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Full text of "Institutions liturgiques"

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University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/institutionslitu01gu 


INSTITUTIONS 


LITURGIQUES. 


INSTITUTIONS 


LITURGIQUES 


PAR 


LE  R.  P.  BOM  PROSPER  GUÉRANGER, 


ABBE  DE  SOLESMES. 


Sanas  Pontiticii  Juris  et  sacrse  LitJ^iai 
traditiones  labesceates  confovdST 


"    r      EX  IjIrIS 

ST.  llASJ.L'^CHpLASTlCA 


TOME  PRl^Elj,^^      C~XO     ^,,;; 


AU  MANS, 


CHEZ  FLEURIOT, 

IMP.  -  LIBRAIRE  -  ÉDITEUR  . 

P&ÈS  LA  PRÉFECTURE. 


A  PARIS, 

CHEZ  DÉBÉCOURT, 
LIBRAIRE  , 

RUE   DES  SAINTS-PÈRES,    69. 


M.  DCCCXL. 


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A0IT2AJ0H3?'.8'JI2A8  .73 


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WOV  1  8  1958 


IMP.  DE  FLEURIO T  ,  KM  MANS. 


SA  SEIGNEURIE  ÉMINENTÏSSME 


LOUIS  CARDÏIVAL  LAMBRUSCHINï, 


SECRETAIRE-D'ETAT  DE  SA  SAINTETE. 


Eminentissime  Seigneur  , 


Les  Institutions  Liturgiques  dont  Votre  Emi- 
NENCE  a  daigné  agréer  la  dédicace ,  viennent  enfin 
réclamer  son  haut  patronage. 

Ce  livre,  oti  sont  racontées  les  mystérieuses 
beautés  et  les  harmonies  célestes  que  l'Esprit  Saint 


a  répandues  sur  les  formes  du  Culte  divin,  tel 
que  l'exerce  la  Sainte  Eglise  Romaine ,  Mère  et 
Maîtresse  de  toutes  les  autres,  se  recommandait , 
par  son  objet  même ,  à  Votre  Seigneurie  Emi- 
NENTissiME  ,  clicz  laquelle  l'auguste  qualité  de 
Prince  de  cette  Sainte  Eglise  est  relevée  encore , 
aux  yeux  du  monde  entier  ,  par  les  éclatantes 
marques  de  la  confiance  Apostolique  du  Successeur 
de  saint  Pierre. 

Avant  d'être  élevée  par  son  mérite  supérieur  aux 
premiers  honneurs  de  Rome  Chrétienne  ,  Votre 
Eminence  passa  de  longues  années  dans  les  exer- 
cices de  la  Vie  Régulière ,  et  dans  les  labeurs  de 
la  science:,  du  sein  de  cette  illustre  famille  reli- 
gieuse qui  a  donné  à  la  Chrétienté  le  grand  Bar- 
thélemi  Gavanti ,  et  à  la  Sacrée  Congrégation  des 
Rites  ,  des  Consulteurs  si  renommés  par  le  zèle  et 
la  science  du  Culte  divin.  Puisse  Votre  Eminence 
reconnaître  dans  ce  faible  ouvrage  les  saines  doc- 
trines Liturgiques  dans  lesquelles  Elle  a  éténourrie, 
et  dont  Elle  professe  si  hautement  la  pureté  ! 

J'ose ,  Eminentissime  Seigneur  ,  chercher  un 
heureux  présage  du  sort  réservé  à  ce  livre,  dans 
la  bienveillante  faveur  dont  Votre  Eminence  a 
daigné  jusqu'ici  environner  et  son  obscur  auteur, 
et  cette  famille  naissante  qui ,  non  seulement  con- 
sidère avec  admiration  dans  votre  Seigneurie  Emi- 
nentissime, l'émule  et  le  collègue  des  Gerdilet  des 


Fontann ,  mais  y  révère  j  en  même  temps  »  avec 
une  gratitude  sans  homes ,  le  puissant  protecteur 
dont  le  nom  lui  sera  cher  à  jamais. 

Daigne  le  Dieu  de  miséricorde  conserver  long- 
temps Votre  Eminence  pour  le  bien  de  son  Eglise 
et  pour  la  consolation  de  celui  qui  a  l'honneur  de 
se  protester,  avec  le  plus  profond  respect  et  la  plus 
entière  reconnaissance , 


De  Votre  Seigneurie  Eminentissime, 


Le  très-humble  et  très-obéissant  serviteur, 

Fb.  Prosper-Louis-Paschal  GUÉRANGER, 
Abbé  de  Solesmes. 


PREFACE. 


Notre  intention ,  en  publiant  cet  ouvrage ,  a  été 
de  satisfaire ,  du  moins  en  quelque  chose ,  à  un 
des  premiers  besoins  de  la  Science  Ecclésiastique 
chez  nous.  Dans  toutes  les  Ecoles  Catholiques  des 
différents  pays  de  l'Europe ,  la  Liturgie  fait  partie 
de  l'enseignement  ;  elle  a  ses  cours ,  ses  pro- 
fesseurs spéciaux.  Pourquoi ,  en  France ,  partage- 
t-elîe  l'oubli  dans  lequel   est  tombée  momenta- 
nément la  science  du  Droit  Canonique?  Il  faut 
bien  en  convenir  ;  c'est  que  l'objet  d'une  science 
a  besoin ,  avant  tout ,  d'être  fixe  et  déterminé ,  et 
que  tandis  que  les  diverses  Eglises  de  l'Europe 
sont  en  possession  d'une  Liturgie  immuable  et 
antique ,  nos  Eglises  ne  sont  pas  encore  arrêtées 
sur  leur  Bréviaire  et  leur  Missel.  Comment  bâtir 
sur   ce  sable  ?   quelle  harmonie  faire  ressortir 
dans  ces  règles  qui  n'étaient  pas  hier ,  et  seront 
demain  modifiées ,  ou  peut-être  remplacées  par 
des  règles  toutes  contraires?  Comment  montrer  la 
tradition ,  cette  nécessité  première  de  toutes  les 
institutions  Catholiques ,  dans  des  formules  et  des 
iI5.^ges  tout  nouveaux? 


X  PRÉFACE. 

Soyons  sincères,  notre  désir  de  perfectibilité 
Liturgique  ne  nous  a-t-il  pas  insensiblement  ré- 
duits à  l'état  que  saint  Pie  V  reprochait  à  nos  pères , 
au  seizième  siècle  ?  Qu'est  devenue  cette  unité  de 
Culte  que  Pépin  et  Charleniagne  ,  de  concert  avec 
les  Pontifes  Romains ,  avaient  établie  dans  nos 
Eglises  ;  que  nos  Evêques  et  nos  Conciles  du  sei- 
zième siècle  promulguèrent  de  nouveau  avec  tant 
de  zèle  et  de  succès  ?  Dix  Bréviaires  et  dix  Missels 
se  pai^tagent  nos  Eglises ,  et  le  plus  antique  de  ces 
livres  n'existait  pas  à  l'ouverture  du  dix-huitième 
siècle  ;  il  en  est  même  qui  ont  vu  le  jour  dans  le 
com*s  des  quarante  premières  années  du  siècle  où 
nous  vivons. 

Si  nos  Eglises  célébraient  le  Service  divin ,  sui- 
vant les  règles  du  Rite  Ambrosien ,  ou  encore  du 
Rite  Gothique  ou  Mozarabe  ;  si ,  au  lieu  de  fabri- 
quer, de  fond  en  coml)le,  des  Liturgies  inconnues 
aux  siècles  précédents ,  on  nous  eût  remis  en  pos- 
session de  cette  antique  et  vénérable  Liturgie 
Gallicane ,  qui  fut  en  usage  chez  nous  jusqu'à  la 
moitié  du  huitième  siècle,  la  science  des  Rites 
sacrés  eût  trouvé  ample  matière  à  se  nourrir  dans 
l'étude  d'aussi  précieux  monuments.  Mais ,  par  un 
étrange  renversement  des  habitudes  Catholiques , 
on  est  devenu  indifférent  à  ces  changements ,  à 
ces  substitutions  de  Bréviaires  et  de  Missels  qui , 
il  y  a  quelques  siècles ,  eussent  mis  en  révolu&n 


I>RÉFACE.  XI 

le  Clergé  et  le  peu[)le.  Il  n'est  iiièaie  pas  raie  de 
rencontrer  des  hommes,  instruits  d'ailleurs,  to- 
talement dépourvus  des  plus  simples  notions  sur 
l'histoire  des  formes  Liturgiques,  et  qui  s'imaginent 
naïvement  que  toutes  les  prières  dont  retentissent 
nos  Eglises ,  remontent  aux  âges  les  plus  reculés. 
Il  en  est  même  qui ,  lorsqu'on  leur  fait  remarquer 
l'isolement  dans  lequel  ces  usages  particuliers 
placent  nos  Eglises  à  l'égard  du  Siège  Aposto- 
lique ,  vous  objectent  les  paroles  de  saint  Au- 
gustin ,  sur  l'harmonieuse  variété  que  produi- 
sent au  sein  de  l'unité  les  coutumes  locales ,  et  qui 
sont  tout  étonnés  quand  on  leur  fait  voir  que  nos 
coutumes  n'ont  point  pour  elles  l'antiquité  ,  qui 
seule  les  rendrait  sacrées  au  point  de  vue  de  saint 
Augustin ,  et  que  d'ailleurs ,  depuis  ce  Père ,  l'E- 
glise a  expressément  manifesté  l'intention  de  rémiir 
tout  l'Occident ,  sous  la  loi  d'une  seule  et  même 
Liturgie.  Mais  leur  surprise  est  à  son  comble,  lors- 
qu'on leur  raconte  en  quel  temps ,  sous  quels 
auspices ,  par  quelles  mains  une  si  importante  ré- 
volution s'est  accomplie. 

On  nous  demandera  peut-être  si,  venant  au- 
jourd'hui soulever  des  questions  délicates ,  notre 
intention  est  de  produire  un  mouvement  en  sens 
inverse ,  et  de  troubler  les  consciences  qui ,  jus- 
qu'ici ,  sont  demeurées  dans  la  paix  ?  A  cela  nous 
répondrons  d'abord  que  nous  ne  pensons  pas  que 


ÎCII  PRÉFACE. 

notre  faible  parole  puisse  avoir  un  tel  retentisse- 
ment. Nous  essayons  de  traiter  une  matière  grave 
et  épineuse  de  la  science  Ecclésiastique ,  en  nous 
appuyant  sur  la  nombreuse  et  imposante  école  Li- 
lurgistequi  nous  a  frayé  la  route,  et  nous  n'enten- 
dons rien  dire  que  de  conforme  aux  traditions  et 
aux  règlements  du  Siège  Apostolique.  On  jugera 
si  nous  avons  innové  quelque  chose  ;  peut-être 
même  s'aperce\Ta-t-on  que  nous  avons  quelque 
peu  étudié  et  médité  avant  de  parler;  mais ,  après 
tout ,  quand  notre  li\Te  appelant  l'attention  de 
ceux  qui  ont  la  mission  de  veiller  sur  les  Eglises  , 
contribuerait,  pour  la  plus  légère  part,  à  aiTeterde 
grands  abus ,  h  préparer ,  en  quelque  chose ,  un 
retour  aux  principes  de  tous  les  siècles  sur  les 
matières  Liturgiques,  notre  crime  serait-il  si  grand? 
Quant  au  reproche  que  l'on  nous  ferait  de  cher- 
cher à  troubler  les  consciences  ,  il  n'a  rien  de  sé- 
rieux. En  effet  ,  ou  nous  parviendrions  à  éveiller 
des  scrupules  mal  fondés ,  et  dans  ce  cas ,  les  gens 
éclairés  feraient  justice  de  nos  assertions;  ou  nous 
proposerions  à  l'examen  des  lecteurs  de  justes 
raisons  de  s'alarmer,  et  alors  ,  loin  de  mériter  des 
reproches  ,  il  nous  semble  que  nous  aurions  rendu 
un  service.  Mais  nous  le  déclarons  tout  d'abord , 
notice  zèle  n'a  rien  d'exagéré  ;  la  question  du  Droit 
de  la  Liturgie  est  loin  d'occuper  la  place  principale 
dans  cet  ouvrage,  et  dans  tous  les  cas,  elle  n'est  pas 


PRÉFACE.  Xlll 

si  facile  à  trancher  que  l'on  doive  craindre  si  facile- 
ment que  nous  ayons  envie  de  ladirimeràlalégère. 
Une  décision  absolue,  affirmative  ou  négative,  pour 
ce  qui  intéresse  la  France  ,  n'est  même  pas  pos- 
sible. Il  se  rencontre ,  pour  ainsi  dire  ,  autant  de 
questions  qu'il  y  a  de  Diocèses.  Dans  les  uns ,  les 
Usages  Romains  sont  abolis  depuis  dix  ans ,  dans 
d'autres  depuis  quatre-vingts  ou  cent  ans  :  ce  qui 
est  fort  différent  ;  d'autres  enfin,  et  celui  que  nous 
habitons  est  du  nombre,  ont,  depuis  quatre  ou  cinq 
siècles,  des  livres  sous  le  titre  Diocésain  et  soumis 
de  temps  immémorial  à  la  correction  de  l'Ordi- 
naire. La  question,  comme  l'on  voit,  est  donc  très 
complexe ,  et ,  nous  le  répétons ,  le  désir  de  la  ré- 
soudre n'est  point  le  motif  qui  nous  a  fait  entre- 
prendre un  ouvrage  où  elle  ne  sera  traitée  qu'ac- 
cidentellement. 

Nous  avons  voulu,  dans  ce  livre,  donner,  comme 
l'indique  son  titre ,  un  enseignement  général  de 
toutes  les  matières  qui  concernent  la  Science  Litur- 
gique ,  et  voici  les  objets  que  nous  nous  sommes 
proposé  de  traiter.  D'abord ,  l'histoire  étant  le 
fondement  et  le  cadre  de  tout  enseignement  ecclé- 
siastique .,  nous  avons  pris  la  tache  difficile ,  et 
non  encore  tentée  avant  nous  ,  de  donner  l'his- 
toire générale  de  la  Liturgie.  Nous  la  conduisons 
dans  ce  premier  volume  jusqu'à  l'ouverture  du 
dix-septième  siècle.  Dans  ce  récit  ,  nous  avons 


XIV  PRÉFACE. 

fait  entrer  un  grand  n(jmbre  de  détails  qu'il 
nous  eût  été  impossible  de  placer  ailleurs,  et  dont 
la  connaissance  et  l'appréciation  étaient  indispen- 
sables pour  l'intelligence  de  la  Liturgie  considérée 
tant  en  général  qu'en  particulier. 

En  rédigeant  cette  importante  partie  de  notre 
travail ,  nous  n'avons  pas  tardé  à  recoimaître  que 
ce  coup-d'œil  histoiique  serait  insuffisant ,  si  nous 
n'y  faisions  pas  entrer  une  notice  chronologique 
et  bibliographique  des  auteurs  qui  ont  traité  de  la 
Liturgie ,  ou  composé  les  formules  Liturgiques. 
Nous  avons ,  pour  cette  partie ,  profité  de  l'excel- 
lente Bibliotheca  Ritiialis  de  l'illustre  Zaccaria, 
h  laquelle ,  du  reste ,  nous  avons  ajouté  plus  de 
quatre-vingts  auteurs,  pour  les  seize  premiers  siècles 
seulement  (1;.  Xous  avons  réduit  ces  sortes  de  no- 
tices à  la  plus  petite  dimension  possible,  pour  ne  pas 
trop  grossir  le  volume ,  et  dans  les  articles  qui  nous 
sont  communs  avec  Zaccaria  ,  de  même  que  nous 
n'avons  pas  toujom's  inséré  les  livTes  qu'il  cite , 

(1)  Parmi  les  Liturgisles  oubliés  par  Zaccaria  et  que  nous 
avons  recueillis,  nous  citerons  Victorin ,  I^rudence,  saint 
Paulin ,  Sedulius ,  Cassien  ,  saint  Césaire  ,  Chilperic  ,  saint 
Léon  II ,  saint  Chrodegang  ,  Charlemagno ,  Helisacar,  Loup 
de  Ferrières,  Charles  le  Chauve  ,  Foulques  II  d'Anjou  ,  Cuy 
d'Auxerre ,  Hartmann  ,  Ekkehart ,  Létalde ,  Âdclbode  ,  Al- 
phane  ,  Maibode,  Cuigues,  Abailard,  Adam  de  S' .-Victor, 
Maurice  de  Sully ,  Genci  de  Sabelli ,  Alain  de  Lille  ,  le  B. 
Charles  de  Blois,  Claude  de  Sainctes ,  Galesini,  Erasme, 
Deniucliarès ,  Muret ,  Silvio  Ânloniani,  etc. 


PRÉFACE.  XV 

ainsi  nous  en  avons  plus  d'nne  fois  produits  qui 
lui  étaient  échappés. 

L'histoire  Ulurgique  del'EgHse  que  nous  devons 
conduire  jusqu'au  dix-neuvième  siècle  étant  ter- 
minée ,  nous  commençons  à  traiter  les  matières 
spéciales.  A  la  suite  des  notions  nécessaires  sur 
les  Livres  de  la  Liturgie  ,  sur  le  Calendrier,  sur  lo 
partage  du  temps  et  ses  mystères  dans  la  Liturgie , 
nous  passons  à  l'explication  des  traditions ,  et  des 
symboles  contenus  tant  dans  la  partie  mobile  de 
l'Année  Ecclésiastique,  que  dans  la  partie  immobile 
de  ce  Cycle  merveilleux. 

Le  Sacrifice  chrétien  est  ensuite  traité  avec 
tous  les  détails  qui  peuvent  contribuer  à  bien 
faire  connaître  ce  centre  divin  de  toute  la  Liturgie. 
Nous  venons,  après  cela,  aux  traditions  qui  concer- 
nent les  Sacremens ,  ces  sept  sources  de  grâce  des- 
quelles émane  sans  cesse  le  salut  du  peuple  chré- 
tien. L'ensemble  imposant  des  Sacramentaux  attire 
ensuite  notre  attention  et  nous  fournit  l'occasion 
de  montrer  la  réhabilitation  universelle  de  l'œuvre 
de  Dieu  par  la  vertu  de  la  Croix ,  d'où  découle 
le  divin  pouvoir  de  l'Eglise.  Une  dernière  partie 
comprend  les  Actes  et  Fonctions  Liturgiques  qui  ne 
se  rangent  pas  sous  les  divisions  que  nous  venons 
d'indiquer. 

Après  avoir  développé  en  détail  toutes  les  par- 
ties de  cette  Somme,  nous  la  faisons  suivre  de 


XVI  PRÉFACE. 

plusieurs  Traités  spéciaux  dans  lesquels  nous 
examinons;  1°  les  règles  de  la  s}Tnbolique  en 
matière  de  Liturgie  ;  2°  la  langue  et  le  style  de  la 
Liturgie  ;  3°  le  Droit  de  la  Liturgie  ;  ¥  l'autorité 
de  la  Liturgie  ,  comme  moyen  d'enseignement 
dans  l'Eglise  ,  et  nous  terminons  cette  dernière 
subdivision  de  noire  sujet  par  un  petit  travail  dans 
lequel ,  sous  le  titre  de  Tlieologia  Liturgica  ,  nous 
avons  rangé  par  ordre  de  matières  tout  ce  que 
la  Liturgie  ,  telle  que  Rome  la  promulgue  aujour- 
d'hui ,  renferme  de  secours  pour  l'éclaircissement 
du  dogme  et  de  la  morale  catholiques. 

Telle  est  la  tâche  que  nous  nous  sommes  im- 
posée :  que  Dieu  nous  donne  de  la  remplir  d'une 
manière  suffisante  1  Cet  ouvrage ,  fruit  de  douze 
années  d'études ,  touche  un  nombre  immense  de 
questions  ;  sa  manière  est  totalement  neuve  ;  ses 
principes  généraux ,  et  ses  règles  d'application 
sont  pris  et  devaient  l'être  dans  un  ensemble 
positif  qui ,  de  fait  et  de  droit ,  est  souvent  en 
désaccord  avec  les  idées  reçues  dans  le  pays 
où  nous  écrivons.  Faut-il  le  dire?  nous  sommes 
tout  Romain.  On  ne  nous  en  fera  sans  doute  pas 
un  crime.  Depuis  assez  long-temps  il  est  d'usage 
de  dire  en  France  que  les  hvres  liturgiques  de 
Rome  ne  sont  point  à  la  hauteur  de  noire  civili- 
sation religieuse.  Il  y  a  un  siècle  que  nous  en  avons 
fait  la  critique  la  plus  sanglante  en  les  répudiant 


PRÉFACE.  XVII 

en  masse  el  bâtissant  a  priori  des  OUfices  nou- 
veaux ,  qui  sont  en  désaccord  complet  avec  ceux 
de  la  ^lère  des  Eglises ,  jusque  dans  les  fêtes  môme 
de  Pâques  et  de  la  Pentecôte.  Qu'il  soit  donc  per- 
mis de  relever  le  gant ,  de  se  faire  un  instant  le 
Champion  de  l'Eglise  Romaine  et  de  toutes  celles 
de  l'Occident  (1),  qui  chantent  encore  et  sans  doute 
chanteront  jusqu'à  la  fin  des  temps  les  Offices 
que  saint  Grégoire  le  Grand  recueillit ,  il  y  a  douze 
siècles ,  entre  ceux  que  les  Pontifes  ses  prédéces- 
seurs avaient  composés.  Après  tout ,  n'est-ce  pas 
une  chose  louable  que  de  faire  l'apologie  de  l'unité 
dans  les  choses  de  la  religion  ?  Est-il  donc  des 
points  sur  lesquels  elle  deviendrait  dangereuse  ? 
N'a-t-elle  pas  existé ,  n'existait-elle  pas  ,  cette 
unité  liturgique ,  en  France,  encore  au  dix-sepùème 
siècle  ?  Depuis  que  nous  l'avons  rompue  ,  notre 
Eglise  a-t-elle  éprouvé  tant  de  prospérités? 

Qu'on  ne  soit  donc  pas  surpris  si ,  dans  cet 
ouvrage  ,  nous  abondons  dans  le  sens  de  la 
Liturgie  Romaine  ;  que  si  quelqu'un  le  trouvait 
mauvais ,  qu'il  nous  atlaque.  Nous  tâcherons  de  le 
satisfaire ,  et  afin  que  le  public  demeure  juge  de  la 
controverse ,  nous  nous  engageons  à  placer  et  les 
objections  et  les  réponses  en  tête  du  volume  qui 

(l)  Milan  excepté,  et  deux  ou  trois  Chapelles  à  Tolède, 
dont  la  Liturgie  est  antique  el  approuvée. 


XVIII  PRÉFACE. 

suivra  celui  dont  on  aura  combattu  les  faits,  ou 
les  principes. 

Maintenant ,  c'est  la  grande  mode  de  se  porter 
défenseur  de  toute  sorte  d'antiquités  ;  une  nuée  in- 
nombrable d'archéologues  s'est  levée  sur  le  pays, 
et  nos  monumens ,  religieux  surtout ,  sont  désor- 
mais à  l'abri  non  seulement  de  la  destruction, 
mais  de  toute  mutilation ,  de  toute  réparation 
indiscrète.  Le  plus  bel  accord  règne  sur  ce  point 
entre  nos  autorités  civiles  et  ecclésiastiques ,  et 
grâce  à  une  révolution  si  subite  et  si  inespérée , 
la  France  jouira,  de  longs  siècles  encore,  des  tro- 
phées de  son  antique  gloire  dans  les  Arts  Catho- 
liques. Il  y  a  la ,  sans  doute ,  de  quoi  rendre  à 
Dieu  de  vives  actions  de  grâces.  Quand,  en  1832  , 
nous  autres  ,  pauvi'es  prêtres  inconnus  ,  arra- 
chions aux  mains  des  démolisseurs  l'admirable 
monument  de  Solesmes ,  qui  demandait  grâce  au 
pays  depuis  tant  d'années ,  nous  étions  loin  de 
penser  c{ue  nous  étions  à  la  veille  d'une  réaction 
universelle  dont  le  résultat  devait  être  la  conser- 
vation passionnée  de  tous  les  débris  de  notre 
ancienne  architecture  religieuse  et  nationale. 

Aujourd'hui  donc  que  les  pierres  du  sanctuaire, 
devenues  l'objet  d'une  étude  et  d'une  admiration 
ardentes  ,  ne  courent  plus  le  risque  d'être  disper- 
sées par  des  mains  vandales  ou  malhabiles  ;  que 
tous  les  effoits  sont  concentrés  pour  produire  des 


rnEFACE.  XJX 

restaurùtionsi  complètes,  et,  au  besoin  ,  des  imi- 
tations exactes  dans  les  cintres ,  les  ogives ,  les 
rosaces,  les  vitraux,  les  boiseries  ;  n'est-il  pas  temps 
de  se  souvenir  que  nos  Eglises  n'ont  pas  seulement 
souffert  dans  leurs  murailles ,  leurs  voûtes  et  leur 
mobilier  séculaire ,  mais  qu'elles  sont  veuves  sur- 
tout de  ces  anciens  et  vénérables  cantiques  dont 
elles  aimaient  tant  à  retentir  ;  qu'elles  sont  lasses 
de  ne  plus  répéter ,  depuis  un  siècle  ,  que  des  ac- 
cens  nouveaux  et  inconnus  aux  âges  de  foi  qui  les 
élevèrent.  Après  tout,  les  paroles  de  la  Liturgie 
sont  plus  saintes ,  plus  précieuses  encore  que  les 
pierres  qu'elle  sanctifie. 

La  Liturgie  n'est-elle  pas  l'âme  de  vos  Cathé- 
drales? sans  elle,  que  sont-elles,  sinon  d'immenses 
cadavres  dans  lesquels  est  éteinte  la  parole  de  vie? 
Or  donc,  songez  à  leur  rendre  ce  qu'elles  ont  perdu. 
Si  elles  sont  romanes  ,  elles  vous  redemandent  ce 
Rite  Romain  que  Pépin  et  Charlemagne  leur  firent 
connaître  ;  si  leurs  arcs  s'élancent  en  ogives ,  elles 
réclament  ces  chants  que  saint  Louis  se  plaisait  tant 
à  entendre  redire  à  leurs  échos  ;  si  la  Renaissance 
les  a  couronnées  de  ses  guirlandes  fleuries ,  n'ont- 
elles  pas  vu  les  Evêques  du  seizième  siècle  inau- 
gurer sous  leurs  jeunes  voûtes  les  livres  nouveaux 
que  Rome  venait  de  donner  aux  Eglises?  Toute 
notre  poésie  nationale ,  nos  mœurs ,  nos  institu- 
tions anciennes ,  religieuses  ou  civiles,  sont  mêlées 


XX  PRÉFACE. 

aux  souvenirs  de  l'ancienne  Liturgie  que  nous 
pleurons.  C'est  ce  que  nous  ferons  voir  dans  ce 
livre,  tout  insuffisant  qu'il  soit  :  nous  oserions 
même  penser  que,  malgré  sa  destination  cléricale , 
le  poète  ,  l'artiste,  l'archéologue  ,  l'historien,  au- 
raient quelque  chose  à  y  puiser. 

Quoiqu'il  en  soit,  nous  lui  avons  laissé  le  modeste 
titre  &  Institutions  Liturgiques ,  comme  à  un  ou- 
vrage spécialement  destiné  à  l'enseignement.  Son 
but  principal  est  d'initier  les  plus  jeunes  de  nos  frères 
à  l'étude  de  ces  mystères  du  Culte  divin  et  de  la 
prière ,  qui  doivent  faire  la  principale  nourriture 
de  leur  vie.  Une  entreprise  de  Librairie  Ecclésias- 
tique ,  dont  les  directeurs  connaissaient  notre 
projet ,  nous  avait  demandé  d'insérer  cet  ouvrage 
au  rang  de  ses  publications.  Tl  a  donc  été  an- 
noncé comme  devant  paraître  en  1838.  Nous 
avons  reçu  à  ce  sujet  les  plus  précieux  encoura- 
gements ,  et  nous  savons ,  à  l'avance  ,  que  l'objet 
de  ce  livre ,  s'il  doit  déplaire  à  quelques-uns ,  a 
déjà  pour  lui  de  nombreuses  sympathies.  Nos  forces 
physiques  n'ayant  pas  répondu  à  notre  attente , 
nous  nous  sommes  trouvé  obligé  de  différer  la 
publication  de  ce  premier  volume  jusqu'au  moment 
présent,  où  nous  le  faisons  paraître  sous  notre 
seule  responsabilité. 

L'ouvrage  entier  formera  cinq  volumes:  le  second 
paraîtra  dans  le  courant  de  l'année  présente ,  et 


PRÉFACE.  XXI 

les  autres  suivront  à  des  intervalles  très-rappro- 
chés.  Ayant  fait  de  longues  et  sérieuses  études  sur 
la  Liturgie,  nous  avons  le  projet  de  publier,  en 
dehors  de  ces  Institutions ,  plusieurs  traités  spé- 
ciaux. Nous  indiquerons  seulement  ici  le  projet 
d'une  Année  Liturgique ,  travail  destiné  à  mettre 
les  fidèles  en  état  de  profiter  des  secours  immenses 
qu'offre  à  la  piété  chrétienne  la  compréhension  des 
mystères  delà  Liturgie,  dans  les  différentes  saisons 
de  l'Année  Ecclésiastique.  Cet  ouvrage  n'aura  rien 
de  commun  avec  les  diverses  Années  Chrétiennes 
qui  ont  été  publiées  jusqu'ici.  Il  sera  destiné  à  aider 
les  fidèles  dans  l'assistance  aux  Offices  divins  ;  on 
pourra  le  porter  à  l'Eglise  ,  et  il  y  tiendra  lieu  de 
tout  autre  livre  de  prières.  La  première  division  de 
\ Année  Liturgigue  paraîtra,  de  format  m-12,  sous 
le  titre  d'Avent  Liturgique ,  dans  le  courant  de 
l'automne  de  l'année  prochaine  1841. 

Quant  aux  Institutions  Liturgiques  elles-mêmes, 
nous  espérons  les  faire  suivre  d'un  autre  ouvrage 
de  même  dimension,  et  d'un  genre  analogue  ,  qui 
portera  le  titre  d' Institutions  Canoniques .  On  com- 
mence pourtant  à  sentir,  de  toutes  parts,  la  néces- 
sité de  connaître  et  d'étudier  le  Droit  ecclésiastique. 
L'indilTérence  dans  laquelle  a  vécu  la  France  ,  de- 
puis quarante  ans ,  sur  la  discipline  générale  et 
particulière  de  l'Eglise ,  est  un  fait  sans  exemple 
dans  les  annales  du  Christianisme.  Les  consé- 


XX  ri  PRÉFACE. 

qiïences  de  cette  longue  indifférence  se  sont  aggra- 
vées par  le  temps ,  et  ne  peuvent  se  guérir  qu'en 
recourant  aux  véritables  sources  de  la  législation 
ecclésiastique ,  aux  graves  et  doctes  écrits  des 
Canonistes  irréprochables.  Nous  n'avons  plus  de 
Parlemens  aujourd'hui  pour  fausser  les  notions  du 
Droit,  pour  entraver  la  juridiction  ecclésiastique  ; 
plus  de  Gallicanisme  pour  paralyser  l'action  vivi- 
fiante du  Chef  de  l'Eglise  sur  tous  ses  membres. 

Nos  Institutions  Canoniques  ,  destinées  ,  comme 
la  Liturgique ,  à  l'instruction  de  nos  jeunes  con- 
frères ,  nous  avaient  été  demandées  par  les  direc- 
teurs de  la  même  entreprise  de  Librairie  Ecclésias- 
tique, dont  nous  avons  parlé,  et  ont  été  annoncées 
au  public ,  il  y  a  trois  ans.  Les  raisons  que  nous 
avons  exposées  nous  ayant  forcé  à  différer  celte 
publication ,  nous  serons  en  mesure  de  l'effectuer 
après  la  publication  totale  de  la  Liturgique.  Nous 
nous  abstiendrons  donc  d'entretenir  plus  long- 
temps le  lecteur  sur  un  ouvrage  qui  s'élabore ,  il 
est  vrai ,  dès  maintenant ,  mais  dont  l'apparition 
doit  encore  attendre  plusieurs  années. 

Nous  nous  sentons  pressé  de  dire  un  mot ,  en 
finissant ,  sur  nos  Origines  de  l'Eglise  Romaine.  On 
nous  demande  sans  cesse  la  continuation  de  cet 
ouvrage.  Cette  impatience  du  public  a  bien  quelque 
chose  d'encourageant  pour  nous  ;  mais  nous  y 
voyons  un  nouveau  motif  de  réunir  plus  sérieuse- 


l'RÉrAeE.  xxui 

ment  encore  nos  el'forts  dims  le  but  de  répondre 
d'une  manière  moins  imparfaite  à  cette  attente 
trop  bienveillante.  Ceux  qui  nous  ont  lus  savent 
que  le  second  volume  doit  renfermer  les  commen- 
cements de  l'histoire  de  la  Papauté  ;  le  troisième  la 
conduira  jusqu'au  Pontificat  de  saint  Silvestre.  On 
sent  combien  ce  travail  d'Origines  exige  de  soins 
et  de  veilles ,  puisqu'il  s'agit  de  refaire  une  époque 
sur  laquelle  il  ne  nous  reste  que  des  notions  ,  plus 
nombreuses  et  plus  précises ,  il  est  vrai ,  qu'on  ne 
se  l'imagine  généralement ,  mais  empruntées  en 
grande  partie  à  des  traditions  monumentales  dont 
le  secours  n'avait  jamais  été  réclamé  jusqu'ici  par 
aucun  auteur  français. 

L'ouvrage  entier  formera  de  six  à  huit  volumes. 
On  s'est  plaint  du  prix  trop  élevé  du  premier.  Des 
mesures  sont  prises  pour  que  nous  puissions  livrer 
les  suivants  à  un  prix  plus  modéré  ;  chacun  d'eux 
contiendra  néanmoins  plus  de  matière  que  celui 
qui  a  déjà  paru. 

Ce  premier  volume ,  en  compensati(m  des  éloges 
beaucoup  troj)  flatteurs  dont  il  a  été  l'objet  dans 
les  divers  écrits  périodiques  qui  se  consacrent 
à  la  défense  des  principes  du  Catholicisme ,  a  été 
attaqué  d'une  manière  violente  dans  le  National, 
et  poursuivi  plusieurs  fois ,  comme  un  ramas  d'a- 
pocryphes ,  par  M.  ïsambert ,  à  la  tribune  de  la 
Chambre  des  Députés.  C'est  bien  du  bruit  pour  un 


XXIV  PRÉFACE. 

livre  aussi  pacifique  que  celui-là  ;  quant  à  nous , 
nous  ne  pensons  pas  avoir  tant  démérité  de  la  pa- 
trie ,  en  travaillant  à  faire  passer  en  notre  langue 
les  riches  produits  de  l'érudition  italienne  sur  les 
antiquités  chrétiennes  de  Rome. 

On  nous  communique  en  ce  moment  même  un 
jugement  qui  vient  d'être  rendu  sur  le  même  ou- 
vrage ,  en  face  du  public ,  non  par  un  ennemi , 
sans  doute ,  mais  par  un  homme  dont  les  inten- 
tions doivent  être  aussi  pures  que  le  sujet  qu'il 
à  choisi  est  honorable.  M.  Le  C.  d'A.  dans  la 
préface  du  premier  volume  d'un  livre  intitulé  : 
Histoire  des  Doctrines  et  des  Actes  de  la  Com- 
pagnie de  Jésus ,  s'exprime  ainsi  sur  nos  Ori- 
gines de  l'Eglise  Romaine  :  «  Une  colonie  de 
«jeunes  religieux  qui  essaie  de  ressusciter  à  So- 
»  lem  (sic)  l'ordre  des  Bénédictins ,  a  déjà  pu- 
»  blié  un  volume  relatif  aux  origines  de  la  Papauté. 
»  Cet  effort  est  bien  louable  ,  je  l'applaudis  chaleu- 
»  reusement  ;  mais  ,  tout  laïque  que  je  sois ,  j'ai 
»  assez  déjà  trituré  ces  matières  pour  être  con- 
»  traint  de  ne  pas  voir  dans  ce  volume  ce  que  j'en 
»  espérais  ;  je  n'y  trouve  encore  que  la  réproduc- 
»  tion  exacte  du  Liber  Pontificalis  et  des  divers 
»  catalogues  des  Papes  qui  figurent  dans  toutes  les 
»  collections  volumineuses  ou  abrégées  des  Con- 
»  ciles  et  des  Décrétales  ;  mais  ce  n'est  qu'un  pre- 
»  mier  volume  ,  attendons  la  suite.  Je  serai  obligé , 


PRÉFACE.  XXV 

»  avec  regret ,  par  la  nature  même  de  mon  sujet , 
»  d'y  relever  une  erreur  grave  concernant  lesDé- 
»  crotales  d'Isidore.  » 

Comme  l'on  voit ,  ce  n'est  pas  l'assurance  qui 
manque  à  notre  Aristarque  :  nous  pensons,  toute- 
fois ,  qu'il  faudrait  quelque  chose  de  plus  que  de 
l'assurance  pour  porter  un  jugement  prudent  sur 
un  livre.  Il  faut  toujours  au  .^oins  l'avoir  lu.  Si 
M.  Le  C.  d'A.  avait  lu  ,  ou  même  simplement  feuil- 
leté le  nôtre,  il  aurait  vu  tout  d'abord  qu'il  ne  ren- 
ferme point  le  Liber  Pontificaiis  ;  si ,  d'autre  part , 
il  connaissait ,  même  de  vue  ,  le  Liber  Pontificaiis 
dont  il  parle  ,  il  saurait  que  celte  Chronique  étant 
d'une  dimension  supérieure  à  notre  volume ,  elle 
ne  peut  s'y  trouver  renfermée  ,  par  la  raison  évi- 
dente que  le  contenu  ne  peut  jamais  excéder  le 
contenant.  Si  M.  Le  C.  d'A.  avait  lu  ou  simple- 
ment feuilleté  notre  livre ,  il  aurait  vu  qu'il  est 
uniquement  employé  à  discuter  l'autorité  des 
sources  auxquelles  a  été  puisé  le  Liber  Pontificaiis 
dont  nous  nous  proposons  de  donner  une  édition  , 
par  parties  ,  dans  les  volumes  suivants.  Puisqu'il  a 
donc  tant  trituré  les  matières  d'antiquité  ecclésias- 
tique ,  nous  lui  serions  fort  obligés  de  nous  indi- 
quer quelqu'une  des  collections  volumineuses  ou 
abrégées  des  Conciles  et  des  Décrétâtes  dans  les- 
quelles il  a  vu  figurer  un  seul  des  Catalogues  Pon- 
tificaux que  nous  avons  reproduits  :  il  lui  sera , 


XXVI  PRÉFACE. 

certainement ,  très-facile  de  nous  contenter.  C'est 
avec  une  égale  anxiété  que  nous  attendons  la  ré- 
vélation de  l'erreur  grave  qui  nous  est  échappée 
touchant  les  Décrétales  d'Isidore.  Nous  nous  abs- 
tenons ,  pour  le  moment ,  de  parler  du  livre  de 
M.  Le  C.  d'A.  ;  il  y  aurait  beaucoup  à  dire  sur  ce 
premier  volume;  mais  il  nous  tai'de  de  rentrer 
dans  notre  sujet ,  et  de  clore  enfin  cette  préface. 
Nous  la  terminerons  donc  en  soumettant  d'es- 
prit et  de  cœur  au  jugement  et  à  la  correction  du 
Siège  Apostolique  le  présent  ouvTage  que  nous 
n'avons  entrepris  que  dans  le  but  de  servir  l'E- 
glise ,  suivant  nos  faibles  moyens ,  attendant  le 
succès  de  Celui-là  seul  qui ,  Prêtre  et  Victime ,  est 
à  la  fois  le  moyen  et  le  terme  de  toute  LITURGIE. 


INSTITUTIONS 


^«^^-^QTniTI^C 


PREMIERE  PARTIE. 


CHAPITRE  1. 


^UTIO^'S    PRLLIÎJIXAIRES. 


Ïj\  Liturgie,  coiisidérce  en  général ,  est  ^ensemble  des  sym- 
boles,  des  chants  et  des  actes  au  moyen  desquels  l'Eglise  ex- 
prime et  manifeste  sa  religion  envers  Dieu. 

La  LiUu'gic  n'est  donc  pas  simpIemenL  la  prière,  mais  bien 
la  prière  considérée  à  i'élat  sociaL  Une  piière  individuelle , 
faite  dans  un  nom  individuel,  n'est  point  Liturgie.  Cependant 
les  formules  et  les  signes  de  la  Liturgie  peuvent  cire  légiti- 
mement et  convenablement  employés  par  les  particuliers  , 
dans  l'intention  de  donner  plus  de  force  et  d'efficacité  à 
leurs  œuvres  de  prière;  comme  lorsqu'on  récite  des  oiai- 
sons  consacrées ,  des  iiymnes,  des  répons  ,  pour  s'exciter  à 
la  religion.  Ce  genre  de  prière  est  même  le  meilleui',  en  fait 

T.   1.  1 


2  INSTITUTIONS 

de  prière  vocale ,  car  il  associe  à  l'effort  individuel  le  mé- 
rite et  la  consécration  de  l'Eglise  entière. 

Quant  à  la  récitation  privée  des  formules  de  la  Liturgie 
dans  Toffice  divin  par  les  clercs  ,  les  béuéficiers  et  les  régu- 
liers, lesquels  sont  tenus  de  suppléer  en  particulier  à  ce 
qu'ils  n'accomplissent  pas  au  chœur ,  on  ne  saurait  la  con- 
sidérer conmic  une  œuvre  de  dévotion  privée  :  elle  est  un 
acte  de  religion  sociale.  Celui  qui  prie  ainsi  est  député  offi- 
ciellement pour  ce  sujet.  Sa  parole  ,  son  intention  même  , 
appartiennent  à  l'Eglise.  S'il  pèche  en  cet  emploi ,  c'est 
contre  l'Eglise  autant  que  contre  lui-même  qu'il  pèche. 
Ainsi ,  la  récitation  du  Bréviaire ,  quoique  dans  nos  malheu- 
reux temps  et  dans  notre  pays ,  elle  n'ait  plus  guère  lieu 
que  dans  le  particulier ,  n'en  est  pas  moins  une  chose  litur- 
gique ,  une  œuvre  liturgique. 

De  même  que  la  vertu  de  religion  renferme  tous  les  actes 
du  culte  divin ,  ainsi  la  Liturgie ,  qui  est  la  forme  sociale  de 
cette  vertu,  les  comprend  tous  également.  On  peut  même 
dire  que  la  Liturgie  est  l'expression  la  plus  haute  ,  la  plus 
sainte  de  la  pensée ,  de  rintelligence  de  l'EgUse ,  par  cela 
seul  qu'elle  est  exercée  par  l'Eglise  en  communication  directe 
avec  Dieu  dans  la  Confession  ,  la  Prière  et  la  Louange. 

CoxFESSiox  ,  Prière  ,  Louange  :  tels  sont  les  actes  prin- 
cipaux de  la  religion  ;  telles  sont  aussi  les  formes  principales 
de  la  Liturgie. 

La  Confession  ,  par  laquelle  l'Eglise  fait  hommage  à  Dieu 
de  la  vérité  qu'elle  en  a  reçu ,  redisant  mille  fois  en  sa 
présence  le  triomphant  symbole  qui  renferme  écrites  dans 
le  langage  de  la  terre  des  vérités  qui  sont  du  ciel.  Ce  sym- 
bole ,  elle  le  répète  chaque  jour  en  abrégé  plusieurs  fois 
dans  les  Heures  canoniales  ;  plus  développé  dans  l'action  du 
sacrifice  au  jour  du  dimanche  et  dans  les  grandes  solennités  ; 


LITinCIQUES.  T) 

enfin  ,  elle  le  confesse  en  grand ,  dans  l'enscmbh;  de  l'aniiéc! 
chrôticniio  ,  au  soin  de  laquelle  il  esl  représente; ,  mystère 
par  mystère  ,  avee  toute  la  richesse  des  rites ,  toute  la 
pompe  du  langage,  toute  la  profondeur  des  adorations,  tout 
renthousiasme  de  la  Toi. 

Dr  là,  l'importanee  si  grande  pour  rintelligence  du  dogme, 
donnée  dans  tous  les  temps  aux  paroles  et  aux  faits  de  la  Li- 
turgie. On  connail  l'axiônie  :  Legem  credendi  statuât  lex 
suppUcandi.  C'est  dans  la  liturgie  que  Tesprit  qui  inspira  les 
Ecritures  sacrées  parle  encore;  la  Liturgie  est  la  tradition 
môme  à  son  plus  haut  degré  de  puissance  et  de  solennité. 

La  Pr.iÈRE  ,  par  laquelle  l'Eglise  exprime  son  amour  ,  son 
désir  de  plaire  à  Dieu ,  de  lui  être  unie,  désir  à  la  fois  humbli; 
et  fort ,  timide  et  hardi,  parce  qu'elle  est  aimée  et  que  celui 
qui  l'aime  est  Dieu.  C'(;st  dans  la  Prière  qui  vient  à  la  suite 
de  la  Confession^  comme  l'espérance  après  la  foi,  que  l'Eglise 
présente  ses  demandes ,  expose  ses  besoins  ,  explique  ses 
nécessités,  car  elle  sait  ce  que  Dieu  veut  d'elle  ,  et  combien 
elle  en  est  éloignée ,  jusqu'à  ce  que  le  noml.)re  des  élus  sijit 
complet. 

Delà,  l'onction  ravissante,  l'ineffable  mélancolie  ,  la  ten- 
dresse inconnnunieable  de  ces  formules,  les  unes  si  simples  , 
les  autres  si  solennelles,  dans  lesquelles  apparaît  tantôt  la 
douce  et  tendre  confiance  d'une  royale  épouse  envers  le 
monarque  qui  l'a  choisie  et  couronnée ,  tantôt  la  sollicitude 
empressée  d'un  cœur  de  mère  qui  s'alarme  pour  des  en- 
fans  bien-aimés  ;  mais  toujours  cette  science  des  choses 
d'une  autre  vie  ,  si  profonde  et  si  distincte  ,  suit  qu'elle; 
confesse  la  vérité  >,  soit  qu'elle  désire  en  goûter  les  fruits  , 
que  nul  sentiment  ne  saurait  être  comparé  au  sien,  mil  lan- 
gage rapproché  de  son  langage. 

La  LouANCL ,  car  l'Eglise  ne  saurait  contenir  dans  une 


4  ixstiti:tio>'3 

silencieuse  coutemplation  les  transports  d'amour  et  d'admi- 
ration que  lui  fait  naître  i'aspect  des  mystères  divins.  Comme 
Marie ,  à  la  vue  des  grandes  choses  qu'a  faites  en  elle  celui 
qui  est  puissant ,  elle  tressaille  en  lui ,  elle  le  glorifie.  Elle 
célèbre  donc  les  victoires  du  Seigneur  et  aussi  ses  propres 
triomphes.  Le  souvenir  des  merveilles  des  temps  anciens  la 
ravit  et  l'exalte  ;  elle  se  met  à  en  faire  le  récit  pompeux  , 
comme  pour  raviver  les  sentimens  qu'elles  lui  inspirent. 

Elle  célèbre  ,  après  Dieu  ,  les  élus  de  Dieu  ;  d'abord  l'in- 
comparable Marie  ,  pour  qui  elle  a  des  accens  d'amour  et  de 
prière  d'une  douceur  céleste;  les  Esprits  bienheureux  ,  dont 
les  relations  et  les  influences  l' embellissent  et  la  protègent  ; 
ses  propres  enfans  qui  l'ont  arrosée  de  leur  sang ,  illuminée 
de  leur  doctrine ,  sanctifiée  de  leur  glorieuse  confession , 
embaumée  du  parfum  de  leurs  lis  et  de  leurs  roses.  Chaque 
année,  elle  redit  avec  amour  et  maternité  leurs  vertus  et  leurs 
combats. 

Or  ,  ces  ti'ois  parties  principales ,  Confession  ,  Prière  , 
Louange  ,  deviennent  dans  la  Liturgie  une  triple  source 
d'intarissable  poésie  :  poésie  inspirée  du  même  esprit  qui 
dicta  les  cantiques  de  David ,  d'isaïe  et  de  Salomon  ;  poésie 
aussi  ravissante  dans  les  images  que  profonde  et  inépuisable 
dans  le  sentiment.  Dieu  devait  à  son  Église  un  langage 
digne  de  servir  de  si  hautes  pensées  ,  de  si  ardens  désirs. 

Mais ,  comme  toutes  les  grandes  impressions  de  l'àmc  ,  la 
foi,  l'amour,  le  sentuuent  de  l'admiration  ,  la  joie  du  triom- 
phe ,  ne  se  parlent  pas  seidcmcnt ,  mais  se  chantent ,  et  d'au- 
tant plus  que  tout  sentiment  établi  dans  l'ordre  se  résout 
en  harmonie  ,  il  s'ensuit  que  l'Église  doit  naturellement 
chanter  louange,  prière  el  confession,  produisant,  par  une 
gradation  quelque  peu  affaiblie  sans  doute  ,  à  mesui'C  qu'elle 
s'éloigne  du  principe  ,  un  cIîîuU  beau  comme  les  paroles , 


LlTURGtQUF.S.  S 

des  paroles  élevées  comme  le  senlimenl ,  elle  soiiiiinciu  lui- 
même  en  rapport  fini  mais  réel  avec  eolui  qui  en  est  roltjel  et 
la  source. 

Et,  comme  l'Église  est  une  société,  non  d'esprits,  mais 
d'hommes,  créatures  composées  d'âme  et  de  corps,  qui 
traduisent  toute  vérité  sous  des  images  et  des  signes ,  por- 
tant eux-mêmes  dans  leurscorps  une  forme  ineffable  de  leur 
âme  ;  dans  l'Église  ,  disons-nous,  ce  céleste  ensemble  de  con- 
fession, de  prière  et  de  louange^  parlé  dans  un  langage 
sacré,  modulé  sur  un  rythme  surnaturel,  se  produit  aussi 
par  les  signes  extérieurs,  rites  et  cérémonies,  qui  sont  le 
corps  de  la  Liturgie. 

Ainsi,  sentiment,  parole,  mélodie,  aciion  ,  tels  sont  les 
élémens  qui ,  mis  en  rapport  avec  le  vrai  et  le  bien,  produi- 
sent l'ordre  et  l'harmonie  parfaite;  que  ne  doivent-ils  pas 
enfimter  quand  ils  prennent  la  proportion  de  l'Église  même 
de  Dieu,  initiée  par  le  Verbe  aux  secrets  de  la  vie  éternelle  , 
dépositau'e  de  la  vérité  immuable  et  féconde  ,  nourrie  cons- 
tamment de  l'élément  surnaturel  ?  Ne  craignons  donc  pas  de 
le  dire ,  la  Liturgie  renferme  éminemment  toute  beauté  de 
sentiment ,  de  mélodie  et  de  forme ,  non  seulement  à  l'égal, 
mais  infiniment  au-dessus  de  tout  ce  qu'où  pourrait  lui  com- 
parer, à  part  les  livres  saints.  Nous  verrons  àloisir  la  preuve. 


INSTITUTIONS 


CHAPITRE  II, 

IMPORTANCE   DE   L'ÉTUDE   DE   LA   LITURGIE. 

On  sent  aisément  que  de  tout  cet  ensemble  de  confession  y 
de  prière  et  de  louange,  qui  constitue  la  Liturgie,  doit  résulter 
la  matière  d'une  science  véritable  ;  science  des  offices  divins , 
c'est-à-dire  de  cette  partie  de  la  Liturgie  qui  consiste  dans  le 
sacrifce  des  lèvres  (1)  ;  science  du  sacrifice  réel  avec  tous 
SOS  riles  et  ses  mystères;  science  des  sacremens ,  organes  de 
la  sanclificaiion  de  l'homme;  science  des  bénédictions  et  des 
sacramentaux  au  moyen  desquels  toute  créature  est  purifiée 
et  réhabilitée  par  la  venu  de  la  croix  ;  science  enfin  des 
supplications  et  autres  rites  solennels  que  l'Église  emploie 
dans  des  occasions  extraordinaires. 

Mais  si  déjà  cette  simple  énumération  des  forces  et  des 
moyens  de  la  Religion  nous  place  en  regard  d'un  si  vaste  et  si 
radieux  ensemble,  que  sera-ce,  quand,  poursuivant  à  travers 
la  tradition,  dans  les  écrits  des  Pères,  dans  les  ordonnances 
des  conciles,  dans  lesmonumens  de  l'antiquité  ecclésiastique, 
ces  diverses  formes  du  culte  divin,  nous  sommes  conduits  à 
iiuerroger  tous  les  siècles  et  à  enregistrer  leurs  réponses 
si  belles  d'unité  et  si  fécondes  en  tout  genre  d'inspiration? 
Telle  est  cependant  la  science  Liturgique  telle  qu'elle  a  été 
conçue,  explorée,  enseignée  "par  tant  de  grands  docteurs 
dont  les  noms  glorieux  et  les  services  immenses  seront  ra- 
contés plus  loin. 

Tous ,  sans  doute  ,  ne  sont  pas  appelés  à  suivre  dans  la 

(\)  Hfob.  XIII.  lo. 


LITinOIQlT.S.  7 

s(i(Miee  liiurgiquouno  Cvari-iôro  d'égale  («loiuUif ,  mais  on  peut 
allirniLM",  sans  crainte  crèlrcdémcnli,  que,  pour  iic  i>:iil('r(|ii(": 
(les  i)tM'somios  ecclésiasliqui's ,  elle  doit  faii'e  pour  elles  Tol)- 
jet  d'une  élude  non  moins  spéciale  que  la  casuislicpio  à  la- 
quelle ,  dans  l'élat  préseiil,  l'iisiigc  esl  eu  France  de  consacrer 
à  peu  près  la  moitié  du  temps  assigné  à  l'éducation  cléri- 
cale. La  récitation  et  souvent  même  la  célébration  des  divins 
ofliccs  ne  forment-elles  pas  l'occupation  journalière  du 
Prêtre?  Quel  plus  grand  inléi'èl  pour  lui  que  de  pouvoir 
suivre  la  chaîne  de  merveilles  qui  se  déroule  dans  la  succes- 
sion des  fêtes  et  des  temps  de  l'année  chrétienne ,  de  pouvoir 
bi'iser  les  sceaux  de  ce  livre  journalier  que  l'Église  d'aujour- 
d'hui a  reçu  de  l'Église  des  pi-emiers  siècles  avec  une  tradition 
de  mystères  cachés  et  de  chants  admirables?  Le  Prêtre 
monte  chaque  jour  à  l'aulel  pour  y  sacrifier  l'agnean  inmiolé 
depuis  le  commencement  du  monde  (1);  où  comprcndra-t-il 
mieux  la  sainteté ,  la  grandeur  de  cette  action .  comme 
on  l'appelait  autrefois,  où  apprendra-t-il  mieux  la  pureté 
de  cœur  qu'elle  exige  ,  qu'en  étudiant  la  manière  dont  elle 
s'est  exercée  depuis  la  veille  du  jour  où  le  Christ  souffrit, 
jusqu'à  ces  temps  plus  rapprochés  de  nous  où  l'Église,  mue 
par  l'Esprit-Saint,  a  fixé  d'une  manière  irrévocable  les  rites, 
de  la  religion  desquels  elle  a  voidu  environner  le  plus  au- 
guste des  mystères?  Et  les  sacremens,  sources  divines  du  sa- 
lut, et  les  sacramentaux  par  lesquels  l'Église  épanche  sur  le 
peuple  fidèle  la  plénitude  de  sanctification  qui  est  en  elle  ;  si 
tant  dedoctes  écrits  ont  été  composés  par  les  plus  pieux  et  les 
plus  suvans  hommes  de  l'Église,  à  l'effet  d'en  expliquer  les 
rites,  d'en  éclaircir  les  formules,  d'en  développer  toute  la 
majesté,  comment  le  Prêtre,  ministre  de  toute  cette  dispen- 

(i)  Apoc.  xm  8, 


8  INSTITUTIONS 

salion  à  la  fois  miséricordieuse  et  sublime  ,  ne  se  livrcraît-il 
pas  à  la  recherche  de  cette  perle  d'un  prix  infini  ?  S'il  lui  a 
été  dit  d'imiter  ce  qu'il  a  entre  les  mains,  imilamini  quod 
tractatis  (1) ,  ne  lui  a-t-il  pas  été  dit  par  là  même  de  l'étu- 
dier et  de  le  connaître  ? 

Oh  !  qui  pourrait  dire  les  grâces  de  salut  qui  se  répan- 
draient sur  le  peuple  chrétien  ,  comme  effet  direct  d'un 
enseignement  basé  sur  l'explication  et  la  compréhension 
(les  mystères,  des  paroles  et  des  rites  de  la  Liturgie,  si 
nos  peuples  savaient  et  goûtaient  ce  que  savaient  et  goû- 
taient les  simples  cathécumènes  des  églises  de  Milan  , 
d'Hippone  ou  de  Jérusalem,  initiés  par  un  Âmbroise,  un 
Augustin  ,  un  Cyi'ilîe  !  Et  plus  tard  nos  nouvelles  églises 
d'Occident,  quelles  lumières  ne  tiraient-elles  pas  de  l'ensei- 
gnement liturgique  d'un  Rhaban  Maur,  d'un  Ives  de  Char- 
tres ,  d'un  Honorius  d'Âutun,  d'un  Hildeberl  du  jlans  et 
de  Tours,  d'un  Durand  de  Mende,  etc.!  Quelle  influence 
sui'  les  mœurs  catholiques  !  quel  boulevard  de  la  fui  !  quelle 
disposition  à  sentir  les  choses  de  la  vie  surnaturelle  dans  ces 
populations  instruites  avec  soin  et  détail  des  secrets  que  le 
Chi'isl  et  son  Eglise  ont  caché  sous  le  vaste  et  profond  em- 
blème de  la  Liturgie  !  On  le  sont  tous  les  jours  dans  ces  con- 
trées de  l'Amérique  du  nord ,  dans  lesquelles  la  vraie  église 
ne  possède  pour  ainsi  dire  pour  fidèles  q;ie  ces  âmes  que  , 
sous  la  conduit 0  du  divin  Esprit,  elle  va  glanant  et  recueillant 
dans  les  sueurs  elles  fatigues.  Les  lettres  des  missionnaires 
ne  cessent  de  parler  du  grand  succès  qu'ils  obtiennent  en 
d(''veloppant  à  leurs  auditeurs  le  merveilleux  symbolisme  de 
la  Liturgie  catiioiique.  Assez  heureux  pour  la  posséder  en 
tnîier  et  pure  de  tout  alhage  national,  telle  en  un  mot  que 

(11  Pontilieale  Rom.  in  ordinat,  Prc^byteri.. 


MTrnciQuns.  9 

le  Siège  Apostolique  la  promulgue ,  ces  nouveaux  npôtres 
n'ont  aucune  pt'lne  à  faire  senlir  riinrmonie  et  l'autoriU!  dans 
cet  ensemble  véi'ilablement  snihumain.  S'il  al^i^(^  qu'une 
nouvelle  église  viennes  à  cire  dctlicc  par  l'évcquc,  la  simple 
explication  des  symboles  qui,  dans  cette  auguste  céré- 
monie, font  tour  ;\  tour  passer  sous  les  yeux  des  fidèles 
les  mystères  de  la  Jérusalem  céleste ,  ceux  de  l'Eglise  mili- 
tante et  ceux  de  la  vie  spirituelle,  préparc  une  moisson  abon- 
dante ,  et  loisqu'après  avoir  accompli  tous  les  riis  si  pro- 
fonds de  cette-solennité ,  le  Ponlife  demande  au  Dieu  qui  se 
])âfit  un  temple  immorlel  ave(;  des  pierres  vivantes,  que 
cette  extension  matérielle  que  vient  d'obtenir  son  église ,  soit 
encore  dépassée  par  ses  accroissemens  spirituels  (1),  il  ne 
tarde  pas  à  connaître  qu'il  a  été  exaucé. 

Et,  en  effet,  quel  autre  moyen  de  faire  pénétrer  la  con- 
naissance du  dogme  dans  les  esprits,  que  celui-là  môme  que 
l'auteur  et  le  réparateur  de  notre  nature  a  choisi  pour  y 
faire  descendre  cette  grâce  invisible  qui  nous  sanctifie  ?  Mes 
paroles  sont  esprit  et  vie  {^),  dit  le  Sauveur  :  elles  donnent  à 
la  fois  la  lumière  à  l'intelligence  ,  et  au  cœur  la  charité  qui 
est  la  vie.  Il  en  est  de  même  des  paroles  de  l'Eglise  qui  pos- 
sède la  plénitude  des  mystères  et  la  dispense  sur  le  peuple 
chrétien  par  des  rites  et  des  formules  remplis  à  la  fois  de  vé- 
rité et  d'amour. 

Aussi  a-t-on  toujours  considéré  la  Liturgie  comme  le  haut 
enseignement  du  dogme,  en  même  temps  qu'elle  est  sa  forme 
la  plus  populaire.  Nous  verrons  bientôt  que  tous  les  saints 

(1)  Dcus ,  qui  de  vivis  et  electis  lapulibus  aeteruum  majestuti  tufe 
pr;up:irasliabitaculiim,  auxiliare  populo  tuosnpplicanti,ut  quod  eccle- 
sise  tuœ  corporalibus  proficit  spaliis,  spirilualibus  aniplificetur  augj 
mentis.  (  Missal.  Rom.  in  Deiiic.  Ecclesiœ.  Postcommunio. 

(2)  Joan,  VII.  61, 


10  ÎXSTITUTIOXS 

docteurs  étaient  Lilurgisles  ;  que  les  écrivains  ecciésiasti- 
(|ues  qui  les  ont  suivis  cultivèrent  avec  ardeur  la  science 
des  rites  sacrés  ;  que  les  théologiens  scholastiqiies  du  moyen 
âge  voulurent  aussi  ftiire  leuv  somme  des  mystères;  qu'à 
l'époque  de  la  réforme,  l'activité  des  docteurs  catholiques  se 
porta  vers  cette  étude  et  donna  la  première  naissance  aux 
Collections  Liturgiques;  qu'enfin,  chose  surprenante  pour 
plusieurs ,  de  savans  protestans ,  au  risque  d'exposer  l'hé- 
ritage de  la  réforme  aux  invasions  de  l'antiquité  ecclésias- 
tique, ont  cru  aussi,  ont  cru  comme  tous  les  anciens  Pères 
et  docteurs  catholiques ,  qu'il  n'y  avait  point  d'étude  com- 
plète du  dogme  chrétien,  si  la  malière  des  rites  et  des 
formules  sacrées  n'était  soigneusement  explorée ,  s'ils  n'in- 
terrogeaient siècle  par  siècle  ces  livres  papistes  qu'ailleurs 
ils  voudraient  donner  comme  un  instrument  de  corruption 
pour  la  doctrine  évangélique.  On  les  a  vu,  on  les  voit  publier 
des  collections ,  des  bibliothèques  Hturgiques ,  et  faire  honte 
à  plus  d'un  cathohque  parle  zèle  et  l'importance  qu'ils  met- 
tent ù  de  semblables  travaux.  Voici  les  propres  paroles  du 
célèbre  Pfafï'  de  Tubingen,  dans  une  dissertation  de  Litur- 
giis ,  missalibus,  agendis  et  libris  ecclesiasticis  Ecclesiœ  orieU' 
talis  et  occidentalis  j  placée  à  la  suite  de  ses  Institutions 
d'histoire  ecclésiastique  :  a  Comme  les  livres  ecclésiastiques,  les 
*  Liturgies  ,  et  ceux  que  l'on  nomme  Agenda  ,  sont  revêtus 
»  d'une  autorité  publique  et  de  l'approbation  de  l'Eglise  en- 

>  tière  qui  en  fait  usage  ;  comme  ces  Liturgies  très  an- 
i  ciennes ,  qui  ont  régné  et  régnent  encore  dans  l'Eglise 
»  orientale  et  occidentale ,  ont  emprunté  beaucoup  de  choses 

>  des  temps  apostoliques  ;  comme  enfin  le  culte  public  lui- 
»  même  ne  peut  dériver  d'une  autre  source  que  de  ces 

>  mêmes  Liturgies,  il  est  aisé  de  voir  que  leur  étude  ne 
»  saurait  manquer  de  jeter  un  grand  jour  sur  toute  l'histoire 


LITlTiOIQUES.  i\ 

»  ccclésiasiiqno,  principalcmenl  sur  la  parlic  (lognuili(iuo 
»  et  riliu'lle,  et  qu'elle  est  propre  non  seulement  à  re-; 
»  paîlre  la  curiosilé  dos  érudils,  mais  à  remplir  leur  esprit 
»  (l'exeellenles  obsorvalioiis  (1).  »  Plus  loin  ,  il  reeommande 
la  lecture  des  livres  du  cardinal  Bona ,  sur  les  matières  litur- 
giques ,  comme  présentant  le  plus  haut  intérêt  scientifique , 
cl  liiiit  en  disant  que  la  théologie  polémicpic  elle-même  ne 
saurait  se  passer  de  ce  genre  d'études  accessoires  ('2) . 

Qu'il  nous  soit  donc  permis  d'indiquer  ici  cette  lacune 
fâcheuse  que  laisse  ,  dans  l'enseignement  ecclésiastique  de 
notre  pays ,  l'absence  des  études  liturgiques  spéciales,  et 


(1)  Cum  libi'i  ecclesiasiici  ,  LiturgiiO  ,  atque  agenda  quœ  vocaiit , 
ccclesiaslicâ  pulilicà  auetoritate  ,  alqiic  approbationc  lolius  ,  ul)i 
quklem  eorum  est  usas,  cctlosùi'  gaudoant  ,  cum  oliam  aiili([uis- 
sinice  ilko  ,  qute  in  ecclosià  oiienlali ,  atque.  occidentali  oliui  viguère, 
alquc  ctiam  nunc  vigent  ,  litui-gi;u  ex  aposlolicis  lenipuribus  multa 
trahant  ;  cum  denique  non  nisi  ex  liturgiis  oullùs  publiei  ratio  deri- 
vari ,  atque  erui  possit ,  facile  est  pcrspicere  magnam  easdcm  lucem 
omni  historia)  ecclesiasticîo  ,  maxime  vero  dogmaticte  ,  et  rituali  af'» 
ferre  ,  nec  saltem  curiosilatom  eruditorum  pascere ,  sed  et  prœclaiH.s 
ogregiis([ue  observatiouibus  animuni  imbuere.  Disquisit.  de  liturg., 
missalibusj  etc.  Tubingœ.  1721. 

(2)  Porrô  qusenam  veteris  ecclesiœ  de  sacramentis  singulis  doctrina 
exstiterit  ex  liis  maxime  tanquam  ex  earum  fontibus  discere  nos  opor- 
tet,  nec  inane  hoc  est ,  quod  jam  dixinuis,  veleres  lilurgias  egregiis 
quoque  observationibus  ascclicis,  alque  liaud  tenuiendà  piclate  ani- 
imim  imbuere  ;  quod  qui  iniiciari  audet ,  légal ,  qua'sumns  ,  lilurgias 
graecas,  légat  eam  quse  in  Constitulionibus  Aposlolicis  exslat,  légat 
Chrysosloniianam  ,  légat  cl  Joannis  lionaî  libres  quibus  rcs  liturgicas 
veteres  is  explicavil,  cgrogiisque  animadversionibus  adspersil.  Deni- 
que ad  theologiam  polemicam  solidiiis  iraclandam  lioc  sludium  vel 
maxime  pertinel.  Ilà  qui  de  cullu,  et  invocaliono  sanclorum  accurali 
quid  dare  lenlaverit,  sine  vclcrum  ,  récent iorumque  lilurgiarum  ins- 
pectionc  nihil  egregii  efliciet.  Idem  de  cullu  imaginum  et  reli- 
quiarum  Bcatœ  Virginis  Deipartc  diclum  este.  Ibidem.  In  Epimefro. 
png.  72, 


i2  INSTITUTIONS 

d'émettre  le  vœu  de  voir  nos  séminaires  imiter  le  séminaire 
romain  et  la  plupart  des  principaux  séminaires  d'Italie , 
dans  lesquels  la  jeunesse  cléricale  se  livre  ,  sous  la  direction 
d'un  professeur,  à  l'étude  d'Institutions  Liturgiques  plus  ou 
moins  complètes.  L'intelligence  du  dogme  catholique  y  ga- 
gnera ;  la  science  du  droit  canonique  ,  qui  a  tant  de  points 
de  contact  avec  la  Liturgie,  en  tirera  de  grands  avantages  ; 
l'histoire  ecclésiastique  enfin  sera  mieux  comprise  et  plus 
attrayante,  du  moment  que  la  tradition  des  rites  sacrés  qui 
y  occupe  une  si  grande  place  ,  sera  mieux  connue  et  mieux 
appréciée.  Ces  études  d'antiquité  et  d'archéologie ,  qu'on 
semble  vouloir  introduire  en  plusieurs  lieux  avec  un  zèle  si 
louable,  préparées  par  la  science  au  moins  générale  de 
l'histoire  ecclésiastique,  obtiendraient  des  résultats  véritables, 
du  moment  qu'elles  seraient  éclairées  par  la  connaissance  un 
peu  minutieuse  peut-être ,  mais  indispensable  ,  des  formules 
et  des  symboles  du  culte  divin  ,  depuis  l'origine  du  chris- 
tianisme jusqu'au  temps  présent.  Enfinl'esprit  de  foi,  si  pré- 
cieux dans  la  dispensation  des  dons  célestes ,  dans  la  garde 
du  sanctuaire ,  dans  la  célébration  des  pompes  sacrées , 
prendrait  de  nouveaux  accroissemens  et  produirait  des  fruits 
d'autant  plus  durables ,  que  l'étude  et  la  science  de  la  Li- 
turgie est,  de  toutes,  celle  qui,  présentant  pour  objet  direct 
et  immédiat  les  choses  de  Dieu  ,  permet  le  moins  à  l'homme 
de  perdre  de  vue  les  choses  surnaturelles,  dont  l'attrait  seul 
peut  faire  entreprendre  ce  genre  de  labeur  :  mais  nous  au- 
rons ailleurs  occasion  de  développer  ces  considérations. 
■  L'étude  de  la  Liturgie  n'est  pas  seulement  nécessaire  aux 
clercs  ;  sans  elle  ,  il  est  impossible  aux  savans  qui  s'occupent 
d'explorer  et  de  raconter  les  mœurs  des  diverses  sociétés  eu- 
ropéennes,  depuis  la  prédication  de  l'évangile,  il  leur  est 
impossible  de  faire  un  pas  sans  tomber  dans  des  méprises 


LITURGIQUES.  13 

tic  plus  (riiii  genre,  (le  ne  pas  perdre  une  niullitudo  d'obser- 
valions  précieuses  qui  jeteraient  une  grande  vérilé  el  un 
plus  grand  intérêt  sur  leurs  récits,  ou  sur  leurs  tableaux. 
Malheureusement  ,  cet  inconvénient  est  peu  senti ,  et  si  la 
fureur  du  moyen  âge  qui  possède  tous  les  esprits  n'est  pas 
parvenue  encore  à  faire  apprendre ,  d'une  étude  même 
désintéressée,  le  catéchisme  des  peuples  dont  on  raconte  les 
croyances,  il  faut  convenir  aussi  qu'il  n'était  guère  à  espé- 
rer que  l'on  eût  la  i)atience  de  pénétrer  le  mystère  de  leurs 
rites  et  de  leurs  formules  sacrées.  C'est  un  zèle  qu'on  peut 
avoir,  quoiqu'avec  des  résultats  beaucoup  moins  faciles  et 
beaucoup  moins  certains ,  quand  il  s'agit  des  mystères  et 
des  croyances  de  l'Inde ,  de  la  Perse  ,  ou  de  l'Egypte.  Pour 
roccidcnl ,  il  est  vrai,  on  cite  faslueusement  l'ouvrage  de  D. 
]\Iartène  ,  de  antiquts  ecclesiœ  ritibus  ;  mais  les  applications 
qu'on  fait  des  richesses  que  renferme  ce  trésor  sont  loin  de 
répondre  à  la  bonne  volonté  qu'on  déploie.  Toute  science,  en 
général,  est  rebelle  à  qui  ne  l'a  pas  étudiée,  et  celle  des  rites 
catholiques  demande  par  dessus  tout  une  application  pro- 
fonde et  non  partagée,  puisque  tout  y  est  à  la  fois  ou 
mystique ,  ou  positif.  Entrevoir  une  certaine  couleur  géné- 
rale de  haute  et  gracieuse  poésie,  construire  sur  ces  éléniens 
un  récit  plus  ou  moins  agréable,  c'est  chose  facile,  puisque 
c'est  ciiose  superficielle  ;  mais  la  science  n'est  pas  là.  Les 
populations  dont  vous  dépeignez  les  mœurs  n'auraient 
peut-être  pas  comme  vous  analysé  toute  cette  poésie;  mais 
elles  savaient  pourquoi  elles  agissaient,  quelles  croyances 
elles  exprimaient  dans  tel  ou  tel  symbole  ;  et  vous ,  vous  ne 
le  savez  pas,  faute  de  connaître  l'économie  si  vaste  et  si  popu- 
laire du  catholicisme. 

Si  l'éîude  de   la  Liturgie  est  nécessah-e  à  l'historien  d<' 
moeurs  et  à  l'antiquaire ,  elle  ne  l'est  i)us  moins  à  l'artiste. 


li  '  IXSTIÏUTIùNs 

Mais  qui  sait  aujourd'hui  que  tous  les  arts ,  architecture , 
pointure  ,  sculpture ,  musique ,  sont  tributaires  de  la  Litur- 
gie, et  par  elle  du  catholicisme?  Quel  artiste  le  sait,  hors 
Cornélius  et  Overbeck  en  Allemagne ,  et  quelques  jeunes 
talens  méconnus  en  France  ?  Cependant  la  Liturgie  seule  a 
le  secret  de  la  construction  des  temples  ;  elle  seule  sait 
combi(Mi  de  mystères  devront  exprimer  les  portes,  les  fenê- 
tres ,  los  colomies,  les  chapelles,  les  toui's  ou  flèches,  les 
distributions  de  l'édifice.  Elle  seule  sait  et  peut  dire  au  pein- 
tre sous  quels  emblèmes  fixés  parles  décrets  ecclésiastiques 
les  mystères  doivent  être  représentés,  avec  quels  attributs 
les  saints  et  les  saintes  seront  reconnus  tout  aussitôt  et  invo- 
qués par  la  foi  des  fidèles.  Elle  seule  peut  lui  faire  éviter  ces 
hideux  anachronismes  de  costume  sacerdotal ,  que  Ton  voit 
pompeusement  étalés  sur  les  grandes  toiles  qui  encombrent 
les  églises  de  la  capitale ,  ou  les  salles  de  l'exposition  an- 
nuelle ;  anachronismes  quelcpiefois  d'autant  plus  risibles,  qu'ils 
sont  les  résultats  d'une  <'tude  mal  digérée.  Elle  seule  peut  lui 
apprendre  la  tradition  si  riche  et  si  importante  des  couleurs, 
l'expression  que  donne  le  contact  des  mystères  divins  (1).  Elle 
àeule  peut  révéler  au  sculpteur  ces  détails  dépose,  cesagen- 
remens  de  draperies ,  le  secret  de  ces  groupes  mystérieux  qui 
se  forment  dans  la  célébration  des  rites  sacrés ,  ces  conve- 


(Ij  On  peut  lire  sur  ce  sujet  les  cxcclleutes  remarques  de  M.  le 
comte  de  Moutalembert  sur  la  perle  absolue  de  l'art  catholique  en 
France,  dans  son  admirable  introduction  aux  Monumens  de  sainte 
Elisabeth.  Seulement,  nous  le  prierons  d'ajouter  à  l'énumération  des 
tableaux  étranges  qu'il  signale  dans  les  cglises  de  Paris ,  certaine 
toile  à  la  Sorbonne  sur  laquelle  est  représenté ,  près  de  Robert 
Sorbou  ,  un  moine  habillé  de  vert ,  la  seule  de  toutes  les  couleurs  que 
jamais  aucun  ordre  religieux  n'ait  adoptée.  Les  traditions  sont  déjà 
si  loin  de  nous,  que  nous  ne  nous  flattons  pas  que  tous  les  lecteurs 
oomprenuont  toute  retendue  de  celte  bévue. 


L!TU1\CIQIT>.  15 

iinncos  (lo  Viow  cl  d'objet  dont  l'appréciation  prcviondrail  ces 
malonlcndus  dont  on  n(^  s'apoiroil  quchiuolois  que  lovsqu'ini 
objet  de  sculpture,  après  avoir  coûté  beaucoup  de  dépense 
et  de  (ravail ,  est  trouvé  incapable  de  remplir  la  fin  à  laquelle 
on  Pavait  destiné.  Elle  seule  peut  révéler  au  nuisicien  ces 
ineiïables  mélodies  grégoriennes  qui  sont  à  la  fois  l'unique 
reste  de  cette  musique  antitjue ,  dont  on  raconte  tant  de 
merveilles,  et  le  produit  de  la  i)lns  noble  et  de  la  ])lus  su- 
blime inspiration  catlioli(]ue  ;  motifs  admirables  dont  on  ne 
s'est  écarté  que  pour  tomber  dans  le  barbare ,  en  croyant 
pouvoir  substituer  des  mélodies  tout  aussi  aisément  qu'on 
substituait  des  formules  nouvelles  aux  formules  de  l'antiquité, 
ou  pour  se  jeter  dans  un  genre  tout  profane  qui  forme  le 
contraste  le  plus  révoltant  avec  la  sainteté  du  lieu ,  la  majesté 
des  paroles ,  et  la  religion  des  mystères  ;  si  ce  n'est  que 
d'autres  fois  on  aime  mieux  composer  patiemment  et  exécu- 
ter de  même  des  morceaux  insignifians  et  dépoui'vus  d'un 
sens  quelconque  ,  à  la  condition  que  l'accord  sera  parfait  et 
que  la  mesure  ne  manquera  pas. 

Une  étude  attentive  de  la  Liturgie  eût  prévenu  e(  prévien- 
drait tous  les  jours ,  dans  tous  les  genres ,  bien  des  erreurs  ;  et 
([uellc  que  soit  l'exiguité  de  notre  talent  et  de  nos  connais- 
sances en  cette  matière ,  nous  n'estimerons  pas  avoir  perdu 
notre  temps  en  composant  cet  ouvrage ,  si  nous  parvenons  à 
troubler  quelque  peu  une  indifférence  trop  long-temps  pro- 
longée ,  à  réveiller  quelques  lionmies  et  à  Icui-  faii-e  apei'ce- 
voir  une  science  riche  et  féconde  là  oîi  jusqu'ici  ils  n'avaient 
pas  soupçonné  matière  à  une  application  sérieuse.  Il  nous 
reste  à  poser ,  à  discuter ,  à  établir  beaucoup  de  principes, 
et  quelques-uns  peut-être  assez  sévères  ;  nous  procéderons 
dans  ce  travail  avec  franchise  ,  et ,  s'il  plaît  à  Dieu ,  sans 
perdre  de  vue  un  instant  les  principes  de  l'Kglise  sur  une 


i6  INSTITUTIONS 

malièi'e  aussi  importante.  Mais ,  comme  nous  avons  déjà  été  à 
même  d'éprouver  ([ue,  faute  d'éclaii'cissemens  sur  les  ques- 
tions de  fait ,  la  véiité  sur  les  matières  liturgiques  pouvait 
être  quelquefois  objet  de  contestation ,  nous  avons  cru  devoir 
placer  en  tète  de  la  discussion  une  histoire  générale  de  la 
Liturgie  ;  nous  n'aurons  plus  alors  qu'à  procéder  par  voie 
de  coiollaires  ou  d'applications.  Nous  nous  flattons  qu'on 
rendra  justice  aux  CiTorls  que  nous  avons  faits  pour  nous 
mettre  en  état  de  traiter  d'une  manière  neuve  des  sujets  qui, 
pour  être  aujourd'hui  assez  généralement  ignorés,  n'en  ont 
pas  moins,  dans  tous  les  siècles  précédens,  comme  on  le  verra, 
occupé  une  grande  place  dans  la  science  ecclésiastique.  Il 
est  bien  entendu  que  ,  dans  ce  coup  d'œil  historique  qui  va 
suivre  ,  nous  nous  arrêterons  seulement  aux  faits  généraux, 
et  à  ceux  des  faits  particuliers  qui  sont  nécessaires  poui' 
mettre  le  lecteur  à  portée  de  saisir  un  ensemljle.  Les  ques- 
tions de  détail  seront  traitées  à  leur  place  dans  les  volumes 
suivans ,  d'après  l'ordre  que  les  matières  présenteront  suc- 
cessivement d'elles-mêmes. 


LITURGIQUES.  17 


CHAPITRE  III. 

ÉTAT   DE   LA   LITURGIE   AU   TEMPS   DES  APÔTRES. 

La  Liturgie  est  une  chose  si  excellente ,  que ,  pour  en  trou- 
ver le  principe,  il  faut  remonter  jusqu'à  Dieu;  car  Dieu,  dans 
la  contemplation  de  ses  perfections  infinies,  se  loue  et  se  glo- 
rifie sans  cesse,  comme  il  s'aime  d'un  amour  éternel.  Toute- 
fois, ces  divers  actes  accomplis  dans  l'essence  divine  n'ont  eu 
d'expression  visible  et  véritablement  liturgique  que  du  mo- 
ment où  une  des  trois  Personnes  ayant  pris  la  nature  hu- 
maine, a  pu  dès-lors  rendre  les  devoirs  de  la  religion  à  la  glo- 
rieuse Trinité. 

Dieu  a  tant  aimé  le  monde ,  qu'il  lui  a  donné  son  Fils  uni- 
que (1)  pour  l'instruire  dans  l'accomplissement  de  l'œuvre  li- 
turgique. Après  avoir  été  annoncée  et  préfigurée  pendant 
quarante  siècles, une  prière  divine  a  été  offerte,  un  sacrifice 
divin  a  été  accompli ,  et,  maintenant  encore  et  jusque  dans 
l'éternité  ,  l'Agneau  immolé  dès  le  commencement  du  monde 
s'offre  sur  l'autel  sublime  du  ciel  et  rend  d'une  manière  infi- 
nie à  l'ineffable  Trinité  tous  les  devoirs  delà  religion,  au  nom 
des  membres  dont  il  est  le  Chef,  lesquels  confessent ,  sup- 
plient et  glorifient  avec  lui,  par  la  vertu  du  divin  Esprit  qui , 
les  animant  de  son  souffle  i^)  et  les  couvrant  de  son  ombre  (5), 
forme  en  eux  cet  inénarrable  gémissement  (4)  qui  retentit 
doucement  dans  les  cœurs. 


(Ij  Joan.  m.  10.  —  {i)  Psalin.  XXXII.  U. 
(ô)  Luc.  I.  j-j.  —  (4)  Rom.  VIII.  26. 


18  LNST1TUTI0>S 

Infiniment  au-dessous  de  l'Agneau,  mais  incomparablement 
au-dessus  de  toute  autre  créature,  Marie,  mère  de  Dieu, 
assistant  en  corps  et  en  âme ,  afin  que  rien  ne  manque  à  la 
plénitude  de  son  expression  liturgique,  offre  à  Dieu  la 
prière  la  plus  pure  et  la  plus  complète  après  celle  du  Fils 
de  Dieu  ,  auprès  duquel  elle  introduit  les  vœux  de  la  créa- 
tion, les  com.plétant  de  sa  perfection  propre,  les  rendant 
agréables  de  sa  faveur  toujours  agréée. 

Les  chœurs  des  esprits  angéiiques  célèbrent  aussi  la  louange 
de  Dieu.  Ils  ne  cessent  de  crier  alternativement  :  Sainte  suint, 
saint!  lîs  rendent  tous  les  devoirs  de  la  religion  pour  eux- 
mêmes,  et  aussi  pour  le  reste  de  la  création,  particulièrement 
pour  les  hommes  auxquels  Dieu  a  ,  comme  à  eux,  confié 
l'honneur  de  son  service  (1). 

Les  hommes  élus  et  glorifiés,  les  saints ,  établis  dans  une 
harmonie  parfaite  de  grâce  et  de  gloire ,  chantent  aussi  la 
divine  louange,  continuant  d'un  Ion  plus  foit  et  plus  mélo- 
dieux encore  leurs  cantiques  de  la  terre ,  et ,  afin  que  rien  ne 
manque  aux  conditions  de  leur  Liturgie  ,  ils  reprendront  un 
jour  leurs  corps  pour  lui  pouvoir  donner  une  forme  visible. 

L'Église  militante  enfin  loue  Dieu  avec  l'Agneau  qui  est  son 
époux  et  sur  lequel  elle  est  appuyée  {^}  ;  avec  Maiie  ,  qui 
est  sa  miséricordieuse  reine  ;  avec  les  anges ,  qui  la  gouver- 
nent sous  Tceil  du  Très-Haut;  avec  les  saints,  qui  l'aiment 
toujours  d'une  tendresse  fi.iale  et  la  tirent  d'en  haut;  enfin 
dans  cette  demeure  mortelle  oîi  la  retiennent  les  déci'ets 
divins  et  qu'elle  est  appelée  à  sanctifier,  elle  remplit  ad- 
mirablement toutes  les  conditions  de  la  Liturgie  ,  ainsi 
que  nous  le  ferons  voir  en  détail   dans  ces  Institulions. 

(1)  L'eus  q  li  mivo  oi'diue  angelorimi  miaistoria  honiiiiunique  dis- 
pensas, etc.  (Missal.  Rom.  in  dedicat.  et  upparU.  S.  Micluielk), 

(2)  Cant.  YIîI.  5. 


IJTURGIOUES.  19 

Mais  suivons  d'nbord  les  principes  ei  les  développenions 
de  celle  IJkuyie  sous  ses  formes  gëncTales.  Ileconnaissoiis 
d'abord  que  le  monde  n  a  jamais  été  sans  elle  :  car,  connnc 
rËglise  date  du  commencement  du  monde,  suivant  la  doc- 
trine de  saint  Augustin  (1) ,  la  Liturgie  date  de  ce  même 
commencement.  En  eflet,  l'homme  n'a  point  été  sans  con- 
naître Dieu  qui  se  révéla  à  lui  tout  d'abord  ;  or,  connaissant 
Dieu,  il  n'a  point  été  sans  l'adorer,  sans  le  supplier ,  sans 
célébrer  ses  grandeurs  et  ses  bienCails,  et  ces  sentimens 
n'ont  point  non  plus  été  dans  l'homme  sans  se  produire  par 
des  paroles  et  des  actes. 

Dieu  daigna  révéler  ces  formes  de  la  Liturgie ,  comme  il 
donna  à  l'homme  la  pensée ,  comme  il  lui  donna  la  parole , 
comme  il  se  manifesta  à  lui  en  qualité  d'auteur  de  la  nature 
et  d'auteur  de  la  grâce  et  de  la  gloire.  Aussi  voyons-nous , 
dès  l'origine ,  la  Liturgie  exercée  par  les  premiers  hommes 
dans  le  principal  et  le  plus  auguste  de  ses  actes,  lesacriiice. 
Ma'gré  la  différence  de  leurs  hosties,  et  par  la  raison  de  cette 
différence  même ,  Caïn  et  Abel  attestent  dans  leurs  offi'andes 
diverses  un  ordi'e  préétabli,  un  rite  commun,  quoique  le 
sacrifice  du  second  soit  sanglant  et  que  l'oirrandc  du  premier 
ne  le  soit  pas. 

Bientôt,  à  ceile  même  époque  antédiluvienne,  si  riche  de 
communications  divines,  nous  lisons  d'Enos,  homme  juste 
et  serviteur  de  Dieu ,  qu'il  commença  tl'invoquer  le  nom  du 
Seigneur  (2),  c'est-à-dire,  comme  l'ont  entendu  les  {-ères,  à 
enrichir  de  dévcloppcmens  plus  vastes  cette  pi-cmièrc  forme 

(1)  Ipsarcs  qiuc  luiiic  clu'istiima  rcligio  nuncupatur  ci"at  cl  ainid 
anliquos  ,  iicc  defiiil  ab  iiiitio  generis  liumaiii ,  quôusque  ip-e  Ciiris- 
tus  veniret  iu  carnem ,  uudè  vcra  l'eligio  qiiac  jaiu  eiat  cœpit  appellari 
clirisiiana.  S.  Jucftist.  Ptetrud.  lib.  I.  cliap.  Xîlî,  n.  3,  tvm.  I,  col.  Id. 

(2)  Geu.  IV.  26. 


30  INSÏITCTIOS 

qui  remontait  au  joui-  incme  de  la  création  de  l'horame.  Du- 
l'ant  cette  période  ,  le  sacrifice  persévéra  toujours  ;  car  >oé . 
au  sortir  de  rArche ,  pendant  que  l'arc  du  Seigneur  resplen- 
dissait à  l'horizon ,  immola  en  action  de  grâces  plusieurs  des 
animaux  pars  (i)  que ,  dans  cette  intention  même ,  Dieu  avait 
ordonné  de  conserver  en  plus  grand  nombre. 

Ainsi  le  principe  liturgique  avait  été  sauvé  du  redoutable 
cataclysme  qui  engloutit  pour  jamais  la  plupart  des  souve- 
nirs de  ce  premier  monde  ;  il  survécut  avec  le  langage,  avec 
les  traditions  sacrées  des  patriarches.  Nous  en  voyons  de 
fréquentes  applications  dans  les  pages  si  courtes  du  récit 
antémosaïque.  Abraham,  Isaac  ,  Jacob,  offrc-nt  des  sacrifices 
d'animaux  (2)  ;  ils  dédient  au  Seigneur  les  lieux  où  ils  ont 
senti  sa  présence  (5)  ;  ils  élèvent  des  pierres  en  autel  (A)  ; 
ces  pierres,  comme  aujourd'hui,  ont  besoin  d'être  inon- 
dées d'huile  pour  devenir  dignes  de  recevoir  la  majesté  de 
Dieu  (5)  ;  et  non  seulement  l'autel  paraît ,  mais  le  sacrifice 
futur  est  montré  de  loin.  ïout-à-coup  un  Roi  Pontife ,  tenant 
en  ses  mains  le  pain  et  le  vin  ,  offre  une  hostie  pacifique  (6), 
et  avec  tant  de  vérité  ,  que  la  mémoire  de  son  sacrifice  et  de 
sa  consécration  demeure  pour  être  invoquée  mille  ans  après, 
par  un  autre  projjhète-roi ,  mais  non  plus  pontife  ,  comme 
type  du  sacerdoce  et  du  sacrifice  du  Messie  à  venir. 

Durant  toute  cette  époque  primitive ,  les  traditions  li- 
tuigiques  ne  sont  point  flottantes  et  arbitraires ,  mais  pré- 
cises et  déterminées  :  elles  se  l'eproduisent  toujours  les 
mêmes.  On  voit  clairement  qu'elles  ne  sont  point  de  l'inven-- 
tion  de  l'homme,  mais  imposées  par  Dieu  lui-même;  car 

(1;  Gen.  VIII.  20. 

(2)  Gea.  XV.  9.  XXII.  13.  —  (o)  Geu.  XII.  7.  8.  XXVI.  '2o.  XXVIII. 
16.  XXXII.  30.  —  (4)  Geu.  XXVIil.  18.  ±2.  XXXIII.  20.  —  (i5)  Gcn. 
XXVIII.  18.  XXXI.  13.  XXXV.  14.  —  (6)  Gea.  XIV.  18. 


LITURGIQUES,  21 

lo  Seigneur  loiio  Abraham  d'avoù-  gardé  non  seiilonienl  ses 
lois  et  ses  préceptes,  mais  encore  ses  cérémonies  (1). 

La  loi  mosaïque  fut  ensuite  promulguée  en  son  temps, 
à  l'efti^t  de  donner  une  forme  plus  précise  encore  et  plus 
solennelle  à  la  Liturgie ,  de  créer  un  corps  de  Prêtres  pré- 
sidé par  un  Pontife  souverain ,  de  fixer,  au  moyen  de  régle- 
mens  écrits,  des  traditions  jusqu'alors  conservées  pures, 
mais  dont  la  défection  générale  des  peuples  menaçait  l'inté- 
grité. Toutefois ,  avant  que  Moïse  montât  sur  le  Sina  où  il  de- 
vait recevoir  celte  loi ,  déjà  l'Agneau  pascal  avait  été  immolé 
an  milieu  des  rites  les  pins  mystérieux,  et  déjà  le  chef  des 
Hébreux  avait  chanté  l'hymne  du  passage  de  la  Mer  Rouge , 
pendant  que  Marie,  à  la  tète  du  chœur  des  vierges  d'Israël, 
l'accompagnait  du  son  des  instrumens  sacrés. 

Dieu  parle  donc  et  révèle  cet  ensemble  de  rites  dans  lequel 
on  voit  figurer  en  un  ordre  admirable  les  diverses  espèces  de 
.sacrifices ,  les  expiations,  l'offrande  des  prémices,  le  feu  sacré, 
lesthurifications,  les  habits  sacerdotaux,  etc.  La  Liturgie  sort 
de  l'enfance  et  passe  à  son  âge  intermédiaire,  durant  lequel 
(Ile  ne  devait  plus  être  exercée  sous  une  forme  simplement 
domestique ,  mais  sous  une  forme  plus  sociale ,  au  moyen 
d'nne  tribu  sacrée  ;  mais,  d'autre  part,  ses  symboles,  si  riches 
qu'ils  fussent ,  ne  devaient  pas  renfermer  les  réalités  qu'ils 
signifiaient,  I^e  développement  de  ce  magnifique  tableau 
n'entre  point  dans  notre  plan;  de  nombreux  et  savans  com- 
mentateurs s'en  sont  occupés  dans  des  ouvrages  spéciaux 
que  tout  le  monde  peut  consulter. 

D'ailleurs ,  le  Lévilique  ne  renfermait  pas  tous  les  détails 
rituels  du  culte  mosaïque,  non  plus  que  les  tables  de  la  loi. 


(1)  E6  quod  obedierit  Abraham  voci  nieœ  ,  cl  custodierit  prceccpla 
et  mandata  laen ,  et  cœremonîas  legesque  servaverit.  Gen.  XXFI.o. 


22  i>:sTiTUTio>-s 

toutes  les  croyances  du  peuple  de  Dieu.  Beaucoup  de  parti- 
cularités liturgiques  se  conservaient  par  la  tradition;  tels 
sont  le  rite  du  cantique  des  degrés  (1) ,  la  prière  sept  fois  le 
jour  et  au  milieu  de  la  nuit  (2) ,  l'onction  des  rois  (3) ,  et  mille 
autres  faits  épars  dans  les  livres  historiques  et  prophétiques 
de  l'Ancien  Testament. 

Nous  ne  devons  pas  manquer  de  signaler  aussi  ce  phé- 
nomène si  remarquable ,  qui  frappe  dès  l'abord  l'observateur 
des  anciennes  religions,  savoir  la  ressemblance  frappante  des 
formes  religieuses  cm.pioyécs  par  la  plupart  des  peuples  Gen- 
tils avec  les  rites  liturgiques  du  peuple  Israélite.  Ce  foit  est 
incontestable,  et,  ainsi  qu'on  l'a  remarqué  il  y  a  long-temps, 
il  a  contribué  piiissamnient  à  préparer  les  voies  à  l'établis- 
sement du  cuite  chrétien,  soit  qu'on  l'explique,  avec  la  plu- 
part des  anciens  Pères,  par  une  suite  de  communications 
de  ces  peuples  avec  les  Juifs ,  soit  qu'on  le  considère  comme 
un  débris  des  traditions  patriarchales  dont  le  culte  mosaïque 
n'était  qu'un  vaste  développement. 

Quoiqu'il  en  soit,  la  plénitude  des  temps  étant  venue,  le 
VERBK  SE  riT  CHAirv  ET  HABITA  PARMI  ?(ous  :  il  sc  donua  à 
voir,  à  entendre  ,  à  toucher  aux  hommes  (-4) ,  et,  descendu  du 
ciel  pour  créer  des  adorateurs  en  esprit  et  en  vérité  (5) ,  il 
vint,  non  détruire,  mais  accomplir  et  perfectionner  les  tradi- 
tions liturgiques  (6).  Après  sa  naissance,  il  fut  circoncis, 
oGert  au  temple,  racheté.  Dès  l'âge  de  douze  ans,  il  accom- 
plit la  visite  du  temple,  et,  plus  tard,  on  l'y  vit  fréquemment 
venir  olnii-  sa  prière.  Il  remplit  la  carrière  du  jeûne  de 
quarante  jours  ;  il  sanctifia  le  sabbat  ;  il  consacra  par  son 
exemple  la  prière  nocturne.  A  la  dernière  cène ,  où  il  célébra 

(1)  Psalra.  H9.  —  (2)  Psalm.  M8.  —  (5)  I.  Reg.  X.  XVî, 
(i)  i,  Joan.  I,  i ,  —  (o)  Joan,  IV.  23.  —  (6)  3Iatth,  V.  17, 


LITURGIQUES.  23 

le  grand  Acte  lilurgiquc  ,  et  pourvut  à  son  accomplissement 
futur  jusqu'à  la  fin  des  siècles,  il  préluda  par  le  lavement  des 
pieds  que  les  Pères  ont  appelé  un  mystère,  et  termina  par 
un  hymne  solennel,  avant  de  sortir  pour  aller  au  mont  des 
Oliviers.  Peu  d'heures  apiès,  sa  vie  mortelle,  qui  n'était  elle- 
même  qu'un  grand  aele  liturgique,  se  termina  dans  ['elTusion 
du  sang  sur  l'autel  de  la  croix  ;  le  voiic  de  l'ancien  temple 
se  déchirant,  ouvrit  comme  un  passage  à  de  nouveaux  mys- 
tères, proclama  un  nouveau  labei'nacL' ,  une  arche  d'alliance 
étcrnclie ,  et  désormais  la  Liturgie  commença  sa  période 
complète  en  tant  que  culte  de  la  terre. 

Car  le  sacrifice  ne  cesse  pas  en  ce  jour,  bien  qu'il  soit 
consommé.  Du  lever  du  soleil  à  son  couchant  (I) ,  il  devient 
perpétuel ,  quotidien ,  universel  ;  et  non  seulement  le  sa- 
crifice ,  centre  de  la  Liturgie  ,  r^ste ,  mais  une  nouvelle 
naissance  par  l'eau  est  offerte  au  genre-humain  ;  la  visite 
de  l'Esprit  de  sanctification  est  annoncée  ,  ses  dons  sont 
communiqués  aux  apôtres  pour  toute  l'Église  par  l'insufïïa- 
tion  et  l'imposition  des  mains.  Enfin  ,  lorsque  le  Médiateur 
ressuscité  a  emp'.oyé  quarante  jours  à  instruire  ses  disciples 
de  tout  ce  qui  regarde  le  royaume  de  Dieu  (2) ,  c'csl-à-dire 
l'Égiise,  lorsqu'il  leur  a  dit  solennellement,  invoquant  la 
puissance  qui  lui  a  été  donnée  au  ciel  et  enterre  :  AlUz,  bap- 
tisez toutes  les  nations  ;  enseignez-leur  à  garder  loiitts  les 
citoses  que  je  vous  ai  enjointes ,  il  les  quitte  en  montant  au 
ciel,  hiissant  ouvertes  sur  touics  les  nations  du  monde  sept 
sources  principales  de  salut  dans  les  sacremens,  dont  chacun 

(i)Malacli.l.ll, 

(2)  Act.  I  S  Lém  dit  à  ce  suj  t  :  Koa  cnim  ii  dies  qui  intcr 
riisurreclioiiem  Doiniui  asjensioiieinque  fluxeruul  olioso  transiôre  de 
cursii  :  sed  inaga.iin  liiscoulirmati  sacr.imenta,  magna  suiU  rcvclata 
mysteria.  Scrm,  LXXll,  £ait.  Bidlerin,  pug,  291, 


24  INSTITUTIONS 

rontiont  une  grâce  agissante,  mais  invisible,  en  même  temps 
qu'il  la  signifie  à  l'extérieur  par  les  symboles  les  plus  précis 
et  les  plus  énergiques. 

Jésus-Christ  laissa  donc  sur  la  terre  ses  apôtres  investis 
de  son  pouvoir,  envoyés  comme  il  avait  été  envoyé  lui- 
même  (1)  ;  aussi,  s'annoncent-ils  non  pas  simplement  comme 
propagateurs  de  la  parole  évangélique  ,  mais  comme  minis- 
tres et  dispensateurs  des  mystères  (2).  Le  pouvoir  liturgique 
était  fondé  et  déclaré  perpétuel  pour  veiller  à  la  garde  du 
tlépôt  des  sacremens  et  des  autres  observances  rituelles  que 
le  Pontife  suprême  avait  établies,  pour  régler  les  rites  qui 
devaient  les  rendre  plus  vénérables  encore  au  peuple  chré- 
lien,  pour  étendre  et  appliquer,  suivant  les  besoins  de 
i'Iionnne  et  de  la  société,  cotte  grâce  de  sanctification  qu'é- 
tait venu  apporter  au  monde  Celui  qui,  comme  le  chante 
l'Eglise,  ôlant  la  malédiction ,  adonné  la  bénédiction  (5). 

Les  apôtres  durent  donc  établir  et  promulguer  un  ensem- 
ble de  rites ,  enseniljle  supérieur  sur  tous  les  points  à  la  Li- 
turgie mosaïque.  Tel  était  le  génie  de  la  nouvelle  religion, 
comme  de  toute  religion;  car,  ainsi  que  ledit  saint  Augustin  : 
Jamais  on  ne  parviendra  à  réunir  les  hommes  sous  aucune 
lôime  ou  appeliaiion  religieuse,  vraie  ou  fausse,  si  on  ne 
IfS  lie  par  une  association  de  sacremens  visibles  (4).  C'est 
pourquoi  le  saint  concile  de  Trente,  traitant  dans  sa 
Wli^  session  des  cérémonies  augustes  du  saint  sacrifice  de 

{[)  Joan.  XX.  21. 

(2)  Sic  uos  existimetliomo  ut  ministrosCbristi  et  dispeiisatores  mys- 
teriorum  Dei.  I.  Cor.  IV.  I. 

(3)  Qui  solvens  nialedictioueni ,  dcdil  henedictioueni.  In  nativit. 
B.  M-  V.  Jntipli.  ad  Maguilical  //;  secuudis  ve.sp. 

(4)  lu  inillum  aulem  nomen  religiouis ,  seu  verum  ,  sen  falsura 
coagulari  liuminespossunt,  nisialiquo  signaculorumvei  sacrameiitorum 
visibiiium  consortio  çolligentur.  lib.  contrii  Fauslum.  XIX.  cap.  XI, 


LITURGIQUES.  2,> 

la  messe,  déclare,  avec  loiuc  l'autorité  de  la  S(;ioncc  et  de 
l'enseignement  religieux  ,  qu'il  faut  rapporter  à  l'institution 
apostolique  les  bénédictions  mystiques,  les  cierges  allumés, 
les  encensemens ,  les  habits  sacrés ,  et  généralement  tous 
les  détails  propres  à  relever  la  majesté  de  cette  grande 
action ,  et  à  porter  l'amo  des  fidèles  à  la  contemplation  des 
choses  subhmes  cachées  dans  ce  profond  mystère  ,  au 
moyen  de  ces  signes  visibles  de  religion  et  de  piété  (1). 

Or,  ce  saint  concile  n'était  point  amené  à  produire  cette 
assertion  par  quelque  conjecture  incertaine,  déduite  de  pré- 
misses vagues,  il  parlait  comme  parlaient  les  premiers  siècles. 
Il  invoquait  la  tradition  primitive ,  c'est-à-dire  apostolique , 
comme  l'avait  si  éloquemment  invoquée  TertuUien,  dès  le 
troisième  siècle ,  pour  rendre  raison  de  tant  de  rites  qui  ne 
paraissaient  point  fondés  sur  la  lettre  des  saints  évangiles , 
tels  que  le  renoncement  au  démon  avant  le  baptême ,  la 
triple  immersion,  la  confession  du  baptisé  dont  elle  était  pré- 
cédée ;  la  nourriture  de  lait  et  de  miel  qu'on  lui  donnait,  l'o- 
bligation de  s'abstenir  du  bain  durant  la  semaine  qui  suivait 
le  baptême;  la  communion  eucharistique  fixée  au  matin, 
avant  toute  autre  nourriture  ;  les  oblationspour  les  défunts; 
la  défense  de  jeûner  ou  de  prier  à  genoux  ,  le  dimanche  et 
durant  le  temps  pascal  ;  le  soin  tout  particulier  des  espèces 
consacrées;  l'usage  continuel  du  signe  de  la  croix,  etc.  (2]. 
Saint  Basile  signale  aussi  la  même  tradition  comme  source  des 


(1)  Cœreraouias  ilcm  adhibuit  ecclesia  ,  ut  niyslicas  benedictio- 
nes,  lumina,  thyniiamata  ,  vestes ,  aliaqne  iil  geniis  imilta ,  ex  apostolicfi 
disciplina  et  Iraditione,  quo  et  majestas  tanli  sacrifioii  oommendaretur, 
et  mentes  fidelium  per  lisec  visibilia  religionis  et  pictatis  signa  ad  re- 
rura  altissimarum  qu;c  in  lioc  sacvificio  latent ,  contcmplationcm  exci- 
tarentur.  Conc,  Trid.  Sess.  XXII.  cap.  V. 

(2)  Voyez  G<;t  important  passage  Note  A ,  à  la  fin  de  ce  chapitre. 


?C  LNSTITUTIONS 

mêmes  observances,  auxquelles  il  ajoute,  en  manière  d'exem- 
ple, les  suivantes,  comme  de  prier  vers  l'orient,  de  consacrer 
l'eucharistie  au  milieu  d'une  formule  d'invocation  qui  ne  se 
trouve  rapportée  ni  dans  saint  Paul,  ni  dans  l'Evangile;  de 
Jjénir  l'eau  baptismale  et  l'huile  de  l'onciion,  etc.  (l).Et  non 
seulement  saint  Basile  et  Tertullien ,  mais  toute  l'antiquité , 
sans  exception,  confesse  expressément  celte  grande  règle 
de  saint  Augustin  devenue  banale  à  force  d'être  répétée  : 
quod  universa  tenet  ecclesia ,  nec  conciliis  institulum ,  sed 
setnper  retentnm ,  non  nisi auctoritate  apostolicâ  traditum  rec- 
tifsimè  creditur  (;2). 

C'est  pourquoi  les  prolesians  éclairés,  en  dépit  des  con- 
séquences que  les  catholiques  en  peuvent  tirer  contre  eux , 
ne  font  aucune  difficulté  de  rapporter  à  l'institution  apos- 
tolique les  rites  qui  accompagnent  la  célébration  des  sacrés 
mystères ,  toutes  les  fois  que  ces  rites  présentent  un  carac- 
tère d'univerealité.  Grotius  confesse  franchement  qu'il  ne 
voit  pas  le  plus  léger  sujet  d'en  douter  (5)  ;  Grabe  va  plus 
loin  et  déclai'e  qu'il  ne  comprend  pas  comment  un  homme 
de  sens  se  pourrait  persuader  un  instant  qu'il  en  pût  être 
autrement.  «  -\on ,  dit-il ,  que  je  prétende  adjuger  toutes  les 
»  Liturgies  dites  Apostoliques  à  ceux  dont  elles  portent  les 
»  noms  ;  il  suffit  bien  que  les  apôtres  aient  été  les  auteurs , 
>  sinon  les  rédacteur  des  anciennes  Liturgies  (4).  ^  En  quoi 

(1)  Vid.  ibidem.  >'ote  B. 

(2)  De  Bajjlism.  contra  Donat.  lil).  IV.  cap.  2i. 

(5)  Consensus  lilurgiaruni  per  omuia  loca  ac  tempera  in  precihus 
illis,  ut  Deus  dona  per  Spiritum  suum  sanclificet,  eaqiie  facial  corpus 
et  sanguiuera  CLristi,  me  duhiiare  uou  siuunt  venire  hoc  à  prima 
a];oslu!orum  institulioae.  De  pace  ecc'esiœ,  pag.  670. 

(4)  i!!os  qui  omnibus  i^tis  Liturgiis  expr.muutur,  qnique  jam  o'im 
«bique  iuter  sacra  mysieria  usilali  fuiruut,  raus  ex  opostolicà  iraJi- 
tioue  lîuxisse  ;  ecclesias  enim  ab  apostolis  iusiiiulas  foruiam  aliquam 
et  ritum  offerendi  gacritiçium,  cui  tara  arcta  sit,  et  prjecipua  cuœ 


LITURGIQUES,  27 

ils  se  trouvent  pleinement  d'accord  l'un  et  l'autre  avec  le 
grand  cardinal  Boua  qui  résume  admirablement  toute  cette 
question  dans  les  paroles  suivantes  : 

«  Il  est  dans  toutes  les  Liturgies  certaines  choses  sur 
»  lesquelles  toutes  les  Églises  conviennent ,  et  qui  sont  telles 
s  que  sans  elles  l'essence  du  sacrifice  n'existerait  pas,  comme 
«sont  la  préparation  du  pain  et  du  vin,  l'oblation,  la  conse- 
il cration ,  la  consommation ,  enfin  la  distribution  du  sacre- 
»ment  à  ceux  qui  veulent  communier.  Ensuite  ,  il  y  î>  d'au- 
îtres  parties  importantes  qui,  bien  qu'elles  n'appartiennent 
»  pas  à  l'intégrité  du  sacrifice ,  se  retrouvent  cependant  dans 
»  toutes  les  Liturgies,  comme  le  chant  des  psaumes,  la  lecture 
»dc  l'Écriture  suinte,  l'assistance  des  ministres,  l'encense- 
j>  ment ,  l'exclusion  des  cathécumènes  et  des  profiuies ,  la 
ï fraction  de  l'hostie,  le  souhait  de  paix,  les  prières  multi- 
»pliées,  l'action  de  grâces  et  autres  choses  de  celte  na- 
ïturc  (1).  » 

Mais  si  les  apôtres  doivent  être  incontestablement  consi- 
dérés comme  les  créateurs  de  toutes  les  formes  liturgiques 
universelles,  on  n'est  pas  moins  en  droit  de  leur  attribuer 
un  grand  nombre  de  celles  qui,  pour  n'avoir  qu'une  extension 
bornée,  ne  se  perdent  pas  moins,  quant  à  leur  origine,  dans 
la  nuit  des  temps.  En  effet,  ils  ont  dû  plus  d'une  fois  assortir 
les  institutions  de  ce  genre ,  dans  leur  partie  mobile ,  aux 
mœurs  des  pays,  au  génie  des  peuples,  pour  faciliter  par 
cette  condescendance  ia  diffusion  de  l'évangile  :  et  c'est-là  l'u- 

religionc  connexio  noa  accepisse,  qnis  saniis  sil)i  pcrsuadeat?  IVon 
quod  tamen  liturgias  omiies  apostolicas  ils ,  quorum  nomina  insi- 
giiiuûtur,  adjudicare  velim.  Sufliciat  liiurgiarum  aiitiquarum  si  noa 
scriptores,  sallem  primos  auctores  fuise  apostolos.  (In  S.  Ircncum , 
lib.  1.  cflp.3.  annotât.) 
(1)  Yid,  Je  texte  l»  I9  note  C, 


28  INSTITUTIONS 

iiiquft  manière  d'expliquer  les  dissemblances  profondes  qui 
régnent  entre  certaines  Liturgies  d'orient ,  qui  sont  l'œuvre 
plus  ou  moins  directe  d'un  ou  plusieurs  apôtres,  elles  Li- 
turgies d'occident,  dont  l'une,  celle  de  Rome,  doit  recon- 
naître saint  Pierre  pour  son  principal  auteur.  Ainsi  encore 
pourra-t-on  expliquer  comment  les  Églises  d'Asie ,  au  se- 
cond siècle,  soutenaient ,  comme  une  tradition  apostolique, 
leur  manière  de  célébrer  la  Pàque,  contraire  à  celle  de  l'É- 
glise romaine  qui  invoquait ,  avec  raison  ,  la  tradition  très- 
certaine  et  très-canonique  du  Prince  des  apôtres. 

On  est  même  en  droit  de  conjecturer  que  le  même  apôtre 
a  pu ,  dans  le  cours  de  sa  carrière  de  prédication,  se  trou- 
ver dans  le  cas  d'employer  des  rites  différens,  à  raison  de 
la  divei-sitë  des  lieux  qu'il  ëvangélisait  tour  à  tour.  C'est  la 
remarque  du  savant  Père  Lesleus  dans  l'excellente  préface 
de  son  édition  du  Missd  Mozarabe  ;  ce  qu'il  faut  m-anmoins 
toujours  entendre ,  sauf  la  réserAe  des  points  sur  lesquels 
ou  trouve  accord  universel  dans  toutes  les  Liturgies  (1).  Ces 
diversités  n'ont  donc  rien  qui  doive  surprendre  :  elles  en- 
traient dans  les  nécessités  de  l'époque  apostolique,  puisque, 
aujourd'hui  même,  l'unité  fût-elle  rétablie  entre  l'orient  et 
l'occident ,  on  n'oserait  se  flatter  de  les  voir  disparaître. 
Concluons  donc  que  ce  n'est  point  une  raison  pour  refuser 
d'admettre  l'origine  apostolique  des  Liturgies  générales  et 
particulières,  de  ce  que  celles  qui  portent  les  noms  de  saint 
Pierre,  de  saint  Jacques,  de  saint  Marc,  etc. ,  ne  s'accordent 
ni  entre  elles,  ni  avec  celles  de  l'occident,  dans  les  choses 
d'une  importance  secondaire,  telles  que  l'ordre  et  la  teneur 
des  formules  de  supplication.  On  ne  saurait  non  plus  leur 
disputer  cette  même  origine,  sous  prétexte  que  ,  dans  l'état 

(1)  Yid.  infrk  la  note  D. 


LITUnCTÔUES,.  21> 

où  elK's  sont  nujourdMiui ,  elles  présentent  ])liisieui-s  choses 
qui  paraissent  visiblement  avoir  été  ajoutées  dans  des  temps 
postérieurs.  Les  apôtres  tracèrent  les  premièi-es  lignes,  im- 
primèrent la  direction  ;  mais  l'œuvi'e  liturgique  dut  se  per- 
fectionner sous  l'influence  de  l'Esprit  de  vérité  (|ui  était 
donné  à  l'Église  pour  résider  en  elle  jusqu'à  la  fin  des  temps. 
Telle  est  la  manière  saine  d'envisager  les  controverses  agi- 
tées plusieurs  fois  par  des  hommes  doctes ,  à  propos  de  ces 
Liturgies  ;  assez  généralement ,  on  a  excédé  de  part  et 
d'autre ,  en  soutenant  des  principes  trop  absolus. 

Laissons  donc  saint  Jacques  auteur  de  la  Liturgie  qui  porte 
son  nom,  puisque  l'antiquité  l'a  cru  ainsi.  Qu'importent  quel- 
ques changemens  ou  additions?  ne  fait-elle  pas  le  fond  de 
toutes  celles  de  l'orient?  Quant  à  saint  Pierre,  il  y  a  deux 
questions  à  examiner.  D'abord,  comme  chef  et  prince  des 
apôtres,  il  n'a  pu  être  étranger  à  l'institution  ou  règlement 
des  formes  générales  de  Liturgie  que  ses  frères  allaient  porter 
par  tout  l'univers.  Du  moment  que  nous  admettons  son  pou- 
voir de  chef,  nous  devons  admettre,  par  là  même,  sou 
influence  principale ,  en  ceci  comme  en  tout  le  reste ,  et 
reconnaître  ,  avec  saint  Isidore ,  que  l'on  doit  faire  remonter 
à  saint  Pierre,  comme  instituteur,  tout  ordre  litui'gique  (pii 
s'observe  universellement  dans  toute  rÉglis(î  (1).  En  second 
lieu,  quanta  la  Liturgie  particulière  de  l'Église  de  Piome^ 
sans  s'airéter  à  donner  ici  des  autorités  que  la  suite  de 
la  discussion  amènera  plus  loin,  le  seul  bon  sens  nous  ap- 
prend que  cet  îqiôtrc  n'a  pu  habiter  Piome  durant  de  si 
longues  années,  sans  s'occuper  d'un  obiet  si  important,  sans 

(i)  Ordo  ïïiissx  vel  oralioilum,  quilms  oblalu  Dco  .sacrificia  coos»:- 
cl'antur,  priimira  U  saiicto  Petro  est  inslilutus,  cujiis  celebrationeiii 
uuo  eodemque  inodo  universus  peragit  orbis.  De  Eccles.  Officiis.  Lib.  \i 
cap.  XF. 


30  rs'STITUTIONS 

établir,  dans  la  langue  latine ,  et  pour  le  service  de  celle 
Eglise  qu'il  faisait  par  sou  libre  choix  mère  et  maîtresse  de 
toutes  les  autres,  une  fonue  qui,  eu  égard  aux  variantes 
que  nécessitait  la  diCférence  des  mœurs,  du  génie  et  des  habi- 
tudes ,  valût  au  moins  celles  qu'il  avait  établies  et  pratiquées 
à  Jérusalem  ,  à  Antioche,  dans  le  Ponl  et  la  Galatie. 

Admettons  tant  qu'on  voudra  que  cette  formation  de  la 
Liturgie  par  les  apôtres  a  dû,  comme  toutes  les  grandes 
choses,  s'accomplir  progi'essivement ;  que  l'ensemble  des 
rites  du  saint  sacrifice  et  des  sacrcmens  ne  se  sera  pas  com- 
plété dès  le  jour  même  de  la  Pentecôte  :  le  Nouveau-Testa- 
ment lui-même  n'a-t-il  pas  été  formé  successivement  ?  De 
l'apparition  de  l'Evangile  de  saint  Matthieu,  à  la  publicaîion 
de  l'Evangile  de  saint  Jean,  cinquante  années  ne  se  sont- 
elles  pas  écoulées  ?  Accordons  encore  ceci ,  que  les  néces- 
sités de  l'instruction  chrétienne  devant  naturellement  ab- 
s«)rber  la  plus  grande  partie  des  momens  que  les  apôtres 
passaient  dans  les  diverses  Eglises,  ou  se  trouvait  obligé 
d'abréger  le  temps  destiné  à  la  Liturgie  ,  comme  il  arriva  à 
Troade,  où  la  fraction  du  pain,  c'est-à-dire  la  célébration 
de  l'Eucharistie  se  trouva  retardée  jusqu'au-delà  du  milieu 
de  la  nuit ,  par  suite  de  la  longueur  des  instructions  que 
l'Apôtre  reprit  encore  après  la  célébration  des  Mystères 
et  continua  jusqu'au  lever  du  jour  (1)  :  mais  du  moment 
que  la  foi  chrétienne  avait  pris  racine  dans  une  ville  et  que  les 
apôtres  avaient  pu  y  établir  un  évèque ,  des  prêtres  et  des 
diacres ,  les  formes  extérieures  acquéraient  de  l'extension  et 
le  culte  devenait  nécessairement  plus  solenncsl.  Ainsi  saint 
Paul,  dans  sa  première  Épiîre  aux  Corinthiens  ('2),  nous  mon- 
tre-l-il  cette  nouvelle  Église  déjà  en  possession  des  ?>Iystères 

(1)  Vid.  la  note  E.  —  (2j  I  €ur.  Xi.  ô^i.  >'-' 


LITURGIQURS,  51 

du  corps  cl  (lu  sang  du  Seigneur;  mais  il  ne  croit  pas  avoir 
accompli  tous  ses  devoiis  à  son  égard,  s'il  ne  la  visite  encore, 
s'il  ne  dispose  dans  un  ordre  î)1us  parlait,  plus  canonique, 
ce  qui  concerne  les  choses  saintes.  Tel  est  le  sens  que  les 
saints  docteurs  ont  constamment  donné  à  ces  paroles  qui 
terminent  le  passage  de  cette  épîlre  où  il  est  paiié  de  l'Eu- 
charislie  :  Cœtera  cum  venero  disponam.  Saint  Jérôme,  dans 
son  commentaire  succinct  sur  ce  passage ,  s'explique  ainsi  : 
Cœtera  de  ipsius  Mysterii  Sucramento.  Saint  Augustin  déve- 
loppe davantage  cette  pensée  dans  sa  lettre  ad  Januarium  (1)  : 
«  Ces  paroles,  dit-il,  donnent  à  entendre  que,  de  même  qu'il 
j  avait  dans  cette  épître  fait  allusion  aux  usages  de  l'Église 
»  universelle  (  sur  la  matière  et  l'essence  du  sacrifice  ) ,  il  éta- 
»blit  ensuite  lui-même  (  à  Corinlhe  )  ces  rites  dont  la  diver- 
isité  des  mœurs  n'a  point  arrêté  l'universalité.  » 

Mais,  afin  de  préciser  davantage  la  vérité  de  fait  sur  cette 
matière  et  appuyer  nos  observations  sur  des  données  posi-^ 
tivcs,nous  allons  essayer  de  produire  quelques  traits  de 
l'ensemble  de  la  Liturgie  primitive.  Nous  en  puiserons  les 
notions  dans  les  Actes  et  les  Epitres  des  apôtres,  et  aussi  dans 
les  témoignages  de  la  tradition  des  quati-e  premiois  siècles, 
où  ces  usages  figurent  comme  remontant  à  l'origine  même 
du  Christianisme ,  en  même  temps  qu'ils  y  offrent  une  idée 
de  ces  rites  généraux  qui ,  par  leur  généralité  même ,  doivent 
être  censés  apostoliques,  suivant  la  règle  de  saint  Augustin 
que  nous  avons  citée,  et  que  ce  grand  docteur  exprime  en- 
corc  ailleurs  d'une  manière  non  moins  précise  (!2).      .;;,_;, 

(1)  Cœtera  mtem  cum  venero  ordinubo.  Uiidè  iiUi'lligi  datui>,  (juiu 
iiiullum  crat  ut  in  epislolà  toliim  illiiia  ageudi  ordinein  iasinnaiet 
qneni  un  versa  pcrorbem  serval  ecclesia,  ab  ipso  ordiiialum  esse  qnod 
lu'.liâ  monim  divcrsitate  varialur.  S.  .lugnstlniopp.  tom.  II.  pag.  127. 

(2)  Suut  nuilta  qiue  uuiversa  tenet  eccîesia  cl  ub  Iidc  ab  apostoîis 
prwcepta  b.Miè  creduatur.  lib.  F.  de  Vapthmo.  cap.  23, 


52  INSTITUTIONS 

Commençons  par  le  sacrifice  eucharistique.  Nul  doute  que 
tout  ce  qui  le  concerne  ne  soit  à  la  tête  des  prescriptions 
liturgiques.  La  Fraction  du  Pain  paraît  dès  la  première  page 
dos  Actes  des  apôtres  (1) ,  et  saint  Paul  ,  dans  la  première 
épitre  aux  Coiinthiens ,  enseigne  quelle  est  la  valeur  litur- 
gique de  cet  acte  (2) .  Mais  le  culte  et  l'amour  que  les  saints 
iipôtres  portaient  à  celui  avec  lequel  cette  Fraction  du  Pain 
les  mettait  en  rapport,  les  obligeait,  suivant  l'éloquente  re- 
marque de  saint  Proclus  de  Constantinoplc ,  de  l'environner 
d'un  ensemble  de  rites  et  de  prières  sacrées  qui  ne  pouvait 
s'accomplir  que  dans  un  temps  assez  long  (3)  :  et  ce  saint 
évoque  ne  fait  que  suivre  en  cela  le  sentiment  de  son  glorieux 
prédécesseur,  saint  Jean  Chrysostôme  (4).  D'abord  cette  célé- 
bration, autant  qu'il  était  possible,  avait  lieu  dans  quelque 
salle  décente  et  ornée  ;  car  le  Sauveur  l'avait  pratiqué  ainsi , 
à  la  dernière  cène  ,  cœnaculum  grande ,  stratum  (o).  Quel- 
quefois des  lampes  nombreuses  y  suppléaient  à  la  lumière 
du  jour  (G).  On  doit  comprendre  que  la  Fraction  du  Pain 
célébrée  chez  Gamaliel ,  à  Jérusalem ,  ou  à  Rome ,  chez  le 
Sénateur  Pudens  ,  devait  s'y  accomplir  avec  plus  de  pompe 
que  lorsqu'elle  avait  lieu  dans  la  maison  de  Simon  le  cor- 
royeur  (7). 

Le  lieu  de  la  célébration  était  remarquable  par  un  autel  ; 

(1)  Act.  2.  i6.  —  i;^)  I.  Cor.  X.  IG.  —  (3)  Vid.  la  noie  F. 

(l)  Cum  sacras  illas  cœnas  accipiebant  apostoli,  quid  tiini  facie- 
bant?  nonne  in  preces  conveitebantur  et  liymnos?  nonne  in  saactas 
vigilias  ?  nonne  in  longam  illani  doctrinara  el  luultaî  pLilosophi^e  ple- 
nam?  Ilomil.  XXVII.  i)i  I  ad  Cor. 

(o)  Luc.  XXII.  12.  —  (6)  Art.  XX.  8. 

(7)  On  peut  voir  au  premier  volume  des  Origines  de  l'Église  romaine , 
pag.  :273,  quelques  détails  sur  la  pompe  du  culte  U  l'âge  des  persécu- 
tions. Ils  seront  confirmés  et  enricLis  de  nouvelles  particularités  dans 
les  volumes  suivants. 


LîTURGIOUES.  35 

ce  n'était  d(^ù  plus  une  table.  Saint  Paul  le  dit  avec  emphase  : 
Altare  habemus ,  «  nous  avons  un  autel,  et  les  ministres  du 
«tabernacle  n'ont  point  droit  d'y  participer  (1).  »  Autour  de 
cet  autel  étaient  rangés ,  dès  l'origine  de  l'Eglise ,  suivant 
les  traditions  du  ciel  dévoilées  par  saint  Jean,  dans  l'Apoca- 
lypse (2)  ,  d'abord  ,  en  face,  l'apôtre  ou  l'évèque  qui  tenait 
sa  place,  comme  celui-là  tenait  celle  du  Père  céleste;  à 
droite  et  à  gauche  du  siège ,  les  prêtres  figurant  les  vingt- 
quatre  vieillards  ;  près  de  l'autel ,  les  diacres  et  autres  mi- 
nistres ,  en  mémoire  des  anges  qui  assistent  aussi  dans  l'atti- 
tude de  serviteurs  près  de  l'autel  sur  lequel  se  tient ,  dans 
les  cieux,  l'Agneau  commz  immolé  (3).  Tout  le  monde  sait  que 
cette  disposition  des  sièges ,  dans  l'abside  de  l'Eglise  chré- 
tienne ,  s'observe  encore  en  orient,  et  que  si,  en  occident , 
elle  est  presque  partout  tombée  en  désuétude,  Rome  en  a 
gardé  la  tradition  dans  la  disposition  du  Chœur  de  plusieurs 
de  ses  anciennes  Eglises ,  et  la  suit  exactement  aux  jours 
où  le  Pape  célèbre ,  ou  assiste  pontificalement ,  dans  quel- 
qu'une des  Basiliques  Patriarchales. 

Les  fidèles  réunis  ainsi  dans  le  lieu  du  Sacritlce ,  que  fai- 
sait le  Pontife  ^  à  l'époque  apostolique?  Comme  aujourd'hui, 
il  présidait  d'abord  à  la  lecture  des  Epîtres  des  Apôtres,  à  la 
récitation  de  quelque  passage  du  saint  Évangile ,  ce  qui  a  dès 
l'origine  formé  la  Messe  des  Catéchumènes  ;  et  il  ne  faut  pas 
chercher  d'autres  instituteurs  de  cet  usage  que  les  Apôtres 
eux-mêmes.  Saint  Paul  dit  aux  Colossiens  :  «  Lorsque  cette 
»  Epître  que  je  vous  écris ,  aura  été  lue  parmi  vous,  ayez  soin 
»  qu'elle  soit  lue  dans  l'église  de  Laodicée  ,  et  lisez  ensuite 
»  vous-mêmes  celle  qui  est  adressée  aux  Laodiciens  (i).  »  A 
la  fin  de  la  première  Épitre  aux  Thessaloniciens ,  ce  môme 

(1)  Hfel).  XIII.  10.  -  (2)  Apoc.  IV, 
(3)  Apoc.  V.  0.  -  (i)  Col.  IV.  16. 

T.  I.  S 


34  INSTITUTIONS 

Apôtre  ajoute  :  «  Je  vous  adjure  par  le  Seigneur,  que  cette 
»  Épîtrc  soit  lue  à  tous  les  frères  saints  (1).  »  Cette  injonction 
apostolique  eut  force  de  loi  tout  d'abord,  car  dans  la  preniièic 
moitié  du  second  siècle ,  le  grand  Apologiste  saint  Justin 
atteste  la  fidélité  avec  laquelle  on  la  suivait ,  dans  la  descrip- 
tion qu'il  a  donnée  de  la  Messe  de  son  temps  (ii) .  TertuUien  (5) 
et  saint  Cyprien  (i)  confirment  son  témoignage.  Voilà  pour 
l'Épître. 

Quant  à  la  lecture  de  l'Évangile ,  Eusèbe  (5)  nous  apprend 
que  le  récit  des  actions  du  Sauveur  écrit  par  saint  Marc  fut 
approuvé  par  saint  Pierre  pour  être  lu  dans  les  Églises  : 
et  saint  Paul  fait ,  peut-être ,  allusion  à  ce  même  usage  , 
lorsque,  désignant  saint  Luc,  le  fidèle  compagnon  de  ses  pè- 
lerinages apostoliques  ,  il  le  nomme  ce  frère  devenu  célèbre , 
par  l'Évangile  j  dans  toutes  les  Eglises  (6). 

Le  salut  au  peuple  par  ces  paroles  :  Le  Seigneur  soit  avec 
fow5,  était  en  usage  dès  l'ancienne  loi.  Booz  l'adresse  à  ses 
moissonneurs  (7)  ;  et  un  prophète  à  Asa ,  roi  de  Juda  (8). 
Ecce  ego  vohiscum  sum ,  dit  le  Christ  à  son  Eglise  (9).  Aussi 
l'Eglise  tient- elle  cette  coutume  des  Apôtres,  comme  le 
prouve  l'uniformité  de  celte  pratique  dans  les  anciennes 
Liturgies  d'Orient  et  d'Occident ,  comme  l'enseigne  expres- 
sément le  premier  Concile  de  Brague  ^10). 

(1)  I.  Thess.  Y.  27. 

(-2)  Commeniaria  Apostuloruni ,  sciipiâ  Prophetarum ,  quoad  tempu> 
fert ,  leguntur.  S.  Justini  ylpolog.  //. 
(ô)  Apuloget.  cap.  XXXIY.  —  (i)  Epist.  33  et  51. 
(o)  Hist.  Eccles.  lil).  2.  cap.  XV. 

(6)  Cujus  laus  est  in  Evangelio  per  omnes  ecclesias.  2.  Cur.  VIll. 

(7)  Ruth.  2.  — (8)  2.  Parai.  XV.  — (9j  Math.  XXVIII. 

(10)  Placuit  ut  non  aliter  episcopi,  et  aliter  pre>ljyteri  populum ,  sed 
uno  modo  salutent ,  dicentes  :  Dominns  vobiscum,  sicut  ia  libre  Ruth 
iegitur,  et  ut  respondealur  a  populo  :  £t  cum  spirilu  tiio  :  sicut  et  ab 
ipsis  apoitolis  tradilum  omnis  retinel  oriens ,  et  non  sicul  Priscilliaaa 
praviias  imniutavii.  Concil.  Braccaren.  Can.  21. 


LITURGIQUES.  3S 

La  Collecte ,  forme  de  prière  qui  résume  les  vœux  de  l'as- 
semblée, avant  même  l'oblalion  du  sacrifice ,  appartient  aussi 
à  i'instituliou  primitive.  Saint  Augustin  l'enseigne  dans  un 
passage  que  nous  citerons  plus  loin  :  l'accord  de  toutes  les 
Liturgies  le  démontre  également.  La  conclusion  de  cette 
oraison  et  de  toutes  les  autres  par  ces  mots  :  Dans  les  siècles 
des  siècles,  est  universelle ,  dès  les  prcmieis  jours  de  l'Eglise. 
Saint  Irénée,  au  second  siècle,  nous  apprend  que  IcsYalcn- 
tiniens  en  abusaient  pour  accréditer  leur  système  des 
Eones  (l).  Quant  à  la  coutume  de  répondre  Ainen,  personne, 
sans  doute,  ne  s'étonnera  que  nous  la  fassions  remonter  aux 
temps  apostoliques.  Saint  Paul  lui-môme  y  fait  allusion ,  dans 
sa  première  Epître  aux  Corinthiens  (2). 

Dans  la  préparation  de  la  matière  du  Sacrifice,  a  lieu  le 
mélange  de  l'eau  avec  le  vin  qui  doit  être  consacré.  Cet  usage 
d'un  si  profond  symbolisme,  saint  Cyprien  nous  enseigne  à 
le  faire  remonter  jusqu'à  la  tradition  même  du  Seigneur  (5). 
Les  encensements  qui  accompagnent  l'oblation  ont  été  re- 
connus pour  être  d'institution  apostolique,  par  le  Concile  de 
Trente,  cité  plus  haut. 

Le  môme  saint  Cyprien ,  nous  apprend  que ,  dès  le  berceau 
de  l'Eglise,  V Action  du  Sacrifice  était  précédée  d'une  Préface  ; 
que  le  prêtre  criait  Siirsùm  corda  :  à  quoi  le  peuple  répon- 
dait : //aôemn^  ad  Dominuni  (4).  Et  saint  Cyrille,  parlant 
aux  Catéchumènes  de  l'Eglise  de  Jérusalem,  cette  Eglise  de 

(1)  Adv.  H.xres.  lib.  1.  cap.  1.  —  (2)  1.  Cor.  XIV. 

(5)  Admoaitos  autcm  nos  scias  ut  in  calice  olTerendo  Dominica  tra- 
ditio  servctur,...  qua  in  parte  invenimus  calicera  niixtum  fuisse  quem 
bominus  obtulit.  Epist.  G3.  pag.  27G  et  scq. 

(i)  Ideo  sacerdos,  ante  oralioaem,  praefalione  pnomissa,  parât  fra- 
triun  mentes  dicendo  :  Sursum  corda,  ni  dum  rcspondet  i)leL>s  :  J/abe- 
mus  ad  Dominum,  admoneatur  niliil  aliud  se  quam  Dominum  cogilarc 
debere.  J?e  Orat.  Domin.  pag.  107. 


ô6  INSTITUTIONS 

fondation  apostolique,  s'il  en  fut  jamais,  leur  explique  cette 
autre  acclamation  qui  retentit  aussi  clans  nos  Basiliques 
d'Occident  :  Graiias  agamus  Domino  Deo  nostro!  Dignum  H 
justum  est  (Ij  ! 

Vient  ensuite  le  Trisagion  :  Sanctus,  Sanctus,  Sanctus  Do- 
minus  !  Isaïe  ,  sous  l'ancienne  loi ,  l'entendit  chanter  au 
pied  du  trône  de  Jéliovah;  sous  la  nouvelle,  le  prophète  de 
Pathmos  le  répéta  tel  qu'il  l'avait  ouï  résonner  auprès  de 
l'autel  de  l'Agneau.  Ce  cri  d'amour  et  d'admiration  révélé  à 
la  terre,  devait  trouver  un  écho  dans  l'Eglise  chrétienne. 
Toutes  les  Liturgies  le  connaissent,  et  l'on  peut  assurer  que 
le  Sacrifice  Eucharistique  ne  s'est  jamais  offert  sans  qu'il  ait 
été  proféré. 

Le  Canon  s'ouvre  ensuite,  et  qui  osera  ne  pas  reconnaître 
son  origine  apostolique?  Les  fondateurs  des  Eglises  pouvaient- 
ils  laisser  flottante  et  arbitraire  cette  partie  principale  de 
la  Liturgie  sacrée  ?  S'ils  ont  réglé  tant  de  choses  secondaires, 
avec  quel  soin  n'auront-ils  pas  déterminé  les  paroles  et  les 
rites  du  plus  redoutable  et  du  plus  fondamental  de  tous  les 
mystères  chrétiens  ?  «  C'est  de  la  tradition  apostolique ,  dit 
»le  Pape  Vigile,  dans  sa  lettre  à  Profuturus  de  Brague,  que 
»  nous  avons  reçu  le  texte  de  la  prière  Canonique  (2).  » 

C'est  cette  même  prière  Canonique  que  saint  Paul  a  en 
vue ,  quand ,  dans  sa  première  Epître  à  Timothée ,  parlant 
des  prières  solennelles  à  adresser  à  Dieu ,  il  distingue  les 
Obsècrations,  les  Oraisons,  les  Postulations ,  les  Actions  de 

(1)  Deinde  dicit  sacerdos  :  Gratins  agamus  Domino  ;  certè  gratias 
agere  debemus....  ad  hïuc  vos  subjicitis  :  Dignum  et  justum  est!  etc. 
Calèches.  Mystagog.  V. 

(-2)  Quapropter  et  ipsius  Canonicse  précis  textum  direximus  subter 
âdjectum ,  quam  Deo  propitio  ex  apostolica  traditione  aocepimus. 
Vh^xi,  ad  Profulurmi  Braccarementi  Labbc,  Tom,  F',  pay,  51o. 


MTUnOIQUES.  57 

grâces  {{).  Voici  le  commentaii'O  de  saint  Augustin  sur  ce 
passage  :  «  Mon  avis  est  qu'il  faut  entendre  ces  paroles  de 
»  l'usage  suivi  dans  toute  ou  presque  toute  l'Eglise,  savoir: 
îles  supplications  {precationes)^  c'est-à-dire  celles  que  dans 
»  la  célébration  des  mystères  nous  adressons  avant  même  de 
>  commencer  h  bénir  ce  qui  est  sur  la  Table  du  Seigneur  ;  les 
»  prières  {orationes  ) ,  c'est-à-dire ,  tout  ce  qui  se  dit  lorsqu'on 
»  bénit  et  sanctifie ,  lorsque  l'on  rompt  pour  distribuer,  et 
»  cette  partie  se  conclut  par  l'Oraison  Dominicale,  dans  près- 
ïque  toute  l'Eglise;  les  interpellations  {interpellationes) ,  ou 
ï  comme  portent  nos  exemplaires,  les  postulations  {postula- 
»  tiones),  qui  ont  lieu  quand  on  bénit  le  peuple  :  car  alors  les 
»  Pontifes,  en  leur  qualité  d'avocats ,  présentent  leurs  cliens 
»  à  la  très-miséricordieuse  bonté  ;  enfin ,  lorsque  tout  est  ter- 
»  miné  et  qu'on  a  participé  à  un  si  grand  Sacrement,  l'Action 
>de  grâces  (  Gratiarum  actio)  conclut  toutes  choses  (2).  » 

Après  la  divine  consécration ,  les  dons  sanctifiés  reposant 
sur  l'autel ,  cette  prière  prolixe  dont  parle  saint  Justin  (5) , 
et  par  laquelle  il  désigne  le  Canon ,  touchant  à  sa  fin  ,  l'Orai- 
son Dominicale  est  prononcée  avec  une  confiance  solennelle  ; 
car,  dit  saint  Jérôme  :  &  C'est  d'après  l'enseignement  du 
»  Christ  lui-même,  que  les  Apôtres  ont  osé  dire  chaque  jour 
»  avec  foi ,  en  offrant  le  sacrifice  de  son  corps  :  Notre  Père  qui 
»  êtes  aux  cieux  (4) . 

Le  Sacrificateur  procède  ensuite  à  la  Fraction  de  l'Hostie, 

(1)  Obsecro  igitur  primum  omnium  fieri  obsecrationes,  orationes, 
postulaiiones ,  gratiarum  acliones  pro  omnibus  hominibus,  etc. 
1.  Tim.  If.  1. 

(2)  Vid.  la  note  G. 

(3)  Apolog.  1.  n°63.pag.  82. 

(i)  Sic  docuit  Cliristus  apostolos  suos ,  ut  quotidie  in  corporis  illius 
sacrificio  credentes  audeant  dicere  :  Pater  noster,  qui  eo  plis 
[Jdv.Peiag.lib.l.capAS). 


I 


38  INSTITUTIO.NS 

en  quoi  il  se  montre  rimitateiir,non-seulcmcnt  des  Apôtres  (1), 
mais  du  Clirist  lui-même,  qui  prit  le  pain,  le  bénit  et  le 
rompit  avant  de  le  distribuer  (2). 

Mais,  avant  de  conmiunier  à  la  victime  de  charité,  tous 
doivent  se  saluer  dans  le  saint  baiser  (5).  <  L'invitation  de 
»  l'Apôtre,  dit  Origène,  a  produit,  dans  les  Eglises,  l'usage 
»  qu'ont  les  frères  de  se  donner  le  baiser,  loi*sque  la  prière 
>  est  arrivée  à  sa  fin  (4).  » 

■  Voilà  donc  certifiée  l'origine  apostolique  des  rites  princi- 
paux du  sacrifice,  tels  qu'ils  se  pratiquent  dans  toutes  les 
Eglises.  Notre  plan  ne  nous  permet  pas  ici  de  traiter  plus  en 
détail  cette  matière  :  nous  ajouterons  seulement  quelques 
mots,  pour  achever  de  donner  une  idée  de  la  Liturgie  ,  au 
siècle  des  apôtres. 

D'abord  ,  pour  ce  qui  regarde  l'administration  des  Sacre- 
mens,  nous  y  découvrons  de  suite  la  matière  non  seulement 
présumée,  mais  entièrement  certaine,  d'un  grand  nombre  de 
prescriptions  apostoliques.  Les  cérémonies  principales  qui 
précèdent,  accompagnent  et  suivent  l'application  de  la  ma- 
tière et  de  la  forme  essentielles  ;  comme ,  dans  le  Baptême ,  les 
insufflations,  les  exorcismes,  l'imposition  des  mains,  la  tra- 
dition du  sel,  les  onctions,  avec  les  formules  qui  y  sont 
jointes,  tous  ces  rites  dont  l'origine  se  perd  dans  les  ombres 
de  la  première  antiquité,  ne  peuvent  avoir  d'autres  auteurs 
que  les  Apôtres  eux-mêmes.  L'Eglise  l'enseigne,  les  anciens 
Pères  l'attestent ,  la  raison  même  le  démontre;  car,  autre^ 

(1)  i.  Cor.  X.  16. 

(-2)  Matth.  XXVI.  26.  Marc.  XIV.  22.  Luc.  XXII,  19. 

(5)  Rom.  XVI.  16.  1  Cor.  XYI.  20.  2  Cor.  XIII.  12. 1  Thess.  V.  26. 
i  Pelr.  y.  U. 

{i)  Ex  hoc  sermone  mos  ecclesiis  tradiius  est  ut  post  oraliones, 
osculo  invicem  se  recipiant  fratres.  (  Origen,  in  Epist,  ad  Rom.  Cap, 

xri.j 


LITURGIQUES.  S9 

ment,  comment  expliquer  l'univcrsalilé  de  ces  rites?  Il  faut 
donc  admettre  nécessairement  un  Rituel  apostolique,  écrit 
DU  traditionnel ,  peu  importe ,  renfermant  le  détail  de  ces 
augustes  pratiques,  avec  les  formules  de  prière  ou  de  con- 
fession qui  les  accompagnent  :  ainsi ,  pour  le  Baptême ,  les 
insufflations,  les  exorcismes  et  impositions  de  mains,  les  onc- 
tions, les  habits  blancs;  pour  la  Confirmation,  le  Chrême,  avec 
la  manière  de  le  consacrer,  l'imposition  des  mains  qui  diffère 
dans  l'intention  et  dans  les  formules  de  celle  qui  se  fait  sur 
les  Catéchumènes ,  de  celle  qui  réconcilie  les  pénitens ,  et  de 
(die  qui ,  dans  le  sacrement  de  l'Ordre ,  enfante  à  l'Eglise  des 
Evêques,  des  Prêtres  et  des  Diacres,  etc.  Il  suffit  d'indiquer 
ici  ces  points  de  vue  généraux ,  le  lecteur  peut  suppléer 
aisément. 

Nous  ferons  seulement  remarquer  ici  que ,  comme  l'Eglise 
n'exerce  pas  seulement  le  pouvoir  des  Sacremens,  mais  aussi 
celui  des  Sacramentcmx ,  par  la  vertu  de  bénédiction  qui  est 
en  elle ,  les  Apôtres ,  de  qui  elle  a  tout  reçu ,  n'ont  pu  mau!!- 
quer  d'exercer  ce  droit  de  sanctifier  toute  ci'éature  pour  la 
faire  servir  au  bien  spirituel  et  temporel  des  enfans  de  Dieu , 
et  ont  dû,  par  conséquent,  laisser  sur  cette  matière  desen-r 
seignemens  et  une  pratique  qui  complètent  cet  ensemble 
rituel  dont  nous  venons  de  parler.  Il  n'y  aurait  ni  orthodoxie, 
ni  logique ,  à  contester  cette  évidente  conséquence  qui  ne 
peut  déplaire  qu'à  ces  novateurs  qui  parlent  sans  cesse  do 
l'antiquité,  et  la  déclinent  ensuite  lorsqu'on  vient  à  les  con- 
fronter avec  elle. 

Parlerons-nous  maintenant  des  habits  sacrés?  Comment 
les  Apôtres  de  la  loi  nouvelle,  de  cette  loi  qui  ne  détruisait  le 
symbolisme  vide  de  l'ancienne  que  pour  y  substituer  un  sym- 
bolisme plein  de  réalité ,  eussent-ils  emprunté  aux  rites  mo- 
saïques les  onctions,  le  mélange  de  parfums  qui  forme  le 


40  INSTITUTIONS 

Chrême,  les  encensemens  et  tant  d'autres  choses ,  et  négligé 
la  sainteté  et  la  majesté  des  vêtemens  sacerdotaux;  détail  si 
important,  que  Dieu  lui-même,  sur  le  Sinai,  l'avait  minu- 
tieusement fixé  pour  les  ministres  du  premier  Tabernacle  ? 
La  tunique  de  lin  que  portait  saint  Jacques  à  Jérusalem  (1) , 
et  la  lame  d'or  dont  saint  Jean  ceignait  son  front  (2),  à  Ephèse, 
attestent  que  ces  pêcheurs  savaient  s'environner  de  quelque 
pompe  dans  la  célébration  de  leurs  mystères.  Xous  ne  cite- 
rons ici  que  ce  seul  trait  ;  le  témoignage  de  saint  Denys 
l'Aréopagite ,  dans  sa  Eiérarchk  ecclésiastique ,  éclaircirait 
grandement  cette  matière  ;  mais  nous  nous  interdirons  les 
inductions  tirées  de  cet  auteur,  jusqu'à  ce  que  nous  ayons 
ailleurs  justifié  l'autorité  des  écrits  qu'on  lui  attribue. 

Parlerons-nous  des  fêtes  établies  par  les  Apùtres?  Saint 
Augustin  énumère  celles  de  la  Passion,  de  la  Résurrection, 
de  l'Ascension  de  Jésus-Christ  et  celle  de  la  Pentecôte  (3) . 
Nous  démontrerons  ailleurs  l'origine  apostolique  de  plusieurs 
autres.  Nous  voulons  seulement ,  dans  ce  chapitre ,  tracer 
les  premières  lignes  et  fixer  le  point  de  départ  de  la  Liturgie 
Chrétienne  ;  nous  ne  pousserons  donc  pas  plus  loin  dans  cet 
endroit  ces  observations  de  détail ,  dont  l'occasion  se  pré- 
sentera de  nouveau.  Nous  placerons  seulement  ici ,  en  finis- 
sant ,  quelques  remarques  fondamentales. 

0)  Euseb.  Hist.  Eccles.  lib.  IV.  cap.  VIII. 

(2)  Ibid.  lib.  V.  cap.  XXIV. 

(3)  lUa  autem  qure  non  scripta  sed  iradita  custodimus ,  quse  quidem 
toto  terrarum  orbe  servantur,  dalur  intelligi  vel  ab  ipsis  apobtolis,  vel 
plenariis  conciliis,  quorum  est  in  Ecclesia  saluberrinia  auctorilas,  com- 
mendata  atque  sialuta  retiaeri,  sicuti  quod  Domini  Passio  et  Resur- 
reclio  et  Adscensio  in  cœlum,  et  Adventus  de  co?Io  Spirilus  Saocti, 
aaniversaria  solemnitate  celebrentur,  et  si  quid  aliud  taie  occurrit  quod 
servatur  ab  universa  quacumque^se  diffuadil  Ecclesia.  (Epist,  ad  /«- 
mtar.  Opp,(om.2,pag.iiij. 


LITURGIQUES.  4i 

1"  La  Liturgie  éiablie  par  les  Apôtres  a  dû  contenir  né-, 
cessairement  tout  ce  qui  était  essentiel  à  la  célébration  du 
Sacrifice  chrétien,  à  l'administration  des  Sacremens,  tant  sous 
le  rapport  des  formes  essentielles  que  sous  celui  des  rites 
exiges  par  la  décence  des  mystères ,  à  l'exercice  du  pouvoir 
de  Sanctification  et  de  Bénédiction  que  l'Eglise  tient  du  Christ 
par  les  mêmes  Apôtres,  à  l'établissement  d'une  forme  de 
Psalmodie  et  Prière  Publique  ;  enfin ,  ce  recueil  liturgique  a 
dii  comprendre  tout  ce  que  l'on  rencontre  d'univei'sel  dans 
les  formes  du  culte ,  durant  les  premiers  siècles ,  et  dont  on 
ne  peut  assigner  ou  l'auteur,  ou  l'origine.  L'étude  de  l'anti- 
quité chrétienne  ne  saurait  manquer  de  révéler  à  ceux  qui 
s'y  livrent  la  grandeur  de  cet  ensemble  primitif  des  rites 
chrétiens,  en  même  temps  que  la  réflexion  et  la  considération 
sérieuse  des  besoins  de  l'Eglise,  dès  cette  époque ,  leur  mon- 
trera toute  la  nécessité  qu'elle  avait ,  dès-lors ,  de  compléter 
et  ses  moyens  de  salut  et  ses  moyens  de  culte ,  qui  forment , 
avec  le  dépôt  des  vérités  spéculatives ,  la  principale  partie  de 
l'héritage  divin  confié  à  sa  garde. 

2"  Sauf  un  petit  nombre  d'allusions  dans  les  Actes  des  Apô- 
tres et  dans  leurs  Epîtres,  la  Liturgie  Apostolique  se  trouve 
lout'à-foit  en  dehors  de  l'Ecriture,  et  est  du  pur  domaine  de 
la  Tradition.  Ces  allusions,  même  les  plus  claires,  par  exemple 
celle  de  saint  Jacques,  sur  l'Extrême-Onction,  tout  en  nous 
apprenant  qu'il  existait  des  rites  et  des  formules,  ne  nous  ap- 
prennent rien ,  ni  sur  le  genre  des  premiers,  ni  sur  la  teneur 
des  secondes.  On  doit  donc  considérer,  dès  le  principe,  la 
Liturgie  comme  existant  plus  particulièrement  dans  la  Tra- 
dition que  dans  l'Ecriture ,  et  devant  par  conséquent  être 
interprétée,  jugée,  appliquée,  d'après  cette  source  de  toutes 
les  notions  ecclésiastiques.  Il  ne  faut  ni  étudier,  ni  réfléchir 
long-temps , pour  savoir  que  la  Liturgie  s'exerçait  parles 


42  INSTITUTIONS 

Apôtres  et  par  ceux  qu'ils  avaient  consacrés  Evêqiies,  Prêtres 
ou  Diacres,  long-temps  avant  la  rédaction  complète  du  Nou- 
veau Testament.  Plus  tard  ,  nous  verrons  d'importantes 
conséquences  sortir  de  ce  principe. 


LITUnCIQUES.  43 


NOTES  DU  CHAPITRE  III. 

NOTE  A. 

Hanc  (  observationem  )  si  nulla  Scriptura  determinavit ,  certo  con« 
sueludo  corroboravit ,  quae  siae  dul)io  de  iradilione  manavit  ;  quomodo 
enim  usurpari  quid  potest,  si  traditum  prius  non  est?  Etiam  in  tradi- 
tionis  obtentu  exigenda  est ,  inquis ,  auctoritas  scripta  ?  Ergo  quaera- 
mus ,  an  et  traditio  nisi  scripta  non  del)eat  recipi  ?  Plané  negabimus 
recipiendara ,  si  nulla  exempla  prœjudicent  aliarum  observalionum , 
quas  sine  ullius  Scripturae  instruiuento ,  solius  traditionis  titulo ,  et 
exinde  consuetudinis  patrocinio  vindicaraus.  Denique  ut  a  baptismate 
ingrediar,  aquam  adituri,  ibidem,  sed  et  aliquanto  prius  in  Ecclesia 
sub  antistitis  manu  contestamur ,  nos  renunciare  diabolo ,  et  pompîe , 
et  angelis  ejus.  Debinc  1er  mergitamur,  amplius  aliquid  respoudentes, 
quam  Doniinus  iu  Evangelio  determinavit;  inde  suscepti,  laclis  et 
mellis  concordiam  praegustamus  ;  exque  ea  die  lavacro  quotidiano  per 
totam  hebdomadam  abstinemus.  Eucharistiœ  sacramentum ,  et  in  tem- 
pore  victus,  et  omnibus  mandatum  a  Domino,  etiam  antelucanis  cae- 
tibus,  nec  dealiorura  manu  quam  prcesidentium  sumimus.  Oblationes 
pro  defunctis,  pro  natalitiis  annua  die  facimus.  Die  Dominico ,  jejunium 
nefas  ducimus,  vel  de  geniculis  adorare.  Eadem  immunitate  a  die 
Paschœ  in  Pentecosten  usque  gaudemus.  Calicis  aut  panis  etiam  nostri 
aliquid  decuti  in  terram  anxie  patimur.  Ad  omnem  progressum  atque 
promotum ,  ad  omnem  aditum  et  exitum,  ad  vestitum,  ad  calciatum  , 
ad  lavacrum,  ad  mensas,  ad  lumina,  ad  cubilia ,  ad  sedilia,  quacumque 
nos  conversatio  exercet ,  frontem  crucis  signaculo  terimus.  Harum  et 
aliarum  ejusmodi  disciplinarum ,  si  legem  expostules  Scripturarum , 
nullam  invenies  :  traditio  tibi  pru'tendetur  auctrix ,  consuetudo  conlir- 
matrix ,  et  fides  observatrix.  (Terlulltanus  de  Corona  Militis.  cap.  IJ/.J 

NOTE  B. 

Nam,  si  consuetudines ,  quae  scripte  prodita  non  sunt,  tanquam 
haud  multum  liabentes  momenti  conemur  rejicere ,  imprudentes  gra- 
vissimum  Evangelio  detrimentum  inferemus ,  imo  potius  ipsam  fidei 
prœdicationem  ad  nudum  nomen  contraliemus.  Quod  genus  est  (  ut 
ejus  quod  primum  est  et  vulgatissimum  primo  loco  commemorem  )  ut 
signe  crucis  eos ,  qui  spem  collocarunt  in  Gtiristum ,  siguemus ,  quis 


44  INSTITUTIONS 

scrlpto  docuit  ?  Ut  ad  orientera  versi  precemur,  quae  nos  doouit  Scrip- 
tura?  Invocationis  verba,  quum  conficitur  panis  Eucharistiae ,  et  po- 
culum  benedictionis ,  quis  sanctorum  ia  scripto  nobis  reliquit?  ]\ec 
enim  his  contenu  sumus ,  qus  commémorât  Apo^tolus  aut  Evangelium, 
verum  alla  quoque  et  ante  et  post  dicimus ,  taoquam  multum  habeniia 
momenti  ad  mysterium ,  quae  ex  traditione  citra  scriptum  aecepimus. 
Consecramus  autem  aqiiam  baptismalis,  et  oleum  uncliouis,  praeterea 
ipsum  ,  qui  baptismum  accipit ,  ex  quibus  scriptis  ?  ?»onne  a  tacita  se- 
cretaque  traditione  ?  Ipsam  porro  olei  inuuctionem ,  quis  sermo  scripto 
proditus  docuit?  Jam  ter  iramergi  hominem,  undè  ex  Scriptura  haus- 
tum?  Reliqua  item  quae  fiunt  in  baptismo,  \eluti  renunciare  satanée, 
et  angelisejus,  ex  qua  Scriptura  habemus?  ISonne  ex  minime  publi- 
cata,  et  arcaua  bac  traditione?  (S.  Basilius  de  Spirilu  Suncto. 
cap.  XXVII). 

?ÎOTE  C. 

Sunt  quiedam  in  omnibus  Liturgiis ,  in  quibus  omnes  Ecclesiœ  con- 
veniunt,  utpote  sine  quibus  sacrificii  ratio  nullo  modo  s-ibsisteret , 
cujusmodi  suut  panis  et  viui  praparatio,  oblatio,  consecratio,  consum- 
matio ,  et  ipsius  sacramenti  communicare  volentibus  distrlbutio.  Alise 
item  pnecipuie  partes  suât,  qure  licet  ad  saoriBcii  iûl?gritatem  non 
spectent,  in  omnibus  tamen  omnium  gentium  Liturgiis  reperiuutur, 
Psalmorum  scilicet  modulatio ,  lectio  Sacrse  Scriptune ,  Ministro- 
rum  adparatus,  lliurificatio ,  Catechumenorum  et  aliorum  profanorum 
exclusio,  fraetio  liostiiP,  precatio  pacis  ,  preces  diverste,  graliarum 
aclio ,  et  si  quce  aliie  sunt  ejusdem  generis.  (Bona.  Herum  liturgie, 
//t.  1.  cap.  YI.§.1. 

INOTE  D. 

Apostolus  Petrus  in  Palestina ,  Anliochise  ,  et  in  Syria ,  ia  Ponto ,  in 
Galatia  ,  Romae,  in  Italia,  et  in  aliis  orientis,  et  occidenlis  provinciis  , 
Eucharisliam  non  semel  celebravit.  >'um  eodem  ultique  ritu  ?  Si  an- 
nuis ,  qu?ero  num  Romano ,  num  Hierosolymilam ,  si  Romano ,  cur  in 
Oriente  Lilurgia  Romana  nuUibi  obtinuit  ?  Si  Hierosolymitano  ;  cur 
hic  ritus  Roma?,  et  in  Occidente  admissus  noufuit?  Est  igitur  credi- 
bile  S.  Petrum ,  et  alios  apostolos  imi  eidemque  Liturgicc  coustauter 
non  âdhœsisse.  (  Lesleus  in  Missale  Mozarab.  Prœfat.  n"  161.  not.J. 

!SOTE  E. 

7.  Una  autem  sabbati,  cum  conveui-semus  ad  frangendum  panem, 
Paulus  disputabat  cum  eis  profecturus  in  craslinum ,  protraxitque 
sermonem  usque  in  mediam  noctem. 


LITUÏIGIOUES.  45 

8.  Erant  autem  lampades  copiosce  ia  cocnaculo ,  ubi  eramus  congre- 
gati. 

9.  Sedens  autem  quidam  adolescens ,  nomme  Eulichus ,  super  t'enes- 
tram ,  cum  mergereiur  somno  gravi ,  disputante  diu  Paulo ,  ductus 
somno  cecidit  de  tertio  cienaculo  deorsuin  ,  et  sul)latus  est  mortuus. 

10.  Ad  quem  cum  descend isset  Paulus,  incubuit  super  eum;  et  com- 
plexus  dixit  :  ÎVolile  turbari,  anima  enim  ipsius  in  ipso  est. 

Jl.  Ascendens  autem ,  frangensque  paneni,  et  gustans ,  satisque  allo= 
culus  usque  in  lucem ,  sic  profectus  est.  (Act.  .XX.  7-M  ), 

NOTE  F. 

Salvatore  nostro  in  Cœlis  assumpto ,  Apostoli  antequani  per  omneni 
terrarum  orbemdispergerentur,  conspirantibus  animis  convenientes  ad 
integram  orandum  diem  converteljautur  ;  et  cum  multam  consolatio- 
nem  in  niystico  illo  Dominici  corporis  sacrificio  positam  reperissent, 
fusissime,  longoque  veiborum  ambitu  missam  decantabant;  id  enim 
pariter ,  ac  docendi  institutum  CcCteris  rébus  omnibus  tanquam  prses- 
tantius  anteponendiim  existimabant.  Maxima  sane  cum  alacritate, 
plurimoque  gaudio  huic  divino  sacrificio  tempus  insumentes  instabant 
impensè ,  jugiter  memores  iilorum  verborum  Domini  dicentis:  Hoc  est 
Corpus  meum  ;  et ,  ffoc  facile  in  meam  commemorationem  ;  et ,  Qui 
manducat  meam  carnem ,  et  bibit  meum  sanguinem,  in  me  manet,  et  ego 
in  £0.  Quo  circa  et  contrito  spiritu  multas  preces  decantabant  impense 
divinuni  implorantes  numen.  (S.  Procli.  CP.  Episcopi.  De  Craditione 
divinœ  Ziturgiœ.  ) 

NOTE  G. 

Eligo ,  in  his  verbls  hoc  intelligere,  quod  omnis ,  vel  pêne  omnis  fré- 
quentât Ecclesia,ut  precationes  accipiamus  dictas,  quas  facimus  iii 
celebratione  Sacramentorum ,  antequam  illud ,  quod  est  in  Domini 
mensa,  iacipiat  benedici  :  orationes  quum  benedicitur,  etsanclificatur, 
et  ad  dislribuendum  comminuitur,  quam  totam  petitionem  fere  omnis 
Ecclesia  Dorainica  oratione  concludit. /nierpe//a//ones  autem,  sive  ut 
nostri  codices  habent,  postulationes  fiunt,  quum  popuUis  benedicitur. 
Tuuc  enim  antistites  veluti  advocali  susceptos  suos  per  manus  imposi- 
tionem  misericordissinuo  oiferunt  pietati.  Qiiibus  peractis,  et  parti- 
(ipato  tanto  Sacramento ,  gratiarum  actio  cuncta  concludit.  S.  AuguS' 
Uni.  Jspist.  149.  adPaulinum.  0pp.  tom.  2,  pag.  509. 


46  INSTITUTIONS 


CHAPITRE  IV. 

de  la  liturgie,  durant  les  trois  premiers  siècles  de 
l'Église. 

Ce  chapitre  n'est ,  pour  ainsi  parler ,  que  la  continuation 
du  précédent  ;  car  si,  plus  haut,  nous  avons  cherché  à  prou- 
ver l'origine  apostolique  d'un  certain  nombre  de  rites  et  de 
cérémonies ,  nous  retrouvons  encore  dans  les  institutions 
liturgiques  des  trois  siècles  primitifs ,  non  seulement  l'in- 
fluence des  Apôtres ,  mais  l'expression  directe  de  leurs  vo- 
lontés, dans  l'établissement  de  cette  partie  si  essentielle  de 
l'ensemble  du  Christianisme.  Néanmoins,  nous  avons  cru, 
comme  tout  le  monde ,  apercevoir  un  fondement  suffisant  à 
cette  distinction  de  l'époque  primitive  en  deux  âges ,  dont  l'un 
se  prend  depuis  l'origine  dclaprédicaiiondes  Apôtres,  jus- 
qu'au moment  où  le  dernier  d'entre  eux  disparaît,  c'est-à-dire 
vers  l'an  100,  époque  de  la  mort  de  Saint-Jean  ;  et  dont  l'autre 
embrasse  toute  la  période  qui  s'est  écoulée  depuis  la  pubU- 
cation  de  l'Evangile,  jusqu'à  la  conversion  des  empereurs  et 
la  délivrance  extérieure  du  Christianisme. 

On  peut  dire  que ,  durant  les  trois  premiers  siècles,  l'élé-i 
ment  liturgique ,  s'il  est  permis  de  s'exprimer  ainsi ,  était 
dans  toute  sa  vigueur  et  extension;  car  la  Confession,  la 
Louange  et  la  Prière^  embrassaient  l'existence  toute  entière 
des  Chrétiens  de  ce  temps.  Arrachés  aux  mystères  profanes 
du  paganisme ,  les  néophytes  sentaient  avec  bonheur  la  reli- 
gion se  développer  en  eux ,  et  pendant  que  l'Esprit  Saint 
créait  en  eux  des  cœurs  nouveaux ,  leur  bouche  inspirée 
faisait  entendre  des  chants  d'enthousiasme,  inconnus  jus- 


LITURGIQUES.  47 

qu'alors.  Aussi ,  voyons-nous  que  l'Apôtre ,  pailant  aux  fidè- 
les de  sou  temps,  les  engage  ,  non  seulement  à  prier,  mais 
à  chanter,  comme  à  une  fête  continuelle  :  «  Ne  vous  enivrez 
»  pas  avec  le  vin,  source  de  luxure,  leur  dit-il,  mais  rcm- 
»  plissez-vous  de  l'Esprit  Saint ,  vous  entretenant  dans  les 
^  psaumes,  les  hymnes,  les  cantiques  spirituels,  chantant  et 
»  psalmodiant  au  Seigneur,  dans  vos  cœurs  (1).  » 

Et  encore  :  «  Que  la  paix  du  Christ  tressaille  dans  vos 
»  cœurs;  que  le  Verbe  du  Christ  habite  en  vous  en  toute  sa- 

>  gesse;  et  vous-mêmes,  instruisez-vous  et  exhortez-vous  niu- 
»  tucUement  dans  les  psaumes,  les  hymnes  et  les  cantiques 

>  spirituels,  chantant  à  Dieu  dans  vos  cœurs,  par  sa  grâce  (2) .  » 

Dans  les  écrits  des  Pères  de  cette  époque  primitive,  dans 
les  Actes  des  Martyrs ,  nous  voyons,  en  effet,  les  Chrétiens 
occupes  à  la  psalmodie ,  à  la  célébration  des  louanges  divi- 
nes, presque  sans  relâche,  et  cela,  sous  des  formes  non  point 
vagues  et  arbitraires ,  mais  précises  et  déterminées  ;  non 
à  des  momens  vagues  et  capricieux  ,  mais  à  des  heures  pré- 
cises et  mystérieuses,  que  l'inslitulion  apostolique  avait  fixées  : 
ce  qui  est  le  caractère  de  la  Liturgie  proprement  dite. 

Si  nous  ouvrons  les  Constitutions  A])ostoliqucs ,  recueil  li- 
turgique important,  dont  les  critiques  les  moins  prévenus 
ne  font  aucune  difficulté  de  placer  la  compilation  à  la  fin  (ki 
deuxième ,  ou  au  plus  tard  durant  le  cours  du  troisième  siè- 
cle ,  nous  y  lisons  ces  paroles  : 

(1)  Nolite  inebriari  vino  in  quo  est  luxùria  :  sed  impIcniinlSpirilu 
sancto  ,  loquentes  vobismetipsis  in  psaliuis,  ethymnis,  et  canticis  spi- 
rilualibus ,  cantantes  et  psallenles  in  cordibus  vestris  Domino.  Eph. 
F.  18-19. 

(2)  Et  pax  Christi  exultet  in  cordibus  vestris  in  qua  et  vocaii  estis  in 
une  corpore  :  et  grati  estote.  Verbuni  Cliristi  habilet  in  vobis  abun- 
danter  in  omni  sapientia ,  docentes  et  commonentes  vosnielipsos  in  jtsal- 
mis,Lymniset  canticis  spiriiualibus,  in  gratia  cantantes  in  cordibus 
vesUis  Deo.  Col.  IJI.  lo-lG. 


48  INSTITUTIONS 

«  Faites  les  prières,  le  Matin,  à  l'heure  de  Tierce,  de  Sexte, 
»  deNone,  au  Soir  et  au  Chant  du  Coq.  Le  Matin,  pour  rcn- 

>  dre  grâces  de  ce  que  le  Seigneur,  ayant  chassé  la  nuit  et 
»  amené  le  jour,  nous  a  illuminés  ;  à  l'heure  de  Tierce,  parce 
»  que  c'est  celle  à  laquelle  le  Seigneur  reçut  de  Pilate  sa 
»  condamnation  ;  ù  l'heure  de  Sexte ,  parce  que  c'est  celle  à 
»  laquelle  il  fut  crucifié  ;  à  l'heure  de  >'one ,  parce  que  c'est 
ï  celle  à  laquelle  la  nature  est  émue,  dans  l'horreur  qu'elle 
»  éprouve  de  l'audace  des  Juifs ,  et  ne  peut  plus  supporter 
»  l'outrage  fait  par  eux  au  Seigneur  crucifié  ;  au  Soir,  pour 

>  rendre  grâces  à  Dieu  de  ce  qu'il  nous  donne  la  nuit  pour 

>  nous  reposer  des  travaux  du  jour;  au  Chant  du  Coq,  parce 
»  que  c'est  l'heure  qui  annonce  l'arrivée  du  jour ,  durant 
ï  lequel  nous  devons  faire  les  œuNTCs  de  la  lumière.  Si ,  à 

>  cause  des  infidèles,  il  est  impossible  de  se  rendre  à  l'église , 
j  Evéque ,  vous  ferez  la  congrégation  dans  quelque  maison 

>  particulière  (1).» 

Mais  cette  disciphne  n'était  pas  seulement  celle  de  l'Orient , 
à  laquelle  semblentappartenirprincipalementles  Constitutions 
Apostoliques  ;  les  Pères  Latins  du  même  âge  nous  attestent 
la  même  chose  pour  l'Occident.  «Puisque,  dit  TertuUieu, 
»  nous  lisons  dans  le  Commentaire  de  Luc  {les  Actes  des 
»  Apôtres)^  que  l'heure  de  Tierce  est  cc(te  heure  de  prière 

>  à  laquelle  les  Apôtres ,  initiés  par  l'Esprit  Saint ,  furent  re- 
»  gardés  comme  ivres  par  les  Juifs  ;  que  l'heure  de  Sexte  est 
»  celle  à  laquelle  Pierre  monta  à  l'étage  supérieur  ;  que 
i  l'heure  de  None  est  celle  à  laquelle  il  entra  avec  Jean  dans 
7>  le  Temple  ;  ne  voyons-nous  pas  dans  ceci ,  à  part  ce  qui 
i  nous  est  dit  ailleurs  de  prier  en  tout  temps  et  en  tout  lifeu , 

>  que  ces  trois  heures  si  remarquables  dans  les  choses  hu- 

(  i)  Vid.  la  note  A= 


LITURGIÛUES.  49 

»  luuines ,  cl  qui ,  sans  cesse  rappelées ,  servent  à  diviser 
»  le  jour ,  à  partager  les  travaux ,  ont  dii  aussi  occuper  un 
»  rang  plus  solennel  dans  les  prières  divines  (1)  ?  » 

Plus  loin  ,  il  se  sert  du  mot  Ofjkiam ,  pour  désigner  les 
prièi'cs  ecclésiastiques  faites  à  ces  heures  :  Sexta  diei  hora 
finir l  Ojfïcio  huic  jwssit  {'2). 

Saint  Cyprien  rend  aussi  un  témoignage  formel  à  cet  usage 
des  Heures  Canoniales,  lorsqu'il  dit  dans  son  beau  traité  de 
V Oraison  Dominicale  :  «  Nous  trouvons ,  au  sujet  de  la  prière 
9  solennelle,  que  Daniel  et  ses  trois  enfants,  forts  dans  la  foi 
»  et  vainqueurs  dans  la  captivité,  ont  observé  la  Troisième, 
»  la  Sixième  et  la  Neuvième  heure  ,  marquant  par  là  le  mys- 
î  tère  delà  Trinité,  qui  devait  être  manifesté  dans  les  der- 
»  niers  temps.  En  effet ,  la  première  heure  arrivant  à  la  troi- 
»  sièmc ,  consomme  le  nombre  de  la  Trinité  ;  la  quatrième 
y»  heure  venant  à  la  sixième ,  manifeste  une  autre  fois  la  Tri- 
j>  nité;  et  quand ,  par  l'accession  de  trois  autres  heures,  on 
»  passe  de  la  septième  à  la  neuvième ,  ces  trois  ternaires 
s  expriment  aussi  parfaitement  la  Trinité.  Les  adorateurs  du 
»  vrai  Dieu  se  livrant  à  la  prière  à  des  temps  fixes  et  déter- 
»  minés ,  dénonçaient  déjà  spirituellement  le  mystère  figuré 
j>  par  ces  intervalles  d'heures,  mystère  qui  devait  être  plus 
j)  tard  manifesté.  Ce  fut  en  effet  à  l'heure  de  Tierce  que 
>'  descendit  sur  les  disciples  l'Esprit  Saint ,  qui  les  remplit  de 

(1)  Porro ,  cusn  iu  eodem  coniiuenlario  Lucie ,  et  terlia  hora  oralionis 
demonstretur,  sub  qua  Spiritu  sancto  initiati,  pro  ebriis  habeljantur  ; 
et  sexla ,  qua  Petrus  ascendit  insupjriora  ;  el  nona,  qua  teiiipluiu  sunt 
iiUi'Ogressi,  car  non  intelligaaius  salva  plane  indiflereatia  semper  el 
uhique  el  onini  tenipore  oraiidi,  tanieti  Ires  istas  boras  ,  ul  insigniores 
in  l'ebus  humanis  (]u;p  diem  dislribuunt ,  qu;o  negolia  distinguunt  , 
qwdi  publii'ie  resouanl ,  ila  et  in  solemniores  fuisse  in  oralionibus  divi- 
nis.  (  Tertnilian.  de  Jcjuniis.  cap.  A'. 

(2)  n)idem. 

T.  I.  4 


50  IXSTITUÏIO-NS 

»  la  grâce  (juc  1(3  Seigneur  avait  promise.  Pierre,  à  l'heure 
»  de  Sexle ,  montant  sur  le  toit  de  la  maison ,  apprit  par  un 
y>  signe ,  et  en  même  temps  par  la  voix  de  Dieu ,  qu'il  devait 
»  admettre  tous  les  hommes  à  la  grâce  du  salut,  au  moment 
î  même  où  il  doutait  s'il  purifierait  les  Gentils.  Le  Seigneur 

>  crucifié  à  celle  même  heure  de  Sexle ,  a  lavé  nos  péchés 
»  dans  son  sang,  à  l'heure  de  None,  complétant  sa  victoire 
»  par  ses  souffrances ,  afin  de  nous  pouvoir  à  la  fois  racheter  el 
»  vivifier.  Mais  pour  nous,  mes  frères  chéris,  au-delà  des  heu- 
»  rcsobservées  aux  temps  anciens  pour  la  prière ,  de  nouvelles 
»  nous  ont  été  assignées,  en  môme  temps  que  de  nouveaux 
»  mystères.  Car  il  nous  faut  prier  le  Matin,  afin  de  célébrer 

>  la  résurrection  du  Seigneur  par  une  oraison  matulinale  : 

>  c'est  ce  que  l'Esprit  Saint  désignait  autrefois  dans  les  psau- 
y>  mes,  disant  :  Rcx  meus  et  Dexis  meus ,  quoniam  ad  te  orahoj 
»  Domine;  mane  exaudies  voccm  meam  :  mane  âssistam  tibl 
»  et  contcmplabor  te..  Et  parle  Prophète,  le  Seigneur  dit  en- 
y>  corc  :  Diluculo  v'ujilahunt  ad  me  dicentes  :  Eamus  et  rever- 
»  tamur  ad  Dominum  Deum  nostniui.  Quand  le  soleil  se  re- 
»  lire ,  et  que  le  jour  cesse  ,  il  nous  faut  encore  prier;  carie 
s  Christ  est  le  vrai  soleil ,  le  vrai  jour ,  et  lorsqu'au  moment 
1  où  le  jour  el  le  soleil  de  ce  monde  disparaissent ,  nous  prions 
»  et  demandons  que  la  lumière  revienne  de  nouveau  sur  nous , 
»  c'est  l'avènement  du  Christ  que  nous  demandons,  du  Christ 
»  qui  nous  donnera  la  grâce  de  réternelle  lumière  (1).  » 

Pour  célébrer  ainsi  les  louanges  de  Dieu,  les  Chrétiens  se 
réunissaient  aux  heures  que  nous  venons  de  marquer  ;  mais 
c'était  principalement  à  celle  qui  précédait  le  lever  de  la 
lumière.  Ils  veillaient  dans  la  psalmodie,  et,  tournés  vers 
rOrienl,  ils  se  tenaient  prêts  à  saluer  de  leurs  chants  le  di- 

(1)  Vid.  lanoleB. 


LITURGIOUES.  51 

\\n  Si)leil  de  jusiioo,  doiU  le  soleil  visible  a  toujours  clé  l'i- 
iiiage  dans  les  luoniiniens  de  la  Liturgie  univei'selle. 

Dès  Tau  lui,  Pline  le  jeune,  éerivant  à  ïrajan  pour  le  eon- 
sulter  sur  la  conduite  à  tenir  à  l'égard  des  Chrétiens,  atteste 
({ue  les  l'éunions  religieuses  de  cette  nouvelle  secte  avaient 
lieu  avant  le  lever  du  jour,  et  qu'on  y  chantait  des  hymnes 
au  Christ  comme  à  un  Dieu  (1).  Tertuliien  appelle  fré- 
([uemment  les  assemblées  des  Chrétiens  :  Anlelucani  cœtus. 
Toutefois,  ou  les  tenait  aussi  à  d'autres  heures  ;  car  saint 
Cyprien  atteste  que  Ton  faisait  l'offrande  eucharistique  dans 
l'après-midi  aussi  bien  que  le  matin,  quoiqu'il  estime  meil- 
leur de  la  faire  le  matin  (!2). 

Les  jours  de  fête  observés  durant  les  trois  premiers  siècles , 
étaient ,  outre  la  Commémoration  de  la  Passion ,  de  la  Piésur- 
rection  et  de  l'Ascension  de  Jésus-Christ ,  et  la  Descente  du 
Saint-Esprit,  jours  que  nous  avons  mentionnés  dans  le  cha- 
pitie  précédent  :  la  Nativité  du  Sauveur,  le  vingt-cinquième 
jour  du  neuvième  mois,  et  son  Epiphanie,  le  sixième  jour 
du  dixième  mois  (5)  ;  à  quoi  il  faut  ajouter  l'anniversaire  du 
trépas  glorieux  des  Martyrs.  On  notait  avec  !e  plus  grand 
soin  le  jour  auquel  ils  avaient  souffert,  et  ce  jour  devenait 
annuellement  un  jour  de  fcte  et  de  réunion  religieuse ,  au- 
(juel  on  offrait  des  oblations  et  des  sacrifices ,  ainsi  que  l'at- 

(i)  Aflirmabaiit  autem  iianc  fuisse  summani  vel  culixc  suse  vel  erroris, 
(|uod  essent  soliti  slalo  die  ante  lucem  oonvenire  ,  carmenqiie  Cliristo, 
quasi  Deo,  dicere  secum  invicem.  (  C.  Plinii  Secundi  Bithyniœ  Proprtc- 
loris  ad  Trajan.  Relutio). 

(-2)  S.  Cyprian.  Epibl.  63. 

(5)  Dies  festos  observate ,  fratrcs;  ac  primum  qiiidem  dieni  Domint 
INatalem  ;  qui  a  vobis  eelebretur  vigesima  quinta  noni  merisis.  Post 
huuc  diein,  dies  Ei)ii>ii3uia;  sit  Yol)is  uiaxiiue  liouoiaiiilis,  iu  quo  Do- 
minus  nobis  divinitateiu  suam  i)atefccit  ;  is  auteraagatur  sexta  decinii 
mensis  (^otis'H.  Àpost.  lib.  f.  cap,  XIIJ  ). 


52  1>'STITIT10>S 

teste  très-clairement  saint  Cyprien  (1).  Long-temps  avant  lui, 
l'Eglise  de  Smynie,  dans  sa  mémorable  lettre  sur  le  martyre 
de  son  Evéque  saint  Polyearpe ,  avait  pratiqué  cet  usage ,  di- 
sant qu'elle  espère ,  par  le  secours  du  Seigneur ,  célébrer 
annueUeraent  le  jour  Aatal  de  son  martyre  (2).  On  voit  avec 
quel  soin  elle  remarque  non  seulement  le  mois ,  mais  le 
jour,  mais  l'heure  de  celte  glorieuse  confession  (5).  Ainsi,  le 
calendrier  de  l'Eglise  chrétienne  allait  s'eurichissanl  de  jour 
en  jour,  au  moyen  des  fêles  commcmoratives  des  mystères 
du  salut  du  monde ,  et  aussi  par  l'accession  des  nouveaux 
ti'iomphes  remportés  par  ses  enfans. 

Les  lieuK  de  réunion  étaient,  dans  les  momens  de  persé- 
cution ,  les  Cimetières  ou  Catacombes  dans  lesquels  repo- 
saient les  Martyis  ;  mais ,  dans  les  intervalles  de  paix  ,  ces 
sombres  asiles  recevaient  encore  la  prière  des  Chrétiens  aux 
jours  anniversaires  de  la  mondes  soldats  du  Christ  (4).  On 

(1)  Denique  et  dies  eorum  quibus  excedunt  aanolate ,  ut  oommcaio- 
rationes  eoruiu  iiiter  memorias  uiai  lyruni  celebrare  possiiuus  :  quam- 
quaiu  Terlulliis  fidelissiinus  et  dcvotissimus  frater  noster,  pvo  cetera 
sollicitudine  et  cura  sua  quain  tVatiihus  in  omai  obsequio  operatiuais 
iiiipertit ,  qui  iiec  illi  ciroa  curam  corporum  deest ,  scripserit  et  scribat,  ■ 
ac  sigailicet  mihi  dies  quii)us  io  caitere  beali  fratres  nostri  ad  iminor- 
lalititem  gIorios:r  inortis  esitu  trauseuut.  Et  celebrentur  Lie  a  nobis 
oblationes  et  saciilicia  ob  commemoralioaes  eorum ,  qax  cito  vobis- 
cum  ,  DoujÏQo  prûtegeute,  celebrabiuuis.  (  Epist.  12.  pag.  188^. 

ri]  Qiio  eliain  loci  nubis  ut  ûeri  poterit  cougregatis,  lu  exsultatione 
ac  gaudio  ,  pr;ibrliit  Dominus  natalem  martyrii  ejus  diem  celebrare, 
lum  la  ruemoriara  eorum  qui  cei lamina  pertulerunt ,  lum  in  venturo- 
rum  honiiunm  exercilutionem  etalacritatem.  ( Epist.  Ecdes.  Smyrnens. 
apud  Ruinart.  Jeta  fiincera  martyruDi  ). 

(5)  Marlyrium  autem  passas  e^t  beatus  Polycarpus  Xauthicl  mensis 
iueuntis  die  secundo  ,  aule  septirnum  Ivaleadas  maias,  magno  saltbato  , 
hora  octava.  (Ibidem). 

I  i)  Ou  trouvera  daus  nos  Origines  de  t'Eg'Jse  Romaine,  au  tome  II  cl 
les  suivaus,  tout  ce  qui  a  rapport  aux  Catacombes  et  aux  usages  reli- 
gieux auxquels  les  premiers  C  .retiens  les  firent  servir.  Nous  sommes 
contraiut  d'abréger  cousidérablemeut  cette  histoire  rapide  de  la  Litur- 
gie et  de  ses  formca,  cl  d'indiquer  les  uoiions  plutùl  que  de  les  épuiser. 


MTIRCIOI'F.S.  ?{3 

s'assemblait  ôgalomenl  dans  dos  maisons  parti<Milièrcs,  consa- 
crées par  leurs  possesseurs  au  nouveau  eulle  ,  comme  à 
Rome,  par  exemple,  la  maison  du  sénateur  Pudens.  On  peut 
voir,  dans  le  dialogue  de  Lucien  intitulé  Phibpatris,  que  les 
salles  dans  lesquelles  se  réunissaient  les  fidèles  étaient  quel- 
quefois somptueusement  décorées  (1).  Mais  les  Chrétiens 
avaient  aussi  des  temples  proprement  dits  pour  l'accomplis- 
sement  de  leurs  pratiques  liturgiques.  Eusèbc  nous  apprend 
que  les  édits  de  Diocîélien  portaient  injonction  de  les  détruire 
par  tout  l'empire  :  ils  existaient  donc.  Bien  plus,  nous  sa- 
vons par  Origène  que  l'un  des  effets  de  la  persécution  de 
Maximin ,  laquelle  commença  en  256 ,  fut  l'incendie  des 
églises  (2) ,  que  le  même  auteur  dit  ailleurs  avoir  dès-lors 
existé  dans  toute  l'étendue  de  l'empire  (3). 

Il  serait  impossible  aujourd'hui  d'assigner,  d'une  manière 
précise ,  la  forme  de  ces  sanctuaires  primitifs.  Sauf  cer- 
taines salles  des  Catacombes,  ornées  de  peintures  et  de 
mosaïques,  dont  plusieurs  remontent  aux  deuxième  et  troi- 
sième siècles,  il  n'est  rien  resté  de  ces  lieux  saints,  témoins 


(1)  On  peut  voir  le  passage  de  Lucien  au  premier  volume  de  nos 
Origines  de  l'Eglise  Romaine,  page  273.  Rous  traitons  à  cet  endroit 
cette  importante  question  d'une  manière  assez  spéciale  ;  mais  nous 
nous  proposons  de  la  suivre  dans  toute  son  étendue  et  dans  tous  ses 
détails  dans  les  volumes  suivants  du  même  ouvrage. 

(2)  Scimus  autem  et  apud  nos  terne  raotum  factum  in  locis  quibus- 
dam  et  factas  fuisse  qua>d2m  ruinas,  ita  ut  qui  erant  iinpii  extra  fiJcm, 
causam  terrœ  motus  dicerent  Cliristianos ,  propter  quod  et  persecu- 
lioncs  passîe  sunt  Ecclesi:e  et  iacensce  sunt.  (  Oriyen.  Tractât.  28.  in 
Matthœum  ) . 

(5j  Olim  quidem  in  uno  Hierosolymrc  loco  unum  erant  torcular  ul)i 
coacti  preces  emittebant ,  cujus  roeminit  Esaias  liis  vcrbis  :  Et  œdifi- 
cavi  turrim  et  proturcutar  fodi  in  illa.  Turris  vero  templum  significal, 
protorcular  autem  altare.  Verum  quoniam  illa  se  destruclurum  com- 
min;itus  est,  et  re  vora  dostruxit ,  pro  uno  po:  tca  niuita  cciistituit  tor- 
cularia ,  Ecclesias  nempe  pcr  totum  orl)cm  conditas.  (  Origen.  in  psnl. 
pag.  81.  Jlexap!.  loin.  1  ), 


54  INSTITUTIONS 

des  assemblées  religieuses  des  Chrétiens  du  premier  âge  ;  mais 
on  peut  conjecturer,  avec  une  apparence  de  raison ,  que  les 
premiers  temples  qu'on  éleva  à  la  paix  de  l'Eglise,  et  dont  la 
description  si  pompeuse  est  parvenue  jusqu'à  nous,  durent 
s'élever  sur  le  modèle  de  ceux  qui  les  avaient  précédés.  La 
conversion  des  empereurs  au  Christianisme  n'avait  pu  ame- 
ner d'autres  habitudes  liturgiques,  et  la  forme  qui  semblait  la 
meilleure  pour  ces  édifices,  sous  Dioclétien  et  Galerius,  de^ 
vait  certainement  encore  être  convenable  vingt  ans  après , 
sous  le  règne  de  Constantin. 

