reçues chez lui miraculeusement.
LEGENDE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES IO7
Puis, oubliant la chasse et ses plaisirs, il charge ses nom-
breux serviteurs de convoquer, autour du vieux manoir
d'Yzeron, à une date fixée, le clergé et les fidèles des paroisses
d'alentour.
A la nouvelle qu'elles allaient bientôt recevoir le trésor
précieux de reliques si fécondes en miracles, les populations
riveraines de la Loire accourent en masse, avides sans doute
de contempler la merveille que le comte Guillaume leur
apporte, mais heureuses, surtout, de ce que la présence au
milieu d'elles, de ces saintes et puissantes reliques serait
assurément une source de sanctification pour les âmes et
guérisons pour les corps.
Cependant le comte Guillaume avait rassemblé une grande
foule de pèlerins autour des saintes reliques, abritées dans
son château.
Au jour fixé, cette foule compacte, prêtres et fidèles,
s'ébranle et se met en marche vers la Loire.
Mais déjà un peuple innombrable attendait, en prières, sur
les deux rives du fleuve.
O prodige, les reliques sacro-saintes entourées de la foule
sont à peine arrivées au bord du fleuve, que les eaux se
divisent et forment, à droite et à gauche, comme deux mu-
railles, à l'instar du Jourdain refoulant autrefois ses flots,
ou de la mer Rouge s'ouvrant devant les fils d'Israël, qui la
traversèrent à pieds secs.
Ainsi fut accomplie cette parole du Psalmiste : « Ils ira-
verseront le fleuve à pieds secs (i) » : ou encore, cet autre
passage de la Sainte Ecriture : « L'eau s'arrêtera de
couler (2). »
Nous ne passerons point ici sous silence les choses mer-
(i) P&ftume 63, venet 6.
(2) Exode, i5, verset 8,
I08 CHAPITRE VII
veilleuses (i) que le Seigneur daigna opérer par l'intervention
de ses serviteurs Rambert et Domitien.
En effet, lorsque la foule faisant cortège aux reliques des
deux saints eut traversé le fleuve à pieds secs; lorsque de
toute cette grande multitude, pas un homme ne semblait
être resté en arrière, il arriva que le cours de la Loire resta
encore suspendu, et ses eaux divisées comme deux murailles.
Frappé de ce prodige, le comte Guillaume eut i^dée de
faire monter quelqu'un en haut d'un grand arbre voisin, afin
qu'il pût se rendre compte de quel nouveau miracle la divine
Providence daignait, encore, favoriser la foule pieuse, puisque
les eaux du fleuve, après le passage des reliques et des
pèlerins, cessaient encore de couler.
Un jeune homme monte, en effet, sur un arbre, et à peine
a-t-il promené ses regards dans la direction de l'autre rive
de la Loire, qu'il voit venir une vieille femme boiteuse.
« Je vois une femme appuyée sur un bâton, crie-t-il à ceux qui
se tiennent là, elle vient à nous avec une extrême lenteur. »
Ces paroles firent penser au comte Guillaume et à tous les
fidèles qui venaient de passer la Loire miraculeusement, que
(i) L'innée... 1079, s*i°t Jubin consacra À Dieu, en l'honneur de la Sainte Vierge, l'église
abbatiale, depuis collégiale de Beau jeu, fondée par Bérald, l'un des premiers et des plus
anciens seigneurs de fieaujeu et du Beaujolais, qui a pris le nom de cette ville, et sous ce
même saint prélat. Environ ce même temps, arriva la mémorable et miraculeuse translation
des reliques de saint Rambert, martyr, en un célèbre prieuré de son diocèse, qui a pris ce
nom, au pays de Forez, en laquelle translation la rivière de Loire se partagea au passage
de ces reliques, comme on apprend de titres et preuves authentiques de ce monastère.
(Histoire Ecclésiastique du Diocèse de Lyon, par M'« J.-M. de la Mure, docteur-chanoine
de la collégiale de Montbrison. Edition de 1671, page i56.)
Ce miracle de la division des eaux de la Loire, en deux murailles, pour laisser le passage
libre aux reliques de saint Rambert, n'est pas le seul qui rendit fameux ce beau fleuve.
Le Laboureur, au tome II de son Histoire des Ducs de Bourbon, et à la page 439 et
suivantes, édition moderne avec annotations par Chantelauze, cite le miracle suivant que
Dieu fît en l'année 1491, en faveur du P. Jean Bourgeois, saint religieux Cordelier de
l'Observance régulière, précepteur et ami de Charles VIII, roi de France, et du seigneur
d'Urfé. Un jour, le Père Jean Bourgeois venant de Lyon, et voulant passer la rivière de
Loire pour se rendre à Montbrison. le batelier lui refusa sa barque, à cause que ne portant
point d'argent, suivant son Observance régulière, il ne lui en pouvait donner. Animé d'une
vive confiance en Dieu, à l'exemple de saint Raymond, de l'Ordre de saint Dominique, il
étendit son manteau sur les eaux, et s'étant mis dessus avec son compagnon, faisant le
signe de la croix, il passa très facilement et heureusement à l'autre bord de la rivière.
• •»
LÉGENDE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES I09
la divine Providence pourrait peut-être bien ménager à la
foule la vue d'un autre prodige.
La pauvre femme estropiée qui avait suivi, avec une piété
si tendre et si constante, les reliques des saints Rambert et
Domitien, ne méritait-elle pas de traverser la Loire par le
chemin desséché qui avait servi à la foule ?
Tous les pèlerins, alors, font halte un moment pour
attendre la vieille femme.
Bientôt elle entre dans le lit du fleuve et y marche, en effet,
sans encombre. Bien plus, elle n'a pas plus tôt atteint la rive
opposée, que soudain la Loire recommence à rouler ses eaux
avec sa rapidité ordinaire.
Tout le peuple, témoin de ce tait prodigieux, verse alors
des larmes de joie : c*est un concert unanime d'actions de
grâces à Dieu, et de remerciements à ses saints.
Enfin, une longue procession s'étant formée à nouveau, les
reliques reprennent leur marche triomphale vers le monas-
tère de Saint-André, aux accents des hymnes pieux et des
saints cantiques, que les pèlerins redisent avec le plus pieux
enthousiasme.
Déposées dans l'église conventuelle du monastère avec tous
les honneurs qu'elles méritaient, ces précieuses reliques sont
encore celles que nous vénérons à la fin de ce xix' siècle.
Dans la suite des temps, il y eut un grand concours de
malades venus de tous côtés pour implorer le secours du
vaillant athlète du Christ, saint Rambert (i).
Et personne jusqu'à ce jour ne s'en est allé sans avoir
obtenu de lui quelques grâces. Ce qui veut dire, que depuis
huit cent vingt ans que la ville de Saint-Rambert-en- Forez
possède les insignes reliques de son illustre Patron, et que sa
(t) Nous ne sommes pas éloignés de croire que c'est à ce concours de pèlerins que
Tantique bourg d'Oecieu dut de devenir une petite cité qui compta plus tard parmi les treize
▼illes « vocalles • du Forez. On appelait, ainsi, les villes dont les députés avaient voix dans
les assemblées du Forez.
I 10 CHAPITRE VU
vieille église reçoit les pèlerins confiants en la protection du
généreux manyr, le culte de saint Rambert a toujours tenu
une grande place dans la vie chrétienne des habitants de
notre vieille cité et des populations de la contrée, comme
aussi la bonté de notre saint envers ses fidèles protégés,
s'est bien souvent, s'il faut en croire la tradition du pays,
manifestée par des prodiges en leur faveur (i).
i a tonjoun invoqué uiiil Rimbin pour la fécoD^té
iel> il «I repréacnté dtiDi Its imigo ou statues du
DioycD Ific lymbotiHilt cette fécondiU, comme
il> tymbolisaienl jadii I* paix (Fie 17).
Au nombre det miracles, insigan par leaqueta
il faut placer l'év
énement
prodigieux qae la
tradition acoDMcr.
! comm<
: an fait d'une vérité
Menacée d(tre 1
■ssiégée
et préparée i une
, la Yill.
! de Sslnt-Rambert
s apprêtait k prendre con
qui, Tenu de Maotbrisoa 1
pour la surprendre.
avait déjà fait ivi
pied dei muraîlki
. L'assai
ji de la Porte dite
du Poyet était do
nné, les
deux tours carrées
qui faisaient %^a
corps venaient de
tomber au pouvoi
ssai liants, la porte
lore*e allait être
franchit
qaand. 6 prodige
radieuK de gloire.
l'un jeune et brillant
guerrier, monlé >
ur un 1
apparat aux yeux d
de majesté, lui pri
rois épis d'or d'une
main désarmée, comme symbole de paix et de
réconciliation.
Surpri. de cette
vision
aussi eitraordinaira
qu'imprévue, Teant
rmi recala épouvanté, et le*
chefs décidèrent ai
isiiUti qi
le d-une place aussi
plus sanglante défaite. El sans coup féri
illustre
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l'illustre
: martjr est, depuis
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la fête du !
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quel.
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procession des fidèles passe en
hymae.
idei
triomphe.
LEGENDE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES I 1 I
Voylà, dit Claude le Laboureur dans son livre Les Masures
de Vile-Barbe (tome I*% chapitre VII, page 8), voylà le récit
de la translation de ces saints, ce qui est si bien circonstancée
«r que je le tiens authentique, et les miracles qui s'en ensui-
« virent ont esté si fréquents et si célèbres, que depuis ce
« temps Téglise et monastère de Saint-André-en-Forez ont
« changé de nom, et Taffluence des pèlerins abordants en ce
ff lieu, du petit Occiacum, a fait une jolie ville qui porte le
<f nom de son nouvel hôte, saint Rambert. »
Quand on se pénètre du passage intéressant de notre
légende, où il est dit que le comte Guillaume réunit autour
de lui un grand nombre de fidèles et de prêtres, pour faire
cortège aux précieuses reliques qui allaient quitter son
manoir et prendre la route du Forez (i), on ne peut se
défendre d'un sentiment de curiosité. On voudrait savoir ce
qui se passa, en ces jours de foi naïve, où le moindre évé-
nement religieux suffisait pour exciter l'enthousiasme de
populations au cœur simple et croyant.
Or, d'après les documents que nous avons étudiés et
discutés, voici comment les choses durent vraisemblablement
arriver.
Lorsque le comte Guillaume fit appel à la piété des Rec-
teurs dont les paroisses étaient voisines de son château-fort,
tous assurément durent répondre avec le plus grand empres-
sement à sa pieuse invitation, entraînant, après eux, un clergé
nombreux et une foule de paroissiens.
Et, lorsque le seigneur Prieur de notre monastère de
Saint-André-les-Olmes reçut l'heureuse nouvelle de l'arrivée
toute providentielle, dans son église conventuelle, du sacré
trésor qu'on lui avait annoncé, il dut aussi, certainement,
(i) Voir la légende de saint Rambert aux pièces justificatives n* 3... Misit qui menèrent
monasierii rectorcs et ecclesiarum, qus sunt ultra Ligerim, ut cum ornatu obviàm
sanctorum relîquiis ad littus fluminis procédèrent... clerum et populum advocat, qui cum
audierunt taies margaritas eô pervenisse, catervatim raunt, cernere cupicotet mira que
genintur, vel corporis sanitatem rccuperare, etc.« etc.
1 I 2 CHAPITRE VII
se préparer à faire aux précieuses reliques, la plus solennelle
et la plus magnifique réception.
Pour tout dire, en cette circonstance bénie où les cœurs
des recteurs et des religieux bénédictins, des seigneurs et
des manants battaient à l'unisson, avec les tressaillements
d'une même joie, dans l'attente du plus extraordinaire des
événements, ce ne furent assurément, de toutes parts, au
milieu des brillants préparatifs de la fête, qu'acclamations
enthousiastes, que brûlantes invocations en l'honneur des
saints de Dieu .
Le texte de la légende de la translation miraculeuse des
reliques, en nous révélant l'affluence des populations rive-
raines de la Loire, autour des reliques portées en triomphe
des bords du fleuve jusqu'au Prieuré, ne fait, il est vrai,
aucune allusion à la présence, dans le pieux cortège, des
austères habitants du cloître de Saint-André.
Mais, n'est-il pas tout naturel de penser que le seigneur
Prieur, averti par l'ami dévoué et le Protecteur temporel de
son monastère (i), s'empressa d'adoucir, pour la circonstance
exceptionnelle, les rigueurs de la clôture ? Oui, et il n'hésita
pas à donner à ses religieux toute permission de franchir
le seuil de leur cellule, pour se mêler à la foule des pèlerins
marchant au-devant des reliques attendues ?
Et nous ne pouvons pas nous résigner à croire que les
pieux moines du prieuré de Saint- André, dont le cloître
dominait la plaine par où s'avançait, processionnellement le
cortège, soient restés impassibles en présence de l'enthou-
siasme d'une foule encore tout émue du beau spectacle d'un
prodige accompli sous ses yeux.
Il nous paraît vraisemblable de penser que, quittant leur
cloître pour quelques instants, ils vinrent au-devant des
n:liques sur la rive gauche de la Loire. Peut-être même,
l) Le comte Guillaume.
LéCENDE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES I I 3
furent-ils témoins du miracle étonnant qui marqua le
passage des saintes Reliques à travers le lit desséché du
fleuve.
Qui sait encore si, épris d'un saint respect pour le trésor
sacré qu'on leur apportait dans les riches plis d'une étoffe de
soie et d'or (i), ils ne s'empressèrent point de faire comme
une garde d'honneur, autour de la châsse merveilleuse, à
l'instar de celle qui protégeait l'Arche Sainte transportée par
les Israélites, à travers les champs déserts de l'Arabie.
Nous allons plus loin. Au moment solennel où les saints
ossements de l'illustre martyr Ram bert furent déposés sur
la rive gauche de la Loire, en attendant que la foule des
pèlerins traversât miraculeusement le fleuve, le seigneur
Prieur, entouré de ses religieux, dut donner Tordre aux digni-
taires de son monastère de charger, eux-mêmes, les précieuses
reliques sur leurs épaules.
Elles furent ainsi transportées, aux chants des hymnes de
triomphe, jusque dans cette église priorale dont nous pouvons
encore, de nos jours, baiser avec respect les pierres huit fois
séculaires.
Et quand le vénérable fardeau, après avoir pénétré
dans la petite cité de Saint- André- les -Olmes par le
sentier montueux, ouvert plus tard sous la porte gothi-
que (2), dite porte de la Chana (3), arriva par la porte de
(i)I.es pauvres besaces d'étoffe grossière, dans lesquelles l'incoanu porteur des reliques
les avait transportées jusqu'au château du comte, avaient été remplacées, dit la tradition,
par une étoffe précieuse, sortie des armoires du pieux comte, et qui devint, plus tard, la
chasuble merveilleuse, dite de « saint Rambert ■.
(3) Vers le ziv* siècle, la ville de Saint-Rambert était déjà entourée d'une enceinte de
hantes et épaisses murailles flanquées de tours et percées de quatre portes. Dans une
transaction, passée en 1367, entre les habitants de Saint-Rambert et le seigneur Prieur du
monastère, il est parlé de fossés, de clefs des portes, de murs de la ville... comme de
constructions existant déjà depuis longtemps. (Archives de lu Loire» Fonds de Saint-
Ramben.)
(3) La Porte de la Chana qui s'ouvrait du cdté le plus rapproché de la rive gauche de la
Loire, et qui, de temps immémorial, s'est appelée aussi Porte de Saint-Rambert, parce que
son arceau gothique a, de temps immémorial aussi, abrité la statue équestre de l'illustre
martyr, nous semble avoir été le passage, tout indiqué, de la procession des reliques, à leur
I 14 CHAPITRE Vil
Franchise (i), au seuil du grand portail roman de l'église
priorale, il nous semble voir les flots serrés de la foule
enthousiaste, envahir les trois nefs du saint lieu. Soudain,
une ovation solennelle aux sacrés ossements des saints
Rambert et Domitien éclate, et les malades et les infirmes
de tout âge, de tout rang, essayent de les approcher de
plus près pour les toucher, afin d'être guéris. Ainsi, au
temps de Notre -Seigneur, les infirmes et les malades
cherchaient à toucher les bords de sa robe, pour retrouver
forces et santé.
Mais puisque nous assistons par la pensée aux merveilles
qui se déroulèrent, il y a huit siècles, dans ce même temple et
sous ces mêmes voûtes sacrées, témoins, toujours debout, de
nos prières et de nos cérémonies religieuses, entendons aussi
les nombreuses acclamations d'un peuple de pèlerins, faisant
monter à Dieu les chants de sa reconnaissance. Contemplons
arrivée dans la petite cité de Saint-André. C'est du moins le chemin le plus court pour
venir de la Loire. DvC reste, comme souvenir de cette translation des reliques de sain;
Rambert, des bords de la Loire dans l'église du prieuré, on fait encore chaque année, au
jour de la fête de cette Translation qui est la fête patronale — (premier dimanche d'octobre) —
une procession où sont portées en triomphe les reliques du saint.
Détail à remarquer et qui donne une forte présomption pour croire qu'en 1078 les
reliques passèrent par là : c'est qu'arrivés sous l'arceau de la porte gothique, les fidèles et le
clergé s'arrêtent, selon une très ancienne coutume, pour laisser chanter, par un choriste, le
Répons d'un Martyr et l'oraison du saint. Après cette cérémonie, la procession reprend sa
marche.
(i) La porte dite de Franchise, ainsi appelée parce que tous ceux qui pouvaient en
franchir le seuil étaient exempts de poursuites infamantes, est encore debout et donne
accès, de la place de la Mairie dans le quartier de la ville où s'élève l'église. Jadis,
elle faisait communiquer la petite cité avec les dépendances du prieuré, alors ceint
d'épaisses murailles. Une autre porte, placée en face de la porte de Franchise et de l'autre
côté de l'église, mettait en communication le quartier du Poyet avec le prieuré. De cette
porte démolie depuis longtemps, il ne reste plus que les deux corbeaux qui supportaient,
anciennement, la retombée de l'arc ouvert fermant la porte. Il est une autre interprétation
du nom de Porte de Franchise, nous la donnons ici, afin que le lecteur juge de sa vrai-
semblance. Après la trahison du Connétable de Bourbon et confiscation de ses biens, en
i532, au profit de la Couronne, François I"', dont les Etats venaient de s'agrandir du Comté
de Forez, vint en prendre possession. Arrivant de Lyon et passant 4 Saint-Rambert, le 34
avril i536, il semble tout naturel qu'il ait accordé aux habitants, en cette heureuse circons*
tance, quelque franchise communale, dont la Porte du Prieuré, par où passa le cortège royal,
aurait gardé le souvenir.
Cette hypothèse s'accrédite par l'octroi qu'il fil, peu après, à la petite ville de Sury-le-
Comtal qu'il traversa en se rendant h Montbrison. Le nom de c rue Franche • conservé i
l'une des principales et anciennes voies de cette ville, n'aurait pas d'autre origine.
LÉGENDE DE LA TRANSLATION DBS RELIQUES I 1 5
la nombreuse couronne de prêtres, de religieux agenouillés
autour de Técrin d'or et de soie, déposé sur le maître-
autel, au milieu de mille lumières éclatantes. Leurs cœurs
sont à la confiance et à la joie, pendant que leurs lèvres mur-
murent d'ardentes prières.
Il n*est pas jusqu'aux joyeuses envolées des cloches du
vieux beffroi roman, jusqu'aux parois extérieures et inté-
rieures des murs de l'église, disparues sous les plis pressés
de riches tentures aux couleurs rouge et argent, rappelant les
titres glorieux du martyr Rambert et du confesseur Domitien;
il n'est pas jusqu'aux autels ruisselants d'or et de lumières...
qui ne redisent la magnificence de cette grande fête de la
translation des reliques, fête où la joie débordante de tout un
peuple de fidèles et de prêtres, exprime mieux que tous les
discours, le bonheur que chacun éprouve de posséder, près de
soi, un pareil trésor.
Ah ! si les pierres de notre vieille église avaient une voix,
que ne nous raconteraient-elles pas de la foi vive de nos
ancêtres, de leur empressement à vénérer les reliques de
notre cher et illustre Patron, de leur joie de les posséder, de
leur absolue confiance en elles, et des grâces nombreuses,
éclatantes même, obtenues par l'intercession de saint
Rambert I
Car si nous en croyons ce passage de la légende de l'office
du glorieux martyr « Dans la suite des iemps^ il y eut un
« grand concours de malades venus de tous côtés pour implorer
« le secours du paillant athlète du Christ^ et personne ^jusqu à
« ce jour ^ ne s'en est allé sans avoir obtenu quelques grâces. »
Oui, si nous en croyons cette légende vénérable, des flots
de pèlerins affluèrent de tout temps autour de la châsse de
saint Rambert. Car ces saints ossements, loin de perdre leur
puissance d'opérer des miracles, après avoir été transportés
en Forez, devinrent, au contraire, une source de grâces pour
tous ceux qui les y vénérèrent, dans leur nouvel oratoire.
Il6 CHAPITRE VII
Et puisque, d'après la légende de Toffice du saint martyr
« Personne ^jusqu'à ce jour ^ ne s'en est allé sans avoir obtenu
quelques grâces », on peut dire qu'il fut, dans la suite du
temps, incalculable le nombre des pécheurs convertis, des
malades guéris, des familles réconciliées, des deuils consolés,
des champs fécondés par l'intercession de notre illustre
Patron.
Oui, quelque part que reposent les restes sacrés des
saints, ils portent toujours en eux cette force divine à laquelle
les lois de la nature sont obligées de céder, cette force sur-
naturelle qui en fait comme des- sources de vie, et des remèdes
efficaces pour guérir les infirmités du corps et cicatriser les
plaies de 1,'âme.
S'il arrive, souvent, que nos prières adressées aux saints
dont nous vénérons les cendres demeurent inexaucées,
ce n'est point que les corps des saints auprès desquels
nous nous agenouillons soient dépourvus de puissance et
d'énergie.
Mais si nos soupirs ne sont pas entendus, c'est qu'ils ne
sont point sincères, si nos larmes ne les émeuvent pas, c'est
qu'elles ne sont point amères, et si nos prières restent stériles,
c'est qu'elles ne sont accompagnées, ni de la pureté du cœur
confiant, ni de la pénitence de l'âme humiliée.
Prions et humilions nos cœurs, menons une vie chrétienne
et nous verrons « les miracles se multiplier autour du
« tombeau du Bienheureux Rambert, martyr, les aveugles
M recouvrer la vue, les boiteux marcher, les démons prendre
« la fuite, les frissons de la fièvre et les maux de dents
« disparaître ».
Avant de terminer ce chapitre, nous voulons réduire à néant
quelques objections que ne manqueront pas de faire les
esprits prévenus contre la vérité de tout récit tracé par la
plume des copistes du moyen-àge.
LEGENDE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES I I 7
Nous n'ignorons pas que les fraudes pieuses sont de
toutes les époques, et que les historiens qui, dans le cours du
moyen-âge, rassemblèrent les traditions éparses n'étaient ni
inspirés ni infaillibles. Nous savons même qu'ils mutilèrent
quelques-unes des légendes, mêlèrent souvent aux récits
vrais ou faux que leur avaient légués les siècles, des erreurs
et des contre-sens : c'est une conséquence fatale de leurs
préjugés et de leur ignorance des temps antiques (i).
Nous savons, d'autre part, qu'en dépouillant notre pieuse
légende de son vêtement de naïveté toute médiévale, nous
aurions à offrir à certains lecteurs, un fait qui capterait d'autant
plus leur créance qu'il serait plus naturel et plus ordinaire : le
rapt, par exemple, des reliques du saint martyr Rambert par un
émissaire du comte Guillaume; ou encore, le simple enlève-
ment des dites reliques par le comte Guillaume lui-même, qui,
avec l'assentiment des religieux du monastère de Saint-
Domitien, les aurait fait porter dans son château d'Yzeron,
et de là, en grande pompe, dans l'église de son prieuré
favori de Saint-André-les-Olmes.
Nous pourrions donc, abandonnant le récit légendaire
conservé par le Bréviaire bénédictin et la Tradition locale,
écrire ces pages à l'exemple de certains historiens qui répu-
gnent à admettre tout ce qui porte l'empreinte du merveilleux
et du miraculeux. Mais, plein de respect pour la mémoire
du pieux comte Guillaume, nous n'avons pas voulu mettre
le fait de la translation de nos saintes reliques au rang des
actes entachés de déloyauté et de profanation. Nous n'avons
pas voulu priver le lecteur des charmes dont est remplie
notre vieille et chère légende.
N'eussions-nous pas été parjure à notre foi, que de traiter
avec mépris les naïves légendes que l'Eglise accueille, avec
(1) Pour ne citer qu'un exemple à Tappui de ce que nous avançons. la légende de saint
Domitien citée par Guichknon dans son « Histoire de la Bresse et du Bugey • est
agrémeotce de Tépithète « mutilatam» mutilée ».
I l8 CHAPITRE VII
tant de respect, dans ses saints offices? C'est pourquoi, à ceux
qui se défient des légendes, les regardent comme des récits
fabuleux, indignes de fixer Tattention des esprits sérieux,
et tout au plus bonnes pour amuser les enfants, nous répon-
drons : si les légendes ne sont que des fruits de l'imagina-
tion, si les récits merveilleux que nous lisons dans la f^ie
des Saints ne sont que les produits poétisés de cerveaux
enthousiastes, pourquoi alors voyons-nous des auteurs
sérieux aimer tant à les insérer dans les pages de leurs
livres ?
Sans doute, sous des dehors fabuleux, la légende nous dérobe
le fait historique, exact et précis ; mais les voiles dont elle
l'entoure sont si transparents qu'il suffit d'un regard pour les
pénétrer. On devine, à travers leurs séduisantes couleurs, la
vérité qui, à l'instar d'une fleur parfumée dont la suave
odeur trahit la présence sous la mousse, se présente d'elle-
même à l'esprit, naïve et sincère.
Les légendes sont des bouquets embaumés des très agréables
parfums du passé. On est toujours tenté de détacher
quelques fleurs de leur gracieuse touffe.
La légende qui suit offre un tel rapprochement avec celle
de notre martyr saint Rambert, soit par la date des faits, soit
par les lieux où ils se passent, soit encore par les qualités
sœurs des deux saints, soit enfin par la façon dont leurs
corps furent découverts et transférés, que nous n'hésitons
pas à en reproduire les parties essentielles. Le lecteur nous
saura certainement gré de lui donner, ici, un document
capable de justifier, au moins indirectement, La vérité des faits
relatifs à la translation de nos Saintes Reliques.
LEGENDE DE LA TRANSLATION DES RELIQUES I I9
LÉGENDE DE SAINT FLORENTIN (56i)
« Jadis advint que les Wendes, les Souabes et les
« Alains (i) que aucun appellent Huns, issirent de leur
« contrée pour France détruire et gâter. Un roi avaient,
d qui Crocus était appelé..*
« Quand il eut passé le pont de Mayence sur le Rhin, et
« qu*il eut gâté et détruit la cité, il alla tout détruisant et
« gâtant les terres et les contrées par où il passait; moult
cr y fit griès, dommages aux églises et au peuple. . .
« Tant alla que il parvint es parties de Bourgogne. Il
« advint, un jour, que il s'imagina d'avoir Chevaliers du pays
ce à être ses soudoyers en sa cause et en ses guerres;
ce enseigné lui fut et indiqué que près de là, y avait un
« chevalier preux et vaillant et vigoureux de corps et bien
ce éprouvé d'armes. Le roi Crocus le manda devant lui et
ce l'aresna, et reprit que il fut son soudoyer avec autres
ce chevaliers que il avait éprouvés en son service. Le che-
<c valier qui était bien garni et bien armé de la foi de
ce Jésus-Christ, répondit au tyran en cette manière : ce Je suis
ce ei serai toujours soudoyer cVun seul Seigneur^ à qui je suis
ce et que je servirai en cette vie temporelle. »
« Le tyran lui demanda : comment ce Sire avait nom ; et
<c le chevalier répondit que ce était Jésus-Christ, qui est un
ce seul Dieu en trois personnes, et triple unité. Le tyran lui
ce redemanda de quel nom et de quelle religion il était ; et le
ce chevalier répondit : ce Florentin suis appelé^ par nonty et
ce suis chrétien et chevalier de Notre-Seigneur Jésus-'Christ
« que je Vài nommé, »
(i> Chronique de Saint^Denis, — Extrait de la brochure de B. Zbller , professeur an
Lycée Charlemagne : Les fils de Clotaire ; FréJégonde et Brunehaut (Paris, 1880^
120 CHAPITRE VU
<( Le roi Crocus lui fit couper la langue et, après ce, couper
a le chief. Le prud'homme et bon chevalier, messire saint
<c Florentin rendit, par son martyre, Tâme à Notre-Seigneur
« Jésus-Christ, et fut son corps enseveli, et mis en sépulture
(c en une ville qui est au pays, et qui, orendroit^ est nommée
« Saint-Florentin.
« Grand temps fut le corps de ce bienheureux martyr, en
« l'église de cette ville, et encore y est le chief; et pour les
(( grands miracles que notre Sire faisait et fait encore pour
<c lui en ceux qui, dignement, le requièrent et le requerront;
« un prud'homme qui au temps de lors était, prit le corps du
a benoît martyr, et sans le chief le translatèrent de lieu en autre
« pour savoir où ils trouveraient lieu religieux où ils pussent
ce dignement et honorablement hebergier.
(c A la parfin, fut rapporté à Bonneval, en l'église et diocèse
M de Chartres, pour ce que ceux qui rapportèrent cuidaient
(C que ce fût le plus religieux lieu où ils le pussent mettre. En
<c cette abbaye est et repose, dignement moult honorablement
ce et moult dignement, le corps de Monseigneur saint Florentin
« le martyr. Et là fait, notre Sire, grans miracles de jour en
i( jour, en l'honneur et en mémoire de ce glorieux martyr.
« Quand Crocus le tyran fut pris, il fut vilainement mené
« par les cités que il avait détruites; après ce, mourut, fut
« tourmenté de divers tourments, selon ce que il avait
« desservi (i). »
(i) Nous avons respecté et le style et l'orthographe de cet intéressant document.
CHAPITRE VIII
VOIE SUIVIE
PAR LE MYSTÉRIEUX PORTEUR DES RELIQUES
DES SAINTS RAMBERT ET DOMITIEN
Il existait, au moyen âge, un grand nombre de petits
établissements destinés aux voyageurs que la route avait
fatigués ou que la pauvreté et la maladie contraignaient à
suspendre leur marche, pour réclamer aide et secours (i).
Or, ces établissements inégalement distribués dans notre
région, cest-à-dire dans l'ancien « Pagus lugdunensis » (2),
dont la circonscription territoriale comprenait la presque
totalité des départements actuels du Rhône, de la Loire et
de FAin, étaient aux xii% xni% xiv* et xv* siècles, de petits
hôpitaux affectés spécialement aux pauvres de Jésus-Christ
« ad pauperes Christi », et qui, distancés entre eux, formaient
comme une série de grandes lignes ayant leur point central
à Lyon, où elles venaient converger.
Ces lignes, qu'il est impossible*de considérer comme un
résultat du hasard et qui reliaient, entre eux, les hôpitaux ou
(1) L€t Voies antiques du Lyonnais, du Forex* du Beaujolais.,» du Bugey, etc., déter«
minéei ptr les hdpitaux du moyen flge, par M. (^ Guioui, archiviste du Rhdne, 1877.
(s) Pagus lugdunensis. District lyonnais*
122 CHAPITRE VIII
refuges de pèlerins, de voyageurs malades ou attardés, ne
pouvaient être alors, d'après Térudît M. C. Guigue, que des
grandes routes.
C'est^ du reste, ainsi que les nomment les vieux documents :
piapublica^ iier publicum, magnum iter^ strata^ iier f erratum^
via lugdunensis (i). Ces grandes routes du moyen âge,
établies sur les voies antiques de l'époque de la domination
romaine (2}, et que jalonnaient précisément les hôpitaux,
formaient un vaste réseau couvrant tout le « Pagus major
lugdunensis ». C'est ainsi que sur la magnifique carte des
a Voies antiques du Lyonnais, du Fore\^ du Beaujolais^
de la Bresse^ de la Bombes^ du Bugey et de partie du
Dauphiné », dressée par M. C. Guigue, nous relevons quinze
grandes routes fréquentées au moyen âge ; cinq voies du
Lyonnais mentionnées par Strabon ; et dix autres voies
antiques dont les auteurs ne font aucune mention (3).
Quel itinéraire suivit le mystérieux porteur des reliques
des saints Rambert et Domitien, en l'année 1078? Quelle
voie prit-il pour venir de l'abbaye de Saint-Rambert-de-
Joux, en Bugey, au prieuré de Saint-André-les-Olmes, en
Forez? Telle est la question difficile à laquelle nous allons
essayer de répondre, en nous inspirant du savant travail du
distingué archiviste que nous avons déjà nommé plusieurs fois.
Et d'abord notre pieux voyageur, comme en témoigne la
légende de l'Office de Saint-Rambert, se mit en route pendant
la nuit, chargé du précieux fardeau qui lui était providen-
tiellement confié. Bien convaincu qu'il lui fallait faire un
long voyage (4) à travers une région qu'il connaissait peu,
(1) Les Voies antiques du Lyonnais,*du Forez ^ etc., par M. C. Guiguk, pasiim.
(3) C'est l'opinion de M. C. Guigue, c'est aussi la nôtre.
(3) Les Voies antiques du Lyonnais, du Forent etc., passim.
(4,) Il y a environ 63 kilomètres de Saint-Rambert-de-Joux à Lyon, et environ 70 kilo-
mètres de Lyon à Saint-Rambert-en-Forez, en suivant l'ancienne voie du moyen flge.
C'était un voyage d'une trentaine de lieues.
VOIE SUIVIE PAR LE MYSTERIEUX PORTEUR DES RELIQUES 123
ii ne dut certainement pas se hasarder ni dans les sentiers
étroits, ni dans les petits chemins dont le tracé rapproche
peut-être du but à atteindre, mais dont le sol, ordinairement
défoncé et rocailleux, est peu praticable pour le pied qui a
une longue course à fournir.
Du reste c'était la nuit et ses épaules étaient chargées ; il
pouvait avoir besoin de faire quelques haltes en route, soit
pour prendre un peu de nourriture, soit pour se reposer de la
fatigue du voyage. Il s*achemina donc vers la grande route
de Genève à Lyon, route dont le tracé se présentait tout
naturellement à lui, puisqu'elle traversait la petite cité de
Saint- Rambert-de-Joux (i). Cette voie, large, fréquentée, lui
offrait d'ailleurs plus de sécurité ; et il pouvait y trouver
quelque abri dans les hôpitaux dont elle était jalonnée (2).
En effet, cette voie en partant de Genève gagnait Saint-
Rambert par Seyssel, Culoz, Artemarre, Virieu-le-Grand et
la Burbanche (3).
De Saint-Rambert-de-Joux elle continuait dans la direction
de Lyon par Ambérieux (4), Loyes et Meximieux (5), le bas
de Pérouge (6), le bourg Saint-Christophe (7), Chanoz (8),
(I) Via 8ivé strtta quae ducit ab Ambrionaco versus sanctum Rainebertam (Acte de
I3i3, Archives de l'Ain, fonds de Meyria, H. 340-34>)* (Dans les Voies antiques du
Lyonnais^ Fore^, etc., passim.)
(3) Sur cette route de Genève à Lyon, on comptait huit hôpitaux, savoir : la Burbanche-
les-Hôpitaui, Saint-Ramben-de-Joux, Ambérieux, Loyes, Pérouge, Montlnel, Miribel,
Lyon. (Dans les Voies antiques du Lyonnais Fore\^ etc., passim.)
(3) Ab oriente chiminus roman us (Acte de 1 141. limites de la charte de Portes, Archives
de l'Ain), ibidem,
(4) Voyez la note n* 1 ci-contre.
(5) Iter tendens de Meissimiaco apud Loyes (Terrier de Saint-Romain, fol. 14). {Voies
antiques du Lyonnais, Fore^^ etc., passim,)
(6) Iter tendens de Lugduno versus Loyes. — Apud Maximiacum, iter antiquuro tendens
de Loyes versus Chano (Archives de l'Ain, Terrier de Némy-Tanay, toi. 1 et 7). (Voies
antiques du Lyonnais, Fore\, etc.. passim,)
(7) Iter publicum tendens de Burgo apud Lugdunum. Iter tendens de Montlacl ad
Burgum (Terrier de Saint-Romain de Lyon de 1453, G. 4083, fol. 9, 10 et 11). {Voies
mtiques du Lyonnais^ Fore\, etc., passim.)
(8) Apad Maximiacum. iter antiquum tendens de Loyes versos Chano {Archives de VAin,
Ttrricr de Ncmy-Tanay, fol. 1 et 7), ibidem.
124 CHAPITRE VIII
Montluel (i), La Boisse, au bas du château de Girieu (2),
Beynost (3) et Miribel (4).
Après avoir marché une partie de la nuit et, probablement,
toute la journée qui la suivit, notre pèlerin arriva à Lyon où
il dut certainement se reposer. Et il en avait besoin.
Car la distance de Saint-Rambert-de-Joux à Lyon est de
63 kilomètres, environ 12 lieues, distance qu'un voyageur ne
franchit point sans fatigue dans l'intervalle d'une grande
journée, surtout lorsque ses épaules ou ses bras sont chargés
d*une valise.
Fit-il une halte dans les divers hôpitaux qu'il rencontra
sur sa route, par exemple à Ambérieux, à Pérouge, à Montluel,
à Miribel ?
Nous pensons que si la fatigue et le besoin de réparer ses
forces, en prenant quelque nourriture, obligèrent notre secret
messager à s'arrêter dans un de ces pieux établissements, il
ne s'y reposa que très peu d'instants, désireux qu'il était
d'arriver, au plus tôt, au terme de son voyage, mais surtout
rempli de la crainte qu'on ne lui fit quelques questions
indiscrètes, et sur le fardeau qu'il portait, et sur les causes
de son voyage.
Et pendant que le dévot serviteur de saint Rambert
cheminait sur la route, seul, inconnu à tous ceux qui le
rencontraient, de quelles douces émotions son âme ne dut-
elle pas tressaillir! Réjoui, consolé par les bienheureux saints
dont il transportait les restes sacrés, la fatigue dut lui
(i) Iter antiquum tendens de Perogiis versus Montemlupellum (Archives deVAin^
Terrier de Némy-Tanay de 1 388, fol. 3, 5. et i3), ibidem,
(a) In mandate et terragio castri de Gyreu, juxta stratam publicam Lugduni (Acte de
1266, Archives du Rhône, tit. S. Paul), ibidem,
{3) Iter tendens de ecclesia de Benost Lugduni — apud Beynost, in manso de Rodano,
juxta iter tendens de Montelupello apud Lugdunum (Terrier de l'infirnierie de TIle-Barbe
de 145 1. Arm. Moïse, vol. 6, n« 2, carton 88, n* 2, fol. 33 et 44), ibidem.
(4) Juxta iter per quod itur de Lugduno apud Miribejlum (Acte de i35o, grand cart.
d'Ainay, fol. 190), ibidem.
VOIE SUIVIE PAR LE MYSTÉRIEUX PORTEUR DES RELIQUES 125
paraître douce^ douces aussi les sueurs qui, sous le faix béni
dont il était chargé, coulaient de son front hâlé.
Arrivé à Lyon, qui sait s'il ne gravit point la colline de
Fourvière (i), et s'il ne s*agenouilla point aux pieds de la
Madone pour la prier de le prendre sous sa protection !
Quelque hasardée que paraisse cette hypothèse, cependant
elle nous semble n'avoir rien que de très vraisemblable. En
effet, voulant continuer sa route vers le Forez, notre pieux
pèlerin était absolument obligé de gravir la sainte colline
pour atteindre à l'ouest de Fourvière, Bonan, par où passait
la voie de Lyon à Saint-Symphorien-le-Châtel, Saint-Galmier
et Saint-André-les-Olmes.
Voici, du reste, l'itinéraire qu'il dut nécessairement suivre
à son départ de Lyon. Cet itinéraire est révélé, au moyen
âge, par les hôpitaux de Bonan, de Saint-Symphorien-le-
(i) A cette époque, c'est-à-dire au zi« siècle, le sanctuaire de Notre-Dame de Fourvière
était déjà célèbre par les miracles qui s'y opéraient et l'affluence des pèlerins qui venaient
s'agenouiller aux pieds de la Vierge miraculeuse, car avant 1 192, date de la fondation du
Chapitre de Fourvière, ou mieux, avant 1168, date de la construction de la nef de saint
Thomas, il y avait une ■ ancienne chapelle de Notre-Dame de Fourvière ».
Voici quelques preu?es à l'appui de notre assertion :
I* VAlmanach de Lyon, lybb, partie historique sur les églises de Lyon, de Matmom de
LA Cour, affirme, page 34, que la chapelle de Notre-Dame de Fonrvière à été réparbe par
Leidrade, environ Tan 800. On ne répare pas ce qui n'existait pas auparavant ;
a* Le même Almanach, lySS, indique, page 3a, comme adjacente à l'ancienne église
Saint-Etienne de Lyon, l'Eglise Sainte-Croix, première paroisse, en dignité, de la ville de
Lyon, et fondée par saint Ârige, archevêque de Lyon (6o3-6i i).
Or, au XVII* siècle, un grand procès s'élevait entre les chanoines de Fourvière et les cub-
todes-cnrés de Sainte-Croix, relativement à leurs limites et juridiction respectives. L'affaire
est portée au Chapitre primatial qui donne raison à Fourvière, pour ce motif « que Fourvière
• est une plus ancienne paroisse, d'oii a été démembrée celle de Sainte^Croix ». Les prêtres
de Sainte-Croix n'étant, primitivement, que de simples sociétaires de l'église de Fourvière.
Cette sentence fut prononcée à Lyon le 20 juillet i6a6;
3* Comme preuve corroborative qu'une chapelle de Notre-Dame de Fourvière existsit
avant la construction de la nef de saint Thomas, nous trouvons, dans un antre procès
entre les chanoines de Fourvière et ceux de Saint-Nizier, au sujet du • pas • respectif dans
les processions en corps, cette note, au bas d'une copie de Tacte de fondation du Chapitre,
en 1 193 i/ait mention d'une maison près l'Eglise de Fourvière, où habita saint Thomas de
Cantorbéry^ quand il vivait au milieu des prêtres de Fourvière^ c'est-à^tire, déjà, en a 68,
au plus tard. Or. s'il n'y avait pas, alors, une église préexistante, «ùces prêtres de Fourvière
auraient-ils rempli leur ministère, pnisqu'à cette date, l'Egiise de Saint-Thomas n'était pas
encore construite ? (Ce dernier titre appartient aux Archives du Rhône, fonds de
Fourvière.) Notes obligeamment communiquées par Ai. l'Abbé Peyrieux, chapelain de
Fourvière.
/
130 CHAPITRE Vllt
Chàtel et Saint-Galmier (i). Elle passait par ou près de
Chaponost (2), d'où un embranchement se dirigeait sur
Saint-André-la-Côte par Saint-Sorlin (3), tandis que la
voie principale (celle précisément que dut suivre notre
mystérieux voyageur), continuait sur Maltaverne (4), à
travers les territoires des communes de Soucieu, Brindas
et Messimy (5).
De Maltaverne, elle gagnait Thurins (6) et le village
de Tiremanteau (7), en traversant une partie du terri-
toire de Rontalon (8) et de Rochefort (9), puis, Saint-
Ci) Les voies antiques du Lyonnais ^ du Fore^y etc., page 44. ~ Route de Lyoa à
Montbriton. — M. C. Guigue, archiviste du Rhône.
(2) Item fuit declaratum et ordinatum..., quod obedientiarii de Briendas non possent nec
debeant furchas erigere sen erectas habere ex parte Yseronis et Maie Taberne, scilicet a
raolendino de Cornavire, sequendo limites anpradictos, usque ad locum ubi protenditur iter
magnum de Briendas versus Chaponno incidens in magnum iter Lugduni (Acte de i3i4,
Archives du Rhônet arm. Esdras, vol. 27, n* 3).
(3) In parrochia de Chapono, in territorio d'AIeysi, juxta iter per quod itar de Sancto
Andrea-la-Cota^apud Lugdunum (Terrier de Chazelles de i333, fol. 5o, Malte H, 2374). —
Apud Turins juxta iter antiquum tendens de Lugduno apad sanctum Saturninum (Terrier
de Turins de 1447 pour l'Ile-Barbe, arm. Loth, vol. 19, n« i, carton 24).
(4) Iter tendens de Mala-Taverna apud Sanctum Symphorianum. — Apud Mala Taverna,
juxta iter predictnm Lugduni (Acte de 1454, fonds de TIle-Barbe, carton 34, arm. Loth,
vol. 25, n» 3).
(5) Apud Sociacum, in territorio de Bernoneri. juxta iter tendens de Sancto-Simphoriano
Castri apud Lugdunum (Terrier de Rochefort de 1478. fonds de Saint-Just, G. 3976,
fol. 36). — Apud Meyssîmiacum, juxta iter tendens de Sancto-Symphoriano-Castri apud
Lugdunum (Terrier de Rochefort de i367, ibid.^ fol. 20). — Ibidem^ in territorio de
Garon, de Goenchi, de les Gotes, de Pramoleyn, juxta iter tendens de Sancto-Symphoriano
apud Lugdunum (Terrier de Messimy de i383, ibid.^ fol. 3, 4, et 5).
(6) Iter per quod itur de Thurins apud Lugdunum... In territorio de Costa de Thurins,
juxta viam tendentem Sancto-Symphoriano-Castri apud Lugdunum (Terrier de Rochefort de
i367-i385, fonds de Saint^ust. fol. 10 et 12).— In Castro de Thurins apud Lugdunum,
et juxta iter antiquum tendente de Sancto-Symphoriano-Castri apud Lugdunum (Terrier de
Thurins de 1447, ibid.^ carton 24, fol. 5, 11 et 16).
(7) In territorio de Costa de Turins, juxta iter vêtus tendens a Tirementel apud Lugdaaum
(Terrier de Rochefort de 1478, fonds de Saint-Just. G. 3976, fol. 31).
(8) Apud Rantalonem, in territorio de Cruce, alias en les Costes, juxta iter tendens de
Ruppeforti, apud Lugdunum (Terrier de Rochefort de 1478, fol. 29 et 3o). — Apud Marnas,
juxta iter per quod itur de Rantalon apud Lugdunum (Terrier de Chazelles de i333,
H. 2374, fol. I). — En la Foreyreyri de la Fraissena, juxta iter publicum per quod itur de
Sancto-Simphoriano apud Lugdunum (Ibid., fol. 3, i5 et 64).
(9) In territorio de la comba Roent, juxta iter quod itur de Rochifort apud Lugdunum
(Terrier de Chazelles de i355, fol. 24 et 72). Iter tendens de Rochifort apud Lugdunum
(Terrier de Thurins de 1447, fol. 12).
Voie suivie par le mystérieux PORTEuk des reliques 1I7
Manin-en-Haut (Anneaux) (i) et de là, Saint-Symphorien-le-
Châtel (2).
A Saint-Symphorien-Ie-Châtel, comme la route se trifurquait
après s*être unie à une grande voie venant de Test, par
Heyrieu et Saint-Symphorien-d'Ozon (3), appelée tantôt
<Y strata viannoyse^ tantôt « strata publica viannensis », parce
qu'elle reliait le Forez au Viennois {4), notre voyageur
laissa les deux premiers embranchements, dont l'un se dirigeait
sur Montbrison par Chazelles, Saint-André-Ie-Puy, Montrond,
Savigneux (5), et l'autre sur Feurs en passant par l'hôpital
que la carte de Cassini indique près de Virigneux et
Valeilles (6), et il s'engagea dans le troisième pour Saint-
Galmier (7).
Arrivé à Saint-Galmier, la route se divisant en deux
branches, il laissa celle qui tendait directement à Mont-
brison (8) pour prendre celle qui s'ouvrait dans la direction
de Saint- André-les-Ol mes, en traversant le territoire de Saint-
Just-sur-Loire(9).
Ici se présente une difficulté.
(f) lo parrochia Sancti Martini Annualium, in terrilorio de Mala Comba, juxta iter
Lyooeys per qaod itor de Rochifort apud Lugdanum (Terrier de Chazelles de i335, fol. 53).
— lo parrochiade Rochifort, jaxta iter per quod itur de Rochifort apod Saoctum Martinum
d'Anoals {Ibid,, fol. 58 et 59).
(a) Voir les notes précédentes.
(3) En la Chantri. jaxta iter publicum per quod itur de Sancto-Symphoriano-i^astri apud
Sanctam Symphorianum de Auzone (Acte de 1309. Grand cartulaire d'Ainay, fol. i85).
L€S Voies antiques, par M. C. Guious.
(4) Ibidem, n* 35o, page 145 (Acte du 4 juillet 1398. Archives du RMdue, arm. Laban,
vol. i3,n* t5).
(5) In parrochia Sancti Andrée lo Poys : en les Varennes, juxu viam Lugdani tendentem
de Monte Rondi apud Sanctum Andream lo Poys (Terrier de Chazelles de i383. Archives
du Rhâne. Fonds de Malte, fol. 5o}.
(6) Iter quo itur de Valieles apud Forum (Terrier de Sury de i358, pour le comte de
Forez, fol. 5 et 6).
(7) Iter quo itor de Sancto Baldomero versus Sanctum Symphorianum (Terrier de
Chazelles de i383, fol. la).
(8) Iter qao itur de Sancto Baldomero apud Montembrisonem (id. folio 35).
(9) Matheus Merlet débet IX denarios vicnnieosium censuales pro quftdam domo sita
versas iter tendens de ponte Sancti-Ragneberti apad Sanctum-Baldomerum (Terrier de
Saint-Victor-sur-Loirc de i336). «
128 CHAPITRE Vin
Le texte de la légende de l'Office de la Translation des
Reliques des saints Rambert et Domitien nous apprend que
notre pieux messager s'étant mis en route avec son béni
fardeau, marcha longtemps et arriva, enfin, vers les pentes
de la montagne au sommet de laquelle se dressait fièrement
le château -fort dTzeron. Or, le tracé de la voie qui
menait de Lyon au prieuré de Saint-André-les-Olmes ne
côtoyait point les pentes abruptes de la montagne d'Yzeron,
mais courait entre Thurins et Ti remanteau, à quelque distance
à Test du vieux manoir, résidence du comte Guillaume.
D'où il n'est plus vrai de dire que notre pieux porteur
de reliques ait suivi l'itinéraire dont nous venons de
parler.
La difficulté n'est qu'apparente, et voici comment nous la
résolvons. Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que
les veneurs du comte Guillaume chassaient sur les terres de
leur maître, lorsqu'ils firent la rencontre du mystérieux
voyageur fatigué et prenant un peu de repos, à l'ombre d'un
bouquet d'aubépines, au bord du chemin.
Mais rien n'empêche de croire que les gens du Comte aient
rencontré le pieux pèlerin sur la route même que nous avons
décrite plus haut, et que cette route éloignée du château-
fort traversât, cependant, les terres dudit Comte? Car, enfin,
les dépendances d'une seigneurie, surtout de la seigneurie du
Comte de Forez, ne devaient pas être limitées à l'enceinte des
murailles de sa demeure; mais, au contraire, devaient s'étendre
dans un vaste rayon et, probablement, jusques et au-delà de
la voie suivie par notre dévot porteur de reliques. Or, cette
voie n'était pas certainement à plus d'une lieue du sommet
de la colline d'Yzeron.
Du reste, notre légende ne dit pas que le pieux voyageur
eût déjà gravi les pentes d'Yzeron, quand il fut rencontré
par les veneurs du comte Guillaume. Elle dit simplement :
« Lorsqu'il fut arrivé vers les pentes de la montagne qui porte
VOIE SUIVIE PAR LE MYSTERIEUX PORTEUR DES RELIQUES 1 2g
« le château-fort (VYieron ». (i) Le lieu de repos indiqué
par la préposition m ad y^ pouvait très bien se trouver loin
du château-fort, sur les bords de la route désignée plus haut,
et cependant sur les terres du Comte, seigneur et maître des
villages voisins.
Et puis, quelle invraisemblance y aurait-il à croire que
notre Messager, connaissant la piété du comt e Guillaume,
sa dévotion envers saint Rambert, le désir qu'il avait de
vénérer ses reliques, se soit détourné de son chemin pour
aller saluer son Seigneur et Maître, lui montrer le vénérable
trésor, le lui faire baiser, et enfin demander aide et protection,
pour le reste de son voyage, à l'ami et au protecteur du
Prieuré de Saint- André-les-Olmes ?...
Nous ne sommes pas éloigné de croire que les choses se
passèrent ainsi. Le comte Guillaume fort dévot à saint
Rambert, après avoir pendant longtemps témoigné, en vain,
aux moines de l'abbaye des bords du Bébron, le désir de
posséder quelques reliques du martyr honoré dans toute la
région lyonnaise, finit par en obtenir d'une façon merveilleuse,
alors, sans doute, qu'il s'y attendait le moins. La Providence
était plus généreuse envers lui que ne l'avait été le Prieur
de l'Abbaye (2).
Quoi qu'il en soit, nous savons par la légende du Bréviaire
de l'Office de notre illustre Patron, que le mystérieux porteur
de ses reliques fut reçu, avec les plus grands égards, sous le
toit hospitalier du comte Guillaume^ qu'il séjourna quelque
(i) Cam aiitem pcrrenitset ad cliTum oppidi, qood ▼algo Ywron Tocitator..... Atqac ex
Iciocre fatigatas. mcm riam ad umbram albc apin» cooscdiMet (Légeode de Tofficc de la
Fête det miradea da aaint Rambert. H noct. Leçon 6«.)
(3) La tradition locale de la vallée de l'Albarioe accuse les gens de Saint-Rambert-en*
Forei d'avoir volé la moitié da corps do saint martyr. Ne pourrait-on pas voir dans cette
légende, Finaittance que le comte Guillaume mettait à réclamer quelques parcelles du
corps de saint Rambert, et le relus par les religieux de l'Abbaye d'obtempérer à sa demande ?
Dtt reste, l'enlèvement mystérieux des reliques de saint Rambert et de saint Domitien par on
personnage providentiellement inspiré, a bien pu faire croire que des gens envoyés par
le paissant comte les avaient volées.
9
l3o CHAPITRE Vfll
temps au vieux manoir, que les restes sacrés de saint
Rambert et saint Domitien. y furent entourés de la plus
grande vénération. La tradition ajoute même qu'on les
enleva des grossières sacoches où ils étaient renfermés, et
qu'on 'les déposa pieusement dans les plis, plus dignes,
d'une riche étoffe de soie et d'or : celle qui servit depuis à
confectionner la fameuse chasuble dont nous parlerons
bientôt .
Et quand, sur Tordre du comte Guillaume (i), les gens
de son château-fort eurent rassemblé un grand nombre
de prêtres et de fidèles d'alentour, lorsqu'ils eurent averti
et les Religieux du prieuré de Saint-André et les popu-
lations des bords de la Loire, de l'arrivée prochaine des
reliques des saints Rambert et Domitien, le pieux seigneur
prit alors la route de la Loire avec son mystérieux hôte,
et au milieu d'une foule de pèlerins en prières. Il nous
semble le voir portant lui-même sur ses épaules la châsse
improvisée (2).
En quittant les hauteurs d'Yzeron les pèlerins durent,
vraisemblablement, prendre la grande voie qui les conduisait
(I) Dum viciais adsociemar et cum frequenti populo solemoi supplicatione pariter
gradicmnr. Nec mora misit qui monerent monasterii rectores et Eccleaiarum que sont
ultra Ligerim.yFête des miracles de saint Rambert, H noct. Leçon 4). (Bréviaire dePolBce do
saint martyr.)
(3) Il ne fant pas s'étonner de voir le Comte Guillaume prêter ses épaules au transport
des reliques des saints Rambert et Domitien. En cela, il ne faisait que suivre un vieil usage
auquel les rois eux-mêmes se prêtaient avec joie et reconnaissance.
■ Mais les Francs méprisant, comme avaient fait les Aqniuins, le petit nombre des
H partisans qu'ils voyaient à sa suite, refusèrent sous divers prétextes de se soumettre k lui.
« Charles (Le Chauve) s'en aperçut et accéléra son voyage.
■ Comme il avançait vers Soissons, les moines de Saint-Médard accoururent à aa rencontre
« et le prièrent de transporter les corps des saints Médard, Sébastien, Grégoire, Tibarce,
« Pierre et Marcellin, Marins, Marthe, Audifax et Habacuc, Onésime, Mérésime et Léocade,
« Marian, Pelage, Maure, Florian avec ses six frères, Gildard, Sérène et Rémi, archevêque
« de Rouen, dans la Basilique où ils reposent maintenant, et qui alors était construite en
«c grande partie.
« Il y consentit, s'arrêta dans ce lieu et, comme les moines le lui avaient demandé,
« transporta sur ses propres épaules, avec un grand respect, les corps des sants; de plus,
■ il ajouta, par un édit, aux propriétés de cette Eglise, le domaine appelé « Braine •.
Extrait de la brochure : Charlts le Chauve, page 38-39, par B. Zellcr, maitre de
conférences à la Faculté des Lettres de Paris.
VOIE SUIVIE PAR LE MYSTERIEUX PORTEUR DES RELIQUES I 3 I
à Saint-Symphorien-le-Châtel, en passant sur les territoires
de Rochefort et de Saint-Martin-en-Haut (Anneaux).
Et, comme nous l*avons dit déjà, à Saint-Symphorien-le-
Châtel la route se trifurquant, ils choisirent tout naturellement
l'embranchement qui traversait le territoire des communes
de Châtelus, deGrammont*, de Chevrières, de Saint-Médard,
pour aboutir à Saint-Galmier.
De cette dernière ville, la procession des pèlerins, suivant
la voie antique qui passait par Saint-Bonnet-les-Oules,
Lapra(FiG. i8), le hameau de la Gouyonnière, arriva à la
Quérillière (i) d'où, laissant probablement à gauche Tem-
'branchement qui se dirige, par la montagne, vers Saint-
Just-sur-Loire, elle prit,* à droite, celui qui s'ouvre sur
( i; Dans une très intéressante étude publiée dans les Annales de la Société d'Agriculture,
Industrie^ Sciences, Arts et Belles-Lettres du département de la Loire^ 3* liv. 1896,
M. P. B. Maussier, ingénieur civil et président delà Commission de V Histoire des Gaules,
signale une voie antique passant par Saint- Bon net-Ies-Oules, la Gouyonnière, pour arriver
à la Quérillière, où elle se divise alors en deux branches :
La première qui se dirige sur Saint-Just-sur-Loire dont elle gravit la montagne, et la
seconde qui touche Andrézieux pour se continuer au lieu de la Roche. Voici du reste le
texte intéressant de cette étude :
« On ne peut, il est vrai, trouver aucune trace d'établissement d'un c Forus • romain à
• Saint-Symphorien-le-Chttel, mais il y a un croisement de routes. Huit ramifications,
« d'après la carte de M. Guigne, partaient de Saint-Symphorien.
« Trois routes mentionnées par Strabon, itinéraire d'Antonin et table de Peutinger :
« I* sur Lyon; a* sur Saint-Galmier, Saint-Rambert, Saint-Bonnet-le-Chlteau, Usson.
< Craponne; 3* sur Meylieu, Montrond, Moingt ou Montbrison, allant à Roanne par
« Marcilly.le-Pavé, Saint-Germain-I^val, Saint-Maurice. (Vachsz, La voie Aquitaine et
• la légende de saint Bonnet^ 1883.)
« Cinq voies antiques jalonnées par des hdpltaux du moyen tge La 4* se dirigeant sur
« Grammont» Saint-Rambert-sur-Loire, avec embranchement de Grammont à Saint-Galmier.
« La 5* partant de Roanne à Meylieu-Montrond par Feurs. Voici la continuation de cette
« voie celtique de Meylieu jusqu'à Saint'Just et Saint-Rambert-sur-Loire. De Meylieu nous
• sautons la Coise et nous arrivons, comme l'indique le cadastre, dans le bas de Cuzieu même,
> puis, à la • Grande Plagne » commune de Rivas, après une disparition résultant de la
- culture. Ensuite, nous croisons un vieux chemin de Saint-Galmier au • gué de Rivas > ;
• nous passons devant la propriété de M. de Saint-Genest, dans le village de Veauche à Test
<( de l'église, devant les propriétés Douvreleur et Grange.
• A ce point, le tracé du chemin est visible, dans les champs, il est cultivé, en pré sur
« quelques points. Nous croisons ensuite le chemin n« 10 d'Andrézieux à Saint-Galmier, à la
« limite précise des communes de Veauche et de Bouthéon. jusqu'au chemin actuel de
• Bouthéon à La Fouillousc; passant k la barrière P.-L.-M. n* 385 nous traversons le chemin
« de fer P.-L.-M. à la barrière n« 386 et nous continuons suivant la limite précise de»
« communes de La Fouillouseet d'Andrézieux, La Fouillouse et Saint- Just-sur-Loire.
« Nous avons recoupé à la rencontre des limites des trois communes de Bouthéoo
< Andrézieux, La Fouillouse, un peu au sud de la route actuelle n*6. aa vieux chemin tendant
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VOIE SUIVIE PAR LE MYSTÉRIEUX PORTEUR DES RELIQUES l33
Andrézieux pour aboutir par le hameau de Collonge à la
Rivoire (i) sur la rive droite de la Loire, au lieu de la
Roche (2)-
Or, c'est précisément au lieu de la Roche qu'eut lieu,
d'après la tradition, le passage miraculeux du fleuve par
la foule des pèlerins accompagnant les reliques de nos
saints. Et, depuis cette époque reculée, on a toujours
appelé ce coin des bords de la Loire a Le gué de la Roche »,
« da nord-est au sud.ouesr, passant à la Goayonnière et aboatissant i Saint-Just-sur-Loire,
- par la Qnérillière.
c Son tracé da côté de Saint-Bonnet-les-Oules, Grammont, est à étudier. Il existe sur le
« cadastre.
a. De la Qaérillière. notre route • Roanne, Meylieu, Bouthéon » arrive sur le territoire de la
« commune de Saint-Just-sur-Loire, à la barrière du passage à niveau P.-L.-M. n* 286, passe
« à la limite des trois communes de Bouthéon, Andrézieux, La Fouillouse, et forme la
• «éparation des communes de La Fouillouse et Andrézieux jusqu'au chemin de fer P.-L.-M.
« qu'elle traverse sur un ponceau pour franchir le Furan, recouper la nouvelle route actuelle
« de Saint- Etienne à Saint-Just-sur-Loire, et gravir le flanc méridional de la montagne. Elle
• se bifurque à deux cents mètres environ du Furan, au sud-ouest, avec des pentes
• atteignant o",3o par mètre du côté de Saint-Just.
• La branche directe partit être celle qui se dirige au sud-ouest, par le hameau du m Penable »
K — bien nommé — et descendre par une contre-pente très raide au gué de Saint-Just-
« sur-Loire, en se dirigeant sur le camp gaulois d'Essalois, d'une part, et Saint-Rambert,
- Saint-Marcellin, Saint-Bonnet-le-Château et l'Auvergne — probablement Gergovie — de
•t l'autre.
• On voit que Saint-Just-sur-Loire a été un point de passage important. Un ancien pont
• y est encore visible dans l'axe du fleuve.
« La branche sud-ouest passe au hameau d'Auvernays, en ligne de crête ; elle arrive à la
« Bréassière, commune de la Fouillouse. »
(0 Château de la Rivoire ou encore de la Merlée, sur la rive droite de la Loire, commune
de Saint-Just, appartient à la très honorable et très bienfaisante famille Faure-Portafaix,
de Saint-Etienne.
^3) Nous avons admis que notre porteur de reliques, et la foule de pèlerins qui raccom-
pagnait, s'étaient dirigés de Saint-Symphorien à Saint-Galmier parGrammontet Chevrièrea,
Mais il nous parait très vraisemblable que cette route dut être continuée par lui et les
pèlerins jusqu'à Saint-Bonnet-lev-Oules. Là, les pèlerins firent un angk droit, au lieu de
Jjipraj où une croix de pierre très remarquable indique une voie très ancienne.
De cette croix, que nous avons visitée au mois de novembre 1899, le chemin bifurque dans
la direction de la Gouyonnière, et bientôt après aboutit au vieux chemin indiqué par
M. Maussier, tendant à Saint-Just (gare) ; de là, passant deux fois sous la voie du chemin de
fer et traversant le Furan sur un ponceau, près de la Quérillière, il franchit la voie du
P.-L.-M. (ligne de Clermoni) sur un pont pour se diriger vers la maisonnette de Saint-
Nicolas.
Près de là, et peu avant d'arriver vers cette maisonnette, un ancien chemin descend la
pente, pour se développer entre Saint-Just-sur-Loire et Andrézieux. jusqu'au hameau de
Collonge, jusqu'au chfltcau de la Rivoire et, enfin, (jusqu'au gué. de la Roche, en face duquel
se trouvent Fontchaut et Saint-Rambert. (Notes de Af. Henri Marthoud.)
l34 CHAPITRE VIII
en souvenir du prodige que nous avons raconté au chapitre
précédent (i).
Une fois sur la rive gauche de la Loire, délaissant le
chemin du « Garait » (2), la foule qui faisait escorte d'honneur
aux précieuses reliques, grossie de celle qui avait suivi le
Prieur de Saint-André et ses religieux, se mit en marche
par l'antique chemin qui s'ouvrait devant elle. Ce chemin,
dont on peut suivre encore aujourd'hui le tracé sinueux,
passait par Fontchaut, arrivait par le pré des « Eparcelles »
sous la vieille chapelle Saint-Côme (Fig. 19), longeait peut-être
le ruisseau dit du Moulin ou de la Bénédiction, pour arriver
par le pré du « Cloître » derrière le mur des propriétés de
MM. Lafont et Montet, et aboutir, enfin, au chemin qui monte
vers la fontaine et la porte de la « Chana », c'est-à-dire à
quelques pas du Prieuré.
Mais hélas ! les émotions, les épreuves, la fatigue de la
route, qu'aggravait encore une ardente soif, trahirent les
forces de notre dévot messager. Craignant quelque défaillance,
dit la tradition, il sort des rangs de la procession et va
rafraîchir ses lèvres desséchées, à la source d'eau pure et
limpide qu'on lui montre au bord du chemin, à Fontchaut.
Le souvenir de cet événement est demeuré si profondément
gravé dans la mémoire des anciens habitants de la paroisse,
(i) A partir du lieu où notre route gauloise de Roanne, arrivée sur le territoire de Saint-
Just-sur- Loire, traverse le passage à niveau du chemin de fer P.-L.-M. pour franchir, sur
un ponceau, le Furan et recouper la nouvelle route actuelle de Saint-Just-sur- Loire à Saint-
Rambert, à partir de ce lieu jusqu'aux bords de la Loire, vers le gué de la Roche, Titinéraire
que nous faisons suivre à notre porteur de reliques et à la foule qui l'accompagne, nous
paraît tout naturel et bien choisi.
En effet, du ponceau de Furan à Collonge et à la Rivoire, et de là au gué de la Roche,
nous ne faisons que suivre la voie indiquée par la tradition du pays.
La Loire, devant Saint-Just (village moderne), est difficilement guéable. Aussi bien, un
pont existait-il à cet endroit depuis un temps très reculé. Ce pont, dont on voit encore
aujourd'hui des vestiges, desservait et le petit bourg et Saint-Ram bert.
Quant au chemin qui conduisait à Essalois, et desservait le vieux village de Saint-Just-
sur-Loire, nous le retrouvons partant d'Etrat et traversant la Loire par le gué d'Asnières.
(Notes de M. Henri Martkoud.)
(2) Nom d'un quartier du faubourg des Barques — se traduit par lieu de • Garage • —
des barques qu'on y fabriquait.
I"^'.
r *
l36 CHAPITRE VIII
que cette source privilégiée et intarissable est appelée, de
nos jours, comme il y a cent ans, comme il y a plusieurs
siècles : Fontaine de Saint^Rambert.
Pour le bon entretien du chemin sur lequel elle s'écoulait
il y a quelque vingt ans, il a paru nécessaire d'en transférer,
à quelques pas plus bas, la coupe antique. Et maintenant,
canalisée avec soin, elle vient sourdre modestement dans le
gazon de la prairie voisine.
Qu'il serait à désirer qu'une Croix commémorative s'élevât
au-dessus de cette source, pour rappeler aux générations le sou-
venir du passage, en cet endroit, des reliques de saint Rambert!
Il ne faut pas confondre cette source de Fontchaut avec
la vieille fontaine de la « Chana » (i) qui coule abondante
tout près de l'ancienne porte de ce nom, mais que Ton
dénomme souvent : Porte de baint-Rambert, parce que c'est
par cette voie que la procession des reliques, partie de
Fontchaut, entra dans Tenceinte du Prieuré.
Ce chemin de Fontchaut au Prieuré, par les champs situés
au bas de la balme où s'élevait le monastère, et par le
passage montueux où fut, plus tard, bâtie la porte de la
(( Chana », nous paraît, avec d'autant plus de vraisemblance,
avoir été la route suivie par les pèlerins et les reliques,
que de tout temps, jusqu'à la grande Révolution, on a
fait annuellement une procession à Fontchaut, comme pour
consacrer le souvenir de celle des reliques dont il est fait,
du reste, mention dans le Bréviaire du chapitre de la
collégiale (2). Ajoutons que de temps immémorial, la voie
(1) Cette fontaine est connue de tons les habitants de Saint-Rambert sous le nom de
« Fontaine de la Chana *. Mais jamais on ne l'a dénommée «c Fontaine de Saint-Rambert »,
bien qu'elle soit tout près de la statue de ce saint, autrefois placée sous l'arceau de la portp
gothique dite : Porte de la Chana, ou plus récemment : Porte de Saint-Rambert.
(2) Premières Vêpres du jour de la fête de saint Rambert, 3 octobre. Et. chaque année
encore, à la grande procession de la Translation des Reliques de saint Rambert dans les
rues de la ville, les fidèles de la paroisse font halte devant la vieille statue de bois de leur
illustre patron, pendant que le clergé chante le Répons et l'Oraison du commun d'un
martyr, en mémoire de la procession des prêtres, moines et fidèles transportant sur leurs
épaules les restes sacrés du saint martyr Rambert.
VOŒ SUIVIE PAR LE MYSTERIEUX PORTEUR DES RELIQUES I 57
et, plus tard, la Porte de « la Chana » ont été ornées
d'une statuette représentant saint Rambert, en guerrier
franc, trois épis à la main (Pig, 20). Sans doute, ainsi,
pour perpétuer te souvenir du
passage des mêmes reliques par
ce chemin.
Une tradition restée, jusqu'à
nos jours, très vive et très res-
pectée dans chacune de nos
familles rambenoises, nous a
conservé le fait suivant, em-
preint d'une naïveté toute mé-
diévale. Parmi la foule des
pèlerins marchant procession-
nellement à la suite des moines
du Prieuré de Saint-André et
du comte, porteurs des saintes
reliques, un certain nombre
s'oublièrent, au milieudes prières
et des hymnes pieux, jusqu'à
s'écarter du chemin ordinaire,
trop étroit pour contenir les
flots pressés des fidèles. Or, le
champ dont lés pieds des pèlerins
foulaient la récolte appartenait «ub
à une dame châtelaine. i.rcc
La dame châtelaine, dont la CVeA"'T".t! '^^^^ V.%
demeure seigneuriale dominait '*"'"f'i"'
la balme au bas de laquelle se développait la procession,
apercevant de la fenêtre où elle se tenait, le dommage qu'on
lui causait, se mit dans une violente colère, et invectiva la
foule pieuse.
On essaya de calmer l'irascible personnage, en lui répon-
dant :, Mais, nous vous apportons les reliques de l'illustre
HuL tronçon de boiiei
l38 CHAPITRE VIII
martyr saint Rambert ? — Que m'importent vos reliques !
Saint Rambert^* saint Rambion^je ne veux pas que tu passes
sur mes fonds !
A peine Tirrévérencieuse dame châtelaine avait-elle fini
de jeter à la foule cette apostrophe injurieuse, que sa
fenêtre se fermant tout à coup, comme poussée par une
main invisible, elle fut cruellement saisie par la tête entre
les ais de bois dur, sans qu'elle pût faire aucun mouvement
capable de la tirer de cette périlleuse situation. Justes
représailles de l'injure faite aux vénérables ossements des
saints Rambert et Domitien.
Mais, ajoute la tradition, l'imprudente et irrespectueuse
châtelaine allait succomber, victime d*un supplice bien mérité,
lorsque ayant fait de pressantes invocations à saint Rambert
elle fut délivrée.
L'emplacement de la fatale fenêtre historique, nous
racontent encore les anciens de notre cité, est si bien
déterminé, qu'il est reconnu pour celui d'une des fenêtres
de l'habitation actuelle de l'honorable famille Lafont.
Après la vente, comme biens nationaux, des bâtiments
du Prieuré à un M. Marcoux, en 1793, l'acquéreur,
tenté d'en opérer la revente, mit cette clause dans l'acte,
savoir « qu'il se réservait toujours la propriété de la
fenêtre ».
Que le lecteur ne s'étonne point de la naïveté des faits
dont nous venons de lui faire le récit. L'empiétement des
pèlerins sur le champ d'une dame châtelaine, l'apostrophe
injurieuse de celle-ci à saint Rambert, le châtiment subit
dont elle est frappée, et enfin sa délivrance par l'intercession
de l'illustre martyr, peuvent bien paraître chose extraordi-
naire à des esprits prévenus contre tout fait tenant du prodige.
Mais peut-on nier que la tradition soit respectable et qu'elle
repose sur une vérité d'intérêt considérable? Sans doute, il
faut accueillir la tradition avec réserve, car si les faits qu'elle
VOIE SUIVIE PAR LE MYSTÉRIEUX PORTEUR DES RELIQUES iSq
présente sont exacts dans le fond, ils offrent souvent, aussi,
une altération sensible des détails, altération qui est Teffet
de l'oubli, à travers les siècles. Mais la tradition demeure
toujours la transmission, à travers les âges, de faits historiques
qui^ parvenus de bouche en bouche jusqu'à nous, méritent
tout notre respect.
Nous savons aussi que la tradition est, par essence,
upe matière molle et extensible ; mais une fois encore, quelque
molle et extensible que soit cette matière, les éléments qui
la constituent restent les mêmes, il n'y a variété que dans la
manière dont chaque génération d'hommes se plaît à la
présenter.
Ici, le fait d'une foule de pèlerins s'écartant d'un chemin
trop étroit pour les contenir et cherchant, dans le champ
voisin, l'espace dont ils ont besoin pour développer leurs
rangs serrés, n'a rien qui doive surprendre. En nos temps
modernes, on ferait encore de même, et sans trop de
scrupule.
La colère de la personne lésée dans son bien, son invective
aux gens qui foulent l'herbe de ses prairies, ses paroles
lAéchantes au saint dont on transporte les restes sacrés, et la
punition sévère qui lui est subitement infligée, tous ces détails
commencent, sans doute, à entrer dans le domaine des faits
dénaturés par l'oubli et substitués par le temps aux faits
réels; mais, au résumé, ces détails ne dépassent aucunement
les limites de la vraisemblance.
Et si aujourd'hui, en plein xix^ siècle, les longues files de
pèlerins qui marchent, en procession, autour des sanctuaires
célèbres de Fourvière, de Lourdes, de Notre-Dame de la
Salette, de Paray-le-Monial, s'oubliaient jusqu'à piétiner les
champs ou les parterres des propriétés voisines, à quelles
récriminations ne se laisseraient pas aller les maîtres et
les maîtresses de ces parterres et de ces champs !
140 CHAPITRE Vin
Peut-on croire que de la bouche de M. le Comte ou de
M™** la Baronne ne s'échapperaient pas, à Tadresse des
déprédateurs, quelques épithètes aussi blessantes que celles
dont se servit, à Tendroit des pèlerins de Saint-Rambert,
la dame châtelaine et « Prieure » dont nous venons de
parler ? — Prieure, c'est ainsi que la tradition désigne
notre châtelaine.
Or, rien n'est à dédaigner dans les renseignements que
nous fournit la tradition, quelque vagues et confus qu'ils
soient. Soumis à un examen sérieux, ces renseignements ont
vite dépouillé leur teinte obscure, pour apparaître avec tout
l'éclat d'une vérité qui séduit par son charme et son intérêt.
Ainsi, un bronze antique dépouillé de sa patine séculaire,
montre avec éclat, sur son métal brillant, tous les détails
des figures, en relief, que Toeil n'apercevait point tout à
l'heure.
C'est pourquoi, malgré les conditions anormales et extra-
ordinaires dans lesquelles la tradition nous présente notre dame
châtelaine; malgré ce que peut avoir de choquant le titre de
« Prieure » qu'elle persiste à lui donner, nous ne craignons pas
de soutenir que la présence de cette noble personne, au milieu
de la grave cérémonie de la translation des reliques, ainsi qufe
le miracle dont elle fut favorisée par saint Rambert, sont autant
d'événements incontestables. Toujours vivaces dans l'esprit
de nos populations, ils ne sont pas près d'être oubliés.
Du reste, la présence d'une dame châtelaine « Prieure » à
une fenêtre qui pouvait être celle d'un bâtiment adjacent au
Prieuré de Saint-André-les-Olmes ou en dépendant, n'est
point chose si surprenante que Ton peut, tout d'abord, se
l'imaginer.
Qui empêche de conjecturer que sa çrésence au Monastère,
en cette circonstance mémorable, était due à son privilège
de bienfaitrice ?
Et, quant à son titre de « Prieure », les pieuses libéralités
VOIE SUIVIE PAfe LE MYSTERIEUX PORTEUR DES RELIQUES I4I
dont elle comblait les religieux bénédictins ne le lui auraient-
elles pas mérité ? Jusque-là la tradition ne nous apprend
donc rien que de très vraisemblable.
D'autre part, nous pourrions peut-être justifier la vérité
du fait que nous avons rapporté plus haut, et donner plus
de force à notre preuve de tradition, en citant à Tappui de
notre thèse un document de valeur.
Un jour, où nous faisions des recherches, et interrogions
les pierres des vieux murs de notre antique chapelle de Saint-
Côme (i) — élevée, selon toute probabilité, dans le voisinage
immédiat des terres de notre dame châtelaine — notre
curiosité fut mise en éveil par la décoration toute spéciale de
l'intéressant édifice. Nous trouvâmes, en effet, entre autres
objets curieux, un blason sculpté sur l'un des deux supports
de statues de saints, qu'on y voit de chaque côté de l'entrée
du chœur. Ce blason, dont Técu losange porte, comme
pièce principale et particulièrement caractéristique la figure,
en pied, d'un saint quelque peu mutilé (Fig. 21) — peut-
être c( satnl Rambion » — est sans conteste celui d'une noble
damoiselle.
Mais alors, ne serait-il point celui de notre mystérieuse
dame châtelaine ?
Il est vrai qu'on ne peut pas faire remonter les sculptures
dudit blason au-delà du xvi* siècle. Cependant, bien que de
beaucoup postérieur aux événements auxquels nous faisons
(1) Cette chapelle, nous Tavons dit ailleurs, existait déjà eo 971. Il en est fait mention
dans la charte de Conrad le Pacifique, à Eldebert, abbé du monastère de l'Ile-Barbe. Or,
qu'on se rappelle que la translation des reliques de saint Rambert n'eut lieu qu'en 1078.
A gauche est une niche antique,
Que pour la fête du Patron,
On pare d'an buste gothique.
Image de saint Côme. dit-on.
A la droite, est un simulacre
Dressé par la grâce de Dieu,
Qui représente le massacre
D'un saint martyr chassé du lieu.
M. de P.
(Notes de M. H, Marthoud.)
CHAPITRE VIII
allusion, il n'est point invraisemblable de dire qu'il fut placé
là, comme un témoignage de reconnaissance destiné à
perpétuer la mémoire de la noble châtelaine; et sans doute
aussi, le souvenir de quelque importante fondation, par elle
faite â cet antique sanctuaire.
VOIE SUIVIE PAR LE MYSTERIEUX PORTEUR DES RELIQUES 143
D*accord avec la légende qui nous signale le miracle dont
elle fut l'objet, après son invocation à saint Rambert outragé,
la tradition va plus loin et ajoute, qu*en reconnaissance d'un
si prodigieux bienfait, elle affranchit de la dîme toutes les
terres de son domaine.
Ce trait remarquable de générosité vaut la peine d*être
enregistré.
Il y a plus, à une mesure aussi sage et aussi charitable, la
noble châtelaine n'aurait-elle pas ajouté quelques oeuvres
pies d'une haute importance, oeuvres dont le blason sculpté
de la chapelle Saint-Côme consacrerait le souvenir ? C'est
encore à la tradition locale que nous devons ce fait édifiant
et inédit.
CHAPITRE IX
A PROPOS DES SACOCHES
DANS LESQUELLES FURENT APPORTÉES
AU PAYS DE FOREZ
LES. RELIQUES INSIGNES DES SAINTS RAMBERT
ET DOMITIEN
Le lecteur qui a parcouru, au chapitre VIII*, nos pages
inédites sur la voie suivie par le mystérieux porteur des
reliques des saints Rambert et Domitien, sera certainement
heureux de trouver, ici, quelques détails sur les sacoches,
ou bourses, dont se servit ce « preu<V homme messaigier »
pour y placer son précieux trésor.
Aussi bien, essayerons-nous de faire Thistorique abrégé
des bourses à reliques^ des alloières, des aumônières, des
gibecières, des tasses, etc., au moyen âge.
Cette étude, appuyée sur des documents extraits des auteurs
les plus compétents en matière archéologique, facilitera au
lecteur l'intelligence de certains mots du texte de la légende
de la Translation des Reliques. Elle lui apprendra quelle place
tenait au moyen âge, dans la société chrétienne, la dévotion
aut Saintes Reliques, en même temps qu'elle lui révélera
quels pieux soins on prenait de les envelopper dans de riches
V
146 CHAPITRE IX
écrins pour les poner sur soi, ou pour les transporter d'un
lieu à un autre.
Les deux figures de besaciers dessinées dans le texte,
serviront de complément à notre étude (Fig. 22).
Les pauvres qui ont patience
Et vivent selon conscience.
En suivant nmour et concorde ;
S'ils endurent leur indigence
Et la prennent piour sufHsance,
Ils acquerront miséricorde.
(Inicriphon de la Cal/icii
A PROPOS DES SACOCHES 147
Nous avons vu, d'après notre légende, que les reliques
des saints Rambert et Domitien furent enlevées du tombeau
où elles étaient vénérées, depuis quatre siècles, pour être
déposées, par leur mystérieux porteur, dans plusieurs bourses
ou besaces préparées à cet effet. C'est du moins ce que nous
lisons dans le texte de la légende « eaque in sarcinulis, quas
ad id negotii paraverat reponere ». Or, quelles furent ces
sacoches, ces besaces, ou pour traduire littéralement le mot
« sarcinulis », quelles étaient ces hardes dans lesquelles le
dévot serviteur de saint Rambert enferma les ossements du
martyr et du confesseur, pour les emporter bien loin, sur les
rives de la Loire, en Forez (i).
Il y a plusieurs objets que les archéologues font entrer
dans la catégorie des reliquaires, malgré le caractère essen-
tiellement profane qui les distingue parfois ; ce sont : la
besace, la bourse, Talloière, Taumônière, Tescarcelle, la tasse,
etc. Leur dénomination originale excite la curiosité ; mais, à
coup sûr, elle est très conforme à leur emploi. En effet, à
toutes les époques les besaces, les alloières, etc., ont servi
dans la main de l'indigent, comme dans celle du riche, à
symboliser ou à exalter la pauvreté.
La raison d'être de ces objets connus du paganisme, mais
que la religion de Jésus-Christ a consacrés, en les choisissant
pour faire partie de la livrée de ses enfants de prédilection,
est toute dans l'obligation de la pauvreté et de la charité
évangéliques. La religion chrétienne, en élevant vers le ciel
le cœur de l'homme, lui a toujours montré le chemin pour y
arriver. Et, quand elle lui enseigne une vertu, elle ne manque
jamais de mettre, entre ses mains, les moyens dont il a besoin
pour la pratiquer.
La besace qui fut, à l'origine, le signe distinctif du pèlerin
(i) La tradition locale eat formelle pour établir que c'est bien daas des besaces que le
porteur aurait reafermé les reliques.
148 CHAPITRE IX
concurremment avec le traditionnel bourdon de voyage
l'aumusse ou la lacerne, garnies de coquillages, est le premier
de ces objets dont nous allons nous occuper. Par sa forme
et son usage il rappelle très bien les pieux récipients dans
lesquels furent apportées nos insignes reliques de saint
Rainbert.
La besace est cette longue sacoche de toile, fermée à ses
deux extrémités, ouverte seulement dans le milieu de sa
longueur et disposée en deux compartiments distincts, qui
remplie de diverses choses, se jette sur Tépaule de telle
manière, qu'une partie en tombant par devant, et l'autre
partie en restant suspendue par derrière, le poids s'équilibre
parfaitement.
Son emploi, très répandu parmi les populations travail*
leuses et simples des campagnes, n'a pas toujours été
l'emblème exclusif de l'homme indigent. En effet, au siècle
du magnanime roi Charlemagne, nous voyons la besace
portée par le pèlerin qui s'en va à Rome ou à Saint-Jacques-
de-Compostelle.
Eginhard, secrétaire de Charlemagne (i), en rapportant les
détails intéressants de l'inhumation de ce grand monarque à
Aix-la-Chapelle, en 814, prend bien garde de ne pas passer
sous silence la besace du royal défunt.
« Son corps embaumé fut revêtu des ornements impé-
« riaux, sa face fut couverte d'un suaire sous le diadème;
« on posa sur sa chair le cilice qu'il avait coutume de porter
(( et, par dessus ses vêtements, « on passa sa besace dorée^
« insigne des pèlerins », qu'il portait quand il allait à
« Rome. »
Ce n'était donc pas un objet vulgaire que la besace, et sa
(i) Et son gendre. Eginhard était de basse condition ; il avait séduit une des filles de
Charlemagne. Pour relever et légitimer la situation délicate de son gendre, le grand roi le
nomma son secrétaire.
A PROPOS DES SACOCHES 149
rusticité originelle n'empêchait point qu'elle ne trouvât
crédit, autrefois, auprès des rois et des princes.
Et voilà pourquoi nous ne devons pas être surpris de la
voir transformée en bourse à reliques par le porteur des
saints ossements du martyr Rambert et du confesseur
Domitien, quelque deux cents ans plus tard. C'est la dévotion
des fidèles envers les restes précieux des saints qu'elle voulait
transférer d'une église à une autre, qui se chargea de cette
transformation. Mais avouons que l'événement, en lui-même,
n'a rien qui choque la piété, même la plus scrupuleuse. Les
saints, pendant leur vie, n'étaient-ils point les pauvres de
Jésus-Christ, fiers de porter la bure de la sainte pauvreté ?
Après leur mort, pouvaient-ils donc craindre de voir leurs os
renfermés dans la grossière toile d'une vulgaire bourse ? Et,
puisque les rois portaient la besace dans leurs pèlerinages,
pourquoi les simples fidèles n'auraient-ils pas osé la passer
sur leurs vêtements, et en faire comme une sorte de châsse
à reliques?
C'est ce que fit notre mystérieux porteur des ossements de
saint Rambert ; d'abord parce que c'était la coutume; ensuite,
parce que ce mode de transport lui permettait de couper
court à toute espèce d'inquisition indiscrète et dangereuse.
Toutefois, la piété des fidèles envers les restes sacrés des
saints, ne laissa pas longtemps les bourses ou besaces,
employées pour écrins à reliques, dans leur rustique
simplicité. Elle remplaça bientôt l'étoffe grossière dont elles
étaient faites, à l'origine, par de riches tissus de velours et de
soie, brodés et même armoriés (i).
Le trésor de la cathédrale de Troyes possède de magnifiques
bourses à reliques, qui ont appartenu au comte de Cham-
pagne. Tout récemment, de très curieuses bourses ont été
(I) Voir les dessins du Glossaire Archéologique du moyen dge'et Je la renaissance, par
Victor Gat, ancien architecte du gouvernement. i883, fascicules 1,3, b.passim, aux mots,
bourse, alloière, etc. — Obligeamment communiqués par M. J. Poinat,
i5o
CHAPITRE IX
retirées des châsses de la cathédrale de Sens. Les motifs de
leurs broderies ne sont pas toujours inspirés par la religion,
car ces bourses ont dû servir d'ornements de toilette aux
grandes dames de l'époque où elles ont été confectionnées.
