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Full text of "Instructions theologiques et morales, sur le premier commandement du decalogue"

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{     BIBLfOTHEC/ 


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in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.arcliive.org/details/instructionstlieo02nico 


\ 


IJsFSTRUCTîONS 

THEOLOGIQJJES 

ET    MO  RALES, 

SUR    LE 

PREMIER  COMMANDEMENT 

DU  DECALOGUE. 

OV      IL     EST    TRAITE"' 

De  la   Foy  ,   de   rEfperance , 
&c  de  la  Chanté. 

Par  feu  Monjîcur  Nicole. 
TOME    SECrOND. 


Chez  E  L  I  E 


E  J  o  S  S  i  T  ^'ÇyPMf&^ Jacques 
à  la  Fieur-de-Lys  <i'or. 


M.     D  G  C.     I  X. 


BÎBLIOTHECA 


.  ATâ3 


t3  ■  B3  £«  £*s  m  ©s  m 

TABLE 

DES 

INSTRUCTIONS. 

SECTIONS 
ET    CHAPITRE  S 

Contenus  dans  ce  IL  Volume. 
Huitie'me    Instructiok. 

ÇVite  de  la  Charité  enters  pj-mème  ,   ou 

*^    des    devoirs     de    l'homme    envers    fon 

ame.  Page  it 

Section    Première, 

Du  règlement  de  l'imagination^  ou  des 
Paflions. 

Chapjtrï  I,    7^  £'s    imagïnttt'tent  ,     ^  du 
^>iJftons    déréglées.    Reme" 


TaBLÏ    DE5  InSTUVCTIONS, 
des  ^u'ofiy  feut  appêrter.  f 

Ch.  II.   Du  reniement   des  pajfions   en  gène- 

fdl.  lO 

Ch.  III.  Des  remèdes  généraux  des  faf" 
(ions.  14 

Ch.  IV.  Des  remèdes  fdrticMliers  des  pxf~ 
/tfins.  Que  le  principal  efi   de  fe  délivrer  du 

WAWVAtS     dmOUY.  iç 

§.  I.  De  ijuelle  manière  il  faut  combattre  la 
première  efpece  de  concupifcence  ,  qui  ejî  /'4- 
mour  du  plajjir.  iS 

5.  II-  Remèdes  contre  /<»  féconde  efpece  de 
concupifcence ,  éjui  eji  U  curiofité,  oh  l'a- 
mour de  la  fcience.  41 

$.  III.  De  la  troifiéme  efpece  de  c»ncupifcen- 
€e  ,  qui  ejf  l'orgueil  de  U  vie  ,  ou  l*amcitr 
de  l'élévation.  ^o 

Ch.  V.  Des  autres  paffiens  qui  na'iffent  dt* 
mauvais  amour.  Des  remèdes  qu'il  j  faut 
apporter.  59 

5.  I-  De  la  crainte  des  maux  humains.  6£ 

$.  II.  De  U  crainte  des  j:igemeas  des  hom- 
mes ,  9H  de  la  m.iuvatfe  honte.  70 

$.  III.  De  la  troifiéme  forte  de  crainte ,  qui 
eJl  la  ^Ujillanimiié.  78 

Ch.  VI.    De  la  tri/icjfe.  £9 

S.  I.  De  la  trtjlejfe  qui  naît  de  l'humeur  ,  Ô* 
du  tempérament.  ^o 

5.  II.  De  la  fscenis  forte  de  trijleffe  ,  quùr% 
appelle  fecherejfe  ,    oh  dsfol.tttâ/j.  97 

5'  III.  De  la  trtfiejfe  eau  fée  p.:r  les  afflictions, 
(5»  les  maux  qui  arrivent  dans  la  lie.  Com- 
ment on  j  peut  remédier.  io> 

AnTicLE.  i.  De  U  préparation  aux  apic- 
tion:.  ic^ 


Sections  et  Chapitres. 

JIrT  h.  De  Cf  qu'on  doir  fuiYc  an  ten.ps  ds 
l'afflfâion.  117 

Art.  III.  De  la  trijlejje  qu'en  canf oit  de  fes 
pech-z.  1^% 

f.  IV.  De  U  djUAtriéme  forte  de  trijîejfe  ^  qui 
efl  cehe  que  Von  conçoit  du  hien  defonpro^ 
chat^i  ;    ou  de  Vernie.  138 

Çh.  VII.  De  la  colère.  Des  remèdes  que  /* 
fh'lofophie  Payenne  a  tAche  d'y  apporter' 
Avantages  de  la.  Religion  Chrétienne  fur  la 
Phtlofdphie  Humaine  en  ce  pomt.  1^0 

Çh.  VIII.  De  la  haine.  Comment  elle  fe  forme 
dans  le    cœur.  Ses  remèdes.  ié6 

Ch.  IX.  De  la  tranquillité  de  Vefprit.  Com- 
ment on  fe  la  peut  procurer,  ^^e  la  Relim 
gîon  chrétienne  en  fournit  des  mejens  plus 
fur  s  que  la  Philofophie  Payenne.  1J2, 

Section    Seconde, 

pu  règlement  de  Tentendêment  ,   ôC 
de  la  volonté. 