Toutefois  ,  durant  les  siècles  qui  précédèrent  leur  conver- 
sion ,  la  munificence  des  empereurs  enrichit  et  décora  somp- 
tueusement les  églises  du  quatrième  siècle.  Non  seulement 
nous  voyons  qu'elles  étaient  dotées  de  revenus  fixes ,  sou- 
vent enviés,  tantôt  par  les  proconsuls,  tantôt  parles  clercs 
simoniaques;  mais  d'incontestables  monumens  nous  appren- 
nent que  les  objets  qui  servaient  au  culte  annonçaient  une 
véritable  opulence.  Il  suffît  de  se  rappeler  les  Actes  de  S'  Lau- 
rent ,  Archidiacre  de  Rome  (1),  et  aussi  l'inventaire  des  meu- 
bles sacrés  de  l'église  de  Carthage ,  tel  qu'il  est  rapporté  au 
procès-verbal  d'une  enquête  faite  par  ordre  des  empereurs 
sur  l'origine  du  schisme  des  Donatistes  (2). 

(1)  Hune  essevestris  orgiis 
Moremque  et  artem  proditum  est , 
Hanc  disciplinam  fœderis 
Libent  auro  ut  antistites. 
Argenleis  scyphis  feront 
Furaare  sacrum  sanguiaem 
Auvoque  aocturnis  sacris 
Adstare  fixos  cereos. 
(Prudent,  perîsteplianon.  in  S.  Laurent  ). 
(2)  Calices  duo  aurei ,  item  calices  sex  argentei ,  urceola  scx  argen- 
lea,  cucumellura  argenteum,  lucernas  argenteas  septem,  cereofala 


LITURGIQUES.  t')ô 

La  pompe  des  cérémonies  devait  ôtre  aussi  grandement 
rehaussée  par  la  présence  du  nombreux  clergé  qui  se  réu- 
nissait autour  de  l'Evêque  dans  les  grandes  villes.  A  Rome , 
par  exemple ,  au  temps  du  Pape  saint  Corneille ,  c'est-à-dire 
au  milieu  du  troisième  siècle,  il  n'y  avait  pas  moins  de  qua- 
rante-six prêtres,  sept  diacres,  sept  sous-diacres,  quarante- 
deux  acolytes,  et  cinquante-deux  tant  exorcistes  que  lecteurs 
cl  portiers  (1). 

Lorsque  la  plupart  de  ces  ministres  entouraient  l'autel,  il 
devait  sans  doute  paraître  environné  de  quelque  majesté  : 
aussi  voyons-nous  saint  Cyprien  employer  fréquemment  ce 
terme  (ï autel ,  comme  nous  ferions  aujourd'hui  :  jusque-là 
que,  parlant  de  la  consécration  de  l'huile  sainte,  il  dit  clai- 
rement que  ,  pour  opérer  ce  rite  sacré ,  il  est  besoin  à  la  fois 
et  d'un  autel  et  d'une  église  (2).  Et  ailleurs  :  «  Parce  qu'il 
»  plaît  à  Novatien,  dit-il,  d'ériger  un  autel  et  d'offrir  des 
»  saci'ifices  illicites,  nous  faudra-t-il  nous  passer  d'autel  et 
»  de  sacrifices,  pour  ne  point  avoir  l'air  de  célébrer  les  mêmes 
»  mystères  que  lui  (5)  ?  s  Dans  la  même  épître ,  qui  est  adres- 

(luo  ,  candelas  brèves  œaeas  cum  lucernis  suis  seplem  ,  item  lucernas 
reneas  undecim  cum  cateiiis  suis,  etc.  (  Bnluz. ,  Miscellan. ,  tom.  2, 
pay.  95;. 

(1)  Igaorabat  (  Novatianus)  unum  episcopum  esse  oportere  in  Eccle- 
sia  Calholica  ,  in  qua  tamen  sciebat  presbyleros  quidem  esse  quatuor 
et  quadraginta ,  seplem  autera  diaconos,  tolidemque  subdiaconos, 
acolythos  duos  et  quadraginta  exorcistas ,  et  leclores  cum  ostiarijs 
duobus  quinquaginta.  (S.  C'ornel.  Epist,  ad  Fabitim  Antiocheu.  w  ', 
col.  iriO.  apiid  Constant.  ) 

(2)  Porro  autem  Eucîiaristia  est  unde  baptizali  unguntur ,  oleum  la 
allai'l  sanelificatum.  Sanctiiicare  autem  non  potuit  olei  creaturani  qui 
nec  Altare  habuit,  nec  Ecclesiam.  (  Epist.  70.  paij.  301  ). 

(ô)  Aut  quia  Novatianus  altare  collocaro,  et  sacrilicia  offerre  contra 
fas  nititur,  al)  altari  et  sacriliciis  cessare  nos  oportet,  ne  paria  et  simi- 
lia  cum  illo  celebrare  videamuv?  f  Zi'/j/iV.  ad  Jabaianum  de  liœretkis 
baptizamlis.  ) 


56  institutions; 

sée  à  Jiibaien,  le  saint  Evéque  de  Carthagc  parlo  avec  oni- 
phasede  la  Chaire  de  l'Evoque,  siège  inaliénable  établi  dans 
chaque  église,  au  centre  de  l'abside,  et  sur  laquelle  l'élu  de 
l'Esprit  Saint  pouvait  seul  s'asseoir.  On  a  trouvé  de  ces 
chaires  au  fond  même  des  Catacombes;  on  y  a  gardé  jus- 
qu'à nos  jours  celle  sur  laquelle  fut  massacré  le  Pape  saint 
Etienne ,  et  qui  portait  encore  les  traces  de  son  sang.  La 
basilique  de  Saint-Pierre  conserve  encore  aujourd'hui  la 
Chaire  du  prince  des  Apôtres.  Mais  ce  genre  de  détails  ap- 
partient à  nos  Origines  de  VEglisc  romaine. 

Sur  cet  autel  dont  nous  venons  de  parler ,  s'offrait  le  Sa- 
crifice des  Chrétiens  ;  car  la  Fraction  du  pain  est  désormais 
désignée  sous  ce  nom,  dans  les  écrits  des  Pères  qui  suc- 
cèdent aux  écrivains  apostoliques.  Terînîlien  est  formel  (i)  ; 
Saint  Cyprien  ne  l'est  pas  moins  (-2)  ;  il  explique  même,  avec 
profondeur  et  éloquence,  comment  le  Christ  préfiguré  par 
Melchisédech ,  a  offert  une  hostie  dont  l'oblalion  se  continue 
dans  l'Eglise  (5) ,  et  il  affirme  que ,  de  son  temps,  les  Prêtres 
offraient  chaque  jour  le  sacrifice  à  Dieu  (4) .  Sans  doute ,  nous 

(1)  Qme  oratio  cum  divortio  sancti osciili  intégra...  quale  sacrificium 
est  a  quo  sine  paoe  receditur.  (De  oratione.  cap.  XIF ). 

JNonne  solemnior  erit  statio  tua,  si  et  ad  aram steteris?  Acceplo  Cor- 
pore  Domini,  et  reservalo,  utrumque  saUuiu  est,  et  participatio  sa- 
crificii ,  etexeculio  oflScii.  (Ibidem). 

(2)  >am  si  Jésus  Chrislus  Dominus  et  Deusnoster  ipse  est  summus 
sacerdos  Dei  Palris  ,  et  sacrificium  Patri  seipsum  primus  obtulit ,  et 
hoc  fierl  in  su!  comniemorationem  prseeepil  ;  utique  ille  sacerdos  vice 
Christi  vere  fungitur ,  qui  id  quod  Chrislus  fecit,  imitatur  ;  et  sacrifi- 
cium verum  et  plénum  tune  offert  in  Ecclesia  Deo  Patri ,  si  sic  iacipiat 
offerre,  secundum  quod  Ipsum  Christum  videat  obtulisse.  (  Epist.  63. 
pageiSi  J. 

(3)  Ibidem ,  page  277. 

(4)  Ut  sacerdotes  qui  sacrificia  Dei  quotidie  celebramus ,  hostias  Deo 
et  viclimas  prseparemus.  (Epist,  ol ,pag.  ibô}. 


HTURCIQUES.  f»? 

regarderions  comme  une  chose  précieuse  un  recueil  liturgi- 
que qui  reufeimerait  la  forme  exacte  du  sacrifice ,  des  sacre- 
mens  et  sacramenlaux  à  l'usage  des  trois  premiers  siècles  : 
mais ,  comme  ce  recueil  u'exislc  pas  pour  nous  autrement 
que  dans  l'ensemble  des  formules  essentielles,  qui  n'ont  pu 
changer,  parce  qu'elles  sont  universelles,  et,  partant,  divines 
ou  du  moins  apostoliques,  nous  nous  contenterons  de  pro- 
duire ici  certaines  parlicularitcs  racontées  parles  écrivains 
du  second  et  du  troisième  siècles. 

Commençons  par  la  description  des  assemblées  chrétiennes 
au  jour  du  dimanche,  telle  qu'elle  est  présentée  aux  empe- 
reurs par  l'Apologiste  S'  Justin,  au  second  siècle  du  Christia- 
nisme. L'extrême  réserve  gardée  dans  ce  récit  laisse  sans 
doute  beaucoup  à  désirer ,  mais  l'ensemble  qu'il  offre  n'en 
sera  pas  moins  agréable  et  utile  au  lecteur. 

«  Le  jour  du  soleil,  tous  ceux  qui  habitent  soit  la  ville, 
»soit  la  campagne,  se  rassemblent  dans  un  même  lieu ,  et  là , 
t  on  lit  les  Commentaires  des  Apôtres  et  les  écrits  des  Pro- 
nphètes,  autant  que  l'heure  le  permet.  Ensuite,  quand 
île  lecteur  s'est  arrêté,  celui  qui  préside  fait  à  l'assistance 
»  une  admonition  et  exhortation  à  imiter  de  si  beaux  exem- 
»  pies  ;  après  quoi  nous  nous  levons  tous  ensemble  et  nous 
ï faisons  les  prières.  Ces  prières  étant  finies,  on  apporte 
»le  pain  et  le  vin  mêlé  d'eau.  Alors,  celui  qui  préside 
»  fait  entendre  avec  force  les  prières  et  actions  de  grâces , 
»  et  le  peuple  avec  acclamation  répond  :  Amen.  On  fait  la 
ï  distribution  des  choses  sur  lesquelles  il  a  été  rendu  grâces, 
»  à  chacun  de  ceux  qui  sont  présents  ,  et  on  les  envoie  aux 
»  absens  par  les  diacres.  On  fait  ensuite  une  collecte  :  ceux 
>qui  sont  riches  donnent  librement  ce  qu'ils  veulent,  et  on 
»  dépose  le  tout  aux  mains  de  celui  qui  préside ,  et  sa  charge 
»  est  de  subvenir  aux  orphelins  et  aux  veuves  ,  ù  ceux  qui 


S8  INSTITUTIONS 

»  sont  dans  le  besoin  pour  maladie  ou  loule  autre  raison,  à 
>  ceux  qui  sont  dans  les  liens  et  aux  voyageurs  et  pèlerins. 
>Nous  nous  réunissons  ainsi  au  jour  du  soleil,  tant  parce 
j  que  c'est  le  premier  jour,  celui  auquel  Dieu  ayant  dissipé 
»  les  ténèbres  et  remué  la  matière ,  créa  le  monde ,  que  parce 
y  qu'en  ce  même  jour,  Jésus-Christ  notre  Sauveur  est  ressus- 
>cité  d'entre  les  morts.  La  veille  du  jour  de  Saturne,  ils  le 
»  crucifièrent ,  et  le  lendemain  de  ce  même  jour ,  c'est-à-dire 
»le  jour  du  soleil ,  se  manifestant  à  ses  Apôtres  et  à  ses  Dis- 
î  ciples,  il  enseigna  les  choses  que  nous  venons  de  vous  ex- 

*  poser  (1).  » 

Dans  un  autre  endroit  de  la  même  apologie  ,  saint  Justin 
donne  d'autres  détails  qui  complètent  les  précédcns  :  par- 
lant du  baptême  et  des  rits  qui  l'accompagnent ,  il  en  achève 
In  description  par  celle  du  divin  sacrifice  auquel  assiste  le 
néophyte. 

«  Lorsque  nous  avons  ainsi  lavé  celui  qui  vient  de  rendre 
»  témoignage  de  sa  foi  en  notre  doctrine ,  nous  le  conduisons 
î  vers  ceux  qui  sont  appelés  frères ,  afin  d'oÊfrir  des  prières 
»  communes  et  pour  nous-mêrties ,  et  pour  celui  qui  vient 

*  d'être  illuminé  ,  et  pour  tous  les  hommes,  afin  qu'arrivant 
»  à  la  connaissance  de  la  vérité,  ils  de>iennent  dignes  de  par- 
»ticiper  à  la  même  grâce.  Quand  les  prières  sont  finies, 

*  nous  nous  saluons  par  le  baiser.  Ensuite  on  apporte  à  celui 
»  qui  préside  le  pain  et  la  coupe  de  vin  mêlé  d'eau.  Celui-ci 
»  les  ayant  reçues ,  rend  gloire  et  louange  au  Père  de  toutes 
î  choses  par  le  nom  du  Fils  et  du  Saint-Esprit ,  et  accomplit 

*  une  longue  Eucharistie,  ou  Action  de  Grâces,  pour  ces 
»  mêmes  dons  que  nous  avons  reçus  du  Père.  Quand  il  a 
y  achevé  les  prières  et  l'Eucharistie ,  tout  le  peuple  crie  : 

(1)  Yid.  la  note  C. 


LITURGIQUES,  iffi 

tAmen.  Or,  Amen  en  langue  hébraïque  équivaut  à  Fiat^ 
«Celui  qui  préside  ayant  terminé  les  prières  ,  et  le  peuple 
ï  ayant  répondu ,  ceux  que  nous  appelons  diacres  distribuent 
»  le  pain ,  le  vin  et  l'eau ,  sur  lesquels  on  a  rendu  grâces ,  afin 
»  que  chacun  de  ceux  qui  sont  présens  y  participent ,  et  ils 
ï  ont  aussi  le  soin  de  les  porter  aux  absens  (1).  » 

Dans  ce  récit  succinct,  nous  voyons  clairement  exposé  tout 
l'ensemble  du  sacrifice  eucharistique ,  tel  qu'il  est  encore  au- 
jourd'hui. Le  jour  du  dimanche  est  celui  de  l'assemblée  gé- 
nérale ;  la  messe  dite  des  Catéchumènes  a  lieu  comme  aujour- 
d'hui par  la  lecture  des  livres  de  l'ancien  et  du  nouveau 
Testament.  Vient  ensuite  l'Homélie  adressée  à  l'assistance  par 
le  pontife ,  en  manière  de  commentaire  sur  les  lectures  que 
l'on  vient  de  faire.  Après  l'Homélie ,  l'assistance  se  lève  ,  et 
ont  lieu  les  prières  pour  les  besoins  de  l'Eglise ,  et  du  monde 
entier,  qui  sont  placées  dans  toutes  les  Liturgies  avant  la  Con- 
sécration. La  Consécration  est,  comme  aujourd'hui,  précédée 
de  l'Action  de  Grâces ,  qui  est  une  formule  longue ,  prolixa^ 
à  laquelle  appartient  spécialement  le  nom  d'Eucharistie  ; 
c'est  le  Canon.  Les  réponses  du  peuple  par  acclamation ,  le 
baiser  de  paix,  la  communion,  le  ministère  des  diacres, 
tout  le  sacrifice  en  un  mot ,  se  trouve  exposé  comme  en 
abrégé  dans  cet  admirable  et  touchant  récit ,  malgré  l'atten- 
tion de  l'Apologiste  à  ne  pas  révéler  les  mystères ,  au-delà 
d'une  certaine  mesure  qui  lui  a  été  permise. 

Les  Chrétiens  de  cette  époque  prenaient  part  aux  prières 
de  l'Eglise  ,  en  se  tournant  vers  l'Orient,  et  tenant  les  mains 
étendues  en  forme  de  croix;  geste  que  l'Eglise  latine  a  retenu 
pour  le  Prêtre ,  durant  la  plus  grande  partie  du  sacrifice ,  et 
qui  est  si  expressivement  rendu  sur  les  peintures  des  Cala- 

(t)  Vid.  la  note  D, 


60  INSTITUTIONS 

combes  romaines.  ïertuUien  en  explique  le  mystère  en  son 
livre  rfe  la  Prière  (1). 

De  même  que  nous  avons  emprunte  à  saint  Justin  la  des- 
cription du  Sacrifice  de  l'Eglise  primitive,  nous  rapporterons 
ici  plusieurs  des  cérémonies  qui  accompagnaient  le  baptême 
à  cette  époque ,  d'après  Tertullien  que  nous  venons  de  citer. 
Voici  quelques-uns  des  traits  qu'il  rapporte  en  passant  : 

Avant  d'entrer  au  lieu  où  était  l'eau,  le  Catéchumène,  sous 
la  main  du  pontife  ,  protestait  de  sa  renonciation  au  diable , 
à  ses  pompes  et  à  ses  anges.  Ensuite ,  il  était  plongé  trois 
fois,  et  proférait  des  paroles  qui  appartiennent  à  la  Tradi- 
tion et  non  à  l'Évangile.  Etant  levé  des  fonts,  on  lui  donnait 
à  goiiter  le  lait  et  le  miel ,  et  à  partir  de  ce  jour,  il  devait 
s'abstenir  du  bain  ordinaire,  pendant  toute  une  semaine  (5). 
On  se  disposait  au  baptême  par  de  fréquentes  oraisons,  par 
des  jeûnes,  des  génutlexions,  et  par  la  confession  secrète 
des  péchés  (5).  Le  temps  d'administrer  solennellement  ce 
grand  sacrement  était  la  fête  de  Pâques  et  celle  de  la  Pente- 
côte (-4;.  Enfin ,  on  ne  finirait  pas  ,  si  l'on  voulait  rappeller  ici 

(1)  Nos  vero  non  attollimus  tantum  manns,  sed  eiiam  expandimus  e 
Dominica  passioue  modulatum  et  ormites  confitemur  Chrislo.  (  De  ora- 
lione.  Cap.XIJ ). 

(1)  Ut  a  baptismale  ingrediar ,  aquam  adituri,  ibidem,  sed  et  ali- 
quanto  prius  ia  Ecclesia  ,  sub  antistilis  manu  coalestamur  nos  reaun- 
liare  diabolo,  et  pompée,  et  angeiis  ejus.  Debiuc  ter  mergitamur,  am- 
pliiis  aliquid  respondentes.  quam  Dominus  in  Evangelio  deterrainavit. 
Inde  suscepti ,  laclis  et  niellis  coacordiam  prccguslamus,  exque  ea  die, 
laTacro  quolidiauo  per  lotam  hebdomadam  abslinemus.  ('Z'c  coroHrt 
militis.  cap.  III  ). 

(tj  lagressurosBaptismam,  orationibus  crebris,  jejuaiis  et  genicu- 
lationibus ,  et  pervigiliis  orare  oportet,  et  cum  confessione  omnium 
relro  delictorum....  nobis  gratulandum  cA,  si  non  publiée  conGienuip 
iniquilatesaut  lurpitudines  no^tras.  (  De  Baptismo.  cap.  XX ). 

(i)  DiemBaptismo  solemciorem  Pastha  pneslat;  cum  et  Passio  Do- 
raini  in  quara  tingimur  adirnplela  est..,,  exinde  Pentecoste  ordiaau- 


LITURGIQUES.  61 

lont  OC  que  cet  auteur  énumère  dans  ses  divers  écrite,  de 
rites  et  d'observances  relatives  à  l'administration  de  ce  pre- 
mier sacrement  des  Chrétiens. 

Nous  n'entreprendrons  donc  point  de  Taire  le  dépouille- 
ment des  richesses  liturgiques  dont  sont  remplis  les  écrits  de 
TertuUicn ,  ces  écrits  si  énergiques  dans  lesquels  on  retrouve 
si  au  naturel  les  mœurs  de  l'EgUse  d'Afrique.  Nous  nous 
contenterons  de  dire  ici  un  mot  d'après  lui  sur  l'important 
sujet  des  funérailles  des  Chrétiens.  On  voit  par  un  passage 
très-précieux  de  son  traité  De  anima,  que  le  Chrétien  de  ces 
premiers  temps  allait  à  la  sépulture ,  conduit  par  un  Prêtre , 
et  que  ce  Prêtre  confiant  cette  dépouille  mortelle  à  la  terre , 
souhaitait,  comme  aujourd'hui,  la  paix  à  l'àme  que  la  su- 
prême volonté  avait  momentanément  séparée  du  corps  (1).  Et 
tel  était  le  zèle  des  Chrétiens  à  témoigner  leur  foi  dans  la  ré- 
surrection des  corps,  qu'ils  n'avaient  rien  de  précieux  quand 
il  s'agissait  de  la  rehgion  des  tombeaux.  «  Si  les  Arabes ,  dit 
»  TerluUien  au  sénat  romain ,  si  les  Arabes  se  plaignent  qUc 
»  nous  n'achetonspas  d'encens ,  les  Sabéens ,  du  moins ,  savent 
î  que  la  sépulture  des  Chrétiens  consomme  une  plus  grande 
»  quantité  de  leurs  aromates ,  qu'il  n'en  est  employé  à  faire 
»  fumei-  devant  les  dieux  (!2).  » 

dislavacris  latissinium  spatiura  est....  cseteruni  ornais  dies  Domini  est , 
omnisbora ,  onine  tenipus  habile  BapUsuio,  si  de  solemnitate  inlerest , 
dcgi'alia  niiiil  refert.  ( Ibid.  cap.  -\L\  ). 

(1)  Scio  femiaam  quanidam  vernaculaiu  Ecclesite,  forma  et  «tate 
intégra  functam  ,  post  unicuin  etlireve  matrimoniun\  cuni  la  pace  dor- 
iriissel ,  et  morante  adbuc  sepullura,  intérim  oratione  presbyleri  coni- 
ponerelur,  adprimum  halitum  oralionis,  maniisa  lateribus  dimotas  in 
habiltim  snpplicem  conformasse ,  rursumque  oondita  pace,  sitiii  suo 
rcddiJisse.  (  De  .hiimu.  cap.  LI ). 

(2)  Tbura  plane  non  emimus.  Si  Aral)i;o  i|ueruntur,  scient  Sal)a3i 
pinris  et  rarioris  suas  merces  Cliristianis  se[ielicndis  profligari ,  quani 
diis  funiigandis.  (  /ipologct,cup,  XLll). 


62  INSTITUTIONS 

Ce  seul  Irait  nous  montre  le  zèle  des  Chrétiens  pour  les 
pratiques  de  leur  culte  ,  et  nous  révèle  la  splendeur  de  leurs 
cérémonies  tant  publiques  que  domestiques.  Mais  combien 
d'autres  détails ,  combien  de  formules  liturgiques  précieuses 
n'aurions-nous  pas  encore  aujourd'hui ,  si  le  secret  dont 
furent  environnés  les  mystères  chrétiens  à  cette  époque ,  eût 
permis  leur  manifestation  dans  des  écrits  publics  !  Cette  con- 
sidération doit  toujours  être  présente  à  quiconque  veut 
écrire  ou  résumer  quelque  chose  sur  la  Liturgie  ,  non-seu- 
lement des  trois  premiers  siècles,  mais  on  pourrait  même 
dire  des  trois  ou  quatre  qui  les  ont  suivis.  Ce  n'est  pas  ici  le 
lieu  de  donner  les  preuves  de  l'existence  de  ce  secret  auguste 
qui  garda  si  fidèlement  les  traditions  chrétiennes  pures  de 
tout  contact  profane.  Les  témoignages  en  sont  trop  abondans 
dans  les  écrits  des  Pères,  soit  avant,  soit  après  la  paix  de 
l'Eglise ,  et  personne ,  que  nous  sachions ,  ne  conteste ,  au- 
jourd'hui, un  fait  matériel  aussi  palpable.  Seulement  nous 
répéterons  ce  que  nous  disions  tout  à  l'heure,  savoir  que  le 
premier  résultat  de  ce  secret  pour  les  siècles  où  nous  vivons, 
a  été  de  rendre  plus  ou  moins  obscurs  certaines  formes  et 
certains  accidens  de  la  Liturgie  primitive ,  bien  qu'un  assez 
grand  nombre  de  parties  soit  encore  resté  en  lumière  , 
comme  pour  nous  aider  à  suppléer  le  reste  ,  au  moyen  de 
conjectures  probables. 

Toutefois ,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  dans  le  chapitre  pré- 
cédent, nous  sommes  en  droit  strict  de  faire  remonter  à  l'é- 
poque que  nous  décrivons  en  ce  moment,  sinon  à  celle  même 
des  Apôtres,  le  texte  des  Liturgies  dîtes  Apostoliques,  le  Ca- 
non de  la  Messe  latine,  les  formules  accompagnant  l'adminis- 
tration des  sacreniens;  en  sorte  que  personne  ne  saurait  nier 
raisonnablement  que  le  style  liturgique,  tel  qu'il  est  uni- 
versellement exprimé  dans  tous  ces  monumens,  et  tel  qu'il 


LITURGIQUES.  65 

a  ulé  iiuilc  dans  les  siècles  suivans ,  ne  suit  uti  produil  du 
génie  chrétien  de  l'époque  primitive.  Nous  en  donnerons  ici 
une  preuve  qui  n'a  peut-être  jamais  été  alléguée ,  mais  qui 
n'en  est  pas  moins  incontestable. 

Nous  voyons  dans  les  Actes  des  i>tartyrs ,  la  plupart  de  ces 
généreux  Confesseurs  du  Christ,  au  moment  de  consommer 
leur  saci'ifice ,  résumer  dans  une  pi"iî;re  de  style  solennel 
leurs  vœux  et  leurs  adorations.  Toutes  ces  formules  se  res- 
semblent ,  qu'elles  soient  proférées  par  des  Évoques  comme 
saint  Ignace  d'Anlioclie ,  par  des  laïques  comme  saint  Théo- 
dote  d'Ancyre,  par  de  simples  femmes,  comme  sainte  Afra. 
Or  ,  rien  de  plus  visible  que  l'identité  du  style  de  ces  prières 
avec  celles  de  l'Eglise  dans  la  célébration  des  mystères.  On 
pourrait  donc  légitimement,  en  s'appuyanl  sur  l'analogie 
comme  sur  une  règle  de  certitude,  rapporter  la  rédaction  de 
ces  antiques  formules  à  l'âge  héroïque,  à  l'âge  des  martyrs. 
Mais  nous  nous  devons  de  justifier  notre  assertion  par  des 
exemples.  Nous  citerons  ici,  dans  le  texte,  la  prière  de  saint 
Polycarpe  ;  le  lecteur  en  trouvera  plusieurs  autres  dans  les 
notes  à  la  suite  de  ce  chapitre  (1).  Voici  cette  prière  : 

«  Domine  Deus  omnipotens ,  Pater  dilecti  ac  benedicti  FiUi 
^>  tui  Jesu  Cliristi ,  per  quem  tui  notitiam  accepimus  ;  Deus 
B  Angelorum  et  virtutum,  ac  universfe  creaturaD,  totiusquc 
î justorum  generis  qui  vivunt  in  conspcctu  tuo  ;  benedico  le,- 
y>  quoniam  me  hac  die  atque  hac  hora  dignatus  es,  ut  partem 
>'  caperem  in  numéro  martyrum  tuorum,  in  calice  Cliristi  tui, 
»  ad  rcsurrectionem  viiœ  œterna:; ,  animas  et  corporis ,  in  in- 
î  corruptione  Spiritus  sancti  :  inter  quos  utinam  suscipiar 
f  hodie  coram  te ,  in  sacrificio  pingui  et  accepto ,  quemad- 
vmodum  [)neparasli  et  piwmoiistrasti  et  adimplevisti ,  men- 

(1)  Vid.  la  uote  E. 


64  INSTITUTIONS 

»  dacii  uescius  ac  vcrax  Deus.  Quaproptcr  de  omnibus  laudo 
»  te ,  bcnedico  te ,  glorifico  te  ,  cum  sempiterno  et  cœlesti 
wJesu  Cliristo,  dileclo  tuo  Filio  ;  cum  quo  libi  et  Spiritui 
isancto  gloria  ,  el  nuiic  et  in  futiira  secula.  »  Amen  (1). 

Une  autre  source  qu'on  ne  doit  pas  manquer  de  consulter 
pour  connaître  l'ëiat  de  la  Liturgie  dans  les  trois  premiers 
siècles  ,  est  le  recueil  de  la  discipline  générale  de  cette 
époque,  rs'ous  placerons  en  tète  les  Canons  Apostoliques ,  si 
anciens ,  qu'on  ne  peut  faire  remonter  leur  rédaction  défi- 
nitive au-dessous  du  second  siècle. 

On  y  lit ,  au  canon  troisième ,  la  défense  de  placer  sur 
l'autel  du  miel ,  du  lait ,  ou  tout  autre  objet  que  la  matière 
même  du  Sacrifice  du  Seigneur;  après  quoi  il  est  ajouté  : 
€  Qu'il  ne  soit  permis  d'offrir  à  l'autel  rien  autre  chose  que 
>  l'huile  pour  le  luminaire ,  et  l'encens  au  temps  de  la  sainte 
îoblation  (2).  » 

Ce  canon  est  important,  principalement  pour  constater 
l'antiquité  de  l'usage  de  brûler  de  l'encens  à  l'autel;  usage, 
du  reste,  qui,  ayant  été  pratiqué  dans  la  loi  mosaïque  et 
dans  toutes  les  religions ,  devait  naturellement  prendre  place 
parmi  les  observances  chrétiennes.  Si  nous  avons  vu  plus 
haut  TertuUien  aihrmcr  que  les  Chrétiens  n'achetaient  pas 
d'encens  ,  il  entendait  dire  par-là  que,  ne  s'en  servant  que 
dans  la  célébration  du  sacrifice  ,  par  la  seule  main  du  Pon- 
tife ,  la  consommation  qu'ils  en  faisaient  était  de  beaucoup 

(l)  Epist.  Eocles.  Smyrueas.  Jpud  Ruinart. 

(i)  Si  quis  Episcopus,  \el  Preshyter  Domini  de  sacrificio  ordinalio- 
nara,  alla  qua:dam  ad  al^are  attuk rit,  rael  vel  lac ,  vel  pro  vino  siceraoi, 
vel  confecla,  vel  aves,  vtl  aliqiia  animalia,  vel  legumina  praeter  ordi- 
uationem ,  deponalur,  praterquam  nova  legumina,  tempore  opportuno. 
We  liceai  autem  aliquid  aiiud  ad  altare  olTerre ,  quam  oleum  ad  lumi- 
aare  ,  et  iuc  inum  tempore  sanclac  oblalionis. 


LITURGIQUES.  0.1 

moindre  que  colle  qu'en  faisaient  les  payons ,  chez  lesquels  les 
simples  particuliers  brûlaient  eux-mêmes,  à  toute  heure,  l'en- 
cens devant  les  mille  vains  objets  de  leur  idolâtrie. 

Au  canon  septième ,  le  jour  de  la  fête  de  Pâque,  centre 
de  la  Liturgie  annuelle ,  est  fixé  de  manière  à  empêcher  la 
communauté  de  pratiques  avec  les  Juils  (1). 

Au  canon  huitième,  il  est  enjoint  à  l'Évoque  ,  au  Piêlrc  , 
au  diacre ,  à  tout  clerc ,  de  communier  à  l'oblation,  à  moins 
de  raison  suffisante ,  et  ce ,  sous  peine  d'être  séparé  du  reste 
du  peuple  (2);  et,  dans  le  canon  suivant,  on  prononce  la 
même  peine  contre  ceux  des  fidèles  qui ,  étant  entrés  dans 
l'Église,  et  ayant  entendu  la  lecture  des  É'^ritures  qui  forme 
ce  qu'on  appelle  la  messe  des  cathécumènes ,  ne  resteraient 
pas  pour  prendre  part  aux  prières  et  à  la  communion  (5). 

Le  canon  quarante-deuxième  ordonne  de  séparer  de  la  com- 
munion un  sous-diacre ,  un  lecteur,  ou  un  Chantre  qui  s'a- 
bandonnerait aux  jeux  de  hasard.  Ainsi ,  l'Eglise  avait  dès- 
lors  des  Chantres  pour  les  ofiices  divins.  Du  reste ,  il  en  est 
parlé  dans  plusieurs  endroits  des  Constitutions  Apostoliques  (i) . 

Le  soixante-onzième  et  le  soixante-douzième  canon,  sta- 
tuent de  graves  peines  contre  tout  clerc  et  tout  laïque  qui 
oseraient  soustraire  de  la  sainte  Église ,  soit  de  la  cire  ou  de 

(1)  Si  quis  Episcopus,  vel  Presbytcr ,  vel  Diaconus,  sacri  Paschw 
diem  ante  vernura  aequinoclium  cum  Judaeis  celebraverit ,  deponatur. 
(Labb.tomA.pag.'iQ). 

(2)  Si  quis  Episcopus ,  vel  Presbyter ,  vel  Diaconus ,  vel  ex  sacerdo- 
tali  catalogo,  fada  oblatione  non  communicaverit ,  causam  dicat  :  et 
si  probabilis  fuerit ,  veniam  consequatur  :  sin  vero  minus  segregetur, 
ut  qui  populo  oflfensionis  causa  sit  et  suspicionem  dederit  adversus 
eumqui  obtulit,  tanquam  non  digne  obtulerit. 

(3)  Quicumque  fidèles  ingrediuutur ,  et  Scripturasaudiunt,  in  pre- 
catione  autem  et  sacra  communione  non  permanent ,  ut  Ecclesiiv  con- 
l'usionem  afférentes ,  segregari  oportet. 

(4)  Hypodiaconus,  vel  lector,  vel  cantor  siniilia  faciens,vel  cessât, 
vel  segregetur. 

T.  I.  î» 


66  INSTITUTIONS 

riiuUe,  soit  un  vase  d'or  ou  d'argent ,  suit  un  vuiio  consacré 
au  culte  (1).  i 

Tels  sont  les  principaux  traits  relatifs  à  la  Liturgie  que 
nous  trouvons  dans  les  Canons  Apostoliques.  On  voit  qu'ils 
se  rapportent  parfaitement  au  genre  de  détails  que  nous 
avons  signalés  plus  haut ,  d'après  les  monumens  de  cette 
époque. 

Nous  donnerons  maintenant  quelques  canons  du  fameux 
Concile  d'Elvire ,  qui  fut  tenu  à  la  fin  du  troisième  siècle , 
pour  montrer  que  la  Liturgie  occupait ,  dès  ce  moment , 
une  place  importante  dans  les  prescriptions  ecclésiastiques , 
et  continuer  de  peindre  les  mœurs  de  l'Église  sous  ce  point 
de  vue. 

Au  canon  vingt-huitième ,  il  est  statué  que  l'Évcque  ne 
recevra  point  l'offrande  de  celui  qui  ne  commun-e  pas  (2).      J 

Au  canon  vingt-neuvième ,  qu'on  ne  récitera  point  à  l'au- 
tel, dans  le  temps  de  l'oblation,  le  nom  d'un  énergumène  , 
et  qu'on  ne  lui  permettra  point  de  servir  de  sa  main  dans 
l'église  (5)  ;  en  quoi  les  Évéqucs  d'Espagne  étaient  plus  sé- 
vères que  ceux  d'Afrique ,  qui  donnaient  aux  énergumcues 
le  soin  de  balayer  le  pavé  de  l'église  (  i) . 

(1)  Si  quis  clericxis ,  vel  laïcus  a  sancta  Ecclesia  ceram  vel  oleum  au- 
ferat ,  segregetur. 

Vas  aureum ,  vel  argenteum ,  vel  vélum  sanclificatum  nemo  antipliiis 
in  suum  usum  coavertat  ;  hoc  lit  enirn  prœter  jus  et  contra  leges.  Si 
quis  autem  deprehrnsus  fuerit ,  mulctetur. 

(ù)  Episcopos  piacuit  ab  co  qui  non  communicat  muncra  accipere 
non  debere.  (  Labb.  tom.  I.  pag.  973  J. 

(ô)  Energumenus  qui  ab  erratico  spiriiu  exagitatur ,  liujus  nomen 
neque  ad  altare ,  cum  ob'atione,  rccitandum,  ncque  permiitendum  , 
ut  sua  manu  in  Ecclesia  rainistret. 

(i)  Pavimenta  domorum  Dei  eneigumeni  veirant.  (C'oncil  C'artha- 
gin,  IF,  can.  91.  pag.  1207.  Labb.  tow.  II). 


LIIURGIQUES.  ii1 

Au  canon  ircnlc-quatriùmc,  il  est  délcndii  d'allumcT,  en 
plein  jour,  des  cierges  dans  les  cimetières,  afin  de  ne  pan 
inquiéter  les  esprits  des  Saints  (I) ,  c'est-à-dire,  pour  ne  pas 
troubler  les  fidèles  qui  y  faisaient  leurs  prières. 

Au  canon  quarante-troisième,  il  est  dit  qu'afm  de  réformer 
un  abus,  on  célébrera  la  Pentecôte,  suivant  les  Ecritures, 
cinquante  et  non  quarante  jours  après  Pâques  :  que  ceux 
({tu  ne  se  conformeront  pas  à  cet  usage  seront  notés  comme 
induisant  à  une  nouvelle  hérésie  ("2). 

On  a  beaucoup  disserté  sur  le  canon  trente-sixième  de  ce 
même  concile  ,  qui  porte  ces  paroles  :  «  Il  n'y  aura  point  de 
»  peintures  dans  les  églises ,  de  peur  que  ce  qui  est  servi  et 
B  adoré ,  ne  demeure  peint  sur  les  murailles  (5) .  »  Certains 
auteurs  prolestans  ont  voulu  voir  ici  b  condamnation  des 
saintes  images  ;  mais  les  preuves  que  nous  avons  d'ailleurs 
de  l'usage  qu'avaient  les  Chrétiens  de  représenter,  au  moyeu 
des  arts  de  la  peinture  et  de  la  sculpture ,  les  objets  de  leur 
culte ,  obligent  tout  homme  de  bon  sens  à  donner  une  autre 
interprétation  au  canon  cité.  îerlullien  nous  apprend,  en 
effet,  que  les  calices  même  portaient  l'image  du  bon  Pasteur; 
et  le  grand  nombre  d'objets  conservés  dans  le  Musée  chré- 
tien du  Vatican ,  ou  gravés  par  Bosio ,  Âiringhi ,  Boldelti , 
Bottari ,  Buonarotti,  ont  mis  les  savans  d'aujourd'hui  à  por- 
tée d'étudier,  d'une  manière  même  assez  complète ,  l'art 

(I)  Cerf  os  per  diem  pbcuil  in  cœraeterio  non  iucencli;  inquleiandi 
enim  spiritvis  sanctorum  non  suut  ;  qui  licec  non  observaveriût,  aïoean- 
lur  ab  Eccle^ise  communioae. 

{'2)  Pravam  iostitutionem  emendari  i)l3ouit ,  juxta  auctoritatem 
Scripiurarum,  ut  cuncli  diem  Pentecoslcs  po^t  Pascha  celebremus, 
non  Qiiadragesimam,  nlsi  Quinqnagesimam.  Qui  non  fecerit,  novam 
Lioresim  iaduxisse  notetur. 

(3)  Placuit  picturas  in  Ecclesia  esic  uou  dcbeic,  ne  quod  colilur  cl 
adoralur  in  parlclibus  dcpiugalur. 


6è  INSTITUTIONS 

chrétien  de  cette  époque.  Peut-être  le  Concile  d'Elvire  ne 
défend-il  ici  les  peintures  sur  les  murailles,  que  parce  qu'il 
y  avait  lieu  de  craindre  que ,  ne  pouvant  être  enlevées  dans 
les  momens  de  persécution ,  elles  ne  fussent  profanées  par 
les  infldèles.  On  trouve  encore  une  objection  du  même  genre 
dans  un  passage  de  Minucius  Félix ,  dans  lequel  l'auteur 
semble  convenir  que  les  Chrétiens  n'avaient  point  de  temples 
pour  le  culte  de  leur  Dieu  ;  à  quoi  il  est  facile  de  répondre 
que  l'auteur  erUend  par  là  montrer  la  différence  du  christia- 
nisme au  paganisme,  l'un  tellement  esclave  de  la  matière, 
que  les  objets  de  son  culte  étant  détruits ,  il  est  lui-même 
atteint  dans  sa  substance  vitale,  tandis  que  l'autre,  émi- 
nemment spirituel ,  survit  à  la  ruine  d'édifices  qui  ne  peu- 
vent contenir  la  majesté  du  Dieu  qu'il  adore.  En  effet,  ces 
quelques  phrases  d'un  opuscule  philosophique  ne  sauraient 
détruire  les  innombrables  témoignages  de  l'histoire  des  trois 
premiers  siècles,  qui  nous  entretient  sans  cesse  des  églises 
et  lieux  de  réunion  des  fidèles. 

Si  les  Conciles  ,  durant  la  période  que  nous  décrivons , 
ont  dû  s'occuper,  et  se  sont,  en  effet,  occupés  de  réglc- 
mens  concernant  la  Liturgie  ,  la  sollicitude  du  Siège  Aposto- 
lique, à  cette  même  époque  ,  ne  devait  pas  s'étendre  avec 
moins  de  zèle  à  régler  et  satisfoire  ce  premier  besoin  de  tou- 
tes les  églises.  La  Providence  a  permis  que  l'un  des  actes  les 
plus  caractéristiques  de  l'autorité  pontificale  durant  les  trois 
premiers  siècles,  fût  en  même  temps  un  exercice  souverain 
du  pouvoir  romain  sur  les  choses  de  la  Liturgie.  Au  second 
siècle,  les  Eglises  d'Asie  suivaient  une  pratique  différente  do 
celle  de  l'Église  romaine  dans  la  célébration  de  la  Paque.  Au 
lieu  de  la  fêter  au  dimanche ,  qui  est  le  jour  de  la  création 
de  la  lumière ,  de  la  résurrection  du  Christ  et  de  la  descente 
de  TEspril  Sainl,  elles  suivaient  l'usage  judaïque  de  la  soient- 


LITURGIQUES.  69 

niscr  le  quatorze  de  la  lune  de  mars.  Cette  divergence , 
dans  le  mode  de  célébrer  le  principal  événement  du  chris- 
tianisme ,  offensait  gravement  l'unité  de  culte ,  qui  est  la 
première  conséquence  de  l'unité  de  foi.  Cette  persistance, 
au  sein  de  la  société  chrétienne ,  des  usages  de  la  Synagogue , 
ensevelie  à  jamais  sous  les  ruines  de  son  temple ,  attaquait 
d'une  manière  dangereuse  la  valeur  complète  des  rites  chré- 
tiens ;  enfin  la  prudence  obligeait  l'Eglise  à  prendre  tous  les 
moyens  de  s'isoler  de  la  secte  judaïque,  devenue  comme 
sans  retour  l'objet  de  l'exccralion  du  genre  humain.  Toutes 
ces  graves  raisons  portèrent  le  Pape  saint  Victor  à  faire 
une  tentative  énergique  pour  ramener  l'unité  sur  un  point 
si  important.  Il  ordonna  donc  de  tenir  des  conciles  par 
loute  l'Eglise,  au  sujet  de  cette  question,  et  ayant  été  à 
même  de  juger  que  la  pratique  romaine  de  célébrer  la  Pâque 
au  dimanche,  était  admise  presqu' universellement,  il  crut 
devoir  agir  sévèrement  à  l'égard  des  Eglises  de  la  province 
d'Asie ,  qui  paraissaient  vouloir  persister  dans  la  coutume 
opposée.  11  alla  jusqu'à  les  retrancher  de  la  communion 
ecclésiastique  ;  peine  sévère,  sans  doute,  et  si  sévère,  qu'elle 
fut  plus  tard  révoquée  ;  mais  les  Évêques ,  et  notamment 
saint  Irénée,  qui  crurent  devoir  faire,  à  ce  sujet,  des  re- 
présentations au  Pape,  ne  lui  reprochèrent  point  d'avoir, 
en  ceci ,  outrepassé  les  Hmites  de  son  autorité  apostolique  ; 
ils  se  contentèrent  de  le  prier  de  ne  pas  mettre  ainsi  dans  un 
état  de  séparation  tant  d'Eglises  attachées  d'ailleurs  aux 
plus  saines  traditions  (1).  La  longanimité  du  Siège  Aposto- 
lique produisit  bientôt  le  rétablissement  de  la  paix ,  mais  cet 
acte  important  resta  comme  une  manifestation  du  pouvoir 
incontesté  de  l'Eglise  romaine  sur  les  matières  liturgiques , 

(I)  Euseb.  Hist.  Eccles.  lib.  V.  cap.  XXIII  et  seq. 


70  INSTITUTIONS 

et  comme  un  préUide  des  eiïbris  qu'elle  devait  faire  dans  la 
suite  des  temps ,  pour  réunir  toutes  les  Eglises  dans  la  com- 
munion des  mêmes  rites  et  des  mêmes  prières. 

Le  règlement  du  Pape  saint  Victor ,  sur  la  Pâque ,  n'est 
pas  le  seul  que  les  Pontifes  romains  aient  rendu  pendant  les 
trois  premiers  siècles.  L'importance  des  matières  liturgi- 
ques, jointe  à  la  souveraine  dignité  de  leur  siège,  auquel  nous 
voyons,  par  Eusèbe,  saint  Cyprien  et  saint  Irénée ,  qu'on 
recourait  dans  toutes  les  circonstances  graves ,  ont  dû  les 
mettre  souvent  à  même  de  rendre  soit  des  décrets ,  soit  des 
réponses  sur  les  rites  sacrés.  Le  texte  de  ces  réglemens  s'est 
perdu  par  l'injure  des  temps.  Il  ne  nous  en  reste  plus  qu'une 
trace  demi-effacée  dans  les  trop  courtes  notices  du  Liber 
Pontipcalis ,  clironique  dont  nous  avons  déjà  établi  l'auto- 
rité dans  nos  Origines  de  l'Église  Romaine ,  où  l'on  trouvera 
aussi  une  ample  histoire  de  l'affaire  du  Pape  saint  Victor 
avec  les  Asiatiques  ,  et  la  discussion  sérieuse  des  décrets 
dont  la  teneur  suit. 

Saint  Lin  ordonna  que  les  femmes  entreraient  dans  l'Eglise 
la  tète  voilée  (1). 

Saint  Anaclet  construisit  la  Mémoire  ou  tombeau  de  saint 
Pierre ,  et  fixa  le  lieu  de  la  sépulture  des  Évoques  de  Rome. 

Saint  Evariste  divisa,  entre  les  Prêtres ,  les  Titres  ou.  Égli- 
ses de  Rome ,  et  régla  que  l'Évèque ,  annonçant  la  parole  de 
Dieu ,  serait  assisté  de  sept  diacres. 

Saint  Alexandre  ordonna  qu'on  insérerait  la  mémoire  de 
la  passion  du  Seigneur  dans  les  prières  du  Sacrifice,  et  qne 
l'on  bénirait  l'eau  avec  le  sel  pour  en  arroser  la  demeure  des 
hommes. 

Siint  Sixte  I  statua  que  les  vases  sacrés  ne  seraient  tou- 

(t)  Vid.  liber  PoQtiflcalis.  M  Linum ,  Jnacletum,  etc. 


LITURGIQUES.  71 

elles  que  par  les  ministres,  ei  eonfirma  l'iisag-c  de  chauler 
durant  lMr//o«  ecl  hymne:  Sanctus^  Sanclus,  clc. 

Saint  Téicsphorc  étaWitque  la  nuit  de  la  Naissance  du  Sei- 
gneur, on  célébrerait  le  Sacrifice;  ce  qui,  aux  autres  jours, 
ne  devait  point  avoir  lieu  avant  l'heure  de  tierce  ;  qu'au 
commencement  du  même  Sacrifice ,  on  chanterait  l'hymne 
ajigéliquc  :  Gloria  in  excclsis  Dco. 

Saint  Anicet  défendit  aux  clercs  de  nourrir  leur  chevelure. 

Saint  Pie,  à  la  prière  de  la  vierge  Praxèdc,  dédia  en  église 
les  Thermes  de  Novat,  in  Yico  Palricio  ;  il  fit  de  riches  offran- 
des à  ce  nouveau  Sanctuaire  ;  il  y  offrit  souvent  le  sacrifice  au 
Si^igneur,  il  y  fit  construire  une  fontaine  baptismale,  et  y 
baptisa  de  sa  main ,  au  nom  de  la  sainte  Trinité ,  de  nombreux 
cathécumènes. 

Saint  Soîer  défendit  aux  diaconesses  de  toucher  les  pâlies 
sacrées,  et  de  mettre  l'encens  dans  l'encensoir. 

Saint  Zéphyrin  statua  que  l'ordination  des  prêtres,  des 
diacres,  et  même  des  simples  clercs,  aurait  lieu  en  présence 
du  clergé  et  des  fidèles. 

Saint  CaUixle  fixa  le  jeûne  du  samedi,  quatre  fois  l'an ,  au 
quatrième,  au  cinquième,  au  septième  et  au  dixième  mois. 
Il  dédia  la  basilique  de  sainte  Marie  tranut  Tiherim  ;  et  cons- 
truisit, sous  la  voie  Appienne,  le  ft^meux  Cimetière  qui  porte 
son  nom. 

Saint  Ur])ain  fit  faire  d'argent  les  vases  sacrés ,  et  offrit 
vingt-cinq  patènes  du  même  métal. 

Saint  Fabien  fit  faire  Jjoaucoup  de  constructions  dans  les 
Cimetières. 

Saint  Corneille  leva  les  corps  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul  du  Heu  où  ils  reposaient  dans  les  Catacombes ,  et  les 
replaça,  l'un  dans  la  plaine  du  Vatican  ,  l'autre  sur  le  che- 
min d'Ostie, 


72  INSTITUTIONS 

Saint  Éiienne  défendit  aux  Prêtres  et  aux  diacres  de  se 
servir ,  dans  l'usage  commun ,  des  habits  dont  ils  usaient  à 
l'autel. 

Saint  Félix  I  recommanda  la  célébration  du  Sacrifice  sur 
les  Mémoires  des  martyrs  ,  et  dédia  une  Basilique  sur  la  voie 
Aurélia. 

Saint  Eutychien  établit  qu'on  ne  bénirait  à  l'autel  que  les 
seules  prémices  des  fèves  et  des  raisins.  11  ensevelit  les  mar- 
tyrs de  ses  propres  mains ,  et  ordonna  aux  fidèles  de  cou- 
vrir de  riches  vêtements  les  corps  de  ces  courageux  athlètes 
du  Christ ,  lorsqu'ils  les  rendraient  à  la  terre. 

îS'ous  arrêterons  ici  cette  énumération ,  du  reste  fort  in- 
complète ,  des  lois  des  premiers  Pontifes  Piomains  en  matière 
de  Liturgie ,  et  nous  nous  contenterons  de  remarquer , 
ainsi  que  nous  l'avons  fidt  ailleurs,  que  ces  règlements  doi- 
vent être  considérés ,  les  uns  comme  des  ordonnances  pour 
la  seule  Eglise  de  Rome ,  les  autres  comme  le  renouvellement 
de  canons  plus  anciens,  d'autres  enfin  comme  des  lois  adres- 
sées ,  ainsi  que  le  décret  de  saint  Victor  sur  la  Pàque  ,  à 
toutes  les  Eglises. 

Après  avoir  ainsi  donné ,  dans  les  lois  et  les  canons  des 
trois  premiers  siècles  en  matière  liturgique ,  la  physiono- 
mie générale  de  l'Eglise  sous  cet  important  rapport ,  il 
nous  reste  encore  à  parcourir  les  divers  écrivains  de  cette 
époque ,  sous  le  point  de  vue  des  ressources  et  des  éclair- 
cissements qu'on  en  peut  tirer  quant  à  la  Liturgie. 

Saint  Clément  de  Rome ,  s'il  était  réellement  l'auteur  ou 
le  compilateur  de  l'importante  collection  intitulée  :  Consti' 
tutions  Apostoliques  ,  mériterait  d'être  placé  à  la  tête  des  li- 
turgistes  du  premier  âge  de  l'Eglise  ,  comme  il  est  digne  de 
figurer  le  premier  sur  la  liste  des  écrivains  ecclésiastiques. 
En  effet ,  les  Constitutions  Apostoliques  contiennent,  au  Livre 


LITURGIQUES,  75 

huitième ,  uno  I  jiurgie  du  Sacrifice  si  complùie  ei  si  rem- 
plie en  même  lonips  de  nuijcslé  et  d'onction ,  que  (iranco- 
las  n'a  pu  s'empêcher  de  la  qualifier  une  des  plus  belles  et 
une  rft'.s"  j^lus  grandes  qui  se  trouvent  dans  l'antiquité  [l]  : 
mais  nous  n'avons  aucune  preuve  à  fournir  à  fappui  du 
sentiment  qui  en  attribuerait  la  rédaction  à  saint  Clément. 
Quoiqu'il  on  soit ,  elle  a  dû  être  composée  avant  la  paix  de 
l'Eglise,  puisque  la  compilation  dont  elle  fait  partie  remonte 
elle-même  jusqu'aux  temps  que  nous  décrivons  ,  non  seule- 
ment d'après  le  sentiment  des  docteurs  catholiques  (2) ,  mais 
même  d'après  celui  de  plusieurs  savansprotestans{ô).  Nous 
l'enregistrerons  donc  ici  comme  un  monument  de  l'époque 
que  nous  racontons,  sans  vouloir  précisément  en  assigner 
l'auteur. 

Nous  avons  cité  la  plus  grande  partie  de  ce  que  saint 
Justin  rapporte  dans  sa  première  Apologie  sur  le  Sacrifice 
des  Chrétiens,  qu'il  avait  à  justifier  des  calomnies  grossières 
à  l'aide  desquelles  on  l'avait  travesti.  II  explique  aussi  le 
Baptême  au  même  endroit ,  mais  nous  avons  préféré  citer 
quelques  traits  de  Tertullien  sur  le  même  sacrement  , 
comme  exprimant  les  usages  chrétiens  avec  plus  de  détail 
que  ne  le  pouvait  faire  saint  Justin  dans  un  livre  destiné 
aux  payens. 

Méliton  ,  Evêque  de  Sardes,  qui  vivait  en  470,  écrivit 
un  traité  sur  la  célébration  de  la  Pâque.  Nous  ne  con- 

(i)  Anciennes  Liturgies ,  pag.  96. 

(2)  Fronto  (Prœnotationeo  ad  Kal.  Rom.  §.  S  ).  Morin.  De  Sacris  Or- 
dinat.  part.  2.  pag.  20,  De  Marca.  Concord.  lib.  III.  cap.  2.  Bona.  Re- 
rum  Liturgicarum.  lib.  I.  cap  VIII.  §.  4.  Schelestrate.  Antiq.  illustr. 
part.  2.  Dissert.  2.  cap.  2.  Pagi.  Critic.  Baron,  ad  annutn.  100.  n"  10. 
Lebrun.  Explication  de  la  Messe.  Tom.  II. 

(3)  Henri  Hammond.  Cave.  Tliomas  Brett.  CoUectio  prœcipmrum 
Liturgiarum  Ecclesiœ  chriitianœ. 


74  INSTITUTIONS 

naissons  pins  ce  traité  que  par  nn  fragment  d'an  autre  livre 
sur  la  Pàque ,  écrit  par  Clément  d'Alexandrie  ,  et  égale- 
ment perdu ,  sauf  un  passage  dans  lequel  est  cité  Méliîon  : 
ce  passage  nous  a  été  conservé  par  Eusèbe  (1).  Méliton  y 
dit  avoir  écrit  son  livre  du  temps  que  Servilius  Paulus  était 
proconsul  d'Asie  ;  que  Sagalis  ,  Evêquc  de  Laodicée ,  souf- 
frit le  martyre ,  et  qu'une  grande  controverse  s'éîeva  dans 
cette  ville ,  au  sujet  de  la  solennité  pascale.  Cette  contro- 
verse ,  antérieure  à  celle  qui  eut  lieu  sous  saint  Victor ,  est 
remarquable.  Méliton  avait  en  outre  laissé  stir  le  jour  du 
Dimanche  un  traité  qui  est  également  perdu. 

Le  grand  Clément  d'Alexandrie  tient  rang  parmi  les  au- 
teurs liturgistes  des  trois  premiers  siècles.  Ainsi  que  nous 
venons  de  le  voir,  il  avait  aussi  écrit  sur  Fimporiantc  ques- 
tion de  la  Puque.  11  est ,  de  plus ,  auteur  d'un  livre  du  Jeûne 
qui  a  pareillement  péri  ;  mais  nous  possédons  encore  de 
lui  une  Hymne  admirable  au  Sauveur,  placée  à  la  suite  de 
son  Pédagogue.  Celte  hymne  est  la  plus  ancienne  qui  soit 
parvenue  jusqu'à  nous  :  c'est  un  des  Cantiques  Spirituels  dans 
le  genre  de  ceux  dont  parle  l'Apôtre  ;  nous  essaierons  d'en 
rendre  ici  la  ravissante  mélodie. 

t  Frein  des  jeunes  coursiers  indomptés,  aile  des  oiseaux 
»  qui  point  ne  s'égarent ,  gouvernail  assuré  de  l'enfance  , 
»  pasteur  des  agneaux  du  roi  ;  tes  simples  enfants ,  ras- 
»  semble-les,  pour  louer  saintement,  chanter  avec  candeur, 
>  d'une  bouche  innocente  ,  le  chef  des  enfants ,  le  Christ. 

»  0  Pioi  des  Saints ,  Verbe ,  triomphateur  suprême ,  dis- 
»  pensateur  de  la  sapience  du  Père ,  du  Ïrès-Haut  ;  toi  , 
»  l'appui  dans  les  peines  ,  heureux  de  toute  étei'nilé  ,  Sau- 
î  veur  de  la  race  mortelle ,  Jésus  ! 

(1)  Hist.  Eccles.  lib.  IV.  cap.  26. 


LiTunciQurs.  7Î> 

»  Pasiciir,  ngririiliciir,  froin,  gouvornuil,  ailo  céhîslo  du 
»  livs-saiiil  troiipoaii  ;  pi^clu-ur  des  honinies  rachelés,  aiuor- 
»  rani  à  rélcrncllc  vie  l'innocent  poisson ,  arraché  à  l'onde 
»   ennemie  de  la  mer  du  vice. 

I  Sois  leur  guide,  ô  Pasteur  des  brebis  spirituelles!  ô 
»  Saint  !  sois  leur  guide.  Roi  des  enfants  sans  tache  !  les 
»  vestiges  du  Christ  sont  la  voie  du  ciel. 

»  Parole  incessante,  éternilé  sans  bornes,  lumière  sans 
»  lin,  source  de  miséricorde  ,  auteur  de  toute  verlu ,  vie 
»   irréprochable  de  ceux  qui  louent  Dieu. 

>  0  Christ  !  ô  Jésus  !  nous  qui ,  de  nos  tendres  bouches , 
î  suçons  le  lait  céleste  exprimé  des  douces  mamelles  de  la 
»  sagesse,  la  grâce  des  grâces;  petits  enfans,  abreuvés 
»  de  la  rosée  de  l'esprit  qui  découle  de  ta  parole  nourris- 
»  santé  ,  chantons  ensemble  des  louanges  ingénues  ,  des 
s   hymnes  sincères  à  Jésus-Christ  Roi. 

ï  Chantons  les  saintes  récompenses  de  la  doctrine  de  vie. 
«  Chantons  avec  simplesse  l'Enfant  tout-puissant.  Chœur 
»  pacifique,  enfans  du  Christ,  troupe  innocente ,  chan- 
»  tons  ensemble  le  Dieu  de  la  paix  (l).  » 

Tertullien  offi'e  les  plus  grandes  ressources  pour  l'étude 
des  usages  liturgiques  de  l'Eglise  de  son  temps.  Les  traits 
que  nous  avons  cités  dans  ce  chapitre,  l'énuméralion  des 
pratiques  chrétiennes  qu'on  remarque  dans  le  passage  cité 
ci -dessus  au  chapitre  II  (2) ,  ne  donnent  qu'une  faible  idée 
de  l'abondante  moisson  que  les  amateurs  de  la  science  des 
rites  sacrés  peuvent  glaner  dans  tout  l'ensemble  de  ses  écrits. 
Nous  leur  recommandons  principalement  les  traités  de  Jeju- 
n'as,  de  Yirginlbus  vdandis ,  de  CuUit  feminarum,  et  celui 
ad   Ujcorem. 

(1)  Clément,  AlexaaJr.  Opéra.  Edlt.  Potter.  Oxon.  tom.  I.  pag.  2C7. 
(1)  Pag.  40. 


7(5  INSTITUTIONS 

Dans  ce  dernier  livre ,  parlant  des  graves  inconvéniens  de 
la  situation  d'une  femme  chrétienne  mariée  à  un  payen ,  il 
donne  ces  détails  remarquables  sur  les  mœurs  de  l'Eglise 
du  troisième  siècle  : 

«  Si  elle  doit  se  rendre  à  l'église  pour  la  Station  ,  le  mari 

>  lui  donnera  rendez-vous  au  bain  plus  tôt  qu'à  l'ordinaire  ; 
»  s'il  faut  jeûner,  il  se  trouvera  qu'il  donne  à  manger  le 
»  même  jour;  s'il  faut  sortir,  jamais  les  domestiques  n'au- 
»  ront  été  plus  occupés.  SoufFrira-t-il  que  sa  femme  aille 
»  de  rue  en  rue  visiter  les  frères,  et  même  dans  les  plus 
»  pauvres  réduits?  qu'elle  se  lève  d'auprès  de  lui  pour  assis- 
»  ter  aux  assemblées  de  la  nuit?  souffiira-t-il  tranquille- 
»  ment  qu'elle  découche  à  la  solennité  de  Pàque  ?  la  lais- 
»  sera-t-il  sans  soupçon  aller  à  la  table  du  Seigneur ,  si 
»  décriée  parmi  les  payens?  trouvera-t-il  bon  qu'elle  se 
»  glisse  dans  les  prisons  pour  baiser  les  chaînes  dos  niar- 

*  tyrs? Et  quand  même  il  se  rencontrerait  un 

»  mari  qui  souffrît  toutes  ces  choses,  c'est  encore  un  mal  de 

»  foire  conûdence  de  nos  pratiques  aux  gentils Vous 

»  cacherez-vous  de  lui ,  lorsque  vous  faites  le  signe  de  la 
»  croix  sur  votre  lit  ou  sur  votre  corps  ;  lorsque  vous 

>  soufflez  pour  chasser  quelque  chose  d'immonde,  lorsque 
»  vous  vous  levez  la  nuit  pour  prier?  ne  sera-t-il  pas  tenté 
»  de  voir  en  tout  ceci  des  opérations  magiques?  ne  saura- 
»  t-il  point  ce  que  vous  goûtez,  en  secret,  avant  toute  nour- 
»  riture  ?  et  s'il  sait  que  c'est  du  pain,  ne  croira-t-il  pas  qu'il 
»  est  tel  qu'on  le  dit  (1)  ?  t 

Plus  loin ,  parlant  de  la  félicité  du  mariage  chrétien  ,  il 
nous  apprend  qu'il  se  consommait  dès- lors  en  présence 
de  l'Eglise,  au  pied  de  l'autel  :  «  Comment  suffirons-nous  à 

(1)  Vid.  lanoteG. 


LITURGIQUES.  77 

»  raconter  le  bonheur  de  ce  maiinge  dont  l'Eglise  forme 
»  l'alliance ,  que  l'oblatiou  confirme ,  que  scelle  la  bcné- 
»  diction ,  que  les  Anges  rapportent  au  Père  céleste  qui 
>   le  ratifie  (i)  ?  > 

Saint  Irénée  ne  nous  est  connu ,  sous  le  rapport  de  la  Li- 
turgie, que  par  ses  lettres  dans  la  controverse  de  la  Pàque. 
Eusèbe  nous  a  conservé  un  fragment  de  l'une  d'elles  dans 
son  histoire.  Nous  savons  par  le  même  auteur  que  Théophile 
de  Césarée  en  Palestine  et  Polycrate  d'Ephèse  écrivirent 
aussi  des  lettres  sur  la  même  matière  ;  le  premier,  en  faveur 
de  l'orthodoxie  ;  le  second ,  dans  le  sens  des  Quartodeci- 
mains  (2). 

Saint  Hippolyte,  évoque  et  martyr ,  traça  un  Cycle  pour 
la  supputation  de  la  fête  de  Pâque,  et  ce  Cycle  se  lit  encore 
aujourd'hui  gravé  sur  la  chaire  de  marbre  de  ce  docte 
Evcque ,  laquelle ,  avec  la  belle  statue  qui  y  est  assise , 
est  bien  aussi  un  monument  liturgique  de  l'époque  que  nous 
traitons,  et  un  des  principaux  ornements  de  la  Bibliothèque 
Vaticane. 

Saint  Denys  d'Alexandrie ,  au  milieu  du  troisième  siècle , 
(îcrivit  plusieurs  Lettres  Paschales  ,  et  une  Épître  Canonique 
adressée  à  l'Evêque  Basilides ,  sur  le  même  sujet  de  la  célé- 
bration de  la  Paque  ;  une  lettre  sur  le  samedi  ;  une  autre  de 
officio  Diaconi  (5). 

Saint  Cyprien  doit  être  rangé  parmi  les  écrivains  les  plus 
importants  sur  la  matière  qui  nous  occupe.  Il  suffira  de 
rappeler  son  admirable  épître  à  Cécilius  sur  le  Sacrifice 

(I)  Unde  sufiîciamus  ad  enarrandam  felicitatem  ejus  matrimoniî 
quod  Ecclesia  conciliât ,  et  confirmât  oblatio ,  et  obligat  benedictio  ; 
Angelirenuntiant,  Pater  rato  liabet?  (Ad  Uxorem.  lib.II.  cap,  FUI). 

(:2)  Euseb.  Hist.  Eccles.  lib.  V.  cap.  XXIII.  cl  seq. 

(ô)  Euseb.  Hist.  Eccles.  lib.  Vil.  Passim. 


78  INSTITUTIONS 

chrétien,  el  mille  endroits  tant  de  ses  traiiûs  que  de  ses 
lettres ,  écrits  qui ,  comme  ceux  de  Tertullien ,  reflètent 
de  la  manière  la  plus  exacte  et  la  plus  vive  les  mœuis 
de  l'Eglise  d'alors.  Le  livre  de  VOraison  Dominicale  est  aussi 
fort  important  ;  mais  une  phrase  de  ce  livre  ayant  été , 
ainsi  que  nous  le  verrons  dans  la  suite  des  temps  ,  le  texte 
d'un  grand  nombre  de  sophisraes  dangereux  et  subversifs  de 
toute  Liturgie  ,  malgré  le  désir  que  nous  avons  d'abréger 
celle  revue  des  écrivains  ecclésiastiques  des  trois  premiers 
siècles ,  nous  placerons  ici  ce  fameux  passage  ,  en  invitant 
le  lecteur  à  y  recourir ,  toutes  les  fois  qu'il  en  sera  besoin , 
dans  la  suite  de  ce  récit. 

«  Le  Christ  avait  dit  que  l'heure  était  venue  où  les  vrais 
i  adorateurs  adoreraient  le  Père  en  esprit  et  en  vérité,  et  ce 
»  qu'il  avait  promis,  il  l'a  accompli,  en  faisant  que  nous,  qui 
ï  avons  reçu  pour  fruit  de  son  sacrifice  l'esprit  et  la  vérité , 
»  puissions ,  instruits  par  ses  leçons ,  adorer  vraiment  et 
>  spirituellement.  En  effet,  quelle  prière  plus  spirituelle 
»  que  celle  qui  nous  a  été  donnée  par  le  même  Jésus-Christ 
»  qui  nous  a  envoyé  l'Esprit  saint?  quelle  prière  plus  vraie 
*  aux  yeux  du  Père, que  celle  qui  est  sortie  de  la  bouche  du 
»  Fils,  qui  est  la  vérité  même?  Prier  autrement  qu'il  n'a  cn- 
»  seigné,  ce  n'est  pas  seulement  ignorance  ,  mais  faute  ;  car 
»  le  Christ  a  intimé  sa  volonté ,  et  a  dit  :  Vous  rejetez  le 
»  commandement  de  Dieu  pour  établir  votre  propre  tradi- 
»  lion.  Prions  donc,  frères  chéris,  prions  comme  Dieu  notre 
»  maître  nous  a  appris.  C'est  une  frière  amie  et  familière 
^  que  celle  qui  s'adresse  à  Dieu  com,me  venant  de  lui ,  et  fait 
»  monter  à  ses  oreilles  la  frière  même  du  Christ.  Arnica  et  fa- 
»  miUaris  oralio  est  Deum  de  sua  rogarc ,  ad  ores  ejus  ascen- 
»   dcre  Chridi  orationem  (!}. 

(1)  Vid.  la  noie  H, 


LITURGIQUES.  70 

Nous  lerminei'oiis  celle  reviio  par  los  noms  d'Analoliiis 
de  Laodic'cc  et  de  sainl  Pierre  d'Alexandrie ,  qui  oui  éerit 
riin  cl  l'aulre  sur  le  sujet  de  la  Pàquc  (1)  ;  question  (jui, 
comme  on  le  voit,  occupa  presque  tous  les  auteurs  litur- 
gisles  des  trois  premiers  siècles. 

Tandis  que  la  Liturgie  était  ainsi  considérée  comme  une 
des  principales  forces  du  christianisme,  l'hérésie  qui  cherche 
toujours  à  contrefaire  rorthodoN.ie,  et  à  tourner  au  profit 
de  ses  coupables  projets  les  moyens  que  celle-ci  emploie 
pour  maintenir  les  saintes  traditions,  mettait  déjà  la  main 
sur  cette  arme  sacrée.  Le  précurseur  d'Ârius ,  Paul  de  Samo- 
sale  ,  abolissait  les  chants  dont  son  Église  retentissait  jus- 
qu'alors en  rhonneur  du  Christ ,  et  y  substituait  d'autres 
cantiques  dans  lesquels  ils  recevait  les  flatteries  sacrilèges 
de  ses  sectateurs  (2).  Les  schismatiques  qui ,  sous  le  nom  de 
Donatistes ,  fatiguèrent  l'Eglise  d'Afrique  ,  de  la  lin  du  troi- 
sième siècle  jusque  dans  le  cinquième  ,  fabriquèrent  aussi , 
comiiie  le  rapporte  saint  Augustin ,  des  chants ,  sous  forme 
de  psaumes  ,  destinés  à  répandre  le  venin  de  leurs  erreurs 
dans  la  multitude  réunie  pour  la  prière  (5).  Du  reste  ,  long- 
temps auparavant ,  le  fameux  Valentin  avait  aussi,  avec  une 
grande  imimdence ,  comme  dit  Tcrtullien ,  composé  ses 
Psaumes  (4) ,  et  saint  Epiphane  nous  apprend  qu'un  autre 

(1)  Euseb.  Kist.  Eccles.  lib.  VII.  cap.  32. 

(2)  Psalmos  in  honorem  Domini  nostri  Jesu-Clirisli  cani  solitos , 
quasi  novellos  et  a  recentiorihus  liominibus  compositos  abolevit.  Mu- 
lleres  antem  magno  Paschœ  die ,  in  média  Ecciesia  psalmos  quosdani 
canere  ad  sui  ipsius  laudem  instituit.  (  Euscb.  l/ist.  Eccles.  Lib.  VII. 
cap.  50  ) 

(5)  DonalisUe  nos  repreliendunt  quod  sobrie  psallimus  in  Ecciesia 
divina  canlica  Prophetarum  ;  cura  ipsi  ebrietates  suas  ad  canticnm 
psalniorum  humauo  ingenio  compositorum,  quasi  ad  Uibas  exliortationis 
iniîammant.  (S.  Augustini.  Epist.  XXXI F.  ) 

(5)  TcrluUlan.  De  Canic  Chrisll.  Lib,  If.  cap.  17. 


80  INSTITUTIONS 

sectaire,  Hiérax,  l'avait  imité,  dans  le  même  but  de  corrompre 
la  foi  par  une  prière  mensongère  (l).  Nous  verrons,  à  diffé- 
rentes époques  ,  de  nouvelles  applications  de  ce  perfide  sys- 
tème ,  commun  à  presque  toutes  les  sociétés  séparées. 

En  concluant  ce  chapitre,  nous  observerons  que  la  Litur- 
gie conserva  après  la  mort  des  Apôtres  le  même  caractère 
traditionnel  que  nous  avons  reconnu  en  elle  ,  lorsqu'ils 
vivaient  encore  ; 

Que  les  plus  savants  docteurs  s'en  occupèrent  comme 
d'une  partie  fondamentale  du  christianisme  ; 

Que  les  hérétiques  tentèrent  dès-lors  d'empoisonner  cette 
source  de  foi  et  de  doctrine  ; 

Que  ses  formes  firent  l'objet  des  plus  graves  prescriptions 
ecclésiastiques  ; 

Que  des  tendances  d'unité  commencèrent  dès-lors  à  se 
manifester  ,  du  moins  pour  les  rites  principaux  ; 

Qu'enfin  l'Eglise  romaine  fut  dès -lors  le  centre  de  la 
Liturgie,  comme  elle  l'était  de  la  foi  ;  en  sorte  que,  même  sous 
le  point  de  vue  qui  nous  occupe  ,  on  doit  appliquer  les 
solennelles  paroles  de  saint  Irénée  ,  en  son  troisième  Livre 
contre  les  Hérésies  :  Ad  hanc  quipjpe  Ecclesiam,  propter 
potentiorem  principalitatetn ,  necesse  est  omnem  convenire 
Ecclesiam,  idest  qui  sunt  undique  fidèles. 

(1)  S.  Epiphauius.  Adv.  Hsereses.  Lib.  II.  Bœresi,  LXXVil. 


htlugiques.  81 


^OïES  DU  CHAPITRE  IV. 

NOTE  A. 

Precalion'S  Imite  maiie,  et  lerlia  Lora ,  ao  sexta,  etnona,  et  ves- 
pere,  atque  ia  galliciuio.  Mane  :  gralias  agentes,  quod  Domiiius, 
abduota  iiocte ,  et  induolo  die  ,  illuiiiinavit  nos.  Tertia  hora  :  quoiiiaiu 
in  ca  Dominus  senleatiam  daninatiouis  excepit  a  Pilato.  Sexta  :  quod 
iu  ea  crucilixus  est.  Nona  :  quia  cuncta,  crucifixo  Domino,  commola 
sunt,  dura  borreut  impioruna  Judxoruia  temerilatem,  nec  ferre  pos- 
sunt  eontumeUam  Domino  ilialam.  Vespere  :  gratias  agentes,  quod 
noctem  nubis  dederit,  laborum  diuraorum  reqiiietem.  In  gallorum 
cantu  :  eo  quod  iila  hora  nunliat  advenlum  diei,  ad  facieuda  opéra 
lucis.  Si  proptcr  inlidcles  impossibiie  est  ad  Ecclesiam  procedere , 
la  djmo  aliqua  cougragationem  faciès ,  Episcope.  (  Constit.  Apost. 
Lib.  y  m.  cap.  XXX J  F.) 

jNOTE  B. 

In  orationibus  vero  celebrandis  invenimus  observasse  cum  Daniele 
très  pueros  in  fide  fortes,  et  in  captivitate  victores,  horam  tertiam, 
sextam,  nonam,  sacramento  sciUcet  Trinitatis  ;  quse  in  novissimis 
temporibus  manifestari  babebat.  Nam  et  prima  hora  in  tertiam  ve- 
nieus ,  consummatum  numerum  Trinitatis  oslendit.  Itemque  ad  sextam 
quarta  procedens,  déclarât  alteram  Tritiitatem.  Et  quando  a  septima 
nona  completur,  per  ternas  horas  Trinitas  perfecta  numeratur;  quse 
horarura  spatia  jampridem  spiritaliter  déterminantes  adoratores  Dei, 
statutis  et  legitimis  ad  precem  temporibus  serviebant  :  et  manifestata 
post  modum  res  est  sacramenla  olim  fuisse  ;  quod  aute  sic  jusli  preca- 
bautur.  >am  super  discipulos  hora  tortia  descendit  Spiritus  Sanctus , 
qui  gratia  dominicœ  ropromissionis  implevit.  Item  Pelrus  horà  sextà  la 
tectum  superius  ascendeus,  signo  pariter  et  voce  Dei  monentis  ins- 
tructus  est ,  ut  omnes  ad  gratiam  salutis  admilteret ,  cum  de  emun- 
dandis  gentilibus  ante  dubitaret.  Et  Dominus  hora  sexta  crucifixus  , 
ad  nonam  peccata  nostra  sanguine  suo  abluit,  et  ut  redimere  et  vivi- 
ficare  nos  posset ,  tune  victoriam  suam  passione  perfecit.  Sed  nobis , 
fralres  dilectissimi ,  praeter  horas  antiquitus  observatas,  orandi  nunc 
et  spatia  et  sacramenta  crèveront.  Aam  et  mane  orandum  est ,  ut  re- 
surrectio  Domini  matutina  oratioae  celebretur.  Quod  olim  Spiritus 
Sanctus  designabat  in  psalmis  dicens  :  Rex  meus  et  Deus  meus ,  quo- 
T.  I.  6 


82  INSTITUTIONS 

niam  ad  te  orabo,  Domine  :  maue  exaudies  vocem  meam:  mane  assistam 
libi ,  et  contemplabor  te.  Et  iterum  per  prophetam  loquitur  Dominus  : 
Diluculo  vigilabunt  ad  me  dicentes  :  Eamus  et  revertamurad  Dominum 
Deumnostrum.  Recedeute  item  sole  ac  die  cessante,  necessario  rursus 
orandum  est.  >am  quia  Christus  sol  verus ,  et  dies  est  verus,  sole  ac 
die  seculi  recedente ,  quando  oramus  et  petimus  ut  super  nos  lux 
denuo  veniat,  Cbristi  precamur  adventum,  lucis  leternae  gratiam  prae- 
biturum.  (  S.  Cyprianus,  de  oratione  Dominica,  vers  la  fin.  ) 

?«OTE  C. 

Solis,  ut  dicitur ,  die ,  omnium  sive  urbes  sive  agros  incolentium  in 
euradem  locum  lit  conventus,  et  commentaria  Apostolorum ,  aut  scripta 
Propbetarum  leguntur,  quoad  licet  per  lempus.  Deinde  ubi  lector 
desiit ,  is  qui  praeest  admonilionem  verbis  et  adhortationem,  ad  res  tam 
prseclaras  imitandas  suscipit.  Postea  omnes  simul  consurgimus,  et 
preces  emittimus  :  atque ,  ut  jam  diximus,  ubi  desiimus  precari, 
panis  affertur  et  vinum  et  aqua  :  et  qui  prseest,  preces  et  gratiarum 
actiones  totis  viribus  emitiit,  et  populus  acclamât,  amen,  et  eorum, 
in  quibus  gratice  actae  sunt ,  distribulio  fit  et  communicatio  unicuique 
pricsentium,  et  absentibus  per  Diaconos  mittitur  :  qui  abundant  et 
volunt ,  suo  arbilrio ,  quod  quisque  vult ,  largiuntur,  et  quod  coUigitur 
apud  eum,  qui  prœest,  deponitur ,  ac  ipse  subveuit  pupilliset  viduis, 
et  iis  qui  vel  ob  morbum ,  vel  aliam  ob  causam  egent ,  tum  etiam  lis 
qui  in  vinculis  sunt  et  advenieutibus  peregre  bo^pitibus;  uno  verbo 
omnium  indigentium  curam  suscipit.  Die  autem  solis  omnes  simul  con- 
venimus ,  tum  quia  prima  bccc  est  dies ,  qua  Deus ,  cum  tenebras  et 
materiam  vertisset ,  mundum  creavit ,  tum  quia  Jesus-Cbristus  salvator 
noster  eadem  die  ex  morluis  resurrexit.  Pridie  enim  Saturni  eum  cru- 
cifixerunt,  et  postridie  ejusdem  diei,  id  est,  solis  die  apostolis  suis  et 
discipulis  visus  ea  docuit ,  quœ  vobis  quoque  consideranda  tradidimus. 
(  S.  Justinus.  Jpologia  I.  N"  67.  ) 

NOTE  D. 

Nos  autem  postquam  eum ,  qui  fidem  suam  et  assensum  doctrinae 
nostrae  testatus  est,  sic  abluimus,  ad  eos,  qui  dicuntur  fratres,  dedu- 
cimus ,  ubi  illi  congregati  sunt ,  communes  preces  et  pro  uobismetipsis, 
et  pro  eo  qui  illuminatus  est ,  et  pro  aliis  ubique  omnibus  inleuto  animo 
facturi,  ut  veritatis  cognitionem  adepti,  hac  etiam  gratia  dignemur , 
ut  rectam  operibus  vitam  ageutes  et  prxceptorum  custodes  invenia- 
mur ,  quo  salutem  seternam  assequamur.  Invicem  osculo  salutamus , 
ubi  desiimus  precari.  Deinde  ei ,  qui  fratribus  prœest ,  panis  affertur , 


LITURGIQUES.  85 

et  pocuUmi  aquce  et  vini  :  qiiibus  ille  acceptis,  laudem  et  gloriam  uni- 
versorum  Parcuti  pcr  nomen  Filii  et  Spivitus  Sancti  emiltit ,  et  Eucha- 
ristiam  ,  sive  graliarum  aclioncm,  pvo  liis  ab  illo  acceptis  donis  proli- 
lixe  exsoquUur.  Postquain  procès  et  Eucharisliain  absolvit ,  populus 
oinnis  acclamât ,  nmen.  Amen  autein  hebr;ea  liugiia  idem  valet  ac  fiai. 
Postquam  vero  is ,  qui  procest ,  preces  absolvit ,  et  populus  omnis  ac- 
clamavit ,  qui  apud  nos  dicuntur  diaconi  panem  et  vinum  et  aquam ,  in 
quibus  gratiio  actie  sunt,  unicuique  prx'senlium  participanda  distri- 
buunt,  et  ad  absentes  perferunt.  {Ibidem.  A""  65.) 

KOÏE  E. 

Sanctus  vero  Dei  martyr  (  Irenœus  )  cura  venisset  ad  pontem ,  qui 
vocatur  Basentis,  exspolians  se  vestioienta  sua ,  et  extendens  manus  in 
cœlum,  oravit  dicens  :  Domine  Jesu-Christe ,  qui  pro  mundi  sainte 
pati  dignatus  es,  pateant  cœli  tui,  ut  suscipiant  Angeli  spiritum  servi 
tui  Irenœi,  qui  propter  nomen  tuum  et  plebem  tuam  productam  de 
Ecclesiatua  catholica  Sirmiensium  hœc  patior.  Tepeto,  tuaraque  de- 
precor  misericordiam  ,  ut  et  me  suscipere ,  et  hos  in  lide  tua  confir- 
mare  dignerls.  Sic  itaque  percussus  gladio  a  ministris,  projectus  est 
in  fluvium  Savi.  (Jet.  S.  Irenœi,  Episc.  Sirmiensis.  Jpud  Ridnart.) 

Cumque  perducti  cssent  (Lucianus  etMarcianus)  ad  locum,  tan- 
quam  ex  uno  ore  gratias  Deo  agentes,  dixerunt  :  Tibi,  Domine  Jesu, 
insufficientes  laudes  dicimus,  qui  nos  miseros  et  indignos  de  errore 
genlilitatis  erutos,  ad  banc  summam  et  venerabilem  passionem  propter 
nomen  tuum  perducere  dignatus  es,  atque  omnium  sanctorum  tuorum 
particeps  efficere.  Tibi  laus,  tibi  gloria ,  tibi  etiam  animam  et  spiritum 
nostrum  commendamus.  Et  cum  complevissent  orationem,  statim  quaes- 
tionarii  subposuerunt  ignem.  (Jet.  SS.  Luciani  et  Marciani.  Ibidem.  ) 

Cumque  ad  locum  pervenissent ,  or  are  cœpit  martyr  (Theodotus)  in 
L-.ec  verba  :  Domine  Jesu-Christe,  cœli  terrœque  conditor,qui  non 
derelinquis  sperantes  in  te,  gi atlas  tibi  ago,  quia  fecisti  me  dignum 
cœlestis  tuœ  urbiscivem,  tuique  regni  consortem.  Gratias  tibi  ago, 
quia  donasli  mibi  draconem  vincere ,  et  caput  ejus  conterere.  Da  re- 
quiem servis  tuis,  atque  in  me  siste  violentiam  inimicorum.  Da  Eccle- 
sise  tuae  pacem ,  eruens  eam  a  tyrannide  diaboli.  Cumque  orationem 
liniens  adjunxisset,  Jmen,  conversus  vidit  fratres  flentes,  etc.  (Jet. 
S.  Theodoti  Jncyrani  et  septem  Plrginum.  Jpud  Ruinart.  ) 

Et  iis  dictis  expletis,  Afra  circumdata  sarmentis,  igné  supposito,  vox 
ejus  audiebatur  dicens  :  Gratias  tibi  ago  Domine  Jesu-Christe,  qui  me 
dignatus  es  hostiam  babere  pro  nomine  tuo ,  qui  pro  toto  mundo  solus 
hostia  oblatus  es  in  cruce ,  justus  pro  injuslis,  bonus  pro  raalis ,  bene- 


84  INSTITUTIONS 

dictus  pro  maledictis,  mundus  a  peccato  pro  peccatoribus  universis. 
Tibi  olTero  sacriûcium  meum ,  qui  cum  Paire  et  Spiritu  Sanclo  vivis  et 
régnas  Deus  ia  recula  saculorum ,  Ameu.  Et  hccc  dicens ,  emisit  spiri- 
tum.  (Jeta  S.  Jfrœ.  Jpud  Ruinart.  ) 

Posiiis  (Julitta)  genibus,  oravit,  dicens  :  Gratias  tibi  ago,  Domine, 
qui  priorem  me  lilium  meum  vocasli ,  et  ut  pnesenti  hac  vanaque  re- 
licta  vita,  œternœ  iili  cum  sanctis  juogeretur,  propter  sanctum  ac 
tremendum  nomen  tuum  dignanter  voluisli  ;  me  quoque  suscipe  ia- 
diguam  ancillam  tuam,  facque  ut  iugens  illud  bonum  nanciscar,  quo 
prudenlibus  virgiaibus,  quibus  iiidultum  ut  in  celestem  ac  incorrup- 
tum  tlialamum  iagrederentur,  accensear  :  ac  beuedicat  spiritus  meus 
Patrem  tuum  Deum  omnium  cuuservatorem ,  ac  universorum  opificem , 
Sanctumque  Spiritum  in  s;ecula.  Amen.  (  Jeta  SS.  Cyrici  et  Julittœ. 
Jpid  Buinart.  ) 

]XOTE  F. 

Fraenum  pullorum  indocilium, 

Penna  volucrum  non  errantium, 

Verus  clavus  infantium, 

Pastor  agaorum  regalium, 

Tuos  simplices 

Pueros  congrega, 

Ad  sancte  laudandum  , 

Syncere  caneudum 

Ore  innoxio 

Christum  puerorum  ducem. 

Rex  sauctorum , 
Verbum ,  qui  domas  omnia , 
Patris  altissimi , 
Sapientiœrector, 
Laborum  sustentaculum , 
^vo  gaudens, 
Humani  generis 
Servator  Jesu , 
Pastor ,  arator , 
Clavus ,  fraenum , 
Penna  cœlesiis 
Sanctissimi  gregis. 
Piscator  hominum , 
Qui  salvi  fiunt  : 
Pelagi  vitii 


LlTUnCIQUES.  8S 

Pisces  castos 

Unda  ex  infesta 

Duloi  vila  inoscans. 

Sis  dux ,  uviuin 

llalionaliuiii  paslor. 

Saucte ,  sis  dux , 

Rex  puerorum  intaclonini. 

Vesligia  Oliristi, 

Via  tœlestis , 

Verbuni  porenne , 

iEvuni  intinitum, 

Lux  îeterna , 

Fons  misericordiœ , 

Operatrix  virtutis, 

Hoaesta  vita 

Deum  laudantiuni,  Clirlste  Jesu, 

Luc  cœlesle 

Dnlcibus  uberibus 

INympkc  gratiarum , 

Sapientiîe  tua?  expressum. 

Infantuli 

Ore  tenero 

Enutrili, 

Mammœ  rationalis 

Roscido  spLrilu 

Impleti , 

Laudes  simplices , 

Hymaos  Teraces , 

Régi  Christo , 

Mercedes  sanctas 

Vitae  doctrime , 

Canamussimul, 

Canamus  siuipliciter 

Puerum  valeutem. 

Chorus  pacis , 

Ciirislo  geoiti, 

Populus  raodestus , 

Psallamus  simul  Deura  pacis. 

AOTE  G. 

Si  siatio  faclenda  est ,  maritus  de  die  condicat  ad  balnea,  si  jejunia 


86  INSTITUTIONS 

observanda  sunt ,  maritus  eadem  die  convivia  exerceat  :  si  procedeû- 
dum  erit,  nunquam  magis  familife  occupatio  obveniat.  Quis  autem 
sinat  coDJugem  suam  visitandorum  fratruni  gratia  ,  vicatim  aliéna  et 
quidem  pauperiora  qiueque  tuguria  circumire  V  Quis  nocluruis  con- 
vocalionibus,  si  itaoporlueric,  à  latere  suo  adimi  libenter  feret?  Quis 
denique -solemnibus  Paschœ  obnoctantem  securus  sustinebit  ?  Quis  ad 
convivium  illud  dominicum,  quod  infamant,  sine  sua  suspicione  di- 
mittet  ?  Quis  in  carcerem  ad  osculauda  vincula  martyris  reptare  palie- 

tur  ? Sed  aliquis  sustiuet  nostra ,  nec  obstrepit. 

Hoc  estigitur  deliclum  quod  genliles  nostra  noverunt Latebisne 

tu  cum  lectulum ,  cum  corpusculum  tuum  signas ,  cum  aliquid  immun- 
dum  flatu  explodis ,  cum  etiam  per  noctem  exurgis  oratum  ?  Et  non 
aiagiœ  aliquid  videberis  operari  ?  ]\on  sciet  maritus  quid  secreto  ante 
omnem  cibum  gustes?  Et  si  sciverit  panem,  non  illum  crédit  esse  qui 
dicitur  ?  (  Tertullianus  ad  Uxorem.  Lib.  II.  cap.  3.  4.  5.  6.  ) 

INOTE  H. 

Jam  prœdiserat  horam  venire ,  quando  veri  adoratores  adorarent 
Patrem  in  spiritu  et  veritate ,  et  implevit  quod  ante  promisit  ;  ut  qui 
spiritum,  et  veritatem  de  ejus  sauctiflcatione  percepimus,  de  traditione 
quoque  ejus  vere  et  spiritaliter  adoremus.  Quce  enim  polest  esse  magis 
spiritalis  oratio,  quam  quœ  vere  a  Christo  nobis  data  est,  a  quo  nobis 
et  Spiritus  Sanctus  missus  est  ?  Quœ  vera  magis  apud  Patrem  precatio , 
quam  quse  a  Filio  qui  est  veritas,  de  ejus  ore  prolata  est?  Ut  aliter 
orare  quam  docuit,  non  ignoranlia  sola  sit,  sed  et  culpa  :  quando  ipse 
posuerit  et  dixerit  :  Rejicitis  mandatum  Dei,  ut  traditionem  vestram 
statualis.  Oremus  itaque ,  fratres  dilectissimi ,  sicut  magister  Deus 
docuit.  Amica  et  familiaris  oratio  est  Deum  de  suo  rogare  ;  ad  aures 
ejus  ascendere  Christi  oratioaem.  (  S.  Cypriani  de  Orat.  Dominica ,  au 
commencement  du  livre.  ) 


LITURGIQUES.  87 


CHAPITRE  V. 

DE  LA  LITURGIE,   DANS  l'ÉGLISE  EN  GÉNÉRAL,  AU  QUATRIÈME 
SIÈCLE. 

L'Eglise  enfin  sort  pour  jamais  des  cryptes  qui,  trop  sou- 
vent, avaient  couvert  de  leurs  ombres  la  majesté  de  ses  mys- 
tères. Elle  étale  au  grand  jour  ces  rites  dont  la  pompe  et  la 
sainteté  achèveront  la  victoire  que  déjà  l'auguste  vérité  de 
ses  dogmes,  et  la  beauté  de  sa  morale,  lui  ont  assurée  sur  le 
paganisme.  Suivant  notre  usage ,  nous  recueillerons  dans  ce 
chapitre  les  faits  généraux ,  qui  donneront  l'ensemble  de 
l'époque  liturgique  que  nous  traitons. 

Or ,  le  caractère  de  cette  époque  est  le  triomphe  :  c*est 
maintenant  que  s'accomplit  la  parole  du  Sauveur  ;  Ce  qui  se 
disait  à  l'oreille,  prèchez-le  sur  les  toits  (1).  Ces  mystères  ca- 
chés ou  comprimés  dans  l'enceinte  des  temples  éclatent  au 
grand  jour.  La  pompe  et  la  richesse  du  culte ,  quelque  splen- 
dides  qu'elles  fussent  parles  largesses  des  patriciens  disciples 
du  Christ,  dépassent  toute  mesure  du  moment  que  les  em- 
pereurs ont  franchi  le  seuil  de  l'Eglise.  De  même  que  la  foi , 
l'espérance  des  biens  futurs ,  la  charité  fraternelle  avaient 
fait  jusqu'ici  le  lien  intime  des  Chrétiens  par  tout  l'empire, 
désormais  les  formes  liturgiques,  devenues  formes  sociales, 
proclament  leur  puissante  nationalité.  «  Que  si ,  s'écrie  Eu- 
»  sèbe ,  un  seul  temple  situé  dans  une  seule  ville  de  Palestine 
»  fut  un  objet  d'admiration ,  combien  plus  est  merveilleux 
»  le  nombre ,  la  grandeur,  la  magnificence  de  tant  d'Eglises 

(t)  Matth.  X.  27. 


88  INSTITUTIONS 

>  (le  Dieu  érigées  dans  tout  l'univers  (1)  ?  Les  prophéties , 
»  dit-il  ailleurs,  sont  véritablemeirt  acccomplies ,  aujour- 
»  d'hui  que  nous  voyons  des  hommes  décorés  en  celle  vie  de 
j  la  dignité  royale ,  confondus  dans  l'Eglise  de  Dieu  avec  les 
j>  pauvres  et  le  bas  peuple  ('2j .  i 

De  toutes  parts  ;  on  relevait  donc  les  Eglises  démolies  du- 
rant la  persécution  :  on  en  édifiait  de  nouvelles  par  toute 
rétendue  de  l'empire.  La  Dédicace  de  ces  temples  s'accom- 
plissait avec  une  splendeur  toujours  croissante;  les  Evéques 
s'y  réunissaient  en  grand  nombre ,  et  le  père  de  l'Histoire 
Ecclésiastique  nous  a  conservé  dans  des  récits  pleins  d'en- 
thousiasme la  mémoire  de  ces  augustes  cérémonies. 

La  première  Dédicace  d'Eglise  que  nous  rencontrons  tout 
d'abord  après  la  paix  de  Constantin ,  est  celle  de  la  Basilique 
de  Tyr,  inaugurée  vers  l'an  313.  Cette  ville,  qui  avait  pour 
Evêque  Paulin,  avait  vu  périr  son  Eglise  durant  la  persécu- 
tion de  Dioclétien,  et  les  payens  s'étaient  efforcés  d'en  défi- 
gurer jusqu'à  l'emplacement,  en  y  amassant  toutes  sortes 
d'immondices.  On  eût  pu  aisément  trouver  un  autre  lieu  pour 
construire  une  église ,  lors  de  la  paix  rendue  au  christia- 
nisme ;  mais  l'Evêque  Paulin  préféra  faire  nettoyer  le  premier 
emplacement  et  y  jeter  les  fondemens  de  ia  seconde  basili- 
que ,  afin  de  rendre  plus  sensible  encore  la  victoire  de  l'E- 
glise; et  la  gloire  de  ce  second  temple  fut  plus  grande  que 
celle  du  premier.  Eusèbe  fut  chargé  de  prononcer  l'homélie 

(1).  Quod  si  tempUim  illud  in  vina  Palestinae  urbe  admiraiione  dig- 
numerat;  quanto  magis  mirabilis  illa  frequenlia ,  magnitudo  et  pul- 
chriludo  Ecclesiarum  Del  in  omni  loco  excitatarum?  IVam  lotus  orbis 
plenus  Ecclesiis  e;t.  Euseb.  Comment,  in  Isaiam.  pag.  S60. 

(2)  Quod  si  videas  regios  viros  dignitateac  praestantia  inbacvita  or- 
nâtes, in  Ecclesia  Pei  cum  pauperibus  ex  infirma  plèbe  congregatos, 
ne  cuncteris  dicere  etiam  bac  ratione  impletam  esse  Scripturam.  Euseb, 
ibid.  pag.  402. 


LITURGIQUES,  80 

solennelle  de  la  Dédicace  au  milieu  d'un  peuple  immense  ac- 
couru pour  prendre  part  à  cette  fête. 

S'adross;uu  d'abord  aux  Evoques  présens  à  la  cérémonie, 
il  connnence  ainsi  :  «  0  amis  d(î  Dieu  et  Pontifes,  qui  portez 
»  la  sainte  tunique  et  la  couronne  céleste  de  gloire ,  qui  avez 
>  l'onclion  divine  et  la  robe  sacerdotale  du  Saint-Esprit  (1).  » 
Fleury  lui-même  a  reconnu  ici  désignés  clairement  le  cos- 
tume pontifical  et  le  diadème  sacré  dont  les  Evoques  usaient 
déjà,  au  moins  dans  la  célébration  des  mystères  ;  et  comme 
nous  ne  voyons  à  cette  époque  aucun  règlement  ecclésias- 
tique pour  fixer  ces  usages ,  nous  devons  en  faire  remonter 
l'institution  à  l'époque  qui  avait  précédé,  et  durant  laquelle 
nous  en  avons  déjà  rencontré  plusieurs  vestiges  signifi- 
catifs. 

Il  célèbre  ensuite  le  triomphe  que  Dieu  vient  de  donner  à 
son  peuple  sur  ses  ennemis ,  et  la  force  victorieuse  qu'il  a 
mise  en  son  Christ ,  qui  seul ,  par  la  puissance  de  son  bras  , 
a  opéré  un  si  merveilleux  changement.  Après  quoi ,  il  s'étend 
sur  l'éloge  de  l'Evêque  Paulin  qu'il  compare  tantôt  à  Bese- 
léel,  l'architecte  du  tabernacle  mosaïque,  tantôt  à  Zoroba- 
bel ,  le  réparateur  du  temple.  Mais  ce  qui  nous  intéresse 
davantage ,  c'est  la  description  que  fait  Eusèbe  de  l'ensemble 
et  des  parties  de  la  basilique  avec  le  détail  des  mystères  signi- 
fiés dans  sa  construction.  Ce  passage  est  important  en  ce  qu'il 
nous  révèle  la  forme  des  Eglises  chrétiennes  primitives ,  sui- 
vant notre  remarque  au  chapitre  précédent;  mais  jusqu'ici 
nous  ne  voyons  pas  qu'il  ait  été  cité ,  ou  même  connu  de 
quelqu'un  de  ces  innombrables  parleurs  d'architecture  reli- 

(1)  Amici  et  sacerdotes  Dei,  qui  sacra  tunica  talari  induti,  et  cae- 
lesti  gloriae  corona  decorati ,  divinaque  uuctione  delibuti ,  et  sacer- 
dotali  Sancti  Spiritus  veste  amicti  estis.  JEuseb.  But.  Ecdes.  Lib,  X' 
cap.  IF, 


90  INSTITUTIONS 

gieuse  dont  le  pays  regorge  depuis  quelques  années ,  et  qui 
nous  étalent ,  avec  une  si  grotesque  suffisance ,  tout  le  luxe 
d'un  savoir  improvisé. 

c  Paulin,  dans  la  réédification  de  son  Eglise  ,  dit  l'élo- 
»  quent  panégyriste ,  non  content  d'accroître  l'emplacement 

>  primitif,  en  a  fortifié  l'enceinte  comme  d'un  rempart  au 
»  moyen  d'un  muc,de  clôture.  Il  a  élevé  son  vaste  et  sublime 
»  portique  vers  les  rayons  du  soleil  levant;  voulant  par  là 
»  donner  à  ceux-mêmes  qui  n'aperçoivent  l'édifice  que  de 
»  loin ,  une  idée  des  beautés  qu'il  renferme ,  et  inviter  par  cet 
»  imposant  spectacle  ceux  qui  ne  partagent  pas  notre  foi  à 
»  visiter  l'enceinte  sacrée.  Toutefois,  lorsque  vous  avezfran- 
»  clîi  le  seuil  du  portique  ,  il  ne  vous  est  pas  licite  encore 
»  d'avancer,  avec  des  pieds  impurs  et  souillés  :  entre  le 
»  temple  lui-même  et  le  vestibule  qui  vous  reçoit ,  un  grand 
»  espace  en  carré  s'étend ,  orné  d'un  péristyle  que  forment 
»  quatre  galeries  soutenues  de  colonnes.  Les  entre-colon- 

>  nemens  sont  garnis  d'un  treillis  en  bois  qui  s'élève  à 
»  une  hauteur  modérée  et  convenable.  Le  milieu  de  cette 
î  cour  d'entrée  est  resté  à  découvert ,  afin  qu'on  y  puisse 
»  jouir  de  la  vue  du  ciel  et  de  l'éclatante  lumière  qu'y  ver- 
ï  sent  les  rayons  du  soleil.  C'est  là  que  Paulin  a  placé  les 
»  symboles  de  l'expiation ,  savoir  les  fontaines  qui ,  situées 
»  tout  en  face  de  l'Eglise  ,  fournissent  une  eau  pure  et  abon- 
ï  dante,  pour  l'ablution,  aux  fidèles  qui  se  préparent  à  entrer 

>  dans  le  sanctuaire.  Telle  est  la  première  enceinte ,  propre 
»  à  donner  tout  d'abord  une  idée  de  la  beauté  et  de  la  régu- 

.  »  larité  de  l'édifice ,  et  offrant  en  même  temps  une  place  con- 

>  venable  à  ceux  qui  ont  besoin  de  la  première  instruction. 
»  Au-delà ,  plusieurs  vestibules  intérieurs  préparent  l'accès 
»  au  temple  lui-même ,  sur  la  façade  duquel  trois  portes 
»  s'ouvrent  tournées  à  l'orient.  Celle  du  milieu ,  plus  consi- 


LITURGIQUES.  91 

j  (lérable  que  les  deux  autres ,  on  hauteur  et  en  largeur,  est 
»  munie  de  baHanls  d'airain  avec  des  liaisons  en  fer  et  ornée 
»  de  riches  sculptures  :  les  deux  autres  semblent  deux  nobles 
»  compagnes  données  à  une  reine.  Au-delà  des  portes,  s'é- 
»  tend  l'Eglise  elle-même,  présentant  deux  galeries  latérales 
»  au-dessus  desquelles  ouvrent  diverses  fenêtres  ornées  de 
»  sculptures  en  bois  du  travail  le  plus  délicat,  et  par  lesquelles 
»  une  abondante  lumière  tombe  d'en-haut  sur  tout  l'édifice. 
»  Quant  à  la  décoration  de  cette  demeure  royale,  Paulin  a  su 
ï  y  répandre  une  richesse,  une  opulence  véritablement  colos- 
»  sales.  Je  ne  m'arrêterai  donc  point  à  décrire  la  longueur  et 
D  la  largeur  de  l'édifice ,  son  éclat  splendide ,  son  étendue  pro- 
»  digieuse,  la  beauté  rayonnante  des  chefs-d'œuvre  qu'il  ren- 
»  ferme,  son  faîte  arrivant  jusqu'au  ciel  et  formé  d'une  pré- 
î  cieusc  charpente  de  ces  cèdres  du  Liban  dont  les  divins 
»  oracles  ont  célébré  la  louange  quand  ils  ont  dit  :  Les  bois  du 
»  Seigneur^  les  cèdres  du  Liban  seront  dans  la  joie.  Parlerai-je 
ï  de  l'habile  et  ingénieuse  disposition  de  l'ouvrage  entier ,  de 
»  l'excellente  harmonie  de  toutes  les  parties  ,  lorsque  déjà 
5)  ce  que  l'œil  en  contemple  dépasse  ce  que  l'oreille  en  pour- 
»  rait  ouïr.  Après  avoir  établi  l'ensemble  de  l'édifice ,  et 
»  dressé  des  trônes  élevés  pour  ceux  qui  président,  en  même 
»  temps  que  des  sièges  de  toutes  parts  pour  les  fidèles,  Pau- 
»  lin  a  construit  le  Saint  des  Saints ,  l'autel ,  au  milieu  ;  et 
»  pour  rendre  inaccessible  ce  lieu  sacré ,  il  en  a  défendu  l'ap- 
»  proche,  en  plaçant  à  distance  un  nouveau  treillis  en  bois, 
»  mais  si  merveilleux  dans  l'art  qui  a  présidé  à  son  exécution, 
»  qu'à  lui  seul  il  offre  un  spectacle  digne  d'admiration  à  tous 
»  ceux  qui  le  considèrent.  Le  pavé  même  de  l'Eglise  n'a  point 
»  été  négligé  :  le  marbre  y  décrit  de  riches  compartiments. 
»  Sur  les  nefs  latérales  de  la  Basilique  ouvrent  de  très-amples 
»  salles  que  Paulin ,  nouveau  Salomon  vraiment  Pacifique , 


92  INSTITUTIONS 

»  a  fait  construire  pour  l'usage  de  ceux  qui  doivent  recevoir 
»  l'expiation  et  la  purgation  par  l'eau  et  le  Saint-Esprit.  » 

Après  ces  détails  de  description  dont  nous  n'offrons  ici 
qu'une  traduction  libre  et  abrégée ,  l'Evêque  de  Césarée  se 
livre  de  nouveau  aux  transports  de  l'enthousiasme  que  lui 
inspire  la  délivrance  de  l'Eglise ,  figurée  dans  la  splendeur  du 
glorieux  édifice  élevé  par  la  main  de  Paulin  ;  mais  bientôt  il 
rentre  dans  son  sujet ,  et  expose  ainsi  quelques-uns  des  mys- 
tères exprimés  dans  les  formes  de  la  construction  du  temple 
qu'il  vient  de  décrire. 

<  Sans  doute  cet  œu^Te  est  merveilleux  et  au-dessus  de 

>  toute  admiration ,  si  on  en  considère  l'apparence  exté- 
»  rieure  ;  mais  bien  autrement  merveilleux  est-il ,  si  l'on  s'é- 
»  lèvejusqu'à  son  type  spirituel,  savoir  l'édifice  divin  et  rai- 
»  sonnable  bâti  par  le  Fils  de  Dieu  dans  notre  âme ,  qu'il  a 
j  choisie  pour  épouse  et  dont  il  a  fait  un  temple  à  lui  et  à 
»  son  Père.  C'est  ce  Verbe  divin  qui  a  purgé  vos  âmes  de 
»  leurs  souillures ,  et  qui  les  a  confiées  ensuite  au  Pontife 

>  très-sage  et  aimé  de  Dieu  qui  vous  régit.  C'est  ce  Pontife 
»  lui-même ,  tout  entier  au  soin  des  âmes  dont  il  a  reçu  la 
»  garde,  qui  ne  cesse  d'édifier  jusqu'à  ce  jour,  plaçant  en 
»  chacun  de  vous  l'or  le  plus  brillant,  l'argent  le  plus  éprouvé, 
»  les  pierres  les  plus  précieuses ,  en  sorte  qu'il  accomplit 
»  par  ses  œuvres  sur  vous  ,  la  mystérieuse  prédiction  qui 
»  porte  ces  paroles  :  Voici  que  j'ai  préparé  Vescarboucle 
»  pour  tes  murs .  le  saphir  pour  tes  fondemens ,  le  jaspe 
»  pour  tes  remparts ,  le  crystal  pour  tes  portes ,  les  pierres 
t  les  plus  recherchées  pour  ton  enceinte  extérieure  :  tous  tes 

>  en  fans  sont  instruits  par  Dieu  même ,  tes  fils  sont  dans  la 

>  paix ,  toi-même  es  bâtie  dans  la  justice.  Donc ,  Paulin  édi- 

>  fiant  dans  la  justice ,  a  disposé  dans  un  ordre  harmonieux 
»  les  diverses  portions  de  son  peuple ,  enserrant  le  tout  d'une 


LITURGIQUES.  93 

Il  vaslo  nmraillo  extérieure  qui  est  lu  ferme  foi.  11  a  dis- 
»  Irilmé  eelle  nuillilude  infinie  dans  une  proportion  digne  de 
»  la  plus  imposante  structure.  Aux  uns ,  il  a  confié  le  soin  des 
»  portes  et  la  charge  d'introduire  ceux  qui  veulent  entrer;  ils 
B  forment  ainsi  conmit!  un  vestibule  animé.  D'autres  se  lien- 
»  nont  près  des  colonnes  qui  supportent  la  galerie  quadran- 
»  gulaire  de  la  cour  intérieure,  parce  qu'ils  épellent  encore  le 
V  sens  littéral  des  (jualre  Evangiles.  D'autres ,  qui  sont  les 
»  catéchumènes ,  ont  leur  place  sous  les  galeries  latérales  du 
ï  royal  édifice ,  pour  signifier  qu'ils  sont  moins  éloignés  de 
ï  la  connaissance  de  ces  mystères  secrets  qui  font  la  nour- 
»  riture  des  fidèles.  Quant  à  ceux-ci ,  dont  les  âmes  sont 
»  immaculées  et  purifiées  comme  l'or ,  dans  le  divin  lavoir , 
»  ils  se  tiennent  soit  auprès  des  colonnes  de  la  nef  principale 
»  qui ,  s'élevant  à  une  hauteur  supérieure  à  celles  du  por- 
"  tique,  figurent  les  sens  mystérieux  et  intimes  des  Ecritures  ; 
»  soit  auprès  des  fenêtres  qui  répandent  la  lumière  dans  l'é- 
3>  difîce.  Le  temple  lui-même  est  décoré  d'un  simple  et  impo- 
?  sant  vestibule ,  pour  marquer  la  majesté  adorable  du  Dieu 
»  unique  ;  les  deux  galeries  latérales  qui  accompagnent  l'édi- 
»  fice ,  expriment  le  Christ  et  le  Saint-Esprit ,  double  émana- 
»  tion  de  lumière  :  enfin ,  toute  la  doctrine  de  notre  foi  rayonne 
I  dans  la  Basilique  avec  un  éclat  éblouissant.  Les  trônes ,  les 
»  sièges ,  les  bancs  placés  dans  ce  temple  sont  les  âmes  dans 
»  lesquelles  résident  les  dons  qu'on  vit  un  jour  s'arrêter  sur 
»  les  apôtres,  en  forme  de  langues  de  feu.  D'abord  le  Pontife 
»  qui  préside  est  pour  ainsi  dire  rempli  du  Christ  :  ceux  qui 
»  siègent  après  lui  (les  Prêtres),  font  éclater  dans  leurs  per- 
»  sonnes  les  dons  du  divin  Esprit.  Les  bancs  rappellent  les 
»  âmes  des  fidèles  sur  lesquelles  se  reposent  les  anges  confiés 
»  à  la  garde  des  élus.  Enfin ,  l'autel  lui-même  unique ,  vaste , 
»  auguste  ,   qu'est-il ,  sinon   l'âme  très-pure  du  pasteur 


94  INSTITUTIONS 

»  universel,  del'Evêque,  véritable  Saint  des  Saints,  dans 
»  lequel  réside  le  Pontife  suprême  ,  Jésus  Fils  unique  de 
»  Dieu  (1)  ?  » 

Nous  avons  enregistré  ces  paroles  d'Eusèbe  comme  le 
point  de  départ  des  traditions  écrites  sur  la  construction  des 
Basiliques ,  portion  si  importante  de  la  science  liturgique. 
Toutes  les  églises  bâties  au  quatrième  siècle ,  tant  en  Orient 
qu'en  Occident ,  nous  apparaissent  sous  la  forme  si  éloquem- 
ment  décrite  ci-dessus  :  ce  qui  prouve  jusqu'à  l'évidence 
que  le  type ,  pour  être  ainsi  universel ,  était  antérieur  à  la 
paix  de  Constantin  (2) .  Les  mystères  cachés  sous  les  détails  de 
la  construction,  et  si  magnifiquement  racontés  par  l'Evêque 
de  Césarée,  étaient  connus  du  peuple  fidèle,  à  qui  le  langage 
des  symboles  était  familier  dans  une  religion  qui  sanctifiait 
toutes  les  parties  de  la  création.  Nous  verrons  cette  symbo- 
lique s'enrichir  encore  dans  l'Eglise  d'Occident,  jusqu'à  l'é- 
poque où  l'esprit  positif  de  la  réforme ,  réagissant  même  sur 
les  peuples  catholiques ,  en  vint  à  dicter  des  plans  d'église 
muets  et  déshérités  de  tous  les  souvenirs  de  la  tradition. 
Quant  aux  rites  au  moyen  desquels  les  temples  étaient  con- 
sacrés, au  quatrième  siècle,  dans  l'Eglise  d'Orient,  nous 
sommes  réduits  à  de  pures  conjectures,  du  moment  que  nous 
voudrions  les  reproduire.  Il  est  hors  de  doute  que  le  chant 
des  psaumes  et  des  hymnes  y  occupait  une  grande  place  ; 
que  des  oraisons  de  consécration ,  dans  le  style  du  reste  de 
la  Liturgie,  devaient  résumer  la  prière  des  Pontifes  et  lui 
donner  une  plus  grande  force  de  sanctification  ;  que ,  dans 

(1)  Vid.  la  note  A. 

(2)  >"ous  rapprocherons  des  paroles  d'Eusèbe  ce  passage  des  Consti- 
tutions Apostoliques  :  Primo  quidem  œdes  sit  oblonga ,  ad  orientem 
versa,  ex  utraque  parte  pastophoria  versus  orientem  habens,  et  qtiœ 
navi  sit  similis.  Constitut.  Apostol.  Lib.  II.  cap.  57.  Cotelier.  pag.  261. 


LITURGIQUES.  95 

ces  occasions,  les  Evêqiies  paraissaient  avec  de  riches  habits 
pontilicaiix;  ([u'cnlin  une  Dédicace  était  comme  aujourd'hui 
un  sublime  spectacle  de  Religion,  destiné  à  graver,  dans 
l'esprit  et  le  cœur  des  peuples,  un  profond  sentiment  de  la 
sainteté  et  de  lu  majesté  de  cette  demeure  que  le  Seigneur 
daigne  se  choisir  au  milieu  des  hommes. 

Dans  l'Occident ,  les  traditions  de  l'Eglise  Romaine  nous 
apprennent  que  le  Pape  saint  Silvestre  institua  et  régla  en 
détail ,  dès  le  quatrième  siècle ,  les  rites  que  nous  pratiquons 
aujourd'hui  dans  la  Dédicace  des  Eglises  et  des  autels  (1). 
Ce  Pontife  eut  les  plus  magnifiques  occasions  de  les  prati- 
quer dans  l'inauguration  des  Basiliques  fondées  à  Rome  par 
la  munificence  de  Constantin.  Cet  empereur  bâtit,  en  son 
palais  de  Latran ,  une  église  qu'il  dédia  sous  le  titre  du  Sau- 
veur, et  qui  maintenant,  connue  sous  le  nom  de  Saint-Jean- 
de-Latran ,  est  devenue  le  siège  du  Pontife  Romain ,  la  Mère 
et  la  Maîtresse  de  toutes  les  églises  de  Rome  et  du  monde 
entier,  ainsi  que  le  porte  l'inscription  qu'on  lit  sur  sa  façade 
principale.  Outre  cette  Eglise ,  Constantin  éleva  celle  de 
Saint-Pierre ,  sur  le  corps  même  de  cet  apôtre ,  au  Champ- 
Vatican  ;  celle  de  Saint-Paul ,  sur  le  corps  de  l'apôtre  des 
Gentils,  sur  le  chemin  d'Ostie  ;  celle  de  Saint-Laurent,  extra 
muros,  sur  la  voie  Tiburtine;  celle  de  Sainte-Croix-en-Jéru- 
salem,  in  agro  Sessoriano;  celle  de  Sainte  -  Agnès  ^  sur  la 
voie  Nomentane;  celle  des  Saints  Marcellin  et  Pierre,  sur 
la  voie  Lavicane;  et  plusieurs  autres  encore  dans  Rome  et 
dans  les  environs  de  cette  capitale. 

Non  content  de  réédifier  les  sanctuaires  de  l'ancienne 
Rome  avec  une  magnificence  vraiment  impériale ,  le  pieux 

(1)  Ritusquos  in  consecrandis  Ecclesiis  et  altaribus  Romana  servat 
Ecclesia ,  Beatus  Silvester  Papa  primus  instiluit.  Brev,  Rom,  XI,  No- 
vemb. 


96  INSTITUTIONS 

empereur  voulut,  autant  qu'il  était  en  lui ,  sanctifier  la  nou- 
velle qu'il  bâtissait  sur  l'ancienne  Byzance.  11  y  construisit  de 
magnifiques  Basiliques ,  entre  autres  celle  qu'il  dédia  àl  a  Sa- 
gesse Eternelle,  sous  le  nom  de  Sainte -Sophie;  celle  de 
Sainte  Irène ,  qui  fut  sous  son  règne  la  grande  Eglise  ;  celle 
des  Douze  Apôtres ,  qu'il  destina  pour  sa  sépulture ,  et  un 
grand  nombre  d'autres  dans  la  ville  et  aux  environs ,  prin- 
cipalement sur  les  tombeaux  des  martyrs.  Son  zèle  pour  les 
solennelles  manifestations  de  la  foi ,  parut  aussi  dans  le  soin 
qu'il  prit  de  placer  la  figure  de  la  Croix  dans  les  lieux  pu- 
blics de  la  nouvelle  capitale.  Il  aima  aussi  à  faire  représenter 
sur  les  fontaines,  au  milieu  des  places ,  deux  sujets  princi- 
palement chers  aux  Chrétiens  de  l'âge  primitif,  le  bon  Pas- 
teur et  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions  (1). 

Mais  un  sujet  qui  émut  particulièrement  en  ce  siècle  les 
Chrétiens,  et  qui  fournit  l'occasion  aux  actes  les  plus  pompeux 
de  la  Liturgie,  fut  la  restauration  foite,  par  sainte  Hélène,  des 
lieux  sacrés  de  la  Palestine  qui  avaient  été  les  témoins  de  la 
vie,  des  prodiges  et  des  souffrances  de  l'Homme-Dieu.  Se- 
condant avec  zèle  les  pieuses  intentions  de  sa  mère  ,  Cons- 
tantin mit  les  trésors  de  l'empire  à  la  disposition  de  saint 
Macaire,  évêque  de  Jérusalem,  afin  que  l'Eglise  qui  devait 
être  bâtie  sur  le  Saint-Sépulchre  surpassât  en  magnificence 
tous  les  édifices  que  pouvaient  renfermer  toutes  les  villes  du 
monde  (2).  Eusèbe  nous  a  pareillement  conservé  la  descrip- 
tion de  cette  Basilique ,  qui  fut  construite  en  six  ans  :  nous 
plaçons  ce  précieux  morceau  dans  les  notes ,  à  la  fin  du  pré- 
sent chapitre  (5).  Après  avoir  étalé  toutes  les  splendeurs 

(1)  Eusebe.  Vita  Constaniiai,  passim. 

(2)  Voyez  la  lettre  de  Constantin  k  saint  Macaire,  dans  Eusèbe,  Hta 
Constant.  Lib.  III,  cap.  JXY.  XXXI.  XYX//. 

(3)  Vid.  la  note  B. 


LITURGIQUES.  97 

qui  brillaioni  clans  la  construction  do  l'Eglise  du  Saint  Sé- 
pulchre,  l'historien  termine  ainsi  :  «  11  nous  serait  impos- 
»sible  do  raeonlor  la  somptuosité,  la  délicatosso,  la  grand(;ur, 
»  lo  nombre  ,  la  variété  des  oi-nomcnts  ot  autres  objets  d'of- 
»  fraude  ,  étincelants  d'or ,  d'ai'gent  et  de  pierreries ,  que  la 
»  magnificence  impériale  accumula  dans  le  temple  de  la  Ré- 
»  surreclion  (l).  » 

Mais  si  nous  avons  à  déplorer  lo  silence  d'Eusèbe  sur  une 
matière  aussi  importante  pour  la  Liturgie  que  les  vases  sa- 
crés et  autres  dons  qui  entouraient  l'autol,  dans  la  Basilique 
du  Saint  Sépulchre ,  la  Providence  a  permis  du  moins  que 
l'inventaire  de  plusieurs  églises  de  Rome  ,  au  même  siècle, 
parvînt  jusqu'à  nous,  pour  nous  dédommager  en  quelque 
sorte  de  ce  que  la  négligence  des  historiens  nous  a  fait 
perdre.  L'importante  Chronique ,  connue  sous  le  nom  de  Li- 
ber Pontipcalis ,  dont  nous  avons  entrepris  la  publication 
dans  nos  Origines  de  l'Eglise  Romaine,  renferme,  à  l'article 
de  saint  Silvestre ,  la  liste  des  objets  offerts  à  plusieurs  Eglises 
de  Rome,  tant  par  ce  saint  Pontife  que  par  Constantin  lui- 
même.  On  peut,  d'après  ces  détails,  se  faire  une  idée  du 
service  divin ,  tel  qu'il  était  exercé  dans  des  Basiliqties  si  ri- 
chement pourvues  de  toutes  les  nécessités  du  culte.  Nous 
nous  contenterons  de  donner  ici  quelques  traits,  renvoyant 
aux  notes  qui  suivent  ce  chapitre  le  texte  même  de  la  Chro- 
nique. 

«  Constantin  Auguste,  dit  la  Chronique  Pontificale,  édifia 
»  la  Basilique  Constantinienne  (de  Latran),  dans  laquelle  il 
»  mit  beaucoup  de  vases  d'or  et  d'argent ,  de  pierres  pré- 
»  cieuses  et  d'objets  d'ornement.  Il  revêtit  l'abside  d'or  pur, 
î  et  en  garnit  la  partie  supérieure  d'argent  battu  ;  il  y  plaça 

(1)  Eusebe.  Yitâ  Constant.  Lib.  III.  cap.  XL. 

T   I.  7 


98  INSTITUTIONS 

«l'image  du  Sauveur,  assis  sur  un  siège,  haute  de  cinq 

>  pieds ,  et  pesant  cent  vingt  livres  ;  et  aussi  les  douze  apô- 

»  très,  pesant  chacun  quatre-vingt-dix  livres,  avec  descou- 

»  ronnes  :  le  tout  d'argent  très  pur.  En  face  de  l'abside ,  une 

»  autre  image  du  Sauveur  assis  sur  un  trône  ,  haute  de  cinq 

»  pieds,  d'argent  très  pur,  et  pesant  cent  soixante  livres  : 

»  quatre  anges  d'argent,  pesant  cent  cinq  livres,  ayant  des 

»  escarboucles  aux  yeux ,  et  tenant  des  lances  terminées  en 

»  croix  :  le  phare  ou  lampadaire  suspendu  dans  la  tribune  de 

»  l'abside  avec  cinquante  dauphins  d'or  très  pur,  le  tout  pe- 

»sant,  avec  la  chaîne,  vingt-cinq  livres  :  quatre  couronnes 

»  d'or  très  pur,  avec  vingt  autres  dauphins  servant  de  lampes, 

»  le  tout  pesant  quinze  livres  :  cinq  cents  livres  d'or  laminé 

»  appliquées  à  la  voûte  de  la  Basilique  dans  sa  longueur  et 

»  dans  sa  largeur  :  sept  autels  d'argent  très  pur,  pesant  cha- 

»  cun  deux  cents  livres  ;  sept  patènes  d'or  ,  pesant  cha- 

»  cune  trente  livres  :  quinze  patènes  d'argent,  pesant  cha- 

»  cune  pareillement  trente  livres  :  sept  coupes  de  communion 

»  en  or,  pesant  chacune  dix  livres  :  une  coupe  particulière 

>  en  métal ,  couleur  de  corail,  garnie  de  foules  parts  d'éme- 
»  raudes ,  et  d'hyacinthes  enchâssées  dans  de  l'or,  du  poids 
»  de  vingt  livres,  trois  onces  :  vingt  coupes  d'argent ,  pesant 

>  chacune  quinze  livres  :  deux  ampoules  en  or  très  pur,  pe- 

>  sant  chacune  cinquante  livres,  et  pouvant  contenir  chacune 
I  un  médimne  :  vingt  ampoules  en  argent ,  de  même  mesure 
»  et  pesant  dix  livres  :  quarante  calices  moindres ,  d'or  très 

>  pur,  et  pesant  chacun  une  livre:  cinquante  calices  moindres, 
»  destinés  au  ministère ,  en  argent ,  et  pesant  chacun  deux 

>  livres. 

>  Dans  la  Basilique  même ,  hors  de  l'abside ,  devant  l'autel , 
»  un  autre  phare  d'or  très  pur,  dans  lequel  brûle  une  huile 
»  de  nard  sans  mélange  ,  avec  l'accompagnement  de  quatre- 


LITURGIQUES.  99 

»  vingts  dauphins ,  le  tout  du  poids  de  trente  livres  :  un  phare 
»  en  argent ,  avec  cent  vingt  dauphins ,  du  poids  de  cin- 
»  quante  livres  :  quarante -cinq  autres  phares  en  argent 
»  dans  la  grande  net"  de  la  Basilique  ;  quarante  dans  la  nef 
»  latérale  de  droite ,  et  trente  dans  celle  de  gauche  :  cin- 
»  quante  candélabres  en  argent,  pesant  chacun  vingt  livres, 
>  placés  dans  la  grande  nef  :  trois  grands  vases  d'argent  très 
»  pur,  pesant  chacun  trois  cents  livres,  et  contenant  chacun 
»  dix  médimnes  :  sept  candélabres  d'airain  ,  pesant  chacun 
»  trois  cents  livres,  destinés  à  être  placés  devant  les  autels, 
»  hauts  de  dix  pieds ,  ornés  de  médaillons  d'argent  représen- 
»  tant  les  prophètes,  etc.  (1).  » 

Ce  court  fragment  donnera  une  idée  de  la  richesse  des 
Eglises  bâties  et  ornées  par  les  empereurs  :  le  suivant  nous 
donne  la  mesure  de  la  munificence  d'un  Pape  du  quatrième 
siècle  ,  envers  une  simple  Eglise  fondée  par  lui  dans  Rome. 
«Silvestre  bâtit,  dans  la  ville,  une  église  sur  le  terrain  d'un 
»  certain  prêtre  nommé  Equitius.  Ce  Titre  ,  situé  près  des 
»  Thermes  de  Domitien,  est  appelé  encore  aujourd'ui  TUulus 
î  Equitii  (2).  Le  Pape  y  offrit  les  dons  suivans  :  une  patène 
j>  d'argent ,  pesant  vingt  livres ,  qu'il  avait  reçue  à  cet  effet 
»  de  Constantin  Auguste  :  deux  coupes  de  communion  en  ar- 
»  gent ,  pesant  chacune  dix  livres  :  un  calice  d'or  du  poids 
»  de  deux  livres  :  cinq  calices  pour  le  ministère  ,  pesant  cha- 
»  cun  deux  livres  :  deux  ampoules  d'argent,  pesant  chacune 
î  dix  livres  :  une  patène  d'argent ,  pour  le  chrême ,  incrustée 
j>  d'or  et  pesant  cinq  livres  :  dix  lampes  ornées  de  couronnes, 
»  pesant  chacune  huit  livres  :  vingt  lampes  d'airain ,  pesant 

(1)  Vid.  la  note  C. 

(2)  Ou  nomme  maintenant  cette  église  Saint-Silvestre  et  Saint-Mar- 
tin ,  ai'Monti. 


100  INSTITUTIONS 

»  chacune  dix  livres  :  douze  chandeliers  d'airain ,  pour  les 
j  cierges,  pesant  chacun  trente  livres,  etc.  (i).  » 

Nous  avons  établi  ailleurs  l'autorité  de  la  Chronique  qui 
nous  fournit  ces  détails,  et  fait  voir  qu'elle  a  été  rédigée 
successivement  par  plusieurs  Bibliothécaires  du  Siège  Apos- 
tolique ,  sur  les  mémoires  les  plus  anciens  et  les  plus  au- 
thentiques. 

Ces  Basiliques  si  vastes,  si  somptueuses,  retentissaient, 
le  jour  et  la  nuit ,  des  chants  du  clergé  et  du  peuple  ;  mais 
la  majesté  des  rites  allait  croissant,  le  chant  devenait  plus 
mélodieux  ;  les  formules  saintes  revêtaient  de  jour  en  jour 
plus  de  grandeur  et  d'éloquence.  Nous  parlerons  plus  loin 
des  diverses  Liturgies  tant  de  l'Orient  que  de  l'Occident  :  leur 
origine  première  se  confond  avec  l'origine  même  des  Eglises 
qui  les  pratiquaient;  mais  elles  recevaient  de  nouveaux  déve- 
loppements à  cette  époque  de  paix.  De  grands  Evêques ,  illus- 
tres soit  par  la  splendeur  de  leur  siège ,  soit  par  leur  doctrine 
universelle,  consacraient  leurs  soins  au  perfectionnement  des 
rites  et  des  prières,  et  fécondaient,  par  de  nouvelles  inspi- 
rations ,  les  saintes  traditions  de  l'antiquité.  Mais ,  comme 
dans  les  plans  de  la  Pro^^dence ,  tout  sert  à  l'accomplisse- 
ment des  desseins  de  Dieu  sur  son  Eglise,  il  arriva  que  l'hé- 
résie Arienne,  si  désastreuse  dans  ses  ravages,  fut  l'occa- 
sion de  nouveaux  développemens  des  formes  liturgiques. 
De  même  que  l'hérésie,  dans  tous  les  temps,  cherchera  à 
empoisonner  les  sources  de  la  Liturgie ,  de  même  aussi  l'E- 
glise cathohque  a  su ,  à  chaque  époque ,  tourner  contre 
sa  mortelle  ennemie  cette  arme  toujours  victorieuse.  Nous 
noterons  donc  ici  deux  grands  faits,  l'un  appartenant  à  l'E- 
gUse  d'Orient ,  et  l'autre  à  l'EgUse  d'Occident ,  et  attestant 

(1)  Vid.  la  note  D. 


LITURGIQUES.  lOl 

l'un  et  l'autre  le  génie  tout-puissant  du  sacerdoce  chrétien  , 
loi'squ'il  faut  a{j;ir  sur  les  masses  et  réveiller  l'énergie  du 
peuple  fidèle. 

On  di)it  savoir  que  durant  les  six  premiers  siècles  du  chris- 
tianisme et  au-dolà ,  la  vie  des  Chrétiens  de  tout  âge ,  de  tout 
sexe,  de  toute  condition,   était  profondément  empreinte 
des  habitudes  religieuses.  La  prière,  la  psalmodie,  l'étude 
des  divines  Ecritures  en  faisait  pour  ainsi  dire  le  fond  :  l'E- 
glise avait  remplacé,   dans  les  mœurs  du  grand  nombre, 
le  théâtre  et  le  loriim.  (^ette  activité  religieuse  explique  l'in- 
térêt si  violent  que  prit  constamment  le  peuple  aux  que- 
relles théologiques  qui  signalèrent  cette  période  de  l'Eglise 
chrétienne.  L'assiduité  aux  oQîces  divins,  le  jour  et  la  nuit, 
était  donc  le  fait  principal  dans  la  vie  des  Chrétiens  de  ces 
siècles  qu'on  pourrait  appeler  théologiques  :  les  témoignages 
de  toute  l'antiquité  nous  l'attestent  :  nous  nous  bornerons  à 
rappeler  ici  ces  paroles  de  saint  Augustin  au  peuple  d'Hip- 
pone  :  «  Levez-vous  de  grand  matin  pour  les  vigiles,  réunis- 
ï  sez-vous  pour  tierce,  sexte  et  noue,  avant  toute  occupa- 
»  tion.  Que  nul  ne  s'exempte  de  l'œuvre  divin,  à  moins  qu'il 
»  n'en  soit  empêché  par  une  infirmité ,  une  raison  d'utilité 
B  publique  ,  ou  encore  par  quelque  certaine  et  grave  néces- 
ï  site  (I).  » 

La  ville  d'Antioche  étant  en  proie  aux  Ariens  par  la  per- 
fidie de  Léonce ,  son  évêque,  deux  illustres  membres  de  cette 
grande  église ,  Diodore  qui  fut,  plus  tard,  évêque  de  Tarse, 
et  Flavien  ,  qui  monta  depuis  sur  le  siège  épiscopal  de  la 
même  ville  d'Antioche,  s'opposèrent,  avec  une  générosité  et 

(1)  Ad  vigilias  maturiussurgite;  ad  tertiam  ,  ad  sextam,  ad  nonara 
aute  omuia  couveuite.  iNuUus  se  a  sancto  opère  subtrahat ,  ni^i  quetn  in- 
firmitas,  aut  publica  utilitas,  aut  forte  certa  et  graudis  nécessitas  te- 
nuerit  occupatum.  Sermo  LV.  de  tempore. 


Iflfi  INSTITUTIONS 

une  vigilance  infatigables,  à  ce  torrent  d'iniquités.  Voulant 
prémunir  le  peuple  contre  la  séduction  des  hérétiques ,  et 
raffermir  dans  la  solidité  de  la  foi  par  les  pratiques  les  plus 
solennelles  de  la  Liturgie ,  ils  pensèrent  que  le  moment  était 
venu  de  donner  une  nouvelle  beauté  à  la  psalmodie.  Jusqu'a- 
lors ,  les  chantres  seuls  l'exécutaient  dans  l'Eglise ,  et  le 
peuple  écoutait  leur  voix  dans  le  recueillement.  Diodore  et 
Flavien  divisèrent  en  deux  chœurs  toute  l'assemblée  sainte, 
et  instruisirent  les  jQdèles  à  psalmodier ,  sur  un  chant  alter- 
natif, les  cantiques  de  David  (1).  Ayant  ainsi  séduit  sainte- 
ment le  peuple  par  cette  nouvelle  harmonie ,  ils  passaient  les 
nuits,  dans  de  saintes  veilles,  aux  tombeaux  des  martyrs, 
et  là,  des  milliei's  de  bouches  orthodoxes  faisaient  retentir 
des  chants  en  l'honneur  de  Dieu  (2).  Théodoret  rapporte,  à 
la  suite  de  ce  récit,  que  le  chant  alternatif,  qui  avait  com- 
mencé de  cette  manière  à  Antioche ,  se  répandit  de  cette 
ville  jusqu'aux  extrémités  du  monde  (5). 

L'Eglise  de  Constantinople  suivit  l'exemple  de  celle  d' An- 
tioche, peu  d'années  après;  elle  y  fut  provoquée ,  pour  ainsi 
dire ,  par  l'insolence  des  Ariens.  Ces  hérétiques ,  suivant  l'u- 
sage de  toutes  les  sectes ,  cherchant  tous  les  moyens  d'inté- 
resser la  multitude ,  imaginèrent  de  s'approprier  le  chant 
alternatif  que  les  orthodoxes  avaient  récemment  inauguré  à 
Antioche.  Comme ,  sous  le  règne  '\e  Théodose ,  ils  avaient 

(1)  Hi  primi  psallentium  choros  duas  in  partes  diviseruQt;  et  Davi- 
dicos  hyraaosaltcirais  canere  docuerunt.  Tlieodoreti.  Hist.  Ecdes.  Lib.  II. 
cap.  XXI F. 

(2)  lidem,  divioaruin  rerum  studiosis  ad  martyrum  basilicas  congre- 
gatis,  uaa  cum  illis  pevQootare  coasiieveraat,  Deum  liymnis  célébran- 
tes. (Ibidem.) 

(3)  Quoi  qaidem  tune  primum  Anliochlre  fi -ri  cneptain,  iade  ad  re- 
liquos  pervasit ,  et  ad  ultimos  usque  terrarum  fines  perlatum  est . 
(  Ibidem.  ) 


I 


LITURGIQUES.  105 

perdu  les  églises  dont  ils  jouissaient  à  Constanlinople ,  ils 
étnienl  réduils  à  faire  leurs  assemblées  sous  des  portiques 
publics.  Là ,  ils  se  divisaient  en  chœurs,  et  psalmodiaient  al- 
ternativement ,  insérant  dans  les  cantiques  sacrés  certaines 
sentences  qui  cKprimaient  leurs  dogmes  impies.  Ils  avaient 
coutume  de  faire  ces  assemblées  aux  fêtes  les  plus  solen- 
nelles, et  en  outre  le  premier  et  le  septième  jour  de  chaque  se- 
maine. Ils  en  vinrent  même  à  ajouter  des  cantiques  entiers  qui 
avaient  rapport  àleur  querelle  avec  les  Catholiques;  un  de  ces 
chants  commençait  ainsi  :  Où  sont  maintenant  ceux  tjui  disent 
que  trois  sont  une  puissance  unique?  ?>'Mnt  Jean  Chrysostôme, 
craignant  avec  raison  que  quelques-uns  de  son  peuple,  sé- 
duits par  ces  nouvelles  formes  liturgiques ,  ne  courussent 
risque  d'être  pervertis,  exhorta  les  fidèles  à  imiter  ce  chant 
alternatif.  En  peu  de  temps ,  ils  ne  tardèrent  pas  à  surpasser 
les  hérétiques ,  et  par  la  mélodie  qu'ils  mettaient  à  exécuter 
ces  chants,  et  par  la  pompe  avec  laquelle  l'Eglise  entière  de 
Constantinople ,  marchant  avec  des  croix  d'argent ,  et  por- 
tant des  cierges,  inaugurait  ce  nouveau  mode  de  psalmo- 
die (1). 

En  Occident ,  le  chant  alternatif  des  psaumes  avait  com- 
mencé dans  l'Eglise  de  Milan ,  vers  le  même  temps  qu'on  l'é- 
tablissait à  Antioche ,  et  toujours  dans  le  même  but  de  re- 
pousser l'Arianisme  parla  manifestation  d'une  nouvelle  forme 
liturgique.  Saint  Augustin  ayant  été  témoin  de  cette  heu- 
reuse innovation ,  nous  en  a  laissé  un  récit  que  nous  place- 
rons ici  en  son  entier.  Voici  donc  comme  il  s'exprime  au 
neuvième  livre  de  ses  Confessions  :  «  Que  de  fois ,  le  cœur  vi- 
»  vement  ému,  j'ai  pleuré  au  chant  de  vos  hymnes  et  de  vos 
»  cantiques,  ô  mon  Dieu ,  lorsque  retentissait  la  voix  douce- 

(1)  Vid.  la  note  E. 


104  ;  INSTITUTIONS 

»  ment  mélodieuse  de  votre  Eglise  !  Ces  paroles  s'insinuaient 
»  dans  mes  oreilles  ;  la  vérité  pénétrait  doucement  dans  mon 

>  cœur  ;  une  piété  affectueuse  s'y  formait  avec  chaleur,  et 
»  mes  larmes  coulaient  et  mon  bonheur  était  en  elles.  C'était 
»  depuis  très  peu  de  temps  que  l'Eglise  de  Milan  avait  adopté 

>  ce  moyen  de  produire  la  consolation  et  l'édification ,  en 
»  unissant  par  des  chants  les  cœurs  et  les  voix  des  fidèles.  Il 
ï  n'y  avait  guère  plus  d'un  an  que  Justine,  mère  du  jeune 
j  empereur  Valentinien ,  séduite  par  les  Ariens  dont  elle  avait 
»  embrassé  l'hérésie ,  avait  poursuivi  votre  serviteur  Am- 
*  broise  de  ses  persécutions.  Le  peuple  fidèle  veillait  jour  et 
»  nuit  dans  l'Eglise,  prêt  à  mourir  avec  son  Evêque.  Ma  mère, 

>  votre  servante ,  toujours  la  première  dans  le  zèle  et  dans 

>  les  veilles ,  était  là ,  vivant ,  pour  toute  nourriture ,  de  ses 
î  oraisons.  Moi-même,  froid  encore,  puisque  je  n'avais  point 
»  ressenti  la  chaleur  de  votre  Esprit ,  j'étais  ébranlé  par  le 
j  spectacle  de  cette  cité  plongée  dans  le  trouble  et  la  cons- 
»  ternation.  Alors  il  fut  ordonné  que  l'on  chanterait  des 
»  hymnes  et  des  psaumes ,  suivant  la  coutume  des  Eglises 
»  d'Orient,  dans  la  crainte  que  le  peuple  ne  succombât  au 
»  chagrin  et  à  l'ennui.  Cet  usage  a  été  retenu  jusqu'aujour- 
»  d'hui ,  et  dans  toutes  vos  bergeries ,  par  tout  l'univers , 
ï  l'exemple  en  a  été  suivi  (1).  » 

Il  est  à  remarquer  ici  que  sain*  Ambroise  n'institua  pas 
seulement  le  chant  alternatif  des  psaumes  dans  l'Eglise  de 
Milan ,  mais  qu'il  fit  aussi  chanter  les  hymnes  qu'il  avait  com- 
posées, Hymnl  et  fsalmi^  ce  qui  est  confirmé  non  seule- 
ment par  le  témoignage  de  Paulin ,  Diacre ,  dans  le  récit  qu'il 
nous  a  laissé  de  la  vie  de  son  saint  Evêque ,  mais  encore  par 
les  paroles  même  de  saint  Ambroise  :  «  On  prétend  que  je 

(i)  Vid.  la  note  F. 


LITURGIQUES.  105 

>  séduis  le  peuple  au  moyen  de  certaines  hymnes  que  j'ai 
»  composées.  Je  n'en  disconviens  pas  :  j'ai  en  effet  composé 
»  un  chant  dont  la  puissance  est  au-dessus  de  tout  :  car,  quoi 
»  de  plus  puissant  que  la  confession  de  la  Trinité?  A  l'aide  de 
»  ce  chant,  ceux-là  (pii  à  peine  étaient  disciples  sont  devenus 
»  maîtres  (I).  »  En  effet,  dans  les  hymnes  qu'il  a  composées, 
et  dont  la  forme  a  servi  de  modèle  à  tous  les  hymnographes 
des  siècles  suivans ,  saint  Ambroise  s'est  attaché  toujours  à 
confesser  énergiquemcnt  la  foi  du  mystère  de  la  Trinité. 

Telle  est  l'histoire  de  l'introduction  du  chant  alternatif 
dans  les  diverses  Eglises  d'Orient  et  d'Occident  :  fait  impor- 
tant dans  les  annales  de  la  Liturgie ,  et  qui  confirme  une  fois 
de  plus ,  par  les  circonstances  dans  lesquelles  il  s'accomplit, 
cette  maxime  que  nous  avons  exposée  en  commençant ,  que 
la  Liturgie  est  la  prière  à  l'état  social. 

Au  reste  ,  si  l'Eglise  employa  contre  l'hérésie  les  forces  de 
la  Liturgie ,  il  faut  dire  aussi  que  l'hérésie  ,  dès  le  quatrième 
siècle,  chercha  à  détourner  le  coup,  en  propageant  des  er- 
reurs perfides  sur  le  sujet  des  rites  sacrés.  Nous  la  verrons, 
dans  toute  la  suite  de  cette  histoire,  fidèle  à  ce  plan  diabo- 
lique :  ou  elle  appliquera  à  ses  propres  besoins  les  formes 
populaires  du  culte,  ou  elle  décriera  ces  mêmes  formes 
comme  dangereuses,  superstitieuses,  ou  d'invention  hu- 
maine. Elle  répétera  surtout  ce  sophisme,  que  ce  qui,  dans 
la  Liturgie,  n'est  pas  appuyé  sur  l'Ecriture  Sainte,  doit 
être  ôté,  comme  contraire  à  la  pureté  du  service  divin,  mé- 
connaissant ainsi  à  plaisir  le  grand  principe  établi  ci-dessus , 

(1)  Hymnorura  quoque  meorum  carminibus  deceptum  populum  fe- 
runt.  Plane  nec  lioc  abniio  Grande  carmen  istud  est,  et  quo  nihil  po- 
tentius;  quid  enim  potentius  quam  coufessio  Triniiatis  ?  Facti  sunt  igi- 
tur  omnes  magistri  qui  vix  poterant  esse  discipuli,  Opusc.  de  Spiritti 
santto ,  inEpisi,  31. 


t9&  INSTITUTIONS 

que  toute  Liturgie  appartient  particulièrement  à  la  tradition. 
Nous  en  avons  eu  déjà  un  exemple  frappant,  dans  l'erreur 
des  Quartodécimains  que  l'Eglise  a  qualifiée  d'hérésie  :  cepen- 
dant en  célébrant  la  Pàque  le  quatorze  de  la  lune ,  ces  sec- 
taires se  conformaient  à  la  lettre  des  Ecritures.  Bien  plus,  ils 
soutenaient,  disaient-ils,  une  tradition  :  car  il  y  a  des  tradi- 
tions d'erreur  comme  de  vérité ,  et  on  ne  saurait  les  distin- 
guer qu'en  les  rapprochant  de  la  source  à  jamais  pure  du 
Siège  Apostolique. 

Or,  dans  le  quatrième  siècle ,  un  Gaulois,  nommé  Vigi- 
lance ,  fut  suscité  par  l'enfer  pour  être  le  précurseur  des 
hérétiques  anti-liturgistes,  dont  nous  donnerons  bientôt  la 
succession.  Lui  aussi  trouva  et  soutint  que  le  culte  se  sur- 
chargeait de  plus  en  plus  de  pratiques  nouvelles ,  propres  à 
en  altérer  la  pureté.  La  pompe  du  culte  extérieur,  l'affluence 
des  peuples  aux  tombeaux  des  martyrs,  le  culte  rendu  aux 
fragmens  de  leurs  ossemens,  les  flambeaux,  les  cierges  al- 
lumés en  plein  jour,  pour  marquer  la  joie  de  l'Église  :  la  mul- 
titude des  fêtes;  toutes  ces  choses  excitèrent  une  fureur 
sans  pareille  dans  l'ame  de  Vigilance.  Saint  Jérôme ,  avec  son 
éloquence  incisive,  entreprit  de  confondre  ce  nouveau  phari- 
sien ,  et  il  s'est  trouvé  que  les  argumens  qu'il  employa  pour 
anéantir  ses  sophismes,  paraissent  avoir  été  préparés  contre 
de  modernes  sectaires,  de  même  que  les  erreurs  de  ces  der- 
niers ne  sont  qu'une  pâle  copie  des  déclamations  de  notre 
hérésiarque  Gaulois.  La  place  nous  manque  pour  insérer  ici 
les  pages  pleines  de  chaleur  et  de  conviction  que  le  docte 
prêtre  de  Bethléem  consacra  à  la  réfutation  de  son  adver- 
saire ;  son  traité  contra  Vigilantium  serait  à  citer  tout  entier. 
Nous  invitons  le  lecteur  à  le  relire  dans  les  œuvres  du  saint 
Docteur. 
Il  nous  reste  encore  à  consigner  ici  un  fait  liturgique  d'une 


LITURGIQUES.  107 

autre  nature ,  et  dont  nous  devons  suivre  la  trace  dans  le 
cours  de  cette  histoire.  11  s'agit  des  églises  des  Moines  et  des 
formes  du  culte  qu'on  y  exerçait.  Les  monastères,  en  effet, 
ne  pouvaient  exister  long-temps  sous  le  régime  de  paix  dont 
jouissait  l'Eglise  elle  -  même ,  sans  réclamer  les  moyens  de 
mettre  à  même  ceux  qui  les  habitaient  de  remplir  les  devoirs 
du  christianisme,  et  dès -lors  ils  devaient  renfermer  une 
Eglise ,  un  autel  pour  !e  Sacrifice ,  des  ministres  pour  les  Sa- 
cremens.  En  outre,  l'Office  divin,  faisant  la  principale  oc- 
cupation des  Moines ,  la  manière  de  le  célébrer  devait  être 
l'objet  de  réglemens  liturgiques  spéciaux  qui ,  tout  en  de- 
meurant en  rapport  avec  les  usages  généraux  de  l'Eglise, 
devaient  représenter  d'une  manière  particulière  les  maximes 
et  les  mœurs  du  cloitre.  Nous  traiterons  de  la  forme  des  dif- 
féreus  Offices  Monastiques,  dans  la  partie  de  cet  ouvrage  qui 
renfermera  l'explication  de  l'Office  divin. 

La  célébration  des  saints  mystères  exigeait ,  dans  chaque 
monastère ,  la  présence  d'un  ou  plusieurs  Prêtres  ou  Diacres, 
soit  qu'ils  fussent  du  nombre  des  Moines,  soit  qu'ils  fussent 
du  clergé  de  quelque  Eglise  voisine.  Toutefois ,  les  premiers 
Pères  de  l'ordre  monastique ,  saint  Pacôme ,  par  exemple , 
se  souciaient  peu  de  faire  ordonner  des  sujets  qui  déjà  avaient 
fait  profession  de  la  vie  monastique  :  ils  préféraient  employer 
au  ministère  de  l'autel  des  Prêtres  déjà  honorés  du  sacer- 
doce ,  lorsqu'ils  avaient  embrassé  la  vie  parfaite  du  désert. 
L'Eglise  ne  tarda  pas  à  manifester  ses  intentions  à  ce  sujet , 
et  les  lettres  des  Souverains  Pontifes,  comme  les  décrets  des 
Conciles ,  statuèrent  les  règles  à  suivre  pour  l'ordination  des 
Moines,  dont  ils  regardèrent  l'état  comme  une  véritable  pré- 
paration au  Sacerdoce.  Nous  nous  bornerons  à  citer  ici, 
comme  autorité  du  quatrième  siècle ,  la  fameuse  Décrétale 
de  saint  Sirice  à  Himerius  de  Tarragone.  Voici  les  paroles  du 


108  INSTITUTIONS 

Pape  :  c  Nous  désirons  et  voulons  que  les  Moines ,  qui  sont 
>  recommandables  par  la  gravité  de  leurs  mœurs,  et  par  une 
»  vie  et  une  foi  saintes  et  irréprochables,  soient  aggrégés  aux 
»  offices  des  clercs  (1).  »  La  suite  des  ordonnances  ecclésias- 
tiques n'a  cessé  de  conûrmer  ,  dans  chaque  siècle,  cette 
maxime,  et  le  décret  de  Clément  Vlll,  Cum  ad  regularem, 
qui  fait  aujourd'hui  le  droit  des  Réguliers ,  sur  l'article  de 
l'admission  des  sujets  à  la  profession,  défend  expressément 
d'en  admettre  aucun  dans  l'ordre  des  Choraux ,  qui  ne  pré- 
sente l'espoir  fondé  de  pouvoir  ét/e  un  jour  élevé  au  Sa- 
cerdoce (2).  Enfin  ,  parmi  les  propositions  condamnées  par 
Pie  VI ,  dans  la  Bulle  Auctorem  fidei,  on  lit  celle-ci  :  Ne  corn- 
potes  fiant  ecclesiasticœ  hierarchiœ  qui  se  huic  [monastico) 
ordini  adjunxerint,  nec  ad  sacros  ordines promoveantur,  prœ- 
terquam  ad  summum  unus,  vel  duo ,  initiandi  tanquam  cu- 
rati,  vel  cappellani  monasterii,  reUquis  in  simplici  laïcorum 
ordine  remanentibus.  Il  est  fâcheux  que  cette  proposition  soit 
identique  à  plusieurs  de  celles  qu'on  rencontre  dans  les  Dis- 
cours de  Fleury,  et  dans  quelques  autres  ouvrages  français 
qui  sont  journellement  entre  les  mains  du  clergé  :  mais  nous 
n'avons  point  à  traiter  ici  ces  questions  ;  nous  avons  voulu 
seulement  ouvrir,  pour  ainsi  dire,  les  Églises  des  monastères, 
dans  lesquelles,  par  la  suite,  nous  aurons  occasion  de  péné- 
trer pour  y  étudier,  soit  les  rites  généraux  de  l'Eglise,  soit 
les  rites  particuliers  des  Moines. 

(1)  MoQachos  quoque  quos  tamea  morum  gravitas,  et  vitae  ac  fidei 
iastitulio  sâQCti  comtneadat,  clericorum  otliûiis  aggregnri  el  optaoaus 
et  voluaaus.  Coustant.  Epist.  Rom.  Pont.  tom.  1.  pag.  633. 

(2)  Quisque  recipi^.ndus  ia  aliquo  ordine  regulari  etiam  mendican- 
tium,  eam  iitterarum  scientiam  calleat,  aut  illius  addiscendae  spem  ia- 
dubiam  prae  se  ferai,  ut  minores,  et,  suis  teniporibus,  majores  or- 
^es,  juxta  décréta  sacri  Goncilii  Trideatiai ,  suscipere  valeat. 


LITURGIQUES.  109 

Avant  de  résumer  les  travaux  liturgiques  des  écrivains  de 
l'époque  qui  nous  occupe,  nous  dirons  un  mot  des  lois  ec- 
clésiastiques sur  cette  matière  ,  durant  la  même  période. 
Les  Souverains  Pontifes  du  quatrième  siècle  héritèrent  du 
zèle  et  de  la  sollicitude  de  ceux  des  trois  premiers,  dans  tout 
ce  qui  concerne  les  rites  sacrés.  Saint  Silvcstre  fit  des  régle- 
mens  sur  la  consécration  du  Saint-Chrême ,  et  sur  les  céré- 
monies du  Baptême  à  suppléer  à  ceux  qui  avaient  reçu  ce 
Sacrement  en  maladie.  Il  établit  que  les  Diacres  useraient  de 
la  dalmatique  dans  l'église ,  et  porteraient  au  bras  gauche  un 
mouchoir  de  hn ,  qui  est  devenu  depuis  le  manipule  ;  que  le 
Sacrifice  serait  célébré  sur  l'autel,  couvert,  non  d'un  tapis  de 
soie ,  ou  de  quelque  étoffe  teinte ,  mais  d'une  toile  de  lin ,  à 
l'imitation  du  linceul  dans  lequel  fut  enseveli  le  corps  de  Jé- 
sus-Christ (1).  Saint  Marc  ordonna  que  l'Evêque  d'Ostie ,  au- 
quel appartenait  d^jà  le  droit  de  consacrer  le  Pape,  aurait 
l'usage  du  Pallium  (2).  Saint  Jules  statua  que  les  Notaires  de 
l'Eglise  tiendraient  un  registre  exact  de  toutes  les  donations 
faites  aux  Basiliques,  et  un  état  de  tous  leurs  titres  :  mesure 
à  laquelle  nous  devons  certainement  les  précieux  inventaires 
du  trésor  des  Eglises  de  Rome,  au  temps  de  saint  Silvestre  (3)» 
Saint  Damase,  comme  on  peut  le  voir  par  la  lecture  de  ses 
œuvres ,  composa  plusieurs  hymnes  à  la  louange  des  Saints , 
et  orna  d'inscriptions  en  vers  le  lieu  où  avaient  reposé  les 
corps  des  saints  Apôtres ,  aux  Catacombes ,  et  les  tombeaux 
d'un  grand  nombre  de  martyrs.  Il  s'occupa  aussi  de  régler 
l'Office  divin;  et  saint  Grégoire  le  Grand  (-4)  nous  apprend 
qu'à  la  persuasion  de  saint  Jérôme ,  il  inséra  dans  les  offices 


(1)  Liber  Pontificalis ,  in  Silvestrum. 

(2)  fbid.  in  Marcum. 

(3)  Ibid.  in  Julium. 
H)  Lib.  XII.  Epist.  9. 


WO  INSTITUTIONS 

romains  plusieurs  usages  des  Eglises  d'Orient.  Ce  témoignage 
de  saint  Grégoire ,  qui  atteste  les  relations  de  saint  Damase 
et  de  saint  Jérôme  au  sujet  de  la  Liturgie,  nous  semble 
propre  à  concilier  un  plus  haut  degré  d'autorité  à  une  opi- 
nion qu'on  rencontre  dans  tous  les  litiirgistes  du  moyen-âge  : 
que  saint  Jérôme  aurait  eu  une  grande  part  à  un  remanie- 
ment de  l'Office  divin  entrepris  par  saint  Damase  (1). 

Samt  Sirice,  successeur  de  saint  Damase,  dans  la  décré- 
taie  que  nous  avons  citée  plus  haut ,  corrige  la  témérité  de 
ceux  qui  conféraient  le  baptême  à  Noël ,  à  l'Epiphanie ,  aux 
fêtes  même  des  Apôtres,  et  confirme  la  tradition  de  toutes  les 
Eglises  de  n'administrer  ce  sacrement  qu'aux  fêtes  de  Pâques 
et  de  la  Pentecôte  (2).  On  trouve  plusieurs  traits  du  même 
genre  dans  les  lettres  de  ce  saint  Pape ,  qui  ont  été  re- 
cueillies avec  tant  de  soin  par  D.  Constant;  mais  il  faut 
remarquer  la  solennité  avec  laquelle  il  intime  les  volontés 
du  Siège  Apostolique ,  en  matière  de  Liturgie.  <t  Jusqu'ici  on 
»  a  assez  erré  sur  ce  point  :  que  maintenant  donc  s'attachent 
>  à  la  règle  que  nous  venons  d'établir,  tous  les  Prêtres  qui  ne 
»  veulent  pas  être  séparés  de  la  solidité  de  cette  Pierre  Apos- 
»  toliquesur  laquelle  le  Christ  a  bâti  son  Eglise  (5).  *  Nul  doute 
que  les  décrets  des  Pontifes  antérieurs  ne  fussent  rendus  avec 
cette  solennité  :  le  pouvoir  du  Siège  Apostolique  ayant  été 
le  même  depuis  l'origine  de  l'Eglise ,  et  la  vigueur  des  Papes 
toujours  inébranlable,  quand  il  s'agissait  du  maintien  et  de  la 
conservation  des  traditions. 

(1)  Grancolas.  Comtneataire  historique  sur  le  Bréviaire  romain. 
Tome  1.  pag.  26. 

(2)  Coustant.  Epist.  Rom.  Pontiflcum.  Tom.  1 ,  page  626. 

(3)  Hactenus  erratum  in  bac  parte  sufficiat  :  nunc  praefatam  regulam 
omaes  teneant  sacerdotes  qui  uoluat  ab  Apostolicae  Petrae,  super  quam 
Christus  universalem  construxit  ecclesiam,  soliditate  divelli.  pag.  627. 


LITURGIQUES.  IH 

Si  nous  en  venons  maintenant  aux  Conciles  du  quati-ième 
siècle,  nous  trouvons  celui  de  Nicée  avec  son  fameux  canon 
sur  la  célébration  de  la  Pâque  ;  celui  d'Antioche ,  tenu  en 
352 ,  avec  ses  régiemens  sur  le  même  sujet;  celui  de  Laodicée, 
vers  562,  qui  prescrit  plusieurs  règles  sur  la  psalmodie  et 
les  lectures  qui  l'accompagnaient  ;  celui  de  Gangres ,  vers 
370 ,  qui  condamne  ceux  qui  blâment  les  assemblées  que 
l'on  tenait  aux  Mémoires  des  martyrs  ;  le  quatrième  de  Car- 
thage,  en  398,  qui  détermine  dans  un  détail  si  précieux  les  rites 
de  l'ordination  (i). 

La  liste  des  écrivains  du  quatrième  siècle ,  qui  ont  traité 
des  matières  liturgiques  est  longue  et  imposante.  En  tête  , 
nous  inscrirons  d'abord  Eusèbe,  dont  l'Histoire  Ecclésiastique 
offre  tant  de  traits  remarquables  sur  l'objet  qui  nous  occupe, 
comme  sur  mille  autres.  Nous  l'avons  mise  à  contribution 
dans  ce  chapitre,  ainsi  qu'on  vient  de  le  voir  :  nous  regret- 
tons vivement  que  la  perte  de  deux  ouvrages  de  cet  illustre 
écrivain  nous  ait  privé  du  puissant  secours  que  nous  en  eus- 
sions tiré.  Ces  deux  opuscules  sont  une  description  spéciale 
de  l'Eglise  de  Jérusalem  et  un  livre  de  la  fête  de  Pâques. 

Saint  Eiislathe  d'Antioche,  docteur  orthodoxe,  composa 
une  Liturgie  Syriaque  qu'on  trouve  encore,  mais  interpolée , 
au  Missel  des  Maronites. 

Saint  Athanase,  l'invincible  vengeur  de  la  foi  de  Nicée ,  est 
réputé ,  chez  les  Orientaux ,  l'auteur  de  VAnaphore,  qui  com- 
mence par  ces  paroles  :  Deus  fortis  Domine.  Les  Grecs  ap- 
pellent Anaphore  la  partie  des  prières  de  la  Messe  qui  ren- 
ferme l'Offrande  et  le  Canon. 

Saint  Cyrille,  de  Jérusalem,  doit  être  compté  parmi  les 
liturgistes  du  quatrième  siècle ,  pour  les  précieuses  Caté- 

(1)  Goncil.  Labb.  Tom.  2. 


112  INSTITUTIONS 

c/ièsesdanslesquellesil  expose  souvent,  avec  autant  de  pro- 
fondeur que  d'éloquence .  les  rites  des  Sacremens  et  du  saint 
Sacrifice. 

Saint  Hilaire ,  de  Poitiers ,  d'après  le  témoignage  de  saint 
Jérôme  et  de  saint  Isidore  ,  est  auleui'  d'un  là-re  d'Hymnes 
et  de  Mystères  Sacrés  qui  n'est  pas  venu  jusqu'à  nous.  Une 
seule  de  ces  hymnes  a  survécu  au  naufrage ,  celle  que  le 
saint  Evêque  envoya  à  sa  fille  Abra ,  et  qui  commence  par 
ce  vers  :  Lucis  largitor  splendide.  George  Cassander  et  Gré- 
goire Fabricius  lui  ont  attribué  aussi  celle  de  la  Pentecôte  : 
Beata  nobis  gaudia  ,  celle  du  Carême  :  Jesu  ,  quadrage- 
nariœ ,  et  enfin  celle  de  l'Epiphanie  :  Jésus  refulsit .  om- 
nium. Le  B.  Tommasi  lui  donne  aussi  cette  dernière. 
Zaccaria  paraît  incliner  à  lui  attribuer  la  longue  pièce  qui 
commence  :  Hymnum  dicat  turba  fratrum  :  Hincmar ,  de 
Rheims,  est  de  ce  sentiment.  Enfin  une  autre  hymne  :  Ad 
cœli  clara  non  sum  dignus  sidéra,  a  été  jointe ,  par  D.  Cons- 
tant ,  à  celle  Lucis  largitor  splendide ,  sans  que  le  docte 
Bénédictin  ait  piétendu  l'attribuer  à  saint  Hilaire,  mais 
seulement  afin  qu'elle  ne  pérît  pas.  Le  faux  Alcuin  désigne 
saint  Hilaire  comme  ayant  compléié  l'hymne  Gloria  in 
excelsis.  En  outre ,  il  nous  est  tombé  entre  les  mains  une 
dissertation  impi'imée  (  sans  date  )  à  Poitiers ,  sous  le  nom 
de  M.  l'abbé  Cuusseau,  dans  laqueUe  on  veut  faire  saint 
Hilaire  auteur  de  l'hymne  Te  Deum.  Cet  opuscule  ,  qui  n'est 
pas  sans  quelque  mérite,  aujourd'hui  surtout  où  si  peu 
de  personnes  paraissent  s'intéresser  aux  études  liturgi- 
ques ,  nous  a  semblé  d'ailleurs  très-insufïisant  pour  démon- 
trer la  thèse  diflicile  que  l'auteur  s'est  posée. 

Saint  Pacien ,  de  Barcelone ,  a  laissé  un  livre  de  Baptismo, 
ad  Catechumenos. 

Saint  Ephrem,  Moine,  Syrien  de  nation ,  diacre  d'Edesse» 


LITURGIQUES.  113 

a  t;omposé  une  immense  quantité  d'iiymnes  en  langue  syria- 
que. Il  s'était  proposé  de  détruire,  par  des  poésies  ortho- 
doxes ,  les  funestes  effets  que  produisaient  chez  les  Syriens 
les  vers  de  l'hérétique  Harmonius.  Ces  hymnes  sont  au  nom- 
bre de  quinze  sur  la  Nativité  de  Jésus-Christ,  quinze  sur  le 
Paradis ,  cinquante-deux  de  la  Foi  et  de  l'Eglise ,  cinquante 
et  une  de  la  Virginité  ,  quatre-vingt-sept  de  la  Foi  contre  les 
Ariens  et  les  Eunomiens ,  cinquante-six  contre  les  Hérésies  , 
quatre-vingt-cinq  hymnes  Mortuaires ,  quinze  hymnes  Paré- 
néliques ,  etc.  Toutes  ces  poésies  sont  étincelantes  de  génie  , 
d'images  orientales  ,  de  réminiscences  bibliques ,  et  sont 
rempUes  d'une  onction  admirable.  On  a  donné ,  assez  étran- 
gement, à  la  plupart,  le  titre  de  Sermons,  dans  l'édition 
Vaticane  de  saint  Ephrem.    L'Eglise  Copte  emploie    une 
grande  partie  de  ces  hymnes  dans  les  offices  divins. 

Saint  Basile  de  Césarée  ,  outre  ses  livres  du  Baptême^  est 
auteur  de  la  Liturgie  grecque  qui  porte  son  nom. 

Saint  Grégoire  deNazianze  passe  pour  être  l'auteur  d'une 
Liturgie  grecque ,  et  de  plusieurs  prières  du  même  genre , 
qu'on  trouve  dans  les  livres  d'offices  des  Syriens  et  des  Coptes, 
et  qui  auraient  été  traduites  du  grec. 

Apollinaire  le  jeune,  qui  fut  Evêque  de  Laodicée ,  et,  de- 
puis, condamné  comme  hérétique  par  saint  Damase,  dans 
un  concile  romain,  composa  des  hymnes  et  des  cantiques, 
pour  être  chantés  par  le  peuple  dans  les  divins  offices. 

Saint  Ambroise  nous  présente  ,  dans  ses  écrits ,  particu- 
lièrement dans  ses  lettres ,  d'importants  matériaux  pour  la 
connaissance  de  la  Liturgie  du  quatrième  siècle.  Ses  trans- 
lations de  martyrs,  par  exemple,  offrent,  sous  ce  rapport, 
le  plus  précieux  intérêt.  Son  traité  des  Ofjîces  des  Ministres^ 
et  celui  des  Mystères  appartiennent  directement  à  notre  su- 
jet. Quant  aux  six  livres  des  Sacremens,  on  ne  convient  pas 

T.  I.  8 


114  INSTITUTIONS 

s'ils  appartiennent  ou  non  au  docte  Evêque  de  Milan  :  mais 
ils  n'en  sont  pas  moins  importans  pour  leur  haute  antiquité 
et  pour  les  richesses  liturgiques  qu'ils  renferment.  Les  hym- 
nes qui  sont  attribuées  à  saint  Ambroise ,  avec  le  plus  de 
certitude ,  sont  d'abord  les  onze  que  lui  reconnaît  Dom  Cei- 
lier,  savoir:  Sterne  rerum  conditor.  Deus  creator  omnium. 
Jam  surgit  hora  tertia.  Veni,  redemptor  gentium.  Illuminans 
Altissimus.  Orabo  mente  Dominum.  JEterna  Christi  munera. 
Somno  refectis  artuhus.  Consors  faterni  luminis.  0  Lux 
beata  Trinitas.  Fit  porta  Christi pervia.  Le  B.  Tommasi,  dans 
son  Hymnaire^  ajoute  les  suivantes  sur  la  foi  des  manuscrits  : 
Intende  qui  régis  Israël.  Hijmnum  dicamus  Domino.  Hic  est 
dies  verus  Dei.  Optatus  votis  omnium.  Jesu,  nostra  redemptio. 
Jam  Christus  astra  ascenderat.  Conditor  aime  siderum.  Agnes 
beatœ  virginis.  A  solis  ortus  cardine.  Mysterium  ecclesiœ. 
Agathœ  sacrœ  virginis.  Grates  tïbi,  Jesu,  novas.  Apostolorum 
passio.  Magni  palmam  certaminis.  Apostolorum  supparem. 
Mediœ  noctis  tempus  est.  Rerum  creator  optime.  Nox  atra 
rerum  contegit.  Tu  Trinitatis  unitas.  Summœ  Deus  clemen- 
tiœ.  Splendor  paternœ  gloriœ.  Mternœ  lucis  conditor.  Ful- 
gentis  autor  œtheris.  Deus  œterni  luminis.  Christe,  rex  cœli^ 
Domine.  Mterna  cœli  gloria.  Diei  luce  reddita.  Jam  lucis  orto 
sidère.  Certum  tenentes  ordinem.  Nunc ,  sancte  nobis  Spiritus. 
Bisternashoras  explicans.  Jam  sexta  s»nsim  volvitur.  Dica- 
mus laudes  Domino.  Rcctor  potens ,  verax  Deus.  Ter  hora 
trina  volvitur.  Perfecto  trino  numéro.  Rerum  Deus  tenax  vigor. 
Deus  qui  certis  legibus.  Sator,  princepsque  temporum.  Lucis 
creator  optime.  Immense  cœli  conditor.  Telluris  ingens  condi- 
tor. Cœli  Deus  sanctissime.  Magnœ  Deus  potentiœ.  Plasmator 
hominis  Deus.  Christe  qui  lux  es  et  dies.  Christe  cœlestis  medi- 
cina  Patris.  Obduxere  polum  nubila  cœli.  Squalent  arva  soli 
pulvere  multo.  Tristes  7iune  populij  Christe  redemptor.  Sœvus 


LITURGIQUES.  415 

bella  serit  barbarus  horrens.  Presque  toutes  ces  hymnes  font 
partie  des  bréviaires  Romain  et  Ambroisien,  et  les  autres  se 
trouvent  dans  l'oflice  Mozarabe.  Au  reste,  nous  ne  donnons 
pas  cette  dernière  énumération  comme  authentique  de  tout 
point;  au  contraire,  nous  rendrons  pkisieurs  de  ces  hymnes 
à  saint  Grégoire;  mais  le  B.  Tommasi  lui-même  n'a  pas  pré- 
tendu faire  autre  chose  que  recueillir  les  traditions  des  an- 
ciens Hymnaires,  sans  en  prendre  toujours  la  responsabilité. 
On  a,  en  outre,  attribué  à  saint  Ambroise  l'hymne  monas- 
tique Te  decet  laus ,  mais  il  faut  convenir  que  c'est  sans  aucune 
espèce  de  fondement.  On  intitule  d'ordinaire  le  Te  Deum  lau- 
damus ,  Hijmi^  de  saint  Ambroise  et  de  saint  Augustin  :  on  ne 
peut  avoir,  pour  appuyer  ce  titre,  que  des  conjectures  et 
une  possession  qui  n'est  pas  très-ancienne.  Ces  deux  hymnes 
en  prose  n'ont  rien  de  commun  avec  les  véritables  hymnes 
de  saint  Ambroise  qui  sont  mesurées;  mais  elles  remontent  à 
une  antiquité  voisine  de  ce  saint  docteur  ,  puisqu'elles  sont 
citées  dans  la  règle  de  saint  Benoît ,  qui  a  dû  être  écrite  dans 
la  première  moitié  du  sixième  siècle. 

Théophile ,  d'Alexandrie ,  outre  son  Cycle  paschal,  écrivit 
des  sacrés  mystères ,  ou  du  mobilier  sacré  de  l'Eglise  de  Dieu  : 
ouvrage  que  nous  n'avons  plus  et  qui  avait  été  traduit  du 
latin,  par  saint  Jérôme. 

Saint  Augustin ,  dans  tous  ses  écrits,  mais  particulièrement 
dans  ses  sermons ,  dans  ses  lettres ,  dans  une  foule  de  traités 
spéciaux,  comme  sont  ceux  de  catechizandis  rudibus,  de  cura 
gerendapro  mortuis,  de  symbole  ad  catechumenos ,  ses  Epîtres 
ad  Januarium ,  présente  le  tableau  le  plus  complet  et  le 
plus  vrai  des  mœurs  de  l'Eglise  de  son  temps,  et,  par  là  même, 
fournit  à  l'observateur  d'innombrables  particularités  propres 
à  alimenter  la  science  liturgique  ;  mais  nous  ne  voyons  pas 
qu'il  ait  rien  composé  qui  touche  directement  cette  matière. 


416  INSTITUTIONS 

Nous  ferons  voir  ailleurs  que  c'est  à  tort  qu'on  lui  a  attribué 
le  chant  du  cierge  paschal:  Exultetjam  angelica. 

Fabius  Marins  Yictorinus,  personnage  consulaire,  ora- 
teur, rhéteur  et  grammairien ,  le  même  dont  saint  Augustin 
raconte  la  conversion  au  christianisme,  au  Livre  yiii  de  ses 
Confessions,  composa  trois  bjumes  en  prose  sur  la  Trinité; 
plusieurs  fragmeus  de  ces  hymnes  sont  entrés  dans  la  com- 
position de  l'Office  de  la  sainte  Trinité  ,  au  Bréviaire 
romain. 

Saint  Jean  Chrysostôme  n'est  pas  l'auteur  de  la  Liturgie 
grecque  qui  porte  son  nom  ;  nous  aurons  occasion  de  revenir 
sur  cette  question ,  quand  nous  traiterons  des  livres  liturgi- 
ques de  l'Orient.  Ses  Homélies  et  son  Traité  du  Sacerdoce  ren- 
ferment une  foule  de  tiaits  infiniment  précieux  sur  la  célé- 
bration des  saints  mystères ,  sur  les  fêtes  et  les  assemblées 
chrétiennes. 

Saint  Jérôme ,  dont  les  travaux,  appartiennent  en  grande 
partie  au  quatrième  siècle ,  est  infiniment  riche  en  détails 
sur  les  formes  Uturgiques  de  son  temps ,  particulièrement 
dans  ses  lettres  et  ses  opuscules  contre  les  hérétiques.  INous 
parlerons  ailleurs  du  ilartyrologe  et  du  livre  appelé  Cornes, 
qui  lui  ont  été  attribués. 

Prudence,  personnage  consulaire,  le  prince  des  poètes 
chrétiens,  a  grandement  mérité  de  la  Liturgie,  parles  belles 
hymnes  dont  il  a  enrichi  les  offices  divins,  tant  de  l'Eglise 
Romaine  que  de  l'Eglise  Gothique  d'Espagne.  Son  premier 
recueil  intitulé  Cathemerinon,  ou  collection  de  prières  quo- 
tidiennes,  renferme  les  suivantes  :  Ad  Gallicimum.  Aies  dlei 
nuncius.  Hvmnus  matctinus.  Nox  et  tenebrœ  et  nubila.  Ante 
ciBUM.  0  crucifer  bone,  lucigator.  Post  ctBUii.  Pastis  visceri- 
hus,  cihoque  sumpto.  Denovo  limi.ne  paschalis  sabbati.  in- 
ventor  nitili ,  dux  bone ,  luminis.  Ame  somnum.  Ades,  Pater 


LITURGIQUES.  117 

suprême.  Hymnus  jejunantium.  0  Nazarene ,  lux  Bethlcm , 
Verbtim  Pafris.  Post  jejunium.  Christe,  servorum  regimen 
tuoriim.  Omni  iioua.  Da ,  puer,  plectrum ,  choreis  ut  canam 
fidelibns.  CincA  exequlas  defu.ncti.  Deus,  ignée  fons  anima- 
rum.  VIII.  K.vLEiVDAS  januarias.  Quid  est  quod  arctum  cir- 
culum.  De  Epipiiaxia.  Quicumque  Chrlstum  quœritis. 

Le  second  recueil  d'hymnes  est  intitulé  :  Peristephanon 
(des  couronnes) ,  parce  que  le  poète  y  célèbre  le  triomphe 
d'un  grand  nombre  de  martyrs  ,  savoir  :  les  saints  Héméle- 
rius  et  Célédonius ,  saint  Laurent ,  sainte  Eulalie ,  les  dix-huit 
martyrs  de  Sarragosse,  saint  Vincent,  les  saints  Fructueux, 
Eulogius  et  Augurius  ,  saint  Quirinus  ,  saint  Cassien  ,  saint 
Romain ,  saint  Hippolyte ,  les  saints  apôtres  Pierre  et  Paul , 
saint  Cyprien  et  sainte  Agnès.  Nous  donnerons  ci-dessous 
dans  les  notes  de  ce  chapitre ,  l'hymne  magnifique  que  Pru- 
dence consacre  à  chanter  la  fête  des  saints  Apôtres  à  Rome  (1)  ; 
elle  renferme  la  description  des  églises  de  saint  Pierre  et  de 
saint  Paul,  telles  qu'elles  étaient  alors.  On  y  verra  de  pré- 
cieux détails  sur  les  pompes  de  ce  grand  jour,  et  notam- 
ment sur  lés  deux  Messes  que  le  Pape  célébrait  en  cette 
occasion.  Les  hymnes  de  Prudence ,  et  la  plupart  de  ses 
autres  poésies ,  sont  remplies  de  particularités  liturgiques 
du  plus  haut  intérêt  :  nous  ne  saurions  trop  en  recomman- 
der l'étude  aux  lecteurs. 

En  finissant  ce  tableau  liturgique  du  quatrième  siècle,  nous 
tirerons  de  tout  ce  qui  précède  les  conclusions  suivantes  : 

La  beauté ,  la  grandeur,  la  richesse  des  Eglises ,  fut  un  des 
caractères  de  cette  époque  de  paix. 

L'Eglise  dirigea  contre  l'hérésie  l'arme  puissante  de  la  Li- 
turgie, en  instituant  contre  les  Ariens  le  chant  alternatif  des 

(1)  Vid.  la  note  G. 


118  INSTITUTIONS 

psaumes,  en  opposant  des  hymnes  orthodoxes  à  des  canti- 
ques inspirés  par  l'erreur. 

L'hérésie ,  redoutant  l'effet  prodigieux  des  formes  litur- 
giques sur  le  peuple,  attaqua  dès  lors  les  pompes  et  le  ca- 
ractère tradilioimel  du  culte ,  par  les  argumens  que  répétè- 
rent les  sectaires  des  âges  suivans. 

Les  monastères ,  en  ce  siècle ,  commencèrent  à  avoir  des 
Eglises ,  et  une  Liturgie  Monastique  se  forma. 

Le  plus  haut  pouvoir  de  la  chrétienté,  le  Siège  Apostolique 
continua  de  promulguer  les  lois  sur  la  Liturgie ,  préparant 
ainsi  l'unité  qui  devait  plus  tard  briller  dans  cette  partie , 
comme  dans  tout  le  reste.  Les  Conciles  de  ce  siècle  mirent  les 
questions  hturgiques  au  rang  des  plus  importantes ,  et  les 
plus  illustres  docteurs  s'occupèrent  avec  complaisance  à  ex- 
pliquer et  à  régler  les  formes  du  culte  divin. 


LITURGIQUES.  419 


NOTES  DU  CHAPITRE  V. 


NOTE  A. 


Itaqtve  multo  ampliorem  locum  jnetatus  (  Pauliims  ) ,  exteriorera 
quidem  ambitum  mnro  uiidique  communivit,  qui  lolius  operis  tulissi- 
miim  esset  propugnaculum.  Magnum  deinde  atque  excelsum  vestibu- 
lum  ad  ipsos  solis  orienlis  radios  exlendit;  iis  qui  a  sacro  loci  ambitu 
longius  renioti  sunt,  conspecium  quemdam  eorum  quse  intus  recon- 
dunlur  abuude  exhibens,  et  oculos  eorum  qui  a  uostra  fide  alieni  sunt , 
ad  coiispicienda  limina  quodam  modo  invitans.  Cœterum  ubi  portas 
ingressus  sis ,  non  stalim  impuris  et  illotis  pedibus  in  sacrarium  in- 
troire  permisit.  Sed  inter  teraplum  ac  vestibulum  maximo  intervalle 
relicto,  hoc  spatium  in  quadraii  speciem  circumseptum  quatuor  obli- 
quis  porticibus  circumquaque  exornivit ,  qure  columnis  undique  altol- 
luntur .  Intercolumnia  porro  ipsa  septis  e  ligno  relicuiai  is,  in  mediocrem 
et  congruam  alliludinem  elalis  circumclusit.  Médium  autem  spatium 
apertum  et  païens  reliquit,  ut  et  cœli  aspectum  prseberet,  et  aërem 
splendidum  soli>que  radiis  collustratum  praestaret.  Hic  sacrarum  expia- 
tionum  signa  posuit;  fontes  scilicet  ex  adverso  Ecclesiaî  structos,  qui 
interius  sacrarium  ingressuris  copiosos  latices  ad  abluendum  minislra- 
rent.  Atque  hoc  primum  intranlium  diversorium  est  ;  cunctis  quidem 
ornatum  ac  nilorcra  concilians;  iis  vero  qui  inslitutione  adhuc  opus 
habent,  congrueulera  pra^bens  mansionem.  Jam  vero  hoc  spectaculum 
prœtervectus,  pluribus  aliis  interioribus  vesiibulis  aditus  ad  templum 
patentes  effecit  ;  rursiis  ad  ipsos  solis  orienlis  radios  tribus  ordine  ja- 
unis in  uno  eodeiuque  latere  constructis.  Quarum  mediam  duabus  aliis 
utrimque  positiset  alliludine  et  latiludine  plurimum  prseslaro  voluit , 
eamdemque  tereis  tabulis  ferro  vinclis,  et  sculpluris  variis  prïecipue 
decoravit  ;  ei  tanquam  reginte  satellites  alias  adjungens.  Ad  eumdem 
modum  cum  poriicibus  ad  utrumque  tenipli  latus  fabricatis  parem  ves- 
tibulorum  nunierura  disposuisset,  diverses  aditus  quibus  copiosum  lu- 
men superne  in  œdem  infunderetur ,  supra  ipsas  porticus  excogitavit , 
easque  fenestras  variis  è  ligno  sculpluris  minulissimi  operis  ornavit. 
Ipsam  vero  sedem  regiam  opulenlioribus  magisqne  preliosis  speciebus 
instruxit,  prolixa  sumptuum  magniiicentia  ad  hoc  usus.  Hic  jam  milii 
supertluum  videtur  eedis  ipsius  longiludinem  ac  latitudinem  describere, 
et  hune  splendidissimum  decorem,  atque  inexplicabilem  magnitudi- 


420  INSTITUTIONS 

nem  ;  radiantem  operum  speciera  ac  splendorera  ;  fistigia  ad  cœlum 
usque  tendentia  ;  et  supra  li;oc  eminantes  Libani  preliosissimas  cedros 
oratioue  prosequi,  quarum  meutioaem  ne  divina  quidem  oracula  prao- 
terniiserunt ,  iu  quibus  dicitur  :  Liclabuiiiur  ligna  Doraiui,  et  cedri 
Libani  quas  pi mtavit.  Quid  jara  attiaet  de  so'erti  et  ingeuiosa  totius 
fabricse  dispositione,  ac  de  excellenli  singularum  parlium  pulcliritu- 
diae  accuratius  disserere,  pnesertini  cum  oculorum  testiinoaiuni  om- 
nem  qute  auribus  percipi  potest  notitiani  excludat.  Porro  cum  templum 
iu  huac  modura  absolvisset ,  thronisque  aUissimis  in  honorera  prœsi- 
dentium,  ac  prseterea  subselliis  per  universum  templum  ordine  dispo- 
sitis  exoruasset  ;  postremo  sanctum  sanctorum,  allare  videlicet ,  in 
medio  constituit.  Utque  licec  sacraria  mullitudini  iaaccessa  essent ,  ea 
rursiis  lignis  cancelliis  munivit,  minutissimo  opère  ad  sumaïuna  artis 
fastigium  elaboratis ,  adeo  ut  admirabile  intuenlibus  spectaculum 
exhibeant.  Quinetiam  ne  ipsum  quidem  solum  negligendum  putavit. 
Quod  cum  mirum  in  modura  marmore  exoruasset ,  inde  ad  ea  quîe 
extra  tftmplum  posita  sunt  conversus ,  exhedras  et  oëcos  amplissimos 
utrimque  summa  cum  peritia  fabricavit ,  qui  sibi  invicera  ad  latera 
ipsius  basilicse  conjunguntur,  portisque  quibus  iu  médium  templum 
intratur  conaexisunt.  Quas  quidem  aedes  in  gratiam  eorum  qui  expia- 
tione  et  purgatione  per  aquam  et  Spirituna  sanctum  opus  habent ,  Sa- 
loraou  noster  vere  pacificus  templi  hujus  conditor  exstruxit. 

Est  quidem  hoc  opus  miraeulum  ,  et  omni  admi- 

ratione  majus,  lis  prsesertim  qui  ad  solam  rerum  exteriorum  speciem 
attendunt.  Omnibus  verô  miraculis  mirabiliora  sunt  archetypa ,  et  pri- 
mitive eorum  imagines,  spiritalia  Deoquedigna  exemplaria  :  instau- 
rationes  diviai  illius  et  rationalis  in  aniraabus  nostris  sedificii.  Quod 
quidem  cedifieium  cum  ipse  Dei  Filius  ad  imaginera  suam  condidisset , 
atque  in  omnibus  Dei  similitudinem  prreferre  voluisset,  incorruptibi- 
lem  ei  naturam  et  incorpoream  atque  ab  omni  terreua  materia  segre- 
gatam  largitus ,  rationalem  quoque  substantiara  et  prorsus  iutellectua- 
lem  ei  tribuens  ;  posteaquam  semel  ex  nihilo  primum  eam  creavit , 
sponsam  sauctam  et  sacrum  templum  sibi  ac  Patri  suo  constituit. 

