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Full text of "Immunisation et sérumthérapie: tétanos, diphtérie, tuberculose, pneumonie ..."

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IMMUNISATION 



ET 



SERUMTHERAPIE 



ij PRÉFACE 

est probable qu'on suivra les conseil de cet 
immortel savant en Allemagne, en Angleterre 
et dans d'autres pays. La France restera seule 
indifférente à ces belles découvertes ou du 
moins sera en retard de plusieurs années grâce 
à une bonne loi coercitive, antiscientifique, 
qui défend aux expérimentateurs les plus hon- 
nêtes d'appliquer cette méthode absolument 
inoffensive. « Les virus atténués, sérums thé- 
rapeutiques, toxines modifiées et produits ana- 
logues pouvant servir à la prophylaxie et à la 
thérapeutique des maladies contagieuses et les 
substances injectables d'origine organique non 
définies chimiquement, appliquées au traite- 
ment des affections aiguës ou chroniques, ne 
pourront être débités à titre gratuit ou oné- 
reux qu'autant qu'ils auront été, au point de 
vue soit de la fabrication, soit de la prove- 
nance, l'objet d'une autorisation du gouver- 
nement rendue après avis du comité con- 
sultatif d'hygiène de France et de l'Académie 
de médecine. » 

Cette loi, qui est digne des Chinois ou des 
Indiens, a été votée par nos législateurs 
français quelques mois après la communica- 



PRÉFACE j 

tion de Roux à Budapest. Dans aucun autre 
pays du monde, on n'a jugé nécessaire de 
prendre une mesure pareille contre une mé- 
thode inoffensive. Seule, la France a cru ainsi 
protéger la santé publique, qui n'était pas 
compromise ! Mais, en réalité, on a doté d un 
monopole un laboratoire qui porte le nom du 
plus grand savant de ce siècle. Mieux eût valu 
décréter simplement que seuls le laboratoire 
de Pasteur et ses succursales ont le droit d'ex- 
ploiter ïes différents sérums antitoxiques. De 
cette façon, toute équivoque eût disparu, et 
nos législateurs, qui ont certainement voté la 
loi des sérums sans en comprendre l'impor- 
tance et la portée, auraient sans doute re- 
poussé cette loi barbare qu'cxn leur a subti- 
lisée. 

Cela est tellement exact que la commission 
de la loi du sérum est composée, en majeure 
partie, de membres qui sont attachés à l'Ins- 
titut Pasteur. Tout expérimentateur, qui fait 
une demande de délivrer une antitoxine, 
devient par ce fait un concurrent direct de ce 
laboratoire, qui profite de la haute réputa- 
tion méritée de son fondateur, pour mieux 



ji préface; 

exploiter un riche commerce. Cet expérimenta- 
teur devient donc un concurrent d'autant plus 
dangereux que sa découverte est plus sérieuse 
et mieux fondée, et il peut être certain d'a- 
vance d'un refus. 

Heureusement, de pareilles lois rétrogrades 
n'existent pas à l'étranger où le travailleur est 
écouté et encouragé. Heureusement aussi, que 
l'expérimentateur convaincu ne se laisse dé- 
courager par aucun obstacle, par aucune con- 
tradiction. Lorsqu'une cabale parvient à 
entraver un instant le succès d'un savant, 
l'avenir se charge de transformer ce succès en 
triomphe. C'est ce qui est arrivé pour Jenner, 
Pasteur, Yillemin, Robert Koch, Claude. 
Bernard et Behring qui ont été combattus 
avec acharnement par les corps savants de: 
leurs pays respectifs. 

Nous croyons qu'il est impossible de main- 
tenir une pareille loi rétrograde qui, un jour 
ou l'autre, sera modifiée, quand on aura biea 
compris son inutilité et son danger. Les pou- 
voirs publics autorisent le médecin dé pres- 
crire chaque jour des produits toxiques 
autrement dangereux, et dont l'efficacité n'est 



PRÉFACE jii 

nullement démontrée. Les pharmaciens et 
souvent des élèves inexpérimentés manient 
ces agents, les délivrent au public ignorant 
entre les mains duquel Faction peut devenir 
mortelle. Et ces mêmes autorités exigent des 
garanties spéciales pour une méthode inoffen- 
sive! G est une mystification profitable à un 
clan , et non pas une loi de protection. 

Samuel BERNHEIM. 



IMMUNISATION 



ET 



SERUMTHERAPIE 



CHAPITRE PREMIER 
IMMUNITÉ NATURELLE 

I 
DÉFINITION 

L'immunité naturelle est la propriété que pos- 
sèdent les animaux de résister à certaines mala- 
dies iofectieuses ou à certaines intoxications. UlÛe 
s'agit pas là d'une habitude contractée, mais d'une 
résistance spontanée, naturelle, inhérente au 
sujet. 

D'après Schleich, l'immunité ne serait jamais 
spontanée, mais c'est une qualité toujours créée 
par la race animale. C'est ainsi qu'on devient 
immun par une maladie antérieure. Mais le plus 
souvent cet état réfractaire est congénital, c'est-à- 
dire transmis par naissance des ascendants aux 
enfants. Suivant cet auteur, une syphilis ou une 
tuberculose des parents confère aux enfants une 

IMMUNISATION 1 



2 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÉRAPUS 

immunité syphilitique ou tuberculeuse. De même, 
certaines épidémies, telles que la peste noire, la 
lèpre, etc., ont complètement disparu dans diffé- 
rents pays, parce que ces infections ont pour ainsi 
dire vacciné différentes générations et leur virus 
est devenu inoffensif sur les héritiers de ces géné- 
rations (épuisement du terrain). 

Nous verrons plus loin ce qu'il faut retenir de 
cette opinion. Disons en attendant qu'aucun animal 
ne possède Timmunité absolue. Quelle que soit la 
résistance d'un organisme, ce dernier peut toujours 
être vaincu par une dose trop massive de mi- 
crobes ou par un degré plus ou moins élevé de 
toxines. 

Il faut insister, en outre, pour dire que cette 
immunité varie suivant les classes , suivant les 
familles, suivant les espèces. Dans une même 
espèce animale, la puissance d'immunité varie et 
on retrouve même cette échelle ascendante ou 
descendante chez le même individu suivant les 
conditions personnelles, dans lesquelles il se 
trouve. 

Il y a peu d'années encore cette immunité, 
connue cependant, était entourée de croyances 
mystérieuses. Aujourd'hui , elle apparaît sous un 
jour plus scientifique, grâce aux nombreuses 
découvertes récentes, grâce aux recherches mo- 
dernes si intéressantes poussées dans les domaines 
physiologique, biologique et chimique. On com- 



IMMUNITÉ NATURELLE 3 

mcnce maintenant à connaître, sinon sa nature 
intime, du moins les principaux facteurs de son 
existence. Considérée autrefois comme propriété 
absolue de l'animal, on n'a pas tardé à recon- 
naître que rimmunité n'était que relative et 
qu'elle dépendait soit du terrain, soit du micro- 
organisme pathogène, soit des conditions d'at- 
taque. Le microbe peut être modifié dans sa 
quantité^ et Timporlance de ce facteur ne peut 
être niée après les recherches de Chauveau, Wat- 
son-Cheyne, de Bollinger, de Bouchard, de Wiro- 
kovicz, de Grancher, Ledoux, etc. 

Chauveau a montré que les moutons algériens, 
relativement réfractaires au charbon, contractent 
la maladie lorsqu'on leur fait une inoculation 
hypodermique de doses énormes de culture. Il 
suffit, au contraire, de piquer un mouton français 
sous l'épiderme de Toreille pour le tuer. 

D'après Watson-Cheyne, un seul bacille char- 
bonneux fait périr un cobaye, un seul bacille de 
la septicémie une souris, pourvu que ces bacilles 
soient très virulents et les animaux très sensibles. 
Le cobaye ne souffre pas de l'injection d'un petit 
nombre de bacilles de la septicémie des souris. 
Quelques milliers ne lui occasionnent qu'un abcès ; 
au delà de cette dose, il meurt. 

Watson-Cheyne a obtenu des résultats sem- 
blables avec le staphylococcus aureus, le micro- 
coccus tetragenus et le microbe de la salive 



4 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

humaine, avec lequel Pasteur a pu donner la sep- 
ticémie au lapin. Quelques microbes du choléra 
des poules font succomber le lapin. Moins de dix 
mille sont inoffensifs pour le cobaye ; plus de dix 
mille lui causent un abcès ; trois cent mille le 
tuent. 

Le proteus vulgaris est considéré comme non 
virulent. Watson-Gheyne a produit un abcès chez 
le lapin, en lui injectant plus de 112 millions de ce 
microbe; 225 millions le tuent après vingt-quatre 
ou trente-six heures. 

Charrin a prouvé, comme Bouchard, du reste, 
pour le pus bleu, que la dose fait varier même les 
détails des symptômes. En Tinjectant dans les 
veines, il a vu que la durée de la maladie était 
inversement proportionnelle à la quantité des mi- 
crobes injectés. La fièvre aussi est d'autant plus 
intense que la quantité de la culture injectée est 
plus considérable. Il est de même de Talbuminurie 
produite : 2 et 3 centimètres cubes l'ont déterminée 
au bout de douze heures, un centimètre le lende- 
main seulement. 

La puissance toxique des microbes dépend non 
seulement de leur quantité, mais aussi de leur 
qualité. Cette qualité peut être modifiée par di- 
vers facteurs tels que la lumière, l'électricité, la 
chaleur, la pression, l'humidité, la sécheresse, etc. 
D'Arsonval et Charrin ont montré le rôle que 
jouent ces facteurs dans la nature pour constituer 



IMMUNITÉ NATURELLE 5 

ce que les anciens avaient nommé le génie épî- 
démique. L'âge de la culture et les modifications 
chimiques du milieu, dans lequel se développent 
les microbes, ont également une grande impor- 
tance : ils influent sur leurs propriétés et même 
sur leur forme. 

Nous ne nous arrêterons pas à ces modifica- 
tions, sur lesquelles nous reviendrons plus lon- 
guement à propos de la vaccination et de l'immu- 
nisation. 

Nous envisagerons plutôt ici Tétude du terrain^ 
qui est si capital dans ces questions. Au cours 
d'une épidémie, il y a des individus épargnés, 
ou chez lesquels la maladie évolue avec plus 
de bénignité, alors que d'autres, vivant dans les 
mêmes conditions, sont fortement atteints. La 
raison de ces immunités tient à la façon diverse 
dont ces individus réagissent, en particulier par 
leur système nerveux, qui modifie alors les hu- 
meurs et les propriétés cellulaires. Que le microbe 
puisse mieux se développer, mieux sécréter, et il 
sera plus pathogène. Sans doute, il est la cause 
première ; mais la dépréciation de l'organisme est 
la cause seconde, sans laquelle il n'agit pas, sans 
laquelle il est stérile. Un organisme faible suc- 
combe, un organisme fort résiste. C'est ce que 
nous enseigne l'étude étiologique des diverses in- 
fections ; mais d'abord, nous voudrions signaler 
la grande influence de la porte d'entrée. 



6 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

II 

* PORTE D'ENTRÉE 

C'est Ghauveau qui Ta, le premier, signalée 
pour la vaccine. Elle a été ensuite mise en lu- 
mière par Galtier, par MM. Arloing, Corncoin et 
Thomas. 

La pénétration des microbes par le tissu con- 
jonctif, les veines, le sang, le péritoine, les voies 
digestives, la trachée, les voies biliaires, la plèvre, 
les méninges, la vessie, les uretères, etc., leur fait 
rencontrer des conditions chimiques et dyna- 
miques variées, qui ne peuvent que retentir sur 
leurs fonctions et leur évolution. La bactéridie 
charbonneuse, introduite dans le tissu cellulaire, 
détermine la mort. Par la voie vasculaire, elle 
n'amène qu'une légère affection immunisante. 

La voie digestive est, de toutes, la moins favo- 
rable à rinfection. L'épilhélium oflre une barrière 
naturelle, que les microbes ne franchissent qu'à la 
faveur d'une lésion. De plus, les sucs digestifs, et 
particulièrement le suc gastrique, possèdent une 
action microbicide, ou au moins atténuante. On 
sait la rareté du bacille de Koch dans l'estomac 
et du charbon intestinal. M. Charrin,de même, a 
prouvé que le pyocyanique, sur lequel il a publié 
de si remarquables travaux, est à peu près inof- 



IMMUNITÉ NATURELLE 7 

fensif par la bouche, et n'exerce aucune vaccina- 
tion. 

Pour tuer un lapin, il faut un dixième de centi- 
mètre cube de culture du même 'microbe par la 
voie intra-veineuse, 1 centimètre cube et plus 
par la voie sous-cutanée. De faibles quantités, 
injectées sous la peau, confèrent l'immunité 
pour des doses plus fortes. Par le péritoine, l'ac- 
tion est moins énergique que par les vaisseaux. 
Par la veine-porte, elle n'est pas modifiée par le 
pouvoir anti-toxique du foie. L'injection dans la 
trachée, au contraire, n'est efficace que si on a fait 
subir à sa muqueuse uii traumatisme préalable, si 
elle est poussée jusqu'à des doses capables d'en- 
traâner l'asphyxie, ou si on a sectionné un des 
pneumogastriques (expérience de Gharrin et 
Ruffer). 

Le rôle de la porte d'entrée est mis en lumière 
non seulement par la pathologie expérimentale, 
mais encore par la pathologie humaine. La variole 
congénitale, qui se transmet par le placenta dans 
le sang du fœtus, est plus grave que la variole 
acquise par l'infection des voies respiratoires. 
Dans la syphilis héréditaire, où le virus est entré 
non par les ganglions, mais par le sang, il n'y a 
pas de chancre, toutes les périodes sont confon- 
dues. Ghauveau, et plus récemment Straus, ont 
inoculé le virus-vaccin dans les veines. Il ne se 
produit pas alors de boutons localisés, mais il 



8 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE 

survient de la fièvre, et des éruptions cutanées 
diffuses. Dans une glande de la peau, le staphylo- 
coque fait le furoncle, dans la moelle des os Tos- 
téomyélite. 

. Ainsi, Torganisme présente une série de milieux, 
qui sont, pour les microbes, tout autant de bouil- 
lons, diversementfavorables à leur développement. 
Puisqu'il en est ainsi, il n'est pas étonnant que 
.les diverses espèces animales se comportent diffé- 
i*emment vià-à-vis d'une même affection. Jugeons 
par quelques exemples : 

Charbon. — A propos du charbon, Chauveau 
a montré, ainsi que nous l'avons déjà dit, que 
les moutons algériens sont réfractaires au char- 
bon. Cette immunité est due à la race, puisque 
les moutons français contractent la maladie en 
Algérie. Les lapins sont plus résistants que les 
cobayes et les souris. Il en survit environ 1 sur 40. 
11 est facile de tuer les jeunes rats blancs par le 
charbon, tandis qu'il ne détermine souvent chez 
les vieux qu'une lésion locale. Les bœufs et les 
veaux, quoique plus souvent atteints que les mou- 
tons, sont peu sensibles à l'injection hypoder- 
mique. En Algérie, leur résistance est plus grande 
qu'en Europe. Les chevaux sont beaucoup moins 
exposés que les moutons, bien qu'en Russie on en 
ait observé des épizooties. Les porcs sont peu sen- 
sibles au charbon. 



IMMUNITÉ NATURELLE 9 

Qui ne connaît Timmunité des carnassiers ? La 
viande charbonneuse est inoffensive pour le chien, 
le chat, le renard. Pourtant, si on s'adresse à de 
jeunes animaux, ou qu'on injecte du virus char- 
bonneux dans les veines, on détermine la mort. 
C'est ainsi que Toussaint a tué 2 jeunes chiens 
M. Roger, ayant introduit un demi-centimètre 
cube de culture dans les veines de 4 chiens adultes, 
les a vu périr au bout de trois à cinq jours. Le chat 
lui a paru plus résistant. 1 centimètre cube, injecté 
à 2 animaux, n'en a tué qu'un seul au bout de 
cinq jours. 

Le charbon n'atteint guère les oiseaux, surtout 
les poules; on peut cependant tuer les moineaux 
et les pigeons. On sait d'ailleurs que Pasteur pri- 
vait la poule de son immunité, en plongeant ses 
pattes dans l'eau. 

Les animaux à sang froid possèdent une immu- 
nité, qui n'est pas non plus absolue. 22 crapauds, 
inoculés avec du charbon par Fischel, sont tous 
morts. Des grenouilles, placées par Gibier dans de 
l'eau à 38^, devinrent charbonneuses. Sur 27 gre- 
nouilles injectées, (Emler en a tué 6. S'appuyant 
sur le fait de la mort de plusieurs grenouilles 
portées pendant vingt-quatre heures à 30°, et ino- 
culées après avoir été remises dans l'aquarium, 
M. Roger pense que < le chauffage ou le refroidis- 
sement prédispose au charbon, non pas tant en 
modifiant la température qu'en troublant l'état 



\0 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIB 

général des animaux et diminuant ainsi leur résis- 
tance à la bactéridie ». 

Morve. — Les bovidés y sont entièrement réfrac- 
taires. Le porc n'y est guère sensible, quoique 
Spinola ait réussi à la lui transmettre. Elle épar- 
gne également le chien. Comme Tont montré 
Saint-Cyr et Peuch, il se produit chez lui une ulcé- 
ration qui guérit après cicatrisation. Balinsky 
a pourtant constaté la virulence des paren- 
chymes dix-huit heures après l'injection hypoder- 
mique et la persistance de cette virulence pendant 
six et huit mois. Mais il y a atténuation du microbe 
dans l'organisme. Les oiseaux sont peu sensibles 
à la morve, pour ne pas dire réfractaires. Cepen- 
dant, l'immunité du pigeon est incomplète. 

Tuberculose. — En provoquant la tuberculose 
expérimentale on peut s'apercevoir qu'une injec- 
tion avec la même culture de bacilles faite à diffé- 
rents animaux ne cause pas toujours les mêmes 
accidents. Certains sujets soumis à l'expérience 
sontatteints immédiatement d'une phtisie aiguë ou 
galopante, tandis que d'autres restent réfractaires 
à la première inoculation ou ils sont atteints à un 
degré chronique d'une moindre intensité. Cepen- 
dant aucun animal ne résistera à des inoculations 
répétées et massives, et s'il ne se développe pas 
chez lui de granulations, il succombera d'intoxi- 
cation. 



IMMUNITÉ NATURELLE 11 

On peut observer, de même, en clinique humaine 
et vétérinaire, certains individus très sensibles à la 
moindre contagion d'un produit tuberculeux, tan- 
dis que d'autres vivent pendant des années au mi- 
lieu et au contact de phtisiques sans éprouver la 
moindre atteinte. 

La tuberculose est exceptionnelle chez la chèvre, 
le chien, Tâne, la brebis : elle est cependant ino- 
culable à tous ces animaux. Elle est plus com- 
mune chez le cheval. Le singe très sensible à l'ino- 
culation, comme Dieulafoy et Krieshaber l'ont 
démontré, ne devient pas souvent tuberculeux 
spontanément dans son pays natal. Il fournit au 
contraire un contingent énorme à la phtisie, lors- 
qu'il est exporté. 

La plupart des carnassiers, sauf le chien, sont 
très sensible à la contagion tuberculeuse. 

Les animaux à sang froid sont, au contraire, 
réfractaires à cette maladie, et l'inoculation ne 
produit chez eux aucun développement granu- 
laire ; les animaux sont tués par intoxication. 

Nous n'avons cité avec intention que trois mala- 
dies type (charbon, morve et tuberculose) espérant 
que ces exemples suffisent pour démontrer la rela- 
tivité de l'immunité. Nous reviendrons sur ce point 
intéressant dans d'autres chapitres lorsque nous 
étudierons l'immunisation de chaque maladie 
infectieuse bien connue (choléra, tétanos, érysi- 



i2 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

pèle, fièvre typhoïde, etc.). Disons, en attendant, 
que celte relativité de Tétat réfractaire devient 
encore bien plus apparente lorsqu'on étudie, pour 
un même organisme, les différentes conditions 
physiologiques et pathologiques, dans lesquelles 
rindividu peut se trouver. Ces conditions sont 
d'ordre externe ou interne; examinons d'abord 
les premières. 

III 
CONDITIONS EXTÉRIEURES 

1** Climat. — La fièvrejaune, par exemple, n'est 
que passagère en Europe. Les pays chauds sont le 
lieu de prédilection des troubles intestinaux, des 
maladies du foie, des fièvres intermittentes. La 
peste ne prospère que rarement dans notre conti- 
nent. Le choléra nous est importé d'Asie. Le cli- 
mat influe sur l'érysipèle, qui n'apparaît pas à 
toutes les latitudes. En un mot, l'influence du 
climat sur les maladies infectieuses ne fait plus de 
doute pour personne. 

2^ Altitude. — La malaria sévit principalement 
dans la plaine. Au-dessus de 300 mètres, elle est 
plus rare. Aussi, l'arabe d'Algérie passe-t-il la sai- 
son des fièvres sur les hauts plateaux, et l'Anglais, 
aux Indes, dans \essanat07'ia établis sur des hau- 
teurs. 



IMMUNITÉ NATURELLE 13 

M. Laveran a constaté la rareté du paludisme à 
Gonstantine et sa fréquence dans la vallée de Rum- 
mel, située à 130 mètres au-dessous de cette, 
ville. 

On a remarqué aussi l'influence de l'altitude sur 
l'érysipèle. 

La tuberculose de même ne sévirait pas, ou 
presque pas, sur les lieux élevés, ainsi que Ta vul- 
garisé surtout M. le professeur Jaccoud. A partir 
de 1,300 mètres, on ne la rencontrerait presque 
plus. Cela tiendrait à la pureté et à la sécheresse 
de l'air, à l'égalité de la température et à la dimi- 
nution de la pression. 

Cependant Jacoby a pu conclure d'une étude sur 
cette question que les hautes régions ne sont pas 
indemnes de la tuberculose. 

C'est ainsi qu'à Mexico et à Madrid, elle n'est 
pas rare. On la rencontre parmi des ouvriers tra- 
vaillant dans des ateliers sur des contrées très 
hautes, comme à Joux et à la Chaux-de-Fonds. 
D'après Spillmann, elle est fréquente dans les 
hautes Vosges et le Tyrol. 

3** Saisons. — Dans les climats chauds, l'heure 
de la journée a même son importance. C'est au 
coucher du soleil, qu'on court surtout le risque 
de l'impaludisme. 

Sur notre continent, on sait que les trimestres 
d'hiver et du printemps fournissent deux fois plus. 



14 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE 

de pneumonies que ceux de Télé et de l'automne 
Wîlhem Ziemssen avait constaté, dès 1888, que le 
maximum de fréquence correspond à mars, avril 
et mai, le minimum à juin, juillet et août. 

On sait également, depuis Hippocrate, que les 
phtisiques meurent surtout à Tautomne. 

4" Froid. — L'influence pathogénique du froid 
était, dans Tancienne médecine, une notion pré- 
dominante. En resserrant les vaisseaux périphéri- 
ques, il refoule le sang dans les viscères et y occa- 
sionne des congestions. Localement, il occasionne 
des érythèmes, de la vésication, de la gangrène. 
L'humidité le rend encore plus nuisible. 

Nous avons déjà dit que Pasteur a conféré le 
charbon à une poule refroidie. Donc, Thypother- 
mie, produite par le froid, est une des causes de 
son action; mais ce n'est pas la seule. Holm a 
prouvé qu'il trouble le pouvoir phagocytaire, et 
la vie cellulaire. C'est ce qu'avait vu également 
Bouchard (Congrès de Berlin, 1890). Il introduit 
sous la peau de lapins vaccinés contre le pyo- 
cyanique des cellules de Ziegler, puis injecte une 
culture dans et autour de ces cellules. Un premier 
lot de lapins est laissé libre. Le second est soumis 
à l'immobilisation. Deux à quatre heures après, la 
température de ces derniers est tombée de 39 à 
34**,32. Retirant alors leurs cellules, on constate 
que la diapédèse y est médiocre ou nulle. Chez 



i 



IMMUNITÉ NATURELLE 15 

les premiers, au contraire, elle est considérable. 
Donc, la diminution de résistance du terrain nuit 
à la diapédèse. 

Pasteur a, le premier, affirmé que le sang nor- 
mal ne contient pas de microbes. Bouchard Ta 
trouvé stérile, même aprèè avoir plongé vivement 
des cobayes dans l'eau, de façon à abaisser leur 
température rectale jusqu'à 3P, en moins de trente 
minutes. Mais en les refroidissant par l'immo- 
bilisation, le séjour dans la glacière, la faradîsa- 
tion cutanée, le vernissage, il vit au bout de deux 
heures, chez 1 sur 4 au moins, une goutte de sang 
donner des colonies. 

L'expérience de Pasteur, rappelée plus haut, a 
été reprise par M. Trabeznikoff à l'institut Pas- 
teur. On injecte dans le sang d'une poule des 
spores charbonneuses. Elle ne meurt pas, et après 
180 jours l'examen microscopique laisse encore 
voir les spores dans les phagocytes. On réalise 
ainsi le microbisme latent de M. Verneuil. Si alors 
on refroidit la poule, on lui donne le charbon. 
Les spores ont germé, et les bactéries se sont 
répandues des leucocytes dans le sang. 

Le froid agit non seulement sur le charbon, 
mais sur Térysipèle. Il favorise les pleurésies et 
surtout les bronchites. On connaît aussi l'action 
funeste du froid humide sur l'évolution de la 
tuberculose. De même, la diphtérie est plus fré- 
quente et plus grave en automne, en hiver, au 



16 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

début du printemps, et par les temps froids et 
humides. 



5** Chaleur. — La chaleur excessive, c'est-à-dire 
dépassant 40°, est aussi défavorable que le froid. 
Maurel a reconnu qu'une température, dépassant 
positivement la normale, altère les leucocytes. 
Les transitions brusques entraînent des phéno- 
mènes vaso-moteurs, qui modifient les humeurs, 
font transsuder les plasmas, et sortir les globules. 
Nous avons déjà dit que Gibier a donné le charbon 
aux grenouilles en les chauffant. 

A propos du paludisme, Laveran fait observer 
qu'il augmente de fréquence et de gravité à mesure 
qu'on descend des pôles vers l'équateur. 

On sait aussi que l'exposition au soleil, l'expo- 
sition au feu (forgerons, cuisiniers, chauffeurs) 
favorise l'explosion de la fièvre jaune. 

La tuberculose est plus commune dans les pays 
tempérés que dans les pays froids. 

6*^ Jeûne. — Zasiadko a étudié {Vratck^ 
sept. 1890) les variations de régime, 

Ganaliset Morpurgo {Fortschi\der Med, , 15 sept., 
1®*" oct. 1890) ont bien observé l'influence de l'ina- 
nition sur la réceptivité pour les infections. Expé- 
rimentalement, sur le pigeon, ils ont vu que son 
immunité naturelle pour la pustule maligne fléchit 
lorsqu'on le soumet au jeûne. Bouchard a vu 



^ 



IMMUNITÉ NATURELLE 17 

qu*il en était de même pour Timmunité artificielle 
des lapins. Ces expériences démontrent donc le 
rôle que joue la misère physiologique dans Téclo- 
sion des maladies infectieuses. 

L'inanition agit en abaissant la température, 
diminuant le glycogène du foie, ralentissant le 
mouvement et le pouvoir digestif des viscères, épui^ 
sant Torganisme, etc. La surabondance d'alimen- 
tation est, d'ailleurs, nuisible par l'excès opposé. 

7^ Traumatisme. — Ainsi que l'a prouvé Gama^ 
léia {Ann. Inst. Pasteur^ 1887), le pneumocoque 
est inofifensif par la trachée. Il le devient lorsqu'on 
lèse la muqueuse. On a d'ailleurs souvent cité 
une contusion du thorax au début de la pneu- 
monie. Ghauveau a montré l'influence du bistour* 
nage. Max SchuUer a provoqué par le trauma* 
lisme des tumeurs blanches chez les tuberculeux, 
et on sait que le streptocoque et le staphylocoque 
font des endocardites, des péricardites, des péri- 
tonites, des ostéo-myélites, des arthrites, lorsqu'on 
cautérise les valvules endocardiques, le péricarde, 
lorsqu'on irrite le péritoine ou qu'on provoque 
des fractures et des entorses. 

D'après Herman {Ann, Inst, Pasteur^ 1891), le 
bacille pyocyanique ne fait souvent rien sous la 
peau du lapin. Il en est tout autrement, après 
distension ou irritation chimique du tissu con- 
jonctif. 

IMMUNISATION^ 2 



18 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRÀPIE 

Perroud attribue la fréquence et la localisation 
sous-claviculaire de la tuberculose chez les marins 
du Rbône à l'usage qu'ils font d'un instrument, 
gaflfe ou harpie, pour prendre point d'appui sur le 
bord; du fleuve en le plaçant sur leur poitrine. 
Un traumatisme, portant surtout sur la rate 
(de Brun), ramène souvent l'accès de fièvre. 

8*^ Encombrement. — Murchison le signale, 
avec le défaut de ventilation, comme une des causes 
prédisposantes du typhus. Il en est de même de 
la fièvre typhoïde. On sait aussi l'influence de 
l'agglomération des villes sur la mortalité des 
phtisiques, qu'a bien mise en lumière Peter», 
La respiration de l'air ruminé, que Mac Cornac 
(de Belfast) appelle air prérespiré^ débilite l'or- 
ganisme, en produisant, suivant le mot de Peter, 
l'inanitiation des voies respiratoires. L'air confiné 
a une teneur plus grande en GO*, et moindre 
en oxygène et ozone ; il contient de l'oxyde de 
carbone, des vapeurs ammoniacales et le poison 
organique de l'haleine étudié par Brown-Sé- 
quard et d'Arsonval. Il a perdu alors les pro- 
priétés d'aliment gazeux, il est impropre à l'hé- 
matose. 

En revanche, l'influence salutaire du grand air 
est connue, particulièrement pour la tuberculose. 
La création récente des sanatoria maritimes a 
montré les bons effets de l'atmosphère marine, à 



IMMUNITÉ NATURELLE Id 

laquelle croyait déjà Lasègue, qui est mort phti- 
sique sur une plage de la Normandie. 

L'encombrement est, avec le de'faut d'insolation 
et d'alimentation, le fléau des casernes, prisons, 
asiles d'aliénés, bureaux, ateliers, couvents, orphe- 
linats, etc. 

IV 
CONDITIONS D'ORDRE interne' 

Nous venons de passer en revue les conditions 
d'origine externe qui affaiblissent la résistance de 
l'individu. Nous allons succinctement étudier main: 
tQj^ptnt celles qui dépendent de lui. 

l°Age. — Une même infection prend des aspects 
divers chez l'enfant, l'adulte ou le vieillard. Au- 
dessous d'un an, les entérites prédominent. Au 
moment de l'adolescence, ce sont surtout les 
ostéomyélites, les fièvres éruptives, etc. La fièvre 
typhoïde est une maladie de la jeunesse et de l'âge 
adulte, le cancer survient plutôt entre cinquante 
et soixante ans. 

L'érysipèle est rare avant la puberté et est bien 
moins fréquent dans la vieillesse. 

La diphtérie atteint la première enfance. C'est 
surtout entre trois et six ans qu*elle a son maxi- 
mum de fréquence. 



20 IBCMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Chez Tenfant, selon Hockringer, il est rare que 
la malaria se manifeste avec de Tapyrexie vraie. 

L'inoculation du virus péripneumo nique à deux 
veaux, l'un à la mamelle, l'autre plus âgé, déter- 
mine, chez le premier, une maladie générale, chez 
le second, une lésion locale œdémateuse au niveau 
du médiastin. 

2** Sexe. — La fièvre typhoïde est plus fréquente 
chez l'homme (Besnier), plus meurtrière chez la 
femme (Hayem, Cadet de Gassicourt). La péritonite 
tuberculeuse est plus grave pour cette dernière. 

De même, la coqueluche atteint plus souvent 
les filles que les garçons. La femme, aussi, est plus 
souvent phtisique que l'homme. 

Cette influence du sexe tient au défaut de résis- 
tance, qu'entraîne tout ce qui complique la vie 
génitale de la femme. 

La menstruation et la puerpéralité ^provoquent 
des récidives d'érysipèle. La grossesse et la lacta- 
tion mettent la femme en danger de tuberculose, 
DU en accélèrent la marche lorsqu'elle existe « 
M. Galliard a montré l'influence de la grossesse 
sur le choléra. On connaît aussi celle qu'il exerce 
sur la fièvre typhoïde. 

3*^ Racôs. — Les fièvres palustres n'atteignent 
presque jamais les nègres. Ceux qui sont accli- 
tnatés en Amérique ou en Europe y sont plus sen- 



IMMUNITÉ NATURELLE M 

cibles. D'après Laveran, elle est moins grave, en 
Algérie, chez les Arabes que chez les Européens. 

La race jaune et les métis jouissent d*une immu- 
nité à peu près complète à Tégard de la fièvre 
jaune. Les Européens émigrés lui payent au con- 
traire un large tribut. Les créoles, vivant dans 
les colonies, où règne la fièvre jaune, en sont assez 
indemnes. 

De même, les nègres, comme les singes, sont pré- 
disposés à la tuberculose lorsqu'ils sont expatriés. 

4° Fatigue. — On a décrit avec soin les altéra- 
lions anatomiques qu'elle détermine chez le gibier 
couru. Chez Thomme, on a attribué au surmenage 
le purpura, le pseudo-rhumatisme, une fièvre spé- 
ciale, mais sans savoir s'il s'agissait d'une auto* 
intoxication pure ou d'une infection favorisée par 
elle. Soloriieff a montré que la fatigue de l'homme 
et du cheval diminuent leur résistance à la morve 
ou au charbon. Kelsch, dans ses leçons, a mis en 
relief l'excès de travail imposé aux soldats dans 
l'étiologie des infections. 

Mais ce sont surtout les expériences de Charrin 
et Roger {Société de Biologie, janvier 1890) qui 
ont démontré, pour le charbon symptomatique et 
bactérien, l'influence favorisante de la fatigue 
générale et du surmenage. On connaît quel rôle 
joue ce surmenage physique ou moral dans l'étio- 
logie de la tuberculose. 



22 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

5*^ Splénectomie. — Burdach, extirpant la rate à 
des animaux (Ann. Inst, Pasteur, 1889), a vu 
diminuer leur résistance contre les infections. 
On Ta prouvé également pour le pyocyanique. 

6° Lésions nerveuses. — Le système nerveux 
est le régulateur des phénomènes vitaux, ainsi 
que Ta bien montré Gh. Richet. C'est le système 
nerveux qui, par ses vaso-moteurs, commande à 
la nutrition des tissus. Il n*est donc pas étonnant 
que ses lésions favorisent l'infection. G*est ce 
qu'ont montré les recherches de Charrin et Ruffer, 
de Roger, de Féré, de Herman. Charrin et Ruffer 
ont vu le pyocyanique prospérer mieux après la 
section du sciatique. Herman a confirmé (Ann. 
InsL Pasteur, 1891) ces expériences. Roger a 
montré {Soc. de Biologie, 1890) que la paralysie 
vaso-motrice, consécutive à Tarrachement du 
ganglion cervical supérieur, favorise le dévelop- 
pement du streptocoque. Il en est de même de la 
section des nerfs sensitifs. 

7° Intoxications. — On a prétendu que le plomb, 
Talcool nuisaient au bacille de Koch, et Burcq 
que le cuivre s'opposait à l'éclosion du choléra. 
Mais ces doctrines ont été bien souvent mises en 
défaut, et c'est plutôt le contraire qu'il faut aujour- 
d'hui admettre. 

Lancereaux a insisté dans ces derniers temps 



IMMUNITÉ NATURELLE 28 

sur la prédisposition des alcooliques à la tuber- 
culose. On sait également combien ils résistent 
peu aux autres infections pulmonaires, au choléra 
et à la fièvre typhoïde. 

L'inQuence néfaste de certaines professions 
rentre dans cette catégorie des intoxications. 

8*" Auto-intoxications. — Bouchard a montré que 
les infections stomacales et intestinales favorisent 
le développement du staphylocoque. D'après Char- 
rin, le sublimé à des doses très petites rend le 
cobaye plus susceptible au pyocyanique. Les 
érythèmes iodiques, ou bromiques peuvent aussi 
amener la formation de vésicules, et de bulles, 
aboutissant à la suppuration. 

9''Diathëse& et affections diverses. — Dijnid, 
Perraro ont montré la part du sucre dans la 
genèse des suppurations, de la gangrène, et de 
la tuberculose au cours du diabète. Chez le gout- 
teux, la phtisie est plutôt fibreuse. On a cru long- 
temps que la scrofule était une cause prédispo- 
sante à la tuberculose. D'après Marfan [Traité de 
Médecine^ t. I), une écrouelle bien guérie confé- 
rerait même l'immunité. 

Noua n'insisterons pas davantage sur ces in- 
fluences, dont l'étude relève plutôt de la patho- 
logie. D'ailleurs, pous reviendrons sur l'immuni- 
sation conférée par les maladies antérieures. 



24 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Il nous suffit maintenant d*avoir montré que la 
malignité des infections n*est plus inexplicable 
et mystérieuse, comme elle Tétait pour les an- 
ciens. 

Sydenham en niait Texisteiice. Plus tard, on 
voulut Texpliquer par la gravité des désordres 
anatomiques. Mais aujourd'hui, on sait que sa 
véritable raison est dans les propriétés du terrain, 
que rencontre le microbe. Suivant que ce terrain 
sera doué d'une immunité plus ou moins grande, 
ou qu'il aura subi une dépréciation plus ou moins 
profonde, il réagira différemment contre les 
germes infectieux, il sera vainqueur ou vaincu. 



V 
CAUSES DE L'IMMUNITÉ 

Il était indispensable de passer en revue les 
différentes conditions qui mettent Tindividu dans 
un état de résistance moindre, qui, en un mot, 
diminuent son immunité naturelle. Cette étude des 
causes susceptibles de déprécier l'organisme était 
utile pour démontrer la relativité de cet état 
réfractaire. L'immunité existe néanmoins et nous 
devons maintenant examiner les théories qui ont 
été émises pour l'expliquer. 

Ces théories sont aussi bizarres que multiples. 
Nous ne citerons d'elles que celles qui sont dignes 



IMMUNITÉ NATURELLE 25 

d'être connues ou qui ont participé à élucider ce 
chapitre si difficile. Les unes sont purement cel- 
lulaires, les autres purement humorales, les autres 
cellulo-humorales, si on peut s'exprimer ainsi, 
les autres enfin invoquent les réactions vaso- 
motrices. 

10 Théorie cellulaire. Phagocytose. — C'est 
Metchnikoff, qui en a été le promoteur. En 1883, 
il a mis hors de doute l'existence d'une digestion 
iatra-cellulaire, en montrant que les nomades 
peuvent digérer des filaments végétaux, que les 
cellules du mésoderme faisaient de même pour 
les bactéries, et que cette fonction phagooytaire 
était dévolue chez les êtres supérieurs aux leuco- 
cytes. 

Glage a vu, autour des foyers de ramollisse- 
ment ou d'hémorragie des centres nerveux, des 
globules blancs digérer la myéline désintégrée. 
Ce sont ces mêmes globules qui, en digérant la 
fibre musculaire, digèrent la queue du têtard. 

Chez un crustacé d'eau douce, la daphnie, on 
voit les leucocytes affluer autour des spores 
d'algues, pénétrer dans le mésoderme. 

Metchnikoff a multiplié ces exemples de dé- 
fense cellulaire chez les invertébrés. Mais nous ne 
nous occuperons que de leur existence chez les 
animaux supérieurs. 

11 a distingué deux sortes de phagocytes : les 



26 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

mobiles ou microphages, et les immobiles ou 
macrophages. Les premiers comprennent les glo- 
bules blancs de la lymphe et du sang. Les plus 
petits de ces globules, nommés lymphocytes, sont 
gros à peu près comme un globule rouge, et ont 
le noyau très colorable par les couleurs d'aniline. 
Ils abondent dans les ganglions lymphatiques, 
la rate, la moelle des os. Ce sont les jeunes leu- 
cocytes. 

Les leucocytes mononucléaires diffèrent des 
précédents par ua protoplasma plus colorable 
par les couleurs d'aniline et par un noyau 
moindre, mais contenant beaucoup de suc nu- 
cléaire, et ayant une forme ovale ou lobée et réni- 
forme. 

Cependant, le sang humain ne contient guère 
que 20 p. 100 de ces deux sortes de leucocytes. 
Le reste est constitué par les leucocytes polynu- 
cléaires d'Ehrlich, ronds ou amiboides, à noyau 
lobé et très colorable, à protoplasma peu ou pas 
colorable. Il y en a environ 70 à 75 p. 100. 

Les 5 p. 100 qui restent sont constitués par des 
formes de passage entre les mono et les polynu- 
cléaires. Ils présentent le fait particulier de la 
présence dans leur protoplasma de granulations 
diversement colorables. On les distingue en leuco- 
cytes éosinophiles et en cellules d'Ehrlich. Le pro- 
toplasma de ces dernières est rempli de granula- 
tions rondes non colorables par les couleurs 



IMMUNITÉ NATURELLE 27 

basiques, qui se distinguent des coeci, avec les- 
quels on les a souvent confondus, par un espace 
non colorable, correspondant au noyau. 

Le noyau ovale ou lobé des éosinophiles se 
colore par les couleurs d'aniline, leurs granula- 
tions par les couleurs acides seulement (éosine, 
etc.). On trouve 4 à 5 p. 100 de ces éosinophiles 
parmi les globules du sang; mais ils abondent 
surtout dans la moelle osseuse. 

Le cobaye et le lapin présentent des cellules à gra- 
nulations fixant Téosine, mais plus petites et plus 
nombreuses. On les a nommées cellules pseudo- 
éosinophiles ou amphophiles. Chez l'homme, les 
cellules sont neutrophiles avec granulations ne 
se colorant que par un mélange d'acide et de 
base. 

Parmi toutes ces cellules, ne sont phagocytaires 
que les mononucléaires, les polynucléaires, les 
amphophiles et les neutrophiles. 

Elles ne sont pas seules de Téconomie à jouer 
ce rôle. On peut dire que tous les organes con- 
tiennent leurs éléments défenseurs, et c*est ce 
qu'on a nommé les macrophages. On range dans 
cette catégorie les cellules endothéliales des vais- 
seaux et des séreuses, les éléments fixes du tissu 
conjonctif, les cellules de la moelle osseuse, cer- 
taines cellules du foie (cellules étoilées de Kupfer), 
une partie de celles des amygdales, follicules 
clos, ganglions, alvéoles pulmonaires, etc., le 



28 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE 

sarcoplasme musculaire, les cellules des ganglions 
nerveux et de la névroglie. 

Il est à remarquer qu*à part ces dernières, tous 
les microphages sont d'origine mésodermique. 

Voyons maintenant comment les phagocytes 
luttent contre les microbes. On leur a pour cela 
supposé une propriété spéciale, qu'on a nommé 
chimiotaxie (PfeifiPer), et grâce à laquelle ils sont 
attirés ou repoussés par les corps étrangers intro- 
duits. 

Quand il y a attraction, ce corps est nommé 
positifs quand il y a répulsion, négatif. Par 
exemple, la tyrosine, l'ammoniaque, la trimé- 
thylamine, la peptone, les cultures jeunes, etc., 
sont réputés négatifs ou indifférents; le glycocolle, 
la leucine, les caséines, les vieilles cultures, etc., 
sont positifs. De même, les produits microbiens 
sont positifs pour les cellules des réfractaires, 
négatifs pour celles des animaux neufs. Dans le 
premier cas, il y a attraction des leucocytes au 
point d'inoculation; dans le second, formation 
d'un exsudât séreux. Le vibrion cholérique, par 
exemple, détermine dans le péritoine du cobaye 
un exsudât séreux sans leucocytes, dans celui du 
cobaye vacciné de la leucocytose. 

La chimiotaxie est d'autant plus positive que 
l'animal est plus réfractaire, et, par suite d'accou- 
tumance, la vaccination la transformerait de 
négative qu'elle était chez le réceptif, en positive. 



IMMUNITÉ NATURELLE 29 

La phagocytose est un acle protoplasmique, un 
phénomène de digestion intra-cellulaire. En effet, 
l'irrégularité do la coloration, et sa diminution en 
rapport avec Tintensité de Faltération prouvent 
que le microbe englobé a subi une dégénérescence 
et enfin la mort. Plus tard, même, les leucocytes 
deviennent la proie des microphages. 

Metchnikoff a pu réussir, par le froid, à arrêter 
la destruction de la bactéridie par la cellule, et 
par les aliments, à Tactiver. Ce résultat répond 
Tictorieusement à Tobjection d'après laquelle les 
phagocytes n'engloberaient que les cadavres. Il 
a d'ailleurs donné d'autres preuves. Par un colo- 
rant spécial (vésuvine), il a déterminé l'état de vie 
ou de mort des bactéries. Il a pu assister à leur 
englobement dans une goutte suspendue, et a 
même vu par la réinoculation que les microbes 
non absorbés étaient mortels pour d'autres ani- 
maux, et les microbes absorbés inoffensifs. 

La bactéridie charbonneuse pullule rapidement 
lorsqu'on la dépose dans la chambre antérieure 
de l'œil du lapin. Or, ce milieu est privé de glo- 
bules blancs. 

Pour qu'un animal soit doué d'une immunité 
plus ou moins grande, il ne suffit pas qu'il soit 
englobé ; il est nécessaire qu'il soit digéré. Cer- 
tains microbes, protégés par une membrane, tuent 
le phagocyte et infectent l'organisme. Tel est le 
bacille de la tuberculose; La bactéridie charbon* 



30 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

neuse résiste au moyen de ses spores. On les voit 
germer en transportant, deux ou trois mois après 
son inoculation, les phagocytes dans un bouillon 
nutritif, Metchnikoff explique ainsi également 
l'infection de la grenouille réchauffée et de la 
poule refroidie. 

Cet englobement, sans digestion, donne encore 
la raison de la mort par maladies chroniques 
(tuberculose, lèpre, actinomycose) ou aiguës (sep- 
ticémie des souris, rouget des porcs). 

Quelles sont les substances qui, dans les phago- 
cytes, entraînent la destruction des microbes? 
On rignore; en tout cas, le fait de la phagocytose 
ne peut être nié. 

Mais est-il le seul moyen de défense de l'orga- 
nisme? Gomme le dit Charrin (Traité de méde- 
cine^ t. I, p. 217), il faudrait, pour le prouver, 
€ établir que les agents pathogènes sont englobés, 
alors qu'ils sont en parfait état de santé, au 
moment où aucun facteur n'est intervenu pour 
les détériorer. Voilà ce qui n'a pas été réalisé. » 
Au contraire, les recherches les plus récentes 
prouvent que les humeurs sont douées du pouvoir 
microbicide. 

S"" Théorie humorale. Pouvoir bactéricide.— 
Dans une thèse, inspirée par Schmidt, et soutenue 
à Dorpat en 1884, Grohmann a prouvé que la 
bactéridie s'atténue dans le sang. Fodor a repris 



IMMUNITÉ NATURELI£ 31 

cette étude en 1887 [Deut. med. Woch,). Puis, la 
question a été surtout éclairée par les recherches 
de Fiûgge, celles de ses élèves, celles de Nutal 
(Zeitschr. f. Hyg.^ 1884), de Nissen [Ibidem^ 
1889), etc. Mais c'est surtout Buchner qui a con- 
tribué à rétablissement de la théorie humorale. 
On n'avait, en effet, jusqu'à lui, employé que le 
sang. Or, la destruction des microbes pouvait 
tenir à la présence des éléments figurés, à leur 
sécrétion possible de matières solubles toxiques, 
ou encore comme le faisait remarquer Duclaux 
{Ann. Inst. Pasteur, 1888), à la privation d'oxy- 
gène que subissaient les microbes. 

C'est alors que Buchner, ayant recours au 
sérum, lui a reconnu des propriétés bactéricides, 
disparaissant si Ton chauffe à 5S^ pendant une 
heure, ou que l'on augmente le pouvoir nutritif 
soit par l'addition de peptones, soit par une suc- 
cession de congélations et de dégels. 

Behring a reconnu également le pouvoir bacté- 
ricide des humeurs du rat blanc à l'égard du 
charbon, et il l'explique par leur alcalinité. Pane 
(8® Congrès italien de médecine interne, 1892)» 
Zagari et Innocente {Arch, ital. de biologie, 1893) 
acceptent aussi ce rapport entre l'alcalescence du 
sang et l'immunité. 

Metchnikoîff est le plus autorisé des adversaires 
de la doctrine du pouvoir bactéricide des humeurs. 
Dans un récent rapport au Congrès international 



32 IMMUNISATION ET SÉRUMTflÉRAPIE 

de Budapest (Ann. inst. Pasteur, 25 oct. 1894), il 
Ta vivement combattue et montré comment elle 
peut être supplantée par la théorie phagocytaire. 
L'effet microbicide étant temporaire, il croit qu'il 
s* agit d'une simple adaptation à un milieu nou- 
veau. C'est le changement brusque de milieu qu'il 
faut incriminer, parce qu'il nuit à la vitalité du 
microbe. Il est intéressant, au surplus, de rap- 
porter les thèses soutenues par Metchnikoff et 
Buchner. 

€ Ni avant le Congrès de Londres, ni dans ces 
trois dernières années, on n'a jamais pu fournir 
un seul exemple concret de cette action humorale 
dans l'organisme animal ; mais un grand nombre 
des faits recueillis s'opposent à l'admission de la 
théorie bactéricide. Aussi, M. Buchner admet 
aujourd'hui que la propriété bactéricide du sang 
est surtout due aux leucocytes qui dégagent les 
alexines capables de détruire les microbes ; lors- 
que, dans un processus infectieux, il s'établit une 
inflammation avec une accumulation considérable 
de leucocytes, ces cellules interviennent non plus 
seulement pour englobée les microbes morts, 
mais bien pour dégager d'abord le fluide microbi- 
cide. La nouvelle conception de M. Buchner n'est 
donc plus une théorie purement humorale, mais 
une théorie cellulaire, créée dans le but de con- 
cilier les anciennes théories de l'immunité. 

« MMi Hankin, Kanthack et Hardy avaient déjà 



IMMUNITÉ NATURELLE 33 

formulé une opinion qui devait concilier les théo- 
ries opposées de Timmunité. Ces auteurs ont admis 
que les alexines bactéricides étaient un produit 
de sécrétion de leucocytes éosinophiles. D'après 
leur conception, les granulations éosinophiles dé- 
gagées par les cellules tueraient les microbes qui 
sont ensuite englobés et dissous par les leucocytes 
non éosinophiles. Cette théorie est définitivement 
réfutée par M. Mésnil qui, dans un travail inédit 
exécuté dans mon laboratoire, a prouvé que, chez 
certains poissons osseux, et notamment chez la 
perche, il n'existe pas du tout de granulations 
éosinophiles ou pseudo-éosinophiles et que, mal- 
gré cela, la destruction des microbes s'opère tout 
aussi bien par les phagocytes que chez les ani- 
maux doués'de la plus grande quantité d'éléments 
éosinophiles. 

< Parmi les savants qui ont devancé M. Buchner 
dans la voie de conciliation, je dois encore citer 
M. Denys et ses collaborateurs, qui ont tâché de 
démontrer le rôle des leucocytes dans la manifes- 
tation bactéricide du sang. 

€ Voilà donc une série de tentatives qui prou- 
vent rimpossibilité de persister dans la voie de la 
conception purement humorale de l'immunité. 

€ Le c.occobacille de la peste orientale " se 
trouve, dans les cas les moins graves, en grande 
quantité à l'intérieur des phagocytes, comme l'a 
constaté M. Ë. Roux. Le petit bacille de Tinfluenza, 

IMMUNISATION. 3 



34 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIC 

découvert par M. R. Pfeiffer, présente des rap- 
ports constants et très intéressants avec les leuco- 
cytes ; au début de la maladie, la plupart de ces 
microbes sont libres, tandis que pendant la con- 
valescence leur englobement par les leucocytes 
devient de plus en plus considérable. M. Issaeff 
a pu se convaincre de la grande extension 
et de rimportance des phénomènes phagocy- 
taires dans la péritonite cholérique des cobayes ; 
la résistance remarquable des animaux, qui est 
provoquée par une simple injection du bouillon, 
de la tuberculine, ou de toute une série d'autres 
substances, s'explique d'après M. Issaeff par la 
stimulation des phagocytes qui s'incorporent les 
vibrions et débarrassent ainsi l'organisme de ces 
producteurs de poisons. M. R. Pfeiffer a accepté 
cette interprétation, qui attribue un rôle considé* 
rable aux phagocytes, mais il fait une distinction 
entre la résistance passagère due à l'injection du 
bouillon et d'autres substances, et la vraie immu- 
nité provoquée par la vaccination avec le vibrion 
ou ses produits toxiques. Dans la première, ce 
sont les leucocytes qui préservent l'organisme ^ 
tandis que de la vraie immunité, la destruction 
des vibrions est due à d'autres facteurs. 

€ Dans un tout récent travail, M. Pfeiffer insiste 
sur l'action bactéricide du liquide de Texsudat 
péritonéal des cobayes hypervaccinés contre le 
vibrion cholérique, et il se fait de l'immunité la 



IMMUNITÉ NATURELLE 35 

conceplîoa suivante : à la suite de Tinjection des 
vibrions cholériques dans le péritoine des cobayes 
hypervaccinés, les cellules vivantes, c'est-à-dire 
probablement les cellules endolhélialcs, sécrètent 
un liquide qui tue les vibrions et les dissout au 
bout de peu de temps. Les leucocytes n'intervien- 
nent que tardivemeint et ne jouent qu'un rôle 
secondaire. M. Pfeiffer en conclut que, pour la 
péritonite cholérique des cobayes, la théorie des 
phagocytes doit être considérée comme définitive* 
ment erronée. 

€ M. le ly Metchnikoffa vérifié lui-même l'exac- 
titude des faits constatés par M. Pfeifi*er. 

< En suivant rigoureusement les règles pres- 
crites par celui-ci, il a pu s'assurer que les vibrions 
cholériques dans le péritoine des cobayes hyper- 
vaccinés ou dans celui des cobayes neufs qui ont 
reçu le sérum hypervacciné restent vivants pen- 
dant plusieurs heures. Le liquide péritonéal, dans 
lequel on ne trouve que de rares vibrions englo- 
bés par les leucocytes, donne encore des cultures 
abondantes. Le plasma de l'exsudat était donc 
incapable de tuer les microbes* D'autre part, l'ob- 
servation directe prouve que, contrairement à 
l'opinion de M. Pfeiffer, le rôle des leucocytes de 
la lymphe péritonéale ne doit nullement être 
exclu dans la transformation des vibrions en glo- 
bules immobiles ^ Lorsqu'on retire le liquide péri- 
tonéal, cinq minutes seulement après l'injection 



36 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

des vibrions mélangés avec le sérum préparé par 
M. Pfeiffer, on est frappé par le phénomène sui- 
vant : les leucocytes se montrent entourés d'une 
couche de vibrions, en grande partie déjà trans- 
formés en globules. Tandis que les leucocytes 
polynucléaires, les grands monucléaires et même 
les éosinophiles sont enveloppés d'une masse 
épaisse de ces microbes, les lymphocytes et les 
globules rouges restent complètement nus et ne 
sont entourés d'aucun microbe. Ce fait démontre 
Texistence d'une action chimiotoxique des leuco- 
cytes dénommés vis-à-vis des vibrions cholériques. 
L'action de ces cellules sur les vibrions est donc 
incontestable. 

(( De plus, il a constaté un grand nombre de 
fois et aussi chez des cobayes hypervaccinés 
contre le vibrion cholérique, que le liquide ne 
renfermant que des microbes englobés dans des 
phagocytes donne des cultures pures. Introduits à 
l'étuve sous forme de goutte suspendue, les leuco- 
cytes, morts dans ces conditions, se gonflent et se 
transforment en des sacs remplis de vibrions qui 
finissent par envahir toute la goutte. Cette expé- 
rience montre que les microbes ont été englobés 
à l'état vivant et que les forces bactéricides extra- 
cellulaires étaient impuissantes à tuer totites les 
bactéries. Ce fait constitue une objection capitale 
à la nouvelle interprétation de M. R. Pfeiffer 
ainsi qu'à toutes les autres théories humorales. 



IMMUNITÉ NATURELIE 37 

La théorie des phagocytes, malgré Taffinnation 
de M. Pfeiffer, s'applique très bien à la péritonite 
cholérique des cobayes, comme elle s'applique à 
un très grand nombre de phénomènes de résis- 
tance de l'organisme contre l'invasion du microbe 
en général. 

c Des recherches nombreuses faites dans ces 
dernières années résulte l'extension du rôle des 
phagocytes en dehors de l'engloblement des corps 
solides. La grande sensibilité de ces cellules vis- 
à-vis des produits solubles des microbes faisait 
supposer une action des phagocytes sur les toxines. 
M. Ghatenay a fait une étude sur la réaction pha- 
gocytaire des animaux empoisonnés par les toxines 
bactériennes (diphtérine et tétanine), phanéro- 
gamiques (ricine et abrine) et animales (venin des 
serpents). II a pu constater une grande analogie 
avec les phénomènes connus dans les infections 
bactériennes. Lorsque la mort survient au bout de 
très peu de temps, le nombre des leucocytes 
diminue; s'il y a une survie au delà de yingt- 
quatre heures ou une résistance définitive, il se 
produit une hyperleucocytose plus ou moins pro- 
noncée. 

« Dans la leucocytose des lapins empoisonnés 
par l'acide arsénieux, on peut également constater 
une hyperleucocytose prononcée dans les cas mor- 
tels. Mais chez les animaux accoutumés à l'arsenic, 
les mêmes doses qui amenaient Thyperleucocytose 



38 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAriE 

et la mort des lapins témoins produisaient une 
augmentation considérable du nombre des leuco- 
cytes. Ces expériences prouvent, d'un côté, la 
réaction leucocytaire contre les poisons, et dé- 
montrent, d'un autre côté, que Thyperleucocytose 
peut être produite non seulement par les pro- 
téines, mais aussi par des substances sûrement 
toxiques. 

€ Les phénomènes leucocytaires dans les empoi- 
sonnements par les toxines organiques, dans l'ac- 
coutumance de l'organisme vis-à-vis de l'arsenic 
montrent l'importance des éléments phagocy taires. 
D'autre part, la façon dont agissent les sérums 
dans la thérapeutique et le traitement préventif 
des infections, en stimulant la résistance cellulaire, 
montre une fois de plus la vaste part qu'occupent 
dans les phénomènes de guérison et d'immunité 
les fonctions réactionnelles des celhilcs en général 
et des phagocytes en particulier. 

€ En résumé, dit MetchnikofT, on peut constater 
le triomphe de la théorie cellulaire de l'immunité 
et l'échec des théories purement humorales, et 
nous devons insister sur ce résultat général que 
l'immunité dans les maladies infectieuses est due 
à l'activité des cellules vivantes de l'organisme; 
or, parmi ces éléments, le premier rôle doit être 
certainement attribué aux phagocytes. » 

M. le D"* Buchner (de Munich) croit qu'il faut 
établir une distinction complète entre l'immunité 



IMMUNITÉ NATURELLE 39 

naturelle et l'immunité artificielle, ces deux états 
étant caractérisés chacun par une espèce particu- 
lière de matières : le premier par la présence des 
alexines^ le dernier par celle des antitoxines. Ces 
deux catégories de substances ont des propriétés 
biçn différentes : tandis que les alexines exercent 
une action nettement bactéricide et globulicide, et 
sont très instables, les antitoxines n'ont pas de 
pouvoir bactéricide ni globulicide et sont très 
stables; en outre,. elles possèdent une action tout 
à fait spécifique, qu'on ne trouve pas au même 
degré dans les alexines. Enfin, les alexines sont 
des produits de l'organisme animal, tandis que les 
antitoxines sont des produits bactériens spéci- 
fiques. Pour mieux distinguer l'immunité naturelle 
d'avec l'immunité artificielle, il propose de réserver 
exclusivement le mot immunité à l'immunité arti- 
ficielle et de désigner la première par le terme de 
résistance naturelle, 

La résistance naturelle repose sur la propriété 
bactéricide de certaines substances solubles (alexi- 
nes) ; elle ne peut généralement pas être trans- 
mise par le sang à d'autres organismes. Les leuco- 
cytes y jouent un rôle important, non point comme 
des phagocytes, mais par les matières solubles 
qu'ils sécrètent; la phagocytose n'est qu'un phé- 
nomène secondaire. 

L'immunité artificielle est due à la présence, 
dans le sang et dans les tissus, de produits bacté- 



40 INMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

riens spéciQques, modiflés, non toxiques. Les anti- 
toxines et, avec elles, Timmunité artificielle peuvent 
être transmises par le sang et le lait d'un animal 
à un autre animal. Dans cet état, il ne s'agit pas 
d'une destruction directe des toxines, mais d'une 
diminution de la réceptivité des tissus animaux. 

M. le D' Ddranszky (de Koloszvar) fait observer 
qu'outre les poisons de nature alcaloïdique qui 
ont été désignés sous le nom de toxines et les poi- 
sons albumineux, on a décrit des toxines bacté- 
riennes, qu'on ne peut ranger dans aucun de ces 
groupes et dont la nature est encore totalement 
inconnue. H. Duclaux croit que les toxalbumines 
ne sont que des substances albumineuses mélan- 
gées à d'autres poisons inconnus; mais les expé- 
riences faites par M. Udranszky sur la nature 
chimique des poisons bactériens ne permettent 
pas de dire que cette opinion doive être admise 
dans tous les cas. Le mécanisme de la production 
de ces poisons ne peut encore être déterminé, 
parce qu'on ne connaît pas actuellement les rap- 
ports qui existent entre les propriétés chimiques 
des poisons bactériens et la composition chimique 
du milieu nutritif, ainsi que la structure chimique 
de la cellule bactérienne. Aussi pour résoudre cette 
question, les études doivent-elles porter à l'avenir 
sur les rapports qui peuvent exister entre le plasma 
bactérien et la production du poison. 

M. le D' Fodor (de Budapest), ayant observé que 



IMMUNITÉ NATURELLE 4! 

l'injection d*uii alcali dans Torganisme du lapin 
rend le sang de cet animal plus microbicide qu'il 
ne Tétait auparavant et procure à Tanimal une 
résistance plus grande contre la maladie char- 
bonneuse, s'est attaché à étudier l'alcalinité du 
sang avant et après l'infection. Il a trouvé que, 
après une infection charbonneuse, l'alcalinité du 
sang s'élève, en 8 heures, de 11,3 p. 100; en 
dix heures, de 21,8 p. 100; mais, au bout de vingt- 
quatre heures, il survient une forte et rapide dimi- 
nution. Chez un lapin dont l'alcalinité du sang 
était moindre que celle d'un autre animal de la 
même espèce et qui périt exceptionnellement plus 
tard que ce dernier, il a pu observer que l'alcali- 
nité augmentait dans de grandes proportions après 
l'inoculation, tandis que, chez le second, l'augmen- 
tation était faible. Les lapins immunisés partielle- 
ment contre le charbon ont montré une diminu- 
tion peu sensible de Talcalinité, tandis que, chez 
les lapins non immunisés, le moment de l'inocu- 
lation étant le même pour tous, la diminution de 
l'alcalinité était déjà très prononcée au bout de 
vingt-quatre heures. 

Les lapins auxquels on a injecté dans la vessie 
une culture cholérique dans du bouillon ont perdu 
en sept heures 12,7 p. 100, en vingt-quatre heures 
18,4 p. 100 d'alcalinité sanguine et ont regagné 
en quarante-huit heures 7,4 p. 100, en soixante- 
douze heures 9,4 p. 100 et en douze jours 13,9 



42 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

p. 100. Deux lapins morts vingt-quatre heures 
après l'infection ont perdu Tun 25,3 p. 100, l'autre 
36,2 p. 100 d'alcalinité. 

Les lapins auxquels on a inoculé des bacilles 
de la fièvre typhoïde ont montré pendant dix-neuf 
jours une faible diminution de l'alcalinité; mais 
tandis que trois de ces lapins, qui ont succombé 
à rinoculation, ont montré une diminution de 
24,2 p. 100, les animaux reslés en vie n'en ont 
présenté que 1,7 p. 100. 

Les lapins infectés avec le bacille de la tubercu- 
lose ont montré, sept, quatorze, vingt-un, trente, 
quarante et cinquante jours après l'inoculation, 
une diminution légère et progressive de l'alcalinité. 
Au bout de cent dix à cent vingt jours tous 
paraissaient être en bonne santé, ils avaient même 
augmenté de poids, mais en les sacrifiant on a 
trouvé que différents organes étaient tuberculeux, 
et que l'alcalinité du sérum était bien au-dessus 
de la normale. 

