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Full text of "Hypothèses actuelles sur la constitution de la matière: Thèse présentée au ..."

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HYPOTHESES ACTUELLES 



SUR LA 



CONSTITUTION DE LA MATIfiRE 



PARIS 

TYPOGRAPHIE GEORGES CHAMEROT 

10, RUR DKS 8AINT8-PRRB8, 19 



HYPOTHESES ACTUELLES 



SUR LA 



CONSTITUTION DE LA MATlERE 



THESE 



PRESENTEE AU CONCOURS POUR L'AGREGATION 

(section des sciences accessoires) 



PAR 



LE D' MAURICE ^NRIOT 

DOCTBUR BS-8CIENCES 
PREPARATBUR A LA FACULTB DB MBDBCINB 



-e*eoc<*o^ 



• • • • 

• . . - 

• • • • , 



PARIS 

LIBRAIRIE GERMER BAILLlfeRE ET C'« 

108, BOULEVARD S AINT-OERM AIN , 108 

1880 






V. J? 



%y 



<«t V nJ * »i^**» 



9 VI&A'\«9Mi*» 

-J ' ■» • 



tJ «^A*-^A%5ll49 Jy^^-«A.A 



i au nord des scHistes 
^Setendent les ffrfes de la 
, orme s6rie de gr6s et 
'lie r^poque triasique, 
't feptiles a I'dtat f ossile 
^L labyrinthodon, dino- 
^fdiamants setrouvent 
?kou h l^ kilometres 
^aoblonie anglais^, et 
^ Orange, n y a, comme 
©I les mines sfechesou- 
djcienne, et les mines de 
i^luvion tout h fait mo* 
l! Vaal. On troiive dana 

diamant, de la calc6- 

^atj du fer tita^6, de 

4u' on- nomdoie vaa- 



;dtt Cap est celle.de 
ilivironc'. 1^ ^trois.quarts 
^I'iAfeique du Sud. Lea 
%6&,.ll8 1872 k 1874, k 
bfe75^,a879,.>,25mU- 

BitTOC beauQOup dlntfi- 

jt6ceiiTjre.$qir les gem- 
It ierehan23La.at6$ Ulujstra- 

Eantenay^.qui a .i6t6 
a d.4 biiQaterie et^de 
iversefi© deJParis. et 
1 M. Fontenay rend 
midme si^cle et-,au 
le M^le f raiiQpals. 
t aussi Toloet: d'une 
i^, professeur inPE- 
5t, s'y est particuli6re- 
e beauccHip A'observa- 
'^ psendaat .ses. Toya- 




byages, nous signale« 
i qui vient de paraltre 
kprt ;^ elle donne dana 
! le, avec une precision 
fe de niveau horizon- 
^Lieetrorographie du 
^ tngadine. Les< glaciersi 
» nuances des oouleur^ 
k yeux les formes du 

• 




rt (J^s dur^es, des vibrations cfr 
. pent aussi,. comme Descartes, W 
onde comme rempli d'une matie! ' 
is di^ercmment condens^e en se{^ 

•Jjteprfe apris une forme plus 

'^^ioement de ce 9itole, quan 

l^wuvrir qua les poids, atomiquf 

iples s6n| des ^ midtiples de c< 

le. Ciette lol simple a 6t6 i>aii 

^Stas ; ^pourtant M. Dipnas m 

i rid6e ^u'elle expriipe ; il a cM 

ae les m6tau^ eux-mgmes formi 

nn pertain nombre de radical 

A^mke meme esg^ece dem|iti( 

ae par sojn naode de cqndensa 

)s radicaux d'une m§me s6rie 

K^y^aiQ orga^jfte, Les d^coi 

ro8Copie;pnt(jOAduit M. Norm; 

pluyp queeertaines iraias pomj 

^t^'Ujc datus ie spectre permetl 

f^Qorte de oommunai^^t^ mat| 

ietauic; mat3 oette id^e ne 

itrtt, k ufie analyse rigo^reui 

1^ ) dp ct^imlstes persistent |i cipoil 

its simples sent les eta|^. ma 

W UAiqQj^ lia-ua SQB jfriftcippf 

^6 groiflper de manier e vs 

<iir. ae& Baouvem^p^, d'ordrf 



it ik^pa^e j4e. la mistttdre (^sqo 

^ ii.^0leane4uelasei^nQe et 

\. ViM& des .atoi»e3. x^mon 

jSiijomm^MiM, Wurtzdaps 

rue^ dans ^'opiAiou 4€k$ j^n 

iprp^ta^ep^ent de pM Wt 

force qm i^ mm^ ^a^ Jals^U 

irent point par leur^s^ptoes, xtQ 

«i!d')iiisd p» lepf qualit^^ qkii 

par leurs dimensions^ car.il^ Ob 

aaasible; ils different .par je^r 

3 tombent dans les erofoi^d 

tes l^^ers ils s'^l^vent en I'ai 

le surface lisse, d'a^tres pr6 

:des a9p6rit6s,, des m>Q^. - . - , 

ivement.qui bgj entralne Jtes m 

/t m raiipart, .sa»s.qu'ate,s'attirfl 

orient; tant&t il las^^oiiiere,.ta{ 

e : c'est aii^i due toutes cbo$ea g 

se d6truisent. Limit6s dans leur: 

r leur mir^stea ite ne saaraient n 

rec le milieu aans lequel ils se- 

milieu c'est le vi,de. » 




Ji; 



5lles ou Jes 
uno action 
ces ne d6- 
;upporte le 
ap^ratures 
, soit Sim- 
la m^me 
ombre des 
•n, propor- 
Vmpere et 
c les volu- 
ienneiit le 



ies excep- 
tes fth61io- 
^ la ibi fest 
aussi n[ial 
& les corps 
• molecules 
5 'Momes : 



i 

air. 
ids absolu ' 
l^ii rbtient ' 
e volume ? - 
TOnt nous 

ifesiiiole^ 
llasitiiiues, 
tiiol6cules 
-^^ment.ca- 
nott^ et la 
rtidftndle* 
3tla^res- 
melle h la 
lomptfie a 
'6tant que 
a d6duire 
molecules 

jr, pw un 
Tine id6e 
leeulairbs 
s par les 
facons le 
es^et des 
pg autres, 
e trfes au- 
[llions de 

gaz. 

^riiie sen- 

iner tme 

lies, « Je 

'fiufaitla 



vide, et je le perce avec r^tincelle de la bobino^ 
d'ihduction. Celte ^tincelle product une ouver-| 
ture tout a fait iplcroseopique, raais qui est! 
pourtant stssez grande pour pei'mettre aux mo-i 
Igcules gazeuses'de penetrer dans le ballon et: 
de d6truire le vide. ^ i 

» L'air qui se^r6cipite au dedans.yient f rapper - 
sur le3 palettes d[e la fcetite roue et les fait; 
tourner comine cell^ d'un mbulin ^ vent.} 
Supposons que la petitesse des molecules soit 
telle qu'il en entre dans le ballon cent millions! 
parsecbnde; combien de temps croit-on qu'il! 
taille dans ces conditions pour que ce petit re- 
cipient se r^mfflisse d'air? Sfera-ce une heure, 
un jour, uh0 annfee; nil siecle? U faudra pres- 
uue ifne eternitS, uh' temps si enbrme gue 
rimaginatioit elle-mgme est impuissante alo 
bien concevoif'. 

» Si Ton suppose dii'on ait faitle vide dans un 
Gallon ie yerre/ fle cette grosseiir, rendu 




chan- 
jjappbse touli 
celu^ (nous abrSgeons; non , sans penser au :# 
<c Q^and aura-fciltdiit iru^ ifyd^sPlctmcurs), ave(^ 



par secoride, ce pefit ballori aura k peine reci 
un septilltori de molecules: 

LA th^drie' cin^m^tiiiiio defs gaz a j'ecu Tap 
pui des experiences de M. Crpok^s. Enf faisani 
fonctiohner des iuljes de Gfei^sler,,M. Crookes^ 
vit le pole n^galff entburfe d'un espaoe $ombre,' 
plus ou moing grand, suivarit le de^e du vide. 
11 imagine qufe daiis cet espace sombre les mo-5 
leculcs chemin^ient sans se heurter, et qu'ai? 
dela la lumiere provierit de leur choc. On a ima- 

fin6 un moyen de rendre visibles les courants' 
e matiere a Matradiaire; ces courants deter-' 
minent en effet line action analogue a la phos-- 
phorescence; la matiere dite radiaire donnei 
une couleur verfe aii verre d'urane, uiie cou-v 
lieur bleue aii cHstal, une couleur vert-pommej 
au verre de pbtas$e. L6 cbrps le j)lus Sensible 
est le diamari\ que M. Crookes fait luire com- 
me uiie bougie, Lb sulf are de zinc cristallise 
detient tres eclat^nt. , ' i 

^CbmmenHSfiilir cette .m^tiery radistire? Ge^ 
que nous en savbns; (?esl qtl'elle eiiiane de V6 . 
^dxodG xU^Biive, M Cropker a cherche ^ de i 



I 






I 



1 i-i-z-a^ 



HYPOTHllSES ACTUELLES 



SUR LA 



CONSTITUTION DE LA MATlfiRE 



« Quand on parle dans les compagnies de 
matieres de philosophie, les discours rouleut 
ordinairement sur des articles qui ont occa- 
sionnd de grandes disputes parmi les philo- 
sophes. La divisibilite des corps est un tel 
article, et sur lequel les sentiments des sa- 
vants sont fort partages. Les uns soutiennent 
que cette divisibilite va k Tinfini sans qu*on 
parvienne jamais a des particules si petites 
qui ne seraient plus susceptibles d'une divi- 
sion ult^rieure. Mais les autres pr^tendent 
que cette division ne va que jusqu'k un cer- 
tain point, et qu'on parvient enfin k des par- 
'V' ticules si petites, qui, n'ayant aucune gran- 

T dAiip nA sAnpAiAnt Sttm HivisAAft. h 



deur, ne sauraient Stre divisSes. » 

(EuLBR, lettre LVII.) 



^ GHAPITRE PREMIER. 

^ IDEES Gl&NJ^RALES SUR LA CONSTITUTION DE LA MATIJ^RE. 

o 

II est une notion qui s'impose d'elle-meme, c'est 
celle de I'existence des objets qui nous entourent. 
Ces corps sont formes de substances differentes aux- 
quelles on a donne le nom de matiere. D'une fagon 
generale on pent dire que la matiere est tout ce qui 
frappe nos sens. 

« Cette notion parait extremement claire, et ce- 
pendant elle a ete niee. EUe a ete niee d'abord par 
les sceptiques absolus qui mettent tout en doute, 



— 2 — 

jusqu'a leur propre existence, et que nous n'avons 
pas a refuter. U est evident que Texistence de la ma- 
tiere ne saurait recevoir un caractere de certitude 
superieur a celui dont Thomme est capable. Nous 
ne pouvons raffirmer qu'autant que nous nous affir- 
mons nous-memes (Naquet). » 

A cote de la notion de la matiere se trouve une 
autre notion non moins necessaire, celle de la force 
dont Texistence nous est revelee par le mouvement. 
Ces notions se completent reciproquement sans pou- 
voir se remplacer. Quelques essais ont pourtant ete 
faits dans cette voie : la matiere ne serait que Tune 
des formes du mouvement; mais nous ne pouvons 
comprendre de mouvement sans mobile, de force 
sans point d'application. 

Laissant done de cote cette theorie insoutenable, 
nous voyons que toutes les hypotheses qui ont ete 
emises sur la constitution de la matiere peuvent se 
rapporter a deux groupes, la matiere continue ou la 
matiere discontinue. 

l*" Matih'e continue. — Gette theorie n'est qu'une 
transformation de la theorie dynamique. L'univers 
est rempli d'une matiere primordiale, identique en 
tons ses points et animee de mouvements ondula- 
toires. Ces mouvements de phases diffe rentes sont la 
cause de la differenciation de la matiere. Cette ma- 
tiere est parfaitement elastique, Telasticite etant 
definie le rapport des vitesses de deux points juxta- 
situes (Bellingshausen). 

La densite absolue de la matiere primordiale est 
nuUe ; la densite relative des corps est le rapport de 
leurs mouvements interieurs, ou, dans le cas des 



— 3 -- 

gaz parfaits, le rapport des durees des vibrations ca- 
lorifiques. 

Ges differents mouvements interferent entre eux 
en se detruisant en certains points. II y a done des 
points a Tetat de repos, veritables points nodaux. 

La principale difficulte de cette theorie consiste a 
rendre compte de la forme exterieure des corps. On 
est conduit a admettre une reflexion des ondes du 
mouvement au point qui doit constituer la surface du 
corps. Quelles sont les causes de cette reflexion? 
G'est ce que les auteurs ne precisent point. 

Une autre difficulte reside en ce fait : si les corps 
tels que nous les voyons ne sont que des forces ap- 
pliquees a une matiere uniformement repandue, 
comment ne voyons-nous jamais la transformation 
de la force en matiere, ou reciproquement? 

Une autre variante de cette theorie consiste a se 
representer la matiere comme unique, uniforme- 
ment repandue, mais avec des difference de con- 
densation. G'est Thypothese de Descartes. Au fond 
cette hypothese est identique a la precedente ; pour 
que la matiere puisse presenter des difi'erences de 
condensation, il faut que des forces agissent sur ellc 
avec des maximum d'intensite en certains points; 
nous revenons ici a la theorie precedente. 

L'hypothese de la matiere unique, ne presentant 
que des differences de condensation, s'est encore 
presentee sous une autre forme. Au commencement 
du siecle, Prout, ayant remarque que les poids ato- 
miques etaient des multiples par des nombres entiers 
de celui de Thydrogene, supposa que les differents 
corps reputes simples ne sont que des produits de 



condensation de Thydrogene, le nombre quiexprime 
la condensation etant precisement represente par le 
poids atomique. M. Stas a reduit a neant cette hy- 
pothese, en montrant par des mesures exactes que 
le principe invoque par Prout etait errone. 

M. Dumas, en comparant entre eux les poids ato- 
miques des corps simples d'une meme famille, a ete 
conduit a des rapprochements fort ingenieux. Si 
nous considerons la famille de Toxygene, nous trou- 
vons qu'ils peuvent etre representes ainsi : 

a = 8 = 8 8 = 16 Se = 40 Te = 64 

d =. S a a + d a + A d a -\- 1 d 

De meme pour la famille du potassium 

a = 7 Lithium = 7 Sodium = 23 Potassium = 39 

rf = 2 + 8 a a + d a-^-^d 

Gelle du magnesium donnerait : 

= 12 Mag. = 12 Calc. =20 Stront. = 44 Bar. = 68 
d=S a a -^ d a + A d a -\-l d 

Ces rapprochements et d'autres analogues avaient 
conduit M. Dumas a un rapprochement ingenieux. 
De meme que les radicaux d'une meme serie homo- 
logue de la chimie organique ne different que par un 
certain nombre de fois C H^, et leur poids molecu- 
laire par un certain multiple de 14, de meme on 
pent supposer les metaux eux-memes formes par ad- 
dition a un certain nombre de radicaux primordiaux 
d'une meme espece de matiere ne differant que par 
son mode de condensation. 



o 



RecemmentM. Norman Lockyer, s'appuyant sur 
les variations que presentent les spectres des metaux 
k mesure que la temperature augmente, les a consi- 
derees comme la preuve d'une dissociation de ces 
metaux, et, ayant constate la coincidence d'un cer- 
tain nombre de raies courtes dans les spectres de 
divers metaux, il en conclut que, parmi les produits 
de cette dissociation, il en etait un certain nombre 
qui se retrouvaient dans les divers metaux, et pro- 
duisaient les raies communes. Son hypothese, qui 
revient a la polymerisation d'une matiere unique ou 
k la combinaison de semblables polymeres avec une 
autre espece de matiere, indique que Ton devrait 
trouver des raies communes dans les series de me- 
taux que nous avons rapportees plus haut, ce que 
Texperience ne verifie pas. Ajoutons, du reste, que 
ces coincidences paraissent tenir a des impuretes ou 
a des rapprochements inexacts. M. Tholon, avec un 
spectroscope d'une dispersion enorme, a pu en refu- 
ter un certain nombre. 

L'hypothese de Tunite de la matiere, si sedui- 
sante en theorie, est encore adoptee par d'autres chi- 
mistes. Dans une noterecente, M. Berthelot s'exprime 
ainsi : 

« Peut-etre sa decouverte implique-t-elle celle de 
cette autre fonction, plus generate, qui compren- 
drait tons les corps simples dans une equation com- 
mune, reduisant leurs etats divers aux formes mul- 
tiples et prevues d'une matiere unique en principe, 
mais differenciee par le mode de groupement de ses 
parties et par la nature des mouvements dont elles 
sont animees. » [Comptesrendus, t. XG, p. 1513.) 



— 6 — 

2" Matidre discontinue. — La notion de la matiere 
discontinue est fort ancienne. EUe a ete congue par les 
philosophes grecs. Empedocle (460 ans avant J.-G.) 
admet que les corps, tels que Tobservation nous les 
presente, sont composes d'une multitude de parti- 
cules tres-petites, indivisibles et insecables, qui sont 
les veritables elements des corps de la nature. Leu- 
cippe, de son cote, avait emis Topinion que les corps 
etaient formes de points materiels nommes atomes. 
SelonDemocrite, « ils se meuvent perpetuellement de 
par leur nature meme ; la force qui les anime agit 
fatalement. Ils ne different point par leur essence, 
nous dirions aujourd'hui par leur qualite chimique, 
mais bien par leurs dimensions, car ils ont une eten- 
due sensible; ils different par leur forme. Lourds, ils 
tombent dans les profondeurs de Tespace ; plus le- 
gers, ils s'elevent dans Fair. Les uns ont une surface 
lisse, d'autres presentent des asperites, des dards^ 
des crocs. Le mouvement qui les entrame les met 
naturellement en rapport, sans qu'ils s'attirent reci- 
proquement ; tantot il les agglomere, tantot il les se- 
pare ; c'est ainsi que toutes choses se forment ou se 
detruisent. Limites dans leur etendue et par leur 
surface, ils ne sauraient se confondre avec le milieu 
ou ils se meuvent. Ce milieu, c'estle vide. » (Wurtz, 
TMorie atomique.) Telle etait la conception que les 
anciens se faisaient de la matiere, conception sedui- 
sante, mais entierement hypothetique. Nous ne 
sonimes guere plus avances aujourd'hui; ces hypo- 
theses ont pris un caractere de probabilite depuis 
que Ton a vu qu'elles pouvaient rendre compte de la 
plupart des faits que nous observons, mais elles ne 



— 7 — 

sont pas demontrees et ne sont pas susceptibles de 
Tetre. 

La conception des atomes a, du reste , subi quel- 
ques modifications en rapport avec le developpe- 
ment de nos connaissances ; au lieu d'admettre que 
ces atomes sont separes entre eux par des espaces 
vides, nous admettons que ces espaces sont remplis 
par une matiere dont Tessence nous est inconnue , 
et que Ton nomme Tether. Ici, nous pouvons repe- 
ter pour Tether ce que nous avons dit de la matiere : 
Tether est-il continu, est-ii discontinu? Les deux 
hypotheses ont ete soutenues, mais Gauchy a mon- 
tre que le calcul rendait compte, avec la plus grande 
exactitude, des phenomenes lumineux en supposant 
Tether discontinu ; il a meme ete conduit a admettre 
que les distances intermoleculaires sont plus petites, 
mais du meme ordre de grandeur, que_ les longueurs 
d'onde. 

L'existence de Tether est correlative de la discon- 
tinuite de la matiere. La demonstration absolue de 
Tune entramerait celle de Tautre. Fizeau a institue 
Texperience suivante, pour se rendre compte de 
Texistence de Tether. II fait traverser a deux rayons 
lumineux provenant de la meme source deux tubes 
pleins d'eau, puis il fait interferer ces rayons lumi- 
neux; il fait ensuite ecouler Teau dans les tubes, de 
facon que le courant d'eau marche dans le sens de 
la propagation de la lumiere dans le premier tube, 
en sens inverse dans le second ; il voit alors se depla- 
cer les franges. Gette experience montre que le corps 
vibrant se deplace avec le corps materiel, c'est-a- 
dire permet de conclure a Texistence de Tether, 



— 8 — 

Les anciens se representaient les atomes comme 
des corps ayant des dimensions, une forme et un 
poids. lis supposaient, et telle est Forigine du mot 
atome, que cette particule n'etait plus divisible. La 
notion de Tatome a subi plusieurs modifications. 
Newton (1), reprenant une idee emise deja par Leu- 
cippe, Democrite et Lucrece, supposait les atomes 
durs, incompressibles, parfaitement elastiques. II 
en avait deduit une limite de compressibilite de la 
matiere qui serait atteinte lorsque les atomes seraient 
en contact, c'est-a-dire, pour les gaz parfaits, quand 
ils seraient comprimes au ^^ de leur volume a la 
pression ordinaire. D'apres cette theorie, la vitesse 
du son doit augmenter avec la pression du gaz, ce 
qui est contraire a Texperience* de plus, Natterer 
a montre que Tair pent elre reduit a un volume 
environ 2,000 fois plus petit que celui qu'il occupe 
a la pression ordinaire. 

Boscowich ne considerait au contraire Tatome 
que comme un centre de forces, Tatome n'avait plus 
de dimensions. Cette maniere de comprendre la der- 
niere particule des corps est fort commode, lorsque 
Ton veut faire entrer dans le calcul des donnees qui 
leur sont relatives. 

II est encore une theorie |que je ne peux passer 
sous silence : c'est celle qu'a emise au commence- 
ment de ce siecle Lesage, de Geneve. II suppose 
qu'autour de chaque atome se meuvent, a des dis- 
tances enormes et avec une vitesse inouie, un grand 
nombre de particules qui poussent les atomes en 

(1) Voir olus loin, page 28. 



— 9 — 

tous sens et se neutralisent par consequent : si nous 
mettons deux corps en presence, les particules 
emises sur la ligne droite par les deux corps seront 
de sens contraire et se neutraliseront. Les mole- 
cules qui agissent en sens contraire, ne rencontrant 
plus d'antagonistes, pousseront done les deux corps 
Tun vers I'autre; il a montre que cette hypothese 
rend tres-bien compte de ee fait, que Fattraction est 
inversement proportionnelle au carre des distances. 
Pour arriver a la seconde loi , celle du produit des 
masses, Lesage a du supposer que I'atome presen- 
tait une ouverture a son centre : de la Thypothese des 
« atomes troues » . 

De la meme fa?on que les idees fortes , mais ne- 
cessairement un peu^vagues, des philosophes anciens, 
trouverent de nos jours une expression scientifique 
et precise dans la theorie atomique de Dalton; de 
meme la notion ingenieuse des tourbillons de Des- 
cartes reprit faveur dans ces dernieres annees, lors- 
qu'on vit qu'elle pouvait, avec Tappui des calculs 
savants de Helmholtz, revetir une forme seduisante 
de simplicite. Ge qui fait le succes de la theorie des 
tourbillons, c'est qu'elle ne fait pas intervenir la 
durete infinie des atomes; de plus, elle s'accommode 
fort bien de Tabsence du vide, et, depuis Aristote, 
on pent dire que les physiciens ont eu encore plus 
horreur du vide que la nature elle-meme. 

Helmholtz avait analyse, en 1858, les conditions 
d'equilibre desanneaux-tourbillons, c'est-a-dire d'un 
mince anneau de liquide dont chaque molecule est 
animee d'un mouvement de rotation autour de Tan- 
neau dans un plan perpendiculaire a celui de cet 



— 10 — 

anneau. II a montre que, s'il n'existe pas de frotte- 
ments exterieurs , un pareil systeme se maintiendpa 
indefiniment en equilibre ; il pourra se deformer, se 
deplacer, sans que la connexion de sos parties puisse 
etre rompue. 

Pour donner une idee de ces singuliers tourbil- 
lons, je rappellerai le mouvement que prennent 
dans un air calme les couronnes d'hydrogene phos- 
phore. 

Sir William Thomson (1) se represente les 
atomes par des mouvements analogues aux tourbil- 
lons : « Le seul pretexte qui semble justifier les sup- 
positions monstrueuses de fragments de matiere in- 
finiment durs et infiniment rigides, fragments de 
matiere dont quelques-uns des chimistes les plus 
eminents ne craignent pas d'affirmer temerairement 
Texistence comme une hypothese probable, c'est 
Targument de Lucrece et celui de Newton : une 
telle supposition semble necessaire, pour rendre 
compte de Tinalterabilite de qualites des differentes 
sortes de matiere>. Mais Helmholtz a prouve qu'il y 
a une inalterabilite absolue de qualites dans le mou- 
vement de toute partie de liquide (suppose parfait), 
ou Ton a excite une premiere fois ce qu'il appelle 
la Wirbelbewegung . » 

Je tenais a terminer par cet exemple pour mon- 
trer que les hypotheses de matiere continue ou dis- 
continue ne font qu'un en realite. II n'y a qu'une 
difference de forme dans Texposition, mais la con- 
ception est toujours la meme : elle derive de ce fait 

({) Philosophical Magazine^ t. XXXIV, p. 4J;, 4867. 



— H — 

que la matiere presente des differences de densite 
et de consistance. Que Ton appelle atome, concame- 
ration, centre de forces, maximum de condensation, 
atomes de vibrations, ces points ou la matiere nous 
apparait; que Ton considere comme le vide parfait. 
Tether, ouune matiere primordiale rarefiee, Tespace 
qui separe ces divers points, le resultat est le meme ; 
nous avons done le droit de choisir celle de ces re- 
presentations qui conduira a Texpression la plus 
simple des lois de la nature. Nous choisirons I'hypo- 
these atomique , c'est-a-dire nous considererons 
les corps comme formes de particules elementaires 
maintenues a une certaine distance les unes des 
autres. Ges particules elementaires sont toutes 
semblables entre elles, et sont les plus petites que 
nous puissions concevoir. Mais la chimie nous 
apprend qu'un corps compose est parfaitement 
homogene dans toute son etendue; nous devons 
done admettre que toutes ses particules sont sem- 
blables, et cependant nous voyons qu'elles sont 
composees elles-memes de substances hetero- 
genes. 