Cumque  mentiain  vestrarum  locum  purum  ac 

nitidum  reddidissct ,  huic  sapieatissimo  post  hœc  Deique  amantissimo 
praesidi  eum  tradldit.  Qui  cum  in  aliis  rébus  singulari  judicio  et  ratio- 
cinandi  solertia  prcediius,  tum  in  animarum  q  larum  curam  sortitus 
est,  cogilalionibus  diguosceudis  ac  discernendls  perspicacissimus  ,  ab 
initio  fere  ad  huac  usque  diera  sedificare  non  desiitit  :  nunc  aurum 
splendidissimum ,  nunc  purum  ac  probum  argentum,  nunc  pretiosis- 
simos  lapides  in  une  quoque  vestrum  coagmentans  ;  ut  suis  erga  vos 
operibus  sacram  deuuo  et  arcanam  prsedictioaem  adimpleat ,  quse  sic 


LITURGIQUES.  121 

habet:  Ecce  ego  prfcparo  libi  carbunculum  lapîdem  tuum,  cl  funda- 
inenta  tua  sapphiruni,  et  propugniiciila  tua  jaspidem ,  et  portas  tuas 
lapides  orystalli ,  et  murum  tuuiu  lapides  electos  :  et  onines  tilios  tuos 
doctos  h  Deo ,  et  in  multa  pace  filios  tuos  :  et  in  jusiitia  œdiiicaberis. 
In  justitia  igitur  rcdlficans,  totius  popuM  vires  ac  facultates  congrua 
raliouo  dislinxit  :  hos  quidem  exlcriore  duntaxat  cingens  niuro ,  id  est 
lirina  (idc.  Cujus  generis  infiiiita  est  miiliiludo ,  qu;e  prœstautiorem 
siructuram  ferre  non  potcst.  Illis  veroaditus  in  templura  permittens  ; 
ad  portas  stare  et  intrantes  deducere  eas  jubet  :  qui  non  absurde  tera- 
pli  vestibulis  oomparantur.  Alios  primis  coluranis  qune  forinsecus  circa 
atrium  in  quadranguli  speeiem  dispositœ  sunt  sulîulsit ,  intra  primos  li- 
teralis  quatuor  cvangeliorum  sensus  obices  eos  inducens.  Jam  vero 
uonnullos  circa  regiara  aedem  utrinique  lateribus  applicat ,  qui  adhuc 
quidfim  catechumeni  sunt  :  et  augmentum  ac  progressura  faciunt , 
non  tamen  procul  absunt  ab  ipsa  abdilissimorum  Dei  mysteriorum  ins- 
pectione  qua  fidèles  fruuntur.  Ex  horura  numéro  eos  quorum  auimse 
inimaculatfe  sunt  et  divino  lavacro  instar  auri  purgatae  assumens  ;  alios 
columnis  quïeexterioribus  illis  long.î  prrestantiores  sunt,  arcanis  sci- 
licetet  intimis  sacrœ  Scriptune  sentent  ils  suffulsit.  Alios  vero  fenestris 
ad  lumen  ;n  œdes  immiltendum  fticlis  illustrât.  Ac  univcrsum  quidem 
templum  uno  maximo  vestibule,  unius  scilicet  Dei  summi  omnium 
rogis  adorations  exornavit.  Cliristum  vero  et  Spiritum  Sanctum  utrira- 
que  ad  latus  paternœ  auctoritaiis,  quasi  secundum  lumen  prscbet.  Sed 
et  in  rellquis  singillali;n  fidei  nostrce  sentenliis,  per  totam  basilicara 
copiosissimam  ac  pr;estanlissimam  verilatis  lucem  atque  evidentiam  os- 

tendit lusunt  eliam  in  hoc  templo  throni  ;  et  subsellia 

scamnaque  innumera  ;  in  cunclis  scilicet  animabus  in  quibus  Sancti 
Spirilus  résident  dona ,  cujusmodi  olim  visa  sunt  sacrosauclis  aposto- 
lis  ;  quibus  linguse  instar  ignis  divisce ,  et  singulis  insidentes  apparue- 
runt.  Verum  in  ipso  quidem  omnium  principe  ac  prtcside,  totus,  ut 
verisimile  est,  insidet  Cliristus.  In  ils  vero  qui  secundum  dignitatis 
locuni  obtinent ,  quatenusquisipie  disperlita  virtulis  Cbristi  Sanctique 
Spirilus  dona  capere  potcst.  Subsellia  quoquc  Angeloriim  sunt  quo- 
rumdam  animée,  quorum  inslitutio  et  custodia  illis  demandata  est. 
Augustum  vero  magnumque  et  unicum  altare  quodnam  aliud  est,  quam 
suranii  omnium  sacerdotis  purissima  mens  prorsusque  sanctum  sancto- 
rum.  Cui  dexter  assistens  maximus  ille  omnium  Pontifex,  ipse  scilicet 
Jésus  unigenitus  Dei  filius,  Eu'^eb.  J/ist.  Ecoles. ,  Lib.  /Y,  cap,  IV. 

INOTE   B. 

Hoc,  inquam,  monumentum  tanquam  totius  operis  caput,  impera- 
toris  raagnificentia  eximiis  columnis  et  maxime  cultu  primura  omnium 


i22  mSTlTUTIONS 

decoravit,  et  cujusquemodi  ornamentis  illustravit.  Transgressas  inde 
est  ad  vastissimum  locum  libero  patentem  cœlo.  Cujus  solum  splendido 
lapide  constravit,  longissimisque  undique  porticibus  ad  tria  latera  ad- 
ditis.  Quippe  lateri  illi  quod  e  regione  speluncse  positum,  solis  ortum 
spectabat,  conjuacla  erat  basilica  :  opus  plane  admirabile,  ia  immea- 
sam  allitudinem  elatum,  et  longitudiue  ac  latitudine  maximâ  expaa- 
sum.  Cujus  interiora  quidem  versicoloribus  marmoris  crustis  obtecta 
sunt  :  exterior  vero  parietum  superficies ,  politis  lapidibus  probe  inter 
se  vinctis  decorata ,  eximiam  quamdam  pulcbriludinem,  nibilo  infe- 
riorem  marmoris  specie,  praeferebat.  Ad  culraeu  vero  et  caméras  quod 
attinet ,  exteriora  quidem  tecta  plumbo ,  tauquam  firmissimo  quodam 
munimenlo ,  ad  bibernos  imbres  arcendos  obvallavit.  Interius  autem 
tectum  sculptis  lacunaribus  consertum,  et  instar  vasti  cujusdam  maris 
compactis  inter  se  tabulis  per  totam  Basilicam  dilatatum,  lotumque 
auro  purissimo  coopertum,  uoiversam  Basilicam  velut  quibusdam  ra- 
diis  splendere  faciel)at.  Porro  ad  utrumque  latus,  germinse  porticns 
tam  sublerranece  quam  supra  terram  emiaentes,  totius  Basilica;  lon- 
gitudinem  «quabant  ;  quarum  concamerationes  auro  perinde  variatae 
sunt.  Ex  bis,  quœ  in  fronte  Basilicaî  erant ,  ingentibus  columnis  fulcie- 
bantur  :  qu;e  vero  iuteriores ,  pessis  maguo  cultu  extriusecus  ornatis 
suslinebantur.  Ports  très  ad  orientem  solera  apte  disposit.e,  introeun- 
tium  turiiam  exceperunt.  E  regione  barum  portarum  erat  hemisphae- 
rium,  quod  totius  operiscaput  est  :  usque  ad  culnien  ipsius  Basilicse 
protentum.  Cingebatur  id  duodecim  columnis,  pro  numéro  sanctorum 
Servatoris  nostri  Apostolorum.  Quarum  capita  maximis  crateribus  ar- 
genteis  erant  ornata  :  quos  imperator  tanquam  pulcberrimura  dona- 
rium,  Deo  suo  dicaverat.  Hinc  ad  eos  adilus  qui  ante  templum  sunt 
progredientibus ,  aream  iuterposuit.  Erant  autem  in  eo  loco  primum 
atrium,  deinde  porticus  ad  utrumque  latus,  ac  postremo  portce  atrii. 
Post  bas  totius  operis  vestibula  in  ipsa  média  platea,  in  qua  forum  est 
rerum  venalium,  ambitioso  cultu  exoruala,  iter  forinsecus  agenli- 
bus,  aspectum  earum  rerum  qu;e  iotus  cernebautur  non  sine  quo- 
dam stupore  exbibebant.  (  Eusebius ,  Fita  Constantini ,  Lib.  III.  cap. 

XXXI  r—  XXXIX.  ) 

NOTE  C. 

Hujus  temporibus  fecit  Coustantinus  Augustus  Basilicas  istas,  quas 
et  ornavit:  Basilicam  Constantinianara,  ubi  posuit  ista  dona.  Fastigium 
argenteum  battutile,  quod  babet  in  fronte  Salvatorem  sedentem  in 
sella  in  pedibus,  o.  Peus.  libras  120.  Duodecim  Apostolos  in  quinis  pe- 
dibus,  qui  pensaverunt  singuli  libras  nonagenas,  cum  coronis  argent! 
purissimi.  Item  à  tergo  respiciens  in  absida,  Salvatorem  sedentem  in 


LITURGIQUES.  423 

ihrono  in  pedibus  quinis  ex  argento  purissimo ,  qui  pens.  libras  140. 
Angelos  quatuor  e\  argeato,  qui  suut  in  pedibus  quiuis  costas  curu 
crueibus  teneutes,  qui  pensaveruiit  siuguli  libras  105,  cum  gemmis 
alavandinis  in  oculos.  Fastiglum  ipsum  ubi  stant  Angeli  velApostoli, 
pensât  libras  duo  uiillia  viginli  quinquo  ex  argento  dolatico.  Farura  ex 
auro  purissimo ,  quod  peudet  sub  fastigio  cum  delphinis  quinquaginta , 
qu3e  pensant  cura  catena  sua  libras  25.  Coronas  quatuor  cum  delphinis 
viginti  ex  auro  purissimo  pensantes  singuke  libras  15.  Cameram  Basi» 
licie  ex  auro  trimme  in  longura ,  et  in  latum  in  pedibus  quingeutis. 
Altaria  septem  ex  argento  battutili  pens.  sing.  libras  200.  Patenas  au- 
reas  septem,  qu;e  pensant  singul;e  libras  50.  Patenas  argenteas  13, 
pensantes  singulas  libras  50.  Scyphos  aureos  7 ,  qui  pens.  singuli  libras 
decem  ;  scyphum  singularem  ex  métallo ,  corallo  ornatum  undique  de 
gemmis  prasinis ,  et  hyacinlhinis  auro  interclusum ,  qui  pensât  ex  omqi 
parte  libras  viginti,  et  uncias  très.  Scyphos  argenteos  viginti  pensantes 
singulos  libras  15.  Amas  ex  auro  purissimo  duas,  pensantes  sing  libras 
quinquaginta  portantes  sing.  medemnos  très.  Amas  argenteas  viginti , 
qute  pensant  singuke  libras  decem,  portantes  singulae  medemnas  singu- 
las. Calices  minores  ex  auro  purissimo  quadraginta ,  pensantes  singulos 
libras  singulas.  Calices  minores  ministeriales  quinquaginta  pensantes 
singuli  libras  binas,  Ornamenta  in  Basilica.  Farura  cantharura  ex  auro 
purissimo  an  te  al  tare ,  in  quo  ardet  oleum  nardinum  pisticum  cum  del- 
phinis octuaginta,  qui  pensant  libras  triginta,  ubi  candelce  ardent  ex 
oleo  nardino  pistico  in  gremio  Ecclesite.  Pharum  cantharum  argen- 
teum  cum  delphinis  centum  et  viginti ,  quod  pensât  libras  quinqua- 
ginta ,  ubi  oleum  ardet  nardinura  pisticum.  Phara  canthara  argentea 
in  gremio  Basilicte  quadraginta  pens.  singula  libras  triginta ,  ubi  ardet 
oleum  quod  supra.  Parte  dextra  Basilicrc  :  Phara  argentea  quadraginta 
pens.  singula  libras  viginti.  Phara  canthara  in  laeva  Basilicae  argentea 
viginti  quinque  pens.  singula  libras  viginti.  Canthara  cyrostrata  in 
gremio  Basilicœ  argentea  quinquaginta  pens.   singula  libras  viginti. 
Singidarum  librarum  metrœ  très  ex  argento  purissimo ,  quœ  pensant 
singulae  libras  300,  portantes  singulae  medemnas  decem.  Candelabra 
aurichalcha  septem  ante  altaria,  quœ  sunt  in  pedibus  10,  cum  ornatu 
suo  ex  argento  interclusa  sigillis  Prophetarum  pens.  singula  libras  tri- 
ginta ,  etc.  (  Liber  Pontificalis ,  in  Silvestrum.  ) 

INOTE  D. 

Hic  fecit  in  urbe  Roma  Ecclesiam  in  prœdio  cujusdam  presbyteri  sui , 
quicognominabatur  Equitius;  quera  titulum  Romanum  constituit  justa 
therraas  Doraitianas  ;  qui  usque  ia  hodiernum  diem  appellatur  titulus 


i24i  INSTITUTIONS 

Eqnitii,  ubi  et  hxc  dona  contulit  :  Patenam  argenteam  pensantem  lib, 
20,  ex  dono  Coiiîtantini  Augusti.  Donivit  autera  seyplios  argenteos  2, 
pensantes  singulos  lih.  10.  Calicem  aureuni  pensantem  lib.  2.  Calices 
miniiteriales  5.  pensantes  singulos  lib.  2  Amas  argenteas2.  pensantes 
singulas  lib.  10.  Pateuam  argenteam  auro  clusim  chrismaiem,  pensan- 
tem lib.  o.  Phara  coronata  10  ,  pensatia  singula  lib.  8.  Phara  aerea  20. 
pensantia  singula  lib.  X.  Cantbara  ceroslrala  serea  12.  pensautia  singula 
lib.  50 ,  etc.  (  Ibidem.  ) 

KOTE  E. 

îVam  cum  Ariani ,  quibus,  régnante  Theodosio ,  ademptœ  fuerant  Ec- 
clesiae  Constantinopoli ,  extra  urbis  mœnia  conventus  Ecclesiasticos 
agerent,  noetu  in  publieis  porticibus  primum  congrpgabantur.  Et  in 
cœtusdivisi,  antipLonatini  psallebant ,  clausuias  quasdam  juxta  ipso- 
rum  dogma  compositas  adjicientes.  Prima  autem  luce,  eadem  publiée 
canentes,  pergebant  ad  ioca  iu  quilnis  collectas  celebrabant.  Atque  id 
facere  consueverant  in  celebrioribus  quibu.sque  festivitrttibus ,  et  primo 
ac  septitiio  cujusque  hebdomadis  die.  Tandem  vero  caniica  quoquî  ad- 
jecerunt,  qu;e  ad  rixamet  contention'^m  spectarent  :  Ubinam  suut  qui 
très  dicunt  esse  unicam  potentiam?  Et  alla  ejusmodi  hyraais  suis  in- 
termiscentes.  Joannes  itaque,  veritus  ne  qnis  ex  Ecclesia  sua  per  haec 
in  fraudera  induteretur,  plebera  quse  sub  ipso  erat,  ut  similiter  ps^l- 
ieret  incitavit.  Qui  brevi  tempore  illusirioresfacti,  Arianos  et  multitu- 
dine  et  apparatus  splendore  longe  supeiarunt.  >'am  et  crucem argentea 
.signa,  prcecedenlihus  cereis,  eos  anteibant.  ( Sozomeni liist.  Ecoles. 
Lib.  VIII.  cap.  VIII.  ) 

>OTE   F. 

Quantum  flevi  in  bymnis  et  canticistuis,  suave  sonantis  Ecclesise  tuae 
vocibus  comraotus  acriter  !  Voces  illse  inflaebant  auribus  mais,  et  eli- 
quabatur  veritas  in  cor  meum;  et  exœsluebat  inde  affectus  pietatis, 
et  currebant  lacrym»,  et  bene  milii  erat  cum  eis.  ]Non  longe  cœperat 
Mediolanensis  Ecclesia  geniis  hoc  con-.olationis  et  exhortationis  cele- 
brare ,  magno  studio  fratrum  concinentium  vocibus  et  cordibus.  >'imi- 
rum  annus  erat ,  aut  non  multo  ampliùs ,  cum  Justina  Valentiniani  régis 
pueri  mater,  hominem  tuum  Ambrosium  persequeretur ,  baercsis  suae 
causa  qna  fuerat  seducta  ab  Arianis.  Excnbabat  pia  plebs  in  Ecclesia, 
mori  parata  cum  Episcopo  suo,  serve  tuo.  Ibi  mater  mea,  ancilla  tua  , 
sollicitudinis  et  vigiliarum  primas  teneur ,  oratioaibus  vivebat.  >os 
adhuc  frigidi  a  calore  spiritus  tui,  excitabamur  tamea  civitate  altonita 
atque  turbata.  Tune  liymni  et  psalmi  ut  canerenlur  secundum  morem 
orientalium  partium,  ne  populus  moeroris  tîedio  contabesceret ,  insti- 


LITURGIQUES.  125 

tutum  est  ;  et  ex  illo  in  hodiernum  retentum ,  nmltis  jam  ac  pêne  om- 
nibus grogilnis  tuis,  et  por  ou'tera  orbls  imitanlibus.  (S.  Augustini 
Confessionitm  lib.  IX,  cap.  6  ctl.) 

NOTE  G. 

Plus  solilo  coeunt  ad  gaudia:  die  auiice,  quid  sit. 

Romani  per  omnera  cursitaut ,  ovantque. 
Festus  apostolici  nobis  redit  liic  dies  triumphi , 

Pauli,  atque  Pétri  nobilis  cruore. 
llnus  utrumque  dies ,  pleno  taraen  innovatus  anno , 

Vidit  superba  morte  laureatum. 
Scit  tiberina  palus ,  quœ  fluraiae  lambitur  proplnquo, 

Binis  dicatum  ca^spitem  tropbseis , 
Et  orucis,  et  gladii  testis:  quibus  irrigaas  easdem 

Bis  lluxit  imber  sanguinis  per  herbas. 
Prima  Petrum  rapuit  sententia ,  legibus  ISeronis 

Pendere  jussum  pneminente  ligne, 
nie  tamen  verilus  celsoe  decus  semulando  mortis 

Ambire  tanti  gloriam  magistri, 
Exigit,  ut  pedibus  mersum  caput  imprimant  supinis, 

Quo  spectet  imum  stipitem  cerebro. 
Figitur  ergo  manus  subler,  sola  versus  in  cacumen: 

Hoc  mente  major ,  quod  minor  figura. 
iNoverat  ex  hiimili  oœlum  cilius  solere  adiri  : 

Dejecit  ora,  spiritum  daturus.  , 

Ut  teres  orbis  iter  flexi  rota  percucurrit  anni , 

Diemque  eumdem  sol  reduxit  ortus  , 
Evomit  in  jugulum  Pauli  ÎNero  fervidum  furorem , 

Jubet  feriri  gentium  magistrum , 
Ipse  prius  sibimet  finem  cito  dixerat  futurum  , 

Ad  Christum  eundum  est,  jam  resolvor,  inquit. 
Necmora;  protrahitur,  pœu«  dalur,  immolatur  euse, 

Non  hora  vateni ,  non  dies  fefellit. 
Dividit  ossa  duura  Tibris ,  sacer  ex  utraque  ripa , 

Inter  sacrata  dum  fluit  sepulclira. 
Dextra  Petrum  regio  textis  tenet  aureis  receptum, 

Canens  oliva,  murmurans  fluento. 
INamque  supercilio  saxi  liquor  ortus  excitavit 
Frondem  perennem  chrismatis  feracem  , 
Nunc  pretiosa  ruit  per  marmora ,  lubricatque  clivum, 
Donec  virenti  fluctuet  colymbo. 


126  INSTITUTIONS 

Interior  tumiili  pars  est,  ubi  lapsibus  sonoris 

Stagnum  nivali  volvitur  profundo. 
Omnicolor  vitreas  pictura  superne  tingit  undas, 

Musci  relucent,  et  virescit  auruni. 
Cyaneusque  latex  umbram  trahit  imminentis  ostri  : 

Credas,  moveri  fluctibus  lacunar. 
Pastor  oves  alit  ipse  illic  gelidi  rigore  fontis , 

Videt  sitire  quas  fluenta  Christi. 
Parte  alia  titulum  Pauli  via  servat  Ostiensis, 

Qua  stringit  amnis  caespitem  siaistruna, 
Regia  pompa  loci  est  :  princeps  bonus  bas  sacravit  arces , 
j      Lusitque  magnis  ambitum  talenlis. 
Bracteolas  trabibus  sublevit ,  ut  omuis  auruleata 

Lux  esset  intus,  ceu  jubar  sub  ortu. 
Subdidit  et  parias  fulvis  laquearibus  columaas , 

Distinguit  illic  quas  quaternus  ordo. 
Tum  camuros  byalo  insigni  varie  cucurrit  arcus  : 

Sic  prata  vernis  floribus  renident. 
Ecce  duas  fidei  summo  Pâtre  conferente  dotes , 

Urbi  colendas  quas  dédit  togatae. 
Aspice,  per  biûdas  plebs  romula  fuaditur  plateas, 

Lux  ia  duobus  fervel  una  festis. 
IVos  ad  utrumque  tamen  gressu  properemus  incitato 

Et  his,  et  illis  perfruamur  hymais. 
Ibimus  ulterius,  qua  fert  via  pontis  Hadriani, 

Laevam  deinde  fluminis  petemus. 
Transtiberina  prius  solvit  sacra  pervigil  sacerdos  , 

Mox  hue  recurrit ,  duplicatque  vota. 
Haec  didicisse  sat  est  Romae  tibi  ;  tu  domum  reversas, 

Diem  bifestum  sic  colas,  mémento. 

(Prudentius.  Peristephanon.  ffymn.  XII ,  deSS.  ApoitoUs). 


LiTimciouES.  127 


CHAPITRE  VI. 

DE  LA  LITURGIE  DURANT  LES  CINQUIÈME    ET   SIXIÈME    SIÈCLES. 
PREMIÈRES   TENTATIVES   POUR   ÉTABLIR   L'UNITÉ. 

Le  régime  de  paix  sous  lequel  vivait  désormais  l'Eglise  ^ 
son  affranchi ssement  de  toutes  attaques  extérieures,  lui  don- 
naient le  loisir  de  régler  les  formes  accidentelles  de  son  gou- 
vernement et  de  ses  institutions  :  mais  rien  n'était  pour  elle 
plus  urgent  que  de  multiplier  les  applications  de  ce  grand 
principe  d'unité  qu'elle  avait  reçu  du  Christ  comme  sa  loi  fon- 
ilamentale ,  et ,  par  le  bienfait  duquel ,  elle  avait  traversé  trois 
siècles  de  carnages,  et  les  tempêtes  non  moins  affreuses  de  l'A- 
rianisme.  Les  dissensions  qui  s'étaient  élevées  entre  ses  enfans 
même ,  guerres  de  famille  si  redoutables  qu'on  y  avait  mis 
en  question  le  principe  même  du  christianisme ,  la  consub- 
slanlialité  du  Verbe ,  inspiraient  aux  pasteurs  des  Eglises  le 
dessein  de  serrer  de  plus  en  plus  le  lien  qui  unissait  les  fidèles 
dans  la  confession  des  mêmes  dogmes  et  dans  l'obéissance 
au  même  pouvoir.  Le  perfectionnement  des  formes  liturgi- 
ques par  l'unité ,  devenait  donc  dès-lors  indispensable. 

D'abord,  sous  le  rapport  du  gouvernement  ecclésiastique, 
il  était  temps  de  pourvoir  à  l'unité  liturgique.  La  Liturgie 
est  le  langage  de  l'Eglise ,  non  seulement  quand  elle  parle  à 
Dieu ,  mais  quand  elle  fait  retentir  sa  voix  solennelle  dans  le 
sanctuaire,  quand  ses  enfiuis  chantent  avec  elle  leur  foi, 
leurs  joies,  leurs  craintes  et  leurs  espérances.  Or,  dans  un 
état ,  dans  une  société  ,  le  langage  doit  être  un  comme  le 
pouvoir  qui  les  régit  :  une  des  principales  causes  de  disso- 


428  INSTITUTIONS 

lution  d'un  empire  formé  par  la  conquête  sera  toujours  la 
divergence  de  l'idiome  des  provinces  avec  la  langue  parlée 
dans  la  métropole.  La  politique  terrestre  s'efforce  en  mille 
manières  d'effacer  ces  dissonances  :  elle  sent  qu'il  y  va  de  la 
durée ,  de  la  stabilité  des  royaumes.  L'Eglise ,  par  le  côté 
où  elle  est  une  société  humaine ,  a  les  mêmes  besoins ,  les 
mêmes  nécessités,  accrues  encore  de  toute  l'importance  de 
sa  mission  céleste.  Nous  n'aurons  que  trop  d'occasions  de 
montrer  dans  la  suite  de  ce  récit  que  les  défections  de  pro- 
vinces dans  l'histoire  de  l'Eglise  ont  été ,  en  raison  du  plus 
ou  moins  d'unité  conservée  dans  la  Liturgie  par  ces  mêmes 
provinces,  ou  encore  n'ont  été  consommées  sans  retour 
qu'au  moyen  des  changemens  introduits  dans  cette  forme 
si  importante  du  christianisme. 

Et  remarquons  bien  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  de  l'unité  con- 
sidérée dans  les  choses  essentielles  du  culte  divin,  comme  la 
matière  et  la  forme  du  Sacrifice  et  des  Sacremens ,  les  rites 
généraux  qui  les  accompagnent,  et  tant  d'autres  détails. 
Nous  avons  prouvé  que ,  sur  ces  articles  ,  l'unité  avait 
toujours  été  parfaite  dès  l'origine  de  l'Eglise.  Il  s'agit  d'un 
nouveau  degré  d'unité  dans  les  formules  non  essentielles 
à  la  validité  des  Sacremens ,  à  l'intégrité  du  Sacrifice ,  dans 
la  Confession,  la  Prière,  la  Louange,  dans  les  cérémonies 
dont  le  culte  développé  s'enrichit ,  en  un  mot ,  dans  l'ensem- 
ble des  rites  qui  expriment  en  leur  entier ,  soit  les  mystères 
de  l'initiation  chrétienne ,  soit  le  Service  offert  par  la  cité  ra- 
chetée (1) ,  comme  dit  saint  Augustin ,  à  l'auteur  et  au  con- 
sommateur de  la  foi  (2). 
Les  première  apôtres  des  diverses  Eglises  dont  l'ensemble 

(1)  De  Civitate  Dei.  Lib.  X.  Cap.  VI. 

(2)  Hsebr.  XII.  2. 


LITURGIQUES.  120 

formait  au  Clirisl,  dès  Tépoque  do  Constantin,  un  si  niagni- 
fique  enipii'o ,  avaient  porte  avec  eux  les  usages  des  Egiises- 
mères  qui  les  envoyaient  ;  ils  avaient  complété  ,  interprété 
ce  qui  avait  besoin  de  l'être.  Après  eux,  leurs  successeurs 
avaient ,  toujours  en  gardant  l'unité  sur  le  fond  inaltérable 
en  tous  lieux,  ajouté  avec  plus  ou  moins  de  bonheur,  de 
nouvelles  parties  à  l'œuvre  primitif,  pour  satisfaire  à  de  nou- 
veaux besoins;  mais  cette  divergence,  moins  sentie,  dans 
le  cours  des  persécutions  et  durant  les  violentes  secousses  de 
l'Arianisme,  était  un  grave  mconvénient,  du  moment  que  l'E- 
glise avait  à  s'occuper  des  institutions  propres  à  l'âge  de  paix 
qui  s'ouvrait  devant  elle.  Tout  en  s'accommodant  aux  lieux 
et  aux  mœurs  ,  il  restait  ,  comme  il  restera  toujours ,  beau- 
coup à  régler ,  à  corriger ,  à  perfectionner  ;  c'est  ce  travail , 
ce  sont  ces  efforts  constans  et  éclairés  que  nous  allons  suc- 
cessivement mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  :  mais  aupara- 
vant, il  nous  reste  à  développer  une  autre  considération, 
non  moins  importante,  qui  engagea  l'Eglise  des  cinquième  et 
sixième  siècles  à  poursuivre  par  des  mesures  efficaces  le 
projet  d'unité  liturgique. 

Il  y  a  d'admirables  paroles  du  Pape  saint  Sirice,  pronon- 
cées à  la  fin  du  quatrième  siècle,  qui  révèlent  toute  la  gra- 
vité des  conséquences  de  l'unité  observée  ou  violée  dans  la 
Liturgie.  «  La  règle  apostolique  nous  apprend  que  la  con- 
»  fession  des  Evêques  catholiques  doit  être  une.  Si  donc  ,  il 
»  n'y  a  qu'une  seule  foi,  il  ne  doit  y  avoir  non  plus  qu'une 
»  seule  tradition.  S'il  n'y  a  qu'une  seule  tradition ,  une  seule 
»  discipline  doit  être  gardée  dans  toutes  les  églises  (1).  »  Tel 


(1)  Catholicoruni  cpiscoporaui  unani  eonfessioncm  esse  debere  apos- 
tolica  disciplina  coniposuit.  Si  ergo  una  tides  est,  nianere  débet  et  una 
traditio.  Si  una  traditio  est,  una  débet  disciplina  per  omnes  ecclesias 
custodiri,  Jpud  Couslant.  Pag.  692. 


130  INSTITUTIONS 

est  l'axiome  fondamental  delà  catholicité.  Une  seule  foi, 
une  seule  forme  d'une  seule  foi.  Cela  étant,  la  Liturgie,  si 
elle  est  une  dans  l'Eglise  de  Dieu ,  doit  être  une  expression 
authentique  de  la  foi  de  cette  église ,  une  définition  perma- 
nente des  controverses  qui  s'élèveraient  sur  les  points  du 
dogme  confessés  dans  les  formules  sacrées. 

Cette  conclusion  si  naturelle  d'ailleurs ,  c'est  un  Pape  du 
cinquième  siècle  qui  nous  la  fournira.  Voici  ce  que  saint  Cé- 
lestin  écrit  aux  évêques  des  Gaules  qui  avaient  eu  recours  à 
lui,  contre  l'erreur  des  Pélagiens.  «  Outre  les  décrets  inviola- 
»  blés  du  Siège  Apostolique  qui  nous  ont  enseigné  la  vraie 
»  doctrine ,  cotisidérons  encore  les  mystères  renfermés  dans 
»  ces  formules  de  prières  sacerdotales  qui ,  établies  par  les 

>  Apôtres,  sont  répétées  dans  le  monde  entier  d'une  manière 
ï  uniforme  par  toute  l'Eglise  catholique  ;  en  sorte  que  la  règle 
»  de  croire  découle  de  la  règle  de  prier  ;  ut  legem  credendi  lex 

>  STATUAT  suppLiCANDi.  t>  11  fait  cnsuitc  l'énumération  des 
grâces  demandées  par  le  Prêtre  dans  l'action  du  Sacrifice  (1), 
et  cette  même  énuméralion  se  trouve  presque  avec  les  mêmes 
termes,  employée  dans  un  argument  du  même  genre  par 
saint  Augustin,  dans  son  épître  217  (2).  Elle  a  pour  but  de 
montrer  que  tout  secours  surnaturel  vient  de  Dieu ,  puis- 
que tout  secours  surnaturel  est  demandé  à  Dieu  dans  la 
Liturgie. 

L'intérêt  de  la  foi ,  non  moins  que  Tordre  de  la  discipline, 
demandait  donc  que  des  mesures  fussent  prises  de  bonne 
heure  pour  arrêter  les  innovations  qui  tendraient  à  séparer 
les  Eglises  plutôt  qu'à  les  unir.  Le  premier  monument  de  ce 
fait  que  l'on  rencontre ,  est  un  canon  qui  se  trouve  parmi 
ceux  du  second  Concile  de  Milève ,  auquel  assistèrent ,  en 

(1)  Vid.  îa  note  A.  —  (2)  via.  tbiaem. 


LITURGIQUES.  i51 

41(3 ,  soixaiiic-un  Evoques  de  la  province  de  Numidie  ,  du- 
rant les  li'oublcs  du  Pëlagianisnie.  Voici  ce  qu'il  contient  : 
<i  11  a  semblé  aussi  aux  Evoques,  que  les  prières ,  les  omt- 
sons  ou  messes ,  qui  ont  été  approuvées  dans  un  Concile , 
»  les  préfaces,  les  recommandations,  les  impositions  de  mains^ 
devaient  cire  observées  par  tous.  On  ne  récitera  dans  l'E- 
glise que  celles  qui  auront  été  composées  par  des  personnes 
»  habiles,  ou  approuvées  par  un  Concile,  dans  la  crainte 
»  qu'il  ne  s'y  rencontre  quelque  chose  qui  soit  contre  la  foi, 
»  ou  qui  ait  été  rédigé  avec  ignorance,  ou  sans  goût  (1).  » 
Ainsi ,  des  bornes  sont  mises  aux  efîets  d'un  zèle  peu 
éclairé,  aussi  bien  qu'à  cet  amour  des  nouveautés  qui  tra- 
vaille si  souvent  les  hommes,  même  à  leur  insu.  Il  faudra 
désormais  le  contrôle  d'un  Concile  pour  donner  valeur  et 
légitimité  aux  formules  nouvelles  qu'on  voudrait  inaugurer 
dans  l'Eglise  d'Afrique,  et  celles  dont  l'emploi  est  licite  ont 
déjà,  dans  le  passé,  reçu  cette  haute  sanction.  Transpor- 
tons-nous maintenant  dans  les  Gaules ,  nous  allons  voir ,  avec 
plus  d'énergie  encore,  l'unité  liturgique  proclamée  parles 
Evêques  d'un  Concile  de  Bretagne. 

En  461 ,  le  Concile  de  Vannes,  présidé  par  saint  Perpe- 
tuus  ,  Evêque  de  Tours ,  rend  ce  décret ,  au  canon  quin- 
zième : 

«  Il  nous  a  semblé  bon  que  dans  notre  province  il  n'y  eût 
»  qu'une  seule  coutume  pour  les  cérémonies  saintes  et  la 


(1)  Placnit  etiam  et  illud ,  ut  prtîces  vel  orationes ,  seu  missai  quse 
probaUï  fueiint  in  coiicilio,  sive  prcef.itiones,  sive  commendationes, 
seu  manus  imposiliones  ab  omnibus  Cf  lebrentur.  Nec  aliœ  omnino  di- 
cantiir  in  Ecclesia,  nisi  quie  a  prudenlioribus  tractalœ  vel  comprobatsi 
in  synodo  fuerint ,  ne  forte  aliquid  conlra  fiJem ,  vel  per  ignorantiam  , 
vel  per  minus  studium  sit  composilum.  Concil,  3JUey,  Labb.  Tom.  II. 
pag.  13i0. 


432  INSTITUTIONS 

»  psalmodie  ;  en  sorte  que,  de  même  que  nous  n'avons  qu'une 
»  seule  foi,  par  la  confession  de  la  Trinité,  nous  n'ayons  aussi 
3»  qu'une  même  règle  pour  les  offices  :  dans  la  crainte  que  la 

>  variété  d'observances  en  quelque  chose  ne  donne  lieu  de 

>  croire  que  notre  dévotion  présente  aussi  des  différences  (1) .» 
Assurément,  il  ne  se  peut  dire  rien  de  plus  précis,  et  les 

siècles  qui  suivirent  n'ont  point  professé  la  doctrine  de  l'u- 
nité liturgique  avec  plus  de  franchise  que  ne  le  firent  dans 
ce  Concile  les  Evêques  Bretons.  Avec  une  voix  plus  solennelle, 
avec  leur  autorité  universelle  et  souveraine,  jamais  les  Pon- 
tifes Romains  ne  parlèrent  un  langage  plus  précis  et  plus 
énergique.  îl  nous  est  doux ,  à  nous  que  tant  de  liens  atta- 
chent à  cette  noble  Métropole  de  Tours ,  d'enregistrer  ce 
beau  témoignage,  qui,  du  reste,  ne  sera  pas  le  dernier.  Si 
aujourd'hui  cette  illustre  province  est  tristement  morcelée , 
en  sorte  que  sa  voix  ne  monte  plus  la  même  dans  les  huit  ca- 
thédrales qu'elle  garde  encore  debout,  du  moins  pour  elle 
les  jours  d'unité  liturgique  furent  longs  et  glorieux. 

Nous  trouvons,  quarante  ans  après ,  un  autre  Concile  dans 
les  Gaules ,  celui  d'Agde ,  en  o06 ,  qui ,  dans  son  trentième 
canon ,  proclame  la  même  doctrine  : 

«  Comme  il  convient  que  l'ordre  de  l'Eglise  soit  gardé 
»  également  par  tous,  il  faut,  ainsi  qu'on  le  fait  en  tous 

>  lieux  ,  qu'après  les  antiennes,  les  collectes  soient  recitées 

>  en  leur  rang  par  les  Evêques ,  ou  par  les  Prêtres  (2) .  » 

(!)  Rectum  quoqueduximus,  ut  vel  intra  proviaciara  nostrarn  sacro- 
rum  ordo  et  psalleadi  una  sit  consuetudo:  et  sicut  umm  cum  Trini- 
talisconfessione  fidem  tenemus,  unam  et  oflicioruDi  regulam  teneamus: 
nevariaia  observation^î  in  aliquo  d^votio  nostra  discrepare  credatur. 
Concil.  Fetitt.  Labb.  Tom.  i.pag.  10o7. 

(2)  Et  quia  convenit  ordinem  ecclesiie  ab  omnibus  sequaliter  custo- 
diri,  studendum  est,  ut  sicut  ubique  fit,  et  post  antiphonas  collectiones 
per  oi'diuem  ab  epi&copis  vel  preMiytevis  dicautur ,  et  bymni  raatutini 


LlTURGrQUES.  135 

Mais  en  toute  société,  pour  que  l'unité  devienne  possible  y 
il  faut  un  centre  avec  lequel  il  soit  nécessaire  de  s'accorder. 
Dans  les  Gaules  encore,  an  Concile  d'Epaonc ,  en  517 ,  nous 
ti'ouvons  une  règle  ûxée,  qui,  toute  imparfaite  qu'elle  est, 
peut  encore  produire  de  grands  avantages,  à  cet  âge  inter- 
médiaire qui  précède  la  grande  unité  liturgique.  Au  canon 
vingt-septième ,  ce  qui  suit  est  réglé  solennellement  : 

«  Dans  la  célébration  des  divins  offices ,  les  Evêques  de  la 
î  province  devront  observer  l'ordre  gardé  par  le  métropo- 
»  litain  (1).  » 

L'Eglise  Gothique  d'Espagne,  dans  la  même  année ,  éprou- 
vait le  même  besoin  d'unité  et  sanctionnait  la  même  règle , 
en  attendant  l'unité  romaine  dont  elle  ne  devait  jouir  que 
long-temps  après  la  France.  Voici  le  premier  canon  du  Con- 
cile de  Gironne  : 

«  Pour  ce  qui  touche  l'institution  des  Messes,  dans  toute 
»  la  province  Tarragonaise ,  on  observera ,  au  nom  de  Dieu , 
3>  l'usage  de  l'Eglise  métropolitaine ,  tant  pour  l'ordre  de  la 
»  Messe ,  que  pour  ce  qui  est  de  la  psalmodie ,  et  de  la  fonc- 
»  tion  des  ministres  (2).  » 

Dans  une  autre  région  de  la  même  péninsule ,  nous  trou- 
vons ,  environ  quarante  ans  après ,  des  réglemens  de  Concile 

vel  vesperlini  diebns  omnibus  decantentur ,  et  in  conclusione  matuli- 
narum  vel  vesperlinarum  missarum,  post  liymnos  capitella  de  psalmis 
dicanturet,  plebs,  collecta  oralione  ad  vesperam.ab  episcopo  cum  beue- 
diclione  dimittatur.  Condl.  Jcjath.  Labb.  Tom.  4.  pag.  1588. 

(1)  Ad  celebraada  diviiia  officia ,  ordiiiem  quem  metropolitani  te- 
nent  proviaciales  eoruai  observare  debebunt.  Concil.  Labb.  Tom  IV. 
pag.  1379. 

(2)  De  instituiione  missarum,  ut  quomodo  in  metropolitana  ecclesia 
fuerit,  ita,  Deinomine,  in  omni  Tanacoaensi  proviiicia  lam  ipsiusmissa^ 
ordo  quam  psallendi,  vel  rainistrandi  consuetudo  scrvetur.  Concil. 
Germien.  Labb.  Tom.  4.  pag.  15G8. 


134  INSTITUTIONS 

dictés  dans  le  même  esprit.  Le  Concile  de  Brague,  en  365, 
décrète  les  canons  suivans  : 

«  Canon  1.  II  a  plu  à  tous,  d'un  commun  consentement , 
»  que  l'on  gardât  un  seul  et  même  ordre  de  psalmodie,  tant 
»  aux  offices  du  matin  qu'en  ceux  du  soir ,  et  qu'on  ne  mé- 

>  langeât  point  la  règle  ecclésiastique  de  coutumes  diverses , 

>  privées,  ou  même  tirées  des  monastères  (1).  » 

«  Canon  2.  Il  a  plu  également  d'ordonner  que  dans  les 

>  vigiles  et  les  Messes  des  jours  solennels ,  les  mêmes  leçons 
»  fussent  lues  par  tous  dans  les  églises  (2).  > 

«  Canon  3.  lia  plu  également  d'ordonner  que  les  Evêques 
»  et  les  Prêtres  ne  salueraient  pas  le  peuple  diversement, 
»  mais  d'une  seule  manière,  disant:  Dominus  vobiscum, 
»  ainsi  qu'on  lit  au  livre  de  Rntli  ;  et  que  le  peuple  répon- 
»  drait  :  Et  cum  Sjnritu  tuo;  en  la  manière  que  l'Orient  tout 
»  entier  l'observe  par  tradition  apostolique ,  et  non  en  la  fa- 
»  çon  que  la  perfidie  Priscillienne  l'a  innové  (5).  » 

«  Canon  4.  Il  a  plu  aussi  d'ordonner  qu'on  célébrerait 
»  universellement  les  Messes  suivant  l'ordre  que  Profuturus, 
>  jadis  Evêque  de  cette  église  métropolitaine ,  l'a  reçu  par 
»  écrit  de  l'autorité  du  Siège  Apostolique  (4).  » 


(1)  Placuit  omnibus  communi  consensu ,  ut  unus  atque  idem  psiUendi 
ordo  in  malulinis  vel  vesperlinis  ofli  iis  leoeatur;  et  non  diversai,  ac 
privaiie,  neque  monasteriorum  consuetudines  cum  ecclesiastica  régula 
sint  permis  ise. 

(2)  Item  plaçait,  ut  per  solemniiim  diernm  vigilias  vel  missas,  omnes 
easdem  et  non  diversas  lectiones  in  ecclesia  legaut. 

(3)  Item  placuit ,  ut  non  aliler  episcopi,  Pt  aliter  presbyteri  popu- 
lum,  sed  uno  modosalutent,  dieenies:  Dominus  sit  vobiscum:  sicul  ia 
libro  Ruth  legiiur  ;  et  ut  r^spondeatur  a  po,  ulo  :  £t  cum  ipirit'i  tuo  ; 
sicut  et  ab  ipsis  aposto'is  tnditura  ornais  relinet  oricas,  et  non  sicul 
Priscilliana  pravitas  permutavit. 

(4)  Item  placuit ,  ut  eodem  ordine  missîp  celebrentur  ab  omnibus , 
quem  Profuturus  quondam  hujus  meiropolitanae  ecclesise  episcopus 
ab  ipsa  apostoUcae  sedis  auctoritate  suscepit  scriptura. 


LITURGIQUES.  155 

«  Canon  5.  Il  a  plu  également  d'ordonner  que  personne 
ï  ne  s'écartât  dans  l'administration  du  Baptême  de  l'ordre 
»  établi  déjà  dans  TEgiiso  métropolitaine  de  Brague,  lequel, 
»  pour  couper  court  à  quelques  doutes,  a  été  adressé  par 
ï  écrit  au  susdit  Evoque  Profuturus ,  par  le  Siège  du  très- 
ï  heureux  apôtre  Pierre  (1).  » 

Dès  le  siècle  suivant,  entraînée  par  la  force  des  principes, 
l'Eglise  Gothique  Espagnole  publiait  un  règlement  pour  éta- 
blir l'unité  Ulurgique,  non  plus  dans  les  limites  étroites  d'une 
province,  mais  dans  toute  l'étendue  de  la  péninsule.  Voici  le 
second  canon  du  quatrième  concile  de  Tolède,  en  655  : 

«  Après  avoir  poin'vu  à  la  confession  de  la  vraie  foi ,  qui 
ï  doit  être  prêchée  dans  la  sainte  Eglise  de  Dieu ,  nous  avons 
î  été  d'avis  que  nous  tous,  Prêtres,  qui  sommes  réunis  dans 
»  l'unité  de  la  foi  catholique,  nous  ne  souffririons  plus  au- 
»  cune  variété ,  ni  dissonance  dans  les  mystères  ecclésiasti- 
»  ques ,  de  peur  que  la  moindre  divergence  ne  semblât ,  aux 
»  yeux  des  hommes  charnels ,  provenir  d'une  sorte  d'erreur 
»  schismaiique,  et  ne  causât  à  un  grand  nombre  une  sorte  de 
»  scandale.  On  gardera  donc ,  par  toute  l'Espagne  et  la  Gaule 
»  (  Narbonaise  ),  un  seul  ordre  dans  la  prière  et  la  psalmodie , 
»  un  seul  mode  dans  la  solennité  des  Messes ,  un  seul  rite 
»  dans  les  offices  du  soir  et  du  matin  ;  et  il  n'y  aura  plus  di- 
»  versité  de  coutumes  ecclésiastiques  entre  nous  qu'une  même 
»  foi  et  un  même  royaume  réunit.  Déjà  d'anciens  canons 
»  avaient  décrété  que  chaque  province  tiendrait  une  coutume 
»  uniforme  dans  la  psalmodie  et  le  ministère  sacré  (2).  » 

(1)  Item  placuit,  ut  nullns  eum  baptizandi  ordinem  pnetermittat , 
quein  et  antea  tenuit  meiropolilana  Biacareosis  ecclesia,  et  pro  ampu- 
landa  aliquoruna  dubielate,  prœdiclus  Profuturus  episoopus  scriptura 
sibi  et  directurn  a  Sede  beaiissimi  apostoli  Petri  suscepit.  (  Labb. 

Tom.\.pag.8i0). 

(2)  Vid.  la  note  B. 


136  INSTITUTIONS 

Encore  un  pas,  et  l'Espagne  entrait,  pour  la  Luurgie,  dans 
l'unité  romaine.  Au-delà  des  limites  de  ce  royaume,  s'éten- 
dait le  patriarchat  d'occident,  et  les  principes  exprimés  dans 
les  canons  cités ,  devaient ,  secondés  par  les  circonstances  , 
amener  une  fusion  de  tous  les  usages  liturgiques  de  nos 
régions  dans  la  Liturgie-mère  du  sein  de  laquelle  ils  étaient 
pour  la  plupart  émanés  en  divers  temps.  En  attendant,  on  a 
vu  dans  les  canons  du  Concile  de  Brague  ,  l'attention  qu'a- 
vaient les  Conciles  à  se  conformer  aux  prescriptions  liturgi- 
ques qui  avaient  été  imposées  par  le  Saint-Siège.  D'autres 
fois,  ces  mêmes  Conciles,  sans  y  être  contraints  en  aucune 
manière,  adoptaient  certains  usages  de  l'Eglise  romaine ,  té- 
moin le  troisième  Concile  de  Yaison  qui ,  dans  ses  Canons 
troisième  et  cinquième ,  établit  le  chant  du  Kyrie  eleison ,  et 
l'addition  SicMf  erat  in  principio  au  Gloria  Patri.  parce  que 
tel  était  l'usage  du  Siège  Apostolique  et  de  toutes  les  Eglises 
de  l'Orient  (l).  Sur  quoi  Thomassin  fait  la  réflexion'suivante 
qui  nous  a  semblé  revenir  à  notre  point  de  vue  :  «  Cela  fait 
»  voir  que  si  l'on  ne  se  conformait  pas  entièrement  aux  offices 
»  romains,  du  moins  qu'on  s'en  approcîiait  toujoure  de  plus 
»  en  plus;  en  effet,  toutes  les  raisons  qui  déterminaient  une 
î  province  à  suivi^e  certaines  pratiques ,  excitaient  toutes  les 

(1)  Et  qnia  tara  in  Sede  Aposîoli -a,  qnam  Ptiain  pfp  totas  orientales 
atqiie  Iialiaî  provincias,  dulcis  et  nimiurn  salmaris  cons  letudo  est  iii- 
tromissa,  ut  Ivyrie  eleison  fre  jueuiius  cuoi  grandi  afTecta  et  cooipunc- 
lioui  dicalur;  placuiteliam  nobis,  ut  iu  o:nnib;U  ecclesiis  UJilris  ista 
lam  sa.icia  consueludo  et  ad  maïuiiounci ,  et  ad  uaissas ,  et  ad  vet-peram 

Deo  propitio  intromittatur Et  quia  non  solum  in  SeJeApos- 

lolica,  S3d  etiam  p  t  totum  Orienteni,  et  totain  Africam,  vel  Iialiam, 
proptep  hoereiioorum  astfitiam,  qui  Oei  Filiiiin  non  semper  cuni  P.itre 
fuisse,  sed  a  tempore csep^sse  blaspatMiiant,  in  omsiibus  clausulis,  post 
Gloria,  sicut  erat  in  priiuipio  di:itur,  etiam  et  nos  in  universis  ec- 
clesiis  noslris  hoc  ita  dicendum  es?e  deceruimus.  Labb.  Tom.  IF. 
pag.  1680. 


LITURGIQUES.  157 

»  Eglises  de  l'Occident  à  les  embrasser,  aliii  qu'il  n'y  eût,  au- 
»  tant  que  cela  se  pouvait ,  qu'une  manière  uniforme  clans 
»  les  mœurs  et  dans  la  célébration  de  l'office  partout  l'Oc- 
»  cident  (I).  » 

Pendant  que  de  grandes  améliorations  se  préparaient,  que 
l'unité  dans  le  culte  tendait  à  devenir  par  tout  l'Occident,  la 
pure  et  fidèle  image  de  l'unité  de  foi ,  les  Pontifes  Romains, 
attentifs  à  tous  les  besoins  de  l'héritage  du  Seigneur  commis 
à  leur  garde ,  ne  hâtaient  point  outre  mesure  la  consomma- 
tion de  cette  heureuse  révolution ,  mais  ils  la  préparaient  de 
loin ,  en  profitant  de  toutes  les  occasions  pour  décider  les 
controverses  liturgiques  soumises  à  leur  tribunal ,  suivant  les 
formes  et  les  traditions  en  usage  dans  l'Eglise  de  Rome.  Nous 
avons  vu,  au  chapitre  précédent,  par  les  paroles  de  saint 
Sirice ,  avec  quelle  énergie  ils  exigeaient  la  soumission  aux 
décisions  qu'ils  rendaient  sur  cette  matière.  A  l'époque  qui 
nous  occupe  présentement,  un  autre  Pape,  saint  Innocent , 
va  nous  faire  savoir  pourquoi  le  Saint-Siège  réclame  si  sévè- 
rement l'obéissance  des  Églises  occidentales  aux  décrets  qu'il 
rend  en  matière  de  discipline  et  de  Liturgie  en  particulier. 

«  Si  les  Prêtres  du  Seigneur  ,  dit-il  à  Dccentius ,  Evêque 
»  d'Eugubium,  dans  une  Décrétale  de  l'an  .410,  voulaient 
»  garder  les  institutions  ecclésiastiques  ,  telles  qu'elles  sont 
■K  réglées  par  la  tradition  des  s.iints  Apôtres ,  il  n'y  aurait 
»  aucune  discordance  dans  les  offices  et  les  consécrations. 
»  Mais  quand  chacun  estime  pouvoir  observer ,  non  ce  qui 
»  vient  delà  tradition,  mais  ce  qui  lui  semble  bon,  il  arrive 
»  de  là  qu'on  voit  célébrer  diversement ,  suivant  la  diversité 
»  des  lieux  et  des  Eglises.  Cet  inconvénient  engendre  un 
»  scandale  pour  les  peuples  qui ,  ne  sachant  pas  que  les  tra- 

(1)  Discipline  de  l'Eglise.  Tom.  i.  pag,  991. 


138  INSTITUTIONS 

»  ditions  antiques  ont  été  altérées  par  une  humaine  présomp- 
»  tion ,  pensent ,  ou  que  les  Eglises  ne  sont  pas  d'accord 
i  entre  elles,  ou  que  des  choses  contradictoires  ont  été  éta- 
»  blies  par  les  Apôtres,  ou  par  les  hommes  apostoliques. 
»  Car  qui  ne  sait,  qui  ne  comprend  que  ce  qui  a  élé  donné 

>  par  tradition  à  l'Eglise  Romiiine,  par  Pierre ,  le  prince  des 

>  Apôtres,  se  garde  maintenant  encore  et  doit  être  par  tous 

>  observé;  qu'on  ne  doit  rien  ajouter  ou  introduire  qui  soit 

>  sans  autorité,  ou  qui  semble  imité  d'ailleurs?  Et  d'autant 
»  plus  qu'il  est  manifeste  que  dans  toute  Tltalie,  les  Gaules, 

>  les  Espagnes ,  l'Afrique ,  la  Sicile  et  les  îles  adjacentes ,  nul 
9  n'a  institué  les  églises,  si  ce  n'est  ceux  qui  ont  été  consti- 
»  tués  Prêtres  par  le  vénérable  Apôtre  Pierre ,  et  ses  succès- 
»  seurs.  Que  ceux  qui  voudront  lisent,  qu'ils  recherchent 
»  si,  dans  ces  provinces,  un  autre  Apôtre  a  enseigné.  Que 
»  s'ils  n'en  trouvent  pas  d'autre ,  ils  sont  donc  obligés  de  se 
»  conformer  aux  usages  de  l'Eglise  Romaine,  de  laquelle  ils 
»  ont  tiré  leur  origine,  de  peur  qu'en  se  hvrant  à  des  doc- 
t  trines  étrangères,  ils  ne  semblent  se  séparer  de  la  source 
»  de  toutes  les  institutions  (i).  > 

Après  ce  préambule ,  le  Pape  corrige  les  abus  qui  s'étaient 
introduits  dans  l'Eglise  d'Eugubium  ,  en  matière  de  Litur- 
gie, statuant  plusieurs  réglemens,  sur  la  Paix  que  les  com- 
munians  devaient  se  donner  les  uns  aux  autres,  sur  le  mo- 
ment du  Sacrifice  auquel  il  fallait  réciter  les  noms  de  ceux 
pour  qui  onl'oITrait,  sur  le  sacrement  de  Confirmation ,  sur 
le  jeûne  du  samedi,  sur  la  défense  de  célébrer  les  Mystères 
dans  les  deux  jours  qui  précèdent  la  Pàque ,  sur  les  relations 
de  l'Eglise  Matrice  avec  les  autres  Titres  ,  sur  les  Exorcis- 
mes,  sur  les  Pénitens,  sur  l'Exlrême-Onction ,  etc.  Après 

(1)  Vid.  la'note  C. 


LITURGIQUES.  459 

quoi ,  il  coiicliil  eu  ces  termes  :  «  C'est  ainsi ,  très-cher  frère , 
»  que  nous  nous  sommes  mis  en  devoir  de  répondre ,  suivant 
»  notre  pouvoir,  à  ce  que  votre  charité  demandait  de  nous, 
*  et  votre  Eglise  pourra  maintenant  garder  et  observer  les 
»  coutumes  de  l'Eglise  Romaine ,  de  laquelle  elle  tire  son 
»  origine.  Quant  au  reste,  qu'il  n'est  pas  permis  d'écrire, 
>  quand  vous  serez  ici ,  nous  pourrons  satisfaire  à  vos  de- 
»  mandes  (1).  »  Il  s'agissait  de  questions  sur  les  paroles 
mêmes  du  Canon,  ou  sur  la  forme  des  Sacremens,  détails 
qui  étaient  encore  alors  couverts  du  plus  grand  mystère. 

Il  faut  remarquer  ici ,  à  propos  de  cet  important  docu- 
ment ,  d'abord  le  zèle  avec  lequel  le  Siège  Apostolique  veil- 
lait au  maintien  des  saines  traditions  liturgiques ,  le  désir 
qu'il  avait  de  ramener  tout  à  l'unité,  et  en  particulier  les 
droits  spéciaux  qu'il  prétendait  sur  les  Eglises  d'ItaUe ,  des 
Gaules,  des  Espagnes,de  l'Afrique,  delà  Sicile  et  autres  îles 
adjacentes ,  comme  filles  de  la  prédication  de  saint  Pierre  et 
de  ses  successeurs,  et  formant  le  Patriarchat  d'Occident.  On 
Voit  que  ces  droits,  développés  plus  tard  dans  des  institutions 
plus  parfaites  ,  amèneront  dans  les  moindres  détails  cette 
unité  minutieuse  que  saint  Innocent  n'exige  pas  encore.  Les 
Iles  Britanniques,  l'immense  (iermanie,  à  peine  illummées 
du  flambeau  de  la  foi ,  en  quelques  points  imperceptible , 
ne  figurent  point  dans  cette  énumération  :  mais  bientôt  le 
zèle  apostolique  de  Rome  ,  les  ayant  entièrement  arrachées 
aux  ombres  delà  mort,  et  incorporées,  par  cette  pacifique 
conquête,  à  l'heureux  Patriarchat  d'Occident,  elles  subi- 
ront ,  dès  leur  première  enfance ,  le  joug  sacré  de  la  Litur- 
gie Romaine ,  arrivant  ainsi  tout  d'abord  à  la  plénitude  de 
l'âge  parfait  des  Eglises. 

^l)Vid,  lanoteC, 


440  INSTITUTIONS 

L'Orient ,  au  contraire  ,  ne  sentit  point  les  bienfaits  de 
cette  unité  complète.  Trop  d'obstacles  arrêtaient  le  zèle  des 
Papes  pour  qu'ils  pussent  songer ,  même  un  instant ,  à  éta- 
blir le  règne  absolu  de  la  Liturgie  Romaine  dans  les  Patriar- 
chats  d'Alexandrie ,  d'Ânlioclie ,  de  Constantinopîc  et  de 
Jérusalem,  Ils  se  contentèrent  de  veiller  au  maintien  de 
cette  unité  plus  générale  qui  consiste  dans  la  célébration , 
aux  mêmes  jours ,  de  la  fête  de  Pâque  et  des  autres  so- 
lennités principales ,  dans  l'intégrité  des  rits  du  Sacrifice , 
dans  l'administration  valide  et  convenaljle  des  Sacremens, 
dans  le  maintien  des  heures  de  l'office  divin  et  de  la  psal- 
modie ,  et ,  plus  tard ,  dans  le  culte  des  Images  sacrées.  C'est 
ainsi  que,  suivant  les  .temps  et  les  lieux,  le  Siège  Apos- 
tolique a  su  appliquer ,  en  diverses  mesures ,  la  plénitude 
de  puissance  qui  réside  en  lui ,  en  sorte  que  les  Pontifes 
romains  n'ont  jamais  oublié  celte  doctrine  du  premier 
d'entre  eux,  de  paître  le  troupeau  avec  prévoyance  et  dou- 
ceur, et  non  dans  un  esprit  de  domination  (1).  Mais  c'était  le 
repos  de  la  force ,  et  malheur  à  ceux  qui  résistent  aux  vo- 
lontés de  celte  puissance  paternelle ,  qui  attend  avec  longa- 
nimité, qui  prépare,  de  concert  avec  les  siècles,  les  grands 
résultats  que  l'Esprit  Saint  lui  ménage  !  Malheur  à  ceux  qui 
ne  font  pas ,  quand  elle  a  dit  de  faire ,  qui  n'exécutent  pas , 
quand  elle  a  commandé  !  car  toutes  ses  volontés  sont  équi- 
tables ,  et  le  Seigneur  s'en  est  déclaré  le  vengeur. 

En  parcourant  les  Epîlres  des  Pontifes  Romains  qui  ont 
siégé  aux  cinquième  et  sixième  siècles,  on  trouvera  un  grand 
nombre  d'actes  de  leur  autorité  en  matière  liturgique  ,  tou- 
jours dans  le  sens  des  mesures  prises  par  saint  Innocent. 
L'énuraération  de  ces  faits  nous  prendr.iit  trop  de  place  ,  et 

^l)  I  Pet.  V.  2-3. 


LITURGIQUES.  141 

ajouterait  peu  do  chose  à  la  valeur  des  argumens  contenus 
dans  ce  chapitje.  Nous  nous  attacherons  de  prérërence  à 
montrer  les  travaux  des  Papes  pour  le  perfectionnement  de 
la  Liturgie  de  l'Eglise  locale  de  Rome ,  et,  dans  cette  partie 
de  notre  travail ,  nous  ne  nous  écarterons  pas  de  notre  but 
général,  puisque  la  Liturgie  Romaine  est  destinée  à  devenir, 
sauf  d'imperceptibles  exceptions  ,  la  Liturgie  de  l'Occident 
tout  entier,  et  qu'en  la  perfectionnant  ainsi  au-dessus  de 
toutes  les  autres ,  les  Pontifes  romains  assuraient  indirecte- 
ment son  triomphe,  au  jour  marqué  par  la  Providence. 

Ce  serait  ici  le  lieu  d'examiner  l'intéressante  question  de 
savoir  à  quelle  époque  on  a  confié  à  l'écriture  les  formules 
mystérieuses  du  Sacrifice  chrétien ,  et  celles  qui  accom- 
pagnent les  rites  de  l'initiation.  Le  savant  P.  Lebrun,  dans 
son  excellente  Explication  de  la  Messe,  au  tome  II,  a  pré- 
tendu qu'avant  le  cinquième  siècle,  aucune  des  anciennes 
Liturgies ,  soit  grecques ,  soit  latines ,  n'avait  encore  été  mise 
par  écrit,  mais  qu'elles  étaient  simplement  transmises  par 
une  tradition  orale.  Nous  pensons,  avec  Muratori  (I)  ,  que 
cette  assertion  est  exagérée,  et  qu'on  peut  donner  un  sens 
plus  raisonnable  aux  passages  de  l'antiquité  qu'allègue  le 
docte  Oralorien.  Comment ,  en  effet ,  s'imaginer  qu'on  eût 
pu  conserver  cette  uniformité  dans  les  formules  et  les  rites 
généraux,  que  nous  avons  prouvé  ci-dessus  s'être  maintenue 
dans  son  entier,  durant  les  premiers  siècles  de  l'Eglise,  si  un 
texte  écrit  ne  se  fût  pas  trouvé  dans  chaque  Eglise,  pour  cor- 
riger les  innovations,  arrêter  les  effets  de  l'incurie  ou  de  lu 
négligence  ?  Admettez ,  si  vous  voulez ,  que  ce  formulaire 
ne  paraissait  pointa  l'autel,  qu'il  était  gardé  dans  quelque 
lieu  secret ,  loin  des  regards  profanes  ;  mais ,  du  moins ,  on 

(1)  Liiurgia  Romana  velus.  Disserialio  de  reb.  Liturg.  pag,  3  et  seq. 


14-2  INSTITUTIONS 

pouvait,  au  besoin ,  en  appeler  à  son  autorité,  pour  rassurer 
la  mémoire  affaiblie ,  pour  reclifier  ce  qui  eût  pu  s'introduire 
de  moins  conforme  à  l'antiquité.  Avec  ces  précautions ,  le 
secret  des  mystères  n'en  était  pas  moins  assuré.  Que  si  l'on 
vient  à  songer  aux  formules  spéciales  que  rendaient  néces- 
saires les  différens  rites  du  Cathécuménat,  par  exemple ,  de 
l'ordination  des  Diacres ,  des  Prêtres ,  des  Evêqucs  ;  de  la 
solennisation  de  la  fête  de  Pâque  et  des  autres  grands  jours  ; 
toutes  choses  dont  nous  trouvons  la  preuve  positive  dans  toute 
l'antiquité,  on  conviendra  qu'il  eût  été,  d'un  côté,  déraison- 
nable, de  l'autre,  matériellement  impossible  de  surcharger 
la  mémoire  des  Evêques  et  des  Prêtres  d'un  aussi  grand 
nombre  de  prières,  ou  allocutions.  Les  saints  Docteurs  dont 
s'appuie  le  P.  Lebrun  ont  parlé  de  la  Tradition  par  op- 
position à  l'Ecriture  Sainte ,  et  non  pour  dire  que  les  Li- 
turgies n'étaient  pas  écrites.  Voici ,  entre  autres ,  ce  que 
dit  saint  Basile  :  «  Nous  ne  nous  contentons  pas  des  choses 
»  qui  sont  rapportées  par  l'Apôtre ,  ou  dans  l'Evangile  (  au 
»  sujet  de  l'Eucharistie  )  ;  il  est  d'autres  choses  que  nous 
»  récitons  avant  et  après  (  la  consécration  ) ,  comme  ayant 
»  une  grande  importance  dans  le  mystère,  et  que  nous  avons 
»  reçues  d'une  tradition  non  écrite  (1).  î  II  est  évident  que 
le  saint  Evêque  entend  ici  parler  d'une  source  distincte 
des  Ecritures  Saintes,  et  qu'il  dit  que  de  cette  source  ont 
émané,  par  tradition,  les  formules  du  Canon  de  la  Messe. 
Nous  l'accordons  volontiers  ;  nous  ne  disons  pas  autre  chose  : 
mais  il  ne  suit  pas  de  là  que  ces  traditions  ne  reposassent 
pas  sur  une  écriture  faite  de  main  d'homme  et  gardée  dans 

(1)  Non  enim,  liis  contenli  sumus,  quoe  commémorât  apostolus,  ant 
Evangelium;  verum  alla  quoque  et  ante  et  post  (consecrationem)  dici- 
mus,  tanquam  multum  habentia  momenti  ad  mysterium  ,  quae  ex  Iradi- 
tione  non  scripta  accepimus.  S,  Basil,  de  Spiriiu  Sancto.  Cap.  XXVII. 


Il 


LITURGIQUES.  445 

l'archive  de  l'Eglise.  Ne  savons-nous  pas  par  le  témoignage 
des  Grecs ,  et  nolamnient  par  celui  de  saint  Grégoire  de 
Nazianze{l),  que  saint  Basile  lui-même  avait  composé  une 
Liturgie  ?  iNe  l'avait-il  donc  pas  écrite ,  et  même  long-temps 
avant  la  fin  du  quatrième  siècle  ?  Ne  troiive-t-on  pas ,  dans 
les  Callîéchèses  do.  saint  Cyrille  de  Jérusalem ,  composées 
vers  l'an  547,  une  très-grande  partie  de  la  Liturgie  obs<^rvée 
dans  le  Baptême  et  dans  la  sacrée  Synaxe  ?  Pourtant ,  ces 
Callîéchèses  étaient  destinées  à  servir  à  l'initiation  des  élus 
du  christianisme.  Saint  Hilaire  ,  en  même  temps ,  dans  les 
Gaules,  ne  composa-t-d  pas,  au  rapport  de  saint  Jérôme, 
son  contemporain,  un  Livre  des  Mystères?  C'est  ainsi  que, 
dans  les  matières  de  l'érudition ,  aussi  bien  que  dans  celles 
qui  sont  purement  abstraites ,  on  doit  se  garder  avec  vigi- 
lance des  envahissemens  de  l'esprit  de  système  dans  lequel 
il  est  toujours  si  facile  de  tomber.  Sans  doute ,  c'est  un  point 
fort  important  à  établir  dans  l'étude  de  l'antiquité ,  que  ce 
secret  universel  qui ,  durant  tant  de  siècles,  a  couvert  la  ma- 
jesté de  nos  mystères ,  mais  il  importe  aussi  de  faire  voir  que 
les  formes  principales  du  culte  chrétien  datent  d'une  origine 
antérieure  à  la  paix  extérieure  de  l'Eglise. 

Lors  donc  que  les  Papes  du  cinquième  siècle  portèrent  leur 
attention  sur  les  améliorations  à  introduire  dans  la  Liturgie 
de  l'Eglise  de  Rome  ,  nul  doute  que  cette  Eglise  ne  possédât 
déjà  un  corps  de  formules  liturgiques  approprié  aux  nécessités 
présentes  du  culte  divin.  Le  premier  de  cette  époque,  que  nous 
trouvons  indiqué  au  Lifcer  Po«i//îca?i5  comme  ayant  fait  des 
réglemens  sur  l'office  divin,  est  saint  Célestin ,  qui  siégea  en 
422.  «  Il  établit,  dit  cette  Chronique,  que  les  cent  cinquante 
»  psaumes  de  David  seraient  chantés  avant  le  Sacrifice ,  avec 

(1)  Orat.  XX.  In  Basilii laudem. 


144  INSTITUTIONS 

X  Antienne ,  el  par  tout  le  monde  :  ce  qui  n'avait  pas  lieu  au- 
»  paravant;  car  on  récitait  seulement  l'Epîlre  du  bienheureux 
»  Apôtre  Paul  et  le  saint  Evangile ,  après  quoi  la  Messe  avait 
»  lieu.  Il  établit  pareillement  qu'on  chanterait  à  la  Messe , 
»  après  l'office,  le  Graduel^  c'est-à-dire  le  Répons  qui  se  dit 
y  sur  les  degrés  (I).  »  Ce  psaume  avec  antienne,  que  l'on 
chantait  avant  la  Messe ,  est  ce  que  nous  nommons  Introït  : 
le  Graduel  a  conservé  le  nom  sous  lequel  la  chronique  le 
désigne  ;  c'est  un  Répons  ,  parce  qu'il  se  chante  en  deux  pal- 
lies. Ainsi  la  Messe  s'enrichissait  d'une  introduction  solen- 
nelle ;  elle  ne  débutait  plus  déjà  par  les  lectures  des  Epitres 
et  de  l'Evangile  ,  comme  au  temps  de  saint  Justin. 

Dix  ans  après  saint  Célestin  ,  saint  Léon-le-Grand  monta 
sur  la  Chaire  de  saint  Pierre.  Il  perl'ectionna  aussi  la  Liturgie  : 
la  Chronique  nous  apprend  qu'il  ajouta  à  la  sixième  oraison 
du  Canon ,  ces  mois  :  Sanctum  sacrijicium ,  immaculatam 
hostlam  (-2).  Le  souvenir  conservé  de  cette  légère  addition 
montre  quelle  vénération  religieuse  environnait  cette  auguste 
prière ,  jusque-là  que  l'histoire  ait  enregistré  comme  un  évé- 
nement l'acte  d'un  Pontife  Romain  qui  ajoute  quatre  paroles 
à  cette  même  formule  qu'ailleurs  nous  avons  vu  saint  Justin 
désigner  sous  le  nom  de  Prière  ■prolixe. 

Au  siècle  dernier ,  en  1755,  Joseph  Bianchini,  Prêtre  de 
l'Oratoire  ,  neveu  de  l'illustre  prélat  François  Bianchini ,  tira 
de  la  Bibliothèque  du  Chapitre  de  Vérone ,  un  maniisciit 
mutilé,  portant  ce  titre  :  Codex  Sacramentorum  vêtus  Romanœ 

(1)  CoQSlitait ,  ut  psaloii  David  CL.  aute  sacriâcium  psaliereutur 
antipbonîtim  exonanihus:  quod  ante  mn  tiebat,  nisi  tantura  epistola 
beali  Pauli  Apostoli  rociiabaiur,  et  sanctam  Evangelium,  et  sic  missae 
fiebaoï.  Et  coQs.tituil,  Gradale  postoffi'ium  ad  noi^sas  canlari ,  id  est, 
responsorium  in  gradibus.  Liber  Pontifin  C'œlestinum. 

(2)  Liber  Poatif,  In  S.  Leonem. 


LITURGIOUES.  44S 

Ecclesiœ  a  S.  Leone  Papa  confectus.  Le  savant  éditeur  don- 
nait ce  fragment  comme  ayant  fait  partie  d'un  Sacramentaire 
Léonien,  et,  comme  il  arrive  d'ordinaire,  les  érudils  se  di- 
visèrent sur  la  question  de  l'authenlicité  de  l'ouvrage.  Cer- 
tains Français  tirèrent  une  conclusion  pratique  de  leur  sen- 
timent pour  l'affirmative,  ainsi  que  nous  le  dirons  dans  la 
suite  de  cette  histoire.  Nous  déduirons  ailleurs  nos  raisons  de 
ne  pas  admettre  saint  Léon  comme  l'auteur  de  ce  prétendu 
Sacramentaire.  Nous  citerons  toutefois  iciHonoriusd'Autun, 
qui  atteste  que  ce  grand  Pontife  avait  composé  des  Pré- 
faces (l] ,  et  nous  accorderons  volontiers,  avec  le  B.  Tom- 
masi  (5)  et  le  P.  Quesnel  (3),  que  le  style  de  saint  Léon  se  ren- 
contre souvent  dans  les  Oraisons  et  Préfaces  du  Sacramentaire 
Gélasien.  Nos  difficultés  ne  portent  que  sur  le  manuscrit  même 
publié  par  J.  Bianchini. 

A  la  fin  du  cinquième  siècle,  siégea  saint  Gélase,  sur  lequel 
le  Liber  Pontificalis  rapporte  qu'il  composa  des  Préfaces j  des 
Mystères  et  des  Oraisons  d'un  style  châtié  (4).  Cette  précieuse 
indication  fait  allusion  à  la  publication  du  Sacramentaire 
appelé  Gélasien,  que  ce  Pontife  composa,  partie  des  for- 
mules dressées  par  ses  prédécesseurs ,  partie  de  celles  qu'il 
y  ajouta  dans  un  style  véritablement  liturgique.  Ce  Sacra- 
mentaire demeura  en  usage  dans  l'Eglise  de  Rome  jusqu'au 
temps  de  saint  Grégoire ,  qui ,  d'après  le  témoignage  de  Jean 
Diacre,  en  lit  l'objet  de  nombreuses  améliorations.  Nous 
donnerons  une  idée  du  Sacramentaire  Gélasien,  dans  la  partie 

(1)  Hic  (Léo)  et  praefaliones  composuit.  Gemma  am'mœ.  Cap.  XLIX. 

(2)  Praefatio  ad  sacramentar.  Gelasian.  0pp.  Tom.  IV. 

(3)  S.  Leonis.  0pp.  Tom.  1.  adsermonem.  XCVI. 

(4)  Fecit  etiara  sacramentorutn  prœfationes  et  orationes  cauto  ser- 
raone.  Liber  Pontif.  ad  Gelasium. 

T.  I.  10 


146  INSTITUTIONS 

de  cet  ouvrage  qui  sera  consacrée  à  rénumération  et  à  la 
critique  des  livres  liturgiques. 

Le  nom  de  saint  Gélase  est  encore  attaché  à  ce  Aimeux 
décret  du  concile  romain ,  tenu  en  494 ,  par  lequel  est  fixé 
le  Canon  des  Ecritures  saintes,  en  même  temps  qu'on  y  donne 
le  catalogue  des  Livres  Apocryphes.  Le  concile  statue  qu'on 
ne  lira  point  dans  l'Eglise  de  Rome  les  Actes  des  martyrs, 
au  moins  ceux  dont  les  auteurs  seraient  inconnus  ou  sus- 
pects, dans  la  crainte  que  certaines  personnes  n'en  prennent 
occasion  de  scandale  ou  de  mépris  (1).  iNous  reviendrons  sur 
ce  règlement  et  sur  ses  applications,  à  diverses  époques, 
dans  la  Liturgie  des  offices  divins  ;  et  nous  montrerons  que 
son  esprit  a  toujours  été  fidèlement  gardé  dans  l'Eglise  Ro- 
maine. 

iS'ous  ne  parlerons  point  ici  des  travaux  de  saint  Grégoire- 
le-Grand  sur  la  Liturgie  Romaine,  bien  que  ce  grand  Pontife 
appartienne  plutôt  au  sixième  siècle  qu'au  septième ,  étant 
monté  surlei^aint-Siége,  en  590,  et  décédé  en  604.  A  raison 
de  leur  importance  dans  l'histoire  générale  et  particulière 
delà  Liturgie,  nous  leur  consacrerons  le  chapitre  suivant. 

Donnons  maintenant  une  idée  des  travaux  entrepris ,  du- 
rant les  cinquième  et  sixième  siècles ,  par  les  saints  docteurs 
et  autres  écrivalus  ecclésiastiques,  sous  le  point  de  vue  qui 
nous  occupe. 

Vers  401,  Sévérien,  Evêquede  Gabales,  en  Syrie,  et  ami  de 
saint  Jean-Chrysostôme ,  écrivit  du  Baptême  et  de  la  solennité 
de  l'Epiphanie  un  traité  qui  a  péri. 

(407).  Théodore,  Evêque  de  Mopsueste,  en Cilicie,  homme 
d'une  orthodoxie  plus  que  suspecte ,  donna  une  nouvelle 
Liturgie  que  Léonce  de  Byzance  dit  avoir  été  remplie ,  non 

(1)  Vid.  la  note  D. 


LITURGIQUES.  447 

de  prières ,  mais  de  blasphèmes.  Celle  que  nous  trouvons 
sous  le  nom  de  Théodore ,  dans  la  collection  des  Liturgies 
orientales  publiées  par  Rcnaudot,  ne  présente  rien  qui  jus- 
tifie les  reproches  de  Léonce  de  Byzance. 

(408).  Saint  Maruthas,  Evèque  de  Tagrite,  en  Mésopota- 
mie ,  a  laissé  en  langue  syriaque  une  Anaphore  qui  se  trouve 
dans  le  Missel  des  Maronites. 

(-410).  Synesius,  Evèque  de  Ptolémaïde  et  d'abord  philo- 
sophe, après  son  retour  à  des  croyances  plus  positives, 
composa  des  hymnes  d'une  grande  beauté,  qui  nous  restent 
encore  au  nombre  de  dix.  Nous  doutons  qu'elles  aient  jamais 
été  en  usage  dans  la  Liturgie. 

(410).  Saint  Paulin,  sénateur  et  consul  Romain,  ensuite 
Evèque  de  Noie ,  composa ,  au  rapport  de  Gennadius,  un  Sa- 
cramentaire  et  un  Hijrnnaire ,  que  nous  n'avons  plus.  Dans  ses 
intéressantes  lettres,  et  dans  ses  poèmes  si  élégans,  il  donne 
beaucoup  de  détails  précieux  pour  le  tableau  de  la  Liturgie 
du  quatrième  et  du  cinquième  siècle.  Nous  recommandons 
particulièrement  aux  amateurs  de  l'architecture  chrétienne 
primitive  la  XXXIL  épître,  ad  Semrum^  et  les  poèmes  XXVI 
et  XXVII,  dans  lesquels  il  fait  la  description  de  l'Eglise  qu'il 
faisait  bâtir  à  Noie ,  en  l'honneur  de  saint  Félix  :  mais  qui , 
aujourd'hui ,  s'intéressera  à  l'architecture  chrétienne  des 
quatrième  et  cinquième  siècles  ? 

(iI2).  Saint  Cyrille,  d'Alexandrie,  est  auteur  d'une  Ana- 
phore en  l'honneur  de  saint  Marc,  Evangéliste,  rapportée 
par  Assemani  dans  sa  grande  compilation  liturgique. 

(412).  Sedulius,  prêtre  et  poète  chrétien,  a  composé  des 
hymnes  dont  l'Eglise  se  sert  encore  aujourd'hui  dans  les  fêtes 
de  Noël  (A  solis  ortus  cardine],  et  de  l'Epiphanie  {Hostis 
Herodes  impie  ) ,  lesquelles  sont  toutes  deux  extraites  d'un 
grand  acrostiche  composé  de  vingt-trois  versets ,  dont  cha- 


148  INSTITUTIONS 

cun  commence  par  une  des  lettres  de  l'alphabet.  L'Introït  : 
Salve,  Sancta  Parcns^  et  l'Ânlienne  :  Gemiit  puerpera  regem, 
sont  l'un  et  l'autre  tirés  des  poésl  s  de  Sélulius. 

(420).  Jean  Cassien ,  dans  ses  Conférences  monaxtiques , 
donne  des  détails  intéressans  sur  la  forme  des  ofïïces  divins 
telle  qu'elle  était  suivie  dans  les  monastères  d'Orient  ;  ces 
usages  sont  un  mélange  des  rites  pratiqués  dans  la  psalmodie 
des  Eglises  de  ces  contrées,  avec  des  observances  particu- 
lières fixées  par  les  Pères  des  déserts  d'Orient. 

(i26).  Saint  Loup,  Evèque  de  Troyes ,  et  saint  Euphrone, 
Evèque  d'Âutun,  ont  laissé  une  lettre  précieuse  à  Talalius, 
Evèque  d'Angers,  dans  laquelle  ils  répondent  d'une  manière 
très-intéressante  aux  questions  qu'il  leur  avait  adressées 
touchant  la  célébration  de  l'olfice  divin,  dans  les  vigiles  de 
Pâques,  de  Noël  et  de  l'Epiphanie. 

(428).  L'hérésiarque  Neslorius  composa  aussi  une  Litur- 
gie. On  la  trouve  dans  la  collection  de  Renaudot. 

(434).  Saint  Procbis,  Patriarche  de  Conslaniinople,  a  laissé 
un  opuscule  très-court,  intitulé  :  De  trad'Uionlbus  Missœ  di- 
vines. Nous  l'avons  cité  plus  haut. 

(440).  Salvien,  prêtre  de  Marseille,  d'après  le  témoignage 
de  Gennadius ,  composa,  en  grand  nombre ,  des  Homélies  des 
Mystères,  Homilias  Sacramentorum  :  ce  que  D.  Mabillon  ex- 
plique dans  le  sens  de  Sermons  sur  la  Liturgie,  ou  encore 
d'Oraisons  même  et  de  Préfaces  destinées  à  être  récitées  dans 
le  Sacrifice. 

(445).  Philoxène,  autrement  appelé  Xenaias,  Evèque  d'Hié- 
rapolis ,  disciple  de  Pierre-le-Foulon ,  et  l'un  des  plus  fou- 
gueux apôtres  du  Monophysisme ,  est  auteur  d'une  Liturgie 
Syriaque  ,  dont  le  texte  se  trouve  dans  la  collection  de 
Renaudot. 
[AA&).  Narsès,  surnommé  Garbana ,  ou  le  Lépreux ,  parti- 


LITURGIQUES.  149 

s:\n  zélé  de  l'hérésie  Ncstoricnne ,  composa  à  Nisibe ,  dit  le 
savant  P.  Zuecai'ia,  une  Liturgie,  une  Expositioti  des  Mijs- 
tères,  et  un  livre  des  Rites  du  Baptême. 

[A-iO).  Isaac,  surnommé  lo  Grand,  Prêtre  d'Antioclie ,  est 
auteur  de  deux  hymnes  qni  font  partie  de  l'office  de  la  se- 
maine sainte,  dans  la  Lituigie  Syriaque  des  Maronites. 

(4.08).  iMnsneus,  Prêtre  de  Marseille ,  est  un  des  principaux 
rédacteurs  de  la  Liturgie  Gallicane.  Ce  fut  lui  qui,  à  la  prière 
de  saint  Veneriiis,  son  Evêque,  comme  le  rapporte  Gen- 
nade,  fit  des  extraits  des  saintes  Ecritures  pour  fournir  aux 
Leçons  de  toute  l'année  ;  il  en  liia  pareillement  des, Répons,  et 
des  Antiennes  propres  au  temps,  afin  que  les  lecteurs  ne  fus- 
sent pas  embarrassés  à  chercher  les  passages,  et  que  le  peuple 
prît  plus  de  goût  à  la  célébration  des  solennités.  Plus  tard , 
à  la  demande  de  saint  Eusiase  ,  successeur  de  Venerius,  il 
composa  un  Sacramentaire  d'une  grande  beauté  et  d'un  vo- 
lume considérable. 

(•460).  Voconius,  ou  Buconius,  Africain,  Evêque  de  Cas- 
tellanum  en  Mauritanie,  rédigea,  dit  le  même  Gennade,  un 
excellent  livre  Sacramentaire. 

(462).  Claudien  Mamert,  Prêtre  de  Vienne  ,  et  frère  de 
saint  Mamert,  Evêque  de  la  même  Eglise ,  mit  en  ordre  un 
recueil  de  psaumes  et  de  leçons  à  l'usage  de  l'Eglise  de 
Vienne  ,  et  composa  des  hymnes.  On  lui  attribue  celle  de  la 
Passion  :  Pange,  lingua ,  gloriosi  prœlium  certaminis. 

(472).  Théoctiste,  compagnon  de  saint  Euthymius,  Archi- 
mandrite de  Palestine,  a  laissé,  dit  Zaccaria,  une  série  de  can- 
tiques sacrés  e?i  l'honneur  des  saints  de  tout  le  mois  d'Avril. 

(472).  Saint  Sidoine  Apollinaire,  Evêque  de  Clermont, 
au  rapport  de  saint  Giégoire  de  Tours,  est  auteur  û.^ plu- 
sieurs Messes  d<?  la  Liturgie  Gallicane. 

(  4B4  ) .  Saint  Sabbas ,  cet  illustre  Abbé  de  la  Grande  Laure 


150  INSTITUTIONS 

de  Palestine,  a  écrit,  pour  l'usage  de  son  monastère,  un 
Typique,  ou  Ordre  pour  la  récitation  de  l'Office  ecclésiastique 
pendant  l'année,  divisé  en  cinquante-neuf  chapitres.  Ce  livre, 
qui  fut  bientôt  en  usage  dans  tous  les  monastères  soumis  à 
l'Evêque  de  Jérusalem,  s'étant  trouvé  corrompu  par  l'injure 
du  temps,  fut  resiilué  par  saint  Jean  Dumasrène. 

(501  ).  Saint  Césaire,  Evèqtie  d'Arles,  se  montra  grande- 
ment zélé  pour  le  culte  divin.  Il  compila  le  premier  Hotni- 
liaire  que  l'on  connaisse.  C'était  un  recueil  de  Sermons  des 
saints  Pères,  destinés  à  être  lus  à  Matines.  11  donna  une  règle 
aux  Moines,  dans  laquelle  on  trouve  des  particularités  inté- 
ressantes sur  la  forme  des  Heures  Canoniales  en  ce  siècle. 

(olO).  Siméon,  Evêque  de  Bitharsam,  hérétique  Mono- 
physite  ,  est  auteur  d'une  Liturgie,  que  l'on  a  confondue 
quelquefois  avec  celle  de  Philoxène,  comme  celle  de  Phi- 
loxène  avec  la  sienne.  On  peut  voir  sur  cette  question  le 
P.  Zaccaria,  qui  expose  les  avis  des  savans,  sans  tirer  aucune 
conclusion  qui  lui  soit  propre. 

(oll).  Saint  Ennodius,  Evèque  de  Pavie,.a  laissé  deux 
Bénédictions  du  Cierge  Paschal ,  qui  sont  différentes  de  celles 
en  usage  dans  les  Eglises  Romaine ,  Ambroisienne  et  Galli- 
cane ;  une  prière  avant  la  Messe  pour  l'usage  d'un  Evèque  ; 
enfin,  onze  hymnes  qui  ne  paraissent  pas  jusqu'ici  avoir 

été  en  usage  dans  aucune  Eglise. 

(ol4).  Jean,  dit  Bar-Aphtomus ,  Abbé  du  monastère  de 

Seleucie  ,   hérétique  Monophysile  ,   composa  des  hymnes 

syriaques  sur  la  Nativité  de  Jesus-Christ. 

(518).  Sévère,  d'abord  Evêque  d'Aniioche  ,  puis  chassé 

de  ce  siège  pour  sa  doctrine  Monophysite  ,  rédigea  un  livre 

liturgique  qui  existe  encore  entre  les  mains  des  sectaires 

Jacobites ,  sous  ce  titre  :  Rites  du  Baptême  et  de  la  sacrée 

Synaxe. 


LITURGIQUES.  151 

(519).  Jacques,  Evêqiie  de  Sanig,  prélat  dont  l'orthodoxie 
a  été  victorioiisemoiil  établie  parAssemani,  composa  entre 
autres  prières  liturgiques  une  Anaphore  qui  se  trouve  dans 
les  Liturgies  Syriaque  et  Éthiopienne  ;  il  est  aussi  l'auteiir 
d'un  Ordre  pour  le  saint  Baptême,  inséré  dans  le  Uituel  des 
Maronites. 

(520).  Elpis,  femme  de  Boëce,  illustre  aussi  par  sa  foi  et 
son  goût  pour  les  lettres,  est  auteur  de  deux  hymnes  en 
l'honneur  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul ,  desquelles  l'Eglise 
romaine  a  extrait  plusieurs  versets  qu'elle  chante  dans  les 
différentes  fêles  de  ces  deux  saints  Apôtres;  l'une  commence 
ainsi  :  Aurea  luce  et  décore  roseo.  et  l'autre  par  ces  paroles  : 
Félix  per  omnes  festiim  mundi  cardines.  Cette  dernière  est 
aussi  attribuée  à  saint  Paulin  d'Aquilée ,  et  peut-être  avec 
plus  de  certitude. 

(527).  Saint  Siméon ,  stylite  le  jeune,  composa  une  de  ces 
hymnes  que  l'Eglise  grecque  appelle  Troparium ,  en  l'hon- 
neur de  saint  Démétrîus,  martyr,  et  quelques  oraisons  au 
Christ  et  à  la  Mère  de  Dieu. 

(527).  Saint  Nicetiiis,  Evêque  de  Trêves,  a  laissé  un  traité 
de  Vigiliis  servorum  Dei,  et  un  antre  de  Bono  psalmodiœ. 

(528).  Saint  Benoit,  Patriarche  des  Moines  d'Occident, 
a  donné ,  dans  son  admirable  Règle ,  le  plan  de  l'OlTice  Mo- 
nastique, tel  qu'il  a  toujours  été  gardé  par  ses  nombreux 
disciples  ,  depuis  le  sixième  siècle  jusqu'aujourd'hui. 

(550).  Thomas d'Edesse,  Nestorien,  et  Marabas  (556),  son 
disciple ,  ont  travaillé  sur  la  Liturgie  de  l'Eglise  Syrienne. 

(541).  Jacques,  Evoque  d'Edesse,  qui  a  laissé  son  nom  à 
la  secte  des  Monophysitcs,  qui  sont  en  effet  connus  dans 
l'Orient  sous  le  nom  de  Jacobites,  est  auteur  d'une  Anaphore 
qui  se  trouve  dans  la  collection  de  Renaudot, 


152  INSTITUTIONS 

(546).  Maxîmien,  Archevêque  de  Ravenne,  mit  dans  un 
meilleur  ordre  les  livres  de  cette  Eglise,  et  y  fit  plusieurs  cor- 
rections. 

(o47).  Saint  Aurélien ,  Evêque  d'Arles ,  est  auteur  d'une 
Règle  pour  les  Moines  et  d'une  autre  pour  les  Religieuses  ;  à 
l'exemple  de  son  illustre  prédéL-esseiir,  saint  Césaire,  il  y  a 
inséré  beaucoup  de  particularités  intéressantes  sur  la  forme 
des  offices  divins. 

(533).  Saint  Germain,  Evêque  de  Paris,  semble  être  l'au- 
teur d'une  exposition  de  la  Messe  gallicane ,  que  D.  Martène 
a  insérée  dans  son  ouvrage  de  antiquh  Ecclesiœ  ritibus. 

(360).  Saint  V^enantius  Fortunatus,  Evêque  de  Poitiers, 
parmi  ses  nombreuses  poésies,  a  composé  plusieurs  hymnes 
en  usage  encore  aujourd'hui  dans  l'Eglise,  savoir  l'hymne  en 
l'honneur  de  la  Sainte-Croix,  Vexilla  Régis  prodeunt  ;  celle  à 
la  louange  dnSaiot-Chrême,  0  Redemptor,  sume  carmen  temet 
concinentium;  auxquelles  il  faut  ajouter  d'après  VHymnaire 
du  B.  Tommasi,  les  suivantes  :  Pange,  imgua,  gloriosi prœ- 
lium  certaminis ,  déjà  attribuée  à  Mamert  Claudien;  celles  en 
l'honneur  de  la  sainte  Vierge,  Quem  terra,  pontus,  œthera,  et 
0  gloriosa  Domina.  Une  pour  les  fêtes  de  Noël ,  Agnoscat 
omne  seculum;  enfin  le  cantique  solennel  du  jour  de  Pâques, 
Salve,  festadies,  toto  venerabilis  œvo.  On  ne  doit  pas  oublier 
non  plus  l'hymne  du  même  Fortunat  en  l'honneur  de  saint 
Denis ,  laquelle  commence  par  ses  paroles  :  Fortem  fidelem 
militem,  et  dans  laquelle  il  rend  témoignage  à  la  mission 
donnée  à  ce  saint  Apôtre  par  le  Pape  saint  Clément. 

(370).  Ananus  Adiabène,  maître  de  l'école  d'Edesse  , 
écrivit  de  Causa  solemnitatis  Hozannarum,  et  de  Causa  feriœ 
sextœ  Auri,  c'est-à-dire,  du  vendredi  dans  l'octave  de  la  Pen- 
tecôte, jour  auquel  on  lit  le  passage  des  Actes  des  Apô- 
tres ,  dans  lequel  saint  Pierre  dit  :  Argentum  et  aurum  non 


LITURGIQUES.  155 

hnbeo.  De  plus  j  un  traité  des  Supplications  publiques ,  et  un 
autre  de  V Invention  de  la  sainte  Croix. 

(57^  ).  Cliilpéric,  roi  de  Soissons ,  fils  de  Clotaire  I",  est, 
de  tous  les  princes  français,  le  premier  qui  se  soit  occupé 
de  Liturgie.  Il  composa,  dit  saint  Grégoire  de  Tours,  des 
Hymnes  et  des  Messes  ;  mais  elles  ne  sont  d'aucun  usage  et  ne 
pourraient  l'être.  Charlemagne  et  Robert  furent  plus  heu- 
reux. Du  reste ,  nous  n'avons  plus  ces  opuscules  de  Cliil- 
péric. 

(573  ).  Saint  Grégoire,  Evêque  de  Tours  ,  historien  des 
Francs,  et  l'un  des  premiers  agiographes  de  son  siècle ,  a 
composé  une  antienne  en  l'honneur  des  saints  Médard  et 
Gildard ,  Evéques  et  frères.  On  lui  a  attribué  aussi  une  prose 
de  saint  Martin,  qui  est  plutôt  une  préface,  ou  Contestation , 
suivant  le  terme  de  la  Liturgie  Gallicane.  Elle  commence  par 
ces  paroles  :  Sacerdotem  Christi  Marlinum. 

(  580  ).  Jesuiab ,  Patriarche  des  Nestoriens ,  est  auteur  de 
vingt-deux  questions  de  Sacramentis  Ecclesiœ. 

(580).  Joseph,  hérétique  de  la  même  secte,  a  écrit  un 
grand  nombre  de  traités ,  entre  lesquels  Zaccaria  cite  celui 
intitulé  :  De  Causis  celebriorum  festivitatum. 

(582).  Jean  le  Jeûneur,  Patriarche  de  Constantinople , 
est  auteur  d'un  Livre  Pénitentiel ,  et  d'un  traité  de  la  Con- 
fession et  de  la  Pénitence,  publiés  l'un  et  l'autre  par  le  P. 
Morin ,  dans  son  grand  ouvrage  de  Pœnitentia.  Saint  Isidore 
nous  apprend  qu'il  écrivit  aussi  un  livre  du  Sacrement  de 
Baptême,  adressé  à  saint  Léandre,  Evoque  de  Scvillc. 

(584).  Licinien,  ou  Lucinien ,  Evêque  de  Carthagène, 
en  Espagne,  écrivit  une  Epître,  citée  par  saint  Isidore,  sur 
le  Sacrement  de  Baptême. 

(585).  Saint  Léandre,  Evêque  de  Séville ,  écrivit  aussi 
une  Epître  du  Baptême  ;  mais ,  en  outre ,  il  eut  une  très- 


184  mSTITUTIONS 

grande  part  à  la  correction  et  au  perfectionnement  de  l'Office 
Gothique ,  ou  Mozarabe.  Il  composa,  en  effet,  au  rapport  de 
saint  Isidore ,  son  frère ,  des  Oraisons  nombreuses ,  tant 
pour  être  récitées  avec  les  psaumes ,  qut;  pour  être  lues  dans 
la  célébration  des  saints  mystères.  iSous  parlerons  ailleurs  et 
longuement  de  la  Liturgie  Mozarabe. 

(589).  BabîEus-le-Grand ,  d'abord  Moine  du  mont  Izla  , 
près  de  Nisibe ,  plus  tard  élevé  sur  le  siège  patriarchal  de  sa 
nation,  écrivit,  suivant  Zaccaria,  de  Causa  Hozannarum,  de 
Causa  festi  Crucis.  et  un  autre  livre  dans  lequel  il  dispose , 
suivant  le  cercle  de  l'année ,  les  Triomphes  de  la  Sainte  Vierge 
Marie  et  de  saint  Jean ,  ainsi  que  ceux  des  autres  solennités  et 
commémorations.  Dans  la  Liturgie  Chaldéenne ,  on  donne  le 
nom  de  Triomphes  à  ce  que  nous  appelons  Hymnes  dans  celles 
d'Occident. 

(590).  Saint  Colomban,  Irlandais,  célèbre  Abbé  de  Luxeuil 
et  de  Bobbio,  est  auteur  d'une  Règle  fameuse  que  nous  avons 
encore,  et  dans  laquelle  il  institue,  pour  les  Moines,  une 
forme  d'office  divin  différente  de  celle  établie  par  saint  Be- 
noît. On  sait  d'ailleurs  que  cette  règle  ne  tarda  pas  à  dispa- 
raître ,  vaincue  par  la  supériorité  de  celle  du  Patriarche  des 
Moines  d'Occident.  Comme  saint  Colomban  avait  été  Moine 
dans  le  célèbre  monastère  de  Benchor,  en  Irlande ,  nous  par- 
lerons ici  d'un  précieux  monument  de  la  Liturgie  de  ce  Mo- 
nastère ,  publié  par  Muratori ,  dans  le  quatrième  tome  de  ses 
Anecdota  Bibliothecœ  Ambrosianœ.  C'est  un  Anliphonaire  que 
le  docte  éditeur  conjecture  avoir  été  transcrit  vers  l'an  636. 
On  y  trouve,  entre  autres  choses  curieuses ,. une  hymne  en 
l'honneur  de  saint  Patrice ,  Apôtre  d'Irlande ,  dans  laquelle 
sont  rapportés  la  plupart  des  faits  que  racontent  les  Légen- 
daires sur  cet  illustre  personnage  :  par  quoi  sont  réfutés 
invinciblement  certains  critiques  qui  ont  avancé  que  l'exis-^ 


LITURGIQUES.  ttN» 

tence  de  saint  Patrice  n'était  rien  moins  que  prouvée,  et  que 
SOS  actes  étaient ,  pour  le  fond  comme  pour  la  forme ,  un 
roman  forgé  par  quelque  Moine  du  douzième  ou  du  trei- 
zième siècle. 

(  595).  Saint  Isidore,  successeur  de  son  frère  saint  Léandre 
sur  le  siège  de  Séville  ,  et  le  plus  docte  des  Pères  de  l'Eglise 
Gothique  Espagnole  ,  ce  qui  a  porté  l'Eglise  Piomaine  à  lui 
conférer  la  qualité  de  Docteur  de  l'Eglise,  a  traité  des  ma- 
dères liturgiques  dans  plusieurs  de  ses  écrits ,  notamment 
dans  son  livre  des  Origines.  Mais,  par  ses  deux  excellens 
livres ,  de  Divinis ,  seu  Ecclesiaslicis  ofjjîciis ,  il  s'est  placé  avec 
honneur  à  la  tête  des  écrivains  liturgiques  dont  la  lecture 
est  indispensable  à  ceux  qui  veulent  faire  une  étude  appro- 
fondie de  cette  science.  Nous  placerons  ici  les  titres  des  cha- 
pitres de  cet  important  traité,  pour  donner  au  lecteur  une 
idée  des  richesses  qu'il  contient. 

Au  livre  premier  :  \.  De  Ecclesia  et  vocabulo  Christiano- 
rum.  2.  De  Templis.  3.  De  Choris.  A.  De  Canticis.  5.  De 
Psalmis.  C.  De  Hymnis.  7.  De  Antiphonis.  8.  De  Responso- 
riis.  9.  De  Precibus.  10.  De  Lectionibus.  11.  De  Libris  Tes- 
tamentoram.  15.  De  Scripforibiis  sacrorum  librorum.  \ù.  De 
Laudibus.  14.  De  O^ertoriis.  15.  De  Mifsa  et  orationibus. 
IG.  De  Symbolo  Niceno.  17.  De  Benedictionibus  in  populo. 
18.  De  Sjcrificio.  i9.  De  Tertiœ ,  Sextœ  ,  et  Nonœ  horœ  ofjî' 
dis.  20.  De  Vespertinis.  ^l.  De  Completis.  22.  De  Vigiliis. 
23.  De  M'itutinis.  2i.  De  Dominica  die.  25.  De  NataliDomini. 
26.  De  Epiphania.  27.  De  Palmarum  die.  28.  De  Cœna  Do- 
mini.  29.  De  Parasceve.  30.  De  Sabbato  Paschœ.  31.  De 
Pascha.  32.  De  Ascensione  Dûmini.  53.  De  Pentecoste.  54.  De 
Festivilalibus  Martyrwn.  35.  De  Encœniis.  30.  De  Jejunio 
Quadragesimœ.  57.  De  Jejunio  Pentecoslcs.  58.  De  Jejunio 
feptimi  mensis,  39,  De  Jejunio  Kalendarum  Novembrium* 


IS6  INSTITUTIONS 

40.  De  Jejunio  Kalendarum  Januariarum.  41.  De  Triduani 
jejunii  consiietudine.  4-2.  De  diversorum  dierum  ac  temporum 
jejuniis.  4ô.  De  Vario  usu  Ecclesiarum.  44.  De  Carnium  esu 
tel  piscium. 

Au  livre  second  :  i.  De  Clericis.  2.  De  regulis  ckricorum. 
3.  De  generihus  clericorum.  4.  DeTonsum.  o.  De  Sacerdoti- 
bas.  6.  De  Chorepiscopis .  7.  De  Presbyteris.  8.  De  Diaconibus , 
9.  De  Custodibus  saçrorum.  10.  De  Subdiaconibus.  [\.  De 
Lectoribus.  12.  De  Psaîmistis.  15.  De  Exorcistis.  14.  De  O-s- 
tiariis.  13.  Z>e  Monachis.  16.  De  Pœnitentibus.  -17.  De  F/r^t- 
niôu?.  18.  De  Viduis.  19.  De  Conjugatis.  20.  De  Catechumenis, 
exorcismo  et  sale.  21.  De  Compétent ibus.  22.  De  Symbolo. 
23.  De  Régula  fidei.  24.  De  Baptismo.  2o.  De  Chrismate. 
26.  De  Manus  impositione,  vel  Confirmatione. 

Cet  ouvrage  si  précieux  a  éié  placé ,  par  Hiltorp ,  à  la  tête 
de  sa  collection  liturgique,  dans  laquelle  on  peut  aller  le 
consulter  ;  à  moins  qu'on  ne  préfère ,  ce  qui  vaut  beaucoup 
mieux ,  le  lire  dans  les  œuvres  du  saint  Docteur,  surtout  dans 
l'excellente  édition  d'Arevalo  (1). 

Saint  Isidore  est  auteur  des  deux  hymnes  de  sainte  Agathe 
que  l'on  trouve  dans  l'olTice  de  cette  Sainte,  au  Bréviaire 
Mozarabe  :  Adesto.,  plebs  fidissima,  et  Festum  insigne  prodiit 
coruscum. 

{ 599  ).  Eutrope ,  Evêque  de  Valence ,  adressa  à  Licinien , 
Evêque  de  Carthagène ,  une  lettre  au  sujet  de  l'onction  du 
Chrême  faite  aux  enfans  après  le  Baptême  :  mais  cette  pièce 
ne  se  trouve  plus. 

Ici  se  termine  la  bibliothèque  des  principaux  auteurs  li- 
turgistes  des  cinquième  et  sixième  siècles.  On  a  dû  voir 
qu'elle  se  divise  d'elle-même  en  deux  classes ,  l'une  de  ceux 

(1)  Rome.  1803.  7  vol.  in-4». 


LITURGIQUES.  i  57 

qui  ont  dressé  ou  corrigé  les  formules  de  la  Liturgie ,  l'autre 
de  ceux  qui  ont  traité,  sous  le  point  de  vue  didactique  ,  des 
particularités  et  des  raisons  des  mystères  et  dé  l'office  divin. 

Si  nous  passons  maintenant  aux  conclusions  qui  ressortent 
des  faits  énoncés  dans  le  présent  chapitre ,  nous  trouvons  : 

Que  l'unité,  qui  est  l'élément  essentiel  du  christianisme,  a 
tendu  de  bonne  heure  à  se  réfléchir,  non-seulement  dans  les 
formes  essentielles  de  la  Liturgie,  desquelles  elle  n'a  jamais 
été  absente ,  mais  même  dans  celles  de  ces  formes  qui  n'ont 
trait  qu'à  la  convenance  et  à  la  simple  solennité  du  culte  divin  ; 

Que  les  Pasteurs  des  Eglises ,  dans  leurs  Conciles,  dès  les 
cinquième  et  sixième  siècles,  ne  se  sont  pas  contentés  de  re- 
connaître cette  tendance  ,  mais  qu'ils  ont  fait  des  lois  pour 
l'ériger  en  droit  précis  ; 

Que  les  Pasteurs  des  Eglises,  dans  leurs  Conciles,  ont  mo- 
tivé leurs  décrets  en  faveur  de  l'unité  liturgique,  sur  la  né- 
cessité de  faire  ressortir  aux  yeux  des  peuples  l'unité  de  foi , 
et  de  prévenir  le  scandale  que  causait  déjà  la  diversité  des 
usages  admis  dans  la  célébration  des  offices  divins  ; 

Que  les  Pontifes  Romains ,  en  rappelant  les  Evêques  de 
l'Occident  à  l'observance  des  usages  et  traditions  du  Siège 
Apostolique,  et  réclamant,  dans  la  matière  des  rites  sacrés, 
un  droit  spécial  sur  les  églises  de  l'ItaHe,  des  Gaules,  de 
l'Espagne,  de  l'Afrique,  de  la  Sicile  et  des  îles  adjacentes 
à  l'Italie ,  posèrent  dès-lors  la  base  du  droit  que  nous  leur 
verrons  développer  plus  tard  ; 

Qu'en  outre ,  les  mêmes  Pontifes  ne  négligèrent  aucune 
occasion  de  montrer  l'union  intime  de  la  Foi  et  de  la  Liturgie, 
en  sorte  qu'ils  proclamèrent  dès-lors  leur  grande  maxime  : 
Legem  credendi  statuât  lex  sujipUcandi  ;  maxime  dont  nous 
ne  cesserons  de  voir  l'application  dans  toute  la  suite  de  cette 
histoire  ; 


IS8  INSTITUTIONS 

Qu'en  même  temps  que  l'Eglise ,  à  cette  époque  de  paix  , 
travaillait  à  établir  l'unité  liturgique,  elle  était  occupée  en 
tous  lieux  à  perfectionner  les  formes  du  culte  divin  ;  en  sorte 
que  la  rédaction  définitive  des  diverses  Liturgies ,  principa- 
lement en  Occident ,  date  des  cinquième  et  sixième  siècles  ; 
savoir ,  la  Romaine ,  par  saint  Gélase  et  saint  Grégoire-le- 
Grand  ;  la  Gallicane ,  par  Salvien ,  Musœus ,  Sidoine  Apol- 
linaire ,  etc.  ;  l'Africaine ,  par  Voconius  ;  la  Gothique ,  par 
saint  Léandre  et  saint  Isidore  ;  la  Monastique,  par  saint  Be- 
noît, saint  Césaire ,  saint  Aurélien,  saint  Golomban  ; 

Que,  dans  ce  siècle  aussi ,  les  hérétiques ,  principalement 
ceux  d'Orient ,  se  montrèrent  empressés  de  souiller  de  leurs 
erreurs  et  de  leurs  innovations  la  Liturgie ,  et  cela ,  par  le 
même  principe  qui  portait  les  Conciles  et  les  Pontifes  Romains 
à  proclamer  la  Liturgie,  la  forme  la  plus  sacrée  et  la  plus 
populaire  de  la  doctrine.  A  voir  le  grand  nombre  d'héré- 
tiques ,  dans  l'époque  que  nous  traitons ,  qui  ont  dressé  de 
ces  formules  sacrées  qui  ont  traversé  les  siècles  et  sont  de- 
meurées un  si  solide  rempart  de  leurs  erreurs,  on  comprend 
plus  que  jamais  quelle  arme  redoutable  contre  l'orthodoxie 
tombe  aux  mains  des  novateurs,  toutes  les  fois  que,  dans 
une  nation  chrétienne,  le  pouvoir  liturgique  n'est  pas  lui- 
même  le  pouvoir  souverain  et  infaillible  dans  l'Eglise  ; 

Que  la  Liturgie  est  donc ,  comme  toutes  les  grandes  choses 
de  ce  monde,  l'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  mal,  puisque, 
dans  ce  chapitre  qui  nous  a  donné  lieu  d'enumérer  les  noms 
de  plusieurs  des  plus  vénérables  docteurs  de  l'Eglise,  nous 
n'avons  pu  nous  empêcher  d'y  joindre  une  ignoble  liste  sur 
laquelle  figurent  Théodore  de  Mopsueste ,  Nestorius  ,  Phi- 
loxène ,  Sévère  d'Antioche ,  Jacques  d'Edesse ,  etc. 


LITURGIOUES.  1S9 


NOTES  DU  CHAPITRE  VI. 


NOTE  A. 

Prieter  bas  autem  beatissimse  et  apostolicce  sedis  iaviolabiles  sanc- 
tioii3S,  qu  Ims  no;  piissimi  patres,  pcslifcirte  novitatis  elatione  dejecta , 
et  ')oace  voliintatis  exorJia  ,  et  ia^remeiita  probabiliuna  stiidiorum ,  et 
in  eis  u-;qiie  iii  finem  p  Tseverantiam  ad  Cliristi  gratiam  referre  docue- 
runt  ;  obse^ratioauin  quoque  sn.cerdotalium  sacramenta  respiciamus, 
quœ  ab  Apostolis  iradiia  in  toto  miindo  atque  in  omni  Ecclesia  catlio- 
lica  uniformiler  celebraatiir  ;  ut  legetn  credendi,  lex  statuât  suppli* 
candi.  Cum  eniin  san  tarum  plebium  prscsules  mandata  sibimet  !ega- 
lione  funganlur,  apud  divinam  cleraenliam  humani  generis  agunt 
causam,  et  tota  secuni  Ecclesia  congemiscente,  postulant  et  precantur, 
ut  infidelibus  donetur  fi  les,  ut  idololatra3  ab  impietatis  suce  libereatur 
erroribus,  ut  Judoeis  ablato  cordis  velamine  lux  veritatis  appareat,  ut 
h;cretici  calliolicse  fidei  perceptione  resiplscant,  ut  schismatici  spiri- 
tun  redivlvie  ca>itatis  accipiant,  ut  lapsis  pœuitentise  remeiJia  conferan- 
tur,  ut  denique  cateohumenis  ad  regeneralioais  sacramenta  perductis 
codesti-;  misericordiuî  auh  reseretur.  (  S.  Coelestini  Epist.  XXL 
apud  D.  Constant.  ) 

Exsere  contra  orationes  Ecclesiœ  disputaliones  tuas,  et  quando  au- 
dis  sacerdoteaa  Dei  ad  altare  exbortanteni  populum  Dei  orare  pro  in- 
credulis,  ut  eos  converlat  ad  fidem,  et  pro  catechumenis,  ut  eis  desi- 
deriuin  regenerationis  inspiret,  et  profidellbus,  ut  in  eo  quod  esse 
cœperuat,  ejus  muuerc  per'severent,  subsanna  pias  voces.  (S.  Augus- 
Uni  Epist.  217  ad  Fita'.em.  ) 

NOTE  B. 

Post  reclse  lidei  confessionem ,  quae  in  sancta  Dei  Ecclesia  praedica- 
tur,  placiiit  ut  omiies  s:JC.'rdoles,  qui  catliolicaî  fidei  unitate  complec- 
tiinur,  ndiil  ult^a  diversum,  aut  dissoniim  in  ecciesiasticis  sacramentis 
ag.u.ius  ,  \\i  qiia3lil)eL  uOitra  diversitas  apud  ignolos  seu  oarualos  schis- 
niaticis  erroicni  videatur  oslendere,  et  multis  existât  iu  scandalum 
varietas  ecclesiarum.  Unus  igitur  ordo  oran^di  alquepsallendi  nobis  per 
omuem  Hispaniam  atque  Galliam  conservetur,  unus  modus  in  Missa- 
rum  solemnitatibus ,  unus  in  vespertinis  matutinisque  oiBciis ,  aec  di- 


460  INSTITUTION* 

versa  sit  ultra  ia  nobis  ecclesiastica  consuetudo  ;  quia  îq  una  fide  con- 
tinemur  et  regao  ;  hoc  enim  et  autiqui  canoaes  decreverunt ,  ut 
unaquaeqiie  proviucia  et  psalleadi  et  miuistrjndi  )parera  consuetudiuem 
teneat.  (  Conc.  Toletun.  IF.  Can.  2.  Lubb.  lum.  V.  ) 

>OTE  C. 

Si  instituta  ecclesiastica,  ut  sunt  a  beatis  Apostolis  tradita,  intégra 
velleat  servare  Domini  sacerdotes;  nulla  diversitas,  nulla  varietas  io 
ipsis  ordioibus  et  cousecrationibus  haberetur.  Sed  dura  uausqai-.que 
non  quod  traditum  est,  sed  quod  sibi  visurc  fuerit,  hoc  aestimat  es^e 
teneaduin ,  iade  diversa  in  diversis  locis  vel  ecclesiis  aut  teneri ,  aut 
celebrari  videutur  ;  ac  lit  scandalum  popnlis,  qui  dura  nesclunt  tradi- 
tiones  antiquas  humana  prsesumpiiuue  corruptas,  putent  sibi  aut  ec- 
clesias  non  coavenire,  aut  ab  Apostolis  vel  apostolicis  viris  contrarieta- 
tem  inductam.  Quis  euim  nesciat  aut  non  advertal,  id  quod  a  principe 
Apostolorum  Peiro  Romause  ecclesiîe  tradilum  e^t,  ac  nunc  usque  cus- 
toditur,  ab  omaibus  debere  servari  ;  nec  superduci  aut.  iulroduci  ali- 
quid,  quod  auctorilaiem  non  habeat,  aut  aliuade  accipere  videatur 
exemplum?  Prjesertim  cum  sit  man.festum,  iaomnem  Ilaliam,  Gallias, 
Hispanias,  Africam  atque  Siciliam,  et  insiilas  ialerjacentes,  nullum 
inslituisse  ecclesias,  nisi  eos  quos  venerabilis  aposlolus  Petrusaut  ejus 
successores  constituerint  sacerdotes.  Aut  legaut,  si  in  bis  provinciis 
alius  Apostolorum  invenilur ,  aut  legitur  doc  lisse.  Qui  si  non  legunt, 
quia  nusquam  inveuiunt,  oportet  eoshocsequi,  quod  Ecclesia  Romana 
custodit,  à  qua  eos  principium  accepi>se  non  dubium  est;  ne  dum  pe- 
regriiiis  a^sertionibussludeut,  caput  insliutiouum  videanuroraittere. 
Sœpe  dileclioiiera  tuam  ad  Urbem  veniss'3 ,  ac  nobiscum  in  ecclesia 
convenisse  noa  dubium  est,  et  quem  morera  vel  iu  consecraadis  mys- 
teriis,  vel  in  ceteris  agendis  arcanis  teaeat ,  cogno»is-.e.  Quod  sufficere 
ad  informatioaem  ecciesiée  tuae,  vel  reformition  'm,si  praecessores  tui 
minus  aliquid  aut  aliter  tenueriint,  satis  cerlum  haberemus,  nisi  de 
aliquibos  consulendos  nos  esse  dus isses.  Quibus  idcirco  responderaus , 
non  quod  te  aliqua  ignorare  crelamus,  sed  ut  majori  auciorilate  vel 
tuos  instituas,  vel  >i  quia  RomanEeecclesiae  institutionibu^ errant,  aut 
coramoneas,  aut  indi  are  non  différas,  ut  scire  val-amus  qui  siut,  qui 
aut  novilates  inducunt ,  aut  alterius  ecclosiae,  quam  Romauae,  exisii- 
mant  consuetudinem  esse  servandam.  (S.  Innocenta  I.  ad  Decenlium 
Eiigub.  apud  D.  Constant.  ) 

]\OTE  D. 

Item  gesta  sanctorum  martyrum ,  qui  multiplicibus  tormentorum 
«ruciatibus ,  et  mirabilibus  coufessionum  triumpbis  illustrantur.  Quis 


LITURGIQUES.  i61 

ista  esse  catholicoruni  dubilet ,  et  majora  eos  in  agonibus  esse  perpes- 
sos,  nec  suis  viribus,  sed  gratia  Dei  et  adjutorio  universa  tolérasse? 
Sed  ideo  secuadum  antiquani  consuetudinem  et  singularera  cautelam 
in  saneta  Romana  Ecclesia  non  leguntur,  quia  et  eorura  qui  conscripsere 
nomina  penitus  ignorantur  ;  et  ab  intidelibus  ant  idiotis  superflua, 
aut  minus  apta  quam  rei  ordo  fuerit ,  scripta  esse  putantur  ;  sicut  cu- 
jusdam  Cyrici  et  Julittte,  sicut  Georgii,  aliorumque  hujusmodi  passio- 
nes,  quse  ab  haireticis  perliibentur  compositse.  Propter  quod ,  ut  dictum 
est,  ne  vel  levis  subsannandi  oriretur  occasio,  in  saneta  Romana  Eccle- 
sia non  leguntur.  Nos  tamen  cum  prœdicta  ecclesia  omnes  martyres, 
et  gloriosos  agones,  qui  Deo  magis  quam  liominibus  noti  sunt,  omni 
devotione  veneramur.  Gelasii  Papœ  décret,  in  Conc.  Rom.  apud  Labb. 
pag.  1263. 


T.  I.  H 


1 

162  INSTITUTIONS 


CHAPITRE  VII. 

TRAVAUX  DE  SAINT  GRÉGOIRE  LE  GRAND  SUR  LA  LITURGIE 
ROMAINE.  —  PROGRÈS  DE  CETTE  LITURGIE  DANS  l'OCCIDENT. 
—  AUTEURS  LITURGISTES  DU  7'  ET  DU  8'  SIÈCLES. 

La  fin  du  sixième  siècle  vit  monter  sur  le  Siège  Aposto- 
lique un  homme  dont  le  pontificat  de  treize  ans  et  six  mois 
expira  l'an  604 ,  mais  laissa  pour  tous  les  siècles  suivans  la 
renommée  d'une  gloire  qui  a  pu  être  égalée ,  mais  n'a  ja- 
mais été  surpassée.  Saint  Grégoire  le  Grand ,  dont  l'immense 
correspondance  nous  retrace  si  vivement  la  sollicitude  qu'il 
exerçait  sur  toutes  les  Eglises ,  dont  les  écrits  si  remplis  de 
gravité  et  d'oction  justifient ,  par  la  plus  pure  et  la  plus  excel- 
lente doctrine,  le  titre  de  quatrième  Docteur  que  l'Eglise  lui 
a  assigné ,  saint  Grégoire  le  Grand  porta  ses  soins  éclairés 
sur  la  Liturgie  de  l'Eglise  de  Rome ,  et  par  les  perfectionne- 
mens  qu'il  y  introduisit,  prépara,  d'une  manière  sûre,  pour 
un  temps  plus  ou  moins  éloigné ,  son  introduction  dans  toutes 
les  provinces  de  l'immense  Palriarchat  d'Occident. 

Nous  avons  rapporté,  au  chapitre  précédent,  les  travaux  de 
saint  Célestin  et  de  saint  Gélase  durant  ce  cinquième  siècle, 
qui  fut,  dans  toute  l'Eglise  ,  un  moment  brillant  pour  la  Li- 
turgie ,  puisqu'on  vit  alors  les  plus  grands  Evêques  donner 
tous  leurs  soins  à  la  perfectionner.  Vers  la  fin  du  sixième 
siècle ,  il  était  devenu  nécessaire  de  compléter  et  d'améliorer 
l'œuvre  des  siècles  précédens  ;  car  la  Liturgie,  comme  le  Sym- 
bole de  l'Eglise ,  comme  le  recueil  de  sa  Discipline  ,  doit  s'en- 
richii'  par  le  cours  des  siècles,  bien  qu'elle  ne  puisse  changer 


LITURGIQUES.  165 

d'une  manière  fondamentale.  Ce  progrès  dirigé  par  l'autorité 
compétente,  en  même  temps  qu'il  satisliut  à  de  nouveaux  be- 
soins, n'expose  jamais  l'intégrité  des  rites  ecclésiastiques  et 
n'amène  point  de  variations  choquantes  dans  les  formules 
saintes  que  les  siècles  ont  consacrées. 

Ce  fut  donc ,  dès  les  premières  années  de  son  Pontificat , 
que  saint  Grégoire  entreprit  la  réforme  de  la  Liturgie  Ro- 
maine. Son  historien ,  Jean  Diacre ,  nous  a  laissé  sur  ce  sujet 
les  détails  les  plus  intéressans  ;  ils  nous  sont  confirmés 
non  seulement  par  le  témoignage  de  tous  les  auteurs  qui 
l'ont  suivi,  mais  même  par  l'autorité  de  plusieurs  person- 
nages qui  ont  vécu  avant  lui ,  tels  que  Walafride  Strabon , 
saint  Adrien  I",  et  Ecbert,  qui  occupa  le  siège  d' Yorck  en  732. 
Or,  voici  les  paroles  Jean  Diacre,  au  chapitre  VI  du  second 
livre  de  la  vie  de  notre  saint  Pontife  : 

<  Il  réduisit  en  un  seul  volume  le  Livre  du  Pape  Gélase , 
»  qui  contenait  la  solennité  des  Messes ,  retranchant  beau- 
»  coup  de  choses,  en  retouchant  quelques-unes,  et  en  ajou- 
»  tant  plusieurs  autres  (1).  » 

^Valafrid  Strabon ,  qui  mourut  en  849 ,  vingt-huit  ans  avant 
le  Pontificat  de  Jean  VIII ,  par  l'ordre  duquel  Jean  Diacre 
écrivit  la  vie  de  saint  Grégoire  ,  s'exprime  ainsi  dans  son 
traité  de  R&hMs  Ecclesiasticis  :  «Gélase,  le  cinquante-unième 
»  Pape ,  mit  en  ordre  les  prières ,  tant  celles  qu'il  avait  com- 
»  posées  que  celles  que  d'autres  avaient  rédigées  avant  lui  ; 
»  les  Églises  des  Gaules  se  servirent  de  ses  oraisons,  et  elles  y 
»  sont  encore  employées  par  plusieurs.  Mais  comme  beau- 
»  coup  de  ces  formules  semblaient  appartenir  à  des  auteurs 

(1)  Sed  et  Gelasianum  codicem  de  missarum  solemniis,multa  sub- 
trahens,  pauca  convertens,  noanulla  vero  adjiciens,  pro  exponendis 
Evaagelicis  lectionibus ,  ia  unius  libri  volumine  coarctavit.  (  Joann. 
Diac.  in  vita  S.  Gregorii,  Lib.  Il,  cap.  M.) 


164;  INSTITUTIONS 

ï  incertains  ,  ou  ne  présentaient  pas  un  sens  clair  et  com- 
»  plet ,  le  bienheureux  Grégoire  prit  soin  de  réunir  tout  ce 
>  qui  était  conforme  à  la  pureté  originale  du  texte ,  et  ayant 
»  retranché  les  choses  trop  longues,  et  celles  qui  avaient 
»  été  rédigées  sans  goût ,  il  composa  le  Livre  qui  est  appelé 
»  des  Sacremens.  Que  si  on  y  trouve  encore  plusieurs  choses 
t>  qui  s'écartent  du  but  que  nous  venons  de  marquer,  elles 
»  n'ont  point  été  insérées  par  ce  Pape  ,  mais  on  doit  croire 
»  qu'elles  ont  plus  tard  été  ajoutées  par  d'autres  personnes 
ï  moins  soigneuses  (i). 

Telle  est  l'origine  du  Sacramentaire  Grégorien  qui ,  joint 
à  l'Antiphonaire  dont  nous  parlerons  bientôt,  forme  encore 
aujourd'hui,  à  quelques  modifications  près,  le  Missel  Ro- 
main dont  l'Eglise  d'Occident  toute  entière  se  sert,  sauf 
les  exceptions  de  fait  ou  de  droit. 

L'historiographe  de  saint  Grégoire  nous  apprend  encore , 
d'accord  avec  le  Liber  Pontificalis,  que  ce  saint  Pontife 
ajouta  quelques  paroles  au  Canon  de  la  Messe.  Remarquons 
ici ,  pour  la  seconde  fois,  que  l'addition  d'une  seule  ligne  au 
Canon  de  la  Messe  était  un  événement  qui  intéressait  tout 
l'Occident  et  que  les  siècles  à  venir  ne  pouvaient  plus  igno- 
rer. 'Yoici  les  paroles  de  Jean  Diacre  :  «  Il  ajouta  au  Canon 
j  de  la  Messe  :  «  Diesque  nostros  in  tua  pace  disponas,  atque  ah 

(1)  ]\atn  et  Gelasius  Papa  in  ordine  LI.  ila  tam  a  se  quam  ab  aliis 
corapositas  preces,  dicitiir  ordinasse.  Et  Galliarum  Ecclesiae  suis  ora- 
tionibus  utebanlur,  qiiae  adhiic  à  raultis  habentur.  Et  quia  tam  incertis 
aucloribus  raulta  videbanlur  iacerta,  et  sensus  iotegriiatem  oon  ha- 
beatia,  euravit  beatus  Gregoiius  ralionabilia  quseque  coadunare,  et 
seclusis  his,  quœ  vel  nimia  vel  inconciuna  vid-^lîantur,  composait  li- 
brum  qui  dicitur  Sacrameatorum ,  sicut  ex  titulo  ejus  manifestissime 
declaratur  :  in  quo  si  aliqua  iaveaiuatur  ad  hune  sensum  claudicantia , 
non  ab  illo  inserta ,  sed  ab  aliis  miaus  diligentibus  postea  credenda  sunt 
superaddita.  (JValafrid,  StrabQ.  de  Rébus  Ecdesia&t.  cap.  XXII.) 


LITURGIQUES.  165 

»  œterna  damnatione  nos  erqn,  et  in  electorum  tiiorum  jubeas 
»  grcge  numerari  (1).  »  Cette  addition  qui  exprime  une  de- 
mande de  paix ,  paraît  se  rapporter  à  l'année  594 ,  durant 
laquelle  Agilulphe ,  roi  de  Lombards ,  vint  mettre  le  siège 
devant  Rome  ;  ce  qui  plongea  dans  la  plus  vive  terreur  cette 
ville  qui  se  trouvait  en  ce  moment  privée  de  garnison.  In- 
quiet du  salut  de  son  troupeau ,  saint  Grégoire  suspendit  les 
travaux  qu'il  faisait  alors  sur  le  Prophète  Ezéchiel ,  et  ses 
instantes  prières  ,  jointes  à  sa  vigilance  et  au  courage  des 
Romains ,  procurèrent  la  délivrance  de  la  ville ,  après  un  an 
de  siège  (2). 

Saint  Grégoire  ne  se  borna  pas  à  rectifier  les  formules  de 
la  Liturgie ,  et  à  les  compléter  ;  il  s'attacha  aussi  à  donner 
aux  cérémonies  du  culte  une  pompe  extérieure  qui  les  ren- 
dît plus  efficaces  encore  pour  l'instruction  et  l'édification  du 
peuple.  Il  régla ,  dans  un  ordre  qui  s'est  conservé  jusqu'au- 
jourd'hui presque  dans  son  entier ,  les  jours  et  les  lieux  des 
Stations  (3).  «  Il  ordonna  avec  soin,  continue  Jean  Diacre, 
»  les  Stations  dans  les  Basiliques,  ou  dans  les  Cimetières 
»  des  saints  martyrs,  en  la  manière  que  garde  encore  au- 
»  jourd'hui  le  peuple  romain ,  comme  si  Grégoire  vivait 
î  toujours.  Dans  ces  Stations ,  auxquelles  il  prenait  part  lui- 
1)  même,  il  prononça,  en  diverses  époques,  devant  l'assemblée 
»  des  fidèles,  vingt  homélies  sur  l'Evangile  ;  il  dicta  seulement 
»  les  vingt  suivantes,  et  les  fit  déclamer  par  d'autres,  à  cause 
»des  langueurs  de  sa  poitrine  fatiguée.  L'armée  du  Sei- 
»  gneur ,  composée  d'une  foule  innombrable  de  fidèles  de 

(1)  In  Canone  Missse  apposuit  :  Diesque  nostros ,  etc.  (Joan.  Diac. 
Ibidem.  ) 

(2)  Ciacconi.  (  FitœPont.  Rom.  Tom.  I.  p.  40iJ 

(3)  Nous  donnerons  ailleurs  la  désignation  de  ces  Stations  >  ainsi  que 
le  détail  de  ce  qu'on  y  observait. 


466  INSTITUTIONS 

»  tout  sexe ,  de  tout  âge  et  de  toute  condition ,  avide  de  la 
»  parole  de  doctrine ,  accompagnait ,  dans  ces  Stations,  les 
»  pas  du  Pontife,  qui,  comme  le  chef  d'une  milice  céleste , 
ï  donnait  à  chacun  des  armes  spirituelles  (1).  > 

<  Il  régla  les  xAIesses  solennelles  que  l'on  célébrerait  sur 
»  les  corps  des  bienheureux  Apôtres  Pierre  et  Paul.  Il  fit  l'ac- 
»  quisition  d'un  grand  nombre  de  plants  d'oliviers  dont  il 

>  grava  le  dénombrement  sur  des  tables  de  marbre  placées 

>  aux  portes  de  la  Basilique  (3) ,  et  les  affecta  au  luminaire 
»  qu'il  augmenta ,  et  à  l'entretien  duquel  il  pourvut  avec 
i  soin  (3).  i 

On  peut  voir  dans  les  divers  exemplaires  du  Sacramentaire 
Grégorien,  qui  ont  élé  publiés  sur  des  manuscrits  plus  ou 
moins  purs,  et  dans  les  anciens  Ordres  Romains,  dont  les 
deux  premiers  sont  très-certainement  contemporains  de  saint 
Grégoire,  la  forme  de  la  Messe  Papale,  telle  qu'elle  était 
célébrée  aux  jours  des  Stations.  Fleury  lui-même  n'a  pas  cru 

(1)  Statioaes  per  Basilicas,  vel  saactorum  Martyrum  Cœmeteria  se- 
cundum  quod  hactenus  plebs  Romana  quasi  eo  vivente  certatim  dis- 
currit,  sollicitus  ordiuavit  :  per  quas  et  ipse  simul  discurrens,  dum 
adhuc  eloqui  praevaleret,  vigiuti  homilias  Evangelii  coram  Ecclesia 
diverse  tempore  declamavit  :  reliquas  vero  ejusdem  numeri  dictavit 
quidam,  sed  lacessente  stomacto  laaguore  .contiauo  ,  aliii  proaun- 
ciandas  commisit.  Sequebatur  exercitus  Domiai  ultra  citraque  Grego- 
rium  praeeuatem,  et  auditune  verbumdoclriQEe  iaouinerabiles  uûdique 
diversi  sexus ,  œtatis  ac  professionis  voluataricc  confluebant  cohortes  : 
quibus  ille,  utpote  ductor  cœlestis  mililiae,  cunctis  duntaxat  arma 
spiriialia  suggerebat.  (  Joan.  Diac.  Ibid.  cap.  XV III  et  XIX.  ) 

(2)  Ces  tables  existent  encore  parfaitement  conservées,  sous  le  por- 
tique de  la  Basilique  actuelle  de  Saint  Pierre. 

(5)  Super  corpora  beatorum  Pétri  et  Pauli ,  apostolorum ,  31issarum 
solemnia  celebrari  decrevit,  acquisitis  numerosissimis  olivetis,  quo- 
rum summam  in  tabulis  marmoreis,  prœ  foribus  ejusdem  Basilicae  aa- 
notavii,  luminaria  superaddidit ,  officia  sedula  deputavit.  (Joan.  Diac. 
Ibid,  cap.  XX.) 


LITURGIQUES.  167 

(l<'voir  se  dispenser  d'en  raconter  plusieurs  détails  dans  son 
histoire  Ecclésiastique.  Nous  réservons  ce  récit,  ainsi  que  la 
description  de  la  Messe  Papale  telle  qu'elle  se  célèbre  aujour- 
d'hui, pour  la  partie  de  notre  travail  qui  traitera  à  fond  du 
Sacrifice  chrétien  et  de  ses  mystères. 

Les  modifications  que  saint  Grégoire  avait  introduites  dans 
la  Liturgie  n'avaient  pas  manqué ,  ainsi  qu'il  arrive  toujours 
dans  les  mesures  générales  d'administration ,  d'exciter  les 
réclamations  de  plusieurs.  Le  saint  Pape,  en  effet,  en  sta- 
tuant plusieurs  réglemens  sur  la  forme  du  service  divin  dans 
l'Eglise  de  Rome ,  avait  astreint  par  là  même  à  l'observation 
de  ces  ordonnances,  les  Eglises  de  l'ItaUe  et  des  îles  adjacentes 
qui  sont ,  comme  on  doit  savoir  ,  du  domaine  primatial  de 
l'Eglise  Romaine  ,  de  même  que  l'Occident ,  en  son  entier, 
forme  sa  circonscription  patriarchale.  Jean  Diacre  no  us  a 
conservé  un  important  fragment  d'une  lettre  de  saint  Gré- 
goire adressée  à  Jean ,  Evêque  de  Syracuse ,  et  dans  laquelle 
le  saint  Pape  répond  aux  clameurs  qui  s'étaient  élevées  en 
Sicile.  Nous  reproduirons  ici  cette  pièce ,  en  y  joignant  nos 
observations. 

«  Un  homme  venant  de  Sicile  m'a  dit  que  quelques-uns  de 
»  ses  amis ,  grecs  ou  latins ,  sous  prétexte  de  zèle  envers 
»  l'Eglise  Romaine ,  murmuraient  contre  mes  réglemens , 
»  disant  :  Comment  prétend-il  abaisser  l'Eglise  de  Constan- 
»  tinople,  lui  qui  en  suit  les  coutumes  en  toutes  choses  ?  Comme 
»  je  lui  disais  :  Quelles  coutumes  suivons-nous  ?  Il  m'a  ré- 
»  pondu  :  Vous  avez  fait  dire  Alléluia ,  aux  Messes ,  hors  le 
»  temps  pascal  ;  vous  faites  marcher  les  sous  -  diacres  sans 
»  tuniques  ;  vous  faites  dire  Kyrie,  eleïson  ;  vous  avez  ordonné 
»  de  dire  l'oraison  dominicale  aussitôt  après  le  canon.  A  cela , 
»  j'ai  répondu  que  dans  aucune  de  ces  choses  nous  n'avons 
»  suivi  les  usages  d'une  autre  Eglise.  Car  pour  ce  qui  est  de 


168  INSTITUTIONS 

j  V Alléluia,  la  tradition  nous  apprend  qu'il  a  été  introduit 
»  ici  par  le  bienheureux  Jérôme,  au  temps  du  Pape  Damase, 

>  de  sainte  mémoire ,  à  l'imitation  de  l'Eglise  de  Jérusalem  ; 
»  et  encore  faut-il  remarquer  que,  dans  ce  Siège ,  nous  avons 

>  retranché  plutôt  quelque  chose  à  ce  que  l'on  avait 
»  ainsi  reçu  des  Grecs  (1).  Si  je  fais  marcher  les  sous-dia- 
»  ères  sans  tuniques ,  c'est  l'ancienne  coutume  de  l'Eglise  ; 
»  seulement,  dans  la  suite  des  temps,  il  avait  plu  à  quelqu'un 

>  de  nos  Pontifes,  je  ne  sais  lequel,  de  les  revêtir  ainsi.  Mais 
9  vos  propres  Eglises  (  de  Sicile  ) ,  ont-elles  donc  reçu  la  tra- 
»  dition  des  Grecs?  Aujourd'hui  encore,  chez  vous,  d'où 
»  vient  que  les  sous-diacres  paraissent  couverts  d'une  simple 
»  tunique  de  lin,  si  ce  n'est  parce  qu'ils  ont  reçu  cet  usage 
»  de  l'Eglise  Romaine  leur  mère  ? 

»  D'ailleurs,  nous  ne  disons  pas  Kyrie,  eleison  à  la  manière 
»  des  Grecs.  Chez  eux,  tous  le  disent  ensemble  ;  chez  nous ,  il 

>  n'y  a  que  les  clercs,  et  le  peuple  répond  ;  et  de  plus ,  nous 
»  disons  autant  de  fois  Christe,  eleison,  que  les  Grecs  ne  disent 
»  jamais.  Dans  les  Messes  quotidiennes,  nous  passons  sous  si- 
»  lence  certaines  choses  que  l'on  a  coutume  de  dire  aux  autres 
»  jours,  et  nous  disons  seulement  Kyrie,  eleison  et  Christe, 
»  eUïson ,  en  les  chantant  avec  un  peu  plus  de  lenteur.  Nous 

>  disons  l'Oraison  dominicale  aussitôt  après  le  Canon ,  parce 
»  que  telle  a  été  la  coutume  des  Apôtres  qui ,  en  consacrant 
»  l'Hostie  de  l'oblation ,  se  contentaient  de  cette  prière  (2) . 

(1)  Ou  sait  que  les  Grecs  chantent  AlLehùa  pendant  le  Carême ,  et 
même  aux  sépultures. 

(2)  On  doit  savoir  que  le  mot  consacrer ,  appliqué  à  l'Eucharistie  , 
dans  la  langue  des  Pères,  a  un  tout  autre  sens  que  dans  le  langage  de 
la  théologie  actuelle.  Il  signifie  certain  usage  qu'on  fait  de  l'Hostie 
sainte  in  ordine  ad  communionem.  C'est  ainsi  que  saint  Ambroîse,  en 
son  livre  De  Officiis  ministrorum ,  fait  dire  au  diacre  saint  Laurent,  que 
le  Pape  saint  Sixte  lui  a  confié  la  Consécration  du  Sang  du  Seigneur , 
Dominici  Sanguinis  consecrationem. 


LITURGIQUES.  169 

»  Il  nous  eût  paru  inconvenant  de  réciter  sur  l'oblation  une 
»  prière  rédigée  par  un  savant ,  et  d'omettre  de  réciter  sur 
»  le  corps  et  le  sang  du  Rédempteur  celle  qu'il  a  lui-même 
»  composée.  De  plus,  l'Oraison  dominicale  chez  les  Grecs 
»  est  dite  par  tout  le  peuple ,  tandis  que,  chez  nous,  c'est  le 
»  Prêtre  seul  qui  la  récite. 

»  En  quoi  donc  avons-nous  suivi  les  coutumes  des  Grecs , 
»  nous  qui  n'avons  fait  que  rétabhr  nos  anciens  usages,  ou 
B  en  introduire  d'utiles  ,  quand  bien  même  on  prouverait 

>  qu'en  cela  nous  avons  imité  les  autres  ?  Quand  donc  Votre 
»  Charité  aura  occasion  d'aller  à  Catane  ,  ou  à  Syracuse , 
»  qu'elle  ait  soin  d'instruire  sur  ces  différens  points  tous 
»  ceux  qu'elle  sait  avoir  murmuré  à  ce  sujet  ;  qu'elle  s'y 
»  prenne  à  propos  pour  leur  faire  entendre  ces  raisons.  Quant 
»  à  ce  qu'ils  disent  de  l'Eglise  de  Constantinople ,  qui  doute 
»  qu'elle  ne  soit  sujette  du  Siège  Apostolique ,  ainsi  que  le 
ï  très-pieux  Empereur,  et  notre  frère,  l'Evêque  de  cette  ville, 
»  le  professent  assiduement?  Néanmoins,  si  cette  Eglise,  ou 
»  toute  autre  a  quelque  chose  de  bon,  de  même  que  je  ré- 

>  prime  mes  inférieurs,  lorsqu'ils  font  des  choses  illicites^  de 
»  même  je  suis  prêt  à  les  imiter  dans  ce  qu'ils  ont  de  bon. 

>  Ce  serait  folie  de  mettre  la  primauté  à  dédaigner  d'appren- 

>  dre  ce  qui  est  le  meilleur  (i).  î 

On  voit ,  dans  cette  curieuse  lettre  ,  l'exercice  de  la  su- 
prématie romaine  dans  les  choses  de  la  Liturgie.  Le  Pontife 
rétablit  des  usages  tombés  en  désuétude;  il  en  institue 
d'autres  qui  lui  paraissent  utiles  ;  il  choisit  dans  les  rites 
des  Eglises  soumises  à  celle  de  Rome ,  ceux  qu'il  lui  sem- 
ble à  propos  d'adopter  ;  il  professe  le  droit  souverain 
qu'il  a  reçu  de  réprimer  les  abus ,  jusque  sur  le  Siège  de 

(1)  Vid.  la  note  A. 


170  INSTITUTIONS 

Conslantinople  :  enfiii ,  il  proclame  en  même  temps  la  dispo- 
sition si  sage  et  si  souvent  mise  en  pratique  par  le  Saint- 
Siège  ,  d'imiter  ce  qui  se  rencontre  de  meilleur  dans  les 
usages  des  diverses  Eglises,  rs'ous  verrons  constamment  les 
Papes ,  dans  tous  les  siècles ,  suivre  cette  ligne  si  sagement 
et  si  fortement  tracée. 

Le  zèle  infatigable  de  saint  Grégoire  ne  se  borna  pas  à  lui 
faire  entreprendre  la  réforme  des  prières  et  des  cérémonies 
de  la  Liturgie;  il  entreprit  aussi  la  correction  du  chant  ecclé- 
siastique ,  dont  la  mélodie  majestueuse  devait  ajouter  une 
nouvelle  splendeur  au  service  divin.  >'ous  avons  vu ,  au  cha- 
pitre précédent,  le  Pape  saint  Célestin  instituant  le  chant  des 
Antiennes ,  connues  sous  le  nom  d'Introït  et  de  Graduel ,  et 
l'on  ne  saurait  douter  que  ces  morceaux  ne  fussent  compo- 
sés à  l'instar  des  autres  Antiennes  que  nous  voyons  dès  lors 
en  usage ,  soit  dans  la  psalmodie  des  Heures ,  soit  dans 
la  célébration  de  la  Messe.  Il  y  avait  aussi ,  comme  nous 
l'avons  vu ,  des  préfaces  et  autres  récits  qui  ne  pouvaient 
être  chantés  sans  un  système  de  musique  quelconque,  ^'ous 
n'avons  point  à  nous  occuper  en  cet  endroit  du  carac- 
tère du  chant  ecclésiastique;  nous  devons  seulement  rap- 
peler en  passant  au  lecteur  que  tous  les  hommes  doctes  qui 
ont  traité  des  origines  de  la  musique  ont  reconnu  dans  le 
Chant  Ecclésiastique  ou  Grégorien ,  les  rares  et  précieux 
débris  de  celte  antique  musique  des  Grecs  dont  on  raconte 
tant  de  merveilles.  En  effet,  cette  musique  d'un  caractère 
grandiose  et  en  même  temps  simple  et  populaire ,  s'était 
naturalisée  à  Piome  de  bonne  heure.  L'Eglise  chrétienne 
s'appropria  sans  trop  d'efforts  cette  source  intarissable  de 
mélodies  graves  et  rehgieuses;  seulement,  le  respect  dû 
aux  formules  saintes ,  souvent  tirées  des  Ecritures ,  qu'il 
fallait  réduire  en  chant,  ne  permettant  pas  de  les  sou- 


LITURGIQUES.  174 

mettre  à  une  mesure  qui  en  eût  souvent  altéré  la  simplicité 
et  quelquefois  même  le  sens  ,  le  chant  de  l'Eglise  ,  quoique 
puisé  dans  les  modes  antiques,  n'avait  pour  thème  que  des 
morceaux  en  prose  et  d'un  rythme  vague  et  souvent  irré- 
gulier. On  voyait  que  les  Pontifes  avaient  cherché  plutôt  à 
instruire  les  fidèles  par  la  doctrine  contenue  dans  les  paroles 
saci'ées ,  qu'à  ravir  leurs  oreilles  par  la  richesse  d'une  har- 
monie trop  complète.  Toutefois  les  besoins  du  culte  avaient 
donné  naissance ,  dans  l'Eglise  de  Rome ,  à  un  grand  nombre 
de  pièces  de  chant ,  toutes  en  prose  pour  les  paroles  ;  car, 
à  la  différence  de  celle  de  Milan  et  de  presque  toutes  les 
autres,  elle  n'admettait  pas  d'hymnes.  Les  motifs  de  la  plu- 
part de  ces  chants  étaient  inspirés  par  la  réminiscence  de 
certains  airs  familiers  et  d'une  exécution  aisée  ,  qu'une 
oreille  exercée  reconnaît  encore  dans  le  Répertoire  Gré- 
gorien ,  et  qu'il  serait  facile  de  rétabUr  dans  leur  couleur 
première. 

Ce  recueil  de  chants  appelait  aussi  une  correction,  et 
Dieu ,  qui  avait  donné  à  saint  Grégoire  cette  diction  noble 
et  cadencée  qui  lui  permit  de  retoucher  le  Sacramentaire 
de  saint  Gélase,  lui  avait  donné  pareillement  le  sens  delà 
musique  ecclésiastique ,  à  laquelle  il  devait  même  attacher 
son  nom.  «  Grégoire,  dit  son  historien,  semblable  dans 
»  la  maison  du  Seigneur  à  un  nouveau  Salomon,  pour  la  com- 
»  ponction  et  la  douceur  de  sa  musique ,  compila  un  Anti- 
»  phonaire  ,  en  manière  de  Centon ,  avec  une  grande  utilité 
j  pour  les  chantres  (1).  »  Ces  expressions  compilavit ,  cen- 
tonem ,  font  voir  que  saint  Grégoire  ne  peut  être  considéré 
comme  l'auteur  proprement  dit  des  morceaux  qui  compo- 

(1)  Deinde  ia  domum  Domiai ,  more  sapienlissimi  Salomonis  propler 
rausicae  compunctionera  dulcedinis,  Antiphonarium  ceatonem,  cantorum 
studiosissimus nimis  utilitor  compilavit.  {Jam.  Diac.  IbiU,  cap.  FI.) 


172  INSTITUTIONS 

sent  son  Anriphonaire  ;  en  sorte  qu'il  en  est  du  chant  ecclé- 
siastique comme  de  toutes  les  grandes  institutions  du  catholi- 
cisme :  la  première  fois  qu'on  les  rencontre  dans  les  monu- 
mens  de  la  tradition,  elles  apparaissent  comme  un  fait  déjà 
existant ,  et  leur  origine  se  perd  dans  une  antiquité  impéné- 
trable. Mais  il  est  permis  de  croire  que  saint  Grégoire  ne  se 
borna  pas  à  recueillir  des  mélodies  :  il  dut  non  seulement 
corriger ,  mais  composer  lui-même  plusieurs  chants  dans  son 
Antiphonaire ,  par  un  travail  analogue  à  celui  qu'il  avait  ac- 
compli sur  le  Sacramentaire.  Ce  ne  peut  être  qu'en  qualité  de 
correcteur  éclairé  et  même  de  compositeur,  que  Jean  Diacre 
le  loue  sur  l'onction  et  la  douceur  de  sa  musique.  Il  nous  se- 
rait impossible  de  préciser  aujourd'hui  avec  certitude  dans  le 
détail ,  les  morceaux  de  l'Antiphonaire  Grégorien  qui  appar- 
tiennent proprement  au  grand  Pontife  dont  nous  parlons; 
mais  telle  était  encore ,  au  moyen-àge,  la  reconnaissance  des 
Eglises  d'Occident  envers  le  Symphoniaste  inspiré  auquel  elles 
devaient  leurs  chants ,  que  le  premier  Dimanche  de  l'Avent , 
on  chantait  solennellement  les  vers  qui  suivent ,  avant  d'en- 
tonner l'Introït  de  la  Messe  Ad  te  levavi,  comme  une  sorte 
de  tribut  obligé  à  la  mémoire  d'un  service  si  important. 

Gregorius  Praesul  meritis  et  notniae  digaus , 
Uade  geaus  ducit,  summum  coascendit  hoaorem  : 
Quem  vitse  splendore ,  sute  meatisque  sagaci 
Ingenio  potius  compsit,  quam  complus  ab  illo  est. 
Ipse  Patrum  monimeata  sequens,  renovavit  et  auxit 
Carmina,  iu  Officiis  retiaet  qute  circulus  anui  : 
Quae  clerus  dulci  Doiuino  modulamine  solvat , 
Mystica  dum  vitae  supplex  libamiua  tractât. 
Suaviter  boec  proprias  servat  dulcedo  nitelas  ; 
Si  quod  voce  sonat ,  tido  mens  pectore  gestet. 
INec  clamor  tautum  Domini  sublimis  ad  aures  , 
Quantum  voce  humilis  placido  de  corde  propinquat. 
Haec  juvenum  sectetur  amer,  malurior  sevo , 
Laudibuâ  lus  instans ,  seternas  tendat  ad  Horas. 


LITURGIQUES.  175 

Ces  vers  si  expressifs  se  trouvent,  avec  quelques  variantes, 
en  tête  des  divers  exemplaires  de  l'Anliphonaire  de  saint 
Grégoire  qui  ont  été  publiés  sur  des  manuscrits  des  neu- 
vième, dixième  et  onzième  siècles,  par  Pamelius,  Dom  Denys 
de  Sainte-Marthe  et  le  B.  Tommasi. 

L'Anliphonaire  de  saint  Grégoire  se  divisait  en  deux  par- 
ties, l'une  qui  contenait  les  chants  usités  dans  la  Messe  et 
qui  est  connue  depuis  long-temps  sous  le  nom  de  Graduel; 
l'autre  appelée,  dans  l'antiquité,  Responsorial,  et  contenant  les 
Répons  et  les  Antiennes  de  l'Office ,  laquelle  a  retenu  le  nom 
(ïAntiphonairc.  Le  manuscrit  de  saint  Gall,  l'un  des  deux  sur 
lesquels  le  B.  Tommasi  a  publié  le  Responsorial ,  porte  ,  en 
tête ,  les  vers  suivans  à  la  louange  de  saint  Grégoire  : 
Hoc  quoque  Gregorius,  Patres  de  more  secutus , 

iDstauravit  opus  ;  auxit  et  in  melius. 
His  vigili  Clerus  mentem  conamine  subdat 
Ordiaibus,  pascens  hoc  sua  corda  favo. 
Quem  pia  soUicitis  solertia  nisibus ,  omni 

Scripturae  campo  legit  et  explicuit. 
Carmina  diversas  sunt  bsec  celebranda  per  horas , 

Sollicitara  rectis  mentem  adhibete  sonis. 
Discite  verborum  légales  pergere  calles , 

Dulciaque  egregiis  jungite  dicta  Modis. 
Verborum  ne  cura  sonos ,  ne  cura  sonorum , 

Verborum  normas  nullificare  queat. 
Quicquid  honore  Dei  studiis  celebratur  honestis , 
Hoc  summis  jungit  mitia  corda  Choris. 
Pour  assurer  l'exécution  parfaite  des  chants  qu'il  avait 
recueillis  et  renouvelés  avec  tant  de  soin  ,  saint  Grégoire 
établit  une  école  de  chantres  qui,  au  temps  de  Jean  Diacre, 
existait  encore.  Le  Saint  Pape  l'avait  richement  dotée  et  lui 
avait  assigné  deux  maisons  dans  Rome,  l'une  sous  les  degrés 
de  la  Basilique  de  Saint-Pierre,  l'autre  dans  le  voisinage  du 
palais  patriarchal  de  Latran.  «  Ou  conserve  encore ,  dans 


174  INSTITUTIONS 

»  cette  dernière ,  ajoute  l'historien ,  le  lit  sur  lequel  il  se 
»  reposait  en  faisant  répéter  les  modulations  du  chant ,  le 
»  fouet  dont  il  menaçait  les  enfans  et  l'exemplaire  authen- 
t  tique  de  l'Ântiphonaire  (1).  »  Le  Collège  des  chantres  établi 
par  saint  Grégoire  a  traversé  les  siècles ,  et  après  avoir  subi 
diverses  modifications  et  obtenu  de  grands  privilèges  du 
Siège  Apostolique ,  il  existe  encore  aujourd'hui  à  Rome  ;  il 
fait  seul  le  service  du  chant  à  la  Chapelle  Papale  et  dans  les 
Basiliques ,  quand  le  souverain  Pontife  y  célèbre  les  saints 
Mystères.  Conformément  aux  usages  de  l'antiquité ,  lorsque 
les  chantres  de  la  Chapelle  Papale  tiennent  le  chœur ,  l'orgue 
et  les  instrumens  de  musique  sont  interdits.  Quant  au  chant 
Grégorien ,  proprement  dit ,  nous  aurons  occasion  de  parler 
en  divers  endroits  de  ses  destinées  et  des  changemens  et  alté- 
rations dont  il  a  été  l'objet. 

Nous  avons  vu ,  par  la  lettre  de  saint  Grégoire  à  Jean  de 
Syracuse ,  l'importance  que  mettait  ce  saint  Pape  à  voir 
adopter  la  Liturgie  Romaine ,  telle  qu'il  l'avait  réformée ,  par 
les  Eglises  qui  étaient  du  ressort  immédiat  du  Siège  Aposto- 
lique. Mais  le  temps  n'était  pas  venu  encore  où  les  Pontifes 
Romains  en  décréteraient  l'extension  aux  autres  Eglises  de 
l'Occident.  La  volonté  positive  de  saint  Grégoire  à  ce  sujet 
paraît  évidemment  dans  un  passage  de  sa  réponse  aux  diffi- 
cultés que  lui  avait  proposées  le  saint  Moine  Augustin,  apùtre 
de  l'Angleterre.  Ce  dernier  l'ayant  consulté  au  sujet  des 
usages  qu'il  était  à  propos  de  suivre,  dans  la  célébration  de 

(1)  Scholam  quoque  cantorura ,  qute  hactenus  eisdem  iustitutionibus 
in  sancta  Romana  Ecclesia  modulatur,  coastituit:  eique  cum  nonnullis 
prtediis  duo  habilacula ,  scilicet  alterum  sub  gradibus  Basilicae  beati 
Pétri  Apostoli,  alterum  vero  sub  Lateranensis  Patriarchii  domibus  fa- 
bricavit:  ubi  usque  hodie  lectusejus,  in  quo  recubans  raodulabatur  , 
et  flagellum  ipsius ,  quo  pueris  minabatur ,  veneratione  congrua  cum 
autheatico  Antiphonario  reservatur.  Joan.  Diac.  Ibidem. 


LITURGIQUES.  178 

l'Office  divin ,  et  se  plaignant  du  peu  d'accord  qu'il  y  avait 
entre  les  rites  de  l'Eglise  Romaine  et  ceux  des  Eglises  des 
Gaules ,  saint  Grégoire  lui  répond  :  «  Votre  fraternité  connaît 
»  la  coutume  de  l'Eglise  Romaine  dans  laquelle  elle  a  été  éle- 
t>  vée  ;  mais  je  suis  d'avis  que  si  vous  trouvez ,  soit  dans  la 
»  sainte  Eglise  Romaine ,  soit  dans  celles  des  Gaules ,  soit 
»  dans  toute  autre  Eglise ,  quelque  chose  qui  puisse  être 
î  plus  agréable  au  Dieu  Tout-Puissant ,  vous  le  choisissiez 
»  avec  soin ,  établissant  ainsi ,  par  une  institution  spéciale 
»  dans  l'Eglise  des  Anglais  qui  est  encore  nouvelle  dans  la 
»  foi ,  les  coutumes  que  vous  aurez  recueillies  de  plusieurs 
»  Eglises  ;  car  nous  ne  devons  pas  aimer  les  choses  à  cause 
»  des  lieux,  mais  les  lieux  à  cause  des  bonnes  choses  (l).  » 

Nous  engageons  le  lecteur  ànoterce  passage  remarquable, 
comme  nous  lui  avons  recommandé  pareillement  de  garder 
le  souvenir  d'un  fameux  texte  de  saint  Cyprien ,  au  cha- 
pitre III.  La  marche  de  cette  histoire  nous  mettra  à  même 
de  constater  les  applications  pratiques  qu'on  a  prétendu 
faire  de  l'un  et  de  l'autre,  dans  un  certain  pays.  Ici,  nous 
n'avons  qu'une  chose  à  faire  :  c'est  d'enregistrer  le  fait  et  de 
dire  sa  valeur  à  l'époque  à  laquelle  il  s'est  passé. 

Nous  dirons  donc  qu'il  est  mis  hors  de  doute ,  par  ledit 

(1)  III.  Interrogatio  Augustini.  Cur,  cùm  una  fides,  sunt  ecclesia- 
rum  consuetudines  tam  diversne ,  et  altéra  consuetudo  missarum  est 
in  Roniana  Ecclesia,  atque  altéra  in  Galliarum  ecclesiis  tenetur? 

Responsio  Gregorii  Papœ.  Novit  fraternitas  tua  Romanae  ecclesiœ 
consuetudiaem,  in  qua  se  memiuit  enutrilam.  Sed  milii  placet  ut  sive 
in  sancta  Komana ,  sive  in  Galliarum,  sive  in  qualibet  ecclesia ,  aliquid 
invenisti,  quod  plus  omnipotenti  Deo  possit  placere,  sollicite  eligas, 
et  in  Angloruni  ecclesia,  quae  adhuc  in  fide  nova  est,  institutione  prae- 
cipua  quae  de  multis  ecclesiis  colligere  potuisti  infundas.  JNon  enira  pro 
loeis  res,  sed  pro  bonis  rébus  loca  nobis  araanda  sunt.  Concil.  Labb. 
Tom.  V.  Pag.  1568. 


176  INSTITUTIONS 

texte ,  que  saint  Grégoire  ne  voulut  pas  astreindre  la  nou- 
velle Eglise  d'Angleterre  à  suivre  les  usages  de  l'Eglise  Ro- 
maine, de  manière  à  lui  interdire  l'imitation  des  pratiques 
usitées  dans  les  Gaules,  ou  dans  tout  autre  pays;  nous  ajou- 
terons même ,  si  l'on  veut ,  et  à  plus  forte  raison ,  que  notre 
grand  Pape  n'entendit  pas  davantage  abroger  les  coutumes 
saintes  et  encore  existantes  de  l'antique  Eglise  des  Bretons 
qui  n'était  pas  absolument  éteinte  par  toute  l'Angleterre , 
à  l'époque  de  la  mission  de  saint  Augustin.  Mais  nous  di- 
rons que  cette  permission  d'adopter  ainsi  divers  usages, 
donnée  postérieurement  par  saint  Grégoire  à  ses  Mission- 
naires ,  ne  prouve  pas  qu'il  ne  les  eût  pas  chargés  ,  en 
partant ,  des  Livres  Liturgiques  de  l'Eglise  Romaine ,  pour 
l'usage  de  leur  nouvelle  chrétienté.  Il  ne  faut  pas  réfléchir 
long -temps  pour  comprendre  que  saint  Augustin  et  ses 
compagnons  ne  durent  pas  attendre  pour  célébrer  les  saints 
Mystères  et  les  Offices  divins,  d'avoir  formé  un  prétendu 
corps  de  Liturgie,  à  l'aide  de  tant  de  matériaux  hétéro- 
gènes. Quand  saint  Augustin  adressait  à  saint  Grégoire  la 
question  à  laquelle  ce  Saint  Pape  fit  la  réponse  que  nous 
venons  de  citer,  lui  permettant  de  puiser  des  usages  aux 
diverses  sources  approuvées ,  saint  Augustin  avait  déjà  or- 
ganisé sa  nouvelle  chrétienté ,   baptisé  un  grand  nombre 
d'infidèles,  ordonné  des  Prêtres  et  même  des  Evêques;  or, 
suivant  quel  autre  rite  que  celui  de  l'Eglise  Romaine ,  le  saint 
Apôtre  avait-il  accompli  toutes  ces  choses  ?  La  légèreté  de 
certains  hommes  prévenus  a  pu  seule  leur  faire  ici  prendre 
le  change  ;  ils  y  ont  vu  ce  qu'ils  y  voulaient  voir ,  et  non 
ce  qui  y  était  véritablement.  En  outre ,  une  étude  plus  pa- 
tiente des  monumens  de  l'histoire  liturgique  de  l'Eglise  leur 
eût  appris  que ,  soit  que  les  usages  dont  parle  Saint  Grégoire 
n'eussent  rapport  qu'à  des  détails  de  peu  d'importance ,  soit 


LITURGIQUES.  477 

que  les  Evoques  d'Angleterre  n'aient  pas  juge  à  propos  de 
profiter  de  la  permission  que  leur  donnait  le  saint  Pape ,  la 
Liturgie  Romaine,  épurée  à  sa  source,  a  seule  régné  dans 
la  Grande-Bretagne,  depuis  la  prédication  de  saint  Augustin, 
jusqu'à  la  Réforme  du  seizième  siècle,  qui,  il  faut  l'avouer, 
n'a  montré  nulle  part  une  forte  prédilection  pour  la  Liturgie 
Romaine. 

Bède  rapporte  ,  en  effet,  que,  vers  l'an  C76,  saint  Benoît 
Biscop ,  illustre  abbé  d'Angleterre ,  étant  allé  à  Rome ,  obtint 
du  Pape  saint  Agathon  la  permission  d'emmener  avec  lui  dans 
la  Grande-Bretagne,  Jean ,  arclii-chantre  de  l'Eglise  de  Saint- 
Pierre  ,  pour  enseigner  en  son  monastère  «  le  rite  annuel 
»  {cursiifii  annuum)  observé  dans  l'Eglise  de  Saint-Pierre 
»  de  Rome.  Jean ,  qui  était  aussi  abbé  du  monastère  de 
»  Saint  -  Martin ,  se  conforma  à  l'ordre  du  Pontife;  c'est 
»  pourquoi  il  apprit  aux  chantres  de  saint  Benoît  Biscop 
»  l'ordre  et  le  rit  de  chanter  et  de  lire  à  haute  voix ,  et  tout 
»  ce  que  requérait  la  célébration  des  jours  de  fête ,  durant 
»  tout  le  cours  de  l'année  ;  il  laissa  même  tous  ces  détails 
»  par  écrit ,  et  on  les  garde  encore  dans  le  même  monastère , 
»  d'où  ils  ont  été  transcrits  pour  l'usage  d'un  grand  nombre 
»  d'autres  (1).  » 

(i)  Intererat  huic  synodo ,  pariterque  catholioœ  Gdei  décréta  lir- 
mabat  vir  venerabilis  Joaanes  Archicantor  ecclesiae  sancti  Pétri ,  et 
abbas  moaasterii  beati  Martini ,  qui  nuper  venerata  Roma  per  jussio- 
nem  Papae  Agathonis,  duce  reverendissimo  abbate  Biscopo ,  cogno- 
mine  Benedicto ,  cujus  supra  inerainimus.  Cum  autem  idem  lienedictus 
construxit  nionasteriumBrilanni3e,ia  lionorem  beatissirai  apostolorum 
principis,  juxta  ostium  lluminis  Vuyri,  venit  Romain  cum  cooperatore 
ac  socio  ejusdem  operis  Ceolfrido  ,  qui  post  ipsum  ejusdem  monasterii 
abbas  fuit  (  quod  et  ante  saepius  facere  consueverat  )  atque  honoritice 
a  l)eataî  memoriaî  Papa  Agatlione  susceptus  est;  petiitque  et  accepit 
ab  eo  in  munimentum  libertatis  monasterii  quod  fecerat ,  epistolam 
privilegiis  ex  auctoritate  apostolica  firmatam  juxta  quod  Ecgfridum 
ï.  1.  12 


178  INSTITUTIONS 

On  doit  se  rappellcr  que  toutes  les  cathédrales  de  l'An- 
gleterre étaient  desservies  par  des  Moines;  en  sorte  que  los 
usages  liturgiques  de  ceux-ci  étaient  pour  ainsi  dire  ceux  de 
toutes  les  Eglises  de  ce  loyaume.  Il  faut  remarquer  aussi 
que  le  service  demandé  par  saint  Benoît  Biscop  et  accordé 
par  l'archi-chantre  Jean ,  consistait  principalement  à  rétablir 
les  traditions  du  chant  qui  se  perdent  ordinairement  les  pre- 
mières ,  et  que  nous  ne  voyons  rien  dans  Bède  qui  marque 
que ,  pour  la  lettre  liturgique  des  Offices  divins,  on  eût  jus- 
qu'alors fait  aucun  changement.  Depuis  cette  époque ,  on 
ne  voit  aucune  trace  de  l'introduction  des  livres  romains  en 
Angleterre,  et  au  contraire  tous  les  monumens  postérieurs, 
sans  exception,  s'accordent  à  nous  les  montrer  en  usage. 

Nous  nous  contenterons  de  citer  ici  en  preuve  de  ce  fait ,  le 
treizième  Canon  du  second  Concile  de  Cloveshoe,  tenu  en  747. 
Voici  ce  qu'il  porte  :  «  Les  saintes  et  sacrées  solennités  de 
»  notre  Rédemption ,  seront  célébrées  suivant  la  règle  que 
»  nous  tenons  par  écrit  de  l'Eglise  Romaine ,  dans  tous  les 
»  rites  qui  les  concernent ,  soit  pour  l'Office  du  Baptême , 
»  soit  pour  la  célébration  des  Messes,  soit  pour  la  manière  du 
> chant.  De  même,  pendant  tout  le  cours  de  l'année,  les 
»  fêtes  des  Saints  seront  vénérées  à  jours  fixes ,  suivant  le 


regem  voluisse  ac  licentiam  dédisse  noverat  ;  quo  concedente  et  posses- 
sionem  lerrse  largiente,  ipsura  monasterium  fecerat;  accepit  et  prœ- 
fatum  JoaDQem  abbatem  in  Britanuiam  perducendura ,  qualenus  ia 
monasterio  suo  cursum  canendi  annimm ,  sicut  ad  sanctum  Petrum 
Romœ  agebalur,  edoceret.  Egitque  abbas  Joannes  ,  ut  jussionem  acce- 
perat  Poutificis  ,  et  ordinem  videlicet ,  ritumque  cauendi  ac  legendi 
viva  voce  prsefati  monasterii  cantores  edocendo  ,  et  ea  quœ  tolius  anni 
circulus  in  celebralioue  dierum  festorum  poscebat,  etiam  litteris  man- 
daudo  :  qua  hacteaus  iu  eodem  monasterio  servata ,  et  a  multis  jani 
sunt  ciituiuquaque  trauaciipta.  Bedœ  HiU.  Eccles.  Lib.  Jf^.  cap.  18. 


LITURGIQUES.  171) 

»  Martyrologe  de  la  même  Eglise  Romaine ,  avec  la  psalmodie 
»  et  le  chant  convenables  (1).  » 

Il  en  devait  nécessairement  arriver  ainsi ,  dans  toutes  ces 
Eglises  que  Rome  fondait  en  Occident ,  depuis  celle  d'Angle- 
terre ,  par  saint  Augustin,  jusqu'à  celles  des  diverses  régions 
Germaniques  ou  Slaves,  par  saint  Boniface,  saint  Adalbert  et 
tant  d'autres ,  et  celles  des  royaumes  du  Nord ,  par  saint 
Anschaire,  saint  Rembert,  etc.  Ces  Apôtres,  Moines  Béné- 
dictins ,  envoyés  par  le  Siège  Apostolique  ,  ne  pouvaient 
porter  avec  eux  d'autres  livres  que  ceux  de  l'Eglise  Romaine 
dont  ils  recevaient  leur  mission.  Nous  avons  vu  quel  droit 
liturgique,  dès  l'an  400,  saint  Innocent  I"  faisait  découler, 
pour  le  Siège  Apostolique ,  du  seul  fait  de  la  fondation  des 
Eglises  d'Italie ,  des  Gaules ,  d'Espagne  et  d'Afrique ,  par 
saint  Pierre  et  ses  successeurs.  Ce  principe  posé  dès-lors , 
et  d'ailleurs  fondé  sur  la  nature  des  choses  (la  fille  devant 
parler  la  langue  de  sa  mère),  devait,  un  jour,  développer  ses 
conséquences ,  et  en  attendant  qu'il  amenât  la  destruction 
totale  des  Liturgies  Gallicane  et  Gothique,  déjà  il  obligeait  les 
Pontifes  Romains  à  ne  plus  souffrir  de  dissonances  dans  les 
nouvelles  Eglises  qui  s'élevaient  avec  une  si  admirable  rapi- 
dité, aux  septième,  huitième,  neuvième  et  dixième  siècles. 
L'unité  grandissait  toujours,  en  proportion  de  la  charité. 
Notre  assertion  qui ,  du  reste ,  n'a  jamais  été  contestée  par 

(1)  Tertio  decimo  defiuitur  decreto,  ut  uno  codemque  modo  domi- 
nicse  dispensalioiiis  ia  carne  sacrosanclsefestivitates,  in  omnibus  adeas 
rite  compelentibus  rébus,  id  est  in  baplisrai  ofticio,  in  missarum  cole- 
bratione ,  in  cantilena  modo  celebrentur,  juxta  exemplar  videlicet 
quod  scriptum  de  Romana  habemus  Ecclesia.  Itemqiie  ut  per  gyruni 
totius  anui  natalitia  sanctorum  uno  eodemque  die,  juxla  martyrolo- 
gium  ejusdem  Romanaî  Ecclesi;c ,  cum  sua  sibi  convenienti  psalmodia 
seu  caniilena  venerentur.  Concil.  Clovesliaviœ  II.  Can.  XIII.  Labb. 
lom.  VI.  p.  1577. 


180  INSTITUTIONS 

personne,  se  prouve  d'elle-même  par  la  simple  inspection 
des  annales  ecclésiastiques  des  royaumes  que  nous  venons 
d'énumérer;  à  toutes  les  époques,  nous  y  trouvons  l'usage 
de  la  Liturgie  Romaine ,  et  nul  vestige  de  son  introduction 
postérieure. 

En  outre ,  nous  voyons  d'une  manière  positive  les  Pontifes 
Romains  veiller  par  eux-mêmes  à  l'exécution  de  leurs  vo- 
lontés en  cette  matière.  Vers  l'an  720 ,  saint  Grégoire  II , 
dans  un  capilulaire  adressé  à  l'Evêque  Martinien ,  qu'il  en- 
voyait en  qualité  de  Légat  visiter  les  nouvelles  chrétientés 
de  la  Ravière ,  lui  recommande ,  entre  autres  choses ,  de 
s'informer  de  la  canonicité  de  l'ordination  des  Prêtres  et  des 
Diacres ,  de  voir  s'ils  sont  d'une  foi  pure ,  et  dans  le  cas  où 
ils  seront  trouvés  réunir  ces  conditions  ,  i  de  leur  donner 
»  pouvoir  de  sacrifier ,  de  servir  à  l'autel  et  de  psalmodier 
»  suivant  la  forme  et  tradition  de  la  sainte  Eglise  Romaine  et 
»  du  Siège  Apostolique  (1).  »  De  plus,  le  Pape  ordonne  à 
Martinien  de  pourvoir  aux  besoins  des  Eglises  et  de  veiller  à 
ce  que  chaque  Prêtre,  ou  ministre ,  «  observe  les  cérémonies 
>  solennelles  des  Messes,  les  heures  des  Offices  du  jour  et  de 
»  la  nuit ,  les  leçons  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  ; 
»  le  tout  suivant  la  tradition  du  Siège  Apostolique  (2).  > 

(1)  Ut  dalis  nostris  scripiis,  ita  ut  cum  duce  provincise  deliberetis, 
quateaus  coaventus  aggregetur  sacerdotum,  et  judicum,  atque  uni- 
versorum  gentis  ejusdem  primariorum  ,  et  ex  qutesitis  sacerdotibus , 
atque  rainistris,  quorum  canonicam  approbaveritis  extitisse  promo- 
tionem,  ac  rectae  fidei  tenere,  aut  recipere  rationem,  bis  sacrificaadi, 
et  miuistrandi ,  sive  etiam  psallendi  ex  figura ,  et  traditione  sanctae 
apostolicie,  et  Romange  sedis  ecclesiae  ordine  Iradetis  potestatem.  Capi- 
tulare  Gregorii  //.  Concil.  Labb.  Tom.  FI.  Pag.  1  io-2. 

(2)  Ut  loca  singularum  Ecclesiarum  providentes ,  quomodo  unus- 
quisque  sacerdos,  seu  miuister,  erga  ecclesiam  debeat  conservare,  vel 
qualiiei  sacra  misàaium  iolemuia,  iive  cetera  diiu'ûarum,  atque  noc- 


LITURGIQUES.  181 

Le  grand  Apùlre  de  l'AUeniagne,  saint  Boni  face  ,  ayant 
consulté  le  Pape  saint  Zachaiie  au  sujet  de  certaines  Béné- 
(liciions  que  donnaient  les  Evêques  de  France  et  qui  ne  se 
iiouvaient  point  dans  l'ordre  de  la  Liturgie  Romaine,  le  Pon- 
lilo  lui  répond  en  ces  termes  :  «  Quant  aux  bénédictions  en 
)'  usage  chez  les  Français,  vous  savez  qu'elles  sont  repré- 
»  hensibles  de  diverses  manières  ;  car  ce  n'est  point  d'après 
»  la  tradition  Apostolique  qu'ils  agissent  ainsi ,  mais  par  vaine 
»  gloire ,  se  préparant  leur  propre  condamnation ,  puisqu'il 
»  est  écrit  :  Si  quelqu'un  vous  évangélise  autrement  qu'il  n'a 
»  été  évangélise  j  qu'il  soit  anathême  !  Vous  avez  reçu  la  règle 
3»  de  la  tradition  catholique ,  frère  très-chéri  ;  prêchez-la  à 
»  tous  ;  enseignez  à  tout  le  monde  ce  que  vous  avez  reçu 
»  de  la  sainte  Eglise  Romaine  dont  Dieu  nous  a  fait  le  ser- 
»  viteur  (1).  » 

Cette  sévérité  du  Siège  Apostolique  à  l'égard  de  l'Eglise 
de  France,  à  une  époque  où  elle  ne  se  trouvait  souillée  d'au- 
cune erreur ,  montre  le  grand  désir  des  Pontifes  Romains  de 
voir  régner  l'unité  liturgique  et  présage  la  destruction  pro- 
chaine de  la  Liturgie  Gallicane  ;  mais  en  même  temps  elle  fait 
voir  avec  quelle  sollicitude  Rome  veillait  à  la  pureté  des 
Usages  Romains  dans  les  églises  d'Allemagne.  Toutefois,  cette 

turnDrum  horarum  officia,  sive  etiam  lectionem  sacrorum  novi  atque 
veteris  testamenli  ordinabilia  prsedicamenta  studeat  observare  ,  se- 
cundum  tradilum  apostolicse  sedis  antiquitalis  ordinera  disponatis. 
Ibidem. 

(1)  Pro  benedictionibus  autem  quas  faciunt  Galli,  ut  nosti,  frater  , 
multis  vitiis  variantur.  Nam  non  ex  aposlolica  traditione  hoc  faciunt,  sed 
per  vaaam  gloriam  hoc  operanlur,  sibi  ipsis  damnalionem  adhibentes, 
dum  scriptum  est  :  Si  quis  vobis  evangelizaverit  prœter  id  quod  cvange- 
lizatum  est ,  amUhema  sit.  Regulam  catliolicae  tradilionis  suscepisti , 
fraler  amanlissime  •  sic  omnibus  prœdica  ,  oinnesque  doce,  sicut  a 
sancla  liomana ,  oui  Deo  auctore  deservimus,  accepisti  ecclesia.  Zff' 
chmœ  Papœ.  Epist.  XIl.  Jpud  Labb.  Tom.  FI.  Pa^.  1526. 


i82  INSTITUTIONS 

sollicitude  n'empêcha  pas  qu'il  ne  se  glissât ,  comme  il  arrive 
toujours,  certaines  variantes  de  peu  d'importance  dans  la 
Liturgie  observée  dans  ces  vastes  contrées.  Le  docte  Gerbert, 
Abbé  de  Saint-Biaise,  en  la  Forêt-Noire,  a  donné  un  excellent 
ouvi'age  sous  le  litre  de  Liturgia  Alemannica ,  dans  lequel  U 
décrit  en  détail  la  manière  dont  on  gardait  dans  les  diverses 
Eglises  de  la  Germanie  la  Liturgie  Romaine.  On  voit  que  les 
usages  particuliers  de  ce  pays  ne  dérogeaient  en  rien  à  l'u- 
nité liturgique  qui,  du  moins,  chez  les  Catholiques,  n'a 
jamais  été  brisée  en  Allemagne. 

Avant  de  doimer  la  liste  des  auteurs  liturgistes  de  l'époque 
qui  nous  occupe ,  nous  dirons  ici  quelques  mots  d'un  pré- 
cieux monument  de  l'antiquité  ecclésiastique  dont  l'élude 
est  nécessaire  à  quiconque  veut  posséder  en  leur  entier  les 
sources  de  la  science  liturgique.  Ce  livre  est  connu  sous  le 
nom  ûe  Liber  diurnus  Romanorum  Pontificum.  L'hisloire  de 
sa  publication  tentée  plusieurs  fois  et  enfin  accomplie  en 
1680,  par  le  P.  Garnier,  jésuite,  est  longue  et  curieuse; 
mais  elle  nous  entraînerait  trop  loin  de  notre  sujet.  Nous  di- 
rons donc  seulement  que  le  Liber  diurnus  est  un  recueil  des 
formules  dont  les  Papes  se  servaient  durant  les  sixième, 
septième  et  huitième  siècles ,  et  dans  lequel  on  trouve  les  rites 
de  leur  ordination,  et  de  celles  des  Evêques  d'Italie  qui  étaient 
obUgés  de  venir  recevoir  à  Piome  la  consécration  épiscopale , 
les  professions  de  foi,  les  privilèges ,  les  mandats,  les  conces- 
sions et  autres  actes  semblables.  Le  recueil  est  divisé  en  sept 
chapitres,  subdivisés  eux-mêmes  en  plusieurs  articles.  Le  pre- 
mier chapitre  contient  des  formules  de  lettres  aux  princes  et 
autres  personnes  séculières  ;  aux  Patriarches ,  Archevêques , 
Evêques ,  Prêtres ,  Diacres  ,  Primiciers  ,  Secondiciers.  On 
trouve,  dans  le  second,  les  formules  de  toutes  les  lettres  et  de . 
tous  les  actes  qui  précédaient  et  suivaient  l'élection  du  Pape, 


LITURGIQUES.  185 

Le  iroisième  cliapilro  comprend  les  formules  des  lettres, 
rites  et  des  actes  qui  étaient  d'usage  dans  l'ordination  des 
Evêques  consacrés  à  Rome.  Entre  autres  promesses  que 
faisait  avec  serment  le  nouvel  Evêque ,  on  remarque  celle 
de  célébrer  toujours  les  divins  Olfices  suivant  le  rite  ro- 
main (1).  Dom  Mabillon  attribue  celte  injonction  à  S.  Gré- 
goire-le-Grand  (2).  Le  quatrième  chapitre  regarde  l'usage 
du  Pallium,  et  en  conséquence,  il  a  un  rapport  direct  avec 
la  Liturgie,  ainsi  que  le  cinquième  qui  contient  les  formules 
de  rescrits,  ou  mandats  pour  l'ordination  d'un  Prêtre,  la 
dédicace  d'un  oratoire,  la  consécration  d'une  Eglise  ,  d'un 
baptistère,  d'un  autel;  pour  la  concession  des  reliques  des 
Saints,  pour  les  lever  de  terre  et  les  renfermer  dans  des 
chasses,  etc.  Le  sixième  livre  renferme  principalement  les 
formules  de  lettres  et  de  commissions  pour  ceux  qui  étaient 
chargés  delà  régie  du  patrimoine  des  Eglises,  ou  des  affaires 
qui  regardaient  le  Siège  Apostolique.  Le  septième  enfin  con- 
tient le  formulaire  des  privilèges  accordés  aux  monastères , 
aux  diaconieset  aux  hospices. 

En  tête  des  écrits  et  compositions  des  septième  et  hui- 
tième siècles  sur  la  matière  de  la  Liturgie ,  nous  plaçons  tout 
d'abord  ceux  des  Ordres  romains  qui  se  rapportent  à  cette 
période.  On  sait ,  sans  doute ,  que  les  Ordres  Romains  sont 
des  écrits  plus  ou  moins  étendus,  renfermant  le  détail  des 
cérémonies  de  la  IMesse  Papale,  de  l'administration  des  Sacre- 
mens ,  etc.  Mais  comme  nous  devons  faire  ailleurs  l'énuméra- 
tion  raisonnée  de  tous  les  monumens  de  ce  genre ,  nous  n'en 
dirons  rien  dans  cet  endrï)it ,  et  nous  passerons  incontinent 
à  la  liste  des  liturgistcs  de  l'époque  que  nous  décrivons, 

(1)  Liber  Diurnus.  Cap.  III.  TU.  VII. 

(2)  Musœuin  Italicum.  Tom.  I,  p.  106. 


184  INSTITUTIONS 

(604).  Nous  avons  encore  un  mot  à  dire  sur  les  travaux 
Liturgiques  de  saint  Grégoire  :  il  nous  reste  à  parler  de  ses 
Hymnes.  D.  Denys  de  Sainte-Marthe  lui  donne  les  suivantes 
qui  sont  presque  toutes  au  Bréviaire  Romain  :  Primo  dierum 
omnium.  Nocte  surgentes ,  vigilemus  omnes.  Ecce  jam  noctis 
tenuatur  umhra.  Lucis  creator  optime.  Clarum  decus  jejunii. 
Audi,  bénigne conditor.  Magno  salutis  gaudio.  Rex ,  Christe, 
factor  omnium. 

(608).  Cyriaque  ,  Evéque  de  Nisibe,  hérétique  Nestorien, 
écrivit  xine  exposition  des  Mystères ,  et  un  traité  de  la  Nati- 
vité et  de  l'Epiphanie. 

(609) .  Conantius ,  Evéque  de  Palentia ,  composa  de  nou- 
velles hymnes  pour  roiïlce  Gothique ,  et  y  adapta  des  modu- 
lations musicales.  Il  rédigea  pareillement  des  oraisons  sur 
tous  les  psaumes. 

(61  o).  Jean,  d'abord  Moine,  ensuite  Evéque  de  Saragosse  , 
composa  aussi ,  pour  la  Liturgie  gothique ,  plusieurs  prières 
remarquables  par  le  style  et  l'harmonie. 

(617).  Jean,  Evéque  de  Bostres  ,  en  Arabie,  hérétique 
Monophysite  ,  est  auteur  d'une  Anaphore,  traduite  en  latin 
par  Renaudot. 

(6-20).  Jean  Mosch ,  ^loine  de  Palestine ,  dans  son  fameux 
livre  intitulé  le  Pré  Spirituel ,  présente  une  foule  de  particu- 
larités curieuses  qui  ont  trait  à  la  Liturgie  de  son  temps ,  et 
en  particulier  l'histoire  des  enfants  d'Apamée. 

(620).  Saint  Protadius,  Evéque  de  Besançon  ,  n'est  connu  , 
sous  le  rapport  de  ses  travaux  liturgiques ,  que  par  ce  que 
nous  en  apprend  l'auteur  anonyme  de  sa  vie.  Il  dit  que 
les  clercs  des  Eglises  de  Besançon  étant  souvent  en  difficulté 
au  sujet  des  cérémonies  qu'ils  devaient  observer  ,  saint  Pro- 
tadius  fit  un  Hvre  en  forme  de  Rituel ,  dans  lequel  il  pres- 
crivit de  quelle  manière  on  devait  se  comporter  dans  l'as- 


LITURGIQUES.  483 

semblée  des  Frères;  ce  que  l'Eglise  devait  pratiquer  ou 
éviter;  combien  il  devait  y  avoir  de  ministres  à  l'aulel,  dans 
les  fêtes  solennelles  ;  quel  temps  on  devait  prendre  pour  les 
processions  publiques ,  et  les  lieux  où  elles  devaient  se  diri- 
ger ;  quel  jour  les  Congrégations  de  la  ville  devaient  se  ren- 
dre à  la  Mère  Eglise  ;  enfin ,  ce  qu'il  fallait  pratiquer  dans 
rEglisc ,  chaque  jour  de  l'année. 

(62G).  Saint  Donat,  Evoque  de  Besançon,  a  composé  une 
règle  célèbre,  pour  des  Religieuses,  dans  laquelle  on  trouve 
de  nombreuses  et  importantes  particularités  sur  l'Ofiice 
divin. 

(645).  Saint  Maxime,  Abbé  de  Chrysopolis ,  le  vengeur  de 
l'orthodoxie  contre  les  Monothélites ,  mérite  aussi  d'être 
compté  parmi  les  liturgistes ,  pour  son  excellente  Mysta- 
gogie,  ou  Exposition  de  la  Liturgie,  et  encore  pour  son 
précieux  commentaire  de  la  Hiérarchie  Ecclésiastique  de 
saint  Denys  l'Aréopagite. 

(646) .  Eugène  II ,  Evêque  de  Tolède  ,  suivant  ce  que  dit 
saint  Ildephonse ,  corrigea  les  livres  de  l'Eglise  Gothique , 
sous  le  rapport  du  chant.  Le  B.  Tommasi  lui  donne,  d'accord 
avec  Alcuin ,  l'Hymne  :  Rex  Deus  immensi  quo  constat  ma- 
china mundi. 

(6ol).  Jacques ,  dit  le  Commentateur,  de  la  nature  de  ses 
travaux ,  fut  Evêque  d'Edesse.  Il  est  honoré  comme  saint  et 
docteur  orthodoxe  par  les  Maronites.  Entre  autres  composi- 
tions Uturgiques,  il  est  auteur  d'une  Anaphore  en  l'honneur 
de  saint  Jacques,  Apôtre  ,  et  d'une  autre  insérée  au  recueil 
de  Renaudot.  Il  a  donné  aussi  un  Ordre  du  Saint-Baptême , 
qui  se  trouve  dans  plusieurs  des  Rituels  orientaux  ;  une 
Lettre  à  Thomas,  Prêtre,  dans  laquelle  est  décrite  la  Messe 
des  Syriens  ;  une  autre  lettre  à  Jean  le  Stylite ,  sur  la  Béné- 
diction de  l'Eau  ;  une  autre  à  Adée ,  Prêtre ,  sur  divers  rites; 


486  INSTITUTIONS 

ecclésiastiques  ;  dix  hymnes  pour  la  fête  des  Palmes  ;  une 
autre  en  l'honneur  de  la  Sainte  Vierge  Marie ,  etc. 

(60 1).  Jesuiab  d'Adiabène,  Patriarche  des  Nestoriens,  mit 
en  ordre  l'Offce  pour  le  cercle  de  l'année  ,  dit  Amro  ,  cité  par 
Zaccaria.  Il  régla  aussi  l'ordre  du  Baptême ,  de  la  Pénitence , 
des  Ordinations,  et  de  la  Dédicace  de  l'Eglise.  Il  composa 
en  outre  des  hymnes  nombreuses. 

(6o7).  Saint  Ildephonse,  Moine,  et  ensuite  Evêque  de  To- 
lède ,  l'une  des  plus  brillantes  lumières  de  l'Eglise  Gothique 
d'Espagne ,  a  laissé  un  opusciUe  excellent  sur  les  cérémo- 
nies du  Baptême.  Il  composa  en  outre  deux  Messes,  d'un 
chant  merveilleux ,  en  l'honneur  de  saint  Côme  et  de  saint 
Damien. 