Chez les lapins inoculés avec le rouget du porc, 
l'alcalinité du sang a faiblement augmenté au 
bout de vingt-quatre et même de quarante-huit 
heures; tous ces animaux ont survécu. 

De ces expériences Fodor croit pouvoir conclure 
que l'organisme réagit contre certaines infections 
pathogènes par une rapide augmentation de 
l'alcalinité du sang, qui est suivie d'une diminu- 
tion plus ou moins forte, Si l'infection aboutit à 



IMMUNITÉ NATURELLE 43 

la mort, cette diminution de Talealinité est consi- 
dérable et progressive; dans les cas où elle se 
termine par la guérison la diminution est moins 
forte, l'alcalinité augmente de nouveau et peut 
même dépasser Talcalinité primitive. 

Il y a donc un certain rapport entre Faction de 
certains microbes pathogènes dans l'organisme et 
l'alcalinité du sang. L'animal, dont l'alcalinité du 
sang est plus forte ou dont l'alcalinité augmente 
plus considérablement à la suite d'une infection 
bactérienne, est généralement plus résistant à 
l'action de ces microbes. 

Le degré d'alcalinité du sang ainsi que la faculté 
de l'organisme de réagir contre une infection par 
l'augmentation énergique de cette alcalinité, 
semblent avoir une action remarquable sur l'im- 
munité et sur la réceptivité de l'individu à l'égard 
de certaines maladies infectieuses. 

M. le D"" Onimus (de Bonay) est également 
partisan de la théorie humorale. Il a fait bouillir 
de l'eau sucrée, et l'a renfermée dans des cornets 
faits avec du parchemin végétal ou papier à 
dialyse. L'extrémité des cornets est plongée dans 
l'eau ordinaire ou dans de l'eau sucrée conte- 
nant de la levure de bière. 

Dans ces cornets au tiers remplis d'eau sucrée, 
après quinze à vingt minutes, le sucre de canne est 
interverti; au microscope, on ne constate à ce 
moment aucune cellule, mais seulement quelques 



44 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

granulations, et ce n*est qu'après deux à trois 
heures que Ton trouve quelques rares cellules. 

Dans une autre série d'expériences, pour se 
mettre à l'abri des germes extérieurs, Onimus a 
renfermé Teau sucrée dans des récipients sans 
contact direct avec Tair extérieur. 

Après vingt-quatre heures on constate alors que 
le sucre est interverti, et Ton trouve un grand 
nombre de granulations et plusieurs petites cellules 
isolées. Dans le liquide servant de témoin, le 
sucre n'est pas interverti et l'on ne découvre 
aucune cellule. 

En enfermant de la sérosité de vésicatoire dans 
des membranes, et en les plaçant sous la peau 
de lapins, il a obtenu des leucocytes de nouvelles 
formations. Si le liquide n'est pas très frais et 
la membrane bien osmotique, ces leucocytes, au 
lieu de former une cellule avec ou sans noyau, 
subissent l'évolution vibrionienne et peuvent 
devenir vibrion ou bactéries. 

On a accepté comme un fait indiscutable, que 
le sang, le lait, les muscles, etc., conservés à l'abri 
des germes de l'air, ne s'altéraient pas, et les ex- 
périences de Pasteur sont sous ce rapport nom- 
breuses. Seulement, dans ces cas, la viande se 
faisande. 

Il semble qu'une viande qui se faisande est 
une viande altérée d'autant plus que, dans celte 
expérience, si l'on veut bien examiner les tissus 



IMMUNITÉ NATURELLE 45 

au microscope, on y rencontre une série de gra- 
nulations qui, au moindre contact d'une goutte 
d'eau, auront des mouvements très vifs et seront 
de vrais vibrions. 

Par M. le D*" Denys (de Louvain), la discussion 
semble se concentrer sur la question de savoir si 
les leucocytes sécrètent des substances bactéri- 
cides. Or, cette année, il a fait, avec M. Van der 
Velde, sur le lapin, des expériences dirigées dans ce 
sens. 

Si l'on prend 10 lapins, auxquels on injecte un 
bouillon de staphylocoque atténué, et si on tue 
toutes les deux heures un de ces animaux mis en 
expérience, on voit qu'il ne se produit d'abord 
qu'un exsudât très clair, ne renfermant presque 
pas de leucocytes, mais un peu plus tard, douze 
heures, par exemple, après le début de l'expé- 
rience, le nombre des leucocytes est déjà très 
notable. 

Si chaque fois qu'on tue un de ces lapins, on 
prend le sérum sanguin d'une part, et, d'autre 
part, la sérosité obtenue par centrifugation de 
l'exsudat, on peut ainsi comparer l'action de 10 
sérums et de 10 sérosités correspondant à des 
mouvements différents. 

Le sérum sanguin a un pouvoir bactéricide très 
faible sur le staphylocoque pyogène. La sérosité 
de l'exsudat des lapins tués deux ou quatre heures 
après l'injection est à peine plus bactéricide que le 



46 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

sérum. Mais, chez les lapins tués après douze 
heures, la sérosité devient extrêmement bactéri- 
cide : à 10 centimètres cubes de cette sérosité on 
peut ajouter 1 centimètre cube do bouillon trouble 
de staphylocoque, et en très peu de temps tous 
les microbes sont tués. Cette sérosité est tellement 
bactéricide que le lendemain, après vingt-quatre 
heures de séjour à Tétuve, si Ton ajoute encore 
des microbes, il sont encore tous tués assez rapi- 
dement. 

D'où vient cette substance bactéricide? Elle ne 
vient pas du sang, puisqu'on ne note pas d'accrois- 
sement du pouvoir bactéricide du sang; elle ne 
peut donc venir que des leucocytes, dont le 
nombre augmente dans Texsudat, à mesure qu'on 
s'éloigne du début de l'expérience. 

Si Ton chauffe à 50 ou 60**, la sérosité obtenue 
parcentrifugation, de l'exsudat, cette sérosité perd 
son pouvoir bactéricide. Après avoir ajouté à cette 
sérosité des globules blancs obtenus par centrifu- 
gation, et après avoir centrifugé de nouveau 
Texsudat après deux ou trois heures, l'expérimen- 
tateura, dans certaines de ses expériences, constaté 
que la sérosité avait récupéré son pouvoir bacté- 
ricide, ce qui prouverait bien que cette action bac- 
téricide provient des globules blancs. Malheureu- 
sement, dans quelques expériences, le résultat a 
été négatif, ce qui était dû peut-être à ce que les 
globules blancs, qu'on ajoute à la sérosité chauffée 



IMMUNITÉ NATURELLE 47 

à 50 OU 60°, meurent rapidement dans ce milieu. 
Cet insuccès partiel n'en enlève pas moins une 
certaine valeur à la conclusion qu'on peut tirer 
de ces expériences sur l'origine de la substance 
bactéricide contenue dans les exsudais. 

M. le D^ Székely de (Buda-Pesl) pense que la 
diminution du nombre des microbes dans le sang 
défibriné ou dans le sérum n'est pas due à une 
action microbicide du sang, mais au changement 
subit du milieu, qui devient relativement défavo- 
rable à la vie des microbes. Il a déjà prouvé que 
le sang défibriné ou le sérum sanguin dans lequel 
des staphylocoques provenant d'une culture sur 
gélose ont été détruits en grand nombre, est sans 
aucune action sur les staphylocoques qui se sont 
développés dans ce sang ou dans ce sérum. 
D'autres expériences ont montré que, dans un 
sérum où les microbes se sont déjà développés et 
qui, par conséquent, ne devrait plus exercer 
aucune action microbicide, on voit le nombre des 
microbes introduits après la filtration du sérum 
diminuer considérablement. Sans nier le rôle 
important du sang dans, la lutte de l'organisme 
contre les microbes, il croit pouvoir dire que ce 
rôle ne repose pas sur l'action microbicide du 
sang. 

M. le D** Aronson fait remarquer que les cellules 
de l'organisme jouent un rôle important dans la 
production des antitoxines. Les antitoxines exer^ 



48 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRÂPIB 

cent leur action principalement sur les cellules, 
mais on ne saurait nier qu'elles exercent aussi 
une action directe sur les toxines. C'est ce qui 
ressort de Texpérience suivante : si Ton injecte en 
même temps à un animal un mélange d'antitoxine 
diphtérique et de bacilles de la diphtérie, Tanimal 
reste en vie et ne présente aucune réaction locale 
tandis qu'il faut cinq fois autant d'antitoxine pour 
sauver l'animal si l'on injecte l'antitoxine et les 
bacilles séparément et en des points différents. 

M. le D^ Nutall relate des expériences qu'il a 
faites dans le laboratoire de M. Fliigge au cours 
desquelles il a trouvé que l'humeur aqueuse des 
animaux réfractaires au charbon tue le bacille 
spécifique de cette maladie. 
, M. le D' Metchnikoff objecte que les spores du 
bacille charbonneux persistent dans l'humeur 
aqueuse et s'y développent, bien que cette humeur 
possède des propriétés bactéricides ; mais cela n'a 
rien à voir avec l'immunité. On commet généra- 
lement l'erreur d'étudier les phénomènes bactéri- 
cides en dehors de l'organisme. Si l'on injecte un 
microbe dans le sang d'un animal réfractaire, dont 
le sérum posséderait par conséquent de grandes 
propriétés bactéricides, au bout d'une minute on 
trouve ces microbes englobés dans des cellules, et 
cela se produit si rapidement que l'action du 
sérum n'a pas le temps de s'exercer. Gomme ils 
sont soustraits à l'action du sérum immédiatement 



IMMUNITÉ NATURELLE i^ 

après leur introduction dans Torganisme, il ne 
peut s'agir ici d*une action bactéricide. 

D'après M. le D' Buchner, le temps ne joue 
aucun rôle dans ce phénomène, car l'action bac- 
téricide peut se produire tout de suite. La ques- 
tion de la phagocytose ne saurait être résolue avec 
le microscope, elle doit Têtrc par Texpérimen- 
tatioa* 

M. le D*" Denys réplique à M. Metchnikoff que, 
dans le cas cité, les spores sont englobées dans les. 
cellules ; elles peuvent donc ne pas être détruites 
par le sérum à l'action duquel elles sont sous- 
traites. 

M. le D"" Roux fait remarquer que, dans les 
expériences de M. Denys, il y avait des staphylo- 
coques vivants dans l'exsudat. Or, pourquoi n'ont- 
ils pas été détruits par le plasma? 

A cela M. Buchner répond que les staphylo- 
coques neutralisent les produits bactériens. 

D'après Metchnikoff, cela prouverait précisé- 
ment que, dans l'organisme vivant, les choses se . 
passent autrement quHn vitro. 

On a fait encore d'autres objections, qui ont été 
victorieusement réfutées par MM. Denys et Kaisin 
{La Cellule, 1893). 

3° Théorie bumoro-cellulaire. — Certains in- 
vestigateurs, voyant que les théories phagocytaire 
et bactéricide ne pouvaient séparément expliquer 

IMMUNISATION. 4 



IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRÂPIE 

rimmunité, ont essayé de les concilier en admet- 
tant des opinions mixtes. Telle est la théorie des 
alexines de Buchner(ifûncA. med. ITocA.), d'après 
laquelle le pouvoir bactéricide des humeurs 
serait due aux alexines que dégageraient les leu- 
cocytes lorsqu'ils viennent s'accumuler au point 
enflfammé. L'action bactéricide, telle qu'elle était 
admise avant Buchner, était purement passive. On 
voit qu'ici elle est plus active, puisqu'il admet 
l'intervention leucocytaire dans ce processus. 

Avant lui, d'ailleurs, Hankin, Kanthak et Hardy 
avaient admis que les leucocytes éosinophiles 
sécrètent des granulations bactéricides. Les mi- 
crobes seraient, après leur mort, englobés et digé- 
rés par les globules non éosinophiles. Gomme 
le dit Metchnikoff dans le rapport précité, un tra- 
vail inédit de Mesnil prouve la fausseté de cette 
opinion. En efifet, chez la perche, qui est dépour- 
vue de granulations éosinophiles, les microbes 
sont, comme chez les autres animaux, détruits par 
les phagocytes. 

Avant Buchner aussi, Denys et ses collabora- 
teurs ont essayé de prouver le rôle des leucocytes 
dans le pouvoir bactéricide du sang. De même 
Behring^ à la suite de ses remarquables recherches 
sur le tétanos, a considéré la vraie immunité 
acquise ou « immunité active > comme une pro- 
priété cellulaire. Seule, l'immunité passive, c'est- 
à-dire la. prévention des infections chez un animal 



IMMUNITÉ NATUREUE 51 

neuf à Taide des humeurs d'un vacciné serait pure- 
ment humorale. 

Dans le même sens que Buchner, Emmerich 
(Mûnch. med. Woch,, 1894) parle des leucocytes 
comme centres de la substance albuminoïde active 
qui provoque la guérison. 

Dans un premier travail sur la production de 
la péritonite par le vibrion de Koch, Pfeiffer pen- 
sait que ce microbe était détruit par l'action bac- 
téricide du liquide de Texsudat et niait le rôle des 
phagocytes. 

Dans un second travail, avec Wassermann, il 
admet leur intervention, mais après destruction du 
vibrion par une cause indéterminée. 

Puis, Issaef ayant trouvé {Zeits, f. Hyg,, 1894) 
que l'injection de substances stimulant les leuco- 
cytes (bouillon, tuberculine) augmente la résis- 
tance du cobaye. 

Pfeiffer a distingué l'immunité passagère due à 
ces injections, de la vraie immunité, due à la 
vaccination par le microbe ou ses produits. La 
première, il Fattribue aux leucocytes, la seconde 
à d'autres facteurs. Enfin, dans la Zeitschrift f. 
Hygiène (t. XVIII, p. 1), il a insisté sur l'action 
bactéricide du liquide de Texsudat péritonéal des 
cobayes hypervaccinés contre le vibrion cholé- 
rique, et a expliqué par ce moyen l'immunité. 

Nous ne nous y arrêterons pas, car ce chapitre 
est uniquement consacré à l'immunité naturelle 



52 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Il faut dire, d*ailleurs, qu'une théorie semblable 
avait été formulée en 1887 par Enimerich pour 
rimmunité des lapins vis-à-vis du bacille du rouget 
des porcs. On a dû Tabandonner. 

Enfin, dans un dernier mémoire, Buchner 
{Mûnch. med. Woch., 1894) pour rechercher Iç 
rôle des substances défensives du sérum et des 
exsudats, a injecté dans la plèvre d*un lapin 
10 centimètres cubes d'empois d*amidon émul- 
sionné, semé une quantité égale de bacterium 
coli commune dans le sérum et la sérosité pleurale 
et constaté que le microbe prospère bien dans les 
cultures chauffées à 60°, tandis qu'il est tué par 
les cultures non chauffées. 

4° Théorie vaso-motrice. —M. Bouchard et ses 
élèves ont rappelé les droits de la physiologie dans 
ces questions d'immunité. Ils admettent bien le rôle 
de la phagocytose en dehors des vaisseaux, mais 
pour que les leucocytes puissent eu sortir, il faut 
que les centres vaso-moteurs le permettent, soit 
en excitant les dilatateurs, soit en paralysant les 
constricteurs. Ce sont surtout MM. Gley et Gharrin 
qui, en excitant le bout central du nerf dépres- 
seur et celui du nerf auriculo-cervical (réflexe de 
Snellen-Schiff), ont bien mis en lumière cette 
influence des toxines microbiennes sur les vaso- 
moteurs. Ils ont nettement vu que les cultures 
pyocyaniques diminuent l'excitation des centres 



IMMUNITÉ NATURELLE 53 

vaso-dilatateurs bulbaires et médullaires. Gama- 
leia et Charrin avaient d'ailleure établi déjà que 
Tinjeetion de toxines pyocyaniques atténue Tin- 
flammation provoquée par Thuile de croton sur' 
Toreille de lapin. 

Nous reviendrons d'ailleurs sur ces travaux et 
sur ceux de M. Bouchard sur ladîapédése à propos 
des théories de la vaccination. 



VI 
CONCLUSION 

Que faut-il penser de toutes ces opinions? A 
quelle théorie faut-il se rattacher? Il est vraiment 
difficile de se prononcer sur ce point. Nous nous 
rallierons volontiers à la théorie humoro-cellu- 
laire si brillamment exposée par Buchner, et à ce 
théorème principal de l'immunité, nous joindrons 
comme corollaire Fingénieuse théorie de Bouchard. 

Quoi qu'il en soit, nous pouvons aftlrmer qu'il 
existe une immunité relative chez la plupart des 
animaux. Celte immunité peut même être absolue 
pour certaines affections. Ainsi, les souris, les' 
rats, les chiens sont réfractaires à l'injection 
d'une dose minime mortelle de bacilles de 
Lœfûer. Néanmoins, le sérum de ces animaux 
injecté à d'autres sujets n'est pas assez puissant 
pour les immuniser. Ce point doit être retenu, il 



1)4 IMHUNISAnON ET SÉRUMTHÉRAPIE 

est très important pour la sérumthérapie. Nous 
savons d'autre part, que Thomme lui-même est 
maintes fois exposé à la contagion sans éprouver 
d^atteinte infectieuse. J*ai moi-même traversé, 
dans les conditions de fatigues les plus déplo- 
rables, une épidémie de fièvre typhoïde, de cho- 
léra et de grippe maligne sans avoir jamais res- 
senti la moindre épreuve. D'autres praticiens se 
sont trouvés dans le même cas. Il ne faudrait 
cependant pas imiter les courageux expérimen- 
tateurs qui, voulant démontrer leur état réfrac- 
taire contre certaines maladies, ont ingéré les 
microbes pathogènes de ces affections; fréquem- 
ment ils ont été victimes de leur trop courageuse 
expérience. 

Nous avons exposé au commencement de cette 
étude les nombreuses circonstances qui affai- 
blissent notre organisme. Nous pouvons opposer 
à ces mauvaises influences toutes les conditions 
heureuses qui le fortifient. Par conséquent, 
les bonnes règles d'hygiène, une alimentation 
substantielle appropriée, une origine saine des 
ascendants mettent l'individu dans de bonnes 
conditions de résistance contre les nombreux mi- 
crobes qui l'entourent et l'assaillissent sans cesse. 
Son immunité naturelle est par ce fait considéra- 
blement augmentée. 



CHAPITRE II 
IMMUNITÉ ACQUISE 

I 
VACCINATION PATHOLOGIQUE 

Les processus que nous venons d'indiquer 
comme cause de l'immunité naturelle se re- 
trouvent dans l'immunité acquise, mais avec des 
modalités différentes, par suite de l'introduction 
d'un nouveau facteur, la tendance continuelle de 
Torganisme à revenir à son état primitif. Depuis 
longtemps, on avait remarqué qu'une première 
atteinte de l'organisme par certaines maladies 
infectieuses préservait entièrement contre une 
nouvelle attaque, ou en atténuait la gravité. On a 
dit alors que l'organisme était vacciné. 

Comme exemples de cette vaccination naturelle, 
nous pouvons citer tout particulièrement les fièvres 
éruptives, dans lesquelles elle peut être conférée 
non seulement par une attaque antérieure, mais 
même par le long séjour dans un lieu infecté, ou 
une infection intra-utérine (variole). Comme pour 



50 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE 

rimmunité naturelle, d'ailleurs, rimmunité acquise 
a des limites. On n'ignore pas, en effet, la fréquence 
des récidives dans la rougeole, la scarlatine et la 
variole. On sait également, par le seul exemple de 
la vaccine, que cette immunité acquise est passa- 
gère. Néanmoins, les faits recueillis en faveur de 
son existence sont trop nombreux pour qu'on 
puisse la nier. 

Pour la scarlatine, par exemple, l'immunité est 
la règle, après la première atteinte : mais elle 
n'est pas illimitée. De ùiême, la plupart des cas 
d'immunité notés en 1846 par Panum, dans une 
épidémie de rougeole des îles Peroë, survinrent 
chez des vieillards qui avaient déjà été atteints, 
maisrbien longtemps auparavant, dans une épidé- 
mie précédente. 

Une atteinte de rubéole semble aussi nuire au 
développement d'une rubéole ultérieure ; mais, 
d'après Balfour, Tripe, Thomas, Rinecter, ni la 
scarlatine, ni la rougeole ne protègent contre 
elle. 

Le fjait de l'immunité acquise naturellement est 
surtout frappant pour la variole. Pour cette ma- 
Ijïdie, on constate rarement des récidives. Gela n'a 
lieu que lorsque l'attaque a été légère, car une 
forme légère ne préserve pas contre une forme 
grave. C'est ainsi que l'on a vu des individus se 
varioliser, quoique portant des cicatrices de va- 
riole. Parfois, l'immunité existe pour les formes 



IMMUNITÉ ACQUISE 57 

bénignes, mais non pour les formes graves. Il ne 
se produit alors, à la seconde atteinte, que 
quelques boutons sans réaction générale. 

Une première atteinte de varicelle donne égale- 
ment rimmunité, quoique des récidives aient été 
vues par Hufeland, Trousseau» Gaustat, Gerhardt. 

L'immunité contre la vaccine, par suite de 
variole antérieure, existe : mais elle ne se main- 
tient pas et s'épuise comme riûimunité par vacci- 
nation expérimentale. ■ 

On est aussi immunisé contre les oreillons par 
une utteiate antérieure. Trousseau, Rilliet, etc., 
nient la récidive. Cependant, Sorvïer les a vus sur- 
venir, au bout de cinq ans, chez un soldat qiii 
avait encore de l'atrophie testiculaire, 

H 
VACCINATION EXPÉRIMENTALE 

Ces faits de vaccination pathologique, sur les- 
quels nous n'insisterons pas davantage, et qui 
avaient été remarqués, depuis fort longtemps, ont 
inspiré Tidée de la vaccination artificielle. Aussi, 
déjà dans les âges plus reculés, la troute-t-on 
mise en pratique contre la petite vérole. Puis, 
cette méthode a été perfectionnée par Jenner, et 
elle est devenue des plus fécondes entre les mains 
de Pasteur, qui l'a appliquée au charbon, au cho- 



58 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

léra des poules, à la rage. Depuis, de nouvelles 
tentatives sont encore venues étendre ses bienfaits 
prophylactiques. 

A 

VACCINE. - COW-POX 

La variole, cette dangereuse maladie, qu'on a si 
bien nommée la gourme de Thumanité, a été 
enrayée par la vaccination, désormais rentrée 
dans le domaine des habitudes d*hygiène les 
mieux assises. 

Ce furent les Sarrasins qui importèrent la va* 
riole d'Asie en Afrique, d'où elle se propagea dans 
le midi de l'Europe, puis dans le monde entier. 
Dès le X® siècle, les Arabes et les Chinois prati- 
quaient la variolisation, c'est-à-dire l'inoculation 
de la petite vérole, mais les médecins incrédules 
en laissaient le monopole aux femmes. 

En 1717, lady Montaigut, femme de l'ambassa- 
deur d'Angleterre à Constantinople, vit une vieille 
Thessalienne obtenir de si heureux résultats 
qu'elle fit inoculer son fils. Elle répandit la pra- 
tique en Angleterre, grâce aux tentatives que con- 
sentit à faire le roi Georges lui-même dans la 
famille royale. En 1723, La Boste rapporta l'ino- 
culation en France, où elle fut acceptée par les 
savants médecins Chirac et Helvétius. Mais les 
arrêts de la Sorbonne et de la Faculté de médecine 



IMMUNITÉ ACQUISE 59 

la condamnèrent comme c illicite et contraire à la. 
loi de Dieu > . Elle n'en continua pas moins à s'é- 
tendre, jusqu'au jour où elle fut détrônée par la 
vaccination. 

Anciennement, les Hindous, les Persans, les tri- 
bus nomades, les caravanes, etc., s'inoculaient la 
vaccine équine, le horse-pox. C'est une affection 
encore appelée picote ou pustule mammaire, qui 
se développe au début de la lactation chez la 
cavale, la chamelle, la vache et même sur le sein 
de la nouvelle accouchée. 

Nos montagnards connaissent bien ces croûtes 
laiteuses ; ils les détachent, les ramollissent dans 
l'eau et les injectent à leurs enfants. 

En France même, au siècle dernier, les paysannes 
n'ignoraient pas que le fait de traire une vache 
atteinte de picote, lorsqu'elles avaient une écor- 
chure à la main, leur conférait l'immunité vis-à-vis 
de la variole. Il fut communiqué, en 1768, par un 
Français, Rabault, au D*' Pew, médecin anglais, 
qui le rapporta à son ami Jenner. 
. Ce dernier entrevit l'importance de cette rêvé* 
latioh et en tira, en 1798, l'admirable découverte 
qui devait mener plus tard, notre grand Pasteur à 
ses beaux travaux sur le vaccin du charbon et du 
choléra des poules. 

11 faut dire cependant que déjà, en 1768, 
Sutton et Fewster avaient annoncé à la société 
de médecine de Tornbury que les individus 



60 IMMUNISATION ET SÉUUMTUÉRAPIË 

atteints de cow-pox étaient préservés contre la 
variole. 

Le procédé de la vaccination, tel que l'avait for- 
mulé Jenner, ne tarda pas à se répandre en 
Europe. En France, il fut vulgarisé par Aubert et 
Wobdville. 

Depuis, la science a fait de grands progrès. Les 
mémorables travaux effectués en bactériologie et 
en physiologie ont éclairé bien des points obscurs. 

On â trouvé une certaine homologie entre la 
pustule de la variole et celle du cow-pox. Les 
cloisons internes présentent la même disposition. 
Une coupe de peau, colorée au violet de méthyle, 
révèle la présence de microcoques, semblables 
dans Tun et Tautre cas. Iblava, de Prague, en 
compte jusqu'à six espèces. Pfeiffer pense que le 
microbe spécifique serait un sporozoaire analogue 
à celui de la malaria. Babés penche vers cette der- 
nière opinion. 

C'en était assez pour soutenir Tidentité des deux 
affections et faire rentrer l'immunité vacciiiale 
dans la théorie générale de l'immunité acquise. 
On sait, et nous le développerons plus loin, que 
les vaccins pastoriens sont des virus atténués par 
des procédés divers. Le passage du rouget à tra- 
vers le lapin, celui du virus rabique à travers le 
singe modifient singulièrement leurs propriétés. 
Dé même, la vaccine ne serait qu'une variole atté- 
nuée par son passage à travers le cheval ou la 



IMMUNITÉ ACQUISE 61 

vache. Chez le cheval, l'affcclion prendrait le nom 
de horse-pox, chez la vache de cow-pox. 

Le cow-pox naît chez la vache spontanément. 
Son inoculation à l'homme ne lui enlève pas sa 
vertu préservatrice. Aussi vaccine-t-on de bras à 
bras. Malheureusement, on s'expose par ce moyen 
à la transmission de maladies contagieuses : scro- 
fule, tuberculose, syphilis, septicémie, érysipèle. 
On a donc proposé la vaccination animale ; le 
vaccin humain est reporté sur la génisse, et trans- 
planté de génisse en génisse. C'est ce qu'on appelle 
\sl rétro-vaccination. Elle donne des vésicules qui, 
au bout de cinq à dix jours, ont atteint leur maturité . 

Néanmoins, ce cow-pox animal n'échappe pas 
au danger que je viens de signaler, car la vache 
est un lieu d'élection pour la tuberculose. J'ai pu 
démontrer expérimentalement qu'on pouvait ino* 
culer, avec le cow-pox, la tuberculose*. 

Le D*" Boudard, dans un travail couronné par 
l'Académie de médecine en de'cembre 1891, a 
recommandé de lui substituer la vaccine caprine. 
D'après lui, celle-ci, étant inoculée sur la glande 
mammaire de la chèvre, ne pourrait pas tuber- 
culiser. 

Ceci serait très important, car la chèvre est un 
animal rarement tuberculeux. Il n'y a qu'un desi- 
deratum : c'est que la chèvre n'est pas vaccinifère. 

' Tuberculose et Cow-Pox; par le D' Sam. Bernheim. — 
Annales du Congrès de la Tuberculose (1891). 



62 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÊRAPIE 

Les pustules, qui se développent mal sur le flanc 
de la chèYre, sont des pseudo-pustules, qui, ino- 
culées à rhomme, ne se reproduisent même pas '. 
La difficulté subsiste donc encore, et elle ne 
pourrait être évitée qu'en pratiquant la vaccina- 
tion conformément au vœu que j*ai soumis à plu- 
sieurs reprises à des assemblées savantes : c'est de 
n'inoculer le cow-pox des génisses qu'après autop- 
sie de l'animal dûment reconnu sain. Cette petite 
épreuve serait une grande garantie, que le public, 
auquel on impose aujourd'hui la vaccination obli- 
gatoire, est en droit d'exiger. 

La vaccination se réduit surtout à une réaction 
locale, qui se traduit dès les premiers jours par 
une éruption. L'infection générale est très faible, 
car chez les femmes enceintes l'immunité du fœtus 
résulte rarement de l'inoculation hypodermique 
de la vaccine. 

La durée de l'état vaccinal n'est pas, d'ailleurs, 
absolue. Il disparaît généralement au bout de sept 
à dix ans. Aussi, est-il nécessaire de pratiquer la 
revaccination. 

L'immunité vaccinale naturelle est très rare chez 
l'homme. La vaccine ne confère l'immunité qu'à 
dater du septième jour après l'inoculation. Faible 
tout d'abord, elle n'atteint son maximum de 

^ Dans une communication faite à la Société Clinique, j'ai 
exposé toutes mes expériences, qui ont démontré l'inexac 
titude des assertions de M. Hervieux. 



IMMUNITÉ ACQUISE 63 

puissance qu'au bout de douze à quinze jours. 
Lorsqu'elle est due à une ou plusieurs revacci- 
nations, elle persiste d^autant moins que le sujet 
est plus jeune, et d'autant plus qu'il est plus âgé. 
Il en est, d'ailleurs, de l'immunité variolique 
comme de l'immunité vaccinale, ce qui prouve la 
nécessité de la revaccination chez le variole comme 
chez le vacciné. 

Nous avons dit plus haut qu'on avait soutenu 
l'identité de la vaccine et de la variole, cette hypo- 
thèse, en effet, est très attrayante. Mais pour en 
avoir le bien-fondé, il faut attendre encore des 
expériences confîrmatives. 

Deux hypothèses, en effet, sont en présence : 
d'une part, la transformation de la vaccine en 
variole par l'homme ; d'autre part, la transforma- 
tion de la variole en vaccine par le bœuf ou le che^ 
val. La première est contraire et fait que jamais^ 
depuis qu'on pratique la vaccination, à la suite de 
la découverte de Jenner, on n'avait observé une 
transformation quelconque. 

La seconde a pour elle les assertions de Beely, 
de Thiélé, et plus récemment de Haccius et Wil- 
longhby , mais elles n'ont pas été confirmées par une 
commission, qui se réunit il y a quelques années 
sous la présidence de Ghauveau. Btrihet {Thèse de 
Lyon, 1888), Worlomont lui ont aussi opposé des 
résultats contradictoires. 

La question ne pourra donc définitivement 



(H IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

être jugée que par des expériences plus décisives 
et plus complètes. 

Je suis néanmoins, pour ma part, très partisan 
de Tidentiléde la variole et des cow-pox.En effet, 
l'examen bactériolique de la lymphe retirée d'une 
pustule variolique ou vaccinale montre toujours 
le même micrococcus. Il en est de même de Tense- 
mencement. Les inoculations en stries de cette 
lymphe donnent au bout de quatre à cinq jours, 
un léger nuage grisâtre qui se répand bientôt sur 
toute la surface de la gélatine ensemencée, tantôt 
par petites taches arrondies (première génération), 
tantôt par bandes allongées et plus fines (généra- 
tions successives). Au bout de trois semaines, le 
développement semble complètement arrêté. Pour 
conserver cette culture il faut la laisser dans une 
étuve chauffée à 30® au moins. A une température 
inférieure, le microorganisme développé meurt. 

L*examen microscopique donne le résultat sui- 
vant : il s'agit d'un coccus, dont le volume varie 
entre 1 a et 1 [x et demi. Nettement arrondi, ce 
coccus se présente rarement isolé ; le plus souvent, 
il est réuni en îlot par 2, 3 ou 4 ou plus. Le type 
de 3 est assez fréquent et présente la disposition 
d'une chaînette. 

J'ai essayé d'inoculer des cultures fraîches de 
cow-pox à des animaux d'abord, et ensuite à des 
enfants. Sur la génisse, les scarifications ont pro- 
duit des pustules, mais de taille moyenne. Chez 



IMMUNITÉ ACQUISE 65 

les enfants, de légères pustules observées les ont 
rendus réfractaires à une nouvelle vaccination. 

L'histoire de la vaccine constitue la première 
étape d'une longue série de travaux, qu'ont inspi- 
rés les admirables découvertes, révélées par le 
génie de Pasteur. Le principe en est toujours le 
même : atténuer un virus, et l'injecter à Tanimal, 
qu'on veut immuniser. 

Avant d'étudier ces procédés d'aiténuation, 
nous devrions faire passer succinctement sous les 
yeux les diverses applications qui en ont été faites 
à quelques msdadies infectieuses. 

B 
CHOLÉRA DES POULES 

La première, en date, est celle qui est relative au 
choléra des poules, dont M. Toussaint a le premier 
montré la nature infectieuse. 

C'est le 9 février 1880 que Pasteur annonça à 
l'Académie des sciences qu'il était parvenu à im- 
muniser la poule contre le choléra, qui sévit sur 
elle, au moyen de la culture atténuée du diplo- 
coque qui en est la cause. Le procédé d'atténuation 
employé consistait dans le vieillissement de la 
culture en présence de l'air. Dix mois suffisent 
pour lui faire perdre sa virulence. Si on opère en 
vase clos, l'atténuation ne peut se faire. Pasteur 

IMMUNISATION. 5 



66 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

invoqua, pour expliquer ce fait, Tinfluence de 
Toxygène. Nous verrons plus loin la fausseté de 
cette interprétation. 

La réceptivité du cobaye est faible. Le virus ne 
produit, chez lui qu'un abcès. Il en est de même 
chez la poule, lorsqu'on lui inocule le virus atté- 
nué. 

Pasteur vit aussi que l'immunité conférée est 
héréditaire, et, après lui, Straus et Ghamberland 
ont trouvé le diplocoque dans les ovisacs des poules 
mortes de choléra. D'après Barthélémy, si on 
met ces œufs en incubation, les microbes y pullu- 
lent à partir du huitième ou dixième jour. 



C , 
CHARBON 

Peu de mois après la découverte de Pasteur, le 
12 juillet 1880, Toussaint annonçait sa méthode 
d'inoculation contre le charbon bactéridien ou sang 
de rate. Il chauffait le sang à une température de 
85° pendant dix minutes, et l'inoculait aux ani- 
maux. Certains en mouraient, mais ceux qui résis- 
taient étaient réfractaires. 

Toussaint pensait opérer sur les produits solu- 
blesde la bactéridie. Pasteur montra, le 21 février 
1881, qu'il n'avait fait qu'atténuer les microbes et 
créer une méthode graduelle de vaccination, en 



IMMUNITÉ ACQUISE 67 

faisant agir la chaleur pendant qu'ils cultivent. A 
42**, la bactéridie ne donne plus de spores et dimi- 
nue de virulence. Reporté après quelque tempis 
dans un nouveau milieu, le microbe conserve son 
atténuation. C'est ainsi que Pasteur obtint 2 vac- 
cins, Fun en maintenant le microbe pendant 
quinze à vingt jours à 42^, Tautre en ne le laissant 
que dix à douze jours à cette température. , 

Ce dernier tue la souris, le cobaye, et parfois le 
lapin. Le premier tue aussi le cobaye nouveau-né, 
mais est inofFensif sur le cobaye .adulte. On lui 
rend sa virulence vis-à-vis de l'adulte en le faisant 
passer plusieurs fois chez le nouveau- né. 

Après Pasteur, Chauveau a révélé deux autres 
moyens d'atténuation de la bactéridie charbon- 
neuse : le chauffage pendant trois à quatre heures 
à 47° d'une culture âgée de vingt-quatre heures, 
et l'emploi de l'oxygène comprimé. 

Il crée ainsi des races dont le pouvoir vaccinal 
ne change pas. 

Lî^^ vaccination charbonneuse a été fort atta- 
quée par Koch et Lœffler en particulier, au Congrès 
d'hygiène de Berlin, où cependant elle est sortie 
triomphante de la discussion, grâce aux travaux 
de savants tels que Chamberland , MetchnikofT, 
Lydtin. On objectait les insuccès obtenus en cer- 
taines régions, particulièrement en Russie. Mais 
on n'a pas tardé à en trouver la raison dans l'irré- 
gularité et l'inconstance du vaccin. En le préparan 



G8 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

par la culture dans un milieu antiseptique, Gama- 
léia eu a montré, en Russie, les excellents résultats. 



D 
CHARBON SYMPTOMATIQUE 

C'est Chabert qui a distingué cette variété de 
charbon bactérien et lui a donné son nom. Elle 
en est, en effet, complètement différente. Encore 
appelée charbon emphysémateux du bœuf, elle est 
nommée Rauschbrand en Allemagne. 

Bien décrite pour la première fois, en 1882, par 
Arloing, Borne vin et Thomas, elle a beaucoup de 
ressemblance avec la gangrène gazeuse. Elle est 
causée par un germe anaérobie, mobile, dont 
Taction se borne à des lésions d*emphysème et de 
gangrène. 

La vaccination contre Taffection est celle qui a 
donné les plus mauvais résultats. Gela tient sans 
doute à ce que le virus atténué est inoculé dans 
une région qui lui est défavorable. 



vaccine: CONTRE LA VARIOLE DE L'ESPÈCE BOVLNE 

Elle a été donnée en septembre 1882, par Peuch, 
de Toulouse, en novembre 1888, par Pourquier, 
de Montpellier. 



IMMUNITÉ ACQUISE 69 

F 
ROUGET DES PORCS 

En décembre de la même année, Pasteur et 
Thuillier annonçaient la découverte de la vaccina- 
tion contre cette épizootie. Elle a été, de toutes^ 
la plus féconde en brillants résultats, quoique pour 
des motifs divers, elle ait souvent entraîné des 
accidents aigus ou chroniques. Dernièrement 
encore {Munch. med. ITocA., 1892), Kmmerich et 
Mastbaum ont obtenu l'immunisation contre cette 
maladie. 

G 
PÉRIPNEUMONIE INFECTIEUSE DE L'ESPÈCE BOVINE 

En octobre 1882, Thiermesse et Dejine vacci- 
nèrent cette maladie en inoculant le virus dans les 
veines, et Willem en Tinjectant dans la région 
caudale. 

 cette même époque. Rossignol trouva la vac- 
cine de la fièvre aphteuse des vaches, Tayan celle 
du typhus, etc. 



Application à la pathologie humaine. 

On le voit, les acquisitions dans la pathologie 
comparée étaient considérables, alors qu'encore 



70 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE 

rien de sérieux n'avait été tenté en pathologie 
humaine. 

On avait bien enregistré quelques essais de 
syphilisation de Sperino, Auzias-Turenne, Lieber- 
mann, etc., et de rougeolisation de Katorn et de 
Salisbury. Mais ils furent stériles, et ont été aban- 
donnés. 

H 
. FIÈVRE JAUNE 

En 1885, Domingos Freire, du Brésil, et Manuel 
Carmona, du Mexique, découvrirent le vaccin 
artificiel de la fièvre jaune, le premier en inocu- 
lant la culture atténuée du microbe de cette ma- 
ladie, Tautre en injectant l'urine évaporée, puis 
diluée, des sujets atteints. 

Les recherches de ces savants ont été sévère- 
ment traitées, en particulier par Rochard et par 
Gornil et Babès. Néanmoins, grâce à la protection 
du gouvernement, ils ont pu en montrer les bon» 
résultats. 

1 
CHOLÉRA 

On se souvient des discussions que souleva en 
1885, le D' Ferran, en annonçant la découverte 
du vaccin anticholérique. 



IMMUNITÉ ACQUISE 7i 

En inoculant au cobaye, 3 centimètres cubes de 
culture atténuée parle vieillissement ou roxygène, 
il le vit après 8 jours, résister à Tinjection de 6 
à 8 centimètres cubes, qui est mortelle pour rani- 
mai témoin. Il prétendit aussi qu'il était possible 
de vacciner Thomme de la même façon, par la 
voie hypodermique. 

Dès 1888 (Académie des sciences), Gamaléia 
avait isolé des sécrétions du microbe du choléra 
deux produits toxiques : un, vaccinal, résistant à 
120*^, soluble dans l'alcool et hyperthermisable ; 
l'autre, précipitable par l'alcool, destructible à 70°, 
et produisant de la diarrhée et des convulsions. 

Gamaléia réussit encore à donner le choléra au 
chien et à exalter la virulence du bacille virgule 
par la culture dans le pigeon. 11 prétendit être 
arrivé à la vaccination, mais sa tentative est res- 
tée infructueuse. 

En 1892, Hafftine transporta des cultures sur 
gélatine dans le péritoine du cobaye et, inoculant 
d'animal à animal, vit que la virulence allait en 
augmentant jusqu'au vingtième degré de la série. 

Le virus est mortel, lorsqu'on l'injecte dans les 
muscles; sous la peau, il ne produit que de 
l'œdème. 

On l'atténue en le semant à 39°, au contact de 
l'air. Mais pour l'empêcher de mourir par ce pro- 
cédé, on le transporte tous les deux ou trois 
jours dans un nouveau bouillon. 



72 IMMUNISATION ET SÉRUMTDÉRAPIE 

L'inoculation de ce virus préserve le cobaye, le 
lapin et le pigeon contre Tinfection. Hafftkine s'in- 
jecta lui-même le virus atténué; et fit de même 
sur trois autres personnes. 

En 1892, également, Brieger et Wassermann 
atténuèrent des cultures dans des extraits de thy- 
mus, en les soumettant quinze minutes à 60^, et 
dix minutes à 80®, et en les maintenant ensuite 
dans le timbre à glace durant vingt-quatre heures. 
Après quelques injections de ce liquide, les ani- 
maux résistent à une dose, mortelle en douze ou 
quinze heures. Brieger et Wasserman ont ensuite 
fait la culture dans le bouillon de viande pepto- 
nisé ordinaire; et Tatténuant par un chauffage 
à 65^ pendant quinze minutes, ils ont pu Tutiliser 
pour la vaccination. 

Enfin, il faut signaler les travaux de Klemperer 
sur la même question. Il a pu vacciner contre 
Tintoxication cholérique intra-péritônéale, au 
moyen de cultures chauffées troi3 jours à 40°, 8, 
ou deux heures à 70°, et contre Taffection cholé- 
rique intestinale, en faisant avaler aux cobayes 
des cultures privées de bacilles. Il est arrivé, de 
plus, à atténuer les cultures âgées d'un jour, en 
les soumettant à un courant constant de 20 milli- 
ampères, pendant vingt-quatre heures. 



IMMUNITÉ ACQUISE 73 

/ 

RâGE 

Le 25 janvier 1881, Galtier annonça à Tlnstitut 
que rinoculation intra-veineuse de salive rabique 
confère l'immunité au mouton. Le l®*" août de la 
même année, il confirma ce résultat par la vac- 
cination de 9 moutons et 1 chèvre. 

Ce procédé cependant était trop infidèle. 

C'est alors que Pasteur, Chamberland, Roux et 
Thuillier découvrirent le pouvoir vaccinal de l'in- 
jection d'une émulsion de bulbe rabique sous la 
dure-mère. En 1882, ils annoncèrent que sur 
i chiens inoculés, 1 avait été réfractaire. Le résul- 
tat était fort insuffisant. 

Pasteur parvint à atténuer graduellement la 
virulence du virus par des passages successifs du 
chien au singe. Si on le reporte du singe au 
lapin, il s'exalte, et on peut ainsi obtenir une 
série de virus d'une activité croissante. L'ino- 
culation hypodermique de la moelle de lapin la 
moins virulente l'immunise contre un virus plus 
fort. Ce fait, fondé sur 23 expériences, fut com- 
muniqué à l'Académie le 19 mai 1884 et confirmé 
par une commission composée de Béclard, Bouley, 
Paul Bert, Vulpian et Ville. 

Pasteur, Chamberland et Roux ont encore sim- 



74 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

pliQé le problème en remplaçant le passage chez 
le singe par la dessiccation aseptique des moelles 
de Japins morts de rage, dans un flacon bouché 
par de la ouate, et contenant des morceaux de 
potasse. L'atténuation est obtenue au bout du 
treizième ou quatorzième jour. 

La méthode était ainsi suffisamment perfection- 
née, pour que Pasteur entreprît de l'appliquer à 
rhomme. Il le fît sous la direction de Vulpian et 
Grancher, sur le jeune Joseph Meisth, qui avait 
été mordu le 4 juillet 1885. Le résultat fut heureux. 
Pasteur le communiqua à l'Académie en octobre 
1885, et dès lors, son laboratoire fut envahi de 
malades, demandant la guérison. 

La fondation d'un Institut s'imposait. C'est alors 
que fut créé le riche établissement de la rue Du tôt, 
qui est devenu le centre des études bactériologi- 
ques en France. 

Nous ajouterons que la méthode a été appliquée 
par Nocard et Roux aux animaux et que Burdach 
a pu les vacciner avec des virus dilués, Babès avec 
des virus chauffés. 

K 
TUBERCULOSE 

En injectant du sang de chien à des lapins, Héri- 
court et Richet ont pu, en 1890, ralentir chez eux 
l'évolution de la tuberculose. J'ai fait connaître, 



IMMUNITÉ ACQUISE 75 

à la même époque, les résultats que j*ai obtenus 
par là transfusion du sang de chèvre (Sociétés 
clinique et thérapeutique, 1890). 

Nous passons rapidement sur ces tentatives, qui 
ont trait plutôt à la sérumthérapie, pour nous 
arrêter à l'atténuation du bacille de Koch. On l'a 
obtenue par la putréfaction, l'action de l'acide phé- 
nique dilué et les cultures successives à 39<*. Baum- 
garten prétendit d'abord que Tinoculation de ces 
virus, ainsi modifiés, ne vaccine pas, et Falk qu'il 
augmente la réceptivité. Mais Grancher et Martin 
(Académie, 4890), en préparant des cultures gra- 
duellement décroissantes, et injectant le virus 
inofPensif, puis le virus plus actif, ont conféré aux 
animaux une immunité relative. Dixon a confirmé 
ces faits. 

Daremberg a diminué la réceptivité du lapin, 
pour l'injection de cultures stérilisées. 

En 1890 (Société de biologie), Héricourt et 
Richet, ont obtenu des résultats semblables sur 
le lapin, par l'injection intra-veineuse de 10 
à 20 centiinètres cubes de cultures de tuberculose 
aviaire, chauffées plusieurs jours à 80**. 

Une semaine après, Gourmont et Dor adres- 
sèrent à la même société une note, de laquelle il 
résulte que sur 4 lapins, ayant subi l'injection 
d'une culture de tuberculose aviaire dans l'eau 
glycérinée, stérilisée au filtre Chamberland, deux 
s'étaient montrés réfrac taires. 



76 IMMUNKATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Depuis 1890, Héricourt et Richet ont repris 
leurs recherches sur le chien et le singe. Le 4 mars 
1893 (Société de biologie), ils ont montré que 
rinjection intra*veineuse de tuberculose aviaire 
tue ce dernier animal, mais ne le tue pas lorsqu'il 
a préalablement reçu cette tuberculose sous la 
peau. Le 15 avril, ils ont montré que le chien, 
non vacciné au moyen de la tuberculose aviaire, 
succombe de trente à soixante jours après Tinocu- 
lation de la tuberculose humaine. Au contraire, 
la transfusion du sang d'un chien vacciné retarde 
révolution de la tuberculose humaine chez un 
animal normal. Le 17 février, ils ont apporté à 
la Société de Biologie de nouvelles expériences, 
établissant définitivement que l'injection de tuber- 
culose aviaire peut vacciner le chien contre la 
tuberculose humaine. MM. Gilbert et Roger leur 
ont répondu qu'ils avaient fait des tentatives pour 
vacciner le cobaye contre la tuberculose humaine 
en se servant de tuberculose aviaire. Leurs 
résultats avaient été négatifs. C'est ce qu'avaient 
vu aussi Grancher et H. Martin. Mais comme 
l'a bien fait remarquer Richet, on ne peut appli- 
quer à une espèce les résultats obtenus dans une 
autre. 

Il est enfin une méthode, qui, après avoir 
soulevé un enthousiasme général, a été contredite 
par des travaux ultérieurs. C'est celle que Koch 
annonça à une séance du Congrès de Berlin, et 



IMMUNITÉ ACQUISE 77 

qu'il fit paraître le 13 novembre 1880, dans la 
Deutsche medicinische Wochenschrift, La lymphe 
de Koch, ou tuberculine, n'est autre qu'un extrait 
glycérine des cultures pures du bacille de la 
tuberculose obtenu à la température de l'ébul- 
lition. Elle contient des albuminoïdes, facilement 
dialysables, résistant à une chaleur de 160^, et 
précipitables par l'alcool. Elle est inoffensive par 
la bouche, mais son injection sous la peau ou 
dans les veines provoque chez les animaux tuber- 
culisés une réaction fébrile et inflammatoire 
intense, qui aboutirait à la guérison. Après 
l'enthousiasme de la première heure, on a vu que 
cette réaction survenait également chez des sujets 
atteints de cancer, syphilis, scarlatine, cystite 
blennorrhagique, lèpre, actinomycose, et même 
chez des gens bien portants. De plus, la tuberculine 
expose à de sérieux accidents, qui n'ont pas tou- 
jours été compensés par une amélioration mani- 
feste. Quoique les recherches de Koch aient eu 
le grand intérêt de montrer l'action curieuse de 
la lymphe sur les turbercules, et les modifications 
qu'elle y produit, il faut avouer que le succès 
thérapeutique n'a pas répondu à leur promesse. 
Pour cette raison, nous ne ferons que signaler 
les recherches de Hunter [British med. Journ , 
juillet 1891) sur la composition chimique de la 
tuberculine, de Klebs {Congres de méd. int, de 
Leipzig, 1892) sur la tuberculocidine, et de Weyl 



78 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

{Deut, med. Woch., 12 janv. 1891) sur l'étude 
chimique et toxicologique du bacille de la tuber- 
culose, sur la toxomucine. 



L 
MORVE 

Galtier avait trouvé (Académie, 1881) que, la 
réinoculation de la morve au chien, produit des 
lésions de moins en moins graves. 

D'après Straus {Arch, de méd. exp,, 1889), l'in- 
jection intra-veineuse de 1 ou 2 centimètres cubes 
est mortelle. Des doses plus faibles ne tuent pas 
le chien et l'immunisent contre la dose précédente. 
Il n'est pas arrivé cependant à vacciner l'âne. 

D'après Zakharoff {Ànn. fnst. Pasteur, 1890), 
le passage du virus à travers le chat l'atténue 
pour le cheval, qui devient alors réfractaire à une 
dose virulente. 

Finger a diminué la réceptivité du lapin par 
des inoculations sous-cutanées ou intra- veineuses. 

De plus, il a vu [Beitr, zur Path. Anat.^ redi- 
girt von Ziegler, 1889) que des cultures stérilisées 
par un chauffage de 5 minutes à 100% donnent 
une faible immunité. 

D'après Berlin et Piq (Société de biologie, 1890), 
Chesneau aurait pu prévenir la morve chez le 
cobaye, par l'injection de sang de bœuf. 



IMMUNITÉ ACQUISE 79 

Eq somme, on ne possède encore aucun pro- 
cédé pratique de vaccination antimorveuse. 

Il faut pourtant signaler les récents travaux 
effectués sur la malléine. Elle est au bacille de la 
morve, ce que la tuberculine est à la tuberculose, 
c'est-à-dire un extrait des cultures stérilisées et 
filtrées de ce bacille. Elle a été découverte par 
le vétérinaire militaire russe Helman, dès la fin 
de 1888, et les premiers résultats furent publiés 
en 1889. Le 27 avril 1890, il annonça à la Société 
de médecine vétérinaire de Saint-Pétersbourg que, 
cherchant à immuniser les animaux par un extrait 
de cultures morveuses, il a été fort gêné par la 
réaction locale, et l'hypothermie qu'elles provo- 
quent. En 1891, il communiqua à cette Société le 
fait que l'injection de 1 centimètre cube provoque 
chez les chevaux morveux, au bout de huit à 
seize heures, une hypothermie de 2 à 3^, et une 
tumeur au point d'injection. 

La même année, Kalming (de Dorpat) publia 
dans les Archives des sciences vétérinaires, un 
travail dans lequel il faisait pour la morve ce 
que Koch avait fait pour la tuberculose. 

En France, les travaux de Nocard ont bien 
établi l'importance diagnostique de la malléine. 
Il est reconnu qu'elle détermine chez les animaux 
morveux une réation local, consistant, en de 
l'œdème, et une. réaction générale caractérisée 
par une hypothermie de 2 à 3**. 



80 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

M 

DIPHTÉRIE 

On sait que les vieilles cultures tuent moins 
vite que les jeunes, mais que, rajeunies par 
l'ensemencement, elles récupèrent leur activité. 
Roux et Yersin sont pourtant arrivés à Tatténua- 
. tion en faisant barboter un courant d'air stérilisé 
dans du bouillon à 39<*,5. 

Ils n'ont pu cependant créer l'état réfractaîre 
au poison diphtérique par l'inoculation de cultures 
atténuées pas plus que l'injection de faibles doses 
de virus. 

D'après Bruger et Frànkel, cependant, l'injec- 
tion sous la peau d'une culture, chauffée pendant 
une heure à 66 ou 70^, n'empêche pas mais 
retarde la mort par l'injection hypodermique du 
virus normal. 

En 1890 {Deut. med, Woch,)^ Behring a 
annoncé qu'il avait pu vacciner contre la diphtérie 
par cinq procédés : 1° par les cultures stérilisées 
(méthode de Frànkel) ; 2*^ par les cultures addi- 
tionnées de bichlorure d'iode; 3<* par Texsudat 
pleurétique des cobayes morts de diphtérie ; 
4** par l'injection du virus chez les animaux et 
leur traitement par l'inoculation hypodermique 
de trichlorure d'iode ; 5® par l'eau oxygénée. 



IMMUNITÉ ACQUISE 81 

En 1891 {Deut, med. Woch,), Zimmer constata 
l'incertitude des procédés de Behring. Seule l'atté- 
nuation par le trichlorure d'iode lui fournit des 
résultats positifs. Sentant Timperfection de sa 
méthode primitive, Behring la perfectionna, sans 
arriver à des résultats irrévocables {Zeitschrift 
/". Hygiène^ t. XII, p. 10). Aussi, dans le même 
tome de cette revue, Brieger^ Kitasato et Wasser- 
mann déclarent-ils ne point posséder de procédé 
certain de vaccination antidiphtérique, et ont-ils 
employé la méthode de Wooldridge modifiée. Ils 
ont préparé leur vaccin en chauffant quinze 
minutes à 60-70° la culture de bacille diphtéritique 
dans un extrait de thymus. 

Behring et Kitasato ont obtenu pourtant, en 1890 
[Deut. med. Woch.)^ des résultats plus probants 
et plus nets. 

Pour vacciner les lapins, Berhing et Wernicke 
[Zeit, f. Hygiène^ t. XII) ont employé deux 
procédés : 1° l'inoculation hypodermique du pré- 
cipité séché, pulvérisé, est chauffée une heure à 
77», que donne dans les cultures diphtériques le 
phosphate de chaux; 2® celui qui avait servi à 
Ehrlich pour la vaccination de la souris contre 
l'abrine et la ricine, c'est-à-dire l'ingestion du 
poison diphtéritique. 



lUUUNISATION. 



82 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIB 

N 
TÉTANOS 

En 1890, Behring et Kitasato ont annoncé la 
possibilité de vacciner les animaux contre le 
bacille de Nicolaier et ses produits. 

Après eux, Tizzoni et Cattani vaccinèrent des 
pigeons et des chiens, par Tinoculation de faibles 
doses de cultures virulentes (Centr. f. Bactério- 
logie^ t. IX). 

Vaillard a donné l'immunité au lapin (Biologie, 
21 février 1891) en employant la méthode deFrànkel 
pour la diphtérie, c'est-à-dire en chauffant pendant 
une heure à 60°, des cultures filtrées de tétanos. 

Dans le tome IX de la ZeUschrit f. Hygiène^ 
Kitasato rapporte avoir vacciné 6 lapins sur 18, 
en atténuant les cultures par des quantités décrois- 
santes de trichlorure d'iode. 

Behring est arrivé à de meilleurs résultats, en 
perfectionnant ce procédé {Zeit. f. Hyg., t. XII). 

Enfin, Brieger, Kitasato et Wassermann, repre- 
nant les janciennes recherches de Wooldridge 
{Arch. f. AnaL und Phys,, 1888), obtinrent par 
la culture dans l'extrait de thymus des germes 
peu toxiques. Le mélange de cet extrait avec 
leur culture filtrée détruit leur toxicité, et 
permet ainsi de vacciner la sourisj si sensible 
au tétanos. 



IMMUNITÉ ACQUISE 83 

Ea 1892, dans les Annales de V Institut Pasteur, 
Vaillard, a repris la question et montré que la 
vaccination était possible contre le tétanos, non 
seulement par le procédé qu*il avait antérieurement 
indiqué (cultures filtrées et chauffées à 60^), mais 
encore par le procédé de Behring et Kitasato (inocu- 
lation de culture atténuée par Teau iodée), et par 
celui de Tizzoni et Cattani (injection du virus dilué). 


VENIKS 

Kaufmann, à propos d'une étude sur le venin 
de la vipère, a vu qu'en accoutumant les animaux 
par rinjection de petites doses successives, on 
pouvait les préserver contre des doses mortelles. 
Cette étude a été récemment reprise par Galmette, 
par Phisalix et Bertrand, qui ont obtenu des 
résultats démonstratifs. Ces auteurs ont vu, en 
particulier, qu'on peut atténuer les effets du 
venin de la vipère en le chaufTant à 100° pendant 
cinq minutes, ou à 75^ pendant quinze^ 

P 
COiNSIDÉRATIONS GÉNÉRALES 

Il faut également citer, dans cette histoire de 
la vaccination, les travaux ,de Gharrin et de 



84 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Técole de Bouchard sur le pyocyanique ; ceux de 
Monfredi et Trœversa {Giorn, intern. Se. 
med., 1888) et de Roger (Biologie, 1891) sur 
Térysipèle, ceux de Chamberland et Roux {Ann. 
Inst, Pasteur, 1887), sur le poison septique ; ceux 
d'Emmerich et Positky et des deux frères Klemperer 
sur le pneumocoque ; ceux de Brieger, Kitasato et 
Wassermann [Zeitsch. f. Hygiène, t. XII) sur la 
fièvre typhoïde, et ceux de Ehrlich (Zeit. f. 
Hygiène, t. XII) sur la ricine, Tabrine et la 
rubîne. 

Nous Tavons vu, la vaccination suppose Tatté- 
nuation des germes. Il est donc indispensable, 
pour bien pénétrer le mécanisme de la première, 
de connaître les méthodes qui permettent d'obte- 
nir la seconde. Ce sera le meilleur moyen de nous 
éclairer sérieusement sur la physiologie patholo- 
gique de Vimmunité acquise. 

Nous distinguerons, comme Ta fait M. le D** Ro- 
det dans un excellent travail de la Revue de 
Médecine (1888), trois méthodes de vaccination 
contre les effets d'un virus ; 1° emploi de ce même 
virus, 2° emploi d'un virus différent, 3® injection 
de produits solubles. La première est la plus 
importante, c'est elle qui a donné, jusqu'ici, les 
meilleurs résultats. 

Pour que le virus puisse servir à vacciner, il 
faut qu'il soit inoffensif. Pour cela, ou bien on 
l'emploie dans toute son activité, et on prend soin 



IMMUNITÉ ACQUISE 85 

alors d*atténuer ses effets; ou bien on Tatténue par 
des opérations préalables, que nous étudierons 
séparément. 

Auparavant, voyons comment on en atténue les 
effets. C'est tantôt en en employant une petite 
quantité; tantôt en choisissant une voie d'intro- 
duction particulière. 

Nous avons déjà, à propos de Timmunité natu- 
relle, indiqué l'influence que ces deux points 
exercent sur la récepticité microbienne. Nous ne 
nous y arrêterons donc pas longuement, à propos 
de la vaccination, car les lois déjà formulées 
s'appliquent encore ici. 

C'est M. Chauveau qui, le premier, a signalé la 
variation de l'intensité des effets du charbon avant 
le nombre d'agents infectieux introduits. Son opi- 
nion a été confirmée par Roux et Chamberland 
{Ann. Inst. Pasteur, 1887). Pasteur a montré le 
même fait pour la rage. On sait aussi que la 
variolisation, qui ne comporte qu'une petite quan- 
tité de virus variolique. est moins grave que la 
contagion naturelle. De même, d'après Chauveau 
et Arloing, le virus de la septicémie gangreneuse 
est inoffensif, inoculé à la lancette. Peuch a rendu 
bénigne l'inoculation du virus claveleux, en le 
diluant à 1/50. L'influence de la quantité a encore 
été constatée par Rodet (Revue de Chirurgie, 
1885) pour le staphylococcus pyogenes, par Wat- 
son Cheyne (An7i. Inst. Pasteur^ 1887) pour divers 



86 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉJ^APIE 

virus, par Emmerich (Congrès de Vienne, 1887) 
pour le rouget des porcs, et par d'autres. 

Cette notion est aujourd'hui entrée dans la 
science, après bien des oppositions, celle même 
de Pasteur qui, enfin, s'y est converti après ses 
remarquables travaux sur la rage. 

Néanmoins, si l'on peut atténuer les effets d'un 
virus en n'en injectant qu'une faible dose, il faut 
avouer que cette moyenne ne saurait être employée 
aujourd'hui comme méthode de vaccination. 

Il en est de même de celle qui consisterait dans 
le choix d'une porte d'entrée spéciale. On sait 
combien est redoutable sous la peau le charbon 
symptomatique. Or, en injection intra- veineuse, 
il confère l'immunité. M. Galtier a montré, de 
même (Académie des sciences, 16 avril 1888) que 
l'injection intra-veineuse du virus rabique est ca- 
pable de préserver les animaux herbivores de la 
rage, à la suite de morsures de chiens enragés. 
Ce fait a été confirmé par Nocard et Roux {Ann. 
Inst. Pasteur y 1888). Dans la Revue mensuelle de 
médecine et de chirurgie^ d'avril 1877, Chauveau 
a prouvé que sous la peau le virus de la vaccine 
confère l'immunité et ne produit pas d'exanthème. 
Chez les solipèdes, l'injeclion intra-veineufee pro- 
voque l'exanthème sans éruption et donne l'im- 
munité. Chez l'espèce bovine, elle est absolument 
sans efi^et. 

Chauveau et Arloing ont publié sur le microbe 



IMMUNITÉ ACQUISE 87 

de la septicémie gangreneuse ou gangrène gazeuse 
(vibrion septique de Pasteur, bacille de l'œdème 
malin de Koch) un travail (Académie de méde- 
cine, 1884) duquel il ressort que cet agent, si 
dangereux sous la peau, est inoffensif par les voies 
respiratoires ou digestives. L'injection intra-vei-r 
neuse, qui tue à haute dose, vaccine à dose mo- 
dérée. 

Sous la peau, ou une partie autre que celle de 
la queue, le virus de la péripneumonie bovine 
détermine un œdème mortel. En cette dernière 
partie seulement, Tœdème n'est pas mortel, et 
l'animal acquiert alors l'immunité. C'est ce qui 
constitue la méthode vaccinale de Williems (de 
Hasselt). Celle de Chauveau consiste à inoculer le 
virus dans les veines ; elle a été reconnue efficace 
par Thiernesse et Degive (Acad. de médecine de 
Belgique, 1882). 

Le contraire a lieu pour le pyocyanique, ainsi 
que l'a montré Charrin (Académie, octobre 1887). 
11 vaccine lorsqu'on l'injecte sous la peau ; mais 
introduit dans le sang, il manifeste sa virulence. 

Sjaivant M. Rodet (Revue de chirurgie, 1885), 
le staphylococcus pyogenes aureus fait de même. 
Il agit beaucoup plus en injection intra-veineuse 
que sous-cutanée. 

