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IMMUNISATION
ET
SERUMTHERAPIE
ij PRÉFACE
est probable qu'on suivra les conseil de cet
immortel savant en Allemagne, en Angleterre
et dans d'autres pays. La France restera seule
indifférente à ces belles découvertes ou du
moins sera en retard de plusieurs années grâce
à une bonne loi coercitive, antiscientifique,
qui défend aux expérimentateurs les plus hon-
nêtes d'appliquer cette méthode absolument
inoffensive. « Les virus atténués, sérums thé-
rapeutiques, toxines modifiées et produits ana-
logues pouvant servir à la prophylaxie et à la
thérapeutique des maladies contagieuses et les
substances injectables d'origine organique non
définies chimiquement, appliquées au traite-
ment des affections aiguës ou chroniques, ne
pourront être débités à titre gratuit ou oné-
reux qu'autant qu'ils auront été, au point de
vue soit de la fabrication, soit de la prove-
nance, l'objet d'une autorisation du gouver-
nement rendue après avis du comité con-
sultatif d'hygiène de France et de l'Académie
de médecine. »
Cette loi, qui est digne des Chinois ou des
Indiens, a été votée par nos législateurs
français quelques mois après la communica-
PRÉFACE j
tion de Roux à Budapest. Dans aucun autre
pays du monde, on n'a jugé nécessaire de
prendre une mesure pareille contre une mé-
thode inoffensive. Seule, la France a cru ainsi
protéger la santé publique, qui n'était pas
compromise ! Mais, en réalité, on a doté d un
monopole un laboratoire qui porte le nom du
plus grand savant de ce siècle. Mieux eût valu
décréter simplement que seuls le laboratoire
de Pasteur et ses succursales ont le droit d'ex-
ploiter ïes différents sérums antitoxiques. De
cette façon, toute équivoque eût disparu, et
nos législateurs, qui ont certainement voté la
loi des sérums sans en comprendre l'impor-
tance et la portée, auraient sans doute re-
poussé cette loi barbare qu'cxn leur a subti-
lisée.
Cela est tellement exact que la commission
de la loi du sérum est composée, en majeure
partie, de membres qui sont attachés à l'Ins-
titut Pasteur. Tout expérimentateur, qui fait
une demande de délivrer une antitoxine,
devient par ce fait un concurrent direct de ce
laboratoire, qui profite de la haute réputa-
tion méritée de son fondateur, pour mieux
ji préface;
exploiter un riche commerce. Cet expérimenta-
teur devient donc un concurrent d'autant plus
dangereux que sa découverte est plus sérieuse
et mieux fondée, et il peut être certain d'a-
vance d'un refus.
Heureusement, de pareilles lois rétrogrades
n'existent pas à l'étranger où le travailleur est
écouté et encouragé. Heureusement aussi, que
l'expérimentateur convaincu ne se laisse dé-
courager par aucun obstacle, par aucune con-
tradiction. Lorsqu'une cabale parvient à
entraver un instant le succès d'un savant,
l'avenir se charge de transformer ce succès en
triomphe. C'est ce qui est arrivé pour Jenner,
Pasteur, Yillemin, Robert Koch, Claude.
Bernard et Behring qui ont été combattus
avec acharnement par les corps savants de:
leurs pays respectifs.
Nous croyons qu'il est impossible de main-
tenir une pareille loi rétrograde qui, un jour
ou l'autre, sera modifiée, quand on aura biea
compris son inutilité et son danger. Les pou-
voirs publics autorisent le médecin dé pres-
crire chaque jour des produits toxiques
autrement dangereux, et dont l'efficacité n'est
PRÉFACE jii
nullement démontrée. Les pharmaciens et
souvent des élèves inexpérimentés manient
ces agents, les délivrent au public ignorant
entre les mains duquel Faction peut devenir
mortelle. Et ces mêmes autorités exigent des
garanties spéciales pour une méthode inoffen-
sive! G est une mystification profitable à un
clan , et non pas une loi de protection.
Samuel BERNHEIM.
IMMUNISATION
ET
SERUMTHERAPIE
CHAPITRE PREMIER
IMMUNITÉ NATURELLE
I
DÉFINITION
L'immunité naturelle est la propriété que pos-
sèdent les animaux de résister à certaines mala-
dies iofectieuses ou à certaines intoxications. UlÛe
s'agit pas là d'une habitude contractée, mais d'une
résistance spontanée, naturelle, inhérente au
sujet.
D'après Schleich, l'immunité ne serait jamais
spontanée, mais c'est une qualité toujours créée
par la race animale. C'est ainsi qu'on devient
immun par une maladie antérieure. Mais le plus
souvent cet état réfractaire est congénital, c'est-à-
dire transmis par naissance des ascendants aux
enfants. Suivant cet auteur, une syphilis ou une
tuberculose des parents confère aux enfants une
IMMUNISATION 1
2 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÉRAPUS
immunité syphilitique ou tuberculeuse. De même,
certaines épidémies, telles que la peste noire, la
lèpre, etc., ont complètement disparu dans diffé-
rents pays, parce que ces infections ont pour ainsi
dire vacciné différentes générations et leur virus
est devenu inoffensif sur les héritiers de ces géné-
rations (épuisement du terrain).
Nous verrons plus loin ce qu'il faut retenir de
cette opinion. Disons en attendant qu'aucun animal
ne possède Timmunité absolue. Quelle que soit la
résistance d'un organisme, ce dernier peut toujours
être vaincu par une dose trop massive de mi-
crobes ou par un degré plus ou moins élevé de
toxines.
Il faut insister, en outre, pour dire que cette
immunité varie suivant les classes , suivant les
familles, suivant les espèces. Dans une même
espèce animale, la puissance d'immunité varie et
on retrouve même cette échelle ascendante ou
descendante chez le même individu suivant les
conditions personnelles, dans lesquelles il se
trouve.
Il y a peu d'années encore cette immunité,
connue cependant, était entourée de croyances
mystérieuses. Aujourd'hui , elle apparaît sous un
jour plus scientifique, grâce aux nombreuses
découvertes récentes, grâce aux recherches mo-
dernes si intéressantes poussées dans les domaines
physiologique, biologique et chimique. On com-
IMMUNITÉ NATURELLE 3
mcnce maintenant à connaître, sinon sa nature
intime, du moins les principaux facteurs de son
existence. Considérée autrefois comme propriété
absolue de l'animal, on n'a pas tardé à recon-
naître que rimmunité n'était que relative et
qu'elle dépendait soit du terrain, soit du micro-
organisme pathogène, soit des conditions d'at-
taque. Le microbe peut être modifié dans sa
quantité^ et Timporlance de ce facteur ne peut
être niée après les recherches de Chauveau, Wat-
son-Cheyne, de Bollinger, de Bouchard, de Wiro-
kovicz, de Grancher, Ledoux, etc.
Chauveau a montré que les moutons algériens,
relativement réfractaires au charbon, contractent
la maladie lorsqu'on leur fait une inoculation
hypodermique de doses énormes de culture. Il
suffit, au contraire, de piquer un mouton français
sous l'épiderme de Toreille pour le tuer.
D'après Watson-Cheyne, un seul bacille char-
bonneux fait périr un cobaye, un seul bacille de
la septicémie une souris, pourvu que ces bacilles
soient très virulents et les animaux très sensibles.
Le cobaye ne souffre pas de l'injection d'un petit
nombre de bacilles de la septicémie des souris.
Quelques milliers ne lui occasionnent qu'un abcès ;
au delà de cette dose, il meurt.
Watson-Cheyne a obtenu des résultats sem-
blables avec le staphylococcus aureus, le micro-
coccus tetragenus et le microbe de la salive
4 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
humaine, avec lequel Pasteur a pu donner la sep-
ticémie au lapin. Quelques microbes du choléra
des poules font succomber le lapin. Moins de dix
mille sont inoffensifs pour le cobaye ; plus de dix
mille lui causent un abcès ; trois cent mille le
tuent.
Le proteus vulgaris est considéré comme non
virulent. Watson-Gheyne a produit un abcès chez
le lapin, en lui injectant plus de 112 millions de ce
microbe; 225 millions le tuent après vingt-quatre
ou trente-six heures.
Charrin a prouvé, comme Bouchard, du reste,
pour le pus bleu, que la dose fait varier même les
détails des symptômes. En Tinjectant dans les
veines, il a vu que la durée de la maladie était
inversement proportionnelle à la quantité des mi-
crobes injectés. La fièvre aussi est d'autant plus
intense que la quantité de la culture injectée est
plus considérable. Il est de même de Talbuminurie
produite : 2 et 3 centimètres cubes l'ont déterminée
au bout de douze heures, un centimètre le lende-
main seulement.
La puissance toxique des microbes dépend non
seulement de leur quantité, mais aussi de leur
qualité. Cette qualité peut être modifiée par di-
vers facteurs tels que la lumière, l'électricité, la
chaleur, la pression, l'humidité, la sécheresse, etc.
D'Arsonval et Charrin ont montré le rôle que
jouent ces facteurs dans la nature pour constituer
IMMUNITÉ NATURELLE 5
ce que les anciens avaient nommé le génie épî-
démique. L'âge de la culture et les modifications
chimiques du milieu, dans lequel se développent
les microbes, ont également une grande impor-
tance : ils influent sur leurs propriétés et même
sur leur forme.
Nous ne nous arrêterons pas à ces modifica-
tions, sur lesquelles nous reviendrons plus lon-
guement à propos de la vaccination et de l'immu-
nisation.
Nous envisagerons plutôt ici Tétude du terrain^
qui est si capital dans ces questions. Au cours
d'une épidémie, il y a des individus épargnés,
ou chez lesquels la maladie évolue avec plus
de bénignité, alors que d'autres, vivant dans les
mêmes conditions, sont fortement atteints. La
raison de ces immunités tient à la façon diverse
dont ces individus réagissent, en particulier par
leur système nerveux, qui modifie alors les hu-
meurs et les propriétés cellulaires. Que le microbe
puisse mieux se développer, mieux sécréter, et il
sera plus pathogène. Sans doute, il est la cause
première ; mais la dépréciation de l'organisme est
la cause seconde, sans laquelle il n'agit pas, sans
laquelle il est stérile. Un organisme faible suc-
combe, un organisme fort résiste. C'est ce que
nous enseigne l'étude étiologique des diverses in-
fections ; mais d'abord, nous voudrions signaler
la grande influence de la porte d'entrée.
6 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
II
* PORTE D'ENTRÉE
C'est Ghauveau qui Ta, le premier, signalée
pour la vaccine. Elle a été ensuite mise en lu-
mière par Galtier, par MM. Arloing, Corncoin et
Thomas.
La pénétration des microbes par le tissu con-
jonctif, les veines, le sang, le péritoine, les voies
digestives, la trachée, les voies biliaires, la plèvre,
les méninges, la vessie, les uretères, etc., leur fait
rencontrer des conditions chimiques et dyna-
miques variées, qui ne peuvent que retentir sur
leurs fonctions et leur évolution. La bactéridie
charbonneuse, introduite dans le tissu cellulaire,
détermine la mort. Par la voie vasculaire, elle
n'amène qu'une légère affection immunisante.
La voie digestive est, de toutes, la moins favo-
rable à rinfection. L'épilhélium oflre une barrière
naturelle, que les microbes ne franchissent qu'à la
faveur d'une lésion. De plus, les sucs digestifs, et
particulièrement le suc gastrique, possèdent une
action microbicide, ou au moins atténuante. On
sait la rareté du bacille de Koch dans l'estomac
et du charbon intestinal. M. Charrin,de même, a
prouvé que le pyocyanique, sur lequel il a publié
de si remarquables travaux, est à peu près inof-
IMMUNITÉ NATURELLE 7
fensif par la bouche, et n'exerce aucune vaccina-
tion.
Pour tuer un lapin, il faut un dixième de centi-
mètre cube de culture du même 'microbe par la
voie intra-veineuse, 1 centimètre cube et plus
par la voie sous-cutanée. De faibles quantités,
injectées sous la peau, confèrent l'immunité
pour des doses plus fortes. Par le péritoine, l'ac-
tion est moins énergique que par les vaisseaux.
Par la veine-porte, elle n'est pas modifiée par le
pouvoir anti-toxique du foie. L'injection dans la
trachée, au contraire, n'est efficace que si on a fait
subir à sa muqueuse uii traumatisme préalable, si
elle est poussée jusqu'à des doses capables d'en-
traâner l'asphyxie, ou si on a sectionné un des
pneumogastriques (expérience de Gharrin et
Ruffer).
Le rôle de la porte d'entrée est mis en lumière
non seulement par la pathologie expérimentale,
mais encore par la pathologie humaine. La variole
congénitale, qui se transmet par le placenta dans
le sang du fœtus, est plus grave que la variole
acquise par l'infection des voies respiratoires.
Dans la syphilis héréditaire, où le virus est entré
non par les ganglions, mais par le sang, il n'y a
pas de chancre, toutes les périodes sont confon-
dues. Ghauveau, et plus récemment Straus, ont
inoculé le virus-vaccin dans les veines. Il ne se
produit pas alors de boutons localisés, mais il
8 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE
survient de la fièvre, et des éruptions cutanées
diffuses. Dans une glande de la peau, le staphylo-
coque fait le furoncle, dans la moelle des os Tos-
téomyélite.
. Ainsi, Torganisme présente une série de milieux,
qui sont, pour les microbes, tout autant de bouil-
lons, diversementfavorables à leur développement.
Puisqu'il en est ainsi, il n'est pas étonnant que
.les diverses espèces animales se comportent diffé-
i*emment vià-à-vis d'une même affection. Jugeons
par quelques exemples :
Charbon. — A propos du charbon, Chauveau
a montré, ainsi que nous l'avons déjà dit, que
les moutons algériens sont réfractaires au char-
bon. Cette immunité est due à la race, puisque
les moutons français contractent la maladie en
Algérie. Les lapins sont plus résistants que les
cobayes et les souris. Il en survit environ 1 sur 40.
11 est facile de tuer les jeunes rats blancs par le
charbon, tandis qu'il ne détermine souvent chez
les vieux qu'une lésion locale. Les bœufs et les
veaux, quoique plus souvent atteints que les mou-
tons, sont peu sensibles à l'injection hypoder-
mique. En Algérie, leur résistance est plus grande
qu'en Europe. Les chevaux sont beaucoup moins
exposés que les moutons, bien qu'en Russie on en
ait observé des épizooties. Les porcs sont peu sen-
sibles au charbon.
IMMUNITÉ NATURELLE 9
Qui ne connaît Timmunité des carnassiers ? La
viande charbonneuse est inoffensive pour le chien,
le chat, le renard. Pourtant, si on s'adresse à de
jeunes animaux, ou qu'on injecte du virus char-
bonneux dans les veines, on détermine la mort.
C'est ainsi que Toussaint a tué 2 jeunes chiens
M. Roger, ayant introduit un demi-centimètre
cube de culture dans les veines de 4 chiens adultes,
les a vu périr au bout de trois à cinq jours. Le chat
lui a paru plus résistant. 1 centimètre cube, injecté
à 2 animaux, n'en a tué qu'un seul au bout de
cinq jours.
Le charbon n'atteint guère les oiseaux, surtout
les poules; on peut cependant tuer les moineaux
et les pigeons. On sait d'ailleurs que Pasteur pri-
vait la poule de son immunité, en plongeant ses
pattes dans l'eau.
Les animaux à sang froid possèdent une immu-
nité, qui n'est pas non plus absolue. 22 crapauds,
inoculés avec du charbon par Fischel, sont tous
morts. Des grenouilles, placées par Gibier dans de
l'eau à 38^, devinrent charbonneuses. Sur 27 gre-
nouilles injectées, (Emler en a tué 6. S'appuyant
sur le fait de la mort de plusieurs grenouilles
portées pendant vingt-quatre heures à 30°, et ino-
culées après avoir été remises dans l'aquarium,
M. Roger pense que < le chauffage ou le refroidis-
sement prédispose au charbon, non pas tant en
modifiant la température qu'en troublant l'état
\0 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIB
général des animaux et diminuant ainsi leur résis-
tance à la bactéridie ».
Morve. — Les bovidés y sont entièrement réfrac-
taires. Le porc n'y est guère sensible, quoique
Spinola ait réussi à la lui transmettre. Elle épar-
gne également le chien. Comme Tont montré
Saint-Cyr et Peuch, il se produit chez lui une ulcé-
ration qui guérit après cicatrisation. Balinsky
a pourtant constaté la virulence des paren-
chymes dix-huit heures après l'injection hypoder-
mique et la persistance de cette virulence pendant
six et huit mois. Mais il y a atténuation du microbe
dans l'organisme. Les oiseaux sont peu sensibles
à la morve, pour ne pas dire réfractaires. Cepen-
dant, l'immunité du pigeon est incomplète.
Tuberculose. — En provoquant la tuberculose
expérimentale on peut s'apercevoir qu'une injec-
tion avec la même culture de bacilles faite à diffé-
rents animaux ne cause pas toujours les mêmes
accidents. Certains sujets soumis à l'expérience
sontatteints immédiatement d'une phtisie aiguë ou
galopante, tandis que d'autres restent réfractaires
à la première inoculation ou ils sont atteints à un
degré chronique d'une moindre intensité. Cepen-
dant aucun animal ne résistera à des inoculations
répétées et massives, et s'il ne se développe pas
chez lui de granulations, il succombera d'intoxi-
cation.
IMMUNITÉ NATURELLE 11
On peut observer, de même, en clinique humaine
et vétérinaire, certains individus très sensibles à la
moindre contagion d'un produit tuberculeux, tan-
dis que d'autres vivent pendant des années au mi-
lieu et au contact de phtisiques sans éprouver la
moindre atteinte.
La tuberculose est exceptionnelle chez la chèvre,
le chien, Tâne, la brebis : elle est cependant ino-
culable à tous ces animaux. Elle est plus com-
mune chez le cheval. Le singe très sensible à l'ino-
culation, comme Dieulafoy et Krieshaber l'ont
démontré, ne devient pas souvent tuberculeux
spontanément dans son pays natal. Il fournit au
contraire un contingent énorme à la phtisie, lors-
qu'il est exporté.
La plupart des carnassiers, sauf le chien, sont
très sensible à la contagion tuberculeuse.
Les animaux à sang froid sont, au contraire,
réfractaires à cette maladie, et l'inoculation ne
produit chez eux aucun développement granu-
laire ; les animaux sont tués par intoxication.
Nous n'avons cité avec intention que trois mala-
dies type (charbon, morve et tuberculose) espérant
que ces exemples suffisent pour démontrer la rela-
tivité de l'immunité. Nous reviendrons sur ce point
intéressant dans d'autres chapitres lorsque nous
étudierons l'immunisation de chaque maladie
infectieuse bien connue (choléra, tétanos, érysi-
i2 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
pèle, fièvre typhoïde, etc.). Disons, en attendant,
que celte relativité de Tétat réfractaire devient
encore bien plus apparente lorsqu'on étudie, pour
un même organisme, les différentes conditions
physiologiques et pathologiques, dans lesquelles
rindividu peut se trouver. Ces conditions sont
d'ordre externe ou interne; examinons d'abord
les premières.
III
CONDITIONS EXTÉRIEURES
1** Climat. — La fièvrejaune, par exemple, n'est
que passagère en Europe. Les pays chauds sont le
lieu de prédilection des troubles intestinaux, des
maladies du foie, des fièvres intermittentes. La
peste ne prospère que rarement dans notre conti-
nent. Le choléra nous est importé d'Asie. Le cli-
mat influe sur l'érysipèle, qui n'apparaît pas à
toutes les latitudes. En un mot, l'influence du
climat sur les maladies infectieuses ne fait plus de
doute pour personne.
2^ Altitude. — La malaria sévit principalement
dans la plaine. Au-dessus de 300 mètres, elle est
plus rare. Aussi, l'arabe d'Algérie passe-t-il la sai-
son des fièvres sur les hauts plateaux, et l'Anglais,
aux Indes, dans \essanat07'ia établis sur des hau-
teurs.
IMMUNITÉ NATURELLE 13
M. Laveran a constaté la rareté du paludisme à
Gonstantine et sa fréquence dans la vallée de Rum-
mel, située à 130 mètres au-dessous de cette,
ville.
On a remarqué aussi l'influence de l'altitude sur
l'érysipèle.
La tuberculose de même ne sévirait pas, ou
presque pas, sur les lieux élevés, ainsi que Ta vul-
garisé surtout M. le professeur Jaccoud. A partir
de 1,300 mètres, on ne la rencontrerait presque
plus. Cela tiendrait à la pureté et à la sécheresse
de l'air, à l'égalité de la température et à la dimi-
nution de la pression.
Cependant Jacoby a pu conclure d'une étude sur
cette question que les hautes régions ne sont pas
indemnes de la tuberculose.
C'est ainsi qu'à Mexico et à Madrid, elle n'est
pas rare. On la rencontre parmi des ouvriers tra-
vaillant dans des ateliers sur des contrées très
hautes, comme à Joux et à la Chaux-de-Fonds.
D'après Spillmann, elle est fréquente dans les
hautes Vosges et le Tyrol.
3** Saisons. — Dans les climats chauds, l'heure
de la journée a même son importance. C'est au
coucher du soleil, qu'on court surtout le risque
de l'impaludisme.
Sur notre continent, on sait que les trimestres
d'hiver et du printemps fournissent deux fois plus.
14 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE
de pneumonies que ceux de Télé et de l'automne
Wîlhem Ziemssen avait constaté, dès 1888, que le
maximum de fréquence correspond à mars, avril
et mai, le minimum à juin, juillet et août.
On sait également, depuis Hippocrate, que les
phtisiques meurent surtout à Tautomne.
4" Froid. — L'influence pathogénique du froid
était, dans Tancienne médecine, une notion pré-
dominante. En resserrant les vaisseaux périphéri-
ques, il refoule le sang dans les viscères et y occa-
sionne des congestions. Localement, il occasionne
des érythèmes, de la vésication, de la gangrène.
L'humidité le rend encore plus nuisible.
Nous avons déjà dit que Pasteur a conféré le
charbon à une poule refroidie. Donc, Thypother-
mie, produite par le froid, est une des causes de
son action; mais ce n'est pas la seule. Holm a
prouvé qu'il trouble le pouvoir phagocytaire, et
la vie cellulaire. C'est ce qu'avait vu également
Bouchard (Congrès de Berlin, 1890). Il introduit
sous la peau de lapins vaccinés contre le pyo-
cyanique des cellules de Ziegler, puis injecte une
culture dans et autour de ces cellules. Un premier
lot de lapins est laissé libre. Le second est soumis
à l'immobilisation. Deux à quatre heures après, la
température de ces derniers est tombée de 39 à
34**,32. Retirant alors leurs cellules, on constate
que la diapédèse y est médiocre ou nulle. Chez
i
IMMUNITÉ NATURELLE 15
les premiers, au contraire, elle est considérable.
Donc, la diminution de résistance du terrain nuit
à la diapédèse.
Pasteur a, le premier, affirmé que le sang nor-
mal ne contient pas de microbes. Bouchard Ta
trouvé stérile, même aprèè avoir plongé vivement
des cobayes dans l'eau, de façon à abaisser leur
température rectale jusqu'à 3P, en moins de trente
minutes. Mais en les refroidissant par l'immo-
bilisation, le séjour dans la glacière, la faradîsa-
tion cutanée, le vernissage, il vit au bout de deux
heures, chez 1 sur 4 au moins, une goutte de sang
donner des colonies.
L'expérience de Pasteur, rappelée plus haut, a
été reprise par M. Trabeznikoff à l'institut Pas-
teur. On injecte dans le sang d'une poule des
spores charbonneuses. Elle ne meurt pas, et après
180 jours l'examen microscopique laisse encore
voir les spores dans les phagocytes. On réalise
ainsi le microbisme latent de M. Verneuil. Si alors
on refroidit la poule, on lui donne le charbon.
Les spores ont germé, et les bactéries se sont
répandues des leucocytes dans le sang.
Le froid agit non seulement sur le charbon,
mais sur Térysipèle. Il favorise les pleurésies et
surtout les bronchites. On connaît aussi l'action
funeste du froid humide sur l'évolution de la
tuberculose. De même, la diphtérie est plus fré-
quente et plus grave en automne, en hiver, au
16 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
début du printemps, et par les temps froids et
humides.
5** Chaleur. — La chaleur excessive, c'est-à-dire
dépassant 40°, est aussi défavorable que le froid.
Maurel a reconnu qu'une température, dépassant
positivement la normale, altère les leucocytes.
Les transitions brusques entraînent des phéno-
mènes vaso-moteurs, qui modifient les humeurs,
font transsuder les plasmas, et sortir les globules.
Nous avons déjà dit que Gibier a donné le charbon
aux grenouilles en les chauffant.
A propos du paludisme, Laveran fait observer
qu'il augmente de fréquence et de gravité à mesure
qu'on descend des pôles vers l'équateur.
On sait aussi que l'exposition au soleil, l'expo-
sition au feu (forgerons, cuisiniers, chauffeurs)
favorise l'explosion de la fièvre jaune.
La tuberculose est plus commune dans les pays
tempérés que dans les pays froids.
6*^ Jeûne. — Zasiadko a étudié {Vratck^
sept. 1890) les variations de régime,
Ganaliset Morpurgo {Fortschi\der Med, , 15 sept.,
1®*" oct. 1890) ont bien observé l'influence de l'ina-
nition sur la réceptivité pour les infections. Expé-
rimentalement, sur le pigeon, ils ont vu que son
immunité naturelle pour la pustule maligne fléchit
lorsqu'on le soumet au jeûne. Bouchard a vu
^
IMMUNITÉ NATURELLE 17
qu*il en était de même pour Timmunité artificielle
des lapins. Ces expériences démontrent donc le
rôle que joue la misère physiologique dans Téclo-
sion des maladies infectieuses.
L'inanition agit en abaissant la température,
diminuant le glycogène du foie, ralentissant le
mouvement et le pouvoir digestif des viscères, épui^
sant Torganisme, etc. La surabondance d'alimen-
tation est, d'ailleurs, nuisible par l'excès opposé.
7^ Traumatisme. — Ainsi que l'a prouvé Gama^
léia {Ann. Inst. Pasteur^ 1887), le pneumocoque
est inofifensif par la trachée. Il le devient lorsqu'on
lèse la muqueuse. On a d'ailleurs souvent cité
une contusion du thorax au début de la pneu-
monie. Ghauveau a montré l'influence du bistour*
nage. Max SchuUer a provoqué par le trauma*
lisme des tumeurs blanches chez les tuberculeux,
et on sait que le streptocoque et le staphylocoque
font des endocardites, des péricardites, des péri-
tonites, des ostéo-myélites, des arthrites, lorsqu'on
cautérise les valvules endocardiques, le péricarde,
lorsqu'on irrite le péritoine ou qu'on provoque
des fractures et des entorses.
D'après Herman {Ann, Inst, Pasteur^ 1891), le
bacille pyocyanique ne fait souvent rien sous la
peau du lapin. Il en est tout autrement, après
distension ou irritation chimique du tissu con-
jonctif.
IMMUNISATION^ 2
18 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRÀPIE
Perroud attribue la fréquence et la localisation
sous-claviculaire de la tuberculose chez les marins
du Rbône à l'usage qu'ils font d'un instrument,
gaflfe ou harpie, pour prendre point d'appui sur le
bord; du fleuve en le plaçant sur leur poitrine.
Un traumatisme, portant surtout sur la rate
(de Brun), ramène souvent l'accès de fièvre.
8*^ Encombrement. — Murchison le signale,
avec le défaut de ventilation, comme une des causes
prédisposantes du typhus. Il en est de même de
la fièvre typhoïde. On sait aussi l'influence de
l'agglomération des villes sur la mortalité des
phtisiques, qu'a bien mise en lumière Peter»,
La respiration de l'air ruminé, que Mac Cornac
(de Belfast) appelle air prérespiré^ débilite l'or-
ganisme, en produisant, suivant le mot de Peter,
l'inanitiation des voies respiratoires. L'air confiné
a une teneur plus grande en GO*, et moindre
en oxygène et ozone ; il contient de l'oxyde de
carbone, des vapeurs ammoniacales et le poison
organique de l'haleine étudié par Brown-Sé-
quard et d'Arsonval. Il a perdu alors les pro-
priétés d'aliment gazeux, il est impropre à l'hé-
matose.
En revanche, l'influence salutaire du grand air
est connue, particulièrement pour la tuberculose.
La création récente des sanatoria maritimes a
montré les bons effets de l'atmosphère marine, à
IMMUNITÉ NATURELLE Id
laquelle croyait déjà Lasègue, qui est mort phti-
sique sur une plage de la Normandie.
L'encombrement est, avec le de'faut d'insolation
et d'alimentation, le fléau des casernes, prisons,
asiles d'aliénés, bureaux, ateliers, couvents, orphe-
linats, etc.
IV
CONDITIONS D'ORDRE interne'
Nous venons de passer en revue les conditions
d'origine externe qui affaiblissent la résistance de
l'individu. Nous allons succinctement étudier main:
tQj^ptnt celles qui dépendent de lui.
l°Age. — Une même infection prend des aspects
divers chez l'enfant, l'adulte ou le vieillard. Au-
dessous d'un an, les entérites prédominent. Au
moment de l'adolescence, ce sont surtout les
ostéomyélites, les fièvres éruptives, etc. La fièvre
typhoïde est une maladie de la jeunesse et de l'âge
adulte, le cancer survient plutôt entre cinquante
et soixante ans.
L'érysipèle est rare avant la puberté et est bien
moins fréquent dans la vieillesse.
La diphtérie atteint la première enfance. C'est
surtout entre trois et six ans qu*elle a son maxi-
mum de fréquence.
20 IBCMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Chez Tenfant, selon Hockringer, il est rare que
la malaria se manifeste avec de Tapyrexie vraie.
L'inoculation du virus péripneumo nique à deux
veaux, l'un à la mamelle, l'autre plus âgé, déter-
mine, chez le premier, une maladie générale, chez
le second, une lésion locale œdémateuse au niveau
du médiastin.
2** Sexe. — La fièvre typhoïde est plus fréquente
chez l'homme (Besnier), plus meurtrière chez la
femme (Hayem, Cadet de Gassicourt). La péritonite
tuberculeuse est plus grave pour cette dernière.
De même, la coqueluche atteint plus souvent
les filles que les garçons. La femme, aussi, est plus
souvent phtisique que l'homme.
Cette influence du sexe tient au défaut de résis-
tance, qu'entraîne tout ce qui complique la vie
génitale de la femme.
La menstruation et la puerpéralité ^provoquent
des récidives d'érysipèle. La grossesse et la lacta-
tion mettent la femme en danger de tuberculose,
DU en accélèrent la marche lorsqu'elle existe «
M. Galliard a montré l'influence de la grossesse
sur le choléra. On connaît aussi celle qu'il exerce
sur la fièvre typhoïde.
3*^ Racôs. — Les fièvres palustres n'atteignent
presque jamais les nègres. Ceux qui sont accli-
tnatés en Amérique ou en Europe y sont plus sen-
IMMUNITÉ NATURELLE M
cibles. D'après Laveran, elle est moins grave, en
Algérie, chez les Arabes que chez les Européens.
La race jaune et les métis jouissent d*une immu-
nité à peu près complète à Tégard de la fièvre
jaune. Les Européens émigrés lui payent au con-
traire un large tribut. Les créoles, vivant dans
les colonies, où règne la fièvre jaune, en sont assez
indemnes.
De même, les nègres, comme les singes, sont pré-
disposés à la tuberculose lorsqu'ils sont expatriés.
4° Fatigue. — On a décrit avec soin les altéra-
lions anatomiques qu'elle détermine chez le gibier
couru. Chez Thomme, on a attribué au surmenage
le purpura, le pseudo-rhumatisme, une fièvre spé-
ciale, mais sans savoir s'il s'agissait d'une auto*
intoxication pure ou d'une infection favorisée par
elle. Soloriieff a montré que la fatigue de l'homme
et du cheval diminuent leur résistance à la morve
ou au charbon. Kelsch, dans ses leçons, a mis en
relief l'excès de travail imposé aux soldats dans
l'étiologie des infections.
Mais ce sont surtout les expériences de Charrin
et Roger {Société de Biologie, janvier 1890) qui
ont démontré, pour le charbon symptomatique et
bactérien, l'influence favorisante de la fatigue
générale et du surmenage. On connaît quel rôle
joue ce surmenage physique ou moral dans l'étio-
logie de la tuberculose.
22 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
5*^ Splénectomie. — Burdach, extirpant la rate à
des animaux (Ann. Inst, Pasteur, 1889), a vu
diminuer leur résistance contre les infections.
On Ta prouvé également pour le pyocyanique.
6° Lésions nerveuses. — Le système nerveux
est le régulateur des phénomènes vitaux, ainsi
que Ta bien montré Gh. Richet. C'est le système
nerveux qui, par ses vaso-moteurs, commande à
la nutrition des tissus. Il n*est donc pas étonnant
que ses lésions favorisent l'infection. G*est ce
qu'ont montré les recherches de Charrin et Ruffer,
de Roger, de Féré, de Herman. Charrin et Ruffer
ont vu le pyocyanique prospérer mieux après la
section du sciatique. Herman a confirmé (Ann.
InsL Pasteur, 1891) ces expériences. Roger a
montré {Soc. de Biologie, 1890) que la paralysie
vaso-motrice, consécutive à Tarrachement du
ganglion cervical supérieur, favorise le dévelop-
pement du streptocoque. Il en est de même de la
section des nerfs sensitifs.
7° Intoxications. — On a prétendu que le plomb,
Talcool nuisaient au bacille de Koch, et Burcq
que le cuivre s'opposait à l'éclosion du choléra.
Mais ces doctrines ont été bien souvent mises en
défaut, et c'est plutôt le contraire qu'il faut aujour-
d'hui admettre.
Lancereaux a insisté dans ces derniers temps
IMMUNITÉ NATURELLE 28
sur la prédisposition des alcooliques à la tuber-
culose. On sait également combien ils résistent
peu aux autres infections pulmonaires, au choléra
et à la fièvre typhoïde.
L'inQuence néfaste de certaines professions
rentre dans cette catégorie des intoxications.
8*" Auto-intoxications. — Bouchard a montré que
les infections stomacales et intestinales favorisent
le développement du staphylocoque. D'après Char-
rin, le sublimé à des doses très petites rend le
cobaye plus susceptible au pyocyanique. Les
érythèmes iodiques, ou bromiques peuvent aussi
amener la formation de vésicules, et de bulles,
aboutissant à la suppuration.
9''Diathëse& et affections diverses. — Dijnid,
Perraro ont montré la part du sucre dans la
genèse des suppurations, de la gangrène, et de
la tuberculose au cours du diabète. Chez le gout-
teux, la phtisie est plutôt fibreuse. On a cru long-
temps que la scrofule était une cause prédispo-
sante à la tuberculose. D'après Marfan [Traité de
Médecine^ t. I), une écrouelle bien guérie confé-
rerait même l'immunité.
Noua n'insisterons pas davantage sur ces in-
fluences, dont l'étude relève plutôt de la patho-
logie. D'ailleurs, pous reviendrons sur l'immuni-
sation conférée par les maladies antérieures.
24 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Il nous suffit maintenant d*avoir montré que la
malignité des infections n*est plus inexplicable
et mystérieuse, comme elle Tétait pour les an-
ciens.
Sydenham en niait Texisteiice. Plus tard, on
voulut Texpliquer par la gravité des désordres
anatomiques. Mais aujourd'hui, on sait que sa
véritable raison est dans les propriétés du terrain,
que rencontre le microbe. Suivant que ce terrain
sera doué d'une immunité plus ou moins grande,
ou qu'il aura subi une dépréciation plus ou moins
profonde, il réagira différemment contre les
germes infectieux, il sera vainqueur ou vaincu.
V
CAUSES DE L'IMMUNITÉ
Il était indispensable de passer en revue les
différentes conditions qui mettent Tindividu dans
un état de résistance moindre, qui, en un mot,
diminuent son immunité naturelle. Cette étude des
causes susceptibles de déprécier l'organisme était
utile pour démontrer la relativité de cet état
réfractaire. L'immunité existe néanmoins et nous
devons maintenant examiner les théories qui ont
été émises pour l'expliquer.
Ces théories sont aussi bizarres que multiples.
Nous ne citerons d'elles que celles qui sont dignes
IMMUNITÉ NATURELLE 25
d'être connues ou qui ont participé à élucider ce
chapitre si difficile. Les unes sont purement cel-
lulaires, les autres purement humorales, les autres
cellulo-humorales, si on peut s'exprimer ainsi,
les autres enfin invoquent les réactions vaso-
motrices.
10 Théorie cellulaire. Phagocytose. — C'est
Metchnikoff, qui en a été le promoteur. En 1883,
il a mis hors de doute l'existence d'une digestion
iatra-cellulaire, en montrant que les nomades
peuvent digérer des filaments végétaux, que les
cellules du mésoderme faisaient de même pour
les bactéries, et que cette fonction phagooytaire
était dévolue chez les êtres supérieurs aux leuco-
cytes.
Glage a vu, autour des foyers de ramollisse-
ment ou d'hémorragie des centres nerveux, des
globules blancs digérer la myéline désintégrée.
Ce sont ces mêmes globules qui, en digérant la
fibre musculaire, digèrent la queue du têtard.
Chez un crustacé d'eau douce, la daphnie, on
voit les leucocytes affluer autour des spores
d'algues, pénétrer dans le mésoderme.
Metchnikoff a multiplié ces exemples de dé-
fense cellulaire chez les invertébrés. Mais nous ne
nous occuperons que de leur existence chez les
animaux supérieurs.
11 a distingué deux sortes de phagocytes : les
26 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
mobiles ou microphages, et les immobiles ou
macrophages. Les premiers comprennent les glo-
bules blancs de la lymphe et du sang. Les plus
petits de ces globules, nommés lymphocytes, sont
gros à peu près comme un globule rouge, et ont
le noyau très colorable par les couleurs d'aniline.
Ils abondent dans les ganglions lymphatiques,
la rate, la moelle des os. Ce sont les jeunes leu-
cocytes.
Les leucocytes mononucléaires diffèrent des
précédents par ua protoplasma plus colorable
par les couleurs d'aniline et par un noyau
moindre, mais contenant beaucoup de suc nu-
cléaire, et ayant une forme ovale ou lobée et réni-
forme.
Cependant, le sang humain ne contient guère
que 20 p. 100 de ces deux sortes de leucocytes.
Le reste est constitué par les leucocytes polynu-
cléaires d'Ehrlich, ronds ou amiboides, à noyau
lobé et très colorable, à protoplasma peu ou pas
colorable. Il y en a environ 70 à 75 p. 100.
Les 5 p. 100 qui restent sont constitués par des
formes de passage entre les mono et les polynu-
cléaires. Ils présentent le fait particulier de la
présence dans leur protoplasma de granulations
diversement colorables. On les distingue en leuco-
cytes éosinophiles et en cellules d'Ehrlich. Le pro-
toplasma de ces dernières est rempli de granula-
tions rondes non colorables par les couleurs
IMMUNITÉ NATURELLE 27
basiques, qui se distinguent des coeci, avec les-
quels on les a souvent confondus, par un espace
non colorable, correspondant au noyau.
Le noyau ovale ou lobé des éosinophiles se
colore par les couleurs d'aniline, leurs granula-
tions par les couleurs acides seulement (éosine,
etc.). On trouve 4 à 5 p. 100 de ces éosinophiles
parmi les globules du sang; mais ils abondent
surtout dans la moelle osseuse.
Le cobaye et le lapin présentent des cellules à gra-
nulations fixant Téosine, mais plus petites et plus
nombreuses. On les a nommées cellules pseudo-
éosinophiles ou amphophiles. Chez l'homme, les
cellules sont neutrophiles avec granulations ne
se colorant que par un mélange d'acide et de
base.
Parmi toutes ces cellules, ne sont phagocytaires
que les mononucléaires, les polynucléaires, les
amphophiles et les neutrophiles.
Elles ne sont pas seules de Téconomie à jouer
ce rôle. On peut dire que tous les organes con-
tiennent leurs éléments défenseurs, et c*est ce
qu'on a nommé les macrophages. On range dans
cette catégorie les cellules endothéliales des vais-
seaux et des séreuses, les éléments fixes du tissu
conjonctif, les cellules de la moelle osseuse, cer-
taines cellules du foie (cellules étoilées de Kupfer),
une partie de celles des amygdales, follicules
clos, ganglions, alvéoles pulmonaires, etc., le
28 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE
sarcoplasme musculaire, les cellules des ganglions
nerveux et de la névroglie.
Il est à remarquer qu*à part ces dernières, tous
les microphages sont d'origine mésodermique.
Voyons maintenant comment les phagocytes
luttent contre les microbes. On leur a pour cela
supposé une propriété spéciale, qu'on a nommé
chimiotaxie (PfeifiPer), et grâce à laquelle ils sont
attirés ou repoussés par les corps étrangers intro-
duits.
Quand il y a attraction, ce corps est nommé
positifs quand il y a répulsion, négatif. Par
exemple, la tyrosine, l'ammoniaque, la trimé-
thylamine, la peptone, les cultures jeunes, etc.,
sont réputés négatifs ou indifférents; le glycocolle,
la leucine, les caséines, les vieilles cultures, etc.,
sont positifs. De même, les produits microbiens
sont positifs pour les cellules des réfractaires,
négatifs pour celles des animaux neufs. Dans le
premier cas, il y a attraction des leucocytes au
point d'inoculation; dans le second, formation
d'un exsudât séreux. Le vibrion cholérique, par
exemple, détermine dans le péritoine du cobaye
un exsudât séreux sans leucocytes, dans celui du
cobaye vacciné de la leucocytose.
La chimiotaxie est d'autant plus positive que
l'animal est plus réfractaire, et, par suite d'accou-
tumance, la vaccination la transformerait de
négative qu'elle était chez le réceptif, en positive.
IMMUNITÉ NATURELLE 29
La phagocytose est un acle protoplasmique, un
phénomène de digestion intra-cellulaire. En effet,
l'irrégularité do la coloration, et sa diminution en
rapport avec Tintensité de Faltération prouvent
que le microbe englobé a subi une dégénérescence
et enfin la mort. Plus tard, même, les leucocytes
deviennent la proie des microphages.
Metchnikoff a pu réussir, par le froid, à arrêter
la destruction de la bactéridie par la cellule, et
par les aliments, à Tactiver. Ce résultat répond
Tictorieusement à Tobjection d'après laquelle les
phagocytes n'engloberaient que les cadavres. Il
a d'ailleurs donné d'autres preuves. Par un colo-
rant spécial (vésuvine), il a déterminé l'état de vie
ou de mort des bactéries. Il a pu assister à leur
englobement dans une goutte suspendue, et a
même vu par la réinoculation que les microbes
non absorbés étaient mortels pour d'autres ani-
maux, et les microbes absorbés inoffensifs.
La bactéridie charbonneuse pullule rapidement
lorsqu'on la dépose dans la chambre antérieure
de l'œil du lapin. Or, ce milieu est privé de glo-
bules blancs.
Pour qu'un animal soit doué d'une immunité
plus ou moins grande, il ne suffit pas qu'il soit
englobé ; il est nécessaire qu'il soit digéré. Cer-
tains microbes, protégés par une membrane, tuent
le phagocyte et infectent l'organisme. Tel est le
bacille de la tuberculose; La bactéridie charbon*
30 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
neuse résiste au moyen de ses spores. On les voit
germer en transportant, deux ou trois mois après
son inoculation, les phagocytes dans un bouillon
nutritif, Metchnikoff explique ainsi également
l'infection de la grenouille réchauffée et de la
poule refroidie.
Cet englobement, sans digestion, donne encore
la raison de la mort par maladies chroniques
(tuberculose, lèpre, actinomycose) ou aiguës (sep-
ticémie des souris, rouget des porcs).
Quelles sont les substances qui, dans les phago-
cytes, entraînent la destruction des microbes?
On rignore; en tout cas, le fait de la phagocytose
ne peut être nié.
Mais est-il le seul moyen de défense de l'orga-
nisme? Gomme le dit Charrin (Traité de méde-
cine^ t. I, p. 217), il faudrait, pour le prouver,
€ établir que les agents pathogènes sont englobés,
alors qu'ils sont en parfait état de santé, au
moment où aucun facteur n'est intervenu pour
les détériorer. Voilà ce qui n'a pas été réalisé. »
Au contraire, les recherches les plus récentes
prouvent que les humeurs sont douées du pouvoir
microbicide.
S"" Théorie humorale. Pouvoir bactéricide.—
Dans une thèse, inspirée par Schmidt, et soutenue
à Dorpat en 1884, Grohmann a prouvé que la
bactéridie s'atténue dans le sang. Fodor a repris
IMMUNITÉ NATURELI£ 31
cette étude en 1887 [Deut. med. Woch,). Puis, la
question a été surtout éclairée par les recherches
de Fiûgge, celles de ses élèves, celles de Nutal
(Zeitschr. f. Hyg.^ 1884), de Nissen [Ibidem^
1889), etc. Mais c'est surtout Buchner qui a con-
tribué à rétablissement de la théorie humorale.
On n'avait, en effet, jusqu'à lui, employé que le
sang. Or, la destruction des microbes pouvait
tenir à la présence des éléments figurés, à leur
sécrétion possible de matières solubles toxiques,
ou encore comme le faisait remarquer Duclaux
{Ann. Inst. Pasteur, 1888), à la privation d'oxy-
gène que subissaient les microbes.
C'est alors que Buchner, ayant recours au
sérum, lui a reconnu des propriétés bactéricides,
disparaissant si Ton chauffe à 5S^ pendant une
heure, ou que l'on augmente le pouvoir nutritif
soit par l'addition de peptones, soit par une suc-
cession de congélations et de dégels.
Behring a reconnu également le pouvoir bacté-
ricide des humeurs du rat blanc à l'égard du
charbon, et il l'explique par leur alcalinité. Pane
(8® Congrès italien de médecine interne, 1892)»
Zagari et Innocente {Arch, ital. de biologie, 1893)
acceptent aussi ce rapport entre l'alcalescence du
sang et l'immunité.
Metchnikoîff est le plus autorisé des adversaires
de la doctrine du pouvoir bactéricide des humeurs.
Dans un récent rapport au Congrès international
32 IMMUNISATION ET SÉRUMTflÉRAPIE
de Budapest (Ann. inst. Pasteur, 25 oct. 1894), il
Ta vivement combattue et montré comment elle
peut être supplantée par la théorie phagocytaire.
L'effet microbicide étant temporaire, il croit qu'il
s* agit d'une simple adaptation à un milieu nou-
veau. C'est le changement brusque de milieu qu'il
faut incriminer, parce qu'il nuit à la vitalité du
microbe. Il est intéressant, au surplus, de rap-
porter les thèses soutenues par Metchnikoff et
Buchner.
€ Ni avant le Congrès de Londres, ni dans ces
trois dernières années, on n'a jamais pu fournir
un seul exemple concret de cette action humorale
dans l'organisme animal ; mais un grand nombre
des faits recueillis s'opposent à l'admission de la
théorie bactéricide. Aussi, M. Buchner admet
aujourd'hui que la propriété bactéricide du sang
est surtout due aux leucocytes qui dégagent les
alexines capables de détruire les microbes ; lors-
que, dans un processus infectieux, il s'établit une
inflammation avec une accumulation considérable
de leucocytes, ces cellules interviennent non plus
seulement pour englobée les microbes morts,
mais bien pour dégager d'abord le fluide microbi-
cide. La nouvelle conception de M. Buchner n'est
donc plus une théorie purement humorale, mais
une théorie cellulaire, créée dans le but de con-
cilier les anciennes théories de l'immunité.
« MMi Hankin, Kanthack et Hardy avaient déjà
IMMUNITÉ NATURELLE 33
formulé une opinion qui devait concilier les théo-
ries opposées de Timmunité. Ces auteurs ont admis
que les alexines bactéricides étaient un produit
de sécrétion de leucocytes éosinophiles. D'après
leur conception, les granulations éosinophiles dé-
gagées par les cellules tueraient les microbes qui
sont ensuite englobés et dissous par les leucocytes
non éosinophiles. Cette théorie est définitivement
réfutée par M. Mésnil qui, dans un travail inédit
exécuté dans mon laboratoire, a prouvé que, chez
certains poissons osseux, et notamment chez la
perche, il n'existe pas du tout de granulations
éosinophiles ou pseudo-éosinophiles et que, mal-
gré cela, la destruction des microbes s'opère tout
aussi bien par les phagocytes que chez les ani-
maux doués'de la plus grande quantité d'éléments
éosinophiles.
< Parmi les savants qui ont devancé M. Buchner
dans la voie de conciliation, je dois encore citer
M. Denys et ses collaborateurs, qui ont tâché de
démontrer le rôle des leucocytes dans la manifes-
tation bactéricide du sang.
€ Voilà donc une série de tentatives qui prou-
vent rimpossibilité de persister dans la voie de la
conception purement humorale de l'immunité.
€ Le c.occobacille de la peste orientale " se
trouve, dans les cas les moins graves, en grande
quantité à l'intérieur des phagocytes, comme l'a
constaté M. Ë. Roux. Le petit bacille de Tinfluenza,
IMMUNISATION. 3
34 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIC
découvert par M. R. Pfeiffer, présente des rap-
ports constants et très intéressants avec les leuco-
cytes ; au début de la maladie, la plupart de ces
microbes sont libres, tandis que pendant la con-
valescence leur englobement par les leucocytes
devient de plus en plus considérable. M. Issaeff
a pu se convaincre de la grande extension
et de rimportance des phénomènes phagocy-
taires dans la péritonite cholérique des cobayes ;
la résistance remarquable des animaux, qui est
provoquée par une simple injection du bouillon,
de la tuberculine, ou de toute une série d'autres
substances, s'explique d'après M. Issaeff par la
stimulation des phagocytes qui s'incorporent les
vibrions et débarrassent ainsi l'organisme de ces
producteurs de poisons. M. R. Pfeiffer a accepté
cette interprétation, qui attribue un rôle considé*
rable aux phagocytes, mais il fait une distinction
entre la résistance passagère due à l'injection du
bouillon et d'autres substances, et la vraie immu-
nité provoquée par la vaccination avec le vibrion
ou ses produits toxiques. Dans la première, ce
sont les leucocytes qui préservent l'organisme ^
tandis que de la vraie immunité, la destruction
des vibrions est due à d'autres facteurs.
€ Dans un tout récent travail, M. Pfeiffer insiste
sur l'action bactéricide du liquide de Texsudat
péritonéal des cobayes hypervaccinés contre le
vibrion cholérique, et il se fait de l'immunité la
IMMUNITÉ NATURELLE 35
conceplîoa suivante : à la suite de Tinjection des
vibrions cholériques dans le péritoine des cobayes
hypervaccinés, les cellules vivantes, c'est-à-dire
probablement les cellules endolhélialcs, sécrètent
un liquide qui tue les vibrions et les dissout au
bout de peu de temps. Les leucocytes n'intervien-
nent que tardivemeint et ne jouent qu'un rôle
secondaire. M. Pfeiffer en conclut que, pour la
péritonite cholérique des cobayes, la théorie des
phagocytes doit être considérée comme définitive*
ment erronée.
€ M. le ly Metchnikoffa vérifié lui-même l'exac-
titude des faits constatés par M. Pfeifi*er.
< En suivant rigoureusement les règles pres-
crites par celui-ci, il a pu s'assurer que les vibrions
cholériques dans le péritoine des cobayes hyper-
vaccinés ou dans celui des cobayes neufs qui ont
reçu le sérum hypervacciné restent vivants pen-
dant plusieurs heures. Le liquide péritonéal, dans
lequel on ne trouve que de rares vibrions englo-
bés par les leucocytes, donne encore des cultures
abondantes. Le plasma de l'exsudat était donc
incapable de tuer les microbes* D'autre part, l'ob-
servation directe prouve que, contrairement à
l'opinion de M. Pfeiffer, le rôle des leucocytes de
la lymphe péritonéale ne doit nullement être
exclu dans la transformation des vibrions en glo-
bules immobiles ^ Lorsqu'on retire le liquide péri-
tonéal, cinq minutes seulement après l'injection
36 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
des vibrions mélangés avec le sérum préparé par
M. Pfeiffer, on est frappé par le phénomène sui-
vant : les leucocytes se montrent entourés d'une
couche de vibrions, en grande partie déjà trans-
formés en globules. Tandis que les leucocytes
polynucléaires, les grands monucléaires et même
les éosinophiles sont enveloppés d'une masse
épaisse de ces microbes, les lymphocytes et les
globules rouges restent complètement nus et ne
sont entourés d'aucun microbe. Ce fait démontre
Texistence d'une action chimiotoxique des leuco-
cytes dénommés vis-à-vis des vibrions cholériques.
L'action de ces cellules sur les vibrions est donc
incontestable.
(( De plus, il a constaté un grand nombre de
fois et aussi chez des cobayes hypervaccinés
contre le vibrion cholérique, que le liquide ne
renfermant que des microbes englobés dans des
phagocytes donne des cultures pures. Introduits à
l'étuve sous forme de goutte suspendue, les leuco-
cytes, morts dans ces conditions, se gonflent et se
transforment en des sacs remplis de vibrions qui
finissent par envahir toute la goutte. Cette expé-
rience montre que les microbes ont été englobés
à l'état vivant et que les forces bactéricides extra-
cellulaires étaient impuissantes à tuer totites les
bactéries. Ce fait constitue une objection capitale
à la nouvelle interprétation de M. R. Pfeiffer
ainsi qu'à toutes les autres théories humorales.
IMMUNITÉ NATURELIE 37
La théorie des phagocytes, malgré Taffinnation
de M. Pfeiffer, s'applique très bien à la péritonite
cholérique des cobayes, comme elle s'applique à
un très grand nombre de phénomènes de résis-
tance de l'organisme contre l'invasion du microbe
en général.
c Des recherches nombreuses faites dans ces
dernières années résulte l'extension du rôle des
phagocytes en dehors de l'engloblement des corps
solides. La grande sensibilité de ces cellules vis-
à-vis des produits solubles des microbes faisait
supposer une action des phagocytes sur les toxines.
M. Ghatenay a fait une étude sur la réaction pha-
gocytaire des animaux empoisonnés par les toxines
bactériennes (diphtérine et tétanine), phanéro-
gamiques (ricine et abrine) et animales (venin des
serpents). II a pu constater une grande analogie
avec les phénomènes connus dans les infections
bactériennes. Lorsque la mort survient au bout de
très peu de temps, le nombre des leucocytes
diminue; s'il y a une survie au delà de yingt-
quatre heures ou une résistance définitive, il se
produit une hyperleucocytose plus ou moins pro-
noncée.
« Dans la leucocytose des lapins empoisonnés
par l'acide arsénieux, on peut également constater
une hyperleucocytose prononcée dans les cas mor-
tels. Mais chez les animaux accoutumés à l'arsenic,
les mêmes doses qui amenaient Thyperleucocytose
38 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAriE
et la mort des lapins témoins produisaient une
augmentation considérable du nombre des leuco-
cytes. Ces expériences prouvent, d'un côté, la
réaction leucocytaire contre les poisons, et dé-
montrent, d'un autre côté, que Thyperleucocytose
peut être produite non seulement par les pro-
téines, mais aussi par des substances sûrement
toxiques.
€ Les phénomènes leucocytaires dans les empoi-
sonnements par les toxines organiques, dans l'ac-
coutumance de l'organisme vis-à-vis de l'arsenic
montrent l'importance des éléments phagocy taires.
D'autre part, la façon dont agissent les sérums
dans la thérapeutique et le traitement préventif
des infections, en stimulant la résistance cellulaire,
montre une fois de plus la vaste part qu'occupent
dans les phénomènes de guérison et d'immunité
les fonctions réactionnelles des celhilcs en général
et des phagocytes en particulier.
€ En résumé, dit MetchnikofT, on peut constater
le triomphe de la théorie cellulaire de l'immunité
et l'échec des théories purement humorales, et
nous devons insister sur ce résultat général que
l'immunité dans les maladies infectieuses est due
à l'activité des cellules vivantes de l'organisme;
or, parmi ces éléments, le premier rôle doit être
certainement attribué aux phagocytes. »
M. le D"* Buchner (de Munich) croit qu'il faut
établir une distinction complète entre l'immunité
IMMUNITÉ NATURELLE 39
naturelle et l'immunité artificielle, ces deux états
étant caractérisés chacun par une espèce particu-
lière de matières : le premier par la présence des
alexines^ le dernier par celle des antitoxines. Ces
deux catégories de substances ont des propriétés
biçn différentes : tandis que les alexines exercent
une action nettement bactéricide et globulicide, et
sont très instables, les antitoxines n'ont pas de
pouvoir bactéricide ni globulicide et sont très
stables; en outre,. elles possèdent une action tout
à fait spécifique, qu'on ne trouve pas au même
degré dans les alexines. Enfin, les alexines sont
des produits de l'organisme animal, tandis que les
antitoxines sont des produits bactériens spéci-
fiques. Pour mieux distinguer l'immunité naturelle
d'avec l'immunité artificielle, il propose de réserver
exclusivement le mot immunité à l'immunité arti-
ficielle et de désigner la première par le terme de
résistance naturelle,
La résistance naturelle repose sur la propriété
bactéricide de certaines substances solubles (alexi-
nes) ; elle ne peut généralement pas être trans-
mise par le sang à d'autres organismes. Les leuco-
cytes y jouent un rôle important, non point comme
des phagocytes, mais par les matières solubles
qu'ils sécrètent; la phagocytose n'est qu'un phé-
nomène secondaire.
L'immunité artificielle est due à la présence,
dans le sang et dans les tissus, de produits bacté-
40 INMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
riens spéciQques, modiflés, non toxiques. Les anti-
toxines et, avec elles, Timmunité artificielle peuvent
être transmises par le sang et le lait d'un animal
à un autre animal. Dans cet état, il ne s'agit pas
d'une destruction directe des toxines, mais d'une
diminution de la réceptivité des tissus animaux.
M. le D' Ddranszky (de Koloszvar) fait observer
qu'outre les poisons de nature alcaloïdique qui
ont été désignés sous le nom de toxines et les poi-
sons albumineux, on a décrit des toxines bacté-
riennes, qu'on ne peut ranger dans aucun de ces
groupes et dont la nature est encore totalement
inconnue. H. Duclaux croit que les toxalbumines
ne sont que des substances albumineuses mélan-
gées à d'autres poisons inconnus; mais les expé-
riences faites par M. Udranszky sur la nature
chimique des poisons bactériens ne permettent
pas de dire que cette opinion doive être admise
dans tous les cas. Le mécanisme de la production
de ces poisons ne peut encore être déterminé,
parce qu'on ne connaît pas actuellement les rap-
ports qui existent entre les propriétés chimiques
des poisons bactériens et la composition chimique
du milieu nutritif, ainsi que la structure chimique
de la cellule bactérienne. Aussi pour résoudre cette
question, les études doivent-elles porter à l'avenir
sur les rapports qui peuvent exister entre le plasma
bactérien et la production du poison.
M. le D' Fodor (de Budapest), ayant observé que
IMMUNITÉ NATURELLE 4!
l'injection d*uii alcali dans Torganisme du lapin
rend le sang de cet animal plus microbicide qu'il
ne Tétait auparavant et procure à Tanimal une
résistance plus grande contre la maladie char-
bonneuse, s'est attaché à étudier l'alcalinité du
sang avant et après l'infection. Il a trouvé que,
après une infection charbonneuse, l'alcalinité du
sang s'élève, en 8 heures, de 11,3 p. 100; en
dix heures, de 21,8 p. 100; mais, au bout de vingt-
quatre heures, il survient une forte et rapide dimi-
nution. Chez un lapin dont l'alcalinité du sang
était moindre que celle d'un autre animal de la
même espèce et qui périt exceptionnellement plus
tard que ce dernier, il a pu observer que l'alcali-
nité augmentait dans de grandes proportions après
l'inoculation, tandis que, chez le second, l'augmen-
tation était faible. Les lapins immunisés partielle-
ment contre le charbon ont montré une diminu-
tion peu sensible de Talcalinité, tandis que, chez
les lapins non immunisés, le moment de l'inocu-
lation étant le même pour tous, la diminution de
l'alcalinité était déjà très prononcée au bout de
vingt-quatre heures.
Les lapins auxquels on a injecté dans la vessie
une culture cholérique dans du bouillon ont perdu
en sept heures 12,7 p. 100, en vingt-quatre heures
18,4 p. 100 d'alcalinité sanguine et ont regagné
en quarante-huit heures 7,4 p. 100, en soixante-
douze heures 9,4 p. 100 et en douze jours 13,9
42 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
p. 100. Deux lapins morts vingt-quatre heures
après l'infection ont perdu Tun 25,3 p. 100, l'autre
36,2 p. 100 d'alcalinité.
Les lapins auxquels on a inoculé des bacilles
de la fièvre typhoïde ont montré pendant dix-neuf
jours une faible diminution de l'alcalinité; mais
tandis que trois de ces lapins, qui ont succombé
à rinoculation, ont montré une diminution de
24,2 p. 100, les animaux reslés en vie n'en ont
présenté que 1,7 p. 100.
Les lapins infectés avec le bacille de la tubercu-
lose ont montré, sept, quatorze, vingt-un, trente,
quarante et cinquante jours après l'inoculation,
une diminution légère et progressive de l'alcalinité.