(661).  George,  appelé  aussi  Grégoire,  Evêque  de  Syracuse, 
a  composé  des  Trojjes  en  l'honneur  de  la  Nativité  de  Notre 
Seigneur  et  de  son  Epiphanie. 

(668).  Théodore,  Moine,  et  plus  tard  Archevêque  de  Can- 
torbery,  est  connu  par  son  fameux  Livre  Pénitent iel^  qui 
donne  une  idée  de  l'administration  du  Sacrement  de  Péni- 
tence au  septième  siècle  ,  dans  l'Eglise  Latine. 

(675).  Saint  Julien  ,  successeur  de  saint  Ildephonse  sur  le 
siège  de  Tolède ,  outre  les  hymnes  qu'il  a  composées  ,  rédi- 
gea un  hvre  des  Messes  pour  toute  l'année  ,  corrigeant  les 
anciennes  et  en  ajoutant  de  nouvelles. 

(682) .  Saint  Léon  II,  Pape,  est  appelé ,  dans  le  Liber  Pon- 
tificalls ^  vir  eloquentissimiis  cantilena ,  ac  i^salmodia  frœci- 
puus  ^  et  in  earum  sensibiis  subtilissima  exercitatione  elima- 
tus.  Platine  vante  aussi  l'habileté  de  ce  Pape  dans  la  musi- 
que ,  et  dit  qu'il  régla  la  psalmodie  et  reforma  le  chant  des 
hymnes.  L'Abbé  Lebeuf  ne  fait  pas  de  difficulté  de  lui  attri- 
buer une  certaine  part  au  Livre  Responsorial .,  dont  le  fond 
appartient  à  saint  Grégoire. 


! 


LITURGIQUES.  487 

(085).  Jean  Maron,  premier  patriarche  des  Maronites,  qui 
tirent  de  lui  leur  nom,  est  auteur  d'une  Anaphore  et  d'un 
livre  du  Sacerdoce. 

(C91).  Johannicius  de  Ravenne,  mit  en  ordre  les  Livres  sa- 
crés, les  Antiennes  et  tous  les  rites  de  l'Eglise  de  Ravenne  ; 
c'est  ce  que  rapporte  Zaccaria,  d'après  de  Rubeis  et  Ginanni, 
(700).  Ecbert,  Suédois,  Moine  de  Lindisfarn ,  écrivit  un 
livre  de  Ritibus  Catholicorum. 

(700).  Saint  Adelme,  Abbé  de  Malmesbury,  et  ensuite  Evê- 
que  de  Schirburn,  se  distingua ,  dit  l'Abbé  Lebeuf,  par  son 
aptitude  à  composer  le  chant  ecclésiastique. 

(701).  Le  vénérable  Bède,  Moine  Anglais ,  est  auteur  du 
Martyrologe  qui  porte  son  nom  ,  et  de  plusieurs  hymnes.  Le 
B.  Tommasi  lui  attribue  les  suivantes  :  Hymnum  canentes 
Martyrum ,  pour  la  fête  des  Saints  Innocents  ;  Hymnum 
cawamws^ionce,  pour  l'Ascension  ;  Emitte,  Christe,  Spiritus^ 
pour  la  Pentecôte  ;  Precursor  altus  luminis^  pour  la  Nativité 
de  Saint  Jean-Baptiste  ;  et  Prœcessor  almus  gratiœ ,  pour  sa 
Décollation  ;  Apostolorxim  gloriam ,  pour  la  fête  des  Saints 
Apôtres  Pierre  et  Paul;  Adesto,  Christe,  vocibus^  pour  la 
Nativité  de  la  Sainte  Vierge  ;  Nunc  Andrew  solemnia ,  pour 
la  fête  de  Saint  André;  Hymnum  dicat  turba  fratrum ^  pour 
l'Office  de  la  Nuit  ;  Primo  Dcus  cœli  globum^  sur  l'œuvre  des 
six  jours. 

(705).  Acca ,  Moine  anglais,  ami  du  vénérable  Bédé ,  écri- 
vit un  livre  des  Offices  Ecclésiastiques. 

(710).  Saint  André,  Archevêque  de  Crète,  est  auteiu'  d'un 
grand  nombre  d'hymnes  sur  diverses  fêtes  de  l'année ,  sur  la 
Sainte  Vierge  Marie  et  sur  plusieurs  autres  Saints. 

(720).  Babaeus,  hérétique  Nesloricn,  érigea  des  écoles  de 
musique  sacrée  dans  la  province  d'Adiabène ,  et  composa 
diverses  bénédiclions  et  des  hymnes. 


188  INSTITUTIONS 

(750).  Cosme ,  d'abord  Moine ,  puis  Evéqiie  de  Maiuma  en 
Palestine ,  fut  le  précepteur  de  saint  Jean  Daraascène.  11  est 
auteur  de  plusieurs  hymnes  qui  se  chantent  dans  les  offices 
de  l'Eglise  Grecque. 

(730).  Saint  Jean  Damascène  a  composé  aussi  diverses 
hymnes  sacrées  que  l'on  trouve  dans  ses  œuvres ,  et  dont 
plusieurs  font  partie  de  la  Liturgie  grecque. 

(742).  Saint  Chrodegang,  Evêque  de  Metz ,  dans  sa  règle 
pour  les  Chanoines,  a  renfermé  un  grand  nombre  de  parti- 
cularités précieuses  pour  la  connaissance  de  la  Liturgie  de 
son  temps. 

(7o0).  Zaccaria  place  vers  cette  année  l'Anonyme  auquel 
nous  devons  l'Exposition  de  la  Messe  Romaine,  insérée  par 
Dom  Martène  au  tome  premier  de  son  grand  ouvrage  de  An- 
tiquis  Ecclesiœ  ritibus. 

(760).  Théodose,  Evêque  de  Syracuse,  composa  des  hymnes 
destinées  à  être  chantées  à  l'office  des  Vêpres ,  les  jours  de 
jeune. 

(760) .  Florus ,  Moine  de  Saint-Tron ,  fit  des  additions  im- 
portantes au  Martyrologe  de  Bède. 

(768).  Charlemagne  fut  zélé  pour  la  Liturgie.  Nous  verrons 
bientôt  les  mesures  qu'il  prit  à  l'effet  de  procurer  l'unité  des 
formes  du  culte  dans  toute  l'étendue  de  son  vaste  empire.  Il 
est  auteur  de  l'hymne  Veni,  Creator  Spiritus  (i)  ;  d'un  livre 
à  Alcuin  ,  de  Sacrificio  Missœ  et  ratione  Rittium  Ecclesiœ  ; 
d'une  lettre  circulaire,  de  Baptismo  ejusque  ritibus j  adressée 
à  Odilbert,  Archevêque  de  Milan. 

(770).  Saint  Sturmius ,  premier  Abbé  de  Fulde ,  publia  un 
opuscule  sous  ce  litre  :  Ordo  Officii  in  domo,  seu  Ecclesia 
Frisingensi ,  ante  Pascha. 

(1)  ActaSS.  Aprilis.  tom.  l.  ia  Vita  B.  >'otkeri  BalbuU. 


LITURGIQUES.  J89 

(770).  Grégoire  de  Systre,  hérétique  Nestorien,  écrivit  sur 
les  raisons  des  fcles,  et  un  cantique  qui  commence  ainsi  ; 
EstoU  paratL 

(775).  Cyprien,  Métropolitain  deNisibe,  composa  un  Ordre 
de  Virrifosition  des  mains. 

(77 i).  Paul,  Diacre  d'Aquilée,  Moine  du  Mont-Cassin,  his- 
torien remarquable ,  est  auteur  de  l'hymne  de  Saint  Jean  : 
Ut  queant  Iaxis.  Il  rédigea  aussi  un  Homiliaire,  ou  recueil 
d'Homélies  des  Saints  Pères,  pour  être  lues  dans  les  Offices 
de  l'Eglise.  Vers  le  même  temps,  on  trouve  un  autre  Homi- 
liaire  composé  par  Alain ,  Moine  de  Farfa. 

(776).  Saint  Paidin,  Patriarche  d'Aquilée,  a  composé  sept 
hymnes  en  grands  iambiques,  parmi  lesquels  le  B.  ïommasi 
et  Madrisius,  éditeur  de  Saint  Paulin  ,  comptent  celle  de  la 
fête  de  Saint  Pierre  et  Saint  Paul  ;  l'une  des  deux  attribuées 
à  Elpis ,  femme  de  Boëce  ;  Félix  per  omnes  festum  mimdi 
cardines. 

(780) .  Alcuin ,  Moine  Anglais ,  a  été  très-célèbre  parmi  les 
Liturgistes  de  son  temps.  On  lui  a  long-temps  attribué  un 
Sacramentaire,  un  Homiliaire ,  et  surtout  le  livre  de  Divinis 
Officiis,  qui  est  une  exposition  de  V Ordre  Romain,  com- 
posée après  l'an  1000;  mais  il  est  certainement  auteur  des 
ouvrages  suivans  :  Liber  Sacramcntorum  ;  Officia  per  ferias; 
de  Ratione  Septuagcsimœ ,  Sexagesimœ  et  Quinquagesimœ 
Epistola  ad  Ethelardum  ;  de  Psalmorum  usu  ;  à  quoi  il  faut 
ajouter  une  autre  Epître  au  Prêtre  Oduin,  de  Baptismi  cœ- 
remoniis. 

(793).  Cyriaque,  Patriarche  d'Antioche,  semble  avoir  com- 
posé une  Liturgie  Chaldaïquc ,  bien  que  cette  question  ne 
soit  pas  sans  difficulté  entre  les  savans  dont  Zaccaria  rapporte 
les  avis. 

(704).  Théodulphe,  Evêqiie  d'Orléans,  outre  un  livre  de 


190  INSTITUTIONS 

Ordine et  Oratione rituum Baptismi ,  composa,  pendant  sa 
détention  à  Angers,  la  fameuse  hymne  du  Dimanche  des 
Rameaux  :  Gloria,  laiis  et  honor. 

(798) .  Leidrade ,  Archevêque  de  Lyon ,  adressa  à  Charle- 
magne  un  hvre  sur  le  Sacrement  de  Baj)tême,  et  une  Epître  au 
même,  sur  le  même  sujet. 

(799).  Jessé,  Evêque  d'Amiens,  écrivit  une  lettre  à  son 
clergé  et  à  son  peuple,  sur  l'explication  des  rites  observés 
par  l'Eglise ,  dans  le  Baptême. 

Enfin ,  vers  l'an  800 ,  Magnus ,  Archevêque  de  Sens ,  com- 
posa ,  par  ordre  de  Charlemagne ,  un  opuscule ,  de  Mysterio 
Baptismatis  j  inséré,  par  Dom  Martène,  dans  le  premier  vo- 
lume de  ses  Rites  Ecclésiastiques. 

Nous  concluerons  ce  chapitre  par  les  observations  sui- 
vantes : 

Durant  les  septième  et  huitième  siècles,  la  Liturgie  suivit 
le  même  mouvement  de  perfectionnement  qui  lui  avait  été 
imprimé  dès  le  quatrième  et  le  cinquième  ; 

Tous  les  grands  Docteurs ,  les  grands  Evêques ,  les  grands 
Abbés ,  furent  liturgistes  ;  les  hérétiques  continuèrent ,  en 
Orient ,  à  souiller  de  leurs  mains  impures  les  livres  des 
Prières  sacrées  ; 

Le  Siège  Apostolique,  sans  déclarer  encore  l'intention 
d'unir  tout  le  patriarcat  d'Occident  sous  la  loi  d'une  même 
Liturgie ,  exigea  des  Evêques  d'Italie  le  serment  de  garder 
les  usages  de  l'EgUse  Romaine ,  et  n'en  permit  pas  d'autres 
aux  nouvelles  Eglises  que  ses  apôtres  établissaient  dans  une 
partie  de  l'Europe  ; 

Enfin,  les  travaux  de  saint  Grégoire  sur  les  divins  Offices, 
la  correction  de  l'Antiphonaire;  en  un  mot,  tous  les  perfec- 
tionnemens  que  ce  grand  Pape  et  ses  successeurs  introdui- 
sirent dans  la  Liturgie  romaine ,  la  rendirent  de  plus  en  plus 


LITURGIQUES.  191 

digne  du  respect  et  de  l'admiration  des  Eglises  d'Occident , 
qui  la  vénèrent  et  la  pratiquent  encore ,  excepté  celle  de 
Milan ,  autorisée  par  une  origine  pure ,  jointe  à  une  posses- 
sion non  interrompue,  et  quelques  autres  qui  s'en  séparèrent 
dans  des  jours  mauvais. 


192  INSTITUTIONS 


.NOTES  DU  CHAPITRE  VII. 


KOTE  A 


Veniens  quidam  de  Sicilia  mibi  dixit ,  quod  aliqui  amici  ejus ,  vél 
Grseci  vel  Latiai,  neseio,  quasi  sub  ze'.o  sanctai  Romanae  Ecclesiae  de 
meis  dispositionibus  murmurarent  ,   dicentes  :   Quoniam  Ecclesiam 
Constanlinopolitanam  disponit  comprimere  ,  qui  ejus  consuetudines 
per  omnia  sequitur.  Qui  cum  dicerem  :  Quas  consuetudines  sequimur  ? 
respondit  :  Quia  alléluia  dici  ad  niissas  extra  Pentecostes  tempora  fe- 
cistis;  quia  subdiaconos  spoliatos  procedere;  quia  Kyrie  eleison  dici; 
quia  orationem  Dominicam  mox  post  canonem  dici  statuistis.  Cui  ego 
respoudi  :  Quia  in  nullo  oorum  aliam  Ecclesiam  secuti  sumus.  Nam  ut 
allduia  hic  diceretur,  de  Hierosolymorum  Ecclesia,  ex  beati  Hieronymi 
traditione,  tempore  bealse  mémorise  Damasi  Papae ,  traditur  tractum  : 
et  ideo  magis  in  liac  sede  illam  consuetudinem  amputavimus,  quse  hic 
a  Grtccis  fuerat  tradita.  Subdiaconos  autem  ut  spoliatos  procedere  fa- 
cerem,  aatiqua  consuetudo  Ecclesite  fuit.  Sed  quia  placuit  cuidam 
noslro  Pontiûci,  neseio  cui,  qui  eos  vestitos  procedere  prœcepit.  Nam 
vestrœ  Ecclesise  numquid  tradilionem  a  Graecis  acceperunt  ?  Unde 
habent  ergo  hodie ,  ut  subdiaconi  lineis  in  tunicis  procédant ,  nisi  quia 
hoc  a  matre  sua  Romana  Ecclesia  perceperunt  ?  Kyrie  eleison  autem 
nos  neque  diximus,  neque  dicimus  sicut  a  Graecis  dicitur  :  quia  in 
Graecis  simul  omnes  dicunt  ;  apud  nos  autem  a  clericis  dicitur  ,  et  a 
populo  respondetur,  et  tolidem  vicibus  etiam  Clviste  eleison  dicitur, 
quot  apud  Graecos  nullo  modo  dicitur.  In  quotidianis  autem  Missis 
alla  quse  dici  soient  tacemus,  tantummodo  Kyrie  eleison  et  Christe 
eleison  dicimus,  ut  in  his  deprecationis  vocibus  paulo  diutius  occu- 
peraur.  Orationem  vero  Dominicam  idcirco  mox  post  precem  dicimus , 
quia  mos  apostolorum  fuit,  ut  ad  ipsam  solummodo  orationem  obla- 
tionis  hosliam  consecrareul:  et  valde  mihi  inconveniens  visum  est,  ut 
precem  quam  Scholasticus  composuerat,  super  oblationem  diceremus, 
et  ip;-am  traditionem  quam  Red«mptor  noster  composuit,  super  ejus 
corpus  et  sanguiaera  taceremus.  Sed  et  Dominica  oratio  apud  Graecos 
ab  omni  populo  dicitur,  apud  nos  vero  a  solo  sacerdote.  In  quo  ergo 
Graecorum  consuetudines  secuti  sumus,  qui  aut  veteres  nostras  repa- 
ravimus ,  aut  novas  et  utiles  constituiraus  ,  in  quibus  tamen  alios  com- 
probamur  imitari?  Ergo  vestra  charitas,  cum  occasio  dederit,ut  ad 


LITURGIQUES.  195 

Oaïaiiensem  civitatem  pergat,  vel  ia  Syracusana  Ecclesia,  eosquos 
crédit  aut  intelligit,  quia  hac  de  re  murmurare  potuerunt,  facta  col- 
lalione  doceat,  et  quasi  alia  ex  occasioae  eos  instruere  non  désistât. 
Nam  de  Constantinopolitana  Ecclesia  quod  dicunt ,  quis  eam  dubitet 
Sedi  Apostolicae  esse  subjectam?  Quod  et  piissimus  domnus  Imperator 
et  f  rater  ejusdem  civitatis  Episcopus  assidue  profiteatur.  Tamen  si  quid 
boni  vel  ipsa  vel  altéra  Ecclesia  habet ,  ego  et  minores  meos  quos  ab 
illicitis  prohibée ,  in  bono  imitari  paratus  sum.  Stultus  est  eaimqui 
iu  eo  se  priinum  existimat,  ut  bona  quœ  viderit,  discere  contemnat. 

S.  Gregorii  Eptst.  ad  Joannem  Syracus.  Lib.  IX.  Epist.  12. 


T.  I.  15 


194  INSTITUTIONS 


CHAPITRE  VIII. 

Digression»  sur  l'histoire  des  autres  liturgies  d'occi- 
de>t  :  a3ibr0sienne  ,  africaine  ,  gallicane  ,  gothique 
ou  mozarabe,  britannique  et  monastique. 

Les  nécessités  de  l'Histoire  que  nous  écrivons  nous 
obligent  à  suspendre  notre  récit  pour  placer  ici  quelques 
notions  sur  diverses  -Liturgies  qui  ont  déjà  été  nommées 
plusieurs  fois ,  et  dont  quelques-unes  existent  encore.  Nous 
consacrerons  le  présent  chapitre  aux  Liturgies  de  l'Occi- 
dent, et  le  suivant  à  celles  de  l'Orient. 

La  plus  ancienne  Liturgie  de  l'Occident ,  après  celle  de 
Rome ,  est  la  Liturgie  de  Milan  ,  connue  sous  le  nom  d'Am- 
brosienne.  S'ilfollait  en  croire  JeanVisconti  (1),  saint  Bar- 
nabe, que  les  Milanais,  depuis  plusieurs  siècles,  vénèrent 
comme  leur  Apôtre ,  auir-it  disposé  l'ordre  de  la  Messe  ; 
saint  Miroclès ,  Evêque  de  la  même  Eglise ,  aurait  réglé  la 
psalmodie,  et  enfin  saint  Ambroise  aurait  complété  et  perfec- 
tionné cet  ensemble.  Mailieureusementles  preuves  manquent 
totalement  à  ces  assertions,  et  il  est  bien  plus  simple  de  con- 
venir que  l'origine  des  formes  du  culte  divin,  dans  l'Eglise  de 
Milan,  se  confuniJ  avec  l'origine  même  du  christianisme.  Si  les 
circonstances  avaient  permis  à  d'autres  Eglises  d'aussi  haute 
antiquité  de  garder  leurs  usages  primitifs ,  on  retrouverait 

(1)  DeriliLus  Missse.  Lib.  II.  cap.  12. 


LITURGIQUES.  195 

chez  elles  la  même  inccrliliide.  Toutefois,  le  nom  d'Am- 
bi'osienne  allribué  de  tout  temps  à  la  Liturgie  de  Milan , 
prouve  très- certainement  qu'un  aussi  grand  docteur  que 
saint  Ambroisc  a  dû ,  ainsi  que  tous  les  plus  illustres  Evêques 
de  l'anliquilé,  travailler  à  la  correction  de  la  Liturgie  de  son 
Eglise.  On  peut  donc  lui  attribuer  un  travail  analogue  à  celui 
de  saint  Gélase  et  de  saint  Grégoire,  sur  le  Sacramentaire 
Romain;  mais  c'est  sans  aucune  espèce  de  preuve  que  Pa- 
mëlius  (1)  attribue,  d'une  manière  précise,  à  saint  Ambroise, 
la  composition  du  plus  grand  nombre  des  Messes ,  Oraisons 
et  Préfaces  du  Missel  Ambrosien  actuel.  Lorsque  le  saint  doc- 
teur monta  sur  le  siège  de  Milan ,  ayant  reçu  dans  l'espace 
de  quelques  jours  le  baptême  et  l'épiscopat ,  il  trouva  sans 
doute  une  Liturgie  toute  faite ,  et  dut  mettre  son  application 
à  l'exécuter ,  avant  de  songer  à  y  faire  des  changemens  et 
des  améliorations  (2).  Dom  Mabillon,  au  tome  second  du 
Miisœum  italicum,  énumère  les  allusions  que  présentent  les 
divers  écrits  de  saint  Ambroisc  aux  usages  liturgiques  de  son 
temps ,  et  s'en  sert  pour  fixer  jusqu'à  un  certain  point  la 
forme  du  service  divin  dans  l'Eglise  de  Milan ,  au  quatrième 
siècle  (3).  Il  dit  ailleurs  que  les  fameux  livres  des  Sacre- 
mens,  semblent  être  le  fondement  de  la  plupart  des  rites  Am- 
brosiens  (4);  mais  ce  savant  homme  n'a  pas  jugé  à  propos  de 
discerner  ceux  de  ces  usages  qui  ont  pour  instituteur  saint 
Ambroise ,  d'avec  ceux  qui  lui  sont  antérieurs.  Celte  tache 
eûl  été,  en  effet,  bien  difficile ,  pour  ne  pas  dire  impossible 
à  remplir  :  toutefois ,  on  peut  donner  avec  certitude  à  saint 
Ambroise ,  outre  l'institution  du  chant  alternatif  dans  l'Occi- 

(1)  Liturgia.  Tom.  I.  pag.  451. 

(2)  Lebrun.  Explication  de  la  Messe.  Tom.  II.  pag.  176. 
(5)  Musaeum  Italicum.  Tom.  1.  pag.  tOl. 

(4)  De  Liturgia  Gallicana.  Lib.  I.  Cap.  2.  n»  7.  pag.  8. 


496  INSTITUTIONS 

dent,  un  grand  nombre  d'Hymnes  qui  furent  accueillies  avec 
enthousiasme  par  beaucoup  d'Eglises;  jusque-là  qu'au  rap- 
port de  Walafride  Slrabon  (1) ,  en  certains  lieux ,  on  les  • 
chantait  même  à  la  Messe  ;  de  plus ,  les  Messes  des  Martyi's , 
dont  le  saint  Evêque  découvrit  les  corps ,  savoir  les  saints 
Nazaire  et  Celse  ,  Gervais  et  Protais ,  Vital  et  Agricole  ;  un 
certain  nombre  de  Préfaces ,  que  Walafride  Strabon  nomme 
Tractatus,  en  l'endroit  déjà  cité  ;  les  prières  pour  la  Dédicace 
de  l'Eglise ,  pour  la  consécration  des  Saintes  Huiles ,  pour  la 
bénédiction  du  Cierge  Pascal ,  qui  toutes  portent  en  tète  le 
nom  de  saint  Ambroise,  dans  les  plus  anciens  Sacramen- 
taires,  etc.  Quant  aux  Piières  de  Préparation  à  la  Messe , 
Summe  Sacerdos  et  Ad  mensam  dulcissimi ,  qui  sont  insérées 
dans  les  Missels  et  les  Bréviaires ,  sous  le  nom  de  saint  Am- 
broise, on  ne  voit  rien  qui  puisse  justifier  cette  assertion.  Les 
Bénédictins ,  éditeurs  de  notre  saint  docteur,  n'ont  trouvé  la 
première  dans  aucun  manuscrit ,  et  n'ont  rencontré  la  se- 
conde que  dans  un  seul  qui  ne  datait  pas  au-delà  de  sept 
cents  ans. 

Un  fait  digne  de  remarque  dans  la  Liturgie  Ambrosienne  , 
c'est  la  fréquente  conformité  avec  la  Romaine.  Non  seulement 
le  Canon  est  presque  entièrement  semblable,  mais  un  grand 
nombre  d'Introïts ,  d'Oraisons  ,  d'Epitres,  d'Evangiles,  sont 
identiquement  les  mêmes  dans  les  Missels  des  deux  Eglises. 
Le  Bréviaire  offre  aussi  plusieurs  ressemblances  du  même 
genre.  Il  semble  même  que  les  livres  romains  aient  été  imités 
à  Milan ,  avec  une  intention  toute  particulière  ;  car  on  trouve 
au  Missel  Ambrosien  la  mémoire  de  sainte  Anastasie,  dans 
la  seconde  Messe  de  Noël,  mémoire  qui  ne  convient  qu'à 
la  Station  qu'on  fait  à  Rome  dans  l'EgUse  de  cette  sainte , 

(1)  De  Rébus  Ecclesiasticis.  Cap.  XXV. 


LITURGIQUES.  197 

ainsi  que  nous  le  dirons  ailleurs  (1).  On  trouve  en  outre  au 
Canon ,  l'addition  de  saint  Grégoire  :  Diesque  nostros  in  tua 
pace  disponas.  Faut-il  attriljuer  cette  conformité  à  une  exi- 
gence du  Siège  Apostolique ,  qui  aurait  voulu  que  l'Eglise 
de  Milan  ,  qui  était  de  sa  Primatie ,  comme  toutes  celles  d'I- 
talie ,  eût  au  moins  dans  ses  usages  quelque  chose  de  commun 
avec  l'Eglise  de  Rome ,  et  principalement  le  Canon?  ou  faut-il 
expliquer  cette  communauté  de  rites  et  de  prières ,  par  des 
emprunts  volontaires,  et  peut-être  réciproques?  car  l'Eglise 
Romaine  a ,  de  tous  temps,  été  dans  l'usage  d'adopter  ce  qui 
lui  paraissait  louable  dans  les  autres,  et  l'on  voit  au  Sacra- 
mentaire  de  saint  Grégoire  plusieurs  prières  qui  portent 
en  titre  le  nom  de  saint  Ambroise.  Il  est  probable  que  ces 
deux  hypothèses  renferment  quelque  chose  de  véritable. 
Comme  nous  devons  donner  en  temps  et  lieu  la  description 
de  la  Messe  et  de  l'Office  du  rite  Ambrosien  ,  nous  nous  con- 
tenterons ici  de  faire  l'histoire  abrégée  des  vicissitudes  par 
lesquelles  ce  rite  a  passé. 

L'Eglise  de  Milan  s'est  montrée  ,  dans  tous  les  temps,  fort 
jalouse  de  l'intégrité  de  ses  usages.  Charlemagne  ,  ainsi  que 
nous  le  raconterons  bientôt ,  ayant  conçu  le  dessein  d'éta- 
blir le  rite  Romain  dans  toutes  les  Eglises  de  l'Occident,  vou- 
lut étendre  jusqu'à  l'Eglise  même  de  Milan  cette  mesure 
vigoureuse.  Il  fut  contraint  de  reculer  dans  son  entreprise , 
tant  était  profonde  la  vénération  qui  s'attachait  à  l'œuvre  ré- 
putée de  saint  Ambroise.  L'opposition  du  clergé  et  du  peuple 
fut  même  confirmée  par  un  prodige ,  si  nous  en  croyons 
Landulphe ,  historien  de  l'Eglise  de  Milan ,  qui  écrivait  en 

(1)  Ou  ne  trouve  plus  cette  mémoire  dans  le  Missel  du  Cardinal  Gays- 
ruk ,  imprimé  en  1830;  mais  outre  les  manuscrits,  nous  avons,  en  faveur 
de  ce  fait  caractéristique,  le  Missel  gothique,  in-quarto,  imprimé  à 
Milan,  eu  i500,  et  plusieurs  de  ceux  qui  Tout  suivi. 


198  INSTITUTIONS 

4080 ,  et  qui  a  été  copié  par  Beroldus  et  Durand  de  Mende. 
D'après  ce  récit,  un  Evéquedes  Gaules,  nommé  Eugène,  père 
spirituel  de  Charlemagne,  aurait  intercédé  auprès  de  ce 
prince ,  à  Rome  même ,  pour  la  conservation  du  rit  Ambro- 
sien ,  qu'il  nommait  le  Mystère  des  Mystères.  Les  avis  étant 
partagés,  on  indique  un  jeûne,  des  prières,  pour  obte- 
nir de  Dieu  qu'il  veuille  décider  sur  la  préférence  qu'on 
doit  donner  à  l'un  des  deux  Sacramentaires  ,  Grégorien  ou 
Ambrosien.  Les  deux  livres,  liés  et  scellés ,  sont  déposés  sur 
l'autel  de  saint  Pierre  ;  celui  des  deux  qui  s'ouvrira  sans  qu'on 
y  touche  ,  sera  préféré.  Les  portes  de  l'Eglise  demeurent  fer- 
mées durant  trois  jours;  après  cet  intervalle,  on  revient 
consulter  le  Seigneur  :  tout-à-coup,  les  portes  de  la  Basilique 
s'ou^Tent  d'elles-mêmes.  On  avance  vers  l'autel  ;  les  livres 
y  sont  encore  immobiles  et  fermés.  On  gémit ,  on  prie  de 
nouveau.  Soudain ,  les  deux  Sacramentaires  s'ouvrent  à  la 
fois  avec  un  grand  bruit.  Alors ,  ce  cri  se  fait  entendre  dans 
l'assemblée  :  «  Que  l'Eglise  universelle  loue ,  conserve,  garde 
i  dans  leur  intégrité  ,  le  mystère  Grégorien  et  le  mystère  Am- 
ibrosien  !  » 

Cette  histoire  si  dramatique ,  rapportée  d'après  les  auteurs 
que  nous  venons  de  citer  ,  par  D.  Mabillon  et  par  le  P.  Le- 
brun ,  est  considérée  comme  suspecte  par  Muratori  (1),  qui 
ne  conteste  pas  d'ailleurs  les  efforts  inutilement  faits  par 
Charlemagne  pour  abolir  le  rite  Ambrosien.  Il  faut  dire  aussi 
que  le  docte  Milanais  n'apporte  pas  de  preuves  à  l'appui  de 
son  sentiment. 

Nicolas  II  qui ,  en  1060  ,  avait  fait  des  tentatives  pour  abo- 
lir en  Espagne  le  rite  Gothique ,  fit  aussi  des  eflforts  pour 
anéantir  le  rite  Ambrosien.  Il  se  servit  à  cet  effet  du  zèle  de 

{i)  Antiquitates  Italise.  Tom.  IV.  pag,  834, 


LITURGIQUES.  199 

saint  Pierre  Damieii ,  homme  énergique  et  capable  de  faire 
réussir  cette  entreprise,  si  le  succès  en  eût  été  possible.  Ce 
grand  cardinal  échoua  dans  sa  légation ,  et  bientôt  Nicolas  II 
fut  remplacé  sur  la  Chaire  de  saint  Pierre  par  Alexandre  II, 
Milanais ,  qui  n'inquiéta  point  ses  compatriotes  dans  la  jouis- 
sance de  leurs  usages.  Nous  ne  voyons  pas  que  saint  Grégoire 
VU  ,  si  zélé  pour  la  propagation  du  rite  Romain  ,  ait  rien  en- 
trepris contre  la  Liturgie  Ambrosienne. 

Cette  Liturgie  prit  même  vers  ce  temps  une  sorte  d'exten- 
sion ,  qu'elle  devait  à  la  beauté  incontestable  de  ses  formules 
et  à  la  vénération  qu'inspirait  son  auteur  présumé.  D.  Ma- 
billon ,  dans  le  Musœum  italicum ,  a  publié  plusieurs  lettres 
de  Paul  et  Gebehard ,  Prêtres  de  l'Eglise  de  Ratisbonne ,  par 
lesquelles,  vers  l'an  d024,  ils  s'adressent  au  Prêtre  Martin, 
trésorier  de  l'Eglise  Saint  Ambroise ,  à  Milan ,  à  l'effet  d'ob- 
tenir de  lui  les  livres  de  l'Office  Ambrosien  ,  pour  les  répan- 
dre en  Allemagne  (1).  Vers  le  milieu  du  quatorzième  siècle, 
on  vit  l'empereur  Charles  IV  établir  ce  même  Office  de  Milan 
dans  l'Eglise  de  saint  Ambroise  à  Prague  (2);  et  le  Sacramen- 
taire  tripartite  que  l'Abbé  Gerbert  a  publié  dans  sa  Liturgia 
Alemannica  (5),  et  qu'il  avait  tiré  de  l'Abbaye  de  Saint  Gall,  se 
compose  de  l'Ambrosien ,  du  Gélasien  et  du  Grégorien.  Au 
reste,  ce  sont  là  les  seuls  indices  que  nous  ayons  d'une  expor- 
tation quelconque  des  usages  Ambrosiens ,  hors  de  Milan. 
Reprenons  l'histoire  des  attaques  auxquelles  ils  ont  été  en 
butte,  jusqu'à  leur  reconnaissance  définitive  par  le  Saint- 
Siège. 

Muratori  rapporte ,  dans  l'ouvrage  cité  plus  haut ,  que  le 
cardinal  Branda  de  Castiglione  ayant  été  envoyé ,  en  4440 , 

(1)  Musîeum  Italicum.  Tora.  I.  pag.  95-99. 

(2)  Gerberius.  Vêtus  Liturgia  Alemannica.  Tom.  I.  pag.  63. 
i^) .Ibidem.  Tom,  II, 


200  INSTITUTIONS 

par  Eugène  IV  ,  en  Lombardie ,  en  qualité  de  Légal ,  conçut 
le  dessein  d'abolir  le  rite  Ambrosien ,  jusque-là  qu'il  osa  s'em- 
parer d'un  ancien  Sacramentaire  qu'on  croyait  venir  de  saint 
Ambroise  lui-même  ,  et  que  le  jour  de  Noël  il  fit  chanter  la 
Messe  au  rite  Romain,  dans  l'Eglise  même  du  saint  Docteur. 
Le  peuple  furieux  courut  aussitôt  investir  la  demeure  du 
Légat ,  le  menaçant  de  mettre  le  feu  s'il  ne  rendait  le  Sacra- 
mentaire qu'il  avait  enlevé.  Le  Cardinal ,  effrayé  de  cette  sé- 
dition, jeta  le  livre  par  la  fenêtre  ,  et  sortit  de  la  ville  dès  le 
lendemain. 

Vers  la  fin  du  même  siècle ,  en  1497  ,  Alexandre  VI  re- 
connut solennellement ,  et  confirma  dans  une  Bulle  rapportée 
par  Ughelli  (1)  le  droit  des  ducs  et  du  peuple  de  Milan , 
de  célébrer,  suivant  le  rite  Ambrosien,  les  Messes,  les 
cérémonies ,  le  chant  ^  les  Ojjices  tant  de  jour  que  de  nuit , 
sans  y  rien  changer.  Il  est  vrai  que  le  Pape  spécifie  l'Eglise 
et  Monastère  de  Saint  Ambroise  ,  mais  il  n'exclut  pas  expres- 
sément les  autres  Eglises  de  la  ville  et  du  diocèse.  Aussi ,  on 
commença  peu  à  près  à  imprimer  les  livres  d'usage  du  rite 
Ambrosien ,  pour  les  nécessités  de  ces  diverses  Eglises  ,  et 
lorsque  saint  Pie  V  ,  par  les  Bulles  dont  nous  parlerons  bien- 
lot  ,  déclara  exemptes  de  l'obligation  de  recevoir  les  livres 
Romains ,  les  Eglises  dont  les  Bréviaires  remontaient  au-delà 
de  deux  siècles ,  le  rite  Ambrosien  fut ,  par  là  même ,  indi- 
rectement, mais  sérieusement  reconnu  pour  Milan  et  son  ter- 
ritoire. Fondé  dès-lors  sur  l'évidence  du  droit ,  saint  Charles 
Borromée ,  ayant  appris  que  le  gouverneur  de  Milan  avait 
obtenu  du  Pape  un  bref  qui  l'autorisait  à  se  faire  dire  la  Messe 
suivant  le  rite  Romain,  dans  toutes  les  Eglises  où  il  lui  plairait 
d'aller ,  réclama  avec  force  contre  cette  permission  ,  dans 

(1)  Italia  Sacra.  Ecclesia  >îediolanen.  Tom.  IV.  pag.  38o. 


LITURGIQUES.  801 

une  lettre  adressée  à  un  de  ses  amis ,  à  Rome ,  et  qui  est  con- 
servée comme  une  relique  dans  l'Eglise  de  Saint  Alexandre 
des  Barnabites  de  Milan.  Le  P.  Lebrun  a  donné  cette  lettre  : 
nous  la  plaçons  à  la  fin  du  présent  chapitre  (1).  Au  reste, 
elle  n'est  pas  la  seule  qu'ait  écrite  à  Rome  le  pieux  Car- 
dinal pour  la  défense  de  la  Liturgie  Ambrosienne.  On  en 
garde  encore  plusieurs  autres  dans  la  bibliothèque  du  Vati- 
can. Ce  grand  homme ,  pour  expliquer  son  zèle  en  cette 
matière ,  avait  coutume  de  dire  que  la  Liturgie  Ambrosienne 
était  moins  Milanaise  encore  que  Romaine ,  ayant  reçu  tant 
de  fois  l'approbation  expresse  des  Souverains  Pontifes  (2) . 

Tel  a  été  de  tous  temps  le  zèle  des  Milanais  pour  la  con- 
servation de  leur  rite ,  dont  ils  ont,  au  reste,  assez  fidèlement 
gardé  l'intégrité ,  sauf  l'addition  qu'ils  ont  faite  d'un  grand 
nombre  de  fêtes  de  Saints.  Mais  on  peut  dire  qu'ils  poussent 
l'intolérance  à  l'égard  des  autres  Liturgies ,  la  Romaine  y 
comprise ,  au-delà  de  ce  qu'on  a  jamais  pu  reprocher  de 
plus  exclusif  au  Siège  Apostolique.  Un  exemple  fera  juger 
de  la  vérité  de  ce  que  nous  disons.  En  1837 ,  nous  étions  à 
Rome ,  et  nous  venions  de  célébrer  les  Saints  Mystères  à  la 
Confession  de  Saint  Pierre  ;  un  Chanoine  de  la  cathédrale 
de  Milan  se  présenta  accompagné  d'un  clerc  Milanais.  Ce 
dernier  portait  un  Missel  Ambrosien  ;  il  le  posa  sur  l'autel 
sous  lequel  l'univers  entier  vénère  la  cendre  du  prince  des 
Apôtres.  Le  Chanoine  Milanais  commença  tout  aussitôt  la 
Messe  et  l'acheva  paisiblement ,  suivant  ce  rite  étranger.  Peu 
de  mois  après ,  nous  étions  nous-même  à  Milan  :  nous  de- 
mandâmes à  célébrer  le  saint  sacrifice  sur  le  corps  de  saint 
Ambroise.  On  nous  montra  un  règlement  solennel  qui  défend 

(1)  Vid.  la  note  A. 

(1)  Sala,  in  Bonse  Lib,  I,  Gap.  X.  pag.  183. 


202  INSTITUTIONS 

d'offrir  les  Saints  Mystères  sur  cet  autel,  autrement  qu'en 
la  forme  Âmbrosienne  :  le  rite  Romain  n'était  pas  excepté. 
Il  nous  fallut  donc  sacrifier  notre  pieux  désir. 

Au  reste,  l'inconvénient  ordinaire  des  Liturgies  particu- 
lières s'est  fait  sentir  à  Milan,  comme  en  d'autres  lieux.  La 
puissance  séculière  a  du  prétendre  une  surveillance  sur  des 
formes  qui  ne  sont  que  nationales ,  et  non  com.munes  à  toutes 
les  Eglises.  Naples ,  Florence ,  Venise ,  célèbrent  la  fête  de 
Saint  Grégoire  ^'11,  malgré  le  déplaisir  qu'en  éprouvent  et 
qu'en  ont  souvent  manifesté  leurs  gouvernans  ;  ces  Eglises 
jouissent  de  cette  liberté,  parce  qu'elles  sont  astreintes  au 
Bréviaire  Romain,  publié  par  le  Saint-Siège.  L'Eglise  de  Mi- 
lan n'a  osé  jusqu'ici  rendre  un  culte  au--grand  Pontife  ,  que 
l'Europe  éclairée  proclame  aujourd'hui  l'héroïque  vengeur 
de  la  dignité  humaine  et  de  la  civilisation.  Comme  nos 
Eglises  de  France ,  elle  n'a  pas  suivi  l'injonction  du  Pontife 
Romain ,  qui  ordonna ,  il  y  a  un  siècle ,  à  toutes  les  Eglises 
du  rite  latin ,  de  solenniser  la  mémoire  du  glorieux  Hilde- 
brand.  Ces  Eglises  manquaient  de  cette  force  que  l'unité  et 
l'universalité  des  formes  peuvent  seules  donner ,  et  qu'elles 
maintiennent ,  au  défaut  même  du  courage. 

Après  l'Eglise  d;:  Milan,  fille  de  VEglise  Romaine  [i]^  et 
fondée  dès  l'âge  apostolique ,  vient  l'Eglise  d'Afrique ,  qui 
doit  pareillement  son  origine  au  Siège  de  Rome ,  sous  le 
règne  d'Adrien  (2).  Cette  Eglise,  l'une  des  principales  divi- 
sions du  patriarcat  d'Occident ,  comprenait  la  province  dite 
Consularis ,  dont  Carthage  était  la  capitale ,  la  Mauritanie 
et  la  Numidie.  Son  origine  indique  assez  la  conformité  qui 
devait  exister,  au  moins  jusqu'à  un  certain  degré ,  entre  ses 
usages  liturgiques  et  ceux  de  l'Eglise  Romaine. 

(1)  S.  Pétri  Damiani.  Opusc.  V.  Tom.  ÏII.  pag.  78. 

(2)  Schelestrate.  Aûtiquitas  Ecclesiss  illustrata.  Tom.  If. 


LITURGIQUES.  fOS 

Les  fragmens  ou  les  allusions  que  nous  rencontrons  dans 
ïerlullien ,  Saint  Cyprien ,  Saint  Augustin ,  paraissent ,  les 
unes  se  rapporter  assez  bien  aux  formes  de  la  Liturgie  Ro- 
maine, d'autres  s'en  écarter  plus  ou  moins.  Il  est  vrai  de 
dire  que  la  Liturgie  Romaine,  au  temps  de  ces  auteurs,  de- 
vait être  quelque  peu  différente  de  ce  qu'elle  nous  apparaît 
dans  l'œuvre  de  saint  Gélase  et  de  saint  Grégoire.  Quoi  qu'il 
en  soit ,  des  auteurs  très-graves  maintiennent  comme  indu- 
bitable l'identité  primordiale  de  la  Liturgie  Africaine  avec  la 
Romaine  (1).  On  a  dit,  mais  sans  le  prouver,  que  saint  Augustin 
avait  introduit  en  Afrique  la  Liturgie  de  Milan  ;  dans  tous  les 
cas,  ce  fait  ne  saurait  démontrer  qu'on  ne  suivait  pas  en  Afrique 
la  Liturgie  Romaine ,  antérieurement  à  saint  Augustin  :  et 
d'ailleurs ,  il  ne  dépendait  pas  du  seul  Evêque  d'Hippone  de 
changer  les  usages  de  toutes  les  Eglises  d'Afrique  ,  si  nom- 
breuses et  si  attachées  à  leurs  anciennes  pratiques.  Quoi  qu'il 
en  soit ,  nous  pensons  que  la  conformité  de  la  Liturgie  d'A- 
frique avec  la  Romaine,  n'empêchait  pas  la  première  d'avoir 
et  de  conserver  certains  usages  particuliers ,  ainsi  que  nous 
en  apercevons  les  traces  dans  les  auteurs  que  nous  avons  cités, 
auxquels  on  peut  encore  ajouter  Marins  Mercator,  et  saint 
Fulgence.  En  outre ,  quel  était  l'ordre  du  Sacramentaire 
publié  par  Voconius ,  vers  460 ,  trente  ans  après  la  mort 
de  saint  Augustin  ?  En  quoi  était-il  conforme  à  celui  de  l'E- 
glise de  Rome  ?  En  quoi  s'en  écartait-il  ?  La  question  nous 
paraît  insoluble.  Disons  toutefois  qu'on  ne  trouve  nulle  part, 
dans  l'antiquité,  la  trace  d'une  Liturgie  Africaine  :  la  tradition 
ne  nous  parle  que  de  celles  de  Rome ,  de  3Iilan ,  des  Gaules  et 
de  l'Espagne.  Nous  maintiendrons  donc  notre  sentiment,  jus- 


Ci)  Bona.  Rerum  Liturgicarum.  Lib.  I.  Cap.  VII.  §,  III.  Lebrun. 
Explication  de  la  Messe.  Tom.  II.  pag.  137. 


Î04  INSTITUTIONS 

qu'à  ce  que  de  nouvelles  découvertes  nous  aient  contraint  à 
l'abandonner. 

La  Liturgie  de  l'Eglise  des  Gaules  est  trop  différente  de 
la  Romaine  ,  pour  qu'on  puisse  croire  qu'elle  en  soit  issue  ; 
on  a  au  contraire  tout  lieu  de  la  juger  d'origine  orientale. 
D'abord  ,  en  elle-même  ,  elle  présente  beaucoup  d'analogie 
avec  les  rites  des  Eglises  d'Orient,  et  si  l'on  considère  les 
pays  d'où  sont  venus  les  premiers  Apôtres  des  Gaules,  on 
s'expliquera  aisément  cette  conformité.  Saint  Trophime,  fon- 
dateur de  l'Eglise  d'Arles,  était  disciple  de  saint  Paul  ;  saint 
Crescent ,  pareillement  disciple  du  même  saint  Apôtre , 
prêcha  dans  les  Gaules  ;  saint  Pothin  et  saint  Irénée ,  Apôtres 
de  Lyon  ,  vinrent  de  l'Asie  ,  aussi  bien  que  saint  Saturnin , 
Apôtre  de  Toulouse  ;  enfin  ,  la  lettre  des  Eglises  de  Vienne 
et  de  Lyon  à  celles  d'Asie  et  de  Phrygie,  montre,  avec  tous 
ces  faits ,  d'une  manière  incontestable  ,  que  les  Eglises  des 
Gaules  sont  filles  de  l'Orient  ;  leur  Liturgie  devait  donc  l'être 
aussi.  Sans  doute,  tous  ces  Apôtres  passèrent  par  P»ome, 
centre  de  toute  mission  légitime  :  car  telle  est  la  tradition 
de  toutes  nos  Eglises  ;  mais  il  n'était  pas  naturel  qu'à  cette 
époque  de  conquêtes,  le  Siège  Apostolique  suscitât  des  en- 
traves indiscrètes  aux  courageux  prédicateurs  que  l'Orient 
dirigeait  sur  l'Occident,  et  leur  imposât  des  usages  différons 
de  ceux  qu'ils  aval 'Ut  puisés  dans  les  régions  d'où  ils  étaient 
partis  pour  évangt'liser  avec  tant  de  zèle.  Nous  avons  fait 
voir  plus  haut  comment  les  tendances  à  l'unité  liturgique , 
jusqu'alors  suspendues  par  les  circonstances,  se  dévelop- 
pèrent quand  la  paix  eut  été  donnée  aux  Eglises. 

La  Liturgie  Gallicane  est  donc,  avec  l'Ambrosienne,  un  des 
monumens  les  plus  précieux  du  premier  âge  de  l'Eglise  :  nous 
la  ferons  connaître  dans  ses  détails,  à  mesure  que  l'occasion 
s'en  présentera.  Bientôt  nous  aurons  à  raconter  sa  destruction, 


LITURGIQUES.  2ÔS 

pni'  les  enbrts  réunis  du  Siège  Apostolique  et  des  princes 
Carlovingiens.  Nous  suspendrons  donc  ici  ce  qui  nous  reste  à 
dire  sur.  cette  importante  Liturgie ,  dont  notre  illustre  Ma- 
billon ,  dans  un  ouvrage  spécial  (1) ,  a  détaillé  toute  la  splen- 
deur, en  même  temps  qu'il  a  reproduit  les  débris  mutilés  des 
livres  qui  la  contenaient.  Si  le  tenjps  et  l'espace  nous  le  per- 
mettaient ,  nous  aimerions  à  faire  le  récit  des  pompes  du  rite 
Gallican,  telles  qu'elles  apparaissent  dans  les  écrits  de  saint 
Sidoine  Apollinaire  et  de  saint  Grégoire  de  Tours  :  mais  nous 
ne  résisterons  pas  au  désir  d'offrir  au  lecteur  un  tableau  de 
l'Eglise  de  Paris  au  sixième  siècle ,  tracé  par  saint  Venance 
Fortunat,  dans  un  éloge  de  saint  Germain  et  de  son  clergé. 
On  y  verra  la  gravité  et  la  majesté  de  l'Office  divin,  l'ac- 
cord de  la  psalmodie  ,  l'emploi  des  orgues ,  des  flûtes ,  des 
trompettes,  poiir  l'accompagnement  des  chants  sacrés  (21. 
Nous  avons  donné  dans  les  chapitres  précédens  les  noms 
des  liturgistes  auxquels  l'Eglise  Gallicane  était  redevable  de 
la  beauté  et  de  l'éloquence  de  ses  formules  sacrées. 

L'Eglise  d'Espagne  présente  maintenant  à  notre  observa- 
tion ses  usages  Liturgiques.  S'il  nous  fallait  approfondir  dans 
ces  Institutions  toutes  les  questions  qni  se  rattachent  aux 
origines  du  rite  Mozarabe  ,  un  volume  entier  ne  suffirait  pas 
pour  exposer  et  résoudre  les  nombreuses  difficultés  dont 
cette  matière  est  semée.  Nous  serons  donc  forcés  de  nous 
borner  à  consigner  seulement  ici  quelques  notions. 

On  agite  en  premier  lieu  la  question  de  savoir  quelle  Li- 
turgie fut  exercée  primitivement  en  Espagne ,  après  l'éta- 
blissement du  Christianisme  en  ce  pays.  Plusieurs  auteurs ,  à 
la  tête  desquels  nous  inscrirons  le  docte  Père  Lebrun  (3) , 

(1)  De  Liturgia  Gallicana  libri.  III.  168b. 

(2)  Vid.  la  note  B. 

(3)  Explication  de  la  Messe.  Toni.  II.  Dissertation  V.  Art.  I. 


é<^  INSTITUTIONS 

soutiennent  que  les  usages  de  l'Eglise  Romaine  furent  d'a- 
bord observés  en  Espagne ,  et  ils  s'appuient  sur  le  fait  de  la 
fondation  de  cette  Eglise  par  les  sept  Evêques  envoyés  par 
saint  Pierre ,  et  sur  quelques  Canons  des  anciens  Conciles 
d'Espagne ,  qui  montrent  en  vigueur  plusieurs  pratiques 
qui  sont  identiques  à  celles  de  Rome ,  telles  que  le  jeûne  du  sa- 
medi, la  coutume  de  ne  lire  qu'une  seule  Epître  à  la  Messe,  etc. 
Le  savant  Père  Pinius ,  dans  l'excellente  dissertation  qu'il  a 
placée  en  tête  du  sixième  tome  des  Actes  des  Saints  du  mois 
de  Juillet ,  et  Florez ,  en  son  Spagna  Sagrada ,  dans  une 
dissertation  sur  le  même  objet  (1) ,  reconnaissent  aussi  l'ori- 
gine Romaine  de  la  Liturgie  primitivement  gardée  en  Espa- 
gne (2).  Ils  sont  énergiquement  combattus  par  le  jésuite 
Lesleus ,  dont  nous  avons  déjà  cité  la  curieuse  préface  au 
Missel  Mozarabe  (5).  Ce  dernier  s'appuie  sur  les  Canons  de 
divers  Conciles  d'Espagne ,  aux  cinquième  et  sixième  siècles , 
dans  lesquels  sont  signalées  plusieurs  particularités  de  l'Oflice 
divin ,  qui  paraissent  plutôt  s'accorder  avec  l'Office  Mozarabe 
qu'avec  celui  de  l'Eglise  de  Rome.  Cependant ,  il  semble 
qu'on  peut  dire ,  non  sans  quelque  apparence  de  raison ,  que 
ces  divers  faits  ne  prouvent  pas  que  les  usages  de  l'Eglise  Ro- 
maine n'aient  pas  été  primitivement  ceux  de  l'Eglise  d'Es- 
pagne; car  on  n'a  jamais  prétendu  que  la  conformité  des 
usages  avec  Rome ,  à  cette  époque ,  fût  possible  pour  quelque 
Eglise  que  ce  soit ,  avec  la  rigueur  qu'on  y  peut  mettre  au- 
jourd'hui. En  outre  ,  il  reste  bien  peu  de  monumens  à  l'aide 

(1)  Tractatus  hislorico-chronologicus  de  Liturgia  antiqua  Hispanica. 
Cap.  I. 

(2)  Spagna  Sagrada.  Tom.  III.  pag.  187  et  suiv. 

(3)  Missale  Mixtum  secundum  Regulam  Beati  Isidori ,  dictum  Moza- 
rabes, praefatione,  notis  et  appendice  ab  Alexandre  Lesleo  S.  J.  Sacer- 
dote  ornatum.  Romse.  1755. 


LITURGIQUES.  207 

desquels  on  puisse  constater  l'état  précis  de  la  Liturgie  de 
Rome  ,  tant  poiu-  la  Messe  que  pour  les  Oflîces  divins ,  avant 
saint  Gélase  et  saint  Grégoire.  On  peut  encore  ajouter  à 
cela  que  l'affinité  des  usages  liturgiques,  tant  de  Rome  que 
de  l'Espagne ,  ne  saurait  être  plus  énergiquement  attestée 
que  par  l'envoi  que  fit ,  en  558 ,  le  Pape  Vigile  à  Profutuius, 
Evèque  de  Drague ,  de  l'Ordinaire  de  la  Messe  Romaine. 
Assurément ,  jamais  un  Pape  n'a  fait  un  pareil  envoi  au  Pa- 
triarche de  Constantinople  ou  d'Alexandrie.  Il  fallait  donc 
que  les  Evoques  d'Espagne   eussent  eu  recours  au  Siège 
Apostolique ,  comme  à  la  source  de  leurs  traditions  litur-  , 
giques;  et  cette  conjecture  est  d'autant  plus  certaine  que 
nous  voyons ,  ainsi  que  nous  l'avons  rapporté  plus  haut , 
un  Concile  d'Espagne,  trente  ans  après,  décréter  que  tous 
les  Prêtres  auraient  à  célébrer  les  saints  Mystères  dans  la 
forme  donnée  par  le  Siège  Apostolique ,  à  l'Evêque  Pro- 
futurus. 

Maintenant,  si  l'on  considère  la  Liturgie  des  Eglises  d'Es- 
pagne dans  l'état  où  la  fixèrent  les  travaux  de  saint  Léandre , 
de  saint  Isidore  et  des  autres  liturgistes  que  nous  avons 
mentionnés  au  chapitre  précédent ,  on  ne  peut  s'empê- 
cher d'être  frappé  de  sa  totale  dissemblance  avec  les  cou- 
tumes de  l'Eglise  Romaine.  Le  nom  de  Gothique  qu'elle  retient 
déjà  atteste  une  origine  entièrement  différente.  C'est  ici  en- 
core l'occasion  d'une  nouvelle  controverse  entre  le  P.  Les- 
leus  et  les  PP.  Lebrun  et  Pinius.  Le  premier ,  fidèle  à  son 
système ,  soutient  que  les  particularités  qui  constituent  le 
rite  appelé  Gothique  ont  été  pratiquées  de  toute  antiquité 
en  Espagne:  les  autres,  au  contraire,  ont  établi  solidement 
le  fait  d'une  introduction  des  rites  orientaux  en  Espagne  , 
par  les  Golhs ,  qui  se  rendirent  maîtres  de  ce  pays  au  com- 
mencement du  cinquième  siècle,  et  y  fondèrent  un  établis- 


208  INSTITUTIONS 

sèment  si  solide  et  si  imposant.  Ces  barbares,  comme  nous 
l'apprenons  de  Philostorge  (1) ,  de  Sozomène  (2)  et  de  Théo- 
doret  (3) ,  dans  leurs  courses  à  travers  l'Asie  mineure ,  avaient 
embrassé  le  christianisme.  Leur  fameux  Evêque  Ulphilas, 
qui  traduisit  les  saints  Evangiles  dans  la  langue  des  Goths , 
vint  à  Constantinople.  Il  y  puisa  malheureusement  les  er- 
reurs de  l'Arianisme  qui  régnait  alors  dans  cette  capitale , 
par  la  protection  de  Valens  ;  mais  il  dut  y  prendre  en  même 
temps  une  plus  grande  habitude  de  la  Liturgie  grecque ,  la 
seule  que  connaissaient  les  Goths,  puisque  leur  conver- 
sion au  Christianisme  s'était  opérée  en  Orient.  Nous  voyons 
ensuite ,  par  une  lettre  de  saint  Jean  Chrysostôme  (4) ,  qu'il 
avait  pris  un  soin  tout  particulier  de  l'Eglise  des  Goths,  et 
qu'il  lui  avait  même  donné  un  Evêque  ,  nommé  Unilas  ; 
il  est  naturel  de  croire  que  cet  Evêque  venu  de  Constanti- 
nople devait  en  pratiquer  la  Liturgie.  Quand  les  Goths  furent 
établis  en  Espagne  ,  nous  voyons  des  relations  jusqu'alors 
inconnues  s'établir  entre  l'Eglise  de  cette  Péninsule  et  celle 
de  Constantinople.  Au  sixième  siècle,  saint  Martin  de  Brague 
traduisit  de  grec  en  latin ,  pour  l'usage  d'Espagne ,  les  Ca- 
nons des  Conciles ,  et  par-là  donna  occasion  à  l'établissement 
de  beaucoup  de  pratiques  liturgiques  prescrites  dans  ces  Ca- 
nons dressés  la  plupart  dans  des  Conciles  d'Orient.  Vers  le 
même  temps,  Jean,  qui  fut  depuis  abbé  de  Biclar  et  Evêque  de 
Gironne ,  et  qui  était  Goth  de  nation ,  s'en  alla  passer  dix- 
sept  ans  à  Constantmople  oii  il  se  rendit  fort  savant.  Saint 
Léandre  avait  aussi  vécu  plusieurs  années  à  Constantinople  : 
ce  fut  même  dans  cette  ^^lle  qu'il  se  lia  d'une  amitié  étroite 

(i)  Lib.  II.  u»  S.Edit.  Vales.  pag.  470. 

(2)  Hist.  Eccles.  Lib.  VI.  cap.  57. 

(3)  Lib.  IV.  Cap.  ultimo. 

(i)  Ad  Olympiadem.  Epist.  XIV.  Tom.  III.  pag.  722.  Edit.  Gaume. 


LITURGIQUES.  209 

avec  sailli  Grégoire  le  Grand ,  qui  résidait  alors  en  celle 
ville ,  en  qualité  d'Apocrisiaire  du  Siège  Apostolique,  cl  avec 
Jean  le  Jeûneur ,  Patriarche  de  Gonstantinoplo ,  qui  fut  si 
familier  avec  saint  Léandre ,  qu'il  lui  dédia  un  opuscule  litur- 
gique sur  le  Baptême. 

Or,  les  Goths  étant  les  vainqueurs  de  l'Espagne,  et  ayant 
apporté  avec  eux  des  usages  liturgiques  spéciaux ,  la  Li- 
turgie pratiquée  dans  cette  contrée  avant  la  conquête  ne 
pouvait  long-temps  subsister  sans  mélange ,  et  tout  portait 
même  à  croire  qu'elle  finirait  par  succomber.  Il  y  eut ,  sans 
doute ,  des  degrés  dans  cette  transformation  ;  des  réclama- 
lions  durent  s'élever,  tant  de  la  part  des  Conciles  que  de  la 
part  du  Siège  Apostolique  :  la  lettre  du  Pape  Vigile  à  Profu- 
turus  se  place  naturellement  à  cette  époque ,  ainsi  que  le 
Concile  de  Brague  de  505 ,  que  nous  avons  cité  plus  haut. 
Un  grand  événement  décida  du  triomphe  absolu  de  la  Liturgie 
Gothique  sur  l'ancienne  :  ce  fut  la  conversion  totale  de  la 
nation  des  Goths  à  l'orthodoxie ,  dans  le  troisième  Concile 
de  Tolède  ,  en  589.  Saint  Léandre ,  qui  fut,  pour  ainsi  dire, 
l'auteur  de  ce  grand  œuvre ,  est  en  même  temps  le  principal 
rédacteur  de  la  Liturgie  Gothique  qui,  dès  cette  époque, 
devint  l'unique  Liturgie  d'Espagne.  Il  est  naturel  de  penser 
que  la  préférence  donnée ,  dans  son  travail  et  dans  celui  des 
autres  liturgistes  qui  vinrent  après  lui ,  aux  formes  orien- 
tales, jusqu'alors  les  seules  suivies  par  les  Goths ,  fut  motivée 
sur  la  nécessité  de  les  rallier  plus  sûrement  au  symbole  de 
l'ancienne  Eglise  Espagnole,  en  écartant  tout  ce  qui  aurait  pu 
être  objet  de  tentation  pour  une  foi  encore  chancelante.  Au 
reste,  comme  nous  venons  de  le  dire  ,  la  transformation  des 
deux  rites  était  déjà  pour  ainsi  dire  accomplie ,  avant  même 
le  Concile  de  Tolède  ;  mais  depuis  celte  grande  époque,  l'E- 
glise Espagnole ,  devenue  Eglise  purement  Gothique,  s'appli- 

T.  I.  u 


210  INSTITUTIONS 

qua  à  réunir  toutes  les  provinces  dans  la  pratique  des  mêmes 
usages ,  et  c'est  à  celte  intention  que  fut  porté ,  dans  le  qua- 
trième Concile  de  Tolède ,  en  C53,  le  Canon  dont  nous  avons 
cité  les  dispositions  formelles,  ci-dessus,  au  chapitre  Vï. 

Toutefois  cette  Liturgie  Gothique  ne  se  composait  pas  uni- 
quement d'un  fonds  de  Prières  orientales  :  on  y  rencontre 
quelquefois ,  quoique  en  petit  nombre  ,  des  Oraisons  ,  des 
Répons  ,  des  Fêtes  d'une  origine  évidemment  romaine,  qui 
montrent  la  première  source  des  rites  sacrés  en  Espagne. 
On  y  trouve ,  en  outre,  beaucoup  d'analogies  avec  la  Liturgie 
Galhcane,  et  ce  dernier  fait  a  donné  maiière  à  une  contro- 
verse entre  les  savans  qui  ont  traité  de  la  Liturgie  Gothique. 
Les  uns,  comme  les  PP.  Lesleus  et  Piiiius,  soutiennent, 
dans  les  ouvrages  déjà  cités,  que  la  Liturgie  Gallicane  est 
émanée  de  la  Gothique;  d'autres,  parmi  lesquels  Dom  Ma- 
billon  (1)  et  le  P.  Lebrun,  prouvent  contre  eux  que  la  Liturgie 
Gallicane  est  antérieure  à  l'époque  à  laquelle  a  dû  se  former 
la  Gothique. 

Nous  avons  montré,  en  effet,  comment  l'origine  des  prin- 
cipales Eglises  des  Gaules  est  orientale  :  ce  qui  explique 
suffisamment  l'existence  d'une  Liturgie,  dans  ces  contrées, 
totalement  différente  de  la  Piomaine ,  et,  par  suite ,  analogue 
en  quelque  chose  à  la  Gothique ,  dont  la  source  est  la  même. 
Kous  avons  donné  les  noms  des  principaux  auteurs  de  la 
Liturgie  GalUcane ,  saint  Hilaire ,  Musaeus  ,  saint  Sidoine 
Apollinaire,  etc. ,  qui,  certes,  n'ont  pas  été  chercher  en  Es- 
pagne les  usages  antiques  qui  furent  corrigés  et  réformés , 
plutôt  qu'institués  par  eux.  De  plus,  on  ne  s'expliquerait  pas 
cette  influence  si  intime  de  TEglise  d'Espagne  sur  celle  des 
Gaules,  influence  qui  ne  serait  justifiée  par  aucun  .nonument 

(l)De  Liturgia  Gallicana.  Lib.  I.  Caj).  IV. 


LITURGIQUES.  211 

historique,  ni  môme  rendue  possible  par  aucun  genre  de  pri- 
mauté de  l'une  de  ces  Eglises  à  l'égard  de  l'autre.  Il  est  vrai 
que,  dans  le  Canon  du  IV"  Concile  de  Tolède,  il  est  statué 
qu'il  n'y  aura  qu'un  même  ordre  pour  la  prière  et  lapsalmodie 
dans  toute  l'Espagne  et  la  Gaule;  mais  tout  le  monde  sait  qu'il 
ne  peut  être  ici  question  que  de  la  Gaule  Narbonaise,  soumise 
alors  aux  mêmes  lois  que  l'Espagne  elle-même.  Or,  outre  que 
le  rite  Gallican  était  formulé  long-temps  avant  ce  Concile ,  et 
qu'il  était  et  est  resté ,  en  somme ,  différent  sur  beaucoup  de 
points  du  rite  Gothique  proprement  dit ,  il  serait  absurde  de 
supposer  que  la  Gaule  Narbonaise  eût  fait  adopter  tous  ses 
usages  aux  autres  provinces  des  Gaules.  Tout  au  contraire , 
il  faudra  expliquer  les  incontestables  rapports  des  deux 
rites ,  GaUican  et  Gothique ,  par  l'intention  fort  raisonnable 
qu'eurent  les  compilateurs  de  ce  dernier  rite  d'y  retenir,  ou 
d'y  insérer  quelque  chose  qui  fût  analogue  aux  usages  de  la 
Gaule  Narbonaise ,  par  le  même  motif  qui  leur  avait  fait 
garder  plusieurs  formules  et  fêtes  romaines  ,  et  qui  les 
avait  portés  à  conserver  pour  fond  principal  les  prières 
orientales  de  la  Liturgie  Gothique. 

Nous  terminerons  ce  que  nous  avions  à  dire  de  la  Liturgie 
Gothique,  appelée  plus  tard  Mozarabe  { du  nom  sous  lequel 
on  désignait  les  Chrétiens  qui  vivaient  sous  la  domination 
des  Maures  ) ,  par  les  deux  observations  suivantes  : 

1"  L'Eglise  gothique  d'Espagne  parvint  à  établir  dans  son 
sein  l'unité  liturgique;  elle  dut  cet  avantage  au  zèle  de  ses 
Evêques  et  à  la  protection  de  ses  Rois.  Mais  si  elle  put  faire 
qu'une  prière  uniforme  retentît  dans  tous  ses  temples  , 
elle  ne  put  garantir  toujours  l'entière  pureté,  l'ortho- 
doxie de  ces  mêmes  prières.  La  Liturgie  Romaine  seule 
est  vierge  de  toute  erreur,  comme  l'Eglise  qui  la  promulgue. 
Vers  la  fin  du  huitième  siècle ,  Félix ,  Evêque  d'Urgel ,  et 


212  INSTITUTIONS 

Elipand ,  Archevêque  de  Tolède  ,  troublèrent  un  moment 
l'Eglise  en  prêchant  une  hérésie  qui  aurait  fait  rétrograder 
le  christianisme  jusqu'aux  dogmes  impies  d'Arius.  Non  con- 
tents de  s'appuyer  sur  de  fausses  citations  des  Pères ,  ils 
alléguèrent  l'autorité  de  la  Liturgie  d'Espagne,  produi- 
sant plusieurs  passages  dans  lesquels  les  termes  d'adoptif  et 
d'adoption  étaient  appliqués  à  Jésus-Christ ,  et  ajoutant  que 
ces  Oraisons  avaient  été  récitées  et  par  conséquent  approu- 
vées par  saint  Eugène,  saint  lldefonse  et  saint  Julien,  Evêques 
de  Tolède.  11  est  possible  aussi  que  Félix  et  Elipand  eussent 
altéré  par  eux-mêmes  les  passages  susdits.  Quoi  qu'il  en  soit , 
dans  l'une  et  l'autre  hypothèse,  le  danger  des  Liturgies  na- 
tionales n'en  était  pas  moins  mis  dans  tout  son  jour.  C'est  ce 
que  sentirent  les  Evêques  du  Concile  tenu  à  Francfort ,  en 
79 i,  qui,  dans  les  paroUs  suivantes,  montrèrent  éloquem- 
ment  qu'une  seule  Liturgie  peut  être  citée  comme  vraiment 
et  nécessairement  pure  et  orthodoxe ,  savoir  la  Liturgie  de 
l'Eglise  Romaine.  «  Mieux  vaut,  disent-ils ,  aux  deux  Evêques 

>  prévaricateurs  ,  mieux  vaut  en  croire  le  témoignage  de 
»  Dieu  le  Père  sur  son  propre  Fils ,  que  l'autorité  de  votre 
»  lldefonse,  qui  vous  a  composé,  pour  la  solennité  des  Messes, 

>  des  prières  qui  sont  telles  que  la  sainte  et  universelle  Eglise 
î  de  Dieu  les  ignore ,  et  que  nous-mêmes  ne  pensons  pas 
ï  que  vous  puissiez  être  exaucés  en  les  prononçant.  Que  si 
»  votre  lldefonse ,  dans  ses  Oraisons ,  donne  au  Christ  le  nom 
ï  d'adoptif.  notre  Grégoire ,  Pontife  du  Siège  de  Rome  et 
ï  docteur  illustre  dans  tout  l'univers  ,  l'appelle  toujours , 
»  dans  ses  Oraisons,  Fils  unique  (1).  »  Les  Pères  du  Concile 

(1)  Melius  est  testimonio  Dei  Patris  credere  de  suo  Filio  quam  Ilde- 
fonsi  veslri,  qui  taies  vobis  composait  preces  in  Missaru  i  solemniis, 
quales  uaiversaliset  saucta  Dei  iv>a  habet  Ecclesia,  ii  •  vos  la  illis 
exaudii'i  putamus.  Et  bi  Ildefonsub  vebler  in  oralioaibus    iio  Ghristum 


i 


LITURGIQUES.  213 

allèguent  ensiiilc  plusieurs  Oraisons  du  Sacramenlaire  Gré- 
gorien. 

Peu  après ,  Alcuin  composa  un  traité  en  sept  livres ,  contre 
Félix ,  et  il  ne  manqua  pas  d'y  réfuter  l'objection  que  ces 
sectaires  tiraient  des  Oraisons  du  Missel  Gothique.  «  Que 
ï  vous  ayez ,  dit-il  à  Félix,  altéré  ces  témoignages,  ou  qu'ils 
»  soient  réellement  tels  que  vous  les  proférez ,  il  n'y  a  pas 
j  lieu  à  s'en  occuper  beaucoup.  C'est  bien  plutôtsur  l'autorité 
s  de  Rome  que  sur  l'autorité  de  l'Espagne  que  nous  souhai- 
»  tons  appuyer  la  vérité  de  notre  foi.  Ce  n'est  pas  néanmoins 
î  que  nous  réprouvions  l'autorité  de  l'Espagne  ,  dans  les 
»  choses  sur  lesquelles  elle  n'est  pas  en  désaccord  avec  l'E- 
»  glise  universelle.  Mais  l'Eglise  Romaine,  qui  doit  être  suivio 
»  par  tous  les  catholiques  et  tous  les  vrais  croyans ,  professe 
>  dans  la  solennité  des  Messes,  comme  dans  tout  ce  qu'elle 
ï  écrit ,  que  c'est  le  Fils  véritable  de  Dieu  qui  a  daigné  se 
s  faire  homme  pour  notre  salut  et  subir  le  tourment  de  la 
î  Croix  (1).  ï  Alcuin  cite  ensuite  les  Oraisons  de  la  Messe  de 
Noël ,  du  mercredi  de  la  Semaine  Sainte ,  etc.  Cet  événement 

adoptivum  nominavit ,  noster  vero  Gregorius ,  Pontifex  Romanae  Sedis , 
et  clarissimus  loto  orbe  Doctor,  in  suis  orationibus  semper  eum  Unigeni- 
tumnominarenondubitavit.  Concil.  Franco-fordiense.  Lnbb.  Tom.  VII. 
pag.  lOôi. 

(1)  Sed  sive  mutata ,  sive  ut  ab  eis  suai  dicta  bœc  eadem  tesiimonia 
a  te  sinl  posita  ,  non  magnopeie  curandum  est  ;  nos  enim  Romana  plus 
auctoritate  quam  Hispana ,  veritate  adsertionis  et  fldei  noslrse  fulciri 
drisideraoaus;  licet  nec  illa  reprobemus ,  in  bis  tamen  quse  catbolice 
dicunlur.  Unusquisque  in  boc  se  ret'utandum  sciât,  in  quo  ab  univer- 
sali  dissentit  Ecclesia.  Komana  igitur  Ecclesia  quae  a  catbolicis  et  recte 
credentibus  sequenda  esse  probatur,  se  per  verum  Filium  Dei  et  in 
Missarum  solemuiis ,  et  in  caeteris  quoque  omnibus  scriptis  suis,  vel  in 
epistolis  fateri  solet ,  eum  qui  pro  nostra  sainte  homo  lieri  dignatus 
est,  et  crucis  subire  lormentum.  Alcuinus  contra  Felicem  Vrgelitanum. 
Lib.  Fil.  0pp.  Tom.  II.  pag.  856. 


214  INSTITUTIONS 

porta  les  Evêques  d'Espagoe  à  veiller  sévèrement  sur  la 
pureté  de  la  Liturgie  Gothique ,  et  aujourd'hui  ces  livres  ne 
gardent  plus  aucune  trace  des  erreurs  ou  incorrections 
que  l'on  eut  à  leur  reprocher,  au  huitième  siècle.  Toutefois, 
on  voit  que  Rome  s'en  était  émue;  car  en  918,  Ordogno,  Roi 
de  Léon,  et  Sisenand,  Evéque  de  Compostelle ,  ayant  envoyé 
un  Prêtre  nommé  Jean ,  vers  le  Siège  Apostolique ,  il  s'éleva 
une  discussion  sur  le  Missel  Gothique,  et  il  fallut  le  jugement 
d'un  Concile  romain  tenu  devant  le  Pape ,  et  dans  lequel  on 
examina  soigneusement  les  prières  de  ce  Missel,  pour  en 
certifler  la  pleine  orthodoxie  (1).  Aous  verrons  bientôt  la  sol- 
licitude du  Siège  Apostohque  s'alarmer  encore  des  dangers 
de  cette  Liturgie  particulière  d' une  grande  Eglise,  et  enfin  en 
décréter  l'abolition. 

2"  L'Eglise  Gothique  d'Espagne  qui  fit,  comme  on  vient  de 
le  voir,  une  si  fâcheuse  expérience  des  dangers  qui  mena- 
ceront toujours  l'orthodoxie  d'une  Liturgie  particulière ,  vit 
aussi  s'élever  dans  son  sein  une  fausse  opinion  que  nous 
retrouverons  ailleurs ,  et  dont  l'appUcation  serait  destruc- 
tive du  caractère  traditionnel  de  la  Liturgie.  Le  Concile 
de  Brague  tenu  en  563,  en  son  Canon  douzième,  s'exprimait 
ainsi  :  «  Il  est  ordonné  que  l'on  ne  chantera  dans  l'Eglise 
»  aucune  composhion  poétique  :  rien ,  hors  les  Psaumes  et 
»  les  Ecritures  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  ;  ainsi 
>  que  l'ordonnent  les  saints  Canons  (2).  »  Les  Pères  du  Con- 
cile font  sans  doute  allusion  à  une  disposition  du  Concile  de 

(1)  Baronius.  Aaual.  ad  ann.  918.  Ambros.  3Iorales.  Cliron  Hispaa. 
Lib.  XV.  Cap.  47. 

(2)  Item  placuit  ut  extra  psalmoî,  vel  canouicarum  scripturarum 
novi  et  veteris  testamenli,  nihil  poetice  compositum  in  Ecclesia  psal- 
latur;  sicut  et  saacti  praecipiuat  caaones.  Concil.  Bracar.  Canon.  12. 
Labb.  Tom.  JV. 


LITURGIQUES.  215 

Laodicée,  en  300,  qui  ordonne  de  rejeter  certains  Psaumes 
qui  avaient  été  fabriqués  et  avaient  cours  dans  le  peuple  (I). 
Mais  la  mesure  sage  et  précise  du  Concile  de  Laodicée  n'avait 
rien  de  commun  avec  la  prohibition  vague  et  générale  du 
Concile  de  Brague  qui ,  au  reste ,  n'arrêta  point  les  dévelop- 
pemens  de  la  Liturgie  Gothi(iue  et  qui  fut  énergiquement 
improuvée  par  la  protestation  du  quatrième  Concile  de  To- 
lède ,  dont  voici  les  paroles,  au  Canon  XIII  qui  est  intitulé  De 
non  renuendo  pronuntiare  Ilymnos. 

d  Que  l'on  doive  chanter  des  Hymnes,  nous  avons  pour  cela 
ï  l'exemple  du  Sauveur  et  des  Apôtres  ;  car  le  Seigneur  lui- 
i  même  dit  un  Hymne ,  comme  saint  Matthieu  nous  l'atteste  : 
»  Et  Uxjmno  dicto  ,  exîerunt  in  montem  OUveti  ;  eî  TApjlro 
»  Paul  écrivant  aux  Ephésiens ,  leur  dit  :  Implemini  Splritu , 
j  loquentes  vos  in  psalmis  et  Hymnis  et  canticis  spiritualibus, 
2>  Il  existe,  en  outre,  plusieurs  Hymnes  composées  par  un  art 
»  humain,  pour  célébrer  la  louange  de  Dieu  et  les  triomphes 
»  des  Apôtres  et  des  Martyrs ,  comme  sont  celles  que  les 
»  bienheureux  docteurs  Hilaire  et  Ambroise  ont  mises  au 
»  jour.  Cependant  quelques-uns  réprouvent  ces  Hymnes 
»  parce  qu'elles  ne  font  pas  partie  du  Canon  des  saintes  Ecri- 
j>  tures  et  ne  viennent  pas  de  tradition  apostolique.  Qu'ils 
»  rejetent  donc  aussi  cette  autre  Hymne  composée  par  des 
ï  hommes,  que  nous  disons  chaque  jour,  dans  l'Office  public 
»  et  privé ,  à  la  fin  de  tous  les  Psaumes  :  Gloria  Patri  et  Filio^ 
»  et  Spiritui  Sancto,  in  secula  scculorum.  Amen.  Et  cette  autre 
î  Hymne  que  les  Anges  chantèrent  à  la  naissance  du  Christ 
ï  dans  la  chair  :  Gloria  in  excelsis  Deo  et  in  terra  pax  homi- 
»  nibus  bonœ  voluntatis ,  les  docteurs  ecclésiastiques  n'y 

(1)  De  privatis  et  vulgaribus  psalmis  rejicicndis.  Conc.  Laodic.  Ca 
non  LIX.  Labb.  Tom.  1.  pag.  5008. 


246  INSTITUTIONS 

»  ont-ils  pas  ajouté  une  suite?  Faut-il  donc  qu'on  cesse  de 
ï  la  chanter  dans  les  églises ,  parce  qu'on  ne  trouve  point 
»  cette  suite  dans  les  Ecritures  saintes  ?  On  compose  donc 
»  des  Hymnes ,  comme  on  compose  des  Messes ,  des  Prières 
»  ou  Oraisons ,  des  Recommandations ,  des  Impositions  de 
î  mains  ;  et  si  on  ne  devait  plus  réciter  aucune  de  ces  for- 
j  mules  dans  l'Eglise ,  autant  vaudrait  faire  cesser  les  Offices 
?  ecclésiastiques  (1).  » 

Ce  sage  Canon  vengea  les  véritables  principes  en  matière 
de  Liturgie ,  et  on  ne  voit  pas  que  ce  zèle  indiscret  pour  les 
Ecritures  saintes,  comme  seule  matière  de  la  Liturgie,  se 
soit  permis,  depuis  lors,  en  Espagne,  de  nouvelles  manifes- 
tations. Nous  ne  tarderons  pas  à  le  rencontrer  en  France. 

Nous  nous  sommes  appliqué  dans  les  deux  chapitres  pré- 
cédens  à  recueillir  les  noms  et  les  travaux  des  Liturgistes  de 
l'Eglise  Gothique  d'Espagne  :  nous  aurons  occasion,  dans  la 
suite ,  de  faire  connaître  en  détail  ses  rites  et  ses  Offices. 

Si  nous  passons  maintenant  aux  Iles  Britanniques  pour  y 
explorer  la  Liturgie  qu'on  y  observait,  avant  l'établissement 
du  rite  romain ,  nous  trouvons  de  grandes  difficultés  pour 
donner  quelque  chose  de  certain.  Cette  Liturgie  devait  être 
venue  primitivement  de  Rome,  puisque  la  foi  fut  plantée 
chez  les  Bretons  par  des  Missionnaires  envoyés  ,  au  second 
siècle ,  par  le  Pape  saint  Eîeuthère ,  sur  la  demande  d'un  roi 
de  cette  île ,  nommé  Lucius.  Mais ,  à  cette  époque,  la  Liturgie 
Romaine  devait  être  encore  à  son  enfance  ;  et ,  transplantée 
dans  une  région  si  écartée,  isolée  promptement  de  sa  source, 
elle  avait  dû  subir  plus  d'une  altération ,  ou  au  moins  rece- 
voir quelques  développemens  analogues  aux  mœurs  de  la 
contrée.  Il  y  a  aussi  des  raisons  de  penser  que  la  Liturgie 

(1)  Vid.  la  note  C, 


LITURGIQUES.  217 

Gallicane  aurait  pu  fournir  aussi  ses  formes  plus  ou  moins 
complètes  aux  Eglises  de  ces  iles.  On  sait  que  saint  Patrice , 
saint  Germain  d'Auxerre,  saint  Loup  deTroyes,  qui  ont  eu 
tant  d'influence  sur  les  Eglises  des  Iles  Britanniques ,  étaient 
Gaulois ,  ou  du  moins  avaient  été  élevés  dans  les  Gaules.  La 
question  qu'adressa  saint  Augustin  à  saint  Grégoire,  au  sujet 
de  la  diversité  des  Liturgies ,  et  la  réponse  du  Pape  qui  lui 
permet  d'unir  ensemble  les  rites  Romains  et  Gallicans,  semble 
montrer  assez  clairement  que  saint  Augustin  avait  rencontré 
quelques  vestiges  de  ces  derniers  dans  l'ile  qu'il  évangélisait , 
et  qui,  bien  que  retombée  en  grande  partie  dans  l'idolâtrie, 
par  suite  de  l'invasion  Saxonne ,  gardait  cependant  un  faible 
débris  de  l'ancienne  Eglise  des  Bretons.  Quant  à  l'Irlande 
considérée  à  part ,  Mabillon  pense  que  lorsque  saint  Bernard 
raconte,  dans  la  vie  de  saint  Malachie,  que  ce  grand  Evêque 
changea  les  coutumes  barbares  des  Chrétiens  de  cette  île  pour 
les  usages  Romains,  il  faut  entendre  que  jusqu'alors  on  avait 
conservé  un  rit  particulier  dans  cette  île  (1).  Nous  avons  parlé 
ailleurs  de  l'Antiphonaire  du  monastère  de  Bancor ,  publié 
par  Muralori ,  seul  débris  qui  nous  reste  des  formes  litur- 
giques gardées  anciennement  en  Irlande. 

Il  nous  reste  enfin  à  parler  de  la  Liturgie  Monastique  ou 
Bénédictine.  De  même  que  la  Règle  de  saint  Benoît  remplaça 
presqu'aussitôt  les  Règles  Monastiques  qui  l'avaient  précédée 
en  Occident ,  de  même  aussi  la  forme  d'Office  qui  y  est  établie 
succéda  bientôt  aux  autres  Ordres  de  psalmodie  gardés  jus- 
que-là dans  les  monastères.  Nous  détaillerons  ailleurs  les 
particularités  de  cette  Liturgie  ;  mais  nous  devons  expliquer 
tout  d'abord  les  raisons  de  la  dissemblance  qui  règne  entre 

(1)  De  liturgia  Gallicana.  Lib.  I.  Cap.  II.  Gerbert.  de  Veteri  Liturgia 
Alemannica.  Disquisit.  II.  Gap,  I. 


218  INSTITUTIONS 

la  forme  de  l'Office  monastique  et  celle  des  Offices  de  Rome. 
On  voit  par  le  texte  même  de  la  Règle  de  saint  Rénoît ,  que 
ce  saint  Patriarche  s'est  écarté  à  dessein  des  Usages  Romains, 
comme  lorsqu'il  dit  :  «  Chaque  jour,  on  chantera  à  Laudes, 
ï  un  cantique  tiré  des  Prophètes,  savoir  le  même  que  chante 
j  l'Eglise  Romaine ,  «icwf  psallit  Ecclesia  Romana  (i).  »  Ama- 
laire  Fortunat  dit  à  ce  sujet  :  «  Nous  ne  devons  pas  croire 
s  que  cet  illustre  Père  ait  ainsi  disposé  toutes  ces  choses 
ï  sans  mystère  ;  mais ,  de  même  que  l'Office  des  clercs  ne 
ï  porte  aucun  préjudice  à  celui  des  Moines;  ainsi ,  récipro- 
»  quement,  l'Office  monastique  confirme  celui  des  clercs  (2) .  > 
Walafride  Strabon  nous  donne  la  raison  de  cette  différence 
dans  les  Offices  :  «  C'est  aussi,  dit-il,  un  ordre  d'Offices 
ï  louable  que  celui  qu'a  donnée  aux  Moines  le  Ricnheureux 
»  Père  Benoît ,  lorsqu'il  a  voulu  que  ceux  que  leur  profes- 
ï  sion  sépare  du  reste  des  hommes ,  s'appliquassent  aussi  à 
»  payer,  dans  une  plus  forte  proportion  que  les  autres ,  le  tri- 
»  but  accoutumé  du  divin  service  (5).»  Honoriusd'Autun  ren- 
dant compte ,  à  son  tour,  du  motif  de  cette  divergence^  ajoute 
encore  la  considération  suivante  :  «  Il  faut  savoir,  dit-il,  que 
»  c'est  avec  une  souveraine  sagesse  que  cet  homme  rempli  de 
»  l'esprit  de  tous  les  justes  a  voulu  que  de  même  que  la  vie 

(1)  Reg.  S.  Benedicti.  Cap.  XIII. 

(2)  ?»cquaquain  itaque  fatendum  eit  Lune  lalem  pairem  absque  mys- 
terio  cuncta  disposuisse  :  et  sicut  dericale  officium  monastico  non 
prœjudicat  ;  ita  reciproco  actu  monaslicuin  cléricale  corcprobat.  Jma- 
larius.  De  Officiis  divinis.  Cap.  XLVIIL  D.  Mabillon.  Fet.  Jnalecta. 
Tom.  II.  pag.  96. 

(3)  Est  etiam  ille  ordo  officiorum  laudabilis  quem  beatus  Pater  Bene- 
dictus  monachis  constiluit  observandum ,  scilicet  ut  qui  proposito  a 
cseteris  discernuiitur,  etiam  continuse  servltutis  peuso,  aliquid  amplius 
caeteris  persolvere  studeant.  TFalafrid.  Strabo.  de  Rébus  Ecclesiasticis, 
Cap.  XXV. 


LITURGIQUES.  219 

»  contemplative  est  distinguée  de  la  vie  active  par  l'habit , 

>  elle  en  fût  aussi  distinguée  par  l'Office  divin ,  rendant  plus 

>  reconunandable ,  par  ce  privilège ,  la  religion  de  la  disci- 

>  pline  monastique  (1) .  d  Aussi ,  voyons-nous  que  le  Siège 
Apostolique  a,  dans  tous  les  temps,  sanctionné  la  forme  de 
l'Office  Bénédictin,  comme  un  précieux  reste  de  l'antiquité , 
et  un  monument  de  la  piété  monastique  qui  doit  paraître 
surtout  dans  la  célébration  incessante  des  Offices  divins. 

D'un  autre  côté  ,  l'Ordre  Bénédictin  ,  pour  montrer  son 
attachement  à  l'Eglise  Bomaine ,  s'est  fait  de  bonne  heure 
un  devoir  de  compléter  l'ensemble  de  ses  Offices ,  en  adop- 
tant, avec  les  fêtes  du  Calendrier  Romain ,  toutes  les  pièces 
du  Responsorial  Grégorien  qui  se  trouvaient  compatibles 
avec  la  forme  de  l'Office  monastique  ;  et ,  quant  à  ce  qui 
est  du  saint  Sacrifice  de  la  Messe ,  dans  tous  les  temps  et 
dans  tous  les  lieux,  il  s'y  est  toujours  servi  des  Sacramen- 
taires  et  Antiphonaires  Romains.  Seulement,  on  voit  par  plu- 
sieurs anciens  manuscrits  des  principaux  monastères  de 
l'Europe,  que,  jusqu'à  une  époque  assez  rapprochée,  les 
Sacramentaires  dont  se  servaient  les  Moines,  quoique  formés 
du  Grégorien  pour  la  plus  grande  partie,  avaient  retenu  plu- 
sieurs choses  du  Gèlasien. 

La  Liturgie  Monastique  est  suivie  par  toutes  les  familles  de 
Moines  qui  gardent  la  règle  de  saint  Benoît,  et  sous  ce  nom  il 

(I)  Quaeritur  cur  sanctus  Benedictus  aliter  monachis  horas  ordina- 
verit ,  quam  mos  Ecclesiae  habuerit ,  vel  cur  praDcipuus  Apostolicoruia 
Gregorius  hoc  sua  auctoritate  probaverit.  Sed  sciendum  est  hoc  sapieu- 
tissima  dispositioue  provisuni,  utpoto  a  viro  pleno  Spiritu  omnium 
justorum ,  scilicet  ut  contemplativa  vita ,  sicut  habitu,  ita  etiam  officie 
ab  activa  discerneretur ,  et  monasticai  disciplinae  religio  hoc  privi- 
légie commeudaretur.  Honorius  Augu&todun.  Gemma  animœ.  Lib.  II. 
Cap.  LXF. 


220  INSTITUTIONS 

faut  entendre ,  non  seulement  les  Moines  Xoii's  proprement 
dits,  mais  encore  les  Camaldules,  les  Cisterciens,  les  Oli- 
vétains  ,  ceux  de  Vallombreuse ,  les  Céleslins  et  même  les 
Chartreux ,  quoique  ces  derniers  aient  retenu  plusieurs  cou- 
tumes qui  leur  sont  propres. 

Nous  concluerons  ce  chapitre  en  faisant  ressortir,  suivant 
notre  usage ,  les  inductions  qui  se  présentent  à  la  suite  des 
faits  qui  y  sont  énoncés. 

En  premier  lieu  ,  on  voit  qu'il  y  a  eu  dans  l'Occident  plu- 
sieurs Liturgies  plus  ou  moins  différentes  de  la  Liturgie  Ro- 
maine, et  qu'il  y  en  a  même  encore  quelques-unes  ;  mais  que 
ces  Liturgies  remontent  à  une  haute  antiquité  ; 

En  second  lieu ,  que  ces  Liturgies  particulières  ont  tou- 
jours tendu  à  se  fondre  plus  ou  moins  dans  la  Romaine  ; 

En  troisième  lieu ,  que  leur  qualité  de  Liturgies  particu- 
lières les  a  souvent  exposées  au  danger  de  l'altération  et  de 
la  corruption  ; 

En  quatrième  lieu,  que  c'est  une  idée  fausse  et  contra- 
dictoire, en  matière  de  Liturgie  ,  que  de  prétendre  n'em- 
ployer dans  les  Offices  divins  que  les  seules  paroles  des  saintes 
Ecritures,  à  l'exclusion  du  langage  de  la  tradition  ; 

En  cinquième  lieu ,  que  dans  toutes  les  églises,  la  Liturgie  a 
toujours  été  considérée  comme  une  chose  capitale ,  à  la- 
quelle le  clergé  et  le  peuple  prenaient  le  plus  ardent  intérêt  ; 
en  sorte  qu'on  n'y  pouvait  toucher,  sans  exciter  des  troubles 
considérables. 


LITURGIQUES.  221 


NOTES  DU  CHAPITRE  VIII. 

NOTE  A. 

Extrait  d'une  lettre  de  saint  Charles  Borromée ,  à  3Ionseigneur  César 
Speciano,  Protonotaire  Apostolique ,  à  Rome.  (Lebrun.  Explication 
dela3Iesse.  Tom.  II.) 

M.  R.  S.  Je  dois  avoir  et  je  conserve  tant  de  respect  pour  notre 
Saint-Père,  qu'il  peut  être  assuré  que  je  prendrai  toujours  en  bonne 
part  tout  ce  qu'il  aura  ordonné  ;  je  me  sens  pourtant  obligé  de  lui  re- 
présenter combien  serait  opposé  au  service  de  Dieu  ce  que  je  vois  qui 
résulterait  de  la  résolution  qu'on  a  extorquée  avec  peu  de  sincérité, 
et  par  des  vues  peu  conformes  à  la  bonne  volonté  de  Sa  Sainteté.  Je  dis 
ceci  à  l'occasion  du  bref  accordé ,  comme  vous  me  le  marquez ,  au  gou- 
verneur, pour  faire  dire  la  Messe  selon  le  rit  Romain  dans  toutes  les 
églises  oii  il  ira.  Si  notre  Saint-Père  ne  remédie  à  cette  concession , 
je  suis  persuadé  qu'elle  produira  beaucoup  d'inconvéniens  que  vous 
pouvez  prévoir  vous-même ,  à  cause  de  l'usage  qu'il  pourra  faire  de  la 
permission  qu'il  a  obtenue  après  tant  d'empressement. 

Il  y  a  dans  cette  ville  un  grand  nombre  d'Eglises  de  Réguliers  oii 
l'on  peut  entendre  la  Messe  à  l'usage  de  Rome.  Sa  Sainteté  lui  avait 
déjà  permis  de  la  faire  dire  dans  sa  chapelle,  et  je  ne  lui  ai  jamais  refusé 
une  semblable  permissio».  Qu'est-ce  qui  l'a  pu  porter  présentement 
h  abuser  de  la  bonté  de  Sa  Sainteté  pour  obtenir  une  chose  qu'il  ne 
s'était  jamais  avisé  de  demander  depuis  tant  d'années  qu'il  est  gouver- 
neur, non  plus  que  ses  prédécesseurs ,  ni  le  Roi,  ni  les  Souverains  de 
cet  Etat ,  ni  môme  les  Lég  its  qui  ont  passé  par  ici ,  ou  qui  y  ont  de- 
meuré, autant  que  je  puis  le  savoir?  Je  puis  citer  un  exemple  dont  j'ai 
été  témoin ,  c'est  celui  du  cardinal  Moroni  qui ,  quoique  Légat  avec 
une  pleins  autorité ,  étant  venu  au  Dôme ,  entendit  une  Messe  basse 
suivant  le  rit  Ambrosien;  et  le  Visiteur  Apostolique  n'y  a  jamais  dit  la 
Messe ,  pour  ne  pas  introduire  dans  cette  église  un  usage  dilférent  de 
celui  qui  est  si  ancien. 

Quand  il  a  été  nécessaire  pour  la  commodité  des  Prêtres  étrangers, 
ou  des  religieux  qui  faisaient  la  quête ,  je  leur  ai  facilement  accordé  de 
dire  la  Messe  suivant  leur  rit  dans  les  lieux  du  Diocèse  où  il  n'y  a  ni 
Eglise,  ni  chapelle  du  rit  Romain,  et  quoicjuc  je  l'aie  fait  avec  reslric- 


1 


222  INSTITUTIONS 

tion,  cela  n'a  pas  laissé  de  causer  quelquefois  des  murmures  et  du  dé-  ^ 
plaisir  au  clergé.  Lorsqu'une  fois  je  permis  delà  dire  dans  l'Eglise  de  M 
Saint-Ambroise  de  Milan  pour  favoriser  la  dévotion  d'un  religieux,  qui 
ne  devait  la  dire  que  dans  une  chapelle  obscure  et  secrète  ,  on  en  fit 
tant  de  bruit  et  il  y  eut  tant  da  dépositions  ,  que  je  fus  d'abord  obligé 
de  la  révoquer ,  en  sorte  qu'elle  n'eut  aucun  effet. 

Je  laisse  k  juger  ce  que  produirait  cette  permission  accordée  à  ua 
magistrat  aussi  considérable  qu'est  le  gouverneur ,  qui ,  sans  aucun 
besoin ,  s'en  servirait  dans  les  principales  Eglises  de  la  ville  oîi  il  a  ac- 
coutumé d'aller  accompagné  d'un  grand  nombre  de  personnes ,  parti- 
culièrement les  jours  de  fêtes  et  lorsqu'il  y  a  musique Vous  parlerez 

à  notre  Saint-Père  conformément  à  cette  lettre,  afin  qu'il  remédie  à 
cette  concession 

De  la  Vallée  de  Gerça ,  le  12  novembre  1S78. 

NOTE  B. 

Cœtus  honorifici  decus  et  gradus  ordinis  ampli , 

Quos  colo  corde ,  fide ,  religione  patres  : 
Jam  dudum  obliti  desueto  carminé  plectri , 

Cogitis  antiquam  me  renovare  lyram. 
En  stupidis  digitis  slimulalis  tangere  chordas , 

Cum  milii  non  solito  currat  in  arte  manus. 
Scabrida  nunc  resonat  mea  lingua  rubigine  verba. 

Exit  et  incompto  raucus  ab  ore  fragor. 
Vix  dabit  iu  veieri  ferrugine  cotis  acumen , 

Aut  fumo  infecto  splendet  in  aère  color. 
Sed  quia  dulcedo  pulsans  quasi  malleus  instat , 

Et  velut  incude  cura  relisa  terit. 
Pectoris  atque  mei  succenditis  igné  caminum 

Unde  ministratur  cordis  in  arce  vapor  ; 
Obsequor  hinc ,  quia  me  veluli  fornace  recoclo  , 

Ariis  ad  officium  vester  adegit  amor. 
Celsa  Parisiaci  cleri  reverentia  pollens, 

Ecclesiîe  genium ,  gloria,  munus,  honor. 
Carminé  Davidico  divina  poemala"pangens, 

Cursibus  assiduis  dulce  revolvit  opus. 
Inde  sacerdotes,  Leviticus  hinc  micat  ordo, 

lUos  canities ,  hos  stola  pulchra  tegit. 
mis  pallor  inest ,  rubor  his  in  vultibus  errât , 
Et  candent  rutilis  lilia  mixta  rosis. 


LITURGIQUES.  225 

llli  jam  senio ,  sed  et  bi  bene  vestibus  albent , 

Ut  placeat  summo  picta  coroaa  Deo. 
In  medio  Gcrmaiius  adest,  autistes  honore. 

Qui  régit  hinc  juvenes ,  subrigit  inde  senes. 
Levitac  prœeunt;  sequitur  gravis  ordo  ducatum  ; 

Hos  gradiendo  movet,  hosmoderando  trahit. 
Ipse  tacneu  sensim  incedit ,  velut  alter  Aaron  ; 

Non  de  veste  nitens,  sed  pietate  placens. 
Non  lapides,  coccus  cidarim,  aurum,  purpura,  byssus, 

Exornant  humeros ,  sed  micat  aima  fides. 
Iste  salis  melior  vetcri  quam  legc  sacerdos, 

Hic  quia  vera  colit ,  quod  prius  umbra  fuit. 
Magna  futura  putans,  praîseutia  cuncla  refellens , 

Antea  carne  carens,  quam  caro  fine  ruens. 
Sollicilus ,  quemquam  ne  dévorât  ira  luporum , 

CoUigit  ad  caulas  pastor  opimus  oves. 
Assiduis  monitis  ad  pascua  salsa  vocatus  , 

Grex  vocem  agnosceas ,  currit  amore  sequax. 
Miles  ad  arma  celer,  signum  mox  tianit  in  aures, 

Erigit  excusso  membra  sopore  toro. 
Advolat  ante  alios ,  mysteria  sacra  requirens, 

Undique  quisque  suo  templa  petenda  loco. 
Flagranti  studio  populum  domus  irrigat  omnem , 

Certatimque  monent ,  quis  prior  ire  valet. 
Pervigiles  noctes  ad  prima  crepuscula  jungens , 

Construit  angelicos  turba  verenda  choros. 
Gressibus  exertis  in  opus  venerabile  constans , 

Vim  factura  polo ,  cantibus  arma  movet. 
Slaiûina  psalterii  lyrico  modulamiae  texeus , 

Versibus  orditum  carmen  amore  trahit. 
Hinc  puer  exiguis  attemperat  organa  cannis, 

Inde  senox  largam  ructat  ab  ore  lubam. 
Cynabalicœ  voces  calamis  miscentur  acutis , 

Disparibusque  tropis  fistula  dulce  sonat. 
Tympana  rauca  senura  puerilis  tibia  mulcet , 

Atque  hominum  reparant  verba  canora  lyrara, 
Leniter  iste  trahit  modulus ,  rapit  alacer  ille , 

Sexus  et  œtatis  sic  varia lur  opus. 
Triticeas  fruges  fervens  terit  arca  Chrisll, 

Horrea  quandoquidem  construitura  Dei. 
Voce  Creatoris  reminisceas  esse  bpa'os, 


224  INSTITUTIONS 

Quos  Domiaus  vigiles ,  dum  redit  ipse ,  videt. 
In  quorum  meritis  ,  animo,  virtute,  fideque, 

Tegmine  corporeo  lumina  quanta  latent! 
Poutificis  monitis  clerus,  plebs  psallit  et  infans, 

Unde  labore  brevi  fruge  replendus  erit. 
Sub  duce  Germano  felix  exercitus  hic  est, 

Moses ,  tende  manus ,  et  tua  castra  juva. 

renantii  Fortunati  opéra.  Lib.  II.  Caput  XIII.  Edit.  Luclti. 
KOTE  C. 

De  hymuis  etiam  canendis  ,  et  Salvatoris  et  Apostolorum  babemus 
exeniplum  :  nara  et  ipse  Dominus  hymnum  dixisse  perhibetur,  MattLœo 
Evangelista  testante  :  Et  liymno  dicto ,  exierunt  in  montem  Oliveti. 
(Matth.  26).  Et  Paulus  Apostolus  ad  Ephesios  scripsit ,  dicens:  Im- 
plemini  Spiritu,  loquentesvos  in  psalmis ,  etinjmnis,  et  canticis  spiri- 
tualibus  (Eplics.  5/  Et  quia  nonnulli  hymni  humano  studio  in  laudem 
Dei ,  alque  Apostolorum  et  Martyrum  triumphos  compositi  esse  nos- 
cuntur,  sicut  hi  quos  bealissimi  Doctores  Hilarius  alque  Ambrosius 
edideruut,  quos  tamen  quidam  specialiter  reprobant ,  pro  eo  quod  de 
scripturis  sanciorum  cauoaum,  Tel  apostolica  traditione  non  existunt; 
respuant  ergo  et  illum  bymaum  ab  hominibus  compositum,  quem  quo- 
tidie  publico  privatoque  Oflicio  ,  in  fine  omnium  psalmorum  dicimus  : 
Gloria  et  honor  Patri,  et  Filio,  et  Spiiitui  sancto ,  in  secula  seculorum. 
jimen.  Nam  et  ille  hymnus ,  quem ,  nato  in  carne  Christo ,  Angeli  ceci- 
nerunt:  Gloria  in  excelsis  Deo ,  et  in  terra  pax  hominibus  bonœ  volun" 
tatis;  reliqua  quae  ibi  sequuntur ,  ecclesiastici  Doctores  composuerunt. 
Ergo  nec  idem  in  Ecclesiis  canendus  est ,  quia  in  scripturarum  sanc- 
tarum  libris  non  invenitur.  Componuntur  ergo  hymni ,  sicut  compo- 
nuniur  Jlissae,  sive  preces  vel  orationes,  sive  commendationes,  seu 
manus  impositiones:  ex  quibus  si  nuUa  dicantur  in  Ecclesia ,  vacant 
OÛicia  omnia  ecclesiastica.  Concil.Toletanum  IF.  Canon.  XIII. 


HTUIIGIQUES.  225 


CHAPITRE  IX. 

AUTRE  DIGRESSION  :  SUPx  l'iiISTOIRE  DES  LITURGIES  ORIEN- 
TALES :  —  GRECQUE  MELCIUTE  ;  —  COPTE  ,  ÉTIIIOPIENKE  , 
SYRIENNE  ,  ARMÉNIENNE  ,  POUR  LA  SECTE  MONOPIIYSITE  ;  — 
COPTE,  SYRIENNE,  ARMÉNIENNE  UNIES;  —  MARONITE;  —  ET 
ClIALDÉENNE,  POUR  LA  SECTE  NESTORIENNE. 

Les  Liturgies  des  Eglises  de  l'Orient  offrent  à  l'observa* 
leur  un  spectacle  bien  différent  de  celui  que  lui  présentent 
les  Liturgies  de  l'Occident.  Déjà  notre  histoire  est  arrivée  au 
neuvième  siècle,  et  les  progrès  de  la  Liturgie  dans  l'Eglise 
Latine ,  loin  de  s'arrêter ,  promettent  de  s'étendre  et  de  se 
développer  dans  les  siècles  suiyans  :  dans  l'Eglise  Orientale , 
au  contraii'e ,  dès  le  neuvième  siècle ,  tout  s'apprête  à  finir 
pour  la  Liturgie ,  comme  pour  l'unité  et  la  dignité  du  Chris- 
tianisme. 

Cependant  le  point  de  départ  de  la  Liturgie  dans  l'Orient 
fut  imposant  :  elle  commença,  comme  Liturgie  chrétienne,  à 
Jérusalem,  non  seulement  par  les  actes  et  les  paroles  du 
Rédempteur  des  hommes ,  mais  encore  par  les  ordonnances 
des  Apôtres  qui  fixèrent,  ainsi  que  nous  l'avons  dit ,  la  forme 
dans  laquelle  devaient  être  célébrés  les  .Mystères  Chrétiens. 

Devant  traiter,  dans  une  des  divisions  spéciales  de  cet  ou- 
vrage ,  tout  ce  qui  a  rapport  aux.  Livres  Liturgiques  de 
toutes  les  Eglises,  nous  ne  ferons  ici  qu'une  brève  énu- 
mération  des  diverses  formes  usitées  dans  les  Eglises  Orien- 
tales, pour  les  Onices  divins. 

D'abord ,  viennent  les  Liturgies  Apostoliques.  Celle  attri- 
i.  1.  lii 


226  INSTITUTIONS 

buée  à  sainl  Jacques  est  la  principale  et  la  plus  auilienlique , 
au  moins  dans  lagénéralilc  de  sa  teneur.  Elle  fut  long-temps 
suivie  dans  l'Eglise  de  Jérusalem,  à  l'exclusion  de  toute 
autre ,  et  l'on  voit  assez  clairement  que  c'est  cette  Liturgie 
que  saint  Cyrille  explique  dans  ses  Catéchèses.  Il  paraît  dé- 
montré que  l'Eglise  de  Jérusalem  la  gardait  encore  au  neu- 
vième siècle,  puisque  Charles-le-Chauve,  dans  une  lettre  au 
clergé  de  Ravenne ,  atteste  avoir  fait  célébrer  eu  sa  présence 
les  saints  Mystères ,  suivant  la  Liturgie  de  Jérusalem ,  com- 
posée par  l'Apôtre  saint  Jacques.  Depuis  lors,  l'autorité  du 
Patriarche  de  Constantinople  a  interdit ,  même  à  Jérusalem, 
l'usage  de  cette  Liturgie,  hors  le  25  d'octobre ,  jour  où  cette 
Eglise  célèbre  la  fête  de  saint  Jacques.  Tous  les  autres  jours 
de  l'année ,  on  doit  employer  les  Liturgies  usitées  à  Constan- 
tinople ,  et  dont  nous  allons  parler  bientôt. 

L'EgUse  d'Antioche,  dans  l'origine,  dut  se  servir  d'une 
forme  Liturgique  instituée  par  saint  Pierre,  puisque  le  Prince 
des  Apôtres  fut  le  premier  Evèque  de  cette  ville.  Cette  Litur- 
gie de  saint  Pierre  n'était-elle  point  la  même  que  celle  de 
saint  Jacques?  si  elle  en  différait ,  quelle  était  sa  forme  ?  Ces 
questions  sont  aujourd'hui  devenues  à  peu  près  insolubles. 
Il  est  vrai  que  les  Jacobitcs  de  Syrie,  qui  ont  dans  leurs  livres 
un  grand  nombre  de  Liturgies  ou  Anaplwres,  en  ont  mie 
qui  porte  le  nom  de  saint  Pierre  :  mais  l'autorité  de  ces  sec- 
taires est  complètement  nulle  en  matière  de  critique. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  Patriarche  Melchite  d'Antioche,  ainsi 
que  tout  le  clergé  de  son  ressort ,  est  contraint  de  suivre , 
comme  celui  de  Jérusalem,  la  Liturgie  de  Constantinople, 
au  moins  depuis  le  douzième  siècle.  Nous  rappellerons  ici 
l'origine  du  nom  de  Melchite.  Après  la  condamnation  de 
Dioscore,  patron  du  Monoplivsisnie,  dans  le  Concile  de Chal- 
cédoine,  il  .s'éleva  enlre  les  Catholiques  d'Aie:ùuidiie  et 


LITURGIQUES.  227 

d'Anlioclio  cl  les  disciples  d'Eiilychès ,  un  scliisme  violent 
qui  dure  encore.  Les  Monopliysites  donnèrent  aux  Catho- 
liques le  nom  de  MelchUes ,  ibrnié  de  l'arabe  Melek,  (j[ui 
signifie  Partisans  du  Prince  ^  parce  qu'ils  se  conformaient  à 
redit  de  l'Empereur  Marcien  pour  la  publication  et  la  ré- 
ception du  Concile  de  Chalcédoinc.  Long-temps,  ce  nom  de 
Melchitcs  a  été  le  synonyme  d'Orthodoxe  :  depuis  le  schisme 
Grec,  il  ne  désigne  plus  que  les  Grecs  qui  sont  unis  au  Pa- 
triarche de  Constantinople.  Aujourd'hui ,  la  ville  d'Antioche 
ayant  été  presque  entièrement  détruite,  soit  par  les  guerres, 
soit  par  les  trembîemens  de  terre ,  le  Palriarche  Melchite  a 
transféré  son  siège  à  Damas.  Mais  telle  est  l'ignorance  et  la 
dégradation  du  clergé  de  ce  Patriarcal,  que  l'on  est  obligé, 
dans  un  grand  nombre  d'Eglises ,  de  traduire  la  Liturgie  du 
Grec  en  Arabe,  non  seulement  pour  l'usage  du  peuple, 
mais  afin  que  les  clercs  puissent  en  lire  et  en  comprendre 
les  paroles. 

L'Eglise  d'Alexandrie,  fondée  par  saint  Marc ,  s'est  servie, 
dans  l'antiquité,  d'une  Liturgie  qui  porte  le  nom  de  cet  Evan- 
géliste ,  et  qui  a  été  complétée  par  saint  Cyrille.  Depuis  le 
douzième  siècle ,  l'usage  de  celte  Liturgie  est  entièrement 
aboli  dans  les  Eglises  qui  dépendent  du  Patriarche  Melchite 
d'Alexandrie.  Ce  Patriarche ,  qui  réside  au  Grand-Caire ,  est 
astreint ,  ainsi  que  tout  son  clergé ,  à  la  Liturgie  de  Constan- 
tinople. 

Enfin ,  le  siège  principal  de  l'Eglise  Grecque  Melchite,  la 
nouvelle  Rome,  Constantinople,  qui  fait  subir  le  joug  de  sa 
Liturgie  aux  Eglises  qui  lui  sont  restées  fidèles,  ne  connaît 
que  deux  Liturgies ,  au  moyen  desquelles  elle  célèbre  le  ser- 
vice divin  toute  l'année.  La  première ,  appelée  la  Liturgie  de 
saint  Jean-Chrysostôme,  sert  tousles  jours,  sauf  les  exceplions 
ci-après  ;  c'est  la  seule  qui  contienne  l'ordre  de  la  Messe  et  les 


228  INSTITUTIONS 

Rubriques.  La  seconde,  qui  est  celle  de  saint  Basile,  est  eh 
usage  seulement  la  vigile  de  Noël,  la  vigile  des  Lumières  (  ou 
de  l'Epiphanie) ,  les  Dimanches  du  Carême,  sauf  le  Dimanche 
des  Rameaux;  la  sainte  et  grande  Férié  { ou  le  Jeudi-Saint  )  ; 
le  Samedi-Saint,  et  enQn  le  jour  de  la  Fête  de  saint  Basile. 
Elle  est  plus  longue  que  la  pi-emière  ;  mais  elle  ne  contient 
pas  l'ordre  de  la  Messe  et  les  Rubriques  :  on  les  prend  dans 
la  Liturgie  de  saint  Chrysostôme.  Ce  saint  Docteur  n'est  point 
l'auteur  de  la  Liturgie  qui  porte  son  nom  :  il  paraît  même 
qu'on  l'a  appelée,  jusque  dans  le  sixième  siècle,  la  Liturgie 
des  Apôtres.  Quant  à  celle  qui  est  connue  sous  le  nom  de 
saint  Basile ,  il  est  mieux  prouvé  qu'elle  appartient  à  ce  saint 
Docteur. 

Le  premier  monument  dans  lequel  on  trouve  la  manifes- 
tation du  pouvoir  du  Patriarche  de  Conslantinople  sur  la 
Liturgie  des  autres  Eglises  Palriarchales  Melchites,  est  un 
passage  de  Théodore  Balsamon,  au  livre  cinquième  de  son 
Droit  Gréco-Romain.  Ce  jurisconsulte,  membre  distingué  de 
l'Eglise  de  Constantinople ,  fut  promu  au  siège  d'Anlioche 
en  1 186.  Il  raconte  que  Marc ,  Patriarche  d'Alexandrie,  étant 
venu  à  Constantinople ,  prétendit  célébrer  les  saints  Mystères 
suivant  une  Liturgie  particulière ,  et  que  lui,  Balsamon,  en 
présence  de  l'Empereur ,  disputa  contre  Marc ,  et  soutint 
comme  une  vérité  incontestable  :  «  Que  toutes  les  Eglises  de 
j»  Dieu  devaient  suivre  la  coutume  de  la  nouvelle  Rome ,  et 
»  célébrer  le  Sacrifice  suivant  la  tradition  des  grands  Doc- 
»  teurset  Luminaires  de  la  piété,  saint  Jcan-Chrysostômc  et 
»  saint  Basile  (1).  » 

(1)  Quaproptcr  omnies  Eccleskc  Dei  sequi  debent  morem  novae 
horase,  nimirum  Constantinopoli^,  ot  sacra  celebrare  juxta  tradilioneni 
magiiorum  doclorura,  et  luiniaariam  pielatis  saacti  Joauiii^  Ohrysos- 
igiuicUau'.li  Ba^ilii.  Bulsamon,  Jurii  Cnvc  lioin.  iib.  r,  t'wjelijô. 


LITURGIQUES.  :229 

Non  soiilomolU  la  Lilnrgic  proprement  dite,  c'est-à-dire 
la  forme  et  les  prières  de  la  Messe ,  à  l'usage  de  l'Eglise  de 
Cloiislanlinople,  est  suivie  dans  toutes  les  Eglises  Melchiles, 
mais  encore  les  livres  des  Offices  divins  dont  on  se  sert  à 
donstantinople  pour  la  célébration  des  Fêles  de  l'année  chré- 
tienne, sont  les  seuls  qui  soient  ert  usage  dans  les  Patriar- 
cats d'Alexandrie  ,  d'Antioche  et  de  Jérusalem.  L'influence 
de  la  Liturgie  do  Constanlinoplc  s'est  môme  étendue  au- 
delà  des  limites  trop  restreintes  de  ces  Eglises.  C'est  elle  que 
suivent  encore  non  seulement  les  Eglises  schismatiques  de  la 
Servie,  de  l'Albanie,  de  la  Géorgie  et  de  laMingrélie,  mais 
même  toutes  les  Eglises  du  rit  grec  uni ,  ou  non  uni  qui 
se  rencontrent  en  Occident,  à  Rome  même,  à  Venise,  dans 
la  Fouille,  la  Calabre,  la  Sicile,  la  Corse,  la  Hongrie,  la 
Pologne,  la  Lithuanie ,  etc. 

Mais,  de  toutes  les  Eglises  du  rit  grec  de  Constantinople, 
la  plus  importante  et  la  plus  nombreuse  est  celle  de  P»ussie. 
Fondée  au  dixième  siècle  par  des  Missionnaires  partis  de 
Constanlinoplc,  elle  fut  d'abord  sous  l'obéissance  d'un  Mé- 
tropolitain résidant  à  Kiow,  et  institué  par  le  Patriarche  de 
lu  nouvelle  Rome.  A  cette  époque ,  le  schisme  avec  les  La- 
tins n'éiait  pas  encore  entièrement  consommé.  L'Eglise  de 
Russie  suivit  malheureusement  la  ligne  que  lui  traçait  sa 
mère  ;  en  attendant  le  jour  où ,  pour  complaire  à  un  Tzar, 
elle  trouverait  à  propos  de  renier  celle  mère ,  comme  celle-ci 
avait  renié  Y  ancienne  Rome.  On  sait  (|uc  Pierre-le-Grand  sup- 
prima ,  de  sa  propre  autorité ,  le  titre  et  la  dignité  de  Chef 
ecclésiastique  de  l'Eglise  Russe,  que  le  Patriarche  de  Constan- 
tinople, en  1588 ,  avait  transférés  de  Kiow  à  Moscou,  avec  la 
qualité  et  les  honneurs  de  cinquième  Palriarche ,  siégeant 
après  celui  de  Jérusalem.  L'Eglise  Russe  n'opposa  aucune  ré- 
sistance à  la  volonté  du  Tzar  :  elle  consentit  à  ne  plus  relever 


INSTITUTIONS 

que  d'un  synode  de  Prélats  nommés  par  lui  :  toutefois,  en 
brisant  le  lien  de  la  subordination  à  l'égard  de  l'Eglise  de 
Constantinople,  elle  en  a  gardé  la  Liturgie  ,  mais  traduite  en 
langue  Slavonne.  C'est  aussi  dans  cette  langue  que  l'emploient 
les  Eglises  Grecques  unies  ou  schisrnaiiques  de  la  Litiuianie , 
de  la  Pologne ,  de  la  Hongrie ,  etc. 

Si  nous  en  venons  maintenant  à  rechercher  les  Liturgies  des 
Eglises  d'Orient  qui  ne  reconnaissent  point  l'autorité  des 
Patriarches  Mdchites ,  nous  trouvons  d'abord  celles  dont  se 
servent  les  Coptes ,  qui  vivent  sous  la  juridiction  du  Pa- 
triarche Jacobite  d'Alexandrie.  Ou  sait  que  l'Eglise  Copte  est 
un  débris  encore  considérable  de  l'hérésie  des  .Monophysites. 
Ces  Liturgies  sont  :  celle  dite  de  saint  Grégoire  de  Nazianze, 
dont  ils  se  servent  aux  Fêtes  de  Notre-Seigneur  et  dans  les 
jours  les  plus  solennels  ;  celle  de  saint  Cyrille ,  qui  est  en 
usage  durant  le  Carême  et  l'Âvent ,  et  pour  la  Commémora- 
lion  des  Défunts  ;  celle  enfin  de  saint  Basile ,  qu'ils  emploient 
aux  autres  jours  de  l'année.  Ces  Liturgies  sont  traduites  en 
langue  Copte,  et  telle  est  l'ignorance  du  clergé  Jacobite ,  que 
les  livres  qui  les  contiennent,  pour  l'usage  de  l'autel,  ont 
une  version  arabe  en  regard  du  texte  copte,  qui  n'est 
presque  jamais  entendu  des  Prêtres. 

L'Eglise  Ethiopienne,  ou  Abyssinienne,  fondée  au  qua- 
trième siècle,  par  saint  Frumence,  envoyé  d'Alexandrie  par 
saint  Athanase ,  après  s'être  préservée  de  l'Arianisme ,  eut , 
au  cinquième  siècle ,  le  malheur  de  tomber  dans  le  Mono- 
physisme  ,  et ,  depuis  lors ,  elle  y  est  restée  plongée.  Elle  n'a 
qu'un  seul  Evoque  qui  a  le  titre  de  Métropolitain ,  et  reçoit 
son  institution  du  Patriarche  Jacobite  d'Alexandrie,  résidant 
au  Grand-Caire.  Outre  les  trois  Liturgies  des  Copies  dont 
nous  venons  de  parler,  les  Ethiopiens  en  emploient  dix 
autres ,  savoir  de  saint  Jean  l'Evangéliste ,  de  saint  Matthieu , 


MTURGIQUES.  25i 

iloâ  (rois  ocnl  ilix-lmil  Pères  Orlliodoxos,  de  Sîiint  Fpipliane, 
(le  Jacques  do  Sanig,  de  saint  Jean-Ciirysoslùme,  une  inli- 
lulée  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ ,  des  saints  Apôtres,  de 
Cyriaque,  enfin  de  l'impie  Dioscore.  Ces  Liturgies  sont  en 
langue  éthiopienne,  dialecte  qui  diffère  de  l'arabe  vulgaire. 

Outre  les  Copies  et  leur  patriarchat  Jacobite  d'Alexan- 
drie, la  secte  Monophysite  compte  encore  de  nombreux 
adliérens  en  Syrie ,  et  y  vit  sous  la  juridiction  d'un  prétendu 
Patriarche  d'Antioche  qui  réside  dans  un  monastère  nommé 
Saphran,  à  deux  journées  de  Diarbckir.  Cette  branche  d'Eu- 
lychiens  se  sert  principalement  de  la  Liturgie  de  saint 
Jacques  :  mais  on  trouve  dans  leurs  livres  un  bien  plus 
grand  nombre  d'autres  Liturgies.  On  en  compte  au-delà 
de  trente ,  la  plupart  composées  par  les  coryphées  du  Mo- 
nophysisme,  tels  que  Jacques  d'Edesse  et  Philoxène.  Ces 
Liturgies  sont  généralement  en  langue  syriaque. 

La  troisième  Eglise  infectée  de  l'Eulychianisme ,  après 
celle  des  Coptes  et  celle  des  Syriens,  est  l'Eglise  des  Armé- 
niens. Elle  est  présidée  par  un  Patriarche  qui  porte  le  titre 
de  Cathohque  et  réside  à  Edchmiatsin ,  près  d'Erivan.  Trois 
autres  Patriarches  inférieurs  viennent  après  lui ,  savoir  ceux 
de  Sys  en  Ciiicie ,  de  Cachabar  et  d'Achtamar  dans  l'Asie- 
Mineure.  L'Eglise  Arménienne  a  une  Liturgie  qui  lui  est  par- 
ticulière. C'est  un  coroposé ,  en  langue  arménienne ,  de 
diverses  prières  extraites  des  Liturgies  grecques ,  et  qui  sont 
môme  restées  sous  les  noms  de  saint  liasile,  de  saint  Alha- 
nase  et  de  saint  Jean-Chrysoslùme.  Le  reste  apparlicnl  exclu- 
sivement à  TEgiise  Arménienne ,  et  l'on  ne  peut  disconvenir 
que  cette  Liturgie,  qui  est  écrite  dans  la  langue  nationale, 
ne  soit  d'une  grande  beauté. 

Parmi  les  Coptes ,  les  Syriens  et  les  Arméniens,  on  compte 
\\n  certain  nombre  de  Catholiques  qui  reconnaissent  la  dis-. 


232  INSTITUTIONS 

linclion  des  doux  nnl lires  en  Jésus-Clirist  ei  sont  soumis  à 
l'autorité  du  Siège  Apostolique.  Ils  observent  la  Liturgie  en 
usage  dans  leur  nation ,  sauf  les  changemens  qui  ont  été  or- 
donnés à  Rome  ,  pour  assurer  l'orthodoxie. 

N'ous  ne  devons  pas  non  plus  passer  sous  silence  la  petite 
nation  des  Maronites,  paisibles  habitans  du  mont  Liban ,  qui, 
après  avoir  suivi  les  erreurs  du  itonophysisme  et  du  Mono- 
thélisme,les  abjurèrent,  au  douzième  siècle, pour  embras- 
ser la  foi  de  l'Egliso  Romaine,  à  laquelle  depuis  lors  ils  sont 
restés  inviolablement  attachés.  Ils  sont  régis  par  un  Pa- 
triarche qui  reçoit  de  Rome  le  Pallium.  Leurs  Liturgies  qui 
sont  en  langue  Syriaque ,  ont  été  imprimées  à  Rome  pour 
leur  usage  et  sont  au  nombre  de  quatorze ,  savoir,  de  saint 
Xyste,  Pape  de  Rome ,  de  saint  Jean-Chrysostôme  ,  de  saint 
Jean  l'Evangéliste ,  de  saint  Pierre ,  prince  des  Apôtres  ,  des 
douze  Apôtres,  de  saint  Denys ,  disciple  de  saint  Paul  (1) ,  de 
saint  Cyrille,  de  saint  Mathieu,  pasteur,  de  JeanBarsusan  , 
de  saint  Eustache,  de  saint  Maruthas,  de  saint  Jacques, 
frère  du  Seigneur ,  de  saint  Marc,  et  une  seconde  de  saint 
Pierre. 

Outre  les  Liturgies  qui  sont,  à  proprement  parler,  les 
prières  de  l'autel ,  les  diverses  églises  que  nous  venons  de 
nommer  ont  d'autres  livres  pour  les  Offices  divins  et  la  célé- 
bration des  fêtes ,  lesquels  s'écartent  en  beaucoup  de  choses 
de  ceux  de  l'Eglise  Melchite,  bien  qu'ils  conservent  avec 
ces  derniers  certains  rapports  dans  le  style ,  et  la  forme  des 
prières. 

Il  nous  reste  encore  à  parler  des  Xestoriens  et  de  leurs 
Liturgies.  Ces  tristes  débris  d'une  malheureuse  secte  non 
moins  subversive  du  mystère  fondamental  du  Christianisme 

(1)  C'est  l'iiiiôt  celle  d-^  Denys  l^arsalibi ,  rôlèbre  Jacobjto, 


LITURGIQUES.  235 

que  le  Monopliysismc  qui  lui  succéda  sans  la  (Ukruiro ,  por- 
tent vulgaiicmenl  le  nom  de  Chaldéens  ou  Chrétiens  orien- 
taux. Leur  Patriarche  prend  le  titre  de  Catholique  ,  et 
réside  à  Bagdad.  L'Eglise  Nestoricnnc ,  qui  s'est  étendue 
autrefois  jusqu'aux  Indes,  et  qui  est  aujourd'hui  considéra- 
blement réduite  ,  a  trois  Liturgies  :  celle  de  Théodore  de 
Mopsueste ,  qui  sert  de  l'Avent  jusqu'à  Pâques  ;  celle  des 
douze  Apôtres,  qui  sert  de  Pâques  jusqu'à  l'Avent  ;  et  celle  de 
Nestorius^  qui  n'est  en  usage  que  cinq  jours  dans  l'année.  Au 
seizième  siècle ,  les  Portugais  ayant  formé  d'imporlans  éta- 
blissemens  dans  les  Indes  Orientales  ,  et  fondé  le  siège 
archi-épiscopal  de  Goa,  Menezès,  Archevêque  de  cette  ville, 
s'appliqua  sérieusement  à  la  conversion  des  Chrétiens  Nés-» 
toriens  du  Malabar,  et  pour  garantir  l'orthodoxie  de  ceux 
qu'il  avait  ramenés  à  la  vraie  foi ,  il  corrigea  la  Liturgie  des 
douze  Apôtres,  comme  la  plus  usitée  :  il  fit  même  traduire  le 
Missel  Romain  en  syriaque ,  qui  est  la  langue  de  la  Liturgie 
Nestorienne  :  mais  on  ne  voit  pas  que  de  grands  résultats 
aient  été  produits  par  ces  mesures ,  qui  annonçaient  peut- 
êli'e  plus  de  zèle  que  de  discernement. 

Telle  est  la  statistique  générale  des  Liturgies  de  l'Orient. 
Nous  ajouterons  à  ce  tableau  les  considérations  suivantes. 

D'abord ,  on  a  dû  remarquer  le  principe  de  l'unité  litur- 
gique consacré  dans  l'Eglise  Melchile  de  Constantinople , 
Alexandrie,  Antiochc  ,  Jérusalem ,  etc.  Ce  fait  a  une  grande 
portée.  En  premier  lieu,  il  explique  le  maintien  de  l'union 
de  foi  et  de  discipline  entre  les  différentes  familles  du  schisme 
Grec.  Il  y  a  long-temps  qu'elles  se  fussent  scindées  entre  elles , 
si  ce  lien  ne  les  eût  pas  retenues.  Mais  comment  s'isoler  du 
siège  de  Constantinople ,  quand  on  est  astreint  à  suivre  la 
Liturgie  de  Constantinople?  L'autorité  du  Patriarche  de 
cette  Eglise  ne  repose-t-elle  pas  sur  le  texte  mêipe  des 


254  INSTITUTIONS 

prières  sacrées  dans  lesquelles  on  lit  son  nom  ,  la  grandeur 
et  la  suprématie  de  son  Siège  ?  Le  peuple ,  aussi  bien  que  le 
clergé  ne  connaît-il  pas  de  cette  manière  les  droits  de  VEvêque 
Ecuménique  ,  qui  confirme  les  Patriarches,  comme  ceux-ci 
confirment  les  Métropolitains  et  les  Evêques?  Voilà  pour  le 
lien  de  discipline  et  de  subordination.  L'unité  de  foi  s'est 
gardée  aussi  par  la  Liturgie.  Sans  aucun  doute,  si  l'Eglise 
Mekhite  a  conservé  jusqu'à  présent  la  foi  primitive,  à  l'ex- 
ception de  quelques  articles,  elle  le  doit  à  l'inviolabilité  des 
formules  saintes,  qui  ne  sont  inviolables  que  parce  qu'étant 
universelles ,  on  ne  pourrait  les  changer  sans  réclamation. 
On  doit  se  rappeler  le  soulèvement  qu'excita  en  102^,  dans 
l'Eglise  Melchite ,  le  Patriarche  Cyrille  Lucaris ,  qui  avait 
embrassé,  sur  l'Eucharistie,  la  doctrine  Calviniste.  Les  autres 
Patriarches ,  dans  leur  Concile  de  Jérusalem ,  l'anathémati- 
sèrent  comme  le  violateur  des  saintes  Traditions ,  un  nova- 
teur qui  renversait  l'autorité  des  Pères. 

En  second  lieu ,  on  doit  observer  ce  qui  est  arrivé  à  cette 
grande  province  de  l'Eglise  Melchite  qui  se  nomme  l'Eglise 
Russe.  C'est  que,  dans  son  sein,  l'unité  de  foi  est  constamment 
menacée ,  depuis  qu'elle  a  été  violemment  soustraite  par 
Pierre-le-Grand  au  lien  qui  l'unissait  au  Patriarche  de 
Constantinople ,  et  par  là  même  à  sa  Liturgie.  Il  est  vrai  que 
cette  Liturgie  existe  encore  de  fait  dans  les  Eglises  Russes  : 
mais  quelle  autorité  empêchera  le  saint  Synode ,  respon- 
sable seulement  devant  l'Autocrate,  d'introduire  dans  cette 
Liturgie,  désormais  sans  défense,  tels  dogmes,  telles  pra- 
tiques que  bon  lui  semblera  ?  Et  comme  la  Liturgie  est  la 
plus  populaire  et  en  même  temps  la  plus  haute  prédication, 
qui  retiendra  les  Eglises  de  la  Russie  entraînées  d'erreure  en 
erreurs,  par  l'ascendant  toujours  irrésistible  des  formes 
Liturgiques?  C'est  bien  ici  le  lieu  de  reconnaître  que  l'unité 


LITURGIQUES.  255 

entretenue  par  raiitorilé  du  Patriarche  de  la  Nouvelle  Rome, 
ne  pouvait  durer  qu'un  temps.  C'est  la  retraite  d'une  armée 
en  déroute.  Tant  que  les  Grecs  ont  vécu  sous  le  sceptre  de 
rislamisme ,  leur  Orthodoxie  n'a  couru  aucun  risque  :  ni  le 
Grand-Seigneur,  ni  ses  Pachas  ne  pouvaient  rien  prétendre 
sur  la  forme  à  donner  aux  Mystères  d'une  religion  qu'ils 
avaient  en  horreur.  Mais  pour  les  Grecs  soumis  à  un  prince 
Chrétien,  il  en  est  tout  autrement.  Leur  Eglise  n'ayant  qu'une 
autorité  humaine ,  puisque  le  centre  sur  lequel  elle  repose 
n'a  point  de  sanction  divine,  le  prince  en  question  trouvera, 
tôt  ou  tard,  que  son  autorité  humaine  à  lui  vaut  bien  celle 
de  ses  Prélats,  et  il  ordonnera  dans  l'Eglise  ce  qu'il  enten- 
dra. C'est  ce  que  ne  manquèrent  pas  de  faire  les  Empereurs 
de  l'ancienne  Byzance  ;  c'est  ce  qu'ont  fait  en  Russie  Empe- 
reurs et  Impératrice  ;  c'est  ce  que  l'on  a  déjà  commencé  de 
voir,  dans  le  petit  royaume  de  Grèce,  que  son  roi  Olhon 
vient  de  détacher  de  l'obéissance  du  Patriarche  de  Constan« 
tinople. 

En  troisième  lieu ,  sans  parler  même  de  l'époque  de  dis- 
solution proprement  dite ,  qui  doit  infailliblement  arriver 
pour  toute  Eglise  séparée ,  il  est  ejicore  une  considération 
importante  à  faire  sur  le  genre  d'unité  conservée  par  l'Eglise 
Grecque  dans  sa  Liturgie.  Sans  doute  les  efforts  de  l'auto- 
rité patriarcale  pour  maintenir  cette  unité  et  les  avantages 
qu'elle  a  produits  en  retardant  la  ruine  entière  du  Christia- 
nisme en  Orient ,  sont  louables ,  en  même  temps  qu'ils  sont 
un  hommage  rendu  à  la  sainte  politique  du  Siège  Aposto- 
lique dans  l'Occident  ;  mais  d'oii  vient  que  l'unité  qui  donne 
la  vie  dans  l'Eglise  Latine  est  impuissante  à  la  ranimer  en 
Orient  ?  C'est  que  l'unité,  qui  est  la  condition  d'existence 
de  toute  société,  n'est  vraiment  constituante  qu'autant  qu'elle 
résiille  de  l'adhérence  des  membres  divers  ù  leur  centre 


236  .  mSTITUTIONS 

véritable  et  naturel.  Uome  est  la  force  vitale  de  l'Eglise  Ca- 
tholique ,  parce  que  Rome  est  inamovible  dans  la  foi ,  parce 
qu'elle  est  le  fondement  posé  ,  non  par  l'homme ,  mais  par 
Jésus-Christ.  Une  Liturgie  conforme  à  celle  de  Constanti- 
nople  peut  donc  être  orthodoxe  de  fait  ;  une  Liturgie  con- 
forme à  celle  de  Rome  est  à  la  fois  orthodoxe  de  fait  et  de 
droit.  Il  est  vrai  que  jusqu'ici  la  Liturgie  des  Eglises  Mel- 
chites  ne  renferme  pas  d'erreurs  par  affirmation  ;  mais  elle 
en  renferme  par  négation ,  le  nom  du  Pape  ne  se  récitant 
plus  dans  les  Diptyques,  comme  aux  premiers  siècles,  et 
les  points  convenus  entre  les  deux  Eglises  à  Lyon  et  à  Flo- 
rence, n'étant  l'objet  d'aucune  confession  expresse,  dans  les 
prières  de  l'Office ,  en  même  temps  qu'ils  sont  expressément 
niés  par  les  Pasteurs  et  leurs  fidèles. 

Toutefois,  il  est  un  fait  curieux  à  observer  dans  les  mœurs 
liturgiques  de  l'Eglise  Grecque ,  c'est  que  ,  tout  en  demeu- 
rant sépaiée  violemment  du  Siège  de  Rome ,  tout  en  niant 
expressément  sa  principauté  sur  toutes  les  Eglises;  dans  plu- 
sieurs endroits  de  sa  Liturgie ,  elle  rend  un  hommage  à  cette 
principauté.  Joseph  de  3Iaistre ,  dans  l'admirable  livre  du 
Pape,  a  recueilli  ces  passages,  que  tout  le  monde  y  a  lus 
avec  étonnement  (1) ,  et  qui  retentissent  à  la  fois  en  langue 
slavonne  sous  les  dômes  de  Kiow  et  de  Moscou ,  et  en  langue 
grecque  dans  les  Eglises  de  Constantinople.  Que  prouve  cette 
inconcevable  contradiction  ?  Deux  choses ,  à  notre  avis.  D'a- 
bord, l'intention  de  la  divine  Providence,  qui  a  voulu  donner 
l'Eglise  Grecque  en  spectacle  aux  nations ,  comme  un  nou- 
veau peuple  juif,  afin  que,  dépositaire  des  témoignages  de 
l'antiquité,  elle  attestât,  par  le  fait  même  de  ses  croyances 
et  de  ses  usages ,  l'antiquité  des  croyances  et  des  usages  de 

(1)  Du  Pape.  Liv.  I.  Cbap.  II, 


LITURGIQUES.  237 

l'Eglise  Latine  ,  à  laquelle  on  ne  peut  la  soupçonner  d'avoir 
emprunté  ([uoi  que  ce  soit.  Nous,  nous  voyons,  en  outre,  clans 
ce  fait,  une  preuve  de  plus  du  senliracnt  inné  dans  toutes 
les  Eglises  et  fondé  sur  la  nature  des  choses ,  du  sentiment , 
disons-nous,  de  la  nécessité  d'une  Liturgie  immuable,  du 
moment  que  les  formes  du  culte  ont  été  fixées  solennel- 
lement. Les  Grecs  ont  préféré  garder  ces  textes  qui  les 
condamnent,  plutôt  que  de  scandaliser  les  peuples  par  des 
changemens,  ou  de  porter  atteinte  à  l'unité  de  leur  Eglise  en 
attaquant ,  par  un  funeste  exemple ,  l'intégrité  de  la  Liturgie 
qui  maintient  seule  cette  unité. 

En  quatrième  lieu ,  on  doit  remarquer  dans  la  Liturgie 
Grecque  un  caractère  particulier  qui  dénote  admira}3lement 
la  dégradation  de  l'Eglise  qui  l'emploie.  Ce  caractère,  op- 
posé à  la  marche  de  toute  véritable  orthodoxie ,  est  une 
immobilité  brute  qui  la  rend  inaccessible  à  tout  progrès. 
Dans  l'Eglise  Latine ,  en  même  temps  que  les  hérésies  suc- 
cessives ont  fourni  matière  aux  développemens  du  dogme  , 
les  développemens  du  dogme  eux-mêmes  ont  cherché  leur 
expression  dans  la  Liturgie.  De  nouvelles  fêtes  sont  devenues 
nécessaires;  de  nouveaux  rites,  de  nouveaux  Oflices  sont 
venus  tour  à  tour  enrichir  l'année  chrétienne  de  leurs  pompes, 
sanctifier  le  peuple  fidèle  par  l'application  des  grâces  dont  ils 
sont  la  source.  En  outre ,  non  moins  féconde  que  dans  ses 
anciens  jours ,  l'Eglise  a  produit  en  chaque  siècle  de  nou- 
veaux Apôtres,  de  nouveaux  Martyrs ,  de  nouveaux  Doc- 
teurs :  des  Pontifes,  des  Confesseurs,  des  Vierges  sont  venus 
ajouter  leurs  noms  à  la  liste  triomphante  de  ces  héros  que 
nous  avaient  légués  les  premiers  âges  du  Christianisme.  La 
Liturgie  Latine  rénéchit  l'éclat  de  ces  brillantes  constella- 
tions dont  le  ciel  s'embellit  de  siècle  en  siècle.  En  vain  cher- 
cheruil-ou  leur  trace  dans  les  M' nées  des  Grecs  :  et  non 


258  LNSTITUTIONS 

seulement  on  n'y  rencontre  pas  les  Saints  de  l'Eglise  Latine , 
mais  l'Eglise  Grecque  est  devenue  comme  impuissante  à  en 
proclamer  de  nouveaux,  dans  son  propre  sein,  du  moment  que 
le  schisme  et  l'hérésie  l'ont  paralysée  au  cœur.  Depuis  huit 
siècles,  son  calendi-ier  n'a  pas  fait  un  pas;  depuis  huit  siècles, 
pas  une  fête  nouvelle  n'est  venue  attester  ou  l'amour,  ou  l'es- 
pérance, ou  la  reconnaissance  de  cette  Eglise  envers  celui  qui 
l'avait  autrefois  pour  épouse.  Elle  ignore  la  solennité  du 
Saint-Sacrement,  les  pompes  de  ce  grand  jour  à  la  fois  si 
magnifiques  et  si  touchantes.  Elle  ignore  tout  ce  qui  s'est 
passé  dans  le  monde  chrétien,  depuis  qu'elle  est  morte  à  la 
grande  Unité  Romaine.  Encore  une  fois,  ces  livres  litur- 
giques, rédigés  à  l'âge  de  la  foi  et  de  la  vie,  maintenant 
muets,  incompris ,  immobiles  aux  mains  des  Pontifes  Grecs, 
ne  rappellent-ils  pas  la  Bible  conservée ,  lue ,  récitée  par  les 
Juifs  avec  un  respect  aussi  stérile  qu'il  est  inviolable.  Aussi , 
cette  Liturgie  qui  porte  les  noms  révérés  des  Basile ,  des 
Chr^'sostôme ,  des  Jean  Damascène ,  a  été  impuissante  à 
garantir  de  l'abrutissement  le  malheureux  clergé  qui  la 
célèbre  :  et  si,  dans  quelques  lieux ,  cet  abrutissement  n'est 
pas  synonyme  d'ignorance  crasse,  si  la  Russie,  par  exemple, 
offre  un  clergé  de  jour  en  jour  plus  éclairé,  on  sait  à  quoi 
s'en  tenir  sur  la  moralité  de  ces  Prêtres  et  de  ces  Pontifes  qui 
ont  cessé  de  voir  le  Chef  du  Christianisme  dans  l'Evêque  de 
Byzance ,  pour  le  vénérer  dans  un  Pierre  dit  le  Grand,  dans 
une  Catherine  II ,  dans  un  Nicolas  I. 

Les  dimensions  de  cet  ouvrage  ne  nous  penuettent  pas  de 
développer  davantage  ces  considérations,  en  même  temps 
qu'elles  nous  ont  contraint  de  nous  restreindre  au  plus  strict 
laconisme  dans  letal)leau  que  nous  avons  tracé  de  la  situa- 
lion  respective  des  diverses  Liturgies  de  l'Orient.  \Nous  fini- 
rons ce  qui  regarde  celle  de  l'Eglise  Grecque  par  la  réflexion 


LITURGrQUES.  25& 

suivante.  Supposons  que  dos  la  paix  de  l'Egliso ,  le  Siège 
Apostolique  eût  pu  librement  et  avec  discrétion,  amener 
tontes  les  églises  de  l'Orient  à  la  pratique  de  la  Liturgie  Ro- 
maine, à  l'usage  de  la  langue  latine  ;  que  les  souverains 
Pontifes  eussent,  comme  dans  l'Occident,  réglé  avec  le  plus 
minutieux  détail  toutes  les  particularités  de  rOflîcc  divin  , 
reçu  toutes  les  consultations  des  Eglises  d'Orient  à  ce  sujet, 
dii'imé  toutes  les  questions  relatives  aux  formules  sacrées , 
ou  aux  cérémonies  ;  qu'ils  eussent  prévenu  ou  arrêté  le  dan- 
ger des  innovations  dans  la  doctrine  ou  dans  la  discipline , 
par  l'établissement  de  fêtes  nouvelles,  par  la  promulgation 
de  formules  de  prières  obligatoires ,  en  un  mot,  par  tous  ces 
moyens  qui  ont  fait  du  calendrier  du  Bréviaire  Romain  une 
sorte  de  tableau  des  nécessités  dans  lesquelles  l'Eglise  s'est 
trouvée  et  auxquelles  le  Saint-Siège  a  satisfait:  supposons, 
disons-nous ,  qu'il  en  eût  été  ainsi  ;  qu'auraient  pu  faire 
Plîotius  et  Michel  Cérulaire,  contre  la  simple  résistance  pas- 
sive que  leur  eût  opposée  tout  cet  ensemble  à  la  fois  popu- 
laire et  sacerdotal?  Il  est  grandement  probable  que  le  schisme 
n'eût  pas  si  aisément  remporté  une  victoire  qui,  d'ailleurs, 
lui  a  été  long-temps  disputée,  quoique  déjà  tant  de  causes 
d'isolement  tirées  de  la  langue,  de  la  nature  des  institutions 
patriarcales ,  semblassent  la  lui  avoir  préparée.  Oui ,  nous  le 
disons  avec  conviction ,  Constantinople ,  Alexandrie  ,  An- 
tioche,  Jérusalem,  seraient  encore  Catholiques  aujourd'hui , 
s'il  eût  été  possible  d'astreindre  ces  Eglises  au  rite  et  à  la 
langue  des  Latins  ;  et  si  ces  Eglises  fussent  restées  unies 
de  fraternité  à  celles  de  l'Occident ,  il  est  probable  encore 
que  l'Islamisme  n'eût  point  asservi  les  heureuses  contrées 
qu'elles  éclairèrent  long-temps  delà  vraie  lumière;  la  ci- 
vilisation n'y  eût  point  péri ,  la  race  humaine  n'eût  point 
vu  ^'éteindre  sa  dignité  soûl*  lejon^;  du  plus  ignoble  esda- 


:240  INSTITUTIONS 

vage;  en  un  mot,  les  destinées  de  l'Eiirope  et  de  l'Asie  com- 
promises et  retardées  de  mille  ans  par  le  schisme,  se  seraient 
accomplies ,  et  nul  ne  sait  ce  qui  serait  résulté  de  tant  de 
gloire  et  de  tant  de  force  réunies  à  tant  de  vérité  et  tant 
d'amour.  Mais  des  obstacles  invincibles  s'opposaient  à  cette 
union  :  tant  de  bonheur  n'était  pas  de  la  terre.  Nous ,  du 
moins,  Calhohques  de  l'Occident,  apprenons  de  là  à  es* 
timer  l'unité  liturgique  dans  toutes  ses  conséquences,  cette 
unité  qui  sera  toujours  pour  nous ,  tant  que  nous  y  serons 
fidèles,  le  premier  moyen  de  l'orthodoxie,  et,  partant,  le 
plus  fort  lien  de  la  nationalité  Catholique.  Si  elle  existe,  ne 
soyons  pas  assez  malheureux  pour  la  briser:  si  elle  a  existé , 
plaignons  ceux  qui  ont  été  assez  téméraires  pour  lever  la 
main  contre  elle. 

La  plupart  des  considérations  que  nous  venons  de  faire 
sur  la  Liturgie  de  l'Eglise  Grecque  Melchite ,  s'appliquent 
naturellement  aux  Liturgies  des  Eglises  Copte ,  Ethiopienne , 
Syrienne,  Arménienne  et  Chaldéenne.  Ajoutons  que  l'isole- 
ment dans  lequel  vit ,  à  l'égard  des  autres ,  chacune  de  ces  fa- 
milles d'un  Christianisme  dégénéré,  les  a  mises  de  bonne  heure 
en  danger  de  voir,  chez  elles ,  la  Liturgie  se  corrompre  et 
devenir  l'expression  de  dogmes  hérétiques.  Sous  ce  rapport, 
ces  malheureuses  Eglises  présentent  les  traces  d'une  dégra- 
dation qui  les  met  incontestablement  au-dessous  de  l'Eglise 
Melchite.  Du  moins,  les  diverses  provinces  de  celle-ci ,  tant 
qu'elles  restent  à  l'étal  d'Eglises  unies  à  un  centre  ecclésias- 
tique, gardent  les  anciennes  formes  du  culte;  les  erreurs  qui 
les  paralysent  n'ont  pas  même  une  expression  affirmative 
dans  la  Liturgie.  Les  Monophysites  et  les  Nestoriens,  au 
contraire ,  portent  de  honteuses  traces  de  leur  défection  de 
la  vraie  foi ,  et  les  noms  de  Dioscore ,  de  Philoxène ,  de 
Jacques  d'Edcsse  ,  de  Théodore  de  Mopsuesle ,  et  enfin  de 


LITURGIQUES.  241 

Ncstoriiis,  souillent  jusqu'aux  livres  do  l'aulel.  De  là  résulte 
une  sorte  d'iuipossibilité  do  revenir  à  l'orthodoxie  ;  car  pour 
cela ,  il  faudrait  changer  la  Liturgie ,  et  la  Liturgie  est  de  sa 
nature  une  chose  immuable,  qui  a  sa  racine  dans  les  habi- 
tudes les  plus  sacrées.  L'histoire  confirme  cette  induction 
de  la  manière  la  plus  lamentable.  On  a  vu  souvent  des  réu- 
nions partielles  de  ces  diverses  Eglises  au  Siège  i^)ostolique  : 
mais  elles  ont  toujours  échoué  contre  le  préjugé,  si  louable  en 
lui-même  ,  qui  poursuit  tout  changement  dans  la  Liturgie. 
Cependant  Rome  ne  pouvait  recevoir  ces  familles  séparées  à 
une  réelle  et  durable  unité,  qu'après  avoir  pris  les  moyens 
d'arrêter  le  règne  de  l'hérésie,  en  réformant  le  texte  de  la 
Liturgie  dans  les  endroits  où  il  était  impur.  Depuis  trois 
siècles,  les  Souverains  Pontifes  ont  établi  à  Rome  une  Con- 
grégation spéciale  pour  la  correction  des  llcrcs  de  l'Eglise 
Orientale  :  mais  ces  Liturgies,  ainsi  expurgées,  ont  été  sou- 
vent une  pierre  de  scandale  ,  le  texte  de  déclamations 
furieuses  pour  les  sectaires  opiniâtres  ,  l'occasion  de  re- 
chute pour  plusieurs  de  ceux  qui  avaient  momentanément 
ouvert  les  yeux  à  la  lueur  de  l'orthodoxie. 

Concluons  de  l'ensemble  des  faits  énoncés  dans  ce  cha- 
pitre, que  l'unité  et  l'immutabilité  de  la  Liturgie  sont  un  si 
grand  bien,  que  les  sectts  séparées  de  l'Orient  lui  doivent 
absolument  ce  qu'elles  ont  conservé  de  Christianisme  ; 

Que  cette  unité  ne  peut  avoir  de  résultats  importans 
qu'autant  qu'elle  provient  de  la  conformité  des  usages  Htur- 
giques  des  diverses  Eglises ,  avec  ceux  d'une  Eglise-Mère  et 
principale  ; 

Que  cette  conformité  étant  détruite ,  une  Eglise ,  qui  s'est 
ainsi  isolée,  court  les  plus  grands  risques ,  puisqu'elle  de- 
meure sans  contrôle,  et  ne  peut  plus  avoir  qu'une  orthodoxie 
de  fait,  qui  n'est  même  pas  assurée  pour  le  lendemain  ; 

T.  I.  16 


242  INSTITUTIONS 

Que  la  Liturgie  tombe  au  pouvoir  du  priuce  ,  en  pro- 
portion de  ce  qu'elle  se  sépare  de  l'autorité  du  Chef  majeui' 
ecclésiastique  ; 

Que  la  Liturgie,  môme  d'une  grande  Eglise,  se  trouvant 
être  distincte  de  celle  que  promulgue  TEglisc-Mère,  devient 
par-là  même  étrangère  aux  perfectionnemens  qui  s'opèrent 
dans  celle-ci  ; 

Que  la  Liturgie  qui  est  destinée  à  sceller  la  foi  des  peuples, 
puisqu'elle  en  est  la  plus  haute  et  la  plus  sainte  expression, 
devient  quelquefois  l'nistrument  maudit  qui  déracine  cette 
foi ,  et  en  empêche  le  retour  ; 

Qu'enfin  les  Eglises  de  l'Occident  doivent,  eu  considérant 
les  malheurs  du  Christianisme  en  Oi'ient,  s'attacher  fortement 
à  l'unité  liturgique  qui,  à  elle  seule,  eût  pu  non  seulement 
détourner,  mais  même  rendre  à  jamais  impossibles  le  schisme 
et  l'hérésie  qui  les  ont  préparés. 


LlTUnCIQULS.  84$ 


CIIAPIÏUE  X. 

Abolition  m:  la  liturgie  gallicane,  lntroduction  de  la 

LlTUROn:  ET  nu  C1LV>T  de  l'église  UOMALNE  en  FRANCE. 
PREMIÈRE  ORIGINE  DE  LA  LITURGIE  ROMAINE -FRANÇAISE. 
MODIFICATIONS  INTRODUITES  DANS  LE  CHANT.  AUTEURS  H- 
TURGISTES    DES   IX'    ET   X"^   SIÈCLES. 

L'Eglise  d'Occident  va  désormais  occuper  seule  notre  at- 
tention ;  nous  conlinucrons  néanmoins  d'enreyistrcr  les  noms 
et  les  travaux  du  petit  nombre  des  liturgisles  que  l'Eglise 
d'Orient  compte  encore ,  dans  le  cours  des  siècles  qui  nous 
restent  à  raconter.  Sous  le  point  de  vue  qui  nous  occupe , 
comme  sous  tous  les  autres,  l'histoire  ecclésiastique  des  Grecs 
et  des  autres  Chrétiens  Orientaux  tire  à  sa  fin ,  passé  l'ouver- 
ture du  neuvième  siècle  :  toute  la  vie,  tout  l'intérêt,  sont 
transportés  en  Occident.  Aussi  verrons-nous  que  la  Liturgie 
y  est  appelée  à  prendre  de  grands  déveioppcmcns,  par  l'ap- 
plication de  ces  principes  d'unité  que  nous  avons  déjà  vus 
maintes  fois  promulgués ,  soit  par  le  Siège  Apostolique ,  soit 
par  les  Conciles  des  différentes  provinces  de  la  Chrétienté 
occidenlale. 

Nous  avons  laiisé  noire  récit  au  moment  où  la  Liturgie 
Romaine,  sortant  des  mains  de  saint  Grégoire  le  Grand, 
préludait  à  ses  futures  conquêtes,  par  son  introduction  paci- 
fique dans  les  nouvelles  Eglises  que  îesenfans  de  saint  Benoît 
fondaient,  de  jour  en  jour,  dans  la  Grande-Bretagne,  la  Ger- 
manie ,  et  les  royaumes  du  Nord  de  l'Europe.  Maintenant  un 
spectacle  nouveau  s'offre  à  nos  regards,  Une  grande  Eglise , 


244  INSTITUTIONS 

toujours  demeurée  orlhodoxc  depuis  son  origine ,  l'Eglise  Gal- 
licane ,  pourvue  d'une  Liturgie  nationale ,  rédigée  par  les  plus 
saints  docteurs ,  et  pure  de  toute  erreur ,  renonce  à  cette 
Liturgie  et  embrasse  celle  de  Rome,  afin  de  resserrer  da- 
vantage les  liens  qui  l'unissent  à  la  Mère  et  Maîtresse  des 
Eglises,  et  d'assurer  à  jamais  dans  son  propre  sein  la  perpé- 
tuité d'une  inviolable  orthodoxie.  La  France  dut  ce  bienfait 
à  ses  grands  chefs  ,  Pépin  et  Charlemagne  ;  mais  il  est  juste 
de  dire  que  le  clergé  seconda  avec  zèle  et  franchise  les  pieuses 
intentions  du  souverain.  Pourquoi  faut-il  qu'à  une  autre 
époque  nous  ayons  à  raconter  les  efforts  de  ce  même  clergé 
pour  anéantir  cette  unité  liturgique ,  si  chère  à  nos  pères 
durant  tant  de  siècles  ! 

La  race  Carlovingienne,  qui  dut  au  Siège  Apostolique,  en 
la  personne  du  Pape  saint  Zacharie,  la  consolidation -de  son 
avènement  à  la  puissance  souveraine  ,  avait  été  destinée  par 
la  Providence  à  rendre  à  la  société  chrétienne  le  plus  grand 
de  tous  les  services  ,  en  fondant  l'indépendance  temporelle 
des  Pontifes  Romains,  et  en  prêtant  l'appui  de  la  force  pu- 
blique à  la  réformatiou  du  clergé,  par  les  immortels  Capitu- 
laires  que  dressèrent  les  premiers  princes  de  cette  dynastie. 
Il  était  temps  pour  l'Europe  haletante  de  se  reposer  dans  l'u- 
nité d'un  gouvernement  fort  et  protecteur.  Charlemagne  allait 
bientôt  paraître  ;  mais  Pépin  devait  l'annoncer  au  monde  et 
à  l'Eglise. 

Les  violences  des  Lombards,  que  ne  pouvaient  plus  réprink  r 
les  empereurs  d'Orient ,  forçaient  désormais  les  Papes  à  se 
jeter  entre  les  bras  des  Français ,  qu'ils  avaient  toujours  trou- 
vés fidèles  au  Siège  ApostoHquc,  et  qui  semblaient  à  la  veille 
de  recevoir  et  d'exécuter,  de  concert  avec  l'Eglise ,  la  haute 
mission  d'organiser  un  nouvel  Empire  Piomain.  Les  rappoils 
de  Rome  avec  lu  France  devenaient  donc  plus  fréquens ,  de 


LITURGIQUES.  245 

jour  on  jour ,  et  la  ninjoslé  du  Siège  Apostolique  ne  pouvait 
manquer  de  subjuguer,  comme  toujours,  ceux  ([ui  allaient 
conclure  avec  lui  une  si  élroile  alliance.  Il  se  trouva  que  Pcpia- 
Ic-Bref  était  à  la  hauteur  de  sa  mission  :  la  dureté  soldatesque 
(le  Cliarlcs-MiU'tel  envers  l'Eglise  n'avait  point  passé  dans  sou 
fils.  Il  accueillit  avec  une  tendresse  filiale  la  demande  de  se^- 
cours  que  lui  fit ,  en  754 ,  le  Pape  Etienne  II ,  opprimé  par 
Astolphe ,  roi  des  Lombards ,  et  ce  Pontife  ayant  témoigné 
le  désir  de  venir  chercher  en  France  un  asile  momentané  , 
Pépin  députa  vers  lui  saint  Chrodegang  ,  Evêque  de  Metz. 

Cet  illustre  Evoque  préparait  alors  une  œuvre  bien  impor- 
tante pour  la  régénération  dos  mœurs  du  clergé. Toutle  monde 
sait  que  l'institution  dos  Chanoines  vivant  sous  une  règle, 
desservant  l'Eglise  Cathédrale ,  et  uljsorvant  la  vie  commune , 
la  pauvreté  religieuse  et  le  vœu  d'obéissance  à  l'Archidiacre, 
remonte  à  saint  Chrodegang ,  et  que  cette  institution  si 
féconde  en  fruits  de  salut  pour  le  peuple ,  et  d'édification 
pour  le  clergé  lui-même ,  fut  imitée  sous  Charlemagne  par  la 
plupart  des  Evéques  de  France. 

Saint  Chrodegang  étant  donc  allé  à  Rome  chercher  le 
Pape  Etienne,  se  confirma  dans  ses  projets,  sans  doute  après 
avoir  été  témoin  de  la  vie  exemplaire  des  divers  collèges  ec- 
clésiastiques qui  desservaient  les  Basiliques ,  et  particulière^ 
ment  des  moines  du  Patriarchium  de  l'Eglise  de  Latran.  Pour 
unir  davantage  le  clergé  do  l'Eglise  de  Metz  à  l'Eglise  Ro- 
maine ,  et  donner  aux  Offices  divins  une  forme  plus  auguste , 
il  introduisit  dans  sa  cathédrale  le  chant  et  l'ordre  dos  Oflices 
de  l'Eglise  Romaine  (I). 

Ce  fait  important,  mais  isolé,  no  larda  pas  à  être  suivi 

(1)  Ipsumque  cleriun  abuiulanler  lego  divina  ,  romanaquc  imbulum 
canlilena,  morem  aiquc  ordinem  Uomaaœ  Ecc-Icsiae  scrvare  prœcepit. 
Paulus  Hiaconus,  apnd  D.ucheme,  IlisC,  Franc,  Tom.  IL  Page ^04. 


240  INSTITUTIONS 

d'un  autre ,  gcnéi':»]  et  solennel.  Le  Pape  Etienne  étant  entré 
en  France,  et  ayant  été  reçu  par  Pépia  avec  tontes  sortes 
d'honneurs,  traita  avec  ce  prince,  non  seulement  de  la  li- 
berté et  de  la  défense  de  l'Eglise  de  Rome  contre  les  Lom- 
bards ,  mais  aussi  des  nécessités  présentes  de  l'Eglise  de 
France.  Il  demanda  au  roi ,  en  signe  de  la  foi  qui  unissait 
la  France  au  siège  Apostolique  ,  de  seconder  ses  efforts  pour 
introduire  dans  ce  royaume  les  Offices  de  l'Eglise  Romaine, 
à  l'exclusion  de  la  Liturgie  Gallicane.  Le  roi  seconda  ce  pieux 
dessein ,  si  conforme  d'ailleurs  à  la  franche  orthodoxie  de 
son  cœur ,  et  les  clercs  de  la  suite  d'Etienne  donnèrent  aux 
chantres  français  des  leçons  sur  la  manière  de  célébrer  les 
Offices  (1).  Nous  citerons  à  ce  sujet  les  paroles  de  l'auteur  des 
livres  Carolins ,  ouvrage  qui ,  il  est  vrai ,  ne  fut  pas  écrit  par 
Charlemagne,  mais  dont  cet  empereur  a  déclaré  depuis  adop- 
ter le  fond  et  la  forme.  L'auteur  parle  donc  au  nom  de  ce 
prince  :  «  Plusieurs  nations  se  sont  retirées  de  la  sainte  et  vé- 
»  nérable  communion  de  l'Eglise  Romaine  ;  mais  notre  Eglise 
»  ne  s'en  est  jamais  écartée.  Instruite  de  cette  apostolique  tra- 
»  dition ,  par  la  grâce  de  Celui  de  qui  vient  tout  don  parfait , 
»  elle  a  toujours  reçu  les  grâces  d'en  haut.  Etant  donc,  dès  les 
ï  premiers  temps  de  la  foi,  fixée  dans  cette  union  et  cette  re- 
»  ligion  sacrée,  mais  s'en  trouvant  en  quelque  chose  séparée 
»  (ce  qui,  cependant ,  n'est  point  contre  la  fui) ,  savoir  dans 
»  la  célébration  des  Offices ,  elle  a  enfin  connu  l'unité  dans 
»  l'ordre  de  la  psalmodie ,  tant  par  les  soins  et  l'industrie 
»  de  notre  très  -  illustre  père,  de  vénérable  mémoire,  le 
»  roi  Pépin ,  que  par  la  présence  dans  les  Gaules  du  très- 
»  saint  homme  Etienne ,  Pontife  de  la  ville  de  Rome  ;  en  sorte 
»  que  l'ordre  de  la  psalmodie  ne  fût  plus  diflerenl  entre  ceux 

fi)  Walaffid  Siràbo.  De  Bebus  Ecclesiasdcls,  Cap.  XXY. 


LITURGIQUES.  247 

»  que  réunissnil  l'iinlonr  d'iino  môme  foi,  et  que  ces  deux 
»  Eglises ,  jointes  ensemble  dans  la  lecture  sucrée  d'une  seule 
ï  et  même  sainte  loi,  se  trouvassent  jointes  aussi  dans  la  vé- 
ï  nérable  tradition  d'une  seule  et  même  mélodie  ;  la  célé- 
>  bralion  diverse  des  Olïices  ne  séparant  plus  désormais  ce 
I  qu'avait  réuni  la  pieuse  dévotion  d'une  foi  unique  (1).  » 

Dans  le  Capitulaire ,  dressé  en  789,  à  Aix-la-Chapelle, 
Cliarlemagne  exprime  formellement  l'acte  souverain  par 
lequel  Pépin  supprima  l'OiTice  Gallican ,  j)o^ir  pl^is  grande 
union  avec  l'Eglise  Romaine,  et  afin  d'établir  dans  l'Eglise  de 
Dieu  une 'pacifique  concorde  (2). 

Après  avoir  obtenu  ce  signalé  triomphe  en  (iiveur  de  l'u- 
nité liturgique ,  Etienne  repassa  les  monts ,  et,  peu  de  mois 
après ,  Fulrade,  Abbé  du  Mont  Cassin ,  déposait ,  sur  la  Con- 
fession de  Saint  Pierre ,  les  clefs  de  vingt-deux  villes  que 
Pépin  avait  arrachées  à  Astolphe.  Ainsi ,  la  puissance  tem- 
porelle des  Pontifes  Romains  commençait  avec  le  règne  de 
la  Liturgie  Romaine  dans  les  Eglises  du  royaume  très  Chré- 
tien. 

Le  moine  de  Saint-Gall  nous  apprend,  dans  sa  Chronique, 
que  le  Pape  Etienne ,  pour  satisfaire  au  désir  de  Pépin  ,  lui 
envoya  douze  chantres  qui ,  comme  douze  Apôtres,  devaient 
établir  dans  la  France  les  saines  traditions  du  chant  Grégo- 
rien (5). 

(1)  Yid.  li  note  A. 

(2)  Monaclii  ut  canUim  roinanum  pleniter  et  ordinabiliter  pcr  noc- 
lurnale  et  gradale  oftieium  peragant ,  sccundum  quod  beal;o  memoria; 
geuitor  noster  Pipiaus  rex  deceriavit  ul  lieret ,  quaiido  Gallicaniim 
cauliim  lulil,  ob  unanirnilatem  AposloUcui  Sedis  et  saaclie  Dci  Eeclesia; 
pacilicam  concordiam.  Bulvzii  CapituL  —  Jquisgiumcn.  789.  Cap.  XC. 

(5)  Stephanus  Papa  Pipiai  i)jii;8  voluntali  et  studiis  divinilus  ins])i- 
ralis  asseasiuiî  piabans,  secuudura  numerum  X!I  Apostolorum ,  de 
Sade  Aposlolica  daodecins  Cli^ricos  doilissimos  caïuilcna^  ad  cum  iq 
Franciam  direxit.  ClironicoH.  San  Gallense.  Lib,  1.  Cap.  X. 


248  INSTITUTIONS 

Saint  Paul  I''  remplaça  peu  après  Elieuiie  sur  le  siège' 
de  Rome.  Il  eut  aussi  des  rapports  avec  Pépin,  au  sujet  de 
l'introduction  récente  des  usages  Romains  dans  l'Eglise  de 
France.  Remedius ,  frère  de  Pépin,  et  Arclievôque  de  Rouen , 
avait,  dans  le  même  but,  envoyé  à  Rome  quelques  moines 
pour  y  être  instruits  dans  le  chant  ecclésiastique  ;  le  Pape 
écrit  à  Pépin  que  ces  m.oines  ont  été  placés  sous  la  discipline 
de  Siméon,  le  premier  Chantre  de  l'Eglise  Romaine,  et  qu'on 
les  gardera  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  parfaitement  exercés  dans 
le  chant  ecclésiastique  (1).  Dans  une  autre  lettre ,  le  Pontife 
écrit  au  Roi  :  «  Nous  vous  envoyons  tous  les  livres  que  nous 
»  avons  pu  trouver ,  savoir  YAntiphonaire  ,  le  Responsal ,  la 
î  Dialectique  d'Aristote ,  les  livres  de  saint  Denys  l'Âréopa- 
s  giie ,  la  Géométrie,  l'Ortographc,  la  Grammaire  ,  et  une 
«horloge  nocturne  (2).  »  On  voit  par  ce  passage  vraiment 
curieux  avec  quel  détail  les  Pontifes  Romains  remplissaient 
leur  tâche  de  civilisateurs  de  l'Occident ,  et  comment  l'adop- 
tion des  usages  liturgiques  de  Piome  par  les  Eglises  de  France, 
tenait  à  cet  ensemble  de  faits ,  qui  devait  élever  si  haut  la 
prépondérance  de  notre  nation ,  quand  le  grand  homme 
appelé  à  combiner  tant  et  de  si  riches  élémens  aurait  apparu. 

Charlemagne  vint  enfin.  11  n'est  point  de  notre  sujet  de 
décrire  ici  tant  de  grandeur ,  tant  de  génie  ,  et  le  sublime  et 
saint  emploi  que  Charlemagne  sut  faire  de  cette  grandeur 
et  de  ce  génie  ;  nous  donnerons  seulement  ici  quelques  faits 
de  sa  vie ,  pris  dans  la  ligne  des  événemens  que  nous  ra- 
contons. 

On  sait  l'amour  filial  que  Charlemagne  porta  au  Pape  saint 
Adrien,  qui  monta  sur  le  Saint-Siège  en  772.  A  peine  ce 

(1)  Concil.  Labb.  Tom.  VI.  P.  1688. 

(2)  Pauli  I.  Epis.  XXV.  Apud  Gretserum. 


LITURGIQUES.  249 

saint  Pontife  fut  assis  sur  la  Chaire  de  saint  Pierre,  qu'il 
adressa  au  Roi  Charles  les  plus  vives  instances  pour  le  porter 
à  imiter  les  exemples  de  Pépin,  en  propageant  la  Liturgie 
Romaine  ;  c'est  ce  qui  est  rapporté  dans  les  livres  Carolins ,  à 
la  suite  du  passage  que  nous  avons  cité  plus  haut  :  «  Dieu  , 
»  y  est-il  dit ,  nous  ayant  à  notre  tour  conféré  le  royaume 
ï  d'Italie  ,  nous  avons  voulu  exaller  la  grandeur  de  la  Sainte 
»  Eglise  Romaine ,  et  obéir  aux  salutaires  exhortations  du 
i  Révérendissime  Pape  Adrien  ;  c'est  pourquoi  nous  avons 
»  fait  que  plusieurs  Eglises  de  cette  contrée^  qui  autrefois 
»  refusaient  de  recevoir  dans  la  psalmodie  la  tradition  du 
»  Siège  Apostolique ,  l'embrassent  maintenant  en  toute  dilir 
»  gence ,  et  adhèrent  dans  la  célébration  des  chants  ecclé- 
j>  siastiques  à  cette  Eglise ,  à  laquelle  elles  adhéraient  déjà 
»  par  le  bienfait  de  la  foi.  C'est  ce  que  font  maintenant , 
»  comme  chacun  sait ,  non  seulement  toutes  les  provinces 
»  des  Gaules ,  la  Germanie  et  l'Italie,  mais  même  les  Saxons, 
»  et  autres  nations  des  plages  de  l'Aquilon  ,  converties  par 
»  nous,  moyennant  les  secours  divins,  aux  enseignemeus de 
»  la  foi  (i).  » 

Afin  d'employer  dans  l'établissement  de  l'unité  liturgique 
des  sources  d'une  pureté  incontestable  ,  quoique  déjà  on 
eût  envoyé  de  Rome  à  Pépin  diverses  copies  du  Sacramen- 
taire  Grégorien ,  Charlemagne  ne  laissa  pas  d'en  demander 
un  nouvel  exemplaire  à  saint  Adrien  (2) .  Nous  venons  de 
citer  le  Capitulaire  d'Aix-la-Chapelle ,  en  789 ,  dans  lequel 

(1)  Vid.  la  note  B. 

(2)  De  Sacrameniario  vero ,  a  sancto  prrpdecessore  noslro  deifluo 
Gregorio  Piipa  disiiosilo,  jaQi[)ridem  Paulus  grammaiicus  a  nobis  eum 
pro  vobis  peliit ,  et  secuadum  saQciœ  nostrœ  ficclesiae  traditionem  per 
.loannemal)!)atemExceîlentiae  vosti'X  eraisimus.  Puclwsne,  Hist.  franc. 
Tom.  ni.  Pag. 708    • 


2â0  INSTITUTIONS 

ce  prince  requiert  l'o])servni!on  du  rite  Romaiu ,  tant  dans 
les  Offices  divins  qu'à  la  Messe  elle-même ,  pcr  nocturnale 
et  Gradale  Ofjîcium.  Les  Capitulaires  sont  remplis  d'allusions 
à  celte  mesure ,  prise  dans  toutes  ses  conséquences.  C'est 
aussi  sous  l'inspiration  de  Charlemagne  que  le  Concile  de 
Mayence,  en  815,  décrète  que  l'on  suivra  fidèlement  le  Sa- 
cramentaire  Grégorien,  dans  l'administration  du  Baptême  (1). 
Mais  il  était  un  point  sur  lequel  le  génie  français  résistait, 
malgré  lui-même ,  aux  pieuses  intentions  de  Charlemagne 
et  de  Pépin.  Ce  dernier  avait  pu,  sans  doute,  introduire  le 
chant  de  l'Eglise  Romaine  dans  les  Eglises  de  France;  mais 
il  n'était  pas  en  son  pouvoir  de  le  faire  exécuter  avec  la 
perfection  des  chantres  romains,  ni  de  le  défendre,  dans 
toutes  les  localités,  des  prétendues  améliorations  dont  l'habi- 
leté des  Clercs  Français  croirait  devoir  l'enrichir.  Il  arriva 
donc  qu'en  peu  d'années  les  sources  si  pures  des  Mélodies 
Grégoriennes,  contenues  dans  les  Ântiphonaires  envoyés  par 
Etienne  II  et  Puul  I ,  s'étaient  déjà  corrompues.  Jean  Diacre, 
■  dans  la  vie  de  saint  Grégoire-le-Grand ,  donne  ,  avec  la  fran- 
chise d'un  artiste,  les  raisons  pour  lesquelles  le  chant  Grégo- 
rien ne  s'était  pas  maintenu,  sans  altération,  dans  nos  Eglises. 
Voici  ses  paroles  pleines  de  naïveté  et  sentant  quelque  peu 
l'invective.  Le  lecteur  d'aujourd'hui  jugera ,  à  son  loisir, 
jusqu'à  quel  point  nos  chantres  de  Cathédrales ,  renfor- 
cés par  les  scrpens  elles  opkydéides^  méritent  ou  ne  mé- 
ritent pas  le  reproche  d'avoir  continué  les  barbares  que 
l'historiographe  de  saint  Grégoire  immole  avec  tant  de  sévé-- 
rite. 

(1)  Sacrameala  itaqae  Baptisniatis  volumus ,  ut  sicut  saacia  vestra 
fuit  admonitio ,  iti  roncorditer  alque  uniformiter  ia  singulis  paro- 
chiis ,  secundiim  romanum  ordinera  iater  nos  celebrentur.  Conc.  Mo- 
auntin.  Can-.  4.  Labb.  Tora.  VII. 


LITURGIQUES.  251 

«  Entre  les  diverses  nations  de  l'Europe ,  les  Allemands  et 
»  les  Français  ont  été  les  plus  à  même  d'apprendre  et  de 
»  réapprendre  la  douceur  de  la  modulation  du  chant  ;  mais 
»  ils  n'ont  pu  la  garder  sans  corruption,  tant  à  cause  de  la 
»  légèreté  de  leur  naturel,  qui  leur  a  fait  mêler  du  leur  à  la 
»  pureté  des  mélodies  grégoriennes ,  qu'à  cause  de  la  bar^ 
»  barie  qui  leur  est  propre.  Leurs  corps  d'une  nature  alpiinej 
B  leurs  voix  retentissant  en  éclats  de  tonnerre ,  ne  peuvent 
»  reproduire  exactement  l'harmonie  des  chants  qu'on  leur 
j  apprend;  parce  que  la  dureté  de  leur  gosier  buveur  et 
»  farouche ,  au  moment  môme  où  elle  s'applique  à  rendre 
»  l'expression  d'un  chant  mélodieux ,  par  ses  inflexions  vio- 
»  lentes  et  redoublées,  lance  avec  fracas  des  sons  brutaux 
î  qui  retentissent  confusément,  comme  les  roues  d'un  chariot 
»  sur  des  degrés  ;  en  sorte  qu'au  lieu  de  flatter  l'oreille 
»  des  auditeurs ,  elle  la  bouleverse  en  l'exaspérant  et  en  l'é- 
ï  tourdissant  (1).  t 

Charlemagne,  qui  sentait  profondément  les  beaux-arts,  ne 
put  souffrir  long-temps  une  dissonance  qui  ne  tendait  à  rien 
moins  qu'à  détruire  tout  le  fi'uit  des  nobles  efforts  qu'il  avait 
entrepris  pour  avancer  la  civilisation  des  Français  par  l'har- 
monie des  chants  de  l'Eglise ,  les  plus  moraux  et  les  plus  po- 
pulaires de  tous.  Etant,  en  787 ,  à  Rome ,  à  la  fête  de  Pâque, 
il  fut  témoin  d'une  dispute  entre  les  chantres  Romains  et 
les  Français.  Ceux-ci  prétendaient  que  leur  chant  avait  l'a- 
vantage ,  et ,  fiers  de  la  protection  du  Roi ,  ils  critiquaient 
sévèrement  les  Romains.  Ces  derniers ,  au  contraire ,  forts 
de  l'autorité  de  saint  Grégoire  et  des  traditions  dont  son 
Ântiphonaire  n'avait  cessé  d'être  accompagné  à  Rome,  se 
riaient  de  l'ignorance  et  de  la  barbarie  des  chantres  Français, 

(1)  Vid.  la  note  G, 


252  INSTITUTIONS 

Chaiiemagne  voulut  mettre  fin  à  cette  dispute ,  et  il  dit  à  ses 
chantres  :  «  Quel  est  le  plus  pur,  de  la  source  vive ,  ou  des 
»  ruisseaux  qui ,  en  étant  sortis ,  coulent  au  loin  (1)  ?  »  Ils 
convinrent  que  c'était  la  source.  Alors  le  roi  reprit  :  «  Re- 
»  tournez  donc  à  la  source  de  saint  Grégoire  ;  car  il  est 
»  manifeste  que  vous  avez  corrompu  le  chant  ecclésias- 
>  tique  (2).  > 

Voulant  remédier  aussitôt  à  cet  inconvénient ,  Charle- 
magne  demanda  au  Pape  des  chantres  habiles  qui  pussent 
remettre  les  Français  dans  la  ligne  des  saines  traditions. 
Saint  Adrien  lui  donna  Théodore  et  Benoît ,  qui  avaient  été 
élevés  dans  l'école  de  chant  fondée  par  saint  Grégoire,  et 
il  présenta  en  outre  au  Roi  les  Antiphonaires  du  même  saint 
Grégoire,  notés  par  Adrien  lui-même,  suivant  la  notation 
romaine.  Il  y  avait  donc  dès-lors  une  manière  de  noter  le 
chant  ecclésiastique.  Charlemagne  étant  de  retour  en  France, 
plaça  un  de  ces  deux  chantres  à  Metz  et  l'autre  à  Soissons, 
et  donna  ordre  à  tous  les  maîtres  de  chant  des  autres  villes 
de  France,  de  leur  présenter  à  corriger  leurs  Antiphonaires , 
et  d'apprendre  d'eux  les  véritables  règles  du  chant.  Ainsi 
furent  rectifiés  les  Antiphonaires  de  France  que  chacun  avait 
corrompus  à  sa  guise,  ajoutant ,  ou  retranchant  sans  règle  et 
sans  autorité,  et  tous  les  chantres  de  France  apprirent  la 
note  romaine  qui ,  depuis ,  a  été  appelée  note  française  (3) . 
Nous  avons  suivi ,  dans  cet  intéressant  récit ,  le  Moine  d'Au- 
goulème,  historiographe  de  Charlemagne,  dont  le  récit  est 

(1)  Quis  purior  est  et  quis  melior,  aut  fons  vivus,  aut  livuli  ejus  longe 
decurreuies  ?  Caroli  Mugni  vita  per  monucimm  EngoUsmen.  Jpui  Du- 
cliesne.  Tom.  II.  Pag.  7a. 

(2)  Reveriitniai  vos  ad  fontem  sancii  Gregorii ,  quia  manifeste  cor- 
rupisiis  cantileaam  ecclesiasticam.  Ibidem. 

(3)  Vid.  la  note  D. 


LlTUtlGIOUES.  253 

confirmé  par  Jean  Diacre  dans  la\ic  de  saint  Grégoirc-lc- 
Grand ,  et  par  Ekkehard  ,  dans  la  vie  du  B.  Nolkei',  dit  le 
Bègue  (i). 

Ces  trois  auteurs  ajoutent  que  ce  fut  à  Metz  que  le  Chant 
Grégorien  s'éleva  à  un  plus  haut  point  de  perfection,  en  sorte 
que  l'Ecole  de  Metz  l'emportait  autant  sur  les  autres  écoles 
de  France  qu'elle  le  cédait  elle-même  à  celle  de  Borne.  Le 
chroniqueur  d'Angouléme  ajoute  que  les  chantres  Romains 
instruisirent  aussi  les  Français  dans  l'art  de  toucher  l'or- 
gue (^2). 

Cette  supériorité  dont  l'Ecole  de  Metz  conservait  encore 
la  réputation,  au  douzième  siècle,  sur  les  écoles  de  chant 
des  autres  cathédrales  de  France ,  est  due  sans  doute  à  la 
discipline  que  saint  Chrodegang  avait  établie  parmi  ses  Cha- 
noines. Les  traditions  de  ce  genre  devaient  se  conserver  plus 
pures  dans  celte  Eglise  dont  le  clergé  gardait  avec  tant  de 
régularité  les  observances  de  la  vie  canoniale.  Il  y  a  long- 
temps qu'on  a  remarqué  que  les  traditions  du  chant  ecclé- 
siastique se  gardaient  mieux  dans  les  corps  religieux  que 
dans  le  clergé  séculier.  Les  exemi)les  ne  nous  manqueraient 
pas  ;  mais  nous  avons  voulu  simplement  ici  constater  un  fait 
qui  a  son  genre  d'importance. 

Ainsi  Charlemagne  se  montra  zélé  pour  le  chant  ecclé- 
siastique ,  et  ne  craignit  pas  de  donner  à  ce  grand  objet  unC 
importance  majeure,  suivant  en  cela  l'exemple  si  frappant 
de  saint  Grégoire,  qui  ne  trouva  point  au-dessous  de  lui 
d'enseigner  lui-même  le  chant  aux  enfans.  C'est  ainsi  qu'ont 
agi  toujours  les  grands  législateurs  du  genre  humain  :  ils 
ont  saisi  avec  bonheur  les  choses  principales  et  ils  s'y  sont 

(1)  Act;i  SS.  Aprilis.  Tom.  I.  ad  diera  VI.  Pag.  583. 

(2)  Simililcr  erudierunt  roinaiii  cnnioros  sii^radicli  caatores  fran- 
corum  'm  artc  orgunaadi.  Ibidem. 


254  INSTITUTIONS 

appliqués  avec  constance.  Plus  tard,  le  vulgaire  n'y  a  rien 
compris,  et  le  vulgaire  est  nombreux;  car  qui,  aujourd'hui, 
consentirait  à  voir  dans  la  Liturgie  le  plus  grand  mobile  de 
la  civilisation  d'un  peuple?  Il  est  vrai  que  nous  avons  au- 
jourd'hui des  peuples  sans  habitudes  liturgiques  :  la  posté- 
rité prononcera  sur  la  moralité  des  moyens  qu'on  a  pris  pour 
leur  ouvrir  d'autres  sources  du  beau  et  de  l'enthousiasme. 

Disons  encore  un  mot  de  Charlemagne,  ce  grand  person- 
nage liturgique.  On  a  vu  ailleurs  qu'il  est  auteur  de  l'hymne 
Vcni  Creator,  Spiritus  :  ajoutons  qu'il  assistait  fidèlement 
aux  OHîccs,  tant  de  jour  que  de  nuit,  dans  la  chapelle  du 
Palais.  Sa  vie ,  par  Eginhard ,  renferme  les  plus  précieuses 
particularités  sur  le  zèle  de  cet  incomparable  prince  pour 
le  service  divin.  On  y  voit  que  Charlemagne  présidait  aux 
Offices,  dans  l'altitude  qui  convenait  à  un  prince  chrétien, 
rempli,  comme  il  l'était,  du  plus  grand  respect  pour  le  Sa- 
cerdoce. Il  ne  se  permettait  pas  de  faire  entendre  sa  voix , 
comme  il  appartient  aux  Prêtres  :  il  ne  chantait  qu'à  voix 
basse  et  encore  dans  les  moments  où  les  Laïques  pouvaient 
se  joindre  au  chœur  ;  mais  il  s'était  réservé  le  soin  de  dési- 
gner les  leçons  que  ses  Clercs  devaient  lire ,  afin  qu'ils  se 
tinssent  toujours  prêts  à  remplir  cet  office  correctement.  Il 
n'en  souffrait  aucun  dans  sa  Chapelle  qui  ne  sût  lire  et  chanter 
convenablement.  Il  invita  Paul ,  Diacre ,  célèbre  Moine  du 
montCassin,  à  composer  un  recueil  d'Homéhes  choisies  des 
saints  Pères,  pour  servir  aux  Offices  de  l'Eglise,  pendant  tout 
le  cours  de  l'année.  On  ne  finirait  pas  si  on  voulait  rapporter 
tout  ce  que  Charlemagne  a  fait  eu  faveur  de  la  Liturgie  : 
la  matière  est  si  abondante  qu'elle  demanderait ,  pour  ainsi 
dire ,  un  ouvrage  spécial. 

L'Eglise  et  le  monde  le  perdirent  en  814.  A  sa  mort ,  la 
Liturgie  Komaiiic  légnait  dans  tout  l'Occident,  ù  l'exccp- 


IITURGIQUES.  25o 

lion  do  l'Espognc ,  qui  ne  devait  pas  larder  à  l'embrasser 
aussi  ;  à  grande  peine  Milan  avait  pu  sauver  son  rit  Am- 
bi'osien. 

Louis  le  Pieux  offrit  dans  son  caractère  peu  de  trails  de 
la  grandeur  de  son  père  ;  mais  il  eu  avait  au  moins  hérité  la 
piété  et  le  zèle  pour  le  service  divin.  C'était  beaucoup  pour 
cet  âge  de  la  civilisation  par  le  Christianisme.  Les  Capitu- 
laires  de  Louis  le  cèdent  à  peine  à  ceux  de  Cbarlemagne , 
pour  la  sagesse  des  régiemens  qu'ils  contiennent.  îl  s'occupa 
de  bonne  heure  du  chant  ecclésiastique  et  des  moyens  d'en 
assurer  la  pureté  :  c'est  pourquoi  il  députa  à  Rome  le  célèbre 
lilurgiste  Amalaire ,  Diacre  de  l'Eglise  de  Metz ,  avec  charge 
d'en  rapporter  un  nouvel  exemplaire  de  l'Anliphonaire,  de- 
venu, sans  doute,  nécessaire  par  suite  de  nouvelles  altérations 
qu'on  avait  déjà  faites  au  texte  et  à  la  note  de  saint  Grégoire. 
Le  Pape  Grégoire  IV  se  trouva  hors  d'état  de  satisfaire  l'Em- 
pereur, ayant  précédemment  disposé  du  seul  exemplaire 
de  l'Anliphonaire  qui  lui  restât  libre,  en  faveur  deVala, 
Moine  de  Corbie.  Amalaire,  à  son  retour  en  France,  se  rendit 
dans  celte  illustre  abbaye  :  il  y  conféra  l'Anliphonaire  nou- 
vellement apporté  de  Rome  avec  ceux  qui  étaient  en  usage 
en  France,  et,  après  celte  confrontation,  il  fut  en  état  do 
composer  son  précieux  livre  de  Ordinc  Antiphonarii. 