D'après ces quelques exemples, on voit combien 
la question de terrain importe dans la vaccina- 
tion. Un microbe est d'autant plus actif qu'il ren- 



88 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRA.1'I£ 

contre des conditions meilleures d*existence. Aussi, 
la voie qui le fera le plus tôt parvenir dans ce 
milieu sera-t-elle la plus propice à la production 
de ses effets toxiques. C'est ainsi que le charbon 
symptomatique ou la septicémie gangreneuse qui 
déterminent des fermentations dans le tissu con- 
jonctif et non dans le sang, s'atténuent lorsqu'on 
les injecte dans les veines. 

En général, l'introduction d'un microbe dans 
une voie qui lui est défavorable a pour résultat 
la vaccination, car elle permet alors à l'organisme 
de résister et de se défendre. C'est Tinjection 
intra-veineuse qui a produit les meilleurs résul- 
tats, entre les mains de Chauveau, pour la péri- 
pneumonie bovine, la rage des moutons, la septi- 
cémie gangreneuse et le charbon symptomatique. 

Néanmoins, ainsi que je le disais, cette méthode 
de vaccination par l'emploi d'une porte d'entrée 
spéciale n'est point passé dans la pratique. On lui 
a préféré celle qui consiste dans l'inoculation du 
microbe atténué, c'est-à-dire rendu moins virulent 
par des causes diverses* Ce sont ces procédés d'at- 
ténuation que nous allous maintenant étudier. 



MÉTHODES D'ATTÉNUATION 



La plus ancienne consiste à faire passer le mi- 
crbbe dans divers organismes. Mais Pasteur, 
Toussaint et Ghauveau ont montré que l'interven- 
tion d'un organisme n'est pas nécessaire. On peut 
produire l'atténuation in vitro par le vieillissement 
des cultures, la chaleur, l'oxygène, etc.. 

Nous allons passer en revue ces divers pro- 
cédés. 

I 

ATTÉNUATION PAR PASSAGE DANS UN ORGANISME 

Depuis longtemps, on admettait ce fait. C'est 
ainsi que l'on considérait le vaccin jennérien 
comme le virus variolique, atténué par son pas- 
sage à travers le bœuf et le cheval. C'est pour 
cette raison, sans doute, que pour la variolisation 
on préférait prendre le vaccin sur les varioles 
bénignes, où on le supposait atténué. On n'avait 



90 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

pas tardé non plus à observer les différences d'ac- 
tivité du vaccin sur divers animaux. D'après 
Chauveau, c'est chez le cheval qu'il a le plus de 
puissance. Le horse-pox est plus actif pour 
rhomme que le cow-pox, et ces deux sont plus 
actifs que le vaccin jennérien, pour l'homme, le 
bœuf et le cheval. Ceci revient à dire que le vac- 
cin du cheval s'atténue en passant à travers le 
bœuf, et plus encore à travers l'homme. On lui 
rend sa virulence, en le reportant sur l'animal, 
d'où il tire son origine. 

MM. Rey et Galtier étudièrent dans le même 
sens le virus rabique et virent qu'il se renforce 
en passant à travers le mouton, mais s'atténue à 
travers le chien et le lapin. 

Pasteur reprit l'idée et réalisa la vaccination 
pratique de la rage par des passages successifs à 
travers le singe. 

Il fit de même pour le rouget du porc. L'inocu- 
lation en série de ce virus au pigeon l'exalte pour 
lui-même et pour le porc. Cette même inoculation 
pratiquée sur le lapin, l'exalte pour lui-même, 
mais l'atténue pour le porc. Pasteur prit donc 
le virus atténué par ces passages successifs chez 
le lapin, et réussit avec lui à combattre les épi- 
zooties de rouget. M. Gornevina confirmé, en 1885, 
les expériences de Pasteur. D'après M. Kitt (Cen^r. 
/". Bacter, 1887), le lapin atténuerait le virus pour 
le porc, mais ne l'exalterait pas pour lui-même. 



IMMUNITÉ ACQUISE 91 

M. Duclaux a relevé Terreur de ce dernier {Ann. 
Inst. Pasteur, 1888), en montrant que Tinocula- 
tion du sang, employée par lui, introduit trop de 
germes. 

En 1883 (Académie des sciences), Pasteur, expé- 
rimentant sur un microbe septique qu'il avait 
décelé dans la salive, trouva que son passage à 
travers le cobaye nouveau-né Texalte pour lui- 
même, mais Tatténue pour le lapin. 

Blondi a constaté le même fait {Zeitschrift fur 
Hygiène, t. XII) pour un microbe de la salive, 
le hacillus salivarius sepHcus, qui est, sans doute, 
le même que le précédent. 

Fourquier a atténué le virus claveleux (Acadé- 
mie des sciences, 2 novembre 188S) en le faisant 
passer chez des immunisés. 

Le microbe de la tuberculose est plus virulent 
chez l'espèce bovine que chez l'homme. Il est donc 
atténué dans ce dernier cas. De plus, Arloing a 
démontré (Ac. des sciences, sept. 1886), que le 
bacille de la tuberculose locale ne tue pas le lapin 
mais devient nuisible pour lui, en passant par le 
cobaye. Pour le virus scrofuleux, l'atténuation est 
encore plus forte, puisque même ce passage 
n'exalte pas sa virulence. 

C'est de faits de cet ordre qu'il faut rapprocher 
celui de l'atténuation du microbe de Talamon- 
Fraënkel dans les lésions qu'il provoque. Wolff l'a 
vu atténué dans les vieilles pneumonies, et Netter 



92 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

(Biologie, 1887) dans la salive des premières 
semaines de la pneumonie. 

Le virus morvexix s'épuise rapidement à travers 
le chien. 

Il paraîtrait aussi que le bacillus anthracis s'at- 
ténue, d'après Zagari {Giorn, intemaz. del scienze 
med.y 1887), le microbe érysipélateux, d'après 
Lubarsch [Ann. Inst. Past,,i8SS), chez la gre- 
nouille. 

D'après Toussaint^ le microbe de la septicémie 
du lapin est inofiPensif pour la poule, mais l'immu- 
nise contre le choléra des poules. C'est ce qui lui 
a fait admettre que la septicémie du lapin ne 
serait que le choléra des poules atténué par le 
lapin. En effet, le passage à travers le pigeon le 
rend virulent pour la poule. 

Cornil et Toupet ont vu (Académie des sciences, 

1888) que le microbe du choléra des canards ne 
fait rien ni à la poule, ni au pigeon, et pensent 
qu'il n'est autre que celui du choléra des poules 
atténué par le canard. 

Gamaléia pense {Centr. f. Bakt, und. Paras., 

1889) que le vibrio Metchnikovi, qu'il a décou- 
vert dans une septicémie des oiseaux, analogue 
au choléra des poules, n'est autre que le bacille 
virgule de Koch atténué. En 1888 {Ann. Inst. 
Pasteur), il a émis l'idée qu'il serait l'agent du 
choléra nostras, car il vaccine contre lui. 

D'après Domingos Freire (Académie de méde- 



IMMUNITÉ ACQUISE 93 

cine, inail884, et Académie des sciences, avriH887), 
le microbe de la fièvre jaune s'atténuerait chez le 
cobaye, ce qui permettrait la vaccination de 
Thomme contre cette maladie. 

D'après M. Bossano, le virus tétanique s'atté- 
nuerait aussi en passant chez le cobaye. 

Ce rapide exposé montre la variété des résultats. 
Le passage de l'agent virulent à travers un orga- 
nisme tantôt l'atténue, tantôt l'exalte. Dans un 
certain nombre de cas, il s'atténue en traversant 
le corps d'un animal réfractaire ou peu sensible. 
Dans d'autres, il s'exalte pour cet animal, mais 
s'atténue pour un autre. 

Dans le premier cas, on peut citer surtout la 
variole chez le bœuf, la morve xhez le chien, la 
vaccine chez l'homme ; dans le second, l'atté- 
nuation du rouget des porcs. 



ATTÉNUATION PAR VIEILLISSEMENT DE CULTURE 

Les microbes peuvent changer de virulence non 
seulement par leur passage à travers l'organisme, 
mais encore en dehors de lui. C'est ce qu'a 
démontré pour la première fois Pasteur pour le 
choléra des poules. Il vit que le vieillissement lui 
enlève sa virulence et que lai culture atténuée 
peut vacciner contre un virus fort. Il remarqua le 



04 IMMUfaSATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

même fait pour le microbe septique de la salive. 
Riondi Ta aussi noté pour son bacillus salivarius 
septicus, Rodet pour le staphylococcus pyogenes 
aureusi Duclaux pour un micrococcus trouvé dans 
le clou de Biskra, Rietsch et Nicati (Acad. des 
sciences, 13 juillet 1885) pour le vibrion cholé- 
rique, Cornet (Gongr. de méd. interne de Wies- 
baden, 1888) pour le bacille de la tuberculose, 
etc., etc. 

Lorsque le vieillissement est poussé trop loin, il 
entraîne la mort du microbe ; mais ce qui nous 
intéresse ici, c'est de savoir que cette mort est 
précédée d'une atténuation héréditaire. 

Cette atténuation tient probablement à l'adul- 
tération du milieu, entraînée par les produits 
solubles de l'agent infectieux, adultération qui le 
gène dans son évolution. Nocard et Mollereau ont, 
vu dans la mammile contagieuse des vaches 
laitières {Ann. Inst. Pasteur^ 1887) que la dimi- 
nution de vitalité était due à TacidiOcation du 
milieu. En effet, son alcalinisation relève cette 
activité. 

III 

ATTÉNUATION PAR LA CHALEUR 

Toussaint a été le premier à atténuer le bacillus 
anthracis par le chauffage à S5<^. Peu après. 
Pasteur, chauffant pendant longtemps le même 



IMMUNITÉ ACQUISE 95 

agent à 42^-43**, lui donna une atténuation héré- 
ditaire. Ghauveau, ensuite, démontra que c'était 
bien la chaleur et non l'oxygène qui agissait dans 
ce procédé, et proclama son importance. Depuis, 
Roux a pu au bout de quelques heures tuer le 
charbon, en le portant à 70<». 

Arloing, Cornevin et Thomas, en chauffant le 
charbon symptomatique, soit à 85-90°, s(j|t à 
100-108®, ont obtenu deux vaccins, dont l'injec- 
tion intra-veineuse confère l'immunité contre la 
maladie. Kitt a atténué le même virus {Ann. Inst, 
Pasteur, 1888), en l'échauffant dans la vapeur 
d'eau à 100^ 

Ghauveau, puis Arloing (Soc. Se. méd, de 
Lyon, 1882) et Truchot {Thèse de Lyon, 1884) ont 
obtenu l'atténuation de la septicémie puerpérale 
par la chaleur. 

H» Martin {Etudes expérimentales et cliniques 
sur la tuberculose, de Verneuil), Vœlsch (Zeits. /". 
path. Anat., t. II) ont fait de même pour le virus 
tuberculeux, Semmer pour le virus septique et 
divers autres microbes {Zeits, f, Thierm., t. VII), 
Gornil et Ghantemesse (Ac. des Se, déc. 1887) 
pour la pneumo-entérite des porcs, Riondi pour 
le bacilius septicus salivarius, Charrin pour le 
pyocyauique. 

La température à laquelle se produit l'atté- 
nuation varie avec les divers microbes, suivant la 
résistance plus ou moins grande qu'ils présentent^ 



96 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

et aussi avec le temps durant lequel oq maintient 
le chauffage. De plus, l'atténuation varie suivant 
la façon dont on fait agir ce chauffage. C'est ainsi, 
qu'elle n'est pas transmissible, n'est pas fixe 
lorsqu'on se contenie de soumettre le virus à 
son action brusque. Elle l'est, au contraire, lors- 
qu'on le cultive longtemps à une douce tempé- 
rakire. 

On pourrait se demander si les basses tempéra- 
tures sont capables d'atténuer les microbes. 
D'après Pictet et Yung (Ac. des Se, 1884) les 
spores du charbon, le charbon symptomatique, 
le bacillus subtilis, etc.. résistent à — 70*^ et 
même — 130°. Cependant, Chauveau, cultivant le 
bacillus anthracis à la température la plus basse, 
compatible avec sa végétation, l'a vu s'atténuer, 
puis mourir. Gibier dit avoir atténué le virus 
rabique par le froid. Pictet et Yung ont enlevé à 
la levure de bière la propriété de fermenter, en 
la maintenant à — 70° durant cent huit heures, 
puis à — 130° durant vingt heures. Dernièrement 
encore, MM. d'Arsonval et Charriii ont annoncé que 
l'action de très basses températures empêche le 
bacille pyocyanique de sécréter son pigment, et 
modifie sa forme. On est donc autorisé à penser 
que non seulement la chaleur, mais même les 
basses températures sont susceptibles du pouvoir 
atténuant. 



IMMUNITÉ A€QUIS£ 97 

ATTÉNUATION ,PA.R ,LA LUMIÈRE 

Downes et Blunt avaient prouvé que la lumière 
peut détruire le tyrothrix scaber, Duclaux, divers 
microorganismes (Ac. des Se, 1886, «t Société dé' 
biologie, même année) lorsque H: Arloing démontra 
que la lumière solaire non seulement est douée 
du pouvoir destructeur vis-à-vis du bacillus 
antbracis^ mais encore est capable de lui faire 
subir une atténuation permettant de vacciner le 
cobaye. 

Mais n'est-ce pas la chaleur des rayons solaires 
qu'il faut incriminer ? Arloing a démontré que 
non. 

L'école de Pasteur» et ert particulier Duclaux, 
supposèrent l'intervention de l'oxygène, une action 
comburante de la lumière. Roux démontra même 
que la lumière détruit le bacillus anthracis moins 
rapidement dans le vide que danâ l'air (Ânn. 
Inst. Pasteurs iBSl). 

Mais Arloing reprit ces expériences et prouva 
qucj si la lumière seule est efficace, son pouvoir 
destructeur* est aidé par l'oxygène. Lumière et 
oxygètie font ce que ne ferait pas Toxygènë 
seul. 

tUHUNISATION'. 7 



9^ IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

V 

ATTÉNUATION PAR l'OXTGÈNE 

Le rôle atténuant de la lumière a été, pour la 
première fois, mis en lumière par Pasteur. Il le 
proclama au Congrès d'hygiène dé Geiiève, en se 
basant sur ses expériences relatives au choléra 
des poules, au virus charbonneux, aii microbe 
septique de la salive et à un microbe rencontré 
dans la fièvre typhoïde du cheval. Il n'avait en 
vue ique l'oxygène àla pression atmosphérique^ 
lorsque Ghauveau démontra l'action atténuante 
de l'oxygène comprimé pour le bacillus ànthracis 
et le rouget du porc. On sait aussi avec quelle 
précision Paul Bert a clairement prouvé ce pouvoir 
destructif de la lumière; C'est à ce pouvoir qu'il 
faut rapporter le fait que le charbon, la fièvre 
puerpuérale végètent moins bien dans l'air. 

Nous avons vu qu'on, a voulu incriminer -l'oxy- 
gène de l'atténuation des microbes par le vieillis- 
sement, la chaleur, la lumière. Ces expériences 
précises ont donné aux faits leur véritable signi- 
fication. 

VI 

I ATTÉNUATION PAR. LA DESSICCATION 

Pàstèur a prouvé qu'on diminue en quelques 
jours la virulence des moelles de lapins rabiqués 



IMMUNITÉ ACQUISE 99 

en les soumettant à la dessiccation. A mesure que 
cette dessiccation progresse, la virulence diminue 
et le pouvoir vaccinal augmente. On peut ainsi 
faire une série d'inoculations préventives. Cepen- 
dant Pasteur croit que, dans ce cas, il n*y a pas 
atténuation vraie, mais diminution des germes 
virulents. On Ta contesté, ajuste titre. 

Netter (Société de biologie, 29 oct. 4887) a im- 
munisé contre le pneumocoque de Talamon- 
Frœnkel par l'inoculation de la rate d'animaux 
tués par ce microbe, qu'il avait atténué en le des- 
séchant. 

Vœlsch (Beitr. zur pathoL Anat., t. Il) a fait 
de même pour le virus tuberculeux. 

D'après Koch, la dessiccation tue le vibrion 
cholérique en trois heures, d'après Rietsch et 
Nicati, en deux heures. 

Au contraire, d'après Galtîer, Cadéac et Malet, 
le bacille de Koch résiste plusieurs semaines, et 
d'après Schill et Fischer, Pietra, plusieurs mois. 
Quant au charbon symptomatique , il est plus 
facile à conserver, lorsqu'il a été préalablement 
desséché. 

A quoi tient cette résistance inégale ? La raison 
intime nous en échappe, mais on peut au moins 
dire que les microbes sporulés résistent beaucoup, 
les non sporulés très peu. 

Il faut ajouter que l'élévation de la température, 
pourvu qu'elle ne soit pas trop considérable pour 



100 IMMUNISATION Et SÉRUMTHÉRAPIE 

détruire la matière organique, favorise l'action 
atténuante de la dessiccation. 



VII 

ATTÉNUATION PAR LES ANTISEPTIQUES 

Chamberland et Roux ont été les premiers à 
atténuer le charbon, en le cultivant à Tétat Qla- 
menteux en présence d'acide phénique et de bi- 
chromate de potasse, et les spores au moyen 
d'acide sulfurique. 

Gatnaléia {Ann. InsL Pasteur, 1888) a vacciné 
le mouton contre le virus charbonneux, en lui 
inoculant ce microbe atténué par le bichromate 
de potasse. Il a même fait accepter ses vaccins 
pour la pratique courante en Russie (Centralhl. f, 
Bacter., 1888). 

Klein a produit de Talténuation identique par 
la culture dans de lagélatine additionnée de 1/4000 
de sublimé. 

Maximovitsck a eu recours au sublimé ; mais 
surtout aux naphtols « et ^ (Académie des Scien- 
ces, 14 mai 1888). Dans ce cas, la vaccination n*a 
pas été complète. Il n'y a eu que diminution de 
la réceptivité. De plus^ pour une même dose de 
naphtol, il faut plus de temps pour détruire la 
virulence du bacillus anthracis que pour suppri- 
mer sa végélabilité. 



IMMUNITÉ ACQUISE 1 01 

Heyn^ Thortild-Rovsing, Buchner avaient pré- 
tendu que les cultures se font bien en présence 
d'iodoforme. Leurs expériences ont été reprises 
par Neisser {Virchow Ârchiv., 1887), Sœnger 
(DeuL med. Wock.y .1887), et ils ont pu, en rem- 
ployant en solution, diminuer la croissance et la 
virulence du baciilus anthracis. Kunt, Ruyter, 
Baumgarten, Sœnger ont, sinon empêché, du moin$ 
retardé Tinfection charbonneuse, en introduisant 
riodoforme dans Tépaisseur des tissus, où il dér 
gage alors de Tiode. 

Luigi Manfredi a trouvé (ffeorw. internaz, del 
scienze mediche, 1887), que la bactéridie char- 
bonneuse s'atténue dans un milieu contenant entre 
1/3 et 2/3 de graisse. Au-dessus de cette dernière 
proportion,. elle cesse de végéter. La rapidité de 
l'atténuation dépend du degré de température. 

Arloing et Cornevin ont atténué le charbon, en 
employant diverses substances. 

D'après Cornevin, le vibrion seplique, qui cause 
la septicémie gangreneuse, subit une atténuation 
légère lorsqu'on fait agir durant vingt-quatre 
heures, à 38-40®, de la couramine dans la pro- 
portion de 1 à 1,8 p. 100 ; et forte, lorsqu'on fait 
agir l'acide gallique dans la proportion de 2,8 à 
3,5 p. 100. Cornevin n'a pu maintenir l'immu-' 
nité au delà de vingt-trois jours. L'acide lactique 
redonne au virus son activité. 
. L'action prolongée de^ vapeurs d'acide fluorhy- 



102 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

drique a permis kGrancher et CAaw^ard d'obtenir 
Tatténuation du bacille de la tuberculose {Ann, 
InsL Pasteur, 1888). 

Maximovitsch, en étudiant Taction des naphtols 
a et p sur le pyocyanique, a obtenu les mêmes 
résultats que pour le charbon. 

Z. Manfredi a pu vacciner le cobaye et la sou- 
ris, mais non le buffle, contre le virus du carbone 
des buffles, en l'atténuant par la culture en pré- 
sence de graisse, comme il avait fait pour le 
charbon. 

Enûn, il faut citer les expériences de MM, Char- 
rin et Roger (Société de Biologie, 29 oct. 1887), 
sur le bacille pyocyanique. Expérimentant avec le 
naphtol, le sublimé, le sulfure de mercure, ils ont 
vu, qu'à faible dose, ces substances rétractent ou 
suppriment l'apparition de la matière colorante 
bleue. A dose plus élevée, elles entravent ou arrê- 
tent le développement. Enfm, leur action peut 
être encore plus marquée; elles peuvent tuer 
complètement le microbe. 

Les travaux que nous venons de citer sur l'atté- 
nuation des microbes par les antiseptiques ne sont 
pas les seuls qui aient été produits sur cette quesr 
tion. Il ne se passe point de jour où un auteur ne 
proclame la supériorité d'un antiseptique sur tous 
ceux déjà connus. Mais le but même, qui inspire 
ces travaux nous dispense de les analyser dans cet 
ouvrage, où nous nous sommes proposé seule- 



IMMUNITÉ ACQUISE ^0^ 

ment de faire connaître les principes scientifiques 
de l'atténuation. D'ailleurs, comme le faisait bien 
remarquer Duclaux [Ann. Inst. Pasteur, 1887), 
sait-on bien en quoi consiste le pouvoir antisep- 
tique? N'est-ce pas un groupe bien hétérogène 
que celui dans lequel on range les substances, 
aujourd'hui reconnues comme douées de ce pou-r 
voir? 

Tant qu'un classement bien définitif n-y aura 
point été apporté, on n*aura pas le droit de le con- 
sidérer comme antiseptique. 

Et d'ailleurs, si on. sait peu comment agissent 
les antiseptiques in vitro, on sait encore moins 
comment ils se comportent dans Torganisme. On 
ignore dans quelle mesure la nature et Tétat des 
tissus modifient l'effet atténuant, car dans ces 
questions il faut, comme toujours en bactériologie, 
considérer non seulement le microbe, mais aussi 
le terrain. . 

VIII 
ATTÉNUATION PAR LES PRODUITS MICROBIENS 

On sait que l'urine et la bile sont des poisons 
pour les animaux qui les ont produits. On s'est 
demandé s'il en était de même pour les micro-orga- 
nismes inférieurs, et la réponse a été affirmative. 
Ils vivent dillicilement plusieurs dans. un même 
milieu. Il s'établit alors une sorte de lutte, une 



104 IMMUNISATIOM ET SÉRUMTHÉRAPIE 

vraie concurreace vitale analogue à celle que lé 
génie de Darwin a révélée pour les animaux supé^ 
rieurs. 

Un milieu, ayant déjà servi à la culture 'd*un 
microbe, est également impropre à celle d'uii 
microbe différent. C'est que le précédent avait 
fabriqué des produits toxiques, qui ont empêché 
le développement du second. Là où le problème 
devient obscur, c'est quand on cherche pourquoi 
les mîcrobes rendent leur milieu de culture plus 
ou moins impropre à celle des autres, pourquoi 
certains sont très sensibles à ces adultéralions, 'les 
autres peu. 

. Babès {Journal des connaissances médicales\ 
oct. 1885, et son ouvrage sur les Bactéries)^ Garré 
(Correspondzbl, f, delw Âerzte, 1887, et Ann^ 
Inst. Pasteur, 1888), de Frendenreich {Ann. Insi: 
Pasteur, 1888) ont bien étudié ces différences. ' 

Zagari [Giom, internaz. deL se. med., 1887)^ 
en cultivant le charbon dans un milieu où avait 
déjà vécu le vibrion cholérique, l'a atténué au 
point de pouvoir vacciner lecobaye. 

Pavone (Ann. Inst. Pasteur, 1888) a obtenu le 
nième fait en remplaçant le vibrion «cholériqbe 
par le bacille typhique. L'atténuation était héré» 
ditaire. ^ 

Enfin, MM. Charrin et Guignàrd ont étudié (Sôc. 
de Biologie et Acad.des sciences, 1890; Arch. dé 
physiologie, oct. 1891) l'action des produits volatils 



IMMUNITÉ ACQUISE 105 

du pybcianiqùe, celle de ses produits insolubleisi 
dans l'alcool, et solubles dans ce même liquide sur 
ia bactéridié charbonneuse et sur le bacille pyo-* 
cyanique. 

Utd ont constaté que te développement dé ces 
microbes est entravé par les produits ci-dessusj 
quoique cette action soit inégale. Les matières 
insolubles dans l'alcool ôiit un pouvoir plus faible 
que les corps volatils, et ces corps volatils sont, de 
leur côté, moins actifs que les principes solubles 
dans Talcool. 

On à atténué les microbes non seulement pae 
les produits de la vie microbienne, mais par ceux 
de la putréfaction. ' 

'D'après Fatk {Berlin. Klin. Wock, 1884) el 
Wœlsch {Beit, z. paîhoL Anat.^i, II), il en serait 
ainsi du microbe de ia tuberculose. Il n'occasion«- 
kierait alors chez le cobayequ'un trouble local. Il 
faut dire d'ailleurs que, pour lebacillede Koch, leà 
résultats' ont été 'contradictoires. D'après Baum- 
g^rten, Fischer, Falk, Voma, il serait peu résis^ 
tant. D'après Schill et Fischer, Koch, Wesener, 
Qàltier, Cadéac et Malet, il le serait beaucoup, 
buclaux a expliqué cette discordance par rexis-* 
tence de plusieurs putréfactions. 

On a constaté également l'influence considérable 
que l'âge de la culture exerce sur sa virulence. 
Cela tient à la présence de ces toxines qui, agis-^ 
sant vrais'elmblablementcommedes antiseptiques,' 



106 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

diminuent la vitalité des germes. Mais ici, plus 
encore que pour les antiseptiques, le problème de 
l'atténuation nous échappe, car ces toxines sont 
des corps dont la complexité, la multiplicité, et 
rinflme quantité ont défié l'analyse chimique la 
plus délicate et la plus exercée. 

IX 

ATTÉNUATION PAR LA CULTURE 

Parfois, Tagent virulent se cultive bien et cepen- 
dant on le voit s'atténuer progressivement. Nous 
allons en donner quelques exemples. 

Chauveau, expérimentant sur le microbe de 
la septicémie puerpérale, le vit s'atténuer dès la 
troisième génération. C'est ce qu'ont remarqué 
aussi Arloing {Lyon médical^ août 1884), et Tru- 
chot {Thèse de Lyon^ 1884), en le semant dans du 
bouillon de poulet. 

Gamaléia prétend que la culture dans les 
milieux ordinaires atténue le vibrion cholérique. 
Il le rend virulent en le faisant passer à travers le 
pigeon (Accadémie des Sciences, août 1888)* 
Lœwenthal emploie pour cela un bouillon arti* 
ficiel spécial {Semaine médicale, 1888). 

Zefl'raewa vu (Soc. de biologie, 21 avrill888)qu'un 
microbe, faisant des septicémies chez la grenouille, 
était diversement virulent suivant les milieux. C'est 
sur la pomme de terre qu'il Tétait le plus. ; 



immOnité acquise 107 

Foa et Bordonni'Uffreduzzi ont atténué gra- 
duellement {Arch, itaL de biologie^ t. IX) par la 
culture en série le diplococcus capsulatus, qu'ils 
avaient isolé dans une méningite cérébro-spinale. 
A mesure que cette atténuation se poursuit, le 
microbe devient plus facilement cultivable. C'est 
ce que ces auteurs ont également remarqué pour 
le bacille de la \hi^vt(Zeitschrift f. Hygiène, ISSl). 

Ce fait semblerait légitimer cette hypothèse que 
le bouillon de culture est un milieu non vivant, 
où le microbe s'accoutume à vivre en saprophyte. 
, D'autre part, on pourrait supposer qu'il agit 
par son insuffisance de matériaux nutritifs. 

La qualité elle-même des aliments influe sur la 
vitalité du microbe, ainsi que l'ont montré 
MM, Charrin et Dissart pour le pyocyanique 
(Société de biologie, 1893). 

Dans quelle limite exacte agissent ces diverses 
influences? On le voit, l'étude des variations de 
composition du milieu est encore trop complexe 
pour qu'on puisse apporter à son éclaircissement 
une notion bien définie. 

.•X 
■ ATTÉNUATION PAR DES CAUSES DIVERSES 

Avant de clore ce chapitre, nous rappellerons 
encore les recherches de MM. d'Arsonval et 
Charrin (Académie des Sciences, 15 janv. 1894), 



108 nCMUIOSATION ET SÊRUIITHÉRAPIE 

qui montrent bien comment la plapart des agents, 
que nous venons de passer en revue, interviennent 
dans la nature. 

. Ils avaient déjà fait connaître (Biologie, 1893) 
raction de Télectricité, des courants à haute fré* 
quence, de la pression sous acide carbonique, et 
de Tozone dépourvu de tout élément nitreux. 
. Dans leur note à 1* Académie, ils ont montré que 
le spectre du soleil et celui de l'arc voltaîque dimi* 
nuent, au bout de quelques instants, le pouvoir 
.chromogène du pyocyanique. De même, le froid 
atténue les qualités pigmentaires de ce microbe. 
Mais, pour les anéantir, il faut recourir à des 
températures très basses. Alors, le germe présente 
des formes anormales : tantôt il s'allonge, tantôt 
il est ovoïde. Ils ont vu également que le froid 
modifie non seulement le milieu, mais le milieu 
de culture. 

Au début de Tétude des méthodes d'atténuation, 
nous avons vu que le passage à travers certains 
organismes pouvait modifier l'activité de certains 
microbes. Or, ce fait a lieu constamment dans la 
nature. Nous savons aussi l'influence de la dessic- 
cation, des antiseptiques, etc., conditions que nous 
offre encore le monde extérieur. Aussi, nous est- 
il permis de croire que si une même maladie se 
présente chez divers individus avec des degrés 
divers d'aspect et de gravité, cela peut tenir non 
seulement ^ Tinfluence du terrain, mais aussi à 



IMMUNITÉ ACQUISE { QÇK 

l'atténuation naturelle pliis ou moins grande de' 
Tagent virulent. 

Quant à l'atténuation artificielle que nous avons 
longuement étudiée , nous pouvons conclure, 
qu'elle se divise en trois méthodes : 1<* atténua- 
tion brusque par exposition du virus à diverses 
actions physico-chimiques ; 2** atténuation lente 
par sa culture in vitro dans des conditions parti- 
culières; 3^ passages successifs à travers un orga» 
nisme réfractaire ou peu sensible. Ce sont surtout 
les deux premières qui ont une réelle importance i 
pratique. 

Dans ces deux catégories même, tous les modes 
d'atténuation que nous avons indiqués n'ont pas 
une valeur comparable. La susceptibilité plus ou 
moins grande d'un virus déterminé pour tel ou 
tel agent physico-chimique nous met dans Tim- 
possibilité de fixer une règle absolue. Néanmoins^ 
on peut dire que les meilleurs procédés sont ceux 
qui permettent un dosage approximatif. C'est 
ainsi que, pratiquement, il faut rejeter le vieillis- 
sement des cultures, la dessiccation, la lumière 
solaire, l'action d'un bouillon àyabt déjà servi à- 
une culture. Il ne reste, en somme, que les anti-» 
septiques, l'oxygène, et surtout la chaleur, qui 
est le procédé de choix. 

Jetant maintenant un coup d'œil d'ensemble suî* 
l'atténuation, nous voyons que la virulence n'est 
pas une propriété fixe et absolue. Elle varie aved 



ilO IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

les diverses conditions de vie du microbe dans les 
limites les plus larges. 

C'est ainsi que nous avons vu des virus s'atté- 
nuer pour certains animaux, s'exalter pour 
d'autres. Il n'y a vraiment là qu'une atténuation 
relative, ainsi que le fait remarquer M. Rodet, 
dans le mémoire déjà cité . Il importe d'en distin- 
guer l'atténuation absolue, qui s'obtient par les 
deux premières méthodes. 

L'ordre de réceptivité des animaux pour un vi- 
rus est le même pour le virus atténué que pour le 
virus normal. On n'observe dans le premier cas 
que des différences de réceptivité plus grandes, 
qui peuvent varier elles-mêmes suivant le procédé 
d'atténuation employé. . 

Considérée, non plus au point de vue de la ré- 
ceptivité de l'animal, mais au point de vue du 
virus lui-même, l'atténuation est dite individuelle, 
lorsque les germes ne la transmettent pas à ceux 
auxquels ils donnent naissance, héréditaire lors- 
qu'ils la leur transmettent. La première se pré- 
sente, lorsqu'ils ont été soumis à l'influence bru- 
tale d'un agent physico-chimique. Mais, comme 
l'a établi M. Chauveau, si cet agent vient les mo- 
difier pendant qu'ils poursuivent leur évolution, 
soit dans un organisme, soit mieux encore dans 
une culture in vitro, alors l'atténuation devient 
héréditaire. 

Donc, le fait qu'un microbe recouvre sa viru- 



IMMUNITÉ ACQUISE 141 

lence. après une action atténuante ne prouve nul- 
lement qu'il n'était pas atténué; L'atténuation 
peut n'avoir été qu'individuelle: L'instabilité de 
cette sorte d'atténuation la rend par cela même 
inféconde et inférieure à l'atténuation héréditaire. 
Pourtant, cette dernière elle-même n'est pas ab- 
soluej puisqu'on peut rendre la virulence du mi- 
crobe en le faisant passer à travers un animal 
sensible. Par exemple, le choléra des poules est, 
après atténuation, exalté par les petits oiseaux, 
etj d'après Gamaléia, par le lapin ; le charbon par 
le cobaye nouveau-né ; la rage par le lapin ; :1e 
vibrion cholérique et le vibrio Metschnikovi par 
lé pigeon (Gamaléia, Académie des sciences, août 
1888) ; la pneumonie par le lapin (Gamaléia, Ann. 
InsL Pasteur, 4888). 

Cette tendance du virus atténué à reprendre sa 
virulence normale prouve bien que l'atténuation 
n'est qu'un phénomène passager, factice, anor- 
mal; Nous en avons encore des preuves dans ces 
faits qu'il est moins résistant aux diverses in- 
fluences atténuantes, qu'il végète moins bien ou 
que sa forme change. Le bacillus anthracis, même 
k l'état de spores, est plus sensible à la chaleur 
lorsqu'il- a déjà été atténué par le chauffage. II. en 
est de même du vieillissement. D'après Ghamber- 
land et Roux, d'après Gamaléia^ le charbon ne 
donne [plus de spores lorsqu'il; a été atténué par 
le bichromate de potasse; D!après Arloing, la lu- 



€13 IMMUNISATION BT SteUMTHÉRAPIB 

Hiièra ralentit sa végétation, d'autant plus que' 
son action a été plus longue, MM. Ghàrrin et Gui- 
gnard surtout, ont montré, en 1887,'coinbieii le 
polymorphisme du pyocyanique pouvait être fàd- 
lement déterminé par l'addition à sa culture d'an- 
tiseptiques divers: naphtol ^, alcool à 4' p. 100, 
bichromate de potasse à 0,015 p. 100, acide bo- 
rique à 0,6 p. 100 ou h 0,7 p. 100, créosote à 
0,10 p. 100. Hs ont vu le microbe tantôt s'allonger, 
tantôt se segmenter, tantôt s'enrouler eh spirille, 
tantôt prendre la forme d'un microcoquei Le 
transport daiis un milieu normal lui redonne sa 
forme ordinaire. 

De même que pour la virulence, le procédé 
d*atténuation influe plus ou. moins sur le défaut 
de résistance, la végétabilitë et la forme du mi< 
orobe. 

D*apTès Wassering (Ann. tnst. Pasteur, 1887), 
ces propriétés peuvent, comme Tatténuation, être 
individuelles et passagères, ou héréditaires et 
permanentes, suivant les conditions d'action de 
la cause' atténuante. 

Eh un mot, un microbe atténué est tin. microbe 
anormal. Seul, le cas où un microbe s'atténue 
potir une espèce, en s'exaltant pour uiie autre,! 
autorise à supposer qu'il a subi alors une adapta- 
tion. Il en est peut-être de m^mé de 6elm où il 
s'atténue par le seul fait de la culture, |)ar, ^cCoH- 
tumâhce à la vie de saprophyte: 



IMMUNITÉ ACQUISE l\ iii3 

r 'L'attéauation diminue^ le pouvoir morbide du 
.•microbe, soit qu'elle ^allonge la duréa xle la ma- 
ladie, soit qu'elle réduise la mortalité^ soit qu'ell^ 
,rende les accidents béains^ /^olt qu'elle .pcoduise 
des lésions chroniques. Parfois, il ne ,se forme 
yqu*unJe lésîoa îdcale.JPar, e^emple^ Je xcharbon 
atténué ne détermine .chez :ie <cobaye .que ide i'oe- 
dème« Le microbe de ia pneumonie,' normal, fait 
jde la septieémie^chez lé lapin; ;atténué,il tfàitide 
.la pneumonie. D'après Gornil et Chantemesse, le 
vmicrobe de: la pneumo-entérite desî-porcs, après 
. atténuation vua détermina chez le cobaye .quades 
abcès. . :■' 

La modiOcation la plus intéressante^ apportée 
'par l'atténuation, est la création du ipouvoir (vac- 
cinal. L'intensité de ce pourvoir Yarie.*elle-méjhe 
avec le degré d'atténuation. Il n'existe >:qu!à 'la 
condition qu'elle ne ^erapas poussée trop. loin. 
11 semble en quelque sorte que le pouvoir vaccinal 
dépende de la virulence de la culture. Un fait 
, découvert par GhauvQftu ,^emj)lerait contredire 
cette proposition. D'après ce savant, en effet, on 
>i^eut immiuniser le môutau' contre le* charbon, en 
•lui Inoculant unç culture de <co micrqbe, atténué 
-pajp. l'oxygèafii squ9 pres^iou. Or, . dangi :C;eso condi- 
tions, la culture. e3t îqactive sur j^e ,lapia. Il *a9t 
îAjcroiçq q.uç cette exçeptioQ tient au procédé d'at- 
-ténuatiou eroplpxq. ' , î . 

La vaccination «antirabique, également, esti'att- 

IMMUNISATION. 8 



114 IMMUNISATION BT SÉRUMTUÉRAPIE 

tant plus facile que les inoculations sont plus 
virulentes. Mais cela ne veut pas dire qu*on ne 
puisse l'obtenir par injection de moelles très atté* 
nuées. Burdach et Roux, ont pu, au contraire, 
y arriver. 

Il faut ajouter qu'en général les inoculations 
sont d'autant plus efficaces et moins nuisibles 
qu'elles sont répétées à des degrés croissants de 
virulence. C'est qui fait Je fond de la méthode 
antirabique de Pasteur. Néanmoins, contre le 
sang de rate, le charbon symptoma tique, le 
rouget, il n'avait employé que deux vaccins. 
Contre le charbon, Chauveau ne s'est servi que 
d'un seul. 

De plus, l'injection d'une grande quantité de 
virus augmente son pouvoir vaccinal. C'est ce que 
MM. Ghamberland et Roux ont vu pour le char- 
bon, M. Ferran, pour la rage. 

X 

VACCINATION CONTRE UN VIRUS PAR UN AUTRE 

S'il est vrai que la variole et la vaccine consti- 
tuent deux infections différentes, il faudra placer 
dans ce chapitre le fait de la vaccination ordi- 
naire contre la variole par la vaccine. 

Pasteur •, le premier, a pu empêcher la poule 
refroidie de contracter le charbon, en lui inocu- 
lant le choléra des poules atténué. 



IBtMUNITÉ ACQUISE lit) 

Toussaint a ensuite vacciné contre ce choléra 
par le microbe de la septicémie des lapins ; mais 
peut-être les agents de ces deux injections sont- 
ils identiques. 

En 4886 et 1887, Emmerich a empêché l'infec- 
tion charbonneuse chez le lapin, en lui inoculant 
sous la peau et mieux dans les veines le microbe 
de Térysipèle avant ou après l'inoculation de 
charbon. Pawlowsky n'a réussi à produire l'im- 
munité contre le charbon {Virch. Arch.^ 1887) 
q^u'en inoculant le staphylococcus pyogenes, ou 
le psieumo-bacille de Friedlaender en même temps 
que Itt charbon ou peu après. 

Zagari {Giom. intemaz. del sc.med:, 1887) a 
confirmé let travaux de Emmerich, non seulement 
pour le lapin» mais pour le cobaye, et a obtenu 
l'immunisation 4e ce dernier animal contre le 
charbon en lui inoculant à plusieurs reprises le 
rouget des porcs. 

De môme, Gamaléia % vacciné le pigeon contre 
le vibrion cholérique de Koch au moyen du vibrio 
Hetschnikovi. 

On a prétendu aussi que dea microbes pouvaient 
modifier les lésions produites par d'autres. Par 
exemple, Cantini a signalé TinQuence favorable 
de l'inhalation de bactérium thermo sur les lésions 
tuberculeuses {Centr. f. d. medic. Wissensch.^ 
1884), Fehleisen celle du microbe de l'érysipèle 
sur le lupus {Ann, Inst, Pasteur, 1884, Revue de 



H 6 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Wassei'zug), Neumann celle de ce même microbe 
sur les lésions syphilitiques [Soc. imp. der medL 
de Vienne, 1888). 

Quelle est la nature de cette vaccination contre 
un microbe par un autre? 11 est probable que, 
dans ce cas, le premier a affaibli la résistance de 
l'organisme contre le second, et qu'il ne faut pas 
invoquer un antagonisme, une concurrence vitale 
entre les deux germes. 

' ' xii ■ ' ■ ■ ^ ■- '• .' 

... ■ ■ .1 

VACCINATION CHIMIQUE 

- Le microbe fait ce que font ses produits. Il 
^était donc naturel de penser que l'immunité, que 
l'on avait réussi à créer par son injection, pour- 
rait se produire aussi par l'inoculation des sécré^ 
lions toxiques. €ettje idée a été mise en lumière 
par l'école lyonnaise. C'est Ghauveau qui, 4e pre- 
mier, l'a émise, lorsqu'il découvrit la transmission 
de l'immunité charbonneuse de la mère au fœtus. 
Malgré l'opinion de Straus et Chamberland, de 
Perroncito, Chauveau a de nouveau affirmé' le 
fait en 1888 (A.cad. des sciences, eï, Ann, Inst. 
Pasteui'), et soutenu que le charbon ne traverse 
jamais le placenta de la brebis, alors pourtant 
que le fœtus est toujours, immunisé. : ; 

Cienkowski n'a observé {Centr. f, Bakter,^lS8^) 
cette transmission d'immunité que 78foi3 surlOO* 



IMMUNITÉ ACQUISE i il7 

Pour prouver la' possibilité de la vaccination? 
par les produits solubles, il. était nécessaire d'ex-, 
pe'rim enter sur eux isolément. C'est ce que tenta; 
pour la première, fois, Toussaint pour la vaccina-^ 
tjion anticharbonneuse. ■ ; \ 

Cette! tentative fut mal accueillie tout d'abord^ 
par l'école de Pasteur, qui la combattit vivementé, 
Ghamberland et Roux objectèrent 4 Toussaint 
qu'il n'avait pas employé des moyens suffisants; 
pour éliminer les bacilles. Néanmoins, ils durent 
reconnaître, comme lui, que l'immunité contre le. 
charbon peut être conférée par ses substances 
solubles. Mais ce dernier travail n'a été publié 
qu'en 1888, dans les Annales de l'Institut Pasteur., 
Le chauffage du sang charbonneux à H8<*, ne 
do nnjc qu'une immunité incomplète, Si, au con- 
traire, on chauffe le sérum à 55°, comme le faisait 
Toussaint ou mieux encore à 88°; 1 heure par 
jour, durant 4 ou 5 jours, son injection hypoder- 
mique immunise les moutons à la dose de 70, 80, 
100 centimètres cubes, suivant les individus. 

Avant Roux et Ghamberland, Wooldridge avait 
déjà publié {Semaine médicale, mai 1887) que? 
les cultures de charbon, bouillies, conféraient au 
lapin l'état réfractaire contre ce microbe. Il opé- 
rait ces cultures dans une macération de thymus.. 

On se rappelle les discussions que souleva, il 
n'y a pas longtemps, la découverte du pouvoir 
vaccinal des produits solubles du bacille cholé- 



118 IMMUraSATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

rique par le savant espagnol M. -Ferran. Il re- 
connut, d'abord, que l'injection sous-cutanée d'une 
faible quantité de culture pure confère Timmu- 
nité. Opérant ensuite sur des cultures chauffées 
à 9So, il leur trouva la même propriété. Il soutint 
même avoir isolé leur principe actif cristallisé, et 
avoir isolé avec lui. 

Les travaux de M. Ferran étaient accueillis 
avec la plus grande incrédulité, lorsque Gamaléia 
communiqua ses recherches à l'Académie des 
sciences (août 1888). D'après lui, le bacille virgule 
est atténué dans les cultures. Il lui redonna sa 
virulence en lui faisant traverser le pigeon. Il 
obtint ainsi des cultures qu'il priva de tout germe 
par le chauffage, et l'injecta au pigeon pour 
l'immuniser contre le choléra. Ayant réussi, il 
établit sa méthode de vaccination anticholérique. 

Déjà, en 1888 [Eap, of the commiss. of Agric) 
(Voir aussi 1886, A. Salmon et Smith, Congrès de 
Washington), Salmon prétendait avoir immunisé 
les pigeons contre le hog choiera^ en leur injec- 
tant même 0cc,8 d'une culture chauffée à 58-60o. 
La méthode ne réussit pas pour le porc. 

Il faut aussi rappeler le fait, découvert par 
M. Charrin (Acad. des sciences, oct. 1887), de 
l'immunisation du lapin contre le pyocyanique 
par ses cultures filtrées. Bouchard obtint cette 
immunisation (Biologie, 1888) avec l'urine filtrée 
des lapins infectés. Charrin et Rufîer (Biologie, 



IMMUNITÉ ACQUISE 119 

oct. 1888) avec Turine des lapins intoxiqués par 
Ja culture filtrée. Le 16 février 1889, à là Société de 
Biologie, Charrin et RuQer ont aussi montré que le 
sang de ces lapins est doué du pouvoir vaccinaL 

Cependant, c'est le travail de Chamberland et 
Roux sur la vaccination contre la septicémie 
par les produits solubles du vibrion septique {Ann. 
InsL Pasteur, 1887), qui a eu le plus grand éclat. 
L'injection intra-péritonéale des cultures, chauf- 
fées à 105-1 10<>, ou filtrées sur porcelaine, leur a 
permis de conférer une immunité plus ou moins 
grande, suivant la dose injectée. 

Roux est arrivé au même résultat pour le char- 
bon symptomatique {Ann. Inst. Past., 1888); 
Ghantemesse et Widal (Société de Biologie, 
mars 1888) pour le bacille typhique. 

Il faut aussi rappeler ici l'opinion de Pasteur, 
sur la matière vaccinale du virus rapide. Il pense 
que certaines particularités de la vaccination anti- 
rabique ne peuvent s'expliquer que par l'action 
des produits solubles; telle la possibilité de la 
vaccination contre une inoculation ultérieure, et 
même antérieure à celle du virus rabique, et ce 
fait vérifié par Burdach {Ann. Inst. Past., 1888) 
qu'une dose moyenne de ce virus a plus d'effet 
qu'une très forte dose. 

Néanmoins, tant qu'on n'aura pas expérimenté 
sur les produits solubles seuls, on ne pourra con- 
clure à rien de définitif sur ce chapitre. 



iW: IMMUNISATION BT .8ÉRUMTUÉRAPIE 

%'Eu fia de dompté, on voit que si riafection mw* 
crobiénne se réduit, comme l*à. montré Tëcole- 
dé BouchUrdy a une' véritable intoxication, c'est 
au^i par un: processus chimique qu*il faut ëxpli-< 
(|ueb ia.vaccinatioh# 'i ; ' I . - 

;>Peut-être niême, lorsque Tetude chimique dél 
cfis produitsr soloibles sera plus avancée, serà-t-il; 
possible d'en isoler certains qui, à euxseuis/pour^- 
rontcbnférer l'immunité. Âlors,cette thérapetitiique' 
vaccinale cessera d'être le privilège du laboratoire^^ 
et rentrera dans lé domaine pharmaceutiquéi 

Cette opinion, d'ailleurs, qu'où pourrait croire 
fantaisiste^ ne Test pas, si on se rappelle les suc- 
cès obtenus par .Certains auteurs dans la vaccina-^ 
t^on par des substànèeâ chimiques définies; dié--^ 
tinctes des produits solublés inicbobiens.. 

, Le travail . le* plus curieux en cette ihatière, 
preaqueencore inexpliquée,' est celui que cominu*: 
niqua Peyraud, le21 novembre 1887, à l'Académie 
des Sciences, et dont il continua la publication. 
à; l'Académie de médecine ;(avril 1888) et à Ja. 
Société de biologie (avriM888). . • .* 

'■ Ayant trouvé que la tahaisie donne aux lapins 
lin certain bohibre dé symptômes analogues si 
ceiix de la rag». (rage, tanacétique ou simili*. 
rage), il chercha si l'essence de cette plante hCi 
serait pas susceptible de vàccirier contre le virus 
rabique; ; : , i . 
D'après Gohier et Bouley, Raj^mbnd et Arthaud, 



; ,; IMMUNITÉ ACQUISE , :l [ tâl'i 

les animaux ayant ingéré du tanin fee putréfie-/ 
raient nioins vite. j ;, , ^ 

L*actioil qiic' ces deux. derniers auteurs avaient 
trouvée poul?. le tanin vis-à-vis du* bacille de la 
tuberculose a été retrouvée par Gosselin' {Etudes- 
sur iâ tuberculose de Yerneuil) pour riodoforme. 
D'après Cavâgnis (ibidem), le traitement des ani-»; 
maux parde.yiodure de potassium les empêche*' 
rait ainsi de devenir tuberculeux. Behring a signalé 
également .{Deut. medid ÎTocA., 1887) l'action 
préservatrice de • hautes < doses' de sels d'argent 
contre le charbon] 

Etant donné l'insuffisance des résultats, on n'a 
pàjs le droit d'assimiler ces propriétés préventives 
à l'action vaccinale des microbes et dé leurs pro- 
duits. Les faits bien connus de mithridatisme auto- 
risent à penser 'que ces phénomènes peuvent 
s'expliquer pàk* une accoutumance. Peut-être aussi, 
y aurait-il action médicamenteuse pure et simple. 
Avant de rien dire, il faudrait connaître plus inti- 
mement le. mécanisme d^ la. vaccination. Nous 
allons voir que les théories sont nombreuses, et 
que le moment n'est pas encore venu d'ériger une 
doctrine complète. 

L'expérience , parait-il , confirma son idée. 
D'après Peyraud, le chloral produit le même effet 
que l'essence de tanaisie, lorsqu'on donne la rage, 
mais non avant. 

Depuis longtemps déjà, on avait espéré décou- 



ISâ IMMUNISATION ET 

vrir contre les maladies infectieuses des médica» 
lions préventives^ uniquement basées surPemploi 
de corps chimiques purs. Bien que les tentatives 
dans ce sens n'aient pas donné de résultats positifs 
nous les énumérerons cependant. 

D'après Bouley {Revue scientifique, 14 juillet 
1883), Polli préconisait les sulfites alcalins dans 
le traitement préventif des infections. 

Buchner a songé à Tarsenic dans le même but 
[Die Erziehung von Immunitaty 1883). 

Raymond et Arthaud prétendent [Etudes sur la 
tuberculose, de Verneuil), que les lapins avalant 
chaque jour du tanin sont indemnes de tuber- 
culose. Le même fait a été affirmé par Cieccherelli 
(Soc. ital. chir., 1888). 

Diaprés Bouley encore, Von Froschauer aurait 
empêché le développement de la clavelée et de 
la septicémie des souris par l'inhalation préalable 
d*hydrogène sulfuré. 

Toutes ces affirmations ont été controuvées et 
informées par l'observation consciencieuse des 
cliniciens et des expérimentateurs. 



THÉORIES DE LA VACCINATION 



Elles sont nombreuses. On a donné celles de 
Tépuîsement, de la matière ajoutée, de raccoutu- 
mance, de la chimiotaxie, de la phagocytose, de 
l'état microbicide des humeurs, de Tobstruction 
des toxines, du pouvoir antitoxique, etc. Toutes 
renferment évidemment une part de vérité ; mais 
on ne saurait adopter exclusivement Tune plutôt 
que l'autre. 

I 

On a supposé d'abord que l'immunité est le 
résultat de Tintroduction des produits microbiens. 
Klebs avait le premier émis cette idée, et, ainsi 
que nous l'avons vu, elle est bien démontrée par 
Chauveau, Toussaint, Salmon et Smith, Cliarrin^ 
Roux et Chamberland, etc. 

Les matières vaccinantes, que produit le microbe 
dans les cultures, se forment-elles aussi dans le 
corps des animaux, dans le sang? Une réponse 



i24 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

affirmative a été donnée à cette question par les 
expériences de Bouchard, démontrant le passage 
de ces matières dans l'urine des lapins atteints de 
maladie pyocyanique; en eJDTet, il a pu le vacciner 
par rinoculation de leurs urines stérilisées. Pour 
l'œdème malin, on a également démontré le pou- 
voir vaccinal de sa sérosité ; Behring et Kitasato 
ont fait de même pour les humeurs des animaux 
diphtéritiques. 

Restait éprouver que les substances vaccinantes 
existent dans le sang. C'est ce qu'ont réalisé Char- 
rin et Ruffer. Ainsi, les microbes fabriquent au 
sein de l'organisme des substances vaccinantes. 
Mais comment agissent-elles sur les microbes qu'on' 
introduit ensuite? Joûent-elles le rôle d'un anti- 
septique, empêchant leur développement? Charrin 
ne le pense pas, car, en ciilture, la diminution de 
la vitalité du microbe tient à la présence de subs- 
tances empêchantes, et à' la diminution des prin- 
cipes nutritifs. 

' Or, dans l'organisme, la respiration et l'alimen- 
tation rétablissent rapidement ces principes, et, 
d'autre part, les substances empêchantes s'élimi- 
nent par l'urine, au point que Ruffer et Charrin 
Eie l'y ont plus trouvée après le quatorzième' 
jour. 

De plus, le chauffage n'enlève pas aux cultures 
leur effet vaccinal, et cependant elle détruit le 
pouvoir bactéricide. 



IMMUNITÉ ACQUISK ^^! 421) 



H 



^ Donc, la vaccination ne résulte pas de la simple 
action de présence des toxines vaccinantes. 

On a supposé ensuite que l'injection du virus 
enlève à l'organisme des principes indispensables 
à la vie du microbe. Il détermine un épuisemetft 
du milieu qui empêche son développement. Mais, 
outre que la démonstration de la destruction de 
ces principes par les toxines n'a pas été donnée, 
il est probable que le circulus vital est capable de 
les reproduire. - • 

Par conséquent, ia théorie de l'addition de la 
substance empêchante est aussi incomplète que 
celle de la substance ajoutée. Avec elle, rhérédité 
devient inexplicable, car il faut admettre le trans- 
port de ces substancers par les éléments généra- 
teurs; " '' ■" ' ' '^' ''■'^' ' ' ' ■' ' \ '" ' ■'' ■ ' 

D'ailleurs, ïï les produits solubles .microtienà 
agissaient à la façon 'des antiseptiquesi ils vacci- 
neraient dès le miomerit de leur inoculation. Or, 
on sait que la vaccination n'existe qu'après une 
période d'incubation plus ou moins longue; - -^ 



III 

■;' [ 
La théorie de l'épuisement se rattache à la théo- 
rie locàlistique, aujourd'hui abandonnée, de' Eic- 
horst, Buchner, Wolff, etc., d'après laquelle les 



126 IMMUNISATION HT SÉRUMTHÉRAPIE 

microbes ne peuvent se dévelo pp ée que dans cer- 
tains endroits de Torganisme. Lorsqmlls ont dis- 
paru, lorsqu'ils sont épuisés, ils sont înetpables 
d*y évoluer de nouveau. Il en résulte, en somsM^ 
l'immunité locale. 

Le fait de cette immunité, bien évident pour 
Térysipèle, qui s'atténue à mesure qu'il récidive, 
a donné naissance à une nouvelle théorie, celle de 
l'accoutumance ; Tinjection de doses répétées de 
produits solubles créerait progressivement Tinsen- 
sibilité de Forganisme, comme on le savait pour 
la morphine, pour l'arsenic, etc., comme Kauff- 
mann Ta mis en évidence pour les venins. On sait 
aussi que plus un animal résiste au microbe, plus 
il résiste à ses toxines seules. Tel est le cas du 
vibrion de MetchnikofT, pour le cobaye, ainsi que 
l'a constaté Gamaleia {Ann. Inst, Pasteur, 1889-90). 
D'autre part, il a prouvé que plus l'accoutumance 
est facile, plus la vaccination est facile. 

Gharrin et Gamaleia ont repris la question pour 
le pyocianique (Société de biol., 24 mai 1890), et 
ont conclu que les animaux réfractaires présen- 
tent .vis-à-vis des cultures stérilisées à peu près 
la même résistance que les témoins. 

IV 

D'autres auteurs ont invoqué pour expliquer la 
vaccination, le phénomène de la chimiotaxie, 



IMHUNITé ACQUISE 127 

que nous avons déjà fait connaître dans le pre- 
mier chapitre. On sait que la diapédèse, (]ui se 
produit à la suite dé l'inoculation d'un microbe 
sous la peau, est plus intense chez le vacciné. On 
a supposé alors que, chez lui, les leucocytes 
étant déjà accoutumés aux produits microbiens, 
sont moins repoussés par eux, ou plus attirés. 
Les constatations faites par Charrin pour le bacille 
pyocyanique, n'ont pas vérifié cette interprétation 
du phénomène. 

Nous avons, dans le chapitre de VImmunité 
naturelle^ longuement insisté sur la phagocytose 
et le pouvoir bactéricide des humeurs. On a direc- 
tement constaté que l'une et l'autre augmentent 
chez le vacciné. 

Charrin et Gley ont également démontré (Société 
de biologie, novembre 1893) que chez lui, la sup- 
pression des actions vaso-motrices par paralysie 
des centres vaso-moteurs se produit, comme chez 
le non-vacciné, à la suite de l'injection des produits 
solubles du bacille pyocyanique. 

D'après Charrin, l'immunité ne tiendrait pas à 
une accoutumance, mais à ce que chez les vaccinés 
les microbes se développent mal et ne peuvent 
sécréter leurs toxines en quantité suffisante. 

V 

U est une dernière théorie, qui a été, pour la 



128 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE 

«première fois développée par Behring, et qui attri- 
bue la vaccination à la formation dans ies liumeurs 
jAe protéides défenéives, qu'on a .nommés anti- 
toxines. C'est de ce processus que nous alloos 
nous occuper^ . ! ' , ;) ; . r. 



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/;ï ■u^.a ,'.y, L '. ■ .'/v.-^.î; :'l:'.A^ -.i-; 3..., il 



CHAPITRE m 
.IMMUNISÀtlb^ 

I 



L*histoire de ce processus est intimement liée à 
celle de la sérumthérapifè. Oa' avait èherchéaùtï'e- 
fois à oréer rimmunité eâ injectant à l'aniolal h 
inicrbôrganisihe pathogëiié Jui-méme:; plus :tard> 
en a tentq riôimunisajbioii en injectant à' ranima:! 
des doses progressives de produits soIubles$>é.crété8 
par ce même microorgànisme) ou biien . en inor 
culàdt du séruni provenant d'un animal préa? 
lablemént iihmunisé. C'est eh cela que consista 
jtouie la- différence qui existe entre la vaccination 
et l-îmmtinisatidh, difÈérence qui est essentielle et 
qu'on confond trop souvent^ La vaccination nq 
peul cfue prévenir Tinfection. L'immunisation est 
Capable de l'a guérir. La substance vaccinante es! 
impuissante sûr le microbe et ses produits; lasut^si 
tance immunisante a là remarquable pK)priétéj 
lorsqu'elle est mélangée à eux^ d'en détermineir 
la destruction chimique. EnQil, la réaction vis^^ 
iéiiunisation; d 



130 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE 

à-vis de la chaleur et des corps chimiques n^est 
pas la même pour la protéide défeasive que pour 
le vaccin chimique. 

Par la vaccination, on fait produire à Tanimal 
lui-même les matières empêchantes qui devront 
entraver le développement du microbe. Dans Tîm- 
munisation, on ^uiinjetcte' celles qu*a fabriquées 
un autre organisme. Nous avons dans ce dernier 
un véritable remède. 



II 

» Si'ûoiis insistons takii à marquer da nuance de 
ces deux ^méthodes, ^c'ést <jii*il s'agit là de recher- 
ches-toutes nouvelles et bien originales qui doivent 
être 'distinguées de' celles poursuivies précédem- 
ment. >Sans doute, ies expérimentateurs anciens 
ont pour ainsi dire deviné l'action immunisante du 
sérum, lorsqu'ils ont conseillé de saigner à blanc 
les cachectiques, de leur enlever tout le sang 
vicié et d*introduire dans leurs veines na sang 
provenant d'un organisme sain. On avait observé 
aussi un certain antagonisme entre les maladies 
infectieuses qui se gênaient mutuellement dans 
leur évolution et dont l'une pouvait devenir cura- 
tlve pour l'autre. Dans cet ordre d'idées Felheisen 
a -cité, en 1880,:un cas bien remarquable d'une 
feuitne atteinte d'un cancer du sein, imalade qui 
fut opérée sticcessivement trois fois, et dont la 



IMMUNITÉ ACQUISE 131 

récidive s'efîectua très rapidement. A la troisième 
récidive un érysipèle envahit la plaie cicatricielle 
du sein amputé et cette nouvelle invasion fut salu- 
taire pour la malade dont le carcinome ne réci- 
diva plus. 

Le même savant observa d'autres cas de cancer 
compliqués d'érysipèle, avec un succès relatif, 
mais moindre que celui rapporté précédemment. 
Emmerich ne conclut pas moins qu'il faudrait se 
servir du sérum provenant d'animaux immunisés 
avec du streptocoque de Felheisen pour traiter et 
guérir (?) des cancéreux, les toxines du strepto- 
coque de Térysipèle agissant contre la carcinose. 



III 



Le 2 mars 1889, Richet et Héricourt annoncé* 
rent à la Société de biologie que la transfusion 
intra-péritonéale du sang de chien, ralentit chez 
le lapin l'évolution de la tuberculose aviaire ou 
bovine. 

Vers la même époque, Behring et Vernicke firent 
une communication de la plus haute importance 
à cause de la précision de la méthode qu'ils 
fixèrent définitivement. Ces expérimentateurs, 
immunisèrent, dès cette époque, contre le tétanos 
et la diphtérie par l'inoculation des produits solu- 
bîes étendus d'une solution de trichlorure d'iode^ 

Le 31 mars et le 7 juin 1890, Bouchard et 



132 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÊI\APIE 

Charrin communiquèrent ce fait que non seulement 
le sang, mais encore le sérum de chien augmen- 
tent la résistance du lapin au bacille pyocyanique. 

La même année, je fis connaître par des com- 
munications faites successivement à la Société de 
thérapeutique et à la Société clinique des prati- 
ciens que la transfusion de sang de chèvre fait 
directement à un lapin ou à un cobaye immunisait 
contre la tuberculose. J'avais également pratiqué' 
un grand nombre de transfusions pratiquées direc- 
tement de la chèvre à l'homme et j*ai commu- 
niqué au Congrès de la tuberculose une série de 
cas où cette méthode thérapeutique avait donné 
chez les phtisiques d'excellents résultats. 

Gourmont et Dor ont également cherché l'im- 
munisation tuberculeuse et Tont obtenue chez un 
petit nombre d'animaux. Toutefois, ils n'ont pas 
appliqué cliniquement cette méthode et ils ne 
parlent guère, à celte époque du moins, de sérum- 
thérapie chez les phtisiques. Leurs tentatives 
scientifiques ne méritent pas moins d'être signa- 
lées, d'autant plus que l'immunisation a été 
obtenue par la méthode de Behring, c'est-à-dire 
par l'inoculation de toxines. 



IV 



En Allemagne, Behring constate que la souris 
résiste davantage au charbon, lorsqu'on Itii 



IMMUNITÉ ACQUISE 133 

injecte du sérum de rat, qui y est moins sensible, 
et Jasuhara que le sérum de chien et de grenouille 
immunise la souris contre le charbon, et que celui 
de poule la préserve du microbe de la septicémie 
des souris. 

Behring annonce ensuite que le sérum de rat 
favorise la résistance du cobaye au bacille diphté- 
rique. 