Ce qu'il y a de certain, c'est que leur richesse les fil, autrefois,
choisir pour écrins à reliques, selon une coutume très
commune du xi® au xiv* siècle (i).
D'une forme carrée légèrement allongée, ces bourses à
reliques se terminaient quelquefois par une frange, ou un
autre agrément de riche passementerie. Elles se fermaient par
des cordons, et s'attachaient par une courroie à la ceinture ;
ou bien encore se suspendaient à la poitrine, lorsqu'en raison
de leur contenu, elles étaient portées par dévotion.
La ville de Caen était renommée pour sa fabrication
spéciale de bourses, que toute l'Europe connaissait sous le
nom de « basques ». Un auteur rapporte cette citation d'un
ouvrage de l'époque :
« Il ne s'en fait entr'autres villes, de plus mignardes,
« propres et richement étoffées, de velours de toutes cou-
ce leurs, de fils d'or et d'argent pour seigneurs et gens de
« justice, dames et damoiselles, dont il se dit en proverbe
V commun : Par excellence bourses de Caen. >»
Leur usage religieux est parfaitement établi par de
nombreuses ampoules de plomb, historiées, fleurdelisées et
blasonnées (Fig. 23), mises au jour par des fouilles récentes,
et qui paraissent remonter au-delà du xv* siècle (2).
(i) Année i353. Deux boursetes à reliques, faites à ymages de brodeure et à cbftpitauz de
grosses perles et menues... un bon las d'or de Chypre et de soye à les porter... et dix boutons
de perles... {Cpte d'Et. de la Fontaine^ D. J'Arcq, Cptes de l'argenterie^ p. i32 et 2^9.)
Dict. Arch-t de Victor Gay, 2» fascicule, p. 197. — Ibidem.
Année 1387. A Katherine la boursière... pour une petite bourse de veluiau vermeil en
graine, garnie par dedens et estoffée de boutons d'or de Chippre et dependans de soye...
pour mettre dedans une petite croix en laquelle il a dedens de la vrayc croix pour porter à
la poitrine de Mgr le duc de Thouraine, 8 s. p. {8* Cpte roy,, de Guill. Brunkl, fol. 178). —
Ibidem,
(3) Voir le Glossaire Archéologique de Victor Gat, 2* fascicule, page 196; on y trouvera
une bourse à reliques du pèlerinage de N.-Dame de Boulogne, en plomb.
A PROPOS DES SACOCHES 1 3 I
Leur forme ordinaire et particulièrement caractéristique,
est encore celle d'un petit sachet fermé par un cordon et
muni de petites bélières de suspension. Ces précieuses am-
poules se présentent,
quelquefois, sous l'as-
pect d'une bouteille
symbolisant la gourde
du pèlerin ou l'image
réduite de l'aumô-
nière. avec laquelle
est souvent confon-
due la bourse à reli-
ques. '"' ''
A cette catégorie
se rattachent encore
certaines amulettes en
plomb ou en cuivre, qui, sous la dénomination d'insignes
de pèlerinages (Fie. 24), étaient comme VAgnus Dei, et
le Baiser de paix (i), destinés à servir d'ex-voto, ou à être
suspendus au cou.
Variées à l'infini, ces amulettes (3) portaient fréquem-
ment des versets religieux, des insignes pieux, l'image des
saints dont on implorait la protection, voire même des
inscriptions comme la suivante, qui fut trouvée aux
(1] Le > Balterde paix • ex ud ligne de foi, que U religions coniicri comme dd ilint
de r^ooeil illion, et que l'art i Ggarc, auircroii, comme ua lailgoe iiiirieur de d^olion.
GéDdrdement. le - Balitr de piix ■ offre t'aipeci d'un médaillan etMnlïellemeDt religieux.
supeniiiieiiMi que ce mot aemble DaiurelLemenl éveiller. En effet, «ulreroia, chez Ici païen*
eertiinti lame» de métal couvertei de caractères cabalittiques, auiquellei cei peuple!
iilribuaieol la lertu de guérir ou d( préienrer de loa» In maux. Cei larati leur lerraicni
Pour porter âi
le à cor
liurer ]e> chi
■rme< el 1 r
epoi
luer les malélicei
. On
.ppel.i< .
ncore
• f
Tinpta .
.dunmolg
rec, qui .ignIGe
: objet luipendii a:
làtOUl
r, parce q
ue lei
1 ; ou bien
ire . pjr'ta'if" •
du
grec, plié
, parc,
1 .Ignea en ç
enl.
d» morcei
luide
dep
r |-u>age pi
pari
l'Eglite.
Ceat de en
amulette) «
lime
« dont nous pirloi
Il ici
I 52 CHAPITRE IX
environs de Beyrouth, en caractères grecs, sur une
feuille d'or :
« Je t'exorcise, ô Satan, — O croix purifie-moi, afin que
« tu n'abandonnes jamais ta demeure, au
« nom du Seigneur Dieu vivant. »
Certains de ces objets ont la forme d'une
chemise ou d'une tunique. D'autres figurent
des animaux allégoriques. Disposés en fibules
ou agrafes, retenant les extrémités d'un
vêtement de pèlerinage, ils étaient quel-
quefois revêtus de plaques gravées avec
devises, sentences ou légendes, comme :
« Ecce Homo » k Ave Mana gratta pleita ».
Nous offrons ici, au lecteur, une amulette
trouvée il y a peu d'années dans les ruines
Fm.14 du château de Couzan (i), par notre excellent
INSIGNE ami et dévoué collaborateur H. Marthoud.
knargkht(2) Dessinée dans ses dimensions originales, elle
xTiriiicLi laisse apparaître, très vivement sur son
iCoii.H.Marihoud.) bronze fonement patiné, les restes d'une
damasquinure d'or. Le travail intéressant de cette amulette
et sa forme singulière suffiraient presque, à eux seuls, à lui
(i) PiroiswetcommuncdcSiil-aoui-Coiiiin, c4ntondcSiinl-Gwrgc>.<a-Ci>uztn (Loire).
(31 C« bijou. reprficDté <d grindtnr Diturtilc. «M cd irgcol et comportt, k ïtojtn, ud
pclil inneiu de luipeniioD dfttini 1 le fixer lur les vttcmeaii, leloD la coutume ordimire-
mcDt obiervée diui lei ptleriuigii. Son origine préc'nt eit iDCODUue ; mail, i n'en p»
doaler, ton louveoir %t rattache é<ridemnieDt i quelque pèlerinage célibre, en l'honneur
de la Trii Sainte Vierge C).
<*) De tout tempi, aux premien joan de l'EgUtc nalnantt, lu moyen Ige comme en
plela iD- aijcie. U Mire de Dieu, Vierge Immaculée, ■ M inioquie par le> chrétitni. Sout
le* dtnomlnitioni le* plni diver*e«, lei litclea l'ont implorée pour la gutriioad» maladie*
du corp* et de,rime lea pin* divenea auaii.
El la sol de la France, qui en bien toujouT* le royaume de Marie, regniim Gallia, regnum
Maria, eat cmaillé des ainctuaires binis, où l'auguiie ei bonne Mère de Jétua *e plaît ■
(ombte, à guirir les corps et à sauver les Smts.
Allez en Brecague ei todi irouverei partout, autour du Ameui aanctoaire de Notre-Dame
d'Auray, de pieuse* chapelles élerfea à la Madone, sous les noms les plus varié*.
El dans nos contrées n'avons-nou* pai ; N.-Dame de ValHeury, N.-Daroe du Vernay, près
de Roanne; à Saint-Genest'Lerpt, N.-Dama de Pilié, ca souvenir dea déioianu ravages
A PROPOS DES SACOCHES t53
assigner une origine très lointaine, origine d'ailleurs qui
pourrait être fixée par l'examen de son décor antique (Fio. 25).
11 nous paraît hors de doute que la figure chimérique
représentée sur cet objet, et que paraît compléter une
hache emmanchée, est l'hippocampe ou cheval marin que
l'on retrouve, parfois, sur quelques types de monnaies
gauloises.
Ce curieux petit poisson est non seulement « vivipare »,
mais jouit encore de l'avantage de pouvoir vivre un certain
temps hors de l'eau. Cette particularité a
fait dire de cet animal, qu'il peut revenir
à la vie, même après qu'il a été momifié.
Ce préjugé tombe devant l'expérience qui
a démontré que l'hippocampe ne peut pas
survivre au-delà de vingt-quatre heures.
A l'exemple du phénix qui renaît de ses
cendres, et de la salamandre qui vit dans F'"- **
les flammes, ta fable a fait de l'hippocampe,' amulette
un être fantastique et légendaire. Aussi bien,' trouvt*
les anciens l'ont-ils choisi comme emblème
allégorique de leurs cultes primitifs.
Pour revenir à notre sujet, il n'y aurait ''^'^f'u'"",
donc rien qui nous empêchât de reconnaître Jj
dans l'hippocampe de notre amulette de Couzan, l'image
de l'immortalité par ta résurrection. Le christianisme n'a-t-il
ciiKJt, diDi nai conlrfn, ptr 1i pnlc aux xvi* tt im* riéclt*. Plui prèi àt nabi, N -Diinc
dt Grlcei, dont le pèlcrinigc m riitli par quclqu» mJdailIca que nou* pouidoni >C
dont le monogramme da Chriai dam une auréole rijrooaanle d'une pan, et de l'aalr*, la
figare de la Vierge Marie (deux lignet distinrtif) de* ancien! Pèrei de l'Oratoire), paraiueni
le dépendance, N.- Dame de Bonion
, voDi implorer it lecoun de Marie poar la aanié de leuri
Enfin, il n'eat pai juiqu'an pieu
hittorique de Sainl-Rimben. comi
Vierge qai, en optranl l'elfei pro
pniuancede Marie.
chlleau de Couua
l54 CHAPITRE IX
pas personnifié cette vérité dogmatique, dans Lazare sortant
des ténèbres du tombeau !
Quoi qu'il en soit, notons que ce curieux objet a été
trouvé : i* sur le sommet d'une montagne escarpée et très
élevée; 2" en un lieu de pèlerinage très animé, et dont le
modeste sanctuaire est toujours très fréquenté ; 3® et qu'enfin
cette précieuse trouvaille a été faite dans le voisinage
d'une station thermale très appréciée, et par les Anciens et
par les Modernes.
Il n'est pas toujours facile de distinguer des autres
bourses à reliques, Vaumônière sarrasinoise (i), très usitée
au temps des Croisades. On en possède de fort beaux
échantillons, d'une grande richesse. « Cet objet, dit
« Victor Gay dans son Glossaire Archéologique^ faisait
ce partie du costume pendant tout le moyen âge, se portait
« à la ceinture et servait, dans le principe, à renfermer
« l'argent de l'aumône (2). d
« Dès l'époque de Charlemagne, il nous est connu par
c( les monuments. La plus ancienne des aumônières trou-
*< vées ne diffère pas sensiblement du type adopté aux
« xiii* et XIV* siècles. Sa forme trapézoïdale, à sommet
« arrondi, est celle des aumônières sarrasinoises -, imitation
« des produits orientaux qui occupait à Paris un corps de
(i) Année 1298. — Che sont joiel ke on deliTra pour donner (an mariage de la comtesse
d' Artois j. Une douxaine de bourses faites en sarrasinois. {Glossaire Arch,, Victor Gat,
2* fascicule, p. 197.)
(2) Année 1492. Ch. XI.
La bourse de la libéralité.
Une bource qu'on dit une aulmosnière
Nous conTÎent pendre à ceste ceincturette
D'or et de perles bien brodée
... Avoir clouans pour senrement garder
Ce que princesse veult tenir ou donner.
(Oliv. DE LA Marchb. Lc parement des Dames.)'
{Oloss. Areh.t Victor Gay, 2* fascicule, p. 199.)
A PROPOS DES SACOCHES 1 55
« métier (i). L'aumônîère des Croisades s'est conservée
ic jusqu'au xvi® siècle, mais avec Taddition d'une garniture
tf métallique souvent très riche. »
Mais cette richesse de garniture ne date point seulement
de ce siècle, où le beau semblait renaître dans les arts et
dans tous les travaux de luxe. En effet, dès Tannée 1260, nous
lisons dans un poème intitulé « Miracles de saint Eloi » les
vers suivants qui nous apprennent qu'au xin* siècle le luxe
avait déjà transformé les bourses à mettre l'argent des
aumônes, en sacs élégants de toilette, remplis de menus
objets de toute nature : clefs, bijoux, tablettes à écrire et
même médicaments.
. . . Les aumôniéres
Avoit tant riches et tant chières,
D'or et de gemmes bien ouvrées,
De boutons d'or enfrangelëes.
(Miracles de saint Eloi, p. 3i) {2).
C'est alors que la bourse, fabriquée avec les étoffes les
plus soyeuses et les plus riches (3) fut, selon sa destination,
dénommée : alloière, escarcelle, tasse, réticule.
Valloière, du mot aloi ou titre des monnaies, était la bourse
particulièrement réservée à l'argent de « bon aloi d, puis-
ai) Année ia6o. — Nus ne nulle (des merciers) ne puet faire faire ne acheter aumosnières
sarraainoises où il ait mellé fil ne coton aveques soie, pour ce que l'en ne doit pas mètre fil
ne coton areques soie, parce que c'est décevance à ceux qui n*i si connaissent pas. {Rfg^.
(TEL BoUeau, titre 75.; (^Glossaire ArchèoL, de Victor Gat, i« fascicule, page 85.)
Année i3oo. — J'ai les diverses aumosnières
Et de soie et de cordoan...
Si en ai de plaine toile.
Le dit du Mercier, édit. Crapelet, p. 149.
(Glossaire Arch», Victor Gat, p. 83, !•■ fascicule.)
(3) Glossaire Arch., Victor Gay. Ibidem.
"(3)*i^nnée i3i3. — Que nuls ne nulles dud. mestier (de Boursier) ne mettent ou facent
en bourSta^^e lièvre perlles ne perrerie aucune, qui ne soient fines er loyaux {Statuts de
boursiers de Paris. Ms. C. fol. 5 v*.) {Gtoss. Arch,, Victor Gav, a* fascicule, p. 197.)
Année i36o. — Quatre boursettes batues àor, les deux pendues ensemble, semmées de pelles
menues; en cbascune bourse trois boutons de pelles, (/nveii/. de Jean de Boulogne.) Ibidem,
»'
l56 CHAPITRE IX
qu'il était, dans le principe, le denier de la charité réservé
aux pauvres. On portait, suspendue à la ceinture, cette
bourse ou gibecière, faite tantôt de cuir, tantôt d'étoffes de
toutes sortes, associées aux garnitures de fer ou d'or d'orfè-
vrerie, du travail le plus délicat et le plus riche (i).
Vescarcelle ne semble pas s'être distinguée des bourses
appelées alloières, aumônières, etc., par une forme
spéciale. La seule particularité notable de cet objet, c'est
sa ferrure devenue parfois œuvre d'art sous la main de
l'ouvrier (2).
Le mot tasse paraît offrir un air de parenté avec le mot
<c tassette », par Thabitude de la porter suspendue à la
ceinture, à la façon des tassettes de l'armure, dont les
lames d'acier articulées servaient, par leur tassement^ à
couvrir et à garantir des coups d'épée, le haut des Jambes
du chevalier.
Quant au réticule ou sachet en forme de filoche, il ne faut
pas le confondre avec la bourse à reliques. Celle-ci était à
l'usage des choses saintes. Celui-là servait, au moyen âge, à
contenir, entre ses soyeuses parois, les mêmes objets de
toilette que l'on trouve, de nos jours, dans le « ridicule »
d'une femme du monde : les flacons de sels et d'odeurs,
l'indispensable miroir, le carnet d'ivoire pour les visites, et
la bourse aux mailles d'or.
(i) Année 1380. ~ Voroie volentiers savoir
Se je doy celle mance avoir.
La dame dist qu'elle est faite,
Hors d'une aloière l'a traite.
Que elle à sa çainture avoit.
{Le châtelain de Coucy, v. 1027.)
{Ibidem, p. aS; fascicule i»'.)
(3) Année i557. — Pour la façon d'avoir monté ung fer d'escarcelle faict à la damas-
quine, pour servira M. d. S. (le roi). Fourny de doubleure et soye et l'avoir toute bordée
et garnye de passement, bottons et cordons, garnye de houppe et crespine, le tout d'or
superfin et de soye noire : 63 s. {Cpte rojr. de Julien de Boudcville, fol. 36 et 61.)
{Gloss. Arch,, de Victor Gav, 5* fascicule, p. ôSg.)
A PROPOS DES SACOCHES iSy
Mais il est temps, cette énumération faite, de ramener le
lecteur aux simple et pauvres sacoches dans lesquelles furent
apportées, en notre Forez, les précieuses reliques des saints
Rambert et Domitien.
Elles étaient vraisemblablement d'une étoffe grossière, celle-
là même dont se servaient les pauvres gens, à cette époque
reculée (i). Or, en voici la double raison : d'abord, le pieux
serviteur de saint Rambert, chargé du soin de transporter
les reliques du bienheureux martyr, qu'il fût d'ailleurs
religieux ou qu'il fût laïque, n'avait probablement pas à sa
disposition les ressources nécessaires pour faire confectionner
de riches bourses, à l'instar de celles dont nous venons de
donner la description.
Et, ensuite, il ne voulut se procurer aucune sacoche de
prix, de peur d'éveiller l'attention, d'exciter la curiosité
et de ceux qui auraient confectionné le précieux objet
et de ceux qui, dans le long voyage qu'il allait entre-
prendre, pourraient l'interroger sur la nature de son riche
fardeau.
Vêtu de la modeste livrée des pauvres, dépourvu même de
l'humble bourdon de pèlerin qui aurait pu entraver sa
marche hâtive, il s'en va tout simplement, sur les grands
chemins, chargé de la vulgaire besace d'un homme que la
foule regarde passer avec indifférence, parce qu'il est préci-
sément l'homme « à la besace ».
Mais l'humble messager de saint Rambert, qui était venu
des bords de l'Albarine au manoir d'Yzeron dans le plus
strict incognito, devait bientôt ouvrir publiquement la
marche triomphale des pèlerins faisant cortège aux saintes
(i) Streinula, c» c'est le mot employé dan» le texte de la légende de la Translation des
reliques. Il se traduit, dans le Ùietionnaite latin-français de Quichbeat. par bagage,
bardes... Or, tout le monde sait que le root hardes éveille l'Idée d'étoffe grossière et de peu
de valeur. Donc, nous avons raison d'affirmer que les divers lots de reliques de saint
Rambert étaient renfermés dans quelque grossière étoffe, comme la toile.
l58 CHAPITRE IX
reliques, de cette demeure seigneuriale à Téglise de Saint-
André-les-Olmes.
Les sacoches, de tissu grossier, dans lesquelles avaient
été pieusement renfermés les sacrés ossements du martyr
Rambert et du confesseur Domitien, allaient bientôt
disparaître pour faire place à un écrin plus riche et
plus digne des perles précieuses, apportées du pays de
Bugey.
En effet, la tradition locale, toujours fidèlement gardée
dans les familles rambertoises, nous apprend, dans son
langage naïf et pittoresque, que les reliques arrivèrent
sur les rives de la Loire dans une « robe » de soie et
d'or. Et elle ajoute que cette châsse improvisée, choisie
dans les armoires du comte Guillaume, après avoir servi
de pieux suaire aux insignes restes de nos saints, fut,
plus tard, transformée en la fameuse chasuble que possède
encore le trésor de notre Eglise.
CHAPITRE X
LA
FONTAINE DE SAINT-RAMBERT
FONTCHAUD
LE PONT DE SAINT-RAMBERT-SUR-LOIRE
LE GUÉ DE LA ROCHE
§1
FONTAINE DE SAINT-RAMBERT A FONTCHAUD
SON ANCIENNETÉ — SON RENOM
Dans ce chapitre, nous voudrions non seulement faire
connaître au lecteur la très intéressante fontaine de Saint-
Rambert, où trempa ses lèvres brûlantes le mystérieux
porteur des reliques de notre illustre Patron, mais encore
mettre en relief l'obscur coin de terre appelé Fontchaud, où
cette vénérée source s'est creusé une coupe aussi modeste que
rustique. Nous voudrions démontrer que la voie suivie par la
foule des pèlerins, revenant des bords de la Loire au Prieuré
de Saint- André, ne fut pas celle du pont de Saint- Rambert, qui
alors n'existait pas, mais certainement l'antique chemin dont
le tracé part des bords du fleuve et passe aujourd'hui encore,
comme autrefois, tout près de la fontaine de Fontchaud,
l60 CHAPITRE X
appelée, depuis Tépoque de la translation des reliques :
Fontaine de Saint-Ram bert (Fie. 26).
Une très ancienne tradition nous apprend que la source
limpide qui coule à Fontchaud n'aurait point reçu son nom
du lieu où elle se trouve, mais, au contraire, aurait donné le
sien aux champs qui, de tous côtés, lui font une verdoyante
ceinture.
D'autre part, une pieuse légende nous raconte que les
eaux de la source de Fontchaud jaillirent miraculeusement
au passage des reliques de saint Rambert, et alors que le
dévot (c messager », fatigu^ d'un pénible voyage, cherchait à
se désaltérer.
La tradition et la légende sont ici en contradiction. Or,
cette contradiction n'est qu'apparente. En effet, si au lieu
d'appeler la Fontaine « miraculeuse », parce qu'elle jaillit
soudain sous les pas du mystérieux « messager », nous
l'appelons « miraculeuse » parce que ses eaux tressaillirent
à l'approche des restes sacrés de saint Rambert, la contra-
diction disparait; nous n'avons plus qu'une source très
ancienne, mais dont les ondes limpides furent, par miracle,
favorisées d'une vertu curative. Et c'est ainsi, croyons-nous,
que les choses se passèrent.
Sans vouloir reconnaître à la Fontaine de Saint-Rambert
une de ces origines dont la date se perd dans la nuit des
temps, et que des recherches diflSciles pourraient seules fixer,
nous pensons qu'on peut l'assimiler aux autres nombreuses
fontaines de notre contrée, dont la réputation d'ancienneté
est un fait acquis à l'histoire locale.
Que le lecteur veuille donc se pénétrer des détails inédits
que nous allons lui donner sur plusieurs sources, sœurs de
Fontchaud, et il ne doutera plus de la haute ancienneté de
la Fontaine de Saint-Rambert.
L'une de ces sources les plus intéressantes, certainement,
est celle qui coule avec abondance dans le quartier <c du
l62 CHAPITRE X
Calvaire », près du Grand-Port de Saint-Ramberi, au flanc
d'une petite balme qui n'est pas à plus de cent mètres de la
Loire. Cette fontaine a été signalée par l'honorable ingénieur
civil, M. Maussier, président de la Commission Forézienne
de l'Histoire des Gaules.
C'est autour de cette fontaine que notre savant et dévoué
ami, M. H. Marthoud, trouvait, en 1886, des débris de
poteries rouges. C'est dans son très proche voisinage, qu'à la
même date, il découvrait une série de poteries primitives,
de nombreux fragments de silex taillés, parmi lesquels une
flèche avec « soie », et une grande quantité de pierres polies
par la main de l'homme. Or, M. Maussier est convaincu
que cet emplacement est celui d'une station néolithique, où
devait se trouver un atelier primitif de l'époque de la
pierre polie (i).
Les poteries, les silex, les pierres polies, recueillis avec
soin, forment une collection particulièrement intéressante,
où Ton peut reconnaître les premiers outils et les premières
armes de nos ancêtres primitifs de la Gaule (2).
D'autres sources, connues dans notre région sous le nom
de fontaines de la « Chana », à Saint-Rambert (bas de la
ville); à Veauche, sur le chemin du gué de la Loire; à Villars,
au hameau de La Chana, nous paraissent remonter à la plus
haute antiquité, car, naguère encore, des fragments de tuiles
à rebords y étaient trouvés (3).
Il n'est pas jusqu'à la source de et VOppidum » d'Essalois,
(i) « En faisant creuser un trou nous-mème, dans une allée de la propriété de M. Henri
■ Marthoud, nous avons retiré une ébauche de hache. Notre opinion est donc qu'il y avait
« là un atelier d'ébauchage et de polissage de Pépoque néolithique. »
(Extrait des Annales de la Société d'Agriculture y industrie^ sciences, arts et belles^
lettres du département delà Loir^, septembre 1886, p. 231-246.)
(a) Voir la riche et intéressante collection que notre ami, M. Marthoud, possède dans sa
propriété du « Calvaire ».
(3) Par M. H. Marthoud, dans le quartier de la Chana^ à proximité du chftteau de Curnieu,
aux environs de Villars (Loire).
LA I^ONTAINE DE SAINT-RAMBERT, FONTCHAUD, ETC. l6i
jusqu'aux deux cuvettes creusées à son sommet, sur une
roche émergeant du sol et conservant Teau pluviale, qui ne
nous révèlent la notoire antiquité de nos fontaines locales.
Les fouilles pratiquées par les archéologues y ont, en
effet, amené la découverte, il y a quelques années, de nom-
breux objets de fer, de bronze, de verre ; des bracelets, des
anneaux, etc. Notre ami et collaborateur, M. H. Marthoud,
a fait lui-même, à Essalois, Jà découverte de plusieurs
fragments importants d'une léte en argile, qu'on a tout
lieu de prendre pour une tête de divinité, sous les auspices
de laquelle la source était probablement placée.
Toutes ces épaves précieuses d'un âge reculé, en nous
révélant la présence d'habitants, l'existence d'une industrie,
d'un commerce dans ce lieu, nous apprennent que les
Gaulois, d'abord, et les Romains leurs maîtres ensuite,
savaient exploiter nos sources, en capter les eaux pour
leurs besoins. Plus encore, nous constatons que nos fontaines
leur étaient chose précieuse. En effet, pas une source ne
coulait, qu'elle n'eût pour gardienne quelque divinité de
l'Olympe.
Les fontaines anciennes et partant historiques ne sont
donc pas un mythe dans le coin du Forez que nous habitons.
Et, si la source de Fontchaud n'a point encore révélé aux
chercheurs la date reculée de son origine, ce n'est pas parce
que le sol d'où elle jaillit est pauvre de documents, mais
simplement parce que ce sol est vierge de toutes fouillés
sérieuses.
Creusée au flanc de la même balme d'où sortent ses deux
sœurs « de la Chana et du Calvaire », l'intéressante fontaine de
Fontchaud, qui n'est pas à plus de cinq cents mètres de la
Loire et à plus d'un kilomètre des deux sources que nous
venons de nommer, est, à notre humble avis, un champ
tout nouveau d'exploration offert à la science.
Dire de notre fontaine de Saint-Rambert à Fontchaud,
164 CHAPITRE X
qu'elle est d'une notoire ancienneté, et que pour cette cause
elle est digne d'avoir sa place marquée dans l'histoire locale,
ce n'est point assez; ou du moins, ce n'est point avouer
toutes les raisons qui militent en faveur de sa renommée.
La source de Fontchaud est du nombre de ces sources
privilégiées dont les eaux furent^ de tout temps, considérées
par les populations, comme étant des eaux bienfaisantes.
A ces eaux, les pèlerins des temps antiques venaient
demander santé et soulagement. Vers leurs ondes bénies ils
affluaient nombreux, rachetant leurs vœux, après guérison,
par des offrandes en argent, par des souvenirs commémo-
ratifs, par des ex-voto particuliers.
Si nous nous en rapportons à un auteur très versé en cette
intéressante matière, « l'usage de jeter une offrande aux
(( fontaines est, sans nul doute, aussi ancien que le culte des
a fontaines lui-même, car en nettoyant ces fontaines, on
« retrouve dans les diverses couches de limon des pièces et
« des amulettes qui, à mesure qu'on fouille plus profon-
cc dément, sont d'époques plus anciennes > (i).
A cette antique coutume nous pourrions peut-être ratta-
cher la découverte d'épingles nombreuses faite au mois de
Mars de l'année 1899, non point près de la fontaine de
Fontchaud, mais près de celle de la « Chana », et lors de la
construction du grand égout collecteur de la ville de Saint-
Rambert. Cette fontaine de la « Chana », assurément fort
ancienne, aurait-elle, jadis, joui d'un privilège spécial ? —
Les pèlerins qui y affluaient, confondant indifféremment ses
eaux avec celles de sa sœur de Fontchaud, leur auraient-ils
attribué une vertu particulière ? — Enfin, par reconnaissance
pour ces eaux bienfaisantes, leur auraient-ils aussi confié
quelques souvenirs commémoratifs ? — Nous ne saurions
nous prononcer sur des questions aussi complexes.
(1) Emile Harmomic. Revue des traditions populaires. Mars 1889.
LA FONTAINE DE SAINT-RAMBERT, FONTCHAUD, ETC. l65
Toutefois, les faits suivants, en nous éclairant sur ce point
sont de nature à nous faire croire que notre vénérée fontaine
de Saint-Rambert à Fontchaud a été, autrefois, comme ses
voisines de la <c Chana » et du « Calvaire », d'abord un lieu
privilégié, ensuite, et depuis le passage des reliques de
notre illustre patron, un but de pieux pèlerinage.
A la date du 9 Mars 1899, des ouvriers terrassiers trou-
vaient, un peu en aval de la fontaine dite de la « Chana »,
quelques mètres plus bas que le grand portail du jardin de
M. Auguste Montet, notaire, et à i",8o* de profondeur, un
grand nombre d'épingles en cuivre, de la longueur et de la
grosseur de celles dont se servent les couturières. Ces épingles,
dispersées sur un espace de quinze à vingt mètres dans un
terrain mouvant et noir, rappelant la vase des marais, sont
absolument indemnes d'oxydation, et assez brillantes pour
faire croire qu'elles ont été enfouies hier seulement. Leur
tête est tournée en laiton, à Tinstar de nos vieilles
épingles de cuivre, dont elles ont, du reste, la forme et la
silhouette (1).
Ce semis d'épingles se développant dans une vase pro-
fonde, non loin et en aval d'une fontaine, ne proviendrait-il
pas de certaines pratiques bizarres de pèlerins venus en
<c réméage » aux eaux privilégiées de la source, et les* y
ayant jetées comme offrandes!...
C'est du moins ainsi qu'on faisait au moyen âge, et que font
encore, de nos jours, les pèlerins des fontaines de Notre-
Dame-de-la-Clarté et de Sainte-Ujâne (Sainte-Eugénie), en
Bretagne.
La première de ces deux fontaines, appelées miraculeuses
par les populations de la contrée, coule près de Châte-
(0 Le corps de ces épingles, ordinairement arrondi, présente ici une fort intéressante
particularité. Il porte ane cannelure régulière dans le sens de la longueur. L'ouvrier n'avait
sans doute qu'une tige plate; et, pour lui donner la forme ronde, tl a dû en rapprocher les
deux parois, qu'il n'a pas pris soin de souder. La longueur de ces épingles est, en moyenne,
d'un peu plus de o*,o3 centimètres.
l66 CHAPITRE X
leaudren. Une statue de la Vierge, connue sous le nom de
Notre-Dame-de-la-Clarté, la domine, et semble inviter les pèle-
rins à y puiser avec confiance. Et, en effet, les pèlerins
viennent nombreux; mais en même temps que leurs lèvres
murmurent des prières à la Madone, leurs mains jettent
a des épingles » dans les eaux de la fontaine. Cette pratique
a pour but de guérir les maux d'yeux (i).
Près du bourg de Morieux, canton de Lamballe, est une
fontaine consacrée à sainte Ujâne. Elle est en très grande
vénération dans le pays, et on y vient en pèlerinage de toute
la contrée environnante. Ses eaux ont la propriété de guérir
la migraine. Avant d'en boire, les pèlerins s'entourent la
tête avec de la petite bougie en torche, qu'ils font brûler sur
le bord de la fontaine, dans laquelle ils jettent, ensuite, « des
épingles » leur ayant servi (2).
Nous n'avons certes pas l'intention d'assimiler nos deux
fontaines de la « Ghana » et de Saint-Rambert, à ces deux
fontaines extraordinaires, ni à celle dont parle saint Grégoire
de Tours, et à laquelle on attribuait toutes sortes de
vertus, parce que la tête du saint martyr Julien y avait
été lavée (3). Mais le fait intéressant d'épingles trouvées
près de l'une de nos fontaines, n'est-il pas de nature à nous
doflner la conviction que la première de ces sources, peut-être
toutes les deux, furent dès les premiers âges, sinon mira-
culeuses, du moins privilégiées et bienfaisantes ?
Voilà pour les temps qui ont précédé le mémorable évé-
nement du passage des reliques de saint Rambert, près de
notre bénie source de Fontchaud.
Quant aux âges qui le suivirent, qui sait si à l'approche
des sacrés ossements de saint Rambert les eaux de la vénérée
(i) M** Louis Tezier, Revue des traditions populairei, passim.
(2) Emile Harmonic, Revue des Traditions populaires, passim.
(3) De Passione sancti Juliani C. Ut, ap, Muratori, p. 852. Dans le Dictionnaire des
Antiquités chrétiennes, de l'abbé Marticnt, p. 376.
LA FONTAINE DE SAINT-RAMBERT, FONTCHAUD, ETC. 167
fontaine, tressaillant avec mystère, comme autrefois celles de
la piscine Probatique sous l'action puissante de Fange de
Dieu» qui sait si ces eaux déjà privilégiées ne reçurent pas
quelque vertu particulière?...
Nous le croyons, nous qui grâce aux documents compulsés,
avons pu nous convaincre de la profonde vénération et de la
confiance extraordinaire des générations passées, envers ces
eaux bienfaisantes ; nous qui, tous les jours, entendons nos
vieillards parler avec le plus grand respect de la source de
Saint- Rambert, et de la belle procession (i) qui se faisait
autrefois chaque année, à Fontchaud, en souvenir du passage
des reliques; nous enfin, qui sommes témoin de l'empresse-
ment des gens d'alentour à venir s'y abreuver. Eaux très
salutaires en tout temps, disent nos paysans, dans leur naïve
et constante foi. Ils trempent leurs lèvres dans les ondes
fraîches et pures de la bienfaisante fontaine, et il leur semble
qu'avec cette liqueur providentiellement curative, une nou-
velle vie a coulé dans tout leur être.
* De toute cette étude sur la fontaine de Saint-Rambert, on
peut conclure que sa renommée s'est perpétuée à travers les
siècles, non pas seulement parce que sa coupe, plus de dix fois
séculaire, a toujours offert au voyageur altéré, ou au pèlerin
maladif, une onde fraîche et bienfaisante, mais parce qu'elle
fut témoin du passage des reliques de notre illustre martyr,
et surtout parce que l'ombre de ces reliques saintes se
projetant sur la surface limpide de ses eaux, leur communiqua
quelque puissance surnaturelle. L'ombre de l'apôtre saint
Pierre, en passant sur les malades, ne leur communiquait-elle
pas forces et santé !
(1) C'est le 3 octobre que la paroisse de Saint-Rambert allait chaque année, à la suite du
clergé, en procession à la fonuine de Saint-Rambert, à Fontchaud. Cette procession, qui
avait cessé pendant les mauTais jours de la Terreur, se réorganisa et se fit encore lorsque
les églises rouvertes, en i8oa, purent librement déployer, au dehors, les splendeurs du culte
divin. Et plusieurs vieillards nous ont assuré qu'on faisait encore la procession, à Fontchaud.
au temps où M. Anier était curé-archiprôtre de la paroisse. De nos jours, cette procession
solennelle ne se fait plus que dans les rues de la ville, et le dimanche de la f£te patronale.
l68 CHAPITRE X
Et, si de nos jours, la source de Saint- Rambert à Font-
chaud ne voit plus la foule des pèlerins accourir vers ses eaux
et leur demander des prodiges, ce n'est pas qu'elles aient
perdu leurs vertus curatives; mais c'est nous qui n'avons
plus au cœur la même foi et le même amour de Dieu, par qui
tout prodige s'opère.
§ H
ETYMOLOGIE DU MOT « FONTCHAUD »
Le lieu appelé Fontchaud, où coule la fontaine de Saint-
Rambert, est situé sur le territoire de notre chef-lieu de
canton, à cinq cents mètres environ de la rive gauche de la
Loire, et entre la chapelle de Notre-Dame de Bonson et le
château de la « Péguette » (i).
Comme ce coin de terre ignoré a été une des dernières
stations de la marche triomphale des reliques de notre illustre
Patron, nous voulons lui consacrer quelques lignes inédites.
Le lecteur nous en saura certainement gré.
Et d'abord, nous essayerons d'analyser le mot « Fontchaud »
en laissant le lecteur libre de se faire une opinion sur le sens
de cette appellation, dont l'orthographe offre, d'après les
vieux parchemins de notre bibliothèque, plusieurs notables
variétés. On trouve ce mot écrit de trois manières différentes :
Fontchaud^ Fontchaut^ Fontchoi.
Le substantif Fontchaud est visiblement formé de deux
autres mots : Font^ c'est-à-dire fontaine, et « chaud », « chaut »
ou er cho\ » dont la signification reste à déterminer.
« Chdud » orthographié avec un « d » éveille tout
naturellement Tidée de chaleur « calor ». On pourrait donc,
(i) Propriété de M. Praire de Neizieuz.
LA FONTAINE DE SAINT-RAMBERT, FONTCHAUD, ETC. 169
en admettant, cette explication, traduire le nom propre
ce Fontchaud », par fontaine chaude.
Nous avons, dans le voisinage de Saint-Rambert, le crêt
de « Peu-chaud » ou « Peuh-chaud », au sommet duquel se
dressent les ruines de Notre-Dame de Grâces. Le mono-
syllabe «peu» ou apeuh»^ en celtique, est l'équivalent de
montagne, crêt, roc. Joint au qualificatif « chaud », il forme-
rait un nom propre de lieu, qui pourrait se traduire par
ce Crêt chaud, montagne chaude ». Mais, comme le mont
sur lequel est assis le sanctuaire de Notre-Dame de Grâces
s'élève à près de 600 mètres au-dessus du niveau de la mer,
exposé à tous les vents et à tous les frimas, qui sait si le
langage populaire n'a pas appelé ce mont, par antiphrase :
ce PeU'Chaud ! »
« Fontchaut », orthographié avec un c< / » pourrait peut-être
s'interpréter : fontaine d'un faible débit, ou dont l'eau ne
coule pas avec abondance. En effet, le mot ce chaut » avec une
négation semble avoir pour dérivé ce chétif », qui signifie
faible, maigre, mauvais !
Or, les terrains qui forment le crêt de Notre-Dame de
Grâces étant, pour la plupart, des terrains maigres et de
peu de valeur, rien n'empêche de croire que les paysans ne
les aient qualifiés dans leur patois de ce chétifs », comme il
est arrivé pour certaines terres délaissées de la commune de
Saint-Just-sur-Loire, que leur maigreur a fait dénommer le
ce Plat des Echauts ».
Nous savons, d'ailleurs, que dans le langage ordinaire on
dit quelquefois, pour exprimer l'indifférence avec laquelle
on traite les hommes et les choses dont on se désintéresse :
Au reste, peu me chaut! c'est-à-dire cela m'est indifférent, je
l'abandonne, j'en fais le sacrifice. C'est une chose sans valeur
et sans importance pour moi.
D'après B. Zeller ce ne te chaut » signifie : il ne t'importe
170 CHAPITRE X
pas. Et dans la complainte de Louis le Débonnaire,
sur ses fils, publiée par le même érudit, on lit le passage
suivant :
<f O bon sergent et bon guête (guetteur), et espérance de
« tous les compagnons, dors-tu ou si tu veilles ? — Et il me
« répondit : Je veille, fe veille. Et je lui redis : Que fais-tu ?
i< — Et il me répondit : Que te chaut que Je fasse ! que
« t'importe-t-il que je fasse ? »
(c Ne te chaut », si tu as peu de chevaliers, mais prends
<c seulement ceux que tu as avec toi et un écu (bouclier),
(c si (c enchauce » les païens et n'aie nulle peur », lisons-nous
ce dans les derniers Carolingiens, page 46, par B. Zeller et
« C. Bayet. ce Enchaucier » veut dire poursuivre. Ne
ce t'importe si tu as peu de chevaliers et ce enchauce »
(poursuis les païens).
D'autre part^ dans le vieux récit de Clovis II perdant la
raison pour avoir mis la main sur le corps de saint Denis,
nous trouvons :
ce Et le martyr montra bien tantôt qu'il ne lui plaisait pas
(C dont son corps était ainsi traité, car le roi fut tantôt si
ce espoenté et si ébahi que il chaït en frénésie, et perdit son
ce sens et sa mémoire en cette heure même (i). »
« Avec lui ce châtrent » à terre plus de vingt, tant contes
ce que barons » (2).
Chair, chaït^ chéir pour choir, tomber, vieux mot français
duquel s'est formé ce déchaiement », chute, décadence, dégéné-
rescence, affaiblissement, amoindrissement, perdition.
« L'empereur issit (sortit) de l'église pour aller au palais
ce par une allée de <ifust » (galerie de bois, passerelle) où il
(1) Les Rois fainéants et Maires du PalaiSy p. i8.Zkli.br, i88i.
(2) Louis le Pieux (8/4^840), p. 40, par le m£me.
LA FONTAINE DE SAINT-RAMBERT, FONTCHAUD, ETC. I7I
a lui convenait de passer, elle était vieille et pourrie de
a l'humeur de Feau qui sus a chéait » (de l'humidité causée
par l'eau qui, par-dessus coulait (i).
Toute la nuit doncques il plut»
Et tant d*eau cette nuit il « chut »,
Que la campagne submergée
Tint deux jours la ville assiégée (2).
Voici maintenant le texte abrégé d'une reconnaissance de
pension qui, en même temps qu'elle est une preuve de
l'existence du lieu de Fontchaud, nous donne une variante
de la vieille orthographe de ce mot, et nous révèle dans le
voisinage de la source Saint-Rambert, à cette époque, de
nombreuses prairies auxquelles semble faire allusion la
légende de la châtelaine dont nous avons parlé plus haut :
« M' Mathieu Dubrual (3) doibt une pension de quarante
ce sols tournois soubz le»principal de X'- tournois à luy
a baillée par lesdits sieurs presbtres. Imposée sur une ferme
c( et pré siz au Garait dud. Saint-Rambert contenant IIII
« mestérées, joignant le pré de M* Nicolas Aulbar de vent, le
(c chemin du Tourt de matin, le ruisseau des moulins de
ce soir, le pré de Jean Cordeyron et son fils, de bize. »
c( Item, aultre pension de X sols avec son principal de X'-
c( imposée sur une maison size aud. Saint-Rambert par luy
« acquise de André Gérentet, et par iceluy Gérentet et
c« respondant le XXV novembre 1 606, par conctraict receu
« Barthollet. »
« Item, aultre pension annuelle de X sols fonsière im-
ce posée sur un pré siz à ce Fontcho:^ » joignant le pré de
ce M* Anthoine Retournel, de bize quasi soir, pré des hoirs
^i) Ibidem t P'40) par le même.
(3) Récit dtun voyage fait à travers la France à la fin du xvti* siècle, par Chapelle et
Bachaumont.
(3) Mathieu Dubrual, notaire royal, dans la juridiction deSaint-Rambert-en-Forez.
172 CHAPITRE X •
« Claude Martinet, de vent. Le grand chemin de soir quasi
« vent, le ruisseau des moulins de matin, revenant lesd.
(( trois pensions à III'- tournois payables à Toussaincts (i),
(( comme est contenu au contraict receu BarthoUet le
« XX* décembre 1614 au grand livre rouge foU. V" VI.
« Cy à Toussainct... IIlK »
Voilà bien des interprétations du mot chaud^ chaut^ cho^,
A laquelle devons-nous nous arrêter pour résoudre la
question de Fontchaud, lieu où coule la source d'eau qui
porte le nom de Saint-Rambert ?
Nous essayerons la traduction ou plutôt l'explication
suivante, le lecteur est libre de l'accepter ou non :
Font^ fontaine, source; chaud^ d'eau chaude; ou chaut d'un
faible débit; ou chaut qui chaït coule en tombant par
déchaiement^ c'est-à-dire en s'amoindrissant, et s'enchauce^
poursuit son cours à travers le* champs où elle cheoit^
s'égare et se perd.
§ III
LE PONT DE SAINT-RAMBERT
Le premier pont qui se présente en amont de la Loire,
dans notre département, est le pont de Saint-Rambert,
mentionné dans le « Recueil des testaments enregistrés en la
Chancellerie de Fore:{ de 1272 à 146J ».
En effet, nous lisons dans les « Inventaires sommaires des
Archives départementales antérieures à 17 go » (2), à la date
(1) Cette réponse oa reconnaissance de pension est extraite de la quatrième ou dernière
partie de la Liève terrienne^ pour messires les chanoines, curé, presbtres de l'église .de
Saint-Rambert-en-Forez, contre ceux qui leur doibvent et ont recogneu de nouveau ladicte
Liève, commencée huy deuxième jour de novembre mil six cent six.
(Extrait pris et coUationné sur l'original. Reçu par David, notaire royal, le 5* d'avril 1668.)
(Archivas de la Loire.)
(2) Par Auguste Chaveronoibr, archiviste du département de la Loire.
LA FONTAINE DE SAINT-RAMBERT, FONTCHAUD, ETC. IjS
du jeudi de la fête des saints apôtres Philippe et Jacques,
année 1809 : « Dame Alix de Barges, veuve de messire
« Jacerand Veroyl, chevalier, seigneur de Greygnieu... Item,
« do et lego ponti Sancti Reneberti (sic)^ et ponti Spineti
« (sic)^ utrique duodecim denarios bonos viennenses semel
ce tantum n.
« De même, je donne et lègue au pont de Saint- Rambert
ce et au pont de Pinay, à tous les deux, douze bons deniers
« viennois, une seule fois pour toujours. »
La noble dame Alix de Barges fit-elle son legs pour bâtir
un pont sur la Loire, parce qu'il n'y en avait pas alors, ou
bien, les douze deniers viennois qu'elle légua devaient-ils
être dépensés à l'entretien d'un pont déjà existant ? — C'est
là une question à laquelle il n'est pas facile de répondre.
Cependant, la formule testamentaire employée par Alix
de Barges : fc Je donne et lègue », nous semble supposer
l'existence d'un pont sur la Loire, et d'un pont qu'elle
connaissait, dont elle savait l'état délabré. Ordinairement,
les legs pieux se font en faveur d'œuvres en souflFrance,
Celle du pont de Saint-Rambert, probablement très précaire,
intéressait particulièrement notre noble testatrice ; et voilà
pourquoi elle lui lègue généreusement quelques-uns de ses
bons deniers.
En deux mots, dame Alix de Barges fait un legs au pont
de Saint-Rambert, jeté depuis longtemps déjà d'une rive à
l'autre de la Loire.
Mais la somme relativement importante dont elle fit don,
ne dut assurément pas permettre aux autorités locales de
faire de grandes réparations à cet ouvrage de bois (i). En
effet, nous lisons dans le testament de Pierre Veauche
« Velchi ^), de Saint-Rambert, à la date du Vendredi après la
(1) La plupart de nos Tieux ponts étaient construits en bois, au moyen Ige.
174 CHAPITRE X
Purification de la Sainte Vierge (1329), que cet honorable
homme lègue, une seule fois, à l'œuvre du pont de Saint-
Rambert, vingt livres viennoises pour son amélioration ou
sa reconstruction : « Operi pontis Sancti Regneberti super
« Ligerim, pro ipso meliorare seu edijicare^ viginti libras
« viennensium, monete turonensis semel ».
Comme on le voit, vingt ans après le legs de la noble
dame Alix de Barges, en faveur du pont de Saint-Rambert,
le testament de Pierre Veauche nous en fait connaître un
autre au profit de la même œuvre. Mais, ici, le testateur est
plus explicite. Il prend la peine d'indiquer, de spécifier les
travaux auxquels il veut que son argent soit employé. Il
demande Tamélioration du pont, et si cette amélioration ne
peut pas s'entreprendre et se parfaire utilement, il insinue le
projet d'une reconstruction totale de l'œuvre.
A juger les choses de la manière dont elles arrivent
ordinairement, ce n^est pas après un service de vingt ans
qu'un pont, bâti sur un fleuve et dans des conditions
exceptionnelles de solidité, peut avoir besoin d'une améliora-
tion si importante, que son délabrement fasse naître, dans
l'esprit d'un testateur généreux, l'idée de le reconstruire,
<c seu edificare ».
Si donc Pierre Veauche parle d'amélioration et de
reconstruction, c'est que ledit pont avait un réel besoin
de réparations, et que ce besoin était d'autant plus
pressant que l'œuvre était plus ancienne et partant plus
vermoulue.
Et cependant le don généreux qu'il fit en cette circons-
tance, joint à celui de la noble dame Alix de Barges, ne
suffit pas aux dépenses que nécessitait l'état de vétusté de
ce pont de bois. Car 19 ans plus tard, le testament de Jean
Colombet d'Anères, paroisse de Saint-Just-sur-Loire, testa-
ment daté du 7 septembre 1348, nous apprend que cet
LA FONTAINE DE SAÎNT-RAMBERT, FONTCHAUD, ETC. lyS
honorable homme fit, en mourant, un legs de cinq sous
viennois, au profit de l'œuvre du pont de Saint-Rambert,
quand il serait construit en pierres (c Item operi pontis
« Ligerisy Sancti Ragneberti, quando construetur de lapi-
« dibus^ quinque solidos viennensium, idem testator dat semel
a et légat » (i).
Or, ce pont de bois ne fut construit en pierre qu'en iSgS,
et par l'architecte Jeannot du Boys, si nous en croyons une
note du « Fore^ pittoresque » (2), ainsi conçue : « En bas de
c< Saint-Just sont les ruines d'un pont de pierre que nous
« avons souvent entendu qualifier de pont romain, bien
« qu'aucun des détails de sa construction ne puisse .justifier
M cette antique origine. Il paraît, en effet, remonter seule-
« ment à la fin du xiv* siècle. Un compte d'Etienne
« d'Entraigues, trésorier de Forez, nous apprend que ce
et pont se construisit en iSgS, sous la direction d'un architecte
« nommé Jeannot du Boys. »
Au résumé, le pont de Saint-Rambert-sur-Loire était
déjà un très vieux pont, en iSog. Mais peut-on faire
remonter ce pont avant l'an mil ! — Et, est-il prudent
d'accepter l'opinion de plusieurs savants qui ont été d'avis
que nos anciens ponts, sur la Loire, remontaient jusqu'à
l'époque romaine ? — Nous ne le pensons pas (3), Et même
nous sommes d'avis, avec Térudit archiviste de la Loire,
Auguste Chaverondier, « qu'il faut beaucoup rabattre de
c( cette antiquité et que la fin du xii* siècle au plus, doit être
(0 Inventaire sommaire des Archives départementales avant 17 go, par Auguste
Chavibondisr.
(2) Fore^' pittoresque, par Félix Thiollier.
(3) Séduit, sani doute, par la découverte qui venait d'être faite (décembre i83o) à Chevenet,
hameau de Cordelle, d'un trésor de 1200 monnaies gauloises en or, M. le baron d'Ailly.
le savant numismate, soutint même l'opinion que le pont de Saint-Maurice, situé dans le
voisinage de Chevenet, devait être de construction gauloise. (Notice sur le Recueil des
testaments enregistrés en la chancellerie ^e Fore^ (1273-1467), par Aug. Chavbronoibr,
1888, p. 41.)
176 CHAPITRE X
(c fixée comme limite supérieure de la bâtisse de nos anciens
ce ponts sur la Loire ».
Celui de Saint-Rambert, dont on distingue encore les
restes des piles aux eaux basses, n'existait certainement pas
ù l'époque de la translation des reliques de notre illustre
Patron, dont il a pris le nom dans la suite des temps. Car s*il
eût existé^ assurément la légende qui nous a gardé le sou-
venir de ce prodigieux événement, au lieu de narrer le
passage d*une foule de pèlerins à travers le lit miraculeuse-
ment desséché de la Loire, nous eût décrit leur marche
triomphale au-dessus des eaux du fleuve, et sur les ais solides
d'un pont faisant communiquer ensemble les deux rives
foréziennes. La tradition elle-même, toujours si vivace dans
notre Forez, nous eût aussi gardé le souvenir de ce pont
ayant eu Tinsigne honneur de tressaillir, pendant quelques
instants, sous les pas des pieux porteurs des reliques de
notre cher Saint. Or, la tradition locale est absolument muette
à ce sujet. Du reste, le chemin qu'avait suivi la procession
faisant cortège aux reliques de saint Rambert, n'aboutissait
point au lieu où se trouve actuellement l'agglomération des
maisons de Saint-Just (i). En descendant du hameau de
CoUonge, ce chemin, nous l'avons dit, aboutissait directement
au Gué de la Roche, par la Rivoire; et de là, par ce gué
miraculeux de la Loire, à la Fontaine de Fontchaud et au
Prieuré de Saint-André-les-Olmes.
(i) Dès longtemps les abords du pont de Saint-Rambert ont été entourés d'habitations.
Mais l'agglomération actuelle autour du clocher de Saint-Just ne date que de la fondation
de l'église même, en 1827-1829, par M« Mercier, alors curé.
LA FONTAINE DE SAINT- RAMBERT, FONTCHAUD, ETC. I77
§ IV
LE GUÉ DE LA ROCHE
Le « Gué de la Roche » était connu de nos ancêtres. En
voici des preuves tirées de documents authentiques, que
nous avons soigneusement compulsés.
Le premier de ces documents est une Nouvelle responce
de pension contre Philibert Retournel, de X sols tournois.
a Comme procès fut meu en la court ordinaire du
« baillage du Fourez, à Montbrison D'entre vénérables
« les sieurs curé et presbtres séculiers desserviteurs en
c< TEsglise de Sainct-Rambert, demandeurs en recognois-
(c sance de pension.
<f Disoyent aussi que feu Messire Rambert Retournel dict
« Victry » en son vivant presbtre dudit Sainct Rambert
<f par sa disposition dernière, auroyt légué auxd. demandeurs
« pour la dotation de deux messes en charistable (pour les
(c trépassés), la somme de dix livres tournois ou la pension de
(( dix sols tournois annuels jusques à ce que la somme prin-
u cipalle leur seroit payée. Laquelle pension et principal
« d'icelle il auroyt imposé sur tous ses biens par spécia-
« lement sur une sienne terre sise au Garayt dud. Sainct
« Rambert, de la contenance deux mecterées joignant à la
« terre de Fleury Motarel, qui est bize. Au chemyn allant
« dud. Sainct Rambert au gué de la Roche ^ de soir. Avec
« meilleurs confins, ainsi qu'il appert par led. testament dud.
(c feu Messire Rambert Retournel »
Faict et passé aud. Sainct Rambert en la maison du sus
nommé Messire Claude Murât soubz le scel de Fourez, le
12
lyS CHAPITRE X
ungniesme jour du moys de may mil cinq cens soixante
huict Ainsi receu et expédié par lesd. sieurs curé et
presbtres par moy notaire royal, Morien
Voici le texte du deuxième document :
« Anthoîne Vivier, marchand bouchier de Sainct Rambert
« doibt la pension annuelle de dix-sept sols, trois deniers
c( tournois, sur une sienne maison sise au chasteau Galhard,
« joignant à la rue publique de matin. Maison de Maurice
« Daurelle et sa femme, que fut de feu Jacques Roben et
<c Marguerite Bouvalon de bize. Maison et pressoir de Grè-
ce goire Appoticaire, que fut de feu Rambert Menu de vent
« et soir. »
a Item^ sur ung jardin et colombier en lad. ville joignant
« le ruisseau des Moulins de matin. — Vigne de M* Denis
« Gérentet, que souloit estre en pré de soir. Le jardin de
« Jean Jossis de bize. )>
(c Item^ sur une vigne sise au Garait, joignant le
ce chemin tendant du Pont au lieu de Bonsson de
« matin. — Le chemin tendant dudict Sainct Rambert
« au ce Gué de la Roche » de soir. — Vigne des hêrs feu
«t M* Jean ....... que fut des hêrs feu M* Rambert
ce et Grégoire Dodon, de bize et la vigne de dame
<c Marguerite Meyer, que fut de Rambert Simon et vigne
ce de Jean Jossis, que fut à feu Grégoire Ryvas de vent :
ce Sauf leurs meilleurs confins, comme appert par sa
ce response escripte au terrier par lettre G, au feuillet
ce II<=XLI, en date du XXIX* novembre i6o5. — Signé
« Bartholet
« Pour ce XVIV III^ tournois à Toussaincts (i). »
(i) Extraits du Terrier de la Rente du Prieuré de Saint-Rambert de 1544 à 1607. {Arehipes
dipartementaUê de la Loire. Fonds Saint-Rambert.)
LA FONTAINE DE SAINT-RAMBERT, FOXTCHAUD^ ETC. I 79
Le troisième document est ainsi rédigé :
« Jean Chabas et Catheripe-Percot ont imposé une pension
« annuelle de III' XV^ en Saint Nicbllas de May avec son
« principal de X* ; sur^ une leur vigne^size au Garait de
« Saint-Rambert, contenant sept joumalfées, ou environ,
« joignant le chemin dud. Garait au « Gué dé-la Roche » de
<v soir quazi bîze ; la vigne de Fleuiy Reverdin, de vent ;
« vigne de Jtan Gerentet aussy de vent. Vigne de Benoîd
« Razour de bize, la rivière de Loyre, ung chemin entre eulx
ff de matin. Par contraict receu Berthollet, portant quittance
« à Claude et Jacques Ennoyeux, contenu au terrier G neuf,
« au feulhet VI"VI dudit livre du VII» avril i6i6
« Cy (i) III^ XV «ou (2).»
{i) Extrait de U ■ Liève terrienne » pour MM. les chanoines, curé et presbtres de
l'église de Saint-Rambert, commencée le 3* novembre 1606. feaillet XLV. {Arekivts dépar*
tememlaies de la Loire. Fonds de Samt-Rambert.)
(3) Voir aux pièces jastificatÎTes n* i3 bis»
CHASUBLE DE
CHAPITRE XI'"
LA CHASUBLE
DE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
(xi* siècle)
«I
xMONOGRAPHIE DE LA CHASUBLE
La chasuble de Saint-Rambert, fermée de toutes parts,
n'a qu'une ouverture trapézoïdale dans sa partie supérieure.
Cette ouverture bordée d'un galon d'or de vieux style, mais
relativement moderne, est assez large pour laisser passer la
tête du prêtre (Fig. 27).
Elle n'est pas échancrée comme les chasubles actuelles.
Les côtés sont cependant un peu arrondis, et mesurent
r",io cent. Ils présentaient, autrefois, une ouverture de
o'",3o cent, de diamètre. Cette ouverture, pratiquée à la
hauteur de l'avant-bras, est aujourd'hui fermée par un
point de couture, et rejetée un peu en arrière de la face
antérieure, comme si Tétoffe de ce vêtement avait été prise
(I) D'après les notes et les dessins «ie M. Henri Marthoud.
l82 CHAPITRE XI
sur un autre, et retournée pour en confectionner la chasuble
que nous possédons.
La bande centrale qui descend du haut en bas de cet
ornement sacerdotal, et sur les deux faces antérieure et
postérieure, est large de o",i6 cent. ; elle est longue sur la
partie dorsale de i°,4o cent., et seulement de i",io cent, sur
la partie pectorale ; mais les dix-huit centimètres du bas de
cette bande ne montrent point le même dessin. Ils ont été
empruntés au motif général de la chasuble, et ajoutés à
l'aiguille comme complément.
Cette bande, dont les admirables dessins ont, de tout
temps, excité la curiosité des savants, offre à l'archéologue
une étude du plus haut intérêt.
A elle seule, elle peut nous fournir Tétat-civil du vêtement
dont elle ne fut point la pièce la moins riche, vêtement que
l'on fait, avec vraisemblance, remonter au xi* siècle (i).
Notre précieuse chasuble va s'élargissant jusqu'aux extré-
mités inférieures, qui ont assez d'ampleur pour que le prêtre
puisse, au moment de la célébration des saints mystères, la
relever sur les bras, et que cependant le devant et le derrière
continuent de retomber presque sur les pieds. Le plus grand
diamètre de l'étoffe, dans le sens de la largeur, est de i",64
cent., et dans le sens de la hauteur, de i",4o cent., y compris
le galon d'or qui borde l'ouverture, au sommet. Elle n'a pas
la raideur de nos chasubles modernes; mais, comme un
manteau souple et soyeux, elle retombe autour du corps en
(i) D'après M. de Linas, cette iDtéressante chasable serait sortie des manufactures de la
Sicile, et aurait été apportée en France par les Normands, qui étaient, alors, maîtres de
l*!le entière. {•Revue de l'Art chrétien,X. lil. p. 33;.)
On sait, en effet, qu'à cette époque, la Sicile était célèbre par son commerce de soieries.
Jusqu'au ix« siècle, les tissus de soie avaient été le produit exclusif de l'Orient. Mais an
commencement de ce siècle, les Maures en importèrent la fabrication dans le midi de
l*Espagnc, en particulier à Âlmeria, petite ville située près de Malaga, d'où elle passa en
Andalousie. Enfin, vers le milieu du zii* siècle, elle s'établit et devint très florissante en
Sicile, sous le règne du premier roi normand, Roger II. Les tissus qui sortaient de la
manufacture de Palerme, connue sous le nom d' «c Hôtel de Tira\ • furent surtout très
recherchés. (Dans le Cours élémentaire d'Archéoloçie religieuse, par M. l'abbé Mauleti
t. Il, p, 175.)
LA CHASUBLE DE SAJNT- KAMBERT I 83
plis larges et ondoyants. Son ornementation est riche, simple
et gracieuse : sur un fond de soie qui fut peut-être de couleur
« rose pâle », des filigranes d'or dessinent d'élégants compar-
timents, dans lesquels sont relevés en or, alternativement
deux faucons et deux lions affrontés, aux formes pures et
bien arrêtées. Les compartiments sont interrompus par la
bande médiale (Fio. 28).
L'examen attentif de cet ornement sacerdotal nous a révélé
des détails curieux et inédits. L'étoffe qui servit, au Xi* siècle,
à confectionner notre célèbre chasuble n'étant pas assez
ample pour y couper cet ornement selon le type de l'époque,
l'ouvrier dut prendre une partie du tissu que la coupe du
nouveau vêtement laissait libre, pour l'ajouter au bas des
184 CHAPITRE XI
deux faces antérieure et postérieure. Les pièces ajoutées sont
très visibles; leur dessin, conforme à celui de l'ensemble de la
chasuble, ne présente, dans ses grandes lignes, aucun accord
avec le reste du thème général de Tornement. On sent,
ici, que la nécessité plutôt que l'art, a guidé la main de
l'ouvrier.
Malgré son ampleur, cette riche chasuble n'est point
ce ialaris ». Elle représente, toutefois, un type parfait des
chasubles au xi' siècle ; et la richesse et la pureté de son
dessin, aussi bien que le fini de son exécution, dit M. l'abbé
Boue, feraient honneur à nos fabriques lyonnaises actuelles
les plus renommées (i).
Nous avons raconté, au chapitre VII% la Légende de la
Translation des reliques des saints Rambert et Domitien. Le
lecteur sait donc que les vénérables ossements de nos saints
furent apportés, mystérieusement, du pays de Bugey au
pays de Forez, par un homme craignant Dieu, inspiré et
encouragé par trois visions successives du bienheureux
martyr Rambert.
Il sait, aussi, que ces insignes reliques déposées dans de
grossières besaces par le dévot porteur revêtu de la livrée
d'un pauvre pèlerin, arrivèrent au manoir dTzeron, où elles
furent reçues avec grande joie par lé comte Guillaume et sa
noble épouse Vandalmonde, vers 1078.
Et cependant, la tradition locale dit que les ossements*
bénis du martyr et du confesseur de Jésus-Christ arrivèrent
au Prieuré de Saint -André- les -Olmes, soigneusement
enveloppés dans une étoffe de soie et d'or, d'une grande
richesse.
Comment expliquer cette contradiction ? — Voici proba-
blement ce qu'il advint.
(1) Notice sur une chasuble de SainURamkert-sur-I^oire, 1844.
l86 CHAPITRE XI
Les reliques de nos saints Rambert et Domitien arrivèrent,
avons-nous dit, du pays de Bugey au manoir de Guillaume de
Forez, à Yzeron, renfermées dans quelque vulgaire étoffe.
Mais alors, à la vue des pauvres sacoches qui servaient
d'écrin à des perles aussi précieuses, la piété du noble
comte s'émut, et il chercha dans ses somptueuses armoires
une enveloppe plus riche, dont il fit, selon une coutume
fréquemment pratiquée au moyen âge, un « suaire » plus
digne, aussi, du trésor qu'il venait de recevoir.
C'est cette étoffe de soie et d'or qui, transformée, plus tard,
en vêtement sacerdotal, est devenue la fameuse chasuble,
bijou de notre église romane (i).
in
L'ÉTOFFE DE LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT
SERVIT AUTREFOIS DE « SUAIRE »
AUX RELIQUES DES SAINTS RAMBERT ET DOMITIEN
DANS LEUR TRANSPORT DU MANOIR D*YZERON
AU PRIEURÉ DE SAINT-ANDRÉ-LES-OLMES
Que le lecteur veuille bien se reporter aux pièces j^istifica-
tives (2), et il se convaincra par les détails que npus y avons
rassemblés, de la vraisemblance de cette afBrm^ion-: Tétoffe
de la chasubie de Saint-Rambert servit autreferfs de « suaire »
aux insignes os3ements des saints Rambert et Domitien,
dans leur transport du manoir ^d^Tzeron au Prieuré de
Saint- André-les-Olmes.
(i) Qaant à la légende qai fait de notre yénérab]ie.ch|suble une robe de la Sainte Vierge,
nous dirons simplement que cette légende naïve est née de la version fort accréditée dans
la région rambertoise, savoir : que rétoffe:aTec laquelle a été confectionnée notre chasuble
était primitivement, peut-être, une robe de Vandalmonde, la noble épouse du comte
Guillaume. Quoi qu'il en soit de ces détails médiévaux, et quelle que soit la variété du récit
légendaire, il nous confirme dans notre opinion sur l'existence d'un vêtement civil du
comte Guillaume, ayant servi de « suaire », et plus tard, ayant été transformé en vêtement
sacerdotal.
(2) Pièces justificatives n* 14.
LA CHASUBLE DE SAINT-RABiBERT 187
Du reste, l'histoire nous apprend qu'après avoir servi aux
usages des peuples païens, le <c suaire » nous a été transmis
par le Christianisme, comme un objet pieux destiné à
recueillir et à renfermer ce qu'il y a de plus précieux dans
l'Eglise, après la Sainte Eucharistie : les ossements vénérés
de nos saints. Toujours, dans tous les temps, et sous toutes
les latitudes, les Anciens ont entouré la dépouille de leurs
morts avec un soin extrême* Et la magnificence qu'ils
déployèrent, souvent, dans les ensevelissements nous est
signalée par les auteurs contemporains.
Le Christianisme ne pouvait donc pas rester indifférent à
cette pieuse coutume, bien propre à relever le caractère sacré
de gloire et d'immortalité qu'il reconnaissait aux restes
vénérables de ses martyrs. N'est-il pas écrit que « ceux qui
« meurent dans la paix de Jésus-Christ, ne cessent pas de
« vivre; car^ quoiqu'ils meurent au monde selon le corps ^
« néanmoins^ selon rame ils revivent en Dieu » (i).
D'après le Pontifical romain, le pape Eutychien (2) ordonna
de revêtir d'une belle dalmatique tous les corps des martyrs.
Dans la « Vie de saint Pacôme »j il est raconté que tous les
Pères du désert étaient ensevelis avec beaucoup de richesse.
Surius (3) nous apprend que Cléopâtre, dame égyptienne,
revêtit de précieux habits le corps de saint Maximin, martyr.
Eusèbe (4) rapporte également qu'Astérie, sénateur romain,
fit rechercher les restes de l'illustre capitaine Marin,
martyrisé en Palestine, pour les ensevelir avec magnificence.
Saint Grégoire de Nysse (5) reconnaît avoir enveloppé dans
(1) DuKANT. De rit. eccl. lib., VII, c. 35.
(3) Saint Hotychien, pape àt 375 à 383. L'hérésiarque Manét parut tout son pontificat.
(3) Laurent Surius, chartreux, né à Lubeck en i533, mort en 1578, a laissé des ouTrages
très estimés.
(4) Eusèbe (367-338), évèque de Césarée ; un des hommes les plus érudits et les plus
éloquents de son siècle, surnommé le « Père de V histoire ecclésiastique ».
(5) Saint Grégoire de Nysse, Père de l'Eglise grecque (333-396).
l88 CHAPITRE XI
de magnifiques étoffes le corps de Macrine, sa sœur, morte
dans un monastère.
La découverte, faite en 1458, d'un remarquable tombeau,
dans la chapelle Sainte-Pétronille, à Rome, mit au jour deux
cercueils de cyprès couverts de lames d'argent, et ornés du
signe de la croix. Chacun de ces deux cercueils contenait un
corps revêtu d*habits d'or si riche, qu'on estime au poids
de quatre-vingts livres d'argent et seize d'or, le métal qu'on
en retira.
Dans le superbe tombeau de marbre de l'impératrice
Marie, épouse d'Honorius (i), découvert sous le pape
Paul III (2), on trouva, au milieu de plusieurs vases de
cristal et d'agate, une infinité de bijoux rares et de si
riches étoffes, qu'elles accusèrent le poids d'environ quarante
livres d'or.
Nombreux sont les exemples que nous pourrions encore
citer, pour montrer avec quel luxe d'étoffe on enve-
loppait les restes sacrés des saints, aux premiers siècles de
l'Eglise.
Les deux suivants termineront ce paragraphe. Le premier
est celui du célèbre suaire de saint Victor conservé à Sens.
M. de Linas le croit d'origine byzantine, et du vi° siècle.
Ce précieux tissu est décoré de médaillons ovales, dans
lesquels est figuré un mystérieux personnage aux prises avec
des lions.
Le second est celui du suaire de saint Germain, dans
l'église de Saint-Eusèbe, à Auxerre. Cette belle étoffe ornée
d'aigles aux ailes éployées, alternés avec des rosaces, aurait
été donnée, d'après la tradition, par l'impératrice Placidie (3)
(i) Honorius (Flavius), empereur d'Occident (395-423).
(a) Paul I([, pape de i534 à 1549.
(3) Fille de Théodose le Grand, épouse de l'empereur Constance, goaveraa l'empire
4'Occident (388-45o).
LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT 1 89
pour couvrir le corps de saint Germain transféré de Ravenne,
au v' siècle (i).
Après avoir parcouru les détails que nous venons de lui
donner et s'être bien pénétré des notes historiques sur le
« suaire », notes insérées aux pièces justificatives sous le
n** 14, le lecteur ne trouvera donc pas étrange qu'au moment
de leur translation solennelle dTzeron au prieuré de Saint-
André-les-Olmes, les reliques de nos saints aient été déposées
dans l'étoffe de soie et d'or dont est faite, aujourd'hui, notre
célèbre chasuble.
Et maintenant, nous allons essayer de lui montrer que le
riche tissu du comte Guillaume n'était point une simple pièce
d'étoffe sans forme déterminée, quand il l'offrit pour enve-
lopper nos saintes reliques, mais que c'était un vêtement civil
à son usage personnel.
LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT
FUT UN VÊTEMENT CIVIL
AVANT d'Être transformée en vêtement sacerdotal
Quelle pouvait bien être la forme du vêtement que le
dévot comte de Forez tira de ses armoires pour y renfermer,
comme dans une sorte de châsse provisoire, les reliques
(1) Le catalogue du riche musée de Cluny conserve encore :
« Un fragment du suaire de saint Berthuin, mort en 696, fondateur de l'abbaye de
Malonne (pays de Liège). Tissu de soie à fond d'or relevé d'animaux chimériques et
d'oiseaux en or. »
« Un autre fragment du suaire trouvé dans la chftsse de saint Florent, à Saint-Florent-
lès-Saumnr (Maine-et-Loire) : étoffe de soie disposée par petites bandes ornées de feuillages
et d'animaux chimériques. »
« Tissu du XII' siècle, bleu et or quadrillé, avec étoiles et rosaces alternées. Ce tissa
renfermait des reliques, et a été fabriqué en Orient. »
t Tissu fait à Constantinople au xii* siècle, et ayant servi A envelopper, au temps des
Croisades, les reliques rapportées à Cologne. »
• Un fragment de Fétoffe dans laquelle les restes de saint Bénigne ont été rassemblés
par Hugues d'Arc, le 19 octobre 1388. w
\gO CHAPITRE XI
qu'il eut la joie d'abriter, quelque temps, dans sa demeure
seigneuriale ?
Etait-ce le « sagum » romain, le « sayon » gaulois, petit
manteau qui s'attachait sur la poitrine ou sur l'épaule, ou
bien la « caracalle », cet autre
manteau que l'on portait en Gaule,
et que les Romains portèrent aussi,
sous le nom de v lacemula » ?
Etait-ce la vulgaire a chlaine »
manteau formé d'une simple cou-
verture d'étoffe grossière, ou bien
était-ce la « chlamyde », ce vête-
ment des Grecs et des Romains,
' plus tard des Francs, fait d'une
ample étoffe retenue, sur l'épaule
droite, par une agrafe de métal ?
Etait-ce la « togt » romaine,
robe demi-circulaire sans manches,
rejetée sur l'épauie gauche en plis
élégants, ou bien le « pallium n,
cette grande draperie rectangu-
laire que les Grecs et les Romains
no. 3» portaient, sur les épaules, repliée
avec art, sans le secours d'aucune
agrafe ?
Etait-ce enfin le « birrus » coupé
en forme de mante à grand capu-
chon, ou bien était-ce la <c pénule »,
sorte de manteau entièrement fermé et allongé en pointe,
devant et derrière, et ne comportant qu'une ouverture pour
passer la tête (i) ?
Notre opinion est que le riche vêtement du comte de Forez,
de l'EgUie
(i)Vair ÉUi pitcc» juttiGotivt.
LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT \Ç)l
n'appartenait à aucune de ces sortes de vêtements que les
premiers siècles de l'ère chrétienne et le moyen âge conser-
vèrent, en les modifiant et en les qualifiant de noms
particuliers. Mais nous croyons que le vêtement médiéval
dans lequel le comte Guillaume enferma nos vénérables
reliques était « Vantique lacerne i>, devenue au moyen âge la
ai chape » ou « gonnelle » (i).
Voici, du reste, la description de l'antique « lacerne » et
celle de la <c chape » qui en est un dérivé, et que l'on portait
au moyen âge.
La a lacerne » des Romains était un manteau d'étoffe
grossière muni d'un capuchon, et généralement ouvert sur
la poitrine. Le peuple et les soldats le portaient pour se
garantir de la pluie et du froid. Quelques nobles patriciens
s'en revêtaient, aussi, durant les jours d'été. Mais alors,
c'était une mante confectionnée avec une riche étoffe de
belle couleur. Au résumé, la « lacerne » était une sorte de
c( caracalle », dont l'usage remonte à la fin de la République
romaine (2).
Quant à la « chape » ou antique c< lacerne », c'était un
vêtement exactement rond. Ouvert, à l'origine, par devant,
il était exceptionnellement retenu par une bande transversale
richement brodée (3). •
Or, un examen très approfondi de la chasuble de Saint-
Rambert nous a révélé, malgré son état de détérioration, par
suite d'un usage plus de huit fois séculaire, des marques
visibles d'un service absolument étranger à celui du culte
divin ; nous voulons dire, des marques d'un service tout
(i) La chape était un vêtement de cérémonie dont on se servait même pour les sacres de
rois; tandis que la gonnelle qui lai ressemblait, parla forme, s'en distinguait par son usage
vulgaire.
(3) Martène. 14. n. 141 et alibi.
(3) Nous avons un exemple de la • chape • dans le manteau impérial du sacre de
Charlemagne.
19^ CHAPITRE XI
profane. Poursuivant encore nos minutieuses investigations,
nous avons découvert, sur cet ornement sacerdotal, la coupe
d'un ancien vêtement laïque.
Le comte Guillaume était pieux, et il était généreux aussi ;
par conséquent qu'y aurait-il d'invraisemblable dans le don
d'un de ses riches vêtements personnels, pour en envelopper
des reliques qui lui étaient chères ? Est-ce que saint Martin
ne partagea pas son manteau pour couvrir la nudité du
pauvre d'Amiens ? Oui, à n'en pas douter, notre fameuse
chasuble de Saint-Rambert fut à l'origine l'antique « lacerne »
des Romains, portée au moyen âge sous le nom de « chape ».
L'usage en était tout profane, nous le répétons. Il n'est certes
pas besoin d'un œil bien exercé pour retrouver, sur cet
ornement sacerdotal, la coupe de l'ancien vêtement laïque.
La simple inspection des diverses pièces rapportées après
coup, au bas de l'étoffe, a suffi pour nous convaincre qu'elles
ne sont point le fait d'une simple réparation, mais bien la
conséquence naturelle d'une transformation.
Il serait, en effet, difficile d'admettre qu'un vêtement
aussi riche ait été, au moment de sa confection, si mala-
droitement coupé, qu'on ait cru nécessaire, l'instant d'après,
de lui ajuster quelques morceaux de la même étoffe, pour
lui donner la forme régul?ère des chasubles de l'époque
(xi* siècle).
Et dans Thypothèse d'un raccommodage nécessaire et
postérieur à la transformation du vêtement civil en vêtement
sacerdotal, où aurait-on trouvé des pièces d'étoffe conformes au
tissu de la chasuble ? — On ne peut pas objecter qu'à l'heure de
la confection de la chasuble, l'ouvrier en avait mis en réserve,
parce qu'alors nous répondrions ; — Pourquoi les pièces
ajoutées à l'aiguille sont-elles si disparates et rapportées
à la suite du reste de l'étoflFe, d'une façon si irrégulière que les
dessins du gros de Pœuvre ne concordent nullement avec ceux
LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT IQS
des pièces — (i) ? Ou bien, après la transformation de la
a chape j> en chasuble, plusieurs morceaux d'étoffe restaient
encore ; alors, l'ouvrier les réserva pour que le raccommo-
dage se fit, plus tard, d'une façon régulière et convenable. —
Ou bien, l'étoffe du vêtement laïque n'offrait, à l'ouvrier,
que la quantité d'étoffe strictement nécessaire pour une
transformation, et, alors, il fut obligé de tailler dans ce vête-
ment de telle manière que les morceaux d'étoffe supprimés
dans la a chape » servissent à compléter ceux qui manquaient
à la coupe de la chasuble.
Au résumé, la chape et la chasuble ayant chacune une
forme dififérente, on comprend que l'ouvrier chargé de la trans-
formation du premier de ces deux vêtements se soit trouvé
dans la nécessité de parfaire la forme de son œuvre par
des ajustages. Du reste, un œil exercé peut parfaitement
suivre, sur la ligne des parties ajoutées, les traces d'une
coupe de chape ou gonnelle. Cette ligne est très apparente,
bien que sur les côtés elle ait inévitablement été inter-
rompue par la nécessité d'en retrancher quelques parties,
autant pour préparer la forme de la nouvelle chasuble que
pour en prolonger les extrémités arrondies. Nous le répétons,
c'est certainement à la préexistence d'un vêtement ayant sa
forme particulière, qu'il faut attribuer la multiplicité des
morceaux anguleux, dont le raccord nous paraît avoir été
difficile, si difficile même, que les lignes dessinées sur l'étoffe
n'ont pu, en aucun endroit de l'ajustage, se rencontrer.
Et cette manière d'expliquer la transformation d'un
vêtement du comte Guillaume, appelé chape ou gonnelle, en
la chasuble merveilleuse, nous paraît d'autant plus vraisem-
blable que, par un travail de patience possible, il serait facile
(i) Si le travail de raccommodage ou de réparation avait été fait postérieurament à la
confection de la chasuble elle-même, et parce que l'ouvrier aurait mis en réserve certaina
morceaux de la même étoffe, ils nous paraîtraient, aujourd'hui, moins uses et moins
détériorés que l'ensemble du vêtement. Or, les parties rapportées portent absolument les
mêmes traces de vétusté que le corps de la chasuble.
13
194 CÎHÀPITRE tl
avec un relevé des douze morceaux d'étoffe ajoutés, et un
raccord des sujets d'ornementation, de reconstituer non seule-
ment l'ensemble de la décoration, mais encore les lignes du
vêtement primitif.
Bien plus, la présence dissimulée, sur les côtés, de deux
ouvertures verticales, de o™,3o cent, de développement, depuis
longtemps inutiles, et fermées par une couture qui produit sur
l'étoffe un étranglement anormal et disgracieux, nous paraît
si inexplicable que nous n'essayerons même pas de la justifier.
La suppression de ces ouvertures longitudinales que l'on
constate, à hauteur de bras^ dans les pénules antiques, ne
saurait s'expliquer, ici, que par l'intention qu'a eue l'ouvrier
d'ôter, au vêtement transformé, tout caractère profane. Et cela
est si vrai, que pour cacher le mauvais effet signalé plus
haut, il a eu grand soin de les rejeter un peu en arrière de
la ligne latérale que doivent suivre les bras. Ce qui autorise
à croire que l'ouvrier a retourné le vêtement en le trans-
formant.
La bande qui décore notre belle chasuble, sur ses
deux faces pectorale et dorsale, est cousue sur ses deux
côtés et dans le sens de sa longueur, au reste de l'étoffe
formant l'ampleur du vêtement. Elle n'était point assez
longue pour atteindre le bas de la chasuble. Alors, Touvrier
n'ayant plus à sa disposition d'autres morceaux de cette
même bande, a pris dix-huit centimètres de Tétoffe du fond
qui dessine les compartiments du vêtement, pour les y
ajouter et prolonger ainsi, par devant, ladite bande centrale.
Par derrière, un morceau de la même riche bande de vingt-
trois centimètres a été ajouté, aussi, pour en compléter la
longueur normale.
Enfin, — et c'est là une autre preuve que la bande centrale
a appartenu à un vêtement civil qu'elle ornait, — c'est que
par sa disposition sur la chasuble elle ne saurait être
considérée comme un « pallium » liturgique. Elle ne don-
La chasuble de saint-rambert 19^
nerait pas même l'idée du « pallium » le plus primitif; car
elle n'en offre ni la disposition, ni aucun des signes distinctifs
remarqués sur les monuments anciens (i).
Tous ces détails établissent suffisamment l'inversion d'un
premier vêtement, et sa conversion en celui qui depuis huit
siècles fait l'objet de l'admiration de tous les visiteurs (2).
I IV
DÉCORATION DE LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT
La décoration de notre célèbre chasuble porte un
caractère essentiellement profane, détail qui se rencontre
assez rarement dans les anciens vêtements sacerdotaux. Et
lorsque l'ornementation profane y apparaît, elle n'est
composée, alors, qu'avec des emblèmes héraldiques qui ne
sauraient remonter au-delà des Croisades, époque où Tart et
la science du blason prirent naissance.
Le fond de l'étoffe de soie tissée d'or, mais non brodée,
est d'une richesse inouïe. Malgré son état actuel de vétusté,
on peut encore en deviner la couleur rosée, presque éteinte
il est vrai, mais que certains reflets rose cuivré nous
autorisent à qualifier ainsi. La bande centrale montre, il
nous semble, deux couleurs dans le sens de sa longueur.
Tune rosée, l'autre violâtre. Et c'est sur ces couleurs que
se détachent les dessins en filigranes d'or.
La disposition de ces dessins est aussi originale qu'ingé-
nieuse. Sur les deux faces antérieure et postérieure, et de
chaque côté de la bande médiale, sont distribués des
compartiments étages en chevrons.
(1) Le « pallium > des évoques se divisait en deux bandes sur les épaules, et portait de
petites croix.
(a) La chasuble de Saint-Rainbert a été classée comme monument historique par un
arrêté da Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, daté du 3i mai 1897.
196 CriAPltRE XI
Au milieu de ces compartiments, sont alternées et dessinées
avec des fils d'or, des figures de lions et de faucons affrontés.
Par une disposition inévitable de l'étoffe, le revers de la
chasuble montre les dessins dans un sens horizontal, tandis
que la partie antérieure les présente sur une ligne verticale (i).
La grande beauté du tissu laisse deviner combien était
somptueux le vêtement du seigneur d'Yzeron, et justifie
avantageusement l'hypothèse de la générosité et la piété du
comte Guillaume, qui ne craint pas de se dépouiller d'un
vêtement de grand prix, pour en envelopper les reliques saintes
des bienheureux Rambert et Domitien.
En insistant sur le style profane de la superbe étoffe avec
laquelle a été confectionnée notre célèbre chasuble, nous
devons signaler l'erreur commise par quelques savants, à la
suite de M. l'abbé Boue (2). Ils ont cru reconnaître un symbo-
lisme chrétien dans les animaux décoratifs de cet ornement du
XI* siècle. Notre conviction est que, n'ayant eu que quelques
instants à leur disposition l'œuvre d'art que nous avons le
bonheur d'avoir constamment sous les yeux, ils n'ont pu en
faire qu'une étude vague et rapide. Ils ont pris pour une
colombe ce qui en réalité est un faucon, ou tout au moins un
oiseau de proie et de chasse de la famille du faucon (3). Il suffit
d'ailleurs pour se convaincre du fait, d'observer la forme
naturelle de la colombe et de la comparer avec la forme de
l'oiseau dessiné sur notre chasuble. La colombe a la tête ronde,
les yeux petits et doux, le bec long et terminé en pointe. Le
faucon, au contraire, porte une tête allongée et aplatie au
sommet; son bec est court, fort, crochu ; ses yeux grands et
farouches ; ses pattes ne sont point délicates et inoffensives
(i) La chasuble est donc formée de deux parties que la bande relie, devant et derrière.
(3) M. l'abbé Bous dans sa Notice sur une chasuble de Saint-Rambert'Sur'Loire, 1844,
page 14.
<3) Par exemple l'émerillon» l'àpervier, le miiafl.
LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT I97
comme celles de la colombe, mais fortes et armées des griffes
qui distinguent les oiseaux de proie.
Du reste, que le lecteur veuille bien prendre la peine
d'étudier le tableau comparatif de Tart ancien que nous lui
donnons (Fig. 3 i), et il sera vite convaincu que notre chasuble
précieuse est chargée de faucons affrontés. Pour quiconque
a quelques notions d'ornithologie, il n'y a pas de doute
possible.
Et, si Ton retient que cette belle étoffe était fabriquée pour
vêtement civil, la présence d'un faucon comme « emblème
spécial de personnes nobles », s'explique tout naturellement
par la faveur en laquelle les seigneurs, au moyen âge,
tenaient cet oiseau privilégié, qu'ils dressaient pour la
chasse.
€ Le beau faucon d'Orient prend son estre,
€ Ayant bec court, plume subtile et forte ;
« Pour la beauté qu'en son corps on voit estre,
« Dessus le poing maintefoys on le porte ;
« Quand il combat contre la grue ou Toye,
« Légier au vol, courageux à la proye,
« Toujours se monstre.... (i) »
Plus encore, si avec M. de Linas(2)nous admettons que le
tissu de notre chasuble est un tissu oriental, la présence du
lion et du faucon, dont le symbolisme est aussi celui de la
religion musulmane, n'auront, ici, rien qui nous surprenne.
Le Coran, il est vrai, interdit aux Arabes la représentation
de la figure humaine et de toute autre créature animée, et
voilà ce qui explique l'art prodigieux avec lequel ils se sont
exercés à composer cette admirable ornementation désignée
sous le nom d'arabesques. Cependant, on trouve chez eux
quelques exemples de figures animales, sous la forme bizarre
(i) Extrait d'un poème du xv« siècle publié par D. M. Méon, dans son ouvrage in-8*,8ur
les « Blasons et Poésies anciennes ■. Paris 1807.
(s) Voir notre note de la page 183, paragraphe I.
TABLEAU COMPARATIF DE LART ANCIEN
A., B. — La Colombe et le Milan. Fac-simit(
C. — Ciboire informe de colombe. coBiciyi
D. — Perroquet. Tir* d'un* ornementation a
E. — ColofHlie tuiharisliqut, conservée a S>
F. — Figure d'aigle du suaire de Saial~Uei
G. H. — le Lion et le Faucon, Fraotnenli
Ui- iiicle).
atifs de la chasuble de Salai-Rtmbcn
LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT 100
d*ua assemblage de caractères, dont le symbolisme religieux
se révèle et se traduit en invocations^ en devises ou en
sentences.
C'est ainsi que le faucon si apprécié des Orientaux, pour
la chasse, a été trouvé en figure calligraphique composée
avec les lettres arabes, formant le texte de l'invocation
musulmane : — « Bism, illah el-rahman el*rahim »• — Au
nom de Dieu clément et miséricordieux (i).