Quand  nous  disons  que  la  Liturgie  Gallicane  demeura 
détruite  sans  retour  en  France,  nous  n'entendons  pas  dire 
qu'il  n'en  resta  point  quelques  débris,  qui  se  fondirent  dans 
les  usages  Romains.  Les  Eglises  de  Lyon  et  de  Paris  furent , 
sans  doute,  celles  qui  gardèrent  un  plus  grand  nombre  de 
ces  antiques  formes  Gallicanes  ;  mais  les  autres  Eglises  en 
conservèrent  toutes  plus  ou  moins  quelques  parties.  On  en 
peut  encore  retrouver  la  trace  dans  les  usages  déroga- 
toires au  rite  Romain,  qui  se  ivi' ouvcul  dans  la  géncralilé 


2o6  INSTITUTIONS 

des  livres  d'Offices  suivis  autrefois  en  France.  Ainsi ,  nous 
signalerons ,  avec  Grancolas  et  le  P.  Lebrun ,  comme  des 
pratiques  de  la  Liturgie  Gallicane,  dans  l'Office  divin,  l'u- 
sage de  répéter  l'Invilatoire  en  entier  ,  entre  les  versets  du 
Psaume  xciv,  d'ajouter  un  Répons  après  la  neuvième  Leçon 
de  Matines ,  de  dire  Gloria  Patri  à  la  fin  de  chaque  Répons 
des  IXocturnes ,  et  de  répéter  les  troisième ,  sixième  et  neu- 
vième de  ces  Répons ,  dans  les  principales  fêtes  ;  de  dire 
un  verset  appelé  Sacerdotal ,  entre  jlatines  et  Laudes  ;  de 
ne  dire  qu'une  Antienne  à  Vêpres ,  quand  il  n'y  en  a  pas 
de  propres  tirées  des  Psaumes  ;  de  dire  les  Psaumes  de  la 
Férié  aux  premières  Vêpres  des  fêtes  solennelles;  de  chan- 
ter un  Répons  à  Vêpres,  etc.  Pour  la  Messe,  le  principal 
rite  Gallican  qui  se  fût  conservé ,  et  qui  ne  se  pratique  plus 
guère  aujourd'hui  qu'à  Paris ,  est  la  Rénédiction  Episcopale 
après  le  Pater  ;  nous  indiquerons  encore  les  prières  géné- 
rales que  l'on  fait  au  Prône  ;  la  coutume  de  porter  le  livre 
des  Evangiles  à  baiser  au  clergé  ;  de  mêler  Tcau  et  le  vin  dans 
le  calice ,  en  disant  une  oraison  qui  rappelle  le  sang  et  l'eau 
qui  sortirent  du  côté  ouvert  de  Jésus-Christ  ;  l'usage  de  sus- 
pendre le  Saint-Sacrement  au-dessus  de  l'autel ,  dans  un  vase, 
ordinairement  en  forme  de  colombe,  etc.  Aujourd'hui,  plu- 
sieurs de  ces  usages  sont  tombés  eu  désuétude ,  et  l'on  ne  se 
met  guère  en  peine  de  savoir  l'origine  de  ceux  qu'on  a  conser- 
vés. Nous  dirons  comment,  au  dix-huitième  siècle,  l'Eglise  de 
Lyon,  celle  de  toutes  qui  avait  conservé  un  plus  grand  nombre 
d'anciens  usages  Gallicans ,  les  vit  succomber  sans  retour, 
sous  les  coups  du  Gallicanisme.  Mais  reven  ns  à  xVmalaire. 
Son  ouvrage  était  une  compilation,  que  nous  avons  encore, 
de  diverses  pièces  des  Antiphonaircs  romain  et  français,  dont 
il  fit  un  tout,  en  les  corrigeant  les  uns  sur  les  autres  :  mais  afin 
que  l'on  pût  reconnaître,  du  premier  coup  d'œil,  les  sources 


LITURGIQUES.  257 

auxquelles  il  avait  puisé,  il  eut  soin  de  placer  eu  marge 
la  lettre  U,  lorsqu'il  suivait  l'Antiphonaire  Romain,  et  la 
lettre  M,  quand  il  s'attachait  à  celui  de  Metz.  Dans  quelques 
endroits  où  il  avait  jugé  à  propos  de  s'éloigner  de  l'un  et  de 
l'autre,  il  avait  mis  en  marge  un  I  et  un  C,  comme  pour 
demander  Indulgence  et  Charité  (1).  Ce  recueil ,  qui  constate 
la  manie  incorrigible  des  Français  de  retoucher  sans  cesse 
la  Liturgie ,  devint  le  régulateur  du  chant  ecclésiastique 
dans  nos  Eglises  ;  on  ne  retourna  plus  désormais  à  Rome 
chercher  de  nouveaux  Antiphonaires,  et  telle  fut  l'origine 
première  de  cette  Liturgie  Romaine-Française  dont  nous 
aurons  occasion  de  parler  dans  la  suite  de  cette  histoire. 
Toutefois,  pour  être  juste,  il  faut  convenir  que,  dans  le 
plus  grand  nombre  des  Offices  de  l'année ,  la  compilation 
d'Amalaire  ne  présente  pas  de  variantes  avec  les  livres  pu- 
rement Romains.  Le  petit  nombre  d'Offices  dans  lesquels 
ces  différences  se  remarquent  ne  s'éloignent  du  Romain  que 
par  la  substitution,  ou  l'addition  de  quelques  Répons  ou 
Antiennes,  à  d'autres  Répons  ou  Antiennes  de  l'Antipho- 
naire Grégorien.  Le  Siège  Apostolique  trouva  ces  nuances 
si  légères,  qu'il  ne  jugea  pas  à  propos  de  réclamer  :  la  Li- 
turgie Gallicane  n'en  était  pas  moins  détruite  sans  retour, 
et  les  Usages  Romains  introduits  (  mais  non ,  hélas  !  sans 
retour)  dans  le  florissant  empire  des  Francs  . 

Le  travail  d'Amalaire  essuya  néanmoins  une  vive  critique 
dans  l'Eglise  de  Lyon.  Le  fameux  Agobard  occupait  alors 
ce  siège  ,  Prélat  que  son  Eglise  honore  d'un  culte  que  le 
Siège  Apostolique  n'a  pas  ratifié.  Il  se  déchaîna  avec  vio- 
lence contre  Amalaire ,  dans  un  opuscule  qu'il  intitula  de  la 
divine  Psalmodie,  et  lui  reprocha  d'avoir  attaqué  la  sainte 

(1)  Bibliolh.  Max.  Patrum.  Lugd.  Tom.  XIV.  Pag.  1052.-1061. 
T.  I.  17 


258  INSTITUTIONS 

Eglise  de  Lyon ,  non  seulement  de  vive  voix ,  mais  par  écrit, 
comme  ne  suivant  point  l'usage  légitime  dans  la  célébration 
des  Offices.  Agobard  avait  à  venger  en  ceci  une  querelle 
personnelle.  Il  avait  corrigé  aussi ,  à  sa  manière ,  l'Antipho- 
naire ,  eu  y  retranchant ,  disait-il ,  les  choses  vaines ,  super- 
flues ,  ou  approchant  du  blasphème  et  du  mensonge ,  jiour 
n'y  laisser  que  ce  qui  était  de  l'Ecriture  sainte ,  suivant  l'in- 
tention des  Canons  (1). 

L'Ânliphonaire  de  Metz ,  au  contraire ,  offrait  un  certain 
nombre  de  pièces  en  style  ecclésiastique,  et  qui  n'étaient 
point  formées  des  paroles  de  l'Ecriture. 

Il  est  assez  étrange  que  l'Antiphonaire  Romain,  que  Pépin  et 
Cliarlemagne  avaient  établi  à  Lyon,  si  peu  d'années  aupara- 
vant, renfermât  tant  de  choses  repréhensibles  ;  mais  l'étonne- 
ment  cesse  quand  on  lit  le  livre  du  même  Agobard ,  de  correc- 
tione  Antiphonarii.  On  voit  que  cet  Evoque  n'était  point 
étranger  aux  théories  qui  furent  improuvées  en  Espagne,  dans 
ce  quatrième  Concile  de  Tolède ,  dont  nous  avons  rapporté 
ci-dessus  un  Canon  intéressant.  Agobard  soutenait  aussi 
qu'on  ne  devait  chanter  dans  les  Offices  que  les  seules  pa- 
roles de  la  sainte  Ecriture ,  et  pour  mettre  la  Liturgie  d'ac- 
cord avec  son  système ,  il  avait  commencé  par  retrancher  des 
LivTes  Grégoriens  tout  ce  qui  pouvait  y  être  contraire. 

Dans  ce  dernier  ouvrage  dont  nous  venons  de  parler,  il  at- 
taque principalement  le  livre  d'Amalaire ,  de  Ordine  Anti- 
inlionarii.  et  fait  une  critique  amère  et  violente  de  plusieurs 
Antiennes  et  Répons  qu'il  prétend  être  de  la  composition  du 
liturgiste  de  Metz.  Il  est  fâcheux  pour  la  réputation  d'Agobard, 

(1)  Antiphonarium  pro  viribus  noslris  magaa  ex  parte  correxitnus, 
aniputatis  bis  qu;o  vel  superflua  ,--A  !evia,  vel  mendacia.  aiit  blasphéma 
videbauiur.  Agobard.  De  Cunectione  Antiphonarii.  Bibliuih.  Max.  Pa- 
tmiH   Tum.  xn  .  Pa''.  oli. 


LITURGIQUES.  259 

qui,  au  l'estc ,  n'a  jamais  joui  de  celle  d'un  homme  impartial, 
que  laplupai'l  des  pièces  qu'il  impute  à  Amalaire,  aient  fait 
partie  de  tout  temps  de  l'Antiphonaire  même  de  saint  Gré- 
goire; ainsi  (pie  le  B.  Tommasi  l'a  (\ut  remarquer  dans  ses 
notes  sur  les  livres  Resiionsoriaux  et  Antiphonaires  (1)  :  sur 
quoi  notre  illustre  D.  Mabillon  dit  ces  paroles  :  «  Ainsi ,  de  ri- 
»  gides  censeurs  provocjuent  quelquefois  contre  eux-mêmes 
»  la  juste  censure  d'autrui  (2).  »  Si  donc  Amalaire  était  re- 
préliensible  pour  avoir  inséré  quelque  chose  dans  l'Antipho- 
naire ,  Agobard  l'était  bien  davantage ,  lui  qui  n'avait  pas 
craint  de  retrancher  de  son  autorité  privée  tout  ce  qui  n'était 
pas  tiré  des  paroles  mêmes  de  l'Ecriture  sainte.  L'un  avait 
attenté,  du  moins  en  quelque  chose,  à  la  pureté  de  la  Liturgie  ; 
l'autre  y  avait  attenté  gravement,  et,  de  plus,  avait  osé  con- 
tester un  des  principaux  caractères  de  toute  Liturgie,  le 
caractère  traditionnel. 

Au  reste,  l'œuvre  d' Amalaire  resta ,  parce  qu'elle  était  dans 
le  vrai ,  malgré  certaines  hardiesses  ;  celle ,  au  contraire , 
d'Agobard ,  ne  lui  survécut  pas ,  au  moins  dans  la  partie  sys- 
tématique. On  trouve,  en  effet,  dans  l'ancienne  Liturgie 
Lyonnaise  ,  grand  nombre  de  pièces  en  style  ecclésias- 
tique ;  nous  nous  contenterons  de  rappeler  ici  la  magnifique 
Antienne  :  Venite  ,  populi ,  ad  sacrum  et  immortale  myste- 
rium^  etc. ,  qui  se  chantait  pendant  la  Communion.  Quant 
aux  OITices  de  l'Eglise  de  Lyon ,  tels  qu'ils  s'étaient  conservés 
jusqu'au  siècle  dernier ,  nous  en  donnerons  une  idée  suffi- 
sante dans  une  autre  partie  de  cet  ouvrage. 

La  conti'overse  d' Amalaire  et  d'Agobard  nous  amène  à 

(t)  Yen.  viri  Josephi  3Iarke  Tommasii ,  S.  R.  E.  Cardiualis  opéra. 
Tom.  IV  et  V,  passim. 

(2)  Sic  rigidi  censorcs  aliquando  in  se  provocant  juslam  censurarn 
aliorum.  Mnsœum  Jtalicum.  Tom,  II,  p.  IV. 


260  INSTITUTIONS 

parler  d'un  développement  que  leur  époque  vit  naitre  dans 
la  Liturgie.  Il  s'agit  des  Tropes,  qui  furent  comme  une  pre- 
mière éhânche  des  Séquences  qui  leur  succédèrent.  Les  Tropes 
étaient  une  sorte  de  Prologue  qui  préparait  à  l'Introït.  Nous 
avons  cité ,  au  chapitre  YII,  celui  qu'on  chantait  le  premier 
dimanche  de  l'Avent ,  en  l'honneur  de  saint  Grégoire.  Plus 
tard ,  on  intercalla  des  Tropes  dans  les  pièces  de  chant ,  dans 
le  corps  même  des  Introïts  ,  entre  les  mots  Kyrie  et  eleison , 
à  certains  endroits  du  Gloria  in  excelsis,  du  Sanctus  et  de 
YAgnus  Dei.  On  en  plaça  aussi  à  la  suite  du  verset  Alléluia, 
en  prenant  pour  motif,  daus  le  chant ,  la  modulation  appelée 
Neuma  ou  Jubilus,  qui  suit  toujours  ce  verset.  Celte  der- 
nière espèce  de  Trope  fut  appelée  Séquence,  du  nom  qu'on 
donnait  alors  à  cette  suite  de  notes  sur  une  même  dernière 
syllabe  (1). 

Le  Cardinal  Bona  et  la  plupart  des  auteurs  s'accordent 
assez  généralement  à  attribuer  l'invention  première  des 
Séquences  au  B.  Notker  Balbulus ,  Moine  de  Saint -Gall, 
dont  nous  allons  parler  plus  loin;  mais  une  précieuse  dé- 
couverte faite  par  l'abbé  Lebeuf ,  sur  un  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  du  Pioi ,  nous  contraint  de  placer  plus  haut 
l'institution  des  Tropes  qui ,  à  le  bien  prendre ,  ne  forment 
point  un  genre  différent  des  Séquences  même.  Le  docte  Sous- 
chantre  d'Auxerre  indique  un  manuscrit  du  Liber Pontificalis, 
(  ouvTage  attribué ,  comme  on  sait ,  à  Ânastase  le  Bibliothé- 
caire), à  la  suite  duquel  se  trouve  la  vie  du  Pape  Adrien  II  (2); 
mais,  à  la  différence  des  manuscrits  édités  par  Bianchini, 
Vignoli  et  Muratori ,  la  vie  de  ce  Pape  que  ces  derniers  nous 
présentent  tronquée,  offre,  sur  le  manuscrit  cité  par  Lebeuf, 

(1)  Bona.  Rerum  Liturgicarum   Lib.  II.  cap.  III  et  FI.  Edit.  Sala 
Tom.  III.  pag.  Si  et  157. 
(-)  Lebeul'.  Traité  hiiloriqiic  sur  k  Chant  Ecclésiastique ,  pa<j.  105 


LITURGIQUES.  2G1 

(les  particularités  curieuses  qui  no  se  trouvent  point  sur  ceux 
qu'ont  publié  ces  auteurs.  Nous  renvoyons  ce  passage  dans 
les  notes  du  présent  chapitre  (1).  Il  y  est  dit  qu'Adrien  II ,  à 
l'exemple  du  premier  Pape  de  son  nom  ,  compléta  en  divers 
endroits  rAnliphonaire  Romam,  qu'il  plaça,  en  tête  de  la  Messe 
du  premier  dimanche  de  l'Avent,  un  Prologue  en  vers  hexa- 
mètres ,  destiné  à  être  chanté  ;  que  ce  Prologue  commence 
de  la  môme  manière  que  celui  qu'Adrien  l"  avait  composé , 
mais  qu'il  renferme  un  plus  grand  nombre  de  vers.  On  doit 
donc  faii'c  remonter  au  huitième  siècle  la  première  origine 
de  cet  éloge  de  saint  Grégoire  que  nous  avons  rapporté  ci- 
dessus  ,  et  par  là  même  des  Tropcs  ;  car  cet  éloge  est  un 
véritable  Trope  (2). 

La  Chronique  ajoute  qu'Adrien  II  ordonna  que,  même 
dans  les  Monastères ,  à  la  Messe  solennelle ,  aux  principales 
fêtes,  on  chanterait  non  seulement  au  Gloria  inexcelsis, 
mais  encolle  à  l'Introït ,  ces  hymnes  intercallées  que  les  Ro- 
mains appellent  Festivœ  laudes ,  et  les  Français  Tropcs.  Le 
même  Pape  voulut  aussi  qu'avant  l'Evangile  on  chantât  ces 
mélodies  qu'on  appelle  Séquences  ;  et  comme  ,  ajoute  la 
chronique,  «  ces  chants  festifs  avaient  été  premièrement 
»  établis  par  le  seigneur  Grégoire  1",  et,  plus  tard,  par 
»  Adrien ,  aidé  de  l'abbé  Alcuin ,  ami  particulier  du  grand 

(1)  Vid.  la  noteE. 

(t)  Voici  les  vei's  qu'on  trouve  sur  la  plupart  des  anciens  manuscrits 
de  l'Antiphonaire  Grégorien.  D'après  la  Chronique  que  nous  suivons  , 
ils  doivent  ôtre  de  saint  Adrien  I",  puisqu'ils  sont  moins  nombreux  et 
moins  complets  que  ceux  que  nous  avons  rapportés. 
Gregorhcs  Prœsul  mentis  et  nomine  dignus , 
Unde  genus  duxit  summum  conscendit  lionorem. 
Renovavit  monumeiita  patrumque  priorum , 
Tune  composuit  hune  libelium  musicœ  artis 
Sçlwlœ  cmtorum  ami  circuit.  Eia,  die  Domine,  eia, 


2G2  INSTITUTIONS 

»  Empereur  Charles ,  qui  prenait  un  singulier  plaisir  à  ces 
»  chants ,  mais  qu'ils  tombaient  déjà  en  désuétude  par  la 
»  négligence  des  chantres ,  l'illustre  Pontife  dont  nous  par- 
!>  Ions  les  rétablit  à  l'honneur  et  gloire  de  Notre-Seigneur 
ï  Jésus-Christ,  en  sorte  que  désormais  on  employât,  pour  les 
»  chants  de  la  iMesse  solennelle ,  non  plus  seulement  le  Livre 
»  des  Antiennes,  mais  aussi  le  Livre  des  Tropes.  » 

Il  résulte  de  cet  important  fragment,  que  les  Séquences 
existaient  déjà  au  temps  d'Adrien  II ,  qui  siégea  en  867 ,  et 
que  ce  Pape  en  renouvela  l'usage  déjà  assez  ancien.  Nous 
ne  pensons  pas  au  reste  qu'on  puisse  soutenir  ce  qui  est 
dit  ici  de  saint  Grégoire ,  comme  ayant  institué  cette  forme 
de  chant  ;  il  en  serait  resté  quelque  autre  trace  dans  l'an- 
tiquhé.  Peut-être  pourrait-on  ,  avec  quelque  probabilité , 
entendre  ceci  de  saint  Grégoire  II ,  qui  paraît  s'être  occupé 
du  chant  ecclésiastique.  Quoi  qu'il  en  soit,  iNotker  ne  fut  donc 
point  l'auteur  des  Tropes  et  des  Séquences ,  bien  qu'il  ait  con- 
tribué à  en  répandre  l'usage,  ainsi  que  nous  le  rapporterons 
plus  loin. 

Les  conséquences  de  l'institution  de  ces  sortes  de  récits 
poétiques  et  ornés  d'un  certain  rhythme ,  furent  importantes 
pour  l'avenir  de  la  Liturgie.  D'abord ,  sous  le  rapport  de  la 
composition  des  formules  saintes ,  elle  consacrèrent  de  plus 
en  plus  le  principe,  contesté  par  Agobard  cl  le  Concile  de 
Brague,  que  les  chants  sacrés  ne  sont  pas  exclusivement 
composés  des  paroles  de  l'Ecriture  Sainte.  Sans  doute , 
comme  nous  venons  de  le  dire ,  Y Antiphonaire  et  le  Respon- 
sorial  Romains  renfermaient  déjà  une  certaine  quantité  de 
pièces  en  style  ecclésiastique  ;  mais  le  nombre  toujours  crois- 
sant des  Tropes  et  des  Séquences  mettait  de  phis  en  plus  le 
principe  dans  tout  son  jour.  Rome,  qui  n'avait  pas  d'abord 
adopté  les  Hymnes,  paraît  avoir  imité  en  cela,  au  plus  tard 


LITURGIQUES.  263 

vers  le  onzième  siècle ,  les  Eglises  Ambrosienne ,  Gallicane  et 
Gothique  ;  elle  y  était  préparée  naturellement  par  l'emploi 
des  Tropes  et  des  Séquences.  Bien  plus,  l'Eglise  de  Lyon ,  en 
dépit  d'Agobard,  adopta  aussi  de  bonne  heure  ces  poétiques 
superféiations ,  et  a  gardé  plus  long-temps  que  toute  autre 
les  Tropes  du  Kyrie  eleison  et  du  Sanctus.  On  ne  pouvait 
donner  un  plus  éneigique  démenti  à  ceux  qui  se  scandali- 
saient d'entendre  parfois  retentir  la  grande  voix  de  l'Eglise 
elle-même ,  dans  les  intermèdes  de  la  psalmodie. 

Une  autre  conséquence  de  l'institution  des  Tropes  fut  une 
révolution  dans  la  marche  du  chant  ecclésiastique.  On  n'en 
vint  pas  tout  d'abord  à  y  chercher  une  mesure  proprement 
dite;  mais  la  composition   cadencée  et  presque  toujours 
rimée  de  ces  pièces ,  pour  être  sentie  dans  le  chant ,  de- 
mandait une  autre  facture  à  la  phrase  Grégorienne.  La  phy- 
sionomie primitive  du  chant  se  trouva  donc  nécessairement 
modifiée,  dans  ces  parties  nouvelles  ;  le  caractère  des  diverses 
nations  de  l'Occident ,  ou  plutôt  le  génie  de  la  Chrétienté 
occidentale ,  se  fit  jour  par  ses  propres  forces  dans  ces  essais 
encore  mal  assurés.  Les  Français  jouèrent  un  grand  rôle 
dans  celte  puissante  innovation ,  qui  était  arrivée  à  sa  pleine 
maturité  à  l'ouverture  du  onzième  siècle ,  époque  qui  vit  la 
lutte  du  Sacerdoce  et  de  l'empire ,  les  croisades  et  la  recons- 
truction de  nos  cathédrales  sur  un  plan  si  mystérieusement 
sublime.  On  garda  toutefois  assez  fidèlement,  sauf  les  va- 
riantes inévitables   dont  nous  avons  signalé  la  cause,  les 
pièces  du  répertoire  Grégorien  ;  mais  elles  contrastèrent 
désormais  avec  le  genre  des  morceaux  qu'on  y  accola  pour 
célébrer  les  fêtes  nouvelles ,  celles  des  patrons  et  autres  so- 
lennités locales.  Un  ouvrage  spécial  serait  ici  nécessaire, 
nous  le  sentons  :  les  matériaux  ne  nous  manqueraient  pas. 
Pour  le  présent,  nous  dirons  seulement  que  l'on  peutran- 


264  INSTITUTIONS 

ger  les  morceaux  de  chant  ecclésiastiques  composés,  du  hui- 
tième au  onzième  siècle,  en  deux  grandes  classes;  l'une 
composée  des  pièces  traitées  en  tout  ou  en  partie  dans  le 
grand  style  Grégorien  (1),  l'autre  empreinte  d'un  caractère 
nouveau,  à  la  fois  rude  et  pesamment  mélodieux  (2).  Cette 
dernière  classe  se  subdivise  encore  en  pièces  ornées  de  rime 
et  d'une  certaine  mesure ,  et  en  pièces  de  prose,  mais  revê- 
tues d'une  mélodie  recherchée  et  totalement  étrangère , 
pour  le  caractère,  à  celle  de  la  phrase  Grégorienne. 

Cette  révolution ,  dans  une  partie  si  capitale  de  la  Litur- 
gie ,  agita  grandement  les  compositeurs  du  chant ,  surtout 
dans  les  monastères  qui  ont  été  pendant  de  longs  siècles , 
avec  les  cathédrales ,  les  seules  écoles  de  musique  en  Occi- 
dent. De  nombreux  auteurs,  en  ces  deux  siècles,  cherchèrent 
à  résumer  la  synthèse  de  la  musique ,  ou  à  formuler  de  nou- 
veaux moyens  de  l'écrire.  Mais  au  milieu  de  cette  agitation, 
les  vraies  traditions  étaient  en  souffrance  ,  et  l'on  peut  affir- 
mer que  si  les  livres  romains  n'eussent  été  déjà  introduits  en 
France,  par  la  puissante  volonté  de  Pépin  et  de  Charlemagne  ; 
si  toute  l'économie  des  fêtes  de  l'année  chrétienne  n'eût  déjà 
reposé  sur  ce  répertoire  admirable  ;  aujourd'hui ,  nous  ne 
connaîtrions  qu'en  théorie  les  antiques  Modes  de  la  musique, 
et  nous  ignorerions,  dans  cet  art,  un  passé  de  deux  mille  ans. 
C'est  ainsi  qu'en  toutes  choses ,  le  Catholicisme  a  su  marier 
aux  effets  de  l'activité  propre  de  chaque  nation ,  l'immobi- 
lité de  ses  formes  :  d'oii  résulte  ce  mélange  de  mouvement 
et  de  solidité  ,  qui  est  l'ordre  vivant.  Il  n'y  a  eu  dégradation 

(i)  Le  Graduel ,  VÀlleluia  et  la  Communion  de  la  Toussaint  ;  les 
Antiennes  de  la  même  fête.  Il  est  possible  aussi  que  ces  pièces  aient  été 
composées  à  Rome. 

(2)  Les  Antienne»  de  la  fête  de  la  Sainte-Trinité ,  l'Hymne  Gloria 
laus  ,  du  dimanche  des  Rameaux ,  celle  0  Redemptor,  dans  la  consé- 
cration des  saintes  Huiles ,  etc. 


LITURGIQUES.  265 

qiio  quand  on  a  voulu  isoler  ce  que  Dieu  et  son  Eglise 
avaient  uni. 

Fils  et  successeur  de  Louis-le-Pieux ,  Charles-le-Chauve 
ne  se  montra  pas  moins  zélé  que  les  chefs  de  sa  race  pour  l'é- 
tablissement des  Usages  Romains  dans  toute  la  France.  Il  dit 
dans  une  lettre  au  clergé  de  Ravenne  :  «  Jusqu'au  temps  de 
»  notre  aieul  Pépin  ,  les  Eglises  Gallicanes  célébraient  les 
»  divins  Offices  autrement  que  l'Eglise  Romaine,  ou  celle  de 
»  Milan.  Nous  avons  vu  des  Clercs  de  l'Eglise  de  Tolède  célé- 
»  brer  en  notre  présence  les  saints  Olfices  suivant  la  coutume 
»  de  cette  Eglise  ;  pareillement,  on  a  célébré  devant  nous  la 
ï  Messe  solennelle  selon  la  coutume  de  Jérusalem ,  d'après 
î>  la  Liturgie  de  saint  Jacques ,  et  selon  la  coutume  de  Cons- 
»  tantinople ,  d'après  la  Liturgie  de  saint  Basile  ;  pour  nous, 
»  nous  jugeons  que  c'est  l'Eglise  Romaine  qu'il  faut  suivre 
»  dans  la  célébration  de  la  Messe  (1).  » 

Ces  paroles  de  Charles-le-Chauve,  qui  montrent  si  bien  l'in- 
térêt que  cet  Empereur  portait  aux  choses  de  la  Liturgie,  nous 
engagent  à  mentionner  ici  les  princes  de  cette  époque  qui  té- 
moignèrent le  plus  grand  respect  pour  les  Offices  divins.  Ainsi, 
nous  rappellerons  la  piété  de  Lothaire ,  fils  aîné  de  Louis-le- 
Pieux  ,  qui ,  au  rapport  de  Léon  d'Ostie ,  entendait  chaque 
jour  trois  Messes  (5).  Othon  I",  Empereur  en  962,  assistait 
tous  les  jours  à  tout  l'Office,  et  dans  les  solennités ,  sui- 
vant Ditmar,  historien  contemporain ,  il  se  rendait  à  l'Eglise 
avec  pompe  et  en  procession ,  accompagné  des  Evêques  et 
de  tout  le  clergé ,  avec  les  croix ,  les  reliques  et  les  encen- 
soirs, pour  assister  à  Vêpres,  à  Matines  et  à  la  Messe ,  et  il 
ne  se  retirait  jamais  avant  la  fin.  En  Angleterre ,  au  neuvième 
siècle ,  fleurissait  Alfred ,  prince  qui  fut  aussi  grand  que  le 

(1)  Vid.  la  note  D. 

(2)  Chronic.  Casslnense.  lib.  IF.  cap,  12S. 


266  INSTITUTIONS 

lui  permit  le  théâtre  trop  restreint  de  sa  gloire.  Il  aima 
aussi  les  Offices  divins,  et  ce  grand  guerrier,  ce  puissant 
législateur ,  ce  sage  véritable ,  partageait  les  vingt-quatre 
heures  du  jour  en  trois  parties  égales,  en  donnant  huit  à 
la  prière  et  à  la  lecture,  huit  aux  nécessités  du  corps, 
huit  aux  affaires  de  son  royaume.  Sur  les  huit  heures  con- 
sacrées à  la  prière ,  il  assistait  à  tous  les  Offices  du  jour  et 
de  la  nuit ,  et  Guillaume  de  Malmesbury  nous  apprend  qu'il 
avait  toujours  le  livre  des  Offices  divins  dans  son  sein ,  afin 
d'y  recourir  pour  prier,  dans  tous  les  momensde  loisir  qu'il 
pouvait  avoir.  Telle  était  la  religion  profonde  de  ces  grands 
chefs  des  peuples  qui  travaillèrent,  de  concert  avec  l'Eglise , 
à  tirer  l'Europe  de  la  barbarie. 

Pendant  que  l'unité  liturgique,  et,  par  elle,  l'orthodoxie 
jetait  de  si  profondes  racines  dans  l'Occident ,  l'Eglise  d'O- 
rient était  ensanglantée  par  les  fureurs  de  l'hérésie  Icono- 
claste. La  décision  du  septième  Concile  Général  en  faveur 
des  saintes  Images  fut  un  grand  fait  liturgique.  Par  cette 
décision,  l'Eglise  sanctionna  pour  jamais  l'emploi  delà  forme 
extérieure  dans  les  objets  du  culte  chrétien ,  et  sauva  l'art 
près  d'expirer  sous  les  coups  du  plus  brutal  fanatisme.  La 
place  nous  manque  ici  pour  raconter  en  détail  cette  victoire  ; 
mais  nous  devions  au  moins  l'enregistrer  dans  notre  récit. 
Le  même  sentiment  qui  portait  les  fidèles  à  vénérer  les  re- 
liques des  saints,  les  devait  conduire  naturellement  à  honorer 
leurs  images.  Nous  verrons  l'hérésie  anti-liturgiste  parcourir 
la  même  ligne  dans  ses  blasphèmes  et  ses  violences. 

Il  est  temps  de  donner  la  liste  des  auteurs  qui  ont  travaillé 
sur  la  Liturgie,  à  l'époque  qui  nous  occupe,  c'est-à-dire, 
durant  les  neuvième  et  dixième  siècles. 

Nous  commencerons  notre  liste  à  Oldibert ,  ou  Odelpert , 
qui  fut  fait  Archevêque  de  Milan ,  vers  804.  Il  composa ,  à  la 


LITURGIQUES.  267 

tloniande  de  Charlomagne ,  comme  plusieurs  autres  Evoques 
de  son  temps,  un  livre  de  Baptismo. 

(808).  Joseph  Studite,  frère  de  saint  Théodore  Studitc , 
et  Archevêque  de  Thessalonique ,  est  auteur  de  phasieurs 
hymnes  dans  la  Liturgie  Grecque. 

(810).  Philoxène ,  Evêque  de  Bagdad  ,  écrivit  un  traité 
sur  les  Offices  divins ,  et  composa  une  Anaphore  qui  se  trouve 
dans  la  collection  de  Renaudot. 

(810).  Amalaire ,  Fortunat ,  Archevêque  de  Trêves,  est 
auteur  d'un  livre  de  ratione  rituum  sacri  Baptismatis. 

(812).  Amalaire,  Prêtre  de  l'Eglise  de  Metz,  est,  dans 
l'ordre  des  temps,  après  saint  Isidore  de  Séville,  l'auteur  le 
plus  important  sur  l'ensemble  de  la  Liturgie.  Ses  quatre  livres 
de  Ecclesiasticis  Ofjiciis,  sont  du  plus  grand  prix  pour  l'ex- 
plication des  Mystères  de  l'OlFice  divin.  Nous  y  puiserons 
souvent  dans  la  suite.  La  place  nous  manque  pour  insérer 
ici  la  table  des  chapitres  de  cet  ouvrage ,  ainsi  que  nous 
l'avons  fait  pour  les  Origines  Ecclésiastiques  de  saint  Isidore. 
On  a  reproché  à  Amalaire  d'avoir  poussé  à  l'excès  la  re- 
cherche des  sens  mystiques  dans  les  choses  de  la  Liturgie.  Il 
peut  y  avoir  quelque  fondement  à  ce  reproche  :  nous  exami- 
nerons ailleurs  les  règles  à  suivre  dans  l'explication  mystique 
des  particularités  du  service  divin ,  pour  se  tenir  éloigné  de 
tout  excès  dans  un  sens  comme  dans  l'autre.  Nous  avons  parlé 
ci-dessus  du  livre  d'Amalaire ,  intitulé  de  ordine  Antiphona- 
rii.  Baluze,  à  la  suite  de  ses  Capitulaires,  a  publié,  du  même 
auteur,  un  opuscule  intitulé  :  Eclogœ  in  Canonem  Missœ. 

(813).  Saint  Théodore  Studite,  Archimandrite,  intrépide 
défenseur  des  saintes  images,  a  composé  une  grande  quan- 
tité d'Hymnes  et  de  Prières  qui  sont  en  usage  dans  la  Liturgie 
Grecque  ,  pendant  le  Carême. 

(813).  Agobard,  Achevêque  de  Lyon,  a  écrit,  comme 


2G8  INSTITUTIONS 

nous  l'avons  rapporté ,  contre  Âmalaire  de  Metz ,  i»  De 
•psalmodia  ;  2°  De  correctione  antiphonarii  ;  ù"  Liber  adversus 
Amalarium. 

(813).  Maxence,  Patriarche  d'Aquilée,  composa  aussi, 
à  la  prière  de  Charlemagne ,  une  lettre  de  ritibus  Baptismi, 
eorumque  significatu. 

(818).  Théodore  et  Théophane  Graptus,  moines  de  saint 
Sabas ,  illustres  défenseurs  des  saintes  Images ,  sont  auteurs 
de  plusieurs  hymnes  de  la  Liturgie  Grecque. 

(820).  Josué ,  Patriarche  des  Nestoriens,  écrivit  de  la 
Distinction  des  Offices;  de  leur  interprétation ,  et  de  la  Vertu 
des  Hymnes. 

(829).  Icasie,  princesse  grecque,  qui  fut  au  moment  de 
ceindre  le  diadème  d'impératrice,  et  d'obtenir  la  main  de 
l'empereur  Théophile ,  acheva  sa  vie  dans  les  loisirs  de  l'é- 
tude et  de  la  contemplation.  Elle  composa  plusieurs  hymnes 
ecclésiastiques  dont  quelques-unes  sont  entrées  dans  la  Li- 
turgie Grecque. 

(830).  Hélisacar,  chancelier  de  Louis-le-Débonnaire,  Abbé 
de  Saint-Riquier  et  ensuite  de  Saint-Maximin  de  Trêves ,  mit 
en  ordre  i'Antiphonaire  Romain,  à  l'usage  de  plusieurs 
Eglises. 

(837).  Florus,  Diacre  de  Lyon,  a  laissé  une  Exposition  du 
Canon  de  la  Messe. 

(840).  Loup,  Abbé  de  Ferrières,  est  auteur  de  deux 
hymnes  en  l'honneur  de  saint  Yigbert. 

(841).  Grimoald,  Abbé  de  Saint-Gall ,  archi-chapelain  de 
Louis-le-Débonnaire ,  fit  une  révision  du  Sacramentaire  de 
saint  Grégoire. 

(842).  Walafrid  Strabon ,  Abbé  d'Augie  la  Riche ,  est  au- 
teur d'un  précieux  opuscule  intitulé  :  De  Officiis  divinis , 
sive  de  exordiis  et  incrementis  rerum  ecolesiasticarum.  Ce 


LITURGIQUES.  269 

livre  est  encore  une  des  principales  sources  de  la  science 
liturgique  du  moyen-âge. 

(845).  Eldeplionsc,  ou  Idclplionse ,  Evoque  Espagnol,  a 
laissé  un  opuscule  dans  lequel  il  traite  des  hosties  destinées 
au  Sacrifice  Eucharistique,  et  explique  les  mystères  signifiés 
par  leur  figure,  leur  poids,  leur  nombre,  leur  inscrip- 
tion, etc. 

(847).  Rhaban  Maur,  d'abord  Abbé  de  Fulde,  puis  Arche- 
vêque de  Mayence ,  est  aussi  un  des  principaux  liturgistes 
du  moyen-âge.  Il  mérite  ce  litre  par  ses  trois  livres  de  Ins- 
titutione  clericali,  qui  renferment  la  plus  riche  instruction. 
Il  y  faut  joindre  plusieurs  hymnes,  un  opuscule  de  Sacris  Or- 
dinibus,  sacramentis  divinis  et  vestimentis  sacerdotalibus , 
cl  enfin  le  Martyrologe  qui  porte  le  nom  de  Rhaban  Maur. 

(850).  Wandelbert,  Moine  de  Prum ,  est  auteur  d'un 
Martyrologe  en  vers. 

(850) .  Aurélien ,  Moine  de  Moutier  Saint-Jean ,  a  composé 
un  traité  sur  léchant,  qu'il  dédia  à  Rernard,  archi-chanlre. 
Nous  n'avons  plus  cet  ouvrage. 

(853).  Rodrade,  Prêtre  d'Amiens,  fit,  ù  l'usage  de  cette 
Eglise ,  une  révision  du  Sacramentaire  Grégorien ,  qu'il  di- 
visa en  deux  livres. 

(833).  Joseph,  de  Sicile,  surnommé  V Uymnographe ,  est 
auteur  de  beaucoup  d'Hymnes  en  usage  dans  la  Liturgie 
Grecque.  Sa  fécondité  dans  ce  genre  fut  si  grande,  qu'il 
n'en  a  pas  laissé  moins  de  six  cents,  en  l'honneur  de  la  Sainte 
Vierge.  Ces  Cantiques  sont  d'une  grande  onction,  et  souvent 
d'une  poésie  sublime. 

(856).  Angelome,  Moine  de  Luxeuil,  en  Bourgogne, 
écrivit  un  livre  De  Divinis  Officiis. 

(859) .  Adon ,  Archevêque  de  Vienne ,  est  auteur  du  fameux 
Martyrologe  qui  porte  son  nom. 


270  mSTITUTIONS 

(860).  Chaiies-le-Chauve ,  Empereur,  passe  pour  avoir 
composé  un  Office  en  l'honneur  du  saint  Suaire ,  dont  l'Eglise 
de  Compiègne  fut  enrichie  de  son  temps.  On  lui  attribue 
aussi  un  Répons  de  saint  Martin,  qui  commence  par  ces 
mots  :  0  quam  admiraUlis. 

(862) .  Salvus ,  Abbé  d'Alvelda ,  en  Navarre  ,  composa  des 
Hymnes  et  des  Oraisons  ecclésiastiques. 

(863).  Moys3  Barcepha,  nommé  aussi  Sévère,  Evêque  de 
Mosul,  de  la  secte  des  Jacobites,  est  auteur  d'une  Anaphore 
au  Missel  Syriaque  ;  de  deux  traités,  l'un  sur  le  saint  Chrême, 
l'autre  sur  le  Baptême,  et  d'une  explication  des  cérémonies 
usitées  dans  la  tonsure  des  Moines. 

(867).  Basile  le  Macédonien,  Empereur  de  Constanti- 
nople,  fit  faire  une  édition  du  Ménologe ,  augmentée  et  ornée 
des  images  des  Saints.  C'est  celle  qui  porte  son  nom  et  qui  a 
été  publiée,  par  ordre  de  Benoît  XIII,  à  Urbin,  en  1727. 
AUatius  attribue  ce  Ménologe  à  Basile  le  jeune,  qui  régna 
en  977. 

(876).  Usuard,  Moine  de  Saint-Germain-des-Prés ,  com- 
pila ,  par  ordre  de  Charles-le-Chauve ,  un  Martyrologe  formé 
de  ceux  qui  avaient  déjà  été  publiés. 

(878) .  Adclhelme  ,  Evêque  de  Séez  ,  composa  un  recueil 
de  Bénédictions  pour  la  Messe ,  suivant  l'usage  qui  s'en  était 
conservé  en  France  ,  même  après  l'introduction  des  usages 
romains.  Ce  recueil  en  contient  trente-six  ;  elles  sont  pour 
les  dimanches  qui  suivent  Noël  et  l'Epiphanie ,  jusqu'au  Ca- 
rême exclusivement, 

(880).  Rémi,  Moine  de  Saint  Germain  d'Auxerre  ,  fut  un 
chantre  de  premier  ordre ,  comme  le  prouve  son  commen- 
taire manuscrit  sur  le  traité  De  musica ,  de  Martianus  Ca- 
pella.  L'abbé  Lebeuf  dit  de  lui  qu'il  tenait  d'Héric  la  science 
du  chant;  qu'Héric  la  tenait  de  Rhaban  et  d'Haymon  d'Haï- 


LITURGIQUES.  271 

bcrstaclt,  lesquels  avaient  conversé  avec  les  chantres  romains 
venus  en  France  sous  Charlemagne ,  ou  avec  leurs  premiers 
élèves.  On  lui  donne,  dans  la  Bibliothèque  des  Pères  de  Lyon, 
une  exposition  de  la  Messe.  Trithême  lui  attribue  aussi  un 
livre  de  Festivitatibus  Sanctorum  ;  enfin ,  on  trouve  dans  le 
grand  ouvrage  de  D.  Martène ,  de  antiquis  Ecclesiœ  ritibus , 
un  petit  traité  attribué  au  même  Rémi  d'Auxerre ,  et  inti- 
tulé :  De  Dedicatione  Ecclesiœ. 

(880).  George ,  Archevêque  de  Nicomédie,  est  auteur  de 
plusieurs  hymnes  de  la  Liturgie  Grecque. 

(886).  Léon-Ie-Philosophe ,  empereur  de  Gonstantinople , 
a  composé  aussi  plusieurs  pièces  du  même  genre ,  qui  se 
trouvent  pareillement  dans  les  livres  d'offices  des  Grecs. 

(892) .  Reginon ,  Abbé  de  Prum ,  adressa  à  Radbod ,  Ar- 
chevêque de  Trêves ,  un  traité  de  harmonica  institutione ,  et 
compila  un  Leclionnaire  pour  toute  l'année. 

(899).  Hucbald,  Moine  de  Saint  Amande,  au  diocèse  de 
Tournay,  fut  un  chantre  fameux.  Pendant  un  séjour  qu'il  fit 
à  Rheims ,  il  composa  le  chant  et  les  paroles  d'un  office  en 
l'honneur  de  saint  Thierry ,  pour  les  Moines  de  cette  Abbaye. 
Il  enrichit  encore  d'autres  Eglises  de  ses  mélodies ,  princi- 
palement celles  de  Meaux  et  de  Nevers.  Il  avait  composé 
deux  traités  sur  la  Alusique ,  dans  l'un  desquels  il  avait  fixé 
des  signes  pour  marquer  les  difîérens  tons  de  l'octave. 

(900.)  Aurélien,  clerc  de  l'Eglise  de  Rheims,  écrivit  de 
reguUs  modulationum ,  quas  tonos,  sive  tenores  appellant ,  et 
de  earum  vocabulis. 

(901.)  Le  Moine  Marc  a  composé  beaucoup  d'Hymnes  qui 
se  trouvent  dans  la  Liturgie  Grecque ,  aux  Offices  de  la  se- 
maine sainte. 

{905.)  Etienne ,  Evêque  de  Liège  ,  est  auteur  d'un  Office 
en  l'honneur  de  la  Sainie-Trinilc ,  dont  une  grande  partie  se 


272  INSTITUTIONS 

trouve  dans  celui  que  l'Eglise  Romaine  emploie  en  cette  so- 
lennité. Il  en  composa  aussi  le  chant ,  et  fit  en  outre  un 
Office  pour  la  fête  de  l'Invention  de  saint  Etienne. 

(905.)  Helperic ,  Moine  de  Saint  Gall ,  écrivit  un  livre  de 
musica ,  et  un  autre  de,  computo  Ecciesiastico. 

(904.)  Notker  le  Bègue,  Moine  de  Saint-Gall,  a  donné 
un  Martyrologe  qui  porte  son  nom.  En  outre,  il  composa  un 
grand  nombre  de  Séquences  et  d'Hymnes ,  que  l'on  peut  voir 
dans  le  tome  II  des  Lectiones  antiquœ ,  de  Canisius ,  et  dans 
le  tome  I  des  Anecdotes  de  D.  Bernard  Pez.  Nous  ne  les  in- 
diquons pas  plus  explicitement ,  parce  que  ces  pièces  ne  sont 
pas  employées  dans  les  Offices  de  l'Eglise.  Notker  écrivit  aussi 
un  traité  sur  les  notes  usitées  dans  la  musique;  il  fut  un  des 
plus  fameux  chantres  dans  l'Abbaye  de  Saint-Gall ,  qui  était 
une  académie  de  chant  ecclésiastique  pour  les  Moines , 
comme  l'école  de  l'Eglise  de  Metz  en  fut  une  pour  le  clergé 
séculier  de  la  France. 

(910.)  Etienne,  Abbé  de  Lobbes,  nota  le  chant  d'un  Of- 
fice en  l'honneur  de  saint  Lambert. 

(917.)  Saint  Ratbod  ,  Evêque  d'Utrecht,  composa  le  chant 
d'un  Office  en  l'honneur  de  saint  Martin  ;  il  a  laissé  aussi  deux 
hymnes,  à  l'honneur  de  saint  Switbert  et  de  saint  Lebwin. 

(926.)  Saint  Odon,  illustre  Abbé  de  Cluny,  et  le  fondateur 
de  l'Ordre  de  ce  nom ,  est  aulcur  Je  sept  antiennes  en  l'hon- 
neur de  saint  Martin ,  de  deux  hymnes  pour  la  fête  du  même 
saint ,  et  d'une  autre  sur  sainte  Marie-Magdeleine. 

(930.)  Gobert ,  Evêque  de  Laon ,  écrivit  une  sorte  de 
poème  de  tonsura,  vestimentis  et  vita  clericorum. 

(9M.)  Foulques  II ,  dit  le  Bon ,  comte  d'Anjou ,  fut  un 
grand  prince  ;  mais  ses  qualités  élevées  ne  l'empêchèrent  pas 
démontrer ,  comme  Pépin ,  Charlemagne  et  Alfred-le-Grand , 
un  zèle  empressé  pour  les  Offices  divins.  Il  y  assistait  en 


LITURGIQUES.  273 

habit  clérical,  ci  chantait  rOflicc  avec  le  clcrijé  ;  sur  quoi 
le  Roi  Louis-d'Outremei'  l'ayant  raillé ,  le  comte  lui  fit  dire 
qu'wn  Roi  sans  lettres  est  un  âne  couronné.  —  La  Liturgie 
était  regardée  par  ces  grands  chefs  des  peuples  comme  le 
plus  noble  et  le  plus  puissant  véhicule  des  idées  de  progrès. 
Foulques  était  habile  dans  le  chant ,  et  composa  douze  répons 
en  l'honneur  de  saint  Martin. 

(945.)  Georges,  patriarche  des  Nestoriens,  écrivit  un 
livre  intitulé  :  Déclaration  de  tous  les  Offices  Ecclésiastiques , 
et  leur  objet  ;  avec  l'explication  de  la  divine  économie,  et  des 
fêtes  du  Seigneur. 

(945).  Guy,  Evêque  d'Auxerre ,  travailla  sur  le  chant 
ecclésiastique,  et  appliqua  sur  des  paroles  de  son  choix ,  en 
l'honneur  de  saint  Julien-de-Brioude ,  la  mélodie  du  chant 
des  Képons ,  que  lléric  et  Remy ,  Moines  de  l'Abbaye  de 
Saint-Germain ,  avaient  composés  pour  la  fête  de  leur  saint 
patron. 

(949.)  Constantin-Porphyrogenète  ,  empereur  d'Orient , 
écrivit  un  Cérémonial ,  tant  à  l'usage  de  la  cour  de  Cons- 
tantinople,  que  pour  marquer  ce  qui  concernait  les  proces- 
sions et  les  autres  rites  de  l'Eglise  ,  dans  les  fêtes  solennelles. 

(961.)  Saint  Dunstan ,  Archevêque  de  Cantorbery,  est 
auteur  d'un  Bénédictional  Archiépiscopal. 

(971.)  Nolker,  ou  Notger ,  Evêque  de  Liège  ,  auparavant 
Moine  de  Saint-Gall,  comme  son  homonyme,  a ,  comme  lui, 
travaillé  sur  la  musique  ecclésiastique,  et  fait  un  recueil 
de  Séquences. 

(978).  Hartmann  et  Ekkehard,  Moines  de  Saint-Gall,  for- 
més à  l'école  de  Notker  Balbnlus  ,  composèrent  diverses 
hymnes,  litanies  en  vers,  et  auties  morceaux  rimes  et  me- 
surés qui  se  trouvent  recueillis,  an  tome  11.  des  Lcctiom>^ 
antiquœ  de  Canisius, 

T.  i.  18 


274  INSTITUTIONS 

(980).  Elie,  Evèque  de  Cascaie,  écrivit  des  Bénédictions 
et  Oraisons,  un  livre  É?e  l'usage  des  Psaumes,  et  un  nuivc  des 
Sacremens  ecclésiastiques. 

(982).  Jean,  abbé  de  Saint-Arnoul  de  Metz,  composa  des 
chants  pour  la  fête  de  sainte  Lucie  et  de  sainte  Glossine. 

(985) .  Sabarjesus ,  Prêtre  nestorien ,  écrivit  une  Béné- 
diction, ou  formule  pour  renvoyer  le  peuple  à  la  fin  de  la 
Messe. 

(997).  Robert,  roi  de  France,  est  auteur  de  plusieurs 
pièces  de  chant  dont  nous  parlerons  au  chapitre  suivant. 

(997).  Létalde ,  Moine  de  Micy ,  étant  venu  au  Mans  pour 
voir  l'Abbaye  de  Saint-Pierre  de  la  Couture ,  fut  prié  par 
l'Evêque  Avesgaud  de  revoir  la  vie  de  saint  Julien.  Lorsqu'il 
feut  accompli  ce  travail,  le  même  Evêque  lui  demanda  de 
composer  un  Office  entier  en  l'honneur  de  ce  saint  Apôtre 
du  Maine.  Létalde  en  nota  aussi  le  chant ,  et,  dans  ce  travail, 
il  s'attacha  au  style  ancien  du  chant  grégorien  qu'on  altérait 
déjà  en  plusieurs  Heux  ;  «  car ,  dit-il ,  je  n'aime  pas  la  nou- 
»  veauté  de  certains  musiciens  qui  introduisent  un  genre  tel- 
»  lement  à  part  qu'ils  dédaignent  de  suivre  les  anciens  (1).  » 
Cet  Office,  si  précieux  pour  le  chant  et  les  paroles,  est  resté 
en  usage  dans  l'Eglise  du  Mans,  jusqu'en  1750,  qu'il  lui  a 
fallu  disparaître ,  avec  toutes  les  antiques  mélodies  si  chères 
à  nos  pères  ,  devant  la  muette  et  lourde  compilation  de 
Lebeuf. 

(999).  Héribert,  Archevêque  de  Cologne,  qui  clôt  la  liste 
des  liturgistes  du  dixième  siècle ,  a  composé  un  livre  de  Ec- 
clesiasticis  Offciis, 

(1)  Non  enim  mihi  placet  quorumJam  musicorum  no\  lis  qui  lanla 
dissimilitudine  utuntur,  ut  veteres  sequi  omiiiuo  dediguuiiLur  auc- 
tores.  Jnnal.  orcl.  S.  Bened.  Tom.  IF.  pa<j.  110. 


LITURGIQUES.  275 

Concluons  ce  chapitre  par  les  observations  suivantes  : 

Au  huitième  siècle ,  le  Siège  Apostolique  commence  à 
poser  en  principe  la  nécessité  pour  les  anciennes  Eglises 
d'Occident  d'embrasser  la  Liturgie  Romaine  dans  toute  sa 
plénitude. 

L'Eglise  Gallicane  voit  tomber  ses  anciens  usages  devant 
ceux  de  Rome  et  abjure  des  traditions  vénérables  sans  doute, 
mais  c'est  pour  en  embrasser  de  plus  sacrées  encore. 

Le  but  des  Papes  et  des  Princes  français ,  dans  ce  grand 
œuvre ,  est  de  resserrer  le  lien  de  l'unité ,  en  détruisant  une 
divergence  liturgique  jugée  par  eux  dangereuse  dans  ses 
conséquences. 

L'esprit  français  adopte  volontiers  ce  nouveau  régime 
liturgique ,  mais  il  ne  tarde  pas  à  manifester  sa  mobilité  qu'il 
déguise  souvent  sous  couleur  de  perfectionnement ,  en  alté- 
rant en  plusieurs  choses  le  dépôt  de  la  Liturgie  Romaine. 

Néanmoins,  ces  variantes  n'affectent  point  le  fond,  et  le 
huitième  siècle  voit  commencer  la  péi'iode  d'environ  mille 
ans,  durant  laquelle  l'Eghse  de  France  se  fera  gloire  d'avoir 
une  seule  et  môme  prière  avec  l'Eglise  Romaine. 

L'époque  de  l'unité  Uturgique  devient  une  époque  de 
haute  civilisation  chrétienne  ;  Charlemagne  s'aide  de  ce 
moyen  puissant  dans  l'accomplissement  de  ses  grands  pro- 
jets :  au  chapitre  suivant ,  nous  verrons  le  Charlemagne  de 
l'Eglise,  saint  Grégoire  VII,  hâter  les  grandes  destinées  de 
l'Espagne ,  en  la  faisant  participer ,  au  moyen  de  la  Liturgie 
Romaine ,  aux  mœurs  de  la  Chrétienté  Occidentale. 


276  INSTITUTIONS 


NOTES  DU  CHAPITRE  X. 


rvOTE  A. 

A  cujus  romaûœ  EcclesiîE  sancta  et  veaerauda  communionc  muUis 
recedenlibus ,  nosirœ  tamea  punis  aunquam  reecssit  Ecclesia ,  scd  ea 
apostolica  traditione  inslrucnte,el  eo  a  quo  est  omne  doaum  optimum, 
tribuente  ,  semper  suscepit  reverenda  cbarismata.  Quae  dum  a  primis 
fidei  lemporibus  cum  ea  pcrslirct  iû  religionis  sacrae  unioiie ,  et  ab  ea 
paulo  distaret,  quod  tameii  coutra  fidera  non  est,  ia  Officiorum  ccle- 
bratione  ,  vener.  mem.  gcnitoris  nostri  illustrissimi  Pipiai  régis  cura 
et  industria,  sive  adventu  ia  Gallias  sanctissimi  viri  Stepbani  romana^ 
urbis  Anlistilis,  est  ei  eliam  in  psallendi  ordine  copulata  ,  ut  non  esset 
dispar  ordo  psallendi ,  quibus  erat  comi>ar  ardor  credendi  ,  et  quce 
uuitae  erant  unius  sancta;  iegis  sacra  lectione,  essent  etiam  unitie 
unius  modulalionis  veneranda  traditione  ,  uec  sejungerel  Ofliciorum 
varia  celebratio ,  quas  conjunxerat  unicse  fidei  pia  devotio.  Contra  Sy- 
nodum  Grœcorum  de  imagin.  lib.  1. 

>OTE  B. 

Quod  quidem  et  nos ,  coUato  nobis  a  Deo  reguo  Ilaliœ  ,  fecimus , 
sanciae  Romante  Ecclesiœ  fastigium  sublimare  cupientes,  reverendis- 
simi  Papse  Adrianisalutaribus  exhortationibus  parère  nitentes  :  scilicet 
ut  plures  illius  partis  Ecclesioe  ,  quœ  quondara  ApostoHcœ  Sedis  tradi- 
tionem  in  psallendo  suscipere  recusabaut,  nuuc  eam  cum  omui  dili- 
gentia  amplectantur  ;  et  oui  adkoserant  fidei  munere ,  adliœreaat 
quoque  psallendi  ordine.  Quod  non  solum  omnium  Galliarum  proviu- 
ciae,  et  Germania  ;  sive  Ilalia ,  sed  eliam  Saxones  ,  et  qmedara  Aqui- 
lonaris  plagae  geates,  per  nos,  Deo  aimueate ,  ad  fidei  rudimenta 
conversœ ,  facere  noscuntur.  Ibidem. 

NOTE  C. 

Hujus  modulalionis  dulcedineni  inter  alias  Europe  génies ,  Ger- 
mani ,  seu  Galli ,  discere  ,  crebroque  rediscere  insigniter  potueruut  : 
incorruptam vero  tamlevilate  animi,  quia uonnulla  de  proprio  Gregoria- 
uiscantibusmiscuerunt,  quamferildte  quoque  naturali,ici'v:i'c  minime 
lot'.ieiuut.  Ali>ina  tiquidem  cori>ora  ,  vocumiiianuu  louilruisaltiioue 


LITUTKÏTOUES.  277 

perstrc^ltoiitia,  susco|n;\^  modulutionis  dalcodinem  pvoprie  non  résultant  : 
quia  l)il)uli  gullaris  barbara  feritas  ,  cliim  inflexionibus  et  repercussic- 
nibus  mitem  nitltur  edere  cantilenam,  uatiirali  quodani  fragore  ,  quasi 
plaustra  por  gradus  confuse  sonan Lia  rigidas  voces  jactat,  sicque  aa- 
diontium  animos ,  quos  mulcere  debuerat ,  exasperando  magis  ac  obs- 
irependo  contnrbsl,  /olian.  Diac.  in  rita  S.  Gnegorii.  Lib.  IL  Cap. 
VIL 

INOTE  D, 

Keversus  est  (  e  duoatu  ncmpe  Benevcniano  )  rex  piissimus  Carolus, 
et  celebravit  Rorase  Pasclia  cnm  Domno  Apostolico.  Ecce  orta  est  coU'? 
tentio  per  dies  feslos  Paschoe  hiter  cantores  llomanorum  et  Gallorum. 
Dioebant  se  Galli  raelius  cantare  et  pulchrius  quam  Romani.  Dicebant 
se  Romani  doctissime  caniilenas  ecclesiasticas  proferre,  sicut  docti 
fiierant  a  sancto  Grcgorio  Papa  ;  Gallos  corruptc  cantare  ,  et  cantile- 
nam sanam  de^truendo  dilaeerare.  Quœ  contcntio  ante  Domnum  Regem 
Carolum  pervenit.  Galli  vero,  propler  securitatem  régis  Caroli,  valde 
exprobrabant  cantoribus  romaiis.  Romani  vero  propter  auctoritatem 
magnae  doctrinse,  eos  siultos,  ruslicos  et  indoctos,  velut  bruta  ani- 
malia  ,  aCTirmabant ,  et  doctrinam  sancti  Gregorii  prœferebant  rustici- 
tati  eorum.  Et  cum  altcrcatio  de  neutra  parte  liniret,  ait  Ponmus  piis- 
simus  Rex  Carolus  ad  sucs  cantores  :  Dicite  palam ,  qnis  purior  est ,  et 
quis  melior,  aut  fons  vivus,  aat  rivuli  ejus  longe  decurrentes?  Res- 
pondenint  omnes  una  voce  ,  fontem  ,  velut  capiit  et  originem ,  purio- 
rem  esse  :  rivulos  autem  ejus ,  quanto  longius  a  fonte  recesserint , 
tanlo  turbulentes,  et  sordibus  ac  immuniitiis  corruplos.Et  aitDomnus 
Rex  Carolus  :  Rovertimini  vos  ad  fontem  sancti  Gregorii ,  quia  mani- 
feste corrupistis  cantilenam  ecclesiasticam.  Hox  petiit  Pomnus  rex 
Carolus  ab  AdrianoPapa  cantores,  quiFranciam  corrigèrent  decantu. 
At  ille  dédit  ei  Theodorum  et  Benedictum  ,  Romanœ  Ecclesiae  doctis- 
slraos  cantores,  qui  a  sancto  Gregorio  eruditi  faerant,  tribuitque 
Antiphonarios  sancti  Gregorii  ,  quos  ipse  notaverat  nota  romana. 
Pomnus  vero  Rex  Carolus  revertens  in  Franciam  ,  misit  unum  canto- 
rem  in  Métis  civitatc,  allerum  in  Suessionis  civitatc  ,  prsecipiens  de 
omnibus  civilatibus  Franciœ  magislros  scliolœ  Antiphonarios  eis  ad 
corrigendum  tradere  ,  et  ab  eis  discere  cantare.  Correcii  sunt  ergo 
Antiphonarii  Francorum  ,  quos  unusquisque  pro  arbilrio  suo  vitiave- 
rat  addeas  vel  minuens ,  et  omnes  Francice  cantores  didicerunt  notam 
romanam ,  quam  nunc  vocani  notam  franciscam ,  excepte  quod  tremu- 
las ,  sive  tinnulas,  sive  collisibiles  vol  secabiles  voces,  in  cantu  non 
poter^nt  perfecle-  exprimereFranci,  nalurali  voce  l>arbarica  frangen^s 


278  '  INSTITUTIONS 

in  gutture  voces  potius  quam  exprimentes.  Majus  autem  magisterium 
cantandi  in  3Ielis  civitate  remansit.  Quantumque  magisterium  Roma- 
num  snperat  Metense  in  arte  caatilense ,  tanto  superat  Metensis  canti- 
lena  cœteras  scbolas  Gallorum.  Similiter  erudierunt  Romani  cautores 
supradicti  cantores  Francorum  in  aile  organandi.  Et  Domnus  Rex 
Carolus  iterum  a  Roma  artis  grammatices  et  computatorise  magistros 
secum  adduxit  in  Franciam,  et  ubiquestudiam  litterarum  expandere 
jussit.  Ante  ipsum  enim  Domnum  regem  Carolum  ,  in  Gallia  nullum 
studium  fuerat  liberaliuni  artium.  Caroli  Jlagni  vila  per  monachum 
Engolismensem ,  apud  Duchesne.  Tom.  II. 

NOTE  E. 

Adrianus  Papa  CYIII.  Sedit  ann.  V.  natione  Romanus ,  pâtre  Julio. 
Hic  Ecclesiis  ornameuta  multa  pretiosa  snperadministravit.  Hic  Anli- 
phonarium  Romanura,  sicul  anterior  Adrianus,  divcrsa  per  loca  cor- 
roboravit ,  et   secuadum  prologum  versibus  bexametris  ad  missani 
majorem  in  die  primo  Adventus  Domini  J.-(J.  decantaiidum  inslituil, 
qui  similiter  incipit  sicut  anterioris  Adriaui  prœmium  ,  quod  ille  ad 
omnes  missas  in  eadem  Dominica  prima  Adventus  decanlandum  stric- 
lissimum  confecerat  ;  sed  pluribus  iste  constat  versibus.  Hic  constituit 
per  monasteria  ad  missam  majorem  in  soleranitatibus  praecipuis ,  non 
solum  in  Hymno  Angelico  Gloria  in  excelsis  Deo  canere  Hymnos  iu- 
terstinctos  quos  Laudes  appellant,  verum  eliam  in  Psalmis  Davidicis, 
quos  Inlroitus  dicunt ,  iiiter;eria  cantica  decantare ,  quae  Romani 
Festivas  Laudes,  Franci  Tropos  appellant  :  quod  interpretatur,  Figu- 
rata  ornamenta  in  laudibus  Bomini.  Melodias  quoque  ante  Evange- 
lium  concineiidas  tradidit ,  quas  dicuni  Sequentias ;  quia  sequituç  eas 
Evangelium.  Et  quia  a  DomiuoPapa  Gregorio  primo  et  postmodumab 
Adriano  una  cum  Alcuino  Abbate,  delicioso  magni  Imperatoris  Ca- 
roli, bse  cantilence  festivales  conslitutae  accommodais  fuerant,  multum 
in  hls  delectalo  supradicto  Caesare  Garolo ,  sed  negligentia  canlorum 
jam  intermitti  videbantur  ;  ab  ipso  almifico  Prassule  de  quo  loquimur  , 
ita  corroboratae  sunt  ad  laudem  eî  gloriam  Domini  noitri  J.-C,  ut  dili- 
genlia  studiosorum  cum  Antiphonario  simul,  deinceps  et  Tropiarius  in 
solemnibus  diebus  ad  missam  majoieoi  canlileuis  frequentelur  bo- 
nestis. 

Hie  constituit  ut  clerici  Romani  instruerent  pauperes  Domini  nostri 
J.-C,  fratres  nostros,ut  ante  Dominicum  sacratissimum  diei  Paschae 
tribus  diebus ,  hoc  est,  Domini  Cœna ,  Parasceve ,  et  sancta  sepultura 
Domini  nostri  Jesu  Christi ,  non  aliter  pelèrent  eleemosymam  per  ur- 


LITURGIQUES.  279 

bem  liane  Romanam  (1) ,  nisi  excelsa  voce  cantilenam  dicendo  pev  pla- 
t  oas  et  aille  monasteria  et  Ecelesias  hujusmodi  ;  Kyrie,  eleison  ;  Cliviste, 
t'U ïson.  Domine,  miserere  nobis.  Cbristus  Dominus  factus  est  obediens 
us(iae  ad  mortem.  Jpud  Lebeuf.  Traité  historique  et  pratique  sur  le 
Chant  ecclésiastique.  1741.  pag.  103  et  suiv. 


(1)  Ces  paroles ,  Urbem  hanc  Romanam ,  montrent  évidemment  que 
ceci  a  été  écrit  à  Rome. 


280  INSTITUTIONS 


CHAPITRE  XI. 

Abolition  du  fute  gothique  ou  mozarabe  en  erpagne. 
travaux  de  saint  grégoire  vii  sur  la  liturgie.  trogrès 
du  chant  ecclésiastique.  rite  romain-français.  auteurs 
liturgistes  des  onzième  et  douzième  siècles. 

Un  grand  événement  liturgique  signale  l'époque  que  nous 
embrassons  dans  ce  chapitre.  La  Liturgie  Gothique  ou  Moza- 
rabe succombe  en  Espagne  sous  les  efforts  de  saint  Grégoire 
YII ,  comme  la  Liturgie  Gallicane  avait  succombé  en  France 
sous  les  coups  de  Charlemagne.  Il  était  temps,  en  effet ,  que 
l'Espagne  Chrétienne ,  déjà  ,  sinon  affranchie ,  du  moins 
agrandie  par  les  conquêtes  de  ses  héroïques  chefs ,  comptât 
dans  la  grande  unité  européenne.  Sa  Liturgie  particulière 
faisait  obstacle  à  cette  réunion  intime.  La  prière  qui ,  dans 
ces  temps  de  foi,  était  le  lion  des  nations,  la  prière  n'était 
point  commune  entre  l'Espagne  et  les  autres  provinces  de  la 
Chrétienté  Européenne.  Le  Sacrifice,  quoique  le  même  au 
fond ,  différait  essentiellement  dans  les  formes  qui  frappent 
les  yeux  du  peuple  :  les  chants  et  les  formules  saintes  étaient 
totalement  dissemblables.  En  outre ,  l'hérésie  avait  espéré 
un  moment  s'appuyer  sur  les  paroles  d'une  Liturgie  dont 
rien  ne  garantissait  la  pureté,  puisqu'elle  émanait  d'une 
autorité  qui  ne  saurait  compter  sur  l'infaillibilité.  Il  était 
temps  que  l'Eglise  d'Espagne  sortît  de  l'enfance  et  passât  à 
l'âge  parfait. 

Ce  grand  changement  fut  préparé  de  longue  main ,  comme 
il  arrive  toujours,  et  le  Pontife  qui  le  consomma  ne  fut  qu'ui^ 


LlTUnClQUES.  281 

inslrumenl  conduit  par  la  Providence ,  qui  veut  que  l'Eglise 
montre,  printipalement  dans  les  formes  du  culte,  l'unité  qui  est 
sa  vie.  L'œuvre  de  Pépin  et  de  Charlemagne  avait  dû  reten- 
tir puissamment  en  Espagne ,  seule  contrée  de  l'Occident  qui 
ne  fût  pas  soumise  aux  lois  de  la  Liturgie  Romaine.  On  savait 
que  l'Eglise  Gallicane  n'avait  plus  désormais  un  autre  rite  que 
celui  de  l'Eglise  Piomaine  :  jusque-là  que  les  chroniqueurs 
espagnols ,  dont  on  peut  voir  les  passages  dans  la  dissertation 
du  P.  Pinius,  que  nous  avons  citée  ci-dessus  (1),  se  servent 
du  mot  Ofjjcium  GaUicanum ,  pour  exprimer  le  rite  Romain. 
On  voit  d'abord ,  en  10G3 ,  un  Concile  tenu  à  Jacca ,  en 
Aragon  (2),  sous  Dom  Uamire  1",  ou  Sanclie  Ramirez,  son 
fils ,  dans  lequel  est  rendu  un  décret ,  portant  qu'on  ne  cé- 
lébrera plus  à  la  manière  Golîiique  ,  mais  à  la  Romaine  (3). 
L'histoire  ne  dit  point  expressément  quelles  furent  les  causes 
directes  de  cette  mesure  ;  l'influence  de  Rome  dût  y  être  , 
sans  doute ,  pour  quelque  chose.  On  en  jugera  par  ce 
qui  se  passa ,  six  ans  après ,  à  Barcelone.  Cette  ville ,  con- 
quise avec  son  territoire ,  en  801 ,  par  Charlemagne ,  avait 
adopté,  sans  aucun  doute,  la  Liturgie  Romaine,  et  ceci 
môme  nous  explique  la  qualification  de  Gallicane,  appli- 
quée en  Espagne  à  la  Liturgie  Romaine ,  pendant  le  moyen- 
âge  ;  les  Espagnols  désignant  sous  cette  dénomination  la 
Liturgie  en  usage  dans  la  colonie  française  de  Catalogne. 
Mais  celle  vaste  province  n'était  pas  toute  entière  sou- 
mise aux  Français,  et  la  Liturgie  Gothique  y  régnait  en- 
core en  plusieurs  endroits.  L'année  10G8  la  vit  abolir  pour 

(1)  Chapitre  VIII.  pag.  20G. 

(2)  D'Aguirre.  Conc.  Hispan.  Tom.  III.  pay.  2:28. 

(3)  Data  sacerdotibus  lex  ,  ne  (|iio  alio  more  quain  Rom.mo  preca- 
rentur  ;  neqae  Golhica ,  utpole  [)eregrina ,  piacula  exsolverenlur, 
Conc.  Labb.  Tom  IX,  pag.  IIU, 


282  INSTITUTIONS 

jamais ,  par  les  soins  du  cardinal  Hugues  le  Blanc ,  Légal 
d'Alexandre  II.  Dans  un  Concile  tenu  à  Barcelone,  cette 
grande  mesure  fut  consommée.  L'Eglise  dut  ce  bienfoit  au 
grand  zèle  de  la  princesse  Adelmodis ,  femme  de  Baymond 
Bérenger,  comte  de  Barcelone.  Elle  était  Française,  el 
toutes  les  chroniques  du  temps  s'accordent  à  la  montrer 
comme  une  princesse  d'un  grand  caractère.  Son  autorité , 
combinée  avec  celle  du  Légat ,  décida  du  triomphe  de  la  Li- 
turgie Romaine  dans  la  Catalogne  (1). 

L'illustre  successeur  d'Alexandre  II ,  celui  qui  avait  été 
l'âme  de  son  Pontificat ,  saint  Grégoire  YII  monta  bientôt 
sur  la  chaire  de  saint  Pierre ,  et  il  résolut  d'achever  la  vic- 
toire de  l'Eglise  Romaine  sur  la  Liturgie  Gothique.  Les  flo- 
rissants royaumes  de  Castille  et  de  Léon  la  pratiquaient 
encore  avec  un  patriotisme  chevaleresque  :  mais  le  grand 
Hildebrand,  qui  poursuivait  sans  relâche  l'œuvre  de  l'unité 
européenne ,  ne  pouvait  être  arrêté  paf  des  considérations 
de  nationalité  étroite ,  dans  une  matière  aussi  grave  que  la 
Liturgie.  Nous  trouvons  dans  la  collection  de  ses  lettres , 
celle  qu'il  adresse ,  en  l'an  1074 ,  à  Sanche  Ramirez ,  roi 
d'Aragon,  Il  y  félicite  ce  prince  de  son  zèle  pour  les  Usages 
Romains ,  en  ces  termes  si  expressifs,  qui  montrent  bien  le 
fond  de  ses  dispositions  sur  l'important  objet  qui  nous  oc- 
cupe, j  En  nous  faisant  part  de  votre  zèle  et  des  ordres  que 
»  vous  avez  donnés  pour  établir  l'Office  suivant  l'ordre  Ro- 
»  main ,  dans  les  lieux  de  votre  domination  ,  vous  vous  faites 
»  connaître  pour  enfant  de  l'Eglise  Romaine  ;  vous  montrez 
»  que  vous  avez  avec  nous  la  même  concorde  et  amitié 
»  qu'autrefois  les  rois  d'Espagne  entretenaient  avec  les  Pon- 

(1)  Piaius.  Tractatus  historico-chronologicus.  De  Lituryia  antiqua 
ffispanica.  Cap.  VI.  pag,  43  et  seq. 


LITURGIQUES.  283 

»  tifes  Romains.  Soyez  donc  constant ,  et  ayez  ferme  espé- 
»  rance  pour  achever  ce  que  vous  avez  commencé;  parce 
»  que  nous  avons  l'espoir  en  le  Seigneur  Jésus-Christ ,  que  le 
î  bienheureux  Apôtre  Pierre ,  qu'il  a  établi  prince  sur  les 
»  royaumes  du  monde ,  et  auquel  vous  vous  montrez  fidèle , 
»  vous  mènera  avec  honneur  à  l'accomplissement  de  vos 
»  désirs ,  et  vous  pendra  victorieux  de  vos  adversaires  (1).  » 
La  même  année ,  le  Pape  écrrvit  la  lettre  suivante  à  Al- 
phonse VI ,  roi  de  Castille  et  de  Léon ,  et  à  Sanche  IV ,  roi 
de  Navarre  : 

«  Grégoire ,  Evêque ,  serviteur  des  serviteurs  de  Dieu , 
»  à  Alphonse  et  Sanche ,  rois  d'Espagne ,  et  aux  Evêques  de 
»  leurs  états.  Le  bienheureux  Apôtre  Paul ,  déclarant  qu'il 
î  a  dû  visiter  l'Espagne,  et  Votre  Sagesse  n'ignorant  pas  que 
î  les  Apôtres  Pierre  et  Paul  ont  envoyé,  plus  tard,  de  Rome, 
»  sept  Evêques ,  pour  instruire  les  peuples  d'Espagne ,  et  que 
»  ces  Evêques  ayant  détruit  l'idolâtrie,  fondèrent  en  votre  pays 
»  la  chrétienté  ,  plantèrent  la  religion,  enseignèrent  l'ordre 
»  et  l'Office  à  garder  dans  le  culte  divin,  et  dédièrent  les  Eglises 
>  avec  leur  propre  sang  ;  on  voit  assez  clairement  quelle  con- 
»  corde  a  eu  l'Espagne  avec  la  ville  de  Rome,  dans  la  refigion 
»  et  l'ordre  des  divins  Offices  :  mais  quand ,  par  suite  de  l'ir- 
»  ruption  des  Goths ,  et ,  plus  tard ,  de  l'invasion  des  Sarra- 

(1)  In  hoc  autemquod  sub  ditione  tua  Romani  ordinis  officium  fieri 
studio  et  jussioQibus  tuis  asseris,  Romauœ  ecclesiae  te  fllium ,  ac  eam 
concordiam  et  eamdem  amicitiam  te  nobiscum  habere,  quara  olim  ra- 
ges Hispaniae  cum  Romanis  pontificibus  babebant ,  cognosceris.  Esto 
itaque  constans ,  et  tiduciam  flrmam  liabeas,  et  quod  cœpisti  perficias; 
quia  in  Domino  Jesu  Cliristo  conlidimus  ,  quia  beatus  Petrus  Aposto- 
lus,  quem  Dorainus  Jésus  Cliristus ,  rex  g1ori;e ,  principem  super  régna 
mundi  constiluit,  cui  te  fidelem  exhibes,  te  ad  honorem  desiderii  tui 
adducet,  ipse  te  victorem  de  adversariis  tuis  efiiciel.  Labb.Tom.  X. 
pag.  53. 


284  INSTITUTIONS 

»  sins,  le  royaume  d'Espagne  fut  long-lemps  souillé  par  la 

>  fureur  des  Priscillianistes  ,  dépravé  par  la  perfidie  des 

>  Ariens,  et  séparé  du  rite  Romain,  non  seulement  la  religion 
»  y  fut  diminuée,  mais  les  forces  temporelles  de  cet  état  se  trou- 

>  vèrent  grandement  affaiblies.  C'est  pourquoi,  comme  des 
»  enfants  irès-chers,  je  vous  exhorte  et  avertis  de  reconnaître 

>  enfin  pour  votre  mère,  après  une  longue  scission ,  l'Eglise 
»  Romaine  dans  laquelle  vous  nous  trouverez  vos  frères  ; 

>  de  recevoir  l'ordre  et  rOffîce  de  cette  sainte  Eglise  et  non 
»  celui  de  Tolède  ou  de  tout  autre  ;  gardant ,  comme  les 
»  autres  royaumes  de  l'Occident  et  du  Septentrion  ,  les 
»  Usages  de  celle  qui ,  établie  par  Pierre  et  Paul ,  consacrée 
»  par  leur  sang,  a  été  fondée  sur  la  pierre  ferme  par  le 
»  Christ ,  et  contre  laquelle  les  portes  de  l'enfer ,  c'est-à- 
»  dire  les  langues  des  hérétiques ,  ne  pourront  jamais  pré- 
»  valoir.  Car  de  la  source  même  où  vous  ne  doutez  pas  avoir 

>  puisé  le  principe  de  la  religion ,  il  est  j uste  que  vous  en 

>  receviez  aussi  l'Oïïîce  divin  dans  l'ordre  ecclésiastique  : 
»  c'est  ce  que  vous  apprend  et  la  lettre  du  Pape  Innocent  à 
»  l'Evoque  d'Egnbium ,  et  les  décrets  d'Hormisdas  envoyés 
»  à  l'Eglise  de  Séville,  et  les  conciles  de  Tolède  et  de  Drague  ; 
»  c'est  ce  que  vos  Evêques  eux-mêmes,  qui  sont  venus  ré- 
t  cemment  vers  nous ,  ont  promis  par  écrit,  et  signé  entre 
»  nos  mains,  après  la  décision  d'un  concile  (1).  » 

Une  résistance  vive  s'étant  élevée  en  plusieurs  lieux  , 
comme  on  devait  s'y  attendre  ,  le  Pontife  n'en  fut  point 
ébranlé.  Nous  avons  une  autre  lettre  de  lui  dans  laquelle 
écrivant  à  un  Evêque  espagnol ,  il  montre  toute  l'énergie  de 
son  ame  apostolique  dans  la  défense  des  ordonnances  du 
Saint-Siège.  Elle  est  conçue  en  ces  termes  : 

(1)  Vid.  la  note  A. 


'llTtRCrQUES.  285 

«  Grégoire,  Evèque,  serviteur  des  serviteurs  de  Dieu,  à 
»  Siméon ,  Evoque  en  Espagne ,  salut  et  bénédiction  nposto- 
»  lique. 

î  Ayant  lu  les  lettres  de  Votre  Fraternité ,  nous  avons  été 
»  remplis  de  joie ,  parce  que  nous  y  avons  reconnu  avec  plé- 
»  nitude  cette  foi  et  cette  dévotion  que  vous  portez  à  l'Eglise 
3)  Romaine,  que  vous  ne  voulez  point  délaisser,  à  la  manière  des 
»  adultères  ;  mais  bien  embrasser  toujours  comme  la  source 
»  de  toute  filiation  légitime.  C'est  pourquoi ,  Frère  très-cher, 
»  il  est  nécessaire  que  vous  marchiez  droit  dans  la  voie  que 
î  vous  avez  prise  :  car  la  perversité  des  hérétiques  ne  doit 
»  point  amoindrir  ce  qui  a  été  sanctionné  par  la  Tradition 
5  Apostolique.  En  effet,  le  Siège  Apostolique  sur  lequel,  par 
ï  la  permission  divine,  nous  présidons,  quoique  indigne,  est 
»  demeuré  ferme  depuis  son  origine,  et  restera  sans  tache  jus- 
»  qu'à  la  fin,  le  Seigneur  qui  le  soutient  ayant  dit  :  J'ai  prié 
ï  pour  toi  pour  que  ta  foi  ne  manque  pas  ;  et  quand  tu  seras 
T>  converti,  confirme  tes  frères.  Forte  d'un  tel  secours,  l'Eglise 
»  Romaine  veut  que  vous  sachiez  qu'elle  n'a  point  intention 
»  d'allaiter,  à  diverses  mamelles,  ni  d'un  lait  différent,  les  en- 
»  fants  qu'elle  nourrit  pour  le  Christ,  afin  que,  selon  l'Apôtre, 
»  ils  soient  un ,  et  qu'il  n'y  ait  point  de  schisme  parmi  eux  : 
»  autrement,  elle  ne  serait  pas  appelée  mère,  mais  scission. 
»  A  ces  causes ,  qu'il  soit  donc  connu  de  vous  et  de  tous  les 
»  fidèles  sur  lesquels  vous  avez  consulté,  que  nous  entendons 
î  et  que  nous  voulons  que  les  Décrets  qui  ont  été  rendus  ou 
»  confirmes  par  nous,  ou  plutôt  par  l'Eglise  Romaine,  portant 
î>  pour  vous  l'obligation  de  vous  conformer  aux  Offices  de 
»  cette  même  Eglise ,  demeurent  inébranlables ,  et  que  nous 
s  ne  voulons  point  acquiescer  à  ceux  qui  désirent  vous  faire 
»  sentir  leurs  morsures  de  loups  et  d'empoisonneurs.  Nous 
B  ne  doutons  aucunement  que,  suivant  l'Âpôlrc,  il  n'y  ait 


286  INSTITUTIONS 

»  parmi  vous  des  loups  dangereux,  rapaces,  qui  n'épargnent 
»  rien ,  auxquels  il  faut  résister  fortement  dans  la  foi.  C'est 
»  pourquoi ,  Frère  bien-aimé ,  combattez  et  travaillez  avec 
»  ardeur,  jusqu'à  l'effusion  de  votre  sang,  s'il  était  nécessaire  : 

>  car  il  serait  indigne ,  et  passerait  pour  ridicule ,  que  les  sé- 
»  culiers ,  pour  des  choses  d'un  prix  vil,  pour  un  commerce 

>  qui  déplaît  à  Dieu ,  s'exposassent  volontiers  aux  périls ,  et 
î  que  le  fidèle  ne  sût  que  céder  lâchement  à  l'effort  de  ses 

>  ennemis.  En  effet ,  ceux-là  ne  pouvant  acquérir  la  vertu , 

>  tombent  facilement  dès  qu'on  les  attaque.  Quant  à  ce  que 
»  disent  ces  enfants  de  mort,  au  sujet  de  lettres  qu'ils  auraient 
»  reçues  de  nous,  sachez  que  cela  est  faux  de  tous  points. 

>  Ainsi ,  faites  en  sorte  que  par  toute  l'Espagne  et  la  Gallice, 
t  en  un  mot,  partout  où  vous  le  pourrez,  l'Office  Romain 

>  soit  observé ,  avant  toutes  choses ,  avec  plus  de  fidé- 
»  lité  (1).  » 

Pour  presser  avec  plus  d'efficacité  l'accomplissement  de 
ses  désirs ,  saint  Grégoire  VII ,  suivant  son  usage ,  députa  un 
Légat  vers  les  Eglises  d'Espagne,  et  choisit,  pour  cette  mis- 
sion, Richard,  Abbé  de  Saint-Victor  de  Marseille,  et  Cardinal 
de  l'Eglise  Romaine ,  qui  fit  jusqu'à  deux  fois  le  voyage  d'Es- 
pagne pour  un  si  important  objet.  Dans  un  concile  tenu  à 
Burgos ,  en  IO80 ,  le  Légat ,  appuyé  de  l'autorité  d'Al- 
phonse VI ,  promulgua  plus  solennellement  encore  l'aboli- 
tion de  la  Liturgie  Gothique ,  d«ui  les  royaumes  soumis  à  ce 
grand  prince.  Alphonse  même  ne  s'arrêta  pas  là;  on  le  vit, 
en  1091 ,  ordonner,  pour  l'uniformité  et  la  facilité  du  com- 
merce avec  les  nations  étrangères,  l'abolition  des  caractères 
Gothiques  (2) ,  et  l'adoption  des  caractères  Latins ,  tels  qu'ils 

(1)  Vid.  la  note  B. 

(2)  On  n'a  pas  besoin  sans  doute  d'avertir  que  les  caractères  Go- 
thiques dont  il  est  ici  question,  ne  sont  pas  ceux  vulgairement  désignés 


LITURGIQUES.  287 

étaient  alors  en  usage ,  quoique  un  peu  altérés ,  en  France 
et  dans  les  principales  provinces  de  l'Europe.  Dans  l'accom- 
plissenicnt  de  toutes  ces  mesures  si  énergiques ,  Alphonse 
fut  puissamment  soutenu  par  les  conseils  de  Constance  de 
Bourgogne,  qu'il  avait  épousée  en  1080,  et  à  l'influence  de 
laquelle  l'historien  Rodrigue  attribue  principalement  l'intro- 
duction de  la  Liturgie  Romaine  en  Espagne  (1)  :  ce  que  l'on 
doit  entendre  surtout  de  la  destruction  du  rite  Gothique  à 
Tolède ,  puisque  les  premières  attaques  qu'il  a  éprouvées 
en  Espagne  eurent  lieu ,  comme  nous  l'avons  vu ,  au  concile 
de  Jacca,  enlGGS. 

Le  25  mai  1085,  jour  auquel  mourut  le  Pontife  saint 
Grégoire  VII,  Alphonse  VI  entrait  victorieux  à  Tolède.  Il 
mit  aussitôt  tous  ses  soins  pour  rétablir,  dans  sa  haute  di- 
gnité, l'Eglise  de  cette  illustre  cité.  Il  la  dota  libéralement, 
et  appela ,  pour  la  gouverner,  Bernard ,  Abbé  de  Sahagun 
et  Français  de  nation.  Mais  le  prince  devait  rencontrer  de 
grandes  difficultés  dans  son  projet  d'abolir  le  rite  Mozarabe 
à  Tolède,  où  il  était  tellement  étabh,  qu'on  l'appelait  d'or- 
dinaire, par  toute  l'Espagne,  le  rite  de  Tolède.  Nous  em- 
pruntons la  narration  de  l'historien  Rodrigue ,  pour  raconter 

sous  ce  nom ,  mais  bien  ceux  que  l'Evêque  Ulphilas  paraît  avoir  dounés 
auxGotlis,au  cinquième  siècle.  La  qualification  de  Gothique  donnée 
aux  caractères  Latins  du  moyeu-âge ,  est  aussi  absurde  que  lorsqu'on 
l'applique  à  l'architecture  chrétienne  de  la  même  période. 

(l)  Et  quia  adhuc  littera  Gothica,  et  translatio  psalterii ,  et  Ofli- 
cium  missae  institutum  ab  Isidoro  et  Leandro  pontiOcibus,  quodcum 
translatione  et  littera  dicitur  Toletanum,  per  totam  Hispaniam  serva- 
bantur,  ad  instantiam  uxoris  suœ  reginse  Constantise ,  quœ  erat  de  par- 
tibus  Galiiarum ,  misit  Romam  ad  Gregorium  Papam  VII ,  ut  in  Hispa- 
uiis,  omisso  ïolcLano,  Uoraanum  seu  Gallicauum  Ofticium  servaretur. 
Hodericus  Tolctams.  De  nbus  ffispanido.  Lib.  FI.  cap,  XXV, 


â88  INSTITUTIONS 

ce  grand  fait ,  avec  les  circonstances  si  dramatiques  qui  l'ac- 
compagnèrent. 

c  Le  clergé  et  le  peuple  de  l'Espagne  entière  furent  trou- 
»  blés,  parce  que  le  Légat  Richard  et  le  Roi  Alphonse  vou- 
»  laient  les  contraindre  à  recevoir  rOfïîce  Gallican.  Au  jour 
»  marqué,  le  Roi,  le  Primat,  le  Légat  et  une  grande  raulli- 

>  tude  de  clergé  et  de  pouple  se  trouvant  rassemblés,  il 
»  s'éleva  une  longue  altercation ,  par  suite  de  la  résistance 

>  courageuse  du  clergé,  de  la  milice  et  du  peuple ,  qui  s'op- 

>  posaient  à  ce  qu'on  changeât  l'Office.  De  son  côté,  le  Roi, 
»  conseillé  par  la  Reine,  faisait  retentir  des  menaces  terribles. 
s  Enfin ,  la  résistance  du  soldat  fut  telle ,  qu'on  en  vint  à  pro- 

>  poser  un  combat  singulier  pour  terminer  cette  dissension. 

>  Deux  chevaliers  ayant  été  choisis,  l'un  par  le  Roi,  pour 
»  l'Office  Gallican,  l'autre  par  la  milice  et  le  peuple,  pour 
ï  l'Office  de  Tolède,  le  chevalier  du  Roi  fut  vaincu,  au  grand 
»  applaudissement  du  peuple ,  de  ce  que  le  champion  de 
»  l'Office  de  Tolède  avait  remporte  la  victoire.  Mais  le  Roi, 
»  stimulé  par  la  Reine  Constance ,  ne  renonça  pas  pour  cela  à 
ï  son  dessein,  disant  que  duel  n'était  pas  droit.  Le  chevalier 
»  qui  combattit  pour  l'Office  de  Tolède  était  de  la  maison  de 
»  Matanza,  près  de  Pisorica,  où  sa  famille  existe  encore  (I).  » 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  vérité  de  celte  histoire,  qui  n'au- 
i-ait  de  valeur  pour  démontrer  le  droit  de  l'Office  de  Tolède , 
qu'autant  qu'on  admettrait  le  jugement  des  combats  singu- 
liers, comme  le  jugement  irréfragable  de  Dieu  même,  le 
P.  Lebrun  s'est  trompé ,  lorsqu'il  a  écrit  qu'on  ne  trouvait 
ce  fait  que  dans  l'historien  Rodrigue ,  mort  en  12-47  (2).  La 
Chronique  de  saint  Maixeut,  antérieure  d'un  siècle  à  la  mort 

(1)  Yid.  la  note  0. 

("2)  Explication  delà  Messe.  Tom.  IL  pag.  296. 


LITURGIQUES.  289 

tic  Hodrigue,  puisqu'elle  finit  à  l'an  1154.,  rapporte,  quoi- 
qii'en  abrégé,  la  même  histoire  (1).  Le  Cardinal  Bona  paraît 
aussi  avoir  ignoré  ce  second  témoignage  (2) .  Au  reste ,  nous 
n'avons  pas  tout  dit  encore  sur  les  oppositions  que  le  ciel 
sembla  mettre,  si  l'on  en  croit  Rodrigue,  à  la  destruction  du 
rite  vénérable  qui  rappelait  à  l'Eglise  Espagnole  les  noms 
chéiis  de  saint  Isidore  et  de  saint  Léandre.  . 

«  Une  grave  sédition ,  continue  l'historien ,  s'étant  donc 
»  élevée  dans  le  peuple,  il  parut  convenable  d'allumer  un 
»  grand  feu  et  d'y  placer  le  livre  de  l'Office  de  Tolède  et  le 
»  livre  de  l'Office  Gallican  {  Romain  ) .  Après  un  jeûne  indi- 
i)  que  par  le  Primat ,  le  Légat  et  le  clergé  ;  après  les  prières 
ï  accomplies  dévotement  par  tous,  le  livre  de  l'Office  Gai- 
»  lican  (Romain)  est  consumé  par  le  feu;  tandis  que  le  livre 
»  de  l'Office  de  Tolède  s'élance  du  bïicher,  intact ,  exempt 
»  de  toute  trace  de  briilure,  aux  yeux  de  l'assemblée,  et  au 
»  chant  des  louanges  du  Seigneur  (3).  i 

Ce  double  prodige  doit  rappeler  au  lecteur  celui  que  nous 
avons  rapporté ,  au  chapitre  VllI ,  sur  la  Liturgie  Ambro- 
sienne.  On  verra  du  moins,  dans  le  récit  de  Rodrigue,  uu 
nouveau  témoignage  du  zèle  que  mettaient  autrefois  les 
peuples  et  le  clergé  à  tout  ce  qui  concernait  la  Liturgie , 
zèle  qui  contraste  bien  tristement  avec  l'indifférence  profonde 
qui,  de  nos  jours,  a  accueilli  et  accueille  encore  en  France 
les  plus  graves  changemens  sur  le  même  objet.  Quant  à  l'é- 
preuve du  feu,  nous  devons  remarquer  avec  le  P.  Pinius  (-4), 

(1)  ChroniconS.  Maxentii,  valgo  Malleacense,  apud  Labbeum.  £i- 
blioth.  MSS.  Tom.  II.  pag.  190. 

(2)  Rerum  Liturgicarura.  Lib.  I.  cap.  XI. 

(3)  Vid.  la  note  C. 

(i)  Tract.  Hist.  Chron.  de  Liturgia  antiq.  Hispan.  Cap,  VI.  §  F. 
pay.  50, 

T.  I.  19 


290  INSTITUTIONS 

que  Pelage  d'0^^édo  ,  contemporain  d'Alphonse  M ,  et  qui  a 
rapporté  les  actions  de  ce  prince  dans  un  grand  détail ,  n'en 
a  pas  dit  un  seul  mot,  non  plus  que  Luc  de  Tude,  qui  \ivait  au 
siècle  de  l'Archevêque  Rodrigue.  Il  est  d'ailleurs  difficile  de 
croire  que  si  un  véritable  prodige  eût  eu  lieu ,  le  Siège  Apos- 
tolique eût  persisté  dans  l'intention  de  détruire  l'Office  Go- 
thique. Ce  serait  le  premier  miracle  en  opposition  avec  les 
volontés  de  l'Eglise.  Quant  au  fait  en  question ,  s'il  était  dé- 
montré (ce  qui  n'est  pas) ,  la  théologie  catholique  trouverait 
peut-être  encore  à  l'expliquer,  sans  recourir  à  l'intervention 
divine. 
Rodrigue  conclut  ainsi  sa  narration  :  «  Tous  pleurant  et 

>  gémissant  d'une  issue  si  malheureuse,  alors  commença  le 

>  proverbe  :  Quod  volunt  reges ,  vadunt  leges  :  quand  veulent 
»  les  rois,  s'en  vont  les  lois.  Et  depuis  lors ,  l'Office  Gallican 

>  (Romain) ,  qui  n'avait  jamais  été  reçu  ni  pour  le  Psautier, 
»  ni  pour  le  rite ,  fut  observé  en  Espagne  ;  quoique ,  en 
»  quelques  Monastères ,  on  ait  gardé  encore ,  un  certain 
»  temps,  celui  de  Tolède,  et  que  l'ancienne  version  du  Psau- 
1  lier  soit  encore  récitée  aujourd'hui  dans  plusieurs  Eglises 

>  Cathédrales  et  Monastères  (l).  » 

Telles  furent  les  circonstances  qui  accompagnèrent  l'abo- 
lition de  la  Liturgie  Gothique,  en  Espagne.  Ce  fut  donc  un 
acte  solennel  du  zèle  des  Pontifes  Romains ,  de  la  piété  des 
Rois,  une  des  nécessités  qu'imposait  le  sublime  plan  de  l'unité 
sociale  Catholique.  Dans  cette  mesure,  sans  doute,  de  pré- 

(1)  El  tune  cunctis  flenlibus  et  dolentibus  iuolevit  proverbium  : 
quod  volunt  reges,  vadunt  leges.  Et  ex  lune  Gallicanum  officium  tam 
in  psalterio  quam  ia  aliis  numquam  aute  susceplum ,  fuit  in  Hispauiis 
observatum.  Licet  in  aiiquibus  mouasleriis  Toleianuiiifuerit  aliquanto 
tempore  custoditum  :  et  etiamtrauslatio  psalterii  in  plurimis  ecclesiis 
cathedrallbus  et  monasteriis ,  a.Liuc  liodie  recitaiur.  /»c  :!cric.  Toletan. 
De  rébus  Hispanicis.  Ibidem, 


LITURGIQUES.  291 

cieuses  traditions  nationales  périrent ,  mais  l'Eglise  ne  re- 
connaît point  de  nations  :  elle  ne  voit  qu'une  famille  dans 
le  genre  humain ,  et  si  les  Chrétientés  d'Orient  se  sont  rom- 
pues en  tant  de  morceaux  ,  et  ont  vu  s'affadir  en  elles  le  sel 
du  Christianisme,  de  si  grands  malheurs  n'eussent  point  eu 
lieu,  si  Rome,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  ailleurs,  eût  pu 
enchaîner  ces  vastes  provinces  à  celles  de  la  Chrétienté  eu- 
ropéenne, parle  double  hen  d'une  langue  commune  et  d'une 
Liturgie  universelle.  Cependant,  s'il  en  est  ainsi,  quel  sera 
le  jugement  de  l'histoire  sur  ceux  qui ,  plus  tard,  en  Europe, 
en  France ,  se  sont  plus  à  détruire  l'œuvre  des  siècles ,  le 
résuUat  des  efforts  des  Pontifes  et  des  princes  les  plus  pieux, 
cette  unité  liturgique  si  chèrement  achetée ,  si  laborieuse- 
ment conquise? 

Quoi  qu'il  en  soit ,  la  Providence  ne  voulut  pas  que  l'Eglise 
d'Espagne  perdit  à  tout  jamais  le  souvenir  de  ses  anciennes 
gloires  Gothiques.  Quand  le  danger  fut  passé ,  quand  l'unité 
fut  établie  depuis  plusieurs  siècles ,  quand  l'Espagne  affran- 
chie tout  entière  du  joug  Sarrasin  et  fondue  désormais  dans 
la  société  européenne,  eut  mérité,  à  tant  de  titres,  le  nom 
de  Royaume  Catholique ,  ce  qui  n'était  jamais  arrivé  pour 
aucune  autre  nation  arriva  pour  elle.  Le  passé  fut  exhumé 
de  la  poudre,  et  Tolède  tressaillit  de  revoir  célébrer  au  grand 
jour  les  augustes  Mystères  des  Isidore  et  des  Léandre. 

Un  de  ces  hommes  qui  n'appartiennent  pas  tant  à  la  na- 
tion qui  les  a  produits  qu'à  l'humanité  tout  entière,  le  grand 
Cardinal  Ximenès ,  Archevêque  de  Tolède ,  recueilHt  avec 
amour  les  faibles  restes  des  Mozarabes  qui,  sous  la  tolé- 
rance des  Rois  de  Castille,  avaient  continué,  dans  quelques 
humbles  sanctuaires  de  Tolède,  à  pratiquer  les  lites  de 
leurs  pères.  Il  fit  imprimer  leurs  Uvres  que  l'injure  du  temps 
avait  mutilés  en  quelques  endroits;  il  leur  assigna,  pour 


292  INSTITUTIONS 

l'exercice  de  la  Liturgie  Gothique ,  une  chapelle  de  la  Ca- 
thédrale et  six  Eglises  dans  la  ville ,  et  pourvut  à  l'entretien 
du  culte  et  de  ses  ministres.  Mais  afin  de  rendre  légitime 
cette  restauration ,  Ximenès  s'adressa  au  Souverain  Pontilé, 
et  Jules  II  rendit  deux  Bulles,  à  la  prière  du  Cardinal,  pour 
instituer  canoniquement  le  rite  Gothique  dans  les  Eglises  qui 
lui  étaient  affectées. Dans  la  première  de  ces  Bulles ,  qui  est 
du  douze  des  Kalendes  d'Octobre  de  l'année  1508,  le  Pape 
loue  grandement  le  zèle  de  Ximenès  pour  le  service  divin , 
et  qualifie  l'Office  Mozarabe  de  très-ancien  et  rempli  d'une 
grande  dévotion,  antiquissimum  et  magnœ  devotionis  (1). 

Les  esprits  superficiels ,  qui  croiraient  voir  ici  Jules  II  en 
contradiction  avec  saint  Grégoire  VII ,  n'auraient  pas  ap- 
précié les  raisons  de  diverse  nature  qui  dictèrent  la  conduite 
de  ces  deux  Pontifes.  L'unité ,  dans  toutes  ses  conséquences, 
est  le  premier  des  biens  pour  l'Eglise  ;  son  développement 
social,  ses  heureuses  influences  pour  le  bien  de  l'humanité , 
la  conservation  du  dépôt  de  la  foi ,  sont  à  ce  prix  ;  on  y  doit 
donc  sacrifier,  dans  certains  cas,  le  bien  même  d'un  ordre 
secondaire.  Or,  l'antiquité,  la  beauté  de  certaines  prières 
sont  un  bien,  mais  non  un  bien  qui  puisse  entrer  en  paral- 
lèle avec  les  nécessités  générales  de  l'Eglise.  Telles  sont  les 
idées  sous  l'influence  desquelles  agit  saint  Grégoire  VII.  Mais, 
d'un  autre  coté,  quand  l'unité  est  sauvée  avec  tous  les  biens 
qui  en  découlent,  rien  n'empêche  qu'on  n'accorde  quelque 
chose ,  beaucoup  même ,  à  des  désirs  légitimes  dont  l'accom- 

(1)  Outre  les  Eglises  de  la  ville  de  Tolède  autorisées  a  suivre  le  rite 
Gothique,  Piuius  eu  cite  encore  deux  autres  :  la  petite  Eglise  de  Saiot- 
Sauveur,  à  Salamanque ,  et  une  chapelle  de  l'Eglise  paroissiale  de 
Sainte-Marie-Magdeleine ,  a  Valladolid.  Léon  X  coulirma  la  première , 
et  Pie  IV  la  seconde ,  en  leur  donnant  le  pouvoir  d'y  célébrer  les  saints 
Mystères ,  suivant  le  rite  Golhiq'.  ■ ,  niais  seulement  a  certains  jours  de 
l'année. 


LITURGIQUES.  293 

plissement  ne  peut  porter  atteinte  à  ce  qui  a  été  si  utilement 
et  si  difficilement  établi.  Dans  les  six  ou  sept  Eglises  de  To- 
lède où  il  est  relégué,  le  rite  Gothique  ne  fait  plus  obstacle 
à  la  fusion  du  royaume  d'Espagne  dans  les  mœurs  de  la 
catholicité  d'Occident.  A  Tolède  môme,  la  Liturgie  Ro- 
maine ,  loin  d'en  être  obscurcie ,  en  est  plutôt  rehaussée. 
Nos  dogmes  antiques  célébrés  dans  le  langage  pompeux  des 
grands  et  saints  docteurs  de  Séville  et  de  Tolède,  n'en  de- 
viennent que  plus  inviolables  aux  attaques  des  novateurs. 

Réduit  à  ces  proportions ,  le  Rite  Gothique  ne  pouvait 
nuire  et  pouvait  être  utile  ;  telle  fut  la  raison  de  l'indulgence 
que  montra  Jules  IL  Rome  n'a  jamais  eu  peur  de  l'antiquité  : 
c'est  le  plus  ferme  fondement  de  ses  droits ,  comme  de  ceux 
de  l'Eglise  dont  Rome  est  la  pierre  fondamentale.  Elle  aime  à 
voir  les  deux  rites  Ambrosien  et  Gothique  demeurés  debout , 
comme  deux  monumens  antiques  de  l'âge  primitif  du  Chris- 
tianisme. Elle  ne  souffrirait  pas  que  d'autres  EgUses,  rétro- 
gradant" vers  leur  berceau ,  abjurassent  les  formes  de  l'âge 
parfait  pour  revêtir  celles  de  l'enfance  ;  mais  elle  se  plaît  à 
mettre  les  novateurs  à  même  de  comparer  les  croyances 
et  les  symboles  en  usage  dans  ces  antiques  Liturgies,  avec 
les  symboles  et  les  croyances  que  renferme  cette  autre  Li- 
turgie que  l'univers  catholique  a  vu  croître  avec  les  siècles. 
II  est  vrai  que  si  les  Liturgies  Ambrosienne  et  Gothique 
remontaient,  comme  celles  d'un  certain  pays,  au  dix-hui- 
tième ,  voire  même  au  dix-neuvième  siècle ,  Rome  n'aurait 
pas  lieu  d'en  vanter  la  haute  antiquité,  ni,  tranchons  le 
mot ,  la  vénérable  autorité.  Mais  reprenons  le  fil  de  notre 
histoire. 

Saint  Grégoire  VII  ne  nous  apparaît  pas  seulement ,  dans 
l'histoire,  comme  le  zélé  propagateur  de  la  Liturgie  Romaine; 
son  nom  vient  aussi  se  placer  à  la  suite  de  ceux  des  Léon , 


294  msTiTUTiOKS 

des  Célestîn  ,  des  Gélase  ,  des  GrégQÎre-le-Grand ,  chargés 
par  l'Esprit  saint  de  la  réformer.  Quatre  siècles  s'étaient 
écoulés  depuis  l'œuvre  du  dernier  de  ces  Pontifes  ;  il  était 
temps  qu'une  main  forte  et  éclairée  intervînt  pour  une  amé- 
lioration. Ainsi  qu'il  arrive  toujours  dans  les  grandes  choses, 
saint  Grégoire  Vil  n'eut  peut-être  pas  la  conscience  entière 
de  ce  qu'il  accomplissait  pour  les  âges  suivans.  Ses  travaux 
qui,  du  reste,  ne  pa^^aissent  pas  s'être  portés  sur  le  Sacra- 
mentaire ,  aujourd'hui  Missel  Romain ,  partie  la  plus  antique 
et  la  plus  immuable  de  la  Liturgie  ,  eurent  pour  objet  la  ré- 
duction de  l'Office  divin.  Les  grandes  affaires  qui  assiégeaient 
un  Pape,  au  onzième  siècle ,  les  détails  infinis  d'administra- 
tion dans  lesquels  il  lui  fallait  entrer,  ne  permettaient  plus 
de  concilier  avec  les  devoirs  d'une  si  vaste  sollicitude  l'as- 
sistance exacte  aux  longs  Offices.cn  usage  dans  les  siècles 
précédens.  Saint  Grégoire  Vil  abrégeii  l'ordre  des  prières  et 
simplifia  la  Liturgie  pour  l'usage  de  la  Cour  Romaine.  Il  se- 
rait difficile  aujourd'hui  d'assigner  d'une  manière  to*ut-à-fait 
précise  la  forme  complète  de  l'Office ,  avant  cette  réduction  ; 
mais  depuis  lors,  il  est  resté,  à  peu  de  choses  près,  ce  qu'il 
était  à  la  fin  du  onzième  siècle.  Nous  en  avons  pour  témoin 
l'ancien  auteur  connu  sous  le  nom  de  Micrologue ,  du  titre 
de  son  livre,  qui  paraît  avoir  été  écrit  vers  l'an  1097  (1). 
Cet  auteur  donne  à  entendre  que  c'est  sur  l'Office  sanc- 
tionné par  saint  Grégoire  VII ,  qu'il  a  établi  ses  observations. 
Or ,  on  trouve  dans  ce  précieux  opuscule  les  particularités 
suivantes  :  l'auteur  y  compte  des  Offices  cum  pleno  offîcio^ 
ou  à  trois  Répons,  ou  à  neuf  leçons  ;  il  en  meniionne  de 
dominicaux,  de  fériaux ,  de  votifs.  Il  marque  à  Matines 

(1)  Micrologus  de  ecclesiasticis  observatioûibiis.  Biblioth.  vet.  Pa- 
îrum  Lugdmen.  Tom,  XIF.  pag.  472—490. 


LITURGIQUES.  293 

trois  psaumes  et  trois  leçons,  du  jour  de  Paque  jusqu'au 
SaiMcdi  in  albis,  et  du  jour  de  la  Pentecôte  jusqu'au  Samedi 
de  la  môme  semaine.  Aux  autres  jours  de  l'année,  si  c'est 
une  fôte ,  neuf  psaumes ,  neuf  leçons  et  autant  de  Répons  ; 
aux  dimanches,  dix-huit  psaumes  et  neuf  leçons.  Ces  détails 
montrent  que  le  Bréviaire  de  saint  Grégoire  VII  était  con- 
forme à  celui  d'aujourd'hui.  Mais  outre  les  particularités 
fournies  par  le  Micrologue ,  il  existe  un  document  impor- 
tant qui  nous  apprend  dans  le  plus  grand  détail  l'ordre  établi 
parce  grand  Pape,  d'après  les  traditions  antérieures,  pour 
le  partage  des  leçons  de  Matines,  et  cet  ordre  est  entièrement 
conforme  à  celui  que  nous  gardons  encore  présentement. 

Ce  document  est  un  Canon  inséré  au  Décret  de  Gratien  (l), 
à  la  suite  du  Canon  de  saint  Gélase,  sur  les  Livres  Apocryphes. 
Les  plus  savans  liturgistes ,  Grancolas,  Merati,  Azevedo, 
Zaccaria,  s'accordent  à  reconnaître  saint  Grégoire  VII  pour 
l'auteur  de  ce  second  Canon.  En  voici  la  teneur  : 

«  Nous  avons  jugé  à  propos,  pour  l'édification  des  fidèles, 
»  d'indiquer  les  livres  qui  sont  lus  par  plusieurs,  dans  les  Of- 
»  fices  ecclésiastiques,  durant  le  cercle  de  l'année.  Ce  rite  est 
>  celui  que  le  Siège  Apostolique  observe  lui-même,  bien  loin 
»  de  le  réprouver.  Il  en  est  donc  qui ,  à  la  Septuagésime , 
»  placent  le  Pentateuque  ,  jusqu'au  quinzième  jour  avant 
»  Paque.  Ce  quinzième  jour,  ils  placent  Jérémie,  jusqu'à  la 
■»  Cène  du  Seigneur.  A  la  Cène  du  Seigneur,  ils  lisent  trois 
i  leçons  de  la  Lamentation  de  Jérémie  (  Quomodo  sedet  sola 
»  civitas ,  etc.),  et  trois  du  traité  de  S.  Augustin,  sur  le 
»  psaume  LIV  [Ëxaudi,  Dcus,  orationem  meam,  et  ne  des- 
»  pexeris  ] ,  et  trois  de  l'Apôtre ,  à  l'endroit  où  il  dit  dans 
ï  i'Epître  aux  Corinthiens  .  Convenientibtis  vobis  in  unum. 

(1)  Decrctum.  Cap.  Sancta  Romana  Ecclesia. 


296  INSTITUTIONS 

»  La  seconde  leçon  commence  ainsi  :  Similiter  et  calicem, 
»  postquam  cœnavit.  La  troisième ,  De  splritaUbus  autetn 
»  nolunius  vos  ignorare ,  fratres.  Au  Vendredi-Saint ,  trois 
»  leçons  de  la  Lamentation  de  Jérémie ,  et  trois  du  Traité 
»  de  S.  Augustin ,  sur  le  psaume  LXIII  [Exaudi,  Deus,  ora- 
»  tionem  meam  cum  deprecor  )  ;  et  trois  de  l'Apôtre,  à  l'endroit 
»  où  il  dit ,  dans  l'Epître  aux  Hébreux  :  Festinemus  ingredi 
ï  in  eam  requiem ,  etc.  La  seconde  leçon  :  Omnis  namque 
i  Pontifex.  La  troisième  :  De  quo  grandis  nobis  sermo.  Au 
»  Samedi-Saint ,  trois  leçons  de  la  Lamentation  du  Prophète 
»  Jérémie,  trois  du  Traité  de  S.  Augustin,  sur  le  même 
»  psaume  LXIII  ;  et  trois  de  l'Apôtre ,  à  l'endroit  où  il  dit , 
»  dans  l'Epître  aux  Hébreux  :  Christus  assistens  Pontifex  fu- 
»  turorum.  La  seconde  leçon  :  Ubi  enim  testamentum  est.  La 

>  troisième  :  Umbram  enim  hahens  lex  futurorum  bonorum, 
»  En  la  Pâque  du  Seigneur ,  les  Homélies  qui  appartiennent 

>  à  ce  j(tur  :  pendant  la  semaine ,  les  Homélies  convenables. 
»  A  l'Octave  de  Pâque ,  ils  placent  les  Actes  des  Apôtres ,  les 
»  Epîtres  canoniques  et  l'Apocalypse  jusqu'à  l'Octave  de  la 
»  Pentecôte.  A  l'Octave  de  la  Pentecôte,  ils  placent  les  Livres 
»  des  Rois  et  les  Paralipomènes ,  jusqu'aux  Kalendes  de 

>  Septembre.  Au  premier  Dimanche  de  Septembre,  ils  placent 
»  Job,  Tobie,  Esther  et  Esdras  jusqu'aux  Kalendes  d'Octobre. 
»  Au  premier  Dimanche  du  mois  d'Octobre ,  ils  placent  le 
»  livre  des  Machabées,  jusqu'aux  Kalendes  de  Novembre.  Au 
»  premier  Dimanche  du  mois  de  Novembre ,  ils  placent  Ezé- 
»  chiel,  Daniel  et  les  petits  Prophètes,  jusqu'aux  Kalendes 
î  de  Décembre.  Au  premier  Dimanche  du  mois  de  Décembre, 
y  ils  placent  le  Prophète  Isaïe  jusqu'à  la  Nativité  du  Seigneur. 
»  En  la  Nativité  du  Seigneur ,  ils  lisent  d'abord  trois  leçons 
»  d'Isaïe.  Première  leçon  :  Primo  tempère  alleviata  est  terra 
»  Zabulon  ;  seconde  :  Consolamini ,  consolamini  :  troisième  ; 


LITURGIQUES.  297 

B  Consurge ,  consurge.  On  lit  (msuite  des  Sermons  ou  Homé- 
»  lies  appartenant  à  ce  jour.  En  la  fête  de  S.  Etienne ,  l'Ho- 
»  niëlie  de  ce  jour.  En  la  fête  de  S.  Jean,  de  même.  En  la 
»  fête  des  Innocens,  de  même.  En  la  fête  de  S.  Sylvestre, 
ï  do  même.  En  l'Octave  delà  Naissance  du  Seigneur,  l'Ho- 
»  mélie  du  jour.  Au  premier  Dimanche  après  la  Nativité  du 
ï  Seigneur,  ils  placent  les  Epîtres  de  saint  Paul  jusqu'à  la 
»  Septuagésime.  En  l'Epiphanie ,  trois  leçons  d'Isaïe ,  la  pre- 
»  raière  commence  :  Omnes  sit lentes  ;  la  seconde  :  Surge, 
»  illuminare  Jérusalem  ;  la  troisième  :  Gaudens  gaudebo  in 
»  Domino.  Ensuite  on  lit  les  Sermons  ou  Homélies  appartenant 
»  à  ce  jour  (1).  » 

La  réduction  de  l'OIfice  divin ,  accomplie  par  saint  Gré- 
goire VII ,  n'était  destinée  ,  dans  le  principe ,  qu'à  la  seule 
Chapelle  du  Pape  :  par  le  fiût,  elle  ne  tarda  pas  à  s'étabhr 
dans  les  diverses  Eglises  de  Rome.  La  Basilique  de  Latran 
fut  la  seule  à  ne  la  pas  admettre  ;  c'est  ce  qu'atteste  déjà , 
au  siècle  suivant,  Pierre  Abailard,  dans  une  Lettre  Apologé- 
tique contre  saint  Bernard  (2).  Le  livre  Responsorial  de  la 
Basilique  de  saint  Pierre,  publié  par  le  B.  Tommasi,  sur 
un  manuscrit  du  douzième  siècle,  prouve  matériellement 
que  cette  seconde  Eglise  de  Rome  avait  aussi  adopté  l'ordre 
nouveau  de  l'Office.  Les  Eglises  du  reste  de  l'Occident  de- 
meurèrent plus  ou  moins  étrangères  à  cette  innovation  ; 
il  faut  remarquer  que  l'auteur  du  Micrologue ,  qui  semble 
avoir  été  Ives  de  Chartres,  a  écrit  hors  de  Rome,  et  qu'il  parle 
néanmoins  des  Ordonnances  de  saint  Grégoire  VII,  comme 

(1)  Vid.  la  note  D. 

(2)  Aufuiuam  Romanœ  sedis  coiisuetudinem  nec  ipsa  civitas  tenet, 
sed  sola  Ecclesia  Lateranensis,  quae  mater  est  omnium ,  antiquuni  tenet 
oificium,  uulla  filiarum  suaruni  in  lioc  cam  sequente,  nec  ipsa  etiam 
Romani  PalasiiBasilica.  .-^bailardi  opéra.  Epist.  F.pag.'SSi^ 


298  INSTITUTIONS 

faisant  droit  sur  la  Liturgie.  Toutefois,  il  ne  paraît  pas  que 
ce  grand  Pape  ail  jamais  obligé  les  Eglises  à  recevoir  ses  ré- 
glemeus  sur  cette  matière  :  c'est  ce  que  l'on  peut  conclure 
d'une  remarque  de  Raoul,  Doyen  de  Tongres,  auteur  du  qua- 
torzième siècle  ,  qui  dit  ces  paroles,  au  sujet  de  la  réduction 
de  l'Office  divin  :  «  Les  autres  nations  de  l'univers  ont  leurs 
>  livres  et  leurs  Offices ,  tels  qu'ils  sont  venus  des  Eglises  de 
»  Rome ,  et  non  de  la  Chapelle  du  Pape ,  ainsi  qu'on  le  con- 
»  dut  avec  évidence  des  livres  et  traités  d'Amalaire  ,  de 
»  Walafride,  du  Micrologue  (1),  du  Gemma,  et  autres  qui 
»  ont  écrit  sur  l'Office  (2).  > 

Ce  mot  de  Raoul  de  Tongres  nous  ramène  naturellement 
à  parler  de  l'état  de  la  Liturgie  dans  l'Occident,  pendant  les 
onzième  et  douzième  siècles.  Il  arriva  donc ,  par  le  fait ,  que 
beaucoup  d'Egli'ses  en  France  et  dans  les  autres  provinces  de 
la  Chrétienté  se  tiouvérent  avoir  une  Liturgie  plus  en  rapport, 
au  moins  en  quelque  chose ,  avec  celle  de  saint  Grégoire  le 
Grand,  qu'avec  la  nouvelle  que  saint  Grégoire  VII  avait  inau- 
gurée dans  Rome.  Du  reste ,  tout  ce  que  renfermait  cette 
dernière  se  trouvait  dans  l'ancienne,  dont  elle  était  l'abrégé  : 
les  usages  Romains  régnaient  donc  toujours.  Toutefois ,  le 
respect  qu'on  avait  pour  ces  formules  saintes  n'empêcha  pas 

(1)  Raoul  de  Tongres  est  fondé  a  citer  ici  le  Micrologue  av?c  Araa- 
laire  et  les  autres  ,  parce  que  cet  opuscule ,  quoiqu'il  y  soit  parlé,  en 
plusieurs  endroits,  de  l'Office  suivant  la  réforme  de  saint  Grégoire  VII, 
offre  un  grand  nombre  de  traits  q  i  tiennen  a  une  forme  de  Liturgie 
antérieure. 

(2)  Alia  autem  natioiies  orbis  libros,  et  ofiisia  sua  habent  e  directo 
ab  ipsiî  Ecclesiis  Romanis,  et  noa  a  Capella  Papse,  sicut  ex  libris  et 
tractationibus  Amalarii,  Walalridi,  Micrologi,  Gemmas,  et  ceterorum 
de  officio  scribeutium  colligitur  evidenter.  Radnlpli.  Decani  Tungren.  de 
Canonum  observantia.  Propoiltio  XXII,  Biblioth.  Patrum.  Tom.  XXFI. 
pag,  513. 


LITURGIQUES.  299 

qu'en  certains  pays ,  mais  principalement  en  France ,  on 
n'insérât,  par  le  laps  du  temps,  un  certain  nombre  de  pièces 
et  d'Offices  même ,  qui  portaient  le  cachet  du  siècle  et  du 
pays  qui  les  avait  produits.  Rome ,  comme  au  temps  d'Ama- 
laire,  continua  de  voir  ces  superfétations  nationales  sans 
improbation;  de  même  qu'aujourd'hui  elle  approuve  encore 
les  Offices  et  les  usages  locaux,  dans  les  diocèses  où  règne 
le  Bréviaire  Romain.  Bien  plus ,  il  arriva  plus  d'une  fois 
qu'elle  adopta  des  prières ,  des  chants  et  des  Offices  em- 
pruntés aux  livres  de  quelque  Eglise  particulière.  Les  di- 
verses Eglises  de  l'Europe  échangeaient  aussi  les  usages 
Liturgiques  qui,  dans  le  pays  de  leur  origine,  avaient  obtenu 
une  plus  grande  popularité.  Mais  autant,  parmi  ces  diverses 
Eglises ,  celle  de  France  avait  l'avantage  pour  la  fécondité  de 
son  génie  liturgique  et  pour  la  beaulé  de  ses  chants,  autant , 
au  sein  de  notre  pali-ie,  l'Eglise  de  Paris,  à  l'époque  qui 
nous  occupe,  posséda  et  mérita  une  supériorité  incontes- 
table. 

Une  des  causes  qui  maintinrent  la  Liturgie  Romaine-Pari- 
sienne dans  cet  état  si  florissant ,  fut  l'influence  de  la  cour 
de  nos  rois  d'alors,  dont  la  Chapelle  était  desservie  avec 
une  pompo  et  une  dévotion  merveilleuses.  Charlemagne, 
Louis-le-Pieux ,  Charles-le-Chauve ,  trouvèrent  de  dignes 
successeurs  de  leur  zèle  pour  les  divins  Offices ,  dans  les  rois 
de  la  troisième  race.  A  leur  tête ,  nous  placerons  Robert-le- 
Pieux  et  saint  Louis.  Le  premier,  monté  sur  le  trône  en  996, 
régla  tellement  son  temps ,  qu'il  en  donnait  une  partie  aux 
œuvres  de  piété,  une  autre  aux  affaires  de  l'état,  et  l'autre  à 
l'étude  des  lettres.  Chaque  jour,  il  récitait  le  Psautier,  et  en- 
seignait aux  Clercs  à  chanter  les  Leçons  et  les  Hymnes  de 
l'Office.  Assidu  aux  Offices  divins,  et  plus  zélé  encore  que 
Charlemagne,  il  se  mêlait  aux  chantres,  révêtu  de  la  chappe  et 


500  INSTITUTIONS 

tenant  son  sceptre  en  main.  Le  onzième  siècle,  si  illustre  par 
la  réédification  de  tant  d'Eglises  Cathédrales  et  Abbatiales , 
s'ouvrit  sous  les  auspices  de  ce  pieux  roi,  qui  fonda  lui-même 
quatorze  Monastères  et  sept  Eglises.  Comme  il  était  grand 
amateur  du  chant  ecclésiastique,  il  s'appliqua  à  en  composer 
plusieurs  pièces ,  d'une  mélodie  suave  et  mystique ,  que  l'on 
chercherait  vainement  aujourd'hui  dans  les  livres  Parisiens , 
d'où  elles  furent  brutalement  expulsées  au  dix -huitième 
siècle,  mais  qui  régnèrent  dans  toutes  les  Eglises  de  France , 
depuis  le  temps  de  Robert  jusqu'à  la  régénération  Gallicane 
delà  Liturgie.  Ce  pieux  prince,  qui  se  plaisait  à  enrichir  les 
Offices  de  Paris  des  plus  belles  pièces  de  chant  qui  étaient  en 
usage  dans  les  autres  Eglises ,  envoyait  aux  Evêques  et  aux 
Abbés  de  son  royaume  les  morceaux  de  sa  composition ,  que 
leur  noble  harmonie,  plus  encore  que  son  autorité,  faisait 
aisément  adopter  partout.  Etant  allé  par  vœu  à  Rome ,  vers 
l'an  1020 ,  et  assistant  à  la  Messe  célébrée  par  le  Pape , 
lorsqu'il  alla  à  l'offrande ,  il  présenta ,  enveloppé  d'une  étoffe 
précieuse ,  son  beau  Répons ,  en  l'honneur  de  saint  Pierre  , 
Cornélius  Centurio.  Ceux  qui  servaient  le  Pontife  à  l'autel , 
accoururent  incontinent ,  croyant  que  ce  prince  avait  offert 
quelque  objet  d'un  grand  prix,  et  trouvèrent  ce  Répons 
écrit  et  noté  de  la  main  de  son  royal  auteur.  Ils  admi- 
rèrent grandement  la  dévotion  de  Robert ,  et  à  leur  prière , 
le  Pape  ordonna  que  ce  Répons  serait  désormais  chanté  en 
l'honneur  de  saint  Pierre  (1)- 

Robertlia  une  étroite  amitié  avec  le  grand  Fulbert,  Evêque 
de  Chartres ,  si  célèbre  à  tant  de  titres ,  mais  aussi  par  les 
admirables  Répons  qu'il  composa  en  l'honneur  de  la  Nativité 
de  la  Sainte  Vierge.  La  fête  de  ce  Mystère  fut  en  effet  éta- 

(1)  Trlthem.  Chronic.  Hir&ang.  Tom.  I.  pag.  141. 


LITURGIOUES.  301 

bile  en  France  ,  sous  le  règne  de  Robert ,  qui  rendit  un  édit 
portant  obligation  de  la  solenniser.  Ces  trois  Répons  sont 
lout-à-fait ,  pour  le  chant ,  dans  le  style  du  roi  Robert.  Il 
est  probable  que  Fulbert  les  lui  avait  communiqués ,  pour 
les  répandre  par  ce  moyen  dans  tout  le  royaume.  On  les 
trouve  dans  tous  les  livres  Liturgiques  de  France ,  antérieurs 
au  dix-huitième  siècle ,  même  dans  ceux  de  la  Provence  et 
du  Languedoc.  Tel  était  le  mode  de  propagation  qu'em- 
ployait Robert  pour  les  chants  qu'il  affectionnait  :  il  les 
faisait  exécuter  dans  la  chapelle  de  son  palais ,  ou  dans 
l'Abbaye  de  Saint-Denys ,  puis  dans  l'Eglise  même  de  Paris , 
et  de  là  ils  passaient  aux  autres  Cathédrales. 

La  piété  de  Robert  pour  les  Oftîces  divins  n'avait  rien  de 
singulier  dans  ces  siècles  de  foi.  Les  plus  grands  guerriers 
se  montraient  tout  aussi  dévots  que  ce  roi  pacifique.  *  Si , 
en  effet ,  nous  passons  en  Angleterre ,  nous  retrouvons  les 
mêmes  exemples  dans  un  prince  tel  que  Guillaume-le-Con- 
quérant.  Guillaume  de  Malmesbury  nous  apprend  que  ce 
vainqueur  des  Saxons  assistait  chaque  jour  non  seulement  à 
la  Messe,  mais  à  Matines  et  aux  autres  heures  de  l'Office  (1). 
11  attribue  la  catastrophe  qui  affligea  l'Angleterre  à  la  négli- 
gence des  seigneurs  Saxons  qui  n'avaient  pas  renoncé ,  il  est 
vrai ,  à  entendre  la  Messe  et  l'Office ,  mais  qui  ne  remplis- 
saient plus  ce  àeso'w  journalier  que  d'une  manière  lâche  et  né- 
gligente (2) .  Matthieu  Paris  s'exprime  dans  les  mêmes  termes. 
Godefroy  de  Bouillon ,  partant  pour  la  croisade ,  avait  em- 

(1)  Religionem  christianam  quanUim  saccularis  poterat  ita  frequeu- 
tabat,  ut  quotidie  Missae  assisteret,  vesperliaos  et  matutinos  hymnos 
audiret.  Guilklm.  Mulmesb.  de  Gcstis  Regum  Jnglor.  Lib.  III. 

('2)  Optimates  guliu  et  veneri  dediti,  Ecclesiam  more  Chrisliano 
mane  nou  adibanl,  sed  in  cubiculo  et  iuler  uxoiios  amplexus,  matu- 
tinarum  soleinnia  et  tuissavum  a  lestinautc  piesbytero  auribus  tantum 
libabant.  Ibidem. 


302  INSTITUTIONS 

mené  avec  lui  une  troupe  de  religieux  exemplaires ,  qui , 
durant  toute  la  marche,  récitèrent  devant  lui  tous  les  divins 
Offices  de  jour  et  de  nuit  (1).  Telle  fut  aussi  la  conduite  du 
pieux  et  invincible  Simon  de  Montfort,  dans  la  Croisade 
contre  les  Albigeois  (2).  Nous  choisissons  de.  préférence  les 
exemples  de  ces  illustres  guerriers  qui  savaient  imiter,  dans 
les  camps ,  la  piété  paisible  d'un  saint  Gerauld  ,  comte  d'Au- 
rillac,  d'un  saint  Elzéar  de  Sabran,  dont  la  vie,  proclamée 
sainte  par  les  peuples ,  s'écoulait  au  milieu  des  actes  de  la 
plus  expansive  charité  et  des  plus  augustes  pratiques  de  la 
Liturgie. 

Le  douzième  siècle  ne  fut  pas  moins  fécond  que  le  onzième 
en  heureuses  innovations  dans  la  Liturgie  Romaine ,  telle  que 
les  Français,  les  Allemands,  les  Belges  la  pratiquaient.  La  dé- 
votion à  certains  saints  inspira  les  plus  beaux  chants  en  leur 
honneur  ;  nous  citerons  principalement  saint  Nicolas  et  sainte 
Catherine ,  qui  fournirent  matière  à  des  Antiennes  et  à  des 
Répons  d'une  mélodie  ravissante.  Mais  ce  que  ce  siècle  pro- 
duisit, peut-être  ,  de  plus  remarquable,  fut  le  complément 
de  l'Office  des  Morts ,  au  moyen  de  plusieurs  nouveaux  Ré- 
pons qui  furent  admis  par  toute  l'Eglise  d'Occident,  et  par 
l'EgUse  Romaine  elle-même.  Ils  eurent  pour  auteur,  suivant 
saint  Anlonin  et  Democharès,  cités  par  Gavanti  (3),  Maurice  de 
Sully ,  Evêque  de  Paris,  qui  les  fit  chanter  dans  son  Eglise, 
en  1196.  Ces  Répons  ,  morceaux  du  plus  grand  style  ,  que 
l'Eglise  de  Paris  ne  connaît  plus  qu'à  travers  la  parodie 

(1)  De  claustris  beue  discipliuatis  mouachos  insignes  adduxerat ,  qui 
toto  iiinere,  horis  diuruis  et  nocturais,  Ecclesiastico  more,  dirina  illi 
Euinislrabanl  officia.  Guilldm.  Tyr.  Lib.  IX.  cap.  9. 

(2)  Cum  esset  in  bellis  streniiissimus ,  omni  tamen  die  missamet 
horas  canonicas  omnes  audiebat ,  semper  sub  armis.  Rigord.  inPhUipp. 
Jugust.  anno  1215. 

(ô)  De  Officio  defunctorum.  Cap.  II. 


LITURGIQUES.  303 

qui  en  fut  ftiitc  au  dix-huitième  siècle ,  sont  les  suivans  : 
Domine,  quandoveneris.  Peccantem  me.  Domine,  secundum 
actum  meum.  Libéra  me,  Domine,  de  viis  inferni;  et  Libéra 
me.  Domine,  de  morte  œterna  (1).  Les  autres  Répons  de 
l'Office  des  Morts,  Credo  quod  Rcdemptor .  Qui  Lazarum,  etc., 
se  trouvent  déjà  dans  les  Anliphonaires  et  Responsoriaux 
Grégoriens ,  publiés  par  le  B.  Tommasi. 

Telle  fut  l'influence  de  l'Eglise  de  France  sur  la  Liturgie 
universelle.  Elle  servit  à  compléter,  à  perfectionner,  à  enri- 
chir le  répertoire  Grégorien ,  dont  le  fond  resta  toujours 
intact  ;  ces  additions ,  ne  consistant  qu'en  quelques  Proses 
et  Répons  pour  embellir  les  Offices  divins ,  ou  encore  dans 
l'adjonction  d'un  certain  nombre  de  fêtes  de  Saints,  au  ca- 
lendrier Romain.  Le  Livre  des  Messes ,  tant  pour  les  for- 
mules récitées  que  pour  les  parties  chantées ,  demeura  tou- 
jours le  même,  sauf  les  Tropes  et  les  Séquences,  que  l'ins- 
piration de  ces  siècles  de  foi  et  de  mélodie  produisit  en  grand 
nombre.  Mais  ces  dernières  pièces  ne  s'étendirent  pas ,  pour 
l'ordinaire,  hors  du  pays  qui  les  avait  produites  :  l'inspiration 
en  était  généralement  trop  nationale  ;  tandis  que  les  Répons 
composés  dans  un  caractère  plus  grave ,  se  répandirent  par 
toute  la  Chrétienté  Occidentale.  Il  est  vrai  que  leur  propa- 
gation fut  due  en  grande  partie  à  l'influence  des  nouveaux 
Oi'dres  Religieux  ;  c'est  ce  que  nous  raconterons  au  chapUre 
suivant. 

Nous  ne  devons  pas  terminer  le  tableau  de  l'époque  litur- 
gique des  onzième  et  douzième  siècles,  sans  dire,  en  quelques 
mots,  quelle  fut  l'action  de  l'Ordre  Bénédictin  en  cette  partie 
de  la  discipline  ecclésiastique.  Il  suffira,  pour  mettre  cette 
influence  en  état  d'être  appréciée  de  rappeler  au  lecteur  que 

(1)  Breviar.  Rom. 


304  INSTITUTIONS 

les  Moines,  du  huitième  au  douzième  siècle,  remplirent  tous 
les  postes  principaux  dans  l'Eglise  ,  en  même  temps  qu'ils 
furent  presque  les  seuls  dépositaires  de  la  science  et  des 
traditions.  Ils  donnèrent  des  Papes  comme  saint  Grégoire- 
le-Grand,  saint  Boniface  IV,  saint  Agatbon,  saint  Léon  III, 
saint  Paschal  I ,  saint  Léon  IV,  saint  Léon  IX,  Alexandre  II, 
saint  Grégoire  VII ,  Urbain  II ,  Paschal  II ,  Grégoire  IX  et 
Innocent  IV;  des  docteurs  sur  la  Liturgie  et  sur  tout  genre 
de  doctrine ,  comme  saint  Léandre,  saint  Ildephonse ,  Bède , 
Alcuin,  Walafrid  Strabon,  Pdiaban  Maur,  Usuard,  Remy 
d'Auxerre,  Notker  le  Bègue,  Herman  Contract,  saint  Pierre 
Damien,  Bruno  d'Asti,  Hildebert  du  Mans  et  de  Tours,  Guy 
d'Arezzo,  Rupert  de  Tuit,  saint  Bernard,  Pierre  le  Véné- 
rable, etc.  Il  advint  de  là  que  plusieurs  usages  bénédictins  se 
fondirent  dans  la  Liturgie  d'Occident.  Ainsi,  l'Office  du  Cha- 
pitre à  Prime ,  la  Leçon  Brève  et  le  Confiteor  avant  Compiles, 
l'Oraison  Visitaj  quœsumus,  les  Antiennes  5a?fe,iîe^tna,yl/ma 
Rcdemptoris ,  etc.  ;  le  petit  Office  de  la  Sainte- Vierge  ajouté 
à  l'Office  du  jour;  l'usage  des  Hymnes,  des  Séquences; 
l'Aspersion  et  la  Procession ,  le  Dimanche ,  avant  la  Messe  ; 
tous  ces  usages  et  beaucoup  d'autres  ont  une  origine  mo- 
nastique. On  sait  aussi  que  la  Commémoration  de  tous  les 
Défunts,  au  deuxième  jour  de  Novembre,  a  passé  de  l'Abbaye 
de  Cluny,  où  elle  fut  instituée  par  saint  Odilon ,  à  toute  l'E- 
glise d'Occident  ;  de  même  que  la  coutume  de  chanter  l'Hymne 
Yeni,  Creator^  à  Tierce,  durant  l'Octave  de  la  Pentecôte, 
avait  été  établie  dans  le  même  Monastère  par  saint  Hugues , 
avant  d'être  adoptée  à  Rome  et  étendue  à  toutes  les  provinces 
de  la  catholicité.  Nous  aurons  ailleurs  l'occasion  d'indiquer 
beaucoup  d'autres  détails  du  même  geme  :  nous  avons  voulu 
seulement,  dans  ce  coup-d'œil  général,  signaler  une  des 
sources  principales  des  Usages  Liturgiques  de  l'Occident. 


LITURGIQUES.  305 

Si  nous  considérons  maintenant  l'Oflicc  divin  tel  qu'il  se 
célébrait  dans  les  Monastères,  à  l'époque  qui  nous  occupe ,' 
nous  voyons  que  le  chant  ecclésiastique,  en  particulier,  y  était 
de  plus  en  plus  florissant.  Les  Offices  des  saints  Patrons  s'y 
célébraient  par  des  Hymnes,  des  Répons,  des  Antiennes 
nouvellement  composés  par  les  Abbés,  ou  de  savans  Moines. 
On  y  tenait  beaucoup  plus  que  dans  les  Cathédrales  ,  à  la 
pureté  Grégorienne  ;  on  consultait  les  divers  exemplaires 
anciens,  et  on  cherchait  avec  zèle  à  maintenir  les  traditions. 
Nous  en  voyons  un  exemple  célèbre  dans  la  conduite  des 
premiers  Pères  de  Citeaux.  Une  lettre  de  saint  Bernard  nous 
apprend  que  la  réputation  de  l'Antiphonaire  de  Metz  n'étant 
pas  encore  éteinte  au  douzième  siècle,  les  Moines  de  cette 
Réforme  l'avaient  copié  pour  leur  usage.  Mais  bientôt  ils  re- 
connurent que  le  chant  était  défectueux  et  avait  souffert, 
tant  de  l'injure  du  temps  que  de  l'esprit  d'innovation.  Le 
Chapitre  de  l'Ordre  confia  à  saint  Bernard  la  commission  de 
corriger  les  livres  du  chœur.  Il  s'adjoignit  à  cet  effet  ceux 
de  ses  confrères  qui  passaient  pour  les  plus  habiles;  l'Anti- 
phonaire, ainsi  revu,  fut  approuvé  par  le  Chapitre,  et  in- 
jonction fut  faite  à  tous  les  Monastères  Cisterciens  de  s'en 
servir.  A  la  suite  de  la  lettre  de  saint  Bernard  dont  nous  ve- 
nons de  pailer,  on  trouve  parmi  les  œuvies  du  saint  Docteur 
un  traité  fort  curieux,  de  RcUione  Cantus,  destiné  à  servir 
de  préface  à  l'Antiphonaire  de  Citeaux.  Il  y  a  des  raisons  de 
douter  que  cet  ouvrage  soit  de  l'Abbé  de  Clairvaux;  mais, 
quoi  qu'il  en  soit ,  il  est  d'im  haut  intérêt  pour  le  détail  qu'on 
y  trouve  des  principes  qui  présidèrent  à  la  correction  du 
chant  Cistercien.  On  voit  que  les  premiers  Pères  de  Citeaux 
furent  d'habiles  musiciens  ;  mais  peut-être  pourrait-on  dire 
que  quelquefois,  de  leur  piopre  aven  ,  ils  réformèrent  l'An- 
tiphonaire de  Metz,  plutôt  d'après  des  théories  que  sur  la 
f.  I.  20 


306  INSTITUTIONS 

confrontation  des  divers  exemplaires  des  Eglises.  Il  est  évi- 
'dent  néanmoins  que  si  l'on  est  quelquefois  en  droit  de  croire 
qu'on  possède  la  phrase  Grégorienne  dans  sa  pureté  sur  un 
morceau  en  particulier,  c'est  lorsque  les  exemplaires  de  plu- 
sieurs Eglises  éloignées  s'accordent  sur  la  même  leçon  ;  mais 
ceci  nous  entraînerait  trop  loin  et  donnerait  matière  à  des 
discussions  totalement  étrangères  à  l'objet  de  notre  récit. 

On  voit,  par  les  plus  anciens  Bréviaires  de  Cileaux,  que 
cette  Réforme  adopta,  en  manière  de  supplément  à  l'Anti- 
phonaire  Grégorien ,  plusieurs  Usages  et  pièces  de  chant  qui 
apparteuci^ient  aux  Eglises  de  France,  et  en  particulier  à  celle 
de  Paris.  O'est  une  remarque  qu'on  peut  faire  également  au 
sujet  de  l'Ordre  de  Prémontré,  fondé  en  1120,  et  dont  les 
livres  présentent  matière  à  la  même  observation.  Ces  livres 
sont  restés  purs,  et  comme  l'un  des  répertoires  de  l'ancienne 
Liturgie  Romaine-Française,  jusqu'à  la  fin  du  dix-huitième 
siècle,  où  le  dernier  Abbé-Général  (M.  Lécuy,  mort  il  y  a 
peu  d'années,  Grand- Vicaire  de  Paris  ) ,  jugea  à  propos  de 
les  abolir,  pour  leur  substituer  des  Usages  puisés  dans  ce  que 
présentait  de  plus  exquis  la  moderne  régénération  Gallicane. 

Il  nous  reste  encore  à  dire  un  mot  sur  le  chant  pendant  les 
onzième  et  douzième  siècles.  Il  se  maintint ,  pour  la  couleur 
générale,  dans  le  caractère  que  nous  lui  avons  reconnu  au 
chapitre  précédent ,  et  dont  les  Répons  du  roi  Robert  sont 
la  plus  complète  expression.  Une  mélodie  rêveuse  et  quelque 
peu  champêtre ,  mais  d'une  grande  douceur,  en  fait  le  ca- 
ractère principal.  Elle  est  produite  par  de  fréquens  repos 
sur  la  corde  finale  et  sur  la  dominante,  dans  l'intention  le 
marquer  une  certaine  mesure  vague,  et  par  une  longue  ti- 
rade de  notes  sur  le  dernier  mot ,  qui  n'est  pas  sans  quelque 
charme. 

Le  Répons  de  sainte  Catherine ,  Virgo  fagcUatur ,  qui  pa- 


LITURGIQUES.  307 

rait  eue  d'oiiginc  aUoniande ,  offre  une  marche  plus  vive  et 
plus  animée,  jusqu'au  verset  qui  forme  un  intermède  d'une 
mélodie  tendre  et  suave.  Les  Répons  de  Maurice  de  Sully 
ont  un  caractère  sombre  et  sévère  qui  n'a  rien  de  commun 
avec  les  gracieuses  et  monotones  fantaisies  de  Robert  et  des 
antres  compositeurs  de  cette  époque  ;  mais  toutes  ces  pièces 
n'ont  plus  la  simplicité  grandiose  des  Motifs  dont  l'Antipho- 
naire  Grégorien  a  puisé  l'idée  dans  la  musique  des  Grecs. 

A  cette  époque ,  la  séquence  se  perfectionna.  Elle  cessa 
d'être  un  Trope  à  la  marche  lente  ,  au  rhythme  irrégulier. 
Elle  devint  une  sorte  d'hymne  à  mesure  égale,  et  offrit  par  là 
l'occasion  d'un  précieux  développement  à  la  musique  ecclé- 
siastique. Au  douzième  siècle,  la  Séquence  d'Âbailard  Jfi7fiY 
adVirginem,  fut  ornée  ,  probablement  par  son  auteur,  de  ce 
délicieux  chant  que  les  Parisiens  modernes  ont  du  moins  con- 
servé sur  les  modernes  paroles  de  la  prose  actuelle  ;  Humani 
generis.  Nous  touchons  à  l'époque  du  Dies  irœ  et  du  Lauda, 
Sion. 

Le  onzième  siècle  vit  en  outre  s'accomplir  un  grand  évé- 
nement pour  le  chant  ecclésiastique.  Guy  d'Arezzo  inventa 
un  système  qui  simplifiait  considérablement  l'élude  du  chant, 
en  désignant  par  une  syllabe  invariable  et  non  plus  par  des 
lettres,  les  différens  tons  de  la  Gamme.  On  dit  assez  généi'a- 
lement  qu'il  fut  le  premier  à  donner  une  méthode  d'écrire 
léchant  :  c'est  une  erreur;  on  avait  des  notes  avant  lui, 
comme  on  a  pu  le  voir  ci-dessus.  Seulement ,  sa  méthode 
soulageait  beaucoup  l'œil  et  la  mémoire ,  et  fit  tomber 
toutes  les  autres. 

Cette  période  fut  donc  véritablement  féconde  pour  la 
Liturgie  :  on  en  jugera  mieux,  encore  en  parcourant  l'énu- 
mération  des  travaux  qui  furent  alors  exécutés  en  cette 
partie.  rSous  l'ouvrirons  donc ,  sans  tarder  davantage. 


308  INSTITUTIONS 

A  la  tète  des  Liturgistes  du  onzième  siècle,  nous  plaçons 
le  Roi  Robert ,  dont  nous  avons  déjà  tant  parlé  dans  ce  cha- 
pitre. Il  composa  des  Séquences  pour  diverses  fêtes.  Outre 
celle  delà  Pentecôte:  Sancti Spiritus adsit  nobis gratia,  que 
plusieurs  ont  confondue  avec  l'hymne  Veni,  Creator  Spiritus, 
qui  est  de  Charlcmagne ,  il  en  composa  d'autres ,  pour  Noël , 
Pâque  ,  l'Ascension,  la  Nativité  de  la  Sainte- Vierge  ,  les 
fêtes  de  saint  Martin,  de  saint  Denys ,  de  saint  Agnan, 
Evêque  d'Orléans,  etc.  Il  célébra  la  Sainte-Vierge  en  vere 
latins ,  dans  lesquels  il  excellait ,  et  avait  coutume  de  la 
nommer  Y  Etoile  de  son  Royaume.  Nous  avons  parlé  de  ses 
deux  beaux  Répons  :  Judœa  et  Jérusalem  et  Cornélius  Cen- 
turio.  Tout  le  monde  sait  le  tour  innocent  qu'il  joua  à  la 
Reine  Constance,  lui  faisant  croire  qu'il  était  question  d'elle 
dans  un  Répons  qu'il  avait  composé  et  qui  commençait  par 
ces  mois  :  0  Constantia  Martijrum.  Nous  plaçons  ici  les 
paroles  de  ce  Répons  que  les  voùics  de  nos  cathédrales  ont 
oublié ,  et  que  certainement  bien  peu  de  nos  lecteurs  con- 
naissent. Il  est  triste  qu'un  siècle  ait  suffi  pour  effacer  presque 
tous  les  points  de  contact  que  la  Liturgie,  en  France,  avait 
avec  l'histoire.  On  nous  a  donné  des  rites  nationaux  que  nos 
pères  n'avaient  point  connus. 

^.  0  Constantia  Martijrum  laudabilis ,  d  charitas  inex- 
tinguibilis ,  d  patientia  invincibilis ,  quœ  licet  inter  pressuras 
persequentium  visa  sit  despicabilis ,  *  invenietur  in  laudem, 
et  gloriam.,  et  honorem,  in  tempore  retributionis.  y.  Nobis 
ergo  petimus  piis  subreniant  merilis ,  honorificati  a  Pâtre  qui 
est  in  cœlis.  *  Invenietur.  Gloria  Patri.  0  Constantia  Mar- 
tyrum. 

Ce  beau  Répons  dont  le  chant  est  aussi  tou(;hant  que  les 
paroles  en  sont  nobles,  éiail  le  neuvième  des  jhi'iîîes,  au 
Commun  de  plusieurs  Marlyrs.  iieuri  ux  ituips  où  les  Rois 


LITURGIQUES.  309 

coniposai(Mil  des  chants  pour  leurs  sujels ,  où  les  mélodies 
naiionales  étaient  d'innocens  Répons  ,  ou  des  Antiennes 
pleines  de  paix  et  d'onction  ! 

(1007).  L'ami  de  Robert,  Fulbert,  Evêque  de  Chartres, 
composa ,  comme  nous  l'avons  dit ,  trois  Répons  de  la  plus 
grande  beauté ,  pour  la  Nativité  de  la  Sainte-Vierge.  Ils  sont 
en  vers ,  mais  non  riraés ,  comme  ce  fut  plus  tard  la  mode  , 
au  treizième  siècle.  Nous  les  insérons  ici ,  parce  qu'ils  ont 
péri  dans  toute  la  France  (I)  :  nous  voudrions  pouvoir  en 
donner  le  chant  plein  d'une  suave  mélodie. 

1".  1^.  Solem  justitiœ  Regem  paritura  supremum,  *  Stella 
Maria  Maris  hodie  processit  ad  ortum.  y.  Cerner e  divinum 
lumen  gaudete ,  fidèles.  "  Stella  Maria. 

2°.  i^.  Stirps  Jesse  virgam  produxit ,  virgoque  florem ,  *  et 
super  hxinc  florem  requiescit  Spiritus  almus.  f.  Virgo  Dei 
genitrix  Virga  est ,  flos  Filius  ejus.  *  Et  super  hune. 

5°.  1^.  Ad  nutum  Domini  nostrum  ditantis  Jionorem,  ' 
sicut  Spina  rosam  genuit  Judœa  Mariam.  y.  Utvitiumvirtus 
operiret^  gratia  culpani.  '  Sicut  Spina. 

Tels  sont  ces  admirables  Répons  composés  pour  l'Eglise 
de  Chartres ,  par  le  Pontife  qui  posa  les  fond(Uuens  de  la 
merveilleuse  cathédrale  qui  brille  d'une  si  sublime  auréole. 
Un  Roi  les  nota  en  chant  ;  la  France  entière  les  adopta  ;  l'Eu- 
rope les  répéta  après  la  France.  Ânjourd'hui ,  ces  doux 
chants  ne  retentissent  plus  dans  les  divins  OITices ,  et  Chartres 
même,  infidèle  à  son  FulJjcrt  et  à  la  douce  Vierge  qu'il 
chanta ,  les  ignore  l 

Nous  nous  sommes  permis  d'insérer  ces  quelques  lignes 
de  l'antique  Liturgie  de  nos  pères  :  ne  pouvant  résister  au 

(I)  L'Eglise  du  3Ians  chante  encore  te  second,  Stirps  Jesse  :  mais 
en  deliors  de  l'OlTicca  la  Procession  du  jour  de  l'AssoDipUon  de  ta 
Sainte  Vierge ,  avant  la  Messe. 


I 


510  INSTITUTIONS 

désir  de  donner  à  nos  lecteurs  quelques  traits  de  cette  Li- 
turgie Romaine-Française  qui  git  maintenant  incomplète 
dans  la  poussière  des  Bibliothèques.  C'est  de  là  que ,  dès 
longues  années,  nous  avons  entrepris  de  l'exhumer.  Les 
volumes  suivans  nous  fourniront  plus  d'une  fois  l'occasion 
d'en  mettre  en  lumière  les  inspirations  qui,  nous  en  sommes 
sûrs,  seront  trouvées  nobles  et  touchantes. 

Fulbert  a  composé  en  outre  plusieurs  Séquences  et  plu- 
sieurs Hymnes.  Parmi  ces  dernières ,  on  remarque  celle  du 
temps  paschal  :  Chorus  novœ  Jérusalem. 

(1008).  Bernon,  Abbé  de  Richenau,  est  auteur  d'un 
précieux  traité  intitulé  De  Institutione  Missarum;  d'un  dia- 
logue ,  sous  ce  titre  :  De  Quatuor  Temporum  Jejuniis ,  per 
sua  Sabbata  observandis  ,  ad  Aribonem  ,  Archiepiscopum 
iî/o^ifnfînum;  d'une  Epître  au  même  Âribon,  De  Quatuor 
Adventus  Dominicis.  Il  écrivit  aussi  un  livre  sur  le  chant, 
intitulé  Libellus  Tonarius  ,  ou  Opus  Symphoniartim  et  To~ 
norum ,  et  le  dédia  à  Piligrin  ,  Archevêque  de  Cologne. 
Trithême  parle  de  trois  ouvrages  de  Bernon  sur  le  chant 
savoir  :  De  musica,  seu  de  tonis;  De  instrumentis  mu&icis,  et 
De  mensura  monochordi. 

(1010).  Adelbode,  Evêque  d'L'trecht ,  composa  le  chant 
de  rOfiîce  de  la  nuit  pour  la  fêle  de  saint  Martin.  Il  écrivit 
de  Rome  une  lettre  curieuse  sur  la  célébration  de  l'Avenl  ; 
il  ne  faut  pas  la  confondre  avec  un  traité,  en  forme  de  dia- 
logue ,  qu'avait  composé  sur  le  même  sujet  Hériger,  Abbé  de 
Lobes. 

(1012).  ArnolcT,  Prévôt  de  Saint-Emmeran  deRalisbonne, 
composa  des  Antiennes  et  des  Répons,  pour  la  lête  de  ce 
saint  Evêque. 

(1014).  Guy  d'Arezzo,  Abbé  de  Saint-Pierre-d'Avellane, 
fut  appelé  à  Rome  par  Benoît  VIH  ,  et  travailla  sous  ce 


LITURGIQUES.  3H 

Pape  et  son  sueresseiiir  Jean  XIX ,  an  perfectionnement 
(lo  la  musique  ecclésiastique.  Il  inventa  le  système  de  no- 
tation qui  dure  encore  ,  employant  les  syllabes  ut ,  re,  mi, 
fa,  sol.  la,  qu'il  tira  do  la  première  strophe  de  l'Hymne 
de  saint  Jean  ,  à  marquer  les  diiïérens  tons  de  la  voix. 
Cette  méthode  si  simple ,  réduisant  au  pur  mécanisme  la 
pratique  de  la  gamme,  simplifia  prodigieusement  l'étude 
du  Chant,  en  sorte  qu'on  put  l'apprendre  aux.  enfans  avec 
autant  de  facilité  qu'on  leur  enseigne  à  épeler  et  à  lire  l'é- 
criture. Ce  Moine,  véritablement  digne  du  nom  de  Grand, 
pour  un  si  éminent  service,  écrivit  un  traité  de  la  musique , 
en  deux  livres,  sous  le  nom  de  Mlcrologue ,  qu'il  dédia  à 
Théodalde,  Evoque  d'Arezzo,  et  un  opuscule  De  Mensura 
Monochordi.  Enfin  il  arrangea  un  Antiphonaire,  d'après  sa 
méthode  de  notation ,  et  Benoît  VIII  fut  tellement  frappé  de 
la  supériorité  de  ce  ti'avail ,  qu'au  rapport  de  Guy  lui-même , 
il  regardait  cette  œuvre  comme  une  espèce  de  prodige. 

(1020).  Olbert,  Abbé  de  Gemblours,  fut  habile  dans  la 
science  du  chant  ecclésiastique.  Entre  autres  compositions 
de  ce  genre  qui  lui  appartiennent,  la  chronique  de  son  Mo- 
nastère lui  attribue  les  chants  et  les  Hymnes  de  saint  Véron 
et  de  sainte  Vaudru. 

(1025).  Saint  Odilon  ,  Abbé  de  Cluny,  instituteur  de  la 
Commémoration  des  défunts ,  au  2  novembre ,  nous  a  laissé 
des  Hymnes  en  l'honneur  de  la  Sainte-Vierge ,  de  sainte  Adé- 
laïde et  de  saint  Mayeul,  son  illustre  prédécesseur. 

(1026).  Arnoul,  Moine  de  Saint-André  d'Andaone,  outre 
ses  écrits  sur  le  Comput  Ecclésiastique ,  composa  un  Mar- 
tyrologe abrégé  ,  ou  plutôt  un  calendrier  des  saints  de 
l'année. 

(1027).  Saint  Léon  IX,  auparavant  Brunon,  Evêque  de 
Toul,  fut  très-habile  dans  le  chant  ecclésiastique,  et  corn- 


312  INSTITUTIONS 

posa  avec  un  grand  art  les  Répons  de  l'OlTice  de  saint  Gré- 
goire-Ie-Grand,  de  saint  Cyriaque ,  martyr,  de  sainte  Odile, 
vierge ,  de  saint  Nicolas ,  de  saint  Hydulphe ,  Evêque  de 
Trêves.  On  a  chanté,  jusqu'en  1775,  cet  Office  de  saint 
Hydulphe ,  dans  l'Abbaye  de  Moyenmoulier.  Depuis  qu'il 
fut  élevé  à  la  Papauté  ,  se  trouvant  à  Metz  ,  il  y  conaposa 
des  Répons,  pour  l'Office  de  saint  Gorgon  ,  martyr. 

(iOôO).  Adhéraar,  Moine  de  Saint-Martial  de  Limoges, 
est  regardé  par  plusieurs  comme  l'auteur  du  supplément 
à  l'ouvrage  d'Amalaire  De  divinis  Ojjiciis ,  donné  par  D. 
Mabillon ,  au  tome  deuxième  des  Analecta. 

(1055).  Angelran ,  Abbé  de  Saint-Riquier,  mit  en  chant 
l'Office  de  saint  Valéry  et  celui  de  saint  Yulfran. 

(1059).  Godescalc ,  prévôt  d'Aix-la-Chapelle,  chapelain 
de  Henri  IH,  composa  un  grand  nombre  de  Séquences  pour 
la  Messe. 

(1040).  Hermau  Contract ,  élevé  d'abord  à  Saint-Gall, 
puis  Moine  de  Richenau,  fui  un  prodige  de  science  pour 
son  temps.  Nous  ne  devons  parler  ici  que  de  ses  travaux  li- 
turgiques. Il  écrivit  sur  le  chant  trois  traités,  savoir  :  De 
Musica  .  De  Monochordo  j  De  ConflicHi  Sonorum.  Passant 
ensuite  de  la  théorie  à  la  pratique,  il  composa  les  paroles 
et  le  chant  si  mélodieux  des  Antiennes  Salve,  Regina;  Aima 
Redeniptoris  Mater  ;  les  Séquences  Ave  ,  iJiœdara  maris 
Stella;  ô  Florens  Rosa;  Rcx  omnipotens,  du  jour  de  l'As- 
cension ,  et  beaucoup  d'autres ,  parmi  lesquelles  plusieurs 
mettent  le  Yeni ,  Sancte  Spiritus ,  attribué  par  d'autres  à 
Innocent  III  ;  le  Répons  Simon  Barjona  pour  saint  Pierre  , 
ceux  de  l'Annonciation,  des  saints  Anges,  etc. 

(1040).  Aaron  ,  Abbé  de  Saint-Martin  ,  puis  de  Saint- 
Pantaléon  de  Cologne ,  écrivit  un  livre  De  utilitate  cantus. 
vocalis  et  de  modo  coMtandi  et  ysallendi. 


LITURGIQUES.  315 

(1040).  Jenn  de  Garland,  Anglais,  composa  un  poème , 
intitulé  De  Mysteriis  Missœ,  et  le  dédia  à  Foulques,  Evêquc 
de  Londres. 

(1050).  Michel  Psellus  ,  qui  avait  été  le  précepteur  de 
l'Empereur  Michel  Ducas,  embrassa  plus  tard  la  vie  monas- 
tique. Allatius  nous  fait  connaître  de  lui  les  ouvrages  suivans 
qui  ont  l'apport  à  la  Liturgie  :  Expositîo  in  ilhid  quod  in 
solemni  Christi  Ascensionis  die  dicitur  :  Hodie  Sancta  Con- 
dura  et  cras  Ascensio.  Expositio  in  illud  :  Domine,  Jesu 
Christe,  Deus  noster,  miserere  nostrî.  Amen.  Paraphrasis 
carminé  iamhico  in  Canonem  S.  Cosmœ ,  Maiumœ  Episcopi, 
sancta  et  magna  feria  quinta  canendum. 

(1050).  Jean  ,  dit  le  Géomètre  ,  souvent  cité  par  saint 
Thomas-d'Aquin ,  dans  sa  Catena  aurea  sur  les  Evangiles , 
vécut  au  onzième  siècle.  Il  est  auteur  de  quatre  grandes 
Hymnes  en  l'honneur  de  la  Sainte  Vierge  ,  qui  se  trouvent 
dans  la  Bibliothèque  des  Pères  de  Lyon  et  ailleurs.  Allatius 
nous  apprend  qu'il  avait  composé  d'autres  Hymnes  pour  les 
différentes  fêtes  de  l'année. 

(1050).  Humbert ,  Abbé  de  Moyenmoutier ,  nota  plusieurs 
Antiennes ,  en  l'honneur  de  saint  Grégoire ,  Pape ,  de  saint 
Hydulphe  et  de  saint  Colomban. 

(1050).  Odon,  Moine  de  l'Abbaye  des  Fossés,  près  Paris, 
est  auteur  des  Répons  que  Ton  chantait  autrefois  le  jour 
de  la  fête  de  saint  Babolein,  premier  Abbé  de  ce  Monas- 
tère. 

(1054).  Jean,  dit  Mauropus  {aux pieds  noirs),  d'abord 
Moine,  puis  Métropolitain  d'Euchaïte,  dans  l' Asie-Mineure, 
composa  beaucoup  d'Hymnes,  savoir  vingt-quatre  Canons 
paraclétiques  au  Christ  Sauveur  ,  deux  autres  cantiques 
adressés  pareillement  au  Verbe  incai'né ,  soixante-sept  à  la 


514  INSTITUTIONS 

Sainte-Vierge ,  un  au  saint  Ange  Gardien  ,  deux  à  saint  Jean- 
Baptiste,  d'autres  pour  les  fêles  des  saints  Basile,  Grégoire 
de  >'azianze  et  Jean  Glirysostôme. 

(lOoT.  Saint  Vievve  Damicn,  d'abord  Moine  et  Abbé,  puis 
Cardinal  et  Evèqiie  d'Osiie,  a  laissé  de  nombreux  monu- 
mens  de  son  génie  et  de  son  savoir  liturgiques.  Nous  cite- 
rons ici  le  traité  De  septem  horis  canonicis  ;  le  livre  sur 
Dominus  vobiscum  ;  un  autre  Contra  scdentes  temjwre  Divini 
Ofjicii ;  enùtt  une  grande  quantité  d'Hymnes,  Antiennes  et 
autres  pièces  liturgiques  que  l'on  peut  voir  en  tète  du  qua- 
trième tome  de  ses  œuvre?  publiées  par  Constantin  Gaetani. 
Nous  citerons  parmi  celle-ci  les  belles  Hymnes  de  la  Croix  , 
de  Paque,  de  l'Annonciation  et  de  l'Assomption  de  la  Sainte- 
Vierge,  de  saint  Pierre,  de  saint  Paul,  de  saint  André,  de 
saint  Jean  l'Evangéliste,  de  saint  Vincent ,  de  saint  Grégoire- 
le-Grand ,  de  saint  Benoît ,  etc. 

(1057).  Alberic ,  Moine  du  Mont-Cassin ,  et  depuis  Car- 
dinal, écrivit  un  dialogue  De  musica  ,  et  des  Hymnes  pour 
Pâque,  l'Ascension,  les  fêtes  de  l'a  Sainte-Croix,  de  l'As- 
somption de  la  Saint e-Vierge ,  de  saint  Paul ,  de  saint  Apol- 
linaire ,  etc. 

(1057).  Einliardll,  d'abord  Moine  et  Abbé ,  puis  Evéque 
de  Spire ,  composa  en  quatre  livres  un  ouvrage  très-impor- 
tant De  cœremoniis  ecclesiœ. 

(1058).  Gosselin,  Moine  de  Saint-Bertin  ,  suivit  en  Angle- 
terre Hermann ,  Evêque  de  Salisbury ,  et  se  rendit  célèbre 
dans  ce  pays ,  par  sa  grande  science  du  chant  ecclésias- 
tique, n  composa  une  Séquence  en  l'honneur  de  sainte 
Etheldrède. 

(1060).  Vitmond  ,  Moine  de  Saint-Evroul ,  fut  aussi  un 
habile  compositeur  de  chant  ecclésiastique.  Orderic  Vital  dit 
que  l'on  chantait  encore  de  son  temps ,  à  Saint-Evroul ,  des 


LITURGIQUES.  5fS 

Antiennes  et  des  Répons  de  la  façon  de  Vitmond,  et  des 
Hymnes  qu'il  avait  notées  sur  des  airs  très-mélodieux. 

(1060).  Lambert,  Abbé  de  Saint-Laurent  de  Liège  ,  com- 
posa le  chant  et  les  paroles  d'un  Ofiîce,  en  l'honneur  de  saint 
Héribert ,  Archevêque  de  Cologne. 

(1060).  Francon,  Ecolàtre  de  la  cathédrale  de  Liège  , 
écrivit,  au  rapport  de  Sigebert,  un  traité  sur  le  chant  ecclé- 
siastique. 

(1060).  Alphane  ,  Moine  du  Mont-Cassin ,  Archevêque 
de  Salerne ,  a  laissé  des  Hymnes  en  l'honneur  de  sainte 
Christine,  de  sainte  Sabine,  de  saint  Matthieu,  de  saint  Ni- 
colas, de  saint  Maur,  etc. 

(1061).  Jean,  comte  de  Bayeux  ,  d'abord  Evêque  d'A- 
vranches ,  puis  Archevêque  de  Rouen ,  a  écrit  un  livre 
célèbre  De  divinis  Officiis, 

(lOO'i).  Jean  Bar-Susan,  Patriarche  Jacobite  d'Antiochc, 
est  auteur  d'une  Anaphore,  qui  se  trouve  au  Missel  Chal- 
daique,  et  d'un  livre  dans  lequel  il  prétend  justifier  contre 
les  Coptes,  l'usage  de  mêler  du  sel  et  de  l'huile  au  pain 
eucharistique. 

(1068).  Guillaume,  Abbé  d'Hirsauge ,  composa  un  traité 
De  musica  et  tonis,  et  un  autre  De  psalterio.  Il  recueillit 
aussi  les  coutumes  de  son  Monastère ,  et  ce  recueil  renferme 
beaucoup  de  particularités  liturgiques  intéressantes. 

(1070).  Bonizon ,  Evêque  de  Plaisance,  massacré  cruel- 
lement par  les  Schismatiques ,  fauteurs  de  l'Empereur 
Henri  IV ,  écrivit  un  livre  De  Sacramentis ,  adressé  à  Gaul- 
tier, Prieur  du  Monastère  de  Léon,  et  publié  par  Muratori. 
(1070).  Osberne,  chantre  et  Sous-Prieur  de  Cantorbéry, 
ami  de  l'Archevêque  Lanfranc,  publia  un  traité  De  musica. 

(1070).  Didier,  Abbé  du  Mont-Cassin,  et  depuis  Pape 
sous  le  nom  de  Victor  IH ,  fut  fort  zélé  pour  le  chant  ecclé- 


516  INSTITUTIONS 

siastique  et  pour  la  splendeur  des  Offices  divins.  Il  composa 
lui-même  des  chants,  ou  des  Hymnes  en  l'honneur  de  saint 
Maur. 

(10*1).  Raynald ,  Evèque  de  Langres,  rédigea  lui-même 
l'Office  de  saint  Mamniès ,  Martyr,  patron  de  son  Eglise.  Il 
en  prit  le  texte  dans  les  poésies  de  Walafrid  Strabon  ,  et 
composa  lui-même  le  chant. 

(1074).  Nicolas  III  ,  Patriarche  de  Constantinople  ,  est 
auteur  d'un  poème  De  jejuniiset  festis  totius  anni,  et  d'un 
règlement  ecclésiastique  De  oblationibus  Liturgicis. 

(1075).  Lanfranc  ,  Abbé  du  Bec  ,  puis  Archevêque  de 
Cantorbéiy,  ayant  fait  confirmer  les  Moines  dans  la  posses- 
sion où  ils  étaient  de  desservir  les  Cathédrales  en  Angle- 
terre, rédigea  un  recueil  de  statuts  concernant  la  discipline 
que  l'on  devait  observer  dans  tous  les  Monastères  de  ce 
royaume,  et  principalement  la  célébration  des  Offices  divins. 
Ces  statuts  sont  une  des  plus  précieuses  sources  où  l'on  doive 
puiser  la  connaissance  des  usages  liturgiques  des  Moines,  au 
moyen  âge. 

(1075).  Thomas,  Archevêque  d'Yorck,  composa  le  chant 
d'un  grand  nombre  d'Hymnes.  Guillaume  de  Malmesbury 
dit  de  ce  Prélat  qu'il  avait  la  voix  très-belle,  et  que  lorsqu'il 
entendait  un  air  agréable ,  il  l'accommodait  aussitôt  aux 
Hymnes  et  aux  chants  ecclésiastiques  ;  mais  il  ne  voulait 
pas  soufTrii'  dans  l'Eglise  une  musique  efféminée  et  sans 
gravité. 

(1080).  Durand,  Abbé  de  Saint-Martin  de  Troarn,  com- 
posa des  Antiennes  et  des  Piépons  avec  leur  chant  pour 
diverses  fêtes  de  l'année,  et  en  l'honneur  de  Notre-Seigneur, 
de  la  Sainte  Vierge,  des  Anges  ,  des  Apôtres ,  des  Martyrs, 
et  autres  Saints  révérés  dans  l'Eglise. 

(1080).  Ulric,  Moine  de  C'uny,  recueillit  les  usages  de 


LITURGIQUES.  317 

cel  illustre  Moiiaslère,  et  son  travail  publié  par  Doni  Luc  d'A- 
chery,  est  un  des  plus  importans  monumeus  do  la  Liturgie 
Bénédictine. 

(1080).  Irène,  fenune  de  l'Enipcrour  Alexis-Comnène , 
ayant  fondé  à  Constaiilinople  un  Monastère  de  filles ,  leur 
donna  des  constitutions  qui  sont  contenues  dans  le  livre 
appelé  Typique.  Le  cérémonial  contenu  dans  ce  livre  est  du 
plus  haut  intérêt  pour  la  connaissance  des  usages  claustraux 
des  Monastères  de  filles ,  en  Orient. 

(1091).  Aribon,  personnage  dont  l'état  et  la  qualité  sont 
aujourd'hui  inconnus  ,  écrivit  un  traité  De  musica ,  qu'il 
dédia  à  un  Evêque ,  nommé  EUenhard.  Il  y  parlait  ^vec 
enthousiasme  de  Guillaume,  Abbé  d'Hirsauge,  dont  nous 
avons  fait  mention  plus  haut,  et  le  qualifiait  le  premier  des 
musiciens ,  l'Orphée  et  le  Pythagore  modernes. 

(1094).  Jean,  Saïd  Bar-Sabuni ,  Evêque  Jacobite  de  Méli* 
tine  ,  est  auteur  d'une  Hymne  acrostiche  que  les  Jacobiles 
chantent  durant  la  cérémonie  de  la  tonsure  des  Moines. 

(1096).  Nevelon,  Moine  de  Corbie,  rédigea  un  Martyro- 
loge ,  abrégé  de  celui  d'Adon. 

(1097).  Bruno  d'Asti,  Abbé  du  Mont-Cassin,  puis  Evêque 
de  Ségni ,  est  un  des  grands  liturgistes  du  onzième  siècle. 
On  lui  doit  les  livres  suivans  :  De  ornamentis  ecdesiœ  ;  De 
Sacrificio  azymi ,  et  De  Sacramentis  ecdesiœ  ,  mysteriis , 
Clique  Ecdesiastids  ritibus. 

(1097).  Micrologus ,  tel  est  le  litre  d'un  ouvrage  ano- 
nyme qui  est  aussi  intitulé  De  ohservationibus  Ecdesias- 
tids. Ce  livre  ,  qui  est  un  des  monumens  principaux  de  la 
science  liturgique  ,  a  été  écrit  peu  après  la  mort  de  saint 
(Irégoire  VU,  arrivée  en  1085.  On  y  trouve  l'explication  de 
l'Office  suivant  la  forme  en  laquelle  ce  Pape  l'avait  réduit.  Il 
ne  faut  pus  confondre  cet  opuscule  avec  le  Microloguede  Guy 


518  INSTITUTIONS 

d'Arezzo  qui  ne  traite  que  de  la  musique  et  du  chant.  Zac- 
caria  croit  pouvoir  l'altiibuer  à  Ives  de  Cliartres. 

(1097) .  Ives .  d'abord  Abbé  de  Saint-Quentin ,  puis  Evêque 
de  Chartres,  fut  un  des  plus  grands,  des  plus  doctes  et  des 
plus  saints  Prélals  de  son  temps.  Il  excella  dans  l'cxplicatiou 
des  mystères  de  la  Liturgie,  comme  on  peut  le  voir  parla 
4ecture  d'un  grand  nombre  de  ses  Sermons,  qui  font  auto- 
rité en  celte  matière.  L'indication  de  ces  Sermons  nous  en- 
traînerait trop  loin  :  on  peut  consulter  la  Bibliothèque  des 
Pères,  ou  la  collection  d'Hittorp. 

(1097).  Saint  Anselme,  Abbé  du  Bec,  et  ensuite  Arche- 
vêque de  Cantorbéry ,  composa  ,  avec  l'onction  qui  se 
remarque  dans  tous  ses  écrits ,  des  Hymnes  et  un  Psautier 
de  la  Sainte-Vierge. 

(1097).  Le  vénérable  Hildebert  de  Lavardin,  Evêque  du 
Mans,  puis  Archevêque  de  Tours,  a  laissé,  entre  autres 
compositions  qui  vont  à  notre  sujet,  un  poème  infiniment 
précieux ,  intitulé  :  Versus  de  mysteriis  et  ordine  Missœ.  Nous 
citerons  encore  les  opuscules  suivans  :  Liber  ^  scu  prosa 
de  Natali  Domini  ;  De  Sacramentis ;  De  utraque  parte  alta- 
ris;  De  tribus  3Ilssis  in  Natali  Domini. 

(1105).  Odon,  Ecolàtre  d'Orléans,  puis  Abbé  de  Saint- 
Martin  de  Tournay ,  enfin  Evêque  de  Cambrai ,  est  auteur 
d'une  courte  exposition  du  Canon  delà  Messe. 

(1110).  Geoffroy,  Abbé  de  la  Trinité  de  Vendôme  ,  a  com- 
posé quatre  Hymnes ,  dont  la  première  en  l'honneur  de  la 
Sainte  Vierge ,  et  les  trois  autres  sur  la  conversion  de  sainte 
Marie-Magdeleine.  Plusieurs  de  ses  opuscules  renferment 
des  traits  importans  pour  ïa  compréhension  des  doctrines 
liturgiques  de  cette  époque. 

(1110).  Marbode,  Evêque  de  Rennes,  est  auteur  de  trois 
Hymnes  en  l'honneur  de  sainte  Marie-Magdeleine. 


LITURGIQUES.  319 

(111  i).  Robert,  Prieur  de  Saint-Laurent  de  Liège,  écrivit 
un  traité  De  divinis  Officiis. 

(1111).  Uupert,  Abbé  deTuit,  se  recommanda,  comme 
liturgisle  ,  par  son  ouvrage  De  divinis  Officiis  j>cr  anni  cir- 
culum,  divise  en  douze  livres.  Il  a  composé  en  outre  plu- 
sieurs Hymnes,  savoir  deux  en  l'honneur  du  Saint-Esprit,  et 
les  autres  pour  la  fête  de  plusieurs  saints  martyrs. 

(1115).  Etienne,  Evèquc  d'Autun,  et  qui  mourut  Moine 
de  Ciuny ,  a  laissé  m\  livre  De  Sacramcnto  Altaris ,  et  iis  quœ 
ad  iliud  variosque  Ecdesiœ  ministros  pertinent. 

(IHo).  Saint  Bernard,  Abbé  de  Glairvaux  et  Docteur  de 
l'Eglise,  outre  les  travaux  qu'il  accomplit  sur  l'Antipho- 
naire,  a  composé  un  Office  entier  en  l'honneur  de  saint 
Victor,  Confesseur,  à  la  prière  de  Guy,  Abbé  de  Montier- 
Ramey.  Cet  Office ,  d'un  style  élégant  et  plein  d'onction , 
mais  peu  conforme  à  la  couleur  de  l'antiquité,  renferme 
des  Hymnes  totalement  dépourvues  de  mesure  et  de  quan- 
tité. C'est  le  reproche  qu'on  peut  faire  également  à  l'Hymne 
de  saint  Malachie  ,  composée  aussi  par  saint  Bernard  et 
publiée  par  Dom  Martène.  Ces  Hymnes  contrastent  singu- 
lièrement avec  le  petit  poème  de  mesure  iambique  et  si  mélo- 
dieux ,  qui  commence  par  ces  mots  :  Jesu^  dulcis  memoria, 
dont  l'Eglise  a  tii'é  les  trois  Hymnes  de  l'Office  du  saint  Nom 
de  Jésus.  Dom  Mabiilon  a  placé  pai^mi  les  œuvres  probables 
de  saint  Bernard ,  l'Hymne  à  l'honneur  des  Cinq  Plaies  de 
N.  S.,  (|ui  commi'iice:  Salve,  mundi  salutare,  et  une  tou- 
chante prière  au  Christ  et  à  Marie,  dont  le  premier  vers 
est  ainsi  conçu  :  Summe  summi  tu  Patris  unice.  Quant  à  la 
gracieuse  prose  de  Noël:  Lœtabundus,  on  la  trouve  dans 
tous  les  anciens  Missels ,  sous  le  nom  de  saint  Bernard. 

Les  principes  de  saint  Bernard  ,  sur  la  composition  litur- 
giiiue ,  sont  trop  imporlans  pour  n'être  pas  rappelés  dans 


520  INSTITUTIONS 

cet  ouvrage  :  il  serait  à  désirer  qu'on  ne  les  eût  jamais 
perdus  de  vue.  Voici  quelques  traits  du  saint  Docteur  sur 
ce  sujet ,  tirés  de  sa  lettre  à  Guy  ,  Abbé  de  Montier-Ramey. 
«  Ce  n'est  point  votre  affection  pour  moi  que  vous  devez 
ï  considérer ,  dans  une  affiiire  si  grave  que  la  composition 
ï  d'un  Ofiice ,  mais  le  peu  d'importance  que  j'ai  dans  l'Eglise. 
> Un  si  haut  sujet  exige  non  simplement  un  ami,  mais  un 
»  homme  docte  et  digne  d'une  pareille  mission,  dontl'auto- 
»rité  soit  compétente  ,  la  vie  pure,  le  style  nourri,  en  sorte 
»  que  l'œuvre  soit  à  la  fois  noble  et  sainte.  Qui  suis-je ,  dans 
»  le  peuple  Chrétien ,  pour  que  mes  paroles  soient  récitées 

>  dans  les  Eglises  ?  Quelle  est  donc  ma  pauvre  éloquence 

>  pour  qu'on  vienne  me  demander  des  chants  de  fête  et  de 
i  triomphe  !  Quoi  donc  ?  celui  dont  les  cieux  célèbrent  les 
i  louanges ,  il  faut  que  ,  moi ,  je  m'essaie  à  les  redire  sur 
>la  terre?  Vouloir  ainsi  ajoutera  la  gloire  du  ciel,  c'est 
»  la  diminuer.  Ce  n'est  pas  pourtant  que  les  hommes  doivent 
»  s'interdire  de  chanter  les  louanges  de  ceux  que  déjà  les 

>  Anges  glorifient  ;  mais  dans  une  auguste  solennité  ,  il 
»  ne  convient  pas  de  faire  entendre  des  choses  nouvelles , 
>ou  légères  d'autorité  ;  il  f^mt  des  paroles  authentiques  , 
»  anciennes ,  propres  à  édifier  l'Eglise  et  remplies  de  la 
«gravité  eccclésiaslique.  Que  si,  le  sujet  l'exigeant ,  il  était 
»  nécessaire  d'employer  quelque  chose  de  nouveau,  il  me 
«semble  qu'il  fout,  dans  ce  cas,  que  la  dignité  de  l'élocu- 
»tion  jointe  à  celle  de  l'auteur,  rende  les  paroles  autant 
»  agréables  qu'utiles  au  cœur  des  auditeurs.  Que  la  phrase 
•  donc  resplendissante  de  vérité  fasse  retentir  la  justice, 
«persuade  l'humilité,  enseigne  l'équité;  qu'elle  enfante  la 
«lumière  de  vérité  dans  les  cœurs,  qu'elle  réforme  les 
«mœurs,  crucifie  les  vices,  enflamme  l'amour,  règle  les 
«sens.  S'il  s'agit  de  chant,  qu'il  soit  plein  de  gravité,  égale- 


LITURGIQUES.  321 

»  ment  éloigné  de  la  mollesse  et  de  la  rusticité.  Qu'il  soit 
»  suave,  sans  être  léger;  doux  aux  oreilles,  pour  toucher 
>le  cœur.  Qu'il  dissipe  la  tristesse,  calme  la  colère;  qu'au 
»  lieu  d'éteindre  le  sens  de  la  lettre ,  il  le  féconde  :  car  ce 
»  n'est  pas  un  léger  détriment  de  la  grâce  spirituelle  que 
»  d'être  détourné  de  goûter  l'utilité  du  sens  par  la  frivolité 
T>  du  chant ,  de  s'appliquer  davantage  à  produire  des  sons 
»  habiles  qu'à  faire  pénétrer  les  choses  elles-mêmes  (1).  » 

(il  18).  Théotger,  Evêque  de  Metz ,  écrivit  un  traité  du 
chant  ecclésiastique. 

(1 120).  Hugues,  Abbé  de  Saint- Victor  de  Paris,  un  des  plus 
illustres  écrivains  mystiques  du  moyen-ûge,  a  passé  pour  être 
l'auteur  de  plusieurs  écrits  sur  la  Liturgie  qu'on  trouve 
dans  ses  œuvres.  Mais  il  est  impossible  de  lui  laisser  les  trois 
livres -De  cœremoniis  ,  Sacramentis  et  Officiis  ^ecclesiasticis , 
qui  sont  de  Robert  Paululus  ;  ni  l'opuscule  intitulé  De  Canone 
Mystici  Ubaminis,  ejusque  ordinibus,  qui  est  de  Jean  de  Cor- 
nouailles.  Le  Spéculum  de  Mysteriis  Ecclesiœ  ne  paraît  pas 
beaucoup  plus  assuré  à  Hugues  de  Saint- Victor. 

(1120).  Hugues  Metellus,  chanoine  régulier  de  Toul, 
a  laissé  cinquante-cinq  lettres  sur  différens  sujets.  La  SS''  et 
la  53'^  ad  Constantinum ,  ont  pour  objet  l'exphcation  des 
rites  de  l'Eglise  pendant  le  Carême  et  les  trois  semaines  qui 
le  précèdent. 

(1120).  Le  bienheureux  Guigues,  cinquième  Prieur  delà 
Chartreuse,  rédigea  les  fameux  Statuts  qui  portent  son  nom 
et  qui  forment  aussi  un  des  plus  curieux  monumens  de  la 
Liturgie  Monastique. 

(1120).  Gilbert,  Evêque  de  Limcrik,  voulant  aider  à  l'é- 
tablissement de  l'unité  liturgique,  en  Irlande,  publia  une 

(1)  Vid.  la  nylu  i>. 

T.  1.  21 


322  INSTITUTIONS 

lettre  circulaire  à  tous  les  Evêques  et  Prêtres  de  ce  pays. 
Celte  lettre  est  le  prologue  d'un  opuscule  intitulé  De  Statu 
Ecclesiœ ,  dans  lequel  Gilbert  expose  avec  un  détail  inté- 
ressant les  fonctions  sacrées  de  l'Evêque  et  du  Prêtre. 

(1125).  Suger,  illustre  Abbé  de  Saint-Denys  en  France, 
a  laissé  un  opuscule  sur  la  Dédicace  de  l'Eglise  de  son  Abbaye 
qu'il  avait  rebâtie. 

(H23).  Pierre  Maurice,  dit  le  Vénérable,  Abbé  de  Cluny, 
a  laissé  plusieurs  Hymnes ,  et  en  particulier  celles  que  tout 
l'Ordre  de  Saint-Bénoit  chante  dans  la  fête  de  son  saint  Pa- 
triarche :  Laudibus  cives  resonent  canaris,  Inter  œternas 
superwn  coronas ,  et  Quidquid  antiqui  cecinere  vates.  Les 
Bénédictins  français  chantent  aussi  celle  que  le  même  Pierre 
le  Vénérable  a  composée  sur  la  Translation  des  reliques  de 
saint  Benoît  en  France  et  sur  leur  illation  :  Claris  conju- 
hila,  Gallia,  laudibus. 

(1128).  Drogon,  Abbé  de  Laon,  puis  Evêque  d'Ostie, 
a  laissé  un  livre  De  divinis  Officiis ,  seu  horis  Canonicis. 

(1130).  Honorius ,  Ecolâtre  de  l'Eglise  d'Autun,  est  auteur 
de  la  belle  somme  liturgique,  intitulée  Gemma  animœ.  Dom 
Bernard  Pez,  en  publiant,  au  deuxième  tome  de  son  Thé- 
saurus anecdotorum  novissimus  ,  l'important  écrit  intitulé 
Sacramentarium  ou  De  Sacramentis ,  site  de  causis  et  signi- 
ficatu  mystico  rituiim  divini  in  ecclesia  Ofjicii ,  a  presque 
doublé  les  richesses  liturgiques  que  nous  devons  à  Honorius 
d'Autun. 

(1130).  Berold,  gardien,  et  Cicendelarius  de  l'Eglise  de 
Milan,  écrivit  un  livre  curieux,  intitulé  Ordo  et  cœremoniœ 
Ecclesiœ  Ambrosianœ  Mediolanensis. 

(1150).  Hervé  du  Mans,  Moine  du  Bourg  -  de  -  Dol  ,  au 
Diocèse  de  Bourges,  donna  l'explication  des  Cantiques  que 
l'on  chante  dans  les  OÛices  divins,  et  écrivit  uu  !ivre  de 


¥ 


LITURGIQUES.  325 

reiiraïqiies sur  les  alléralions  que  le  texte  de  la  Bible  avait 
souffertes  clans  les  Lectionnaires  de  certaines  Eglises. 

(1150)  Gnillanme  de  Sommersct ,  Moine  de  Malmesbury, 
fit  un  abrégé  des  livres  d'Amakiire  sur  les  Offices  divins. 