Çhap.  f.  JON  quoy  conftjle  le  règlement  de 

'*^     l'entendement  i  (^  de  lavolen-' 

té.  19^ 

Çh.  II.  Ce  que   c'efi  que  la  fcience  du  falut, 

Corrtbien  cette  fcience  efi  deftrxtble  ,   &  peu 

defirée.  19  9 

Ch.  III.  Des  troyens  ordinaires  de  s*injîruire 

de'  veritez  du  falut.  '   2.07 

§.  I.  Premier  mojen  de  s'injîruire  du  falut, 

qui  eji  la  leciure.  -  ^^9 

i  iij 


Tablï  des  Instructions ,• 

Art.  I.  De  U  necejfite  de  U  U.ture.  ic> 

Art.  Il-    De  quelle  manière  on  dêit  faire  fes 
UcÎHres  ffirttueUei.         •  xi^ 

Art.  111.  Dei  livres  que  l'on  doit  lire  y   éf* 
particulièrement  de  l' Ecrilnre  fainte.         xi% 

Art.  IV.   Ce  que  doivent  futre  ceux  q»i  m 
(ça vent  f4.i  lire..  I3i 

i.  II.  Du  fécond  mùjen  de    s*  in  fruité   de  I4 

fcience   d'x  falfit  ,    qni    ef  Vtnfruciïon   des 

Pafeurs.  t37 

Gh.  IV.  Ce  qu'il  faut  conftderer  dam  lecho:ji 
d'un  Dire  (leur.  145 

§.   I.  De  U  necejfité  de^  D':rfcîeurs.  Ibid. 

^.  II.  De  ce  que  doivent  fuire  ceux  qui  ne 
ffauroienî  trouvtr  de  Directeurs  dans  le 
lieu  ou  ils  vivent,  161 

i.  III.  Des  qualitex,  d'un  VheSîeur.  i5S 

§.  IV.  De  ce  que  l'on  doit  cratndie  dans  la 
Direcîion.  X74 

Ch.  V.  D:  ce  qne  Von  doit  conftderer  dans  U 
choix  des    opinis-is,  179 

jQuESTi-ON.*I.  Si  une  opinion  probable  peut 
exemier  de  péché ^  hrfqu'il  s'^'^X'^  '^  ''  ^'^'^ 
naturel,  ^  que  cette  opinion  ff  f^-ffe.     iS^ 

Art.  I-  Examen  de  quelques  d.'jficHltez  fur 
cette  djc7rifie.  30O 

Art.  h.  Ecluircijfement  de  quelques  autres 
d:jfîcultez  fur  cette  tnême  mutisre.  313 

Art.  III.  Divers  inconveiiitu  de  cette  doc* 
tri  is  f-^ujj^  ^erronée.  QHj4->;à  op  m  ^ot^  pro- 
bable ,  fi-'JJs  0*  contraire  au  irait  n-t^urel, 
ne  Ixjfe  bas  d'être  Une  règle  q^^on  peut  fui^ 
l'Ye  t>-'  fài'-.té  Àe  confi-^nce.  310 

>.QUEST.  II.  Ss  ur.e  opinion  probable  i  qui  nUJtr 
contrAiTu    qu^aa  dr^it  fofùf   h>tmain  0» 


Sections  et  Chapitrîs. 

divin  y  fent  être  fuivit  f-^ns  péché.  515 

<QuisT.  III.  Si  l'on  fettt  choifir  feur  regU 
Àê  fes  Avions  l'opinion  la  moins  probable  é* 
la  moins  fûre  f  en  quittant  la  pUts  probable 
^  la  plus  f are.  350 

(Que ST.  IV.  S'il  eji  permis  defui'vre  l'opinion 

'  fûre  ,  lorfqut  la  contraire  eft  la  plus  proba- 
éle,  341 

Ch.  VI.  Ce  qu'il  faut  confîderer  dans  le  choix 
d'un  genre  de  vie.  3  4  S 

5.  I.  Combien  le  ehoix  d'une  condition  efi  im- 
portant. 34^ 

$.  II.  Combien  tl  eJi  difficile  de  choifir  un 
genre  de  vie.  354. 

§.  III.  JDe  la  vue  de  la  dépendance  de  Dieu- , 
quon  doit  avoir  dans  le  choix  d'un  état.  359 

5.  IV.  Quelles  règles  en  doit  fuivre  dam  le 
choix  d'un  genre  de  vie.  363 

ÎArt.  I.  "Des  maximes  qui  doivent  porter  à 
s'éloigner  abfolument  de  certains  états.    3^4 

'Art.  1 1.  CênfiAerations  qui  doivent  donner 
de  l'inclination  pour  certains  états  ,  (^  de 
l'éloignement  pour  d'autres,  373 

Çh.  VII.  Ce  qu'il  faut  eenfiderer  dans  le 
ihoix  des  vertus.  351 


Neuvie'me    Instruction. 

De   l'amour  du    prochain  ,  ou  de  la 
charité  envers  le  prochain. 