Au bout de cent dix à cent vingt jours tous
paraissaient être en bonne santé, ils avaient même
augmenté de poids, mais en les sacrifiant on a
trouvé que différents organes étaient tuberculeux,
et que l'alcalinité du sérum était bien au-dessus
de la normale.
Chez les lapins inoculés avec le rouget du porc,
l'alcalinité du sang a faiblement augmenté au
bout de vingt-quatre et même de quarante-huit
heures; tous ces animaux ont survécu.
De ces expériences Fodor croit pouvoir conclure
que l'organisme réagit contre certaines infections
pathogènes par une rapide augmentation de
l'alcalinité du sang, qui est suivie d'une diminu-
tion plus ou moins forte, Si l'infection aboutit à
IMMUNITÉ NATURELLE 43
la mort, cette diminution de Talealinité est consi-
dérable et progressive; dans les cas où elle se
termine par la guérison la diminution est moins
forte, l'alcalinité augmente de nouveau et peut
même dépasser Talcalinité primitive.
Il y a donc un certain rapport entre Faction de
certains microbes pathogènes dans l'organisme et
l'alcalinité du sang. L'animal, dont l'alcalinité du
sang est plus forte ou dont l'alcalinité augmente
plus considérablement à la suite d'une infection
bactérienne, est généralement plus résistant à
l'action de ces microbes.
Le degré d'alcalinité du sang ainsi que la faculté
de l'organisme de réagir contre une infection par
l'augmentation énergique de cette alcalinité,
semblent avoir une action remarquable sur l'im-
munité et sur la réceptivité de l'individu à l'égard
de certaines maladies infectieuses.
M. le D"" Onimus (de Bonay) est également
partisan de la théorie humorale. Il a fait bouillir
de l'eau sucrée, et l'a renfermée dans des cornets
faits avec du parchemin végétal ou papier à
dialyse. L'extrémité des cornets est plongée dans
l'eau ordinaire ou dans de l'eau sucrée conte-
nant de la levure de bière.
Dans ces cornets au tiers remplis d'eau sucrée,
après quinze à vingt minutes, le sucre de canne est
interverti; au microscope, on ne constate à ce
moment aucune cellule, mais seulement quelques
44 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
granulations, et ce n*est qu'après deux à trois
heures que Ton trouve quelques rares cellules.
Dans une autre série d'expériences, pour se
mettre à l'abri des germes extérieurs, Onimus a
renfermé Teau sucrée dans des récipients sans
contact direct avec Tair extérieur.
Après vingt-quatre heures on constate alors que
le sucre est interverti, et Ton trouve un grand
nombre de granulations et plusieurs petites cellules
isolées. Dans le liquide servant de témoin, le
sucre n'est pas interverti et l'on ne découvre
aucune cellule.
En enfermant de la sérosité de vésicatoire dans
des membranes, et en les plaçant sous la peau
de lapins, il a obtenu des leucocytes de nouvelles
formations. Si le liquide n'est pas très frais et
la membrane bien osmotique, ces leucocytes, au
lieu de former une cellule avec ou sans noyau,
subissent l'évolution vibrionienne et peuvent
devenir vibrion ou bactéries.
On a accepté comme un fait indiscutable, que
le sang, le lait, les muscles, etc., conservés à l'abri
des germes de l'air, ne s'altéraient pas, et les ex-
périences de Pasteur sont sous ce rapport nom-
breuses. Seulement, dans ces cas, la viande se
faisande.
Il semble qu'une viande qui se faisande est
une viande altérée d'autant plus que, dans celte
expérience, si l'on veut bien examiner les tissus
IMMUNITÉ NATURELLE 45
au microscope, on y rencontre une série de gra-
nulations qui, au moindre contact d'une goutte
d'eau, auront des mouvements très vifs et seront
de vrais vibrions.
Par M. le D*" Denys (de Louvain), la discussion
semble se concentrer sur la question de savoir si
les leucocytes sécrètent des substances bactéri-
cides. Or, cette année, il a fait, avec M. Van der
Velde, sur le lapin, des expériences dirigées dans ce
sens.
Si l'on prend 10 lapins, auxquels on injecte un
bouillon de staphylocoque atténué, et si on tue
toutes les deux heures un de ces animaux mis en
expérience, on voit qu'il ne se produit d'abord
qu'un exsudât très clair, ne renfermant presque
pas de leucocytes, mais un peu plus tard, douze
heures, par exemple, après le début de l'expé-
rience, le nombre des leucocytes est déjà très
notable.
Si chaque fois qu'on tue un de ces lapins, on
prend le sérum sanguin d'une part, et, d'autre
part, la sérosité obtenue par centrifugation de
l'exsudat, on peut ainsi comparer l'action de 10
sérums et de 10 sérosités correspondant à des
mouvements différents.
Le sérum sanguin a un pouvoir bactéricide très
faible sur le staphylocoque pyogène. La sérosité
de l'exsudat des lapins tués deux ou quatre heures
après l'injection est à peine plus bactéricide que le
46 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
sérum. Mais, chez les lapins tués après douze
heures, la sérosité devient extrêmement bactéri-
cide : à 10 centimètres cubes de cette sérosité on
peut ajouter 1 centimètre cube do bouillon trouble
de staphylocoque, et en très peu de temps tous
les microbes sont tués. Cette sérosité est tellement
bactéricide que le lendemain, après vingt-quatre
heures de séjour à Tétuve, si Ton ajoute encore
des microbes, il sont encore tous tués assez rapi-
dement.
D'où vient cette substance bactéricide? Elle ne
vient pas du sang, puisqu'on ne note pas d'accrois-
sement du pouvoir bactéricide du sang; elle ne
peut donc venir que des leucocytes, dont le
nombre augmente dans Texsudat, à mesure qu'on
s'éloigne du début de l'expérience.
Si Ton chauffe à 50 ou 60**, la sérosité obtenue
parcentrifugation, de l'exsudat, cette sérosité perd
son pouvoir bactéricide. Après avoir ajouté à cette
sérosité des globules blancs obtenus par centrifu-
gation, et après avoir centrifugé de nouveau
Texsudat après deux ou trois heures, l'expérimen-
tateura, dans certaines de ses expériences, constaté
que la sérosité avait récupéré son pouvoir bacté-
ricide, ce qui prouverait bien que cette action bac-
téricide provient des globules blancs. Malheureu-
sement, dans quelques expériences, le résultat a
été négatif, ce qui était dû peut-être à ce que les
globules blancs, qu'on ajoute à la sérosité chauffée
IMMUNITÉ NATURELLE 47
à 50 OU 60°, meurent rapidement dans ce milieu.
Cet insuccès partiel n'en enlève pas moins une
certaine valeur à la conclusion qu'on peut tirer
de ces expériences sur l'origine de la substance
bactéricide contenue dans les exsudais.
M. le D^ Székely de (Buda-Pesl) pense que la
diminution du nombre des microbes dans le sang
défibriné ou dans le sérum n'est pas due à une
action microbicide du sang, mais au changement
subit du milieu, qui devient relativement défavo-
rable à la vie des microbes. Il a déjà prouvé que
le sang défibriné ou le sérum sanguin dans lequel
des staphylocoques provenant d'une culture sur
gélose ont été détruits en grand nombre, est sans
aucune action sur les staphylocoques qui se sont
développés dans ce sang ou dans ce sérum.
D'autres expériences ont montré que, dans un
sérum où les microbes se sont déjà développés et
qui, par conséquent, ne devrait plus exercer
aucune action microbicide, on voit le nombre des
microbes introduits après la filtration du sérum
diminuer considérablement. Sans nier le rôle
important du sang dans, la lutte de l'organisme
contre les microbes, il croit pouvoir dire que ce
rôle ne repose pas sur l'action microbicide du
sang.
M. le D** Aronson fait remarquer que les cellules
de l'organisme jouent un rôle important dans la
production des antitoxines. Les antitoxines exer^
48 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRÂPIB
cent leur action principalement sur les cellules,
mais on ne saurait nier qu'elles exercent aussi
une action directe sur les toxines. C'est ce qui
ressort de Texpérience suivante : si Ton injecte en
même temps à un animal un mélange d'antitoxine
diphtérique et de bacilles de la diphtérie, Tanimal
reste en vie et ne présente aucune réaction locale
tandis qu'il faut cinq fois autant d'antitoxine pour
sauver l'animal si l'on injecte l'antitoxine et les
bacilles séparément et en des points différents.
M. le D^ Nutall relate des expériences qu'il a
faites dans le laboratoire de M. Fliigge au cours
desquelles il a trouvé que l'humeur aqueuse des
animaux réfractaires au charbon tue le bacille
spécifique de cette maladie.
, M. le D' Metchnikoff objecte que les spores du
bacille charbonneux persistent dans l'humeur
aqueuse et s'y développent, bien que cette humeur
possède des propriétés bactéricides ; mais cela n'a
rien à voir avec l'immunité. On commet généra-
lement l'erreur d'étudier les phénomènes bactéri-
cides en dehors de l'organisme. Si l'on injecte un
microbe dans le sang d'un animal réfractaire, dont
le sérum posséderait par conséquent de grandes
propriétés bactéricides, au bout d'une minute on
trouve ces microbes englobés dans des cellules, et
cela se produit si rapidement que l'action du
sérum n'a pas le temps de s'exercer. Gomme ils
sont soustraits à l'action du sérum immédiatement
IMMUNITÉ NATURELLE i^
après leur introduction dans Torganisme, il ne
peut s'agir ici d*une action bactéricide.
D'après M. le D' Buchner, le temps ne joue
aucun rôle dans ce phénomène, car l'action bac-
téricide peut se produire tout de suite. La ques-
tion de la phagocytose ne saurait être résolue avec
le microscope, elle doit Têtrc par Texpérimen-
tatioa*
M. le D*" Denys réplique à M. Metchnikoff que,
dans le cas cité, les spores sont englobées dans les.
cellules ; elles peuvent donc ne pas être détruites
par le sérum à l'action duquel elles sont sous-
traites.
M. le D"" Roux fait remarquer que, dans les
expériences de M. Denys, il y avait des staphylo-
coques vivants dans l'exsudat. Or, pourquoi n'ont-
ils pas été détruits par le plasma?
A cela M. Buchner répond que les staphylo-
coques neutralisent les produits bactériens.
D'après Metchnikoff, cela prouverait précisé-
ment que, dans l'organisme vivant, les choses se .
passent autrement quHn vitro.
On a fait encore d'autres objections, qui ont été
victorieusement réfutées par MM. Denys et Kaisin
{La Cellule, 1893).
3° Théorie bumoro-cellulaire. — Certains in-
vestigateurs, voyant que les théories phagocytaire
et bactéricide ne pouvaient séparément expliquer
IMMUNISATION. 4
IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRÂPIE
rimmunité, ont essayé de les concilier en admet-
tant des opinions mixtes. Telle est la théorie des
alexines de Buchner(ifûncA. med. ITocA.), d'après
laquelle le pouvoir bactéricide des humeurs
serait due aux alexines que dégageraient les leu-
cocytes lorsqu'ils viennent s'accumuler au point
enflfammé. L'action bactéricide, telle qu'elle était
admise avant Buchner, était purement passive. On
voit qu'ici elle est plus active, puisqu'il admet
l'intervention leucocytaire dans ce processus.
Avant lui, d'ailleurs, Hankin, Kanthak et Hardy
avaient admis que les leucocytes éosinophiles
sécrètent des granulations bactéricides. Les mi-
crobes seraient, après leur mort, englobés et digé-
rés par les globules non éosinophiles. Gomme
le dit Metchnikoff dans le rapport précité, un tra-
vail inédit de Mesnil prouve la fausseté de cette
opinion. En efifet, chez la perche, qui est dépour-
vue de granulations éosinophiles, les microbes
sont, comme chez les autres animaux, détruits par
les phagocytes.
Avant Buchner aussi, Denys et ses collabora-
teurs ont essayé de prouver le rôle des leucocytes
dans le pouvoir bactéricide du sang. De même
Behring^ à la suite de ses remarquables recherches
sur le tétanos, a considéré la vraie immunité
acquise ou « immunité active > comme une pro-
priété cellulaire. Seule, l'immunité passive, c'est-
à-dire la. prévention des infections chez un animal
IMMUNITÉ NATUREUE 51
neuf à Taide des humeurs d'un vacciné serait pure-
ment humorale.
Dans le même sens que Buchner, Emmerich
(Mûnch. med. Woch,, 1894) parle des leucocytes
comme centres de la substance albuminoïde active
qui provoque la guérison.
Dans un premier travail sur la production de
la péritonite par le vibrion de Koch, Pfeiffer pen-
sait que ce microbe était détruit par l'action bac-
téricide du liquide de Texsudat et niait le rôle des
phagocytes.
Dans un second travail, avec Wassermann, il
admet leur intervention, mais après destruction du
vibrion par une cause indéterminée.
Puis, Issaef ayant trouvé {Zeits, f. Hyg,, 1894)
que l'injection de substances stimulant les leuco-
cytes (bouillon, tuberculine) augmente la résis-
tance du cobaye.
Pfeiffer a distingué l'immunité passagère due à
ces injections, de la vraie immunité, due à la
vaccination par le microbe ou ses produits. La
première, il Fattribue aux leucocytes, la seconde
à d'autres facteurs. Enfin, dans la Zeitschrift f.
Hygiène (t. XVIII, p. 1), il a insisté sur l'action
bactéricide du liquide de Texsudat péritonéal des
cobayes hypervaccinés contre le vibrion cholé-
rique, et a expliqué par ce moyen l'immunité.
Nous ne nous y arrêterons pas, car ce chapitre
est uniquement consacré à l'immunité naturelle
52 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Il faut dire, d*ailleurs, qu'une théorie semblable
avait été formulée en 1887 par Enimerich pour
rimmunité des lapins vis-à-vis du bacille du rouget
des porcs. On a dû Tabandonner.
Enfin, dans un dernier mémoire, Buchner
{Mûnch. med. Woch., 1894) pour rechercher Iç
rôle des substances défensives du sérum et des
exsudats, a injecté dans la plèvre d*un lapin
10 centimètres cubes d'empois d*amidon émul-
sionné, semé une quantité égale de bacterium
coli commune dans le sérum et la sérosité pleurale
et constaté que le microbe prospère bien dans les
cultures chauffées à 60°, tandis qu'il est tué par
les cultures non chauffées.
4° Théorie vaso-motrice. —M. Bouchard et ses
élèves ont rappelé les droits de la physiologie dans
ces questions d'immunité. Ils admettent bien le rôle
de la phagocytose en dehors des vaisseaux, mais
pour que les leucocytes puissent eu sortir, il faut
que les centres vaso-moteurs le permettent, soit
en excitant les dilatateurs, soit en paralysant les
constricteurs. Ce sont surtout MM. Gley et Gharrin
qui, en excitant le bout central du nerf dépres-
seur et celui du nerf auriculo-cervical (réflexe de
Snellen-Schiff), ont bien mis en lumière cette
influence des toxines microbiennes sur les vaso-
moteurs. Ils ont nettement vu que les cultures
pyocyaniques diminuent l'excitation des centres
IMMUNITÉ NATURELLE 53
vaso-dilatateurs bulbaires et médullaires. Gama-
leia et Charrin avaient d'ailleure établi déjà que
Tinjeetion de toxines pyocyaniques atténue Tin-
flammation provoquée par Thuile de croton sur'
Toreille de lapin.
Nous reviendrons d'ailleurs sur ces travaux et
sur ceux de M. Bouchard sur ladîapédése à propos
des théories de la vaccination.
VI
CONCLUSION
Que faut-il penser de toutes ces opinions? A
quelle théorie faut-il se rattacher? Il est vraiment
difficile de se prononcer sur ce point. Nous nous
rallierons volontiers à la théorie humoro-cellu-
laire si brillamment exposée par Buchner, et à ce
théorème principal de l'immunité, nous joindrons
comme corollaire Fingénieuse théorie de Bouchard.
Quoi qu'il en soit, nous pouvons aftlrmer qu'il
existe une immunité relative chez la plupart des
animaux. Celte immunité peut même être absolue
pour certaines affections. Ainsi, les souris, les'
rats, les chiens sont réfractaires à l'injection
d'une dose minime mortelle de bacilles de
Lœfûer. Néanmoins, le sérum de ces animaux
injecté à d'autres sujets n'est pas assez puissant
pour les immuniser. Ce point doit être retenu, il
1)4 IMHUNISAnON ET SÉRUMTHÉRAPIE
est très important pour la sérumthérapie. Nous
savons d'autre part, que Thomme lui-même est
maintes fois exposé à la contagion sans éprouver
d^atteinte infectieuse. J*ai moi-même traversé,
dans les conditions de fatigues les plus déplo-
rables, une épidémie de fièvre typhoïde, de cho-
léra et de grippe maligne sans avoir jamais res-
senti la moindre épreuve. D'autres praticiens se
sont trouvés dans le même cas. Il ne faudrait
cependant pas imiter les courageux expérimen-
tateurs qui, voulant démontrer leur état réfrac-
taire contre certaines maladies, ont ingéré les
microbes pathogènes de ces affections; fréquem-
ment ils ont été victimes de leur trop courageuse
expérience.
Nous avons exposé au commencement de cette
étude les nombreuses circonstances qui affai-
blissent notre organisme. Nous pouvons opposer
à ces mauvaises influences toutes les conditions
heureuses qui le fortifient. Par conséquent,
les bonnes règles d'hygiène, une alimentation
substantielle appropriée, une origine saine des
ascendants mettent l'individu dans de bonnes
conditions de résistance contre les nombreux mi-
crobes qui l'entourent et l'assaillissent sans cesse.
Son immunité naturelle est par ce fait considéra-
blement augmentée.
CHAPITRE II
IMMUNITÉ ACQUISE
I
VACCINATION PATHOLOGIQUE
Les processus que nous venons d'indiquer
comme cause de l'immunité naturelle se re-
trouvent dans l'immunité acquise, mais avec des
modalités différentes, par suite de l'introduction
d'un nouveau facteur, la tendance continuelle de
Torganisme à revenir à son état primitif. Depuis
longtemps, on avait remarqué qu'une première
atteinte de l'organisme par certaines maladies
infectieuses préservait entièrement contre une
nouvelle attaque, ou en atténuait la gravité. On a
dit alors que l'organisme était vacciné.
Comme exemples de cette vaccination naturelle,
nous pouvons citer tout particulièrement les fièvres
éruptives, dans lesquelles elle peut être conférée
non seulement par une attaque antérieure, mais
même par le long séjour dans un lieu infecté, ou
une infection intra-utérine (variole). Comme pour
50 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE
rimmunité naturelle, d'ailleurs, rimmunité acquise
a des limites. On n'ignore pas, en effet, la fréquence
des récidives dans la rougeole, la scarlatine et la
variole. On sait également, par le seul exemple de
la vaccine, que cette immunité acquise est passa-
gère. Néanmoins, les faits recueillis en faveur de
son existence sont trop nombreux pour qu'on
puisse la nier.
Pour la scarlatine, par exemple, l'immunité est
la règle, après la première atteinte : mais elle
n'est pas illimitée. De ùiême, la plupart des cas
d'immunité notés en 1846 par Panum, dans une
épidémie de rougeole des îles Peroë, survinrent
chez des vieillards qui avaient déjà été atteints,
maisrbien longtemps auparavant, dans une épidé-
mie précédente.
Une atteinte de rubéole semble aussi nuire au
développement d'une rubéole ultérieure ; mais,
d'après Balfour, Tripe, Thomas, Rinecter, ni la
scarlatine, ni la rougeole ne protègent contre
elle.
Le fjait de l'immunité acquise naturellement est
surtout frappant pour la variole. Pour cette ma-
Ijïdie, on constate rarement des récidives. Gela n'a
lieu que lorsque l'attaque a été légère, car une
forme légère ne préserve pas contre une forme
grave. C'est ainsi que l'on a vu des individus se
varioliser, quoique portant des cicatrices de va-
riole. Parfois, l'immunité existe pour les formes
IMMUNITÉ ACQUISE 57
bénignes, mais non pour les formes graves. Il ne
se produit alors, à la seconde atteinte, que
quelques boutons sans réaction générale.
Une première atteinte de varicelle donne égale-
ment rimmunité, quoique des récidives aient été
vues par Hufeland, Trousseau» Gaustat, Gerhardt.
L'immunité contre la vaccine, par suite de
variole antérieure, existe : mais elle ne se main-
tient pas et s'épuise comme riûimunité par vacci-
nation expérimentale. ■
On est aussi immunisé contre les oreillons par
une utteiate antérieure. Trousseau, Rilliet, etc.,
nient la récidive. Cependant, Sorvïer les a vus sur-
venir, au bout de cinq ans, chez un soldat qiii
avait encore de l'atrophie testiculaire,
H
VACCINATION EXPÉRIMENTALE
Ces faits de vaccination pathologique, sur les-
quels nous n'insisterons pas davantage, et qui
avaient été remarqués, depuis fort longtemps, ont
inspiré Tidée de la vaccination artificielle. Aussi,
déjà dans les âges plus reculés, la troute-t-on
mise en pratique contre la petite vérole. Puis,
cette méthode a été perfectionnée par Jenner, et
elle est devenue des plus fécondes entre les mains
de Pasteur, qui l'a appliquée au charbon, au cho-
58 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
léra des poules, à la rage. Depuis, de nouvelles
tentatives sont encore venues étendre ses bienfaits
prophylactiques.
A
VACCINE. - COW-POX
La variole, cette dangereuse maladie, qu'on a si
bien nommée la gourme de Thumanité, a été
enrayée par la vaccination, désormais rentrée
dans le domaine des habitudes d*hygiène les
mieux assises.
Ce furent les Sarrasins qui importèrent la va*
riole d'Asie en Afrique, d'où elle se propagea dans
le midi de l'Europe, puis dans le monde entier.
Dès le X® siècle, les Arabes et les Chinois prati-
quaient la variolisation, c'est-à-dire l'inoculation
de la petite vérole, mais les médecins incrédules
en laissaient le monopole aux femmes.
En 1717, lady Montaigut, femme de l'ambassa-
deur d'Angleterre à Constantinople, vit une vieille
Thessalienne obtenir de si heureux résultats
qu'elle fit inoculer son fils. Elle répandit la pra-
tique en Angleterre, grâce aux tentatives que con-
sentit à faire le roi Georges lui-même dans la
famille royale. En 1723, La Boste rapporta l'ino-
culation en France, où elle fut acceptée par les
savants médecins Chirac et Helvétius. Mais les
arrêts de la Sorbonne et de la Faculté de médecine
IMMUNITÉ ACQUISE 59
la condamnèrent comme c illicite et contraire à la.
loi de Dieu > . Elle n'en continua pas moins à s'é-
tendre, jusqu'au jour où elle fut détrônée par la
vaccination.
Anciennement, les Hindous, les Persans, les tri-
bus nomades, les caravanes, etc., s'inoculaient la
vaccine équine, le horse-pox. C'est une affection
encore appelée picote ou pustule mammaire, qui
se développe au début de la lactation chez la
cavale, la chamelle, la vache et même sur le sein
de la nouvelle accouchée.
Nos montagnards connaissent bien ces croûtes
laiteuses ; ils les détachent, les ramollissent dans
l'eau et les injectent à leurs enfants.
En France même, au siècle dernier, les paysannes
n'ignoraient pas que le fait de traire une vache
atteinte de picote, lorsqu'elles avaient une écor-
chure à la main, leur conférait l'immunité vis-à-vis
de la variole. Il fut communiqué, en 1768, par un
Français, Rabault, au D*' Pew, médecin anglais,
qui le rapporta à son ami Jenner.
. Ce dernier entrevit l'importance de cette rêvé*
latioh et en tira, en 1798, l'admirable découverte
qui devait mener plus tard, notre grand Pasteur à
ses beaux travaux sur le vaccin du charbon et du
choléra des poules.
11 faut dire cependant que déjà, en 1768,
Sutton et Fewster avaient annoncé à la société
de médecine de Tornbury que les individus
60 IMMUNISATION ET SÉUUMTUÉRAPIË
atteints de cow-pox étaient préservés contre la
variole.
Le procédé de la vaccination, tel que l'avait for-
mulé Jenner, ne tarda pas à se répandre en
Europe. En France, il fut vulgarisé par Aubert et
Wobdville.
Depuis, la science a fait de grands progrès. Les
mémorables travaux effectués en bactériologie et
en physiologie ont éclairé bien des points obscurs.
On â trouvé une certaine homologie entre la
pustule de la variole et celle du cow-pox. Les
cloisons internes présentent la même disposition.
Une coupe de peau, colorée au violet de méthyle,
révèle la présence de microcoques, semblables
dans Tun et Tautre cas. Iblava, de Prague, en
compte jusqu'à six espèces. Pfeiffer pense que le
microbe spécifique serait un sporozoaire analogue
à celui de la malaria. Babés penche vers cette der-
nière opinion.
C'en était assez pour soutenir Tidentité des deux
affections et faire rentrer l'immunité vacciiiale
dans la théorie générale de l'immunité acquise.
On sait, et nous le développerons plus loin, que
les vaccins pastoriens sont des virus atténués par
des procédés divers. Le passage du rouget à tra-
vers le lapin, celui du virus rabique à travers le
singe modifient singulièrement leurs propriétés.
Dé même, la vaccine ne serait qu'une variole atté-
nuée par son passage à travers le cheval ou la
IMMUNITÉ ACQUISE 61
vache. Chez le cheval, l'affcclion prendrait le nom
de horse-pox, chez la vache de cow-pox.
Le cow-pox naît chez la vache spontanément.
Son inoculation à l'homme ne lui enlève pas sa
vertu préservatrice. Aussi vaccine-t-on de bras à
bras. Malheureusement, on s'expose par ce moyen
à la transmission de maladies contagieuses : scro-
fule, tuberculose, syphilis, septicémie, érysipèle.
On a donc proposé la vaccination animale ; le
vaccin humain est reporté sur la génisse, et trans-
planté de génisse en génisse. C'est ce qu'on appelle
\sl rétro-vaccination. Elle donne des vésicules qui,
au bout de cinq à dix jours, ont atteint leur maturité .
Néanmoins, ce cow-pox animal n'échappe pas
au danger que je viens de signaler, car la vache
est un lieu d'élection pour la tuberculose. J'ai pu
démontrer expérimentalement qu'on pouvait ino*
culer, avec le cow-pox, la tuberculose*.
Le D*" Boudard, dans un travail couronné par
l'Académie de médecine en de'cembre 1891, a
recommandé de lui substituer la vaccine caprine.
D'après lui, celle-ci, étant inoculée sur la glande
mammaire de la chèvre, ne pourrait pas tuber-
culiser.
Ceci serait très important, car la chèvre est un
animal rarement tuberculeux. Il n'y a qu'un desi-
deratum : c'est que la chèvre n'est pas vaccinifère.
' Tuberculose et Cow-Pox; par le D' Sam. Bernheim. —
Annales du Congrès de la Tuberculose (1891).
62 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÊRAPIE
Les pustules, qui se développent mal sur le flanc
de la chèYre, sont des pseudo-pustules, qui, ino-
culées à rhomme, ne se reproduisent même pas '.
La difficulté subsiste donc encore, et elle ne
pourrait être évitée qu'en pratiquant la vaccina-
tion conformément au vœu que j*ai soumis à plu-
sieurs reprises à des assemblées savantes : c'est de
n'inoculer le cow-pox des génisses qu'après autop-
sie de l'animal dûment reconnu sain. Cette petite
épreuve serait une grande garantie, que le public,
auquel on impose aujourd'hui la vaccination obli-
gatoire, est en droit d'exiger.
La vaccination se réduit surtout à une réaction
locale, qui se traduit dès les premiers jours par
une éruption. L'infection générale est très faible,
car chez les femmes enceintes l'immunité du fœtus
résulte rarement de l'inoculation hypodermique
de la vaccine.
La durée de l'état vaccinal n'est pas, d'ailleurs,
absolue. Il disparaît généralement au bout de sept
à dix ans. Aussi, est-il nécessaire de pratiquer la
revaccination.
L'immunité vaccinale naturelle est très rare chez
l'homme. La vaccine ne confère l'immunité qu'à
dater du septième jour après l'inoculation. Faible
tout d'abord, elle n'atteint son maximum de
^ Dans une communication faite à la Société Clinique, j'ai
exposé toutes mes expériences, qui ont démontré l'inexac
titude des assertions de M. Hervieux.
IMMUNITÉ ACQUISE 63
puissance qu'au bout de douze à quinze jours.
Lorsqu'elle est due à une ou plusieurs revacci-
nations, elle persiste d^autant moins que le sujet
est plus jeune, et d'autant plus qu'il est plus âgé.
Il en est, d'ailleurs, de l'immunité variolique
comme de l'immunité vaccinale, ce qui prouve la
nécessité de la revaccination chez le variole comme
chez le vacciné.
Nous avons dit plus haut qu'on avait soutenu
l'identité de la vaccine et de la variole, cette hypo-
thèse, en effet, est très attrayante. Mais pour en
avoir le bien-fondé, il faut attendre encore des
expériences confîrmatives.
Deux hypothèses, en effet, sont en présence :
d'une part, la transformation de la vaccine en
variole par l'homme ; d'autre part, la transforma-
tion de la variole en vaccine par le bœuf ou le che^
val. La première est contraire et fait que jamais^
depuis qu'on pratique la vaccination, à la suite de
la découverte de Jenner, on n'avait observé une
transformation quelconque.
La seconde a pour elle les assertions de Beely,
de Thiélé, et plus récemment de Haccius et Wil-
longhby , mais elles n'ont pas été confirmées par une
commission, qui se réunit il y a quelques années
sous la présidence de Ghauveau. Btrihet {Thèse de
Lyon, 1888), Worlomont lui ont aussi opposé des
résultats contradictoires.
La question ne pourra donc définitivement
(H IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
être jugée que par des expériences plus décisives
et plus complètes.
Je suis néanmoins, pour ma part, très partisan
de Tidentiléde la variole et des cow-pox.En effet,
l'examen bactériolique de la lymphe retirée d'une
pustule variolique ou vaccinale montre toujours
le même micrococcus. Il en est de même de Tense-
mencement. Les inoculations en stries de cette
lymphe donnent au bout de quatre à cinq jours,
un léger nuage grisâtre qui se répand bientôt sur
toute la surface de la gélatine ensemencée, tantôt
par petites taches arrondies (première génération),
tantôt par bandes allongées et plus fines (généra-
tions successives). Au bout de trois semaines, le
développement semble complètement arrêté. Pour
conserver cette culture il faut la laisser dans une
étuve chauffée à 30® au moins. A une température
inférieure, le microorganisme développé meurt.
L*examen microscopique donne le résultat sui-
vant : il s'agit d'un coccus, dont le volume varie
entre 1 a et 1 [x et demi. Nettement arrondi, ce
coccus se présente rarement isolé ; le plus souvent,
il est réuni en îlot par 2, 3 ou 4 ou plus. Le type
de 3 est assez fréquent et présente la disposition
d'une chaînette.
J'ai essayé d'inoculer des cultures fraîches de
cow-pox à des animaux d'abord, et ensuite à des
enfants. Sur la génisse, les scarifications ont pro-
duit des pustules, mais de taille moyenne. Chez
IMMUNITÉ ACQUISE 65
les enfants, de légères pustules observées les ont
rendus réfractaires à une nouvelle vaccination.
L'histoire de la vaccine constitue la première
étape d'une longue série de travaux, qu'ont inspi-
rés les admirables découvertes, révélées par le
génie de Pasteur. Le principe en est toujours le
même : atténuer un virus, et l'injecter à Tanimal,
qu'on veut immuniser.
Avant d'étudier ces procédés d'aiténuation,
nous devrions faire passer succinctement sous les
yeux les diverses applications qui en ont été faites
à quelques msdadies infectieuses.
B
CHOLÉRA DES POULES
La première, en date, est celle qui est relative au
choléra des poules, dont M. Toussaint a le premier
montré la nature infectieuse.
C'est le 9 février 1880 que Pasteur annonça à
l'Académie des sciences qu'il était parvenu à im-
muniser la poule contre le choléra, qui sévit sur
elle, au moyen de la culture atténuée du diplo-
coque qui en est la cause. Le procédé d'atténuation
employé consistait dans le vieillissement de la
culture en présence de l'air. Dix mois suffisent
pour lui faire perdre sa virulence. Si on opère en
vase clos, l'atténuation ne peut se faire. Pasteur
IMMUNISATION. 5
66 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
invoqua, pour expliquer ce fait, Tinfluence de
Toxygène. Nous verrons plus loin la fausseté de
cette interprétation.
La réceptivité du cobaye est faible. Le virus ne
produit, chez lui qu'un abcès. Il en est de même
chez la poule, lorsqu'on lui inocule le virus atté-
nué.
Pasteur vit aussi que l'immunité conférée est
héréditaire, et, après lui, Straus et Ghamberland
ont trouvé le diplocoque dans les ovisacs des poules
mortes de choléra. D'après Barthélémy, si on
met ces œufs en incubation, les microbes y pullu-
lent à partir du huitième ou dixième jour.
C ,
CHARBON
Peu de mois après la découverte de Pasteur, le
12 juillet 1880, Toussaint annonçait sa méthode
d'inoculation contre le charbon bactéridien ou sang
de rate. Il chauffait le sang à une température de
85° pendant dix minutes, et l'inoculait aux ani-
maux. Certains en mouraient, mais ceux qui résis-
taient étaient réfractaires.
Toussaint pensait opérer sur les produits solu-
blesde la bactéridie. Pasteur montra, le 21 février
1881, qu'il n'avait fait qu'atténuer les microbes et
créer une méthode graduelle de vaccination, en
IMMUNITÉ ACQUISE 67
faisant agir la chaleur pendant qu'ils cultivent. A
42**, la bactéridie ne donne plus de spores et dimi-
nue de virulence. Reporté après quelque tempis
dans un nouveau milieu, le microbe conserve son
atténuation. C'est ainsi que Pasteur obtint 2 vac-
cins, Fun en maintenant le microbe pendant
quinze à vingt jours à 42^, Tautre en ne le laissant
que dix à douze jours à cette température. ,
Ce dernier tue la souris, le cobaye, et parfois le
lapin. Le premier tue aussi le cobaye nouveau-né,
mais est inofFensif sur le cobaye .adulte. On lui
rend sa virulence vis-à-vis de l'adulte en le faisant
passer plusieurs fois chez le nouveau- né.
Après Pasteur, Chauveau a révélé deux autres
moyens d'atténuation de la bactéridie charbon-
neuse : le chauffage pendant trois à quatre heures
à 47° d'une culture âgée de vingt-quatre heures,
et l'emploi de l'oxygène comprimé.
Il crée ainsi des races dont le pouvoir vaccinal
ne change pas.
Lî^^ vaccination charbonneuse a été fort atta-
quée par Koch et Lœffler en particulier, au Congrès
d'hygiène de Berlin, où cependant elle est sortie
triomphante de la discussion, grâce aux travaux
de savants tels que Chamberland , MetchnikofT,
Lydtin. On objectait les insuccès obtenus en cer-
taines régions, particulièrement en Russie. Mais
on n'a pas tardé à en trouver la raison dans l'irré-
gularité et l'inconstance du vaccin. En le préparan
G8 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
par la culture dans un milieu antiseptique, Gama-
léia eu a montré, en Russie, les excellents résultats.
D
CHARBON SYMPTOMATIQUE
C'est Chabert qui a distingué cette variété de
charbon bactérien et lui a donné son nom. Elle
en est, en effet, complètement différente. Encore
appelée charbon emphysémateux du bœuf, elle est
nommée Rauschbrand en Allemagne.
Bien décrite pour la première fois, en 1882, par
Arloing, Borne vin et Thomas, elle a beaucoup de
ressemblance avec la gangrène gazeuse. Elle est
causée par un germe anaérobie, mobile, dont
Taction se borne à des lésions d*emphysème et de
gangrène.
La vaccination contre Taffection est celle qui a
donné les plus mauvais résultats. Gela tient sans
doute à ce que le virus atténué est inoculé dans
une région qui lui est défavorable.
vaccine: CONTRE LA VARIOLE DE L'ESPÈCE BOVLNE
Elle a été donnée en septembre 1882, par Peuch,
de Toulouse, en novembre 1888, par Pourquier,
de Montpellier.
IMMUNITÉ ACQUISE 69
F
ROUGET DES PORCS
En décembre de la même année, Pasteur et
Thuillier annonçaient la découverte de la vaccina-
tion contre cette épizootie. Elle a été, de toutes^
la plus féconde en brillants résultats, quoique pour
des motifs divers, elle ait souvent entraîné des
accidents aigus ou chroniques. Dernièrement
encore {Munch. med. ITocA., 1892), Kmmerich et
Mastbaum ont obtenu l'immunisation contre cette
maladie.
G
PÉRIPNEUMONIE INFECTIEUSE DE L'ESPÈCE BOVINE
En octobre 1882, Thiermesse et Dejine vacci-
nèrent cette maladie en inoculant le virus dans les
veines, et Willem en Tinjectant dans la région
caudale.
 cette même époque. Rossignol trouva la vac-
cine de la fièvre aphteuse des vaches, Tayan celle
du typhus, etc.
Application à la pathologie humaine.
On le voit, les acquisitions dans la pathologie
comparée étaient considérables, alors qu'encore
70 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE
rien de sérieux n'avait été tenté en pathologie
humaine.
On avait bien enregistré quelques essais de
syphilisation de Sperino, Auzias-Turenne, Lieber-
mann, etc., et de rougeolisation de Katorn et de
Salisbury. Mais ils furent stériles, et ont été aban-
donnés.
H
. FIÈVRE JAUNE
En 1885, Domingos Freire, du Brésil, et Manuel
Carmona, du Mexique, découvrirent le vaccin
artificiel de la fièvre jaune, le premier en inocu-
lant la culture atténuée du microbe de cette ma-
ladie, Tautre en injectant l'urine évaporée, puis
diluée, des sujets atteints.
Les recherches de ces savants ont été sévère-
ment traitées, en particulier par Rochard et par
Gornil et Babès. Néanmoins, grâce à la protection
du gouvernement, ils ont pu en montrer les bon»
résultats.
1
CHOLÉRA
On se souvient des discussions que souleva en
1885, le D' Ferran, en annonçant la découverte
du vaccin anticholérique.
IMMUNITÉ ACQUISE 7i
En inoculant au cobaye, 3 centimètres cubes de
culture atténuée parle vieillissement ou roxygène,
il le vit après 8 jours, résister à Tinjection de 6
à 8 centimètres cubes, qui est mortelle pour rani-
mai témoin. Il prétendit aussi qu'il était possible
de vacciner Thomme de la même façon, par la
voie hypodermique.
Dès 1888 (Académie des sciences), Gamaléia
avait isolé des sécrétions du microbe du choléra
deux produits toxiques : un, vaccinal, résistant à
120*^, soluble dans l'alcool et hyperthermisable ;
l'autre, précipitable par l'alcool, destructible à 70°,
et produisant de la diarrhée et des convulsions.
Gamaléia réussit encore à donner le choléra au
chien et à exalter la virulence du bacille virgule
par la culture dans le pigeon. 11 prétendit être
arrivé à la vaccination, mais sa tentative est res-
tée infructueuse.
En 1892, Hafftine transporta des cultures sur
gélatine dans le péritoine du cobaye et, inoculant
d'animal à animal, vit que la virulence allait en
augmentant jusqu'au vingtième degré de la série.
Le virus est mortel, lorsqu'on l'injecte dans les
muscles; sous la peau, il ne produit que de
l'œdème.
On l'atténue en le semant à 39°, au contact de
l'air. Mais pour l'empêcher de mourir par ce pro-
cédé, on le transporte tous les deux ou trois
jours dans un nouveau bouillon.
72 IMMUNISATION ET SÉRUMTDÉRAPIE
L'inoculation de ce virus préserve le cobaye, le
lapin et le pigeon contre Tinfection. Hafftkine s'in-
jecta lui-même le virus atténué; et fit de même
sur trois autres personnes.
En 1892, également, Brieger et Wassermann
atténuèrent des cultures dans des extraits de thy-
mus, en les soumettant quinze minutes à 60^, et
dix minutes à 80®, et en les maintenant ensuite
dans le timbre à glace durant vingt-quatre heures.
Après quelques injections de ce liquide, les ani-
maux résistent à une dose, mortelle en douze ou
quinze heures. Brieger et Wasserman ont ensuite
fait la culture dans le bouillon de viande pepto-
nisé ordinaire; et Tatténuant par un chauffage
à 65^ pendant quinze minutes, ils ont pu Tutiliser
pour la vaccination.
Enfin, il faut signaler les travaux de Klemperer
sur la même question. Il a pu vacciner contre
Tintoxication cholérique intra-péritônéale, au
moyen de cultures chauffées troi3 jours à 40°, 8,
ou deux heures à 70°, et contre Taffection cholé-
rique intestinale, en faisant avaler aux cobayes
des cultures privées de bacilles. Il est arrivé, de
plus, à atténuer les cultures âgées d'un jour, en
les soumettant à un courant constant de 20 milli-
ampères, pendant vingt-quatre heures.
IMMUNITÉ ACQUISE 73
/
RâGE
Le 25 janvier 1881, Galtier annonça à Tlnstitut
que rinoculation intra-veineuse de salive rabique
confère l'immunité au mouton. Le l®*" août de la
même année, il confirma ce résultat par la vac-
cination de 9 moutons et 1 chèvre.
Ce procédé cependant était trop infidèle.
C'est alors que Pasteur, Chamberland, Roux et
Thuillier découvrirent le pouvoir vaccinal de l'in-
jection d'une émulsion de bulbe rabique sous la
dure-mère. En 1882, ils annoncèrent que sur
i chiens inoculés, 1 avait été réfractaire. Le résul-
tat était fort insuffisant.
Pasteur parvint à atténuer graduellement la
virulence du virus par des passages successifs du
chien au singe. Si on le reporte du singe au
lapin, il s'exalte, et on peut ainsi obtenir une
série de virus d'une activité croissante. L'ino-
culation hypodermique de la moelle de lapin la
moins virulente l'immunise contre un virus plus
fort. Ce fait, fondé sur 23 expériences, fut com-
muniqué à l'Académie le 19 mai 1884 et confirmé
par une commission composée de Béclard, Bouley,
Paul Bert, Vulpian et Ville.
Pasteur, Chamberland et Roux ont encore sim-
74 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
pliQé le problème en remplaçant le passage chez
le singe par la dessiccation aseptique des moelles
de Japins morts de rage, dans un flacon bouché
par de la ouate, et contenant des morceaux de
potasse. L'atténuation est obtenue au bout du
treizième ou quatorzième jour.
La méthode était ainsi suffisamment perfection-
née, pour que Pasteur entreprît de l'appliquer à
rhomme. Il le fît sous la direction de Vulpian et
Grancher, sur le jeune Joseph Meisth, qui avait
été mordu le 4 juillet 1885. Le résultat fut heureux.
Pasteur le communiqua à l'Académie en octobre
1885, et dès lors, son laboratoire fut envahi de
malades, demandant la guérison.
La fondation d'un Institut s'imposait. C'est alors
que fut créé le riche établissement de la rue Du tôt,
qui est devenu le centre des études bactériologi-
ques en France.
Nous ajouterons que la méthode a été appliquée
par Nocard et Roux aux animaux et que Burdach
a pu les vacciner avec des virus dilués, Babès avec
des virus chauffés.
K
TUBERCULOSE
En injectant du sang de chien à des lapins, Héri-
court et Richet ont pu, en 1890, ralentir chez eux
l'évolution de la tuberculose. J'ai fait connaître,
IMMUNITÉ ACQUISE 75
à la même époque, les résultats que j*ai obtenus
par là transfusion du sang de chèvre (Sociétés
clinique et thérapeutique, 1890).
Nous passons rapidement sur ces tentatives, qui
ont trait plutôt à la sérumthérapie, pour nous
arrêter à l'atténuation du bacille de Koch. On l'a
obtenue par la putréfaction, l'action de l'acide phé-
nique dilué et les cultures successives à 39<*. Baum-
garten prétendit d'abord que Tinoculation de ces
virus, ainsi modifiés, ne vaccine pas, et Falk qu'il
augmente la réceptivité. Mais Grancher et Martin
(Académie, 4890), en préparant des cultures gra-
duellement décroissantes, et injectant le virus
inofPensif, puis le virus plus actif, ont conféré aux
animaux une immunité relative. Dixon a confirmé
ces faits.
Daremberg a diminué la réceptivité du lapin,
pour l'injection de cultures stérilisées.
En 1890 (Société de biologie), Héricourt et
Richet, ont obtenu des résultats semblables sur
le lapin, par l'injection intra-veineuse de 10
à 20 centiinètres cubes de cultures de tuberculose
aviaire, chauffées plusieurs jours à 80**.
Une semaine après, Gourmont et Dor adres-
sèrent à la même société une note, de laquelle il
résulte que sur 4 lapins, ayant subi l'injection
d'une culture de tuberculose aviaire dans l'eau
glycérinée, stérilisée au filtre Chamberland, deux
s'étaient montrés réfrac taires.
76 IMMUNKATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Depuis 1890, Héricourt et Richet ont repris
leurs recherches sur le chien et le singe. Le 4 mars
1893 (Société de biologie), ils ont montré que
rinjection intra*veineuse de tuberculose aviaire
tue ce dernier animal, mais ne le tue pas lorsqu'il
a préalablement reçu cette tuberculose sous la
peau. Le 15 avril, ils ont montré que le chien,
non vacciné au moyen de la tuberculose aviaire,
succombe de trente à soixante jours après Tinocu-
lation de la tuberculose humaine. Au contraire,
la transfusion du sang d'un chien vacciné retarde
révolution de la tuberculose humaine chez un
animal normal. Le 17 février, ils ont apporté à
la Société de Biologie de nouvelles expériences,
établissant définitivement que l'injection de tuber-
culose aviaire peut vacciner le chien contre la
tuberculose humaine. MM. Gilbert et Roger leur
ont répondu qu'ils avaient fait des tentatives pour
vacciner le cobaye contre la tuberculose humaine
en se servant de tuberculose aviaire. Leurs
résultats avaient été négatifs. C'est ce qu'avaient
vu aussi Grancher et H. Martin. Mais comme
l'a bien fait remarquer Richet, on ne peut appli-
quer à une espèce les résultats obtenus dans une
autre.
Il est enfin une méthode, qui, après avoir
soulevé un enthousiasme général, a été contredite
par des travaux ultérieurs. C'est celle que Koch
annonça à une séance du Congrès de Berlin, et
IMMUNITÉ ACQUISE 77
qu'il fit paraître le 13 novembre 1880, dans la
Deutsche medicinische Wochenschrift, La lymphe
de Koch, ou tuberculine, n'est autre qu'un extrait
glycérine des cultures pures du bacille de la
tuberculose obtenu à la température de l'ébul-
lition. Elle contient des albuminoïdes, facilement
dialysables, résistant à une chaleur de 160^, et
précipitables par l'alcool. Elle est inoffensive par
la bouche, mais son injection sous la peau ou
dans les veines provoque chez les animaux tuber-
culisés une réaction fébrile et inflammatoire
intense, qui aboutirait à la guérison. Après
l'enthousiasme de la première heure, on a vu que
cette réaction survenait également chez des sujets
atteints de cancer, syphilis, scarlatine, cystite
blennorrhagique, lèpre, actinomycose, et même
chez des gens bien portants. De plus, la tuberculine
expose à de sérieux accidents, qui n'ont pas tou-
jours été compensés par une amélioration mani-
feste. Quoique les recherches de Koch aient eu
le grand intérêt de montrer l'action curieuse de
la lymphe sur les turbercules, et les modifications
qu'elle y produit, il faut avouer que le succès
thérapeutique n'a pas répondu à leur promesse.
Pour cette raison, nous ne ferons que signaler
les recherches de Hunter [British med. Journ ,
juillet 1891) sur la composition chimique de la
tuberculine, de Klebs {Congres de méd. int, de
Leipzig, 1892) sur la tuberculocidine, et de Weyl
78 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
{Deut, med. Woch., 12 janv. 1891) sur l'étude
chimique et toxicologique du bacille de la tuber-
culose, sur la toxomucine.
L
MORVE
Galtier avait trouvé (Académie, 1881) que, la
réinoculation de la morve au chien, produit des
lésions de moins en moins graves.
D'après Straus {Arch, de méd. exp,, 1889), l'in-
jection intra-veineuse de 1 ou 2 centimètres cubes
est mortelle. Des doses plus faibles ne tuent pas
le chien et l'immunisent contre la dose précédente.
Il n'est pas arrivé cependant à vacciner l'âne.
D'après Zakharoff {Ànn. fnst. Pasteur, 1890),
le passage du virus à travers le chat l'atténue
pour le cheval, qui devient alors réfractaire à une
dose virulente.
Finger a diminué la réceptivité du lapin par
des inoculations sous-cutanées ou intra- veineuses.
De plus, il a vu [Beitr, zur Path. Anat.^ redi-
girt von Ziegler, 1889) que des cultures stérilisées
par un chauffage de 5 minutes à 100% donnent
une faible immunité.
D'après Berlin et Piq (Société de biologie, 1890),
Chesneau aurait pu prévenir la morve chez le
cobaye, par l'injection de sang de bœuf.
IMMUNITÉ ACQUISE 79
Eq somme, on ne possède encore aucun pro-
cédé pratique de vaccination antimorveuse.
Il faut pourtant signaler les récents travaux
effectués sur la malléine. Elle est au bacille de la
morve, ce que la tuberculine est à la tuberculose,
c'est-à-dire un extrait des cultures stérilisées et
filtrées de ce bacille. Elle a été découverte par
le vétérinaire militaire russe Helman, dès la fin
de 1888, et les premiers résultats furent publiés
en 1889. Le 27 avril 1890, il annonça à la Société
de médecine vétérinaire de Saint-Pétersbourg que,
cherchant à immuniser les animaux par un extrait
de cultures morveuses, il a été fort gêné par la
réaction locale, et l'hypothermie qu'elles provo-
quent. En 1891, il communiqua à cette Société le
fait que l'injection de 1 centimètre cube provoque
chez les chevaux morveux, au bout de huit à
seize heures, une hypothermie de 2 à 3^, et une
tumeur au point d'injection.
La même année, Kalming (de Dorpat) publia
dans les Archives des sciences vétérinaires, un
travail dans lequel il faisait pour la morve ce
que Koch avait fait pour la tuberculose.
En France, les travaux de Nocard ont bien
établi l'importance diagnostique de la malléine.
Il est reconnu qu'elle détermine chez les animaux
morveux une réation local, consistant, en de
l'œdème, et une. réaction générale caractérisée
par une hypothermie de 2 à 3**.
80 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
M
DIPHTÉRIE
On sait que les vieilles cultures tuent moins
vite que les jeunes, mais que, rajeunies par
l'ensemencement, elles récupèrent leur activité.
Roux et Yersin sont pourtant arrivés à Tatténua-
. tion en faisant barboter un courant d'air stérilisé
dans du bouillon à 39<*,5.
Ils n'ont pu cependant créer l'état réfractaîre
au poison diphtérique par l'inoculation de cultures
atténuées pas plus que l'injection de faibles doses
de virus.
D'après Bruger et Frànkel, cependant, l'injec-
tion sous la peau d'une culture, chauffée pendant
une heure à 66 ou 70^, n'empêche pas mais
retarde la mort par l'injection hypodermique du
virus normal.
En 1890 {Deut. med, Woch,)^ Behring a
annoncé qu'il avait pu vacciner contre la diphtérie
par cinq procédés : 1° par les cultures stérilisées
(méthode de Frànkel) ; 2*^ par les cultures addi-
tionnées de bichlorure d'iode; 3<* par Texsudat
pleurétique des cobayes morts de diphtérie ;
4** par l'injection du virus chez les animaux et
leur traitement par l'inoculation hypodermique
de trichlorure d'iode ; 5® par l'eau oxygénée.
IMMUNITÉ ACQUISE 81
En 1891 {Deut, med. Woch,), Zimmer constata
l'incertitude des procédés de Behring. Seule l'atté-
nuation par le trichlorure d'iode lui fournit des
résultats positifs. Sentant Timperfection de sa
méthode primitive, Behring la perfectionna, sans
arriver à des résultats irrévocables {Zeitschrift
/". Hygiène^ t. XII, p. 10). Aussi, dans le même
tome de cette revue, Brieger^ Kitasato et Wasser-
mann déclarent-ils ne point posséder de procédé
certain de vaccination antidiphtérique, et ont-ils
employé la méthode de Wooldridge modifiée. Ils
ont préparé leur vaccin en chauffant quinze
minutes à 60-70° la culture de bacille diphtéritique
dans un extrait de thymus.
Behring et Kitasato ont obtenu pourtant, en 1890
[Deut. med. Woch.)^ des résultats plus probants
et plus nets.
Pour vacciner les lapins, Berhing et Wernicke
[Zeit, f. Hygiène^ t. XII) ont employé deux
procédés : 1° l'inoculation hypodermique du pré-
cipité séché, pulvérisé, est chauffée une heure à
77», que donne dans les cultures diphtériques le
phosphate de chaux; 2® celui qui avait servi à
Ehrlich pour la vaccination de la souris contre
l'abrine et la ricine, c'est-à-dire l'ingestion du
poison diphtéritique.
lUUUNISATION.
82 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIB
N
TÉTANOS
En 1890, Behring et Kitasato ont annoncé la
possibilité de vacciner les animaux contre le
bacille de Nicolaier et ses produits.
Après eux, Tizzoni et Cattani vaccinèrent des
pigeons et des chiens, par Tinoculation de faibles
doses de cultures virulentes (Centr. f. Bactério-
logie^ t. IX).
Vaillard a donné l'immunité au lapin (Biologie,
21 février 1891) en employant la méthode deFrànkel
pour la diphtérie, c'est-à-dire en chauffant pendant
une heure à 60°, des cultures filtrées de tétanos.
Dans le tome IX de la ZeUschrit f. Hygiène^
Kitasato rapporte avoir vacciné 6 lapins sur 18,
en atténuant les cultures par des quantités décrois-
santes de trichlorure d'iode.
Behring est arrivé à de meilleurs résultats, en
perfectionnant ce procédé {Zeit. f. Hyg., t. XII).
Enfin, Brieger, Kitasato et Wassermann, repre-
nant les janciennes recherches de Wooldridge
{Arch. f. AnaL und Phys,, 1888), obtinrent par
la culture dans l'extrait de thymus des germes
peu toxiques. Le mélange de cet extrait avec
leur culture filtrée détruit leur toxicité, et
permet ainsi de vacciner la sourisj si sensible
au tétanos.
IMMUNITÉ ACQUISE 83
Ea 1892, dans les Annales de V Institut Pasteur,
Vaillard, a repris la question et montré que la
vaccination était possible contre le tétanos, non
seulement par le procédé qu*il avait antérieurement
indiqué (cultures filtrées et chauffées à 60^), mais
encore par le procédé de Behring et Kitasato (inocu-
lation de culture atténuée par Teau iodée), et par
celui de Tizzoni et Cattani (injection du virus dilué).
VENIKS
Kaufmann, à propos d'une étude sur le venin
de la vipère, a vu qu'en accoutumant les animaux
par rinjection de petites doses successives, on
pouvait les préserver contre des doses mortelles.
Cette étude a été récemment reprise par Galmette,
par Phisalix et Bertrand, qui ont obtenu des
résultats démonstratifs. Ces auteurs ont vu, en
particulier, qu'on peut atténuer les effets du
venin de la vipère en le chaufTant à 100° pendant
cinq minutes, ou à 75^ pendant quinze^
P
COiNSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Il faut également citer, dans cette histoire de
la vaccination, les travaux ,de Gharrin et de
84 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Técole de Bouchard sur le pyocyanique ; ceux de
Monfredi et Trœversa {Giorn, intern. Se.
med., 1888) et de Roger (Biologie, 1891) sur
Térysipèle, ceux de Chamberland et Roux {Ann.
Inst, Pasteur, 1887), sur le poison septique ; ceux
d'Emmerich et Positky et des deux frères Klemperer
sur le pneumocoque ; ceux de Brieger, Kitasato et
Wassermann [Zeitsch. f. Hygiène, t. XII) sur la
fièvre typhoïde, et ceux de Ehrlich (Zeit. f.
Hygiène, t. XII) sur la ricine, Tabrine et la
rubîne.
Nous Tavons vu, la vaccination suppose Tatté-
nuation des germes. Il est donc indispensable,
pour bien pénétrer le mécanisme de la première,
de connaître les méthodes qui permettent d'obte-
nir la seconde. Ce sera le meilleur moyen de nous
éclairer sérieusement sur la physiologie patholo-
gique de Vimmunité acquise.
Nous distinguerons, comme Ta fait M. le D** Ro-
det dans un excellent travail de la Revue de
Médecine (1888), trois méthodes de vaccination
contre les effets d'un virus ; 1° emploi de ce même
virus, 2° emploi d'un virus différent, 3® injection
de produits solubles. La première est la plus
importante, c'est elle qui a donné, jusqu'ici, les
meilleurs résultats.
Pour que le virus puisse servir à vacciner, il
faut qu'il soit inoffensif. Pour cela, ou bien on
l'emploie dans toute son activité, et on prend soin
IMMUNITÉ ACQUISE 85
alors d*atténuer ses effets; ou bien on Tatténue par
des opérations préalables, que nous étudierons
séparément.
Auparavant, voyons comment on en atténue les
effets. C'est tantôt en en employant une petite
quantité; tantôt en choisissant une voie d'intro-
duction particulière.
Nous avons déjà, à propos de Timmunité natu-
relle, indiqué l'influence que ces deux points
exercent sur la récepticité microbienne. Nous ne
nous y arrêterons donc pas longuement, à propos
de la vaccination, car les lois déjà formulées
s'appliquent encore ici.
C'est M. Chauveau qui, le premier, a signalé la
variation de l'intensité des effets du charbon avant
le nombre d'agents infectieux introduits. Son opi-
nion a été confirmée par Roux et Chamberland
{Ann. Inst. Pasteur, 1887). Pasteur a montré le
même fait pour la rage. On sait aussi que la
variolisation, qui ne comporte qu'une petite quan-
tité de virus variolique. est moins grave que la
contagion naturelle. De même, d'après Chauveau
et Arloing, le virus de la septicémie gangreneuse
est inoffensif, inoculé à la lancette. Peuch a rendu
bénigne l'inoculation du virus claveleux, en le
diluant à 1/50. L'influence de la quantité a encore
été constatée par Rodet (Revue de Chirurgie,
1885) pour le staphylococcus pyogenes, par Wat-
son Cheyne (An7i. Inst. Pasteur^ 1887) pour divers
86 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉJ^APIE
virus, par Emmerich (Congrès de Vienne, 1887)
pour le rouget des porcs, et par d'autres.
Cette notion est aujourd'hui entrée dans la
science, après bien des oppositions, celle même
de Pasteur qui, enfin, s'y est converti après ses
remarquables travaux sur la rage.
Néanmoins, si l'on peut atténuer les effets d'un
virus en n'en injectant qu'une faible dose, il faut
avouer que cette moyenne ne saurait être employée
aujourd'hui comme méthode de vaccination.
Il en est de même de celle qui consisterait dans
le choix d'une porte d'entrée spéciale. On sait
combien est redoutable sous la peau le charbon
symptomatique. Or, en injection intra- veineuse,
il confère l'immunité. M. Galtier a montré, de
même (Académie des sciences, 16 avril 1888) que
l'injection intra-veineuse du virus rabique est ca-
pable de préserver les animaux herbivores de la
rage, à la suite de morsures de chiens enragés.
Ce fait a été confirmé par Nocard et Roux {Ann.
Inst. Pasteur y 1888). Dans la Revue mensuelle de
médecine et de chirurgie^ d'avril 1877, Chauveau
a prouvé que sous la peau le virus de la vaccine
confère l'immunité et ne produit pas d'exanthème.
Chez les solipèdes, l'injeclion intra-veineufee pro-
voque l'exanthème sans éruption et donne l'im-
munité. Chez l'espèce bovine, elle est absolument
sans efi^et.
Chauveau et Arloing ont publié sur le microbe
IMMUNITÉ ACQUISE 87
de la septicémie gangreneuse ou gangrène gazeuse
(vibrion septique de Pasteur, bacille de l'œdème
malin de Koch) un travail (Académie de méde-
cine, 1884) duquel il ressort que cet agent, si
dangereux sous la peau, est inoffensif par les voies
respiratoires ou digestives. L'injection intra-vei-r
neuse, qui tue à haute dose, vaccine à dose mo-
dérée.
Sous la peau, ou une partie autre que celle de
la queue, le virus de la péripneumonie bovine
détermine un œdème mortel. En cette dernière
partie seulement, Tœdème n'est pas mortel, et
l'animal acquiert alors l'immunité. C'est ce qui
constitue la méthode vaccinale de Williems (de
Hasselt). Celle de Chauveau consiste à inoculer le
virus dans les veines ; elle a été reconnue efficace
par Thiernesse et Degive (Acad. de médecine de
Belgique, 1882).
Le contraire a lieu pour le pyocyanique, ainsi
que l'a montré Charrin (Académie, octobre 1887).
11 vaccine lorsqu'on l'injecte sous la peau ; mais
introduit dans le sang, il manifeste sa virulence.
Sjaivant M. Rodet (Revue de chirurgie, 1885),
le staphylococcus pyogenes aureus fait de même.
Il agit beaucoup plus en injection intra-veineuse
que sous-cutanée.