G'est ainsi que nous sommes conduits a admettre 
des dernieres particules de deux ordres; les unes 
d'ordre physique, les molecules; ce sont elles que 
nous avons designees dans cet historique sous le 
nom d'atomes; mais ces molecules elles-memes 
nous apparaissent comme composees de particules 
de corps simples plus petites, ce sont les vrais 
atomes. 

La molecule est done la plus petite quantite d'un 
corps qui puisse exister a I'etat libre. 



— 12 — 

L'atome est la plus petite quantite d'un corps sim 
pie que Ton puisse concevoir. 

Les corps se presentent a nous sous divers etats 
que Ton peut ranger sous trois chefs principaux : 
Tetat solide, Tetat liquide et Tetat gazeux. Est-ce a 
dire qu'il n'existe pas d'intermediaires? Gertes non; 
entre les solides et les liquides existe un etat inter- 
mediaire, mal defini, que Ton a nomme etat pateux, 
oil les corps gardent un certain temps la forme que 
Ton leur a donnee, pour la perdre ensuite, en pre- 
nant celle du vase qui les renferme. De meme , entre 
Tetat liquide et Tetat gazeux se trouve un etat par- 
ticulier etudie par Andrews et Gagniard de Latour. 
Enfin les gaz, pousses a un etat de rarefaction ex- 
treme, jouissent de proprietes speciales qui justifient 
le nom d'etat radiant qui leur a ete donne. Ges 
divers etats ne different que par le mode d'associa- 
tion des molecules ; mais celles-ci sont identiques 
pour le meme corps sous ces divers etats. Ge qui 
le prouve, c'est la facilite avec laquelle les corps 
passent generalement d'un etat a Tautre. Les mole- 
cules se rapprochent ou s'ecartent; c'est une simple 
action physique. 

Nous aurons done a etudier la disposition qu'af- 
fectent ces molecules les unes par rapport aux au- 
tres; cette etude est du ressort de la physique et 
sera differente pour les divers etats des corps ; nous 
aurons ensuite a voir comment est formee une mo- 
lecule consideree isolement, c'est-a-dire a discuter 
si les atomes y occupent des places determinees, et 
a voir quelles sont les considerations qui pourront 
mener a la solution de cette question encore pres- 



— 13 - 



que inconnue. Nous terminerons par un expose 
rapide des formules schematiques qui, si elles ne 
representent la vraie structure de la molecule, nous 
permettent au moins de grouper et de representer 
les reactions chimiques. 



CHAPITRE II 



ARRANGEMENT DES MOLEICULES ENTRE ELLES 



Nous avons ete conduits a considerer les corps 
comme formes de molecules extremement petites 
et non resolubles en parties plus petites et identi- 
ques a elles-memes. Nous aliens etudier actuelle- 
ment la fa^on dont sont groupees ces molecules pour 
former les corps materiels. 

Cette fagon sera evidemment diffe rente, selon que 
nous consi^ererons un corps solide, liquide ou 
gazeux. A poids egal, les gaz occupent un volume 
beaucoup plus grand que les liquides ou les solides ; 
leurs molecules seront done fort ecartees, et les lois 
physiques relatives aux gaz nous montrent qu'elles 
sont a des distances te lies, qu'elles n'agissent sensi- 
blement pas les unes sur les autres. L' etude de Tetat 
gazeux sera done evidemment plus facile que celle 
des autres etats physiques : aussi est-ce par les gaz 
que nous commencerons. 

Les lois qui regissent les volumes des combinai- 
sons gazeuses ont ete decouvertes par Gay-Lussac, 
qui les a formulees de la fagon suivante : « Les vo- 
lumes des gaz qui se combinent sont entre eux dans 



— 15 — 

des rapports simples, et le volume de la combinai- 
son formee se trouve de meme dans un rapport sim- 
ple avec la somme des volumes des gaz compo- 
sants. » 

2 vol. H + 1 vol. =2 vol. H^O 

2 vol. Az + 1 vol. =2 vol. Az'O 

1 vol. Az + 1 vol. =2 vol. Az 

1 vol. Az + 2 vol. =2 vol. Az 0* 

2 vol. Gl + 1 vol. =2 vol. CPO 

1 vol. Az + 3 vol. H =2 vol. Az H' 

2 vol. CO + 2 vol. CI = 2 vol. CO CP 

2 vol. C^ H* + 2 vol. CI = 2 vol. C* H* CP 



Nous avons double expres les nombres relatifs 
aux deux dernieres combinaisons ; car, si Ton re- 
marque que la plus petite quantite d'un gaz com- 
pose, forme avec ses elements, correspond toujours 
a 2 volumes, on voit que Ton ne pent faire entrer en 
reaction 1 volume de GO ou 1 volume de G^H*, a 
moins d'introduire la notion de volumes fraction- 
naires des corps simples. 

En 1811, Amedeo Avogadro, reprenant et recti- 
fiant rhypothese des atomes que Dalton avait deja 
appliquee a la chimie a propos des relations de poids, 
admit qu'il existait un rapport simple entre les volu- 
mes des gaz et le nombre de molecules qu'ils ren- 
ferment; c'est lui qui le premier admit des parti- 
cules de deux ordres, I'atome et la molecule, qu'il 
nomma molecule integrante : « Les rapports des 
quantites de substances dans les combinaisons ne 
paraissent pouvoir dependre que du nombre relatif 
des molecules (atomes) qui se combinent et de celui 



— 16 - 

des molecules composees qui en resultent. II faut 
done admettre qu'il y a aussi des rapports tres- 
simples entre les volumes des substances gazeuses 
et le nombre des molecules simples ou composees 
qui les ferment. L'hypothese qui se presente la pre- 
miere a cet egard, et qui parait meme la seule ad- 
missible, est de supposer que le nombre des mole- 
cules integrantes dans un gaz quelconque est tou- 
jours le meme a volume egal (1). » 

La consequence immediate de cette loi, c'est que 
les poids relatifs de volumes egaux de gaz doivent 
representer les poids relatifs des molecules. Ainsi les 
densites des gaz simples sont exprimees par les 
memes nombres que les equivalents. Les poids 
des molecules de Thydrogene, de Toxygene, de 
Tazote, seront exprimes par les rapports des densites, 
c'est-a-dire par les nombres 1, 15, 13. Si Ton cal- 
cule de meme les poids moleculaires des corps com- 
poses, on trouve des nombres deux fois plus forts 
que leur densite rapportee a I'hydrogene. Ainsi : 









DenBit^B 








exp^rimeniales, 


H^O " 


Eau 


= 2 + 15 == 17 


9 


AzH' 


Aiimioniaque 


= 3 + 13=16 


8,5 (2) 



Avogadro fait encore remarquer que : 

1 vol. de vapeur d'eau repr6senle 1 vol. H + ^ vol 
1 mol6cule d'eau contient done 1 mol6c. H + ^ mol. 



(1) Jowmal de Physique, 18H, p. 29. 

(2) Nous avons rapport6 ces exemples avec les nombres admis k 
cette 6poqile» 



- dt — 

de meme : 

1 vol. d'ammoniaque represente 1 vol. ^ H + ^ vol. Az 
1 molecule d'ammoniaque contientlmol.^H-|-Jmol. Az(l) 

On est done conduit a dire que les molecules des 
corps simples ne representent pas les parties les 
plus petites. Elles doivent done etre formees elles- 
memes d'atomes comme les corps composes. 

Ainsi Avogadro a etabli la difference entre atomes 
et molecules, il a admis que volumes egaux de gaz 
renfermaient le meme nombre de molecjiles, que le 
gaz soit simple ou compose, et a fait remarquer que 
le poids moleculaire relatif pent etre deduit des 
densites. 

Ampere (2), dans un memoire sur lequel j'aurai 
I'occasion de revenir a propos de la forme de la 
molecule, a emis, trois annees plus tard, des idees 
analogues. II considere de meme des unites de deux 
ordres, la particule (nous dirions molecule), unite 
d'ordre physique, et la molecule (ce que nous appe- 
lons atome), unite d'ordre chimique : « II est un autre 
moyen de connaitre ces formes, c'est de determiner, 
par le rapport des composants d'un corps , le nom- 
bre des molecules qui se trouvent dans chaque parti- 
cule du corps. Je suis parti pourcelade lasupposition 
que, dans le cas ou les corps passent a Tetat de gaz, 
leurs particules seules sont separees et ecartees les 
unes des autres par la force expansive du calorique 

(1) Cast pour ne pas introduire de volumes fractionnaires que 
nous avons rapports plus haut tons les composes i deux volume^ 
de vapeur. 

(2) Ann*, Chimie et Physique (I), t. XL, p. 43. 

2 



— 18 - 

a des distances beaucoup plus grandes que celles 
ou les forces d'affinite ou de cohesion ont une action 
appreciable, en sorte que ces distances ne dependent 
que de la temperature que supporte le gaz, et qu'a 
des pressions et a des temperatures egales, les parti- 
cules de tons les gaz, soit simples soit composes, 
sont placees a la meme distance les unes des autres. 
Le nombre des particules est, dans cette supposi- 
tion, proportionnel au volume des gaz. » 

II n'y a la aucune idee nouvelle, c'est la loi 
d'Avogadro^emise moins clairement et avec une 
confusion entre la cohesion et Taffinite, cette der- 
niere n'ayant aucune action d'une molecule a une 
autre. Ampere etablit ensuite, d'apres des donnees 
geometriques pen acceptables, quechaque molecule 
doit renfermer au moins 4 atomes, ce que nous 
savons aujourd'hui ne pas etre exact. G'est done a 
Avogadro que revient Thonneur d'avoir formule la 
loi qui porte justement son nom. 

L'importance de cette loi n'echappera apersonne. 
Le poids moleculaire d'un corps gazeux pent etre 
determine, sinon d'une fagon absolue, du moins par 
rapport a une unite quelconque, Thydrogene, par 
exemple. Si, de plus, on connait la composition 
centesimale de ce corps, on pent determiner le nom- 
bre d'atomes contenus dans la molecule, puisque le 
poids moleculaire doit etre egal a la somme des 
poids atomiques. Ainsi, les differents hydrocarbures 
de la serie de Tethylene offrent tons la meme com- 
position centesimale : 



G = 85,72 H==14, 



— 19 — 



Les densites de vapeur des differents corps de 
cette serie nous permettent de suite d'attribuer a 
ces composes les formules suivantes : 





Composition Densites 




C H Densit^B de vapeur Formules th^oriques 


Methylene (inconnu). 


C H2 


Ethylene 


85,72 14,28 0,9784 (Saussure) C« H^ 0,969 


Propylene 


j,498 (Berthelot) C^ H^ j,453 


Butylene 


1.926 (Faraday) C* fls 1,937 


Amylene 


( 2,68 Balard 

(2,386 Frankland , ' 



Ges formules sont, du reste, controlees par les 
transformations chimiques que Ton pent faire subir 
a ces corps. 

Les hypotheses d'Avogadro et d'Ampere condui- 
sent done toutes deux a cette loi remarquable, que : 
volumes egaux de gaz ou de vapeurs renferment le 
meme nombre de molecules. 

Mais, pourpouYoir nous appuyer avec confiance 
sur cette loi, il faut demontrer qu'elle est generale 
et que les exceptions que Ton a signalees ne sont 
qu'apparentes. 

Les poids moleculaires des corps ont ete deduits 
de leurs reactions chimiques, et les densites ont ete 
determinees experimentalement. Le disaccord entre 
ces deux nombres pent provenir d'une erreur dans la 
determination de Tun ou de Tautre de ces nombres. 

Gonsiderons d'abord certains cas ou Terreur pro- 
vient de la determination chimique du poids mole- 
culaire . 

1° L'ether etait envisage comme de Talcool moins 
de Teau, formule impossible a ecrire dans la nota- 
tion dont nous nous servons habituellement, mais qui, 



— 20 — 

avec Tancienne notation en equivalents (G=6, 0=8), 
etait representee par G* HH3. La densite de vapeur 
conduisait a la formule G* H'* 0*, double de laprece- 
dente. Par Taction de Fiodure d'ethyle sur Tethylate 
de sodium ou de Talcool sur Tacide sulfovinique, 
M. Williamson obtint de Tether; or, la reaction de- 
vait s'ecrire ainsi : 

C* HM + G* H' 0* Na = C? H»« 0* + Na I 

reaction qui fut bientot confirmee par la decouverte 
d'ethers mixtes ou les molecules d'alcool, mises en 
presence, etaient diCFerentes. La formule des corps 
ainsi formes ne pouvait recevoir qu'une seule inter- 
pretation. Ainsi se trouvait confirmee la formule 
double assignee a Tether par sa densite de vapeur. 

2" Kolbe et Frankland, en traitant Tiodure d'ethyle 
G* H^ I par le zinc, enleverent Tiode a Tetat d'iodure 
de zinc et obtinrent un corps qui repondait a la com- 
position centesimale G* H^ et qu'ils prirent pour Te- 
thyle. La densite de vapeur assigna a ce compose 
une formule double G* H*® qui correspond a 2 vo- 
lumes, et, en eCFet, Tetude chimique de ce compose 
montre que la formule doit etre doublee. 

Voila des cas ou la densite de vapeur a servd a rec- 
tifier le poids moleculaire de ces composes. 

Le desaccord entre la densite de vapeur et le 
poids moleculaire pent encore provenir de la densite 
de vapeur elle-meme. 

Ainsi, les densites de vapeur conduisaient a un 
nombre trop faible pour les poids moleculaires des 
corps suivants : chlorhydrate d'ammoniaque, per- 



— 24 — 

chlorure de phosphore, calomel, acide sulfurique, 
bromhydrate d'amylene, hydrate de chloral, etc. 

Les belles experiences de MM. Sainte-Claire 
Deville et Debray sur la dissociation de la vapeur 
d'eau, nous ont montre que, vers 2000*, la vapeur 
d'eau est veritablement formee d'oxygene et d'hy- 
drogene,que Ton pent separer en mettant aproQt leur 
diflFerence de diffusion. Or, nous savonsque 2 volumes 
de vapeur d'eau renferment 2 volumes d'hydrogene 
et 1 volume d'oxygene. Si done nous pouvions pren- 
dre la densite de la vapeur d'eau a 2000**, nous trou- 
verions qu'elle n'est qu'une fraction de ce qu'elle 
serait a 100* par exemple. 

De meme le chlorhydrate d'amylene repond 
bien, a haute temperature (360"), a un melange d'a- 
cide chlorhydrique et d'amylene; en effet, entre 
150 et 180*, sa densite de vapeur correspond a son 
poids moleculaire ; mais, a une temperature plus ele- 
vee, elle se dissocie en ses elements ; la recomposi- 
tion qui a lieu par le refroidissement n'est pas com- 
plete, et Ton obtient toujours une certaine quantite 
d'acide chlorhydrique et d'amylene libres , temoins 
de la dissociation qui a eu Ueu a haute temperature. 

De meme, le perchlorure de phosphore a une den- 
site de vapeur qui ne correspond pas a son poids mo- 
leculaire, mais est de moitie trop faible. II y aici une 
decomposition partielle en trichlorure de phosphore 
et chlore libre. M. Sainte-Claire Deville, ay ant ob- 
serve que la vapeur est vertc (a cause du chlore 
mis en liberte), a eu Tidee de remplacer le chlore 
par le brome, en prenant le compose P Cl^ Br^ qui 
devait se decomposer de meme en P CP + Br*; il 



obtint, en realite, une vapeur rouge. Du reste, ces 
decompositions tendent vers une certaine limite, et 
s'arretent lorsque la tension du GP ou du PGP dans 
le melange est egale a celle de la dissociation du 
perchlorure de phosphore PGP; aussi, peut-on em- 
pecher la dissociation du perchlorure de phosphore 
en determinant sa densite de vapeur dans la vapeur 
de protochlorure de phosphore ou de chlore. 

Prenons comme autre exemple le calomel. L'e- 
tude chimique du calomel lui assigne la formula 
Hg^ GP correspondant a I'oxyde mercureux Hg^ 0. 
La densite de vapeur de ce compose conduirait, au 
contraire, a la formule Hg Gl. Ge fait pourrait en- 
core s'expliquer en supposant Hg^ GP dedouble en 
Hg GP 4- Hg, et, de fait, MM. Erlenmeyer et Lebel 
ont montre qu'en plongeant dans la vapeur de calo- 
mel une spirale de platine traversee par un courant 
d'eau froide, on condense sur ce tube du mercure 
metallique. 

Gomme dernier exemple, nous prendrons Phydrate 
de chloral, combinaison definie ettres-bien cristalli- 
see d'eau et de chloral anhydre G^ HGPO. 

Sa densite de vapeur correspond, pour la determi- 
nation du poids moleculaire, a un nombre deux fois 
trop faible ; ici encore, il y avait lieu de supposer dis- 
sociation en volumes egaux d'eau et chloral anhydre. 

M. Troost, partant du principe du a MM. Sainte- 
Glaire Deville et Debray , et que nous avons rapporte 
plus haut, que la dissociation s'arrete lorsque la ten- 
sion des composants dans le melange a atteint une 
certaine valeur, a calcule que Poxalate neutre de po- 
tasse ne doit plus fournir de vapeur d'eau a 79** 



— 23 — 

dans la vapeur d'hydrate de chloral §ous une ten- 
sion superieure a 106 millimetres, si celle-ci ren- 
ferme veritablement de la vapeur d'eau. M. Troost, 
ayant fait Texperience, annonga que dans ces condi- 
tions I'oxalate de potasse perd encore une petite 
quantite d'eau. L'hydrate de chloral, seul de tous 
les corps connus, correspondait done a 4 volumes 
de vapeur. 

M. Wurtz reprit Texperience dans la forme meme 
oil Tavait instituee M. Troost, et montra qu'a 79* 
I'oxalate de potasse cristallise et sec ne perd pas d'eau 
dans la vapeur de l'hydrate de chloral lorsque sa 
tension depasse 106 millimetres ; bien plus, il mon- 
tra que Toxalate de potasse sec pent absorber une 
petite quantite d'eau dans Tatmosphere dehydrate 
de chloral, pris sous une tension plus elevee que la 
valeur indiquee. Des experiences semblables, faites 
a lOO*", ont conduit M. Wurtz aux memes con- 
clusions. 

M. Wurtz donna une autre preuve de la dissocia- 
tion de l'hydrate de chloral. II montra que la mise 
en presence des vapours d'eau et de chloral anhydre 
ne donne lieu a aucun degagement de chaleur. 

M. Berthelot (1), ayant trouve, par une voie indi- 
recte, que la combinaison du chloral anhydre et de 
I'eau, tous deux sous forme de vapours, degage 
i*"^,48 a 1,98, a attribue le resultat negatif des 
experiences de M. Wurtz a I'imperfection de I'ap- 
pareil employe. II a conseille de faire rencontrer les 
vapeurs dans un appareil a double enceinte, chauffe 

(4) BerUielot, Comptes-rendus, 1879, H, p. 273. 



— 24 — 

lui-meme par un courant de vapeur d'eau. Dans ces 
conditions la deperdition de chaleur devait etre tres- 
faible, et Ton devait constater une elevation de tem- 
perature, si les vapeurs d'eau et de chloral anhydre 
se combinaient. Or il n'en a rien ete, d'apres les 
dernieres experiences de Wurtz, et tons les argu- 
ments mis en avant pour nier la dissociation de 
rhydrate de chloral ont ete, par consequent, ecartes 
un a un. 

Nous voyons done qu'aucune des exceptions ap- 
parentes a la loi d'Avogadro ne tient devant une 
discussion attentive des faits. 

Les corps simples sont groupes en molecules au 
meme titre que les corps composes : la seule diffe- 
rence est que les atomes compris dans la molecule 
sont tons identiques dans les corps simples, et diffe- 
rents dans les corps composes. Avogadro avait deja 
emis rhypothese que la molecule du corps simple de- 
vait etre formee de plusieurs atomes. 11 fait remar- 
quer que, volumes egaux de chlore et d'hydrogene 
s'unissant pour former un volume double d'acide 
chlorhydrique, si n est le nombre des molecules 
d'hydrogene, 2 n sera celui des molecules d'acide 
chlorhydrique, et, comme chacune renferme au 
moins 1 atome d'hydrogene, il faut que la molecule 
d'hydrogene renferme au moins 2 atomes. Le meme 
raisonnement s'applique au chlore, pent etre etendu 
a I'azote, a I'oxygene, etc. De ce fait que les molecu- 
les de ces gaz sont formees de 2 atomes, il suit que 
leurs poids atomiques sont proportionnels aux poids 
moleculaires : de la la confusion introduite par Berze- 
Uus entre ces deux idees bien distinctes. En vain Gau- 



— 25 — 

din (1), dans un memoire fort remarquable, appela 
Tattention sur cette confusion, montrant que, si, ha- 
bitueilement, les gaz simples sorit formes de 2 ato- 
mes, il n'en est pas necessairement ainsi; que, par 
exemple, le soufre libre est S^ si Thydrogene est 
H^, et meme que le mercure a Tetat de vapeur 
est Hg. 

Le memoire de Gaudin fut vite oublie, et la loi 
d'Avogadro, mal interpretee, fut une des graves 
objections opposees a la theorie atomique : « Les 
chimistes ont admisune autre hypothese, mais celle- 
ci est en opposition avec les faits aujourd'hui con- 
nus; c'est que les gaz simples renferment, sous 
volume egal et dans les memes circonstances de 
temperature et de pression, le meme nombre d'ato- 
mes. » (Regnault. Cours de chimie^ t. Ill, p. 452.) 

Nous pouvons du reste apporter un certain nom- 
bre d'arguments tires de la chimie pure a Tappui de 
cette hypothese que les corps simples, tels qu'ils 
existent reellement, c'est-a-dire a I'etat de molecu- 
les, sont formes de plusieurs atomes. 

Le cuivre meme tres-divise attaque a peine Tacide 
chlorhydrique ; Thydrure de cuivre au contraire at- 
taque vivementTacide chlorhydrique ; ici nous voyons 
Taffinite de Thydrogene pour Thydrogene s'ajouter 
k celle du cuivre pourle chlore, et determiner ainsi 
la reaction. M. Berthelot a recemment propose une 
autre interpretation de ce phenomene : « L'hydrure 
de cuivre, dit-il, est forme avec absorption de cha- 
leur ; il n'est done pas etonnant qu'il soit attaque a 

(I) Ann, Ch, et Vhys., 2« 86rie, t. LH. 



— 26 — 

froid par Tacide chlorhydrique, alors que le cuivre 
ne i'est pas. » 

Mais nous ne pouvons concevoir une combinaison 
de deux atomes donnant lieu a une absorption de 
chaleur, et ce fait merite d'etre etudie de plus pres. 

Dans toute reaction chimique, il se passe des 
transformations nombreuses dans les mouvements 
atomiques, pour passer du premier etat d'equilibre 
au second; nous ne pouvons constater experimen- 
talement que la somme algebrique de ces actions; 
c'est a nous a chercher, par le raisonnement, quels 
sont les systemes de forces qui peuvent avoir donne 
lieu au resultat final constate ; or, d'apres la theorie 
des gaz que nous allons exposer, les combinaisons 
chimiques impliquant le rapprochement des diver- 
ses particules des corps donnent lieu a un dega- 
gement de force vive, c'est-a-dire de chaleur. Si 
done nous trouvons que la quantite de chaleur 
que renferme Thydrure de cuivre est plus forte que 
celle que renferment isolement le cuivre et Thydro- 
gene, ceci nous montre seulement que la chaleur 
degagee par la combinaison de Thydrogene et du 
cuivre est plus faible que celle qui est necessaire 
pour rompre la combinaison du cuivre avec le cuivre 
et de rhydrogene avec Thydrogene. 

Dans le meme ordre d'idees, M. Brodie a demontre 
que la reduction des peroxydes par Teau oxygenee 
pent s'expliquer par Taffinite de Toxygene pour 
Toxygene. 

Enfin, cette notion que la molecule d'hydrogene 
libre est H^, nous permet de concevoir facilement la 
difference de proprietes chimiques qui existe entre 



27 

rhydrogene naissant et Thydrogene a Tetat de gaz, 

Un certain nombre de corps simples, Tarsenic, le 
phosphore, le soufre, presentent des densites de va- 
peur que Ton qualifiait d' « anomales » lorsque ron 
se reportait a cette loi que les poids atomiques sont 
proportionnels aux densites de vapeur. Ges densites 
nous montrent simplement que la molecule de Tar- 
senic et du phosphore sont formees de 4 atomes, 
celle du mercure d'un seul atome. 

Du reste, la complication de la molecule des corps 
simples est variable avec la temperature. Ainsi, 
a 500% la vapeur de soufre correspond a la for- 
mule S^, tandis que vers 1000** elle se detend peu 
a peu pour venir a Tetat de S^. 

M. Victor Meyer etM. Crafts ont demontre recem- 
ment que la molecule de Tiode etant P a la tempe- 
rature de 250", correspondait a I a une temperature 
plus elevee. 

Les corps simples peuvent done exister sous des 
modifications polymeres aux diverses temperatures ; 
ne voyons-nous pas du reste exister a la tempera- 
ture ordinaire et Toxygene 0* et son polymere 0% 
I'ozone? 

Nous venons de voir comment les lois de Gay- 
Lussac et Thypothese d'Avogadro et d'Ampere, ve- 
rifiee par Texperience, peuvent nous conduire a 
determiner le poids relatif des molecules; nous 
devons maintenant aller plus loin, et nous demander 
si Ton ne pourrait pas calculer leur poids absolu et 
leur volume, ou, ce qui revient au meme, leur nom- 
bre dans I'unite de volume. 