Çhap.  I.  (1*^6  l'amour  de  Dieu  produit  ne^ 
"^N  cejf^irement    l'amour  du  pro-. 
a  iiij 


Table  des  Instructions, 

ehiin.  35^ 

Ch.  II.  De  quelle n'itHreeJi  cet  amour  dn  pY:;' 

ih-iit  ,   on   cette   churite  qut    nous   eji  com-* 

mandée.  402. 

Ch.    III-   De  l'étendue  de   la  charité  enxnn 

le  prochain.  471 

Ch.  IV.  Du  Tam^ur  des  ennemis.»  414 

Ch     V.  A  qiioy    oblige    l'amour    des   ennc 

TTiii.  *4i3 

Ch.  VI.    Dis  devoirs   particuliers  de  U  Ch.i" 
rité  envers  h'  yrochain,  451 

Section    Première. 

Du  fcandale*,    qui    cil    le    principal 

dommage   fpii-ituei  qu  on  peuc 

apporter  au  prochain, 

ChAP.  I.    T^E^    diverfes  fortes    de  panda^ 

^      les.  4^5 

j.  I.   Z>«  fcandale  pris  ,  ot*  du  fcandale  psf- 

fif.  ^  43<î 

5.  II.  Df4  fcandale  dânué t  oié  dufcandaleae^ 

tif.  441 

Cil.  II.  De  U  Yepdraticn  dn/catidale.      417 


Sections  ît   Chapttrî^,     * 

Section    5ïconde. 

De  ce  qu'on  doit  au  prochain  à  l'égard 

du  corps  ,  ou  des  devoirs  de  charité 

qui  regardent  le  corps. 

Çhap.  1.  7^^^  avantages  que  retirent  ceux 
'^  qui  pratiquent  les  devoirs  de 
charité'.  Quelle  fin  ils  doivent 
fe  profofer  en  les  exerçant.  Si 
on  y  eji  obligé  envers  tout  le 
monde,  ^66 

Ch.  II.  Du  principal  devoir  de  la  charité  cor- 
porelle y  que  Von  peut  rendre  au  prochain  , 
qui  ejl  l'aumône.  47X 

5.  I.  De  f  obligation  de  faire  Vaumone.  Ibid. 
$.11.  De  ce  qu'on  doit  appelier  fuperflu,  47^ 
§.  \\l.  Des  conditions  de  l'aumône.  490 

$.  IV.  Des  excufes  que  l'on  apporte  pour  s* t" 
xemter  de  fAtre  l'aumône.  454 

§.  V.  Avis  pour  la  pratique  de  Vaumortê 
•    Chrétienne,  501 

Section    Troisi  e'm  e. 

Des  devoirs  que  Ton  doit  au  prochain, 
à  regard  de  Ton  ame. 

Chap.  I.   7^E   V édification    qu'on  doit   atê 

prochain,  517 

Ch.    II.    De^  Vinjiruciion   que   Von   doit  até 

prochain  :  en  quelles  eccafions  on  la  doit  pra» 


TABtE    DES  InSTRTJCTIOKS,  A^C. 

tiquer.  St4 

Ch.  1H.  De  U  c9rreBi9n  fraternelle  f   ér*  de 

ce/fH*on  y  doit  êbfefver.  531 

Ch.  IV.  Dtifttfport  ou  de  U  toïlerance  ^c'efi-a- 

dire  y   de  la  condefcendance  ^   ^  delà  con- 

dhite  tfue  la  charité  oblige  de  tenir  envers 

ceux  a  V égard  de  qui  on  ne  peut  f as  frati- 

^uerU  cerreciton.  545 

fin  de  U  Table  du  M.  Volume 


INSTRUC^ 


INSTRUCTIONS 

THEOLOGIQJJES 

ET     MORALES 

SUR     LE     PREMIER 

COMMANDEMENT 

DU  DECALOGUE. 

H  U  I  T  I  E'  M  E 

INSTRUCTION- 

Suite  de  la    charité  envers  fof* 
même* 

O    V 

Des  devoirs  de  r homme  envers 
fon  ame. 

E  que  rhomme  doit  à 
fon  ame  5  eft-il  diffé- 
rend de  ce  qu'il  doit  ou 
à  Dieu  5  ou  à  fon  corps  ? 
R.  Nullement  ;  ces  devoirs  fe  corn- 
Tome  II,  A 


t  De  LA  Charité* 
prennent  les  uns  les  autres ,  ou  en 
tout,  ou  en  partie.  Tout  ce  que 
l'homme  doit  a  Ion  ame  &  à  Ion 
corps  ,  il  le  doit  à  Dieu  ,  parce  que 
Dieu  eft  la  juftice  éternelle  qui  l'o- 
blige à  ces  devoirs  par  diverfes  rai- 
fons.  Tout  ce  qu'il  doit  à  Ton  corps , 
il  le  doit  à  Ton  ame  ,  parce  que  c'eft 
Tame  qui  règle  le  corps ,  Se  l'ame 
cft  déréglée  la  première  quand  elle 
règle  mal  le  corps  :  ainfi  cette  divi- 
fion  de  ce  que  i'ame  doit  à  Dieu,  à 
{on  corps  ,  3c  à  elle-même  ,  n'efi: 
pas  exadte  ^  &  nous  ne  nous  en  fer- 
vons  5  que  parce  qu'elle  contribue  à 
donner  des  idées  plus  nettes  &  plus 
diftindes  des  règles  de  la  morale 
chrétienne. 