D'après ces quelques exemples, on voit combien
la question de terrain importe dans la vaccina-
tion. Un microbe est d'autant plus actif qu'il ren-
88 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRA.1'I£
contre des conditions meilleures d*existence. Aussi,
la voie qui le fera le plus tôt parvenir dans ce
milieu sera-t-elle la plus propice à la production
de ses effets toxiques. C'est ainsi que le charbon
symptomatique ou la septicémie gangreneuse qui
déterminent des fermentations dans le tissu con-
jonctif et non dans le sang, s'atténuent lorsqu'on
les injecte dans les veines.
En général, l'introduction d'un microbe dans
une voie qui lui est défavorable a pour résultat
la vaccination, car elle permet alors à l'organisme
de résister et de se défendre. C'est Tinjection
intra-veineuse qui a produit les meilleurs résul-
tats, entre les mains de Chauveau, pour la péri-
pneumonie bovine, la rage des moutons, la septi-
cémie gangreneuse et le charbon symptomatique.
Néanmoins, ainsi que je le disais, cette méthode
de vaccination par l'emploi d'une porte d'entrée
spéciale n'est point passé dans la pratique. On lui
a préféré celle qui consiste dans l'inoculation du
microbe atténué, c'est-à-dire rendu moins virulent
par des causes diverses* Ce sont ces procédés d'at-
ténuation que nous allous maintenant étudier.
MÉTHODES D'ATTÉNUATION
La plus ancienne consiste à faire passer le mi-
crbbe dans divers organismes. Mais Pasteur,
Toussaint et Ghauveau ont montré que l'interven-
tion d'un organisme n'est pas nécessaire. On peut
produire l'atténuation in vitro par le vieillissement
des cultures, la chaleur, l'oxygène, etc..
Nous allons passer en revue ces divers pro-
cédés.
I
ATTÉNUATION PAR PASSAGE DANS UN ORGANISME
Depuis longtemps, on admettait ce fait. C'est
ainsi que l'on considérait le vaccin jennérien
comme le virus variolique, atténué par son pas-
sage à travers le bœuf et le cheval. C'est pour
cette raison, sans doute, que pour la variolisation
on préférait prendre le vaccin sur les varioles
bénignes, où on le supposait atténué. On n'avait
90 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
pas tardé non plus à observer les différences d'ac-
tivité du vaccin sur divers animaux. D'après
Chauveau, c'est chez le cheval qu'il a le plus de
puissance. Le horse-pox est plus actif pour
rhomme que le cow-pox, et ces deux sont plus
actifs que le vaccin jennérien, pour l'homme, le
bœuf et le cheval. Ceci revient à dire que le vac-
cin du cheval s'atténue en passant à travers le
bœuf, et plus encore à travers l'homme. On lui
rend sa virulence, en le reportant sur l'animal,
d'où il tire son origine.
MM. Rey et Galtier étudièrent dans le même
sens le virus rabique et virent qu'il se renforce
en passant à travers le mouton, mais s'atténue à
travers le chien et le lapin.
Pasteur reprit l'idée et réalisa la vaccination
pratique de la rage par des passages successifs à
travers le singe.
Il fit de même pour le rouget du porc. L'inocu-
lation en série de ce virus au pigeon l'exalte pour
lui-même et pour le porc. Cette même inoculation
pratiquée sur le lapin, l'exalte pour lui-même,
mais l'atténue pour le porc. Pasteur prit donc
le virus atténué par ces passages successifs chez
le lapin, et réussit avec lui à combattre les épi-
zooties de rouget. M. Gornevina confirmé, en 1885,
les expériences de Pasteur. D'après M. Kitt (Cen^r.
/". Bacter, 1887), le lapin atténuerait le virus pour
le porc, mais ne l'exalterait pas pour lui-même.
IMMUNITÉ ACQUISE 91
M. Duclaux a relevé Terreur de ce dernier {Ann.
Inst. Pasteur, 1888), en montrant que Tinocula-
tion du sang, employée par lui, introduit trop de
germes.
En 1883 (Académie des sciences), Pasteur, expé-
rimentant sur un microbe septique qu'il avait
décelé dans la salive, trouva que son passage à
travers le cobaye nouveau-né Texalte pour lui-
même, mais Tatténue pour le lapin.
Blondi a constaté le même fait {Zeitschrift fur
Hygiène, t. XII) pour un microbe de la salive,
le hacillus salivarius sepHcus, qui est, sans doute,
le même que le précédent.
Fourquier a atténué le virus claveleux (Acadé-
mie des sciences, 2 novembre 188S) en le faisant
passer chez des immunisés.
Le microbe de la tuberculose est plus virulent
chez l'espèce bovine que chez l'homme. Il est donc
atténué dans ce dernier cas. De plus, Arloing a
démontré (Ac. des sciences, sept. 1886), que le
bacille de la tuberculose locale ne tue pas le lapin
mais devient nuisible pour lui, en passant par le
cobaye. Pour le virus scrofuleux, l'atténuation est
encore plus forte, puisque même ce passage
n'exalte pas sa virulence.
C'est de faits de cet ordre qu'il faut rapprocher
celui de l'atténuation du microbe de Talamon-
Fraënkel dans les lésions qu'il provoque. Wolff l'a
vu atténué dans les vieilles pneumonies, et Netter
92 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
(Biologie, 1887) dans la salive des premières
semaines de la pneumonie.
Le virus morvexix s'épuise rapidement à travers
le chien.
Il paraîtrait aussi que le bacillus anthracis s'at-
ténue, d'après Zagari {Giorn, intemaz. del scienze
med.y 1887), le microbe érysipélateux, d'après
Lubarsch [Ann. Inst. Past,,i8SS), chez la gre-
nouille.
D'après Toussaint^ le microbe de la septicémie
du lapin est inofiPensif pour la poule, mais l'immu-
nise contre le choléra des poules. C'est ce qui lui
a fait admettre que la septicémie du lapin ne
serait que le choléra des poules atténué par le
lapin. En effet, le passage à travers le pigeon le
rend virulent pour la poule.
Cornil et Toupet ont vu (Académie des sciences,
1888) que le microbe du choléra des canards ne
fait rien ni à la poule, ni au pigeon, et pensent
qu'il n'est autre que celui du choléra des poules
atténué par le canard.
Gamaléia pense {Centr. f. Bakt, und. Paras.,
1889) que le vibrio Metchnikovi, qu'il a décou-
vert dans une septicémie des oiseaux, analogue
au choléra des poules, n'est autre que le bacille
virgule de Koch atténué. En 1888 {Ann. Inst.
Pasteur), il a émis l'idée qu'il serait l'agent du
choléra nostras, car il vaccine contre lui.
D'après Domingos Freire (Académie de méde-
IMMUNITÉ ACQUISE 93
cine, inail884, et Académie des sciences, avriH887),
le microbe de la fièvre jaune s'atténuerait chez le
cobaye, ce qui permettrait la vaccination de
Thomme contre cette maladie.
D'après M. Bossano, le virus tétanique s'atté-
nuerait aussi en passant chez le cobaye.
Ce rapide exposé montre la variété des résultats.
Le passage de l'agent virulent à travers un orga-
nisme tantôt l'atténue, tantôt l'exalte. Dans un
certain nombre de cas, il s'atténue en traversant
le corps d'un animal réfractaire ou peu sensible.
Dans d'autres, il s'exalte pour cet animal, mais
s'atténue pour un autre.
Dans le premier cas, on peut citer surtout la
variole chez le bœuf, la morve xhez le chien, la
vaccine chez l'homme ; dans le second, l'atté-
nuation du rouget des porcs.
ATTÉNUATION PAR VIEILLISSEMENT DE CULTURE
Les microbes peuvent changer de virulence non
seulement par leur passage à travers l'organisme,
mais encore en dehors de lui. C'est ce qu'a
démontré pour la première fois Pasteur pour le
choléra des poules. Il vit que le vieillissement lui
enlève sa virulence et que lai culture atténuée
peut vacciner contre un virus fort. Il remarqua le
04 IMMUfaSATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
même fait pour le microbe septique de la salive.
Riondi Ta aussi noté pour son bacillus salivarius
septicus, Rodet pour le staphylococcus pyogenes
aureusi Duclaux pour un micrococcus trouvé dans
le clou de Biskra, Rietsch et Nicati (Acad. des
sciences, 13 juillet 1885) pour le vibrion cholé-
rique, Cornet (Gongr. de méd. interne de Wies-
baden, 1888) pour le bacille de la tuberculose,
etc., etc.
Lorsque le vieillissement est poussé trop loin, il
entraîne la mort du microbe ; mais ce qui nous
intéresse ici, c'est de savoir que cette mort est
précédée d'une atténuation héréditaire.
Cette atténuation tient probablement à l'adul-
tération du milieu, entraînée par les produits
solubles de l'agent infectieux, adultération qui le
gène dans son évolution. Nocard et Mollereau ont,
vu dans la mammile contagieuse des vaches
laitières {Ann. Inst. Pasteur^ 1887) que la dimi-
nution de vitalité était due à TacidiOcation du
milieu. En effet, son alcalinisation relève cette
activité.
III
ATTÉNUATION PAR LA CHALEUR
Toussaint a été le premier à atténuer le bacillus
anthracis par le chauffage à S5<^. Peu après.
Pasteur, chauffant pendant longtemps le même
IMMUNITÉ ACQUISE 95
agent à 42^-43**, lui donna une atténuation héré-
ditaire. Ghauveau, ensuite, démontra que c'était
bien la chaleur et non l'oxygène qui agissait dans
ce procédé, et proclama son importance. Depuis,
Roux a pu au bout de quelques heures tuer le
charbon, en le portant à 70<».
Arloing, Cornevin et Thomas, en chauffant le
charbon symptomatique, soit à 85-90°, s(j|t à
100-108®, ont obtenu deux vaccins, dont l'injec-
tion intra-veineuse confère l'immunité contre la
maladie. Kitt a atténué le même virus {Ann. Inst,
Pasteur, 1888), en l'échauffant dans la vapeur
d'eau à 100^
Ghauveau, puis Arloing (Soc. Se. méd, de
Lyon, 1882) et Truchot {Thèse de Lyon, 1884) ont
obtenu l'atténuation de la septicémie puerpérale
par la chaleur.
H» Martin {Etudes expérimentales et cliniques
sur la tuberculose, de Verneuil), Vœlsch (Zeits. /".
path. Anat., t. II) ont fait de même pour le virus
tuberculeux, Semmer pour le virus septique et
divers autres microbes {Zeits, f, Thierm., t. VII),
Gornil et Ghantemesse (Ac. des Se, déc. 1887)
pour la pneumo-entérite des porcs, Riondi pour
le bacilius septicus salivarius, Charrin pour le
pyocyauique.
La température à laquelle se produit l'atté-
nuation varie avec les divers microbes, suivant la
résistance plus ou moins grande qu'ils présentent^
96 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
et aussi avec le temps durant lequel oq maintient
le chauffage. De plus, l'atténuation varie suivant
la façon dont on fait agir ce chauffage. C'est ainsi,
qu'elle n'est pas transmissible, n'est pas fixe
lorsqu'on se contenie de soumettre le virus à
son action brusque. Elle l'est, au contraire, lors-
qu'on le cultive longtemps à une douce tempé-
rakire.
On pourrait se demander si les basses tempéra-
tures sont capables d'atténuer les microbes.
D'après Pictet et Yung (Ac. des Se, 1884) les
spores du charbon, le charbon symptomatique,
le bacillus subtilis, etc.. résistent à — 70*^ et
même — 130°. Cependant, Chauveau, cultivant le
bacillus anthracis à la température la plus basse,
compatible avec sa végétation, l'a vu s'atténuer,
puis mourir. Gibier dit avoir atténué le virus
rabique par le froid. Pictet et Yung ont enlevé à
la levure de bière la propriété de fermenter, en
la maintenant à — 70° durant cent huit heures,
puis à — 130° durant vingt heures. Dernièrement
encore, MM. d'Arsonval et Charriii ont annoncé que
l'action de très basses températures empêche le
bacille pyocyanique de sécréter son pigment, et
modifie sa forme. On est donc autorisé à penser
que non seulement la chaleur, mais même les
basses températures sont susceptibles du pouvoir
atténuant.
IMMUNITÉ A€QUIS£ 97
ATTÉNUATION ,PA.R ,LA LUMIÈRE
Downes et Blunt avaient prouvé que la lumière
peut détruire le tyrothrix scaber, Duclaux, divers
microorganismes (Ac. des Se, 1886, «t Société dé'
biologie, même année) lorsque H: Arloing démontra
que la lumière solaire non seulement est douée
du pouvoir destructeur vis-à-vis du bacillus
antbracis^ mais encore est capable de lui faire
subir une atténuation permettant de vacciner le
cobaye.
Mais n'est-ce pas la chaleur des rayons solaires
qu'il faut incriminer ? Arloing a démontré que
non.
L'école de Pasteur» et ert particulier Duclaux,
supposèrent l'intervention de l'oxygène, une action
comburante de la lumière. Roux démontra même
que la lumière détruit le bacillus anthracis moins
rapidement dans le vide que danâ l'air (Ânn.
Inst. Pasteurs iBSl).
Mais Arloing reprit ces expériences et prouva
qucj si la lumière seule est efficace, son pouvoir
destructeur* est aidé par l'oxygène. Lumière et
oxygètie font ce que ne ferait pas Toxygènë
seul.
tUHUNISATION'. 7
9^ IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
V
ATTÉNUATION PAR l'OXTGÈNE
Le rôle atténuant de la lumière a été, pour la
première fois, mis en lumière par Pasteur. Il le
proclama au Congrès d'hygiène dé Geiiève, en se
basant sur ses expériences relatives au choléra
des poules, au virus charbonneux, aii microbe
septique de la salive et à un microbe rencontré
dans la fièvre typhoïde du cheval. Il n'avait en
vue ique l'oxygène àla pression atmosphérique^
lorsque Ghauveau démontra l'action atténuante
de l'oxygène comprimé pour le bacillus ànthracis
et le rouget du porc. On sait aussi avec quelle
précision Paul Bert a clairement prouvé ce pouvoir
destructif de la lumière; C'est à ce pouvoir qu'il
faut rapporter le fait que le charbon, la fièvre
puerpuérale végètent moins bien dans l'air.
Nous avons vu qu'on, a voulu incriminer -l'oxy-
gène de l'atténuation des microbes par le vieillis-
sement, la chaleur, la lumière. Ces expériences
précises ont donné aux faits leur véritable signi-
fication.
VI
I ATTÉNUATION PAR. LA DESSICCATION
Pàstèur a prouvé qu'on diminue en quelques
jours la virulence des moelles de lapins rabiqués
IMMUNITÉ ACQUISE 99
en les soumettant à la dessiccation. A mesure que
cette dessiccation progresse, la virulence diminue
et le pouvoir vaccinal augmente. On peut ainsi
faire une série d'inoculations préventives. Cepen-
dant Pasteur croit que, dans ce cas, il n*y a pas
atténuation vraie, mais diminution des germes
virulents. On Ta contesté, ajuste titre.
Netter (Société de biologie, 29 oct. 4887) a im-
munisé contre le pneumocoque de Talamon-
Frœnkel par l'inoculation de la rate d'animaux
tués par ce microbe, qu'il avait atténué en le des-
séchant.
Vœlsch (Beitr. zur pathoL Anat., t. Il) a fait
de même pour le virus tuberculeux.
D'après Koch, la dessiccation tue le vibrion
cholérique en trois heures, d'après Rietsch et
Nicati, en deux heures.
Au contraire, d'après Galtîer, Cadéac et Malet,
le bacille de Koch résiste plusieurs semaines, et
d'après Schill et Fischer, Pietra, plusieurs mois.
Quant au charbon symptomatique , il est plus
facile à conserver, lorsqu'il a été préalablement
desséché.
A quoi tient cette résistance inégale ? La raison
intime nous en échappe, mais on peut au moins
dire que les microbes sporulés résistent beaucoup,
les non sporulés très peu.
Il faut ajouter que l'élévation de la température,
pourvu qu'elle ne soit pas trop considérable pour
100 IMMUNISATION Et SÉRUMTHÉRAPIE
détruire la matière organique, favorise l'action
atténuante de la dessiccation.
VII
ATTÉNUATION PAR LES ANTISEPTIQUES
Chamberland et Roux ont été les premiers à
atténuer le charbon, en le cultivant à Tétat Qla-
menteux en présence d'acide phénique et de bi-
chromate de potasse, et les spores au moyen
d'acide sulfurique.
Gatnaléia {Ann. InsL Pasteur, 1888) a vacciné
le mouton contre le virus charbonneux, en lui
inoculant ce microbe atténué par le bichromate
de potasse. Il a même fait accepter ses vaccins
pour la pratique courante en Russie (Centralhl. f,
Bacter., 1888).
Klein a produit de Talténuation identique par
la culture dans de lagélatine additionnée de 1/4000
de sublimé.
Maximovitsck a eu recours au sublimé ; mais
surtout aux naphtols « et ^ (Académie des Scien-
ces, 14 mai 1888). Dans ce cas, la vaccination n*a
pas été complète. Il n'y a eu que diminution de
la réceptivité. De plus^ pour une même dose de
naphtol, il faut plus de temps pour détruire la
virulence du bacillus anthracis que pour suppri-
mer sa végélabilité.
IMMUNITÉ ACQUISE 1 01
Heyn^ Thortild-Rovsing, Buchner avaient pré-
tendu que les cultures se font bien en présence
d'iodoforme. Leurs expériences ont été reprises
par Neisser {Virchow Ârchiv., 1887), Sœnger
(DeuL med. Wock.y .1887), et ils ont pu, en rem-
ployant en solution, diminuer la croissance et la
virulence du baciilus anthracis. Kunt, Ruyter,
Baumgarten, Sœnger ont, sinon empêché, du moin$
retardé Tinfection charbonneuse, en introduisant
riodoforme dans Tépaisseur des tissus, où il dér
gage alors de Tiode.
Luigi Manfredi a trouvé (ffeorw. internaz, del
scienze mediche, 1887), que la bactéridie char-
bonneuse s'atténue dans un milieu contenant entre
1/3 et 2/3 de graisse. Au-dessus de cette dernière
proportion,. elle cesse de végéter. La rapidité de
l'atténuation dépend du degré de température.
Arloing et Cornevin ont atténué le charbon, en
employant diverses substances.
D'après Cornevin, le vibrion seplique, qui cause
la septicémie gangreneuse, subit une atténuation
légère lorsqu'on fait agir durant vingt-quatre
heures, à 38-40®, de la couramine dans la pro-
portion de 1 à 1,8 p. 100 ; et forte, lorsqu'on fait
agir l'acide gallique dans la proportion de 2,8 à
3,5 p. 100. Cornevin n'a pu maintenir l'immu-'
nité au delà de vingt-trois jours. L'acide lactique
redonne au virus son activité.
. L'action prolongée de^ vapeurs d'acide fluorhy-
102 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
drique a permis kGrancher et CAaw^ard d'obtenir
Tatténuation du bacille de la tuberculose {Ann,
InsL Pasteur, 1888).
Maximovitsch, en étudiant Taction des naphtols
a et p sur le pyocyanique, a obtenu les mêmes
résultats que pour le charbon.
Z. Manfredi a pu vacciner le cobaye et la sou-
ris, mais non le buffle, contre le virus du carbone
des buffles, en l'atténuant par la culture en pré-
sence de graisse, comme il avait fait pour le
charbon.
Enûn, il faut citer les expériences de MM, Char-
rin et Roger (Société de Biologie, 29 oct. 1887),
sur le bacille pyocyanique. Expérimentant avec le
naphtol, le sublimé, le sulfure de mercure, ils ont
vu, qu'à faible dose, ces substances rétractent ou
suppriment l'apparition de la matière colorante
bleue. A dose plus élevée, elles entravent ou arrê-
tent le développement. Enfm, leur action peut
être encore plus marquée; elles peuvent tuer
complètement le microbe.
Les travaux que nous venons de citer sur l'atté-
nuation des microbes par les antiseptiques ne sont
pas les seuls qui aient été produits sur cette quesr
tion. Il ne se passe point de jour où un auteur ne
proclame la supériorité d'un antiseptique sur tous
ceux déjà connus. Mais le but même, qui inspire
ces travaux nous dispense de les analyser dans cet
ouvrage, où nous nous sommes proposé seule-
IMMUNITÉ ACQUISE ^0^
ment de faire connaître les principes scientifiques
de l'atténuation. D'ailleurs, comme le faisait bien
remarquer Duclaux [Ann. Inst. Pasteur, 1887),
sait-on bien en quoi consiste le pouvoir antisep-
tique? N'est-ce pas un groupe bien hétérogène
que celui dans lequel on range les substances,
aujourd'hui reconnues comme douées de ce pou-r
voir?
Tant qu'un classement bien définitif n-y aura
point été apporté, on n*aura pas le droit de le con-
sidérer comme antiseptique.
Et d'ailleurs, si on. sait peu comment agissent
les antiseptiques in vitro, on sait encore moins
comment ils se comportent dans Torganisme. On
ignore dans quelle mesure la nature et Tétat des
tissus modifient l'effet atténuant, car dans ces
questions il faut, comme toujours en bactériologie,
considérer non seulement le microbe, mais aussi
le terrain. .
VIII
ATTÉNUATION PAR LES PRODUITS MICROBIENS
On sait que l'urine et la bile sont des poisons
pour les animaux qui les ont produits. On s'est
demandé s'il en était de même pour les micro-orga-
nismes inférieurs, et la réponse a été affirmative.
Ils vivent dillicilement plusieurs dans. un même
milieu. Il s'établit alors une sorte de lutte, une
104 IMMUNISATIOM ET SÉRUMTHÉRAPIE
vraie concurreace vitale analogue à celle que lé
génie de Darwin a révélée pour les animaux supé^
rieurs.
Un milieu, ayant déjà servi à la culture 'd*un
microbe, est également impropre à celle d'uii
microbe différent. C'est que le précédent avait
fabriqué des produits toxiques, qui ont empêché
le développement du second. Là où le problème
devient obscur, c'est quand on cherche pourquoi
les mîcrobes rendent leur milieu de culture plus
ou moins impropre à celle des autres, pourquoi
certains sont très sensibles à ces adultéralions, 'les
autres peu.
. Babès {Journal des connaissances médicales\
oct. 1885, et son ouvrage sur les Bactéries)^ Garré
(Correspondzbl, f, delw Âerzte, 1887, et Ann^
Inst. Pasteur, 1888), de Frendenreich {Ann. Insi:
Pasteur, 1888) ont bien étudié ces différences. '
Zagari [Giom, internaz. deL se. med., 1887)^
en cultivant le charbon dans un milieu où avait
déjà vécu le vibrion cholérique, l'a atténué au
point de pouvoir vacciner lecobaye.
Pavone (Ann. Inst. Pasteur, 1888) a obtenu le
nième fait en remplaçant le vibrion «cholériqbe
par le bacille typhique. L'atténuation était héré»
ditaire. ^
Enfin, MM. Charrin et Guignàrd ont étudié (Sôc.
de Biologie et Acad.des sciences, 1890; Arch. dé
physiologie, oct. 1891) l'action des produits volatils
IMMUNITÉ ACQUISE 105
du pybcianiqùe, celle de ses produits insolubleisi
dans l'alcool, et solubles dans ce même liquide sur
ia bactéridié charbonneuse et sur le bacille pyo-*
cyanique.
Utd ont constaté que te développement dé ces
microbes est entravé par les produits ci-dessusj
quoique cette action soit inégale. Les matières
insolubles dans l'alcool ôiit un pouvoir plus faible
que les corps volatils, et ces corps volatils sont, de
leur côté, moins actifs que les principes solubles
dans Talcool.
On à atténué les microbes non seulement pae
les produits de la vie microbienne, mais par ceux
de la putréfaction. '
'D'après Fatk {Berlin. Klin. Wock, 1884) el
Wœlsch {Beit, z. paîhoL Anat.^i, II), il en serait
ainsi du microbe de ia tuberculose. Il n'occasion«-
kierait alors chez le cobayequ'un trouble local. Il
faut dire d'ailleurs que, pour lebacillede Koch, leà
résultats' ont été 'contradictoires. D'après Baum-
g^rten, Fischer, Falk, Voma, il serait peu résis^
tant. D'après Schill et Fischer, Koch, Wesener,
Qàltier, Cadéac et Malet, il le serait beaucoup,
buclaux a expliqué cette discordance par rexis-*
tence de plusieurs putréfactions.
On a constaté également l'influence considérable
que l'âge de la culture exerce sur sa virulence.
Cela tient à la présence de ces toxines qui, agis-^
sant vrais'elmblablementcommedes antiseptiques,'
106 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
diminuent la vitalité des germes. Mais ici, plus
encore que pour les antiseptiques, le problème de
l'atténuation nous échappe, car ces toxines sont
des corps dont la complexité, la multiplicité, et
rinflme quantité ont défié l'analyse chimique la
plus délicate et la plus exercée.
IX
ATTÉNUATION PAR LA CULTURE
Parfois, Tagent virulent se cultive bien et cepen-
dant on le voit s'atténuer progressivement. Nous
allons en donner quelques exemples.
Chauveau, expérimentant sur le microbe de
la septicémie puerpérale, le vit s'atténuer dès la
troisième génération. C'est ce qu'ont remarqué
aussi Arloing {Lyon médical^ août 1884), et Tru-
chot {Thèse de Lyon^ 1884), en le semant dans du
bouillon de poulet.
Gamaléia prétend que la culture dans les
milieux ordinaires atténue le vibrion cholérique.
Il le rend virulent en le faisant passer à travers le
pigeon (Accadémie des Sciences, août 1888)*
Lœwenthal emploie pour cela un bouillon arti*
ficiel spécial {Semaine médicale, 1888).
Zefl'raewa vu (Soc. de biologie, 21 avrill888)qu'un
microbe, faisant des septicémies chez la grenouille,
était diversement virulent suivant les milieux. C'est
sur la pomme de terre qu'il Tétait le plus. ;
immOnité acquise 107
Foa et Bordonni'Uffreduzzi ont atténué gra-
duellement {Arch, itaL de biologie^ t. IX) par la
culture en série le diplococcus capsulatus, qu'ils
avaient isolé dans une méningite cérébro-spinale.
A mesure que cette atténuation se poursuit, le
microbe devient plus facilement cultivable. C'est
ce que ces auteurs ont également remarqué pour
le bacille de la \hi^vt(Zeitschrift f. Hygiène, ISSl).
Ce fait semblerait légitimer cette hypothèse que
le bouillon de culture est un milieu non vivant,
où le microbe s'accoutume à vivre en saprophyte.
, D'autre part, on pourrait supposer qu'il agit
par son insuffisance de matériaux nutritifs.
La qualité elle-même des aliments influe sur la
vitalité du microbe, ainsi que l'ont montré
MM, Charrin et Dissart pour le pyocyanique
(Société de biologie, 1893).
Dans quelle limite exacte agissent ces diverses
influences? On le voit, l'étude des variations de
composition du milieu est encore trop complexe
pour qu'on puisse apporter à son éclaircissement
une notion bien définie.
.•X
■ ATTÉNUATION PAR DES CAUSES DIVERSES
Avant de clore ce chapitre, nous rappellerons
encore les recherches de MM. d'Arsonval et
Charrin (Académie des Sciences, 15 janv. 1894),
108 nCMUIOSATION ET SÊRUIITHÉRAPIE
qui montrent bien comment la plapart des agents,
que nous venons de passer en revue, interviennent
dans la nature.
. Ils avaient déjà fait connaître (Biologie, 1893)
raction de Télectricité, des courants à haute fré*
quence, de la pression sous acide carbonique, et
de Tozone dépourvu de tout élément nitreux.
. Dans leur note à 1* Académie, ils ont montré que
le spectre du soleil et celui de l'arc voltaîque dimi*
nuent, au bout de quelques instants, le pouvoir
.chromogène du pyocyanique. De même, le froid
atténue les qualités pigmentaires de ce microbe.
Mais, pour les anéantir, il faut recourir à des
températures très basses. Alors, le germe présente
des formes anormales : tantôt il s'allonge, tantôt
il est ovoïde. Ils ont vu également que le froid
modifie non seulement le milieu, mais le milieu
de culture.
Au début de Tétude des méthodes d'atténuation,
nous avons vu que le passage à travers certains
organismes pouvait modifier l'activité de certains
microbes. Or, ce fait a lieu constamment dans la
nature. Nous savons aussi l'influence de la dessic-
cation, des antiseptiques, etc., conditions que nous
offre encore le monde extérieur. Aussi, nous est-
il permis de croire que si une même maladie se
présente chez divers individus avec des degrés
divers d'aspect et de gravité, cela peut tenir non
seulement ^ Tinfluence du terrain, mais aussi à
IMMUNITÉ ACQUISE { QÇK
l'atténuation naturelle pliis ou moins grande de'
Tagent virulent.
Quant à l'atténuation artificielle que nous avons
longuement étudiée , nous pouvons conclure,
qu'elle se divise en trois méthodes : 1<* atténua-
tion brusque par exposition du virus à diverses
actions physico-chimiques ; 2** atténuation lente
par sa culture in vitro dans des conditions parti-
culières; 3^ passages successifs à travers un orga»
nisme réfractaire ou peu sensible. Ce sont surtout
les deux premières qui ont une réelle importance i
pratique.
Dans ces deux catégories même, tous les modes
d'atténuation que nous avons indiqués n'ont pas
une valeur comparable. La susceptibilité plus ou
moins grande d'un virus déterminé pour tel ou
tel agent physico-chimique nous met dans Tim-
possibilité de fixer une règle absolue. Néanmoins^
on peut dire que les meilleurs procédés sont ceux
qui permettent un dosage approximatif. C'est
ainsi que, pratiquement, il faut rejeter le vieillis-
sement des cultures, la dessiccation, la lumière
solaire, l'action d'un bouillon àyabt déjà servi à-
une culture. Il ne reste, en somme, que les anti-»
septiques, l'oxygène, et surtout la chaleur, qui
est le procédé de choix.
Jetant maintenant un coup d'œil d'ensemble suî*
l'atténuation, nous voyons que la virulence n'est
pas une propriété fixe et absolue. Elle varie aved
ilO IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
les diverses conditions de vie du microbe dans les
limites les plus larges.
C'est ainsi que nous avons vu des virus s'atté-
nuer pour certains animaux, s'exalter pour
d'autres. Il n'y a vraiment là qu'une atténuation
relative, ainsi que le fait remarquer M. Rodet,
dans le mémoire déjà cité . Il importe d'en distin-
guer l'atténuation absolue, qui s'obtient par les
deux premières méthodes.
L'ordre de réceptivité des animaux pour un vi-
rus est le même pour le virus atténué que pour le
virus normal. On n'observe dans le premier cas
que des différences de réceptivité plus grandes,
qui peuvent varier elles-mêmes suivant le procédé
d'atténuation employé. .
Considérée, non plus au point de vue de la ré-
ceptivité de l'animal, mais au point de vue du
virus lui-même, l'atténuation est dite individuelle,
lorsque les germes ne la transmettent pas à ceux
auxquels ils donnent naissance, héréditaire lors-
qu'ils la leur transmettent. La première se pré-
sente, lorsqu'ils ont été soumis à l'influence bru-
tale d'un agent physico-chimique. Mais, comme
l'a établi M. Chauveau, si cet agent vient les mo-
difier pendant qu'ils poursuivent leur évolution,
soit dans un organisme, soit mieux encore dans
une culture in vitro, alors l'atténuation devient
héréditaire.
Donc, le fait qu'un microbe recouvre sa viru-
IMMUNITÉ ACQUISE 141
lence. après une action atténuante ne prouve nul-
lement qu'il n'était pas atténué; L'atténuation
peut n'avoir été qu'individuelle: L'instabilité de
cette sorte d'atténuation la rend par cela même
inféconde et inférieure à l'atténuation héréditaire.
Pourtant, cette dernière elle-même n'est pas ab-
soluej puisqu'on peut rendre la virulence du mi-
crobe en le faisant passer à travers un animal
sensible. Par exemple, le choléra des poules est,
après atténuation, exalté par les petits oiseaux,
etj d'après Gamaléia, par le lapin ; le charbon par
le cobaye nouveau-né ; la rage par le lapin ; :1e
vibrion cholérique et le vibrio Metschnikovi par
lé pigeon (Gamaléia, Académie des sciences, août
1888) ; la pneumonie par le lapin (Gamaléia, Ann.
InsL Pasteur, 4888).
Cette tendance du virus atténué à reprendre sa
virulence normale prouve bien que l'atténuation
n'est qu'un phénomène passager, factice, anor-
mal; Nous en avons encore des preuves dans ces
faits qu'il est moins résistant aux diverses in-
fluences atténuantes, qu'il végète moins bien ou
que sa forme change. Le bacillus anthracis, même
k l'état de spores, est plus sensible à la chaleur
lorsqu'il- a déjà été atténué par le chauffage. II. en
est de même du vieillissement. D'après Ghamber-
land et Roux, d'après Gamaléia^ le charbon ne
donne [plus de spores lorsqu'il; a été atténué par
le bichromate de potasse; D!après Arloing, la lu-
€13 IMMUNISATION BT SteUMTHÉRAPIB
Hiièra ralentit sa végétation, d'autant plus que'
son action a été plus longue, MM. Ghàrrin et Gui-
gnard surtout, ont montré, en 1887,'coinbieii le
polymorphisme du pyocyanique pouvait être fàd-
lement déterminé par l'addition à sa culture d'an-
tiseptiques divers: naphtol ^, alcool à 4' p. 100,
bichromate de potasse à 0,015 p. 100, acide bo-
rique à 0,6 p. 100 ou h 0,7 p. 100, créosote à
0,10 p. 100. Hs ont vu le microbe tantôt s'allonger,
tantôt se segmenter, tantôt s'enrouler eh spirille,
tantôt prendre la forme d'un microcoquei Le
transport daiis un milieu normal lui redonne sa
forme ordinaire.
De même que pour la virulence, le procédé
d*atténuation influe plus ou. moins sur le défaut
de résistance, la végétabilitë et la forme du mi<
orobe.
D*apTès Wassering (Ann. tnst. Pasteur, 1887),
ces propriétés peuvent, comme Tatténuation, être
individuelles et passagères, ou héréditaires et
permanentes, suivant les conditions d'action de
la cause' atténuante.
Eh un mot, un microbe atténué est tin. microbe
anormal. Seul, le cas où un microbe s'atténue
potir une espèce, en s'exaltant pour uiie autre,!
autorise à supposer qu'il a subi alors une adapta-
tion. Il en est peut-être de m^mé de 6elm où il
s'atténue par le seul fait de la culture, |)ar, ^cCoH-
tumâhce à la vie de saprophyte:
IMMUNITÉ ACQUISE l\ iii3
r 'L'attéauation diminue^ le pouvoir morbide du
.•microbe, soit qu'elle ^allonge la duréa xle la ma-
ladie, soit qu'elle réduise la mortalité^ soit qu'ell^
,rende les accidents béains^ /^olt qu'elle .pcoduise
des lésions chroniques. Parfois, il ne ,se forme
yqu*unJe lésîoa îdcale.JPar, e^emple^ Je xcharbon
atténué ne détermine .chez :ie <cobaye .que ide i'oe-
dème« Le microbe de ia pneumonie,' normal, fait
jde la septieémie^chez lé lapin; ;atténué,il tfàitide
.la pneumonie. D'après Gornil et Chantemesse, le
vmicrobe de: la pneumo-entérite desî-porcs, après
. atténuation vua détermina chez le cobaye .quades
abcès. . :■'
La modiOcation la plus intéressante^ apportée
'par l'atténuation, est la création du ipouvoir (vac-
cinal. L'intensité de ce pourvoir Yarie.*elle-méjhe
avec le degré d'atténuation. Il n'existe >:qu!à 'la
condition qu'elle ne ^erapas poussée trop. loin.
11 semble en quelque sorte que le pouvoir vaccinal
dépende de la virulence de la culture. Un fait
, découvert par GhauvQftu ,^emj)lerait contredire
cette proposition. D'après ce savant, en effet, on
>i^eut immiuniser le môutau' contre le* charbon, en
•lui Inoculant unç culture de <co micrqbe, atténué
-pajp. l'oxygèafii squ9 pres^iou. Or, . dangi :C;eso condi-
tions, la culture. e3t îqactive sur j^e ,lapia. Il *a9t
îAjcroiçq q.uç cette exçeptioQ tient au procédé d'at-
-ténuatiou eroplpxq. ' , î .
La vaccination «antirabique, également, esti'att-
IMMUNISATION. 8
114 IMMUNISATION BT SÉRUMTUÉRAPIE
tant plus facile que les inoculations sont plus
virulentes. Mais cela ne veut pas dire qu*on ne
puisse l'obtenir par injection de moelles très atté*
nuées. Burdach et Roux, ont pu, au contraire,
y arriver.
Il faut ajouter qu'en général les inoculations
sont d'autant plus efficaces et moins nuisibles
qu'elles sont répétées à des degrés croissants de
virulence. C'est qui fait Je fond de la méthode
antirabique de Pasteur. Néanmoins, contre le
sang de rate, le charbon symptoma tique, le
rouget, il n'avait employé que deux vaccins.
Contre le charbon, Chauveau ne s'est servi que
d'un seul.
De plus, l'injection d'une grande quantité de
virus augmente son pouvoir vaccinal. C'est ce que
MM. Ghamberland et Roux ont vu pour le char-
bon, M. Ferran, pour la rage.
X
VACCINATION CONTRE UN VIRUS PAR UN AUTRE
S'il est vrai que la variole et la vaccine consti-
tuent deux infections différentes, il faudra placer
dans ce chapitre le fait de la vaccination ordi-
naire contre la variole par la vaccine.
Pasteur •, le premier, a pu empêcher la poule
refroidie de contracter le charbon, en lui inocu-
lant le choléra des poules atténué.
IBtMUNITÉ ACQUISE lit)
Toussaint a ensuite vacciné contre ce choléra
par le microbe de la septicémie des lapins ; mais
peut-être les agents de ces deux injections sont-
ils identiques.
En 4886 et 1887, Emmerich a empêché l'infec-
tion charbonneuse chez le lapin, en lui inoculant
sous la peau et mieux dans les veines le microbe
de Térysipèle avant ou après l'inoculation de
charbon. Pawlowsky n'a réussi à produire l'im-
munité contre le charbon {Virch. Arch.^ 1887)
q^u'en inoculant le staphylococcus pyogenes, ou
le psieumo-bacille de Friedlaender en même temps
que Itt charbon ou peu après.
Zagari {Giom. intemaz. del sc.med:, 1887) a
confirmé let travaux de Emmerich, non seulement
pour le lapin» mais pour le cobaye, et a obtenu
l'immunisation 4e ce dernier animal contre le
charbon en lui inoculant à plusieurs reprises le
rouget des porcs.
De môme, Gamaléia % vacciné le pigeon contre
le vibrion cholérique de Koch au moyen du vibrio
Hetschnikovi.
On a prétendu aussi que dea microbes pouvaient
modifier les lésions produites par d'autres. Par
exemple, Cantini a signalé TinQuence favorable
de l'inhalation de bactérium thermo sur les lésions
tuberculeuses {Centr. f. d. medic. Wissensch.^
1884), Fehleisen celle du microbe de l'érysipèle
sur le lupus {Ann, Inst, Pasteur, 1884, Revue de
H 6 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Wassei'zug), Neumann celle de ce même microbe
sur les lésions syphilitiques [Soc. imp. der medL
de Vienne, 1888).
Quelle est la nature de cette vaccination contre
un microbe par un autre? 11 est probable que,
dans ce cas, le premier a affaibli la résistance de
l'organisme contre le second, et qu'il ne faut pas
invoquer un antagonisme, une concurrence vitale
entre les deux germes.
' ' xii ■ ' ■ ■ ^ ■- '• .'
... ■ ■ .1
VACCINATION CHIMIQUE
- Le microbe fait ce que font ses produits. Il
^était donc naturel de penser que l'immunité, que
l'on avait réussi à créer par son injection, pour-
rait se produire aussi par l'inoculation des sécré^
lions toxiques. €ettje idée a été mise en lumière
par l'école lyonnaise. C'est Ghauveau qui, 4e pre-
mier, l'a émise, lorsqu'il découvrit la transmission
de l'immunité charbonneuse de la mère au fœtus.
Malgré l'opinion de Straus et Chamberland, de
Perroncito, Chauveau a de nouveau affirmé' le
fait en 1888 (A.cad. des sciences, eï, Ann, Inst.
Pasteui'), et soutenu que le charbon ne traverse
jamais le placenta de la brebis, alors pourtant
que le fœtus est toujours, immunisé. : ;
Cienkowski n'a observé {Centr. f, Bakter,^lS8^)
cette transmission d'immunité que 78foi3 surlOO*
IMMUNITÉ ACQUISE i il7
Pour prouver la' possibilité de la vaccination?
par les produits solubles, il. était nécessaire d'ex-,
pe'rim enter sur eux isolément. C'est ce que tenta;
pour la première, fois, Toussaint pour la vaccina-^
tjion anticharbonneuse. ■ ; \
Cette! tentative fut mal accueillie tout d'abord^
par l'école de Pasteur, qui la combattit vivementé,
Ghamberland et Roux objectèrent 4 Toussaint
qu'il n'avait pas employé des moyens suffisants;
pour éliminer les bacilles. Néanmoins, ils durent
reconnaître, comme lui, que l'immunité contre le.
charbon peut être conférée par ses substances
solubles. Mais ce dernier travail n'a été publié
qu'en 1888, dans les Annales de l'Institut Pasteur.,
Le chauffage du sang charbonneux à H8<*, ne
do nnjc qu'une immunité incomplète, Si, au con-
traire, on chauffe le sérum à 55°, comme le faisait
Toussaint ou mieux encore à 88°; 1 heure par
jour, durant 4 ou 5 jours, son injection hypoder-
mique immunise les moutons à la dose de 70, 80,
100 centimètres cubes, suivant les individus.
Avant Roux et Ghamberland, Wooldridge avait
déjà publié {Semaine médicale, mai 1887) que?
les cultures de charbon, bouillies, conféraient au
lapin l'état réfractaire contre ce microbe. Il opé-
rait ces cultures dans une macération de thymus..
On se rappelle les discussions que souleva, il
n'y a pas longtemps, la découverte du pouvoir
vaccinal des produits solubles du bacille cholé-
118 IMMUraSATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
rique par le savant espagnol M. -Ferran. Il re-
connut, d'abord, que l'injection sous-cutanée d'une
faible quantité de culture pure confère Timmu-
nité. Opérant ensuite sur des cultures chauffées
à 9So, il leur trouva la même propriété. Il soutint
même avoir isolé leur principe actif cristallisé, et
avoir isolé avec lui.
Les travaux de M. Ferran étaient accueillis
avec la plus grande incrédulité, lorsque Gamaléia
communiqua ses recherches à l'Académie des
sciences (août 1888). D'après lui, le bacille virgule
est atténué dans les cultures. Il lui redonna sa
virulence en lui faisant traverser le pigeon. Il
obtint ainsi des cultures qu'il priva de tout germe
par le chauffage, et l'injecta au pigeon pour
l'immuniser contre le choléra. Ayant réussi, il
établit sa méthode de vaccination anticholérique.
Déjà, en 1888 [Eap, of the commiss. of Agric)
(Voir aussi 1886, A. Salmon et Smith, Congrès de
Washington), Salmon prétendait avoir immunisé
les pigeons contre le hog choiera^ en leur injec-
tant même 0cc,8 d'une culture chauffée à 58-60o.
La méthode ne réussit pas pour le porc.
Il faut aussi rappeler le fait, découvert par
M. Charrin (Acad. des sciences, oct. 1887), de
l'immunisation du lapin contre le pyocyanique
par ses cultures filtrées. Bouchard obtint cette
immunisation (Biologie, 1888) avec l'urine filtrée
des lapins infectés. Charrin et Rufîer (Biologie,
IMMUNITÉ ACQUISE 119
oct. 1888) avec Turine des lapins intoxiqués par
Ja culture filtrée. Le 16 février 1889, à là Société de
Biologie, Charrin et RuQer ont aussi montré que le
sang de ces lapins est doué du pouvoir vaccinaL
Cependant, c'est le travail de Chamberland et
Roux sur la vaccination contre la septicémie
par les produits solubles du vibrion septique {Ann.
InsL Pasteur, 1887), qui a eu le plus grand éclat.
L'injection intra-péritonéale des cultures, chauf-
fées à 105-1 10<>, ou filtrées sur porcelaine, leur a
permis de conférer une immunité plus ou moins
grande, suivant la dose injectée.
Roux est arrivé au même résultat pour le char-
bon symptomatique {Ann. Inst. Past., 1888);
Ghantemesse et Widal (Société de Biologie,
mars 1888) pour le bacille typhique.
Il faut aussi rappeler ici l'opinion de Pasteur,
sur la matière vaccinale du virus rapide. Il pense
que certaines particularités de la vaccination anti-
rabique ne peuvent s'expliquer que par l'action
des produits solubles; telle la possibilité de la
vaccination contre une inoculation ultérieure, et
même antérieure à celle du virus rabique, et ce
fait vérifié par Burdach {Ann. Inst. Past., 1888)
qu'une dose moyenne de ce virus a plus d'effet
qu'une très forte dose.
Néanmoins, tant qu'on n'aura pas expérimenté
sur les produits solubles seuls, on ne pourra con-
clure à rien de définitif sur ce chapitre.
iW: IMMUNISATION BT .8ÉRUMTUÉRAPIE
%'Eu fia de dompté, on voit que si riafection mw*
crobiénne se réduit, comme l*à. montré Tëcole-
dé BouchUrdy a une' véritable intoxication, c'est
au^i par un: processus chimique qu*il faut ëxpli-<
(|ueb ia.vaccinatioh# 'i ; ' I . -
;>Peut-être niême, lorsque Tetude chimique dél
cfis produitsr soloibles sera plus avancée, serà-t-il;
possible d'en isoler certains qui, à euxseuis/pour^-
rontcbnférer l'immunité. Âlors,cette thérapetitiique'
vaccinale cessera d'être le privilège du laboratoire^^
et rentrera dans lé domaine pharmaceutiquéi
Cette opinion, d'ailleurs, qu'où pourrait croire
fantaisiste^ ne Test pas, si on se rappelle les suc-
cès obtenus par .Certains auteurs dans la vaccina-^
t^on par des substànèeâ chimiques définies; dié--^
tinctes des produits solublés inicbobiens..
, Le travail . le* plus curieux en cette ihatière,
preaqueencore inexpliquée,' est celui que cominu*:
niqua Peyraud, le21 novembre 1887, à l'Académie
des Sciences, et dont il continua la publication.
à; l'Académie de médecine ;(avril 1888) et à Ja.
Société de biologie (avriM888). . • .*
'■ Ayant trouvé que la tahaisie donne aux lapins
lin certain bohibre dé symptômes analogues si
ceiix de la rag». (rage, tanacétique ou simili*.
rage), il chercha si l'essence de cette plante hCi
serait pas susceptible de vàccirier contre le virus
rabique; ; : , i .
D'après Gohier et Bouley, Raj^mbnd et Arthaud,
; ,; IMMUNITÉ ACQUISE , :l [ tâl'i
les animaux ayant ingéré du tanin fee putréfie-/
raient nioins vite. j ;, , ^
L*actioil qiic' ces deux. derniers auteurs avaient
trouvée poul?. le tanin vis-à-vis du* bacille de la
tuberculose a été retrouvée par Gosselin' {Etudes-
sur iâ tuberculose de Yerneuil) pour riodoforme.
D'après Cavâgnis (ibidem), le traitement des ani-»;
maux parde.yiodure de potassium les empêche*'
rait ainsi de devenir tuberculeux. Behring a signalé
également .{Deut. medid ÎTocA., 1887) l'action
préservatrice de • hautes < doses' de sels d'argent
contre le charbon]
Etant donné l'insuffisance des résultats, on n'a
pàjs le droit d'assimiler ces propriétés préventives
à l'action vaccinale des microbes et dé leurs pro-
duits. Les faits bien connus de mithridatisme auto-
risent à penser 'que ces phénomènes peuvent
s'expliquer pàk* une accoutumance. Peut-être aussi,
y aurait-il action médicamenteuse pure et simple.
Avant de rien dire, il faudrait connaître plus inti-
mement le. mécanisme d^ la. vaccination. Nous
allons voir que les théories sont nombreuses, et
que le moment n'est pas encore venu d'ériger une
doctrine complète.
L'expérience , parait-il , confirma son idée.
D'après Peyraud, le chloral produit le même effet
que l'essence de tanaisie, lorsqu'on donne la rage,
mais non avant.
Depuis longtemps déjà, on avait espéré décou-
ISâ IMMUNISATION ET
vrir contre les maladies infectieuses des médica»
lions préventives^ uniquement basées surPemploi
de corps chimiques purs. Bien que les tentatives
dans ce sens n'aient pas donné de résultats positifs
nous les énumérerons cependant.
D'après Bouley {Revue scientifique, 14 juillet
1883), Polli préconisait les sulfites alcalins dans
le traitement préventif des infections.
Buchner a songé à Tarsenic dans le même but
[Die Erziehung von Immunitaty 1883).
Raymond et Arthaud prétendent [Etudes sur la
tuberculose, de Verneuil), que les lapins avalant
chaque jour du tanin sont indemnes de tuber-
culose. Le même fait a été affirmé par Cieccherelli
(Soc. ital. chir., 1888).
Diaprés Bouley encore, Von Froschauer aurait
empêché le développement de la clavelée et de
la septicémie des souris par l'inhalation préalable
d*hydrogène sulfuré.
Toutes ces affirmations ont été controuvées et
informées par l'observation consciencieuse des
cliniciens et des expérimentateurs.
THÉORIES DE LA VACCINATION
Elles sont nombreuses. On a donné celles de
Tépuîsement, de la matière ajoutée, de raccoutu-
mance, de la chimiotaxie, de la phagocytose, de
l'état microbicide des humeurs, de Tobstruction
des toxines, du pouvoir antitoxique, etc. Toutes
renferment évidemment une part de vérité ; mais
on ne saurait adopter exclusivement Tune plutôt
que l'autre.
I
On a supposé d'abord que l'immunité est le
résultat de Tintroduction des produits microbiens.
Klebs avait le premier émis cette idée, et, ainsi
que nous l'avons vu, elle est bien démontrée par
Chauveau, Toussaint, Salmon et Smith, Cliarrin^
Roux et Chamberland, etc.
Les matières vaccinantes, que produit le microbe
dans les cultures, se forment-elles aussi dans le
corps des animaux, dans le sang? Une réponse
i24 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
affirmative a été donnée à cette question par les
expériences de Bouchard, démontrant le passage
de ces matières dans l'urine des lapins atteints de
maladie pyocyanique; en eJDTet, il a pu le vacciner
par rinoculation de leurs urines stérilisées. Pour
l'œdème malin, on a également démontré le pou-
voir vaccinal de sa sérosité ; Behring et Kitasato
ont fait de même pour les humeurs des animaux
diphtéritiques.
Restait éprouver que les substances vaccinantes
existent dans le sang. C'est ce qu'ont réalisé Char-
rin et Ruffer. Ainsi, les microbes fabriquent au
sein de l'organisme des substances vaccinantes.
Mais comment agissent-elles sur les microbes qu'on'
introduit ensuite? Joûent-elles le rôle d'un anti-
septique, empêchant leur développement? Charrin
ne le pense pas, car, en ciilture, la diminution de
la vitalité du microbe tient à la présence de subs-
tances empêchantes, et à' la diminution des prin-
cipes nutritifs.
' Or, dans l'organisme, la respiration et l'alimen-
tation rétablissent rapidement ces principes, et,
d'autre part, les substances empêchantes s'élimi-
nent par l'urine, au point que Ruffer et Charrin
Eie l'y ont plus trouvée après le quatorzième'
jour.
De plus, le chauffage n'enlève pas aux cultures
leur effet vaccinal, et cependant elle détruit le
pouvoir bactéricide.
IMMUNITÉ ACQUISK ^^! 421)
H
^ Donc, la vaccination ne résulte pas de la simple
action de présence des toxines vaccinantes.
On a supposé ensuite que l'injection du virus
enlève à l'organisme des principes indispensables
à la vie du microbe. Il détermine un épuisemetft
du milieu qui empêche son développement. Mais,
outre que la démonstration de la destruction de
ces principes par les toxines n'a pas été donnée,
il est probable que le circulus vital est capable de
les reproduire. - •
Par conséquent, ia théorie de l'addition de la
substance empêchante est aussi incomplète que
celle de la substance ajoutée. Avec elle, rhérédité
devient inexplicable, car il faut admettre le trans-
port de ces substancers par les éléments généra-
teurs; " '' ■" ' ' '^' ''■'^' ' ' ' ■' ' \ '" ' ■'' ■ '
D'ailleurs, ïï les produits solubles .microtienà
agissaient à la façon 'des antiseptiquesi ils vacci-
neraient dès le miomerit de leur inoculation. Or,
on sait que la vaccination n'existe qu'après une
période d'incubation plus ou moins longue; - -^
III
■;' [
La théorie de l'épuisement se rattache à la théo-
rie locàlistique, aujourd'hui abandonnée, de' Eic-
horst, Buchner, Wolff, etc., d'après laquelle les
126 IMMUNISATION HT SÉRUMTHÉRAPIE
microbes ne peuvent se dévelo pp ée que dans cer-
tains endroits de Torganisme. Lorsqmlls ont dis-
paru, lorsqu'ils sont épuisés, ils sont înetpables
d*y évoluer de nouveau. Il en résulte, en somsM^
l'immunité locale.
Le fait de cette immunité, bien évident pour
Térysipèle, qui s'atténue à mesure qu'il récidive,
a donné naissance à une nouvelle théorie, celle de
l'accoutumance ; Tinjection de doses répétées de
produits solubles créerait progressivement Tinsen-
sibilité de Forganisme, comme on le savait pour
la morphine, pour l'arsenic, etc., comme Kauff-
mann Ta mis en évidence pour les venins. On sait
aussi que plus un animal résiste au microbe, plus
il résiste à ses toxines seules. Tel est le cas du
vibrion de MetchnikofT, pour le cobaye, ainsi que
l'a constaté Gamaleia {Ann. Inst, Pasteur, 1889-90).
D'autre part, il a prouvé que plus l'accoutumance
est facile, plus la vaccination est facile.
Gharrin et Gamaleia ont repris la question pour
le pyocianique (Société de biol., 24 mai 1890), et
ont conclu que les animaux réfractaires présen-
tent .vis-à-vis des cultures stérilisées à peu près
la même résistance que les témoins.
IV
D'autres auteurs ont invoqué pour expliquer la
vaccination, le phénomène de la chimiotaxie,
IMHUNITé ACQUISE 127
que nous avons déjà fait connaître dans le pre-
mier chapitre. On sait que la diapédèse, (]ui se
produit à la suite dé l'inoculation d'un microbe
sous la peau, est plus intense chez le vacciné. On
a supposé alors que, chez lui, les leucocytes
étant déjà accoutumés aux produits microbiens,
sont moins repoussés par eux, ou plus attirés.
Les constatations faites par Charrin pour le bacille
pyocyanique, n'ont pas vérifié cette interprétation
du phénomène.
Nous avons, dans le chapitre de VImmunité
naturelle^ longuement insisté sur la phagocytose
et le pouvoir bactéricide des humeurs. On a direc-
tement constaté que l'une et l'autre augmentent
chez le vacciné.
Charrin et Gley ont également démontré (Société
de biologie, novembre 1893) que chez lui, la sup-
pression des actions vaso-motrices par paralysie
des centres vaso-moteurs se produit, comme chez
le non-vacciné, à la suite de l'injection des produits
solubles du bacille pyocyanique.
D'après Charrin, l'immunité ne tiendrait pas à
une accoutumance, mais à ce que chez les vaccinés
les microbes se développent mal et ne peuvent
sécréter leurs toxines en quantité suffisante.
V
U est une dernière théorie, qui a été, pour la
128 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE
«première fois développée par Behring, et qui attri-
bue la vaccination à la formation dans ies liumeurs
jAe protéides défenéives, qu'on a .nommés anti-
toxines. C'est de ce processus que nous alloos
nous occuper^ . ! ' , ;) ; . r.
..î^*^J•»l '. ■;
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K"-ï!-.
■y. .a cAr-
.. ;..rï . ' . ....'1. ■.-. , uV-
]:':ji.-'-i ->■: 1j ii'Ai J. ■••;.. i//:>!> fa ;< ..■•!.•■ i;:i -.^jl
/;ï ■u^.a ,'.y, L '. ■ .'/v.-^.î; :'l:'.A^ -.i-; 3..., il
CHAPITRE m
.IMMUNISÀtlb^
I
L*histoire de ce processus est intimement liée à
celle de la sérumthérapifè. Oa' avait èherchéaùtï'e-
fois à oréer rimmunité eâ injectant à l'aniolal h
inicrbôrganisihe pathogëiié Jui-méme:; plus :tard>
en a tentq riôimunisajbioii en injectant à' ranima:!
des doses progressives de produits soIubles$>é.crété8
par ce même microorgànisme) ou biien . en inor
culàdt du séruni provenant d'un animal préa?
lablemént iihmunisé. C'est eh cela que consista
jtouie la- différence qui existe entre la vaccination
et l-îmmtinisatidh, difÈérence qui est essentielle et
qu'on confond trop souvent^ La vaccination nq
peul cfue prévenir Tinfection. L'immunisation est
Capable de l'a guérir. La substance vaccinante es!
impuissante sûr le microbe et ses produits; lasut^si
tance immunisante a là remarquable pK)priétéj
lorsqu'elle est mélangée à eux^ d'en détermineir
la destruction chimique. EnQil, la réaction vis^^
iéiiunisation; d
130 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE
à-vis de la chaleur et des corps chimiques n^est
pas la même pour la protéide défeasive que pour
le vaccin chimique.
Par la vaccination, on fait produire à Tanimal
lui-même les matières empêchantes qui devront
entraver le développement du microbe. Dans Tîm-
munisation, on ^uiinjetcte' celles qu*a fabriquées
un autre organisme. Nous avons dans ce dernier
un véritable remède.
II
» Si'ûoiis insistons takii à marquer da nuance de
ces deux ^méthodes, ^c'ést <jii*il s'agit là de recher-
ches-toutes nouvelles et bien originales qui doivent
être 'distinguées de' celles poursuivies précédem-
ment. >Sans doute, ies expérimentateurs anciens
ont pour ainsi dire deviné l'action immunisante du
sérum, lorsqu'ils ont conseillé de saigner à blanc
les cachectiques, de leur enlever tout le sang
vicié et d*introduire dans leurs veines na sang
provenant d'un organisme sain. On avait observé
aussi un certain antagonisme entre les maladies
infectieuses qui se gênaient mutuellement dans
leur évolution et dont l'une pouvait devenir cura-
tlve pour l'autre. Dans cet ordre d'idées Felheisen
a -cité, en 1880,:un cas bien remarquable d'une
feuitne atteinte d'un cancer du sein, imalade qui
fut opérée sticcessivement trois fois, et dont la
IMMUNITÉ ACQUISE 131
récidive s'efîectua très rapidement. A la troisième
récidive un érysipèle envahit la plaie cicatricielle
du sein amputé et cette nouvelle invasion fut salu-
taire pour la malade dont le carcinome ne réci-
diva plus.
Le même savant observa d'autres cas de cancer
compliqués d'érysipèle, avec un succès relatif,
mais moindre que celui rapporté précédemment.
Emmerich ne conclut pas moins qu'il faudrait se
servir du sérum provenant d'animaux immunisés
avec du streptocoque de Felheisen pour traiter et
guérir (?) des cancéreux, les toxines du strepto-
coque de Térysipèle agissant contre la carcinose.
III
Le 2 mars 1889, Richet et Héricourt annoncé*
rent à la Société de biologie que la transfusion
intra-péritonéale du sang de chien, ralentit chez
le lapin l'évolution de la tuberculose aviaire ou
bovine.
Vers la même époque, Behring et Vernicke firent
une communication de la plus haute importance
à cause de la précision de la méthode qu'ils
fixèrent définitivement. Ces expérimentateurs,
immunisèrent, dès cette époque, contre le tétanos
et la diphtérie par l'inoculation des produits solu-
bîes étendus d'une solution de trichlorure d'iode^
Le 31 mars et le 7 juin 1890, Bouchard et
132 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÊI\APIE
Charrin communiquèrent ce fait que non seulement
le sang, mais encore le sérum de chien augmen-
tent la résistance du lapin au bacille pyocyanique.
La même année, je fis connaître par des com-
munications faites successivement à la Société de
thérapeutique et à la Société clinique des prati-
ciens que la transfusion de sang de chèvre fait
directement à un lapin ou à un cobaye immunisait
contre la tuberculose. J'avais également pratiqué'
un grand nombre de transfusions pratiquées direc-
tement de la chèvre à l'homme et j*ai commu-
niqué au Congrès de la tuberculose une série de
cas où cette méthode thérapeutique avait donné
chez les phtisiques d'excellents résultats.
Gourmont et Dor ont également cherché l'im-
munisation tuberculeuse et Tont obtenue chez un
petit nombre d'animaux. Toutefois, ils n'ont pas
appliqué cliniquement cette méthode et ils ne
parlent guère, à celte époque du moins, de sérum-
thérapie chez les phtisiques. Leurs tentatives
scientifiques ne méritent pas moins d'être signa-
lées, d'autant plus que l'immunisation a été
obtenue par la méthode de Behring, c'est-à-dire
par l'inoculation de toxines.