« Les Arabes, pour justifier leur dévotion à cette formule,
« rapportent que lorsqu'elle descendit pour la première fois
ff du ciel, toute la nature fut attentive, que les anges rebelles
« quittèrent le ciel, et que l'Eternel jura dans sa toute-
« puissance que, quiconque répéterait ces paroles serait
« heureux en cette vie et en l'autre... (2) »
Le lion apparaît aussi, d'après une légende arabe, comme
étant l'image du Kalife Ali-Açad-Allah (Lion de Dieu), le
gendre présumé et le quatrième successeur de Mahomet, que
ses anciens coreligionnaires croyaient avoir été destiné, par
Dieu, pour prêcher l'islamisme.
Mais il y a mieux encore, et c'est sur la riche bande qui
orne notre chasuble qu'il faut, au milieu d'entrelacs aussi
élégants que variés, chercher le sens énigmatique caché dans
la suite des caractères arabes qu'elle renferme. Ces caractères
qu'on peut voir au n"" i de la Fig. 32 avaient, jusqu'à ce
jour, échappé à l'examen de la plupart de ceux qui ont eu la
bonne fortune de voir de près notre remarquable chasuble,
et n'en ont fait qu'une étude sommaire (3). Mais nous
qui avons ce précieux objet à notre disposition, nous en avons
(i) Voir It F16. 33, n*' 3 et 4. Si lei Arabes représentent les criât ares animées sous forme
de signes ou d'inscriptions, c'est pour se conformer aux lois du Coran.
(2) Extrait d'un article du Magasin pittoresque.
(3) Le Congrès Archéologique de France reconnaissait, en i885| des caractères d'appa-
rence arabe, sur notre cl)asuble*
La bindc longiludinBU dcl'i
- iDKriplioa inbe.
Touloqu: teïti
parfaite. D'à prit
un titsu du m* siècle, diDs le tréior de Saint-SernÏD, ï
traduclion : ELBARAKA-T-EL-K AMILA - Bénédiction
>[ CxvuoiiT iAUcidaire •TArcMalogii. pageSes).
Ali. nommé AÇAI)-ALT,AH, ou Lion de Dieu, composée
■ Intoque Ali, objei des plus grandes merreillit; tu le
les malheurs. Oui, tous les maui cl loules les peinnacroni
la prophéiic, à MOHAMMED ! ainsi que par ta puitsante
.11
, 3. 4, extraits da Magasin Pillores^ue, 1847, page 157.)
LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT 201
étudié, scrupuleusement pendant de longues heures, et les fils
de soie et d'or qui en composent le tissu, et l'ordonnance du
décor, et le détail de l'ornementation, et le sens des énigmes
que cache la disposition de son admirable dessin. C'est
pourquoi, nous nous faisons un devoir de les signaler aux
savants orientalistes, tout en leur laissant le soin d'en faire
l'intéressante traduction (Voir aux piècesjustificativesn® ibbis).
Nous le répétons, la bande médiate qui divise en deux
parties égales, du haut en bas, et sur les deux faces antérieure
et postérieure, la chasuble de Saint-Rambert, montre
deux inscriptions ; or ces inscriptions, par une singulière
combinaison familière aux artistes arabes, ne sont, selon
toute probabilité, autre chose que des sentences ou invo-
cations religieuses, à Tinstar de celle dont nous donnons
le dessin, au w® 2 de la figure 32. Ces inscriptions se
reproduisent tour à tour, par inversion et régulièrement en
face, au regard de chaque compartiment sur les deux côtés
de la largeur, et dans toute la longueur de la bande. La
forme spéciale des caractères disposés, séparément, dans
chacun des compartiments formés par les entrelacs est à
remarquer, surtout si l'on se rappelle l'habitude des Arabes
de modifier quelquefois leur alphabet, de façon à le rendre
mystérieux, et à voiler ainsi le sens de leur écriture.
D'ailleurs, nous terons observer que nous sommes appa-
remment en présence d'une inscription sarrasine, dont les
caractères et le sens se rapportent, peut-être, à un idiome
oublié aujourd'hui.
En effet, il paraît évident qu'il faut rapporter aux Sarrasins
la fabrication de la précieuse étoffe de la chasuble de
Saint-Rambert (i). Son tissu, son décor, rappellent abso-
(i) Les collections du musée de Clany, toujours intéressantes à consulter, renferment de
remarquables spécimens de tissus fabriqués par les Sarrasins. Nous pensons intéresser le
lecteur en lui citant, d'après le catalogue, quelques exemples curieux :
« Tissa de soie à deux taccs, exécuté soit en Sicile, soit en Kspagne. par la main des
202 CHAPITRE XI
lument Tart mauresque que les Arabes immortalisèrent, après
la conquête d'Espagne, dans ces admirables mosquées qui
font, aujourd'hui encore, l'objet de notre étonnement. C'est à
la suite de leur invasion dans le reste de l'Europe, vers le
vil" siècle, que les Sarrasins paraissent avoir abandonné
l'industrie textile, que la Sicile propagea à son tour jusqu'au
XIII* siècle.
La réputation des riches tissUs fabriqués autrefois à
Palerme, nous rappelle encore aujourd'hui toutes les
merveilles de cette industrie célèbre, où l'art arabe s'épanouit
dans toute sa traditionnelle splendeur, art merveilleux que
l'Italie avec ses beaux draps de Lucques, et Venise avec ses
draps d'or, égalèrent peut-être, mais ne surpassèrent jamais.
IV
LA c PÉNULE » ANTIQUE DES LAÏQUES
SERVIT DE MOoàLE AIT XI* SIECLE
POUR CONFECTIONNER LA CHASUBLE ACTUELLE DITE « DE SAINT-RAMBERT B
La a pénule » dans sa forme première était celle d'un
manteau entièrement fermé et allongé, devant et derrière, par
une légère pointe, avons-nous dit au paragraphe III de ce
Sarrasins. Ouvrage du xiii* siècle formant un damier dont les cases sont décorées
d'animaux chimériques et d'ornements divers. »
■ Tissu de lin, brodé en soies de couleurs, provenant de l'abbaye de Saint-Martin-du-
Canigou, et reproduisant des caractères arabes. •
« Tissu de soie, d'origine orientale orné de lettres, d'entrelacs et d'ornements
courants à double face. »
« Tissu de soie d'origine sarrasine, fabriqué en Sicile et probablement à Palerme, au
xiit* siècle, et décoré de médaillons et de perroquets en couleurs. »
m Tissu de soie, industrie sarrasine des fabriques de Sicile à la fin du xiii* siècle. La
bordure la plus large présente des chiens et des cygnes, comme motif principal d'orne-
mentation. »
c Tissu de soie couvert d'arabesques et d'animaux avec bordure ornée de
médaillons et d'inscriptions dans le caractère arabe. Ouvrage de l'industrie sarrasine du
XIII* au XIV* siècle. •
« Tissu de soie d'origine sarrasine, fabriqué à Palerme au xvn siècle ; figures de femmes
relevées d'or, lions et palmiers. «
LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT 2o3
chapitre. Elle ne comportait qu'une ouverture supérieure
suffisamment grande pour laisser passer la tête. Tertullien (i)
attribue aux Lacédémoniens l'origine de ce vêtement, dont
l'emploi était spécialement réservé contre les rigueurs de
l'hiver.
Les Gaulois connaissaient la « pénule » ; ils en mo-
difièrent un peu la forme et l'appelèrent d'un autre
nom (2). Les Romains en l'adoptant sous les noms de
« penula » ou « penola », lui conservèrent sa forme
première.
Saint Pierre et saint Paul étaient ordinairement vêtus
de la « pénule », dans leurs nombreux voyages. Faite
avec une laine grossière, elle était quelquefois en cuir
« scortea » (3).
Ce ne fut que sous le règne de Dioclétien qu'elle se
répandit dans toutes les hautes classes de la société, et
devint un vêtement de distinction (4). Ce vêtement, très
en faveur dans la société civile de Rome, fut cependant
accepté par les clercs ecclésiastiques et devint bientôt, ainsi
que nous allons le voir, le principe fondamental de la
première chasuble.
La pénule antique des laïques, mise au service des clercs,
(I) Apolog. VI.
(3) Ils faisaient ainsi, pour la plupart des vêtements de ce genre, à leur usage.
(3) Ce qui la rendait très lourde, et en fit défendre l'usage aux femmes, par Sévère
Alexandre. (Lampride.)
(4) Décorée avec beaucoup de magnificence, ses proportions devinrent plus amples, ce
qui la fit appeler « planète » parce que, descendant jusqu'aux pieds, elle enveloppait
complètement celui qui s'en revêtait. C'est dans cette disposition nouvelle que les sénateurs
l'acceptèrent, de préférence à la toge. Exemple que les autres Romains «'empressèrent
bientôt de suivre, en l'ornant de riches broderies. Par une loi de Gratien, Valentinien et
Théodose (383), son usage fut reconnu aux chefs militaires. « Mais en même temps» cette loi
« dispose qu'à celles des sénateurs seront cousues des bandes de pourpre. Il paraît que, pour
< plus grande commodité, on y pratiqua, à une certaine époque* deux ouvertures latérales
« pour passer les bras. » (Abbé Maaticny. Dict. des Antiq. chrét., p. 537.) Ce détail a été
observé sur deux statues antiques du Capitole et de la villa Borghèse.
204
CHAPITRE XI
a toujours été regardée comme l'origine de la chasuble
primitive (i).
La chasuble primitive, en effet, d'après tous les liturgistes
qui se sont occupés des vêtements sa-
cerdotaux, était fermée de toutes parts,
ne comportait, à l'instar de la pénule,
qu'une ouverture dans sa partie supé-
rieure, assez grande pour que la tête
du prêtre y pût passer facilement, et
retombait jusqu'à terre tout autour de
lui.
La forme toute spéciale de la
chasuble primitive (Fm. 33), de ne
comporter qu'une ouverture et d'en-
velopper le prêtre, la fit appeler
« casula », parce que, suivant l'opi-
nion de saint Isidore de Séville, elle
était l'image d'une petite maison dans
laquelle était enfermé le prêtre qui la
revêtait (a).
SAINT LÉcGR On t'appela aussi « planète », parce
'^ h ''^"''°*î • - que ses bords flottaient librement autour
du prêtre {3).
La chasuble remonte à une très
haute antiquité, et avec plusieurs graves
c Hoh«mbourg.
le saint Ugtr.
PP. Ben«diclins
lé : De sacris ordin,
iublcs. Il qu'elle* ne
" mage», el enire
s. T>cil(
I. pluie,
ur. (BouÉ.
eioqueniiic penui» mas, quiDUt aasincii ei veiuu inciusi cum ludicibus fabu
Notice SUT une chasuble, 1S44, p. 5.)
(il Casula quasi minor caaa, eo quod lotuni hominem légal. {Uv. des Origines, XIX,
13) P
XIX, chap.XXlV.)
B dicta quod
r. Saiat Isidore, Lly. des Origine
LA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT 2o5
écrivains (i), nous ne craignons pas d'avancer que ce
vêtement est apostolique, et que les apôtres, par respect
pour l'auguste sacrifice eucharistique, à l'exemple des
prêtres juifs, se servirent de vêtements particuliers et
consacrés spécialement à l'usage de la célébration des saints
mystères (2).
Nous savons que saint Jean, saint Jacques le Mineur et
saint Marc, afin d'inspirer aux chrétiens plus de respect pour
le grand sacrifice de la nouvelle loi, portaient sur le front une
lame d'or, qu'ils avaient empruntée aux grands -prêtres
juifs. Mais alors, on peut croire que, pour le même motif,
les apôtres adoptèrent des vêtements sacrés. Aussi bien, les
auteurs par nous cités, pensent-ils que la chasuble primitive
n'est autre que la pénule laissée par l'apôtre saint Paul à
Troade chez Carpus, et qu'il écrivait à son cher disciple
Timothée de lui apporter avec quelques livres (3). C'e^
l'opinion de Ferrari (4). Du reste, il semble tout naturel que
les successeurs des apôtres, par respect pour l'Apôtre des
nations, aient voulu adopter sa pénule comme modèle de
celles dont ils se servaient pour l'oblation du sacrifice. Le
savant Buonarrotus s'exprime ainsi à propos de fragments
de verre représentant les saints apôtres Pierre et Paul et saint
Laurent vêtus de chasubles : « Les planètes ecclésiastiques
ont tiré leur origine des pénules romaines (5). »
(i) Barooios, Anno Chriiti, 58, ham. 67. — Ferrariat. De re vesriarift, lib. I, cap. IL —
Rabanus Maanis. De Institatione cler, lib. I,cap. H. — Bona, Rerum liturg.Aib.l, cap. XXIV,
t. a. p. 935.
(a) La liturgie de saint Jean Chrysostôme prescrit les prières que doit réciter le prêtre qui
revêt les « habits sacerdotaux >». Saint Jérdme assure que l'Eglise a des Têtenieau spéciauk
pour les cérémonies religieuses : Religio divina atterum habitum habet in ministerio altenim
in nafi vitftque communi. Sur Ezéchiel, 44*
(3) Deuxième épit. à Timothée, chap. III. v. i3.
(4) Sed postquam non una penulse imago in manu s venit, mntare opinionem cogimiir,
▼estemque sacrificantium penulam fuisse fatemur.
(5) Planetas ecclcsiasticas, scu casolas originem habuisse ab his nobitibus penulis.
(BoMA, inf., t. a, p. a37«)
Nous n'avons pas des représentations de chasuble des
II* et m* siècles. Au iv' siècle, on la voit dessinée dans les
mosaïques de Sainl-Jean-de-Latran. Ces mosaïques, relevées
parCiampinus dans ses n Edifices sacrés bâtis par Cons-
tantin », nous montrent, dans la scène du sacre de l'empereur
chrétien, un
évêque cou -
, vert d'un vê-
tement qui
l'enveloppe
tout entier, et
dont il relève
l'extrémitéin-
férieure, pour
pouvoir por-
ter une croix
qu'il tient éle-
vée. Ce vête-
ment ne peut
"■ être que iapé-
^ ""■ ^* g nule romaine
ou chasuble
A — Saint Maxlmiea, «Ttqoc, rcvtni de 1i • caiula ■ (cbuabli anri
prlmitiït). Sur uae moulqtie du vi- ilèclc, 1 S«int-Viui, de «""qUC-
lUvcnDC. Dtprèi Dominiqu. P.ptly. j^y y. gj^,
•c la chasuNt primilire. Tiret -l- l, rhasu-
itaut Birbcrini. '
ble est nom-
mée, dans les objets légués à son Eglise, par saint Per-
petuus, évêque de Tours (474). Comme vêtement sacré,
la chasuble reçut des embellissements spéciaux, mais
ne perdit rien de son caractère dîstinctif. Elle conserva,
pendant longtemps, sa vaste ampleur et devint « lalarîs »
par les deux pointes qui descendaient devant et derrière,
jusqu'aux pieds. Cette forme était encore celle des cha-
subles du vi' siècle, ainsi qu'en témoigne une célèbre
La chasuble dk saint-rambert 20^
mosaïque de saint Apollinaire, de Ravenne, publiée par
Ciampinus (i).
Nous donnons la figure de saint Maximien vêtu de la
chasuble primitive. Cette figure est tirée de l'une des
deux précieuses mosaïques du vi* siècle de l'église Saint-
Vital, de Ravenne. Cette curieuse mosaïque représente
l'empereur Justinien, accompagné du saint évêque, précédés
de prêtres chargés de riches présents, et suivis par un
cortège de guerriers, procédant à la dédicace de cette antique
basilique.
Au x' et au xi* siècle, les chasubles, sauf de très rares
exceptions (2), gardaient encore leur forme primitive, et c'est
sur cette forme respectable que fut coupée notre précieuse
chasuble de saint Rambert, vers la fin du xi* siècle. La
monographie que nous avons faite de ce remarquable vête-
ment sacré est une preuve irréfutable de ce que nous
affirmons. Les chasubles primitives ne se retrouvent plus que
dans les représentations qui en ont été faites d'après des
monuments conservés. Mais il existe encore un certain
nombre de chasubles célèbres autant par leur antiquité que
par la richesse de leur décor, qui avec celle de Saint«Ramben
sont dignes d'admiration (3).
(I) Vet. mon. Il.tab. XXIV.
••
(a) La chaiable du Pape Jean XII en 956, gravée par Ciampinus, est écbancrée. — De
sacris œdificiis, 7* planche.
(3) Au nombre des rares spécimens qui se soient conserrés jusqu'à ce jour, on peut
compter la chasuble de saint Pierre, martyr, conservée dans la basilique de Saint-Satumin
à Toulouse, et dont l'étoffe se fait remarquer par son extrême simplicité. Dans la même
basilique en est conservée une autre, que l'on attribue à saint Dominique, mais que les
PP. Cahier et Martin, qui l'ont examinée, estiment être postérieure au xiir siècle, et dont
le tissu passe, cependant, pour avoir été fabriqué en Orient.
La curieuse chasuble de Thomas Becquet (saint Thomas de Cantorbéry), conservée à Sens.
Bordée sur tout son pourtour, elle présente à la partie inférieure et dans le haut de sa face
principale, un assemblage symétrique de galons qu'il serait assez difficile de prendre pour
une iigure du pallium. L'ouverture pour passer la tète est entourée, sur les épaules et sur
la poitrine principalement, d'une riche décoration d'entrelacs, limitée par le croisement
des galons précités.
Le savant Hclgaud rappelle le don iait à saint Martin de Tours par Adélaïde de Guyenne,
mère du roi Robert, d'une chasuble « travaillée d'un or très pur » et dont la décoration
u ^ I
■5 '. î
l!î
fA CHASUBLE DE SAINT-RAMBERT 209
La chasuble conserva son ancienne forme — qui du reste en
justifiait exactement l'étymologie — jusqu'à la fin du xv* siècle,
et même jusqu'au xvi© siècle. Alors, on en échancra les deux
extrémités latérales, afin qu'elles laissassent passer plus
facilement les bras. Peu à peu, l'échancrure, sous les bras,
est devenue tellement considérable, que la chasuble en nos
temps, n'est plus qu'un composé de deux pièces. Tune
devant, l'autre derrière, donnant exactement la silhouette de
l'instrument à cordes appelé « violoncelle » (i).
»
Malgré cette malheureuse transformation, où la commodité
l'a emporté sur le bon goût, il existe cependant quelques
beaux modèles du genre.
Au château de Carrouge (Orne), on conserve une chasuble,
de forme moderne, qui passe pour être un don fait à la
chapelle, par Louis XI, lors du séjour qu'il y fit en 1473.
représentait^ sur le dos, le Père éternel dans la gloire, entouré d'anges et de séraphins en
adoration; et sur la poitrine, l'Agneaa de Diea, victime de notre Rédemption. La même
princesse fit également à saint Denis, son protecteur, une chasuble semblable, d'un travail
admirable.
Enfin, voici la très curieuse chasuble du xiii« siècle, donnée par saint Louis au bienheureux
Thomas Hélie, de Biville (Manche), mort en odeur de sainteté en 1253. Le dessin de ce
remarquable vêtement sacerdotal, publié par M. de Caumont, d'après M. Pabbé Boue,
laisse deviner tout l'intérêt historique et archéologique qu'il présente. Dans sa forme
générale c'est encore la chasuble primitive; mais avec cette curieuse particularité, que sa
coupe est rectifiée sur les côtés, en s'arrondissant plus haut, pour la commodité du
mouvement des bras. Ses deux pointes extrêmes sont arrondies et, détail intéressant, elles
paraissent avoir été prolongées, par une addition postérieure d'une étoffe semblable, mais
de couleurs plus vives. Doit-on y reconnaître l'effet d'une réparation ultérieure, ou un
simple ajoutage rendu nécessaire k l'époque de sa confection, par la largeur insuffisante de
l'étoffe employée ? La régularité du travail et le raccord parfait du dessin, dans cette partie-
là, autorisent facilement un doute.
Le tissu infiniment remarquable, est généralement composé de soie et de fils d'or, sur
lequel s'étale régulièrement, dans la disposition d'un damier divisé en losanges, une
variété de figures héraldiques révélant assez bien son illustre donateur. Et, bien que les
conleors en soient généralement éteintes, il est facile de reconnaître sur un fond, apparemment
rouge, les armes de France, figurées par la fleur de lys traditionnelle, et celles de Blanche
de Castille, mère de saint Louis, par un groupe de trois tours crénelées. Ces emblèmes sont
alternés par une autre ligne, où dans le champ de sinople des losanges, apparaissent le
lion héraldique du royaume de Léon, uni à la Castille, par la famille de la reine Blanche, et
dans un losange contigu, au champ également de sinople, l'aigle simple de sable^ aux
ailes éployées, de la Maison de Maurienne, dont était issue Marguerite de Provence,
femme de saint Louis. — Dict. des Aniiq. chrét., passim,
(i) En France, le diocèse de Moulins a conservé, dans ses églises, l'ancienne forme de la
chasuble.
210 CHAPITRE XI
D'une rare beauté, ce vêtement sacerdotal présente un
magnifique décor, fait de larges fleurons alternés avec des
blasons de gueules chargés
de fleurs de lys, d'argent
sans nombre, surun fond de
soie verte.
Sur les deux faces de celte
merveilleuse chasuble, une
large bande de soie rouge
avec fleurs de lys d'argent,
vient encore en forme de
croix, sur la partie dorsale,
s'enrichir d'une chaîne d'an-
neaux réguliers, formés avec
des rubans bleus et violets,
portant cette devise : Dieu et
mon droit.
C'est la devise ordinaire
des armes royales d'Angle-
terre. Il y a plus : ce riche
décor montre entre chacun
des anneaux deux couronnes,
l'une royale, l'autre épïsco-
pale, séparées par une lettre
initiale gothique , du plus
bel effet. Enfin, dans chacun
D'Bprti an niiniiïcrit des Céleiiins ^^S aUUeaUX et en fort fclief,
rayonne un soleil d'or et
d'argent alterné, comme pour rehausser la splendeur de
l'rtuvre entière (i).
(il OUt. dttAittiq.ekrit.,paisim.
CHAPITRE XII
LES
CHASSES ET RELIQ^UAIRES
DE
L'ÉGLISE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
SECTION PREMIERE : LES CHASSES
I 1
MODE DE SÉPULTURE DANS L'ANTIQUITÉ
La châsse est, sans contredit, le plus ancien reliquaire que
nous ait légué le christianisme. Son antiquité se confond
avec celle du tombeau des premiers martyrs ; et, partant,
avec l'origine du premier autel chrétien.
Pour le démontrer, nous pourrions en appeler au
témoignage d'autorités graves, et bien connues dans le
monde des savants. Mais notre but n'est point de faire, ici,
un traité d'archéologie sacrée. Nous voulons simplement
offrir au lecteur l'historique abrégé des châsses et des reli-
quaires en général, afin de lui rendre plus attrayante et plus
212 CHAPITRE XII
compréhensible, la monographie des châsses et des reli-
quaires de notre église.
L'antiquité, expliquée par ses coutumes primitives, va
nous fournir la base dont nous avons besoin pour asseoir
solidement notre argumentation.
Nous sommes à une époque où les sciences semblent ne
plus avoir de mystères pour l'esprit humain, travaillé par la
fièvre de connaître les hommes et les choses du passé. Et
Tarchéologie, qui s'est donné la mission de tirer de l'oubli
les anciens peuples, descend jusque dans leurs tombeaux
pour y découvrir les secrets de leur existence.
C*est là, du reste, disent les archéologues, que se trouve
le champ fécond en nouveautés et en surprises. En effet,
grâce à leurs recherches patientes, le fait de l'incinération
des cadavres sur un bûcher (rogus)^ et de la déposition
de leurs cendres dans des urnes funéraires, par les peuples
anciens, est passé, aujourd'hui, dans le domaine de la
vérité (i).
Toutefois, un autre fait dont les travaux de nos
archéologues ont établi, aussi, la vérité non moins incontes-
table, c'est celui de l'inhumation naturelle, dans le sol ou
dans les latomies (2). Cette coutume paraît, même, avoir été
très répandue chez les anciens.
De bien curieux sarcophages (3), en métal, en marbre,
en pierre, en terre cuite, et même en bois travaillé avec
art, mis au jour par des fouilles intelligentes ont déjà, et
depuis longtemps, fixé la science sur ce dernier mode de
(i) Cet usage païen fut pratiqué, généralement, par les peuples anciens, et continué par les
Celtes et les Romains.
(3) Latomies. Chez les Anciens, carrières où l'on enfermait des prisonniers. Chambres
sépulcrales.
(3) Sarcophagus. Du grec aap^, chair, et forjfclv, dérorer; parce que l'on faisait les
cercueils en pierre assienne (Assos, ville de la Troade), qui avait la propriété de consumer
en quarante jours le corps, sauf les dents. (D' Louis Batissier. Eléments d^ Archéologie
nationale,)
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 2l3
sépulture. On sait aussi que les hypogées (i), les nécropoles,
voire même les pyramides de TEgypte ont livré, tour à tour,
aux investigations de savants français, avec les dépouilles des
anciens Pharaons, de surprenantes richesses funéraires (2) :
des sarcophages de granit et de basalte, de grands cercueils,
en bois, peints et dorés, d'une rare beauté, couverts d'ins-
criptions sous la forme de sentences ou d'invocations, se
rapportant à l'immortalité de Tâme (3). L'Assyrie et la
Chaldée nous ont laissé leurs grands cercueils de plomb,
ornés de palmettes, et de bas-reliefs d'une élégante
conception.
La Rome antique, qui voulait arracher àToubli la mémoire
de ses opulents Césars, de ses nobles patriciens, abandonna
l'incinération de leurs dépouilles mortelles, pour l'inhumation
naturelle dans le sol. Mais, alors, pour que la corruption du
tombeau ne vînt, en aucune manière, ternir l'auréole de
gloire de ses héros, elle demandait aux pratiques sacrées des
embaumeurs, le secret de perpétuer, dans de magnifiques
sarcophages de marbre, et leurs corps et leur renommée.
Et lorsque l'empire romain fut tombé, victime de sa
cruauté et de sa corruption, lorsque l'Eglise de Jésus-Christ
eut grandi sur les ruines du paganisme persécuteur, les
premiers chrétiens ne trouvant plus de terre libre, au dehors,
(i) Hypogée, construction sous terre, où les anciens déposaient leurs morts.
(2) Ces tombeaux recelaient parfois de gracieuses petites nacelles, montées par dea
rameurs. La signification de ces nacelles a été, depuis longtemps, cherchée. Sur la foi de
vieux auteurs, nous pouvons dire cependant, que les anciens Egyptiens les considéraient
comme l'emblème de la mort, par une analogie de service. « La mort, en effet, est la barque
qui nous passe où nous devons arriver. • Exemple : la célèbre petite barque en or massif
trouvée dans le riche tombeau de la reine Aah-Hotep, femme du dernier Pharaon de la
xTii* dynastie.
(3) Au commencement de la République, les Romains (Pline, H. N. 7, ch. 54. Vid. X,
phil. Pert.init.) enterraient les morts, quoique cela ne se fît pas toujours ; puisque nous
lisons que Ton brûlait les cadavres dès l'an 253. (Lion. Hal. 3, c. 47-) Quoi qu'il en soit,
depuis le temps le plus florissant de la République, jusqu'aux derniers temps des Antonins,
les corps, surtout ceux des gens distingués, furent brûlés. Mais on reprit, dans la suite, la
coutume de les enterrer. (Virg. Eneid. 6, v. 177.) Explic, abrég, des coutumes etcéré"
moHiet observées che\ tes Romains^ par M. Nieuport, etc.
2 14 CHAPITRE XII
pour y déposer les restes précieux de leurs martyrs, les
ensevelirent dans les Catacombes, où ils se cachaient.
Et c'est là, dans ces cryptes romaines, dans ces galeries
sacrées, que tout un peuple des victimes de sanguinaires
Césars, dort son dernier sommeil, en attendant la résurrection
glorieuse.
C'est aussi dans ces salles (i) où les premiers chrétiens
célébraient les Saints Mystères (2), que nous retrouvons le
tombeau ou sarcophage du martyr, sous le vocable duquel
s'accomplissaient ces saintes cérémonies.
On a dit souvent, et avec raison, que les Catacombes
furent le berceau de l'art chrétien. Nous ajoutons que ces
cryptes mystérieuses furent les premiers sarcophages
chrétiens et, partant, les premières châsses à reliques (3).
f n
DESCRIPTION DU SARCOPHAGE ANTIQUE
UN SARCOPHAGE ANCIEN TROUVÉ A SAINT-MARCBLLIN (lOIRe]
Nous allons maintenant, pour intéresser le lecteur, faire
une description sommaire du sarcophage, en nous aidant
de l'appréciation de savants autorisés.
<c Les sarcophages antiques, affectant la forme d'un
<c coffre de marbre, dont le couvercle est plat, convexe ou
(c prismatique, et dont les faces sont décorées de bas-
(i) Ces salles, dit l'abbé Martigny dans son Dictionnaire des Antiquités chrétiennes^
étaient appelées « arcosolium » d'un mot tiré de plusieurs inscriptions antiques. C'était, en
effet, des sanctuaires voûtés en forme d'arc ou de niche, dans lesquels on déposait les corps
des martyrs. C'est pourquoi saint Grégoire de Tours les appelle « arca ».
(2) Les Saints Mystères étaient encore appelés « agapes >, « repas funèbres >.
(3) Il est reconnu, cependant, que les Catacombes ne furent pas les seuls cimetières
chrétiens. En effet, nous savons que de saints martyrs furent ensevelis près des grandes
voies romaines, par exemple : la voie Cornelia près de laquelle fut déposé le corps de
saint Pierre. La voie d'Ostie près de laquelle était le tombeau de saint Paul. Les voies
Ardeatine, Appia, Latine, Labicane, Prénestine, Nomentane, Tiburtine, et la voie Sombre.
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 21 5
« reliefs ou d'ornements, ont été imités dans la période
a latine (i). »
<r II y en a de deux sortes, dit le D' Louis Batissier (2).
c< Les uns,fort grands, sont ornés de bas-reliefs représentant
« des personnages ou des sujets historiques et religieux, sur
ce leurs quatre faces. Les autres, plus petits, sont décorés
(c sur leurs petits côtés, de cannelures appelées strigiles, et
c( sur leur face antérieure, d'un bas-relief. Ces sculptures
a sont disposées, souvent, sous une espèce de portique à
« arcades. Sur la frise des grands sarcophages, on voit au
<c milieu assez fréquemment, le portrait du défunt en buste ;
« et au-dessus, un cartouche pour Tépitaphe. On y lit aussi,
« quelquefois, la formule funéraire antique : D. M. ou
tf D. M. S; pour D. M. « Diis manibus »; et D. M. S.
<c Diis manibus sacrum. »
Bien souvent les premiers chrétiens, séduits par la richesse
décorative de certains sarcophages, ne craignirent pas de les
utiliser pour ensevelir leurs morts. Mais alors, ils avaient
soin de substituer, au caractère profane de ces tombeaux, les
symboles religieux de la religion chrétienne.
Le D** Batissier ajoute qu'on a trouvé, dans le cimetière de
Sainte-Agnès, un sarcophage sur lequel on voit sculptés
Bacchus entouré de petits amours nus, et les génies des
Saisons. L'inscription apprend qu'il a reçu la dépouille
mortelle « d'Aur. Agapetilla », qualifiée servante de Dieu
a ancilla Dei d.
Mais voici deux exemples plus caractéristiques. La conque
de porphyre qui formait le couvercle de Turne funéraire de
l'empereur Adrien, a servi de cercueil au pape Innocent II.
Elle a été, depuis, transformée en fonts baptismaux que l'on
peut voir, de nos jours, à Saint-Pierre de Rome.
(i) René Mknard. Hist, des Beaux-Arts,
(s) Eléments d'Archéologie nationale.
2l6 CHAPITRE XII
c< Pour le corps de Charlemagne, on prit un sarcophage
« qui se voit encore dans l'église d'Aix-la-Chapelle, et dont
« le sujet représente « VEnlèvement de Proserpine ». Au
(( surplus, les sujets mythologiques n'étant plus compris par
c( personne, il n'est pas étonnant qu'on les ait laissés figurer
« dans des monuments chrétiens (i). d*
En rendant aux chrétiens la liberté d'exercer, au grand jour,
les cérémonies de leur culte, le règne pacifique de Constantin
{3o6-337) leur permit également d'appliquer, à leurs
croyances, les ressources d'un art particulier qu'ils mani-
festèrent, en toute sécurité, dans l'édification de leurs
monuments.
« Cet art n'est pas encore chrétien, dit l'abbé Texier (2) :
(c disposition des sujets, système général d'ornementation,
« attitude et costumes des personnages, symbolisme indif-
c( férent ou significatif, tout rappelle l'art romain dont il est
w le disciple et le continuateur dégénéré. C'est une forme
« grecque qui sert à revêtir un fond chrétien.
a Le besoin d'échapper à la persécution vient encore
« expliquer cette tendance... Mais, peu à peu. Fart chrétien se
« constitue d'une double manière:
« i** Il se dépouille de cet attirail symbolique emprunté
« au culte qu'il venait remplacer. 2" Une pratique de
« plus en plus barbare succède à l'habileté des premiers
« siècles. On n'a voulu voir dans cette exécution imparfaite
« des sarcophages que la mort de l'art antique ; c'était bien,
« plutôt, la renaissance de l'art chrétien qu'il fallait y
« chercher. »
Nous donnons, ici, le dessin d'un sarcophage de pierre,
du xni" siècle (Fig. Sy), découvert dans l'ancien cimetière
(i) René Ménard. Hist. des Beaux-Arts.
(2) Etude sur ta sculpture en France.
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 217
de Saint-Marcellin (Loire), lors de son transfert en
Novembre 1887(1).
« Nous l'avons vu, dit M. Henri Marthoud (2), après son
K déblaiement, alors qu'il était encore en place, et nous avons
« regretté amèrement l'absence de son couvercle dont aucun
« vestige ne nous fut signalé. Enfoui, à peu de distance et
" parallèlement au mur latéral de l'antique chapelle romane
« dédiée à sainte Catherine, et sa partie inférieure orientée
Découvert ilaai l'incita cimctUre de Saiot-MircelliD (Loire).
<( vers le chevet du sanctuaire, il reposait directement sur
<( te sol, autant qu'il nous a été possible d'en juger, h une
« profondeur d'un mètre environ. Nous ne pensons pas que,
<( dans ces conditions, il occupât son premier emplacement,
<( car sa décoration, quoique élémentaire, indiquait le
« tombeau apparent d'une sépulture, hors du sol.
« Parla nature des déblais qui en provenaient, et dans
« lesquels nous avons recueilli une perle ancienne, en verre
(1) M. l'abbi Poyet, notre cher défuDi et vtDtré coofrère. était lion curé de la piroisie
de Saint-Marcellin.
Il] Ce», en cffet,i M. H. Marthoud, notre dévoue coltaboraieur, que août devon* ce
2l8 CHAPITRE XII
<( bleu, et un denier du règne de Louis XIII, nous estimons
« qu'il a dû servir, depuis fort longtemps, à des inhumations
(( successives.
« Il y a plus : au mrlieu du fond de ce sarcophage et dans
« une cavité carrée, d'environ o™,2o cent, de largeur, avec
(( bords supérieurs légèrement arrondis, nous avons décou-
(( vert, en fouillant, quantité de cendres agglomérées, et
« un fragment du rebord d'une poterie noire et grossière,
« assurément très ancienne (i).
(( L'épaisseur de ses parois est de o"',io cent., et sa
(( longueur exacte de deux mètres. Sa largeur, à l'extérieur,
(( est de o"*,4o cent., et o",7o cent. Sa hauteur est de
<( o°,35cent.,eto"*,46 cent. L'emplacement arrondi, à Tinté-
« rieur, pour recevoir la tête, est d'une profondeur inférieure
« à o°*,o5 cent., d'avec le fond général.
<( Les angles de la partie antérieure sont coupés ; et au
« milieu, sont tracées deux arcades à plein cintre, qui se
« répètent au nombre de dix, dans le sens de la longueur:
(( la dernière, en haut, est ornée d'un fleuron sur tige, grossier
(( et difficile à déterminer (2). d
(i) En 1845, M. Barou, propriétaire d'une maison située sur la place de l'Eglise Saint-
Marcellin, faisant creuser le sol pour établir une cave, trouva deux sarcophages en
pierre, que nous croyons pouvoir dater dn xiii* siècle.
Le premier de ces sarcophages était vide. Le second, au contraire, contenait un corps
entièrement conservé, et enveloppé de bandelettes tellement adhérentes au cadavre, que le
tout paraissait ne former qu'une masse grisfltre. Un ouvrier ayant voulu se rendre compte
de la résistance du corps ainsi momifié, le toucha légèrement et le vit, tout à coup, tomber
en poussière. Les ossements les plus gros ne furent bientôt qu'un amas de cendres. D'après
les témoins de la lugubre trouvaille, il n'y avait, dans ces sarcophages, ni vases, ni armes, ni
aucuns documents intéressants.
Ces sarcophages enlevés du lieu où ils furent découverts, ont servi depuis : l'un, d'auge à
abreuver les bestiaux ; l'autre, de linteau à une porte et de support à une cheminée du
bfltiment. {Notes obligeamment communiquées par A/. Pabbé AuJogue-'Baroni vicaire de
Saint'Marcellin, Loire).
(3) Dans son • Abécédaire d'Archéologie » M. de Caumont en a publié un, d'une forme
et d'une disposition intérieure tout à fait identique, à propos duquel il dit : ■ La forme des
cercueils ou des tombeaux non apparents, a été, à peu près, la même depuis le xi* siècle
jusqu'au xvi*. Quelquefois, à partir du xii* siècle surtout, on remarque à l'intérieur
un espace circulaire pour recevoir la tète. Quelquefois aussi, la place de la tète est indiquée
par deux arêtes en pierre, ménagées à l'extrémité du coffre. Le couvercle est tantôt plat»
tantôt prismatique. Outre l'eau bénite, on plaçait, dans le cercueil, des pots remplis de
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 2iq
I m
LES SARCOPHAGES OU TOMBEAUX DES MARTYRS
DANS LIS CATACOMBES
TRANSFORMÉS EN AUTELS POUR LES SAINTS MYSTERES
FURENT DE VÉRITABLES CHASSES
Tout le monde sait que, pour échapper au glaive acéré des
persécuteurs, à leurs bûchers ardents et à leurs chevalets
terribles, en un mot, aux cruels supplices auxquels les tyrans
de Rome avaient voué les disciples du Christ, les premiers
chrétiens cherchèrent un refuge dans les Catacombes.
Traqués comme des bêtes fauves dont on veut la mort,
ils ne pouvaient choisir de lieux plus sûrs contre la fureur
de leurs ennemis implacables.
Or, par une douloureuse antithèse, il arriva que ces
serviteurs fidèles devaient, souvent, trouver leur sépulture
là où ils venaient chercher un refuge pour sauver leur vie.
Ce qui est encore plus extraordinaire, c'est que les confesseurs
du nom chrétien, qui se réunissaient dans ces asiles sacrés,
pour y célébrer les Saints Mystères, virent souvent les
tombeaux de leurs frères martyrs servir d'autel pour le
sacrifice.
D'où il est vrai de dire, qu'il faut remonter aux Catacombes
pour reconnaître l'origine des premiers autels et des premiers
sanctuaires.
charbon, dans lesquels on brûlait de l'encens (ces cassolettes variaient en général de nne à
quatre) ; ils étaient percés de petits trous sur la panse, pour que le charbon eût de l'air, et
que la combustion pût durer le temps nécessaire.
Cet usage exisuittrès certainement au m* siècle, et probablement longtemps auparavant.
« On place* dit G. Durand, de l'encens près du cadavre pour combattre les mauvaises odeurs
qu'il exhale ; cet encens est aussi le symbole des bonnes œuvres qui sont, pour le défunt,
une recommandation auprès de Dieu. •
220 CHAPITRE XII
Un poète ancien a dit, en parlant du tombeau de Sainte
Eulalie :
Sic venerarier ossa libet,
Ossibus altare et impositum.
(( Ainsi il nous est donné de vénérer, en même temps, et
« les ossements et l'autel qui les recouvre (i). »
C'est donc encore aux Catacombes qu'il faut aller chercher
les premières châsses, et ces châsses n'étaient pas autres que
les tombeaux des martyrs, servant eux-mêmes d'autels
primitifs.
« Les sanctuaires qui renfermaient ces autels, dit le
« D*" Batissier, n'offraient rien de régulier dans leur plan. Il
(^ y en a de toutes les formes, de carrés, de triangulaires,
« d'hexagones, de circulaires, de pentagones. Dans leurs
(( parois latérales sont creusés trois ou quatre rangs de
(( sépulcres, disposés parallèlement et en nombre égal, de
« chaque côté... Le tombeau du martyr ou autel, quelquefois
<^ au milieu de la pièce, souvent adossé à la muraille, a la
« forme d'un sarcophage ou d'une caisse quadrangulaire,
« recouverte d'une table de marbre. C'est ce tombeau, à n'en
(( pas douter, qui a servi de type aux autels de nos églises (2).
« C'était sur cette table, ajoute l'abbé Martigny (3), qui
(( recouvrait les restes du saint martyr, qu'avait lieu primi-
« tivement la célébration de la messe; et les tombeaux des
« martyrs devinrent ainsi, selon l'expression de saint Optât
« (L. VL Ad vers. Parmen.)? le trône du Dieu qu'ils avaient
(( confessé, dans les tourments et la mort (4). »
Du reste, le pape saint Félix avait décrété, vers l'année 270,
(i) Prudence (iv« siècle). Péristéph. III. 211.
(2) Eléments d* Archéologie nationale.
(3) Dictionnaire des Antiquités chrétiennes.
(4) Quid est eaim altare nisi sedes corporis et sanguinis Christi ? L'autel, qu*est-il autre
chose que le siège du corps et du saog du Christ ? {Ibidem.)
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 221
Tobligationde ne célébrer le Saint Sacriâce que sur le tombeau
des martyrs (i).
Les tombeaux des martyrs de TEglise chrétienne, premières
châsses précieuses renfermant leurs restes sacrés, ont donc
servi d*autels pour Timmolation de la Sainte Victime dans les
Catacombes, et voilà ce qui doit rendre ces objets du culte
vénérables à nos yeux (2).
I IV
LES BASILIQUES PRIMITIVES
FURENT DE VRAIES CHASSES
Mais après Forage furieux qui, pendant trois siècles, avait
désolé et ravagé le champ de l'Eglise fondée par Jésus-
Christ, revint le calme et s'épanouit un ciel serein.
Constantin-le-Grand, en élevant, dans son triomphe, le
Labarum sacré, fit taire l'orgueil du vieil empire romain,
arracha, des mains des tyrans, le glaive criminel dont ils avaient
frappé indignement les chrétiens, ferma leurs temples encom-
brés de dieux iniques, et permit aux disciples du Christ
d'élever, sur les ruines du paganisme, les monuments sacrés
de la religion catholique. Dès lors, les chrétiens libres de
professer leur foi publiquement, ne s'occupent point de
calculer le nombre des victimes de la fureur sacrilège des
Césars; tout leur souci est d'assurer à la dépouille de leurs
frères martyrs un abri convenable et sûr. Et, voilà pourquoi
nous voyons, à cette époque de calme, tant de basiliques
(1) Anastask dit dans la ■ Vie de saint Félix » : Hic constituittupni memorias martynim
Misaas celebrare.
(3) La fureur dei persécutions ne permit pas toujours, aux prêtres de la primitive Eglise,
de célébrer les Mystères divins sur le tombeau des martyrs. Saint Lucien, en prison, célébrait
le Saint Sacrifice sur sa propre poitrine. (Philostorg. Hist. ecclés. L. IL C. XIIL)
Théodoret, au rapport de Mabillon, étant évèque de Tyr, dans une circonstance a peu
près semblable, dit la sainte Messe sur les mains de ses diacres. (Prœf. in . sœc. III. o. 79.)
222 CHAPlTltE II
s'élever sur la terre chrétienne. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est
qu*alors ces basiliques s'élèvent sur les corps des martyrs,
leur offrant ainsi un asile plus digne d'eux.
Or, afin que les restes sacrés de leurs frères dans la foi
eussent une place choisie dans le temple du Dieu pour lequel
ils avaient versé leur sang, les premiers chrétiens leur cons-
truisirent souvent des oratoires spéciaux. Ces oratoires pre-
naient, alors, la dénomination de « tnartyria », d' « apos--
tolea », etc., suivant qu'ils abritaient les corps de martyrs
ou d'apôtres. Et ces oratoires, élevés sur les ossements des
saints, furent comme les écrins ou les châsses précieuses qui
permirent aux bienheureux athlètes du Christ^ de reposer
plus directement sous les yeux du Maître, pour Tamour
duquel ils avaient donné leur vie.
Sans vouloir décrire la basilique primitive^ qui ne compre-
nait, dans son plan général, qu'une crypte et un autel ; ni
nous occuper de sa division intérieure, en nef, chœur et
sanctuaire, nous nous bornerons à parler, ici, de l'autel, dont
la description se rattache plus étroitement à notre sujet.
« Placé, en effet, au milieu du sanctuaire de la basilique,
« l'autel était formé, le plus souvent, d'une table de pierre
« placée sur le sarcophage d'un confesseur de la foi, en
« marbre, en granit, ou en porphyre (i). Ce sépulcre était
f( décoré de sujets chrétiens. Souvent, les reliques du
(( martyr étaient dans une crypte « confessio », « marty-'
« rium ». Et alors, la table de l'autel était soutenue par
(( quatre petites colonnes d'un riche travail. L'autel n'était
« pas toujours aussi simple que celui que nous venons de
(( décrire (2). » Nous savons, en effet, que des autels d'argent
(1) L*autel « altare • et « ara Dei » selon saint Cyprien. Epist. XL, et Tertullien. Ad.
uxor, 1. I, c. VII. A partir du iv* siècle, il est désigné Oi)9ia9rT)piov pcofio;, tepa TpaJceÇa,
sacra mensa, mensa mystica; mensa sacra tremenda : table sacrée, tabli redoutable. Saint
Chrysostome l'appelle tour à tour, manne spirituelle, table divine, céleste.
(2) L. Batissier.
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 223
furent offerts à diverses églises de Rome, par les papes Sixte III
et saint Hilaire (i).
Sur les quatre angles de Tautel, s'élevait, en forme de
portique, avec coupole, le « ciborium^ umbraculum iegimen
altaris ». C'est là qu'était conservée, dans une custode en
forme de colombe ce perisierium », ou dans un coffret
(( pyxis », l'Eucharistie réservée pour les malades. On y
plaçait aussi de petits ciboires pour dire la messe, en voyage,
et quelquefois des reliques. Dans tous les cas, on peut y
reconnaître l'origine du baldaquin moderne, sous lequel on
expose le Saint-Sacrement.
L'autel était quelquefois accompagné de deux tables : l'une,
adroite, sur laquelle les fidèles déposaient leurs offrandes;
l'autre, à gauche, appelée crédence « secretarium minus »,
près de laquelle se tenaient les diacres pour le service de la
messe. Et, sous la table de certains autels des églises primi-
tives, on réservait quelquefois une porte grillée, à travers
laquelle on apercevait le corps du martyr déposé dans la
crypte (2). Mais déjà aux iv" et v* siècles, et malgré les
(i) Hisi. ecelés. liv. IX, c. I. Le musée de Cluny possède le merveilleux autel d'or, que
l'empereur d'Allemagae Heori II (saint Henri) donna à la cathédrale de Bile, au commen-
cement du XI* siècle. D'une grande richesse d'ornementation, il a o*,95 cent, de hauteur
sur i«,78 cent, de longueur. Son poids total et ses dimensions lui donnent, cependant,
une valeur intrinsèque qui dépasse son intérêt historique et sa rareté, comme œuvre d'art.
(3) Dans le principe, la confession de saint Pierre offrait une disposition particulière que
nous devons noter, parce qu'elle nous rappelle une circonstance curieuse de la dévotion
des premiers fidèles. L'autel placé, comme touiours, au-dessus du tombeau du martyr était
environné d'une grille, qui s'ouvrait pour quiconque voulait faire sa prière. Le fidèle, alors,
se mettait à genoux et ouvrait une petite fenêtre qui donnait dans la crypte, au-dessus du
tombeau; il passait la tète à travers cette ouverture appelée « Jugulum », et c'est dans cette
position qu'il invoquait le saint Apôtre. On avait soin de faire descendre sur le tombeau
un linge « palliolum » « sudarium • ; ce linge avait été préalablement pesé, avec soin, dans
une balance ; on le laissait sur le monument pendant que l'on priait, et il servait à
reconnaître si Dieu avait exaucé les vœux du fidèle qui lui adressait ses supplications.
D' L. Batissibr. Bléments cPArehéol, nationale.
On pourrait peut-être voir, ici, une réminiscence des traditions païennes de l'antiquité.
On connaît le culte des anciens pour leurs morts, et le soin qu'ils prenaient d'entretenir
jusque dans leurs tombeaux, l'illusion de la vie. Le musée du Louvre possède un sarcophage
égyptien dont le couvercle, décoré de la figure du personnage qu'il renfermait, présente le
détail curieux de cavités ménagées dans les oreilles pour permettre, croit-on, de converser
avec lui.
Dans certains cippes voués aux dieux infernaux, et dans quelques stèles dédiées aux dieux
mânes de l'époque romaine, on a bien des fois remarqué des ouvertures tantôt creusées en
224 CHAPITRE XII
invasions désastreuses des Barbares, les basiliques se multi-
pliaient partout; dès lors, il devenait impossible de les
établir toujours sur
les tombeaux des
saints ; dès lors aussi
s'imposait la nécessité
de consacrer leurs au-
tels. En conséquence,
au V* siècle, le cin-
quième Concile de
Carthage décida
qu'aucune église ou
chapelle, si modeste
qu'elle fût, ne pour-
rait être consacrée
sans que des reliques
eussent été placées
sous l'autel. A partir
de ce moment, les
autels devinrent alors
des sortes de re/i-
quaires; et s'ils ne
continrent pas tou-
jours des reliques pré-
cieuses, dans l'inté-
cippE ANTIQUE rieur de leurs parois,
Employa comme luppon j _ ■ ■ j
damlenanKcidclEBli» Saint-Ron>btrt-siir-Loire. dU mOlUS OH Vit dC
fbrmcde laupe, à leur sommet, tanl6t percén diai li
parfois dans le haul. et pa
la truelle du Tindaliime n'eut rempli de dur cimeni Voa'
* quelque vingt ini, l'intéiit di'\k grand que préseï
it importiDL Voyei, ci-coDtre, la Fia. 3S.
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 22 5
riches édicules élevés au-dessus de leur tabernacle, montrer
des reliquaires et même des châsses (i).
IV
LA CHASSE A TRAVERS LES SIÈCLES
Il est vraiment solennel l'insttnt où les osse«
ments d'un homme .quittent robscurité, la
putridité et le silence du tombean, pour entrer
dans la lumière, les parfumset les harmonies de
la vénération catholique. Ils laissent le cercueil
pour la chftsse. Ils dépouillent Thumidité du sol
pour reparaître au soleil de la création, pour
soutenir le corps et le sang du Christ dans les
sacrés mystères, pour s'enchflsser dans les pier-
reries au front des rois ; pour traverser plus tard
les plaines des moissons et des combats, portés
sur les épaules des prêtres et des guerriers,
calmant les tempêtes, ramenant la sérénité, ren-
versant ou relevant les empires, et changeant la
face des choses humaines. C'est le commencement
de la résurrection glorieuse.
Le P. Frédéric de Curley.
La châsse ne fut,dans les premiers siècles de l*ère chrétienne,
autre chose que la bière dans laquelle était déposé un corps (2).
« Elle n'est à proprement parler, dit M. Viollet-le-Duc,
que le cercueil de pierre, de bois ou de métal dans lequel
sont enfermés les restes d'un mort. » Le mot châsse, au
moyen âge, s'applique indistinctement aux coffres qui ren-
ferment des corps saints.
D'anciens textes nous la font aussi connaître sous le nom
de n iumba » Tu/ui6a (3), et nous la trouvons encore confondue
(i) Dans une de ses intéressantes dissertations, M. l'abbé Texierhous cite un de ces
rares et curieux exemples de transition : IjC tombeau de Junien (Haute' Vienne). Ce
monument très remarquable fut exécuté par Ramnulpbc, prévdt de cette église en iiio.
Il a la forme d'un quadrilatère, et donnait, autrefois, la figure d'un tau (T). par sa réunion
avec le maitre-autel, auquel il était adossé. Les trois faces de ce tau, seules visibles dans sa
forme primitive, sont couvertes de figures et d'ornements.
(3) M. l'abbé Pascal. Institution de CArt chrétien.
(3) Prad.
i5
226 CHAPITRE XII
avec Turne funéraire « solium » ; mais elle était aussi, dans
Tantiquité, selon ('orcellini, la représentation du lit où
reposait un mort (i). Cette définition est encore justifiée par
le nom d* « arca » arche, qui lui a été reconnu par les pre-
miers chrétiens. Ils y ont vu le symbole d'une nacelle dirigée
vers la terre promise, où « l'âme agitée, jusque-là, par les
« flots inconstants de cette vie mortelle, trouvait le terme de
« ses vicissitudes, et son entrée dans une cité permanente » (2).
Le xvi' siècle à consacré à la châsse le nom de <c basilicule )»
petite basilique^ parce qu'elle était, déjà à cette époque,
l'image fidèle de la basilique primitive. Un auteur inconnu
du xin* siècle va plus loin, et la qualifie de « tabernacle de
saintes dépouilles » ; et de nos jours, elle est connue sous
le nom de « châsse-ossuaire. » D'ailleurs, voici les causes
sur lesquelles M. l'abbé Mallet (3) se base, pour expliquer
la forme d'un coffre ou arche, donnée aux châsses primi-
tives. Son opinion, loin de détruire la nôtre, semble au
contraire la confirmer.
« Les hordes des Wisigoths et des Huns ayant envahi
ff la Gaule, du iv' au v"* siècle, il fallut, à ce moment,
« soustraire toutes précieuses reliques à leur rapacité sacri-
« lège, comme aux ix* et x" siècles à la basse férocité des
« Normands. On se hâta donc de transporter loin des
« lieux envahis, tous les ossements des saints martyrs. Or,
« pour procéder à ces translations de reliques, on eut soin
« de les enfermer dans des coffres faciles à porter, coffres
« qui, au fond, n'étaient que des cercueils ou des sarcophages
« réduits dans leurs dimensions (4). »
(1) On conserve,; à Paris, un sarcophage en bois peint, de la nourrice du roi égyptien
Taraka, de la xxv^dynastie — yooans avant Jésus- Christ — qui nous donne la reproduction
exacte de la forme d'un lit moderne.
(a) M. l'abbé MARTicnr. D/c/. 2es Antiq. chrit.
(3) Cours élémentaire cTArchéologie religieuse.
(4) M. Tabbé Mallct. Cours élémentaire d* Archéologie religieuse.
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 227
L'origine funèbre de la châsse est incontestablement celle
du sarcophage antique (( sarcophagnm », dont la forme
allongée est celle du bahut, de la huche ou de l'arche, dans
lesquels, au moyen âge, on renfermait les vêtements néces-
saires à un voyage. C'est donc bien avec raison, que de
nombreux auteurs ont dénommé la châsse « capsa », parce
qu'elle n'est autre chose que la figure d'un coffre de bois ou
de métal (i).
Dans son « Lexique des termes d'art », M. Jules Adelîne
nous dépeint la châsse comme étante un coffre ou coffret
(( de métal précieux et richement sculpté, dans lequel on
(( conserve les reliques des saints. Les châsses antérieures au
(( xiu* siècle consistaient en simples coffres de bois recouverts
« de lamelles de métal, étaient de grandes dimensions et
« pouvaient recevoir le corps entier d'un saint, h
Lorsque les reliques des saints Rambert et Domitien,
provisoirement enveloppées dans l'étoffe de soie et d'or
donnée par le comte Guillaume de Forez, furent arrivées au
Prieuré de Saint-André-lesOlmes, elles gardèrent proba-
blement leur riche enveloppe pendant quelque temps, et
jusqu'au jour où les moines bénédictins purent les déposer
dans une véritable châsse de métal ou de bois.
Nous pouvons même conjecturer, avec quelque vraisem-
blance, qu'après avoir favorisé le salut des insignes reliques
de notre glorieux martyr Rambert, par une translation
solennelle et mémorable, de son château fort d'Yzeron dans
notre monastère de Saint-André-les-OImes, le pieux comte
Guillaume tint à honneur de les enchâsser, plus tard, dans un
monument à la fois digne de leur sainteté et de sa munificence.
Mais qu'est devenue cette châsse que la piété et la généro-
sité du comte de Forez avaient certainement faite merveilleuse ?
(1) Un magnifique petit coffret du xiit* siècle, couvert de médaillont et d'armoirieS) ayant
appartenu à saint Louis, a été découvert il y a quelques années, dans une châsse de l'église
de Dammarte iSeine-et-Marne), où il éuit considéré comme ayant contenu des reliques.
228 CHAPITRE Xll
— A-t-elle disparu dans l'un ou l'autre des deux principaux
désastres qui ont désolé notre contrée : Tinvasion anglaise, à
la fin du XIV* siècle, et les guerres de religion au xvi* siècle ? —
Ou bien, cette vénérable châsse, échappant au vandalisme des
routiers et des huguenots, a-t-elle eu l'honneur des visites de
Nos Seigneurs les Archevêques de Lyon, pendant les xvii* et
xviii' siècles, pour tomber de vétusté, ou subir une odieuse
profanation pendant les tristes jours de la Terreur (i)?
Nous ne savons rien, à ce sujet, car nous n'avons trouvé
dans les archives départementales, aucun document capable
de nous éclairer sur un thème aussi intéressant. Les
renseignements recueillis de la bouche de nos anciens, nous
apprennent bien l'existence d'une châsse de saint Rambert
à une certaine époque de la grande Révolution (i 798); mais
ils ne sont point propres à nous éclairer sur l'état de ladite
châsse, ni sur le sort qui lui fut réservé.
Quels étaient et la forme et le style de cette châsse ? —
Nous en sommes réduits aux hypothèses, sur ces questions.
Ce que nous savons, cependant, c'est qu'une trans-
formation importante fut apportée à l'art de l'orfèvrerie
religieuse, vers l'époque de la Translation de nos chères
reliques (1078). Les archéologues ne sont généralement
pas d'accord pour fixer cette époque de transition. Les
uns la font remonter au ix* siècle, les autres vers le xii* ;
d'autres la placent vers la fin du xiii* siècle. Peut-être
trancherait-on la question en reportant à la seconde moitié
du xn* siècle cette transformation, qui ne devait se déve-
lopper qu'au xiu* siècle. Nous donnons les raisons de cette
opinion au n** 1 7 des pièces justificatives.
Sans oser assigner à notre châsse primitive une forme
bien certaine et un style bien déterminé, nous ne pensons
pas qu'il soit téméraire d'admettre que la première châsse
(i)Voir aux pièces justificatives n* i6.
J
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 2*29
de saint Rambert ait conservé la forme caractéristique de
sarcophage. •
Nous croyons même pouvoir l'affirmer, en prenant pour
terme de comparaison la belle châsse de saint Calmin, à
Mozat, près Riom (Puy-de-Dôme), dont le dessin a été publié
par M. Mallet dans son ouvrage : « Sur les églises by:{antines
de l'Auvergne », et dont le souvenir a été évoqué par
M. DE Caumont, dans son Abécédaire d'Archéologie^ comme
appartenant au xii* siècle.
<c La châsse de saint Calmin est une curieuse châsse.
<( D'une grande dimension, elle se compose de planches en
« cuivre émaillé, ajustées sur une charpente de manière à
<( présenter l'image d'un cercueil, à couvercle prismatique, ou
« plutôt celle d'une église à deux pignons... Elle contient les
« reliques de saint Calmin et de sainte Numadie, son épouse;
« les peintures, en émail, représentent les différents actes de
« piété qui signalèrent leur vie, tels que la construction du
(< monastère de Mozat. Des inscriptions expliquent ces
(( tableaux. Deux d'entre eux représentent l'ensevelissement
« de Calmin et de Numadie, et leurs âmes figurées par des
« corps nus emportés au ciel par des anges (i). »
L'antique église, abbatiale et royale, Saint-Maurice dans le
Valais, compte dans son trésor un grand nombre de reli-
quaires précieux, des xi* et xii* siècles. L'une de ces pièces
remarquables à tous les points de vue, est la châsse en argent
doré, du xii* siècle, qui renferme les restes de saint Sigismond,
roi de Bourgogne en 5i5, et de ses fils Gistald et Gundebald,
martyrisés avec lui.
La forme mixte de cette châsse rappelle, plutôt, celle d'un
tombeau^ par un couvercle à deux pentes. Sur une de ses
petites faces, on voit la figure équestre de saint Maurice, dans
le costume des chevaliers normands de la célèbre tapisserie
(i) Abécédaire d'Archéologie de M. Dt Caumont.
23o CHAPITRE XII
de Bayeux, revêtu du grand haubert de mailles, formant
couvre-nuque au timbre de son casque conique. La main
gauche est armée d'un bouclier, de forme ovale, sur lequel
se dessine une croix, au milieu d'une large bordure ; tandis
que de la droite, il tient un fanion à trois flammes. A droite,
sur le fond, se détache l'inscription « Mauricius )),et à gauche,
sont gravées les lettres : S.C. S., avec un signe d'abréviation
permettant de les traduire par le mot : « sanciusï). Enfin, une
bordure de rinceaux entrelacés encadre tout le sujet (i).
Ainsi que nous l'avons vu précédemment, il paraît évident
que la forme du tombeau s'est maintenue, pour les châsses,
jusqu'au moyen âge. Ce n'est point chose étonnante. A une
époque voisine de celle des grandes persécutions, les chrétiens
dont l'âme était encore si profondément impressionnée par
le souvenir des martyrs et de leurs tombeaux près desquels
ils s'agenouillaient, ne durent rêver d'autre forme, pour les
reliquaires destinés à recevoir de saints ossements, que celle
de la tombe, qui était en parfaite harmonie avec le trésor
destiné à y être enfermé.
Mais il paraît incontestable que c'est vers le xiii* siècle
qu'apparurent les petites châsses rectangulaires, recouvertes
d'une toiture à deux pentes, et dont la forme simple était
celle de la basilique chrétienne primitive. Ce qui les fit
désigner sous le nom de « basilicides », petites basiliques.
C'est l'opinion du P. Martin qui nous dépeint la châsse
rectangulaire dans ses « Mélanges archéologiques », comme
« un motif conservé de l'art des Catacombes; c'est un véri-
« table édifice. La couche du sommeil de mort s'est changée
(( en un palais, ou plutôt, en un sanctuaire plein de magnifi-
« cence, image du sanctuaire oij l'âme du juste adore Dieu,
« auprès de son autel éternel. »
A cette époque, l'orfèvrerie religieuse innovait peu, et elle
(i) Voir aux pièces justificatives n* i6. Châsse de sainte Rolande.
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 23 1
s*exerçait, trop souvent, à reproduire d'une façon plus ou
moins servile des objets dont la richesse de la matière et la
bonne exécution surpassaient, presque toujours, le style et la
composition. Pouvait-il en être autrement, dans nos contrées
mises à feu et à sang par les barbares ! Leurs invasions
dévastatrices paralysèrent, dans son essor, la tradition de
Tart byzantin, soutenu par Témaillerie de Limoges, qui devait
prévaloir pendant longtemps. De là, ces scènes où la vie du
martyr est souvent figurée, sur les châsses, par des person-
nages sans proportions, roides dans leur attitude, gauches
dans leurs mouvements, et dont l'expression quelquefois
pleine de c ièvrerie, est presque toujours dépourvue de
sentiment.
Le trésor de la cathédrale d'Albi conserve une châsse de
ce genre, de petites dimensions, en cuivre à émaux champ-
levés (i).
« Avant la fin du xii* siècle, dit M. de Caumont, les
« arcatures et les personnages qui décoraient les parois des
(( châsses, étaient presque toujours figurés par des émaux.
« A partir de la fin de ce même xii* siècle, et dans tout le
(( xiii*, les arcatures furent portées sur des colonnes détachées.
(( Les figures au lieu d'être en émail furent souvent en
(( bronze, en argent ou en or. Les châsses devinrent des
« chefs-d'œuvre d'orfèvrerie dans lesquels l'émail n'était
« qu'accessoire. Souvent des bas-reliefs décorent les toits des
a bas-côtés et du grand comble. L'édifice est couronné d'un
« faîtage en cuivre découpé à jour. »
La châsse du Coudray-Saint-Germer peut être considérée
comme un excellent type de transition, soit par la forme de
son couvercle, qui est encore celui du sarcophage, soit par les
arcades en ogive où s'abritent de saints personnages. Ces
(i)En Yoir le destin dans V Abécédaire d* Archéologie, dt M. di Caumont, p. 336.
232 CHAPITRE XII
détails nous font pressentir i*art gothique primaire du
xiii" siècle (i).
De tout ce que nous venons de dire sur les châsses pendant
la période classiquement appelée romane, on peut tirer la
conclusion suivante, dont la vérité demeure incontestable.
Les artistes de cette période, stimulés par le Christianisme
triomphant, en reçurent non seulement l'inspiration, mais
encore cette impulsion heureuse qui les porta à chercher
dans l'architecture, souvent admirable de nos temples, les
modèles dont ils avaient besoin pour créer des œuvres origi-
nales, et marquées au sceau d'un génie renaissant. Ce qui a
fait dire à M. labbé Texier, que « l'ari byzantin fui traduit
« en français ».
Il faut arriver au xiii* siècle pour voir fleurir cet art nou-
veau, où l'arc gothique le dispute à l'arceau roman, en
défaveur; et où apparaissent bientôt, dans tout leur épanouis-
sement, ces chef«-d'ceuvre d'orfèvrerie qui ne sont, après
tout, que la réduction des grands édifices religieux de la
première époque ogivale.
Le plus remarquable monument que l'on possède de cette
époque de transition, par son ancienneté, sa richesse et ses
grandes proportions, est certainement la célèbre châsse des
Rois Mages, conservée à Cologne (2) .
Les admirables collections du musée de Cluny renferment
deux belles châsses-ossuaires de sainte Fausta, exécutées à
Limoges au xiii* siècle, à peu d'années d'intervalle l'une de
l'autre. Toutes deux proviennent du trésor de l'église de
Ségry, près d'Issoudun (Indre) (3).
On sait que le grand mouvement religieux des Croisades,
en affirmant le règne du Christ, aux lieux qui le virent naître
(i) Voir aux pièces justificatives n* i6, la chftsse du Condray-Saiat-Germer.
(2) Voir aux pièces justificatives n* i6, lacliftsse des Rois Mages, à Cologne.
(3) Voir aux pièces justificatives n* i6, la châsse de sainte Fausta.
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 233
et mourir pour le salut du monde, inspira aussi à la foi
de nos ancêtres, les œuvres les plus hardies et les plus
merveilleuses. Nous voulons parler de ces magnifiques
cathédrales que le génie de l'homme a fait surgir de notre
sol français. Témoin de l'édification des monuments qui
devaient demeurer l'orgueil du christianisme, l'art religieux
qui en avait été l'auxiliaire indispensable, pouvait-il rester
stationnaire ? N'avait-il pas éclairé leurs sanctuaires avec de
sveltes et élégantes baies, aux verrières étincelantes de lumière ?
N'avait-il pas relevé la nudité de leurs pierres par des
images satiriques et grotesques, pour flétrir le vice et, partant,
exalter la vertu ? N'avait-il pas fouillé, avec une patience
achevée, leurs pinacles qui abritent les Pères et les
Protecteurs de l'Eglise, et découpé, dans l'azur des cieux,
ces délicates dentelles que la grâce de Dieu, seule, paraît
soutenir.
Non, Tart religieux ne pouvait rétrograder. Il avait un
idéal nouveau, où l'orfèvre vint puiser son inspiration, pour
traduire dans l'or ou dans l'argent, ces merveilles de l'art
gothique. La basilique, entre ses mains, devint la châsse
chargée de pierreries qui devait briller d'un éclat nouveau sur
l'autel.
M. de Caumont déclare également que c'est au xiii' siècle
que les châsses affectent la forme d'une église avec ses
contreforts, ses pinacles, ses arcatures et même ses tours :
« Les ciselures rivalisent avec l'émaillure pour orner cet
« édifice de métal. » M. l'abbé Mallet ajoute : « Il n'y
c( manque ni les balustrades, ni les gargouilles, ni les tympans,
« ni les roses, ni la crête du toit. Quelquefois même, un
« clocher s'élève au milieu du faîtage (i). »
Vers la fin du xiv" siècle, et surtout au xv* siècle, dit
M. René Ménard : « La statuaire commença à se substituer
(O Voir aux pièces justificative» n* i6 la chflsse de saint Taurin, et celle de saint Germain.
234 CHAPITRE XII
« à Tarchitecture, dans les pièces d'orfèvrerie. Il est vrai que
« dans les châsses, on avait toujours introduit de petites
« figures plus ou moins barbares; mais à cette époque,
« l'orfèvrerie rentre dans les arts plastiques, et devient une
« branche de la sculpture. »
Il ne nous paraît pas que la forme des châsses ait varié
sensiblement, au xvi* siècle, où la Renaissance trouvant en
elles un élément propre à exercer l'habileté de ses orfèvres,
ne pouvait moins faire que de les marquer au coin de sa
prodigieuse conception, et d'une exubérante ornementation.
Il n'y a pas lieu, non plus, de croire qu'en détruisant un
nombre infiniment regrettable de reliquaires précieux,
l'insanité, la perfidie et Tambition du protestantisme en
France, au temps de la Réforme, aient arrêté le développe-
ment de l'art religieux. Bien au contraire, et par cette seule
cause, Torfèvrerie s'applique à produire, sous une forme
nouvelle, de splendides œuvres d'art qui seront toujours
l'honneur et la gloire de notre génie national.
§vi
LES DEUX CHASSES MODERNES DE SAINT-RAMBERT
Nous donnons, au lecteur, le dessin des deux châsses
modernes de saint Rambert, et nous accompagnons la repro-
duction de cet admirable travail, dû à la plume de notre
ami et collaborateur, M. Henri Marthoud, de la monographie
de ces deux précieux objets.
Châsse de iSoi. — Cette châsse, en bois doré, sculpté
dans le goût des œuvres de la fin du xviii* siècle, est un
travail très remarquable, par la perfection avec laquelle il
a été exécuté. (Fig. 39.)
; S",
' il
ïi
11
236 CHAPITRE XII
Une inscription écrite à la main et à l'encre noire, sur une
des parois rouges de l'intérieur de cette châsse, nous apprend
qu' « elle a esté faitte par les soins de Jean Faure, de Bou^
chorié^ de Gaspar Besson, de Pierre Giraud cadet marguillé
en 1801 (i) )).
Les principales dimensions de cette châsse intéressante
sont à la base, toute saillie comprise, o"*,57 cent, de longueur,
o",28 cent, de largeur. Sa hauteur est de o"*,3o cent, sans les
panaches, hauts seulement de o",o6 cent.
Sa forme, qui est plutôt celle d'un coffre, rappelle cependant
assez vaguement, par ses pilastres cannelés et leurs chapi-
teaux ioniques, Timage d'un temple. Cette châsse supporte
un couvercle à quatre pans égaux deux à deux, et inclinés de
telle sorte que leurs bords viennent tomber, en retrait^ sur
la ligne supérieure du rectangle, qu'ils laissent saillir de
o'°,02 cent. Aux angles supérieurs du couvercle, quatre
panaches en bois doré relèvent la silhouette de l'œuvre.
Les deux grands côtés de cette châsse permettent de voir
les reliques, à travers deux glaces, à droite et à gauche
desquelles sont deux panneaux rectangulaires chargés
d'ornements. Les deux panneaux de face montrent un rameau
de vigne, mariant ses feuilles et ses fruits avec une tige
d'épis.
Les deux autres portent des motifs variés. L'un est
fait d'une panoplie d'armes antiques croisant leur tranchant
avec un carquois garni de flèches, sous la protection d'un
bouclier. L'autre est composé d'une panoplie faite d'un
faisceau de licteur et dune épée, ombragés sous les plis d'un
drapeau.
Chacun desdits panneaux est percé d'une lunule de
o"',o3 cent, de diamètre. C'est à travers le verre convexe de
(i) Nous avons conservé, à cette inscription, son style et son orthographe. — Bouchorié,
Brochoriéf est le nom d'un quartier de la ville de Saint-Rambert-sur-Loiref où se trouvait,
jadis, la vieille boucherie communale.
LES CHASSES ET KELIQUAIRES 2$-J
cette lunule que les pèlerins pouvaient, autrefois, vénérer
les restes bénis de saint Rambert, en les baisant.
Les côtés latéraux de cette châsse montrent, en bas-
relief (FiG. 40] : l'un, saint Rambert triomphant de la
tyrannie, à cheval, coiffé du casque guerrier, vêtu de la
tunique des Francs, et tenant de la main droite trois
épis allégoriques; l'autre porte le même saint revêtu de
SAINT KAMBERT BH BXIL SAINT RAMBERT, UARTVR
Sculptures des cAlés lilirtui de la Chlssc de iHoi.
la bure monastique, assis devant une croix, à l'ombre
d'un chêne, et occupé à méditer dans un livre de prières,
aux lieux où Ebroin l'avait envoyé en exil, et où il le fit
martyriser.
Cette châsse, d'une valeur artistique réelle, est soigneu-
sement conservée dans le trésor de notre église, depuis
le jour où M. le chanoine et archiprêtre Subtil, notre
digne prédécesseur, ta remplaça par celle qui renferme
238 CHAPITRE XII
aujourd'hui les reliques vénérées de nos saints Rambert
et Domitien (i).
Châsse de 1872. — C'est en 1872, à la suite des répara-
tions importantes exécutées à l'intérieur de notre église (2)
que les ossements de nos chers saints furent transférés, de
la vieille châsse de 1 801, dans une nouvelle châsse, plus belle
sans doute, mais tout à fait moderne (Fig. 41).
Cette châsse, dont le poids énorme est à remarquer,
mesure o°,6o cent. 1/2 de longueur, entre les deux angles des
pilastres, et o",28 cent. 1/2 de largeur, o",32 cent. 1/2 de
hauteur, corniche comprise, et o",46 cent., au-dessous de
Tantéfixe.
Elle est faite en cuivre massif, ciselé, émaillé et doré.
Le travail donne l'idée d'un temple byzantin recouvert
d'une toiture à deux égouts. Sur le plan de chacun de
ces égouts on voit trois croix en relief, gravées, encadrées
d'entrelacs, de volutes et de fleurons dorés et émaillés,
vert et rouge, sur un fond d'émail, bleu pâle. L'œuvre
se termine, au faîtage, par un chapelet de perles, régulier
et peu saillant.
Le corps principal de cette châsse comprend, sur ses
grandes faces, trois arcades à plein cintre avec denticules,
au travers desquelles et abritées sous verre, apparaissent
complètement les reliques. Des colonnes courtes, entière-
ment détachées, aux fûts torses, losanges et émaillés,
avec chapiteaux variés, de bon style, en soutiennent les
arceaux. L'extrados est orné d'un bouquet de feuillage
enroulé avec un fleuron central, émaillé blanc sur fond de
pourpre. Sur les petits côtés, une arcade embrasse toute la
(i) Voir U figure 39.
(3) Par M. Bressoo, architecte lyonnais, d'un mérite incontestable.
CHAPITRE Xtl
largeur, de même style, quoique plus élevée. Elle est décorée,
dans l'extrados à fond de pourpre, par une suite de rinceaux
DÉTAILS DK l'ornementation DC LA CHASSE E
RéduclioD ta 1/4 de l'originil. — ColoDiiellei, :
dorés à fleurons émaillés, d'azur pâle, que recouvre, au
sommet, une élégante croix dorée et émaillée de rouge.
Les chasses et RELIQUAlkES i4i
Aux quatre angles, sur des pilastres à chapiteaux romans,
finement exécutés et dont le corps forme un panneau à fond
de pourpre, se développe un enroulement de rinceaux dorés.
La composition de ces rinceaux est d'un fini irréprochable.
Ils sont couronnés par une gracieuse corniche à modillons,
chapelet de perles et palmettes gravées et dorées.
Pour terminer ce couronnement, des acrotères aux angles
et un antéfixe, en haut relief doré, complètent cet ensemble
tout à fait admirable qui résume, selon la pensée d'un
auteur : « l'art gréco-romain qui admettait comme prin-
ce cipe la reproduction d'un type ornemental qui reparaît
(€ identique à lui-même, tout le long d'une surface ou d'un
cf édifice, comme les palmettes, les oves, les méandres, les
« entrelacs, les chapelets de perles, etc. »
Cette châsse que l'on peut, sans conteste, considérer comme
un chef-d'œuvre, est due au talent d'un artiste de l'ancienne
maison Tissot, de Lyon. D'une parfaite exécution, elle
sera toujours digne de la piété des fidèles, comme aussi, elle
fera toujours l'admiration des amateurs de l'art chrétien.
Fasse Dieu que la présence, parmi nous, de cet écrin sacré
de nos chères reliques soit, pour le présent et pour l'avenir,
comme un préservatif salutaire contre les fléaux de la nature,
le malheur des temps troublés, et les ravages de l'impiété !
i6
qui prolège la châtie où xiDt rcDrcrmies les rdiqu» de sainl Ramben, martyr.
SLCTION DEUXIEME : LES RELIQUAIRHS
DIVERSES SORTES DE RELIQUAIRES
Les reliquaires que notre église de Saint-Ramberr-sur-
Loire conserve dans son trésor, n'offrent pas un intérêt
moins grand que ses châsses, malgré leur petit nombre.
Il ne faut pas confondre le « reliquaire » avec ia « châsse »
dont il est le dérivé direct, et un diminutif (i). Sa forme est,
en général, assez variée pour mériter une étude spéciale (2).
Mais nous n'en donnerons qu'une description sommaire,
pour ne point sortirdu plan que nous nous sommes tracé. Les
développements qui suivent n'ont pas d'autre but que d'initier
le lecteur à la connaissance de ces objets du culte divin, et
de lui rendre plus aKrayante la description monographique
que nous allons faire de ceux que nous possédons (3).
Il) Il Qaoiqu'oD coûfonde souvcnl la chl>K avec 1c reliquaire, il ciiatc pourtant, «nirt
• lei deux, UD< différence, car le dernier n'en qu'UD di m in util de la première. ilM. l'abM
Pàical, iMtUtKliOnl dt VAtI çhréllea, tonte II, p. 141.)
(ï) Phylactirei. pbilalièrei. noms que Ion donne i tout meuble contenant dei relique*
de taioli. Il y atalt des reliquaire! de toutet lei lormii, de toute nature et de tonte
dimeniioD. Il faat cependant dittiuguer le reliquaire de la chliK. La chlue conlieu un
corpaiainl. c'eil le cercueil. Le reliquaire est le vaie, le coffre, le meuble.enfin.dant lequel oa
renrerme loit une partie d'un corpa Hint, loit un objet laucllfié. Ain», on ne pourrait dire
que ta couronne d'^pïnei de Notre-Seîgneur fut renfermfe dan* une ehlase, main dan* un
reliquaire. {Diclionnairt du Mobitiir ftanfati, Violut-u-Duc, lome I. p. 110.)
13) Le plni ancien et le plu* précieux de toui lei retiquairti vénéré* pendant le moyen
l|e e*t le • Saint Graal >.
Le • Saint Graal > eil le vase qui icrvii k léiui-Chrlit pour ctlébrer la Ctne, et dan*
lequel Joaeph d'Arimaihie recueitlil le* goutte* de ung de Noire-Seigneur, apréi )a Paulon.
Ce taie paaaa, dit la légende, de* maini de Joseph d'Arimaihie, qui vécut plua de deoi
■ièclei. en cellea de son neveu nommé Alain. I.lilatoire de
■uiet de plutleur* romana pendant le moyen Ige. ^Violl
MobUitr/ranfait. totne 1, p. ]i3.)
'144 CHAPITRE Xti
(a) Fioles lacr/matoires. — Des fouilles intéressantes opérdeâ
dans les « loculi » des Catacombes, ont mis au jour une
variété de petits récipients dont l'usage a été cherché
longtemps, et est encore discuté aujourd'hui. Il s'agit de
petits vases de verre ou de cristal désignés, parfois, sous le
nom de « Fioles lacrymatoires », dont l'emploi apparemment
indiqué serait difiBcile à justifier, si nous ne savions déjà
qu'elles le tirent plutôt de leur forme particulière, qui est
ordinairement celle d'une larme.
D'après certains écrivains, Tusage de ces petits vases
était réservé pour contenir des baumes odoriférants, dont le
parfum devait servir à combattre Todeur cadavérique des
tombeaux. Selon d'autres, ils étaient destinés à renfermer
des onguents de toilette dont on a cru trouver, quelquefois,
les traces dans une matière onctueuse et grasse.
Cette dernière appréciation relativement juste, paraît très
admissible ; car nous savons que dès le iv* siècle, il était de
tradition d'honorer^ non seulement la sainte dépouille des
martyrs, mais encore de considérer l'huile des lampes qui
brûlaient sur leurs tombeaux, comme un remède efficace
contre les maladies, et surtout contre les maux d'yeux.
Il est rapporté que saint Grégoire (vii^ siècle) avait envoyé,
à la reine Théodelinde, des vases contenant de l'huile des
tombeaux des martyrs. A Lyon, au monastère de Saint-
Pierre-les-Nonains, où l'on conservait les reliques du
glorieux martyr saint Ennemond (vers 663), on vit maintes
fois des aveugles recouvrer l'usage de la vue, en s'oignant les
yeux avec l'huile de la lampe qui brûlait, à perpétuité, devant
ses pieux restes.
C'est ainsi que l'huile merveilleuse qui découlait goutte à
goutte du tombeau de saint Rambert, après avoir servi à ali-
menter les lampes suspendues tout autour, guérissait de leurs
infirmités les fidèles dévots qui en avaient été oints (i).
(I) Voir le chapitre lU* de cet ouvrage : Martyre de saint Rambertf p. 36.
LES CHASSES ET RELIQUAtBPS 345
Au viii* siècle, saint Bonnet guérissait les malades en les
oignant avec l'huile de la confession de saint Pierre. Un fait
non moins prouvé, c'est l'emploi que faisaient les premiers
chrétiens de ces fioles, pour recueillir le sang du corps des
martyrs (Fio. 44), qu'ils épongalent dans quelques-uns de
ces vases. La présence d'épongés
a été constatée. Un autre fait de
ce genre, observé plusieurs fois et
rapporté par le savant Bosio, que sur
son témoignage le P. Mabillon a
admis sans hésitation (i), a consacré
la découverte de quelques-uns de ces
vases restés hermétiquement fermés,
où le sang était liquide, mais que sa "■ "*'»^'
surface séreuse obligeait à agiter, pour
lui rendre sa couleur naturelle. Il antiqum
est certain que cette coutume, aussi dcUn^» tcamenirduungdd
. -, , . . . martvn, ou de l'huile d«>
pieuse que pénible à constater, a ete i.ni[«.de leuntombum. -
pratiquée par les chrétiens, ainsi ^<""'"' °'-°7 ""'■
qu'en témoigne le poète ancien dans son hymne sur le
martyre du diacre saint Vincent.
< Plerique vestem lineam
« Slillante lingunt sanguine;
« Tutamen ut sacrum suis
I Domi reservent posteris. >
« Beaucoup — de fidèles — teignent une étoffe de Un
«( du sang qui coule des veines du martyr. C'est une
« protection sacrée qu'ils réservent dans leurs maisons pour
« leurs descendants (2). »
r) Ep. EuKb.M.. 4, 1 édil. Dictionnaire Jet AntiiiuiUi ehrélieKnet, abbi Mimnoir.
' ; < L» petit» ampoulK de verre dont août donnont ici le de«tia, >(> part ien Dent i 11
246 CHAPITRE XII
(b) Encolpia, — Il est certain que dès les premiers temps
du christianisme, les fidèles dont on connaît non seulement
la piété et la vénération pour les ossements des martyrs, mais
encore pour les objets qui leur avaient appartenu, se firent
de petits vases, de petits coffrets (capsa)^ pour conserver dans
la famille, les reliques de ces saints athlètes. Ces reli-
quaires primitifs étaient pieusement gardés, dans les maisons,
comme des objets propres à conjurer les malheurs et à attirer
les. bénédictions de Dieu. Il y a plus, les fidèles portaient
suspendues à leur cou, nous l'avons dit au chapitre IX*, ces
petites custodes, en or et en argent, qui affectaient quelquefois
la forme de petits médaillons carrés ou ronds (i).
Les petits reliquaires, de la forme de ceux que nous venons
de décrire, ne servaient pas seulement à renfermer quelques
parcelles des reliques des saints, mais encore, après l'invention
de la Sainte Croix de Notre-Seigneur par sainte Hélène
(iv' siècle), à renfermer quelques fragments de ce bois sacré.
Ces reliquaires, en raison de leur destination, prirent alors la
forme spéciale de la Croix. Au vu* siècle, saint Grégoire-le-
Grand avait envoyé une croix de ce genre, contenant un
fragment assez considérable du bois sacré à la reine
Théodelinde, épouse d'Aritharis, roi des Lombards. Cette
croix fut reconnue, en 1246, dans un inventaire du célèbre
(1) Voir le n* 2 des notes de la page i5i, chapitre IX. Saint Jean Chrysostôme mentionne
ces écrins portatifs (encolpia), dans plusieurs de ses œuvres, et, en particulier, dans sa
XIX* Homélie : De statutis. Sainte Geneviève (432-512), née à Nanterre, Patronne de Paris,
qu'elle sauva d'Attila, portait un médaillon de bronze marqué du signe de la croix. Ce
médaillon, qui lui avait été donné par saint Germain, évêque d'Auxerre. renfermait des
parcelles de reliques. Saint Nicéphore, patriarche de Constantinople, qui vivait vers 806,
dans sa réfutation des Iconoclastes, assure que, de son temps, tous les chrétiens portaient,
suspendus à leur cou par une chaîne, des « encolpia », sur lesquels on voyait, gravés, le
monogramme du Christ, et les mystères de la vie de Notre-Seigneur. Et, ajoute ce saint
évSque, c'étaient des objets fabriqués depuis longtemps. Nous savons, par le témoignage de
plusieurs savants : Bosio, Aringhi, Ciampini et Bottari, que deux de ces reliquaires ont été
trouvés en lôyi, dans des tombeaux du cimetière antique du Vatican. De forme carrée et
munis d'une boucle de suspension, ils sont en or, et portent sur l'une de leurs faces, le
chrisme accompagné de l'A et de l'w. Les « encolpia ■ de cette époque représentent, ordi-
nairement, la Passion de Notrc-Seigneur Jésus-Christ, ses miracles ou sa résurrection. Ils
renferment soit des pages d'iîvangile, soit des parcelles d'ossements des martyrs, soit encore
quelques fragments d'étoffe imprégnés de leur sang. (D'après M. l'abbé Marti^y.)
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 247
trésor de Monza : « Crux gemmata quœ habei de ligno sanctœ
Crucis ». Et dans l'inventaire de 1276 : « Crux regrtt cum
gemmis et lapidibus » (i).
Ce n'est point seulement chez le peuple que nous trouvons
profondément enracinés, avec le culte des reliques, le goût et
Tusage des reliquaires portatifs. Les rois, les évêques, les
abbés de monastères avaient trouvé l'ingénieux moyen de ne
jamais se séparer des précieuses reliques des saints auxquels
ils avaient confiance, en transformant les insignes de leur
dignité en de véritables « encolpia ». C'est ainsi qu'à cette
lointaine époque, les diadèmes royaux, les mitres épiscopales,
les crosses abbatiales portaient souvent quelques parcelles
d'ossements sacrés, enchâssés dans des perles, dans des
émeraudes ou dans d'autres pierreries montées avec un art
consommé (2).
Pendant la période romane, la forme des reliquaires
fut très variée. Au xi* siècle on en fit en forme de tour
ronde ; au xii* siècle on en vit sous la figure d'un ange
portant une corbeille ; au xiii^ siècle on leur donna la
silhouette d'un château fort, et même d'une lanterne avec
volets, d'une burette, d'un cheval avec son cavalier (3). Au
temps des croisades, de pieux et preux chevaliers enchâssaient
dans le pommeau de leurépée de vénérables reliques, comme
un talisman précieux.
(1) Voir aux piices jastificatiTci n* i8.
(a) Suivant saint Grégoire, il était d'usage, en son temps, de distribuer, en présents, de
petites clefs d'or, contenant de la limaille des chaînes de saint Pierre. Childebert, roi de
France, en reçut une, envoyée par ce Pape, pour lui servir de préservatif contre tous les
maux.
Dans rinventaire du trésor de Monza, en layS, il est fait mention de la couronne des
rois lombards, dans laquelle la reine Théodelinde plaça un des clous de la vraie croix.