D,  En  quoy  confifte  donc  le  rè- 
glement de  nôtre  ame  ? 

R.  Il  coniifte  à  en  régler  les  diver- 
fes parties ,  qui  font  Timagination  , 
Tappetit  fenfitif  ou  les  pâmons  ,  la 
volonté  ôc  l'entendement  ;  ainii  ré- 
gler fon  ame ,  c'eft  mettre  toutes  ces 
diverfes  parties  dans  l'état  où  Dieu 
les  avoit  mifes  en  créant  l'homme  , 
c'eft  en  retrancher  autant  que  l'on 
peut,  tous  les  effets,  Ôc  toutes  le* 


împrefÏÏons    du   péché. 

V,  Y  a-t-il  de  la  différence  entre 
régler  l'imagination  &  les  paillons , 
ôc  relier  la  volonté  Se  l'entende- 
ment  à  Tégard  des  pafîîons  ? 

J^.  Cette  diftindlion  n'eft  pas  des 
plus  exadtes ,  car  on  ne  travaille  pas 
diredlement  fur  l'imagination  ,  ni 
fur  les  pafîîons  ,  qui  font  par  elles- 
mêmes  incapables  dérègle  ;  on  tra- 
vaille fur  l'entendement  &  fur  la 
"volonté  5  par  le  moyen  defquels  on 
règle  l'imagination  &  les  pafîîons  : 
ainfî  quoyque  pour  garder  quelque 
ordre  dans  la  fuite  de  ces  Inflruc- 
tions ,  il  paro'iile  que  nous  mettons 
de  la  différence  entre  le  règlement 
de  l'imagination  &  des  pafîîons ,  &c 
celuy  de  l'entendement  Se  de  la  vo- 
lonté -y  il  n'eft  pas  néanmoins  difïî- 
cile  d'appercevoir  que  tout  ce  qu'on 
peut  dire  fur  ce  fujet  ,  confifte  à  é- 
clairer  l'entendement  touchant  l'ima- 
mnation  &c  des  pafîîons ,  à  Tinîtrui- 
re  des  veritez  qui  en  contiennent 
la  règle  ,  à  exciter  la  volonté  à  l'a- 
mour de  ces  veritez  y  3c  à  luy 
faire  ainfi  concevoir  un  defîr  effi- 
cace   de   régler  c^s    puiifances  de 

A  ij 


}(:         DçlaChariti* 
l'ame  ^   ce  qui  forme    dans  la  vo» 
lonté    les    habitudes  ,     qu  on    ap- 
pellt   des  vertus. 


ENVERS    SOT-MEME* 


SECTION   PREMIERE. 

Du  règlement  de  Vimagination 
(jr  des  palJlonS' 


CHAPITRE    PREMIER. 

Des  imaginations  i  O'  des  fafjions 

dereglées^  Remèdes  quon  y 

peut  apportir» 

X>,  /'^U'efc-ce  que  l'imagina- 
Vcdoa? 

^.  Ce  n'eft  autre  chofe  que  Tame 
même,  eii-tanc  qu'elle  conçoit  les 
choies  corporelles  ,  &  qu'elle  s'en 
forme  des  images, 

D,  L'imagination  eft-elle  entière- 
ment  foumiic  à  la  raifon  &:  à  la  vo- 
lonté ? 

R,  Elle  l'étoit  dans  l'état  d'inno- 
cence ,  car  l'homme  n'v  concevoic 
rien ,  que  ce  qu'il  vouloit.  Mais  il 
s'en  faut  bien  qu'elle  ioit  prefen- 
l^ment  en  cet  état  j  au  contraire,  Ti-, 

A  iii 


fe  D  E    L  A    C  H  A  R  1  T  E* 

magination  prefente  fouvent  à  Ta- 
me  quantité  d'images  que  l'ame  dé- 
favoiie ,  ôc  qu'elle  voudroit  bien  ne 
pas  avoir  ;  elle  s'applique  fans  le 
congé  de  la  volonté  à  quantité  d'ob- 
jets dangereux  dont  elle  a  peine  à  fe 
retirer  :  li  en  eft  auflî  fouvent  de 
même  de  cette  partie  de  l'entende- 
ment qui  conçoit  les  chofes  fpiri- 
tuelles ,  car  elle  a  aufFi  fes  penfées 
involontaires  j  c'efl:  pourquoy  ce  que 
nous  dirons  ici  de  l'imagination,  doic 
être  audi  appliqué  aux  penfées  invo- 
lontaires de  l'entendement. 

D.  Quel  fen timent  faut- il  avoir 
touchant  les  penfées  que  l'on  a  mal- 
gré foy ,  ôc  les  images  involontai- 
res que  l'imagination  prefente  à 
Tefprit  ? 