IV
En Allemagne, Behring constate que la souris
résiste davantage au charbon, lorsqu'on Itii
IMMUNITÉ ACQUISE 133
injecte du sérum de rat, qui y est moins sensible,
et Jasuhara que le sérum de chien et de grenouille
immunise la souris contre le charbon, et que celui
de poule la préserve du microbe de la septicémie
des souris.
Behring annonce ensuite que le sérum de rat
favorise la résistance du cobaye au bacille diphté-
rique.
Cette action antiseptique du sérum réfractaire
s'exerce même m vitro. C'est ainsi que celui de
grenouille et de pigeon alténue ou détruit le
charbon, celui de chien la même bactérie, celui
de rat le virus diphtéritique.
Etant donné cette propriété préventive du sang
de réfractaire, il était naturel de voir si elle
appartiendrait aux animaux artificiellement immu-
nisés. Behring et Kitasato ont été les premiers à
affirmer ce fait pour le tétanos {Deut, med,
Woch.y 1890). Ils ont montré que la souris, si
sensible au poison tétanique, cesse de Têtre lors-
qu'on injecte le mélange de ce poison avec le
sérum du sang des lapins vaccinés. De plus, ce
pouvoir antitoxique se manifeste non seulement
in vitro, mais môme dans l'organisme.
Tizzoni et Cattani ont confirmé les résultats de
ces auteurs (Centr.f. Bact,, t. XIX) pour le sérum
de chien et de pigeon.
Vaillard put aussi vacciner, mais non guérir
(Soc. de biolog., 21 fév. 1891), et constata la
4 Si IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
grande variabilité du pouvoir antitoxique. Il
trouva, de plus, que la rate et Thumeur aqueuse
des vaccinés ne possèdent pas ce pouvoir.
Kitasato a été le premier à tenter la gùérison
de rhomme tétanique par le sérum, du lapin
vacciné. Employant des doses trop faibles, il n'a
pu réussir.
Tizzoni et Gattani ont obtenu de meilleurs
résultats par l'emploi de Tantitétanine du sérum
de chien vacciné.
En 1890, dans la Deut, med. Woch,, Behring a
répété pour la diphtérie ce qu'il avait fait pour le
tétanos. Il constata, vis-à-vis du virus diphté-
ritique, le pouvoir antitoxique du sérum du cobaye
immunisé. En 1891, avec Kitasato, il étendit le
même fait {Deut. med. Woch,) au lapin et au
mouton.
C'est alors que des essais thérapeutiques furent
entrepris par divers auteurs, en particulier par
Aronson {Berlin, Klin. TrocA.,19 juin 1893), Kossel
{Deut, med. Woch.j 1893) pour le traitement de
la diphtérie.
En France, des résultats analogues étaient
poursuivis par Roux, qui, utilisant avec Nocard
le sérum de cheval, a pu arriver à l'hôpital des
Enfants Malades à établir la méthode définitive.'
On sait qu'il lit sa première communication en
septembre 1894, au Congrès de Budapest.
Depuis, ce mode de traitement à été l'objet des
IMMUNITÉ ACQUISE ' " i'85
plus vives attaques en Allemagne, en particulier
de la part de Hansemann, un assistant de Yirchow,
à la Société médicale de Berlin.
En France, on a signalé à la Société- médifcale
des hôpitaux chez les diphtériques traités par le
sérum immunisé quelques accidenta généraux, tels
que l'élévation de la température jusqu'à 40®,
urticaire, érythème polymorphe, arthropathies,
délire, vomissements, dyspnée, purpura abdominal
ou généralisé, néphrite ^?) et aii point d'inocu-i
lation, un abcès, une légère sensibilité et un
œdème fugace ; nous décrirons tous ces faits dans
les chapitres spéciaux qui vont suivre.
Néanmoins, ces accidents sont de minime impor-
tance, lorsqu'on considère l'efficacité de la -mé-
thode chez ie diphtérique, lorsqu'on voit deux t)u
trois jours après l'injection la pâleur du visage
disparaître, la vivacité de l'enfant revenît-, Tappétit
se relever, la température s'abaisser brusquement','
et surtout les membranes disparaître, et le phéno-^
mène du tirage ne plus revenir. : i ^
Emmerich, l'auteur de la théorie des protéîdes
antiseptiques, a fait le premier delà sérumthérapié
avec Mastbaum {Mûnch, med. Woch., 1892) contré
le rouget des porcs, et avec •Povitsky {Mûnch.
med. Woch., 2 août 1891) contré la pneumonie.
{36 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE
' Presque en même temps que ces deux auteurs,
G. et F. Klemperer établissaient {Berl. KHn.
Woch., 24 et 31 août 1891) laguérison de la pneu-
monie chez le lapin par le sérum des lapins
vaccinés, et la destruction in vitvo du poison
pneumonique par ce sérum. Foa et Scabia firent
de même.
Dans les Arch^ de méd. exp. de 1893, Archaroff
a confirmé les recherches des deux frères Klem-
perer, et récemment {BerLKlin. TFocA., mai 1892)
ces derniers ont donné le résultat de l'application
de leur méthode au traitement de 40 cas de pneu-
monie chez l'homme. En France, il faut signaler
$ur ce sujet un travail de Momy.
La sérumthérapie de la fièvre typhoïde a été
étudiée par Brieger, Kitasato et Wassermann
{Zeit, f. Hygiène, t. XII). En Fra/ice, Ghantemesse
et Widal ont vu que le sérum du cobaye vacciné
contre le bacille typhique est doué du pouvoir
antitoxique, et que le sérum des typhiques guéris
est préventif pour les animaux.
Dernièrement (Société de Biologie, 1893), le
D' Legrain a tenté la sérumthérapie du typhus
exanthématique.
Gelle du choléra a été étudiée par Klemperer,
puis par Fer ran, Behring, Kitasato et Wassermann.
On a dit que Behring serait en possession de Tanti-
toxine cholérique.
Il faut ajouter qu'en 1893, Tommasoli et Pel*»
IMMUNlTÉi ACQUISE 437
lizzàH ont prétëadu avoir amélioré la syphilis par
le sérum de syphilitique.' Lé .professeur Ma^za,
reprenant ses expériences {Giornale ïtaL délia
Mal. vin. e d. pelle, fasc. 2, 1893), n*a pas obtenu
4e succès. Ce résultat fut plus heureux pour
M. Richet et Tribo.ulet, ainsi qu'il ressort d'une
note, récemment communiquée à la Société de
Biologie.
VI
D'après ce rapide historique, il est donc établi
que le sérum des animaux vacciné? peut amener
la gùérison des maladies infectieuses. Les re-
cherches ont été poussées dans des domaines plus
larges. Ehrlich a vu le premier qu'on peut pré-
venir chez les souris l'intoxication par des tox-
albumines végétales : abrine, ricine, en leur in-
jectant le sérum des animaux vaccinés.
Des faits analogues ont été signalés en 1894, à
la Société de Biologie, par MM. Phisalix et Ber-
trand, et par M. Calmette, à propos du venin des
3erpents.
MM; Phisalix etBontejean ont également montré
{Ac. des sciences, août 1894) que le mélange de
curare et de sang de salamandre rend la grenouille
réfractaire au terrible poison.
Roux, au GQngrès de Budapest, ajoute une notion
nouvelle à la question des sérums antitoxiques :
i 38 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉKAPIE
le traitement d'une maladie par le sérum d'une
maladie différente. C'est ainsi que, comme Ta vu
Calmette, le sérum antitétanique préserve contre
Faction du venin. De même, le sérum d'un lapin
vacciné contre la rage possède un pouvoir pré-
ventif contre le même venin. Pourtant, la réci-
proque n'est pas vraie, un lapin vacciné contre le
venin n*est pas vacciné contre la rage. < Puisque
ces sérums préventifs agissent comme des stimu-
lants cellulaires, dit Roux, on comprend que le
sérum d'un animal vacciné contre une maladie
puisse être efficace contre une autre. Dans ces
derniers temps, M. Duntschman a constaté que lé
sérum des animaux immunisés contre le charbon
symptomatique agit sur le bacille de la septicémie
aiguë; d'autre part, le sérum de l'homme sain, et
parfois aussi celui du cheval, comme Ta montré
M. Pfeiffer, ont des propriétés immunisantes très
marquées contre l'infection cholérique intrapéri-
tonéale. Il semble donc que ce pouvoir préventif
du sérum contre les virus vivants ne soit pas tou-
jours spécifique, puisqu'il se rencontre chez des
animaux qui n'ont jamais éprouvé l'action du
microbe contre lequel leur sang protège. Il n'y a
rien là de bien surprenant, car, suivant l'expres-
sion de M. Metchnikoff, il s'agit non pas d^ « anti-
c toxines », mais de < stimulines >, dont plusieurs
seraient capables d'un même effet. *
IMMDNITÉ ACQUISE 139
VII
Les études sur l'immunisation et la sérumthé**
rapie ont marché, ces derniers temps, avec une
rapidité vertigineuse, et tout fait prévoir que,
grâce aux progrès des connaissances bactériolo^^
giques et biologiques, grâce aussi aux résultats
déjà obtenus, l'application de cette nouvelle mé-
thode stimulera les chercheurs et que, bientôt, de
nouvelles découvertes verront jour et viendront
sanctionner et renforcer les résultats déjà acquis.
Nous nous étendrons amplementsur les moindres
minuties de cette nouvelle méthode thérapeutique,
quaiid nous traiterons spécialement les tentatives
et les recherches qui ont été faites pour chaque
maladie. Expliquons-nous, cependant, ici comment
on doit procéder d'une façon générale.
Avant tout, il faut déterminer la valeur minima
mortelle des toxines de chaque microorganisme
pathogène pour chaque animal. Cette connaissance
bien établie, on injecte d*abord à un animal des
doses très petites de produits solubles, provenant
d'un bouillon pur, stérilisé et passé au filtre
Ghamberland. Il est prudent de commencer par
inoculer les toxines d'une culture peu virulente,
atténuée chimiquement ou par l'â^e (Behring);
On habitue le sujet expérimenté à ce poison, et on
augmente graduellement la dose inoculée, pour
i40 IMMUNISATION BT SÉRUMTHÉRÀPIE
atteindre des doses énormes de toxines, provenant
de bouillons plus jeunes et de plus en plus viru-
lents. On a atteint Timmunité de Tanimal lorsque
rinjection de son sérum faite à un autre sujet est
capable de neutraliser l'action d'une dose rainima
mortelle. Cet essai, qui est la meilleure pierre de
touche, n*est cependant pas le seul, car on peut
éprouver in vitro le degré d'immunisation, en
ensemençant le sérum immunisé avec un virus qui
ne doit pas se développer ; cette preuve ne peut
être réalisée pour contrôler la parfaite immuni-
sation de toutes les maladies infectieuses. Une
fois l'immunisation dûment reconnue, on saigne
ranimai ainsi préparé, et on recueille le sang avec
les plus grandes mesures d'asepsie et on injecte
le sérum aux malades, h la dose de Sa 20 centi-
mètres cubes tous les jours ou tous les deux jours.
Cette injection hypodermique est absolument inof-
fensive. Je l'ai pratiquée un nombre de fois incal-
culable, et je puis certifier qu'elle n'exige pas plus
de mesures de précaution que toute autre injec-
tion de produits organiques*
VIII
Mais comment se forment les antitoxines? C'est
là un point que Roux a cherché à élucider au der-
nier Congrès de Budapest où il s'est exprimé en
ces termes :
IMMUNITÉ ACQUISE 141
< Les antitoxines sont d'autant plus abondantes
dans le sang des animaux que ceux-ci ont reçu plus
de toxine, d'où l'idée très naturelle qui nous était
venue tout d'abord et qui est soutenue maintenant
par M. Buchner, à savoir que l'antitoxine dérive
de la toxine par une transformation qui se produit
dans le corps. Les propriétés si semblables de la
toxine et de l'antitoxine venaient à l'appui de
cette supposition. De plus, quand on cesse d'in-'
jecter de la toxine aux animaux, l'antitoxine
diminue peu à peu dans le sang comme si la
matière d'où elle provient n'était plus renouvelée.
Une conséquence de cette hypothèse, c'est que la
quantité d'antitoxine dans le sang doit être en
proportion de la toxine introduite. Si on saigne
fréquemment les animaux immunisés sans leur
injecter de nouvelle toxine, la provision d'anti-
toxine devra s'épuiser rapidement. Avec M. Vail-
lard, nous avons vu qu'il n'en est rien; on peut
retirer, en très peu de temps, à un lapin vacciné
contre le tétanos, un volume de sang égal au
volume total de celui qui circule dans son corps,
sans que le pouvoir antitoxique de ^on sérum
baisse sensiblement. L'antitoxine se reproduit'
donc au fur et à mesure qu'on la puisse. Et,
d'ailleurs, une autre expérience que nous avons
faite avec M. Vaillard prouve qu^il n'y a pas pro-
portionnalité entre la toxine injectée et l'antitoxine
produite. Avec la même dose de toxine donnée
443 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
aux aaiinaux, on peut obtenir un sérum plus ou
moins actif, suivant la façon dont on Tadministre.
Prenons deux lapins de même poids et immuni-
sons-les contre le tétanos ; quand leur résistance
est déjà notable, injectons- leur la même quantité
de toxine (103 centimètres cubes).dans l'espace de
deux mois, en donnant à Tun, tous les jours, une
faible quantité, et à Tautre, de temps en temps,
des doses plus fortes. Dans le même temps, nos
deux animaux ont reçu le même volume de poison ;
le premier en 33 petites injections, le second en
9 grandes. Le sérum de celui aux faibles doses
neutralise in vitro 150 parties de toxine et a un
pouvoir préventif de cent milliards; le sérum de
celui aux doses massives ne neutralise pas 23 par-
ties de toxine et a un pouvoir préventif de cinq
cent mille. La manière de donner la toxine n'est
pas indifférente et la quantité de l'antitoxine dans
le sang n'est pas proportionnelle à la dose intro-
duite. Avec de petites doses répétées, nous avons
obtenu des sérums antitétaniques dont l'activité
de'passe un trillion et cela dans un temps relative-
ment court. II semble que la toxine agisse comme
un excitant sur les cellules qui sécrètent Tanti*
toxine.
c Cette idée que Tantitoxine est un produit cel-»
lulaire trouve un appui dans l'intéressante consta-
tation de M. F. Klemperer, qui a vu que le jaune
de l'œuf de la poule immunisée est antitoxique,
IMMUNITÉ ACQUISE ' 143
tandis que le blanti ne Test pas. Quelles sont leâ
cellules du corps qui préparent ces antitoxines?
C'est une question trop peu avancée pour être
abordée ici.
r« L'expérience dans laquelle le pouvoir anti-
toxique se manifeste avec le plus de netteté est
celle où Ton mélange le sérum antitétanique avec
la toxine. Versons dans une série de verres un
volume connu d'une toxine très active (qui tu0
une souris > à la dose de 1/1000 de centimètre
cube) et ajoutons dans chacun de ces verres des
quantités variables du sérum antitoxique dont nous
parlions tout à l'heure, et dont le pouvoir pré-
ventif égale un trillion. Une partie de ce sérum
suffit à rendre inoffensives 900 parties de toxine;
un demi-centimètre cube du mélange injecté à un
cobaye ne lui donne pas le tétanos, bien qu'il ne
renferme qu'un dix-huit centième de centimètre
cube de sérum. Le poison paraît donc neutralisé
cotume dans Une réaction chimique, où une quan-
tité donnée d'un corps sature une quantité donnée
d'un autre. Les choses ne se passent pas avec cette
simplicité. D^abord, rien n'est plus difficile que de
saisir le point exact de la saturation ; M. Buchner
a déjà vu qu'un mélange qui n'agit pas sur la
souris est actif sur le cobaye. Un mélange de
900 parties de toxine et de une de sérum est
inoffensif à la dose d'un demi-centimètre Cube,
pour 8 cobayes sur 10, mais il en est deux dans le
114 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
lot qui prendront uix tétanos plus où moin^ sévère
et se comporteront comme des réactifs* plus séU'»
sibles, en montrant qu'il V'a encore du pdisoii
libre dans le mélange. Diminuons la. proportion
de toxine et mèrons'SOQ parties de toxine avec une
de sénnn.Un demi-ceiatimètre cube decô^nronvéâd
mélange ne produit aucun effet, mais'-3'ocenti-^
mètres cubes donneront le tétanos. Ilthy A pafa là
la netteté d'une réaction chimique, soit que ^us
manquions d'un réactif sufCsant {ioôr iioust indi^'
quer le point éract de saturation, soit p'eui-èbe
qu*il n'y ait pas de saturation du tout et qUéf
toxine et antitoxine continuent à'> etistef côte h
côte dans le liquide. . "7
« Leis expériences suivantes, que notfs ^avônë
faîtes avec M. Vaillard, tendent h prouver qb'il en
est ainsi. Nous injectons à cinq cobayes ûe^fs un
demi-centimètre cube du mélange ; toxine 900 par^
ties, sérum une partie; aucun ne prend le tétanos.*
A cinq autres cobayes, de même poids, âyatit les
meilleures apparences de santé, mais qui ont été
immunisés quelque (,emps auparavant contre le
vibrion de Massouah, nous donnons le in^me
mélange, à la même dose; ils auront le, tâaiiôs^
Bien plus, de semblables cobayes pourront. être
rendus tétaniques- avec un tiets de cèntimètTe;
cube d^un mélange de 500 parties de toxine ;pôur
une de sérum. Des cochons d'Inde, qui reçoiv<en(i
d'abord un centimètre cube de sérum préventif^
IMMUNITÉ ACOUISB ' ' i45
actif au trillionième, c'est-à-dire une quantitlé
capable de les immuniser des milliers de fois, puis
une dose mortelle de toxine ' tétanique, testent
l)ien portants dans les conditions ordinaires. Pin-
ceurs d'entre eux prendront le tétanos, si on' leur
Injecte ensuite des. produits microbiens, tels que
ceux du bacille de Kiel, du bacterium coli ot
d'autres bactéries. La toxine n'est donc pas dé^
traite,' puisqu'elle donne le tétanos, même après
plusieurs jours, aux cobayes dont on modifle la
résistance. . * ■'* ' •
« De même, une quantité de sérum antidiphté-
rique, amplement suffisante à préserver contre
une dose mortelle de virus ou <le toxine des
cobayes neufs, ne retarde pas la mort des cobayes
de même poids qui ont subi des inoculations inté-
rieures dont ils sont parfaitement rétablis. Et cej^en»-
dantsi l'antitoxine détruisait la toxine, la nîême
quantité de sérum serait efficace chez "tous leà
cobayes de même poids. '■ - / - • y-.- ^'*
IX
, ,5Ces ifait9, montrent rinfimence^quo peut; avoir
une maladie, antérieure quijiç Jaisse.pas^de traces
fipparentes $ur ja réceptivité. ^ TégArd :dôs jvîrus et
surja scAsil^ilité vis-à-yi§ ^es si^feçtapcçs logiques*
Leur explication naturelle; , n'est-elle pas dans
réaction du sérum sur Jes cellules plulôt qite sur la
IMMUNISATION, 10
146 IMMUNISATION ET SéRUMTHÉRAPIE
toxiae? Les cellules bien vivaces des cobayes aeufs
répondent à la stimulation du sérum et sont
comme indifférentes à l'empoisonnement, tandis
que celles des cobayes déjà impressionnés par les
produits microbiens ne résistent pas à la toxinie.
< Notre démonstration serait plus persuasive, si
nous arrivions à séparer la toxine de son mélange
avec l'antitoxine. Les propriétés très voisines de
ces deux substances rendent le problème difGcile
à résoudre. Les toxines et les antitoxines du
tétanos et de la diphtérie se comportent de la
même façon en présence des divers agents et des
réactifs. Mais la séparation peut être faite pour
d'autres toxines et antitoximes.
c M. Galmette, MH. Phisalix et Bertrand ont
montré que le sérum des animaux immunisés
contre le venin des serpents est antitoxique ; il agit
sur le venin comme le sérum antitétanique sur le
poison du tétanos. Le mélange de sérum antive-
nimeux et de venin est inoffensif, quand il est en
proportions convenables; on lui rend toute sa
toxicité en le chauffant à 70^. A cette température,
l'antitoxine est altérée et le venin ne l'est pas. La
chaleur agit sur le mélange des deux substances
comme si chacune était seule. II parait donc que
le venin était resté intact à côté de l'antitoxine,
ou, tout au moins, qu'il avait contracté avec elle
une union bien instable.
ce De tout ce qui précède, nous sommes portés à
IMMUNITÉ ACQUISE 147
conclure que les antitoxines agissent sur les cel-
lules. Un sérum préventif contre une toxine met
en jeu des actions cellulaires tout comme le sérum
préventif contre un virus vivant. Peut-être même
les cellules qui détruisent les microbes sont-elles
aussi celles qui élaborent les antitoxines?
€ Nous avons. rappelé au commencement de cette
communication que le sérum d'un animal vacciné
contre un microbe protège quelquefois contre un
autre et les sérums préventifs contre un virus
vivant n'étaient pas toujours spécifiques. Jusqu'ici,
au contraire, les sérums antitoxiques ont été en-
visagés comme spécifiques , chacun d'eux n'agis*
sant que sur une toxine déterminée. Le fait que
l'antitoxine tétanique n'a aucune influence sur le
poison diphtérique, et réciproquement, a toujours
été mis en avant pour prouver cette spécificité. La
découverte de nouvelles antitoxines a élargi le
champ de l'expérimentation. J'ai constaté que le
sérum antitétanique n'était pas sans action sur le
venin des serpents et j'ai confié le soin d'examiner
cette question à M. le docteur Galmette qui étudie,
dans mon laboratoire, la sérothérapie des venins.
Les résultats obtenus sont intéressants au point de
vue général qui nous occupe.
€ Le sérum d'un cheval sain, mélangé à du venin
de cobra, n'empêche nullement celui-ci d'agir,
tandis que le sérum d'un cheval immunisé contre
le tétanos rend inoffensif le venin auquel on l'a-
us IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
joute. Ce sérum antitétanique,injecté avant le venin,
retarde beaucoup la mort et Tempêche même,
s'il est donné à doses répétées. II y a cependant
bien peu de ressemblance entre le venin des ser-
pents, qui tue par asphyxie en un temps très courte
et le poison tétanique, qui ne manifeste son action
qu'après une période d'incubation.
< Le sérum antitétanique est antitoxique vis-à-vis
du venin, mais le sérum antivenimeux ne Test pas
à regard de la toxine tétanique. Un lapin vacciné
contre le venin prend le tétanos et, fait plus sur-
prenant, un lapin immunisé contre le tétanos
succombera si on lui donne une dose de venin
très peu supérieure à celle qui tue un lapin neuf.
< Le sérum des lapins neufs n'a aucune action sur
le venin, celui des lapins vaccinés contre la rage est
antivenimeux à un haut degré. Mélangé au venin
in mtro^ il le rend inoffensif ; injecté préventive-
ment, il protège contre Tenvenimation. Des lapins
vaccinés contre la rage supportent des doses
quatre ou cinq fois mortelles de venin. N'est-il pas
surprenant de voir qu'en rendant un lapin réfrac-
taire à la rage, on lui donne du même coup l'im-
munité contre les morsures de serpent?
€ Le sérum antivenimeux rend les lapins plus
résistants à l'abrine et le sérum antirabique a aussi
une action sur les venins. Le sérum antidiphté-
rique mélangé à l'abrine ne tue plus les lapine
qu'avec un long retard.
IMMUNITÉ acquise; 149
c Assurément, le sérum antitétanique est beau-
coup plus efQcace contre le poison du tétanos
que contre les venins ; mais ce ne sont là que des
questionsde plus ou de moins. Il ne parait pas pro-
bable que ces sérums, d'origine si diverse, exer-
cent sur le venin de cobra une même action
chimique ; nous admettons plus volontiers qu'ils
agissent tous sur les cellules, qu'ils rendent in-
sensibles pour un temps à Tenvenimation.
< Je pourrais donner encore d'autres exemples
de l'action d'une antitoxine sur plusieurs poisons.
Ceux dont je viens de parler nous montrent sous
un aspect nouveau cette question déjà si attrayante
de la sérothérapie, >
Nous ne nous étendons pas davantage sur
l'immunisation et la sérum thérapie, car dans les
chapitres suivants nous devons décrire avec
minutie les moyens techniques indiqués pour
immuniser chaque animal et pour administrer
le sérum de sa provenance à la maladie indi-
quée.
Il est cependant utile de dire, dès maintenant,
avec Kossel, que l'activité immunisante d'un
animal croîtra en raison directe de la quantité de
toxine qui pourra lui être injectée sans dommage;
c'est-à-dire que plus grande sera la quantité de
150 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
toxine que supportera Tanimal et plus faible sera
la quantité de son sang nécessaire pour immuniser
d'autres individus. Behring a démontré que les
toxines bactériennes se comportaient absolument
comme les toxines albuminoïdes d'Ëhrlich, et il
est arrivé ainsi, avec Taide de ses collaborateurs
Baer, Knorr, Schûtz et Wernicke à utiliser ce fait
pour obtenir de grandes quantités d*anti toxine.
D'autre part, la durée de l'immunisation pré-
parée dans les meilleures conditions, n'est pas
indéfinie, et là puissance du sérum antitoxique va
en diminuant à mesure qu'on s'éloigne des der-
nières injections des toxines. Cette durée elle-
même n'a pas encore été déterminée jusqu'à ce
jour.
Quant au nombre des injections du sérum anti-
toxique faites aux patients, il varie avec la maladie
et aussi avec le mode d'immunisation. L'effet du
sérum est d'autant plus rapide qu'il s'agit d'une
maladie infectieuse plus aiguë et dans laquelle,
aussi, il y a un moindre mélange de bactéries
(associations microbiennes). Nous allons du reste
être plus précis maintenant dans les chapitres qui
vont suivre.
CHAPITRE IV
TÉTANOS
I
La nature infectieuse du tétanos, depuis long-
temps soupçonnée, a été démontrée en 1884, par
Nicolaïer, en provoquant la maladie chez des ani-
maux auxquels il avait inoculé de la lerre des
champs. Il constata en même temps dans cette
terre un bacille spécial, qui porte aujourd'hui son
nom, mais qui n'a réellement été isolé en cultures
pures, qu'en 1889, par Kitasato.
Ge microbe se présente sous la forme d'un bâ*
tonnet grêle terminé à une de ses extrémités par
un petit renflement facilement colorable, qui ren-
ferme une spore* Il ne vit dans les milieux habituels
que lorsqu'ils sont privés d'air. C'est un anaérobie
absolu. Sur plaques de gélatine dans le vide, à
18 ou 22^, il forme, au bout d'une huitaine de
jours, des colonies caractérisées par l'existence
d'une auréole de rayons très fins autour d'un point
foncé central. MaÎ3 à mesure, qu'il se développe
152 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
le centre devient indistinct, et lorsque la gélatine
se liquéfie, il ne reste plus de la colonie qu*un
flocon blanchâtre.
Par piqûre sur gélatine, il se développe autour
du trait d'inoculatioû deà points 'nuageux, d'où
émergent des petits rayons perpendiculaires au
trait. La culture devient floconneuse, à mesure
qu'elle vieillit.
Ensemencé par dilution dans la gélatine, il dé-
veloppe, après quatre à six jours, un nuage très
fin autour de petits points blancs. On obtient des
nuagds transparents sur de la gélose.
"' Sanchez-Toledo et Veillon ont signalé aux cul-*
liires une odeur de corne bu de poils brûlés carac-
téristique. ' ' "' ' . : i ' , ; ; : :
f C'est de 36 à SS'^ que le bacille de' Nicolaïer
prospère. le mieux. De même, Kitasato à montré
que Faddition dé 5 p; 100 de glucose, de 0,01^
p. 100 de sulfo-indigotate de soude, où de 0,05
p. 100 d^ teinture de tournesol lui est très favo- '
rable. . > ' . • ;,
: Il possède une résistance extrême: Nicolaïer a
cHaufTé pendant 1 heure, à 190®i de la terre qui
n'en donnait pas moins le tétanos. Bonome a vu
qU'ua dessèchement de 4 mois ne leur avait point
enlevé leur virulence; et Sanchez-Tolèdo et iVeil-»
Ion ont constaté lé même fait pour une période
* encore plus longue, pour une période de 7 moisi
. II résiste à la putréfaction, et à une chaleur-
. TÉTANOS 453
humide de 80®» Oa> le rencontré dans les excré-
ments, le foin, les toiles d*araignées, le fumier;
La souris^ le rat,' le cobaye sont très sensibles à
son inoculation. L'âne, le cheval, le lapin, le chien
présentent une plus grande résistance.
, Il est très ûuisible en injection hypodermique;
mais inoffensif lorsqu'on l'introduit par la bouche,
la trachée, la conjonctive.
H
Gomme le microbe de la diphtérie, il ne se dé*< '
veloppe que localement, et c'est grâce à ses pro*
duits toxiques qu'il agit sur Toi^ganisme. C'est
Brieger qui a, le premier, étudié ces produits. Il
a.- vu que c'étaient des ptomaïnes, qu'il a nommées
tétanine, tétatoxine et spasmotoxine, La première
a la propriété de provoquer chez la souris les accès
de trismus, la seconde des convulsions, suivies de
paralysie, la troisième des crampes .cloniques et
toniques. Une quatrième enfin stimule la sécrétion
salivaire et lacrymale.
III
Lorsque Brieger publia son travail, on n'avait
pas encore fait des cultures pures de tétanos. Kita-
i54 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
sato y réussit, et c'est alors qu'il chercha avec
Weyl {Zeits. f. Hyg., t. VIII) si les ptomaïnes de
Brieger se retrouvaient dans les cultures pures.
Ils isolèrent une quantité notable de tétanine, des"
traces de tétatonine et des produits volatils : acide
sulfhydrique, acide butyrique, indol et phénol.
Mais ils trouvèrent que les bases étaient peu toxi-
ques, et conclurent que les ptomaïnes de Brieger
ne sont pas le véritable poison tétanique.
En 1890, Knud Faber avait déjà {Berlin, klin.
Woch.) pu reproduire le tétanos par Tinjection
de cultures passées au filtre Chamberland. Leur
toxicité disparaissant par un chauffage de S mi-
nutes à 68<>, ou par l'addition d'alcool ; il conclut
que le poison tétanique est plutôt une toxalbumine
qu'une plomaïne.
Deins \Bi Ri formamedica, de 1890, eiArch. f.
exper, path, (t. XXVII), Tizzoni et Cattani mon-
trèrent que le bacille de Nicolaier produit dans la
gélatine une diastase peptique, une zymase qu'il
ne sécrète pas dans le bouillon.
Dans un mémoire sur les poisons bactériens^
{Berlin, klin. Woch.^ 1890), Brieger et Fraenkel
ont filtré sur la bougie Chamberland des cultures
faites dans du bouillon sucré, les ont fait évaporer
dans le vide, et précipité par Talcool absolu. Ils
ont aussi obtenu une toxalbumine soluble dans
l'eau.
Ces données furent confirmées par les travaux
TÉTANOS 155
dé Vaillard et Vincent (Soc. de Biologie, 15 nov
1890 et Ann. Inst, Pasteur^ 1891). Ils trouvèrent
que 1/50 et 1/100 de centimètre cube de culture
dans le bouillon, filtrée, peuvent tuer le cobaye,
que le poison résiste peu à la chaleur et est inactif
par la voie digestive, que la lumière solaire le
détruit, l'acidification ne le modifie pas, Talcool
absolu le précipite en partie, et enfin qu'il est
dans une certaine mesure entraîné par les préci-
pités de phosphate de chaux ou d'alumine.
Kitasato a fixé [Recherches expérimentales sur
le poison tétanique, Zeits f. Hygiène, t. X) le
temps qu'il faut à la lumière, aux acides et aux
alcalis pour détruire ce poison et trouve que l'al-
cool absolu le détruit, lorqu'on l'ajoute en quantité
suffisante. Il n'a pu cependant isoler le poison
tétanique de la culture.
Enfin, en 1893 (Société de Biologie. Voir aussi
Archives de Physiologie), Courmont et Doyon ont
donné une théorie fort originale sur la nature du
poison tétanigène. D'après eux, le bacille téta-
nique sécréterait un ferment soluble, une diastase,
qui, faisant fermenter certains tissus, donnerait
ainsi naissance au poison tétanique. En effet, la
culture tétanique ne produit pas la contracture
immédiatement après son dépôt dans le muscle.
De même, il se passe une période d'incubation
variable avant que les accidents tétaniques n'écla-
tent après son introduction dans le sang. La gre-
156 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
nouille n*est jamais tétanique en hiver ; elle le
devient facilement en été.
IV
Donc, le poison tétanique n*agit point par lui-
même, mais il est produit au contact de l'orga-
nisme. L'intoxication tétanique est le résultat
d'une fermentation, qui demande, comme tout
phénomène chimique,, un certain temps pour se
produire, et qui est favorisée par l'élévation de
température.
L'expérience la plus concluante est la suivante.
Si on transfuse le sang d'un chien tétanique à un
autre chien, on détermine immédiatement chez ce
dernier des accidents tétaniques, qui disparaissent
au bout de quelque temps.
De pluSi Gourmont et Doyon ont extrait du
muscle tétanique une substance résistant à une
longue ébullition, tandis qu'une température de 6§^
détruit les produits microbiens directs. L'injection
de cette substance donne le tétanos à la grenouille
même en hiver. Parfois même, celle des urines
tétaniques confère la maladie.
Dans des travaux antérieurs (Société de Biologie,
24 déc. 1892, et Arch. de phys., janvier 1893),
Gourmont et Doyon avaient étudié la marche
des contractures dans le tétanos expérimental
TÉTANOS 157
des solipèdes et la palhogénie de ces contractures.
En 1890, dans les Annales de micrographie y
Bruschetini a trouvé que le poison tétanique se dif-
fuse surtout le long du système nerveux. En 1892,
il a vu {Deut, med. Woch.) qu'il était contenu
dans le sang, le rein lavé à Teau salée et Turine.
En 1891, d'ailleurs (Soc. de Biol., 27 juin), Ca-
mara Pestana a vu que la toxine est absorbée par
le sang, que les poumons, la rate, les reins, et
principalement le foie rempruntent à ce milieu et
le retiennent, et qu'elle ne^ s'élimine point par
Turine. Il n'a pu arriver à la déceler dans le tissu
nerveux et musculaire.
Bruschetini, Kitasato et Nissen ont également
constaté la présence de la toxine dans le sang.
Gomment agit le poison tétanique sur l'apparôil
nervo-musculaire? Faber a pensé qu*il agissait
comme le curare, sur les plaques motrices. Dans
son livre sur les poisons bactériens, Gamaléia dit
qu'Autocratow aurait trouvé, au laboratoire de
Straus, que les contractures tétaniques sont d'ori-^
gine réflexe et disparaissent après la section des
racines postérieures correspondantes de la moelle
épinière. <
Les recherches sur les produits solubles du ba*
cille du tétanos, que nous venons de passer briè-
158 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIË
vement en revue, ont conduit logiquement à la
méthode d^immunisation, dont nous allons main-
tenant nous occuper.
C'est en décembre 1890 {DetU. med. Woch.), que
Behring et Kitasato démontrèrent, que le sérum
des animaux rendus réfractaires au tétanos par
rinjection de trichlorure d*iode dans le sang est
capable de détruire le poison tétanique, soit t'n
vitro, soit dans le corps des animaux. Cette pro-
priété antitoxique n'appartient pas au sang des
animaux non vaccinés. ^
Non seulement ces auteurs parvinrent avec le
sérum des vaccinés à prévenir le tétanos, mais ils
lui reconnurent même un pouvoir curateur, car
son injection guérit les souris tétaniques. Ainsi,
le sérum des animaux vaccinés contre le tétanos
est doué du pouvoir préventif et curateur.
En 1891 (Arch. ital. de biologie, et Centr. /".
Bacter,, t. IX), Tizzoni et Cattani ont confirmé ces
notions générales sur des pigeons et des chiens
vaccinés par l'injection de petites doses de cultures
virulentes; mais ils ne purent constater reffet thé-
rapeutique du sérum sur les cas de tétanos déclaré.
Nous avons déjà dit que la mèmp année
(Société de biologie) Vaillard vaccina contre le
tétanos par Tinjection de ses cultures chauffées
pendant une heure à 60^ et filtrées, et remarqua
que l'immunité conférée par le sérum est peu
durable et peut disparaître au bout de 15 jours.
TÉTANOS 159
Nous savons aussi que Kitasato a obtenu la vac-
cination contre le tétanos {Zeits. f, Hyg,^ t. X) par
l'injection d*un mélange de culture vivante et de
doses progressivement décroissantes de trichlo-
rure d*iode.
Ce procédé a été perfectionné par Behring
{Zeits, f, Hyg., t. XII), qui Ta appliqué à, la sou-
ris, au lapin, au mouton et au cheval.
Plus tard, dans la même revue, Brieger, Kita-
sato et Wassermann, reprenant les expériences
de Wooldridge {Arch, f, Anat, und Phys., 1888)
sur les cultures dans l'extrait de thymus, consta-
tèrent que dans ces conditions les cultures téta-
niques sont asporogènes et très peu toxiques, et
que le mélange de l'extrait du thymus à la culture
filtrée du tétanos détruit peu à peu sa toxicité,.
L'injection de ce mélange, datant de deux jours,
À des doses progressivement croissantes, permet
de vacciner sans danger les animaux les plus sen-
sibles, comme la souris.
VI
En 1892 [Ann. Inst. Pasteur), Vaillard est
revenu sur cette question, et a indiqué 3 méthodes
de vaccination : celle qu'il avait signalée et qui
consiste dans l'emploi des cultures chauffées à 60^
et filtrées, une autre qui se rapproche de celle de
iùO nOtUNISATION £T SÉRUIITHÊRAPIE
Behring- Kitasato et qui consiste dans Tinocala-
tion du mélange de cultures tétaniques et d'eau
iodée, une 'dernière enfin, identique à celle de
Tizzoni et .Cattani, et qui est l'infection répétée
de très petites doses de virus, . •
Tizzoni et Cattani ont ensuite publié une étude
{Centr. f. Bacter.^U IX) sur l'antitoxine du. sérum
des chiens vaccinés. Us ont vu «que son activité
diminue lorsqu'on la chauffe à 65^ pendant une
demi-heure, et'disparait par un chauffage de même
durée à 68^ Ils ont vu, de. plus, qu'elle ne dialyse
pas, qu'elle est rapidement détruite par l'acide
chlorhydrique, l'acide lactique en excès, )es alca-
lis, qu'elle est précipitée par un excès de sulfate
d'ammonium, par l'alcool absolu. L'eau, la glycé-
rine l'enlèvent à ce précipité. '• ■
, Dans le même travail, Tizzoni et Gattani ont
constaté que le mélange du sérum avec les toxines
soit in miro^ soit dans le corps des animaux, rend
leur injection inoffensive.. \... ■■■ , ■
Ils ont également signalé {Centr. f. Bacter,^
t. XI) l'impossibilité de vacciner contre le tétanos
après l'ablation de la rate.
En 1891 (Soc. de biol., 6 juin), Vaillard a mon-
tré que le sérum des animaux -naturellement
réfractaires > n'est pas anti toxique, qu'il ^ne/ le
devientqu'aprèsinjectiohd'unéforte dose de poison
tétanique, que la rate et l'humeur aqueuse dés vac*
cinés ne jouissent pas de propriétés antitoxiqueSi
TÉTANOS . 161
VII
Un point de la doctrine de Behring et KitfisçitQ
restait vivement discuté. C'était la possibilité de
guérir par le sérum des vaccinés. Tizzoni,Cattani
et Vaillard n'avaient pu y réussir et avaient de
plus reconnu que l'immunisation n'était que tem-
poraire.
Ces doutes furent dissipés par les recherches
d'Ehrlich {Deut. med Woch., 1891). Cet auteui;
montra avec l'abrine et la ricine, que le pouvoir
antitoxique et immunisant du sérum des vaccinés
varie beaucoup avec le degré d'immunité acquise;
Behring avait affirmé avoir guéri un mouton et
un cheval tétaniques, et, de -son côté, Kitasato
avait obtenu des résultats positifs sur la souris.
Comment expliquer que certains auteurs n'avaient
pu guérir, mais seulement avaient immunisé par
le sérum des animaux vaccinés ? C'est évidemment
que ces animaux n'avaient pas été amenés à un
degré d'immunité suffisant pour que leur sérum
fût curatif.
D'ailleurs, plus tard, Tizzoni et Cattani et Vail-,
lard sont arrivés à guérir du tétanos par le sérum
des vaccinés.
Ehrlich vit encore {Zeits, f. Hyg,, t. XII) que
l'immunité contre les toxalbumines se transmet
lUMUNlSATION. 11
163 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
aux descendants et qu'une petite souris ordinaire
devient réfractaire lorsqu'elle est allaitée par une
souris vaccinée. Cela démontre que la substance
immunisante passe dans le lait et est absorbée par
le tube digestif.
•Il démontra le même fait pour le tétanos. Avec
Brieger, il a constaté (Deut, med. Woch., 1892)
que le lait d'une chèvre pleine, vaccinée contre le
tétanos, peut immuniser des souris. De même,
Tizzoni et Gattani ont vu que les injections toxiques
étaient inoffensives sur les petits d'une femelle,
qui avait été rendue réfractaire.
D'après Behring et Frank {Deut. med. Woch.,
1892), le sérum d'un cheval vacciné, additionné de
0,8 p. 100 d'acide phénique, a gardé pendant deux
mois son pouvoir immunisant , bien qu'ils n'aient
prîsaucuneprécaution contre l'accès des microbes.
Ce pouvoir ne disparaît point par un chauffage
de vingt-cinq minutes à 65^ ou par la dilution avec
de l'eau distillée.
VIII
Les résultats obtenus sur les animaux deman*
daient à être appliqués à l'homme.
La première tentative en fut faite par Kitasato,
avec le sérum du lapin vacciné (Congrès int. d'hyg.
de Londres, août 1891. Zeit. f. Hyg,, août 1892).
Elle ne réussit pas, car la dose de sérum employée
TÉTANOS 163
fat trop faible relativement à la gravité du cas de
tétanos.
Tizzoni et Gattani et d'autres, tels que Giovanni
Gasali, Finotti, publièrent ensuite {Rif. med., 1892)
8 guérisons par leur antitétanine, préparée avec
le sérum de chiens immunisés. Albertoni allégua
{Therap. Monats,, sept. 1892) que les auteurs
n'avaient publié que les succès. On vit aussi qu'il
s'agissait de tétanos à forme lente et progressive.
Le 16 février 1893, Rotler inséra, dans Deut.
med. Woch,y le cas d*un individu de vingt-cinq
ans, chez qui Tinjection de sérum, vingt-deux
jours après la blessure, quatorze jours après les
premiers accidents, produisit au bout de deux jours
une amélioration. La même objection pouvait lui
être faite qu'aux auteurs italiens.
En France, Renou injecta, dans le service de
Dieulafoy, du sérum immunisé à 2 tétaniques. Ils
succombèrent {BulL méd,, 1892). Malgré les injec-
tions, un tétanique mourut au bout de six jours
dans le service de Grancher, un autre au bout de
cinq dans celui de Polaillon, un troisième en
cinq jours également dans celui de Th. Anger, un
quatrième en trois jours dans celui de Letulle.
Néanmoins, Barth et Maget rapportrèent, le
3 mars 1893, à la Société médicale des hôpitaux,
qu'un jeune homme de vingt ans, atteint du té-
tanos grave non traumatique, et peut-être d'ori-
gine buccale, dû à la gingivite qu'il présentait,
|6i IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIC
fut manifestement amélioré par Tinjection sous la
peau de Tabdomen, en trois jours, de 300 centi-
mètres cubes de sérum de cheval immunisé.
Schwartz communiqua aussi à la Société de chi-
rurgie (29 mars 1893) la guérison au bout de
vingt jours d'un malade traité par le chloral et
Tantitoxine.
Le 3 juillet 1893 (dans la Rif. med,)y Ricardo
Gattai cite le cas d'un enfant de quinze ans, qui
fut pris de tétanos huit jours après une blessure à
la main par la pointe d'un compas. Le lendemain,
on lui injecta 10 centimètres cubes de sérum de
lapin immunisé, et le soir 08^^50 d'antitoxine de
chien. On fit quelques autres injections sem-
blables, et le malade fut rapidement guéri.
Enfin,, Roux et Vaillard mirent la question au
point (Ann. Inst. Pasteur^ 1893), en se plaçant à
un point de vue systématique et expérimental.
Us indiquèrent le mode de préparation du sérum
antitétanique, ses propriétés, son application à
la guérisonde Thomme et des animaux.
IX
1° Préparation du sérum. — On injecte une forte
dose de poison tétanique à un animal réfractaire,
la poule, et quatorze jours après, son sérum pos-
sède un grand pouvoir antitoxique. On peut aussi
TÉTANOS 165
employer le sérum d'animaux sensibles, rendus
réfractaires par le procédé de Behring et Kitasato
(mélange de toxine et de trichlorure d'iode), ou
mieux par celui de Roux et Vaillard (mélange de
la toxine à une solution iodée et injection de
5 centimètres cubes de toxine mélangés à 1 cen-
timètre cube de solution de Grâm). On diminue
la dose de solution iodée jusqu'à création de Tétat
réfractaire, et on inocule alors la toxine pure.
Le pouvoir antitoxique du sérum croît avec le
temps, et avec chaque nouvelle injection de
toxine. On obtient ainsi du sérum antitoxique au
millième, au millionième, au cent millionième,
c-'est-à-dire que 1 gramme de sérum peut immu-
niser 1,000, 1 million, 10 millions de grammes
d'animal. C'est la notation de Behring.
2° Propriétés du sérum. — Le mélange de par-
ties égales de toxine et d'antitoxine est inoffensif.
Cela tient à ce que la toxine est neutralisée par
l'antitoxine ou la toxine dédoublée par l'anti-
toxine, comme le ferait un ferment.
Les animaux, auxquels on a préalablement in-
jecté une faible doâe de sérum, résistent à une
dose de culture mortelle pour les témoins.
Cette immunité ne dure pas plus de cinquante
466 IMMUNISATION ET SÉRUMTHERAPIE
jours. Elle apparaît immédiatement après Tinocu-
lation du sérum ^ et est proportionnelle à sa dose.
XI
3<^ PréTention du tétaii03. — II y a prévention
certaine, lorsqu'on injecte le sérum, même à très
faible dose, avant la toxine tétanique. Si on les
injecte simultanément, on produit un tétanos
local, même pour une très forte dose. Lorsque
rinjection précède Tapparition des accidents téta-
niques, le tétanos est toujours local. La dose pré-
ventive est d'autant plus considérable qu'on la
pratique tard. Après un certain temps même, la
prévention est impossible. Elle est, d'ailleurs,
plus ou moins facile suivant le lieu d'inoculation
du tétanos. Elle réussit quand la marche du
tétanos est lente, mais non quand elle est rapide.
XII
4° Traitement du tétanos. — Roux et Vaillard
ont inoculé à 9 souris des quantités moyennes de
toxine, 3 éont prises comme témoins, et 6 injectées
avec du sérum dès la première apparition de
tétanos. 2 des souris témoins meurent, 1 guérit.
Des t> autres, 4 meurent, 2 guérissent.
TÉTANOS 467
Ils ont également inoculé 3 cobayes, 1 fut pris
comme témoin, 2 furent traités. Tous les 3 suc-
combèrent.
Ils répétèrent leurs expériences sur la souris,
en inoculant les spores tétaniques, mais sans
obtenir de meilleurs résultats.
Après les avoir encore multipliées sur le lapin,
et le mouton, ils furent forcés de conclure que
€ quel que soit le mode d'infection, il est très dif-
ficile de guérir le tétanos déclaré chez les ani-
maux >.
Traitant 7 malades par le sérum, Roux et
Vaillard obtinrent S décès et 2 guérisons. Le trai-
tement ne fut donc pas plus brillant sur Thomme
que sur Tanimal. Néanmoins, ces auteurs persis-
tèrent à croire que le seul traitement rationnel
du tétanos est l'emploi du sérum antitoxique. Son
injection est absolument inoffensive et. aura sur-
tout de bons effets, si elle est pratiquée avant que
le poison tétanique n'ait eu le temps de léser des
cellules nerveuses.
En 1893, nous avons encore à signaler la gué-
rison de 4 cas de trismus et de tétanos des nou-
veau-nés par Emmerich [Wien. Klin. Woch.,
1893) au moyen de l'antitoxine de Tizzoni.
La Riforma medica publia de nouveaux cas de
guérison par Magagni (3 février 1893), Galtai
(3 juillet), Lési (18 août 1893).
Nous trouvons encore des contributions nou-
168 IMMUNISATION ET SERUMTHÉRAPIE
velles à cette question dans le Centr. f. Bactério-
logie^ t. XV, par Uemesoff et Fedoroff, dans
Mûnch. med. Woch., de la même année, par
Moritz.
En 1894, d'autres travaux ont été signalés. Ce
sont, par exemple, celui de Huebner {DetU. med.
fTocA., 1894), sur lesquels Tizzoni et Cattani ont
publié quelques remarques, dans Deut, med.
Woch, (1894), celui de Tavel (Corresp. BlaL f.
schweif. Aerzt.^ 15 fév. 1894), celui de Percy
Dean {Brit. med. jotirn., 15 sept. 1894), et de
Evans, dans le même journal, etc...
Nous croyons que de nouvelles expériences
faites avec plus de précision et plus de persévé-
rance donneront des résultats plus brillants.
D'abord a-t-on injecté des doses assez grandes de
sérum immunisateur ? A-t-on renouvelé assez
souvent cçs injections? On comprend l'importance
de ces desiderata, aujourd'hui qu'on est certain de
rinnocuité de cette méthode.
CHAPITRE V
DIPKTÉRIE
■ ■ I ■
La (jiîphtérie est une maladie infectieuse se
traduisant par des fausses membranes localisées
à la gorge, aux amygdales, au voile du palais,
aux fosses nasales, aux bronches, aux conjonc-
tives, aux lèvres, aux organes génitaux et à
Tanus; ces fausses membranes sont dues à la
présence d'un bacille, micro-organisme, qui peut
engendrer expérimentalement cette infection.
Tous les animaux ne sont pas également expo-
ses à la diphtérie; certains même y sont réfrac-
taires, possédant contre elle une immunité; tels
les souris et les rats. Chez la plupart des autres
animaux, Finoculation de matières diphtériques
provoque les accidents graves qu'on observe en
clinique.
Le mîcroôrganismè de la diphtérie fut décrit
en 1883, par Klèbs. Quelques mois après, Lœffler
confirma l'étude de Klebs et annonça qu'on pou-
170 IMMUNISATION ET SÉRUMTDÉRAPIE
vait non seulement isoler mais encore cultiver ce
microbe. G*est un petit bâtonnet droit ou courbé,
long de 3 |t et large de 7 [i, à extrémités arrondies
et parfois légèrement renflées. Ce bacille, qui est
toujours immobile, se colore facilement à l'aide
de la solution alcaline de bleu de méthylène.
Roux et Yersin on pu le retrouver dans la
plupart des fausses membranes, où le bacille
siège surtout à la partie superficielle de la fausse
membrane. Malgré l'affirmation contraire de
nombreux expérimentateurs, on possède aujour-
d'hui la certitude que le bacille ne siège que sur
les fausses membranes, que dans la salive, ou
les mucosités en contact avec elles, et qu'il ne se
développe jamais, ni dans les courants de la
circulation ou de la lymphe ou bien sur une autre
partie de l'organisme.
Au niveau de ces fausses membranes, le bacille
se développe rarement à l'état isolé ; il est presque
toujours accompagné d'autres micro -organimes,
qui exercent, comme nous le verrons, une grahde
influence sur la marche de la diphtérie.
II
Le meilleur terrain de culture du bacille de la
diphtérie, est celui employé par Lœffler, Roux et
Yersin^ qui l'ont fait développer très facilement sur
DIPHTÉRIE ni
du sérum solidifié. Là il pousse rapidement à une
température de 3S à 37<>, et ses colonies se déve-
loppent sous forme de petites taches arrondies
d'un blanc grisâtre, dont le centre est plus épais
que la périphérie. On peut également Tensemencer
sur bouillon liquide ou sur gélose. Il pousse moins
bien sur la gélatine et pas du tout sur la pomme
de terre.
Le bacille de LœfHer, cultivé sur bouillon, con*
serve très longtemps sa virulence, surtout s'il est
enfermé en chambre close, à l'abri de l'air.
Il en est de même des fausses membranes qui,
desséchées, conservent pendant plusieurs mois
leurs propriétés neuves. Mis au contact direct de
l'air et de la lumière, le bacille meurt au bout de
quelques semaines.
En badigeonnant avec une culture pure de
bacilles de Lœffler les muqueuses buccales ulcérées
des lapins, des chiens, des cobayes ou des poulets,
on reproduit des fausses membranes typiques.
Ces animaux présentent, par suite, tous les symp-
tômes de la diphtérie humaine, et très souvent
succombent. Lœffler, en recherchant à recon-
nsdtre anatomiquement les lésions provoquées
dans les organes importants, n'a rien pu découvrir
qui soit imputable directement au bacille.. Il a
donc conclu qu'il s'agissait là d'une intoxication
générale d'un ordre inconnu.
17^ IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
III
Roux et Yersin ont éclairé ce point obscur du
problème, en démontrant que c la diphtérie est
utle intoxication causée par un poison très actif
formé par le microbe dans le lieu restreint où il
se développe >. Ils ont flltré une culture pure de
bacilles de Lœffler sûr une bougie de Chamberland
et ont injecté ce bouillon débarrassé de tout micro-
organisme figuré à certains animaux. Chez le
cobaye, il s'est produit immédiatement une vio-
lente dyspnée suivie d'une mort rapide. Le lapin
ainsi inoculé est affecté de paralysie qui débute
par le tronc postérieur et qui s'étend ensuite à
tout le corps. Plus une culture est âgée plus les
accidents ainsi provoqués sont rapides et dange-
reux. Roux et Yersin ont donc conclu que l'action
toxique, survenant pendant une diphtérie, était
due plutôt aux produits solubles qu'au microorga-
nisme pathogène. La toxicité de ces cultures peut
cependant être atténuée lorsqu'elles sont placées
dans un courant d'air à une température de 40°
pendant plusieurs jours.
Le bacille de la diphtérie peut disparaître de
la bouche avec la modification et le rejet de la
fausse membrane. Mais, le plus souvent, il demeure
à l'état isolé encore plusieurs jours ou plusieurs
semaines dans les cavités buccales et nasales.
DIPHTÉRIE 173
D'autres fois, on a pu découvrir le bacille de Lœf-
fler chez des individus cohabitant avec des diphté-
riques, sans production d'angine. Ceci est très
important à connaître au point de vue de la
prophylaxie.
IV
Quoique la découverte du microorganisme pa-
thogène soit de date relativement récente, on
a cherché dès le début à trouver Timmunité et
l'immunisation de la diphtérie. Dès 1889, Behring
a fait une communication sur l'immunisation du
tétanos et de la diphtérie par les produits solubles
du bacille. A cette époque, ce savant n'était pas en-
core très explicite, mais il a déclaré obtenir Timmu-
nisation de la diphtérie, en injectant de certaines
quantités de produits solubles du bacille de Lœffler,
ajoutées d'une solution de trichlorure d'iode. 11 con-
seillait, dès ce moment, d'utiliser le sérum immu-
nisé pour guérir la diphtérie. En 1892, il publiait
un ouvrage assez complet sur la Sérumthérapie
pratiquée dans ces conditions contre le tétanos et
la diphtérie. Le savant expérimentateur de Berlin
regrette amèrement de ne pas posséder les fonds
nécessaires pour appliquer sa méthode sur une
plus vaste échelle. Il affirme néanmoins que le
sérum provenant d'animaux immunisés est abso-
lument inoffensif et efficace pour la guérison du
tétanique et du diphtérique.
174 IMMUNISATION ET 8ÉRUMTHÉRAPIE
A ia même époque, Korhovsky a rapporté deux
épidémies de diphtérie grave, où la plupart des
enfants succombaient, sauf les cas où la diphtérie
fut compliquée par un érysipële. Emmerich con-
seilla d'immuniser avec du streptocoque de Fel-
heisen des moutons et d*injecter leur sérum aux
diphtériques. Malheureusement, Emmerich ne fit
aucune expérience démonstrative et ses théories,
quoique sensées, ne reposent sur aucune base
clinique.
Il n'en est pas de môme des recherches d'Aron-
son, qui, dès 1891, cherchait à immuniser des
lapins contre la diphtérie en leur inoculant des
cultures affaiblies par des vapeurs de formalal-
déhyde. 11 obtenait ainsi un sérum immunisant
très puissant au point qu*un centimètre cube pou-
vait vacciner 4 kilogrammes d'un animal contre
la dose mortelle minima de cultures virulentes.
Dès cette époque, Aronson appliqua cette méthode
thérapeutique à de nombreux enfants atteints de
diphtérie, et il affirma, comme Behring, que la
sérumthérapie était inoffensive et souveraine
dans un grand nombre de cas, 11 employa le sé-
rum de chiens ou de moutons mais il déclara
qu'il vaudrait mieux immuniser de plus grand?
animaux et particulièrement le chievaU
DIPHTÉRIE 175
A partir de 1893, les communications sur cet
intéressant chapitre se succédèrent en Allemagne.
Heubner, de Lepzig, rapporte 60 cas de diphtérie
traités parle sérum de Behring. Ce dernier fit lui-
môme, avec le concours de Baer et Kossel, de
nouvelles recherches et les publia dans la Deutsche
med, Wochenschrifft (n^ 17 en 1893). Voici com-
ment ces expérimentateurs procédèrent : ils ajou-
tèrent à des cultures de bacilles diphtériques,
âgées de quatre semaines, 0,08 p. 100 de phénol
et 0,3 p. 100 de tricrésol afin de tuer les bacilles :
ceux-ci tombent au fond et on injecte le liquide
clair sans filtration. Il se produit au niveau de
l'inoculation de l'empâtement et Tanimal a une
fièvre assez intense après chaque injection. Au
bout d'un certain nombre d'inoculations, l'animal
est immunisé et on obtient un sérum antitoxique
normal, dont 1 neutralise le décuple de dose mor-
telle minima de toxine, c'est-à-dire qu'un centi-
mètre cube de sérum ainsi préparé immuniserait
à son tour 1 kilogramme du poids d'un animal.
Behring a établi une échelle technique, il appe-
lait ce centimètre cube de sérum une unités il
délivre du sérum possédant la puissance de 60, de
150 ou de oOO unités, suivant le degré d'immuni-
sation de l'animal sérumfère; la valeur du sérum
dépend, suivant lui, de la différence entre l'état
primitif et le degré d'état réfractaire qu'atteint
l'animal par le fait de l'immunisation.
176 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
VI
Malgré le haut intérêt de ces recherches, la
sérumthérapie n*a eu son application, en diphtérie
que du jour où Roux fit sa communication reten-.
tissante au Congrès de Budapesth. Â partir de ce
moment, les observations cliniques se multiplient
et les statistiques sont rapportées de tous les pays.
La communication faite au Congrès d*hygiène revêt
un caractère si précis et si purement scientifique
que nous jugeons opportun de la reproduire tout
entière dans cet ouvrage.
c Depuis les travaux de Behring et de Kitasato,
la question du traitement de certaines maladies
infectieuses au moyeadu sérum d'animaux immu-
nisés est restée à l^rdre du jour, Les premiers,
essais ont été relatifs au traitement du tétanos,
mais malheureusement ils n'ont pas justifié toutes
les espérances que Ton pouvait concevoir. Cela
tient sans doute à ce que, lorsque le premier
symptôme du tétanos se manifeste, il est déjà trop
tard et que la maladie est entrée dans sa phase
dernière. Dans la diphtérie, il n'en est heureuse-
ment pas de même, et, de par l'apparition de
fausses membranes, nous pouvons surprendre la
maladie dès son début. Depuis 1891, nous pour-
suivons avec M. Martin des expériences sur le
traitement de la diphtérie par le sérum anti toxique;;
DIPHTÉRIE 177
mais, si nous en présentons seulement aujourd'hui
les résultats, c'est que nous attendions qu'ils
fussent assez nombreux pour bien juger la méthode;
ils viennent confirmer, du reste, les travaux déjà
publiés par Behring, Ehrlich, Boer, Kossel et
Wassermann.
c Les animaux fournisseurs du sérum anti-
toxique sont immunisés contre la diphtérie, c'est-
à-dire accoutumés à la toxine diphtérique; ilest
donc indispensable de dire quelques mots de la
préparation de celle-ci.
VII
€ La toxine est produite en cultivant le bacille
diphtérique virulent dans du bouillon, au contact
del'air. Dans les conditions habituelles, il faut main-
tenir les cultures pendant des mois à la température
de 37<* pour que le poison s'y accumule. Un procédé
plus rapide que nous avons employé avec M. Yersin
consiste à faire la culture dans un courant d'air
humide. On se sert de vases à fond plat, munis
d'une tubulure latérale (vases de Fernbach), dans
lesquels on met du bouillon alcalin peptonisé à
2 p. 100, de façon que la couche liquide ait une
faible épaisseur. Après stérilisation à l'autoclave,
on sème une culture récente de bacille diphtérique
très virulent, et on porte à l'étuve à 3T^. Lorsque
lUUUKISATION. 12
178 IMMUNISATION ET SÉaUMTHÉRAPIE
le développement est bien commencé, au moyen
d'un dispositif facile à imaginer, on règle le cou-
rant d'air qui pénètre par le col de chacun des
matras, après avoir barboté dans un flacon laveur.