Suivant le « Testament de saint Yrieix publié par M. Akbellot, dans le Bulletin de la
Société Archéologique du Limousin ■, il est dit qu'en l'année 573, il y avait, dans l'oratoire
de saint Hilaire, une couronne avec une croix faite d'argent doré, enrichie de pierres
précieuses, pleine de reliques de saints, et son ornement valant, selon estimation, 100 s., etc.
(3) Cours élémentaire d'Archéologie religieuse, tome II, p. 141, par M. l'abbé Mau.bt.
24^ Chapitre xit
Quelquefois le reliquaire affecte la forme d'un buste (i)
représentant le saint ou la sainte dont il contient les reliques ;
d'autres fois, il reproduit l'image du saint dont il renferme
le chef, ou bien il a la forme du bras, du pied ou de quelque
autre partie du corps qu'il contient.
Pour justifier l'originalité de ces diverses sortes de reli-
quaires nous pourrions en citer de nombreux exemples (2).
Nous nous contenterons de faire la description de celui que
possède une église de notre région forézienne : le Bras-
reliquaire de l'église de Veauche (Loire).
(c) Bras-reliquaire de r église de Veauche (Loire). — Ce bras-
reliquaire dont nous donnons ici le dessin (Fig. 46) est un des
rares modèles du genre. C'est une pièce d'orfèvrerie en argent,
du plus grand intérêt. Sa hauteur extrême est de o®,5o cent.,
et sa date d'origine ne saurait, croyons-nous, remonter au-
delà du xv* siècle. Il contient des reliques de saint Pancrace,
patron de la paroisse, de saint Clair, de saint Martin; et
nous sommes enclin à le considérer comme le pieux présent
de quelque noble bienfaiteur de la localité.
(i) Le riche trésor du monaitère de Saint-Maurice-en-Valais conserve deux reliquaires
remarquables en argent repoussé du xi* siècle, en forme de bustes. L'un renferme le chef de
saint Victor, soldat de la légion thébaine ; l'autre montre la figure de saint Candide, et il
contient aussi son chef. Le buste repose sur un pied carré, orné de la scène de son
martyre. Cette dernière pièce d'orfèvrerie présente un intérêt réel par la richesse de ses
pierreries, le fini de son exécution, et surtout par l'originalité de la coiffure et du costume
carolingiens. (D'après les notes de M. H. Marthoud.)
(2) M. l'abbé Pascal cite un reliquaire que l'on voyait autrefois à Saint-Germain-des-Prés,
à Paris, et qui avait la forme de la jambe bardée de fer d'un preux chevalier, (.e reliquaire
original contenait le tibia d'un des Saints Innocents.
Le musée de Cluny possède un reliquaire du ziv* siècle, d'origine italienne, mesurant
o^.ao cent.de longueur, en cuivre repoussé et doré, ayant renfermé le pied du saint abbé
Alard, ainsi que l'indique Tinscription gravée dans le haut : « Qui . entro . cil . piede . di .
Santo ,Alardo . abate. »
L'église Saint-NIcolas-du-Port, en Lorraine, possédait un magnifique reliquaire ayant la
forme d'un bras. Ce reliquaire admirable contenait un doigt de saint Nicolas, qui avait été
donné, en 1087, à une chapelle de cette petite ville, par un seigneur de la contrée. Suivant
VArt ornemental, année 1884, n* 72, qui en a publié un dessin : « La relique était
« contenue dans un bras supporté par un socle, en or, de forme ovale, et décoré de pierres
t gravées antiques, et d'écussons. Les pierres gravées représentaient des sujets mytholo-
• giques ou allégoriques. •
Malheureusement, comme tant d'autres merveilles de l'art ancien, cette pièce extra-
ordinaire a été brisée pendant la grande Révolution (1793), et livrée au creuset égalitaire.
LES CHASSES ET KEUQCAIIES 349
D'un travail absolument soigné, et d'une sobre richesse
d'ornementation, rehaussée autrefois de pierreries dont il
reste fort peu de choses, nous
pou%-oas, d'après les trois
poinçons et la marque de
Lyon dont il est signé, non
seulement juger de l'habileté
des orfèvres lyonnais, à cette
époque, mais encore signaler
la lettre initiale gothique
> U J> de l'artiste qui l'a
exécuté,! etire que nous aurons
bientôt l'occasion deretrouver.
Entièrement battu au mar-
teau,cet intéressant reliquaire
est repoussé avec un relief bien
naturel de forme. La main
fermée montre le pouce relevé
et orné d'un fort anneau de
vermeil, avec chaton carré
enrichi d'un gros grenat. Le
poignet enveloppé d'un riche
tissu à bordure brodée, se
dégage de la draperie qui
recouvre le reste du bras, et
dont la ligne perpendiculaire
de jonction est cachée sous
une bande bordée de filets
torses, avec, au milieu, des """ *^
têtes de clous saillantes. Une reliquaihi en aroikt
fine bordure vermeille de
Cootcrvé dini VtgWte it Vcau^'hc tl.oirti.
rinceaux, entre deux cordons
tordus, couronne l'emmanchure. Elle se répète à la base,
sur une élégante moulure bordée, également, d'un fort
26o CHAPITRE XII
cordon torse, et sur laquelle subsiste encore, en relief, un
chaton garni d'un grenat. Enfin, au milieu du bras et au
revers, une cavité fermée à clef par une petite porte, renferme
les reliques. Ces reliques, cependant, apparaissent sur la face
à travers un cristal encadré d'une bordure vermeille, chargée
de rosaces de même travail.
(d) Les grands Ostensoirs-reliquaires ou Soleils d'orfèvrerie.
— Il ne faut pas confondre l'ostensoir qui sert à exposer la sainte
Hostie, avec l'ostensoir-reliquaire dont la custode ne garde
que des reliques de saints. Malgré la similitude apparente de
ces deux objets, les dimensions et la forme variée de la
custode du reliquaire^ le feront toujours distinguer de
l'ostensoir proprement dit.
Plusieurs auteurs, avec du Gange, appellent indistinctement
du nom de « Monsirances » toute variété d'ostensoirs (i), soit
qu'ils gardent des reliques de saints, soit qu'ils présentent la
sainte Eucharistie. En se plaçant au point de vue de leur desti-
nation qui est de montrer « monstrare » des reliques, il est
certain que ces auteurs ont quelque raison d'appeler ces
ostensoirs, de simples « Monstrances ».
Cependant, nous croyons qu'il est plus juste de se baser,
pour la dénomination respective de ces précieux écrins, non
sur leur silhouette souvent semblable; non encore sur un
usage commun aux uns et aux autres d'être exposés à la
vénération des fidèles, mais bien plutôt sur leur destination
initiale qui était de renfermer la sainte Hostie, ou même
d'importantes reliques.
Dans le premier cas, nous reconnaissons VOstensoir ou
Saint-Sacrement proprement dit, et dans le second, le
Reliquaire-rayonnant ou Soleil d'orfèvrerie qui l'a inspiré.
(i) «t Monstrantia seu phylacteria, seu arculK in quibus reconduntiir reliquiae àtque
d Eucharisfia. » Du Gange : Glossarius lingux latinae.
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 25 I
lequel^ du reste, est toujours connu sous le nom significatif
de : OSTENSOIR-RELIQUAIRE.
L'usage d'exposer alternativement, sur les autel s, l'ostensoir
et le reliquaire a non seulement permis aux artistes du
moyen âge de déployer plus d'une fois un talent merveilleux,
mais encore de donner à ces œuvres exceptionnelles des
dimensions extraordinaires. Onena vuatteignant,quelquefois,
et dépassant même une hauteur de i"',6o cent., chargées d'une
décoration prodigieuse pour les rendre plus visibles, d'où
leur nom d'ostensoirs « ostendere montrer ». Un maître de
l'orfèvrerie espagnole au xvi* siècle, Don Juan Arphé, met
en principe qu'il faut distinguer l'ostensoir à demeure fixe
sur l'autel, de l'ostensoir portatif utilisé dans les processions.
Nous croyons pouvoir confirmer cette opinion par deux
exemples : celui de l'ostensoir de la cathédrale de Barcelone
(Espagne), et celui de l'ostensoir de l'église Notre-Dame de
Saint-Chamond (Loire).
Le premier est en vermeil et du xv* siècle. Son poids exige
la force de huit prêtres pour le porter. Il s'agit bien, ici,
dans cette pièce extraordinaire, d'un ostensoir et non d'un
reliquaire, sur lequel est ménagée une réserve pour contenir
la sainte Hostie, indiquée, d'ailleurs, par un petit calice sur
lequel apparaît l'image (i).
L'autre ostensoir mérite d'être signalé parmi les travaux
d'art du xix* siècle. C'est une oeuvre monumentale en bronze
doré, qui après avoir figuré à l'Exposition de Paris, en i855,
et y avoir été très remarquée, fut acquise par la paroisse
(i) Une semblable disposition existe dans le célèbre ostensoir du xvi« siècle, de Daniel
Hopfer, où sous un portique deux anges agenouillés soutiennent une hostie, au-dessus du
calice. Cette ccuvre remarquable, par son aspect architectural et les scènes qu'elle représente,
est d'une exécution qui fait songer au goût un peu lourd de l'art allemand k cette époque.
Il n'est guère possible de rencontrer beaucoup d'œuvres de ce genre comparables au
célèbre ostensoir de Bélem, attribué au Portugais Gil Vicente (1470-1536 environ). C'est
une de ces merveilles qui, à elles seules, suffisent à la réputation d'un artiste. D'une
richesse inouïe, la belle composition de cet ostensoir est à remarquer à cause de l'heureuse
disposition d'une lunule centrale, pour abriter l'hostie qu'entourent les figures des douze
apôtres agenouilles en adoration.
252 CHAPITRE XII
Notre-Dame, à Saint-Chamond (Loire), où Ton vient fréquem-
ment Tadmirer.
Malgré son caractère bien défini, VOstensoir-reliquaire^ ou
Soleil (f orfèvrerie^ revêt diverses formes. Ainsi, on le trouve
quelquefois dominé, dans son œuvre principale, par une figure
sainte environnée d'une gloire rayonnante. D'autres fois il
apparait sous la forme d'un tryptique de métal ouvragé, monté
sur pied. La partie médiale de ce tryptique contient la custode
pour les reliques, et sur des ailes latérales découpées, ciselées,
ou gravées, se montrent de saints personnages abrités sous des
arceaux gothiques. Ce genre de reliquaire est celui où l'orfèvre
semble avoir le plus vaste champ pour mettre en évidence les
richesses de son génie, et la forme d'édifice ogival qu'il donne
souvent à ces reliquaires, est celle qu'il peut traiter avec le plus
de magnificence. Alors, l'œuvre de l'artiste devient une église
gothique en miniature, avec pinacles pour recevoir Timage des
bienheureux dont elle garde les reliques, avec flèche élancée
surmontée, comme signe distinctif, d'un petit « soleil » de
métal doré (i).
(e) Ostensoirs-reliquaires ou « Soleils d'orfeifrerie »
de l'église Saint-Rambert-en-Forez.
Notre vieille église conserve deux ostensoirs reliquaires ou
soleils d'orfèvrerie. Le premier, le plus important des deux, est
en cuivre argenté et repoussé au marteau. Il a la forme d'une
croix rayonnante, montée sur un pied dont la base rectangu-
laire mesure, sur ses grands côtés, un peu plus de o", 1 1 cent.,
et seulement o",09 cent, environ, sur les petits côtés. Les
bras de la croix donnent une envergure de o",i4 cent, et la
hauteur totale de cet intéressant reliquaire est de o™,3o cent.
L'ornementation en est simple, et l'œuvre semble ne pas
(i) C'est sans doute à* ce détail significatif que ces reliquaires doivent d'être nommés:
tt Soleils d'orfèvrerie » par les anciens, et dont le xviii* siècle s'inspira pour modifier
complètement l'ostensoir ou • Saint-Sacrement ». C'est depuis cette transformation que
nous avons les « Soleils rayonnants » sur lesquels apparaissent, tour à tour, des tètes de
chérubins, des images symboliques d'épis de blé et de grappes de raisins.
Les chasses et reliquaires 2d5
remonter au-delà du xvii* siècle. La lunule de cristal ménagée
au centre de la croix, et dont le diamètre n'est que de
o",o3 cent., a montré depuis 1804 jusqu'en i863, un petit 0^,
extrait du lot des reliques de saint Rambert, intitulé :
« ossicula manuum et pedum ».
Mais, depuis l'année i863, le petit ossement transféré dans
la grande châsse, a été remplacé par une parcelle du bois sacré
de la vraie croix. On vénère aujourd'hui avec piété, dans
notre église, cette précieuse relique (i).
L'autre ostensoir reliquaire est de plus petite dimension.
Sa hauteur totale atteint environ o™,i3 cent., et les rayons de
son soleil ne se développent que sur un diamètre de o",27 cent.
Cette œuvre est en bois sculpté, et nous paraît appartenir au
xvii^ siècle. Elle est très simplement exécutée, se compose
d'un pied prismatique avec tige en forme de cœur allongé,
avec la disposition archaïque d'un soleil surmonté d'une
petite croix^ mais dont les rayons sont des pétales arrondis
(FiG. 46 n** i).
(f) Les Reliquaires sur pied sont les petits <( présentoirs »
« ou processionnels » que les prêtres offrent à la vénération
des fidèles ; ou encore les reliquaires que l'on portait dans les
processions solennelles de .la fête des saints patrons et protec-
teurs. Ces (c présentoirs » ne renferment, généralement, que
des fragments de reliques.
C'était, à proprement parler, de petits reliquaires que leurs
dimensions réduites permettaient de porter à la main, et de
déposer sur un autel.
Reliquaire sur pied de l'église Saint^Rambert-en'Fore:{,
— Ce reliquaire, en cuivre argenté, et monté sur un pied gravé,
est de style Louis XI IL Sa custode rectangulaire est garnie,
sur le devant, d'un cristal. Elle n'est pas saillante, n'a qu'une
(1) C'est M* te chanoiàe'^archiprctrc Subtil qui fît U translation de ce petit ossement
de saint Rambert, dans un autre reliquaire en mfime mctal, de forme carrée et de style
ancien quelque peu roman, et dont nous parlerons aux pages suiTantes.
254 CHAPITRE XII
face à pans coupés et gravés. La hauteur totale de l'œuvre est
de o^^SS cent. Ce reliquaire intéressant contient des parcelles
de reliques des saints Rambert, Côme, Tranquiltin, Fortunat
et Vincent, martyrs (Fig. 46 n° 2).
KBLIQUAIRES CONSERVÉS DANS l'ÉGLISE SAINT -RAUBERT- EN -FOREZ
1. -^ Pelil OsIcHtoir-reliqualre ta bois >culpt6 du xvii' liicle; contcoaDl une r<liqu« de
«rgenté (époque de Louij XIII) i ci
èclc ; coalieol do reliques
(g) Les Monstrances. — La « monsirance » servait à
montrer aux tîdcles, par une exposition spéciale, les reliques
d'un saint, au jour anniversaire de sa fête. La forme des
monstrances est très variée. Elles sont cependant, et en général,
montéessur unpiedetseterminentdans leur partie supérieure
LES CHASSES ET RELIQUAIRES 255
en une custode élevée, tantôt ronde, tantôt carrée, quelque-
fois rectangulaire, affectant, d*autres fois, la forme de la
relique qu'elles sont destinées à conserver ; et toujours fermées
par un cristal qui permet d'apercevoir les reliques, tandis que
leur sommet est fait d'un petit couvercle surmonté d'une
croix. Les (( monsirances ï> peuvent aussi être considérées
comme une réduction de la châsse.
Dans la catégorie des petits reliquaires sur pied, dont le
genre est si varié, nous l'avons dit, la « monstrance » occupe
un rang spécial que sa forme particulière distinguera toujours.
Or, la forme la plus ordinaire de la « monstrance » est celle
d'une custode ou boîte de métal richement montée pour
recevoir des reliques, et supportée ordinairement par un pied
souvent très ouvragé.
Le trésor de l'église Saint-Maurice-en- Valais conserve une
« monstrance » où l'on vénère une épine de la couronne de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, relique sacro-sainte qui lui fut
donnée par saint Louis, roi de France, en 1262 (i).
(1) L'histoire nous apprend que le roi Louis IX obtint de pouvoir racheter la Sainte
couronne d'épines des mains des Vénitiens auxquels Beaudoin II, empereur de Constanti-
nople, l'avait abandonnée avec d'autres précieuses reliques, en gage d'un emprunt
considérable. A l'arrivée, en France, de ce dépôt sacré, le saint roi se rendit à Villeneuvc-
TArchevèque pour le recevoir solennellement (i8 août laSç).
Cette insigne relique, transportée à Paris par le roi lui-même, fut déposée provisoirement
dans le monastère de Saint-Antoinc-des-Champs, et. plus tard, devint le joyau de la Sainte-
Chapelle. La couronne d'épines que l'on vénère encore de nos jours est dépourvue de la
plupart de ses épines, qui sont allées enrichir le trésor de plusieurs églises, notamment de
l'église de l'antique abbaye Saint-Maurice-d'Agaune-en-Valais, de la basilique Saint-
Saturnin, à Tonloase, en6n, de l'antique basilique Notre-Dame du Puy en Velay.
Cette basilique, célèbre entre toutes, par les nombreux pèlerinages que nos rois et nos
pootifes ont faits, en tout temps, à son sanctuaire privilégié, pourrait encore témoigner des
pieuses largesses dont ils ont enrichi son trésor.
Mais de toutes celles qui ont pu en accroître l'importance, et dont l'un de ses plus grands
évèques, Jean de Bourbon, prieur de Saint-Rambert-en-Forez, malgré sa munificence
extraordinaire, n'aurait pu égaler l'excessive richesse, consistait en une sainte épine de
l'incomparable couronne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, donnée également par Saint Louis.
Cachée, pendant les troubles de la Révolution de lyçS, par une pieuse fille, elle ne devait
pas faire retour au Puy ; c'est par un singulier concours de circonstances qu'elle vint, plus
tard, enrichir l'église Notre-Dame, à Saint-Etienne-de-Furan, où elle est toujours en grande
vénération, particulièrement le jour de la fétc de l'Exaltation de la Sainte-Croix.
Nous donnons, dans la figure de la page suivante, le fac-similé de la lettre que saint
Louis écrivit aux chanoines et aux chapelains de Notre>Dame du Puy, lors de l'envoi qu'il
fit, à leur église, de la sainte épine. Nous croyons que cette lettre précieuse est un document
jusque-là inédit. (Fie. 47.)
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LES CHASSES ET RELIQUAIRES 257
Mais voici deux « monstrances » qui intéresseront le
lecteur.
Monstrances de l'église Saint-Rambert en Fore^. —
La première est une
pièce d'orfèvrerie
assezcurieuse {Fig. 48)
qui nous paraît re-
monter au xv" siècle.
Selon toute vraisem-
blance, elle fut un
don du pieux Jean de
Bourbon, évêque du
Puy - en - Velay , et
Prieur du monastère
de Saini-Rambert, où
il termina ses jours,
en 1485 (i). Cette
ff monstrance » est en
argent avec parties en
vermeil ; sa forme et
son exécution lui don-
nent un cachet parti-
culier. Son poinçon,
marqué de l'initiale
«pu couronné, per-
met, par sa similitude
avec celui que nous
avons trouvé sur le
« bras-reliquaire » de
Veauche, de l'attri-
buer au même artiste.
Nous y reconnais-
MONITRANCE DU XV' uiCLE
tan tttribuf ■ TéDJrtbIt JciD de BourboD. pour
l'igliM prionlc Sunl-Rimbcn. Ct reliquaire, en «rgcnt
polnçoDDt Cl mi-pirtic dort, traviillt au martou,
d'uni hau[iar de o-, 14 cent., ■ été découveneo 1B97,
par M. l'arehiprtlre curi de la piroiua.
<i) JciD de Bourbon, fils naturel i
d'Anvargnc, comte de For», etc., fut éi
de SaiDt-Ramben.cn-Forei(l46S).ït m
cm ]■■ de Bourbon, duc de Bourbannaii et
e du Puy-en-Velay (1443), prieur du Prieur*
Il dani ledit Prieuré, le 1 décMnbre i4tji.
258 CHAPITRE XII
sons, en effet, la même habileté d'exécution, le même
procédé de travail. Complètement façonnée au marteau,
cette « monstrance » a certaines parties en vermeil, rapportées,
découpées et gravées avec beaucoup d'art. Sur son pied
rectangulaire, remplacement vide d*un écusson laisse facile-
ment deviner les armes absentes du noble donateur. Près du
nœud godronné qui orne le milieu du pied, apparaissent les
traces de soudure de plusieurs cabochons disparus. La custode,
très gracieuse, est rectangulaire, avec parois découpées dans le
goût gothique. Au milieu de ces parois, et sur chacune des deux
principales faces, une lunule arrondie permet de montrer les
reliques. Aux quatre angles, d'élégants contreforts gothiques
en vermeil, reçoivent une fine dentelle en bordure de couron-
nement, que termine un couvercle prismatique monté sur
charnières et orné d'une croix (Fig. 48).
L'autre ce monstrance » du trésor denotre église est plu s petite.
Elle est faite d'un bois bronzé dans le style du xvii* siècle.
Montée sur un pied tourné en forme de balustre, sa custode,
qui se développe sur o°*,io cent, de longueur, est rectan-
gulaire et garnie, aussi sur le devant, d'un cristal au travers
duquel on voyait, jadis, les reliques de saint Vincent et de
saint Fortunat, martyrs. Les deux petits côtés de cette œuvre
modeste portent une fleur de lys, fixée en pointe, et son sommet
est terminé par une petite croix. La hauteur totale de cette
« monstrance » ne dépasse pas o™,2i cent. (Fig. 46 n** 3).
On voit encore, dans le trésor de notre vieille église, deux
grands reliquaires en cuivre doré, montés sur pied, avec
custodes très bien décorées et d'un excellent effet, mais
modernes. Ces deux reliquaires contiennent, l'un : les reliques
des saints Jean-Baptiste, Précurseur de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, Irénée, évêque et martyr, Just, aussi évêque et
martyr, Tranquillin, martyr, et Roch, confesseur. L'autre :
les reliques des saints Côme, Urbin, Vincent, Fortunat et
Caste, martyrs.
CHAPITRE XIII
LE
CULTE DE SAINT RAMBERT
DANS LE FOREZ
A TRAVERS LES SIECLES
Nous avons prouvé au chapitre VIP, tant par la tradition que
par les textes de l'ancien office de saint Rambert, que le culte de
cet illustre martyr fut, dès les premiers temps delà translation
de ses reliques, en grand honneur dans la région du Forez
qui avoisine la petite cité de Saint-Rambert. Nous avons dit
que de nombreux pèlerins, attirés par les miracles opérés près
de la châsse du Saint, venaient sans cesse lui demander des
faveurs, et que personne ne s'en allait sans avoir obtenu
quelques grâces.
Mais, pendant combien de siècles le culte de saint Rambert
fut-il en honneur dans notre chère paroisse?
L-affluence des pèlerins autour de la châsse de notre illustre
et saint Patron se perpétua-t-elle, pendant le moyen âge,
jusqu*aux jours néfastes du grand cataclysme de 1793? Et
la dévotion à ses chères reliques provoqua-t-elle, à travers
les siècles, de nombreux et éclatants prodiges?
200 CHAPITRE XIII
Sur ces trois points intéressants nous n'avons pu, malgré
nos longues et actives recherches, recueillir aucun de ces
documents précis dont l'existence fixe clairement la vérité.
Toutefois, d'après une tradition populaire très accréditée
dans le pays, nous osons dire, sans trop nous aventurer, que
depuis les beaux jours de leur translation jusqu'aux temps
malheureux de la grande Révolution (1793), les reliques de
saint Rambert furent entourées de la plus grande vénération
par les fidèles de notre chrétienne cité.
Chaque année, principalement aux trois fêtes qui leur
étaient consacrées, ces reliques insignes voyaient une grande
affluence de fidèles agenouillés auprès de leur châsse, plus
célèbre alors par le bruit des miracles que par Téclat de Tor.
Nous ferons remarquer, en effet : i"* que le Bréviaire où
sont contenus l'office de la fête de saint Rambert et celui de la
fête de la Translation de ses reliques, renferme aussi l'office
de la Fête des miracles; 2^ que, de tout temps, d'après le
même Bréviaire, et d'après les Livres de Distributions
manuelles du Chapitre des chanoines de Saint -Rambert^ aux
xvi*, xvii' et xviii* siècles (i), les trois fêtes suivantes se
célébraient à la suite l'une de l'autre, dans l'église priorale,
savoir : la fête de la Translation des reliques, le 3 octobre ; la
fête de la Dédicace de l'Eglise du prieuré, le 4 octobre ; et la
fête des miracles de saint Rambert, le 5 octobre.
D'où il ressort que, si dans l'église de notre ancien Prieuré
l'on établit, à une certaine époque (2), la Fête des miracles de
saint Rambert^ c'est bien qu'assurément les prodiges se
multipliaient autour de la châsse de l'illustre martyr.
(i) Livre des Distributions manuelles du Chap. de l'Eglise collégiale de Saint- Rambert.
{Archives de la Loire, Fonds de Saint-Rauibert.)
Ces Livres manuscrits contiennent pendant plusieurs siècles, outre les distributions
d'honoraires aux chanoines, pour assistance aux offices, l'ordre des fêtes de l'année.
(3) Et certainement bien avant le xvi* siècle, puisque les livres des Distributions
manuelles lont déjà mention de cette fête des Miracles, à l'époque de la sécularisation du
monastère, vers 1541* comme d'une fête ancienne.
LE CULTE DE SAINT RAMBERT DANS LE FOREZ 26 1
C'est bien, aussi, que la reconnaissance de ses iidè)es
serviteurs, comblés et de grâces et de faveurs, réclamait le
temps et les moyens de se manifester avec éclat.
En effet, l'Eglise dans sa haute sagesse n'établit aucune
fête en l'honneur des saints, qu'elle n'ait, pour cela, de sérieux
motifs, et qu'elle n'y soit contrainte, en quelque sorte, par
l'éclat des vertus des serviteurs de Dieu; ou encore qu'elle ne
trouve, dans ces fêtes, un moyen d'exciter la foi des popu-
lations et de les retenir dans le devoir.
D'ailleurs, dans la succession non interrompue des trois fêtes
que nous venons de nommer, et dont la célébration avait
lieu jusqu'aux derniers jours du xviii* siècle, les 3*, 4** et
5* jours d'octobre, ne faudrait-il pas voir le désir de l'Eglise de
donner une large satisfaction à la piété des pèlerins recon-
naissants envers saint Rambert thaumaturge ? Un seul jour
pour témoigner leur gratitude à leur généreux bienfaiteur,
un seul jour pour faire éclater les transports de leur joie, eût
été trop peu. Il leur fallait les heures bénies de trois grandes
journées, la magnificence des cérémonies, les chants et les
prières de trois fêtes, pour redire à l'illustre Protecteur
l'hymne de la reconnaissance et de Tamour.
Voilà pourquoi nous ne craignons pas d'afl&rmer que,
pendant le long espace de sept siècles (1078-1793), notre
vieille église fut témoin d'un grand nombre de prodiges opérés
par l'intercession de son illustre Patron, et que pendant sept
siècles elle vit les pèlerins, évêques, prêtres et fidèles, afiluer
dans son enceinte, pour s'y agenouiller auprès des ossements
sacrés de notre bienheureux martyr (i).
On pourrait peut-être objecter aux preuves que nous
venons de donner sur la vérité des miracles opérés par saint
(i) A la date du 12 [uia 1662, l'archevêque de Lyon, Mgr Camille de Neuville de Villeroy,
faisant aussi sa visite pastorale, en laisse un procès-verbal dans lequel nous lisons :
« Sur le raaitre^utel, il y a une châsse de bois doré, où sont les reliques de saint Rambert
« et de saint Domitien que nous avons aussy vénérées. »
202 CHAPITRE XIII
Rambert, dans le cours des siècles, et sur l'affluence des
pèlerins à sa châsse vénérable, ce texte des actes du
martyr : « Bien que les miracles paraissent cesser
aujourd'hui (i). » Mais ce texte, qui porterait à croire que les
cendres de notre cher Saint sont, depuis bien longtemps,
comme une terre stérile et inféconde, nous paraît en réalité,
tout au plus faire allusion à une fréquence moins grande de
faits miraculeux, sans en nier, pour cela, l'existence et la
continuation.
Du reste, tout en reconnaissant une certaine rareté de
miracles autour de la châsse du bienheureux thaumaturge,
conséquence non de son impuissance auprès de Dieu, mais
de Ténormité de nos péchés, nous allons montrer avec des
preuves irrécusables que les dévots serviteurs n'ont pas
manqué à saint Rambert dans le cours des siècles, et partant
que son culte aimé n'a jamais cessé d'être en honneur dans
notre région forézienne.
Les documents sur lesquels nous nous appuyons pour
prouver notre thèse ne sont pas autres que les legs pieux
faits, à titre de reconnaissance, à diverses époques, par des
testateurs de toute condition, au profit de l'autel et du lumi-
naire de saint Rambert. Ces documents, tirés de l'Inventaire
sommaire des archives départementales antérieures à 17 go (2),
sont de nature à mettre de notre côté les esprits qui hési-
teraient encore à donner au culte de notre illustre Patron, la
notoriété et l'efficacité que nous lui avons attribuées pendant
tout le moyen âge .
(i) Actes du Martyre de saint Rambert. (Fonds BoUandistes, fête le i3 juin.)
(2) Par Aug. CHAVKtoKOiER, tome II, Archives civiles^ série B., n** i583 à 1906,
année 1888.
LE CULTE DE SAINT RAMBERT DANS LE FOREZ 203
LEGS PIEUX FAITS A DIVERSES EPOQUES
AU LUMINAIRE DR SAINT RAMBERT
i3ii. — En juillet de cette année, dame Flore, fille de
Guillaume de Chambles, fait un legs de 2 sols
viennois à la chandelle (luminaire) de saint
Rambert.
1329. — Le 2 février, legs de Pierre de Veauche, fils de feu
Pierre Roer, au luminaire de saint Rambert.
1341. — Le 21 avril, legs de Benoîte Boniolha,d'Andreyzieu,
paroisse Saint-Cyprien, au luminaire de saint
Rambert.
1348. — Le 7 septembre, legs de Jean Colombet, d*Anères,
paroisse Saint-Just-sur-Loire, au luminaire de
saint Rambert.
i356. — Le 10 octobre, legs de messire Hugue d'Urgel,
chevalier, fils de feu messire Humbert d'Urgel,
aussi chevalier, au luminaire de saint Rambert.
1 36i . — Le 20 août, legs de Jean de Bonson, juré de la cour
de Forez et noble Sicarde, dite Liatarde, femme
de Falconnet de Chambles, damoiseau, au lumi-
naire de saint Rambert.
1370. — Le i5 septembre, legs d'André Chalandon, dit
Malbuyas, du Lac, paroisse Saint-Cyprien, au
luminaire de saint Rambert.
i382. — Le 20 janvier, legs de Jacquemet Vîcaret, de
Grantgent, paroisse Saint-Just-sur-Loîre, au
luminaire de saint Rambert.
1391. — Le mercredi après Noël, legs de Barthélemi Roland,
d 'Andreyzieu , paroisse Saint - Cyprien , et
d'Antoine Milon, de Saint-Rambert, au lumi-
naire de saint Rambert,
264 CHAPITRE XIII
1400. — Vers le 25 septembre, legs de Jean de Mont Jaunier,
de la paroisse Saint- Ram bert, au luminaire de
saint Rambert.
1403. — Le 21 février, Messire Jean Poncet, prêtre curé de
Saint-Rambert, lègue, pour une fois, trois francs en
orpour l'entretien du luminaire de saint Rambert.
1403. — Le 17 septembre, legs de Jeanne de Malhargues,
femme de Jean de Bosco (Du Boys), notaire juré
de la Cour de Forez, au luminaire de saint
Rambert.
1408. — Le 6 septembre, legs de Catherine Rochaing, veuve
d'Antoine Milon, de Saint-Rambert, au luminaire
de saint Rambert.
141 5. — Le 26 février, legs de Messire André Granet, prêtre
habitant Saint-Rambert, au luminaire de saint
Rambert.
1424. — Le 1 1 mai, honnête homme Jean Bicieu, clerc de
Saint-Rambert, donne et lègue une fois pour
toutes, à l'église Saint-Rambert a une asnée »
d'huile pour être répartie « dans les lampes » de
saint Rambert, de la bienheureuse Vierge Marie
et de tous les saints et saintes de Dieu, et les
y tenir allumées.
1427. — Le 29 avril, legs de honnête homme Messire Déodat
Sarrazin, prêtre curé de Saint-Rambert, au
luminaire de saint Rambert.
1428. — Le 5 septembre, legs de Jean Michel, de Saint-
Rambert, notaire public, au luminaire de saint
Rambert.
1432. — Le 5 janvier, legs de Messire Jean Girin, prêtre de
Saint-Rambert, au luminaire de saint Rambert.
1439. — Le i3 août, legs de Pierre Ponchon, forgeron, de
Saint-Rambert, au luminaire de saint Rambert.
LE CULTE DE SAINT RAMBERT DANS LE FOREZ 20D
1444. — Le 21 novembre, autre legs de Messire Jean Poncet,
prêtre de Saint*Rambert, au luminaire de saint
Ramben.
1447. — Le 29 avril, legs de Pierre Reynod de Mont-Jaunier,
paroisse Saint-Rambert, au luminaire de saint
Rambert.
16 14. — A ceue date, et le mercredi 9 juillet. Monseigneur de
Marquemont faisant sa visite pastorale à Saint-
Rambert-en-Forez, constatait la présence d'un
autel sous le vocable de saint Rambert^ édifié
derrière le grand autel, ce pour y dire Messes pour
les malades j>. C'est une preuve évidente que le
culte de saint Rambert était bien vivant, à cette
époque, dans les familles chrétiennes qui lui
demandaient la santé de leurs malades. (Archives
de la Paroisse.)
N'est-il pas évident que tous ces legs pieux, faits au profit
du luminaire de la chapelle ou de la châsse de saint Rambert,
n'ont été que l'expression de la reconnaissance des testateurs
envers le Saint, dont ils avaient reçu des faveurs signalées?
Assurément, si la dévotion à saint Rambert n'avait pas
tenu la place d'honneur dans les familles chrétiennes de la
ville de Saint- Rambert, et dans le voisinage; si les membres
de ces familles n'avaient jamais été l'objet de quelques grâces
particulières, assurément, ils n'eussent jamais eu Tidée de
faire des aumônes pour l'entretien des Reliques du grand
Martyr.
Remarquons, ici, que certains legs, celui par exemple de
Jean Bicieu, est fait en faveur « des lampes de saint Rambert^
pour les y tenir allumées ï>.
Donc, la châsse qui contenait les précieuses reliques de
notre illustre Patron était, au moyen âge, un objet de grande
vénération. Loin d'être reléguée dans un lieu obscur, enve-
266 CHAPITRE XHI
loppée d'indifférence et d'oubli, elle occupait, sous les voûtes
saintes de TEglise priorale, une place d'honneur (i). On la
voyait, sans nul doute, au-dessus du grand autel, toute
resplendissante des lumières et des lampes merveilleuses
que la piété des fidèles y entretenait nuit et jour, et qui, en
lui faisant comme un brillant diadème, la signalaient tout
spécialement à la piété des pèlerins.
Le seul fait de lampes brûlant nombreuses devant la châsse
de saint Rambert ne suffirait-il pas pour prouver qu'au
moyen âge, et encore longtemps après, le culte de notre illustre
Patron était cher à nos populations foncièrement chrétiennes,
et que des miracles s'opéraient auprès des insignes Reliques
que nous possédons (2) ?
Il est fort regrettable que, dans le nombre incalculable de
documents que nous avons fouillés (3), nous n'en ayons trouvé
aucun nous donnant, non point le récit détaillé des grandes
fêtes annuelles de notre illustre Patron, aux siècles passés,
mais y faisant seulement quelque lointaine allusion.
Nous espérons cependant, en poursuivant nos recherches,
être plus heureux dans la suite.
Avant de clore ce chapitre sur le culte de saint Rambert
dans le Forez, et à travers les âges, nous voulons, inspiré par
(1) Dans le procès-verbal de Mgr Camille de Neuville, lors de sa visite en 1663, nous
avons vu que ce prélat vénéra la chflsse de nos reliques, placée sur le grand autel. {Archives
de la Paroisse.)
(2) Messire Jean-Marie de la Mure, dans son Histoire ecclésiastique du diocèse de
Lyon, page 270, Livre du Recueil des noms des saints plus singuliers, etc., s'exprime
ainsi à l'article Saint-Rambert : « Et c'est de ce lieu (de Saint-Rambert-^eJoux en Bugey)
« où se fit la déposition du corps de saint Rambert, environ Tan 680, que ses reliques
« principales furent depuis, par succession de temps, miraculeusement transportées au
« pays de Fores, en ce même diocèse du temps de Gillinus, comte dudit pays, qui vivait en
« l'année 1078. et qu'elles y donnèrent le nom à un magnifique Prieuré de l'archiprètré
« de Montbrison, qui auparavant y portait celui de Saint-André, où elles sont à présent
« révérées, et où Dieu, en leur faveur, opère de grands et fréquents miracles. > (Texte
authentique.)
(3) Grflce à Tamabilité et à l'obligeance inaltérable et de M. Joseph de Fréminville,
archiviste du département de la Loire, et de M. Th. Rochigneux, bibliothécaire de la
pjan^, à Mçntbrison.
LE CULTE DE SAINT RAMBERT DANS LE FOREZ 2b'J
la tradition locale, et appuyé sur les titres que nous avons
cités, répéter encore une fois avec l'auteur érudit des
« Excursions foré^iennes » (i) : « Avant lygS, un grand
a concours de peuple avait lieu le jour de la fête de saint
« Rambert, en cette ville, pour vénérer les Reliques du
a Saint, et ce qu'on appelait alors « la Robe de la Vierge »
« ou Chasuble de saint Rambert » (2).
(i) M. le docteur A. Rimauo, BKCursionsforéxiemmeStp. 37.
(2) Robe de la Vierge. C'est, nous l'avons dit ailleurs, le nom que le peuple de la région
donne à la fameuse chasuble dont nous avons fait la description au chapitre XI«.
CHAPITRE XIV
RECONNAISSANCES
DES
RELIQUES DE SAINT RAMBERT
A DIVERSES ÉPOQUES
« L'Histoire Ecclésiastique, dit le savant auteur des Archives
a de Belley (i), offre à notre admiration le zèle des premiers
c< chrétiens à recueillir les actes des Martyrs, et tous les faits
« qui pouvaient constater Tauthenticité de leurs dépouilles
« mortelles. Leurs vertus, leur courage, leur genre de mort,
<c les miracles qui s'opéraient à leur tombeau, leurs panégy-
<( riques, tout était fidèlement enregistré. La lecture de ces
« livres sacrés fortifiait la foi des fidèles, et les animait à la
« défense de la cause pour laquelle les Martyrs avaient
<c souffert. »
Malheureusement, le feu des persécutions allumé par la
haine du nom chrétien détruisit ces annales précieuses des
confesseurs de la foi, aux premiers siècles de l'Eglise.
(i) M. Depbry, vÎMire général de Bclley. auteur de Y Histoire hagiologique du diocèse
de Beliey, tS3 5.
270 CHAPITRE XIV
Plus tard, lorsque la mort eut eu raison des tyrans et des
persécuteurs, les serviteurs de Dieu ne trouvant plus l'occasion
de verser leur sang pour Jésus-Christ, voulurent cependant
lui consacrer les heures d'une vie d'héroïques vertus. Aussi
se bâtirent-ils, d'abord, des cellules dans les lieux les plus retirés
du monde, pour y vivre dans la solitude et la pénitence; et
ensuite des monastères, où vivant ensemble ils s'adonnaient
à un nouveau genre de martyre : celui des austérités corporelles
les plus rudes, et des mortifications spirituelles les plus
austères.
Or, ces maisons de prières ferventes et de fortes vertus, ces
monastères, soit qu'ils abritassent des disciples de saint Benoît
ou de saint Bruno ; soit qu'ils donnassent asile à des fils de
saint Bernard ou de saint François d'Assise, ces monuments,
en un mot, véritables sanctuaires de la sainteté, périrent
encore en grande partie, les uns par la torche incendiaire des
barbares, les autres par le pic destructeur des protestants ou
le marteau haineux de la Convention.
De sorte qu'ils sont rares de nos jours, les monuments
fidèles gardiens de la mémoire des saints ; rares sont les
reliques insignes, les procès-verbaux qui en constatent l'authen-
ticité; rares les actes qui rappellent leurs vertus et les miracles
opérés par leurs restes sacrés; rares enfin les parchemins qui
font mention de leur translation.
Voilà pourquoi nous ne pouvons pas offrir à nos lecteurs
le plaisir de lire les détails intéressants des Reconnaissances
de nos chères reliques, avant le xvii* siècle.
Il n'est pas douteux qu'elles aient été maintes fois visitées
et reconnues canoniquement par l'autorité archiépiscopale
du xii** au xvi' siècle; mais comme tant d'autres pages
pleines des événements de ces temps reculés, les annales
concernant ces visites se sont perdues, pendant la Révolution
qui couvrit la France de cendres et de ruines, au siècle dernier.
La première fois qu'il est fait mention d'une visite pastorale
RECONNAISSANCES DES RELIQUES DE SAINT RAMBERT 27 1
dans Téglise Saint-Rambert, d'après les documents échappés
au vandalisme de Thérésie et de l'impiété, c'est en l'année
1468. Encore, cette visite ordonnée par le Cardinal de
Bourbon (i) et dont fut chargé son délégué et suffragant,
Etienne de Chassaigny (2), ne fait-elle pas mention spéciale
de nos insignes reliques.
Le texte de cette visite (3) dont nous parlerons plus au long,
en son lieu, est d'une brièveté désolante. Et, quand on voit le
délégué de l'éminent Cardinal de Bourbon (4) résumer toutes
ses investigations au prieuré et à l'église Saint- Rambert
en ces quatre mots, d'un laconisme extrême : a Omnia ibidem
bene siant y> : « Là, toutes choses sont en parfait état d, on est
tenté de se demander si Etienne de Chassaigny s'est bien
explicitement acquitté de la mission qui lui avait été
confiée (5).
Il a certainement vu, dans sa visite, la châsse d'or entourée
de lumières, et montrant au peuple les sacrés ossements de
saint Rambert. Il l'a vue, il l'a certainement vénérée, et
cependant, il n'y fait pas la moindre allusion.
Toutefois, que le lecteur se console de ce silence, nous
allons nous en servir pour établir notre thèse sur l'existence,
(1) Charles II de Bourbon, archevêque de Lyoo, cardinal, 1447- 1488.
(3) La Gallia Ckristiana écrit, page 369 : Partie de la Métropole de Lyon et Vienne:
Etienne de la Chatsaigne.
(3) Elle eut Heu le 8 mai 1468, d'après le Manuscrit f> i5, n« 5S39 du fonds latin de la
Bibliothèque nationale.
(4) Archevêque de Lyon, 1447 à 1488.
(5) Voici le texte de la visite faite en l'église de Saint-Ram bert le 8 mai 1468 par
Mgr Etienne de Chassaigny, délégué par le cardinal Charles de Bourbon :
Apud Sanctum Ragnebertum. Die octavà mensis predicte Maii, domtni visitatores
advenerunt ad sanctum Ragnebertum pro visitando prioratum conventualem dicti loci, et
ecclesiam parrochialem ubi religiosi dicti prioratûs venerunt ipsi dominis obviàm
processionaliter, et receperunt ipsos dominos canonice et débite, et quia omnia ibidem
bene stant in prioratu, nihil fiiit injunctum.
Apud ecclesiam parrochialem dicti loci, paviatur aut Caronetur Capella dicte ecclesitc,
in quà sunt fontes baptismales. Solverunt expensas dominorum.
%'J^ CHAPITRE XIV
et le parfait état des reliques de notre illustre Patron, à cette
lointaine époque.
Or, voilà le raisonnement que nous faisons pour prouver
ce que nous avançons. Le manuscrit qui contient, rédigés en
latin, les procès-verbaux des visites faites, au milieu du xv*
siècle, par les mandataires de Tarchevêque de Lyon dans près
de huit cents églises ou chapelles relevant de sa juridiction,
est un document conçu sur un plan très restreint et composé,
nous l'avons dit déjà, avec un laconisme absolument
regrettable. L'ensemble des faits qui s'y trouvent exposés
n'est guère qu'une sèche nomenclature, ayant trait à des
réparations d'immeubles et d'objets mobiliers, suivie de la
désignation et de la nomination des luminiers de chaque
paroisse (i).
Si notre vieille châsse des reliques de saint Rambert, objet
mobilier de l'église conventuelle du prieuré, eût été en mauvais
état, assurément Etienne de Chassaigny aurait donné ce détail
dans l'exposé succinct de sa visite. Il n'en parle pas. Donc la
châsse était en parfait état de conservation et gardait religieu-
sement son trésor de reliques.
A ceux qui se réclameraient du silence d'Etienne de
Chassaigny, pour objecter que les reliques de saint Rambert
avaient alors disparu, depuis longtemps, de l'église du Prieuré, •
sinon même, pour prétendre que ces reliques n'ont jamais
existé, nous répondrions : — Non. La châsse n^avait point
disparu, et les ossements précieux de saint Rambert étaient
encore vénérés à Saint-Rambert en 1468, puisqu'en 1447, à
peine vingt ans auparavant, Pierre Reynod de MontJaunier
faisait un legs au luminaire de saint Rambert, c'est-à-dire
aux Reliques de cet illustre Martyr, au profit desquelles, déjà,
en 1424 et le 11 mai, honnête homme Jean Bicieu avait légué
(i) Notes tirées de la préfq^e du tome XI* du Recueil des Mémoires et Documents sur le
Forent publié par la Société de la Diana iBgb, page xxxiii.
RECONNAISSANCES DES RELIQUES DE SAINT RAMBERT 273
une asnée d'huile, pour être répartie dans les lampes suspen-
dues autour (i); puisqu'enfin nous savons qu'en i625 les
mêmes reliques furent visitées et reconnues authentiques,
comme nous allons le raconter.
En effet, le 29 septembre de cette même année j 625 (2), « les
« Reliques de saint Rambert et de saint Domitien ont été
« visitées par le R. P. Jésuite Pierre-François ChifiBet, venu
« de la part de Messire le Comte de Vernes (3), alors prieur
c( de Saint-Rambert (4). »
Ces lignes dont nous regrettons encore la brièveté ne suffi-
raient pas cependant à prouver l'authenticité du trésor renfermé
dans la Châsse de notre illustre Patron, si nous n'avions
plusieurs autres titres importants à présenter au lecteur.
Le premier (5), daté du cinquième Jour de juin 1 708, nous
apprend que les reliques furent visitées, à la réquisition de
MM. les Chanoines du Chapitre de TEglise Collégiale par
M. Pactier, archiprêtre de Montbrison, en présence du
Chapitre, du Curé, des Marguilliers et des officiers de Saint-
Rambert (6). Le procès-verbal de cette visite est signé de
MM. JuUien, sacristain; David, curé; David, procureur d'office,
et de six autres chanoines : MM. David, Delafuste, Relogue,
Gérentet, Carrier et Jacquette. Et la seconde pièce probante
est le procès-verbal de la visite faite aux Reliques, en 1 7 1 8,
par Mgr François Paul de Neuville de Villeroy. Nous allons
en parler.
(i) Voir d-deuttt, chapitre XIII% la nomenclature des legs au profit des Reliques de
saint Rambert.
(3) Document conservé aux Archive» paroissiales,
(3) Le comte de Vernes lut prieur de Saint-Rambert, en i^sSi sous Tépiscopat de
Mgr de Marquemont, qui fut archcTèque de Lyon, de 1 613 à 1636.
(4) Archives paroissiales.
(5) Voir les pièces justificatives n* 19, à la fin du volume.
(6) M. l'archiprêtre de Montbrison était alors délégué par Mgr Claude II de Saint-
Georges, archevêque de Lyon ( 1693- 1714);
18
274 CHAPITRE XIV
Quelques années auparavant, c'est-à-dire en l'année 1662,
et le 12 juin, Mgr Camille de Neuville de Villeroy faisant
sa tournée pastorale s'était bien arrêté à Saint-Rambert et
avait bien vénéré, il est vrai, dans notre église, et sur le
grand autel où elle était placée, la châsse de bois doré
contenant les Reliques de saint Rambert et de saint
Domitien (i), mais n'en avait point fait l'ouverture.
Disons en passant que le premier titre nous révèle un pieux
larcin fait, au détriment des insignes reliques, par ceux-là
mêmes qui en vinrent constater l'authenticité ; larcin très
regrettable que la plus fervente dévotion envers saint Rambert
n'excuserait pas, si nous ne lisions, au bas des lignes que
nous allons citer textuellement, le nom de Mgr Claude II
de Saint-Georges, archevêque de Lyon, ayant tout pouvoir.
« Nous, Archevêque et Comte de Lyon, pour satisfaire à
<c notre dévotion, et à celle de nos vicaires généraux et autres
ce vénérables personnages qui nous accompagnaient, et en
« vertu du pouvoir que nous en avons, nous déclarons avoir
« ôté de ladite châsse, les parties des reliques suivantes :
(c Une vertèbre, six côtes, une grosse dent, un petit os du
« doigt de la main (2). »
Dix ans plus tard, le 3 octobre 171 8, Mgr François-Paul
de Neuville de Villeroy (3), Archevêque et Comte de
Lyon, prieur de Saint-Rambert, voulut aussi satisfaire à sa
dévotion, en faisant ouvrir la châsse de saint Rambert pour
vénérer les reliques de cet illustre martyr, d'une manière plus
solennelle. Le procès-verbal de cette visite est notre 2* titre.
(t) Procèt-Terbal de la TÎsite de Mgr Camille de Neuville de Villeroy, archevêque de
Lyon, i653-i6<)3. {Archives du Rhône. Fonds de Saint-Rambert-rile-Barbe.) Une des
pièces obligeamment communiquées par M. Paul Richard, l'érudit chercheur.
{2) Archives paroissiales» Mgr Claude de Saint-Georges, Arch., 1693-1714^
(3) Mgr François-Paul de Neuville de Villeroy fut archevêque de Lyon, de 1714 à lySi.
C'était le neveu de Mgr Camille de Neuville, archevêque de Lyon, de i653 à 1693.
RECONNAISSANCES DES RELIQUES DE SAINT RAMBERT 27D
Le lecteur s'étonnera peut-être de ces visites de notre
châsse à de si courts intervalles. Car, dans ToTdre ordinaire
des choses, les reconnaissances d'authenticité de reliques
sont rares. L*autorité ecclésiastique a toujours procédé avec
prudence, dans cet usage de son droit ; et en parcourant les
annales diocésaines contenant les visites pastorales de nos
Seigneurs les Archevêques, on constate que ces reconnaissances
ne se font pas ordinairement plusieurs fois dans Tespçice
d'un siècle.
Que penser donc de ces reconnaissances de nos saintes
reliques à deux intervalles si rapprochés ?
Notre conviction est que la notoriété des insignes reliques
de saint Rambert, la renommée des miracles opérés par elles
donnaient, à tous, Tenvie de les voir, de les vénérer, et fina-
lement d'en posséder quelques parcelles.
On comprend maintenant que Mgr de Neuville, bien qu'il
connût le procès-verbal constatant la visite de la châsse,
dix années auparavant, par son éminent prédécesseur, Mgr
de Saint-Georges, désirât, lui aussi, voir de ses yeux, des
ossements dont la sainteté, la puissance et la célébrité étaient
partout en si grand honneur;
C'est pourquoi, la quatrième année de son avènement au
siège archiépiscopal du grand diocèse de Lyon, étant en
tournée pastorale, il s'arrêta dans sa bonne et chère ville de
Saint- Rambert, et pour satisfaire à sa dévotion, fit l'ouverture
de la châsse où étaient renfermées les reliques de notre
Saint (i).
« Nous l'avons trouvée, dit le procès-verbal, fermée à trois
ce clefs ; et, après ladite ouverture faite, nous avons vénéré
c( ces précieuses reliques, et nous les avons visitées pièce à
« pièce. Nous les avons trouvées bien enveloppées en dix-
(t) Voir aux pièces jastificatiTcs, n* 20,
276 CHAPITRE XIV
« huit paquets, que nous avons tous ouverts et visitez, et
« avons trouvé toutes les parties mentionnées dans Tinven-
« taire que nous joignons icy, entières et très bien conservez.
<c En foy de quoy, nous avons fait dresser ce procèz- verbal,
« en présence de nos vicaires généraux et autres notables
« personnages, qui nous accompagnent dans nos visites,
(c dont nous faisons mettre, icy, les noms et qualitez
« vénérables. »
Comme le procès-verbal dont il s'agit ici a une réelle
importance, le lecteur doit le connaître dans tous ses détails.
Pour avoir une idée juste et précise de la valeur authentique
du document, nous en continuons donc la transcription par
la nomenclature des témoins présents à l'ouverture de la
châsse :
« Furent présents : Messire Léonard de la Croix, prêtre
a docteur en Sorbonne, abbé de Saint-Julien de Tours,
(c chapelain de Sa Majesté, obéancier deSaint*Just de Lyon,
« notre vicaire général; M''*Paul Cohade, prêtre docteur de
c( la Maison et Société de Sorbonne, notre vicaire général
« des Religieuses; M'* François de Rochefort, prêtre prévôt et
« curé de l'Eglise collégiale et paroissiale d'Enay de Lyon ;
« M" Nicolas Navarre, prêtre docteur de Sorbonne, notre
« promoteur général substitué ; M" Jean Picheret, prêtre
(c supérieur de la Congrégation des Missionnaires de Saint-
ce Joseph ; M" Laurent Boyer,curé archiprêtrede Saint-Etienne
fic et des sieurs sacristains et chanoines dudit lieu (i).
ce Donné à Saint- Rambert le jour et an que dessus, et ont
<r signez les dits sieurs mentionnez, ainsy signé, l'archevêque
« de Lyon, prieur de Saint-Rambert, etc.. (2) » — 3* titre.
(i) Les chanoines de l'époque étaient : M'» JuUieo, sacristain, Carrier aîné, Carrier jeune,
Dubois, Relogue, Thévenet, Escalle, Roche, De Lugny, Gérentet.
(a) Nous avons conservé à ce document le style et l'orthographe que nous lui avons
trouvés.
J
RECONNAISSANCES DES RELIQUES DE SAINT RAMBERT 277
Nous venons de lire que Sa Grandeur Mgr de Neuville de
Villeroy trouva, dans la châsse qu'il visitait, dix-huit paquets
contenant les reliques entières et bien conservées.
Or, voici l'inventaire qu'il en fit, sous les yeux des person-
nages notables qui l'accompagnaient.
Nous transcrivons la pièce telle que nous l'avons trouvée,
dans nos archives paroissiales.
CATALOGUE DES PAQUETS
ICY ENFERMÉS QUI SONT DIX-SEPT EN NOMBRE
1 Os femoris unum.
2 Os femoris alterum.
3 Os brachii unum.
4 Os brachii alterum.
5 Os tibias.
6 Duo ossa peronea.
7 Cubitus cum duobus radiis.
8 Pars ossis sacri una.
9 Pars ossis sacri altéra.
10 Coccix.
1 1 Vertebrœ septem.
1 2 Costarum fragmenta.
i3 Cranii pars posterior cum dentibus septem.
14 Ossicula manuumac pedum.
i5 Deossibus humeri et stemi.
16 Varia ossium fragmenta.
]8 Pulvis reliquiarum S^' Ragneberti atque Beati Domitiani.
Le texte original de la nomenclature des paquets de reliques
ne porte, en vérité, que 17 numéros. Le nombre ordinal 18,
énoncé immédiatement après le chiffre 16, ne paraît point
avoir été placé, ici, par erreur du copiste^ qui sous la dictée
278 CHAPITRE XIV
de M" Guichard, délégué de Sa Grandeur Mgr de Saint-
Georges, présidait et à l'ouverture de la châsse et à la
rédaction du procès- verbal.
L'écriture de ce procès et celle du catalogue sont très
uniformes. Les espaces entre chaque ligne bien gardés. On
ne voit aucune rature, ni sur le chiffre 16, ni sur le chiffre 18.
Voici, diaprés nos recherches, l'explication de cette présence
du nombre ordinal 18, dans un rang qui ne lui appartient
pas.
D'abord, les visiteurs des reliques trouvèrent 18 paquets;
mais ensuite ils enlevèrent de la châsse celui qui portait le
n® 17, pour se l'approprier sans doute.
La paroisse Saint-Rambert-en-Bugey possède, dans une
châsse vénérable, plusieurs parties importantes du corps
de saint Rambert. On pourrait, en les joignant à celles de
Saint-Rambert-en-Forez, reconstituer le corps presque entier
de rillustre martyr.
Voici, d'après le procès-verbal de la reconnaissance des
reliques de saint Rambert, faite en 1768 par Dom Godard,
visiteur de l'ordre de Cluny, les ossements contenus dans
la châsse de Saint-Rambert-en-Bugey :
Deux os du coccix.
Deux fémurs.
Un péroné.
Un cubitus.
Des portions de clavicules, de fausses côtes, de l'épine du
dos.
Un crâne.
D'autres petits ossements, plusieurs fragments d'os.
Un peu de terre dans laquelle le saint fut inhumé.
D'autres particules de reliques.
RECONNAISSANCES DES RELIQUES DE SAINT RAMBERT 279
En 1 789, et le trentième jour du mois de mai, les reliques
de saint Rambert eurent encore l'honneur de la visite de
Mgr Emmanuel Henry Timoléon de Cossé-Brissac, évêque
et seigneur de Condom, abbé de Fontfroide et de Saint-
Urbain, prieur de Saint-Rambert-en-Forez.
Cet illustre prélat (i), après avoir vénéré les précieuses
reliques, et les avoir présentées au peuple assemblé dans
l'église, pour la circonstance, procéda à l'ouverture de la
châsse, en présence de M"* Jullien, chanoine sacristain ;
Gérentet, Escalle, autres chanoines; et de MM. Pommerol,
juge ; Javelle, capitaine châtelain.
(( Nous en avons fait la visite, dit le procès-verbal, en la
« qualité de Prieur. Et, pour notre propre consolation et
« dévotion aux reliques dudit saint, nous avons pris quatre
« morceaux des ossements, pour les transférer dans notre
« diocèse, ou autres lieux consacrés à la piété des fidèles. (2) »
A en juger par la teneur assez brève du procès-verbal où
Ton parle de l'ouverture de notre châsse, par Mgr de Cossé-
Brissac, de la vénération des reliques qu'elle renfermait par
Sa Grandeur, et de la présentation de ces mêmes reliques au
peuple pour les faire vénérer, mais où ne se trouve, pourtant,
aucune allusion à l'état des reliques elles-mêmes, ni à leur
nombre, ni aux procès-verbaux des diverses visites faites
antérieurement, on a quelque peine à admettre que Mgr
(I) Mgr de Cossé-Briuac, prieur commeodataire de Saint-Rambert, aimait sa Collégiale
de Saint-Rambert. Pendant cette année lyBg, il passa toat le mois de mai au milieu de ses
chers chanoines, présidant les offices canoniaux, chaque fois que ses affaires lui en donnaient
le loisir. C'est ainsi que nous constatons sa présence au chœur les 3, 6, 7, 10 et 17 mai,
encourageant, de sa haute présence, la piété des chanoines ses administrés. Ce fut, sans
doute, avant de reprendre le chemin de son diocèse, qu'il fit la reconnaissance des reliques
dont nous parlons.
Les de Cossé-Brissac portaient : De sable à trois fasces d'or danchées par le bas. Devise :
Yirtute et tempore.
(Livre des « Distributions manuelles » du Chapitre de Saint-Rambert, 1715-1748.
Archives de la Loire, Fonds de Saint-Rambert.)
(3) Voir les pièces justificatives n* 3i.
28o CHAPITRE XIV
l'évêque de Condom ait eu l'intention de faire une reconnais-
sance canonique du trésor de nos saintes reliques. Si Sa
Grandeur avait voulu imiter ses augustes prédécesseurs,
procédant dans les mêmescirconstances, il aurait mentionné,
dans le procès-verbal qu'il signe « Emmanuel évêque de
Condom », les dix-sept paquets trouvés dans la châsse, en
rappelant chacune des légendes explicatives dont ils étaient
munis.
Mgr de Cossé-Brissac, usant de son droit d'évêque et de
Prieur, a tout simplement ouvert la châsse de nos vénérées
reliques pour lui enlever « quatre morceaux des ossements »
qu'elle renfermait; toujours dans le but de se consoler et de
satisfaire sa dévotion...
Avec ce pieux prétexte, il put légalement enrichir de ce
nouveau trésor son oratoire particulier, peut-être la cathé-
drale de sa ville épiscopale, et,àcoup sûr, divers autres sanc-
tuaires, puisque le parchemin qu*il a signé de sa main, et qui
est scellé de son sceau, nous apprend qu'il prit (( quatre
morceaux d'ossements pour les transférer dans son diocèse,
ou autres lieux consacrés à la piété des fidèles ».
Si, du moins, Sa Grandeur avait eu soin de nous faire
connaître les sanctuaires privilégiés qu'elle voulait doter de
nos chères reliques disparues, nos regrets de ne les plus
voir à leur place dans notre belle châsse, seraient moins
profonds! C'est notre 4* titre.
Le 23* jour d'octobre 1780, la châsse fut encore ouverte
par M""* Malvin, vicaire général de Lyon, et les reliques
reconnues, publiquement, pour être les mêmes que celles
qu'avait visitées, quarante-un ans auparavant, Mgr de Cossé-
Brissac.
Cette visite faite en présence deMessieurs les Curé,sacristaîn,
chanoines de Saint-Rambert, noble Aubin de la Chièze, juge;
noble Jean-Baptiste Gérentet de Lachaud, capitaine châtelain ;
RECONNAISSANCES DES RELIQUES DE SAINT RAMBERT 28 1
Maître Léon Apothicaire, notaire royal et procureur fiscal ;
Claude Antoine Josué Gérentet de Saluneaux, conseiller du
Roi aux bailliage et sénéchaussée de Forez ; Messires Richerme,
curé ; Rebourceau, sacristain ; et plusieurs autres chanoines
de la Collégiale (i), offre un intérêt tout particulier, en dehors
de celui que nous présente la constatation officielle de la
présence des mêmes reliques dans la châsse dite « de saint
Rambert ». C'est notre 5* titre.
Or, ce qui rend particulièrement intéressante cette visite de
Messire Malvin, vicaire général, visite que nous connaissons
par le procès-verbal qui en fut fait, c'est qu'elle nous apprend
que notre vieille église possédait encore, en cette année 1 780,
« un reliquaire en bois sculpté et très antique^ contenant les
reliques de saint Rambert ».
Ce reliquaire, Messire Malvin l'appelle « très antique ». Si
l'on veut exprimer la pensée vraie du vicaire général, visiteur
et signataire du procès-verbal, ce superlatif doit se traduire
par la paraphrase suivante <c charge' d*un grand nombre de
siècles ». L'adjectif « antique », d'après les meilleurs diction-
naires, veut dire « fort ancien », et éveille l'idée d'un âge
plus reculé et plus éloigné de nous, que les temps qui nous
ont immédiatement précédés, et qu'on appelle simplement
(c anciens âges ».
On ne dira pas, par exemple, en parlant d'un château-fort
du moyen âge : une antique forteresse, mais bien et gramma-
ticalement : une ancienne forteresse, un vieux château.
L'épithète « antique » au contraire, s'accolera très bien à des
travaux, à des monuments d'une époque remontant bien au-
delà des siècles voisins du nôtre. Ainsi, on dit très bien sans
manquer aux règles de la grammaire : Les antiques jardins
suspendus de Babylone, les antiques Pyramides d'Egypte...
D'où nous pouvons conclure, après ces explications préalables,
(i) Voir Ut pièc<t |uftificatWet n* as.
282 CHAPITRE XIV
que la châsse de bois sculpté dans laquelle Messire Malvin
trouva les reliques de saint Rambert, le 23 octobre 1780,
pouvait bien être celle que firent faire, vers le xi* siècle, les
moines bénédictins du Prieuré, pour y déposer les ossements
des saints Rambert et Domitien, transférés miraculeusement
dans leur église conventuelle.
Et pourquoi n'en aurait-il pas été ainsi ? Etait-il donc plus
difficile de garder, en parfait état de conservation, un meuble
en bois dur, qu'une étoffe tissée de fils ténus (i) ? Après huit
longs siècles, où elle a été exposée à toutes sortes de vicissitudes,
l'admirable étoffe de soie et d'or qui servit à transférer
les reliques de saint Rambert, du château-fort du comte
Guillaume (2), au prieuré de Saint-André-les-Olmes, se voit
encore bien conservée, dans le trésor de notre église. Il ne
serait donc ni étonnant, ni impossible que a l'antique »
châsse de bois sculpté, au xi* siècle, servît encore, pendant
le xviii*, de pieux écrin aux sacrés restes de notre illustre
Patron.
Dans ce même procès-verbal, Messire Malvin nous dit qu'il
fut prié d'extraire de la châsse de saint Rambert une partie
du crâne et une vertèbre, pour les enfermer dans un reliquaire
en vermeil « pour y être conservées et exposées à la vénération
des fidèles ».
Ce reliquaire d'or ne garda que pendant dix ans les
reliques qu'on lui avait confiées. Car, à la date du 6 mars
mil sept cent quatre-vingt-dix, nous trouvons une preuve
que la partie du crâne et la vertèbre distraites de la châsse y
furent alors replacées. Voici ce document (3) :
« Les parties de Reliques de saint Rambert martyr,
c< mentionnées au procès-verbal (de 1780), qui avaient été
(i) Notre précieuse chasuble.
(3) Voir, ci-dessus, le chapitre XI*.
(3) Archives paroissiales.
RECONNAISSANCES DES RELIQUES DE SAINT RAMBERT 283
a mises dans un ancien petit reliquaire de vermeil, ainsi que
« porte ledit procès-verbal, en ont été extraites, à l'exception
« d*une pièce, qui est la partie de crâne désignée au susdit
« procès-verbal, laquelle a été placée dans un petit reliquaire
« neuf d'argent, fait en forme de croix, avec un procès-verbal
<c qui rappelle celui-ci. Cette translation a été faite par
« MM. de Grézieu, sacristain, curé ; et Gérentet, chanoine de
« la Collégiale de cette ville, commissaires nommés par
« M. Navarre, vicaire général du diocèse, qui ont scellé
« rintérieur de la châsse avec un ruban rose de chacun
« sceau... » En présence de MM. Jean-Baptiste Guérin(i),
prêtre, prédicateur du Carême en cette ville, MM. Jérôme
Treynet, Christophe Bénévend, chanoines de la Collégiale et
Clément Perrin, tailleur d'habits (2).
Nous n'avons pas retrouvé, dans notre sacristie, parmi les
objets religieux qui servent au culte divin, le petit reliquaire
de vermeil auquel les deux procès-verbaux, de 1780 et de
1790, font allusion. Il aura, sans doute, disparu pendant la
tourmente révolutionnaire, comme ont disparu malheureu-
sement, à cette époque, tant d'objets aussi remarquables par
leur ancienneté que par Tart avec lequel ils étaient travaillés;
témoin le fameux tableau représentant le martyre de saint
Laurent, que des peintres célèbres vinrent souvent admirer
dans Téglise, et que M. de Seinas, seigneur de Sury-le-Comtal,
amateur distingué et possesseur, à Lyon, d'une collection
précieuse de ce genre, passait souvent des heures entières à
examiner et à contempler. Des vandales mirent cette toile
célèbre en lambeaux.
Mais, si nous avons le regret de ne pouvoir plus présenter
à la vénération des fidèles de notre paroisse quelques parcelles
(i) Peut-être « Garin », Les déchirures et les éraflures du parchemin oe Doot ont pai
permis de déchiffrer sûrement ce nom. Remarquons, ici, que déjà à cène époque, la station
de Carême était prêchée solennellement dans l'église Saint-Rambert-en-Forez.
(a) Voir les pièces justificatives n* a3.
284 CHAPITRE XIV
des insignes reliques de saint Rambert, dans le reliquaire
de vermeil perdu, nous avons du moins la consolation de
posséder le petit reliquaire neuf d'argent, fait en forme
de croix. Toutefois, les reliques qu'il contenait lui ont
été enlevées en i863, et transférées dans un autre
reliquaire d'aremit blanchi, de forme carrée et de style
ancien.
Et de nos jours, une parcelle authentique de la vraie Croix
a remplacé, dans ce reliquaire en forme de croix rayonnante,
la partie du crâne de saint Rambert qui y avait été mise
en 1790.
Le lecteur, qui vient de parcourir les pages précédentes
et les divers procès -verbaux, où l'autorité diocésaine
constate l'authenticité des Reliques de saint Rambert et de
saint Domitien pendant l'espace de deux siècles, a, sans
nul doute, remarqué qu'à chacune des visites faites à la
châsse, son trésor des restes bénis de l'illustre martyr allait
s'amoindrissant.
C'est, d'abord, Mgr Claude II de Saint-Georges, Archevêque
de Lyon qui, en vertu du pouvoir dont il jouit, déclare avoir
ôté de notre vénérable châsse, lors de son ouverture par
M. l'archiprêtre de Montbrison, Messire Pactier, le 5 juin
1708 : I* Une vertèbre ; 2® Une grosse dent ; 3** Un petit os
du doigt de la main.
C'est, ensuite, Mgr de Cossé-Brissac, Prieur commendataire
de Saint- Rambert-en- Forez qui, le 3i mai 1739, après avoir
fait la visite des Reliques, en la qualité de Prieur, pour sa
propre consolation et dévotion s'approprie « quatre morceaux »
des ossements de notre saint Martyr, et les emporte dans
son diocèse de Condom, ou autres lieux consacrés à la piété
des fidèles.
Et là ne s'arrêtent point les pieux larcins commis légalement
par les augustes prélats visiteurs de notre insigne trésor de
RECONNAISSANCES DES RELIQUES DK SAINT RAMBERT 285
reliques. Nous verrons bientôt, dans le cours du chapitre
XVI*, que lorsque, en 1804, MM. Claude Cholleton, curé
de Saint- Etienne-de-Furan et Antoine Coquard, desservant de
Sury-le-Comtal, reçurent commission de l'autorité diocésaine
pour reconnaître les Reliques de notre châsse, échappée aux
profanations sacrilèges des jours néfastes de la Terreur, ces
deux Commissaires officiels ne se firent aucun scrupule de
transférer, chacun dans son église paroissiale, une parcelle
du trésor de Saint- Rambert.
M. le Curé de Saint-Etienne s'empara d'un petit os, extrait
du paquet « des fragments des côtes ».
Et M. le desservant de Sury s'appropria une vertèbre et un
petit os, pris au même paquet des a fragments des côtes », et
au paquet des « vertèbres ».
En agissant ainsi, à chacune de leurs visites, c'est-à-dire en
nous privant, pour leur satisfaction et dévotion personnelles,
d'une partie de nos chères reliques, nos seigneurs les Evêques,
les Prieurs commendataires du Prieuré de Saint-Rambert-
en-Forez, et leurs honorables délégués ou commissaires,
ne faisaient sans doute qu'user d'une faculté qui leur
appartenait de droit ; et nous nous garderons bien de juger,
en quelque manière que ce soit, la conduite de ces
honorables visiteurs.
Mais nous ne pouvons pas laisser passer l'occasion
d'émettre, ici, nos regrets en voyant notre chère châsse
si riche et si renommée par le trésor qu'elle gardait
fidèlement depuis de longs siècles, perdre ainsi, une à une,
les perles d'or et de diamant qui faisaient sa gloire et son
éclat.
Il est vrai, les parties sacrées du corps de notre grand
Martyr, ravies à leur écrin séculaire, sont allées enrichir
d'autres reliquaires, et proclamer dans d'autres sanctuaires le
renom et la puissance de Tillustre Rambert ; et il ne nous
286 CHAPITRE XIV
déplait pas de savoir que d'autres paroisses portent, comme
la nôtre, son nom béni (i).
Toutefois, nous le répétons avec tristesse, n'est-il point
fâcheux que notre église et sa châsse si intéressante, aient vu
leur trésor s'amoindrir peu à peu?...
Avant de terminer ce chapitre, nous sommes heureux de
constater un fait. Si nous avons vu tant de fois, à travers les
âges, nos seigneurs les Evêques ouvrir notre châsse afin
d'extraire pour leur dévotion quelques parties de son trésor
de reliques, c'est apparemment que ces reliques étaient
insignes ; c'est surtout qu'elles jouissaient d'une renommée
universelle. En rapprochant, en effet, les divers ossements
enlevés du reliquaire, de ceux dont notre église avait le
bonheur d'être en possession, on voit que la châsse au xvui*
siècle montrait encore, aux fidèles dévots à Saint-Rambert,
plus de la moitié de son glorieux corps.
Enfin, nous ne manquerons point d'attirer l'attention du
lecteur sur la place qu'a occupée, sur le grand autel, de tout
temps et jusqu'à l'époque de la grande Révolution (lygS),
la châsse de saint Rambert, comme l'insinue le procès-verbal
de la visite de Mgr Camille de Neuville, signé le 12 juin
1662 (2).
Ce qui veut dire que les reliques de saint Rambert ont été
de temps immémorial en grande vénération ; car on ne
(i) Claudias Castellanus in sao vocabulo : Hagiolog, addit quod sub illius nomine variie
reperiantur ecclesic etiam in Delfinatu. (Extrait des Bollafidistes^ passim.) Il s'agit ici de
Saint-Rambert-d*Albon. Mentionnons encore Saint-Rambert-rile-Barbe, près de Lyon.
« Quantité d'autres lieux de la dépendance de l'Ile-Barbe ont pris le même saint pour
• leur Patron, comme le bourg de Fauce-Magne, aujourd'hui appelé de Saint-Rembert, à
« cause de l'égliie et prieuré fondés en l'honneur du saint, par quelque archcTêque de
• Vienne. L'église de Saint-Rembert du bourg de l'IIe-Barbe, bastie depuis l'an 1 183 ; car,
« en ce temps, ce bourg avait pour patrons les saints Eléazar et Minerve, martyrs, Saint'»
fl Rembert-de-iVotiaiV/es dans le Lyonnais, sans parler de l'abbaye de Saint-Rembert'«n-
• Beugey, d'où le saint fut transféré en Forez. > (Cl. le Laboureur, Masures de Nie-Barbe»
tome I, chapitre XIII*, page 80.)
(3) Nous donnerons « i» extenso » dans le a* volume de notre ouvrage^ les procès-
verbaux des visites pastorales que nos seigneurs les archevêques de Lyon ont faites, dans
la région dont notre cité est le centre, aux zvit* et xvtii* siècles.
RECONNAISSANCES DES RELIQUES DE SAINT RAMBERT 287
plaçait sur les autels, et quelquefois dans les tombeaux
d'autels, que les reliques authentiques et dont le culte était
bien établi (i).
Et, si cette vénération et cette confiance que leur ont
accordées les générations passées, semblent avoir perdu
quelque chose de leur ardeur et de leur universalité, depuis
un siècle, disons cependant que l'église et la châsse de Saint-
Rambert sont restées chères aux Foréziens. Alors que l'église
reçoit chaque année de nombreux visiteurs attirés par sa grande
réputation de monument historique du plus haut intérêt,
la Châsse reste, quand même, le but constant de pèlerinages
accomplis annuellement aux jours de la fête de la Translation
des Reliques de notre bien-aimé Patron. Et les huit jours de
son Octave, qui rappellent les anciennes fêtes de la Dédicace
de l'Eglise du Prieuré et des Miracles de saint Rambert, sont
encore des jours de prières et de pieuse manifestation auprès
de nos insignes reliques.
Nous raconterons, en son lieu, comment dans notre vieille
cité, la confiance à notre illustre Patron semble renaître
aujourd'hui dans l'âme des fils et des petits-fils de ces vaillants
chrétiens qui jadis, on l'a vu, furent aussi bons qu'ils furent
généreux et croyants.
(1) Un seal fait, entre mille, pour montrer que pirtout les reliques de saint Rambert
étaient en grande vénération et qu'on y venait, de tous côtés, en • réméage • pour demander,
au saint martyr, soulagement et guérison :
Le i3 juin 1681, disent nos Registres de catholicité, eut lieu, dans le cimetierre de la
paroisse Saint-Rambert, la sépulture de Claude Jacquemond, de Cuxieu, « décédé alors
« qu'il avait esté conduit dans cette ville pour faire sa dévotion à saint Rambert ». (Archives
de la Paroisse.)
CHAPITRE XV
LES RELIQUES
KT LA
CHASSE DE SAINT RAMBERT
PENDANT LA GRANDE RÉVOLUTION DE 1798
Nous raconterons, dans ce chapitre, l'histoire intéressante
du sauvetage de notre vénérable châsse et de son trésor de
reliques, durant les mauvais jours de la Terreur, en 1793.
Pendant sept siècles, nous l'avons dit, la châsse contenant
les sacrés ossements de saint Rambert, placée sur le maître-
autel, fut constamment Tobjet d'une profonde vénération de
la part des fidèles de notre chrétienne paroisse, et d'un grand
nombre de pieux pèlerins que la dévotion au saint martyr
attirait de toutes parts (i).
Abritée sous la majestueuse coupole que les moines du
Prieuré élevèrent, vers la fin du xi*' siècle, au-dessus du grand
autel, comme pour lui servir de diadème, cette châsse vénérée
restait, là, exposée aux regards de tous, invitant par ses
(I) On l'y voyait en l'année 1662, lors de la Yîsite pastorale de Mgr Camille de Neuville
de Villeroy : « Sur le maistre-autel (est-il dit dans le procès-verbal de cette visite) il y a
une chftsse de bois doré où sont les reliques de saint Rambert et de saint Domitien que nous
avons vénérées. » {Archives du Rhône, Fonds Saint- Rambert, folio 383.)
19
H^Ô CHAPITRE XV
mille lumières et ses nombreux ex-voto, les pèlerins à la
prière et à la confiance. Mais elle ne quittait jamais le trône
sur lequel on l'avait déposée, si ce n'est une fois chaque
année, au jour de la fête anniversaire de la « Translation des
Reliques ». Ce jour-là, si nous remontons à une époque déjà
lointaine, c'étaient d'abord les religieux bénédictins du Prieuré
qui la promenaient processionnellement aux chants des hymnes
pieux, sous les voûtes sombres de leurs cloîtres décorés.
Plus tard, et lorsque le monastère eut été sécularisé (i),
Messires les chanoines du Chapitre de la Collégiale, chargeant
sur leurs épaules le vénéré fardeau, le portaient chaque
année triomphalement en procession autour des murs de la
ville, aux accents de joie de tout un peuple mêlant les
cantiques à la prière.
Or, cette marche triomphale de notre chère châsse, à travers
les rues de notre vieille cité, n'a jamais cessé d'être organisée,
annuellement, par le zèle de Messieurs les Archiprêtres, aidés
du dévouement absolument désintéressé de leurs paroissiens,
excepté pendant les années malheureuses de la Révolution
de 1793. Si bien qu'aujourd'hui en 1900, comme autrefois
aux xn*, xiii*, xiv' siècles, et aux siècles suivants, la grande
procession des reliques de saint Rambert se développe,
chante, prie, avec le même entrain, la même piété, la même
confiance, la même ferveur que jadis (2).
(1) La BéculariMtioa du monastère de l'Ile-Barbe eut Heu par une Balle du pape Paul UI,
datée du mois d'avril 1549, et fulminée par son successeur Jules lU, le 3i août i55i. A la
suite de cette sécularisation de l'abbaye de TIle-Barbe, eut lieu celle de tous les prieurés
qui en dépendaient, par conséquent de celui de Saint-Rambert-en-Forez, dont l'Eglise était
la première fille.
(3) C'était bien l'usage que les chanoines portassent sur leurs épaules la précieuse chftsse
pendant la procession qui, chaque année, se déroulait autour des murs de la ville après en
avoir parcouru quelques rues. Nous en avons pour preuve une note assez curieuse extraite
du « Registre des actes capitulaires des chanoines de la Collégiale de Saint^Rambert •
datée du 3 octobre 1723, laquelle note nous apprend qu'un jeune chanoine, Messire Degrasse,
fut puni d'interdiction du chœur, pendant quinze jours, et privé de toute distribution
pendant ce temps « pour avoir refusé,,, de porter le grand reliquaire à la procession de
la Translation des reliques de saint Rambert «, conformément à l'ordre de Messire Morange,
vicaire général, du la mai 1691. {Archives de la Loire, Fonds de Saint-Rambert.)
RELIQUES ET CHASSE DE SAINT RAMBERT EN 1 ygS 29 1
Nous dirons ailleurs comment se passent à la fin de notre
XIX* siècle, et dans la paroisse Saint- Rambert, les cérémonies
de la fête de son noble et illustre Patron.
Ici, nous ferons simplement le récit des circonstances
dans lesquelles la châsse de bois doré, objet séculaire de
Tamour et de la vénération des fidèles, fut soustraite au
vandalisme des émissaires à la solde du sanguinaire
Javogues (i).
Aux jours néfastes où la terreur régnait partout, une
extrême prudence devait accompagner chaque parole, chaque
acte, chaque démarche. Le moindre indice, le plus léger
soupçon rendaient suspect; la plus vague dénonciation
entraînait une visite domiciliaire ; et, après la saisie forcée,
soi-disant légale, ne manquait pas de suivre l'arrestation
arbitraire. Celle-ci, elle-même, ouvrait les portes d'une prison
d'où l'on ne sortait que pour monter à Téchafaud.
En ces jours terribles du grand cataclysme de lygS, jours
d'iniquité où la proscription des personnes et la destruction
des choses saintes étaient à l'ordre du jour, on vit des
fanatiques furieux, échappés aux antres de l'enfer, des
monstres à figure humaine se livrer aux plus honteux excès.
Iconoclastes sans pitié, les uns dépouillèrent les autels,
violèrent les tabernacles, saccagèrent les reliquaires ; les autres
brisèrent avec une satanique fureur les verrières étincelantes,
les statues vénérables des saints, et en vinrent, les insensés !
au nom de la liberté de l'homme révoité, jusqu'à abattre,
partout, le symbole de la Rédemption.
Malheur, alors, à qui était signalé pour jposséder ou abriter
quelque objet portant un caractère religieux! Dénoncé comme
suspect au Comité de vigilance, sa maison était aussitôt
fouillée de fond en comble, et tous les objets délictueux
(1) Député à la Convention de 1793 pour la Loire qu'il terrorisa pendant plusieurs
années. A la fin, devenu suspect lui-mâme, il fut fusillé, le 9 octobre 1796.
292 CHAPITRE XV
étaient transportés sur la place publique pour y être, au
nom de la Raison déifiée, livrés aux flammes en présence de
leurs ci-devant propriétaires.
Heureusement, la Divine Providence, sans la permission
de laquelle pas un cheveu ne tombe de notre tête, veillait
sur les restes sacrés de son noble martyr Rambert. Elle ne
permit pas qu'une seule parcelle de ses ossements fût détruite
ou profanée.
Aux heures terribles de troubles et de sang. Dieu, qui veut
le salut de son Eglise, ne manque jamais de susciter des
âmes héroïques pour faire triompher sa cause, alors que
d'autres la persécutent.
Les corps des martyrs, jetés à la voirie par les bourreaux
des empereurs romains, trouvèrent toujours des mains
charitables pour les envelopper d'un suaire, et leur donner
une pieuse sépulture.
Et, pendant les tristes journées de la Terreur, on vit non .
seulement des familles héroïques donner, au péril de leur
vie, asile aux prêtres et aux religieux pour les soustraire à la
prison et à l'échafaud, mais il se trouva aussi un grand
nombre de femmes courageuses qui ne craignirent point de
recueillir, dans leurs maisons, les objets consacrés ou simple-
ment bénits du culte divin : vases sacrés, reliques de saints,
croix, images vénérées, etc., pour les soustraire aux mains
destructrices de l'impiété.
Or, la femme courageuse, la chrétienne dévouée qui prit
sur elle de soustraire notre châsse et son riche trésor de
reliques à la fureur des bandits, dont la main sacrilège avait
déjà dépouillé l'église de son riche mobilier, fut M*** Chapoton,
dont l'honorable famille habite encore, de nos jours, la ville
de Saint-Rambert.
Le nom de cette vaillante femme appartient à l'histoire
locale, et il doit être béni par toutes les générations chré-
tiennes de la paroisse qui, maintenant, gardent et garderont
RELIQUES ET CHASSE DE SAINT RAMBERT EN 1 798 298
dans l'avenir, l*aniour et de notre intéressante église et de
son illustre Patron.
Voici, d'après la tradition et quelques documents de nos
archives paroissiales, comment eut lieu le providentiel
sauvetage de noschères reliques. A la date du 8 septembre 1 798,
au moment où l'orage révolutionnaire déchaîné sur la France
multipliait partout les ruines et le deuil, la petite ville de
Saint-Rambert jouissait encore d'un calme relatif. Bien qu'on
entendît au loin gronder la tempête, chaque citoyen, malgré
une vague inquiétude, vaquait librement à ses affaires. Nous
croyons même que certaines cérémonies du culte divin
n'avaient point encore cessé, dans le lieu saint. La petite
chapelle Saint Jean-Baptiste était encore ouverte aux fidèles,
qui y faisaient célébrer les saints mystères pour leurs
défunts. La châsse de saint Rambert était encore sur le
maître-autel de l'église Collégiale, vénérée et entourée de
lumières.
C'est du moins ce que semblent nous révéler les intéressantes
pages d'un « Journal de Recettes et Dépenses » daté de cette
époque et ayant appartenu, c'est notre conviction, à un de
Messires les curés ou chanoines de Saint-Rambert (i).
En effet, voici ce que nous lisons dans cet intéressant
a Journal » : (2)
Plus le 20 janvier 1793, pour six messes, cy. ... 3*
Plus pour deux messes aquitées les Lundis, à Saint
Jean, et arrérages de payés, cy i ^
Depuis, jusqu'à ce jour 20 juin 1793, cinq messes, cy 2\ 10"
Le 29 juin, pour une livre cierges, cy 2* 10^
Le 8 septembre, pour une messe, cy o' 10*
(i) Messire J.-Baptiste Bérardier était curé de Saint-Rambert [cd 1793. Il avait prâté
serment & la Constitution.
(3) Nous laissons à ces lignes l'orthographe que nous leur avons trouvce.
294 CHAPITRE XV
Le 8 septembre, pour fourniture devant les reliques
de saint Rambert, lors du départ des citoiens dans
les troubles de Montbrison, six livres 6'
Plus pour deux messes pour la Claire Missol, à
l'occasion de son décès. i*
Jusqu'au 8 septembre, aucun grave événement ne
semble donc avoir préoccupé les esprits. Mais dans la
journée du 8 septembre lygS, si nous nous en rappor-
tons à notre <c Journal », des bruits alarmants durent
circuler dans la campagne et dans la ville. Et la
population ayant vu avec surprise les citoyens partir
ce pour les troubles de Montbrison (i) », commença
sans doute à s'émouvoir, et à manifester des craintes
sur l'avenir. Elle était chrétienne, elle savait, dans
les jours de danger, recourir à Celui qui tient dans sa
main, et les hommes et les événements. Aussi bien, la
voyons-nous, à l'heure de l'épreuve, tourner ses regards
suppliants vers le saint Patron qu'elle n'avait jamais
invoqué en vain. Les fournitures dont il est parlé
dans le <r Journal de Recettes et Dépenses » étaient,
sans doute, des cierges allumés devant les reliques du
saint, pour implorer son secours. Quoi qu'il en soit,
la situation devenant critique, on se hâta de faire
disparaître, soit du Prieuré, soit de l'église, tous les
objets du culte divin, objets dont la vue était de nature
à provoquer la haine et la fureur des stipendiés de la
Révolution.
(i) On sait que Texpédition des Lyonnais dans le Forez eut lieu de jaillet à
septembre 1793, et qu'à ce moment, c'est-à-dire vers la fin de juillet, le Directoire fit, de
son côté, une levée de troupes dans le district de Saint-Etienne ; enfin, que les premiers
détachements lyonnais et stéphanois à Montbrison arrivèrent les premiers jours de juillet,
et que les premiers engagements autour de Montbrison eurent lieu pendant la journée du
3 août 1793. — Cf. Expédition des Lyonnais dans le Fore%, juillet à septembre 1793, par
Cl.-Joachim Pur, capitaine qnartier-maitre de l'armée départementale lyonnaise, avec
préface et notes de M. L. Chalcyvr, etc., 1889.