-  J^.  L'ordre  naturel  de  l'homme  eil:, 
que  tout  y  obéiife  à  la  volonté  rai- 
fonnable  5  ainfi ,  il  faut  croire  que 
tout  ce  qui  eft  oppofé  à  cet  ordre,  efl 
déréglé  ôc  contraire  a  l'inftitutioa 
de  la  nature  ;  c'eft  pourquoy  il  le 
le  faut  haïr,  il  en  faut  gémir  ,  &c  il 
faut  y  remédier  autant  que  l'oa 
peut. 

Z>,  Quel  reiiîCde  peut-on  appoif-» 


ENVERS     SOY-MEMB.  J 

ter  à  CCS  imaginations  &  à  ces  pen- 
fées  déréglées,  puiiqu'elies  ne  font 
pas  loumiies  à  la  volonté  ? 

R,  On  ne  peut  pas  toujours  direc- 
tement étpuiïèr  ces  imaginations  , 
ni  ces  peniées  ;  parce  que  louventen 
s'appliquant  à  les  chaifer  ,  on  les 
rend  plus  vives  :  mais  on  le  peut  in- 
diredlement  par  plufieurs  moyens, 
dont  les  uns  le  doivent  pratiquer 
dans  le  temps  même  qu'on  eft  tra- 
vaillé d'imaginations  involontaires, 
les  autres  le  doivent  pratiquer  hors 
de  ce  temps. 

i>.  Quels  font  les  remèdes  qu'on 
doit  pratiquer  hors  du  temps  qu'on 
eft  travaillé  de  ces  imaginations  in- 
volontaires &  déréglées  ? 

F,  C'eft  i^.  De  ne  livrer  jamais 
fon  efprit  à  aucune  paiïion  ,  &  de 
«'accoutumer  à  éviter  les  mouve- 
mens  trop  fenfîblcs  :  car  l'agitation 
des  pafîlons  rend  les  imagées  plus  vi- 
ves ,  &  par  confequent  plus  vaga- 
bondes ,  &  moins  foumifes  à  la 
raiion, 

2°.  D'éviter  tous  les  difcours  ^ 
toutes  les  ledurcs  qui  peuvent  fouil- 
ler l'imagination  ,    &  de  fitisfaire 

A  iiij 


%         Delà  Qh  a  rite' 
promptement  &  fincercment  à  Dieu 
par  la  pcnitence  ,    fi  l'on  le  louvient 
d'être  tombé  dans  cette  faute. 

3^.  D'éviter  les  inutilitez  &  les 
ciuiofitez  déréglées  ,  parce  que  ce 
font  les  fources  de  ces  vaines  pen- 
fées. 

4°.  De  ne  s'entretenir  jamais  que 
de  penfées  raifonnables ,  en  prati- 
quant ce  que  dit  l'Eglife  :  Vt  femfer 
rationahUia  méditantes  ,  &  voluntate 
tlbi  &  aflione  flaceamus  :  car  il  n'y  a 
rien  qui  dérègle,  plus  l'efprit ,  que 
la  liberté  qu'on  luy  donne  de  s'oc- 
cuper de  vaines  idées  j  &  ceux  qui 
font  fujets  à  ce  vice  ,  ne  doivent  pas 
s'étonner  s'ils  ne  font  pas  maîtres  de 
leurelprit. 

D,  Quels  font  les  remèdes  qu'il 
faut  pratiquer  dans  l'agitation  ac- 
tuelle des  penfées  vagabondes  & 
vaines  ? 

-^.1°. S'appliquer  aux  chofes  ferieu- 
fes  ^  conformes  à  l'état  où  l'on 
eft.  i".  Détourner  doucement  fon 
imagination  quand  on  fe  fent  prelFé 
de  ces  peniécs.  5°  Regarder  ces 
penfées  avec  paix  ,  fans  impatience  , 
&  fans  trouble    :  car  le  trouble  ^ 


*  ENVERS     SOY-MEMÏ.  ^ 

l'impatience  les  rendent  plus  vives, 
4°.  Jetter  un  regard  tranquille  vers 
Dieu  5  pour  luy  témoigner  qu'on 
rejette  ces  penfées  ,  qu'on  luy  en 
demande  la  délivrance  ,  Se  qu'où 
l'attend  de  fa  grâce  avec  foumillion. 

X>.  Quel  eft  l'état  auquel  on  doit 
tendre  pour  la  règle  de  l'imagina- 
tion ? 

7?.  C'eft  celuy  qui  cft  décrit  par 
un  Auteur  moderne  du  Traité  de  la 
Vie  folitaire  ,  où  il  dit  ,  qu'un  hom- 
me de  bien  devroit  être  tellement 
inaître  de  les  peniées  ,  qu'il  pût 
s'appliquer  à  ce  qu'il  voudioit ,  fans 
être  troublé  dans  une  occupation, 
par  les  penfées  d'une  autre. 

D,  Comment  pourroit-on  venir  à 
bout  d'acquérir  cette  paix  &  ce  rè- 
glement de  l'efprit  ? 