Cette action antiseptique du sérum réfractaire 
s'exerce même m vitro. C'est ainsi que celui de 
grenouille et de pigeon alténue ou détruit le 
charbon, celui de chien la même bactérie, celui 
de rat le virus diphtéritique. 

Etant donné cette propriété préventive du sang 
de réfractaire, il était naturel de voir si elle 
appartiendrait aux animaux artificiellement immu- 
nisés. Behring et Kitasato ont été les premiers à 
affirmer ce fait pour le tétanos {Deut, med, 
Woch.y 1890). Ils ont montré que la souris, si 
sensible au poison tétanique, cesse de Têtre lors- 
qu'on injecte le mélange de ce poison avec le 
sérum du sang des lapins vaccinés. De plus, ce 
pouvoir antitoxique se manifeste non seulement 
in vitro, mais môme dans l'organisme. 

Tizzoni et Cattani ont confirmé les résultats de 
ces auteurs (Centr.f. Bact,, t. XIX) pour le sérum 
de chien et de pigeon. 

Vaillard put aussi vacciner, mais non guérir 
(Soc. de biolog., 21 fév. 1891), et constata la 



4 Si IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

grande variabilité du pouvoir antitoxique. Il 
trouva, de plus, que la rate et Thumeur aqueuse 
des vaccinés ne possèdent pas ce pouvoir. 

Kitasato a été le premier à tenter la gùérison 
de rhomme tétanique par le sérum, du lapin 
vacciné. Employant des doses trop faibles, il n'a 
pu réussir. 

Tizzoni et Gattani ont obtenu de meilleurs 
résultats par l'emploi de Tantitétanine du sérum 
de chien vacciné. 

En 1890, dans la Deut, med. Woch,, Behring a 
répété pour la diphtérie ce qu'il avait fait pour le 
tétanos. Il constata, vis-à-vis du virus diphté- 
ritique, le pouvoir antitoxique du sérum du cobaye 
immunisé. En 1891, avec Kitasato, il étendit le 
même fait {Deut. med. Woch,) au lapin et au 
mouton. 

C'est alors que des essais thérapeutiques furent 
entrepris par divers auteurs, en particulier par 
Aronson {Berlin, Klin. TrocA.,19 juin 1893), Kossel 
{Deut, med. Woch.j 1893) pour le traitement de 
la diphtérie. 

En France, des résultats analogues étaient 
poursuivis par Roux, qui, utilisant avec Nocard 
le sérum de cheval, a pu arriver à l'hôpital des 
Enfants Malades à établir la méthode définitive.' 

On sait qu'il lit sa première communication en 
septembre 1894, au Congrès de Budapest. 

Depuis, ce mode de traitement à été l'objet des 



IMMUNITÉ ACQUISE ' " i'85 

plus vives attaques en Allemagne, en particulier 
de la part de Hansemann, un assistant de Yirchow, 
à la Société médicale de Berlin. 

En France, on a signalé à la Société- médifcale 
des hôpitaux chez les diphtériques traités par le 
sérum immunisé quelques accidenta généraux, tels 
que l'élévation de la température jusqu'à 40®, 
urticaire, érythème polymorphe, arthropathies, 
délire, vomissements, dyspnée, purpura abdominal 
ou généralisé, néphrite ^?) et aii point d'inocu-i 
lation, un abcès, une légère sensibilité et un 
œdème fugace ; nous décrirons tous ces faits dans 
les chapitres spéciaux qui vont suivre. 

Néanmoins, ces accidents sont de minime impor- 
tance, lorsqu'on considère l'efficacité de la -mé- 
thode chez ie diphtérique, lorsqu'on voit deux t)u 
trois jours après l'injection la pâleur du visage 
disparaître, la vivacité de l'enfant revenît-, Tappétit 
se relever, la température s'abaisser brusquement',' 
et surtout les membranes disparaître, et le phéno-^ 
mène du tirage ne plus revenir. : i ^ 



Emmerich, l'auteur de la théorie des protéîdes 
antiseptiques, a fait le premier delà sérumthérapié 
avec Mastbaum {Mûnch, med. Woch., 1892) contré 
le rouget des porcs, et avec •Povitsky {Mûnch. 
med. Woch., 2 août 1891) contré la pneumonie. 



{36 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE 

' Presque en même temps que ces deux auteurs, 
G. et F. Klemperer établissaient {Berl. KHn. 
Woch., 24 et 31 août 1891) laguérison de la pneu- 
monie chez le lapin par le sérum des lapins 
vaccinés, et la destruction in vitvo du poison 
pneumonique par ce sérum. Foa et Scabia firent 
de même. 

Dans les Arch^ de méd. exp. de 1893, Archaroff 
a confirmé les recherches des deux frères Klem- 
perer, et récemment {BerLKlin. TFocA., mai 1892) 
ces derniers ont donné le résultat de l'application 
de leur méthode au traitement de 40 cas de pneu- 
monie chez l'homme. En France, il faut signaler 
$ur ce sujet un travail de Momy. 

La sérumthérapie de la fièvre typhoïde a été 
étudiée par Brieger, Kitasato et Wassermann 
{Zeit, f. Hygiène, t. XII). En Fra/ice, Ghantemesse 
et Widal ont vu que le sérum du cobaye vacciné 
contre le bacille typhique est doué du pouvoir 
antitoxique, et que le sérum des typhiques guéris 
est préventif pour les animaux. 

Dernièrement (Société de Biologie, 1893), le 
D' Legrain a tenté la sérumthérapie du typhus 
exanthématique. 

Gelle du choléra a été étudiée par Klemperer, 
puis par Fer ran, Behring, Kitasato et Wassermann. 
On a dit que Behring serait en possession de Tanti- 
toxine cholérique. 

Il faut ajouter qu'en 1893, Tommasoli et Pel*» 



IMMUNlTÉi ACQUISE 437 

lizzàH ont prétëadu avoir amélioré la syphilis par 
le sérum de syphilitique.' Lé .professeur Ma^za, 
reprenant ses expériences {Giornale ïtaL délia 
Mal. vin. e d. pelle, fasc. 2, 1893), n*a pas obtenu 
4e succès. Ce résultat fut plus heureux pour 
M. Richet et Tribo.ulet, ainsi qu'il ressort d'une 
note, récemment communiquée à la Société de 
Biologie. 



VI 



D'après ce rapide historique, il est donc établi 
que le sérum des animaux vacciné? peut amener 
la gùérison des maladies infectieuses. Les re- 
cherches ont été poussées dans des domaines plus 
larges. Ehrlich a vu le premier qu'on peut pré- 
venir chez les souris l'intoxication par des tox- 
albumines végétales : abrine, ricine, en leur in- 
jectant le sérum des animaux vaccinés. 

Des faits analogues ont été signalés en 1894, à 
la Société de Biologie, par MM. Phisalix et Ber- 
trand, et par M. Calmette, à propos du venin des 
3erpents. 

MM; Phisalix etBontejean ont également montré 
{Ac. des sciences, août 1894) que le mélange de 
curare et de sang de salamandre rend la grenouille 
réfractaire au terrible poison. 

Roux, au GQngrès de Budapest, ajoute une notion 
nouvelle à la question des sérums antitoxiques : 



i 38 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉKAPIE 

le traitement d'une maladie par le sérum d'une 
maladie différente. C'est ainsi que, comme Ta vu 
Calmette, le sérum antitétanique préserve contre 
Faction du venin. De même, le sérum d'un lapin 
vacciné contre la rage possède un pouvoir pré- 
ventif contre le même venin. Pourtant, la réci- 
proque n'est pas vraie, un lapin vacciné contre le 
venin n*est pas vacciné contre la rage. < Puisque 
ces sérums préventifs agissent comme des stimu- 
lants cellulaires, dit Roux, on comprend que le 
sérum d'un animal vacciné contre une maladie 
puisse être efficace contre une autre. Dans ces 
derniers temps, M. Duntschman a constaté que lé 
sérum des animaux immunisés contre le charbon 
symptomatique agit sur le bacille de la septicémie 
aiguë; d'autre part, le sérum de l'homme sain, et 
parfois aussi celui du cheval, comme Ta montré 
M. Pfeiffer, ont des propriétés immunisantes très 
marquées contre l'infection cholérique intrapéri- 
tonéale. Il semble donc que ce pouvoir préventif 
du sérum contre les virus vivants ne soit pas tou- 
jours spécifique, puisqu'il se rencontre chez des 
animaux qui n'ont jamais éprouvé l'action du 
microbe contre lequel leur sang protège. Il n'y a 
rien là de bien surprenant, car, suivant l'expres- 
sion de M. Metchnikoff, il s'agit non pas d^ « anti- 
c toxines », mais de < stimulines >, dont plusieurs 
seraient capables d'un même effet. * 



IMMDNITÉ ACQUISE 139 



VII 



Les études sur l'immunisation et la sérumthé** 
rapie ont marché, ces derniers temps, avec une 
rapidité vertigineuse, et tout fait prévoir que, 
grâce aux progrès des connaissances bactériolo^^ 
giques et biologiques, grâce aussi aux résultats 
déjà obtenus, l'application de cette nouvelle mé- 
thode stimulera les chercheurs et que, bientôt, de 
nouvelles découvertes verront jour et viendront 
sanctionner et renforcer les résultats déjà acquis. 
Nous nous étendrons amplementsur les moindres 
minuties de cette nouvelle méthode thérapeutique, 
quaiid nous traiterons spécialement les tentatives 
et les recherches qui ont été faites pour chaque 
maladie. Expliquons-nous, cependant, ici comment 
on doit procéder d'une façon générale. 

Avant tout, il faut déterminer la valeur minima 
mortelle des toxines de chaque microorganisme 
pathogène pour chaque animal. Cette connaissance 
bien établie, on injecte d*abord à un animal des 
doses très petites de produits solubles, provenant 
d'un bouillon pur, stérilisé et passé au filtre 
Ghamberland. Il est prudent de commencer par 
inoculer les toxines d'une culture peu virulente, 
atténuée chimiquement ou par l'â^e (Behring); 
On habitue le sujet expérimenté à ce poison, et on 
augmente graduellement la dose inoculée, pour 



i40 IMMUNISATION BT SÉRUMTHÉRÀPIE 

atteindre des doses énormes de toxines, provenant 
de bouillons plus jeunes et de plus en plus viru- 
lents. On a atteint Timmunité de Tanimal lorsque 
rinjection de son sérum faite à un autre sujet est 
capable de neutraliser l'action d'une dose rainima 
mortelle. Cet essai, qui est la meilleure pierre de 
touche, n*est cependant pas le seul, car on peut 
éprouver in vitro le degré d'immunisation, en 
ensemençant le sérum immunisé avec un virus qui 
ne doit pas se développer ; cette preuve ne peut 
être réalisée pour contrôler la parfaite immuni- 
sation de toutes les maladies infectieuses. Une 
fois l'immunisation dûment reconnue, on saigne 
ranimai ainsi préparé, et on recueille le sang avec 
les plus grandes mesures d'asepsie et on injecte 
le sérum aux malades, h la dose de Sa 20 centi- 
mètres cubes tous les jours ou tous les deux jours. 
Cette injection hypodermique est absolument inof- 
fensive. Je l'ai pratiquée un nombre de fois incal- 
culable, et je puis certifier qu'elle n'exige pas plus 
de mesures de précaution que toute autre injec- 
tion de produits organiques* 

VIII 

Mais comment se forment les antitoxines? C'est 
là un point que Roux a cherché à élucider au der- 
nier Congrès de Budapest où il s'est exprimé en 
ces termes : 



IMMUNITÉ ACQUISE 141 

< Les antitoxines sont d'autant plus abondantes 
dans le sang des animaux que ceux-ci ont reçu plus 
de toxine, d'où l'idée très naturelle qui nous était 
venue tout d'abord et qui est soutenue maintenant 
par M. Buchner, à savoir que l'antitoxine dérive 
de la toxine par une transformation qui se produit 
dans le corps. Les propriétés si semblables de la 
toxine et de l'antitoxine venaient à l'appui de 
cette supposition. De plus, quand on cesse d'in-' 
jecter de la toxine aux animaux, l'antitoxine 
diminue peu à peu dans le sang comme si la 
matière d'où elle provient n'était plus renouvelée. 
Une conséquence de cette hypothèse, c'est que la 
quantité d'antitoxine dans le sang doit être en 
proportion de la toxine introduite. Si on saigne 
fréquemment les animaux immunisés sans leur 
injecter de nouvelle toxine, la provision d'anti- 
toxine devra s'épuiser rapidement. Avec M. Vail- 
lard, nous avons vu qu'il n'en est rien; on peut 
retirer, en très peu de temps, à un lapin vacciné 
contre le tétanos, un volume de sang égal au 
volume total de celui qui circule dans son corps, 
sans que le pouvoir antitoxique de ^on sérum 
baisse sensiblement. L'antitoxine se reproduit' 
donc au fur et à mesure qu'on la puisse. Et, 
d'ailleurs, une autre expérience que nous avons 
faite avec M. Vaillard prouve qu^il n'y a pas pro- 
portionnalité entre la toxine injectée et l'antitoxine 
produite. Avec la même dose de toxine donnée 



443 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

aux aaiinaux, on peut obtenir un sérum plus ou 
moins actif, suivant la façon dont on Tadministre. 
Prenons deux lapins de même poids et immuni- 
sons-les contre le tétanos ; quand leur résistance 
est déjà notable, injectons- leur la même quantité 
de toxine (103 centimètres cubes).dans l'espace de 
deux mois, en donnant à Tun, tous les jours, une 
faible quantité, et à Tautre, de temps en temps, 
des doses plus fortes. Dans le même temps, nos 
deux animaux ont reçu le même volume de poison ; 
le premier en 33 petites injections, le second en 
9 grandes. Le sérum de celui aux faibles doses 
neutralise in vitro 150 parties de toxine et a un 
pouvoir préventif de cent milliards; le sérum de 
celui aux doses massives ne neutralise pas 23 par- 
ties de toxine et a un pouvoir préventif de cinq 
cent mille. La manière de donner la toxine n'est 
pas indifférente et la quantité de l'antitoxine dans 
le sang n'est pas proportionnelle à la dose intro- 
duite. Avec de petites doses répétées, nous avons 
obtenu des sérums antitétaniques dont l'activité 
de'passe un trillion et cela dans un temps relative- 
ment court. II semble que la toxine agisse comme 
un excitant sur les cellules qui sécrètent Tanti* 
toxine. 

c Cette idée que Tantitoxine est un produit cel-» 
lulaire trouve un appui dans l'intéressante consta- 
tation de M. F. Klemperer, qui a vu que le jaune 
de l'œuf de la poule immunisée est antitoxique, 



IMMUNITÉ ACQUISE ' 143 

tandis que le blanti ne Test pas. Quelles sont leâ 
cellules du corps qui préparent ces antitoxines? 
C'est une question trop peu avancée pour être 
abordée ici. 

r« L'expérience dans laquelle le pouvoir anti- 
toxique se manifeste avec le plus de netteté est 
celle où Ton mélange le sérum antitétanique avec 
la toxine. Versons dans une série de verres un 
volume connu d'une toxine très active (qui tu0 
une souris > à la dose de 1/1000 de centimètre 
cube) et ajoutons dans chacun de ces verres des 
quantités variables du sérum antitoxique dont nous 
parlions tout à l'heure, et dont le pouvoir pré- 
ventif égale un trillion. Une partie de ce sérum 
suffit à rendre inoffensives 900 parties de toxine; 
un demi-centimètre cube du mélange injecté à un 
cobaye ne lui donne pas le tétanos, bien qu'il ne 
renferme qu'un dix-huit centième de centimètre 
cube de sérum. Le poison paraît donc neutralisé 
cotume dans Une réaction chimique, où une quan- 
tité donnée d'un corps sature une quantité donnée 
d'un autre. Les choses ne se passent pas avec cette 
simplicité. D^abord, rien n'est plus difficile que de 
saisir le point exact de la saturation ; M. Buchner 
a déjà vu qu'un mélange qui n'agit pas sur la 
souris est actif sur le cobaye. Un mélange de 
900 parties de toxine et de une de sérum est 
inoffensif à la dose d'un demi-centimètre Cube, 
pour 8 cobayes sur 10, mais il en est deux dans le 



114 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

lot qui prendront uix tétanos plus où moin^ sévère 
et se comporteront comme des réactifs* plus séU'» 
sibles, en montrant qu'il V'a encore du pdisoii 
libre dans le mélange. Diminuons la. proportion 
de toxine et mèrons'SOQ parties de toxine avec une 
de sénnn.Un demi-ceiatimètre cube decô^nronvéâd 
mélange ne produit aucun effet, mais'-3'ocenti-^ 
mètres cubes donneront le tétanos. Ilthy A pafa là 
la netteté d'une réaction chimique, soit que ^us 
manquions d'un réactif sufCsant {ioôr iioust indi^' 
quer le point éract de saturation, soit p'eui-èbe 
qu*il n'y ait pas de saturation du tout et qUéf 
toxine et antitoxine continuent à'> etistef côte h 
côte dans le liquide. . "7 

« Leis expériences suivantes, que notfs ^avônë 
faîtes avec M. Vaillard, tendent h prouver qb'il en 
est ainsi. Nous injectons à cinq cobayes ûe^fs un 
demi-centimètre cube du mélange ; toxine 900 par^ 
ties, sérum une partie; aucun ne prend le tétanos.* 
A cinq autres cobayes, de même poids, âyatit les 
meilleures apparences de santé, mais qui ont été 
immunisés quelque (,emps auparavant contre le 
vibrion de Massouah, nous donnons le in^me 
mélange, à la même dose; ils auront le, tâaiiôs^ 
Bien plus, de semblables cobayes pourront. être 
rendus tétaniques- avec un tiets de cèntimètTe; 
cube d^un mélange de 500 parties de toxine ;pôur 
une de sérum. Des cochons d'Inde, qui reçoiv<en(i 
d'abord un centimètre cube de sérum préventif^ 



IMMUNITÉ ACOUISB ' ' i45 

actif au trillionième, c'est-à-dire une quantitlé 
capable de les immuniser des milliers de fois, puis 
une dose mortelle de toxine ' tétanique, testent 
l)ien portants dans les conditions ordinaires. Pin- 
ceurs d'entre eux prendront le tétanos, si on' leur 
Injecte ensuite des. produits microbiens, tels que 
ceux du bacille de Kiel, du bacterium coli ot 
d'autres bactéries. La toxine n'est donc pas dé^ 
traite,' puisqu'elle donne le tétanos, même après 
plusieurs jours, aux cobayes dont on modifle la 
résistance. . * ■'* ' • 

« De même, une quantité de sérum antidiphté- 
rique, amplement suffisante à préserver contre 
une dose mortelle de virus ou <le toxine des 
cobayes neufs, ne retarde pas la mort des cobayes 
de même poids qui ont subi des inoculations inté- 
rieures dont ils sont parfaitement rétablis. Et cej^en»- 
dantsi l'antitoxine détruisait la toxine, la nîême 
quantité de sérum serait efficace chez "tous leà 
cobayes de même poids. '■ - / - • y-.- ^'* 



IX 



, ,5Ces ifait9, montrent rinfimence^quo peut; avoir 
une maladie, antérieure quijiç Jaisse.pas^de traces 
fipparentes $ur ja réceptivité. ^ TégArd :dôs jvîrus et 
surja scAsil^ilité vis-à-yi§ ^es si^feçtapcçs logiques* 
Leur explication naturelle; , n'est-elle pas dans 
réaction du sérum sur Jes cellules plulôt qite sur la 

IMMUNISATION, 10 



146 IMMUNISATION ET SéRUMTHÉRAPIE 

toxiae? Les cellules bien vivaces des cobayes aeufs 
répondent à la stimulation du sérum et sont 
comme indifférentes à l'empoisonnement, tandis 
que celles des cobayes déjà impressionnés par les 
produits microbiens ne résistent pas à la toxinie. 

< Notre démonstration serait plus persuasive, si 
nous arrivions à séparer la toxine de son mélange 
avec l'antitoxine. Les propriétés très voisines de 
ces deux substances rendent le problème difGcile 
à résoudre. Les toxines et les antitoxines du 
tétanos et de la diphtérie se comportent de la 
même façon en présence des divers agents et des 
réactifs. Mais la séparation peut être faite pour 
d'autres toxines et antitoximes. 

c M. Galmette, MH. Phisalix et Bertrand ont 
montré que le sérum des animaux immunisés 
contre le venin des serpents est antitoxique ; il agit 
sur le venin comme le sérum antitétanique sur le 
poison du tétanos. Le mélange de sérum antive- 
nimeux et de venin est inoffensif, quand il est en 
proportions convenables; on lui rend toute sa 
toxicité en le chauffant à 70^. A cette température, 
l'antitoxine est altérée et le venin ne l'est pas. La 
chaleur agit sur le mélange des deux substances 
comme si chacune était seule. II parait donc que 
le venin était resté intact à côté de l'antitoxine, 
ou, tout au moins, qu'il avait contracté avec elle 
une union bien instable. 

ce De tout ce qui précède, nous sommes portés à 



IMMUNITÉ ACQUISE 147 

conclure que les antitoxines agissent sur les cel- 
lules. Un sérum préventif contre une toxine met 
en jeu des actions cellulaires tout comme le sérum 
préventif contre un virus vivant. Peut-être même 
les cellules qui détruisent les microbes sont-elles 
aussi celles qui élaborent les antitoxines? 

€ Nous avons. rappelé au commencement de cette 
communication que le sérum d'un animal vacciné 
contre un microbe protège quelquefois contre un 
autre et les sérums préventifs contre un virus 
vivant n'étaient pas toujours spécifiques. Jusqu'ici, 
au contraire, les sérums antitoxiques ont été en- 
visagés comme spécifiques , chacun d'eux n'agis* 
sant que sur une toxine déterminée. Le fait que 
l'antitoxine tétanique n'a aucune influence sur le 
poison diphtérique, et réciproquement, a toujours 
été mis en avant pour prouver cette spécificité. La 
découverte de nouvelles antitoxines a élargi le 
champ de l'expérimentation. J'ai constaté que le 
sérum antitétanique n'était pas sans action sur le 
venin des serpents et j'ai confié le soin d'examiner 
cette question à M. le docteur Galmette qui étudie, 
dans mon laboratoire, la sérothérapie des venins. 
Les résultats obtenus sont intéressants au point de 
vue général qui nous occupe. 

€ Le sérum d'un cheval sain, mélangé à du venin 
de cobra, n'empêche nullement celui-ci d'agir, 
tandis que le sérum d'un cheval immunisé contre 
le tétanos rend inoffensif le venin auquel on l'a- 



us IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

joute. Ce sérum antitétanique,injecté avant le venin, 
retarde beaucoup la mort et Tempêche même, 
s'il est donné à doses répétées. II y a cependant 
bien peu de ressemblance entre le venin des ser- 
pents, qui tue par asphyxie en un temps très courte 
et le poison tétanique, qui ne manifeste son action 
qu'après une période d'incubation. 

< Le sérum antitétanique est antitoxique vis-à-vis 
du venin, mais le sérum antivenimeux ne Test pas 
à regard de la toxine tétanique. Un lapin vacciné 
contre le venin prend le tétanos et, fait plus sur- 
prenant, un lapin immunisé contre le tétanos 
succombera si on lui donne une dose de venin 
très peu supérieure à celle qui tue un lapin neuf. 

< Le sérum des lapins neufs n'a aucune action sur 
le venin, celui des lapins vaccinés contre la rage est 
antivenimeux à un haut degré. Mélangé au venin 
in mtro^ il le rend inoffensif ; injecté préventive- 
ment, il protège contre Tenvenimation. Des lapins 
vaccinés contre la rage supportent des doses 
quatre ou cinq fois mortelles de venin. N'est-il pas 
surprenant de voir qu'en rendant un lapin réfrac- 
taire à la rage, on lui donne du même coup l'im- 
munité contre les morsures de serpent? 

€ Le sérum antivenimeux rend les lapins plus 
résistants à l'abrine et le sérum antirabique a aussi 
une action sur les venins. Le sérum antidiphté- 
rique mélangé à l'abrine ne tue plus les lapine 
qu'avec un long retard. 



IMMUNITÉ acquise; 149 

c Assurément, le sérum antitétanique est beau- 
coup plus efQcace contre le poison du tétanos 
que contre les venins ; mais ce ne sont là que des 
questionsde plus ou de moins. Il ne parait pas pro- 
bable que ces sérums, d'origine si diverse, exer- 
cent sur le venin de cobra une même action 
chimique ; nous admettons plus volontiers qu'ils 
agissent tous sur les cellules, qu'ils rendent in- 
sensibles pour un temps à Tenvenimation. 

< Je pourrais donner encore d'autres exemples 
de l'action d'une antitoxine sur plusieurs poisons. 
Ceux dont je viens de parler nous montrent sous 
un aspect nouveau cette question déjà si attrayante 
de la sérothérapie, > 



Nous ne nous étendons pas davantage sur 
l'immunisation et la sérum thérapie, car dans les 
chapitres suivants nous devons décrire avec 
minutie les moyens techniques indiqués pour 
immuniser chaque animal et pour administrer 
le sérum de sa provenance à la maladie indi- 
quée. 

Il est cependant utile de dire, dès maintenant, 
avec Kossel, que l'activité immunisante d'un 
animal croîtra en raison directe de la quantité de 
toxine qui pourra lui être injectée sans dommage; 
c'est-à-dire que plus grande sera la quantité de 



150 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

toxine que supportera Tanimal et plus faible sera 
la quantité de son sang nécessaire pour immuniser 
d'autres individus. Behring a démontré que les 
toxines bactériennes se comportaient absolument 
comme les toxines albuminoïdes d'Ëhrlich, et il 
est arrivé ainsi, avec Taide de ses collaborateurs 
Baer, Knorr, Schûtz et Wernicke à utiliser ce fait 
pour obtenir de grandes quantités d*anti toxine. 

D'autre part, la durée de l'immunisation pré- 
parée dans les meilleures conditions, n'est pas 
indéfinie, et là puissance du sérum antitoxique va 
en diminuant à mesure qu'on s'éloigne des der- 
nières injections des toxines. Cette durée elle- 
même n'a pas encore été déterminée jusqu'à ce 
jour. 

Quant au nombre des injections du sérum anti- 
toxique faites aux patients, il varie avec la maladie 
et aussi avec le mode d'immunisation. L'effet du 
sérum est d'autant plus rapide qu'il s'agit d'une 
maladie infectieuse plus aiguë et dans laquelle, 
aussi, il y a un moindre mélange de bactéries 
(associations microbiennes). Nous allons du reste 
être plus précis maintenant dans les chapitres qui 
vont suivre. 



CHAPITRE IV 
TÉTANOS 

I 

La nature infectieuse du tétanos, depuis long- 
temps soupçonnée, a été démontrée en 1884, par 
Nicolaïer, en provoquant la maladie chez des ani- 
maux auxquels il avait inoculé de la lerre des 
champs. Il constata en même temps dans cette 
terre un bacille spécial, qui porte aujourd'hui son 
nom, mais qui n'a réellement été isolé en cultures 
pures, qu'en 1889, par Kitasato. 

Ge microbe se présente sous la forme d'un bâ* 
tonnet grêle terminé à une de ses extrémités par 
un petit renflement facilement colorable, qui ren- 
ferme une spore* Il ne vit dans les milieux habituels 
que lorsqu'ils sont privés d'air. C'est un anaérobie 
absolu. Sur plaques de gélatine dans le vide, à 
18 ou 22^, il forme, au bout d'une huitaine de 
jours, des colonies caractérisées par l'existence 
d'une auréole de rayons très fins autour d'un point 
foncé central. MaÎ3 à mesure, qu'il se développe 



152 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

le centre devient indistinct, et lorsque la gélatine 
se liquéfie, il ne reste plus de la colonie qu*un 
flocon blanchâtre. 

Par piqûre sur gélatine, il se développe autour 
du trait d'inoculatioû deà points 'nuageux, d'où 
émergent des petits rayons perpendiculaires au 
trait. La culture devient floconneuse, à mesure 
qu'elle vieillit. 

Ensemencé par dilution dans la gélatine, il dé- 
veloppe, après quatre à six jours, un nuage très 
fin autour de petits points blancs. On obtient des 
nuagds transparents sur de la gélose. 
"' Sanchez-Toledo et Veillon ont signalé aux cul-* 
liires une odeur de corne bu de poils brûlés carac- 
téristique. ' ' "' ' . : i ' , ; ; : : 
f C'est de 36 à SS'^ que le bacille de' Nicolaïer 
prospère. le mieux. De même, Kitasato à montré 
que Faddition dé 5 p; 100 de glucose, de 0,01^ 
p. 100 de sulfo-indigotate de soude, où de 0,05 
p. 100 d^ teinture de tournesol lui est très favo- ' 
rable. . > ' . • ;, 

: Il possède une résistance extrême: Nicolaïer a 
cHaufTé pendant 1 heure, à 190®i de la terre qui 
n'en donnait pas moins le tétanos. Bonome a vu 
qU'ua dessèchement de 4 mois ne leur avait point 
enlevé leur virulence; et Sanchez-Tolèdo et iVeil-» 
Ion ont constaté lé même fait pour une période 
* encore plus longue, pour une période de 7 moisi 
. II résiste à la putréfaction, et à une chaleur- 



. TÉTANOS 453 

humide de 80®» Oa> le rencontré dans les excré- 
ments, le foin, les toiles d*araignées, le fumier; 

La souris^ le rat,' le cobaye sont très sensibles à 
son inoculation. L'âne, le cheval, le lapin, le chien 
présentent une plus grande résistance. 
, Il est très ûuisible en injection hypodermique; 
mais inoffensif lorsqu'on l'introduit par la bouche, 
la trachée, la conjonctive. 



H 



Gomme le microbe de la diphtérie, il ne se dé*< ' 
veloppe que localement, et c'est grâce à ses pro* 
duits toxiques qu'il agit sur Toi^ganisme. C'est 
Brieger qui a, le premier, étudié ces produits. Il 
a.- vu que c'étaient des ptomaïnes, qu'il a nommées 
tétanine, tétatoxine et spasmotoxine, La première 
a la propriété de provoquer chez la souris les accès 
de trismus, la seconde des convulsions, suivies de 
paralysie, la troisième des crampes .cloniques et 
toniques. Une quatrième enfin stimule la sécrétion 
salivaire et lacrymale. 



III 



Lorsque Brieger publia son travail, on n'avait 
pas encore fait des cultures pures de tétanos. Kita- 



i54 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

sato y réussit, et c'est alors qu'il chercha avec 
Weyl {Zeits. f. Hyg., t. VIII) si les ptomaïnes de 
Brieger se retrouvaient dans les cultures pures. 
Ils isolèrent une quantité notable de tétanine, des" 
traces de tétatonine et des produits volatils : acide 
sulfhydrique, acide butyrique, indol et phénol. 
Mais ils trouvèrent que les bases étaient peu toxi- 
ques, et conclurent que les ptomaïnes de Brieger 
ne sont pas le véritable poison tétanique. 

En 1890, Knud Faber avait déjà {Berlin, klin. 
Woch.) pu reproduire le tétanos par Tinjection 
de cultures passées au filtre Chamberland. Leur 
toxicité disparaissant par un chauffage de S mi- 
nutes à 68<>, ou par l'addition d'alcool ; il conclut 
que le poison tétanique est plutôt une toxalbumine 
qu'une plomaïne. 

Deins \Bi Ri formamedica, de 1890, eiArch. f. 
exper, path, (t. XXVII), Tizzoni et Cattani mon- 
trèrent que le bacille de Nicolaier produit dans la 
gélatine une diastase peptique, une zymase qu'il 
ne sécrète pas dans le bouillon. 

Dans un mémoire sur les poisons bactériens^ 
{Berlin, klin. Woch.^ 1890), Brieger et Fraenkel 
ont filtré sur la bougie Chamberland des cultures 
faites dans du bouillon sucré, les ont fait évaporer 
dans le vide, et précipité par Talcool absolu. Ils 
ont aussi obtenu une toxalbumine soluble dans 
l'eau. 

Ces données furent confirmées par les travaux 



TÉTANOS 155 

dé Vaillard et Vincent (Soc. de Biologie, 15 nov 
1890 et Ann. Inst, Pasteur^ 1891). Ils trouvèrent 
que 1/50 et 1/100 de centimètre cube de culture 
dans le bouillon, filtrée, peuvent tuer le cobaye, 
que le poison résiste peu à la chaleur et est inactif 
par la voie digestive, que la lumière solaire le 
détruit, l'acidification ne le modifie pas, Talcool 
absolu le précipite en partie, et enfin qu'il est 
dans une certaine mesure entraîné par les préci- 
pités de phosphate de chaux ou d'alumine. 

Kitasato a fixé [Recherches expérimentales sur 
le poison tétanique, Zeits f. Hygiène, t. X) le 
temps qu'il faut à la lumière, aux acides et aux 
alcalis pour détruire ce poison et trouve que l'al- 
cool absolu le détruit, lorqu'on l'ajoute en quantité 
suffisante. Il n'a pu cependant isoler le poison 
tétanique de la culture. 

Enfin, en 1893 (Société de Biologie. Voir aussi 
Archives de Physiologie), Courmont et Doyon ont 
donné une théorie fort originale sur la nature du 
poison tétanigène. D'après eux, le bacille téta- 
nique sécréterait un ferment soluble, une diastase, 
qui, faisant fermenter certains tissus, donnerait 
ainsi naissance au poison tétanique. En effet, la 
culture tétanique ne produit pas la contracture 
immédiatement après son dépôt dans le muscle. 
De même, il se passe une période d'incubation 
variable avant que les accidents tétaniques n'écla- 
tent après son introduction dans le sang. La gre- 



156 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

nouille n*est jamais tétanique en hiver ; elle le 
devient facilement en été. 



IV 



Donc, le poison tétanique n*agit point par lui- 
même, mais il est produit au contact de l'orga- 
nisme. L'intoxication tétanique est le résultat 
d'une fermentation, qui demande, comme tout 
phénomène chimique,, un certain temps pour se 
produire, et qui est favorisée par l'élévation de 
température. 

L'expérience la plus concluante est la suivante. 
Si on transfuse le sang d'un chien tétanique à un 
autre chien, on détermine immédiatement chez ce 
dernier des accidents tétaniques, qui disparaissent 
au bout de quelque temps. 

De pluSi Gourmont et Doyon ont extrait du 
muscle tétanique une substance résistant à une 
longue ébullition, tandis qu'une température de 6§^ 
détruit les produits microbiens directs. L'injection 
de cette substance donne le tétanos à la grenouille 
même en hiver. Parfois même, celle des urines 
tétaniques confère la maladie. 

Dans des travaux antérieurs (Société de Biologie, 
24 déc. 1892, et Arch. de phys., janvier 1893), 
Gourmont et Doyon avaient étudié la marche 
des contractures dans le tétanos expérimental 



TÉTANOS 157 

des solipèdes et la palhogénie de ces contractures. 

En 1890, dans les Annales de micrographie y 
Bruschetini a trouvé que le poison tétanique se dif- 
fuse surtout le long du système nerveux. En 1892, 
il a vu {Deut, med. Woch.) qu'il était contenu 
dans le sang, le rein lavé à Teau salée et Turine. 

En 1891, d'ailleurs (Soc. de Biol., 27 juin), Ca- 
mara Pestana a vu que la toxine est absorbée par 
le sang, que les poumons, la rate, les reins, et 
principalement le foie rempruntent à ce milieu et 
le retiennent, et qu'elle ne^ s'élimine point par 
Turine. Il n'a pu arriver à la déceler dans le tissu 
nerveux et musculaire. 

Bruschetini, Kitasato et Nissen ont également 
constaté la présence de la toxine dans le sang. 
Gomment agit le poison tétanique sur l'apparôil 
nervo-musculaire? Faber a pensé qu*il agissait 
comme le curare, sur les plaques motrices. Dans 
son livre sur les poisons bactériens, Gamaléia dit 
qu'Autocratow aurait trouvé, au laboratoire de 
Straus, que les contractures tétaniques sont d'ori-^ 
gine réflexe et disparaissent après la section des 
racines postérieures correspondantes de la moelle 
épinière. < 



Les recherches sur les produits solubles du ba* 
cille du tétanos, que nous venons de passer briè- 



158 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIË 

vement en revue, ont conduit logiquement à la 
méthode d^immunisation, dont nous allons main- 
tenant nous occuper. 

C'est en décembre 1890 {DetU. med. Woch.), que 
Behring et Kitasato démontrèrent, que le sérum 
des animaux rendus réfractaires au tétanos par 
rinjection de trichlorure d*iode dans le sang est 
capable de détruire le poison tétanique, soit t'n 
vitro, soit dans le corps des animaux. Cette pro- 
priété antitoxique n'appartient pas au sang des 
animaux non vaccinés. ^ 

Non seulement ces auteurs parvinrent avec le 
sérum des vaccinés à prévenir le tétanos, mais ils 
lui reconnurent même un pouvoir curateur, car 
son injection guérit les souris tétaniques. Ainsi, 
le sérum des animaux vaccinés contre le tétanos 
est doué du pouvoir préventif et curateur. 

En 1891 (Arch. ital. de biologie, et Centr. /". 
Bacter,, t. IX), Tizzoni et Cattani ont confirmé ces 
notions générales sur des pigeons et des chiens 
vaccinés par l'injection de petites doses de cultures 
virulentes; mais ils ne purent constater reffet thé- 
rapeutique du sérum sur les cas de tétanos déclaré. 

Nous avons déjà dit que la mèmp année 
(Société de biologie) Vaillard vaccina contre le 
tétanos par Tinjection de ses cultures chauffées 
pendant une heure à 60^ et filtrées, et remarqua 
que l'immunité conférée par le sérum est peu 
durable et peut disparaître au bout de 15 jours. 



TÉTANOS 159 

Nous savons aussi que Kitasato a obtenu la vac- 
cination contre le tétanos {Zeits. f, Hyg,^ t. X) par 
l'injection d*un mélange de culture vivante et de 
doses progressivement décroissantes de trichlo- 
rure d*iode. 

Ce procédé a été perfectionné par Behring 
{Zeits, f, Hyg., t. XII), qui Ta appliqué à, la sou- 
ris, au lapin, au mouton et au cheval. 

Plus tard, dans la même revue, Brieger, Kita- 
sato et Wassermann, reprenant les expériences 
de Wooldridge {Arch, f, Anat, und Phys., 1888) 
sur les cultures dans l'extrait de thymus, consta- 
tèrent que dans ces conditions les cultures téta- 
niques sont asporogènes et très peu toxiques, et 
que le mélange de l'extrait du thymus à la culture 
filtrée du tétanos détruit peu à peu sa toxicité,. 
L'injection de ce mélange, datant de deux jours, 
À des doses progressivement croissantes, permet 
de vacciner sans danger les animaux les plus sen- 
sibles, comme la souris. 



VI 



En 1892 [Ann. Inst. Pasteur), Vaillard est 
revenu sur cette question, et a indiqué 3 méthodes 
de vaccination : celle qu'il avait signalée et qui 
consiste dans l'emploi des cultures chauffées à 60^ 
et filtrées, une autre qui se rapproche de celle de 



iùO nOtUNISATION £T SÉRUIITHÊRAPIE 

Behring- Kitasato et qui consiste dans Tinocala- 
tion du mélange de cultures tétaniques et d'eau 
iodée, une 'dernière enfin, identique à celle de 
Tizzoni et .Cattani, et qui est l'infection répétée 
de très petites doses de virus, . • 

Tizzoni et Cattani ont ensuite publié une étude 
{Centr. f. Bacter.^U IX) sur l'antitoxine du. sérum 
des chiens vaccinés. Us ont vu «que son activité 
diminue lorsqu'on la chauffe à 65^ pendant une 
demi-heure, et'disparait par un chauffage de même 
durée à 68^ Ils ont vu, de. plus, qu'elle ne dialyse 
pas, qu'elle est rapidement détruite par l'acide 
chlorhydrique, l'acide lactique en excès, )es alca- 
lis, qu'elle est précipitée par un excès de sulfate 
d'ammonium, par l'alcool absolu. L'eau, la glycé- 
rine l'enlèvent à ce précipité. '• ■ 
, Dans le même travail, Tizzoni et Gattani ont 
constaté que le mélange du sérum avec les toxines 
soit in miro^ soit dans le corps des animaux, rend 
leur injection inoffensive.. \... ■■■ , ■ 

Ils ont également signalé {Centr. f. Bacter,^ 
t. XI) l'impossibilité de vacciner contre le tétanos 
après l'ablation de la rate. 

En 1891 (Soc. de biol., 6 juin), Vaillard a mon- 
tré que le sérum des animaux -naturellement 
réfractaires > n'est pas anti toxique, qu'il ^ne/ le 
devientqu'aprèsinjectiohd'unéforte dose de poison 
tétanique, que la rate et l'humeur aqueuse dés vac* 
cinés ne jouissent pas de propriétés antitoxiqueSi 



TÉTANOS . 161 



VII 



Un point de la doctrine de Behring et KitfisçitQ 
restait vivement discuté. C'était la possibilité de 
guérir par le sérum des vaccinés. Tizzoni,Cattani 
et Vaillard n'avaient pu y réussir et avaient de 
plus reconnu que l'immunisation n'était que tem- 
poraire. 

Ces doutes furent dissipés par les recherches 
d'Ehrlich {Deut. med Woch., 1891). Cet auteui; 
montra avec l'abrine et la ricine, que le pouvoir 
antitoxique et immunisant du sérum des vaccinés 
varie beaucoup avec le degré d'immunité acquise; 

Behring avait affirmé avoir guéri un mouton et 
un cheval tétaniques, et, de -son côté, Kitasato 
avait obtenu des résultats positifs sur la souris. 
Comment expliquer que certains auteurs n'avaient 
pu guérir, mais seulement avaient immunisé par 
le sérum des animaux vaccinés ? C'est évidemment 
que ces animaux n'avaient pas été amenés à un 
degré d'immunité suffisant pour que leur sérum 
fût curatif. 

D'ailleurs, plus tard, Tizzoni et Cattani et Vail-, 
lard sont arrivés à guérir du tétanos par le sérum 
des vaccinés. 

Ehrlich vit encore {Zeits, f. Hyg,, t. XII) que 
l'immunité contre les toxalbumines se transmet 

lUMUNlSATION. 11 



163 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

aux descendants et qu'une petite souris ordinaire 
devient réfractaire lorsqu'elle est allaitée par une 
souris vaccinée. Cela démontre que la substance 
immunisante passe dans le lait et est absorbée par 
le tube digestif. 

•Il démontra le même fait pour le tétanos. Avec 
Brieger, il a constaté (Deut, med. Woch., 1892) 
que le lait d'une chèvre pleine, vaccinée contre le 
tétanos, peut immuniser des souris. De même, 
Tizzoni et Gattani ont vu que les injections toxiques 
étaient inoffensives sur les petits d'une femelle, 
qui avait été rendue réfractaire. 

D'après Behring et Frank {Deut. med. Woch., 
1892), le sérum d'un cheval vacciné, additionné de 
0,8 p. 100 d'acide phénique, a gardé pendant deux 
mois son pouvoir immunisant , bien qu'ils n'aient 
prîsaucuneprécaution contre l'accès des microbes. 
Ce pouvoir ne disparaît point par un chauffage 
de vingt-cinq minutes à 65^ ou par la dilution avec 
de l'eau distillée. 

VIII 

Les résultats obtenus sur les animaux deman* 
daient à être appliqués à l'homme. 

La première tentative en fut faite par Kitasato, 
avec le sérum du lapin vacciné (Congrès int. d'hyg. 
de Londres, août 1891. Zeit. f. Hyg,, août 1892). 
Elle ne réussit pas, car la dose de sérum employée 



TÉTANOS 163 

fat trop faible relativement à la gravité du cas de 
tétanos. 

Tizzoni et Gattani et d'autres, tels que Giovanni 
Gasali, Finotti, publièrent ensuite {Rif. med., 1892) 
8 guérisons par leur antitétanine, préparée avec 
le sérum de chiens immunisés. Albertoni allégua 
{Therap. Monats,, sept. 1892) que les auteurs 
n'avaient publié que les succès. On vit aussi qu'il 
s'agissait de tétanos à forme lente et progressive. 

Le 16 février 1893, Rotler inséra, dans Deut. 
med. Woch,y le cas d*un individu de vingt-cinq 
ans, chez qui Tinjection de sérum, vingt-deux 
jours après la blessure, quatorze jours après les 
premiers accidents, produisit au bout de deux jours 
une amélioration. La même objection pouvait lui 
être faite qu'aux auteurs italiens. 

En France, Renou injecta, dans le service de 
Dieulafoy, du sérum immunisé à 2 tétaniques. Ils 
succombèrent {BulL méd,, 1892). Malgré les injec- 
tions, un tétanique mourut au bout de six jours 
dans le service de Grancher, un autre au bout de 
cinq dans celui de Polaillon, un troisième en 
cinq jours également dans celui de Th. Anger, un 
quatrième en trois jours dans celui de Letulle. 
Néanmoins, Barth et Maget rapportrèent, le 
3 mars 1893, à la Société médicale des hôpitaux, 
qu'un jeune homme de vingt ans, atteint du té- 
tanos grave non traumatique, et peut-être d'ori- 
gine buccale, dû à la gingivite qu'il présentait, 



|6i IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIC 

fut manifestement amélioré par Tinjection sous la 
peau de Tabdomen, en trois jours, de 300 centi- 
mètres cubes de sérum de cheval immunisé. 
Schwartz communiqua aussi à la Société de chi- 
rurgie (29 mars 1893) la guérison au bout de 
vingt jours d'un malade traité par le chloral et 
Tantitoxine. 

Le 3 juillet 1893 (dans la Rif. med,)y Ricardo 
Gattai cite le cas d'un enfant de quinze ans, qui 
fut pris de tétanos huit jours après une blessure à 
la main par la pointe d'un compas. Le lendemain, 
on lui injecta 10 centimètres cubes de sérum de 
lapin immunisé, et le soir 08^^50 d'antitoxine de 
chien. On fit quelques autres injections sem- 
blables, et le malade fut rapidement guéri. 

Enfin,, Roux et Vaillard mirent la question au 
point (Ann. Inst. Pasteur^ 1893), en se plaçant à 
un point de vue systématique et expérimental. 
Us indiquèrent le mode de préparation du sérum 
antitétanique, ses propriétés, son application à 
la guérisonde Thomme et des animaux. 



IX 



1° Préparation du sérum. — On injecte une forte 
dose de poison tétanique à un animal réfractaire, 
la poule, et quatorze jours après, son sérum pos- 
sède un grand pouvoir antitoxique. On peut aussi 



TÉTANOS 165 

employer le sérum d'animaux sensibles, rendus 
réfractaires par le procédé de Behring et Kitasato 
(mélange de toxine et de trichlorure d'iode), ou 
mieux par celui de Roux et Vaillard (mélange de 
la toxine à une solution iodée et injection de 
5 centimètres cubes de toxine mélangés à 1 cen- 
timètre cube de solution de Grâm). On diminue 
la dose de solution iodée jusqu'à création de Tétat 
réfractaire, et on inocule alors la toxine pure. 

Le pouvoir antitoxique du sérum croît avec le 
temps, et avec chaque nouvelle injection de 
toxine. On obtient ainsi du sérum antitoxique au 
millième, au millionième, au cent millionième, 
c-'est-à-dire que 1 gramme de sérum peut immu- 
niser 1,000, 1 million, 10 millions de grammes 
d'animal. C'est la notation de Behring. 



2° Propriétés du sérum. — Le mélange de par- 
ties égales de toxine et d'antitoxine est inoffensif. 
Cela tient à ce que la toxine est neutralisée par 
l'antitoxine ou la toxine dédoublée par l'anti- 
toxine, comme le ferait un ferment. 

Les animaux, auxquels on a préalablement in- 
jecté une faible doâe de sérum, résistent à une 
dose de culture mortelle pour les témoins. 

Cette immunité ne dure pas plus de cinquante 



466 IMMUNISATION ET SÉRUMTHERAPIE 

jours. Elle apparaît immédiatement après Tinocu- 
lation du sérum ^ et est proportionnelle à sa dose. 



XI 



3<^ PréTention du tétaii03. — II y a prévention 
certaine, lorsqu'on injecte le sérum, même à très 
faible dose, avant la toxine tétanique. Si on les 
injecte simultanément, on produit un tétanos 
local, même pour une très forte dose. Lorsque 
rinjection précède Tapparition des accidents téta- 
niques, le tétanos est toujours local. La dose pré- 
ventive est d'autant plus considérable qu'on la 
pratique tard. Après un certain temps même, la 
prévention est impossible. Elle est, d'ailleurs, 
plus ou moins facile suivant le lieu d'inoculation 
du tétanos. Elle réussit quand la marche du 
tétanos est lente, mais non quand elle est rapide. 



XII 

4° Traitement du tétanos. — Roux et Vaillard 
ont inoculé à 9 souris des quantités moyennes de 
toxine, 3 éont prises comme témoins, et 6 injectées 
avec du sérum dès la première apparition de 
tétanos. 2 des souris témoins meurent, 1 guérit. 
Des t> autres, 4 meurent, 2 guérissent. 



TÉTANOS 467 

Ils ont également inoculé 3 cobayes, 1 fut pris 
comme témoin, 2 furent traités. Tous les 3 suc- 
combèrent. 

Ils répétèrent leurs expériences sur la souris, 
en inoculant les spores tétaniques, mais sans 
obtenir de meilleurs résultats. 

Après les avoir encore multipliées sur le lapin, 
et le mouton, ils furent forcés de conclure que 
€ quel que soit le mode d'infection, il est très dif- 
ficile de guérir le tétanos déclaré chez les ani- 
maux >. 

Traitant 7 malades par le sérum, Roux et 
Vaillard obtinrent S décès et 2 guérisons. Le trai- 
tement ne fut donc pas plus brillant sur Thomme 
que sur Tanimal. Néanmoins, ces auteurs persis- 
tèrent à croire que le seul traitement rationnel 
du tétanos est l'emploi du sérum antitoxique. Son 
injection est absolument inoffensive et. aura sur- 
tout de bons effets, si elle est pratiquée avant que 
le poison tétanique n'ait eu le temps de léser des 
cellules nerveuses. 

En 1893, nous avons encore à signaler la gué- 
rison de 4 cas de trismus et de tétanos des nou- 
veau-nés par Emmerich [Wien. Klin. Woch., 
1893) au moyen de l'antitoxine de Tizzoni. 

La Riforma medica publia de nouveaux cas de 
guérison par Magagni (3 février 1893), Galtai 
(3 juillet), Lési (18 août 1893). 
Nous trouvons encore des contributions nou- 



168 IMMUNISATION ET SERUMTHÉRAPIE 

velles à cette question dans le Centr. f. Bactério- 
logie^ t. XV, par Uemesoff et Fedoroff, dans 
Mûnch. med. Woch., de la même année, par 
Moritz. 

En 1894, d'autres travaux ont été signalés. Ce 
sont, par exemple, celui de Huebner {DetU. med. 
fTocA., 1894), sur lesquels Tizzoni et Cattani ont 
publié quelques remarques, dans Deut, med. 
Woch, (1894), celui de Tavel (Corresp. BlaL f. 
schweif. Aerzt.^ 15 fév. 1894), celui de Percy 
Dean {Brit. med. jotirn., 15 sept. 1894), et de 
Evans, dans le même journal, etc... 

Nous croyons que de nouvelles expériences 
faites avec plus de précision et plus de persévé- 
rance donneront des résultats plus brillants. 
D'abord a-t-on injecté des doses assez grandes de 
sérum immunisateur ? A-t-on renouvelé assez 
souvent cçs injections? On comprend l'importance 
de ces desiderata, aujourd'hui qu'on est certain de 
rinnocuité de cette méthode. 



CHAPITRE V 
DIPKTÉRIE 

■ ■ I ■ 

La (jiîphtérie est une maladie infectieuse se 
traduisant par des fausses membranes localisées 
à la gorge, aux amygdales, au voile du palais, 
aux fosses nasales, aux bronches, aux conjonc- 
tives, aux lèvres, aux organes génitaux et à 
Tanus; ces fausses membranes sont dues à la 
présence d'un bacille, micro-organisme, qui peut 
engendrer expérimentalement cette infection. 

Tous les animaux ne sont pas également expo- 
ses à la diphtérie; certains même y sont réfrac- 
taires, possédant contre elle une immunité; tels 
les souris et les rats. Chez la plupart des autres 
animaux, Finoculation de matières diphtériques 
provoque les accidents graves qu'on observe en 
clinique. 

Le mîcroôrganismè de la diphtérie fut décrit 
en 1883, par Klèbs. Quelques mois après, Lœffler 
confirma l'étude de Klebs et annonça qu'on pou- 



170 IMMUNISATION ET SÉRUMTDÉRAPIE 

vait non seulement isoler mais encore cultiver ce 
microbe. G*est un petit bâtonnet droit ou courbé, 
long de 3 |t et large de 7 [i, à extrémités arrondies 
et parfois légèrement renflées. Ce bacille, qui est 
toujours immobile, se colore facilement à l'aide 
de la solution alcaline de bleu de méthylène. 
Roux et Yersin on pu le retrouver dans la 
plupart des fausses membranes, où le bacille 
siège surtout à la partie superficielle de la fausse 
membrane. Malgré l'affirmation contraire de 
nombreux expérimentateurs, on possède aujour- 
d'hui la certitude que le bacille ne siège que sur 
les fausses membranes, que dans la salive, ou 
les mucosités en contact avec elles, et qu'il ne se 
développe jamais, ni dans les courants de la 
circulation ou de la lymphe ou bien sur une autre 
partie de l'organisme. 

Au niveau de ces fausses membranes, le bacille 
se développe rarement à l'état isolé ; il est presque 
toujours accompagné d'autres micro -organimes, 
qui exercent, comme nous le verrons, une grahde 
influence sur la marche de la diphtérie. 



II 



Le meilleur terrain de culture du bacille de la 
diphtérie, est celui employé par Lœffler, Roux et 
Yersin^ qui l'ont fait développer très facilement sur 



DIPHTÉRIE ni 

du sérum solidifié. Là il pousse rapidement à une 
température de 3S à 37<>, et ses colonies se déve- 
loppent sous forme de petites taches arrondies 
d'un blanc grisâtre, dont le centre est plus épais 
que la périphérie. On peut également Tensemencer 
sur bouillon liquide ou sur gélose. Il pousse moins 
bien sur la gélatine et pas du tout sur la pomme 
de terre. 

Le bacille de LœfHer, cultivé sur bouillon, con* 
serve très longtemps sa virulence, surtout s'il est 
enfermé en chambre close, à l'abri de l'air. 
Il en est de même des fausses membranes qui, 
desséchées, conservent pendant plusieurs mois 
leurs propriétés neuves. Mis au contact direct de 
l'air et de la lumière, le bacille meurt au bout de 
quelques semaines. 

En badigeonnant avec une culture pure de 
bacilles de Lœffler les muqueuses buccales ulcérées 
des lapins, des chiens, des cobayes ou des poulets, 
on reproduit des fausses membranes typiques. 
Ces animaux présentent, par suite, tous les symp- 
tômes de la diphtérie humaine, et très souvent 
succombent. Lœffler, en recherchant à recon- 
nsdtre anatomiquement les lésions provoquées 
dans les organes importants, n'a rien pu découvrir 
qui soit imputable directement au bacille.. Il a 
donc conclu qu'il s'agissait là d'une intoxication 
générale d'un ordre inconnu. 



17^ IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 



III 



Roux et Yersin ont éclairé ce point obscur du 
problème, en démontrant que c la diphtérie est 
utle intoxication causée par un poison très actif 
formé par le microbe dans le lieu restreint où il 
se développe >. Ils ont flltré une culture pure de 
bacilles de Lœffler sûr une bougie de Chamberland 
et ont injecté ce bouillon débarrassé de tout micro- 
organisme figuré à certains animaux. Chez le 
cobaye, il s'est produit immédiatement une vio- 
lente dyspnée suivie d'une mort rapide. Le lapin 
ainsi inoculé est affecté de paralysie qui débute 
par le tronc postérieur et qui s'étend ensuite à 
tout le corps. Plus une culture est âgée plus les 
accidents ainsi provoqués sont rapides et dange- 
reux. Roux et Yersin ont donc conclu que l'action 
toxique, survenant pendant une diphtérie, était 
due plutôt aux produits solubles qu'au microorga- 
nisme pathogène. La toxicité de ces cultures peut 
cependant être atténuée lorsqu'elles sont placées 
dans un courant d'air à une température de 40° 
pendant plusieurs jours. 

Le bacille de la diphtérie peut disparaître de 
la bouche avec la modification et le rejet de la 
fausse membrane. Mais, le plus souvent, il demeure 
à l'état isolé encore plusieurs jours ou plusieurs 
semaines dans les cavités buccales et nasales. 



DIPHTÉRIE 173 

D'autres fois, on a pu découvrir le bacille de Lœf- 
fler chez des individus cohabitant avec des diphté- 
riques, sans production d'angine. Ceci est très 
important à connaître au point de vue de la 
prophylaxie. 

IV 

Quoique la découverte du microorganisme pa- 
thogène soit de date relativement récente, on 
a cherché dès le début à trouver Timmunité et 
l'immunisation de la diphtérie. Dès 1889, Behring 
a fait une communication sur l'immunisation du 
tétanos et de la diphtérie par les produits solubles 
du bacille. A cette époque, ce savant n'était pas en- 
core très explicite, mais il a déclaré obtenir Timmu- 
nisation de la diphtérie, en injectant de certaines 
quantités de produits solubles du bacille de Lœffler, 
ajoutées d'une solution de trichlorure d'iode. 11 con- 
seillait, dès ce moment, d'utiliser le sérum immu- 
nisé pour guérir la diphtérie. En 1892, il publiait 
un ouvrage assez complet sur la Sérumthérapie 
pratiquée dans ces conditions contre le tétanos et 
la diphtérie. Le savant expérimentateur de Berlin 
regrette amèrement de ne pas posséder les fonds 
nécessaires pour appliquer sa méthode sur une 
plus vaste échelle. Il affirme néanmoins que le 
sérum provenant d'animaux immunisés est abso- 
lument inoffensif et efficace pour la guérison du 
tétanique et du diphtérique. 



174 IMMUNISATION ET 8ÉRUMTHÉRAPIE 

A ia même époque, Korhovsky a rapporté deux 
épidémies de diphtérie grave, où la plupart des 
enfants succombaient, sauf les cas où la diphtérie 
fut compliquée par un érysipële. Emmerich con- 
seilla d'immuniser avec du streptocoque de Fel- 
heisen des moutons et d*injecter leur sérum aux 
diphtériques. Malheureusement, Emmerich ne fit 
aucune expérience démonstrative et ses théories, 
quoique sensées, ne reposent sur aucune base 
clinique. 



Il n'en est pas de môme des recherches d'Aron- 
son, qui, dès 1891, cherchait à immuniser des 
lapins contre la diphtérie en leur inoculant des 
cultures affaiblies par des vapeurs de formalal- 
déhyde. 11 obtenait ainsi un sérum immunisant 
très puissant au point qu*un centimètre cube pou- 
vait vacciner 4 kilogrammes d'un animal contre 
la dose mortelle minima de cultures virulentes. 
Dès cette époque, Aronson appliqua cette méthode 
thérapeutique à de nombreux enfants atteints de 
diphtérie, et il affirma, comme Behring, que la 
sérumthérapie était inoffensive et souveraine 
dans un grand nombre de cas, 11 employa le sé- 
rum de chiens ou de moutons mais il déclara 
qu'il vaudrait mieux immuniser de plus grand? 
animaux et particulièrement le chievaU 



DIPHTÉRIE 175 

A partir de 1893, les communications sur cet 
intéressant chapitre se succédèrent en Allemagne. 
Heubner, de Lepzig, rapporte 60 cas de diphtérie 
traités parle sérum de Behring. Ce dernier fit lui- 
môme, avec le concours de Baer et Kossel, de 
nouvelles recherches et les publia dans la Deutsche 
med, Wochenschrifft (n^ 17 en 1893). Voici com- 
ment ces expérimentateurs procédèrent : ils ajou- 
tèrent à des cultures de bacilles diphtériques, 
âgées de quatre semaines, 0,08 p. 100 de phénol 
et 0,3 p. 100 de tricrésol afin de tuer les bacilles : 
ceux-ci tombent au fond et on injecte le liquide 
clair sans filtration. Il se produit au niveau de 
l'inoculation de l'empâtement et Tanimal a une 
fièvre assez intense après chaque injection. Au 
bout d'un certain nombre d'inoculations, l'animal 
est immunisé et on obtient un sérum antitoxique 
normal, dont 1 neutralise le décuple de dose mor- 
telle minima de toxine, c'est-à-dire qu'un centi- 
mètre cube de sérum ainsi préparé immuniserait 
à son tour 1 kilogramme du poids d'un animal. 
Behring a établi une échelle technique, il appe- 
lait ce centimètre cube de sérum une unités il 
délivre du sérum possédant la puissance de 60, de 
150 ou de oOO unités, suivant le degré d'immuni- 
sation de l'animal sérumfère; la valeur du sérum 
dépend, suivant lui, de la différence entre l'état 
primitif et le degré d'état réfractaire qu'atteint 
l'animal par le fait de l'immunisation. 



176 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 



VI 



Malgré le haut intérêt de ces recherches, la 
sérumthérapie n*a eu son application, en diphtérie 
que du jour où Roux fit sa communication reten-. 
tissante au Congrès de Budapesth. Â partir de ce 
moment, les observations cliniques se multiplient 
et les statistiques sont rapportées de tous les pays. 
La communication faite au Congrès d*hygiène revêt 
un caractère si précis et si purement scientifique 
que nous jugeons opportun de la reproduire tout 
entière dans cet ouvrage. 

c Depuis les travaux de Behring et de Kitasato, 
la question du traitement de certaines maladies 
infectieuses au moyeadu sérum d'animaux immu- 
nisés est restée à l^rdre du jour, Les premiers, 
essais ont été relatifs au traitement du tétanos, 
mais malheureusement ils n'ont pas justifié toutes 
les espérances que Ton pouvait concevoir. Cela 
tient sans doute à ce que, lorsque le premier 
symptôme du tétanos se manifeste, il est déjà trop 
tard et que la maladie est entrée dans sa phase 
dernière. Dans la diphtérie, il n'en est heureuse- 
ment pas de même, et, de par l'apparition de 
fausses membranes, nous pouvons surprendre la 
maladie dès son début. Depuis 1891, nous pour- 
suivons avec M. Martin des expériences sur le 
traitement de la diphtérie par le sérum anti toxique;; 



DIPHTÉRIE 177 

mais, si nous en présentons seulement aujourd'hui 
les résultats, c'est que nous attendions qu'ils 
fussent assez nombreux pour bien juger la méthode; 
ils viennent confirmer, du reste, les travaux déjà 
publiés par Behring, Ehrlich, Boer, Kossel et 
Wassermann. 

c Les animaux fournisseurs du sérum anti- 
toxique sont immunisés contre la diphtérie, c'est- 
à-dire accoutumés à la toxine diphtérique; ilest 
donc indispensable de dire quelques mots de la 
préparation de celle-ci. 



VII 

€ La toxine est produite en cultivant le bacille 
diphtérique virulent dans du bouillon, au contact 
del'air. Dans les conditions habituelles, il faut main- 
tenir les cultures pendant des mois à la température 
de 37<* pour que le poison s'y accumule. Un procédé 
plus rapide que nous avons employé avec M. Yersin 
consiste à faire la culture dans un courant d'air 
humide. On se sert de vases à fond plat, munis 
d'une tubulure latérale (vases de Fernbach), dans 
lesquels on met du bouillon alcalin peptonisé à 
2 p. 100, de façon que la couche liquide ait une 
faible épaisseur. Après stérilisation à l'autoclave, 
on sème une culture récente de bacille diphtérique 
très virulent, et on porte à l'étuve à 3T^. Lorsque 

lUUUKISATION. 12 



178 IMMUNISATION ET SÉaUMTHÉRAPIE 

le développement est bien commencé, au moyen 
d'un dispositif facile à imaginer, on règle le cou- 
rant d'air qui pénètre par le col de chacun des 
matras, après avoir barboté dans un flacon laveur. 
Cet agencement est préférable à celui qui dispose 
les vases de culture les uns à la suite des autres 
et les fait tous traverser par le même courant 
^'air. Après trois semaines, un mois au plus, la 
culture est suffisamment riche en toxine pour être 
•employée. Sur le fond des vases on voit un fort 
dépôt de microbes et à la surface un voile formé 
de bacilles plus jeunes. A ce moment, la réaction 
est fortement alcaline. Tous les bacilles diphté- 
riques^ même lorsqu'ils paraissent également 
virulents pour les cobayes, ne donnent pas les 
mêmes quantités de toxine dans les cultures. 
L'essai de bacilles de diverses provenances fera 
reconnaître, ceux qui fabriquent la toxine la plus 
active. Nous n'étonnerons aucun bactériologiste 
en disant que la force de la toxine n'est pas tou* 
jours la même dans des cultures faites, en appa- 
rence, dans des conditions identiques. Aussi, est-il 
préférable de faire une provision de toxine avant 
de commencer une série d'expériences afin que 
celles-ci soient bien comparables entre elles. 