Cet agencement est préférable à celui qui dispose
les vases de culture les uns à la suite des autres
et les fait tous traverser par le même courant
^'air. Après trois semaines, un mois au plus, la
culture est suffisamment riche en toxine pour être
•employée. Sur le fond des vases on voit un fort
dépôt de microbes et à la surface un voile formé
de bacilles plus jeunes. A ce moment, la réaction
est fortement alcaline. Tous les bacilles diphté-
riques^ même lorsqu'ils paraissent également
virulents pour les cobayes, ne donnent pas les
mêmes quantités de toxine dans les cultures.
L'essai de bacilles de diverses provenances fera
reconnaître, ceux qui fabriquent la toxine la plus
active. Nous n'étonnerons aucun bactériologiste
en disant que la force de la toxine n'est pas tou*
jours la même dans des cultures faites, en appa-
rence, dans des conditions identiques. Aussi, est-il
préférable de faire une provision de toxine avant
de commencer une série d'expériences afin que
celles-ci soient bien comparables entre elles.
€ Les cultures achevées sont filtrées sur une bou-
gie Ghamberland, et le liquide est gar^é dans des
vases bien remplis, bouchés et tenus à l'abri de la
lumière, à la température ordinaire. Ainsi prépa-
DIPHTÉRIE 179
rée, la toxine tue, en général, un cobaye de
SOO.grammes en quarante-huit à soixante heures
à la dose de 1/10 de centimètre cube. Elle perd
son activité à la longue, mais lentement, si on la
maintient dans les conditions que nous venons
d'indiquer.
VIII
« La toxine une fois obtenue, il s'agit d'immu-
niser les animaux qui vont fournir le sérum; mais
il faut commencer par atténuer la toxine dans son
activité, de façon à ce qu'elle n'entraîne pas des
accidents graves chez l'animal. Pour cela, la
méthode à laquelle nous donnons la préférence
est celle des toxines iodées que nous avons mise
en usage avec M. Vaillard dans nos recherches
sur le tétanos. La toxine diphtérique additionnée
d'iode est beaucoup moins dangereuse que la
toxine pure. On ajoute à la toxine un tiers de
son volume de liqueur de Gram, au moment
même de l'employer, et après quelques instants,
on injecte le mélange sous la peau. Un lapin de
moyenne taille supporte d'emblée 0<^<^,8 de ce
liquide; au bout de quelques jours, on renouvelle
l'injection et on continue ainsi pendant quelques
semaines ; alors on peut augmenter les doses de
toxine iodée ou diminuer la proportion d'iode.
Plus tard on donnera la toxine pure. Il faut peser
180 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÉRAPIE
fréquemment les animaux et interrompre les
injections quand ils diminuent de poids, sans
quoi on les amènerait à un état de cachexie qui
se terminerait par la mort. Dans ces expériences,
aller lentement, c'est gagner du temps.
IX
« Les chiens immunisés contre la diphtérie ont
fourni un sérum très actif; les moutons et surtout
les chèvres sont par contre très sensibles au poison
diphtérique et Timmunisation demande à être faite
avec beaucoup de prudence. Il en est de même
pour les vaches, dont le lait peut devenir une
source importante d'antitoxine.
« De tous les animaux capables de fournir de
grandes quantités de sérum antidiphtérique, le che-
val est le plus facile à immuniser. Il supporte la
toxine beaucoup mieux que toutes les espèces dont
nous venons de parler. Il n'est pas rare de rencon-
trer des chevaux chez lesquels 2 à 8 centimètres
cubes de toxine forte , inj eclés d'emblée sous la peau,
ne provoquent qu'une fièvre passagère et un
œdème local promptement dissipé. Si on admet,
avec M» Behring, qu'un animal fournit un sérum
d'autant plus antitoxique que sa sensibilité à la
toxine est plus grande, le choix du cheval peut
sembler mauvais. Cependant, dès l'année 1892,
DIPHTÉRIE 181
avec M. Nocard, nous avons entrepris d'immuniser
les chevaux contre la diphtérie, parce que les expé-
riences, que j'avais entreprises avec M. Vaillard
sur le tétanos, avaient montré que le sérum de
cheval, même à des doses considérables, est inof-
fensif pour les animaux de laboratoire et aussi pour
Thomme. Injecté sous la peau, il est résorbé en
quelques instants, sans amener de réaction locale.
De plus, rien n*est facile, comme de tirer de la
jugulaire d'un cheval, aussi souvent que Ton veut
et avec pureté, de grandes quantités de sang d'où
se sépare un sérum d'une limpidité parfaite. Nous
avons des chevaux dans la jugulaire desquels on a
puisé plus de vingt fois, au moyen d'un trocart
d'un gros calibre, et le vaisseau est resté aussi
souple et aussi perméable qu'au premier jour. Le
pouvoir immunisant du sérum de ces animaux est
actuellement voisin de 100,000; il est facile de
l'augmenter encore.
« Un autre avantage qu'il y a à se servir du
cheval pour la production du sérum antitoxique,
c'est la rapidité avec laquelle on peut immuniser
cet animal. La preuve en est que nous avons pu en
deux mois et vingt jours, en commençant par des
doses de 1/4 de centimètre cube de toxine iodée à
1/10, arriver à des doses de 250 centimètres cubes
de toxine pure sans qu'il y eût ni grande réaction
locale, ni élévation considérable de la température.
Pour € entretenir i les chevaux, le procédé le plus
182 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
commode est d'injecter la toxine au moment même
où Ton fait la saignée et de laisser l'animal au
repos durant une vingtaine de jours; ce procédé
est cependant moins efficace que celui qui con-
siste à injecter fréquemment de petites doses de
toxine.
« Quelles sont les propriétés expérimentales du
sérum antidiphtérique? Si l'on ajoute du sérum à
la toxine diphtérique, celle-ci devient inoffensive
et le mélange injecté aux animaux ne détermine
aucun trouble, pas même de lésion locale. Cette
action ne se produit pas seulement in vitro, mais
elle se produit aussi dans l'organisme. Un cobaye
auquel on donne une dose suffisante de sérum
supportera ensuite une quantité de toxine diphté-
rique, sûrement mortelle pour les cobayes non
préparés. On peut même injecter d'abord la toxine
et plusieurs heures après le sérum, l'animal ne
périra pas. Il va sans dire que la quantité de sérum
nécessaire pour le sauver varie suivant la dose de
toxine et aussi suivant le moment de l'intervention.
Le sérum est préservateur et thérapeutique non
seulement vis-à-vis de la toxine, mais aussi envers
le virus vivant. Ces propriétés du sérum antidi-
phtérique ont été découvertes par M. Behring,
elles sont la base du traitement de la diphtérie.
DIPHTÉRIE 183
Elles sont dues à une substance spéciale qu'on
appelle « antitoxine > et dont la nature nous est
aussi inconnue que celle de la toxine diphtérique
elle-même.
a Les animaux qui reçoivent Tantitoxine diphté-
rique deviennent réfractaires à la maladie dans un
temps très court, presque immédiatement, mais
cette immunité ne persiste pas, et après quelques
jours ou quelques semaines, elle disparait, se mon-
trant ainsi bien différente de celle qui est acquise
par des injections successives de poison diphté-
rique.
XI
c Pour apprécier l'activité immunisante du
sérum, M. Behring, le premier, a proposé un
système qui consiste à estimer la force d'un
sérum d'après la quantité nécessaire pour immu-
niser 1 gramme d'animal contre un volume de
toxine sûrement mortel et injecté douze heures
après le sérum. C'est ainsi qu'on dit qu'un sérum
est à 4/1,000 quand i gramme de ce sérum immu-
nise 1 kilogramme de cobaye contre une dose
déterminée de toxine, capable de tuer dans un
délai connu.
« Depuis quelque temps, cette façon de mesurer
a fait place à une autre: pour M. Ehrlich, l'unité
immunisante est représentée par 1/iO de centi-
484 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
mètre cube d*un sérum qui, mélangé avec 8/10 de
centimètre cube de toxine normale, la neutralise
au point que le tout injecté sous la peau d'un
cobaye ne produit aucun œdème.
c Quoi qu'il en soit, il nous suffira de dire que la
toxine que nous avons employée tue en quarante-
huit heures à la dose de 1/10 de centimètre cube,
un cobaye de 500 grammes et que, si on mélange
cette quantité à 9/10 de centimètre cube de toxine,
on ne voit se produire aucun œdème chez l'animal.
Il n'y a pas non plus de réaction locale si l'oa
injecte 1 centimètre cube du mélange contenant
1/30 de sérum ; avec U mélange à 1/50 on voit se
produire un léger œdème, mais le cobaye reste
bien portant.
XII
c Le pouvoir préventif du sérum se manifeste
lorsqu'on donne celui-ci avant la toxine. Dans ces
conditions, les animaux résistent toujours si la
quantité du sérum est proportionnée à celle de la
toxine. Il suffit que les cobayes aient reçu douze
heures auparavant 1/100,000 de leur poids de
sérum pour qu'ils résistent à une dose de toxine
qui tue les cobayes témoins en cinq jours. Avec
1/50,000 ils supportent une injection de culture
diphtérique mortelle en quarante-huit heures
pour les témoins.
DIPHTÉRIE ISS
€ Si Ton introduit la toxine la première,- il faut
alors d'autant plus de sérum qu'on est intervenu
plus tard; après six heures, des injections de sérum
à 1/1,000 sont efficaces, mais après douze heures,
elles ne le sont plus. Par contre, après l'inocula-
tion sous-cutanée du bacille diphtérique, Tinter-
vention est encore active, même douze et dix-huit
heures après Tinfection.
< En résumé, le sérum antidiphtérique est loin
d'avoir les propriétés immunisantes du sérum
antitétanique, lequel est préventif à 1/10,000,000
et cependant il donne des résultats thérapeutiques
bien supérieures à celui-ci.
«Si, après avoir injecté préventivement du
sérum antitoxique, on détermine expérimenta-
lement la diphtérie vulvaire chez le cobaye fe-
melle, on voit dès le second jour, les lésions
locales diminuer, les fausses membranes se déta-
cher, tandis que, chez les témoins, la muqueuse
est rouge, œdématiée, la température élevée et
l'état général mauvais.
€ Si, d'un autre côté, on injecte après l'inocula-
tion diphtérique le sérum à la dose de 1/10,000 à
1/1,000 du poids de l'animal, celui-ci guérit très
bien et dès le deuxième jour on voit déjà les
fausses membranes se détacher.
€ Quand, pour se placer autant que possible
dans les conditions de la pathologie humaine, on
injecte préventivement à un lapin du sérum anti-
iS6 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
toxique et qu'ensuite on lui inocule la diphtérie
trachéale, on voit alors que la maladie ne se tra-
duit par aucun malaise apparent, si Ton a soia
d'injecter le sérum antidiphtérique à dose suffi-
sante. De même, une injection de ce même sérum
après rinfection arrête rapidement une diphtérie
déjà bien développée, pourvu que rinoculation
soit faite assez tôt.
« Pour ce qui concerne les diphtéries avec asso-
ciations microbiennes, en particulier avec asso-
ciation streptococcique, les résultats obtenus ont
été beaucoup moins satisfaisants ; nous avons à
plusieurs reprises sauvé des lapins traités six ou
huit heures après Tinfection trachéale, mais il fal-
lait renouveler à plusieurs reprises les injections de
sérum thérapeutique. Quand le traitement n'a
été institué qu'après douze heures, les animaux
ont toujours succombé.
XIII
I
« Une fois la question du sérum antidiphtérique
étudiée au point de vue expérimental, nous en
avons essayé l'application dans le traitement de
la diphtérie humaine. Toutes nos expériences ont
été faites à l'hôpital des Enfants-Malades, avec
MM. Martin et Ghaillou. Du 4®'' février au 24 juil»-
ietl894, 448 enfants sont entrés au pavillon de
DIPHTÉRIE 187
la diphtérie et ont fourni une mortalité de 109 dé-
cès, soit 24,33 p. 100 ; or, cette mortalité a été en
moyenne, de 1890 à 1895, 81,71 p. 100 pour un
total de 3,971 enfants; le bénéfice procuré par le
traitement, toutes les conditions restant les mêmes
est donc de 27,28 p. 100. Au cours de cette même
période de temps, 500 enfants entraient pour
diphtérie à l'hôpital Trousseau : 316, c'est-à-dire
63,20 p. 100 succombaient.
« Telle est la statistique brute ; mais, pour bien
juger la question, il faut retrancher de nos 448 en-
fants entrés au pavillon de la diphtérie, 128 qui
n'étaient pas atteints, ainsi que Ta constaté Texa-
men bactériologique, de diphtérie vraie à bacilles'
Klebs-Loéffer ; il faut encore supprimer 20 cas
ayant entraîné la mort avant toute espèce de
traitement. Nous avons donc de la sorte 300 cas
de diphtérie vraie avec une mortalité de 78 décès,
soit 26 p. 100, alors qu'une statistique antérieure,
établie dans les mêmes conditions, donnait une
mortalité de 50 p. 100.
XIV
f « Le sérum que nous avons employé et qui pro-
venait de chevaux immunisés avait une activité
comprise entre 50,000 et 100,000. A tous les ma-
lades entrants nous donnions systématiquement
20 centimètres cubes de ce sérum, en une seule
188 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
piqûre, SOUS la peau du flanc; l'injection n'était
pas renouvelée si Texamen bactériologique éta-
blissait qu'il ne s'agissait pas de diphtérie; du
reste, lorsque c'était le cas, nous n'avons jamais
vu survenir le moindre inconvénient.
« L'injection n'est pas douloureuse, et, si elle
est faite aseptiquement, elle ne donne lieu à aucun
accident. Vingt-quatre heures après la première
injection, nous en faisons une seconde de 20 ou de
10 centimètres cubes, et ces deux injections suffi-
saient le plus souvent pourmener àbien laguérison.
€ Toutefois si la température restait élevée, nous
pratiquions encore une injection de 20 ou de 10 cen
timètres cubes. Le poids moyen des enfants étant
de 14 kilogrammes, ils ont reçu, en général, plus
du millième de leur poids de sérum, et, dans
quelques cas exceptionnels, presque le centième.
c Les accidents consécutifs à la diphtérie sont des
plus rares après le traitement par le sérum, mais
nous avons cependant observé des paralysies.
Parfois aussi, pendant la convalescence, nous
avons vu survenir des éruptions, analogues d'as-
pect à l'urticaire, et provoquées par le sérum.
XV
« Voici maintenant la classification des cas de
diphtérie que nous avons traités; il faut d'abord
les diviser en angines et en croups. Parmi les an-
DIPHTÉRIE 189
gînes, il faut distinguer celles qui sont pures et
celles qui sont associées à d'autres microorganis-
mes. Les cas d'angine pure ont été au nombre de
J20 avec 9 décès, soit une mortalité de 7,5 p. 100;
parmi les 9 enfants qui sont morts, 7 n'ont séjourné
que vingt-quatre heures à l'hôpital . Si on les dé-
falque des chiffres précédents on a^rrive alors à une
mortalité de 1,66 p. 100.
« Nous ferons, en outre, remarquer que, des deux
malades qui ont succombé, l'un était atteint en
même temps de péritonite tuberculeuse, l'autre
de rougeole très grave : on pourrait donc en con-
clure avec raison que toute angine pure devra gué-
rir si elle est traitée à temps.
c Sous l'influence des injections, l'état général est
resté excellent; quant aux fausses membranes,
elles cessent d'augmenter dans les vingt-quatre
heures qui suivent la première injection; après
trente-six, quarante-huit, soixante-douze heures
au plus tard, elles se détachent. Sept fois seule-
ment elles ont persisté plus longtemps.
c La température baisse souvent dès la première
injection, brusquement; si elle persiste dans les
angines graves, elle ne tombe qu'après la deuxième
ou troisième injection, en lysis. Quant au pouls,
il redevient normal moins rapidement que la tem-
pérature .
€ Un tiers des diphtériques, ainsi que le montrent
les statistiques, présentent de l'albuminurie, et
490 IMMUNISATION ET SÉRDMTIIÉRAPIE
<;eile-ci n'ayant été constatée que 54 fois sur 120
cas traités par le sérum, il semble bien évident
que la médication diminue la fréquence de ce
symptôme.
Les cas d'angine avec associations microbiennes
se sont comportés autrement; les angines asso-
ciées avec le petit coccus ont toutes guéri; il
en a été de même de celles qui s'associaient avec
les staphylocoques pyogènes. Quant aux angines
associées aux streptocoques et dont on con-
naît l'extrême gravité, elles ont été au nombre
de 35 dont là ont succombé, soit une proportion
de 34,38 p. 100, tandis que la mortalité habituelle
est de 87 p. 100. Lessymptômes généraux ont été
notamment amendés et les fausses membranes se
détachaient plus facilement. 11 a toujours fallu
prolonger les injections de sérum, dont la quan-
tité employée s'est élevée jusqu'à 75 centimètres
cubes.
XVI
t Les croups doivent être, de leur côté, distin^
gués en croups opérés et croups non opérés* Nous
avons traité 10 cas de la dernière catégorie, avec
un seul décès, et encore s'agissait-il d'un cas de
laryngite diphtérique avec association de strepto*
coques. Les croups opérés sont au nombre de 121
avec une mortalité de 56 cas, soit une proportion
DIPHTERIE 191
de 46,28 p. 100. De même que pour les angines,
il est indispensable de distinguer les croups opé-
rés diphtériques purs d'avec les croups à associa-
tions, car leur gravité est bien différente.
€ Parmi les premiers, nous avons un total de
49 cas avec 16 décès, soit une mortalité de 30,61
p. 100; mais, si nous retranchons de ce chiffre
4 décès survenus moins de vingt-quatre heures
après rentrée des malades dans les salles et où il
s'agissait de diphtéries toxiques, nous arrivons à
la proportion de 22,44 p. 100.
< Parmi les croups à associations microbiennes,
nous avons 9 cas de croups associés au petit coc*
eus avec 1 décès; 11 cas de croups avec staphylo-
coques et 7 morts, soit une mortalité de 63 p. 100
(50 p. 100 si Ton retranche de cette dernière caté*
gorie, croups avec staphylocoques, 3 décès surve*
nus moins de vingt-quatre heures après l'entrée des
malades au pavillon) ; 52 cas de croups avec associa-
tions de streptocoques et 33 morts c'est-à-dire une
mortalité semblable à celle de la catégorie précé*
dente, soit 63 p. 100. Il faut remarquer que la
plupart des décès, dans ces diverses subdivisions,
utiles à conserver aussi bien au point de vue
statistique qu'au point de vue clinique, étaient dus
à la bronchite pseudo-membraneuse. EnGn, à la
maladie si grave que constitue la diphtérie, sont
venues s'ajouter plusieurs fois la rougeole ou la
scarlatine.
493 IHMUKISATIOIf ET SÉRUMTHÉRAPIE
c Les croups les plus graves sont certainement
ceux qui sont associés avec le streptocoque, et la
preuve en est que 7 enfants, atteints de diphtérie
toxique, ont séjourné moins de vingt-quatre heures
dans les salles. Si nous retranchons de la totalité
des cas de croups opérés ceux qui se trouvent être
dans ces conditions et qui réellement ne peuvent
pas être comptés comme des insuccès de la mé*
thode, nous arrivons ainsi à avoir 107 opérés,
42 décès et une mortalité de 39,25 p. 100.
XVII
€ Quoique ces résultats semblent déjàtrès encou-
rageants, nous pensons cependant qu'on peut en
obtenir encore de meilleurs; c'est surtout par une
hygiène appropriée, par un isolement plus parfait
du malade qu'on parviendra à éviter une des cau-
ses fréquentes de mort, les contagions secondaires
qui se produisent à l'hôpital. Nous ne voulons
pas seulement parler de la rougeole, de la scar-
latine, dont les exemples [ne sont pas exception-
nels, mais des infections de toute espèce, et en
particulier de l'infection streptococcique. Nous
avons vu, en effet, 12 enfants, entrés pour des
croups purs, qui brusquement succombaient à une
broncho-pneumonie à streptocoques; cela tient à
ce que les enfants trachéotomisés sont dans les
DIPHTÉRIE i 93
salles communes ; aussi n'est-il point rare de voir
survenir devéritables épidémies de broncho-pneu-
monie déterminées par l'arrivée d'un enfant atteint
de croup diphtérique associé aux streptocoques.
« Enfin, il faudrait pouvoir, pour obtenir des
résultats plus favorables encore, instituer le trai-
tement aussitôt que possible après le début de la
maladie ; à combien d'enfants n'éviterait-on pas
la trachéotomie, celte porte d'infection, si le
sérum était administré plus hâtivement? Nous
espérons même que cette opération deviendra de
plus en plus rare, en combinant le tubage avec les
injections de sérum.
« Tels sont les résultats que nous avons obtenus
et qui nous font bien augurer de Tavenir. Ajou-
tons, en terminant, que nous avons, avec le trai-
tement par le sérum, proscrit tout traitement local
et que nous nous sommes contentés de faire des
irrigations de la gorge avec de Teau simplement
bouillie, ou à laquelle on a ajouté par litre
50 grammes de liqueur de Labarraque. »
XVIII
A la communication de M. Roux, M. le docteur
Behring ajoute : c Les antitoxines que j'ai intro-
duites dans la thérapeutique de la diphtérie sont
des substances chimiquement indéterminées, qui
se trouvent en proportions définies et constantes
IMMUNISATION. 13
i9i nniumsATioN et sérumthérapie
dans le sérum des animaiix immunisés contre le
bacille de Lôffler.
< De nombreuses expériences faites par moi ont
démontré la parfaite innocuité de ces antitoxines,
qui ne produisent pas de réaction, ni locale, ni
générale.
< L'action spécifique du sérum antidiphtérique
est d'autant plus sûre et plus rapide que le trai-
tement est plus précoce. Comme ce sérum ne pré-
sente aucun danger, on peut y avoir recours,
même dans les cas simplement suspects.
c Les injections doivent être aseptiques et on
peut se servir de la seringue de Koch à ballon préa-
lablement stérilisée. On injecte à la fois toute la
dose contenue dans un flacon (10 à 12 centimètres
cubes). Il ne faut pas faire de massage après Tin-
jection, l'absorption du liquide étant plus rapide
et les douleurs moindres lorsqu'on s'abstient de
cette pratique. Quelques jours après l'injection, on
observe de l'urticaire, qui disparait peu après et
qui n'est pas produite par l'antitoxine, mais par
le sérum animal.
c C'est dans l'albumine de l'organisme vivant
qu'il faut chercher la source de l'antitoxine, et ce
n'est pas seulement sous l'influence d'une toxine
spécifique que la réaction de cette albumine se
produit. Il ne s'agit pas d'une neutralisation directe
du virus pathogène, mais plutôt de réactions pro-
voquées dans ranimai sous l'influence du virus
DIPHTÉRIE 195
diphtérique, réactions qui produisent Tantitoxine.
Ce traitement indirect a donné à M. Behring de
bons résultats dans les maladies postdiphtériques
des animaux.
XIX
M. le D"^ Aronson (de Berlin) dit, comme M. Roux,
que c'est le sérum de cheval qu'il emploie, parce
qu'il considère comme le plus efficace le sérum
obtenu par Timmunisation de chevaux avec des
cultures à travers lesquelles on a fait passer un
courant d'oxygène. Le sérum de ces animaux est
trois fois plus fort que celui de M. Behring. Depuis
le mois de mars dernier jusqu'à la fin de juillet,
il a traité avec le sérum dont il vient de parler
192 malades atteints de diphtérie (dont le diagnostic
a été contrôlé par l'examen bactériologique), sur
lesquels 14 p. 100 sont morts; si l'on retranche
de cette statistique les enfants amenés à l'hôpital
tout à fait moribonds, il reste 169 cas avec
19 décès, soit une mortalité de 11,2 p. 100. Dans le
même hôpital, la mortalité était :
En 1891 pour 203 cas de 32,5 p. 100;
En 1892 — 341 — de 35,4 p. 100;
En 1893 — 426 ~ de 41,7 p. 100;
etdejanvier jusqu'en mars 1894, 41,8 p. 100;
Pendant les quatre mois et demi qu'on a pra-
196 iMMurasAnoN et sérumthérapie
tiqué ces expériences, on n'a pas fait une seule
trachéotomie, sauf sur les malades qui, à leur
entrée à l'hôpital, avaient déjà du tirage.
Ce traitement a été employé aussi dans 82 cas
traités dans d'autres hôpitaux, ce qui donne un
total de 274 cas avec une mortalité de 15,3 p. 100.
L'évolution de la maladie, sous l'influence de
ce traitement, concorde parfaitement avec ce qu'a
afûrmé M. Roux.
M. Aronson a employé aussi le sérum antidiphté-
rique pour immuniser les enfants des familles où il
y avait des cas de diphtérie (1 centimètre cube du
sérum qu'il prépare suffît pour Timmunisation de
ces enfants). Sur 130 enfants ainsi traités préven-
tivement, 2 seulement ont été atteints d'une diph-
térie très légère.
XX
En dehors des angines diphtériques à associa-
tion bactérienne, qui sont toujours très graves,
mais pas désespérées cependant, le croup vrai est
toujours une manifestation des plus redoutables.
Un des élèves les plus brillants de Behring,
M. Kossel, a eu l'occasion de soigner plusieurs
cas semblables, et il s'exprime ainsi à ce sujet :
« Quand le larynx est atteint, on observe sou-
vent au bout de vingt-quatre ou quarante-huit
heures — à ce moment par conséquent où, dans
DIPHTÉRIE 197
l'angine diphtérique pure, les fausses membranes
deviennent habituellement déliquescentes — une
exagération de la gêne respiratoire. Mais le plus
souvent ce phénomène disparaît sous Tinfluence
des inhalations d'eau salée. Il peut arriver encore
que la sténose s'exagère sous l'influence de la
déliquescence des membranes que l'action cura-
tive de l'injection de sérum provoque et que
vingt-quatre ou quarante-huit heures plus tard la
trachéotomie doit être faite. L'un des plus grands
dangers de la trachéotomie, celui qui ordinaire-
ment en rend, chez les enfants, le pronostic si
grave, est l'extension du processus diphtérique en
aval de la canule. A la suite de la sérothérapie
je n'ai jamais constaté pareille chose. Souvent on
peut déjà au troisième ou quatrième jour enlever
déflnitivement la canule sans aucun inconvénient. »
XXI
* Comment se forment ces antitoxines? Nous
avons développé ce point dans un autre chapitre,
où nous avons parlé très longuement d'une
autre communication faite par Roux sur ce sujet.
Une question que nous devons élucider ici, c'est
de savoir combien de temps se conservent ses pro-
priétés antitoxiques.
Il est tout naturel que ce pouvoir va en s'afl'ai-
blissant, à mesure qu'on s'éloigne d'une attaque
198 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
diphtérique ou d'une inoculation préventive.
Cependant le sérum reste immunisant pendant
plusieurs semaines et même pendant plusieurs
mois. Un moyen de maintenir longtemps le pou^
voir immunisant, c'est de faire une injection intra-
veineuse de toxine au moment de la saignée (pro-
cédé de Nocard). On ne peut donner une période
absolue, car le pouvoir de Timmunisation varie
lui-même suivant le degré des injections anti-
diphtériques et, aussi, suivant l'espèce animale.
Mais quand on a obtenu l'immunisation définitive
d'un animal, on entretien ce pouvoir antitoxique
de l'animal en lui injectant, tous les quatorze
jours, une petite dose de toxine.
XXII
Le lendemain de l'intéressante communication
de Roux, de nombreuses statistiques furent
publiées sur la méthode de Behring si bien
appliquée et vulgarisée par notre savant compa-
triote. La plupart des cliniciens ont apporté de
précieux documents à l'appui de la sérumthérapie.
En France, Moizard, Descroizilles, Legendre, Jules
Simon ont appliqué avec succès cette méthode.
Le D'" Peyron, directeur de l'Assistance publique,
a relevé l'intéressante statistique suivante qui
démontre l'influence bienfaisante de la sérumthé-
rapie dans la diphtérie.
DIPHTERIE
199
Cette communication faite au Comité consultatif
d'Hygiène de France, le 10 décembre dernier,
donne les chiffres comparatifs des résultats avant
et depuis le traitement nouveau à Thôpital Trous-
seau et des Enfants-Malades.
Le tableau suivant présente d'abord les résultats
de l'année 1887 à l'année 1893 :
ANNÉES
CAS TRAITÉS
DÉCÈS
POURCENT.
.gg- (Enfants-Mal.
^*^' ^Trousseau. .
4fififi (Enfants-Mal.
i»«» (Trousseau. .
ififio (Enfants-Mal.
i»»y (Trousseau. .
jooA (Enfants-Mal.
^^^ iTrousseau. .
4QQ4 (Enfants-Mal.
^^^^ (Trousseau. .
AOM (Enfants-Mal.
^^^^ (Trousseau. .
.«Qn ) Enfants-Mal.
i»yiJ (Trousseau. .
802^ ec77
775^1.577
909]^-^«^
1.055^^28
};002]2,107
957). QAo
Q^ç^l.903
997; 2 070
i.073r-"^"
1.015^ 077
SO8.959
5|0jl.208
|0|jl.021
|;f>,8i
65,18l«, ,.
58;28l6''*l
54;44r*'^"
. Voici, maintenant, le tableau comparatif des
résultats du nouveau traitement commencé le
l*''" février 1894 à l'hôpital des Enfants-Malades, et
seulement à compter du 18 septembre à l'hôpital
Trousseau; résultats considérés d'abord séparé-
200
IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
ment dans chacun de ces hôpitaux, et, ensuite,
dans les deux hôpitaux réunis.
DÉSIGNATION
CAS
traités.
DÉCÈS
POURCENT.
Hôpital des Enfants-Malades
Hôpital Trousseau
Hôpitaux des Enfants-Ma-
lades et Trousseau réunis.
780
247
164
39
21,00
15,02
1.027
203
19,76
Les tableaux ci-après présentent les résultats
comparatifs ci-dessus répartis selon les mois de
Tannée : on y voit les difTérences accentuées de
fréquence durant les mois d'été et d'hiver.
MOIS
CAS TRAITÉS
DÉCÈS
POURCENTAGE
Janvier
1.262
722
57,21
Février. .
1.247
737
59,10
Mars. . .
1.374
857
60,91
AvrU. . •
1.312
761
58,00
Mai
1.226
698
56,93
Juin . • .
1.088
574
55,29
Juillet. . ,
957
519
54,23
Août. . . ,
989
520
52,58
Septembre.
782
430
54,98
Octobre .
851
501
58,87
Novembre
1.026
523
50,97
Décembre ,
1.181
704
59,61
Total. . .
13.245
7.536
56,82
DIPHTÉRIE
201
uois-
Février
Mars. •
Avril •
Mai • .
Juin. •
Juillet.
ÂoûL •
Septembre
Octobre .
Novembre
CAS TRAITÉS
Sorties et décès.
77
99
86
77
60
65
50
77
16
93
joej^m^
228
83 [ 109
192
DÉCÈS
s
19
27
28
18
13
iâ
9
8
11
POURCENTAGE
S
H
24,67
27,20
32,55
23,37
21,66
20,00
18,00
1M9|IM5
11,82
13J0IJ3^
13,15
18^0711M4
18,22
Enfin, cette intéressante communication est
complétée par les renseignements contenus dans
le tableau suivant sur les enfants venus de la pro-
vince et traités dans les hôpitaux depuis trois
mois :
202
IMMUNISATION ET SÉRUMTQÉRAPIE
DESIGNATION
ENTlélS
SORTIES
DÉCÈS
PRÉSENTS
Enfants-Malades :
Septembre. . . .
Octobre
Novembre ....
Trousseau :
Octobre
Novembre ....
4
18
25
4
21
3
16
14
3
12
1
2
5
1
2
»
6
»
7
M. Gillet a relevé également une très intéres-
sante statistique des cas de diphtérie traités par
le sérum, depuis quelques mois, par différents
cliniciens; cette statistique est fort démonstrative.
OQ
§
CQ
DÉMONSTRATION
S
S
es
«M
o
a
o
0.
Kossel
233
.
»
23
Kôrt
121
81
40
33,1
Bôkai
35
30
5
14.18
Gerlôczy
14
9
5
»
ŒrteletvonKaDke.
8
1
7
M
19
15
4
»
Von Seitz
8
8
»
»
Ehrlich
89
»
M
13,5
Aronson
255
226
31
12.1
iEthel Saw
6
5
1
Roux
448
»
»
24,3
Katz
128
»
»
13,2
Weigler
63
n
»
28
Charon
13
»
4
»
Rumpf
26
»
»
8
Hilbert
11
11
n
w
Moizard
231
197
34
14,70
Le Gendre
.18
16
2
12,1
DIPHTÉRIE
203
«»
co
H
09
H
U
DÉMONSTRATION
3
S
o
\i
*«
S
O
o
O
eu
DaDcieho
1
1
Ollivier Galley . . .
2
1
1
„
Feer
4
4
)»
M
Lebreton
242
214
28
11,57
Blache
3
3
Campbell Wite. . .
20
15
5
w
Simpson. . . • . .
3
1
2
»
Los Gristie
3
3
»
„
Polienctoff
10
9
1
„
Debize
9
9
»
M
Bôrger
30
28
2
7
Schubert
34
n
»
18
Canon
15
»
M
20
Kumbzen
25
„
»
12
Strahlmann ....
100
100
»
»
Demuth
3
3
»
>.
Seitz
28
27
1
»
Mosler
30
28
2
»
Hager
Rabot
24
23
1
n
47
»
34
Gevaeri
2
2
»
>.
Mya
16
14
2
»
Massei
4
4
»
»
G. Simes
70
»
n
10
Hahn(«sgr»T.éliiBiiiésl5)
205
»
49
24
Galatti. ......
3
»
3
»
Dessaux
7
7
»
»
27
20
7
22
Heim
31
15
6
28,4
Monli
25
24
1
»
Unterholzner. . . .
36
M
»
25,80
Virchowet Baginskv
303
263
40
13,2
Washbourn ....
72
58
14
19,44
Herringham ....
18
14
4
»
Moeller
64
37
27
>*
Widerhoffer . .
99
75
24
24,3
Guândinger ....
27
16
11
40,7
Siegel
12
M
12
»
Sorenenburg. . . .
107
85
22
20,5
S. Bernheim. . . .
7
6
1
M
204 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
XXIII
Il est superflu d'insister encore sur Timportance
de ces statistiques, qui mettent au point la ques-
tion du nouveau traitement ; et il n'était pas
inutile, on le voit, de les placer en regard des
discussions, plus ou moins offensives.
Ces attaques contre la sérumthérapie sont
venues de l'Allemagne même et proviennent
d'hommes très éminents. Tandis que. Baginsky
affirme que la mortalité diphtérique a considéra-
blement baissé (de 13 à 20 p. 100, au lieu de
40 p. 100) d'autres cliniciens (Gottstein et Schleisch)
contestent avec la plus grande énergie l'influence
du sérum immunisé et attribuent les résultats
favorables au hasard.
En Autriche, Widerhofl*er rapporte l'observa-
tion de 100 cas de diphtériques traités dans les
conditions les plus déplorables par le sérum de
Behring : il a noté 23 décès et 74 gu.érisons et
3 états stationnaires. En ce qui concerne l'action
des injections dans les cas ordinaires de diphtérie
grave, dit ce clinicien, on a constaté qu'après la
première ou la deuxième injection l'exsudat, de
jaunâtre qu'il était au début, devient blanc et
prend une coloration laiteuse, puis les fausses
membranes s'enroulent et tombent. On constate
DIPHTÉRIE 205
ce fait surtout pour les formes pures, tandis que
dans les formes mixtes Texsudat se résout en une
masse pultacée et son enroulement et sa chute
sont moins nets. On trouve aussi cette transfor-
mation en détritus laiteux dans les bronches des
enfants qui ont succombé au croup. Le jour, qui
suit rinjection, on trouve en général un gonfle-
ment des ganglions et de l'œdème du cou, mais il
se produit, au plus tard quarante-huit heures
après la première injection, une amélioration de
l'état général telle qu'on peut la qualifier non
pas de surprenante, mais d'incroyable.
Bokai, de Budapest, obtient les mêmes résultats
favorables par le sérum immunisé : sa mortalité
dans la diphtérie est de 14,28 p. 100.
A Kœnigsberg, Hilbert a traité 11 cas de diph-
térie, dont 2 croups, par le sérum immunisé,
sans un seul décès.
Charon, de Bruxelles, signale 4 morts sur
13 diphtériques traités par le sérum de Roux, et
dont 11 avaient subi la trachéotomie. Sur les cas
de mort, 2 sont survenus chez des enfants qui
ont succombé deux heures après leur entrée à
l'hôpital. Les 2 autres sont morts de broncho^
pneumonie survenue après la trachéotomie.
Tandis que les statistiques favorables viennent
de tous les points de la France, de l'Allemagne,
de la Belgique, de l'Autriche-Hongrie, on connaît
moins les résultats obtenus en Italie et en Angle-
206 IMMUNISATION ET SÉRUMTnÉRAPIE
terre, où les expériences ont été faites avec moins
de zèle. En Italie on a accueilli cette découverte
thérapeutique avec un grand scepticisme, qui
certes a dû disparaître depuis.
XXIV
Pour rendre un compte exact de ce que peut
donner la sérumthérapie contre le bacille diphté-
rique, le gouvernement allemand a prié tous les
praticiens d'employer cette médication durant
quelques mois, de relever une statistique précise
et de Tadresser au Conseil supérieur d'hygiène. On
ferait bien d'adopter cette mesure dans notre pays.
Il nous parait inutile de revenir sur quelques
inconvénients accompagnant ou survenant à lai
suite d'une injection de sérum. Le plus fréquent
de ces accidents est l'urticaire, ou bien d'autres
variétés d'éruption cutanée. Ces troubles passagers
sont rarement accompagnés d'hémorragie. Mendel
en a cité cependant un cas. Pullmann a rapporté
d'autres complications : des douleurs articulaires,
de la diarrhée et de la tendance aux syncopes.
Baginsky a observé que les enfants, qui succom-
baient à la diphtérie, malgré la sérumthérapie,
présentaient des symptômes cardiaques graves
(arythmie, tachycardie). Mais ces phénomènes sont
également observés chez des diphtériques qui n'ont
DIPHTÉRIE 207
pas été immunisés, et par conséquent la sérum-
thérapie ne peut être incriminée.
On a remarqué que l'injection de sérum don-
nait un véritable coup de fouet à l'évolution de
la tuberculose chez les enfants diphtériques. De
même, il existe chez les diphtériques traités par
l'antitoxine, une grande intolérance pour les
médicaments antiseptiques. Il est donc préférable
de n'avoir recours qu'à l'asepsie.
L'albuminurie n'est pas plus fréquente chez les
diphtériques immunisés que chez ceux ne recevant
pas de sérum.
On ne peut encore avoir une opinion définitive
sur Faction du sérum contre les paralysies consé-
cutives à la diphtérie. Jones (de Londres) et Le
Gendre (de Paris) pensent que le sérum n'exerce
aucune action sur ce genre de paralysie : c'est
une question à réserver.
XXV
Un point qu'il serait intéressant d'étudier, ce
serait de connaître la puissance prophylactique
absolue du sérum immunisateur. Behring s'est
déjà occupé de ce point. Il conseille d'injecter
5 centimètres cubes de sérum aux enfants âgés
moins de 10 ans, et 10 centimètres cubes au-
dessus. Grouzon, qui a pratiqué ces injections
208 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
prophylactiques à 230 sujets, n'a eu que 2 cas de
diphtérie légère. Baginsky, à Berlin, a eu un
résultat à peu près identique. Personnellement,
j*ai injecté 28 fois du sérum à des sujets entou-
rant des diphtériques et je n'ai pas observé chez
eux un seul cas de diphtérie. Toutefois, j'ai
injecté, d'après les conseils de Hilbert, une dose
plus élevée, c'est-à-dire 10 à 20 centimètres cubes
et j'ai renouvelé cette injection deux fois à
20 jours d'intervalle.
XXVI
Gabritschevsky a étudié la phagocytose dans la
diphtérie expérimentale. Il a injecté une culture
pure de bacilles de Lœffler dans la chambre anté-
rieure de l'œil du lapin. L'émigration des leuco-
cytes dans la chambre antérieure commence une
heure après l'injection. Peu après, commence la
phagocytose. Comme le virus diphtérique est un
poison nécrosique, on aperçoit, huit heures après
l'injection, un grand nombre de leucocytes né-
crosés, dont les noyaux désagrégés ont l'aspect
de petites boules fortement colorées, en même
temps qu'une culture de bacilles libres. Si on.
immunise, au contraire, ces lapins avant de leur
injecter des bacilles de Lœffler, l'action phago-
cytaire des leucocytes se produit au bout de huit
DIPHTÉRIE "200
heures, et il est impossible de voir dans la
chambre antérieure de l'œil de ces lapins immu-
nisés des bacilles diphtériques libres : ces derniers
se trouvent tous contenus dans des phagocytes.
Le processus de la guérison de la diphtérie,
suivant Gabritschewsky, se produit donc dans
l'ordre suivant : réaction leucocytaire locale,
séquestration de la muqueuse infectée et nécrosée,
ensuite activité phagocytaire des leucocytes défen-
dant l'organiâme contre les infections plus pro-
fondes et secondaires.
XXVIl
De toute cette étude, nous pouvons conclure
avec Kossel : 1° Que le sérum immunisé, d'aprèsBeh-
ring, constitue un remède qui ne possède, d'après
Texpérience faite aujourd'hui, aucune influence
nocive ou contre-indiquant l'emploi chez l'homme.
2** Que le sérum antidiphtérique a donné, dans
les cas de diphtérie, les succès les plus remar-
quables, partout où il a été employé avec précau-
tion et eu quantité suffisante.
3** Enfin qu'il est . constant, bien que Texpéri-
mentation n'ait pas encore tout dit à cet égard,
que l'on peut produire, au moyen de l'inoculation
de ce sérum, une immunisation passagère et que
cette dernière peut être prolongée aussi longtemps
qu'on lèvent par le renouvellement des injections.
IMMUNISATION. 14
CHAPITRE VI
TUBERCULOSE
I
Longtemps avant la découverte du bacille spé-
cifique de cette affection, Villemin (1866) vint
affirmer que la tuberculose était une maladie con-
tagieuse, transmissible et infectieuse. Cette décou-
verte parut fort audacieuse à cette époque. Elle
rencontra de nombreux détracteurs, tous les par-
tisans des idées de diathèse et de la spontanéité
morbide, et elle était fort compromise, lorsqu'on
1862, Robert Koch, de Berlin, fit son immortelle
découverte du micro-organisme qui porte son
nom. Les expériences de ce savant, exposées à la
Société physiologique de Berlin, furent faites de
main de maître, et elles prouvaient d'une façon
irréfutable la nature parasitaire et infectieuse de
la tuberculose, t Désormais, conclut Koch, nous
n'avons plus affaire, dans la lutte contre le terri-
ble fléau de la tuberculose, à quelque chose de
vague et d'indéterminé ; nous sommes en pré-
sence d'un parasite visible et tangible, dont nous
connaissons déjà en partie les conditions d'exis-
tence, conditions que nous pourrons encore étu-
dier de plus près. »
TUBERCULOSE 211
II
Le microorganisme de la tuberculose apparaît
sous la forme d'un bâtonnet uniforme ou inter-
rompu dans sa longueur par des- vacuoles. Ce
bacille peut revêtir, comme le charbon, diffé-
rentes formes, dont la nuance varie avec un
changement de bouillon de culture, avec Tâge de
la culture, ou encore par le développement du
microbe sur différentes espèces animales. D'une
façon habituelle, il a 3 à i \l de longueur, il peut
atteindre cfependant 7 et 8 [^ avec 3 à 5 dixièmes
de [A. de diamètre.
Metchnikoff a étudié la forme variable de ce
bacille, suivant la nature du terrain sur lequel il
est cultivé. Il a observé aussi des bacilles très
petits (nains) ou des bacilles beaucoup plus gros
(formes géantes). Dans de vieilles cultures, il a vu
des formes involutives.
Quel que soit le bouillon de culture, le bacille
de Koch ne se développera pas rapidement. Il
n'apparaît à la surface du bouillon, car il est
aérobie, qu'au bout d'une dizaine de jours à trois
semaines, sous forme de grain arrondi d'un blanc
mat. En portant une parcelle de cette culture
sous le champ du microscope, et après coloration
par la méthode d'EhrIich ou de Ziel, on s'aper-
çoit qu'il s'agit d'une culture pure de bacilles de
212 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Koch. Cette culture se développe beaucoup mieux
dans un bouillon additionné de 5 p. 100 de glycé-
rine. Ces cultures très riches, et à développement
rapide dans une étuve à 37**, ont une odeur spéciale
assez forte, qui ressemble à celle de la pomme
reinette. Au-dessous de 35», le bacille de la tuber-
culose se développe mal, même sur un bon ter-
rain de culture, de même qu'il cesse de se déve-
lopper au-dessus de 42^. Toutefois, le bacille
tuberculeux des oiseaux peut se développer entre
une température de 20 à 80\ C'est là un des
caractères biologiques qui différencient ces deux
variétés de bacilles dont l'identité ou la différen-
ciation sont encore l'objet de discussions.
On a voulu, ces temps derniers, diminuer Tim-
portance du bacille spécifique de la tuberculose,
le placer au second rang et accorder la place
d'honneur aux nombreux microbes pathogènes
qui l'accompagnent habituellement. En effet,
Robert Koch, Grancher, Babès, Cornet, Mosny,
Tschiskovitsch, Marfan, Oertner ont observé, en
examinant des crachats tuberculeux ou autres
produits pathologiques, en dehors du bacille spé-
cifique, un grand nombre d'autres bactéries
pathogènes. MM. Straus et Petruschky ont vu
fréquemment dans des crachats de phtisiques,
surtout chez des fébricitants, des streptocoques
des staphylocoques. Pour ce motif, certains expé-
rimentateurs ont voulu admettre que les phéno-
TUBERCULOSE 213
mènes septiques produits au cours d'une phtisie
sont dus moins au bacille de Koch qu*à la no-
cuité des autres bactéries qui l'accompagnent.
Cette opinion est vivement combattue par Straus
qui, par de nombreuses expériences, a démontré
que seul le bacille de Koch est la cause unique de
la tuberculose et que l'association bactérienne
doit occuper un rang tout à fait secondaire, t En
somme, dit-il, les microbes étrangers : pneumo-
coques, streptocoques ou staphylocoques, loin
d'être les instigateurs et le point de départ de la
lésion, semblent n'intervenir, quand ils intervien-
nent, qu'à, titre d'éléments surajoutés, venant
compliquer ou modifier plus ou moins le proces-
sus, foncièrement tuberculeux dans le principe,
dans son évolution etparl'ensemble de ses carac-
tères. »
La tuberculose n'est pas une affection spéciale
à l'homme. Elle se développe également chez la
plupart des animaux qui peuvent la contracter
spontanément. Parmi eux, l'un des plus favorisés
est le bovidé. Ce dernier gagne la maladie par
contagion, exactement comme l'homme. Chez lui,
on donne le nom de pommelière à la phtisie
commune, qui se traduit par des granulations
semblables en tous points à celles de la race
humaine. Ce sont la plèvre et les poumons qui
214 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
en sont affectés le plus souvent. On peut observer
également des tubercules sur les autres viscères
et même à la surface cutanée. L'une de ces loca-
lisations les plus dangereuses, c'est la mamelle,
car, dans ce cas, le lait charrie des bacilles de Koch
et peut causer de nombreuses contaminations.
Le singe est également très prédisposé à con-
tracter la tuberculose, qui se localise, chez lui,
de préférence sur les organes abdominaux : rate,
foie, intestins. Il en est de même du chat et du
porc qui sont des animaux faciles à tuberculiser ,
et qui ont une prédisposition pour la phtisie pul-
monaire. Cette affection est plus rare chez le
cheval et surtout chez l'âne, le chien et la chèvre.
La plupart des rongeurs(lapin, cobaye, rat, sou-
ris) sont également tuberculisables ; mais ils devien-
nent rarement tuberculeux d'une façon spontanée.
La tuberculose du serpent, de la grenouille et
des vers de terre n'est pas démontrée. Celle des
oiseaux, au contraire, est très fréquente, et si le
bacille aviaire et le bacille humain présentent des
caractères morphologiques différents, ils paraissent
être cependant deux espèces d'une race identique.
IV
Dans une culture pure de bacilles de Koch, il se
produit des toxines sécrétées normalement par le
microorganisme. On peut produire ces toxines
TUBERCULOSE 215
avec le bacille humain et avec des bacilles aviaires.
Toutefois, Taction de ces derniers paraît moins
toxique. On peut augmenter, du reste, la puissance
toxique de ces produits solubles en les réduisant
par la chaleur. C'est ainsi, que Koch a préparé sa
tubercûline. Il a chauffé au bain-marie à 100°,
assez longtemps pour le réduire au dixième, un
bouillon glycérine de bacilles très virulents,
puis il a filtré ce bouillon réduit qui a pris une
teinte brunâtre et est devenu épais et onctueux.
Cette tubercûline est injectée et colorée par des
animaux sains; elle tue, au contraire, même à
une petite dose, des animaux tuberculeux. Il en
est de même chez Thomme, dont l'organisme est
plus sensible à ces sortes d'injections, et chez
lequel il faut être beaucoup plus prudent ; même
avec une petite dose, chez un homme sain^ on
provoque assez vite de l'albuminurie.
Quoi qu'il en soit, la tubercûline de Koch est
devenue un puissant moyen de diagnostic pour
déceler la tuberculose, et ce moyen peut même
être utilisé chez l'homme lorsqu'il est manié
avec prudence.
Ce résumé biologique du bacille étant exposé,
voyons comment les expérimentateurs ont utilisé
ces nouvelles connaissances dans un but théra-
peutique.
21 C IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉHAPIH:
Différentes tentatives et d'ordre bien variable
ont été faites pour enrayer la marche de la tuber-
culose, pour guérir cette affection ou pour servir
de vaccin. On peut grouper ces nombreuses mé-
thodes en six groupes :
1* On a cherché à guérir le tuberculeux en lui
inoculant une autre maladie ;
2^ En soumettant le phtisique à des inocula-
tions de tuberculose atténuée ou provenant d'une
espèce différente ;
3^ En injectant au phtisique lui-même, de la
tuberculine (méthode de Koch) ;
4^ En transfusant au malade du sang prove-
nant d'animaux rarement tuberculeux et qui sont
relativement réfractaires à la tuberculose ;
5o En inoculant aux tuberculeux du sérum pro-
venant d'animaux vaccinés préalablement ;
6» EnQn, en injectant du sérum provenant
d'animaux immunisés.
Nous allons examiner avec impartialité ces
différents moyens, exposer les résultats qu'ils
ont donnés et les espérances qu'ils font entre-
voir.
VI
On sait que le bacille de Koch ne se développe
pas, ou difficilement, sur un bouillon de culture
déjà envahi par d'autres microorganismes. On a
voulu tirer de cette observation de laboratoire
TUBERCULOSE 217
une espèce d'antagonisme entre le microbe de la
tuberculose et d'autres bactéries pathogènes, et
on s'est demandé si la greffe d'une maladie nou-
velle sur un terrain tuberculeux n'était pas salu-
taire. Quelques faits cliniques ont donné un
semblant de raison à cette idée. Ainsi, Schmidt
a observé un cas de pleurésie tuberculeuse, avec
un épanchement très abondant et résistant à
toute intervention. La maladie fut compliquée
d'un érysipèle qui envahit tout le tronc. Durant
plusieurs jours, l'état du malade fut très grave,
quand l'érysipèle rétrograda et il guérit. Avec la
disparition de l'érysipèle, on put observer égale-
ment la résorption de l'épanchement pleurétique
qui ne reparut plus.
D'autres observateurs, et particulièrement Till-
mans, ont cité des cas de guérison de lupus,
grâce à la complication bienfaisante* d'un érysi-
pèle qui avait gagné la surface lupique, affection
dont la nature est tuberculeuse. En présence de
certains faits consciencieusement observés par
MM. Weibel et Schaefer, Emmerich s'est demandé
si on n'était pas en droit d'utiliser le sérum d'ani-
maux immunisés préalablement avec du strepto-
coque de Felheisen. Ce traitement serait, d'après
Emmerich, non seulement inoffensif, mais exer-
cerait une bonne inûuence sur la marche de la
phtisie. Tout récemment, M. Hallopeau est venu,
avec de nouveaux cas, confirmer les observations
218 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
d'Emmerich et il a promis de faire des injections
avec des toxines érysipélateuses, dont il fera
connaître ultérieurement les résultats.
Ces expériences très intéressantes sont en trop
petit nombre et ne nous permettent pas de
conclure. Nous pouvons dire cependant, avec
M. Fournier, que Térysipèle joue ici le rôle d'un
agent d'inhibition; mais, après lui, les lésions,
qu'on a cru guéries, reviennent fréquemment.
Pour le petit nombre de cas guéris définitivement
par un érysipèle intercurrent, on peut considérer
que cette dernière lésion a agi plutôt par action
scléreuse, comme le thermocautère, que comnae
anti-toxique. En tout cas, nous nous garderons
bien de faire aux phtisiques des injections avec du
sérum de Marmorek dont Tinoculation n'est pas
sans danger, comme nous le dirons dans un autre
chapitre.
VII
La vaccination la plus puissante contre une
maladie serait d'avoir contracté antérieurement
la même affection. Par cette première atteinte, on
a ainsi accumulé dans son organisme des anti-
toxines en quantité suffisante pour défier toute
nouvelle atteinte. C'est ce qui arrive du moins
pour un grand nombre de maladies. En est-il de
même pour la tuberculose? Certains auteurs
l'ont pensé un instant, car ils ont vu ou cru voir
TUBERCULOSE 219
qu'une atteinte d'une tuberculose locale avait
Tair de prémunir contre la phtisie commune. Cette
opinion a été défendue avec une certaine ténacité
par M. Marfan; elle est complètement délaissée
aujourd'hui. Non seulement, une tuberculose anté-
rieure même guérie ne prémunit pas contre l'in-
fection bacillaire, mais elle prépare, pour ainsi
dire, l'organisme qui est et reste un excellent ter-
rain de culture pour le bacille de Koch.
Quant aux inoculations de produits tubercu-
leux atténués par la putréfaction ou de bacilles
aviaires, telles qu'elles ont été faites par MM. Ga-
vagnies, Daremberg, Grancher et Martin, Richet
et Héricourt et Babès, ces tentatives doivent être
citées au point de vue historique, mais elles ne
donnent aucun résultat pratique. Plus récem-
ment, Nf M. Redon et Chenot ont fait, dans le même
ordre d'idées, de très nombreuses expériences en
employant du sérum provenant d'ânes et de
mulets ayant reçu des produits tuberculeux. Ges
animaux supportent très facilement ces inocula-
tions à doses de plus en plus élevées et en em-
ployant des produits de plus en plus virulents. Le
sérum de ces animaux neufs n'a eu qu'une action
empêchante faible contre le virus tuberculeux sur
le cobaye et le lapin. Avec le sérum des ânes et
mulets inoculés, l'effet est plus marqué. Mais
cette action est beaucoup plus intense, toujours
en expérimentant sur les cobayes, lorsqu'on
220 IMXUMSATIOiN ET SÊRUMTUÉRAriE
emploie le sérum de ces animaux après les avoir
soumis à Tinjection de tanin, puis ensuite de
faibles doses d'émulsions tuberculeuses à viru-
lence exaltée. L'action antituberculeuse est dou-
blée alors d'une action antiseptique capable
d'entraver le développement deâ agents de la
putréfaction et de la suppuration.
Dans tous ces cas, les auteurs ont employé de
la tuberculose d'origine humaine à virulence
entière ou même exaltée.
VIII
Un grand nombre d'expérimentateurs ont
cherché à conférer l'immunité tuberculeuse aux
animaux en leur inoculant les produits solubles
sécrétés naturellement par le bacille de Koch.
Les uns ont chauffé, les autres ont filtré leurs
cultures, pour inoculer les toxines sous Thypo-
derme et sous le péritoine ou directement dans
les veines. Courmont et Dor, qui ont poursuivi
particulièrement ces études ont déclaré que t les
produits solubles sécrétés par le bacille tuber-
culeux aviâire, qu'on isole en filtrant sur porce-
laine, ne sont pas toxiques pour le lapin à la
dose de 1 centimètre cube par 100 grammes de
poids vif, qu'ils soient introduits dans le péri-
toine ou le système veineux. Ces produits
solubles possèdent la propriété de prémunir l'or-
TUBERCULOSE 221
ganisme contre l'infectioa de leur microbe pro-
ducteur. L'immunité ainsi conférée est encore
solide au bout de sept mois. Le vaccin d'origine
aviaire est capable de prémunir le lapin contre
une affection tuberculeuse d'origine humaine, i
Robert Koch prétend qu'on peut non seulement
vacciner, mais encore guérir la tuberculose à
l'aide de ces toxines concentrées, t Le cochon
d'Inde, animal excessivement sensible à la tuber-
culine, devient réfractaire lorsqu'on le traite par
une de ces substances à l'inoculatioii du virus tuber-
culeux. Cette même substance arrête complètement
le processus morbide, lorsqu'on l'injecte à un
cobaye arrivé déjà à un degré avancé de tubercu-
lose, et cela sans inconvénient pour l'organisme. »
D'autres expérimentateurs ont poursuivi des
recherches identiques avec ou sans succès. Mais
il faut .reconnaître que Courmont et Dor ont, les
premiers, utilisé les toxines pour obtenir l'immu-
nité tuberculeuse. Le seul reproche qu'on puisse
faire à leurs expériences, c'est de n'avoir pas ren-
forcé cet état réfractaire par de nouvelles injec-
tions de toxines, et de n'avoir pas essayé le sérum
de leurs sujets ainsi préparés pour le traitement
de la tuberculose.
IX
Quoique tous les animaux soient susceptibles de
contracter la phtisie, ils ne sont cependant pas
à22 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIE
tous tuberculisables au même degré. Certains
d'entre eux, le chien, Tâne, la chèvre, paraissent
jouir d'une certaine immunité relative, et ces ani-
maux deviennent rarement tuberculeux sponta-
nément. Rien de surprenant donc qu'on ait songé
un instant d'utiliser le sérum de ces animaux pour
traiter les phtisiques. Richet et Héricourt ont
injecté, dès 1889 , du sérum de chien à la dose de
2 à 10 centimètres cubes, et plus tard Berlin et
Picq, de Nantes, ont inoculé du sang de chèvre à
la dose quotidienne de 10 à 20 centimètres cubes.
Dans le même ordre d'idées, j'ai pratiqué à un
très grand nombre de tuberculeux la transfusion
directe de l'artère carotide de la chèvre dans la
veine du coude. Cette transfusion, qui demande
une grande adresse, se fait au moyen de deux
trocarts reliés entre eux par un tube fin en
caoutchouc. Elle présente moins de danger que
la transfusion humaine ordinaire et elle est suivie
de manifestations identiques. Dans l'espace d'une
minute, on transfuse ainsi, grâce à la pression
artérielle de l'animal, environ 120 grammes de
sang. On peut prolonger cette transfusion pen-
dant deux minutes, mais pas davantage.
On ne peut certes pas espérer transmettre
l'immunité tuberculeuse relative de l'animal à
l'homme ; le sang de la chèvre ou de tout autre ani-
mal ne possède pas de propriété bactéricide. Mais
la transfusion du sang pratiquée directement de
TUBERCULOSE 223
ranimai à Thomme, restera néanmoins une inter-
vention très utile dans un grand nombre d'autres
cas. Récemment, M. le professeur de Dominicis,
de Naples, a publié un travail où il a pratiqué
par ma méthode, plus de 200 transfusions; cet
expérimentateur a remplacé la chèvre parle chien.
Plus récemment, M. le D^ Vignerat (Suisse) a
traité ses phtisiques avec du sérum provenant
d'un âne qui avait reçu une ou deux injections de
tuberculine. Comme nous le verrons plus loin,
l'immunité tuberculeuse ne s'obtient pas en si peu
de temps et avec un si petit nombre d'inocu-
lations.
Cette immunité, des expérimentateurs français
l'ont recherchée par de nombreuses et très pa-
tientes recherches, qui certes n'ont pas été inu-
tiles pour la solution de ce problème. C'est ainsi
que MM. Richet et Héricourt ont inoculé à des
chiens ou à des ânes, à différentes reprises et
durant une longue durée, des bacilles aviaires, qui
supportaient très bien cette vaccination. Au bout
de plusieurs mois, ils ont prélevé le sérum à un
chien ainsi préparé et ils l'ont injecté à deux
phtisiques qui ont été guéris par cette méthode.
M. Babès et Broca ont suivi une méthode vacci-
nante mixte. Ils ont commencé par traiter leurs
animaux pendant plusieurs mois avec la tuber^
2:24 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPII-:
culine. Après ce traitement, leurs sujets recevaient
des doses croissantes de bacilles morts qui avaient
déjà servi à la préparation de la tuberculine.