^.  On  le  pourroit  en  ne  regardant 
que  Dieu  en  toutes  chofes ,  &  ne  s'y 
appliquant  que  pour  luy  obéir. 

I),  Quand  y  a-t-il  du  péché  dans 
l'application  ou  confentement  de 
l'ame  à  ces  phantômes  involontai- 
res ? 

J^,  Quand  l'ame  confent  volontai- 
rement à  les  avoir  de  à  s'y  appli- 


îo         Deia  Charité' 

quer  j  car  il  n'cft  pas  permis  d^ 
prendre  plaifir  a  voir  de  mauvais 
objets. 

D,  Que  faut-il  faire  pour  purifier 
fon  imagmation  Se  fa  mémoire  î 

R,  Il  la  faut  remplir  de  faints  ob- 
jets &  de  veritez  édifiantes  ,  &  en 
faire  tellement  la  principale  occu- 
pation ,  que  l'elprit  s'y  tourne  com- 
me naturellement ,  lorfqu'il  trouve 
du  loihr  :  car  il  eft  naturel  que  les 
idées  des  chofes  pour  lefquelles  nous 
avons  plus  dafFedion,  feprefentent 
plus  fouvent  que  les  autres ,  parce 
que  l'alfedion  les  excite. 


CHAPITRE     II. 

Du  règlement  des  Paillons 
en  gênerai. 

D,  /^Uelle  étendue  faut-il  don- 
V^ner  ici  au  mot  de  palTion  ? 
S^.  La  même  qu'au  mot  de  con- 
cupifcence  ,  quoy  qu'il  foit  ties-cer- 
tain  que  toute  pafîion  n'eft  pas  con- 
cupifcence  ^c'eft  pourquoyles  Saints 
Percs  ^  &  après  eux  les  Docleurs  de 


INVERS      SOY-MEMS.  ît 

l'Eglife,  ont  témoigné  que    Jefus- 
Chrift  a  eu  des   paiïîons  qu'il  exci- 
toit  à  la  vérité  luy-même  en  foy  , 
pour  témoigner  la  vérité   de  ia  na- 
ture   humaine.    Mais  comme  il  ne 
s'agit  ici  que  de  paiïîons  déréglées  , 
puifqu'il  s'agit  de  les  régler  ;  nous 
prendrons   le  mot  de  pafîîon  &   de 
concupiicence  pour  la  même  chofe, 
êc  nous  y  donnerons  la  même  éten- 
due 5  puifque  toute  paiïîon  déréglée 
efl:    concupifcence.    Ainfi,    comme 
la  concupifcence  peut  avoir  des  ob- 
jets rpirituels ,  nous  comprendrons 
aufîi  ces   fortes  de   concupifcences 
ipirituelles ,  fous  le  nom  de  pafîîon. 
B,    L'homme  eft-il  obligé  par  la 
charité  qu'il  fe  doit  à  luy-même ,  de 
travailler  à  remédier  au  dérèglement 
de  fes  paiïîons  ? 

^.  Si  on  eft  obligé  de  travailler  à 
la  guerifon  des  maladies  dangereufes 
de  fon  corps,  quand  elles  peuvent 
être  guéries  ;  on  eft  encore  à  plus 
forte  raifon  obligé  de  travailler  à  la 
guerifon  des  maladies  de  ion  ame  , 
qui  font  les  paiïîons  déréglées ,  par- 
ce qu'elles  font  bien  plus  dangereu- 
fes que  les  maladies  du  corps  ^  êc 


Il        De  LA    Charité* 
qu'elles  lont  toutes  capables  denoUs 
perdre  pour  l'éternité. 

jD.  Quel  efl;  le  mal  des  pafîîôris 
auquel  il  fa^ut  remédier  ? 

B.  Les  pafîîons  qui  portent  au 
péché  ,  &  qui  y  follicitent  la  volon- 
té ,  font  à  la  vérité  un  mal  ,  même 
lorique  Ton  n'y  confcnt  point,  par- 
ce que  ce  lont  toujours  des  tenta^ 
tions  dangereutes  ,  &  qu'elles  ébran- 
lent toujours  l'ame,  &  la  partagent  ; 
Mais  quand  la  volonté  s'y  foumet, 
la  paiïîon  devenant  par  là  dominan- 
te, elle  devient  un  véritable  vice  qui 
infecle  l'ame,  &:  qui  la  rend  coupa- 
ble, parce  qu'alors  cette  attache  «5^ 
ce  confentement  font  libres  6c  vo- 
lontaires. 

D,  En  quoy  confifte  donc  la  gue* 
rifon  des  paŒons  ? 