(1150).  Pierre  Abailard  qui,  après  une  carrière  aussi 
brillante  qu'agitée,  embrassa  la  vie  monastique  à  Saint-Denys, 
fut  Abbé  de  Saint-Gildas  de  Ruis,  et  mourut  à  Cluny ,  com- 
posa à  la  prière  d'IIéloise  un  petit  livre  d'Hymnes  et  de 
Séquences  pour  l'usage  du  Monastère  du  Paraclet.  La  plus 
célèbre  de  ces  Séquences  est  celle  pour  la  fête  de  l'Annon- 
ciation :  nous  en  avons  parlé  ci-dessus. 

(1150).  Piodulplie,  Abbé  de  Saint-Trou,  fut  très-habile 
dans  le  chant  ecclésiastique  et  nota  un  Office  en  l'honneur 
de  saint  Quentin. 

(1156).  Rinald  II,  Abbé  du  Mont  Cassin  et  Cardinal, 
composa  trois  Hymnes  en  l'honneur  de  saint  Jlaur ,  trois 
pour  saint  Placide  et  une  pour  saint  Sévère,  Abbé  du  Mont 
Cassin. 

(1140).  Anselme,  Archevêque  de  Magdebourg ,  et  ensuite 
de  Ravenne,  écrivit  un  traité  De  ordine  pronuntiandœ  Li- 
taniœ. 

(1145).  Benoit,  Chanoine  de  Saint-Pierre ,  écrivit  le  livre 
intitulé  PolUcitus .  dans  lequel  il  rend  compte  des  Offices  de 
toute  l'année  et  principalement  de  ce  qui  a  rapport  aux 
Fonctions  Papales.  Dom  Mabillon  a  placé  cet  opuscule  parmi 
les  Ordres  Romains,  entre  lesquels  il  occupe  le  onzième 
rang. 

(1147).  Isaac ,  Abbé  de  Stella  au  diocèse  de  Poitiers, 
écrivit  une  Epître  assez  longue  sur  le  Canon  de  la  Messe. 

(1150).  Aelrède,  Abbé  de  Rhienvall  au  diocèse  d'Yorck , 
a  laissé  unUvreZ>e  Officiis  ministrorum. 

(1150).  Hugues,  Abbé  de  Prémontré,  rédigea  le  livre 


524  LNSTITUTIONS 

des  cérémonies  de  cet  Ordre,  sous  ce  titre  :  Ordinarium  Prœ- 
monstratensis  Ecclesiœ. 

(1150).  Richard,  Chanoine  régulier  de  Saint-Victor  de 
Paris,  et  l'ami  de  Hugues,  écrivit,  au  rapport  de Trithême,  un 
livre  De  Ofjïciis  Ecclesiœ. 

(lloO).  Damien ,  Prémontré,  aux  Pays-Bas,  passe  pour 
avoir  composé  des  chants  admirables  en  l'honneur  de  saint 
Corneille  et  de  saint  Cyprien. 

(lloO).  Nous  plaçons  à  cette  date  l'anonyme  du  douzième 
siècle,  dont  Zazzera  a  publié  en  1781,  d'après  un  manuscrit 
du  Vatican,  un  intéressant  ouvrage  intitulé  Sanctœ  Ecclesiœ 
Rituum,  divinorumque  Officiorum  explicatio. 

(1150).  Adam  ,  Chanoine  régulier  de  Saint-Victor  de 
Paris,  est  illustre  parles  belles  Séquences  qu'il  a  composées, 
parmi  lesquelles  on  distingue  celles  de  saint  Etienne,  de 
la  Purification  de  la  Sainte  Vierge,  de  la  sainte  Croix,  de 
la  sainte  Trinité ,  de  saint  Nicolas,  de  saint  Jean-Baptiste, 
de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul ,  de  saint  Laurent ,  de  saint 
Martin ,  sans  oublier  celle  de  saint  Denys  :  Gaude  proie . 
Grœcia  j  si  indignement  travestie  par  les  Parisiens  mo- 
dernes. 

(1150).  Lisiard  ,  Clerc  de  l'Eglise  de  Tours  ,  rédigea 
Y  Ordinaire,  ou  livre  des  cérémonies  pour  l'usage  de  l'Eglise 
de  Laon. 

(1154).  Denys  Bar-Salibi  ,  Evéque  Jacobite  d'Amida  , 
a  laissé  en  Syriaque  beaucoup  de  monumens  de  sa  science 
liturgique.  Nous  citerons  les  ouvrages  suivans  :  Exposition 
des  mystères  qui  sont  contenus  dans  le  saint  Chrême.  Expo- 
sition des  mystères  qui  sont  contenus  dans  l'imposition  des 
mains,  ou  l'ordination.  Exposition  de  la  Messe,  ou  commen- 
taire de  la  Liturgie  de  saint  Jacques.  Trois  Auaphuics,  dont 


LITURGIQUES.  32.^ 

l'une  s'est  glissée  ,  jusque  dans  le  Missel  des  Maronites  , 
comme  nous  l'avons  observé  en  son  lieu  ,  etc. 

(HGO).  Maurice  de  Sully,  Evêque  de  Paris,  composa  plu- 
sieurs Répons  de  l'Odfice  des  Morts ,  qui  se  chantent  encore 
aujourd'hui  dans  l'Eglise  Latine  tout  entière,  en  exceptant 
toutefois  Paris  et  la  plupart  des  autres  Eglises  de  France. 

(1165).  Jean  Beleth,  recteur  de  l'Université  de  Paris ,  a 
publié  un  Rationale  divinorum  ofjîciorum ,  qui  est  un  traité 
liturgique  très-important. 

(1164).  Michel,  dit  le  Grand,  Patriarche  des  Jacobites , 
mit  en  ordre  le  Pontifical  et  le  Rituel  des  Syriens  Jacobites , 
et  composa  une  Anaphore. 

(1166).  Nersès,  Patriarche  d'Arménie,  se  réunit  à  l'E- 
glise Romaine ,  et  publia  un  livre  entier  d'Hymnes  de  la 
plus  grande  beauté ,  qui  sont  encore  en  usage  dans  l'Eglise 
d'Arménie. 

(1169).  Thomas  deBayeux,  surnommé  l'Anglais ,  com- 
posa des  chants  pour  l'Eglise ,  et  mit  en  ordre  le  livre  d'Offices 
[Officiarium)  à  l'usage  de  la  Cathédrale  d'York. 

(1170).  Jean  de  Cornouailles ,  Anglais,  est  auteur  du 
livre  intitulé  :  Summa  qualiter  fiât  Sacramentum  Altaris 
per  virtutem  Sanctœ  Crucis ,  et  de  septem  Canonibus ,  vel  or- 
dinibus  Missœ, 

(1170).  Robert  Paululus,  Prêtre  d'Amiens,  a  composé 
\e&troi&\ivres  De  cœremoniis  ^  Sacramentis  et  OflictiSj  qui  se 
trouvent  parmi  les  œuvres  de  Hugues  de  Saint- Victor. 

(1170).  Arnulphe ,  Chanoine  régulier  d'Arras,  adressa 
à  Frumald ,  Evêque  de  cette  ville ,  un  commentaire  du  Canon 
de  la  Messe. 

(1195).  Sicard  ,  Evêque  de  Crémone  ,  est  auteur  d'un 
précieux  ouvrage  resté  manuscrit,  et  intitulé  Mitrale^vel 
mmma  de  divinis  Officiis. 


526  INSTITUTIONS 

(1189).  Ordonins  ,  Moine  espagnol  ,  Prieur  de  Cella- 
Nova ,  en  Galice ,  publia  une  sorte  de  Rational  des  divins 
Offices. 

(1190).  Adam  de  Corlandon,  Moine  de  Cileaux,  doyen 
de  Notre-Dame  de  Laon,  écrivit  un  Orduiaire  de  l'Office 
divin ,  pour  l'usage  de  l'Eglise  de  Laon. 

(1190).  Conrad,  Moine  d'Hirsauge,  au  rapport  de  Tri- 
thême ,  composa  un  traité  De  musica  et  tonis. 

(1190).  Richard  ,  Anglais,  Abbé  de  Prémontré ,  composa 
un  livre  De  Canone  Missœ. 

(1191).  Etienne,  Evoque  de  Tournay,  nota  le  chant  d'un 
Office  de  saint  Gérard  de  la  Sauve-Majour. 

(1192).  Cenci  de  Sabelli ,  Cardinal -Diacre  du  titre  de 
sainte  Lucie ,  Chancelier  de  plusieurs  Papes ,  rédigea  un  livre 
De  censibus  Sanctœ  Romance  Ecclesiœ  ,  dont  une  partie 
considérable  roule  sur  les  cérémonies  de  la  Cour  Romaine  ; 
c'est  cette  partie  que  D.  Mabillon  a  insérée  parmi  les  Ordres 
Romains,  au  douzième  rang. 

(1197).  Reiner,  Moine  Bénédictin,  qui  assista  au  Concile 
de  Latran,  eu  1215,  écrivit  un  commentaire  sur  les  neuf 
Antiennes  que  l'on  chante  avant  Noël  ,  et  composa  sept 
Hymnes  en  l'honneur  du  Saint-Esprit. 

(1198).  Innocent  III  a  laissé,  parmi  ses  écrits,  trois  livres 
De  mysteriis  Missœ,  qui  le  mettent  au  rang  des  plus  profonds 
liturgistes  du  moyen-âge.  Cet  ouvrage ,  vraiment  digne  de 
son  illustre  auteur ,  n'a  pas  eu  d'édition  depuis  celle  d'An- 
vers, en  1540  :  anssi  est-il  devenu  presque  impossible  à 
trouver  aujourd'hui.  Il  serait  à  désirer  qu'on  entreprît  une 
édition  complète  des  œuvres  de  ce  grand  Pape  :  il  n'existe 
même  pas  de  recueil  qui  contienne  toutes  ses  lettres.  Plu- 
sieurs lefont  auteur  des  Séquences  :  Veni,  Sancte,  Spiritus^ 
et  Stabat  Mater  dolorosa. 


LITURGIQUES.  S27 

Si  nous  on  venons  nininlen:nU  à  résumer  les  considéra- 
tions qui  se  présenlenl  à  la  suite  des  faits  si  iniportans  ra- 
contés dans  ce  chapitre,  nous  trouvons  que  l'unité  liturgique, 
recherchée  avec  tant  d'efforts  par  les  plus  saints  Papes  et 
par  les  plus  grands  princes ,  pourrait  bien  être  une  des  né- 
cessités de  la  société  catholique.  Saint  Adrien  V^  et  Charle- 
magne ,  saint  Grégoire  VII  et  Alphonse  VI  ;  c'est  bien  de  quoi 
faire  balance  à  des  théories  modernes,  inventées  et  propagées 
par  des  noms  obscurs  ou  suspects  ; 

Qu'il  est  quelquefois  des  sacrifices  d'orgueil  national  à  faire 
pour  amener  un  grand  bien  dans  l'ordre  religieux  et  social; 

Que  les  peuples  catholiques  du  moyen-age  n'auraient 
peut-être  pas  vu  le  bouleversement  de  la  Liturgie  avec  le 
même  sang-froid  que  les  Français  des  dix-huitième  et  dix- 
neuvième  siècles  ; 

Que  la  France ,  toute  romaine  d'ailleurs  dans  sa  Liturgie , 
n'en  fut  pas  moins  féconde  dans  les  embellissemens  que  son 
génie  lui  suggéra  d'adjoindre  à  l'ensemble  des  chants  an- 
tiques ;  que  l'unité  liturgique  n'étouffe  donc  pas  le  génie 
national  ;  que  les  siècles  de  foi  produisirent  des  chants  na- 
tionaux dans  la  Liturgie  ,  ce  que  n'ont  certes  pas  fait  les 
siècles  de  l'innovation  ; 

Enfin ,  que  ceux  qui  ont  la  charge  de  composer  les  pièces 
de  la  Liturgie  doivent  unir  à  l'inspiration  du  génie  la  gra- 
vité, l'autorité,  la  sainteté  de  la  vie;  et  si  saint  Bernard 
n'ajoute  pas  à  ces  conditions  celle  de  V orthodoxie  dans  la  foi, 
c'est  que  personne  n'eût  pu  s'imaginer,  avant  une  certaine 
époque,  que  l'on  en  viendrait  à  charger  des  hérétiques  de 
composer  les  hymnes  de  l'Offlce ,  et  d'en  régler,  à  leur  fan- 
taisie, le  fond,  l'ordre  et  la  distribution. 


I 


328  INSTITUTIONS 


NOTES  DU  CHAPITRE  XI. 


?(OTE  A. 

Gregorius  Episcopus,  servus  servorum  Dei,  Alplionso  et  Saacio  re- 
gibus Hispaniae ,  aparibus,  et  Ephcopis  in  ditioue  sua  constitutis, 
salutem  et  apo;tolicani  liânedictionem. 

Cum  beatus  Apostolus  Paulus  Hispaniam  se  adiisse  significet,  ac 
poslea  septem  Episcopos  ab  urbe  Roma ,  ad  iostruendos  Hispanise  po- 
pulos, a  î'etro  et  Paulo  ApoUolis  directos  fuisse,  qui ,  deslructa  idolo- 
latria,  Christiaaitatem  fuodaverunt,  religionem  plautaverunt,  ordinem 
et  officium  ia  diviais  culiibus  ageadis  ostenderunt ,  et  sauguine  suc 
Eoclesias  dedicavere ,  vestra  diligeatia  non  i^aoret ,  quantam  concor- 
diam  cum  Romana  url)a  Hispania  in  religione  et  ordine  divini  Officii 
habuisse  satis  patet  :  s.d  po^tquam  vesania  Prisciiiianistarum  diu 
pollutum  ,  et  perfidia  Arianoruia  depravitua,  et  a  Romano  ritu  sepa- 
ratuni,  irruenlibas  prius  Gotiiis,  ac  demum  invadentibus  Sarraceais, 
regnum  Hispaniaî  fuit,  i.oa  soinm  religio  est  diminuta,  verum  eiiam 
mundauae  suut  opes  labefactatae.  Quapropter  ut  filios  carissimos  vos 
adiiortor  et  moneo ,  ut  vos  sicut  bonœ  soboles ,'  etsi  post  diuturaas 
scissuras,  demum  tatuen  ut  matrera  rêvera  vestram  Romanam  Eccle- 
slam  recognoscntis ,  ia  qua  et  no>  fratres  reperiatis ,  Romanse  Ecclesiae 
ordinem  et  Officium  recipiatis  ,  non  Toletanœ,  vel  cujusiibet  alise,  sed 
islius  qu3e  a  Petro  et  Paulo  supra  Arninm  petram  per  Christum  fim- 
data  est,  et  sanguine  consecrata,  oui  portse  inferni,  id  est  lioguae 
haereticorum ,  nunquam  praevalere  potuerunt ,  sicut  cèlera  régna  Oc- 
cidentis  et  Septentrionis  teneaiis.  llnde  enini  non  dnbitatis  vos  susce- 
pisse  religionis  exordium,  restât  etiam  ut  inde  recipiatis  in  Ecclesiaslico 
ordine  divinum  Officium  ;  quod  Innocenlii  Pjpse  ad  Eugubinum  directa 
Episcopum  vos  docet  epistoia  ,  quod  Hormisds  ad  Hispalensem  missa 
décréta  insinuant ,  quod  Toletaaum  et  Bracarense  demonstrant  con- 
cilia ;  quod  etiam  Episcopi  vestri,  ad  nos  nuper  venientes,  juxta  consti- 
tutionem  concilii,  perscripta  sua  facere  promiserunt,  et  in  manu  nostra 
firmaverunt.  Labb.  Torn.  X.  p.  33. 

j\OTE  B. 

Gregorius  Episcopus ,  servus  servorum  Dei ,  Simeoni  Hispauorum 
ïîpiscopo,  salutem  et  apostolicambenedictionem. 


LITURGIQUES.  329 

Cogniiis  fratoraiiatis  ture  literis,  gaudio  sumusrepleti,  quoniam  eam 
quam  erga  Romanam  Ecclesiam  fidem  et  devoUonem  geris,  in  eis  plene 
agaovimus,  et  qviod  non  adultérine)  eam  more  deserere,  sedlegitimœ 
prolis  successione  amplecti  desideras.  Quapropter ,  carissime  frater, 
necesse  est  ut  beue  inceptum  recto  itinere  gradiatur  :  nec  haeretica 
débet  pravilate  minui ,  quod  apostolica  constat  traditione  sancitum. 
Apostolica  onim  Sedes,  cui,  quanivis  immeriti ,  Deo  auctore  praeside- 
mus,  ipso  gubernante  firma  permansit  ab  ipsis  primordiis ,  eoque 
tuente  illibata  perpétue  permanebit,  testante  eodem  Domino  :  Ego 
pro  te  rogavi,  ut  non  deficiat  lides  tua;  et  lu  aliquando  conversus 
confirma  fratres  tuos.  His  itaque  fulta  praesidiis  Romana  te  cupit  scire 
Ecclesia,  quod  filios  quos  Ciiristo  nutrit,  non  diversis  uberibus,  nec 
diverso  cupit  alere  lacté,  ut  secundum  Apostolum  sint  unum,  et  non 
sint  in  eis  schismuta  :  alioquin  non  mater ,  sed  scissio  vocaretur.  Qua- 
propter notum  sit  tibi  cunctisque  Christ!  fidelibus  super  quibus  con- 
suluisti,  quod  décréta  ,  quae  a  nobis,  imo  a  Romana  constat  Kcclesia 
prolata  sive  confirmata,  in  peragendis  a  vobis  ejusdem  Ecclesioe  Officiis 
inconcussa  volumus  permanere,  nec  eis  acquiescere,  qui  luporum  mor- 
sibus  et  veneficiorum  molimine  vos  inficere  desiderant.  Nec  dubitamus 
quod,  secundum  Apostolum,  introeant  in  vos  lupi  graves,  lupi  rapa- 
ces ,  non  parcentes ,  quibus  resistendum  fortiter  est  in  Qde.  Ideoque , 
dilectissime  frater,  certa,  et  usque  ad  sanguinis  effusionem,  si  opportu- 
num  fuerit,  desuda.  Indignum  enim  et  pro  ridiculo  potest  haberi,  quod 
sseculares  hooiines,  pro  tam  vili  pretio,  tamque  Deo  odibili  commercio, 
se  ipsos  periculo  ultraneos  exhibeant ,  et  fidelis  quisque  irruentibus 
cedat  hostibus  terga.  Non  enim  ab  eis  poterit  acquiri  virtus  qui  facile 
corruunt  quo  trahuntur.  Quod  autem  filii  mortis  dicunt  se  a  nobis 
literas  accepisse ,  sciatis  per  omnia  falsum  esse.  Procura  ergo ,  ut 
Romanus  ordo  per  totam  Hispaniam  et  Galliciam ,  et  ubicumque  po- 
teris,  in  omnibus  rectius  teneatur.  Data  Romse,  mense  maii,  indictione 
décima  quarta.  Labb.  Tom.  X.  p.  144. 

NOTE  C. 

Ante  revocationem  (legati  Richardi)  clerus  et  populus  totius  His- 
panise  turbatur ,  eo  quod  Gallicanum  Oûicium  suscipere  a  legato  et 
principe  cogebantur  ;  et  statuto  die ,  rege ,  primate ,  legato ,  cleri  et 
populi  maxima  multitudine  congregatis  ,  fuit  diutius  altercatum , 
clero,  miliiia  et  populo  firmiter  resistentibus ,  ne  Oflicium  rautaretur , 
rege  a  regina  suaso,  contrarium  minis  et  terroribus  iulonante.  Ad  hoc 
ultime  res  pervenit ,  militari  pertinacia  decernente,  ut  haec  dissensio 
duelli  oertamine  &«daretur.  €umque  duo  milites  fuissent  electi ,  unus 


330  INSTITUTIONS 

a  rege ,  qui  pro  Officio  Gallioano  ;  aller  a  miliiia  et  populis ,  qui  pro 
Tûletaao  pariter  decertarent ,  miles  régis  illico  victus  fuit ,  populis 
exultantibus ,  quod  victor  erat  miles  Oflicii  Toletani.  Scd  rex  adeo 
fuit  a  regina  Coustaatia  stimulatus ,  quod  a  proposito  non  discessit, 
duellum  indicans  jusnon  esse.  Miles  autem  qui  pugnaTerai  pro  OflScio 
Toletano,  fuit  de  domo  Matantiae  prope  Pisoricam,  cujus  hodie  genus 
exstat.  Rodericus  Toietanus,de  Rébus  Hispaniœ ,  Lib.  VI.  Cap.  26. 

Gumque  super  hoc  magna  seditio  in  populo  oriretur  ,  demum  pla- 
cuit ,  ut  liber  Officii  Toletani ,  et  liber  OiBcii  Gallicani  in  magna  iguis 
congerie  ponerentur.  Et  indicto  omnibus  jejunio  a  primate  et  legato  , 
et  clero ,  et  oratione  ab  omnibus  dévote  peracta ,  igné  consumitur 
liber  OflBcii  Gallicani  ;  et  prosiliit  super  omnes  flammas  incendii,  cunctis 
videntibus  et  Domiaum  laudantibus ,  liber  Officii  Toletani  illaesus 
omnino  (ei)  a  corabustione  incendii  aliénas.  Ibidem. 

NOTE  D. 

Ceterum ,  qui  libri  in  Ecclesiasticis  Officiis  per  anni  circulum  a 
nonnullis  legantur  (quod  ritum  illum  Apostolica  non  reprobat ,  sed 
sequitur  Ecclesia),  pro  fidelium  aedificatione  adnotandum  censuimus. 
Quidam,  quod  in  Septuagesima  ponunt  Pentateuchum  usque  in  XV 
diem  ante  Pascha,  XV.  die  ponunt  Hieremiam  usque  in  CœnamDomiui. 
In  Coena  Domini  legunt  très  lectiones  de  Lamentatione  Hieremiîe 
(Quomodo  sedet  tola  c'mtas,  etc.) ,  et  très  de  Tractatu  S.  Augustin! 
in  psalmum  54.  (Exaudi,  Dens,  orationem  meam ,  et  ne  despexerisj  et 
très  de  Aposiolo,  ubi  ait  in  Epistola  ad  Corintliios  (Convenientibus  vobis 
inunutn).  Secuad»  lectio  sic  incipit  :  (Similiter  et  cadcem,  postquam 
cœnavit).  Tertia,  (De  Spiritalibus  autem  nolumusvos  ignorare,  fratres). 
Iti  Parasceve  très  lectiones  de  Lamentatione  Hieremiœ,  et  très  de  Trac- 
tatu Sancti  Augustini  in  psalmum  63.  (Exaudi,  Deus,  orationem  meam 
cum  deprecor)  ;  et  très  de  Apostolo ,  ubi  ait  in  Epistola  ad  Hebraeos  : 
(Festinenms  ingredi  in  illam  requiem,  etc.)  Seconda  lectio  (Omnis 
namque  Pontifex) .  Ten'n  (Dequo  grandis  nobis  sermo).  In  Sabbato 
Saucto  très  lectiones  de  Lameatatione  Hieremire  Propbetse  ,  et  très  de 
tractatu  Sancti  Auguslini  in  eumdem  psalmum  63.  (Exaudi,  Deus,  ora- 
tionem meam  cum  deprecor),  et  très  de  Apostolo  ,  ubi  ait  in  Epistola  ad 
Hebraeos  (Christus  adsistens  Pontifex  futurorum).  Secunda  lectio  (Ubi 
enim  Testamentum  est).  Tertia  (  Umbram  enim  liubens  lex  futurorum 
bonorum).  In  Pasclia  Domini  homilias  ad  ipsum  diem  pertinentes, 
infra  hebdomadam  homilias.  In  Octavis  Paschae  ponunt  Actus  Aposto- 
loram ,  et  Epistolas  Canonicas ,  et  Apocalypsim  usque  in  Octavas  Pen- 
tecostes.'ln  Oçtavis  Pentecostes  ponunt  libros  Regum,  etParalipo- 


LITURGIQUES.  IM 

menon  usque  in  kalondas  septembris.  la  Dominica  prima  septembris 
ponuut  Job  ,  Tobiam ,  Hesler ,  Esdram  usquo  in  kalendas  octobris. 
la  Domiaica  prima  mensis  oolobris  poniiul  librum  Machabaîorum 
usquc  in  ivalendas  uovenvbris.  In  Dominica  prima  mensis  novembi'is 
ponunt  Ezeciiielem ,  et  Danielem ,  et  minores  Prophetas  usque  in 
kalendas  decembris.  lu  Dominica  prima  mensis  decembris  ponunt 
Esaiara  Prophetam  usque  ad  Nativitatem  Domini.  In  Natali  Domiui 
legunt  primum  de  Isaia  très  lectiones.  Prima  leclio  (Primo  tempore 
alleviata  est  terra  ZabiUon ,  etc.)  Secunda  (Consotamini,  consolaminij. 
TerûaifConsurge,  consiirge).  Deinde  legunlur  sermones  ,  vel  bomiliae 
ad  ipsum  diem  porllnenles.  In  natali  sancti  Stephani  homilia  de 
ipso  die.  In  natali  sancti /o/mnnrs  similiter.  In  natali  Innocentium  simi- 
îiter.  Id  natali  sancti  Silvestri  similiter.  In  Octava  Natalis  Domini 
homilia  de  ipso  die.  In  Dominica  prima  post  Nativitatem  Domini  po- 
nunt EpistolasPaiili  usque  in  Sepluagesimam.  In  Epipliania  lectiones 
tresdeEsaia.  Prima  lectio  incipit  (Omnes  sitientes) .  Secunda  (Surge , 
illuminare,  Bierusalem) .  Tertia  (Gatidens  gaudebo  in  Domino).  Deinde 
leguntur  sermoaes ,  vel  homilise  ad  ipsum  diem  pertinentes.  Decretum. 
Part.  1.  Distinct.  XV,  cap.  Sancta  Romana. 

NOTE  E. 

Fenerabili  Guidoni  Abbati  Jrremarensi,  et  sunctis  qui  cum  eo  sunt 
fratribus,  Bernardus  servus  sanctitatis  eorum ,  servir  e  Domino  in 
sanctitate. 

Petis,  carissirae  mihi  Guido  Abbas,  et  tecura  pariter  qui  tecum  sunt 
fratres,  dictare  me  aliqua  vobis  legenda  solemniter,  vel  canenda  in 
festivitate  sancti  Victoris,  cujus  apud  vos  corpus  sacratissimum  re- 
quiescit.  Cunctanti  instas,  dissimulantem  urges ,  meam  etsi  justam 
verecundiam  dissimulans  ipse  :  adliibes  mihi  et  alios  precatores,  quasi 
sit  aliquid  ad  inclinandum  me  tuae  voluntati ,  tua  ipsa  voluntate  cogen- 
tius.  Verum  tu  vel  proprio  judicio  consulens,  cogitare  debueras  non 
affectum  erga  me  tuum  ,  sed  meum  in  Ecclesia  locum.  Sane  altitude 
negotii  non  amicum  desiderat',  sed  erudilum ,  sed  dignum  :  cujus 
auctoritas  potior,  vita  sanctior ,  stylus  maturior  et  opus  illustret,  et 
consonet  sanctitali. 

Quantulus  ego  in  populo  christiano,  cujus  literae  in  Ecclesiis  lecti- 
tentur  V  Aut  quantula  mihi  ingenii  cloqiiiive  facuUas,  ut  a  me  polis- 
simum  festiva  et  plausibilia  requirantur  ?  Quid?  quem  cœli  habent 
laudabilem  etlaudalura,  ego  de  novo  laudare  incipio  super  terram? 
Saperais  velle  addere  laudibus,  detrahere  est.  Non  quod  glorificatos 


355  INSTITUTIONS 

ab  Angelis ,  horaines  jam  laudare  non  audeant  ;  sed  quia  in  solemnitate 
celebri  non  novella  audiri  decet  vel  levia ,  sed  certe  authentica  et 
anliqua  ,  quae  et  Ecclesiam  aedificent ,  et  ecclesiasticara  redoleant 
gravitatem.  Quod  si  nova  audire  libet ,  et  causa  reqnirit ,  ea ,  ut  dix! , 
recipienda  censuerim,  quœ  cordibus  audientinm  quo  gratiora ,  eo 
uliliora  reddat  et  eioquii  dignitas  et  auctoris.  Porro  sensa  indubitala 
resplendeant  veritate,  sonent  justitiam,  humilitalem  suadeant,  do- 
ceant  sequilalem  :  quse  etiam  lumen  veritaiismeuiibus  pariant,  formam 
moribus  ,  crucem  vitiis,  affectibus  devotioiiera,  sensibus  disciplinam. 
Canius  ipse  5i  fuerit ,  pleaus  sit  gravitate,  nec  lasciviam  resonet,  nec 
rusticitatem.  Sic  suavis .  ut  noa  sit  levis  ;  sic  mulceat  aures ,  ut  moveat 
corda.  Tristitiam  levet  :  iram  mitiget  ;  st-nsum  iiterae  non  évacuât, 
sed  fœcundet.  ^■on  est  levis  jactura  gratiae  spiritualis,  levitate  cantus' 
abduci  a  sensuum  ulilitale  et  plus  sinuandis  iatendere  vocibus  quam 
insinuandis  rébus. 

Eu  qualia  oporlet  esse  quT  in  audientiam  Ecclesiae  veniunt ,  qua- 
lemve  Lorum  auctorem.  ^Numquid  talis  ego  ,  aut  talia  quse  paravi  ?  Et 
tameo  de  paupertale  mea  ,  te  puisante,  te  inquiétante,  eisi  non  quia 
amicus  es ,  certe  ob  luam  oporlunitatem  surgens  ,  juxta  verbum 
Domini,  praestiti  quod  petisti.  Praestiti  dico,  non  quod  tibi  ad  votum , 
sed  quod  miiii  ad  manum  veaire  potuit,  pro  posse  ulique  meo,  non 
pro  velle  tuo.  Servala  tamen  anliquorura  veritate  scriptorum,  quae  tu 
mihi  traasmiseras,  de  vita  Sancti  duos  sermoaes  diclavi  qualicumque 
sermone  meo  :  illud  quantum  potui  cavens ,  ut  nec  brevitas  obscuros, 
nec  prolixitas  redderet  onerosos,  Deinde  quod  ad  cantum  spectat , 
Hymaura  composui,  metri  oegligens,  ut  seusui  non  deessem.  Respou- 
soria  XII ,  cum  Anliphouis  XXVII.  suis  in  locis  disposui ,  addito  res- 
ponsorio  uno  quod  prioribus  vesperis  adsigaavi ,  ilemque  duobus  aliis 
brevibus  ipso  die  festo  provestraregularicoasuetudine,  uuo  ad  laudes, 
altero  ad  vesperas  decanlaudis.  Et  pro  his  oaînibus  mercedem  flagito  , 
sequor  retributionem.  Quidui  sequar?  Sive  iilaceant,  sive  non  ,  mea 
non  refert ,  qui  quod  habui ,  dedl.  Ergo  merces  mea,  oralio  vestra. 
(S.  Bernardi  opéra.  Tom.  i.  Epist.  CCCXII.) 


LITURGIQUES.  535 


CHAPITRE  XII. 

RÉVISION  DE  l'office  ROMAIN  PAU  LES  FRANCISCAINS.  — 
BRÉVIAIRE  DES  DOMINICAINS,  DES  CARMES,  ETC.  —  OFFICE  DU 
SAINT -SACREMENT.  —  CARACTÈRE  DU  CHANT  ECCLÉSIAS- 
TIQUE ,  AU  TREIZIÈME  SIÈCLE.  —  AUTEURS  LITUUGISTES  DE 
CETTE  ÉPOQUE. 

Saint  Grégoire  VII ,  en  réformant  les  livres  de  l'Office 
Romain,  avait  eu  principalement  en  vue  la  Chapelle  Papale. 
La  plupart  des  Eglises  de  Rome  avaient  pu  adopter ,  par  le 
laps  du  temps,  cette  forme  réduite  de  l'Office;  mais,  ni  ce 
grand  Pontife,  ni  ses  successeurs  n'avaient  exigé  que  les 
diverses  Eglises  de  l'Occident,  soumises  à  la  Liturgie  Ro- 
maine ,  réformassent  leurs  livres  d'après  cette  dernière 
révision.  Il  en  était  donc  résulté  une  sorte  de  confusion  qui 
devait  nécessiter  plus  tard  une  solennelle  et  dernière  cor- 
rection. Cette  confusion  était  encore  accrue  par  les  Offices 
des  Saints  que  l'on  ajoutait  de  toutes  parts  à  l'ancien  Calen- 
drier :  ce  qui,  joint  aux  usages  d'une  Liturgie  antérieure  qui 
s'étaient  conservés,  quoiqu'en  petit  nombre,  menaçait  de 
plus  en  plus  l'unité  liturgique  dans  le  patriarcat  d'Occi- 
dent, au  moins  pour  les  Offices  divins;  car,  nous  ne  nous 
lassons  pas  de  rappeler  que  le  Sacramentaire  Grégorien ,  qui 
allait  bientôt  changer  son  nom  en  celui  de  Missel  Romain, 
était  demeuré  généralement  intact. 

En  attendant  les  mesures  vigoureuses  qui  ne  devaient  ve- 
nir qu'au  seizième  siècle ,  il  était  donc  grandement  à  désirer 
que  le  Bréviaire  de  la  Chapelle  Papale  qui ,  dès  le  douzième 
siècle,  avait  déjà  conquis  toutes  les  Eglises  de  Rome,  hors 


d34  INSTITUTIONS 

la  Basilique  de  Latran  ,  et  qui  devait  tôt  ou  tard  succéder 
partout  à  l'ancien  Office,  s'étendit  de  fait  ou  de  droit  dans  le 
reste  de  l'Occident.  La  Providence ,  pour  procurer  cette  fin 
si  désirable,  se  servit  de  l'influence  que  prit  tout  à  coup  sur 
les  sociétés  du  moyen-âge  un  institut  dont  les  humbles 
commencemens  ne  montraient  que  mieux  la  sagesse  admi- 
rable de  Celui  qui  se  sert  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  faible ,  pour 
confondre  ce  qu'il  y  a  de  plus  fort.  Saint  François  d'Assise 
parut  sur  la  terre.  Ce  grand  Patriarche  destinant  ses  nom- 
breux enfans  à  la  prédication  Apostolique ,  leur  enjoignit 
expressément  de  garder  inviolable  fidélité  à  l'Eglise  Piomaine, 
et  afin  de  sanctionner  cette  loi  fondamentale  par  un  lien  exté- 
rieur, il  ordonna  qu'ils  garderaient  en  tout  l'Ordre  de  l'Office 
suivi  par  cette  Mère  et  Maîtresse  de  toutes  les  Eglises  (I). 
Saint  François  ayant  donné  celte  loi  à  ses  enfans,  dans  l'an- 
née 1210,  il  était  naturel  que  ceux-ci,  demandant  à  Rome 
l'Office  qu'ils  devaient  suivre ,  elle  leur  assignât  celui  que 
gardaient  et  la  Chapelle  Papale  et  les  diverses  Eglises  de 
celte  capitale  du  Christianisme.  «  C'est  donc  l'Office  abrégé, 
>dit  Raoul  de  Tongres,  qu'ont  suivi  les  Frères  Mineurs.  Ils 
»  intitulent  leurs  Bréviaires  et  leurs  Hvres  d'Offices ,  selon  la 
>  coutume  de  la  Cour  Romaine^  secundutn  consuetudinem  Ro- 
»  manœ  Curiœ  (2).  »  En  outre,  cet  Office  étant  plus  court  que 
l'ancien,  susceptible  par  là  même  d'être  transcrit  à  moins 
de  frais ,  et  son  volume  devant  causer  moins  d'incommodité 
dans  les  voyages,  les  Fnmciscains  ne  pouvaient  manquer  de 
le  préférer  à  l'ancien  que  gardait  encore  l'EgHse  de  Latran. 

(1)  Régula  S.  P.  Francisci.  Cap.  III. 

(2)  Et  istnd  Officium  breviatum  secuti  sunt  fratres  minores.  Inde  est , 
quod  breviaria  eorum ,  et  libros  Officii  intitulant  secundum  consuetu- 
dinem Romanœ  cnriœ ,  non  autem  curaverunt  mores  aliarum  eccle- 
siarum  urbis  Romae  recipere ,  et  observare.  De  Canonum  observantia. 
Propositio  XXII.  pag,  315. 


LITURGIQUES.  535 

Déjà  un  grand  nombre  d'Eglises  en  Italie  avaient  adopté 
POflîee  abrégé.  La  propagation  merveilleuse  de  l'institut 
des  Frères  Mineurs  par  toute  l'Europe  et  au-deKà ,  fit  bientôt 
connaître  en  tous  lieu\  cette  nouvelle  forme  de  la  Liturgie. 
Il  serait  difficile,  impossible  même,  aujourd'hui ,  d'apprécier 
l'influence  que  ce  fait  exerça  dans  les  diverses  contrées  de 
l'Occident.  Elle  fut  variable  suivant  les  lieux  ;  mais  il  est 
naturel  de  croire  que  les  Franciscains  que  l'on  vit  en  si 
grand  nombre,  dès  le  treizième  et  le  quatorzième  siècles, 
élevés  à  l'Episcopat ,  n'oublièrent  pas  tous ,  en  changeant 
d'habit ,  la  forme  d'Office  divin  qu'ils  avaient  jusqu'alors  pra- 
tiquée. Quoi  qu'il  en  soit,  qu'on  l'attribue  à  l'influence  des 
Franciscains,  ou  à  la  faveur  qui  devait,  à  la  longue,  s'atta- 
cher à  l'Office  le  plus  abrégé,  pour  peu  qu'on  ait  feuilleté 
les  livres  de  Liturgie  dans  les  bibliothèques ,  on  doit  recon- 
naître que  les  Bréviaires  de  toutes  ou  presque  toutes  les 
Eglises  de  l'Europe ,  écrits  ou  imprimés  au  quatorzième  et 
au  quinzième  siècles,  ou  même  dans  la  première  moitié  du 
seizième,  par  conséquent  avant  la  Bulle  de  saint  Pie  V,  sont 
généralement  distribués  suivant  la  forme  de  l'Office  abrégé, 
et  non  plus  suivant  celle  qui  était  en  usage  antérieurement 
à  saint  Grégoire  VII. 

Mais  les  Frères  Mineurs  attachèrent  leur  nom  au  Bré- 
viaire Romain,  à  un  autre  titre  encore  qu'à  celui  de  simples 
propagateurs.  Haymon,  leur  quatrième  Général,  doit  être 
compté  en  la  liste  des  correcteurs ,  auxquels  il  est  redevable 
de  la  forme  qu'il  a  gardée  depuis.  Nous  n'avons  pas  de  détails 
précis  sur  les  circonstances  qui  amenèrent  ce  fait;  mais  il 
n'en  est  pas  moins  incontestable.  Wading  pense  que  cette 
commission  fut  donnée  à  Haymon,  par  Grégoire  IX  (1). 

(1)  Annales  Minorum.  Ad  anuum  1244  et  Religioais  37. 


336  INSTITUTIONS 

Quoi  qu'il  en  soit ,  la  correction  du  Bréviaire  Romain  par  ce 
Général  des  Franciscains,  est  expressément  attestée  par  Jean 
de  Parme,  son  successeur,  dans  une  lettre  qu'il  écrivit  aux 
supérieurs  de  son  ordre  (1). 

Maintenant,  en  quoi  consista  la  correction  que  fit  Haymon 
sur  le  Bréviaire  Romain?  Cette  question  nous  semble  au- 
jourd'hui insoluble  ;  mais,  si  légers  que  fussent  les  change- 
mens  ou  améliorations  introduits  par  Haymon ,  ils  étaient 
néanmoins  assez  considérables  pour  que  les  livres  en  usage 
à  cette  époque  dans  les  Eglises  de  Rome,  quoique  con- 
formes ,  suivant  le  témoignage  d'Abailard ,  à  ceux  de  la 
Chapelle  Papale ,  ne  se  trouvassent  plus  d'accord  avec  ceux 
des  Frères  Mineurs.  C'est  ce  que  nous  apprend  Raoul  de 
Tongres ,  qui  dit ,  en  parlant  de  Mcolas  III  :  «  Il  fit  ôter  des 
»  Eglises  de  la  ville  cinquante  Antiphonaires ,  Graduels , 
»  Missels  (2) ,  et  autres  anciens  livres  d'Office ,  et  ordonna 
»  que  ces  mômes  Eglises  se  servissent  à  l'avenir  d'îs  Uvres 
»  et  Bréviaires  des  Frères  Mineurs ,  dont  il  avait  confirmé 
»  la  Règle  ;  c'est  pourquoi  aujourd'hui  à  Rome ,  tous  les 

(1)  Quia  sicut  iadubitaater  cogaovi  aonnulli  fratres  Officium  divi- 
num,  qui  (sic)  de  régula  uostra  secundum  ordinemS.  R.  E.  cdebrare 
debemus,  in  liltera  mutare  iaterdum,  sed  ia  cantu  maxime  variare 
praesumunt,  etc. ,  duxi  prsesentibus  injuogendum,  quod  prseler  id  so- 
lum,  quod  ordiaarium  Missalis,  et  Breviariumafratre  Haymone  sanctie 
recordatioûis  prsedecessore  nostro  pio  correctuui  studio  per  sedem 
aposlolicam  couQrmatum,  et  approbatum  postea  nihilominus  per  géné- 
rale capitulum  uoscitur  contiaere ,  ut  nihil  oraaino  in  cantu ,  vel  littera 
sub  alicujus  festi,  seu  devotionis  obtentu  in  liymnis,  seu  respon- 
soriis in  choro  mutari modo  aliquo  permittati>.  U'ading.  an- 
nales Minoram.  Jd  annum  12*9. 

(2)  11  y  a  ici  quelque  exagération  ;  car  nous  ne  voyons  dans  aucun 
autre  historien  ,  que  les  Frères  Mineurs  aient  touché  au  Missel ,  dont 
rintégrilé  est  clairement  démontrée  par  les  manubcrits. 


LITURGIQUES.  337 

»  livres  sont  nouveaux  et  Franciscains  (1).  »  IMiisieurs  auteurs 
ont  révoqué  en  doute  celte  assertion  de  Raoul  de  Tongrcs, 
appuyés  sur  ce  que  dit  Abailard,  que,  dès  le  douzième  siècle, 
les  Eglises  de  Rome ,  celle  de  Latran  exceptée ,  ne  suivaient 
plus  l'ancien  Olïice  ;  mais  nous  répondons  qu'elles  pouvaient 
néanmoins  avoir  retenu  les  anciens  livres,  en  ayant  soin 
d'omettre ,  dans  le  chant  du  chœur,  les  parties  retranchées 
par  saint  Grégoire  VII.  La  correction  d'Haymon  ayant  en- 
traîné de  plus  grands  changemens ,  des  additions  peut-être, 
ces  livres ,  si  on  les  eût  conservés ,  pouvaient  devenir  un 
obstacle  à  l'uniformité. 

Raoul  de  Tongres,  qui,  du  reste,  se  montre  très-peu  fa- 
vorable aux  Frères  Mineurs,  signale  avec  aigreur  les  défauts 
de  la  correction  d'Haymon.  Il  accuse  les  Franciscains  d'avoir 
défiguré  rOfïice  Romain ,  disant  que  leur  Bréviaire  présente 
de  grandes  différences  avec  î'Aniiphonaire,  tel  qu'on  le  trouve 
dans  Amalaire ,  Walafrid  Strabon ,  et  les  autres  liturgistes 
des  neuvième  et  dixième  siècles  ;  il  leur  reproche  amère- 
ment d'avoir  augmenté  le  nombre  des  fêtes  doubles  j  inséré 
beaucoup  de  Saints  qui  n'appartiennent  qu'au  Calendrier 
local  de  Rome,  etc.  Snr  ces  dernières  imputations,  il  est 
fondé,  sinon  en  raison,  du  moins  en  fait;  quant  à  la  pre- 
mière ,  elle  tombe  devant  la  réalité.  Nous  avons ,  dans  la 
Collection  Liturgique  du  B.  Tommasi ,  un  Anliphonaii'e  en- 
tier à  l'usage  de  l'Eglise  de  Saint-Pierre,  et  écrit  sous  le 
Pontificat  d'Alexandre  III,  qui  siégea  en  1459  :  or,  cet  Anti- 
phonaire,  qui  renferme  l'Offlce  réduit  par  saint  Grégoire  VII, 

(3)  Fecit  (INicolaus)  iii  ecclesiis  urbis  araoveii  Anliphonarios,  Gra- 
dualia,  Missilia  et  alios  libros  Officii  antiques  quiiiquagiala,  et  man- 
davit ,  ut  de  cetero  ccclesise  urbis  uterentur  lil)ris  ,  et  Breviariis 
Fralrum  Minorum,  quorum  regulam  etiam  conlirmavit  ;  uude  Iiodie  ia 
Koma  onines  libri  suntnovl,  et  Franciscani.  Radulplms.  Jbid.  pag.ZM. 
T.  I.  22 


558  INSTITUTIONS 

est  presque  eniièrement  semblable  au  Bréviaire  Romain  ac- 
tuel, lequel  est  tout  à  la  fois  l'abrégé  de  l'Antiphonaire  Grégo- .. 
rien  et  le  Bréviaire  des  Frères  Mineurs.  Si  donc  il  existe  des 
différences  entre  les  livres  Romains  tels  qu'on  les  voit  dans 
Amalaire,etle  Bréviaire  des  Franciscains,  il  faut  les  attribuer 
principalement  aux  réductions  faites  par  saint  Grégoire  VII, 
et  se  rappeler  aussi  que  l'Antiphonaire  de  Metz  renfermait 
plusieurs  pièces  qui  n'étaient  pas  d'origine  Romaine.  Con- 
cluons donc  de  tout  ceci  que  ta  correction  Franciscaine  n'a 
pas  entraîné  de  grandes  modifications  dans  la  Liturgie  Ro- 
maine-, et  que  l'ancien  fond  Grégorien  est  toujours  demeuré 
le  même. 

Les  Frères  Mineurs  ajoutèrent  au  propre  du  Bréviaire  les 
Offices  des  Saints  que  leur  Ordre  ne  tarda  pas  à  enfanter,  et 
particulièrement  celui  de  saint  François.  Tous  ces  Offices , 
composés  en  prose  cadencée  et  riraée ,  sont  une  des  richesses 
littéraires  du  treizième  et  du  quatorzième  siècles.  Nous  re- 
grettons que  l'espace  nous  manque  pour  en  insérer  ici 
quelques  traits  d'une  onction  naïve,  comme  toutes  les  œuvres 
de  l'Ordre  Séraphique,  à  cette  époque  de  sa  grande  gloire. 
Depuis,  le  dix-huitième  siècle  a  soufflé  son  vent  glacé  sur 
ces  fleurs  si  fraîches  et  si  tendres  :  les  Franciscains  des  Pro- 
vinces de  France ,  avant  de  s'éteindre  sous  les  coups  de  la 
sécularisation ,  élaborèrent  pour  leur  Ordre  une  série  de 
nouveaux  Offices,  dans  lesquels  on  ne  trouve  plus  la  moindre 
trace  de  ces  touchants  Cantiques  que  l'âge  héroïque  des 
Frères  Mineurs  avait  consacrés  à  la  gloire  de  saint  François , 
de  sainte  Claire,  de  saint  Bonavcnture,  de  saint  Antoine  de 
Padoue,etc.  Clément XIV,  Franciscain  Conventuel,  accéda 
aux  vœux  de  son  Ordre,  en  approuvant  les  Offices  réformes 
qu'on  lui  présenta. 

Les  Frères  Prêcheurs  que  Dieu  donna  à  son  Eglice  par  le 


LITURGIQUES.  359 

mlnislère  de  saint  Doiiiiiiiquc  ,  quelques  années  avant  les 
Frères  Mineurs,  niëiilent  une  place  distinguée  dans  les  an- 
nales delà  Liturgie.  Fondés  en  France el  bientôt  établisà  Paris 
par  saint  Louis,  dans  leur  illustre  Couvent  de  la  rue  Saint- 
Jacques  ,  d'où  ils  ont  pris  le  nom  de  Jacobins,  leurs  usages 
liturgiques,  auxquels  ils  sont  toujours  demeurés  fidèles,  nous 
font  connaître  ceux  des  Eglises  de  France  et  particulière- 
ment de  r.Eglise  de  Paris,  au  treizième  siècle.  Pour  la  Messe, 
iis  ont  gardé  plusieurs  rites  et  prières  dont  la  plupart  se  re- 
trouvent dans  les  Misseh  Français  du  treizième  au  quinzième 
siècles  :  le  texte  du  Missel  est  d'ailleurs  le  Romain  pur,  sauf 
quelques  légères  différences.  Quant  au  Bréviaire,  il  fut  ré- 
digé dans  le  Couvent  de  la  rue  Saint-Jacques,  en  1253,  par 
Humbert  de  Romans ,  qui  fut  depuis  Général  de  l'Ordre.  A 
l'exception  des  fêles  d'Ordre,  et  de  quelques  rites  peu  nom- 
breux ,  tout  ce  qui ,  dans  ce  Bréviaire ,  paraît  surajouté  au 
Romain,  se  retrouve  dans  l'ancien  Parisien  (1)  :  c'est  ce  qui 
rend  ce  Bréviaire  infiniment  curieux,  surtout  depuis  que 
l'Eglise  de  Paris  a  abjuré  la  masse  de  ses  traditions. 

Les  Oflîces  des  Saints  de  l'Ordre ,  au  Bréviaire  Domini- 
cain, sont  formés  en  totalité  d'une  prose  mesurée  et  rimée  , 
comme  ceux  des  Frères  Mineurs  ;  mais  l'accent  de  triomphe, 
la  pompe  du  langage  qui  en  font  le  principal  caractère,  con- 
trastent d'une  manière  caractéristique  avec  la  simplicité  naïve 
des  O.Tices  Franciscains.  Il  faut  dire,  de  plus,  à  la  louange 
de  l'Ordre  Dominicain,  qu'il  a  su  défendre  son  Bréviaire  des 
tentatives  de  l'esprit  d'innovation,  et  qu'il  est  le  seul  qui, 
dans  ces  derniers  temps ,  ait  (;onscrvé  l'inspiration  liturgique 
dans  les  compositions  que  les  fêtes  de  ses  nouveaux  Saints 

(1)  Liturgia  Domenicana  spiegâLa  in  luUe  le  suc  parti ,  du  k.  Luigi 
ViaceuzuCassitto.  Tom.  1.  pag.  il. 


540  INSTITUTIONS 

ont  exigées.  Les  Offices  de  saint  Pie  V,  de  sainte  Rose  de  Lima, 
de  saint  Louis  Bertrand,  de  sainte  Catherine  de  Ricci,  sont 
aussi  parfaitement  dans  la  couleur  du  treizième  siècle,  que 
les  plus  anciens  du  Répertoire  Dominicain.  L'Office  du  Saint- 
Rosaire,  rédigé  dans  ces  dernières  années,  montre  que  cet 
Ordre  illustre  n'a  point  perdu  ses  traditions  ;  seulement ,  on 
regrette  de  ne  plus  retrouver  en  entier,  dans  la  nouvelle 
édition  du  Bréviaire  Dominicain,  qui  est  de  1854,  l'admi- 
rable Office  de  tous  les  Saints  de  l'Ordre,  qu'on  lisait  dans 
les  éditions  précédentes.  On  a  malheureusement  changé 
plusieurs  Antiennes  et  huit  Leçons,  inspirées  par  ce  noble 
esprit  de  corps ,  qui  doit  animer  tous  les  Ordres  religieux , 
mais  qui  est  si  bien  à  sa  place  dans  cette  Fête  qui  leur  est 
commune  à  tous  et  qui  est  destinée  à  célébrer  toutes  les  fa- 
veurs dont  Dieu  les  a  honorés,  tous  les  grands  hommes  qu'ils 
ont  produits. 

Le  Bréviaire  des  Carmes  offre  aussi  beaucoup  de  rapports 
avec  le  Bréviaire  Romain-Parisien.  Il  est  vrai  que  ces  Reli- 
gieux ont  prétendu  que  leur  Office  était  celui  de  l'Eglise 
Latine  de  Jérusalem,  qu'ils  avaient  reçu  de  saint  Albert, 
leur  restaurateur,  et  qu'ils  avaient  apporté  avec  eux ,  en 
passant  en  Occident.  Mais  cet  Office ,  pour  avoir  été  celui 
de  Jérusalem ,  n'en  était  pas  moins  d'origine  française.  Guil- 
laume de  Tvi'  rapporte  expressément  que  Godefroy  de 
Bouillon ,  instituant  le  rite  Latin  dans  l'Eglise  du  Saint- 
Sépulcre,  établit  l'Office  di^in  et  les  cérémonies,  comme 
dans  les  grandes  Eglises  de  France,  et  nomma  Chantre  de  la 
BasiUque,  Anselme,  Chanoine  de  Paris  (1). 

Les  Trinitaires,  les  Augustins,  les  Religieux  de  Sainte- 

(1)  Grancolas.  CommeDlaire  hi-4oiique  sur  le  Bréviaire  Romain. 
Tom.  1.  pag.  93. 


LITURGIQUES.  341 

(Iroix  et  plusieurs  autres  corps  fondés  vers  la  mémo  époque , 
ont  pareillement  l'ait  l'OlfK'e,  pendant  plusieurs  siècles,  sui- 
vant l'usage  de  Paris. 

On  comprendra  aisément,  d'après  tous  ces  faits,  l'exten- 
sion donnée  à  la  I.iturgie  Romaine-Française ,  bien  au-delà 
des  limites  du  royaume.  Les  Instituts  que  nous  venons  de 
nommer,  et  qui,  joints  aux  Ordres  de  Citeaux  et  de  Pré- 
montré, s'élendirent  avec  tant  de  rapidité,  achevèrent  de 
faire  connaître  à  l'Europe  les  beaux  chants  que  la  France 
avait  ajoutés  aux  mélodies  Grégoriennes  ;  de  toutes  parts  on 
les  adopta,  et  ils  se  marièrent  aisément  au  Bréviaire  réformé 
de  saint  Grégoire  VII  et  des  Frères  Mineurs.  Chaque  Eglise 
puisa  avec  plus  ou  moins  d'abondance  à  cette  source  féconde, 
et  l'on  vit,  ce  qui  ne  s'est  jamais  reproduit  depuis,  les  nations 
qui  avaient  mis  en  commun  les  trésors  de  la  foi  et  de  l'unité, 
cimenter  celte  merveilleuse  union  par  un  échange  de  Can- 
tiques religieux.  Mais,  on  ne  saurait  trop  le  dire,  la  France 
eut  la  principale  part  dans  la  suprématie  des  chants  ;  il  lui  fut 
donné  de  compléter  l'œuvre  de  saint  Grégoire,  et  si,  depuis, 
elle  a  oublié  cette  gloire,  elle  pourra,  quand  elle  voudra, 
consulter  les  livres  liturgiques  des  Eglises  étrangères ,  ou 
ceux  encore  des  Ordres  religieux  qu'elle  a  expulsés  de  son 
sein  ;  elle  y  retrouvera  les  douces  mélodies  que  ses  Evêques, 
ses  Moines  et  ses  Rois,  composaient  pour  l'Europe  entière, 
durant  les  onzième  et  douzième  siècles. 

C'est  ici  le  lieu  de  parler  plus  en  détail  de  la  propagation 
de  la  Liturgie  Romaine-Française.  Nous  venons  de  la  voir 
établie,  suivant  l'usage  de  Paris,  dans  l'Eglise  de  Jérusalem, 
par  Godefroy  de  Bouillon.  Elle  l'avait  été,  auparavant,  en 
Sicile  ,  par  les  princes  Normands ,  comme  d'anciens  manus- 
crus  liturgiques  en  font  foi.  Les  Ducs  d'Anjou  l'y  maintinrent, 
ainsi  que  le  prouvent  des  Missels  et  Bréviaires  contemporains 


342  INSTITUTIONS 

de  leur  dominalion  sur  celte  île  (I);  et,  ce  qui  est  plus  remar- 
quable ,  il  existe  encore  plusieurs  Missels  imprimés  à  Ve- 
DÎse,  dans  la  première  moitié  du  seizième  siècle ,  qui  portent 
ce  titre  :  Missale  Gallicanum  juxta  usum  Messanensis  Ec- 
clesiœ,  cl  un  Bréviaire  de  i  512,  également  imprimé  à  Venise, 
et  intitulé  :  Breviarium  Gallicanum  ad  usum  Ecclesiarum 
Sicularum.  La  Bulle  de  saint  Pie  V,  dont  nous  parlerons 
bientôt,  put  seule  déraciner  de  cette  contrée  les  usages 
liturgiques  que  nos  armes  y  avaient  introduits ,  et  qui  sur- 
vécurent, comme  l'on  voit ,  à  la  domination  française. 

Nous  retrouvons  encore  ailleurs  la  Liturgie  Parisienne. 
Des  monumens  positifs  nous  apprennent  que  les  Grands- 
Maîtres  français  de  l'Ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  l'ins- 
tituèrent jusque  dans  les  Eglises  de  Rhodes  et  de  Malte  (2). 
Saint  Louis,  dans  ses  voyages  d'outre-mer,  la  faisait  célé- 
brer devant  lui  avec  toute  la  pompe  dans  les  cérémonies  et 
toute  l'exactitude  dans  les  chants  que  comportait  la  com- 
modité plus  ou  moins  grande  de  ses  divers  carapemens. 

L'estime  que  nos  anciens  Rois  faisaient  de  cette  Liturgie 
les  avait  portés  à  en  élendre  l'usage  à  plusieurs  lieux  du 
royaume  ,  en  dehore  même  des  limites  du  diocèse  de 
Paris.  D'abord,  en  quelque  endroit  qu'ils  se  trouvassent, 
ils  ftiisaienl  célébrer  devant  eux,  suivanl  l'ordre  de  ce 
rite  observé  minutieusement,  et  ne  se  contentaient  pas 
des  Liturgies  des  autres  Eglises  qui  mêlaient  leurs  usages  à 
ceux  de  Paris.  En  outre,  le  Bréviaire  de  cette  Eglise  était  le 
seul  que  l'on  pût  suivre  dans  les  Saintes  Chapelles,  du  Palais, 
de  Vincennes,  de  Dijon,  de  Champigny  au  Diocèse  de  Char- 
tres, de  Chàteaudun,  et  généralement  dans  toutes  celles 

(Ij  Johannes  de  Jobanne.  De  diviuls  Sicuiorum  Officiis.  Cap.  V.  Vlil. 
X.  XII  et  sp.q. 
(2)  Paciaudi.  De  caltu  S.  Joannis  Baptistse.  pag.  413. 


LITURGIQUES.  345 

des  châteaux  royaux.  Il  faut  ajouter  encore  à  ce  compte, 
les  Eglises  royales  de  Bourges,  de  Bourbon,  du  Gué-de- 
Maulny  ou  de  Sainl-Pierre-Ia-Cour,  au  Mans  ,  de  Saint- 
Clément  de  Compiègne,  de  Saint-Firmat  de  Mortain,  au  Dio- 
cèse d'Avranclies.  Grancolas,  à  qui  nous  empruntons  cette 
précieuse  énumération ,  nomme  encore  plusieurs  Eglises 
de  la  ville  et  du  Vicariat  de  Ponloise ,  comme  la  Collégiale  et 
les  paroisses  de  Saint-André,  de  Saint-Madou  et  de  Saint- 
Pierre  ;  et  enfin  les  paroisses  d'Annery,  de  Nivelières ,  de  Ge- 
nicourt,  d'Osny  et  de  Pizeux,  qui  dépendaient  du  Chapitre 
de  Saint-Mellon  (1).  Nous  verrons  plus  loin  comment  la  Li- 
turgie de  Paris  fut  ôtée  de  la  Chapelle  du  Roi ,  pour  y  faire 
place  aux  livres  contenant  l'Office  Romain  dans  toute  sa  pu- 
reté. 

Ce  genre  de  détails  nous  amène  naturellement  à  parler  de 
la  piété  des  Rois  à  l'époque  que  nous  décrivons,  et  à  raconter 
les  actes  de  leur  zèle  pour  îa  Liturgie.  A  la  tête  des  souve- 
rains du  treizième  siècle  qui  se  sont  montrés  les  plus  dévots 
pour  les  saints  Offices,  nous  devons  placer  le  plus  dévot 
d'entre  eux ,  saint  Louis ,  d'héroïque  mémoire.  On  peut 
dire  que  l'histoire  de  ce  grand  Prince,  sous  le  rapport  de  sa 
piété,  n'a  point  encore  été  écrite  :  nous  emprunterons  à  l'un 
de  ses  biographes  contemporains  quelques  traits  propres  à 
le  montrer  sous  le  point  de  vue  qui  nous  occupe.  Geoffroy 
de  Beaulieu,  qui  fut  le  Confesseur  de  saint  Louis,  rapporte , 
entre  autres  choses,  que  ce  pieux  Roi  observa,  pendant 
quelque  temps,  la  coutume  de  se  lever  à  minuit;  s'élant 
ainsi  arraché  au  sommeil,  il  chantait  Matines  avec  ses  Cha- 
pelains et  restait  ensuite  en  prières  autant  de  temps  qu'il 

(1)  Grancolas.' Commeniaire  historique  sur  Ip   Bréviaire  Romain. 
Toni.  1.  pag.  6i. 


344  INSTITUTIONS 

savait  que  les  mêmes  Matines  avaient  coutume  de  durer  dans 
l'Eglise  Cathédrale.  Ces  longues  veilles  devenant  préjudi- 
ciables à  sa  santé,  il  prit  le  parti  de  se  lever  de  manière  à  pou- 
voir entendre  bientôt  Prime,  la  Messe  et  les  autres  Heures, 
sitôt  qu'on  aurait  achevé  le  chant  des  Matines.  Il  faisait  as- 
sister les  Princes  ses  enfans,  dès  leur  jeunesse ,  à  toutes 
les  Heures  Canoniales.  Après  Compiles,  on  chantait  l'An- 
tienne à  la  Sainte  Vierge,  usage  qui  fut  adopté  depuis  dans  le 
reste  de  l'Eglise ,  et  tout  se  terminait  par  l'aspersion  de  l'eau 
bénite.  Il  obligeait  en  outre  ses  fils  à  réciter  en  particulier 
le  petit  Office  de  la  Sainte  Vierge. 

Pendant  la  navigation  pour  la  Croisade ,  il  avait  obtenu  la 
permission  de  faire  porter  l'Eucharistie  sur  son  vaisseau.  11 
y  faisait  chanter  les  Heures  Canoniales,  et  la  Messe  même  : 
on  omettait  seulement  le  Canon  ;  mais  les  Prêtres  et  les  Mi- 
nistres étaient  revêtus  de  leurs  ornemens  sacrés.  Nous  vou- 
drions pouvoir  suivre  le  royal  chevalier  dans  la  visite  des 
saints  lieux,  et  raconter  avec  quelle  ferveur  il  faisait  célébrer 
les  sacrés  Alystères  dans  les  lieux  mêmes  où  ils  se  sont  ac- 
complis. Nous  nous  contenterons  de  citer  un  seul  trait  du 
récit  de  Guillaume  de  Beaulieu.  Il  raconte  comment  le  saint 
Pioi  célébra  la  fête  de  l'Annonciation  à  Nazareth ,  et  dit  ces 
paroles  :  «  Combien  dévotement  il  se  comporta  en  ce  lieu , 
»  combien  solennellement  et  glorieusement  il  y  fit  célébrer 
»  Vêpres,  Matines,  la  Messe  et  les  autres  Offices  d'une  si  au- 
t  guste  solennité  !  Ceux-là  peuvent  en  témoigner  qui  y  furent 
»  présens  ;  et ,  certes,  plusieurs  ont  pu  dire  en  toute  vérité 
»  que ,  depuis  le  jour  auquel  le  Fils  de  Dieu ,  dans  ce  même 
«lieu,  prit  chair  de  la  glorieuse  Vierge,  jamais  si  solennel, 
"  ni  si  dévot  Office  n'y  fut  accompli  (1).  i> 

(1)  Quam  dévote  ibidem  se  Iiabuerit ,  quam  solemuiter  et  gloriose 
fecerit  celebrari  ve^peras,  matiuinas,  missani,  et  cetera,  quae  ad 


LITURGIQUES.  345 

Le  giorioux  conloniporain  de  saint  Louis,  Roi  et  chevalier 
comme  lui ,  saiiil  Ferdinand,  Uoi  de  Caslillc  et  de  Léon,  ne 
fut  pas  moins  zélé  pour  les  divins  OlTices.  Rodrigue  rapporte 
en  détail  les  actions  de  sa  piété;  comment  il  assistait  à  toutes 
les  Heures  du  jour  et  de  la  nuit ,  môme  dans  ses  campagnes  ; 
comment  il  chantait  avec  les  Clercs  les  divins  Cantiques,  et 
ne  dédaignait  pas  de  remplir  lui-même  quelquefois  roffîce  de 
Chantre  (I). 

Parlerons-nous  de  cet  autre  brillant  chevalier,  Richard 
Cœur-de-Lion,  qui  remplit  l'Orient  et  l'Occident  du  bruit 
de  sa  gloire  ?  Les  chroniques  d'Angleterre  nous  disent 
comment  il  se  levait  chaque  jour  de  grand  matin  pour  cher- 
cher d'abord  le  royaume  de  Dieu  et  sa  justice;  comment  il 
se  rendait  à  l'Eglise  et  n'en  sortait  point  qu'il  n'eût  entendu 
tout  l'Office  ecclésiastique  (2). 

Henri  III,  l'un  de  ses  successeurs,  entendait  tous  les  jours 
trois  Messes  en  note ,  c'est-à-dire  en  plain-chant ,  outre  les 
Messes  basses  auxquelles  il  avait  assisté.  Saint  Louis  l'ayant 
exhorté  à  employer  au  moins  une  partie  de  ce  temps  à 
écouter  des  prédications ,  le  pieux  Roi  d'Angleterre  lui  fit 
cette  admirable  réponse  qui  peint  si  bien  la  tendre  piété  du 
moyen-âge  :  «  J'aime  encore  mieux  voir  plus  souvent  celui 
»que  j'aime,  que  d'entendre  seulement  parler  de  lui  (3).  » 

Tels  étaient  encore  au  treizième  siècle  les  Rois  de  la  Ca- 
tholicité. Comment  les  peuples  n'auraient-ils  pas  eu  une 

solenmitatem  tam  ceiebrem  perliiiebaat ,  testes  esse  possuni,  qui 
affuerunt,  de  quibus  noanulli  attestari  veraciter,  sive  edere  potuerunt, 
quod  postquam  Filins  Dei  iu  eodem  loco  de  gloriosa  Virgiiie  carnem 
assunipsit ,  nunquam  tara  solemne ,  lamque  dovotum  Officium;Juerit 
ibi  facUiin.  (S.  Lucluvici  vitu  per  Gattfridnmdc  BrUv  loco.  Cap.  //'.) 

(1)  Roderic.  Tolelan.  De  Rébus  Hispan. 

(2)  Roger.  Pag.  753. 

(3)  Thomas  de  Walsinghani.  Tom.  II.  pag.  67. 


346  INSTITUTIONS 

ineffable  intelligence  des  choses  de  la  vie  mystique,  quand  un 
Louis  IX  et  un  Richard  I",  par  exemple ,  Princes  si  différens 
d'ailleurs,  se  réunissaient  dans  Tamour  passionné  des  chants 
et  de  la  prière  liturgique,  et  passaient  chaque  jour  de  longues 
heures  à  vivre  d'une  vie  de  foi  et  d'amour  des  choses  célestes? 
Mais ,  après  le  treizième  siècle ,  cette  génération  de  Princes 
qu'on  pourrait  npipeler  Liturgistes ,  et  dont  la  série  commence 
à  Pépin  et  à  Charlemagne,  se  brise  tout  à  coup.  Philippe- 
le-Bel  avait  bien  autre  chose  à  faire  que  chanter  des  Répons  : 
les  Pierre  Flotte  et  les  Guillaume  de  Nogaret  lui  semblaient 
recrues  plus  avantageuses  que  les  Frères  Prêcheurs  et  les 
Frères  Mineurs  de  son  aïeul. 

Le  treizième  siècle  fut  le  théâtre  d'un  événement  liturgique 
d'une  si  haute  portée ,  que ,  depuis ,  un  semblable  ne  s'est  pas 
encore  reproduit.  ÎS'ous  voulons  parler  de  l'institution  de  la 
Fête  du  Saint-Sacrement  ;  car  les  Fêles  universelles  établies 
dans  la  suite  par  le  Siège  Apostohque  ne  sont  point  d'un 
degré  aussi  élevé,  n'ont  point  d'Octave,  et  n'emportent  point 
l'obhgation  de  cesser  les  œuvres  serviles.  On  peut  donc  dire 
que  c'est  à  l'époque  que  nous  racontons  dans  le  présent  cha- 
pitre ,  que  l'Année  Chrétienne  a  reçu  son  complément ,  au 
moins  pour  les  grandes  lignes  dû  Calendrier. 

Cette  solennité ,  si  chère  à  toute  la  Catholicité ,  fut  étabUe 
pour  être  un  solennel  témoignage  de  la  foi  de  l'Eglise  dans 
l'auguste  mystère  de  l'Eucharistie.  L'hérésie  de  Bérengcr,  dès 
le  onzième  siècle ,  avait  rendu  nécessaire  une  nouvelle  pro- 
testation liturgique  en  faveur  de  l'antique  croyance  :  le  rite 
de  l'élévation  de  l'Hostie  et  du  Calice ,  pour  être  adorés  par 
le  peuple,  immédiatement  après  la  consécration,  avait  été 
promptement  institué  et  s'était  répandu  en  tous  lieux.  Au 
treizième  siècle ,  de  nouvelles  attaques  se  préparaient  contre 
ce  dogme  capital  d'une  religion  fondée  sur  le  mystère  du 


LITURGIQUES.  347 

Verbe  incarné  pour  s'unir  à  la  nature  humaine.  Déjà  les 
précurseurs  des  Sacramentaires  avaient  paru  ;  les  Vaudois , 
les  Albigeois,  préparaient  la  voie  à  Wiclef ,  à  Jean  Huss, 
précurseurs  eux-mcaies  de  Luther  et  de  Calvin.  Il  était  temps 
que  l'Eglise  lit  entendre  sa  grande  voix.  :  la  Fêle  du  Saint- 
Sacrement  fut  donc  décrétée  par  Urbain  IV,  en  1264  , 
avec  des  circonstances  merveilleuses  qui  seront  racontées 
ailleurs  ;  et ,  non  seulement  une  solennité  du  premier  ordre 
fut  ajoutée  aux  anciennes  fêtes  instituées  par  les  Apôtres , 
mais  une  Procession  splendide ,  dans  laquelle  on  porterait  le 
Corps  du  Seigneur,  ne  tarda  pas  à  être  adjointe  aux  antiques 
Processions  du  Dijnaache  des  Hameaux  et  des  Rogations. 

Pour  célébrer  un  si  grand  Mystère,  il  était  nécessaire 
qu'un  nouvel  Office  fût  composé  qui  répondît  à  l'enthou- 
siasme de  l'Eglise  et  à  la  grandeur  du  sujet.  La  Liturgie  ne 
manqua  point  dans  cette  circonstance  à  l'attente  du  peuple 
chrétien,  et  l'Office  du  Saint-Sacrement  est  un  monument 
tellement  imposant ,  que  les  novateurs  du  dernier  siècle ,  qui 
ont  renversé  la  Liturgie  antique  pour  en  créer  une  autre  de 
fond  en  comble  à  l'usage  des  Eglises  de  France,  ont  jugé  à 
propos  d'en  conserver  plusieurs  parties  ,  alors  même  qu'ils 
déchiraient  sans  pitié  les  Offices  que  tout  le  reste  de  la  Chré- 
tienté latine ,  moins  l'Eglise  de  Milan ,  emploie  dans  la 
célébration  des  Mystères  de  Noël ,  de  Pâque ,  de  l'Ascension 
et  de  la  Pentecôte. 

Mais  il  est  arrivé ,  au  sujet  de  l'Office  du  Saint-Sacrement, 
ce  qui  arrive  à  l'égard  de  tous  les  grands  monumens,  objets 
de  l'amour  des  peuples;  une  sorte  de  mystère  en  a  voilé  l'o- 
rigine. On  a  disputé  pour  en  connaître  le  véritable  auteur. 
Personne  il  est  vrai ,  n'a  jamais  douté  que  le  Docteur  Angé- 
lique ,  saint  Thomas  d'Aquin ,  n'y  eût  eu  la  part  principale  ; 
mais , en  rédigeant  cet  Office,  n'avait-il  point  sous  les  yeux 


348  INSTITUTIONS 

celui  qui  était  déjà  en  usage  dans  l'Eglise  de  Liège,  où  la 
Fête  du  Saint-Sacrement  avait  commencé  ?  C'est  ce  que  les 
monumens  du  treizième  siècle  ne  nous  ont  point  éclairci  suf- 
fisamment :  bien  qu'il  soit  rendu  indubitable,  par  tous  les 
témoignages  de  l'histoire ,  que  saint  Thomas  fut  chargé,  par 
Urbain  IV,  de  rédiger  pour  l'Eglise  universelle  l'Office  de 
cette  nouvelle  fête  (1). 

Ce  qui  frappe  principalement  dans  cet  Office ,  tel  qu'il  est 
sorti  des  mains  de  saint  Thomas ,  c'est  la  forme  majestueu- 
sement scholaslique  qu'il  présente.  Chacun  des  Répons  de 
Matines  est  composé  de  deux  sentences,  tirées  l'une  de 
l'Ancien,  et  l'autre  du  Nouveau  Testament,  qui  rendent  ainsi 
témoignage  conforme  sur  le  grand  Mystère  qui  fait  l'objet 
de  la  solennité.  Celte  idée,  qui  a  quelque  chose  de  grandiose, 
a  été  inconnue  à  saint  Grégoire  et  aux  autres  auteurs  de 
l'ancienne  Liturgie  ;  et  on  doit  convenir  qu'autant  elle  est 
puérile  et  forcée  dans  les  nouveaux  Bréviaires  qui  en  ont  fait 
une  règle  générale ,  autant  elle  est  belle  et  solide ,  si  on  ne 
l'applique  qu'avec  mesure  et  dans  de  grandes  occasions. 

Le  même  génie  méthodique  du  treizième  siècle  paraît  dans 
la  Prose  Lauda,  Sion,  œuvre  étonnante  qui  est  incontesta- 
blement de  saint  Thomas.  C'est-là  que  la  haute  puissance 
d'une  scholastique ,  non  décharnée  et  tronquée ,  comme  au- 
jourd'hui, mais  complète  comme  au  moyen-àge,  a  su  plier 
sans  effort  au  rythme  et  aux  allures  de  la  langue  latine,  l'ex- 
posé fidèle,  précis,  d'un  dogme  aussi  abstrait  pour  le  théo- 
logien ,  que  doux  et  nourrissant  au  cœur  du  fidèle.  Quelle 
majesté  dans  l'ouverture  de  ce  poème  sublime  !  quelle  pré- 
cision délicate  dans  l'exposé  de  la  foi  de  l'Eglise  !  et  avec 
quelle  grâce,  quel  naturel  sont  rappelées,  dans  la  conclu- 

(1)  Benedict.  XIV.  De  festis  D.  N.  J.  C.  Lib.  1.  cap.  XIII. 


LITURGIQUES.  349 

sion ,  los  ligures  de  ranciennc  Loi  qui  annonçaient  lo  Pain 
des  Anges,  rAgneaii  l^aseal  el  la  Manne!  Enfin,  (inellc  inef- 
fable conclusion  dans  celte  prière  majestueuse  et  tendre  au 
divin  Pasteur  qui  nourrit  ses  brebis  de  sa  propre  chair,  et  dont 
nous  sommes  ici-bas  les  Commensaux ,  en  attendant  le  jour 
éternel  où  nous  deviendrons  ses  Cohéritiers!  Ainsi  se  vérifie 
ce  que  nous  avons  dit  plus  haut,  que  tout  sentiment  d'ordre 
se  résout  nécessairement  en  harmonie.  Saint  Thomas,  le  plus 
parfait  des  scholasliques  du  treizième  siècle ,  s'en  est  trouve 
par-là  même  le  poète  le  plus  sublime. 

Nous  avons  encore  une  production  du  même  temps,  et 
dont  l'appréciation  doit  être  la  môme;  c'est  la  Séquence 
Dies  irœ.  On  n'est  pas  d'accord  sur  le  nom  du  poète  inspiré 
qui  dota  la  Chrétienté  de  ce  Cantique  si  tendre  et  si  sombre 
qui,  sans  doute,  accompagnera  l'Eglise ,  en  ce  dernier  jour 
dont  les  terreurs  y  sont  si  lamentablement  exprimées  ;  mais 
quelle  majesté ,  quelle  onction ,  quel  rythme  digne  d'un  si 
redoutable  sujet  !  On  se  sent  porté  à  croire  qu'une  assistance 
spéciale  de  l'Esprit  Suint  a  dû  conduire  les  auteurs  du  Dies 
irœ  et  du  Lauda^  Sion,  et  leur  découvrir  les  accens  célestes 
qui  seuls  étaient  en  harmonie  avec  de  pareils  objets. 

Si ,  maintenant ,  nous  en  venons  à  considérer  le  chant  lui- 
même  dont  ces  incomparables  poèmes  sont  revêtus  et  encore 
embellis ,  nous  sommes  forcés  de  reconnaître  qu'aucun  siècle 
n'a  surpassé  le  treizième  dans  l'art  de  rendre  les  passions  de 
la  Liturgie ,  avec  les  ressources  en  apparence  si  bornées  du 
chant  ecclésiastique.  Nous  ferons  une  seule  remarque  : 
c'est  que  le  treizième  siècle  a  réussi  principalement  dans  les 
Séquences,  plutôt  que  dans  les  P»épons  et  autres  pièces  en 
prose.  Ceci  tient  aux  observations  que  nous  avons  faites  au 
chapitre  XL  Les  compositeurs  du  moyen-age  étaient  plus  à 
l'aise,  dans  ces  morceaux  qu'ils  pouvaient  traiter  en  suivant 


550  INSTITUTIONS 

le  génie  national ,  que  dans  les  pièces  sans  rythme ,  que  les 
réminiscences  de  la  Musique  Grecque ,  appliquées  par  saint 
Grégoire'? ont  revêtues  d'ailleurs  de  tant  de  majesté.  Déjà, 
un  fait  antérieur  à  l'Office  du  Saint-Sacrement  avait  attesté 
cette  faculté  musicale  au  douzième  siècle  ;  le  beau  chant 
de  la  Prose  d'Abailard ,  Mittit  ad  Virginem,  n'était  déjà  plus 
de  la  famille  des  anciennes  Séquences.  II  ne  se  peut  rien  voir 
de  plus  tendre  et  déplus  mystiquement  joyeux.  Nous  avons 
dit  que  ce  chant  appartient  à  la  France  ,  comme  les  paroles 
sur  lesquelles  il  a  été  mis.  L'Italie  nous  a ,  en  revanche,  donné 
le  Lauda ,  Sion ,  et  le  Dies  irœ  ;  quant  aux  Répons ,  An- 
tiennes, et  autres  pièces  de  l'Office  du  Saint-Sacrement,  la 
France  et  la  Belgique  les  ont  fournies. 

On  ne  peut  rien  voir,  sans  doute,  de  plus  remarquable- 
ment mélodieux  que  ces  Répons  et  ces  Antiennes  ;  mais,  pour 
être  juste ,  il  faut  ajouter  qu'elles  ne  sont  rien  moins  qu'ori- 
ginales. Nous  surprendrons  même  plus  d'un  lecteur  en  disant 
que  toutes,  ou  presque  toutes  les  pièces  en  prose  de  l'Office  du 
Saint-Sacrement  ne  sont  que  les  pastiches  de  morceaux  plus 
anciens ,  et  presque  tous  des  onzième  ou  douzième  siècles. 
Ainsi,  le  Répons  Homo  quidam  est  pris  sur  Virgo  flagellatur 
de  sainte  Catherine  ;  Immolabit ,  sur  Te  S^wAum  Deum  des 
saints  Anges;  Comedetis ,  de  Stirps  Jesse  de  la  Nativité  de  la 
Sainte  Vierge  ;  Unus  Partis ,  de  Ex  ejus  tumba  de  saint  Ni- 
colas ;  Misit  me,  de  Verbum  caro  du  jour  de  Noël  ;  l'Antienne 
0  quam  suavis,  est  calquée  sur  0  Christi  pietas  de  saint  Ni- 
colas ,  etc.  La  Messe ,  si  belle  et  si  mélodieuse ,  n'est  pas  plus 
originale.  L'Introït  Cibavit  appartient,  en  propre,  au  Lundi 
de  la  Pentecôte  ;  le  Graduel  Oculi  omnium ,  au  vingtième 
Dimanche  après  cette  Fête  ;  l'Offertoire  Sacerdotes  est  pris  sur 
Confirma  hoc ,  et  la  Communion  Quotiescumque  sur  Factus 
est  repente,  pièces  qui  appartiennent  toutes  deux  à  la  Messe 


LITURGIQUES.  351 

du  jour  de  la  Poniecôto.  Ce  n'est  pas  tout;  plusieurs  de  ces 
pièces  présentent,  (lans  la  composition,  d'énormes  contre- 
sens avec  les  paroles  ;  par  exemple ,  les  Antiennes  0  quant 
suavis  es.  Sapicntia.  0  Sacrum  convivium ,  etc.;  ce  qui 
donne  lieu  de  penser  qu'elles  ont  été  traitées  par  des  com- 
positeurs habiles  dans  ia  mélodie  des  sons ,  mais  ignorans  de 
la  langue  latine.  De  cette  double  observation  il  est  permis  de 
conclure  que  le  treizième  siècle ,  si  divinement  inspiré  dans 
les  compositions  rythmiques,  dédaigna  de  s'exercer  sur  les 
morceaux  en  prose,  et  ne  fit  gucres  d'autres  frais  que  de  trans- 
porter sur  des  paroles  nouvelles  des  Motifs  déjà  connus  ; 
travail  presque  matériel ,  et  que  des  musiciens  illétrés  pou- 
vaient remplir. 

S'il  est  permis  de  rechercher  les  analogies  que  présentent 
les  vicissitudes  du  chant  ecclésiastique,  au  moyen  -  âge  , 
avec  la  marche  de  l'architecture  religieuse,  qui  a  toujours 
suivi  les  destinées  de  la  Liturgie  dont  elle  fait  une  si  grande 
partie  et  comme  l'encadrement,  nous  soumettrons  à  nos  lec- 
teurs les  considérations  suivantes.  Les  dixième  et  onzième 
siècles  enfantèrent  des  pièces  de  chant  graves ,  sévères  et 
mélancoliques ,  comme  ces  voûtes  sombres  et  mystérieuses 
que  jeta  sur  nos  Cathédrales  le  style  Roman ,  surtout  à  l'é- 
poque de  cette  réédification  générale  qui  marqua  les  pre- 
mières années  du  onzième  siècle.  Ainsi,  on  retrouve  encore 
la  forme  Grégorienne  dans  les  Répons  du  Roi  Robert,  comme 
la  Basilique  est  encore  visible  sous  les  arcs  Byzantins  du 
même  temps.  Le  douzième  siècle ,  époque  de  transition,  que 
nous  appellerions  volontiers,  dans  l'architecture,  le  Roman 
lleuri  et  tendant  à  l'ogive ,  a  ses  délicieux  Offices  de  saint 
ÎNicolas  et  de  sainte  Calhei'ine,  la  Séquence  d'Abailard,  etc., 
où  la  phrase  Grégorienne  s'efface  par  degrés  pour  laisser  place 
à  une  mélodie  rêveuse.  Vient  ensuite  le  treizième  siècle  avec 


352  INSTITUTIONS 

ses  ligues  pures,  élancées  avec  tant  de  précision  et  d'imrmo- 
nie  ;  sous  des  voûtes  aux  ogives  si  correctes,  il  fallait  surtout 
des  chants  mesurés ,  un  rythme  suave  et  fort.  Les  essais  sim- 
plement mélodieux,  mais  incomplets,  des  siècles  passés, 
ne  suffisent  plus  :  le  Lauda,  Sion,  le  Dies  irce  sont  créés. 
Cependant,  cette  période  est  de  courte  durée.  Une  si  exquise 
pureté  dans  les  formes  architectoniques  s'altère  ,  la  re- 
cherche la  flétrit  ;  l'ornementation  encombre ,  embarrasse 
et  bientôt  brise  ces  Hgnes  si  harmonieuses  ;  alors  aussi  com- 
mence pour  le  chant  ecclésiastique  la  période  de  dégradation 
dont  nous  allons  parler  tout  à  l'heure.  Malheureusement,  tous 
nos  lecteurs  ne  seront  pas  à  même  de  suivre  ces  rapports  et 
d'étudier  les  progrès  et  la  décadence  du  chaut  ;  les  livres  où 
se  trouvent  les  monumens  que  nous  rappelons  disparaissent 
chaque  jour  ;  mais  il  faut  pourtant  que  l'on  sache  quels  tré- 
sors de  mélodie  furent  sacrifiés  au  jour  où  l'on  inaugura 
dans  nos  Eglises  des  chants  que  n'avaient  jamais  entendus 
nos  pères,  et  qui  éclatent  à  grand  bruit  sous  des  voûtes 
long-temps  accoutumées  à  en  répéter  d'autres. 

Nous  donnerons  maintenant  la  bibliothèque  des  Litur- 
gistes  qui  ont  fleuri  à  la  grande  époque  du  treizième 
siècle. 

Nous  trouvons  d'abord  Alain  de  Lille ,  Moine  de  Citeaux , 
qui  fleurissait  en  l'Université  de  Paris ,  au  commencement 
du  treizième  siècle,  et  qui  fut  appelé  le  Docteur  universel. 
On  trouve  parmi  ses  œuvres  deux  Séquences ,  l'une  sur  l'In- 
carnation du  Verbe ,  l'autre  sur  la  fragilité  de  la  nature  hu- 
maine. 

(1208).  Jean,  appelé  le  Scribe  ou  l'Acémète,  Patriarche 
des  Jacobites,  parait  être  l'auteur  d'une  Anaphore  insérée 
par  Renaudot  au  deuxième  tome  de  son  recueil  des  Liturgies 
Orientales. 


LITURGIQUES.  353 

(1215).  Saint  François  d'Assise ,  Patriarclie  de  l'Ordre  Se-  f 
raphique,  a  eu  une  influence  marquée  sur  la  Liturgie,  en 
obligeant  ses  enfans  à  embrasser  le  rite  de  l'Eglise  Romaine. 
On  Jrouvc  dans  ses  œuvres  un  opuscule  intitulé  :  Ordo  reci- 
tandi  offïcium  dominicœ  Passionis. 

(1220).  r.uillaumedeSeignelay,  Evêque  d'Auxerre,  puis 
transféré  sur  le  siège  de  Paris,  avait  composé  un  livre,  de 
Divinis  Officiis^  qui  n'a  point  été  imprimé. 

(1222).  Germain  IF ,  Patriarche  de  Constantinople ,  est  au- 
teur d'un  opuscule  intéressant  sur  la  Liturgie  ,  intitulé  : 
Théorie  des  choses  ecclésiastiques.  Malheureusement ,  nous  ne 
l'avons  point  tel  qu'il  est  sorti  des  mains  de  son  auteur  ;  il  a 
subi  de  graves  interpolations. 

(1230).  Godefroy,  Archevêque  de  Cambrai,  écrivit  un 
livre  de  Divinis  Officiis ,  que  nous  n'avons  plus. 

(1230).  Jacques,  Evêque  de  Tagrite,  de  la  secte  des  Nesto- 
riens,  est  auteur  d'une  Exposition  des  Offices  et  des  Oraisons. 

(1238).  Guyard  de  Laon,  Chancelier  de  l'Université  de 
Paris ,  et  élevé  plus  tard  à  l'Archevêché  de  Cambrai ,  paraît 
être  auteur  d'un  opuscule  de  Officiis  divinis ,  sive  ecclesias- 
ticis ,  et  d'un  autre  de  Officiis  sacerdotum. 

(1239).  Haymon  de  Feversham,  Ministre  Général  des 
Frères  Mineurs,  corrigea  le  Bréviaire  P»omain,  ainsi  que 
nous  l'avons  dit,  et,  en  outre,  écrivit  un  livre  de  Missœ 
cœremoniis. 

(1240).  Simon  Taylor,  Dominicain,  fut  habile  dans  la 
théorie  du  chant  ecclésiastique ,  et  composa  deux  livres  de 
Pentachordis ,  deux  de  Tenore  Musicali,  et  un  de  CantuEc- 
clesiastico  corrigendo. 

(1251).  Vincent  deCovenler,  Franciscain,  professeur  à 
Cambridge,  est  auteur  d'une  Exposition  de  (a  Messe. 
T,  I.  23 


354  INSTITUTIONS 

(1255) .  Jean  Bar-Maadani ,  Patriarche  des  Jacobites ,  com- 
posa une  Anaphore  qui  se  trouve  au  recueil  de  Kenaudot. 

(1254).  Humbert  de  Romanis,  cinquième  Général  des  Do- 
minicains ,  compilateur  du  Bréviaire  de  son  Ordre ,  rédigea 
sur  les  Offices  qu'il  contient  des  Commentaires  qui  étaient 
gardés,  au  rapport  de  Schulting,  dans  la  bibliothèque  des 
Frères  Prêcheurs  de  Cologne. 

(1255).  Théodore  Lascaris  II,  Empereur  Grec,  a  com- 
posé ,  en  l'honneur  de  la  Sainte  Vierge,  un  Canon  ou  Hymne 
qui  se  trouve  dans  le  livre  que  les  Grecs  nomment  Para- 
clétique. 

(1260),  Grégoire  Bar-Hebrœus,  Primai  d'Orient ,  pour  la 
secte  des  Jacobites ,  est  auteur  d'une  Anaphore  qui  se  trouve 
au  recueil  de  Renaudot ,  et  d'un  Abrégé  de  la  Liturgie  de 
saint  Jacques. 

(1260).  Hugues  de  Sainl-Cher,  Dominicain ,  Cardinal ,  au- 
teur de  la  Concordance  de  la  Bible ,  a  aussi  travaillé  sur  la 
Liturgie.  Il  composa  un  livre  sous  ce  titre  :  Spéculum  sacer- 
dotum  et  Ecclesiœ,  de  Symbolo  et  Officio  Missoe. 

(1270).  Latinus  Frangipani,  Dominicain,  Cardinal,  neveu 
du  Pape  iNicolas  III ,  passe  pour  être  l'auteur  de  la  Séquence 
des  Morts,  Bies  irœ,  et  de  plusieurs  autres  en  l'honneur  de 
la  Sainte  Vierge. 

(1270).  Saint  Thomas  d'Aquin,  Docteur  Angélique,  outre 
l'Office  du  Saint-Sacrement,  écrivit  un  Uvre  intitulé  :  Expo- 
sitio  Missœ. 

(1270).  Guibert  de  Tournay,  Franciscain,  a  laissé  un  ou- 
vrage très-curieux,  sous  ce  litre  :  De  Officio  Episcopi  et  Ec- 
clesiœ  cœremoniis.  Il  est  dédié  à  Guillaume,  Evèque  d'Orléans. 

(1270).  Erard de  Lésignes,  Cardinal,  Evêque  d'Anxerre, 
étant  allé  à  Rome  ,  y  entendit  de  si  beaux  Répons  de  l'his- 


LITURGIQUES.  355 

loire  de  INoé  et  d'Abraham,  pour  les  semaines  de  Sexagé- 
sime  et  de  Quinquagésime ,  qu'il  les  introduisit  dans  son 
Eglise. 

(1270).  Sanclie ,  Infant  d'Arragon ,  Archevêque  de  Tolède, 
composa  des  Litanies  et  des  Hymnes  en  l'honneur  de  la  Sainte 
Vierge. 

(1272).  Saint  Bonaventure,  Docteur  Séraphique ,  est  au- 
teur d'une  Exposition  de  la  Messe  et  d'un  Office  de  la  Pas- 
sion de  Jésus-Christ.  Ou  lui  a  attribué  aussi  l'Office  de  saint 
François. 

(1280).  Peckam,  Franciscain ,  Archevêque  de  Cantorbéry, 
laissa  deux  traités  liturgiques  intitulés ,  l'un  de  Ratione  diei 
Dominicœ,  l'autre  Spéculum  Ecclesiœ  de  Missa. 

(1290).  Guillaume  Durand,  Dominicain,  Evêque  de  Mende, 
composa  le  fameux  Rationale  divinorum  Officiorum ,  ou- 
vrage dans  lequel  il  explique  tout  l'ensemble  de  la  Litur- 
gie ,  à  l'aide  des  auteurs  qui  l'ont  précédé ,  en  ajoutant  ses 
propres  observations.  On  peut  considérer  ce  livre  comme 
le  dernier  mot  du  moyen-âge  sur  la  Mystique  du  culte  divin , 
et  s'il  est  si  oublié  aujourd'hui ,  il  ne  le  faut  attribuer  qu'à 
cette  triste  indifférence  pour  les  formes  religieuses  qui  avait 
glacé  nos  pères,  jusque-là  qu'au  dix-huitième  siècle,  on  a 
pu  renverser,  en  France,  toute  l'ancienne  Liturgie  et  en 
substituer  une  nouvelle,  sans  que  les  populations  s'en  soient 
émues.  Les  Offices  qu'expose  Durand  ne  sont  plus  ceux  qu'on 
célèbre  dans  nos  Eglises,  et  c'est  ce  qui  embarrassera  tant  soit 
peu  nos  modernes  archéologues  qui ,  ayant  par  hasard  ren- 
contré Durand,  dans  la  poudre  des  bibliothèques,  essaieront 
de  s'en  s(>rvir  pour  expliquer  le  culte  exercé  aujourd'hui 
dans  nos  Cathédrales.  Au  reste,  si  quelqu'un  d'entre  eux 
devait  un  jour  parcourir  ces  lignes ,  nous  prendrons  la  H- 
berlé  de  lui  dire  que  Durand ,  qui  peut  être  d'un  si  grand 


556  INSTITUTIONS 

secours  pour  l'interprétation  des  mythes  (  comme  l'on  dit  ) 
du  Catholicisme  au  moyen-âge,  n'est  que  le  compilateur 
des  avis  émis  par  les  Liturgistes  qui  l'ont  précédé,  depuis 
l'âge  des  Pères  de  l'Eglise  ;  et  que ,  dans  la  partie  de  son  tra- 
vail qui  lui  appartient  en  propre,  il  n'est  pas  toujours  sûr 
de  prendre,  pour  le  génie  de  l'Eglise,  les  explications  qu'il 
donne.  Son  livre  est  une  Somme .  il  est  vrai  ;  mais  tout  ce  qu'il 
renferme  doit  être  jugé  dans  ses  rapports  avec  les  traditions 
de  l'antiquité.  En  un  mot ,  le  Rational  de  Durand  est  un  mo- 
nument dont,  après  tout,  la  science  liturgique  pourrait  se 
passer  ;  car  l'origine  de  cette  science  remonte  aux  premières 
traditions  du  Christianisme,  d'où  elle  est  venue  jusqu'ici  de 
bouche  en  bouche,  toute  vivante,  et  sans  avoir  besoin  que 
la  science  profane  la  restaure.  L'état  de  la  France ,  quant  à 
la  Liturgie ,  n'est  qu'un  fait  isolé  et  passager,  nous  l'espérons 
du  moins;  car  s'il  est  vrai  de  dire  que  Durand, s'il  revivait 
aujourd'hui,  ne  comprendrait  plus  rien  à  la  Liturgie  de 
Mende,  sa  propre  Eglise,  de  Lyon,  de  Paris,  etc.,  il  pour- 
rait ,  du  moins ,  en  franchissant  les  frontières  de  notre  pays, 
retrouver  en  tous  heux  de  l'Occident  ces  formules  saintes 
qu'il  a  commentées  avec  tant  d'amour. 

Nous  devons  dire,  à  la  gloire  de  la  science  liturgique  et  à 
celle  de  Guillaume  Durand ,  en  particulier,  que  le  Rationale 
divinorum  Officiorum  fut  le  premier  livre  imprimé  avec  des  ca- 
ractères métalliques ,  préférence  qui  montre  grandement  le 
respect  qu'on  lui  portait.  Il  parut  en  14o9,  à  .Mayence ,  et  on 
lit,  sur  la  dernière  page  de  cette  édition,  les  paroles  sui- 
vantes :  Prœsens  Rationalis  divinorum  Codex  Officiorum , 
'  venustate  capitalium  decoratus  ,  rnhrkationihusque  distinc- 
'tus ,  adinventione  artificiosa  imprimendi  ac  caracterizandi , 
*  ubsque  calami  exaratione  sic  Cifigiatus,  et  ad  Eusehiam  Dei 
industrie  est  consummatm  per  Johannem  Fust ,  civcm  Ma- 


LITURGIQUES.  557 

gunlinum,  et  Pelrum  Gcrnzheini  Clcricmn  Dioeesis  ejusdem , 
anno  Domini  milesimo quadringentesimo quinquagesimo nono. 
Sexto  die  octobris .  On  voit,  par  celle  inscription  que  nous 
avons  conservée  avec  toutes  ses  incorrections,  comment  les 
souvenirs  de  la  science  liturgique  s'unissent  à  l'une  des  plus 
grandes  et  des  plus  glorieuses  entreprises  de  l'humanité. 

(1293).  Ignace  V,  Patriarche  des  Jacobites,  a  composé  une 
Anaphore  qui  est  comprise  dans  la  collection  de  Renaudot. 

(1296).  Ebediesu,  Métropolitain  de  Soba,  pour  la  secte 
des  Nestoriens ,  a  laissé  un  livre  intitulé  :  Margaritœ  de  veri^ 
tate  fideij  dans  lequel  il  traite  un  grand  nombre  de  questions 
de  Liturgie. 

(4297).  Engelbert,  Abbé  Bénédictin  enStyrie,  écrivit  une 
explication  des  sept  grandes  Antiennes. 

(1297).  Jean ,  Diacre ,  Chanoine  de  la  Basilique  de  Latran, 
dédia  au  Pape  Alexandre  IV,  un  livre  curieux  intitulé  :  De 
Sanctis  Sanctorum,  dans  lequel  il  parle  des  antiquités  litur- 
giques de  cette  Mère  et  Maîtresse  des  Eglises. 

(1300).  Pierre,  Chantre  et  Chancelier  de  l'Eglise  de  Char- 
tres, a  laissé  un  traité  sous  ce  titre  :  Spéculum  Ecclesiœ^ 
sive  Manuale  mysterionim  Ecclesiœ. 

Nous  concluerons  ce  chapitre  par  les  remarques  suivantes  : 

La  Liturgie,  au  treizième  siècle  comme  dans  tous  les 
autres,  fut  l'expression  de  l'Eglise.  Les  nouveaux  Ordres 
Religieux  qu'elle  enfanta  montrèrent  leur  action  sur  la  Li- 
turgie ,  comme  sur  le  principal  théâtre  des  institutions  ec- 
clésiastiques :  le  Bréviaire  universel  fut  Franciscain  ;  la 
Solennité  nouvelle  du  Saint-Sacrement  reçut  de  la  main  d'un 
Dominicain  une  partie  de  sa  grandeur. 

Cette  époque  de  synthèse  théologique  produisit  aussi  la 
synthèse  liturgique  de  Durand. 

L'antique  dépôt  de   la   Liturgie  demeura  intact  dans 


358  INSTITUTIONS 

toutes  ses  parties,  ei  après  la  correction  Franciscaine,  on 
put  dire  encore  que  l'Eglise  d'Occident  ne  connaissait  point, 
quant  à  la  substance,  d'autres  formes  liturgiques  que  celles 
qu'avait  résumées  saint  Grégoire  le  Grand ,  et  que  Charle- 
magne  et  saint  Grégoire  VU  avaient  achevé  d'établir  dans 
l'Eglise  Latine. 

Le  chant  ecclésiastique  fit  des  progrès  en  rapport  avec  la 
beauté ,  la  noblesse ,  l'harmonie  des  lignes  de  l'architecture 
de  ce  plus  brillant  des  siècles  de  la  Chrétienté  occidentale. 


i 


LITURGIQUES.  359 


CHAPITRE  XIII. 

ALTÉRATION  DE  LA  LITURGIE  ET  DU  CHANT,  DURANT  LES 
QUATORZIÈME  ET  QUINZIÈME  SIÈCLES.  NÉCESSITÉ  D'uNE  RÉ- 
FORME. —  LÉON  X.  CLÉMENT  VU.  PAUL  III.  —  FERRERI  ET 
QUIGNONEZ.  —  BURCIIARD  ET  PARIS  DE  CRASSIS.  —  LITUR- 
GISTES   DES   QUATORZIÈME   ET   QUINZIÈUS   SIÈCLES. 

Il  était  difficile  que  la  Liturgie ,  après  la  correction  Fran- 
ciscaine ,  se  maintînt  dans  une  entière  pureté.  Le  Siège 
Apostolique  n'avait  point  obligé  les  Eglises  à  recevoir  les 
livres  ainsi  réformés,  et  Facloplion  qu'on  en  avait  faite  en 
plusieurs  lieux  avait  été  purement  facultative.  D'un  autre 
côté ,  dans  les  endroits  oii  cette  adoption  avait  lieu ,  on  re- 
tenait beaucoup  d'anciens  usages  qui  accroissaient  encore 
la  confusion;  en  même  temps  qu'une  dévotion  ardente  char- 
geait de  jour  en  jour  le  Calendrier  de  nouveaux  Saints,  avec 
des  Offices  plus  ou  moins  corrects. 

Quoique  l'ancien  fond  de  la  Liturgie  Romaine  restât  tou- 
jours, ainsi  qu'on  peut  s'en  convaincre  en  feuilletant  les 
livres  qui  nous  restent  encore ,  il  est  facile  de  penser  quelle 
anarchie  de  détail  devait  exister  dans  les  usages  des  différens 
Diocèses.  L'imprimerie  manquant  pour  multiplier  des  exem- 
plaires uniformes,  on  était  réduit  an  dangereux  procédé 
des  copies  manuscrites  dont  il  fallait  subir  toutes  les  in- 
corrections. Ces  copies  n'étaient  pas  seulement  corrompues 
par  l'ignorance ,  ou  l'incurie  de  leurs  auteurs  ;  mais  elles 
se  chargeaient  d'une  foule  d'additions  grossières  et  même 
superstitieuses,  ainsi  qu'on  le  peut  voir  par  les  ordonnances 


360  INSTITUTIONS 

des  Conciles  qui  se  plaignent  souvent,  durant  les  quinzième 
el  seizième  siècles,  des  alnis  en  ce  genre. 

Ces  additions  consistaient  principalement  en  des  histoires 
apocryphes,  inconnues  aux  siècles  précédens  ,  quelquefois 
même  rejetées  par  eux,  et  qu'on  avait  introduites  dans  les 
Leçons,  les  Hymnes,  ou  les  Antiennes;  en  des  formules  bar- 
bares insérées  pour  complaire  à  un  peuple  grossier  ;  en  des 
Messes  Votives  qui  prenaient  la  place  des  Messes  ordinaires 
et  qui  présentaient  des  circonstances  superstitieuses  dans 
leur  nombre,  ou  dans  le  rite  qu'on  devait  y  garder;  en 
des  Bénédictions  inconnues  à  toute  l'antiquité ,  et  placées 
furtivement  dans  les  livres  ecclésiastiques  par  de  simples  par- 
ticuliers. En  un  mot ,  au  lieu  d'être  la  règle  vivante ,  l'ensei- 
gnement ,  la  loi  suprême  du  peuple  Chrétien,  la  Liturgie  était 
tombée  au  service  des  passions  populaires ,  et  certaines  Ac- 
tions ,  qui  étaient  parfaitement  à  leur  place  dans  les  Mystères 
que  représentaient  les  Clercs  de  la  Bazoche,  avaient  trop 
souvent  envahi  les  Livres  de  l'Autel  el  ceux  du  Chœur.  Pour 
comprendre  toute  l'étendue  des  abus  dont  nous  parlons,  il  ne 
faut  que  se  rappeler  le  sang-froid  avec  lequel  le  clergé  livrait 
les  Cathédrales  aux  farces  étranges  de  la  fête  de  l'Ane  et  de 
la  fête  des  Fous  ;  on  pourra  s'imaginer  alors  jusqu'à  quel 
point  cette  famiUarité  dans  les  choses  les  plus  sacrées  du  cuUe 
divin  compromettait  la  pureté  de  la  Liturgie. 

Au  siècle  dernier,  c'était  la  mode  de  vihpender  le  moyen- 
âge  ,  comme  une  époque  de  barbarie  ;  aujourd'hui,  et  très- 
heureusement,  la  mode  semble  être  d'exalter  les  siècles  qu'on 
appelle  siècles  Catholiques.  Assurément ,  il  y  a  un  grand  pro- 
grès dans  ce  mouvement  ;  mais  quand  on  aura  étudié  davan- 
tage ,  on  trouvera  que  le  douzième  et  le  treizième  siècles , 
bien  supérieurs  sans  doute  à  ceux  qui  les  ont  suivis  jus- 
qu'ici ,  nous  en  convenons  de  grand  cœur,  eurent  aussi  leurs 


LITURGIQUES.  3(Jl 

misères.  Si  donc  nous  relevons  en  eux  les  inconvéniens  graves 
et  nombreux  de  l'ignorance  et  de  la  superstition,  nous  parlons 
comme  les  Conciles  et  les  Docteurs  de  ces  temps  héroïques; 
mais  par  la  nature  mcme  des  reproches  que  nous  leur  adres- 
sons ,  nous  les  meltows  déjà  infiniment  au-dessus  des  siècles 
que  dégradent  le  rationalisme  et  les  doctrines  matérialistes. 

L'antique  dépôt  de  la  Liturgie  courait  donc  de  grands 
risques,  au  milieu  de  cette  effervescence  d'un  zèle  peu  éclairé 
qui  produisait  de  jour  en  jour,  en  tousdieux ,  des  dévotions 
chevaleresques.  La  Liturgie,  comme  la  foi  chrétienne,  appar- 
tient à  tous  les  siècles.  Tous  l'ont  professée ,  tous  l'ont  ornée 
de  quelques  fleurs;  mais  il  n'eùl  pas  été  juste  que  l'antique 
fond  élaboré  par  les  Léon ,  les  Gélase ,  les  Grégoire-le-Grand, 
fût  totalement  recouvert  par  les  superfétations  de  deux  ou 
trois  siècles  privilégiés  qui,  ravisseurs  injustes  de  la  gloire 
des  âges  précédens ,  enlevassent  aux  suivans  l'honneur  et  la 
consolation  d'écrire  aussi  leur  page  au  livre  des  prières  de 
l'EgHse,  et,  par  elle,  du  genre  humain.  La  fête  et  FOITice  du 
Saint-Sacrement  est  la  seule  oeuvre  liturgique  que  l'Eglise 
ait  voulu  garder  de  ce  treizième  siècle  si  fécond  d'ailleurs  en 
toutes  sortes  d'inspirations  pieuses;  et,  certes,  la  gloire  de 
ce  siècle  est  grande  d'avoir  doté  le  peuple  Chrétien  d'une  si 
sublime  institution,  que  l'on  serait  tenlé  de  la  regarder 
comme  le  coniplément  de  l'Année  Liturgique ,  si  l'on  ne  sa- 
vait d'ailleurs  (lue  l'Epoux  ne  cesse  jamais  de  révéler  à  l'E- 
pouse de  nouveaux  secrets. 

Un  grave  péril,  outre  celui  dont  nous  parlons,  était  né  de 
l'anarchie  en  matière  liturgique.  L'œuvre  d'unité  accomplie 
par  Charlema^.ne  et  les  Pontifes  Romains,  en  même  temps 
qu'elle  garanhîsalt  la  pureté  de  la  foi,  consolidait  une  na- 
tionalité uniqie  en  Occident.  C'était  ce  grand  bien  que 
les  Rois  guerriers  et  législateurs  de  l'Espagne,  d'accord  avec 


362  INSTITUTIONS 

saint  Grégoire  VU,  avaient  voulu  assurer  à  leurs  peuples, 
en  etnbrassant  la  Liturgie  Romaine.  Mais  si  celte  Liturgie, 
livrée  aux  caprices  des  hommes,  venait  à  se  morceler  non 
seulement  par  nations ,  mais  par  Diocèses  et  par  Eglises , 
où  était  le  fruit  de  tant  d'efforts  entrepris  pour  détacher 
de  leurs  anciens  usages  les  peuples  retombant  dans  un  état 
au-dessous  du  premier  ?  Dans  un  temps  plus  ou  moins 
long ,  la  prière  cessait  d'être  commune  entre  les  diverses 
races  européennes,  l'expression  de  la  foi  s'altérait,  la  loi 
même  était  menacée.  Nous  verrons  plus  loin  les  mesures  que 
prit  Rome  pour  ramener  l'unité,  et  le  succès  dont  elles 
furent  couronnées. 

Au  reste,  en  subissant  une  dégradaliou  ,  dans  les  quator- 
zième et  quinzième  siècles,  la  Liturgie  suivit,  comme  tou- 
jours, le  sort  de  l'Eglise  elle-même.  L'abaissement  de  la 
Papauté,  après  Roniface  VIII ,  le  séjour  des  Papes  à  Avignon, 
le  grand  Schisme  ,  les  saturnales  de  Constance  et  de  Baie , 
expliquent  plus  que  suffisamment  les  desordres  qui  servirent 
de  prétexte  aux  entreprises  de  la  prétendue  Réforme.  Nous 
plaçons  l'altération  de  la  Liturgie  au  rang  des  malheurs  que 
l'on  eut  alors  à  déplorer.  Aussi,  verrons-nous  le  saint  Concile 
de  Trente  préoccupé  du  besoin  d'une  réforme  sur  cet  ar- 
ticle ,  comme  sur  les  autres.  Mais  nous  ne  devons  point  anti- 
ciper sur  ce  qui  nous  reste  à  dire  :  nous  n'avons  pas  encore 
signalé  tous  les  abus  qui  s'introduisirent  dans  les  formes  du 
culte,  aux  quatorzième  et  quinzième  siècles. 

L'architecture  religieuse ,  surtout  durant  le  quinzième 
siècle  et  une  partie  dn  seizième,  présenterait  à  elle  seule  de 
graves  sujets  de  plainte.  Cet  art  si  pur,  si  inspiré,  si  divin  au 
treizième  siècle,  se  prostitua  bientôt  jusqu'à  donner  l'ignoble 
caricature  des  choses  saintes ,  non  seulement  sur  les  galeries 
extérieures,  mais  jusque  sur  les  chapiteaux  et  les  boiseries 


LITURGIQUES.  56â 

du  sanctuaire.  Des  images  indécentes  de  Clercs  et  de  Moines 
souillèrent  les  abords  de  ces  niches  où  Tâge  de  saint  Louis 
avait  placé  l'efligie  placide  et  pure  des  Bienheureux  et  de  la 
Reine  des  Anges.  Rabelais  n'cîst  pas  plus  cynique  ,  pas  plus 
indignement  contempteur  du  Sacerdoce  Chrétien ,  que  cer- 
tains architectes  et  sculpteurs  de  l'époque  que  nous  racon- 
tons. Ajoutons  à  cela  la  confusion ,  la  bizarrerie  ,  le  caprice 
de  l'ornementation,  ouvrant  la  porte  aux  formes  payennes, 
aux  mélanges  si  déplacés  des  symboles  mythologiques  les  plus 
charnels  avec  les  emblèmes  mystiques  de  notre  culte.  Nous 
ne  faisons  qu'indiquer  ici  les  traits  généraux  ;  mais  il  faut 
bien  comprendre  que  si  le  paganisme  recommença  dans  les 
arts ,  au  seizième  siècle ,  la  place  lui  avait  été  préparée  de 
longue-main  par  la  frivolité  et  l'extrême  liberté  dans  les- 
quelles s'était  jeté  déjà  l'art  du  moyen -âge.  Sachons-le 
bien  ,  il  y  avait  deux  peuples  ,  dans  nos  siècles  Catho- 
liques ,  comme  aujourd'hui  :  seulement  les  enfans  de  Dieu 
étaient  plus  forts  et  plus  nombreux  que  les  enfans  des 
hommes. 

Le  chant  ecclésiastique ,  non  seulement  se  transforma  à 
cette  époque ,  mais  failUt  périr  à  jamais.  Ce  n'était  plus  le 
temps  où  le  Répertoire  Grégorien  demeurant  intact ,  on 
ajoutait  pour  célébrer  plus  complètement  certaines  solen- 
nités locales,  ou  pour  accroître  la  majesté  des  fêtes  univer- 
selles, des  morceaux  plus  ou  moins  nombreux,  d'un  caractère 
toujours  religieux,  empruntés  aux  Modes  antiques,  ou  du 
moins  rachetant ,  par  des  beautés  originales  et  quelquefois 
sublimes ,  les  dérogations  qu'ils  faisaient  aux  règles  consa- 
crées. Les  quatorzième  et  quinzième  siècles  virent  le  Déchant, 
c'est  ainsi  que  l'on  appelait  le  chant  exécute  en  parties  sur  le 
Motif  Grégorien ,  absorber  et  faire  disparaître  entièrement , 
sous  de  bizarres  et  capricieuses  inflexions ,  toute  la  majesté , 


364  INSTITUTIONS 

toute  l'onction  des  morceaux  antiques.  La  phrase  vénérable 
du  chant,  trop  souvent,  d'ailleurs,  altérée  par  le  mauvais 
goût,  par  l'infidélité  des  copistes ,  succombait  sous  les  efforts 
de  cent  musiciens  profanes  qui  ne  cherchaient  qu'à  donner 
du  nouveau ,  à  mettre  en  évidence  leur  talent  pour  les  ac- 
cords et  les  variations.  Ce  n'est  pas  que  nous  blâmions 
l'emploi  bien  entendu  des  accords  sur  le  plain-chant ,  ni  que 
nous  réprouvions  absolument  tout  chant  orné ,  par  cela  seul 
qu'il  n'est  pas  à  l'unisson;  nous  croyons  même,  avec  l'Abbé 
Le  Beuf ,  que  l'origine  première  du  Déchant ,  qu'on  appelle 
aujourd'hui  Contrepoint^  ou  Chant  sur  le  livre  j  doit  être  rap- 
portée aux  chantres  Romains  qui  vinrent  en  France ,  au 
temps  de  Charlemague  (1).  Mais  l'Esprii.  Saint  n'avait  point 
en  vain  choisi  saint  Grégoire  pour  l'organe  des  mélodies  ca- 
tholiques ;  son  œuvre ,  réminiscence  sublime  et  inspirée  de 
la  musique  antique,  devait  accompagner  l'Eglise  jusqu'à  la 
fin  des  temps.  Il  devint  donc  nécessaire  que  la  grande  voix 
du  Siège  Apostolique  se  fit  entendre ,  et  qu'une  réprobation 
solennelle  fût  portée  contre  les  novateurs  qui  voulaient  don- 
ner une  expression  humaine  et  terrestre  aux  soupirs  célestes 
de  l'Eglise  du  Christ.  Et  afin  que  rien  ne  manquât  à  la  pro- 
mulgation de  l'arrêt ,  il  dut  être  inséré  au  corps  du  Droit 
Canonique ,  où  il  condamne  à  jamais  non  seulement  les  scan- 
dales du  quatorzième  siècle ,  mais  aussi  et  à  plus  forte  raison 
ceux  qui,  de  nos  jours  encore,  profanent  un  si  grand  nombre 
d'EgUses ,  en  France  et  ailleurs.  Or ,  voici  les  paroles  de 
Jean  XXII ,  dans  sa  fameuse  Bulle  Docta  sanctorum ,  donnée 
en  1322 ,  et  placée  en  tête  du  troisième  livre  des  Extra- 
vagantes Communes  y  sous  le  Titre  de  Vita  et  Honestate  cle- 
ricorum,. 

(1)  Traité  historique  du  Chant  Ecclésiastique ,  pag.  75. 


LITURGIQUES.  565 

t  La  docte  autorité  des  Saints  Pères  a  décrété  que,  durant 
»  les  Offices  par  lesquels  on  rend  à  Dieu  le  tribut  delà  louange 
"Ct  du  service  qui  lui  sont  dus,  l'âme  des  fidèles  serait  vigi- 
î  lante,  qne  les  paroles  n'auraient  rien  d'offensif,  que  la  gra- 
îvilé  modeste  de  la  psalmodie  ferait  entendre  une  paisible 
^  modulation  ;  car  il  est  écrit  :  Dans  leur  bouche  résonnait  un 
T>  son  plein  de  douceur.  Ce  son  plein  de  douceur  résonne  dans 
>  la  bouche  de  ceux  qui  psalmodient ,  lorsqu'en  même  temps 
»  qu'ils  parlent  de  Dieu  ,  ils  reçoivent  dans  leur  cœur  et  al- 
jlument,  par  le  cliant  même,  leur  dévotion  envers  lui.  Si 
»  donc  ,  dans  les  Eglises  de  Dieu ,  le  chant  des  psaumes 
»  est  ordonné ,  c'est  afin  que  la  piété  des  fidèles  soit  excitée. 
j  C'est  dans  ce  but  que  l'Office  de  la  nuit  et  celui  du  jour, 
■D  que  la  solennité  des  Messes  ,  sont  assiduement  célébrés 
■»  par  le  clergé  et  le  peuple ,  sur  un  ton  plein  et  avec  grada- 
î  tion  distincte  dans  les  modes ,  afin  que  cette  variété  attache 
îct  que  cette  plénitude  d'harmonie  soit  agréable.  Mais  cer- 
»  tains  disciples  d'une  nouvelle  école,  mettant  toute  leur  at- 
stention  à  mesurer  les  temps,  s'appliquent,  par  des  notes 
»  nouvelles ,  à  exprimer  des  airs  qui  ne  sont  qu'à  eux ,  au 
3>  préjudice  des  anciens  chants  qu'ils  remplacent  par  d'autres 
»  composés  de  notes  demi-brèves  et  comme  imperceptibles. 
»  Ils  coupent  les  mélodies  par  des  hoquets,  les  efféminent  par 
ï  le  Déchant,  les  fourrent  quelquefois  de  triples  et  de  motets 
»  vulgaires  ;  en  sorte  qu'ils  vont  souvent  jusqu'à  dédai- 
»  gner  les  principes  fondamentaux  de  l'Antiphonaire  et  du 
»  Graduel,  ignorant  le  fond  même  sur  lequel  ils  bâtissent,  ne 
«discernant  pas  les  tons ,  les  confondant  même,  faute  de  les 
»  connaître.  La  multitude  de  leurs  notes  obscurcit  les  dédue- 
»  tions  et  les  réductions  modestes  et  tempérées,  au  moyen  des- 
»  qu(!lles  ces  tons  se  distinguent  les  uns  des  autres  dans  le 
')  plain-chant.  Ils  courent  et  ne  font  jamais  de  l'epos  ;  enivrent 


566  INSTITUTIONS 

»  les  oreilles  et  ne  guérissent  point  ;  imitent  par  des  gestes 
»  ce  qu'ils  font  entendre  :  d'où  il  arrive  que  la  dévotion  que 
>ron  cherchait  est  oubliée,  et  que  la  mollesse  qu'on  de- 
»  vait  éviter  est  montrée  au  grand  jour.  Ce  n'est  pas  en  vain 
»  que  Boëce  a  dit  :  Un  esprit  lascif  se  délecte  dans  les  modes 
»  lascifs,  ou  au  moins,  s'amollit  et  s'énerve  à  les  entendre 

>  souvent.  C'est  pourquoi,  Nous  et  nos  Frères,  ayant  remar- 
»  que  depuis  long-temps  que  ces  choses  avaient  besoin  de 

>  correction,  nous  nous  mettons  en  devoir  de  les  rejeter  et  re- 
»  léguer  efficacement  de  l'Eglise  de  Dieu.  En  conséquence, 
»  du  conseil  de  ces  mêmes  Frères ,  nous  défendons  expressé- 
»ment  à  quiconque  d'oser  renouveler  ces  inconvenances, 
»ou  semblables  dans  lesdits  Offices,  principalement  dans  les 
»  Heures  Canoniales,  ou  encore  dans  la  célébration  des  Messes 
«solennelles.  Que  si  quelqu'un  y  contrevient,  qu'il  soit,  par 
»  l'autorité  du  présent  Canon,  puni  de  suspension  de  son 
»  Office  pour  huit  jours,  par  les  Ordinaires  des  lieux  où  la 
»  faute  aura  été  commise,  ou  par  leurs  délégués,  s'il  s'agit 
ïde  personnes  non  exemptes;  et,  s'il  s'agit  d'exempts,  par 
»  leurs  Prévôts  ou  Prélats,  auxquels  appartiennent  d'ailleurs  la 
î  correction  et  punition  des  coulpes  et  excès  de  ce  genre  ou 
j)  semblables ,  ou  encore  par  les  délégués  d'iceux.  Cependant 
t  nous  n'entendons  pas  empêcher  par  le  présent  Canon  que , 
»  de  temps  en  temps,  dans  les  jours  de  fêtes  principalement 
»  et  autres  solennités ,  aux  Messes,  et  dans  les  divins  Offices 
«susdits,  on  puisse  exécuter,  sur  le  chant  ecclésiastique 
»simple,  quelques  accords ,  pour  la  mélodie,  par  exemple  à 
«l'octave,  à  la  quinte,  à  la  quarte  et  semblables  (mais  tou- 
3> jours  de  façon  que  l'intégrité  du  chant  demeure  sans  at- 
»  teinte,  et  qu'il  ne  soit  rien  innové  contre  les  règles  d'une 
«musique  conforme  aux  bonnes  mœurs);  attendu  que  les  ac- 
«cords  de  ce  genre  flattent  l'oreille ,  excitent  la  dévotion ,  et 


LITURGIQUES.  367 

»  défendent  de  l'ennui  l'esprit  de  ceux  qui  psalmodient  la 
«louange  divine  (1).  » 

C'est  ainsi  que  dans  tous  les  temps,  à  Avignon  comme  à 
Home ,  la  Papauté  enseignait  le  monde ,  avec  cette  admi- 
rable précision  qui  concilie  l'inviolabilité  des  principes 
catholiques  et  le  véritable  progrès  de  l'art.  Elle  maintient 
fortement  la  dignité  ,  la  gravité  du  chant  ;  maïs  elle  ne 
proscrit  pas ,  elle  encourage  même  une  musique  sainte  et 
mélodieuse  qui  élève  l'âme  à  Oieu,  sans  la  dissiper,  qui  fait 
valoir  et  n'étouffe  pas  l'antique  et  sacré  rythme  que  toutes 
les  générations  ont  répété.  Nous  verrons  plus  loin  la  suite 
des  efforts  que  firent  les  Pontifes  Romains  pour  l'amélioration 
de  la  musique,  à  l'époque  de  la  grande  Réforme  Catho- 
lique. 

Celte  Réforme  Catholique  fut  précédée,  comme  l'on  sait, 
de  plusieurs  tentatives  infructueuses ,  mais  qui  attestaient  le 
malaise  qu'on  éprouvait  de  toutes  parts.  Les  audacieuses 
ordonnances  de  Constance  et  de  Bâle ,  pour  la  réformation 
de  l'Eglise  dans  son  Chef  et  dans  ses  membres^  comme  on  par- 
lait alors,  rencontrèrent  dans  les  Pontifes  Romains  la  résis- 
tance qu'elles  devaient  rencontrer ,  et  Eugène  IV,  Nicolas  V 
et  Pie  II ,  seront  à  jamais  bénis  pour  n'avoir  pas  tenu  compte 
des  insolentes  fulminations  qui  furent  lancées  de  leur  temps 
contre  la  Chaire  de  saint  Pierre.  Toutefois ,  les  successeurs 
de  ces  immortels  Pontifes  ayant  dégénéré  de  leur  vertu  ;  après 
Sixte  IV,  Innocent  VIII ,  Alexandre  VI ,  on  vit  Jules  II  et 
Léon  X,  qui  pourtant  n'étaient  pas  de  la  race  des  hommes 
par  lesquels  devait  être  sauvé  Israël ,  entreprendre  l'œuvre 
de  la  réformation.  Le  cinquième  Concile  de  Latran,  et  les 
Bulles  qui  l'accompagnent,  sont  un  monument  de  ce  zèle 

(I)  Vid.  la  note  A. 


568  INSTITUTIONS 

auquel  il  ne  manqua  que  la  persévérance  pour  opérer  des 
fruits  durables. 

La  Liturgie  sembla  dès-lors  un  objet  fait  pour  attirer  l'at- 
tention des  Réformateurs  Apostoliques  ;  mais  comme  le  mal- 
heur de  ces  temps  était  qu'on  n'apercevait  pas  toute  la 
grandeur  de  la  plaie  à  guérir,  il  arriva  aussi  que ,  faute  de 
maturité  dans  lesjugemens,  on  ne  se  préoccupa  guère  que 
de  la  forme  extérieure  qui,  en  effet,  était  vicieuse.  Mais  le 
moment  était  mal  choisi  pour  décider  sur  la  forme  la  meil- 
leure, alors  que  Rome  subissait  les  influences  de  cette  Htté- 
rature  profane  que  l'étude  trop  exclusive  des  classiques  grecs 
et  latins  avait  enfantée.  La  première  pensée  de  corriger  la 
Liturgie  vint  à  Léon  X,  au  moment  où  la  cour  Romaine  était 
peuplée  de  poètes  et  de  prosateurs  dont  le  goût  ne  pouvait 
supporter  la  barbarie  du  Latin  ecclésiastique.  Celui-ci  dési- 
gnait le  Dieu  des  Chrétiens  sous  le  nom  de  Numen,  la  Vierge 
Marie  sous  celui  d^Alma  Parens;  celui-là  récitait  ses  Heures 
en  Grec,  ou  en  Hébreu;  tel  autre  avait  suspendu  la  lecture 
des  Epîtres  de  saint  Paul ,  dans  la  crainte  de  compromettre 
la  pureté  de  son  goût.  On  trouva  donc  que  le  principal  dé- 
faut de  la  Liturgie  était  l'incorrection  du  style  ,  et,  sans  se 
préoccuper  des  droits  que  l'antiquité  donne  aux  formules 
sacrées,  sans  songer  que  le  respect  de  cette  vénérable  anti- 
quité exigeait  simplement  qu'on  élaguât  les  additions  et  in- 
terpolations indiscrètes,  on  crut,  dans  ce  siècle  de  poésie, 
que  la  principale  chose  à  réformer  tout  d'abord  était  VHym- 
naire.  Mais  veut-on  savoir  comment  on  s'y  prit  ?  Le  génie  du 
catholicisme,  dans  tous  les  temps,  a  été  d'améliorer,  de 
compléter,  de  réformer  ;  la  destruction  violente  d'usages  suivis 
durant  des  siècles,  et  la  substitution  soudaine  de  formes  toutes 
nouvelles  aux  anciennes,  est  sans  exemple  dans  ses  annales. 
C'est  pourtant  ce  qui  serait  arrivé,  si  la  Providence  eût  permis 


LITURGIQUES.  369 

«liic  le  projet  de  Léon  X  eût  réussi.  Ce  Pontife  donna  ordre  à 
Z;.charie  Ferrcri  de  Vicence ,  Evêque  de  la  Guarda,  de  com- 
poser un  recueil  d'Hymnes  pour  toutes  les  fêtes  de  l'année, 
et  d'y  employer  un  style  qui  fût  digne  de  la  littérature  du 
seizième  siècle.  Le  Prélat  mit  tous  ses  soins  à  cette  œuvre  ; 
mais  Léon  X ,  enlevé  par  la  mort ,  ne  put  jouir  par  lui-même 
du  fruit  des  travaux  de  Ferreri.  L'ouvrage  ne  vit  le  jour  que 
sous  Clément  VII ,  successeur  de  Léon  X ,  et ,  comme  lui , 
grand  amateur  de  l'ingénieuse  antiquité. 

En  1525,  on  vit  paraître  à  Rome  le  recueil  tant  attendu  ; 
il  portait  ce  titre  magnifique  que  nous  transcrivons  ici  en  en- 
tier, attendu  que  l'ouvrage  est  devenu  rare  : 

Zachariœ  Ferrerii  Vicentini,  Pont.  Gardien.  Hymni  novi 
ecclesiastici .  juœta  veram  metri  et  latinitatis  normam  a  Bea- 
tissimo  Pâtre  Clémente  VIL  Pont.  Max.  ut  in  divinis  quis- 
que  eis  uti  possit  approbati,  et  novis  Ludovict  Vicentini,  ac 
Lautitii  Perusini  characteribus  in  lucem  traditi.  Sanctiim  ac 
necessarium  opus. 

Breviarium  Ecclesiasticum  ab  eodem  Zacharia  longe  bre- 
vius  et  facilius  redditum  et  ab  omni  errore  piirgatum  prope 
diem  exibit. 

A  la  fin  du  volume ,  on  lit  ces  paroles  :  Impressum  hoc  di- 
vinum  opus  Romœ ,  in  œdibus  Ludovici  Vicentini  et  Lautitii 
Perusini ,  non  sine  privilcgio.  Kal.  Febru.  MDXXV. 

L'ouvrage  lui-même  répond  parfaitement  à  une  si  fas- 
tueuse annonce.  Les  Hymnes  qu'il  contient  sont  telles  qu'on 
avait  droit  de  les  attendre  du  siècle  et  de  l'auteur.  Tout  y  est 
nouveau.  Les  Mystères  de  la  Naissance ,  de  la  Passion  ,  de  la 
Résurrection  du  Sauveur;  ceux  de  la  Pentecôte,  du  Saint- 
Sacrement;  les  fêtes  de  la  Sainte  Vierge  et  des  Saints  ;  tout, 
en  un  mot,  y  est  splendidement  célébré  dans  des  odes  qui 
n'ont  rien  de  commun  pour  la  l'orme ,  ni  pour  l'expression , 

i,  1.  24 


370  INSTITUTIONS 

avec  les  antiques  Hymnes  de  saint  Ambroise,  de  Prudence, 
et  des  autres  poètes  de  l'Eglise  Catholique.  En  revanche,  on  y 
trouve,  dans  la  plus  incroyable  naïveté,  toutes  les  images  et  les 
allusions  aux  croyances  et  aux  usages  payens  qu'on  pourrait 
rencontrer  dans  Horace.  INous  ne  citerons  qu'un  seul  trait  : 
Ferreri  ayant  à  raconter  l'élection  de  saint  Grégoire  à  la  Pa- 
pauté, dit  naïvement  que  les  Flamines  le  choisirent  pour 
Pontife  Souverain.  Toutefois ,  pour  être  juste,  il  faut  dire 
aussi  que  plusieurs  de  ces  Hymnes  sont  siiijples  et  belles , 
pai'  exemple  celle  des  Apôtres,  Gaudete,  mundi  princij)es  ; 
celle  en  l'honneur  de  la  Sainte  Vierge  :  0  noctis  illustratio. 
Dans  un  grand  nombre  d'autres,  les  figures  tirées  de  l'E- 
criture Sainte,  les  souvenirs  empruntés  aux  traditions  ca- 
tholiques sur  les  Saints,  leurs  actions  et  leurs  attributs, 
jettent  un  certain  charme  sur  ces  compositions,  en  dépit  de  la 
forme  trop  servilement  imitée  des  œuvres  d'une  littérature 
payenne.  En  un  mot,  telles  qu'elles  sont,  ces  Hymnes  sont 
certainement  préférables  à  la  plupart  de  celles  qui  ornent 
les  modernes  Bréviaires  de  France ,  et  parce  qu'elles  sont 
au  fond  l'œuvre  d'une  inspiration  forte  et  pure,  qui  se  re- 
connaît encore  à  travers  le  masque  de  la  diction  classique , 
et ,  surtout ,  parce  qu'elles  ont  été  approuvées  par  le  Saint- 
Siège  qui ,  s'il  a,  plus  tard,  révoqué  cette  sanction,  ne  l'eût 
du  moins  jamiiis  donnée  ,  si  ces  Hymnes  n'eussent  renfermé 
une  doctrine  pure. 

Par  un  Bref  du  onze  décembre  io23  ,  Clément  VII 
approuva  les  Hymnes  de  Ferreri.  Voici  les  paroles  remar- 
quables du  Pontife  :  «  L'Evêque  Ferreri ,  afin  d'accroître 
»  la  splendeur  du  culte  divin,  ayant  récemment  composé  pour 
»sa  consolation  spirituelle,  ot  pour  celle  des  fidèles  Chré- 
ï  tiens  et  principalement  des  Prêtres  lettrés,  plusieurs  Hymnes 
»  d'une  vraie  mesure  et  remarquables  pour  le  sens  et  la  la- 


LITURGIQUES.  Z*ïl 

»  Unité ,  lesquelles  sont  destinées  aux  diverses  fêtes  du  Dieu 
»  Tout-Puissant,  de  Marie  toujours  Vierge,  de  plusieurs  Saints, 
»et  aussi  pour  tout  le  cercle  de  l'année;^!  après  les  avoir 
s  l'éunics  dans  un  seul  volume,  et  soumises  à  l'approbation  de 
»  plusieurs  hommes  doctes  et  même  de  quelques-uns  de  nos 
»  frères  les  Cardinaux  de  la  sainte  Eglise  Romaine ,  les  ayant 
»  dédiées  et  offertes  à  Nous  et  au  Siège  Apostolique;  Nous, 
»  sachant  qu'il  est  écrit,  parmi  les  paroles  saintes,  que  le 
t  fruit  des  travaux  excellens  est  plein  de  gloire,  et  voulant 
»  que  tant  de  soins  n'aient  pas  été  dépensés  inutilement,  mais, 
»  au  contraire,  que  leur  produit  paraisse  en  lumière  et  serve 
»pour  l'avantage  commun  et  l'utilité  spirituelle  de  tous, 
> spécialement  des  Chrétiens  lettrés;  de  notre  propre  mou- 
ïvement  et  de  notre  science  certaine.  Nous  concédons  et 
»  mandons  d'Autorité  Apostolique ,  par  la  teneur  des  pré- 
»  sentes,  que  tout  fidèle,  même  Prêtre,  puisse  user  de  ces 
»  Hymnes,  même  dans  les  Offices  divins  (1).  » 
Ainsi ,  par  cette  mesure,  unique  jusqu'alors,  il  était  per- 

(1)  Cum  nuper  pro  divini  cultus  splendore  hymnos  ecclesiasticos 
variis  omnipotenlis  Dei,  et  Marite  semper  virginis,  et  plurium  sanc- 
torum  diebus  festis,  ac  toliusanui  circulo,  et  tempori  congiuentes 
veris  metris,  sensibus,  ac  laliniiate  pei-spicuos  pro  suo,  et  fidelium 
Christianorurn ,  peritorumque  prascipue  sacerdotum  solatio  spiritual! 
texuerit  (Ferrerius),  et  excusserit,  eosque  uno  volumiae  congestos , 
et  a  plerisque  viris  doctis,  etiam  nonnullis  ex  fratribus  nostris  S.  R.  E. 
Cardinalibus  célébrâtes,  Kobis,  et  Apostolicae  Sedi  dicaverit,  et  ob- 
tulerit  ;  Nos  animo  tenentes  in  sacro  eloquio  scriptum  esse  bonorura 
laborum  gloriosum  esse  fructum  ,  cupientcsque  tôt  studio  frustra  non 
esse  impensa,  sed  pro  coramuni  omnium  prsecipue  peritorum  Chris- 
tiauorum  fruge  ac  spirituali  utilitate  in  lucem  et  publicam  editionera 
prodire  et  in  usura  esse,  motu  proprio  et  ex  certa  nostra  scientia , 
lit  quilibet  etiam  sacerdos  eosdem  hymnos  etiam  in  diviuis  légère, 
et  eis  uti  possit ,  tenore  prtesentium ,  auctoritate  Apostolica  concedi- 
mus ,  et  mandamus.  (Ce  Bref  se  trouve  à  (a  lèle  du  recueil  des  Hymnes 
de  Ferreri. } 


372  INSTITUTIONS 

mis  à  tout  Ecclésiastique  de  se  servir  en  particulier  d'une 
forme  liturgique  qui  n'était  point  universelle  ;  le  choix  des 
prières  à  réciter,  au  moins  dans  une  certaine  proportion, 
était  livTé  à  la  volonté  de  chacun  ;  à  des  maux  publics  il  était 
apporté  un  remède  privé.  C'était  donc  encore  là  un  de  ces 
palliatifs  qui  ne  réformaient  rien  et  qui  n'appelaient  que  plus 
haut  la  grande  et  solide  réformation  du  Concile  de  Trente , 
et  des  Pontifes  qui  en  interprétèrent  et  en  appliquèrent  si 
énergiquement  les  décrets. 

On  a  dii  remarquer,  sur  le  titre  de  VHymnaire  de  Ferreri, 
l'annonce  d'un  nouveau  Bréviaire  élaboré  par  le  même,  et 
qui  est  recommandé  comme  devant  paraître  sous  une  forme 
plus  abrégée,  phis  simplifiée  queVàucieYi^ei  devant  être  exempt 
de  toute  erreur.  C'est  qu'en  effet,  il  ne  suffisait  pas  de  donner 
im  nouveau  recueil  d'Hymnes,  si  le  fond  de  l'Office  lui-même 
avait  besoin  de  réforme.  Toutefois,  on  conviendra  que  c'est 
une  singulière  idée  de  mettre  en  évidence ,  comme  la  pre- 
mière des  recommandations,  la  brièveté  du  Bréviaire  expurgé 
qu'on  veut  substituer  à  l'ancien.  La  longueur  des  prières  du 
divin  Service  ne  peut  pas  être  mise  au  rang  des  abus,  au 
même  titre  que  les  interpolations  de  faits  apocryphes  qui 
pouvaient  s'y  être  glissées.  Mais  tel  était  l'esprit  générai , 
durant  la  première  moitié  du  seizième  siècle.  On  sentait  qu'il 
y  avait  quelque  chose  à  faire,  et,  pour  le  découvrir,  on  t;l- 
tonnait,  on  cherchait  bien  loin  ce  qu'on  avait  sous  la  main. 
Saint  Pie  V  fit  autrement, 

Ferreri  étant  mort,  sans  avoir  pu  donner  son  Bréviaire 
abrégé j  Clément  Vil  chargea  de  l'exécution  de  ce  projet  le 
Cardinal  Français  Quignonez,  connu  sous  le  nom  de  Cardinal 
de  Sainte-Croix,  parce  qu'il  était  titulaire  de  Sainte-Croix 
en  Jérusalem.  Ce  Prélat,  qui  était  Franciscain  et  avait  été 
Général  de  son  Ordre,  s'occupa  activement  de  remplir  cette 


LITURGIQUES.  375 

mission,  et  enfin,  en  1535,  il  put  présenter  son  travail  à 
Paul  m  ,  successeur  de  Clément  VII.  Ce  Pape  l'ayant  ap- 
prouvé, le  Bréviaire  de  Quignonez  parut  à  Rome,  sous  ce 
titre  :  Breviarium  Romanum  ex  sacra  potissimum  scriptura 
etprobatis  sanctorum  historiis  collectum  et  concinnatum.  Pour 
mettre  le  lecteur  plus  à  môme  déjuger  cet  ouvrage,  nous 
traduirons  ici  une  partie  de  l'Epître  dédicatoire  à  Paul  III , 
que  le  Cardinal  a  placée  en  tête  de  son  Bréviaire. 

Quignonez  expose  d'abord  les  raisons  pour  lesquelles  l'E- 
glise a  fait  un  devoir  aux  Clercs  de  réciter  l'Office  canonial. 
Il  en  reconnaît  trois.  La  première  se  tire  de  la  consécration 
spéciale  qui  les  lie  au  service  de  Dieu  ;  la  seconde,  du  besoin 
qu'ils  ont  d'un  secours  contre  les  tentations  du  démon.  «  La 
»  troisième ,  dit-il ,  est  qu'élant  appelés  à  être  les  précepteurs 
ï  de  la  Religion ,  il  est  nécessaire  qu'ils  s'instruisent  par  la 
>  lecture  journalière  de  la  sainte  Ecriture  et  des  histoires 
»  ecclésiastiques,  et  que,  comme  dit  Paul,  ils  acquièrent  une 
»  diction  fidèle,  conforme  à  la  doctrine  ,  devant  être  puissans 
»  pour  exhorter  dans  une  saine  doctrine  et  pour  reprendre 
»ceux  qui  contredisent.  Que  si  quelqu'un  considère  avec 
»  soin  le  mode  de  prière  établi  par  la  tradition  des  anciens ,  il 
»  verra  claiiement  s'ils  ont  pris  garde  à  toutes  ces  choses  ; 
imais  il  est  arrivé,  je  ne  sais  comment,  par  la  négligence 
»  des  hommes,  que  l'on  a  décliné  peu  à  peu  de  ces  très-saintes 
ï  institutions  des  anciens  Pères.  En  effet,  les  livres  de  l'Ecri- 
»  ture  Sainte ,  qui  devaient  être  lus  à  des  temps  marqués  de 
î  l'année,  à  peine  sont-ils  commencés  dans  l'Office,  qu'on  les 
î  interrompt.  Nous  citerons  en  exemple  le  livre  de  la  Genèse 
»  qui  commence  dans  la  Septuagésime ,  et  le  livre  d'Isaïe , 
»  dans  l'Avent  ;  à  peine  en  lisons-nous  quelques  chapitres,  et 
»il  en  est  de  même  des  autres  livres  de  l'ancien  Testament, 
»que  nous  dégustons  plutôt  que  nous  ne  les  lisons.  Quant 


374  INSTITDTIONS 

I 

»aiix  Evangiles,  ei  autres  Ecritures  du  nouveau  Testament, 
ï  on  les  a  remplacés  par  d'autres  choses  qui  n'y  sont  corapa- 
»  râbles,  ni  pour  l'utilité,  ni  pour  la  gravité,  et  qui,  chaque 
»jour,  sont  plutôt  l'objet  de  l'agitation  de  la  langue  que  de 
»  l'intention  de  l'âme.  Des  psaumes  étaient  destinés  pour 
»  chaque  jour  de  la  semaine ,  la  plupart  du  temps  ils  ne  sont 
»  d'aucun  usage  ;  seulement,  il  en  est  quelques-uns  que  l'on 
«répète  presque  toute  l'année.  Les  histoires  des. Saints,  pla- 
ïcées  dans  les  Leçons,  sont  écrites  d'une  manière  si  inculte 
ï  et  si  négUgée ,  qu'elles  semblent  n'avoir  ni  autorité ,  ni  gra- 

>  vite.  De  plus,  l'ordre  et  la  manière  de  prier  sont  si  compli- 
»qués  et  si  difficiles,  que,  parfois,  on  mettra  presque  autant 
i  de  temps  à  rechercher  ce  qui  doit  être  lu  qu'à  le  lire.  Clé- 
»ment  VII,  Souverain  Pontife,  d'heureuse  mémoire,  ayant 

>  considéré  ces  choses  et  compris  que ,  s'il  était  de  sa  charge 
»de  pourvoir  à  l'avantage  de  tous  les  Chrétiens,  il  se  de- 
»  vait  principalement  aux  Clercs,  dont  il  se  servait  comme 
ï  de  ministres  dans  le  soin  du  troupeau  commis  à  sa  garde , 
»  m'exhorta  et  me  chargea ,  autant  que  le  pouvaient  com- 
»  porter  mes  soins  et  ma  diligence,  de  disposer  les  Prières 
«des  Heures,  en  sorte  que  les  difficultés  et  défauts  dont  je 
»  viens  de  parler  étant  retranchés,  les  Clercs  fussent  engagés  à 
»  la  Prière  par  l'attrait  d'une  plus  grande  facilité.  J'acceptai  vo- 
î  lontier?  cette  commission ,  tant  par  obéissance  au  souverain 
7>  Pasteur  qui  commandait  une  chose  si  convenable,  que  pour 

>  contribuer,  suivant  mes  forces ,  au  bien  public.  Ayant  donc 

>  employé  le  concours  de  plusieurs  de  mes  familiers,  hommes 
iprudens,  habiles  dans  les  saintes  lettres  et  le  Droit  Cano- 
I  nique ,  autant  que  savans  dans  les  langues  Grecque  et  La- 
»  tine,  j'ai  mis  tous  mes  soins  à  remplir  ma  commission  pour 
»  l'avantage  et  l'utilité  publique ,  ainsi  qu'il  suit. 

îOna  omis  les  Antiennes,  Capitules,  Répons,  beaucoup 


LITURGIQUES.  375 

»  d'Hymnes  et  beaucoup  d'autres  choses  du  même  genre  qui 
»  empochaient  la  lecture  de  l'Ecriture  Sainte  ;  en  sorte  que  le 
»  Bréviaire  est  composé  des  Psaumes ,  de  l'Ecriture  Sainte 
ïde  l'ancien  et  du  nouveau  Testament,  et  des  histoires  des 
ï  Saints  que  nous  avons  tirées  d'auteurs  Grecs  et  Latins,  ap- 
»  prouvés  et  graves,  ayant  eu  soin  de  les  orner  d'un  style  un 
»peu  plus  châtié,  mais  sans  recherche.  On  a  laissé  celles 
»  des  Hymnes  qui  ont  semblé  avoir  plus  d'autorité  et  de  gra- 
»vité.  Les  Psaumes  ont  été  distribués  de  façon  qu'en  rete- 
ïuant,  autant  qu'il  a  été  possible,  l'institution  des  anciens 
ï  Pères ,  on  les  puisse  tous  lire ,  chaque  semaine  de  l'année , 
»  savoir,  trois  à  chaque  heure,  la  longueur  des  uns  étant 
»  ainsi  compensée  par  la  brièveté  des  autres;  ce  qui  fait  que 
»  le  travail  de  la  récitation  journalière  est  complètement  le 
»  même  pour  toute  la  semaine  comme  pour  toute  l'année.  .  . 

» Par  suite  des 

I  variations  du  temps  Pascal  et  des  autres  fêtes  qu'on  appelle 
ï  mobiles ,  nous  n'avons  pu  éviter  entièrement  de  statuer 
ï  quelques-unes  de  ces  règles  dont  auparavant  le  Bréviaire 
»  était  tellement  rempli ,  qu'à  peine  la  vie  d'un  homme  sufil- 
»  sait  pour  les  apprendre  parfaitement  ;  mais  nous  les  avons 
»  rendues  si  rares  et  si  claires ,  qu'il  est  facile  à  chacun  de 
îles  comprendre 

»  Celte  manière  de  prier  a  trois  grands  avantages.  Le  pre- 
»mier,  que  ceux  qui  s'en  servent  y  acquièrent  la  connais- 
ïsance  des  deux  Testamens.  Le  second,  que  l'usage  en  est 
»  très-expéditif,  tant  pour  la  grande  simplicité  de  l'arrange- 
»  ment  que  pour  une  certaine  brièveté.  Le  troisième  ,  que 
»  les  histoires  des  Saints  n'y  présentent  rien  qui,  comme  au- 
»  paravant ,  offense  les  oreilles  graves  et  doctes 

î  La  différence  entre  ce  Bréviaire  et  celui  dont  nous  avons 
»  usé  précédemment  est  donc  que ,  dans  l'ancien ,  contraire- 


376  INSTITUTIONS 

»ment  à  la  volonté  des  anciens  Pères,  qui  voulaient  qu'on 
?>  lût,  chaque  année,  presque  toute  l'Ecriture  Sainte,  on  lisait 
»  à  peine  une  petite  partie  des  livres  ;  tandis  que  dans  le  nôtre, 

>  tous  les  ans,  on  lit  la  grande  et  principale  partie  de  l'Ancien 
»  Testament  et  tout  le  Nouveau ,  moins  une  portion  de  l'Â- 
»  pocalypse  :  on  répète  même  les  Epîtres  et  les  Actes  des 
«Apôtres 

»  Quoique  nous  ne  nous  soyons  pas  proposé  la  brièveté  de 
1»  l'Office,  mais  la  commodité  de  ceux  qui  récitent ,  nouses- 
jpérons  cependant  avoir  atteint  l'une  et  l'autre.  Les  Leçons 
»  sont  plus  longues  dans  ce  Bréviaire ,  il  est  vrai ,  mais  il  n'y 
»en  a  jamais  plus  de  trois;  tandis  que,  dans  l'ancien,  les 
> Leçons  sont  au  nombre  de  douze,  avec  autant  de  Versets 

>  et  de  Répons ,  si  l'on  compte  l'Office  de  la  Sainte  Vierge. 
»  Que  si  quelques  Psaumes,  dans  notre  Bréviaire ,  sont  plus 
»  longs,  dans  l'autre,  on  en  lit  chaque  jour  un  beaucoup  plus 
»  grand  nombre,  en  comptant  ceux  qu'on  répète 

»  L'ordre  que  nous  avons  établi  est  très-propre  à  ménager 
»  le  temps  et  à  soulager  la  fatigue.  La  première  et  la  seconde 
«Leçon  sont  disposées  invariablement  pour  toute  l'année, 
«qu'il  tombe  une  fête  ou  non.  La  seule  différence  de  l'Office 
«d'une  fête,  d'un  Dimanche,  ou  d'un  jour  de  férié,  est  dans 
»  la  variation  de  l'Inviiatoire ,  des  Hymnes  à  Matines  et  à 
»  Vêpres ,  de  la  troisième  Leçon  et  de  l'Oraison  :  le  reste  de- 
«  meure  toujours  sous  la  même  forme  (1).  » 

Telles  étaient  les  intentions  de  Quignonez,  tel  avait  été  le 
but  de  Léon  X,  de  Clément  VII ,  de  Paul  III  ;  savoir  de  ré- 
former l'Office  en  l'abrégeant ,  et ,  pour  ne  point  fronder  les 
usages  extérieurs  de  la  Liturgie,  d'introduire  une  distinction 
entre  l'Office  célébré  au  chœur,  et  l'Office  réciié  en  parti- 

(t)  Vid.  la  note  B. 


LITURAIQUB8.  377 

culier.  Au  moyen  d'une  certaine  variété  dans  les  prières  et 
les  lectures ,  on  évitant ,  autant  que  possible ,  les  répétitions , 
en  retranchant  tout  ce  qui  se  rapporte  à  l'assemblée  des  fi- 
dèles, comme,  n'ayant  plus  de  sens  dans  la  récitation  privée , 
on  pensait  ranimer  le  goût  de  la  prière  chez  les  Clercs ,  et 
l'on  ne  voyait  pas  que  c'était  aux  dépens  de  la  Tradition  ; 
que  l'antique  dépôt  des  prières  liturgiques,  une  fois  altéré, 
ne  tarderait  pas  à  périr  ;  que  cette  forme  d'Office ,  inconnue 
à  tous  les  siècles  Chrétiens ,  pénétrerait  bientôt  dans  les 
Eglises,  au  grand  scandale  des  peuples;  en  un  mot,  que 
c'était  une  Réforme  désastreuse  que  celle  à  laquelle  on  sa- 
crifiait tout  le  passé  de  la  Liturgie. 

Si  aujourd'hui  nous  nous  permettons  de  juger  aussi  sévè- 
rement une  œuvre  qui  appartient  à  plusieurs  Pontifes  Ro- 
mains, puisqu'elle  fut  accomplie  sous  leur  inspiration,  ce  n'est, 
certes,  pas  que  nous  ne  soyons  résolu  toujours  d'accepter 
comme  le  meilleur  tout  ce  qui  vient  de  la  Chaire  suprême  sur 
laquelle  Pierre  vit  et  parle  à  jamais  dans  ses  successeurs  : 
mais  il  s'agit  d'une  œuvre  qui  ne  reçut  jamais ,  des  trois  Pon- 
tifes que  nous  venons  de  nommer,  qu'une  approbation  do- 
mestique, qui  ne  fut  jamais  promulguée  dans  l'Eglise,  et 
qui,  plus  tard,  par  l'acte  souverain  et  formel  d'un  des  plus 
grands  et  des  plus  saints  Papes  des  derniers  temps ,  fut  so- 
lennellement improuvée  et  abolie  sans  retour. 

Le  caractère  de  l'influence  que  le  Siège  Apostolique  exerça 
sur  la  publication  du  Bréviaire  de  Quignonez ,  contraste  avec 
tout  ce  qu'on  a  pu  voir  dans  tous  les  siècles,  avant  ou  après. 
Rome  semble  désirer  qu'on  embrasse  cette  forme  d'Office , 
et  craindre,  d'un  autre  côté,  d'en  faire  une  loi.  On  sent 
comme  im  étal  de  passage  qui  doit  durer  jusqu'à  ce  que  le 
Pontife  désigné  de  Dieu  pour  successeur  des  Léon,  des  Gé- 
lase ,  des  Grégoire ,  dans  l'œuvre  liturgique ,  paraisse  et  ré- 


378  INSTITUTIONS 

forme  ssàïitemmt  le  culte  divin,  comme  parle  l'Eglise  (1). 
En  attendant ,  Paul  III  exprime  en  ces  termes  ses  intentions 
au  sujet  du  Bréviaire  de  Quignonez  :  «  Nous  accordons  à 
>tous  et  chacun  des  Clercs,  ou  Prêtres  séculiers  seule- 
»  ment  (2),  qui  voudront  réciter  cet  Office,  de  n'être  plus 
»  tenus  à  la  récitation  de  l'ancien  Office  qui  est  maintenant 

>  en  usage  dans  la  Cour  P»omaine  ou  dans  toute  autre  Eglise  ; 

>  mais  ils  seront  censés  avoir  satisfait  à  la  récitation  de  l'Of- 

>  fîce  et  des  Heures  Canoniales ,  comme  s'ils  eussent  récité 
»  l'ancien  Office,  pourvu  que  chacun  d'eux  ait  soin  d'obtenir 

>  du  Siège  Apostolique  une  licence  spéciale  pour  ce  pouvoir 
> faire;  laquelle  licence  nous  ordonnons  devoir  être  expé- 
idiée  par  simple  signature  et  sans  autres  frais  (5).  > 

Dans  l'année  même  où  il  paraissait  à  Rome,  en  1535,  le 
Bréviaire  de  Quignonez,  ayant  pénétré  en  France,  y  fut 
l'objet  d'une  attaque  vigoureuse  et  rudement  motivée  de  la 
part  des  Docteurs  de  l'Université  de  Paris.  Il  avait  été  déféré 

(1)  Deus  qui  ad  contereudos  Ecclesiae  hostes  et  ad  divinum  cultum 
reparandum ,  Beatum  Pium,  Pontificem  maximum,  eligere  dignatus 
es,  etc.  Brev.  Boni,  ad  diem  V.  Mail. 

(2)  On  voit  que  Rome  craignait  d'énerver  la  milice  régulière,  en  lui 
permettant  l'usage  de  cet  OflBce  abrégé,  et  aussi  d'ébranler  les  traditions 
antiques  qui  se  conservent  dans  les  Cloîtres  mieux  que  partout  ailleurs. 

(3)  Et  insuper  omiiibus  et  singulis  clericis ,  et  presbyteris  duntaxat 
secularibus,  qui  illud  recitare  voluerint ,  concedimus,  ut  ad  veteris 
Officii  secundum  usum  Romana;  curiae,  v'I  alterius  Ecclesiae,  quod 
nunc  in  usu  hab'itur,  recitationem  minime  teneantur,  sed  recitationi 
officii  et  horarum  canoaicarum,  perinde  ac  si  vêtus  officium  recitas- 
sent, satisfecisse  censeantur,  dummodo  singuli  specialem  super  hoc 
liceutiam  a  sede  Apostolica  obtineant ,  quam  per  soiam  sigoaturam 
absque  alia  impensa  espediri  mandamus.  (Ce  Bref,  joint  à  la  pre- 
mière édition  du  Bréviaire  de  Quignonez,  de  loôo,  porte  cette  suscrip- 
tion  :  Dilectis  filiis  TLiomasio  et  Benedicio  Junclie,  Antonio  Blado,  et 
Aatoaio  Salamanca  Romse  librorum  impressoribus.  ) 


LITURGIQUES.  579 

à  la  Faculté  par  le  Parlement  de  Paris  :  nous  extrairons 
quelques  parties  de  la  censure.  Elle  débute  ainsi  : 

«  Il  faut  d'abord  remarquer  que  ledit  Bréviaire  est  en  con- 
»  iradiction  avec  tous  les  autres  Bréviaires  de  quelque  Diocèse 

>  que  ce  soit,  et  particulièrement  de  l'Eglise  Piomaine  ;  car  tous 
»  les  autres  Bréviaires  renferment  beaucoup  de  choses  saintes, 
»  salutaires  et  propres  à  entretenir  la  piété  et  la  dévotion  des 
»  fidèles  ;  lesquelles  choses  ne  se  trouvent  point  dans  ledit 

>  Bréviaire  ;  tels  sont ,  par  exemple ,  les  Heures  de  la  Sainte 
ï  Vierge,  les  Antiennes,  les  Répons,  les  Capitules,  les  Ho- 
>mélies,  ou  Expositions  des  Docteurs  Catholiques  sur  les 
»  Evangiles  et  autres  Ecritures,  l'ordre  et  le  nombre  des 
ï  Psaumes ,  le  mode  de  les  réciter  dans  l'Eglise ,  enfin  l'ordre 
»  observé  jusqu'ici  dans  l'Eglise,  dans  la  lecture  des  saintes 
•  Ecritures,  aux  Matines,  suivant  la  différence  des  temps.  Ces 
»  institutions  salutaires  ayant  été  gardées  dans  les  Olïïces  ec- 
»  clésiastiques  depuis  l'origine  de  l'Eglise ,  pour  amsi  dire , 
> jusqu'à  nos  temps,  on  a  droit  de  s'étonner  en  voyant  que 
«celui  qui  a  fait  ce  nouveau  Bréviaire  rejette  toutes  ces 
»  choses ,  et  décide  qu'elles  doivent  être  rejetées  comme  ne 
ï  conduisant ,  dit-ïl ,  ni  à  la  piété  ,  ni  à  la  connaissance  de  la 
»  sainte  Ecriture.  A  l'en  croire,  les  Antiennes,  les  Répons  et 
»  autres  choses  sus-nommées  ne  seraient  d'aucune  utilité 

>  dans  l'Eglise,  et  on  les  devrait  retrancher  comme  superflues 
>etinutiUs.  Cependant,  cette  doctrine  est  erronée  et  nuUe- 
i  ment  conforme  à  cette  piété  qui  est  suivant  la  doctrine. 

»  II  nous  a  semblé  aussi  ne  montrer  point ,  en  sa  sagesse , 
»  une  sobriété  suffisante,  quand  on  le  voit  préférer  sans  rougir 

>  son  sentiment  à  lui  seul  aux  décrets  des  anciens  Pères ,  à 
»  l'usage  commun  et  approuvé  de  l'Eglise,  aux  histoires  les 
î  plus  authentiques.  Afin  donc  que  tous  connaissent  combien 
i  est  dangereuse  et  intolérable  la  pubUcation  de  ce  Bréviaire, 


38©  INSTITUTIONS 

>  nous  allons  montrer  d'abord  qu'il  n'est  permis  à  personne 
»  de  s'écarter  des  réglemens  antiques  des  Pères  et  des  statuts 
ï  universels  de  l'Eglise ,  lesquels  ont  pour  but  de  soutenir  lu 

>  piété.  En  second  lieu ,  qu'il  faut  garder  le  rite  commun  et 
«approuvé  de  l'Eglise.  De  plus,  que  dans  les  choses  dont  il 
> s'agit,  l'Eglise  ne  s'écarte  point  des  maximes  professées 

>  dans  les  livres  des  Docteurs  de  la  Foi.  Enfin ,  nous  expose- 
f  rons  les  maux  qui  résultent  de  la  curieuse  nouveauté  de  ce 

>  Bréviaire.  » 

Les  Docteurs  s'attachent  ensuite  à  démontrer,  avec  l'éru- 
dition de  leur  temps,  ces  trois  propositions,  et  discutent  en 
détail  les  divers  reproches  qu'ils  font  au  Bréviaire  de  Qui- 
gnonez,  rapportant  les  raisons  de  rinstilution  de  toutes  les 
particularités  de  l'Office  qu'il  a  cru  pouvoir  supprimer;  et, 
venant  enfin  aux  inconvéniens  qui  peuvent  s'ensuivre  de  l'a- 
doption de  cette  nouvelle  forme  liturgique ,  ils  s'expriment 
ainsi  : 

«  Enfin,  ce  changement  du  Bréviaire  semble  une  chose 

>  dangereuse  ;  car  il  est  à  craindre  que  si  on  le  recevait ,  on 
»  n'en  vînt  à  changer  de  la  même  manière  le  Missel  et  l'Office 
»  de  la  Messe ,  et  qu'on  n'en  ôtât  des  choses  saintes  et  salu- 

>  taires  ;  ce  qui  serait  pour  la  destruction  et  non  pour  l'édi- 
ïfication. 

»Avec  la  même  facilité  on  pourrait  retrancher  aussi  les 
»  cérémonies  et  solennités,  ainsi  que  les  autres  sacramen- 
ï  taux ,  comme  sont  les  Consécrations  d'Eglises,  d'Autels,  de 
•  Calices,  le  Chant  ecclésiastique,  les  Fêtes  des  Saints,  l'Eau 
»  bénite,  et  beaucoup  d'autres  choses  semblables  :  d'où  l'on 
»  voit  clairement  quelle  voie  dangereuse  est  ouverte  par  ce 
»  changement  de  Bréviaire  et  cette  nouveauté. 

>  De  plus,  ce  serait  un  péril  imminent  et  considérable ,  si , 
»  sous  la  signature  d'un  simple  particulier,  on  en  venait  à  aban- 


LITURGIQUES.  5S4 

»  donner  l'usage  commun  jusqu'ici  observé  dans  l'Eglise, 
•  en  sorte  que  les  Eglises  Cathédrales,  Collégiales  et  Parois- 
«siales,  ayant  accepté  ce  nouveau  Bréviaire,  l'Eglise  se 
»  trouvât  en  possession  d'un  Office  garanti  uniquement  par 
»  la  signature  dont  nous  parlons  ;  ce  qui  tournerait  à  grand 
»  scandale  pour  le  p<;uple  et  entraînerait  péril  de  sédition, 
«desquels  malheurs  Dieu  nous  veuille  garder  (1).  > 

Celte  vigoureuse  critique,  si  gravement  motivée,  tombait 
à  la  fois  et  sur  Quignonez  et  sur  l'autorité  qui  semblait  l'avoir 
mis  en  avant.  Le  Cardinal  fit  seul  semblant  de  s'en  apercevoir. 
Il  introduisit  dans  son  œuvre  quelques  changemens  presque 
imperceptibles;  mais  ce  qui  dut  surtout  désarmer  les  Docteurs, 
fut  le  ton  significalit'dc  simplicité  avec  lequel  il  s'exprima,  l'an- 
née suivante,  dans  la  préface  de  sa  nouvelle  édition  de  1536. 
H  s'adresse  à  Paul  III ,  comme  dans  la  première  édition ,  et 
s'exprime  ainsi  (2)  : 

«  Le  Bréviaire  Romain,  composé  par  nous,  suivant  le  désir 
»de  Clément  VII,  ou  plutôt  ramené  à  la  lecture  plus  abon- 
»  dante  des  saintes  Ecritures  et  à  la  forme  primitive  des  saints 
î Pères  et  des  anciens  Conciles,  enfin,  publié  par  votre  vo- 
«lonté,  très  Saint  Père,  a  été  reçu  et  approuvé  avec  une  si 
î  grande  faveur  de  la  plupart  des  hommes  graves  et  doctes 
»  (  ainsi  que  je  l'ai  remarqué  ) ,  qu'ils  n'y  ont  rien  trouvé  à 
»  changer.  En  même  temps ,  j'ai  connu  que  d'autres ,  graves 
»et  prudentes  personnes,  n'approuvant  pas  la  forme  de  ce 
«Bréviaire,  affirmaient  qu'il  y  manquait  plusieurs  choses. 
»  Ce  n'est  pas  que  j'aie  jamais  douté  que  sur  un  si  grand 
«nombre  de  personnes,  il  ne  s'en  trouvât  qui,  ayant  vieilli 
»dans  la  pratique  d'une  forme  différente  de  prières,  n'au- 

H)  Vid.  la  uote  C. 

(2)  La  préface  de  cette  seconde  édition  est ,  comme  la  première , 
adressée  à  Paul  III. 


382  INSTITUTIONS 

»  raient  pas  pour  agréable  notre  travail ,  pensant  qu'en  au- 
»  cune  façon  il  ne  pourrait  être  permis  aux  Clercs  de  s'écarter 
»  de  la  coutume  envieillie  de  prier.  De  plus  ,  en  publiant  la 
»  première  édition  du  Bréviaire ,  nous  n'avions  pas  eu  inten- 
»  tion  de  faire  une  sorte  de  promulgation  de  loi ,  mais  plutôt 
»  d'ouvrir  une  délibération  publique ,  à  l'effet  de  recueillir  le 
»  jugement  de  plusieurs,  proposant  ainsi  le  premier  notre  sen- 

>  timent ,  et  résolu  de  suivre  le  parti  qui  de  tous  semblerait 
>le  plus  avantageux  et  le  plus  conforme  à  la  religion  et  à  la 
»  piété,  suivant  le  jugement  du  plus  grand  nombre  des 
»  hommes  prudens  et  graves 

»  C'est  pourquoi ,  ayant  pesé  les  avis  que  beaucoup  nous 
»ont  adressés,  les  uns  de  vive  voix,  les  autres  par  écrit, 
j  et  voulant  déférer  aux  avis  de  ceux  qui  ont  semblé  avoir 
*  fait  jtreuve  d'une  prudence  plus  remarquable ,  nous  avons 
»  volontiers  ajouté  certaines  choses,  changé  quelques-unes, 
»  et  revu  avec  soin  tout  l'ensemble,  mais  en  retenant  toujours 
»  la  forme  générale  de  ce  Bréviaire.  Toutefois ,  puisque  c'est 

>  une  chose  fondée  sur  la  nature ,  que  rien  de  ce  qui  est  à 
î  l'usage  des  hommes ,  quelque  légitime  et  raisonnable  qu'il 

>  soit ,  s'il  est  nouveau ,  ne  peut  éviter  de  déplaire  à  quelques- 
îuns,  ce  ne  sera  point  une  témérité  de  notre  part  si,  dans 
ï  cette  seconde  édition,  nous  expliquons  avec  un  peu  plus  de 
B  soin  et  d'étendue  le  plan  de  tout  notre  travail ,  que  nous 
»  n'avions  d'abord  développé  qu'en  abrégé  (1).  » 

On  voit  que  Quignonez  ne  dédaigne  pas  de  se  disculper 
devant  la  Faculté,  et  on  a  lieu  d'être  frappé  de  la  naïveté  avec 
laquelle  il  convient  que  son  Bréviaire  est  un  livre  comme  un 
autre,  destiné  à  subir  la  critique  du  pubUc,  sujet  à  la  cen- 
sure, œuvre  toute  humaine,  en  un  mot ,  et  qui  ne  pouvait 

(1)  Vicl.  la  note  D. 


LITURGIQUES.  583 

avoir  de  vie  dans  l'Eglise  éternelle.  Moins  de  quarante  ans  suf- 
firent à  sa  durée  ;  mais  ,  en  attendant ,  la  brièveté  de  cette 
forme  d'Office  séduisii  gi-and  nombre  de  personnes.  La  Sor- 
bonne  elle-mcme,  avec  la  légèreté  dont  son  histoire  offre 
tant  de  traits,  souffrit  que ,  sous  ses  yeux  même,  une  édi- 
tion du  Bréviaire  contre  lequel  elle  avait  tonné  si  fortement 
s'imprimât  à  Paris,  dès  1559.  On  en  trouve  encore  trois 
autres  publiées  dans  celte  capitale ,  sans  parler  de  dix ,  au 
moins,  qui  furent  imprimées  à  Lyon,  et  dont  la  dernière  est 
de  1557  (i).  Il  y  en  a ,  en  outre ,  un  grand  nombre  d'autres 
publiées  à  Rome ,  à  Venise ,  à  Anvers  ;  ce  qui  fait  que  l'on 
trouve  encore  assez  facilement  aujourd'hui  des  exemplaires 
de  ce  fameux  Bréviaire,  en  différens  formats. 

Si  le  règne  de  cette  étrange  Liturgie  eût  été  long,  on  l'eût 
vue  remplacer  en  tous  lieux  l'ancienne  forme  des  Offices  Ro- 
mains, et  briser  le  lien  qui  unissait  les  siècles  de  l'antiquité 
aux  âges  modernes.  En  effet,  du  cabinet  du  Bénéficier,  ce  Bré- 
viaire s'était  glissé  jusque  dans  le  Chœur,  et,  pour  ne  parler  que 
de  l'Espagne,  les  Cathédrales  de  Sarragosse,  de  Tarragone,de 
Palencia,  avaient  renoncé  à  l'antique  Office  pour  inaugurer, 
aux  yeux  des  peuples,  une  manière  de  prier  que  nul  ne  con- 
naissait. Des  troubles  même  s'étaient  élevés  dans  Sarragosse 
à  ce  sujet,  et  le  peuple ,  scandalisé ,  désertait  l'Eglise  Cathé- 
drale pour  aller  entendre  l'Office  des  Moines.  C'est  ce  que  nous 
apprenons  d'un  document  précieux,  manuscrit  de  la  bibUo- 
thèque  Vaticane,  indiqué  par  Montfaucon  (2),  et  dont  Arevalo 
a  donné  d'importans  fragmens  dans  sa  dissertation  spéciale 
sur  le  Bréviaire  de  Quignonez  (5).  C'est  une  Consultation  d'un 

(1)  Zaccaria.  Bibliolli.  Kitualis.  Tom.  I.  pag.  IIÔ.  Arevafo.  Hymno- 
(lia  Hispanica.  Appendix  II.  pag.  591. 

(2)  Bibliolh.  Biblioihecarura  il'/i'i'.  Tom.  I.  pag.  122. 

(3)  HyraiiotUa  Hispaa.  ad  Calcem.  Api^  \idix  II.  pag.  423  et  suiv. 


384  INSTITUTIONS 

Docteur  Espagnol  nommé  Jean  de  Arze ,  qui  fut  rédigée  à 
Trente,  durant  la  tenue  du  Concile,  en  15S1 ,  et  qui  porte  ce 
titre  :  De  novo  Breviario  Romano  toUendo  Consultatio. 

Quelque  facilité   que  l'on  mît  à  permettre  l'usage  du 
Bréviaire  de  Quignonez,  facilité  devenue  si  excessive,  au 
rapport  de  Jean  de  Arze,  que  Tunique  clause  de  l'Induit  qui 
s'accordait  non  plus  seulement  à  Rome ,  mais  dans  les  Lé- 
gations et  les  Nonciatures,  était  que  ['orateur  fut  capable  de 
s'en  servir,  ut  possit  tali  novo  Breviario  uti;  néanmoins,  on 
voit  sur  la  Consultation  en  question,  que  plusieurs  personnes 
graves,  résistaient  de  tous  leurs  efforts  à  ce  relâchement;  que 
des  Evêques  s'opposaient  vigoureusement  à  l'introduction 
de  cette  nouvelle  forme  dans  les  Oflices  publics.  Mais  la  plus 
imposante  de  toutes  ces  improbations  est  celle  que  donna 
saint  François  Xavier,  qui,  au  rapport  de  son  biographe  Tur- 
sellini ,  «  fournit  un  grand  exemple  de  religion  au  sujet  de 
ï  l'Office  divin ,  si  l'on  considère  la  licence  de  ces  temps.  On 
«venait  de  publier  un  nouveau  Bréviaire  à  trois  leçons,  ap- 
»  pelé  le  Bréviaire  de  Sainte-Croix ,  et  destiné  au  soulagement 
»  des  gens  occupés.  On  en  avait  dès  le  commencement  con- 
ï  cédé  l'usage  à  François ,  à  cause  de  ses  travaux:  mais  il  ne 
>  voulut  jamais  user  de  cette  permission ,  malgré  ses  soins 
»  immenses  et  ses  affaires  si  compliquées  ;  il  récita  constam- 

^ment  l'ancien  Bréviaire  à  neuf  leçons,  quoiqu'il  fût  beau- 

> coup  plus  long  (1).  • 


(t)  lûsignem  vero  ejus  in  hoc  génère  religionem  feeit  illorum  licentia 
temporum.  ISuper  novum  lernarum  lectionum  Breviarium  (sanctse  Cru- 
cis  dicebatur)  ad  occupatorum  homioum  levamen  editura  erat  ;  ejusque 
usus  Francisco  propler  occupationes  ab  initio  concessus.  Ille  lamen 
quamvis  ingenlibus  curis  negotiisque  distentus,  nunquam  permissa 
uti  voluit  licentia  ;  vetusque  Breviarium  novenarum  lectionum  haud 
paulo  longius  perpétue  recitavit.  Tursellint.  Fita  S.  Francisa  Xaverii. 
Lib.  VL  cap.  t>. 


LITURGIQUES.  385 

Certes,  rauiorité  de  rinconiparable  Apôtre  des  Indes  est 
d'un  grand  poids  dans  la  question,  et  nous  aimons  à  la 
rapprocher  de  celle  non  moins  sainte  ,  et  plus  grave  encore , 
de  I*ie  V  et  de  tous  ses  successeurs  sans  exception.  Au  reste, 
l'œuvre  de  Quignonez,  outre  les  tristes  fruits  dont  nous  avons 
parlé ,  en  eût  produit ,  si  elle  eîit  duré  ,  un  plus  lamentable 
encore.  Le  Bréviaire  abrégé  enfanta  un  Missel  abrégé  qui  fut 
imprimé  à  Lyon,  en  1550,  et  qui  renfermait  grand  nombre  de 
nouveautés  les  plus  audacieuses  (1).  Ainsi,  l'envie  de  simpli- 
fier rOftîce  privé  des  Ecclésiastiques  avait  donné  naissance  à 
un  Bréviaire  par  lequel  était  répudiée  la  forme  antique  des 
divins  Offices ,  par  lequel  le  Prêtre  cessait  d'être  en  commu- 
nion avec  les  prières  du  Chœur,  et  voilà  qu'en  suivant  une 
pente  toute  naturelle ,  on  était  amené  à  défigurer  le  livre 
sacré  qui  renferme  les  rites  du  Sacrifice ,  et  dont  la  forme, 
si  elle  est  maintenue  pure  et  inviolable ,  est  d'un  si  grand 
poids  pour  prouver,  contre  les  sectaires,  l'antiquité  véné- 
rable des  Mystères  de  l'autel. 

En  attendant  le  récit  que  nous  ferons  bientôt  de  la  régé- 
nération liturgique ,  commencée  par  le  saint  Concile  de 
Trente  et  accomplie  par  les  grands  Pontifes  qui  en  appli- 
quèrent les  décrets ,  nous  placerons  ici  un  événement  prin- 
cipal dans  la  Liturgie  ,  qui  marqua  la  fin  du  quinzième 
et  le  commencement  du  seizième  siècles.  C'est  la  publi- 
cation définitive  du  corps  de  rites  et  observances  sacrées , 
connu  sous  le  nom  de  Rubriques  :  ensemble  admirable  de 
lois  à  la  fois  mystérieuses  et  rationnelles  que  ceux-là  seuls 
méprisent  qui  ont  perdu  le  sentiment  de  la  foi ,  ou  le  goût 
des  choses  sérieuses.  Ces  lois,  dont  l'origine  se  perd  dans 
la  nuit  des  temps ,  et  dont  le  commentaire  complet  néces- 

(1)  Arevaïo.  Md.  m. 

T.  I.  2S 


580  LVSÏITUTIONS 

siteiait  uue  histoire  généi-ale  des  formes  du  culte  Catho- 
lique dont  elles  sont  l'expression ,  se  montrent  de  plus  en 
plus  détaillées  dans  la  série  des  Ordres  Romains,  à  l'usage 
de  la  Chapelle  du  Pape.  Mais  il  manquait  un  recueil  dans 
lequel  elles  se  trouvassent  traitées  à  l'usage  de  tous  les 
Prêtres ,  et  qui  renfermât  les  particularités  que  les  Vrdres 
Romains,  dont  l'objet  est  tout  spécial,  ne  contenaient  pas,  et 
qui  avaient  été  jusqu'alors  confiées  à  la  tradition  orale.  Cette 
œuvre  fut  entreprise  et  accomplie  par  Jean  Burchard,  de 
Strasbourg ,  qui  exerça  l'importante  charge  de  Maître  des 
Cérémonies  Pontificales,  dans  la  Chapelle  des  Papes  Sixte  IV, 
Innocent  VIII  et  Alexandre  VI.  C'est  le  même  qui  a  laissé  un 
Journal  si  important  sur  les  actions  privées  de  ces  trois  Sou- 
verains Pontifes.  Son  travail  fut  imprimé  en  1302,  à  Rome, 
sous  ce  titre  :  Ordo  servandus  per  Sacerdotem  in  celebratione 
Missœ  (1).  Merali  et  Zaccaria  en  indiquent  encore  d'autres 
éditions  postérieures  à  la  mort  de  Burchard,  qui  mourut 
Evêque  de  Citta  di  Castello,  en  loOo;  elles  portent  un  titre 
différent  de  la  première.  Enfin,  dès  lo34,  on  vit  des  Missels 
auxquels  cet  appendice  était  joint;  c'est  ce  qu'atteste  le  Car- 
dinal Bona. 

Quant  aux  Paibriques  du  Bréviaire ,  elles  ont  tant  d'affinité 
avec  celles  de  la  Messe,  et  les  unes  et  les  autres  se  supposent  si 
constamment,  que  leur  origine  doit  être  jugée  la  même.  On 
en  trouve  le  principe  dans  les  Ordres  Romains ,  et  leur  ré- 
daction définitive ,  si  elle  n'appartient  pas  à  Burchard,  doit 
avoir  eu  lieu  au  temps  de  cet  illustre  Cérémoniaire ,  qui 
donna  aussi  celles  du  Pontifical ,  en  148o.  Les  Bréviaires  an- 
térieurs à  celui  de  saint  Pie  V,  les  présentent  à  peu  près  dans 
la  forme  sous  laquelle  ce  saint  Pontife  les  promulgua. 

(1)  aierati.  Annotât,  in  Gavantum.  Tom.  I.  pag.  4.  Zaccaria.  Bi- 
h\ïo\h.  Ritwalis.  Tom.  I.  pag.  58. 


LITURGIQUES.  38t 

Nous  laisserons  les  esprits  superficiels  blasphémer  ce  qu'ils 
ignorent,  et  tourner  en  ridicule  cet  admirable  résumé  de 
toutes  les  traditions  liturgiques.  Nous  nous  contenterons  de 
remarquer  ici  ce  fait  unique  dans  l'histoire  des  législations  : 
c'est  que ,  depuis  bientôt  trois  siècles  qu'un  tribunal  a  été 
établi  à  Rome ,  sous  le  nom  de  Congrégation  des  Rites ,  pour 
dirimer  toutes  les  diflîcullés  d'application,  ou  d'interpréta- 
tion des  Rubriques,  tant  du  Missel  que  du  Bréviaire  Romains, 
après  plus  de  six  raille  consultations  et  réponses  qui  ont  été 
imprimées ,  il  est  inoui  que  les  Juges  aient  été  obligés  de  s'é- 
carter du  texte  de  la  Loi  dans  les  arrêts  qu'ils  ont  rendus. 
C'est  ainsi  qu'une  des  institutions  de  l'Eglise  Romaine ,  celle 
qui  semblerait  la  moins  grave ,  la  moins  sérieuse ,  à  ceux  du 
moins  qui  ne  savent  pas  la  haute  importance  du  dépôt  des  tra- 
ditions rituelles,  peut  défier  en  solidité,  en  immutabilité,  tout 
ce  que  les  sociétés  les  plus  civilisées  ont  établi  de  plus  sage 
dans  leurs  formes  gouvernementales. 

Après  Burchard ,  nous  mentionnerons  ici  son  successeur 
dans  la  charge  de  Cérémoniaire  Pontifical ,  Paris  de  Grassi , 
qui  fut  plus  lard  Evêque  de  Pesaro,  et  qui  a  laissé,  à  l'exemple 
de  Burchard ,  un  Journal  fameux  qui  contient  les  événemens 
privés  des  Pontificats  de  Jules  II  et  de  Léon  X.  Il  était  digne 
de  recevoir  et  de  transmettre  à  d'autres  les  traditions  litur- 
giques que  Burchard  avait  lui-même  reçues  de  ses  prédé- 
cesseurs. Sans  ces  deux  hommes  fameux,  dont  l'un  clôt  les 
Fastes  de  la  Chapelle  Papale  au  quinzième  siècle,  et  l'autre 
les  rouvre  au  seizième,  tout  le  passé  liturgique  de  Rome  était 
en  danger  de  périr ,  à  celte  époque  où  le  besoin  de  nou- 
veautés travaillait  tout  le  monde ,  où  Quignonez ,  organe  de 
Clément  VU  et  de  Paul  III ,  ne  voyait  dans  la  science  des 
règles  du  culte  divin  qu'une  matière  à  d'inutiles  fatigues, 
et  dans  la  récitation  de  l'Office,  qu'une  lecture  privée  de 


388  INSTITUTIONS 

la  Bible  et  de  quelques  Psaumes.  Burchard  et  Paris  de  Grassi 
étaient  les  hommes  qu'il  fallait  pour  dominer  celte  tendance , 
et  quoique  déjà  morts  à  l'époque  du  fameux  Bréviaire  de 
Sainte-Croix,  leur  œuvre,  qui  d'ailleurs  avait  ses  racines 
dans  le  passé,  avait  revêtu  assez  de  solidité  pour  échapper  à 
l'anarchie  liturgique  dont  nous  avons  fait  le  récit. 

La  raison  du  succès  qui  s'attacha  ainsi  à  l'œuvre  de  ces 
deux  grands  Cérémoniaires ,  et  la  sauva  de  la  destruction , 
est  dans  le  sérieux  qu'ils  surent  toujours  mettre  dans  l'ac- 
complissement de  leurs  fonctions  minutieuses  aux  yeux 
des  gens  légers ,  mais  si  graves  pour  l'homme  de  foi ,  et  si 
intéressantes  pour  l'antiquaire.  Nous  avons  un  monument 
fameux  de  cette  fidélité  inviolable  et  même  passionnée  aux 
traditions  liturgiques,  qui  est  du  génie  pour  un  Cérémoniaire, 
dans  la  conduite  de  Paris  de  Grassi,  lors  de  la  publication 
du  Livre  contenant  les  Cérémonies  de  V Eglise  Romaine.  Ce  re- 
cueil avait  été  rédigé  par  Augustin  Patrizi,  Evêque  de  Pienza, 
en  Toscane ,  d'après  les  ordres  d'Innocent  VIII  :  mais  on 
n'avait  pas  jugé  à  propos  de  l'imprimer.  En  1516,  sous 
Léon  X ,  Christophe  Marcelli ,  Evêque  de  Corfou ,  à  l'insti- 
gation d'un  Cardinal ,  se  permit  de  le  faire  imprimer  à  Ve- 
nise ,  où  il  parut  sous  ce  titre  :  Ritiium  ecclesiasticonim,  sive 
sacrarumCœremoniarum  Sanclœ  Romanœ  Ecclesiœ  libri  très 
non  ante  impressi.  Rien  ne  pourrait  peindre  l'indignation  de 
Paris  de  Grassi  à  cette  nouvelle.  En  effet ,  l'impression  de  ce 
livre  ne  pouvait  se  justifier  par  des  raisons  d'utilité  publique, 
puisqu'il  s'agissait  d'un  ensemble  de  rites  exclusivement 
propres ,  pour  la  plupart  du  moins  ,  à  la  personne  du  Pape. 
C'était,  de  plus,  un  attentat  contre  la  majesté  de  cérémonies 
si  augustes,  que  de  les  livrer  ainsi  au  contrôle  du  public  et 
même  des  hérétiques ,  en  les  dépouillant  pour  jamais  du 
mystère  qui  les  avait  jusqu'alors  enveloppées  ;  l'office  de 


LITURGIQUES.  589 

Préfet  des  cérémonies  Pontificales  se  trouvait  par  là  désho- 
noré, soumis  à  la  critique  du  premier  venu  qui  aurait  feuil- 
leté le  livre ,  et  par  là  à  une  véritable  déconsidération  ;  enfin, 
ce  qui  était  plus  fâcheux  encore ,  cet  ouvrage ,  livré  furtive- 
ment aux  imprimeurs,  renferniait  des  fautes,  des  méprises, 
des  altérations  de  la  véritable  tradition  liturgique. 

Paris  de  Grassi  porta  devant  Léon  X  les  plaintes  les  plus 
énergiques,  dans  un  mémoire  curieux  que  D.  Mabillon  nous 
a  conservé  (l).  Il  ne  demandait  rien  moins  au  Pape  que  de 
faire  brûler  Fauteur  avec  son  livre  ,  ou  tout  au  moins ,  de  le 
corriger  et  châtier  convenablement.  Librum  cœremoniamm 
nuper  impressum  omnino  comburi  simul  cum  falso  auctore  ; 
aut  saltem  ipsum  auctorem  corrigi  et  castigarL  Léon  X  était 
plus  porté  à  choisir  le  dernier  parti ,  comme  on  devait  bien 
le  croire;  cette  affaire,  toute  fâcheuse  qu'elle  était,  s'assou- 
pit d'elle-même.  Comment  en  effet  arrêter  les  diverses  édi- 
tions qui  ne  pouvaient  manquer  de  sortir  de  celle  de  Venise, 
ainsi  qu'il  arriva  en  effet  ?  Car  ce  livre ,  tout  imparfait  qu'il 
est,  toute  frauduleuse  que  soit  son  origine,  est  et  doit  être 
recherché  de  tous  ceux  qui  veulent  prendre  une  connais- 
sance tant  soit  peu  profonde  de  la  Liturgie. 

Paris  de  Grassi  a  laissé  en  manuscrit  un  Ordre  Romain 
qui  est  le  dernier  de  tous ,  et  qui  a  été  publié  par  Dom  Mar- 
tène ,  au  troisième  tome  de  son  grand  ouvrage  de  Antiquis 
Ecclesiœ  Riiibus  (2) .  Il  a  servi  de  base,  ainsi  que  les  précédens, 
au  Cérémonial  Romain ,  qui  n'est  autre  chose  que  la  forme 
des  usages  de  la  Chapelle  Papale,  adaptée  aux  diverses  Eglises 
Cathédrales  et  Collégiales  du  monde  chrétien,  ainsi  que  nous 
le  dirons  ailleurs.  Il  est  temps  de  passer  à  la  bibliothèque  des 
auteurs  liturgistes  des  quatorzième  et  quinzième  siècles. 

(1)  Muséum  Italicum.  Tom.  II.  Appcnclix.  pag.  587  et  seq. 

(2)  Cap.  XXXIV.  pag.  607  et  seq. 


390  INSTITUTIONS 

(1301).  Nous  placerons  à  la  tête  de  notre  liste  le  B.  Jacques 
de  Benedictis,  plus  connu  sous  le  nom  de  Jacopone ,  de 
l'Ordre  des  Frères  Mineurs,  mort  en  1506.  On  lui  attribue 
la  Prose  Stabat  Mater j  et  plusieurs  autres. 