— 28 — 

Nous ne parlons que pour memoire d'une hypo- 
these formulee par Newton, au sujet de la transmis- 
sion du son dans Tair, et qui donnerait le rapport de 
I'espace occupe par les molecules a celui qui les 
entoure. L'analyse mathematique lui fournissait, 
pour la vitesse du son dans Fair, une valeur plus fai- 
ble de ^ que celle qui est donnee par Texperience, 
(Laplace devait plus tard expliquer cette diver- 
gence en introduisant dans le calcul Televation de 
temperature produite par la compression de I'air 
dans les ondes condensees.) Newton pensa tourner 
la difficulte d'une fapon tres-singuliere, etqui, si elle 
eut ete correcte, eut mene a une evaluation du rap- 
port entre la grosseur des molecules et leur distance. 
II supposa que les molecules d'air etaient dures et 
incompressibles, et que leur distance a la pression 
ordinaire etait egale a neuf fois leur diametre. Le 
son se propageant instantanement dans I'atome in- 
compressible , et avec la valeur calculee dans le 
reste de I'espace , la vitesse totale devenait ainsi 
egale a celle que donne Texperience. 

Nous avons deja montre plus haut que Topinion 
formulee par Newton etait inaccep table. 

Nous sommes obliges ici d'entrer dans quelques 
details sur la maniere dont on comprend aajour- 
d'hui la constitution physique des gaz, qui se ratta- 
che directement a la theorie mecanique de la chaleur. 
Nous laissons de cote la theorie qui consistait a 
regarder les gaz comme formes de molecules libres, 
se repoussant mutuellement, pour exposer la theorie 
emise par Bernouilli et developpee surtout par 
Kroenig, Glausius, Clerk Maxwell et Oscar Meyer. 



— 29 — 

Bernouilli admettait que les molecules gazeuses 
sont isolees les unes des autres et animees de mou- 
vements oscillatoires ^ en vertu desquels elles se ren- 
contrent, se choquent, et choquent egalement la 
paroi, ce qui produit la force elastique du gaz. 

Kroenig introduisit le premier Thypothese que les 
molecules gazeuses, au lieu d'osciller, se propagent 
en ligne droite jusqu'a ce qu'elles rencontrent, soit 
la parol, soit une autre molecule; c'est a ce mouve- 
ment qu'il donne le nom de mouvement de transla- 
tion. G'est ce mouvement qui constitue la chaleur ; 
il serait nul pour T=i:0. 

Glausius, tout en admettant ce mouvement de 
translation, fit remarquer que Ton devait de plus 
admettre un mouvement de rotation ; car, dans le 
choc de deux spheres, a moins que le choc ne soit 
normal, il se produit toujours une rotation/ II fit de 
plus remarquer que la quantite de force vive ainsi 
determinee etait trop faible pour rendre compte de 
la chaleur totale du corps. II faut done admettre 
une nouvelle sorte de mouvement, mouvement inte- 
rieur a la molecule, c'est-a-dire dont seront animes 
les atomes du corps. 

Ces deux mouvements sont solidaires Tun de Tau- 
tre. Supposon^ en effet les molecules sans mou- 
vement de translation et ne possedant que le mou- 
vement interieur. Le mouvement de translation 
prendranaissance, puisque deux molecules contigues 
se repousseront grace au mouvement de leurs ato- 
mes, et ceux-ci eprouveront une diminution de force 
vive correspondante. 

Reciproquement , si un certain nombre de mole- 



— 30 — 

cules douees d'un mouvement de translation n'etaient 
soumises a aucun mouvement de leups parties con- 
stituantes, celui-ci naitrait bientot du choc des mo- 
lecules entre elles et contre les parois fixes. Ce n'est 
que quand tous les mouvements qui peuvent se pro- 
duire auront entre eux un certain rapport, depen- 
dant de la constitution de la molecule, qu'ils ne pouiv 
ront plus s'accroitre ou se diminuer mutuellement. 

11 y a par consequent, pour un meme gaz a Tetat 
d'equilibre, un rapport constant entre la force vive 
interieure a la molecule et la force vive de translation. 
On pent done raisonner uniquement sur la force vive 
exterieure, sauf, pour avoir la force totale, a multi- 
plier celle-ci par un facteur constant pour chaque 
gaz ; autrement dit, faisant abstraction des mouve- 
ments interieurs, on pent considerer les molecules 
comme des corps parfaitement elastiques. 

En partant de cette hypothese sur la constitution 
des gaz, on pent retrouver les lois relatives au gaz, 
ce qui la verifie a posteriori. Ainsi, la pression sur 
une paroi solide est mesuree par la somme des 
chocs moleculaires contre cette paroi : 

1® La vitesse des molecules restant constante, la 
pression est inversement proportionnelle au volume 
de la masse gazeuse; c'est la loi de Mariotte. 

2"* Le volume restant le meme, la pression est direc- 
tement proportionnelle a la force vive du mouvement 
de translation. Or la loi de Gay-Lussac nous ap- 
prend que la pression d'un gaz sous volume constant 
est proportionnelle a la temperature, comptee a par- 
tir de — 273'', c'est-a-dire du zero absolu, et que nous 
appellerons temperature absolue. Or nous avons de- 



— 31 — 

montre plus haut que la force vive de translation est 
pour un meme gaz dans un rapport tres-simple et 
constant avec la force vive totale. Rapprochant cet 
enonce du precedent, nous voyons que la force vive 
du gaz est proportionnelle a la temperature absolue, 
ce qui nous permet de considerer le mouvement des 
molecules gazeuses comme identique au mouvement 
calorifique. Nous verrons un peu plus loin que Glau- 
sius a pu deduire de ces notions que la chaleur spe- 
cifique des gaz parfaits, sous volume constant, est 
identique pour tons les gaz. 

Pour que les donnees precedentes soient rigou- 
reusement applicables, il faut que les lois de Ma- 
riotte et de Gay-Lussac, sur lesquelles elles s'ap- 
puient, le soient egalement; c'est-a-dire que Ton ait 
a faire a un gaz parfait. Geci necessite : 

1** Que Tespace occupe reellement par les mole- 
cules du gaz soit negligeable, par rapport a Tespace 
total occupe par le gaz ; 

2** Que la duree du choc, c'est-a-dire le temps 
qu'emploie une molecule lorsqu'elle en cheque une 
autre ou une parol fixe, soit negligeable comparee 
au temps qui s'ecoule entre deux chocs; 

3® Que les molecules n'exercent pas d'action Tune 
sur I'autre; ce qui-implique que, dans leur position 
moyenne, les molecules doivent etre a une distance 
plus grande que leur sphere d'action, et que le temps 
ou elles sont assez pres pour agir Tune sur Tautre 
est negligeable par rapport au temps oii elles sont 
plus eloignees. 

Or on sait que la loi de Mariotte et la loi de Gay- 
Lussac ne sont que des lois approchees ; des pertur- 



— 32 — 

bations de ces lois, Van der Waals a pu deduirel'es- 
pace occupe reellement par les molecules, mais les 
moyens par lesquels il est arrive a ces conclusions 
sont trop surcharges d'hypotheses pour qu'il nous 
paraisse utile de les reproduire ici. Je tiens cepen- 
dant a montrer, par un exemple, comment on peut, 
par le calcul, se faire une idee de la grandeur des 
mouvements moleculaires dont nous avons admis 
Texistence comme probable ; nous verrons que la tra- 
duction mathematique des hypotheses que nous 
avons admises precedemment nous permettra de 
prendre une notion de la vitesse du mouvement 
moleculaire et du chemin parcouru reellement par 
les molecules. Nous allons d'abord chercher Tex- 
pressiori de la pression des molecules gazeuses cen- 
tre les parois de Tenveloppe. 

Gomme la forme du vase importe pen, nous la 
choisirons la plus favorable a notre analyse, c'est-a- 
dire, nous prendrons un vase tres-plat termine par 
deux faces planes paralleles, assez rapprochees pour 
que leur distance soit negligeable par rapport aux 
autres dimensions du vase. Nous pouvons done ne 
pas tenir compte du choc contre les parois laterales 
du vase , et admettre que chaque molecule se meut 
en ligne droite jusqu'a ce qu'elle rencontre une au- 
tre molecule ou une des parois dii vase* 

Si le gaz est parfait, nous pouvons introduire 
quelques simplifications ; le nombre des chocs contre 
les parois ne sera pas change si Ton admet que les 
molecules ne se rencontrent pas, et se meuvent en 
ligne droite jusqu'a ce qu'elles rencontrent Tune des 
parois. Enfin, nous ne savons pas, il est vrai, si la 



— 33 — 

reflexion de ces molecules suit la loi de la reflexion 
des corps elastiques; mais, d'apxes les regies de la 
probabilite, nous pouvons admettre qu'il y a autant 
de molecules qui se reflechissent suivant une ligne 
donnee qu'il y en a qui tombent suivant cette ligne. 
En un mot, rien ne sera change si nous admettonk 
que ces molecules se reflechissent suivant les lois 
ordinaires de la reflexion (1). 

Ges principes une fois poses, il est facile de de- 
terminer combien de fois une molecule choquera la 
paroi pendant Tunite de temps. Soit Ala distance des 
deux parois, 9 Tangle que fait la direction du mou- 

vement avec la normale ; sera la longueur du 

' cos ^ 

chemin decrit d'une paroi a Tautre; par suite, si Ton 

represente par ii la vitesse moyenne de la molecule, 

u cos 9 

represente ra le nombre des chocs centre les parois. 
Quant a la direction du mou vement, il est evident 
jque toutes les directions sont egalement frequentes ; 
aussi le nombre des molecules qui tombent dans 
Tespace angulaire compris entre 6 et 6 4- flf6 est au 
nombre total n comme la surface de la zone sphe- 
rique comprise entre 6 et 6 H-rfd est a la sphere ; done 
ce nombre sera : 

w 2 lu sin d6 . ,, ,. 

- = n sin 9 oQ, 



2 iz 

(1) Cette hypothfese, admise par Clausius, n'est pas evidenle; en 
efFet, dans la refraction, il pent tomber un certain nombre de 
rayons en dehors de I'angle limite, tandis qu'il ne saurait en 6mer- 

ger suivant cette direction. 

3 



— 34 — 
et le nombre total produit dans cette direction est 

n u ^ . ^ , ^. 
TTT cos sin 6 rt 0. 
2 k 

L'ititensite du choc sur la paroi est representee par 
la composante perpendiculaire a cette paroi, la com- 
posante parallele n'influant pas. Or la molecule qui 
a cheque la paroi perd une vitesse normale u cos 6 et 
acquiert en sens contraire une vitesse egale ; la paroi 
lui a done fait perdre une vitesse totale 2 u cos 6, et, 
representant par m la masse de la molecule, 2 mu 
cos 6 represente la quantite du mouvement commu- 
niquee par la paroi. 

La totalite des molecules qui tombent dans Fes- 
pace compris entre G et +flf6 agissant de meme, la 
quantite de mouvement communiquee a ces mole- 
cules sera : 



mn u^ 



cos' G sin G rfG. 



En integrant cette expression entre 6 = o et G = - 

on aura la quantite de mouvement que la paroi 
communique a toutes les molecules pendant Tunite 
de temps, savoir : 



m n u^ 



3 h 



Si la paroi est mobile , pour qu'elle ne soit pas 
repoussee, il faudra supposer une pression egale sur 
rkutre face. Or, la quantite de mouvement que peul 
produire une force pendant I'unite de temps etant 



— 38 — 



Texpression meme de la grandeur de cette force, 
nous pouvons admettre que Texpression precedente 
represente la pression sur la surface d; done la 
pression p sur I'unite de surface sera : 



P 



TTh 



Or le produit a h represente la capacite du vase, soit 
V et Texpression devient : 



P- 



n m w'^ 



Gette expression pent s'ecrire : 

3 nm u^ 

Le second membre represente alors la force vive du 
mouvement de translation du gaz ; or on sait, d'apres 
les lois de Mariotte et de Gay-Lussac, que 

p V = T + const., 

T etant la temperature absolue du gaz. 

Done 

nmu* ^ 

— 5 — =T const., 

ce qui etablit, comme nous Tavons dit plus haut, que 
la force vive de translation est proportionnelle a la 
temperature absolue. Ges equations peuvent nous 
permettre de calculer u, c'est-a-dire la vitesse de 
translation. 

Le produit n m represente la masse totale du gaz, 
soit q son poids : 

q 

9 



— 36 — 
d'ou Ton tire : 

3q p V 
9 

Prenonscomme unites, de longueur 1 metre, depoids 
1 kilogramme, de pression 1 atmosphere qui corres- 
pond a 1033 kilog. ; v sera dansle cas de Fair 0°% 733, 
et dans le cas d'un gaz quelconque 0^773, p etant 

P 
ladensite a O"" etala temperature absolue T, 0,773 T. 

p 273 . 
On aura done : 

, 3 X 9,80896 X 1033 X 0,7733 T, 
" "■ 273 p 



u 



= 485" y/ . 



273p 

Pour T == 273 ; et remplagant p par les densites des 
gaz on trouve : 

pour Toxygene 461 metres 

— Tazote 492 — 

— rhydrog^ne 1844 — 

Ges nombres representent les vitesses moyennes 
qui donnent pour toutes les molecules ensemble la 
meme force vive que les vitesses reelles ; mais il est 
possible que ces dernieres s'ecartent notablement 
de ces valeurs moyennes. 

Enfin cherchons encore au moyen des equations 
trouvees plus haut quel est le rapport de la force vive 
du mouvement de .translation a la force vive totale 
du gaz, c'est-a-dire a la chaleur contenue dans ce 



~ 37 — 

gaz ; nous prendrons comme unite de chaleur Tunite 
mecanique de force vive A ; il nous suffira de diviser 
la quantite de chaleur rapportee a Tuiiite habituelle 
par A ; soit H la quantite de chaleur ainsi determinee, 
soit c la chaleur specifique sous volume constant ou 
vraie capacite calorifique. La quantite de chaleur 
contenue dans une masse q de gaz sera : 

Nous aliens transformer cette expression. 

La quantite de chaleur que Ton doit communi- 
quer a la masse q de gaz pour elever sa temperature 
de d T et son volume de dv est : 

le premier terme representant I'accroissement de la 
chaleur contenue dans le gaz, et le second la cha- 
leur consommee par le travail. Si la pression est 

d V 
constante, d'apres laloi de Gay-Lussac, —77^- est de- 
termine, et nous pouvons ecrire : 

dv V V dT, 

dT ~f rfv — -"Y- 

En representant par c' la chaleur specifique sous 
pression constante, nous pourrons representer par 

i— rf T toute la quantite de chaleur communiquee 

augaz, d'ou : 

^ dT=z^dT -\-pdv, 



— 38 — 
et remplacant d v par sa valeur : 



2ilrfr=^^rfT + 2i^ 



d'ou enfin : 






En combinant cette equation avec celle qui nous 
donnait la valeur de H, on obtient : 



H = — r p V. 
c-c ^ 



Or nous avons trouveprecedemment, pour la force 
vive du mouvement de translation, que nous desi- 
gnerons par K : 



d'oii : 



¥i=^jpv, 



H 2 U 



Le rapport de la force vive de translation a la force 
vive totale est done ramene au rapport des chaleurs 
specifiques. 

Pour comparer entre elles les valours que prend 

le rapport tj pour les differents gaz, il est preferable 

d'introduire dans cette formule les chaleurs specifi- 
ques en volume y et y au lieu des chaleurs specifi- 
ques en poids. 

L'equation devient : 

K 3 y- ^ Y 
H "" 2 Y • 



— 39 — 

Or Glausius a demontre [Poggendorff's, Ann. 
LXXIX, p. 507) que pour tous les gaz parfaits /-y ^^^ 

le meme ; il s'ensuit que ^ est inversement propor- 

11 

tionnel a la vraie capacite calorifique en volume. 

Pour les gaz simples et les gaz composes formes 

sans condensation, y et par suite ^ est le meme. 
Pour ces gaz on a : 



d'ou : 



^ = 1,410, 
Y 



g = 0, 615. 



Pour les gaz composes formes avec condensation 
y est d'autant plus grand, par consequent ^ d'au- 

tant plus petit, que la condensation est plus grande. 

II s'ensuit done que, comme nous Tavions admis 
plus haut, la force vive de translation n'est pas la 
force vive totale, et qu'une certaine quantite de 
force, par consequent de mouvement, existe encore 
a rinterieur de la molecule. 

Naumann {Ann. Chem. undPharm, 1867, t. GXLII, 
p. 265) a de meme cherche a etablir que la chaleur 
specifique sous pression constante est formee de 
trois facteurs : Tun, la chaleur de dilatation; le 
deuxieme, la chaleur de mouvement moleculaire; 
la troisieme, la chaleur de mouvement atomique. 

II admet que le rapport de ces chaleurs est comme 
2:3 : y?; en un mot, pour les differents gaz, seul le 



- 40 — 

rapport de la chaleur atomique a la chaleur molecu- 
laire varierait. 
On aura done : 

D'autre part, la chaleur de dilatation est c — c'. 

C — c' z=.^X, 

c 
Or,pour Fair, — =r 1 ,405(Glausius admettait 1 ,410). 



d'ou : 



c = 0, 1698, 

0, 068 = 2 ar, 
ar = 0, 034 pour Fair ; 



d'autre part : 



c n + 5 



c' — n + 3 • 

Si Ton a affaire a un gaz dont la molecule ne ren- 

ferme qu'un seul atome, comme cela a lieu pour le 

mercure, n =o,le rapport des chaleurs specifiques 

5 
est maximum et egal a — = 1,67, et la chaleur spe- 

cifique absolue est : 

Y=:5ar=5 X 0, 034 = 0, 17. 

Kundt et Warburg (Deutsche chemische Gesellschaft, 
t. VIII, p. 945) ont obtenu experimentalement ce 
rapport en le determinant par une methode fort ori- 
ginale,. mais que je ne puis rapporter ici. 

Nous voyons done Texperience verifier vingt ans 
plus tard les conclusions des hypotheses emises par 



- 41 — 

Glausius surla theorie des gaz; j'ai tenu k rapporter 
tout au long cet exemple, pour montrer que, malgre 
le nombre des hypotheses admises au commence- 
ment, les deductions mathematiques sont verifiees 
par Texperience ; nous pouvons done leur accorder 
une certaine confiance. Je n'entrerai pas dans des 
details pour les principes que je vais etablir mainte- 
nant, me contentant d'enoncer les resultats a la suite 
des hypotheses qui leur ont donne naissance. 

Nous avons etabli que la vitesse de translation des 
molecules gazeuses etait, dans le cas de Tair, 461 me- 
tres par seconde ; et, cependant, c'est un fait d'ob- 
servation journaliere, que le melange des gaz se fait 
d'une fagon lente. Gela tient a ce que les molecules 
sont bient6t arretees par le choc centre les molecules 
voisines. G\a,usius{Pogffendorff'sA7inalenj 1858, t. GV) 
a essaye de calculer la longueur parcourue par une 
molecule entre 2 chocs consecutifs, et il est arrive 
a cet enonce fort remarquable, qui ne donne pas, il 
estvrai, la solution du probleme, mais qui foumit 
une relation entre ce chemin et le rayon de la sphere 
d'action des molecules, c'est-a-dire la distance ou 
leur action reciproque est sensible. 

Voici cet enonce : 



4 iro*" 



La longueur moyenne de chemin d'une molecule 
est, au rayon des spheres d'action, comme Tespace 
total occupe par le gaz est a Tespace reellement 
occupe par les spheres d'action des molecules. Les 



— 42 — 

differentes molecules auront done des valeurs diffe- 
rentes pour le chemin moleculaire, mais Loschmidt 
i^Wiener Sitzungsberichte ^ 1865) a demontre que 
lie volume decrit par une molecule pendant son tra- 
jet est constant pour les differents gaz ; et, conime 
deux volumes egaux de gaz renferment le meme 
nombre de molecules, il s'ensuit que le volume du 
chemin moleculaire est le meme pour deux masses 
gazeuses egales et a la meme pression. 

Oscar Meyer a pu calculer la longueur vraie de la 
trajectoire d'une molecule gazeuse, en s'appuyant 
sur certaines particularites que presente I'ecoule- 
ment des gaz. 

. New^ton [Philosophise natiiralis principia inathe- 
tnatica, 1687, lib. II, sect. IX) a donne le nom de 
frottement interne a la force que doivent deployer 
deux couches fluides pour glisser ou rouler Tune 
sur Tautre ; c'est, dit-il, une sorte de cohesion qui 
s'etablit au mouvement du moment, et qui s'y oppose. 

La plus ou moins grande facilite de Tecoulement 
des fluides depend de la nature de ceux-ci, et pent 
etre representee par un coefficient auquel on a 
donne le nom de coefficient de frottement. Pour de- 
terminer le coefficient de frottement interne des gaz. 
Clerk Maxwell a fait remarquer que le frottement 
interne tient a la transmission du mouvement de 
progression d'une couche gazeuse a la voisine, et a 
la transformation de ce mouvement en chaleur, de 
sorte qu'aucun gaz ne pent etre exempt de frotte- 
ment interne. En efi'et, si toutes les molecules sont 
transportees au commencement dans le meme sens, 
comme le mouvement calorique dont elles sont en 



— 43 — 

oatre animees a lieu dans tous les sens, elles se cho- 
queront d'une couche a I'autre, et une partie du 
mouvement de progression sera ainsi transformee 
en mouvement calorique. Le frottement augmentera 
done avec la temperature, qui, determinant un ac- 
croissement du mouvement transversal, augmentera 
le nombre des chocs. La grandeur de frottement 
sera exprimee par la quantite de mouvement pro- 
gressif transmis d'une couche a une autre par le 
mouvement calorique. 

Pour exprimer mathematiquement ces donnees, 
supposons qu'un gaz s'ecoule sur une surface hori- 
zontale. Immediatement au contact de cette surface, 
il est en repos ; sa ^dtesse s'accroit a mesure que Ton 
s'en eloi^e, et nous admettrons que cet accroisse- 
ment est constant; alors la vitesse a une distance 
jp est v=a X. 

Nous supposerons que nous avons choisi la con- 
stante a, qui depend de la nature du gaz et de la 
vitesse to tale d'ecoulement, de telle sorte que v eix 
soient egaux, c'est-a-dire que la molecule parcoure 
dans Tunite de temps une longueur egale a sa dis- 
tance au plan, on aura : 

En meme temps que le mouvement progressif, les 
molecules sont animees de mouvement caloriflque ; 
mais, si Ton remarque combien le premier (1 metre 
parseconde) est faible aupres du deuxieme, qui a ete 
determine plus haut a 447 metres par seconde, nous 
pourrons admettre que le mouvement progressif ne 
change sensiblement rien aux conditions du mouve- 



— 44 ~ 

ment calorique. Nous pourrons done calculer le nom- 
bre de molecules qui passeront de la couche ^ a la 
couche j: + darou reciproquement, comme si le mou- 
vement de progression n'existait pas ; et nous aurons 
ainsi la valeur du frottement entre ces deux couches. 
Pour qu'une molecule puisse passer a la couche 
superieure, il faut qu'elle en soit a une distance plus 
petite que L, L etant la longueur vraie du mouve- 
ment des molecules sous Tinfluence de la chaleur. 
Done seule la couche x — L enverra des molecules 
a la couche superieure, Ges molecules ne pourront 
depasser la couche x -\-\a par la meme raison, et le 
frottement se passera entre ces deux couches ,r + L 
^ix — L. Une molecule situee a une distance jt 4- pL 
(P < 1) ira dans I'autre couche a la distance 
X -»- (1 — p) L. Or, les vitesses de progression etant 
toujours egales aux distances au plan horizontal, se- 
ront differentes dans ces deux positions ; il faut done 
fournir a chaque molecule une quantite de force vive : 

m (x -t- [1 — ^] L) — /w (;r + p L) = m L. 

Calculous maintenant le nombre de molecules 
qui peuvent passer sur I'unite de surface et pendant 
Tunite de temps d'une couche a une autre. Soit N 
le nombre de molecules sur Tunite de surface. 
NL est le nombre des molecules comprises dans 
la couche L. EUes sont animees d'une vitesse 
moyenne w. Le nombre de fois qu'une molecule 
pourra passer d'une couche dans I'autre dans I'unite 
de temps, sera done : 

1 !L 
6 L' 



— 45 — 

car Kroenig a demontre que I du mouvement pou- 
vait etre considere comme passant dans une direc- 
tion donnee. Le nombre total des molecules passant 
d'une couche dans Tautre : 

1 w 1 

et la quantite totale de force vive a fournir est : 

-TT wi N L w, 

D 

Or il en passe autant de la couche inferieure dfiins 
la couche superieure. Le coefficient de frottement 
sera done : 

-n- /w N L CO. 

On obtient des resultats fort surprenants en rem- 
placant dans cette formule, qui a ete etablie par 
Maxwell, le chemin moyen par sa valeur. 

Maxwell avait calcule les longueurs du chemin 
moyen et etait arrive a une formule voisine de celle 
que Glausius a etablie : 









au lieu de : 




4 .It a* 


Or, 








1 


— 707 Pf — 



Comme le calcul precedent n'est qu'un calcul ap- 



— 46 — 



proche, nous pouvons prendre celle des deux for- 
mules que nous voudrons, et nous choisissons celle 
de Clausius, a cause de la plus grande simplicite des 
resullats. La formule precedente devient alors : 






Yi etant le coefficient de frottement. 

N etant le nombre des molecules dans I'unite de 
volume, >.' le volume d'une molecule, N>.^ = 1, et la 
formule devient : 



m (I) 



Cette formule nous montre que le coefficient de 
frottement est independant die la pression du gaz, 
resultat qui pent paraitre d'abord invraisemblable ; 
car, a la limite, pour un gaz de densite nuUe, le frot- 
tement serait le meme que pour un gaz existant 
reellement. 

Le coefficient de frottement varie au contraire 
avec la temperature; en efifet co et L varient avec 
la temperature, w etant proportionnel a l/T" ou 
l^ 1 -+- a /. On pent arriver ainsi a voir que le coef- 
ficient de frottement augmente avec la temperature. 