€ Les cultures achevées sont filtrées sur une bou- 
gie Ghamberland, et le liquide est gar^é dans des 
vases bien remplis, bouchés et tenus à l'abri de la 
lumière, à la température ordinaire. Ainsi prépa- 



DIPHTÉRIE 179 

rée, la toxine tue, en général, un cobaye de 
SOO.grammes en quarante-huit à soixante heures 
à la dose de 1/10 de centimètre cube. Elle perd 
son activité à la longue, mais lentement, si on la 
maintient dans les conditions que nous venons 
d'indiquer. 

VIII 

« La toxine une fois obtenue, il s'agit d'immu- 
niser les animaux qui vont fournir le sérum; mais 
il faut commencer par atténuer la toxine dans son 
activité, de façon à ce qu'elle n'entraîne pas des 
accidents graves chez l'animal. Pour cela, la 
méthode à laquelle nous donnons la préférence 
est celle des toxines iodées que nous avons mise 
en usage avec M. Vaillard dans nos recherches 
sur le tétanos. La toxine diphtérique additionnée 
d'iode est beaucoup moins dangereuse que la 
toxine pure. On ajoute à la toxine un tiers de 
son volume de liqueur de Gram, au moment 
même de l'employer, et après quelques instants, 
on injecte le mélange sous la peau. Un lapin de 
moyenne taille supporte d'emblée 0<^<^,8 de ce 
liquide; au bout de quelques jours, on renouvelle 
l'injection et on continue ainsi pendant quelques 
semaines ; alors on peut augmenter les doses de 
toxine iodée ou diminuer la proportion d'iode. 
Plus tard on donnera la toxine pure. Il faut peser 



180 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÉRAPIE 

fréquemment les animaux et interrompre les 
injections quand ils diminuent de poids, sans 
quoi on les amènerait à un état de cachexie qui 
se terminerait par la mort. Dans ces expériences, 
aller lentement, c'est gagner du temps. 



IX 



« Les chiens immunisés contre la diphtérie ont 
fourni un sérum très actif; les moutons et surtout 
les chèvres sont par contre très sensibles au poison 
diphtérique et Timmunisation demande à être faite 
avec beaucoup de prudence. Il en est de même 
pour les vaches, dont le lait peut devenir une 
source importante d'antitoxine. 

« De tous les animaux capables de fournir de 
grandes quantités de sérum antidiphtérique, le che- 
val est le plus facile à immuniser. Il supporte la 
toxine beaucoup mieux que toutes les espèces dont 
nous venons de parler. Il n'est pas rare de rencon- 
trer des chevaux chez lesquels 2 à 8 centimètres 
cubes de toxine forte , inj eclés d'emblée sous la peau, 
ne provoquent qu'une fièvre passagère et un 
œdème local promptement dissipé. Si on admet, 
avec M» Behring, qu'un animal fournit un sérum 
d'autant plus antitoxique que sa sensibilité à la 
toxine est plus grande, le choix du cheval peut 
sembler mauvais. Cependant, dès l'année 1892, 



DIPHTÉRIE 181 

avec M. Nocard, nous avons entrepris d'immuniser 
les chevaux contre la diphtérie, parce que les expé- 
riences, que j'avais entreprises avec M. Vaillard 
sur le tétanos, avaient montré que le sérum de 
cheval, même à des doses considérables, est inof- 
fensif pour les animaux de laboratoire et aussi pour 
Thomme. Injecté sous la peau, il est résorbé en 
quelques instants, sans amener de réaction locale. 
De plus, rien n*est facile, comme de tirer de la 
jugulaire d'un cheval, aussi souvent que Ton veut 
et avec pureté, de grandes quantités de sang d'où 
se sépare un sérum d'une limpidité parfaite. Nous 
avons des chevaux dans la jugulaire desquels on a 
puisé plus de vingt fois, au moyen d'un trocart 
d'un gros calibre, et le vaisseau est resté aussi 
souple et aussi perméable qu'au premier jour. Le 
pouvoir immunisant du sérum de ces animaux est 
actuellement voisin de 100,000; il est facile de 
l'augmenter encore. 

« Un autre avantage qu'il y a à se servir du 
cheval pour la production du sérum antitoxique, 
c'est la rapidité avec laquelle on peut immuniser 
cet animal. La preuve en est que nous avons pu en 
deux mois et vingt jours, en commençant par des 
doses de 1/4 de centimètre cube de toxine iodée à 
1/10, arriver à des doses de 250 centimètres cubes 
de toxine pure sans qu'il y eût ni grande réaction 
locale, ni élévation considérable de la température. 
Pour € entretenir i les chevaux, le procédé le plus 



182 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

commode est d'injecter la toxine au moment même 
où Ton fait la saignée et de laisser l'animal au 
repos durant une vingtaine de jours; ce procédé 
est cependant moins efficace que celui qui con- 
siste à injecter fréquemment de petites doses de 
toxine. 



« Quelles sont les propriétés expérimentales du 
sérum antidiphtérique? Si l'on ajoute du sérum à 
la toxine diphtérique, celle-ci devient inoffensive 
et le mélange injecté aux animaux ne détermine 
aucun trouble, pas même de lésion locale. Cette 
action ne se produit pas seulement in vitro, mais 
elle se produit aussi dans l'organisme. Un cobaye 
auquel on donne une dose suffisante de sérum 
supportera ensuite une quantité de toxine diphté- 
rique, sûrement mortelle pour les cobayes non 
préparés. On peut même injecter d'abord la toxine 
et plusieurs heures après le sérum, l'animal ne 
périra pas. Il va sans dire que la quantité de sérum 
nécessaire pour le sauver varie suivant la dose de 
toxine et aussi suivant le moment de l'intervention. 
Le sérum est préservateur et thérapeutique non 
seulement vis-à-vis de la toxine, mais aussi envers 
le virus vivant. Ces propriétés du sérum antidi- 
phtérique ont été découvertes par M. Behring, 
elles sont la base du traitement de la diphtérie. 



DIPHTÉRIE 183 

Elles sont dues à une substance spéciale qu'on 
appelle « antitoxine > et dont la nature nous est 
aussi inconnue que celle de la toxine diphtérique 
elle-même. 

a Les animaux qui reçoivent Tantitoxine diphté- 
rique deviennent réfractaires à la maladie dans un 
temps très court, presque immédiatement, mais 
cette immunité ne persiste pas, et après quelques 
jours ou quelques semaines, elle disparait, se mon- 
trant ainsi bien différente de celle qui est acquise 
par des injections successives de poison diphté- 
rique. 



XI 



c Pour apprécier l'activité immunisante du 
sérum, M. Behring, le premier, a proposé un 
système qui consiste à estimer la force d'un 
sérum d'après la quantité nécessaire pour immu- 
niser 1 gramme d'animal contre un volume de 
toxine sûrement mortel et injecté douze heures 
après le sérum. C'est ainsi qu'on dit qu'un sérum 
est à 4/1,000 quand i gramme de ce sérum immu- 
nise 1 kilogramme de cobaye contre une dose 
déterminée de toxine, capable de tuer dans un 
délai connu. 

« Depuis quelque temps, cette façon de mesurer 
a fait place à une autre: pour M. Ehrlich, l'unité 
immunisante est représentée par 1/iO de centi- 



484 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

mètre cube d*un sérum qui, mélangé avec 8/10 de 
centimètre cube de toxine normale, la neutralise 
au point que le tout injecté sous la peau d'un 
cobaye ne produit aucun œdème. 

c Quoi qu'il en soit, il nous suffira de dire que la 
toxine que nous avons employée tue en quarante- 
huit heures à la dose de 1/10 de centimètre cube, 
un cobaye de 500 grammes et que, si on mélange 
cette quantité à 9/10 de centimètre cube de toxine, 
on ne voit se produire aucun œdème chez l'animal. 
Il n'y a pas non plus de réaction locale si l'oa 
injecte 1 centimètre cube du mélange contenant 
1/30 de sérum ; avec U mélange à 1/50 on voit se 
produire un léger œdème, mais le cobaye reste 
bien portant. 

XII 

c Le pouvoir préventif du sérum se manifeste 
lorsqu'on donne celui-ci avant la toxine. Dans ces 
conditions, les animaux résistent toujours si la 
quantité du sérum est proportionnée à celle de la 
toxine. Il suffit que les cobayes aient reçu douze 
heures auparavant 1/100,000 de leur poids de 
sérum pour qu'ils résistent à une dose de toxine 
qui tue les cobayes témoins en cinq jours. Avec 
1/50,000 ils supportent une injection de culture 
diphtérique mortelle en quarante-huit heures 
pour les témoins. 



DIPHTÉRIE ISS 

€ Si Ton introduit la toxine la première,- il faut 
alors d'autant plus de sérum qu'on est intervenu 
plus tard; après six heures, des injections de sérum 
à 1/1,000 sont efficaces, mais après douze heures, 
elles ne le sont plus. Par contre, après l'inocula- 
tion sous-cutanée du bacille diphtérique, Tinter- 
vention est encore active, même douze et dix-huit 
heures après Tinfection. 

< En résumé, le sérum antidiphtérique est loin 
d'avoir les propriétés immunisantes du sérum 
antitétanique, lequel est préventif à 1/10,000,000 
et cependant il donne des résultats thérapeutiques 
bien supérieures à celui-ci. 

«Si, après avoir injecté préventivement du 
sérum antitoxique, on détermine expérimenta- 
lement la diphtérie vulvaire chez le cobaye fe- 
melle, on voit dès le second jour, les lésions 
locales diminuer, les fausses membranes se déta- 
cher, tandis que, chez les témoins, la muqueuse 
est rouge, œdématiée, la température élevée et 
l'état général mauvais. 

€ Si, d'un autre côté, on injecte après l'inocula- 
tion diphtérique le sérum à la dose de 1/10,000 à 
1/1,000 du poids de l'animal, celui-ci guérit très 
bien et dès le deuxième jour on voit déjà les 
fausses membranes se détacher. 

€ Quand, pour se placer autant que possible 
dans les conditions de la pathologie humaine, on 
injecte préventivement à un lapin du sérum anti- 



iS6 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

toxique et qu'ensuite on lui inocule la diphtérie 
trachéale, on voit alors que la maladie ne se tra- 
duit par aucun malaise apparent, si Ton a soia 
d'injecter le sérum antidiphtérique à dose suffi- 
sante. De même, une injection de ce même sérum 
après rinfection arrête rapidement une diphtérie 
déjà bien développée, pourvu que rinoculation 
soit faite assez tôt. 

« Pour ce qui concerne les diphtéries avec asso- 
ciations microbiennes, en particulier avec asso- 
ciation streptococcique, les résultats obtenus ont 
été beaucoup moins satisfaisants ; nous avons à 
plusieurs reprises sauvé des lapins traités six ou 
huit heures après Tinfection trachéale, mais il fal- 
lait renouveler à plusieurs reprises les injections de 
sérum thérapeutique. Quand le traitement n'a 
été institué qu'après douze heures, les animaux 
ont toujours succombé. 



XIII 
I 

« Une fois la question du sérum antidiphtérique 
étudiée au point de vue expérimental, nous en 
avons essayé l'application dans le traitement de 
la diphtérie humaine. Toutes nos expériences ont 
été faites à l'hôpital des Enfants-Malades, avec 
MM. Martin et Ghaillou. Du 4®'' février au 24 juil»- 
ietl894, 448 enfants sont entrés au pavillon de 



DIPHTÉRIE 187 

la diphtérie et ont fourni une mortalité de 109 dé- 
cès, soit 24,33 p. 100 ; or, cette mortalité a été en 
moyenne, de 1890 à 1895, 81,71 p. 100 pour un 
total de 3,971 enfants; le bénéfice procuré par le 
traitement, toutes les conditions restant les mêmes 
est donc de 27,28 p. 100. Au cours de cette même 
période de temps, 500 enfants entraient pour 
diphtérie à l'hôpital Trousseau : 316, c'est-à-dire 
63,20 p. 100 succombaient. 

« Telle est la statistique brute ; mais, pour bien 
juger la question, il faut retrancher de nos 448 en- 
fants entrés au pavillon de la diphtérie, 128 qui 
n'étaient pas atteints, ainsi que Ta constaté Texa- 
men bactériologique, de diphtérie vraie à bacilles' 
Klebs-Loéffer ; il faut encore supprimer 20 cas 
ayant entraîné la mort avant toute espèce de 
traitement. Nous avons donc de la sorte 300 cas 
de diphtérie vraie avec une mortalité de 78 décès, 
soit 26 p. 100, alors qu'une statistique antérieure, 
établie dans les mêmes conditions, donnait une 
mortalité de 50 p. 100. 

XIV 

f « Le sérum que nous avons employé et qui pro- 
venait de chevaux immunisés avait une activité 
comprise entre 50,000 et 100,000. A tous les ma- 
lades entrants nous donnions systématiquement 
20 centimètres cubes de ce sérum, en une seule 



188 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

piqûre, SOUS la peau du flanc; l'injection n'était 
pas renouvelée si Texamen bactériologique éta- 
blissait qu'il ne s'agissait pas de diphtérie; du 
reste, lorsque c'était le cas, nous n'avons jamais 
vu survenir le moindre inconvénient. 

« L'injection n'est pas douloureuse, et, si elle 
est faite aseptiquement, elle ne donne lieu à aucun 
accident. Vingt-quatre heures après la première 
injection, nous en faisons une seconde de 20 ou de 
10 centimètres cubes, et ces deux injections suffi- 
saient le plus souvent pourmener àbien laguérison. 

€ Toutefois si la température restait élevée, nous 
pratiquions encore une injection de 20 ou de 10 cen 
timètres cubes. Le poids moyen des enfants étant 
de 14 kilogrammes, ils ont reçu, en général, plus 
du millième de leur poids de sérum, et, dans 
quelques cas exceptionnels, presque le centième. 

c Les accidents consécutifs à la diphtérie sont des 
plus rares après le traitement par le sérum, mais 
nous avons cependant observé des paralysies. 
Parfois aussi, pendant la convalescence, nous 
avons vu survenir des éruptions, analogues d'as- 
pect à l'urticaire, et provoquées par le sérum. 

XV 

« Voici maintenant la classification des cas de 
diphtérie que nous avons traités; il faut d'abord 
les diviser en angines et en croups. Parmi les an- 



DIPHTÉRIE 189 

gînes, il faut distinguer celles qui sont pures et 
celles qui sont associées à d'autres microorganis- 
mes. Les cas d'angine pure ont été au nombre de 
J20 avec 9 décès, soit une mortalité de 7,5 p. 100; 
parmi les 9 enfants qui sont morts, 7 n'ont séjourné 
que vingt-quatre heures à l'hôpital . Si on les dé- 
falque des chiffres précédents on a^rrive alors à une 
mortalité de 1,66 p. 100. 

« Nous ferons, en outre, remarquer que, des deux 
malades qui ont succombé, l'un était atteint en 
même temps de péritonite tuberculeuse, l'autre 
de rougeole très grave : on pourrait donc en con- 
clure avec raison que toute angine pure devra gué- 
rir si elle est traitée à temps. 

c Sous l'influence des injections, l'état général est 
resté excellent; quant aux fausses membranes, 
elles cessent d'augmenter dans les vingt-quatre 
heures qui suivent la première injection; après 
trente-six, quarante-huit, soixante-douze heures 
au plus tard, elles se détachent. Sept fois seule- 
ment elles ont persisté plus longtemps. 

c La température baisse souvent dès la première 
injection, brusquement; si elle persiste dans les 
angines graves, elle ne tombe qu'après la deuxième 
ou troisième injection, en lysis. Quant au pouls, 
il redevient normal moins rapidement que la tem- 
pérature . 

€ Un tiers des diphtériques, ainsi que le montrent 
les statistiques, présentent de l'albuminurie, et 



490 IMMUNISATION ET SÉRDMTIIÉRAPIE 

<;eile-ci n'ayant été constatée que 54 fois sur 120 
cas traités par le sérum, il semble bien évident 
que la médication diminue la fréquence de ce 
symptôme. 

Les cas d'angine avec associations microbiennes 
se sont comportés autrement; les angines asso- 
ciées avec le petit coccus ont toutes guéri; il 
en a été de même de celles qui s'associaient avec 
les staphylocoques pyogènes. Quant aux angines 
associées aux streptocoques et dont on con- 
naît l'extrême gravité, elles ont été au nombre 
de 35 dont là ont succombé, soit une proportion 
de 34,38 p. 100, tandis que la mortalité habituelle 
est de 87 p. 100. Lessymptômes généraux ont été 
notamment amendés et les fausses membranes se 
détachaient plus facilement. 11 a toujours fallu 
prolonger les injections de sérum, dont la quan- 
tité employée s'est élevée jusqu'à 75 centimètres 
cubes. 

XVI 

t Les croups doivent être, de leur côté, distin^ 
gués en croups opérés et croups non opérés* Nous 
avons traité 10 cas de la dernière catégorie, avec 
un seul décès, et encore s'agissait-il d'un cas de 
laryngite diphtérique avec association de strepto* 
coques. Les croups opérés sont au nombre de 121 
avec une mortalité de 56 cas, soit une proportion 



DIPHTERIE 191 

de 46,28 p. 100. De même que pour les angines, 
il est indispensable de distinguer les croups opé- 
rés diphtériques purs d'avec les croups à associa- 
tions, car leur gravité est bien différente. 

€ Parmi les premiers, nous avons un total de 
49 cas avec 16 décès, soit une mortalité de 30,61 
p. 100; mais, si nous retranchons de ce chiffre 
4 décès survenus moins de vingt-quatre heures 
après rentrée des malades dans les salles et où il 
s'agissait de diphtéries toxiques, nous arrivons à 
la proportion de 22,44 p. 100. 

< Parmi les croups à associations microbiennes, 
nous avons 9 cas de croups associés au petit coc* 
eus avec 1 décès; 11 cas de croups avec staphylo- 
coques et 7 morts, soit une mortalité de 63 p. 100 
(50 p. 100 si Ton retranche de cette dernière caté* 
gorie, croups avec staphylocoques, 3 décès surve* 
nus moins de vingt-quatre heures après l'entrée des 
malades au pavillon) ; 52 cas de croups avec associa- 
tions de streptocoques et 33 morts c'est-à-dire une 
mortalité semblable à celle de la catégorie précé* 
dente, soit 63 p. 100. Il faut remarquer que la 
plupart des décès, dans ces diverses subdivisions, 
utiles à conserver aussi bien au point de vue 
statistique qu'au point de vue clinique, étaient dus 
à la bronchite pseudo-membraneuse. EnGn, à la 
maladie si grave que constitue la diphtérie, sont 
venues s'ajouter plusieurs fois la rougeole ou la 
scarlatine. 



493 IHMUKISATIOIf ET SÉRUMTHÉRAPIE 

c Les croups les plus graves sont certainement 
ceux qui sont associés avec le streptocoque, et la 
preuve en est que 7 enfants, atteints de diphtérie 
toxique, ont séjourné moins de vingt-quatre heures 
dans les salles. Si nous retranchons de la totalité 
des cas de croups opérés ceux qui se trouvent être 
dans ces conditions et qui réellement ne peuvent 
pas être comptés comme des insuccès de la mé* 
thode, nous arrivons ainsi à avoir 107 opérés, 
42 décès et une mortalité de 39,25 p. 100. 



XVII 

€ Quoique ces résultats semblent déjàtrès encou- 
rageants, nous pensons cependant qu'on peut en 
obtenir encore de meilleurs; c'est surtout par une 
hygiène appropriée, par un isolement plus parfait 
du malade qu'on parviendra à éviter une des cau- 
ses fréquentes de mort, les contagions secondaires 
qui se produisent à l'hôpital. Nous ne voulons 
pas seulement parler de la rougeole, de la scar- 
latine, dont les exemples [ne sont pas exception- 
nels, mais des infections de toute espèce, et en 
particulier de l'infection streptococcique. Nous 
avons vu, en effet, 12 enfants, entrés pour des 
croups purs, qui brusquement succombaient à une 
broncho-pneumonie à streptocoques; cela tient à 
ce que les enfants trachéotomisés sont dans les 



DIPHTÉRIE i 93 

salles communes ; aussi n'est-il point rare de voir 
survenir devéritables épidémies de broncho-pneu- 
monie déterminées par l'arrivée d'un enfant atteint 
de croup diphtérique associé aux streptocoques. 

« Enfin, il faudrait pouvoir, pour obtenir des 
résultats plus favorables encore, instituer le trai- 
tement aussitôt que possible après le début de la 
maladie ; à combien d'enfants n'éviterait-on pas 
la trachéotomie, celte porte d'infection, si le 
sérum était administré plus hâtivement? Nous 
espérons même que cette opération deviendra de 
plus en plus rare, en combinant le tubage avec les 
injections de sérum. 

« Tels sont les résultats que nous avons obtenus 
et qui nous font bien augurer de Tavenir. Ajou- 
tons, en terminant, que nous avons, avec le trai- 
tement par le sérum, proscrit tout traitement local 
et que nous nous sommes contentés de faire des 
irrigations de la gorge avec de Teau simplement 
bouillie, ou à laquelle on a ajouté par litre 
50 grammes de liqueur de Labarraque. » 

XVIII 

A la communication de M. Roux, M. le docteur 
Behring ajoute : c Les antitoxines que j'ai intro- 
duites dans la thérapeutique de la diphtérie sont 
des substances chimiquement indéterminées, qui 
se trouvent en proportions définies et constantes 

IMMUNISATION. 13 



i9i nniumsATioN et sérumthérapie 

dans le sérum des animaiix immunisés contre le 
bacille de Lôffler. 

< De nombreuses expériences faites par moi ont 
démontré la parfaite innocuité de ces antitoxines, 
qui ne produisent pas de réaction, ni locale, ni 
générale. 

< L'action spécifique du sérum antidiphtérique 
est d'autant plus sûre et plus rapide que le trai- 
tement est plus précoce. Comme ce sérum ne pré- 
sente aucun danger, on peut y avoir recours, 
même dans les cas simplement suspects. 

c Les injections doivent être aseptiques et on 
peut se servir de la seringue de Koch à ballon préa- 
lablement stérilisée. On injecte à la fois toute la 
dose contenue dans un flacon (10 à 12 centimètres 
cubes). Il ne faut pas faire de massage après Tin- 
jection, l'absorption du liquide étant plus rapide 
et les douleurs moindres lorsqu'on s'abstient de 
cette pratique. Quelques jours après l'injection, on 
observe de l'urticaire, qui disparait peu après et 
qui n'est pas produite par l'antitoxine, mais par 
le sérum animal. 

c C'est dans l'albumine de l'organisme vivant 
qu'il faut chercher la source de l'antitoxine, et ce 
n'est pas seulement sous l'influence d'une toxine 
spécifique que la réaction de cette albumine se 
produit. Il ne s'agit pas d'une neutralisation directe 
du virus pathogène, mais plutôt de réactions pro- 
voquées dans ranimai sous l'influence du virus 



DIPHTÉRIE 195 

diphtérique, réactions qui produisent Tantitoxine. 
Ce traitement indirect a donné à M. Behring de 
bons résultats dans les maladies postdiphtériques 
des animaux. 

XIX 

M. le D"^ Aronson (de Berlin) dit, comme M. Roux, 
que c'est le sérum de cheval qu'il emploie, parce 
qu'il considère comme le plus efficace le sérum 
obtenu par Timmunisation de chevaux avec des 
cultures à travers lesquelles on a fait passer un 
courant d'oxygène. Le sérum de ces animaux est 
trois fois plus fort que celui de M. Behring. Depuis 
le mois de mars dernier jusqu'à la fin de juillet, 
il a traité avec le sérum dont il vient de parler 
192 malades atteints de diphtérie (dont le diagnostic 
a été contrôlé par l'examen bactériologique), sur 
lesquels 14 p. 100 sont morts; si l'on retranche 
de cette statistique les enfants amenés à l'hôpital 
tout à fait moribonds, il reste 169 cas avec 
19 décès, soit une mortalité de 11,2 p. 100. Dans le 
même hôpital, la mortalité était : 

En 1891 pour 203 cas de 32,5 p. 100; 
En 1892 — 341 — de 35,4 p. 100; 
En 1893 — 426 ~ de 41,7 p. 100; 

etdejanvier jusqu'en mars 1894, 41,8 p. 100; 
Pendant les quatre mois et demi qu'on a pra- 



196 iMMurasAnoN et sérumthérapie 

tiqué ces expériences, on n'a pas fait une seule 
trachéotomie, sauf sur les malades qui, à leur 
entrée à l'hôpital, avaient déjà du tirage. 

Ce traitement a été employé aussi dans 82 cas 
traités dans d'autres hôpitaux, ce qui donne un 
total de 274 cas avec une mortalité de 15,3 p. 100. 

L'évolution de la maladie, sous l'influence de 
ce traitement, concorde parfaitement avec ce qu'a 
afûrmé M. Roux. 

M. Aronson a employé aussi le sérum antidiphté- 
rique pour immuniser les enfants des familles où il 
y avait des cas de diphtérie (1 centimètre cube du 
sérum qu'il prépare suffît pour Timmunisation de 
ces enfants). Sur 130 enfants ainsi traités préven- 
tivement, 2 seulement ont été atteints d'une diph- 
térie très légère. 

XX 

En dehors des angines diphtériques à associa- 
tion bactérienne, qui sont toujours très graves, 
mais pas désespérées cependant, le croup vrai est 
toujours une manifestation des plus redoutables. 
Un des élèves les plus brillants de Behring, 
M. Kossel, a eu l'occasion de soigner plusieurs 
cas semblables, et il s'exprime ainsi à ce sujet : 

« Quand le larynx est atteint, on observe sou- 
vent au bout de vingt-quatre ou quarante-huit 
heures — à ce moment par conséquent où, dans 



DIPHTÉRIE 197 

l'angine diphtérique pure, les fausses membranes 
deviennent habituellement déliquescentes — une 
exagération de la gêne respiratoire. Mais le plus 
souvent ce phénomène disparaît sous Tinfluence 
des inhalations d'eau salée. Il peut arriver encore 
que la sténose s'exagère sous l'influence de la 
déliquescence des membranes que l'action cura- 
tive de l'injection de sérum provoque et que 
vingt-quatre ou quarante-huit heures plus tard la 
trachéotomie doit être faite. L'un des plus grands 
dangers de la trachéotomie, celui qui ordinaire- 
ment en rend, chez les enfants, le pronostic si 
grave, est l'extension du processus diphtérique en 
aval de la canule. A la suite de la sérothérapie 
je n'ai jamais constaté pareille chose. Souvent on 
peut déjà au troisième ou quatrième jour enlever 
déflnitivement la canule sans aucun inconvénient. » 

XXI 

* Comment se forment ces antitoxines? Nous 
avons développé ce point dans un autre chapitre, 
où nous avons parlé très longuement d'une 
autre communication faite par Roux sur ce sujet. 
Une question que nous devons élucider ici, c'est 
de savoir combien de temps se conservent ses pro- 
priétés antitoxiques. 

Il est tout naturel que ce pouvoir va en s'afl'ai- 
blissant, à mesure qu'on s'éloigne d'une attaque 



198 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

diphtérique ou d'une inoculation préventive. 
Cependant le sérum reste immunisant pendant 
plusieurs semaines et même pendant plusieurs 
mois. Un moyen de maintenir longtemps le pou^ 
voir immunisant, c'est de faire une injection intra- 
veineuse de toxine au moment de la saignée (pro- 
cédé de Nocard). On ne peut donner une période 
absolue, car le pouvoir de Timmunisation varie 
lui-même suivant le degré des injections anti- 
diphtériques et, aussi, suivant l'espèce animale. 
Mais quand on a obtenu l'immunisation définitive 
d'un animal, on entretien ce pouvoir antitoxique 
de l'animal en lui injectant, tous les quatorze 
jours, une petite dose de toxine. 

XXII 

Le lendemain de l'intéressante communication 
de Roux, de nombreuses statistiques furent 
publiées sur la méthode de Behring si bien 
appliquée et vulgarisée par notre savant compa- 
triote. La plupart des cliniciens ont apporté de 
précieux documents à l'appui de la sérumthérapie. 
En France, Moizard, Descroizilles, Legendre, Jules 
Simon ont appliqué avec succès cette méthode. 
Le D'" Peyron, directeur de l'Assistance publique, 
a relevé l'intéressante statistique suivante qui 
démontre l'influence bienfaisante de la sérumthé- 
rapie dans la diphtérie. 



DIPHTERIE 



199 



Cette communication faite au Comité consultatif 
d'Hygiène de France, le 10 décembre dernier, 
donne les chiffres comparatifs des résultats avant 
et depuis le traitement nouveau à Thôpital Trous- 
seau et des Enfants-Malades. 

Le tableau suivant présente d'abord les résultats 
de l'année 1887 à l'année 1893 : 



ANNÉES 


CAS TRAITÉS 


DÉCÈS 


POURCENT. 


.gg- (Enfants-Mal. 
^*^' ^Trousseau. . 

4fififi (Enfants-Mal. 
i»«» (Trousseau. . 

ififio (Enfants-Mal. 
i»»y (Trousseau. . 

jooA (Enfants-Mal. 
^^^ iTrousseau. . 

4QQ4 (Enfants-Mal. 
^^^^ (Trousseau. . 

AOM (Enfants-Mal. 
^^^^ (Trousseau. . 

.«Qn ) Enfants-Mal. 
i»yiJ (Trousseau. . 


802^ ec77 

775^1.577 

909]^-^«^ 
1.055^^28 

};002]2,107 

957). QAo 
Q^ç^l.903 

997; 2 070 

i.073r-"^" 

1.015^ 077 


SO8.959 

5|0jl.208 
|0|jl.021 


|;f>,8i 

65,18l«, ,. 
58;28l6''*l 

54;44r*'^" 



. Voici, maintenant, le tableau comparatif des 
résultats du nouveau traitement commencé le 
l*''" février 1894 à l'hôpital des Enfants-Malades, et 
seulement à compter du 18 septembre à l'hôpital 
Trousseau; résultats considérés d'abord séparé- 



200 



IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 



ment dans chacun de ces hôpitaux, et, ensuite, 
dans les deux hôpitaux réunis. 



DÉSIGNATION 


CAS 
traités. 


DÉCÈS 


POURCENT. 


Hôpital des Enfants-Malades 
Hôpital Trousseau 

Hôpitaux des Enfants-Ma- 
lades et Trousseau réunis. 


780 
247 


164 
39 


21,00 
15,02 


1.027 


203 


19,76 



Les tableaux ci-après présentent les résultats 
comparatifs ci-dessus répartis selon les mois de 
Tannée : on y voit les difTérences accentuées de 
fréquence durant les mois d'été et d'hiver. 



MOIS 


CAS TRAITÉS 


DÉCÈS 


POURCENTAGE 


Janvier 


1.262 


722 


57,21 


Février. . 






1.247 


737 


59,10 


Mars. . . 






1.374 


857 


60,91 


AvrU. . • 






1.312 


761 


58,00 


Mai 






1.226 


698 


56,93 


Juin . • . 






1.088 


574 


55,29 


Juillet. . , 






957 


519 


54,23 


Août. . . , 






989 


520 


52,58 


Septembre. 






782 


430 


54,98 


Octobre . 






851 


501 


58,87 


Novembre 






1.026 


523 


50,97 


Décembre , 






1.181 


704 


59,61 


Total. . . 






13.245 


7.536 


56,82 



DIPHTÉRIE 



201 



uois- 



Février 
Mars. • 
Avril • 
Mai • . 
Juin. • 
Juillet. 
ÂoûL • 
Septembre 

Octobre . 

Novembre 



CAS TRAITÉS 
Sorties et décès. 



77 
99 
86 
77 
60 
65 
50 
77 



16 



93 

joej^m^ 

228 

83 [ 109 
192 



DÉCÈS 



s 



19 
27 
28 
18 
13 
iâ 
9 
8 



11 




POURCENTAGE 



S 

H 



24,67 

27,20 

32,55 

23,37 

21,66 

20,00 

18,00 

1M9|IM5 
11,82 

13J0IJ3^ 
13,15 

18^0711M4 
18,22 



Enfin, cette intéressante communication est 
complétée par les renseignements contenus dans 
le tableau suivant sur les enfants venus de la pro- 
vince et traités dans les hôpitaux depuis trois 
mois : 



202 



IMMUNISATION ET SÉRUMTQÉRAPIE 



DESIGNATION 


ENTlélS 


SORTIES 


DÉCÈS 


PRÉSENTS 


Enfants-Malades : 
Septembre. . . . 

Octobre 

Novembre .... 

Trousseau : 

Octobre 

Novembre .... 


4 
18 
25 

4 
21 


3 

16 
14 

3 
12 


1 

2 

5 

1 
2 


» 

6 

» 
7 



M. Gillet a relevé également une très intéres- 
sante statistique des cas de diphtérie traités par 
le sérum, depuis quelques mois, par différents 
cliniciens; cette statistique est fort démonstrative. 







OQ 
§ 


CQ 




DÉMONSTRATION 


S 






S 

es 






«M 

o 


a 


o 

0. 


Kossel 


233 


. 


» 


23 


Kôrt 


121 


81 


40 


33,1 


Bôkai 


35 


30 


5 


14.18 


Gerlôczy 


14 


9 


5 


» 


ŒrteletvonKaDke. 


8 


1 


7 


M 




19 


15 


4 


» 


Von Seitz 


8 


8 


» 


» 


Ehrlich 


89 


» 


M 


13,5 


Aronson 


255 


226 


31 


12.1 


iEthel Saw 


6 


5 


1 




Roux 


448 


» 


» 


24,3 


Katz 


128 


» 


» 


13,2 


Weigler 


63 


n 


» 


28 


Charon 


13 


» 


4 


» 


Rumpf 


26 


» 


» 


8 


Hilbert 


11 


11 


n 


w 


Moizard 


231 


197 


34 


14,70 


Le Gendre 


.18 


16 


2 


12,1 



DIPHTÉRIE 



203 







«» 


co 


H 




09 




H 


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DÉMONSTRATION 


3 


S 


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S 


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O 

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DaDcieho 


1 


1 






Ollivier Galley . . . 


2 


1 


1 


„ 


Feer 


4 


4 


)» 


M 


Lebreton 


242 


214 


28 


11,57 


Blache 


3 


3 






Campbell Wite. . . 


20 


15 


5 


w 


Simpson. . . • . . 


3 


1 


2 


» 


Los Gristie 


3 


3 


» 


„ 


Polienctoff 


10 


9 


1 


„ 


Debize 


9 


9 


» 


M 


Bôrger 


30 


28 


2 


7 


Schubert 


34 


n 


» 


18 


Canon 


15 


» 


M 


20 


Kumbzen 


25 


„ 


» 


12 


Strahlmann .... 


100 


100 


» 


» 


Demuth 


3 


3 


» 


>. 


Seitz 


28 


27 


1 


» 


Mosler 


30 


28 


2 


» 


Hager 

Rabot 


24 


23 


1 


n 


47 




» 


34 


Gevaeri 


2 


2 


» 


>. 


Mya 


16 


14 


2 


» 


Massei 


4 


4 


» 


» 


G. Simes 


70 


» 


n 


10 


Hahn(«sgr»T.éliiBiiiésl5) 


205 


» 


49 


24 


Galatti. ...... 


3 


» 


3 


» 


Dessaux 


7 


7 


» 


» 




27 


20 


7 


22 


Heim 


31 


15 


6 


28,4 


Monli 


25 


24 


1 


» 


Unterholzner. . . . 


36 


M 


» 


25,80 


Virchowet Baginskv 


303 


263 


40 


13,2 


Washbourn .... 


72 


58 


14 


19,44 


Herringham .... 


18 


14 


4 


» 


Moeller 


64 


37 


27 


>* 


Widerhoffer . . 


99 


75 


24 


24,3 


Guândinger .... 


27 


16 


11 


40,7 


Siegel 


12 


M 


12 


» 


Sorenenburg. . . . 


107 


85 


22 


20,5 


S. Bernheim. . . . 


7 


6 


1 


M 



204 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 



XXIII 

Il est superflu d'insister encore sur Timportance 
de ces statistiques, qui mettent au point la ques- 
tion du nouveau traitement ; et il n'était pas 
inutile, on le voit, de les placer en regard des 
discussions, plus ou moins offensives. 

Ces attaques contre la sérumthérapie sont 
venues de l'Allemagne même et proviennent 
d'hommes très éminents. Tandis que. Baginsky 
affirme que la mortalité diphtérique a considéra- 
blement baissé (de 13 à 20 p. 100, au lieu de 
40 p. 100) d'autres cliniciens (Gottstein et Schleisch) 
contestent avec la plus grande énergie l'influence 
du sérum immunisé et attribuent les résultats 
favorables au hasard. 

En Autriche, Widerhofl*er rapporte l'observa- 
tion de 100 cas de diphtériques traités dans les 
conditions les plus déplorables par le sérum de 
Behring : il a noté 23 décès et 74 gu.érisons et 
3 états stationnaires. En ce qui concerne l'action 
des injections dans les cas ordinaires de diphtérie 
grave, dit ce clinicien, on a constaté qu'après la 
première ou la deuxième injection l'exsudat, de 
jaunâtre qu'il était au début, devient blanc et 
prend une coloration laiteuse, puis les fausses 
membranes s'enroulent et tombent. On constate 



DIPHTÉRIE 205 

ce fait surtout pour les formes pures, tandis que 
dans les formes mixtes Texsudat se résout en une 
masse pultacée et son enroulement et sa chute 
sont moins nets. On trouve aussi cette transfor- 
mation en détritus laiteux dans les bronches des 
enfants qui ont succombé au croup. Le jour, qui 
suit rinjection, on trouve en général un gonfle- 
ment des ganglions et de l'œdème du cou, mais il 
se produit, au plus tard quarante-huit heures 
après la première injection, une amélioration de 
l'état général telle qu'on peut la qualifier non 
pas de surprenante, mais d'incroyable. 

Bokai, de Budapest, obtient les mêmes résultats 
favorables par le sérum immunisé : sa mortalité 
dans la diphtérie est de 14,28 p. 100. 

A Kœnigsberg, Hilbert a traité 11 cas de diph- 
térie, dont 2 croups, par le sérum immunisé, 
sans un seul décès. 

Charon, de Bruxelles, signale 4 morts sur 
13 diphtériques traités par le sérum de Roux, et 
dont 11 avaient subi la trachéotomie. Sur les cas 
de mort, 2 sont survenus chez des enfants qui 
ont succombé deux heures après leur entrée à 
l'hôpital. Les 2 autres sont morts de broncho^ 
pneumonie survenue après la trachéotomie. 

Tandis que les statistiques favorables viennent 
de tous les points de la France, de l'Allemagne, 
de la Belgique, de l'Autriche-Hongrie, on connaît 
moins les résultats obtenus en Italie et en Angle- 



206 IMMUNISATION ET SÉRUMTnÉRAPIE 

terre, où les expériences ont été faites avec moins 
de zèle. En Italie on a accueilli cette découverte 
thérapeutique avec un grand scepticisme, qui 
certes a dû disparaître depuis. 



XXIV 

Pour rendre un compte exact de ce que peut 
donner la sérumthérapie contre le bacille diphté- 
rique, le gouvernement allemand a prié tous les 
praticiens d'employer cette médication durant 
quelques mois, de relever une statistique précise 
et de Tadresser au Conseil supérieur d'hygiène. On 
ferait bien d'adopter cette mesure dans notre pays. 

Il nous parait inutile de revenir sur quelques 
inconvénients accompagnant ou survenant à lai 
suite d'une injection de sérum. Le plus fréquent 
de ces accidents est l'urticaire, ou bien d'autres 
variétés d'éruption cutanée. Ces troubles passagers 
sont rarement accompagnés d'hémorragie. Mendel 
en a cité cependant un cas. Pullmann a rapporté 
d'autres complications : des douleurs articulaires, 
de la diarrhée et de la tendance aux syncopes. 
Baginsky a observé que les enfants, qui succom- 
baient à la diphtérie, malgré la sérumthérapie, 
présentaient des symptômes cardiaques graves 
(arythmie, tachycardie). Mais ces phénomènes sont 
également observés chez des diphtériques qui n'ont 



DIPHTÉRIE 207 

pas été immunisés, et par conséquent la sérum- 
thérapie ne peut être incriminée. 

On a remarqué que l'injection de sérum don- 
nait un véritable coup de fouet à l'évolution de 
la tuberculose chez les enfants diphtériques. De 
même, il existe chez les diphtériques traités par 
l'antitoxine, une grande intolérance pour les 
médicaments antiseptiques. Il est donc préférable 
de n'avoir recours qu'à l'asepsie. 

L'albuminurie n'est pas plus fréquente chez les 
diphtériques immunisés que chez ceux ne recevant 
pas de sérum. 

On ne peut encore avoir une opinion définitive 
sur Faction du sérum contre les paralysies consé- 
cutives à la diphtérie. Jones (de Londres) et Le 
Gendre (de Paris) pensent que le sérum n'exerce 
aucune action sur ce genre de paralysie : c'est 
une question à réserver. 



XXV 

Un point qu'il serait intéressant d'étudier, ce 
serait de connaître la puissance prophylactique 
absolue du sérum immunisateur. Behring s'est 
déjà occupé de ce point. Il conseille d'injecter 
5 centimètres cubes de sérum aux enfants âgés 
moins de 10 ans, et 10 centimètres cubes au- 
dessus. Grouzon, qui a pratiqué ces injections 



208 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

prophylactiques à 230 sujets, n'a eu que 2 cas de 
diphtérie légère. Baginsky, à Berlin, a eu un 
résultat à peu près identique. Personnellement, 
j*ai injecté 28 fois du sérum à des sujets entou- 
rant des diphtériques et je n'ai pas observé chez 
eux un seul cas de diphtérie. Toutefois, j'ai 
injecté, d'après les conseils de Hilbert, une dose 
plus élevée, c'est-à-dire 10 à 20 centimètres cubes 
et j'ai renouvelé cette injection deux fois à 
20 jours d'intervalle. 



XXVI 

Gabritschevsky a étudié la phagocytose dans la 
diphtérie expérimentale. Il a injecté une culture 
pure de bacilles de Lœffler dans la chambre anté- 
rieure de l'œil du lapin. L'émigration des leuco- 
cytes dans la chambre antérieure commence une 
heure après l'injection. Peu après, commence la 
phagocytose. Comme le virus diphtérique est un 
poison nécrosique, on aperçoit, huit heures après 
l'injection, un grand nombre de leucocytes né- 
crosés, dont les noyaux désagrégés ont l'aspect 
de petites boules fortement colorées, en même 
temps qu'une culture de bacilles libres. Si on. 
immunise, au contraire, ces lapins avant de leur 
injecter des bacilles de Lœffler, l'action phago- 
cytaire des leucocytes se produit au bout de huit 



DIPHTÉRIE "200 

heures, et il est impossible de voir dans la 
chambre antérieure de l'œil de ces lapins immu- 
nisés des bacilles diphtériques libres : ces derniers 
se trouvent tous contenus dans des phagocytes. 

Le processus de la guérison de la diphtérie, 
suivant Gabritschewsky, se produit donc dans 
l'ordre suivant : réaction leucocytaire locale, 
séquestration de la muqueuse infectée et nécrosée, 
ensuite activité phagocytaire des leucocytes défen- 
dant l'organiâme contre les infections plus pro- 
fondes et secondaires. 

XXVIl 

De toute cette étude, nous pouvons conclure 
avec Kossel : 1° Que le sérum immunisé, d'aprèsBeh- 
ring, constitue un remède qui ne possède, d'après 
Texpérience faite aujourd'hui, aucune influence 
nocive ou contre-indiquant l'emploi chez l'homme. 

2** Que le sérum antidiphtérique a donné, dans 
les cas de diphtérie, les succès les plus remar- 
quables, partout où il a été employé avec précau- 
tion et eu quantité suffisante. 

3** Enfin qu'il est . constant, bien que Texpéri- 
mentation n'ait pas encore tout dit à cet égard, 
que l'on peut produire, au moyen de l'inoculation 
de ce sérum, une immunisation passagère et que 
cette dernière peut être prolongée aussi longtemps 
qu'on lèvent par le renouvellement des injections. 

IMMUNISATION. 14 



CHAPITRE VI 
TUBERCULOSE 

I 

Longtemps avant la découverte du bacille spé- 
cifique de cette affection, Villemin (1866) vint 
affirmer que la tuberculose était une maladie con- 
tagieuse, transmissible et infectieuse. Cette décou- 
verte parut fort audacieuse à cette époque. Elle 
rencontra de nombreux détracteurs, tous les par- 
tisans des idées de diathèse et de la spontanéité 
morbide, et elle était fort compromise, lorsqu'on 
1862, Robert Koch, de Berlin, fit son immortelle 
découverte du micro-organisme qui porte son 
nom. Les expériences de ce savant, exposées à la 
Société physiologique de Berlin, furent faites de 
main de maître, et elles prouvaient d'une façon 
irréfutable la nature parasitaire et infectieuse de 
la tuberculose, t Désormais, conclut Koch, nous 
n'avons plus affaire, dans la lutte contre le terri- 
ble fléau de la tuberculose, à quelque chose de 
vague et d'indéterminé ; nous sommes en pré- 
sence d'un parasite visible et tangible, dont nous 
connaissons déjà en partie les conditions d'exis- 
tence, conditions que nous pourrons encore étu- 
dier de plus près. » 



TUBERCULOSE 211 



II 



Le microorganisme de la tuberculose apparaît 
sous la forme d'un bâtonnet uniforme ou inter- 
rompu dans sa longueur par des- vacuoles. Ce 
bacille peut revêtir, comme le charbon, diffé- 
rentes formes, dont la nuance varie avec un 
changement de bouillon de culture, avec Tâge de 
la culture, ou encore par le développement du 
microbe sur différentes espèces animales. D'une 
façon habituelle, il a 3 à i \l de longueur, il peut 
atteindre cfependant 7 et 8 [^ avec 3 à 5 dixièmes 
de [A. de diamètre. 

Metchnikoff a étudié la forme variable de ce 
bacille, suivant la nature du terrain sur lequel il 
est cultivé. Il a observé aussi des bacilles très 
petits (nains) ou des bacilles beaucoup plus gros 
(formes géantes). Dans de vieilles cultures, il a vu 
des formes involutives. 

Quel que soit le bouillon de culture, le bacille 
de Koch ne se développera pas rapidement. Il 
n'apparaît à la surface du bouillon, car il est 
aérobie, qu'au bout d'une dizaine de jours à trois 
semaines, sous forme de grain arrondi d'un blanc 
mat. En portant une parcelle de cette culture 
sous le champ du microscope, et après coloration 
par la méthode d'EhrIich ou de Ziel, on s'aper- 
çoit qu'il s'agit d'une culture pure de bacilles de 



212 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Koch. Cette culture se développe beaucoup mieux 
dans un bouillon additionné de 5 p. 100 de glycé- 
rine. Ces cultures très riches, et à développement 
rapide dans une étuve à 37**, ont une odeur spéciale 
assez forte, qui ressemble à celle de la pomme 
reinette. Au-dessous de 35», le bacille de la tuber- 
culose se développe mal, même sur un bon ter- 
rain de culture, de même qu'il cesse de se déve- 
lopper au-dessus de 42^. Toutefois, le bacille 
tuberculeux des oiseaux peut se développer entre 
une température de 20 à 80\ C'est là un des 
caractères biologiques qui différencient ces deux 
variétés de bacilles dont l'identité ou la différen- 
ciation sont encore l'objet de discussions. 

On a voulu, ces temps derniers, diminuer Tim- 
portance du bacille spécifique de la tuberculose, 
le placer au second rang et accorder la place 
d'honneur aux nombreux microbes pathogènes 
qui l'accompagnent habituellement. En effet, 
Robert Koch, Grancher, Babès, Cornet, Mosny, 
Tschiskovitsch, Marfan, Oertner ont observé, en 
examinant des crachats tuberculeux ou autres 
produits pathologiques, en dehors du bacille spé- 
cifique, un grand nombre d'autres bactéries 
pathogènes. MM. Straus et Petruschky ont vu 
fréquemment dans des crachats de phtisiques, 
surtout chez des fébricitants, des streptocoques 
des staphylocoques. Pour ce motif, certains expé- 
rimentateurs ont voulu admettre que les phéno- 



TUBERCULOSE 213 

mènes septiques produits au cours d'une phtisie 
sont dus moins au bacille de Koch qu*à la no- 
cuité des autres bactéries qui l'accompagnent. 
Cette opinion est vivement combattue par Straus 
qui, par de nombreuses expériences, a démontré 
que seul le bacille de Koch est la cause unique de 
la tuberculose et que l'association bactérienne 
doit occuper un rang tout à fait secondaire, t En 
somme, dit-il, les microbes étrangers : pneumo- 
coques, streptocoques ou staphylocoques, loin 
d'être les instigateurs et le point de départ de la 
lésion, semblent n'intervenir, quand ils intervien- 
nent, qu'à, titre d'éléments surajoutés, venant 
compliquer ou modifier plus ou moins le proces- 
sus, foncièrement tuberculeux dans le principe, 
dans son évolution etparl'ensemble de ses carac- 
tères. » 

La tuberculose n'est pas une affection spéciale 
à l'homme. Elle se développe également chez la 
plupart des animaux qui peuvent la contracter 
spontanément. Parmi eux, l'un des plus favorisés 
est le bovidé. Ce dernier gagne la maladie par 
contagion, exactement comme l'homme. Chez lui, 
on donne le nom de pommelière à la phtisie 
commune, qui se traduit par des granulations 
semblables en tous points à celles de la race 
humaine. Ce sont la plèvre et les poumons qui 



214 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

en sont affectés le plus souvent. On peut observer 
également des tubercules sur les autres viscères 
et même à la surface cutanée. L'une de ces loca- 
lisations les plus dangereuses, c'est la mamelle, 
car, dans ce cas, le lait charrie des bacilles de Koch 
et peut causer de nombreuses contaminations. 

Le singe est également très prédisposé à con- 
tracter la tuberculose, qui se localise, chez lui, 
de préférence sur les organes abdominaux : rate, 
foie, intestins. Il en est de même du chat et du 
porc qui sont des animaux faciles à tuberculiser , 
et qui ont une prédisposition pour la phtisie pul- 
monaire. Cette affection est plus rare chez le 
cheval et surtout chez l'âne, le chien et la chèvre. 

La plupart des rongeurs(lapin, cobaye, rat, sou- 
ris) sont également tuberculisables ; mais ils devien- 
nent rarement tuberculeux d'une façon spontanée. 

La tuberculose du serpent, de la grenouille et 
des vers de terre n'est pas démontrée. Celle des 
oiseaux, au contraire, est très fréquente, et si le 
bacille aviaire et le bacille humain présentent des 
caractères morphologiques différents, ils paraissent 
être cependant deux espèces d'une race identique. 

IV 

Dans une culture pure de bacilles de Koch, il se 
produit des toxines sécrétées normalement par le 
microorganisme. On peut produire ces toxines 



TUBERCULOSE 215 

avec le bacille humain et avec des bacilles aviaires. 
Toutefois, Taction de ces derniers paraît moins 
toxique. On peut augmenter, du reste, la puissance 
toxique de ces produits solubles en les réduisant 
par la chaleur. C'est ainsi, que Koch a préparé sa 
tubercûline. Il a chauffé au bain-marie à 100°, 
assez longtemps pour le réduire au dixième, un 
bouillon glycérine de bacilles très virulents, 
puis il a filtré ce bouillon réduit qui a pris une 
teinte brunâtre et est devenu épais et onctueux. 
Cette tubercûline est injectée et colorée par des 
animaux sains; elle tue, au contraire, même à 
une petite dose, des animaux tuberculeux. Il en 
est de même chez Thomme, dont l'organisme est 
plus sensible à ces sortes d'injections, et chez 
lequel il faut être beaucoup plus prudent ; même 
avec une petite dose, chez un homme sain^ on 
provoque assez vite de l'albuminurie. 

Quoi qu'il en soit, la tubercûline de Koch est 
devenue un puissant moyen de diagnostic pour 
déceler la tuberculose, et ce moyen peut même 
être utilisé chez l'homme lorsqu'il est manié 
avec prudence. 



Ce résumé biologique du bacille étant exposé, 
voyons comment les expérimentateurs ont utilisé 
ces nouvelles connaissances dans un but théra- 
peutique. 



21 C IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉHAPIH: 

Différentes tentatives et d'ordre bien variable 
ont été faites pour enrayer la marche de la tuber- 
culose, pour guérir cette affection ou pour servir 
de vaccin. On peut grouper ces nombreuses mé- 
thodes en six groupes : 

1* On a cherché à guérir le tuberculeux en lui 
inoculant une autre maladie ; 

2^ En soumettant le phtisique à des inocula- 
tions de tuberculose atténuée ou provenant d'une 
espèce différente ; 

3^ En injectant au phtisique lui-même, de la 
tuberculine (méthode de Koch) ; 

4^ En transfusant au malade du sang prove- 
nant d'animaux rarement tuberculeux et qui sont 
relativement réfractaires à la tuberculose ; 

5o En inoculant aux tuberculeux du sérum pro- 
venant d'animaux vaccinés préalablement ; 

6» EnQn, en injectant du sérum provenant 
d'animaux immunisés. 

Nous allons examiner avec impartialité ces 
différents moyens, exposer les résultats qu'ils 
ont donnés et les espérances qu'ils font entre- 
voir. 

VI 

On sait que le bacille de Koch ne se développe 
pas, ou difficilement, sur un bouillon de culture 
déjà envahi par d'autres microorganismes. On a 
voulu tirer de cette observation de laboratoire 



TUBERCULOSE 217 

une espèce d'antagonisme entre le microbe de la 
tuberculose et d'autres bactéries pathogènes, et 
on s'est demandé si la greffe d'une maladie nou- 
velle sur un terrain tuberculeux n'était pas salu- 
taire. Quelques faits cliniques ont donné un 
semblant de raison à cette idée. Ainsi, Schmidt 
a observé un cas de pleurésie tuberculeuse, avec 
un épanchement très abondant et résistant à 
toute intervention. La maladie fut compliquée 
d'un érysipèle qui envahit tout le tronc. Durant 
plusieurs jours, l'état du malade fut très grave, 
quand l'érysipèle rétrograda et il guérit. Avec la 
disparition de l'érysipèle, on put observer égale- 
ment la résorption de l'épanchement pleurétique 
qui ne reparut plus. 

D'autres observateurs, et particulièrement Till- 
mans, ont cité des cas de guérison de lupus, 
grâce à la complication bienfaisante* d'un érysi- 
pèle qui avait gagné la surface lupique, affection 
dont la nature est tuberculeuse. En présence de 
certains faits consciencieusement observés par 
MM. Weibel et Schaefer, Emmerich s'est demandé 
si on n'était pas en droit d'utiliser le sérum d'ani- 
maux immunisés préalablement avec du strepto- 
coque de Felheisen. Ce traitement serait, d'après 
Emmerich, non seulement inoffensif, mais exer- 
cerait une bonne inûuence sur la marche de la 
phtisie. Tout récemment, M. Hallopeau est venu, 
avec de nouveaux cas, confirmer les observations 



218 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

d'Emmerich et il a promis de faire des injections 
avec des toxines érysipélateuses, dont il fera 
connaître ultérieurement les résultats. 

Ces expériences très intéressantes sont en trop 
petit nombre et ne nous permettent pas de 
conclure. Nous pouvons dire cependant, avec 
M. Fournier, que Térysipèle joue ici le rôle d'un 
agent d'inhibition; mais, après lui, les lésions, 
qu'on a cru guéries, reviennent fréquemment. 
Pour le petit nombre de cas guéris définitivement 
par un érysipèle intercurrent, on peut considérer 
que cette dernière lésion a agi plutôt par action 
scléreuse, comme le thermocautère, que comnae 
anti-toxique. En tout cas, nous nous garderons 
bien de faire aux phtisiques des injections avec du 
sérum de Marmorek dont Tinoculation n'est pas 
sans danger, comme nous le dirons dans un autre 
chapitre. 

VII 

La vaccination la plus puissante contre une 
maladie serait d'avoir contracté antérieurement 
la même affection. Par cette première atteinte, on 
a ainsi accumulé dans son organisme des anti- 
toxines en quantité suffisante pour défier toute 
nouvelle atteinte. C'est ce qui arrive du moins 
pour un grand nombre de maladies. En est-il de 
même pour la tuberculose? Certains auteurs 
l'ont pensé un instant, car ils ont vu ou cru voir 



TUBERCULOSE 219 

qu'une atteinte d'une tuberculose locale avait 
Tair de prémunir contre la phtisie commune. Cette 
opinion a été défendue avec une certaine ténacité 
par M. Marfan; elle est complètement délaissée 
aujourd'hui. Non seulement, une tuberculose anté- 
rieure même guérie ne prémunit pas contre l'in- 
fection bacillaire, mais elle prépare, pour ainsi 
dire, l'organisme qui est et reste un excellent ter- 
rain de culture pour le bacille de Koch. 

Quant aux inoculations de produits tubercu- 
leux atténués par la putréfaction ou de bacilles 
aviaires, telles qu'elles ont été faites par MM. Ga- 
vagnies, Daremberg, Grancher et Martin, Richet 
et Héricourt et Babès, ces tentatives doivent être 
citées au point de vue historique, mais elles ne 
donnent aucun résultat pratique. Plus récem- 
ment, Nf M. Redon et Chenot ont fait, dans le même 
ordre d'idées, de très nombreuses expériences en 
employant du sérum provenant d'ânes et de 
mulets ayant reçu des produits tuberculeux. Ges 
animaux supportent très facilement ces inocula- 
tions à doses de plus en plus élevées et en em- 
ployant des produits de plus en plus virulents. Le 
sérum de ces animaux neufs n'a eu qu'une action 
empêchante faible contre le virus tuberculeux sur 
le cobaye et le lapin. Avec le sérum des ânes et 
mulets inoculés, l'effet est plus marqué. Mais 
cette action est beaucoup plus intense, toujours 
en expérimentant sur les cobayes, lorsqu'on 



220 IMXUMSATIOiN ET SÊRUMTUÉRAriE 

emploie le sérum de ces animaux après les avoir 
soumis à Tinjection de tanin, puis ensuite de 
faibles doses d'émulsions tuberculeuses à viru- 
lence exaltée. L'action antituberculeuse est dou- 
blée alors d'une action antiseptique capable 
d'entraver le développement deâ agents de la 
putréfaction et de la suppuration. 

Dans tous ces cas, les auteurs ont employé de 
la tuberculose d'origine humaine à virulence 
entière ou même exaltée. 

VIII 

Un grand nombre d'expérimentateurs ont 
cherché à conférer l'immunité tuberculeuse aux 
animaux en leur inoculant les produits solubles 
sécrétés naturellement par le bacille de Koch. 
Les uns ont chauffé, les autres ont filtré leurs 
cultures, pour inoculer les toxines sous Thypo- 
derme et sous le péritoine ou directement dans 
les veines. Courmont et Dor, qui ont poursuivi 
particulièrement ces études ont déclaré que t les 
produits solubles sécrétés par le bacille tuber- 
culeux aviâire, qu'on isole en filtrant sur porce- 
laine, ne sont pas toxiques pour le lapin à la 
dose de 1 centimètre cube par 100 grammes de 
poids vif, qu'ils soient introduits dans le péri- 
toine ou le système veineux. Ces produits 
solubles possèdent la propriété de prémunir l'or- 



TUBERCULOSE 221 

ganisme contre l'infectioa de leur microbe pro- 
ducteur. L'immunité ainsi conférée est encore 
solide au bout de sept mois. Le vaccin d'origine 
aviaire est capable de prémunir le lapin contre 
une affection tuberculeuse d'origine humaine, i 

Robert Koch prétend qu'on peut non seulement 
vacciner, mais encore guérir la tuberculose à 
l'aide de ces toxines concentrées, t Le cochon 
d'Inde, animal excessivement sensible à la tuber- 
culine, devient réfractaire lorsqu'on le traite par 
une de ces substances à l'inoculatioii du virus tuber- 
culeux. Cette même substance arrête complètement 
le processus morbide, lorsqu'on l'injecte à un 
cobaye arrivé déjà à un degré avancé de tubercu- 
lose, et cela sans inconvénient pour l'organisme. » 

D'autres expérimentateurs ont poursuivi des 
recherches identiques avec ou sans succès. Mais 
il faut .reconnaître que Courmont et Dor ont, les 
premiers, utilisé les toxines pour obtenir l'immu- 
nité tuberculeuse. Le seul reproche qu'on puisse 
faire à leurs expériences, c'est de n'avoir pas ren- 
forcé cet état réfractaire par de nouvelles injec- 
tions de toxines, et de n'avoir pas essayé le sérum 
de leurs sujets ainsi préparés pour le traitement 
de la tuberculose. 

IX 

Quoique tous les animaux soient susceptibles de 
contracter la phtisie, ils ne sont cependant pas 



à22 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE 

tous tuberculisables au même degré. Certains 
d'entre eux, le chien, Tâne, la chèvre, paraissent 
jouir d'une certaine immunité relative, et ces ani- 
maux deviennent rarement tuberculeux sponta- 
nément. Rien de surprenant donc qu'on ait songé 
un instant d'utiliser le sérum de ces animaux pour 
traiter les phtisiques. Richet et Héricourt ont 
injecté, dès 1889 , du sérum de chien à la dose de 
2 à 10 centimètres cubes, et plus tard Berlin et 
Picq, de Nantes, ont inoculé du sang de chèvre à 
la dose quotidienne de 10 à 20 centimètres cubes. 
Dans le même ordre d'idées, j'ai pratiqué à un 
très grand nombre de tuberculeux la transfusion 
directe de l'artère carotide de la chèvre dans la 
veine du coude. Cette transfusion, qui demande 
une grande adresse, se fait au moyen de deux 
trocarts reliés entre eux par un tube fin en 
caoutchouc. Elle présente moins de danger que 
la transfusion humaine ordinaire et elle est suivie 
de manifestations identiques. Dans l'espace d'une 
minute, on transfuse ainsi, grâce à la pression 
artérielle de l'animal, environ 120 grammes de 
sang. On peut prolonger cette transfusion pen- 
dant deux minutes, mais pas davantage. 

On ne peut certes pas espérer transmettre 
l'immunité tuberculeuse relative de l'animal à 
l'homme ; le sang de la chèvre ou de tout autre ani- 
mal ne possède pas de propriété bactéricide. Mais 
la transfusion du sang pratiquée directement de 



TUBERCULOSE 223 

ranimai à Thomme, restera néanmoins une inter- 
vention très utile dans un grand nombre d'autres 
cas. Récemment, M. le professeur de Dominicis, 
de Naples, a publié un travail où il a pratiqué 
par ma méthode, plus de 200 transfusions; cet 
expérimentateur a remplacé la chèvre parle chien. 
Plus récemment, M. le D^ Vignerat (Suisse) a 
traité ses phtisiques avec du sérum provenant 
d'un âne qui avait reçu une ou deux injections de 
tuberculine. Comme nous le verrons plus loin, 
l'immunité tuberculeuse ne s'obtient pas en si peu 
de temps et avec un si petit nombre d'inocu- 
lations. 



Cette immunité, des expérimentateurs français 
l'ont recherchée par de nombreuses et très pa- 
tientes recherches, qui certes n'ont pas été inu- 
tiles pour la solution de ce problème. C'est ainsi 
que MM. Richet et Héricourt ont inoculé à des 
chiens ou à des ânes, à différentes reprises et 
durant une longue durée, des bacilles aviaires, qui 
supportaient très bien cette vaccination. Au bout 
de plusieurs mois, ils ont prélevé le sérum à un 
chien ainsi préparé et ils l'ont injecté à deux 
phtisiques qui ont été guéris par cette méthode. 