Enfin, ils ont fini par inoculer à ces mêmes ani-
maux des cultures virulentes de tuberculose en
. leur injectant en même temps de la tuberculine
et du sérum d'ânes tuberculisés. Ces expérimenta-
teurs ont remarqué que le sérum d'ânes traités
par la tuberculine empêche le développement de
l'ulcération locale produite par l'inoculation de
bacilles morts, et si la lésion est déjà constituée,
les injections de sérum la guérissent. De plus, les
animaux traités par la tuberculine, puis par les
bacilles morts, paraissent posséder un sérum plus
efficace que les animaux traités seulement par la
tuberculine. L'inoculation simultanée de ce sérum
et d'une culture de bacilles virulents de Koch ne
produit pas chez les animaux la tuberculose. La
guérison des animaux infectés s'obtient par des
doses relativement grandes de sérum. Les petites
doses sont insuffisantes et semblent aggraver l'in-
fection tuberculeuse. Enfin, les bacilles tubercu-
leux soumis in vitro à l'action prolongée du sérum
antituberculeux (quatorze à vingt jours) devien-
nent inoffensifs pour les cobayes.
Ces résultats sont évidemment des plus remar-
quables et ont une grande importance. Malheu-
reusement, les animaux supportent difficilement
l'injection des bacilles, même morts, comme les
TUBERCULOSE 225
expérimental eurs l'ont reconnu. Un grand nombre
de leurs sujets ont succombé de septicémie et
d'albuminurie.
XI
J'ai moi-même perdu par cette vaccination un
grand nombre d'animaux. En présence de cette
difficulté, et après avoir pris connaissance des
recherches de Behring et de Kilasato sur le
tétanos et la diphtérie, j'ai imité leur procédé pour
l'immunisation tuberculeuse et j'ai publié ma pre-
mière communication sur ce point au Congrès
de la tuberculose tenu à Paris le 27 juillet 1893*.
Je précise les dates qui ont leur importance, car,
postérieurement, d'autres expérimentateurs ont
publié des travaux identiques et n'ont même pas
semblé connaître mes recherches, ou bien alors ils
ont prétendu avoir publié avant cette date les
moyens d'immuniser les animaux contre la tuber-
culose par l'emploi des toxines. Il est vrai qu'ils
sont en peine d'en fournir les preuves. J'ai fait,
depuis, des communications sur le même sujet au
Congrès international de Rome (mars 1894), à la
Société de biologie (mars 1896) et enfin récemment
nos recherches ont été l'objet d'un rapport exercé
par la commission de contrôle des sérums et pré-
senté à la séance du 9 juin 1896 de l'Académie par
* V. Congrès pour V étude de la tuberculose. — 3« session,
1893, comptes rendus publiés parle D' L.-H. Petit (p. 286).
niMUXISATION. 15
2SA IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIË
M. Straus, au nom de MM. Nocard et Netter. Dans
un instant je reviendrai sur la valeur et l'impar-
tialité de ce rapport.
Mes recherches ont déjà plus de quatre années
de durée. Dès le début, je me suis servi de toxines
sécrétées naturellement par le microorganisme.
Toutefois, j'ai modifié depuis mes inoculations. En
effet, autrefois je chauffai pendant une heure,
à 80®, mes toxines, et j'injectai une dose relati-
vement petite. Aujourd'hui, j'inocule les toxines
passées au filtre de Kitasato, sans les chauffer, et
je poursuis mes inoculations pendant une longue
durée. Aussi, suis-je arrivé, ces deux dernières
années, à des conclusions beaucoup plus nettes et
plus scientifiques.
D'une façon générale, je me suis servi, pour
pratiquer l'immunisation tuberculeuse, de toxines
sécrétées naturellement et provenant de bacilles
de Koch humains, très virulents. Je passai ces
bouillons avec de grandes mesures d'asepsie au
filtre de Kitasato, et je les injectai pendant cinq ou
six mois, à des doses variables suivant leur taille
et leur susceptibilité, aux animaux que j'ai voulu
rendre réfractaires. Pour démontrer l'efficacité de
ma méthode, je vais classer mes expériences en
cinq catégories. ,
Première série d'expériences. — Pendant six mois,
j'ai injecté, presque chaque jour, des toxines pures à
un très grand nombre d'animaux qui furent soumiis,
TUBERCULOSE 227
quinze jours après la première inoculation, à une injec-
tion intraveineuse avec du bacille virulent de Koch.
Cette injection fut répétée trois à quatre fois plus tard,
mais par des inoculations sous-cutanées, toujours à des
dates peu éloignées de la dernière injection de toxines.
Dans chaque série d'expériences, je soumis des
témoins à des épreuves identiques. Or, dans tous les
cas d'immunisation de lapins, de cobayes, de chiens
ou de chèvres, ces animaux soumis préalablement à
l'injection de toxines restèrent indifférents à l'infection,
tandis que les témoins succombèrent de tuberculose.
Deuxième série d'expériences. — Avec le sérum de
ces animaux immunisés antérieurement, je fi6 des
injections à des animaux neufs qui reçurent 50 à
400 centimètres cubes de ce sérum-vaccin. Quelques
jours après la dernière injection du sérum, j'inoculai à
ces mêmes animaux une culture virulente de bacilles
de Koch.
Ici encore, les animaux vaccinés au sérum immunisé
résistèrent à l'infection et survécurent. Au contraire,
les témoins, qui furent inoculés avec la même culture
de Koch, succombèrent de phtisie.
Troisième série d'expériences, — J'inoculai du bacille
tuberculeux à des lapins et à des cobayes, et quinze
jours après cette infection, je les traitai avec de petites
quantités de sérum provenant d'animaux immunisés
Sréalabiement. Aux cobayes, j'injectai chaque jour un
emi-centimètre cube de sérum ; les lapins reçurent
quotidiennement un centimètre cube du même liquide
et je traitai ainsi les animaux pendant trois mois. De
ces animaux un grand nombre, à peu près les trois
quarts, résistèrent; quelques-uns succombèrent de
cachexie mais sans localisation spécifique, et enfin chez
un petit nombre, j'observai des granulations tubercu-
leuses généralisées.
Quatrième série d'expériences. — J'injectai sous la
peau à un grand nombre de lapins, simultanément
lO centimètres cubes de sérum immunisé et un demi-
centimètre cube d'une culture virulente de bacilles de
Koch. La bosse résultant de ce mélange lié intimement
était fort longue à se résoudre. Tous les animaux, qui
228 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPIË
furent soumis à cette épreuve maigrirent considérable-
ment, et quelques-uns formèrent au niveau de Tinocula-
tion des abcès entraînant souvent la cachexie et la mort,
liais, la plupart des animaux reprirent le dessus, au bout
d*un mois; ils virent la masse se résoudre sur place
et après trois ou quatre mois ils recouvrèrent la santé.
Cinquième série d'expériences, — J'ai ensemencé du
bacille de Koch simultanément et parallèlement sur
du sérum immunisé et sur du sérum ordinaire de
lapin. Tandis que ma première culture resta stérile, le
deuxième ensemencement se développa admirablement
bien. Cette démonstration in vitro est assez concluante.
Toutes ces expériences, que j'ai résumées, et
qu'il est facile de répéter, ont été renouvelées un
grand nombre de fois. Elles démontrent surabon-
damment qu'il est possible d'immuniser les ani-
maux contre la tuberculose. Nous ne mettons pas
en doute qu'on pourra obtenir le même résLultat
avec de vieilles cultures de bacilles aviaires (mé-
thode de Richet et Héricourt), avec des inocula-
tions alternatives de bacilles et de la luberculine
(méthode de Babès et Broca), ou avec des inocu-
lations de produits tuberculeux (méthode de Redon
et Chenot) ou encore avec du sérum provenant d'un
animal tuberculeux (méthode de Gimino). Mais tous
ces procédés d'immunisation n'agissent, suivant
moi, que par les toxines injectées aux animaux.
Je ne tiens du reste pas à m'appesantir sur ce
point, cherchant à éviter toutes les hypothèses et
me confinant entièrement aux expériences et aux
résultats qu'elles ont fournies. Aussi, vais-je reve-
nir immédiatement à ma méthode d'immuni=ation.
TUBERCULOSE 229
Pour conférer l'immunité tuberculeuse à une
chèvre, par exemple, je procède de la façon sui-
vante : je commence toujours par m'assurer, à
l'aide de la tuberculine, que mon animal n'est pas
tuberculeux. Ensuite, je lui injecte chaque jour un
demi-centimètre cube de toxines* filtrées, pendant
quinze jours; ces injections sont pratiquées dans
le tissu cellulaire sous-cutané. Si la température
reste normale et si l'état général de la bête reste
satisfaisant, j'augmente la dose des toxines et j'in-
jecte 1 centimètre cube pendant quinze jours. Puis
j'inocule quotidiennement 2 centimètres cubes
pendant un mois, 3 centimètres cubes le troisième
mois pour atteindre graduellement la dose quoti-
dienne de 5 centimètres cubes qui ne doit pas être
dépassée chez un animal de petite taille. Il faut
surveiller avec grand soin les sujets à expériences
et cesser toute inoculation quand l'animal a l'air
d'en souffrir. Quelques jours de repos, et on peut
reprendre avec fruit les injections. Au bout de
cinq mois consécutifs d'inoculations, on peut
saigner l'animal et soumettre le sérum à la double
expérience d'injection avec bacilles de Koch et
d'ensemencement (expériences des séries 4 et 5).
On a la preuve, après un mois, du degré de puis-
sance antitoxique de ce sérum, dont l'action peut
' Nos toxines proviennent de bouillons de veau glycé-
rinées à 5 p. 100. Ces cultures doivent avoir un dévelop-
pement riche en bacilles très virulents.
230 IMMUXISATION ET SÉRUMTHÉRA.PIE
(
encore être augmentée ultérieurement par de nou-
velles injections de toxines.
J'ai injecté ainsi à des chèvres jusqu'à 1 ,200 cen-
timètres cubes de toxines. La dose peut être
beaucoup plus considérable pour un âne ou un
cheval.
L'injection du sérum provenant de ces animaux
immunisés est absolument inofTensive, lorsque
l'opération est pratiquée avec asepsie sur un
autre animal. J'ai injecté plusieurs fois 10 centi-
mètres cubes à un lapin qui n'en a pas été incom-
modé. Chez l'homme, où j'ai pratiqué également
un grand nombre d'injections, je n'ai observé que
les accidents communs à toute inoculation de
sérum : prurit, érythème, poussée d'urticaire ou
éruption polymorphe.
Quant à l'action exercée par l'injection du
sérum sur la marche de la phtisie commune, je
ne voudrai encore donner aucune appréciation
définitive. Vu le caractère inoffensif de ce trai-
tement, je Tai appliqué à un grand nombre de ma-
lades. Plusieurs de mes confrères ont suivi éga-
lement cette méthode et j'ai déjà pu enregistrer
un assez grand nombre d'observations fort encou-
rageantes. Quand le temps m'aura permis de coor-
donner tous ces documents, quand j'aurai pu
grouper et classer suivant le degré de la maladie,
suivant la variété, la forme et la gravité, suivant
aussi le nombre d'injections de sérum et la date à
TUBERCULOSE 231
laquelle la dernière inoculation aura été pratiquée,
à ce moment seulement j'oserai apporter une
statistique utile des résultats obtenus sur le terrain
clinique : ce sera l'objet d'une nouvelle commu-
nication.
Disons, en attendant, comment mes confrères
et moi-même nous appliquons la sérothérapie
aux phtisiques. Après avoir interdit au malade
tout médicament, et quelques jours après toute
absorption de médicament, nous inoculons 3 cen-
timètres cubes de sérum dans la région scapu-
laire tous les deux ou trois jours. Ces inoculations
sont rapprochées et prolongées pendant trois ou
quatre mois sans aucun inconvénient, quand elles
sont pratique'es avec asepsie. Après 80 ou 60 ino-
culations, qui procurent presque toujours une
amélioration telle qu'on peut prononcer Je nom
de t7'€ve tuberculeuse, nous soumettons le malade
à une cure d'air en pleine campagne ou dans un
sanatorium, pour maintenir cette amélioratipn et
mettre l'organisme dans de bonnes conditions de
résistance contre les nouvelles attaques des nom-
breux bacilles de Koch qui nous entourent.
Les résultats que mes confrères et moi, nous
avons obtenus sont excellents dans un grand
nombre de cas. Bien entendu, il faut choisir ses
tuberculeux et ne pas appliquer indifféremment
celte méthode. Au premier et au deuxième degré,
lorsque l'état général est satisfaisant, même en
23:2 lUMUNlSATION ET SÉRUMTUÉRAPIE
fl
pleine période de fièvre, il ne faut pas craindre de
pratiquer la sérumthérapie, et on a beaucoup de
chance d'enrayer la maladie. A la période de la
phtisie caverneuse, on a encore quelque chance
de succès quand le mal est localise et chez un
phtisique en bon état. Mais il ne faut rien espérer
chez les cachectiques, et ce sont surtout ces dé-
sespérés qui s'adressent à nous. Il en est de même
de la phtisie aiguë, où je n'ai pas encore pu
obtenir un cas de guérison ; il est vrai que je n'ai
eu l'occasion de soigner qu'un petit nombre de ces
malades, et également toujours à une période
ultime d'intoxication bacillaire. Par contre, j'ai
soigné des formes de tuberculose chirurgicale qui
ont cédé rapidement sous l'influence de la sérum-
thérapie et avec le concours des antiseptiques
locaux.
XII
M. Boinet, de Marseille, a immunisé des chèvres
(1894) avec la tuberculine, et a injecté le sérum
de cet animal à des cobayes tuberculeux et à des
phtisiques. Il a pu observer que l'injection de ce
sérum avait une influence salutaire sur la marche
de la tuberculose des cobayes; aussi, a-t-il appliqué
cette méthode thérapeutique à des phtisiques. Il a
injecté quotidiennement 2 à 4 centimètres cubes
de ce sérum à huit malades. Dans trois cas de
tuberculose torpide, apyrétique, à marche lente,
TCBERCaLOSE 233
les résultats ont été assez favorables. Une amélio- *
ration a été notée dans deux cas de tuberculose à
la deuxième période. Ces injections n'ont pas
d'action appréciable dans les cas de tuberculose
avancée avec cavernes. Elles sont nuisibles dans
les tuberculoses à marche ou à poussées aiguës
s' accompagnant de fièvre, d'hémoptysie, de sueurs
nocturnes, de complications laryngées.
Plus récemment, M. le professeur Maragliano,
de Gènes, a publié des travaux fort remarquables
sur le même sujet. Peut-être a-t-il eu tort de ne
dévoiler, dès la première heure, au congrès de
Bordeaux (août 1895) sa méthode d'immunisation
et de présenter ainsi sous une forme plus scienti-
fique sa communication. Peut-être aussi, a-t-il eu
le second tort de passer sous silence des travaux
identiques aux siens, et qui avaient paru long-
temps avant ses études. Mais il faut croire que le
savant italien n'était pas au courant de toute la
littérature médicale, et qu'il a commis cet oubli
involontairement.
Au lieu de relater ses communications [dans
l'ordre où il les a produites, nous allons inter-
vertir l'ordre et commencer par la dernière, la
meilleure, car il y expose sa méthode d'immuni-
sation, méthode qui ne diffère guère de la mienne :
« J'obtiens la production des antitoxines tubercu-
leuses en inoculant aux animaux toutes les substances
toxiques que l'oa peut tirer des cultures très virulentes
i234 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÉRAPIE
de tuberculose humaine. Les matériaux toxiques sont
préparés en deux groupes séparés.
« Groupe A. — On concentre la culture à 100**, au
bain-marie, puis on la filtre au Chamberland, d'après
la méthode usitée pour la préparation de la tuberculine.
€ Groupe B. — On filtre au Chamberland la culture
non chaufi'ée et on la concentre dans le vide, à la tem-
pérature de 30<>.
< Dans le produit A se trouvent les matériaux toxi-
ques, provenant du corps des bacilles, c'est-à-dire les
protéines ; le produit B renferme les produits de sécré-
tion des bacilles; ce sont les toxi-albumines, que les
températures élevées détruisent très facilement. Mais
on doit y trouver aussi une petite quantité de pro-
téine, provenant du corps des bacilles qui, dans des
proportions variables, sont normalement détruits dans
les cultures.
« Depuis les publications de Koch sur la tuberculine
et depuis les expériences de Maffucci, de Prudden et
Hodenpyl, de Straus et Gamaleia, etc., sur l'action
morbide des bacilles de la tuberculose, on s'occupe
seulement du corps des bacilles et des protéines ; on
croit que c'est d'eux, exclusivement, que dépend la toxi-
cité spécifique de la tuberculose. De telle sorte que,
dans la phtisie, contrairement à ce qui arrive avec tous
les autres bacilles, l'action pathogène dépendrait seule-
ment des protéines et non des toxi-albumines. Ces con-
ceptions ne sont pas exactes.
« J'ai vu que les cultures filtrées renferment des
substances ayant des propriétés diff'érentes des pro-
téines ; chez les animaux tuberculeux, elles produisent
de l'hypothermie accompagnée de sueurs ; en quantité
suffisante, elles tuent les cobayes avec des phénomènes
de collapsus.
< Il s'agit donc d'une action diamétralement oppo-
sée à celle de la protéine, action qui se produit malgré
la présence des protéines dans le même liquide. Si
l'on fait chauffer ce produit à 100°, il perd sa propriété
hypothermisante et sudoripare, et l'action des petites
quantités de protéines qu'il contient se manifeste par
l'hypothermie. On peut facilement le démontrer.
TUBBRGULOSE â35
< Il suffit d'injecter à on cobaye tuberculeux 1 centi-
gramme du liquide B, préparé à froid ; à un autre, la
même quantité, chauffée au préalable -À 100*, et à un
troisième la même quantité de tuberculine.
« Chez le premier, la température diminue ; chez les
deux autres, elle augmente. La même chose arrive chez
rhomme tuberculeux.
c Si la même quantité du même liquide est hjpo-
thermisante et diaphorétique, quand on ne Ta pas
chauffé, tandis qu'après le chauffage elle est hypother-
misante, il est évident qu'il existe deux substances an-
tagonistes et que l'une d'elle est détruite parla chaleur.
On doit supposer que, si cette substance hjpothermi-
santé et diaphorétique était seule, son action serait
encore plus accentuée.
< Les cultures ne contiennent pas la même quantité
de substances actives; or, comme il est nécessaire
d*inoculer aux animaux des produits ayant toujours
la même puissance, j'ai réduit les liquides A et B aune
unité toxique constante.
c J'ai pris comme unité toxique la quantité qui tue
un poids égal de cobaye sain et j'ai concentré les
liquides A et B de façon que chaque centimètre cube
contienne 100 uni tés toxiques; par conséquent, un centi-
mètre cube tue sûrement 100 grammes de cobaye sain.
c Pour m'assurer que la toxicité était bien due à
des substances toxiques bactériennes et non aux liquides
employés pour faire les cultures, j'ai porté ces liquides
à un degré égal de concentration, et je les ai ensuite
inoculés aux cobayes sans produire d'accident.
c Le liquide que j'inocule aux animaux qui doivent
fournir le sérum est un mélange de trois parties de A
et d'une partie de B. On commence par inoculer 2 mil-
ligrammes par kilogramme du poids de l'animal et
Ton augmente d'un milligramme par jour et par kilo-
gramme jusqu'à 40-50 par kilogramme. Après quoi,
on inocule toujours la même quantité. Je fais les ino-
culations aux chiens, aux ânes et aux chevaux, et je
les continue pendant six mois. Au bout de ce temps,
les animaux sont immunisés ; ils résistent à l'inocu-
lation de quantités considérables de matériaux toxi-
ques et même aux injections des cultures tuberculeuses
virulentes qui tuent les animaux témoins.
230 IMMUNISATION ET SÉRUMTaÉHAPlE
< Au bout de six mois de traitemeat, le sang con-
tient déjà une quantité suffisante d'antitoxines ; on
suspend alors les injections et l'on attend qu'il ne
reste plus en circulation de matériaux toxiques injec-
tés. C'est ce qui a lieu au bout de trois ou quatre
semaines.
« On opère alors la saignée et on obtient le sérum
que Ion prépare d'après la même méthode employée
pour les autres sérums thérapeutiques.
« J'ai choisi les chevaux pour la production métho-
dique du sérum.
€ Antitoxine tuberculeuse. — Le sérum contient
des antitoxines spécifiques qui neutralisent, chez les
animaux et chez l'homme, l'action des poisons tuber-
culeux : c'est ce qu'on peut démontrer sur les cobayes
sains, sur les cobayes tuberculeux, sur l'homme atteint
de tuberculose.
« a) Chez les cobayes sains, 1 millimètre cube de sé-
rum prolège 1 gramme de cobaye sain contre la quantité
mortelle rhinima de protéine titrée à 100 unités toxiques
})ar gramme; autrement dit, 1 gramme de sérum pro-
tège 1 kilogramme de cobaye sain contre la quantité
mortelle de tuberculine.
€ b) Chez les cobayes tuberculeux, le sérum protège
les cobayes iubercnleux contre la quantité de tuberculine
qui les tue,
« Une dose de 2 à 4 milligrammes de sérum ne suffit
pas pour sauver 1 gramme de cobaye tuberculeux : le
cobaye auquel on a inoculé une quantité égale de tuber-
culine, mais sans sérum, succombe fatalement. Cepen-
dant, dans ces expériences, il faut savoir proportionner
la quantité de tuberculine et de sérum à la force de
résistance des cobayes malades. Cela n'est pas toujours
très aisé, car H est difficile de trouver, chez les deux
cobayes nécessaires à chaque expérience, même force
de résistance et même développement de la tuberculose.
Ma longue expérience m'a enseigné que les cobayes
d'un même groupe, infectés le même jour, avec une
quantité à peu près égale de la même culture de tuber-
culose, n'arrivent pas tous, dans le même temps, à un
degré égal de tuberculisation.
« Pour juger du degré de tuberculisation, il ne faut
TUBERCaLOSE 237
pas prendre/ comme poiat de départ la date de l'infec-
tion, mais la perte du poids et rélévation thermique.
De plus, il ne faut pas agir avec des quanti tés absolues,
ainsi qu'on le fait habituellement, mais proportionner
le sérum et la tuberculine au poids de Tanimal. Ordi-
nairement, pour tuer 1 gramme de cobaye atteint de
tuberculose bien développée, il suffit d'une quantité
de tuberculine dix fois plus petite que celle qui est
nécessaire pour tuer le même poids de cobaye sain :
c'est-à-dire 1 milligramme au lieu de 1 centigramme.
< Je parlé toujours, bien entendu, de la tuberculine
à 100 unités toxiques par gramme.
< Plus tard, pour sauver le cobaye malade, il faut
une quantité de sérum deux à quatre fois supérieure
à celle qui suffit pour le cobaye sain, c'est-à-dire
2-4 milligrammes par gramme.
c) Chez l'homme tuberculeux, le minimum de iuher-
culine qui donne la fièvre à un tuberculeux apyrétique
est neutralisé par 1 cenlimèlre cube de sérum thérapeu-
tique.
€ QaQ minimum est une quantité vaiûable; il dépend
du degré de développement de l'infection et de la force
de résistance du malade.
u Dans ces recherches, il faut commencer par em-
ployer des doses de 1 milligramme et augmenter pro-
gressivement, jusqu'à ce que l'on arrive à la dose qui
produit la réaction.
€ Quarante-huit heures après que la réaction a eu
lieu, on injecte la même quantité de tuberculine avec
un centimètre cube de sérum, on n'obtient point de
réaction.
« De trois à cinq jours après, on injecte encore la
même quantité de tuberculine sans sérum et l'on a de
nouveau la réaction.
« Après le traitement avec le sérum, les tuberculeux
deviennent insensibles à la tuberculine, même si la
dose est dix fois plus forte que celle qui, avant le trai-
tement, produisait la réaction.
« M. de Renzi, professeur de clinique à Naples, a déjà
pu confirmer tout ce qui précède.
t Puissance bactéricide. — Le sérum est, in vitro,
bactéricide vis-à-vis du bacille delà tuberculose. Afin
. 238 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIIS
de le démontrer, il faut d'abord faire chauffer le sérum
normal de cheval et le sérum thérapeutique à 55-60°,
pendant quelques heures et pendant plusieurs jours,
pour les dépouiller du pouvoir bactéricide naturel qui
est commun à tous les sérums. On ensemence ensuite
les deux sérums avec des bacilles de la tuberculose ;
dans le sérum normal le développement se produit,
tandis que le sérum thérapeutique reste stérile.
Dosage de la puissance antitoxique du sérum. — Je
fais le dosage de la puissance antitoxique du sérum
vis-à-vis de la tuberculine sur le cobaye sain.
J'ai pris comme unité antitoxique la quantité de
sérum qui protège une quantité égale de cobaye sain
^ contre le minimum de tuberculine capable de la tuer sû-
rement. Dans chaque centimètre cube de mon sérum, il y
a mille unités antitoxiques, c'est-à-dire qu'un centimètre
cube de sérum sauve un kilogramme de cobaye sain
contre la dose de tuberculine qui, sûrement, causerait
sa mort.
Pourtant, j'ai déjà des sérums pourvus d'une quan-
tité beaucoup plus grande d'unités antitoxiques.
Au Congrès de Bordeaux, j'avais déjà annoncé, en
les résumant, il est vrai, très succinctement, la plupart
des faits exposés dans ce travail, j'avais surtout pré-
cisé très clairement le point fondamental relatif à la
démonstration des antitoxines dans mon sérum, en
disant que le sérum neutralise Vaction de la tuberculine.
Ce point fondamental a été ensuite confirmé pa>
plusieurs observateurs éminents.
Behring % au Congrès des naturalistes à Lubeck,
à la fin du mois de septembre dernier, annonça qu'un
sérum qu'il avait obtenu, avec des inoculations de
tuberculine, sauvait la vie aux cobayes tuberculeux
auxquels on avait injecté des doses sûrement mortelles
de tuberculine.
Babùs et Broca*, au mois de janvier 1896, annoncè-
rent à rAcadémie des Sciences, à Paris, que le sérum
des animaux auxquels on injecte de la tuberculine
1 Behring. — « Leistungen urn Ziene der serumtbera-
pie. » Deutsche. Med, Wochenschinft, 1895, n^ 38,
2 Med, moderne, 1896, n** 5.
TUBERGULOSIS 239
protège les animaux tuberculeux contre Faction toxique
de la tuberculine, et Niemann * confirma le lait, au
mois de février 1896.
L'action bactéricide de ces sérums, vis-à-vis du
bacille de la tuberculose, a été aussi indiquée par
Babès. Mais, jusqu'à présent, nous sommes les seuls à
avoir fait des recherches complètes, en détruisant,
avant tout, la puissance bactéricide du sérum.
Ni Berhing, ni Babès, n'ont indiqué le dosage de
leurs sérums.
On comprend, d'après leurs communications, qu'ils
ont commis l'erreur de prendre comme point de com-
paraison le cobaye tuberculeux. Au début de mes
recherches, j'avais, moi aussi, commis la même erreur.
C'est pour cela que, jusqu'à l'époque de ma conférence
de Bordeaux, je n'avais pas encore réussi à étabhr le
dosage. J'ai réussi ensuite avec les cobayes sains.
M. Maragliano, qui avait inoculé autrefois d'assez
fortes doses de sérum, n'injecte plus aujourd'hui
que 1 à 2 centimètres cubes de ce sérum et il
n'emploie une dose de 5 centimètres cubes que
dans les cas fébriles. Voici les résultats obtenus,
qu'il a annoncés dans une brochure récente :
Les cas traités, au nombre de 412, sont divisés en
plusieurs séries de catégories qui comprennent :
i^ Les bronchopneumonies avec cavernes;
2<* Les bronchopneumonies destructives non cavitaires
avec associations microbiennes;
3° Les bronchopneumonies difTuses fébriles avec ou
sans phénomènes destructifs ;
4oLes bronchopneumonies difTuses apyrétiques avec
ou sans phénomènes destructifs ;
5° Les bronchopneumonies fébriles circonscrites;
6° Les bronchopneumonies circonscrites apyrétiques.
* r^iemann. — « CJeber Iinmunitât gegen Tuberkulose
und Tuberkuloseantitoxin. » Centralblatt fUr Bakteriolo-
f/ie. Bd XIX, p. 214, 1896.
240 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE '
Si Ton considère Tenscinble des malades de toutes
les catégories, on trouve :
Guérison 16,26 p. 100
Amélioration 48,05 —
£tat stationnaire 25,51 —
Aggravation 8,25 -—
Les résultats étant les suivants pour chaque catégorie :
i^ Cavitaires :
Guérison 7,76 p. 100
Notable amélioration 37,63 —
Ktat stationnaire 36,55 —
Aggravation 18,29 —
(La mortalité étant de 16,21 avec 14 morts sur 92.)
2^ Bronchopneumonies destructives sans caverne
appréciable avec associations microbiennes :
Guérison 10,58 p. 100
Amélioration 59,94 —
BUat stationnaire 28,23 —
Mortalité 8,23 —
3° Bronchopneumonies diffuses fébriles avec ou sans
phénomènes destructirs :
Guérison 6,73 p. 100
Amélioration 52,88 —
Etat stationnaire 3,76 —
Aggravation 9,61 —
4° Bronchopneumonies diffuses apyrétiques :
Guérison 4,65 p. 100
Amélioration 72,09 —
Etat stationnaire 23,25 —
5° Bronchopneumonies fébriles circonscrites :
Guérison 37,03 p. 100
Amélioration 57,40 —
Etat stationnaire 5,55 —
6<* Bronchopneumonies circonscrites apyrétiques :
Guérison 66,66 p. 100
Amélioration 27,27 —
Etat stationnaire 6,6 —
(Ceux qui ont suivi sérieusement le traitement ont
tous guéri.)
TUBERCULOSE 241
Maragliano a trouvé que de pareils résultats se
passent de eommeataires et montrent imperturba-
blement l'innocuité de son sérum d'abord et aussi
son efficacité dans le traitement de la phtisie.
Les exanthèmes observés quelqueïfois après l'in-
jection n'ont rien de spécial et sont aussi fugaces
que ceux que l'on rencontre après Tinoculation
d'autres sérums.
En ce qui concerne les guérisons mentionnées,
il s'agit de cas correspondant à la disparition
complète de tous les phénomènes morbides, de
guérisons au moins momentanées sinon défini-
tives. L'auteur n'ignore pas la latence et les trêves
souvent très longues de la maladie.
Le nombre des guérisons obtenues varie avec
la gravité initiale des cas. Il augmente de la pre-
mière à la sixième catégorie, à mesure que les
lésions sont moins avancées. Le plus grand nombre
correspond aux formes apyrétiques.
La valeur de la cure est d'autant plus appré-
'ciable que les malades avaient antérieurement
parcouru toute la gamme des traitements ordi-
naires de la phtisie. Il convient de remarquer que
les tuberculoses circonscrites et apyrétiques ont
été presque guéries ou améliorées.
M. Maragliano conclut en ces termes :
1 ' Le sérum antituberculeux est complètement
inoffensif.
IMMUNISATION. 16
24il IMMUNISATION ET SÉRUxMTHÉRAPIE
2'' Il a une influence déprimante sur la fièvre.
3** Il modifie les phénomènes locaux.
4° Il exerce une influence positive sur les bacilles
contenus dans les crachats en les faisant dispa-
raître ou diminuer.
5° Il détermine une augmentation notable du
poids du corps.
6^ Il exerce une action utile dans 91,75 p. 100
des cas traités plus ou moins considérable suivant
la gravité.
7° Il détermine la guérison ou achemine le
malade vers la guérison dans presque tous les cas
de tuberculose circonscrite apyrétique.
8° Il a donné des guérisons même chez les cavi-
taires.
9*^ On peut l'utiliser avec avantage dans toutes
les formes de la tuberculose.
On voit que ces conclusions ont une grande
précision thérapeutique. Le nombre assez consi-
dérable qui fut soigné par M. Maragliano, n'est *
pas surprenant. En efl*et, le gouvernement italien
a encouragé ces recherches, tandis qu'en France,
deux membres de la commission des Sciences ont
osé arrêter ces expériences, en émettant un avis
défavorable à l'efficacité de mon sérum antitu-
berculeux. Sur ces deux membres, l'ur^, M. No-
card, est attaché à l'Institut Pasteur, qui cherche
à monopoliser l'exploitation très lucrative du
TUBERCULOSE 243
sérum. L'autre, M. Netter, jeune agre'gé, n'a rien
osé refuser à ce professeur tout-puissant. Or, je
déclare, moi, que cette commission d'enquête a
présenté uq rapport incomplet et inexact en plu-
sieurs points, comme du reste une lettre de protes-
tation adressée par moi à l'Académie de médecine,
le 23 juin, l'a attesté. Ces juges ont émis une opi-
nion inexacte, comme Tavenir se chargera de le
démontrer. Il suffît, du reste, de lire le rapport
présenté pour se former une opinion. MM. Nocard
et Netter déclarent que l'injection simultanée de
sérum immunisé et de bacilles de Koch n'a pas
empêché deux lapins et un cobaye de mourir
tuberculeux ; des autres preuves expérimentales,
il ne souffle mot. Or, ces enquêteurs officiels ont
emporté de mon laboratoire une quantité insuffi-
sante de sérum immunisé pour exercer leur con-
trôle ! Jugez maintenant de l'impartialité de leur
rapport 1
Ni l'enquête officielle, ni le désir d'enterrer ma
communication pour subtiliser plus tard mes
expériences et les présenter sous une autre forme,
ne m'empêchent de poursuivre ces recherches
si intéressantes déjà confirmées par d'autres
savants et qui sont exactes dans leurs moindres
détails.
CHAPITRE VII
PNEUMONIE
I
Toutes les altérations pulmonaires qui caracté-
risent cette maladie sont produites par un seul
microbe, le pneumocoque lancéolé encapsulé,
soupçon-né par Klebs, vu et figuré pour la pre-
mière fois par Koch, Eberth, Friedlaender. Ce
microbe fut cultivé pour la première fois par
Talamon et étudié surtout par Frœnkel. Chez
certains individus, il se trouve habituellement
dans la cavité bucco-pharyngique, d'où il peut
infecter le poumon, cavité où il fut découvert par
Pasteur.
Le pneumocoque se présente sous forme de
petits grains allongés, ellipsoïdaux, généralement
réunis par paires. Ils sont entourés d'une gangue
albumineuse non colorable par les réactifs et bien
distincte du vide que laisse le milieu ambiant
lorsqu'il se rétracte. Le microbe lui-même est
facilement coloré par les couleurs d'aniline, colo-
ration qui résiste à l'action successive du réactif
PNEUMONIE 245
iodo-ioduré et de Talcool absolu. Le pneumocoque
ne se développe pas au-dessous de 24®. Cultivé
dans de la gélose légèrement alcaline, il forme
de petites colonies rondes, incolores, dont les
membres sont alors dépourvus de gangue albu*
mineuse.
Cette culture sur gélose ne tarde pas à voir sa
vitalité diminuer rapidement et à périr si le
miilieu n'est pas renouvelé avant sept à huit jours.
Le pneumocoque peut parfaitement vivre en
l'absence totale d'oxygène et sa vitalité, loin d'en
être diminuée, augmente sensiblement ainsi que
sa virulence*
Le pneumocoque ne s'attaque pas exclusive-
ment à l'homme ; ce privilège est partagé par
d'autres animaux, en particulier par le lapin et le
cobaye, ainsi que le démontrent les expériences
de Emmerich, Dœnissen et Maller, expériences
démontrant que ces animaux contractent facile-
ment la pneumonie en respirant un air chargé de
bactéries.
Le pneumocoque lancéolé encapsulé est sou-
vent accompagné d'autres microbes, comme :
bacille encapsulé de Friedlaender (pneumo-bacille
de Weichselbaum) staphylocoque pyogène, strep-
tocoque pyogène et du bacille spécial décrit par
Klein.
Hayem et Grancher ont constaté une leucocy-
tose abondante chez le pneumonique. Tschitscha*
246 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
vich a vu une abondante leucocytose suivre l'in-
jection d'une culture atténuée, tandis que l'injec-
tion d'une culture très virulente ne déterminait
aucune leucocytose, la proportion de globules
blancs restant normale .
II
Les pneumocoques ont été vus dans tous les
organes. Dans le rein ils furent vus d'abord par
Klebs, Koch, et Nauweck.
Les altérations de la pneumonie peuvent être
produites par d'autres microbes, en particulier
par : streptocoques, staphylocoques pyogènes
(Jaccôud, Netter, Naunyn, Babès et Garter).
Le pneumocoque existe dans la salive, une fois
sur cinq chez les personnes saines, quatre fois sur
cinq chez les personnes ayant déjà eu la pneu-
monie (Netter).
La pneumonie est souvent héréditaire (Alison
et surtout Riesell). Le pneumocoque contenu dans
les crachats peut résister longtemps à l'influence
atténuante de la dessiccation.
La crise pneumonique, qui termine la maladie,
se produit au bout de cinq à neuf jours par une
atténuation subite du pneumocoque.
Cultivé sur un milieu solide, le pneumocoque
ne peut être conservé que si on a soin de le trans-
planter de temps en temps, en effet il ne peut
PNEUMONIE 247
rester plus de sept à neuf jours dans un même
milieu sans périr. Une culture sur gélatine sup-
porte facilement une température dé 43® pendant?
six heures, 42<* pendant soixante-douze heures et
succombe après quatre Jours d'exposition à cette
température.
III
Le pneumocoque peut conserver sa vitalité tout
en perdant sa virulence; ainsi, un bouillon de
culture perd sa virulence à 42<» au bout de vingt-
quatre heures et à 40° au bout de cinq jours.
P. Walter a étudié in vitro l'influence de l'élé-
vation de température sur la nocivité du pneumo-
coque. Il soumit des lapins à une température
suffisante pour leur propre isotère atteignant 42®.
Ces lapins résistent parfaitement à cette tempéra-
ture, pourvu qu'on les expose toutes les trois heures
à la température ordinaire pendant une demi-
heure. Un lapin ainsi préparé peut recevoir en
injections des quantités relativement considérables
de virus virulent sans être pour cela incommodés.
Mais si l'on transporte un de ces lapins ainsi
inoculés dans un milieu à température normale,
il est. aussitôt atteint de pneumonie et en meurt
moins rapidement cependant qu'un lapin nor-
mal.
L'hyperthermie est donc un des agents princi-
24a IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
paux de la terminaison heureuse de la pneumonie,
terminaison à laquelle concourent d'autres causes
comme la phagocytose et l'action microbicide,
Tantipneumo toxine (Klemperer).
IV
Association bactérienne. — A la fin de la pneu-
monie, le suc pneumonique présente une réaction
acide tandis que le pneumocoque ne se développe
bien qu'en milieu alcalin (Patella).
Dans 76 cas de pneumonie, Peter a trouvé, à
côté du pneumocoque :
Staphylocoque doré 28 fois
Sans autre mélange 20 —
Avec staphylocoque 3 —
Avec bacille de Friedlaender. 2 —
Streptococcus pyogenes ... 9 fois
Sans autre mélange ..... S — '
Avec staphylocoque 3 —
Avec bacille de Friedlaender. i —
. L'association du pneumocoque avec le bacille
de Friedlaender a été observée encore sept fois
par d'autres cliniciens.
Dans certains cas de fièvre typhoïde, le pneu-
mocoque apparaît dès la fin de la première
PNEUMONIE 249
semaine et dès lors les signes de la pneumonie
remportent sur ceux de la fièvre typhoïde qui
finissent par disparaître (Stokes). Il semble donc
qu'il y ait antagonisme entre le bacille d'Eberlh
et le pneumocoque.
Passons maintenant à la question de l'immuni-
sation.
Les inoculations répétées de virus atténués con-
fèrent facilement l'immunité. Cette atténuation
peut être obtenue par la dessiccation des viscères
d'un pneumonique. La salive du sujet pneumo-
nique prise après la défervescence confère l'im-
munité à la souris (Netter). Il en est de même
pour le sérum sanguin (G. et F. Klemperer). Foa,
et plus tard Emmerich, ont obtenu des résultats
analogues en employant des cultures atténuées
par l'action de la chaleur ou de la filtration.
Foa a obtenu la pneumotoxine vaccinante en
précipitant des cultures par le sulfhydrate
d'ammonium ou par l'alcool absolu. G. et F.
Klemperer ont obtenu également cette pneu-
motoxine.
Le premier travail relatant la question de l'im-
munisation est celui de Emmerich et Fovitsky
(Mûneh. med. Woch.^ 11 août 1891). Yient
ensuite celui des deux frères Klemperer [Berlin,
250 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Klin. Woch., 24 et 31 août 1891). D'après ces
derniers, le pneumocoque produit dans le corps
une pneumotoxine, qui a la propriété de déter^
miner une réaction fébrile persistant plusieurs
jours, et suivie de la production d'une substance*:
l'antipneumotoxine^ capable de neutraliser la
pneumotoxine.
Lorsqu'on injecte la pneumotoxine aux lapins
qu'on vaccine , Tantipneutnoto^tirie n'apparaît
qu^après une plus ou moins longue période de.
maladie. On la fait apparaître beaucoup plus vite
et sans malaise apparent, en injectant la pneumo-
toxine modifiée par la chaleur ou autrement dit
le vaccin chimique.
Après ces travaux, il faut signaler ceux de Foa.'
Cet auteur a distingué]deux sortes de diplocoques,
Tune ayant une grande tendance à la multiplica-
tion, l'autre agissant plutôt localement. Toutes
deux enflamment et sclérosent la peau, dissolvent
les globles rouges, précipitent la fibrine dans les
vaisseaux des reins et de la rate.
Pour avoir un diplocoque type, Foa et Scabiâ
ont injecté à des souris des crachats ou des exsu-
dats pneumoniques avec leurs viscères, tué des
lapins par suite d'injection d'exsudation séreuse
ou fîbrineuse [Giornale délia R. Acad, di medic.
di Torino, mai 1892). N'employant alors que la-
variété çedématogène, plutôt toxique que parasite,,
ils retirent le sang de l'animal inoculé et le con-
PNEUMONIE 251
servent vingt-quatre heures à 33<* ou 35<», à Tobscu.
rite, dans un vase scellé à la lampe.
Après quarante-cinq jours, le principe toxique
n'a pas encore disparu, même lorsqu'on a dessé-
ché sur Tacide sulfurique le précipité obtenu en
traitant l'extrait de sang par Talcool.
Foa et Scabia ont employé, comme milieu de-
culture du diplocoque, le sang d'un lapin. Au bout
d'un mois, ils le traitent par l'eau glycérinée à.
8 p. 100, filtrent et introduisent pendant cinq jours
consécutifs, sous la peau d'un lapin, 2 centimètres
cubes d'extrait. Ils infectent ce lapin, et un témoin,
quatre jours après la dernière injection. Le témoin
seul meurt ; l'autre possède encore son immunité
huit jours après»
Dix lapins sur douze, survécurent à la première
et à la seconde infection. Les deux autres étaient
atteints d'une maladie parasitaire du foie.
Lorsqu'un lapin meurt pneumonique, son sang
frais ou cultivé pendant huit jours fait immédiate-
ment périr les lapins. Si on ne le cultive que
vingt-quatre heures, à l'obscurité, à 16°-18°, on
remarque un nombre moindre et une atténuation
des diplocoques.
Foa et Scabia ont également prouvé qu'on peut
immuniser le lapin au moyen de l'extrait stérilisé
des organes des lapins infectés. Parmi les extraits
de système nerveux, de foie, de la rate, de muscles,
aucun ne jouit de propriétés bien accentuées. Ils sont
252 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
ensemble plus actifs que pris en particulier. L*extrait
musculaire est celui qui possède le moins d*activité.
VI
Foa et Scabia ont ensuite cherché si le sérum
du sang d'homme pneumonique peut immuniser
le lapin, lorsqu'on Tinjecte à doses fréquentes et
progressives, ou à doses élevées, dilué dans Teau
stérilisée. Le lapin ainsi traité n'a jamais résisté
à une infection ultérieure.
. Les auteurs n'ont pu également immuniser au
moyen de l'extrait de poumon humain pneumo-
nique.
On avait pensé que la rate était le siège de la
production d'une substance immunisante plus
active. Or, l'injection dans les veines de lapins
d'un extrait glycérique de rate de lapins réfrac-
taires ne les a pas empêché de succomber. Donc,
l'opinion précédente est fausse.
Néanmoins, si huit, quinze ou vingt jours après
la splénectomie de lapins, on leur inocule sous la
peau 2 centimètres cubes de vieux sang infecté, que
l'on répèle cette inoculation pendant cinq jours, et
que l'on fasse de même sur des lapins non splénec-
tomisés, on voit les deux séries résister, au bout de
quatre jours, à l'infection diplococcique. Donc, la
rate est un lieu de fabrication de la substance
itamunisante.
PNEUMONIE 2b 3
Son extirpation, ainsi que la saignée, et les di-
verses causes déprimantes constituent, il est vrai,
un obstacle à l'immunisation J qui ne se produit que
dans un organisme robuste. Néanmoins, on peut
prévenir les effets de l'infection diplococcique, ou
au moins les atténuer, chez l'animal splénectomisé,
en lui pratiquant une injection de sérum.
La conclusion générale, qui résulte de ces re-
cherches, est que tous les éléments de l'organisme
concourent à la production de l'antipneumo-
loxine.
D'après Foa et Scabia, le sang du chien, préven-
tivement infecté, les précipités alcooliques (1 à 10),
le sérum du chien (25 à 30 gr.) dissous dans l'eau
après dessiccation, celui du cobaye, n'ont aucune
action thérapeutique sur le lapin.
VII
Ces auteurs ont aussi expérimenté sur l'homme.
L'injection, répétée l2 ou 3 fois, de 5 à 7 centimètres
cubes de sérum, ou d'extrait d'organes de lapins
immunisés, sous la peau de 10 sujets, au deuxième,
quatrième, sixième jour de l'infection, ne déter-
mine aucune réaction ni amélioration. La crise a
eu lieu le deuxième jour après la première injec-
tion, et la convalescence a été régulière.
L'injection à deux jeunes pneumonique^ de 2 à
"llli IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
3 centimètres cubes de sérum de chien immunisé
n'a pas eu de résultat thérapeutique. La tempé-
rature est montée à 41» et la guérison a été
re lardée.
En 1892 {ÀJ'ch. de Méd. exp,), Arkharoffa vac-
ciné le lapin par l'inoculation de petites doses
jeunes et virulentes ou de fortes doses de cultures
anciennes. Son sérum atténue le pneumocoque
qu'on y a semé, et, de plus, en Tinjectantà des
animaux inoculés, il est possible d'entraver ou de
ralentir son développement.
On retrouve les mêmes propriétés dans le liquide
de l'œdème.
Klemperer a également donné [Berlin. Klin,
Woch., mai 1892) d'excellents résultats de l'appli-
cation de l'immunisation au traitement de 40 cas
de pneumonie chez l'homme.
En janvier 1893, Lava a annoncé, dans une
communication de l'Académie de médecine de .
Turin (voir Giornale délia R. Accad, di med. di
Torino) qu'il avait inoculé à 10 pneumoniques,
dans 5 cas. 4 à 9 centimètres cubes de sérum du
sang de lapin, dans 4, une dose semblable d'extrait
glycérique des viscères de lapins immunisés ;
dans un, 4 à 5 cenlimètres cubes de sérum de
chien.
Il ne s'est produit aucune révulsion au point
d'inoculation, aucun trouble subjectif général,
aucune influence ni sur la température, ni sur la
PNEUMOMIE -255
fréquence de la respiration. Au contraire, la fré-
quence du pouls est, d'une manière notable, pro-
gressivement influencée ; il en est de même de la
marche générale.
Les injections hâtent le début de la crise, favo-
risent sa résolution, et amènent rapidement un
rétablissement complet.
A la suite de la communication de Lava, Bozzolo
a rapporté que l'emploi de sérum de lapin, rendu
réfractaire, lui a donné chez 5 pneumoniques,
quatre fois une hypothermie rapide et la gniérison,
une fois l'hypothermie sans guérison. Il n'a observé
aucune influence sur le cœur, les reins et le
pouls.
Foa sature d'immunité le pneumonique par
une méthode qui lui appartient et affirme que,
100 fois pour 100, il obtient une immunité
durable.
Le sérum de lapin, recueilli trois, sept, quinze,
trente jours après qu'ils avaient été rendus réfrac-
taires, n'a eu aucun efl^et thérapeutique. Après
vingt-quatre heures, l'animal succombe générale-
ment de septicémie diplococcique ; on n'a pas le
temps de l'immuniser.
L'infection, chez l'homme, dure au contraire
plusieurs jours. Foa pense qu'on aurait de bons
résultats en pratiquant l'immunisation dès le
début.
En mars 1893 [Ann. Inst. Pasteur)^ Issaef a
2o0 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÊRAPIE
constaté que la réaction, produite par les toxines
pneumococciques, est plus forte chez les lapins
vaccinés que chez les témoins.
VIII
Le sérum des vaccinés a un pouvoir thérapeu-
tique, mais non antitoxique. Il ne diminue pas la
virulence du pneumocoque. Injecté à un vacciné,
ce microbe reste pathogène pendant dix-huit heures
environ; quarante-huit heures après, sa vitalité
s'accuse encore par une production de toxines,
provoquant une chimiotaxie positive des phago-
cytes.
Dans ZAegler^ Beitr. zur PathoL Aiist. , tome XIl,
1893, Pansini a constaté l'action curative du
sérum d'animaux immunisés dans l'infection diplo-
coccique du lapin. Ce sérum empêche l'infection
non seulement chez eux, mais chez d'autres ani-
maux. Son action curative est indépendante de
son pouvoir bactéricide. Cette action se conserve
pour le sérum humain, lorsqu'on le maintient,
dans des tubes fermés, à la température de la
chambre. Le sérum des immunisés possède, en
même temps que l'action curative, un fort pouvoir
bactéricide.
' Il faut également signaler que Audeoud (Rev.
méd. de la Suisse romande^ 1893) a pratiqué
PNEUMONIB 257
chez des pneumoniques des injections hypoder^
iniques de sang de convalescents.
Il injectait dans le tissu cellulaire de la cuisse
2 à 3 centimètres cubes de sang, pris avec une
seringue de Pravaz, dans une veine du pli du coude.
Une première fois, une crise est survenue au
cinquième jour de la pneumonie, treize heures
après l'injection, et au bout de quinze heures
survient une deuxième crise. Le septième jour eut
lieu une chute définitive de la fièvre et la résolu^
tion.
Dans une seconde observation, Audeoud a vu
survenir la crise définitive le cinquième jour dans
les douze heures qui ont suivi Tinjection.
Le sang d'individu sain n'a pas d'ailleurs produit
d'influence notable.
D'après le même auteur, Hugues (de Phila-
delphie) aurait obtenu un bon effet chez un
pneumonique, en lui transfusant du sang d'un
convalescent.
Audeoud explique la crise naturelle de la pneu- ^
monie par la théorie de Klemperer. Ce serait
rantipneumotoxine, formée dans le sang du
vacciné, qui, en neutralisant la pneumotoxine,
guérirait l'infection pneumonique.
IMMUNISATION 17
CHAPITRE VIII
CHOLÉRA
1
Les microbes ont été recherchés dans les selles
cholériques depuis 1848. Celui du choléra n'a été
sérieusement étudié que, depuis le jour, où Koch Ta
isolé des flocons blanchâtres riziformes des selles,
où il est toujours accompagné d'autres bacilles de
rintestin, par lesquels il avait été caché aux yeux
de Koch dans ses recherches en Egypte. Il ne fut
bien vu que dans des cas de choléra foudroyant
observés à Toulon par Straus et Roux, et à Paris
par Gornil.
Le bacille, qui ne se colore pas par la méthode
de Gram, mesure de 1,5 \l à 2,5 \i. de long et 0,5 \l
h 0,6 Y de large; il est recourbé en arc, d'où le
nom de bacille virgule. Il se présente quelquefois
sous la forme d'un iS italique, par l'adjonction bout
à bout de deux bacilles. Gornil et Babès ont décrit,
dès 1884, des flagella à ces bacilles. Neuhauss
et Lœffler les ont bien mis en évidence en 1889.
CHOLÉRA 259
Eq se développant dans des milieux artificiels, ils
subissent des modifications morphologiques, ils
deviennent plus courts et plus étroits. Dans des
cultures anciennes, on peut trouver des formes
en spirale. Par culture sur gélatine, les bacilles
perdent la faculté de fixer les matières colorantes.
Si l'on empêche leur multiplication (addition
de 10 p. 100 d'alcool) on obtient des spirilles
(Babès et Gornil). Suivant les conditions du milieu,
le bacille cholérique peut donc présenter un poly-
morphisme considérable. Une culture vieille de
quelques heures seulement se colore en rose
violet par addition de o à 10 p. 100 d'acide chlor-
hydrique pur [Choléra^ Roth).
II
Le bacille du choléra vit peu de temps dans
les matières fécales. Des matières fécales et de
l'urine additionnés d'une culture de bacilles et
exposés à une température de 20°, deviennent
stériles au bout de quatre-vingt-seize heures, à
8** au bout de vingt-quatre heures (Uffelmann).
Si le malade est atteint de diarrhée, le bacille
ne survit plus au bout de quarante-huit heures
à 20** et vingt-quatre heures à 8°.
Hueppe a montré, contrairement à Koch, que le
bacille virgule supportait la dessiccation et que
360 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
sa virulence était accrue en l'absence de l'oxygène.
Wood a montré que les microbes anaérobies
facultatifs sont beaucoup plus sensibles à Tétat
d'anéorobiose qu*à l'état d'aérobiose. Sur le sol,
les microbes vivant en contact avec l'oxygène
deviennent aérobies et par conséquent beaucoup
plus résistants. Cette résistance dépend aussi des
variations de niveau de la nappe liquide souter-
raine. Lorsque ce niveau est élevé, les microbes
sont à l'abri de l'oxygène et anaérobies; si ce
niveau est bas, le sol est imprégné d'oxygène et les
microbes sont aérobies (Hueppe et Wood).
Les eaux stagnantes sont de bons milieux de
culture. Dans l'eau distillée, il ne vit que douze
heures, tandis qu'il résiste sept jours dans l'eau de
boisson (Babès), sept mois dans Teau de rivière
ou de puits (Wolfhiigel).
Son optimum de développement est entre 30
et 40**; mais il se développe à partir de 20®. Il
résiste à 10®. Il vit plusieurs jours à 45°, mais est
tué à 50® au bout de quelques jours, et rapide-
ment à 75®. Il peut passer tout un hiver à lair
libre (Babès).
Les acides, d'une manière générale, sont nui-
sibles aux bacilles cholériques. Le bichlorure de
mercure, le sulfate de cuivre, la quinine sont les
plus puissants des antiseptiques vis-à-vis de ces
microbes.
Le bacille virgule ne s'observe dans l'intestin
CHOLÉRA 26d
que dans les cas de choléra. Il est surtout aérobie
sa culture se développe lentement sans air.
Le choléra spontané n'existe pas en dehors de
rhomme. On observe quelques symptômes cholé-
riques après rinjection des cultures dans le duo-
dénum (Micali, Gornil, Babës, etc.). Koch a tou-
jours produit le choléra mortel chez le cobaye,
en ayant soin d'alcaliniser préalablement Testo-
mac et d'immobiliser Tintestin par Topium.
L'inoculation du virus cholérique n'a jamais
réussi à produire le choléra chez Thomme. Bou-
chard a reproduit les expériences de Koch sur le
cobaye et a obtenu les mêmes résultats bien que
remplaçant la culture cholérique par de la vieille
culture pyocianique, ou même un bouillon aigri
à Tair. Le même auteur a isolé des matières
fécales et de l'urine des cholériques un alcaloïde
spécial déterminant, par son injection, des troubles
morbides. Villiers, Pouchet, etc. ont isolé des
ptomaïnes. Plus récemment, Gamaléia a isolé
deux substances : une vaccinale (peptone) produi-
sant l'hypothermie et l'inflammation locale, l'autre
(ieucalbumine) produisant la diarrhée et les con-
vulsions.
III
En 1884, Emmerich trouva dans le sang et les
viscères des cholériques un bacille qu'il considéra
262 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
comme celui du choléra, il est pathogène pour
les animaux. Weisser démontra la ressemblance
avec le bacterium coli commune.
Ils produisent des lésions locales et des phéno-
mènes généraux. Ils ne franchissent jamais les
couches de la muqueuse intestinale.
La thèse de Koch, qui fait du bacille virgule
Tagent du choléra, a été pendant longtemps l'objet
de vives attaques, se basant sur le fait que dans
d'autres circonstances, dans le choléra nostras,
on trouve des organismes semblables dans le mu-
cus buccal. On a démontré que ces organismes se
distinguent facilement du bacille de Koch.
On a encore objecté que ce bacille ne se ren-
contre pas dans tous les cas de choléra. Lesage et
Macaigne ne l'ont pas trouvé, à l'hôpital Saint-
Antoine, dans 33 cas sur 95 sujets morts du cho-
léra. Les conclusions de ces recherches ont été
démenties en Allemagne, ainsi que l'a rappelé
Gaffky au douzième congrès allemand de méde-
cine interne tenu à Wiesbaden du 12 au 18 avril
1893. A Hambourg, on a rencontré le bacille dans
tous les cas mortels survenus dans les six premiers
jours de l'épidémie. A l'hôpital Moabit de Berlin,
sur 207 individus atteints de choléra nostras sans
bacille, un seul succomba. Sur 30 qui présen-
taient des bacilles, on constata la moitié de décès.
Cependant, il faut savoir que d'autres microbes
que le bacille virgule, par exemple le strepto-
CHOLÉRA 263
coque, peuvent déterminer de la diarrhée enf
temps d'épidémie chronique.
D'après Gunningham, différents vibrions se
rencontrent dans le choléra ; nous verrons, plus
bas, l'opinion exprimée récemment par Metchni-
koff.
Le nombre des bacilles présents dans les selles
n'est pas en rapport avec la gravité du choléra.
C'est ainsi que dans les atteintes légères il y a des
cultures pures, tandis qu'on n'observe dans les
cas graves que quelques colonies au milieu de
divers autres bacilles, surtout le bacterium coli
La difficulté qu'il y a à donner le choléra aux
animaux et à l'homme lui-même a ^mené beau-
coup de savants à renier le bacille virgule dans
le choléra, malgré sa présence constante dans les
selles.
IV
Nous avons dit dans un *fautre chapitre que
Ferran (de Barcelone), avait, pendant une épidé-
mie qui sévissait en Espagne, vacciné contre le
choléra. Il inoculait directement à l'homme 1/2 à
i centimètre cube d'une culture pure et virulente
de bacille du choléra; cette injection hypoder-
mique était faite dans la région brachiale du
niveau des triceps, cinq jours après il injectait
264 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
1 centimètre 1/2 de la même culture, puis 2 cen-
timètres cubes. M. Ferran déclare qu'il a expéri-
menté ces inoculations un très grand nombre de
fois (plus de 300,000 fois), et qu'elle est inofFensive
pour rhomme. Il ajoute toutefois qu'elle ne fait
pas avorter le choléra en incubation, et que son
vaccin doit être injecté à Thomme au moins cinq
jours avant toute atteinte. Cet éminent expéri-
menteur ne parait pas avoir essayé la méthode de
Behring contre la bacille virgule.
Petenkofer, absorbant une grande quantité de
vibrions, après avoir avalé de fortes doses d'alca-
lis, fut sujet à de la diarrhée pendant cinq jours,
mais ne ressentit aucun trouble du côté de l'état
général et des reins. Les bacilles ne disparurent
des selles que le neuvième jour.
Prenant la dixième partie de la dose de Peten-
kofer, Emmerich eut une première selle vingt-
quatre heures après, et fut plus gravement ma-
lade. Sa diarrhée dura quatre jours, et les baoîlles
disparurent le onzième.
Au Congrès de Budapest, qui s'est tenu du l®*"
au 9 septembre 1894, MetchnikofFa rappelé qu'il
avait avalé de grandes quantités de vibrions sans
rien éprouver. Par contre, PfeifTer et Poulet ont
pris, malgré eux, le choléra au laboratoire de
Koch. Il existe de même un cas positif à l'Institut
Pasteur. Il y a donc un facteur causal inconnu; il
faut considérer les lieux et les temps. C'est ainsi
CHOLÉRA 265
que Teau de Seine, dans laquelle Sanarelli a
découvert en 1893 le microbe du choléra, a été
inofTensive pour les Versaillais.
On ne peut aujourd'hui admettre, comme autre-
fois, que les bacilles cholériques trouvent, dans ces
lieux, des conditions défavorables à leur pullula-
tion. D'autre part, ni la neutralisation du suc
gastrique, ni la propriété spéciale des noyaux des
cellules endothéliales, qu'a supposée Klemperer,
ne peuvent expliquer l'absence d'épidémie cholé-
rique. InofTensive par le canal intestinal, l'injection
de vibrion dans le péritoine intoxique les rongeurs.
C'est alors que MetchnikofT a eu l'idée d'étudier
le rôle des associations microbiennes dans la
genèse du choléra. Semant des vibrions cholé-
riques virulents dans des conditions défavorables
sur de la mauvaise gélatine ou de vieux microbes
sur de la bonne gélatine, il a constaté que ces
derniers ne poussaient pas, mais que, si l'on raye
la gélatine d'une strie et qu'on sème un autre
microbe, on les voit se développer sur la strie et
à une faible distance d'elle. Un microbe défavo-
rable entrave le développement malgré la pré-
sence d'un microbe favorable, et, chose curieuse,
les microbes les plus favorables ont des levures ana-
266 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
logues avec les ve'ritables levures et les sarcéines,
Or, on sait la fréquence de ces dernières dans
l'estomac de Thomme.