(1507).  Hermann  Grelhus,  Chanoine  et  Ecolàtre  d'une 
Collégiale  d'Allemagne ,  écrivit  de  Notabilibxis  divini  Officn 
Dominicarum  et  Festorum  de  tempore  et  de  sanctis. 

(1510).  Jacques  Gaétan,  Cardinal,  composa  un  Ordina- 
rium  sanctœ  Romanœ  Ecclesiœ,  ouvrage  du  plus  grand  in- 
térêt, qui  forme  le  quatorzième  Ordre  Romain  dans  la  col- 
lection de  Dom  Mabillon. 

(1512).  Nicolas  de  Trevelh,  Dominicain  Anglais,  a  écrit, 
entre  autres  choses,  huit  livres  de  Missa  et  ejus  partibus,  et 
un  autre  livre  de  Ofjîcio  Missœ. 

(151o).  Thomas  de  Cabham,  Archevêque  de  Cantorbéry, 
écrivit  une  somme  de  Ecclesiasticis  Officiis,  et  un  livre  de 
Baptismo. 

(1520).  Timoihéell,  Patriarche  des  Nestoriens,  est  au- 
teur de  l'ouvrage  en  sept  chapitres ,  de  Septenicausis  Sacra- 
mentorum  Ecclesiasticorum . 

(1553).  Nicéphore  Calliste  ,  Moine  de  Sainte- Sophie  à 
Constantinople ,  a  laissé  des  Hymnes  et  autres  pièces  pour 
les  Offices  ecclésiastiques. 

(135o).  Mathieu  Blastares,  Moine  Grec,  a  écrit  «n  Cata- 
logue des  Offices  de  la  grande  Eglise  de  Constantinople ,  et  un 
traité  de  Appositione  cocti  frumenti  in  Ofjîcio  pro  mortuis. 

(1340).  Hermann  de  Schilde,  Ermite  Augustin,  écrivit 

ime  Exposition  de  la  Messe ,  un  Manuale  Sacerdotunij  un 

traité  de  Horis  Canonicis,  et  un  autre  de  Comparatione  Missœ. 

(1530).  Nicolas  Cabasilas,  Grec  schismatique  ,  a  laissé 

une  Exposition  de  la  Liturgie. 

(1550).  Le  Bienheureux  Charles  de  Blois,  Duc  de  Bre- 


LITURGIQUES.  391 

tagne,  se  montra  l'imitateur  des  Princes  religieux  dont  nous 
avons  parlé  dans  les  chapitres  précédons.  Il  ne  se  contenta 
pas  d'assister  avec  grand  zèle  à  tous  les  actes  de  la  Liturgie, 
mais,  à  l'exemple  de  Charlemagne,  du  Roi  Robert  et  de 
Foulques  d'Anjou,  il  composa  plusieurs  pièces  de  Chant  ec- 
clésiastique. On  cite,  entre  autres,  une  Prose  en  l'honneur 
de  saint  Ives,  dont  il  accompagna  les  paroles  d'un  chant  si 
mélodieux ,  qu'elle  fut  chantée  en  divers  lieux  de  Bretagne , 
et  même  produite  devant  les  Commissaires  députés  pour 
instruire  le  procès  de  sa  canonisation. 
"  (1362).  Philothée,  Archimandrite  du  Mont  Athos,  et  de- 
puis Métropolitain  d'Héraclée,  a  laissé  une  formule  intitulée  : 
Liturgia  et  Ordo  instituendi  Diacomim ,  et  plusieurs  Hymnes 
et  parties  d'Office  à  l'usage  des  Grecs. 

(4i70}.  Pierre  Amélius,  Augustin,  Patriarche  de  Grade 
et  d'Alexandrie ,  a  laissé  un  livre  de  Ceremoniis  sanctœ  Ro- 
mance Ecclesiœ,  qui  fait  le  quinzième  Ordre  Romain  dans  la 
collection  de  Dom  Mabillon. 

(1370).  Philippe  Mucerius,  ou  de  Maceriis ,  chevalier  Pi- 
card, qui  devint  ChanceHer  du  royaume  de  Chypre,  composa, 
sous  le  nom  de  Philothée  Achillinus ,  l'OlTice  de  la  Présen- 
tation de  la  Sainte  Vierge. 

(1375).  Arnauld  Terreni,  Canoniste  attaché  à  l'Eglise 
d'Elne,  écrivit  un  traité  de  Mysterio  Missœ  et  Horis  Canonicis. 

(1580).  Raymond  de  Vineis ,  appelé  vulgairement  Raymond 
de  Capoue ,  composa  un  Office  pour  la  Visitation  de  la  Sainte 
Vierge. 

(1380).  Raoul  de  Rivo ,  Doyen  de  l'Eglise  de  Tongres,  a 
laissé,  outre  son  Calendarium  Ecdesiasticum ,  un  curieux 
livre  intitulé  :  De  Canomim  observantia  in  Ecclesiasticis 
Ojp,cns. 

(1400).  Jean,  appelé  aussi  Ananie,  Patriarche  des  Jaco- 


ô92  INSTITUTIONS 

bites,  SOUS  le  nom  d'Ignace  IV,  composa  une  Anaphore  qui 
se  trouve  dans  les  livres  de  ces  hérétiques. 

(UIO).  Henri  de  Langestein,  Chartreux ,  écrivit  un  livre 
de  Boris  Canonicis. 

(1410).  Smiéon,  Moine,  puis  Archevêque  de  Thessalo- 
nique,  fanatique  ennemi  des  Latins,  a  laissé ,  outre  un  recueil 
intitulé  :  Precationes  sacrœ,  un  ouvrage  important  sous  ce 
titre  :  Comme ntarius  de  Divino  Temple ,  de  ejus  Ministris , 
de  sacris  eomm  vestibiis ,  de  sacrosancta  Mystagogia ,  site 
missa ,  ad  pios  quosdam  Cretenses. 

(1411).  Pierre  d'Ailly,  Cardinal ,  Evêque  de  Cambrai,  cé- 
lèbre dans  les  affaires  ecclésiastiques  de  son  temps ,  publia 
un  Sacramentale. 

(1420).  Ignace  Behenam ,  Patriarche  des  Jacobites ,  com- 
posa une  Anaphore  remarquable  par  la  beauté  du  style. 

(1440),  Nicolas  Kempht,  Chartreux,  écrivit  une  Exposition 
du  Canon  et  de  la  Messe  entière. 

(1446) .  Troïle  Malvetius ,  Docteur  de  Bologne ,  a  laissé  un 
livre  de  Sanctorum  Canonizatione. 

(14o0).  Fernand  de  Cordoue,  Sous-Diacre  de  l'Eglise  Ro- 
maine, adressa  au  Cardinal  François  Piccolomini,  un  traité 
de  Pontificii  Pallii  mysterio. 

(1456).  Jacques  Cil,  Dominicain,  Maître  du  sacré  Palais, 
composa  l'Office  de  la  Transfiguration  de  Notre-Seigneur, 
par  ordre  de  Callixte  III. 

(1460).  Jean  de  Torquemada,  Dominicain,  Maître  du  sacré 
Palais,  Cardinal  et  Evèque  de  Sabine ,  a  laissé  un  livre  inti* 
tulé  :  De  Ejfîcacia  Àquœ  Benedictœ. 

(1460).  Georges Codinus ,  surnommé  Curopalaie,  publia, 
depuis  la  prise  de  Constantinople  par  les  Turcs,  un  livre  sous 
ce  titre  :  De  Curiœ  et  Ecclesiœ  ConstanîinopoUtanœ  ofjiciis 
et  officialibus. 


LITUBGIQUES.  393 

(1471).  Ange  de  Brunswick,  Saxon,  écrivit  un  livre  sur 
le  Canon  de  la  Messe. 

(1474).  Michel  Lochmayr,  Recteur  de  l'Académie  de  Vienne, 
rédigea  le  Parochiale  parochorum ,  qui  renferme  beaucoup 
d'Instructions  dans  le  genre  de  celles  de  nos  Rituels  mo- 
dernes. 

(1475).  Jean  de  Dursten,  Augustin,  écrivit  :  De  Mono- 
cordo  ;  de  Modo  bene  Cantandi  ;  et  de  CoUectarum  conclusiO' 
nibus. 

(1480).  Gabriel  Biel,  Docteur  de  l'Université  de  Tubingen, 
a  laissé  une  Exposition  du  Canon  de  la  Messe. 

(1483).  Jean  Trithénie,  Abbé  de  Saint-Martin  de  Spanheim, 
puis  de  Saint- Jacques  de  VVnrtzbourg,  la  grande  lumière  de 
l'Ordre  de  Saint-Benoit  en  son  siècle ,  fut  aussi  un  liturgiste 
remarquable.  Outre  plusieurs  Séquences ,  il  composa  un 
Office  en  l'honneur  de  sainte  Anne  et  de  saint  Joachim,  et 
plusieurs  Messes  pour  la  Compassion  de  la  Sainte  Vierge , 
pour  l'Ange  Gardien,  pour  saint  Pierre,  saint  André,  saint 
Jean  l'Evangéliste,  sainte  Marie-Madeleine,  sainte  Marthe,  etc. 

(1490).  Jérôme  Savonarole ,  Dominicain,  ajoute  à  ses 
autres  titres  de  célébrité ,  celui  d'avoir  traité  les  matières  li- 
turgiques avec  élévation  et  onction.  Il  a  composé  un  traité 
de  Sacrificio  Missœ  et  Mysteriis  ejus,  et  un  autre  de  Mysterio 
CruciSj  avec  un  Office  de  la  Sainte  Croix. 

(1495).  Jean  de  Lanshem,  Augustin  Allemand,  écrivit  un 
Spéculum  Missœ, 

(1495).  Nicolas  deAlfenlia,  Carme,  composa  un  volume 
irès-étendu  sur  l'Ordinaire  de  la  Messe  et  le  Canon. 

(1497).  Balthazar  de  Leipsik,  Abbé  Cistercien,  est  auteur 
d'une. Exposition  du  Canon  de  la  Messe,  qui  fut  imprimée  à 
Leipsik  en  1497. 
En  terminant  ce  chapitre,  nous  trouvons  un  grand  nombre 


39i  INSTITUTIONS 

de  considérations  à  recueillir  pour  l'instruction  du  lecteur, 
et  pour  le  développement  de  la  véritable  doctrine  sur  la 
Liturgie. 

1°  Ce  n'est  point  une  forme  liturgique  durable  que  celle  qui 
a  été  improvisée  pour  satisfaire  à  de  prétendues  exigences 
littéraires. 

2"  La  réforme  de  la  Liturgie,  pour  durer,  a  besoin  d'être 
exécutée  non  par  des  mains  doctes,  mais  par  des  mains 
pieuses ,  et  investies  d'une  autorité  franchement  compétente. 
3°  Dans  la  réforme  de  la  Liturgie,  on  doit  se  garder  de  l'es- 
prit de  nouveauté,  restaurer  ce  qui  se  serait  glissé  de  défecr 
tueux  dans  les  anciennes  formes ,  et  non  les  abolir. 

4"  Ce  n'est  point  réformer  la  Liturgie  que  de  l'abréger  ;  sa 
longueur  n'est  point  un  défaut  aux  yeux  de  ceux  qui  doivent 
vivre  de  la  prière. 

5°  Lire  beaucoup  d'Ecriture  Sainte  dans  l'Office,  n'est  pas 
remplir  toute  l'obligation  de  la  prière  sacerdotale  ;  car  lire 
n'est  pas  prier. 

6'  Il  n'y  a  pas  de  fondement  à  la  distinction  de  l'Office  public 
et  de  l'Office  privé  :  car  il  n'y  a  pas  deux  prières  qui  soient 
à  la  fois  la  prière  officielle  de  l'Eglise.  Le  clerc  légitimement 
absent  du  chœur,  de  même  qu'il  y  est  réputé  présent,  doit  se 
tenir  uni  à  ses  frères  en  récitant  avec  eux  ce  qu'ils  chantent 
en  union  avec  lui.  Les  lectures  qu'il  fera  dans  un  Bréviaire 
savant  l'isolent  de  cette  prière  commune. 

T"  Ce  n'est  pas  un  mal  que  les  règles  du  service  divin  soient 
nombreuses  et  compliquées,  afin  que  le  clerc  apprenne  avec 
quelle  diligence  il  faut  accomplir  l'œuvre  du  Seigneur.  Toute 
satire  sur  les  Rubriques  annonce  un  homme  prévenu ,  ou 
superficiel ,  et  l'Eglise  répond  à  ces  nouvelles  et  molles  théo- 
ries, en  promulguant  plus  haut  que  jamais  l'ensemble  de  ses 
lois  si  belles  d'harmonie  et  d'unité. 


LITURGIQUF-S.  398 

8"  Enfin ,  s'il  n'y  a  pas  à  balancer  pour  la  conscience  entre 
ainlPieV,  Souverain  Pontife  rétablissant  solennellement 
l'ancien  Office ,  et  le  Cardinal  de  Sainte-Croix ,  Quignonez  , 
éditeur  responsable  d'un  nouvel  Office  inconnu  à  tous  les 
siècles,  quel  choix  doit-on  faire  entre  l'Office  de  l'Eglise  Ca- 
tholique, et  celui,  ou  ceux  qu'auraient  improvisé,  en  leur 
propre  nom ,  ou,  si  l'on  veut ,  sous  un  patronage  qu'il  faut 
bien  reconnaître  inférieur  à  celui  de  Clément  VII  et  de 
Paul  III,  quelques  Prêtres  obscurs,  suspects  dans  la  foi,  et 
quelques-uns  même  frappés  des  foudres  de  l'Eglise?  N'est-il 
pas  à  craindre  que  le  jugement  de  la  Sorbonne,  de  1335 ,  ne 
leur  soit  devenu  applicable  ? 

La  suite  de  cette  histoire  mettra  le  lecteur  en  état  de 
conclure. 


396  INSTITUTIONS 


NOTES  DU  CHAPITRE  XIIÏ. 


NOTE  A. 

Docta  sanctOFum  Patrum  decrevit  auctoritas,  ut  in  divinse  laudis 
Officiis ,  quae  débit»  servituiis  obsequio  exhibentur,  cunctorum  meus 
vlgilet ,  sermo  non  cespitet ,  et  modesta  psalienlium  gravitas  placida 
modulatione  decantet.  Kam  in  ore  eorum  dulcis  resonabat  sonus.  Dul- 
cis  quippe  omnino  sonus  in  ore  psallentium  resonat ,  cum  Deum  corde 
suscipiunt ,  dumloquuntur  verbis;  in  Ipsum  quoque  cantibus  devotio- 
nem  accenduut  :  Inde  etenim  in  Ecclesiis  Dei  psalmodia  cantanda 
praecipitur,  ut  fidelium  devotio  excitetur  ;  in  hoc  nocturiium  diurnum- 
que  Officium ,  et  Missarum  celebritates  assidue  Clero  ac  populo  sub 
maturo  tenore,  distinctaque  gradalione  cantantur,  ut  eadem  distinc- 
lioue  coUibeant ,  et  maturiiate  délectent.  Sed  nonnuUi  novelte  scholae 
discipuli,  dum  temporibus  mensurandis  invigilant,  novis  notis  inten- 
dunt ,  fingere  suas ,  quam  aniiquas  cantare  malunt ,  in  semibreves  et 
minimas  Ecclesiastica  cantantur,  notulis  percutiuntur  ;  nam  nielodias 
hoquetis  intersecant,  discantibus  lubricant,  triplis  et  motetis  vulga- 
ribus  nonnunquam  inculcant,  adeo  ut  interduni  Anliphonarii,  et  Gra- 
dualis  fundamenta  despiciant ,  ignorent  super  que  sediGcant,  tonos  nes- 
ciant,  quos  non  discernunt,  imo  confundunt  ;  cam  ex  earum  multitudine 
notarum  ascensiones  pudicae,  descensionesque  temperatse ,  planican- 
tus,  quibus  toni  ipsi  secernuntur,  ad  mvicem  obfuscentur;  currunt 
enim ,  et  non  quiescunt  ;  aures  inebriant ,  et  non  raedentur  ;  gestibus 
simulant  quod  depromunt,  quibus  devotio  qucerenda  contemnitur, 
vitanda  lascivia  propalalur.  INon  enim  inquit  frustra  ipse  Bootius,  las- 
civus  animus,  vel  lascivioribus  delectatur  modis,  vel  eosdem  saepe 
audiens  emoliitur,  et  frangitur.  Hoc  ideo  dudum  nos ,  et  Fratres  nostri 
correctione  indigere  percepimus ,  hoc  relegare,  imo  prorsus  abjicere , 
et  ab  eadem  Ecclesia  Dei  profligare  efficacius  properamus.  Quocirca  de 
ipsorura  Fratrum  consilio  districte  pracipimus,  ut  nullus  deinceps 
lalia,  vel  his  similia  in  dictis  Officiis,  prœsertim  Horis  Canonicis,  vel 
cum  Missarum  solemnia  celebrantur,  attentare  praesumat.  Si  quis 
vero  contra  fecerit ,  per  Ordinarios  locorum  ubi  ista  commissa  fue- 
rint,  vel  depiUandos  ab  eis  in  non  exemptis,  in  exemptis  vero  per 
Praepositos  seu  Praelatos  suos ,  ad  quos  alias  correctio ,  et  punitio  cul- 
parum ,  et  çxcessuum  bujusmodi ,  vel  similium  pertinere  digaosciiur, 


LITURGIQUES.  597 

vel  (leputandos  ab  eisdem ,  per  suspensionem  al)  Oilicio  pcr  octo  dies , 
auctorilate  hujus  Canonis,  puniatur.  Per  hoc  autem  non  intendimus 
prohibere,  quin  interdum  diebus  festis  prœcipue,  sive  solemnibus  in 
Missis ,  et  prsefalis  divinis  Officiis  aliquse  consonantia: ,  quoe  melodiam 
sapiuuL,  puta  octavœ,  quinta?,  quart»,  et  hujusmodi  supra  cantum 
Ecclesiasiicum  simpliceni  proferantur  :  sic  tamen  ,  ut  ipsius  cantus  in- 
tegritas  illibata  permaneat,  et  nihil  ex  hoc  de  bene  morala  musica 
imrautelur,  maxime  cura  hujusmodi  consonantiae  auditum  demulceanî , 
devotionem  provocent,  et  psallentium  Deo  animos  torpere  non  sinant. 
Actumet  datura,  etc.  Extravagant.  Commun.  Lib.  IJI.  TU.  I. 

PiOTE  B. 

Ad  Sanctiss.  Patrem ,  et  D.  N.  Paulum  III.  Pont.  Max.  Francise! 
Quignonii  lit.  S.  Crucis  in  Jerus.  Presb.  Card.  in  Breviarium  proxime 
confectura  Prsefatio. 

Cogitanti  mihi,  Pater  Sanctiss. ,  atque  animo  repetenti  initia  veteris 
instituti,  quo  sancitum  est,  ut  clerici  sacris  initiati,  vel  sacerdotiis 
présidentes,  singulis  diebus  perlegant  horarias  preces ,  quas  Canonicas 
eliam  appellamus;  très  omnino  causa;  spectatae  fuisse  videri  soient. 
Quarum  ea  prima  est,quodcum  ceteri  homines  in  quaque  civitatc 
aut  suum  quisquo  negotium  agant,  aut  in  republica  adniinistranda 
sint  occiipati,  clericis  exeo  vocatis,  utHieronymus  testatur,  quod  de 
sorte  Domini  sint ,  quique  bonis  ecclesiaslicis  aluutur,  lioc  potissimum 
negotium  divinis  et  huraanis  legibus  est  injunctum ,  ut  in  commissum 
sibi  populum,  ac  de  se  bene  merentem  Deum  propitium  habere  cunc- 
tis  rationibus  enitantur.  Quod  non  soium  sacrificiis  edicitur,  sed  etiam 
precibus ,  quse  a  pio  corde  proficiscantur,  teste  Jaco])o  ,  qui  nos  ad  pre- 
candum  cohortans ,  orate(inquit)  pro  invicem  ut  salvemini,  multum 
cnim  valet  deprecatio  justi  assidua.  Altéra  causa  est ,  ut  qui  relique 
populo  exemplo  debent  esse  virtulis,  et  sanctimonise ,  assidua  preca- 
tione  Deum  alloquentes,  minus  opportuni  reddantur  tentatori  diabolo, 
si  eos  invenerit,  ut  Hieronymus  ait,  occupatos,  et  a  cogitationibus 
caducarum  rerum  subinde  avocali,  contcmplationi  divinarum  assues- 
caut.  Tertia,  ut  Religionis  quoque  futuri  magistri  quotidiana  sacrse 
Scripturîc ,  et  ecclesiasticarum  historiarum  lectione  erudianlur,  com- 
plectanturque,  ut  Paulusait,  eum ,  (lui  secundum  doctrinam  est, 
fidelem  sermonem ,  et  potentes  sint  exhortari  in  doctrina  sana ,  et  eos , 
qui  contradiount,  arguerc.  Et  profccto  si  quis  modum  prccandi  olim  a 
majoribus  traditum  diligenter  consideret ,  liorum  omnium  ab  ipsis  ha- 
bitam  esse  raiionem  manifcsto  deprehendct.  Sed  factura  est  nescio 


598  LNSÏITUTIONS 

quo  paeto  bomiûUKi  negligeutia,  ut  paulatim  a  sâûctissimis  illis  tete- 
rum  Patrum  institutis  discederetur.  IVam  primum  llbri  sacrai  Scrip- 
vn-ic ,  qui  statis  aani  temporibus  erant  perlegendi ,  vix  dum  incœpti  a 
precanlibus  pr;etermittuntur.  Ut  exemple  esse  possuat  liber  Genesis , 
qui  incipitur  in  Septuagesima ,  et  liber  Isaiœ ,  qui  ia  Adventu,  quorum 
vix  singula  capitula  perlegimus ,  ac  eodem  modo  cetera  Veteris  Testa- 
menli  volumina  degustamus  magis  quam  legimus  :  nec  secus  accidit 
in  Evangelia,  et  reliquam  Scripturam  ]\'oviTestamenti,  quorum  in  loco 
successerunt  alla,  nec  utilitate  cum  bis ,  nec  gravitate  comparanda  , 
qu;e  quotidie  agilatione  linguse  magis  quam  intenlione  mentis  incul- 
cantur.  Deinde  Psalmorum  plerisque,  qui  singulis  bebdomadae  diebus 
erant  dest'nali ,  rejectis ,  pauci  quidam  toto  fere  anno  repetuntur. 
Tum  bistoricC  Sanctorum  tam  inculte,  et  tam  negligenli  judicio  script» 
leguntur,  ut  nec  auloritatem  babere  videantur  nec  gravitatem.  Acce- 
dit  tam  perplexus  ordo  ,  tamque  diflicilis  precandi  ratio,  ut  interdum 
paulo  minor  opéra  in  inquirendo  ponalur,  quam  cum  inveneris,  ia  lé- 
gende. Quibus  rébus  animadversis ,  felicis  recordationis  Clemeus  YII, 
Pontifex  maximus ,  cura  intelligeret  officii  sui  esse ,  cum  aliorum 
Christianorum  commoditalibus  prospicere ,  tum  imprimis  Clericorum, 
quibus  ministris  uteretur  in  commisse  sibi  grege  administrando,  me 
liortatus  est ,  negotiumque  dédit ,  ut  quantum  cura  et  diligentia  niti 
possem  ,  preces  horarias  ea  ratione  disponerem,  ut  sublatis,  quas  dixi, 
diflicultatibus,  et  dispendiis,  clerici  majoribus  etiam  commodis  ad 
precandum  allicerentur.  Quam  ego  provinciam  libentissime  suscepi, 
simul  ut  boiio  publico  pro  mea  virili  parte  servirem.  Adhibitis  igitur 
quibusdam  meorum  domesticorura  prudentibus  bominibus  sacrarum 
litterarum ,  et  Poniifîcii  juris  doctrina  prteditis ,  eisdemque  grœce ,  et 
latine  eruditis,  dedi  operam  quam  maxime  potui,  ut  commode  ac  ex 
utilitate  publica  rem  conficerem  in  hune  maxime  modum. 

Omissis  Antipbonis,  Capitulis,  et  Responsoriis,  ac  mullis  Hymnis, 
celerisque  id  genus  rébus  Scripiurœ  sacrae  lectionem  impedientibus, 
Breviariura  constat  ex  Psalmis ,  et  Scriptura  sacra  Veteris  ,  et  ?tovi 
Testamenti,  et  Sanctorum  historiis,  quas  ex  probatis,  et  gravibus 
auctoribus  graîcis ,  et  lalinis  decerpsimus ,  easdemque  stylo  paulo  qui- 
dem  cultiore ,  nou  tauien  fucalo ,  exornare  curavimus.  Relicti  sunt 
etiam  ex  Hymnis,  qui  plurimum  omnium  babere  visi  sunt  auctoritalis, 
et  gravitatis.  Psalœi  s  mt  ita  distributi ,  retento  ,  qoatenus  licuit ,  ve- 
terum  Patrum  instituto,  ut  omnes  perlegantur  singulis  bebdomadis 
anni,  terni  singuli  boris ,  unius  longiludine  cum  alterius  bretitate  sic 
eompensata,  ut  labor  legendi  diurnus  par  propemodnm  sit  totaheb- 
doniada ,  et  perinde  tolo  anno. 


LITURGIQUES.  399 

Quod  pertiiiet  ad  ceteram  Scripturam  sacram  ex  Veieri  Tesiameuto 
peiieguntur  utilissinii ,  et  gravissinii  quique  libri.  Ex  Novo  autem 
nihil  prœterinittitur,  prœter  Apocalypsim ,  cujus  principium  tantum 
legitur  :  quia  polius  Epistolse  Pauli  cum  Canonicis,  et  Actis  Aposto- 
loruni  repetuntur.  Ex  lectionibus  enira  ternis ,  quae  siugulis  diebus 
totius  anni  leguntur,  prima  est  ex  Veteri  Testameato,  secunda  ex  Novo, 
qua  totum  ipsum  (  deinpta ,  ut  diximus ,  parte  Apocalypsis  )  absolvi- 
tur,  terlia  ex  bistoria  Sanoti ,  si  cujus  fe&tuni  celebratur  ;  quod  si  nul- 
lum  fuerit,  Apostolorum  Acta ,  et  Epistolae  tertia  lectione  repetuntur 
ordine  notato  in  Calendario. 

Propter  inconstantiam  temporis  Pascbalis,  et  aliorura  festoruni,  qus 
mobilia  dicuntur,  Geri  non  potuit ,  ut  régulas  omniuo  vitaremus,  qua- 
rum  tam  plénum  erat  prius  Breviarium ,  ut  vix  setas  hominis  ad  earum 
rationem  perdiscendam  sufficeret ,  sed  nos  tam  raras ,  et  perspicuas 
régulas  disposuimus,  ut  eas  cuivis  facile  sit  intelligere. 

Ofllcium  beatae  Virginis  quolidianum  non  legitur,  sed  loco  ejus  ad 
Vesperam ,  et  Maïutinuni  lit  commemoratio  quolidie ,  et  omnibus 
sabbalis  totum  Oiricium  eidem  Virgini  prtestatur,  nisi  festum  inciderit. 

Habet  hœc  precandi  ratio  très  maxiraas  commoditates.  Primam , 
quod  precantibus  simul  acquiritur  utriusque  Testamenti  peritia.  Se- 
cundam,  quod  res  est  expeditissima,  propter  sumraam  ordinis  simpli- 
citatem,  et  nonn-ullam  brevitatem.  Tertiara,  quod  historiée  Sanctorum 
nihil  habent,  ut  prius,  quod  graves,  et  doctas  aures  offeadat.  Hic  au- 
tem est  ordo ,  et  precandi  ratio. 

AD  JIATUTINUM. 

Pater  noster  cum  signo  crucis,  Conliteor  Deo,  etc.,  Domine  labià 
mea,  etc.  Deus,  in  adjutoriura,  etc.  Deinde  sequitur  Invilatorium 
tempori ,  seu  festo  coiiveniens.  Psalmus ,  Venite,  exultemus,  etc. 
lu  cujus  Une  duntaxat  Invitatorium  repetitur,  non  auleni  iu  medio. 
Tum  Hymnus  destinatus.  Post  hsec  sine  Autiphona  leguntur  très 
Psalmi,  deinde  Lectiones  très,  quarum  qu;eque  incipitur  a  bene- 
diclione,  et  desinit  in.  Tu  autem.  Domine,  etc.  Benedictio  ante  pri- 
mam Lectionem,  qua^est  ex  YeteriTestamento,  Deus  Pater  omnipo- 
tens,  etc.  Ante  secundam ,  quae  ex  Novo  ,  Unigenitus  Dei,  etc.  Tertia 
Lcciio  est  vel  ex  historiis  Sanctorum,  cum  dies  est  festus,  et  lune  prae- 
cedit  benedictio ,  Cujus  feslum  colimus,  etc.  Vel  ex  Epiblolis ,  lel  Actis 
Apostolorum  repetendo  ,  cl  lune  prœcedit  benedictio ,  Spirilus  Sancti 
gratia,  etc.  In  sabbalis  autem ,  in  quibus  ir.buimus  Oflicium  beatre 
Virgini,  dicitur  benedictio,  Per  Virgincm  matrem,  etc.  Post  tertiam 
Lectionem ,  Te  Deum  laudamus ,  cujus  loco  in  Adventu ,  et  Quadrage- 


400  INSTITUTIONS 

siifia  dicilur  Psalmus ,  Miserere  meî,  prœterquam  in  feslis  Sauctorura, 
in  quibus  dicitur  eliam  tune ,  Te  Deum  laudamus. 

AD    LAUDES. 

Deu.s,inaàjutoriuin,  deinde  terni  Psalmi  cum  cantico,  Benediclus, 
quod  canticum  nullo  die  prœtermittetur.  Domine ,  exaudi,  etc.  Oralio 
coaveniens.  Postremo,  nisi  totum  Oflicium  iribuatur  beatae  Virgiui, 
fit  de  ipsa  commemoratio ,  item  de  Apostolis,  et  omnibus  Sanctis.  Be- 
nedicamus  Domino ,  et ,  Fidelium  animce,  etc. 

AD    l'RIMAM. 

Pater  noster,  cum  signe  crueis.  Deus,  in  adjutorium.  Hymnus  con- 
suetus.  Terni  Psalmi ,  diebus  autem  Dominicis  additur  symbolum , 
Quicumque  vult,  aliis  vero  symbolum,  Ccedo  in  Deum,  Domine,  exaudi, 
Oratio  consueta,  Benedicamus  Domino  ,  et,  Fidelium  animae. 

Ad  Terliam ,  Sextam ,  et  ^■onam  eodem  modo ,  exceptis  symbolis,  et 
dicitur  Oratio ,  quse  dicta  fuerit  ad  Laudes. 

AD  VESPERAM. 

Pater  noster,  cum  signe  crueis.  Deus,  in  adjutorium.  Hymnus.  Psalmi 
terni.  Canticum,  Magnifleat ,  quod  nullo  die  prsetermittitur.  Oratio, 
et  commemorationes,  ut  ad  Matutinum. 

AD   COMPLETORIUM. 

Convertenos,  Deus. Deus,  in  adjutorium.  Hymnus,  Te  lucis.  Psalmi 
terni,  cum  cantico,  Nunc  dimittis,  quod  etiam  dicitur  siugulis  die- 
bus, Oratio,  Visita,  Salve  Regina.  Oratio,  Omnipotens  sempiterne 
Deus.  Qu3e  omnia  supra  dicta  latius  explicantur  in  prima  Dominica  Ad- 
ventus. 

Discrimen  igitur  inter  illud,  quo  hactenus  usisumus,  et  hoc  Bre- 
viariuni  est,  quod  in  illo ,  quanquam  veteribus  Patribus  placuisset , 
totam  fere  sacram  Scripturam  legi  singulis  annis,  tamen  \ix  una  par- 
ticula  legitur  carptim  libres  degustando.  In  hoc  autem  legitur  singulis 
annis  magna ,  et  prwcipua  pars  Veteris  Testament! ,  et  totum  Novura 
prœter  partem  Apocalypsis,  ut  diximus,  Epistolis  et  Actis  Apostolo- 
rum  etiam  repetitis. 

Quod  pertinet  ad  Psallerium  ,  in  illo  Breviario  pauci  quidam  Psalmi 
ssepissime  repelunlur,  plerique  ne  semel  quidem  leguntur  toto  anno. 
In  hoc  omnes  legunlur  siugulis  hebdomadis,  sine  taedio,  nam  singulis 
horis  terni  psalmi  accommodanlur,  nulle  eadem  hebdomada  repetito. 
Deinde  in  illo  Sanclorum  Uistoriie  ooû  paucae  leguntur  lani  rudi  stylo, 


LITURGIQUES.  401 

laiu  siuc  rerum  deleclu  et  gravitate,  ut  sint  iuterdum  conteniplui, 
atque  derisui  legeiitibus.  In  lioc  nihil  laie  relicturaest,  omnia  sunt 
ciilliora  ,  graviora,  et  ex  liistoria  ecclesiastica  ,  et  aucloribus  probatis 
gravibusque  deeerpta. 

Postremo  in  illo  summa  erat  confusio  proptev  regularum  multilu- 
dineni ,  et  perplexitatem  ,  et  Festorum  iranslaiionem ,  et  varias  com- 
memoralionum  ,  Versiculorum  ,  Responsoriorura  ,  Antiphonarum  ,  et 
siiniliuin  rerum  laboriosas  ac  parum  graves  inculcationes,  et  itera- 
tiones,  qu»  nec  ad  pietatem ,  ucc  ad  cognitionem  Scripturae  sacrae 
magnopere  conducebant.  In  hoc  talibus  omnibus  inapedimentis  sublatis, 
in  saerco  Scriplurii;  continua  lectioae  polissimum,  et  gravibus  Saaclo- 
rum  hisloriis  versamur,  paucis  et  perspicuis  regulis  appositis. 

Itaqutj  si  quis  diligeut«r  animadvertat,  et  vêtus  Patrum  consiliura  , 
iustitulumque  consideret,  plane  intelligel  hoc  Breviarium  non  tara  esse 
novum  invenlum,  quani  Creviarii  veleris  in  coimnodiorem  et  cullio- 
rem  formam  rcstituliouem,  sublatis  quibusdam  l'ebus,  quic  raedio 
tempore  prcel^r  judicidui  et  gravitatemobrepserant. 

Porro  quanquam  non  fuit  nobis  propositum  brevititi,  sed  commo- 
ditali  precantium  consulere,  utrunique  tamcn,  ut  speraitius,  consecuti 
sumus.  Nam  iicet  Lecliones  singuhe  longiores  sint  in  hoc  Breviario, 
sunt  taraen  très  duntaxat ,  cum  in  priore  adjuncto  Officio  beata)  Virgi- 
nia sint  duodecim  cum  tolidem  Versicalis,  et  Responsoriis,  et  Iicet  qui- 
dam PsaUni  in  hoc  sint  longiores,  in  illo  tamen  singulis  diebus  leguntur 
multoplures,  si  repelitos  numeres  tanquam  diverses. 

Accedit ,  qnod  in  illo  magna  est  perplexitas ,  et  longiludo  Officii 
tum  Feriœ,  tum  etiam  Dominicœ  diei.  In  hoc  nulluni,  aut  minimum  est 
dierum  totiiis  anni  discrimen;  ntc  euim  inlerest  ad  longitudinem  de 
Dominica,  seu  Feriaagatur,  an  de  Festo  In  illo  Psalmi  hinc  inde  cum 
diflicultate,  mora  et  tœdio  volvendis  charlis  exquiruntur.  In  hoc  per 
dies  et  horas  totius  hebdomadœ  disposili  sunt.  Qui  no.>ter  ordo  non  pa- 
rum facit  ad  temporisbreviiatem  ,  et  laboris  levamen.  Adjuvat  et  idem 
ordo  Lectionuni;  nam  prima  et  secunda  simplici  et  immulabili ordinc  dis- 
posiliesuut  in  toium  anuura  ,  sive  Festum  iucidat ,  sive  non.  Diversitas 
enim  Officii  Fesii ,  Dominictc ,  et  ferialis  diei  consistit  in  mulalione  In- 
vitalorii,  etllymnorumad  Matutinum,  et  Vesperam  ,  et  tertiic  Lectio- 
«is ,  et  Orationis  ,  cetera  sunt  ejusdeni  ralionis  utrobique. 

Si  oui  autem  laborio>um  in  hov  Breviario  videbilur  pleraque  orania 
ex  libro  legi,  cum  multa  in  alio,  quœ  propler  frequentem  repetitionem 
ediscuntur,  memoriter  pronunlienlur,  compenset  cum  hoc  labore  cog- 
nitionem Scripturaî  sacrœ,  quoe  sic  in  dics  augescit,  et  intenlionem 
aninii,  quam  Deus  aule  orania  in  piocantiijus  rcquirit  (liane  cnini 
T.  I.  ^ 


402  INSTITUTIONS 

msjorem  legentibus ,  quam  mamoriter  proferentibus  adesse  nccesse 
est) ,  et  hujusmodi  laborera  non  modo  fructuosum  ,  sed  etiam  saluta- 
rem  judicabit.  Kabas ,  Pater  Sanctiss. ,  instituli  nostri  ralionem, 
habes  formulam  Breviarii ,  superest ,  ut  si  tibi  res ,  qtieuiadiBodum 
speramu5 ,  non  improbabitur,  ipse  quoque  faveas  incœplis  nostris  ,  et 
labori  publicic  commoditatis  gratia  suscepto.  Vale. 

>OTE  C. 

Rationes  et  motiva  propter  quœ  videtur  Univenituti  Purisiemi  non 
lecipiendum  Bnviarium ,  nuper  editutn  et  promulgatum. 

In  pviniis  advertendum  est,quod  dictuai  Breviariuui  discrcpat  et 
dissonum  est  aliis  omnibus  Breviariis  quarumcumque  Diceccseon,  eliam 
Romanœ  Eccleïiae  ;  cum  alia  omnia  Breviaria  pleraqnc  saucta  et  salu- 
taria  ad  pit^lalem  tt  devoliouem  fidèles  iuduceutia  oontioeant  quaî 
îstud  Bieviarium  non  habet;  cujus  generis  suut  lîorai  Beatio  Hariœ, 
Antipboux,  Respousoria ,  Capitula,  Homiliae,  sive  Expositiones  ca- 
tholicoruui  Doctoruni  super  Evangeliis  et  aliis  Scripturis,  ordo  et  nu- 
merus  Psalmorum,  et  modus  legendi  illos  in  Ecclesia  ,  nec  non  et 
ordo  legendi  sacras  Scripluras  in  3Ialulinis ,  juxia  varietatem  lerapo- 
rum  ab  Ecclesia  liacteaus  observatus.  Cum  aulem  haec  usque  adeo 
salutaria  Ecclesiae  instiluta  in  Ecclesiaslicis  Olliciisa  primordiis  ferme 
Ecclesiae,  ad  hœc  usque  tempera  servata  fuerint,  mirum  quonam  pacto 
is  qui  hoc  novum  Breviarium  condidit ,  baec  omnia  rejiciat  et  reji- 
cienda  décernât,  tanquam ,  ut  inquit ,  nec  ad  pietatem,  nec  ad  cogni- 
tionem  sacrée  Scripturje  maguopcre  conducant.  Quod  si  verum  esset, 
nulla  utique  essel  Antipbonarura ,  Ilespousoriorum,  et  reliquorum 
praenominatorum  in  Ecclesia  utilitas,  foif ut(iue  bïc  omnia  ut  superDua 
et  inutilia  resecanda.  Quod  tameu  erroueum  est,  nec  ei  quae  seciHi- 
dum  doclrinam  est.pietati  consentaneum.  Parum  quoque  sobrie  sa- 
pere  visas  est  hujusmodi  scriptor  ,  dum  suam  unius  scntentiam  anti- 
quis  Patrum  decretis,  communi  et  approbalo  usui  Ecc'esiae  et  authen- 
licis  historiis  miuime  erubuit  pneferre.  Proiude  ut  quam  periculosa 
sit  nec  ferenda  hujusmodi  Breviarii  ediiio,  cognoscaut  onmes,  operse 
pretium  in  primia  est  ostendere  ,  quod  a  vetoribus  Palrum  ordinatio- 
uibus  et  Catholicis  Ecclesia;  statutis  ad  pietatem  conferentihus  ne- 
mini  liceat  discedere.  Deiade  quod  servandus  sit  conrmimis  et  probatus 
Ecclesia;  ritus.  Ad  ha3c,  in  his  de  quibus  agitur ,  nequaquam  a  receptae 
Fidei  Doctoruni  scriptis  Ecclesia  dissideat.  Denique  mala ,  quse  ex 
haccuriosa  hujusmodi  Breviarii  novitalc  sequuntnr,  explicauda  sunt. 
....,..,...-,. Ca.'leruui  pciiculo^^a  videtur 


LITURGIQUES.  iOô 

talis  Breviarii  uu.iatio.  >am  liineiuhuu  est,  si  lulis  nuiUlio  suscipia- 
liir ,  ne  eadeni  ratioiie  immuietur  Mis^alc  et  Ollicium  Missae ,  et  multa 
ex  eo  saucta  et  salutaria  detralianlui' ,  non  in  œdilicationem ,  secl  in 
destructiouem. 

Eadem  quoque  facilitate  auferri  possent  cœremoniie  et  soleninitates 
Sacramentorum,  et  aliasacraoïentalia,  ciijusmodi  suiil  consecrationes 
Ecclesiarum,  Altarium,  Calicum,  cantus  Ecclesiœ,  Fesfa  Sanctorura, 
Aqua  benedicta  ,  et  alia  id  genus  multa.  Ex  quo  clare  apparet  quali 
via  ,  et  quam  peiiculosa  sequaniur  ex  ista  mutations  Breviarii  et  no- 
vitate. 

Periculum  insuper  imminet  non  médiocre ,  si  sub  signatura  particu- 
laris  liomiuis  ecclesiastici,  non  Religiosi,  communem  usum  Ecclesiaî 
hactenus  observatutnrelinquant,  lit  accipiaut  hoc  novuni  Breviarium 
Ecclesiœ  Cathédrales,  Collégiales  et  Parocbiales,  consimili  siguatura 
receplum  Ofilciura  relinquant  Ecclesiio ,  id  quod  in  magnum  scanda- 
lum  populi  cederct ,  et  periculum  immineret  inducendi  seditionem  , 
a  quibus  Deus  nos  averiat.  (D'Jrgcntré,  CoUectio  Judkiorum,  Totn.  1. 
pag.  122—126.; 

fSOTE  D. 

Ad  Sanclissimum  Patrem  el  Dominum  nostrum  Paulum  terlîum, 
Fontificem  maximum,  /^i-fl«mc/ Quignonii  lit.  Sanctce  Crucisiu  Jeru" 
salem  presbyteri  Cardiaalis,  in  Breviarium  proxime  confoctum  ac  denuo 
recoguitum  praefatio. 

Breviarium  llomanuin  uuper  a  uobis  felic.  recor.  Cleaienlis  VIÏ. 
Poutif.  Max.  hortatu  confectum,  ac  potius  in  ampliorem  sacrarum 
Scripturarum  lectionem  ad  veterem  Sanctorum  Patrum ,  et  Concilio^ 
rum  autiquorum  forniam  revocaium ,  luaque  volunlalo ,  Sanclissime 
Pater,  editum,  graves  plerosque  ac  doctos  yicos  ita  probasse  et  récé- 
pissé intellexi  ,  ut  nihil  in  eo  mutandum  cxistimarent.  Alios  item 
animadverti  graves  etiam  et  prudentes  homines ,  qui  ejus  rationem 
magnopere  probantes,  nonnihil  tamen  in  eo  desiderari  adtirmarent. 
Illud  vero  uunquam  dubitavi,  fore  in  tanta  muUitudine  nonnullos,  ex 
lis  videlicet ,  qui  in  diverse  precandi  ritu  consenuissent ,  quibus  labor 
illenosternon  esset  perinde  gratus ,  existimantibus  ab  inveteratailla 
consueludine  precandi  nulla  ralione  clericis  esse  discedendum.  Imo 
vero  nobis  primani  editionem  Breviarii  non  lanquam  proumlgationem 
legisesse  placuerat,  scd  quasi  publicam  quaradam  deliberationem  ,  ut 
sic,  proposita  uostra  sententia,  judicia  multorum  exquireremus ,  et 
quod  omnium  commodissimum  et  religioni  ac  pietati  convenientissi- 
muni  plerisque  prudentibiis  gravi))usqne  viris  es^et  visuni ,  sequere- 


404  INSTITUTIONS 

mur Itaque  multorum  sententiis  collaiis,  qufe  nobis  partim  vocibus, 

partial  scriplis  innotuei  uut  ,  judicium  eorum  seculi  qui  omnium 
prudentissime  seutire  visi  sunt ,  libenter  quœdam  addidimus ,  alia  mu- 
ta vimn  s ,  et  omnia  diligeuier  recognovimus,  retenta  tauiea  summa 
forma  Breviarii.  Sed  quoniam  sic  fert  nalur.)  rerum  ,  ul  Di^)il  sit  tam 
rectum,  nihil  tauta  raiione  in  vilam  usuœque  hominum  ioductura, 
cujus  novitas  non  sil  aliquibus  ingrata ,  non  temere  factuvi  e^^e  vide- 
lûur,  si  ratjoiieni  tolius  instituli  noslri  a  nobis  prius  summatim  red- 
ditam  ,  nuno  adciiralius  recoguilo  Breviario ,  paulo  lalius  esplica- 
bimus. 


LITURGIQUES.  40S 


CHAPITRE  XIV. 

DE  l'hérésie  ANTI-LITURGISTE  ,  ET  DE  LA  RÉFORME  PROTES- 
TANTE DU  SEIZIÈME  SIÈCLE,  CONSIDÉRÉE  DANS  SES  RAPPORTS 
AVEC  LA  LITURGIE. 

La  Liturgie  est  une  chose  trop  excellente  dans  l'Eglise , 
pour  ne  s'être  pas  trouvée  en  butte  aux  attaques  de  l'hérésie. 
Mais  de  même  que  l'autorité  de  l'Eglise  ne  fut  point  com- 
battue directement,  comme  notion,  parles  sectes  de  l'Orient 
qui  déchirèrent  d'ailleurs  le  Symbole  en  tant  de  manières , 
ainsi  n'a-t-on  point  vu  dans  cette  patrie  des  mystères ,  le 
rationalisme  poursuivre  les  formes  du  culte  par  système. 
Scindées  entre  elles  par  de  violens  dissentimens ,  les  secks 
orientales  ont  marié  au  Christianisme,  les  unes  un  pan- 
théisme déguisé,  les  autres  le  principe  même  du  dualisme; 
mais ,  par  dessus  tout ,  elles  ont  besoin  do  croire  et  d'être 
Chrétiennes;  leur  Liturgie  est  l'expression  complète  de  leur 
situation.  Des  blasphèmes  sur  l'Incarnation  du  Verbe  désho- 
norent certaines  formules  ;  mais  ce  désordre  n'empêche  pas 
que  les  notions  traditionnelles  de  la  Liturgie  ne  soient  con- 
servées dans  ces  mêmes  formules  et  dans  les  rites  qui  les 
accompagnent  :  bien  plus,  la  foi,  si  défigurée  qu'elle  soit, 
a  été  féconde,  presque  jusqu'à  nos  jours,  chez  ces  hommes 
qui  croient  mal,  mais  qui  pourtant  veulent  croire,  et  les 
Jacobites,  les  Nestoriens  ,  seulement  depuis  l'an  1000,  ont 
produit  plus  de  formules  liturgiques  ,  d'Anaphores  ,  par 
exemple ,  que  les  Grecs  Melchites ,  dont  les  livres  n'ont  rien 
gagné  depuis  leur  séparation  de  l'Eglise  Romaine ,  si  l'on 


406  INSTITUTIONS 

excepte  certains  recueils  d'Hymnes  composées  par  toute  sorte 
de  personnes,  et  adjointes  aux  livres  d'Offices.  Mais  encore 
ce  dernier  genre  de  prières  ne  lient  point  au  fond  de  la  Li- 
turgie, comme  les  Anaphores,  les  Bénédictions ,  etc.,  com- 
posées par  les  Jacobites  et  les  Nestoriens  modernes,  et  dont 
nous  trouvons  le  texte  ou  la  notice  dans  l'ouvrage  de  Re- 
naudot  sur  les  Liturgies  d'Orient,  ou  dans  la  Bibliothèque 
Orientale  d'Âssemani.  Le  lecteur  se  tromperait  néanmoins, 
s'il  pensait  que  nous  entendons  donner  celte  abondance 
extrême  comme  l'indice  d'un  progrès  ;  l'antiquité ,  l'immu- 
tabilité des  formules  de  l'autel ,  est  la  première  de  leurs 
qualités  ;  mais  cette  fécondité  est  du  moins  un  signe  de  vie , 
et  l'on  ne  peut  s'empêcher  de  reconnaître  que  le  style  ec- 
clésiastique de  ces  Anaphores ,  même  des  plus  récentes , 
est  parfaitement  conforme  à  celui  que  les  siècles  ont  consa- 
cré. Quant  aux  traditions  sur  les  rites  et  cérémonies ,  les 
sectes  d'Orient  les  ont  toutes  conservées  avec  une  rare  fidé- 
lité ,  et  si  des  circonstances  superstitieuses  s'y  trouvent  quel- 
quefois mêlées ,  elles  attestent  du  moins  un  fond  primitif  de 
foi,  comme  chez  nous  la  diminution  progressive  des  pra- 
tiques extérieures  accuse  la  présence  d'un  rationalisme  se- 
cret qui  montre  ses  résultats. 

L'Eglise  Grecque  a  généralement  conservé  avec  grand 
soin,  sinon  le  génie,  du  moins  les  formes  de  la  Liturgie. 
Nous  avons  dit  ailleurs  comment  Dieu  l'a  prédestinée ,  pour 
un  temps  du  moins ,  à  rendre ,  par  Timmobilité  de  ses  usages 
antiques,  un  irrécusable  témoignage  à  la  pureté  des  tradi- 
tions latines.  C'est  pourquoi  Cyrille  Lucaris  échoua  si  hon- 
teusement dans  son  projet  d'ioiticr  l'Eglise  Orientale  aux 
doctrines  du  rationalisme  d'Occident.  Toutefois ,  l'esprit 
disputeur  et  pointilleux  de  Marc  d'Ephèse  est  demeuré  au 
sein  de  l'Eglise  Grecque,  et  produira  ses  fruits  naturels,  du. 


IJTURGIQUER.  407 

moment  quo  celle  Ejçlise  sera  appelée  à  se  fondre  dans  no^ 
soeiéiés  européennes.  L'Eglise  Grecque  doit  infailliblement 
passer  par  le  protestantisme  avant  de  revenir  à  l'unité,  et 
l'on  a  bien  des  raisons  de  croire  que  la  révolution  est  déjà 
faite  dans  le  cœur  de  ses  Pontifes.  Dans  un  pareil  ordre  de 
choses,  la  Liturgie,  forme  ofiicielle  d'une  croyance  officielle, 
demeurera  stable,  ou  variera  suivant  qu'il  plaira  au  souverain. 
Ainsi ,  point  d'hérésie  liturgique  possible  là  où  le  Symbole 
est  déjà  miné ,  où  l'on  ne  trouve  plus  qu'un  cadavre  de  ChriSf 
tianisme  auquel  des  ressorts,  ou  un  galvanisme,  impriment 
encore  quelques  mouvemens ,  jusqu'au  moment  où,  tombant 
en  lambeaux  de  pourriture ,  il  deviendra  tout  aussi  inca- 
pable de  recevoir  les  impulsions  externes,  qu'il  l'est  depuis 
long-temps  de  sentir  les  touches  de  la  vie. 

C'est  donc  seulement  au  sein  de  la  vraie  Eglise  que  doit 
feimenler  l'hérésie  anti-liturgique  ;  c'est-à-dire  celle  qui  se, 
porte  l'ennemie  des  formes  du  culte.  C'est-là  seulement  on 
il  y  a  quelque  chose  à  détruire ,  que  le  génie  de  la  des- 
truction tachera  d'infiltrer  ce  poison  délétère.  L'Orient  n'en  a 
éprouvé  qu'une  fois,  mais  violemment,  les  atteintes,  et  c'é- 
tait aux  jours  de  l'unité.  Une  secte  furieuse  s'éleva,  au  hui- 
tième siècle,  qui,  sous  prétexte  d'affranchir  l'esprit  du  joug 
de  la  forme ,  brisa ,  déchira ,  brûla  les  symboles  de  la  foi  et 
de  l'amour  du  Chrétien  ;  le  sang  coula  pour  la  défense  de 
l'image  du  Fils  de  Dieu  ,  comme  il  avait  coulé  quatre  siècles 
plus  tôt ,  pour  le  triomphe  du  vrai  Dieu  sur  les  idoles.  Mais 
il  était  réservé  à  la  Chrétienté  occidentale  de  voir  organiser 
dans  son  sein  la  guerre  la  plus  longue,  la  plus  opiniâtre,  qui 
dure  encore ,  contre  l'ensemble  des  actes  liturgiques.  Deux 
choses  contribuent  à  maintenir  les  Eglises  de  l'Occident  dans 
cet  état  d'épreuve  :  d'abord ,  comme  nous  venons  de  le  dire, 
la  vitalité  propre  au  Christianisme  Romain ,  le  seul  digne  du 


-108  INSTITUTIONS 

nom  de  Christianisme ,  et  par  conséquent  celui  contre  lequel 
doivent  se  tourner  toutes  les  puissances  de  Terreur  ;  en  se- 
cond lieu  ,  le  caractère  rationellement  matériel  des  peuples 
de  l'Occident,  qui,  dépourvus  à  la  fois  de  la  souplesse  de 
l'esprit  grec  et  du  mysticisme  oriental ,  ne  savent  que  nier, 
en  fait  de  croyances,  que  rejeter  loin  d'eux  ce  qui  les  gêne 
ou  les  humilie,  incapables,  pour  cette  double  raison,  de 
suivre,  comme  les  peuples  sémitiques,  une  même  hérésie 
pendant  de  longs  siècles.  Telle  est  la  raison  pour  laquelle , 
chez  nous,  si  l'on  excepte  certains  faits  isolés,  l'hérésie  n'a 
jamais  procédé  que  par  voie  de  négation  et  de  destruction. 
C'est,  ainsi  qu'on  va  le  voir,  la  tendance  de  tous  les  efforts 
de  l'immense  secte  Anti-liturgiste. 

Son  point  de  départ  connu  est  Vigilance ,  ce  Gaulois  im- 
mortalisé par  les  éloquens  sarcasmes  de  saint  Jérôme.  Il 
déclame  contre  la  pompe  des  cérémonies ,  insulte  gi-ossiè- 
rement  à  leur  symbolisme,  blasphème  les  reliques  des  Saints, 
attaque  en  même  temps  le  célibat  des  Ministres  sacrés  et  la 
continence  des  vierges  ;  le  tout  pour  maintenir  la  pureté  du 
Christianisme.  Comme  on  voit,  cela  n'est  pas  mal  avancé 
pour  un  Gaulois  du  quatrième  siècle.  L'Orient,  qui  n'a  pro- 
duit en  ce  genre  que  l'hérésie  Iconoclaste,  épargna  du  moins, 
quoique  par  inconséquence ,  les  rites  et  les  usages  de  la  Li- 
turgie qui  n'avaient  pas  un  rapport  immédiat  avec  le  culte 
des  saintes  Images. 

Après  Vigilance ,  l'Occident  se  reposa  pendant  plusieurs 
siècles;  mais  quand  les  races  barbares ,  initiées  par  l'Eglise  à 
la  civilisation  ,  se  furent  quelque  peu  familiarisées  avec  les 
travaux  de  la  pensée ,  il  s'éleva  des  hommes  d'abord ,  puis 
des  sectes  ensuite,  qui  nièrent  grossièrement  ce  qu'elles  ne 
comprenaient  pas ,  et  dirent  qu'il  n'y  avait  point  de  réalité 
1^  où  les  sens  ne  palpaient  pas  immédiatement.  L'hérésie  des 


LITURGIQUES.  409 

SacraiTipntairos,  à  jamais  impossible  en  Orient,  commença 
au  onzième  siècle,  en  Occident,  en  France,  par  les  blas- 
phèmes de  l'Archidiacre  Bérenger.  Le  soulèvement  fut  uni- 
versel dans  l'Eglise  contre  une  si  monstrueuse  doctrine  ; 
mais  on  dut  prévoir  que  le  rationalisme ,  une  fois  déchaîné 
contre  le  plus  auguste  des  actes  du  culte  Chrétien ,  n'en  de- 
meurerait pas  là.  Le  Mystère  de  la  présence  réelle  du  Verbe 
Divin  sous  les  symboles  eucharistiques,  allait  devenir  le  point 
de  mire  de  toutes  les  attaques;  il  fallait  éloigner  Dieu  de 
rhomme,  et,  pour  attaquer  plus  sûrement  ce  dogme  capital , 
il  fallait  fermer  toutes  les  avenues  de  la  Liturgie  qui,  si  l'on 
peut  parler  ainsi,  aboutissent  au  Mystère  eucharistique. 

Bérenger  n'avait  donné  qu'un  signal  :  son  attaque  allait 
être  renforcée  en  son  siècle  même  et  dans  les  suivans ,  et  il 
en  devait  résulter,  pour  le  Catholicisme,  la  plus  longue  et 
la  plus  épouvantable  attaque  qu'il  eût  jamais  essuyée.  Tout 
commença  donc  après  l'an  mille  ;  «  C'était  peut-être ,  dit  Bos- 
îsuet,  le  temps  de  ce  terrible  déchaînement  de  Satan  marqué 
i  dans  V Afocalijpse  ,  après  mille  ans  ;  ce  qui  peut  signifier 
i d'extrêmes  désordres  :  mille  ans  après  que  le  fort  armé, 
»  c'est-à-dire  le  démon  victorieux ,  fut  lié  par  Jésus-Christ 
i venant  au  monde  (1).  » 

L'Enfer  remua  la  lie  la  plus  infecte  de  son  bourbier , 
et ,  pendant  que  le  rationalisme  s'éveillait ,  il  se  trouva  que 
Satan  avait  jeté  sur  l'Occident ,  comme  un  secours  dia- 
bolique, l'impure  semence  que  l'Orient  avait  sentie,  avec 
horreur,  dans  son  sein,  dès  l'origine ,  cette  secte  que  saint 
Paul  appelle  le  Mystère  d'iniquité,  l'hérésie  Manichéenne.  On 
sait  comment ,  sous  le  faux  nom  de  Gnose,  elle  avait  souillé 
les  premiers  siècles  du  Christianisme  ;  avec  quelle  perfidie 

(t)  Histoire  des  Variations.  Livre  XI.  §  17, 


410  INSTITUTIONS 

elle  s'était,  suivant  les  temps,  cachée  au  sein  de  l'Eglise, 
permettant  à  ses  sectateurs  de  prier ,  de  comsaunier  même 
avec  les  Catholiques,  et  pénétrant  jusque  dans  Rome  même, 
où  il  fallut,  pour  la  découvrir,  l'œil  pénétrant  d'un  saint 
Léon  et  d'un  saint  Gélase.  Cette  secte  abominable,  livrée 
sous  le  prétexte  de  spiritualisme  à  toutes  les  infamies  de  la 
chair,  blasphémait  en  secret  les  plus  saintes  pratiques  du  culte 
extérieur,  comme  grossières  et  trop  matérielles.  On  peut  voir 
ce  que  saint  Augustin  nous  en  apprend,  dans  le  livre  contre 
Fauste  le  Manichéen  ,  qui  traitait  d'idolâtrie  le  culte  des 
Saints  et  de  leurs  reliques. 

Les  Empereurs  d'Orient  avaient  poursuivi  cette  secte  in- 
fâme parles  ordonnances  les  plus  sévères,  sans  pouvoir  l'é- 
teindre. On  la  retrouve,  au  septième  siècle,  en  Arménie, 
sous  la  direction  d'un  chef  nommé  Paul ,  d'où  le  nom  de 
Pauliciens  fut  donné  à  ces  hérétiques  en  Orient;  et  ils  y  de- 
viennent assez  puissans  pour  soutenir  des  guerres  contre  les 
Empereurs  de  Constantmople.  Pierre  de  Sicile ,  envoyé  vers 
eux  par  Basile  le  Macédonien ,  pour  traiter  d'un  échange 
de  prisonniers  ,  eut  le  loisir  de  les  connaître ,  et  écrivit  un 
livre  sur  leurs  erreurs. 

«  Il  y  désigne  ces  hérétiques,  dit  Bossuet,  par  leurs  propres 
»  caractères,  par  leurs  deux  principes,  par  le  mépris  qu'ils 
»  avaient  pour  l'Ancien  Testament,  par  leur  adresse  prodi- 
tgieuse  d  se  cacher  quand  ils  voulaient  j  et  par  les  autres 
«marques  que  nous  avons  vues.  Mais  il  en  remarque  deux 
»  ou  trois  qu'il  ne  faut  pas  oublier  :  c'était  leur  aversion  j^ar- 
tticulièrepour  les  images  de  la  Croix ,  suite  naturelle  de  leur 
>  erreur,  puisqu'ils  rejetaient  la  passion  et  la  mort  du  Fils  de 
>Dieu  ;  leur  mépris  pour  la  Sainte  Vierge ,  qu^ls  ne  tenaient 
»  point  pour  Mère  de  Jésus-Christ,  puisqu'il  n'avait  pas  de 
i chair  humaine;  et  surtout  leur  éloignement  pour  l'Eucha- 


LITURGIQUES.  411 

ivistie  (1).  Ils  disaient  encore  que  les  Catholiques  honoraient 
tics  Saints  comme  des  Divinités j  et  qiie  c'était  pour  cette 
I  raison  qu'on  empêchait  les  laïques  de  lire  la  sainte  Ecri' 
ilure,  de  peur  qu'ils  ne  découvrissent  plusieurs  semblables 
T)  erreurs  (2).  » 

C'était  bien  déjà,  comme  l'on  voit,  l'hérésie  Anti-liturgiste 
toute  formée.  II  ne  lui  manquait  que  des  populations  dispo- 
sées à  raccuoillir.  Pour  arriver  en  Europe,  la  secte  passa 
par  la  Bulgarie  où  elle  jeta  de  profondes  racines  ;  ce  qui  fut 
cause  qu'on  donna,  dans  l'Occident ,  le  nom  de  Bulgares  à 
ses  adeptes.  En  1017,  sous  le  Roi  Robert,  on  en  découvrit 
plusieurs  à  Orléans ,  et  peu  après ,  d'autres  dans  le  Langue- 
doc, puis  en  Italie,  où  ils  se  faisaient  nommer  Cathares  y 
c'est-à-dire  purs  ;  enfin,  jusqu'au  fond  de  rAllemagne.  Leur 
parole  infâme  avait  miné  en  dessous  comme  le  chancre  (3) , 
et  leur  doctrine  était  toujours  la  même ,  fondée  sur  la 
croyance  aux  deux  principes ,  et  sur  la  haine  de  tout  l'exté-^ 
rieur  du  culte,  renforcée  de  toutes  les  abominations  Gnos-? 
tiques.  Du  reste,  fort  dissimulés,  confondus  dans  l'Eglise 
avec  les  orthodoxes ,  prêts  à  toutes  sortes  de  parjures,  plu- 
tôt que  de  se  laisser  deviner,  quand  une  fois  ils  avaient  résolu 
de  ne  pas  parler.  Ils  étaient  déjà  très-puissans ,  au  douzième 
siècle ,  dans  le  midi  de  la  France ,  et  l'on  ne  peut  douter  que 
Pierre  de  Bruis  et  Henri ,  dont  les  doctrines  eurent  pour  ad- 
versaires saint  Bernard  et  Pierre  le  Vénérable ,  ne  fussent 
leurs  deux  chefs  principaux.  On  les  voit  en  1160  passer  en 
Angleterre,  où  ils  furent  appelé?,  Poplicains  ou  Publicains. 
En  France,  on  les  désigne  sous  les  noms  d'Albigeois,  à  cause  de 
leur  puissance  dans  une  de  nos  provinces,  et  les  plus  profondé- 

(1)  Histoire  des  Variations.  Liv.  XI.  %  14. 

(2)  Ibidem. 

(3)  2.  Tim.  II.  17. 


■412  INSTITUTIONS 

ment  initiés  aux  dégoûtans  mystères  de  la  secte  sont  appelés 
Patarins.  On  sait  avec  quel  zèle  les  populations  catholiques 
du  moyen-âge  se  jetèrent  contre  ces  sectaires  :  l'Eglise  crut 
pouvoir  publier  contre  eux  la  croisade  ,  et  une  guerre  d'ex- 
termination commença,  à  laquelle  prirent  part,  directe  ou 
indirecte,  tous  les  grands  personnages  de  l'Eglise  et  de 
l'Etat.  On  étouffa  la  doctrine  des  Albigeois ,  au  moins  quant 
à  sa  prédominance  extérieure  ;  elle  resta  sourdement  comme 
semence  de  toutes  les  erreurs  qui  devaient  éclater  au  sei- 
zième siècle,  et  les  doctrines  de  son  monstrueux  mysticisme 
se  perpétuèrent  jusqu'à  nos  jours  dans  l'hérésie  Quiétisie, 
plus  dangereuse  ennemie  peut-être  de  la  vraie  doctrine  li- 
turgique, que  le  pur  rationalisme  lui-même. 

Une  nouvelle  branche  de  la  secte ,  moins  mystique  et  par 
conséquent  plus  appropriée  aux  mœurs  de  l'Occident ,  pous- 
sait à  Lyon,  sur  le  même  tronc  du  Manichéisme  importé 
d'Orient,  au  moment  même  où  le  premier  rameau  était  me- 
nacé d'une  destruction  violente.  En  1160,  à  Lyon,  Pierre 
Valdo ,  marchand ,  formait  la  secte  de  ces  fanatiques  turbu- 
lens  connus  sous  le  nom  de  Pauvres  de  Lyon,  mais  surtout 
sous  celui  de  Vaudois,  du  nom  de  leur  fondateur.  Ce  fut 
alors  qu'on  put  présager  l'alliance  de  l'esprit  de  la  secte  avec 
celui  dont  Bérenger  avait  été  chez  nous  le  premier  organe. 
Dégagés  bientôt  des  opinions  Manichéennes ,  impopulaires 
chez  nous,  ils  prêchent  surtout  la  réforme  de  l'Eglise,  et, 
pour  l'effectuer,  ils  sapent  audacieusement  tout  l'ensemble 
de  son  culte.  D'abord ,  pour  eux ,  il  n'y  a  plus  de  Sacerdoce , 
tout  laïque  est  Prêtre  ;  le  Prêtre ,  en  péché  mortel ,  ne 
consacre  plus;  par  conséquent ,  plus  d'Eucharistie  certaine; 
les  Clercs  ne  peuvent  posséder  les  biens  de  la  terre  ;  on  doit 
avoir  en  horreur  les  Eglises,  le  saint  Chrême,  le  culte  de  la 
Sainte  Vierge  et  des  Saints,  la  prière  pour  les  morts.  Il  faut 


LITURGIQUES.  413 

en  référer  sur  toutes  choses  à  rEcrilure  Sainte ,  etc.  Les 
Vaudois  trouvent  la  morale  de  l'Eglise  scandaleuse  pour 
son  relâchement ,  et  affichent  môme  une  rigueur  de  conduite 
qui  contraste  avec  les  débordemens  des  Albigeois. 

Mais  la  France  n'était  pas  le  seul  théâtre  de  cette  réaction 
violente  contre  la  forme  dans  le  CathoHcisme.  A  la  fin  du 
quatorzième  siècle ,  Wiclef  se  levait  en  Angleterre  et  faisait 
entendre  presque  tous  les  blasphèmes  des  Vaudois.  Cepen- 
dant, comme  tout  système  d'erreur  en  religion  a  besoin, 
pour  avoir  quelque  consistance,  de  s'appuyer  de  près  ou  de 
loin  sur  le  Panthéisme ,  le  Mysticisme  Gnostique  ne  pouvant 
convenir  aux  masses,  chez  nous  surtout,  comme  nous  l'avons 
remarqué,  Wiclef  imagina  d'étayer  ses  doctrines  dissolvantes 
sur  un  système  de  fatalisme  dont  la  source  était  une  vo- 
lonté immuable  de  Dieu,  dans  laquelle  se  trouvaient  absorbées 
toutes  les  volontés  des  créatures. 

Vers  le  même  temps ,  Jean  Hus  dogmatisait  en  Allemagne 
et  préparait  cette  immense  révolte  qui  allait  séparer,  pour 
des  siècles,  des  nations  entières  de  la  Communion  Romaine. 
Lui  aussi  appuyait  fortement  sur  des  conséquences  exagé- 
rées du  dogme  de  la  Prédestination,  et  passant  à  la  pratique, 
humiHait  le  Sacerdoce  devant  le  Laicisme,  prêchait  la  Içcture 
de  l'Ecriture  Sainte  aux  dépens  de  la  Tradition ,  et  rompait 
en  visière  à  l'autorité  souveraine  en  matière  liturgique ,  par 
les  réclamations  qu'il  faisait  entendre  pour  l'usage  du  Calice 
dans  la  communion  laïque. 

Vint  enfin  Luther ,  qui  ne  dit  rien  que  ses  devanciers 
n'eussent  dit  avant  lui ,  mais  prétendit  affranchir,  en  même 
temps,  l'homme  de  la  servitude  de  la  pensée  à  l'égard  du 
pouvoir  enseignant ,  et  de  la  servitude  du  corps  à  l'égard  du 
pouvoir  liturgique.  Calvin  et  Zwingle  le  suivirent,  ti'aînanl 
après  eux  Socin,  dont  le  naturalisme  pur  était  la  conséquence 


414-  INSTITUTIONS 

immédiate  des  doctrines  préparées  depuis  tant  de  siècles. 
Mais  à  Socio  toute  erreur  liturgique  s'arrête  ;  la  Liturgie , 
toujours  de  plus  en  plus  réduite,  n'arrive  pas  jusqu'à  lui. 
Maintenant,  pour  donner  une  idée  des  ravages  de  la  secte 
Anti-liturgiste ,  il  nous  a  semblé  nécessaire  de  résumer 
la  marche  des  prétendus  réformateurs  du  Christianisme, 
depuis  trois  siècles,  et  de  présenter  l'ensemble  de  leurs 
actes  et  de  leur  doctrine  sur  l'épuration  du  culte  divin.  Il 
n'est  pas  de  spectacle  plus  instructif  et  plus  propre  à  faire 
comprendre  les  causes  de  la  propagation  rapide  du  Protes- 
tantisme. On  y  verra  l'œuvre  d'une  sagesse  diabolique  agis- 
sant à  coup  sûr,  et  devant  infailliblement  amener  de  vastes 
résultats. 

1°  Le  premier  caractère  de  l'hérésie  Anti-liturgiste  est  la 
haine  de  la  Tradition  dans  les  formules  du  culte  divin.  On  ne 
saurait  contester  ce  caractère  spécial  dans  tous  les  héré- 
tiques que  nous  avons  nommés ,  depuis  Vigilance  jusqu'à 
Calvin,  et  la  raison  en  est  facile  à  expliquer.  Tout  sectaire 
voulant  introduire  une  doctrine  nouvelle,  se  trouve  infail- 
liblement en  présence  de  la  Liturgie ,  qui  est  la  tradition  à 
sa  plus  haute  puissance,  et  il  ne  saurait  avoir  de  repos  qu'il 
n'ait  fait  taire  cette  voix ,  qu'il  n'ait  déchiré  ces  pages  qui 
récèlent  la  foi  des  siècles  passés.  En  effet,  comment  le  Lu- 
théranisme ,  le  Calvinisme ,  l'Anglicanisme  se  sont-ils  étabhs 
et  maintenus  dans  les  masses?  Il  n'a  fallu  pour  cela  que  la 
substitution  de  livres  nouveaux  et  de  formules  nouvelles , 
aux  livres  et  aux  formules  anciennes,  et  tout  a  été  con- 
sommé. Rien  ne  gênait  plus  les  nouveaux  Docteurs;  ils 
pouvaient  prêcher  tout  à  leur  aise  :  la  foi  des  peuples  était 
désormais  sans  défense.  Luther  comprit  cette  doctrine  avec 
une  sagacité  digne  de  nos  Jansénistes,  lorsque ,  dans  la  pre- 
mière période  de  ses  innovations,  à  l'époque  où  il  se  voyait 


LITURGIQUES.  415 

obligé  de  garder  encore  une  partie  des  formes  extérieures 
du  eulle  latin  ,  il  établit  le  règlement  suivant  pour  la  Messe 
reformée  : 

a  Nous  approuvons  et  nous  conservons  les  Introïts  des 
^Dimanches  et  des  t'êtes  de  Jésus-Christ,  savoir  de  Pàque , 
'  de  la  Pentecôte  et  de  Noël.  Nous  préférerions  volontiers  les 
^psaumes  entiers  d'oà  ces  Introïts  sont  tirés,  comme  on  fai- 
sait autrefois  ;  mais  nous  voulons  bien  nous  conformer  à 
»  l'usage  présent.  Nous  ne  blâmons  pas  même  ceux  qui  vou- 
»  dront  retenir  les  Introïts  des  Apôtres ,  de  la  Vierge  et  des 
»  autres  Saints ,  lorsque  ces  trois  Introïts  sont  tirés  des 

»  PSAUMES  ET  d'autres  ENDROITS  DE  l'ECRITURE  (1).  »  Il  avait 

trop  en  horreur  les  Cantiques  sacrés  composés  par  l'Eglise 
elle-même  pour  l'expression  publique  de  sa  foi.  Il  sentait 
trop  en  eux  la  vigueur  de  la  Tradition  qu'il  voulait  bannir. 
En  reconnaissant  à  l'Eglise  le  droit  de  mêler  sa  voix  dans  les 
assemblées  saintes  aux  oracles  des  Ecritures ,  il  s'exposait 
par-là  môme  à  entendre  des  milhons  de  bouches  anathéma- 
tiser  ses  nouveaux  dogmes.  Donc,  haine  à  tout  ce  qui,  dans 
la  Liturgie,  n'est  pas  exclusivement  extrait  des  Ecritures 
Saintes. 

2"  C'est  en  effet  le  second  principe  de  la  secte  Anti-litur- 
gisle ,  de  remplacer  les  formules  de  style  ecclésiastique  par 
lies  lectures  de  l'Ecriture  Sainte.  Elle  y  trouve  deux  avan- 
tages ;  d'abord ,  celui  de  faire  taire  la  voix  de  la  Tradition 
(ju'elle  craint  toujours  ;  ensuite  un  moyen  de  propager  et 
d'appuyer  ses  dogmes,  par  voie  de  négation,  ou  d'affîrma- 
lion.  Par  voie  de  négation  ,  en  passant  sous  silence ,  au 
moyen  d'un  choix  adroit,  les  textes  qui  expriment  la  doc- 
trine opposée  aux  erreurs  qu'on  veut  faire  prévaloir;  par  voie 

il)  Lcbiuu;  li^i'llaiioude  h  Messe,  Tom.  IV.  \'»'6. 15. 


416  INSTITUTIONS 

d'affirmation ,  en  meltant  en  lumière  des  passages  tronqués 
qui,  ne  montrant  qu'un  des  côtés  de  la  vérité  ,  cachent 
l'autre  aux  yeux  du  vulgaire.  On  sait  depuis  bien  des  siècles 
que  la  préférence  donnée,  par  tous  les  hérétiques,  aux 
Ecritures  Saintes  sur  les  Définitions  Ecclésiastiques,  n'a  pas 
d'autre  raison  que  la  facilité  qu'ils  ont  de  faire  dire  à  la  Pa- 
role de  Dieu  tout  ce  qu'ils  veulent,  en  la  laissant  paraître  ou 
l'arrêtant  à  propos.  Nous  verrons  ailleurs  ce  qu'ont  fait  en 
ce  genre  les  Jansénistes,  obligés,  d'après  leur  système,  à 
garder  le  lien  extérieur  avec  l'Eglise  ;  quant  aux  Protestans, 
ils  ont  presque  réduit  la  Liturgie  toute  entière  à  la  lecture 
de  l'Ecriture,  accompagnée  de  discours  dans  lesquels  on 
l'interprète  par  la  raison.  Quant  au  choix  et  à  la  déter- 
mination des  livres  canoniques,  ils  ont  fini  par  tomber  au 
caprice  du  réformateur,  qui ,  en  dernier  ressort ,  décide  non 
plus  seulement  du  sens  de  la  parole  de  Dieu,  mais  du  fait 
de  cette  parole.  Ainsi ,  Martin  Luther  trouve  que ,  dans  son 
système  de  Panthéisme ,  l'inutilité  des  œuvres  et  la  suffisance 
de  la  foi  sont  dogmes  à  établir,  et  dès-lors  il  déclarera  que 
l'Epître  de  saint  Jacques  est  une  Epître  de  paille  ^  et  non  une 
Epître  Canonique ,  par  cela  seul  qu'on  y  enseigne  la  nécessité 
des  œuvres  pour  le  salut.  Dans  tous  les  temps,  et  sous  toutes 
les  formes ,  il  en  sera  de  même  ;  point  de  formules  ecclésias- 
tiques; l'Ecriture  seule,  mais  interprétée,  mais  choisie,  mais 
présentée  par  celui  ou  ceux  qui  trouvent  leur  profit  à  l'in- 
novation. Le  piège  est  dangereux  pour  les  simples,  et  ce 
n'est  que  long-temps  après  que  l'on  s'aperçoit  qu'on  a  été 
trompé,  et  que  la  parole  de  Dieu,  ce  glaive  à  deux  tranchants, 
comme  parle  l'Apolre ,  a  fait  de  grandes  blessures ,  parce 
qu'elle  était  maniée  par  les  fi!s  de  perdition. 

5"  Le  troisième  piincipe  des  hérétiques  sur  la  réforme  de 
la  Liturgie  est ,  après  avoir  expulsé  les  formules  ecclésias- 


LITURGIQUES.  4l7 

tiques  et  proclamé  la  nécessité  absolue  de  n'employer  que 
les  paroles  de  l'Ecriture  dans  le  service  divin  ,  voyant  ensuite 
que  l'Ecriture  ne  se  plie  pas  toujours ,  comme  ils  le  vou- 
draient, à  toutes  leurs  volontés;  leur  troisième  principe, 
disons-nous,  est  de  fabriquer  et  d'introduire  des  formules 
nouvelles ,  pleines  de  perfidie  ,  par  lesquelles  les  peuples 
sont  plus  solidement  encore  enchaînés  à  l'erreur ,  et  tout 
l'édifice  de  la  réforme  impie  consolidé  pour  des  siècles. 

4."  On  ne  doit  pas  s'étonner  de  la  contradiction  que  l'hé- 
résie présente  ainsi  dans  ses  œuvres ,  quand  on  saura  que  le 
quatrième  principe ,  ou ,  si  l'on  veut ,  la  quatrième  néces- 
sité imposée  aux  sectaires  par  la  nature  même  de  leur 
état  de  révolte  ,  est  une  habituelle  contradiction  avec  leurs 
propres  principes.  Il  en  doit  être  ainsi  pour  leur  confusion 
dans  ce  grand  jour,  qui  vient  tôt  ou  tard ,  où  Dieu  révèle 
leur  nudité  à  la  vue  des  peuples  qu'ils  ont  séduits ,  et  aussi 
parce  qu'il  ne  tient  pas  à  l'homme  d'être  conséquent  ;  la 
Vérité  seule  peut  l'être.  Ainsi ,  tous  les  sectaires  ,  sans 
exception,  commencent  par  revendiquer  les  droits  de  l'an- 
tiquité;  ils  veulent  dégager  le  Christianisme  de  tout  ce  que 
l'erreur  et  les  passions  des  hommes  y  ont  mêlé  de  faux  et 
d'indigne  de  Dieu  ;  ils  ne  veulent  rien  que  de  primitif,  et 
prétendent  reprendre  au  berceau  l'institution  Chrétienne. 
A  cet  effet,  ils  élaguent,  ils  effacent,  ils  retranchent;  tout 
tombe  sous  leurs  coups,  et  lorsqu'on  s'attend  à  voir  repa- 
raître dans  sa  première  pureté  le  culte  divin ,  il  se  trouve 
qu'on  est  encombré  de  formules  nouvelles  qui  ne  datent  que 
de  la  veille,  qui  sont  incontestablement  humaines,  puisque 
celui  qui  les  a  rédigées  vit  encore.  Toute  secte  subit  cette 
nécessité  ;  nous  l'avons  vu  chez  les  Monophysites ,  chez  les 
Nestoriens  ;  nous  retrouvons  la  même  chose  dans  toutes  les 
branches  de  Protestans.  Leur  affectation  à  prêcher  l'anii^ 
T,  I.  27 


418  INSTITUTIONS 

quitén'â  abouti  qu'à  les  mettre  en  mesure  débattre  en  brèche 
tout  le  passé ,  et  puis  ils  se  sout  posés  en  face  des  peuples 
séduits ,  et  leur  ont  juré  que  tout  était  bien ,  que  les  super- 
fétations  F'apisles  avaient  disparu  ,  que  le  culte  divin  était 
remonté  à  sa  sainteté  primitive.  Remarquons  encore  une 
chose  caractéristique  dans  le  changement  de  la  Liturgie  par 
les  hérétiques.  C'est  que,  dans  leur  rage  d'innovation,  ils 
ne  se  contentent  pas  d'élaguer  les  formules  de  style  ecclésias- 
tique, qu'ils  flétrissent  du  nom  de  p3ivo\e  humaine ,  mais  ils 
étendent  leur  réprobation  aux  lectures  et  aux  prières  mêmes 
que  l'Eglise  a  empruntées  à  l'Ecriture;  ils  changent ,  ils  sub- 
stituent ,  ne  voulant  pas  prier  avec  l'Eglise ,  s'excommuniant 
ainsi  eux-mêmes ,  et  aussi  craignant  jusqu'à  la  moiadre  par- 
celle de  l'orthodoxie  qui  a  présidé  au  choix  de  ces  passages. 
S"  La  réforme  de  la  Liturgie  étant  entreprise  par  les  sec- 
taires dans  le  même  but  que  la  réforme  du  dogme  dont  elle 
est  la  conséquence,  il  s'ensuit  que,  de  même  que  les  Protes- 
tans  se  sont  séparés  de  l'unité  afin  de  croire  moins ,  ils  se 
sont  trouvés  amenés  à  retrancher  dans  le  culte  toutes  les  ce- 
rémonies,  toutes  les  formules  qui  expriment  des  mystères. 
Ils  ont  taxé  de  superstition  ,  d'idolâtrie,  tout  ce  qui  ne  leur 
semblait  pas  purement  rationel,  restreignant  ainsi  les  expres- 
sions de  la  foi ,  obstruant  par  le  doute  et  même  la  négation 
toutes  les  voies  qui  ouvrent  sur  le  monde  surnaturel.  Ainsi, 
plus  de  Sacrements ,  hors  le  Baptême  ,  en  attendant  le  So- 
ciniauisme  qui  en  affranchira  ses  adeptes  ;  plus  de  Sacra- 
mentaux,  de  Bénédictions,  d'Images,  de  Reliques  des  Saints, 
de  Processions,  de  Pèlerinages,  etc.  11  n'y  a  plus  d'autel, 
mais  seulement  une  table  ;  plus  de  sacrifice ,  comme  dans 
toute  religion,  mais  seulement  une  cène;  plus  d'église,  mais 
beulement  un  temple ,  comme  chez  les  Grecs  et  les  Romains  ; 
plu5  d'architecture  religieuse  ,  puisqu'il  n'y  a  plus  de  mys- 


LITUn^IQUES.  419 

lères;  plus  de  peinture  et  de  sculpture  chrétiennes,  puisqu'il 
n'y  a  plus  de  religion  sensible  ;  enfin ,  plus  de  poésie  dans 
un  culio  ,  qui  n'est  fécondé  ni  par  l'amour,  ni  par  la  foi. 

G"  La  suppression  des  choses  mystérieuses  dans  la  Li- 
turgie protestante  devait  produire  infailliblement  l'extinction 
totale  de  cet  esprit  de  prière  qu'on  appelle  Onction  dans  le  Ca- 
tholicisme. Un  cœur  révolté  n'a  point  d'amour,  et  un  cœur 
sans  amour  pourra  tout  au  plus  produire  des  expressions 
passables  de  respect ,  ou  de  crainte ,  avec  la  froideur  su- 
perbe du  Pharisien  ;  telle  est  la  Liturgie  Protestante.  On 
sent  que  celui  qui  la  récite  s'applaudit  de  n'être  pas  du 
nombre  de  ces  Chrétiens  Papistes  qui  rabaissent  Dieu  jusqu'à 
eux  par  la  familiarité  de  leur  langage  vulgaire. 

7°  Traitant  noblement  avec  Dieu,  la  Liturgie  Protestante 
n'a  point  besoin  d'intermédiaires  créés.  Elle  croirait  manquer 
au  respect  dû  à  l'Etre  Souverain,  en  invoquant  l'intercession 
de  la  Sainte  Vierge,  la  protection  des  Saints.  Ell^  exclut  toute 
cette  idolâtrie  papiste  qui  demande  à  la  créature  ce  qu'on  ne 
doit  demander  qu'à  Dieu  seul  ;  elle  débarrasse  le  Calendrier  de 
tous  ces  noms  d'hommes  que  l'Eglise  Romaine  inscrit  si  témé- 
rairement à  côté  du  nom  de  Dieu  ;  elle  a  surtout  en  horreur 
ceux  des  Moines  et  autres  personnages  des  derniers  temps 
qu'on  y  voit  figurer  à  côté  des  noms  révérés  des  Apôtres  que 
Jésus-Christ  a  choisis ,  et  par  lesquels  fut  fondée  cette  Eglise 
Primitive  qui  seule  fut  pure  dans  la  foi  et  franche  de  toute 
superstition  dans  le  culte ,  et  de  tout  relâchement  dans  la 
morale. 

8"  La  réforme  liturgique  ayant  pour  une  de  ses  fins  prin- 
cipales l'abolition  des  actes  et  des  formules  mystiques,  il 
s'ensuit  nécessairement  que  ses  auteurs  devaient  revendiquer 
l'usage  de  la  langue  vulgaire  dans  le  service  divin.  Aussi, 
est-ce  là  un  des  points  les  plus  importants  aux  yeux  des  sec- 


420  INSTITUTIONS 

taires.  Le  culte  n'est  pas  une  chose  secrète ,  disent-ils  ;  il  faut 
que  le  peuple  entende  ce  qu'il  chante.  La  haine  de  la  langue 
latine  est  innée  au  cœur  de  tous  les  ennemis  de  Rome  ;  ils 
voient  en  elle  le  lien  des  Catholiques  dans  l'univers,  l'arsenal 
de  l'orthodoxie  contre  toutes  les  subtilités  de  l'esprit  de 
secte ,  l'arme  la  plus  puissante  de  la  Papauté.  L'esprit  de 
révolte  qui  les  pousse  à  confier  à  l'idiome  de  chaque  peuple, 
de  chaque  province  ,  de  chaque  siècle  ,  la  prière  universelle, 
a,  du  reste,  produit  ses  fruits  ,  et  les  Réformés  sont  à  même 
tous  les  jours  de  s'apercevoir  que  les  peuples  Catholiques, 
en  dépit  de  leurs  prières  latines ,  goûtent  mieux  et  accom- 
plissent avec  plus  de  zèle  les  devoirs  du  culte  que  les  peuples 
Protestants.  Â  chaque  heure  du  jour,  le  service  divin  a  lieu 
dans  les  Eglises  Catholiques  ;  le  fidèle  qui  y  assiste  laisse  sa 
langue  maternelle  sur  le  seuil  ;  hors  les  heures  de  la  prédi- 
cation, il  n'entend  que  des  accens  mystérieux  qui  même 
cessent  de  retentir  dans  le  moment  le  plus  solennel,  au  Canon 
de  la  Messe  ;  et  cependant  ce  mystère  le  charme  tellement 
qu'il  n'envie  pas  le  sort  du  Protestant  dont  l'oreille  n'entend 
jamais  que  des  sons  dont  elle  perçoit  la  signification.  Tandis 
que  le  Temple  Réformé  réunit ,  à  grande  peine,  une  fois  la  se- 
maine, les  Chrétiens  puristes,  l'Eglise  Papiste  voit  sans  cesse 
ses  nombreux  autels  assiégés  par  ses  reUgieux  enfans ,  qui 
s'arrachent  à  leurs  travaux  pour  venir  entendre  ces  paroles 
mystérieuses  qui  doivent  être  de  Dieu ,  car  elles  nour- 
rissent la  foi  et  charment  les  douleurs.  Avouons-le ,  c'est  un 
coup  de  maître  du  Protestantisme  d'avoir  déclaré  la  guerre 
à  la  langue  sainte  ;  s'il  pouvait  réussir  à  la  détruire ,  son 
triomphe  serait  bien  avancé.  Offerte  aux  regards  profanes, 
comme  une  vierge  déshonorée,  la  Liturgie ,  dès  ce  moment , 
a  perdu  son  caractère  sacré ,  et  le  peuple  trouvera  bientôt 
que  ce  n'est  pas  trop  la  peine  qu'il  se  dérange  de  ses  travaux 


LITURGIQUES.  424 

OU  de  ses  plaisirs  pour  aller  enlendre  parler  comme  ou 
parle  sur  la  place  publique.  Oiez  à  l'Eglise  Française  ses 
déclamations  radicales  et  ses  diatribes  contre  la  prétendue 
vénalité  du  clergé ,  et  allez  voir  si  le  peuple  ira  long-temps 
écouler  le  soi-disant  Primat  des  Gaules  crier  :  Le  Seigneur 
soit  avec  vous  ;  et  d'autres  lui  répondre  :  Et  avec  votre  es- 
prit. Nous  traiterons  ailleurs,  d'une  manière  spéciale,  de  la 
langue  liturgique. 

9"  En  ôtant  de  la  Liturgie  le  mystère  qui  abaisse  la  raison, 
le  Protestantisme  n'avait  garde  d'oublier  la  conséquence  pra- 
tique ,  savoir  l'affranchissement  de  la  fatigue  et  de  la  gêne 
qu'imposent  aux  corps  les  pratiques  de  la  Liturgie  Papiste. 
D'abord ,  plus  de  jeûne ,  plus  d'abstinence  ;  plus  de  génu- 
flexion dans  la  prière  ;  pour  le  ministre  du  temple ,  plus 
d'oflices  journaliers  à  accomplir ,  plus  même  de  prières  ca- 
noniales à  réciter,  au  nom  de  l'Eglise.  Telle  est  une  des  formes 
principales  de  la  grande  émancipation  protestante  :  dimi- 
nuer  la  somme  des  prières  publiques  et  particulières.  L'évé- 
ment  a  montré  bientôt  que  la  foi  et  la  charité  qui  s'ali^ 
mentent  par  la  prière ,  s'étaient  éteintes  dans  la  Réforme , 
tandis  qu'elles  ne  cessent,  chez  les  Cathodiques,  d'alimenter 
tous  les  actes  de  dévouement  à  Dieu  et  aux  hommes  ,  fécon- 
dées qu'elles  sont  par  les  ineffables  ressources  de  la  prière  Li- 
turgique accomplie  par  le  Clergé  séculier  et  régulier,  auquel 
s'unit  la  communauté  des  fidèles. 

40'^  Comme  il  fallait  au  Protestantisme  une  règle  pour 
discerner  parmi  les  institutions  papistes  celles  qui  pou- 
vaient être  les  plus  hostiles  à  son  principe,  il  lui  a  fallu  fouil- 
ler dans  les  fondemens  de  l'édifice  (catholique ,  et  trouver  la 
pierre  fondamentale  qui  porte  tout.  Sou  instinct  lui  a  fait  dé- 
couvrir tout  d'abord  ce  dogme  inconciliable  avec  toute  inno- 
vation :  la  puissance  Papale.  Lorsque  Luther  écrivit  sur  sa 


422  INSTITUTIONS 

bannière  :  Haine  à  Rome  et  à  ses  lois ,  il  ne  faisait  que  pro- 
mulguer une  fois  de  plus  le  grand  principe  de  toutes  les 
branches  delà  secte  Anti-Iiturgiste.  Dès  lors,  il  a  fallu  abro- 
ger en  masse  le  culte  et  les  cérémonies ,  comme  l'idolâtrie 
de  Rome;  la  langue  latine ,  l'Office  divin,  le  Calendrier,  le 
Bréviaire,  toutes  abominations  de  la  grande  Prostituée  de 
Babylone.  Le  Pontife  Romain  pèse  sur  la  raison  par  ses 
dogmes,  sur  les  sens  par  ses  pratiques  rituelles;  il  faut  donc 
proclamer  que  ses  dogmes  ne  sont  que  blasphème  et  erreur , 
et  ses  observances  liturgiques,  qu'un  moyen  d'asseoir  plus 
fortement  une  domination  usurpée   et   tyrannique.   C'est 
pourquoi ,  dans  ses  Litanies  émancipées,  l'Eglise  Luthérienne 
continue  de  chanter  naïvement  :  De  l'homicide  fureur,  ca- 
lomnie^ rage  et  férocité  du  Turc  et  du  Pape,  délivrez-nous. 
Seigneur  (1).  C'est  ici  le  lieu  de  rappeler  les  admirables 
considérations  de  Joseph  de  Maistre ,  dans  son  livre  du 
Pape,  où  il  montre,  avec  tant  de  sagacité  et  de  profon- 
deur ,  qu'en  dépit  des  dissonances  qui  devraient  isoler  les 
unes  des  autres  les  diverses  sectes  séparées,  il  est  une 
qualité  dans  laquelle  elles  se  réunissent  toutes,  celle  de 
non  Romaines.  Imaginez  une  innovation  quelconque ,  soit 
en  matière  de  dogme,  soit  en  matière  de  discipline,  et 
voyez  s'il  est  possible  de  l'entreprendre  sans  encourir ,  bon 
gré  malgré,  la  note  de  non  Romain,  ou  si  vous  voulez  de 
moins  Romain,  si  on  manque  d'audace.  Reste  à  savoir  quel 
genre  de  repos  pourrait  trouver  un  Catholique  dans  la  pre- 
mière ,  ou  même  dans  la  seconde  de  ces  deux  situations. 

11°  L'hérésie  Anti-hturgisie ,  pour  établir  à  jamais  son 
règne,  avait  besoin  de  détruire  en  Aut  et  en  principe  tout 
Sacerdoce  dans  le  Christianisme  ;  car  elle  sentait  que  là  où 

(1)  Lntherisches  Gesangbuch.  Leipzig.  Pag.  fl67. 


LITUnCIQUES.  423 

il  y  a  un  Pontife ,  il  y  a  un  Autel ,  et  que  là  où  il  y  a  un 
Autel ,  il  y  a  un  Sacrifice ,  et  partant  un  Cérémonial  mys- 
térieux. Après  donc  avoir  aboli  la  qualité  du  Pontife  Su- 
prême ,  il  fallait  anéantir  le  caractère  de  l'Evêque ,  duquel 
émane  la  mystique  imposition  des  mains  qui  perpétue  la 
Hiérarchie  sacrée.  De  là  un  vaste  Presbytérianisme ,  qui 
n'est  que  la  conséquence  immédiate  de  la  suppression  du 
Pontificat  souverain.  Dès-lors ,  il  n'y  a  plus  de  Prêtre  pro- 
prement dit;  comment  la  simple  élection,  sans  consécration, 
ferait-elle  un  homme  sacré?  La  réforme  de  Luther  et  de 
Calvin  ne  connaîtra  donc  plus  que  des  Ministres  de  Dieu,  ou 
des  hommes,  comme  on  voudra.  Mais  il  est  impossible  d'en 
rester  là.  Choisi,  installé  par  des  laïques ,  portant  dans  le 
temple  la  robe  d'une  certaine  magistrature  bâtarde  ,  le 
Ministre  n'est  qu'un  laïque  revêtu  de  fonctions  accidentelles; 
il  n'y  a  donc  plus  que  des  laïques  dans  le  Protestantisme; 
et  cela  devait  être,  puisqu'il  n'y  a  plus  de  Liturgie,  comme 
il  n'y  a  plus  de  Liturgie  ,  puisqu'il  n'y  a  plus  que  des 
laïques. 

1^'  Enfin,  et  c'est  là  le  dernier  degré  de  l'abrut  ssement, 
le  Sacerdoce  n'existant  plus,  puisque  la  hiérarchie  est  morte, 
le  prince,  seule  autorité  possible  entre  laïques,  se  procla- 
mera Chef  de  la  Religion ,  et  l'on  verra  les  plus  fiers  réfor- 
mateurs ,  après  avoir  secoué  le  joug  spirituel  de  Rome , 
reconnaître  le  Souverain  temporel  pour  Pontife  Suprême, 
et  placer  le  pouvoir  sur  la  Liturgie  parmi  les  attributions  du 
droit  majestatique.  Il  n'y  aura  donc  plus  de  dogme,  de  morale, 
de  Sacrements,  de  culte,  de  Christianisme,  qu'autant  qu'il 
plaira  au  prince ,  puisque  le  pouvoir  absolu  lui  est  dévolu  sur 
la  Liturgie  par  laquelle  toutes  ces  choses  ont  leur  expression 
et  leur  application  dans  la  communauté  des  fidèles.  Tel  est 
pourtant  l'axiome  fondamental  de  la  Réforme,  et  dans  la  pra- 


424  INSTITUTIONS 

tique  et  dans  les  écrits  des  docteurs  protestans.  Ce  dernier 
trait  achèvera  le  tableau,  et  mettra  le  lecteur  à  même  déjuger 
de  la  nature  de  ce  prétendu  affranchissement,  opéré  avec  tant 
de  violence  à  l'égard  de  la  Papauté,  pour  faire  place  ensuite, 
mais  nécessairement,  à  une  domination  destructive  de  la  na- 
ture même  du  Christianisme.  Il  est  vrai  que,  dans  lescommen- 
cemens,  la  secte  Anti-hlurgiste  n'avait  pas  coutume  de  flatter 
ainsi  les  puissans  :  Albigeois,  Vaudois ,  "Wiclefites,  Hussites , 
tous  enseignaient  qu'il  fallait  résister  et  même  courir  sus  à 
tous  princes  et  magistrats  qui  se  trouvaient  en  état  de  pé- 
ché ,  prétendant  qu'un  prince  était  déchu  de  son  droit ,  du 
moment  qu'il  n'était  pas  en  grâce  avec  Dieu.  La  raison  de 
ceci  est  que  ces  sectaires  craignant  le  glaive  des  princes 
Catholiques,  Evêques  du  dehors,  avaient  tout  à  gagner  en 
rainant  leur  autorité.  Mais  du  moment  que  les  Souverains, 
associés  à  la  révolte  contre  l'Eghse,  voulaient  faire  de  la 
Religion  une  chose  nationale ,  un  moyen  de  gouvernement,  la 
Liturgie  réduite,  aussi  bien  que  le  dogme,  aux  limites  d'un 
pays,  ressortait  naturellement  de  la  plus  haute  autorité  de 
ce  pays ,  et  les  réformateurs  ne  pouvaient  s'empêcher  d'é- 
prouver une  vive  reconnaissance  envers  ceux  qui  prêtaient 
ainsi  le  secours  d'un  bras  puissant  à  l'établissement  et  au 
maintien  de  leurs  théories.  Il  est  bien  vrai  qu'il  y  a  toute  une 
apostasie  dans  cette  préférence  donnée  au  temporel  sur  le 
spirituel ,  en  matière  de  religion  ;  mais  il  s'agit  ici  du  besoin 
même  de  la  conservation.  Il  ne  faut  pas  seulement  être  con- 
séquent ,  il  faut  vivre.  C'est  pour  cela  que  Luther,  qui  s'est 
séparé  avec  éclat  du  Pontife  de  Piome ,  comme  fauteur  de 
toutes  les  abominations  de  Babylone ,  ne  rougit  pas  lui-même 
de  déclarer  théologiquemenl  la  légitimité  d'un  double  ma- 
riage pour  le  Landgrave  de  Hesse  ;  et  c'est  pour  cela  aussi 
que  l'Abbé  Grégoire  trouve  dans  ses  principes  le  moyen  de 


LITURGIQUES.  425 

s'assor.i(M'  toiil  à  la  fois  au  vole  de  mort  contre  I.oiiis  XVI ,  à 
la  Convention ,  el  de  se  faii'e  le  clianipion  de  Louis  XiV  et  de 
Joseph  II  contre  les  Pontifes  Romains. 

Telles  sont  les  principales  maximes  de  la  secte  Ânli-litur- 
giste.  Nous  n'avons,  certes,  rien  exagéré;  nous  n'avons 
fait  que  relever  la  doctrine  cent  fois  professée  dans  les 
écrits  de  Luther ,  de  Calvin ,  des  Centuriateurs  de  Magde- 
bourg ,  de  Ilospinien ,  de  Kemnitz  ,  etc.  Ces  livres  sont 
faciles  à  consulter,  ou  plutôt  l'œuvre  qui  en  est  sortie  est 
sous  les  yeux  de  tout  le  monde.  Nous  avons  cru  qu'il  était 
utile  d'en  mettre  en  lumière  les  principaux  traits.  Il  y  a  tou- 
jours du  profit  à  connaître  l'erreur;  l'enseignement  direct 
est  quelquefois  moins  avantageux  et  moins  facile.  C'est  main- 
tenant au  logicien  catholique  de  tirer  la  contradictoire. 


426  INSTITUTIONS 


CHAPITRE  XV. 

RÉFORME  CATHOLIQUE  DE  LA  LITURGIE.  —  PAUL  IV.  PIE  IV. 
—  CONCILE  DE  TRENTE.  SAINT  PIE  V.  BRÉVIAIRE  ROMAIN. 
MISSEL  ROMAIN.  —  INTRODUCTION  DE  LA  LITURGIE  RÉFORMÉE 
EN   ITALIE,    EN    ESPAGNE,  EN    FRANCE  ET  DANS  LE  RESTE  DE 

l'occident.  —  PALtSTRINA. SIXTE-QUINT.  CONGRÉGATION 

DES  RITES.  —  GRÉGOIRE  XIII.  RÉFORME  DU  CALENDRIER. 
MARTYROLOGE  ROMAIN.  —  CLÉMENT  VIII.  PONTIFICAL  RO- 
MAIN. CÉRÉMONIAL  ROMAIN.  —  AUTEURS  LITURGISTES  DU 
SEIZIÈME   SIÈCLE. 

Le  seizième  siècle,  au  sein  duquel  les  véritables  doctrines 
liturgiques  avaient  souffert  de  si  rudes  atteintes ,  et  qui  avait 
été  témoin  des  reformes  mal  avisées  de  Ferreri  et  de  Qui- 
gnonez ,  devait  néanmoins  voir  s'accomplir  une  véritable , 
solide  et  légitime  réforme  ;  mais  c'était  aux  Pontifes  Romains 
qu'il  était  réservé  de  l'entreprendre  par  eux-mêmes  et  de  la 
consommer.  Comme  toujours,  le  Clergé  Régulier  dut  influer 
sur  une  œuvre  si  importante  ;  mais  ce  n'étaient  déjà  plus  les 
Franciscains.  A  l'action  insuffisante  des  Ordres  Mendians  s'é- 
tait adjoint  le  zèle  de  cette  nouvelle  branche  qui  venait  de 
pousser  au  grand  arbre  de  l'Etat  Religieux,  et  qu'on  dési- 
gnait sous  le  nom  de  Clercs  réguliers.  Les  plus  anciens  de 
cette  milice,  les  Théatins,  fondés  par  saint  Gaétan  de  Thienne, 
attachèrent  leur  nom  à  la  première  tentative  de  réforme  li- 
turgique qui  puisse  être  prise  au  sérieux,  et  préparèrent  le 
grand  résultat  obtenu  plus  lard  par  Saint  Pie  V.  Clément  VII, 
le  même  qui  chargea  Quignonez  de  travailler  à  un  nouveau 


LITURGIQUES.  427 

Bréviaire,  avait  donné  la  môme  commissionàSaint  Gaétan  et  à 
Jean-Pierre  Caraffa,  l'un  de  ses  premiers  associés,  qui  plus 
tard  fut  Pape  sous  le  nom  de  Paul  IV.  Le  Bref  qui  leur  con- 
fère celte  marque  de  haute  confiance  Apostolique  existe  en- 
core dans  les  Annales  des  Tliéatins  (1) ,  où  il  porte  la  date  du 
21  janvier  15!29.  Le  Bréviaire  de  Quignonezfutpréféré,  parce 
que  sans  doute  il  était  moins  long,  et  disposé  dans  une  forme 
I)lus  élégante  :  celui  des  Théalins ,  dû  en  partie  à  Caraffa, 
alors  Evéque  de  Chieti,  ne  se  recommandait  que  parle  main- 
tien des  antiques  et  vénérables  usages ,  par  l'épuration  des 
histoires  apocryphes ,  la  correction  des  Rubriques ,  la  sub- 
stitution des  vraies  Leçons  des  Saints  Pères  à  des  Homéhes 
tirées  d'auteurs  hétérodoxes,  tels  que  Origène,  Eusèbe  Emis- 
sène ,  etc.  (2)  Caraffa  était  trop  grand  amateur  de  l'antiquité 
et  trop  grave  pour  ne  pas  dédaigner  l'œuvre  de  Quignonez  ; 
il  suivit  donc  l'exemple  de  saint  François  Xavier,  et  montra, 
même  ouvertement,  son  mépris  pour  le  Bréviaire  de  ce  Car- 
dinal (3).  Il  vint  à  monter,  en  loo5,  sur  la  Chaire  de  Saint 
Pierre ,  et  l'un  de  ses  premiers  soins  fut  de  déclarer  qu'on 
n'accorderait  plus,  à  l'avenir,  la  permission  d'user  de  celte 
Liturgie  abrégée,  bien  qu'il  ne  jugeât  pas  encore  à  propos  de 
retirer  les  facultés  d'en  user  qui  avaient  été  antérieurement 
obtenues.  Il  se  remit  ensuite  à  travailler  avec  ardeur  à  la 
rédaction  de  son  Bréviaire  réformé  ;  mais  comme  il  voulait 
accomplir  par  lui-même  cette  œuvre  si  importante  et  si  digne 
d'un  Pape ,  il  arriva  qu'étant  détourné  par  les  nombreuses  et 

(t)  Silos.  Hist.  Theatin.  Lib.  III.  Jpud  Bolland.  Tom.  11.  /.uqwt. 
die  F/1,  pag.  2^1. 

(2)  Vita  e  gesti  di  Gio  :  Pietro  Caraffa  ,  cioè  di  Paolo  IV.  Pontefice 
Massimo ,  raccoUi  dal  P.  D.  Aatonio  Caracciolo.  MSS.  de  i'an  1633, 
cité  par  Arevalo ,  Hymnodia  Hispanica.  pag.  592  et  seq. 

(3)  Ibidem, 


428  INSTITUTIONS 

graves  préoccupations  de  la  dignité  suprême ,  il  ne  put  ar- 
river à  mettre  ce  Bréviaire  en  état  d'être  promulgué.  Il 
mourut  en  doo9,  après  quatre  ans  d'un  Pontificat  énergique, 
qu'il  avait  commencé  ayant  déjà  atteint  sa  soixante-dix- 
neuvième  année. 

Après  la  mort  de  Paul  IV,  Pie  IV,  son  successeur,  mit  tous 
ses  soins  à  la  continuation  du  Concile  ouvert  à  Trente  sous 
Paul  III,  en  lo4o,  et  depuis  suspendu  à  diverses  fois.  Paul  IV, 
dans  son  zèle  ardent  pour  les  droits  du  Siège  Apostolique , 
n'avait  pas  voulu  consentir  à  la  reprise  des  travaux  de  ce  Con- 
cile ,  persuadé  que  l'autorité  du  Pontife  Romain ,  employée 
avec  fermeté  et  persévérance ,  suffisait  pour  accomplir  la 
réforme  de  l'Eglise.  Au  reste,  Paul  IV  était  digne  de  concevoir 
une  pareille  espérance  ;  mais  il  était  dans  les  plans  de  la  di- 
vine Providence  que,  pour  s'accommoder  davantage  aux 
idées  et  aux  prétentions  de  ce  siècle  ,  un  Concile ,  entravé 
d'ailleurs  en  mille  manières  par  les  puissances  et  les  natio- 
nalités temporelles,  eût  lapins  grande  part  à  l'œuvre  de  la 
réforme  catholique.  Il  est  vrai  aussi  d'ajouter  que  cette 
assemblée  eut  le  bonheur  de  se  sentir  dirigée  par  des  Légats 
dévoués  au  Siège  Apostolique ,  dont  ils  recevaient  et  trans- 
mettaient les  instructions ,  et  qu'une  suite  de  grands  Pon- 
tifes ,  saint  Pie  V,  Grégoire  XIII ,  Sixte-Quint,  Clément  VIII, 
Grégoire  XV,  se  montra  disposée  à  appliquer  les  Canons  de 
Trente  avec  cette  vigueur  inviolable  qui  en  a  fait  pénétrer 
l'esprit  et  les  maximes  dans  toutes  les  institutions  catholiques, 
depuis  cette  grande  époque. 

Paul  IV  avait  pensé  que  la  réforme  de  la  Liturgie  ne  pou- 
vait se  faire  qu'à  Rome;  qu'elle  devait  être  l'œuvre  propre 
d'un  Pontife  Romain ,  successeur  des  Gélase  et  des  Grégoire. 
Il  ne  tint  pas  à  Pie  IV,  comme  nous  verrons,  que  cette  ré- 
forme ne  se  fit  à  Trente:  mais  le  divin  auteur  de  l'Eglise, 


LITURGIQUES.  429 

qui  a  établi  Rome  mélropole  du  gouvernement  ecclésias- 
lique,  cl  sou  Eglise  la  Mère  de  tous  les  fidèles,  sut  bien 
amener  les  choses  au  point  où  elles  devaient  être,  et  la  pu- 
blication de  la  Liturgie  réformée  se  fit  définitivement  par 
l'autoriié  du  Souverain  Pontife ,  dans  cette  capitale  du  Ca- 
tholicisme. Avant  de  racontei'  ce  grand  événement ,  il  est 
nécessaire  que  nous  donnions  quelques  détails  sur  les  dis- 
positions dans  lesquelles  se  trouvait  le  Concile  au  sujet  de 
la  réforme  liturgique. 

Nous  avons  parlé ,  au  chapitre  précédent ,  des  nécessités 
qui  réclamaient  impérieusement  l'attention  des  Pasteurs  de 
l'Eglise,  sur  la  matière  si  grave  du  culte  divin.  Dès  l'an 
1556,  on  avait  tenu  à  Cologne  un  Concile  dont  les  Canons, 
très -expressifs,  sont  de  la  plus  haute  importance  pour 
caractériser  les  élémens  qui  se  remuaient  alors  au  sein  de 
l'Eglise.  Il  fut  assemblé  par  le  fameux  Archevêque  Hermann, 
qui  eut  depuis  le  malheur  d'embrasser  le  Luthéranisme. 
Cette  circonstance  explique  plus  que  suffisamment  l'extrême 
liberté  avec  laquelle  la  discipline  de  cette  époque  se  trouve 
parfois  qualifiée  dans  les  Actes  de  ce  Concile.  Sur  l'article 
de  la  Liturgie ,  au  sixième  et  onzième  Canon  de  la  seconde 
partie  ,  on  articule  le  projet  d'une  réforme  ;  on  affirme 
que  le  Bréviaire  se  trouve  contenir  des  histoires  dépour- 
vues d'autorité  et  de  gravité ,  plainte  qui  n'aurait  rien  eu 
que  de  très-légitime  ;  mais  on  émet  hardiment  le  vœu  de  voir 
supprimer  même  les  histoires  authentiques ,  pour  les  rem- 
placer par  de  simples  lectures  de  l'Ecriture  Sainte  (1).  Quant 
au  Missel ,  les  Pères  réprouvent ,  avec  raison ,  plusieurs 

(1)  Nam  cum  olim  a  sanctissimis  patribus  inslitulum  sil,  ut  solse 
scripturse  sacric  in  Ecclesia  recitarentur,  nt  scimus  qua  incuria  acci- 
dent ,  ut  in  eaïuin  locum  successerint  alia  cum  bis  neutiquam  compa- 
randa ,  atque  intérim  bistoriie  sauctorum  tam  inculte  ac  tam  negligenti 


456  INSTITUTlOiNS 

innovations  qu'on  y  avait  introduites ,  et  qui  offensaient  le 
respect  dû  au  plus  auguste  des  mystères  (1).  La  prétention 
émise  ici  sur  l'Ecriture  Sainte ,  comme  matière  unique  de  la 
Liturgie,  avait  déjà  été  exprimée  en  Allemagne ,  dans  les  ar- 
ticles de  réforme  proposés  par  l'Empereur  au  Concile  de 
Bâle(2). 

Dans  la  première  période  du  Concile  de  Trente ,  les  Pères 
n'eurent  pas  le  loisir  de  s'occuper  de  la  Liturgie  ;  mais 
on  a  vu  plus  haut,  que  déjà  des  réclamations  en  forme 
avaient  été  déposées  contre  le  Bréviaire  de  Quignonez.  Le 
Concile  ayant  été  momentanément  suspendu,  nous  retrou- 
vons encore  des  réclamations  concernant  la  Liturgie,  dans 
un  projet  de  réforme  dressé  par  Charles-Quint,  à  Augsbourg. 
On  y  demande  que  la  forme  des  prières  de  l'Eglise  soit  ra- 
menée aux  institutions  des  anciens  Pères  ;  que  l'on  donne 
à  des  hommes  pieux  et  doctes  le  soin  de  purger  les  Bréviaires 
de  tout  ce  qu'ils  contiennent  d'apocryphe  et  de  moins  con- 


Judicio  conscriptse ,  ut  nec  autoritatem  habere  videantur ,  nec  gravi- 
latem.  Deo  itaque  auctore,  deque  coosilio  capituli  nostri,  ac  iheolo- 
gorum  ,  aliorumque  piorutn  virorum ,  reformationem  Breviariorum 
medilabimur.  Conc.  Labb.  Tom.  XIF.  p.  504. 

(1)  Peculiaria  missarum  argumenta,  recens  praeter  veterum  insti- 
tutioaem  inventa,  etiam  patribus  displicuerunt,  quod  tantum  myste- 
rium  pro  affectu  cujuslibet  tractari  non  deceat.  Prosas  indoctas  nupe- 
rius  missalibus  cteco  quodam  judicio  iiivectas  prsetermiuere  per  nos 
liceret.  Videbimur  ergo  oper*  prelium  facturi,  si  missalia  perinde 
atque  Breviaria  pervideri  curemus,  ut  amputatis  tanlum  superfluis, 
et  quœ  superstitiosius  invecta  videri  possiut,  ea  tantum,  quae  dig- 
nitati  ecclesiœ  et  priscis  instituiis  conseutanea  fuerint  relinquan- 
tur.  Ibidem. 

(2)  Breviaria  et  Missalia  cxpurganda,  resecandaque  omnia  quae  non 
ex  divinissintdesumpta  litteris,  et  tœdiosam  prolixitatem  psalmorum 
et  orationum,  babilo  deleciu,  contrahendam.  article  Xll.  ViA,  Gran- 
colas.  Commentaire  hist.  sur  le  Brév.  Rom.  Tom,  /.  pag.  20, 


LITURGIQUES.  431 

forme  à  la  pureté  du  culte  divin  (1).  A  la  reprise  du  Concile, 
sous  Pie  IV ,  on  Iroiive  dans  un  mémoire  donné  au  Cardinal 
de  Lorraine  qui  se  rendait  à  Trente  ,  en  1562 ,  l'injonction 
faite  à  ce  Prélat  par  le  Roi  et  les  Etats  généraux  du  royaume 
d'insister  fortement  auprès  des  Pères  du  Concile  sur  la  né- 
cessité d'épurer  le  service  divin ,  de  retrancher  les  supersti- 
tions, et  de  revoiries  prières  et  les  cérémonies  (2).  Tous  ces 
faits  qui  attestent  de  plus  en  plus  l'urgence  de  la  réforme 
liturgique ,  et  le  zèle  que  les  peuples  catholiques  mettaient 
encore  au  seizième  siècle  à  ce  qui  concernait  le  culte  divin, 
montrent  en  même  temps  toute  la  gravité  de  la  situation 
dans  laquelle  allait  se  trouver  le  Concile  ,  au  milieu  de 
toutes  CCS  prétentions,  parmi  lesquelles  on  ne  pouvait  s'em- 
pêcher de  démêler  certaines  inspirations  plus  ou  moins 
suspectes. 

Pie  IV ,  qui  montra  toujours  dans  la  direction  du  Concile , 
par  ses  Légats,  un  tact  si  sûr  et  une  si  juste  intelligence  des 
véritables  besoins  de  l'Eglise ,  voulant  mettre  les  Pères  en 
mesure  d'accomplir ,  suivant  toutes  les  convenances  cano- 
niques, l'œuvre  tant  désirée  de  la  Réforme  Liturgique ,  leur 
envoya  le  travail  de  Paul  IV.  C'était  leur  tracer  la  ligne  la 
plus  sûre,  puisque  ce  grand  Pape  n'avait  eu  en  vue  dans  sa 
réforme  que  de  rapprocher  le  Bréviaire  des  sources  Grégo- 
riennes et  de  le  dégager  des  additions  arbitraires,  ou  peu 
séantes,  qu'on  s'était  permis  d'y  faire,  dans  les  derniers  siècles. 
Le  Concile,  préoccupé  des  graves  objets  qui  remplissent  ses 

(1)  Breviarium  ia  formam  precum  et  orationum  ab  antiquis  Eccle- 
ste  palribus  et  recloribus  iraditam  praescriptamque  redigondum;  in- 
super apocry|iLa ,  paruraque  ad  sincerum  cultum  pertiiio:,lia  a  Bre- 
viariis  resecanda.  rid.  Benedict.  XIF.  De  Canonhalione  Sanclornm. 
Lib.  IF.  part.  IL  Cap.  15. 

(•2)  Hibtoire  Ecclcs.  deFI'aury,  Coutiuualion.  Tom  XXXIII.  i)ag,  li. 


4.32  INSTITUTIONS 

Sessions,  de  la  dix-huitième  à  la  vingt-cinquième ,  se  trouva 
être  arrivé  à  l'an  1563,  avant  que  la  commission  chargée  par 
lui  de  la  réforme  du  Bréviaire  eût  eu  assez  de  loisir  pour  ter- 
miner son  œuvre.  Deux  sentimens  semblaient  partager  l'as- 
semblée :  les  uns  voulaient  qu'on  établît  une  parfaite  unité 
liturgique  dans  toute  l'EgUse ,  les  autres  soutenaient  les 
rites  particuliers  des  diocèses.  Les  Légats ,  voyant  que  la 
décision  d'une  si  importante  affaire,  jointe  à  la  lenteur  qu'en- 
traînerait infailliblement  la    correction  faite   en  détail  de 
l'ensemble  de  la  Liturgie,  car  il  ne  s'agissait  pas  seulement 
du  Bréviaire  ,  mais  encore  du   Missel  ,  proposèrent  au 
Concile  de  renvoyer  ce  soin  au  Pontife  Romain  ;  ce  qui  fut 
approuvé  dans  la  vingt-cinquième  session  (1).  Il  y  eut  bien 
quelques  Prélats  qui  manifestèrent  de  l'opposition.  L'Evêque 
de  Lérida,  entre  autres,  prononça  un  long  discours  pour 
prouver  qu'on  avait  bien  plus  de  ressources  dans  le  Concile 
pour  traiter  un  si  important  objet  qu'on  n'en  pourrait  avoir 
à  Rome ,  où  l'on  n'avait  point  une  connaissance  aussi  exacte 
des  usages  des  différents  pays.  Cette  prétention  ne  fut  pas 
écoutée  et  ne  devait  pas  l'être ,  pour  peu  que  l'on  voulût 
arrivera  une  conclusion  quelconque.  En  effet,  il  ne  s'agis^ 
sait  pas  de  donner  une  nouvelle  Liturgie ,  mais  simplement 
d'épurer  ,  de  ramener  à  la  forme  antique  celle  de  l'Eglise 
d'Occident.  Or,  cette  Liturgie  était  celle  de  Rome  ;  ses 
sources  étaient  à  Rome  ;  cette  capitale  de  l'Eglise  Catho- 
lique était  donc  le  seul  endroit  où  la  correction  liturgique 
pût  s'accomplir.  Si  le  Concile  de  Trente,  pour  rétablir  l'u- 
nité, eût  voulu  faire  un  ensemble  de  tous  les  usages  épars 
dans  les  divers   Diocèses  de  l'Occident  ,  il  n'eût  réussi 

(1)  Conc.  Trid.  Sess.  XXV.  Decretum  de  Indice  librorum,et  Cate- 
chismo ,  Breviario  et  Missad. 


LITURGIQUES,  455 

qu'à  produire  un  ensemble  nioiislrueux  el  iiicohéient  qui 
n'eùl  ict;il)li  l'uiiilé  qu'en  froissant  à  plaisir  loulcs  K'S  pn';- 
leniions  locales  ,  allumanl  ainsi  une  guerre  entre  les  Kglises 
dont  les  usages  eussent  été  prélérés,  et  celles  qui  auraient 
ci'u  voir  leurs  coutumes  tombées  dans  le  mépris. 

Le  Concile,  en  remettant  au  l^oniile  ilomain  la  réforme  du 
Bréviaire,  du  Missel  et  du  Kituel,  ne  fit  donc  autre  chose 
que  de  proclamer  une  fois  de  plus  la  nécessité  pour  toute 
l'Eglise  d'Occident ,  de  suivre  la  Liturgie  de  l'Eglise  Mère  et 
Maîtresse.  On  rapporta  à  Home  les  manuscrits  de  Paul  IV,  et 
toutes  les  pièces  du  travail  qu'avaient  exécuté,  dans  la  même 
ligne  ,  les  commissaires  du  Concile.  Pie  IV  manda  en  même 
temps  auprès  de  lui  ces  derniers,  et  leur  adjoignit  plusieurs 
doctes  personnages  de  Rome  ;  mais  ce  Pape  ayant  été  pré- 
venu par  la  mort ,  saint  Pie  V ,  son  successeur ,  prit  en 
main  ce  grand  œuvre  et  ajouta  aussi  de  nouveaux  commis- 
saires pour  en  hâter  la  consommation  (i).  Nous  n'avons  pu 
découvrir  jusqu'ici,  malgré  toutes  nos  recherches,  les  noms 
de  tous  les  membres  de  cette  importante  commission.  Merali 
se  borne  à  nous  faire  connaître  le  Cardinal  Bernardin  Scotti , 
et  Thomas  Golduelli ,  Evéquc  d'Âsaf ,  tous  deux  de  l'ordre 
des  Théatins  auquel  appartient  la  plus  grande  part  de  l'hon- 
neur de  la  correction  liturgique  du  seizième  siècle  (2).  Zac- 
caria  pense ,  avec  Lagomarsini ,  qu'il  faut  attribuer  aussi 
une  action  importante  sur  cette  œuvre  au  Cardinal 
Guillaume  Sirlet  et  au  docte  Jules  Poggio  (3). 

Nous  exposerons  ici ,  en  peu  de  mots ,  les  principes  qui 
présidèrent  à  la  correction  du  Bréviaire  de  saint  Pie  V. 

(1)  Benedicl.  XtV.  Ibidem. 

(•2)  Merati.  Tom.  III.  Edit.  Venet.  pag.  15. 

(3)  Zaccaria,  Bibliolheca  Ritualis.  Tom.  I.  pag.  H6. 

T.  I.  2é 


434  INSTITUTIONS 

D'abord,  l'idée  fondamentale  de  Paul  IV,  et  de  ses  confrères 
les  Théatins ,  idée  adoptée  par  le  Concile  de  Trente  et  par 
Pie  IV,  mais  diamétralement  opposée  à  celle  de  Quignonez  , 
était  qu'il  n'y  avait  d'autre  réforme  de  la  Liturgie  à  accom- 
plir, que  de  la  rapprocher  des  sources  antiques,  en  rejetant 
la  distinction  d'un  Oflice  récité  en  particulier  et  d'un  Office 
public.  Il  fallait  donc  consulter  les  plus  anciens  manuscrits 
et  rétablir  l'ordre  et  la  disposition  qu'ils  offraient,  tant 
dans  le  Psautier  que  dans  le  partage  des  livres  de  l'Ecriture, 
dans  les  Répons,  les  Antiennes  et  les  Hymnes. Par  ce  moyeu, 
l'Eglise  demeurait  semblable  à  elle-même. 

Quant  aux  fêtes  des  nouveaux  Saints,  les  correcteurs 
jugèrent  devoir  se  montrer  très-sobres  à  les  admettre,  non 
par  un  amour  systématique  de  l'Office  férial,  mais  pour  ne 
pas  usurper  la  place  des  âges  suivans.  Ils  conservèrent  donc 
un  certain  nombre  d'Offices  en  l'honneur  des  Saints  admis 
au  Calendrier  depuis  saint  Crégoire  ;  mais  on  eut  soin  que 
ces  Offices,  ordinairement  réduits  aux  leçons  du  second 
îVocturne ,  n'eussent  plus  ni  Hymnes ,  ni  Antiennes  propres, 
pour  prévenir  un  encombrement  qu'un  zèle  mal  réglé  n'eût 
pas  manqué  de  produire  dans  un  temps  plus  ou  moins  long. 
Les  Propres  des  diverses  Eglises  devaient  suppléer  à  ce  que 
le  Bréviaire  général  ne  renfermerait  pas. 

Le  nombre  des  fêtes  des  Saints  se  trouvant  réduit  de 
beaucoup ,  les  correcteurs  se  virent  en  mesure  d'assigner 
à  l'Office  férial  deux  cents  jours  environ  sur  l'année  ,  et  par 
là  tomba  le  reproche  que  faisait  Quignonez  au  Bréviaire  de 
son  temps ,  de  priver  les  Clercs  de  la  récitation  hebdoma- 
daire du  Psautier. 

On  remit  en  vigueur  le  Canon  de  S.  Grégoire  VII,  sur  le  par- 
tage des  saintes  Ecritures  dans  les  leçons  de  Matines.Il  n'y  eut 
que  les  Paialipomènes ,  Ebdras et  Bai'uch  ,  pour  lesquels  il 


LITURGIQUES.  45r> 

ne  se  trouva  pas  de  place  :  mais  le  choix  des  passages  fut 
fait  avec  tant  de  goût  et  de  précision,  que  l'on  peut 
dire  que  leur  ensemble  donne  un  aspect  aussi  complet  des 
saintes  Ecritures  ,  que  celui  même  que  peut  fournir  le  Bré- 
viaire de  Quignonez,  dans  la  préfïice  duquel  on  promet,  il 
est  vrai,  la  lecture  annuelle  de  la  Bible  :  promesse  qui  n'est 
cependant  pas  remplie. 

Les  Homélies  et  autres  passages  des  Saints  Pères  sont 
choisis ,  pour  l'ordinaire  ,  avec  un  discernement  supérieur. 
S'il  en  est  quelques-uns  empruntés  à  des  livres  que  la  cri- 
tique moderne  a  reconnus  apocryphes ,  il  faut  se  rappeler 
que  cette  science  ne  faisait  alors  que  de  naître  ,  et  que  les 
grandes  et  correctes  éditions  dont  nous  jouissons  aujour- 
d'hui n'existaient  pas.  Un  homme  impartial  n'oserait  repro- 
cher à  Baronius  et  à  Bellarmin  les  taches  de  ce  genre  qu'on 
remarque  dans  leurs  immmortels  écrits. 

Les  Légendes  des  Saints  se  montrent  purgées  de  tous  les 
faits  apocryphes  qu'on  y  voyait  avec  peine  ;  et  si ,  aujour- 
d'hui ,  de  sévères  censeurs  ont  encore  des  reproches  à  faire 
au  Bréviaire  romain  ,  sous  le  rapport  de  la  critique  histo- 
rique ,  nous  les  renvoyons  à  Benoît  XIV  ,  qui  a  traité  la  ma- 
tière (1) ,  en  attendant  que  la  marche  suivie  dans  cet  ouvrage 
nous  amène  à  discuter  la  valeur  de  cette  censure.  Quant  au 
style  de  ces  Légendes ,  on  doit  reconnaître  que  s'il  offre  des 
variations,  parce  qu'on  jugea  à  propos  d'en  retenir  quel- 
ques-unes d'anciennes ,  le  plus  grand  nombre  est  d'une  ré- 
daction à  la  fois  élégante  et  conforme  au  style  liturgique. 
Nous  citerons  surtout,  dans  cette  dernière  classe,  celles  des 
saints  Docteurs  qui  appartiennent  d'ordinaire  à  Sirlet  et  à 
Poggio. 

(l)  De  Canonizatione  SS.  Lib.  IV,  Part.  II.  Cap.  XIII. 


436  INSTITUTIOiSS 

Pour  ce  qui  regarde  les  rubriques  du  Bréviaire ,  on  put 
y  faire  quelques  corrections  ;  mais  elles  restèrent  en  somme 
ce  qu'elles  étaient.  Nous  avons  exposé  au  chapitre  XIII  les 
principes  de  l'Eglise  sur  cette  matière ,  et  fait  voir  combien 
ils  durèrent  des  maximes  de  Quignouez. 

Tel  était  le  Bréviaire  Réformé ,  conforme ,  du  reste ,  pour 
les  répons,  les  antiennes  et  autres  formules  dont  nous  n'a- 
vons pas  parlé  eu  détail ,  aux  anciens  livres  Grégoriens ,  et 
principalement  à  l'Àntiphoiiaire  ou  Responsorial  publié  par 
le  B.  Toramasi.  On  ne  pouvait  donc  rien  voir  de  plus  pur,  de 
plus  conforme  à  l'antiquité  ;  c'est  ce  qui  fait  dire  au  DoLleur 
Grancolas,  malgré  ses  préjugés  :  «  Si,  au  neuvième  siècle, 
»le  Bréviaire  Romain  mérita  tant  d'applaudissements,  et 

>  d'être  préféré  à  tous  ceux  dos  autres  Eglises ,  il  parut  avec 
«plus  de  lustre  ,  après  que  le  Pape  Pie  V  l'eût  fait  revoir  ;i 
> aussi,  peut-on  dire  que,  depuis  ce  temps-là,  toutes  les 
«Eglises  particulières  l'ont  tellement  adopté,  que  celles  qui 

>  ne  l'ont  pas  pris  sous  le  nom  de  Bréviaire  Romain  ,  l'ont 
j>  presque  tout  inséré  dans  le  leur,  en  l'accommodant  à  leur 
»  rit  (I).  »  Il  est  vrai  que ,  sous  ce  dernier  rapport,  les  choses 
ont  quelque  peu  changé  en  France ,  depuis  17:27,  époque 
à  laquelle  Grancolas  écrivait  son  livre. 

Quand  tout  fut  terminé,  saint  Pie  V  donna  la  Bulle  pour 
la  promulgation  du  Bréviaire.  Elle  commence  par  ces  mots  : 
Quod  a  nobis.  En  voici  la  traduction  : 

«  Pie ,  Evêque ,  serviteur  des  serviteurs  de  Dieu  : 

s  Obligés  par  l'office  de  Notre  charge  pastoj'ale  à  mettre 

s  tous  nos  soins  à  procurer ,  autant  que  nous  le  pourrons  , 

î  par  le  secours  de  Dieu  ,  l'exécution  des  décrets  du  Concile 

»de  Trente,  nous  nous  y  sentons  d'autant  pluj  tenus  dans 

(i)  Commentaueliisluiique  iui  le  Bréviaire  Roniaiu.  Tciu.  1.  p.  11, 


LITURGIQUES.  437 

»  les  choses  qui  inléressent  directement  la  gloire  de  Dieu 
»  et  les  obligations  spéciales  des  personnes  ecclésiastiques. 
«Nous  plaçons  au  premier  rang,  parmi  ces  choses,  les 
»  prières  sacrées,  louanges  et  actions  de  grâces  qui  sont 
»  comprises  au  Bréviaire  Romain.  Cette  forme  de  l'OlTice 
ï  Divin  ,  établie  autrefois  avec  piété  et  sagesse  par  les  Sou- 
ï  verains  Pontifes  Gélase  I  et  Grégoire  I ,  réformée  ensuiio 
»  par  Grégoire  VU ,  s'étant ,  par  le  laps  du  temps ,  écartée 
»de  l'ancienne  institution,  il  est  devenu  nécessaire  de  la 
»  rendre  de  nouveau  conforme  à  l'antique  règle  de  la  prière, 
kLcs  uns,  en  effet,  ont  déformé  l'ensemble  si  harmonieux 
>de  l'ancien  Bréviaire  ,  le  mutilant  en  beaucoup  d'endroits, 
»  et  l'altérant  par  l'addition  de  beaucoup  de  choses  incer- 
»  taines  et  nouvelles.  Les  autres  ,  en  grand  nombre,  attirés 
»  par  la  commodité  plus  grande  ,  ont  adopté  avec  empresse- 
»ment  le  Bréviaire  nouveau  et  abrégé  qui  a  été  composé  par 
ï  François  Quignonez ,  Cardinal-Prétre  du  Titre  de  Sainte- 
> Croix  en  Jérusalem.  En  outre,  cette  détestable  coutume 
ï s'était  glissée  dans  les  provinces,  savoir  que  dans  les 
»  Eglises  qui ,  dès  l'origine ,  avaient  l'usage  de  dire  et  psal- 
amodier  les  Heures  Canoniales,  suivant  l'ancienne  coutume 
»  Romaine ,  aussi  bien  que  les  autres ,  chaque  Evêque  se 
»  faisait  un  Bréviaire  particulier,  déchirant  ainsi ,  au  moyen 
»  de  ces*  nouveaux  Offices  dissemblables  entre  eux  et  propres, 
»pour  ainsi  dire,  à  chaque  Evêché,  cette  communion  qui 
»  consiste  à  offrir  au  même  Dieu  des  prières  et  des  louanges 
»en  une  seule  et  même  forme.  De-là,  dans  un  si  grand 
»  nombre  de  lieux  ,  le  bouleversement  du  Culte  divin  ;  de-là , 
>dans  le  Clergé,  l'ignorance  des  Cérémonies  et  des  Rites 
»  Ecclésiastiques ,  en  sorte  que  d'innombrables  ministres  des 
»  Eglises  s'acquittaient  de  leurs  fonctions  avec  indécence, 
»  et  au  grand  scandale  des  gens  pieux. 


458  INSTITUTIONS 

»Paul  IV,  (l'heureuse  mémoire,  voyant  avec  une  très- 
> grande  peine  cette  variété  dans  les  Offices  divins,  avait 
»  résolu  d'y  remédier,  et  pour  cela ,  après  avoir  pris  des 

>  mesures  pour  qu'on  ne  permît  plus  à  l'avenir  l'usage  du 
»  nouveau  Bréviaire  ,  il  entreprit  de  ramener  la  forme  des 
»  Heures  Canoniales  à  l'ancienne  forme  et  institution.  Mais 

>  étant  sorti  de  cette  vie  ,  sans  avoir  encore  achevé  ce  qu'il 
I  avait  excellemment  commencé ,  et  le  Concile  de  Trente  , 
»  plusieurs  fois  interrompu ,  ayant  été  repris  par  Pie  IV,  de 

>  pieuse  mémoire,  les  Pères,  réunis  en  assemblée  pour  une 
I  salutaire  réforme  ,  pensèrent  que  le  Bréviaire  devait  être 
t  restitué  d'après  le  plan  du  même  Paul  IV.  C'est  pourquoi 
>tout  ce  qui  avait  été  recueiUi  et  élaboré  par  ce  Pontife 
»  dans  cette  intention ,  fut  envoyé  par  le  susdit  Pape  Pie  aux 
»  Pères  du  Concile  réunis  à  Trente.  Le  Concile  ayant  donné 
»à  plusieurs  hommes  doctes  et  pieux  ,  la  charge  de  la  révi- 
»  sion  du  Bréviaire,  en  sus  de  leurs  autres  occupations ,  et  la 
*  conclusion  dudit  Concile  étant  proche  ,  l'assemblée  ,  par  un 
»  décret ,  remit  l'affaire  à  terminer  à  l'autorité  et  au  jugement 

>  du  Pontife  Romain,  qui ,  ayant  fait  venir  à  Rome  ceux  des 
»  Pères  qui  avaient  été  désignés  pour  cette  charge ,  et  leur 
«ayant  adjoint  plusieurs  personnes  idoines  de  la  même 
«ville,  entreprit  de  consomme r définitivement  celte  œuvre. 

«  Mais  ce  Pape  étant  lui-même  entré  dans  h  voie  de  toute 
«chair,  et  Nous,  par  la  disposition  de  la  clémence  divine, 
»  ayant  été  élevés ,  quoique  indignes,  au  sommet  de  TApos- 
«tolat,  Nous  avons  poussé  avec  un  très-grand  zèle  l'achè- 
«vement  de  cette  œuvre  sacrée,  appelant  même  le  secours 
»  d'autrespersonneshabiles,et  Nous  avons  aujourd'hui  le  bon- 
«heur,  par  la  grande  miséricorde  de  Dieu  (  car  nous  le  com- 
»  prenons  ainsi),  de  voir  enfin  terminer  ce  Bréviaire  Romain. 
»  Nous  étant  fait  rendre  compte  plusieurs  fois  de  la  méthod»? 


MTURfilQUCS.  459 

>  suivie  par  ceux  que  nous  avions  préposés  à  cette  afiaire  ; 
»  ayant  vu  que,  dans  raccomplissemcnt  de  leur  œuvre,  ils  ne 
»  s'étaient  point  écartés  des  anciens  Bréviaires  des  plus  il- 
»  lustres  Eglises  de  Rome  et  de  noire  Bibliothèque  Vaticane  ; 
s  qu'ils  avaient ,  en  outre ,  suivi  les  auteurs  les  plus  graves 
ïcn  celte  matière;  et  que,  tout  en  retranchant  les  choses 
ï  étrangères  et  incertaines ,  ils  n'avaient  rien  omis  de  ce  qui 
»  fait  l'ensemble  propre  de  l'ancien  Office  divin;  Nous  avons  ap- 

>  prouvé  leur  œuvre, et  donné  ordre  qu'on  l'imprimât  à  Rome, 
»et  qu'elle  fût  divulguée  en  tous  lieux.  Afin  donc  que  celle 
î mesure  obtienne  son  effet,  par  l'autorité  des  présentes, 
iNous  ôlons  tout  d'abord  et  abolissons  le  nouveau  Bréviaire 
B  composé  par  ledit  Cardinal  François ,  en  quelque  Eglise , 
I  Monastère,  Couvent,  Ordre,  Milice  et  Lieu ,  soit  d'hommes, 
»  soit  de  femmes,  môme  exempt,  qu'il  ait  été  permis  par  le 
r>  Siège  Apostolique  ,  même  dès  la  première  institution  ou 
»  autrement  : 

»  Et  aussi ,  nous  abolissons  tous  autres  Bréviaires ,  ou  plus 
ïanciensque  le  susdit, ou  munis  de  quelque  privilège  que  ce 
i  soit,  ou  promulgués  par  les  Evêques  dans  leurs  Diocèses  , 
ï  et  en  interdisons  l'usage  dans  toutes  les  Eglises  du  monde , 
»  Monaslères,Couvens,  Milices,Ordres  elLieux,tant  d'hommes 
»  que  de  femmes ,  même  exempts,  dans  lesquels,  de  coutume 
s  ou  d'obligation ,  l'OîTice  divin  se  célèbre  suivant  le  rit  de 
;>  l'Eglise  Romaine  ;  exceptant  cependant  les  Eglises  qui ,  en 
»  vertu  d'une  première  institution,  approuvée  par  le  Siège 
î  Apostolique,  ou  de  la  coutume  ,  antérieure,  l'une  et 
»  l'autre ,  à  deux  cents  ans ,  sont  dans  l'usage  évident  d'un 
s  Bréviaire  certain.  A  celles-ci  nous  n'entendons  pas  enlever 
»  le  droit  ancien  de  dire  et  psalmodier  leur  Office ,  mais  nous 
»leur  permettons,  s'il  leur  plaît  davantage,  de  dire  et  de 
ï  psalmodier  au  chœur  le  Bréviaire  que  nous  promulguons , 


440  INSTITUTIONS 

«pourvu  que  l'Evéque  et  tout  le  Chapitre  y  consentent. 
»  Nous  révoquons  entiôroment  toutes  et  chacune  perniis- 
»  sions  apostoliques  et  autres ,  coutumes ,  statuts ,  même 
»  munis  de  serment, confirmation  apostolique,  ou  toute  autre; 
»  privilèges,  licences  et  induits  de  prier  et  psalmodier,  tant 

>  au  chœur  que  dehors,  suivant  l'usage  et  rites  des  Bréviaires 
•  ainsi  supprimés,  accordés  aux  susdites  Eglises,  Monastères, 
ï Couvents,  Milices,  Ordres  et  Lieux,  ou  aux  Cardinaux 
ïde  la  sainte  Eglise  Romaine,  Patriarches,  Archevêques, 

>  Evêques  ,  Abbés  et  autres  Prélats  des  Eglises  ;  enfin  à  toutes 
> autres  et  chacunes personnes  Ecclésiastiques,  séculières  et 
»  régulières ,  de  l'un  et  l'autre  sexe  ,  pour  quelque  cause 

>  que  ce  soit  ;  même  approuvés  et  renouvelés,  en  toutes  for- 
»  mules  qu'ils  soient  conçus,  et  de  quelques  décrets  et 
«clauses  qu'ils  soient  corroborés  ;  et  voulons  qu'à  l'ave- 
>nir,  toutes  ces  choses  aient  perdu  leur  force  et  effet. 

»  Ayant  ainsi  interdit  à  quiconque  l'usage  de  tout  autre  , 
»  nous  ordonnons  que  notre  Bréviaire  et  forme  de  prier  et 

•  psalmodier  soit  gardé  dans  toutes  les  Eglises  du  monde 

•  entier, Monastères,  Ordres  et  Lieux, même  exempts  ,  dans 

•  lesquels  l'Office  doit,  ou  a  coutume  d'être  dit ,  suivant  l'u- 

•  sage  et  rite  de  ladite  Eglise  P»omaine,sauf  la  susdite insti- 

•  tution  ou  coutume  dépassant  deux  cents  ans  :  statuant  que 

•  ce  Bréviaire,  dans  aucun  temps,  ne  pourra  être  changé  en 

•  tout  ou  en  partie,  qu'on  n'y  pourra  ajouter,  ni  en  enlever 
»  quoi  que  ce  soit,  et  que  tous  ceux  qui  sont  tenus  par  droit 

•  ou  par  coutume  à  réciter  ou  psalmodier  les  Heures  Cano- 

•  niales,  suivant  l'usage  et  rite  de  l'Eglise  Romaine  (  les 
»loix  canoniques,  ayant  statué  des  peines  contre  ceux  qui 
»  ne  disent  pas  chaque  jour  l'Office  divin),  sont  expressé- 

•  ment  obligés  désormais,  à  perpétuité,  de  réciter  et  psalmo- 
»  dier  les  Heures,  tant  du  jour  que  de  la  nuit .  conformément 


LITURGIQUES.  Ail 

»  à  la  presciipiion  el  forme  de  ce  Bréviaire  Romain ,  et 
»  qu'aucun  de  ceux  auxquels  ce  devoir  esl  formellement 
ï  imposé  ,  ne  peut  satisfaire  que  sous  celle  seule  forme. 

»  Nous  ordonnons  donc*  à  tous  et  chacun  des  Patriarches  y 
»  Archevêques  ,  Evoques,  Abbés  et  autres  Prélats  des 
»  Eglises,  d'ùUroduire  ce  Bréviaire  dans  chacun  leurs  Eglises, 
»  iMonastères ,  Couvents ,  Ordres ,  Milices ,  Diocèses  et  lieux 
»  susdits ,  faisant  disparaître  les  autres  Bréviaires  ,  même 
»  établis  de  leur  autorité  privée ,  que  nous  venons  de  sup- 
ï primer  et  abolir  ;  et  il  est  enjoint,  tant  à  eux  qu'aux  autres 
i» Prêtres,  Clercs,  sécuhers  et  réguliers ,  de  l'un  et  l'autre 
»sexe,  fussent-ils  d'Ordres  Militaires  ou  exempts,  auxquels 
t  est  imposée  l'obligation  de  dire  ou  psalmodier  l'OITiee , 
»  d'avoir  soin  de  le  dire  ou  psalmodier ,  tant  au  chœur  que 
i  dehors ,  suivant  la  forme  de  ce  Bréviaire  (I).  > 

Le  saint  Pontife  déclare  ensuite  éteindre  l'obligation  de  ré- 
citer à  certains  jours  l'Office  de  la  Sainte  Vierge  et  desMorts, 
les  Psaumes  de  la  Pénitence  et  les  Psaumes  Graduels,  afin 
de  donner  plus  de  zèle  au  clergé  pour  la  récitation  du  Bré- 
viaire réformé,  et  publie  des  indulgences  pour  ceux  qui, 
désormais,  auront  la  dévotion  de  continuer  ces  pratiques. 
Il  annonce  que  l'obligation  de  se  conformer  au  Bréviaire 
réformé  pèsera  de  tout  son  poids,  dans  un  mois,  sur 
tous  ceux  qui  sont  présents  à  la  Cour  de  Rome;  dans 
trois  mois,  sur  ceux  qui ,  sans  être  à  Rome ,  habitent  en-deçà 
des  monts  ;  dans  six  mois ,  pour  ceux  qui  sont  au-delà , 
aussitôt  du  moins  qu'ils  auront  la  facilité  de  s'en  procurer 
un  exemplaire.  Enfin,  pour  maintenir  ce  Bréviaire  dans  toute 
sa  pureté,  il  est  dit  qu'on  ne  pourra  l'imprimer  dans 
aucun  lieu ,  sans  la  permission  du  Siège  Apostolique  ,  ou 

(1)  Vid.  la  note  A. 


442  i^•STITUTIONS 

d'un  commissaire  par  icelui  délégué.  Le  reste  de  la  Bulle 
est  rempli  par  les  clauses  ordinaires  de  la  Chancellerie,  et 
se  termine  par  ces  paroles  :  t  Donné  à  Rome,  à  saint  Pierre, 
il'an  de  rincarnalion  du  Seigneur  1568,  le  sept  des  Ides 
»  de  Juillet ,  la  troisième  année  de  notre  Pontificat.  » 

Tel  fut  le  premier  acte  de  la  Réforme  liturgique  à  Rome; 
nons  aurons  bientôt  à  raconter  l'application  des  mesures 
de  saint  Pie  V,  dans  les  diverses  Eglises  de  l'Occident.  On 
a  sans  doute  observé  les  clauses  de  la  Bulle.  Elle  porte  l'abo- 
lition générale  du  Bréviaire  de  Quignonez  ;  elle  établit  en 
tous  lieux  la  forme  d'OIfice  contenue  au  Bréviaire  Romain, 
sans  y  astreindre  cependant  les  Eglises  qui  sont  depuis  deux 
cents  ans  en  possession  d'un  Bréviaire  particulier,  leur  lais- 
sant toutefois  la  faculté  de  passer  au  nouveau  Bréviaire , 
moyennant  certaines  formalités.  Rome  ne  pouvait  pas  appli- 
quer au  grand  mal  de  l'anarchie  liturgique  un  remède  à  la 
fois  plus  efficace  et  plus  discret.  Nous  allons  montrer  com-^ 
ment  toutes  les  Eglises  de  l'Occident  le  comprirent  et  se 
firent  un  devoir  d'entrer  dans  les  vues  du  Pontife  Romain 
et  du  Concile  de  Trente. 

II  restait  encore  à  publier  un  portion  non  moins  im- 
portante de  la  Liturgie  réformée  ;  le  Bréviaire  ne  pouvait 
être  utile  sans  un  Missel  pareillement  corrigé  qui  lui  fût 
conforme.  La  Commission  romaine  y  avait  simultanément 
donné  ses  soins,  et  deux  ans  après  la  publication  du 
Bréviaire,  en  1570,  saint  Pie  V  fut  en  mesure  de  promulguer 
le  nouveau  Missel.  Il  était  accompagné  de  la  Constitution 
suivante  qui  commence  par  ces  mots  :  Quo  primum  tempore. 
t  Pie ,  Evêque ,  serviteur  des  serviteurs  de  Dieu  : 
»  Du  moment  que  nous  avons  été  élevés  au  sommet  de 
>  l'Apostolat ,  nous  avons  appliqué  de  grand  cœur  toutes  nos 
»  forces  et  dirigé  toutes  nos  pensées  aux  choses  qui  con- 


LITURGIQUES.  44i 

«cernent  la  pureté  du  culte  ecclésiastique,  travaillant  avec 
»  toute  notre  application  à  préparer  et  obtenir  ce  but, 
»  Comme ,  entre  les  autres  décrets  du  saint  Concile  de  Trente, 
ï  il  en  est  un  qui  nous  donne  le  soin  de  statuer  sur  la  publi- 
ï  cation  et  correction  des  Saintes  Ecritures ,  du  Catéchisme , 
»  du  Missel  et  du  Bréviaire  ;  ayant  déjà ,  avec  le  secours  de 
i  Dieu, fait  paraître  le  Catéchisme  pour  l'instruction  du  peuple, 
»  et  corrigé  le  Bréviaire ,  qui  contient  la  manière  de  rendre 
ïà  Dieu  les  louanges  qui  lui  sont  dues;  comme  il  était  in- 
»  dispensable  que  le  Missel  répondît  au  Bréviaire  (  puisqu'il 
»  convenait  et  semblait  même  tout-à-fait  nécessaire  que,  dans 
î l'Eglise  de  Dieu,  il  n'y  eût  plus  qu'un  seul  mode  de  psal- 
ïinodie  et  un  seul  rite  pour  la  célébration  de  la  Messe),  il 
î  nous  restait  à  nous  occuper ,  au  plus  tôt,  de  la  publication 
»  du  Missel  qui  manquait  encore. 

«Ayant,  à  cet  effet,  choisi  plusieurs  hommes  doctes,  nous 
»  leur  avons  confié  ce  travail  ;  et  ceux-ci ,  ayant  conféré  avec 
î  grand  soin  tous  les  plus  anciens  manuscrits  de  notre  Biblio- 
»  thèque  Vaticane ,  et  d'autres  encore  apportés  d'ailleurs , 
ï  les  plus  puis  et  les  mieux  corrigés  ;  ayant  aussi  consulté 
»  les  ouvrages  des  auteurs  anciens  et  approuvés,  qui  ont  laissé 
»  des  ouvrages  contenant  la  science  des  rites  sacrés ,  ils  ont 
»  restitué  le  Missel  lui-même ,  suivant  l'antique  régie  et  rite 
»  des  Saints  Pères.  Ce  Missel ,  ayant  donc  été  reconnu  et 
»  corrigé  avec  un  grand  soin ,  afin  de  mettre  tout  le  monde 
ïà  même  de  recueillir  les  fruits  de  ce  travail,  nous  avons 
»  donné  ordre  qu'on  l'imprimât  et  qu'on  le  publiât  au  plus  tôt, 
»à  Rome,  pour  que  les  Prêtres  connussent  quelles  prières, 
î  quels  rites  et  quelles  cérémonies ,  ils  doivent  désormais  re- 
»  tenir  dans  la  célébration  des  Messes.  Afin  donc  que  tous 
ï  embrassent  et  observent  en  tous  lieux  les  traditions  de  la 
»  sainte  Eglise  Romaine ,  Mère  et  Maîtresse  des  autres  Eglises, 


444  INSTITUTIONS 

î  nous  défendons ,  pour  l'avenir ,  et  à  perpétuité ,  que  l'on 
i  chante  ou  récite  la  Messe  autrement  que  suivant  la  forme 
»  du  Missel  par  Nous  publié,  dans  toutes  les  Eglises  ou  Cha- 
»  pelles  du  monde  chrétien,  Patriarchales  ,  Cathédrales, 

>  Collégiales,  Paroissiales,  tant  séculières  que  régulières ,  de 
ï  quelque  Ordre  que  ce  soit ,  tant  d'hommes  que  de  femmes, 
»  même  de  Milice  Piégulière  et  sans  charge  d'âmes ,  dans  les- 

>  quelles  la  Messe  Conventuelle  doit  être,  suivant  le  droit  ou 
>la  coutume,  célébrée  à  voix,  haute  ou  basse  ,  au  chœur, 

>  d'après  le  rite  de  l'Eglise  Romaine  ;  quand  bien  même  les- 
»  dites  Eglises  mêmes  exemptes ,  seraient  munies  d'induit 

>  Apostolique  ,  coutumes  ,  privilèges ,  ou  toutes  facultés  , 

>  confirmés  par  serment  ou  sanction  Apostolique  :  à  moins 
»  qu'en  vertu  d'une  première  institution  ou  d'une  coutume, 
ï  antérieures ,  l'une  et  l'autre ,  à  deux  cents  ans  ,  on   ait 

>  gardé  assiduement  dans  les  mêmes  Eglises  un  usage  parti- 
ï  culier ,  dans  la  célébration  des  Messes  ;  en  sorte  que ,  de 
»  même  que  nous  n'entendons  pas  leur  enlever  le  droit  ou  la 
»  coutume  de  célébrer  ainsi,  de  même,  nous  permettons  que, 
»  s'il  leur  plaît  davantage  ,   ils  puissent ,  du  consentement 

>  toutefois  de  l'Evêque  ou  Prélat,  et  du  Chapitre  entier,  célé- 
»  brer  les  Messes  selon  le  Missel  que  nous  publions  par  les 
»  présentes:  quant  à  toutes  les  autres  Eglises  susdites,  nous 
jôtons  et  rejetons  entièrement  et  absolument  l'usage  des 
»  Missels  dont  elles  se  servent. 

>  Statuons  et  ordonnons  ,  sous  la  peine  de  notre  indigna- 
»  tion,  en  vertu  de  cette  Constitution  qui  doit  valoir  à  perpé- 
»  tuité ,  qu'on  ne  pourra  rien  ajouter,  retrancher  ou  changer 
»  au  Missel  que  nous  publions  ;  mandant  et  commandant  en 
»  vertu  de  la  sainte  obéissance ,  à  tous  et  chacun  des  Pa- 
»  triarches  et  administrateurs  desdites  Eglises  ,  et  autres 
»  personnes  honorées  d'une  dignité   ecclésiastique   quel- 


LITURGIQUES.  i45 

I  conque ,  même  Cardinaux  de  la  Sainte  Eglise  Romaine , 
»ou  de  quelque  autre  degré  et  prééminence  qu'ils  soient, 
»de  chanter  et  lire  désormais  la  Messe,  selon  les  rite,  mode 
»  et  règle  que  nous  publions  dans  ce  Missel ,  en  ayant  soin 
> d'omettre  et  rejeter  entièrement,  à  l'avenir,  toutes  autres 
»  manières  et  rites  observés  jusqu  'ici  d'après  d'autres  Missels 
»  même  anciens ,  en  sorte  qu'ils  n'aient  pas  la  hardiesse  d'a- 
»  jouter  d'autres  cérémonies,  ni  de  réciter  d'autres  prières 
»  dans  la  célébration  de  la  Messe  que  celles  contenues  dans 
>ce  Missel.  De  plus,  nous  concédons  et  accordons  d'auto- 
»  rite  Apostolique,  par  la  teneur  des  présentes,  que  l'on  puisse 
»  se  servir  librement  et  licitement  de  ce  Missel ,  pour  les 
»  Messes  tant  chantées  que  récitées ,  dans  quelques  Eglises 
ï que  ce  soit,  sans  aucun  scrupule  de  conscience,  et  sans 
»  poiivoir  encourir  aucunes  peines ,  sentences  ou  censures  ; 
•  déclarant  aussi  que  nuls  Prélats,  administrateurs,  Gha- 
9noines,  Chapelains  et  autres  Prêtres  de  quelque  nom  que 
î ce  soit,  séculiers  ou  réguliers,  ne  pourront  être  tenus  à 
»  célébrer  la  Messe  autrement  qu'en  la  forme  par  nous  statuée, 
>ni  contraints  et  forcés  à  changer  l'ordre  de  ce  Missel  (1).  » 

Le  reste  de  la  Bulle  a  rapport  au  mode  de  promulgation  j 
qui  est  le  môme  que  pour  le  Bréviaire,  et  aux  précautions 
à  garder  dans  l'impression.  Après  les  formules  ordinaires 
de  Chancellerie ,  on  lit  ces  paroles  :  t  Donné  à  Rome,  à  Sainl- 
»  Pierre,  l'an  de  l'Incarnation  du  Seigneur,  1570,  la  veille 
»  des  Ides  de  Juillet,  la  cinquième  année  de  notre  Pontificat.» 

L'apparition  d'un  Bréviaire  et  d'un  Missel  réformés,  causa 
une  grande  joie  dans  toute  l'Eglise.  Des  réclamations  univer- 
selles sur  le  désordre  qui  avait  régné  dans  la  Liturgie,  s'étaient 
fait  entendre,  et  ony  voyait  enfin  un  remède  efficace.  Le  Missel 

(1)  Yid.  la  note  B. 


446  INSTITUTIONS 

de  saint  Pie  V  était  puisé  exclusivement  aux  sources  les  plus 
pures  de  l'antiquité  :  sou  Bréviaire ,  dégagé  de  toutes  super- 
fétaiions  inutiles ,  n'avait  plus  rien ,  il  est  vrai ,  qui  flattât 
l'orgueil  diocésain  ou  national ,  mais  aussi  on  retrouvait  à 
peu  près  tout  ce  qu'il  contenait  dans  les  Bréviaires  locaux. 
Les  Diocèses  qui  se  trouvaient  dans  le  cas  de  l'exception 
prévue  par  la  Bulle,  avaient  encore  le  choix  entre  l'adoption 
pure  et  simple  du  Bréviaire  réformé  ,  ou  la  correction  si  fa- 
cile des  leurs ,  d'après  ce  modèle  excellent.  Saint  Pie  V  ayant 
supprimé  à  perpétuité  le  Bréviaire  de  Quignonez,  et  dé- 
truit par-là  l'iniluence  qu'il  pouvait  avoir  à  raison  de  sa  plus 
grande  brièveté ,  la  question  se  réduisait  à  savoir  quel  parti 
on  devait  prendre  dans  les  Eglises  qui  étaient  dans  le 
cas  de  l'exception ,  savoir  d'adopter  le  Bréviaire  réformé 
purement  et  simplement,  en  faisant  imprimer  à  part  un 
Propre  supplémentaire  qui  contiendrait  ces  précieuses  tra- 
ditions locales  dont  Rome  ne  fut  jamais  l'ennemie,  ou  de  faire 
imprimer  de  nouveau  le  Bréviaire  sous  le  titre  Diocésain , 
en  unissant,  dans  une  même  rédaction,  les  particularités  du 
rite  local  avec  tout  l'ensemble  du  Bréviaire  réformé.  Toute 
la  question  se  réduisait  donc  à  peu  près  à  savoir  quelle  dé- 
pense on  pouvait  supporter  pour  les  frais  de  l'impression. 
La  seule  raison  d'une  plus  grande  économie  détermina  beau- 
coup de  Diocèses  à  prendre  les  Livres  Romains  purement  et 
simplement. 

Rome  toute  entière  adopta  immédiatement  les  nouveaux 
livres.  La  Basilique  de  Latrau  elle-même  s'empressa  d'inau- 
gurer dans  son  sein  un  Bréviaire  qui  n'était  plus  simplement 
celui  de  la  Chapelle  Papale ,  ou  encore  celui  des  Frères 
Mineui^ ,  mais  le  Bréviaire  de  l'Eglise  Catholique.  La  Basi- 
lique Vaticane ,  elle  qui,  suivant  Âbailard,  avait  moins  souci 
des  anciens  usages,  au  douzième  siècle,  que  l'Eglise  de 


LITURGIQUES.  Ul 

Latraii,  lïil  la  seule  qui  n'adopta  le  nouveau  Bréviaire 
qu'avec  motlilieation.  Elle  fut  maintenue  dans  le  droit  de 
conserver  l'usage  de  l'ancien  Psautier  Italique;  mais,  pour  le 
reste,  son  Bréviaire  n'est  que  le  Romain  actuel,  avecrOlfice 
des  saints  Papes  et  autres  dont  les  corps  reposent  dans  la 
Basilique  ou  dans  son  trésor. 

A  propos  de  la  ville  de  Rome ,  il  est  naturel  de  parler  des 
Ordres  religieux  dont  elle  est  la  patrie  commune.  Les  Ordres 
de  Moines  se  trouvant  dans  le  cas  de  l'exception,  non  depuis 
deux  siècles  seulement,raais  depuis  près  de  mille  ans,  conser- 
vèrent l'ancienne  forme  de  leur  Office.  Les  Ordres  Mendians, 
hors  les  Dominicains  et  les  Carmes,  qui  gardèrent  leur  Bré- 
viaire Romain -Parisien^  réformèrent  leurs  livres  suivant 
l'Office  de  saint  Pie  V,  qui  n'était  que  le  Bréviaire  des  Frères 
Mineurs  épuré  ;  mais  ces  derniers  continuèrent  d'y  fondre 
leur  Propre >  Les  Ordres  de  Clercs  Réguliers  suivirent  sans 
exception  les  nouveaux  livres  ;  les  Tliéatins  avaient  puis- 
samment influé  sur  cette  réforme;  les  Jésuites  devaient, 
suivant  la  volonté  de  leur  grand  Patriarche ,  garder  tou- 
jours la  forme  d'Office  observée  par  l'Eglise  Romaine  ;  les 
autres  familles  religieuses  du  même  genre  étaient  amenées 
à   les  imiter  par  la  nature   même  de  leur    constitution 
de  corps  cosmopolites.  Enfin  ,  les  Ordres  de  Chanoines 
Réguliers,  si  l'on  excepte  les  Prémontrés  dont  l'Office  était , 
comme  nous  avons  dit,  un  mélange  de  Romain  et  de  Pari- 
sien ,  ne  tardèrent  pas  à  embrasser,  en  tous  lieux ,  la  Litui*- 
gie  réformée.  Quant  aux  Religieuses,  elles  suivirent,  pour 
l'ordinaire,  les  livres  propres  aux  différents  Ordres  de  Moines 
ou  autres  auxquels  elles  se  rattachaient;  celles  dont  l'institut 
était  isolé  adoptèrent,  sans  plus  varier  jamais ,  le  Bréviaire 
de  saint  Pie  V. 
L'Eglise  de  Milan  cluU  alors  gouvernée  par  saint  Charles 


448  INSTITUTIONS 

Bôrromée.  Nous  avons  vu  plus  haut  le  grand  zèle  de  cet  il- 
lustre Cardinal  pour  le  maintien  de  la  vénérable  fJturgie 
Âmbrosienne.  Il  ne  se  montra  pas  moins  exact  observateur 
des  volontés  du  Souverain  Pontife,  en  procurant  l'introduc- 
tion des  livres  de  saint  Pie  V,  dans  toutes  les  Eglises  de  sa 
ville ,  de  son  Diocèse  et  de  sa  Métropole ,  qui  étaient  obli- 
gées, par  le  droit  ou  la  coutume,  à  suivre  l'Olfice  Romain. 
On  peut  voir,  dans  sa  vie ,  avec  quelle  intégrité  il  sut  ména- 
ger à  la  fois  les  prérogatives  de  son  Eglise  et  les  droits  du 
Siège  Apostolique.  Les  Evêques  de  sa  province  se  montrèrent 
jaloux  de  Timiter,  et  dans  le  second  Concile  de  Milan ,  tenu 
en  1569 ,  nous  trouvons  un  décret  par  lequel  les  Prélats  des 
seize  Eglises  de  la  province  de  Milan  déclarent  expressément 
que  les  Clercs ,  sous  peine  de  ne  pas  satisfaire  au  précepte 
de  rOffîce  divin ,  sont  tenus  de  réciter  les  Heures  canoniales, 
suivant  la  forme  du  Bréviaire  Romain  publié  par  saint  Pie  V, 
à  moins  qu'ils  ne  soient  attachés  à  des  Eglises  qu'une  an- 
cienne coutume  ait  placées  dans  le  cas  de  l'exception  prévue 
par  la  Bulle  (1).  Le  saint  Archevêque  donna  lui-même  une 
édition  du  Missel  Âmbrosien,  en  1570,  et  une  du  Bréviaire 
en  1588.  Elles  ont  été  fidèlement  reproduites  jusqu'à  nos 

(1)  Episcopi  cureat ,  in  sua  quisqiie  diœcesi ,  ut  Officia  divina ,  quîe 
singulis  Cauoaicis  horis  prieslai  i  df  b'  nt ,  et  publiée  iu  ecclesia  ,  et 
privatim  a  singulis  sac.  rdolilnis  cli.ricibve  inferioris  ordinis,  qui  illa 
obire  debent,  celebrentur  et  pcragantur  ad  praeicriptam  Breviarii 
Romani  ntiper  eJlti  rationem  :  nisi  lamea  ecclesia^  hujusmodi  sint  in 
quibus,  ex  veteri  consuetudiue,ut  summi  Pontificis  PiiQuinti  litteris, 
eo  Domine  coufectis,  caulom  est,  alius  ritus  aliaque  ratio  adhibeatur. 
Si  vero  secus  a  quibusdani  factum  erit,  cum  iïli,  ut  eisdem  summi 
l'ontilicis  lileris  nominalim  sancilum  est,  horarum  canonicarum  Offi- 
cio,  quod  debeut,  non  satisfacient  ;  eos  ipsos  Episcopi  pœnis  iis  mulc- 
tent,  quae  Lateranensi  Coucilio  a  Leone  X,  et  proviuciali  Synodo  su- 
periori  coitra  Clerioos  constitulai  sunt,  qui  GaDonioarum  borarum 
Oûicium  intermittimt.  Labb,  Tom.  AT.  pag.ôoi. 


LITURGIQUES.  449 

jours,  sans  autres  changcmnns  que  la  correction  de  quelques 
Hymnes  et  l'addition  d'un  certain  nombre  de  l'êtes  de  Saints. 

Nous  ferons,  au  sujet  de  la  province  de  Milan ,  une  obser- 
vation dont  l'occasion  se  présentera  encore  plus  d'une  fois, 
et  dont  le  but  est  de  montrer,  par  les  (jiits  matériels  eux- 
mêmes  ,  que  la  Liturgie  publiée  par  saint  Pie  V  n'était  point 
une  Liturgie  nouvelle,  mais  simplement  la  restitution  et  cor- 
rection de  l'antique  Liturgie  Romaine  établie  déjà  par  tout 
l'Occident.  Un  Canon  du  sixième  Concile  de  Milan,  parlant 
des  livres  de  chœur,  reco^umande  aux  Evêques  de  veiller  à 
ce  qu'on  les  corrige  ^  conformément  au  Bréviaire  nouvelle- 
ment publié  (1).  C'étaient  donc  de  simples  changemens,  de 
pures  modifications  qu'avait  faites  saint  Pie  V,  et  non  une 
Liturgie  inconnue  qu'il  avait  introduite.  L'unité  du  culte  avait 
donc  toujours  existé,  malgré  les  incorrections  qui  s'étaient 
glissées  dans  les  livres  ecclésiastiques. 

L'Eglise  de  Milan  était  la  seule  non  seulement  de  l'Italie, 
mais  de  l'Occident ,  qui  eût  une  Liturgie  propre ,  si  l'on 
excepte  les  quelques  Eglises  d'Espagne ,  dans  lesquelles  la 
Liturgie  Mozarabe  se  maintenait  par  privilège.  Toutes  les 
Eglises  qui  se  trouvaient  dans  le  cas  de  l'exception  prévue 
par  la  Bulle  de  saint  Pie  V,  avaient  simplement  mêlé  la  Li- 
turgie Romaine  avec  quelques  usages  locaux ,  et  donné  à 
cet  ensemble  un  titre  d'Eglise  particulière.  Cette  observation 
s'applique  même  au  rite  de  l'Eglise  d'Aquilée,  le  plus  vénérable 
de  ces  rites  mélangés  qu'il  y  eût  en  Italie,  au  seizième  siècle. 
Il  était  connu  sous  le  nom  de  Rite  Patriarchin^  et  ce  nom  lui 

(1)  Libri  qui  cerlis  Aaliplionarum  modulalionibus  olim  iiotati ,  ex 
Breviarii  nuper  editi  pracscriplo  nonduin  eniendali  sunl ,  in  sua  quis- 
que  diœcesi  Episcopus  curet,  «t  quain  primuni.et  accurale  emenden- 
tur,  atque  accomniodentur  ad  Breviarii  iiovi  editiouera  Labb,  Xf\ 
pag.  750. 

T.  I.  29 


450  INSTITUTIONS 

était  venu  de  la  dignité  de  l'Eglise  d'Aquilée  qui  s'en  servait 
dans  les  Olfices  divins.  • 

Peu  après  la  publication  de  la  Bulle  de  saint  Pie  V ,  l'E- 
glise Patriarcale  se  trouvant  dépourvue  de  Bréviaires  de 
son  rite ,  et  hésitant  quelque  peu  à  faire  la  dépense  d'une 
réimpression,  demanda  an  Saint-Siège  la  permission  de 
se  servir,  hors  du  chœur  seulement ,  du  Bréviaire  Piomain  , 
jusqu'à  ce  qu'on  pùl  commodément  réimprimer  le  Bré- 
viaire Patriarchin.  La  Congrégation  Bomaiue,  qui  fut  con- 
sultée à  ce  sujet ,  accorda  la  dispense  nécessaire ,  dans  les 
termes  les  plus  honorables  :  «  C'est ,  dit-elle ,  dans  une 
ilettre  adressée,  le  10  septembre  1589,  à  Paul  Bisanti, 
isuffragant  du  Patriarche  ,  c'est  une  chose  sainte  et  conve- 
»  nable  que  de  conserver  le  rite  si  antique  et  approuvé  de 
»  celte  Eglise ,  et  que  tous  s'y  conforment  dans  l'Office.  Le 
»  Chapitre  aura  donc  à  se  pourvoir  de  Bréviaires  de  ce  rite  , 
»  ce  qui  est  facile,  puisqu'il  doit  être  bientôt  imprimé  à  Como. 
»  Comme  il  ne  peut  se  faire  autrement,  c'est  à  Monseigneur 
»le  Patriarche  d'en  procurer  l'impression  à  ses  frais,  dans 
»  l'espace  de  deux  ans  ,  et  jusque-là  ,  il  sera  permis  de  dire 
»  l'Office  Romain,  mais  seulement  hors  du  chœur  (1).  »  Tou- 
tefois, celle  impression  du  BvésTàiva  Patriarchin  n'eut  point 
lieu  ;  les  livres  de  S.  Pie  V  une  fois  inlroduits  dans  Aquilée, 
y  prirent  tellement  racine  que,  dix  ans  après,  il  n'exis- 
tait plus  vestige  de  l'ancien  rite,  même  dans  l'Eglise  Patriar- 
cale ;  enfin,  en  1596,  cette  révolution  Hturgique  élant 
consommée,  le  Patriarche  François  Barbaro,  dans  un  Con- 

(1)  E  cosa  saata  e  conveaieale,  cbe  si  serva  il  Rilo  ii  quella  cliiesa 
tanto  antico,  et  approvato,  e  tutli  si  confronlino  ueirolBcio  stesso. 
Perô  il  Capilolo  si  procédera  di  Breviarii  di  quel  Rilo  :  il  che  potrà 
fave  commodameate  ,  seado  poco  fa  slampato  iii  Como.  Et  quando  non 

il  po.ii  fai  aUiimcnU,  luonsiguoi  Palriaica  procuri ,  che  à  sue  spese 


LITDRGIQUES.  4oi 

cile  provincial ,  temi  à  Udine ,  prit  des  mesures  expresses 
pour  consolider  à  perpétuité  la  Liturgie  Romaine  pure  dans 
toutes  les  Eglises  du  Patriarcat  (1). 

L'Eglise  de  «  lomo ,  qui  était  du  ressort  patriarcal  d'Aqui- 
lée,  quoique  située  dans  le  duché  de  Milan,  garda  le  rite 
d'Aquilée  jusqu'au  Pontificat  de  Clément  Vlll,  qui  l'obligea 
au  Romain,  ne  jugeant  pas  convenable  qu'une  Eglise  enclavée 
dans  le  Milanais  suivît  un  OfTice  étranger  et  aboli  même  aux 
lieux  d'où  il  était  parti  (-2).  Déjà  dès  1579,  le  Synode  diocésain 
de  Como  avait  déclaré  que  les  Clercs  qui  ne  pourraient  se 
procuicr  les  livres  du  Diocèse ,  pourraient  user  du  Bréviaire 
et  du  Missel  de  saint  Pie  V.  On  a  encore  les  actes  d'une  visite 
apostolique  faite  la  même  année  dans  ce  diocèse  par  Jean- 
François  Bonomo  ,  Evêque  de  V^erceil ,  en  vertu  d'une  com- 
mission de  Grégoire  Xliï  :  le  Prélat  y  reconnaît  expressé- 
ment le  droit  de  l'Eglise  de  Como  à  conserver  son  rite 
particulier,  bien  qu'il  exhorte  les  Chanoines  à  abandonner 
leur  ancien  rite  pour  le  iîomm'/i.  Il  dit,  au  sujet  des  Missels 
du  rite  Patriarchin  ,  qu'ils  ne  sont  qu'en  petit  nombre , 
manuscrits ,  qu'ils  ne  diffèrent  jjresque  en  rien  du  Missel 
Romain  (5) ,  et  en  conclut  la  grande  liacilité  qu'on  aura  de 
passer  à  l'usage  exclusif  des  livres  de  saint  Pie  V.  Le  Père 
Lebrun ,  à  qui  nous  empruntons  ces  détails ,  dit  que  l'on 
conserve  dans  les  archives  de  la  Cathédrale  de  Como  un 
manuscrit  du  Bréviaire  d'Aquilée  qui  porte  ce  titre:  Bre- 
viarium  Patriarchinum  nuncupatum  secundum  usum  Eccle- 

Ira  due  anni  sia  stampato  :  e  intaulo  sia  lecito  extra  Ciiormn  solameute 
dir  rofficio  Romauo.  Madrisius ,  in  Jppendiœ  II.  Ad  Opéra  S.  Paulini 
Patriarch.  Jquil. 

(1)  Zaccaria.  Bibliolli.  Ritualis.  Tora.  I.  pag.  liij. 

(2)  Ughelli.  Italia  sacra.  Tom.  V.  pag.  23o. 

(5)  Gum  autcm  missalia  Patriarcliino  Ritu  quam  paucissima  inventa 


45â  INSTITUTIONS 

siœ  Comensis  correctum,  et  auctoritate  Apostolica  probatum. 
A  la  fin  du  volume  ,  est  une  attestation  du  Cardinal  Sirlet, 
sous  la  date  du  21  octobre  1585  ,  faisant  foi  de  l'approbation 
de  ce  Bréviaire  par  Grégoire  XIII.  Xous  venons  de  dire  pour 
quels  motifs  Clément  YIII  jugea  à  propos  de  l'abolir. 

Cette  histoire  de  la  destruction  de  l'ancien  rite  d'Aquilée 
nous  donne  lieu  de  remarquer  avec  quelle  douceur,  quelle 
faveur  même,  Rome  a  su  ménager  les  usages  anciens ,  dans 
l'application  des  ordonnances  pour  la  réforme  liturgique.  Ce 
serait  en  vain  que ,  considérant  la  chose  d'un  autre  point  de 
vue,  on  voudrait  mettre  en  contradiction  cette  indulgence  des 
Papes  du  seizième  siècle  avec  les  ordonnances  vigoureuses  de 
saint  Adrien  I ,  et  de  saint  Grégoire  VII,  pour  l'établissement 
du  Rite  Piomain  dans  tous  les  lieux  de  l'Occident.  Tout  s'ex- 
plique du  moment  que  l'on  veut  bien  remarquer  que  l'œuvre 
accomplie  par  ces  deux  grands  Papes  n'avait  pas  cessé  d'exis- 
ter, et  que,  sauf  les  variantes  introduites  par  certains  usages 
locaux ,  et  les  incorrections  que  le  progrès  de  la  critique 
devait  faire  tôt  ou  lard  disparaître  j  l'Occident  tout  entier 
louait  Dieu  dans  une  seule  et  même  Liturgie.  Rome  ,  sans 
doute,  désirait  vivement  voir  toutes  les  nations  complètement 
unanimes  avec  elle  dans  la  prière  publique  ;  mais  déjà  les 
Bulles  de  saint  Pie  V  avaient  conquis  la  presque  universalité 
des  Eglises ,  et  chaque  année  en  voyait  d'autres  encore  venir 
se  fondre  avec  les  premières  dans  l'unité  d'un  même  Bré- 
viaire et  d'un  même  Missel. 


sint ,  eaque  manuscripta ,  quae  prtcterea  a  missali  Romano  nuUa  ferme 
alla  re  differunt,  nisi  dierum  aliquorum  Domiuicorum  crJiae ,  et  sanc- 
lisiiraae  Trinilatis  festo  die,  qui  ia  aliud  tempus  translatas  est  ;  ideo 
Ritu  Romano  missas  passim  celebrari,  et  a  plerisqne  etiam  î^acerdo- 
libus  pro  libilo  fieri  animadvertimus ,  ex  anliqui  missalis  instituto, 
in  que  f  lurima  correctione  digna  fuisse ,  novissima  ostendit  editio. 
Lebrun,  explication  de  la  .¥t45t'.  Tom.  IL  pag.  227. 


LITURGIQUES.  455 

Toute  l'Italie ,  en  effet ,  se  conforma  successivement  aux 
intentions  du  Saint-Siège.  Les  Eglises  de  Sicile ,  par  exemple , 
qui  avaient  un  Bréviaire  particulier,  se  rendirent  de  bonne 
heure,  et  le  seizième  siècle,  en  finissant,  ne  vit  plus  dans 
toute  la  Péninsule ,  hors  le  territoire  Anibrosien  ,  que  des 
Eglises  réunies  sous  la  plus  ponctuelle  observance  des  usages 
liturgiques  promulgues  par  saint  Pie  V.  Cependant ,  on  avait 
donné  la  plus  grande  liberté  à  toutes  celles  dont  les  Bréviaires 
et  les  Missels  avaient  plus  de  deux  cents  ans,  à  l'époque 
de  la  Bulle  ;  on  avait  reconnu  non  seulement  le  droit  des  Ca- 
thédrales ,  mais  celui  même  des  Collégiales  et  autres  Eglises 
qui  se  seraient  trouvées  dans  une  possession  analogue  (1). 
Tout  cela  n'empcclia  pas  le  principe  d'unité  de  s'étendre 
dans  ses  applications,  et  après  tout,  il  était  juste  que  l'Italie 
entière  ,  pays  d'obédience  ,  y  compris  les  Iles  adjacentes , 
donnât  la  première  et  le  plus  complètement  l'exemple  d'une 
entière  conformité  non  seulement  aux  lois,  mais  aux  simples 
désirs  du  Siège  Apostolique.  C'est  là  la  force  de  l'Italie,  son 
Unique  vie  :  puisse-t-elle  le  comprendre  toujours  ! 

La  Péninsule  Espagnole  se  rangea  de  bonne  heure  aussi 
sous  l'obéissance  absolue  aux  Bulles  de  saint  Pie  V.  Ce 
n'est  pas  que  les  Prélats  du  royaume  Catholique  n'eussent , 
à  cette  époque ,  retenu  encore  quelque  chose  de  cet  es- 
prit frondeur  dont  nous  avons  vu  quelques  traits  dans 
l'historien  Bodrigue  de  Tolède.  On  avait  été  frappé ,  au 
Concile  de  Trente ,  d'une  hardiesse  qui  n'était ,  certes ,  pas 
inférieure  à  celle  des  plus  osés  de  nos  prélats.  Mais  l'amour 

(1)  ]\ous  avons  vu  à  Rome ,  dans  la  Bibliothèque  de  la  maison  Pro- 
fesse des  Jésuites,  un  exemplaire  du  Bréviaire  particulier  de  la  Collé- 
giale-Abbatiale de  Sainte-Barbe,  à  Mantoue,  imprimé  aux  frais  de 
cette  Eglise ,  et  approuvé  par  Grégoire  XIII ,  quoique  s'écartant  en 
beaucoup  d'endroits  du  Bréviaire  de  saint  Pie  V. 


4^.  i  INSTITUTIONS 

de  l'unité ,  le  zèle  pour  la  foi ,  passaient  encore  à  leurs  yeux 
avant  les  susceptibilités  nationales.  La  motion  de  l'Evèque  de 
Lérida  au  Concile  n'avait  pas  empêché  les  Pères  de  remettre 
absolument  au  Pontife  Romain  le  soin  de  la  correction  litur- 
gique ;  les  oppositions  de  quelques  Cathédrales  d'Espagne 
n'arrêtèrent  pas  non  plus  l'établissement  uniforme  du  Bré- 
viaire et  du  Missel  de  saint  Pie  V.  On  doit  regretter  peut-être 
que  quelques  Bréviaires  particuliers ,  ceux  de  Tolède  et  de 
Séville,  par  exemple^  aient  entièrement  péri:  il  aurait  été 
intéressant  de  voir  comment  les  réminiscences  de  l'ancien 
rite  Gothique  se  mariaient  parfois  encore  aux  formes  Ro- 
maines imposées  par  saint  Grégoire  Vil.  La  grande  volonté 
de  Philippe  H  ,  prince  sévèrement  jugé ,  mais  auquel ,  du 
moins ,  tout  homme  impartial  ne  saurait  refuser  un  zèle  ar- 
dent et  consciencieux  pour  la  foi  catholique ,  pesa  de  tout 
son  poids  dans  l'affaire  de  l'adoption  des  Usages  Romains 
réformés  :  par  lui  ,  les  livres  nouveaux  non  seulement 
furent  introduits  en  Espagne,  mais  pénétrèrent  dans  les 
vastes  colonies  qui  se  rattachaient  à  celte  puissante  métro- 
pole. 

Conformément  aux  maximes  du  Droit  Public  catholique , 
saint  Pie  V  n'avait  pas  jugé  à  propos  de  placer  la  prière  pour 
le  Roi  dans  le  Canon  de  la  Messe  :  c'était  au  Siège  Aposto- 
lique à  déterminer  quels  étaient  les  Princes,  en  communion 
avec  lui,  qu'il  fallait  considérer  comme  véritablement  inves- 
tis du  droit  de  commander  à  des  Chrétiens.  Le  Roi  d'Es- 
pagne ,  malgré  son  titre  de  Roi  Catholique ,  n'avait  pas  été 
excepté.  Philippe  II ,  ce  monarque  si  fier,  ne  dédaigna  pas 
de  se  mettre  en  instances  auprès  de  saint  Pie  V,  pour  obtenir 
que  cette  parole  pro  Rege  nostro  fût  insérée  à  la  suite  de  la 
prière  pour  le  Pape  et  l'Evèque ,  dans  les  Missels  destinés 
à  l'usage  des  Eglises  d'Espagne ,  et  le  Pontife  octroya  sa 


LITURGIQUES.  45S 

demande  (1).  Quand  on  se  remet  en  mémoire  la  puissance 
colossale  de  Philippe  II ,  on  est  bien  obligé  de  convenir  qu'il 
donna  dans  celle  occasion  l'un  des  plus  grands  exemples  du 
respect  pour  la  liberté  religieuse  qui  aient  jamais  été  offerts 
par  un  Souverain.  Si  nous  ajoutions  que  ,  lout  tyran  absolu 
qu'il  était,  Philippe  II  laissait  volontiers  enseigner  et  prêcher 
à  ses  Théologiens  la  doctrine  de  l'amissibilité  du  pouvoir,  le 
droit  du  Souvei-ain  Poniifc  et  de  l'Eglise  de  corriger  et  même 
de  déposer  les  Princes  qui  abusent  de  leur  autorité ,  peut- 
être  que  cette  seule  remarque  suffirait  auprès  de  quelques 
gens  sensés,  pour  leur  faire  comprendre  que,  bien  qu'il  ait  été 
en  butte  aux  malédiclions  des  écrivains  de  la  Réforme ,  et 
des  historiens  beaux  esprits  du  dix-huitième  siècle,  le  Démon 
du  Midi  n'a  pas  été  tout-à-fait  dépourvu  de  cette  moralité 
et  de  ce  désintéressement  que  les  peuples  désirent ,  mais 
n'espèrent  pas  toujours  rencontrer  dans  leurs  Souverains. 
Nous  verrons,  d'ici  quelques  pages,  un  uUtre  gouvernement 
placé  dans  une  situation  analogue,  et  on  jugera  lequel,  du 
Français  ou  de  l'Espagnol,  s'entendait  le  mieux,  au  sei- 
zième siècle ,  en  fait  de  libeité  religieuse. 

Philippe  obtint  aussi  du  Saint-Siège  la  permission  ,  pour 
tous  les  Prêtres  de  sa  domination,  d'ajouter  aux  Oraisons  de 
la  Messe  ,  même  dans  les  plus  grandes  solennités ,  une  suite 
de  demandes  que  l'on  trouve  dans  les  Missels  Espagnols ,  et 
qui  expriment  avec  énergie  et  simplicité  tous  les  besoins  du 
royaume  Catholique ,  en  même  temps  que  cette  concession , 
unique  dans  les  fastes  de  la  Liturgie,  est  une  preuve  du  grand 
amour  de  Rome  pour  une  Eglise  qui  lui  a  gardé  long-temps 
une  si  forte  fidélité  (2) . 

(1)  Gavanti.  Thésaurus  sacrorum  RUunm.  Tom.  I.  4"  pag.  286. 