Le calcul precedent nous a fait trouver une loi 
fort improbable a priori, savoir, que le coefficient de 
frottement interne est independant de la pression. 
La verification de cette loi par I'experience sera 
pour ainsi dire ' une preuve de I'exactitude de nos 
hypotheses el des transformations que nous leur 
avons fait subir, et nous pourrons nous appuyer sur 



— 47 — 

cette formule pour en deduire des consequences.. 
Deux methodes sont en presence pour determi- 
ner le coefficient de frottement interne : I'une fondec 
sur la transpiration des gaz et etablie par Graham; 
I'autre, analogue k celle (jue Coulomb a employee 
pour les liquides ; c'est celle que Oscar Meyer [Kine- 
tische Theorieder Gase, p. 134) a employee. II suspend 
par son centre une plaque ronde a un fil, et il la fait 
osciller autour de ce centre. Les oscillations dimir- 
nuent bient6t, par suite du frottement centre les 
couches gazeuses. En operant avec des plaques de 
diverses grandeurs , on pent eliminer le frottement 
interne et on pent ainsi obtenir la valeur del/ r). 
Meyer se servait ainsi de trois plaques fixees au 
meme fil et pouvant osciller ensemble. II avait ainsi 
six surfaces de frottement; il pouvait ensuite rap- 
procher les plaques au contact; il n'avait plus alors 
que deux surfaces de frottement. II a ainsi calcule 
les valeurs de l/*^ pour diverses pressions. 



T. 


FreBsion 


l/^ 


21% 9 


749, I 


0, 0170 


20% 1 


499, 7 


0, 0196 


19% 6 


250, 5 


0, 0178 



Les nombres ainsi obtenus ne sont pas ideritiques, 
mais sont tres-rapproches, et leur ecart tombe dana 
.les limites des erreurs d'experiences. 

Graham a egalement donne des valeurs de y), 
obtenues au moyen de la transpiration des gaz. II a 
ainsi trouve pour y; des valeurs tres-concordantes 
aux diverses pressions. Maxwell repeta les expe- 
riences d'O. Meyer, en les modifiant legerement. II 



— 48 — 

arriva a cette conclusion que le coefficient de frotte- 
ment de Tair ne change pas entre ^ et 1 atmo- 
sphere. 

Dans la formule : 

m n represente le poids de I'unite de volume, c'est 
la densite p. La formule devient : 

Dans cette formule, nous connaissons tout, ex- 
cepte L. 

Y) est le coefficient de frottement. Pour I'air a 0% 
divers experimentateurs ont trouve : 

cent. 

Y) = 0,000 172 transpiration ) ^ j^ j. 
0,000186 oscillations j * ^ 

0,000 179 1 Puluj 

0,000 171 > transpiration ) ^, 
0,000168) (Obermay 



er 



La valeur moyenne est y; = cent., 000175. 

(0 a ete determine par Clausius = 447 metres. 

p a ete determine par Regnault 0, 001 2932 a 0** 
et 760 millimetres. 

On en tire pour L a 0°, et 760 miUimetres, L = 
0,0000095. 

Le nombre moyen des chocs dans une seconde est 
donne par la formule : 

-—• = 4700 millions. 

4 



- 49 — 

Ces resultats ont ete etablie comme si Tair etait 
un gaz homogene; ils se rapportent done k la 
moyenne des longueurs vraies des chemins mole- 
culaires de Foxy gene et de Tazote. 

Graham, puis Kundf et Warburg, calculerent ainsi 
pour beaucoup de gaz les chemins moyens et le 
nombre des chocs ; ils arriverent a des resultats fort 
remarquables ; nous allons les rapporter ici : 

MOLECULE FORM^E DE 2 ATOMES 



Puids molecalaire 


Chemin moyen 


Nombre des chocs 


H« 


2 


0,000 018 55 


9480 


CO 


27,93 


9 85 


4780 


Az* 


28,02 


9 86 


4760 


AzO 


29,97 


9 59 


4735 


0* 


31,92 


1059 


4065 


HCl 


36,37 


7 34 


5650 


CI* 


70,74 


4 73 


6240 




MOLECULE 


FORM^E DE 3 ATOMES 




HK) 


17,96 


0,000 006 49 


9035 


H'S 


33,98 


6 28 


6750 


CO' 


43,89 


6 80 


5510 


Az'O 


43,98 


6 81 


5521 


SO' 


63,90 


4 85 


6360 


• 

MOLECULES RENFEBM4MT PLUS DE 3 ATOMES 


CH* 


15,97 


0,000 008 48 


r 

7330 


AzH' 


17,01 


7 37 


8130 


C*H* 


27,94 


5 82 


8060 


C^H^O 


45,90 


4 22 


8620 


GH'Gl 


50,34 


4 59 


7600 


C'Az« 


51,96 


4 19 


8220 


CWCl 


64,31 


3 73 


8340 
4 



— 50 — 

II se degage de ces tableaux cette loi fort remar- 
quable, que pour les corps ayant un meme nombre 
d'atomes dans la molecule et un meme poids mole- 
culaire, la longueur du chemin moyen et le nombre 
des chocs est sensiblement le meme. 

Loschmidt a emis Thypothese qu'a Tetat liquide 
les molecules des corps etaient en contact ; il a ete 
ainsi conduit a dire que le rapport des densites a 
Tetat gazeux et a I'etat liquide est le meme que le 
rapport du volume du gaz a celui occupe reelle- 
ment par les molecules. Partant de cette hypothese, 
que nous ne developperons pas, car elle est cer- 
tainement inexacte (les nombres ainsi trouves ne 
peuvent done representer qu'une limite superieure 
du nombre des molecules), Loschmidt a pu cal- 
culer le diametre et le volume moleculaire ; il a ainsi 
trouve : 





Diametre. 


Volume (suppose spherique) 


CP 


0,96 


0,459 


H'O 


0,4i 


0,046 


AzH' 


0,43 


0,049 


GO' 


1,14 


0,779 


SO' 


0,88 


0,271 


C'H'Cl 


0,98 


0,499 



Les diametres moleculaires sont exprimes en mil- 
Uoniemes de millimetre, les volumes en millioniemes 
de millimetres cubes. On pent des lors facilement 
calculer le nombre des molecules dans Tunite de 
volume. Ainsi 1 centimetre cube de gaz a 0° et 760 
renfermerait 21 trillions de molecules. Ge nombre 
veritablement fantastique a peine a etre saisi par Ti- 



»»-- 



magination ; mais laissons fa|^|M|l^iij^il M. Grookes (1) : 
« Pour donner une idee de ce nombre enorme, 
je prends le ballon dans lequel j'ai fait le vide, et 
je le perce avec Tetincelle de la bobine d'induction. 
Cette etincelle produit une ouverture tout a fait mi- 
croscopique, mais qui est pourtant assez grandepour 
pennettre aux molecules gazeuses de penetrer dans 
le ballon et de detruire le vide. L'air qui se preci- 
pite au dedans vient frapper sur les palettes de la 
petite roue, etla fait tourner comme celle d'un mou- 
lin a vent. Supposons que la petitesse des molecules 
soit telle, qu'il en entre dans le ballon cent millions 
par seconde. Combien de temps croit-on qu'il faille 
dans ces conditions pour que ce petit recipient se 
remplisse d'air?Sera-ce une heure, un jour, une an- 
nee, un siecle? II faudra presque une eternite, — un 
temps si enorme, que Timagination elle-meme est 
impuissante a le bien concevoir. Si Ton suppose 
qu'on ait fait le vide dans un ballon de verre de 
cette grosseur, rendu indestructible, et que ce bal- 
lon ait ete perce lors de la creation du systeme so- 
laire; si Ton suppose que ce ballon existat a Tepoque 
oil la terre etait informe et sans habitants ; si Ton 
suppose qu'il ait ete temoin de tons les changements 
merveilleux qui se sont produits pendant la duree 
de tons les cycles des temps geologiques, qu'il ait vu 
apparaitre le premier etre vivant, et qu'il doive voir 
disparaitre le dernier homme ; si Ton suppose qu'il 
doive durer assez pour voir s'accomplir la prediction 
des mathematiciens d'apres laquelle le soleil, source 

(<).Crookes, Revue sdentifique, t. XVII, p. 395. 



cle toute energie sur la terre, doit n'etre plus qu'une 
cendre inerte, quatre millions de siecles apres sa 
formation, si Ton suppose tout cela, — avecla vitesse 
d'entree que nous avons admise pour Tair, vitesse 
egale a cent millions de molecules par seconde, ce 
petit ballon aura a peine recu un septillion de mole- 
cules. » 

II ajoute un peu plus loin : « Quand les nombres 
sent si considerables, ils cessent d'avoir un sens pour 
nous , et ces calculs sont aussi inutiles que s'il s'a- 
gissait de compter les gouttes d'eau contenues dans 
I'ocean. » 

Matiere radiante. La theorie cinematique des 
gaz, telle que nous venons de Texposer, a recu un 
appui inattendu de I'etude de cet etat particulier de 
la nature que Ton appelle souvent matiere radian te, 
et qu'il serait peut-etre plus correct d'appejer etat 
radiant ou ultra-gazeux. Nous avons vu que, si la 
vitesse des molecules gazeuses etait enorme, le che- 
min qu'elles parcourent reellement en ligne droite est 
f res-petit, a cause du nombre presque infini des chocs 
de chaque molecule centre ses voisines. Si la pres- 
sionvient a diminuer, le nombre des molecules conte- 
nues dans Tunite de volume diminue, le nombre des 
chocs, diminuera de meme, et par consequent la 
longueur du libre parcours augmentera jusqu'a de- 
venir sensible a nos moyens d'observation, et, lors- 
que Ton pousse le vide jusqu'a un millionieme d'at- 
mosphere, la longueur du libre parcours pent at- 
teindre un decimetre. A mesure que la longueur du 
chemin parcouru augmente, les gaz perdent peu a 



peu leurs propHetes et en acquierent de nouveltes : 
ainsi, quandnous amvohs&.un certain point de vide, 
les phenomenes que nuus presentc ie radiometre 
deviennent possibles; mais, si nous diminuons en- 
core la pression, on observe dans la transmission 
de I'electricite a haute tension des modifications dee 
plus interessantes qui ont ete recemment etudiees 
par M. Grookes (1). 

En faisant fonctionner les tubes de Geissler, I'at- 
tention de M. Grookes fut attiree sur ce fait que le 



pole negatif est toujours entoure d'un espace sombre 
qui croit et decroit suivant que le vide devient plus 
ou moins parfait (fiQ. 1). 

M. Grookes a eu I'idee fort ingenieuse de sup- 
poser que cat espaco sombre etait celui ou les 
molecules cheminaient cote a cote sans se che- 
quer ; au-deli de cet espace, les molecules se ren- 
contrent, se heurtent, et c'est de cette collision 

(I) PAitowjpAicoJ transaciiora, 1879, 1, p. i3a; II, p, 641. 



— 84 — 

que naissent les phenomenes lumineux que Ton 
observe dans le tube de Geissler. II y a surement a 
faire intervenir de plus des considerations tirees de 
Tetat electrique des molecules. Mais qu'est-ce que 
Telectricite dans les theories modernes de la consti- 
tution de la matiere? Toujours est-il que, lorsque la 
pression diminue, on voit augmenter la partie noire 
quientoure I'electrode negative; dans les experiences 
de M. Crookes, la pression est telle, que cette par- 
tie noire occupe la longueur totale du tube, c'ost-a- 
dire que le libre parcours des molecules est au 
moins egal a cette longueur. Dans ce cas la de- 
charge des machines a electricite statique, de la bo- 
bine d'induction ou meme d*une pile a plusieurs 
milliers d'elements, est accompagnee de phenomenes 
dont nous aliens dire quelques mots. Nous ne nous 
occuperons pas de ce qu'il advient des molecules 
electrisees par le pole positif, ni meme de la circu- 
lation entiere des molecules dans le tube ; nous al- 
iens faire voir seulement, conformement aux idees 
de M. Grookes, qu'elles semblent etre emises par 
Telectrode negative dans la direction rectiligne et 
normale a la surface de Telectrode. Pour cela il nous 
faut un moyen de rendre visibles ces courants de 
matiere a Tetat radiant. Ce moyen a ete decouvert 
par MM. Hettorff et Goldstein (1). Partout ou ces 
courants frappent, ils determinent une action phos- 
phorogenique puissante, et ceci est facile a com- 
prendre : les molecules qui arrivent en contact centre 
les parois solides n'ont perdu aucune quantite de 

(4) Voyez les stances du 4 max et 23 novembre i876 h TAcad^- 
mie de Berlin, 



• — 55 — 

leur force vive en chocs reciproques ; elles emportent 
en outre une charge electrique considerable ; aussi 
ne faut-il pas s'etonner que leur choc centre les pa- 
rois solides soil capable de produire des effets me- 
eaniques, et qu'une portion de leur force vive soit 
transformee en lumiere. Beaucoup de corps, que 
les decharges electriques eclatant dans des gaz aux 
pressions des tubes de Geissler ne suffisaient point 
pour rendre phosphorescents, le deviennent sous 
Tinfluence de la matiere radiante ; ainsi non seule- 
ment le verre d'urane prend une phosphorescence 
vert fonce, mais le cristal donne une phosphores- 
cence bleue, le verre de potasse une phosphores- 
cence vert pomme, etc., etc. 

Les substances naturellement phosphorescentes, 
telles que les sulfuresalcalino-terreux, presententun 
eclat fort beau; le sulfure de zinc cristaliise dans le 
type rhomboedrique,.ou Wtirtzite artificielle, deviont 
eblouissant ; mais, de tons les corps, le plus lumineux, 
sans contredit, est le diamant. M. Grookes, en sou- 
mettant un diamant a Taction d'un courant de ma- 
tiere radiante, a obtenu une phosphorescence dont 
Teclat est egal a celui d'une bougie. 

Maintenant que la phosphorescence nous offre un 
moyen sur de suivre et de reconnaitre la matiere 
radiante, nous aliens en etudier les principales pro- 
prietes : 

1** La matiere radiante se meut en ligne droite; 

2° EUe est emise perpendiculairement a la surface 
de Telectrode negative. 

Pour verifier la premiere loi, M. Grookes a fait 
construire des tubes en forme de Y, etfplagait les 



— 36 — ■ 
deux electrodes aux deux extremites; seule, la bran- 
che oil se trouvait Teleetpode negative etait parcou- 
rue par la matiore radianlo , et la phosphorescence 
se montrait sur la pointe du \. 

La deuxieme lui uous fournit un caractere diatinc- 



tif entre la matiere a I'etat gazeux et la matiere 
radiante. 

Si dans un gaz rarefie on fait passer un courant 
d'induction, la decharge lumineuse, quelque diffuse 
qu'elle soit, ira toujours du pole negatif au pole po- 
sitif ; en d'autres termes, le pOle negatif restant fixe, 
le fuseau lumineux que Ton obtiendra variera avee 
la place du pole positif. Au contraire, dans la ma- 



- 57 ~ 



tiere radiante, la projection des molecules ayant 
loujours lieu en ligne droite , la partie phospho- 
rescente du tube sera la meme, quelle que aoit la 
position de I'eleclrode positive, et sera directement 
opposee a cette electrode. 

Ces molecules etant toujours emises normaleoient 



a la surface, celles-ci se rencontrent toutes en un 
iD^me point, si le p6ie negatif est forme par une sur- 
face spherique concave. Mais ce point n'est pas 
exactement le centre de courbure de la surface, k 
cause d'une reaction des rayons de matiere radiante 
dontnous parlerons tout a I'heure. 



— 58 — 

M. Grookes a pu, de memo, obtenir dcs foyers 
lineaires au moyen d'electrodes lit-raicyiiiidriques, 
etc., etc. 

La theorie des ombres est basec uniquement sur 
le fait de la propagation en lignc droite de la lu- 
miere. La propagation en ligne druite de la matiere 
radiante permet de conccvoir qu'elle doit donner de 
meme une ombre si Ton en interccpte une portion 



au moyen d'un ecransolide. M. Grookes a realise ce 
fait de la fapon suivante. Le pole negatif est forme 
d'une surface plane qui donne naissancc a des rayons ■ 
parallelcs et plutot legercment divergents. L'cxis- 
tence de ces rayons est eonstatee par la phosphores- 
cence qu'ils impriment a toute la partie posterieure 
du tube. Si maintcnant on fait tomber a I'aide d'un 
choc sur le trajet de la matiere radiante un ecran 
d'aluminium dispose a I'avance dans le tube, les 
molecules ainsi arretees par I'ecran ne peuvenl im- 
pressionner te fond du tube, et I'ombre ainsi formee 



— 59 — 

reproduit les contours de I'ecran avec une nettete 
surprenante. 

La matiere radiante est capable de produire des 
effets mecaniques comme je Tai dit plus haut. C'est 
meme par cette etude que j'aurais du commencer 
cet expose ; mais j'avais besoin de posseder un moyen 
de reconnaitre et de suivre la matiere radiante, et 
ce moyen est fourni par la phosphorescence. 

Les effets mecaniques sont ceux qui nous sont re- 
veies par le radiometre. On a construit un tel instru- 
ment en reliant metalliquement les ailettes d'alu- 
minium recouvertes de mica d'un seul cote, au pole 
negatif d'une bobine. Aussitot les ailettes projettent 
des courants de matiere radiante contre la surface 
interne du globe, et se mettent a tourner avec unc 
rapidite considerable. Mais je nc puis m'arretor a 
ce sujet. 

De meme que le choc des molecules contre les 
parois pouvait produire des apparences lumineuses, 
de meme aussi il pent produire de la chaleur ; c'est 
ainsi que, concentrant au moyen d'une grande elec- 
trode negative en forme de calotte spherique cout- 
cave toute la matiere radiante en un seul point, ou 
se trouvait un fill de platine iridic, M. Grookes a pu 
fondre instantanement ce fil, c'est-a-dire le porter a 
une temperature superieure a 2500". 

Les lois que nous venons de trouver pour la ma- 
tiere radiante decoulaient pour ainsi dire de la con- 
ception theorique que nous nous etions faite sur^sa 
nature ; voici un nouvel ordre de phenomenes^abso- 
lument imprevus. 

« La matiere radiante est attirable a I'aimant » ; 



— GO — 

ainsi, si nous produisohs un pinceau de matiere ra- 
diante que nous rendons visible en le projetant sur 
un ecran phosphorescent legerement incline sur sa 
directrice, on voit ce pinceau d'abord rectiligne 
s'inflechir sous Taction d'un aimant, d'autant plus 
que Taimant est plus fort. Cette courbe est compara- 
ble a la trajectoire que suit un projectile sous la 
double influence de son mouvement de translation 
et de la pesanteur; et, de meme que la courbe se 
devie d'autant plus que le mouvement initial est 
plus faible, de meme, si nous pouvions diminuer 
la vitesse de projection des molecules , nous ver- 
rions la courbe s'inflechir de plus en plus vers Tai- 
mant. Get eff*et pent etre obtenu en diminuant le vide 
a rinterieur de I'appareil, ce que M. Grookes a ob- 
tenu en chaufl'ant un morceau de potasse qui aban- 
donne des traces de vapeur d'eau. On voit alors, en 
efl'et, la courbe s'inflechir et se rapprocher de I'ai- 
mant. 

M. Grookos s'est demande si le courant molecu- 
laire n'etait pas compose de petites parcelles arra- 
chees au pole negatif. « Pour le savoir, dit-il, j'ai 
pris pour pole negatif, dans une boule de verre, une 
plaque de platine, et j'ai fait agir le courant d'in- 
duction jusqu'a ce que Tinterieur de la boule fut 
obscurci par les parcelles de platine projetees a Tin- 
terieur. Un faisceau de rayons moleculaires, passant 
par une petite ouverture faite dans une plaque de 
mica, projetait sur la paroi de verre Timage lumi- 
neuse de cette ouverture. L^cxamen attentif du point 
qu'avait occupe cette image ne m'a revele la pre- 
sence d'aucune parcelle de platine. Done, le cou- 



~ 61 — 

rant moleculaire n'est pas compose de niolecules du 
polenegatif (1). » 

Deux courants de matiere radiante paralleles, emis 
par deux poles negatifs distincts, agissent Tun sur 
Fautre en se repoussant. M. Grookes en eonchit quo 
les molecules sont electrisees toutes negativement, 
la repulsion des deux faisceaux etant due a la repul- 
sion mutiielle des molecules de Tun et de Tautre, 
et que la repulsion entre le pole et les molecules 
est la cause de leur mouvement. Mais Texperience 
sur laquelle M. Grookes s'appuie pour etablir cette 
loi, qui est vraisemblablement exacte, ne parait pas 
a Tabri de toute objection; nous nc croyons point 
utile de les developper ici. 

M. Grookes s'est demande si cette attenuation pro- 
digieuse des gaz n'avait rien change a leur nature 
chimique, si en un mot le changement d'etat etait 
purement physique. II a pu etablir par des expe- 
riences speciales que la potasse absorbe Tacide car- 
bonique; le palladium, Thydrogene, aussi bien a 
Tetat de gaz qu'a Tetat radiant. « On m'objectera 
peut-etrcy dit-il, qu'il y apresque de Tinconsequence 
a attacher une importance particuliere a la presence 
de la matiere apres m'etre donne une peine extreme 
pour faire disparaitre des boules et des tubes de 
verre autant de matiere que possible, et avoir si bien 
reussi qu'il n'y reste plus guere qu'un millionieme 
d'atmosphere. Sous pression ordinaire, Tatmo- 

(1) Je dois la communication de cette note k Tobligeance des 
directeurs de la Revue scientifique, qui ont, en outre, mis k ma dis- 
position les figures qui sont intercal6es dans cette brochure. Je 
tenais k, leur offrir mes.remerciements. 



— 62 — 

sphere n'a deja pas une densite considerable, et la 
reconnaissance de sa materialite ne date que des 
temps modernes. II semblerait qu'en divisant sa 
densite par un million, il doit rester dans nos tubes 
une quantite de matiere si faible, qu'elle est parfaite- 
ment negligeable, et que nous sommes en droit de 
donner le nomde vide a I'espace d'ou Fair a ete ainsi 
presque absolument retire. Mais ce serait la une 
erreur grave, qui vient de ce que nos facultes bor- 
nees ne saisissent pas bien les nombres tres-eleves. 
On admet generalement qu'un nombre divise par 
un million donne necessairement un quotient assez 
faible, tandis qu'il pent arriver que le dividende soit 
assez fort pour que la division par un million ne 
paraisse faire sur lui qu'une assez faible impression. 
D'apres les meilleures autorites , un ballon de verre 
d' environ 0°*,135 de diametre, comme ceux dont 
nous nous servons souvent, contientplusd'unseptil- 
lion de molecules. Or, si nous y faisons le vide a un 
millionieme d'atmosphere, le ballon contiendra en- 
core un quintillion de molecules, — nombre bien 
suffisant pour m'autoriser a donner le nom de ma- 
Here au gaz restant dans le ballon. » 

Nous voyons done que Tetude de la matiere ra- 
diante vient donner un nouvel appui a la theorie de 
la constitution des gaz telle que nous Tavons emise ; 
elle sert de transition, pour ainsi; dire, entre la ma- 
tiere et la force, ainsi que le dit en terminant Tillus- 
tre physicien auquel est due sa decouverte. « Dans 
I'etude de ce quatrieme etat de la matiere, il semble 
que nous ayons saisi et soumis a notre pouvoir les 
petits atomes indivisibles, qu'il y a de bonnes rai- 



— 63 — 

sons de considerer commo formant la base physique 
derunivcrs. Nous avons vu que, par quelques-unes 
de ses proprietes, la matiere radiante est aussi ma- 
terielle que la table placee ici devant moi, tandis 
que par d'autres proprietes elle presente presque le 
caractere d'une force de radiation. Nous avons done, 
en realite, atteint la limite sur laquelle la matiere et 
la force semblent se confondre, le domaine obscur 
situe entre le connu et Tinconnu, qui a toujours eu 
pour moi un attrait particulier. J'ose croire que les 
plus grands problemes scientifiques de Tavenir trou- 
veront leur solution dans ce domaine inexplore, ou 
se trouvent sans doute les realites fondamentales, 
sub tiles, merveilleuses et profondes. » 

Nous ne devons pas oublier, cependant, que la 
theorie de Telectricite etant encore absolument dans 
Tenfance, et attendant, non pas seulement son Fres- 
nel, mais meme son Huyghens ou son Grimaldi, on 
ne pent considerer la theorie de Grookes sur la ma- 
tiere radiante comme aussi bien etablie, par exem- 
pie, que celle qui est maintenant adoptee pour le ra~ 
diometre. Des phenomenes dits de phosphorescence 
et d'ombres moleculaires, tres-nets, ont ete observe^^ 
a des pressions assez superieures a celle de 
M. Grookes (1), et ce physicien a constate lui-meme 
que, dq^ns Tespace obscur, celui-ci ayant meme 2 ou 
3 centimetres, il n'y a pas de phosphorescence alors 
qu'il y en a plus loin; ce sent des difficultes et ce 
ne sont point les seules. Mais il est certain que ces 
changements considerables survenus dans les pro- 

(i) G. Salet. Conference, k la Society de secours des amis des 
sciences, mars 1880. 



— 64 ^ 

prietes des gsz lorsque leur deiisite est tres-reduite, 
constituent un argument serieux en faveur de la 
non-continuite de la matiere. 

Corps liquides. — Nous ne connaissons presque 
rien sur le mode d'agregation des molecules liqui- 
des. J'ai rapporte plus haut Thypothese de Lo- 
schmidt, qui consiste a considerer les liquides 
comme formes de molecules rapprochees au con- 
tact. II est evident que cette hypothese n'est pas 
exacte; en efifet, d'une part, la compressibilite des 
liquides s'oppose absolument a cette hypothese; 
d'autre part, la dilatation des liquides sous Tin- 
fluence de la chaleur nous porte a y concevoir Texis- 
tence de mouvements analogues a ceux que nous 
avons admis pour les gaz; or, pour que le mouve- 
ment puisse s'effectuer, il faut que les molecules 
aient la place de se mouvoir, c'est-a-dire ne soient 
pas en contact. 