R,  Elle  confifte  à  l'égard  des  paf- 
fîons  dominantes, à  en  dégager  la  vo- 
lonté ;  &  à  l'égard  des  pâmons  non 
dominantes ,  elle  confifte  à  les  af- 
foiblir  &  k  les  éteindre  fi  l'on  peur, 

D,  Peut-on  ejperer  de  vaincre  to- 
talement quelque  padion  î 

R,     On  peut  terralfer  certaines 
pafîions  3  c'eft-à-dire  ,  les  aifujetir^ 


ÎNVERS    SOV-MEME.  t^ 

en    force  qu'elles    ne  nous    falfenc 
plus   de  peine   ni  de    refiftance ,  & 
ainfi  nous  donnent  moyen  de  tra- 
vailler   fur  quelques    autres,  félon 
que  S.  Auguftin  le  prefcrit  par  ces 
paroles  :    Une  de  vos  pallions  eft      calca  mor- 
morte  ,  &  l'autre  eft  vivante  ;  laïf-  ^Z'^^,:^ 
fez  là  celle  qui  eft  morte ,  &  com-  jacentem  ,  coa- 
battez  celle  qui  réllfte  :  mais  quel-  «;s,V""Mo™a 
ques  mortes  que  nos  pafîîons  paroif-  eft  enim  deicc^ 

r  -1  '       r  C  M  tatio  una  .    fed 

fent ,  il  ne  s  y  faut  pas  fier  ;  il  en  y^^,^  ,i,,/,  ^  ^ 
refte  toujours  la«racine  ,  dont  elles  iii'im,c{um non 

A  o      '    n.  T       confencis  ,  mor- 

peuvent  renaître  ;  &  c  elt  avec  railon  ti^cas  cum  cœ- 
qu'un  Philofophe  a  dit  que  les  vices  ?-^^^  omnino 

j  ■        -r  ■        j       L  non  deledare  , 

ne  s  appnvoiient  jamais   de  bonne  mordiîcafti. 
foy.    jyiti^  niinqna.m  bonk  Jîde  man-  ^-  ^'*S'  f"- 
fuejcunt,  ^.  ^^  ^ 

i>.     Quels  font  les  remèdes  des 
pafîîons  ? 

R,  Il  y  en  a  de  particuliers ,  dont 
nous  traiterons  en  détail  dans  la  fui- 
te. Mais  il  y  en  a  aulîi  de  géné- 
raux ,  &  ce  font  ceux  dont  il  eft  à 
propos  de  parler  iqà. 


-^^^t^ 


fjf        DelaCharzte* 


CHAPITRE    III. 

Vis  remèdes  généraux  des 
p^Jjions. 

D.  T?  N  quoy  confiftent  les  remc- 
J^  des  généraux  des  paflions  ? 

JR.  En  certaines  confiderations  , 
certaines  vertus  de  certaines  prati- 
ques qui  fortifient  i^ame  contre  tou- 
tes les  paiïions. 

D,  Rapportez-nous-en  quelques- 
imes  de  ce  genre  ? 

R.  Il  faut  1°.  concevoir  le  plus 
fortement  qu'on  peut ,  combien  il 
eft  dangereux  &  honteux  de  vivre 
par  paiïion.  Car  c'eft  en  quelque 
forte  dégrader  la  raifon ,  &  s'oppo- 
fer  à  Dieu  même,  puifqu'il  veut  que 
nous  foyons  conduits  par  la  raifon  -, 
c'eft  fe  mettre  fous  la  conduite  d'un 
guide  aveugle  ,  emporté  de  furieux, 
qui  eft  la  concupifcence ,  qui  eft  elle- 
même  dominée  par  les  impreflîons 
du  démon. 

1^.  La  vie  de  paflion  n'eft  qu'in- 
ftabilîcé ,  que  bizarrerie ,  &  qu'illu- 


Invers    soy-memî.  iy 

fion  5  puifqu'elle  nous  reprefente 
les  choies  tout  autres  qu'elles  ne 
font.  Ainii ,  fe  livrer  à  la  pafTion  , 
c'eft  proprement  fe  livrer  à  rillufion 
^  au  menionge. 

3°.  La  vie  de  pafîîon  efl  la  caufe 
univerfelle  de  toutes  les  fautes  &  de 
tous  les  malheurs  où  l'on  tombe  dans 
fa  vie  5  foit  félon  le  monde  ,  foit  fé- 
lon Dieu  -,  &c  Ton  ne  fçauroit  efpe- 
rer  de  bonheur  ni  dans  cette  vie  ni 
dans  l'autre  ,  qu'en  refiftant  à  fes 
pafïïons.  Il  faut  donc  regarder  la 
refiftance  à  fes  pallions  comme  la 
plus  importante  chofe  qui  foit  dans 
le  monde  -y  il  faut  le  refoudre  à  faire 
de  cette  refiftance  nôtre  principale 
occupation  ,  nôtre  principale  étude , 
&:  nôtre  continuel  exercice:  il  faut 
enfin,  que  ce  foit  l'un  des  principaux 
objets  de  nos  prières.  Cette  difpolî- 
tion  ,  quand  elle  eft  forte  &  fncere, 
eft  un  très-grand  remède  contre  les 
paiïions. 