(2)  Voici  celte  prière  qui  s'ajoute,  sub  eidem  conclusione ,  non  seu- 
lement à  la  Collecte,  mais  mê(ne  à  la  Secrète  et  k  la  Po-.l-Communiou  : 

El  famulos  tuos  Papam  nostrutn  N  ,  Antisiiiera  nostrum  N. ,  Regem 


436  INSTITUTIONS 

EnOn ,  on  trouve  en  tête  du  Propre  des  Saints ,  publié  en 
manière  de  supplément  au  Bréviaire  Romain,  pour  l'usage 
des  Eglises  d'Espagne,  un  Bref  de  Grégoire  XIII,  qui  accorde 
à  ces  Eglises  la  faculté  de  célébrer  la  fête  d'un  grand  nombre 
de  Saints  chers  à  l'Espagne  ,  par  manière  de  compensation  à 
l'extinction  générale  de  tous  les  Bréviaires  diocésains  de  ce 
pays.  Ce  Bref,  qui  est  du  50  décembre  1575 ,  fut  rendu  à  la 
demande  de  Philippe  II.  Le  Recueil  auquel  il  sert  comme 
de  préface,  renferme  le  noble  et  patriotique  Office  de  saint 
Jacques ,  patron  du  royaume  catholique,  et  celui  non  moins 
intéressant  du  Triomphe  de  la  Sainte- Croix  ,  au  16  juillet , 
anniversaire  de  la  fameuse  victoire  de  las  navas  de  Tolosa. 
Le  Portugal  inaugura  avec  la  même  fidélité  que  l'Espagne 
les  livres  de  la  Liturgie  réformée ,  et  les  fit  pénétrer  tout 
aussitôt  dans  ses  colonies  des  Indes  Orientales  et  Occiden- 
tales. Les  volontés  de  Philippe  II  retentissaient  alors  dans  la 
Péninsule  toute  entière  ;  cependant  nous  sommes  en  mesure 
de  signaler  au  moins  une  exception  à  l'admission  du  Bréviaire 
purement  Romain.  C'est  dans  cette  Eglise  de  Brague  dont  le 
siège  était  occupé,  à  l'époque  du  Concile  de  Trente  ,  par  le 
fameux  D.  Barthélémy  des  Martyrs ,  que  Zaccaria  signale  un 
Bréviaire  sous  le  titre  diocésain,  de  l'an  1654.  ÎN'ous  igno- 
rons si,  depuis  celte  époque ,  les  livres  de  saint  Pie  V  ont  été 
introduits  dans  cette  Eglise  ;  nous  avons  même  lieu  d'en 
douter,  connaissant  de  science  certaine  que  ,  dans  plusieurs 
lieux  du  Portugal ,  on  garde  encore,  même  à  la  Messe,  cer- 

nostrum  ?i. ,  Reginam  et  Principem  cum  proie  régla ,  populo  sibi  com- 
misso,  et  exercilu  suo  ab  oinni  adversitate  cnstodi  :  pacena  et  salutem 
nostris  concède  temporibui;  et  ab  Eccle>ia  tua  cuactam  repelle  nequi- 
tiam,  et  geatesPaganord^û  et  hcCretic  .ram  dexleroi  tiiK  p;)tentia  con- 
teiaalur  ;  et  captivos  Cliristianos,  qui  ia  Saiacenorum  pulestate  deti- 
nentur,  tua  misericordia  liberare,  et  fructus  terr;p  dare  et  coDservare 
digneris 


LITURGIQUES.  437 

lains  usages  totalement  distincts  de  ceux  du  IMissel  llomain. 
Au  reste,  ce  Bréviaire  de  Brague  ,  s'il  existe  encore,  ne  sau- 
rait être  autre  que  le  Romain  ,  avec  quelques  particularités , 
et  un  Propre  l'ondu  sous  le  même  titre. 

Si  maintenant  nous  passons  en  France,  le  pays  de  tout 
l'Occident  où  les  usages  liturgiques  actuels  s'éloignent  le 
plus  de  ceux  de  Rome,  il  nous  faut  examiner  si  cette  diffé- 
rence est  ancienne  et  remonte  au-delà  de  la  Bulle  de  saint 
Pie  Y.  Malheureusement ,  ce  que  nous  avons  à  dire  de  cette 
Eglise  contraste  avec  ce  que  nous  avons  jusqu'ici  rapporté 
de  toutes  les  autres.  Les  Eglises  de  France ,  à  l'époque  de 
la  publication  de  la  Bulle ,  avaient  une  Liturgie  formée  de 
la  Romaine  introduite  par  Charlemagne ,  et  de  ces  usages 
particuliers  qu'elles  y  avaient  ajoutés,  ensemble  qui  leur 
faisait  honneur  aux  yeux  de  toute  l'Europe,  et  qu'elles  pou- 
vaient conserver  légitimement,  aux  termes  de  la  Bulle;  or, 
voilà  qu'aujourd'hui,  dans  ces  mêmes  Eglises,  on  ne  trouve 
plus  rien  qui  rappelle  cette  ancienne  gloire  de  la  patrie  ; 
d'un  autre  côté,  on  est  plus  éloigné  enclore  d'y  rencontrer  les 
livres  Romains  de  la  réforme  de  saint  Pie  V.  L'Eglise  de 
France  remontant  vers  son  berceau ,  aurait-elle  osé ,  malgré 
la  défense  de  Charlemagne  et  des  Pontifes  Etienne  et  Adrien, 
inaugurer  de  nouveau  l'antique  Liturgie  Gallicane  des  Hi- 
laire  et  des  Grégoire  de  Tours?  Hélas!  non.  Ce  que  l'on 
chante  aujourd'hui  dans  nos  Eglises ,  a  moins  de  rapport  en- 
core avec  le  Rite  Gallican  dont  nous  avons  parlé  ailleurs  ho- 
norablement ,  qu'elle  n'en  aurait  avec  la  Liturgie  Romaine 
elle-même.  Tout  est  sorti  du  cerveau  de  certains  hommes  dont 
quelques-uns  vivent  encore.  Mais  avant  de  raconter  cette  la- 
mentable histoire ,  dans  laquelle  nous  verrons  foulés  aux 
pieds  tous  les  principes  admis  par  l'Eglise,  en  matière  Htur- 
gique,  dans  tous  les  siècles  précédents,  nous  avons  un  tableau 


AoH  INSTITUTIONS 

bien  différent  à  offrir  à  nos  lecteurs  ;  celui  de  l'Eglise  de 
France  travaillant ,  de  concert  avec  le  Siège  Apostolique,  à 
consolider  l'unité  liturgique  dans  son  sein.  Nous  avons  à  ré- 
pondre par  des  faits  imposants  et  incontestables  à  ceux  qui 
ont  osé  soutenir  que  la  Bulle  de  saint  Pie  V  n'avait  pas  été 
reçue  en  France. 

Nous  rappellerons  d'abord  à  nos  lecteurs  la  vigoureuse 
orthodoxie  que  déploya  ,  sur  la  doctrine  liturgique ,  l'Uni- 
versité de  Paris,  dans  la  Censure  du  Bréviaire  de  Qui- 
gnonez.  Elle  avait  déjà  fait  paraître  un  zèle  semblable  en 
flétrissant  les  assertions  audacieuses  de  Lefèvre  d'Eslaples 
sur  sainte  Marie- Madeleine,  et  d'Erasme  sur  saint  Denys 
l'Aréopagite ,  questions  qui  intéressent  à  un  si  haut  point 
les  traditions  de  la  Liluigie.  Elle  veillait  en  même  temps 
sur  les  diverses  éditions  qu'on  faisait  des  Bréviaires  dio- 
césains ,  et  dénonçait  énergiquement  toutes  tentatives  d'in- 
novation par  lesquelles  des  esprits  inquiets  auraient  cherché 
à  altérer  le  dépôt  de  l'antique  Liturgie.  C'est  ainsi  qu'en 
1529  ,  elle  dénonça  au  Chapitre  de  la  Cathédrale  de  Soissons 
les  nouveautés  qu'on  avait  glissées  dans  une  nouvelle  édi- 
tion du  Bréviaire  de  celte  Eglise.  «  On  a,  dit  la  Sorbonne, 
I  introduit  dans  ce  Bréviaire  beaucoup  de  choses  étrangères 
»et  éloignées  du  commun  usage  de  l'Eghse.  Si  l'on  n'y  por- 
»tait  remède  ,  il  en  pourrait  facilement  résulter  un  schisme 
»  odieux  et  funeste  dans  l'Eglise  Gallicane  :  il  faudrait  des 
»  siècles  nombreux  pour  l'éteindre  (i).  » 

Les  Docteurs  expriment  avec  plus  de  précision  leurs  prin- 
cipes sur  l'inviolabilité  de  la  Liturgie  ,  à  propos  d'une  édi- 
tion du  Bréviaire  d'Orléans  ,  dans  une  censure  en  règle  qui 
est  de  i548.  Entre  autres  reproches  caractéristiques  iju'ils 
font  à  ce  livre ,  or  remarque  les  suivants  :  t  On  a  retranché 

(1)  Yid.  la  ttote  C. 


LlTURGIQriW.  4»(> 

»  dans  ce  Bréviaire  beaucoup  de  leçons  des  Matines  en  tout 
»ou  en  partie,  en  sorte  que  des  fêtes  de  neuf  leçons  sont 
j réduites  à  trois,  et  dos  fêtes  de  trois  leçons  n'ont  plus 
»  qu'une  simple  mémoire.  Quand  ces  changements  n'ont  pas 
ï  eu  lieu  ,  les  leçons  ont  été  tronquées  ,  les  unes  au  commen- 
»  cernent ,  les  autres  au  milieu  ,  d'autres  à  la  fin.  La  plupart 
*du  temps,  on  a  retranché  les  miracles  des  Saints,  leurs 
»  mérites,  leurs  invocations.  On  a  fait  disparaître  plusieurs 
»  choses  qui  étaient  propres  à  confirmer  le  dogme  de  l'Eu- 
»  charistie ,  savoir ,  dans  les  histoires  de  saint  Grégoire  ,  de 
»  saint  Benoît ,  de  saint  Ambroise  et  de  sainte  Marie  Egyp- 
>  tienne.  Plusieurs  traits  importants  pour  l'édification  ont 
»  été  élagués ,  comme  le  récit  des  jeûnes ,  des  macérations 
»  des  Saints ,  les  fondations  et  dotations  d'Eglises  faites  par 
»cux  ,  par  exemple,  dans  les  fêtes  de  saint  Antoine  ,  saint 
sSiméon  Stylite  ,  saint  Louis  ,  sainte  Geneviève  et  autres.  On 
»  a  supprimé  les  hymnes  propres  des  Saints ,  leurs  antiennes 
»  et  suffrages ,  pour  renvoyer  le  tout  au  commun  ;  ce  qui  a 
»  eu  lieu  même  dans  les  fêtes  particulières  à  l'Eglise  d'Orléans. 
»  Il  est  à  craindre  que  toutes  ces  choses  ne  produisent  dans  les 
î  fidèles  la  diminution,  peut-être  même  l'extinction  de  la  piété 
»  envers  les  Saints.  Les  choses  que  l'on  a  retranchées  pou- 
»  valent  servir  à  édifier  les  fidèles  dans  la  foi  et  les  mœurs,  et  à 
ï  combattre  l'hérésie  ;  ce  changement  est  donc  une  chose  im- 
»  prudente,  téméraire  et  scandaleuse,  et  donne  même  quelque 
>lieu  de  soupçonner  l'envie  défavoriser  les  hérétiques  (1).  » 
Telle  était  l'opinion  de  l'Université  de  Paris ,  au  seizième 
siècle,  sur  les  innovations  en  matière  de  Liturgie.  L'Eglise  de 
France  toute  entière  n'avait  pas  d'autres  principes ,  lors  de 
l'apparition  du  Bréviaire  et  du  Missel  réformés.  Elle  reconnut 

(1)  Vid.  la  note  V. 


460  INSTITUTIONS 

tout  d'abord  la  supériorité  de  ces  livres  sur  ceux  qui  étaient 
en  usage  dans  le  royaume  ,  et  comme,  à  cette  époque,  elle 
avait  encore  le  droit  de  se  réunir  en  Conciles  provinciaux  , 
on  entendit  ces  saintes  Assemblées ,  en  même  temps  qu'elles 
réclamaient  avec  fermeté  l'exécution  des  décrets  du  saint 
Concile  de  Trente ,  proclamer  la  nécessité  de  se  soumettre  à 
la  Bulle  de  saint  Pie  V. 

Le  premier  de  ces  Conciles  est  celui  qui  fut  tenu  à  Rouen , 
en  1381  ,  par  l'Archevêque  Charles  de  Bourbon,  et  auquel 
assistaient  les  Evêques  de  Baveux,  de  Séez,  d'Evreux  ,  de 
Lisieux ,  et  les  Procureurs  des  Chapitres  d'Avranches  et  de 
Coutances,  etc.  Au  chapitre  deuxième,  de  cultu  d>vinoin 
génère,  le  Concile  recommande  aux  Evêques  d'examiner  avec 
le  plus  grand  soin  les  Bréviaires,  Missels,  Manuels  et  autres 
livres  ecclésiastiques ,  dans  la  crainte  qu'ils  ne  contiennent 
quelque  chose  de  contraire  à  la  doctrine  catholique  ou  aux 
vraies  histoires  des  Saints,  ou  quelque  chose  encore  qui  tienne 
du  sortilège  ou  s'écarte  de  la  discipline  ecclésiastique  et  de 
la  sainteté  des  mœurs.  Les  Evêques  devront  procurer  l'im- 
pression et  la  correction  des  livres  liturgiques ,  suivant  l'u- 
sage des  Diocèses,  conformément  toutefois  aux  Constitutions 
de  Pie  Y,  de  sainte  mémoire ,  sur  le  Bréviaire  et  le  Missel 
Romains ,  publiés  et  restitués  suivant  le  décret  du  saint  Con- 
cile de  Trente.  Le  Concile  ensuite  rappelle  la  défense  faite 
par  le  Saint  Siège  de  se  servir  à  l'avenir  du  Bréviaire  de  Qui- 
gnonez,  etc.  (1). 

(1)  Quocirca  horlamur  nostree  provinciae  Episcopos,  ul  diligenter 
iûspiciaot  et  examineut  suarurn  diœcesuin  preculas  Horarias,  Brevia- 
ria,  Missalia ,  Agenda  seu  Maaualia  Curatorum ,  atque  alios  libres 
ecclesiasticos  ac  cseremonias,  ne  quid  conlineant  contrarium  doctrinae 
Catholicae,  aut  veris  historiis  Sanctorum,  aut  sortilegiis  affine,  aut 
aliquid  quod  ad  œdificationem  Ecclesiasticse  disciplinae ,  et  morum  pie- 


LITURGIQUES.  401 

On  voit  ici  que  les  Evoques,  quoiqu'ils  n'adoptent  pas  pu- 
rement et  simplement  les  livres  Romains,  ne  eonfn'ment  que 
plus  expressément  l' obligation  de  se  soumettre  aux  Bulles 
qui  les  ont  promulgués,  puisqu'ils  exigent  que,  dans  la  réim- 
pression des  Usages  diocésains,  on  applique  la  forme  d'Office 
publiée  par  ces  Bulles.  C'est  ce  que  l'on  peut  voir  mis  à  exé- 
cution dans  les  rares  exemplaires  des  Bréviaires  de  Norman- 
die, imprimés  à  la  fin  du  seizième  et  pendant  le  dix-septième 
siècle.  Nous  avons  eu  entre  les  mains  ceux  de  Bayeux ,  de 
Lisieux ,  d'Evreux  et  d'Avi'anclies  :  ils  portent  le  litre  :  Bre' 
viarium  Bajocense,  Lexoviense,  etc.  ;  ad  Romani  formam  ou 
ex  décréta  Conciiù  Tridentini  ;  et,  sauf  lea  Saints  particuliers 
à  chaque  Diocèse ,  le  Répons  des  premières  Vêpres ,  le  neu- 
vième Répons  à  Matines ,  le  Verset  sacerdotal ,  et  autres 
particularités  dont  nous  avons  énuméré  la  plupart  au  cha- 
pitre IX ,  ils  sont  entièrement  conformes  au  Romain  actuel. 
On  peut  donc  dire  que  l'unité  liturgique  fut  rétablie  au 
seizième  siècle  dans  la  province  ecclésiastique  de  Rouen. 
Passons  h  celle  de  Rheims. 

Le  Concile  de  cette  Métropole  fut  tenu  en  1585,  à  Rheims 
même ,  par  l'Archevêque  Louis ,  Cardinal  de  Guise.  Les 
Evêques  de  Soissons,  de  Laon,  de  Beauvais,  de  Chalons- 
sur-Marne ,  de  Noyon ,  d'Amiens ,  et  les  Procureurs  des 

latetn  non  pertinoat  :  sed  libros  emeudatos  quoad  tieri  pote^t,  servato 
U3U  diœcesum ,  juxta  taraeii  constituliones  sancUe  memoriœ  Pii  V. 
super  Breviario  Romano  et  Missali,  ex  decreto  sacrosancti  Concilii 
Tridenliai  restitntoet  edito,  procurent  iraprirai,  et  provideaut  ut  in 
omnibus  monasteriis ,  parocliiis  et  aliis  ecclesiis,  atque  ab  omnibus  ad 
sacros  ordines  promoveadis,  libri  ad  divinum  OUicium  ncces- irii  ha- 
beantur.  Proaioli  vero  sciant  se  ad  Breviarium  obligari ,  ac  Romanum 
trium  quotidie  lectionum  a  Cardinale  sanctœ  Crucis  composilum,  a 
sacrosancta  sede  Apostolica  sublatum  sibi  omnino  prohiJ;»ri  Labb. 
Tom.  XF.  pag.  821. 


462  INSTITUTIONS 

Evêques  el  Chapitres  de  Boulogne  et  de  Senlis ,  firent  partie 
de  l'assemblée.  Voici  ce  que  décrètent  les  Pères  au  chapitre 
de  cultu  divino  :  t  Attendu  que  tous  les  rites  et  formules  de 
»  prières  sont  contenus  au  Bréviaire,  Missel,  Agenda,  ou 
> Manuel,  nous  exhortons  les  Evêques  de  notre  province  à 
> examiner  avec  soin  ces  sortes  de  livres,  au  moyen  d'une 
> commission  de  deux  Chanoines,  dont  l'un  sera  choisi  par 
il'Evêque  et  l'autre  par  le  Chapitre,  et  quand  ils  trou- 
»veront  les  Bréviaires  et  les  Missels  mal  digérés,  ou  moins 
> conformes  à  la  piété,  ils  auront  soin  de  les  faire,  au 
»phistôt,  réformer  et  réimprimer,  aux  frais  du  Diocèse, 
»  conformément  d  Vuaage  de  l'Eglise  Romaine,  suivant  la 
t  Constitution  de  Pie  V  (I).  »  L'obligation  de  garder  cette 
Constitution  est  encore  rappelée  dans  un  règlement  exprès, 
sous  le  titre  de  Cultu  divino. 

Les  livres  de  la  province  de  Rheims,  antérieurs  au  dix- 
huitième  siècle,  font  foi  de  la  fidélité  avec  laquelle  ce  règle- 
ment fut  observé.  Nous  citerons ,  en  exemple ,  ceux  d'Amiens 
et  de  Noyon,  qui  portent  en  tête  la  clause  que  nous  avons 
signalée  dans  ceux  de  Normandie,  et  la  justifient  par  leur 
accord  avec  les  livres  de  saint  Pie  V. 

En  la  même  année  1583,  nous  trouvons  le  Concile  de  Bor- 

(1)  Porro  quoniam  omaes  riius ,  formulaeque  precandi  Breviario , 
Missali,  et  Agendisseu  Manuali  contim-ntur,  bortaraur  Episcopos  nos- 
tr?e  proviociae ,  ut  adhibitis  sa'tetn  duobus  CaQonicis ,  quorum  unns  ab 
Episcopo,  aller  acapiiulo  eligatur,  dilgenter  inspiciant  et  examinent 
hujusraodi  libros,  illisque  sirailas,  sicut  preculas  horarias,  ne  quid 
contineant  conlrarium  docirinae  Calholicae,  et  veris  historiis  Sancto- 
rum  ,  aut  superslitioaibus  affiae,  aut  quod  aliqua  ralione  disciplinam 
ecdesiaslicam,  morumque  pTubitatem  labefactet  :  atque  ubi  indig  'sta 
minu^qU'^,  pietati  con^ona  Breviaria  vel  Missiria  repereriot ,  curent 
quamprimum,  et  qnam  proxime  fieri  poterit,  ad  usum  Ecclesiae  Ro- 
manse,  juxta  conblitutionem  Pii  V.  reformari,  et  in  lucem  emittii 
impensis  dioecesis.  Labb.  Tom.  XV.  pag.  888. 


LITURGIQUES.  i65 

deaux ,  tenu  par  l'Arehevêque  Antoine  le  Prévôt  de  Sansac , 
et  auquel  assisiùrent  les  Evoques  d'Âgen ,  d'Aiigoulènie ,  de 
Poitiers,  de  Saintes,  de  Sailal,  et  celui  de  Bazas  ,  quoique 
de  la  province  d'Auch.  On  y  décréta  l'adoption  pure  et  simple 
du  Bréviaire  et  du  Missel  de  saint  Pie  V,  attendu  la  grande 
[téiiurie  des  livres  diocésains,  qu'il  serait  trop  long  et  dillîcile 
de  corriger  et  de  réimprimer.  Le  Concile  en  ordonne  l'usage 
exclusif,  en  public  et  en  particulier,  lequel  devra  être  établi, 
en  tous  lieux,  avant  le  premier  Dimanche  de  l'Avent  de  la 
même  année  lo83  (1). 

C'était  aller,  comme  on  voit,  plus  loin  que  les  Conciles  de 
Rouen  et  de  Rlieims,  qui  avaient  du  moins  sauvé  le  titre  dio- 
césain des  Bréviaires  et  des  Missels  ;  mais  dans  beaucoup  de 
lieux ,  la  seule  raison  de  l'embarras  et  de  la  dépense  devait 
amener  l'introduction  pure  et  simple  des  livres  Romains, 
ainsi  que  nous  l'avons  déjà  vu  pour  l'Eglise  d'Aquilée. 

(1)  Quoniara  vero  inter  divlua  Officia,  eorumque  ritus  et  ceremo- 
nias  in  siogulis  pêne  liiijus  prcvinciaj  diœcfsibus,  magoa  est  notata 
diversitas,  uec  niinor  eorum  libroruna  penuria  exislit,  quae  Breviaiia , 
Missalia,  Manualia ,  seu  Baptisiualia  nominamus  :  ut  jam  nécessitas 
efflagitet  magnum  ejus  geueris  librorum  numerum  excudi  :  ad  haec, 
quia  vetuslate  vet  optima  qu;eque  coasenescunt,  val  quaJam  illuvie, 
situque  obsolescuut,  ut  propterea  non  pauca  ia  hnjusmodi  libres  If- 
repseriQt,  qii;e  recogiiitioae  et  forsilan  emendalioae  opus  liabeaat , 
quod  tameii  longiim  nimis  esset  atque  difficile.  Idcirco  liis,  aliisque 
de  causis  nobis  visum  est  uoum  ,  idque  perfacile  ,  his  tôt  incomraodis 
remedium  adhiberi  posse,  si,  quod  jam  facimus,  Bremrio  Gardioalis 
a  Quignonio,  quod  triura  leclioaum  vocaut ,  ceterisque  omnibus  sup- 
pressis,  deceineremus,  siculi  tenore  pnesentium  decernimus ,  ut  in 
posterum  Breviaria,  Missalia  et  Maaualia  ex  decreto  Goncilii  Triden- 
tiai  ad  usum  Romaate  Ecclesi;c  restituta ,  atque  instaurata ,  et  Pii  V. 
Pont.  Max.  jussu  édita,  ab  iis  onuibus,  qui  in  hac  provincii  Sscra- 
meutorum  admiuislrationi  iiicumbere  et  diviuo  cultui,  ac  [lecibus, 
Missarumque  celebratioai  ex  OÛicio  vacare  debent ,  ad  summum  ante 
adventum  proximi  aaui  1585,  tam  privatim,  quam  publiée  recipian- 
tur  ;  eaque  50la  ubiquc,  et  apud  omues  in  usa  sinl.  Labb.  Tom.  XF. 
pug.  9i8. 


idi  liNSTITUTIONS 

Le  Concile  provincial  de  Tours  fut  tenu  aussi  en  lo83.  Il 
fut  présidé  par  Simon  de  Maillé ,  Archevêque  de  Tours ,  et 
on  y  vit  les  Evêques  d'Angers  ,  de  Nantes,  de  Saint-Paul  de 
Léon,  de  Saint-Brieux ,  de  Rennes,  de  Quimper,  de  Dol, 
de  Vannes,  et  les  Procureurs  des  Evêques  du  Mans,  de 
Saint-Malo,  et  du  Chapitre  de  Tréguier,  le  siège  vacant.  Les 
Pères  s'occupèrent  aussi  de  la  réforme  liturgique ,  et  l'on 
voit  qu'à  leurs  yeux  l'unité  en  cette  matière  était  aussi  pré- 
cieuse qu'elle  pouvait  l'être  à  ceux  des  Evêques  de  ce  Con- 
cile de  Vannes,  de  461,  dont  nous  avons  parlé  au  chapitre  IV  ; 
seulement,  il  ne  s'agissait  plus  de  l'unité  restreinte  aux  li- 
mites d'une  province  ecclésiastique  ,  mais  de  cette  vaste  et 
catholique  unité  que  les  Pontifes  Romains  ,  depuis  lors , 
avaient  établie,  au  prix  de  tant  de  soins,  dans  la  Liturgie 
de  l'Occident  tout  entier.  Les  Evêques  du  Concile  de  Tours 
ne  font  aucun  doute  de  l'obligation  où  l'on  est  en  tous  lieux 
d'observer  la  Constitution  de  saint  Pie  V,  bien  qu'on  ne 
trouve  nulle  part,  jusque  là,  la  plus  légère  trace  d'une 
promulgation ,  et  encore  moins  d'une  acceptation  qu'on 
aurait  faite  de  cette  Bulle  en  France,  soit  en  Concile,  soit 
autrement.  Nous  verrons  même  bientôt  les  gens  du  Roi  at- 
taquer en  plusieurs  lieux  l'autorité  de  cette  Constitution ,  et 
s'opposer  aux  mesures  prises  pour  son  application. 

Les  Evêques  du  Concile  de  Tours  déclarent  donc  l'iobligaiion, 
pour  les  Ordinaires,  de  faire  imprimer  les  Missels ,  les  Bré- 
viaires,  les  Graduels  ,  et  autres  livres  nécessaires  au  Culte 
divin,  et  de  les  corriger  exactement,  suivant  la  forme  prescrite 
par  le  Siège  Apostolique  et  la  Constitution  de  Pie  V,  de  sainte 
mémoire  (1). 

(i)  Monemus  Episcopos  Missalia ,  Breviaria ,  Gradualia ,  aliosque 
libros  ad  diviauiu  cultum  necessarios,  quibus  fere  omnes  Ecclesiœ  sunt 
destituiLc,  ut  exacte  emendentur,  ad  uormam  a  sede  Apostolica  et 


LITURGIQUES.  4GS 

Dans  l'exécution  de  ce  Décret ,  les  divers  diocèses  de  la 
province  de  Tours  suivirent  une  conduite  difïerente.  La 
Bretagne ,  pays  d'obédience ,  embrassa  toute  entière  les 
livres  romains ,  sans  rien  réserver  de  ses  anciens  usages 
qu'un  Propre  des  Saints  par  chaque  diocèse.  Les  Eglises  de 
Tours  ,  du  Mans  et  d'Angers ,  réimprimèrent  leurs  Missels 
et  Bréviaires  sous  le  litre  diocésain ,  avec  l'addition  ad  Ro- 
mani formam ,  et  l'on  peut  voir  dans  les  Lettres  Episcopales 
placées  en  tête  des  diverses  éditions  qui  en  ont  été  publiées 
jusqu'au  changement  de  la  Liturgie,  que  l'on  se  croyait, 
dans  ces  trois  diocèses  ,  obligé  à  suivre  les  Offices  de  Rome , 
tant  à  cause  du  Décret  du  Concile  de  Trente  et  de  la  Bulle  de 
saint  Pie  V,  que  par  le  Canon  du  Concile  de  Tours  de  1583. 
L'espace  nous  manque  pour  insérer  ici  ces  importantes 
Lctttres  pastorales ,  que  chacun  peut  consulter  en  tête  des 
divers  exemplaires  des  Bréviaires  de  ces  trois  diocèses  que 
l'on  trouve  encore  dans  les  bibliothèques  publiques ,  et  même 
entre  les  mains  de  plusieurs  particuliers. 

La  province  de  Bourges  tint  son  Concile  en  1584 ,  sous  la 
présidence  de  l'Archevêque  Renauld  de  Beaulne.  On  y  vit  les 
Evêques  de  Saint-Flour,  deCahors,  de  Limoges;  les  Procu- 
reurs des  Evêques  de  Rhodez  ,  de  Tulle,  d'Albi ,  de  Mende, 
de  Vabres,  et  ceux  des  Chapitres  de  Clermont  et  de  Castres, 
le  siège  vacant.  Au  Titre  premier,  Canon  dixième,  il  est  en- 
joint aux  Evêques  de  faire  réimprimer  les  Missels ,  Bréviaires 
et  autres  livres  Liturgiques,  et  de  les  corriger,  suivant  le 
besoin.  Les  Pères  ajoutent  les  paroles  suivantes  qui  montrent 
clairement  la  conviction  où  ils  étaient  que  la  réforme  litur- 


Constitutione  sanctœ  mémorise  Pii  quiati  prœscriptam ,  et  iatra  anaum 
eorum  qui  ex  consuetudine  proviaciœ  ad  id  tenentur  impensis ,  impri- 
mantur,  procurare.  Labb.  Tom,  XF.  pag.  1021. 

T.  I.  30 


41^  INSTITUTIONS 

gique  accomplie  à  Rome  ,  intéressait  tout  rOccident.  t  S'il 
»est  des  Eglises  qui  se  soient  servies  jusqu'ici  de  l'ancien 
«Office  romain,  qu'on  les  oblige  à  recevoir  celui  qui  vient 

>  d'être  réformé  d'après  le  décret  du  Concile  de  Trente  (i).  > 
Il  ne  se  peut ,  certes ,  désirer  rien  de  plus  exprès.  Dans  la 
province  de  Bourges  ,  comme  dans  celle  de  Tours ,  les 
Eglises  se  divisèrent  dans  la  manière  d'appliquer  la  réforme 
liturgique.  L'Eglise  Patriarcale,  et  celle  de  Limoges,  entre 
autres ,  firent  imprimer,  presque  aussitôt  après  le  Concile , 
leurs  Bréviaires  sous  le  titre  diocésain  ,  avec  la  clause  dont 
nous  avons  parlé.  Saint-Fiour,  Cahors,  Rliodez,  Castres,  etc., 
adoptèrent  le  Romain  pur,  et  firent  imprimer  séparément  le 
Propre  Diocésain . 

L'année  suivante  i58o,  l'Archevêque  d'Aix,  Alexandre 
Canigiani ,  tint  le  Concile  de  sa  province ,  auquel  se  trou- 
vèrent les  Evêques  d'Apt ,  de  Gap ,  de  Riez ,  de  Sisteron  ,  et 
le  Procureur  de  l'Evêque  de  Fréjus.  On  y  fit  le  décret  sui- 
vant :  «  Le  saint  Synode  désirant  que  tous  les  Clercs  de  cette 
»  province  soient  unanimes  dans  la  louange  de  Dieu,  tant  pu- 
iblique  que  privée,  et  considérant  que  ,  d'après  la  Constitu- 
>tion  du  Pape  Pie  V,  il  est  défendu  ,  si  l'on  quitte  un  Office 
> particulier,  d'en  prendre  un  autre  que  le  Romain  ;  comme, 
> d'ailleurs,  les  autres  Eglises  Cathédrales  ne  sont  pas  en 
»  mesure  de  se  conformer  à  l'Office  de  la  Métropole  ;  statue , 
»  prescrit  et  commande  à  tous  ceux  à  qui  il  appartient ,  sous 

>  peine  d'excommunication ,  et  autres  à  la  volonté  de  TE- 
*  vêque,  d'introduire  dans  toutes  les  Eglises  de  celte  province 
»  l'usage  du  Bréviaire  et  du  Missel  réformés  d'après  le  décret 
i  du  saint  Concile  de  Trente ,  d'ici  au  premier  janvier  de 

(1)  Si  quse  Ecclesue  hactenus  usîe  sunt  veteri  Officio  Romano ,  nuper 
reformatmû  ex  Concilii  TrideDlini  decrelo  recipere  cogantur.  Labb. 
lom.  Xy.  poy.  1071. 


LITURGIQUES.  467 

>rannée  prochaine  1586.  »  Les  Pères  ajoutent  que  cette  me- 
sure leur  semble  préférable  à  la  réimpression  des  Bréviaires 
particuliers ,  qui  nécessiterait  de  trop  grands  fiais ,  et  ils  ter- 
minent leur  décret  par  ces  paroles  qui  mettent  dans  une  nou- 
velle évidence  (  si  déjà  nous  n'avions  pas  rendu  cette  obser- 
vation banale  à  force  de  la  répéter  ) ,  la  conformité  presque 
matérielle  de  ces  Liturgies  diocésaines  de  France  avec  la 
Romaine ,  tant  ancienne  que  réformée  :  «  Et  afin  que  les 
»  livres  tant  do  l'Eglise  Métropolitaine  que  des  autres  Catlié- 
»  drales ,  ne  demeurent  pas  inutiles ,  au  grand  préjudice  de 
»  ces  mêmes  Eglises ,  on  les  adaptera  et  corrigera  suivant 
»  l'usage  Romain,  aux  dépens  du  Clergé  de  chaque  dio- 
»cèse  (1),  i 

Le  Concile  de  Toulouse  ,  en  1590,  présidé  par  l'Arche- 
vêque François ,  Cardinal  de  Joyeuse ,  ne  fut  pas  moins  ab- 

(1)  Cupieus  haec  sancta  Syaodus,  ut  omnes  ecclesiaslici  hujus  pro- 
vincise ,  unanimes ,  uno  ore  tam  in  ecclesiis ,  quam  privatim  honorifi- 
cent  Deum  ac  Patrem  Domini  nostri  Jesu  Cliristi  ;  et  attendens  quod 
ex  constitulione  felicis  recordatioais  Pii  Vapœ  quiuti  prohibilum  est 
proprio  Oflicio  relicto ,  aliud  quam  Romanum  assumere  ;  ideo  cum  aliaî 
Cathédrales  Ecclesia3  Officio  raelropolitanio  conformari  non  possint  : 
statuit  liaec  Syaodus,  et  omnibus  ad  quos  spectat  praacipit  et  mandat, 
sub  pœaa  excommunicationis,  ac  alia  arbitratu  Episcopi,  ut  usum 
Breviarii  Romani  et  Missalis  ex  decreto  sacrosancti  Concilii  Tridentini 
restituti  et  editi  in  omnibus  huJus  provincite  ecclesiis  iutra  illud  tem- 
pus ,  quod  bine  ad  principium  mensis  januarii  anni  proximi  1586 ,  in- 
terjectum  est,  omnino  introducant.  Visum  est  enim  id  magis  decere, 
quam  ,  quod  uaaquœque  diœcesis  proprium  Oflicium  retineret ,  prae- 
serlim  cum  jam  Missalia,  Breviaria,  Diurnalia  ,  Gradualia ,  Antipho- 
naria ,  et  alii  hujusmodi  libri  ad  unius  cujusque  diœcesis  hujus  pro- 
vinciaB  usum  omnes  pêne  laceri,  imo  et  omnino  consumpti  sint,  et  vix 
reperiantur ,  nec  de  novo  imprimi  possint  absque  magna  impensa ,  et 
ne  libri ,  quos  tam  Metropoiitana ,  quam  aliie  Cathédrales  Ecclesite  ha- 
bent,  illis  inutiles  remaneant,  magno  earumdem  ecclesiarum  prseju- 
dicio  ;  placuit  illos  ad  usum  Romanum  aptari  et  reconcinnari,  impensis 
totius  deri  uniuscujusque  diœcesis.  labb.  Tçm,  KF,  pag.  1154. 


468  INSTITUTIONS 

solu  que  celui  d'Aix  ,  dans  son  décret  sur  l'Office  divin.  On 
y  vit  les  Evêques  de  Saint-Papoul ,  de  Rieux ,  de  Lavaur,  et 
les  Procureurs  des  Evêques  de  Lombez  ,  de  Pamiers ,  de  Mi- 
repoix  et  de  Montauban.  Le  Canon  est  conçu  en  peu  de 
mots  :  «  Afin  d'établir  un  accord  plus  parfait  entre  les  Chré- 
»  tiens  ,  les  Heures  Canoniales  seront  récitées ,  tant  en  par- 
ï  ticulier  qu'en  public ,  suivant  la  prescription  du  Bréviaire 
»  Romain  (1).  » 

Le  dernier  de  nos  Conciles  de  France  que  nous  trouvons 
avoir  adhéré  à  la  réforme  liturgique  de  saint  Pie  V,  est 
celui  de  Narbonne  ,  tenu  en  4609 ,  par  l'Archevêque  Louis 
de  Vervins  ,  et  dans  lequel  siégèrent  les  Evêques  de  Carcas- 
sonne  ,  d'Agde  ,  de  Saint-Pons ,  Mmes ,  Uzès ,  Aleth  ,  Mont- 
pellier, et  les  Procureurs  des  Evêques  de  Beziers  et  de  Lo- 
dève.  Le  Décret,  que  nous  ne  traduisotis  pas ,  afin  de  ne  pas 
fatiguer  le  lecteur  qui  peut  le  voir  dans  la  noie  (2) ,  a  cela  de 
particulier  que  les  Evêques  y  disent  expressément  recevoir 
la  Bulle  de  saint  Pie  V,  et  la  déclarer  promulguée ,  indiquant 
et  signifiant  les  peines  qui  y  sont  déclarées  contre  les  in- 
fracteurs.  Ce  langage  est  fort  différent ,  comme  l'on  voit , 

(1)  Sed  ut  major  Christianorum  sit  inter  se  couseusio,  Hor»  cano- 
nicîe,  tum  privatim,  tuiu  publiée,  ex  Breviarii  Romani  prœscripto  re- 
citeutur.  Labb.  Tom.  pug.  1588. 

(2)  Ideô  ut  ia  omnibus  unitas  sit  la  Ëcclesia  quae  una  est  :  a  quibus- 
cumque  ecclesiasticis ,  tam  Metropolitanse ,  Cathedralium  ,  ColUgia- 
larum ,  aliarumque  ecclesiarum  officium  recitari  in  choris ,  et  in  ec- 
clesiis  decantari  prœcipimus,  et  mandamus  ,  juxta  ritum ,  ordinem , 
modum,  et  formam  a  felieis  mémorise  Pic  Papa  liujus  norainis  quinto 
prsescriptam ,  per  Bullam,  super  reformatione  Breviarii  cditam  :  quam 
nos  recipimus ,  et  ia  tota  provincia  recipi  volumus ,  et  j;  atsenlis  nostri 
decreti  publicatione  sufficienter  promulgatam  declaramus  :  contra 
eamdejsa  agentes ,  pœnas  per  Ipsam  latas  eis  iadiclmus  et  significamus. 
labb.  Tom.  XF.  pag.  1616. 


LITURGIQUES.  469 

(le  celui  des  sept  Conciles  du  seizième  siècle  que  nous  avons 
cités.  Au  reste,  la  prétention  des  Pères  du  Concile  ne  fait 
que  rendre  plus  grave  pour  les  diverses  Eglises  de  la  pro- 
vince l'obligation  de  reconnaître  l'autorité  d'une  Constitution 
reçue  cl  approuvée  d'une  manière  aullienlique. 

Les  huit  Conciles  Provinciaux  dont  nous  venons  de  rap- 
porter les  ordonnances  sur  la  Liturgie ,  nous  ont  fait  passer 
en  revue  presque  toute  l'Eglise  de  France.  Les  autres  pro- 
vinces ,  sans  se  réunir  en  Concile ,  adoptèrent  des  mesures 
analogues  pour  la  réforme  liturgique.  Lyon  maintint  le  fonds 
de  son  Office  mêlé  de  Romain  et  de  Gallican.  Plusieurs  des 
Eglises  de  cette  Métropole  renouvelèrent ,  en  les  corrigeant, 
leurs  anciens  livres  ;  nous  ne  saurions  indiquer  aujourd'hui 
leurs  noms  avec  précision.  Langres ,  du  moins ,  adopta  le 
Romain  pur.  Sens  ne  fit  qu'épurer,  ses  anciens  livres  à  l'aide 
de  ceux  de  saint  Pie  V.  Paris,  Meaux,  Chartres,  suivirent 
son  exemple.  Nous  ne  pouvons  rien  affirmer  sur  les  autres 
Eglises  de  la  province  de  Sens.  Auch  adopta  purement  et 
simplement  la  Liturgie  Romaine  réformée ,  et  le  reste  de  la 
province  suivit  son  exemple.  Avignon  et  Embrun,  avec  leurs 
Eglises ,  firent  la  même  chose.  Il  faut  en  dire  autant  de  la 
plupart  des  diocèses  de  la  province  de  Vienne.  Quant  à  la 
Métropole  elle-même ,  nous  sommes  porté  à  croire  qu'elle 
garda  l'ancien  Bréviaire ,  en  le  corrigeant  sur  celui  de  saint 
Pie  V. 

Si  nous  passons  maintenant  aux  diocèses  qui,  depuis, 
ont  été  réunis  au  territoire  français,  nous  trouvons  Cambrai 
qui  adopta  le  Romain  pur,  Arras  qui  corrigea  ses  livres, 
Tournay,  Saint-Omer,  Namur,  dont  la  Liturgie  ne  fut  plus 
antre  que  la  Romaine. 

Pour  dire  un  mot ,  en  passant ,  sur  la  Belgique ,  nous 
mentionnerons  le  Concile  de  Malines,  en  1607,  dans  leque^ 


170  INSTITUTIONS 

les  Prélats  établissent  pour  la  réforme  liturgique  les  mêmes 
règles  que  les  Evéques  de  France  dans  les  Conciles  cités 
plus  haut.  Les  Evéques  qui  prirent  part  à  cette  Assemblée, 
sous  la  présidence  de  l'Archevêque  ,  furent  ceux  de  Gand , 
Bois-le-Duc ,  Ruremonde ,  Bruges ,  Anvers  et  Ypres. 

Ainsi  fut  rétablie  en  France  l'unité  liturgigue ,  et  cet 
événement  eut  lieu  d'une  manière  si  éclatante,  qu'il  n'est  pas 
d'exemple  qu'une  Constitution  Pontificale  y  ait  été  reconnue 
obligatoire  dans  un  aussi  grand  nombre  de  Conciles ,  que 
l'a  été  celle  de  saint  Pie  V,  sur  le  Bréviaire  Romain.  On  voit 
aussi  que  ces  Conciles  dépassèrent  même  dans  leur  obéis- 
sance au  Saint-Siège  les  limites  qu'il  avait  tracées.  Plus  d'un 
tiers  de  nos  Eglises  était  en  possession  d'un  Bréviaire  ,  Ro- 
main sans  doute  pour  le  fond,  mais  depuis  plus  de  deux  cents 
ans  corrigé ,  réformé  par  l'autorité  diocésaine.  Néanmoins , 
les  Evéques  jugèrent  que  l'unité  ne  pouvait  être  trop  par- 
faite ,  et  reconnaissant  d'ailleurs  la  supériorité  de  rédaction 
du  nouveau  Bréviaire ,  ils  ne  firent  aucune  difficulté  ,  la  plu- 
part de  l'adopter  purement  et  simplement,  les  autres  de  le 
faire  imprimer  presque  en  entier  sous  le  titre  diocésain. 
Nous  ne  connaissons  guère  que  Lyon  dans  toute  la  France 
qui  retint  son  ancien  Bréviaire ,  et  encore  ce  ne  fut  pas  sans 
emprunter  quelques  améliorations  au  nouveau  Romain. 

Un  autre  événement  important  pour  l'unité  liturgique  en 
France ,  est  l'introduction  des  livres  Romains  réformés  dans 
la  Chapelle  du  Roi ,  à  Paris ,  et  dans  celles  des  autres  châ- 
teaux royaux.  Cette  pieuse  innovation  eut  lieu  ,  par  ordre 
de  Henri  III ,  en  1383  (1).  Ce  prince,  à  la  sollicitation  des 
Jésuites,  auxquels  l'Eglise  Catholique  fut  si  redevable  dès  le 
seizième  siècle  ,  avait  permis ,  en  1580,  l'impression  du  Bré- 

(1)  On  ne  quitta  toutefois  le  Parisien  à  la  Sainte  Chapelle  de  Paris, 
que  le  Mercredi  des  Cendres  ,1610. 


LITURGIQUES.  474 

viairc  Romain,  qui  souffrait  des  liitricultés  de  la  pan  du  Par- 
lement de  Paris  (1). 

En  effet ,  la  haine  de  ce  corps  contre  tout  ce  qui  venait  de 
Rome ,  s'était  déjà  éveillée  à  l'apparition  d'un  ensemble  de 
Liturgie  imposé  aux  Eglises  par  le  Saint-Siège.  L'accord  des 
divers  Conciles  à  mettre  en  exécution  la  Bulle  de  saint  Pie  V, 
n'avait  pas  été  sans  être  remarqué ,  et  peut-être  une  for- 
melle intimation  faite  par  l9s  gens  du  Roi  est-elle  la  meilleure 
explication  de  la  clause  par  laquelle  le  Concile  de  Narbonne, 
tenu  déjà  dans  le  dix-septième  siècle ,  a  cru  devoir  déclarer 
qu'il  recevait  en  forme  cette  Constitution.  Quoiqu'il  en  soit, 
le  Parlement  de  Paris  donna ,  vers  1580,  un  insigne  exemple 
de  cette  oppression  religieuse  que  nul  autre  pays  n'a  mieux 
connue  que  le  nôtre. 

On  se  rappelle  que  le  Missel  de  saint  Pie  V  ne  portait  point 
au  Canon  ces  paroles  Pro  Rege  nostro.  Nous  avons  rapporté 
l'action  de  Philippe  II  qui ,  dans  son  respect  pour  l'autorité 
religieuse  ,  ne  voulut  pas  employer  son  pouvoir  royal  pour 
arracher  des  prières  au  Clergé  Espagnol.  Voici  maintenant 
ce  qui  se  passa  en  France.  Le  Parlement,  toujours  jaloux 
des  droits  du  Roi ,  quand  il  s'agissait  d'opprimer  l'Eglise , 
vit  avec  indignation  l'absence  du  nom  du  Roi  dans  le  Missel 
Romain  ;  mais  fidèle  à  son  plan  de  nationaliser  l'Eglise  ,  il  se 
garda  bien  de  conseiller  au  Souverain  de  se  pourvoir  auprès 
du  Saint-Siège  pour  obtenir  la  même  faveur  que  Philippe  II 
n'avait  pas  dédaigné  de  solliciter.  De  son  autorité  laïque , 
matérielle ,  incompétente  ,  il  fit  défense  à  tous  imprimeurs 
du  Royaume  de  publier  le  Missel  Romain  ,  sans  y  ajouter  le 
Pro  Rege  nostro  N. ,  et  depuis  lors,  on  n'a  jamais  osé  en- 

(1)  Grancolas.    Commentaire  historique  du  Bréviaire  Romain  , 
pag.  28. 


472  INSTITUTIONS 

freindre  ce  Règlement  (1).  Le  temps ,  et  plus  encore ,  la  con- 
descendance du  Siège  Apostolique,  a  pu  légitimer  l'emploi  de 
ces  paroles  au  Canon  de  la  Messe  ;  mais  l'origine  de  cet  usage 
n'en  remonte  pas  moins  à  une  entreprise  du  pouvoir  sécu- 
lier qui  prouve ,  d'ailleurs  ,  assez  clairement  que  ,  dans  cette 
Espagne  si  méprisée  ,  ou  plutôt  si  mal  connue  ,  la  Couronne 
s'entendait  mieux  en  ftnt  de  liberté  de  conscience  qu'en  France, 
où  cette  liberté  ne  s'est  jamais  développée  qu'en  faveur  des 
hérétiques. 

Cette  mauvaise  humeur  des  Parlements  contre  les  Livres 
Romains  semble  déjà  présager  dans  l'histoire  la  réaction  qui 
devait  avoir  lieu  un  jour  en  France  contre  les  antiques  prin- 
cipes de  la  Liturgie.  Car,  il  faut  bien  l'avouer,  les  magistrats 
ne  se  sentaient  pas  seuls  dans  cette  opposition  ;  un  parti  se 
formait  sourdement  dans  le  Clergé ,  et  la  haine  de  Rome  fer- 
mentait déjà  dans  plus  d'un  cœur.  On  en  vit  une  démons- 
tration bien  significative  de  la  part  de  la  Sorboune ,  en 
1583.  L'Evêque  de  Paris ,  Pierre  de  Gondy,  ayant  songé  à 
introduire  les  Livres  Romains  dans  sa  Cathédrale ,  comme 
ils  venaient  d'être  introduits  par  le  Roi  lui-même  dans  sa 
Chapelle  ,  le  Chapitre  de  Notre  -  Dame  forma  opposition 
contre  cette  intention  du  Prélat ,  prétendant ,  avec  fonde- 
ment ,  que  le  Bréviaire  et  le  Missel  de  Paris  se  trouvaient 
dans  le  cas  de  l'exception  prévue  par  la  Bulle  ;  qu'on  ne 
devait  point  abolir  un  Rite  dont  la  renommée  s'était  ré- 
pandue non  seulement  par  toute  la  France ,  mais  dans 
presque  toutes  les  autres  Eglises  de  l'univers  ;  et  conclut 
à  la  simple  correction  des  Livres  Parisiens  par  les  Commis- 
saires déjà  députés  à  cet  effet  (2).  La  Commission  continua 

(1)  Grancolas.  Ibid.  Pag.  30. 

(2)  Vid.  la  note  E. 


LITURGIQUES.  475 

donc  son  travail ,  mais  elle  s'en  acquitta  avec  tant  de  zèle 
pour  les  usages  Romains  réformes ,  qu'elle  y  fit  entrer  la 
presque  totalité  du  Bréviaire  de  saint  Pie  V  (1).  Nous  venons 
de  voir,  d'ailleurs ,  que  le  Chapitre  ,  par  le  fait  même  qu'il 
croyait  l'Eglise  de  Paris  dans  le  cas  de  l'exception  prévue 
par  la  Bulle ,  reconnaissait  la  valeur  de  cette  Constitution. 
Paris  doit  donc  être  mis  au  rang  des  Eglises  qui  prirent 
part  à  la  Réforme  Liturgique  de  saint  Pie  V.  Quant  au  refus 
que  firent  les  Chanoines  de  prendre  le  Romain  pur,  nous 
sommes  loin  de  le  blâmer.  Il  était  trop  juste  que  cette 
Liturgie  Romaine-Française .  enrichie  par  Robert-le-Pieux , 
Fidbert ,  Maurice  de  Sully  ;  que  plusieurs  Ordres  religieux 
avaient  adoptée,  qui  avait  pénétré  jusque  dans  les  Eglises 
de  Jérusalem,  de  Rhodes ,  de  Sicile,  demeurât  debout  comme 
une  de  nos  gloires  nationales.  Abolie  déjà ,  dans  la  plupart 
des  Cathédrales  françaises  par  l'introduction  des  Livres  Ro- 
mains, Paris,  du  moins ,  ne  devait  pas  la  laisser  périr  ;  Rome 
elle-même  avait  préparé  les  voies  à  cette  conservation  par 
les  clauses  de  sa  Bulle.  Si  donc  aujourd'hui ,  cette  belle  et 
poétique  forme  du  Culte  Catholique  n'est  plus,  demandons- 
en  compte ,  non  au  Siège  Apostolique ,  mais  aux  Parisiens 
modernes  qui ,  cent  ans  plus  tard ,  se  plurent  à  renverser 
l'antique  et  noble  édifice  que  leurs  pères  avaient  défendu 
avec  tant  d'amour. 

C'est  que  malheureusement ,  comme  nous  le  disions  tout- 
à-l'heure ,  un  parti  se  formait  qui  devait,  au  temps  marqué , 
poursuivre  l'œuvre  Romaine  de  la  Liturgie ,  jusque  dans 
les  livres  diocésains.  La  Sorbonne  récelait  des  hommes 
de  ce  caractère ,  et  l'histoire  nous  a  conservé  le  scanda- 
leux avis  que  celte  Faculté,  ou  plutôt  quelques-uns  de 

(1)  Grancolas.  Ibidem,  65. 


474  INSTITUTIONS 

ses  membres ,  consultés  par  le  Cliapitre  de  Paris ,  donnèrent 
contre  l'adoption  projetée  des  Livres  Romains.  Le  lecteur 
trouvera  cette  étrange  pièce  ci-après  (1)  :  nous  en  choisissons 
seulement  ici  les  principaux  traits. 

Après  quelques  banalités  sur  le  grand  bien  qu'il  y  a  dans 
la  variété ,  comme  si  l'unité  n'était  pas  aussi  une  chose  dési- 
rable ,  les  Docteurs  disent  leur  véritable  pensée  :  t  L'adop- 
»  tion  du  Bréviaire  Romain  diminuerait  beaucoup  l'autorité 
ïdesEvéques  et  des  Diocèses.  Les  promoteurs  de  cette  me- 

>  sure  sont  gens  qui  veulent  faire  leur  cour.  Les  Evêques  ont 
»  puissance  de  police  et  de  règlement  dans  leurs  diocèses  , 
»  comme  l'Evêque  de  Rome  dans  le  sien  ;  ce  grand  bien  serait 
»  ébranlé  par  le  changement  en  question.  Cette  entreprise 
»  serait  contre  la  liberté  de  l'Eglise  Gallicane  qui ,  si  elle  se 
»  soumettait  à  celle  de  Rome  dans  une  chose  aussi  capitale , 
»  lui  demeurerait  assujétie  en  tout  le  reste  :  car  l'accessoire 
>suit  le  principal.  Il  n'y  a  pas  plus  de  raison  à  ce  que  tous 
j>  les  Prêtres  disent  en  tous  Heux  un  même  Bréviaire  ,  qu'il 

>  n'y  en  a  à  ce  que  tous  les  Laïques  adressent  à  Dieu  la  même 
»  prière.  Après  tout ,  que  résulte-t-il  autre  chose  de  ceci ,  si 
»  ce  n'est  l'accroissement  non  de  la  religion  ,  mais  de  la  su- 
«perbe  et  ambition  Romaines  ?  Que  la  crête  du  Coq  Gaulois 
»  ne  le  cède  pas  ainsi  au  sourcil  Romain  !  Il  ne  s'agit  pas  ici 

>  de  religion ,  mais  d'orgueilleuse  fourberie.  Si  les  Evêques 
»  connaissent  ce  qu'ils  sont ,  ils  doivent  savoir  qu'ils  ont  pou- 
»  voir  de  régler  la  forme  de  la  prière  ,  aussi  bien  que  le  Pape 

>  dans  son  diocèse  de  Rome  ;  autrement,  ils  ne  seraient  que 
»  les  Chapelains  du  Pape.  » 

Voilà ,  certes ,  de  la  franchise  :  toute  la  pièce  est  dans  le 
même  goût.  Les  Docteurs  se  prévalent  surtout  de  l'inconve- 

(1)  Vid.lanoteF. 


LITURGIQUES.  478 

nance  qu'il  y  aurait  de  renoncer  au  culte  dos  Saints  du  dio- 
cèse ,  en  adoptant  le  Calendrier  Romain.  Cette  difficulté  n'est 
pas  sérieuse ,  puisque  tout  le  monde  sait  que ,  dans  tous  les 
diocèses  où  l'on  suit  le  Romain  pur,  on  est  autorisé  à  joindre 
au  Rréviaire  un  Propre  des  Saints  locaux  qui  peut  être  aussi 
complet  qu'on  le  désire.  Au  reste,  dans  une  cause  qui  fut 
plaidée  en  Parlement ,  en  1605 ,  et  dont  nous  parlerons  ail- 
leurs, l'Avocat  du  Roi  Servin  ayant  inséré  cet  acte  de  la 
Sorbonne  en  son  plaidoyer,  la  Faculté  réclama  contre  l'inser- 
tion et  contre  l'acte  lui-même  qui  doit  donc  être  considéré , 
non  comme  l'avis  de  tous  les  membres  de  cette  Compagnie , 
mais  simplement ,  ainsi  que  nous  avons  dit ,  comme  la  ma- 
nifestation d'un  espiit  de  révolte  dans  quelques  particuliers. 
Nous  verrons  bientôt  le  terrible  incendie  qu'alluma  cette 
étincelle  cachée  un  moment  sous  la  cendre.  Achevons  le 
tableau  de  la  Réforme  Liturgique  dans  l'Eglise  Latine ,  au 
seizième  siècle. 

Les  diocèses  qui  avoisinent  la  France  du  côté  de  l'Alle- 
magne ,  ceux  de  la  Franche-Comté  et  de  la  Suisse ,  par 
exemple ,  réformèrent  leur  Liturgie  ,  d'après  la  Romaine , 
suivant  leur  génie  particulier.  Besançon  garda  le  titre  dio- 
césain à  la  tête  de  ses  livres  qui  retinrent  beaucoup  d'usages 
particuhers.  Zaccaria  indique  un  Missel  de  Coire ,  sous  la 
date  1589.  Aujourd'hui,  toute  la  Suisse,  à  l'exception  de 
Lausanne  ,  suit  les  livres  Romains  purs. 

On  trouve ,  dans  les  bibliothèques ,  des  Bréviaires  de  Co- 
logne (1) ,  de  Trêves ,  de  Mayence ,  de  Constance,  de  Wurtz- 
bourg,  de  Worms,  de  Spire,  etc.,  imprimés  à  la  fin  du 

(1)  Le  diocèse  de  Liège,  qui  était  delà  province  de  Cologne,  a 
gardé  long-temps  un  Bréviaire  particulier.  Aujourd'hui ,  il  est  soumis 
au  Romain ,  sauf  certains  rites  qui  lui  sont  propres. 


476  INSTITUTIONS 

seizième  siècle  et  réformés  d'après  celui  de  saint  Pie  Y.  Au- 
jourd'hui ,  plusieurs  de  ces  Eglises  suivent  le  Romain  pur, 
ainsi  que  toute  l'Autriche,  la  Hongrie,  la  Pologne,  le  Ty- 
rol ,  etc. ,  qui  embrassèrent  de  suite  les  livres  réformés. 

L'Angleterre  était  déjà  séparée  de  la  Communion  Romaine, 
quand  le  Siège  Apostolique  s'occupa  du  rétablissement  de 
l'unité  de  Liturgie  :  elle  ne  put  donc  y  prendre  part.  Nous 
apprenons  de  Burnet  et  de  Larrey,  historiens  de  la  Réforme 
Anglicane,  cités  par  le  P.  Lebrun  (1),  qu'avant  la  défection 
de  l'Angleterre ,  on  comptait  dans  ce  royaume  cinq  Liturgies 
principales  qui  étaient  autant  de  formes  de  la  Romaine; 
savoir  celle  de  Salisbury,  qui  avait  cours  dans  les  provinces 
méridionales,  sous  le  nom  deSarum,  dont  on  trouve  une 
édition ,  ainsi  que  du  Bréviaire ,  imprimée  à  Paris  en  13o6  ; 
celle  d'Yorck ,  qui  était  en  usage  dans  les  provinces  septen- 
trionales ;  celle  d'Héréford  ,  dont  l'usage  était  reçu  dans 
la  partie  méridionale  du  pays  de  Galles;  celle  de  Bancor, 
pour  la  partie  septentrionale  du  même  pays;  enfin,  celle 
de  Lincoln,  pour  le  Diocèse  de  ce  nom. 

Il  est  temps  de  revenir  à  Rome ,  centre  de  la  réforme  li- 
turgique, et  de  considérer  encore  les  grandes  œuvres  ac- 
complies dans  ce  but  par  les  Pontifes  Romains.  L'état  du 
chant  et  de  la  musique  ecclésiastiques  appelait  tous  leurs 
soins.  Nous  avons  vu  combien  cette  partie  de  la  Liturgie 
avait  souffert,  aux  quatorzième  et  quinzième  siècles,  de 
l'esprit  d'innovation.  Le  lecteur  n'a  pas  oublié  la  célèbre 
Bulle  de  Jean  XXII  ,  Docta  Sanctorum.  Nonobstant  ces 
efforts  si  louables ,  le  mal  allait  croissant  en  proportion  du 
relâchement  de  la  discipline.  Dans  la  plupart  des  Eglises , 
le  chant  Grégorien  avait  disparu  presque  complètement; 

fl)  Explication  de  la  Blesse.  Tom.  IV,  pag.  50. 


LITURGIQUES.  477 

une  musique  toute  profane ,  bruyante ,  entortillée  ,  farcie 
de  réminiscences  mondaines ,  et  sous  laquelle  il  n'était  nul- 
lement question  du  sens  des  paroles ,  avait  envahi  les  plus 
augustes  Basiliques.  La  voix  humaine  n'y  paraissait  plus  que 
comme  un  instrument  à  produire  des  sons  plus  ou  moins 
habiles. 

Le  Pape  Marcel  II ,  choqué  d'un  tel  abus,  songea  à  bannir 
entièrement  la  musique  des  Eglises  :  cette  résolution  trop 
sévère ,  qui  eût  privé  la  Liturgie  d'un  de  ses  plus  grands 
moyens ,  ne  fut  cependant  pas  mise  à  exécution.  La  Provi- 
dence avait  préparé ,  dans  Rome  même ,  pour  désarmer  le 
rigide  Pontife ,  un  homme  d'un  génie  profondément  litur- 
gique, et  dotît  les  ressources  étaient  à  la  hauteur  de  sa  mis- 
sion. Luigi  Palestrina ,  proclamé  plus  tard  le  prince  de  la 
musique ,  chantre  de  la  Chapelle  Papale ,  obtint  permission 
de  faire  entendre  au  Pontife  une  Messe  de  sa  composition. 
Il  se  mit  donc  à  l'œuvre  avec  l'ardeur  la  plus  vive  et  la  plus 
fervente.  Il  sentait  qu'il  s'agissait,  pour  la  musique  religieuse, 
de  la  vie  ou  de  la  mort.  On  a  trouvé  sur  son  manuscrit  ces 
mots  :  Seigneur^  aidez-moi  !  Son  travail  étant  achevé ,  il  fit 
exécuter  sa  Messe  en  présence  de  Marcel  IL  Le  Pape  fut  ravi 
de  la  simplicité ,  de  l'onction ,  de  la  richesse  que  Palestrina 
avait  déployée  dans  cette  composition.  Le  sens  du  texte  était 
exprimé  avec  une  précision  et  une  clarté  que  rien  ne  pou- 
vait surpasser.  L'anathême  préparé  contre  la  musique  fut  ré- 
voqué, et  cette  Messe  garda  le  nom  de  Messe  du  Pape  Marcel. 
Toutefois,  tel  était  le  zèle  de  la  réforme  dans  les  Pontifes  du 
seizième  siècle ,  que  l'idée  de  proscrire  la  musique  fut  encore 
mise  en  avant,  à  Rome,  par  plusieurs  personnes  zélées.  Pie  IV 
nomma ,  à  cet  effet ,  une  commission  parmi  les  membres  de 
laquelle  se  trouvait  son  austère  neveu ,  saint  Charles  Borro- 
mée.  Il  fut  encore  réservé  à  Palestrina  de  désai'mer  les  en- 


478  INSTITUTIONS 

nemis  de  la  musique  sacrée.  Il  montra,  par  les  faits  même , 
non-seulement  que  le  génie  musical  pouvait  créer  encore 
des  merveilles  dans  les  régions  mystiques  de  la  Liturgie,  mais 
que  les  mélodies  Grégoriennes  étaient  susceptibles  de  s'en- 
richir en  majesté ,  en  onction ,  développées  par  de  nouveaux 
moyens  puisés  dans  les  mêmes  inspirations.  Aussi  a-t-on 
reconnu  qu'il  est  difficile  de  prononcer  lequel  est  le  plus  ad- 
mirable de  Palestrina ,  agrandissant ,  par  un  développement 
analogue,  les  effets  de  la  phrase  de  saint  Grégoire,  ou  du 
môme  Palestrina  composant ,  avec  une  originalité  simple  et 
grandiose ,  ces  admirables  productions  dont  il  n'a  pris  l'idée 
qu'en  lui-même.  Ce  grand  musicien  du  Catholicisme  fut  créé, 
par  saint  Pie  V,  Maître  de  la  Chapelle  Papale ,  et  mourut  en 
1594  (1). 

Le  Concile  de  Trente  avait  partagé  les  sévères  préoccu- 
pations des  Pontifes  Romains  au  sujet  de  la  musique ,  et  il 
songeait  aussi  à  l'éliminer  des  Eglises.  Les  réclamations  de 
l'Empereur  Ferdinand  tempérèrent  les  rigueurs  de  cette 
sainte  et  grave  assemblée  (2) .  On  se  contenta  de  prohiber  les 
airs  lascifs  et  mondains,  tant  sur  l'orgue  que  dans  le  chant 
proprement  dit  (3).  En  sa  session  XXIII,  le  saint  Concile, 
voulant  pourvoir  à  la  réforme  du  Clergé,  décréta  la  fonda- 
tion des  Séminaires ,  et  plaça ,  parmi  les  exercices  auxquels 
on  doit  appliquer  les  jeunes  Clercs ,  l'étude  du  chant  ecclé- 
siastique. Les  Conciles  du  seizième  siècle  qui  suivirent  le  Con- 

(1)  Adami.  Osservazioni  per  bea  regolare  il  coro  dei  cantori  délia 
Capella  Pontificia.  Prefazione  islorica.  Page.  H. 

(2)  Bened.  XIV.  Bullarium.  Tom.  III.  Coustitutioa  de  Ecdesiarum 
cultu.  §.  5  ,  année  1749. 19  février. 

(3)  Ab  Ecclesiis  vero  musicas  eas  ubi  si?e  organo ,  sive  cantu  ,  las- 
civum  aut  impunim  aliquid  miscetur,  arceant  Episcopi.  Conct  Trid. 
Session.  XX. 


LITURGIQUES.  479 

cile  de  Trente  ne  pailèrcnt  pas  moins  énergiqucment  contre 
les  abus  qui  s'étaient  introduits  dans  la  musique  d'Eglise;  ils 
réclamèrent  expressément  contre  les  mélodies  mondaines  qui 
n'étaient  que  trop  en  usage ,  et  firent  des  réglemens  contre 
ceux  qui  ensevelissaient  le  sens  des  paroles  sous  le  fracas 
des  voix.  Caveaiit  Episcopi  ne  strepitu  incondito  sensus  sepe- 
liatur.  Ce  sont  les  paroles  du  Concile  de  Tolède  de  1566. 

Après  avoir  assuré  la  pureté  du  Missel  et  du  Bréviaire ,  et 
sauvé  les  traditions  de  l'Eglise  sur  la  musique  sacrée ,  une 
grande  œuvre ,  à  la  fois  liturgique  et  sociale,  appelait  la  sol- 
licitude des  Pontifes  Romains.  Le  Calendrier,  fondement  de 
la  Liturgie ,  comme  il  l'est  des  relations  des  hommes  entre 
eux ,  était  tombé  dans  un  désordre  complet.  Le  soin  de  le 
réformer  appartenait  aux  Pontifes  Romains,  puisque,  dès  l'o- 
rigine de  l'Eglise ,  nous  les  voyons  chargés  de  faire  parvenir 
aux  Eglises  la  date  Pascale ,  centre  de  l'année  chrétienne , 
et  que  cette  date  devenait  de  plus  en  plus  incertaine.  Le 
Concile  de  Trente  s'était  préoccupé  de  ce  grave  objet ,  mais 
il  avait  fini  par  en  renvoyer  l'examen  et  le  jugement  au  Pape. 
C'était,  du  reste,  un  grand  spectacle  de  voir  encore  au  sei- 
zième siècle ,  l'Europe ,  ou  plutôt  le  monde  civilisé  tout  en- 
tier, redemandant  à  Rome  la  clef  perdue  de  la  science  des 
temps.  Grégoire  XIII  eut  la  gloire  de  rendre  ce  service  à 
l'humanité.  Il  s'entoura  de  toutes  les  lumières,  forma  une 
commission  des  hommes  les  plus  célèbres  dans  les  études  as- 
tronomiques, et  parmi  lesquels  on  doit  distinguer  les  deux 
qui  eurent  le  plus  d'influence  sur  les  résultats ,  le  Cardinal 
Sirlet  et  le  Jésuite  Allemand  Christophe  Clavius.  Un  médecin 
Italien,  Louis  Lilio,  bien  qu'il  fût  déjà  mort  à  l'époque  même 
de  la  conclusion  de  cette  grande  affaire,  y  eut,  peut-être ,  la 
part  principale,  au  moyen  d'un  mémoire  spécial  qu'il  laissa 
après  lui,  et  dans  lequel  il  indiquait  la  méthode  la  plus  facile 


489  INSTITUTIONS 

et  la  plus  sûre  pour  la  correction  tant  désirée.  Grégoire  XIII 
voulut  aussi  consulter  plusieurs  savans  astronomes  étran- 
gers, entre  autres  François  de  Foix  de  Candale,  seigneur 
Français ,  et  quand  il  eut  recueilli  toutes  les  notions  néces- 
saires pour  une  réforme  éclairée  et  légitime ,  il  la  déclara  à 
l'Eglise  et  l'établit  formellement,  par  une  Bulle  qui  com- 
mence par  ces  paroles  :  Inter  gravissimas ,  et  qui  est  datée 
du  VI  des  Kalendes  de  Mars  1582  (1).  La  marche  de  cet 
ouvrage  nous  amènera  ailleurs  à  parler  au  long  du  Calen- 
drier et  de  la  nature  des  réformes  qui  y  ont  été  faites.  Il 
suffit  de  rappeler  ici  que  tous  les  Etats  Catholiques  adop- 
tèrent immédiatement  le  Calendrier  Grégorien  ;  les  nations 
Protestantes  différèrent  plus  ou  moins  à  accepter  ce  service 
rendu  à  la  société,  parce  qu'il  venait  d'un  Pape;  néanmoins , 
elles  finirent  par  se  rendre  ;  mais  l'Angleterre,  seulement  au 
siècle  dernier.  Il  ne  reste  plus  aujourd'hui,  en  Europe,  que  la 
Russie  qui  tienne  encore  pour  l'ancien  style  ,  et  cela  afin  que 
les  hommes  voient  dans  tout  son  jour  cette  vérité  historique 
que  le  schisme  est  encore  plus  haineux  et  plus  aveugle  que 
l'hérésie  elle-même.  Mieux  valurent  à  l'Afrique  Chrétienne 
les  Ariens  eux-mêmes  que  les  Donalistes. 

Grégoire  XIII  eut  bientôt  à  accomplir  une  oeuvre  intime- 
ment liée  à  la  réforme  du  Calendrier,  savoir  la  publication  du 
Martyrologe  Romain.  Il  avait  déjà  été  imprimé  plusieurs  fois 
en  ItaUe  et  notamment  à  Rome  ;  mais  il  appelait  une  correc- 
tion. L'illustre  Baronius  eut  charge  d'y  travailler ,  et  une 
nouvelle  édition  fut  publiée  par  l'autorité  de  Grégoire  XIII. 
Le  Bref  de  promulgation  est  du  14  janvier  1584,  et  porte 
obligation  pour  tous  les  Patriarches ,  Archevêques,  Evêques, 
Abbés  et  autres  supérieurs  des  Eglises ,  Monastères ,  Cou- 
Ci)  BuUar.  Roman.  Edit.  Luxemb.  Tom.  II.  Pag.  448. 


LITURGIQUES.  481 

vcns  ,  ou  Ordres ,  tant  séculiers  que  réguliers ,  de  s'y  con- 
lormer  tiaiis  l'Olfice  du  chœur.  Quant  aux  Saints  dont  on 
a  coutume  de  célébrer  la  fêle  dans  certaines  Eglises  ou  lo- 
calités, on  ne  les  insérera  pas  au  corps  du  Martyrologe 
Romain ,  mais  on  écrira  leurs  noms  sur  un  livre  à  part , 
pour  les  placer  ensuite  aux  lieu  et  ordre  prescrits  dans  les 
règles  dudit  Martyrologe  (1). 

La  publication  du  Bréviaire  ,  du  Missel ,  du  Calendrier, 
du  Martyrologe ,  ne  satisfaisait  pas  encore,  il  est  vrai ,  à  tous 
les  besoins  de  la  Liturgie  :  restaient  à  réformer  le  Ponti- 
fical, le  Cérémonial  et  le  Rituel.  Toutefois,  il  n'importait 
pas  moins  que  des  mesures  fussent  prises  pour  maintenir 
la  pureté  des  règles  que  Rome  venait  d'établir.  L'idée  d'un 
tribunal  spécial  pour  dirimer  toutes  les  difficultés ,  pour  ré- 
pondre à  toutes  les  consultations  sur  la  matière  des  Rites 
sacrés ,  appartient  à  Sixte-Quint.  Dans  sa  fameuse  Bulle  du 
XI  des  Kalendes  de  Février  1588,  qui  commence  par  le  mot 
Immensa,  et  par  laquelle  il  établit  quinze  Congrégations  de 
Cardinaux  poiu'  l'expédition  des  affaires  ecclésiastiques  et  le 
gouvernement  particulier  de  l'Etat  Romain ,  le  Pontife  en 
érige  une  spéciale  sous  le  titre  de  Congrégation  des  sacrés 
Rites.  Voici  les  paroles  remarquables  par  lesquelles  Sixte- 
Quint  déclare  cette  érection  : 

«  Attendu  que  les  sacrés  Rites  et  Cérémonies  dont  l'Eglise 

(1)  Mandamus  igitur  omnibus  Patriarchis  ,  Archiepiscopis ,  Episco- 
pis,  Abbatibus,  ceterisqiie  Ecclesiis,  Monasteriis ,  Conventibus ,  Or- 
dinibus,  sive  secularibus ,  sive  regularibus  quibuscumque  Prsefectis , 
ut  iu  j)eragendo  divino  in  Choro  officio,  omni  ullo  Marlyrologio  amoto, 
lioc  tantum  nostro  utantur,  niilla  re  addita ,  mut?ita,  adempta.  Si  quos 
alios  habuerint  Sanctos  iu  suis  Ecclesiis, aut  locis  celebrari  solilos,  eos 
in  huuc  librum  ne  insérant ,  sed  separatira  descriptos  liabeant,  eum- 
que  illis  locum  aique  ordinem  tribuant ,  qui  regulis  hic  descriptis  tra- 
ditur. 

T.  I.  31 


482  INSTITUTIONS 

>  instruite  par  la  tradition  et  règle  Apostolique ,  use  dans 

>  l'administration  des  Sacrements,  dans  les  Offices  divins  et 
»  dans  tout  ce  qui  tient  au  culte  de  Dieu  et  des  Saints ,  ren- 

>  ferment  une  grande  instruction  pour  le  peuple  Chrétien  et 
»  une  protestation  de  la  Traie  foi  ;  qu'ils  sont  propres  à  élever 

>  les  âmes  des  fidèles  à  la  méditation  des  choses  les  plus  su- 
îblimes ,  et  à  enflammer  leurs  cœurs  du  feu  de  la  dévotion; 
»  désirant  augmenter  de  plus  en  plus  la  piété  des  eufans  de 

>  l'Eglise  et  le  culte  divin ,  par  la  conservation  et  restauration 

>  de  ces  sacrés  Rites  et  Cérémonies  ;  Nous  choisissons  cinq 

>  Cardinaux  dont  la  charge  principale  sera  de  veiller  à  ce  que 
>les  anciens  Rites  sacrés  soient  observés  avec  soin  par  toutes 

>  sortes  de  personnes ,  en  quelques  lieux  que  ce  soit ,  dans 

>  toutes  les  Eglises  de  la  Ville  et  du  Monde  entier,  même  dans 
»  notre  Chapelle  Papale,  tant  aux  Messes  et  dinns  Offices  que 
»  dans  l'administration  des  Sacremens  et  autres  choses  appar- 
»  tenantes  au  culte  divin.  Si  ces  cérémonies  tombent  en  désué- 
»  tude ,  il  leur  appartiendra  de  les  rétablir  ;  si  elles  s'altèrent , 

>  de  les  réformer.  Ils  corrigeront  et  restitueront ,  suivant  le 

>  besoin ,  les  livres  qui  traitent  des  Rites  sacrés  et  des  Céré- 

>  monies,  principalement  le  Pontifical,  le  Rituel  et  le  Cérémo- 

>  niai;  ils  examineront  les  Offices  divins  des  saints  Patrons,  et 
»  en  concéderont  l'usage,  après  Nous  avoir  consultés.  Ils  por- 
»  teront  aussi  leurs  soins,  avec  diligence,  sur  la  Canonisation 

>  des  Saints  et  la  célébration  des  jours  de  fête ,  afin  que  toutes 
»  choses  se  fassent  convenablement  et  suivant  la  règle ,  d'a- 
»  près  la  tradition  des  Pères.  Ils  pourvoiront  soigneusement 
»  à  ce  que  les  Rois  et  Princes ,  leurs  Ambassadeurs  et  toutes 
•  autres  personnes  qui  viennent  à  la  Ville  et  Cour  de  Rome, 
»  soient  reçus  honorablement ,  suivant  la  coutume  des  An- 
»ciens,  d'une  manière  conforme  à  la  dignité  et  mmiificence 
>du  biége  Apostolique.  Ils  connaîtront  de  toutes  les  contro- 


LITURGIQUES.  485 

1  versos  sur  la  préséance  dans  les  Processions  et  ailleurs, 
»  ainsi  que  de  loules  les  autres  dillicullés  qui  se  présenteront 
»  sur  les  sacrés  Rites  et  Cérémonies ,  et  les  termineront  et 
»  régleront  d'une  manière  définitive  (1).  » 

Depuis  Sixte-Quinl ,  le  nombre  des  Cardinaux  membres 
de  la  Congrégation  des  Rites  a  été  porté  à  vingt-quatre.  Nous 
ferons  connaître  ailleurs  plus  en  détail  la  nature  des  attribu- 
tions de  ce  Tribunal,  et  sa  manière  de  procéder  dans  les 
causes  des  Rites  sacrés. 

Clément  VIII,  qui  monta  sur  le  Saint  Siège  en  1592,  et 
dont  le  glorieux  Pontificat  se  prolongea  jusqu'à  l'an  1605, 
continua  avec  un  zèle  infatigable  l'œuvre  de  la  Réforme  litur- 
gique. Ses  premiers  soins  se  portèrent  sur  le  Pontifical.  Ce 
livre,  si  indispensable  pour  l'exercice  des  Fonctions  Épisco- 
pales ,  avait  été  imprimé  plusieurs  fois ,  tant  en  Italie  qu'en 
France ,  mais  il  renfermait  plusieurs  incorrections ,  et  le  soin 
de  les  Mre  disparaître  et  de  ramener  l'unité  dans  des  Rites 
si  importans ,  ne  pouvait  appartenir  qu'au  Pontife  Romain. 
Clément  VIII,  par  un  Bref  du  10  février  1596,  qui  commence 
par  ces  mots  :  Ex  quo  in  Ecclesia  Bel,  annonce  à  l'Eglise  la 
correction  qu'il  a  fait  faire  du  Pontifical  Romain ,  à  l'instar 
de  celle  qu'avait  entreprise ,  sur  les  Bréviaire  et  Missel  Ro- 
mains ,  son  glorieux  prédécesseur  saint  Pie  V.  Il  dit  qu'il  a 
réuni  une  commission  des  hommes  les  plus  versés  dans  la 
science  des  Rites  Pontificaux,  lesquels  ont  procédé  dans 
leur  réforme  d'après  les  plus  anciens  manuscrits ,  tant  des 
Eglises  de  Rome  que  des  bibliothèques  Vaticane  et  autres. 
En  conséquence ,  le  Pape  supprime  tous  les  autres  Ponti- 
ficaux qui  seraient  en  usage  en  quelques  lieux  que  ce  soit , 
et  enjoint  à  tous  Patriarches ,  Archevêques ,  Evoques ,  Abbés 

(i)  Vid.  la  note  G. 


484  INSTITUTIONS 

et  autres  Prélats ,  de  recevoir  ce  Pontifical  réformé  et  d'en 
faire  usage  ;  t  statuant  que,  dans  aucun  temps,  on  ne  pourra 
> faire  à  ce  livre  aucun  changement,  addition,  ou  retran- 

>  chement ,  et  déclarant  que  tous  ceux  qui  doivent  exercer 
»  les  fonctions  pontificales ,  ou  faire  et  exécuter  quelques- 
»  unes  des  choses  qui  sont  contenues  audit  Pontifical ,  seront 
î  tenus  de  faire  et  observer  toutes  les  choses  qui  y  sont  pres- 
i  crites ,  en  sorte  qu'aucun  d'eux  ne  pourra  satisfiiire  à  la 
»  charge  qui  lui  a  été  imposée ,  qu'en  se  servant  des  formules 
î  contenues  dans  ce  même  livre  (1).  » 

Quatre  ans  après ,  en  1600  ,  le  même  Pontife  publia,  par 
un  Bref  du  14  juillet,  qui  commence  par  ces  mots  :  Cum 
novissitne,  l'édition  réfoimée  du  Cérémonial  des  Evéques. 
«Après  avoir,  dit-il,  corrigé  et  restitué,  par  le  ministère 
ï d'hommes  pieux  et  érudils,  le  Pontifical  Romain,  qui  s'e- 
stait trouvé  corrompu  et  altéré  en  plusieurs  endroits,  et 
î  l'avoir  publié  pour  l'usage  et  commodité  des  Evêques  et 

>  autres  Prélats  des  Eglises ,  il  nous  a  semblé  nécessaire  de 
»  donner  nos  soins  à  la  réforme  du  Cérémonial  des  Evêques , 
»  qui  est  indispensable  pour  toutes  les  Eglises,  particulière- 
>ment  pour  les  Métropohtaines,  Cathédrales  et  Collégiales, 
»  et  dans  lequel  sont  contenus  les  Rites  et  Cérémonies  pour 
îla  célébration  des  Messes,  des  Vêpres  et  autres  divins  Of- 
i  fices ,  et  pour  les  diverses  Fonctions  et  Actes ,  tels  que  les 
ï  doivent  observer  les  Evêques  et  les  autres  Prélats  infé- 

(1)  Slatuentes  Pontificale  prtedictum  nullo  unquam  tempore ,  ia 
loto  ,  vel  in  parte  mulaudum ,  vel  ei  aliquid  addeadum  ,  aut  omnino 
detralieudum  esse ,  ac  quoscumque  ,  qui  Pontificalia  munera  exercera, 
vel  alias  quae,  iu  dicto  Pontiticali  coalinealur  facero  ,  aut  exeqiù  de- 
beat,  ad  ea  peragenda,  et  prcestaada,  ex  hujus  Pontificalis  prœscripto, 
el  ratione  teueri ,  uemiaemque  ex  lis,  quibus  ea  exercendi,  et  facieadi 
munus  iiupositum  est ,  aisi  formulis  ,  ([ute  hoc  ipso  Ponlificali  conli- 
ueuUu,  jcrvalis  sîUsfaccre  posse,  Bullar,  Rom.  Toai,  III.  Pag.  j9. 


LITURGIQUES.  i85 

»  ricins ,  cU'.  [\).  »  (llémont  VIII  dit  ensuite  que  les  commis- 
saires chargés  de  la  réforme  du  Cérémonial  se  sont  appliqués 
à  le  mettre  en  harmonie  avec  le  Pontifical.  En  effet,  dans  son 
Bref  sur  le  Pontifical,  le  Pontife  avait  remarqué  que  les  cor- 
recteurs de  ce  dernier  livre  en  avaient  retranché  toutes  les 
choses  qui  auraient  été  mieux  à  leur  place  dans  le  Cérémo- 
nial :  ces  deux  sources  de  la  science  liturgique  se  trouvent 
donc  dans  un  rapport  parfait.  Après  avoir  sanctionné  l'obli- 
gation ,  pour  toutes  les  personnes  que  ce  Cérémonial  con- 
cerne, de  s'y  conformer  en  toutes  choses,  et  déclaré  abrogés 
tous  les  anciens  Cérémoniaux,  dans  les  points  qui  ne  seraient 
pas  conformes  au  nouveau,  Clément  VIII  statue  pour  l'obli- 
gation absolue  de  so  servir  de  ce  livre  ,  le  terme  de 
deux  mois  pour  tous  ceux  qui  sont  présens  à  la  Cour  de 
Rome,  de  huit  mois  pour  ceux  qui  sont  en-deçà  des  Monts, 
et  de  douze  pour  ceux  qui  sont  au-delà. 

Si  nous  venons  maintenant  à  rechercher  la  manière  dont 
s'opéra  la  promulgation  du  Pontifical  et  du  Cérémonial  de 
Clément  VIII,  nous  trouvons  qu'ils  furent  l'un  et  l'autre 
reçus  dans  toutes  les  Eglises  de  l'Occident,  à  l'exception  de 
quelques  Eglises  de  France  qui  ont  jugé  à  propos  de  se  don- 
ner un  Pontifical ,  et  d'un  beaucoup  plus  grand  nombre  qui 
n'ont  pas  cru  devoir  accepter  le  Cérémoaial.  Dieu  sait  aussi 

(i)  Cum  novissime Pontificale  antea  mendosuni  et  corruptum,  a  piis 
eterudilis  viris  emendari  et  resUtiii,  et  deraum  ad  Episcoporum,  et 
aliorum  Ecclesianmi  Prselatorura  communem  usum  et  commoditatem 
divulgari,  et  in  universali  Ecclesia  ab  omnibus  observari  mandaveri- 
mus,  operae  pretium  visura  fuit,  Cseremoniale  Episcoporum  omnibus 
Ecclesiis  prœcipue  autem  Metropolitanis ,  Calhedralibus ,  et  Colle- 
gialis ,  perutile  ac  necessarium  ,  in  quo  ritus  et  creremoniœ  celebrandi 
missas ,  vesperas  et  alia  divina  officia,  ac  in  alils  Ecclesia?  functionibus 
et  actibus  ab  eisdem  Episcopis  ac  aliis  Prselatis  infcrioribus  in  eisdem 
observandaî ,  etc.  Bullar.  Rom.  Jbid.  Pag.  110. 


486  INSTITUTIONS 

quel  désordre  existe  dans  un  grand  nombre  de  nos  Cathé- 
drales, où  les  Fonctions  Pontificales  s'accomplissent  d'après 
des  règles  que  personne  n'a  jamais  vues  écrites ,  et  qui ,  dans 
tous  les  cas,  sont  en  contradiction  flagrante  avec  les  ru- 
briques si  sages,  si  précises,  si  harmonieuses  du  Cérémonial 
promulgué  par  Clément  VIII  et  ses  successeurs.  Quoi  qu'il 
en  soit,  on  peut  toujours  dire  que  le  décorum  de  la  dignité 
épiscopale  n'a  rien  gagné  à  ce  refus  d'admettre  le  Cérémonial 
Romain  :  car  il  n'est  aucun  Cérémonial  Diocésain  dans  lequel 
cette  dignité  si  sacrée  et  si  éminente  soit  traitée  avec  plus 
d'égards  que  dans  le  Romain  ,  et  il  en  est  beaucoup  dans 
lesquels  on  est  en  droit  de  se  plaindre  du  contraire.  Le  lecteur 
en  jugera  dans  la  suite  de  cet  ouvrage. 

Clément  YIII  entreprit  encore  un  grand  travail  dans  le 
but  de  la  réforme  liturgique.  Il  fit  faire  la  révision  du  Rré- 
viaire.  Des  fautes  et  des  altérations  nombreuses  s'étaient 
ghssées  dans  un  grand  nombre  d'exemplaires ,  par  la  négli- 
gence des  imprimeurs  ou  l'indiscrétion  de  quelques  particu- 
hers.  Le  Pape  forma  une  commission  pour  rétablir  le  texte 
dans  sa  pureté,  et  après  avoir  publié  un  exemplaire  corrigé 
sortant  des  presses  Vaticanes ,  il  statua  par  Lettres  Aposto- 
liques, en  date  du  10  mai  1602,  et  commençant  par  ces 
mots  :  Cum  in  Ecclesia ,  des  peines  pécuniaires  très-sévères 
contre  les  imprimeurs  de  l'Etat  Ecclésiastique ,  et  l'excom- 
munication contre  ceux  des  autres  pays,  s'ils  osaient  im- 
primer le  Rréviaire  Romain  ,  sans  une  licence  expresse  des 
Inquisiteurs,  ou  des  Ordinaires  pour  les  pays  dans  lesquels 
le  Tribunal  du  Saint-Oflîce  n'existe  pas.  La  Bulle  expose  en- 
suite les  formalités  que  doivent  garder  les  Inquisiteurs  et  les 
Ordinaires  avant  d'accorder  cette  licence.  Ils  collatiouneront 
avec  le  plus  grand  soin,  et  le  Bréviaire  qui  doit  être  repro- 
duit ,  et  celui  qui  sortira  de  la  presse ,  avec  un  exemplaire 


LITURGIQUES.  487 

de  celui  que  publie  Clément  VIII  ;  ils  ne  permeitront  aucune 
addilion ,  ni  retranchement  ;  mention  sera  faite  de  cette  col- 
lation et  de  la  parfaite  concordance,  sur  la  licence  même 
donnée  à  l'imprimeur ,  et  copie  de  cette  licence  sera  impri- 
mée au  commencement,  ou  à  la  fin  de  chaque  exemplaire, 
l.es  peines  encourues  ipso  facto  en  cas  d'infraction  de  quel- 
qu'une de  ces  injonctions,  sont,  pour  les  Inquisiteurs,  la 
privation  de  leurs  offices,  et  l'inhabilité  perpétuelle  à  y  ren- 
trer; pour  les  Ordinaires,  la  suspense  à  divinis  et  l'inter- 
diction de  l'entrée  de  l'Eglise  ;  et,  pour  leurs  Vicaires,  outre 
l'excommunication,  la  privation  perpétuelle  de  leurs  offices 
et  bénéfices  (1). 

Deux  ans  après ,  le  même  Pontife  publiait,  sous  la  date 
du  7  juillet  1604.,  un  nouveau  Bref  qui  commence  par 
ces  mots  :  Cum  sanctissimum .  pour  la  révision  du  Missel. 
Ce  livre  avait  déjà  souffert  des  altérations ,  en  plus  grand 
nombre  même  que  le  Bréviaire.  Clément VIII  se  plaint,  entre 
autres  choses ,  qu'on  avait  indiscrètement  corrigé,  d'après 
la  version  de  la  Bible  de  saint  Jérôme,  un  grand  nombre 
d'Introïts ,  de  Graduels  et  d'Offertoires  qui  étaient  de  la  plus 
haute  antiquité  dans  l'Eglise,  puisqu'ils  étaient  tirés  de 
l'ancienne  Vulgate  ;  qu'on  avait  bouleversé  plusieurs  Epîtres 
et  Evangiles  ;  en  un  mot ,  qu'on  avait  introduit  plusieurs 
modifications,  sans  autorité  comme  sans  discernement.  Il 
dit  ensuite  qu'il  a  donné  le  soin  de  revoir  et  de  corriger  ledit 
Missel,  à  une  commission  formée  des  Cardinaux  les  plus 
érudits  et  d'autres  gens  habiles ,  lesquels  ont  non  seule- 
ment rétabli,  dans  les  endroits  où  il  en  était  besoin,  l'an- 
cienne leçon  sur  la  foi  des  plus  graves  exemplaires,  mais  ont 
fait  plusieurs  améliorations ,  particulièrement  à  l'article  des 

(1)  Vid.lanoteH. 


488  INSTITUTIONS 

Rubriques ,  qu'ils  ont  développées  et  éclaircies  en  plusieurs 
endroits.  Le  Pontife  charge  ensuite  les  Inquisiteurs  et  les 
Evéques  de  veiller  à  la  pureté  des  exemplaires  qui  seront 
imprimés  dans  les  lieux  de  leur  jurisdiction,  statuant  les 
mêmes  peines ,  au  cas  de  contravention ,  tant  pour  lesdits 
Inquisiteurs  et  Evéques ,  que  pour  I-es  imprimeurs  eux- 
mêmes,  qui  sont  dénoncées  dans  le  Bref  cité  plus  haut  pour 
la  nouvelle  édition  du  Bréviaire  (1).  Nous  examinerons, 
dans  une  partie  spéciale  de  cet  ouvrage ,  la  manière  dont 
on  se  conforme  en  France  aux  volontés  de  Clément  VIII. 
Ses  deux  constitutions  ne  sauraient  y  être  inconnues ,  puis- 
qu'on les  trouve  imprimées  en  entier,  ou  en  abrégé,  en  tête 
de  tous  les  Missels  et  Bréviaires  Romains  publiés  depuis  deux 
siècles ,  tant  à  Paris  que  dans  les  autres  villes  du  royaume. 

Tels  furent  les  travaux  de  Clément  VIII  pour  la  réforme 
de  la  Liturgie  ;  ils  furent  dignes  de  ce  grand  Pontife  et  de  ses 
prédécesseurs.  La  commission  dont  il  est  question  dans  les 
Lettres  Apostoliques  que  nous  venons  de  citer,  se  composait, 
au  rapport  de  Merali  (2) ,  des  Cardinaux  César  Baronius , 
Sylvius  Antonianus  et  Robert  Beilarmin  ,  auxquels  furent 
adjoints  Louis  de  Torrès,  Archevêque  de  Montréal  et  depuis 
Cardinal  ;  Jean-Baptiste  Bandini ,  Chanoine  de  Saint-Pierre  ; 
Michel  Ghisleri,  Théatin,  et  l'illustre  Barihélerai  Gavanti, 
Milanais,  des  Clercs  Réguliers  de  Saint-Paul.  On  ne  pouvait 
sans  doute  réunir  des  noms  plus  imposans ,  et  mettre  les 
Rites  sacrés  sous  la  sauve-garde  d'hommes  plus  recomman- 
dables  par  leur  science  et  leur  piété. 

Nous  allons  maintenant  donner  la  liste  des  auteurs  du  sei- 
zième siècle  qui  se  sont  occupés  de  la  Liturgie. 

(1)  BuUarium  Romanum.  Edit.  Luxemb.  Tom.  III.  Pag.  174 

(2)  Thésaurus  Sacrorum  Rituum  Tom.  III.  4°  ;  pag.  22, 


LITURGIQUES.  489 

(1501).  Jacques  Wimpheling,  Prèlre  du  Diocèse  de  Spire, 
composa ,  à  la  domando  de  son  Evoque ,  un  Ollicc  de  la  Com- 
passion de  la  Sainte  Vierge ,  et  dédia  à  ce  Prélat  un  poème 
(le  Laudibus  et  Cœremoniis  Ecclesiœ.  Il  a  laissé  aussi  un  traité 
sur  les  auteurs  des  Hymnes  et  des  Séquences. 

(151G).  Josse  Clichtoiie,  Docteur  de  Paris ,  est  auteur  de 
l'excellent  commentaire  liturgique  si  connu  sous  le  litre  de 
Elucidatorium  Ecclesiasticum ,  dans  lequel  il  explique  les 
Hymnes,  les  Cantiques,  le  Canon  de  la  Messe  et  autres  prières 
ecclésiastiques,  et  enfin  les  Proses.  On  rencontre  encore 
assez  facilement  aujourd'hui  ce  précieux  ouvrage ,  qui  n'a 
pas  été  réimprimé  depuis  plus  de  deux  siècles.  Beaucoup 
de  points  de  la  Liturgie  sont  traités,  dans  un  autre  ouvrage 
de  Clichtoiie  ,  intitulé  :  Anti-Lutherus ,  et  dans  ses  autres 
écrits  contre  la  Réforme ,  qui  sont  tous  fort  remarquables 
pour  le  temps. 

(1520).  Albert  Castellani ,  Vénitien ,  de  l'Ordre  des  Frères 
Prêcheurs ,  prépara  et  dédia  à  Léon  X  le  livre  intitulé  Sacer- 
dotale ;  il  dirigea,  en  outre,  l'édition  du  Pontifical  Romain 
qui  parut  à  Venise  en  \  520. 

(1526).  Erasme ,  de  Rotterdam ,  si  connu  pour  la  triste 
influence  qu'ont  eu  ses  idées  demi-protestantes  sur  une  por- 
tion de  l'Europe  Catholique ,  doit  cependant  entrer  dans  la 
liste  des  Liturgistes  du  seizième  siècle.  Il  a  laissé  des  hymnes 
en  l'honneur  de  la  sainte  Vierge ,  dont  quelques-unes  furent 
insérées,  de  son  vivant,  au  Bréviaire  de  Besançon. 

(1528).  Pierre  Ciruelo ,  chanoine  de  la  Cathédrale  de 
Salamanque ,  a  laissé  un  ouvrage  intitulé  :  Eocpositio  Libri 
Missalis  peregregia. 

(1529).  Gabriel  d'Ancône,  Augustin,  Sacristain  de  la  Cha- 
pelle du  Pape ,  composa  trois  traités  qui  sont  restés  manus- 
crits, savoir  ;  !<>  De  Ritu  et  Cœremoniis  in  CapeUa  Pontifi- 


4ft0  INSTITUTIONS 

cia  ;  2"  Acta  in  Adventu  et  coronatione  Caroli  V.  in  Civitate 
Bononiœ  ;  Acta  quœdam  Cœremonialia  ab  anno  1508,  cum 
supplemento  usque  ad  annum  iooO. 

(lo52).  George  Wicelius,  d'abord  Luthérien,  puis  réuni  à 
l'Eglise  Catholique,  laissa  deux  écrits  sur  l'objet  que  nous 
traitons:  1"  Defensio  Liturgiœ  ecclesiasticœ ;  2°  Liturgica 
exercitamenta  Christianœ  pietatis.  Dans  ce  dernier  ouvrage, 
il  donne  la  traduction  de  plusieurs  des  Liturgies  de  l'Orient. 
(1540).  François  Titelman,  de  l'Ordre  des  Frères  Mineurs, 
composa,  entre  autres  ouvrages,  les  suivans  :  1°  Expositio 
mysterionim  Missœ  et  sacri  Canonis  ;  2"  Expositio  Ofjicii  de 
sacrosancta  Trinitate. 

(1540).  Jean  Cochlée,  illustre  Docteur  Cathohque,  Cha- 
noine de  Wratislaw,  et  infatigable  défenseur  de  la  foi  Catho- 
lique contre  les  réformateurs  du  seizième  siècle ,  opposa  au 
traité  de  Luther  contre  la  Messe ,  une  édition  des  livres  d'In- 
nocent m ,  de  Mysteriis  Missœ ,  et  de  ceux  de  saint  Isidore, 
de  Ofjîciis  Ecclesiasticis.  Il  est  aussi  le  compilateur  de  la 
première  collection  des  auteurs  Uturgistes  que  l'on  connaisse. 
Elle  parut  à  Mayence,  en  1549,  sous  ce  titre  :  Spéculum 
antiquœ  devotionis  circa  Missam  et  omnem  alium  cultum 
Dei,  ex  antiquis,  et  antea  nunquam  evulgatis  per  typographos 
auctoribus ,  a  Joanne  Cochlœo  laboriose  coUectum.  Cette  col- 
lection comprend  neuf  auteurs,  savoir  : 

1°  Amalaire  de  Trêves,  de  Officio  Missœ; 

2°  Walafrid  Strabon ,  de  Exordiis  et  incrementis  rerum 
Ecclesiasticarum  ; 

3"  Saint  Basile,  de  Missa  Grœcorum; 

4°  Expositio  Missœ  brevis ,  d'après  d'anciens  manuscrits  ; 

5°  Saint  Pierre  Damien ,  Liber  qui  dicitur  Dominus  vo- 
biscum  ; 

6°  Honoriiis  d'Autun ,  Gemma  animœ  ; 


LITURGIQUES. 


4»i 


7"  Le  Micrologue  ; 

8°  Pierre  le  Vénérable ,  Nncleus  de  Sacnficio  Missœ  ; 
9°  Liber  de  Vita  S.  Bonifacii .  Martyris. 
(1547).  Laurent  Massorilli ,  de  l'Ordre  des  Frères  Mineurs, 
publia  un  recueil  d'Hymnes  sacrées,  divisé  en  quatre  livres, 
qu'Arevalo  juge  n'être  pas  indignes  du  siècle  qui  les  a  pro- 
duites. 

(1550).  Genlien  Hervet,  savant  littérateur  Français  qui 
assista  au  Concile  de  Trente  et  mourut  Chanoine  de  Uheims, 
traduisit  en  latin,  outre  beaucoup  d'ouvrages  des  saints 
Pères ,  les  Liturgies  de  saint  Jean-Chrysostôme  et  de  saint 
Basile ,  la  Mystagogie  de  saint  Maxime ,  et  l'Exposition  de  la 
Liturgie,  par  Nicolas  Cabasilas. 

(1537).  Matthias  Francowitz,  plus  connu  sous  son  nom 
littéraire  de  Flaccius  Illyricus ,  l'un  des  Centuriateurs  de 
Magdebourg ,  fit  imprimer,  à  Strasbourg ,  la  fameuse  Messe 
latine  qui  a  retenu  le  nom  de  ce  savant,  et  qui  a  tant 
occupé  les  critiques  Catholiques  et  Protestans.  Nous  en  trai- 
terons ailleurs. 

(1558).  Georges  Càssandre ,  Docteur  Flamand,  combattit 
avec  zèle  les  nouveautés  de  la  Réforme ,  quoiqu'on  soit  en 
droit  de  lui  reprocher  quelques  propositions  trop  hardies.  Il 
publia  un  ouvrage  savant  ayant  pour  titre  :  Liturgica  de  Ritu 
et  Ordine  Dominicœ  Cœnœ  celebrandœ  e  variis  scriptoribus. 
C'est  un  recueil  de  passages  des  auteurs  ecclésiastiques  sur 
toutes  les  parties  de  la  Messe.  Il  est  suivi  de  V Ordre  Romain, 
le  seul  que  l'on  connût  alors.  Cassandre  publia,  en  outre, 
un  recueil  d'Hymnes  dans  le  genre  de  celui  de  Clichtoiie,  et 
un  autre  recueil  des  Oraisons  que  l'on  appelle  Collectes. 

(1560).  Marc-Antoine  Muret,  célèbre  humaniste ,  appar- 
tient à  la  classe  des  liturgistes  par  ses  Hymnes,  dont  plusieurs 


492  INSTITUTIONS 

ont  été  îidmises  dans  les  Bréviaires  modernes  des  Diocèses 
de  France. 

(Io60).  Jean-Baptiste  Duranti ,  Président  du  Parlement  de 
Toulouse ,  et  dont  tout  le  monde  connaît  la  fin  tragique ,  a 
publié  sous  son  propre  nom  un  ouvrage  célèbre  intitulé  :  De 
Ritilms  Ecclesiœ  Catholicœ,  dont  la  dernière  édition  est  de 
d675,àLyon.  Plusieurs  auteurs  contestent  cet  ouvrage  à 
Duranti,  et  l'attribuent  à  Pierre  d'Anes,  Evéque  de  Vabre. 

(I06O).  Claude  de  Sainctes,  Evêque  d'Evreux,  a  traduit 
en  latin  les  Liturgies  de  saint  Jacques  et  de  saint  Basile. 

(1560).  Wolfgang  Lazius,  savant  philologue  Allemand, 
publia  une  collection  liturgique  qui  doit  être  comptée  pour  la 
seconde  et  qui  parut  à  Anvers  en  1560,  sous  ce  titre  :  De 
Veteris  Ecclesiœ  ritibus  ac  coeremoniis.  Elle  est  moins  ample 
que  celle  de  Cochlée ,  et  se  compose  des  pièces  qui  suivent  : 

1°  Une  lettre  de  Charlemagne  à  Alcuin ,  de  Cœremoniis 
Eeclesiasticis  ; 

2°  La  réponse  d'Alcuin  à  cette  lettre  ; 

3°  Le  poème  d'Hildebert ,  de  Mysterio  Missœ  ; 

A"  Un  fragment  anonyme ,  de  Ritibus  et  Cœremoniis  eccle- 
siœ Romanœ  a  Nativitate  Domini  per  hyemem  ; 

50  Rliaban  Maur,  de  Virtutibus  et  vitiis. 

(1562).  Antoine  de  Mouchy,  Recteur  de  l'Université  de 
Paris,  connu  sous  le  nom  de  Democharès ,  publia  un  gros 
traité  sur  le  Sacrifice  de  la  Messe ,  ouvrage  assez  indigeste , 
dirigé  contre  les  Sacramenlaires. 

(1568).  Melchior  Hittorp,  Doyen  de  la  Collégiale  de  Saint- 
Cunibert  de  Cologne ,  a  publié  la  troisième  collection  litur- 
gique et  la  plus  célèbre  de  toutes.  Elle  se  compose  de  douze 
auteurs  et  porte  ce  titre  :  De  Catholicœ  Ecclesiœ  divinis 
Officiis  ac  ministems,  varii  vetustiorum  altqiiot  Ecclesiœ  Pa- 
trum  ac  scriptorum  libri.  Coloniœ.  1568. 


LITURGIQUES.  403 

Les  livres  qu'elle  conlieut  sont  les  suivans  : 
1"  L'Ordre  Uoni;iin  ; 

2'  Saint  Isidore  de  Séville ,  de  Ecclesiasticis  Officiis  ; 
3"  Le  faux  Alcuin,  de  Officiis  divinis  ; 
4'  Anialaire  Forlunat ,  de  Divinis  Officiis ,  et  de  Ordine 
Antiphonarii  ; 
5"  Rliaban  Maur,  de  Institutione  Clericorum  ; 
(S"  Walafrid  Strabon ,  de  exordiis  et  incrementis  rerum 
EccUsiasticarum  ; 

7  '  Bernon  de  Richenau ,  de  quibusdam  rébus  ad  Missœ 
Officium  pertinentibus  ; 
8"  Le  Micrologue ,  de  Ecclesiasticis  observationibus  ; 
O"*  Saint  Yves  de  Chartres,  vingt-et-un  Sermons  de  Eccle^ 
siasticis  Sacramentis ,  ac  Officiis ,  et  prœcipuis  per  annum 
festis  ; 

10"  Hildebert ,  de  Mysterio  Missœ.  ; 
11°  Raoul  de  Tongres,  de  Observantia  Canonum  ; 
120  Un  anonyme ,  Missœ  Expositio  brevis. 
La  collection  d'Hittorp  a  eu  plusieurs  éditions,  et  chaque 
fois  elle  a  été  reproduite  avec  des  augmentations,  ainsi  qu'on 
le  verra  bientôt. 

(1568).  Jean  Molanus,  Docteur  de  Louvain,  publia  une 
édition  du  Martyrologe  d'Usuard ,  avec  des  additions  tirées 
du  Martyrologe  Romain  et  de  ceux  des  Eglises  de  la  Basse- 
Allemagne.  Il  y  joignit  aussi  le  Martyrologe  de  Wandelberg, 
et  compléta  le  tout  par  une  excellente  Pi'éface  en  vingt-trois 
chapitres.  Il  est  pareillement  auteur  d'un  livre  de  Picturis  et 
Imaginibus  sacris^  et  d'un  opuscule  sur  les  Agnus  Dei. 

(15G9).  Jean  Maldonat ,  illustre  professeur  de  la  Compa- 
gnie de  Jésus,  joint  à  ses  autres  litres  de  gloire  celui  de  li- 
turgiste  distingué.  On  en  peut  juger  par  son  excellent  traité 
deCœremoniis,  tant  estimé  de  Richard  Simon,  et  qui  a  été 


494  INSTITUTIONS 

enfin  publié  par  Zaccaiia  en  1781 ,  dans  le  troisième  volume 
de  la  Bibliotheea  Ritualis. 

(1570).  Jean  du  Tillet,  Evêque  de  Saint-Brieux ,  puis  de 
Meaux ,  a  laissé  un  traité  en  français ,  de  l'Antiquité  et  de  la 
Solennité  de  la  Messe. 

(1571).  Jacques  Pamélius,  Evêque  de  Saint-Omer,  est  un 
des  hommes  qui  ont  le  mieux  mérité  de  la  science  liturgique, 
en  donnant  au  public  son  importante  collection  intitulée  : 
Liturgica  latinorum.  Il  y  comprit  les  anciens  livres  des  Eglises 
Romaine ,  Ambrosienne ,  Gothique ,  etc. 

(1571).  Jérôme Maggi,  Milanais,  d'abord  magistrat,  puis 
ingénieur  militaire ,  ayant  été  pris  par  les  Turcs  au  siège  de 
Famagouste,  composa,  pendant  sa  captivité,  un  curieux 
traité  sur  les  cloches. 

(1572).  Onuphre  Panvini  ,  Augustin,  l'un  des  hommes 
du  seizième  siècle  les  plus  versés  dans  la  connaissance  des 
antiquités  ecclésiastiques ,  a  laissé  plusieurs  travaux  litur- 
giques. Nous  citerons  :  1°  L'intéressant  opuscule  de  Urbis 
Romœ  Stationibus,  imprimé  ordinairement  à  la  suite  des  Vies 
des  Papes  de  Platine;  2°  de  ritu  sepeliendi  mortuos  apud 
veteres  Christianos ,  et  de  eorum  cœmeteriis  ;  5*'  de  Baptismate 
Paschali,  origine  et  ritu  consecrandi  Agnos  Dei  ;  4°  deprœ- 
cipuis  Urbis  Romœ  sanctioribusqueBasilicis,  quas  septemEc- 
clesias  vulgo  vocant  ;  6°  de  Episcopalibus  Titulis  et  Diaconiis 
Cardinalium.  Panvini  avait,  en  outre,  préparé  une  collec- 
tion d'anciens  Rituels,  qui  n'a  pas  paru ,  et  dont  la  préface 
a  été  publiée  par  D.  Mabillon ,  dans  le  deuxième  tome  du 
Musœutn  Italicum. 

(1572).  Nicolas  Aurificus,  Carme,  donna  en  cette  année, 
à  Venise,  une  nouvelle  édition  du  Spéculum  de  Cochlée,  dont 
il  retrancha  la  Messe  de  saint  Basile  et  le  Livre  de  la  Vie  de 
saint  Boniface  ;  il  les  remplaça  par  les  opuscules  de  Bernon 


LITURGIQUES.  495 

et  de  Hildebert,  qu'il  ompiunla  ù  la  coUcclion  d'IIiltorp.  Il 
ajouta  ensuite  VOnlo  Missœ  de  Burehard ,  et  uu  opuscule 
qu'il  avait  lui-même  composé  sous  ce  titre  :  De  antiquitate , 
veritate  et  cœremoniis  Missœ. 

(1577).  Pierre  Galosini ,  Protonotairc  Apostolique,  qui 
fleurit  à  Rome  sous  les  Pontificats  de  Grégoire  XIII  et  de 
Sixte-Quint ,  travailla  à  illustrer  et  à  corriger  le  Martyrologe 
Romain,  en  le  mettant  dans  un  style  plus  châtié,  et  ajou- 
tant une  notice  historique  à  chaque  nom  de  Saint. 

(1578).  Gabriel  Sévère,  Archevêque  de  Philadelphie,  Prélat 
auquel  le  Sénat  de  Venise  avait  donné  le  soin  des  Grecs  éta- 
blis sur  le  territoire  de  cette  République,  a  composé  un  livre 
de  septem  Ecclesiœ  sacramentis ,  dont  le  Père  Morin  a  tiré 
l'opuscule  intitulé  :  desancto  Sacerdotii  sacramento. 

(1580).  Josepti  Valentin  Stevano  ,  Evêque  Italien,  a  laissé 
deu\  opuscules  liturgiques  ;  1"  DeAdoratione  et  Osculatione 
pedum  Romani  Pontificis .  et  levatione  seu  portatione  ejus' 
dem  ; 

20  De  Ritu  tenendi  frœnum  et  staphades  summis  Pontifi-' 
cibus  ah  imperatoribus. 

(1584).  Maxime  Margunius  ,  Evêque  de  Cythère ,  est 
connu  pour  avoir  traduit  et  publié ,  en  Grec  vulgaire ,  les 
Synaxaires  et  le  Ménologe. 

(1586).  Marc  Antoine  Marsile  Colonne,  Archevêque  de 
Salerne ,  est  auteur  de  l'excellent  traité  intitulé  :  Hydragio- 
logia ,  sive  de  aqua  benedicta. 

(1586).  Vincent  Bonardi,  Dominicain,  Evêque  de  Sainte- 

Cyriaque,  a  écrit  un  volume  sur  les  Agnus  Dei,  intitulé: 

Discorso  intorno  l'antichità ,  e  origine ,  modo  di  fare ,  bene- 

direj  hatezzare,  e  distribucre  i  sacri  Agnus  Dei. 

(1587).  François  Panigarola,  Evêque  de  Chrysopolis,  a 


496  INSTITUTIONS 

laissé  un  volume  intéressant  sous  ce  titre  :  De  Stationum 
veteri  instittito  a  Xisto  V.  P.  M.  revocato. 

(1587).  Rodolphe  Hospinien,  savant  Protestant,  a  composé, 
sur  les  matières  liturgiques ,  deux  grands  ouvrages  remplis 
d'une  érudition  qui  fait  regretter  que  l'auteur  ne  l'ait  pas 
consacrée  à  une  meilleure  cause.  Le  premier  est  intitulé  ;  De 
Templis,  hoc  est  de  origine,  progressu ,  usu  et  abusu  Templo- 
rum,  ac  omnino  rerum  omnium  ad  templa  pertinentium , 
libri  quinque.  Le  second  a  pour  titre  :  Festa  Christianorum, 
hoc  est  de  origine,  progressa ,  cœremoniis  et  ritibus  Festorum 
dierum  Christianorum  libri  très. 

(1588).  Marc-Antoine  Mazzaroniest  auteur  d'un  livre, rfe 
tribus  coronis  Pontifias  Romani,  nec  non  de  osculo  sanctis- 
simorum  pedum  ejus. 

(1590).  Gilbert  Génébrard,  Moine  de  Cluny,  Archevêque 
d'Aix,  un  des  plus  savans  personnages  de  son  temps,  a 
donné ,  entre  autres  traductions  de  livres  et  auteurs  Grecs , 
celles  de  la  Liturgie  des  Présanctifiés ,  du  Ménologe  et  du 
Traité  de  Siméon  de  Thessalonique  sur  les  sept  Mystères  de 
l'Eglise.  Il  a  composé  en  outre  un  opuscule,  en  français,  in- 
titulé Liturgie  Apostolique. 

(1392).  Augustin  Fivizzani ,  Sacristain  du  Palais  Aposto- 
lique ,  a  laissé  un  ouvrage  spécial  de  ritu  Sanctissimœ  Crucis 
Romano  Pontifici prœferendœ. 

(ia91).  George  Ferrari,  donna  en  cette  année,  à  Rome, 
une  édition  de  la  collection  de  Hittorp.  Il  y  ajouta  les  livres 
de  saint  Pierre  Damien,  de  Pierre  le  Vénérable  et  d'Honorius 
d'Autun ,  que  déjà  Cochlée  avait  insérés  dans  son  Spéculum, 
et  de  plus,  ceux  de  Rupert  de  Tuit,  de  Divinis  Ofjîciis , 
ainsi  que  le  Spéculum  de  Mysteriis  Ecclesiœ ,  et  les  autres 
opuscules  attribués  à  Hugues  de  Saint- Victor. 

(1595).  Ange  Rocca ,  Evêque  de  Tagaste ,  Sacristain  de  la 


LITURGIQUES.  497 

Chapelle  Papale,  a  traité  un  grand  nombre  de  questions  litur- 
giques par  des  ouvrages  spéciaux  qui  ont  été  réunis  dans  les 
deux  précieux  tomes  intitulés  :  Thésaurus  pontifîciarum 
sacrarumque  antiquitatum ,  nec  non  rituum ,  praxium  et 
cœremoniarum.  On  y  remarque,  enlre  autres,  les  suivants  :  De 
Sacrosancto  Christi  Corpore  Romanis  Pontifcihus  iter  confi- 
cientibus prœferendo  ;  — De  sacra  summi  Pontificis  Commu' 
nione  ,  Missam  solemniter  celehrantls  ;  —  Commentarius  de 
Campants  ;  —  de  Tiarœ  Pontlficiœ  quam  Regnum  mundi 
vulgo  appellant ,  origine  ,  significatu  et  usu;  —  de  Salutatione 
Sacerdotis  in  Missa  et  in  Divinis  Officiis  ,  nec  non  de  ministri 
vel  chori  responsione  ;  —  de  Precatione  qua  lectiones  in  ma- 
tutino  prevenimus ,  nec  non  de  fine  quo  cas  claudimus  ;  — 
Feriaquidnam  sit,el  cur  dies  ab  Ecclesiasticis  viris  feriarum 
nominibus  inEcclesia  nuncupentur  ;--de  origine  etinstitutione 
Benedictionis  candelarum ,  vel  cereorum  in  festivitate  Purifi- 
cationis  B .  M .  V,  ; —  Unde  cineres  super  caput  spargendi 
usus  originem  habeat  et  quœ  sibi  velint  ?  —  Aurea  rosa ,  ensis 
etpileus ,  quœ  regibus  ac  magnatibus  a  summo  Pontifice  bene^ 
dicta  in  donum  mittuntur,  quid  sibi  veUnt  ?  etc.  Rocca  avait 
en  outre  donné  ses  soins  à  la  correction  du  Sacraraentaire 
Grégorien  ,  qui  fait  partie  de  l'édition  des  OEuvres  de  saint 
Grégoire ,  imprimée  à  Rome  en  1593 ,  et  qui  a  été  aussi  pu- 
bliée à  part,  avec  des  notes,  dans  la  même  ville,  en  1596.  On 
lui  doit  aussi  une  édition  du  Sacerdotal  de  Samarini,  qui  est 
une  sorte  de  Rituel  dont  nous  parlerons  ailleurs. 

(1594).  François  Ferrario ,  est  donné  parZaccaria,  comme 
auteur  d'un  livre,  imprimé  à  Crémone,  sur  la  Consécration 
des  Eglises. 

(1599).  Corneille  Schulting,  Doyen  de  la  Faculté  de  Co- 
logne ,  et  Chanoine  de  Saint-André  de  cette  ville ,  a  laissé 
plusieurs  ouvrages  d'une  érudition  remarquable  pour  le 

T.  I.  52 


498  INSTITUTIONS 

temps.  L'un  d'eux  est  intitulé  :  Bibliotheca  Ecclesiastica ,  seu 
commentaria  sacra  de  escpositione  et  iUuslratione  Missalis  et 
Breviarii.  Coloniœ.  1599.  4  vol.  in-folio.  Ce  travail ,  malgré 
ses  nombreuses  imperfections ,  doit  être  considéré  comme 
la  première  Bibliothèque  Liturgique  qui  ait  été  tentée. 
Zaccaria  y  a  puisé  pour  la  sienne  beaucoup  de  renseigne- 
mens  qu'il  n'aurait  pas  trouvés  ailleurs. 

(1602).  En  cette  année  qui  est  celle  de  l'édition  du  Bré- 
viaire Romain  par  Clément  VIII ,  nous  plaçons  au  rang  des 
Liturgistes  les  deux  Cardinaux  Robert  Bellarmin  et  Silvio 
Ântoniani ,  tous  deux ,  ainsi  que  nous  avons  rapporté , 
membres  de  la  Commission  nommée  par  le  Pape  pour  la 
révision  du  Bréviaire.  Ils  suppléèrent  de  leur  fonds  l'un  et 
l'autre,  à  une  omission  qui  déparait  le  Bréviaire  de  saint  Pie V. 
Ce  Pontife  n'avait  point  assigné  d'Hymne  spéciale  pour  le 
Commun  des  Saintes  Femmes.  Antoniani  composa  celle  que 
nous  chantons  aujourd'hui  :  Fortem  virili  pectore  ;  et  comme 
il  en  manquait  pareillement  une  pour  l'Office  de  Sainte  xMarie- 
Magdeleine,  Bellarmin  donna  celle  qui  commence  par  ce 
vers  :  Pater  superni  luminis. 

Ici  s' arrête  l'histoire  de  la  Liturgie  durant  ce  seizième  siècle 
qui,  malgré  ses  tempêtes  et  ses  scandales,  doit  être  considéré 
comme  un  de  ceux  que  l'Eglise  de  Jésus-Christ  a  traversés 
avec  le  plus  de  gloire.  On  peut  dire^  au  reste ,  que  l'histoire  do 
ce  siècle  est  encore  à  faire  ;  car  pour  ceux  qui  seraient  tant  soit 
peu  versés  dans  la  science  religieuse ,  l'ouvrage  si  vanté  de 
Ranke,  avec  ses  omissions ,  ses  préjugés  et  ses  erreurs  posi- 
tives ,  ne  peut  être  qu'un  livre  de  renseignemens  sur  quelques 
points,  utile  seulement  à  ceux  qui  dominent  déjà  l'ensemble 
des  faits  ecclésiastiques  de  cette  époque,  très  -  dangereux 
pour  les  autres.  Ce  qu'il  importe  surtout  de  voir,  c'est  la 
Rélorme  de  l'Eglise,  renouvelant  elle-même  sa  jeunesse  cotMm 


LITURGIQUES.  499 

celle  de  l'aigle  (1).  Que  d'œuvres  mervcîllciises  et  fortes  ac- 
complissent les  Ponliles  Romains  de  Pie  IV  à  Clément  VIII  ! 
Quel  gouvernement  énergique  et  intelligent  que  celui  qui 
créa  ces  institutions  sur  lesquelles  repose  aujourd'hui  toute 
la  forme  extérieure  du  Calliolicisrae  !  Pie  IV  publie  les  règles 
deV Index  des  livres  prohibés ,  et  la  célèbre  Profession  de  Foi 
quimainticnt  l'orthodoxie  au  sein  de  l'Eglise.  Saint  PieV  pro- 
mulgue le  Bréviaire^  le  Missel,  et  cette  admirable  synthèse 
du  dogme  Catholique,  connue  sous  le  nom  de  Catéchisme 
Romain.  Grégoire  XIII  réforme  le  Calendrier,  publie  le  Mar- 
tyrologe ,  revoit  le  Décret  de  Gratien.  Sixte-Quint  donne 
l'édition  corrigée  de  la  Vulgate,  et  érige  les  Congrégations 
Romaines.  Clément  VIII  publie  le  Pontifical  et  le  Cérémonial, 
et  assure  pour  les  siècles  suivans  la  pureté  du  Bréviaire  et 
du  Missel. 

Voilà  quelques-uns  des  efforts  tentés  par  les  Papes  du  sei- 
zième siècle  pour  opérer  la  Réforme  de  l'Eglise.  On  voit  que 
toutes  ces  grandes  mesures  reviennent  à  l'unité  comme  au 
seul  but  désiré  :  en  effet ,  l'unité  sauva  la  Catholicité,  au  sei- 
zième siècle,  comme  toujours  ;  mais  cette  unité  avait  besoin, 
à  cette  époque,  d'être  développée^dans  ses  dernières  consé- 
quences. Une  forme  aussi  importante  que  la  Liturgie  ne  pou- 
vait donc  rester  plus  long-temps  sans  être  ramenée  au  grand 
principe  de  saint  Grégoire  VII,  de  Charlemagne,  de  saint  Inno- 
cent I".  Toute  l'Eglise  le  sentit,  et  la  France,  en  tête  des  autres 
provinces  de  la  Catholicité ,  s'empressa  de  seconder  les  vues 
du  Siège  Apostolique.  Comme  aux  premiersjours  du  monde, 
la  terre  se  trouva  n'avoir  plusqu'un  seul  et  même  langage  (2). 
Aujourd'hui,  cette  unité  est  rompue,  cette  harmonie  est  bri- 
sée ;  si  le  reste  du  monde  prie  encore  avec  Rome ,  la  France 

(1)  Psalm.  en.  5. 

(2)  Ërat  terra  labii  unius  et  sermouum  eorumdem.  Gen.  XI.  1, 


500  INSTITUTIONS 

a  déchiré  cette  communion  si  touchante,  si  sacrée  (1). 
Quand  renaîtra-t-elle,  cette  unité  liturgique  préparée  avec 
tant  de  soins  par  les  Souverains  Pontifes ,  pour  être  la  sauve- 
garde du  Dogme  et  de  la  Liberté  Ecclésiastique?  Quand  di- 
rons-nous ,  comme  les  Pères  du  Concile  de  Vannes ,  de  461  : 
a  Puisque  nous  n'avons  qti'une  même  foi ,  n'ayons  aussi  qu'une 
tmême  règle  pour  les  divins  Offices  !  (2).  »  Il  ne  s'agit  plus, 
comme  au  temps  de  Pépin  et  de  Charlemagne,  d'abjurer  des 
rites  établis  chez  nous  par  les  fondateurs  de  nos  Eglises.  Il 
n'y  a  guère  plus  d'un  siècle  que  nous  n'avions  qu'une  prière 
avec  l'Eglise  Romaine  :  pourquoi  n'y  reviendrions  -  nous 
pas?  Nous  en  appelons  à  ceux  qui  nous  ont  suivi  à  travers 
ces  faibles  pages  :  le  vœu  de  l'Eglise  n'est-il  pas  l'unité 
dans  la  Liturgie  comme  dans  tout  le  reste?  Nous  est-il  pos- 
sible d'avoir  sur  ce  point  une  autre  doctrine  que  celle  du 
Siège  Apostolique,  exprimée  par  Clément  VIII  dans  ces  belles 
paroles  :  «  Puisque  dans  l'Eglise  Catholique ,  laquelle  a  été 
>  établie  par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  sous  un  seul  chef, 
»  son  Vicaire  sur  la  terre,  on  doit  toujours  garder  Vunion  et 
ï  la  conformité  dans  tout  ce  qui  a  rapport  à  la  gloire  de  Dieu 
»  et  à  l'accomplissement  4jes  fonctions  ecclésiastiques  ;  c'est 
•  surtout  dans  l'unique  forme  des  pvièves  contenues  au  Bré- 
iviaire  Romain,  que  cette  communion  avec  Dieu  qui  est  un, 
%doit  être  perpétuelhment  conservée,  afin  que,  dans  l'Eglise 
> répandue  pai*  tout  l'univers,  les  fidèles  de  Jésus-Christ  in- 
t  voquent  et  louent  Dieu  par  les  seuls  et  mêmes  rites  de  chants 
»  et  de  prières  (3) .  » 

(1)  Commuaionena  discerperent.  rid.  ci-après  laBulie  :  Quod  anobis. 

(2)  Ci-dessus,  pag.  131, 

(3)  Cum  in  Ecclesia  Catholica ,  a  Christo  D.  N.  ,  sub  uno  capite, 
ejus  iu  terris  Vicario ,  iustituta ,  unio  et  earuni  reruni  quœ  ad  Dei 
gloiiiiiu  ek  debituiu  Ecclesiaslicaium  ptsi'sonaruiQ  olficium  spectant , 


LITURGIQUES.  80l 

Tel  est  le  vœu  de  l'Eglise;  ce  qui  y  serait,  contraire  n'est 
donc  pas  le  vœu  de  l'Eglise.  Prions,  afin  que  le  Dieu  de  la 
paix  et  de  l'unité  dispose  toutes  choses  dans  sa  force  et  sa 
douceur;  afin  que  l'unité  de  prière  se  rétablisse  au  sein  de 
notre  patrie ,  et  que  la  prière  du  Pasteur  suprême  soit  la 
prière  des  Brebis ,  comme  déjà  sa  foi  et  sa  doctrine  sont  leur 
foi  et  leur  doctrine. 

coDformatio  semper  conservanda  sit;  tum  praecipue  illa  communio  uni 
Deo  ,  una  et  eadeiu  formula  ,  preces  adhibendi ,  quîe  Romano  Brevia- 
rio  continetur ,  perpetuo  retinenda  est ,  ut  Deus ,  in  Ecclesia  per  uni- 
versum  orbeni  difl'usa ,  uno  et  eodem  oraudi  et  psallendi  ordiue ,  a 
Chrisli  lidelibus  semper  laudetur  et  invocetur.  Clemens  VIII,  BuUa 
non  in  Ecclesia,  (§.  1.) 


S02  INSTITUTIONS 


NOTES  DU  CHAPITRE  XV. 

NOTE  A. 

Plus   EPISCOPUS,    SERVUS   SERVORUM   DEI , 
AD  PERPETUAM  REI  MEJIORIAM. 

Quod  a  nobis  postulat  ratio  Pastoralis  officii,  in  eam  curam  incumbi- 
mus,  ut  omnes  ,  quantum  Dec  adjutore  fieri  poterit ,  sacri  Tridentini 
Coucilii  décréta  exequantur,  acmultoidetiani  impensius  faciendum  in- 
telligimus ,  cum  ea  qu;e  in  mores  inducenda  sunt,  maxime  Dei  gloriam , 
ac  debitum  Ecclesiasticarum  personarum  officium  complectuntur.  Que 
in  génère  existimamus  in  primis  numerandas  esse  sacras  preces  ,  lau- 
des ,  et  gratias  Deo  persolvendas,  quœ  Romano  Breviario  conlinentur. 
Quse  divini  Officii  formula ,  pie  olim  ,  ac  sapienter  a  summis  Pontifi- 
cibus  ,  praesertim  Gelasio  ,  ac  Gregorio  primis  constituta,  a  Gregorio 
autem  septimo  reformata  ,  cum  diuturnitate  temporis  ab  anliqua  ins- 
litutione  deflexisset ,  necessaria  visa  res  est ,  quse  ad  pristinam  orandi 
regulam  conformata  revocaretur.  Alii  euim  praeclaram  veteris  Bre- 
viarii  constitutionem ,  multis  locis  mutilatam ,  alii  incertis  et  ad- 
venis  quibusdam  commutatam  deformarunt.  Plurimi ,  specie  Officii 
commodioris  allecti ,  ad  brevitatem  novi  Breviarii  a  Francisco  Quigno- 
nio  tit.  S.  Crucis  ia  Hierusalem  Presbytero  Card.  compositi ,  confu- 
gerunt.  Quin  etiam  in  provincias  paulatim  irrepserat  prava  illa  con- 
suetudo ,  ut  Episcopi  lu  Ecclesiis ,  quae  ab  initio  communiter  cum 
cseteris  veteri  Romano  more  Horas  Canonicas  dicere  ac  psallere  con- 
suevissent ,  privatum  sibi  quisque  Breviarium  conficerent ,  et  illam 
communionem  uni  Deo,  una  et  eadem  formula ,  preces  et  laudes  adhi- 
bendi ,  dissimillimo  inter  se ,  ac  pêne  cujusque  Episcopatus  proprio 
OfiBcio  discerperent.  Hinc  illa  tam  muUis  in  locis  divini  cultus  pertur- 
batio  ;  hinc  summa  in  Clero  ignoratio  csereraoniarum ,  ac  rituum 
ecclesiasticorum  ,  ut  innumeralv.les  Ecclesiarum  ministri  in  suo  rau- 
nere  indecore  ,  non  sine  magna  piorum  offensione,  versarentur. 

Hanc  nimirum  orandi  varietatem  gravissime  ferens  fel.  rec.  Paulus 
Papa  IV,  emendare  conslituerat  ;  itaque  proN'isione  adhibita  ,  ne  ulla 
in  posterum  novi  Breviarii  licentia  permitteretur,  totam  rationemdi- 
cendi ,  ac  psallendi  Horas  Canonicas  ,  ad  piistinum  morem  et  institu- 
tum  redigendam  suscepit. 


LITURGIQUES.  503 

Sod  eo  ,  posiea  nonduni  ii^^  quse  egregle  inchoaverat  perfeclis,  de 
vita  tleoedonle  ,  oum  a  pin-  memoriœ  Pio  Papa  IV  Tridenlinum  Conci- 
lium,  antea  varie  interinissum,  revocaium  esset,  Patres  iii  illa  salutari 
reformalionc  ab  eodem  Concilio  consliUita ,  Breviarium  ex  ipsius  Pauli 
Papœ  ratione  restiluere  cogitarunt.  Ilaque  quidquid  ab  co  in  sacro 
opère  coUectura ,  elaboralumque  fuerat ,  Concilii  Patribus  Triden- 
tum  a  prœdicto  Pio  Papa  missum  est  ;  ubi  cum  doctis  qnibusdam  ,  et 
plis  viris  a  Concilio  datum  esset  nogotium ,  ut  ad  reliquam  cogitatlo- 
nem  ,  Breviarii  quoque  curam  adjungerent ,  instante  jam  conclusione 
Concilii ,  tola  res  ad  auctoritatem  judiciumque  Romani  Pontificis  ex 
decreto  ejusdem  Concilii  relata  est;  qui  illis  ipsis  Patribus  ad  id  munus 
delectis ,  Romam  vocatis ,  nonnullisque  in  Urbe  idoneis  viris  ad  eum 
numerum  adjunctis,  rem  perficiendam  voluit.  Verum  eo  etiam  in  viam 
universae  carnis  ingresso ,  iVos,  ita  diviua  disponente  clementia  ,  licet 
immerito  ,  ad  Apostolatus  apicem  assumpti ,  cum  sacrum  opus,  adhi- 
bitis  etiam  ad  illud  aliis  perilis  viris  ,  maxime  urgeremus ,  magna  in 
nos  Del  benignitate  (  sic  enim  accipimus  ) ,  Romanum  hoc  Breviarium 
vidimus  absolutum.  Cujus  ratione  dispositionisab  illis  ipsis,  qui  nego- 
tio  prrepositi  fuerant ,  non  semel  cognita,  cum  intelligeremus ,  eos  in 
rei  confectione  ab  antiquis  Breviariis  nobilium  Urbis  Ecclesiarum ,  ac 
nostrae  Vaticanae  Bibliothec^  non  decessisse ,  gravesque  prœterea  ali- 
quot  eo  in  geuere  scrlptores  secutos  esse ,  ac  denique  remotis  iis,  quae 
aliéna  et  incerla  essent ,  de  propria  sumraa  veteris  divini  Officii  nihil 
omisisse  ;  opus  probavimus ,  et  Romse  imprimi ,  impressumque  divul- 
gàri  jussimus.  Itaque,  ut  divini  hujus  operis  effectus  re  ipsa  conse- 
quatur,  auctoritate  praesentium  toUimus  in  primis,  et  abolemus  Brevia- 
rium novum  a  Francisco  Cardinale  prœdicto  editum ,  et  in  quacumque 
Ecclesia  ,  Monasterio  ,  Conventu ,  Ordine ,  Militia  ,  et  loco  virorum  et 
mulierum ,  etiam  exempte ,  tam  a  primœva  institutione  ,  quam  aliter 
ab  hac  Sede  permissum. 

Ac  etiam  abolemus  quaecumque  alla  Breviaria  vel  antiquiora  ,  vel 
quovis  privilegio  muuita ,  vel  ab  Episcopis  in  suis  Dioecesibus  pervul- 
gata ,  omnemque  illorum  usum  de  omnibus  orbis  Ecclesiis ,  Monas- 
teriis,  Conventibus,  Militiis,  Ordinibus,  etlocis  virorum  ac  mulierum 
etiam  exemptis ,  in  quibus  alias  OfTicium  divinum  Romanœ  Ecclesiae 
ritu  diciconsuevit,  aut  débet  ;  illis  tamen  exceptis  ,  quae  ab  ipsa  prima 
institutione  a  Sede  Apostolica  approbata  ,  vel  consueludine ,  quae  vel 
ipsa  institutio  ducentos  annos  anteced^bat ,  aliis  certis  Breviariis  usa 
fuisse  constiterit  :  quibus ,  ut  inveteratum  illud  jus  dicendi ,  et  psal- 
lendi  suum  Oflicium  non  adimimus  ,  sic  eisdem  si  forte  hoc  nostrum  , 
quod  modo  pervulgatum  est ,  magis  placeat ,  dummodo  Episcopus,  et 


S04  INSTITUTIONS 

universum  Capituliim  in  eo  consentiant ,  ut  id  in  Choro  dicere ,  et 
psallere  possint ,  permiltimus. 

Oranes  vero ,  et  quascumque  Apostolicas ,  et  alias  permissiones ,  ac 
coasuetudines  et  statuta ,  etiam  jurameato ,  confirmatione  Apostolica  , 
vel  alia  firmitate  muaita ,  nec  non  privilégia  ,  licenlias  et  indulta  pre- 
candi  et  psallendi ,  tam  in  Choro  quam  extra  illura ,  more  et  ritu  Bre- 
viariorum  sic  suppressorum ,  prœdictis  Ecclesiis  ,  Monasteriis  ,  Con- 
ventibus  ,  Militiis  ,  Ordinibus  et  locis  ,  necnon  S.  R.  E.  Cardinalibus, 
Patriarchis ,  Archiepiscopis  ,  Episcopis ,  Abbatibus ,  et  aliis  Ecclesia- 
rum  Praelatis,  cîeterisqae  omnibus  et  siagulis  personis  Ecclesiasticis  , 
sœcularibus  et  regularibus  utriusque  sexus ,  quacumque  causa  con- 
cessa,  approbata  ,  et  innovata,  quibuscumque  coacepta  formulis  ,  ac 
decretis  et  clausulis  roborata ,  omnino  revocamus  ;  volumu^que  illa 
omnia  vim  et  effectum  de  cœtero  non  habere. 

Omni  itaque  alio  usu  ,  quibuslibet ,  ut  dictum  est ,  interdicto  ,  hoc 
nostrum  Breviarium,  ac  precandi,  psallendique  formulam,  in  omnibus 
universi  orbis  Ecclesiis,  Mouasteriis  ,  Ordinibus,  et  locis  etiam  exemp- 
tis  ,  in  quibus  Officium  ex  more,  et  ritu  diclie  Romanae  Ecclesite  dici 
débet,  aut  consuevit,  salva  prtedicta  iustitutione ,  vel  consuetudine 
prsedictos  ducentos  annos  superante,  praîcipimus  observari.  Statuentes 
Breviarium  ipsum  nuUo  unquam  tempore ,  vel  in  totum ,  vel  ex  parte 
mutandum  ,  vel  ei  aliquid  addendum  ,  vel  omnino  detrahendam  esse  ; 
ac  quoscumque  ,  qui  Horas  Canonicas  ex  more  et  ritu  ipsius  Romanae 
Ecclesiœ  ,  jure  vel  consuetudine  dicere,  vel  psallere  debeut ,  propo- 
sitis  pœnis  per  Canonicas  sanctiones  constitutis ,  in  eos  qui  divinum 
Officium  quotidie  non  dixerint,  ad  diceodum  et  psallendum  posthac  in 
perpetuum  Horas  ipsas  diurnas  et  nocturnas  ex  hujus  Romani  Bre- 
Tiarii  praescripto  et  ratione  omnino  teneri ,  neminemque  ex  iis  ,  quibus 
hoc  dicendi  psallendique  muuus  necessario  impositum  est,  nisi  hac  sola 
formula  satisfacere  posse. 

Jubemus  igitur  omnes ,  et  siagulos  Patriarchas ,  Archiepiscopos , 
Episcopos ,  Abbates,  et  caeteros  Ecclesiarum  Prfelatos  ,  ut  omissîs  quse 
sic  suppressimus  ,  et  abolevimus,  c»teris  omnibus  etiam  privatim  per 
eos  constitutis,  Breviarium  hoc  in  suis  quisque  Ecclesiis,  Mouaste- 
riis, Conveniibus,  Ordinibus,  Militiis,  Diœcesibus,  et  locis  praedictis 
introducant;  et  tam  ipsi ,  quam  caeteri  omnes  Presbyteri,  et  Clerici, 
sseculares  et  regulares  utriusque  sexus,  uecuori  Milites,  et  exempli , 
quibus  Officium  dicendi,  et  psallendi  quomodoeumque,sicut  praedicitur, 
injunctum  est,  ut  ex  hujus  nostri  Breviarii  formula,  tam  in  choro  quam 
extra  illum ,  dicere  et  psallere  procurent. 


LITURGIQUES.  SOK 

Quod  voro  in  Uubricis  iiostri  liujusOflicii  pra'scribitur,  quibus  die- 
bus  Ollicium  1».  AIakii;  sonipor  virgiiiis,  cl  DL-l'unctorum,  item  seplem 
Psalmos  Pœnileuliales,  el  Graduâtes  dici,  ac  psaili  oporteal;  INos  prop- 
ter  varia  liujusviiœ  negolia ,  niultoruin  occupationibus  indulgentes, 
poccati  quideni  periculuin  ab  ea  praïsoripUone  removendum  duximus  ; 
verum  debito  providenliic  pasloralis  adinoniti ,  omucs  vebementer  in 
Domino  coliortamur,  ut  remissionem  iioslram ,  quanlum  lieri  poterit , 
sua  devotione  ac  diligentia  pr;ccurrentes,  illis  etiam  precibus ,  suflfra- 
giis  et  laudibus ,  suœ ,  et  aliorum  saluti  consulcic  sludeant.  Atque  ut 
fidelium  voluntas  ,  ac  studium  magis  etiam  ad  salutarem  banc  consue- 
tudiaem  incitetur,  de  oninipotenlls  Dei  misericordia ,  beatorumque 
Pétri  et  Pauli,  Aiostoiorum,  ejus  auctoritate  conflsi,  omnibus,  qui  illis 
ipsis  diebus  in  Rubrlcis  pra.^flnilis,  beatœ  Mariae,  vel  Defunctorum 
Ofllcium  dixerint ,  loties  cealum  dies  ;  qui  vero  seplem  Psalmos  ,  vel 
Graduâtes,  quinquaginta ,  de  injuncta  ipsis pœnileulia  relaxamus.  Hoc 
autem  concedimiis  sine  pra'judicio  sanctae  consueiudinis  illarum  Ec- 
clesiarum ,  in  quibus  Oflicium  parvum  bealce  Mariae  semper  Virgiuis  in 
Cboro  dici  consueverat,  ita  ut  in  pnedictis  Ecclesiis  servetur  Ipsa 
laudabilis  et  sancta  consuetudo  celebrandi  more  solito  prEedictum 
Officium. 

Caeterum,  ut  praesentes  litterce  omnibus  plenius  inaotescanl,  man- 
damus  illas  ad  valvas  Basilicfe  Principis  Apostolorum  de  Urbe,  et  Can- 
cellariœ  Apostolicte  ,  et  iu  acie  Campi  Florae  publicari ,  earumque 
exeraplar  de  more  aflSgi.  Volumusque,  et  Apostolica  auctoritate  decer- 
nimus,  quod  post  hujusmodi  publicationem,  qui  in  RomanaCuria  sunt 
prsesentes  ,  statim  lapso  mense,  reliqui  vero,  qui  intra  montes,  tribus, 
et  qui  ultra  ubique  locorum  degunt ,  sax  mensibus  excursis ,  vel  cum 
primum  venalium  hujus  Breviarii  voluminum  facultatem  habuerint, 
ad  precandum  et  psallendura  juxta  illius  ritum  ,  tam  in  Choro ,  quam 
extra  illum,  maueant  obligati.  Ipsarum  autem  litterarum  exempla 
manu  >iotarii  publici ,  et  sigillo  alicujus  Praelali  Ecclesiasticl,  aut  illius 
Curiae  obsignata  ,  vel  etiam  ipsis  voluminibus  absque  praedicto,  vel  alio 
quopiam  adminiculo  Romae  impressa  ,  eamdem  illam  ubique  locorum 
fidem  faciant ,  quam  ipsse  praesentes ,  si  essent  exhlbitœ ,  vel  ostensae. 

Sed  ut  Breviarium  ipsum  ubique  inviolatum ,  et  incorruptum  habea- 
tur,  prohibemus  ne  alibi  usquam ,  in  loto  orbe ,  sine  nostra ,  vel  spe- 
cialis  ad  id  Coramissarii  Apostolici ,  in  singulis  Christiani  orbis  regnis 
et  provinciis  deputandi ,  expressa  licentia ,  imprimatur,  proponatur, 
vel  recipialur.  Quoscumque  vero,  qui  illud  secus  impresserint ,  pro- 
posuerint,  vel  receperiut,  excoramunicationis  senteulia  eo  ipso  inno- 
damus. 


^OQ  INSTITUTIONS 

Kulli  ergo  oninino  hominum  liceat  hanc  paginam  nostrae  ablationis , 
abolitionis ,  permissionis ,  revocalionis,  jussionis,  praecepti,  statuli , 
indulti,  mandat! ,  decreti ,  relaxationis  ,  cohorlatioais,  prohibitionis , 
innodationis  et  voluntatis  infriugere,  vel  ei  ausu  temerario  contraire. 

Si  quis ,  etc. 

Dat.  Romae  ,  apud  S.  Petrura ,  anno  Incarnationis  Dominicae  1368 , 
septimo  Id.  JuUi ,  Pontificatus  nostri  anno  tertio. 

INOTE  B. 

Plus  EPISCOPUS  ,    SERVUS   SERVORUM   DE!  » 
AD  PERPETUAM  BEI  MEMORIAM. 

Quo  primum  tempore  ad  Apostolatus  apicem  assumpti  fuimus ,  ad 
ea  libenter  animum,  viresque  noslras  intendimus,  et  cogitationes 
oranes  direximus ,  quae  ad  Ecclesiasticum  purum  retineudum  cultum 
pertinerent,  eaque  parare,  et  Deo  ipso  adjuvante,  omni  adhibilo 
studio ,  efficere  contendimus. 

Cumque  inter  alia  sacri  Tridentiai  Concilii  décréta  ,  nobis  statuen- 
dum  esset  de  sacris  liliris ,  Catechismo  ,  Missali  et  Breviario  ,  edendis 
atque  emendandis ,  edito  jam ,  Deo  ipso  annuente ,  ad  populi  erudi- 
tlonem  ,  Catechismo  ,  et  ad  débitas  Deo  persolvendas  laudes  Breviario 
castigato ,  omnino  ut  Breviario  Missale  responderet,  ut  congruum  est, 
et  conveniens  (  cum  unum  in  Ecciesia  Dei  psallendi  modum  ,  unum 
Missae  celebrandae  ritum  esse  maxime  deceat  ),  necesse  jam  videbatur, 
ut  quod  reliquum  in  bac  parte  esset ,  de  ipso  nempe  Missali  edendo, 
quam  primum  cogitaremus. 

Quare  eruditis  delectis  virisonushocdemandandum  duximus  ,  qui 
quidem  diligenter  collatis  omnibus  cum  vetustissimis  nostrae  Vaticanaî 
Bibliothecae  ,  aliisque  undique  conquisilis  ,  emendatis  ,  atque  incor- 
ruptis  codicibus  ,  necnon  veterura  consullis  ac  probatorum  auctorum 
scriptis  ,  qui  de  sacro  eorumdem  Rituum  instituto  monumenta  nobis 
reliqueruut ,  ad  prisliuam  Missale  ipsum  Sanclorum  Patrum  normam 
ac  ritum  restituerunt.  Quod  recognitum  jam  ,  et  castigatum  mature 
adhibita  consideratione  ,  ut  ex  hoc  instituto  ,  cœploque  labore  fructus 
omues  percipiant ,  Komce  quam  primum  imprimi ,  atque  impressum 
edi  mandavimus ,  nempe  ul  Sacerdotes  iutelligaut,  quibus  precibus 
uti,  quos  Ritus,  quasve  Cœremonias  in  Missarum  celebratione  retinere 
postiiac  debeant.  Ut  autem  a  Sacrosancta  Romana  Ecciesia, caeterarum 
Ecclesiarum  Matre  et  Magistra  ,  tradita  ubique  amplectantur  omnes , 
et  observent,  ne  in  posterum  perpetuis  futuris  temporibus  in  omnibus 
Chrisliani  Orbis  provinciarum  Patriarchalibus ,  Cathedralibus ,  Colle- 


LITURGIQUES.  507 

gialis,  et  Parocliialibus,  sxfularibus  et  quorumvis  Ordinuni  et  Mo- 
nasteriorum  ,  tam  virornm  quam  inulierum  ,  etiam  Militiarum  regula- 
ribus,  acsine  cura  Ecclesiis,  vel  Capellis,  in  quibus  Missa  Conventua- 
lis  alta  voce  cum  Cboro ,  aut  demissa  cclcbrari  juxta  Komanae  Ecclesiîe 
ritum  consuevit ,  vel  débet ,  alias  quam  juxta  Missalis  a  nobis  editi 
formulam,  decautetur  aut  recitetur,  etiamsi  esedem  Ecclesiai  quovis 
modo  exemplaî  Apostolicai  Sedis  induite  ,  consuetudine  ,  privilégie  , 
etiam  juramento,  conlirraatione  Apostolica ,  vel  aliis  quibusvis  faculta- 
tibus  munitœ  sint,  nisi  ab  ipsa  prima  inslituiione  a  Sede  Apostolica  , 
approbata ,  vel  consuetudine  quae  vel  ipsa  institutio  super  ducentos 
annos  Missarum  celebrandarum  in  eisdem  Ecclesiis  assidue  observata 
sit ,  a  quibus  ,  ut  praifatam  celebrandi  constitutiouem  vel  cousuetu- 
dincm ,  nequaquam  auferimus ,  sic  si  Missale  hoc ,  quod  nunc  in  lucem 
edi  curavimus,  iisdem  magis  placeret,  de  Episcopi  vel  Prailali,  Capi- 
tulique  universi  conseusu  ,  ut  quibusvis  non  obstantibus,  juxta  illud 
Missas  celebrare  possiut  permiltimus  ,  ex  aliis  vero  omnibus  Ecclesiis 
prsefatis  eorumdem  Missaiium  usura  tollendo ,  illaque  penitus  et  om- 
nino  rejiciendo. 

Ac  huic  Missali  nostro  nuper  edito,  nihil  unquam  addendum ,  de- 
trabendum ,  aut  immutandum  esse  decernendo ,  sub  indignationis 
noslrae  pœna  ,  hac  nostra  perpetuo  valitura  constitutione  statuimus  et 
ordinamus.  Mandantes ,  ac  districte  omnibus  et  singulis  Ecclesiarum 
praedictarum  Palriarchis  ,  Adminislratoribus ,  aliisque  personis  qua- 
cumque  Ecclesiastica  dignitate  fulgentibus,  etiamsi  Sanctse  Romaux 
Ecclesise  Cardinales,  aut  cujusviî.  alterius  gradus  et  prœeininentise  fue- 
rint ,  illis  in  virtute  sanctae  obedientiaî  praecipientes,  ut  caeteris  omni- 
bus rationibus  et  ritlbus  ex  aliis  Missalibus  quantumvis  vetustis  hac- 
tenus  observari  consuetis ,  in  posterum  penitus  omissis ,  ac  plane 
rejectis,  Missam  juxta  ritum,  modum  ,  ac  normam  ,  quae  per  Missale 
boc  a  nobis  nunc  traditur,  décantent  ac  legant ,  neque  in  Missae  cele- 
bratione  alias  Caeremonias  vel  preces,  quam  quae  hoc  Missali  continen- 
tur,  addere  vel  recitare  praesumant.  Atque  ut  hoc  ipsum  Missale  in 
Missa  decantanda  aut  recilanda  in  quibusvis  Ecclesiis  absque  ullo  con- 
scientiaî  scrupulo,  aut  aliquarum  pœnarum  ,  sententiarum  et  censura- 
rum  incursu  posthac  omnino  sequantur,  eoque  libère  et  licite  uti 
possint  et  valeant ,  auctoritate  Apostolica  ,  tenore  praesentium ,  etiam 
perpetuo  concedimus  et  indulgemus.  Neve  Prœsules,  Administratores , 
Canonici ,  Capellani ,  et  alii  quocumque  nomine  nuncupati  Presbyt^ri , 
saeculares,  aut  cujusvis  Ordinis  regulares,  ad  Missam  aliter  quam  a 
Nobis  statutum  est ,  celebrandam  teneantur,  neque  ad  3Iissale  hoc  im- 
mutandum a  quolibet  cogi  et  compelli. 


o08  INSTITUTIONS 

Prsesentesve  litterae  uUo  unquam  tempore  revocari  aut  moderari 
po>sint ,  sed  firmœ  seniper  et  validae  iu  5uo  existant  robore  ,  similiter 
statuimus  et  declaramii-. 

?oii  obstantibus  pnemissis ,  ac  coDStitutionibus  et  ordinationibus 
Apostolicis ,  ac  ia  provincialibas  et  synodalibus  Conciliis  editis ,  gene- 
ralibus  vel  specialibus ,  constitutionibus  et  ordinationibus ,  necnon 
Ecclesiarum  praedictarum  usu  longissima  et  immemorabili  praescrip- 
tione ,  non  tamen  supra  ducentos  annos  roborato  ,  statutis  et  cousue- 
tudinibus  contrariis  quibuscumque. 

Tolumus  autem  ,  et  eadem  auctoritate  decernimus ,  ut  post  hujus 
uostriij  constilutionis  ,  ac  Jlissalis  editioneni ,  qui  in  Romana  adsunt 
Curia  Presbyteri,  post  mensem  ;  qui  vero  intra  montes,  post  très  ;  et  qui 
ultra  montes  incolunt,  post  sex  menses,  aut  cum  primum  illis  Missale  hoc 
propositum  fuerit,  juxta  illud  Missam  decantare  vel  légère  teneanlur. 

Quod  ut  ubique  terrarum  incorrupium,  ac  mendis  et  erroribuspur- 
gatum  pr?eservetur,  omnibus  in  nojtro  et  S.  R.  E.  domino',  médiate 
vel  immédiate  subjecto  commorantibus  impressoribus,  sub  amissionis 
librorum  ac  centum  ducatorum  auri  Camerae  Apostolicœ  ipso  facto  ap- 
plicaudorum ,  aliis  vero  in  quacumque  orbis  parte  consistentibus ,  sub 
excommunicationis  laiœ  senlentiae,  et  aliis  arbitrii  nostri  pœnis,  ne 
sine  nostra  ,  vel  specialis  ad  id  Apostolici  Commissarii  in  eisdem  par- 
libus  a  >'obis  constituendi ,  ac  nisi  per  eumdem  Commissarium  eidem- 
impressori  Missalis  exemplum,  ex  quo  aliorum  imprimendorum  ab 
ipso  impressore  erit  accipienda  norma  ,  cum  Missali  in  Urbe  secundum 
magnam  impressionem  impresso  coliatum  fuisse,  et^oncordare,  nec 
in  nuUo  penitus  discrepare ,  prius  plena  fides  facta  fuerit ,  imprimere 
vel  proponere  vel  recipere  uUo  modo  audeant  vel  prsesumant ,  auctori- 
tate Apostolica  et  tenore  prsesentium  similibus  inhibemus. 

Verum  quia  difficile  esset  présentes  litleras  ad  qu^eque  Christiani 
Orbis  loca  deferri ,  ac  primo  quoque  tempore  in  omnium  notitiam  per- 
ferri,  illas  ad  Basilicae  Principis  Apostolorum ,  ac  Cancellarise  Aposto- 
licœ ,  et  in  acie  Campi  Florae  ,  de  more  publicari  et  affigi ,  ac  earum- 
dem  litterarum  exemplis ,  etiam  impressis,  manu  alicujus  publici 
Tabellionis  subscriptis  ,  necnon  sigillo  personae  in  dignitate  Ecclesias- 
tica  constitutae  munitis ,  eamdem  prorsus  indubitatam  fidem  ubique 
gentium  et  locorum  haberi  praecipimus ,  qu«  praesentibus  haberetur, 
si  ostenderentur  vel  exhibereatur. 

>"ulli  ergo ,  etc. 

Datum  Romae  ,  apud  Sanctum  Petrum ,  anno  Incarnationis  Domi- 
nicae  millesimo  quingentesimo  septuagesimo ,  pridie  idus  Julii ,  Pont, 
nostri  anno  quinto. 


LITURGIQUES.  500 

NOTE  C, 

Decanus  el;FacuUas  Theologiœ  Scholœ  Parisiensis,  venerabilibus  viris 
ac  Domiuis  Decauo  et  Canonieis  Eoclesiœ  Suessionensis  ,  salutom  : 

Honorandi  viri ,  liis  diebus  intelleximus  Breviaria  quaedam  nuper 
cura  Reginaldi  Chaudière  excusa  Ciericis  Diœcesis  veslrte  iradita  esse 
in  quibus  pleraque  exlranea  et  a  comniuni  Ecclesiaî  usu  aliéna  conti- 
neri  nobis  ex  eoruni  inspectione  certoconstitil.  Quod  profecto  odiosura 
sctiisina  et  perniciosum  in  Ecclesiam  Gallicanam  (  ni  celerius  occur- 
ratur  ) ,  facile  potest  inducere.  Quod  si  contingeret  vestro  nomini  alias 
glorioso  nota  inuteretur  quae  vix  saeculis  niultis  posset  aboleri  ;  ves- 
Iruni  itaque  erit  tanto  malo  priusquam  latius  serpat ,  obsistere.  Vene- 
rabilem  Caelum  vestrum  Ecclesiae  commodis  insudantem  Dominus 
conservet.  Datum  in  noslra  Cougregatione  apud  Collegiuai  Sorbonae  ad 
hoc  specialiter  convocata ,  die  Sabbali ,  24  Julii ,  anno  Domini  1529. 
/>'  Jrgcntré.  Collectio  Judiciorum.  Tom.  IL  Pag.  77. 

NOTE   D. 

Anno  Domini  1^48 ,  die  prima  mensis  Martii..,.  Titulus  novi  Brevia- 
rii  Aurelianensis ,  suspectas  est  et  erroneus,  et  quse  fuerunt  expuncta 
ex  veteri ,  neque  vana  sunt ,  neque  iimtilia  ,  neque  piarum  aurium  et 
doctarura  oifensiva.  Quod  Christianus  lector  sequentibus  facile  co- 
guoscet.  In  primis  ex  dicte  veteri  Breviario  subira huntur  a  rertis 
Feriis ,  in  quibus  dicitur  dieta  ,  preces  in  iilis  post  Laudes  et  Vesperas 
et  alias  Horas  dici  consuelae.  In  aliis  Feriis ,  in  quibus  dicitur  dieta , 
dicuntur  quidera  hujusmodi  preces  post  Laudes  et  Vesperas,  sed  a 
reliquis  locis  adimuniur,  fol.  52.  A  precibus  vero  per  Quadragesimam 
dicendis  auferuntur  Psalmi  Pœnitentiales ,  qui  antea  post  Psalraum  , 
Miserere,  dicebautur.  Insuper  subtraliuntur  a  Sanctorum  Festis  multse 
Lectiones  Matuiiaarum  ,  vel  omnino ,  vel  ex  parte.  Ita  ut  e  Festis 
novem  Lectionum  aliquaudo  Festa  trium  Lectionum  fiant,  ete  Bleslis 
trium  Lectionum  fiant  Festa  simplicis  memoriie.  Ubi  autem  prœdicta 
Festorum  mutatio  non  fit,  nihilominustolluutur  plerumque  Lecliones 
aliquot  Matutinarum ,  vel  ex  ipsis  Festis ,  vel  ex  Octavis  eorumdem, 
Tolluntur,  inquam  ,  modo  integrae ,  modo  in  parte  coucisse ,  titque 
concisio  nunc  in  principio  Lectionis.  Unde  vocabulum  istud ,  Beatus , 
vel  Beatissimus  praîciditur.  Quod  tamen  in  exordio  Legend»  .Sancto- 
torum  ,  ad  Dei  laudem  et  ipsorum  laudera  propriis  nominibus  auteponi 
consueverat.  Aliquando  concisio  fit  in  medio  ,  aliquaudo  in  fine  ;  in 
quibus  et  aliis  plerisque  locis  nonnulla  auferuntur  Sanctorum  miracula, 
quandoque  operum  mcrila ,  nonnumquara  Sanctorum  invocationes ,  ut 


31 0  INSTITUTIONS 

videre  est  a  secundo  folio  partis  hyemalis  usque  ad  secundum ,  et  ia 
plerisque  aliis  locis.  Ad  kec  nonaulla  eipunguntur  quse  maxime  facere 
videbaulur  ad  Sacramentum  Eucharistiae,  Confirmationem  ,  ut  perspi- 
cuum  est  ex  historiis  BB.  Gregorii ,  Benedicti ,  Ambrosii ,  et  Mariae 
jEgyptiacae.  MuUa  suut  et  alia  subtracta  ,  qute  ad  veram  Christi  reli- 
gionem  plurimum  conducebant ,  ut  suut  jejunia  ,  carnis  maceratio  , 
sanctorumTemplorum  fundatioues  et  dotationes  eorum.  Haec  paient  in 
Festis  SS.  Antonii,  Simeonis,  Ludovici ,  Genovefae  ,  et  aliorum  mul- 
torum.  Item  si  qui  Sancii  in  Olïiciis  suarum  Festivitatum  habebant  pro- 
prios  Hymnes  ,  proprias  Antiphonas,  aliave  Suffragia  ,  illis  plerumque 
resecatis ,  ad  Commune  recurrendum  esse  annotatur.  Quod  similiter 
nonnunquam  flt  la  Lectionibus.  Id  autem  fieri  deprehendere  licet  non 
tantum  in  aliis,  verum  etiana  in  eis  Festivitatibus  ,  quae  Aurelianensis 
Ecclesiae  peculiares  suut.  Quarc  timendum  est,  ne  Christianorum  de- 
votio  erga  Sanctos,  quibus  magis  afficiebalur,  quando  peculiaria  eorum 
mérita  et  virtutes  seu  legebat ,  seu  recenser!  audiebat ,  tandem  immi- 
nuatur,  vel  prorsus  depereat.  Quapropter  tôt  et  tantae  mutationes ,  ac 
subtracliones  factse  sunt ,  et  praesertim  earum  rerum  ,  quae  ad  fidei  et 
morum  tedificationem  et  ad  hseresium  destructionem  ,  hac  nostra  tem- 
pestate  certo  deplorandi  vigentium ,  conducebant.  Videtur  dicti  Bre- 
viarii  nova  ista  mutatio  imprudens  ,  temeraria  ,  et  scandalosa  ,  neque 
carens  suspicione  faveudi  hserelicis.  Quod  si  sint  aliqua  vana  et  inu- 
tilia  in  veteri ,  ut  dicunt  novi  concinnatores  Breviarii ,  illa  ostendant 
et  proférant,  et  de  his  censebit  Facultas. 

Datum  in  noslra  Congrégations  generali  per  juramentum  celebrata 
apud  sanctum  Mathurinum  ,  prima  die  mensis  Martii ,  lo48.  D'Argen- 
tré.  Ibidem.  Pag.  160. 

^'OTE  E. 

Die  Mercurii,  II  mensis  Mali,  4S83. 

Cumobraritatemexemplanum  Breviarii  etMissalis  Parisiensis,  antea 
saepius  extitisset  traclatum  de  u troque  novae  impressioni  committendo, 
in  necessitate  Ecclesiarum  Diœcesis  Parisiensis  magis  urgente  a  bien- 
nio  ,  ex  parte  Reverendi  Domini  Episcopi  Parisiensis  in  hoc  Capitule 
relata  :  nennulli  viri  scienlia  ac  pletate  emineutissimi  rite  delecti  es- 
sent ,  qui  restitutioni  et  reformaiioni  in  hoc  non  immérité  desiderata 
providerent  :  cui  rei  tanta  fuerit  per  ipsos  adhibita  diligentia,  ut  prier 
pars  Breviarii  ferme  absoluta  sit,  ulteriusque  reliqua  progressa  fuisset, 
nisi  opus  remoralum  esset ,  a  pluribusque  optatus  usus  Romanus  ex 
sacrosancti  Concili  Tridentini  décrète  restitutus ,  cum  certis  aliis  eau- 
sis  accedentibus.  Quibus  omnibus  per  dictum  Reverendum  Dominura 


LITURGIQUES.  511 

Parisiensem  Episcopum  pro  suae  diligenliM  pastoralis  pvovida ,  et  sa- 
pienti  functioiie  in  hoc  Capitulo  propositis  ,  ipsorumque  Dominorum 
Decaui  et  Capituli  consilio  super  hoc  exquisito  :  cerla  tandem  die 
specialis  convocalionisob  id  de  niorc  indictse;  in  primis  attenta  anti- 
quitate  Breviarii  et  Missalis  Parisiensis  ex  decretali  novissimi  usus 
Romani  perraissa,  deinde  Caeremoniis  ac  ritu,  in  quibus  Ecclesia  Pa- 
risiensis prœ  ca'teris  Galtise ,  atque  adeo  lotius  fcre  orbis  Clirisliani 
Ecclesiis  hue  usque  claruit ,  et  ab  omnibus  videnlibus  et  audientibus 
in  summa  admiratione  ,  non  sine  gloria  Dei  habetur ,  multis  denique 
aliis  considerationibus  ;  ex  parte  Dominorum  Decani  et  Capituli  depu- 
tati  essent  ex  ipsis,  qui  deliberationem  referrent  ad  dictum  Rcveren- 
dum  Dominum  ,  ipsumque  rogarent  veterem  usum  istis  de  causis  in 
sua  Ecclesia  continuari.  In  cujus  absentia ,  hujusmodi  deliberalione 
Domino  generali  Vicario  ipsius  communicala ,  ac  perpensis  omnibus 
aliis  quic  in  hac  parte  perpendenda  et  consideranda  erant  :  ex  parte 
Dominorum  Decani  et  Capituli  existimatum  est  Breviarium  et  Missale 
Parisiense  convenientius  retineri  in  ipsa  Ecclesia  Parisiensi ,  ac  typis 
demandari,  utroque  prius  rite  purgato  ac  restituto  per  Dominos  ad 
hoc  jam  députâtes ,  ipsosque  ut  id  maturius  et  absque  ullo  obstaculo 
fiât ,  oum  orani  honesta  instantia  rogari  a  Dominis  Cantore ,  et  Le 
Prévost,  delegatis,  restitutioaem  per  illos  uuper  incœptam  ab  omnibus 
magnopere  laudandam  ad  similem  exitum  etiam  atque  etiam  deside- 
ratum perducere.  Preuves  des  Libertés  de  l'Eglise  Gallicane.  Tom.  II. 
pag.  H-iO. 

NOTE   F. 

Deus  optimus  maximus  semper  gavisus  et  usus  est  varietate,  ut 
patet  in  ipsa  creatione ,  in  qua  diversitate  delectatus  est.  Hic  enim 
ejus  potens  et  sapiens  providentia  patet  ex  concentu  et  harmonia 
rerum  diversarum  atque  contrariarum. 

Hoc  pugnat  cum  ratione  et  cum  fide  per  charitatem  opérante. 
Nam  ratio  inferior  débet  consentire  cum  ratione  seterna ,  quae  diver- 
sitatem  in  condilione  universi  posuit  a  principio  ,  ut  sit  concordia 
discors:  ut  etiam  magis  excitemurad  virtutem,  cum  ejus  pluraexempla 
proponuntur  :  ut  Deus  magis  laudetur  In  multitudine  et  varietate  nii- 
rabilium  ipsius.  Hoc  minueret]Dei  optimi  max.  gloriam,  Sanctorum 
cultum ,  et  Christianorum  sedificationem  exemplariam. 

Hoc  valde  minuit  Episcoporum  etDiœceseon  auctoritatem. 

Qui  hoc  promovent  non  sunt  viri  simplices ,  et  devoti,  seu  spiri- 
tales  ,  sed  astuti,  politici,  qui  ex  re  qualibet ,  quolibet  modo  rem  suam 
mundanam  conantur  facere.  Astitit  Regina  a  dextris  sponsi  circum- 
amicta  varietate. 


312  INSTITUTIONS 

Ut  omnis  novitas  est  suspecta ,  ita  talis  mutatio  magna  non  potest 
esse  sine  detriraento  magno. 

Hoc  foveret  Cantorum  et  Ecclesise  servitonim  inobedientiam 
atque  dissolutionem  ,  quum  omnium  Ecclesiarum  unum  esset  et  idem 
Officium. 

Quot  sumptus  necessarii  essent?  Rustici  non  possent  juvare  suos 
Curatos  in  Officio  agendo  :  hoc  autem  maxime  est  necessarium  la 
pagis. 

Spiritus  Sancius  fecit  loqui  magnalia  Del  omnibus  linguis  (Act.  II). 
Quod  est  argumentum  diversitalis  in  Officio  in  Ecclesia,  ut  in  universo 
et  in  membris  corporis  liumani  cernilur. 

Nobis  sapientia  ,  prudentia ,  virtute ,  et  donis  Sancti  Spiritus  excèl- 
lentiores  fuerunt  autiqui  sancti  Patres  ,  qui  justis  de  causis  singulis 
Diœcesibus  singu'a  concesserunt  et  ordiuaverunt  Brevlaria.  3Iiretur 
ergo  Gallia  suum  Marcellum ,  dum  miratur  suum  Sjiveslrum  Roma. 

Talis  immutatio  hsereticos  juvaret  atque  delectaret ,  quasi  in  errore 
aut  inscitia  fuissent  Patres  Catholici  in  re  tanta.  Hoc  esseï  scandalum 
piis  Catholicis  qui  hoc  pacto  possent  dubitare  de  ipsa  flde  et  reli- 
gione,  cujus  consuetam  professionem  ita  immutatam  cernèrent.  Quid 
hoc  affert  utilitatis  ? 

Reliqui  Episcopi  habent  poteslatem  politise  et  ordinationis  in  suis 
Diœcesibus ,  ut  Romanus  in  sua  :  hoc  autem  bona  ex  parte  convel- 
leretur. 

Ad  quid  amplexaretur  Breviariura  Romanum ,  quod  a  panels  annis 
ter  immutatum  et  derelictum  vldimus  ?  Succedente  alio  Papa  ,  novum 
erit  forsan  breviarium  expectandum. 

Hoc  est  contra  libertuem  Ecclesiae  Gallicanae  ,  quae  si  Romanae  in 
hac  professione  generali  et  maxima  se  submittat,  quid  restât  nisi  quod 
etiam  ex  consequenti  ssepe  submittet  in  reliqua  omni  politia  ?  Nam 
accessorium  sequitur  principale. 

Semper  unaquaeque  Ecclesia  et  Provincia  gavisa  est  suis  ritlbus , 

juxta  illud  : 

Si  fueris  Romœ,  Romano  vivHo  more. 
Si  fueris  alibi ,  vivito  sicut  ibi. 

Ecclesise  pagorum  ssepe  non  sequuntur  ordinalionem  suse  Cathedra- 
lis ,  et  Cathédrales  sequcrentur  Breviarium  Romanse  Ecclesise. 

Avari  et  semper  ambitiosi  Romani  sic  rem  suam  facere  provident 
ex  impressioae,  sicut  videmus  jam  facium  ex  privilegiis  multis  ad  hanc 
rem  spectantibus. 

Corrigantur,  et  tamen  valde  prudenter,  et  non  curiose  aut  scrupu- 


LITURGIQUES.  515 

lose  nimis ,  si  qucc  indigent  correctione  in  Breviariis  Diœceseou,  non 
autem  deserantur. 

Hinc  Pnedicatores  et  Curati  non  tam  facile  populum  docerent  , 
ignorantes  Legendas  multorum  Sauctorum  particularium ,  particula- 
ribus  locis  magis  celebrium  et  cognitorum. 

Ubi  Deus  Opt.  Max.  dédit  Sanctos,  ibi  quoque  vult  per  illos  invocari 
a  tideiibus  populis  :  sicut  voluit  rogari  a  filiis  Israël  per  paires  illo- 
rum  Abraham ,  Isaac  et  Jacob.  Keiineantur  ergo  Breviaria  singularum 
Diœceseon. 

Si  abjiceretur  cultus  particularium  Sanctorum ,  qui  sunt  in  tanto 
et  prope  infiuito  numéro ,  non  ita  juvaretur  per  illos  Ecclesia.  Nam 
rogati  et  laudati  rogant  atque  juvant  :  ideo  ordinavit  Ecclesia  per 
Spiritum  Sanctum  illos  iu  locis  suis  particularibus  celebrari. 

Quum  adhuc  Ecclesia  nascens  et  spiritus  doctrinae  fervens  in  unum 
congregabatur ,  unusquisque  suum  particularem  devotionem  afferebat 
(  I  Cor.  14  )  ;  quanto  magis  ergo  ipsis  per  universum  orbem  dispersis , 
unaquaeque  parochia ,  vel  saltem  Diœcesis ,  suam  et  devotionem  et 
precandi  formam  retinebat ,  semper  tamen  ordinate  ?  Hic  terra  diver- 
sorum  fructuum  arbores  et  semina  nutrit. 

Non  major  est  ratio  quod  omaes  Sacerdotes  ubique  dicant  unum 
Breviarium ,  quam  quod  omnes  laïci  unam  tantum  orationem  Deo 
Opt.  Max.  ofiferant. 

Deus  Opt,  Max.  qui  decimis  et  prlmitiis  vult  recognosci ,  non  magis 
vult  talia  sibi  offerri  ex  iis  quae  nascuutur  in  singulis  provinciis  (  non 
enim  omnis  omnia  fert  tellus) ,  quam  desiderat  coli  et  laudari  ex  mi- 
rabilibus  quae  contulit  et  operatus  est  per  singulos  et  particulares 
Sanctos  singularum  et  particularium  provinciarum. 

Quid  inde  provenit,  nisi  Romanœ  ,  non  dico  religionis,  sed  superbiae 
et  ambitionis  auctio  ?  Non  cedat  crista  Gallica  Romano  supercilio ,  non 
enim  hic  de  religione  ,  sed  de  superbia  astuta  agitur.  Ubi  enim  minus 
quam  Romae  Conciliorum  œcumeaicorum  décréta  observantur?  An 
non  est  hoc  in  Cleris  dominari  magis,  quam  Ecclesiam  aedificare? 
Dixit  Antiquitas  quod  major  est  Orbis  Urbe  :  hic  vero  Urbs  Orbem 
tentât  complecti  et  sibi  subjicere. 

Hic  latet  anguis  in  herba  hoc  suspecto  maxime ,  astuto  et  malo 
tempore.  Vitentur  ergo  qui  mutant  tempora  et  leges  (Daniel.  8J. 
Monet  Christus  (  Matth.  24.  )  eum  solum  qui  usque  ad  finemperseve- 
raverit  salvum  fore.  Perseverantia  autem  non  est  obstina tio  uovitatis 
prophanœ  ,  sed  antiquitatis  religiosa  continuatio. 
%  Non  propter  vitandos  sumptus  temporales ,  admittatur  ignominiosa 
et  detrimentosa  plaga  spiritualis. 

T.  I.  S5 


Mi  INSTITUTIONS 

Iq  Ecclesia  triumphante  incœlo  (ad  cujus  exemplaretsimilitudinem 
in  teriMCiiQCla  debeiit  ti  ri),  ul  cor  linru,  ordinum  etgraduumvarise, 
ita  et  diverise  sunt  laudum  et  corouarum  formîe. 

Won  putimus  abesse  ab  ioajjiet'ite,  illoruoi  meoaoriam  \a  terris  sc- 
pelire,  quorum  noiniiia  scrlpta  sunt  in  libre  vitae  et  in  cœlis  gloriosa. 
Hoc  auteoa  tieret,  si  particulariuin  Diœceseon  particularia  Breviaria 
tolltrentur.  !Non  euini  salis  est  eos  iascriptis  retineri,nisiethonorifice 
in  Ecclesiis  reciieaiur. 

Hoc  uoa  vult  Coiicilium  ,  uec  intendit  Papa  ,  sed  Papse  adulalores 
suis  propriisutilitalibus,  cum  religionis  amplitudiais  detrimeato,  ijiser- 
vientes. 

Si  recipiatur  Romanura  Breviarium ,  aut  bona  pars  ejus  anaittetur, 
aut  infinits  devotiomim  particulariura  ad  celebritatem  singulorum 
Sauctorum  in  illo  Breviario  omissorum  :  deserentur  fundatores ,  et 
Olficia  in  quibus  obligantur,  cum  summa  injustitia  ,  Ecclesiae  parti- 
culares.  Monachi  suum  retineant  Breviarium  :  et  suc  utantur  cum 
decoro  hierachici  Pastores. 

Qui  hoc  persequuntur,  alii  sumptum  timeQt,alii  adulantur  et  lucrum 
sperant ,  alii  vero  occulte  et  astute  cultum  et  splendorem  Catholicae 
proffcSsionis  imminuere  ,  et  Ecclesiam  Catholicam  turbare  intendunt. 

Hoc  propositum  convellit ,  non  sine  magno  religionis  détriment©  , 
consuetudines  et  tradilioaes  Ecclesiasticas  ,  quod  non  potest  tieri  sine 
Catliolicorum  scaadalo  ,  atque  haerelicorum  elatione,  qui  gloriabuntur 
uostram  talem  immutationem  esse  argumentum  praecedentis  erroris 
atque  iascitiae  in  religionis  Catholicae  professioue,  idem  concludendo  de 
ejus  persuasione  et  doctrina  :  talis  ergo  immutatio  hoc  maiime  fieret 
tempore  imprudenter,  atque  periculosissime. 

Hic  Episcopi  in  suis  Diœcesibus ,  si  iutelligunt  quod  sunt ,  habent 
potestatem  orationis  modum  coaslituendi ,  sicut  Papa  in  Komaua 
Diœcesi  et  Ecclesia  (  hoc  enim  sonatet  significat  vocabulum  Pontifex, 
Haebr.  cap.  V  et  IX  )  ;  alioqui  lièrent  Papœ  Capellani.  Preuves  de» 
Libertés  de  l'Eglise  Gallicane.  Ibidem. 

PiOTE  G. 

Jam  vero ,  cum  sacri  Ritus  et  Cceremoniae ,  quibus  Ecclesia  a  Spiritu 
Sancto  edoctaex  Apostolica  tradilione,  et  disciplina  utiiur,  in  Sacra- 
mentorum  administratione,  divinis  Officiis,  omnique  Dei ,  et  Sanctorum 
veneratione,  magnam  Christiani  populi  eruditionem,  veneque  fidei  pro- 
testaiionem  contineaut,  revum  sacrarum  majestatem  commendant, 
fidelium  meutes  ad  rerum  altissimarum  meditatiouem  sustollant ,  et 
devoUQUis  eliam  igaeiaflamment,  cupiealçs  ûliorum  Ecclesise  pieta- 


LITURGIQUES.  M  S 

tem  et  diviiuim  cultum  sacris  Riiibus ,  et  Gxremoniis  conservaiidts, 
instaurandisqiio  mij^is  aiij?ere  ;  (iniiique  itidem  Cardinales  delegimus, 
qtiibus  haec  pnocipue  cura  inoumbere  debeat,  ut  veteres  Ritus  sacri 
ubivis  locorum ,  in  omnibus  Urbis,  orbisque  Ecclesiis,  etiam  in  Capella 
nostra  Poalilicia,  in  Missis,  divinis  Ofliciis,  Sacramcnlorum  adminis- 
tralione ,  cœterisquo  ad  dlviuum  cullum  perlineiilibus,  a  qulbusvis 
personis  diligenler  observentur ,  Coeremoni^i;  si  exolevcrint ,  resiiluan- 
tup,  si  depravatœ  fuerint,  reforni'MUur ,  libros  de  tacris  Uitibus,  et 
Cffiremoniis,  imprimis  Vonlificale,  Ritualc,  Cœremoniale ,  prout  opus 
fuerit ,  reforment,  et  emendeiil  Oflicia  divina  de  sanctis  Patronis  exa- 
minent et  uobis  prius  consullis,  concédant.  Diligentem  quoque  curam 
adhibeant  circaSanctorum  canonizationem  ,  festorunique  dierum  cele- 
britatem,  ut  omnia  riie,  et  recte,  etexPatrum  tradiiione  fiant,  et 
ut  Reges  et  Principes,  eorumque  oralores,  aiixque  personae,  eiiam 
Ecclesiaslicce ,  ad  lJrl;ein,  curiamqne  Romanara  venientes ,  pro  Sedis 
Aposloliese  dignitate  ac  benigniiate  honorifice  more  niajorum  exci- 
piantur,  cogitatiouem  suscipiant,  seduloque  provideant  :  controversias 
de  prœcedeniia  in  Processiouibus ,  aut  alibi ,  caeterasque  in  bujus- 
modi  sacris  Ritibus  et  Cœremoniis  incidentes  difficultaies  coguoscaot , 
summarie  terminent  et  componaut.  Bularium  Romaimrn.  Tom.  IL 
Edit.  Luxemb.  pag.  669. 

NOTE  H. 

Ut  autem  illius  usus  in  omnibus  Ghristiani  orbis  partibus  perpetuis 
futuris  temporibus  conservetur,  id  ipsum  Breviarium  in  aima  Urbe  nos- 
tra in  eadem  typograpbia  tantum,  et  non  alibi  imprimi  posse  decerni- 
mus,  extra  Urbem  vero  juxta  exemplar  in  dicta  typograpbia  nunc 
editur  ,  et  non  aliter ,  bac  loge  imprimi  posse  permittimus,  ut  nimirum 
typographis  quibuscumque  illud  iniprimere  volentibus,  id  facere  li- 
ceat,  requisita  tamen  prius,  et  iu  scriptis  obtenta ,  dileclorum  filiorum 
Inqiiisilorum  hsereticœ  pravitatis  in  iis  locis  iu  quibus  fuerint ,  ubi  vero 
non  fuerint,  Ordinaiiorura  locorum  licentia.  Alioquinsi  abaque  hujus- 
modi  licenlia  dictura  Breviarium  sub  quacumque  forma  de  caelero  ipsi 
imprimere ,  aut  bibliopolœ  vend^-re  praesumpserint,  typographi  etbi- 
bliopolse  extra  Slatnm  nost'um  Ecciesiasticum  existentes  excommuni- 
cationis  lalœ  senlentite,  a  qua  nisi  a  Romano  Pontifice,  praeterquam  in 
raoriis  arliculo  constituti ,  absolvi  nequant ,  in  aima  vero  Urbe  ac  re- 
liquo  Statu  Ecclesiastico  coramorantes  ,  quiugentorum  ducatorum  auri 
de  Caméra  ,  ac  amisbionis  librorum ,  et  typorum  omnium  Cameraî  prae- 
diclae ,  applicandorum  pœnas  absque  alla  deciaratione  irremissibiliter 
incurraut  eo  ipso.  Et  nibilominus  eorumdem  Breviariorum  per  eos  de 


SIC  INSTITUTIONS  LITURGIQUES. 

caetero  absque  bTJjusmodi  licentia  impriraendorum  aut  vendendorum 
usum  ,  ubique  locornm  et  gentium  s-ub  eisdem  pœnis  perpétue  inter- 
dicimuset  proliiberaus.  Ipsi  autem  Inquisitoresseu  Ordinariilocorum  , 
antequam  hujusmodi  licentiam  concédant,  Breviaria  ab  ipsis  typogra- 
phis  imprimenda  ,  et  postquam  impressa  fuerint ,  cum  hoc  ISreviario 
auctoritate  uostra  recognilo  ,  et  nunc  irapres«o ,  diligentissime  confé- 
rant ,  nec  in  illisaliquid  addi  vel  detrahi  permittant,  et  in  ipsa  licentia 
original!  de  collatione  facta ,  et  quod  omnino  concordent,  manu  propria 
attestentur;  cujus  licentiae  copia  initio,  vel  in  calce  cujusque  Breviarii 
semper  imprimatur;  quod  si  secus  fuerint,  Inquisitores  videlicet  pri- 
vationis  oflBciorum,  ac  inbabilitatis  ad  illa  et  alla  in  posterum  obti- 
nenda  ,  Antistites  vero  et  Ordinarii  locorum  suspensionis  a  divinis ,  ac 
inlerdicti  ab  ingressu  Ecclesiae,  eorum  veroVicarii,  privationis  simili- 
ter  officiorum  et  beneficiorum  suorum ,  et  inhabilitatis  ad  iila  et  alia 
in  posterum  obtinenda,  ac  praeterea  excommunicationis,  absque  alia 
deelaratione,  ut  prsefertur,  pœnas  incurrant  eo  ipso.  BuUarium  Ro- 
manum.  Tom.  III.  pag.  149. 


FL\  DES  NOTES  DU  QUINZIÈME  CHAPITRE. 


TABLE  DES  CHAPITRES 

DU  PREMIER  VOLUME. 


Pag. 
Chapitre  premier.  Notions  préliminaires 1 

Chapitre  II.  Importance  de  l'étude  de  la  Liturgie. ...       6 
Chapitre  III.  Etat  de  la  Liturgie,  au  temps  des  Apôtres.     47 

Notes  du  Chapitre  III 45 

Chapitre  IV.  De  la  Liturgie ,  durant  les  trois  premiers 

siècles  de  l'Eglise 46 

Notes  du  Chapitre  IV 81 

Chapitre  V.  Delà  Liturgie,  dans  l'Eglise  en  général , 

au  quatrième  siècle 87 

Notes  du  Chapitre  V 119 

Chapitre  VI.  De  la  Liturgie  durant  les  cinquième  et 
sixième  siècles.  Premières  tentatives  pour  établir 

l'unité 127 

Notes  du  Chapitre  VI 159 

Chapitre  VII.  Travaux  de  saint  Grégoire  le  Grand  sur 
la  Liturgie  Romaine.  —  Progrès  de  cette  Liturgie 
dans  l'Occident.  —  Auteurs  liturgistes  du  septième 

et  du  huitième  siècles. .  ; 162 

Notes  du  Chapitre  VII 192 

Chapitre  VIII.  Digression  sur  les  autres  Liturgies  d'Oc- 
cident :  Ambrosienne ,  Africaine ,  Gallicane,  Gothique 

ou  Mozarabe ,  Britannique  et  Monastique 194 

Notes  du  Chapitre  VIII 221 


51 s  TABLE. 

Pag. 

Chapitre  IX.  Autre  digression  :  sur  l'histoire  des  Li- 
turgies Orientales  :  —  Grecque  Melchile  :  —  Copte , 
Ethiopienne ,  Syrienne ,  Arménienne ,  pour  la  secte 
Monophysite  ;  —  Copte ,  Syrienne,  Arménienne  unies  ; 

—  Maronite  ;  —  et  Chaldéenne ,  pour  la  secte  Nesto- 
rienne .. .., 225 

Chapitre  X.  Abolition  de  la  Liturgie  Gallicane.  Intro- 
duction de  la  Liturgie  et  du  chant  de  l'Eglise  Romaine 
en  France.  Première  origine  de  la  Liturgie  Romaine- 
Française.  Modifications  introduites  dans  le  chant. 
Auteurs  liturgistes  des  neuvième  et  dixième  siècles. .  243 

Notes  du  Chapitre  X 276 

Chapitre  XI.  Abolition  du  rite  Gothique  ou  Mozarabe 
en  Espagne.  Travaux  de  saint  Grégoire  VII  sur  la 
Liturgie.  Progrès  du  chant  ecclésiastique.  Rite  Ro- 
main-Français. —  Auteurs  liturgistes  des  onzième  et 

douzième  siècles 280 

Notes  du  Chapitre  XI 328 

Chapitre  XII.  Révision  de  l'Office  Romain  par  les  Fran- 
ciscains. —  Bréviaire  des  Dominicains,  des  Carmes, 
etc.  —  Office  du  Saint-Sacrement.  —  Caractère  du 
chant  ecclésiastique ,  au  treizième  siècle. —  Auteurs 

liturgistes  de  cette  époque 353 

Chapitre  XIII.  Altération  de  la  Liturgie  et  du  chant, 
durant  les  quatorzième  et  quinzième  siècles.  Néces- 
sité d'une  réforme.  —  Léon  X.  Clément  VII.  Paul  IIL 

—  Ferreri  et  Quignonez.  —  Burchard  et  Paris  de 
Crassis.  —  Liturgistes  des  quatorzième  et  quinzième 
siècles 359 

Notes  du  Chapitre  XIII 396 


TABLE.  itlO 

Pag. 
Chapitre  XIV.  De  riiérésie  anti  -  liturgistc ,  et  de  la 

réforme  prolestanle  du  seizième  siècle,  considérée 

dans  ses  rapports  avec  la  Liturgie 405 

Chapitre  XV.  Réforme  Catholique  de  la  Liturgie.  — 
Paul  IV.  Pie  IV.  —  Concile  de  Trente.  Saint  Pie  V. 
Bréviaire  Romain.  Missel  Romain.  —  Introduction  de 
la  Liturgie  réformée  en  Italie ,  en  Espagne,  en  France 
et  dans  le  reste  de  l'Occident.  —  Palestriua.  —  Sixte- 
Quint.  Congrégation  des  Rites.  —  Grégoire  XIII. 
Réforme  du  Calendrier.  Martyrologe  Romain.  —  Clé- 
ment|VIII.  Pontifical  Romain.  Cérémonial  Romain.— 
Auteurs  liturgistes  du  seizième  siècle ^26 

Notes  du  Chapitre  XV Ma 


FIN   DE  LA  table  DU  PREMIER  VOLUMB. 


431U1E