Gependant, malgre notre Tignorance absolue de la 
constitution des liquides, nous aliens rappeler quel- 
ques travaux qui, s'ils ne nous donnent pas la loi de 
Tarrangement des molecules dans ces corps, nous 
font au moins pressentir qu'il existe une loi qui se 
degagiera un jour ou Tautre. 

On appelle volumes atomiques des corps simples 
les volumes qu'occupent des quantites de ces corps 
simples proportionnelles aux poids atomiques, et, 
volumes moleculaires des corps simples ou composes, 
les volumes qu'occupent des quantites de ces corps 
proportionnelles a leurs poids moleculaires. II suffit 
done, pour obtenir ces nombres, de diviser les poids 
atomiques ou les poids moleculaires par la densite. 



— 68 — 

II est evident que, dans le cas des gaz, les volumes 
moleculaires sont egaux ; il n'en est plus de meme 
pour les liquides, mais on trouve encore des lois fort 
remarquables, a condition de prendre les corps dans 
des conditions physiques semblables, c'est-a-dire a 
des distances egales de leurs points de fusion ou 
d'ebuUition. Les travaux ont porte principalement 
sur des substances organiques et sont resumes par 
les lois suivantes : 

Le volume moleculaire d'une combinaison est ex- 
prime par la somme des volumes atomiques qu'oc- 
cupent les elements. 

Dans les composes possedant une composition 
atomique semblable, le meme element possede tou- 
jours le meme volume atomique. 

Dans des combinaisons possedant une structure 
atomique differente, le meme element pent occuper 
des volumes atomiques differents. 

Ainsi, tandis que Toxygene occupe, dans Feau, les 
differents alcools, les ethers, etc. , le volume atomique 
7, 8, dans les aldehydes, les acetones ou ses deux 
atomicites sont unies au meme carbone, Toxygene 
a une valeur atomique comprise entre 12 et 12, 9. 
On pent done calculer theoriquement le volume 
moleculaire d'un compose dont on connait la for-' 
mule atomique. Ges lois, qui ne s'appliquent point 
aux corps solides, sontprobablement en relation avec 
Tetat moleculaire des liquides. 

Corps solides. — L'etude de la matiere a I'etat so- 
lide n'est guere plus avancee. 

II est d'abord evident que les molecules elles- 
memes sont groupees d'une fagon immuable pour 



— 66 — 

constituer les particules cristallines d'un corps, et 
que ce groupement a lieu suivant des regies fixes. 
Ampere (1), le premier a ma connaissance, a cherche 
a relier la forme cristalline des corps a la composi- 
tion de la molecule ; mais Ampere supposait que la 
molecule elle-meme etait polyedrique, ce qui reglait 
la forme cristalline. « Si nous considerons mainte- 
nant les formes primitives des cristaux reconnues par 
lesmineralogistes, etque nous les regardions comme 
les formes representatives des particules les plus 
simples, en admettant dans ces particules autant de 
molecules que les formes correspondantes ont de 
sommets, nous trouverons qu'elles sont au nombre 
de cinq, le tetraedre, I'octaedre, le parallelipipede, 
le prisme hexaedre et le dodecaedre rhomboidal. » 

M. Gaudin (2) a repris les idees d' Ampere et les a 
etendues. II suppose egalement que la molecule est 
polyedrique, et il determine cette forme par des con- 
siderations purement chimiques; puis, supposant 
que ces molecules sont juxtaposees comme les pieces 
d'un parquetage, il montre que Ton pent construire 
ainsi les cristaux avec la forme qui appartient a cha- 
que systeme chimique, sans que la forme de la mo- 
lecule soit identique a la forme fondamentale du 
cristal. Ainsi, la molecule d'orthose serait un prisme 
hexagonal regulier doublement pyramide, tandis 
que la forme primitive du cristal est un prisme 
anorthique. 

Dans cette theorie, les polyedres a 5, 7, 9 cotes 
ne peuvent se juxtaposer sans laisser entre eux des 

(1) Ann,, Chim, et Phys., t. XL, p. 43. 

(2) Architecture du monde des atomes. 



— 67 — 

lacunes; ces formes correspondraient aux corps 
incristallisables. Ge dernier point est fort curieux; 
deux objections se presentent cependant immedia- 
tement : comment des corps incristallisables, tels 
que Facide arsenieux vitreux, seraient-ils capables 
de cristalliser spontanement sans admettre une mo- 
dification dans la forme de la molecule? Enfin, la 
dilatation des corps solides sous I'influence de la 
chaleur, la necessite d'admettre Tether entre les 
molecules de ces corps, nous empechent de conside- 
rer les molecules comme juxtaposees. 

Enfin, il est un dernier fait dont il faut tenir compte 
dans les essais de ce genre ; les molecules des corps 
a Fetat solide ne sont evidemment pas les memes 
qu'aTetat gazeux, mais sont despolymeres probable- 
ment tres elevees deces dernieres. M. Henry (1), qui 
a recemment attire I'attention sur ce point, fait re- 
marquer que, lorsqu'il existe un oxyde et un chlorure 
eorrespondant a la meme condensation, tels que 
Toxyde et le chlorure d'ethylene, Tacide sulfureux 
et le tetrachlorure de soufre, le compose oxygene est 
toujours plus volatil; cependant nous voyons la plu- 
part des oxydes metalliques fixes, lors meme que les 
chlorures sont volatils. II en conclut que Ton doit 
representer la formule des oxydes a I'etat solide par 
un multiple de la valeur qu'on leur attribue habi- 
tuellement. II appuie cette hypothese de considera- 
tions tirees de la facile polymerisation des oxydes de 
la chimie organique, tels que les aldehydes, Toxyde 
d'ethylene. 

(1) Compte-rendu de V Association frangaise pour Vavancement 
des Sciences; Paris, i878. 



CHAPITRE III 



LES ATOMES 



Nous avons etudie dans le chapitre precedent la 
facon dont les molecules etaient groupees pour con- 
stituer les corps materiels, et nous avons vu que le 
mouvement de translation afTecte a chaque molecule 
gazeuse n'etait pas suffisant pour rendre compte de 
la quantite totale de force vive du corps. II faut done 
qu'il existe egalement un mouvement intramole- 
culaire. Les atomes sont les points d' application des 
forces qui determinent ces mouvements. 

Nous aliens etudier actuellement les lois qui re- 
gissent ces atomes a Tinterieur de la molecule. 

Nous ne connaissons rien sur la nature de ces 
mouvements; cependant, recemment, M. Berthelot 
a cherche I'idee emise par MM. Noble et Abel et 
MM. Champion et Pellet, que les corps explosifs 
peuvent detonner sous I'influence de certaines notes 
musicales qui les font vibrer a I'unisson. De cette 
facon, on eut pu connaitre le rhythme vibratoire de 
ces corps explosifs en le comparant a celui du corps 
sonore. M. Berthelot (1) a institue des experiences 

(1) Bull Soc, chim., 20 juin 1880. 



— 69 — 

dans cette voie en se servant d'appareils donnaht, 
Tun 100, Tautre 7200 vibrations simples par se- 
conde. Le resultat n'a pas ete favorable a cette ma- 
niere de voir; mais, pour que la vibration sonore put 
modifier la vibration atomique, il eut fallu que les 
corps mis en experience eussent une periode vibra- 
toire exactement egale a -5^- ou a 5^ de seconde 
ou a un sous-multiple de ces valours. 

L'existence des mouvements atomiques nous est 
du reste prouvee par la quantite de chaleur degagee 
par la combinaison, et la thermochimie, qui a pour 
but I'etude de ces quantites de chaleur, mesure en 
meme temps Tenergie des reactions ; mais les donnees 
de la thermochimie, qui ne representent qu'une 
somme de plusieurs actions, ne sont malheureuse- 
ment pas encore en etat de fournir des renseigne- 
ments sur la valeur de ces mouvements. 

De meme qu'au debut de Tetude de la molecule, 
une loi fort simple nous a permis de determiner les 
poids moleculaires, de meme nous devons chercher 
les relations qui nous permettront de trouver les 
poids relatifs des atomes ou poids atomiques. La 
determination des poids atomiques repose sur les 
proportions relatives des corps susceptibles d'entrer 
en combinaison. Nee de la loi des proportions defi- 
rJ.es et de celle des proportions multiples, elle ne 
prit un caractere de certitude qu'apres bien des he- 
sitations. 

Dalton, qui a cree le mot de poids atomiques etleur 
a assigne le premier des valours, les rapportait a Thy- 
drogene et choisissait, comme tel, le poids du corps 
simple qui s'unissait a 1 gramme d'hydrogene pour 



— 70 — 

former la combinaison la plus stable ; c'est ainsi qu'il 
admit 8 pour Toxygene, 6 pour le charbon (il avait 
rapporte ses mesures au gaz olefiant), 4,66 pour 
I'azote, etc. Davy, rejetant Thypothese des atomes, 
considera les nombres admis par Daltpn comme re- 
presentant uniquement les proportions suivant les- 
quelles les corps se combinent, ou peuvent se rem- 
placer mutuellement. De la le nom de poids proper- 
tionnels, ou equivalents, que Wollaston donna aux 
poids atomiques de Dalton. Se fondant sur leslois de 
Gay-Lussac, Berzelius modifia les poids atomiques 
de Dalton. II admit que Teau renfermait deux atomes 
d'hydrogene pour un d'oxygene, et etablit ainsi la 
distinction entre les poids atomiques et les equiva- 
lents. Berzelius admettait que les atomes de certains 
corps, tels que roxygene,le soufre,pouvaient directe- 
ment entrer en combinaison, tandis que les atomes 
de rhydrogene, de Tazote, y entraient toujours par 
groupes de deux. 

II avait ete ainsi conduit a doubler la formule de 
I'acide chlorhydrique, de Tammoniaque, etc. Mialheu- 
reusement Berzelius n'avait pas saisi Timportance de 
laloi d'Avogadro, qui aurait pu lui permettre de rec- 
tifier ses formules. En effet, elles correspondent, 
tantot a deux, tantot a quatre volumes de vapeur : 



4 vol. 


2 vol. 


H'Cl* 


H'O 


H»Br» 


H'S 


H«Az» 


GPO 


H«Ph» 


CO' 



et, precisement, les corps qui correspondent a quatre 



— 71 — 

volumes sont ceux ou il admettait les atomes dou- 
bles, et dont il eut pu dedoubler la fonnule. 

Gmelin fit remarquer que la notion de Tatome 
double n'avait pas de raison d'etre. Pourquoi, en effet, 
puisque Fatome est la plus petite quantite de matiere 
qui puisse entrer en combinaison, ne pas donner ee 
nomaTatome double, puisque nous nevoyons jamais 
une quantite plus petite d'hydrogene? Aussi revint-il 
aux formules en equivalents, representant Teau par 
H0(H=1 0=8). 

II faut arriver a Gerhardt pour voir sortir de Fou- 
bli la loi d'Avogadro, qui servit de base a son 
systeme de notation. En admettant ce principe que 
les molecules de tons les corps gazeux occupent 
2 volumes, si un atome d'hydrogene en occupe 1, 
Gerhardt fit remarquer que, dans les formules de 
tous les composes organiques, les atomes de char- 
bon et d'oxygene entrent avec des equivalents pairs ; 
de meme, dans toutes les reactions ou il y a mise en 
liberie d'eau ou d'acide carbonique, c'est toujours 
EHy ou GHD* qui s'eliminent. Retournant alors le 
raisonnement de Gmelin, contre la theorie que celui- 
ci avait proposee, il conclut que, si I'oxygene et le 
charbon existent toujours par multiples de 0* ou 
de G^, c'est que les nombres admis pour G et pour 
sont moitie trop faibles ; il proposa ainsi de doubler 
les poids atomiques d'un certain nombre de corps, et, 
comparant tous les protoxydes a Teau, il ecrivit 
Toxyde de calcium Ga^, Toxyde de zinc ZnK). 

Etendant ensuite ces notions aux corps simples 
eux-memes, Gerhardt considera les molecules des 
corps simples comme formees de deux atomes. 



— 72 — 

hypothese deja emise par Avogadro en 1811, reprise 
et developpee en 1833 par Gaudin (1), qui avait deja 
emis ridee que la molecule de mercure n^etait for- 
jhee que d'un seul atome. Si Gerhardt eut connu ce 
meinoire, il n*eut pas fonde sur la densite de vapeur 
du mercure sa comparaison entre Toxyde mercuri- 
que et I'eau. 

En 1849, M. Regnault, s'appuyant sur la loi de 
Dulong et Petit, que nous aliens exposer dans les 
pages suivantes, fit remarquer qu'un certain nombre 
de ces metaux conduisaient a des nombres moitie 
de ceux qu'indiquait latheorie, etM. Gannizzaro, 
s'appuyant sur les belles decouvertes de M. Wurtz, 
relatives aux radicaux diatomiques, admit de meme 
la diatomicite d'un certain nombre de metaux, dont 
il proposa, en consequence, de doubler le poids ato- 
mique. G'est ainsi que fut fonde le systeme des poids 
atomiques dont je donnerai plus loin le tableau. 

Je ne rappellerai pas ici les precedes qui ont ete 
suivis pour la determination de ces nombres; il me 
suffira de mentionner les noms de Berzelius, Mari- 
gnac, Dumas, Erdmann et Marchand, Stas, etc., qui 
ont entrepris sur ce sujet des travaux si remarqua- 
bles par leur precision. 

Si les poids atomiques, tels que nous les avons 
fixes, representent reellement les poids relatifs des 
atomes, nous devons nous attendre a retrouver de& 
relations simples entre les poids et les proprietes 
physiques et cbimiques de ces corps. G'est ce que 
nous aliens etudier sommairement , cette etude de- 

(i) Recherches sur la structure intime des corps inorganiques d^fi- 
nis. Gaudin, Ann, Chimie et Phys,, 2® s., t. LH, p. H3. 



— 73 — 

vant servir de verification aux nombres trouves plus 
haut. 

Je ne parlerai pas du rapport de ces poids atomi- 
ques avec la loi d'Avogadro, puisque Gerhardt, crea- 
teur du systeme actuel, s'est principalement appuye 
sur cette loi, pour etablir les formules des corps 
composes qui lui ont servi de point de depart pour 
fixer les poids atomiques. Je rappellerai seulement 
qu'il y a harmonie absolue entre cette loi et les nom- 
bres admis aujourd'hui. 

En 1819, Dulong et Petit, a la suite de leurs me- 
morables experiences sur les chaleurs specifiques, 
enoncerent la loi suivante : Le produit AG de la cha- 
leur specifique C, par requivalent chimique A, d'un 
corps simple quelconque, est un nombre constant. 

En 1849, M. Regnault (1) fit remarquer que la loi 
de Dulong et Petit presentait un certain nombre 
d'exceptions qu'il attribua k une determination vi- 
cieuse de Tequivalent : « Eiicore celles-ci rentrent- 
elles dans la loi generale, si Ton divise par deux les 
equivalents que nous avons adoptes..., II est d'ail- 
leurs facile de se convaincre que ces nouveaux nom- 
bres proportionnels, deduits de la loi des chaleurs 
specifiques et de celle de Tisomorphisme, satisfont a 
toutes les lois des combinaisons qui nous ont con- 
duit a la consideration des equivalents chimiques, 
et que rien ne s'oppose a ce que nous les adoptions 
a la place de ceux que nous avons d'abord choisis. » 
G'est ainsi qu'il fut conduit 4 proposer les « nombres 
proportionnels thermiques » . Avec les grandeurs ainsi 

(i) Regnault, TraiU de Chimie, 1851, t. Ill, p. 450. 



1 



— 74 — 

determinees, Teau etait representee par H*0, Toxyde 
de potassium par K*0, le sulfure d'argent par Ag*S. 

Voici les nombres adoptes aujourd'hui comme 
poids atomiques, en regard les chaleurs specifiques 
et le produit. 

Poids Chaleurs Produit. 

atomiques. specifiques. 

Aluminium. ...... 27,5 0,214 5,5 

Antimoine 122 0,052 6,4 

Argent 108 0,057 6,1 

Arsenic (cristallis6) ... 75 0,083 6.2 

Bismuth 210 0,030 6,4 

p .,„.,(& 233« 11 0,366 4,0 

uore crisiauise j ^ ^^^^ 41 o,5(?) 5,5 

Brome solide 80 0,084 6,7 

Cadmium 112 0,056 6,3 

( diamant ii 985° 12 0,459 5,5 

^^^^^^^ j graphite ^ 9780 12 0,457 5,5 

Cobalt 58,6 0,106 6,3 

Cuivre 63,3 0,095 6,1 

Etain 118 0,054 6,5 

Fer, 55,9 0,113 6,4 

Indium 113,4 0,057 6,5 

lode 126,8 0,054 6,8 

Iridium 196,7 0,032 6,4 

Lithium 7 0-940 6,6 

Magnesium 24 0,249 5,9 

Manganese 55 0,121 6,7 

Mercure h — 59° 200 0,032 6,4 

Molybd^ne 96 0,072 6,9 

Nickel 58,6 0,032 6,4 

Or 196 00,32 6,4 

Osmium 198 0,031 6,2 

Palladium 106,2 0,059 6,3 

Phosphoreblanck 19V . 31 0,189 5,9 

Platine 196,7 0,032 6,4 

Plomb 206,4 0,031 6,4 



— 75 — 

Poids Chaleurs Produit. 

atomiqaes, spdcifiques. 

Potassium 39,1 0,165 6,5 ^ 

Rhodium 104,1 0,058 6,0* 

Rutenium 103,5 0,061 6,3 

Selenium 79 0,076 5,9 

Silicium h nr ..... 28 0,202 5,7 

Sodium 23 0,293 6,7 

Soufre 32 0,177 5,8 

Tellure 128 0,048 6,1 

Thallium 203,6 0,033 6,8 

Tungsl^ne 184 0,033 6,1 

Zinc 64,9 0,095 * 6,1 

On peut se convaincre par la seule inspection de 
ce tableau que la loi de Dulong et Petit est generale : 
c'est Texpression d'une grande loi physique; ce- 
pendant certains nombres presentent des ecarts. 

Mais nous ne devons pas oublier que les nombres 
determines par Texperience ne representent pas les 
vraies chaleurs specifiques; non seulement la cha- 
leur absorbee sert a accroitre Tenergie calorifique 
du corps, mais encore elle concourt a diverses modi- 
fications dans les proprietes physiques etchimiques. 
M. Regnault I'avait deja fait observer : « Elle ren- 
ferme plusieurs elements qu'on n'est pas encore par- 
venu a en separer, notamment la chaleur latente de 
dilatation et une portion de la chaleur latente de fu- 
sion, que les corps absorbent successivement a me- 
sure qu'ils se ramoUissent, souvent longtemps avant 
la temperature que Ton regarde comme leur point 
de fusion. » Ges incorrections physiques de la vraie 
chaleur specifique seraient probablement eliminees 
si les corps etaient pris dans des conditions identi- 
ques au point de vue physique, par exemple a des 



— 76 — 

distances egales de leurs points de fusion. Ainsi, les 
trois elements qui s'ecartent le plus de la loi de Du- 
long et Petit, le carbone, le bore et le silicium, y ren- 
trent, ainsi que Ta montre Weber, si Ton determine 
leur chaleur specifique a des temperatures voisines 
de 1000". 

II est une autre cause d'erreur dans la valeur de 
la chaleur specifique. Nous savons que la plupart des 
corps qui ne repondent pas exactement a la loi de 
Dulong et Petit peuvent exister sous plusieurs mo- 
difications allotrdpiques differant les unes des autres 
par une certaine quantite de chaleur absorbee. Le 
soufre, parexemple, obtenu par cristallisation de sa 
solution dans la benzine a une temperature de 80**, 
est en prismes rhomboidaux obliques, tandis que, 
depose de la meme solution a la temperature ordi- 
naire, il se presente en octaedres orthorhombiques. 
Maintenus a la temperature ordinaire, les cristaux 
prismatiques se transforment en une agglomeration 
de cristaux octaedriques qui ne garde plus du 
prisme que la forme exterieure, en degageant une 
quantite de chaleur capable d'elever la masse de 12°. 

La transformation inverse peut s'efTectuer. Un 
cristal octaedrique maintenu vers 110° devient opa- 
que, et se convertit en un amas de prismes clino- 
rhombiques en absorbant de la chaleur. 

Nous voyons done que le soufre existe sous deux 
modifications dont chacune est stable a une tempe- 
rature determinee. Si done, pour prendre la cha- 
leur specifique du soufre, nous plongeons dans Teau 
froide un morceau de soufre prealablement chaufTe 
a 100®, le soufre abandonnera la chaleur qui corres- 



~ 77 — 

pond a son changement de forme cristalline et qui 
cependant ne doit point entrer dans Texpression de 
sa chaleur specifique.Ce fait, que nous pouvons ana- 
lyser facilement pour le soufre, doit se presenter 
pour d'autres corps et entacher d'erreur les determi- 
nations des chaleurs specifiques. 

Quelle est done la signification theorique de la loi 
de Dulong et Petit? Les quantites de chaleur ab- 
sorbees par un meme poids d'un corps simple pour 
passer de 0° a 1** sont inversement proportionnelles 
au nombre des atomes ; autrement dit, il faut four- 
nir une meme quantite de chaleur aux atomes des 
differents corps simples pour elever leur tempera- 
ture de 0° a 1**, ce que Ton exprime plus simplement 
en disant que : « tons les atomes ont la meme capa- 
city calorifique » (Dulong et Petit, 1819). 

Des lois analogues ont ete trouvees pour les cha- 
leurs specifiques des corps composes. Neumann, 
puis Regnault, ont montre que, dans une meme 
classe de corps, le produit de la chaleur specifique 
par le poids moleculaire est sensiblement constant ; 
c'est ainsi que les protoxydes de plomb, de mercure, 
de nickel, de manganese, de cuivre, donnent un pro- 
duit sensiblement constant : 5, 7. De meme, les ses- 
quioxydes de fer, d' arsenic, de chrome, de bismuth, 
d'antimoine, donnent un produit voisin de 13. L'a- 
nalogie pent etre etendue aux sels : ainsi les divers 
sulfates, les divers carbonates presentant des for- 
mules comparables, conduisent a des nombres tres- 
voisins. 

Woestyn et Hermann Kopp ont generalise cette 
loi. lis ont admis que chaque atome conserve dans 



— 78 — 

le corps compose sa chaleur specifique, autrement 
dit, que la chaleur specifique moleculaire G est egale 
a la somme des chaleurs atomiques des composants. 
Ainsi, soit un corps de poids moleculaire P, compose 
de 71 atomes, de poids atomiques p et de chaleur spe- 
cifique c, de n! atomes de poids/?' etc., on aura : 

P G = w JO c -f- n' />' c' + n'' p" c" 

Or nous venons de voir que pour les divers corps 
simples les produits jo c, p c' etaient egaux entre eux 
et avaient comme valeur absolue 6, 4. La relation 
precedente pent done s'ecrire : 

RC = w X 6,4 + n' X 6,4 + n" X 6,4 = 6,4 {n -h n' -^ n") 

PC = N X 6, 4 

Cette loin'est qu'une relation approchee ; mais, en 
partantde relations theoriques, MM. Glausius, Hirn 
et M. Moutier ont demontre : 1** que la chaleur speci- 
fique absolue est independante de I'etat physique du 
corps, 2° que la loi de Woestyn est vraie pour les 
chaleurs specifiques absolues. 

Nous ne devons pas oublier, ainsi que je Tai fait 
remarquer plus haut, que nous ne connaissons pas 
la chaleur specifique absolue des corps, et que par 
consequent la loi de Wcestyn appliquee aux cha- 
leurs specifiques donnees par I'experience ne se ve- 
rifierapas exactement. M. Moutier, au moyen d'hy- 
potheses que jene veux'pas developper ici, a calcule 
la valeur theorique de la chaleur specifique absolue. 
Ces hypotheses paraissent legitimes dans le cas des 
gaz parfaits ou le travail interne semble tres-faible. 



— 79 — 

EUes ne sont plus applicables aux solides et aux 
liquides. 

Ges lois nous montrent que, si les corps reputes 
simples aujourd'hui ne le sont pas reellement, ils 
sont au moins dans un degre de complication com- 
parable. 

En 1819, Mitscherlich decouvre la loi de Tisomor- 
phisme que Ton pourrait ainsi formuler : La forme 
cristalline d'un corps ne change pas lorsque Ton 
remplace un atome d'un corps simple, par un atome 
d'un autre corps semblable; d'apres cette loi, nous 
devons representer les corps isomorphes par des for- 
mules analogues. Berzelius s'appuya sur ce principe 
pour determiner le poids atomique du chrome. II 
attribua a I'acide chromique la formule GrO^ com- 
parable a I'acide sulfurique SO^ a cause de I'isomor- 
phisme des sulfates et des chromates; des lors, 
I'oxyde de chrome devenait GrW et I'oxyde ferri- 
que, I'alumine, etc., repurent les formules Fe^O^, 
AlW. Ici done, c'est I'isomorphisme qui a servi a 
fixer la formule du compose. 

G'est sur une consideration analogue que se fonda 
M. Regnault, pour rapprocher les sels cuivreux et les 
sels d'argent des sels de potassium et de sodium. 
•« On trouve dans la nature k I'etat cristallise le sul- 
fure de cuivre Gu* S et le sulfure d'argent ; ces deux 
mineraux presentent exactement la meme forme 
cristalline. On y rencontre, en outre, des mineraux 
presentant la meme forme cristalline et renfermant 
a la fois le sulfure de cuivre Gu^S et le sulfure d'ar- 
gent en quantites relatives variables a I'infini, de 
sorte que Ton est conduit a admettre que ces corps 



— 80 — 

peuvent se remplacer en proportions quelconques 
sans changer la forme cristalline du compose. Le 
sulfure de cuivre et le sulfure d'argent presentent 
done tons les caracteres de Tisomorphisme. On est 
done en droit d'en conclure que le sulfure d'argent 
doit avoir le meme mode de constitution que le sul- 
fure de cuivre Cu^S, et que la formule du sulfure 
d'argent doit s'ecrire Ag^S. Mais, si la formule du 
sulfure d'argent est Ag*S , celle de I'oxyde d'argent 
doit etre Ag^O. 