RELIQUES ET CHASSE DE SAINT RAMBERT EN 1 798 2gb
Nous venons devoir qu'à la date du 8 septembre lygS,
les reliques de saint Rambert étaient encore exposées dans
le lieu saint, puisque, à ce jour, quelque dévote personne
fait une dépense de six livres pour fournitures devant les
reliques de saint Rambert. Mais, comme il eût été im-
prudent de les laisser à découvert, et à la merci du fanatisme
impie de quelques jacobins, Messires les chanoines de la
Collégiale firent, sans nul doute, appel à la piété et au
dévouement de quelques courageux paroissiens pour recevoir
et cacher, dans leurs maisons, les saintes reliques et leur
châsse.
C'est à ce moment que M"* Chapoton leur offrit son
dévouement. Personne généreuse, mais surtout discrète,
elle consentit à recevoir et à garder le sacré dépôt.
Nous saluons, ici, avec respect, le nom béni d'une
femme chrétienne digne des éloges mérités par ces
héroïnes des premiers siècles de l'Eglise, qui exposaient
leur vie pour sauver les corps des martyrs leurs frères.
On transporta donc, secrètement, dans la maison de
M"* Chapoton, le riche trésor des reliques que l'on voulait
soustraire à toute profanation sacrilège, et on prit toutes les
précautions imaginables pour éloigner, de Téglise et des
autels dépouillés de leurs ornements, les gens suspects de
terrorisme.
Mais on ne réussit pas à protéger le lieu saint contre la
haine et l'impiété. Les portes de l'église furent forcées, et,
livrée au vandalisme le plus aveugle et le plus fanatique, la
maison de Dieu fut transformée en atelier de travail et en
lieu de trafic (i).
(i) L'église Sftint-Rambert garda intacts pendant les jours néfastes de la Terreur, sa
chaire k prêcher, ses stalles du chœur, son banc d*oeavre. Sur un des panneaux de
la chaire, qui est une œuvre du xtii* siècle, on voit encore, imprimée, la marque
d'un fer à cheval. Ce qui fait croire qu'à cette triste époque elle servit d'écurie, ou
peut-être d'atelier de forgeron.
296 CHAPITRE XV
Quant à M"' Chapoton, pour soustraire plus radicalement
aux recherches iniques des émissaires du farouche Javogues
le trésor des reliques dont elle avait accepté la garde et la
défense, elle eut l'idée de les ôter de leur écrin séculaire, de
les envelopper soigneusement, pièce par pièce, dans des étuis
de toile blanche, et de les cacher dans une vieille arche de
bois ou coffre à blé.
Ainsi dissimulés aux regards inquisiteurs, sous un amas
de grains, les ossements sacrés de notre illustre martyr
purent, avec quelques fragments du corps de saint Domitien,
avec, probablement aussi, les petits reliquaires de saint Corne,
de saint Tranquillin et de saint Roch (i), échapper aux
profanations sacrilèges des révolutionnaires.
Nous avons encore sous les yeux les neuf étuis, de diverses
grandeurs, tissés avec de gros fils de chanvre et cousus à
points hâtifs, comme si la main qui les confectionnait, alors,
avait fait diligence pour achever son travail.
Chaque étui porte en lettres tracées à la main, à la façon
des lettres typographiques, et sur une bande de parchemin,
le nom de Tos qu'il contient. Le type des minuscules de
chaque légende est bien celui des lettres manuscrites du
xviii* siècle.
Que devint, entre les mains de M"* Chapoton, la vieille
châsse prudemment dépouillée de son trésor, dans les
circonstances que nous venons de narrer? Cette vénérable
châsse que le procès-verbal de la reconnaissance des reliques
faite en 1780, par Messire J.- A. -François de Malvin de
Montazet, vicaire général, appelle « très antique », fut
(i) Notre église était riche en reliques, avant la RéToIntion. Les reliques de saint
Côme : une cÔte divisée en trois parties ; — celles de saint Tranquillin : une vertèbre ;
^ celles de saint Roch furent reconnues authentiques le 12 août i8o5, par MM. Gérentet et
Javelle, prêtres, anciens chanoines de la Collégiale avant 1793 et seuls survivants des
chanoines de l'ancien chapitre, en présence de M. Chevallier, curé de la paroisse et de
Perrin. le vieux serviteur de la Collégiale. Ces reliques furent enfermées dans de nouveaux
reliquaires pour être exposées à la vénération des fidèles, par une autorisation épiscopale
signée Courbon, vicaire général, du ai août i8o3. — Voir les pièces justificatives n* 35.
RELIQUES ET CHASSE DE SAINT RAMBERT EN 1798 297
certainement mise en lieu sûr, par la personne dévouée que
nous connaissons. Combien de temps demeura-t-elle
secrètement cachée? Nous croyons que la vieille châsse
et son trésor de reliques ne demeurèrent que pendant
trois ans cachés dans la maison de M^'" Chapoton.
En effet, notre « Journal des Recettes et Dépenses » nous
apprend qu'à la date du 20 septembre 1796, on fit une
dépense de 3 livres, « pour le pavillon des reliques de saint
Rambert (i) ».
La dépense d'un pavillon pour les reliques de saint
Rambert ne se fût certainement pas faite, si la châsse enlevée
de son obscure retraite, et si les reliques replacées dans leur
vieil écrin n'avaient été, à ce moment, déposées sur le maître-
autel de l'église paroissiale où, du reste, le 8 décembre de
cette même année, toujours d'après notre « Journal », une
grande messe de l'Office de Notre-Dame était célébrée, et
payée i^io deniers.
Par qui se fit ce transfert des reliques de saint Rambert,
de la vieille arche à grains de M"® Chapoton, dans Téglise
paroissiale? Nous l'ignorons. Toutefois, nous croyons comme
très vraisemblable que cette cérémonie eut lieu sans éclat, en
présence de Messires Gérentet et Javelle, prêtres et chanoines
de l'ancienne Collégiale, seuls survivants des membres du
Chapitre de l'Eglise, et du vieux et fidèle serviteur Clément
Perrin qui avait pu, lui aussi, et non sans peine, traverser
les mauvais jours de la Terreur, après avoir rendu à l'Eglise,
aux chanoines, les plus signalés services.
(i) Journal des Recettes et Dépenses :
Le 20 septembre 1796, pour le pavillon des reliques dadit saint Rambert, trois
livres, cy 3'
Plus, pour emplette de trois livres et demi de cierges à i>, 10, cinq livres cinq sols, cy 5'. 5**
Le 8 décembre, pour une grande messe de l'Office de Notre-Dame, trente sols, cy. i^io''
Plus, pour trois basses messes pour défunte Claudine Giraud, trente-six sols. cy.. l'.iô*'
plus, deux basses messes pour la Nanon, veuve Bonncfoy, vingt-quatre sols, cy ... i', 4'
(Archives de la paroisse,)
29^ CHAPITBE XV
Et^ lorsqu*en 1801 on voulut substituer une nouvelle
châsse à Fancienne et rétablir solenncUement, dans la
paroisse, le culte des reliques de saint Rambert, ce
furent encore les deux honorables confesseurs de la foi :
Messires Gérentet et Javelle qui présidèrent la cérémonie,
aidés des missionnaires : MM. Dugueyt, Polhy, et Le Go,
chargés de la paroisse par l'autorité diocésaine (i).
( I ) Archives de la paroisse.
CHAPITRE XVI
LES
RELIQUES DE SAINT RAMBERT
DÉPOSÉES DANS LA CHASSE DE 1801
I-EUR RECONNAISSANCE CANONIQUE EN 1804
Lorsque la tempête révolutionnaire se fut apaisée, et que
le calme se fut fait en France, lorsqu'après 1793, l'Eglise,
victorieuse de ses persécuteurs, réouvrit aux fidèles
catholiques les portes de ses temples, et qu'elle fut libre d'y
pratiquer les cérémonies du culte divin, alors les prêtres,
confesseurs de la foi, que l'échafaud avait épargnés, revinrent
au milieu de leurs ouailles pour reprendre l'exercice de leur
sacerdoce, et, partant, relever les ruines morales et maté-
rielles amoncelées autour d'elles.
Quant aux paroisses dont les pasteurs avaient payé de leur
sang le refus du serment à la Constitution civile du clergé,
elles furent confiées à des prêtres missionnaires, chargés par
l'autorité diocésaine de les administrer et de les évangéliser.
A Saint- Ram bert, la persécution avait dispersé les
membres du chapitre de la Collégiale, quelques-uns de
3oO CHAPITRE XVI
Messires les Chanoines ayant même préféré mourir plutôt que
d'être parjures à leurs devoirs sacerdotaux, l'administration
de la paroisse fut confiée aux RR. PP. Dugueyt, Polhy et
Le Go jusqu'à Tannée i8o3, où M. l'abbé Chevallier en fut
nommé curé.
Or, MM. les Missionnaires chargés de rétablir le culte dans
notre église, furent frappés de l'état de complet délabrement
dans lequel l'avaient laissée les tristes journées de la Conven-
tion. Après avoir, grâce à la générosité de quelques familles
dévouées, dressé de nouveaux autels, suspendu une nouvelle
lampe à la voûte du sanctuaire, fixé le crucifix au-dessus du
parvis du chœur, replacé sur leurs piédestaux respectifs les
statues de la Vierge et de plusieurs autres saints chers à la
piété des paroissiens, ils songèrent à placer la vieille châsse
des reliques de saint Rambert sur un trône d'honneur plus
digne que celui où elle reposait depuis 1796.
Nous n'avons pas oublié que la vénérable châsse avait été
enlevée du lieu secret où on l'avait déposée, et apportée à
l'église. Les reliques des saints Rambert et Domitien avaient
été, elles aussi, enlevées de l'arche à blé où, cachées depuis
trois années, elles attendaient l'heure du triomphe. Les dix-
sept lots, enveloppés dans leurs étuis de toile grossière,
avaient été consciencieusement replacés dans leur écrin
séculaire. Mais le bois, vermoulu sous l'action du temps,
ne parut pas offrir aux vénérables reliques un asile assez
convenable et assez sûr. C'est pourquoi, après avoir pris avis
du conseil des marguilliers de l'église, MM. les Missionnaires
décidèrent de faire fabriquer, par quelque ouvrier habile,
une châsse nouvelle. C'était en 1801, et les marguilliers qui
probablement hâtèrent de leurs deniers l'exécution de cette
œuvre artistique, furent Jean Faure de Brochorier, Gaspard
Besson, Pierre Giraud, cadet.
Et quand la nouvelle châsse eut été achevée, elle reçut le
trésor de nos reliques insignes.
CHÂSSE ET RELIQUES DE SAINT RAMBERT EN 180I 3oi
Cette châsse vénérable devant laquelle les fidèles dévots à
saint Rambert purent, dès les premières années de notre
xix" siècle, s'agenouiller et prier, cette châsse nouvelle,
œuvre d'un réel mérite, comme nous Tavons dit au chapitre
XIP de ce livre (i), eut Thonneur d'une visite officielle et
canonique en 1804. Cette visite fut faite par deux prêtres
délégués de Son Eminence le cardinal Fesch, archevêque de
Lyon; elle avait été provoquée par M. l'abbé Jean-Louis
Chevallier, archiprêtre et premier curé de Saint-Rambert,
après la grande Révolution.
Ce prêtre pieux et intelligent, dévoué et généreux pour ses
paroissiens, ce pasteur dont le zèle éclairé s'appliquait à
réparer, dans les âmes, les désordres causés par les excès de
la période révolutionnaire et athée, comprit que pour ramener
la confiance et la dévotion au saint Patron de la paroisse, il
fallait montrer à son peuple, non plus seulement une châsse
dorée et sculptée, simple œuvre d'art, mais convaincre les
esprits de cette vérité, savoir : que la nouvelle châsse offerte
à la piété des pèlerins contenait réellement les reliques du
bienheureux martyr Rambert, que ces reliques étaient parfai-
tement authentiques, qu'elles n'avaient jusqu'à ce jour perdu
aucune parcelle de leur ancienne puissance, en un mot, que
fécondes jadis en miracles, elles pouvaient encore les multi*
plier désormais, pourvu qu'on les vénérât avec confiance.
Aussi bien ne vit-il pas d'autres moyens plus efficaces, pour
atteindre son but, que d'inaugurer la grave et solennelle
cérémonie de la visite de ces mêmes reliques, ou par le
premier Pontife du diocèse, ou par un de ses délégués.
C'est pourquoi, sur la demande que lui en fit M. l'abbé
Chevallier, Son Eminence le cardinal Fesch, archevêque de
Lyon, chargea son vicaire général, M. Courbon, de nommer
deux commissaires pour faire la visite de la châsse de saint
(i) Section VI, page 234.
3o2 CHAPITRE XVI
Ratnbert, et procéder à une constatation publique de
l'authenticité des reliques qu'elle contenait.
Les deux commissaires nommés pour cette visite furent :
M. Claude ChoUeton, curé de la principale paroisse à Saint-
Etienne-de-Furan, et M. Antoine Goquard, desservant de
la succursale de Sury-le-Comtal. Ils avaient reçu commission
le 26 septembre 1804, mais la cérémonie de reconnaissance
des reliques n'eut lieu que le 1 1 décembre suivant, soit un
an et demi après la nomination de M. l'abbé Chevallier à la
cure de Saint-Rambert (i).
Afin d'inspirer à ses paroissiens un grand respect pour les
restes vénérés de leur saint Patron, afin de raviver envers
l'illustre martyr une dévotion que le malheur des temps
avait bien attiédie; en un mot, pour les convaincre de
l'authenticité de l'incomparable trésor dont ils étaient les
heureux possesseurs, M. Chevallier voulut qu'on en fit la
visite canonique publiquement.
La visite, annoncée d'avance, provoqua une curiosité bien
légitime et réunit, à l'église, un grand concours de peuple
et un clergé nombreux.
L'ouverture de la châsse fut faite; on y trouva les anciens
procès-verbaux des visites de 1625, 1708, 1718, 1739, 1780
et 1790 (2), avec les dix-sept lots indiqués dans l'inventaire.
Les lots portaient chacun leur numéro d'ordre, avec cette
particularité que le lot n** 1 7 n'existant plus, comme nous
l'avons fait remarquer plus haut, la numération desdits lots
passait du n® 16 au n® 18.
(i) M. Jean-Loais Chevallier, dont la mémoire bénie est encore vivante parmi nous, et
que plusieurs de nos anciens, par exemple M. Triboudet, suisse de l'église, âgé aujourd'hui
de 93 anSf M. Âbrial. âgé de 93 ans, et plusieurs autres d'un âge presque aussi avancé,
ont connu; M. Chevallier, contemporain des deux chanoines Javelle et Gérentet, deax
seuls survivants à cette époque de l'ancienne Collégiale, fut un pasteur selon le cœur de
Dieu, plein de zèle pour le salut des ftmes. Il signait son premier acte de curé dans les
registres de catholicité le i» mars i8o3, et son dernier le 4 mai 183 1. Il mourut le 14 du
même mois.
(3) Voir les pièces justificatives n** 19, 30, 31, 33, 33.
CHASSE ET RELIQUES DE SAINT RAMBERT EN 180I 3o3
Après un examen sérieux de chacune des reliques, Messieurs
les commissaires reconnurent leur identité, sur la foi de
MM. Antoine Javelle, Claude-Josué-Pierre Gérentet, anciens
chanoines, Antoine-Claude-Josué Gérentet de Saluneaux et
Clément Perrin, serviteur de TEglise, les quatre témoins
présents à la visite faite par M. de Malvin, vicaire général,
vingt-quatre ans auparavant, le 23 octobre 1780 (i).
Bien que le parchemin qui nous conserve le souvenir de
cette grande cérémonie paroissiale ne nous dise rien de l'éclat
de la fête, de la joie de ceux qui en furent les témoins et
des démonstrations ardentes de la piété autour de notre
châsse bénie, cependant l'affluence des fidèles, le grand
nombre de personnes qui ont signé au procès-verbal, leur
notoriété, tout fait supposer que la reconnaissance de nos
reliques fut entourée de la plus éclatante solennité.
Du reste, à chacune des visites et reconnaissances du trésor
de notre châsse de saint Rambert, nous sommes heureux de
constater l'empressement et des fidèles et du clergé à venir
les voir, et à les vénérer.
Mais la lecture des anciens procès-verbaux, tout en
réjouissant notre cœur de pasteur, et en nous donnant les
plus délicieuses satisfactions, nous laisse toujours un fond de
vague tristesse.
Pourrions-nous, en effet, assister impassible et indifférent
à la dispersion, si souvent renouvelée, de nos chères reliques ?
Il n*est pas un procès-verbal qui ne nous révèle quelque
larcin.
Dans cette visite de Tannée 1 804, comme dans les précé-
dentes, notre châsse eut encore le malheur de perdre plusieurs
(1) A la date du 5 mars 1899. nous avons trouvé, dans le fatte de la châsse actuelle, tous
ce» mêmes procès-verbaux. Leur état de vétusté et leurs pages moisies et déchiquetées
nous ont donne l'idée d'en faire >ur parchemin de nouvelles copies que nous avons remises
à la même place tout auprès des anciens parchemins, enveloppés et cachetés de façon à ce
que leur durée soit prolongée, le plus possible, pour l'instruction et la carioaité de nos
succcaa«ars. *
3o4 CHAPITRE XVI
parties des ossements sacrés de saint Rambert. Messieurs les
commissaires, délégués par l'autorité épiscopale, usant d'un
droit à eux concédé, et sur la recommandation expresse de
M. Courbon, vicaire général, ôtèrent de la châsse : i"" un os
cubitus pour le transférer à l'église primatiale de Saint-Jean,
de Lyon ; 2® un petit os extrait du lot des fragments des
côtes^tt que M. Cholleton emporta dans son église paroissiale,
àSaint-Etienne-de-Furan; 3" un petit os extrait du même lot
que le précédent, et une vertèbre prise au lot intitulé sept
vertèbres, que M. Coquard, desservant de Sury-le-Comtal,
transféra en son église paroissiale.
Voici, d'après les détails fournis par les procès-verbaux
de la visite de la châsse de saint Rambert, les lieux qui ont
le bonheur de posséder quelques parties de nos insignes
reliques :
I** Mgr Claude de Saint-Georges, archevêque de Lyon,
pour l'église primatiale de Saint-Jean, emporta en 1708 :
une vertèbre, une grosse dent, et un petit os du doigt de la
main.
2* Mgr Emmanuel- Henry-Timoléon de Cossé-Brissac,
évêque de Condom et prieur de Saint-Rambert, emporta, en
lySg, pour en doter sa cathédrale et diverses autres églises
de son diocèse : quatre morceaux des ossements de saint
Rambert.
3** M. Claude Cholleton, curé de Saint-Etienne-de-Furan,
emporta, en 1804, pour les exposer dans son église archi-
prêtrale : un petit fragment des côtes.
4" M. Courbon, vicaire général du diocèse de Lyon, fit
prendre, en 1804, pour l'église primatiale de Saint-Jean, de
Lyon : un os du bras.
5" M. Antoine Coquard, desservant de Sury-le-Comtal,
emporta, en 1 804, pour les exposer dans son église parois-
siale : I* une vertèbre-^ 2^ un petit fragment des c64es.
CHASSE ET RELIQUES DE SAINT RAMBERT EN 180I 3o5
Que ces précieux ossements du corps sacré de notre
illustre saint Rambert, honorés avec piété, vénérés avec
confiance soient, pour les églises qui ont le bonheur de les
posséder, et pour les pasteurs zélés qui en favorisent la
dévotion, une source de grâces spirituelles et de bénédic-
tions temporelles!
Depuis la grave cérémonie de la reconnaissance de nos
saintes Reliques, en 1804, jusqu'à Tannée 1872, la vénérable
châsse qui les renfermait n'eut que rarement l'honneur de
paraître dans les grandes cérémonies de l'Eglise, entourée
de lumières et de fleurs. Car nous ne voulons pas compter
au nombre des reconnaissances canoniques de notre châsse,
la simple constatation que fit, en 1 838 ( i), de sa présence dans
l'église M. le chanoine Cattet, vicaire général du diocèse.
En efiet, le procès-verbal de cette visite pastorale du 1 1 mai
de la même année, ne nous apprend qu'une chose : c'est que
le grand reliquaire authentique était, à cette époque, privé
de son sceau. Remarquons cependant, en passant, l'épithète
authentique accolée, dans le procès-verbal de la visite parois-
siale faite par M. le vicaire général, au mot grand reliquaire.
Elle est une preuve que l'on possédait en i838, comme en
1 804, et comme bien auparavant dans notre église, le trésor
des vraies reliques de saint Rambert.
Chaque année cependant, au jour anniversaire de la fête de
la Translation des Reliques de saint Rambert, le 3 octobre,
fête patronale de la paroisse, — dont la solennité a été, depuis,
renvoyée au dimanche suivant, — la châsse paraissait à la
grande et belle procession faite autour de la ville, en souvenir
du jour mémorable où arrivèrent miraculeusement, de
Saint-Rambert-en-Bugey en notre prieuré de Saint-André-
les-Olmes, ces mêmes saintes Reliques.
(1) Visite de la paroÎMC de Saint*Rambert-iur-Loire par M* Catur, vicaire général du
diocèie. (Archivas paroissiales,)
10
3o6 CHAPITRE XVI
Portée, alors, sur un brancard orné de draperies rouges
frangées d'or, précédée d'un nombreux clergé, suivie d'une
foule de fidèles respectueux et recueillis, elle s'avançait
triomphalement aux accents des hymnes pieux et semblait,
chaque année, renouveler une prise de possession de sa
vieille et chère cité.
Puis, les jours de fête une fois écoulés, elle rentrait dans
l'obscurité et le silence où la confinaient l'oubli et Tindifférence,
bien pardonnables, d'une population qui n'aurait pas mieux
demandé qu'on lui parlât de son Patron, qu'on lui montrât
ses reliques bénies et qu'on mêlât, autour de la châsse de
saint Rambert, plus de fleurs et de lumières à plus d'hymnes
et de prières.
Cependant un homme vint, d'une intelligence rare, et d'une
fermeté de caractère peu ordinaire greffée sur un fond d'origi-
nalité toute légendaire, un prêtre d'un grand dévouement,
M. l'abbé Subtil, notre vénéré prédécesseur qui, d'un seul
regard embrassant le vaste champ que l'autorité diocésaine lui
donnait à cultiver, en i863, comprit bien vite que les deux
premières fleurs dont il devait chercher l'épanouissement,
c'était l'amour de Jésus-Christ et l'amour du Patron de la
paroisse.
Mais comment attirer les fidèles sous les voûtes d'une
église qui, si elle avait une réelle valeur comme monument
historique, n'en offrait pas moins un état de délabrement
peu fait pour charmer les sens^ et encore moins fait pour
inspirer la piété ? Cette église, à force de sacrifices demandés
à sa bourse et à celle de paroissiens généreux, il l'eut bientôt
débarrassée de. tous les encombres^ de tous les anachro-
nismes, de tous les amas de plâtre qui furent la parfaite
expression de l'ignorance archéologique et du mauvais goût
architectural de la première moitié de notre xix* siècle.
Il la fit, notre chère église, ce qu'elle est aujourd'hui,
CHASSE ET RELIQUES DE SAINT RAMBERT EN 1 8o I 3o7
un monument parfait du style roman simple et vrai, un
monument comme ceux que bâtissaient,' il y a huit siècles,
nos moines bénédictins, et dont nos architectes modernes
s'appliquent à reproduire, dans leurs travaux religieux, les
plans si bien conçus, les lignes si pures et les silhouettes
si imposantes, sous le vaste ciel de notre plaine du
Forez.
Mais comment faire revivre dans les cœurs Tamour du
Patron, saint Rambert, alors qu'aucun monument, aucune
statue ne rappelait aux fidèles le souvenir du grand martyr,
alors surtout que l'ancienne châsse renfermant ses ossements
n'était exposée à la vénération des fidèles qu'une seule fois
pendant Tannée, et durant les seuls jours de la fête patronale
et de son octave ?
M. le curé Subtil n'eut pas de peine à comprendre
que le vrai moyen de raviver, dans l'âme de ses nouveaux
paroissiens, la confiance en leur saint et puissant protecteur,
c'était de leur en parler, de leur en montrer les restes
sacrés, de leur ouvrir les pages d'un livre où ils
pussent, sans cesse^ retrouver, nous ne disons pas la vie
intime et édifiante du saint, mais du moins le souvenir
des bienfaits dont il avait coutume de favoriser ceux qui,
dans des temps plus chrétiens que les nôtres, savaient
l'invoquer.
Or, ce livre constamment ouvert aux yeux de ses
paroissiens, et dont la lecture devait faire refleurir à notre
époque les beaux jours de la dévotion d'antan, à Saint-
Rambert, M. le chanoine Subtil le composa de deux grandes
et superbes pages : l'une de pierre, c'est Pédicule sur
lequel repose aujourd'hui notre châsse vénérée ; l'autre de
bronze, et c'est la châsse nouvelle dans les parois em-
pourprées de laquelle sont enfermées les Reliques insignes
de notre saint martyr.
3o8 CHAPITRE XVI
Nous avons parlé, au chapitre XII*, de ces deux monuments
qui, dans le trésor de notre église, après la fameuse chasuble
de soie et d*or, la monstrance d'argent repoussé du xv' siècle,
la toile célèbre de Notre-Dame de Pitié, attribuée à Valentin,
la chaire sculptée du xvii* siècle, les cippes, les chapiteaux,
les frises historiques, etc., ne sont point indignes de la visite
des amateurs de chefs-d'œuvre.
CHAPITRE XVII
LES
RELIQUES DE SAINT RAMBERT
* *
TRANSFEREES
DANS UNE NOUVELLE CHASSE EN 1872
La nouvelle châsse qui remplace celle de 1801, nous
l'avons dit au chapitre XIP, page 238, est un vrai et très
exquis chef-d'œuvre sorti des ateliers de M. Tissot, de Lyon.
Mais ce qui ajoute encore à son prix, c'est qu'elle est un don
généreux de plusieurs chrétiennes familles de la paroisse
Saint-Rambert (i).
Elle fut placée en 1872, par les soins de M. le
curé-archiprêtre Subtil, sur un petit édicule élevé dans
la nef latérale de Téglise, côté Nord, sous l'arceau
aveugle où s'ouvrait, jadis, la grande Porte dite « des
(i)Lct très honorables familles Louis Gérentet et William Neyrand, ainsi que plasieors
antres qui ont voulu garder l'anonymat, se chargèrent généreusement des frais de la châsse
et de l'édicnle où elle repose.
3lO CHAPITRE XVII
Lions » (i) qui mettait en communication l'église conven-
tuelle avec la chapelle Saint-Jean-Baptiste. Cet édicule,
dont le plan est de M. Bresson, Tarchitecte éminent auquel
nous devons les intelligentes réparations de notre vieille
église romane (2), fat exécuté par M. Fabisch, sculpteur
lyonnais, dont les œuvres ont un mérite non discuté ;
décoré par M. Razuret, peintre aussi lyonnais, d'un réel
talent, dont le pinceau habile a su donner aux murs
intérieurs de l'édifice une ornementation parfaitement en
rapport avec son air médiéval. L'œuvre, très artistique, se
dessine aujourd'hui sur un fond d'or antique, derrière une
grande et superbe grille en fer forgé (3) qui le met à l'abri
de toute indiscrétion, tout en le signalant davantage à la
piété des pèlerins.
A l'occasion de la translation du trésor des reliques des
saints Rambert et Domitien, de l'ancienne châsse de 1801
dans la châsse en cuivre doré de 1872^ M. l'archiprêtre Subtil
organisa une magnifique fête, dont le souvenir est présent
(i) Cette porte, qui faisait communiqaer la chapelle paroissiale Saint-Jean-Baptiste avec
réglise conventuelle du Prieuré, est depuis longtemps condamnée. En effet, un abénévis
pour enterrer dans l'église Saint*Rambert, accordé par illustre Laurent de Siraiane, seigneur
prieur, à Barthélémy Faure, notaire royal, daté du 3o novembre 1619, permet d'enterrer • lui
« et les siens successeurs à l'advenir en Tiglise Saint-Rambert, le long de la muraille de
« ladite église du côté de bise, entre l'autel sous le vocable de saint Antoine, et la place
« où était la grande porte de ladite église, à présent closes le long de la tombe de feu
« vénérable Jean Favier, vivant sacristain de l'église, etc.. etc. ». On voit encore, au dehors,
deux lions sculptés en creux au sommet de chacun des pieds-droits de cette porte. Le
lion a toujours été regardé comme le symbole delà force et de la vigilance. Le christianisme,
en le plaçant à la porte et en diverses parties de ses temples, a suivi l'exemple de l'église
judaïque qui regarde le lion comme l'image de la juste sévérité dont les pasteurs doivent
s'armer contre ceux qui s'obstinent à méconnaître leur autorité.
(3) Les intelligentes et sérieuses réparations de notre église, pour lesquelles M. le
chanoine Subtil se donna tant de mal, quêtant, sollicitant des souscriptions auprès de ses
paroissiens et de ses amis, ne craignant point de faire lui-même de généreux sacrifices,
furent exécutées, croyons-nous, en 1871-1873 et coûtèrent la sojnme nette de 28.459 fr. 35.
Nous voyons, en effet, d'après le livre des délibérations de la fabrique, qu'à fin décembre
1872) toutes les dépenses fkites pour les réparations de l'église étaient soldées.
(3) Cette grille de fer dont les plan et dessin sont dus au crayon de M. Dominique
Girard, architecte lyonnais, est l'œuvre habilement exécutée d'un très intelligent maître-
serrurier de Saint-Rambert, M. Chol, dont les ateliers, bien dirigés, ont encore fait le bel
appui de communion qui sépare, dans notre église, le sanctuaire du choeur. Voir page 242.
FiG. 43.
CHASSE ET RELIQUES DE SAINT RAMBERT EN 1872 3ll
encore à la mémoire de tous les paroissiens qui portent le
poids du demi-siècle.
L*Eglise catholique, qui a toujours gardé le plus profond
respect pour les restes des Saints, après le passage de leur
âme à une vie meilleure, et qui a autorisé le culte de leurs
restes sacrés, n'a pas voulu que ses ministres touchassent
jamais aux divers trésors de reliques, sans qu'ils se soumissent
aux exigences d'un cérémonial composé tout spécialement
pour la circonstance. Et cela, autant pour sauvegarder le
respect dû aux cendres des bienheureux, que pour mettre
leur authenticité à l'abri de toute critique (r).
C'est pourquoi M. l'archiprêtre Subtil, après avoir appris
à ses paroissiens l'acquisition qu'il venait de faire d'une
châsse plus riche et plus commode, pour contenir les reliques
de leur saint Patron, leur annonça que la cérémonie de la
translation se ferait avec la plus grande solennité, en présence
des représentants de l'autorité archiépiscopale.
Au jour marqué, en effet, le clergé des environs, convoqué
à cette intéressante cérémonie, accourut avec empressement
sur l'invitation paternelle de son archiprêtre. La petite cité
de Saint-Rambert elle-même, toute joyeuse, prit ce jour-là
un air de fête, et les fidèles attendaient avec impatience
le moment où ils pourraient contempler la merveille
annoncée.
C'était le dernier dimanche de septembre 1872: l'aube
avait à peine blanchi les premières crêtes de Saint-Just-sur-
Loire, que l'air retentissait déjà du gai carillon de nos trois
cloches, dominé par les notes graves du bourdon. C'est la
voix pieuse de la religion qui appelle les fidèles de la paroisse
à une fête aussi intéressante que rare.
(0 L'ouverture d'une châsse, non plus que la translation des reliques qu'elle contienti ne
se peuvent faire sans l'autorisation de l'Ordinaire. Elles doivent avoir lieu en sa présence,
ou en la présence de ses délégués et d'autres témoins indépendants, choisis ad Aocjesquels
constatent et signent le procès-verbul, après examen sérieux.
3l2 CHAPITRE XVn
La vieille église parée de ses plus beaux ornements, toute
éclatante d'or et de lumière, ouvre ses grandes portes à Theure
de vêpres, et bientôt ses vastes nefs sont envahies par une
foule compacte, désireuse de jouir du rare spectacle qu'on
lui a promis.
Le chant des psaumes fini, un magnifique panégyrique du
saint martyr est prononcé par M. l'abbé Plantîn qui fait
passer sur les âmes de son auditoire attentif comme un
soufHe de foi et de confiance en ce puissant protecteur.
Et lorsque la foule, empoignée par la parole brûlante
de l'éminent prédicateur, s'est prise à admirer les vertus de
son auguste patron, lorsque émue au récit de son martyre,
elle voit le clergé, croix en tête, s'approcher de la vieille châsse
de bois doré pour en faire l'ouverture et la reconnaissance,
elle perd son calme et s'approche pour voir de plus près
et toucher si possible, les restes si vénérés du martyr
illustre dont on vient de lui parler avec tant d'onction et
de vérité (i).
C'est, en effet, le moment solennel du transfert des reliques.
M. le chanoine Peurière, curé archiprêtre de Notre-Dame de
Montbrison, délégué de Mgr Ginoulhac, archevêque de Lyon,
est là près des deux reliquaires déposés du milieu du chœur,
sur de magnifiques autels improvisés, et marqués aux couleurs
du martyr. Autour de lui, et lui servant de témoins,
MM. Subtil, curé archiprêtre de la paroisse, Benoît Maugé,
Alexis Dupin, ses dévoués vicaires, Plantin, missionnaire
diocésain, Jean-Baptiste Grata, prêtre, et un grand nombre
d'autres prêtres des paroisses voisines. M. le chanoine
Peurière ouvre la vieille châsse, prend connaissance des
procès-verbaux y enfermés, reconnaît les 17 paquets ou
lots de reliques mentionnés dans les procès-verbaux de
1625 et de 1804, puis, aux chants des hymnes consacrées
(1) Voir la monographie de la chisse de 1873, au chap. XH. page 338.
CHASSE ET RELIQUES DE SAINT RAMBERT EN 1872 3x3
à saint Rambert (i), sous les regards avides d'une foule,
à bon droit curieuse, il transporte les sacrés restes de notre
royal martyr, du reliquaire ancien dans le reliquaire
nouveau (2).
Et lorsque la magnifique châsse a reçu le trésor qu'elle doit
garder ; lorsque le sceau de Sa Grandeur Mgr Ginoulhac a
été apposé sur la cire rouge qui couvre un nœud fait de
quatre fils d*or, protecteurs des reliques; lorsqu'enfin la
châsse d'or aux émaux variés et chatoyants a été placée sur
son brancard richement orné de draperies rouges, alors,
quatre diacres en dalmatiques la prennent sur leurs épaules
et la portent triomphalement autour de la ville.
Vingt prêtres en habit de chœur lui font une garde d'hon-
neur, en même temps qu'ils ne cessent de répéter l'hymne à
la louange de l'illustre martyr. La foule précède et suit la
belle châsse à laquelle elle fait comme un immense et harmo-
nieux cortège. Les chants, les prières partent des cœurs et
des lèvres de mille pèlerins qui marchent gravement à l'ombre
de nombreuses bannières aux plis flottants. Le spectacle
est imposant.
La châsse brillante, élevée au-dessus des têtes par les
jeunes diacres, et entourée d'une foule immense qui lui fait
ovation, rappelle ici TArche d'alliance rentrant en triomphe
dans la ville de Jérusalem, au sortir de la maison d'Obédé-
dom. Les jeunes lévites l'avaient chargée sur leurs épaules,
des chœurs de danses s'étaient formés autour d'elle, tous les
Hébreux lui faisaient cortège, et toute la maison d'Israël
éclatait en des transports de la plus vive joie.
Inoubliable fête que celle du 28 septembre 1872,011 notre
illustre Patron et Protecteur saint Rambert eut l'heureuse
occasion de faire le tour de sa chère cité, comme pour en
(i) Voir tux pièces justificatives, n* 36, le procèi-yerbal de la cérémonie.
(2) Voir aoz pièces jastifîcstives les hymnes consacrées à saint Rambert. n* 27.
3 14 CHAPITRE XVII
prendre à nouveau possession. C'est afnsî qu'un bon roi
parcourt son [royaume afin d'en connaître l'étendue et les
confins, et de faire savoir à ses sujets qu'il est leur seigneur
et père.
De cette époque, déjà lointaine, date le transfert de notre
fête patronale, du troisième jour d'octobre au dernier
dimanche de septembre. De temps immémorial, le 3 octobre
avait gardé ses hymnes de fête pour les offrir à saint
Rambert. La malheureuse coïncidence de la fête balladoire
avec la fête de saint Rambert est venue modifier un usage des
plus respectables.
Hâtons-nous de dire que cette coïncidence n'a eu aucune
influence fâcheuse sur la dévotion de nos paroissiens envers
leur bien-aimé Patron. Aujourd'hui, comme il y a trente ans, la
fête de saint Rambert se célèbre avec la plus grande solennité
et la plus consolante piété. Aujourd'hui, comme aux siècles
passés, la procession autour de la ville se fait avec le plus
généreux empressement et le plus édifiant concours de fidèles.
La châsse des reliques de saint Rambert, placée sur un
brancard aux draperies rouges frangées d'or, est toujours
portée en triomphe autour de la ville, par le même chemin
qu'ont suivi nos ancêtres. La foule accompagne toujours et
avec recueillement la marche triomphale de « Monseigneur
saint Rambert » à travers les rues de sa chère cité.
On ne s'arrête plus, il est vrai, sous Tarceau de la porte de
la « Chana » démolie, pour chanter, devant la statue équestre
du saint qu'elle abritait, l'antienne au martyr. Mais on fait
halte, un instant, en face de la modeste niche qui a reçu l'exilé
du rempart, pour lui redire le chant de l'amour et du
triomphe (i).
(i) Répons à saint Rambert, tiré de TOffice de la Translation de ses reliques :
Sancte Ragneberte Christi martyr audi rogantes servalos, et impetratam cœlitas tu defer
indulgentiam- O Ragneberte sidus aureum Domini gratift, servorum gemitus solitfl suscipe
clementifl. Et impetratam, etc. — Gloria Patri, et Filio, et Spiritai Sancto. Et impetratam,
etc. — Aperi os tuum in orationem, et pro delictis nostris deprecare. Et impetratam, etc. —
Sicut erat in principio, et nunc, et semper, et in sœcula sœculorum. Et impetratam, etc.
CHASSE ET RELIQUES DE SAINT RAMBERT EN 1872 3l5
Et, pendant le parcours de la procession, les prières
ferventes, les cantiques pieux des chœurs de jeunes filles,
les hymnes liturgiques chantées par les prêtres, les
notes triomphantes des instruments de cuivre et de bois,
l'éclat des vêtements d'or du clergé, les oriflammes multi-
colores, les bannières déployées, en un mot, la joie
épanouie sur tous les visages disent assez l'amour de
notre chrétienne cité pour son royal et illustre Patron, et
proclament avec autant de force que jadis, son céleste
crédit.
Et c'est parce que nous ne voulons pas voir dimi-
nuer, dans l'âme de nos chers paroissiens, l'antique
confiance de leurs aieux en la puissance des insignes
reliques de saint Rambert, que nous nous essayons à
déployer la plus grande magnificence, chaque année,
au jour de la fête de la Translation de ses bénies
reliques.
Cette fête patronale est suivie d'une octave d'actions
de grâces, dont les prières, récitées auprès de la châsse,
ont déjà attiré. Tannée dernière, un très grand nombre de
fidèles.
Et, afin que leur nombre croisse, de jour en jour,
autour des précieuses reliques de notre illustre Patron,
afin que la confiance des cœurs chrétiens trouve un aliment
agréable et constant dans le culte de notre glorieux martyr,
nous avons sollicité et obtenu de Rome Tinsigne faveur
d*une indulgence plénière, dans les conditions ci-après
énoncées.
3l6 CHAPITRE XVII
RESCRIT DE SA SAINTETE LEON XÏII, PAPE
FAISANT DROIT A LA DEMANDE FAITE POUR OBTENIR DES INDULGENCES
EN FAVEUR DES PERSONNES
QUI VONT VISITER LES RELIQUES DE SAINT RAMBERT, MARTYR
DANS l'église PAROISSIALE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
LÉON XIII, PAPE
A tous les fidèles qui prendront connaissance des présentes
lettres, Salut et Bénédiction apostolique.
Pour augmenter la religion des fidèles et faciliter le salut
des âmes, nous accordons une indulgence plénière et la
rémission de leurs péchés, à tous les fidèles des deux sexes
qui, pénitents, confessés et communies, visiteront dévotement
l'église paroissiale Saînt-Rambert-en-Forez, du diocèse de
Lyon, le dernier dimanche de septembre ou riin des fours de
l'octave, et y prieront pour la concorde des gouvernements
chrétiens, l'extirpation des hérésies, la conversion des pécheurs
et Texaltation de notre sainte Mère l'Eglise.
Aux fidèles vraiment contrits de cœur qui visiteront, à
n'importe quel jour de Vannée^ l'église susnommée, et y
prieront aux intentions indiquées, nous accordons une
indulgence de cinquante jours.
Nous accordons, également, la faculté d'appliquer toutes
ces indulgences à la rémission des péchés, à l'adoucissement
des peines, et même par mode de suffrage, aux âmes du
purgatoire.
Les présentes lettres sont valables pour 7 ans.
CHASSE ET RELIQUES DE SAINT RAMBERT EN 1872 3l7
Données, à Saint-Pierre de Rome, sous i*anneau du
pêcheur, le 1 7* jour d'avril 1 899, et de notre Pontificat la
22' année.
Pro D"® Gard. Macchi
NicoLAUS Marini
Sub.
Vu :
Ijron, le 20 avril iSgg.
BONNARDET,
Vicaire général.
D'après le Rescrit de Sa Sainteté Léon XIII, on peut,
après s'être confessé et avoir communié, gagner une indul-
gence plénière une seule fois, le jour de la fête de la Trans-
lation des Reliques de saint Rambert, fête patronale de la
paroisse, ou pendant un des sept jours de l'octave de cette
fête, en visitant l'église paroissiale, où sont exposées les
reliques insignes deTillustre martyr, et en priant aux intentions
du Souverain Pontife, par exemple en récitant 5 Pater,
5 Ape et 5 Gloria Patri.
De plus, les fidèles vraiment contrits et humiliés peuvent
gagner une indulgence de cinquante jours en visitant à
n'impone quel jour de l'année l'église paroissiale et en y
priant aux intentions indiquées ci-dessus.
Dans les deux cas, les indulgences sont applicables aux
âmes du purgatoire.
CHAPIIRE XVIII
LE
BRÉVIAIRE MANUSCRIT
DIT « DE SAINT-RAMBERT »
Il est, dans l'Eglise, un usage aussi ancien que le
Christianisme, usage que les fidèles ont pratiqué dans tous
les temps, celui de réciter ou de chanter, en commun, des
prières pour rendre à Dieu le tribut d'actions de grâces et
de saints désirs qui lui est dû.
Et d'abord, les Apôtres avant et après la descente du Saint-
Esprit, persévérèrent unanimement dans la prière, au rapport
de l'évangéliste saint Luc ( i ). Il est fait mention d'assemblées de
fidèles dans diverses épîtres de saint Paul aux Qorinthiens (2),
aux Colossiens (3), et dans ces assemblées publiques, étaient
récitées des prières communes et publiques de la même
nature que l'office divin dont les ministres 4e l'Eglise
s'acquittent chaque jour. De plus, saint Paul recommande,
aux chrétiens de son temps, de s'exciter et de s'édifier les uns
U) Act. I et n.
(a) Epit. I, chip. I, Terset ii.
(3) Cap. ill, verset 14.
320 ^ CHAPITRE XVIII
les autres par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques
spirituels, et de les chanter de tout leur cœur à l'honneur de
Dieu (i). Saint Luc écrivant Thistoire des premiers temps,
raconte que tous les disciples s'assemblaient pour prier en
commun, à la troisième heure du jour; que saint Pierre priait
à la sixième heure; que saint Pierre et saint Jean montèrent
au temple à Theure de la prière, qui était la neuvième heure;
que ceux, même, qui étaient dans la prison, entendirent
Paul et Silas prier et louer le Seigneur au milieu de la nuit.
Pline le Jeune, après s'être informé de ce qui se passait dans
les assembléesdes chrétiens, dit qu'ils adressaient des louanges
à Jésus-Christ comme à un Dieu (62-io5) (2). On ne peut
donc pas nier que dès le berceau de l'Eglise, les fidèles ne se
soient réunis, soit dans les temples, soit dans quelques maisons,
au temps de la persécution, pour célébrer les louanges de Dieu
par des psaumes, par des hymnes, par des lectures. Eusèbe
de Césarée, le père de l'Histoire ecclésiastique (267-338), au
livre V, chapitre 28, cite les cantiques composés dès le
commencement par les fidèles, et dans lesquels la Divinité était
attribuée au Sauveur (3). Au concile d'Antioche tenu l'an
262, l'on voit déjà le chant des psaumes introduit dans
l'Eglise. Or, l'institution de cet usage est attribuée à saint
Ignace, disciple des Apôtres. Du reste, saint Justin,Tertullien,
Origène, saint Basile, saint Epiphane, et d'autres Pères de
l'Eglise font mention, dans leurs ouvrages écrits du 11* au v*
siècle, de l'Office ou des prières publiques dans l'Eglise (4}.
(i) Ephèt. chap. V, v. 19; Coloss. chap. UI, v. 16.
(s) Diet. de théologie, par l'Abbé BBacisa. Tome VI., p. 74.
(3) Ibidem,
(4) Ibidem, — Noos aurionB pu faire remonter rantiquité de l'Office divin jusqu'à l'origine
des temps. Les Séraphins ont chanté au commencement et alternativement • Sanctus,
Sanctus, Sauctus Dominus Deus sabaoth >. Adam fut le premier, sur la terre, qui adressa
des louanges i Dieu pour s'acquitter de ses devoirs envers la Majesté divine, et pour obtenir
le pardon de sa faute. Il apprit, lui-même, à ses descendants à adresser à Dieu des prières, et à
l'honorer par des sacrifices. De là, les sacrifices d'Abel, de Noé, les prières d'Abraham,
d'Iiaac, de Jacob, les cantiques de Moïse, les psaumes et les hymnes de David qui louait
LE BRÉVIAIRE MANUSCRIT DIT « DE SAINT RAMBERT » 321
Et au témoignage de saint Augustin, le plus célèbre des
Pères de TEglise latine (354-43o), le chant de l'Office divin
ou de la prière publique de l'Eglise n*a été établi par aucune
loi ecclésiastique, mais bien par Texemple de Jésus-Christ
lui-même et des Apôtres.
Saint Jérôme, saint Ambroise, le Pape saint Gélase et
saint Grégoire I"y ont ajouté quelques parties, ont composé
des hymnes, des antiennes, des prières nouvelles sur le modèle
des anciennes ; ils y ont mis de Tordre et de l'arrangement,
mais ils ne sont pas les premiers auteurs de l'Office divin. Le
fond existait avant eux.
Le livre qui contenait la prière publique, et que nous
appelons a Office divin », a porté divers noms aux temps les
plus voisins des temps apostoliques et aux siècles suivants.
Comme les psaumes en faisaient la grande partie, le nom le
plus usité fut celui de « Psautier ». C'est ainsi que saint
Jérôme le nomme dans sa lettre à Rustique. Saint Grégoire
de Tours (i), saint Colomban (2) ont appelé l'Office divin
(( Cursus )), soit à cause du cours du soleil qui en dirige les
heures, soit parce qu'on remplissait ce devoir en parcourant
une suite de psaumes et de leçons. Dans le principe, ce
c( Cours » était d'une longueur considérable, à cause des
additions que chaque siècle y apportait, au point que le Pape
Grégoire VII (1073-1085), dont la vie fut si agitée, se voyant,
lui et sa cour, accablés d'une si grande quantité d'aifaires,
qu'il ne pouvait trouver le temps de réciter les trop longues
heures de l'Office divin ou a Cours », jugea convenable de
Dieu sept fois p«r jour, et tous les cantiques que s'occupaient a chanter les saints de l'Ancien
Testament; mais le plan restreint de notre travail ne nous permet pas de rentrer dans tous
ces intéressants détails. Nous renvoyons le lecteur aux ouvrages suivants qui traitent
actuellement l'intéressante question de l'Office divin et du Bréviaire : Institutions liturgiques
par Jean Fornici, traduites par M. Boissonnet, professeur au Grand Séminaire de Valence
1879. - Mgr Batiffol, Histoire du Bréviaire romain, — Diction, de théologie de l'Abbé
BsRGiER. — M IGNE, Liturgie.
(1) Lib. I. de glor. mart.
i) Dans ses « Règles », cap. 47 .
ai
322 CHAPITRE XVlll
Tabrégerpour l'usage de sa maison. Naturellement ctaCours »
abrégé prit le nom de Breviarium romanœ curiœ^ bréviaire
de la cour romaine (i). Ce mot « Breviarium », bréviaire
chez les anciens Romains, signifiait un abrégé et correspondait,
pour eux, au mot « compendium » plus moderne, ou à cet
autre mot plus ancien et de meilleure latinité «si/mmarit/m».
Le vrai sens de ce mot ne serait donc pas celui qu'on y
attache habituellement, c'est-à-dire « Recueil^ précis^
sommaire » de tout ce qu'il y a de plus excellent dans un
ou plusieurs livres. Nous croyons que cette interprétation
n'est pas la vraie, parce qu'elle n'est pas la plus simple; pour
nous, le mot Breviarium signifie abrégé des prières publiques
de l'Eglise, récitées ou chantées par ceux dont une des
principales obligations était de réciter ou de chanter l'Office
divin, comme les moines et les clercs (2) : c'est le livre que
nous appelons Heures canoniales (3). Dès le principe, cet
Abrégé de V office matutinal et vespéral^ ce « Breviarium » dont
l'arrangement des Psaumes, des Leçons et des Répons était à
peu près semblable à la disposition de nos Bréviaires actuels,
fut une exception en faveur du Souverain Pontife et de la
cour de Rome. Mais bientôt la basilique de Saint- Pierre l'ayant
adopté, les autres églises de Rome l'adoptèrent aussi, et il
n'y eut pas jusqu'à saint Jean de Latran qui, resté attaché
à l'ancien usage pour suivre l'intention du Pape, ne finît
par se conformer au nouvel Office abrégé : <( Le Bréviaire
de la Cour romaine. »
Quant aux autres églises de la chrétienté, elles ne résis-
tèrent point à l'impulsion donnée par la basilique de Saint-
Pierre, et suivirent son exemple. Au xiii' siècle, les religieux
de saint François d'Assise et les fils de saint Dominique,
(0 MiGNE, Encyclop, théoloff. Tome VIII. Liturgie.
(2) Bréviaire : Brève orarium.
(3) Les clercs sont obligés par état de réciter chaque jour le bréviaire.
LE BRÉVIAIRE MANUSCRIT DIT « DE SAINT RAMBERT » 323
sans cesse occupés de pénibles travaux de missions,
demandèrent qu'on substituât à leur ancien et long Office,
le Breviarium ; ce qui leur fut accordé, jusqu'à ce que
Haymond, général de l'Ordre des Franciscains, eut réduit
l'office romain à peu près à la forme qu'il a aujourd'hui,
forme que Grégoire IX sanctionna de son autorité, et que
Nicolas III imposa aux églises de Rome et à d'autres églises.
Plus tard, saint Pie V, au xvi* siècle, n'ayant rien de plus
à cœur que de mettre en vigueur une exacte discipline dans
toute la catholicité, conformément aux prescriptions du
Concile de Trente (sess. 23), apporta le plus grand soin pour
faire droit aux vœux de l'Eglise universelle. Clément VIII
travailla à corriger les fautes qui s'étaient glissées, avec le
temps, après les corrections de Pie V. Enfin, Urbain VIII
retoucha le Bréviaire romain et lui donna la forme actuelle.
Le Bréviaire, nous l'avons dit, est le livre qui contient les
heures canoniales ou office divin que doivent réciter, par
état et tous les jours, ceux qui sont dans les Ordres sacrés,
ou qui jouissent de quelques bénéfices (i).
Sous le nom d' « Heures canoniales » on désigne les prières
qui se font à certaines heures du jour et de la nuit. Il y en a
sept, par respect pour ces paroles du Psalmiste : <c Seigneur,
à sept différentes fois j'ai chanté vos louanges » : i* Matines
et Laudes ; 2* Prime ; 3® Tierce ; 4** Sexte ; 5* None ;
6* Vêpres ; 7® Compiles.
L'Office divin dit « de Saint-Rambert » dont nous offrons,
ici, quelques pages au lecteur, contient précisément les sept
parties liturgiques dont se compose tout bréviaire. Et ces
parties ou heures canoniales sont complètes, non seulement
pour l'office de la Translation des Reliques, mais encore
(1) Plusieors Conciles tenus dans les Gaules, celui d'Agde (3o6^ le 2* de Tours. le second
d'Orléaot règlent Tordre et les heures de l'Office et décernent des peines contre les ecclé-
siattiqnes qui manqueront d*y assister ou de le réciter. [Dict, de tMolOfit, de Bbkgiim.)*
324 CHAPITRE XVni
pour l'office de la fête des Miracles, et pour celui de la fête
de saint Ratnbert, martyr (i).
A quelle époque peut bien remonter le texte de cet
Office ?
On sait que, dans les premiers temps du christianisme,
la coutume était de lire publiquement, et d'expliquer ensuite
à l'église les actes des martyrs, avant TEpître et l'Evangile de
la messe. Ces actes furent peu à peu insérés dans Toffice ;
mais on ne les lisait que dans les églises dédiées sous l'invo-
cation de ces saints. Le pape Adrien, au viii* siècle, est le
premier qui les ait fait lire dans l'église Saint-Pierre (2), Son
exemple fut bientôt suivi dans les autres églises de la
chrétienté.
Or, à cette époque, c'est-à-dire de 772 à 796, il y avait
déjà un siècle que le jeune prince Rambert avait subi le
martyre, et que son tombeau était célèbre par Taffluence
des pèlerins et par les miracles qui s'y opéraient. Il n'y
a donc rien d'étonnant que les moines du monastère de
Saint-Domitien (3), près duquel notre bienheureux souffrit
le martyre, aient consigné, sur parchemin, le récit détaillé
de sa mort pour en faire la lecture dans leur église conven-
tuelle des bords de l'Albarine.
C'est ce récit, sans doute, qui fait la matière des leçons du
second Nocturne de la fête de saint Rambert.
Quelques siècles plus tard, les moines bénédictins du
prieuré de Saint-Rambert-en- Forez durent joindre, à ces
leçons composées avec le récit de la mort de notre saint, la
U) Voir, à la fin da chapitre XVUr, TOifice de la Translation des reliqaes.
(s) Passioncs sanctorum, vel gesta ipsorum, usque Hadriani tempore tantummodo ibi
legebantur ubi ecclesia ipsius sancti vel titulas erat. Ipse Yero (Hadrianus) a tempore suc
redtari jasslt, et in ecclesia sancti Pétri legendas esse constituit. (Ordre romain publié par
le cardinal Thomasi,)
(3) Nous avons vu, au chapitre IV, que le monastère de Saint-DomitieD fût fondé
au V* siècle.
y
LE BRÉVIAIRE MANUSCRIT DIT « DE SAINT RAMBERT » 325
relation du grave événement de la Translation de ses
Reliques, arrivé vers Tan 1078. Ce qu'il y a de certain, c'est
que la rédaction des leçons de l'office de la Translation des
Reliques continuées dans l'office de la fête des Miracles est
une œuvre postérieure au ix* siècle ; car à la page i5 on y
parle de Charlemagne. Il y est narré des choses extraordi-
naires, sans compter que le caprice littéraire de l'auteur s'y
donne libre carrière. Il n'est point facile de préciser la date de
la rédaction de ce texte. On n'y parle des choses qu'en termes
vagues. On n'y indique pas l'époque de la Translation (p. 32).
L'auteur se contente d'affirmer que, plus tard, le monastère de
Saint-André-les-Olmes et la ville qui Tentouraît, prirent le
nom de Saint-Rambert (i).
Au reste, les leçons ne donnent pas la fin du texte de la
Translation, ni surtout celui des miracles. On les trouverait
certainement, en entier, dans le a Passionnaire » du monastère
Saint-Rambert, s'il existe encore (2).
Le contenu du manuscrit est intéressant. Il offre les trois
offices de la Translation, des Miracles et de la Nativité ou
fête de saint Rambert. Les trois offices sont inédits, sauf la
légende du troisième qui est la vie du Saint.
L'office de la Nativité, c'est-à-dire de la îfête de saint
Rambert, contient deux hymnes inédites. On les chercherait
vainement dans le « Repertorium hymnologicum » de M. le
chanoine Ulysse Chevalier.
Les Répons sont beaux. Quant aux Leçons, elles ne
contiennent que le début de la vie du Saint martyr.
Voici quelques remarques au sujet de ces leçons.
Henschénius, en éditant la vie de saint Rambert d'après
(1) D'aprèiJ.-Marie dc la Mure: Histoire ecclésiastique du Diocèse de Lyou^Xû translation
des reliques de saint Rambert, dont le texte du Bréviaire ne fixe pas la date, eut lieu vers
1079, sous l'épiscopat de saint Jubin, archevêque de Lyon.
(3) Le Passionnaire du Prieuré de Saint-Rambert a disparu depuis longtemps, comme
tant d'antres objets intéressants des siècles passés.
32('
CHAPITRE XVIII
divers manuscrits (i), avait déjà fait remarquer les variantes
considérables que présentaient les manuscrits. Il parie
notamment d'une copie des Actes que lui avait envoyée
de Lyon le P. Ferrand, qui la tenait du célèbre Prévôt de
rile-Barbe : Le Laboureur. Cette copie, proche parente
du manuscrit que nous étudions, ne contenait pas le Prologue.
Ce fait serait un indice d'antiquité. Mais, pour l'Office, il
a bien pu se faire qu'on ait omis le Prologue, pour arriver
plus tôt au texte de la vie. Quoi qu'il en soit, le texte, comme
il est dit en marge, page 23, a été constitué à l'aide de
l'éloge que du Saussate fait de saint Rambert, dans son
« Martyrologicum gallicanum », et de la vie éditée par
GuiCHENON dans ses preuves à son « Histoire de Bresse
et de Bugey (2) ;).
Le manuscrit, dont nous mettons les 28 premières pages
sous les yeux du lecteur, n'est, il est vrai, qu'une copie fac-
similé du texte primitif, copie défectueuse en plusieurs
passages, puisqu'on y rencontre quelques fautes, mais
copie pleine d'intérêt et fort bien exécutée. On estime
qu'elle a été écrite à la fin du xvii' siècle ou au début
du xviii" siècle ; plutôt à la première date qu'à la seconde.
Ce qui l'indique, ce sont la forme des caractères, l'usage
modéré des abréviations, et le genre des lettrines encadrées
de cœurs, enfin, la traduction française de l'hymne à
saint Rambert, traduction qui se trouve à la fin de
l'opuscule (3).
(i) Acta saDctoruRi, ad XIII junii — Tome II. p. 695-6.
(2) Le manuscrit da Bréviaire de l'Office de saint Rambert présente parfois un texte
défectueax. Ainsi une main inhabile a transcrit : Thelures proyintias rfxit, au lieu de
9. plures provincias rexit >. — Le copiste affirme qu'Ebroîn a été : « majore donatus honore
« sublimatus •, au lieu de : « mijoris domus honore sublimatus •. Enfin, il omet le nom
des deux seigneurs amis de Rambert, savoir : Bodon et Guiscandus, que fournissent les
autres manuscrits. (Notes de M. Vahbi J.-B. Martin^ professeur d'Archéologie et d'Hagio-
logie. Lyon.)
(3) Toutes les notes paléographiques et critiques que Ton vient de lire aur les offices de
la Translation, des Miracles et de la Nativité de saint Rambert sont du très distingué et
très érudit M. l'abbé J.>B. Martin, professeur d'archéologie et d'hagiologie, à Lyon.
LE BRÉVIAIRE MANUSCRIT DIT DE « SAINT RAMBERT » 327
On le voit, notre Bréviaire du Prieuré de Saint-Rambert
offre, au point de vue du texte et de la copie qui en a été
faite, un réel intérêt.
Quant au chant qu'il renferme, voici ce qu'on peut en dire :
Ce chant n'est cenainement pas grégorien. Il n'en a pas les
caractères. Presque toutes les pièces sont des pastiches
de chants plus anciens. Mais le travail d'adaptation ne
remonte pas au-delà du xv' siècle. On y trouve toutes les
réformes de la Renaissance. La mélodie, par des retouches,
est devenue chantante, presque musicale ; tout à fait dans
le goût du XV* siècle.
Mais ce qui, pour nous, double et triple l'intérêt qu'offre
ce manuscrit, c'est qu'il est une précieuse épave des ruines
amoncelées autour du Prieuré de Saint-Rambertj par le
vandalisme sauvage de 1793. Les circonstances exception-
nellement curieuses dans lesquelles ce Bréviaire fut mis à
l'abri de toute tentative d'enlèvement, méritent d'être
relatées.
En 1788, Messire Antoine Condamine, chanoine de la
Collégiale de Saint-Rambert, mourait laissant héritière d'une
partie de son mobilier sa bonne et fidèle servante Suzon
Treilland (i). Or, parmi les objets légués par testament à
cette brave fille, se trouvait un livre manuscrit de 72 pages,
relié en maroquin rouge. Ce livre, Suzon Treilland l'entou-
rait de soins particuliers ; elle lui avait réservé une place
choisie dans sa vieille armoire ; car c^était le Bréviaire de
son regretté maître, contenant les offices propres en l'honneur
du Patron de la paroisse.
Tant que la pieuse Suzon n'eut pas à craindre les visites
domiciliaires des conventionnels, elle laissa dans sa maison
le précieux manuscrit. Mais lorsqu'elle entendit, autour
(1) Messire Antoine Condanrine était chanoine, depuis le 33 décembre 1747.
328
CHAPITRE XVIII
d'elle, gronder l'orage révolutionnaire, elle comprit que son
trésor n'était plus en sûreté dans son armoire, et, dès lors,
elle chercha à le dérober aux perquisitions criminelles de la
Révolution.
Elle s'avisa donc de le cacher dans un récipient en terre
cuite, hermétiquement fermé, qu'elle enfouit ensuite, le
croirait-on, dans un tas de fumier déposé intentionnellement
dans la rue et au-devant de sa maison.
Après les mauvais jours de 1793, et sans doute à la mort
de Suzon Treilland, le précieux manuscrit, objet d'une grande
vénération, passa aux mains d'une de ses nièces, Michelle
Treilland, qui épousa, en i8o5, André Martinet, père de
M. Tabbé J.-B. Martinet, ancien curé de Chalain-d'Uzore,
lequel avant sa mort, arrivée en 1892, était possesseur du
fameux Bréviaire (i).
C*est ainsi que nous est parvenu ce curieux document
dont les pages manuscrites proclament la gloire de notre
éminent Patron et protecteur, l'illustre prince Rambert,
martyr. Survivant dans son intégrité aux passions humaines
déchaînées, et à la grotesque philosophie d'insensés novateurs,
ce livre de prières, témoin de la foi de nos ancêtres, restera,
avec l'aide de Dieu, la consolation des âmes qui croient, et
accompagnent leur foi des œuvres qui sauvent.
A propos du Bréviaire-manuscrit de saint Rambert, le
lecteur nous sera certainement reconnaissant de lui faire
connaître : i'* Le matériel des anciens livres çt les procédés
divers que le progrès des arts a introduits dans leur confection ;
2* De lui parler des moines copistes, et de la corporation des
écrivains au moyen âge.
Nous ne ferons, du reste, qu'analyser les nombreux docu-
ments que nous avons sous la main; notre plan n'étant pas de
(i) Détails obligeamment communiqués par M"« veute Martin-Treilland, et M* Juliea
Girard.
LE BRÉVIAIRE MANUSCRIT DIT « DE SAINT RAMBERT » 329
nous étendre longuement sur un sujet que des savants, tels
que MM. Champollion-Figeac et Lecoy de la Marche, ont
traité avec leur haute compétence.
§ I
MATÉRIEL DES ANCIENS LIVRES (i)
Papyrus. — Il n'est pas une matière, dans la nature, sur
laquelle Thomme, depuis l'origine, n'ait essayé de fixer sa
pensée sous la forme de caractères écrits. Le marbre, la
pierre, la brique, les métaux, le bois, l'ivoire, Técorce des
arbres, leurs feuilles, les étoffes même ont reçu son écriture,
et ont fait passer à la postérité ses actes et ses idées.
Mais de toutes ces substances, celle qui a toujours fait une
concurrence sérieuse aux autres matières, et qui a la priorité
pour les monuments antiques arrivés jusqu'à nous, c'est le
« papyrus »^ plante d'Egypte dont les pellicules servaient à
fabriquer les feuilles sur lesquelles on écrivait. L'usage du
papyrus remonte, selon Pline, aux règnes de Numa et de
Tarquin le Superbe, peut-être même à la guerre de Troie.
Les Grecs, d'après les études les plus récentes, auraient
connu et employé ce produit, dès le vi* ou le vu® siècle avant
notre ère. De fait, leurs plus anciens auteurs, Hérodote, par
exemple, et Théophraste en ont parlé. Et, si nous en croyons
les découvertes faites dans les hypogées égyptiennes, il fau-
drait reporter à trois mille cinq cents ans la date authentique
des premiers spécimens de papyrus.
L'Italie est riche en papyrus parvenus jusqu'à nous. En
France, on possède quelques chartes mérovingiennes et
quelques monuments latins sur papyrus.
(i) Notes extraiten de l'ouvrage de Paul Lacroix : « Le Moyen Age et la Renaissance »,
Tome II, passim, — Et de l'ouvrage de Lscot di la Marche : « Les Manuscrits et la
Miniature », passim*
33o CHAPITRE XVIII
Parchemin. — Parmi les matières appartenant au règne
animal, et qui ont leur place dans l'histoire du livre manuscrit,
il faut citer le parchemin dont Tinvention remonte au temps
d'Eumène, roi de Pergame, monté sur le trône l'an 197 avant
Jésus-Christ. Mais si le parchemin ou véritable peau à écrire
« Pergamena char ta » (1) fit son apparition dans le second
siècle avant notre ère, ce ne fut que vers les viii« et ix* siècles
qu'il fit une vraie concurrence au papyrus, dont l'usage fut
abandonné à la fin du xi' siècle. Gaëto Marini assure qu'il
n'a pas connu de papyrus plus récent que celui de la
troisième année du Pape Victor II, en 1067.
Papier coton. *— Le règne végétal a fourni, aussi, une autre
matière subjective de l'écriture, nous voulons parler du
papier moderne fait avec du coton. Quelques auteurs affir-
ment que ce papier était connu des Grecs, dès le ix* siècle,
contre l'opinion d'autres (2) qui assurent que le papier coton
n'a, très probablement, jamais existé, et que ce que l'on a pris
pour lui était simplement du papier chiffe plus grossier, collé
à la résine.
Papier chiffe. — Le papier chiffe, du reste, se fabriquait en
France à une époque relativement assez reculée, puisque
Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, nous parle, vers 11 25,
d'un produit fait avec des « rognures de vieux linges ». II
est vrai que la Bibliothèque royale de Berlin conserve un
manuscrit sur papier chifTe, de Tan io32; mais il est de langue
et d'origine orientales. En somme, la France est le premier
pays qui ait connu et fabriqué le papier moderne. Ce papier
se propagea rapidement au xrv* siècle, et surtout à partir de
Philippe de Valois. Néanmoins, dans les manuscrits propre-
vO Parce qu'elle fut employée, pour la première fois, à Pergame, ville de Mysie.
(2) MM. Briquet, de Genève, Giry, de Pariç. Récents travaux. Journal de Genève^ du
39 octobre 1884.
LE BRÉVIAIRE MANUSCRIT DIT « DE SAINT RAMBERT » 33 1
ment dits, le papier ne se substitua guère au parchemin que
durant le cours du xv'^ siècle, c'est-à-dire au moment où
naissait l'imprimerie.
Instruments pour écrire. — Les instruments de l'écrivain
ont dû nécessairement varier, à travers les âges, suivant
la nature de la substance sur laquelle il exerçait son
talent.
On se servait de la pointe sèche pour fixer les caractères sur
les corps durs. Cette pointe en fer, en bronze, ou en os
s'appelait chez les Romains : « stylus ». L'extrémité du
manche était souvent aplatie, pour permettre à l'écrivain
d'effacer ce qui était écrit, sur la cire par exemple. Cet ins-
trument resta à peu près le même au moyen âge.
Les Anciens écrivaient avec le « calamus » ou roseau des
bords du Nil, sur le papyrus d'abord, et plus tard sur le
parchemin. Le « calamus » se taillait comme nos plumes
d'oie, en fendant un de ses bouts par le milieu au moyen
d'un canif. Mais la pointe du roseau n'offrait pas assez de
fermeté, elle s'émoussait très vite sur les rugosités du
parchemin ou du papyrus. Aussi bien, l'usage en fut
abandonné de bonne heure, excepté chez les peuples
orientaux, et on lui substitua le « calamus » en bronze,
sorte de plume métallique dont les Romains se servaient. Il
est vrai que ces derniers firent aussi usage de pinceaux,
comme les Egyptiens et les Chinois, mais alors, c'était
plutôt pour les encres d'or, de cinabre, que pour l'encre
ordinaire.
Le véritable remplaçant du roseau primitif fut la plume
d'oiseau, qui figure déjà sur les colonnes Trajane et Antonine,
et dont il est fait mention dans Isidore de Séville, Bède,
etc. (i). Et c'est l'oie qui eut, comme on le sait, jusqu'aux
(i) Les Manuscrits et la Miniature, par Lccov db la M auchk ^ passim.
332 CHAPITRE XVIII
temps modernes, le privilège de prêter son secours à la
calligraphie.
Pendant tout le moyen âge les écrivains se servirent de
plumes d*oie, et pendant tout ce temps elles conservèrent
une certaine valeur (i).
Dès le XIV* siècle on commença à fabriquer des plumes de
fer et d'airain.
Encre. — Quant à l'encre dont se servaient les écrivains,
dans les temps anciens et au moyen âge, M. Lecoy de la
Marche dit que sa composition a beaucoup varié. Les Chinois,
les Romains employaient une encre noire « atramentum ».
Au moyen âge (xi« siècle), les scribes se servaient d'un liquide
noir qui, d'abord, ne fut qu'un mélange d'eau, de vin et de
noir obtenu avec le bois d'épine. Dans le siècle suivant, on
commença à employer le sulfate de fer et la noix de galle.
Les encres de couleur et les encres métalliques n'étaient
employées que pour embellir les manuscrits.
Ecriture. — L'écriture, dans le principe, fut hiéroglyphique.
Les hommes dessinèrent d'abord les objets dont ils voulaient
parler. Puis les caractères figuratifs (2) ne durent pas
longtemps suilire à l'homme. S'il pouvait à la rigueur
représenter avec ces signes tous les objets matériels, il lui
était interdit d'exprimer, par leur moyen, les rapports de ces
objets entre eux, et la foule des idées qui germaient chaque
jour plus multipliées dans son cerveau (3).
De là, l'écriture idéographique ou symbolique qui offrait
un amalgame de dessins et de signes emblématiques. Avec
cette écriture, les idées, les actions, lesqualités, les abstractions
(i) On les vendait encore, en 1624, quatre sols, dix deniers parisis le demi-cent.
(Lecoy de la Marche.)
(2) C'est ainsi que les appelle ChampolUon-Figeac.
(3) Les Manuscrits et la Miniature, par Lecot de la Marche.
LE BRÉVIAIRE MANUSCRIT DIT « DE SAINT RAMBERT » 333
pouvaient se peindre. Dès lors, la convention est déjà
introduite dans récriture. Ce sera le principe fécond, d'où
sortira le troisième et le dernier genre qui sera la perfection :
récriture phonétique (i). Cette écriture est la seule qui nous
ait laissé des monuments dignes de porter le nom de livre.
Elle se divise en diverses ramifications, notamment en
écriture grecque et en écriture latine, devenue celle de la
plupart des nations européennes. C'est à l'écriture latine
qu'appartient l'immense majorité de nos manuscrits, dont les
pages nous montrent quatre variétés : la capitale^ Vonciale^
la cursive et la minuscule.
Dès le début de la période carlovingienne, ces variétés de
l'écriture latine ou romaine cèdent la place à la minuscule
Caroline ou romane. Cette dernière écriture, elle-même, eut
bientôt, au xii* siècle, une concurrente dans l'écriture
gothique ou scolastique, pour employer l'expression vraie (2).
Il y avait encore les écritures nationales suivantes : la
ff wisigothique, la lombardique, l'anglo-saxonne », etc., etc.
5 II
LES ÉCRIVAINS
DANS LES TEMPS ANCIENS ET AU MOYEN AGE
Mais de quelles mains habiles sortaient les travaux de
calligraphie, dont les temps anciens et le moyen âge
fournissaient des types si merveilleux ?
Les Grecs et les Romains payaient des esclaves pour faire
leurs livres. Le Christianisme vint plus tard qui émancipa
peu à peu les ouvriers du livre, comme les autres artisans.
(I) Ibidem,
(a^LicoT oi LA Mabchb. Le$ Manuscrits et la Miniature, passim.
334 CHAPITRE XVIII
Puis, les invasions des barbares en annihilant, dans le
monde extérieur, la culture des lettres et les professions
qui s'y rattachaient, les parquèrent pour longtemps dans
l'enceinte des monastères (i). Dès le iv* siècle, saint Jérôme
recommandait la copie des manuscrits comme une des
occupations les plus convenables à la vie monastique. Les
religieux des couvents fondés par saint Martin de Tours
(jv" siècle), les disciples de saint Benoît (vi* siècle), les
fils de saint Bruno (xi* siècle) travaillaient tous à la trans-
cription des livres. Et, au moyen âge, on vit même
une légion de religieuses aider les moines dans leurs
travaux de copistes. Ce n'était point, d ailleurs, chose
extraordinaire, puisqu'on avait vu déjà, aux m* et iv*
siècles, de jeunes vierges, telles que sainte Mélanie la jeune,
sainte Césarée et ses sœurs, copier les écrits des Docteurs
ecclésiastiques.
Mais, vers la fin du moyen âge, et même dès Tavènement
des Valois au trône de France (i328), le zèle des moines
s'était sensiblement refroidi. La cause de ce refroidissement
est toute dans la concurrence que leur faisaient, alors, les
corporations laïques. Celles-ci s'étaient emparées du monopole
de la calligraphie, et avaient établi leur vitalité sur des
Statuts qu'aucun de leurs membres ne pouvaient enfreindre,
sans encourir quelque punition (2). Au xv* siècle, le droit de
transmettre, par l'écriture, les auteurs sacrés et profanes
il) Ibidem, passim.
(3) c Aux termes du statut de i333, Técrivain doit être homme de bonne réputation et
< suffisamment lettré. Il devra veiller à ce qu'aucun libraire ou courtier (stattonnaire) ne
« tienne caché ou ne fasse disparaître aucun des livres qui lui auraient été confiés pour être
c exposés en vente. Il devra veiller, aussi, à ce qu'aucun libraire ne refuse de laisser prendre
c copie d'un manuscrit, lorsque la personne qui voudra se procurer cette copie aura donné
c caution, et rempli les conditions imposées par l'Université. Il devra encore, s'il trouve
c dans les écoles un livre incorrect, en faire sa déposition au recteur et aux procureurs de
< l'Université, afin que le copiste qui aura livré un tel ouvrage soit forcé de le corriger et
« soit en outre puni. Le statut de i323 lui donne encore le droit de vérifier les livres de
« commerce de tout libraire dont le crédit est douteux, et l'oblige à dénoncer i l'Université
■ celui dont les affaires sont en mauvais état. ••
LE BRÉVIAIRE MANUSCRIT DIT « DE SAINT RAMBERT » 335
n'appartient plus exclusivement à certaines Communautés
religieuses : la puissante corporation laïque des maîtres
écrivains est fondée. Elle a vu finir le moyen âge et a salué
l'aurore des temps modernes. Elle est en possession du
marché de la librairie, et pense y régner, désormais, sans
partage.
Mais déjà, depuis trente ans, un certain Henn (Jean)
Geinsfleisch, de Solzeloch, dit Gudinberg (Gutenberg),
s'occupe, durant les heures quMl dérobe à sa double
profession de lapidaire et de polisseur de miroirs, de
réaliser un projet si audacieux qu'il semble une inspiration
de la folie. Ce Geinsfleisch, pour ainsi dire inconnu, en ce
moment, à Francfort où il habite, et dont le surnom de
Gutenberg doit retentir dans le monde entier jusqu'à la
fin des âges, rêve la création d'un procédé qui permettra de
répandre, en peu de temps et à grand nombre de copies,
de ces volumineux ouvrages, dont la transcription d'un
seul exemplaire a demandé, quelquefois, toute la vie
de l'ouvrier écrivain. Mais, autre menace pour l'avenir
des copistes : déjà aussi un calligraphe allemand, Pierre
Schœffer, écolier de l'Université de Paris, est allé porter
à Mayence, pays d'origine et nouvelle résidence de
Gutenberg, son invention des moules à la main, qui fixe
l'art nouveau de la fonte des caractères mobiles. Grâce,
enfin, à la triple association du génie : — Gutenberg, —
de l'intelligence pratique : — Pierre Schœffer, — et de
l'instinct opulent de la spéculation : — le banquier Pust
ou Faust, la typographie est créée, et l'imprimerie des
livres va naître.
Au dehors de sa ville natale, ses premiers bégayements
font si peu de bruit que l'écho n'en est pas venu jusqu'à nos
maîtres écrivains, ou du moins, il n*a pu les émouvoir au
point de troubler leur sécurité. Mais laissez passer douze
ans après l'apparition du Psautier de Mayence, le second des
336 CHAPITRE XVIII
a Incunables » (i), et vous verrez nos six mille copistes se
révolter contre le prieur de la Sorbonne, Jean Heynlin de
la Pierre (Lapideus), et le recteur de l'Université Guillaume
Fichet, qui ont appelé à Paris les trois ouvriers allemands :
Ulrich Gering, Michel Friburger et Martin Krantz pour
y fonder la première imprimerie (1470) (2).
Dès lors, l'invention de l'imprimerie supprima la corpo-
ration des Ecrivains, et les manuscrits exécutés depuis cette
invention, ne présentent plus que des ouvrages de patience et
de curiosité, où le caprice entre pour beaucoup, et dont Fart
ne profita que bien peu (3).
Avant l'invention de Timprimerie, il fallait être riche pour
posséder quelques livres. Si Ton calcule, en feuilletant une
Bible manuscrite, même dénuée de miniatures et de lettres
peintes, ce qu'exigeait de temps l'exécution calligraphique
d*un pareil volume, et quel devait être, en conséquence, le
salaire de l'écrivain, on sera obligé d'évaluer ce prix à celui
que coûterait, de nos jours, une bibliothèque d'un millier de
volumes (4). Aussi, vers la fin du moyen âge, avant Tusage des
bibliothèques publiques, mais quand déjà l'instruction
commençait à se répandre, avisa-t-on aux moyens de mettre
à la portée du commun des lecteurs, mais avec précaution,
les livres les plus usuels, c'est-à-dire à raison du temps, les
(1) lacunabala : lange, berceau, et au figuré : commencement, origine. On donne le nom
d'incunables aux premiers produits de l'imprimerie à son berceau.
(a) Extrait d'un article du Magasin pittoresque, année 1871. XXXIX* année, passimu
(3) J.-J. ChahpoluonoFigbac, dans Le Moyen Age et la Renaissance^ tome II, par Paul
Lacroix et Ferdinand Siai, i84q.
(4) En 1399, Pierre le Portier « escriTsin de lettre de fourme ■ toucha 4 livres 8 sols
parisis pour un volume intitulé « Lts Cent Ballades ». — En 1470, un écrivain chargé de
faire un antiphonaire et \in processionnaire pour la paroisse de Cérisy, reçut du curé l'équi-
valent de 160 boisseaux de blé, soit 20 sols; plus, des largesses de divers paroissiens, etc.
En i5o2, l'Exemplaire illustré de la « Fleur des Histoires 9 exécuté pour le cardinal
d'Amboise, et qui revint en tout à 3iô livres (soit 1738 francs de notre monnaie), coûta,
pour la seule écriture, 3o sols par cahier de parchemin ; et comme il se compose de 3 1
cahiers, le scribe toucha, pour sa part, 76 livres losols (418 francs).
Les Manuscrits et la Miniature, par Lscor ds la Makchb, passiwL
LE BRÉVIAIRE MANUSCRIT DIT « DE SAINT RAMBERT » SSj
livres liturgiques. De là, ces Bibles, ces Légendaires et
ces Bréviaires enchaînés, mentionnés dans les anciens
inventaires des cathédrales, et qui se rapportent à des
volumes déposés dans une
partie de l'église toujours
accessible aux lîdêles, et
où les pauvres clercs pou-
vaient venir les consulter
sans déplacement.
La cathédrale du Mans
a conservé un rare et
curieux souvenir de ce
vieil usage. Dans l'épais-
seur du mur qui sépare
le chœur du bas-côté méri-
dional, la pierre est creusée
en forme de pupitre. Cette
sorte de niche est sur-
montée d'un petit fronton
ogival, comme le montre
le dessin de la Fig. 49, et
accompagné d'une inscription latine , en caractères du
commencement du xv* siècle, laquelle peut se traduire
ainsi :
t Maître Guillaume de Thélsrd,
c Chanoine de cette église,
' A donné ce Bréviaire à l'usage des indigents.
c Priez pour lui. >
DESTINEE A CONTENIR UN ■ BREVIAIRE »
■Ds la Cithtdrile du Mans.
(D' épris iaïuelol./
Le Bréviaire a disparu, depuis un temps immémorial; mais
on voit encore, dans te mur, les trous de scellement du grillage
qui le protégeait, et de la tablette qui le supportait. Le volume
était, ainsi, enfermé dans une sorte de cage, à mailles, assez
larges pour que les doigts pussent tourner les feuillets, et
338 CHAPITRE XVIII
assez étroites pour prévenir toute tentative de soustraction.
Nous ignorons ce que fut, en son temps, Maître Guillaume, le
chanoine du Mans; mais il est facile de prévoir, d'après ce
trait de sa vie que, de nos jours, il eût été un des promoteurs
de l'instruction gratuite dans la Sarthe. Le modeste monu-
ment qui a conservé la mémoire de son nom et de sa bonne
pensée, a des droits à un coup d'œil de la postérité, même avant
les splendides tombeaux qui l'avoisinent, et qui le font trop
souvent oublier.
Quant à la façon dont nos bons moines du Prieuré de
Saint-André-les-Olmes auraient pu multiplier les exemplaires
de leur Bréviaire qui est arrivé jusqu'à nous, il est bon de se
rappeler qu'ils étaient bénédictins.
OFFICIUM
SANCTI
RAGNEBERTI
MARTYRIS
30ÏEin.OCTOâïlIS
in festo trâslationis
s';rag>eberti martyris.
In FHîwis Vèfperis Antiphona Parata
fedes.Ut infrà m Laudibus
Pfal.Dixit Dffs. cum relicjuis deDominicalocouIti
Kal. Laudate Dnm oes gfentes. Capitulum.
Beatus Vif qui fuffert tentatiônem;Cjuonià cùm
probàtus fuerit,accîpiet coroti'&m vitœ : cjuam
repromiût Deus diligentibusfè.Ç. .Deo gratias.
Verfus.Ora pro nobis béate Ragneberte
Ç;.Ut diotii efficiamur promifriônibus Christi.
AD MAGNIFICAT ANTIPHONA
m^\
l,veAthle ta glori o f e
Ave R agn e b^r te Chrif ti dil e cte qui
recrnasfce lieiter
arce adefto
^ 2. 4^
OFFICIUM 5.RAGNEBEB.TI MARTYRIS .
^^■|^:^f>:^M*1'-%"
Si
nobis tefemper colentibusjut tuis ad-
■w^'^'T
>■§■ IK
^
C^
u ti pre cibualiberemur à criminum ca-
Dupli- A
catur.
•••
V
Canticum
io ribus N4agnificat anima mea Dominu
^^ Oratio. O
■ Mmmpotens fenipiterneDeus,C|ui ktinc •
V.-_>^diem beati Ragnebe'rti Martyris tui-
Tranflatione facri Corporis dedicafti;c|uique
eum divensis Miraculis declaraïU: preefta ,
nobis ;hujus.RLtroniftifFragantibus meritis: ad
fupernœ haereditatis pervenire confortium.
T^rDnm noftrum. AdiPro.Ç-.Laîtetur.
Oratio.Ecciefiam tua Drié,(]|uaefumu5 l^eatiKagneberti
martyris tui cotinuâ proteétione cultodi;utficut illu
Fkffio protuo nomine glorioftS èffecibita nos ejtis in-
tercesaio intuo femperraoiat amore fervëtes^r Dm.
Ad2.Pro3'Sufcipe.Oralioj\uxilitim tuS nobis
iquœfumus Domine, placalus impende;6»-interce-
dente beato Ragneberto Martyre iuo •' dexterS
fuper nos tuas propitiationis extende.FferDm.
4^ . 3. '*$*'
AD MATUTINUM INVITATORIUM ;
"Ve ni te populi ad collaudadum
^
gemRegum ta Dominum :Qui triumphat
1
^
ni . j/pin^
Vê
Duplicatur.
m martyre^ fu o teato Ragneberto.
ve nite
exuaemus
émus
i«a^^B*i
m- m
tt
••
iiii
^^.■■;14'^
Deo Salutari noftro'.prœoccupemus fociem
^*TI
ejuô in confeffi o ne,ôt in Pfalmis jub'i-
1 e mus e 1
I. toni.
e mus
v^eni
OFFICIUM S.RAGNEBERTI MAKTYRIS
InPrimO p Anttphona
lurniki* ^ obil iflim i
Duci sRagdeberti
m^
%
■ ^ ^fJrS
^
*
1
Ragnebertus filius nobilis enituit génère.
ffe*
W ^ W W| mi
Pfalm«s!l. tcrj
3
fed moru* nobilior honeftateBealu 6 virq.oati
rC ag de ber*tus fiqui dem Dux inter Sagonam &
Ligerim totius regebat IVovinli se m onar
ifc
&
Secundi
populi
T1
JBHalmus2.
M
med itati
«
Toni.
chia.v^ uarefremuerutgetej'.runt inania.
M^
fW*n
3^iZ2Ë33:
elinquitur a Pâtre li aères Ragnebertus
IN PRIMO NOCTURNO ANTIPHONA
i^t?^
M
•'
"^•X w • ^ >,
V»i
tHi
rn au la régi a àdRegisobfe qtiium qui
Venuus in om nibus fe virum politum cundis
SjI^k^Gloriâéc
' tii Konore .
ÇcOoronaftr
^■^*>»:TU
■ ■->Pfal3.
toni
exhibiiit exprobatu.Dne cjuid multi. eumDSe.
DeEpillola beatiRiuli Apoftoli ad Romanos.
Ledtlo Prima. _
iRATRES,debitores fumus no carnny
ut fecundum carne vivamus.Si enim9
fecundûm carne vixEritiS,iTioriémini;fj autem-r
fpirilu,facla carnia nîortifïcaveritis:VrvEtis.>
Quicuque enim Spiritu Deï agtituriii fut filii Dei .^
NÔ enim accepistis fpiritufervitutis/iteru in timoré;
fed accepiftis Ipiritu adopiionisfitioru:inc|uoclamamus
Abba,Fhter.lpfe enimSpiritus te^timonVum recldit~
fpiritui nofitro/cjliod fumus filiiDei;fiautëfilii,&Lhaerede5i
hœredes quideDei:cohaerede5 aute Chrifti J5i tame compa
timurz'Ut&c^glorificemur.Exiltimo enim cjuod nonfunt
codignae Rtuiones tiujus teporis:'ad futura gloria que-
revelabitur in nobisNam expeclatio Creaturœ/revelatio
nefiliorumDel expédiât. Tu aute Dne miferere noilri.
OFFICIUM S.RAGNEBERTI MARITYRIS
iEteLur n oftra Mater Ee -
\^:^^M'^
clefia glorio fi Ragneberti palmâMaF
"^ l^|V
m
e
tyrii recelés & triumphu. Jfesht quem
devotë vene ratur in terrisinterces-
&
MWftf1[' flÉ\y-*-M^^^
^
fore habe re mère a tu r in cœlis A.d tan-
ti er go m a rtyns prœconiu praelèns EjC-
lemni zet.Etauem
lefia lo
IN PRIMO TSTOCTURNO LEdllO Secunda.