M. Babès et Broca ont suivi une méthode vacci- 
nante mixte. Ils ont commencé par traiter leurs 
animaux pendant plusieurs mois avec la tuber^ 



2:24 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPII-: 

culine. Après ce traitement, leurs sujets recevaient 
des doses croissantes de bacilles morts qui avaient 
déjà servi à la préparation de la tuberculine. 
Enfin, ils ont fini par inoculer à ces mêmes ani- 
maux des cultures virulentes de tuberculose en 
. leur injectant en même temps de la tuberculine 
et du sérum d'ânes tuberculisés. Ces expérimenta- 
teurs ont remarqué que le sérum d'ânes traités 
par la tuberculine empêche le développement de 
l'ulcération locale produite par l'inoculation de 
bacilles morts, et si la lésion est déjà constituée, 
les injections de sérum la guérissent. De plus, les 
animaux traités par la tuberculine, puis par les 
bacilles morts, paraissent posséder un sérum plus 
efficace que les animaux traités seulement par la 
tuberculine. L'inoculation simultanée de ce sérum 
et d'une culture de bacilles virulents de Koch ne 
produit pas chez les animaux la tuberculose. La 
guérison des animaux infectés s'obtient par des 
doses relativement grandes de sérum. Les petites 
doses sont insuffisantes et semblent aggraver l'in- 
fection tuberculeuse. Enfin, les bacilles tubercu- 
leux soumis in vitro à l'action prolongée du sérum 
antituberculeux (quatorze à vingt jours) devien- 
nent inoffensifs pour les cobayes. 

Ces résultats sont évidemment des plus remar- 
quables et ont une grande importance. Malheu- 
reusement, les animaux supportent difficilement 
l'injection des bacilles, même morts, comme les 



TUBERCULOSE 225 

expérimental eurs l'ont reconnu. Un grand nombre 
de leurs sujets ont succombé de septicémie et 
d'albuminurie. 

XI 

J'ai moi-même perdu par cette vaccination un 
grand nombre d'animaux. En présence de cette 
difficulté, et après avoir pris connaissance des 
recherches de Behring et de Kilasato sur le 
tétanos et la diphtérie, j'ai imité leur procédé pour 
l'immunisation tuberculeuse et j'ai publié ma pre- 
mière communication sur ce point au Congrès 
de la tuberculose tenu à Paris le 27 juillet 1893*. 
Je précise les dates qui ont leur importance, car, 
postérieurement, d'autres expérimentateurs ont 
publié des travaux identiques et n'ont même pas 
semblé connaître mes recherches, ou bien alors ils 
ont prétendu avoir publié avant cette date les 
moyens d'immuniser les animaux contre la tuber- 
culose par l'emploi des toxines. Il est vrai qu'ils 
sont en peine d'en fournir les preuves. J'ai fait, 
depuis, des communications sur le même sujet au 
Congrès international de Rome (mars 1894), à la 
Société de biologie (mars 1896) et enfin récemment 
nos recherches ont été l'objet d'un rapport exercé 
par la commission de contrôle des sérums et pré- 
senté à la séance du 9 juin 1896 de l'Académie par 

* V. Congrès pour V étude de la tuberculose. — 3« session, 
1893, comptes rendus publiés parle D' L.-H. Petit (p. 286). 

niMUXISATION. 15 



2SA IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIË 

M. Straus, au nom de MM. Nocard et Netter. Dans 
un instant je reviendrai sur la valeur et l'impar- 
tialité de ce rapport. 

Mes recherches ont déjà plus de quatre années 
de durée. Dès le début, je me suis servi de toxines 
sécrétées naturellement par le microorganisme. 
Toutefois, j'ai modifié depuis mes inoculations. En 
effet, autrefois je chauffai pendant une heure, 
à 80®, mes toxines, et j'injectai une dose relati- 
vement petite. Aujourd'hui, j'inocule les toxines 
passées au filtre de Kitasato, sans les chauffer, et 
je poursuis mes inoculations pendant une longue 
durée. Aussi, suis-je arrivé, ces deux dernières 
années, à des conclusions beaucoup plus nettes et 
plus scientifiques. 

D'une façon générale, je me suis servi, pour 
pratiquer l'immunisation tuberculeuse, de toxines 
sécrétées naturellement et provenant de bacilles 
de Koch humains, très virulents. Je passai ces 
bouillons avec de grandes mesures d'asepsie au 
filtre de Kitasato, et je les injectai pendant cinq ou 
six mois, à des doses variables suivant leur taille 
et leur susceptibilité, aux animaux que j'ai voulu 
rendre réfractaires. Pour démontrer l'efficacité de 
ma méthode, je vais classer mes expériences en 
cinq catégories. , 

Première série d'expériences. — Pendant six mois, 
j'ai injecté, presque chaque jour, des toxines pures à 
un très grand nombre d'animaux qui furent soumiis, 



TUBERCULOSE 227 

quinze jours après la première inoculation, à une injec- 
tion intraveineuse avec du bacille virulent de Koch. 
Cette injection fut répétée trois à quatre fois plus tard, 
mais par des inoculations sous-cutanées, toujours à des 
dates peu éloignées de la dernière injection de toxines. 
Dans chaque série d'expériences, je soumis des 
témoins à des épreuves identiques. Or, dans tous les 
cas d'immunisation de lapins, de cobayes, de chiens 
ou de chèvres, ces animaux soumis préalablement à 
l'injection de toxines restèrent indifférents à l'infection, 
tandis que les témoins succombèrent de tuberculose. 

Deuxième série d'expériences. — Avec le sérum de 
ces animaux immunisés antérieurement, je fi6 des 
injections à des animaux neufs qui reçurent 50 à 
400 centimètres cubes de ce sérum-vaccin. Quelques 
jours après la dernière injection du sérum, j'inoculai à 
ces mêmes animaux une culture virulente de bacilles 
de Koch. 

Ici encore, les animaux vaccinés au sérum immunisé 
résistèrent à l'infection et survécurent. Au contraire, 
les témoins, qui furent inoculés avec la même culture 
de Koch, succombèrent de phtisie. 

Troisième série d'expériences, — J'inoculai du bacille 
tuberculeux à des lapins et à des cobayes, et quinze 
jours après cette infection, je les traitai avec de petites 
quantités de sérum provenant d'animaux immunisés 

Sréalabiement. Aux cobayes, j'injectai chaque jour un 
emi-centimètre cube de sérum ; les lapins reçurent 
quotidiennement un centimètre cube du même liquide 
et je traitai ainsi les animaux pendant trois mois. De 
ces animaux un grand nombre, à peu près les trois 
quarts, résistèrent; quelques-uns succombèrent de 
cachexie mais sans localisation spécifique, et enfin chez 
un petit nombre, j'observai des granulations tubercu- 
leuses généralisées. 

Quatrième série d'expériences. — J'injectai sous la 
peau à un grand nombre de lapins, simultanément 
lO centimètres cubes de sérum immunisé et un demi- 
centimètre cube d'une culture virulente de bacilles de 
Koch. La bosse résultant de ce mélange lié intimement 
était fort longue à se résoudre. Tous les animaux, qui 



228 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIË 

furent soumis à cette épreuve maigrirent considérable- 
ment, et quelques-uns formèrent au niveau de Tinocula- 
tion des abcès entraînant souvent la cachexie et la mort, 
liais, la plupart des animaux reprirent le dessus, au bout 
d*un mois; ils virent la masse se résoudre sur place 
et après trois ou quatre mois ils recouvrèrent la santé. 

Cinquième série d'expériences, — J'ai ensemencé du 
bacille de Koch simultanément et parallèlement sur 
du sérum immunisé et sur du sérum ordinaire de 
lapin. Tandis que ma première culture resta stérile, le 
deuxième ensemencement se développa admirablement 
bien. Cette démonstration in vitro est assez concluante. 

Toutes ces expériences, que j'ai résumées, et 
qu'il est facile de répéter, ont été renouvelées un 
grand nombre de fois. Elles démontrent surabon- 
damment qu'il est possible d'immuniser les ani- 
maux contre la tuberculose. Nous ne mettons pas 
en doute qu'on pourra obtenir le même résLultat 
avec de vieilles cultures de bacilles aviaires (mé- 
thode de Richet et Héricourt), avec des inocula- 
tions alternatives de bacilles et de la luberculine 
(méthode de Babès et Broca), ou avec des inocu- 
lations de produits tuberculeux (méthode de Redon 
et Chenot) ou encore avec du sérum provenant d'un 
animal tuberculeux (méthode de Gimino). Mais tous 
ces procédés d'immunisation n'agissent, suivant 
moi, que par les toxines injectées aux animaux. 

Je ne tiens du reste pas à m'appesantir sur ce 
point, cherchant à éviter toutes les hypothèses et 
me confinant entièrement aux expériences et aux 
résultats qu'elles ont fournies. Aussi, vais-je reve- 
nir immédiatement à ma méthode d'immuni=ation. 



TUBERCULOSE 229 

Pour conférer l'immunité tuberculeuse à une 
chèvre, par exemple, je procède de la façon sui- 
vante : je commence toujours par m'assurer, à 
l'aide de la tuberculine, que mon animal n'est pas 
tuberculeux. Ensuite, je lui injecte chaque jour un 
demi-centimètre cube de toxines* filtrées, pendant 
quinze jours; ces injections sont pratiquées dans 
le tissu cellulaire sous-cutané. Si la température 
reste normale et si l'état général de la bête reste 
satisfaisant, j'augmente la dose des toxines et j'in- 
jecte 1 centimètre cube pendant quinze jours. Puis 
j'inocule quotidiennement 2 centimètres cubes 
pendant un mois, 3 centimètres cubes le troisième 
mois pour atteindre graduellement la dose quoti- 
dienne de 5 centimètres cubes qui ne doit pas être 
dépassée chez un animal de petite taille. Il faut 
surveiller avec grand soin les sujets à expériences 
et cesser toute inoculation quand l'animal a l'air 
d'en souffrir. Quelques jours de repos, et on peut 
reprendre avec fruit les injections. Au bout de 
cinq mois consécutifs d'inoculations, on peut 
saigner l'animal et soumettre le sérum à la double 
expérience d'injection avec bacilles de Koch et 
d'ensemencement (expériences des séries 4 et 5). 
On a la preuve, après un mois, du degré de puis- 
sance antitoxique de ce sérum, dont l'action peut 

' Nos toxines proviennent de bouillons de veau glycé- 
rinées à 5 p. 100. Ces cultures doivent avoir un dévelop- 
pement riche en bacilles très virulents. 



230 IMMUXISATION ET SÉRUMTHÉRA.PIE 

( 

encore être augmentée ultérieurement par de nou- 
velles injections de toxines. 

J'ai injecté ainsi à des chèvres jusqu'à 1 ,200 cen- 
timètres cubes de toxines. La dose peut être 
beaucoup plus considérable pour un âne ou un 
cheval. 

L'injection du sérum provenant de ces animaux 
immunisés est absolument inofTensive, lorsque 
l'opération est pratiquée avec asepsie sur un 
autre animal. J'ai injecté plusieurs fois 10 centi- 
mètres cubes à un lapin qui n'en a pas été incom- 
modé. Chez l'homme, où j'ai pratiqué également 
un grand nombre d'injections, je n'ai observé que 
les accidents communs à toute inoculation de 
sérum : prurit, érythème, poussée d'urticaire ou 
éruption polymorphe. 

Quant à l'action exercée par l'injection du 
sérum sur la marche de la phtisie commune, je 
ne voudrai encore donner aucune appréciation 
définitive. Vu le caractère inoffensif de ce trai- 
tement, je Tai appliqué à un grand nombre de ma- 
lades. Plusieurs de mes confrères ont suivi éga- 
lement cette méthode et j'ai déjà pu enregistrer 
un assez grand nombre d'observations fort encou- 
rageantes. Quand le temps m'aura permis de coor- 
donner tous ces documents, quand j'aurai pu 
grouper et classer suivant le degré de la maladie, 
suivant la variété, la forme et la gravité, suivant 
aussi le nombre d'injections de sérum et la date à 



TUBERCULOSE 231 

laquelle la dernière inoculation aura été pratiquée, 
à ce moment seulement j'oserai apporter une 
statistique utile des résultats obtenus sur le terrain 
clinique : ce sera l'objet d'une nouvelle commu- 
nication. 

Disons, en attendant, comment mes confrères 
et moi-même nous appliquons la sérothérapie 
aux phtisiques. Après avoir interdit au malade 
tout médicament, et quelques jours après toute 
absorption de médicament, nous inoculons 3 cen- 
timètres cubes de sérum dans la région scapu- 
laire tous les deux ou trois jours. Ces inoculations 
sont rapprochées et prolongées pendant trois ou 
quatre mois sans aucun inconvénient, quand elles 
sont pratique'es avec asepsie. Après 80 ou 60 ino- 
culations, qui procurent presque toujours une 
amélioration telle qu'on peut prononcer Je nom 
de t7'€ve tuberculeuse, nous soumettons le malade 
à une cure d'air en pleine campagne ou dans un 
sanatorium, pour maintenir cette amélioratipn et 
mettre l'organisme dans de bonnes conditions de 
résistance contre les nouvelles attaques des nom- 
breux bacilles de Koch qui nous entourent. 

Les résultats que mes confrères et moi, nous 
avons obtenus sont excellents dans un grand 
nombre de cas. Bien entendu, il faut choisir ses 
tuberculeux et ne pas appliquer indifféremment 
celte méthode. Au premier et au deuxième degré, 
lorsque l'état général est satisfaisant, même en 



23:2 lUMUNlSATION ET SÉRUMTUÉRAPIE 

fl 

pleine période de fièvre, il ne faut pas craindre de 
pratiquer la sérumthérapie, et on a beaucoup de 
chance d'enrayer la maladie. A la période de la 
phtisie caverneuse, on a encore quelque chance 
de succès quand le mal est localise et chez un 
phtisique en bon état. Mais il ne faut rien espérer 
chez les cachectiques, et ce sont surtout ces dé- 
sespérés qui s'adressent à nous. Il en est de même 
de la phtisie aiguë, où je n'ai pas encore pu 
obtenir un cas de guérison ; il est vrai que je n'ai 
eu l'occasion de soigner qu'un petit nombre de ces 
malades, et également toujours à une période 
ultime d'intoxication bacillaire. Par contre, j'ai 
soigné des formes de tuberculose chirurgicale qui 
ont cédé rapidement sous l'influence de la sérum- 
thérapie et avec le concours des antiseptiques 
locaux. 

XII 

M. Boinet, de Marseille, a immunisé des chèvres 
(1894) avec la tuberculine, et a injecté le sérum 
de cet animal à des cobayes tuberculeux et à des 
phtisiques. Il a pu observer que l'injection de ce 
sérum avait une influence salutaire sur la marche 
de la tuberculose des cobayes; aussi, a-t-il appliqué 
cette méthode thérapeutique à des phtisiques. Il a 
injecté quotidiennement 2 à 4 centimètres cubes 
de ce sérum à huit malades. Dans trois cas de 
tuberculose torpide, apyrétique, à marche lente, 



TCBERCaLOSE 233 

les résultats ont été assez favorables. Une amélio- * 
ration a été notée dans deux cas de tuberculose à 
la deuxième période. Ces injections n'ont pas 
d'action appréciable dans les cas de tuberculose 
avancée avec cavernes. Elles sont nuisibles dans 
les tuberculoses à marche ou à poussées aiguës 
s' accompagnant de fièvre, d'hémoptysie, de sueurs 
nocturnes, de complications laryngées. 

Plus récemment, M. le professeur Maragliano, 
de Gènes, a publié des travaux fort remarquables 
sur le même sujet. Peut-être a-t-il eu tort de ne 
dévoiler, dès la première heure, au congrès de 
Bordeaux (août 1895) sa méthode d'immunisation 
et de présenter ainsi sous une forme plus scienti- 
fique sa communication. Peut-être aussi, a-t-il eu 
le second tort de passer sous silence des travaux 
identiques aux siens, et qui avaient paru long- 
temps avant ses études. Mais il faut croire que le 
savant italien n'était pas au courant de toute la 
littérature médicale, et qu'il a commis cet oubli 
involontairement. 

Au lieu de relater ses communications [dans 
l'ordre où il les a produites, nous allons inter- 
vertir l'ordre et commencer par la dernière, la 
meilleure, car il y expose sa méthode d'immuni- 
sation, méthode qui ne diffère guère de la mienne : 

« J'obtiens la production des antitoxines tubercu- 
leuses en inoculant aux animaux toutes les substances 
toxiques que l'oa peut tirer des cultures très virulentes 



i234 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÉRAPIE 

de tuberculose humaine. Les matériaux toxiques sont 
préparés en deux groupes séparés. 

« Groupe A. — On concentre la culture à 100**, au 
bain-marie, puis on la filtre au Chamberland, d'après 
la méthode usitée pour la préparation de la tuberculine. 

€ Groupe B. — On filtre au Chamberland la culture 
non chaufi'ée et on la concentre dans le vide, à la tem- 
pérature de 30<>. 

< Dans le produit A se trouvent les matériaux toxi- 
ques, provenant du corps des bacilles, c'est-à-dire les 
protéines ; le produit B renferme les produits de sécré- 
tion des bacilles; ce sont les toxi-albumines, que les 
températures élevées détruisent très facilement. Mais 
on doit y trouver aussi une petite quantité de pro- 
téine, provenant du corps des bacilles qui, dans des 
proportions variables, sont normalement détruits dans 
les cultures. 

« Depuis les publications de Koch sur la tuberculine 
et depuis les expériences de Maffucci, de Prudden et 
Hodenpyl, de Straus et Gamaleia, etc., sur l'action 
morbide des bacilles de la tuberculose, on s'occupe 
seulement du corps des bacilles et des protéines ; on 
croit que c'est d'eux, exclusivement, que dépend la toxi- 
cité spécifique de la tuberculose. De telle sorte que, 
dans la phtisie, contrairement à ce qui arrive avec tous 
les autres bacilles, l'action pathogène dépendrait seule- 
ment des protéines et non des toxi-albumines. Ces con- 
ceptions ne sont pas exactes. 

« J'ai vu que les cultures filtrées renferment des 
substances ayant des propriétés diff'érentes des pro- 
téines ; chez les animaux tuberculeux, elles produisent 
de l'hypothermie accompagnée de sueurs ; en quantité 
suffisante, elles tuent les cobayes avec des phénomènes 
de collapsus. 

< Il s'agit donc d'une action diamétralement oppo- 
sée à celle de la protéine, action qui se produit malgré 
la présence des protéines dans le même liquide. Si 
l'on fait chauffer ce produit à 100°, il perd sa propriété 
hypothermisante et sudoripare, et l'action des petites 
quantités de protéines qu'il contient se manifeste par 
l'hypothermie. On peut facilement le démontrer. 



TUBBRGULOSE â35 

< Il suffit d'injecter à on cobaye tuberculeux 1 centi- 
gramme du liquide B, préparé à froid ; à un autre, la 
même quantité, chauffée au préalable -À 100*, et à un 
troisième la même quantité de tuberculine. 

« Chez le premier, la température diminue ; chez les 
deux autres, elle augmente. La même chose arrive chez 
rhomme tuberculeux. 

c Si la même quantité du même liquide est hjpo- 
thermisante et diaphorétique, quand on ne Ta pas 
chauffé, tandis qu'après le chauffage elle est hypother- 
misante, il est évident qu'il existe deux substances an- 
tagonistes et que l'une d'elle est détruite parla chaleur. 
On doit supposer que, si cette substance hjpothermi- 
santé et diaphorétique était seule, son action serait 
encore plus accentuée. 

< Les cultures ne contiennent pas la même quantité 
de substances actives; or, comme il est nécessaire 
d*inoculer aux animaux des produits ayant toujours 
la même puissance, j'ai réduit les liquides A et B aune 
unité toxique constante. 

c J'ai pris comme unité toxique la quantité qui tue 
un poids égal de cobaye sain et j'ai concentré les 
liquides A et B de façon que chaque centimètre cube 
contienne 100 uni tés toxiques; par conséquent, un centi- 
mètre cube tue sûrement 100 grammes de cobaye sain. 

c Pour m'assurer que la toxicité était bien due à 
des substances toxiques bactériennes et non aux liquides 
employés pour faire les cultures, j'ai porté ces liquides 
à un degré égal de concentration, et je les ai ensuite 
inoculés aux cobayes sans produire d'accident. 

c Le liquide que j'inocule aux animaux qui doivent 
fournir le sérum est un mélange de trois parties de A 
et d'une partie de B. On commence par inoculer 2 mil- 
ligrammes par kilogramme du poids de l'animal et 
Ton augmente d'un milligramme par jour et par kilo- 
gramme jusqu'à 40-50 par kilogramme. Après quoi, 
on inocule toujours la même quantité. Je fais les ino- 
culations aux chiens, aux ânes et aux chevaux, et je 
les continue pendant six mois. Au bout de ce temps, 
les animaux sont immunisés ; ils résistent à l'inocu- 
lation de quantités considérables de matériaux toxi- 
ques et même aux injections des cultures tuberculeuses 
virulentes qui tuent les animaux témoins. 



230 IMMUNISATION ET SÉRUMTaÉHAPlE 

< Au bout de six mois de traitemeat, le sang con- 
tient déjà une quantité suffisante d'antitoxines ; on 
suspend alors les injections et l'on attend qu'il ne 
reste plus en circulation de matériaux toxiques injec- 
tés. C'est ce qui a lieu au bout de trois ou quatre 
semaines. 

« On opère alors la saignée et on obtient le sérum 
que Ion prépare d'après la même méthode employée 
pour les autres sérums thérapeutiques. 

« J'ai choisi les chevaux pour la production métho- 
dique du sérum. 

€ Antitoxine tuberculeuse. — Le sérum contient 
des antitoxines spécifiques qui neutralisent, chez les 
animaux et chez l'homme, l'action des poisons tuber- 
culeux : c'est ce qu'on peut démontrer sur les cobayes 
sains, sur les cobayes tuberculeux, sur l'homme atteint 
de tuberculose. 

« a) Chez les cobayes sains, 1 millimètre cube de sé- 
rum prolège 1 gramme de cobaye sain contre la quantité 
mortelle rhinima de protéine titrée à 100 unités toxiques 
})ar gramme; autrement dit, 1 gramme de sérum pro- 
tège 1 kilogramme de cobaye sain contre la quantité 
mortelle de tuberculine. 

€ b) Chez les cobayes tuberculeux, le sérum protège 
les cobayes iubercnleux contre la quantité de tuberculine 
qui les tue, 

« Une dose de 2 à 4 milligrammes de sérum ne suffit 
pas pour sauver 1 gramme de cobaye tuberculeux : le 
cobaye auquel on a inoculé une quantité égale de tuber- 
culine, mais sans sérum, succombe fatalement. Cepen- 
dant, dans ces expériences, il faut savoir proportionner 
la quantité de tuberculine et de sérum à la force de 
résistance des cobayes malades. Cela n'est pas toujours 
très aisé, car H est difficile de trouver, chez les deux 
cobayes nécessaires à chaque expérience, même force 
de résistance et même développement de la tuberculose. 
Ma longue expérience m'a enseigné que les cobayes 
d'un même groupe, infectés le même jour, avec une 
quantité à peu près égale de la même culture de tuber- 
culose, n'arrivent pas tous, dans le même temps, à un 
degré égal de tuberculisation. 

« Pour juger du degré de tuberculisation, il ne faut 



TUBERCaLOSE 237 

pas prendre/ comme poiat de départ la date de l'infec- 
tion, mais la perte du poids et rélévation thermique. 
De plus, il ne faut pas agir avec des quanti tés absolues, 
ainsi qu'on le fait habituellement, mais proportionner 
le sérum et la tuberculine au poids de Tanimal. Ordi- 
nairement, pour tuer 1 gramme de cobaye atteint de 
tuberculose bien développée, il suffit d'une quantité 
de tuberculine dix fois plus petite que celle qui est 
nécessaire pour tuer le même poids de cobaye sain : 
c'est-à-dire 1 milligramme au lieu de 1 centigramme. 

< Je parlé toujours, bien entendu, de la tuberculine 
à 100 unités toxiques par gramme. 

< Plus tard, pour sauver le cobaye malade, il faut 
une quantité de sérum deux à quatre fois supérieure 
à celle qui suffit pour le cobaye sain, c'est-à-dire 
2-4 milligrammes par gramme. 

c) Chez l'homme tuberculeux, le minimum de iuher- 
culine qui donne la fièvre à un tuberculeux apyrétique 
est neutralisé par 1 cenlimèlre cube de sérum thérapeu- 
tique. 

€ QaQ minimum est une quantité vaiûable; il dépend 
du degré de développement de l'infection et de la force 
de résistance du malade. 

u Dans ces recherches, il faut commencer par em- 
ployer des doses de 1 milligramme et augmenter pro- 
gressivement, jusqu'à ce que l'on arrive à la dose qui 
produit la réaction. 

€ Quarante-huit heures après que la réaction a eu 
lieu, on injecte la même quantité de tuberculine avec 
un centimètre cube de sérum, on n'obtient point de 
réaction. 

« De trois à cinq jours après, on injecte encore la 
même quantité de tuberculine sans sérum et l'on a de 
nouveau la réaction. 

« Après le traitement avec le sérum, les tuberculeux 
deviennent insensibles à la tuberculine, même si la 
dose est dix fois plus forte que celle qui, avant le trai- 
tement, produisait la réaction. 

« M. de Renzi, professeur de clinique à Naples, a déjà 
pu confirmer tout ce qui précède. 

t Puissance bactéricide. — Le sérum est, in vitro, 
bactéricide vis-à-vis du bacille delà tuberculose. Afin 



. 238 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIIS 

de le démontrer, il faut d'abord faire chauffer le sérum 
normal de cheval et le sérum thérapeutique à 55-60°, 
pendant quelques heures et pendant plusieurs jours, 
pour les dépouiller du pouvoir bactéricide naturel qui 
est commun à tous les sérums. On ensemence ensuite 
les deux sérums avec des bacilles de la tuberculose ; 
dans le sérum normal le développement se produit, 
tandis que le sérum thérapeutique reste stérile. 

Dosage de la puissance antitoxique du sérum. — Je 
fais le dosage de la puissance antitoxique du sérum 
vis-à-vis de la tuberculine sur le cobaye sain. 

J'ai pris comme unité antitoxique la quantité de 
sérum qui protège une quantité égale de cobaye sain 
^ contre le minimum de tuberculine capable de la tuer sû- 
rement. Dans chaque centimètre cube de mon sérum, il y 
a mille unités antitoxiques, c'est-à-dire qu'un centimètre 
cube de sérum sauve un kilogramme de cobaye sain 
contre la dose de tuberculine qui, sûrement, causerait 
sa mort. 

Pourtant, j'ai déjà des sérums pourvus d'une quan- 
tité beaucoup plus grande d'unités antitoxiques. 

Au Congrès de Bordeaux, j'avais déjà annoncé, en 
les résumant, il est vrai, très succinctement, la plupart 
des faits exposés dans ce travail, j'avais surtout pré- 
cisé très clairement le point fondamental relatif à la 
démonstration des antitoxines dans mon sérum, en 
disant que le sérum neutralise Vaction de la tuberculine. 

Ce point fondamental a été ensuite confirmé pa> 
plusieurs observateurs éminents. 

Behring % au Congrès des naturalistes à Lubeck, 
à la fin du mois de septembre dernier, annonça qu'un 
sérum qu'il avait obtenu, avec des inoculations de 
tuberculine, sauvait la vie aux cobayes tuberculeux 
auxquels on avait injecté des doses sûrement mortelles 
de tuberculine. 

Babùs et Broca*, au mois de janvier 1896, annoncè- 
rent à rAcadémie des Sciences, à Paris, que le sérum 
des animaux auxquels on injecte de la tuberculine 

1 Behring. — « Leistungen urn Ziene der serumtbera- 
pie. » Deutsche. Med, Wochenschinft, 1895, n^ 38, 

2 Med, moderne, 1896, n** 5. 



TUBERGULOSIS 239 

protège les animaux tuberculeux contre Faction toxique 
de la tuberculine, et Niemann * confirma le lait, au 
mois de février 1896. 

L'action bactéricide de ces sérums, vis-à-vis du 
bacille de la tuberculose, a été aussi indiquée par 
Babès. Mais, jusqu'à présent, nous sommes les seuls à 
avoir fait des recherches complètes, en détruisant, 
avant tout, la puissance bactéricide du sérum. 

Ni Berhing, ni Babès, n'ont indiqué le dosage de 
leurs sérums. 

On comprend, d'après leurs communications, qu'ils 
ont commis l'erreur de prendre comme point de com- 
paraison le cobaye tuberculeux. Au début de mes 
recherches, j'avais, moi aussi, commis la même erreur. 
C'est pour cela que, jusqu'à l'époque de ma conférence 
de Bordeaux, je n'avais pas encore réussi à étabhr le 
dosage. J'ai réussi ensuite avec les cobayes sains. 

M. Maragliano, qui avait inoculé autrefois d'assez 
fortes doses de sérum, n'injecte plus aujourd'hui 
que 1 à 2 centimètres cubes de ce sérum et il 
n'emploie une dose de 5 centimètres cubes que 
dans les cas fébriles. Voici les résultats obtenus, 
qu'il a annoncés dans une brochure récente : 

Les cas traités, au nombre de 412, sont divisés en 
plusieurs séries de catégories qui comprennent : 

i^ Les bronchopneumonies avec cavernes; 

2<* Les bronchopneumonies destructives non cavitaires 
avec associations microbiennes; 

3° Les bronchopneumonies difTuses fébriles avec ou 
sans phénomènes destructifs ; 

4oLes bronchopneumonies difTuses apyrétiques avec 
ou sans phénomènes destructifs ; 

5° Les bronchopneumonies fébriles circonscrites; 

6° Les bronchopneumonies circonscrites apyrétiques. 

* r^iemann. — « CJeber Iinmunitât gegen Tuberkulose 
und Tuberkuloseantitoxin. » Centralblatt fUr Bakteriolo- 
f/ie. Bd XIX, p. 214, 1896. 



240 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE ' 

Si Ton considère Tenscinble des malades de toutes 
les catégories, on trouve : 

Guérison 16,26 p. 100 

Amélioration 48,05 — 

£tat stationnaire 25,51 — 

Aggravation 8,25 -— 

Les résultats étant les suivants pour chaque catégorie : 

i^ Cavitaires : 

Guérison 7,76 p. 100 

Notable amélioration 37,63 — 

Ktat stationnaire 36,55 — 

Aggravation 18,29 — 

(La mortalité étant de 16,21 avec 14 morts sur 92.) 

2^ Bronchopneumonies destructives sans caverne 
appréciable avec associations microbiennes : 

Guérison 10,58 p. 100 

Amélioration 59,94 — 

BUat stationnaire 28,23 — 

Mortalité 8,23 — 

3° Bronchopneumonies diffuses fébriles avec ou sans 
phénomènes destructirs : 

Guérison 6,73 p. 100 

Amélioration 52,88 — 

Etat stationnaire 3,76 — 

Aggravation 9,61 — 

4° Bronchopneumonies diffuses apyrétiques : 

Guérison 4,65 p. 100 

Amélioration 72,09 — 

Etat stationnaire 23,25 — 

5° Bronchopneumonies fébriles circonscrites : 

Guérison 37,03 p. 100 

Amélioration 57,40 — 

Etat stationnaire 5,55 — 

6<* Bronchopneumonies circonscrites apyrétiques : 

Guérison 66,66 p. 100 

Amélioration 27,27 — 

Etat stationnaire 6,6 — 

(Ceux qui ont suivi sérieusement le traitement ont 
tous guéri.) 



TUBERCULOSE 241 

Maragliano a trouvé que de pareils résultats se 
passent de eommeataires et montrent imperturba- 
blement l'innocuité de son sérum d'abord et aussi 
son efficacité dans le traitement de la phtisie. 

Les exanthèmes observés quelqueïfois après l'in- 
jection n'ont rien de spécial et sont aussi fugaces 
que ceux que l'on rencontre après Tinoculation 
d'autres sérums. 

En ce qui concerne les guérisons mentionnées, 
il s'agit de cas correspondant à la disparition 
complète de tous les phénomènes morbides, de 
guérisons au moins momentanées sinon défini- 
tives. L'auteur n'ignore pas la latence et les trêves 
souvent très longues de la maladie. 

Le nombre des guérisons obtenues varie avec 
la gravité initiale des cas. Il augmente de la pre- 
mière à la sixième catégorie, à mesure que les 
lésions sont moins avancées. Le plus grand nombre 
correspond aux formes apyrétiques. 

La valeur de la cure est d'autant plus appré- 
'ciable que les malades avaient antérieurement 
parcouru toute la gamme des traitements ordi- 
naires de la phtisie. Il convient de remarquer que 
les tuberculoses circonscrites et apyrétiques ont 
été presque guéries ou améliorées. 

M. Maragliano conclut en ces termes : 
1 ' Le sérum antituberculeux est complètement 
inoffensif. 

IMMUNISATION. 16 



24il IMMUNISATION ET SÉRUxMTHÉRAPIE 

2'' Il a une influence déprimante sur la fièvre. 

3** Il modifie les phénomènes locaux. 

4° Il exerce une influence positive sur les bacilles 
contenus dans les crachats en les faisant dispa- 
raître ou diminuer. 

5° Il détermine une augmentation notable du 
poids du corps. 

6^ Il exerce une action utile dans 91,75 p. 100 
des cas traités plus ou moins considérable suivant 
la gravité. 

7° Il détermine la guérison ou achemine le 
malade vers la guérison dans presque tous les cas 
de tuberculose circonscrite apyrétique. 

8° Il a donné des guérisons même chez les cavi- 
taires. 

9*^ On peut l'utiliser avec avantage dans toutes 
les formes de la tuberculose. 

On voit que ces conclusions ont une grande 
précision thérapeutique. Le nombre assez consi- 
dérable qui fut soigné par M. Maragliano, n'est * 
pas surprenant. En efl*et, le gouvernement italien 
a encouragé ces recherches, tandis qu'en France, 
deux membres de la commission des Sciences ont 
osé arrêter ces expériences, en émettant un avis 
défavorable à l'efficacité de mon sérum antitu- 
berculeux. Sur ces deux membres, l'ur^, M. No- 
card, est attaché à l'Institut Pasteur, qui cherche 
à monopoliser l'exploitation très lucrative du 



TUBERCULOSE 243 

sérum. L'autre, M. Netter, jeune agre'gé, n'a rien 
osé refuser à ce professeur tout-puissant. Or, je 
déclare, moi, que cette commission d'enquête a 
présenté uq rapport incomplet et inexact en plu- 
sieurs points, comme du reste une lettre de protes- 
tation adressée par moi à l'Académie de médecine, 
le 23 juin, l'a attesté. Ces juges ont émis une opi- 
nion inexacte, comme Tavenir se chargera de le 
démontrer. Il suffît, du reste, de lire le rapport 
présenté pour se former une opinion. MM. Nocard 
et Netter déclarent que l'injection simultanée de 
sérum immunisé et de bacilles de Koch n'a pas 
empêché deux lapins et un cobaye de mourir 
tuberculeux ; des autres preuves expérimentales, 
il ne souffle mot. Or, ces enquêteurs officiels ont 
emporté de mon laboratoire une quantité insuffi- 
sante de sérum immunisé pour exercer leur con- 
trôle ! Jugez maintenant de l'impartialité de leur 
rapport 1 

Ni l'enquête officielle, ni le désir d'enterrer ma 
communication pour subtiliser plus tard mes 
expériences et les présenter sous une autre forme, 
ne m'empêchent de poursuivre ces recherches 
si intéressantes déjà confirmées par d'autres 
savants et qui sont exactes dans leurs moindres 
détails. 



CHAPITRE VII 
PNEUMONIE 

I 

Toutes les altérations pulmonaires qui caracté- 
risent cette maladie sont produites par un seul 
microbe, le pneumocoque lancéolé encapsulé, 
soupçon-né par Klebs, vu et figuré pour la pre- 
mière fois par Koch, Eberth, Friedlaender. Ce 
microbe fut cultivé pour la première fois par 
Talamon et étudié surtout par Frœnkel. Chez 
certains individus, il se trouve habituellement 
dans la cavité bucco-pharyngique, d'où il peut 
infecter le poumon, cavité où il fut découvert par 
Pasteur. 

Le pneumocoque se présente sous forme de 
petits grains allongés, ellipsoïdaux, généralement 
réunis par paires. Ils sont entourés d'une gangue 
albumineuse non colorable par les réactifs et bien 
distincte du vide que laisse le milieu ambiant 
lorsqu'il se rétracte. Le microbe lui-même est 
facilement coloré par les couleurs d'aniline, colo- 
ration qui résiste à l'action successive du réactif 



PNEUMONIE 245 

iodo-ioduré et de Talcool absolu. Le pneumocoque 
ne se développe pas au-dessous de 24®. Cultivé 
dans de la gélose légèrement alcaline, il forme 
de petites colonies rondes, incolores, dont les 
membres sont alors dépourvus de gangue albu* 
mineuse. 

Cette culture sur gélose ne tarde pas à voir sa 
vitalité diminuer rapidement et à périr si le 
miilieu n'est pas renouvelé avant sept à huit jours. 

Le pneumocoque peut parfaitement vivre en 
l'absence totale d'oxygène et sa vitalité, loin d'en 
être diminuée, augmente sensiblement ainsi que 
sa virulence* 

Le pneumocoque ne s'attaque pas exclusive- 
ment à l'homme ; ce privilège est partagé par 
d'autres animaux, en particulier par le lapin et le 
cobaye, ainsi que le démontrent les expériences 
de Emmerich, Dœnissen et Maller, expériences 
démontrant que ces animaux contractent facile- 
ment la pneumonie en respirant un air chargé de 
bactéries. 

Le pneumocoque lancéolé encapsulé est sou- 
vent accompagné d'autres microbes, comme : 
bacille encapsulé de Friedlaender (pneumo-bacille 
de Weichselbaum) staphylocoque pyogène, strep- 
tocoque pyogène et du bacille spécial décrit par 
Klein. 

Hayem et Grancher ont constaté une leucocy- 
tose abondante chez le pneumonique. Tschitscha* 



246 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

vich a vu une abondante leucocytose suivre l'in- 
jection d'une culture atténuée, tandis que l'injec- 
tion d'une culture très virulente ne déterminait 
aucune leucocytose, la proportion de globules 
blancs restant normale . 



II 

Les pneumocoques ont été vus dans tous les 
organes. Dans le rein ils furent vus d'abord par 
Klebs, Koch, et Nauweck. 

Les altérations de la pneumonie peuvent être 
produites par d'autres microbes, en particulier 
par : streptocoques, staphylocoques pyogènes 
(Jaccôud, Netter, Naunyn, Babès et Garter). 

Le pneumocoque existe dans la salive, une fois 
sur cinq chez les personnes saines, quatre fois sur 
cinq chez les personnes ayant déjà eu la pneu- 
monie (Netter). 

La pneumonie est souvent héréditaire (Alison 
et surtout Riesell). Le pneumocoque contenu dans 
les crachats peut résister longtemps à l'influence 
atténuante de la dessiccation. 

La crise pneumonique, qui termine la maladie, 
se produit au bout de cinq à neuf jours par une 
atténuation subite du pneumocoque. 

Cultivé sur un milieu solide, le pneumocoque 
ne peut être conservé que si on a soin de le trans- 
planter de temps en temps, en effet il ne peut 



PNEUMONIE 247 

rester plus de sept à neuf jours dans un même 
milieu sans périr. Une culture sur gélatine sup- 
porte facilement une température dé 43® pendant? 
six heures, 42<* pendant soixante-douze heures et 
succombe après quatre Jours d'exposition à cette 
température. 



III 



Le pneumocoque peut conserver sa vitalité tout 
en perdant sa virulence; ainsi, un bouillon de 
culture perd sa virulence à 42<» au bout de vingt- 
quatre heures et à 40° au bout de cinq jours. 

P. Walter a étudié in vitro l'influence de l'élé- 
vation de température sur la nocivité du pneumo- 
coque. Il soumit des lapins à une température 
suffisante pour leur propre isotère atteignant 42®. 
Ces lapins résistent parfaitement à cette tempéra- 
ture, pourvu qu'on les expose toutes les trois heures 
à la température ordinaire pendant une demi- 
heure. Un lapin ainsi préparé peut recevoir en 
injections des quantités relativement considérables 
de virus virulent sans être pour cela incommodés. 
Mais si l'on transporte un de ces lapins ainsi 
inoculés dans un milieu à température normale, 
il est. aussitôt atteint de pneumonie et en meurt 
moins rapidement cependant qu'un lapin nor- 
mal. 

L'hyperthermie est donc un des agents princi- 



24a IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

paux de la terminaison heureuse de la pneumonie, 
terminaison à laquelle concourent d'autres causes 
comme la phagocytose et l'action microbicide, 
Tantipneumo toxine (Klemperer). 



IV 



Association bactérienne. — A la fin de la pneu- 
monie, le suc pneumonique présente une réaction 
acide tandis que le pneumocoque ne se développe 
bien qu'en milieu alcalin (Patella). 

Dans 76 cas de pneumonie, Peter a trouvé, à 
côté du pneumocoque : 

Staphylocoque doré 28 fois 

Sans autre mélange 20 — 

Avec staphylocoque 3 — 

Avec bacille de Friedlaender. 2 — 

Streptococcus pyogenes ... 9 fois 

Sans autre mélange ..... S — ' 

Avec staphylocoque 3 — 

Avec bacille de Friedlaender. i — 

. L'association du pneumocoque avec le bacille 
de Friedlaender a été observée encore sept fois 
par d'autres cliniciens. 

Dans certains cas de fièvre typhoïde, le pneu- 
mocoque apparaît dès la fin de la première 



PNEUMONIE 249 

semaine et dès lors les signes de la pneumonie 
remportent sur ceux de la fièvre typhoïde qui 
finissent par disparaître (Stokes). Il semble donc 
qu'il y ait antagonisme entre le bacille d'Eberlh 
et le pneumocoque. 



Passons maintenant à la question de l'immuni- 
sation. 

Les inoculations répétées de virus atténués con- 
fèrent facilement l'immunité. Cette atténuation 
peut être obtenue par la dessiccation des viscères 
d'un pneumonique. La salive du sujet pneumo- 
nique prise après la défervescence confère l'im- 
munité à la souris (Netter). Il en est de même 
pour le sérum sanguin (G. et F. Klemperer). Foa, 
et plus tard Emmerich, ont obtenu des résultats 
analogues en employant des cultures atténuées 
par l'action de la chaleur ou de la filtration. 

Foa a obtenu la pneumotoxine vaccinante en 
précipitant des cultures par le sulfhydrate 
d'ammonium ou par l'alcool absolu. G. et F. 
Klemperer ont obtenu également cette pneu- 
motoxine. 

Le premier travail relatant la question de l'im- 
munisation est celui de Emmerich et Fovitsky 
(Mûneh. med. Woch.^ 11 août 1891). Yient 
ensuite celui des deux frères Klemperer [Berlin, 



250 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Klin. Woch., 24 et 31 août 1891). D'après ces 
derniers, le pneumocoque produit dans le corps 
une pneumotoxine, qui a la propriété de déter^ 
miner une réaction fébrile persistant plusieurs 
jours, et suivie de la production d'une substance*: 
l'antipneumotoxine^ capable de neutraliser la 
pneumotoxine. 

Lorsqu'on injecte la pneumotoxine aux lapins 
qu'on vaccine , Tantipneutnoto^tirie n'apparaît 
qu^après une plus ou moins longue période de. 
maladie. On la fait apparaître beaucoup plus vite 
et sans malaise apparent, en injectant la pneumo- 
toxine modifiée par la chaleur ou autrement dit 
le vaccin chimique. 

Après ces travaux, il faut signaler ceux de Foa.' 
Cet auteur a distingué]deux sortes de diplocoques, 
Tune ayant une grande tendance à la multiplica- 
tion, l'autre agissant plutôt localement. Toutes 
deux enflamment et sclérosent la peau, dissolvent 
les globles rouges, précipitent la fibrine dans les 
vaisseaux des reins et de la rate. 

Pour avoir un diplocoque type, Foa et Scabiâ 
ont injecté à des souris des crachats ou des exsu- 
dats pneumoniques avec leurs viscères, tué des 
lapins par suite d'injection d'exsudation séreuse 
ou fîbrineuse [Giornale délia R. Acad, di medic. 
di Torino, mai 1892). N'employant alors que la- 
variété çedématogène, plutôt toxique que parasite,, 
ils retirent le sang de l'animal inoculé et le con- 



PNEUMONIE 251 

servent vingt-quatre heures à 33<* ou 35<», à Tobscu. 
rite, dans un vase scellé à la lampe. 

Après quarante-cinq jours, le principe toxique 
n'a pas encore disparu, même lorsqu'on a dessé- 
ché sur Tacide sulfurique le précipité obtenu en 
traitant l'extrait de sang par Talcool. 

Foa et Scabia ont employé, comme milieu de- 
culture du diplocoque, le sang d'un lapin. Au bout 
d'un mois, ils le traitent par l'eau glycérinée à. 
8 p. 100, filtrent et introduisent pendant cinq jours 
consécutifs, sous la peau d'un lapin, 2 centimètres 
cubes d'extrait. Ils infectent ce lapin, et un témoin, 
quatre jours après la dernière injection. Le témoin 
seul meurt ; l'autre possède encore son immunité 
huit jours après» 

Dix lapins sur douze, survécurent à la première 
et à la seconde infection. Les deux autres étaient 
atteints d'une maladie parasitaire du foie. 

Lorsqu'un lapin meurt pneumonique, son sang 
frais ou cultivé pendant huit jours fait immédiate- 
ment périr les lapins. Si on ne le cultive que 
vingt-quatre heures, à l'obscurité, à 16°-18°, on 
remarque un nombre moindre et une atténuation 
des diplocoques. 

Foa et Scabia ont également prouvé qu'on peut 
immuniser le lapin au moyen de l'extrait stérilisé 
des organes des lapins infectés. Parmi les extraits 
de système nerveux, de foie, de la rate, de muscles, 
aucun ne jouit de propriétés bien accentuées. Ils sont 



252 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

ensemble plus actifs que pris en particulier. L*extrait 
musculaire est celui qui possède le moins d*activité. 



VI 



Foa et Scabia ont ensuite cherché si le sérum 
du sang d'homme pneumonique peut immuniser 
le lapin, lorsqu'on Tinjecte à doses fréquentes et 
progressives, ou à doses élevées, dilué dans Teau 
stérilisée. Le lapin ainsi traité n'a jamais résisté 
à une infection ultérieure. 
. Les auteurs n'ont pu également immuniser au 
moyen de l'extrait de poumon humain pneumo- 
nique. 

On avait pensé que la rate était le siège de la 
production d'une substance immunisante plus 
active. Or, l'injection dans les veines de lapins 
d'un extrait glycérique de rate de lapins réfrac- 
taires ne les a pas empêché de succomber. Donc, 
l'opinion précédente est fausse. 

Néanmoins, si huit, quinze ou vingt jours après 
la splénectomie de lapins, on leur inocule sous la 
peau 2 centimètres cubes de vieux sang infecté, que 
l'on répèle cette inoculation pendant cinq jours, et 
que l'on fasse de même sur des lapins non splénec- 
tomisés, on voit les deux séries résister, au bout de 
quatre jours, à l'infection diplococcique. Donc, la 
rate est un lieu de fabrication de la substance 
itamunisante. 



PNEUMONIE 2b 3 

Son extirpation, ainsi que la saignée, et les di- 
verses causes déprimantes constituent, il est vrai, 
un obstacle à l'immunisation J qui ne se produit que 
dans un organisme robuste. Néanmoins, on peut 
prévenir les effets de l'infection diplococcique, ou 
au moins les atténuer, chez l'animal splénectomisé, 
en lui pratiquant une injection de sérum. 

La conclusion générale, qui résulte de ces re- 
cherches, est que tous les éléments de l'organisme 
concourent à la production de l'antipneumo- 
loxine. 

D'après Foa et Scabia, le sang du chien, préven- 
tivement infecté, les précipités alcooliques (1 à 10), 
le sérum du chien (25 à 30 gr.) dissous dans l'eau 
après dessiccation, celui du cobaye, n'ont aucune 
action thérapeutique sur le lapin. 



VII 

Ces auteurs ont aussi expérimenté sur l'homme. 
L'injection, répétée l2 ou 3 fois, de 5 à 7 centimètres 
cubes de sérum, ou d'extrait d'organes de lapins 
immunisés, sous la peau de 10 sujets, au deuxième, 
quatrième, sixième jour de l'infection, ne déter- 
mine aucune réaction ni amélioration. La crise a 
eu lieu le deuxième jour après la première injec- 
tion, et la convalescence a été régulière. 

L'injection à deux jeunes pneumonique^ de 2 à 



"llli IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

3 centimètres cubes de sérum de chien immunisé 
n'a pas eu de résultat thérapeutique. La tempé- 
rature est montée à 41» et la guérison a été 
re lardée. 

En 1892 {ÀJ'ch. de Méd. exp,), Arkharoffa vac- 
ciné le lapin par l'inoculation de petites doses 
jeunes et virulentes ou de fortes doses de cultures 
anciennes. Son sérum atténue le pneumocoque 
qu'on y a semé, et, de plus, en Tinjectantà des 
animaux inoculés, il est possible d'entraver ou de 
ralentir son développement. 

On retrouve les mêmes propriétés dans le liquide 
de l'œdème. 

Klemperer a également donné [Berlin. Klin, 
Woch., mai 1892) d'excellents résultats de l'appli- 
cation de l'immunisation au traitement de 40 cas 
de pneumonie chez l'homme. 

En janvier 1893, Lava a annoncé, dans une 
communication de l'Académie de médecine de . 
Turin (voir Giornale délia R. Accad, di med. di 
Torino) qu'il avait inoculé à 10 pneumoniques, 
dans 5 cas. 4 à 9 centimètres cubes de sérum du 
sang de lapin, dans 4, une dose semblable d'extrait 
glycérique des viscères de lapins immunisés ; 
dans un, 4 à 5 cenlimètres cubes de sérum de 
chien. 

Il ne s'est produit aucune révulsion au point 
d'inoculation, aucun trouble subjectif général, 
aucune influence ni sur la température, ni sur la 



PNEUMOMIE -255 

fréquence de la respiration. Au contraire, la fré- 
quence du pouls est, d'une manière notable, pro- 
gressivement influencée ; il en est de même de la 
marche générale. 

Les injections hâtent le début de la crise, favo- 
risent sa résolution, et amènent rapidement un 
rétablissement complet. 

A la suite de la communication de Lava, Bozzolo 
a rapporté que l'emploi de sérum de lapin, rendu 
réfractaire, lui a donné chez 5 pneumoniques, 
quatre fois une hypothermie rapide et la gniérison, 
une fois l'hypothermie sans guérison. Il n'a observé 
aucune influence sur le cœur, les reins et le 
pouls. 

Foa sature d'immunité le pneumonique par 
une méthode qui lui appartient et affirme que, 
100 fois pour 100, il obtient une immunité 
durable. 

Le sérum de lapin, recueilli trois, sept, quinze, 
trente jours après qu'ils avaient été rendus réfrac- 
taires, n'a eu aucun efl^et thérapeutique. Après 
vingt-quatre heures, l'animal succombe générale- 
ment de septicémie diplococcique ; on n'a pas le 
temps de l'immuniser. 

L'infection, chez l'homme, dure au contraire 
plusieurs jours. Foa pense qu'on aurait de bons 
résultats en pratiquant l'immunisation dès le 
début. 

En mars 1893 [Ann. Inst. Pasteur)^ Issaef a 



2o0 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÊRAPIE 

constaté que la réaction, produite par les toxines 
pneumococciques, est plus forte chez les lapins 
vaccinés que chez les témoins. 



VIII 

Le sérum des vaccinés a un pouvoir thérapeu- 
tique, mais non antitoxique. Il ne diminue pas la 
virulence du pneumocoque. Injecté à un vacciné, 
ce microbe reste pathogène pendant dix-huit heures 
environ; quarante-huit heures après, sa vitalité 
s'accuse encore par une production de toxines, 
provoquant une chimiotaxie positive des phago- 
cytes. 

Dans ZAegler^ Beitr. zur PathoL Aiist. , tome XIl, 
1893, Pansini a constaté l'action curative du 
sérum d'animaux immunisés dans l'infection diplo- 
coccique du lapin. Ce sérum empêche l'infection 
non seulement chez eux, mais chez d'autres ani- 
maux. Son action curative est indépendante de 
son pouvoir bactéricide. Cette action se conserve 
pour le sérum humain, lorsqu'on le maintient, 
dans des tubes fermés, à la température de la 
chambre. Le sérum des immunisés possède, en 
même temps que l'action curative, un fort pouvoir 
bactéricide. 

' Il faut également signaler que Audeoud (Rev. 
méd. de la Suisse romande^ 1893) a pratiqué 



PNEUMONIB 257 

chez des pneumoniques des injections hypoder^ 
iniques de sang de convalescents. 

Il injectait dans le tissu cellulaire de la cuisse 
2 à 3 centimètres cubes de sang, pris avec une 
seringue de Pravaz, dans une veine du pli du coude. 

Une première fois, une crise est survenue au 
cinquième jour de la pneumonie, treize heures 
après l'injection, et au bout de quinze heures 
survient une deuxième crise. Le septième jour eut 
lieu une chute définitive de la fièvre et la résolu^ 
tion. 

Dans une seconde observation, Audeoud a vu 
survenir la crise définitive le cinquième jour dans 
les douze heures qui ont suivi Tinjection. 

Le sang d'individu sain n'a pas d'ailleurs produit 
d'influence notable. 

D'après le même auteur, Hugues (de Phila- 
delphie) aurait obtenu un bon effet chez un 
pneumonique, en lui transfusant du sang d'un 
convalescent. 

Audeoud explique la crise naturelle de la pneu- ^ 
monie par la théorie de Klemperer. Ce serait 
rantipneumotoxine, formée dans le sang du 
vacciné, qui, en neutralisant la pneumotoxine, 
guérirait l'infection pneumonique. 



IMMUNISATION 17 



CHAPITRE VIII 
CHOLÉRA 

1 

Les microbes ont été recherchés dans les selles 
cholériques depuis 1848. Celui du choléra n'a été 
sérieusement étudié que, depuis le jour, où Koch Ta 
isolé des flocons blanchâtres riziformes des selles, 
où il est toujours accompagné d'autres bacilles de 
rintestin, par lesquels il avait été caché aux yeux 
de Koch dans ses recherches en Egypte. Il ne fut 
bien vu que dans des cas de choléra foudroyant 
observés à Toulon par Straus et Roux, et à Paris 
par Gornil. 

Le bacille, qui ne se colore pas par la méthode 
de Gram, mesure de 1,5 \l à 2,5 \i. de long et 0,5 \l 
h 0,6 Y de large; il est recourbé en arc, d'où le 
nom de bacille virgule. Il se présente quelquefois 
sous la forme d'un iS italique, par l'adjonction bout 
à bout de deux bacilles. Gornil et Babès ont décrit, 
dès 1884, des flagella à ces bacilles. Neuhauss 
et Lœffler les ont bien mis en évidence en 1889. 



CHOLÉRA 259 

Eq se développant dans des milieux artificiels, ils 
subissent des modifications morphologiques, ils 
deviennent plus courts et plus étroits. Dans des 
cultures anciennes, on peut trouver des formes 
en spirale. Par culture sur gélatine, les bacilles 
perdent la faculté de fixer les matières colorantes. 
Si l'on empêche leur multiplication (addition 
de 10 p. 100 d'alcool) on obtient des spirilles 
(Babès et Gornil). Suivant les conditions du milieu, 
le bacille cholérique peut donc présenter un poly- 
morphisme considérable. Une culture vieille de 
quelques heures seulement se colore en rose 
violet par addition de o à 10 p. 100 d'acide chlor- 
hydrique pur [Choléra^ Roth). 



II 



Le bacille du choléra vit peu de temps dans 
les matières fécales. Des matières fécales et de 
l'urine additionnés d'une culture de bacilles et 
exposés à une température de 20°, deviennent 
stériles au bout de quatre-vingt-seize heures, à 
8** au bout de vingt-quatre heures (Uffelmann). 

Si le malade est atteint de diarrhée, le bacille 
ne survit plus au bout de quarante-huit heures 
à 20** et vingt-quatre heures à 8°. 

Hueppe a montré, contrairement à Koch, que le 
bacille virgule supportait la dessiccation et que 



360 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

sa virulence était accrue en l'absence de l'oxygène. 
Wood a montré que les microbes anaérobies 
facultatifs sont beaucoup plus sensibles à Tétat 
d'anéorobiose qu*à l'état d'aérobiose. Sur le sol, 
les microbes vivant en contact avec l'oxygène 
deviennent aérobies et par conséquent beaucoup 
plus résistants. Cette résistance dépend aussi des 
variations de niveau de la nappe liquide souter- 
raine. Lorsque ce niveau est élevé, les microbes 
sont à l'abri de l'oxygène et anaérobies; si ce 
niveau est bas, le sol est imprégné d'oxygène et les 
microbes sont aérobies (Hueppe et Wood). 

Les eaux stagnantes sont de bons milieux de 
culture. Dans l'eau distillée, il ne vit que douze 
heures, tandis qu'il résiste sept jours dans l'eau de 
boisson (Babès), sept mois dans Teau de rivière 
ou de puits (Wolfhiigel). 

Son optimum de développement est entre 30 
et 40**; mais il se développe à partir de 20®. Il 
résiste à 10®. Il vit plusieurs jours à 45°, mais est 
tué à 50® au bout de quelques jours, et rapide- 
ment à 75®. Il peut passer tout un hiver à lair 
libre (Babès). 

Les acides, d'une manière générale, sont nui- 
sibles aux bacilles cholériques. Le bichlorure de 
mercure, le sulfate de cuivre, la quinine sont les 
plus puissants des antiseptiques vis-à-vis de ces 
microbes. 
Le bacille virgule ne s'observe dans l'intestin 



CHOLÉRA 26d 

que dans les cas de choléra. Il est surtout aérobie 
sa culture se développe lentement sans air. 

Le choléra spontané n'existe pas en dehors de 
rhomme. On observe quelques symptômes cholé- 
riques après rinjection des cultures dans le duo- 
dénum (Micali, Gornil, Babës, etc.). Koch a tou- 
jours produit le choléra mortel chez le cobaye, 
en ayant soin d'alcaliniser préalablement Testo- 
mac et d'immobiliser Tintestin par Topium. 

L'inoculation du virus cholérique n'a jamais 
réussi à produire le choléra chez Thomme. Bou- 
chard a reproduit les expériences de Koch sur le 
cobaye et a obtenu les mêmes résultats bien que 
remplaçant la culture cholérique par de la vieille 
culture pyocianique, ou même un bouillon aigri 
à Tair. Le même auteur a isolé des matières 
fécales et de l'urine des cholériques un alcaloïde 
spécial déterminant, par son injection, des troubles 
morbides. Villiers, Pouchet, etc. ont isolé des 
ptomaïnes. Plus récemment, Gamaléia a isolé 
deux substances : une vaccinale (peptone) produi- 
sant l'hypothermie et l'inflammation locale, l'autre 
(ieucalbumine) produisant la diarrhée et les con- 
vulsions. 



III 



En 1884, Emmerich trouva dans le sang et les 
viscères des cholériques un bacille qu'il considéra 



262 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

comme celui du choléra, il est pathogène pour 
les animaux. Weisser démontra la ressemblance 
avec le bacterium coli commune. 

Ils produisent des lésions locales et des phéno- 
mènes généraux. Ils ne franchissent jamais les 
couches de la muqueuse intestinale. 

La thèse de Koch, qui fait du bacille virgule 
Tagent du choléra, a été pendant longtemps l'objet 
de vives attaques, se basant sur le fait que dans 
d'autres circonstances, dans le choléra nostras, 
on trouve des organismes semblables dans le mu- 
cus buccal. On a démontré que ces organismes se 
distinguent facilement du bacille de Koch. 

On a encore objecté que ce bacille ne se ren- 
contre pas dans tous les cas de choléra. Lesage et 
Macaigne ne l'ont pas trouvé, à l'hôpital Saint- 
Antoine, dans 33 cas sur 95 sujets morts du cho- 
léra. Les conclusions de ces recherches ont été 
démenties en Allemagne, ainsi que l'a rappelé 
Gaffky au douzième congrès allemand de méde- 
cine interne tenu à Wiesbaden du 12 au 18 avril 
1893. A Hambourg, on a rencontré le bacille dans 
tous les cas mortels survenus dans les six premiers 
jours de l'épidémie. A l'hôpital Moabit de Berlin, 
sur 207 individus atteints de choléra nostras sans 
bacille, un seul succomba. Sur 30 qui présen- 
taient des bacilles, on constata la moitié de décès. 

Cependant, il faut savoir que d'autres microbes 
que le bacille virgule, par exemple le strepto- 



CHOLÉRA 263 

coque, peuvent déterminer de la diarrhée enf 
temps d'épidémie chronique. 

D'après Gunningham, différents vibrions se 
rencontrent dans le choléra ; nous verrons, plus 
bas, l'opinion exprimée récemment par Metchni- 
koff. 

Le nombre des bacilles présents dans les selles 
n'est pas en rapport avec la gravité du choléra. 
C'est ainsi que dans les atteintes légères il y a des 
cultures pures, tandis qu'on n'observe dans les 
cas graves que quelques colonies au milieu de 
divers autres bacilles, surtout le bacterium coli 

La difficulté qu'il y a à donner le choléra aux 
animaux et à l'homme lui-même a ^mené beau- 
coup de savants à renier le bacille virgule dans 
le choléra, malgré sa présence constante dans les 
selles. 



IV 



Nous avons dit dans un *fautre chapitre que 
Ferran (de Barcelone), avait, pendant une épidé- 
mie qui sévissait en Espagne, vacciné contre le 
choléra. Il inoculait directement à l'homme 1/2 à 
i centimètre cube d'une culture pure et virulente 
de bacille du choléra; cette injection hypoder- 
mique était faite dans la région brachiale du 
niveau des triceps, cinq jours après il injectait 



264 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

1 centimètre 1/2 de la même culture, puis 2 cen- 
timètres cubes. M. Ferran déclare qu'il a expéri- 
menté ces inoculations un très grand nombre de 
fois (plus de 300,000 fois), et qu'elle est inofFensive 
pour rhomme. Il ajoute toutefois qu'elle ne fait 
pas avorter le choléra en incubation, et que son 
vaccin doit être injecté à Thomme au moins cinq 
jours avant toute atteinte. Cet éminent expéri- 
menteur ne parait pas avoir essayé la méthode de 
Behring contre la bacille virgule. 

Petenkofer, absorbant une grande quantité de 
vibrions, après avoir avalé de fortes doses d'alca- 
lis, fut sujet à de la diarrhée pendant cinq jours, 
mais ne ressentit aucun trouble du côté de l'état 
général et des reins. Les bacilles ne disparurent 
des selles que le neuvième jour. 

Prenant la dixième partie de la dose de Peten- 
kofer, Emmerich eut une première selle vingt- 
quatre heures après, et fut plus gravement ma- 
lade. Sa diarrhée dura quatre jours, et les baoîlles 
disparurent le onzième. 

Au Congrès de Budapest, qui s'est tenu du l®*" 
au 9 septembre 1894, MetchnikofFa rappelé qu'il 
avait avalé de grandes quantités de vibrions sans 
rien éprouver. Par contre, PfeifTer et Poulet ont 
pris, malgré eux, le choléra au laboratoire de 
Koch. Il existe de même un cas positif à l'Institut 
Pasteur. Il y a donc un facteur causal inconnu; il 
faut considérer les lieux et les temps. C'est ainsi 



CHOLÉRA 265 

que Teau de Seine, dans laquelle Sanarelli a 
découvert en 1893 le microbe du choléra, a été 
inofTensive pour les Versaillais. 



On ne peut aujourd'hui admettre, comme autre- 
fois, que les bacilles cholériques trouvent, dans ces 
lieux, des conditions défavorables à leur pullula- 
tion. D'autre part, ni la neutralisation du suc 
gastrique, ni la propriété spéciale des noyaux des 
cellules endothéliales, qu'a supposée Klemperer, 
ne peuvent expliquer l'absence d'épidémie cholé- 
rique. InofTensive par le canal intestinal, l'injection 
de vibrion dans le péritoine intoxique les rongeurs. 

C'est alors que MetchnikofT a eu l'idée d'étudier 
le rôle des associations microbiennes dans la 
genèse du choléra. Semant des vibrions cholé- 
riques virulents dans des conditions défavorables 
sur de la mauvaise gélatine ou de vieux microbes 
sur de la bonne gélatine, il a constaté que ces 
derniers ne poussaient pas, mais que, si l'on raye 
la gélatine d'une strie et qu'on sème un autre 
microbe, on les voit se développer sur la strie et 
à une faible distance d'elle. Un microbe défavo- 
rable entrave le développement malgré la pré- 
sence d'un microbe favorable, et, chose curieuse, 
les microbes les plus favorables ont des levures ana- 



266 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

logues avec les ve'ritables levures et les sarcéines, 
Or, on sait la fréquence de ces dernières dans 
l'estomac de Thomme. 