« Maintenant I'observation montre que le sulfate 
d'argent est isomorphe avec le sulfate de sonde an- 
hydre. Pour satisfaire a la loi de I'isomorphisme, il 
faudra done ecrire la formule du sulfate de sonde 
Na^O, SO^ si Ton ecrit celle du sulfate d'argent 
Ag^O, SO^. Mais les composes du potassium sont 
isomorphes avec ceux du sodium. On ne pent done 
pas ecrire leurs formules de deux manieres diffe- 
rentes. La formule de la potasse doit done etre ecrite 
K^O (1). » . 

On voit done quel puissant appui I'isomorphisme 
apporte aux nombres que nous avons adoptes comme 
poids atomiques. 

Les atomes des differents corps simples, dont nous 
venous de fixer les poids relatifs , nous apparaissent " 
avec des capacites de saturation differentes; ainsi, 
tandis que I'atome de chlore ne pent s'unir qu'a un 
seul atome d'hydrogene, 1 atome d'oxygene pent en 
fixer deux; un atome d'azote 3 et un atome de char- 
bon 4. C'est ce fait que Ton rappelle, en disant que 

(.1) Regnault, Cours de chimie, 1851, t. HI, p. 4ol. 



— 81 — 

le chlore est monoatomique , Toxygene diatomique, 
Tazote triatomique, le charbon tetratomique. Cette 
relation, qui nous parait toute simple maintenant 
que nous connaissons les vrais poids atomiques, a 
rencontre bien des difficultes, avant de s'introduire 
definitivement dans la science. 

Les premiers nombres proportionnels represen- 
taient les quantites des corps simples qui pouvaient 
se remplacer mutuellement, c'est-a-dire, qui s'equi- 
valaient; aussi n'est-ce point sur les corps simples 
qu'ont ete faites les premieres recherches dans cet 
ordre d'idees. 

Gay-Lussac, en etudiant la capacite de satura- 
tion des bases, Graham en etudiant celle des acides, 
montrerent que I'idee d'equivalence ne suffit pas a 
rendre compte des faits observes. 

Williamson, generalisant cette idee emise par Lau- 
rent qu'un grand nombre de corps pouvaient etre 
rapportes au type de Teau, reconnut que, si Tacide 
acetique pent etre considere comme Thydrate d'ace- 

^y^^ ij ^ correspondant a I'eau tj [ 0, Tacide 

sulfurique ou hydrate de sulfuryle devait etre rap- 

porte a 2 molecules d'eau ^t^ 0^ et ecrit ^t* ! 0*. 
^ HM H* 

Ainsi s'introduisit dans la science Tidee de 
la non-equivalence des radicaux, Tacetyle pou- 
vant remplacer 1 atome d'hydrogene, c'est-a-dire 
etant univalent, le sulfuryle pouvant remplacer 
2 atomes d'hydrogene, c'est-a-dire etant biva- 
lent. 

Dans un memorable memoire sur la constitution 

6 



— Ha- 
des composes glyceriques, M. Wurtz (1) montra que 
la glycerine doit etre rapportee au type de Teau 

3 fois condensee ^,3 1 0^ et que le radical C^H^ y tient 

la place de 3 atomes d'hydrogene, c'est-a-dire est 

trivalent, rapprochant avec raison la glycerine de 

PO 1 
Tacide phosphorique ordinaire ^3 0^. 

Dans ce memoire, M. Wurtz fit remarquer que, 
C^H^ representant le carbure d'hydrogene sature, 
la soustraction de 1 atome d'hydrogene donne G^H^, 
le propyle, radical univalent; la soustraction de 
2 atomes d'hydrogene donne C^H^, le propylene 
bivalent; la soustraction de 3 atomes d'hydrogene 
donne le glyceryle trivalent. C'est cette considera- 
tion qui I'a conduit a la decouverte des glycols. 

Voici done la notion de la valeur differente de sub- 
stitution, ou, ce qui est la meme chose, de la valeur 
de combinaison des radicaux nettement etablie; et, 
chose importante, cette valeur est mesuree par le 
nombre d'atomes d'hydrogene necessaire pour ar- 
river a la combinaison saturee. 

M. Odling emit le premier I'idee que les corps 

simples avaient des valeurs de substitution differente ; 

ainsi, tandis qu'il representait la potasse par K' ) ^ 

H I ^' 

il representait I'oxvde de ferpar Fe'" ) /-., j 

^ ^ ^ TT3 O , de meme 

M. Odling considera I'azote comnie triatomique, le 
soufre, I'oxygene comme diatomiques. 

M. Kekule introduisit bientot une modification 

(i) Ann. de Chimie et de Physique (3), t. LXIII, p. 49. 



— 83 — 

importante dans cette theorie de V « atomicite » des 
corps simples. II etablit d'abord que le carbone est 
un element tetratomique, en montrant que dans le 
gaz des marais CH*, le chloroforme GH CP, le per- 
chlorure de carbone CCl*, le carbone est uni a 
4 atomes de corps univalents; de meme, dans Ta- 
cide carbonique GO^, le sulfure de carbone CS^, le 
carbone est uni a 2 atomes, soit de soufre, soit 
d'oxygene, que Odling avait montre etre bivalents. 
Mais, si nous considerons les corps renfermant deux 
atomes de carbone dans leur molecule, le corps le 
plus hydrogene que nous pourrons obtenir sera 
G^H®, de meme pour les corps en G^, nous ne pour- 
rons jamais depasser le corps G^H^. Gomment done 
la capacite de saturation du carbone, qui est repre- 
sentee par le nombre 12 dans G^, est-elle satisfaite 
. avec 8 atomes d'hydrogene? G'est que les atomici- 
tes du carbone s'echangent entre les divers atomes 
de fa?on a les souder Tun a Tautre. Telle est la no- 
tion de la saturation reciproque des elements polya- 
tomiques, que Kekule et Gooper introduisirent dans 
la science. 

L'atomicite ou a valence » est cette propriete 
que possedent les atomes de ne s'unir qu'a un nom- 
bre limite, souvent unique, d'autres atomes; c'est 
ainsi que, si le carbone pent fixer 4 atomes d'hydro- 
gene, il pourra fixer 4 atomes de chlore, deux atomes 
de soufre qui equivalent aux 4 de chlore, 1 ou 2 ato- 
mes d'oxygene, et ainsi de suite. 

L'atomicite ne regit que le mode suivant lequel 
les atomes se combinent. L'energie de cette combi- 
naison, la stabilite du corps forme ne sont nuUement 



— 84 — 

sous sa dependance ; ainsi nous voyons T union de 
rhydrogene avec le chlore monoatomique s'eflFectuer 
avec une violente energie, tandis que Tunion de 
rhydrogene au carbone tetratomique est difficile a 
obtenir. L'energie des combinaisons est sous la de- 
pendance de Taffinite. 

II faut done distinguer avec soin la notion 
de Tatomicite de celle de Taffinite. Or le fait que 
nous avons enonce precedemment de la facile satu- 
ration des atomicites des carbones entre eux nous 
montre raffinite du carbone pour le carbone ; ceci 
nous permet de concevoir pourquoi nous ne connais- 
sons que des polymeres probablement tres-eleves 
de ce corps ; enfin, comme Ta dit M. Wurtz : « L'af- 
fmite du carbone pour le carbone, telle est la cause 
de la variete infmie, de la multitude immense des 
combinaisons du carbone; c'est la raison d'etre de 
la chimie organique. Nul autre element ne possede 
au meme. degre cette propriete maitresse de Tele- 
ment de carbone, cette faculte que possedent les 
atomes de carbone de se combiner, de se river les 
uns aux autres de fa^on a former cette charpente 
si variable dans sa forme, ses dimensions, sa solidite, 
et qui sert en quelque sorte de point d'appui aux 
autres materiaux, je veux dire aux atomes des au- 
tres elements. » (Wurtz, la Theorie atomique.) 

Mais, si Tatomicite est une propriete inherente 
aux atomes, il s'en faut de beaucoup que cette pro- 
priete soit constante pour chacun d'eux et ne puisse 
etre modifiee; ainsi, nous connaissons 2 chlorures 
d'iode : ICl et IGP, 2 chlorures de phosphore; PGP 
et PGP; Piode nous apparait tan tot comme univa- 



— 88 — 

lent, tant6t comme trivalent, le phosphore comme 
trivalent ou quintivalent ; de meme, le carbone te- 
tratomique dans Tacide carbonique est diatomique 
dans I'oxyde de carbone, dans les carbylamines (A, 
Gautier) et peut-etre dans les acides maleique et 
citraconique. 

L'affinite intervient dans cette variation de Tato- 
micite des corps simples; ainsi. Ton ne connait pas 
de combinaison hydrogenee de Tazote superieure a 
Az H^, et ce meme atome d'azote, sature par 3 ato- 
mes d'hydrogene, pent encore fixer de Tacide chlo- 
rhydrique HCl en devenant quintivalent. 

Mais cette variation de la valeur des atomes peut- 
ellese faire d'une facon quelconque?Dans la majeure 
partie des cas, lorsqu'un corps est susceptible d'affec- 
ter plusieurs valences, celles-ci ne different que par 
un multiple de2; ainsi, I'azote trivalent pent devenir 
quintivalent; ainsi, I'iode, univalent dans le proto- 
chlorure d'iode ICl, devient trivalent dans le chlo- 
rure d'iode ICP, quintivalent dans Tacide iodique, 
septivalent dans Tacide periodique. Ainsi que Taffinite 
avec laquelle elle a d'etroits rapports, la valence des 
atomes n'est pas une propriete absolue et immuable 
de ces atomes, et comment en serait-il autrement? 
Les differents corps qui existent dans une molecule 
exercent tons les uns sur les autres des actions reci- 
proques ; tandis que le phosphore triatomique dans le 
trichlorure PGP n'a plus d'affinite pour Thydrogene 
ou Tacide chlorhydrique, il peut encore s'unir a: 
2 atomes de chlore ou de brome en devenant 
quintivalent. Dans les composes satures derives 
du phosphore, le pentachlorure, par exemple, on 



— 86 — 



peut remplacer 1 ou 2 atomes de chlore par des 
groupements equivalents et obtenir les composes : 




Gl 




Gl 
CI 


(^ 
P'S 


Gl 
G'H" 


J CI 

(ci 




Gl 
Gl 
GH» 



mais jamais, a la place des radicaux alcooliques ou 
phenyliques, on ne pourra mettre d'hydrogene, les 
corps ainsi engendres n'etant pas stables. 

Nous voyons done que Ton ne peut designer 
d'une facori absolue Tatomicite d'un element ; nous 
nous contenterons de dire que le phosphore, par 
iexemple, joue le role d'un element trivalent dans le 
trichlorure de phosphore PCP, Tacide phosphoreux 
PO'H^ et d*un element quintivalent dans le perchlo- 
rure de phosphore PCP, dans Tacide phosphorique 
PO^H^ 

La loi des proportions multiples nous apparait 
comme un cas particulier de la theorie de Tatomi- 
cite, et, comme il arrive habituellement dans les 
sciences d'observation, elle a ete connue avant la 
loi generale qu'elle a contribue a mettre en lumiere. 

Classification des corps simples. — Nous 
venons de voir que des considerations tirees de 
la loi d'Avogadro, de celle de Dulong et Petit, de 
Tisomorphisme, permettaient de legitimer le sys- 
teme de poids atomiques auquel nous nous sommes 
arretes. Ges nombres conduisent a des rapproche- 



— 87 — 

ments fort curieux entre les corps simples dont les 
proprietes sont comparables. 

Depuis longtemps, M. Duiaas avait cherche une 
classification fondee sur les proprietes chimiques 
des corps simples, et il etait arrive pour les metalloi- 
des a les repartir en cinq classes : 

1 Hydrog^ne 

2 Fluor, chlore, brome, iode. 

3 Selenium, soufre, oxyg^ne. 

4 Phbsphoi^e, arsenic, azote. 

5 Bore, silicium, carbons. 

Ce groupement est reste presque intact, encore 
aujourd'hui. La classification des metaux est un pro- 
bleme bien plus difficile a resoudre. Si, en effet, on 
trouve des families de metaux bien nettes et bien 
delimitees, comme celle qui renferme le calcium, 
le baryum, le strontium, on trouve aussi des corps 
intermediaires qu'il faut rapprocher de plusieurs 
groupes a la fois. Ainsi le plomb se rapproche des 
metaux alcalins par le thallium, et du groupe prece- 
dent par I'isomorphisme et Tinsolubilite des sulfates 
et des carbonates. Le cuivre se rapproche des me- 
taux alcalins par I'argent, et du mercure par la plu- 
part de ses proprietes. D'autre part, la division 
entre metaux et metalloides, proposee en 1811, par 
Berzelius, n'a plus de raison d'etre aujourd'hui; 
ainsi, a la famille de Tazote, se rattachent aujour- 
d'hui le vanadium, Tantimoine, le bismuth, le nio- 
bium, le tantale ; a la famille du silicium, se ratta- 
chent : le titane, le zirconium, Te tain. La classification 
des corps simples etait done entierement a faire, et, 



— 88 — 

si I'on en connaissait quelques groupes naturels, on 
ne savait au juste quelle place ils devaient occuper 
dans la classification gene rale. 

M. Mendelejeff a recemment attire Tattention sur 
la concordance qui existe entre les proprietes phy- 
siques et chimiques des corps simples, et la varia- 
tion periodique de leur poids atomique. II a ete 
conduit a proposer ainsi un mode de classification 
des corps simples. 

II range tous les corps simples par ordre crois- 
sant de poids atomiques et coiistate que les varia- 
tions de proprietes, au lieu desuivre Taccroissement 
du poids atomique, parcourent plusieurs cycles ou 
periodes. Gette periode est composee de sept corps, 
rhydrogene formant a lui seul la premiere; c'est 
ainsi que nous aurons pour les quatorze premiers 
elements : 

Li = 7;Gl=:9,4;Bo = ll;G=::l-2;Az = 14;0 = 16;Fl=i9; 
Na=23;Mg=24;Al=2'r;Si = 28;Ph = 31;S=32;Cl=a5,5. 

Dans chacun de ces groupes, la densite etla vola- 
tilite augmentent jusqu'au quatrieme terme, pour 
decroitre ensuite; le volume atomique suit la loi 
inverse. Prenons par exemple le second groupe : • 

Na Mg Al Si Ph S CI 

Densit6s 0,97 1,75 2,67 2,49 1,84 2,06 1,38 

vol. atomiques 24 14 10 11 16 16 27 

L'atomicite des composes va en augmentant de- 
puis le sodium jusqu'au silicium, pour decroitre 
jusqu'a Tautre extremite de la serie. On pent du 
reste remarquer que la moitie gauche du tableau 



— 89 — 

correspond aux metaux, et la moitie droite aux me- 
talloides; aussi la loi que suivent les composes 
chlores ou hydrogenes est-elle fort simple. Celle que 
suivent les composes oxygenes est fort remarqua- 
ble; si, en effet, pour rendre les observations com- 
parables, on a soin de se reporter to uj ours k deux ato- 
nies de metal, on voit que la quantite d'oxygene 
augmente graduellement. 

Na CI; Mg GP; Al CP; (Si CI*; Si H*); Ph H'; S H*; H CI; 
Na2 ; Mg* 0* ; Al* 0» ; Si» 0* ; Ph* 0* ; S* 0« ; CP 0^ 

Lorsque Ton veut etendre la loi periodique k tons 
les metaux, on rencontre bien des difficultes. On est 
d'abord force de laisser un certain nombre de lacu- 
nes dans le tableau ; ces lacunes correspondent a des 
corps simples encore inconnus; mais la n'est pas 
la difficulte. Un certain nombre de metaux, le fer, 
le cobalt, le nickel d'une part; le ruthenium, le 
rhodium, le palladium, d'autre part; et enfin Tos- 
mium, I'iridium et le platine, qui ont des poids ato- 
miques fort voisins,*ont aussi des proprietes sem- 
blables, et ne peuvent par consequent rentrer dans 
la classification generale. 

M. Mendelejeff fait de plus remarquer que, dans 
chaque colonne verticale, les termes des series paires 
se correspondent entre eux ; il en est de meme pour 
les series impaires. Ce fait, joint i ce que tousles ele- 
ments qui ne rentrent pas dans la classification sont 
situes juste entre la fin d'une serie et le commence- 
ment d'une periode impaire, font prevoir que la serie 
devra probablement etre doublee; c'est cette serie 









—— 


• 90 


— • 












H — 1 


Li 


GI 


Bo 


C 


Az 





Fl 








Poids atomiques. . 

DensiUs 

Vol. atomiques . . 


7,02 
0,59 
11,9 


9,3 

2,1 
4,4 


11,0 
2,68 
4,1 


12 
3,3 
3,6 


14,04 


15,96 


19,2 










Na 


Mg 


Al 


Si 


Ph 


s 


CI 








Poids atomiques. . 

Densites 

Vol. atomiques. . . 


23 

0,97 
23,7 


24 
1,74 
13,8 


27,3 
2,49 
10,7 


28 

2,56 
11,2 


31 
2,3 
13,5 


32 

2,4 
15,7 


35,5 
1,38 
25,7 










K 


Ca 


? 


Ti 


V 


Cr 


Mn 


Fe 


Co 


Ni 


Poids atomiques. . 

Densites 

Vol. atomiques. . . 


39,14 
0,86 
45,4 


39,90 
1,57 
25,4 




48 


51,2 
5,5 
9,3 


52,4 
6,8 

7,7 


54,8 
8,0 
6,9 


55,9 

7,8 
7,2 


58,6 
8,5 
6,9 


58,6 
8,8 
6,7 




Cu 


Zn 


Ga 


9 

• 


As 


Se 


Br 








Poids atomiques. . 

Densites 

Vol. atomiques. . . 


63,3 
8,8 
7,2 


64,9 
7,15 
9,1 


69,9 
5,96 
11,7 




74,9 
5,67 
13,2 


78 
4,6 
16,9 


79,75 
2,97 
26,9 


• 








Rb 


Sr 


Y 


Zr 


Nb 


Mo 


? 


Ru 


Rh 


Pd 


Poids atomiques. . 

Densites 

Vol. atomiques. . . 


85,2 
1,52 
56,1 


87,2 

2,50 
34,9 


89,6 


90 
4,15 
21,7 


94 
6,27 
15,0 


95,8 

8,6 

11,1 




103,5 

11,3 

9,2 


104,2 

12,1 

8,6 


106,2 

11,5 

9,2 




A 


Cd 


In 


Sn 


Sb 


Te 


1 








Poids atomiques. . 

Densites 

Vol. atomiques. . . 


108 
10,5 
10,3 


111,6 
8,65 
12,9 


113,4 
7,42 
15,3 


117,8 
7,29 
16,1 


122 
6,7 
18,2 


128 
6,15 
20,5 


127 
4,95 
25,6 










Cs 


Ba 


Ce 


La 


? 


Di 










Poids atomiques. . 

Densites 

Vol.* atomiques. . . 


132,15 


136,8 
3,75 
36,5 


137 


139 




147 












9 

• 


9 

• 


Er 


? 


Ta 


w 


? 


Os 


Ir 


Pt 


Poids atomiques. . 

Densites 

Vol. atomiques. . . 






170,6 




182 
10,8 
16,9 


84 
19,1 
9,6 




198,6 

21,4 

9,3 


196,7 
21,15 
9,3 


196,7 
21,15 
9,3 




Au 


Hg 


Tl 


Pb 


Bi 












Poids atomiques. . 

Densites 

Vol. atomiques. . . 


196,2 
19,3 
10,2 


200 
13,6 
14,7 


203,6 
11,8 
17,1 


206,4 
11,8 
18,1 


210 
9,8 
21,1 




















Th 




IJ 








Poids atomiques. . 

Densites 

Vol. atomiques. . . 








233,9 

7,7 
30,4 




240 
18,3 
13,1 











— 91 — 

double que M. Mendelejeff designe sous le nom de 
grande periode. 

II y a encore, dans cette classification, d'autres 
points difficiles a admettre. Ainsi, le poids atomique 
du tellure devrait etre modifie pour lui permettre 
d'occuper la place que nous lui avons assignee. Enfin, 
j'ai signale en commenpant Fexistence d'un certain 
nombre de vides dans le tableau de classification. 
Ces vides correspondent a des corps inconnus aujour- 
d'hui, mais qui seront peut-etre decouverts unjour. 
Et depuis le memoire de M. Mendelejeff (1871), 
M. Lecoq de Boisbaudran, guide par les idees theo- 
riques diflFe rentes, fondees sur Tanalogie des pro- 
prietes spectrales des metaux d'un meme groupe, a 
decouvert le gallium, qui correspond a Tekalumi- 
nium de M. Mendelejeff. Ajoutons du reste que 
M. Mendelejeff avait annonce comme poids ato- 
mique 68 au lieu de 69,9; enfin, qu'il avait predit 
a Toxyde d'ekaluminium des proprietes fortement 
acides que ne possede pas I'oxyde de gallium. 

On voit done que, si la classification de M. Men- 
delejeff met bien des points en lumiere, on ne peut 
cependant la considerer que comme un premier pas 
vers la classification veritable. 

Groupement des a tomes entre eux. — 

Nous venons d'etudier les proprietes fondamenta- 
les des atomes. Nous devons nous demander main- 
tenant quels sont les rapports que ces atomes peuvent 
affecter entre eux. D'abord nous ne pouvons admettre, 
comme on Ta suppose autrefois, que la combinaison 
ait pour effet de fondre en une seule la masse des 



— 92 — 

atomes; en effet, soit que Ton se represente Tatome 
comme forme d'une particule elementaire et par 
consequent impenetrable, soit qu'on le considere 
comme centre de mouvements, Timpossibilite de 
transformer les corps simples les uns dans les auti*es 
nous montre que les atomes conservent leur indivi- 
dualite, se juxtaposant simplement a leurs voisins 
pour former les composes. 

Cette juxtaposition se fait-elle sans ordre deter- 
mine, ou bien les atomes sont-ils orientes et dans 
une position fixe dans la molecule? Telles sont les 
questions que nous aliens avoir a discuter. Prenons 
une molecule d'ammoniaque ; nous savons qu'elle 
renferme un atome d'azote et trois d'hydrogene ; com- 
binons-la a de Tacide chlorhydrique ; traitons le chlo- 
rhydrate d'ammoniaque forme par de Tacide sulfu- 
rique, nous donnerons naissance aun nouveau corps, 
du sulfate d'ammoniaque; celui-ci, traite par la 
potasse, reproduira la molecule d'ammoniaque pri- 
mitive. Voici done cet atome d'azote et ces trois 
atomes d'hydrogene qui ont ete successivement mis 
en presence dans la meme molecule des elements 
constituants de I'acide chlorhydrique et de I'acide 
sulfurique ; et cependant on pent en retirer avec la 
plus grande facilite I'azote uni a I'hydrogene. Si 
Ton se rappelle combien est faible I'affinite de ces 
deux corps I'un pour I'autre, on est conduit a admettre 
que cet azote et cet hydrogene ont garde des rela- 
tions intimes dans la molecule du chlorhydrate et du 
sulfate d'ammoniaque, c'est-a-dire que les atomes 
ferment dans la molecule des groupes determines 
susceptibles de se transporter sans alteration d'une 



— 93 — 

combinaison dans une autre. G'est a ces groupes 
d'atomes que Ton a donne le nom de radicaux. 

A ces groupements appartiennent des proprietes, 
soit physiques, soit chimiques, soit organoleptiques, 
que Ton retrouve dans tous les composes qui les con- 
tiennent; c'est ainsi que la saveur amere, le pouvoir 
rotatoire, les proprietes toxiques energiques de la 
strychnine se retrouvent dans tous ses sels. 

11 est une autre raison entierement differente et 
qui nous conduit egalement a la necessite des grou- 
pements intramoleculaires ; cette raison est tiree de 
risomerie. On range sous le nom d'isomeres tous 
les corps qui, possedant la meme composition cente- 
simale, sont cependant diffe rents. Cette definition de 
risomerie est extremement large ; aussi les isomerics 
des divers corps ne sont-elles point comparables et 
doivent-elles etre rangees sous plusieurs chefs diffe- 
rents. 

Nous avons deja signale (page 19) Tisomerie que 
presentent entre eux les divers carbures de la serie 
de Tethylene; ces isomeries tiennent au nombre 
d'atomes difiFerents dans chaque molecule; c'est ce 
que Ton designe sous le nom de polymeric. L'isome- 
rie des corps simples, que Ton a designee sous le 
nom d'allotropie, est evidemment de nature tres- 
diverse ; ainsi Tozone est un produit de condensation 
de Toxygene, le soufre mou differe du soufre ordi- 
naire par une certaine quantite de chaleur. 

11 en est de meme du dimorphisme, dontles causes, 
peu elucidees, semblent se rapporter a des actions 
fort diverses. Ne sait-on pas, en eflFet, que les anhy- 
drides arsenieux, vitreux et amorphes, qui difiFerent 



— 94 — 

Tun de I'autre par leur solubilite, se transforment 
Tun dans Tautre en perdant de la chaleur, soit per- 
ceptible au thermometre , soit sous forme de radia- 
tion lumineuse? 

Ces diflFerentes formes d'isomerie peuvent s'expli- 
quer par des differences de groupement des mole- 
cules entre elles, peut-etre meme par des cas de 
polymerie. Dans le cas du soufre, en eflFet, le dimor- 
phisme parait etre en rapport avec une complication 
plus grande de la molecule. Nous ne pouvons done 
tirer aucune induction de ces faits pour la question 
qui nous occupe. 