■■■H cimus autem,quoniam diligentibus
JN I Deum*,omnia cooperanturinbonum:
iis qtii lèeundûm propofitu vocatif uni
Sandti.Nam quos prœfcrvit;ôt prsedeftinavit -
eonfcrmes lîeri imaginis filii lui: ut fit ipse pri-
mogenitus in multis fratribus .Quos autem
prœdeliinavit.hos ôtvDcavit; 6iquos vocavit
hos ô^justijRcavit;quos autem justifîcavit i illos-
(îiglorificavit.yuid ergo dicemus ad KfecTSi-
Deus pro nobis ,quis contra nos? Qui étiam pi»
prio filio fuo non pépercit,fed pro nobis omnibus
tradidit iIlum;quomodo non etiam cum iilo c\3
oninia nobis donavit: Quia accusabit adver^us
élédlosDéi:Dcus quf justincat;quis est qui con-
denet:' Chriitu/Sjefus qui moi'tuus est.immo qui&
refurrexit;qui est ad dexteraDeirqui etiam interpellât
pro nobis II
?« _. N
T3
O
ufci
^J%^rf^>^,jsj
pe g! on ofe Martyr
^-Vnf
berte de votas tua: pie-
bis obfe quiunn iLt tue mterveni
4* 8 4^
OFFICIUM S.RAGNEBERTE MARTIRIS
^
ffite
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■*-»{*
en te patrocinio ChriftiDomini mère
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♦*
I
tur gratiam obtine re
J ! : ! !
6
Obti ne Populo tu 6 ut quo d devo -
t
*^-^
W:^^1\^S
tè petit, effieâciter confe qua tur
Lectio Tertia-i^
uis ergo nos feparabit à ChàritSte
Chrifti:tribulâtio,an ang(jftia,an
famés, an nuditas.an periculum,an
perfeculican gladiu3;Sicut fcriptum
esl:'ouia propterte mortificamur tota die,asftima
fumus ficut oves occifii^nis.Sedin his omnibus Tupe
ramiis: propter eum qui diléxit nos.Certus fum
enim;qui9 neque mors.neque vita,ne(jueAngelr,
neque Principatus, neque virtutee , neque inftantia
neque futura, neque fortitudo, neque altiliïdo.iieqw
profudù,neq;creatura alia poterit nos feparâne à
charitate Dei:'qiia? est in Christo Jefu Dno nostTO,.T
^ 9- ^
IN PRIMO NOCTURNO RESPONSORIUM
B e ne diclusDeu s qui tant 3e pi e-
5M
%'^^^-»^5
tatisjn-tu-i-tu nosrefpexit. Ut
■mV — ■
P^ ^ ^■:i^'
■ *w
^
■'Wf^
fïbi thelaurizare cligna r^ui*
fitans
Cjrloria Patri . ôcFilio 6c Spi-
rit ui fandlo. Ut apud nos.
•<^ lO. *$»-
OFFIGIUM Ô.RAGNEBERTI MARTYRIS
«^ Wf' lui
A''. M ♦ «^
3±
InSeeundo
Noc
turno
Ant. KJA-gax in eonnliis ,provicIu5 in a-
V
il
1 ^^^^ L
i
géndis negotiis ^ circa regnî ne g o tia loi -
lh*>^ "^
W
Pfal
mua
lieitus vigilQ bat v>ûm invocarefn4..t.
Anliphona.
N
^fn
I ^m:<'\^'^
3Î
vJppmîis fuf&agi u ni , afflîetiô patrooi-
y^^titf^^
nium, lufti tiamfëper habens,pr»8e ocu-
W
Aniipho
• •
Kmm%^^' TCalmue.
lis impendeba^
.^.t. V i duisôc orphanisL
nufquam de wit,fublevatjorpauperum,&mifo
-^
II- 4*
IN SECUNDO NOCTURxSrO ANTIPHONA
■■•^^♦^■■^■■ÎZr'"^^"
wpm.
c
j'oru prapitius confolator.DneDnis nofter 6. t.
\^erÇusyoce meâ ad Dominum clamavi.
Ri. Et exaudivit me de monte fancto fuo.
ïncipit Hifloria Tranflationis Sancti Ragneberti
Martyris.. Lecftio Quarta.
Ùm à pluribus Marfyrum et ConFefiorum
varia (^tormentorum â^ Fknionû gfânei^a-
litteris comendantur*;animus auocjue nofter in
partem follicitudinis ingredi ge"(lit,ôtmoni mentis
tradere:quomodobinQ Mundo fulg>?ntia fyderù,-
inelytus nempe Martyr Ragtiebertus;<xegregius
ConfeflorDomitianus ad nos pefvenerint:locun>
que noftrum CC Gentem fuis corporibus nobilitaveriut
Et quamvis eorum merita,cCMiracul^rum quae op-
cratifunt iniignia,&,fnulta,ôc pêne infinita numeréntuij
aliqua tantum altlng'imus;necui autoner6fi,auting'rali
videamur.Nec aliquis mirari débet; qtiod cuni nofatis
Romane valeamus eloquio: tanta aggrediamur ma-
terlam.Kam eninjeo animo trac[imua;Ut quis nobis
intellecftu potior,ôteloquetia major lArnobiusAvisRhetor
a ut Herodotus facudiafuâ ôturbanitateftores detribih
lis ôcRoftis defpinis elig)3ns;Tranflationem Sanctorum
prœfatorum,quam nosftilo admodùm rudi,6^inc(»
dito damusinectareâ duleedine impofterois traducat.
Tu.
^ 12. ^
OFFIGIUM S.RAGNEBERTI MARTYR IS .
Reipo nfo ri u m 4* *
JËbb
ro ini nequ i tia in
idi
VI a 1 a .
ftimu lante innoeens^ôimundocor de in
" rJ^^V ■
eat»cei»em int ru ditur.Jtj*t ita ad tem -
Et
• . —•
^
• •
t
• »
us vita mox futuro martyri eon
^^^^^^^
tur Ut fi
per oonvei^ti
on em humanœ fragilitatis ad miferat ,per
"~'^"" •""~'''^~ -«"î""^
w-*
pœnûm,capeei*is pur ga r e
ixjirEi *it
i3. *^
IN SECUNDO NOCTURNO LEGTIOquintâ
ostquam ClodovaeusFrêcoru
Rex nefario aufu braehiu Sâ(^i
Dionvfii Martyris amputavit;t^-
quam his fatis fortuna eoru oocu
bufffetï'omnia in pejusFpâcis fublapraRint
Ità ut régal is dignitas ad Procèdes éevenen\
penès quos ei*at tortuna rerum: atque adeb in
oulam remam dominabanlur.Et»atintereos.
Et)j*oïnus,cujus prœter cœteroseft nobilitata
cfudélitas.Is disjedli5fooiis;adeb ônia potuit;
ut 1 neodorici Regris nomme ipie regnaret,
Sed FraneiTheodoricum.qubdtyrannic^ re-
Q-eret,ë r»eg*no expulerunt;ôtEbroïnu prop
tj^t» nequitiam OCverfutias :Monaft.enum in-
gredi coèg'erunt.Qui fndtus Apoftatajd^fpiri-
tu mëdacii feducftus ;qui eum duos ÔCviginti
totos -annos viéturum anerébatlMonaftério eoF
essus; in Fidèles debaeehar'i;R»oGer«s dignîtatibus
priva re; et eorum c^uos necjuitiœ .fuse adverfarioa
ûr»Ditr»aDatur:vei bono puDlîcape;vel iis aqua"
6c igm interdicereîAlii [quod Apoftplus de Pi-
délibus nascéntis Eccleiise dixit;] distenti funt:
allii verôludibria iiCverbera expérti; infuper
Ôtvincula Q-oarceresuedti funt;tentati funt:
in oeoiiidne giadii mortui funt.Hâo autem-
eriecutioniô lœviénte procella;EbroïnUiS~
SandtumRag'nebéptum Ragdebérti inclyti
Dueis FiIiuLut potè Chriiiianum perimere
jliiTit.
33
4* ^'^' ^
OFFICIUM S,RAGKrEBERTI MARTYRIS
juHit.Cijm autem in dies magis ac mao-is -
lœvii'et nequiffimus ille ; jufto Dei judieio :-
ab Hermanfredo milite , turpifftma mon
te iViterAeitur». Ut de ejus niodi pecea-
toribus prœcinit reg*i us va tea ; Mo r» s
pecoatopum peiTima ;' morteq-ue lecundii
damnatuiS ; œternis i^nibus inScipatur:
Ut*de ejus interitu narrât fiistoria .
ri cors 6( mife r a-
torDo m inus Athletœ fui m or-
temd
' V.. tA"-"
iiferri vo 1 uit. Ut probatus
pei^
caroeris près f u r a m digrius
înveni re tur coniorti
o civi um
IN SECUISDO NOCTUR'MO RESPO'WSORIUM
I
fuper n o
^^^
HH m i
rum
JBo
num
certa
me
m^b[ M^:i^''if1'^''|fW^:/%^
certavit^eupfij cofumavit^fidem ferva vit -Ut
LectioSexta,
UNG têporis unus ex lllis quitus
. lEbroinusoeulos eflS>derat;in itifula lug^
■■lclunenfisR^viriti8e,qu8B l^Sacta Barbara
nomen accepit:^diverfabatur»..Qui eu m noete inte-
peilâ adripam Sag^onsenuminis^orandi gratiâie re-
cepiiiet;audivit navigatium impétum vi braoKîorum;Wmis
cretrius acftis illius rlurninisfuperâtiurntsirditatem Cùm
que interTogaret,qub navlcriu lliud pix)perarét:vox-
m auribus ejus ina percrebruit.Ebi^ïnuô elt que-
ad inreroô dereriniusiinquiDusicélerû pœnas rn seterrm
luet.HaeeConfôlloriIleChrifti aceepit in côiolatione
propnam;écut iritelligepet qu2e pœnœ bonoru perle
cutores expedtentratque adeb ut implei^étur 'illud -
nalmiftœ vaticinium; Lsetâbitur Tuftusicùm vîdcrit
vindidlam .Miles otite qui Dei ,àc totius Relicrionl^ -
eofecerat nolteHebroïnum;ad Rpinum fuoiene: '
moptis evafit perieuIum.Rpinus lIleFilius erat ,.
Ancnilœ prlncipis romànI;&RiterCaroIi martelli;'
Carolus martellus génuitRpinu patrë Caroli magiVi
OFFICIU S.RAG^EBERTI MARTYRIS .
Imperatoris a u gtiftiffi mi , H aec deRegibua
&C R'inoipibus prasuDalû ; ut cyu i vis intellig'fit
C| u6 tem pore , 6c Cj uo Pri n ci pe 1 m pe r ante : lortif-
Çimus Chrlfli Athléta RAGNE B E RTUS .
oocubu0i*it. lam Ut Corpus ejus ad nos ut
tranflatumf'expliceiTîus.Tu aute Domine
miferére noftri. Ç?. Deo aratias.
efponforium Sextum.
cce
verelfra ë lita.in cjuo dolus
4*
17 ^
IN SeCUNDONOCTURNORESPÔSORIUM
m ^' . ^
Patri ,
(3i Fi 1 i o ,6cSpi ri tu i fanéto. Et eoeul
In3?ÎJo<Aurno ^ ^ M m
^fe3-i
V
&
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Xan dem contra eum aliciuoru In citatur
♦ta
1 nvidia , ÔC per impoli tione criminis additur
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vir exiliOjiLbroini tyrani nequ i ti a procu-
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iJL*Pfal. 7. t.
Aiiti.
rante InDîîo eoudoJDiiponetetamel^i
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miferi eopdiaR*œlulisAu doe
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'^ 18. 4^
OFFICIUM S.RAGMEBERTI MARTIRIS
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lio de truditur» in car eerem.ut vita
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VI
*PfaI.
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>er»petuu coniervetun. Une cjuishabit..
Anti.
^
Ineareere enim detentus per aliquantu
tempus pur o'avit maculas,fi cjuasoontraxe
Jumtias dilexit.
at 6 m udanis.ilne invirtu.'è.t:v'ultus eius.
•J
L e cflio Septiitia .
Lecflio San(fti Evangeliii'fècudÛ Mattliasu.
In illo tempore: dixit JefusDifcipuIiifuis.'Mihil
eftopeVtum quod non revelabitur:'& occulium
*^ lo. -^
INTERTIO •MOCTURNOLecdioSeptîma .
quod non fcietui». Et relîqua.
Homllia Sandli Hilàrii Epifcopi.
OMINUS diem judicii ofcendit ,
quae abfkifam voluntatis. nottrse
confcientiarn prodet;<Sceac|uaeiiunc
occulta exiftimantur/luce cognitioms
puUicae déteget .Igitur non minas; no confilia ;
non potellates iiifed^antjum moneteffemetuen-
das;quia dies judicii nulla-hascfuiffer'atque inanîa
revelabit.Et quod dicovobis in tenebriô,dicite
in Iumine;& quod in aure auditis:' praBdicate
fuper te<fta:*Mon legimus Dommun folîtiim ^
fuiffe noctibus fermocinafi Adoétrinam in
tenions tradidiffe; fed quia omnis fermo ejus
carnalibusrtenebrae lut:' & ver bu m ejus infîde-
libus noxeU. RefpoiifbriumSeptimum.
^S
W^
5îS^
a cet juxtà faroi nulaReliqui -
a»
m
^^
arum le pus intrepidus ea nibus
latran tibus a remotis Ly
ornes ve ro
OFFICI
lîJMS.
20. 4*
RAGTGBERTI Martyris
^
•
M
^'\^^1'.
\
ss^
à^ fu i ad ipeétaculu concurrerunt
P '"'^%^1'W
M
Lu
cerna
la tens fub mo dio
ita lupepoa delabrîi ponitur ut luceat
Bfu'^r^\iPhsfciB
Un i ver "fis. G ornes ve i* o.
ILedtro ocStava.
taqwe id quod à fe di Aum ell jculioertatc
fidei& conPefltoms:VuIt efle loquedii Jdcîrto
quae mtenebrts dictafuntjpraedicafi Juffit în
lumîner'Ut quap fecreto aurîum coinnii/Ia fuiit;
fuper teda: ideft excéllo loquentium praecomo
audianlur. Conftantei-enimDei ingeretida cog
nitio eft" ; et profundum doctrina? Évangelicae~
fecretutTj.'in JÛmine pi^afdicationisApoftolicaB
révéla ndum; nMimetes eoô^quibus eu fil licentia
in corpora; tame m a«niia Ju^nullueft/fèdtîmetei
potiu5 Deu ; oui perdedae mgenenaiÂanimae&cor^v
ris fit poteflras. -
iTIO >
21. *y
INTERTÎ& NOCTURNO RESPONSORHJ
pÉ:^>^*y|^,^
D ho no r»em D .e
^^
■M-M_ _ ^ É
îteE
6tMartyris obféquium ,
^^^
^
t^
in teftimo nium veri ta ti5,ftetitunda
^;r*i<;%,,; ji:^
^=a
flu ens iter prsebens populo terrse.
^^^
-j^^
Utenarrentmirabili a Creato ris.
OFFICIUM 5.RAGNEBERT1 MARTIRIS
NL e dlio no na ,
olite timere eos qui occtdunV corpuô.
Nullus igitur corporum noftrorum cafus^
eft pertimefcendusjnequeulluô interimeVi -
(la? carnis admittendus en: dolor/quâdo pro
natuVîe fuae ; atque origîniô coditione refoluta:
m fubftatiam fpirituâtis anima? refundatur.
Et cjuia doctrinîs talitus cohfmaios ;o-portet
li liera cofitedi Deî habeVë côltàtiam: etiam con-
ailione,quâ tenej^mur,adjeclt; negaturum ft
eum Patri in caelis:'qui fe Iiominious in terra
negarfet^eum porro qui cofefTu s cora Kominibus.
fe fuirret;àie in cœlis c25ntedu*, quaiefque nos nomm
fîii teftes bomin'ibus Kiiffemusttali nos apudDéutn
Patr^ iefti m ônio ej u s Ufu ros . Refponforium 9 .
ANC TE RAONB
BBRTE CHRISTI
Mar tyr au di pocrantes ^er*-^
ai rogantes fer-
*^^^J^h^J
-vuios
im pe tf»a tam eœ -
litùs tu de
Fer indu Igen
^ ^3- *^
ADPROCESSIONEM RESPONSORIUM 9
tiam
O Ragneberteiydu5 aureum
Domini gpatiâ,-(eiA^oru gemitus fol i ta
I i^ ^ W ' ^^ m ' ^
fufcipe olemén
tià E t. "5C^
G lo riàPatrl,(?l Fi lio, ô^Spiri tu-
1
fan cfto. Et 3^ -Al pepi oatuiim
in o ra ti onenn,â^ppodeli(ftisnoilpia •
depra ea re.Etr-Sieut e patin ppin-
cipio, 6t nune,& fempep,6v,in laeeulQ
fae eu lo
pum
OFFICIUM S.RAGMEBERTi MARTYRIS
ona.
B
Pm
^»«i
|B9 ^
arata fedes nseeeft a
f aeeulo beato martyri K agneberto.
oMjm
i."
S
Antîphona.
^
^
t
Euo uaci.t. lubiletomniis terraDômino
in IsB ti lia qui locu iitu Ragnebertomar
w
ftr*
îfe
a.t.
iS
tyri pr8eparavit.EuOU âeJLjabiis
^^
> •
^
w
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exultationis laudemusDomu quidignatuseft
W
M
in loco iit o tnei aurizare corpus fui m a
r-
^ 25. ^
AD LAUDES ET 'VE'>S FERAS.
■ ■- 'H
^■"^MM
■^^
tji^risR ag-neLerti.Eu O u a 63. toni.
ffeirw
A^titiphoriQ.
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e ned i c at An aeli Do i nu Atliletae Rag-ne -
bertiiulcipient
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4». toni . B
es aima in exce
IfiS.
euou' a e.
juvenefi ôtvirp'ines laudëtnomeDomîni, àfo
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■ iigw^
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vQvi;In reliouo repdlita éllmtni corona Juiutio; auQtn reddetmilM
Dôminus in illa dtejultus Juclex;non lolu autem mini :lecJ& nié
qui diligunt adventum ejusJv.âtola jocuditati&^.Indiiit euDiifi.
^ 26. ^
OFFICIUM S.RAGNEBERTIMARTIRIS.
> BEWEDIOTUS ANTIPHCNA.
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LJmnipôtentffempiierneDeuSquî nunc diemoeatiRûgnebeA
Maf^^n^is t^uîTR^ariflationefacri corporis declicaft.i;ou'ique
eum diveîrfîsMiracultS declarâftî :' prsefta nolois ; nujus-
fittroni {uifraffantibus mentis: ad lupernae Kcereditalis
pe rve ni re ccnf orli um .^r Dîi m n odr u m .
27
AciTertiam.CapitulumBeatus vlrquî fuFfert titatioif,
quonia eu probatus fuent,accipîet corona vitœ'quarepromlft
Deu5 diligentitusfe.Çci^fuirtî Dne fuper caput ejus. ij.
X'iCoronani de lapide pretiofoJl>fuîrt3c^GloriaRtriBfuif^^^
W.Glorii&ihonore coronafti euDneJg^^t coftituîftîeufuper
opéra manuutuaru.Oratio.OiriMÎpotens utfuprà pagina 26.
Âd Sextiun,GapitAilu.Beatu5 vîr qui invetus eft fine macula
^ (juî poftauruttî non atîit^necfperavit m p^cwma&tKefauris;
qoîs^ft kic,<&laudaT3Îmu5etJ:fecîtenim inlrafcilîa învitafua-
R.Gloriâ & liOMorc coronafti euwD^omîne.ijO^Z^Etcolhtuifn
eu fuper opéra tnanuum tuaru.GIonâ&.ho.OIonaRtri\Glona&*.
^C^^^agna eftglorîa ejus în Alutantuo.^GIoria&nriagnuclecorï
împones fuper eum.Oratîo.Ecclefîam tuam Domîne.gusîfumus
teati Raffnebertî Mar^rîs tui continua pi*oteâîone cuftodi-,ut
/cciit illum Riffio pro tuo MomÎKie glorîofum errecitiîla nos ejus
îtttercefno mtiro (èmper fàciat arnore ferventes. ïWDîïm.
AdNonam.Capitulum.Bonum cçrïàme ccrtavî,
curfum confummavi,fîdemfervavi;în réliquo re^fitaeftv
tnilaî corona Jultitias^quam reddet mî ni Domînus in {Ha die
juftus Judex5 non folu aute mini : ied(^ Kîs qui diligwtgdvetum
eja5.Ç:.Niagna eft glorîa ejus în falutarî tuo.ij^îTGloriam.
6k magnum decorem îwpones fuper eutn. Xlagtia eft.
^ Gloria Bitn, et filîo^&Spiritui fatl<f^o. M^agwa eft.
y.Stolà joctinditatis.Çr.Induit eum D?i s.Oratio.Ôre mus
i^uxîlium tuum notîô quasfumus J)omine,ptacatus impende;
& interccdente teatoRagnebérto Martyre tuo:'dexîerawi
fuper nos tua? propitîatîonîs extende.l^rDnm.
29
PerAnnumAd Benedidus Anti'phona.
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an cfteRagneterte martyr Domini glorléfe,
• 4. tohi. •
Magnifi.C *fip—
AntipJi. OancteRa
adeftb noftrfsprecituspiusdpropi tius^enedidus
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Vèfperis Ad ^. • ^ rt Ji^fli[ ^: i^". « ■!—
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tan5 cumAngelia vidëdo fa ciem Créa loris,
in tercedepronobisUt mereamurDomin
reddere KoltiamlaudisM agnificat anlmameaDnmi.t.
DIE V OCTOBRIS
IN FESTO MIRACULORUM
SANCTI RAGNEBERTI MARTYRIS
OMNIA DICUNTUR UT IN DIE TRANSLATIONIS
PRiETER LECTIONES QUiE SEQUUNTUR
IN SECUNDO NOCTURNO
LECTIO QUARTA
Cum igitur, impio principe Ebroïno... etc. CVoir la suite,
alinéa 7, de la Légende de saint Rambert). Tu autem
Domine, etc.
Respons. — Ebroini nequitiâ, invidiâ stimulante,
innocens et mundo corde in carcerem intruditur. Et ità ad
tempus, vita mox futuro martyri conservatut. Ut, si quse per
conversationem humanae fragilitatis admiserat, per pœnam
carceris purgaretur. Et ità, etc.
LECTIO QUINTA
Tertio, itaque, die... etc. (Voir la suite, alinéa 8^ de la
Légende de saint Rambert). Tu autem Domine, etc..
Respons. — Misericors et miserator Domînus athletae sui
mortem difTerri voluit. Ut, probatus per carceris pressuram,
dignus inveniretur consortio civium supernorum. Bonum
certamen certavit, cursum consummavit, fidem servavit.
Ut, etc.
14
SyO IN SECUNDO NOCTURNO
LECTIO SEXTA
Gum autem pervenisset... etc. (Voir lasuite^ alinéa p, de
la Légende de saint RambertJ. Tu autem Domine, etc.
Respons. — Agmina sacra Angelorum Isetamini pro concive
vestro Ragneberto, De quo gaudet Christi Ecclesia féliciter.
Et exsultat gaudenter. Ecce verè Israelita, in quo dolus non
est. De quo, etc. — Gloria Patri et Filio, et Spiritui sancto.
Et exsultat, etc.
DIE X OCTOBRIS
OCTAVA TRANSLATIONIS
SANCTI RAGNEBERTI
OMNIA DICUNTUR UT IN DIE FESTO, RITU SERVATO
PRiETER LECTIONES QVM SEQUUNTUR
IN SECUNDO NOCTURNO
LECTIO QUARTA
Haec ut audivit Comes, etc. (Voir la suite ^ alinéa lo^ de la
Légende de saint RambertJ. Tu autem Domine, etc.
Respons. i. — Ebroïni nequitiâ, etc. (Vide suprd).
LECTIO QUINTA
Nec illud praetereundum, etc. (Voir la suite, alinéa 1 1, de
la Légende de saint RambertJ. Tu autem Domine, etc.
Respons. 2. — Misericors et Miseralor, etc. (Vide suprâj.
IN PRIMIS VESPERIS ANTIPHONA Sjl
LECTIO SEXTA
His auditis, Cornes, etc. C^oir la suite, alinéa 12, delà
Légende de saint Rambert). Tu autem Domine, etc.
Respons. 3. — Agmina sacra, etc. C^ide suprà).
DIE XIII JUNII
IN FESTO NATALI
SANCTI RAGNEBERTI MARTYRIS
IN PRIMIS VESPERIS. ANTIPHONA
Parata sedes, etc. (Cum reliquis de laudibus^ in festo
Translationis).
Psalmus. — Dîxît (cum reliquis de Dominicâ, et loco
ultimi).
Psalmus. — Laudate Dominum omnes gentes, etc.
CAPITULUM
Beatus vir qui... etc. — Comme aux i^* Vêpres de la fête
de la Translation. — % Deo gratias.
^ Ora pro nobis béate Ragneberte.
A- Utdigni eflBciatnur promissionibus Christi.
AD MAGNIFICAT. ANTIPHONA
Ave athleta gloriose, etc. (Comme aux /"• Vêpres de la
fête de la Translation).
372 IN PRIMIS VESPERIS AD PROGESSIONEM
OREMUS
Sit nobis^ Domine quaesumus, Beati Ragneberti Martyris
tui festum charitatis augmentum; ut sicut eum recolimus
martyrio ad te pervenisse : ità nos quoque tibi commendet
acceptos ejus gloriosa confessio. Per Dominum, nostrum.
AD PRIMAM PROGESSIONEM
Respons. primum. — Lœtetur nostra Mater Ecclesia, etc.,
(Vide suprà ad Matutinum I Noct.^ in festo TranslationisJ.
OREMUS
Ecclesiam tuam Domine, quœsumus, beati Ragneberti
Martyris tui continua protectione custodi; ut sicut illum
passio pro tuo Nomine gloriosum effecit : ità nos ejus
intercessio in tuo semper faciat amore ferventes. Per Domi-
num nostrum.
AD SECUNDAM PROGESSIONEM
Respons. 2. — Suscipe gloriose Martyr, etc. (Vide suprà
ad Matutinum I Noct.^ in festo TranslationisJ.
OREMUS
Auxilium tuum nobis, quœsumus Domine, placatus
impende; et intercedente beato Ragneberto Martyre tuo :
dexteram super nos tuae propitiationis extende. Per Dominum
nostrum.
IN PRIMIS VESPERIS AD HTMNUM
373
HYMNUS
Digno canamus modulo
Ragneberto sanctissimo
Recolentes jubilo
Coronatum martyrio.
Te Christi martyr poscimus
Succurre nobis omnibus.
Et vota notra suscipe
Pietatis juvamine.
Ab ostium insidiis
Te duce simus liberi,
Fraus inimica décidât
Quam tua virtus comprimât.
Ragneberte sanctissime
Laudes nostras fer in cœlum,
Patri Deo, ac Filio,
Nec non et Flamini Sancto.
Cujus nos virtus protegat
Incessanter et muniat,
Accendens nostra pectora
Spirituaii gratiâ.
Exoret tua sanctitas
Quod prœstet aima Trinitas,
Ut perfruamur gaudiis
Permansuris in sacculis.
Sit laus Patri cum Filio,
Sancto simul Paracieto,
Nobisque mittat Filius
Charisma Sancti Spiritus
Amen.
HYMNUS
Facta festivis tua Ragneberte
Sanguinem fusum celebramus hym-
[nis.
Et tuos laeti canimus jucundâ
Voce triomphos.
Te genu flexo venerande Martyr !
Ad tuas Aras humiles rogamus,
Nostra devoto tibi (acta fletu
Suscipe vota.
Quaesumus nostras fer in astra
[voces,
Flecte profusis precibus Tonantem,
Ne reus justas patiatur Orbis
Criminis iras.
Prode quas nobis inimicus artes
Injicitp nostras cupidus ruinae,
Atque vesanos meliore dextrâ
Comprime nisus.
O Dei Martyr, bone Dux tuorum.
Fac ut iniernœ procul hinc Pha-
langes
In suas fractae redeant Cavernas,
Orbe relicto.
Nesciat durum plaga nostra Martem,
Nullus armorum sonus^ aut tuba^
[rum,
Terreat mentes, vel iniqua ssevae
Mortis imago.
NuUa devastet &ta nostra cœli
Dira tempestas, rigidumque frigus,
Nec suo vites teneras adurat
Syrius œstu.
Nostra mens nuUas Veneris sagittas
Sentiat, vani nec Amoris ignés;
Sed Dei tantum maneat sacratis
Persita flammis.
374 ^^ MATUTfNUM INVITATORIUM
Solve nostrorum, Pie Ragneberte, Gloriam Sanctse Triadi canamus,
CriminumnexuSfVeniamprecando, Cujus œquali stabilita nutu,
Ut tuîs tandem precibus fruamur, Tota cœlorum simul atque terrse
Munere divum. Machina substat.
Amen.
LE 3 OCTOBRE
A LA PROCESSION DE FONTCHAUT
Sequentia sancti Evangelii secundum Matthœum. In illo
tempore : Dixit Jésus discipulis suis : Nihil est opertum
quod non revelabitur, etc.. Coràm Pâtre meo qui in cœlîs est.
AD MATITUNUM
Invitatorium. — Venite populi ad collaudandum Regem
regum et Dominum, qui triumphat in Martyre suo beato
Ragneberto. ÇDuplicaiurJ.
Venite exultemus Domino, jubilemus Deo salutari nostro :
prseocupemus faciem ejus in confessione, et in psaimis
jubilemus ei. — Venite, etc.
Quoniam Deus magnus et Rex magnus super omnes deos,
quoniam non repellet plebem suam : quia in manu ejussunt
omnes fines terrse, et altitudines montium ipse conspicit.
r— Venite, etc.
Quoniam ipsius est mare, et ipse fecit iilud, et aridam
fundaverunt manus ejus : venite, adoremus, et procidamus
antè Deum : ploremus coràm Domino, qui fecit nos, quia
ipse est Dominus Deus noster : nos autem populus ejus, et
oves pascuae ejus. — Venite, etc.
AD MATUTINUM IN PRIMO NOCTURNO 375
Hodie si vocem ejus audieritis, nolite obdurare corda vestra,
sicut in exacerbatione secundum diem tentationis in deserto :
ubi tentaverunt me patres vestri, probaverunt et viderunt
opéra mea. — Venite, etc.
Quadraginta annis proximus fui génération! huic, et dixi :
Semper hi errant corde : ipsi vero non cognoverunt vias
meas, quibus juravi in ira meâ, si introibunt in requiem
meam. — Venite, etc.
Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto. Sicut erat in
principio, et nunc, et semper, et in sascula saeculorum, Amen.
— Venite, etc.
IN PRIMO NOCTURNO
Antiphona I». — Nobilissimi Ducis Ragdeberti, etc. C^ide
suprà^ I Noci. injesio Translai.J. — Psalmus : Beatus vir,
etc. I. t.
Antiphona 2». — Ragdebertus siquidem, etc. (Vide suprà^
I Noct. in festo Translat.). — Psalmus : Quare fremuerunt,
etc. 2. t.
Antiphona 3». — Relinquitur a Pâtre, etc. (Vide suprà^
I Noct. in festo Translat.). — Psalmus : Domine quid
multiplicati sunt, etc. 3. t.
t- — Gloria et honore, etc.
4. — Coronasti eum Domine. Pater noster.... Et ne nos
inducas, etc. — Sed libéra nos, etc.
Deprecatio. — Exurge Domine adjuvanos,etc.
Suscipe Adjutor et propitius sit nobis omnipotens et
misericors Dominus.
LECTIO PRIMA
(De Epistola beati Pauli Apostoli ad Romanos). Cap. VIII.
Fratres, debitores sumus non cami, etc.... revelationem
filiorum Dei expectat. (Vide suprà^ INoct. in festo Translat.).
Tu autem, etc.
3 76 AD MATUT»«UM IN SECUNDO NOCTURNO
Respons. i. — Lastetur nostra Mater Ecclesia, etc. ff^ide
suprà^ I Noct. in festo Translata
LBCTIO SECUNDA
Scimus autem quoniam diligentibus Deum, etc qui
etîam interpellât pro nobis. C^ide suprà^ I Noct. in
festo Translata). Tu autem Domine, etc.
Respons 2. — Suscipe gloriose martyr, etc. CVide suprà^
I Noct. in festo Translat.). Tu autem Domine, etc.
LECTIO TERTIA
Quis ergo nos separabit, etc.... quœ est in Christo Jesu
Domino nostro. (Vide suprà^ I Noct. in festo Translat.).
Respons. 3. — Benedictus Deus, etc. (Vide suprà^ I Noct.
in festo Translat.).
IN SECUNDO NOCTURNO
Antiphona I'. Tandem, contra eum aliquorum incitatur
invidia^ et per impositionem criminis, additur vir exilio
Ebroïni tyranni nequitiâ procurante. — Psalmus : Cum
invocarem, etc. t. 7.
Antiphona 2*. — Disponente, tamen, Dei misericordiâ,
Prassulis Audoêni consilio detruditur in carcerem, ut vita
corporî aliquandiù anima Deo in perpetuum conservetur.
— Psalmus : Verba mea, etc. t. 8.
Antiphona 3». — In carcere enim detentus per aliquantum
tempus purgavit maculas, si quas contraxerat e mundanis.
— Psalmus : Domine Dominus noster, etc. t. 8.
f. Voce mea ad Dominum clamavi.
4. Et exaudivit me de monte sancto suo.
Pater noster.... Etnenosinducas, etc.... Sed libéra nos, etc.
AD MATUTINUM IN TERTIO NOCTURNO 377
Deprecalio. — Ostende nobis Domine misericordiam tuam.
— Domine, jubé benedicere.
Benedictio. — Deus Dei Filius nos benedicere et adjuvare
dignetur.
LECTIO QUARTA *
Beatissimus Ragnebertus ex praecelso Francorum génère,
etc. (Voir la suite^ alinéa 2, delà Légende de saint Rambert).
Tu autem Domine, etc.
Respons. 4. — Ebroïni nequitiâ, etc. (Vide suprà^ II Noct.
in feslo Translat.J.
LECTIO QUINTA
Cumque ab ineunte œtate prudenter, etc. (Voir la suite^
alinéa 3^ de la Légende de saint Rambert). Tu autem
Domine, etc.
Respons. 6. — Misericors et miserator Dominas, etc. (Vide
supràj II Noct. infesto Translat.J.
LECTIO SEXTA
Qui ex infimo génère ortus, etc. (Voir la suite, alinéa 4, de
la Légende de saint Rambert).
Respons, 6. — Bonum est confiteri Domino, qui se dili-
gentibus tam abundanter retribuit. Et per contumelias et
pressuras eis régna cœlestia largiatur. Justus, Dominus, in
omnibus viis suis, et factus in omnibus operibus suis. Et per,
etc. Gloria Patri et Filio et Spiritui sancto. Et per, etc.
IN TERTIO NOCTURNO
Antipmona I*. — Ragneberto purgato per carcerem, datur
edictum de ipsius morte properandâ, ne palma martyrii
differretur. — Psalmus : In Domino confido, etc., t. 7.
SyS AD MATUTINUM IN TERTIO NOCTURNO
Antiphona 2*. — Ebroïnî sibilo serpentino traditur licto-
ribus, qui deduxerunt eum, in Bebronnas confinium, gladio
feriendum. — Psalmus : Domine quis, etc. t. 6.
Antiphona 3*. — Percussus gladio, invocato Dei Nomine^
martyr occubuit; et vitam glorioso transitu terminavit. —
Psalmus : Domine in virtute, etc., t, 5.
LECTIO SEPTFMA
Leciio sancti Evangelii secundum Matthœum. Cap., X. In
iilo tempore dixit Jésus discipulis suis : Nihil est opertum,
quod non revelabitur; et occultum quod non scietur. Et
reliqua.
Homilia sancti Hilarii episcopi.
Dominas diem judicii ostendit, etc.. et verbum ejus
infidelibus nox est. Tu autem Domine, etc. l' Vide suprà,
III Nocturnum, in festo Translaiionis).
Respons. y. — Beatus vir qui suffert tentationem, quia
cùm probatus fuerit, accipiet coronam vitse. Quam repromisit
Deus diligentibus se. Hic accipiet benedictionem a Domino,
et misericordiam. Quam, etc.
LECTIO OGTAVA
Itaquè, id quod a se dictum est, etc.. et animœ et corporis
sit potestas. — Tu autem Domine (Vide suprd^ III
Nocturnum, in festo Translationis).
Respons. <?. — Vir inciytus Ragnebertus martyr Domini
gloriosus, succensus igné divini amoris, constanter sustinuit
supplicia passionis. Et per immanitatem tormentorum?
pervenit ad societatem Angelorum. Cujus intercessio nobis
obtineat veniam, qui per tormenta passionis suœ seternam
mèruit palmam et sempiternam coronam. Et per, etc.
AD LAUDES ET II VE€PERAS 879
LECTIO NONA
Nolite timere eos qui occidunt corpus, etc tali nos
apud Deum Patrem testitnonium ejus usuros. — Tu autem
Domine, etc. (Vide suprà^ III Nocturnum^ in fesio Trans-
lationis).
Respons. g. — Sancte Ragneberte Christi Martyr, audi
rogantes servulos. Et impetratam cœlitùs tu defer indulgen-
tiam. O Ragneberte sidus aureum Domini gratiâ, servorum
gemitus soiitâ, suscipe, clementiâ. Et impetratam, etc.
Gloria Patri et Filio et Spiritui sancto. Et impetratam,
etc. Aperi os tuum in orationem, et pro delictis nostris
deprecare. Et impetratam, etc.
Sicut erat in principio, et nunc, et semper, et in spécula
saeculorum. Et impetratam, etc.
AD LAUDES ET II VESPERAS
AD LAUDES
ANTiPHONiE AD LAUDES (sicut vi Laudibusy in festo Traits*
lationis).
Antiphona ad benedictus, sicut in Laudibus^ ad « benedictus »
in festo Translationis:
AD II VESPERAS
Antiphona ad ii vesperas, sicut in secundis Vesperisy in
festo Translationis.
Aî^riPHONA AD MAGNIFICAT, sicut in sccwidis Vesperis^ in
festo Translationis.
PIÈCES JUSTIFICATIVES
K 1
CHARTE DE CONRAD LE PACIFIQUE
ROT DE BOURGOGNE
ET SOUVERAIN DE LA VILLE ET DU TERRITOIRE DE LYON
DEÇÀ ET DELA LE ROSNE
€ L*Abbé de TIsle-Barbe Heldebert, successeur de Cumanus,., nous a
c laissé diverses marques de son administration qui ont conservé sa
« mémoire. La première est une charte de Conrad le Pacifique^ roy de
« Bourgogne et Seigneur Souverain de la ville de Lyon, elle est de
c Tan neuf cent septante et un, qui doit être le premier de TAbbé
« Heldeberty lequel faisant le serment de fidélité au Prince pour son
« temporel, il receut investiture et confirmation de tout ce qu'il tenait
« de luy ainsi qu'il est pleinement contenu en cette Charte que î'ay
< trouvé à propos d'insérer en ce lieu pour faire voir quel estoit Testât
c des afiairea de notre Isle sous le règne de ce Prince, et le gouverne-
« ment de notre Abbé Heldebert. »
(Extrait dei Ma^urtM de Phte-Barbe^ de Cl. le Ladoukbuk, i"' vol. p. 63, Guious.)
. In nomine Omnipotentis Dei et Salvatoris nostri Jesu Christi. Chun-
radus divina praeveniente clementia Rex. Quando quidem opportet
dignitatem locis Deo Sacratis largitatis sus juvamina conferre et néces-
sitâtes servorum Domini proprio revelari munimine, ut pro hoc pietatis
opère merces illis a Domino recompensetur. Idcirco notum esse volumus
cunctis Sanctœ Dei Ecclesiae fidelibus ac nostris, Episcopis scilicet,
Abbatibus, Ducibus, Gomitibus vice Dominis VicaHis, Centenariis
382 PIÈCES JUSTIFICATIVES
Teloneariis, et omnibus rempublicam gubernantibus prassentibus videlicet
futuris ; quia Heldebertus Abbas et Monachi ex Monasterio Sancti
Martini Insulas Barbarse constructo, ad nostram accedentes clementiam
postulaverunt quatenùs institutiones immunitarias de rébus ab anteces-
soribus nostris seu à quibuslibet fidelibus Dei in supradicto Monasterio
concessis nostra renovaremus autoritate. Quorum petitionibus ob divini
cultus amorem, aurem démentis nostrae accommodantes hoc serenitatis
nostrœ fîeri decrevimus prasceptum. Per quod lubemus atque sancimus,
ut sicut hactenùs quieti resederunt Abbates videlicet praefati Monasterii
et Monachi eorum secundùm antiquam auctoritatem, ità et temporibus
nostris et deinceps absque ulla inquietudine resideant. Et quia rerum
illorum positio secundùm fidelium virorum donationem, per diversa
adjacent loca : Ideô illorum nomina huic autoritati nostraç inscribi
praecipimus, quatenùs eas liberiùs ac licentius absque ullâ inquietudine
retinere yaleant. Id est jam dictum Monasterium et quicquid ad ipsum
pertinere videtur. Ecclesiam S. Florentii apud Vismiacum ipsamque
Villam cum portu, vel omnibus quae ad ipsam Ecclesiam Villâmve
aspiciunt. Ecclesiam Sancti Pétri in Montaneisio sitam. Ecclesiam
quoque Sanctorum Marcellini et Pétri in Bressola. Nec non Ecclesiam
Sancti Joannis apud Noioscum Villamque ipsam Religiacum vero atque
alterum Religiacum cum Villis. Ecclesiam denique Sanctae Marias in
Openaco Villamque universam. Ecclesiam Sancti Gypriani in Beo,
Sanctique Andréas in Cimaloco. Ecclesiam sancti Genesii in Floriaco et
Sancti Pétri in Amodo. Nec non cellam Sancti Martini in Forense.
Atque Ecclesiam Sancti Bonniti in Claipiaco cum Villa et quas eam
aspicere videntur. Cellam quoque de Occiaco cum Ecclesia Sancti
Andréa capellamque juxta eam in honorem Sancti Cosmœ dicatam et
Novellis, universaque illis adjacentia. Cellam vero Sancti Martini de
Firminiaco, atque Ecclesiam Sancts Marias de Constantia. In provincia
deinde Abolenam Villam cum Ecclesia in honorem Sancti Salvatoris
dicata et omnibus appendiciis ad ipsam villam pertinentibus. Cappellam
quoque Sancti Benedictiab ipsis nupermonachisaedificatam. Et quicquid
in Gapincensi ab Hugone Episcopo seu ab aliis fidelibus Dei praescripto
Monasterio in quibuslibet nostri regiminis partibus devotè concessum
est. Prasfatas denique res cum omnibus appendiciis suis volumus atque
jubemus ut absque ulla inquietudine vel diminutione deinceps teneant.
Prascipimus igitur atque statuimus nostram quoque autoritatem decer-
nendo confirmamus, videlicet quod annis singulis ab eodem cœnobio.
Quœstorihus proprii Antistitis argenti libra persolvatur et nuUus qui-
libet ampliùs ab eis exquirere aut de rébus ad eos pertinentibus exigere
praesumat. Nec non Mansionaticos vel Paratas vel quaslibet alias
redhibitiones exactare audeat. Sed liceat Monachos illic Deo militantes
earodem cellam cum omnibus rébus sibi juste competentibus ac navibus
ad eorum stipendia integrùm absque divisione aut diminutione perennibus
temporibus possidere. Suôque Praesuli ut decet libéré et synceriter
domino sufFragante honorem conservent. Habeant etiam potestatem
PIÈCES JUSTIFICATIVES 383
eligendi Abbatem ex eorum cœnobio ; Et eiectos ante prsesentiam
Lugdunensis civitatis Episcopi deducere ut ab eo benedictione accepta
congregationem sibi commissam regulariter gubernare studeat. Volumus
etiam atque per hanc nostram autoritatem praecipimus ut nullus judex
publicus vel quilibet ex judiciaria potestate ad causas audîendas vel
frasda exigenda vel fidejussores toUendos aut homines praefati Monasterii
super eorum immunitate commanentes injuste distringendos, aut ullum
censum, vel loca et res memoratas Ecclesias ingredi aut ea quae suprà
notata sunt exigere uUo unquam tempore praesumat. Quatenùs pro nobis
vel stabilitate regni nostri à Deo nobis commissi Monachos illic Domino
servientes attentiùs imô liberiùs Domini misericordiam exorare delectet.
Et ut haec nostra autoritas inviolabilis permaneat manu propria etiam
subter signavimus et annuli nostri impressione inldgniri jussimus.
Datum 1 3. Kal. Septembris, Anno scilicet Incafnationis Christi nongen-
tesîmoseptuagesimo primo. Indictionedecimaquarta. Anno vigesimonono
Imperii Chunradi invictissimi Régis. Actum apud Viennam civitatem
publicè. In Dei nomine fœliciter. Amen.
Charte extraite des Masures de Pile-Barbe. Tome 1, chap. XIV. page 64 et seq., par
Cl. UL Laboureur. Nouvelle édition, par MM. Guigue, archivistes du Rhône et de Lyon.
IWO A bis
PRIORATUS S. REGNIBERTI
IN FORESIIS OLIM S. ANDREiG
^ F« 71.
Et translatio retiquarum
SS. Domitlani et Regnibcrti
(vide) Hci^et ? III f* 1.
Prioratus hic S. Regniberti in Foresiis dependet ex Abbatia Insulae
Barbares ut patet ex catalogis (parvae et magnae pancartae) ; sed quis
auctor et fundator fuerit nondum didici. Masson, In descriptione Galliae
perflumina ubi de ponte Ligero imposito per Romanos.
R. sive Renaudus sive Robertus dominus S. Boniti dat dilecto fratri-
patri suo A. priori S. Regniberti villam S. Mauritii, Anno Christi ia34,
384 PIÈCES JUSTIFICATIVES
in compendio Actorum capitularîum. Et ibidem, anno Christi i234insignis
transactio in juribus prioratus inter Guillelmum priorem et Guidonem
comitem Foresii, fol. 21 magnse pancartse insuis Barbane.
Itarius prior S. Regniberti in Foresiis fundat duas capellas ex bonis
acquisitislicentiâ Girini abbatis (puta, insulse Barbarae), Anno Christi 1 281 .
Ex magnâ pancarti insulae, fol. 124, et parva fol. 25 verso.
Joannes de Borbonio abbas S. Andreœ, et cluniacensis episcopus
Aviciensis electus archiepiscopus Lugdunensis fuit prior S. Regniberti in
Foresiis. Et ibidem dicitur diem extremumobiisse,lib. 3 cap. 32, Historia
B. V Avicii 1485^ 2 décembre. Dionysius Giraudi prior prioratus
S. Regniberti in Foresio dependentiae monasterii regalis insulse barbars,
)urat obedientiam abbati Claudio de Sôtizo abbati, Anno 1446.
Petrus de B... archiepiscopus Lugdunensis, Laurentius de Simiane
Archidiaconus ecclesiae Lugdunensis.
Notes tirées da « Lugdunum Sacro^prophanum » du R. P. Buluoud, jésuite (x588-i65i).
N° 2
LÉGENDE DE SAINT DOMITIEN
Extraite du BréTiaire de TAbbaye de Saint-Rambert-en-Bugey.
INCIPIT VITA SANCTISSIMI DOMITIANI CONFESSORIS CHRISTI,
FllNDATORIS MONASTERII SANCTI RAGNIBERTI
Igitur Beati Domitiani Confessons Christi vitam descripturus, primi-
tùs invoco Deum Patrem omnipotentem, ut qui eidem Sancto usque in
finem dédit bonam perseverantiam, nobis qui scripturi sumus, et vobis
qui compellitis, per ejusdem Sancti, atque omnium intercessionem
Sanctonim vitam tribuat sempiternam. Denique Constantii Imperatoris
temporibus in Romana urbe ex nobilitatis lampade non obscuris nata-
libus nascitur Domitianus Dei famulus Pâtre Philippo, matre autem
Marcianiila, qui prae cseteris gratia generositatis ornati regenerationis
gratiam, ut à proie compertum est intégré, ac Catholicè inter Arrianos
occursus fideliter custodiebant ablactatum verô puerum prsfatum,
PIÈCES JUSTIFICATIVES 385
scholis commendayerunt Catholicis, in quibus aliquandiu commoratus
divini eloquii strenuum cœpit habere in discendo studium, qui cum feré
jam duodecim esset annorum libellis omnis patrimonii à parentibus
acceptis ad scholam rursus revertitur studiisque majoribus in discendo
mancipatur, ubi dum ferè usque ad quintum decimum astatis suse annum
vacandi haberet studium in divinis cultibus, Pâtre ab Arrianis ob Catho-
licam fidem interrempto, mater nimio dolore attrita lucis hujus caruit
visu, sicque ab infidelibus pâtre interfecto, matre verô nimio extinctâ
dolore nobilis qui remansit filius, maximis repletur doloribus, atque
parentibus humi condigne reclusis, ex doloribus quantuluncumque
recreatus cœpit cogitare, quid agere deberet, si patrimonio contentus
temporali laicalem, an Ecclesiasticam expeteret dignitatem, cùmque
duobus mensibus in tali versaretur conflictu, tune famulum domus
susetaliter alloquitur. Eia, inquit Sisimi dicitormihi, sihomodum liber
esse dignoscitur, et permanere securus in libero potest arbitrio, impli-
care se débet in diversis^ et multis, ac caducis servitiis ? Respondit
Sisimius œstimo, et verè fateor, nobilius quemquam cui facultas
est esse liberum, quàm servum. Et Dominus optimè inquit respondisti,
nam et doctrina Apostolica, quàm didici in scholis, ità dicit, si potes
liber fieri magis utere, hanc quippe secundùm dispositionem, sequi cupio
regulam te autem et omnes quibus praefectus sum dimittens liberos,
caetera volo vendere, pauperibus eroganda^ quod statim incipiens agere
infràduas hebdomadas, totumpatrimonium vendidit, et omnia pauperibus
erogavit, atque monasticam devotissimè suscipiens yitam secularem
funditùs dereliquit. Intereà Constancio Imperatore defuncto, Julianus
Apostata suscepit imperium, qui crudelitatés exercens multos monachos
etiam mulctari jussit. Quôd vir Domini audiens furentis Diaboli, et invi-
dentis cognovit astutias atque continué Evangelicam protulit sententiam,
dicens, si vos persecuti fuerint in unà civitate, fugite in aliam. Crescente
autem rabie saevientis Appstatœ, praefatus vir nobilis dissimulato habita
navigium expetiit marinum, quasi, in Thebaïdem iturus, sed quia
conspexit qudd in ThebaYde persecutio major excitata erat, eô quôd
ilHc copia monachorum esset, formidavit illuc transmeare quin potiùs
Occidentales partes elligens, navim quandam ingressus Massiliam usque
pervenit, ubi cùm Sylvano eruditissimo Presbytero aliquandiu commo«*
ratus, Lirinensem usque peragravit insulam, inquaunoanno conversatus,
cuncta que ei acciderant Patri Vincentio Doctissimo, ac disertissimo
Presbytero narravit, et fratribus, quo in locopersecutionem audiens quàm
fugerat advenit Arelatem apud Dominum Hylarium Episcopum quantu<*
luncumquecommoraturuscum quo aliquo conversatus tempore Julianum
insecutorem divino audivit apud Per fidem gladio interiisse, de quâ re
utcùmque securus, et a praefato Venerabili Episcopo, ex sua conversatione
admodùm dilectus secundùm Ecclesiasticas ordines Presbyter, ab eo est
ordinatus. Ac deinde humanos declinans favores, petita benedictione.
Australes expetiit partes, Heremiticam ducere vitam magis eligens, quàm
civilem, verùm audiens, Beati Eucherii sanctitatem Episcopi Lugdunensis
a5
386 PIÈCES JUSTIFICATIVES
inclyta: urbis Galliarum summa cum festînatione illum videre desiderans
Lugdunum ingreditur ejùsque voluntatem sciens Pontifex, tabulam
etiam cum reliquiis Sanctorum Chrysanti, et Darii, super quàm Missas
faceret Heremitœ futuro Pius pater dédit, sicque Lugduno egressus
quondam heremunculam aggredîtur, locum qui Axancia vulgô dicitur,
atque ibidem, non adhuc multos commoratus dies, arctum construxit
oraculum, et Pontifîci memorato innotuit, ut ejus jussu in honorem
Sancti Chrystophori dedicaretur. Intereà, dùm ibidem conversaretur
servus Dei Domitianus jejuniis, et orationibus, ac vigiliîs Missarùmque
solemniis intentus discipulos cœpit habere qui ejus arctissims vitse
cupiebant esse pedissequi, sed dum frequentiam adventantium circum-
quàque residentium cerneret populorum graviter ferens, ad Dominum
Eucherium repedat Pontifîcem, talitérque eum alloquitur : Pater
Venerande, non mihi videtur tumultuosus, cunctisque penè notus ille
locellus in quo habitare cœpi aptus esse monachis maxime^ cum aqua
îllic desit, cui Papa Piissimus, Vade ait, et perquire ubicumque vis locum
ad habitandum congruum, sicque benedictione accepta, ad propriam
revertitur cellulam, altéra verô post laudes Deo redditas, et solemnia
Missarum celebrata, cum discipulo suo, Modesto nomine, contra
Orientales partes iter arripuit, qui fluvio, qui Igneus dîcitur transito in
profundam Heremum sese dederunt, in confinio videlicet Lugdunensis
Territorii, inquibuslocis, antiquifalsi monetariiolimconversati fuerant,
igitur circùm circà illosperscrutantes locellos, fontes reperierunt irrigos,
interquos,unuminvenientes maximum Bebronas indiderunt nomen, unde
usque in hodiernum diem Bebronnensis dicitur ille locellus, nocte verô
illâ in quodam specu se recludentes, hymnus, et laudibus Deo paractis
fatigatiex itinere fessa quietidederunt membra, circà verô mediam noctem
non valdè saporato Dei famulo Domitiano Dominus Jésus ei apparuit,
clementiquevultu eum alloquitur dicens : Domitianeathleta prudentissime
viriliter âge, quia in omnibus sum tuus adjutor, eo quôd multos qui tuo
exemplo nutriendi sunt in hoc loco sim fîlios recepturus, sicut enim
disposuisti heri in animo tuo, ità aedificare incipe, cogitaverat nàmque
serô suprà collem qui praedicto fonti eminet, contra Occidentem qui
quantulamcùmquè habebat planitiem maximam facere cellam, juxtà viam
verô hospitiolumparvulum propter pauperes, acsi fieri posset quandôque
oraculum. Expergefactus itaque Dei famulus, gratias egit Deo qui ei
prosperum suum, nunciaverat adventum^ continuôque reversus ad cellam,
discipulos ex loco aptissimo, et maxime ex visione, quàm viderat consolatur
non modicé. Oratorium verô, et hortulos, ac vineam, quàm ibî
construxerant cuidam Presbytero commendantes ad locum praevisum
cum omni supellectili devenerunt atque ad habitandum infrà biennium
habitacula et duo oratoria unum in honorem Sanctae Dei Genitricis
Maris, alterum verô in honorem Sancti Chrystophori Martyris condide-
runt. Quœ etiam jussu Domini Eucherii Papas Lugdunensis dedicata sunt,
cœperunt autem quasdam Heremi loca excolere, semina jacientes, uberes
fructus unde recepere temporibus suis, quadam autem die, duro
PIÈCES JUSTIFICATIVES 887
Domitianus Dei famulus, cum fratribus quodam opère fatigatus ad
vicinum alveum, qui Albarona dicitur, ad lavandum causa refrigerationis
venirentatque nudati omnem ingrederentur, vulpes,qu£ callidum animal
dicitur, sandalia Religiosi Dei famuli memorati oreproprio laniare cœpit,
atque corrosit, quôd vir Domîni cernens ait : Domine, qui Angelos fecisti
quique vermiculas condidisti, et omnia quae suprà, infrà, et subtersunt
formasti, te invoco, ut haec ferula, ac genus illius ulteriùs nos, ac
successores nostros laedere non prassumat ; necdum verba Dei famulus
fînierat, et bestiola illa antè ejus oculos expiravit, deinceps verô
nullam laesionem genus illius in eodem loco facere prassumpsit,
usqué in hodiernum diem, nam, et cum gallinis illius loci sunt visae
posteà jocasse vulpes contra suam naturam agentes, sed nullam
earum lasdere praesumpserunt. . Cœpit intereà Dei sérvus cum suis
arctiorem vitam ducere, ita ùt ipse infrà hebdomadam^semelcibum sumeret,
nam, et collata est ei à Domino potestas, Dsemonibus imperandi,
et eos ab obsessis corporibus pellendi, unde, et cum multùm ab
adyentantibus tasdium pateretur, formidans humanos favores, quos, et
decHnare nitens, secedebat clam in profundam Heremum Sabbatho,
ad nocturnas tandem yigilias revertens, cémentes autem ejus discipuli
prae nimiô eum abstinentiâ valdè debilitatum pedibus illius provoluti
aiunt, cur nos pater deserere niteris, aut certe, cur non perpendis
nos aliquos esse adhuc rudes, quod si decesseris, indocti, et sine pastore
remanebimus, discipulos nempé nimio afflictos dolore conspiciens
paululùm cœpit habere quotidianum vilissimum cibum, et vespertinum,
et sit utcùmque refocillatus est, visum est intereà Dei viro, ut
circà viam propter frequentiam transeuntium, sicut priùs cogitaverat
Oratorium facere et convocatis discipulis, ait, necesse est fratres^ ut cùm
Dei miserentis adjutorio incipiamus unum circà viam «dificare
Oratorium, cui consentientes eadem die cœperunt fundamenta aperire,
atque alto die posuerunt ibi ex vicinis convocatis cœmentariis Oratorium
non adèo modicum aedificare cœperunt, sed adveniente famis inopia quae
tune temporis Galliam tenebat alîqua per loca, panis etiam defecit servis
Dei, et eorum caementariis conductis, quôd vir Domini ait, laborate
fratres, proùt oportunum vobis videtur. Ego autem properabo ad
saeculum aliqua victui necessaria quaesiturus, Ascenso autem asello, venit
ad Viliam, quae vulgô Torciacus dicitur, atque dum ex more homines
loci illius in clybano pridie panes coxissent et ille prunas adhuc ignitas
conspiceret, acclivis intuitus infrà clybanum panem mirae magnitudinis
atque insoliti candoris aspexit foris, eum baculo extraxit, et cunctis
incolis praedictae Villulœ ostendit, ne forte alicui illorum in oblivionem
venisset, sed cùm nullus ex tpsis suum cognosceret esse intellexit, vir
Doinini ab eo qui panis est vîvus, suis esse caementariis praeparatum,
sicque continué reversas, eis obtulit dicens accipite fratres annonam
vobis à Domino praeparatam, ex quo videlicet pane sexdecim monachi
et quatuor caementarii decem sunt pasti diebus affatim, videbatur
namque cum in eorundem frangeretur manibus crescere, ergo ex eodem
388 PIÈCES JUSTIFICATIVES
pane, dum jam quinque diebus essent refecti, pater soUicitusde discipulis,
ac casmentariis^ qui utrique in oratorio aedîficando erant intenti, rursus
asello ascenso, saculum repetiit victui necessaria menducaturus.
Erat praetereà quidam vir Latinus nomine secundùm saecularem poten-
tiam nobilissimus in prsedio suo quôd dicebatur pridem Calonaia, à fonte
qui Calonna vocabatur trahens vocabulum, sed hic vir eu m esset potens,
et inclytus, voluit à nomine suo fonti et Villse trahi vocabulum, id est,
à Latino Fons Latinus, inde et Villa Latiniacus, quae nomina usque in
hodiernum diem, et fons, et Villa retinent, quadam verôdie, dùm ajocis,
quos cum avibus facere solitus erat reverteretur arese sus ventilatores
conspiciens illic divertitur, sed et uxor illius Syagria nomine Religiosa
matrona properat in occursum, ibique dum famularentur simul per
diversos amplexus, et frumenta diversis adventantibus venderent suprà
dictus seryus Dei Heremitanus, cum asello advenit, eôsque ità alloquitur,
nobile connubium, vita vobis et pax augeatur, servi enim Dei viventis
in vicina heremo degentes, miserunt me ad vos, sicut, et ad caeteros
nobiles victui necessaria postulantes praesertim cùm unum oratorium
velimus aedificare, et panis defecerit, tune ad illum Latinus, cur inquit
expetas tibi meum dari frumentum cùm potiùs mimum esse te conspiciam,
quàm servum Dei ; Domitianus respondit : ô Dux inclyte, benè apertos
oculos habuisti modo, cùm plus desidiosè et negligenter quàm expedit
vivam, Latinus autem, qui Arrianus erat multumque de fide disputare
cupiens, ait, ergo, quia ministrum te dicis esse servorum Dei
commorantium in heremo dicito nunc mihi qualem tenetis fidem^
Domitianus respondit, fidessi varia fuerit variantes, etleprososgignit; si
autem solida, et universalis, solidos et absque ulla oifuscatione ad
Regnum sine fine mansurum suos producit. Tune Latinus, quas est
solida et universalis, Domitianus respondit ipsa est quam audivi, et
didici à magistris meis Apostolis viris, et quae nunc multos habet
insecutores Arrianos ; Latinus ait, quae est, Domitianus respondit, hase
est fides nostra, Credere in Deum Patrem omnipotentem et in Jesum
Christum Filium ejus unicum Dominum nostrum, et in Spiritum sanctum
Deum Patrem, eô quôd habeat Filium, Filium eô quôd habeat Patrem,
cui squalis, seeundum divinitatem per omnia est, Spiritus verô Sanctus
ab utroque procedens, nihilominus consubstantialis, et coaeternus est
Patri Filiôque, has très personas unum fatemur Deum, quia una Deitas,
una omnipotentia, una est œternitas, individuàque Majestas, Latinus,
ait, ergo, Potestas Patris non est major, quàm Filii, Domitianus respondit
nequaquam, quia ipsa est potestas Filii seeundum Divinitatem ; quae et
Patris, sicut et Deitas et aeternitas. Tune Latinus, stultè dicit, vis modo
ut ego qui tants potestatis sum vir adhue puerulo filio meo, quem
cernis omnem gloriam meam et dignitatem credam, quarum adhuc
minime dominari valet, et si ego discedens, et moribondus noio illud
facere, quantô magis omnipotens Deus pater filio suo adhuc tenero
suam omnem contulerit dignitatem, Domitianus respondit ô Dux
carnaliter sapis,et secundùm carnem indicas omnia, nos autem eredimus,
PIECES JUSTIFICATIVES SSq
quia Deus Pater per Filium omnia fecit, sicut in Evangelio legimus
omnia per ipsum facta sunt et sine ipso factum est nihil. Latinus iratus
ait, recède, mime, à nobis, quia mentiris, cogitaveram nàmque si
recté prosecutus fuisses, asellum tuum onerare frumento, Domitianus
respondit, si ego de fîde rectè sentio, et hsec vera sunt, quas sum
prosecutus modo, in nomine unigeniti Filii Dei per omnia costerni, et
coaequalis Deo Patri, haec fana qus ad culturam Dsemonum fabricata
sunt corruant, erant autem circà arcam duo excelsissima fana, quae
secundùm Gentilium ritum in honorem Jovis, et Saturni fabricata
antiquitùs fuerant, et licet occulté tamen adhuc colebantur à ruralibus,
rusticisque hominibus, qua ruina peracta statim terra contremuit, et
post pusillum cslum cum esset serenum nubibus obumbrari cœpit,
deinde tonitrua mugere, magna fulgura coruscare, atque grando nimia
cadere, quôd Arrianus vir conspiciens cum uxoré, et liberis, ac omni
famulatu festinus cucurrit ad palatium suum, quôd ex marmoribus,
magnisque silicibus erat constructum, quôd introgréssus, cœpit cum
conjuge, ac proceribus suis, considerare cur, inquit, ad vocem tanti
morionis Rustici, tanta Deus voluit facere, fana corruerunt, terra mota
est, cœlum tonitrua, grandinem, et fulgura dédit, an forte vera sunt,
quae prosecutus est, ut Deus fllius aequalis sit Deo Patri per omnia,
Syagria conjux ejus provoluta pedibus ipsius ait. Domine mi, si benè
percunctaris invenies vera, qus famulus Dei ille prosequitur, quoniam
dum tecum loqueretur in arca, vidi vultum ejus quasi Angelicum, quôd
et indicare tibi volui, quapropter obsecro ut jubeas eum accersiri ad te,
quatenùs sana quàm retinet, doctrina te instruat, quia nisi ita esset ut
ille prosecutus est eàm grande rairaculum minime fieret ; eut Latinus,
)ube, inquit, intromitti illum, quôd cùm jussum esset, quœsitus per omnia
oflicia Palatii, et minime repertus putatus est mortuus esse grandine, ac
coruscationibus, cujus cadaver dum requireretur ad sepeliendum reperitur
Dei famulis illœsus, ad arcam cum asello girans eandem arcam, cum
proprio baculo, et rivulos, ex procella conglobatos prohibens, ne triticun,
quôd grando non laeserat rivuli contingerent, quôd factum est grande
miraculum, ut ne unà quidem gutta quœ humanis potuisset oculis
apparere, nec Christi amicum tetigit Domitianum, neque arcam est
ingressa, sed neque asellum quôd cùm conspexissent, juvenes ilium
perquirentes, cursu prsepeti suo nunciaverunt Domino, ille verô lisec
audiens, conjugis ex parte fretus consilio, ità promisit se crediturum,
uti famulus Domini Domitianus credebat, quem intromitti jubens,
pedibus ejus se provoluit, dicens ne irascaris serve Dei viventis quôd te
morionem vocaverim, et quia vera te agnosco prosecutum esse, de fide
Trinitatis, ità credo ut tu, tantùm obsecro deprecare pro me, et domo
niea Dominum, ut avertere dignetur iram suam à nobis, quia veraciter
credo filium Dei xqualem Deo Patri coaeternum, et consubstantialem.
Dei famulus harc cernens gratias agit Domino dicens. Domine gratise
tuae à fidelibus tuis innumerabiles reddendœ sunt, quia ab errore
perversos quosvis revocare non desistis, sic, et propria levavit manu
390 PIKCES JUSTIFICATIVES
Latinum flentem de solo, atque proùt potuit illum, ac domum ejus ab
errore Arriano ad veram retraxit Catholicam fidem, adjutus maxime à
supra dicta matrona Syagria, quas nobilis erat CathoUca, triduum verô
apud eos faciens famulus Domini commonuit eossinceriter tenere rectam
fidem, quem cum maximis honoribus cumulare vellet, nihil aliud
quisesivit nisi servitutem in heremo, quantum juris eorum erai, et
aliquam vineolam, ex qua posset ille, atque alii servi Dei post illum
futuri Deo offerre sacrificium.
Tune Latinus heremum quam quaerit, usque ad Petram, qus Altemia
dicitur, à dextra, seu lœva, sub integritate tibi cedo, tantûm ut per tuam
ac tuorum sequentium licentiam, nos, et posteri nostri vsnandi îicentiam
habeamuSy tune Syagria, Domine mi, vineam expedit dare, illam
possumus illi, supra Villam sitam, quae Vallis dicitur, quàm Gontbado
filio nostro dedimus, quas propè heremum suam est et dicitur déserta,
et sicuti Deo decet ofTerri optimum vinum reddit, convocato itaque
Notario ac testibus continùo, factus est libellus ità continens.
Dominis magnifîcis servis Dei Domitiano, et sociis ejus Heremitis
Latinus, et Syagria proptereà, quia servi Dei excelsi estis, ideô
concedimus vobis jure proprietario nostra quae sunt in pagis inclytae
Lugdunensis urbis Gallis, ex parte Bellicensis Castri, hoc est, vineam
unam suprâ Villam quœ dicitur déserta, et terminatur à mane, interque
confortes Colonos, et campum de ipsa ratione subtùs viam à merîdie
via à serô inter confortes Colonos à tergo silva Regalis, suprà coUem et
habet in longitudine, cum colle, et sylva suprà viam, secundùm virilem
manum, perticas agri pédales centum duodecim in latitudine et parte
meridiana, cum sarpo, perticas agri pédales septuaginta duas, ac
semissem infrÀ hune terminum, et perticationem sub integritate vobis
cedimus, similiter, et unum campellum subtùs viam auperiorem qui ad
styrpum prœscriptae vineae à serô jungit, et ipsum campum secundùm
morales defunctos cum integritate vobis donamus, suprà dicta autem
omnia, ut praefati sumus vobis cedimus, praeter quod in Arandato ad
presens servamus nobis, caetera verô pro œternae vitae praemio, et pro
redemptione animarum nostrarum, seu ut intercedatis ad Dominum pro
nobis, ad dexteram, seu laevam usque ad Petram Altemiam jure vobis
tradimus perpetuali, ad possidendum futuris temporibus ac libéré fîrmis-
simèque utendum. Si quis contra banc nostram mercedis largitionem
irrumpere conatus fuerit, destruere tentaverit, aut pervadere aliquid
voluerit iram Dei omnipotentis incurrat, deputandus aetcrno supplicio,
et non valeat vendicare, quôd quaerit, sed firmum maneat et stabile
nostrae mercedis augmentum, data octavo Kalendarum Juliarum, anno
primo Valentiniani Imperatoris, Duc Latinus ultronea voluntate, et
propria manu fieri jussit, et subscripsit Syagriaconjux similiter, Gont-
badus Genitoribus sensit, et subscripsit, Dodatus Rogatus signavit.
Igitur vir Domini Domitianus recepto libello, oneratôque asello, ad
propriam repedare volens cellam, invenit suos dormientes cœmentarios
juxtà fontem qui dicitur ad Condemnans, famis epiim inopia depressi
PIÈCES JUSTIFICATIVES SqI
cedificium reliquerant monachiab altissimo monte reversi solitôsque cibos
cseroentariis non déférentes ad proprias redire disposuerunt domos, quos
cum dormientes reperissetex parte illos cognoscens excitavit eos, dicens,
Quid est fratres quod agitis, cur cœptum opus dereliquistis, an forte
virtus defecit, cui protinùs responderunt, verum est pater ; nam decem
diebus pasti sumus ex pane abondantîssime, quem nobis detulisti pridem ;
eo uno supermansimus die sine victu, hoc est, sexta feria, esca verô
déficiente cœpimus reverti ad domos proprias, famulus quoque Domini
Domitianus ait qualem hodie putatis esse feriam dixerunt illi Sabbathum,
erat autem secunda feria, tune Beatus Domitianus ait surgite, quia satis
dormitum habetis, duobus diebus revertimini ad cœptum opus Dominus
enim largitus est nobis uberrimè victui necessaria, surgentes autem
secuti sunt senem, cœptùmque oratorium, usque ad calcem perduxerunt,
quadam autem die Latinus, cum Syagria conjuge heremum petens
visitavit fratres, videns verô conversationem illorum laetatus est valdè
multàque eis largitus est, dona, sicque benedictione accepta reversus est
ad propria. Intereà cœperunt nobiles plerique audientes famam sancti
venire, et filio suos ad habitum Religionis suscipiendum ei tradere, ora-
torio quoque consummato, et à Beato Eucherio Pontifice dedicato cœpit
stricte Dei famulus, inibî jejunus, ac vigiliis senile corpus domare et
quçndam prudentissimum fratrem Joannem nomine Patrem Monasterii
constituit quietem arripuit multisque diebus, ac noctibus in divinis
laudibus, et orationibus perseverans Deo soli placere studebat atque
semper in virtutibus succrescebat, appropinquante jàm fîne dierum
suorum febre levi corripitur, accersitôque pâtre Monasterii caeteros jubet
adesse, erant autem viginti quinque fratres, quibus prsesentibus sic eos
alloquitur : pacem sequimini, et castimoniam, sine quâ nemo videbit
Deum, ipsi autem appropinquate Deo, studete, et appropinquabit vobis,
prsecepta patris vestri custodite in omnibus, quia credo cum recta vos
docere cognoscite namque, quia révélante Deo novi diem obitus mei, qui
erit primo Kalendarum Juliarum, quibus vcrbis auditis fratres flere
cœperunt dicentes : et pater cur tàm citô nos deseris, quibus ille ait non
vos derelinquo filii, sed Deo potius commandare vado. Date mihi
osculum, qui omnes osculatus dixit : ipse qui pati dignatus est pro vobis,
et pro omnibus vos conservare dignetur, in suo sancto famulatu, ite ad
propria, appropinquante igitur die Kalendarum Julii, jubet iterum
Abbatem adesse, et fratres, sacràque Missarum solemnia celebrari sicque
divino saginatus pabulo, coram cunctis discipulis manibus ad cœlum
erectis, ait : in manus tuas Domine commendo spiritum meum. Itaque
cum hoc extremo verbo efflavit spiritum, anima autem â corpore egre-
diente, tanta illic fragrantia, et odor suavissimus ortus est quantum
ullus hominum in eodem loco sentire antea meruit, ità ut quidam fratres
infirmi, unus febre quartana, alii salvo colore et melancholica passione
depressi, ex memorato odore repleti, sani elTecti sunt, tune Pater cum
fratribus prœlibati patris corpus suscipientes condigno honore in
sarcophago praeparato non longé ab altari Sancti Genesii Martyris
392 PIÈCES JUSTIFICATIVES
posuerunt, ubi Deo favente usque in hodiernum diemdiyina ostenduntur
miraculé. Recipiunt ibidem caeci visum, claudi gressum inveniunt.
Dasmoniaci curantur et innumera alia per servum suum Dominas facere
dignatur miracula qui cum Pâtre, et Spiritu sancto, in Trinitate
perfecta vivit, et régnât Deus, per omnia secula saeculorum. Amen.(i}
1^0 (^ bUi
ABBATIA S. RAGNIBERTI
JURENSIS OLIM S. DOMITIANI
F* 55.
Suppono quod observatum est. Capite de claris sanctitate Sanctum
Ragnibertum vel Ragnebardum in finibus territorii Lugdunensis ad
montana jurae loco Bredone ortum et filium fuisse Radeberti ducis qui
jussu Ebroini majoris domus turpissimi Theodorico rege lancea trans-
fossum fuisse et ad sepulchrum ejus miracula patrasse illum c » in
numerum martyrum computatum esse. Illius oflicium in omnibus bre-
viariis Lugduni fieri mense Julio. « Sepultum S. Ragnibertum in Monas-
terio S. Domitiani de quo indic de quo 11. 175 Severtii. »
Videtur hoc monasterium dépendisse ab illo S. Claudii seu S. Eugendi
Jurensis a finibus cum illo subjectum fuisse ecclesise Lugdunensi per
bullam citatam Gregorii papse § supplicii? Et ex bullainnocentii 2 papse
Petro venerabili. Hoc monasterium videtur uniri Abbatiae Cluniacensi-
monasterium (ait buUa) SS. Dominici {en marge : Domitiani) et
Ragniberti et (caetera). Datum Salerni 4 Kal. Maii Anno Christi 11 38,
pontificatus 20. In bibliotheca Cluniacensi. Columna 1404. Pono tutelli
monasterium de hac Abbatia Jurensi et non prioratu. S. Ragniberti in
forensibus patet ex eo quo scripto prioratus ab abbatia Insulae Barbarae
semper dépendit in quam nota est translatio reliquiarum SS. Domitiani
et Ragniberti ut patet ex historia huic antè ponenda.
(1) Nous avons laissé à cette légende et l'orthographe et la ponctuation que nous lui
avoqs trouvés dans Guichenon : Histoire de la Bresset etc.
PIÈCES JUSTIFICATIVES SgS
Pono patet Anno Christt i328 (i5) aprilis Abbatem Ecclesiae Lugdu-
nensi jurasse subjectionem. Ego (ait) Angelinus electus postulatus et
confirmatus monasterii S. Ragniberti jurensis. Juro subjectionem et
reverentiam secundum preceptum S. Benedicti et (estera). In presentia
et (caetera) apud Severt (ium) i i.io3 § 6.
Item et Hugo abbas decano et capitulo prestat fidelitatem. Anno
Christt i362. Ex. III S. Statutis.
Item et Aulinus ? electus postulatus et confirmatus abbas monasterii
S. Ragniberti Jurensis Anno Christi iSiS. Ibidem Georgius Marischalii
abbas S. Regniberti Jurensis aflini Abbatissae S. Pétri Philibertuae
Marischalii circa Annum i520. Ex Archivis monasterii Bliensis. Ex buUa
Pauli Papœ.
De isto monasterio Jurensi an de forensi scribat Ledradus epistola ad
Carolum Magnum incertum est. Nondum Lugduni usque fuisse monas-
terium S. Ragniberti non apparet. Aliud monasterium (ait) in honorem
S. Ragniberti edificatum ubi ejusdem^ S. Aigniescum ? corpus de novo
totum reparatum et sive in pavimento,sive in tectis vel etiam ecclesiis ubi
uniter monachi numéro 56 sine dubio regularem custodiam habitabunt,
in quibus monasteriis unum puellarum et duo monachorum, nemo ante
erat qui regularem vitam imitari nesciat aut vellet propter quod plurium
laborem et studium impendi, et ad hanc regulam {en marge : vitae)
observantiam pervenire potuissent et uniter. Deo auxiliante pervenisse
videntur.'
Notes extraites du « Lugdunum Sacro-prophanum », du R. P. Bullioud. jésaite.
394 PIÈCES JUSTIFICATIVES
N" 2
ter
INSCRIPTION
GRAVÉE SUR UNE PI.AQUE DE MARBRE NOIR
A LA PORTE DE LA CRYPTE DE SAINT DOMITÏEN
A SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY
Hypogeum honori Marias Virginis jam indè ab quinto sœculo a sancto
Domitiano dicatum, deindé superstructi templi anno mdccxiv, eversi
ruderibus obrutum tibi regina cœlestis uti nobis liberis oppidanis nobis
nostris et vicinee universae volens propitia sies Amatus et Stephanus
fratres concordissimi Martin, ex redivivis instari animis Alexander
Raymondus Dévie, Episcopus Bellecensîs pristino cultu restituit,
anno 1840.
PIÈCES JUSTIFICATIVES SqS
W 3
LÉGENDE DE SAINT RAMBERT
Extraite du Bréviaire - Manuscrit dit • de Saint Rambert >.
SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
NOTES POUR SERVIR AUX CHAPITRES III et VII
Le nom de saint Rambert « 5. Ragnehertus <>, ne figure pas dans le
Martyrologe romain, ^w\ a été dressé par l'ordre du Pape Grégoire XIII,
en vertu de la bulle Emendato du 14 janvier 1384. Son office se faisait,
selon le Bréviaire de TEglise de Lyon, le i3 juin, et la mémoire de la
translation de ses reliques, le i3 octobre. C'est ce que nous apprend la
notice insérée au « Recueil alphabétique des noms des saints les plus
singuliers que le chanoine de Montbrison, Jean-Marie de la Mure,
historiographe du Forez, a mis dans son Histoire ecclésiastique du
diocèse de Lyon, page 270. Edit. 1671 ».
Cum a pluribus Martyrum et Confessorum varia et tormentorum et
Passionum gênera litteris commendantur ; animus quôque noster in
partem soUicitudinis ingredi gestit, et monimentis tradere : quomodô bina
mundo fulgentia sydera, inclytus nempe Martyr Ragnebertus ; et egregius
Confessor Domitianus ad nos pervenerint, locumque nostrum et Gentem
suis corporibus nobilitaverint. Et quàmvis eorum mérita, et miraculorum
quae opcrati sunt insignia, et multa, et pené infinita numerentur, aliqua
tantum attingimus ; ne cui aut onerosi.aut ingrati videamur. Nec aliquis
mirari débet, quod cum non satis Romano valeamus eloquio : tantam
aggrediamur materiam. Eam enim eo animo tradimus ; ut quis nobis
intellectu potior, et eloquentiâ major : Arnobius sivis Rhetor aut
Hçrodotus facundiâ suâ et urbanitate stores de tribulis et rosas de
396 PIÈCES JUSTIFICATIVES
spînis eligens; Translationem Sanctorum prsfatorum, quant nos stilo
admodùm rudi, et incondito damus : nectareâ dulcedine împosteros
traducat.
Beatissimus Ragnebertus ex prsecelso Francorum génère ortus (i) :
Ragdeberti nobillissimi Ducis : ssculi dignitatem filius extitît. Qui
scîlicet inter amnis Sequanse atque Ligeris confînia plures Provîncias
strenue suis rexit temporibus. Qui Athleta Christi ssculo nobillîssimus :
sed fide nobilior : Scholastico ac Dominico educatus est dogmate...
Cumque ab ineunte setate prudenter officia ssculi gereret : ut post
modum in fide claruit : diligebet attentius Deum. Studebat enim in
cunctis actibus suis : sic transire per temporalia commoda : ut pervenire
quandoque ad gaudia mereretur sterna.)In diebus illis Ebroïnus nomine :
Deo et Sanctis ejus contrarius.
Qui ex infimo génère ortus : majoris domûs honore, a Rege fuerat
sublimatus. Cumque ad hoc plures ex Francorum nobilioribus dolere
contra se cerneret, callide cunctorum factiones prœveniens : pertinaciter
versutiis suis omnes revincebat. Igitur ipse impiissimus Ebroinus, jam
dicto Dei famulo Ragneberto imputare studuit ; quod consilium cum
duobus Palatii Proceribus habuisset initum : ut ipsum Ebroinum absquc
decreto Régis conaretur occidere.
Postquam Clodovaeus (i) Francorum Rex nefario ausu brachium
Sancti Dionysii Martyris amputavit ; tanquam his fatis fortuna eorum
occubuisset : omnia in pejus Francis sublapsasunt. Ita ut regalis dignitas
ad Proceres devenerit penès quos erat fortuna rerum : atque adeô in
aulam regiam dominabantur. Erat inter eos. EbroVnus, cujus prxter
caeteros est nobilitata crudelitas. Is disjectis sociis ; adeô omnia potuit :
ut Theodorici Régis nomine ipse regnaret.
(i) Ex Andréa Sausaio, Guichenon et Andréa Duchiske, vol. i, Hist.
Martyrolog. gallicanum, Andréa du Saussai, 2 vol. in-fol., 1673.
Hist, de Bresse et du Bugey, par Samuel Guichenon, 3 vol. in-fol., 1664.
(1) Voici, d'après les anciens chroniqueurs^ l'explication de ce fait historique :
« Une fois vint en l'église de Saint-Denis, ainsi comme mauvaise fortune le menait,
pour déprier les saints martyrs. Et pour ce que il voulait avoir aucune alliance d'eux tout
adès avec soi, il commanda que les chflsses des martyrs fussent atteintes ; après les fit
ouvrir et disjoindre par folle présomption le vessel en quoi le précieux corps saint repose,
moins religieusement le regarda que il ne dut. Jaçoit ce que il fit par dévotion, si lui
ne suffit pas le regarder tant seulement : ains brisa l'os de l'un des bras et le ravit. Et
le martyr montra bien tantôt que il ne lui plaisait pas dont son corps était ainsi traité :
car le roi fut tantôt si espoenté et si ébahi que il chaït en frénésie et perdit son sens et sa
mémoire en cette heure même ; tantôt fut le moustier rempli de ténèbres et d'obscurité ;
une peur si grande prit soudainement à tous ceux qui là étaient que ils se mirent à la fuite.
Le roi donna puis aucunes villes an martyr pour l'apaiser : et pour ce que il recouvrit son
PIÈCES JUSTIFICATIVES 897
Sed Franci Theodoricum, quod tyrannicè regeret, e regno expulerunt ;
et Ebroïnum propter nequitiam et versutias : Monasterium ingredi
coêgerunt. Qui factus Apostata et spiritu mendacii seductus ; qui eum
duos et viginti totos annos victurum asserebat : monasterio egressus ;
in fidèles debacchari ; Proceres dignitatibus privare ; et eorum quos
nequitiae suas adversarios arbitrabatur : vel bona publicare ; vel ils aqua
et igni interdicere : Alii [quod Apostolus de fidelibus nascentis Ecclesis
dizit] ; distenti sunt : alii verô ludibria et verbcra experti ; in super et
vincula et carceres : secti sunt tentati sunt ; in occisione gladii mortui
sunt. Hac autem persecutionis sseviente procellâ ; Ebroïnus Sanctum
Ragnebertum Ragdeberti inclyti Ducis filium : ut pote Christianum
perimere jussit. Cum autem in dies magis ac magis saeviret nequissimus
ille ; justo Dei judicio : ab Hermanfredo milite, turpissimâ morte inter-
ficitur. Ut de ejus modi peccatoribus pfascinit regius vates : Mors
peccatorum pessima ; morteque secundâ damnatus ; sternis ignibus
mancipatur : Ut de ejus interitu narrât historia.
Tune temporis unus ex illis quibus Ebroïnus oculos effoderat, in
insulâ Lugdunensis Provintise^ quse a Sancta Barbara nomen accepit :
diversabatur. Qui cum nocte intempestâ ad ripam Sagonse fluminis,
orandi gratiâ se recepisset ; audivit navigantium impetum vi brachioVum ;
remis crebriùs actio illius fluminis superantium tarditatem. Cumque
interrogaret, quô navigium illud properaret; vox in auribus ejus ista
percrebuit. Ebroïnus est quem ad inferos deferimus ; in quibus scelerum
pœnas in sternum luet. Haec confessor ille Christi accepit in consolatio-
nem propriam; et ut intelligeret quse pœnœ honorum persecutores
expectent : atque adeô ut impleretur illud Psalmists vaticinium ; Laetabitur
justus : cum viderit vindictam. Miles autem qui Dei, ettotius Religionis
confecerat hostem Ebroïnum; ad Pipinum fiigiens : mortis evasit
periculum. Pipinus ille filius erat Anchisae principis romani ; et Pater
sens et sa mémoire, l'os que il avait follement deseuré du corps fit yètir et orner d'or pur
et de pierres précieuses, et le fit remettre en la châsse avec le corps. Pour cette raison
peut-on prouver que le corps du glorieux martyr git laiens entièrement ; quand il ne put
oncqucs souffrir que un petit osselet fut ôté de son bras ni démembré de son corps. Le roi
toutefois recouvra son sens en partie, mais non entièrement ni en tel point comme il l'eut
devant eu ; si ne vécut pas puis moult longuement ; car il trépassa au chef de deux ans
après ce qui lui fut advenu (656.) t
{Gestes de Dagobert, 5i. — Chroniques de Saint-Denis, v. 32.)
B. Zeller. Rois fainéants et Maires du Palais, p. 81, 83.
•
Un auteur anonyme complète, ainsi qu'il suit, le souvenir de cette profanation et le soin
que prit le roi pour la réparer.
« Clovis» pour nourrir les pauvres, avoit enlevé de Téglise de Saint-Denis les lames d'or
et d'argent qui couvroient les tombeaux de saint Denis et de ses compagnons; ce prince,
dans une assemblée d'évôques, obtint en dédommagement, pour cette abbaye, une exemption
de toute juridiction, laquelle fiit confirmée par Landeric> évèque de Paris. »
Nouvel Abrégé chronologique de VHistoire de France, Paris, 1744.
398 PIÈCES JUSTIFICATIVES
Caroli Martelli : Carolus Martellus genuit Pipînum patrem Caroli
Magni Imperatoris Augustisstmi. Hase de Regihus et Principibus
praelibata ; ut quivis intelligat quo tempore, et quo Principe imperante :
fortissimus Christi Athleta Ragnebkrtus, occubuerit. Jam ut G>rpus ejus
ad nos sit translatum, explicemus.
Cum igitur, impio Principe Ebroîno jubente, Christi Martyr Ragnebertus
in Burgundia Martyrium consummasset ; et inibî non medico temporis
intervallo, celebratâ passione quievisset : cuidam ex clientibus suis inter
somnum apparuit; insinuavitque se inde velle transferri : et in solum
Lugdunense transportari. Qui tantâ visione perterritus ; summo mane ad
sepulcrum Martyris advenit : invocatoque sancti Martyris nomine, in
haec verba est precatus : Sanctissime Dei dilecte; si quam habui proximé
praeteritfi noctevisionem, a*te est : ne cuncteris eamdem iterare. Exacto
die, cum se somno dedisset ; astitit Martyr in veste sanguine rubricatâ
dicens : quare dubitando récusas me de loco isto removere i quare non
obtempéras sermonibus meis ? qui confurgens diluculo, ad sepulchrum
Martyris secundo perrexit : et in arenam procumbens, gratias egit Deo et
sancto Ragneberto, quôd iterum de eadem re monitus esset : rogaïque
ut quod secundo revelare sunt dignati, idem nuntiare tertio minime
deprécentur. Quod si faxint oppido abjecta omni fordimine ; provinciam
sibi demandatam exequeretur Deo duce et adjuvante; qui perprophetam
ait : Ne for m ides a facie eorum ; quia tecum ego sum ut eruam te : dicit
Dominus.