D'après MetchnikofF, ce n'est pas l'alcalinité
de Testomac qui est nécessaire pour déterminer
sûrement le choléra, mais bien les microbes qui
pullulent dans l'estomac humain. Ainsi, lorsqu'on
est indemne de choléra malgré la présence du
bacille de Koch, c'est qu'il y a peu de microbes
favorables et beaucoup de défavorables. Grâce au
rôle qu'il fait jouer aux microbes favorisants et
empêchants des organes digestifs, Metchnikoff
explique des faits d'épidémiologie qui paraissaient
en désaccord avec la théorie du bacille virgule
et surtout l'influence incontestable du temps et
des lieux.
Au même Congrès de Budapest, Gruber a opposé
à Metchnikoff ce fait que dans le choléra il ne faut
pas tenir compte d'un germe unique mais qu'il
existe des races et des espèces distinctes, les unes
très virulentes, les autres peu, quelle que soit la
dose administrée.
VI
Il ressort de ces derniers travaux que le bacille
virgule, dont nous avons, au début de ce cha-
pitre, étudié les principaux caractères, est bien la
cause du choléra.
CHOLÉRA 267
Ce qui nous manque pour l'étude expérimentale
de la maladie, ce sont des animaux sensibles, non
doués de Tétat réfractaire.
Depuis longtemps, on savait, surtout après Koch,
que le pouvoir pathogène d'un microbe réside, le
plus souvent, dans l'intoxication déterminée par
ses produits. Hueppe et Pfeiffer l'ont montré pour
le bacille du choléra. L'injection intra-péritonéale
de 1 centimètre cube de sa culture tue le cobaye
au bout de deux heures. L'injection intra-veineuse
est également rapidement mortelle pour le lapin.
Nous avons passé en revue, dans le chapitre de
rimmunité acquise, les tentatives de vaccination
contre le choléra qui ont été réalisées dans ces
dernières années. Il serait hors de propos d'y
revenir. Mais elles devaient fatalement amener à
des méthodes d'immunisation, et s'il faut avouer
qu'aucun résultat définitif n'a encore été obtenu,
on a eu lieu d'espérer que les découvertes de
Behring ne tarderont pas à porter leur fruit dans
ce domaine.
VII
L'étude du sérum d'animaux vaccinés contre le
vibrion avicide et contre le vibrion cholérique a
donné des résultats remarquables. Behring et
Niessen, pour le vibrion avicide, Zasslein, pour le
choléra, ont démontré que ces vibrions poussent
268 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
facilement dans le sérum des cobayes neufs, mais
sont complètement détruits dans celui des cobayes
vaccinés.
Néanmoins, les premières tentatives de sérum-
thérapie sont dues à G. Klemperer {Berlin. Klin,
Woch., 12 déc. 1892; Denis, med. Woch., 1892).
Il a opéré avec des cultures pures, de virulence
telle qu'un cobaye succombait en douze à vingt-
quatre heures, à la suite de Tinjection intra-péri-
tonéale de 1 centimètre cube de bouillon ense-
mencé avec un tube d'Agar, mis à 37^ pendant
vingt-quatre heures.
Les lapins sont très sensibles au poison cholé-
rique. Huit centimètres cubes de culture chauffée
à 70® pendant douze heures, dont 3 centimètres cubes
sont inoffensifs sur un cobaye de 400 grammes,
peuvent en injection intra-veineuse tuer un lapin
de 2,000 grammes en vingt-quatre heures. On peut
immuniser, en employant des doses plus faibles;
pour cela, le mieux est d'injecler dans la veine
auriculaire, à deux jours d'intervalle, quatre fois
3 centimètres cubes de la culture à 70^ Trois jours
après la dernière injection, on en a immunisé
contre l''*',5 de culture virulente. L'injection intra-
péritonéale du sérum sanguin de ce lapin immu-
nise le cobaye contre une dose mortelle.
Deux centimètres cubes de ce sérum sufflsent
pour l'immunisation d'un cobaye de 400 grammes.
Un lapin était ainsi immunisé contre la pneu-
CHOLÉRA 269
monie. Son sérum sanguin immuniâa le cobaye
contre le choléra et la souris contre la pneumonie,
fait qui confirme l'idée des immunités simultanées
de Klemperer.
VIII
Après ces essais théoriques de sérumthérapie,
Klemperer a fait ingérer le bacille cholérique à
des cobayes, dont il avait neutralisé l'estomac et
paralysé l'intestin par l'opium. La mort arrive en
un à trois jours avec des symptômes graves de cho-
léra infectieux. L'introduction par la bouche, chez
le cobaye, de 5 centimètres cubes de culture en
bouillon amène sûrement la mort; 3 à 4 centi-
mètres cubes donnent un résultat incertain.
Klemperer pense que, par la voie buccale, il
n'y a pas infection comme chez l'homme, mais
intoxication. En tout cas, comme l'intoxication
par la voie péritonéale et intestinale ressemble à
celle du choléra humain, il était légitime de songer
à vacciner contre la première comme on l'a fait
contre la dernière.
En effet, Klemperer a pu vacciner contre l'in-
toxication intestinale en inoculant des cultures
immunisantes.
Il a ensuite, pour la première fois, pratiqué
l'immuni^tion contre la voie stomacale. C'est
ainsi que trois jours après l'ingestion de 5 à 8 cen-
270 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
timëtres cubes de caliure chauffée douze heures
à 70^, les animaux sont vaccinés contre une dose
mortelle.
Avec Taide de Krûger, il a cherobé à atténuer
des cultures cholériques au moyen d^im courant
électrique constant. Un courant de 20 nûUiam-
pères, agissant vingt-quatre heures sur une cul-
ture datant d'un jour, amène la destruction com-
plète des bacilles et Talténuation de ses toxines.
On produit ainsi le même résultat qu'en chauffant
le bouillon deux heures à 70^
IX
En 1893 {Deuts. med. Woch.), Pawlowski et
Buchstab ont cherché, par la sérumthérapie, à
neutraliser les pepto-toxines du bacille de Koch.
Ils ont vacciné 20 lapins et 20 cobayes, en leur
injectant d*abord des cultures portées à la tempé-
rature limite du développement du bacille, puis
d'autres moins virulentes, et en dernier lieu celles
du virus exalté par le passage à travers divers
organismes. Les injections étaient pratiquées dans
le péritoine et sous la peau. Enfin, on introduisait
le bouillon dans l'estomac avec une sonde.
Pawlowski et Buchstad ont aussi étudié l'action
thérapeutique du sérum de chiens immunisés. Ils
ont constaté in vitro son énergique pouvoir bac-
CHOLERA 271
téricide. Il est impropre à la culture du bacille de
Koch. Il suffit même que le bouillon peptonisé en
soit additionné pour qu'après vingt-quatre heures,
il ne donne plus la réaction de Bonioide (colora-
tion rouge bleuâtre de Tindol par HCl).
L'injection de 0'%1 ou même de O^^^â de sérum
d'animaux fortement vaccinés produit une immu-
nisation rapide. En se servant de la méthode de
Bruger-Ehrlich, ils ont trouvé un pouvoir immu-
nisant maximum de 1 sur 130,000.
Des lapins témoins, inoculés avec 5 centimètres
cubes de culture, succombèrent tous, tandis que
sur 16, qui avaient reçu sous la peau du sérum
immunisé une, trois ou cinq heures après cette
inoculation, quatre seulement moururent.
D'après les auteurs de ce travail; le sérum
immunisé posséderait une action mécanique : il
coagulerait par son albumine les toxines instables.
Ajoutons que l'injection de 1 centimètre cube de
sérum a été inoffensive sur l'un d'entre eux.
' Au douzième congrès allemand de médecine
interne (12-18 avril 1893, Wiesbaden), Rumpf, de
Hambourg, a pratiqué des injections de sérum chez
des malades. Il l'a fait sans succès dans 35 cas.
> Dans le Wratch (voir aussi Bulletin médical.
272 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
27 mai 1893), Triwouse s'élève contre remploi de
tout moyen antiseptique dans le traitement des
infections aiguës. D'après lui, cette intervention
est non seulement inutile, mais nuisible, car, en
même temps que le bacille sécrète des toxines, il
fabrique des bactériotoxines. < En tuant les mi-
crobes devenus salutaires, on pourrait tuer le
malade. » Ce qu'il importe de faire, c'est de venir
en aide à la production de l'immunité. Aussi, Tri-
wouse conseille-t-il, dans le choléra, d'injecter 1«
sérum d'un animal vacciné contre cette infection,
ou mieux, de transfuser un peu de sang d'un indi-
dividu convalescent de choléra, sous prétexte que
le sérum ou le sang renferment des bactério-.
toxines.
Lors de l'épidémie de Hambourg, les médecins
allemands ont pratiqué des injections hypoder-
miques de sérum.
Michael a vu une anurie, persistant depuis
quatre jours, disparaître une demi-heure après
l'injection.
Lazarus {Berlin, klin. Woch.j 1892) a constaté
que le sérum sanguin des convalescents de cho-
léra peut prévenir la mort des cobayes qui reçoi-
vent ensuite une injection intra-péritonéale de
bacille cholérique. .La dose minima, pour cela,
est de 1 décimilligramme.
Klemperer a également repris, au point de vue
pratique, ses expériences physiologiques que nous
- CHOLÉRA 273
avons signalées plus haut. II a constaté, sur deux
malades convalescents de choléra, que 1 centi-
gramme du sérum de Vun, et 50 centigrammes du
sérum de l'autre suffisent pour immuniser le co-
baye contre une dose mortelle.
Ayant injeqté sous la peau d'un étudiant 5 cen-
tigrammes de cultures atténuées par le chauffage
et de 3 gr. 1 de cultures virulentes, il vit son sérum,
qui n'était antitoxique qu'à la dose de 1 gramme
et demi, le devenir au point que 5 milligrammes
suffisaient à immuniser un cobaye.
Ingérant en quarante-sept jours, un demi-litre
de cultures cholériques, préalablement chauffées à
70® pendant deux heures, Klemperer a vu le pou-
voir antitoxique de son sérum devenir 28 fois plus
fort.
Il a pu également immuniser le cobaye par l'in-
jection de 8 centigrammes de lait de chèvre vacci-
née. L'inoculation hypodermique de 8 centimètres
cubes de ce môme lait peut également conférer
au sérum de l'homme un pouvoir microbicide»
Il faut rapprocher de cette tentative de lacto-
thérapie celle, de Ketscher (Société de biologie,
20 octobre 1892).
Dans le British med, journal (9 septembre 1893),
Kanthack (de Liverpool) et Wesbrock (de l'Univer-
sité de Cambridge) ont publié un excellent travail
sur l'immunité contre le choléra. Nous n'en
extraierons que ce qui est relatif à la sérumthé*
IMMUNISATION. 18
274 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
rapie. Comme Ta montré Vincensi, le sérum de
cobayes vaccinés par diverses méthodes peut efn
immuniser d'autres. De plus, le sérum d*un ani-
mal vacciné par la méthode d'Haffkine ou par des
injections successives de culture chauffée à 65
ou 100®, immunise d'autres cobayes contre le virus
fort de ce savant, et contre Tinjection intra-péri-
tonéale de fortes doses de cultures virulentes.
Un des expérimentateurs, qui s'était injecté sous
la peau du bouillon virulent, n'a eu qu'une réac-
tion locale légère contre un demi-tube de virus de
Haffkine. Ceci semble indiquer qu'on a tort de dis*
tinguer les poisons métabolique et intra-cellulaire»
De plus, la loi de Klemperer, dont Behring est
partisan [Deut. med. Woch., avril et mai 1893), est
que le sérum d'un vacciné contre le choléra n'im-
munise que contre cette infection. Elle est en
opposition avec la théorie de Klein [Brit. med,
journ., 23 mars 1893). Il en est de même de ce
fait que le sérum de l'un des expérimentateurs
. vacciné par la méthode de d'Haffkine ne préserve
pas le cobaye des accidents des bacilles prodigio-
sus et pyocyanique-
CHAPITRE IX
VARIOLE
I
Le microorganisme de la variole n'est pas
encore déflnitivement établi, comme je l'ai dit
dans un autre chapitre. J'ai bien découvert dans
la lymphe d'une pustule variolique un micro-
coccus en tout semblable (un peu plus gros cepen-
dant) , au micrococcus de la lymphe vaccinale. J'ai
pu cultiver ce coccus à une température de 37<>, et
reproduire sur le flanc d'une génisse de belles
pustules. Cette première génisse ainsi vaccinée
avec de la variole de laboratoire est devenue
réfractaire à toute inoculation de pus variolique
ou de cow-pox. Je n'ai jamais essayé d'immuniser
des animaux avec des produits solubles de ces
cultureS) qui sont cependant très riches.
Auché a tenté {Arch, clin, de Bordeaux, 1893),
la sérothérapie dans la variole; Dans une première
observation, il a vu que le traitement avait per-
mis d'éviter la suppuration. Mais il considère ce
résultat comme une pure coïncidence.
276 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Chez les autres sujets qu'il a traités, Âuché n'est
pas arrivé à arrêter le cours de la maladie.
II
M'inspirant des travaux publiés par Straus, j'ai
fait moi-même une série d'expériences dans cet
ordre d'idées. J'ai vacciné des génisses avec du pus
variolique, d'après la méthode de Haccius, de Ge-
nève. Les pustules se développent bien sur le flanc
de l'animal, qui est abattu le huitième jour, c'est-
à-dire au moment où la maladie atteint sa période
d'état. J'ai recueilli le sérum et je l'ai utilisé pour
traiter des varioliques. Je possède 8 observations
de varioliques où la sérumthérapie fut appliquée.
L'injection du sérum a été faite chez tous mes
malades dès le troisième ou le quatrième jour de
l'éruption. Dans un cas, cependant, de variole
confluente, compliquée d'albuminurie, je ne fus
appelé que le septième jour. A cette date, tout le
corps était littéralement envahi et j'eus de la peine
à trouver une parcelle cutanée pour faire ma
piqûre. La température atteignait 41* au moment
de l'injection Le soir même de cette inoculation,
la température n'atteignait plus que 38® et tous les
symptômes généraux graves disparurent. Disons
cependant que les pustules suppurèrent mais la
réparation cutanée fut prompte et la convales-
VARIOLE 277
cence rapide. J'ai injecté à ce malade S centimètres
cubes de sérum, 6 fois, c'est-à-dire qu'il a reçu en
tout 30 centimètres cubes.
Les 4 autres varioliques furent traités de la
même façon, mais dans de meilleures conditions
Je fus appelé de bonne heure, le deuxième, le
troisième ou le quatrième jour, dans des cas de
variole discrète. Je pratiquai à mes malades immé-
diatement une inoculation de sérum (5 centimètres
cubes), inoculation que je répétai 5 fois. Après
la première injection la température céda, aucun
accident septique ne se produisit : j'eus même la
satisfaction de faire avorter la suppuration. Les
varioliques entrèrent en convalescence le neu-*
vième ou le dixième jour.
Cette expérience clinique est facile à renouveler
puisqu'on peut immuniser les génisses par du
cow-pox ou du pus variolique, renouveler ainsi le
sérum qu'on a l'occasion fréquente d'injecter aux
varioliques.
CHAPITRE X
SEPTICÉMIE
I
Le streptococcus de Fehleisen (erysipelatis), qui
cause l'érysipèle, fut découvert par Nepveu en
France et Hueter en Allemagne (1868-1880), et
est formé d*un chapelet de cocci mesurant en
moyenne 0,3 |x. Il se colore bien par le violet
de méthyle. Il est anaérobie et aérobie et se cultive
mieux dans le vide. L'inoculation d'une culture
pure faite à des hommes et même à des animaux
(Fehleisen) donne toujours Térysipède. Il offre de
grandes ressemblances avec le streptococcus pyo-
genesdeRosenbach,aveclesstreptococcideOgston,
les chaînettes de Lôffler, le microbe du phlegmon,
de la fièvre perpuérale.
II
Les inoculations de ces streptococci s'accom-
pagnent de tumeurs inflammatoires et de phleg-
SEPTICÉMIE ' 279
mon, ce qui n*a jamais lieu pour Térysipède
franc. Quand on injecte- un mélange de micro-
coccus pyogenes et de streptococcus deFehleisen,
on voit se développer un érysipèle avec suppu-
ration (Tricorni). Pour F. Widal, il y a iden-
tité entre Térysipèle et Tinfection puerpérale :
d'abord analogies cliniques, puis résultats positifs,
qu'il a obtenus en essayant de provoquer Téry-
sipèle par injection, à des animaux, de strepto*
coques recueillis dans T utérus de femmes atteintes
d'infection puerpérale.
Sur trois cas d'érysipèle obtenus expérimentale-
ment par Widal^ deux fois la culture injectée avait
été fournie par le pus d'un abcès. Il a de même
observé que le microbe de l'érysipèle humain
déterminait chez les animaux et la plaque érysi-
pélateuse et le foyer de suppuration.
Le même auteur a prouvé expérimentalement
que le streptocoque retiré du pus, après un
passage à travers le lapin, en même temps qu'il
acquiert une nouvelle virulence, perd ses qua-
lités pyogenes et devient apte à produire l'éry-
sipèle. Par la culture sur pomme de terre, ce
microbe perd la faculté de former des chaînettes ;
il la retrouve par culture dans un bouillon de
viande-peptone.
Lewy a obtenu des résultats analogues.
Mosny a établi (1891) que le streptocoque
pyogène que l'on trouve constamment dans la
380 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
foirme lobulaire de la broncho-pneumonie, était
identique avec celui de l'érysipèle : même mor-
phologie, même action sur le lapin, etc.
Pour Bouchard, le streptocoque déterminant les
infections secondaires de la grippe, celui de
Térysipèle, de l'infection puerpérale, de l'infection
purulente, des pseudo-rhumatismes, ne font qu'un.
* Le streptococcus erysipelatis se trouve aussi
dans le sang et dans la plupart des parenchymes. •
La septicémie des souris est une affection,
décrite par Koch en 1878, et qui est causée par
un streptocoque.
III
Klemperer l'a étudiée au point de vue de l'im-
munisation. .
Avec le sérum du sang de lapins rendus réfrac-
taires par l'injection iiitra-veineuse, il a pu obtenir
la guérison chez la souris. La dose injectée était
de 0,5 à 1 centimètre cube.
De plus, le sérum ne guérit que l'affection
contre laquelle l'animal d'où on Ta retiré a été
vacciné.
En 1893 (Soc. de [biologie, 15 avril), Nironoff
a entrepris au laboratoire de Straus des expé-
riences, ayant pour but de voir si Ton peut immu-
niser le lapin contre le streptocoque et utiliser
son sérum dans le traitement de la septicémie.
SEPTICÉMIE 281
La conclusion a été qu'on peut immuniser cet
animal par l'injection sous la peau de 3 à 6 cen-
timètres cubes d'une culture de streptocoque
vieille de trois jours et chaufTée vingt minutes
à, 120®, et que son sérum peut alors, à la dose
dé 3 à 4 centimètres cubes par kilogramme, soit
arrêter la septicémie aiguë, soit lui donner une
marche chronique avec formation de processus
septiques locaux.
.Plus récemment encore (Soc. de biologie,
23 février 1895), Marmoret a pu, en faisant
passer le streptocoque un grand nombre de fois
chez le lapin, lui donner une virulence extraor-
diùaire, au point que l'injection hypodermique d^
1 cent-milliardième de centimètre cube de culture
tue le lapin en trente heures.
L'inoculation de ce microbe virulent ou de sa
toxine, immunise les lapins, qui fournissent alors
un sérum préventif et curatif.
IV
A la suite de cette communication Charrin et
Roger ont rapporté leur tentative de sérumthé-
rapie contre la fièvre perpuérale. Des cultures de
streptocoque de Térysipèle dans du bouillon ont
été, au bout de dix jours, concentrées au bain-
marie et réduites au dixième de leur volume pri-
282 IHlfUNISATION ET SÉRUHTHÉRAPIB
mitif. On les porte ensuite à Tautoclave à 115^
sans filtrer, et on pratique dans une veine d'un
mulet, à quinze jours d'intervalle les unes des
autres, 8 injections de 30 centimètres cubes cha-
cune. Elles n*ont produit aucun trouble notable.
S*étant assuré du pouvoir curateur du sérum de
ce mulet, recueilli quinze jours après la dernière
injection, Charrin et Roger ont injecté sous la
peau d'une femme atteinte de fièvre perpuérale
8 centimètres cubes de sérum. Le lendemain,
aucune amélioration. Nouvelle injection de 8 cen-
timètres cubes. Le surlendemain, la situation est
un peu meilleure, mais toujours sérieuse. On
introduit alors 25 centimètres cubes. Cette inter-
vention amène, dès le lendemain, une amélio-
ration rapide : chute de la fièvre, bon état général,
et la convalescence s'établit rapidement.
CHAPITRE XI
SYPHILIS
I
On ne connaît pas encore Tagent pathogène de
la syphilis.
Cette maladie étant contagieuse, on a cherché
de bonne heure à trouver son microbe spécifique:
Klebs, Aufrecht, Birch-Hirschfeld, Morison, etc.
en ont décrit qui n*ont certainement aucun rapport
avec la syphilis. Lussgarten (1884-1885) crut
l'avoir trouvé lorsqu'il décrivit un bacille vivant
dans le chancre induré et dans les gommes, et pré-
sentant de grandes analogies avec ceux de la lèpre
et de la tuberculose. Doutrelepont a décrit un
bacille, qu*il croit spécifique, mais qu'il n*a pu
cultiver.
La présence de microcoques dus à une infection
secondaire est donc constante, mais ces micro-
coques n'ont aucune relation avec la syphilis.
Même si Ton arrivait à obtenir des cultures d'un
bacille dont la présence serait constante, on ne
284 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
pourrait s'assurer de sa spécificité. On ne connaît
en effet aucun animal qui soit susceptible de con-
tracter cette maladie, malgré les expériences à
première vue contraires de Legros (cochon dinde),
de Garenzi (génisse), de Klebs (singe), de Marti-
neau (porc et singe), les lésions relevées par ces
divers auteurs étant dues à une septicémie pro-
duite par un agent injecté en même temps que le
virus syphilitique.
Malgré ces insuccès, le microbe de la syphilis
doit être très semblable à ceux de la lèpre et de la
tuberculose, les lésions qu'ils provoquent tous
trois ayant une incubation et une évolution lentes.
II
Les méthodes de sérumthérapie dans la syphilis,
ont rçposé tantôt sur l'inoculation du sang d'ani-
mal réfractaire, tantôt sur celle de sang de syphi-
litique. De tous les animaux, le cheval est peut-
être seul le qui soit capable de syphilisation. Le
choix des sérums antisyphilitiques ne. manque
donc pas.
Aussi Tommasoli a-t-il tenté {Rlf, med.^ 1893.
Intem. Klin. Rundschau, 1893. Gazetta degli
ospitali^ 1892. Giom. italiano délie malaUie
venere, nov. et déc. 1892), principalement sur des
filles publiques au stade de syphilis secondaire
grave, l'injection du sérum du sang d'agneau et
SYPHILIS 285
de veau à la dosé de 2 à 8 centimètres cubes
chaque fois, de façon à atteindre une dose totale
de 32 à 49 centimètres cubes en 6 injections
d'ordinaire, une fois en treize jours, le tout
dans un intervalle d'au plus deux à trois se-
maines.
Dès la huitième semaine de traitement, il y avait
disparition ou atténuation des accidents syphi-
litiques, chez la plupart des malades, il ne s^est pas
montré de récidive même dix mois après la cessa-
tion du traitement.
D'après Tommasoli, cette médication guérit
non seulement les accidents, mais l'infection syphi-
litique elle-même.
III
Cependant, elle offrirait quelques inconvénients.
Parmi les plus constants, il y a une fièvre tran-
sitoire, suivant de quelques heures l'injection, et
que les conditions aseptiques du sérum et du mode
opératoire empêchent de rapporter aune infection ;
de la tuméfaction et de la douleur au siège de
l'injection, symptômes passagers qui ne se pro-
duisent pas aux premières injections, mais seule-
ment quand on injecte 4 centimètres cubes au
moins; enfin, surtout chez les débilités, du malaise
avec parfois de la céphalée et des troubles gas-
triques. '
â86 DCMUmSATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Il convient de citer, parmi les phénomènes acci-
dentels, un érythème survenant surtout chez les
femmes leucorrhéiques, des défaillances, de la
pâleur, de Thypothermie dans Tintervalle des injec-
tions.
IV
Avant Tommasoli, KoIIniann {Deuts. med.
Woch.^ 1892) avait pratiqué sans succès les injec-
tions de sérum de mouton, veau, chien, lapin,
dans 3 cas de syphilis secondaire, 3 autres de
chancre mou, 1 de psoriasis, 3 de blennorragie
aiguë, 1 de blennorragie chronique et un autre
de catarrhe vésical.
Les S2 injections qull fit chez les 9 malades
non syphilitiques ne déterminèrent absolument
aucune réaction. Les résultats furent nuls chez les
3 syphilitiques que Kollmann suivit pendant un
an et demi et plus.
Le sérum était injecté à la dose de 6 centimètres
cubes; les malades le supportèrent sans inconvé-
nient.
Forcé de recourir au traitement mercuriel
intensif, Kollmann a eu des récidives dans
i cas.
Tommasoli lui a répondu que son insuccès pro-
venait de remploi de doses trop faibles.
SYPHIUS 287
On sait que l'immunité contre la syphilis est
acquise peu de jours déjà après le début du chan-
cre, et dans la syphilis par conception. On sait,
d'autre part, que les accidents syphilitiques cessent
entre le quatrième et le cinquième mois de la
grossesse, et qu'ils ont une intensité peu marquée
chez les femmes atteintes par conception, ce qui
tient sans doute, dans le premier cas, à ce que les
toxines sont en faibles proportions, à une époque
où le fœtus a encore de petites dimensions, et dans
le second, à ce que le passage des produits solu*
blés dans le torrent circulatoire, précédant celui
de l'agent pathogène, diminue la virulence de ce
dernier.
S'appuyant sur ces faits, Pellizari a pensé [Rif^
medicay 1893) que l'immunité des syphilitiques
contre une nouvelle infection s'explique par l'an-
tagonisme entre l'agent de la syphilis et ses
toxines. Le sang du syphilitique contiendrait des
matières immunisantes ou au moins atténuantes
contre la syphilis acquise; D'où est venu à Pelli-
zari l'idée d'injecter non du sérum d'animaux,
mais du sérum de syphilitique arrivé à la période
gommeuse. La dose employée sous la peau était
de un demi à 1 centimètre cube [Giomale ital,
fUelle mail, ven, è délia pelle^ nov. 1892);
288 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
Tommasoli a reproché à cette nouvelle méthode
de nécessiter la présence d*un syphilitique, qui
donne son sang, à la période voulue, d'exposer
à l'inoculation d'une autre maladie infectieuse
que la syphilis, et à l'injection d'une syphilis plus
ancienne, et partant plus virulente.
VI
Dans le Giornale ital. délia Mal. vir. e d, pelle
(juin 1893, fasc. 2), Giuseppe Mozza, de la cli-
nique dermosyphilopathique de l'Université de
Cagliari, a essayé de contrôler les expériences de
ses compatriotes.
Dans une première série d'observations, il reti-
rait le sang de la carotide d'un agneau ou d'un
. chien de la façon suivante : il rasait la peau,
lavait au savon de potasse, au sublimé à 2 p. 1000,
à l'alcool absolu et à l'éther, ouvrait le vaisseau
avec des instruments stérilisés et recevait le sang
dans un cylindre de verre stérilisé, maintenu trans-
versalement dans un mélange réfrigérant.
Au bout de douze, seize, vingt-quatre, quarante-
. huit heures, on verse le sérum au moyen d'ude
pipette .dans une éprouvette stérilisée. On lave
alors une capsule de porcelaine avec de l'eau sté-
rilisée, on la stérilise à la flamme et on la place
sous unjB cloche de verre stérilisée. Après refroi*
SYPHILIS 289
dissement du tout, on verse le contenu daQ3 4&.
capsule le contenu de réprouvettei . • ,
Premier cas. -^ Chancre. dé consistance carti-
lagineuse, sans éruption syphilitique.- Injieclîion
de 44 centimètres cubes. Diminution de rindqi*i^-
lion. ?
Deuxième c«s. — 34 centimètres cubes de
sérum. Aucune modification. . . ■ . .?
Troisième cas. — Chancre dur avec pléiade
inguinale, n*est pas modifié par 24 centimètres
cubes.
Quatrième cas. — Résultat négatif*
Dans uiïe seconde série d'expériences, Mo2zlsi
n'employa que le sérum de mouton sous la peau
duquel il avait injecté journellement, depuis uh
mois, 10 à 20 centiniètres cubes- dé séruiri d^
syphilitiques à* la période latente j n'ayant -pa's
encore subi de traitement mercuriel, o'u ne Tayarit
subi que depuis deux à trois mois.
r -
Premier cas. . — Chjancre dur^ avec engorge-
ments ganglionnaires.
. Du 1*^ au 10 août, injections de 4 à S centimètres
cubes de sérum. Pas de résultat.
Detixième cas.\ — Uréthrite purulente, chanci^ë
dur aye^c pléiade inguinale. Injection du 15 avril
au 18 mai. Moindre dureté du chancre, disparition
presque entière du bubon. '
Troisième cas. — Siphilomè érdsif du scrotum;
IMUUNISATION* 19
290 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
20 centimètres cubes de sérum. Moindre dureté ds
chancre ; pas de modification du bubon. Pas d'ac-
cidents par suite de l'injection.
Si ces résultats ne sont pas satisfaisants, Mozza
a du moins démontré que l'emploi de précautions
aseptiques permet d'employer la méthode sérum-
thérapique sans qu'il en résulte aucune réaction
locale ou générale.
VII
Depuis ces travaux, la question a fait du chemin
en France, grâce à l'inspiration de M. le profes-
seur Richet. Â la séance de la Société de biologie
du 12 janvier 1895, il a présenté trois notes,
Tune avec M. Héricourt, l'autre de M. Triboulet,
la dernière de M. Héricourt, qui résolvent entiè-
rement la question.
Déjà, dès 1891, sur les conseils de M. Richet,
M. le professeur Fournier employait le sérum de
chien pour le traitement des lupus et syphilis
graves, rebelles.
M. Feulard a publié le résultat de ces essais
dans le Bulletin de la Société française de der-
matologie et de syphiligraphie (juillet 1892).
Chez deux malades gravement atteints, le sérum
avait particulièrement transformé l'état général.
Depuis cette époque, Héricourt et Richet sont
revenus au principe qu'ils avaient développé
SYPHILIS 291
depuis 1888, à savoir le renforcement de Timmu-
nilé naturelle, chez Tanimal, par Tinfection expé-
rimentale. Pour cela, ils ont injecté dans les veines
d'un chien 20 centimètres cubes de sérum de
syphilitique (chancre et éruption roséolique). Le
sixième jour après Tinjection hypodermique de
son sérum qui a été employé dans un but théra-
peutique.
Triboulet a rapporté l'observation d'une jeune
femme de vingt-deux ans,, présentant des ulcéra-
tions consécutives à des gommes, sans nulle ten-
dance à la cicatrisation spontanée. Le traitement
spécifique a été sans influence pendant 6 mois au
moins.
Le 10 décembre, on pratique 1 injection de 1 c. c.
11 — -^ — —
12 — — — 2 c. c.
13 - — - —
14 — — — 3 c. c.
15 — — - _
Le 16, urticaire fébrile, avec symptômes géné-
raux.
A partir du 14, tendance à la cicatrisation, qui,
le 10 janvier 1895, est presque complète.
Amélioration remarquable de Tétat général
(embonpoint, disparition d'un état antérieur d'ané-
mie accentué).
Héricourt a également indiqué les premiers
29:2 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
résultats du traitement sérothérapique de la
syphilis dans un cas de taches au début chez une
ancienne syphilitique.
La malade avait reçu, en 3 injections, 6 centi-
mètres cubes de sérum. La céphalée nocturne,
les douleurs gastralgiques, les vomissements et
les douleurs fulgurantes des membres inférieurs
ont disparu, et les douleurs occipitales se sont
entièrement amendées.
CHAPITRE XII
FIÈVRE typhoïde
1
Le bacille typhique fut signalé, pour la pre-
mière fois, dans le rein, par Bouchard (1879).
Eberth l'étudia del880à 1881 etluidonna sonnom.
Le bacille d'Eberth et ses cultures sont poly-
morphes. C'est un petit bâtonnet de 2 à 3 |i. do
long sur 1 jiL de large qui, lorsqu'on le cultive dans
un bouillon simple, devient plus petit et beaucoup
plus mince, et plus trapu lorsqu'il se développe
sur gélose ou pomme de terre. La présence de cils
vibratiles le rend très mobile. Il est à la fois aéro-
bie et anaérobie. Cultivé en présence de fuchsine,
il s'en empare et décolore le liquide (G. d'Abundo).
. La résistance du microbe d'Eberth n'est pas très
grande ; en effet, il ne résiste jamais à une tem-
pérature de 60*^ pendant plus de vingt minutes en
présence de vapeur d'eau. Par contre, il peut
supporter pendant plus de trois mois une tempé-
rature variant entre — 1<* et — 11^ (Pictet).
294 IMMUNISATION ET SÊRUMTUÉRAPIE
Getle alténuation peut aussi être facilemeiit
produite par la lumière. Au bout de six à huit
heures d'insolation (en mai) le bacille a perdu
toute faculté reproductrice (Janowsky).
L'action de Tacide chlorhydrique est plus rapide
à la dose de 0,9 p. 100; il tue les bacilles ei> trois
heures.
Les vieilles cultures du bacille d'Eberth con-
tiennent une ptomaïne très toxique, découverte
par Brieger, la lyphotoxine. Outre cette toxine,
le bacille sécrète une substance soluble, qui rend
désormais le milieu impropre à sa pullulation et
qui a la propriété de vacciner les animaux. On
ne trouve jamais le bacille d'Eberth dans le sang.
La survivance du bacille d*Eberth est considé-
rable. Grancher et Deschamps ont montré qu'il
vit pendant cinq mois et demi à une profondeur
de 50 centimètres dans le sol humide.
Les bacilles d'Eberth vivent mal dans l'eau ordi-
naire, si Ton ne renouvelle pas de temps en temps
la colonie par de nouveaux immigrants; elle
périt ou prend des caractères morphologiques
nouveaux.
L'infection peut se faire par la voie pulmo-
naire.
Le microbe peut passer de la mère au fœtus.
Le bacille typhique ne se rencontre jamais chez
le cadavre dans aucun des organes où il pullule
pendant la maladie (foie, rate, cœur, poumon.
FIÈVRE TYPHOÏDE 295
cerveau, etc.). Lorsque la maladie se prolonge, on
peut trouver dans ces organes un microbe se rap-
prochant beaucoup du bacterium coli commune.
Le bacille d'Eberth est quelquefois pyogène. Ce
fait a été démontré expérimentalement par Vinay
et Roux, qui ont produit du pus séreux (bacille
pur) en injectant une culture typhîque dans le
tissu cellulaire sous-cutané du lapin.
Il peut persister longtemps après la maladie,
sous forme d*accidents locaux : abcès, vésicule
biliaire, etc.
II
Toutes les espèces animales, sur lesquelles on a
expérimenté, sont naturellement réfractaires à la
fièvre typhoïde.
Les premières tentatives dans ce sens datent
de 1862, époque à laquelle Murchison tenta d'in-
fecter un porc en mélangeant à ses aliments des
excréments de typhique, sans succès d'ailleurs.
En renouvelant ces expériences sur le lapin ^
Birch-Hirschfeld réussit à déterminer une maladie
avec fièvre et diverses lésions anatomiques diffé-
rentes de celles de la fièvre typhoïde. Les inocu-
lations de sang typhique faites sur des hommes
et des animaux échouèrent aux mains de Mpts-
chinkoffsky.
Jusqu'alors, on n'avait employé que des liquides
S9d IMMUNISATION ET SÉRUMTHJÈRAPIE
organiques infectés; les premières expériences
faites avec des cultures pures datent de GafiTky.
Cet auteur expérimenta sur de nombreuses espèces
animales et n'eut que des insuccès.
' Au contraire, Frankel et Summando obtinrent
des résultats positif avec les cobayes, les lapins et
les souris. Four Sirotimis la mort résultait d'une
intoxication produite par les produits solubles
que renferme le bouillon injecté.
Vidal et Chantemesse ont repris ces expériences
en se servant de microbes très virulents et de
souris blanches.
Sur 30 sujets, 17 moururent au bout de vingt-
quatre heures, 10 après quarante-huit heures, un
seul après trois jours. L'inoculation avait porté
sur le péritoine. La mort n'arrive qu'au bout de
dix à douze jours si l'injection porte dans le tissu
sous-cutané.
Le lapin est plus résistant que la souris ; la gué-
rison arrive généralement au bout d'une quinzaine
de jours. La terminaison fatale est rare. Ces résul-
tats ont été confirmés par les recherches expéri-
mentales de W. Cygnœus, Casser, Gilbert et
Girode, etc.
III
Nous avons fait plus haut allusion au procédé
de MM. Chantemesse et Widal qui permet d'obtenir
FIÈVRE TYPHOÏDE 297
une maladie à évolution uniforme (Chantemesse et
Widal, Ann. de VInst. Pasteur, nov. 1892). Les
mêmes auteurs ont ensuite étudié l'immunisation
et la sérumthérapie (Idem). Un bouillon chauffé
à 100® est privé de ses microbes, mais ses produits
solubles ne sont pas altérés et %ont toxiques pour
le cobaye. Suivant la dose injectée, le cobaye
meurt ou, s'il survit, est désormais immunisé.
Dans ce dernier cas, l'animal maigrit pendant une
quinzaine de jours sous l'influence du virus, puis
se rétablit. Cette immunité durable paraît être
d'autant plus complète que la dose injectée a été
plus considérable.
Le sérum d'un cobaye ainsi vacciné peut con-
férer l'immunité très rapidement , en quelques
heures, à l'animal auquel on l'injecte. La quantité
de sérum nécessaire pour immuniser est très
faible : 2 centimètres cubes suffisent soit pour un
animal de la même espèce, soit même pour un
animal d'une espèce différente.
- Chantemesse et Widal ont étudié l'action du
sérum humain typhique sur des animaux. Un lapin
inoculé avec une culture très virulente meurt en
huit heures. Si on lui injecte du sérum humain, il
recouvre la santé après huit jours de maladie.
Pour voir si l'immunité était complète, les auteurs
lui ont injecté de nouveau un virus très nocif ,
huit jours après son rétablissement.
La mort survint en dix heures ; mais on ne
*â98 IIOIUKISATION ET SÉBUMTHÉRAPIE
trouva aucun microbe dans Torganisme; la mort
avait été déterminée seulement par les produits
solubles de la culture.
Il en est de même avec le cobaye. Contrairement
à rimmunité acquise par l'injection de produits
solubles, rimmunité, que produit Tinjection de
sérum, est passagère et ne dépasse ordinairement
pas un mois.
IV
Ces expérimentateurs ont essayé l'action d*un
sérum animal sur la marche de la fièvre typhoïde
chez rhomme. Ils appliquèrent cette méthode à
deux reprises différentes sur 2 malades.
Une première injection de S5 centimètres cubes
(en deux fois) du sérum d'un animal immunisé
n'ayant pas été suivie d'amélioration, le deuxième
malade reçut une dose beaucoup plus considé-
rable : 180 centimètres cubes en deux jours. Ces
injections furent bien supportées, mais échouèrent
comme dans le premier cas.
Ces insuccès tiendraient peut-être, selon les
auteurs, au temps trop considérable qui s'écoule
entre le début de l'infection et Tinjection de sérum,
période de temps inconnue pour l'homme, tandis
qu'elle peut être facilement mesurée chez l'animal
sur lequel on expérimente.
Un cobaye, ayant été infecté trente-cinq minutes
FIÈVRE TYPHOÏDE 299
auparavant, reçut du sérum d'un autre cobaye
vacciné. La maladie ne se développa pas. Si on
laisse s'écouler six heures avant d'injecter du
sérum, la maladie est seulement ralentie dans son
cours.
Gomme nous l'avons déjà dit, le sérum humain
peut remplacer dans ce rôle le sang de cobaye et,
fait explicable, le sérum de certaines personnes,
n'ayant jamais eu la fièvre typhoïde, possède
pourtant des propriétés immunisantes à Tégard
du cobaye.
Stern, se fondant sur l'immunité que créait le
sérum humain, espéra que l'on pourrait un jour
utiliser cette propriété pour lutter contre la fièvre
t-yphoïde.
La réalisation de cette idée fut tentée par
A. Hammerschlag, dans son service de Vienne, sur
5 typhiques. Pour lui, le sang des convalescents
contenait une substance capable de neutraliser le
virais diphtérique. Chez 3 de ces malades, l'in-
jection de sang n'amena aucun phénomène
notable. Chez les S autres, il nota une diminution
de la fièvre sans diminution de la durée de la
maladie. L'un des 2 reçut une première injection
de 40 centimètres cubes (sang de malade parvenu
au trentième jour de sa convalescence) et une
300 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
deuxième de 10 centimètres cubes (quatrième jour
de Tapyrexie) ce qui fit descendre sa température
de 40» à 35^2 et finalement à 39°.
Chez le deuxième malade, la température
tomba de 43° à 35°, puis remonta rapidement.
VI
Les dernières épidémies ayant amené Tattention
du côté du typhus symptomatique, il était naturel
de porter son attention sur la sérumthérapie de
cette afiection, si voisine de la véritable fièvre
typhoïde.
C'est ce qu'a fait M. Legrain (Soc. de biologie,
19 janvier 1895). 11 a pratiqué des injections de
doses successivement croissantes de sérum de
convalescents de typhus (2, 4, 6, 10 et 20 centi-
mètres cubes). Leur effet le plus constant a été un
abaissement de la température, proportionnel
à la quantité injectée. Cet abaissement commence
environ trois heures après Tinjeclion et atteint
son maximum vers la quinzième heure.
Douze centimètres cubes de sérum ont donné un
maximum de 2°,3. Néanmoins, quarante heures
^près l'injection, il y a recrudescence de la fièvre*
Parfois, on voit la sécrétion urinaire augmenter
dans la journée qui suit l'injection.
La stupeur profonde, le coma et même une
FIÈVRE TYPHOÏDE 301
hémiplégie d^ordre toxique ont disparu huit à dix
heures après une injection de 10 centimètres
cubes.
En somme, voici quels ont été les résultats des
injections sur l'évolution du typhus :
Dans un cas de typhus grave, Tinjection de
14 centimètres cubes, au quatrième jour de
raffection, a fait tomber la température et amené
la guérison au bout de deux jours.
Dans d'autres cas très graves, l'affection n'ayant
été prise qu'aux sixième et huitième jours, n'a pas
été abrégée, mais a été soulagée.
Legrain recueillait le sérum sur des conva-
lescents de typhus, ne présentant plus de symp-
tômes fébriles depuis une semaine.
VII
S'appuyant sur ce fait qu'une première atteinte
de typhus met généralement à l'abri d'une seconde,
Stem a également cherché {Zeit, f, Hyg. und/
Inf., t. XVI) si le sérum d'individus guéris pos-
sédait des propriétés immunisantes* Les expé-
riences ont porté sur des souris et des cobayes.
Dans 8 cas, il a recueilli le sérum deux à vingt-^
six jours après la cessation de la fièvre ; il a obtenu
6 fois un résultat positif. Dans S cas, le sérum ^
récolté un à dix mois après la maladie, a donné
3M UOIUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
3 résultats positifs.- Dans 2 cas, il n'a pas trouvé
de propriétés immunisantes ml sérum recueilli
dix mois après. Chose curieuse, c^eel surtout chez
les individus morts de typhus qu'elles acwi les
plus actives.
Les cultures typhiques étant aussi virulentes dans
le sérum immunisé que dans le sérum ordinaire,
on ne peut invoquer ici une action bactéricide de
ce sérum. Le sérum immunisé n'a pas non plus
une action antitoxique manifeste, ainsi que l'a
vu l'auteur en injectant aux animaux un mélange
de sérum et de cultures stérilisées par la chaleur.
Stem pense donc que le sérum agit peut-être
comme un ferment ayant pour résultat non de
neutraliser les produits bactériens, mais d'amener
dans l'organisme des modifications, lui permettant
de résister aux microbes.
CHAPITRE XIII
INFLUENZA
I
Les premières recherches microbiologiques sur
rinfluenza datent de Tépidémie de 1889-1890. Les
expérimentateurs ne constatèrent alors, dans
les crachats et les viscères, que des microbes vul-
gaires, microbes fréquentant habituellement la
cavité bucco-pharyngée et devenus virulents :
streptocoque (Soc. méd. des Hôpitaux, 24 jan-
vier 1890, Bouchard, Yaillard, Vincent, du Gazai,
Laveran, Ghantemesse, Widal), le pneumonoque
(Ménétrier, 1886, Weichselbaum et Netter), le
pneumo-bacille de Friedlaender (Letull^ et Freizer,
James), le staphylocoque (Bouchard).
Gette multitude de microbes, que Ton retrouve
dans les crachats, pourrait faire penser que la
grippe n'est pas due à un microbe, mais à
plusieurs.
Malgré cela, la plupart des microbîologistes
pensent que ces microbes nesont que le fait d'une
804 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
iafection secondaire et que le véritable agent de
rinfluenza est encore inconnu. .
Beaucoup de savants crurent avoir isolé ce
microbe spécifique : Otto Seifferl (de Wurtzbourg)
dans les crachats (microbes en chaînette), Klebs
{Centralh. Bakt., t. VII, 1890), dans le sang
(microbe flagellé), Kowalsky (deux nouveaux ba-
cilles et un microcoque), Babès (deux bactéries^
dont Tune pâle encapsulée, Centralh. Bakt.y
p. 8, 18, 19), Jolies {Zur jEtiologie der Influenza^
Wiener med. Blatter^ n® 4, 1890), Kirschner ont
décrit chacun un microbe encapsulé ; Kruse, Pau-
sini, Pasquale [Studien ûber die Influenza^ Cen-
tralh. f. Bakt., t. VII) ont rencontré, dans 80 ca»,
des streptocoques et un diplôcoque spécial.
Arloing {Lyon médical, 20 nov. 1892) a décrit
un bacille éberthiforme ; Cornil et Chantemesse
(Ac. de Médecine, 9 février 1892. Pour Thistorique
détaillé voir Jarron, Thèse de Bordeaux^ 1891)
ont trouvé un bacille dans le sang, bacille patho«>
gène chez le singe et le lapin.
II
De tous ces travaux, une seule chose persiste <
rimportance considérable des infections secon-,
daires dans le cours de l'influenza.
Toutes ces recherches étaient destinées à un
insuccès complet, car ks auteurs avaient employé
INFLUENZA 308
dans letirs recherches lés méthodes ordinaires de
coloration, méthodes incapables, ainsi que cela
a été démontré plus tard, de déceler Tagent spéci-
fique de la grippé.
La première chose à faire pour arriver à ce
résultat était donc de créer une nouvelle technique :
Pfeiffer la trouva.
Gela une fois fait, la voie était ouverte et de
nombreux savants ne tardèrent pas à s'y engager.
Ce fut d'abord Kilasato* (Soc. de méd. int. de
Berlin, janv. 1892) qui isola et cultiva un microbe
identique avec celui de Pfeiffer. Puis Canon (Soc.
de méd. int. de Berlin, janv. 1892) qui croit, con-
trairement à Pfeiffer, que ce microbe se trouve
surtout dans le sa;ng, puis Weichselbaum {Wiener
klin. Wochenschr., n°» 32 et 33); puis Hubef
(Zeitsch, f. Hyg.^ t. XIÏI) et Klein [Local govern-
ment Board further reports, 1889-1892); Ghiari
(Prag. med, Woch,, 1893), qui, sur trois cas, le^
troufa une fois associé au pneumocoque; pui^
Pribram {Prag, med. Woch,, 1893), dans 27 cas,
Boschardt {BerL klin, H^ocAenscAr. , janv. 94)^
3o fois sur 50; ces deux auteurs, ne l'ont Constaté
que pendant les premiers jours de la maladie ;
puisBielicke {Berlin, klin, Woch,,n'' 23, juin 1893)
* Deuhcke mediciimche Wochenschrifty li janv. 1892.
Zeitschr. f. Hyg. InfekL, XIÏ ; Hyg, Hundsch, III, n*» 14
juillet 1893. Voir aussi deux revues générales dans les
Annales de Vlnstitut Pasteur sur l'influenza, 1893 et 1894.
IMMUNISATION 20
306 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
qui risola et le cultiva IS fols sur 35, dans les
Crachats, enfin, Pfûhl {Centralb, f. Éackter., 1892),
s'élèvent contre les conclusions de PfeifTer tout en
décrivant un bacille de la grippe très semblable
à celui de ce dernier auteur.
En France, les recherches dans ce sens man*
quent totalement; cependant la plupart des micro-
biologistes, notamment Metchnikoff, admettent
Jes conclusions de Pfeiffer.
III
Le microbe de Pfeiffer, que Ton trouve en
abondance dans les crachats, ne se cultive bieii
que dans un milieu nutritif additionné de sang
de provenance quelconque, de préférence depi-t
geon, en raison de la richesse' de ces derniers en
hémoglobine (Huber). C'est un filament très grêle
deux à trois fois plus long que large, à extrémités
arrondies, et se groupant volontiers deux à deux,
ce qui l'a fait prendre quelquefois pour un diplo-
coque. Il forme de petites colonies incolores ne se
confondant jamais les unes avec les autres (Pfeiffer,
puis Kitasato). Il ne se développe pas sur la
gélatine solide, et est exclusivement aérobie. Il ne
peut vivre qu'entre 26 et 42^. Dans l'eau distillée, il
meurt au bout de vingt-quatre heures, et dans, un
milieu convenable il est nécessaire de l'ensemencer
tous les huit jours pour pouvoir le conserver.
INFLUENZA. 307
Lorsqu'il est desséché, sa vitalité est encore
amoindrie; en effet, chauffé dî^ns cet état à 37®, il
meurt en une heure ou deux (huit heures à la
température ordinaire) et à 60° en quelques mi-
nutes. Des crachats desséchés depuis trente à
quarante heures sont incapables d'ensemencer
un bouillon.
IV
Les animaux ne contractent pas spontanément
Pinfluenza. Cependant, la salive des chats et des
chiens contient un bacille pathogène pour le
ktpin et dont les cara,ctères, décrits par Fiocca (de
Berne), sont fort voisins de ceux des bacilles dé
Pfeiffer.
Les singes et les lapins contractent Tinfluènza
lorsqu'on leur injecte une culture pure (Pfeiffer).
Si la dose est faible, l'animal a de la dypsnée, de
la fatigue musculaire et de la fièvre. Si la dose est
élevée, on trouve un affaiblissement croissant et
un abaissement de la température qui se terminent
par la mort.
Chez le singe, lorsqu'on a choisi la trachée,
comme voie d'entrée, l'animal meurt au bout de
sept jours avec des abcès pulmonaires, mais sans
bacilles dans le sang.
Chez l'homme, la voie de pénétration la plus
fréquente de ce microbe est le poumon où il
3^8 IMMUNISATION ET SÉRUMTUERAPIE
détermine souvent des lésions de broncho-pneu-
monie guppurée (Pfeiffer, Chiari).
Lesphénomènes généraux qui donnent Tinfluenza
seraient duâ, pour Pfeiffer, à une intoxication,
Je microbe étant localisé; pour Gaucb, au con-
traire, ils seraient dus à la présence dans tous les
organes du microbe que cet auteur croit disséminé
dans le sang.
Les travaux plus récents de Klein et de Huber
semblent confirmer les idées de Pfeiffer.
Alexandro Brischettini {Riforma med,, 19 juil-
let 1893) a constaté que le bacille de Pfeiffer
n'était pas gêné dans son développement par
Taction du sérum d'animaux immunisés contre
rinfluenza. L'action de ce sérum se borne a
diminuer la toxicité des produits solubles. Un
animal immunisé par une injection de ces produits
solubles voit son immunité augmenter parTinjec-
tion d'une culture.
L'injection de sérum d'un animal immunisé
neutralise m vitro, l'action des toxines que sécrète
le bacille et détermine, chez l'animal sain, rim-
munité soit contre une infection, soit contre une
intoxication. Il est donc certain qu'on peut, à
l'avenir, utiliser ce sérum à la fois comme agent
vaccinal et curateur.
CHAPITRE XIV
VENINS
I
Phisalix et Bertrand ont entrepris tout récem-
ment sur Timmunisation contre les venins une série
de brillantes recherches, que TAcadémie des
sciences a justement couronne'es, en décembre
dernier, du prix Montyon.
On savait déjà depuis longtemps que certains
animaux jouissent d'une immunité naturelle vis-à**
via de leurs propres venins.
Les auteurs, ayant d'abord démontré la présence
du venin de crapaud dans son sang, ont pensé que
rimmunité de cet animal tenait à une accoutu-
mance.
Us ont étendu ce même fait à la salamandre et
à Ta vipère.
Cette relation entre la composition du sang et
la présence de glandes venimeuses est une preuve
de plus en faveur de la sécrétion interne des
glandes.
310 nmUNISATION ET SÉRUMTnÉUAPIË
Fontana avait depuis longtemps montré que la
couleuvre résista au venin de la vipère, et pour-
tant, elle n*est pas connue comme venimeuse. Les
expériences de Phisalix et Bertrand ont montré que
cette exception n'était qu'apparente, et la toxi-
cité du sang de couleuvre coïncide avec la pré-
sence de glandes venimeuses homologues de celles
de la vipère.
L'idée d'une analogie entre les virus et les
venins découlait de la notion des poisons solubles
microbiens, mise en lumière par Ghauveau. Elle
a été prouvée expérimentalement par Phisalix et
Bertrand.
Ces auteurs ont différencié dans le venin de vipère
2 principes toxiques : Téchidnox et Téchidno-
toxine. Le premier, agissant localement, résiste peu
à Tébullition. Le second agit surtout sur le système
nerveux vaso-moteur. Une très courte ébullition
ne le détruit pas, mais la chaleur l'atténue plus ou
moins suivant Tintensité et la durée du chauffage.
II
Phisalix et Bertrand ont vu (Société de biologie,
10 février 1894) que le venin de vipère chauffé
cinq minutes à 100<> perd la plupart de ses pro-
priétés. A 78°, la destruction n'est que partielle.
Un chauffage de quinze minutes à 75** équivaut
à celui de cinq minutes à 100°.
VENINS 3H
Une dose mortelle du venin ainsi préparé
peut impunément être injectée à un cobaye de
500 grammes. Mais, il a acquis, une propriété
nouvelle; il vaccine contre Tinoculation ultérieure
d'une dose mortelle de venin ordinaire , soit
3 dizièmes de milligramme. Phisalix et Bertrand
ont nommé le venin ainsi modifié échidno-vacçin.
Cependant, Tétat vaccinal n'est pas le résultat
de la circulation d'une matière vaccinante; il
n'apparaît que quarante-huit heures après l'ino-
culation. Il est donc produit par une réaction de
l'organisme.
11 se passe en somme pour les venins ce que
Courmont et Doyon ont montré pour les cultures
stérilisées de tétanos. Il y a une période d'incu«
bation.
III
La réaction de Torganisme entraine la formation
d'antitoxine^ qui, injectée à un animal sain, le
préserve contre une inoculation mortelle.
. Si on mélange, en effet, du venin pur avec du
sérum de cobayes immuriisçs, et qu'on l'inocule
dans le péritoine d'un cobaye normjal, on n'obtient
aucun effet. Donc, ce sang est doué d'un pouvoir
antitoxique ; 3 dixièmes de milligramme sont neu-
tralisés par 3 centimètres cubes de sang immu-
nisant.
912 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIB
Commeilt se produit l'antitoxine? Les auteurs
pensent qu'elle est due à une réaction chimique
entre Téchiduo-vaccin et l'un des principes du
sang. En effet, un mélange de sang normal et
d'échidno-vaccin, après quarante-huit heures de sé-
jour à Tétuve, possède une action antitoxique nette.
L'année dernière, également (Soc. de biologie et
Ac. des sciences), Calmette a pu réaliser l'accou-
lumance au venin de vipère par l'inoculation pro-
gressive de doses croissantes, ce que d'ailleurs
Kauffmann avait déjà fait.
Il a neutralisé l'action de ce venin par un trai-
tement au moyen des solutions de chlorure d'or
au 1 centième et même par les solutions ordinaires
d'hypochlorite- Enfin, il a constaté que le sérum
d'un lapin vacciné contre le venin de vipère
permet, lorsqu'on en injecte 4 centimètres cubes
une heure et demie avant ce venin, de neutraliser
complètement son effet. Chose curieuse, cette ino-
culation préventive avec le sérum de lapins ino-
culés contre le venin de vipère les immunise
aussi contre le venin de cobra.
Calmette a consacré à l'étude des venins un
important mémoire dans les Annales de rinst.
Pasteur (mai 1894). Il a même annoncé qu'il avait
employé le sérum pour le traitement de l'intoxica*
tion par le venin de serpents chez Thomme et
qu'il avait réussi à guérir des morsures par cette
méthode.
CHAPITRE XV
CHARBON
I
Nous avons' au cours des précédents chapitres
signalé les nombreux travaux relatifs à cette ma*
Iadie« Depuis les travaux de Bouchard, elle est
devenue une maladie d*étude, et a servi à Tédifi-
cation des intéressantes théories relatives à Tatté-
nuation et à la vaccination.
On sait qu'elle est causée par un microbe, dési*
gné par Davaine sous le nom de bactéridie char*
bonneuse, et qui rentre dans le genre bacille
(baciilus anthracis).
Elle se présente sous trois aspects différents. Dans
le sang, elle revêt la forme de bâtonnets cylin-
driques, homogènes, plus courts chez le bœuf que
che2 le cobaye et la souris, plus longs chez les
rongeurs que chez Thomme. Chaque bâtonnet est
généralement isolé. Mais on en voit parfois des
chaînettes de 2 à 4 ou 5. Un fort grossissement
montre que leur proloplasma est homogène et
314 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
que ces microbes sont souvent entourés d'un espace
clair, qu'on a considéré comme une capsule. Enfin
ils sont quelquefois renflés et élargis à leur extré-
mité; mais toujours, ainsi que Koch Ta montré,
ils sont coupés carrément. Ce caractère permet
de les distinguer du bacillus subtilis, que Ton
trouve dans les infusions du foie, dans le corps
des animaux.
La bactéridie charbonneuse prend, lorsqu'on
la sème sur les milieux de culture usuels, une
forme allongée.
Parfois, elle s'étire en longs filaments enchevê-
trés, constitués par du protoplasma homogène,
entourés d'une faible gaine hyaline, et dans la
plupart desquels on voit le protoplasma divisé en
segments réguliers et distincts.
Dans les milieux de culture, ces Qlaments ne
tardent pas à donner des sports endogènes, qu'il
est facile de voir en colorant les préparations à la
fuschine après un chauffage assez élevé, les déco-
lorant à l'alcool, et les recolorant par le bleu de
méthylène. On voit les filaments colorés en bleu,
et les spores en rouge,
La bactéridie charbonneuse se développe facile^
ment dans les milieux habituels, pourvoi que leur
réaction soit neutre ou légèrement alcaline, et que
l'oxygène y ait un accès facile.
Dans le bouillon, la bactéridie végète sous forme
de petits grumeaux suspendus dans le liquide qui
CHARBON 315
reste clair. Après quelque temps, ils tombent au
fond et se désagrègent.
Quand on sème la culture par une piqûre sur
un tube de gélatine, on voit se développer une
bande blanchâtre donnant naissance à de petits
filaments, qui deviennent bientôt floconneux.
Sur Tagar, il donne une traînée blanchâtre ,
épaisse. Sur une plaque de gélatine il présente au
bout de deux ou trois jours Tapparence d'un
disque arrondi, constitué par un tissu et des flo-
cons de filament.
Il
Tels sont les principaux caractères de la bacté-
ridie charbonneuse, contre laquelle on a égale-
ment fait des tentatives de sérumthérapie.
Agota et Josahura (Comptes rendus de l'Univer-
sité japonaise, juin 1890) ont vu que les bacilles
du deuxième vaccin ayant végété dans le sang de
grenouilles, rats blancs, chiens immunisés contre
le charbon, sont inoffensifs pour la souris.
Serafini et Enriquez {Ann, de. L Instit, d'Igiene
sperim. de Rome; Hy g. i2wndcA.,t.n,25sept.1892)
ont institué sur 24 lapins, 37 souris domestiques,
14 souris blanches, 46 cobayes, des expériences
contradictoires.
Ils ont injecté sous la peau, dans le péritoine et
les veines de ces 121 animaux du sang de chiens,
316 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIË
rats, poules, grenouilles, crapauds, tortues
lézards, vaccinés contre le charbon. Au cobaye et
au lapin ils ont inoculé quelques centimètres cubes
à 40 centimètres cubes, à la souris quelques gouttes
à 1 centimètre cube. Ce sang était tantôt addi-
tionné de solution salée physiologique, tantôt défi-
briné, tantôt inoculé seul.
On injectait le charbon, soit après l'inoculation
du sang, généralement au bout de quelques
heures, une fois quinze jours après la dernière,
soit en même temps et quatre heures avant.
Dans tous ces essais, les animaux sont morts et
les caractères de Tinfeclion n'ont pas été modifiés.