II est au contraire une autre classe d'isomeries 
dont I'etude nous donne de precieux renseignements 
sur les groupements intramoleculaires ; ce sont les 
isomerics proprement dites. 

On connait un certain nombre de corps qui pre- 
sentent la meme composition centesimale et la meme 
densite de vapeur , partant le meme poids molecu- 
laire ; tels sont, par exemple , Tacetate de methyle 
et le formiate d'ethyle, qui repondent tons deux a la 
formule CWO* ; leurs molecules, composees toutes 
deux des memes elements, devraient etre identiques, 
si les atomes n'etaient pas groupes; mais Texpe- 
rience nous apprend que ces corps, malgre de 
grandes analogies dans leurs proprietes physiques, 
different essentiellement ; en effet, sous Tinfluence 
de la potasse. Tun se dedouble en acetate de potasse 
et alcool methylique , et I'autre en formiate de po- 
tasse et alcool ordinaire. Nous voyons done ici la 
preexistence des groupements atomiques a Tinterieur 
de la molecule. Du reste, ce ne sont pas les seuls 



— 95 — 

corps connus repondant a cette foimule; Tacide 
propionique, dont le point d'ebullition est 98% le gly- 
cide qui a le sien vers 157, sonl encore exprimes par 
la formule C^H^O*. Quelle diflFerence de proprietes 
entre ces divers corps , que Ton ne sait transformer 
les uns dans les autres ! 

II est en outre des cas d'isomeries plus fines, 
moins apparentes ; telles sont celles des alcools pro- 
pylique et isopropylique. Ces corps, tons deux al- 
cools, formant des derives etheres absolument com- 
parables, se distinguent nettement par leurs produits 
d'oxydation. Tun donnant Tacetone, Tautre Talde- 
hyde propionique, puis Tacide propionique. De telles 
isomerics se rencontrent tres-frequemment et ne 
sauraient etre possibles, si les atomes n'affectaient 
pas des rapports determines et constants a Tinterieur 
de la molecule. 

M. Dumas, en 1837, s'exprimait ainsi : « Les diflFe- 
rences par polymorphisme resident dans le groupe- 
ment des molecules composees qui d'ailleurs restent 
intactes, et les diflFerences qui constituent Tisomerie 
atteignent le groupement des atomes elementaires 
eux-memes. » 

Les isomerics si multiples et si bien observees 
des derives de la benzine sont peut-etre les plus 
demonstratives et meritent quelques developpe- 
ments. . 

Nous connaissons trois composes acides repondant 
a la formule brute G^H^O^; ces acides sont bien diffe- 
rents car ils fondent : Tacide salicylique a 155% 

(1) Philosophie chimiqtie, p. 317. 



— 96 — 

Tacide metoxybenzoi'que a 200% et Tacide paraoxy- 
benzoique a 210®. Chauffes avec la chaux, ils se de- 
doublent tous les trois en phenol etacide carbonique. 
Leurs modes de formation, de dedoublement, con- 
duisent a admettre dans ces corps Texistence des 
groupes G®H^O-GO*H identiques pour tous les trois. 
Nous ne pouvons done concevoir Tisomerie de ces 
composes que par un mode d'union different de ces 
deux groupes. Par suite, les isomerics de position, 
comme on les appelle, nous fournissent des indica- 
tions sur le mode de distribution probable des divers 
atomes dans la molecule. 

L'experience nous a revele Texistence de trois iso- 
meres de tous les derives bisubstitues de la benzine, 
C^H*X* ou G®H*XY ; il n'y a aucune exception a cette 
regie, et dans aucun cas on n'a pu preparer un qua- 
trieme isomere. Tous ces corps forment trois series 
paralleles que Ton a designees par les prefixes : or- 
tho, meta et para. Dans chaque serie on pent faire 
deriver tous les corps les uns des autres ; ils conser- 
vent les memes relations d'isomerie avec les corps 
analogues appartenant aux series voisines. 
. G'est ainsi que, dans la serie para que nous choi- 
sirons comme exemple, il existe une paradinitroben- 
zine G^H* (AzO^f fusible a lll%6. L'action du sul- 
fure d' ammonium la transforme en paranitraniline 
G®H*(AzO^)(AzH*). L'azotate de cette base, sous Tac- 
tion de Tacide azoteux, se transforme en azotate 
de diazobenzol G«H*(AzO«)(Az2AzO^') susceptible d'e- 
changer son groupemcnt diatomique (Az^AzO^) cen- 
tre Gl, Br, OH, etc. On obtient ainsi la para- 
chloro, parabromo nitrobenzine, le paranitrophenol ; 



~ 97 — 

etc. En partant de Tortho- ou de la metadinitroben- 
zine, on parcourt des cycles de reactions identi- 
ques, mais en obtenant sans cesse des derives iso- 
meriques des precedents. La Constance de cette 
isomerie est exprimee par les differents schemas 
destines a representer la benzine. Kekule, en 1867, a 
propose de figurer la benzine comme un hexagonc a 
chaque sommet duquel se trouve un groupe GH. La 
figure suivante fait immediatement comprendre- 
cette disposition : 

H 

I 

H-G6 ' 2G-H 

11 I 

H-G« , 3G-H 

G 

I 
H 

Les differences que Ton observe parmi les derives 
bisubstitues s'expliquent suivant que les radicaux 
occupent les places 1, 2, ou, ce qui revient au meme, 
1,6; c'est la serie ortho ; ou bien les places 1 , 3 ou 1 
et 5, c'est la serie meta; enfm les places 1,4; c'est 
la serie para. Gette formule de la benzine permet de 
representer les isomerics de position qui ne pouvaient 
I'etre par les formules indiquant uniquement les 
groupes que nous avions constates dans la molecule. 
Gependant cette formule offre une difficulte. Pour 
satisfaire a la tetravalence du carbone, il faut ad- 
mettre qu'un charbon quelconque echange une va- 
lence avec un de ses voisins, et deux avec Tautre, 
comme nous Tavons represente plus haut par un 
double trait. 



— 98 — 

Des lors les derives 1-2 et 1-6 ne devraient plus etre 
identiques, puisque la liaison des atomes de car- 
bone est differente, et Ton devrait connaitre deux 
derives ortho, ce qui est contraire a Texperience. 

Ladenburg a propose en 1869 un autre graphique 
pour representer la benzine, Gelui-ci est d'accord 
avec tous les derives connus. II suppose chaoun des 
groupes GH de la benzine fixes aux sommets d'un 
prisme triangulaire, comme le represente la figure : 




Figure 5. 

On voit done comment Tetude des isomerics nous 
conduit a concevoir des groupements d' atomes, et 
a leur attribuer des relations fixes. Nous allons etu- 
dier maintenant les precedes qui nous permettent de 
decouvrir ces groupements et ces positions, c'est-5,- 
dire d'arriver aux formules de constitution. 



1 
J 



CHAPITRE IV 



FORMULES DE CONSTITUTION. 



Les formules developpees auxquelles nous don- 
nons le nom de formules de constitution sont des 
expressions graphiques qui nous representent, d'une 
facon abregee, les reactions des corps ; elles no sont 
pas determinees par des methodes arbitraires, mais 
decoulent de la chimie entiere des substances. 

Elles n'ont nuUement la pretention d'indiquer la 
disposition des atomes dans Tespace, mais seule- 
ment de nous fournir une idee sur les rapports que 
les diflferents atomes, qui composent la molecule, 
affectent entre eux. 

II est evident que le dedoublement de la propyl- 
amine par le gaz chlorhydrique en chlorure de pro- 
pyle et en ammoniaque nous donne une idee sur 
la nature des constituants immediats de ce corps. 
Nous pouvons envisager la propylamine comme re- 
sultant de Tunion du chlorure de propyle et de I'am- 
moniaque avec elimination des elements de Tacide 
chlorhydrique, et de fait il suffit de chauffer ces deux 
corps pour effectuer la reaction dans le sens indique : 

C'H'Cl -H AzH» = HGl + CW. AzH*. 

Par I'interpretation rationnelle des resultats d'ex- 
perience, nous arrivons done a une formule partiel- 






— iOO — 

lemen developpee de la propylamine. Gette formule 
ne represente pas runion des atomes constituants 
de la molecule entre eux. Aussi n'est-elle pas une 
veritable formule de oonstitution. Pourtant cet 
expose nous a permis d'etablir que les procedes d'a- 
nalyse et de synthese peuvent nous mettre sur le 
chemin de determiner la constitution partielle des 
composes. 

II nous reste a signaler un troisieme mode d'ope- 
rer dont nous disposons pour arriver a la fixation de 
la constitution des composes, c'est la substitution. 
Et cette methode nous fournit des indications plus 
precises sur le groupement des atomes. Elle nous 
permet d'aller plus loin dans cette voie et de nous 
faire une idee sur la saturation reciproque des ato- 
micites des divers elements, en un mot de figurer la 
constitution des composes chimiques. 

Lorsque, par des reactions simples, nous pouvons 
faire entrer dans la molecule d'un corps un groupe 
d'elements de constitution connue, nous sommes 
certainement en droit de representer ce groupe 
comme tel dans le nouveau compose engendre. 
D'un autre cote, si, par des procedes reguliers, noub 
reussissons a enlever a une substance un groupe 
d'elements, de telle sorte qu'il se forme un compose 
de oonstitution connue, dans lequel figure le groupe 
que nous avons enleve au corps primitif, nous 
sommes autorises encore a conclure a la preexistence 
de ce groupe sans la substance soumise a Texamen. 

Mais, pour les premiers termes de comparaison, 
quelles sont les methodes qui nous permettent d'eta- 
blir leur constitution? 



— 101 — 

Tous les composes organiques peuvent etre rame- 
nes a des termes fondamentaux, les hydrocarbures. 
lis peuvent tous en etre derives par substitution 
d'un ou de plusieurs groupements fonctionnels a un 
ou a plusieurs atomes d'hydrogene. 

Nous aurons done a montrer par quelles methodes 
on parvient a determiner la constitution : 

1** d'un hydrocarbure, 

2** d'un groupement fonctionnel. 

Prenons pour exemple le premier hydrocarbure 
sature de laserie grasse, le methane CH*. 

Le carbone est un element tetratomique, ou qua- 
drivalent. Dans le methane, ces quatres valences 
sont satisfaites par quatre atomes d'hydrogene uni- 
valents. II est done clair que, dans le methane, le 
carbone est uni a Thydrogene d'une maniere repre- 
sentee par le schema. 

H 

I 

•H - G - H 

I 

H 

Dans ce carbure, les quatre atomes d'hydrogene 
sont equivalents entre eux ; c'est-a-dire qu'il iie pent 
y avoir de composes monosubstitues isomeriques. 
En effet, I'experience ne nous a donne qu'un seul 
chlorure; bromure, iodure de methyle, un seul al- 
cool methylique, etc. Gette equivalence des atomes 
d'hydrogene implique necessairement Tequivalence 
des atomicites du carbone. 

Pour un autre element, I'azote, I'equivalence des 
atomicites a ete prouvee par I'experience directe. 

MM. V. Meyer et Lecco ont demontre que les 



— 102 — 

deux composes, iodure de dimethyldiethyle-ammo- 
nium et iodure de diethyldimethyle - ammonium 
obtenus par Taction de Tiodure de methyle sur la 
diethylamine, et de Tiodure d'ethyle sur la dimethyl- 
amine, ne sont point isomeriques, mais identiques. 
II • en est de meme des iodures de triethylbenzyle- 
ammonium obtenus par Taction soit de Tiodure d'e- 
thyle sur la benzylamine, soit de Tiodure de benzyle 
sur la triethylamine. Nous admettrons done, en 
vertu de ces faits, Tequivalence des atomicites d'un 
element polyatomique. 

Si, d'un autre cote, nous traitons le methane par le 
chlore, nous le transformons en chlorure de methyle; 
en meme temps il se forme de Tacide chlorhydri 
que : 

GH* + CI* =r GH^Gl 4- HGl. 

Dans cette reaction, il y a substitution d'un atome 
de chlore a un atome d'hydrogene du methane, et 
le chlorure forme possede, vu Tequivalence des 
atomes d'hydrogene, la formule de constitution : 

Gl 

I 

H-G-H 

I 

H 

Si Ton soumet le chlorure de methyle ainsi pre- 
pare a Taction du sodium, ce dernier s'empare du 
chlore de deux molecules de chlorure de methyle, 
et les deux restes s'unissent pour engendrerle dime- 
thyle ou ethane : 

2 GH'Gl + Na- = (GH^)* + 2 NaCU 



— 103 — 

Dans ce dimethyle, les deux atomes de carbone se 
trouvent unis Tun k Tautre par une atomicite. La 
reaction pent done etre representee graphiquement 
par le schema suivant : 

H H H H 

I I II 

H-C-Cl + Gl-C-H -h Na* = H-G — G- H + 2 NaGl. 

I I II 

H Gl H H 

Gette formule du dimethyle nous montre que les 
deux atomes de carbone sent unis I'un a I'autre par 
une atomicite. Gette saturation reciproque des atomes 
de carbone fut mise en avant par Kekule et par 
Gooper, ainsi que nous Favons dit plus haut. EUe a 
subi une preuve experimentale dans le cas present. 
Schorlemmer, en traitant par le chlore le dimethyle 
ainsi prepare, Fa transforme en ehlorure d'ethyle 
G*H^G1. Le compose (GH^)* renferme done certaine- 
ment G* dans sa molecule ; il forme une individualite 
chimique, et il est constitue d'apres le schema repre- 
sente . 

Le dimethyle soumis a Taction du chlore fournit 
le ehlorure d'ethyle G^H'^Gl. Gelui-ci, traite par le so- 
dium, donne du diethyle G^H*® ou (G*H^)*, en vertu 
de la reaction deja inserite. Genouveau carbure pos- 
sede la structure : 

H H H H 

I 1 I I 

H-G — G — C — G-H 

I I I I 

H • H H H 

D'apres sa formation, il est impossible de lui en 
^ittribuer une autre. 



— '504 — 

' Ce diethyle n'est pas le seul butane que nous 
connaissions. II existe un isomere de ce carbure, le 
trimethylme thane. Gomme son nom Tindique, cet 
hydrocarbure resulte de la substitution de trois radi- 
caux methyles a trois atomes d'hydrogene du me- 
thane. Ici nous anticipons par la nomenclature sur 
les faits, mais nous reviondrous plus loin sur cette 
question, en parlant des hydrocarbures avec chaines 
laterales. 

Nous sommes done ainsi arrives progressivement 
a la production d'hydrocarburcs renfermant plu- 
sieurs atomes de carbonc dans la molecule, et, a 
chaque jalon de Techelle, nous sommes a meme 
d'attribuer au carbure une formule de constitution 
basee sur Texperience, c'est-a-dire representant le 
groupement des atomes dans la molecule. G'est d'a- 
pres ce precede que Ton a elucide la nature de la 
molecule des hydrocarbures a chaines continues, 
comme on les a nommes. 

Cette methode n'est pas la seule qui puisse nous 
conduire a cette formule. Nous savons quo les hy- 
drocarbures satures se ferment par Taction de I'eau 
sur les composes organo-metalliques. Frankland a 
demontre que le zinc-ethyle traite par Teau donne 
du dimethyle ou hydrure d'ethyle, identique avec 
Tethane derive du chlorure de methyle : 

Zn <^,jj5 ^ 2 (HQH) _ {cmKRy -+- Zn (0H)» 

Dans cette reaction Tatome de zinc s'empare des 
deux groupes (OH) de deux molecules d'eau pour 
former Thydrate de zinc. II reste alors deux atomes 



— 105 



d'hydrogene, qui s'unissent chacun a un des deux 
groupes G^H^ du zinc-ethyle, pourengendrer'le com- 
pose C'HMI ouhydrure d'ethyle. Get atome d'hydro- 
gene peut etre remplace par un groupement fonc- 
tionnel univalent quelconque, pour produire soit des 
alcools, des aldehydes, des acides, des amines, etc. 
Parmi les derives resultant de la substitution d'un 
groupement fonctionnel a un atome d'hydrogene du 
carbure, prenons un acide pour exemple. Gomment 
determine-ton la constitution de ce groupe fonction- 
nel? 

M. Dumas a demontre que le chloroforme, ou 
methane trichlore CHGP, traite par la potasse, four- 
nit Tacide formique, le plus simple des acides 
organiques carboxyles. Gette reaction peut etre fi- 
guree comme il suit : 

y CI /OH 

H— G ^ CI -h 3 KOH = H— C ^ OH + 3 KCl. 
\ CI \ OH 

Le potassium enleve au chloroforme ses trois 
atomes de chlore pour former du chloure de potas- 
sium. II reste done le radical trivalent HG=d'un 
cote, et trois groupes (OH) univalents d'autre part. 
Ces rostes, se combinent et engendrent le compose : 

<H0 
HO 
HO 

peu stable, et qui se dedouble en eau et en acide 
formique (1). «^ 

(i) Le compost CH (OH)^ est I'hydrate de Tacide formique, bouil- 
lant k i07,°.i. Liebig a d6crit un hydrate de I'acide acetique, qui, 
d'apr6s M. Grimaux, fond k — li°,7. Get hydrate serait aussi un- 



— 106 — 

Gette elimination d'eau s'effectue evidemment 
entre deux groupes (OH); ce n'est pas possible 
autrement. Le compose passager 

HC^OH 
\0H 

en perdant de I'eau, devient : 

//^ 
H-C .^ 

ou acide formique. Nous y voyons un groupement 

Nous le retrouverons par la synthese suivante des 
acides organiques. 

Nous savons, d'apres les recherches de MM. Dumas, 
Malagulti et Loblanc, que Ton peut arriver aux acides 
en partant des chlorures, en passant paries cyanures. 
Les cyanures se forment par Taction des chlorures 
organiques sur le cyanure de potassium. Si nous 
operons sur le chlorure d'ethyle, la reaction peut 
etre representee ainsi : 

GH-CH*-C1 4- K (GAz) = GH»-CH'-CAz -+-KC1. 

Le radical cyanogene qui est univalent se substitue 
au chlore egalement univalent. Ainsi que Tindique 
la synthese de Tacide cyanhydrique au moyen du 
chloroforme et de Tammoniaque, le cyanogene est 
compose d'un atome de carboneet d'un atome d'azote, 

compost de la formule CH^. — C (OH)^. -- Voir, i ce sujet, BuU&iin 
de la SociHe chimique, t. XIX, p. 474, 



— 107 — 

c'est-a-dire il resulte de la saturation de trois va- 
lences du carboneparTazote triatomique, en laissant 
libra la quatrieme valence du carbone. II pent done 
etre figure graphiquement par la formule 

-C=:Az(l). 

Notre formule du cyanure d'ethyle devient done : 

CH* — CH» -. C ^ Az. 

Si nous soumettons ce cyanure a Taction hydra- 

tante de lapotasse bouillante, il se transformera en 

acide. Nous ne ferons pas intervenir la potasse, mais 

I'eau seulement dans Tequation, car, au point de vue 

theorique, ceci est indifferent : 

/OH 
GH*— GH^— C =:Az H- 3 HOH = CH'— CH'— G ^OH 4-AzH' 

II se forme de Tammoniaque ; I'azote s'unit a trois 
atomes d'hydrogene, et les trois groupes (OH), qui 
restent des trois molecules d'eau, secombinent avec 
le carbone du cyanogene; puis il y a elimination 
d'eau dans le nouveau compose, comme nous Tavons 
vu plus haul dans la production de Tacide formi- 
que. 

/OH n 

CH'~GH*~C ^OH - H^O = GH»-GH^-C ^ 

\0H ^ OH 

(1) M. Gautier a d6montr6 que, dans les carbylamines, le cyano- 
gene afFeete la structure : — Az = C. Le carbone est tetratomique 
dans les vrais cyanures. II reste uni au carbone dans les transfor- 
mations des cyanures, ce qui prouve la constitution de ce groupe 
dans ces composes. 



— :c8 — 

Ge nouveau corps est un acido, Tacide propioni- 
que. II represente de Thydrure d'ethyle dans lequel 
un atome d'hydrogene est remplace par le groupe 
— G = 0,0H. Ge groupe est le groupement fonc- 
tionnel des acides organiques. Dans les acides orga- 
niques carboxyles nous le rencontrons toujours. Ges 
deux syntheses ne sont pas les seules qui nous auto- 
risent a attribuer a ce groupe la constitution que 
nous avons indiquee. 

MM. Friedel et Grafts ont demontre que le ehlo- 

rure de carbonyle GoGP pent se fixer sur un hydro- 

carbure, pour donner un chlorure d'acide, en eli- 

minant de Tacide chlorhydrique, lorsqu'on opero en 

presence de chlorure d'aluminium. Le chlorure de 

/Cl 
carbonyle possede la structure G = ; il ne peut 

\G1 

pas en avoir d'autre. Lorsqu'il se combine avec un 

carbure d'hydrogene, la reaction se passe comme 

rindique Tequation suivante : 

GW -h Gl - G = = C«H*-G = 4- HGl. 

I I 

Gl Gl 

Le chlorure d'acide traitepar Teau donne deTacide 
benzoique et de Tacide chlorhydrique. II y a substitu- 
tion du groupe (OH) de Teau a Tatome de chlore, et 
celui-ci se combine avec Thydrogene de Teau : 

G'H«- G = -+- HOH = GW-G=0 + HGl. 

I I 

Gl OH 

Ici de nouveau nous trouvons le groupement fonc- 



— 109 — 

tionnel — G = O.OH dans Tacide forme. Gette 
meme constitution decoule de la formation des acides 
par Taction du gaz carbonique sur la combinaison 
polassique de Thydrocarbure (Wanklyn) ou bien sur 
un carbure aromatique en presence de chlorure 
d'aluminium (Friedel et Grafts). Le potassium-ethyle 
fournit ainsi Tacide propionique, sous forme de sel 
potassique : 

GW.K + 0=0= GW - G \ o-K 

Nous voyons done que les acides carboxyles, ob- 
tenus par des precedes diffe rents, renferment un 
groupement fonctionnel constitue d'apres le schema : 

— G = O.OH, 

groupement qui a regu le nom do carboxyle. 

Par des considerations analogues, nousarrivons a 
etablir pour chaque fonction chimique Texistence 
d'un groupement particulier dans la molecule. 

Voici quelques-uns de ces groupements : 

Alcools primaires - GH'.OH 
Alcools secondaires =GH.OH 
Alcools tertiaires = G.OH 
Aldehydes -H.G = 

Acetones = G = 0) 

et ainsi do suite. 

II est evident que les groupements fonctionnels 
peuvent remplacer un, deux, trois, jusqu'a 2 /* -+- 2 
atomes d'hydrogene dans le carbure d'hydrogene 
de.la serie dite saturee ; ici n egale le nombre d'ato- 



— no — 

mes de carbone dans Thydrocarbure. Geci est le cas 
pour les groupements fonctionnels monovalents; 
pour les autres le nombre est plus restreint. 

Jusqu'a present nous n'avons envisage que des 
hydrocarbures avec chaines continues de carbone, 
c'est-a-dire dans lesquels chacun de ces atonies 
est imi an plus a deux autres atomes de carbone. 
Gette continuite de la chaine decaole de la synthese 
par substitution de ces carbures. Mais, a propos du 
diethyle ou butane, nous avons mentionne un second 
carbure de la formule G^ H*^, le trimethyle-methane.. 
Ge carbure possede une constitution differente de 
celle du diethyle. Gommeiit Ta-t-on etablie? 

Le carbure dont il s'agit resulte de la reduction de 
riodure tertiaire de butyle par le zinc. Getiodure lui- 
meme derive de Talcool correspondant. M. Butle- 
row^ a prepare cet alcool par Taction de Teau sur le 
produit de la reaction du zinc-methyle sur le chlo- 
rure de carbonyle. Par cette preparation il est demon- 
tre que Talcool possede la constitution : 

I 

GH«-G-OH 

i 

GH^ 
etle carbure, celle qui suit : 

GH* 

I 

GH'-G-H 
GH» 

Les procedes qui ont fourni le trimethylcarbinol 
sont reguliers, mais leur expose nous conduirait 



— ill — 

trop loin. On pourrait preparer, ce meme carbure 
par Taction du sodium sur le melange d'iodure d'iso- 
propyle et d'iodure de methyle, et enfin la synthese 
de Tacide isobutyrique par le cyanure d'isopropyle 
conduit^ aux memes conclusions. 

Le tetramethyle-methancG^H*^est un exemple par 
lequel Texistence de chaines laterales peut etre faci- 
lement demontree. Ge carbure se forme lorsqu'on 
fait tomber du methylchloracetol GH^^CCl^-GH^ 
dans du zinc-methyle. Le zinc s'unit aux deux ato- 
mes de chlores, et ceux-ci sont remplaces par les 
deux groupes CH^ du zinc-methyle : 

I t 

Gl- C-Cl -h Zn (CH*)* = GH^- G-CH* -J- ZnGP. 

GH» GH* 

Dans ce carbure, les quatre atomes d'hydrogene 
du methane sont remplaces par quatre groupes GH^ ; 
dansle trimethyle-methane, trois hydrogenes seule- 
ment sont ainsi remplaces. 

Pour la premiere fois nous rencontrons ici des 
hydrocarbures dans lesquels la chalne des atomes de 
carbone n'est pas continue. II y a un ou deux atomes 
de carbone situes en dehors de la chaine principale ; 
il y a comme Ton dit, des chaines laterales. On con- 
nait un grand nombre de carbures renfermant de 
telles chaines laterales, formees d'un ou deplusieurs 
atomes de carbone. Leurs constitutions sont etablies 
par des considerations precises. 

Mais, d'un autre cote, nous pouvons mettre en re- 
lief dans le trimethyle-methane une espece de centre 



— 112 — 
autour duquel sont groupes trois restes CH'. Je 

I 

1 

veux parler du groupe trivalent GH. Ge groujfe 

forme un noyau, le noyau du carbure fondamental. 
Dans ce carbure on pent introdure des groupements 
fonctionnels a la place des hydrogenes soit du 
noyau soit des restes hydrocarbones. Nous engen- 
drons ainsi des composes isomeriques entre eux, et 
leurs constitutions peuvent etre etablies par les me- 
thodes que nous venons d'indiquer. 