Tertio itaque die, qui, quoniam deo dicatus, Dominicus dicebatur :
antequam dies terris illus cesceret : cœpit intra semetipsum cogitare ; si
tertio haec mihi appareat visio quam habui : incunctanter viam aggre-
dior Domino annuente quo tendere debeam.Vix ea fatus ; ecce sibi sanctus
Ragnebertus dicens : surge velociter ; et concito gradu, perge ad*locum
quem tibi Dominus manifestabit : eôque corporis mei qus repereris ossa ;
cum Reliquiis Sancti Domitiani infer nimirum ultra flumen Ligerim :
ad Sancti Andreœ Monasterium, in Comitatum Forensem. Quibus ille
auditis ; supra modum gaudens quod tertio diligenter de omnibus esset
per virum dei admonitus : nocte proximâ sequenti, dum quietum silen-
tium tenerent omnia ; et nox in suo cursu médium iter haberet : animo
perturbatus accessit ad sanctum gloriosi Martyris sepulcrum ; et adorato
numine : in haec verba est deprecatus. Domine Jesu Christe ; totius
bonitatis et amator et auctor : qui Lazarum quatriduanum de monu-
mento excitasti ; qui sepulchrum tuum gloriosum. victor resurgens
aperuisti ; aperi et mihi sepulchrum Sanctorum tuorum, non meis sed
eorum meritis : quô facilius valeam eorum corpora ad locum eis per te
Dominum meum Salvatorem prseparatum déferre. Extemplô lapidem
ab ostio monumenti vidit revolutum. Exhorruit ; mox tarde accedens :
stupore, ut solct, dilabente , injecta manu ausus est corpora utriusque
sumere : eaque in sarcinulis, quas ad id negotii paraverat, reponere.
PIECES JUSTIFICATIVES 3gC)
O Cum autem pervenisset ad clivum oppidi, quod vulgô Izeron vocitatur ;
atque ex itinere fatigatus, secus viam ad umbram albae spinae conse-
disset : Venatores Gillini Comitis inibii commorantis, canibus de scntibus
excussum leporem agebant; qui ad sacra pignora accedens, periculum
velut despiciens : juxta ea mansit intrepidus. Canes verô de longé
belluam pertinaci latratu adigentes, non audebant propiùs accedere. Fer-
territi Venatores qusrebant invicem; quid est hoc? aut quis unquàm
talia vidit ? renuntiemus Domino nostro Comiti mira quœ nostris obtu-
tibus geruntur ; hoc est divino nutu factum : ut post modum innotescet.
Accedunt ; narrant factum ; miratus cornes ; ac rei novitate percussus
surgit : ad locum properat, experturus an vera narrarentur. Appropians
videt Sacrarum Gestatorem Reliquiarum.quasdonec tantillùm reficeretur
deposuerat : et non procul jacentem leporem. Perturbatus animo cornes :
sic hominem compellat. Qui es tu ? quo tendis ? quid tandem in sarci-
nulis tuis defers ? Qui sim ; quô pergam ; quid deferam ; paucis excipe.
Servus Dei sum ; et sanctissimi Martyris Ragneberti; cujus corpus, et
sancti confessons Domitiani, in Comitatum Forensem trans fluvium
Ligerim ad Sancti Andreee Monasterium, ipso volente et prscipiente
asporto.
lO Haec ut audivit Comes ; gavisus est gaudio magno valde : erat enim
praefati Monasterii Pater, quem temporalem vocant. Mane hic tantisper,
ait, iste Cornes : dum vicinis adsociemur : et cum frequenti populo
solemni supplicatione pariter gradiamur Nec mora; misit qui monerent
Monasterii Rectores, et Ecclesiarum quas sunt ultra Ligerim : ut cum
ornatu obviam Sanctorum Reliquiis, ad littus fluminis procédèrent. Mox
lepore sibi relicto ; Clerum et populum proximum per suos advocat :
qui cum audierunt taies Margaritas eô pervenisse ; catervatim ruunt,
cernere cupientes mira quse geruntur; vel corporis sanitatem recuperare.
Congregati in unum : profîcîscuntur ad Ligerim, Jàmque in utrâque
ripa : populus penè innumerus stab&t orans. Res mira ; et scitu digna :
virtus Dei admiranda. Vix accesserunt ad aquas cum populo sacro-sanctae
Reliquiae ; cum divisas aquae stetcrunt quasi pro muro a dextris et a
sinistris * velut Jordanis quando conversus est retrorsùm; vel Mare
rubrum ; quando Filii Israél sicco vestigio per illud transierunt ; et
impletum est illud Psalmitas : In Flumine per transibunt pede ; et rursùs
quod alibi Scriptura dicit : stetit unda fluens.
i 1 Nec illud praetereundum existimamus quod Dominus etiam perservos
suos est operatus. Cum enini populus siccisvestigiis cum Sanctorum Reli-
quiis fluvium per transisset ; nec aliquis de tanta multitudine super esset :
Ligeris tamen divisus permansit. Quare obstupefactus comes ; jussit
quempiam in arborem proximam et excelsam conscendere : ut experi-
retur nùm Divina pietas aliquod adhuc prodigium dignaretur ostendere,
propter quod fluvius etiamnum iluere cessaret. Dictum, factum ; juvenis
conscensa arbore oculorum aciero longius protendens : vidit vetulam
400 PIECES JUSTIFICATIVES
quamdam claudicantem appropinquare . Astantibus itaquè clamât ;
video quamdam mulierem trîpodem : gradu admodum tardo ad nos
venientem.
tSS His auditis Cornes et caetera turba ; întellexerunt hoc divinitiis esse
prasstitutum : et ut ea quas Sanctorum Reliquias intimo prosequebatur
ardore ; per eumdem siccitatis callem : per quem caetera turba transire
mereretur. Expectant igitur venientem ; et médium fiumen ingressa :
statim ut adversam ripam superavit ; cœpit de more Ligeris praecipiti
lapsu fluere : populus autem circumstans prae gaudio lacrymas mittere ;
partim vota nuncupare ; partim gratias quam maximas : Deo et Sanctis
referre. Mox longa pompa in hymnis et canticis spiritualîbus psallentes ;
ad Sancti Andréas Monasterium procedunt : ubi honorifice sunt condicae
Sanctorum Ragneberti et Domitiani Reliquae. Temporis lapsu Urbs a
Sancto Ragneberto] nomen accepit. In quam conveniunt ex omni loco
infirmi ; sibi numen per Athletam Christi fortissimum propitiaturi : et
nullus ad hanc usque diem indonatus abivit (i).
N" 3
bU
CHEMIN DE SAINT CÔME (chapelle)
AU GARAYT DE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
ANNÉE 1424
Honnête homme Jean Bicieu, clerc de Saint- Rambert, après avoir
choisi sa sépulture dans le cimetierre de Saint-Rambert fait dans son
testament, daté du mardi 11 mai 1424, plusieurs legs pieux et fonde;
incorpore, une chapelle dans la grande église Saint-Rambert en la dotant
d'une rente annuelle de six francs de bonne monnaie lesquels six
francs il veut que Ton prenne i^ sur un pré sien, appelé pré Rambaut,
(i) Noas avons respecté Torthographe de cette légende, qui est l'orthographe de l'ancien
Bréviaire manuscrit.
PIECES JUSTIFICATIVES 40I
situé vers Cossanges, près du chemin qui va de Péglise Saint-Côme au
Garant de Saint-Rambert^ et proche du bief des moulins de Saint-
Ramberty à l'orient. ~ i* « Super quodam prato suo vocato pratum
Rambaut, sito versus Cossanges, juxtà iter quô itur ab ecclesid Sancti
Cosme^ apud Gareytum Sancti Ragneberti, et juxta alveum molendi-
norum Sancti Ragneberti^ ex oriente. »
Inventaires sommaires des Archives départementales, antérieures
à 17 go. Tome II, par Aug. Chaveronoisk.
K 3
ter
A propos du martyre de saint Rambert, sur les bords du torrent de
Bébron, en Bugey, la tradition locale a gardé le souvenir d'une bien
naïve légende :
« A peine le chef du martyr Rambert eut-il é\é tranché par Tépée des
farouches valets d'EbroTn, qu'il roula dans les eaux du Bébron. Entraîné
par les fiots rapides du torrent, ce chef sacré arriva dans TAlbarine qui
le porta dans la rivière d'Ain, dont les eaux vont se jeter au Rhône.
Ainsi, la tête du martyr charriée par le fleuve jusqu'au lieu où s'élève
actuellementfla petite ville de Saint-Rambert-d'Albon,aurait été recueillie
par des mains pieuses et serait devenue l'objet d'une grande vénération.
D'où la petite ville aurait pris le nom de l'illustre martyr. » (i).
Pour nous, plein de respect pour cette légende, nous aimons mieux
croire, avec le texte du Bréviaire et avec les Bollandistes, que saint
Rambert a été percé d'une lance.
(1) Notes obligeamment communiquées par M. l'abbé Vivet, curé-archiprétrc de Saint-
Rambert-en-Bugey.
• I
a6
402 PIECES JUSTIFICATIVES
N" A
EXTRAIT DES BOLLANDISTES
NOTES POUR SERVIR AUX CHAPITRES III bt IV
Auctor Martyrologii Gallicani Andréas Saussaius, pagina 1247 sub-
)unxit aliqua nomina sanctorum, ex vetustissimo Martyrologio manus-
cripto monasterii Patmim Benedictinorum S. Sabini sîve Savini in
Levitaniâ, in montibus Pyrenaeis in agro Tarbiensi, abhinc circiter
quadringentis annis exarato in pergameno. In hoc ad diem xiii Junii sic
legi ait : In territorio civitatis Lugdunensis, natale sanctî Ragneberti,
eu jus mortem in cônspectu Domini pretiosam miracula crebra testantur.
Habemus Breviarii Lugdunensis, ad Tridentini formam cudendi pariter
et recitandi Kalendariuro, et vitassanctorum, auctore Magistro Stephano
de Vernay Presbytero Lugdunensi, cum approbatione Domini Chau-
mont, Doctoris Sacras Theologis et Canonici Ecclesia& Collegiatae sancti
Justi in urbe Lugdunensi. Ibi ad diem eumdem xiii junli, pro festo
sancti Ragneberti martyris, ponitur hoc elogium : c Ragnebertus, alto
Francorum génère ortus, patrem habuit Radbertum Ducem, qui com-
plures inter Ligeris ac Sequanae confinia provincias strenué admodùm
suis rexit temporibus. Hic ab ineunte œtate prudenter gerens officia
hujus sasculi, propter eam quam habebat in Deum summè dilectum
fidem prscipuam, studebat in cunctis actibus suis itâ transire per corn-
moda temporalia, ut pervenire quandôque mereretur ad «terna gaudia
promissa. Quœ et tenuit tenetque ab bac die, mucrone lances transfixus ;
post multas persecutiones, opéra jussuque Ebroïni, Majorisdomus Theo-
derici, qui factus est Rex Francorum loco fratris Childerici anno Christi
DCLxxvii. Locus in quo talem mortem, pro justitiae cultu injuste sustinuit
ab impio Tyranno, Dei et Sanctorum hoste, atque Francorum nobilitatis
cruento extirpatore, Bredone olim dictus, in Lugdunensium finibus
ad montana Jurae positus, divinae glorificationis coruscationibus
PIÈCES JUSTIFICATIVES 4o3
illustratus est. Nam ad sancti tumulum appensœ lampades, oleum,
quod lumen fovebat perenne, sine humano admîniculo produce-
bant (i). »
Locus dupiez nomîne sancti Ragneherti celebris est. Apud Segusianos,
nunc Forenses appellatos, eosque Superiores, occurit divi Ragneberti
Prioratus Ordinis Bénédictin! , qui parùm abest à ripa fluminis Ligeris ;
in quo pontem lapideum majores fieri curarunt, indè vulgô le pont de
Saint'Ramhert nominatum, et est in Archipresbyteratu Monbrissoniensi.
Alius locus Sancti Ragneberti est in Bugesiâ ditione Bress ad fluyio-
lum Albarinam, ad magnam illam viam quâ itur Burgo Bellicum, inter
altos montes Jurenses. Dicitur autem tàm parochia sive oppidum quàm
Abbatia sancti Ragneberti in Archipresbyteratu Ambroniacensi esse, in
registro beneficiorum diœcesis Lugdunensis. Claudius Castellanus in
suo Vocabul. Hagiolog. addit quod sub illius nomine yaris reperiantur
ecclesiae, etiam in Delfinatu, et in territorio Vallis Romensis, vulgô
Valromc^.
Acta Martyrii habemus yaria; perfectissima sunt; quse ex Breviario
dictas Abbatis sancti Ragneberti extracta, edidit Samuel Guichenon in
Historiâ Bressianâ et Bugesianâ, parte quartâ in probationibus pag. 282 (2).
Proximè «ccedunt quse nobis à Joanne Ferrando Societatis Jesu
Lugduno sùbmissaannoMDCXLixsunty ut à Domino Laboureur Prœposito
Insulse Barbarse suppeditata. In hisce deest Prologus et Epilogus, et
hujus loco nonnula de Bb'roïni malitiâ, obitu et damnatione referuntur*
quœ judicamus omittenda. Tertio loco possunt censeri, quae bis nobis
fuerunt submissa ex Ms. eodem Nicolai Fabri : hsc autem ferè eadem
dxstantysed sub finem mutila^tomo primo Scriptorum Historis Francorum
ab Andrae du Chesne, pag. 625 édita ex Ms. Codice Claudii Oormieux
Atrebatensis, viri mihi optimè noti cum isinsulis degeret. Apud Andraem
du Chesne margini adscripts leguntur Idus Julii^ cum esset impri-
mendum Idus Junii jfacïli errore, et jàm ssepiùs à nobis deprehenso: ob
quem tamen Saussaius in CoroUario ad Martyrologium Gallicanum,
ad Idus Julii seu xv diem, aliquod elogium S. Ragneberti protulit, ad
Idus Junii sive xiii diem reducendum.
Memoratus ante Guichenon, in Continuatione partis secunds Historis
pag. 97, latè describit opidum sancti Ragneberti Jurensis, vulgô saint
Rambert de Joux, ubi asserit, sanctum Ragnebertum martyrium
coronatum, sepulturs traditum, et ad ecclesiam sancti Domitiani trans-
latum, ibidem crebris clarum miraculis hactenùs quievisse ; non autem
in Prioratu sancti Ragneberti apud Forenses sacrum ejus corpus cum
corpore sancti Domitiani asservari.
(i) lo seqaeotibut Breviaiii Lugdanensis editionibus, acta sancti Ragneberti in brcTior
formfl reperiuntur.
(3) Vide taprà, pag. 33.
404 PIECES JUSTIFICATIVES
Accrevit monasterio adjuncto summus splendor ex solis ut vîdetur,
miraculis sancti Ragneberti eu jus monasterii Abbates quatuor et
triginta numerat Guichenon. Seztus eorum Humbertus impetravit
Bullam à Celestino Papa m, signatam anno mcxci, quâ privilégia
omnia confirmantur : ubi ille ait, se loca monasterti subjecta
propriis duxisse ezprîmenda vocabulîs ; silicet locum in quo dictum
monasterium situm est, cum omnibus pertinentiis suis et cum burgo
adjacenti; cellam de Chamon, ecclesiam sancti Michaelis de monte
Andrico, ecclesiam sancti Pétri de Villari - Cayerio , cum omnibus
appenditiis earum, Cellam de Villars- Sales, ecclesiam sancti Julîani
de Monte -majori cum omnibus appenditiis earum, Cellam sancti
Marise de Graneriis, et ecclesiam sancti Pétri de Sauciaco, ecclesiam
sancti Pétri de Asperomonte, ecclesiam sancti Baldulfi, ecclesiam de
Munasco cum appenditiis earum, cellam sanctœ Maris de Lucey,
ecclesiam sanctse Marias de Janua, ecclesiam de Luziaco, ecclesiam
sancti Desiderii, ecclesiam de Champanieu cum appenditiis earum,
ecclesiam sancti Pétri de Benoncia, ecclesiam sancti Andréas de
Tenayo, ecclesiam sancti Mauricii de Argit, ecclesiam sancti Martini
de Vangiis, ecclesiam sancti Laurentii de Onciaco, ecclesiam sancti
Pétri de Aranda, Cellam sancti Michaelis de Rupe, ecclesiam sancti
Mauricii de Langiis, ecclesiam sancti Hilarii de Turciaco, ecclesiam
sancti Martini de Clesieu, ecclesiam sancti Martini de Varey, ecclesiam
sancti Mauricii de Ambutriaco, ecclesiam sancti Mauricii de Meyri,
ecclesiam sancti Andréas de Rigniaco, Cellam sancti Pétri de Vilieu,
ecclesiam sanctae Maris de Hospitalari, capellam sanctae Magdalenas
de Loyes, Cellam sancti Christophori de Burgo, Cellam sancti
Vincentii de Faramans, ecclesiam sancti Martini de Stingiaco cum
appenditiis earum.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 405
K 5
PROCÈS-VERBAL
DE LA RECONNAISSANCE DES RELIQUES DE SAINT RAMBERT
FAITE LE 10 JUIN 1 768
PAR DOM GODARD, VISITEUR DE l'oRDRE DE CLUNY
A SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE V
L'an 1763 et le dixième jour du mois de juin, sur les onze heures
avant midi, en l'église de l'abbaye royale de St-Rambert en Bugey,
diocèse de Lyon, ordre de Cluny, ancienne Observance, du pontificat
de notre saint père le Pape Clément xiii, du règne de Louis xv,
surnommé le Bien- Aimé, roi de France et de Navarre; en présence des
notaires royaux de la ville de Saint- Rambert en Bugey, diocèse susdit,
généralité de Bourgogne, élection de Belley, soussigné, dom Bernard
Godard, prieur claustral de St- Vincent en Bourgogne, titulaire de celui
d'Alais en Dauphiné, visiteur du susdit ordre de Cluny, pour la pro-
vince de Lyon, étant dans le cours et exercice de sa visite régulière en
ladite abbaye de Saint-Rambert, du même ordre de l'ancienne Obser-
vance, a procédé à l'ouverture d'une châsse ou reliquairej contenant les
ossemens et reliques de saint Rambert, martyr, renfermés dans quatre
paquets, enveloppés chacun d'une étoffe de soie, dans l'un desquels sont
les deux os du coxis, deux fémurs dont la tête de l'un est séparée de
l'apofise, un péroné, un cubitus et Tapoiise ci-desssus ; dans l'autre, des
portions de clavicules, de fausses côtes, de l'épine du dos, un crâne et
d'autres petits ossemens mis en pièces ; dans un troisième paquet sont
renfermés plusieurs fragmens d*os que l'on ne peut distinguer à cause de
leur petitesse ; le quatrième contient de la terre dans laquelle on croit que
406 PIÈCES JUSTIFICATIVES
le saint fut autrefois inhumé ; plus, dans une petite boîte de fer-blanc, sont
contenues de petites particules de reliques, trouvées dans le tombeau de
l'autel qui était ci-devant à la sacristie, et que feu dom Carron, grand
prieur, avait certifié être de saint Rambert et de saint Domitian ; dans
cette châsse a été trouvée encore une petite portion de reliques qui avaient
été tirées du tombeau de l'autel de Notre-Dame de Pitié de ladite abbaye,
et que feu M. Barron, curé de Saint- Rambert, avait certifié être des mêmes
saints ; enfin, dans ledit reliquaire était un procés-verbal de la translation
faite de toutes les reliques ci-dessus, d'une ancienne châsse, dans celle
dont il fait actuellement la visite, en date du lo juin 1689, et signé par
dom Paturel, grand-prieur ; Buynand, chamarier ; Delaforest, sacristain ;
Trocu, aumônier; Michon, chantre ; Caron, ouvrier ; Guichard,cellérier,
et Vérot, réfectorier ; lesquelles parties de reliques ont été nommées par
M. Grumet, docteur en médecine, demeurant à Ambérieu, invité à se
trouver pour ce faire, ainsi qu'il l'a afHrmé et rapporté ; ayant bien consi-
déré tous lesdits os, à mesure que mondit sieur le visiteur les tirait dudit
reliquaire ; et sur ce qui a été représenté à mondit sieur le visiteur, que
ce reliquaire tombait de vétusté et était vermoulu, et que dom Jean-
Baptiste Pellard, religieux, prêtre réfectorier de ladite abbaye, avait eu
la dévotion d'en faire faire un autre en sculpture, et doré surtout à l'exté-
rieur, avec des palmes en sautoir et des guirlandes aux quatre faces et
relevées en bosses, surmonté d'une couronne royale peinte en rouge et
verni en dedans ; ledit sieur visiteur, revêtu d'une aube et d'une étole
pardessus, avec toutes les cérémonies accoutumées, a mis dans cette nou-
velle châsse toutes lesdites reliques et le susdit procés-verbal, après avoir
enveloppé tous lesdits paquets de reliques dans une seule et même enve-
loppe, d'une étoffe de soie rayée et coupée par bandes bleues et jaunes,
qu'il a liée avec un ruban couleur rouge, sur lequel il a apposé le sceau
de ses armes en deux endroits.
Le tout fait en présence de dom François-Marin de la Levretière,
chamarier, grand-prieur de ladite abbaye, prieur titulaire de Benassan,
et premier syndic général du clergé de Bresse et du Bugey ; de dom
Philibert Rousset, ouvrier ; dudit Jean-Baptiste Balthasard Pellard ; de
dom François Moynat, cellérier, tous religieux de la même abbaye qui
ont aidé et assisté mondit sieur le visiteur dans la susdite cérémonie ; et
ledit grand prieur a de même apposé son cachet sur la susdite enveloppe,
aussi en deux endroits ; et après avoir mis dans ledit reliquaire un extrait
des présentes en due forme, signé de nous notaires, mondit sieur le visi-
teur l'a fermé à deux clés qu'il a remises auxdits grand-prieur et religieux^
pour être déposées dans les archives de ladite abbaye.
De tout quoi nous avons dressé le présent procès-vfrrbal dans l'église
de ladite abbaye, en présence de M. Jean-Louis Grumet, conseiller du
roi, maire de la ville de Saint-Rambert, conseiller au conseil de la pro-
vince du Bugey, juge-mage au siège de Saint-Rambert et des terres
d'icelle abbaye ; de messire Etienne Girandon, prêtre, curé de Sâint-
Rambert j de messire Antoine Pellier, son vicaire ; de messire Antoine
PIECES JUSTIFICATIVES 407
Chapuy, clerc tonsuré de Saint-Rambert ; de messîre Jean- Louis Reverdy
d'Argentiére, de messire Bourdin, demeurant audit Saint-Rambert, qui
ont tous signé avec les ci-devant dénommés :
Godard, visiteur.
De la Levrbtièrb, grand-prieur.
RoussET, ouvrier.
Pellard, réfectorier.
MoYNAT, célerier.
GiRANDON, curé.
Pellier, vicaire.
Chapuy.
Grumet.
BocjRDiN aîné.
Grumet, maire.
Reverdy-d'Argentière.
Auger, notaire royal.
Barron, notaire royal.
Contrôlé à Saint-Rambert, le 10 juin 1763, fol. 58, case 3, reçu 12 sols
6 deniers.
Auger.
Expédition prise et collationnée sur les minutes de M* Barron, notaire
royal à Saint-Rambert, par nous, Louis-Joseph Falavier, notaire royal
h la résidence dudit Saint-Rambert, soussigné, nanti et propriétaire
desdites minutes.
A Saint-Rambert, le S février 1824.
Falavier, notaire.
4^8 PIÈCES JUSTIFICATIVES
N^ 6
DÉLIBÉRATION DU CONSEIL DE LA COMMUNE
QUI DEMANDE AUX RELIGIEUX
LA DONATION DE LA RELIQUE DE SAINT RAMBERT
SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY
14 JUILLET 1788
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE V
Du quatorze juillet mil sept cent quatre-vingt-huit; Jean-Louis
Grumet-de-Montpie, avocat au parlement, conseiller du roi, maire
perpétuel de la ville de Saint-Rambert, conseiller au conseil politique
de la province du Bugey; savoir faisons que, ceiourdliui quatorze
juillet mil sept cent quatre-vingt-huit, le conseil de l'Hôtel-de- Ville
de Saint-Rambert étant assemblé dans la grande salle dudit Hôtel-
de-Ville, sur la convocation que nous en avons faîte en la manière
accoutumée ; il a été représenté que la communauté des religieux
de Tabbaye de Saint-Rambert, va être incessamment dissoute; que
la relique de saint Rambert, patron de la paroisse, objet antique
de la vénération publique, existe de temps immémorial dans l'église
de cette abbaye, précieusement conservée par mesdits sieurs les
religieux ; que les habita ns désirent avec empressement sa trans-
lation dans l'égli&e paroissiale, ainsi que celle de saint Clair, et que
le moment où la dissolution va être consommée étant prochain, il
convient de prendre, sans délais, des mesures pour remplir, à cet
égard, le vœu général ; sur quoi il a été arrêté que M. Gaillard,
commis par M. de Saint-Julien à l'administration des biens et
droits de la communauté de ladite abbaye, sera prié de faire trans-
PIECES JUSTIFICATIVES 409
férer, avec les solennités convenables, la relique de saint Rambert
et celle de saint Clair dans la chapelle des Pénitens où se fait
le service paroissial, pour y être placées provisoirement, dans le
chœur, du côté de l'Evangile, ensuite transportées dans l'église
paroissiale lorsqu'elle sera en état, et déposées dans la chapelle de
saint Georges, qui touche au chœur de ladite église paroissiale,
avec une grille et un rideau ; à l'effet de quoi le sieur Combe, syndic,
est chargé de se transporter à ladite abbaye où il communiquera
à Messieurs les grand- prieur et religieux la présente délibération,
les priera de donner leur consentement à la translation, comme une
dernière marque de leur attachement pour la ville, et leur témoignera,
au surplus, combien les officiers municipaux et tous les habitans sont
touchés de la dissolution de leur abbaye, et sensibles à la perte d'une
maison si utile à la paroisse.
Ainsi fait et délibéré à Saint-Rambert, en la grande salle de THôtel-
de-Ville, les jour et an dits ci-dessus.
Falavibr-Marbschal.
AUGER.
Garin.
Combe, syndic.
JUVANON.
Grumet-oe-Montpie, maire.
Tenand, secrétaire.
41 0 PIECES JUSTIFICATIVES
W 7
PROCÈS-VERBAL
DE LA TRANSLATION DE LA RELIQUE DE SAINT RAMBERT
DE l'aBBATE DANS l'ÉGLISE PAROISSIALE
DE SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY
12 JUIN 1789
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE V
Du douze juin mil sept cent quatre-vingt-neuf.
Jean-Louis Grumet-de-Montpie^ avocat au parlement, conseiller du
roi, juge mage civil et criminel au siège de Saint- Rambert, premier
conseiller au conseil politique du Bugey ;
Le mercredi 10 de ce mois, Dom Niviére, procureur syndic de Tabbaye
de Saint-Ramberty député ad hoc du chapitre conventuel de ladite
abbaye, a notifié aux magistrats et à M. le curé de ladite ville, que
cejourd'hui, vendredi 1 2 juin 1 789, veille de la fête de Saint Rambert,
patron de ladite ville, entre six et sept heures du soir, MM. les grand-
prieur et religieux de ladite abbaye transporteraient processionnellement,
suivant l'usage, la relique de saint Rambert dans l'église du service
paroissial ; mais que, comme leur communauté conventuelle est au
moment d'être entièrement dissoute, en exécution de deux arrêts du
conseil, sur lesquels sont intervenus une bulle de notre saint Père le
Pape, et des lettres patentes déjà enregistrées en divers parlemens, ils se
proposent de laisser ladite relique dans l'église paroissiale de Saint-
Rambert, avec d'autres reliques qui existent, dès la plus haute antiquité^
dans ladite abbaye ; et comme ces monumens sacrés ont été, de temps
immémorial, un objet de la vénération publique, il a invité les magis-
PIECES JUSTIFICATIVES 4I I
trats et M. le curé à prendre les mesures qu'ils croiront convenables pour
que la translation et le dépôt soient faits avec les précautions et les
solennités que le cas exige. Sur quoi, ledit jour iz juin. 1789, entre six et
sept heures du soir, M. le curé, après 9*être concerté avec les magistrats,
a envoyé le clergé de son église à ladite abbaye pour accompagner lesdites
reliques dans leur translation, et les magistrats, précédés de U milice
bourgeoise sous les armes s'étant joints audit clergé, ils se sont tous
ensemble et en ordre de cérémonie/ transportés à ladite abbaye, oii étant
arrivés, ils ont été reçus à la porte de Téglise abbatiale par mesdits sieurs
les grand-prieur et religieux, et tout de suite la procession s'est mise en
marche, la milice bourgeoise en tête, tambour battant et drapeau déployé ;
le reliquaire doré où sont fermées les reliques de. saint Rambert, était
porté par deux pénitens, suivi du clergé de la paroisse, de mesdits sieurs
les grand-prieur et religieux et immédiatement après, des magistrats et
d'une foule de peuple.
La procession a pris sa marche par dessus tes Chênes^ et après avoir
traversé une partie de la ville, elle est arrivée à la porte de la chapelle
du Collège, où se fait le service paroissial pendant la reconstruction
de l'église matrice, et elle y a été reçue par- M. le curé. Après quoi,
étant entré dans ladite chapelle, le reliquaire a été déposé dans le
chœur, du côté de l'Evangife, et après les prières accoutumées, Dom
Moynat, grand prieur de ladite abbaye, en présence de MM. les
religieux, a déclaré à mondit sieur le curé et aux magistrats, qu'il
livrait ladite relique et le reliquaire, dont il entepdait que son chapitre
demeurât dès cet instant déchargé, et sur-le-champ il a présenté les
deux clés dudit reliquaire, lequel forme un grand coffre de bois,
sculpté et doré, relevé en bosses, orné de palmes en sautoir et de
guirlandes aux quatre faces, surmonté d'une couronne royale, et
fermant à deux clés. M. le curé en ayant fait l'ouverture, il s'est trouvé
dans l'intérieur qui est peint en rouge au vernis un paquet d'une étoffe
de soie fort vieille, rayée de bandes bleues et jaunes, lié ■ en croix
par des rubans de soie couleur rouge, cacheté sur les deux faces avec
deux cachets de cire rouge parfaitement sains et entiers, dont l'un
représente dans son champ un lion, et l'autre un pélican, et sous
ledit ruban, deux actes dont l'un est un procès -verbal, original du
dix juin rôSg, dressé par les grand-prieur et religieux de ladite abbaye,
capitulairement assemblés pour constater la translation des reliques
de saint Rambert dans un nouveau reliquaire, et le second est une
expédition en forme probante d'un autre procès-verbal du 10 juin 1763,
signé Auger et Baron, notaires royaux, dressé par Dom Bernard
Godard, prieur claustral de son vivant et visiteur de l'ordre de Cluny,
en présence des grand-prieur et religieux de ladite abbaye, contenant
la translation de la relique de saint Rambert dans le reliquaire actuel,
et son dépôt sous, l'enveloppe de soie ci-dessus décrite avec le ruban
et les cachets qui^ sont trouvés entiers et dans la même forme relatée
audit procès-verbnl.
412 PIECES JUSTIFICATIVES
Ensuite mondit sieur le grand-prieur a présenté et remis à mondit
sieur le curé et aux magistrats :
i« Un ostensoir de bois sculpté et doré, sous la glace duquel on voit
trois fragmens des ossemens de saint Clair, suivant l'inscription antique
qu'on lit sur iceux, lequel ostensoir est, ainsi que Ta déclaré mondit
sieur le grand-prieur, et de notoriété publique, exposé à la vénération
publique de temps immémorial, dans Téglise de ladite abbaye.
2* Un petit colfret recouvert de lames argentées, fermé simplement
par un ruban en ligature, dans lequel se sont trouvés quelques fragmens
d'os que mondit sieur le grand-prieur a dit être des reliques de saint
Roch, de saint Marc et de sainte Barbe, constatées par deux actes dont
Tun en parchemin -qui se sont aussi trouvés dans ledit coffret, mais que
nous n'avons pu lire, â cause de l'antiquité dé récriture et d'une lacune
considérable formée par un trou au milieu de l'un des deux ; lesquels
fragmens mondit sieur le grand-prieur a déclaré avoir été trouvés avec
l'authentique dans ladite abbaye, sous la pierre de l'autel de la chapelle
de St. Roch, lorsque cette chapelle fut démolie,
3* Ur bras et une main recouverts de lames d'argent, représentant,
suivant l'ancienne tradition, un bras et une main de saint Domitian,
premier fondateur de l'abbaye, dans l'intérieur desquels mondit sieur
le grand-prieur a dit être renfermés, suivant la même tradition, des
fragmens réels du bras et de la main de ce Saint.
4* Une crosse d'ivoire attachée à un bâton marqueté d'ivoire, deux
souliers, deux bas et un gant, le tout de damas bleu, brodé en or;
deux voiles, l'un en damas bleu brodé en or, l'autre de toile brodée en
fil, et deux grands peignes d'ivoire; tous lesquels effets mondit sieur le
grand-prieur a déclaré être conservés, de temps immémorial, dans
ladite abbaye comme ayant servi aux saints abbés d'icelle, même à saint
Domitian.
Mondit sieur le curé et les magistrats ont accepté la remise desdits
reliquaires, reliques et effets ci-dessus décrits. Le paquet de soie liée d'un
ruban rouge fermé par deux cachets qui contient les reliques de saint
Rambert, a été replacé, sans être ouvert, dans le reliquaire du Saint,
avec les deux procès-verbaux ci-dessus relatés qui y étaient joints, et un
double original du présent, et le petit coffret contenant les reliques de
saint Roch, de saint Clair et de sainte Barbe, et l'ancien authentique;
ledit reliquaire, après avoir été refermé, a été placé dans le chœur de
ladite chapelle du Collège, du côté de l'Evangile, en attendant qu'il y
ait été autrement pourvu, après le rétablissement de l'église paroissiale ;
et les deux clés dudit reliquaire sont restées entre les mains de
M. le curé; l'ostensoir contenant les reliques de saint Clair a été placé
sur l'autel, ainsi que le bras et la main de saint Do|uîian, et les autres
effets ci-dessus décrits, dans la sacristie.
PIÈCES JUSTrFICATIVES 4l3
La cérémonie étant achevée, mesdits sieurs les grand-prieur et
religieux ont présenté et remis à M. le Curé un ornement qu'ils ont dit
être un accessoire de la relique de saint Rambert, consistant en une
chasuble aurore, moirée d*or, galons d'argent; une chasuble et deux
dalmatiques en soie rouge à fleurs d'or, une chappe de satin rouge avec
les galons d'or. Lequel ornement ils ont déclaré avoir fait faire en
remplacement des sermons de carême et fêtes solennelles qu'ils
devaient à la paroisse et qu'ils n'avaient pu faire acquitter en nature :
M. l'abbé de St-Rambert consentant en ce qui le concerne, ainsi que
l'a déclaré Dom Niviére, son procureur fondé, à ce que le surplus du
prix, s'il y en a, profite à l'église paroissiale.
Le présent procès-verbal a été signé de mesdits sieurs les grand-prieur
et religieux, de M. le curé, des magistrats, de nous et du secrétaire
greffier de l'Hôtel-de- Ville, et rédigé en deux originaux, dont l'un déposé,
comme est dit ci-dessus, dans le reliquaire de St. Rambert, et l'autre
couché sur le registre de l'Hôtel-de- Ville, pour y avoir recours, et en
être délivré des expéditions à qui de droit, si besoin est.
A Saint- Rambert, le dit jour 12 juin 1789, dans la chapelle du
Collège.
Moynat, grand-prieur; Nivière, syndic; Reverdy, Debeney, curé;
Grumet-de-Montpie, maire, conseiller; Falavier-Mareschal, lieutenant
juge ; Jarrin, Juvanon, conseiller ; Juvanon, principal du Collège et
vicaire à St-Rambert ; Baillaz, Garin, Tenand, Dabreuil, vicaire ;
Bugniod, Auger, Bourdin, Tenand, secrétaire.
414 PIÈCES JUSTIFICATIVES
N^ 8
DÉCLARATION
DONNÉE PAR LES TROIS HABITANS DE SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY
QUI ONT SAUVÉ LA RELIQUE EN 1 792
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE V
Nous soussignés André Tenand, propriétaire; Philibert Thevenin,
instituteur, et Pierre Lyaudet^ marchand, demeurant à Saint- Rambert,
certifions avec serment à tous ceux qu'il appartiendra, que, dans la
révolution» lorsque les églises furent fermées et dépouillées, voulant
mettre les reliques de saint Rambert à l'abri de la profanation, nous nous
emparâmes de la châsse en bois doré que noas emportâmes secrètement
de l'église, nous en/îmes Touverture et en retirâmes un paquet, conte-
nant des ossemens renfermés dans une pièce de taffetas vert que nous
enterrâmes dans un lieu sûr et secret : dès que les églises furent rouvertes
et que l'exercice du culte fut libre, nous retirâmes ces reliques du lieu où
nous les avions cachées, et les rétablîmes dans la même chasse où elles
existent actuellement, et n'ont cessé depuis lors d'être exposées à la
vénération publique; en foi de quoi nous avons dressé le présent procès-
verbal, pour servir et valoir ce que de raison ; lequel a été signé de nous,
de M. Dupuy, curé de Saint-Rambert, et de M. Darnand, vicaire.
A St-Rambert, le i«' mai 181 3.
Dupuy, curé.
Darnand, vicaire.
André Tenand.
Philibert Thevenin, instituteur.
Pierre Lyaudet.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 4l5
W 9
ACTE
DE VÉRIFICATION, RECONNAISSANCE ET APPOSITION DE SCEAUX
AUX RELIQUES DE SAINT RAMBERT, MARTYR
FAITES A SAINT-RAMBERT, DÉPARTEMENT DE L*AIN, LE lO JUIN l8l3
PAR SON ALTESSE ÉMINENTISSIME LE CARDINAL FESCH
ARCHEVÊQUE DE LYON
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE V
Joseph, cardinal Fesch, archevêque de Lyon, primat des Gaules,
grand-aumônier de l'empire, etc., etc.
Dans le cours de notre visite pastorale, étant à Saint-Rambert,
département de l'Ain, le lo juin i8i3, M. Claude Dupuy, curé de cette
paroisse, nous a exhibé dans une chapelle de son église, à gauche, un
grand reliquaire en bois doré, qu'il nous a dit renfermer une portion
notable du corps de St. Rambert, martyr, et nous a prié de le recon-
naître, d'en faire la vérification et d'y apposer notre sceau ; à quoi nous
avons procédé comme il suit :
1^ Ouverture faite de la châsse par M. le curé, qui seul en a la clé,
nous avons trouvé un paquet d'ossemens gros et petit, renfermés dans
une étoffe en soie, couleur bleue ; plus, un autre paquet renfermant de
petits ossemens et de la terre qu'on nous a dit avoir été tirée du tombeau
de saint Rambert; plus, deux petits vases renfermantune terre imprégnée
de son sang; plus, un autre paquet de vieilles étoffes qui ont servi
autrefois d'enveloppe aux reliques du saint.
2« Lecture nous a été faite par M. le maire de St* Rambert, d'un procès-
verbal en due forme, qui constate que la châsse des reliques de saint
Rambert vénérées dans l'église abbatiale dudit Saint-Rambert, fut
authentique ment remise et transférée avant la révolution, à l'époque de
la suppression de ce monastère, dans l'église paroissiale dudit lieu, où
ces reliques furent aussi religieusement vénérées, jusqu'à l'époque de
la révolution.
4l6 PIÈCES JUSTIFICATIVES
Nous avons pris communication d'un autre procès-verbal, fait par des
commissaires nommés par nos vicaires-généraux, pour informer sur la
conservation des susdites reliques pendant les malheurs de la révolution ;
lequel procès-verbal constate, par la déposition de citoyens respectables
et dignes de foi, que les ossemens et autres objets, actuellement dans la
châsse, sont les mêmes qui avaient reposés jadis dans le monastère, et
qui avaient été conservés ensuite dans l'église paroissiale jusqu'à la
révolution.
Nous avons entendu, sur ce point, le rapport de M. le curé, de M. le
maire, de MM. les fabriciens, et autres habitants de Saint-Rambert, et
particulièrement de ceux qui les ont secrètement conservés pendant les
désastres, et les ont ensuite fidèlement remis dans la châsse ; tous lesquels
témoignages sont parfaitement conformes aux procès-verbaux précités;
3« Nous avons recueilli tous ces précieux objets en quatre paquets que
nous avons scellés, et les quatre paquets ont été remis en un, dans une
enveloppe de toile blanche marquée à notre nom, et que nous avons
aussi scellé et l'avons déposé dans ladite châsse de bois doré, ordonnant
qu'elle aura trois serrures et trois clés, dont une sera remise à M. le curé,
une à M. le maire et une à M. le trésorier de la fabrique.
4* Nous avons distrait un des grands os de ces reliques pour être déposé
dans le trésor des reliques de l'église primatiale, et qui serait rendu à
celle de St-Rambert si elle avait le malheur de perdre celles qu'elle
possède.
5» Nous ordonnons que la châsse, après avoir été réparée, sera placée
comme avant la révolution, sur l'autel de la chapelle dédiée à saint
Rambert, pour être vénérée des fidèles.
Ordonnons aussi à la fabrique de St-Rambert, de rétablir la croix en
pierre qui existait au lieu où la tradition porte que ce saint souffrit le
martyre.
Fait et donné à St-Rambert, département de l'Ain, les jours et an que
dessus.
J. card. Fesch.
DupuY, curé.
Darnand, vicaire.
Adrien Falavier, maire.
Chapuy, adjoint.
Victor Auger, juge de paix.
JuVANON, membre du conseil municipal.
Carron, officier.
Pierre Rat, fabricien.
C. F. Lancelot, fabricien.
Rambbrt Martblin, fabricien.
Tenaicd.
DUPOND.
PIECES JUSTIFICATIVES 417
N" 10
PROCÈS-VERBAL
DES
RECONNAISSANCE ET TRANSLATION DES RELIQUES DE SAINT RAMBERT
FAITES PAR MONSEIGNEUR DEVIE, ÉVÉQUE DE BELLEÏ
A SAINT-RAMBERT-EN-BUGEY
LE 14 AVRIL l833
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE V
Alexandre-Raymond Dévie, par la miséricorde divine, et la grâce du
Saint-Siège apostolique, évêque de Belley.
Le pasteur et les fidèles de la paroisse de St-Rambert, en notre
diocèse, nous ayant représenté que leur intention était de transférer
les reliques de saint Rambert, martyr, de la chapelle trop humide où
elles reposent depuis longtemps, dans une autre plus saine et qui vient
d'être réparée à cet effet; faisant droit à une demande si religieuse,
nous nous sommes rendu à Saint* Rambert, le 9 avril de Tannée
courante, accompagné de MM. Ruivet et Depery, chanoines de notre
cathédrale, et vicaires-généraux, pour procéder d'abord h la reconnais-
sance desdites reliques.
Nous nous sommes transporté à l'église paroissiale, assisté de ces
deux Messieurs; de M. Dupuy,' curé; de MM. Tournier et Reigner,
vicaires; de M. Valentin, prêtre de la congrégation de Saint-Sulpice;
de MM. Charles-Annibal Carron, Philippe Charlin, Pierre Rat, fabriciens.
M. le curé nous a conduits à la chapelle où reposent les reliques
de saint Rambert, en un reliquaire de bois doré; ledit reliquaire a été
descendu de dessus l'autel, et porté à la sacristie par MM. les vicaires
revêtus d'un rochet, et accompagné par les autres prêtres sus-mentionnés,
aussi revêtus de leur habit de chœur, et de MM. les fabriciens portant
des cierges allumés.
>7
41 8 PIÈCES JUSTIFICATIVES
M. le curé, alors, nous a exhibé divers procès-verbauX| constatant les
diverses reconnaissances des reliques, faites par l'autorité ecclésiastique
à différentes époques; le premier qui contient Thistorique de tout ce qui
s'est passé lors de la visite que fît, le lo juin 1763, dom Godard, visiteur
de l'ordre de Cluny, qui reconnut que le reliquaire contenait quatre
paquets enveloppés d'une étoffe de soie, dûment scellés : dans le premier
étaient renfermés les os du coxis; deux fémurs dont la tête de l'un
était séparée de l'apophyse, un péroné, un cubitus, et l'apophyse ci-
dessus mentionnée ; dans l'autre étaient des parties de clavicules, de
fausses côtes, de l'épine du dos et autres ossemens en pièces; dans le
troisième étaient encore plusieurs autres fragmens d'ossemens; le
quatrième contenait de la terre tirée du tombeau du saint martyr; plus,
une petite boîte de fer-blanc dans laquelle étaient des particules de
reliques de saint Rambert et de saint Domitian, trouvées dans le tombeau
d'un autel ; preuve, pour le dire en passant, que les reliques de saint
Rambert étaient autrefois en bien grande vénération, car on ne mettait
dans les autels que les reliques authentiques des saints dont le culte
était bien établi.
Dans ce même procès-verbal, dom Godard mentionne celui qui fut
dressé par dom Paturel, qui fit la reconnaissance de ces reliques, le
10 juin 1689.
Dans le second procès-verbal, qui est une déclaration faite sur serment
par les sieurs André Tenand, Philibert Thevenin et Pierre Lyaudet,
attestant qu'ils sauvèrent les reliques de saint Rambert, lors de la profa>
nation des églises en 17921 en les cachant dans la sacristie, et qu'ils les
retirèrent eux-mêmes de l'endroit où ils les avaient mises, pQur les
rendre à M. le curé, qui les rétablit en leur présence dans l'ancien
reliquaire qu'on avait conservé, et qui lut dès lors exposé à la vénération
des fidèles.
Le troisième, qui est le procès-verbal dressé par son éminence Mk** le
cardinal Fesch, archevêque de Lyon, lors de la reconnaissance qu'il
fit des reliques de saint Rambert, le 10 juin i8i3. Dans ce procès- verbal.
Son Eminence fait l'historique du sort des reliques de saint Rambert,
depuis l'époque où elles furent apportées de l'abbaye dans l'église de
St-Rambert, et relate les divers procès-verbaux dont nous venons de
faire mention. Cet acte de vérification porte en substance que la châsse
fut ouverte par M. le curé, en présence de M^' le cardinal, qui reconnut
qu'elle contenait plusieurs ossemens gros et petits, renfermés dans une
étoffe de soie bleue, plus un autre paquet renfermant de petits ossemens
et de la terre qu'on dit avoir été tirée du tombeau de saint Rambert,
deux petits vases en bois renfermant une terre imprégnée de sang, et
enfin, un paquet de vieilles étoffes qui avaient servi autrefois d'enveloppe
aux reliques du saint. Après cette vérification, Son Eminence déclare
qu'elle remit ces pieux objets dans quatre paquets qui furent scellés de
ses armes, que les quatre paquets furent réunis en un, dans une
enveloppe de toile marquée G. G. F., et que le paquet fut aussi scellé
PIECES JUSTIFICATIVES 4I9
au sceau de ses armes et déposé dans ladite châsse de bois doré, qui fut
fermée à trois clés : lesquelles clés furent remises, l'une à M. le curé;
la seconde à M. le maire; et la troisième au trésorier de la fabrique.
Ledit procès-verbal relate que Son Eminence emporta un grand os de
cette relique pour être déposé dans le trésor de la métropole, déclarant
qu'il serait rendu à la ville de St-Rambert, si jamais elle avait le malheur
de perdre les reliques qu'elle possède.
Après lecture de ce procès-verbal, nous avons fait ouvrir la châsse,
nous y avons trouvé un paquet plié d'un linge marqué G. C. F., lié
avec des rubans de soie rouge, scellé du sceau de son eminence M^'' le
cardinal Fesch. Les sceaux en cire rouge ont été reconnus intacts;
après quoi MM. Ruivet et Depéry, nos vicaires-généraux, ont défait
ledit paquet qui en contenait trois autres ; dans le premier, de soie, lié
avec des rubans de soie rouge et scellé, nous avons reconnu deux os du
coxis, deux fémurs dont la tête de Tun était séparée de l'apophyse, un
péroné, un cubitus et l'apophyse ci -dessus, des portions de clavicules,
de fausses côtes, de l'épine du dos et de plusieurs autres petits ossemens
mis en pièces.
Le second paquet, de soie bleue, dûment scellé, renfermait de la terre
imprégnée de sang; dans le troisième, enveloppé de soie blanche, lié
avec des cordons de soie de différentes couleurs, étaient renfermés
plusieurs lambeaux d'étoffes de soie qui avaient servi à envelopper jadis
le corps de saint Rambert. Nous avons reconnu également une petite
boite en bois, contenant de la terre imprégnée de sang, et un étui de
fer-blanc rongé par la rouille.
Vérification faite de ces précieuses reliques, nous avons reconnu
évidemment qu'elles sont les mêmes qui ont été constamment décrites
depuis plusieurs siècles, par les diverses autorités ecclésiastiques qui les
ont visitées. MM. Ruivet et Depery, nos assistans, ont procédé au
placement des reliques dans la châsse, après avoir toutefois distrait une
côte qui sera déposée dans le trésor de notre cathédrale. Tous les
ossemens précités, plus une côte rapportée par le sieur Lyaudet qui a
assuré avec serment qu'elle avait été distraite par son père lorsqu'il cacha
les reliques du saint, et qu'elle avait été conservée depuis lors avec
vénération dans sa famille; tous ces ossemens, disons-nous, ont été plies
avec du coton et mis dans une étoffe cramoisie, liés avec un ruban de
soie rouge, et scellés en cire avec notre sceau. Les étoffes de soie qui
avaient servi à envelopper jadis le corps de saint Rambert, ont été pliées
dans un taffetas blanc, scellé des mêmes armes. La terre dont il a été fait
mention plus haut, a été pliée dans un morceau de soie blanche, liée
avec un ruban rouge et scellée comme les autres. Ces trois paquets, la
petite boîte qui contient de la terre et Tétui en fer-blanc dont il a été
parlé ci-dessus, ont été tous ensemble enveloppés avec le linge de toile
marqué G. C. F., lettres initiales des noms et qualités de son eminence
Ms' le cardinal Fesch : lequel linge a été lié avec un cordon en soie bleue
et scellé soigneusement; enfin, pour dernière enveloppe, on amis un drap
420 PIECES JUSTIFICATIVES
de soie rouge, lié avec un ruban de soie bleue, scellé en sept endroits
avec notre sceau.
Cette cérémonie solennelle et le replacement des reliques dans la
châsse ont eu lieu en présence des ecclésiastiques et des fabriciens sus-
nommés.
Sur la pressante sollicitation de M. Dupuy, curé de St-Rambert, et de
MM. les fabriciens, nous nous sommes rendu de nouveau à St-Rambert
le 14 avril, dimanche de Quasimodo, accompagné de MM. Ruivet et
Depery, nos vicaires-généraux, afin de procéder à la translation des
reliques du saint martyr, dans la nouvelle chapelle qui lui a été préparée.
Nous avons fait porter solennellement en procession la châsse de saint
Rambert, au milieu d'un concours d'ecclésiastiques et de fidèles ; après
avoir parcouru toute la ville et être rentré dans l'église, la châsse a été
ouverte, nous y avons déposé un double de ce procès-verbal; elle a été
ensuite scellée à l'ouverture, et placée dans une niche au-dessus de
l'autel de la nouvelle chapelle de St-Rambert, dans la nef du côté de
l'Evangile. Un second double du procès-verbal a été remis à M. le curé
pour être conservé dans les archives de la fabriqué. Un troisième sera
déposé au secrétariat de notre évêché.
Fait à St-Rambert, le 14 avril i833.
f A.-R., Evêque de Belley.
Ruivet, vicaire-général.
DEPBRYy vicaire-général.
DupUY, curé de St-Rambert.
TouRNisR, vicaire de St-Rambert.
Rbignbr, vicaire de St-Rambert.
Valentin, prêtre de la congrégation de St-Sulpice.
DupUY, colonel en retr., chev. de la Légion d'Honneur.
Adrien Falavier, membre de la fabrique.
Charlin, membre de la fabrique.
C. Carron, membre de la fabrique.
Rat, membre de la fabrique.
Garin, membre de la fabrique.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 42 I
W 11
LETTRE
DE M. ANIER, CURE DE SAINT -RAMBERT- EN -FOREZ
A M. DEPÉRY, VICAIRE GENERAL DE BELLE Y
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE V
Saint-Rambcrl-sur-Loirc, le 8 mai i833.
Monsieur le vicaire-général,
D'après votre demande, je m'empresse de vous transmettre tous les
renseignemens que j'ai pu recueillir sur saint Rambert.
Il existe ici un vieux bréviaire dont se servaient MM. les chanoines
de notre chapitre, avant la Révolution de 1792; on y trouve une assez
longue légende qui contient l'histoire de la translation des reliques
du saint martyr, du monastère de Saint -Rambert- en -Bugey, au
prieuré de Saint-André-en-Forez. La fête de cette translation qui est la
fête patronale de ma paroisse, se célébrait et se célèbre encore le 3
octobre. Cette légende que j*ai l'honneur de vous envoyer, rapporte
des faits si extraordinaires, que je crois notre siècle incapable d'y ajouter
foi. Cependant ces mêmes faits sont mentionnés dans VHistoire ecclé-
siastique du diocèse de Lyon, par de la Mure. D'après cet auteur, le
corps de saint Rambert fut enterré dans un désert en Bugey, environ
l'an 680, dans l'endroit même où saint Domitian, 200 ans auparavant,
avait bâti son ermitage, et que c'est de laque les reliques du saint martyr
furent transportées au pays du Forez, du temps de Gillinus, comte dudit
pays, et de saint Gebuin, archevêque de Lyon, et qu'elles y donnèrent
le nom de saint Rambert à un célèbre prieuré qui auparavant portait
celui de saint André. De la Murb ajoute que, lors de la translation des
reliques, la Loire se partagea en deux pour laisser un passage libre à
422 PIECES JUSTIFfCATlVES
celui qui portait un si précieux dépôt. En mémoire de ce dernier miracle,
il était d'usage ici, et de temps immémorial, de faire chaque année une
procession presque jusque vers la Loire. Cette habitude s'est perdue
depuis la Révolution.
Il serait trop long de vous rapporter tous les miracles que le peuple
Forésien attribue à saint Rambert. Les malheurs des temps n'ont point
diminué la dévotion de mes paroissiens envers notre saint Patron. On
vient de très loin vénérer ses reliques.
D'après votre demande j'ai visité les nombreux procès-verbaux dressés
par divers évèques qui ont visité lesdites reliques. Ils ne disent rien de
plus que ce qui est rapporté dans la légende; quelques-uns nomqcient
les ossemens contenus dans la châsse, qui consistent en une partie de la
tète, quelques os gros et petits, et plusieurs parcelles du corps de saint
Domitian renfermées dans un petit sac. La tradition bien établie fait
croire que nous possédons une partie considérable des deux corps
saints, et que le reste est en Bugey.
J'ai l'honneur d'être avec une parfaite considération.
Monsieur le vicaire-général.
Votre très humble et très obéissant serviteur,
Anier, curé de Saint-Rambert-sur-Loire.
PIKCFS JUSTIFICATIVES 42 3
W 12
SUPPLIQUE
DK MONSriGNEUR AI^EXANDRE-RAYMOND DEVIE, ÉVÈQL'E DE BELLEY
AU PAPE GRÉGOIRE XVI
POUR OBTENIR DES INDULGENCES EN FAVEUR DES PERSONNES
QUI VONT VISITER LES RELIQUES DE SAINT RAMBERT
ET
RESCRir DU PAPE
FAISANT DROIT A CETTE DEMANDE
14 FÉVRIER 1834
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE V
Beatissime Pater,
Ad pedes Sanctitatisvestrse humiliterprovolutus episcopus Bellicensis,
cxponit ecclestam sancti Ragneberti martyris in provinciâ Bugesianâ
diaecesis suœ, in quâ asservantur reliquiœ sancti Ragneberti, turbâ
fi'ielium à longé accurente frequentari,diedeciniâ tertiâ mensis junii.
Quocircà ad augendam fidelium religionem, animarum salutem, et
ergh sanctum martyrem Ragnebertum venerationem fidelium, episcopus
orntor Sarictitatem vestram deprecatur :
I* Ut omnibus utriusque sexûs fidelibus veré pœnitentibus, confessis
et sacra communione refectis, qui ecclesiam sancti Ragneberti, die decimâ
tertiâ mensis junii, à primis vesperis usqué ad occasum solis hu)usce
diei, vel quâcumque die intrà octavam. devoté visitaverint, ibique pro
424 PIECES JUSTIFICATIVES
felitfi statu sanctœ matris ecclesise et juxta mentem Sanctitatis vestrae
oraverint et pias ad Deum preces effuderint,plenariain,etiàm applicabilem
per modum sufifragii, animabus in purgatorio detentis, et in perpetuùm
concedere dignetur indulgentiaro.
2* Indulgentiam quinquaginta dierum ab omnibus utriusque sexûs
fidelibus lucrandam, etiam animabus purgatorii applicabilem quoties-
cùmque reliquias sa.ncti RagnebertiyisitaverintetquinquièsPâ/erno^/er,
Ave Maria, cum Gloria Patri, recitaverint.
Et Deus.
RESCRIT DU PAPE FAISANT DROIT A CETTE DEMANDE
Ex audientiâ Sanctissimi :
Sanctissimus dominus noster Gregorius papa XVI, omnibus utriusque
sexûs Christi fidelibus, verepœnitentibus, confessis, sacrâquecommunione
refectiâ suprà enuntiatam ecclesiam, die decimâ tertiâ niensis junii, vel
septem diebus immédiate sequentibus, ibique per aliquot temporis
spatium,juxtâ mentem Sanctitatis suse,orantibus,plenariam indulgentiam,
incipiendam ab ipsiusdiei decimse tertise primis vesperis usquè ad ultimse
ex dictis septem diebus solis occasum, semel tantiim eo temporis
intervallo, per unumcumque lucrifaciendam, bénigne concessit. Insuper
induisit, ut ipsi Christi fidèles quinquaginta dierum indulgentiam
singulis anni diebus, si dictam ecclesiam, corde saltem contrito et dévote
visitaverint, quinque Pater, Ave et Gloria juxtâ ejusdem Sanctitatis sus
mentem recitando, consequantur. Prsesentibus in perpetuùm valituris
absque ullâ brevis expeditione, et cum facultatc easdem indulgentias in
suffragium fidelium defunctorum applicandi.
Datum Romae ex secretariâ sanctae congrégation is indulgentiarum, die
14 februarii 1834.
A. Gard. Frosini prsfectus.
(Locus sigilli.)
L. Archiepiscopus Athènes S. G. I.,
secretarius.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 425
N" 12
bis
RAPT ET TRANSLATION DE RELIQUES
AU MOYEN AGE
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE VI
c Eginhard parle de saintes reliques transportées dans des sacs de soie
déposés dans des coffres de bois; c'est de cette manière qu*il fait venir
de Rome à Seligenstadt les restes des saints Marcellin, Pierre et Tiburce.
La translation de ces reliques, longuement décrite par cet auteur, et
pleine de détails curieux, fait ressortir Timportance que Ton attachait
alors à la possession des corps saints, de quels soins et respects on
entourait ces restes et, il faut le dire, du peu de scrupule que Ton apportait
dans la manière de se les procurer. Le bénéfice de la possession semblait
excuser, auxyeux des personnages les plus respectables, la fourberie et
le vol. Il est sans cesse question, dans l'histoire du moyen-âge de
reliques dérobées et dont la possession n'en est pas moins profitable aux
larrons, comme si l'intercession des saints était attachée à leurs
cendres »
Dictionnaire du Mobilier, cxc, Viollet*lb-I)uc. Tome I, p. 3ii.
4'*^^ PIÈCES JUSTÎFICATIVFS
N" 18
DUCrLTE DES FONTAINES
DANS I.'aM IQUITl':
NOTKS POUR SERVIR AU CHAPITRE X
D*après le récit biblique et les données de la science, on ne peut pas
douter qu'il n'y nit eu, au commencement, un immense cataclysme, et
que la face de notre globe n'ait été totalement bouleversée par les eaux
d'un effroyable déluge qui engloutit tout être vivant sur la terre, excepté
la famille que Dieu s'était réservée.
Les écrivains qui ont essayé de nous dépeindre la désolation et le
chaos du monde livré à la fureur des éléments déchaînés, nous ont
toujours, et avec raison, représenté l'homme, à cette terrible époque,
aux prises avec les accès de la plus horrible épouvante. Or, cette
épouvante a laissé dans Tespritdes premières générations une impression
si profonde, que le souvenir du déluge ne s'y est jamais perdu, et qu'il
s'est même perpétué, h travers les <iges, chez tous les peuples, par une
multitude de traditions, et par des usages commémoratifs.
« Ces usages sont en vigueur dans tous les temps que l'on a jusqu'ici
« appelés inconnus, fabuleux, héroïques; ensuite viennent les temps
« connus dans lesquels ces fêtes et ces usages sont pour la plupart
« altérés ou défigurés, soit par les suites d'une ignorance déjà générale,
« soit par les vues particulières des nouvelles législations. Cependant
ces fêtes ne se perpétuent pas moins, quoique sous des motifs étrangers
ou mythologiques; elles sont même encore aujourd'hui célébrées en
une infinité de contrées sans le moindre soupçon de leur objet
« primitif. Le peuple, qui corrompt tout, sans le savoir, est toujours
« l'esclave de ses usages, et y est tellement attaché qu'il a été, dans tous
PIECES JUSTIFICATIVES 427
<^ les temps, plus facile aux législateurs politiques et religieux de changer
« les motifs des fêtes que de changer ou d'anéantir les fêtes elles-
« mêmes (i) ».
FETE DES HYDROPHORIES, A ATHENES
Au nombre des cérémonies intéressantes dont le détail nous est
parvenu, les « Hydrophories de la Grèce ne sont pas les moins
c remarquables. Le nom tï Hydrophorie désigne l'usage où étaient les
<e Athéniens, le jour de cette fête, de porter en pompe de l'eau dans des
« vases et des aiguières. En mémoire du déluge, ils allaient, chaque
« année, verser cette eau dans une ouverture ou gouffre qui se trouvait
« auprès du temple de Jupiter Olympien » (2).
CÉRÉMONIE DE l'eFFUSION DES EAUX DE LA FONTAINE DE SlI.OÎc
CHEZ LES HÉBREUX
€ Entre les usages de la fête des Tabernacles, si rigoureusement
c observée par les Juifs, il n'y en avait point de plus solennel, selon
« leurs traditions, que l'effusion qu'on y faisait des eaux de la fontaine
< de Siloê. Tous les écrivains en ont parlé; l'Ecriture Sainte cependant
^ ne dit rien de cet usage, et il n'a point été ordonné par la loi. On
« remarque seulement dans la Bible que cette fontaine était en vénération
'< chez les Hébreux (3). Quoi qu'il en soit, cet usage porte, chez eux
«( comme chez les autres peuples, un sceau d'antiquité qu*on ne peut
«c lui disputer. Les prêtres, suivis de tout le peuple qui poussait de
« grands cris, allaient le matin, au soleil levant, puiser dans un vase de
'' l'eau de la fontaine de Siloé et ils venaient la répandre avec un autre
« vase plein de vin, au pied de l'autel des holocaustes. Cette cérémonie
« se faisait deux fois le jour ou une seule fois, selon d'autres^ et se
« répétait chacun des sept jours de la fête, etc.. (4) ».
0) L'Antiquité dévoilée par ses usages^ passim.
(2} Ibidem. Liv. 1, chap. I.
(3) On peut voir nar cet usage : Mainmonid. Corbanoth^ Cap. Vil. Scct. ultim. idem.
Tamid. Cap. X. Sect. 6, et scq, Petr, Zern. Opusc. Sacra. Vol. 3, p. 20^ etc., etc.
Rechembergerus Sacr. Jud. ritus antiqui. Part. /. Cap. 2. i 12g. La fontaine de SiioC*
était hors des murs de Jérusalem. 11 fallait que la religion la rendit respectable aux Hcbreu^,
puisque c'était près de cette fontaine qu'ils allaient faire le xacre de leurs Rois. ~ Livre lit
des Rois, chap. I. vs. 3R.
f l) Voir l'auteur de L'Antiquité dévoilée par se» usafifs. 1 iv. I, ch.ip. 11. p. 47 et seq.
4^8 PIÈCES JUSTIFICATIVES
CÉRÉMONIE DE l'efFUSION DES EAUX A ITHOMB, EN MBSSÉNIE
« La ville d'Ithome, dans la Messénie, avait une Hydrophorie qu'elle
« célébrait sans faire aucune mention du déluge. Les habitants appelaient
« Clepsidre » ou eau cachée (i) la fontaine où ils allaient puiser de
« Teau pour en faire reffusion, le jour de la fête de Jupiter Ithomate.
« On ne disait point cependant à Ithome, ainsi qu'à Athènes, que des
« eaux débordées se fussent autrefois dérobées et cachées par cet endroit ;
« mais on disait que Saturne qui dévorait ses enfants, ayant aussi voulu
< dévorer Jupiter qui venait de naître, on le lui avait enlevé par surprise
« pour le confier aux nymphes de la Messénie qui rélevèrent, en secret,
c près de cette fontaine dont Teau servit à le laver ». Cette cérémonie
n'a certainement pas d'autre motif que le souvenir du déluge (2).
Il existe à Rome une église. dite des « Trois-F ontaines » bâtie sur
remplacement des trois sources désignées sous le nom de « Tre fontane
di S. Paolo » dont les fidèles viennent puiser et boire l'eau, avec une
grande piété.
Sur un des autels élevés auprès de chacune de ces trois sources^ un
tableau représente la tète de saint Paul.
Une très vénérée légende rappelle, qu'après la décapitation de l'apôtre,
sa tête, en tombant, rebondit trois fois. Or, aux trois endroits marqués
par le sang du glorieux martyr, trois fontaines jaillirent spontanément.
Personne n'ignore que Teau est entrée dans toutes les cérémonies
religieuses des anciens peuples. Ils s'en servaient pour faire des effusions,
des libations, des ablutions, des purifications et des expiations. Une
infinité de nations ont conservé ces usages, et presque tous les peuples,
idolâtres ou croyants dans l'antiquité, ont gardé pour l'eau un profond
respect.
Les Egyptiens, longtemps avant les Grecs et les Romains, les Perses,
les Chinois, les Japonais, les Arabes célébraient les « Hydrophories »
ou fêtes du déluge. Et à des époques plus rapprochées de la nôtre, les
Arméniens, les Moscovites, les Abyssins, les Cophtes ont toujours été
très attachés aux cérémonies de leurs fêtes des eaux (3). Toutefois, nous
nous hâtons de dire, avec Tauteur de « L* Antiquité dévoilée par ses usages »,
« que toutes les purifications, toutes les effusions, toutes les expiations
« faites avec Teau, et regardées par le paganisme, comme des cérémonies
« régénératrices, n'étaient que des inventions humaines, illusoires et qui
« n'avaient d'autre effet que de favoriser les crimes en lavant les
c criminels. Ces fausses expiations n'ont dû leur origine qu'aux méprises
(1) Pausanias. Lib IV. Cap. 33.— Mythologie de Bannier. Tome III. p. 35i. Ed. in-is
de 1739.
(2) L'Antiquité dévoilée par ses usages, passim,
(3) Cf. l'auteur de V Antiquité dévoilée par ses usages. Liv. I, chap. I à IV, inclus.
PIECES JUSTIFICATIVES 429
< de l'ignorance et à l'abus que la superstition a fait de quelques usages,
« simples emblèmes et commémoration du déluge qui avait changé,
« détruit et renouvelé la face du monde. L'homme, trompé par ses
« usages, attribua à l'eau une puissance qu'elle n'avait point et que
«c Dieu seul pouvait lui donner. Avec lui, les usages se changèrent en
« idolâtrie ». Au christianisme, seul, appartenait le privilège de faire la
lumière sur tous ces errements d'un monde païen et de sanctifier fêtes,
cérémonies, usages, par l'effusion régénératrice des eaux sacrées du
Baptême.
Certes, ce ne fut pas œuvre facile que de substituer le vrai Dieu aux
idoles, et d'élever le tabernacle eucharistique sur les ruines du temple
de Jupiter ou de Vénus, si nous en jugeons par le laborieux apostolat
des Apôtres, et par celui non moins pénible de leurs successeurs.
Et ce ne fut que vers l'année 453 qu'un Concile, celui d'Arles,
déclarait sacrilège celui qui persisterait à rendre un hommage religieux
aux arbres, aux pierres et aux Jontaines.
Un capitulaire de Charlemagne (Capit, Karl. Mag, lib. I, tit. 64,
« p. 239) contient entre autres dispositions : c A l'égard des arbres, des
« pierres et des fontaines où quelques insensés vont allumer des
« chandelles et pratiquer d'autres superstitions, nous ordonnons que cet
« abus si criminel et si exécrable aux yeux de Dieu, soit aboli et
c entièrement détruit, partout où il se trouvera établi. >
W 13
bU
LE GUÉ DE LA ROCHE
ANNÉE 1483- 1484
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE X S IV
Remise à huit jours pour produire un rapport de prud'hommes, avant
d'investir Rambert et Jean Relogue d'une terre, par eux obtenue en
échange, de Guillaume Chardon, sise au Garait, joignant le chemin de
Saint-Rambert au « Ga de la Rochi », de matin, et autre chemin de
soir.
iHPentairet sommaires des Arehipes départementales ^ antérieures â 17 go,
par Au g. Chavbronoiu. B. 1735 (RegUtrat) in-4**
43o PIÈGES JUSTIFICATIVES
LE « SUAIRE »
SON ORIGINE, SON USAGE KT SES DIVERSES TRANSFORMATIONS
jusqu'à NOS JOURS
NOTK.> POUR SLRViR Al CHAPI IRE Xi $ II
Et d*abord, il n'est pas invraisemblable que Tétoffe de soie et d'or,
don généreux du comte de Forec, ait, suivant un antique usage, servi de
« suaire » aux insignes reliques des saints Rambert et Domitien, à
Toccasion de leur translation solennelle de son château-fort dTzeron au
prieuré de Saint-André.
Et^ pour que le lecteur ne trouve point bizarre et en dehors des mœurs
du moyen âge cette coutume de recueillir les ossements des saints
martyrs ou confesseurs dans des étoffes précieuses, nous allons lui donner
quelques intéressantes explications sur le « suaire », sudarium (i).
Quand il les aura parcourues, il comprendra mieux comment notre
vénérée chasuble a pu, dans le principe, servir d'enveloppe aux sacrées
reliques de nos illustres saints.
A l'origine, le « suaire » n'était, en général, qu'une petite pièce de
linge destinée à essuyer les yeux et la sueur du visage. Saint Ambroise,
archevêque de Milan, au iv^ siçcle, nous apprend, il est vrai, que les
premiers chrétiens faisaient un pieux usage du « suaire », en le déposant
quelquefois sur les tombeaux des saints Gervais et Protais, et même sur
le tombeau de saint Pierre, à Rome, pour le retirer ensuite, comme
témoignage favorable à leurs prières (2) « enrichi de la vertu de guérir >.
(i) Du substantif latin « sudarium », du verbe « sudare », suer.
(2} Quanta oraria jactitantur, et tactu ipso inedicabilia reposcuntur. — lipist. L. IV
PIECES JUSTIFICATIVES 4^1
Mais le vénérable Bédé, au vii<' siècle (i), et Alcuin, au ix.^ siècle (2),
nous font entendre, le premier, que ce linge servait à essuyer la sueur,
et le second, qu'on l'employait comme un mouchoir, pour essuyer les
yeux.
La « mappa » était aussi, chez les Romains, une étoile que les
consuls portaient à la main, comme un attribut de leur charge. Mais,
dans le principe, ce linge appelé « sudarium » n'en était pas moins un
objet de toilette propre à essuyer le visage.
Nous trouvons encore le « sudarium » chez les femmes romaines,
dans le « flammeum », ou voile dont elles se couvraient la tête, et qui
était de couleur jaune, a colore flammeo (3), pour les jeunes filles qui se
mariaient. Son usage rappelle assez bien le voile que Véronique appliqua
sur la face sacrée de Notre-Seigneur, gravissant péniblement la voie
douloureuse du Calvaire (4).
Parlant des femmes gauloises, dans son Histoire des costumes en
France, M. l'abbé Charlet, de Langres, rapporte « que quelques femmes
« avaient un long voile qui ne cachait point le visage, mais seulement
« une partie du front et le derrière de la tète, d'où il revenait pour
« couvrir les épaules et le sein. Les plis qu'il formait s'arrangeaient
«• parfaitement avec les tresses de la chevelure et les draperies du
« manteau ». A n'en pas douter, c'était le « flammeum » romain, ou
encore 1' « Apex » dont les prêtres païens se voilaient dans l'exercice de
leurs fonctions.
(1) Sudarium, undc tcrgitur sudor, cl uiiiiic supcrtluum corpuris.
(2) Manipula quà tcrgitur pituita ocuiorum. — (De diviois officiis, cap. XXXIX.)
(3) Lucan. 2, v. 36o.
(4) Vossius et Denis d'Halicarnasse désignent sous le nom de • flammeum » le voile que
les prêtres flamines chez les Romains, portaient comme signe distmctif de leurs fonctions.
Lucrèce le nomme « Apex ■ 1. 6, v. i.o63. ~ Virgile appelle • Apicatus > le prêtre qui en
est revêtu. (Georg. 3, v. 8. Eneid. 4, v. 48.) — Oviob. Past, 1, 4, v. 347. — Le culte
primitif des prêtres Hamines s'exerçait dans un lieu consacré, entouré d*une enceinte à
découvert, delabrum, ainsi nommé, dit Varron, parce que la statue du dieu était placée au
milieu, comme un grand chandelier, candelabrum pour delabrum ; qui devint plus tard une
rotonde ou temple (sacellum-sacrum). Leurs fonctions consistaient dans les sacrifices,
l'adoration et la prière, privée ou publique, qui se faisait debout et la tête voilée, pour que
l'esprit, dit Virgile {En, I. 3, v. 407) n'étant pas troublé par quelque face ennemie, tût flus
attentif à la prière que le prêtre rccitnit avec tout le monde, pour éviter toute confusion.
Pendant les prières on touchait les autels (Virg. Eu. 4, v. 230', A l'exemple de ceux qui
prêtaient serment : d'où vient le nom d'ara donné au serment (Prop., 1.3. El. 19, v. 5).
C'est bien à cette coutume, modifiée dans an sens plus symbolique et mieux en rapport
avec l'esprit chrétien, qu'il faut rattacher l'attitude des Orantescn prières (Fie 5o), figurées
sur les peintures des catacombes; généralement debout, les bras étendus, avec les maint
légèrement élevées vers le ciel et les yeux fixés sur l'Orient. Il est cependant établi que lea
premiers chrétiens priaient aussi à genoux etTertuUien ajoute (Apologet XXX) :
• Les chrétiens prient en élevant les yeux au ciel et en tenant les mains étendues, parce
qu'elles sont innocentes, la tête nue, parce que nous ne rougissons pas. •
« Illac suspicientes (in cslum) Christiani manibus expansis, quia innocui^. capiic nuJo.
quia non crubcscimus. •• (Abbé Martigny. Dict. des Antiq. chrét., p. 356-337')
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PIÈCES JUSTIFICATIVES 433
L* € épkod > que les simples prêtres, chez les Hébreux, portaient
dans la même disposition et dont les juifs ont conservé Tusage en se
couYiant, comme d'un voile, les épaules et la tête dans les prières
publiques et dans certaines cérémonies funèbres, n'était pas autre chose
que le c sudarium » primitif.
L* « Orarium » (i)> dont les premiers chrétiens se servaient quelque-
fois pour recueillir le sang des martyrs, rappelle très bien le « sudarium ».
C'est d'ailleurs ce qu'a écrit Pontius : « Fratres linteamina et oraria
« ante eum ponebant, ne sanctus cruor defluus absorberetur a terra (2) ».
L'église Saint-Apollinaire, de Ravenne, possède une chasuble antique,^
dont l'étoffe avait d'abord servi de « voile », que l'évêque Annon avait
fait exécuter, pour décorer le tombeau des saints martyrs Firmin et
Rusticus (3).
Les Catacombes nous ont laissé, dans leur iconographie, l'image d'un
voile nommé c maforte ». C'est du moins ce que semble nous révéler
ce passage de TertuUien (4) : « La Vierge pure cache sa tête sous un
41 voile comme sous un casque, pour se mettre à l'abri des coups de la
« tentation ». C'est sans doute le « sudarium » primitif.
Ce n'est qu'au vi* siècle que l'Eglise accepta le « sudarium » des
laïques pour le faire porter par ses prêtres sous le nom de « manipule ».
Les prêtres en effet commencèrent, dès cette époque, à le porter sur le
bras gauche, comme une marque d'honneur.
Aux IX* et XI* siècles, il devient commun aux prêtres et aux diacres
sous le nom de « phanon » (5). Et, ce n'est qu'après le xi* siècle qu'il
est accordé aux sous-diacres (6). Or, à cette époque, c'était déjà non
plus une simple étoffe, mais une bande ornée de franges à ses extrémités,
et que les clercs portaient à la main (7). Au xii* siècle, il apparaît encore
comme un simple ornement sacerdotal t8}. (Voir Fie. 35, n9 i, p. 208,
chapitre XI).
*
(1) L' « Orarium » des chrétiens de la primitive Eglise est tout simplement Y « éphod »
des Juifs, légué aux disciples du Christ, par les premiers convertis de la synagogue.
L* « Orarium • ne date que de Constantin i3o6).
(i) Vie de saint Cyprien, par Pontius.
(3) PouiLLARD. Del bacio de piedi del sommo pontijiee, p. 79, en note.
(4) De velandis virgin. cap. XV. -- Pura virginitas confugit ad velamen capitls,
quasi ad galeam contra ictus tentationis ». — Abbé Martignt. Diet, des Antiquités
chrétiennes,
(5) Amalaire Ub. III, cap. 6.
(6) Alexand. de Alex. In exposit. Misse
(7) La célèbre Bible offerte à Charles-Ie-Chauve, par les chanoines de Saint-Martin de
Tours, nous offre dans une curieuse miniature, un exemple de ce manipule primitif qu'ils
portent dans la main droite.
(8) Les abbés et les évèques, au 'lieu de le tenir à la main, le mirent à leur crosse, les
chantres à leur bâton, les porte-croix au bout de la croix. Les chanoines de Reims le por^*
taient encore, au xviii* siècle, en le soutenant avec le petit doigt de la main gauche.
(Ch. LouANDRB. Les Arts somptuaires, p. 4a.)
38
4^4 PIÈCES JUSTIFICATIVES
Saint Isidore de Séville (i) appelle ce voile, dont les catacombes nous
donnent l'image, « anabolabium ». Et il ajoute que les femmes de son
temps en cachaient leurs épaules.
La liturgie primitive le désigne sous les noms d' « anagolaium »,
« anaholagium » (2).
Les écrivains ecclésiastiques s'accordent à le reconnaître dans le
« corporale » ou « cor ports palla », ou nappe étendue sur l'autel pour
recevoir les Saintes Espèces. C'est la figure du linceul ayant servi à
envelopper le corps de N.-S. Jésus-Christ, et la « palla ad carnem » de
* saint Isidore de Damiette (3). La « corporis palla » s'explique très bien
par la « palla » qui n'était autre que le court manteau dont les femmes
se couvraient les épaules, et se voilaient la tête pour prier.
Suivant Suétone, la « palla » était, à l'origine, une simple couverture
de lit. Apulée ajoute que l'on voilait avec la « palla » ou avec le
« pallium » (4) le visage des morts. Et c'était aussi Tusage le plus
ordinaire, chez les juifs et les premiers chrétiens, d'envelopper de linges
blancs, la tête et les membres des morts (5). Le saint suaire, qui est
conservé de nos jours encore, dans la cathédrale de Turin, est un long
linceul en toile de lin qui, en faisant penser au linceul que saint Pierre
vit dans un songe mystérieux, rappelle le « sudarium > dont nous
venons de faire l'histoire.
Et c'est ainsi, nous l'avons déjà dit au chap. XI, p. 187, qu'après avoir
servi aux usages des peuples païens, le « suaire » nous a été transmis
par le christianisme comme un objet pieux, destiné à recueillir et à
renfermer ce qu'il y a de précieux dans l'Eglise, après la sainte Eucharistie ;
les ossements vénérés de nos saints.
(i) Evèque de Séville, en Espagne (b^o, 636).
(3) Il ne serait point invraisemblable de voir dans c Tanabolabium » de saint Isidore.
Torigine de Vamict, dont le prêtre se couvre les épaules .pour célébrer le saint Sacrifice
de la Messe. Dans la messe d'IUyricus • Mtssa Romana antiqua », il est nommé « éphod »
parce que la prière qu'on dit pour le revêtir est intitulée « ad induendum ephod ».
Dans la messe de Rathold et dans le livre J}e divino qficiOt cap. KXXIX, il est nommé
« superhumerale ».
(3) Saint Isidore de Damiette « dit l'Hospitalier • (318-404).
(4) La ■ palla » était pour les femmes, le > pallium » servait aux hommes.
(5) A l'origine le • corporale » était quelquefois d'étoffe variée ; mais dans le deuxième
concile de Rome, en 334, le Pape saint Sylvestre ordonna qu'il ne serait, à l'avenir, ni en
soie ni en quelque autre étoffe teinte, mais d'un linge très blanc conforme au linceul de
Notrc-Scigneur.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 435
N" 15
HISTORIQUE DU MANTEAU
)
DANS L ANTIQUITE ET AU MOYEN AGE
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XI f III
Les divers manteaux anciens sont le sagum, la caracalle, la chlaine,
la chlaœyde, la toge, le pallium, la lacerne, le birrus, la pénule et la
chape.
Le sagum, — Chez les Gaulois le * sagum » était un petit manteau
carré, la «r saie » qui s'attachait sur la poitrine ou sur l'épaule. On le portait
ordinairement contre le mauvais temps. Cicéron nous apprend que chez
les Romains le « sagum ^ n'était autre chose qu'une sorte de casaque
militaire qui ne dépassait pas les genoux, et dont se servaient aussi les
voyageurs, les bergers, les chasseurs (i).
La caracalle. * La caracalle était un manteau gaulois (2) que les
Romains portèrent, aussi, sous le nom de « laeemula » et « lacerna ».
Ce vêtement était à l'usage des hommes (3). En France on le portait, au
moyen âge, sous le nom de c gonnelle » ou « cagoule » (4). Voici du reste
(I) On oommtit aussi le « sayon * gaulois • pluvial ; Et quand il était fait de peau, il
prenait le nom de « scorteum »; mais alors il était porté généralement avec le poil tourné
en dedans.
(a) Cucullus. Lampuds.
(3) CiciaoN. Otidk.
(4) Cagoule, -— « Ce vêtement n'était pas seulement porté par les religieux, les laïques
s'en servaient et il prenait le nom de coule, cagoule ou cape. Mais alors, habituellement
dépourvu d'ouvertures latérales pour passer les bras, ce n'était qu'une sorte d'aumusse
ample non ouverte sur le devant. Ccne cape fermée ne pouvait être mise qu'en passant la
tète par l'orifice du milieu, auquel était adapté le capuchon de forme carrée •.
Cape, — « Les religieux portaient des chapes rondes fermées avec capuchon. Ces capes
descendaient jusqu'aux talons. En voyage elles étaient portées par les clercs, les religieux
436 PIÈCES JUSTIFICATIVES
ce qu'il faut penser de ce vêtement fabriqué et porté par les Gaulois
Atrébates (du pays d'Arras). Ouverte par devant comme la simarre, la
« caracalle », dit le P. Lucas, avait des manches d'une certaine lon-
gueur. Son ampleur, qui la faisait descendre à mi-jambes, selon les uns,
jusqu'aux talons, selon les autres, était dissimulée, sur les côtés et par
derrière, avec des plis savamment combinés ; de telle manière qu'on la
pouvait porter avec aisance sur tout autre vêtement. Il y avait deux
sortes de caracalles : celle du peuple, simple et giossière, et celle des
gens de condition, dont la couleur pourpre ou écarlate ajoutait, par son
éclat, à la noblesse de celui qui la portait.
La chlaine. — Les Romains empruntèrent ce vêtement aux Gaulois (i)
et les Grecs l'adoptèrent aussi. Il était ordinairement formé avec une
couverture de laine ou avec une étoffe grossière. Son usage était vulgaire,
et on le portait pour se garantir du froid.
La chlamyde, — Ce manteau, d'un usage très fréquent, était ordinaire-
ment fait d'une ample étoffe retenue par une agrafe de métal, sur
l'épaule droite de préférence, et pour faciliter les mouvements du bras.
C'était le vêtement des Grecs et des Romains.
. Il devint plus tard celui des Francs (2). Il est intéressant de retrouver
au temps de Clovis, et trois siècles plus tard, sous les filsdeCharlemagne,
rusage de la chlamyde, vêtement gréco-romain qui, dans l'opinion de
du Cange aurait été conservé de la République, mais modifié suffisamment
dans le Bas- Empire, pour n'être reconnaissable que par ses anciennes
dénominations.
et les prélats, comme par les laïques; mais elles étaient taillées plus courtes et garnies
aans faute, du capuchon. »
Les capes civiles étaient parfois très riches. Les messagers se présentaient, devant les
grands, revêtus de capes faites d'étoffes précieuses ; ce vêtement tenait d'ailleurs à leur
qualité, ils en recevaient, en cadeau, lorsqu'on voulait faire honneur à celui qui les envoyait.
Ces capes parées étaient ouvertes par devant, percées de deux trous latéralement pour
passer les bras et de la goule avec le capuchon . Le gouleron ou goule était l'ouverture
réservée pour passer la tète.
11 ne faut pas confondre la chape avec le manteau ; la chape est exactement ronde avec
un trou au milieu pour passer la tète, ouverte ou fermée, et habituellement garnie d*un
capuchon. Ce vêtement qui, dans l'origine, n'avait qu'un usage d'utilité devint, dès les
premiers temps du moyen ftge, un habit honorable. A l'occasion de certaines solennités, les
empereurs d'Occident portaient la chape. La forme de ces capeg rondes et fermées n'était
pas susceptible de modifications, aussi resta-t-elle la même pendant les xtu*. uv* et xv«
siècles. Pour faire usage des mains, il fallait nécessairement relever les bords de la cape. . .
(VioLLBT-LE-Duc, DicHonnaîre du Mobilier français^ tome III, p. 31 3.)
(1) Désignée sous le nom de « linn » ou < lina t dans les dialectes gallo-kimriques, les
Grecs lui donnèrent le nom de « chlaine ».
(2) Sous le nom de ehlan^s-chlamfdis nous le retrouvons au service des légionnaires, et
désigne paludamentum (Horao. Epod. 9. v. 37) s'il s'agit du manteau militaire d*écarlate ou
de pourpre, porté par les empereurs.
Dans son Abécédaire d'archéologie (p. 389) M. de Caumokt a publié le dessin d'une
ancienne mosaïque de l'église de Cruas (Ârdèche) où la figure du prophète Hénoe (Fie. ag,
p. 190) est représentée revêtue d'une lacerne ouverte, par devant, et agrafée sur la poitrine.
PIECES JUSTIFICATIVES 487
La toge, — Chez les Romains, la toge était le plus important des
vêtements. Elle leur appartenait si bien en propre qu'Horace (i) les
nomme c togati >.
La forme de la toge, d'après Denis d'Halicarnasse (2), était celle d'une
robe dont la coupe représentait le demi-cercle, sans manches, soutenue
par l'épaule gauche, de manière à dégager le bras droit, et à pouvoir,
avec le bras gauche, soulever l'étoffe dont le pli était alors appelé
M sinus ». Porté indifféremment par les hommes et par les femmes, la
toge varia d'appellations, selon la condition sociale des personnes qui la
portaient ; et après avoir été le vêtement en honneur à Rome elle fut
abandonnée.
Sous Domitien, les Romains de rang la remplacèrent par la ^pénule » ;
et sous le règne d'Auguste, les femmes de qualité lui substituèrent
« la stole ». Ainsi délaissée par les classes de la haute société romaine,
la toge ne fiit conservée que par les femmes d'une indigne conditioa (3).