D'après MetchnikofF, ce n'est pas l'alcalinité 
de Testomac qui est nécessaire pour déterminer 
sûrement le choléra, mais bien les microbes qui 
pullulent dans l'estomac humain. Ainsi, lorsqu'on 
est indemne de choléra malgré la présence du 
bacille de Koch, c'est qu'il y a peu de microbes 
favorables et beaucoup de défavorables. Grâce au 
rôle qu'il fait jouer aux microbes favorisants et 
empêchants des organes digestifs, Metchnikoff 
explique des faits d'épidémiologie qui paraissaient 
en désaccord avec la théorie du bacille virgule 
et surtout l'influence incontestable du temps et 
des lieux. 

Au même Congrès de Budapest, Gruber a opposé 
à Metchnikoff ce fait que dans le choléra il ne faut 
pas tenir compte d'un germe unique mais qu'il 
existe des races et des espèces distinctes, les unes 
très virulentes, les autres peu, quelle que soit la 
dose administrée. 



VI 



Il ressort de ces derniers travaux que le bacille 
virgule, dont nous avons, au début de ce cha- 
pitre, étudié les principaux caractères, est bien la 
cause du choléra. 



CHOLÉRA 267 

Ce qui nous manque pour l'étude expérimentale 
de la maladie, ce sont des animaux sensibles, non 
doués de Tétat réfractaire. 

Depuis longtemps, on savait, surtout après Koch, 
que le pouvoir pathogène d'un microbe réside, le 
plus souvent, dans l'intoxication déterminée par 
ses produits. Hueppe et Pfeiffer l'ont montré pour 
le bacille du choléra. L'injection intra-péritonéale 
de 1 centimètre cube de sa culture tue le cobaye 
au bout de deux heures. L'injection intra-veineuse 
est également rapidement mortelle pour le lapin. 

Nous avons passé en revue, dans le chapitre de 
rimmunité acquise, les tentatives de vaccination 
contre le choléra qui ont été réalisées dans ces 
dernières années. Il serait hors de propos d'y 
revenir. Mais elles devaient fatalement amener à 
des méthodes d'immunisation, et s'il faut avouer 
qu'aucun résultat définitif n'a encore été obtenu, 
on a eu lieu d'espérer que les découvertes de 
Behring ne tarderont pas à porter leur fruit dans 
ce domaine. 

VII 

L'étude du sérum d'animaux vaccinés contre le 
vibrion avicide et contre le vibrion cholérique a 
donné des résultats remarquables. Behring et 
Niessen, pour le vibrion avicide, Zasslein, pour le 
choléra, ont démontré que ces vibrions poussent 



268 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

facilement dans le sérum des cobayes neufs, mais 
sont complètement détruits dans celui des cobayes 
vaccinés. 

Néanmoins, les premières tentatives de sérum- 
thérapie sont dues à G. Klemperer {Berlin. Klin, 
Woch., 12 déc. 1892; Denis, med. Woch., 1892). 
Il a opéré avec des cultures pures, de virulence 
telle qu'un cobaye succombait en douze à vingt- 
quatre heures, à la suite de Tinjection intra-péri- 
tonéale de 1 centimètre cube de bouillon ense- 
mencé avec un tube d'Agar, mis à 37^ pendant 
vingt-quatre heures. 

Les lapins sont très sensibles au poison cholé- 
rique. Huit centimètres cubes de culture chauffée 
à 70® pendant douze heures, dont 3 centimètres cubes 
sont inoffensifs sur un cobaye de 400 grammes, 
peuvent en injection intra-veineuse tuer un lapin 
de 2,000 grammes en vingt-quatre heures. On peut 
immuniser, en employant des doses plus faibles; 
pour cela, le mieux est d'injecler dans la veine 
auriculaire, à deux jours d'intervalle, quatre fois 
3 centimètres cubes de la culture à 70^ Trois jours 
après la dernière injection, on en a immunisé 
contre l''*',5 de culture virulente. L'injection intra- 
péritonéale du sérum sanguin de ce lapin immu- 
nise le cobaye contre une dose mortelle. 

Deux centimètres cubes de ce sérum sufflsent 
pour l'immunisation d'un cobaye de 400 grammes. 

Un lapin était ainsi immunisé contre la pneu- 



CHOLÉRA 269 

monie. Son sérum sanguin immuniâa le cobaye 
contre le choléra et la souris contre la pneumonie, 
fait qui confirme l'idée des immunités simultanées 
de Klemperer. 

VIII 

Après ces essais théoriques de sérumthérapie, 
Klemperer a fait ingérer le bacille cholérique à 
des cobayes, dont il avait neutralisé l'estomac et 
paralysé l'intestin par l'opium. La mort arrive en 
un à trois jours avec des symptômes graves de cho- 
léra infectieux. L'introduction par la bouche, chez 
le cobaye, de 5 centimètres cubes de culture en 
bouillon amène sûrement la mort; 3 à 4 centi- 
mètres cubes donnent un résultat incertain. 

Klemperer pense que, par la voie buccale, il 
n'y a pas infection comme chez l'homme, mais 
intoxication. En tout cas, comme l'intoxication 
par la voie péritonéale et intestinale ressemble à 
celle du choléra humain, il était légitime de songer 
à vacciner contre la première comme on l'a fait 
contre la dernière. 

En effet, Klemperer a pu vacciner contre l'in- 
toxication intestinale en inoculant des cultures 
immunisantes. 

Il a ensuite, pour la première fois, pratiqué 
l'immuni^tion contre la voie stomacale. C'est 
ainsi que trois jours après l'ingestion de 5 à 8 cen- 



270 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

timëtres cubes de caliure chauffée douze heures 
à 70^, les animaux sont vaccinés contre une dose 
mortelle. 

Avec Taide de Krûger, il a cherobé à atténuer 
des cultures cholériques au moyen d^im courant 
électrique constant. Un courant de 20 nûUiam- 
pères, agissant vingt-quatre heures sur une cul- 
ture datant d'un jour, amène la destruction com- 
plète des bacilles et Talténuation de ses toxines. 
On produit ainsi le même résultat qu'en chauffant 
le bouillon deux heures à 70^ 



IX 



En 1893 {Deuts. med. Woch.), Pawlowski et 
Buchstab ont cherché, par la sérumthérapie, à 
neutraliser les pepto-toxines du bacille de Koch. 

Ils ont vacciné 20 lapins et 20 cobayes, en leur 
injectant d*abord des cultures portées à la tempé- 
rature limite du développement du bacille, puis 
d'autres moins virulentes, et en dernier lieu celles 
du virus exalté par le passage à travers divers 
organismes. Les injections étaient pratiquées dans 
le péritoine et sous la peau. Enfin, on introduisait 
le bouillon dans l'estomac avec une sonde. 

Pawlowski et Buchstad ont aussi étudié l'action 
thérapeutique du sérum de chiens immunisés. Ils 
ont constaté in vitro son énergique pouvoir bac- 



CHOLERA 271 

téricide. Il est impropre à la culture du bacille de 
Koch. Il suffit même que le bouillon peptonisé en 
soit additionné pour qu'après vingt-quatre heures, 
il ne donne plus la réaction de Bonioide (colora- 
tion rouge bleuâtre de Tindol par HCl). 

L'injection de 0'%1 ou même de O^^^â de sérum 
d'animaux fortement vaccinés produit une immu- 
nisation rapide. En se servant de la méthode de 
Bruger-Ehrlich, ils ont trouvé un pouvoir immu- 
nisant maximum de 1 sur 130,000. 

Des lapins témoins, inoculés avec 5 centimètres 
cubes de culture, succombèrent tous, tandis que 
sur 16, qui avaient reçu sous la peau du sérum 
immunisé une, trois ou cinq heures après cette 
inoculation, quatre seulement moururent. 

D'après les auteurs de ce travail; le sérum 
immunisé posséderait une action mécanique : il 
coagulerait par son albumine les toxines instables. 
Ajoutons que l'injection de 1 centimètre cube de 
sérum a été inoffensive sur l'un d'entre eux. 



' Au douzième congrès allemand de médecine 
interne (12-18 avril 1893, Wiesbaden), Rumpf, de 
Hambourg, a pratiqué des injections de sérum chez 
des malades. Il l'a fait sans succès dans 35 cas. 

> Dans le Wratch (voir aussi Bulletin médical. 






272 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

27 mai 1893), Triwouse s'élève contre remploi de 
tout moyen antiseptique dans le traitement des 
infections aiguës. D'après lui, cette intervention 
est non seulement inutile, mais nuisible, car, en 
même temps que le bacille sécrète des toxines, il 
fabrique des bactériotoxines. < En tuant les mi- 
crobes devenus salutaires, on pourrait tuer le 
malade. » Ce qu'il importe de faire, c'est de venir 
en aide à la production de l'immunité. Aussi, Tri- 
wouse conseille-t-il, dans le choléra, d'injecter 1« 
sérum d'un animal vacciné contre cette infection, 
ou mieux, de transfuser un peu de sang d'un indi- 
dividu convalescent de choléra, sous prétexte que 
le sérum ou le sang renferment des bactério-. 
toxines. 

Lors de l'épidémie de Hambourg, les médecins 
allemands ont pratiqué des injections hypoder- 
miques de sérum. 

Michael a vu une anurie, persistant depuis 
quatre jours, disparaître une demi-heure après 
l'injection. 

Lazarus {Berlin, klin. Woch.j 1892) a constaté 
que le sérum sanguin des convalescents de cho- 
léra peut prévenir la mort des cobayes qui reçoi- 
vent ensuite une injection intra-péritonéale de 
bacille cholérique. .La dose minima, pour cela, 
est de 1 décimilligramme. 

Klemperer a également repris, au point de vue 
pratique, ses expériences physiologiques que nous 



- CHOLÉRA 273 

avons signalées plus haut. II a constaté, sur deux 
malades convalescents de choléra, que 1 centi- 
gramme du sérum de Vun, et 50 centigrammes du 
sérum de l'autre suffisent pour immuniser le co- 
baye contre une dose mortelle. 

Ayant injeqté sous la peau d'un étudiant 5 cen- 
tigrammes de cultures atténuées par le chauffage 
et de 3 gr. 1 de cultures virulentes, il vit son sérum, 
qui n'était antitoxique qu'à la dose de 1 gramme 
et demi, le devenir au point que 5 milligrammes 
suffisaient à immuniser un cobaye. 

Ingérant en quarante-sept jours, un demi-litre 
de cultures cholériques, préalablement chauffées à 
70® pendant deux heures, Klemperer a vu le pou- 
voir antitoxique de son sérum devenir 28 fois plus 
fort. 

Il a pu également immuniser le cobaye par l'in- 
jection de 8 centigrammes de lait de chèvre vacci- 
née. L'inoculation hypodermique de 8 centimètres 
cubes de ce môme lait peut également conférer 
au sérum de l'homme un pouvoir microbicide» 

Il faut rapprocher de cette tentative de lacto- 
thérapie celle, de Ketscher (Société de biologie, 
20 octobre 1892). 

Dans le British med, journal (9 septembre 1893), 
Kanthack (de Liverpool) et Wesbrock (de l'Univer- 
sité de Cambridge) ont publié un excellent travail 
sur l'immunité contre le choléra. Nous n'en 
extraierons que ce qui est relatif à la sérumthé* 

IMMUNISATION. 18 



274 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

rapie. Comme Ta montré Vincensi, le sérum de 
cobayes vaccinés par diverses méthodes peut efn 
immuniser d'autres. De plus, le sérum d*un ani- 
mal vacciné par la méthode d'Haffkine ou par des 
injections successives de culture chauffée à 65 
ou 100®, immunise d'autres cobayes contre le virus 
fort de ce savant, et contre Tinjection intra-péri- 
tonéale de fortes doses de cultures virulentes. 

Un des expérimentateurs, qui s'était injecté sous 
la peau du bouillon virulent, n'a eu qu'une réac- 
tion locale légère contre un demi-tube de virus de 
Haffkine. Ceci semble indiquer qu'on a tort de dis* 
tinguer les poisons métabolique et intra-cellulaire» 
De plus, la loi de Klemperer, dont Behring est 
partisan [Deut. med. Woch., avril et mai 1893), est 
que le sérum d'un vacciné contre le choléra n'im- 
munise que contre cette infection. Elle est en 
opposition avec la théorie de Klein [Brit. med, 
journ., 23 mars 1893). Il en est de même de ce 
fait que le sérum de l'un des expérimentateurs 
. vacciné par la méthode de d'Haffkine ne préserve 
pas le cobaye des accidents des bacilles prodigio- 
sus et pyocyanique- 



CHAPITRE IX 
VARIOLE 

I 

Le microorganisme de la variole n'est pas 
encore déflnitivement établi, comme je l'ai dit 
dans un autre chapitre. J'ai bien découvert dans 
la lymphe d'une pustule variolique un micro- 
coccus en tout semblable (un peu plus gros cepen- 
dant) , au micrococcus de la lymphe vaccinale. J'ai 
pu cultiver ce coccus à une température de 37<>, et 
reproduire sur le flanc d'une génisse de belles 
pustules. Cette première génisse ainsi vaccinée 
avec de la variole de laboratoire est devenue 
réfractaire à toute inoculation de pus variolique 
ou de cow-pox. Je n'ai jamais essayé d'immuniser 
des animaux avec des produits solubles de ces 
cultureS) qui sont cependant très riches. 

Auché a tenté {Arch, clin, de Bordeaux, 1893), 
la sérothérapie dans la variole; Dans une première 
observation, il a vu que le traitement avait per- 
mis d'éviter la suppuration. Mais il considère ce 
résultat comme une pure coïncidence. 



276 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Chez les autres sujets qu'il a traités, Âuché n'est 
pas arrivé à arrêter le cours de la maladie. 



II 



M'inspirant des travaux publiés par Straus, j'ai 
fait moi-même une série d'expériences dans cet 
ordre d'idées. J'ai vacciné des génisses avec du pus 
variolique, d'après la méthode de Haccius, de Ge- 
nève. Les pustules se développent bien sur le flanc 
de l'animal, qui est abattu le huitième jour, c'est- 
à-dire au moment où la maladie atteint sa période 
d'état. J'ai recueilli le sérum et je l'ai utilisé pour 
traiter des varioliques. Je possède 8 observations 
de varioliques où la sérumthérapie fut appliquée. 
L'injection du sérum a été faite chez tous mes 
malades dès le troisième ou le quatrième jour de 
l'éruption. Dans un cas, cependant, de variole 
confluente, compliquée d'albuminurie, je ne fus 
appelé que le septième jour. A cette date, tout le 
corps était littéralement envahi et j'eus de la peine 
à trouver une parcelle cutanée pour faire ma 
piqûre. La température atteignait 41* au moment 
de l'injection Le soir même de cette inoculation, 
la température n'atteignait plus que 38® et tous les 
symptômes généraux graves disparurent. Disons 
cependant que les pustules suppurèrent mais la 
réparation cutanée fut prompte et la convales- 



VARIOLE 277 

cence rapide. J'ai injecté à ce malade S centimètres 
cubes de sérum, 6 fois, c'est-à-dire qu'il a reçu en 
tout 30 centimètres cubes. 

Les 4 autres varioliques furent traités de la 
même façon, mais dans de meilleures conditions 
Je fus appelé de bonne heure, le deuxième, le 
troisième ou le quatrième jour, dans des cas de 
variole discrète. Je pratiquai à mes malades immé- 
diatement une inoculation de sérum (5 centimètres 
cubes), inoculation que je répétai 5 fois. Après 
la première injection la température céda, aucun 
accident septique ne se produisit : j'eus même la 
satisfaction de faire avorter la suppuration. Les 
varioliques entrèrent en convalescence le neu-* 
vième ou le dixième jour. 

Cette expérience clinique est facile à renouveler 
puisqu'on peut immuniser les génisses par du 
cow-pox ou du pus variolique, renouveler ainsi le 
sérum qu'on a l'occasion fréquente d'injecter aux 
varioliques. 



CHAPITRE X 
SEPTICÉMIE 

I 

Le streptococcus de Fehleisen (erysipelatis), qui 
cause l'érysipèle, fut découvert par Nepveu en 
France et Hueter en Allemagne (1868-1880), et 
est formé d*un chapelet de cocci mesurant en 
moyenne 0,3 |x. Il se colore bien par le violet 
de méthyle. Il est anaérobie et aérobie et se cultive 
mieux dans le vide. L'inoculation d'une culture 
pure faite à des hommes et même à des animaux 
(Fehleisen) donne toujours Térysipède. Il offre de 
grandes ressemblances avec le streptococcus pyo- 
genesdeRosenbach,aveclesstreptococcideOgston, 
les chaînettes de Lôffler, le microbe du phlegmon, 
de la fièvre perpuérale. 



II 



Les inoculations de ces streptococci s'accom- 
pagnent de tumeurs inflammatoires et de phleg- 



SEPTICÉMIE ' 279 

mon, ce qui n*a jamais lieu pour Térysipède 
franc. Quand on injecte- un mélange de micro- 
coccus pyogenes et de streptococcus deFehleisen, 
on voit se développer un érysipèle avec suppu- 
ration (Tricorni). Pour F. Widal, il y a iden- 
tité entre Térysipèle et Tinfection puerpérale : 
d'abord analogies cliniques, puis résultats positifs, 
qu'il a obtenus en essayant de provoquer Téry- 
sipèle par injection, à des animaux, de strepto* 
coques recueillis dans T utérus de femmes atteintes 
d'infection puerpérale. 

Sur trois cas d'érysipèle obtenus expérimentale- 
ment par Widal^ deux fois la culture injectée avait 
été fournie par le pus d'un abcès. Il a de même 
observé que le microbe de l'érysipèle humain 
déterminait chez les animaux et la plaque érysi- 
pélateuse et le foyer de suppuration. 

Le même auteur a prouvé expérimentalement 
que le streptocoque retiré du pus, après un 
passage à travers le lapin, en même temps qu'il 
acquiert une nouvelle virulence, perd ses qua- 
lités pyogenes et devient apte à produire l'éry- 
sipèle. Par la culture sur pomme de terre, ce 
microbe perd la faculté de former des chaînettes ; 
il la retrouve par culture dans un bouillon de 
viande-peptone. 

Lewy a obtenu des résultats analogues. 

Mosny a établi (1891) que le streptocoque 
pyogène que l'on trouve constamment dans la 



380 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

foirme lobulaire de la broncho-pneumonie, était 
identique avec celui de l'érysipèle : même mor- 
phologie, même action sur le lapin, etc. 

Pour Bouchard, le streptocoque déterminant les 
infections secondaires de la grippe, celui de 
Térysipèle, de l'infection puerpérale, de l'infection 
purulente, des pseudo-rhumatismes, ne font qu'un. 
* Le streptococcus erysipelatis se trouve aussi 
dans le sang et dans la plupart des parenchymes. • 
La septicémie des souris est une affection, 
décrite par Koch en 1878, et qui est causée par 
un streptocoque. 



III 



Klemperer l'a étudiée au point de vue de l'im- 
munisation. . 

Avec le sérum du sang de lapins rendus réfrac- 
taires par l'injection iiitra-veineuse, il a pu obtenir 
la guérison chez la souris. La dose injectée était 
de 0,5 à 1 centimètre cube. 

De plus, le sérum ne guérit que l'affection 
contre laquelle l'animal d'où on Ta retiré a été 
vacciné. 

En 1893 (Soc. de [biologie, 15 avril), Nironoff 
a entrepris au laboratoire de Straus des expé- 
riences, ayant pour but de voir si Ton peut immu- 
niser le lapin contre le streptocoque et utiliser 
son sérum dans le traitement de la septicémie. 



SEPTICÉMIE 281 

La conclusion a été qu'on peut immuniser cet 
animal par l'injection sous la peau de 3 à 6 cen- 
timètres cubes d'une culture de streptocoque 
vieille de trois jours et chaufTée vingt minutes 
à, 120®, et que son sérum peut alors, à la dose 
dé 3 à 4 centimètres cubes par kilogramme, soit 
arrêter la septicémie aiguë, soit lui donner une 
marche chronique avec formation de processus 
septiques locaux. 

.Plus récemment encore (Soc. de biologie, 
23 février 1895), Marmoret a pu, en faisant 
passer le streptocoque un grand nombre de fois 
chez le lapin, lui donner une virulence extraor- 
diùaire, au point que l'injection hypodermique d^ 
1 cent-milliardième de centimètre cube de culture 
tue le lapin en trente heures. 

L'inoculation de ce microbe virulent ou de sa 
toxine, immunise les lapins, qui fournissent alors 
un sérum préventif et curatif. 



IV 



A la suite de cette communication Charrin et 
Roger ont rapporté leur tentative de sérumthé- 
rapie contre la fièvre perpuérale. Des cultures de 
streptocoque de Térysipèle dans du bouillon ont 
été, au bout de dix jours, concentrées au bain- 
marie et réduites au dixième de leur volume pri- 



282 IHlfUNISATION ET SÉRUHTHÉRAPIB 

mitif. On les porte ensuite à Tautoclave à 115^ 
sans filtrer, et on pratique dans une veine d'un 
mulet, à quinze jours d'intervalle les unes des 
autres, 8 injections de 30 centimètres cubes cha- 
cune. Elles n*ont produit aucun trouble notable. 
S*étant assuré du pouvoir curateur du sérum de 
ce mulet, recueilli quinze jours après la dernière 
injection, Charrin et Roger ont injecté sous la 
peau d'une femme atteinte de fièvre perpuérale 
8 centimètres cubes de sérum. Le lendemain, 
aucune amélioration. Nouvelle injection de 8 cen- 
timètres cubes. Le surlendemain, la situation est 
un peu meilleure, mais toujours sérieuse. On 
introduit alors 25 centimètres cubes. Cette inter- 
vention amène, dès le lendemain, une amélio- 
ration rapide : chute de la fièvre, bon état général, 
et la convalescence s'établit rapidement. 



CHAPITRE XI 
SYPHILIS 

I 

On ne connaît pas encore Tagent pathogène de 
la syphilis. 

Cette maladie étant contagieuse, on a cherché 
de bonne heure à trouver son microbe spécifique: 
Klebs, Aufrecht, Birch-Hirschfeld, Morison, etc. 
en ont décrit qui n*ont certainement aucun rapport 
avec la syphilis. Lussgarten (1884-1885) crut 
l'avoir trouvé lorsqu'il décrivit un bacille vivant 
dans le chancre induré et dans les gommes, et pré- 
sentant de grandes analogies avec ceux de la lèpre 
et de la tuberculose. Doutrelepont a décrit un 
bacille, qu*il croit spécifique, mais qu'il n*a pu 
cultiver. 

La présence de microcoques dus à une infection 
secondaire est donc constante, mais ces micro- 
coques n'ont aucune relation avec la syphilis. 

Même si Ton arrivait à obtenir des cultures d'un 
bacille dont la présence serait constante, on ne 



284 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

pourrait s'assurer de sa spécificité. On ne connaît 
en effet aucun animal qui soit susceptible de con- 
tracter cette maladie, malgré les expériences à 
première vue contraires de Legros (cochon dinde), 
de Garenzi (génisse), de Klebs (singe), de Marti- 
neau (porc et singe), les lésions relevées par ces 
divers auteurs étant dues à une septicémie pro- 
duite par un agent injecté en même temps que le 
virus syphilitique. 

Malgré ces insuccès, le microbe de la syphilis 
doit être très semblable à ceux de la lèpre et de la 
tuberculose, les lésions qu'ils provoquent tous 
trois ayant une incubation et une évolution lentes. 



II 



Les méthodes de sérumthérapie dans la syphilis, 
ont rçposé tantôt sur l'inoculation du sang d'ani- 
mal réfractaire, tantôt sur celle de sang de syphi- 
litique. De tous les animaux, le cheval est peut- 
être seul le qui soit capable de syphilisation. Le 
choix des sérums antisyphilitiques ne. manque 
donc pas. 

Aussi Tommasoli a-t-il tenté {Rlf, med.^ 1893. 
Intem. Klin. Rundschau, 1893. Gazetta degli 
ospitali^ 1892. Giom. italiano délie malaUie 
venere, nov. et déc. 1892), principalement sur des 
filles publiques au stade de syphilis secondaire 
grave, l'injection du sérum du sang d'agneau et 



SYPHILIS 285 

de veau à la dosé de 2 à 8 centimètres cubes 
chaque fois, de façon à atteindre une dose totale 
de 32 à 49 centimètres cubes en 6 injections 
d'ordinaire, une fois en treize jours, le tout 
dans un intervalle d'au plus deux à trois se- 
maines. 

Dès la huitième semaine de traitement, il y avait 
disparition ou atténuation des accidents syphi- 
litiques, chez la plupart des malades, il ne s^est pas 
montré de récidive même dix mois après la cessa- 
tion du traitement. 

D'après Tommasoli, cette médication guérit 
non seulement les accidents, mais l'infection syphi- 
litique elle-même. 



III 



Cependant, elle offrirait quelques inconvénients. 
Parmi les plus constants, il y a une fièvre tran- 
sitoire, suivant de quelques heures l'injection, et 
que les conditions aseptiques du sérum et du mode 
opératoire empêchent de rapporter aune infection ; 
de la tuméfaction et de la douleur au siège de 
l'injection, symptômes passagers qui ne se pro- 
duisent pas aux premières injections, mais seule- 
ment quand on injecte 4 centimètres cubes au 
moins; enfin, surtout chez les débilités, du malaise 
avec parfois de la céphalée et des troubles gas- 
triques. ' 



â86 DCMUmSATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Il convient de citer, parmi les phénomènes acci- 
dentels, un érythème survenant surtout chez les 
femmes leucorrhéiques, des défaillances, de la 
pâleur, de Thypothermie dans Tintervalle des injec- 
tions. 



IV 



Avant Tommasoli, KoIIniann {Deuts. med. 
Woch.^ 1892) avait pratiqué sans succès les injec- 
tions de sérum de mouton, veau, chien, lapin, 
dans 3 cas de syphilis secondaire, 3 autres de 
chancre mou, 1 de psoriasis, 3 de blennorragie 
aiguë, 1 de blennorragie chronique et un autre 
de catarrhe vésical. 

Les S2 injections qull fit chez les 9 malades 
non syphilitiques ne déterminèrent absolument 
aucune réaction. Les résultats furent nuls chez les 
3 syphilitiques que Kollmann suivit pendant un 
an et demi et plus. 

Le sérum était injecté à la dose de 6 centimètres 
cubes; les malades le supportèrent sans inconvé- 
nient. 

Forcé de recourir au traitement mercuriel 
intensif, Kollmann a eu des récidives dans 
i cas. 

Tommasoli lui a répondu que son insuccès pro- 
venait de remploi de doses trop faibles. 



SYPHIUS 287 



On sait que l'immunité contre la syphilis est 
acquise peu de jours déjà après le début du chan- 
cre, et dans la syphilis par conception. On sait, 
d'autre part, que les accidents syphilitiques cessent 
entre le quatrième et le cinquième mois de la 
grossesse, et qu'ils ont une intensité peu marquée 
chez les femmes atteintes par conception, ce qui 
tient sans doute, dans le premier cas, à ce que les 
toxines sont en faibles proportions, à une époque 
où le fœtus a encore de petites dimensions, et dans 
le second, à ce que le passage des produits solu* 
blés dans le torrent circulatoire, précédant celui 
de l'agent pathogène, diminue la virulence de ce 
dernier. 

S'appuyant sur ces faits, Pellizari a pensé [Rif^ 
medicay 1893) que l'immunité des syphilitiques 
contre une nouvelle infection s'explique par l'an- 
tagonisme entre l'agent de la syphilis et ses 
toxines. Le sang du syphilitique contiendrait des 
matières immunisantes ou au moins atténuantes 
contre la syphilis acquise; D'où est venu à Pelli- 
zari l'idée d'injecter non du sérum d'animaux, 
mais du sérum de syphilitique arrivé à la période 
gommeuse. La dose employée sous la peau était 
de un demi à 1 centimètre cube [Giomale ital, 
fUelle mail, ven, è délia pelle^ nov. 1892); 



288 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

Tommasoli a reproché à cette nouvelle méthode 
de nécessiter la présence d*un syphilitique, qui 
donne son sang, à la période voulue, d'exposer 
à l'inoculation d'une autre maladie infectieuse 
que la syphilis, et à l'injection d'une syphilis plus 
ancienne, et partant plus virulente. 



VI 



Dans le Giornale ital. délia Mal. vir. e d, pelle 
(juin 1893, fasc. 2), Giuseppe Mozza, de la cli- 
nique dermosyphilopathique de l'Université de 
Cagliari, a essayé de contrôler les expériences de 
ses compatriotes. 

Dans une première série d'observations, il reti- 
rait le sang de la carotide d'un agneau ou d'un 
. chien de la façon suivante : il rasait la peau, 
lavait au savon de potasse, au sublimé à 2 p. 1000, 
à l'alcool absolu et à l'éther, ouvrait le vaisseau 
avec des instruments stérilisés et recevait le sang 
dans un cylindre de verre stérilisé, maintenu trans- 
versalement dans un mélange réfrigérant. 

Au bout de douze, seize, vingt-quatre, quarante- 
. huit heures, on verse le sérum au moyen d'ude 
pipette .dans une éprouvette stérilisée. On lave 
alors une capsule de porcelaine avec de l'eau sté- 
rilisée, on la stérilise à la flamme et on la place 
sous unjB cloche de verre stérilisée. Après refroi* 



SYPHILIS 289 

dissement du tout, on verse le contenu daQ3 4&. 
capsule le contenu de réprouvettei . • , 

Premier cas. -^ Chancre. dé consistance carti- 
lagineuse, sans éruption syphilitique.- Injieclîion 
de 44 centimètres cubes. Diminution de rindqi*i^- 
lion. ? 

Deuxième c«s. — 34 centimètres cubes de 
sérum. Aucune modification. . . ■ . .? 

Troisième cas. — Chancre dur avec pléiade 
inguinale, n*est pas modifié par 24 centimètres 
cubes. 

Quatrième cas. — Résultat négatif* 

Dans uiïe seconde série d'expériences, Mo2zlsi 
n'employa que le sérum de mouton sous la peau 
duquel il avait injecté journellement, depuis uh 
mois, 10 à 20 centiniètres cubes- dé séruiri d^ 
syphilitiques à* la période latente j n'ayant -pa's 
encore subi de traitement mercuriel, o'u ne Tayarit 
subi que depuis deux à trois mois. 

r - 

Premier cas. . — Chjancre dur^ avec engorge- 
ments ganglionnaires. 

. Du 1*^ au 10 août, injections de 4 à S centimètres 
cubes de sérum. Pas de résultat. 

Detixième cas.\ — Uréthrite purulente, chanci^ë 
dur aye^c pléiade inguinale. Injection du 15 avril 
au 18 mai. Moindre dureté du chancre, disparition 
presque entière du bubon. ' 

Troisième cas. — Siphilomè érdsif du scrotum; 

IMUUNISATION* 19 



290 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

20 centimètres cubes de sérum. Moindre dureté ds 
chancre ; pas de modification du bubon. Pas d'ac- 
cidents par suite de l'injection. 

Si ces résultats ne sont pas satisfaisants, Mozza 
a du moins démontré que l'emploi de précautions 
aseptiques permet d'employer la méthode sérum- 
thérapique sans qu'il en résulte aucune réaction 
locale ou générale. 

VII 

Depuis ces travaux, la question a fait du chemin 
en France, grâce à l'inspiration de M. le profes- 
seur Richet. Â la séance de la Société de biologie 
du 12 janvier 1895, il a présenté trois notes, 
Tune avec M. Héricourt, l'autre de M. Triboulet, 
la dernière de M. Héricourt, qui résolvent entiè- 
rement la question. 

Déjà, dès 1891, sur les conseils de M. Richet, 
M. le professeur Fournier employait le sérum de 
chien pour le traitement des lupus et syphilis 
graves, rebelles. 

M. Feulard a publié le résultat de ces essais 
dans le Bulletin de la Société française de der- 
matologie et de syphiligraphie (juillet 1892). 
Chez deux malades gravement atteints, le sérum 
avait particulièrement transformé l'état général. 

Depuis cette époque, Héricourt et Richet sont 
revenus au principe qu'ils avaient développé 



SYPHILIS 291 

depuis 1888, à savoir le renforcement de Timmu- 
nilé naturelle, chez Tanimal, par Tinfection expé- 
rimentale. Pour cela, ils ont injecté dans les veines 
d'un chien 20 centimètres cubes de sérum de 
syphilitique (chancre et éruption roséolique). Le 
sixième jour après Tinjection hypodermique de 
son sérum qui a été employé dans un but théra- 
peutique. 

Triboulet a rapporté l'observation d'une jeune 
femme de vingt-deux ans,, présentant des ulcéra- 
tions consécutives à des gommes, sans nulle ten- 
dance à la cicatrisation spontanée. Le traitement 
spécifique a été sans influence pendant 6 mois au 
moins. 

Le 10 décembre, on pratique 1 injection de 1 c. c. 

11 — -^ — — 

12 — — — 2 c. c. 

13 - — - — 

14 — — — 3 c. c. 

15 — — - _ 
Le 16, urticaire fébrile, avec symptômes géné- 
raux. 

A partir du 14, tendance à la cicatrisation, qui, 
le 10 janvier 1895, est presque complète. 

Amélioration remarquable de Tétat général 
(embonpoint, disparition d'un état antérieur d'ané- 
mie accentué). 

Héricourt a également indiqué les premiers 



29:2 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

résultats du traitement sérothérapique de la 
syphilis dans un cas de taches au début chez une 
ancienne syphilitique. 

La malade avait reçu, en 3 injections, 6 centi- 
mètres cubes de sérum. La céphalée nocturne, 
les douleurs gastralgiques, les vomissements et 
les douleurs fulgurantes des membres inférieurs 
ont disparu, et les douleurs occipitales se sont 
entièrement amendées. 



CHAPITRE XII 
FIÈVRE typhoïde 



1 



Le bacille typhique fut signalé, pour la pre- 
mière fois, dans le rein, par Bouchard (1879). 
Eberth l'étudia del880à 1881 etluidonna sonnom. 

Le bacille d'Eberth et ses cultures sont poly- 
morphes. C'est un petit bâtonnet de 2 à 3 |i. do 
long sur 1 jiL de large qui, lorsqu'on le cultive dans 
un bouillon simple, devient plus petit et beaucoup 
plus mince, et plus trapu lorsqu'il se développe 
sur gélose ou pomme de terre. La présence de cils 
vibratiles le rend très mobile. Il est à la fois aéro- 
bie et anaérobie. Cultivé en présence de fuchsine, 
il s'en empare et décolore le liquide (G. d'Abundo). 
. La résistance du microbe d'Eberth n'est pas très 
grande ; en effet, il ne résiste jamais à une tem- 
pérature de 60*^ pendant plus de vingt minutes en 
présence de vapeur d'eau. Par contre, il peut 
supporter pendant plus de trois mois une tempé- 
rature variant entre — 1<* et — 11^ (Pictet). 



294 IMMUNISATION ET SÊRUMTUÉRAPIE 

Getle alténuation peut aussi être facilemeiit 
produite par la lumière. Au bout de six à huit 
heures d'insolation (en mai) le bacille a perdu 
toute faculté reproductrice (Janowsky). 

L'action de Tacide chlorhydrique est plus rapide 
à la dose de 0,9 p. 100; il tue les bacilles ei> trois 
heures. 

Les vieilles cultures du bacille d'Eberth con- 
tiennent une ptomaïne très toxique, découverte 
par Brieger, la lyphotoxine. Outre cette toxine, 
le bacille sécrète une substance soluble, qui rend 
désormais le milieu impropre à sa pullulation et 
qui a la propriété de vacciner les animaux. On 
ne trouve jamais le bacille d'Eberth dans le sang. 

La survivance du bacille d*Eberth est considé- 
rable. Grancher et Deschamps ont montré qu'il 
vit pendant cinq mois et demi à une profondeur 
de 50 centimètres dans le sol humide. 

Les bacilles d'Eberth vivent mal dans l'eau ordi- 
naire, si Ton ne renouvelle pas de temps en temps 
la colonie par de nouveaux immigrants; elle 
périt ou prend des caractères morphologiques 
nouveaux. 

L'infection peut se faire par la voie pulmo- 
naire. 

Le microbe peut passer de la mère au fœtus. 

Le bacille typhique ne se rencontre jamais chez 
le cadavre dans aucun des organes où il pullule 
pendant la maladie (foie, rate, cœur, poumon. 



FIÈVRE TYPHOÏDE 295 

cerveau, etc.). Lorsque la maladie se prolonge, on 
peut trouver dans ces organes un microbe se rap- 
prochant beaucoup du bacterium coli commune. 

Le bacille d'Eberth est quelquefois pyogène. Ce 
fait a été démontré expérimentalement par Vinay 
et Roux, qui ont produit du pus séreux (bacille 
pur) en injectant une culture typhîque dans le 
tissu cellulaire sous-cutané du lapin. 

Il peut persister longtemps après la maladie, 
sous forme d*accidents locaux : abcès, vésicule 
biliaire, etc. 



II 



Toutes les espèces animales, sur lesquelles on a 
expérimenté, sont naturellement réfractaires à la 
fièvre typhoïde. 

Les premières tentatives dans ce sens datent 
de 1862, époque à laquelle Murchison tenta d'in- 
fecter un porc en mélangeant à ses aliments des 
excréments de typhique, sans succès d'ailleurs. 

En renouvelant ces expériences sur le lapin ^ 
Birch-Hirschfeld réussit à déterminer une maladie 
avec fièvre et diverses lésions anatomiques diffé- 
rentes de celles de la fièvre typhoïde. Les inocu- 
lations de sang typhique faites sur des hommes 
et des animaux échouèrent aux mains de Mpts- 
chinkoffsky. 

Jusqu'alors, on n'avait employé que des liquides 



S9d IMMUNISATION ET SÉRUMTHJÈRAPIE 

organiques infectés; les premières expériences 
faites avec des cultures pures datent de GafiTky. 
Cet auteur expérimenta sur de nombreuses espèces 
animales et n'eut que des insuccès. 

' Au contraire, Frankel et Summando obtinrent 
des résultats positif avec les cobayes, les lapins et 
les souris. Four Sirotimis la mort résultait d'une 
intoxication produite par les produits solubles 
que renferme le bouillon injecté. 

Vidal et Chantemesse ont repris ces expériences 
en se servant de microbes très virulents et de 
souris blanches. 

Sur 30 sujets, 17 moururent au bout de vingt- 
quatre heures, 10 après quarante-huit heures, un 
seul après trois jours. L'inoculation avait porté 
sur le péritoine. La mort n'arrive qu'au bout de 
dix à douze jours si l'injection porte dans le tissu 
sous-cutané. 

Le lapin est plus résistant que la souris ; la gué- 
rison arrive généralement au bout d'une quinzaine 
de jours. La terminaison fatale est rare. Ces résul- 
tats ont été confirmés par les recherches expéri- 
mentales de W. Cygnœus, Casser, Gilbert et 
Girode, etc. 



III 



Nous avons fait plus haut allusion au procédé 
de MM. Chantemesse et Widal qui permet d'obtenir 



FIÈVRE TYPHOÏDE 297 

une maladie à évolution uniforme (Chantemesse et 
Widal, Ann. de VInst. Pasteur, nov. 1892). Les 
mêmes auteurs ont ensuite étudié l'immunisation 
et la sérumthérapie (Idem). Un bouillon chauffé 
à 100® est privé de ses microbes, mais ses produits 
solubles ne sont pas altérés et %ont toxiques pour 
le cobaye. Suivant la dose injectée, le cobaye 
meurt ou, s'il survit, est désormais immunisé. 
Dans ce dernier cas, l'animal maigrit pendant une 
quinzaine de jours sous l'influence du virus, puis 
se rétablit. Cette immunité durable paraît être 
d'autant plus complète que la dose injectée a été 
plus considérable. 

Le sérum d'un cobaye ainsi vacciné peut con- 
férer l'immunité très rapidement , en quelques 
heures, à l'animal auquel on l'injecte. La quantité 
de sérum nécessaire pour immuniser est très 
faible : 2 centimètres cubes suffisent soit pour un 
animal de la même espèce, soit même pour un 
animal d'une espèce différente. 
- Chantemesse et Widal ont étudié l'action du 
sérum humain typhique sur des animaux. Un lapin 
inoculé avec une culture très virulente meurt en 
huit heures. Si on lui injecte du sérum humain, il 
recouvre la santé après huit jours de maladie. 
Pour voir si l'immunité était complète, les auteurs 
lui ont injecté de nouveau un virus très nocif , 
huit jours après son rétablissement. 

La mort survint en dix heures ; mais on ne 



*â98 IIOIUKISATION ET SÉBUMTHÉRAPIE 

trouva aucun microbe dans Torganisme; la mort 
avait été déterminée seulement par les produits 
solubles de la culture. 

Il en est de même avec le cobaye. Contrairement 
à rimmunité acquise par l'injection de produits 
solubles, rimmunité, que produit Tinjection de 
sérum, est passagère et ne dépasse ordinairement 
pas un mois. 



IV 



Ces expérimentateurs ont essayé l'action d*un 
sérum animal sur la marche de la fièvre typhoïde 
chez rhomme. Ils appliquèrent cette méthode à 
deux reprises différentes sur 2 malades. 

Une première injection de S5 centimètres cubes 
(en deux fois) du sérum d'un animal immunisé 
n'ayant pas été suivie d'amélioration, le deuxième 
malade reçut une dose beaucoup plus considé- 
rable : 180 centimètres cubes en deux jours. Ces 
injections furent bien supportées, mais échouèrent 
comme dans le premier cas. 

Ces insuccès tiendraient peut-être, selon les 
auteurs, au temps trop considérable qui s'écoule 
entre le début de l'infection et Tinjection de sérum, 
période de temps inconnue pour l'homme, tandis 
qu'elle peut être facilement mesurée chez l'animal 
sur lequel on expérimente. 

Un cobaye, ayant été infecté trente-cinq minutes 



FIÈVRE TYPHOÏDE 299 

auparavant, reçut du sérum d'un autre cobaye 
vacciné. La maladie ne se développa pas. Si on 
laisse s'écouler six heures avant d'injecter du 
sérum, la maladie est seulement ralentie dans son 
cours. 

Gomme nous l'avons déjà dit, le sérum humain 
peut remplacer dans ce rôle le sang de cobaye et, 
fait explicable, le sérum de certaines personnes, 
n'ayant jamais eu la fièvre typhoïde, possède 
pourtant des propriétés immunisantes à Tégard 
du cobaye. 

Stern, se fondant sur l'immunité que créait le 
sérum humain, espéra que l'on pourrait un jour 
utiliser cette propriété pour lutter contre la fièvre 
t-yphoïde. 



La réalisation de cette idée fut tentée par 
A. Hammerschlag, dans son service de Vienne, sur 
5 typhiques. Pour lui, le sang des convalescents 
contenait une substance capable de neutraliser le 
virais diphtérique. Chez 3 de ces malades, l'in- 
jection de sang n'amena aucun phénomène 
notable. Chez les S autres, il nota une diminution 
de la fièvre sans diminution de la durée de la 
maladie. L'un des 2 reçut une première injection 
de 40 centimètres cubes (sang de malade parvenu 
au trentième jour de sa convalescence) et une 



300 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

deuxième de 10 centimètres cubes (quatrième jour 
de Tapyrexie) ce qui fit descendre sa température 
de 40» à 35^2 et finalement à 39°. 

Chez le deuxième malade, la température 
tomba de 43° à 35°, puis remonta rapidement. 



VI 



Les dernières épidémies ayant amené Tattention 
du côté du typhus symptomatique, il était naturel 
de porter son attention sur la sérumthérapie de 
cette afiection, si voisine de la véritable fièvre 
typhoïde. 

C'est ce qu'a fait M. Legrain (Soc. de biologie, 
19 janvier 1895). 11 a pratiqué des injections de 
doses successivement croissantes de sérum de 
convalescents de typhus (2, 4, 6, 10 et 20 centi- 
mètres cubes). Leur effet le plus constant a été un 
abaissement de la température, proportionnel 
à la quantité injectée. Cet abaissement commence 
environ trois heures après Tinjeclion et atteint 
son maximum vers la quinzième heure. 

Douze centimètres cubes de sérum ont donné un 
maximum de 2°,3. Néanmoins, quarante heures 
^près l'injection, il y a recrudescence de la fièvre* 

Parfois, on voit la sécrétion urinaire augmenter 
dans la journée qui suit l'injection. 

La stupeur profonde, le coma et même une 



FIÈVRE TYPHOÏDE 301 

hémiplégie d^ordre toxique ont disparu huit à dix 
heures après une injection de 10 centimètres 
cubes. 

En somme, voici quels ont été les résultats des 
injections sur l'évolution du typhus : 

Dans un cas de typhus grave, Tinjection de 
14 centimètres cubes, au quatrième jour de 
raffection, a fait tomber la température et amené 
la guérison au bout de deux jours. 

Dans d'autres cas très graves, l'affection n'ayant 
été prise qu'aux sixième et huitième jours, n'a pas 
été abrégée, mais a été soulagée. 

Legrain recueillait le sérum sur des conva- 
lescents de typhus, ne présentant plus de symp- 
tômes fébriles depuis une semaine. 



VII 

S'appuyant sur ce fait qu'une première atteinte 
de typhus met généralement à l'abri d'une seconde, 
Stem a également cherché {Zeit, f, Hyg. und/ 
Inf., t. XVI) si le sérum d'individus guéris pos- 
sédait des propriétés immunisantes* Les expé- 
riences ont porté sur des souris et des cobayes. 
Dans 8 cas, il a recueilli le sérum deux à vingt-^ 
six jours après la cessation de la fièvre ; il a obtenu 
6 fois un résultat positif. Dans S cas, le sérum ^ 
récolté un à dix mois après la maladie, a donné 



3M UOIUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

3 résultats positifs.- Dans 2 cas, il n'a pas trouvé 
de propriétés immunisantes ml sérum recueilli 
dix mois après. Chose curieuse, c^eel surtout chez 
les individus morts de typhus qu'elles acwi les 
plus actives. 

Les cultures typhiques étant aussi virulentes dans 
le sérum immunisé que dans le sérum ordinaire, 
on ne peut invoquer ici une action bactéricide de 
ce sérum. Le sérum immunisé n'a pas non plus 
une action antitoxique manifeste, ainsi que l'a 
vu l'auteur en injectant aux animaux un mélange 
de sérum et de cultures stérilisées par la chaleur. 

Stem pense donc que le sérum agit peut-être 
comme un ferment ayant pour résultat non de 
neutraliser les produits bactériens, mais d'amener 
dans l'organisme des modifications, lui permettant 
de résister aux microbes. 



CHAPITRE XIII 
INFLUENZA 

I 

Les premières recherches microbiologiques sur 
rinfluenza datent de Tépidémie de 1889-1890. Les 
expérimentateurs ne constatèrent alors, dans 
les crachats et les viscères, que des microbes vul- 
gaires, microbes fréquentant habituellement la 
cavité bucco-pharyngée et devenus virulents : 
streptocoque (Soc. méd. des Hôpitaux, 24 jan- 
vier 1890, Bouchard, Yaillard, Vincent, du Gazai, 
Laveran, Ghantemesse, Widal), le pneumonoque 
(Ménétrier, 1886, Weichselbaum et Netter), le 
pneumo-bacille de Friedlaender (Letull^ et Freizer, 
James), le staphylocoque (Bouchard). 

Gette multitude de microbes, que Ton retrouve 
dans les crachats, pourrait faire penser que la 
grippe n'est pas due à un microbe, mais à 
plusieurs. 

Malgré cela, la plupart des microbîologistes 
pensent que ces microbes nesont que le fait d'une 



804 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

iafection secondaire et que le véritable agent de 
rinfluenza est encore inconnu. . 

Beaucoup de savants crurent avoir isolé ce 
microbe spécifique : Otto Seifferl (de Wurtzbourg) 
dans les crachats (microbes en chaînette), Klebs 
{Centralh. Bakt., t. VII, 1890), dans le sang 
(microbe flagellé), Kowalsky (deux nouveaux ba- 
cilles et un microcoque), Babès (deux bactéries^ 
dont Tune pâle encapsulée, Centralh. Bakt.y 
p. 8, 18, 19), Jolies {Zur jEtiologie der Influenza^ 
Wiener med. Blatter^ n® 4, 1890), Kirschner ont 
décrit chacun un microbe encapsulé ; Kruse, Pau- 
sini, Pasquale [Studien ûber die Influenza^ Cen- 
tralh. f. Bakt., t. VII) ont rencontré, dans 80 ca», 
des streptocoques et un diplôcoque spécial. 

Arloing {Lyon médical, 20 nov. 1892) a décrit 
un bacille éberthiforme ; Cornil et Chantemesse 
(Ac. de Médecine, 9 février 1892. Pour Thistorique 
détaillé voir Jarron, Thèse de Bordeaux^ 1891) 
ont trouvé un bacille dans le sang, bacille patho«> 
gène chez le singe et le lapin. 

II 

De tous ces travaux, une seule chose persiste < 
rimportance considérable des infections secon-, 
daires dans le cours de l'influenza. 

Toutes ces recherches étaient destinées à un 
insuccès complet, car ks auteurs avaient employé 



INFLUENZA 308 

dans letirs recherches lés méthodes ordinaires de 
coloration, méthodes incapables, ainsi que cela 
a été démontré plus tard, de déceler Tagent spéci- 
fique de la grippé. 

La première chose à faire pour arriver à ce 
résultat était donc de créer une nouvelle technique : 
Pfeiffer la trouva. 

Gela une fois fait, la voie était ouverte et de 
nombreux savants ne tardèrent pas à s'y engager. 

Ce fut d'abord Kilasato* (Soc. de méd. int. de 
Berlin, janv. 1892) qui isola et cultiva un microbe 
identique avec celui de Pfeiffer. Puis Canon (Soc. 
de méd. int. de Berlin, janv. 1892) qui croit, con- 
trairement à Pfeiffer, que ce microbe se trouve 
surtout dans le sa;ng, puis Weichselbaum {Wiener 
klin. Wochenschr., n°» 32 et 33); puis Hubef 
(Zeitsch, f. Hyg.^ t. XIÏI) et Klein [Local govern- 
ment Board further reports, 1889-1892); Ghiari 
(Prag. med, Woch,, 1893), qui, sur trois cas, le^ 
troufa une fois associé au pneumocoque; pui^ 
Pribram {Prag, med. Woch,, 1893), dans 27 cas, 
Boschardt {BerL klin, H^ocAenscAr. , janv. 94)^ 
3o fois sur 50; ces deux auteurs, ne l'ont Constaté 
que pendant les premiers jours de la maladie ; 
puisBielicke {Berlin, klin, Woch,,n'' 23, juin 1893) 



* Deuhcke mediciimche Wochenschrifty li janv. 1892. 
Zeitschr. f. Hyg. InfekL, XIÏ ; Hyg, Hundsch, III, n*» 14 
juillet 1893. Voir aussi deux revues générales dans les 
Annales de Vlnstitut Pasteur sur l'influenza, 1893 et 1894. 

IMMUNISATION 20 



306 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

qui risola et le cultiva IS fols sur 35, dans les 
Crachats, enfin, Pfûhl {Centralb, f. Éackter., 1892), 
s'élèvent contre les conclusions de PfeifTer tout en 
décrivant un bacille de la grippe très semblable 
à celui de ce dernier auteur. 

En France, les recherches dans ce sens man* 
quent totalement; cependant la plupart des micro- 
biologistes, notamment Metchnikoff, admettent 
Jes conclusions de Pfeiffer. 

III 

Le microbe de Pfeiffer, que Ton trouve en 
abondance dans les crachats, ne se cultive bieii 
que dans un milieu nutritif additionné de sang 
de provenance quelconque, de préférence depi-t 
geon, en raison de la richesse' de ces derniers en 
hémoglobine (Huber). C'est un filament très grêle 
deux à trois fois plus long que large, à extrémités 
arrondies, et se groupant volontiers deux à deux, 
ce qui l'a fait prendre quelquefois pour un diplo- 
coque. Il forme de petites colonies incolores ne se 
confondant jamais les unes avec les autres (Pfeiffer, 
puis Kitasato). Il ne se développe pas sur la 
gélatine solide, et est exclusivement aérobie. Il ne 
peut vivre qu'entre 26 et 42^. Dans l'eau distillée, il 
meurt au bout de vingt-quatre heures, et dans, un 
milieu convenable il est nécessaire de l'ensemencer 
tous les huit jours pour pouvoir le conserver. 



INFLUENZA. 307 

Lorsqu'il est desséché, sa vitalité est encore 
amoindrie; en effet, chauffé dî^ns cet état à 37®, il 
meurt en une heure ou deux (huit heures à la 
température ordinaire) et à 60° en quelques mi- 
nutes. Des crachats desséchés depuis trente à 
quarante heures sont incapables d'ensemencer 
un bouillon. 



IV 



Les animaux ne contractent pas spontanément 
Pinfluenza. Cependant, la salive des chats et des 
chiens contient un bacille pathogène pour le 
ktpin et dont les cara,ctères, décrits par Fiocca (de 
Berne), sont fort voisins de ceux des bacilles dé 
Pfeiffer. 

Les singes et les lapins contractent Tinfluènza 
lorsqu'on leur injecte une culture pure (Pfeiffer). 
Si la dose est faible, l'animal a de la dypsnée, de 
la fatigue musculaire et de la fièvre. Si la dose est 
élevée, on trouve un affaiblissement croissant et 
un abaissement de la température qui se terminent 
par la mort. 

Chez le singe, lorsqu'on a choisi la trachée, 
comme voie d'entrée, l'animal meurt au bout de 
sept jours avec des abcès pulmonaires, mais sans 
bacilles dans le sang. 

Chez l'homme, la voie de pénétration la plus 
fréquente de ce microbe est le poumon où il 



3^8 IMMUNISATION ET SÉRUMTUERAPIE 

détermine souvent des lésions de broncho-pneu- 
monie guppurée (Pfeiffer, Chiari). 

Lesphénomènes généraux qui donnent Tinfluenza 
seraient duâ, pour Pfeiffer, à une intoxication, 
Je microbe étant localisé; pour Gaucb, au con- 
traire, ils seraient dus à la présence dans tous les 
organes du microbe que cet auteur croit disséminé 
dans le sang. 

Les travaux plus récents de Klein et de Huber 
semblent confirmer les idées de Pfeiffer. 



Alexandro Brischettini {Riforma med,, 19 juil- 
let 1893) a constaté que le bacille de Pfeiffer 
n'était pas gêné dans son développement par 
Taction du sérum d'animaux immunisés contre 
rinfluenza. L'action de ce sérum se borne a 
diminuer la toxicité des produits solubles. Un 
animal immunisé par une injection de ces produits 
solubles voit son immunité augmenter parTinjec- 
tion d'une culture. 

L'injection de sérum d'un animal immunisé 
neutralise m vitro, l'action des toxines que sécrète 
le bacille et détermine, chez l'animal sain, rim- 
munité soit contre une infection, soit contre une 
intoxication. Il est donc certain qu'on peut, à 
l'avenir, utiliser ce sérum à la fois comme agent 
vaccinal et curateur. 



CHAPITRE XIV 

VENINS 

I 

Phisalix et Bertrand ont entrepris tout récem- 
ment sur Timmunisation contre les venins une série 
de brillantes recherches, que TAcadémie des 
sciences a justement couronne'es, en décembre 
dernier, du prix Montyon. 

On savait déjà depuis longtemps que certains 
animaux jouissent d'une immunité naturelle vis-à** 
via de leurs propres venins. 

Les auteurs, ayant d'abord démontré la présence 
du venin de crapaud dans son sang, ont pensé que 
rimmunité de cet animal tenait à une accoutu- 
mance. 

Us ont étendu ce même fait à la salamandre et 
à Ta vipère. 

Cette relation entre la composition du sang et 
la présence de glandes venimeuses est une preuve 
de plus en faveur de la sécrétion interne des 
glandes. 



310 nmUNISATION ET SÉRUMTnÉUAPIË 

Fontana avait depuis longtemps montré que la 
couleuvre résista au venin de la vipère, et pour- 
tant, elle n*est pas connue comme venimeuse. Les 
expériences de Phisalix et Bertrand ont montré que 
cette exception n'était qu'apparente, et la toxi- 
cité du sang de couleuvre coïncide avec la pré- 
sence de glandes venimeuses homologues de celles 
de la vipère. 

L'idée d'une analogie entre les virus et les 
venins découlait de la notion des poisons solubles 
microbiens, mise en lumière par Ghauveau. Elle 
a été prouvée expérimentalement par Phisalix et 
Bertrand. 

Ces auteurs ont différencié dans le venin de vipère 
2 principes toxiques : Téchidnox et Téchidno- 
toxine. Le premier, agissant localement, résiste peu 
à Tébullition. Le second agit surtout sur le système 
nerveux vaso-moteur. Une très courte ébullition 
ne le détruit pas, mais la chaleur l'atténue plus ou 
moins suivant Tintensité et la durée du chauffage. 



II 



Phisalix et Bertrand ont vu (Société de biologie, 
10 février 1894) que le venin de vipère chauffé 
cinq minutes à 100<> perd la plupart de ses pro- 
priétés. A 78°, la destruction n'est que partielle. 
Un chauffage de quinze minutes à 75** équivaut 
à celui de cinq minutes à 100°. 



VENINS 3H 

Une dose mortelle du venin ainsi préparé 
peut impunément être injectée à un cobaye de 
500 grammes. Mais, il a acquis, une propriété 
nouvelle; il vaccine contre Tinoculation ultérieure 
d'une dose mortelle de venin ordinaire , soit 
3 dizièmes de milligramme. Phisalix et Bertrand 
ont nommé le venin ainsi modifié échidno-vacçin. 

Cependant, Tétat vaccinal n'est pas le résultat 
de la circulation d'une matière vaccinante; il 
n'apparaît que quarante-huit heures après l'ino- 
culation. Il est donc produit par une réaction de 
l'organisme. 

11 se passe en somme pour les venins ce que 
Courmont et Doyon ont montré pour les cultures 
stérilisées de tétanos. Il y a une période d'incu« 
bation. 



III 



La réaction de Torganisme entraine la formation 
d'antitoxine^ qui, injectée à un animal sain, le 
préserve contre une inoculation mortelle. 
. Si on mélange, en effet, du venin pur avec du 
sérum de cobayes immuriisçs, et qu'on l'inocule 
dans le péritoine d'un cobaye normjal, on n'obtient 
aucun effet. Donc, ce sang est doué d'un pouvoir 
antitoxique ; 3 dixièmes de milligramme sont neu- 
tralisés par 3 centimètres cubes de sang immu- 
nisant. 



912 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIB 

Commeilt se produit l'antitoxine? Les auteurs 
pensent qu'elle est due à une réaction chimique 
entre Téchiduo-vaccin et l'un des principes du 
sang. En effet, un mélange de sang normal et 
d'échidno-vaccin, après quarante-huit heures de sé- 
jour à Tétuve, possède une action antitoxique nette. 

L'année dernière, également (Soc. de biologie et 
Ac. des sciences), Calmette a pu réaliser l'accou- 
lumance au venin de vipère par l'inoculation pro- 
gressive de doses croissantes, ce que d'ailleurs 
Kauffmann avait déjà fait. 

Il a neutralisé l'action de ce venin par un trai- 
tement au moyen des solutions de chlorure d'or 
au 1 centième et même par les solutions ordinaires 
d'hypochlorite- Enfin, il a constaté que le sérum 
d'un lapin vacciné contre le venin de vipère 
permet, lorsqu'on en injecte 4 centimètres cubes 
une heure et demie avant ce venin, de neutraliser 
complètement son effet. Chose curieuse, cette ino- 
culation préventive avec le sérum de lapins ino- 
culés contre le venin de vipère les immunise 
aussi contre le venin de cobra. 

Calmette a consacré à l'étude des venins un 
important mémoire dans les Annales de rinst. 
Pasteur (mai 1894). Il a même annoncé qu'il avait 
employé le sérum pour le traitement de l'intoxica* 
tion par le venin de serpents chez Thomme et 
qu'il avait réussi à guérir des morsures par cette 
méthode. 



CHAPITRE XV 
CHARBON 

I 

Nous avons' au cours des précédents chapitres 
signalé les nombreux travaux relatifs à cette ma* 
Iadie« Depuis les travaux de Bouchard, elle est 
devenue une maladie d*étude, et a servi à Tédifi- 
cation des intéressantes théories relatives à Tatté- 
nuation et à la vaccination. 

On sait qu'elle est causée par un microbe, dési* 
gné par Davaine sous le nom de bactéridie char* 
bonneuse, et qui rentre dans le genre bacille 
(baciilus anthracis). 

Elle se présente sous trois aspects différents. Dans 
le sang, elle revêt la forme de bâtonnets cylin- 
driques, homogènes, plus courts chez le bœuf que 
che2 le cobaye et la souris, plus longs chez les 
rongeurs que chez Thomme. Chaque bâtonnet est 
généralement isolé. Mais on en voit parfois des 
chaînettes de 2 à 4 ou 5. Un fort grossissement 
montre que leur proloplasma est homogène et 



314 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

que ces microbes sont souvent entourés d'un espace 
clair, qu'on a considéré comme une capsule. Enfin 
ils sont quelquefois renflés et élargis à leur extré- 
mité; mais toujours, ainsi que Koch Ta montré, 
ils sont coupés carrément. Ce caractère permet 
de les distinguer du bacillus subtilis, que Ton 
trouve dans les infusions du foie, dans le corps 
des animaux. 

La bactéridie charbonneuse prend, lorsqu'on 
la sème sur les milieux de culture usuels, une 
forme allongée. 

Parfois, elle s'étire en longs filaments enchevê- 
trés, constitués par du protoplasma homogène, 
entourés d'une faible gaine hyaline, et dans la 
plupart desquels on voit le protoplasma divisé en 
segments réguliers et distincts. 

Dans les milieux de culture, ces Qlaments ne 
tardent pas à donner des sports endogènes, qu'il 
est facile de voir en colorant les préparations à la 
fuschine après un chauffage assez élevé, les déco- 
lorant à l'alcool, et les recolorant par le bleu de 
méthylène. On voit les filaments colorés en bleu, 
et les spores en rouge, 

La bactéridie charbonneuse se développe facile^ 
ment dans les milieux habituels, pourvoi que leur 
réaction soit neutre ou légèrement alcaline, et que 
l'oxygène y ait un accès facile. 

Dans le bouillon, la bactéridie végète sous forme 
de petits grumeaux suspendus dans le liquide qui 



CHARBON 315 

reste clair. Après quelque temps, ils tombent au 
fond et se désagrègent. 

Quand on sème la culture par une piqûre sur 
un tube de gélatine, on voit se développer une 
bande blanchâtre donnant naissance à de petits 
filaments, qui deviennent bientôt floconneux. 

Sur Tagar, il donne une traînée blanchâtre , 
épaisse. Sur une plaque de gélatine il présente au 
bout de deux ou trois jours Tapparence d'un 
disque arrondi, constitué par un tissu et des flo- 
cons de filament. 



Il 



Tels sont les principaux caractères de la bacté- 
ridie charbonneuse, contre laquelle on a égale- 
ment fait des tentatives de sérumthérapie. 

Agota et Josahura (Comptes rendus de l'Univer- 
sité japonaise, juin 1890) ont vu que les bacilles 
du deuxième vaccin ayant végété dans le sang de 
grenouilles, rats blancs, chiens immunisés contre 
le charbon, sont inoffensifs pour la souris. 

Serafini et Enriquez {Ann, de. L Instit, d'Igiene 
sperim. de Rome; Hy g. i2wndcA.,t.n,25sept.1892) 
ont institué sur 24 lapins, 37 souris domestiques, 
14 souris blanches, 46 cobayes, des expériences 
contradictoires. 

Ils ont injecté sous la peau, dans le péritoine et 
les veines de ces 121 animaux du sang de chiens, 



316 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIË 

rats, poules, grenouilles, crapauds, tortues 
lézards, vaccinés contre le charbon. Au cobaye et 
au lapin ils ont inoculé quelques centimètres cubes 
à 40 centimètres cubes, à la souris quelques gouttes 
à 1 centimètre cube. Ce sang était tantôt addi- 
tionné de solution salée physiologique, tantôt défi- 
briné, tantôt inoculé seul. 

On injectait le charbon, soit après l'inoculation 
du sang, généralement au bout de quelques 
heures, une fois quinze jours après la dernière, 
soit en même temps et quatre heures avant. 