Telles sont les conclusions auxquelles on arrive 
par rinterpretation rationnelle des reactions, en se 
basant sur la saturation des atomicites des differents 
elements. Nous avons vu que les atomes de carbone 
peuvent echanger des atomicites, c'est-a-dire se sa- 
turer reciproquement. G^est ainsi que nous sommes 
parvenus a determiner la constitution des hydrocar- 
bures achaines continues et laterales. Mais il existe, 
en dehors de ces deux especes, une troisieme variete 
d'hydrocarbures, les hydrocarbures a chaine fer- 
mee. 

Les carbures d'hydrogene a chaine fermee trou- 
vent leur representant typiqud dans la benzine G^H®. 
En traitant de Tisomerie, nous avons etabli la consti- 
tution de ce carbure, et nous sommes arrives a la 
conclusion que la molecule de la benzine doit etre 
figuree par un prisme triangulaire. A chacun des 
angles de ce prisme est place un atome de carbone, 
qui echange trois atomicites avec trois autres ato- 
mes de carbone, et la quatrieme est satisfaite par un 
atome d'hydrogene. Ges atomes de carbone forment 
done un ensemble dans lequel il n'y a pas de solu- 



— 113 — 

tlon de continuite, c'est-a-dire une chaine fermee 
de carbone. Par substitution de divers radicaux a 
un ou a plusieurs atomes d'hydrogene, nous obtenons 
des derives de la benzine qui presentent une multi- 
tude de cas d'isomerie. Mais ce n'est pas ici qu'il 
faut discuter ces cas. Nous savons egalement que 
Ton pent deriver d'autres carbures d'hydrogene de 
la benzine, en substituant a Thydrogene d'autres ra- 
dicaux, de maniere a obtenir des chaines fermees 
pour ainsi dire doubles ou triples (naphtaline, phe- 
iiantrene). Gelles-ci sont formees de deux ou trois 
noyaux ayant des parties communes. Nous n'insis- 
tons pas sur ces details en ce lieu. Pourtant nous 
ferons remarquer que, dans la notation courante, 
nous representons la benzine par Tancien hexagone 
de Kekule, tout en reconnaissant ses defauts, a 
cause de sa simplicite et de Tavantage qu'il possede 
de ne rien prejuger sur la disposition des atomes 
dans Tespace. 

Tons les carbures d'hydrogene qui renferment une 
chaine fermee contiennent au moins six atomes de 
carbone. Nous n'en connaissons pas qui soient plus 
simples. Pourtant, nous concevons Texistence d'au- 
tres carbures a chaines fermees, par exemple : 

i HG = CH 

r. / \ II 

H«G — GH^ HG = GH 

Propylene normal ou trimethyldne. Tetrol. 

Ces composes ne sont pas connus. L'existence du 
tetrol a ete soup^onnee dans Tacide meconique; 

8 



— H4 — 

comme il n'y a pas de preuves a cet egard, nous n'y 
insisterons pas. Ajoutons que le chlorure tetrique, 
recemment decouvert par M. Demarcay, derive d'un 
butylene C^'H^ a chaine fermee. 

II nous reste a etudier d'autres series d'hydro- 
carbures qui different des precedents. Je veux parler 
des hydrocarbures non satures. Geux-ci se distin- 
guent des hydrocarbures satures, en ce qu'ils con- 
tiennent, pour le memo nombre d'atomes de car- 
bone, un certain nombre de fois H* en moins. Ainsi 
le carbure C^H^ pent perdre deux fois H^, et donner 
naissance a deux nouveaux carbures, C^H* et G*H*; 
G^H*^ pent perdre trois fois H^ et fournir les hydro- 
carbures Gm'\ Gm\ Gm\ 

Gomment s'opere la perte de ces atomes d'hydro- 
gene dans le carbure sature? Prenons pour exemple 
rhydrure d'ethyle. Si nous transformons ce carbure 
en derive chlore, nous obtenons le chlorure d'ethvle 
GH^ — GH^Gl. Ge chlorure, lorsqu'on le fait passer 
en vapeur sur de la chaux potassee chauffee, perd 
de Tacide chlorhydrique et donne, d'apres M. Ber- 
thelot, de I'ethylene G^H*. De quelle maniere cette 
perte s'effectue-t-elle?Ou, autrement dit, quelle est 
la constitution du nouveau carbure forme ? Evidem- 
ment, on pent figurer cette perte d'acide chlorhydri- 
que de deux manieres. Le meme atome de carbone 
pent perdre la totalite de la molecule chlorhydrique, 
et donner le compose : 

. H'G 

1) I 

HG< 

du les elements de Tacide chlorhydrique peuvent se 



— US — 
detacher de deux atomes de carbone et fournir : 

2) I 

En dehors de ces deux manieres, il n'y en a: pas 
d'autre possible. Laquelle de ces deux est la vraie? 

Lorsque nous faisons reagir le brome sur le com- 
pose forme par Taction de la chaux potassee sur le 
chlorure d'ethyle, deux atomes de cet element se 
fixent sur lui et engendrent un bromure C^H*Br*. 
Ge bromure pourrait done etre : 

H»G H«G— Br 

H G < ^^ H*G— Br 

Br 

M. Wurtz a demontre que dans ces bromures on 
pent remplacer les deux atomes de brome par deux 
groupes (OH) et produire le glycol ethylenique. Si 
nous operons ce remplacement dans les deux for- 
mules graphiques du bromure, nous arrivons aux 
schemas : 

H»G H*G— OH 

5) r et 6) I 

HG<^^^ H«C— OH 

OH 

Nous pouvons transformer ce glycol par oxyda-^ 
tion au moyen du noir de platine en acide glycoli- 
que. Ce meme acide se forme lorsqu'on traite Tacide 
monochloraeetique par une solution bouillante de 
potasse. Dans ce cas le chlore de Tacide monochlo- 
raeetique est remplace par le groupe (OH) de la 



— 'H6 — 

potasse. L'acide glycolique possede done la formule 
de constitution : 

GH'.OH 

1 

GO.OH 

Par une oxydation plus avanceele glycol, ainsi que 
Tacide glycolique, se transforment en acide oxalique 
Q2JJ2Q4 Lq^ formation de ce dernier par saponifica- 
tion du cyanogene (GAz*) lui assigne la formule : 

GO.OH 

I 

GO.OH. 

L'examen de ces dernieres formules nous montre 
qu'il faut admettre que, dans le glycol, les deux grou- 
pes (OH) sont unis chacun a un des deux atomes de 
carbone. Gar, s'il n'en etait pas ainsi, il ne serait 
pas possible de produire Tacide glycolique par Toxy- 
dation du glycol, et, du reste, les deux groupes qui 
constituent le glycol par leur union etant identiques 
dans la formule 6, Toxydation de Tun ou de Tautre 
fournirait le meme acide glycolique. En effet, on ne 
connait qu'un seul acide glycolique ; comme il con- 
stitue un veritable acide, et que d'autre part il derive 
de Tacide monochloracetique, il doit renfermer le 
groupement fonctionnel des acides — GO, OH. La 
formule que nous avons donnee indique ce groupe. 
Le produit d'oxydation du compose (5), forme par 
substitution d'un atome d'oxygene a deux atomes 
d'hydrogene, possederait une des formules suivantes : 

H H 

G~G-(OH) ou H-G'— ^G-(OH) 

. II I II 

O (OH) H (OH^ 



— 117 — 

Aucune de ces deux formules ne contient le groupe 
caracteristique des acides — G = 0,0H. La for- 
mule du glycol est done confirmee et, par conse- 
quent, celle du noyau hydrocarbone qui en est la 
base devient : 

I 

Mais, si cette constitution est celle du carbure 
libre, de Vitkyl^ne^ il n'en est pas moins vrai qu'il 
existe des derives du noyau hydrocarbone figure 
par la formule 1 . Ces composes sont des derives de 
Vithyliddne. Le chlorure d'ethylidene, qui se forme 
d'apres Regnault par Taction du chlore sur le chlo- 
rure d'ethyle, possede la structure indiquee par la 
formule : 

I 
HC— CI 



CI 

On y arrive par exclusion; du reste, sa production 
par Taction du perchlorure de phospore sur Tal- 
dehyde confirme cette formule. 

Nous avons demontre qu'il existe deux series de 
derives de noyaux hydrocarbones G^H* , dont nous 
avons determine la structure. Nous avons deplus 
demontre que le groupe qui existe en liberte a Tetat 
d'hydrocarbure correspondait a la formule : 

H^C— 

I 
H*C- 



— H8 — 

Mais, en realite, les deux atomes de carbone 
possedent-ils une affinite libre, ou devons-nous don- 
ner a I'ethylene la fonnule : 

H*C 

II 
H'C 

Ges deux formules presentent toutes deux Tavan- 
tage de rendre compte des reactions connues. La 
plupart des chimistes ont adopte la seconde, qui in- 
dique que les affinites libres des deux atomes de 
carbone se satisfont entre elles, tandis que dans la 
premiere on verrait un atome de carbone combine 
avec trois restes univalents. Or on connait bien des 
corps non satures, tels que Toxyde de carbone 
= C =■ 0, ou le trichlorure de phosphore = PGF, 
mais ces composes different des corps satures par 
Tabsence de deux radicaux univalents ; nouspensons 
done qu'il vaut mieux ne pas adopter une fapon de 
formuler qui correspond a une supposition que rien 
ne justifie. 

Ajoutons de plus que, si Ton admet que le car- 
bone possede des affinites libres dans Tethylene, on 
devrait pouvoir isoler le propylene normal 

I 
H*G 



H*G— 

dont nous connaissons le bromure. Or toutes les 
tentatives que M. Reboul a faites dans ce sens ont 
echoue. 

Dans les carbures plus compliques resultant de la 



— 119 — 

substitution de noyaux hydrocarbones aux atomes 
d'hydrogene de Tethylene, la double liaison = indi- 
que la lacune^ c'est-a-dire les carbones jouissant de 
la propriete de fixer le brome et les autres reactifs. 
Gette idee des liaisons doubles a rendu, en outre, 
le grand service d'indiquer le nombre d'isomeres 
possibles; par exemple, pour les amylenes, nous en 
prevoyons cinq, qui correspondent aux formules : 

1) GH^ — CH* — CH' — GH = GH* 

2) GH* — GH^ — GH = GH — GH» 

3) (GH')« = G = GH — GH» 

4) (GH»)* = GH — GH = GH» 

5) ^^'-^j; > G = GH» 

Ces cinq amylenes ont ete decouverts la plu- 
part grace aux indications donnees par les formules 
atomiques, et on n'a pu en preparer un sixieme. 

On a adopte par analogic pour Tacetylene la for- 
mule : 

HG 

n 

HC 

indiquant une triple liaison des atomes de carbone 
entre eux. 

Nous avons dit que le carbone ne pouvait perdre 
que deux atomes univalents; rien n'empecherait 
done Texistence de corps tels que le methylene 
= G*H, et Fethylidene GH^— GH = ; on a meme 
suppose que Tacide maleique correspondait a Tethy- 
lidene. Gependant malgre les nombreuses tentatives 
faites pour isoler le methylene, surtout par electro- 



\. 



— 120 — 

lyse des composes dans lesquels il existe uni a 
d'autres radicaux, on n'a pas reussi a leproduire. II 
s'unit toujours a lui-meme pour former des homo- 
logues superieurs. II semble done demontre que les 
hydrocarbures avee des affinites libres ne peuvent 
pas exister. 

Nous avons etabli les formules de constitution 
pour des composes organiques seulement. Les com- 
poses de la chimie minerale ont ete Tobjet d'etudes 
analogues, mais elles ont moins d'importance que 
dans la chimie organique, ou les molecules sont 
plus complexes, et derivent toutes d'un meme ele- 
ment, lecarbone. 

Position des atomes dans Tespace. — 
Pouvoirs rotatoires. — Jusqu'a present nous 
avons considere Tatomicite ou valence comme re- 
presentant Tensemble des relations chimiques des 
atomes, consistant a la fois en relations d'affinite et 
relations de position. Nous aliens etudier plus spe- 
cialement ces dernieres. La formule atomique de 
Tethane : GH^-GH^, indique qu'il y a deux groupes 
GH^, voisins Tun de Tautre, et Tetude des substitu- 
tions nous amene a admettre que ces groupes n'ont 
qu'une relation de voisinage ; si en effet les positions 
des atomes d'hydrogene etaient fixes, dans Tethane 
G^W on devrait retrouver au moins autant de com- 
poses substitues que dans la benzine G^H^, or il n'en 
est rien. G'est ce fait qu'on caracterise en disant 
qu'il y a une liaison mobile entre les deux methyles ; 
le meme raisonnement s'applique aux autres com- 
poses plus compliques et nous pouvons considerer 



■ ■n- ■■ 



— 121 — 

chaque carbone comme le centre et pour ainsi dire 
le soleil d'un groupe de quatre planetes qui sont des 
atomes ou des radicaux, c'est-a-dire groupes d'ato- 
mes. Nous pouvons nous demander si ces atomes ont 
des positions relatives fixes ou si leurs trajectoires 
sont quelconques. 

La chimie ne nous apprend rien k cet egard ; nous 
savons seulement que si a Thydrogene du methane 
on substitue 1, 2 ou 3 radicaux diCFerents, on n'ob- 
tient qu'un seul derive substitue. Or cette condition 
sera satisfaite si les positions de ces atomes d'hydro- 
gene sont quelconques, c'est-^-dire interversibles en- 
tre elles ; elle sera encore satisfaite si, la position (ou 
au moins la position moyenne) des atomes d'hydrogene 
etant fixe, ceux-ci sont groupes regulierement autour 
du carbone. Done, nous le repetons, la question du 
groupement dans I'espace ne pourrait recevoir de 
solution «i le fait de I'existence du pouvoir rotatoire 
dans les composes organiques n'avait mis sur la trace 
des dissymetries moleculaires. M. Pasteur, dans des 
memoires restes classiques, a montre que le pou- 
voir rotatoire estindique dans les cristaux par Texis- 
tence de facettes dites d'hemiedrie non superposa- 
ble, et il a admis que le pouvoir rotatoire des corps 
'en solution, dit moliculaire (pour le distinguer de 
celui des cristaux dont la solution est inactive), est 
du a une dissymetrie de structure de la molecule 
qui s'accuse egalement par les facettes hemiedriques 
qu'on pent faire apparaitre dans les cristaux. 

La question en etait la, quand MM. Lebel et Van 
T'Hoff sont alles plus loin encore et ont attribue 
cette dissymetrie, c'est-a-dire le pouvoir rotatoire, 



— 122 — 

a la position dissymetrique des atomes dans I'es- 
pace (1). 

Nous savons que chaque carbone d'un compose 
organique sature est entoure de quatre radicaux qui 
lui sont rattaches par une liaison mobile; nous sa- 
vons encore qu'il existe un grand nombre de corps 
satures actifs, c'est-a-dire dissymetriques : orcette 
dissymetrie n'est possible que si quatre de ces radi- 
caux ont une position relative fixe, et de plus ne 
sont pas situes dans le meme plan. De la fixite de 
ces groupes particuliers il y a lieu de conclure qu'en 
general les atomes ou radicaux qui entourent les 
carbones sont fixes (2). 

Ceci etant admis, les circonstances ou le pouvoir 
rotatoire se rencontre sont faciles a prevoir : il suffit 
que les quatre groupes soient differents entre eux 
pour qu'il y ait dissymetrie d^ns la molecule. M. Van 
T'Hoff a appele asymetrique le carbone entoure de 
quatre groupes differents, et, en effet, nous consta- 
tons que, chaque fois qu'un pareil carbone se rencon- 

(1) Cette hjrpoth^se est la plus simple qu'on puisse faire, mais ce 
n'est pas la seule ; on pent supposer, avec M. Berthelot, que les po- 
sitions des atomes sont quelconques, mais que leurs mouvements 
de vibration, ou plutdt ceux de r6tlier qui les entoure, ont une 
orientation fixe. On pourrait encore admettre que les trajectoires 
des atomes sont fixes, mais leur position quelconque sur la trajec- 
toire. Nous n'entrerons pas dans cette discussion, mais nous obser- 
verons seulement que I'identite des d6riv6s de substitution devrait 
faire considerer ces trajectoires ou ces directions d'oscillation 
comme sym6triques, cc qui am^nerait k des conclusions analogues 
k celles que nous allons trouver. 

(2) Cette generalisation n'est pas absolumentrigoureuse, mais elle 
n'est pas indispensable pour ce qui va suivre ; nous ne pouvons 
entrer ici dans la discussion de cette question particuli^re. 



— 123 — 

tre dans une formule atomique, le corps est coniiu 
sous forme active. Nous citerons comme exemple 
Tacide lactique : 

GH» — H.G. OH — CO*H 

dont le second carbone est asymetrique, de meme 
le propylglycol, les acides maliques, tartriques^ 
valerianique actif, les sucres, Talcool amylique, 
etc., etc. Ajoutons que ces co Aside rations ont regu 
une sanction experimentale directe par les remar- 
quables experiences de M. Lebel surla production 
artificielle de corps actifs (propylglycol levogyre, 
methylpropylcarbinol dextrogyre, ethyldimethylcar- 
binol dextrogyre). 

D'un autre cote, nous avons a rechercher dans 
quels cas le pouvoir rotatoire disparait ou ne pent 
exister; or nous savons que, si, dans un corps de la 
formule : G RR' r^, nous remplapons r par un radical 
R'', on n'obtient qu'un meme corps au point de vue 
chimique ; il resulte de la que dans le corps G RR' r* 
les radicaux r ont des positions symetriques, ce qui 
n'est possible que si la molecule elle-meme a un 
point ou un plan de symetrie : les corps rentrant 
dans cette formule doivent done etre inactifs. 

En effet, nous savons par experience que la nature 
vivante produit en general des corps actifs ; or on y 
rencontre de nombreuses substances de la forme ci- 
dessus GRR' r*, et toutes sont inactives; cette ve- 
rification est negative, mais neanmoins ellepossede 
une certaine valeur. 



^ 124 — 

On obtient une verification d'ordre positif si dans 
un corps de la forme : 

G RR' R" r, 

on change par une reaction simple R" en r et que 
Ton constate la disparition du pouvoir rotatoire. Nous 
citerons Tacide malique : 

CO*H — GH* — H.G. OH — GO^H 

que Ton pent transformer par substitution de Thy- 
drogene a Toxhydryle en acide succinique : 

CO*H — GH* — H.G.H — GO^H 

compose dans lequel le carbone precedemment 
asymetrique est combine a H* ; or Tacide succinique 
obtenu est bien inactif. De meme, si dans Tiodure 
d'amyle actif : 

GW — H.G (GH») GHn 

on remplace Tiode par Thydrogene ou le methyle, 
on aura les carbures : 

GW — H.G = (GH»)* et (G*H»)' = H.G = GH» 

egalement inactifs. Dans ces deux exemples, les 
reactions s'operent a froid et avec une tres-grande 
simplicity ; il est certain que, si le pouvoir rotatoire 
devait se conserver, c'est dans le methyle-amyle 
corps plus complique que Tiodure d'amyle lui- 
meme, alors surtout que Tethylamyle reste actif. 
II reste neanmoins une difficulte a resoudre : 



— 128 — 

quand nous operons au laboratoire la synthese d'un 
corps renfermant un carbone asymetrique, nous ob- 
tenons toujours un corps inactif. Quelle est la raison 
de ce fait? Elle a ete donnee par M. Lebel de la 
fa?on suivante : 

Un corps actif derive toujours soit par addition 
soit par substitution d'un corps inactif, c'est-a-dire 
symetrique ; dans cette reaction, suivant que la subs- 
titution ou Taddition se produira d'un cote ou de 
I'autre du plan de symetrie primitif, il y aura for- 
mation de risomere dextrogyre ou levogyre. Or il 
n'existe aucune raison pour que I'un des phenome^ 
nes se produise de preference a Tautre, et, suivant la 
regie qui sert de base au calcul des probabilites, le 
nombre de molecules dextrogyres divise par celui 
des molecules levogyres donnera un quotient qui 
tend vers Tunite quand le nombre total croit au-dela 
de toute limite. Nous avons vu precedemment qu'on 
a lieu d'admettre que le nombre de molecules d'un 
poids appreciable de matiere confond notre imagi- 
tion. 11 en resulte que le quotient ci-dessus ne pent 
differer sensiblement de T unite et que le corps pre- 
pare synthetiquement ne pent avoir de pouvoir ro- 
tatoire mesurable. 

Corps actif s naturels. — Nous venons de voir 
pourquoi les reactions du laboratoire ne nous four- 
nissent pas des corps actifs : comment se fait-il que 
la nature arrive a elaborer des corps dissymetri- 
ques? G'est la une question bien digne d'interet et 
qui merite d'etre developpee. On pourrait admettre 
qu'il se forme chaque fois Tisomere droit et Tisomere 



— 126 — 

gauche comme au laboratoire, et que Tun des deux 
est ensuite brule ou detruit ; mais il faudrait suppo- 
ger la destruction de la moitie de la matiere produite . 
En outre, M. Pasteur a montre que, si on cultive des 
moisissures ou des bacteries dans I'acide racemique 
compose d'acides tartriques droit et gauche ou dans 
ses sels, c'est Tacide droit, c'est-a-dire Tacide natu- 
rel, qui est detruit, et non son isomere. M. Lebel 
a donne la meme preuve pour le melange des alcools 
amyliques droit et gauche ; les etres organiques sem- 
blent done aptes a consommer de preference I'iso- 
mere que la nature fournit, ce qui est contraire a 
rhypothese ou les deux isomeres se produiraient en 
meme temps. Nous devons done supposer que les 
corps actifs naturels sont engendres par synthese 
directe; seulement cette synthese se produit au sein 
de Tetre vivant, c'est-a-dire dans un milieu absolu- 
ment dissymetrique, et dans ce cas on ne pent plus 
affirmer que la production du corps dextrogyre est 
aussi probable que celle de Tisomere levogyre. 

Disparition du pouvoir rotatoire, — Le pouvoir 
rotatoire pent disparaitre : 

1** Parce que la symetrie se trouve retablie par 
une substitution, ainsi que nous avons deja vu ; 

2"* Quand le carbone asymetrique perd au moins 
un des radicaux qui le saturent, et s'attache par dou- 
ble liaison au carbone voisin. Par exemple, Tiodure 
d'amyle actif se transforme en amylene inactif 

G^H» - H2G(GH») - CHI = IH + G^H« - G (GH») = GH^ ; 

3** Le pouvoir rotatoire pent encore disparaitre 
quelquefois par Taction seule de la chaleur sans alte- 



— 127 — 

ration chimique de la substance. Tel est le cas de la 
transformation de Tacide tartrique droit en acide ra- 
cemique, si bien etudiee par MM. Dessaignes et Jung- 
fleisch, et de Tamylate actif de sodium en amylate 
inactif (Lebel). On obtient dans Tun et Tautre cas im 
melange a parties egales d'isomeres droit et gauche. 
Or nous avons dit plus haut que les radicaux qui en- 
tourent le carbone pouvaient osciller autour d'une 
position moyenne fixe, et cette supposition est evi- 
demment bien plus naturelle que la fixite absolue des 
uns par rapport aux autres. Quand on ehauffe la 
substance, Tamplitude de ces oscillations doit aug- 
menter, et Ton congoit, a priori, que si la molecule 
ne se decompose pas, il doit arriver un moment ou 
ces oscillations sont si grandes que les trajectoires 
se croisent, et a ce moment Tinterversion des radi- 
caux devient possible; Tisomere droit se transfor- 
mera enisomere gauche, et reciproquement ; c'est ce 
que les deux experiences ci-dessus confirment. Ges 
faits sont du meme ordre que les transpositions iso- 
meriques dont la chimie organique renferme un 
certain nombre d'exemples. 



Ainsi les chimistes modernes sont parvenus a 
aborder le probleme considere jusqu'a ces derniers 
temps comme insoluble : la position relative des 
atomes dans la molecule. Ce n'est pas qu'ils aient la 
pretention de Tavoir resolu entierement, et qu'ils 
croient avoir decouvert la place vraie des atomes par 



**"t;j^~ *^'*jiMF * *~ V I w »■» wwipi 



— 128 — 

les schemas dont ils se servent. Mais ils ont le droit 
de s'applaudir de leur oeuvre, en se rappelant qu'il y 
a trente ans a peine, le reformateur Gerhardt fon- 
dait la theorie unitaire en face de la theorie dualis- 
tique, et revenait aux formules brutes pour com- 
battre la copule de Berzelius. Et c'est justement 
parce que Gerhardt avait deblaye la science de con- 
ceptions vieillies que la nouvelle doctrine a pu s'eta- 
blir, en depit meme de ses premieres previsions; 
lui-meme, en etablissant les formules typiques, jetait 
les premieres bases de Tedifice actuel. 

Les formules de constitution, basees sur la valence 
de combinaison des elements, sont done un heureux 
commencement dans Tetablissement des doctrines 
qui seront adoptees un jour sur la constitution de la 
molecule chimique, et leur haute utilite a ete de- 
montiiee par les resultats admirables auxquels elles 
ont conduit les chimistes. 

Ainsi rhypothese atomique a pris place parmi les 
conceptions necessaires. Ge n'est point a dire qu'elle 
soit demontree ni susceptible de Tetre ; et nous Tavons 
adoptee, non comme Texpression absolue de laverite, 
mais a cause de la grande simplicite qu'elle introduit 
dans Texpose des lois de la nature. 



TABLE DES MATIfiRES 



Pages. 

Chapitre premier. — Id^es g6n6raless ur la constitution de 

la mati^re 1 

Chapitre II. — Arrangement des Molecules entre elles .... 14 

Chapitre HI. — Les Atomes 68 

Chapitre IV. — Formules de constitution 99 



Paris. — Typ. G. Chamerot, 19, rue des SalntB-P6re«. - 9789. 

9 



i •