La palla et le pallium, — La « palla » était, chez les Grecs, le vête*
ment des femmes, comme le < pallium » était celui des hommes. Ce qui
fît donner, à ces derniers, le nom de « palliati ». Suétone désigne le
c pallium > comme étant semblable à une couverture de lit. D'après les
monuments antiques, il n'était, à vrai dire, qu'une grande draperie rec-
Le prophète Hélie, qui lui est opposé, porte la courte chltmyde des chevaliers romains,
arrêtée, sur Tépaule droite, par une agrafe, et non la laticlave indiquée par erreur ; ce dernier
vêtement n'étant que la tunique distinctive des sénateurs romains que justifiait une seule
bande longitudinale de pourpre (elavus) fixée au-dessus (v. Alb. Rubcnius. De re vestiarid
I. c. 3, etc.).
Les Daces et les Sarmates soumis par Trajan, au deuxième siècle après Jésus-Christ, sont
figurés sur les monuments de l'époque revêtus d'un ample manteau formé avec une étoffe
flottante, retenue sur l'épaule droite. Leur manteau royal, fixé contrairement sur l'épaule
Raucbe, conserve la même disposition, mais avec une bordure de franges à ses extrémités ; à
n'en pas douter, c'est la chiamyde, dont l'usage très répandu s'est continué assez tard chez
les Francs. Nous savons, en effet, que le Pape Anastase II avait envoyé une tunique de
pourpre et une chiamyde à Clovis, qui s'en revêtit pour la première fois dans la basilique
de Saint-Martin de Tours.
Au nombre des rares manuscrits qui nous en ont gardé de précieux exemples, il
convient de citer les Evangiles de Lothaire, conservés à la Bibliothèque nationale, exécutés
de 817 à 843, et qui nous représentent Lothaire vêtu de la chiamyde.
Dans la célèbre Bible offerte à Charles-le-Chauve, par let moines de l'abbaye de Saint*
Martin de Tours, exécutée entre 837 et 853 par Vivien, l'un des donateurs, nous voyons
encore la figure de ce prince vêtu de la chiamyde.
(I) Odes. Liv. 3, 5.
(a) Rhéteur et historien grec, vers Tan 3o av. J.-C.
(3) La longueur extrême de la toge lui a fait donner quelquefois le nom de • toge longue ••
Cette longueur obligeait les Romains à la draper avec le plus grand soin. Quelques auteurs
supposent que la toge a dû être ceinte quelquefois. Ce qu'il y a de certain c'est qu'elle était
généralement en laine blanche, atbus color ; et celui qui la portait était nommé atbatus,
par opposition au blanc de craie candidus dont il la lustrait, quand il voulait briguer la
magistrature. Mais alors le brigueur était un canditatus» d'où candidat.
Il y avait plusieurs sortes de toges. La toge • prétexta », la toge « picta ■ ou ■ patmata »,
la toge i trabea », et la toge de deuil • puHa •.
438
PIECES JUSTIFICATIVES
tangulaire d'une extrême longueur, atteignant, environ, trois fois la hau-
teur d'un homme.
A Texemple des Grecs, les Romains le portaient sur les épaules, replié
avec un art et une élégance infinis, et sans le secours d'aucune agrafe ou
fibule. C'était le manteau des philosophes. Les augures s'en envelop-
paient la tête comme d'un voile (i).
La lacerne, — La lacerne des Romains était un manteau d'étoffe
grossière, muni d'un capuchon et porté par les soldats et par le peuple
pour se garantir du froid et de la pluie. Quelques nobles patriciens la
portaient cependant, durant les jours d'été, mais alors c'était une mante
confectionnée avec une étoffe riche et de belle couleur. La lacerne
n'était, du reste, qu'une sorte de « caracalle » dont l'usage remonte à la
fin de la République romaine.
Le birrus, — On a quelquefois confondu le « birrus » avec la « lacerne ».
Le « birrus » dont la forme et l'usage étaient ceux de la « lacerne » était
une sorte de mante à grand capuchon coupé en pointe. Il se boutonnait
(i) Le plus bel exemple que Ton puisse trouver du pallium chez les Romains, est le
buste antique en marbre blanc, rappelant les traits de Pline-Ie-Jeune, et découTert à la
fin du XVI* siècle par le professeur Âldini, près de l'église San-Fedèle, sur l'emplacement
de l'ancien forum de C6me.
Le pallium était une aorte de vêtement transitoire, qui rappelait et suivit la chlamyde et
fut porté en même temps que la toge ; ce qui a permis une confusion sérieuse dans
l'esprit de quelques auteurs modernes. Et, cette erreur s'étend même à la pénnle ou planète
considérée comme le principe de la chasuble primitive ; ou sans distinction de rornemen-
tation spéciale que l'Eglise lui a donnée ; du détail on a conclu à l'ensemble pour lui con-
server sa dénomination primitive. C'est ainsi que Dom Claude de Vert définit le pallium
et dit qu'il : « était une sorte de chasuble ou de chape magnifique envoyée en présent par
les empereurs chrétiens aux évéques des grands sièges^ surtout au pape, qui du consente-
ment de ces mêmes empereurs, en communiqua l'usage dans la suite aux autres évéques. •
Admettant cette version comme fondamentale, CUude de Vert prétend la justifier par
ce passage de la prière que récitait autrefois le prêtre qui revêtait le pallium pour la
première fois : « Jugum meum suave est, et onus meum levé •.
Mais nous estimons que par le mot : jugum, il faut comprendre, non la chasuble, mais
l'insigne distinctif dont elle était primitivement ornée, et qu'il ne serait pas invraisemblable
de considérer comme une figure de l'étole originelle. Et cela pourrait encore s'expliquer par
la nécessité de ne pas cacher sous l'ampleur de l'ancienne chasuble, cet emblème de la
dignité sacerdotale, que le prêtre, dans la primitive Eglise, était tenu de porter partout,
même dans la vie ordinaire, et qu'il ne devait quitter jamais.
Au nombre des monuments anciens qui peuvent justifier, ou tout au moins autoriser,
cette hypothèse, nous citerons la statue tombale de saint Léger, à Hohembourg (Alsace^
dont nous avons donné le dessin à la page 46.
Bon nombre d'anciens auteurs, entre autres le savant Dom Claude de Vert, s'accordent à
vouloir tirer l'origine, assez accréditée aujourd'hui de l'étole, de la stola ou robe que les
femmes romaines, de qualité, portaient ornée de parements ou bandes longitudinales,
d'une grande richesse. Cette opinion est d'ailleurs expliquée par l'usage de l'Eglise de
convertir et transformer, au besoin, tous les vêtements laïques, qu'elle destinait au service du
culte, et qu'elle observa à propos de la stola, dont elle ne conserva que les bandes et leur
disposition pour en faire l'étole.
Parla même raison s'explique l'usage du ^â//f «m devenu l'insigne exclusif des archevê-
ques et, par exception, des évéques privilégiés, auxquels le canon sixième du concile de
Mâcon de l'an 58 1, défendait de célébrer la messe sans en être revêtu : • Ut archiepiscopus,
sine pallio missa dicere nonprœsumat (Tome V, Concil. p. 968), Abbé Martignv. Diction-
naire des Antiquités chrétiennes, passim.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 4^Ç^
sur la poitrine et se portait sur la tunique. Les soldats usèrent d'abord
de ce vêtement relativement court. Mais quand il fut réservé à l'usage
civil, ses dimensions se développèrent de façon à couvrir tout le corps.
Adopté par les Pères du désert et par les clercs, ce manteau, en gardant
sa forme primitive et sa simplicité parmi eux, devint bientôt, dans les
milieux mondains, et à partir d'Auguste, un vêtement de luxe où
brillaient, par leur variété, les plus belles couleurs et les plus riches
ornements. Mais alors, par distinction, les chrétiens le marquèrent du
signe de la croix. Aussi bien, les savants se sont>ils plu à lui reconnaître
un caractère essentiellement sacerdotal (i).
La pénule. — La forme première de la pénule était celle d'un manteau
entièrement fermé et allongé, devant et derrière, par une légère pointe.
Elle ne comportait qu'une ouverture supérieure sulllsamment grande
pour passer la tête (2).
La chape, — Il serait difficile de voir autre chose dans ce vêtement
que l'ancienne « lacerne » à capuchon que le clergé avait adoptée sous
le nom de « birrus », comme nous l'avons vu, ci-dessus, et dont il se
servit sous le nom de « pluvial ». Dans les cérémonies solennelles du
culte extérieur le « pluvial » servait à se garantir du mauvais temps. La
« chape » était exactement ronde, ouverte par devant et fixée par une
fibule sur la poitrine. Son usage s'est maintenu assez longtemps parmi
les laïques, en Gaule, où de notables personnages s'en revêtaient, ainsi
qu'en témoigne la célèbre « chape » de Charlemagne conservée à Metz.
A partir du grand empereur, une large bride brodée vint remplacer
l'agrafe ou fibule. Dès lors, on fabriqua des « chapes » en étoffes épaisses
et couvertes d'orfrois et ces c chapes » étaient spécialement en usage
dans les cérémonies de l'Eglise et dans les sacres des rois (3). C'est la
(i) Dans le principe le « birrus • était fait d'un tissu grossier de laine brute et naturelle.
Les Pères du désert, dit Cassien (De cœnob. instit. lib. i c. 7), qui évitaient les manteaux
précieux trahissant l'ambition, se revêtaient du • birrus •. • Birrorum pretia simul
ambitionemque déclinant ». Baronius (an. aôi) croyait le birrus exclusivement réservé aux
évèqnes. Du Cange (loc. laud.) déclare que le • birrus • fut indifféremment commun aux
clercs et aux laïques. — L'abbé Martigny estime que le « birrus • est l'origine de la
mozette ecclésiastique.
(a) Pour la suite des notes explicatives, voir le ch. XI, f V. p. ao3 de cet ouvrage.
(3) Dans une importante publication moderne « L'Art monumenial •, fév. 1884, on peut
admirer le dessin d'une de ces chapes remarquables, considérée comme un manteau de
couronnement, et qui passe pour avoir été exécutée à Palermc en ii33, par des artisans
sarrazins. Sur sa bordure extérieure court une inscriptioii arabe ; et sur le fond principal,
à gauche et à droite, est représenté le même sujet : un chameau terrassé par un lion, d'un
caractère oriental exceptionnel. M. l'abbé Martigny croit que la chape moderne, comme
ornement sacerdotal a conservé les traces du capuchon primitif, et il ajoute : « Comme les
■ autres vêtements vulgaires, celui-ci, en passant aux usages du culte, reçut des modifica-
• tions et des embellissements successifs, mais qui n'ont rien de commun avec l'antiquité ».
La Trésorerie de l'cglise Saint-Hubert renferme encore une chasuble très anciennt en
drap de soie avec un capuchon de même étoffe. Une immense quantité de perles, de camées,
d'onyx, d'émeraudes et d'autres pierres précieuses incrustées dans des mailles de fil et d'or,
440 PIECES JUSTIFICATIVES
« chape » croyons-nous, devenue au moyen âge la « gonnelle » qui fut
un vêtement du comte de Forez.
Echancrures successives des chasubles primitives, — Par échancrure,
il faut entendre, non une ouverture précise pratiquée dans le corps du
vêtement, mais bien, ici, la réduction de son ampleur sur les deux côtés,
pour faciliter les mouvements des bras. C'est un signe distinctif de la
chasuble et qui n'apparaît pas dans les chapes civiles où des ouvertures
spéciales pour les bras étaient réservées. Cette réduction successive de
l'ampleur des anciennes chasubles jusqu'au xv^ siècle, où elles apparaissent
avec leur forme moderne, ne dépassant pas les épaules qu'elles recou-
vrent cependant sans raideur, a fkit dire à M. Viollet-le-Duc, dans son
Dictionnaire du Mobilier, etc., page 143, III* vol. : c On ne voulait
« pas toutefois l'ouvrir entièrement à cause de la tradition attachée a
« cette « robe ». Et parce ce que la chasuble est Tunique vêtement de
« son espèce, dit Guillaume Durand, entière et fermée de toutes parts.
« elle signifie l'unité de la foi et son intégrité. » (Rationale^ lib. i .
cap. VII.)
lui donnaient autant de luxe que de prix. Toutes ces pierreries ont disparu. Cette chasuble
est un présent fait aux moines d'Andage par Louis-le-Débonnaire, lors de la translation da
corps de saint Hubert. Nous pensons qu'elle a appartenu à Charlemagne qui s'en revêtait
dans les cérémonies religieuses. On sait que les rois de France, même avant Charlemagne,
assistaient au chœur et paraissaient dans l'Assemblée des grands, au mois de mai. vêtus Sun
manteau en forme de chasuble^ enrichie, ainsi que leur couronne et leur sceptre, d'ua
grand nombre de pierreries. Les empereurs d'Allemagne ont porté longtemps le même
ornement dans la cérémonie de leur sacre. Cette chasuble porte le monogramme sacré du
Christ. Son ancienneté et sa forme en font un monument d'une grande valeur.
D'après Baluze, Notes aux cap. ; Ann. Fui.
Eitrait du Pèlerinage de Saint- Hubert-en-ArdenneSt par l'abbé C.-J. Bertrand.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 44 1
w is'*-
INSCRIPTIONS ARABES
DE LA CHASUBLE DE SAINT RAMBERT
ÉGLISE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XI (i)
Au chapitre XI*, page 180, Fie. 27, on lit sur la bande centrale de la
face pectorale de la chasuble :
Al — «Aly
LE TRÈS-HAUT
Ces mots sont reproduits en sens inverse et répétés indéfiniment.
Au même chapitre, page i85, Fig. 29, on ht sur la bande centrale de
la face dorsale de la chasuble :
La Ilâha illa Allah
IL NT A D'AUTRE DIEU QUE DIEU
Al — •Ifz wal — baqïï* billih
LA GLOIRE ET LA DURÉE (SONT] EN DIEU 1
Ces deux formules se répètent d'abord en sens inverse ; puis, Tensem-
ble des deux parties semblables, ainsi opposées Tune à l'autre, se répète
indéfiniment. L'inscription est donc très courte de chaque côté.
(I) Ces notes, du R. P. Ronzivallb, S.-J.^MTant orientaliste, ne nous ont été communiquées
qu'après l'impression du chap. XI*.
44^ PIECES JUSTIFICATIVES
Rien ne s'oppose palëographiquement à faire remonter la forme des
caractères au xi* siècle. Quant à leur provenance, elle semble espagnole.
Mais on pourrait tout aussi bien leur assigner une origine sicilienne.
Les variations de récriture arabe, à cette période, ne permettent pas de
se servir d'un critère infaillible. Le genre d'écriture ornemental qu'offre
la précieuse chasuble est, d'ailleurs, tellement assujetti au caprice de
l'artiste, qu'il serait puéril de vouloir fonder, sur ce déchiffrement, autre
chose qu'une confirmation aux conjectures émises sur l'âge du monu-
ment.
Dans tous les cas, si l'on veut appeler cette écriture « coufique », il
faut reconnaître que les caractères sont de basse époque. De plus, ils
offrent toutes sortes d'ornements et d'enchevêtrements, où un œil un
peu exercé peut seul découvrir les lettres qui composent le fond de la
légende.
W 1(>
PRINCIPAUX MODÈLES DE CHASSES
AU POINT DE VUE DE L*ART, DU XI* AU XV" SIECLE
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XII
CHASSE DE SAINTE ROLANDE (a LIÈGE)
L'histoire rapporte que sainte Rolande, fille de Didier, roi des
Lombards, vivait dans la seconde moitié du viii" siècle, et qu'elle mou-
rut Tan 800, à Villers-Potterie, hameau de Gerpinnes où elle fut ense-
velie. Exhumée par Obert, évêque de Liège, son corps fut déposé, en
l'année lOio, dans une châsse d*une grande beauté. Sa forme est celle
d'un coffre magnifique avec couvercle à deux pentes bordées d'un den-
ticule, et ornées au faîtage d'une crête ajourée avec fleurs de lis. Trois
statuettes de saints surmontent encore l'œuvre, et séparées entre elles par
PIECES JUSTIFICATIVES 443
de petits poinçons sphériques lui font une silhouette très mouvementée.
Ses grands côtés sont divisés par quatre pilastres carrés avec bases mou-
lurées formant socle, et se prolongeant en soubassement dans les inter-
valles.
Cette même disposition est conservée sous forme de chapiteaux et de
frise dans la partie supérieure ornée avec une grande finesse de détails.
Dans le milieu du corps des pilastres, une petite niche à plein cintre
abrite la staf uette d'un saint ; et les trois panneaux intermédiaires de la
grande face, ainsi que celui des petits côtés, sont réservés aux souvenirs
de la vie de sainte Rolande.
Sur chacune des pentes du couvercle on voit encore, encadrés dans
une moulure profonde, chargée de délicates ciselures, trois comparti-
ments décorés qui mettent en relief certains détails de la vie de la bien-
heureuse, et célèbrent sa gloire. A remarquer, un blason dans Tespace
triangulaire supérieur des petits côtés. L'extrême richesse de la déco-
ration de cette œuvre, Tart consommé avec lequel elle est traitée, aussi
bien que Tabsence des pierreries ordinairement si multipliées dans Torfé-
vrerie primitive, nous laissent croire que cette châsse n'appartient pas
au xi% mais bien au xii* siècle.
CHASSE DU COUDRAY-SAINT-GKRMER (oISE)
Cette châsse est aussi remarquable par ses grandes proportions qui
sont de o",82 de longueur, o"*,35 de largeur et o",64 de hauteur, que par
sa décoration très caractéristique. M. de Caumont attribue à cette œuvre
remarquable, comme date probable, la première moitié du xii* siècle.
Elle est en bois recouvert de lames et d'ornements en cuivre doré, du
meilleur effet. Elle repose sur une plinthe losangée, que termine sur
l'angle supérieur, une gorge d'évidement. Sa forme rectangulaire est
composée, sur les grandes faces, d'une série de quatre niches régulières
et contiguC^s, accompagnée sur les petits côtés par une seule niche plus
large et un peu plus haute pour garnir une partie du gable. Ces niches,
réservées uniquement par la saillie des arcades ogivales chargées de fins
ornements byzantins, montrent leur partie centrale tréflée et enrichie
régulièrement de trois pierres fines de couleurs variées, qui entourent
l'image d'un saint. Le pilier qui les sépare et les soutient, est formé par
un groupe de trois colonnes assemblées en triangle, avec bases plates et
chapiteaux ornés de deux rangs de feuilles d'acanthe, que termine une
grappe de raisin.
Les fûts, divisés au milieu par trois tores ou anneaux, ont une déco-
ration variée : en torses, en losanges avec fleuron central, avec rinceaux,
feuillages, etc., etc. Si le dessin qu'il nous a été donné d'étudier est
exact, comme nous le croyons, la partie supérieure surmontée d'une
•:rête ajourée de feuillages saillants, de bon style, mérite d'être observée.
La forme prismatique de tous ses côtés ne saurait, par ce détail seul.
444 PIECES JUSTIFICATIVES
laisser un doute sur le modèle qui a inspiré cette œuvre intéressante. Ce
n'est pas encore la toiture à deux égouts du temple, mais bien Tun des
caractères particuliers au sarcophage antique, que complètent, dans un
encadrement de rinceaux disposés en bordure saillante, trois couronnes
circulaires autrefois, peut-être, enrichies de médaillons allégoriques.
Il paraît donc bien naturel et hors de doute, que les artistes de l'épo-
que romane stimulés par le christianisme triomphant, en reçurent non
seulement l'inspiration, mais aussi une impulsion assez heureuse pour
les porter à chercher dans l'architecture^ souvent admirable, des temples
chrétiens, les modèles nécessaires à la création d'oeuvres originales
marquées au coin de leur génie renaissant. Ce qui a fait dire à M. l'abbé
Texier que : « Part byzantin fut traduit en français »,
Il faut donc arriver au xiii* siècle pour voir fleurir cet art nouveau où
l'ogive gothique le dispute à l'arceau roman en défaveur, et où apparais-
sent bientôt, dans tout leur épanouissement, ces chefs-d'œuvre d'orfè-
vrerie qui ne sont, après tout, que la réduction des grands édifices
religieux de la première période gothique.
Le plus remarquable monument que l'on possède de cette époque de
transition, par son ancienneté, sa richesse et ses grandes dimensions est
certainement la célèbre châsse des Rois Mages, à Cologne.
CHASSE DES ROIS MAGES (a COLOGNE)
Toute d'or et d'argent, et autrefois recouverte entièrement de riches
pierreries, cette extraordinaire pièce d'orfèvrerie atteint les dimensions sui-
vantes (mesure du Rhin) : Longueur 3 pieds et demi ; largeur 3 pieds ; hauteur
4 pieds, lo pouces et demi. Fabriquée vers l'année 1 170, cette châsse
fût modifiée dans certaines parties, en 119S. Une tradition pieuse
rappelle que sainte Hélène* mère de l'empereur Constantin, ayant
retrouvé les restes des Rois Mages, qui étaient venus pour adorer Jésus à
Bethléem, fit transporter solennellement ces reliques à Constantinople.
Ce ne fut qu'au commencement du iv* siècle qu'un prêtre, nommé
Eustorgius, les reçut en présent, des mains de l'empereur, et les trans-
porta à Milan, dont il venait d'être nommé archevêque.
La forme générale de cette châsse est celle d'un édifice religieux,
comprenant une surélévation en retrait, recouvert dans son ensemble
par une double toiture prismatique, haut et bas étage, â deux portes.
La partie rectangulaire postérieure de sa façade principale, celle qui est
la plus ancienne, est composée de trois arcades, dont celle du milieu, à
plein cintre, renferme l'image nimbée de la Sainte Vierge assise sur un
trône, et soutenant l'Enfant Jésus sur ses genoux. Les deux autres
arceaux trilobés et reposant sur d'élégantes colonnettes de forme variée
avec chapiteaux et bases émaillés, présentent, à droite, la scène de
Jésus-Christ baptisé par saint Jean, en présence d'un ange ; et, à gau-
che, les figures des Rois Mages chargés de présents. Près d'eux, se trouve
PIÈCES JUSTIFICATIVES 446
un portrait de l'empereur Othon IV, élu en 1198, ainsi que l'indique
rinscription : « Otto rex ». Au-dessus des linteaux de ce panneau sont dis-
posées trois couronnes en cuivre doré, mises à la place de plus anciennes,
en or massif, du poids de six livres chacune, enrichies de pierres fines et
d*une aigrette en diamants, qui furent enlevées pendant la grande Révo-
lution. Cette partie offre la disposition d'un couvercle mobile en argent
doré, laissant voir en-dessous, à travers une grille, les crânes des trois
Rois avec leurs noms : Gaspar^ Melchior et Balta^ar, Le haut de la face
divisée encore par deux linteaux unis, pour marquer le point de retrait
des deux parties de la Châsse, offre sous une grande arcade à trois lobes,
que supportent de délicates colonnettes, également émaillées, l'image du
Christ, Souverain Juge des hommes, entre deux anges chargés des instru-
ments de la passion. Le couronnement de cette scène comprend, dans la
partie supérieure triangulaire, les figures en buste des Archanges Gabriel
et Raphaél accompagnant, au centre, un soleil rayonnant de gloire, orné
d'une énorme topaze, et autrefois, resplendissant de diamants.
Toutes ces figures, en ronde bosse et en bas-relief, sont de l'or le plus
pur ; et la face entière est encadrée dans une belle bordure d'entrelacs
émaillés, alternés avec de riches pierreries.
CHASSE DE SAINTE FAUSTA, A SÉGRY (iNDRE)
Les admirables collections du musée de Cluny renferment deux belles
châsses-ossuaires de sainte Fausta, exécutées à Limoges, au xiii» siècle, à
peu d'années d'intervalle l'une de l'autre. Toutes les deux proviennent
du trésor de l'église de Ségry, près d'Issoudun (Indre). Voici, d'après le
catalogue du musée, la description de là moins ancienne.
€ Cette châsse, dont la longueur dépasse o»,46 cent., sur une hauteur
< de 0*^,36 cent, et qui représente le martyre de sainte Fausta, est très
« remarquable La disposition du sujet, le style et l'exécution des
« ornements en font une œuvre du premier ordre. La face principale
« ne porte que cinq figures : celle du proconsul ordonnant le martyre,
« la figure de la Sainte agenouillée près du bourreau, et, dans la partie
« inférieure, sainte Marie et saint Jean. Ces figures sont en bronze doré,
« de haut relief, sur un fond d'émail bleu largement décoré de rinceaux
« en cuivre gravé et de fleurons en émaux de couleurs. Le revers porte
« six grands médaillons : chacun d'eux présente un ange aux ailes
« déployées, sur fond d'émail rouge ; le médaillon lui-même est à fond
« bleu et sa silhouette découpe quatre lobes. Ces médaillons reposent
« sur un fond de cuivre gravé, doré et repoussé. Les bordures sont en
« émail et disposées en relief. Les deux faces des extrémités sont
« décorées de beaux émaux et présentent les figures des apôtres saint
« Pierre et saint Paul, avec leurs attributs, gravées au trait sur fond
« d'émail. »
44^) PIECES JUSTIFICATIVES
CHASSE DE SAINT TAURIN (a ÉVRKUx)
Supportée par des pieds de lion, sur une base formée par une plinthe
moulurée, ornée de rinceaux, sur laquelle se poursuivent des animaux
chimériques dans une série de petits compartiments gravés, cette châsse
offre un ensemble extraordinaire.
C'est bien, en eflet, la représentation fidèle d'une église ogivale du
XIII*' siècle, dont la face principale est divisée en trois parties par des
contreforts décorés de niches, baies tréflées, gargouilles et clochetons
admirablement travaillés. L'arcade centrale de la nef qui se termine par
un fronton aigu, bordé d'une suite de rinceaux découpés à jour, abrite
une grande fleur de lis florencée, sur une ogive trilobée d'un détail
parfait. Le tout soutenu par des colonnes accouplées, dont les fûts et les
chapiteaux sont fouillés avec soin.
Sauf les arceaux légèrement réduits du transept, et sa décoration de
fleurons modifiée sur son pourtour, cette disposition est d'une conformité
parfaite dans ses autres détails. Son couronnement est un riche faîtage
où, en bordure de crête, une suite de rinceaux en volutes renouvelle
celle de Tarcade centrale sur laquelle, d'ailleurs, comme k ses deux
autres extrémités, s'élève un riche poinçon fleurdelisé d'un fini extrême
dans les détails de. sa boule d'amortissement. Au milieu s'élance avec
majesté un élégant clocher qui complète admirablement ce chef-
d'œuvre d'orfèvrerie; et sur un fond losange rempli de quatrefeuilles, se
détache sous l'arcade centrale, la figure mitrée et crossée de saint
Taurin dans l'action de bénir. Les voussures des arcades latérales et
leurs extrados rappellent, dans de curieuses scènes, la vie remarquable
de ce saint qu'un dessin partiel de la châsse ne nous permet pas de
décrire plus amplement^ mais qui est par sa merveilleuse décoration
d'un effet incomparable.
(Notes de M. H. Marthoud.)
CHASSE DE SAINT GERMAIN (A PARIS)
La châsse de saint Germain nous donne la reproduction exacte d'un
édifice religieux. Le texte qui suit, et qui a été emprunté à V Histoire de
r Abbaye de Saint-Germain-des^Prés — pièce justificative iiy» — de
M. J. BouiLLARo, va nous renseigner suffisamment à l'égard de cette
châsse précieuse.
— 1408 (18 février) c A tous ceux qui ces lettres verront, Guillaume
« par la permission divine, humble Abbé de l'église Saint-Germain-
« des- Prés-lès- Paris, et tout le couvent de ce même lieu, salut en
« Notre-Seigneur, savoir faisons que nous, d'un commun accord et
« consentement confessons avoir fait marchié et convenances à Jean
« de Clichi, Gautier du Four et Guillaume Boey, orfèvres demeurant à
« Paris, de faire une châsse d'or et d'argent où sera mis, au plaisir de
PIECES JUSTIFICATIVES 447
« Dieu, le oorps de monsieur Saint Germain. Laquelle châsse aura deux
« pieds et demi et quatre pouces de long, et de hauteur et largeur telle
« comme il appartient à la longueur dessusdite La haute et la basse
c couverture de ladite châsse sera faite d'or à fleurs de lys. La pierrerie
« qui est en ladite châsse où repose â présent le corps dudit monsieur Saint
« Germain sera ôtée et employée par lesdits orfèvres Les images
« et les grands piliers et les piliers boutteres, les chapiteaux, les hotteaux
« (osteaux) et formes de verrières, les claires voies et le clochier, et tout
« ce qui appartient à ladite châsse seront d'argent doré bien et
« souffisament au regard de Tor, au dire des orfèvres et gens à ce
« connaissans Et laquelle châsse lesdits orfèvres nous seront tenus et
« promettent de faire du poids de 1 5o marcs d'argent, et ce non compris
« le fonds d'icelle châsse qui seront d'argent blanc, etc., etc. »
Ces détails indiquent qu'il s'agit, en l'espèce, de la transformation
d'une ancienne châsse de saint Germain en une nouvelle châsse pour
l'ornementation de laquelle devront être employées les pierreries de
l'ancienne.
Cette châsse de saint Germain, ainsi transformée et après avoir
survécu à toutes les fluctuations du style ogival, est une preuve que
son admirable disposition s'est continuée, tout au moins, jusqu'au
commencement du xv« siècle.
Vers la fin du xiv" siècle et surtout au xw* siècle, dit M. René Ménard,
« la statuaire commença à se substituer à l'architecture dans les pièces
« d'orfèvrerie. Il est vrai que dans les châsses on avait toujours introduit
« Je petites figures plus ou moins barbares; mais à cette époque,
« l'orfèvrerie rentre dans les arts plastiques et devient une branche de la
« sculpture ».
44^ PIÈCES JUSTIFICATIVES
W il
L'ORFÈVRERIE RELIGIEUSE
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XII
Nous croyons être agréable au lecteur, en lui donnant un très court
résumé de Tart de l'orfèvrerie qui s'éleva graduellement au rang d'un
art achevé. Il est avéré, aujourd'hui, que sous la domination romaine, la
Gaule s'efforça, naturellement, de dérober à son vainqueur les secrets
de l'art de travailler les métaux, que celui-ci même avait emprunté
auparavant à l'Egypte, à la Grèce et à l'Etrurie. Cette initiative fut si
heureuse, que les premiers essais dans le travail du bronze, démontrés
chaque jour par d'intéressantes découvertes, nous permettent d'apprécier
avec quelle habileté les Gallo-Romains savaient transformer le bronze
en bijoux de toutes sortes : bracelets, colliers, épingles, fibules, anneaux,
etc., que Témaillerie, dans l'enfance, venait enrichir quelquefois.
Nous avons admiré l'orfèvrerie mérovingienne, mise au jour de la
science par des fouilles couronnées de succès, opérées par M. l'abbé
Cochet, dans les cimetières mérovingiens de la Normandie. En effet, ne
sont-ce pas des découvertes d'un haut intérêt, que celles qui ont arraché
aux tombeaux des spécimens aussi précieux que peu connus, d'un
travail admirable et d'un style aussi étrange que curieux ? Telles ces
agrafes de ceinturons où s'étalent dans d'élégants entrelacs, les filigranes
les plus déliés de la damasquinure en or ou en argent, et avec non moins
de discernement, des figures allégoriques très singulières où se trouve
représentée, par exemple, la scène de Daniel dans la fosse aux lions.
Nous conservons le souvenir du vase de saint Rémy, dit « vase de
Soissons », pour la restitution duquel Clovis fît payer de sa tête son
détenteur rebelle. La cathédrale de Reims possède un calice que la tradi-
tion dit avoir appartenu au saint pontife ; mais dont on attribue l'exécu-
tion au XII® siècle, en remplacement d'un autre légué par saint Rémy â
l'église de Reims. Il y a lieu pourtant de constater la grande analogie de
PIECES JUSTIFICATIVES 449
forme et même de décoration qu'il présente avec celui de saint Gozlin du
X® siècle, que complète une riche patène et qui est conservé dans la
cathédrale de Nancy.
L'histoire n*a pas oublié de nous garder aussi la mémoire de saint Eloi,
de ses vertus et de son exceptionnel talent d'orfèvre qui lui gagnèrent
si facilement la confiance absolue de Dagobert. Mais il ne faudrait pas
attribuer sa célébrité au seul fauteuil remarquable qu'il exécuta pour son
maître ; car on sait également qu'il excellait dans la fabrication des châsses.
L'abbaye de Sa int-M a rtm-lez- Limoges conservait, autrefois, une croix
double, gravée et émaillée, d'un travail remarquable, du vin* siècle, qui
était considérée comme une de ses œuvres.
L'église Saint-Denis possédait aussi une croix d'or du ix* siècle
enrichie de grenats, de saphirs et de perles, dont les extrémités ornées
de trois lobes aigus réunis en forme de fleur de lis, d'une assez belle
composition et qui lui avait été donnée par Charles-le-Chauve.
Si nous consultons le curieux traité que nous a laissé le moine
Théophile, qui vivait du \^ au \i^ siècle à ce que l'on croit, nous appren-
drons que de son temps l'industrie des métaux précieux était déjà l'apanage
des monastères. C'est une chose admise d'ailleurs, qu'après s'être instituée
la protectrice des Lettres, en sauvant de Toubli, par une transcription
patiente, les œuvres des grands auteurs de l'antiquité, l'Eglise avait pris
en même temps sous sa sauvegarde la culture des Beaux-Arts. Ses
moines s'exercèrent non seulement aux peintures murales de leurs
monastères, mais c'est encore sous leurs cloîtres paisibles que l'on vit
alors s'organiser d'importants ateliers d'orfèvrerie, où, sous la direction
d'habiles religieux, vinrent s'inspirer et se former d'autres artistes qui
propagèrent ensuite, dans leurs couvents, cet art nouveau.
Mais il est établi que ce n'est bien qu'au xii® siècle, qu'une impulsion
considérable lui fut donnée, grâce à l'intelligence du savant abbé Suger.
Ce célèbre ministre des rois Louis VI et Louis VII n'immortalisa pas
moins son nom par le soin particulier qu'il apporta à faire exécuter les
châsses de Saint-Denis, que par une sage administration du royaume et
la rare activité qu'il mit à entreprendre et à parfaire les grands travaux
qui furent sa gloire.
Cette prospérité ne devait pas durer, car voici venir le xni* siècle où
« le règne de Saint Louis peut être considéré comme marquant V apogée
de Vorfèvrerie religieuse en France ». Une pièce, entre toutes,
conservée autrefois â la Sainte-Chapelle de Paris, pourrait en témoigner :
c'est un buste de Louis IX, en or repoussé, dont la couronne et le
col du manteau étaient couverts de pierreries. La figure, très expressive,
était frappante de vérité.
Et c'est ainsi qu'après avoir brillé à cette époque d'un éclat extraor-
dinaire, l'orfèvrerie devait bientôt déchoir, dans le mouvement préparé
par l'établissement des communes, mouvement qui la fît tomber, à brève
échéance, entre les mains exclusives des laïques. D'ailleurs, il est admis
que c'est au xiii^ siècle que les orfèvres purent s'organiser en une
ao
45o PIECES JUSTIFICATIVES
corporation, dont les règlemenis se trouvent dans le Registre des
Métiers d'Etienne Boileau.
Il était particulièrement réservé au xv* siècle de restaurer l'art
religieux tombé en léthargie, par l'application à ses chefs-d'œuvre, des
nielles abandonnées depuis longtemps et qu'il sut, avec honneur, faire
revivre. D'un travail facile, l'efTet des nielles était admirable. Sur des
surfaces planes et des fonds unis, les sillons pénétrants de la gravure
se remplissaient d'une matière noire, vitreuse (nigellum)y mise en
fusion sur le. métal, repoli peu après. Après ce travail apparaissaient
bientôt de charmantes arabesques et de gracieux ornements.
Nombreux sont les chefs-d'œuvre de cette époque, où le talent
extraordinaire de nos orfèvres sut toujours élever et maintenir, avec
gloire, leur art merveilleux au niveau des grandes écoles rivales de
l'Italie, de l'Allemagne et de l'Espagne, lesquelles nous ont laissé,
cependant, des pièces de très haute valeur.
C'est ainsi que d'un éclat nouveau brillèrent non seulement la
couronne des rois, la tiare des Pontifes, la mitre des évêques, la crosse
des abbés, mais encore de riches croix émaillées, rehaussées de pierres,
de rares intailles, de camées et de pierres précieuses destinées à être
suspendues au cou, aussi bien que des croix processionnelles d'une
incroyable beauté.
Mais voici encore Limoges qui nous ofire, de nouveau, ses admirables
émaux, dans de symboliques crosses abbatiales, sur des custodes et des
reliquaires d'une exécution parfaite et dont la magnificence n'aurait de
comparable que les riches petits coffrets ou cassettes à reliques aussi
curieux qu'ouvragés.
Aussi bien, malgré la destruction systématique de nombreux chefs-
d'œuvre, que la cupidité et le malheur des temps ont pu occasionner,
nous sommes redevables, à ce xv" siècle, d'un grand choix de pièces
magnifiques. D'une grande diversité, d'une charmante et bonne exécution,
çlles joignent Télégance à l'originalité la mieux entendue. L'art français, au
XV* siècle, a créé des modèles admirables. C'est aussi grâce au zèle pieux,
à la foi vive et à la munificence de puissants donateurs, que de superbes
monstrances et d'éblouissants ostensoirs vinrent, à cette époque, enrichir
et le somptueux trésor de nos vieilles cathédrales, et le rétable de nos
gracieux oratoires gothiques. Cet art, si bien fait pour exercer l'intelligence
et l'adresse de l'ouvrier, ne connut pour ainsi dire jamais de décadence ;
toujours en progrès, il était particulièrement préparé pour subir l'influence
prodigieuse de la Renaissance.
(Noies de M. H. Martuouu.)
PIÈCES JUSTIFICATIVES 4b l
W 18
LES RELIQUAIRES
(A)
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XII - Section deuxième
Le vandalisme hérétique du xvi^ siècle détruisit un nombre immense
de reliquaires et de châsses, et, ce qu'il y a de plus déplorable encore,
les restes vénérés que contenaient ces vaisseaux furent brûlés par cette
nouvelle secte d'iconoclastes, que fanatisaient les doctrines de Luther et
de Calvin. Les matières précieuses devinrent la proie de spoliateurs dont
le zèle était surtout inspiré par la cupidité. Les deux siècles suivants
avaient réparé, en partie, ces affreux désastres, et une assez grande
quantité de châsses et de reliquaires sauvés, en outre, des fureurs de
rhérésie avaient repris leur place dans nos églises. Mais un nouveau
fanatisme non moins sacrilège vint, en 1794 et 1795, sous le manteau
d'une philosophie pleine de tolérance, consommer la ruine de ces
monuments pieux. Il est donc, aujourd'hui, assez diflicile de renouer la
chaîne traditionnelle de cette importante partie de l'art chrétien. Cepen-
dant, il existe encore des types peints ou gravés, et quelques vitraux
d'église peuvent être interrogés utilement par un artiste consciencieux.
Il est rare que, de nos jours, on ait l'occasion de faire une châsse, car
comme il a été dit, la possession d'un corps entier est peu commune.
Quant au reliquaire, comme on n'a qu'une petite parcelle à y déposer,
sa confection est nécessairement plus fréquente. Depuis le rétablisse-
ment du culte catholique en France, l'art, sous ce rapport, s'est trop
souvent fourvoyé. On a trop oublié qu'il ne s'agissait pas d'une boîte
quelconque à laquelle il fût permis d'appliquer toute espèce de forme,
mais qu'il était question d'un objet religieux qui avait des antécédents
aussi anciens que la religion elle-même. Deux types qui, implicitement,
se réduisent à un seul, on l'a vu, peuvent donc être pris pour la confec-
tion d'un reliquaire : le tombeau et l'église. Depuis quelques années, le
452 PIÈCES JUSTIFICATIVES
dernier type a été généralement suivi. Le goût gothique qui s*est si admi-
rablement réhabilité y domine presque toujours. Qu'est-ce en effet que
la Sainte-Chapelle du Palais de Justice de Paris, sinon un reliquaire en
pierres ? Ce n*est pas à dire, néanmoins, que l'on soit en droit d'exclure
totalement le style grec ou roman. Rarement le reliquaire a pris la forme
de Turne funéraire. Ce type est païen. Avouons, toutefois, que les tom-
beaux des catacombes n'affectent pas une forme différente de ceux du
paganisme. Cela se conçoit, surtout, quand on n'ignore pas que dans ces
premiers siècles Tart chrétien ne pouvait encore se formuler avec son
caractère propre. Les transitions ne se brusquent pas. On ne pourrait
donc absoudre l'artiste qui, sous prétexte de remonter directement à cette
époque, ferait une châsse ou un reliquaire dont le modèle serait emprunté
aux sarcophages des cryptes romaines de saint Calixte ou de saint
Sébastien. On ne saurait remonter à un art chrétien qui n'existait pas,
quoique d'ailleurs la ferveur chrétienne brillât de toute sa splendeur. Ce
sont là des choses qu'il n'est pas permis de confondre, dans l'étude et la
pratique de l'Art. Une observation très importante de D. Mabillon, dans
son Iter Italicum^ ne doit pas être omise. C'est que les chrétiens des
premiers temps usèrent, pour la sépulture de leurs frères, non rarô^ fré-
quemment, des tombes profanes et se les approprièrent. Ce n'est donc
point aux chrétiens qu'il faut attribuer l'introduction de ces sarcophages
païens dans leur art, si, comme nous l'avons dit, il es»t possible de leur
attribuer un art spécial, durant les deux ou trois premiers siècles.
Le reliquaire affecte quelquefois la forme d'un buste qui est censé
représenter le saint ou la sainte dont il contient les reliques. Si ces véné-
rables restes sont d'un évêque, la tête du buste est mitrée. Il en est ainsi
des autres, selon leur qualité. Une ouverture pratiquée au milieu de la
poitrine et munie d'un cristal, permet d'apercevoir le fragment vénéré.
Quelquefois, aussi, une relique consistant en un bras est incluse dans un
bras de bois doré ou de métal ou bien dans une jambe, si la relique pro-
vient de ce membre. On avouera que pour ces deux derniers genres de
reliquaires, le bon goût n'a point à prodiguer des éloges. On en voit aussi
qui offrent l'aspect d'une exposition ronde, ovale ou carrée, surmontée
d'une croix, et portée par une tige qui repose sur un pied le plus souveni
ovale. Ces reliquaires ressemblent assez à un ostensoir eucharistique, et
le moyen âge en a vu façonnés de la sorte.
Institutions de Part chrétien, par M. Tabbé Pascal.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 433
LE RELIQUAIRE
DB LA
SAINTE COURONNE D'ÉPINES DE N.S. J.-C,
(B)
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XII
BT QUI COHPLBTBNT CELLES RELATIVES A LA LETTRE DE SAINT LOUIS (page 356).
Saint Louis obtint les reliques de la couronne d*épines de Beaudoin
de Courtenay, empereur de Constantinople... A son arrivée à Paris,
saint Louis déposa la sainte couronne d'épines dans un riche c reii^
quatre * d'or, qu'il avait fait préparer à son intention.
« Ce reliquaire, dit M. VioUet-le-Duc, était en forme de couronne
« royale avec les douze apôtres dans des niches, sur le cercle ; un cylin-
« dre de cristal entrant dans le cercle renfermait la relique ; le tout était
« porté sur un pied. »
4^4 PIÈCES JUSTIFICATIVES
N' 19
!•' ET 2' PROCÈS-VERBAUX
DE LA
RECONNAISSANCE DES RELIQUES DES SAINTS RAMBERT ET DOMÎTIEN
♦ »
DANS L EGLISE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
1025- 1708
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XIV
1625
Ce jourd'hui, neufviéme septembre mil six cent vingt-cinq, les Reliques
de saint Rambert et de saint Domitien ont été visitées par le R. Père
(mot illisible) Jésuite, le Pére Pierre-François ChifHet, de la part de
M. des Vannes {sic)^ prieur de Saint- Rambert (i).
CATAI.OGUE DBS LOTS DE RELIQUES TROUVÉS DANS LA CHASSE, EN l625
AU NOMBRE DE DIX-SBPT
lo Os femoris unum;
2<> Os femoris alterum ;
30 Os brachii unum ;
40 Os brachii alterum ;
5° Os tibiœ ;
6» Duo ossa peronea ;
7<' Cubitus cum duobus radiis ;
8» Pars ossis sacri una ;
(i) Il s'agit ici de Messire comte de Vernes, prieur de Saint-Rambert, à cette époque.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 455
90 Pars ossis sacri altéra ;
io<* Coccix ;
II» Vcrtebrae septem ;
1 2<> Costarum fragmenta ;
i3<> Cranii pars posterior cum dentibus septem ;
140 Ossicula manuum ac pedum;
i5<> De ossibus humeri, et sterni ;
160 Varia ossium fragmenta ;
i8<> Pulvis reliquiarum sancti Ragneberti atque beati Domitiani.
1708
Le cinquième juin mil sept cent huit^ les Reliques ont été visitées à
la réquisition de Messieurs les chanoines, par M. Pactier, archiprètre de
Montbrison, en présence du Chapitre, du curé, des marguilliers et
des oHîciers de Saint-Rambert, ainsy signé :
JuLLiBN, sacristain, Gèrent et,
David, curé, Carrier,
David, Jacquette,
Delafoste, David, procureur d'oiTice.
Relogue,
Nous, Archevêque et Comte de Lyon, pour satisfaire à notre dévotion
et k celle de nos vicaires généraux, et autres vénérables personnages qui
nous accompagnent, en vertu du pouvoir que nous en avons, nous
déclarons avoir ôté de ladite châsse les parties suivantes :
Une vertèbre, une grosse dent, un petit os du doigt de la main.
L'ARCHEVfiQUJB DE LyON,
PRIIUR DB SaINT-RaMBBRT (i).
Par Monseigneur^
GUICHARD.
Il) Mgr Claude II de Saint-Georgc« 'ir>o3-i7i4V
4^6 PIÈCES JUSTIFICATIVES
W 20
3* PROCES-VERBAL
DE LA
RECONNAISSANCE DES RELIQUES DES SAINTS RAMBERT ET DOMITIEN
DANS l'Église saint-rambert-en-forez
1718
notes pour servir au chapitre XIV
Ce jourdhuy, troisième octobre mil sept cent dix-huit, nous François
Paul de Neuf ville de Villeroy, archevêque et comte de Lyon, Primat de
France, conseiller du Roy en tous ses conseils, abbé commendataire de
l'Abbaye royale de la Très Sainte Trinité de Fécamp, prieur et seigneur
de Saint Rambert en Forez, étant dans la ville dudit Saint Rambert
dans le cours de la visite générale de notre diocèze, nous avons,
pour satisfaire à notre dévotion, fait ouverture de la châsse où sont
renfermez les Reliques de saint Rambert, que nous avons trouvée fermée
à trois clefs; et après ladite ouverture faitte nous avons vénéré ces
précieuses reliques, et nous les avons visitez pièce à pièce. Nous les
avons trouvez bien enveloppez en dix-huit paquets, que nous avons
tous ouverts et visitez, et avons trouvez toutes les parties mentionnez
dans l'inventaire que nous joignons icy, entières et très bien conservez.
En foy de quoy, nous avons fait dresser ce procez verbal, en présence de
nos vicaires généraux et autres notables personnages qui nous
accompagnent dans nos visites, dont nous faisons mettre icy les noms et
qualitez.
Vénérables Messire Léonard de la Croix prestre, Docteur de Sorbonne,
abbé de Saint Julien de Tours, chapelain de sa Majesté, obéancier de Saint
Just de Lyon^ notre vicaire général; Messire Paul Cohade prestre docteur
de Sorbonne, custode de sainte Croix de Lyon, notre vicaire général ;
PIÈCES JUSTIFICATIVES 467
Messire Pierre Terrasson, prestre, docteur es lois, custode de sainte Croix,
notre oflicial, vicaire général ; Messire Louis Anisson, prestre, docteur de
la Maison et Société de Sorbonne, notre vicaire général; Messire Michel
Dupuys prestre et docteur de Sorbonne, notre vicaire général des
Religieuses ; Messire François de Rochefort prestre, prévost et curé de
l'Eglise collégiale et paroissiale d'Enay de Lyon; Messire Nicolas
Navarre, prestre^docteur deSorbonne, notre promoteur général substitué;
Messire Jean Picheret, prestre, supérieur de la Congrégation des
Missionnaires de saint Joseph; Messire Laurens Boyer,curé et archiprètre
de Saint-Etienne et des sieurs sacristain et chanoines dudit Saint
Rambert, avec les principaux officiers et habitants dudit lieu.
Donné à Saint-Rambert le jour et an que dessus et ont signez lesd.
sieurs mentionnez.
L'Archevêque de Lyon,
Prieur de Saint-Rambert.
La Croix, vicaire général, Cohade, vie. g.,
Terrasson, vicaire général officiai, L. Anisson, vie. gén..
Du PuYS, V. g. d. R., N. Navarre, prom.,
BoYER, curé et arch. de St-Etienne, F. Rochefort, v. g. c.
J. Picheret, sup.,
458
PIÈCES JUSTIFICATIVES
N' 21
4* PROCÈS-VERBAL
DB
RECONNAISSANCE DES RELIQUES DES SAINTS RAMBERT ET DOMITIEN
» '
DANS L EGLISE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
1739
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XIV
Ce jour d'huy trente et un du Mois de May de Tannée mil sept cent
trante-neufy Nous, Emmanuel Henry Timoléon de Cossé de Brissac, par
la grâce de Dieu et du Saint-Siège, évèque et seigneur de Condom, abbé
de Fontfroide et de S<aint Urbain, Prieur de Saint-Rambert, après avoir
vénéré les précieuses reliques de saint Rambert et les avoir présentées
au peuple assemblé, nous en avons fait la visite en la qualité de prieur;
et pour nostre propre consolation et dévotion aux reliques dudit sainct,
nous en avons pris quatre morceaux de pour les transférer dans
nostre diocèse ou autres lieux consacrés à la piété des fidèles. En foy de
quoy i'ay signé le présent certificat en présence des sacristain et
chanoines dudit Saint- Rambert et des juges et officiers dudit lieu, le même
jour et an que dessus.
Locum sigilli (cire rouge).
EMMANUEL, évèque de Condom.
JuLLiEN, sîcristain,
POMMEROI., juge,
GÉRENTST,
ESCALLE,
Javelle, cap. châtelain.
PIECES JUSTIFICATIVES 4D9
N" 22
5* PROCES-VERBAL
DE LA
RECONNAISSANCE DES RELIQUES DES SAINTS RAMBERT ET DOMITIEN
»_»
DANS L EGLISE SAINT- RAMBERT-EN-FOREZ
1780
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XfV
Ce jourd'hui vingt-trois octobre mil sept cent quatre-vingt, nous, Jean
Antoine François de Malvin de Montazet, vicaire général du diocèse de
Lyon dins le cours de nos visites, et après avoir fait celle de l'église de
Saint-Rambert, nous étant fait représenter les différents reliquaires
conservés dans ladite église, et notamment un reliquaire en vermeil, et
des reliques sans aucune authentique, et un en bois sculpté et très
antique, contenant les reliques de saint Rambert fermant à trois clefs
prohibitives, nous l'avons ouvert et visité en présence de MM. les curé,
sacristain, chanoines dudit saint Rambert, noble Aubin de la Chaize juge
du lieu ; noble Pierre Jean Baptiste Gérentet de Leschaud avocat,
capitaine châtelain; maître Léon Apothicaire notaire royal et procureur
fiscal dudit lieu ; noble Claude Antoine Josué Gérentet de Saluneaux
conseiller du Roy, en son bailliage et sénéchaussée de Forez, et avons
trouvé tout conforme aux procès-verbaux.
Duquel reliquaire nous avons été prié de vouloir bien extraire une
partie du crâne qui est contenu, dans un paquet séparé, sous le titre de
« crani pars posterior, cum dentibus septem », et une vertèbre contenue
dans un petit paquet séparé, sous le titre de « vertebra septem ».
Conformément à la demande, nous les avons extraits et renfermés dans
le premier reliquaire de vermeil énoncé dans le présent procès- verbal.
460
PIECES JUSTIFICATIVES
après y avoir joint le double du susdit procès-verbal^ les avons fermés et
scellés dans ledit reliquaire» pour y être conservés et exposés à la
vénération des fidèles, en foy de quoy nous vicaire général, et les témoins
ci -dessus nommés, avons signé et approuvé l'appostille, même jour et an
que dessus. Scellé du sceau de nos armes.
MAL VIN, vie. gén.
Rebourcbau, sacristain,
RiCHERME, curé,
CoNDAMiNE, chanoine,
Francour, chanoine,
Gérentet, chanoine,
GoNVN, chanoine,
BÉNivANT, chanoine,
Javelle, chanoine.
De la Chièze, juge,
Gérentet de Lbschaud, capit. châtel.,
GÉRENTET DE Sai.uneaux, conseillcr,
De Brioude, conseiller au baâje,
Appothxcaire, procureur fiscal,
Chovin,
^, r, (au verso de
N- ^- \ la
copie originale :
S** Ragneberti
mart : reliquiae
PIÈCES JUSTIFICATIVES 46 1
W 23
6» PROCES-VERBAL
DE LA
RECONNAISSANCE DES RELIQUES DES SAINTS RAMBERT ET DOMITIEN
DANS l'Église saint-rambert-en-forez
1790
notes pour servir au chapitre XIV
Les parties de Reliques de saint Rambert martyr mentionnées au
procès-verbal cy contre, qui avaient été mises dans un ancien petit
reliquaire de vermeil, ainsi que porte led. procès-verbal, en ont été
extraites et rétablies et replacées dans cette châsse, à l'exception d'une
pièce qui est la partie de crâne désignée au susd. procès-verbal, laquelle a
été placée dans un petit reliquaire neuf d'argent fait en forme de croix,
avec un procès-verbal qui rappelle celui-cy ; cette translation a été &ite
par MM. de Gresieu sacristain-curé et Gérentet, chanoine de la collégiale
de cette ville, commissaires nommés par M. Navarre, vicaire général du
diocèse, qui ont scellé l'intérieur de la châsse avec un ruban roze de
chacun leur sceau, le sixième mars mil sept cent quatre-vingt-dix, en
présence de M. Jean- Baptiste Guérin (ou Garin) prêtre prédicateur du
Carême en cette ville, M. Jérôme Treynet et M. Christophe Bénévand,
chanoines de la collégiale, et Clément Perrin, tailleur d'habits qui ont
signé avec nous
Perrin, Gérbntbt,
Trbynbt^ chan.,
Grézibu, sacristain,
BiNÉvANT, sind., curé.
402 PIÈCES JUSTIFICATIVES
N" 24
7» PROCÈS-VERBAL
DB LA
RECONNAISSANCE. DES RELIQUES DES SAINTS RAMBERT ET DOMITIEN
» »
DANS L EGLISE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
1804
NOTES POUR ShlKVIR AU CHAl'lTRE XVI
L'an de Notre-Seigneur Jésus-Christ mil huit cent quatre, et le onze
du mois de décembre, nous, Claude ChoUeton, curé de la paroisse de
Saint-Etienne de Furens, et Antoine Coquard, desservant de la succur-
sale de Suri, en conséquence de la commission à nous donnée par
M. Courbon, vicaire général de son Eminence Monseigneur le Cardinal
Fesch, archevêque de Lyon, Vienne et Embrun, en date du vingt-six
septembre dernier, Nous sommes transportés en l'église paroissiale de
Saint-Rambert-sur-Loire pour faire la visite des Reliques de saint
Rambert, patron de ladite paroisse, et en présence des témoins ci-après
nommés, avons ouvert une châsse de bois doré et sculpté ayant deux
glaces et quatre œilsde bœuf contenant lesdites saintes Reliques, laquelle
nous a été présentée par M. Jean- Louis Chevallier, curé de ladite
paroisse, et MM. les Marguilliers, fabriciens soussignés.
Et d'abord, nous y avons trouvé trois anciens procès- verbaux de visite
desdites saintes Reliques. Le premier en date du trois octobre mil sept
cent dix-huit, signé François- Paul de Neuville, archevêque de Lyon,
prieur de Saint-Rambert. Le second, en date du trente-un mai mil sept
cent trente-neuf, signé Emmanuel, évèque de Condom. Le troisième, du
vingt-trois octobre mil sept cent quatre-vingt, signé de Malvin, vicaire
général.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 403
En second lieu, nous avons trouvé un inventaire desdites saintes
Reliques^ dudit troisième octobre mil sept cent dix-huit, signé l'arche-
vêque de Lyon, prieur de Saint- Rambert, lequel annonce qu'il y a
dix-sept paquets desdites saintes Reliques, et que ledit seigneur arche-
vêque, pour satisfaire à sa dévotion, en a extrait les parties suivantes :
une vertèbre, six côtes, une grosse dent et un petit os du doigt de la
main. Et procédant, avons reconnu qu'il y avait dix-sept paquets
comme il est dit dans l'inventaire contenant les parties y énoncées ; et
les avons replacés dans le même reliquaire et dans Tordre marqué audit
inventaire. Excepté !• L'o5 cubitus que nous en avons extrait pour être
transféré en 1 église métropolitaine de Lyon, pour satisfaire à la demande
de M. Courbon, vicaire général. Excepté 2* un petit os que nous avons
extrait du paquet intitulé : ossicula manuum et pedum, et que nous
avons renfermé (i) dans un petit reliquaire d'aremit blanchi, fait en-
forme de croix rayonnante, avec une note relative au présent procès-
verbal et que nous avons scellé sur une ligature de ruban rose, pour
être exposé à la vénération des fidèles. Excepté 3* un petit os que nous
avons extrait du paquet intitulé : Costarum fragmenta, pour être
transféré en notre église paroissiale de Saint-Etienne. Excepté 4* une
vertèbre et un petit os extraits dudit paquet intitulé : Costarum fragmenta^
et du paquet intitulé : Vertebrce septem, et qui sera désormais intitulé :
« Vertebrœ quinque » pour être transférés en l'église paroissiale de Suri,
et avons remis dans ledit reliquaire doié, les actes et titres ci-dessus
énoncés ; mais attendu qu'ils sont lacérés et réduits en mauvais état, par
vétusté, nous en avons fait une copie que nous avons pareillement ren-
fermée dans ledit reliquaire, dont et du tout nous avons dressé le présent
procès-verbal pour servir et valoir ce que de raison, en présence de
MM. Jean-Louis Chevallier, curé dudit Saint-Rambert ; Antoine Javelle,
ancien chanoine de la collégiale dudit Saint Rambert ; Josué- Pierre
Gérentet, aussi ancien chanoine de ladite collégiale ; Pierre-François
Rony, prêtre desservant la succursale de Périgneux ; François Verdier,
prêtre desservant la succursale de Saint*Marcellin ; Jean-Claude Girau-
don, vicaire de Suri ; Jean- Louis Cuisson, vicaire de Saint-Just-sur-
Loire ; Antoine- Claude- Josué Gérentet Saluneaux, ancien conseiller
aux bailliage et sénéchaussée de Forez ; Pierre Giraud cadet et Jean-
Noél Colombet, marguilliers de ladite église de Saint- Rambert ; Jean-
Baptiste Jnvelle, maire de la commune de Sain'-Rambert ; Claude
Durieux, adjoint du maire ; Antoine-Marie Brazier ; Clément Duplain et
Clément Perrin, serviteurs de ladite église ; desquels lesdits MM. Antoine
Javelle, Josuc-Pierre Gérentet, chanoines; Antoine-Claude-Josué
Gérentet Saluneaux et Clément Perrin, ont adlrmé en leur âme et
(1) Ce petit ossemcnt a été transféré eu iK63, de ce petit reliquaire en forme de croix
rayonnante, dans un autre en même métal, de lorme carrée et style ancien, quelque peu
roman.
Subtil, curé.
464
PIECES JUSTIFICATIVES
conscience, reconnaître Tidentité desdites Saintes Reliques, pour avoir été
témoins de la visite faite par M. de Malvin, vicaire général, le vingt-
trois octobre mil sept cent quatre-vingt, comme aussi les sceaux et signa-
tures apposés au procés-verbal de ladite visite de M. de Malvin, et qui
ont tous signé avec nous, excepté ledit Pierre Giraud, pour ne savoir, de
ce enquis :
GéRSNTBT SaLUNBAUX,
Cuisson, prêtre,
Gérentet, chanoine,
Verdier,
Brazier,
Pkrrin,
CoQUARD, desservant de Suri, com^.
Chevallier, curé de Saint-Rambert,
Javelle,
DuRiEUx, adjoint,
C0LOMBET,
Rony, prêtre desservant,
G1RAUDON, vicaire.
DuPLAINy
Cholleton, curé de Saint-
Etienne, commissaire.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 405
N^ 25
PROCÈS-VERBAL
RELATIF A l'aUTHENTICITÉ DES RELIQUES DES SAINTS COME
TRANQUILLIN ET ROCH
EGLISE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
i8o5 (i2 août)
(A)
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XVI
A Messieurs les Vicaires généraux de Son Eminence
Mqb le Cardinal Archevêque de Lyon,
En conséquence de la supplique présentée par nous, Curé soussigné
de la ville et paroisse de Saint-Rambert-sur-Loire, à Messieurs les
Vicaires généraux de Son Eminence Mgr le Cardinal Joseph Fesch,
Archevêque de Lyon, Vienne et Embrun, et du rapport qu'il nous a été
par eux ordonné de leur faire concernant les reliques de notre église
paroissiale. Nous avons pris la déclaration de nos vénérables frères
Messires Josué Pierre Gérentet, Antoine Javelle, prêtres et cy-devant
chanoines de notre église, et de Clément Perrin, ancien serviteur de
ladite église, lesquels pouvoient en avoir connaissance certaine, et nous
rendre témoignage de leur authenticité ; sur ce, consultés et priés de
vouloir nous ouvrir leurs favorables avis, sont convenus unanimement
après un mûr examen d'icelles, et nous ont affirmé reconnoître sans
crainte de se tromper — i» La Relique de saint Côme, qui consiste en
une côte, laquelle avoit été, dans ces derniers tems, extraite de sa châsse
encore existente dans notre église — a» Celle de saint Tranquillin,
laquelle consiste en une vertèbre, aussi dans ces derniers tems, extraite
3o
466 PIÈCES JUSTIFICATIVES
de sa chasse encore ezistente dans notre église — 3*» Celle de saint Roch,
encore close et fermée dans sa châsse, comme avant quatre-vingt-neuf.
Pressés du désir de les voir vénérées comme cy-devant, Messires les
attestants nous ont certifié, devant Dieu et en conscience, Tidentité des
trois susdites reliques, celles de saint Côme et de saint Tranquillin qu'ils
ont vu constamment honorées dans Téglise paroissiale de Saint- Rambert,
et celle de saint Roch, dans l'église conventuelle des près ledit
Saint- Rambert, et reconnues pour telles par messeigneurs les Archevêques
de Lyon et leurs vicaires généraux, lors de leurs visites.
En foi de quoi, ils ont signé les présentes, pour servir en leur faveur
ce que de raison. Ce 12 août i8o5, à Saint- Rambert-sur-Loire.
Perrin, Gérentkt, prêtre, chanoine,
Gérentet Saluneaux, Javelle, prêtre, chanoine,
CoNORD, fab., J.-L. Chevallier, curé de Saint-
MoussET, fab., Rambert.
Sont intervenus encore : Claude Mousset et Claude Conord, fabriciens
de notre église, qui nous ont aflirmé ce que dessus concernant les
susdites reliques, et ont signé, ainsi que le sieur Gérentet Saluneaux.
J.-L. CHEVALLIER, curé.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 467
PERMISSION D'EXPOSER
LA RELIQUE DE SAINT ROCH A LA VENERATION DES FIDELES
ET DE RENFERMER
DANS DE NOUVEAUX RELIQUAIRES
LES RELIQUES DE SAINT COME ET DE SAINT TRANQUILLIN
ÉGLISE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
i8o5 (21 août)
(B)
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XVI
Nous, vicaire général du diocèse de Lyon, vu le procès- verbal
ci-dessus, permettons d'exposer à la vénération des fidelles, dans réglise
paroissiale de Saint- Rambert-sur- Loire, la relique de saint Rocb, comme
elle rétoit avant la Révolution ; nommons M" Coquard, desservant de
Sury, Verdier, desservant de Saint- Marcellin, Gérentet et Javel, prêtres
de Saint- Rambert, pour procéder de concert avec M. Chevallier, curé
de cette paroisse, à l'inclusion des reliques de saint Côme et de saint
Tranquillin dans de nouvelles châsses, les sceller, en dresser procès-
verbal, dont copie nous sera envoyée. Ces précautions prises, nous
autorisons M. le curé de Saint-Rambert à exposer, à la vénération des
fidelles, les susdites reliques comme elles l'étoient autrefois.
Fait à Lyon le 21 Août i8o5.
COURBON, v.g.
468 PIÈCES JUSTIFICATIVES
PROCÈS-VERBAL
RELATIF A l'iNCLUSION DES RELIQUES DES SAINTS COME
et tranquillin
dans de nouveaux reliquaires
église saint-rambert-en-forez
1806 (6 mai)
(C)
NOTES POUR SERVIR AU CHAPITRE XVI
L'an de Notre-Seigneur Jésus-Christ et le six may dix huit cent six,
nous soussignés Antoine Coquard desservant de la succursale de Sury ;
François Verdier, desservant de la succursale de Saint-Marcellin ; Josué-
Pierre Gérentet et Antoine Javelle, prêtres et anciens chanoines de la
collégiale de Saint-Rambert, assemblés dans la sacristie de l'église dudit
Saint-Rambert, pour procéder conformément à la commise à nous
accordée par M. Courbon, vicaire général, en date du 21 août i8o5^ à
l'inclusion des reliques de saint Côme et saint Tranquillin, dans des
nouvelles châsses préparées à cet effet, avons de concert et en présence
de M. Jean-Louis Chevallier, curé dudit Saint-Rambert, renfermé
1° la relique de Saint-Côme, consistant en une côte divisée en trois
parties, dans un reliquaire à pied d'aremit blanchi, représentant par le
haut un carré long surmonté d'une croix, fermant par emboîtement, et
arrêté par un ruban couleur rouge, du haut en bas et scellé d'un
cachet en cire rouge ; a"* la relique de saint Tranquillin, consistant en
une vertèbre, dans un reliquaire à pied d'aremit blanchi, représentant
par le haut une forme ovale, surmonté d'une croix dorée devant et
derrière, fermant par emboîtement et arrêté par un ruban rouge,
sur lequel nous avons apposé le cachet en cire rouge, dont et du tout
nous avons dressé le présent procès- verbal, qui, annexé à la supplique
et à la commise, sera inséré dans le grand reliquaire de ladite église
de Saint-Rambert.
Coquard, curé commissaire, Verdier, curé commissaire^
Javelle, J.-L. Chevallier, curé de Saint-
GÉRENTET, Rambert.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 469
PROCES-VERBAL
DE LA
RECONNAISSANCE DES RELIQUES DES SAINTS ROCH, CÔME
ET TRANQUILLIN
DANS l'Église saint-rambert-en-forez
1806 (14 octobre)
tD)
notes pour servir au chapitre XVI
L'an de grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ 1806, et le quatorze du
mois d'octobre, nous soussignés Jean Louis Chevallier, curé de Saint-
Rambert-sur- Loire, Antoine Coquard, curé desservant la succursale de
Sury, François Verdier, curé desservant celle de Saint-Marcellin, Josué
Pierre Gérentet et Antoine Javelle, prêtres et anciens chanoines de la
Collégiale de Saint-Rambert dûment assemblés dans la sacristie de
ladite église, pour procéder à l'ouverture de la châsse de Saint-Rambert,
conformément à la commise à nous adressée par M. Cholleton, vicaire
général de Son Eminence Mgr le Cardinal Fesch, Archevêque de Lyon,
en datte du 27 Mai dernier, signée Cholleton, vicaire général, et d'y
enfermer : i* le rapport ci-joint par nous fait à Son Eminence conjointe-
ment avec Messieurs Josué Pierre Gérentet et Antoine Javelle, prêtres
et anciens chanoines de la Collégiale de Saint-Rambert, Clément Perrin,
Claude Josué Gérentet Saluneaux, Claude Mousset et Claude Conord,
fabriciens de ladite église, en datte du 12 août x8o5, pour constater
l'identité des reliques de saint Roch, de saint Côme et de saint Tran-
quillin, ensemble l'ordonnance de M. le vicaire général de son Eminence,
signée Courbon, vicaire général, en datte du 21 août i8o5 ; 2° le procès-
verbal des dites reliques de saint Roch, de saint Côme et de saint
Tranquillin, dressé en notre présence par les Commissaires Antoine
Coquard, François Verdier, Josué Pierre Gérentet et Antoine Javelle,
470
PIECES JUSTIFICATIVES
en datte du 6 Mai dernier 1806, lesquelles pièces nous avons annexées
aux procès-verbaux de la relique de Saint-Ram bert, et les avons
enfermées dans ladite châsse que nous certifions avoir trouvée remplie
d'ossements précieux, enveloppés chacun séparément d'une toile avec
leurs étiquettes respectives, entremêlés de coton pour les garantir de
l'humidité, et que nous avons laissés dans le même ordre et état
qu'ils étaient, lors de l'ouverture et visite qui en fut faite, en notre
présence, par les Commissaires, le onze du mois de Décembre rail huit
cent quatre.
En foi de quoi, nous avons signé et apposé, à nos lettres, le cachet en
cire rouge, ce jour d'hui quatorze Octobre mil huit cent six, et avons
confié la clef de ladite châsse au sieur curé de Saint-Rambert, qui nous a
promis de ne l'ouvrir que par un ordre spécial de Son Eminence ou de
ses vicaires généraux, et selon les formes prescrites.
GÉRENTET,
CoQUARD, com^**, curé de Sury,
Javelle,
Verdier, commissaire.
J.-L. Chevallier, curé de
Saint-Rambert.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 47 I
N" 26
8* ET 9« PROCÈS-VERBAUX
DB LA
RECONNAISSANCE DES RELIQUES DES SAINTS RAMBERT ET DOMÏTIEN
1 *
DANS I, EGLISE SAINT-RAMBERT-EN-FOREZ
1872-1876
NOTES POUR SERVER AU CHAPITRE XVII
L*an mil huit cent soixante et douze, et le samedi vingt-huit septembre,
nous Claude Peurière, curé de Notre-Dame de Montbrison,en vertu d'une
délégation de Monseigneur l'Archevêque (i) signée : Pagnon, vicaire
général, et en présence du curé de la paroisse, Subtil Jean-Baptiste, et de
ses vicaires, Maugé Benoît et Dupin Alexis, avons procédé à la
reconnaissance des reliques de saint Rambert, et à leur transfert de
l'ancienne châsse en bois sculpté et doré où elles étaient renfermées,
dans une nouvelle de style roman et en cuivre bruni et émaillé.
Nous avons d*abord reconnu qu'il y avait bien dans l'ancienne chÛsse
dix-sept paquets, en toile, desdites saintes reliques, ainsi que le constatent
les procès-verbaux des reconnaissances ordinaires dont nous avons pris
lecture, et notamment le dernier, dressé le onze décembre mil huit cent
quatre par MM. Claude Cholleton, curé de la paroisse de Saint-Etienne
de Furens et Antoine Coquard, desservant de la succursale de Sury-le-
Comtal,qui avaient reçu commission, à cet effet, de M. Courbon, vicaire
général de Son Eminence le Cardinal Fesch, archevêque de Lyon, Vienne
et Embrun.
(I) Mgr Ginottlhac
47^ PIECES JUSTIFICATIVES
Nous avons ensuite transféré, dans leur nouvelle châsse, les reliques
du saint martvr.
Les ossements des cinq paquets intitulés :
i^ Costarum fragmenta ;
2» Ossicula manuum et pedum ;
3* De ossibus humeri et sterni ;
4* Varia ossium fragmenta;
5* Pulvisreliquiarum sancti Ragneberti atque beati Domitiani, y ont été
fermés avec leurs enveloppes et anciennes étiquettes dans une petite boîte
de chêne, de forme oblongue et revêtue, en dedans et en dehors, de velours
soie cramoisi, et autour de cette boîte et de manière à être exposés à la
vue, en même temps qu'à la vénération des fidèles^ ont été placés les
ossements des douze autres paquets avec de nouvelles étiquettes et dans
Tordre suivant :
Sur l'une des faces de la boîte :
6* Os brachii unum ;
7^ Os tibiae ;
8* Os femoris unum.
Sur l'autre face :
go Os brachii alterum ;
lo* et II* Duo radii et duo peronea;
12* Os femoris alterum.
Sur Tun des côtés de la boîte :
i3* Coccix;
Sur l'autre côté :
14' Vertébrée quinque.
Sur le dessus de la boîte :
iS/* Pars sacri una;
i6o Pars cranii posterior cum dentibus sex;
ly Pars sacri altéra.
Enfin nous avons enveloppé la boîte de quatre fils d'or que nous
avons réunis, à leurs extrémités, par un nœud, et sur ce nœud nous avons,
en preuve authentique de notre mission, apposé avec de la cire rouge le
sceau de Tarchevêché.
PIECES JUSTIFICATIVES
47^^
Et du tout, nous avons dressé, et signé avec les témoins susdits le
présent procés-verbal.
Subtil, curé archip.
M AUGE, vicaire,
DupiN, vicaire,
J.-B. Grata, prêtre,
Peuribre, curé de Notre-Dame de
Montbrison,
Plantin, missionnaire diocésain, ancien
vicaire de Saint-Rambert.
RECONNAISSANCE DE LA CHASSE
DANS l'Église saint-rambert-en-forez
EN 1875
Nous avons visité, le 18 juin 1875, le reliquaire mentionné à la fin du
procés-verbal ci-dessus, et nous l'avons trouvé dans le plus parfoit
état.
f ODON, évêque de Sidonie,
Auxiliaire de Mgr rarcheTèque de Lyon (1).
<i) Mgr Thibaudier, plus tard évêque de Soissons. et ensuite archevêque de Cambrai.
474 PIÈCES JUSTIFICATIVES
N° 27
HYMNES A SAINT RAMBERT, MARTYR
(Voir le texte latin, page 373.)
TRADUCTION DE L'HYMNE N» i
EN !.*HONNEUR DE SAINT RAMBERT, MARTYR
1 . — Chantons, à la louange de Tillustre saint Rambert, un cantique
dont les accents honorent dignement la mémoire de son martyre et de
son couronnement.
2. — O vous le martyr du Christ, nous vous en prions, venez à notre
aide en toutes circonstances, et daignez agréer les vœux que notre piété
fait monter jusqu'à vous.
3. — Que par votre intercession nous ne tombions jamais dans les
pièges de nos ennemis, et que votre puissante médiation écarte sans
cesse, du milieu de nous, toute sorte de complots ourdis méchamment.
4. — Très saint Rambert, portez vous-même nos hommages et nos
vœux jusqu'aux pieds du Très- Haut, à Dieu le Père, à Dieu le Fils, à
Dieu le Saint-Esprit.
5. — Afin que ce divin Esprit nous protège et nous fortifie sans cesse,
et qu'il embrase nos cœurs de sa grâce toute spirituelle.
6. — Obtenez-nous, enfin, par vos saintes prières, que Tadorable Trinité
nous accorde la jouissance des félicités éternelles.
7. — Louange soit au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Que le divin
Fils nous console par l'onction salutaire de l'Esprit Saint. Ainsi soit-il.
PIÈCES JUSTIFICATIVES 476
TRADUCTION DE LHYMNE N» 2
EN L*HONNEUR DE SAINT RAMBERT, MARTYR
1 . — Nous célébrons par des hymnes de fête, ô saint Rambert, vos
actions d'éclat et votre sang répandu pour la foi. Et le cœur plein de
joie, nous chantons vos triomphes avec les accents d*une vive allégresse.
2. — Humblement prosternés à votre autel, ô vénérable martyr, nous
vous supplions d'agréer nos vœux avec nos pieuses larmes.
3. — Nous vous en prions, portez au ciel nos prières, fléchissez par
vos supplications le Dieu du tonnerre, de peur que l'univers coupable
subisse, pour ses crimes, le )uste châtiment de la colère divine.
4. — Révélez-nous les pièges que cherche à nous tendre notre ennemi,
Satan, qui veut notre ruine. De votre main puissante paralysez les efTorfs
furieux qu'il fait pour nous perdre.
5. ^- O martyr de Dieu, prince dévoué à vos serviteurs, faites
qu'abandonnant la terre, les légions infernales vaincues par vous, et
dispersées au loin, rentrent dans leurs ténébreuses cavernes.
6. — Que notre patrie ne connaisse plus désormais les horreurs de la
guerre civile, encore moins les tristesses de la guerre. Que le fracas des
armes de combat, que le son éclatant du clairon ne vienne jamais,
images terribles de la cruelle mort, jeter le trouble dans les âmes.
7. — Que par votre salutaire protection nos campagnes soient préservées
des orages dévastateurs, des grêles terribles, des froids excessifs qui
ruinent nos champs, et que nos vignes soient à l'abri du soleil brûlant et
des longues sécheresses.
8. — Que nos cœurs ne soient jamais victimes des suggestions de
l'esprit impur, ni des atteintes de Tamour profane, mais qu'ils demeu-
rent toujours fidèles à Dieu, et tout embrasés du divin amour.
9. — Brisez enfin, ô bienheureux saint Rambert, brisez les liens qui
nous attachent au péché, faites notre paix avec Dieu* afin que par vos
prières nous jouissions, un jour, de sa divine présence.
10. — Rendons gloire à la Très Sainte Trinité dont la toute-puissance
a créé le monde, et conserve ensemble la terre et les cieux. Ainsi soit-il.
TABLE DES MATIERES
PAGES
Avant-Propos v
Introduction ix
Chapitre I. — Saint- Rambert-en-Forez, à vol d'oiseau 3
Chapitre IL — Le comte Guillaume, des comtes de Forez et
Lyonnais. — Première race, xi« siècle 1 5
Chapitre III. — Martyre de saint Rambert, vers l'an 680 aS
Chapitre IV. — Saint-Rambert-de-Joux (Bugey) 47
§ I. Légende abrégée de saint Domitien 49
§ II. L'Abbaye de Saint-Domitien, V* siècle 52
§111. La ville de Saint- Rambert -de -Jouz. — Son
ancienneté ^ 69
CHAPrrRE V. — Le culte de saint Rambert dans la vallée de
TAlbarine, en Bugey. — Reconnaissance de ses reliques en 1689,
en 1763. — Leur transfert de l'église de l'Abbaye dans Téglise
paroissiale, en 1789. — Nouvelle reconnaissance des reliques.
— Courageux sauvetage de lâchasse et de ses reliques en 179a.
— Reconnaissance des reliques en 181 3, par Son Eminence le
cardinal Fesch. — Autre reconnaissance des reliques par
Monseigneur Dévie, évêque de Belley, en i833. — Indulgences
accordées à l'église Saint-Rambert-de-Joux 81
Chapitre VI. — De la Translation des reliques des saints 95
Chapitre VII. — Légende de la Translation des reliques de saint
Rambert, vers Tan 1078 101
Légende de saint Florentin (36 1) 119
47^ TABLE DES MATIERES
FAGES
Chapitre VIII. — Voie suivie par le mystérieux porteur des
reliques des saints Rambert et Domitien 121
Chapitre IX. — A propos des sacoches dans lesquelles furent
apportées, au pays de Forez, les reliques insignes des saints
Rambert et Domitien 145
Chapitre X. — La Fontaine de saint Rambert. — Fontchaud. — Le
Pont de Saint- Rambert-sur- Loire. -- Le Gué de la Roche... 139
§ I. Fontaine de saint Rambert à Fontchaud. — Son
ancienneté. — Son renom i Sq
§ IL Etymologie du mot c Fontchaud » , 168
§ III. Le Pont de Saint-Rambert. — Son ancienneté.... 172
§ IV. Le Gué de la Roche mentionné dans les vieux
parchemins 1 77
Chapitre XI. — La chasuble de Saint-Rambert-en-Forez, xi* siècle. 1 8 1
§ L Monographie de la chasuble 181
§ IL L'étoffe de la chasuble de Saint- Rambert servit
autrefois de c Suaire » aux reliques des saints
Rambert et Domitien,dans leur transport du manoir
d'Yzeron au prieuré de Saint- André-Ies-Olmes. . . 186
§ III. La chasuble de Saint-Rambert fut un vêtement
civil avant d'être transformée en vêtement sacer>
dotal 1 89
§ IV. Décoration de la chasuble de Saint-Rambert 195
§ V. La « Pénule » antique des laïques servit de modèle,
au XI* siècle, pour confectionner la chasuble
actuelle de Saint-Rambert 202
Chapitre XII. — Les châsses et reliquaires de l'église Saint-
Rambert-en- Forez 211
SECTION première : LES CHASSES
§ I. Mode de sépulture dans l'antiquité 211
§ II. Description du sarcophage antique. — Un sarco-
phage ancien, trouvé à Saint-Marcellin (Loire). . . 214
TABLE DES MATIERES 479
PAGES
§111. Les sarcophages ou tombeaux des martyrs, dans les
catacombes, transformés en autels pour les saints
mystères, furent de véritables châsses 2x9
§ IV. Les basiliques primitives furent de vraies châsses.. 221
§ V. La châsse à travers les siècles 223
§ VL Les deux châsses modernes de Saint- Rambert. —
Châsse de 1 801 . — Châsse de 1872 284
SECTION DEUXIEME : LES RELIQUAIRES
§ l. Diverses sortes de reliquaires. — Fioles lacrymatoires. —
Encolpia. — Bras reliquaire de Téglise de Veauche
(Loire). — Les grands ostensoirs-reliquaires, ou soleils
d'orfèvrerie. — Ostensoirs-reliquaires, ou soleils
d'orfèvrerie de Téglise Saint-Rambert-en-Forez. —
Les reliquaires sur pied ou présentoirs. — Reliquaire
sur pied de Téglise Saint-Rambert«en- Forez . —
Les Monstrances. — Monstrances de l'église Saint-
Rambert-en-Forez 248
Chapitre XI IL — Le cuite de saint Rambert à travers les siècles,
dans le Forez 259
Legs pieux faits à diverses époques au luminaire de
saint Rambert , . . . . i63
Chapitre XIV. — Reconnaissances des reliques de saint Rambert a
diverses époques : en 1625, par le R. P. ChifHet, jésuite ; en
1708, par M. Pactier, archiprêtre de Montbrison ; en 1718, par
Mgr François- Paul de Neuville de Villeroy ; en 1739, par
Mgr Cossé de Brissac ; en 1780, par Messire Malvin de Montazet,
vicaire général de Lyon; en 1790, par M. de Grézieu, sacristain
curé 269
Catalogue des paquets de reliques trouvés dans la châsse,
en i6a5 275
Chapitre XV. ^ Les reliques et la châsse de saint Rambert
pendant la grande Révolution de 1793. — Courageux sauvetage
de la châsse et de ses rehques en 1793. — Transfert des
reliques, de la vieille arche à grains de M"« Chapoton, dans
l'église paroissiale 289
480 TABLE DES MATIÈRES
PAGES
Chapitre XVI. » Le^ reliques de saint Rambert déposées dans
la châsse de 1801. — Leur reconnaissance canonique en 1804,
sur la demande de M. l'abbé L. Chevallier, curé de
Saint-Rambert, par MM. ChoUeton, curé de Saint-Etienne de
Furan, et Coquard, desservant de Sury-le-Comtal 2^
Chapitre XVII. — Les reliques de saint Rambert transférées
en 1872, par M. le chanoine Peuriére, curé archiprêtre de
Notre-Dame de Montbrison, dans une nouvelle châsse due aux
soins de M. Tabbé Subtil, curé archiprêtre de Saint- Rambert. —
Rescrit de Sa Sainteté Léon XIII, Pape, faisant droit à la
demande faite pour obtenir des indulgences en faveur des
personnes qui vont visiter les reliques de saint Rambert,
martyr, dans l'église paroissiale Saint- Rambert-en-Forez 309
Chapitre XVIII. — Le bréviaire manuscrit dit a de Saint-Rambert ».
— Son ancienneté. — Comment il est arrivé jusqu'à nous. ... 3 19
§ I • Matériel des anciens livres. — Papyrus. — Parchemin. —
Papier coton. — Papier chiffe. — Instruments pour
écrire. — Encre. — Ecriture 329
§ IL Les écrivains dans les anciens temps et au moyen âge 333
OpFiauM Sancti Ragneberti, texte et plain-chant 339
Suite de l'Office, texte seulement 369
PIÈCES JUSTIFICATIVES
N° I. — Charte de Conrad le Pacifique, roy de Bourgogne et
souverain de la ville et du territoire de Lyon, deçà et
delà le Rosne 38 1
N« I *«. — Prioratus S. Regneberti in Foresiis olim S. Andreae 383
N"» 2. — Légende de saint Domitien, extraite du bréviaire de
TAbbaye de Saint-Rambert-en-Bugey 384
N© 2^w.— Abbatia S. Ragniberti, jurensis olim S. Domitiani 392
M© 2ter, — Inscription gravée sur une plaque de marbre noir, à la
porte de la crypte de saint Domitien, à Saint-Rambert-
en-Bugey 394
TABLE DES MATIERES 48 1
PAGES
N» 3, — Légende de saint Ramberty extraite du bréviaire-manuscrit
dit • de Saint' Rambert » SqS
N» 3W5, — Chemin de Saint -Côme (chapelle) au Garayt de
Saint-Rambert, année 1424 400
Mo 3/er. — Naïve légende sur le chef sacré de saint Rambert 401
N« 4. — Extrait des Bollandistes 402
N» 5. — Procès-verbal de la reconnaissance des reliques de
saint Rambert, faite le 10 juin 1763, à Saint- Rambert -
en-Bugey 4o5
N» 6. — Délibération du Conseil de la commune deSaint-Rambert-
en-Bugey. du 14 juillet 1 788 408
N'' 7. — Procés-verbal de la translation des reliques de saint
Rambert, de Tabbaye dans l'église paroissiale de Saint-
Rambert-en-Bugey, le 1 2 juin 1789 410
No 8. — Déclaration donnée par les trois habitants de Saint-
Rambert-en-Bugey, qui ont sauvé la relique, en 1793. 414
N<> 9. — Acte de vérification, reconnaissance et apposition de
sceaux aux reliques de saint Rambert, martyr, â Saint-
Rambert-en-Bugey, parjSon Eminence Cardinal Fesch,
archevêque de Lyon, le 10 juin 181 3 41 3
N<> 10. — Procés-verbal des reconnaissance et translation des
reliques de saint Rambert, par Monseigneur Dévie,
évèque de Belley, à Saint- Rambert-en-Bugey, le
14 avril i833 417
N« II. — Lettre de M. Anier, curé de Saint-Rambert-en-Forez, à
M. Depéry, vicaire général de Belley 42 1
N^ 12. — Supplique de Monseigneur Dévie au Pape Grégoire XVI,
pour obtenir des indulgences en faveur des personnes
qui visitent les reliques de saint Rambert, dans l'église
de Saint- Rambert-en-Bugey. — Rescrit du Pape faisant
droit à cette demande, 14 février 1834 423
N» i2^<<. — Rapt et translation de reliques au moyen âge 425
3i
482 TABLE DES MATIERES
PAGE»
N» i3. — Du culte des fontaines dans rantiquité. — Fêle des
Hydrophories à Athènes. — Cérémonie de Tefiusion
des eaux de la fontaine de Siloê, chez les Hébreux. —
Cérémonie de Teffusion des eaux à Ithome en
Méssénie 426
No 1 3Wi — Le Gué de la Roche, année 1483- 1484 429
N^* 14. — Le « Suaire », son origine, son usage et ses diverses
transformations jusqu'à nos jours 430
N(» i5. — Historique du manteau, dans l'antiquité et au moyen âge 435
N» 1 5^«^. — Inscriptions arabes de la chasuble de saint Rambert.
— Eglise Saint*Rambert-en-Forez 441
N® 16. — Principaux modèles de châsses, au point de vue de l'art,
du XI* au XV* siècle 442
N® 17. — L*orfévrerie religieuse 448
N» 18.— Les reliquaires (a) 45 1
(b). Le reliquaire de la Sainte Couronne d'épines de
N.-S. J.-C 453
N* 19. — !••' et 2* Procès - verbaux de la reconnaissance des
reliques des saints Rambert et Domitien, dans l'église
de Saint-Rambert-en- Forez : en 1025, par le R. P.
Chifflet, jésuite; en 1708, par M. Pactier, arcniprêtre
de Montbrison 464
N« 20. — 3® Procès-verbal de la reconnaissance des mêmes reliques,
en 1718, par Monseigneur François- Paul de Neuville
de Villeroy 456
N" 21. — 4» Procès-verbal delà reconnaissance des mêmes reliques,
en 1 739, par Monseigneur Cossé de Brissac 468
N<> 22. — 5û Procès-verbal de la reconnaissance des mêmes reliques,
en 1780, par Messire Malvin de Montazet, vicaire
général 459
N<^ 23.:— 6* Procès-verbalde la reconnaissance des mêmes reliques,
en 1790, par MM. de Grézieu, curé, Gérentet,
chanoine 46 1