Dans tous ces essais, les animaux sont morts et 
les caractères de Tinfeclion n'ont pas été modifiés. 



CHAPITRE XVI 
STREPTOCOCCIE 

I 

C'est mtentionnelleinent que nous avons main- 
tenu le chapitre de la seplicémie, car s'il existe 
une série d'affections où l'on rencontre le strepto- 
coque, l'accord n'est pas encore fait sur l'unicité 
de ce micro-organisme. Pour les uns, il s'agit tou- 
jours de la même bactérie, qui se traduit par des 
modalités morbides variables; pour d'autres, la 
morphologie du microbe ne signifie rien et on ne 
doit compte que des manifestations cliniques, qui 
prouveraient qu'on n'aurait pas toujours affaire à 
un même agent pathogène. 

Quoi qu'il en soit de cette opinion, l'on a traité 
par le sérum d'animaux immunisés avec du 
streptocoque des malades atteints de différentes 
affections dans lesquelles on retrouve le strep- 
tocoque. C'est le résultat de ces expériences si 
intéressantes que nous allons relater dans ce cha- 
pitre. 



318 IMMUNISATION ET SÉRUMTOÉRAPIE 



II 



Deux méthodes bien différentes ont été utilisées 
pour obtenir rimmuoité streptococcique : 1® celle 
do M. Marmorek; 2° celle de M. Roger. 

M. Marmorek ensemence le streptocoque sur un 
milieu spécial très favorable, composé de deux 
parties de sérum humain et d'une partie de bouil- 
lon peptonisé, ou bien encore d'une partie des 
liquide ascitique ou pleurétique et de deux parties 
de bouillon, ou bien encore de deux parties de 
sérum de cheval et d'une partie de bouillon. Il 
exalte la virulence du microbe en Tinoculànt à un 
animal sensible à dose assez élevée pour entraîner 
k mort. Avec le sang pris dans le cœur de cet 
animal, on ensemence du bouillon qui est inoculé 
à un deuxième animal. On recommence ainsi plu- 
sieurs fois jusqu'à ce qu'une dose infinitésimale 
tue rapidement une souris ou un lapin. Une fois 
cette exaltation obtenue, on utilise ce streptocoque; 
très virulent pour immuniser les animaux. 



III 



« Le procédé d'immunisation, dit M. Marmorek, 
consiste à injecter, sous la peau, d'abord des doses 
faibles de culture d'un streptocoque extrêmement 



STREPTOCOCCIE 319 

actif et à répéter les injections quand ranimai est 
rétabli, en augmentant successivement là quan- 
tité de façon que chaque inoculation soit suivie 
d'une réaction énergique. 

« Chez les animaux très sensibles, comme Tâne, 
il vaut mieux ne pas débuter par les cultures les 
plus virulentes. Celles-ci sont faites de préiférence 
dans le mélange de bouillon et de sérum humain; 
mais, lorsqu'il en faut de grandes quantités, nous 
employons le milieu ascite-bouillon ou le bouil- 
lon-sérum d'âne. Lorsque à défaut de sérum d'âne^ 
nous avons utilisé celui de cheval, le streptocoque 
a aussitôt baissé de virulence et donné des réac- 
tions inoins fortes aux animaux. 

« Une opinion commune est que les grands ani- 
maux sont peu sensibles à l'action du strepto- 
coque ; cela est vrai pour les streptocoques, même 
les plus actifs, que l'on trouve dans les labora- 
toires, mais non pour ceux que nous avons utili- 
sés. 

€ Le mouton paraît mieux supporter les inocula^ 
tions de streptocoque que le cheval et surtout que 
l'âne ; sa température monte moins haut et revient 
plus vite à la normale. Cependant, il éprouve à 
chaque injection un malaise plus prolongé, il mai^ 
^rit d'une façon notable ; de sorte que, pour l'im- 
muniser, ri faut un temps très long. Aprèâ dix 
mois, Un mouton qui avait reçu 1,300*^'^ de culture 
fournissait un sérum actif. Nous avons renoncé à 



320 IMMUNISATION ET SÉROMTOÉRAPIE 

préparer d'autres animaux de Tespèee ovine, parce 
qu'ils donnenf. peu de sérum, et que celui-ci, inr 
jecté à l'homme, est douloureux et cayse souvent 
des érythèmes. 

« Immunisation de l'âne. — L'animal mis 
d'abord en expérience est une jeune ânesse pesant 
110 kilogrammes. La première injection, faite à 
l'encolure, de 0^^,05 d'une culture tuant le lapina 
la dose de 0<^%001, amena une réaction intense, La 
température atteignait 41**,4 en douze heures; un 
œdème dur et saillant déformait l'encolure et le 
membre antérieur ; pendant deux jours, l'ânesse 
parut gravement malade. La température tomba 
le troisième jour, et l'œdème avait disparu après 
une semaine. Rendu prudent par ce premier essai, 
nous fîmes encore deux injections avec 0<5'',05 ; 
l'ascension de la température fut moins forte et 
moins brusque, l'œdème moins étendu. A la sixième 
injection, qui fut de 0*^*^,3, un petit abcès se forma 
après la disparition de l'œdème. L'ânesse supporta 
ensuite, sans réaction trop forte, des doses de 1 
et 2 centimètres cubes. Mais l'inoculalion de 3 cen- 
timètres cubes d'un virus très fort fît monter la 
température à 40°, 2. La défervescence s'établit 
lentement, et le quatrième jour il y eut une pous- 
sée de fièvre. Lorsqu'on augmente les doses de 
virus ou qu'on donne un virus plus fort, la fièvre 
se prolonge, et souvent le troisième jour elle s'at- 



STREPTOGOCaE 321 

ténue, comme dans une fausse crise, pour re- 
prendre ensuite. 

« En cinq mois, Tânesse reçut à peine 120 centi- 
mètres cubes de culture, en douze fois; la violence 
des réactions exigeant des temps de repos entre 
chaque inoculation. A ce moment, le sérum était 
très efficace et donna de bons effets chez l'homme. 

« Immunisation des chevaicx^. — Le cheval 
supporte mieux que l'âne l'inoculation du strepto- 
coque. La sensibilité des divers chevaux est assez 
variable ; un des animaux, parmi les plus résis- 
tants que nous ayons rencontrés, reçut, sans grand 
malaise, des injections de 0<^<^,75etméme de 2cen- 
timètres cubes de culture, elles déterminèrent 
seulement un peu d'œdème. Avec 5 centimètres 
cubes, la température monta au-dessus de 39'\ 
pour descendre bientôt. Les réactions prolongées, 
avec fausses crises et redoublement de fièvre, 
apparurent lorsque les doses inoculées furent de 
40 centimètres cubes et au-dessus. 

« Chez les chevaux sensibles, un seul centimètre 
cube élève la température à 40® et même au-des- 
sus; l'œdème est plus étendu et l'inappétence 

i Avant de mettre un animal en expérience, nous lui reti' 
rons du sang et nous recherchons si le sérum n'a pas 
quelque action préventive vis-à-vis du streptocoque. Sur 
18 animaux, nous n'en avons trouvé aucun dont le sérum 
normal eût une inQuence quelconque sur Tinjection strep^ 
tococcique. 

IMMUNISATION. 21 



32-2 IMMUNISATION ET SÉRUMTDÉRAPIE 

plus proloQgée. Pour obtenir un sérum efficace, 
il nous paraît nécessaire de provoquer ces réac- 
tions énergiques. Malgré la virulence extrême du 
streptocoque qui nous a servi dans ces expé- 
riences, il a fallu beaucoup de temps pour ame- 
ner un cheval de grande taille au degré d'immii- 
nîsation convenable à la production d'un bon 
sérum. Vers le sixième mois, lorsque l'animal a 
reçu près de deux litres de culture, le sérum est 
efficace pour préserver les lapins contre nos cul- 
tures virulentes, mais nous estimons qu'une année 
entière n'est pas de trop pour faire d'un cheval un 
excellent fournisseur de sérum thérapeutique. Au 
fur et à mesure des injections, Tânimal s'accou- 
tume à l'action* du streptocoque, car il réagit 
moins lorsqu'on injecte plusieurs fois de suite la 
même dose de culture. Pour peu que Ton aug- 
mente celle-ci, la fièvre intense apparaît de nou- 
veau, et c'est précisément parce qu'il est possible 
d'exciter, pouf ainsi dire indéfiniment, la réaction 
de l'organisme, que nous avons l'espoir de pro- 
duire des sérumsbeaucouppluseffîcaces encore que 
ceux que nous possédons actuellement. Mais l'intro- 
duction, en un seul endroit, de centaines de cen- 
timètres cubes de culture, peut causer des œdèmes 
énormes, lents à se résorber et se terminant par 
suppuration. Celle-ci sera évitée en injectant cette 
grande masse de virus, en plusieurs piqûres, éloi- 
gnées Tune de l'autre. Il est vrai que l'injection 



STREPTOCOCCIÊ 323 

V 

intraveineuse permettrait de faire pénétrer d'un 
«eul coup ce volume considérable de culture ; 
nous n'avons pas encore osé Pessayer, de peur de 
provoquer une phlébite qui nous priverait d'une 
des jugulaires de ranimai. 

<c Le premier cheval qui nous ait fourni un 
sérum thérapeutique est une jument de petite taille 
(poney) du poids de 240 kilogrammes. Pour tâter 
sa sensibilité, on lui injecta d'abord un millio- 
nième de centimètre cube, puis cinq millionièmes 
et ainsi graduellement jusqu'à lcc,50. La fièvre fut 
presque nulle. La température dépassa 39*. Avec 
5 centimètres cubes, elle atteignit 40®, avec redou- 
blement et réaction prolongée à la douzième ino- 
culation, qui fut de 65 centimètres cubes. Le po- 
ney reçut ainsi, en cinq mois, treize injections, 
soit en tout 195 centimètres cubes de culture. Le 
sérum retiré alors donna des résultats satisfaisants. 
Aujourd'hui, cet animal est notre meilleur pro- 
ducteur de sérum, après avoir supporté 600 cen- 
timètres cubes de virus. » 

Roger immunise les animaux d'après la méthode 
de Behring. Il injecte aux animaux des bouillons 
de streptocoques très virulents chauffés et filtrés 
sur porcelaine. En somme, il leur injecte des 
toxines streptococciques et il arrive ainsi beaucoup 
plus rapidement à rendre réfractaires des ani- 
maux qui fournissent un sérum aussi antitoxique 



3â4 IMSIUNISATION ET SÉRUMTHERAPIE 

que celui obtenu par la méthode Marmorek et 
dont rinoculation est beaucoup moins dange- 
reuse* 



IV 



On a eslimé la puissance anlitoxique du sérum 
antistreptococcique sur la quantité préventive né- 
cessaire pour vacciner un animal qui devient 
insensible à Tinfection streptococcique, ou bien 
suivant la quantité de sérum nécessaire pour gué* 
rir un animal infecté. On a même établi des cal- 
culs sur cette puissance, mais nous supposons à 
la vérité que cette arithmétique est fausse presque 
constamment et n'est que relative. 

Gomme nous l'avons dit plus haut, nombreuses 
sont les affections où Ton rencontre le strepto- 
coque. Nous allons passer en revue un certain 
nombre d'entre elles où ce microbe pathogène est 
spécifique ou bien où il joue le rôle prédomi- 
nant. 

Nous devons placer en tète de ces maladies, Té- 
rysipèle contre lequel M. Ghantemesse a employé, 
dans un très grand nombre de cas, le sérum anti- 
streptococcique. L'observation a porté sur 501 ma- 
lades. La dose ordinaire, par malade, varie entre 
20 et 40 centimètres cubes injectés en une ou plu- 
sieurs fois. M. Ghantemesse a cependant inoculé à 



STREPTOCOCCIE 325 

un homme atteint de pleurésie purulente, 300 cen- 
timètres cubes de sérum sans provoquer des acci- 
dents. 

€ Les effets du sérum se font sentir sur la lésion 
érysipélateuse et sur l'état général du malade. 
Localement, on constate le plus souvent, dans les 
vingt-quatre heures, plus rarement au bout de 
deux à trois jours une diminution marquée de la 
rougeur, du gonflement et de la douleur. La des- 
quamation est hâtée e\ se fait en écailles épider- 
miques assez épaisses. La suppuration est rare. 
Lorsqu'elle existe, elle diminue et disparait rapi- 
dement. L'état général s'améliore rapidement, 
quelques heures après l'injection du sérum. La 
fièvre s'abaisse en quelques heures. Le pouls dimi- 
nue de fréquence. Il n'y a pas de rechute ou des 
récidives bénignes. > (Chantemesse.) 

Grâce à la sérothérapie, on n'a eu que 3,87 p. 100 
de décès ; il est vrai que l'érysipèle, traité par les 
méthodes habituelles, n'est pas une affection très 
meurtrière; la mortalité ne dépasse guère 5 p. 100, 

M. Richardière a rapporté un cas d'érysipèle 
bénin traité par 10 centimètres cubes de sérum 
antistreptococcique. Huit jours après l'injection, 
la malade, guérie de son érysipèle, eut une érup- 
tion d'éry thème d'apparence hémorragique, sem- 
blable à certains érythèmes toxiques. 



326 IMMCNISATION ET $ÉRU1ITUÉRAPIE 



On a également utilisé le sérum antistreptococ- 
cique contre la fièvre puerpérale. Charrin et Roger 
ont fait les premières tentatives de ce genre. 
Voici comment ils ont préparé leur sérum cura- 
tif: 

Des cultures de streptocoques de Térysipèle ont 
été faites dans du bouillon; au bout de dix jours, 
le liquide a été concentré au bain-marie et réduit 
au dixième de son volume ; on l'a ensuite porté 
à Fautoclave à 115®, sans l'avoir filtré; de cette 
façon, on conservait les cadavres des microbes et 
leurs toxines. Le mulet a reçu dans une veine, à 
quinze jours d'intervalle les unes des autres, 8 in- 
jections de 30 centimètres cubes chacune; on a 
donc introduit en tout 240 centimètres cubes 
représentant 2,400 centimètres cubes de culture 
stérilisée. C'est avec le sérum provenant de cet 
animal immunisé que les expérimentateurs ont 
inoculé une femme atteinte de septicémie puer- 
pérale, qui a guéri avec 33 centimètres cubes dé 
ce sérum. Une autre malade, -soignée à la Mater- 
nité de Paris, reçut 96 centimètres cubes du 
même sérum et guérit également. D'autres cas 
heureux ont été observés par MM. Josué et Herr 
mary, le D"^ Jaquot de Creil, M. Pinard, qui ont vu 
guérir des malades atteintes de septicémie puerpé- 



STREPTOCOCCIE 327 

raie, grâce au sérum de Charrinet Roger. M. Pif 
nard rapporte deux autres cas où le sérum n'a pas 
eu d'action ; il est vrai qu'il s'agissait de complica- 
tions graves : une pneumonie chez Tune des accour 
chées et une rupture de l'utérus chez l'autre. r 

M. Marmorek a pratiqué l'inoculation de son 
sérum dans 16 cas de fièvre puerpérale, avec 
5 morts. 

M. Charpentier a pu réunir 40 observations où 
le nouveau traitement fut essayé. Elles ont 'été 
relevées par les cliniciens suivants : 4 de M. Bu- 
din;3 de M. Porak; 2 de M. Maygrier; 16 de 
M. Bar; 4 de M. Ribemont; de M. Gaulard ; de 
M. Vinay, etc. Elles ont donné 22 guérisons^ 
17 morts et un résultat nul,; ce qui forme une 
statistique de 42,5 p. 100 de morts, statistique peu 
encourageante et peut-être moins brillante que si 
on avait employé la thérapeutique obstétrical^ 
habituelle. Mais ce qui est très grave, c'est, que 
l'administration de ce sérum, surtout celui de 
M. Marmorek, ne paraît pasinofTensive. Il a caus^ 
des cas d'urticaire fort rebeller, des ét^ythèmes à 
forme hémorragique, du prurit tenace et d'autres 
accidents nerveux assez inquiétants, M. Gaulard 
a observé un cas de mort chez une femme atteint^ 
de septicémie puerpérale relativement bénigne et 
il rend l'injeclion de sérum responsable (Je cette 
issue fatale. 

€ En somme, dit M. Pinard, à l'heure actuelle, 



328 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

à n*envisager que les faits cliniques, aussi bien 
ceux de MM. Charria et Roger que ceux de 
M. Marmorek, Tefflcacité du sérum antistrepto* 
coccique n'est pas encore démontrée, et nous 
n'avons pas le droit de recourir à la sérothérapie 
à l'exclusion de la thérapeutique intra-utérine. » 



YI 

Le sérum antistreptococcique a-t-il fourni des 
preuves certaines dans d'autres affections? On a 
fait des injections dans des cas de scarlatine, mais 
sans aucua résultat brillant. M. Folet a traité de 
vastes phlegmons érysipélateux avec du sérum de 
Marmorek et ces lésions ont guéri rapidement. 
M. Boucheron a observé un diabétique de soixante- 
dix ans, qui fut guéri par 20 centimètres cubes de 
sérum d'une lymphangite du pied et de la jambe. 
M. Variot fit des injections de ce sérum contre 
certaines formes de bronchopneumonie diphté- 
rique à infections secondaires. On ne tarda pgLs à 
s apercevoir que révolution de la maladie était 
peu ou pas modifiée; par contre, des accidents 
locaux assez graves se manifestèrent. Les enfants 
avaient des abcès volumineux, qui décollaient une 
surface cutanée assez étendue de l'abdomen. 

M. Variot fit également des injections de sérum 
de Marmorek à une dizaine d'enfants atteints d'a- 
mygdalites membraneuses. 



STREPTOCOCaE 329 

« Je me proposais, dit-il, de rechercher l'action 
antiiïiembraneuse du sérum de Marmorek dans 
ces conditions; mais les troubles produits par le 
remède étaient bien autrement graves que ceux 
de là maladie elle-même. 

« La température s'élevait de deux ou trois 
degrés quelques heures après Tinjection; la peau 
de la paroi abdominale devenait rouge, tendue et 
très douloureuse ; plusieurs fois, le lendemain de 
l'injection, j'ai cru être en présence d'un érysi- 
pèle phlegmoneux de la paroi abdominale. 

€ Les enfants étaient prostrés, avec la langue 
sèche ; la température se maintenait à*40** pen- 
dant deux ou trois jours et, à ce moment, le pus 
commençait à se collecter sous la peau de l'abdo- 
men. J'étais obligé, pendant ce temps, de faire 
baigner les enfants toutes les trois heures pour 
abaisser la température. Lorsque le pus était éva- 
cué par une incision, la fièvre tombait et l'état 
général s'améliorait. 

« Aucun des enfants, ainsi traités, n'a succombé 
aux suites directes du sérum ; mais nous devions 
conserver, pendant huit ou quinze jours, les petits 
malades jusqu'à ce que leur foyer purulent fût tari. 

« L'un des enfants, ainsi injecté, fut emporté 
par sa mère avant que la peau de l'abdomen ne 
fût recollée et que l'ouverture du phlegmon ne fût 
refermée. 

« Quatre semaines plus tard, on nous rapporta 



330 IMMUNISATION ET SÉRUMTlIÉRAPli: 

l'enfant avec une éruption de varicelle préseatant 
un aspect purpurique, puis gangreneux ; la plaie 
de l'abdomen suppurait toujours abondamment ; 
le décollement persistait sur une grande étendue. 
En outre, Tenfant était atteint d'une diphtérie 
pharyngée. Il succomba dans un état d'adynamîe 
profonde, malgré des injections de sérum anti- 
diphtérique. 

c Je ne doute pas que la transformation gan- 
greneuse de l'éruption de varicelle ne soil en 
rapport avec la suppuration prolongée qui avait 
affaibli cet enfant. En voyant ces accidents sep- 
tiques se développer si constamment après les 
injections de sérum de Marmorek, je redoublai de 
vigilance, je recommandai à la surveillante qui 
pratique très habilement, et sans aucun accident, 
les injections de sérum antidiphtérique, de prendre 
les précautions les plus strictes pour la stérilisa^ 
lion des instruments. 

« Mais tout fut inutile ; les injections pratiquées 
par les internes du service délerminaienl les 
mêmes hyperthermies et les mêmes infiltrations 
phlegmbneuses de Tabdomen. » 



VU 

Que faut-il conclure de toute cette étude ? Que 
le sérum préparé d'après la méthode de Marmorek 



STREPTOCOCGIE 331 

est un liquide organique dangereux qui peut 
entraîner des accidents graves. Comme nous 
Tavons dit du reste au cours de cet ouvrage, nous 
conseillons peu rimmunisation. à l'aide de bacté- 
ries pathogènes, surtout de microbes exaltés qui, 
inoculés sous Tépiderme deTanimal, sont évidem- 
ment repris et charriés par le sang. La méthode 
de Roger, qui procède comme Behring, avec *des 
toxines, donne, au contraire, un sérum inoffensif et 
souvent efficace, ce qui n'a pas empêché que l'Aca- 
démie de médecine, à la suite d'un rapport présenté 
par MM. Nocard et Netter, a, dans sa séance du 
9 juin, autorisé l'Institut Pasteur à exploiter le 
sérum préparé d'après la méthode de M. Marmo- 
rek I Nous laissons aux rapporteurs toute la res- 
ponsabilité^ de leurs actes et nous sommes certain 
que l'avenir se chargera de corriger rapidement 
ce jugement partial. En délivrant ce sérum anti- 
streptococcique, M. Marmorek n'endosse plus 
aucune responsabilité qui incombe tout entière 
à la commission des sérums et particulièrement à 
MM, Nocard et Netter. Il est vrai que M. Nocard 
est attaché à l'Institut Pasteur, qui a désiré four- 
nir ainsi une preuve nouvelle de son dévouement 
à ce laboratoire privilégié par une loi réaction- 
naire et antiscientifique. 



CHAPITRE XVII 
CANCER 

I 

Nous ne pouvons mieux faire que reproduire un 
travail fort complet sur la sérumthérapie dans le 
cancer, publié sous notre direction par notre dis- 
tingué confrère, M. le D*" Barlerin *. 

MM. Richet et Héricourt en France, Gibier en 
Amérique, Emmcrich et Scholl en Allemagne, 
Gimino en Italie ont été les premiers à s'occuper 
sérieusement de la question et de manière à en 
laisser entrevoir la solution ; leurs travaux, bien 
que ne présentant pas celte autorité incontestable 
qui n'est donnée que par la réussite complète, n'en 
sont pas moins dignes de flgurer parmi les plus 
méritants. 

Guérir le cancer est, en effet, une tâche des plus 
difficiles; tout d'abord malgré les observations, 
malgré les examens qui ont été pratiqués sur ces 
tumeurs, on n'est pas encore arrivé à en découvrir 

4 Traitement du cancer par la sérumthérapie. (In Inde^ 
pendance médicale ^ n° 5, année 1896.) 



CANCER 333 

le germe, à Tisoler, à le cultiver et à reproduire 
ensuite expérimentalement la maladie. L'agent 
pathogène du cancer, dont l'existence est d*ailleurs 
niée par nombre de savants, étant inconnu, le 
point de départ de toute tentative d'immunisation 
semblait par cela même devoir faire défaut. 

En outre, l'évolution relativement lente de la 
maladie qui prolonge démesurément les expé- 
riences, la difficulté même d'expérimenter sur des 
animaux souvent réfraclaires à cette affection, 
l'incertitude fréquente du diagnostic porté sur 
des tumeurs inaccessibles ou difficilement appré- 
ciables à l'examen clinique, tout cet ensemble 
de raisons explique suffisamment l'embarras 
que durent éprouver ceux qui, les premiers, son- 
gèrent à obtenir un sérum curatif contre le 
cancer. 



II 



Les premières communications relatives à la 
sérumthérapie] du cancer datent du mois d'avril 
489S; à celte époque, ^parurent en Allemagne les 
observations d'Emmerich et Scholl, tandis que 
le 29 de ce même mois, MM. Richet et Héricourt 
firent à l'Académie des sciences l'exposé de leurs 
recherches. 

Dès 1894, cependant, Coley, puis Roberts, en 
Amérique, avaient tenté la guérison des tumeurs 



334 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÉRAPIE 

malignes en injectant dans ces tmnenrs des cul- 
tures du streptocoque de Térysipèle et du bacillus 
prodigiosuSf développés simultanément dans le 
ihème bouillon et chauffés à 58°. Ces essais, repro- 
duits en Allemagne par Czerny, et qui, d'après 
leurs auteurs semblent avoir donné de bons résul- 
tats, ne sauraient être classés parmi les essais de 
sérumthérapie anticancéreuse, puisqu'il n'y est 
nullement question d'immunisation, mais simple- 
ment d'injections directes au malade de toxines 
ou de cultures atténuéeg. 

La sérumthérapie du cancer date donc du mo- 
ment où l'on a tenté de modifier et de faire dispa- 
raître ces tumeurs en y injectant le sérum tiré du 
sang d'un animal préparé par des tentatives d'im- 
munisation. Pourtant, si la méthode aétéla même, 
les expériences de Richet et Héricourt diffèrent de 
celles d'Emmerich en ce sens que les premiers 
ont tenté d'immuniser l'animal fournisseur du 
sérum avec des produits cancéreux, tandis que le 
second a injecté à ses malades du sérum prove- 
nant d'animaux immunisés contre l'érysipèle. 

Quant à M. Gimino, dont les expériences moins 
connues en I^'rance n'en sont pas moins intéres^ 
santés, comme nous allons le montrer, il a fait en 
quelque sorte la synthèse des deux procédés, 
puisqu'il se sert d'un sérum provenant. d'animaux 
immunisés à la fois au point de vue du strepto- 
coque de l'érysipèle et du cancer. 



CANCER 335 



III 



Voilà donc où en est actuellement la question 
au sujet de la sérumthérapie de l'affection cancé- 
reuse; étudions maintenant la manière de pro- 
céder pour immuniser les animaux, recueillir le 
sérum, traiter les malades et voyons les résultats 
déjà obtenus. 

La méthode de MM. Héricourt et Richet consiste 
à injecter à des animaux (âne et chien) l'extrait 
aqueux, filtré, d'une tumeur maligne, puis à re- 
cueillir du sang de ces animaux dix à guinze jours 
environ après cette injection. Le sérum obtenu 
avec ce sang sert pour les injections thérapeu- 
tiques qui sont faites à la dose de 3 centimètres 
cubes environ tous les jours au voisinage de la 
tumeur. Le traitement dure plusieurs semaines 
et la dose totale du sérum injecté peut atteindre 
100 à 120 centimètres cubes et même davantage. 

Les résultats obtenus sur deux malades avec ce 
sérum ont été communiqués à l'Académie; il s'a- 
gissait en premier lieu d'une femme atteinte d'une 
tumeur fibro-sarcomateuse de la paroi thora- 
cique, récidivant après opération. En moins de 
quinze jours, la tumeur commençait k diminuer, 
tandis que l'état général devenait meilleur. La 
deuxième observation a été faite sur un homme de 



33(5 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

quarante-quatre ans ayant une tumeur de \h 
re'gion épigastrique, diagnostiquée cancer sto- 
macal et jugée inopérable. Là encore en moins de 
quinze jours, Tamélioration fut manifeste, le poids 
du corps augmenta, et la tumeur sembla fondre et 
disparaître. 

De tels résultats ne pouvaient passer inaperçus ; 
ils furent, en effet, très remarqués et soulevèrent 
de vives critiques. 

En France comme à l'étranger, les essais de 
sérurathérapie anticancéreuse ont leurs détrac- 
teurs comme leurs partisans. Sans vouloir pré- 
juger ici de la question, ce qui est difficile, étant 
donné le peu d'ancienneté des expériences faites 
et l'incertitude où Ton se trouve touchant le ca- 
ractère de ces tumeurs et leur cause même, nous 
croyons que dételles tentatives font le plus grand 
honneur à leurs auteurs. 



IV 



Nous avons nous-mêmes reproduit au Labora- 
toire de recherches médicales, dirigé par M. le 
D^ Bernheim les expériences d'immunisation de 
MM. RichetetHéricourt. Après avoir injecté à un 
âne du poids de 180 kilogrammes environ une dose 
de 10 centimètres cubes d'un suc d'épithélioma 
récemment opéré, nous avons après un court 



CANCKR 337 

espace de temps, de trois à quatre semaines, tiré 
du sang de cet animal et obtenu environ Un litre 
de sérum que nous essayons en ce moment au 
point de vue clinique; nous ferons connaître ulté- 
rieurement nos observations personnelles. 

Le suc épithéliomateux, injecté à cet âde, pos- 
sédait une incontestable virulence, car inoculé en 
même temps à un cobaye, à la dose d'un centi- 
mètre cube, il l'a fait périr en moins de trente-six 
heures. 

Quant à l'animal en expérience, il a considéra- 
blement maigri; la réaction consécutive à l'injec- 
tion a été modérée, 39^,4, depuis lors, la tempéra- 
ture s'est maintenue à peu près normale'. 



Suivant une méthode analogue, mais cherchant 
à immuniser les animaux à la fois contre le 
streptocoque et le cancer, M. le D^ Gimino a ob- 
tenu également un sérum qui paraît avoir une 
action salutaire sur les néoplasmes malins. 

Les expériences du D*" Cimino ont été prati- 
quées sur des chiens, des chèvres et des ânes qui 

* Plusieurs confrères ont inoculé à ces cancéreux des 
doses de 3 cent, cubes tous les deux jours. Les malades 
inoculés ont trouvé une réelle amélioration surtout de 
l'état général, mais pas de guérison définitive. 

IMMUNISATION. 22 



338 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

ont été traités pendant quarante jours alternati- 
vement avec des cultures de streptocoque, faibles 
au début, et avec du suc aqueux d'épithélioma. A 
ce propos, M. Cimino a remarqué que les diverses 
sortes de cancer étaient loin d'avoir la même viru- 
lence et qu'il était bon pour arrivera l'immunisa- 
tion de se servir toujours pour un même animal 
d'un suc extrait d'une même espèce de tumeur, 
squirrhe, épilhélioma, etc. Ceux-ci sont d'ailleurs 
les plus virulents, injectés à un cobaye à la dose 
d'un demi-centimètre cube, ces sucs peuvent le 
tuer en vingt-quatre heures. 

L'immunisation d'un animal dure quarante 
jours, puis on laisse l'animal quarante jours au 
repos avant de le saigner. Les injections ont lieu 
pendant ce temps tous les jours, à moins de réac- 
tion trop forte : celle-ci se produit surtout après 
les injections de suc d'épithélioma, on a vu alors 
la température montera 39 et 40<>. 

Le sang est récolté d'après les procédés habi- 
tuels, c'est- à -dire avec toutes les précautions 
usuelles d'asepsie ; le sérum se dépose et est con- 
servé dans des flacons ou ampoules d'une conte- 
nance de 10 centimètres cubes. Le traitement 
débute par des injections de 1 centimètre cube, 
puis de 2 centimètres cubes, si le malade les 
supporte bien; on dépasse rarement cette dose, 
qui est renouvelée tous les jours, à moins de 
réaction vive» 



CANCER 339 

Nous avons pu consulter diverses observations 
relatives à des malades ayant été traités par le 
sérum anticancéreux de M. le D*" Cimino : pour la 
commodité de l'exposition, nous les avons classées 
en quatre catégories : 1^ malades ayant été telle- 
ment améliorés que l'on présume la guérison 
(7 cas) ; 2** malades améliorés, mais n'ayant pas 
terminé le traitement (17 cas); 3® malades ayant 
cessé le traitement et dont l'état s'est amélioré ou 
est simplement resté stationnaire (28 cas) : 4° enfin 
malades chez lesquels le traitement n'a produit au- 
cune modification (S cas) : soit un total important 
de 57 cas. 

Plusieurs autres personnes traitées par ce même 
procédé n'ont pas encore donné de leurs nouvelles 
et l'auteur se réserve d'en faire connaître les ré- 
sultats dans une prochaine communication d'en- 
semble qui sera faite à un corps savant. 

Si maintenant nous entrons dans le détail de 
quelques-unes de ces observations cliniques, voici 
ce que nous trouvons à remarquer. Sur les 7 cas 
de la première catégorie, l'amélioration a toujours 
été rapide et durable, les douleurs cessent presque 
dès la première injection, les tumeurs régressent 
et diminuent, tandis que l'état général s'améliore, 
que la cachexie disparaît, et que les malades se 
mettent à engraisser» Dans plusieurs de ces cas, 
adéno-carcinome de la mamelle, épithélioma de 
la langue, tumeur osseuse du maxillaire, l'examen 



340 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPlE 

histologique a été pratiqué à la suite d'interven- 
tions opératoires qui avaient été suivies de réci- 
dives, et ces examens avaient permis de considérer 
ces néoplasmes comme des tumeurs malignes, 
sarcomes, épithéliomes, squirrhes, etc. 

Dans la deuxième catégorie des malades en 
traitement et qui sont tous améliorés, il s*agit de 
tumeurs siégeant en divers points : cancer du la- 
rynx, épithélioma de la langue, cancer du rectum, 
squirrhe de la mamelle, cancer utérin inopérable 
et ayant inflltré les parois de la vessie, du vagin 
et du rectum, tumeur épithéliale du nez ayant 
détruit les parties molles d'un côté et mis à décou- 
vert les cornets, tumeur du sein s'accompagnant 
d'infiltration des glandes de l'aisselle et des gan- 
glions sous-claviculaires ; dans tous les cas dont 
nous avons vu l'observation, on est unanime à 
accuser une amélioration rapide et surtout la 
disparition des phénomènes douloureux. Plu- 
sieurs des malades en traitement avaient subi des 
opérations et avaient va leurs tumeurs récidi- 
ver. 

Pour les malades de la troisième classe, le trai- 
tement a duré environ un mois et demi à deux 
mois; la plupart ont vu leur état auparavant très 
précaire s'améliorer ou ne pas s'aggraver alors 
qu'on prévoyait une issue fatale et proche. 

Enfin, parmi les 5 cas où la médication a échoué, 
il s'agissait de personnes dont l'afi'ection était ar- 



CANCER 341 

rivée à un degré avancé de développement, deux 
d'entre elles sont mortes depuis. 

Disons également, pour être complet, que parmi 
les malades de la troisième catégorie , Tune , 
atteinte d'un cancer utérin est morte, pendant le 
traitement, d'une maladie intercurrente (pneu- 
monie) et présentant néanmoins une amélioration 
de son état local. 

Ces faits attestés par les observations cliniques 
des médecins qui ont pratiqué le traitement et 
suivi, depuis, leurs malades, ne sont assurément 
pas des preuves irrécusables de Texcellence de la 
méthode actuellement en usage pour le traitement 
du cancer; toutefois, ce sont des faits qui semblent 
indiquer que la sérumthérapie, quelle que soit la 
manière dont elle agit vis-à-vis des éléments cons- 
titutifs de la néoplasie, a sur celle-ci quelque 
influence et que l'on ne doit pas de parti pris la 
rejeter. On le doit d'autant moins que cette médi- 
cation est absolument inofl^ensive quand le sérum 
est bien préparé et que les injections sont prati- 
quées aseptiquement. 



VI 



Il reste sans doute encore beaucoup à faire pour 
élucider complètement la question, mais les expé- 
riences que nous venons de relater doivent être 



3i<2 IMMUNISATION ET SÉRUMTDÉRAPIE 

considérées comme un pas fait dans la bonne 
direction et qui nous rapproche du but à atteindre. 

Dans les cas de tumeurs inopérables, M. Gzerny 
a inoculé aux patients un mélange de bouillon de 
streptocoques et de prodigiosus qu'il a stérilisé 
à 88®, sans le filtrer. Ces injections, faites à très 
petites doses, ont causé de la fièvre, des frissons, 
de rembarras gastrique, de la céphalée et du 
délire. Ces manifestations disparaissent quelques 
heures après l'inoculation, et, localement, les 
tumeurs s'imprègnent de sérosité, se ramollissent, 
se nécrosent et éliminent des fragments. Sur 
huit cas ainsi traités, le clinicien a cru devoir 
observer un ralentissement dans le développement 
de la tumeur mais jamais une guérison définitive. 

D'après M. Arloing, les injections de sérum 
d'âne, préalablement inoculé avec du suc d'épî- 
thélioma, sont incapables d'amener la disparition 
des tumeurs cancéreuses. Elles peuvent cependant 
entraîner une diminution momentanée du volume 
des tumeurs. Cette action peut être l'origine d'une 
guérison en rendant opérable une tumeur inopé- 
rable avant les injections. Ce sérum ainsi préparé 
est absolument inoflfensif. 

D'autres auteurs (Emmerich, Schmoll) ont em- 
ployé, contre le cancer, le sérum provenant d'ani- 
maux immunisés par le streptocoque, mais sans 
résultat très remarquable. 



CANCER 343 



VII 



Que faut-il conclure de toutes ces tentatives? 
Le cancer étant une maladie incurable, il est 
permis à tous les cliniciens de recourir à une mé- 
. thode inoffensive dont une application répétée un 
grand nombre de fois peut seule juger Tefficacité. 
Il est vrai que cette démonstration n'est guère pos- 
sible en France où une loi coercitive lient en 
laisse les bonnes volontés et supprime le talent 
des plus honnêtes. Il faudrait appartenir à un grand 
laboratoire officiel, auquel on apporterait le fruit 
do ses recherches, pour avoir le droit de démon- 
trer Texactitude de ses expériences et pour être 
utile à l'humanité. 



CHAPITRE XVIIl 
LÈPRE 



I 



Le bacille de la lèpre fut découvert par Hansen, 
en 1880, dans du tissu lépreux. Un an après, 
Neisser a confirmé cette découverte et a pu culti- 
ver le bacille qui s'est toujours développé sous la 
même forme. 

Morphologiquement, ce microbe est à peu près 
identique à celui de la tuberculose. C'est un 
bâtonnet grêle, court, plus court généralement 
que celui de Koch, et souvent recourbé, arrondi 
aux deux pôles. On le trouve souvent par couple. 
Il a Tair d'être immobile. La sporifîcation n'a pu 
être établie avec certitude. 

Bordoni-Uffreduzzi a pu le cultiver sur sérum 
sanguin additionné de peptone glycérinée : l'en- 
semencement a été fait avec de la moelle osseuse 
d'un lépreux. 

La coïncidence de la lèpre et de la tuberculose 



LÈPRE 345 

n'est pas rare. Le premier cas fut observé par 
M. Danielsen. 

Le bacillfi de la lèpre infecte difficilement les 
animaux qui paraissent réfractaires à la maladie. 
MM. Ortmann et Melcher sont parvenus cepen- 
dant à communiquer la lèpre à des lapins qui 
moururent quatre mois après l'inoculation de 
nodules lépreux. Ces auteurs découvrirent dans 
Tintestin des animaux des nodosités lépreuses. 



II 



Dans la Colombie, où la lèpre est relativement 
fréquente, M. Carrasquilla a fait des tentatives 
heureuses de sérumthérapie contre cette maladie. 
Nous allons reproduire presque textuellement sa 
communication qu'il a faite à l'Académie de 
Santa-Fé, en exprimant le regret de ne pas con- 
naître la méthode d'immunisation i. 

Le premier cas concerne un sujet qui en était 
à une période très avancée de l'affection , et chez 
lequel le traitement sérolhérapique fut institué le 
30 septembre dernier. Il avait alors le front cou- 
vert d'une masse tuberculeuse [léprome en nappe 
de Leloir) qui s'étendait depuis l'arcade orbi- 
taire dépourvue de sourcils, jusqu'à la racine des 

* Semaine médicale (26 juin 1895). 



346 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE 

cheveux et d'une tempe à l'autre . D'autres tuber- 
cules étaient disséminés sur toute la face à Texcep' 
tîon des tempes, du pourtour du cuir chevelu et 
des paupières inférieures. Enfin, il existait des 
lépromes suppures aux extrémités, de grands 
placards sur tout le corps, des œdèmes durs et 
une anesthésie presque générale des téguments. 

Les masses tuberculeuses, très proéminentes, 
d'un rouge vif ou violacé, présentèrent dès la 
première semaine du traitement une desquama- 
lion qui, une fois les croûtes tombées, laissait 
voir des tumeurs aplaties et de couleur jaune 
d'ocre sale ; nombre de tubercules disparurent 
par résorption ou desquamation cutanée. Actuel- 
lement, en passant la main sur la peau, on la 
trouve lisse, sensible, décolorée et sans bosse- 
lures. 

Les grandes ulcérations suppurées, profondes, 
à bords épais, anesthésiques et de coloration 
rouge vif, commencèrent à sécréter abondam- 
ment et à se cicatriser avec une rapidité prodi- 
gieuse. Beaucoup sont déjà recouvertes d'une 
peau saine, et tout porte à croire que Tépidermi- 
sation sera complète avant un mois. 

Du côté des oreilles, qui étaient énormes, vio- 
lacées et farcies de tubercules, il s'est produit 
une rétraction considérable des tissus, le volume 
du lobule a beaucoup diminué, la peau s'est déco- 
lorée, et Ton ne sent plus à la palpation que 



LÈPRE 347 

quelques petites masses de l'épaisseur d'une len- 
tille. 

Les narines présentaient des lésions mutilan- 
tes; elles offrent aujourd'hui un aspect normal, 
sauf, bien entendu, les traces laissées par les 
mutilations. 

La peau, qui était partout recouverte de taches 
et de placards rouges, a subi dès le début une 
abondante desquamation; la décoloration, très 
marquée en certains endroits ^ Test beaucoup 
moins dans d'autres; la sensibilité s'est rétablie 
peu à peu sur presque toute la surface du tégu- 
ment, à l'exception du petit doigt et du bord 
cubital de Tune des deux mains. 

Les œdèmes durs sont également en très bonne 
voie de résolution ; on ne les constate plus qu'au 
niveau de l'avant-bras et de la jambe, dans les 
points où il exisle des ulcérations. 

Les muqueuses ont été le siège de modifications 
tion moins importantes. C'est ainsi qu'une con- 
jonctivite oculo-bulbaire double de nature lé- 
preuse, accompagnée d'une sécrétion intarissable 
avec anesthésie de la membrane, a disparu au 
bout d'une quinzaine de jours de traitement. 

La pituitaire, qui était ulcérée, est aujourd'hui 
presque saine, et le malade, dont l'odorat était 
perdu depuis le début de son affection, commen- 
çait, moins d'un mois après l'institution du traite- 
ment par le sérum, à sentir les odeurs. 



348 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÉRAPIE 

Le voile du palais, les amygdales, la luelte, la 
muqueuse des voies respiratoires accessible à 
Texamen, étaient couverts de tubercules et cri- 
blés d'ulcérations ; la voix était presque éteinte. 
Or, les tubercules ont presque tous disparu ; les 
ulcérations n'en sont pas encore à ce point, mais 
elles sont en voie de cicatrisation et diminuent 
chaque jour de profondeur et d'étendue; enfin, la 
voix s'est beaucoup améliorée, tout en restant 
rauque et voilée. 

M, Carrasquilla a, en outre, remarqué, sur la 
peau comme sur les muqueuses, particulièrement 
la muqueuse bronchique, une hypersécrétion 
notable coïncidant avec chaque nouvelle injec- 
tion de sérum ; toutefois, l'action du médicament 
a été plus lente à se manifester sur cet épithé- 
lium que sur le tégument externe. 

La face du malade, qui, avant le traitement, 
était rouge, gonflée, tendue et présentait l'aspect 
léonin, a 'pâli, en même temps que la peau du 
visage devenait plus souple et plus fine. Les 
masses tuberculeuses ont fait place à des taches 
jaunâtres. 

A l'heure actuelle, le patient a bon appétit ; il 
dort bien, alors qu'auparavant il passait les 
nuits à se promener dans un corridor jusqu'à ce 
qu'il fût exténué et rendu par la fatigue et la 
souffrance. 

L'orateur relate un second cas qui a trait à un 



LÈPRE 349 . 

malade chez lequel les tubercules, au lieu de 
disparaître par résorption ou desquamation 
comme dans le cas précédent, se ramollirent, se 
remplirent de pus, formèrent des ulcérations dans 
les points où ils étaient le plus agglomérés, sup- 
purèrent abondamment et finalement entrèrent 
en voie de cicatrisation. Chez ce sujet, les œdèmes 
avaient disparu avec une telle rapidité qu'au cin- 
quième jour du traitement on n'en voyait plus trace. 
Un troisième malade observé par M. Carras- 
quilla était atteint de lèpre à forme mixte, avec 
prédominance des déterminations nerveuses. 
Point à noter : ce cas est le seul où l'orateur ait 
vu la sensibilité revenir tout entière dans une 
plaque anesthésique, la peau restant parfaite- 
ment saine. 



III 



Les cas de lèpre tuberculeuse ou anesthésique 
traités jusqu'à ce jour par le sérum antilépreux 
sont au nombre dn quinze. Chez tousses malades, 
sans exception, M. Carrasquila a observé ce fait, 
qu'il considère' comme absolument démonstratif 
et caractéristique, à savoir que, dès la première 
injection de sérum, l'action morbifique du bacille 
de Hansen a été complètement enrayée, puisque à 
partir de ce moment on n'a vu se produire aucune 
nouvelle manifestation de la maladie. 



350 IMMUNISATION ET SERUMTHÉRAPIE 

Ce point fondamental établi, M. Carrasquilia, de 
par l'étude des cas qu'il a traités, a été amené à 
un certain nombre d'autres conclusions qui "peu- 
vent être résumées de la façon suivante : 

La sérothérapie appliquée au traitement de la 
lèpre rétablit la sensibilité d'une façon plus ou 
moins rapide, selon l'étendue et la gravité des 
lésions du système nerveux périphérique. 

Les taches se décolorent sans s'effacer complè- 
tement. Les œdèmes disparaissent rapidement 
dans quelques cas, lentement dans d'autres ; la 
peau se rétracte, se plisse et revient à l'état phy- 
siologique après la résorption des œdèmes. 

Les tubercules s'affaissent, se ramollissent, dis- 
paraissent par résorption, desquamation ou sup- 
puration en laissant des traces dans les points 
qu'ils occupaient. Les ulcérations, après avoir 
abondamment suppuré, se cicatrisent avec une 
rapidité considérable et se recouvrent de peau 
saine. Les cicatrices des anciens lépromes suppu- 
res pâlissent et tendent à se mettre de niveau 
avec la peau qui les entoure. 

Les muqueuses ulcérées commencent par se 
cicatriser, se décolorent comme la peau, récupè- 
rent la sensibilité, en même temps que les tuber- 
cules se fondent. La face perd totalement l'aspect 
léonin. 

Enfin, le patient recouvre l'appétit et le som- 
meil, et le moral s'améliore. 



LÈPRE 351 



Tout récemment M. Yersin a confirmé ces ex- 
périences qui reposent ici sur des données scien- 
tifiques plus précises. M. Yersin immunise des 
animaux avec des toxines du bacille de la lèpre et 
inocule le sérum des animaux immunisés aux lé- 
preux. Les observations prises par l'expérimen- 
tateur sont déjà fort nombreuses et les résultats 
obtenus sont excellents : on a pu compter environ 
75 p. 100 de guérisons. 



CHAPITRE XIX 
FIÈVRE RÉCURRENTE 



Gabritchewsky * a fait sur la fièvre récurrente 
une série de recherches. Si, dit-il, l'on fait deux 
préparations avec du sang de malades atteints de 
fièvre récurrente et pris au moment de l'acuité de 
l'accès, et si l'on ajoute à l'une de ces opérations 
une goutte de sérum d'un malade ayant eu récem- 
ment le typhus récurrent, on voit que dans cette 
préparation les spirilles succombent au bout dé 
trois à quatre heures, tandis que dans la prépara- 
tion témoin elles résistent pendant sept à huit 
jours. 

Il conclut de cette expérience que : !<> seul le 
sang de sujets convalescents de typhus récurrent 
possède des propriétés bactéricides vis-à-vis des 
spirochètesd'Obermeyer ; 2^ ces propriétés se déve- 
loppent progressivement et parallèlement à la 
marche de l'accès ; 3^ la quantité des substances 



1 rresse Méd., 17 juin 1896. 



FIÈVRE RÉCURRENTE 353 

spirochétocides du sang augmente av^c chaque 
accès ; 4® quand celte quantité a atteint un degré 
considérable, les spirilles deviennent moinsmobiles 
et sont bientôt rapidetnent digérées par les phago- 
cytes, ce qui explique la durée si courte des accès 
suivants. 

Dans des expériences sur des singes, Gabrit- 
chewsky aurait confirméces conclusions, et il au- 
rait pu évaluer mathématiquement raccroisseoiênt 
des propriétés bactéricides du sang ; l'évaluation 
du coefficient de cet accroissement était fait à la 
température ambiante ordinaire: — Ces évalua- 
tions ont donné un coefficient de 0,9 chez l'homme 
bien portant, de 1,4 chez le malade et de 9 pen- 
dant la crise ; t- ensuite le coefficient baisse len- 
tement. 

. La dernière expérience a consisté à faire une 
injection de sérum de singe rétabli d'Une fièvre 
récurrente à un autre singe auquel on avait au 
préalable inoculé le typhus récurrent : cette injec- 
tion a amené la guérison complète. 

Gabritchewsky dit en terminant qu'il ne se croit 
pas encore autorisé à appliquer ce traitement au 
typhus récurrent de l'homme. 



IMUUNISATION. 23 



CHAPITRE XX 
MUGUET 



M. Roger a fait des injections intraveineuses 
d'une culture d'oïdium albicans à des lapins, un 
centimètre cube d'une culture pure tue Tanimal 
en cinq ou six jours. L'expérimentateur a donc 
inoculé des doses inférieures et il est arrivé à 
conférer aux animaux une immunité bien notable 
leur permettant de supporter une dose double de 
la dose mortelle ordinaire. 

Le sérum de ces animaux présente des carac- 
tères analogues à ceux du sérum des animaux vac- 
cinés contre des maladies bactériennes. Ainsî,*si on 
sème du muguet dans du sérum normal on trouve 
au bout de vingt-quatre heures le liquide rempli 
de flocons épais et serrés. Au contraire, le sérum 
de l'animal vacciné reste clair. Cependant, la végé- 
tation se produit, mais elle est peu abondante et se 
présente sous forme de petits grains 

Le pouvoir végétatif de l'oïdium s'affaiblit tel- 
lement dans le sérum des animaux vaccinés que 
M. Roger n'a pu faire de culture en série, le réen- 
semencement est impossible. 



MUGUET 355 

A Texamen microscopique dans le sérum nor- 
mal, on trouve de beaux filaments et des formes 
en levure bien isolées ; leur protoplasma très colo- 
rabie est entouré par une membrane à double 
contour. Dans le sérum des vaccinés, les formes en 
levure sont également constituées par une masse 
protoplasmique, mais^ au lieu de la mince cuti- 
cule périphérique, on trouve une masse hyaline 
parfois striée à bords sinueux et mal délimités. Le 
plus souvent, les levures sont agglomérées en amas 
de quinze à trente éléments agglutinés et noyés 
dans la masse hyaline. Si on prend une culture 
d'oïdium sur agar ne renfermant que des éléments 
ovalaires et si on la mélange avec le sérum d'un 
animal vacciné, on voit peu à peu, parfois en une 
demi-heure, trois quarts d'heure, la membrane 
d'enveloppe se gonQer et petit à petit les éléments 
finissent par prendre l'aspect indiqué ci-dessus 
des cultures faites dans du sérum de vacciné. Les 
modifications sont plus légères sur les éléments 
adultes que chez les jeunes. On peut donc rappro- 
cher l'oido-mycose des affections bactériennes; on 
peut vacciner les animaux dans les deux cas et 
obtenir dans le sérum des modifications analogues 
L'organisme réagit donc de la même façon dans 
les deux infections. 



TABLE DES MATIERES 



Page 

Préface de la deuxième édition 

Introduction 

Chapitre I. — Immunité naturelle 

Définition J 

Pointe d'entrée 6 

Conditions extérieures (1° climat; 2° altitude; 3° sai- 
sons; 4" froid; 5** chaleur; 6° jeûne; 7» trauma- 
tisme; 8** encombrement) 12 

Conditions d*ordre interne (!<> âge; 2° sexe; 3° race; 
4° fatigue ; 5' splénectomie ; 6° lésions nerveuses ; 
7° intoxications; 8° auto-intoxications; 9° diathèses 

et affections diverses) 19 

Causes de Vhnmunité (1° théorie cellulaire, phagocy- 
tose; 2" théorie humorale; 3° théorie humoro-cel- 
lulaire; 4° théorie vaso-motrice. Conclusions). . . 24 

Chapitre II. — Immunité acquise 

Vaccination pathologique 55 

Vaccinations expérimentales 57 

Vaccine; Cow-pox 58 

Choléra des poules 65 

Charbon 66 

Charbon symptomatique 68 

Vaccine contre la variole de Tespèce bovine 68 

23. 



358 TABLE DES MATIÈRES 

Rouget (les porcs 69 

Péripneumonie infectieuse des bovidés 69 

Fièvre jaune 69 

Choléra 70 

Rage. . . V 73 

Tuberculose 74 

Morve 78 

Diphtérie 80 

Tétanos 82 

Venins 83 

Méthodes d'atténuation : 

Atténuation par passage dans un organisme .... 89 

— par veillissement de culture 93 

— par la chaleur 94 

— par la lumière 97 

— par l'oxygène 98 

— par la dessiccation 98 

— par les antiseptiques 100 

— par les produits microbiens 103 

— par la culture 106 

— par des causes diverses 107 

Vaccination contre un virus par un virus 114 

— chimique 116 

Théorie de la vaccination 123 



Chapitre III. —- Immunisation 

Historique de la question 129 

Difîérence entre la vaccination et Timmunisation . . 130 

Action du sérum réfractaire 132 

Expériences d'Emmerich, Klemperer, Arkaroff, Brie- 

ger, Kitasato, Wasermann, Legrain, Ferran, 

' Behring, Tommasoli et Pellizari 135 

Action microbicide du sang d'un animal immunisé 

contre une affection différente 137 

Description générale de l'immunisation et de la 

sérumthérapie ; 139 

Comment se forment les antitoxines? 140 

Action d'une maladie antérieure sur les substances 

toxiques 145 

Puissance et durée d'une antitoxine 149 



TABLE DES MATIÈRES 359 

Chapitre IV. — Tétanos 
• 

Causes de la maladie 151 

Description du bacille de Nicolaïer 152 

Produits solubles de ce bacille 153 

Action de cette toxine 153 

Immunisation antitétanique 157 

Action du sérum immunisé sur les toxines 159 

Traitement du tétanos chez les animaux par l'anti- 
toxine 161 

Application de l'antitoxine à l'homme 162 

Préparation du sérum 163 

Propriété du sérum 165 

Prévention du tétanos 166 

Traitement du tétanos 166 

Chapitre V. — Diphtérie 

Causes de la maladie 169 

Culture du bacille de Lœffler 170 

Isolement des produits solubles 172 

Découverte de Behring 173 

Premières expériences d'Aronson. 174 

Communication de Roux *". . 176 

Préparation de la toxine 177 

Immunisation antidiphtérique 179 

Puissance du sérum provenant de différents animaux. 180 

Propriétés expérimentales du sérum 182 

Toxine et antitoxine 183 

Pouvoir préventif du sérum 184 

Emploi de l'antitoxine chez l'enfant 186 

Quantité de sérum injecté à chaque malade 187 

Classification des cas de diphtérie traités 188 

Croup 190 

Influence de l'hygiène et des autres maladies. ... 192 

Opinion de Behring 193 

Antitoxine d'Aronson 195 

Opinion de Kossel sur l'antitoxine dans le croup . . 196 

Durée du pouvoir immunisant du sérum 197 

Différentes statistiques 199 

Attaques contre la sérumthérapie 204 

Accidents observés à la suite de la sérumthérapie. . 206 



360 TABLE DES MATIÈRES 

Durée du pouvoir immunisant du sérum 207 

Phagocytose dans la sérumthérapie 208 

Conclusions 210 

Chapitre VI. — Tuberculose 

Historique de la tuberculose 210 

Le bacille de Koch 211 

Tuberculose dans les diverses espèces animales. . . 214 

Toxines du bacille de Koch 215 

Différentes tentatives d'immunisation. .* 216 

Inoculation d'une autre maladie 217 

Inoculation de tuberculose atténuée 219 

Injection de tuberculine 221 

Injection de sérum d'animaux rarement tuberculeux. 222 

Vaccination antituberculeuse 226 

Immunisation vraie contre la tuberculose 226 

Expériences du D' Bernheim 227 

Expériences de M. Boinet 233 

Expériences et résultats de M. Maragliano 234 

Chapitre VII. — Pneumonie 

Description du pneumocoque 244 

Habitus du pneumocoque 246 

Vitalité et virulence du pneumocoque 247 

Association bactérienne 248 

Immunisation pneumonique 249 

Sérumthérapie chez les animaux 252 

Sérumthérapie chez l'homme 253 

Pouvoir thérapeutique de rantipneumotoxine. . . . 256 

Chapitre VIII. — Choléra 

Description du bacille du choléra 258 

Vitalité du bacille virgule 259 

Les différents microbes trouvés chez les cholériques. 261 

Vaccination anticholérique 263 

Association microbienne de Metchnikoff 265 

Immunisation anticholérique 267 

Sérumthérapie chez les animaux 270 

Sérumthérapie chez l'homme. 271 



TABLE DES MATIÈRES 361 

Chapitre IX.- — Variole 

Expériences d'Auché 275 

Séjrumthérapie chez les varioles . 276. 

Chapitre X< — Septicémie 

Description du streptocoque. 278 

Erysipèle expérimental. . . 279 

Immunisation de la septicémie 280 

Sérumthérapie .281 

Chapitre XI. — Syphilis 

Microbe de la syphilis . 283 

Sérumthérapie 284 

Accidents dus à l'injection 285 

Injection de sérum ordinaire 286 

Méthode de Pellizari 287. 

Expériences de Mozza 288 

Expériences de Fournier, Feulard et Triboulet. . . .. 290 

Chapitre XÏÏ. — Fièvre typhoïde 

Le bacille d'Ëberth. .'. . .. 293 

Le bacille typhique inoculé aux animaux 295 

Immunisation typhique 296 

Sérumthérapie 298 

Expériences d'Uammerschlag. '. 299 

Typhus symplomatique (D' Legrain). 30ft 

Expériences de Stem 301 

Chapitre XIII. — Influenza 

Historique du microbe 303 

Technique de Pfeiffer 304 

Le microbe de Pfeiffer 306. 

L'influenza chez les différents animaux 307 

Immunisation de Tinfluenza 308 

Chapitre XIV. — Venins 

Expériences de Phisalix et Bertrand 309 

Immunisation du venin 310 

Antitoxine du venin 311 



36!2 TABLE DES MATIÈRES 

Chapitbe XV. — Charbon 

Bactéridie charbonneuse 313 

Immunisation charbonneuse 315 

CHAPrrRB XVI. — Streptogoccie 

Unité ou dualité du streptocoque 317 

Procédés d'immunisation 318 

Méthode de M. Marmorek 318 

Observations cliniques de M. Ghantemesse 324 

Méthode de MM. Charrin et Roger 326 

Le sérum antistreptococcique dans ditlérentes ma- 
ladies 328 

Conclusions 330 

Chapitre XVII. — Cancer 

Cancer 332 

Historique des recherches sur Timmunisation. . . . 332 

Expériences de MM. Coley et Hemmerich 333 

Expériences de MM. Richet et Uéricourt 335 

Expériences de MM. Bernheim et Barlerin 336 

Expériences de M. Gimino 337 

Expériences de M. Arloing 341 

Conclusions 343 

Chapitre XVIII. — Lèpre 

Lèpre et son bacille 344 

Expériences et résultats de M. Carrasquella. . . . . 345 

Expériences de M. Yersin 350 

Chapitre XIX. — Fièvre récurrente 

La fièvre récurrente 352 

J^xpériences de M. Gabritchewsky 352 

Chapitre XX. — Muguet 

Le muguet 354 

Expériences de M. Roger. 354 



ÉVREUX, imprimerie DE CHARLES HÉRISSEY 



TRAITÉ PRATIQUE 

DE MÉDECINE 

CLirUlQllË ET TnéttAPËUTIQUB 

PUBLIA SOUS LA DIHBGTION 
OB MM. 

Samuel BERNHEIH et Emile LAURENT 



COLLABOBATBURS 



MM. 



((ifl PaHi). 



(ifAUièiies}. 



(d« Paris), 



Paal ■•rUriit (He Piris). ■•■■»•! (daMoDtpenieri. Btaaclil (d«N«pl«s), 

BitliaBt (Je Piiris]. Bloeh (de P:ir:>), •••<••« (de Viil^aiO. «o*»** [d« P«rls), 

••■«•lot (d« l'aria), ■!••• (dti Mouipellier), ■•■«o«r (de Paris), ■l««foii (de Beeançoa). 

Il«««l (de roiipues). Br«n»s« (de Montpellier). Braaef («Ifl Paris), 
CaM««vad«UB»cli» (•Iti Uenlon,.CIiapyUlM (le Marseii1e|.4:b«t«UiM(da PHril). 

VkréH^u (de Poitiers). A» ChrUlMaa (dd P.iris), C»rn««(de Pari»). 

€j»uémj (lif HjHs]. C'aalMga»(df. Lvoii),Ca«itaa«l (de Besançon) ,C*riaU«al(d9G«aèT«). 

Craeq (dd BruTi'! • .•>). Cuillerée (•{« LfOn), Da«haanp (d'ArCdchoo), 

Dclyaaia (d'Athènes). Dcrvillca (de Pari»), D«atara« (de Tonloase). 

Plaïawibaryr Me Paris), l>ubr«ialil» (de Bordraus), l>ali»«ivaaa (deCanterets), 

r«rran («le Barrelone), Fienga (<le Naple.«.).F«n«har4(duMau!').GrtrMaall (de Paru), 

1^. Garaiar (de Pan^,. Gibcrl (du Havre). Gir«4 (du Clermant-Ferrand). 

««««■tcin (df. Bif sl^u). Gonrraw (tiu Paris). fSualM (de Parts). Ilaga« (de Leipzig), 

llajvck (-le Vieuiia. Auiricbe), Jocqa (de Paris), Jwlie (du Paris). Hah^a (de Pdlts), 

Lariehe (d'£^ut-Boiiuos), K. JLavy (,lu St.ru<bour(:), Lavral (de Ljtin), 

l<iaadi«r (dt- l'ari^j. Licklwifa (de Borde«UT), Lonala (de Nancr), 

Maacaral [iW Cliâle!!f-'iut), |lf««aln (de Louvain), Mèjia (de Mexico). 

■littovtci (de Uuchar.>st). NuidcnUauar (de Leipsir), AlbarA Mail (do Barlifl) 

Maock (dt) Fari«). Mar«au (d'AiL-cr', IHoriM (de Pans). Parra««ft (deHyères), 
Haari Picaril (de Paris), Plule (Av Vdm). rvlguèra (de Paris). Païaalk (de Bordetoz). 



Sa a «h as 



Van llanterahrin (d'Ainjterdnni), IIAm«adl(de Tuuloasa). 

bas lUrrera 'do Aladrid), Saavea (de l'^rîs), 8aaana«la (de ^aplei), 

(de Vill>->uir), Sormnui ( I - IV.v'.e). MUcffel (.le Joinrille), Ams (de F^s) 

TUan (de Paris, T.k. ils (de Graz), Tré*al (de l>ar|s), 

4e TyMovski (de Srliinlziiac'j). %'auirin (de Nancy). Verm^l (de Moscou), 

Vareaaff (do Parti), ém VoaK(de La liaye), Stan (de Daatilf), Miltlea (de N«Mr) 



DIVISION DU TRAITÉ PRATIQUE DE MÉDECINE 

CLINIQUE ET THéRAPEUTIQUB 



Tome I.— Maladies infectieuses. 

Tome 1!. — Alfeclions nerTeiises. 
maladies mentalfs et médecine légale 
dei» aliéné.^. 

Totue III. — Maladies des voies 
respiratoire». 

Tome IV. — Maladies de l'appareil 



circulatoire, du Mtig et de la nutri- 
tion ; maladies des reins et de la vessie. 

Tome V. — llalailies du tube di- 
gestif et de- ses «uuexes. 

Tome V(. — Ualadies dus deiil», du 
ner, des oreilles, des yeu», d<» la peau 
et des organes génitaux. Sypiiitis. 



Deuxième édition j revue et corrigée, 1897. 

Six beaux volumes iu-8" de 700 à 900 pages environ chacan 

Prix de Touvrag-e complet : 50 nraiics 



É \ R E U X , IJI P R 1 M E R I F DE CHARLES H K lU S S E Y