CHAPITRE XVI
STREPTOCOCCIE
I
C'est mtentionnelleinent que nous avons main-
tenu le chapitre de la seplicémie, car s'il existe
une série d'affections où l'on rencontre le strepto-
coque, l'accord n'est pas encore fait sur l'unicité
de ce micro-organisme. Pour les uns, il s'agit tou-
jours de la même bactérie, qui se traduit par des
modalités morbides variables; pour d'autres, la
morphologie du microbe ne signifie rien et on ne
doit compte que des manifestations cliniques, qui
prouveraient qu'on n'aurait pas toujours affaire à
un même agent pathogène.
Quoi qu'il en soit de cette opinion, l'on a traité
par le sérum d'animaux immunisés avec du
streptocoque des malades atteints de différentes
affections dans lesquelles on retrouve le strep-
tocoque. C'est le résultat de ces expériences si
intéressantes que nous allons relater dans ce cha-
pitre.
318 IMMUNISATION ET SÉRUMTOÉRAPIE
II
Deux méthodes bien différentes ont été utilisées
pour obtenir rimmuoité streptococcique : 1® celle
do M. Marmorek; 2° celle de M. Roger.
M. Marmorek ensemence le streptocoque sur un
milieu spécial très favorable, composé de deux
parties de sérum humain et d'une partie de bouil-
lon peptonisé, ou bien encore d'une partie des
liquide ascitique ou pleurétique et de deux parties
de bouillon, ou bien encore de deux parties de
sérum de cheval et d'une partie de bouillon. Il
exalte la virulence du microbe en Tinoculànt à un
animal sensible à dose assez élevée pour entraîner
k mort. Avec le sang pris dans le cœur de cet
animal, on ensemence du bouillon qui est inoculé
à un deuxième animal. On recommence ainsi plu-
sieurs fois jusqu'à ce qu'une dose infinitésimale
tue rapidement une souris ou un lapin. Une fois
cette exaltation obtenue, on utilise ce streptocoque;
très virulent pour immuniser les animaux.
III
« Le procédé d'immunisation, dit M. Marmorek,
consiste à injecter, sous la peau, d'abord des doses
faibles de culture d'un streptocoque extrêmement
STREPTOCOCCIE 319
actif et à répéter les injections quand ranimai est
rétabli, en augmentant successivement là quan-
tité de façon que chaque inoculation soit suivie
d'une réaction énergique.
« Chez les animaux très sensibles, comme Tâne,
il vaut mieux ne pas débuter par les cultures les
plus virulentes. Celles-ci sont faites de préiférence
dans le mélange de bouillon et de sérum humain;
mais, lorsqu'il en faut de grandes quantités, nous
employons le milieu ascite-bouillon ou le bouil-
lon-sérum d'âne. Lorsque à défaut de sérum d'âne^
nous avons utilisé celui de cheval, le streptocoque
a aussitôt baissé de virulence et donné des réac-
tions inoins fortes aux animaux.
« Une opinion commune est que les grands ani-
maux sont peu sensibles à l'action du strepto-
coque ; cela est vrai pour les streptocoques, même
les plus actifs, que l'on trouve dans les labora-
toires, mais non pour ceux que nous avons utili-
sés.
€ Le mouton paraît mieux supporter les inocula^
tions de streptocoque que le cheval et surtout que
l'âne ; sa température monte moins haut et revient
plus vite à la normale. Cependant, il éprouve à
chaque injection un malaise plus prolongé, il mai^
^rit d'une façon notable ; de sorte que, pour l'im-
muniser, ri faut un temps très long. Aprèâ dix
mois, Un mouton qui avait reçu 1,300*^'^ de culture
fournissait un sérum actif. Nous avons renoncé à
320 IMMUNISATION ET SÉROMTOÉRAPIE
préparer d'autres animaux de Tespèee ovine, parce
qu'ils donnenf. peu de sérum, et que celui-ci, inr
jecté à l'homme, est douloureux et cayse souvent
des érythèmes.
« Immunisation de l'âne. — L'animal mis
d'abord en expérience est une jeune ânesse pesant
110 kilogrammes. La première injection, faite à
l'encolure, de 0^^,05 d'une culture tuant le lapina
la dose de 0<^%001, amena une réaction intense, La
température atteignait 41**,4 en douze heures; un
œdème dur et saillant déformait l'encolure et le
membre antérieur ; pendant deux jours, l'ânesse
parut gravement malade. La température tomba
le troisième jour, et l'œdème avait disparu après
une semaine. Rendu prudent par ce premier essai,
nous fîmes encore deux injections avec 0<5'',05 ;
l'ascension de la température fut moins forte et
moins brusque, l'œdème moins étendu. A la sixième
injection, qui fut de 0*^*^,3, un petit abcès se forma
après la disparition de l'œdème. L'ânesse supporta
ensuite, sans réaction trop forte, des doses de 1
et 2 centimètres cubes. Mais l'inoculalion de 3 cen-
timètres cubes d'un virus très fort fît monter la
température à 40°, 2. La défervescence s'établit
lentement, et le quatrième jour il y eut une pous-
sée de fièvre. Lorsqu'on augmente les doses de
virus ou qu'on donne un virus plus fort, la fièvre
se prolonge, et souvent le troisième jour elle s'at-
STREPTOGOCaE 321
ténue, comme dans une fausse crise, pour re-
prendre ensuite.
« En cinq mois, Tânesse reçut à peine 120 centi-
mètres cubes de culture, en douze fois; la violence
des réactions exigeant des temps de repos entre
chaque inoculation. A ce moment, le sérum était
très efficace et donna de bons effets chez l'homme.
« Immunisation des chevaicx^. — Le cheval
supporte mieux que l'âne l'inoculation du strepto-
coque. La sensibilité des divers chevaux est assez
variable ; un des animaux, parmi les plus résis-
tants que nous ayons rencontrés, reçut, sans grand
malaise, des injections de 0<^<^,75etméme de 2cen-
timètres cubes de culture, elles déterminèrent
seulement un peu d'œdème. Avec 5 centimètres
cubes, la température monta au-dessus de 39'\
pour descendre bientôt. Les réactions prolongées,
avec fausses crises et redoublement de fièvre,
apparurent lorsque les doses inoculées furent de
40 centimètres cubes et au-dessus.
« Chez les chevaux sensibles, un seul centimètre
cube élève la température à 40® et même au-des-
sus; l'œdème est plus étendu et l'inappétence
i Avant de mettre un animal en expérience, nous lui reti'
rons du sang et nous recherchons si le sérum n'a pas
quelque action préventive vis-à-vis du streptocoque. Sur
18 animaux, nous n'en avons trouvé aucun dont le sérum
normal eût une inQuence quelconque sur Tinjection strep^
tococcique.
IMMUNISATION. 21
32-2 IMMUNISATION ET SÉRUMTDÉRAPIE
plus proloQgée. Pour obtenir un sérum efficace,
il nous paraît nécessaire de provoquer ces réac-
tions énergiques. Malgré la virulence extrême du
streptocoque qui nous a servi dans ces expé-
riences, il a fallu beaucoup de temps pour ame-
ner un cheval de grande taille au degré d'immii-
nîsation convenable à la production d'un bon
sérum. Vers le sixième mois, lorsque l'animal a
reçu près de deux litres de culture, le sérum est
efficace pour préserver les lapins contre nos cul-
tures virulentes, mais nous estimons qu'une année
entière n'est pas de trop pour faire d'un cheval un
excellent fournisseur de sérum thérapeutique. Au
fur et à mesure des injections, Tânimal s'accou-
tume à l'action* du streptocoque, car il réagit
moins lorsqu'on injecte plusieurs fois de suite la
même dose de culture. Pour peu que Ton aug-
mente celle-ci, la fièvre intense apparaît de nou-
veau, et c'est précisément parce qu'il est possible
d'exciter, pouf ainsi dire indéfiniment, la réaction
de l'organisme, que nous avons l'espoir de pro-
duire des sérumsbeaucouppluseffîcaces encore que
ceux que nous possédons actuellement. Mais l'intro-
duction, en un seul endroit, de centaines de cen-
timètres cubes de culture, peut causer des œdèmes
énormes, lents à se résorber et se terminant par
suppuration. Celle-ci sera évitée en injectant cette
grande masse de virus, en plusieurs piqûres, éloi-
gnées Tune de l'autre. Il est vrai que l'injection
STREPTOCOCCIÊ 323
V
intraveineuse permettrait de faire pénétrer d'un
«eul coup ce volume considérable de culture ;
nous n'avons pas encore osé Pessayer, de peur de
provoquer une phlébite qui nous priverait d'une
des jugulaires de ranimai.
<c Le premier cheval qui nous ait fourni un
sérum thérapeutique est une jument de petite taille
(poney) du poids de 240 kilogrammes. Pour tâter
sa sensibilité, on lui injecta d'abord un millio-
nième de centimètre cube, puis cinq millionièmes
et ainsi graduellement jusqu'à lcc,50. La fièvre fut
presque nulle. La température dépassa 39*. Avec
5 centimètres cubes, elle atteignit 40®, avec redou-
blement et réaction prolongée à la douzième ino-
culation, qui fut de 65 centimètres cubes. Le po-
ney reçut ainsi, en cinq mois, treize injections,
soit en tout 195 centimètres cubes de culture. Le
sérum retiré alors donna des résultats satisfaisants.
Aujourd'hui, cet animal est notre meilleur pro-
ducteur de sérum, après avoir supporté 600 cen-
timètres cubes de virus. »
Roger immunise les animaux d'après la méthode
de Behring. Il injecte aux animaux des bouillons
de streptocoques très virulents chauffés et filtrés
sur porcelaine. En somme, il leur injecte des
toxines streptococciques et il arrive ainsi beaucoup
plus rapidement à rendre réfractaires des ani-
maux qui fournissent un sérum aussi antitoxique
3â4 IMSIUNISATION ET SÉRUMTHERAPIE
que celui obtenu par la méthode Marmorek et
dont rinoculation est beaucoup moins dange-
reuse*
IV
On a eslimé la puissance anlitoxique du sérum
antistreptococcique sur la quantité préventive né-
cessaire pour vacciner un animal qui devient
insensible à Tinfection streptococcique, ou bien
suivant la quantité de sérum nécessaire pour gué*
rir un animal infecté. On a même établi des cal-
culs sur cette puissance, mais nous supposons à
la vérité que cette arithmétique est fausse presque
constamment et n'est que relative.
Gomme nous l'avons dit plus haut, nombreuses
sont les affections où Ton rencontre le strepto-
coque. Nous allons passer en revue un certain
nombre d'entre elles où ce microbe pathogène est
spécifique ou bien où il joue le rôle prédomi-
nant.
Nous devons placer en tète de ces maladies, Té-
rysipèle contre lequel M. Ghantemesse a employé,
dans un très grand nombre de cas, le sérum anti-
streptococcique. L'observation a porté sur 501 ma-
lades. La dose ordinaire, par malade, varie entre
20 et 40 centimètres cubes injectés en une ou plu-
sieurs fois. M. Ghantemesse a cependant inoculé à
STREPTOCOCCIE 325
un homme atteint de pleurésie purulente, 300 cen-
timètres cubes de sérum sans provoquer des acci-
dents.
€ Les effets du sérum se font sentir sur la lésion
érysipélateuse et sur l'état général du malade.
Localement, on constate le plus souvent, dans les
vingt-quatre heures, plus rarement au bout de
deux à trois jours une diminution marquée de la
rougeur, du gonflement et de la douleur. La des-
quamation est hâtée e\ se fait en écailles épider-
miques assez épaisses. La suppuration est rare.
Lorsqu'elle existe, elle diminue et disparait rapi-
dement. L'état général s'améliore rapidement,
quelques heures après l'injection du sérum. La
fièvre s'abaisse en quelques heures. Le pouls dimi-
nue de fréquence. Il n'y a pas de rechute ou des
récidives bénignes. > (Chantemesse.)
Grâce à la sérothérapie, on n'a eu que 3,87 p. 100
de décès ; il est vrai que l'érysipèle, traité par les
méthodes habituelles, n'est pas une affection très
meurtrière; la mortalité ne dépasse guère 5 p. 100,
M. Richardière a rapporté un cas d'érysipèle
bénin traité par 10 centimètres cubes de sérum
antistreptococcique. Huit jours après l'injection,
la malade, guérie de son érysipèle, eut une érup-
tion d'éry thème d'apparence hémorragique, sem-
blable à certains érythèmes toxiques.
326 IMMCNISATION ET $ÉRU1ITUÉRAPIE
On a également utilisé le sérum antistreptococ-
cique contre la fièvre puerpérale. Charrin et Roger
ont fait les premières tentatives de ce genre.
Voici comment ils ont préparé leur sérum cura-
tif:
Des cultures de streptocoques de Térysipèle ont
été faites dans du bouillon; au bout de dix jours,
le liquide a été concentré au bain-marie et réduit
au dixième de son volume ; on l'a ensuite porté
à Fautoclave à 115®, sans l'avoir filtré; de cette
façon, on conservait les cadavres des microbes et
leurs toxines. Le mulet a reçu dans une veine, à
quinze jours d'intervalle les unes des autres, 8 in-
jections de 30 centimètres cubes chacune; on a
donc introduit en tout 240 centimètres cubes
représentant 2,400 centimètres cubes de culture
stérilisée. C'est avec le sérum provenant de cet
animal immunisé que les expérimentateurs ont
inoculé une femme atteinte de septicémie puer-
pérale, qui a guéri avec 33 centimètres cubes dé
ce sérum. Une autre malade, -soignée à la Mater-
nité de Paris, reçut 96 centimètres cubes du
même sérum et guérit également. D'autres cas
heureux ont été observés par MM. Josué et Herr
mary, le D"^ Jaquot de Creil, M. Pinard, qui ont vu
guérir des malades atteintes de septicémie puerpé-
STREPTOCOCCIE 327
raie, grâce au sérum de Charrinet Roger. M. Pif
nard rapporte deux autres cas où le sérum n'a pas
eu d'action ; il est vrai qu'il s'agissait de complica-
tions graves : une pneumonie chez Tune des accour
chées et une rupture de l'utérus chez l'autre. r
M. Marmorek a pratiqué l'inoculation de son
sérum dans 16 cas de fièvre puerpérale, avec
5 morts.
M. Charpentier a pu réunir 40 observations où
le nouveau traitement fut essayé. Elles ont 'été
relevées par les cliniciens suivants : 4 de M. Bu-
din;3 de M. Porak; 2 de M. Maygrier; 16 de
M. Bar; 4 de M. Ribemont; de M. Gaulard ; de
M. Vinay, etc. Elles ont donné 22 guérisons^
17 morts et un résultat nul,; ce qui forme une
statistique de 42,5 p. 100 de morts, statistique peu
encourageante et peut-être moins brillante que si
on avait employé la thérapeutique obstétrical^
habituelle. Mais ce qui est très grave, c'est, que
l'administration de ce sérum, surtout celui de
M. Marmorek, ne paraît pasinofTensive. Il a caus^
des cas d'urticaire fort rebeller, des ét^ythèmes à
forme hémorragique, du prurit tenace et d'autres
accidents nerveux assez inquiétants, M. Gaulard
a observé un cas de mort chez une femme atteint^
de septicémie puerpérale relativement bénigne et
il rend l'injeclion de sérum responsable (Je cette
issue fatale.
€ En somme, dit M. Pinard, à l'heure actuelle,
328 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
à n*envisager que les faits cliniques, aussi bien
ceux de MM. Charria et Roger que ceux de
M. Marmorek, Tefflcacité du sérum antistrepto*
coccique n'est pas encore démontrée, et nous
n'avons pas le droit de recourir à la sérothérapie
à l'exclusion de la thérapeutique intra-utérine. »
YI
Le sérum antistreptococcique a-t-il fourni des
preuves certaines dans d'autres affections? On a
fait des injections dans des cas de scarlatine, mais
sans aucua résultat brillant. M. Folet a traité de
vastes phlegmons érysipélateux avec du sérum de
Marmorek et ces lésions ont guéri rapidement.
M. Boucheron a observé un diabétique de soixante-
dix ans, qui fut guéri par 20 centimètres cubes de
sérum d'une lymphangite du pied et de la jambe.
M. Variot fit des injections de ce sérum contre
certaines formes de bronchopneumonie diphté-
rique à infections secondaires. On ne tarda pgLs à
s apercevoir que révolution de la maladie était
peu ou pas modifiée; par contre, des accidents
locaux assez graves se manifestèrent. Les enfants
avaient des abcès volumineux, qui décollaient une
surface cutanée assez étendue de l'abdomen.
M. Variot fit également des injections de sérum
de Marmorek à une dizaine d'enfants atteints d'a-
mygdalites membraneuses.
STREPTOCOCaE 329
« Je me proposais, dit-il, de rechercher l'action
antiiïiembraneuse du sérum de Marmorek dans
ces conditions; mais les troubles produits par le
remède étaient bien autrement graves que ceux
de là maladie elle-même.
« La température s'élevait de deux ou trois
degrés quelques heures après Tinjection; la peau
de la paroi abdominale devenait rouge, tendue et
très douloureuse ; plusieurs fois, le lendemain de
l'injection, j'ai cru être en présence d'un érysi-
pèle phlegmoneux de la paroi abdominale.
€ Les enfants étaient prostrés, avec la langue
sèche ; la température se maintenait à*40** pen-
dant deux ou trois jours et, à ce moment, le pus
commençait à se collecter sous la peau de l'abdo-
men. J'étais obligé, pendant ce temps, de faire
baigner les enfants toutes les trois heures pour
abaisser la température. Lorsque le pus était éva-
cué par une incision, la fièvre tombait et l'état
général s'améliorait.
« Aucun des enfants, ainsi traités, n'a succombé
aux suites directes du sérum ; mais nous devions
conserver, pendant huit ou quinze jours, les petits
malades jusqu'à ce que leur foyer purulent fût tari.
« L'un des enfants, ainsi injecté, fut emporté
par sa mère avant que la peau de l'abdomen ne
fût recollée et que l'ouverture du phlegmon ne fût
refermée.
« Quatre semaines plus tard, on nous rapporta
330 IMMUNISATION ET SÉRUMTlIÉRAPli:
l'enfant avec une éruption de varicelle préseatant
un aspect purpurique, puis gangreneux ; la plaie
de l'abdomen suppurait toujours abondamment ;
le décollement persistait sur une grande étendue.
En outre, Tenfant était atteint d'une diphtérie
pharyngée. Il succomba dans un état d'adynamîe
profonde, malgré des injections de sérum anti-
diphtérique.
c Je ne doute pas que la transformation gan-
greneuse de l'éruption de varicelle ne soil en
rapport avec la suppuration prolongée qui avait
affaibli cet enfant. En voyant ces accidents sep-
tiques se développer si constamment après les
injections de sérum de Marmorek, je redoublai de
vigilance, je recommandai à la surveillante qui
pratique très habilement, et sans aucun accident,
les injections de sérum antidiphtérique, de prendre
les précautions les plus strictes pour la stérilisa^
lion des instruments.
« Mais tout fut inutile ; les injections pratiquées
par les internes du service délerminaienl les
mêmes hyperthermies et les mêmes infiltrations
phlegmbneuses de Tabdomen. »
VU
Que faut-il conclure de toute cette étude ? Que
le sérum préparé d'après la méthode de Marmorek
STREPTOCOCGIE 331
est un liquide organique dangereux qui peut
entraîner des accidents graves. Comme nous
Tavons dit du reste au cours de cet ouvrage, nous
conseillons peu rimmunisation. à l'aide de bacté-
ries pathogènes, surtout de microbes exaltés qui,
inoculés sous Tépiderme deTanimal, sont évidem-
ment repris et charriés par le sang. La méthode
de Roger, qui procède comme Behring, avec *des
toxines, donne, au contraire, un sérum inoffensif et
souvent efficace, ce qui n'a pas empêché que l'Aca-
démie de médecine, à la suite d'un rapport présenté
par MM. Nocard et Netter, a, dans sa séance du
9 juin, autorisé l'Institut Pasteur à exploiter le
sérum préparé d'après la méthode de M. Marmo-
rek I Nous laissons aux rapporteurs toute la res-
ponsabilité^ de leurs actes et nous sommes certain
que l'avenir se chargera de corriger rapidement
ce jugement partial. En délivrant ce sérum anti-
streptococcique, M. Marmorek n'endosse plus
aucune responsabilité qui incombe tout entière
à la commission des sérums et particulièrement à
MM, Nocard et Netter. Il est vrai que M. Nocard
est attaché à l'Institut Pasteur, qui a désiré four-
nir ainsi une preuve nouvelle de son dévouement
à ce laboratoire privilégié par une loi réaction-
naire et antiscientifique.
CHAPITRE XVII
CANCER
I
Nous ne pouvons mieux faire que reproduire un
travail fort complet sur la sérumthérapie dans le
cancer, publié sous notre direction par notre dis-
tingué confrère, M. le D*" Barlerin *.
MM. Richet et Héricourt en France, Gibier en
Amérique, Emmcrich et Scholl en Allemagne,
Gimino en Italie ont été les premiers à s'occuper
sérieusement de la question et de manière à en
laisser entrevoir la solution ; leurs travaux, bien
que ne présentant pas celte autorité incontestable
qui n'est donnée que par la réussite complète, n'en
sont pas moins dignes de flgurer parmi les plus
méritants.
Guérir le cancer est, en effet, une tâche des plus
difficiles; tout d'abord malgré les observations,
malgré les examens qui ont été pratiqués sur ces
tumeurs, on n'est pas encore arrivé à en découvrir
4 Traitement du cancer par la sérumthérapie. (In Inde^
pendance médicale ^ n° 5, année 1896.)
CANCER 333
le germe, à Tisoler, à le cultiver et à reproduire
ensuite expérimentalement la maladie. L'agent
pathogène du cancer, dont l'existence est d*ailleurs
niée par nombre de savants, étant inconnu, le
point de départ de toute tentative d'immunisation
semblait par cela même devoir faire défaut.
En outre, l'évolution relativement lente de la
maladie qui prolonge démesurément les expé-
riences, la difficulté même d'expérimenter sur des
animaux souvent réfraclaires à cette affection,
l'incertitude fréquente du diagnostic porté sur
des tumeurs inaccessibles ou difficilement appré-
ciables à l'examen clinique, tout cet ensemble
de raisons explique suffisamment l'embarras
que durent éprouver ceux qui, les premiers, son-
gèrent à obtenir un sérum curatif contre le
cancer.
II
Les premières communications relatives à la
sérumthérapie] du cancer datent du mois d'avril
489S; à celte époque, ^parurent en Allemagne les
observations d'Emmerich et Scholl, tandis que
le 29 de ce même mois, MM. Richet et Héricourt
firent à l'Académie des sciences l'exposé de leurs
recherches.
Dès 1894, cependant, Coley, puis Roberts, en
Amérique, avaient tenté la guérison des tumeurs
334 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÉRAPIE
malignes en injectant dans ces tmnenrs des cul-
tures du streptocoque de Térysipèle et du bacillus
prodigiosuSf développés simultanément dans le
ihème bouillon et chauffés à 58°. Ces essais, repro-
duits en Allemagne par Czerny, et qui, d'après
leurs auteurs semblent avoir donné de bons résul-
tats, ne sauraient être classés parmi les essais de
sérumthérapie anticancéreuse, puisqu'il n'y est
nullement question d'immunisation, mais simple-
ment d'injections directes au malade de toxines
ou de cultures atténuéeg.
La sérumthérapie du cancer date donc du mo-
ment où l'on a tenté de modifier et de faire dispa-
raître ces tumeurs en y injectant le sérum tiré du
sang d'un animal préparé par des tentatives d'im-
munisation. Pourtant, si la méthode aétéla même,
les expériences de Richet et Héricourt diffèrent de
celles d'Emmerich en ce sens que les premiers
ont tenté d'immuniser l'animal fournisseur du
sérum avec des produits cancéreux, tandis que le
second a injecté à ses malades du sérum prove-
nant d'animaux immunisés contre l'érysipèle.
Quant à M. Gimino, dont les expériences moins
connues en I^'rance n'en sont pas moins intéres^
santés, comme nous allons le montrer, il a fait en
quelque sorte la synthèse des deux procédés,
puisqu'il se sert d'un sérum provenant. d'animaux
immunisés à la fois au point de vue du strepto-
coque de l'érysipèle et du cancer.
CANCER 335
III
Voilà donc où en est actuellement la question
au sujet de la sérumthérapie de l'affection cancé-
reuse; étudions maintenant la manière de pro-
céder pour immuniser les animaux, recueillir le
sérum, traiter les malades et voyons les résultats
déjà obtenus.
La méthode de MM. Héricourt et Richet consiste
à injecter à des animaux (âne et chien) l'extrait
aqueux, filtré, d'une tumeur maligne, puis à re-
cueillir du sang de ces animaux dix à guinze jours
environ après cette injection. Le sérum obtenu
avec ce sang sert pour les injections thérapeu-
tiques qui sont faites à la dose de 3 centimètres
cubes environ tous les jours au voisinage de la
tumeur. Le traitement dure plusieurs semaines
et la dose totale du sérum injecté peut atteindre
100 à 120 centimètres cubes et même davantage.
Les résultats obtenus sur deux malades avec ce
sérum ont été communiqués à l'Académie; il s'a-
gissait en premier lieu d'une femme atteinte d'une
tumeur fibro-sarcomateuse de la paroi thora-
cique, récidivant après opération. En moins de
quinze jours, la tumeur commençait k diminuer,
tandis que l'état général devenait meilleur. La
deuxième observation a été faite sur un homme de
33(5 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
quarante-quatre ans ayant une tumeur de \h
re'gion épigastrique, diagnostiquée cancer sto-
macal et jugée inopérable. Là encore en moins de
quinze jours, Tamélioration fut manifeste, le poids
du corps augmenta, et la tumeur sembla fondre et
disparaître.
De tels résultats ne pouvaient passer inaperçus ;
ils furent, en effet, très remarqués et soulevèrent
de vives critiques.
En France comme à l'étranger, les essais de
sérurathérapie anticancéreuse ont leurs détrac-
teurs comme leurs partisans. Sans vouloir pré-
juger ici de la question, ce qui est difficile, étant
donné le peu d'ancienneté des expériences faites
et l'incertitude où Ton se trouve touchant le ca-
ractère de ces tumeurs et leur cause même, nous
croyons que dételles tentatives font le plus grand
honneur à leurs auteurs.
IV
Nous avons nous-mêmes reproduit au Labora-
toire de recherches médicales, dirigé par M. le
D^ Bernheim les expériences d'immunisation de
MM. RichetetHéricourt. Après avoir injecté à un
âne du poids de 180 kilogrammes environ une dose
de 10 centimètres cubes d'un suc d'épithélioma
récemment opéré, nous avons après un court
CANCKR 337
espace de temps, de trois à quatre semaines, tiré
du sang de cet animal et obtenu environ Un litre
de sérum que nous essayons en ce moment au
point de vue clinique; nous ferons connaître ulté-
rieurement nos observations personnelles.
Le suc épithéliomateux, injecté à cet âde, pos-
sédait une incontestable virulence, car inoculé en
même temps à un cobaye, à la dose d'un centi-
mètre cube, il l'a fait périr en moins de trente-six
heures.
Quant à l'animal en expérience, il a considéra-
blement maigri; la réaction consécutive à l'injec-
tion a été modérée, 39^,4, depuis lors, la tempéra-
ture s'est maintenue à peu près normale'.
Suivant une méthode analogue, mais cherchant
à immuniser les animaux à la fois contre le
streptocoque et le cancer, M. le D^ Gimino a ob-
tenu également un sérum qui paraît avoir une
action salutaire sur les néoplasmes malins.
Les expériences du D*" Cimino ont été prati-
quées sur des chiens, des chèvres et des ânes qui
* Plusieurs confrères ont inoculé à ces cancéreux des
doses de 3 cent, cubes tous les deux jours. Les malades
inoculés ont trouvé une réelle amélioration surtout de
l'état général, mais pas de guérison définitive.
IMMUNISATION. 22
338 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
ont été traités pendant quarante jours alternati-
vement avec des cultures de streptocoque, faibles
au début, et avec du suc aqueux d'épithélioma. A
ce propos, M. Cimino a remarqué que les diverses
sortes de cancer étaient loin d'avoir la même viru-
lence et qu'il était bon pour arrivera l'immunisa-
tion de se servir toujours pour un même animal
d'un suc extrait d'une même espèce de tumeur,
squirrhe, épilhélioma, etc. Ceux-ci sont d'ailleurs
les plus virulents, injectés à un cobaye à la dose
d'un demi-centimètre cube, ces sucs peuvent le
tuer en vingt-quatre heures.
L'immunisation d'un animal dure quarante
jours, puis on laisse l'animal quarante jours au
repos avant de le saigner. Les injections ont lieu
pendant ce temps tous les jours, à moins de réac-
tion trop forte : celle-ci se produit surtout après
les injections de suc d'épithélioma, on a vu alors
la température montera 39 et 40<>.
Le sang est récolté d'après les procédés habi-
tuels, c'est- à -dire avec toutes les précautions
usuelles d'asepsie ; le sérum se dépose et est con-
servé dans des flacons ou ampoules d'une conte-
nance de 10 centimètres cubes. Le traitement
débute par des injections de 1 centimètre cube,
puis de 2 centimètres cubes, si le malade les
supporte bien; on dépasse rarement cette dose,
qui est renouvelée tous les jours, à moins de
réaction vive»
CANCER 339
Nous avons pu consulter diverses observations
relatives à des malades ayant été traités par le
sérum anticancéreux de M. le D*" Cimino : pour la
commodité de l'exposition, nous les avons classées
en quatre catégories : 1^ malades ayant été telle-
ment améliorés que l'on présume la guérison
(7 cas) ; 2** malades améliorés, mais n'ayant pas
terminé le traitement (17 cas); 3® malades ayant
cessé le traitement et dont l'état s'est amélioré ou
est simplement resté stationnaire (28 cas) : 4° enfin
malades chez lesquels le traitement n'a produit au-
cune modification (S cas) : soit un total important
de 57 cas.
Plusieurs autres personnes traitées par ce même
procédé n'ont pas encore donné de leurs nouvelles
et l'auteur se réserve d'en faire connaître les ré-
sultats dans une prochaine communication d'en-
semble qui sera faite à un corps savant.
Si maintenant nous entrons dans le détail de
quelques-unes de ces observations cliniques, voici
ce que nous trouvons à remarquer. Sur les 7 cas
de la première catégorie, l'amélioration a toujours
été rapide et durable, les douleurs cessent presque
dès la première injection, les tumeurs régressent
et diminuent, tandis que l'état général s'améliore,
que la cachexie disparaît, et que les malades se
mettent à engraisser» Dans plusieurs de ces cas,
adéno-carcinome de la mamelle, épithélioma de
la langue, tumeur osseuse du maxillaire, l'examen
340 IMMUNISATION ET SÉRUMTUÉRAPlE
histologique a été pratiqué à la suite d'interven-
tions opératoires qui avaient été suivies de réci-
dives, et ces examens avaient permis de considérer
ces néoplasmes comme des tumeurs malignes,
sarcomes, épithéliomes, squirrhes, etc.
Dans la deuxième catégorie des malades en
traitement et qui sont tous améliorés, il s*agit de
tumeurs siégeant en divers points : cancer du la-
rynx, épithélioma de la langue, cancer du rectum,
squirrhe de la mamelle, cancer utérin inopérable
et ayant inflltré les parois de la vessie, du vagin
et du rectum, tumeur épithéliale du nez ayant
détruit les parties molles d'un côté et mis à décou-
vert les cornets, tumeur du sein s'accompagnant
d'infiltration des glandes de l'aisselle et des gan-
glions sous-claviculaires ; dans tous les cas dont
nous avons vu l'observation, on est unanime à
accuser une amélioration rapide et surtout la
disparition des phénomènes douloureux. Plu-
sieurs des malades en traitement avaient subi des
opérations et avaient va leurs tumeurs récidi-
ver.
Pour les malades de la troisième classe, le trai-
tement a duré environ un mois et demi à deux
mois; la plupart ont vu leur état auparavant très
précaire s'améliorer ou ne pas s'aggraver alors
qu'on prévoyait une issue fatale et proche.
Enfin, parmi les 5 cas où la médication a échoué,
il s'agissait de personnes dont l'afi'ection était ar-
CANCER 341
rivée à un degré avancé de développement, deux
d'entre elles sont mortes depuis.
Disons également, pour être complet, que parmi
les malades de la troisième catégorie , Tune ,
atteinte d'un cancer utérin est morte, pendant le
traitement, d'une maladie intercurrente (pneu-
monie) et présentant néanmoins une amélioration
de son état local.
Ces faits attestés par les observations cliniques
des médecins qui ont pratiqué le traitement et
suivi, depuis, leurs malades, ne sont assurément
pas des preuves irrécusables de Texcellence de la
méthode actuellement en usage pour le traitement
du cancer; toutefois, ce sont des faits qui semblent
indiquer que la sérumthérapie, quelle que soit la
manière dont elle agit vis-à-vis des éléments cons-
titutifs de la néoplasie, a sur celle-ci quelque
influence et que l'on ne doit pas de parti pris la
rejeter. On le doit d'autant moins que cette médi-
cation est absolument inofl^ensive quand le sérum
est bien préparé et que les injections sont prati-
quées aseptiquement.
VI
Il reste sans doute encore beaucoup à faire pour
élucider complètement la question, mais les expé-
riences que nous venons de relater doivent être
3i<2 IMMUNISATION ET SÉRUMTDÉRAPIE
considérées comme un pas fait dans la bonne
direction et qui nous rapproche du but à atteindre.
Dans les cas de tumeurs inopérables, M. Gzerny
a inoculé aux patients un mélange de bouillon de
streptocoques et de prodigiosus qu'il a stérilisé
à 88®, sans le filtrer. Ces injections, faites à très
petites doses, ont causé de la fièvre, des frissons,
de rembarras gastrique, de la céphalée et du
délire. Ces manifestations disparaissent quelques
heures après l'inoculation, et, localement, les
tumeurs s'imprègnent de sérosité, se ramollissent,
se nécrosent et éliminent des fragments. Sur
huit cas ainsi traités, le clinicien a cru devoir
observer un ralentissement dans le développement
de la tumeur mais jamais une guérison définitive.
D'après M. Arloing, les injections de sérum
d'âne, préalablement inoculé avec du suc d'épî-
thélioma, sont incapables d'amener la disparition
des tumeurs cancéreuses. Elles peuvent cependant
entraîner une diminution momentanée du volume
des tumeurs. Cette action peut être l'origine d'une
guérison en rendant opérable une tumeur inopé-
rable avant les injections. Ce sérum ainsi préparé
est absolument inoflfensif.
D'autres auteurs (Emmerich, Schmoll) ont em-
ployé, contre le cancer, le sérum provenant d'ani-
maux immunisés par le streptocoque, mais sans
résultat très remarquable.
CANCER 343
VII
Que faut-il conclure de toutes ces tentatives?
Le cancer étant une maladie incurable, il est
permis à tous les cliniciens de recourir à une mé-
. thode inoffensive dont une application répétée un
grand nombre de fois peut seule juger Tefficacité.
Il est vrai que cette démonstration n'est guère pos-
sible en France où une loi coercitive lient en
laisse les bonnes volontés et supprime le talent
des plus honnêtes. Il faudrait appartenir à un grand
laboratoire officiel, auquel on apporterait le fruit
do ses recherches, pour avoir le droit de démon-
trer Texactitude de ses expériences et pour être
utile à l'humanité.
CHAPITRE XVIIl
LÈPRE
I
Le bacille de la lèpre fut découvert par Hansen,
en 1880, dans du tissu lépreux. Un an après,
Neisser a confirmé cette découverte et a pu culti-
ver le bacille qui s'est toujours développé sous la
même forme.
Morphologiquement, ce microbe est à peu près
identique à celui de la tuberculose. C'est un
bâtonnet grêle, court, plus court généralement
que celui de Koch, et souvent recourbé, arrondi
aux deux pôles. On le trouve souvent par couple.
Il a Tair d'être immobile. La sporifîcation n'a pu
être établie avec certitude.
Bordoni-Uffreduzzi a pu le cultiver sur sérum
sanguin additionné de peptone glycérinée : l'en-
semencement a été fait avec de la moelle osseuse
d'un lépreux.
La coïncidence de la lèpre et de la tuberculose
LÈPRE 345
n'est pas rare. Le premier cas fut observé par
M. Danielsen.
Le bacillfi de la lèpre infecte difficilement les
animaux qui paraissent réfractaires à la maladie.
MM. Ortmann et Melcher sont parvenus cepen-
dant à communiquer la lèpre à des lapins qui
moururent quatre mois après l'inoculation de
nodules lépreux. Ces auteurs découvrirent dans
Tintestin des animaux des nodosités lépreuses.
II
Dans la Colombie, où la lèpre est relativement
fréquente, M. Carrasquilla a fait des tentatives
heureuses de sérumthérapie contre cette maladie.
Nous allons reproduire presque textuellement sa
communication qu'il a faite à l'Académie de
Santa-Fé, en exprimant le regret de ne pas con-
naître la méthode d'immunisation i.
Le premier cas concerne un sujet qui en était
à une période très avancée de l'affection , et chez
lequel le traitement sérolhérapique fut institué le
30 septembre dernier. Il avait alors le front cou-
vert d'une masse tuberculeuse [léprome en nappe
de Leloir) qui s'étendait depuis l'arcade orbi-
taire dépourvue de sourcils, jusqu'à la racine des
* Semaine médicale (26 juin 1895).
346 IMMUNISATION ET SÉRUMTHÉRAPIE
cheveux et d'une tempe à l'autre . D'autres tuber-
cules étaient disséminés sur toute la face à Texcep'
tîon des tempes, du pourtour du cuir chevelu et
des paupières inférieures. Enfin, il existait des
lépromes suppures aux extrémités, de grands
placards sur tout le corps, des œdèmes durs et
une anesthésie presque générale des téguments.
Les masses tuberculeuses, très proéminentes,
d'un rouge vif ou violacé, présentèrent dès la
première semaine du traitement une desquama-
lion qui, une fois les croûtes tombées, laissait
voir des tumeurs aplaties et de couleur jaune
d'ocre sale ; nombre de tubercules disparurent
par résorption ou desquamation cutanée. Actuel-
lement, en passant la main sur la peau, on la
trouve lisse, sensible, décolorée et sans bosse-
lures.
Les grandes ulcérations suppurées, profondes,
à bords épais, anesthésiques et de coloration
rouge vif, commencèrent à sécréter abondam-
ment et à se cicatriser avec une rapidité prodi-
gieuse. Beaucoup sont déjà recouvertes d'une
peau saine, et tout porte à croire que Tépidermi-
sation sera complète avant un mois.
Du côté des oreilles, qui étaient énormes, vio-
lacées et farcies de tubercules, il s'est produit
une rétraction considérable des tissus, le volume
du lobule a beaucoup diminué, la peau s'est déco-
lorée, et Ton ne sent plus à la palpation que
LÈPRE 347
quelques petites masses de l'épaisseur d'une len-
tille.
Les narines présentaient des lésions mutilan-
tes; elles offrent aujourd'hui un aspect normal,
sauf, bien entendu, les traces laissées par les
mutilations.
La peau, qui était partout recouverte de taches
et de placards rouges, a subi dès le début une
abondante desquamation; la décoloration, très
marquée en certains endroits ^ Test beaucoup
moins dans d'autres; la sensibilité s'est rétablie
peu à peu sur presque toute la surface du tégu-
ment, à l'exception du petit doigt et du bord
cubital de Tune des deux mains.
Les œdèmes durs sont également en très bonne
voie de résolution ; on ne les constate plus qu'au
niveau de l'avant-bras et de la jambe, dans les
points où il exisle des ulcérations.
Les muqueuses ont été le siège de modifications
tion moins importantes. C'est ainsi qu'une con-
jonctivite oculo-bulbaire double de nature lé-
preuse, accompagnée d'une sécrétion intarissable
avec anesthésie de la membrane, a disparu au
bout d'une quinzaine de jours de traitement.
La pituitaire, qui était ulcérée, est aujourd'hui
presque saine, et le malade, dont l'odorat était
perdu depuis le début de son affection, commen-
çait, moins d'un mois après l'institution du traite-
ment par le sérum, à sentir les odeurs.
348 IMMUNISATION ET SÉRUMTIIÉRAPIE
Le voile du palais, les amygdales, la luelte, la
muqueuse des voies respiratoires accessible à
Texamen, étaient couverts de tubercules et cri-
blés d'ulcérations ; la voix était presque éteinte.
Or, les tubercules ont presque tous disparu ; les
ulcérations n'en sont pas encore à ce point, mais
elles sont en voie de cicatrisation et diminuent
chaque jour de profondeur et d'étendue; enfin, la
voix s'est beaucoup améliorée, tout en restant
rauque et voilée.
M, Carrasquilla a, en outre, remarqué, sur la
peau comme sur les muqueuses, particulièrement
la muqueuse bronchique, une hypersécrétion
notable coïncidant avec chaque nouvelle injec-
tion de sérum ; toutefois, l'action du médicament
a été plus lente à se manifester sur cet épithé-
lium que sur le tégument externe.
La face du malade, qui, avant le traitement,
était rouge, gonflée, tendue et présentait l'aspect
léonin, a 'pâli, en même temps que la peau du
visage devenait plus souple et plus fine. Les
masses tuberculeuses ont fait place à des taches
jaunâtres.
A l'heure actuelle, le patient a bon appétit ; il
dort bien, alors qu'auparavant il passait les
nuits à se promener dans un corridor jusqu'à ce
qu'il fût exténué et rendu par la fatigue et la
souffrance.
L'orateur relate un second cas qui a trait à un
LÈPRE 349 .
malade chez lequel les tubercules, au lieu de
disparaître par résorption ou desquamation
comme dans le cas précédent, se ramollirent, se
remplirent de pus, formèrent des ulcérations dans
les points où ils étaient le plus agglomérés, sup-
purèrent abondamment et finalement entrèrent
en voie de cicatrisation. Chez ce sujet, les œdèmes
avaient disparu avec une telle rapidité qu'au cin-
quième jour du traitement on n'en voyait plus trace.
Un troisième malade observé par M. Carras-
quilla était atteint de lèpre à forme mixte, avec
prédominance des déterminations nerveuses.
Point à noter : ce cas est le seul où l'orateur ait
vu la sensibilité revenir tout entière dans une
plaque anesthésique, la peau restant parfaite-
ment saine.
III
Les cas de lèpre tuberculeuse ou anesthésique
traités jusqu'à ce jour par le sérum antilépreux
sont au nombre dn quinze. Chez tousses malades,
sans exception, M. Carrasquila a observé ce fait,
qu'il considère' comme absolument démonstratif
et caractéristique, à savoir que, dès la première
injection de sérum, l'action morbifique du bacille
de Hansen a été complètement enrayée, puisque à
partir de ce moment on n'a vu se produire aucune
nouvelle manifestation de la maladie.
350 IMMUNISATION ET SERUMTHÉRAPIE
Ce point fondamental établi, M. Carrasquilia, de
par l'étude des cas qu'il a traités, a été amené à
un certain nombre d'autres conclusions qui "peu-
vent être résumées de la façon suivante :
La sérothérapie appliquée au traitement de la
lèpre rétablit la sensibilité d'une façon plus ou
moins rapide, selon l'étendue et la gravité des
lésions du système nerveux périphérique.
Les taches se décolorent sans s'effacer complè-
tement. Les œdèmes disparaissent rapidement
dans quelques cas, lentement dans d'autres ; la
peau se rétracte, se plisse et revient à l'état phy-
siologique après la résorption des œdèmes.
Les tubercules s'affaissent, se ramollissent, dis-
paraissent par résorption, desquamation ou sup-
puration en laissant des traces dans les points
qu'ils occupaient. Les ulcérations, après avoir
abondamment suppuré, se cicatrisent avec une
rapidité considérable et se recouvrent de peau
saine. Les cicatrices des anciens lépromes suppu-
res pâlissent et tendent à se mettre de niveau
avec la peau qui les entoure.
Les muqueuses ulcérées commencent par se
cicatriser, se décolorent comme la peau, récupè-
rent la sensibilité, en même temps que les tuber-
cules se fondent. La face perd totalement l'aspect
léonin.
Enfin, le patient recouvre l'appétit et le som-
meil, et le moral s'améliore.
LÈPRE 351
Tout récemment M. Yersin a confirmé ces ex-
périences qui reposent ici sur des données scien-
tifiques plus précises. M. Yersin immunise des
animaux avec des toxines du bacille de la lèpre et
inocule le sérum des animaux immunisés aux lé-
preux. Les observations prises par l'expérimen-
tateur sont déjà fort nombreuses et les résultats
obtenus sont excellents : on a pu compter environ
75 p. 100 de guérisons.
CHAPITRE XIX
FIÈVRE RÉCURRENTE
Gabritchewsky * a fait sur la fièvre récurrente
une série de recherches. Si, dit-il, l'on fait deux
préparations avec du sang de malades atteints de
fièvre récurrente et pris au moment de l'acuité de
l'accès, et si l'on ajoute à l'une de ces opérations
une goutte de sérum d'un malade ayant eu récem-
ment le typhus récurrent, on voit que dans cette
préparation les spirilles succombent au bout dé
trois à quatre heures, tandis que dans la prépara-
tion témoin elles résistent pendant sept à huit
jours.
Il conclut de cette expérience que : !<> seul le
sang de sujets convalescents de typhus récurrent
possède des propriétés bactéricides vis-à-vis des
spirochètesd'Obermeyer ; 2^ ces propriétés se déve-
loppent progressivement et parallèlement à la
marche de l'accès ; 3^ la quantité des substances
1 rresse Méd., 17 juin 1896.
FIÈVRE RÉCURRENTE 353
spirochétocides du sang augmente av^c chaque
accès ; 4® quand celte quantité a atteint un degré
considérable, les spirilles deviennent moinsmobiles
et sont bientôt rapidetnent digérées par les phago-
cytes, ce qui explique la durée si courte des accès
suivants.
Dans des expériences sur des singes, Gabrit-
chewsky aurait confirméces conclusions, et il au-
rait pu évaluer mathématiquement raccroisseoiênt
des propriétés bactéricides du sang ; l'évaluation
du coefficient de cet accroissement était fait à la
température ambiante ordinaire: — Ces évalua-
tions ont donné un coefficient de 0,9 chez l'homme
bien portant, de 1,4 chez le malade et de 9 pen-
dant la crise ; t- ensuite le coefficient baisse len-
tement.
. La dernière expérience a consisté à faire une
injection de sérum de singe rétabli d'Une fièvre
récurrente à un autre singe auquel on avait au
préalable inoculé le typhus récurrent : cette injec-
tion a amené la guérison complète.
Gabritchewsky dit en terminant qu'il ne se croit
pas encore autorisé à appliquer ce traitement au
typhus récurrent de l'homme.
IMUUNISATION. 23
CHAPITRE XX
MUGUET
M. Roger a fait des injections intraveineuses
d'une culture d'oïdium albicans à des lapins, un
centimètre cube d'une culture pure tue Tanimal
en cinq ou six jours. L'expérimentateur a donc
inoculé des doses inférieures et il est arrivé à
conférer aux animaux une immunité bien notable
leur permettant de supporter une dose double de
la dose mortelle ordinaire.
Le sérum de ces animaux présente des carac-
tères analogues à ceux du sérum des animaux vac-
cinés contre des maladies bactériennes. Ainsî,*si on
sème du muguet dans du sérum normal on trouve
au bout de vingt-quatre heures le liquide rempli
de flocons épais et serrés. Au contraire, le sérum
de l'animal vacciné reste clair. Cependant, la végé-
tation se produit, mais elle est peu abondante et se
présente sous forme de petits grains
Le pouvoir végétatif de l'oïdium s'affaiblit tel-
lement dans le sérum des animaux vaccinés que
M. Roger n'a pu faire de culture en série, le réen-
semencement est impossible.
MUGUET 355
A Texamen microscopique dans le sérum nor-
mal, on trouve de beaux filaments et des formes
en levure bien isolées ; leur protoplasma très colo-
rabie est entouré par une membrane à double
contour. Dans le sérum des vaccinés, les formes en
levure sont également constituées par une masse
protoplasmique, mais^ au lieu de la mince cuti-
cule périphérique, on trouve une masse hyaline
parfois striée à bords sinueux et mal délimités. Le
plus souvent, les levures sont agglomérées en amas
de quinze à trente éléments agglutinés et noyés
dans la masse hyaline. Si on prend une culture
d'oïdium sur agar ne renfermant que des éléments
ovalaires et si on la mélange avec le sérum d'un
animal vacciné, on voit peu à peu, parfois en une
demi-heure, trois quarts d'heure, la membrane
d'enveloppe se gonQer et petit à petit les éléments
finissent par prendre l'aspect indiqué ci-dessus
des cultures faites dans du sérum de vacciné. Les
modifications sont plus légères sur les éléments
adultes que chez les jeunes. On peut donc rappro-
cher l'oido-mycose des affections bactériennes; on
peut vacciner les animaux dans les deux cas et
obtenir dans le sérum des modifications analogues
L'organisme réagit donc de la même façon dans
les deux infections.
TABLE DES MATIERES
Page
Préface de la deuxième édition
Introduction
Chapitre I. — Immunité naturelle
Définition J
Pointe d'entrée 6
Conditions extérieures (1° climat; 2° altitude; 3° sai-
sons; 4" froid; 5** chaleur; 6° jeûne; 7» trauma-
tisme; 8** encombrement) 12
Conditions d*ordre interne (!<> âge; 2° sexe; 3° race;
4° fatigue ; 5' splénectomie ; 6° lésions nerveuses ;
7° intoxications; 8° auto-intoxications; 9° diathèses
et affections diverses) 19
Causes de Vhnmunité (1° théorie cellulaire, phagocy-
tose; 2" théorie humorale; 3° théorie humoro-cel-
lulaire; 4° théorie vaso-motrice. Conclusions). . . 24
Chapitre II. — Immunité acquise
Vaccination pathologique 55
Vaccinations expérimentales 57
Vaccine; Cow-pox 58
Choléra des poules 65
Charbon 66
Charbon symptomatique 68
Vaccine contre la variole de Tespèce bovine 68
23.
358 TABLE DES MATIÈRES
Rouget (les porcs 69
Péripneumonie infectieuse des bovidés 69
Fièvre jaune 69
Choléra 70
Rage. . . V 73
Tuberculose 74
Morve 78
Diphtérie 80
Tétanos 82
Venins 83
Méthodes d'atténuation :
Atténuation par passage dans un organisme .... 89
— par veillissement de culture 93
— par la chaleur 94
— par la lumière 97
— par l'oxygène 98
— par la dessiccation 98
— par les antiseptiques 100
— par les produits microbiens 103
— par la culture 106
— par des causes diverses 107
Vaccination contre un virus par un virus 114
— chimique 116
Théorie de la vaccination 123
Chapitre III. —- Immunisation
Historique de la question 129
Difîérence entre la vaccination et Timmunisation . . 130
Action du sérum réfractaire 132
Expériences d'Emmerich, Klemperer, Arkaroff, Brie-
ger, Kitasato, Wasermann, Legrain, Ferran,
' Behring, Tommasoli et Pellizari 135
Action microbicide du sang d'un animal immunisé
contre une affection différente 137
Description générale de l'immunisation et de la
sérumthérapie ; 139
Comment se forment les antitoxines? 140
Action d'une maladie antérieure sur les substances
toxiques 145
Puissance et durée d'une antitoxine 149
TABLE DES MATIÈRES 359
Chapitre IV. — Tétanos
•
Causes de la maladie 151
Description du bacille de Nicolaïer 152
Produits solubles de ce bacille 153
Action de cette toxine 153
Immunisation antitétanique 157
Action du sérum immunisé sur les toxines 159
Traitement du tétanos chez les animaux par l'anti-
toxine 161
Application de l'antitoxine à l'homme 162
Préparation du sérum 163
Propriété du sérum 165
Prévention du tétanos 166
Traitement du tétanos 166
Chapitre V. — Diphtérie
Causes de la maladie 169
Culture du bacille de Lœffler 170
Isolement des produits solubles 172
Découverte de Behring 173
Premières expériences d'Aronson. 174
Communication de Roux *". . 176
Préparation de la toxine 177
Immunisation antidiphtérique 179
Puissance du sérum provenant de différents animaux. 180
Propriétés expérimentales du sérum 182
Toxine et antitoxine 183
Pouvoir préventif du sérum 184
Emploi de l'antitoxine chez l'enfant 186
Quantité de sérum injecté à chaque malade 187
Classification des cas de diphtérie traités 188
Croup 190
Influence de l'hygiène et des autres maladies. ... 192
Opinion de Behring 193
Antitoxine d'Aronson 195
Opinion de Kossel sur l'antitoxine dans le croup . . 196
Durée du pouvoir immunisant du sérum 197
Différentes statistiques 199
Attaques contre la sérumthérapie 204
Accidents observés à la suite de la sérumthérapie. . 206
360 TABLE DES MATIÈRES
Durée du pouvoir immunisant du sérum 207
Phagocytose dans la sérumthérapie 208
Conclusions 210
Chapitre VI. — Tuberculose
Historique de la tuberculose 210
Le bacille de Koch 211
Tuberculose dans les diverses espèces animales. . . 214
Toxines du bacille de Koch 215
Différentes tentatives d'immunisation. .* 216
Inoculation d'une autre maladie 217
Inoculation de tuberculose atténuée 219
Injection de tuberculine 221
Injection de sérum d'animaux rarement tuberculeux. 222
Vaccination antituberculeuse 226
Immunisation vraie contre la tuberculose 226
Expériences du D' Bernheim 227
Expériences de M. Boinet 233
Expériences et résultats de M. Maragliano 234
Chapitre VII. — Pneumonie
Description du pneumocoque 244
Habitus du pneumocoque 246
Vitalité et virulence du pneumocoque 247
Association bactérienne 248
Immunisation pneumonique 249
Sérumthérapie chez les animaux 252
Sérumthérapie chez l'homme 253
Pouvoir thérapeutique de rantipneumotoxine. . . . 256
Chapitre VIII. — Choléra
Description du bacille du choléra 258
Vitalité du bacille virgule 259
Les différents microbes trouvés chez les cholériques. 261
Vaccination anticholérique 263
Association microbienne de Metchnikoff 265
Immunisation anticholérique 267
Sérumthérapie chez les animaux 270
Sérumthérapie chez l'homme. 271
TABLE DES MATIÈRES 361
Chapitre IX.- — Variole
Expériences d'Auché 275
Séjrumthérapie chez les varioles . 276.
Chapitre X< — Septicémie
Description du streptocoque. 278
Erysipèle expérimental. . . 279
Immunisation de la septicémie 280
Sérumthérapie .281
Chapitre XI. — Syphilis
Microbe de la syphilis . 283
Sérumthérapie 284
Accidents dus à l'injection 285
Injection de sérum ordinaire 286
Méthode de Pellizari 287.
Expériences de Mozza 288
Expériences de Fournier, Feulard et Triboulet. . . .. 290
Chapitre XÏÏ. — Fièvre typhoïde
Le bacille d'Ëberth. .'. . .. 293
Le bacille typhique inoculé aux animaux 295
Immunisation typhique 296
Sérumthérapie 298
Expériences d'Uammerschlag. '. 299
Typhus symplomatique (D' Legrain). 30ft
Expériences de Stem 301
Chapitre XIII. — Influenza
Historique du microbe 303
Technique de Pfeiffer 304
Le microbe de Pfeiffer 306.
L'influenza chez les différents animaux 307
Immunisation de Tinfluenza 308
Chapitre XIV. — Venins
Expériences de Phisalix et Bertrand 309
Immunisation du venin 310
Antitoxine du venin 311
36!2 TABLE DES MATIÈRES
Chapitbe XV. — Charbon
Bactéridie charbonneuse 313
Immunisation charbonneuse 315
CHAPrrRB XVI. — Streptogoccie
Unité ou dualité du streptocoque 317
Procédés d'immunisation 318
Méthode de M. Marmorek 318
Observations cliniques de M. Ghantemesse 324
Méthode de MM. Charrin et Roger 326
Le sérum antistreptococcique dans ditlérentes ma-
ladies 328
Conclusions 330
Chapitre XVII. — Cancer
Cancer 332
Historique des recherches sur Timmunisation. . . . 332
Expériences de MM. Coley et Hemmerich 333
Expériences de MM. Richet et Uéricourt 335
Expériences de MM. Bernheim et Barlerin 336
Expériences de M. Gimino 337
Expériences de M. Arloing 341
Conclusions 343
Chapitre XVIII. — Lèpre
Lèpre et son bacille 344
Expériences et résultats de M. Carrasquella. . . . . 345
Expériences de M. Yersin 350
Chapitre XIX. — Fièvre récurrente
La fièvre récurrente 352
J^xpériences de M. Gabritchewsky 352
Chapitre XX. — Muguet
Le muguet 354
Expériences de M. Roger. 354
ÉVREUX, imprimerie DE CHARLES HÉRISSEY
TRAITÉ PRATIQUE
DE MÉDECINE
CLirUlQllË ET TnéttAPËUTIQUB
PUBLIA SOUS LA DIHBGTION
OB MM.
Samuel BERNHEIH et Emile LAURENT
COLLABOBATBURS
MM.
((ifl PaHi).
(ifAUièiies}.
(d« Paris),
Paal ■•rUriit (He Piris). ■•■■»•! (daMoDtpenieri. Btaaclil (d«N«pl«s),
BitliaBt (Je Piiris]. Bloeh (de P:ir:>), •••<••« (de Viil^aiO. «o*»** [d« P«rls),
••■«•lot (d« l'aria), ■!••• (dti Mouipellier), ■•■«o«r (de Paris), ■l««foii (de Beeançoa).
Il«««l (de roiipues). Br«n»s« (de Montpellier). Braaef («Ifl Paris),
CaM««vad«UB»cli» (•Iti Uenlon,.CIiapyUlM (le Marseii1e|.4:b«t«UiM(da PHril).
VkréH^u (de Poitiers). A» ChrUlMaa (dd P.iris), C»rn««(de Pari»).
€j»uémj (lif HjHs]. C'aalMga»(df. Lvoii),Ca«itaa«l (de Besançon) ,C*riaU«al(d9G«aèT«).
Craeq (dd BruTi'! • .•>). Cuillerée (•{« LfOn), Da«haanp (d'ArCdchoo),
Dclyaaia (d'Athènes). Dcrvillca (de Pari»), D«atara« (de Tonloase).
Plaïawibaryr Me Paris), l>ubr«ialil» (de Bordraus), l>ali»«ivaaa (deCanterets),
r«rran («le Barrelone), Fienga (<le Naple.«.).F«n«har4(duMau!').GrtrMaall (de Paru),
1^. Garaiar (de Pan^,. Gibcrl (du Havre). Gir«4 (du Clermant-Ferrand).
««««■tcin (df. Bif sl^u). Gonrraw (tiu Paris). fSualM (de Parts). Ilaga« (de Leipzig),
llajvck (-le Vieuiia. Auiricbe), Jocqa (de Paris), Jwlie (du Paris). Hah^a (de Pdlts),
Lariehe (d'£^ut-Boiiuos), K. JLavy (,lu St.ru<bour(:), Lavral (de Ljtin),
l<iaadi«r (dt- l'ari^j. Licklwifa (de Borde«UT), Lonala (de Nancr),
Maacaral [iW Cliâle!!f-'iut), |lf««aln (de Louvain), Mèjia (de Mexico).
■littovtci (de Uuchar.>st). NuidcnUauar (de Leipsir), AlbarA Mail (do Barlifl)
Maock (dt) Fari«). Mar«au (d'AiL-cr', IHoriM (de Pans). Parra««ft (deHyères),
Haari Picaril (de Paris), Plule (Av Vdm). rvlguèra (de Paris). Païaalk (de Bordetoz).
Sa a «h as
Van llanterahrin (d'Ainjterdnni), IIAm«adl(de Tuuloasa).
bas lUrrera 'do Aladrid), Saavea (de l'^rîs), 8aaana«la (de ^aplei),
(de Vill>->uir), Sormnui ( I - IV.v'.e). MUcffel (.le Joinrille), Ams (de F^s)
TUan (de Paris, T.k. ils (de Graz), Tré*al (de l>ar|s),
4e TyMovski (de Srliinlziiac'j). %'auirin (de Nancy). Verm^l (de Moscou),
Vareaaff (do Parti), ém VoaK(de La liaye), Stan (de Daatilf), Miltlea (de N«Mr)
DIVISION DU TRAITÉ PRATIQUE DE MÉDECINE
CLINIQUE ET THéRAPEUTIQUB
Tome I.— Maladies infectieuses.
Tome 1!. — Alfeclions nerTeiises.
maladies mentalfs et médecine légale
dei» aliéné.^.
Totue III. — Maladies des voies
respiratoire».
Tome IV. — Maladies de l'appareil
circulatoire, du Mtig et de la nutri-
tion ; maladies des reins et de la vessie.
Tome V. — llalailies du tube di-
gestif et de- ses «uuexes.
Tome V(. — Ualadies dus deiil», du
ner, des oreilles, des yeu», d<» la peau
et des organes génitaux. Sypiiitis.
Deuxième édition j revue et corrigée, 1897.
Six beaux volumes iu-8" de 700 à 900 pages environ chacan
Prix de Touvrag-e complet : 50 nraiics
É \ R E U X , IJI P R 1 M E R I F DE CHARLES H K lU S S E Y