4°.  Toutes  les  pafïïons  mauvaifes 
viennent  d'un  mauvais  amour  ;  car 
les  paiïions  ne  font  que  des  formes 
différentes  de  l'amour  ,  com.me 
nous  avons  die  ci-devant.   Or  toU'S 


16  De  LA  Charité* 
les  mauvais  amours  fe  corrigent  pab 
le  bon  amour,  qui  e(i  ccluy  de  Dieu: 
Ainfî  pour  lurmonter  toutes  les  pal- 
fions ,  il  n'y  a  qu'a  s'enraciner  .de 
plus  en  plus  dans  la  chanté  ,  ou  l'a- 
mour de  Dieu. 

5°.  Toutes  les  pafTions  viennent 
d'un  £iux  jugement ,  car  l'on  con- 
çoit toujours  les  choies  autrement 
qu'elles  ne  font ,  quand  on  les  con- 
çoit avec  paiïion.  Ainfî  l'amour  Im- 
cere  de  Dieu  comme  vérité  ,  par 
lequel  nous  délirons  de  la  fuivre ,  & 
de  nous  v  conformer  en  tout ,  eft  un 
remède  2;eneral  des  paiïions.  Cet 
amour  de  la  vérité  lupréme  ,  dompte 
&  arrête  la  pafîion  ,  en  nous  por- 
tant à  chercher  iincerement  ce  que 
la  vérité  prefcrit  fur  chaque  fujet. 
Mais  comme  le  plus  louvent  on  fe 
preilè  d'agir ,  &  que  la  concupilcen- 
ce  nous  foUicite  fortement  ,  on 
eft  fujet  à  croire  ,  &  à  juger  vray , 
ce  que  la  concupifcence  nous  propo- 
fe.  C'eft  pourquov,  c'eft  une  règle 
qu'on  devroit  preique  toujours  ob- 
ferver  ,  que  de  différer  fi  l'on  peut 
à  parler  &  agit,  jufqu'a  ce  que  Té- 
morion  des  paillons  ioit  appaiiée. 

6^ 


tîTVERS    SOY-MEM?.  I7 

6°.  Les  pallions  nagille lit  d'ordi- 
naire fur  l'ame:,  .^3  Jie  Tattirent  à 
elles  qu  en  la  lurprenant ,  en  l'ap- 
pliquant aux  objets  qu  elles  luy  prel- 
crivent ,  &  en  l'empêchant  de  voir 
ceux  qui  l'en  pouuroient  détourner, 
Ainfi  la  vigilance  lur  foy-mêmesCon- 
fifte  à  découvrir  ces  furpriies  ,  de 
à  donner  lieu  a  l'ame  de  recourir 
aux  objets  de  foy  -,  &  cette  vigilan- 
ce eft  un  grand  remède  contre  les 
pafîions  :  C'eft  une  garde  fidelle  qui 
empêche  les  feditions  intérieures  , 
êc  qui  les  reprime  aifément  quand  il 
5'en  élevé. 

D.  Qu.'eft-ce  que  dégager  l'ame  de 
la  fervitude  des  pallions  ? 

J^.  C'eft  nonYeulement  ne  leur 
prêter  point  extérieurement  le  mi- 
niftere  des  membres  du  corps  pour 
accomplir  les  deiirs  qu'elles  nous 
infpirent  ^  mais  c'eft  encore  n'adhé- 
rer pas  intérieurement  aux  mauvais 
dedrs  qu'elles  excitent. 

D,  Comment  eft-ce  que  les  paf- 
fions  s'afFoiblilîènt  ? 

F,  Elles  s'affoibliirent  quand  l'ob-  tua  advenus 
jet  qu'elles  prefentent  a  l'efprit ,  d^-  coacapiûemias 

^  .     ^  ^        r    (^  ir"  tuas  malas.  sur- 

vient moins  vit  <x  moins  agiilanc  ;  lexic  u»,  uns 

Tome  II,  B 


i8       De   laChari  t^* 
tu  minum  cou-  quand  l'clprit  eft  prompt  à  en  dé- 
rocuic  fargcrc ,  couvrit    1  illulion  ;   quand  les  juge- 
fed  iion  invenu  mens  Véritables  ,  &  les  mouvemens 

arma.    Apud  ira     .  i        •    /     l  ^   rr  •  T' 

tuain  impccus  dc  charitc  les  dillipent  ailemenr. 
<ft  apud  ce  ar-  Ainfi  cn  rcfiftant  à  fes  pafîîons ,  oit 

ma  lunt.  Sic  im-  i  '         •  ri  ^      i  rr 

pctus  inermis^  ôc  ne  dctruit  pas  kulement  la  paillon 
pjicit  jam  non  prefentc  ,    mais  on   en  afFoiblit  la 
tu  lurrcxii.  S-  1^  lource  .*  Car  la  concupiicence  ,  dic 
•'^■»""' ^•''•'^'  faint    Auguftin  ,   apprend   à  ne  fe 
plus  élever  quand  elle  s'élève  inuti- 
lement j  &  Tame  s'accoutume  à  con- 
cevoir promptement  les  idées  &  les 
mouvemens  qui  furmontent  la  con- 
cupifcence. 

R.  Ce  com.bat  contre  la  concupif- 
cence  eft-il  pénible  ? 
«aS"neft"  ^-  H  ''eft  tell eipeiu ,  qu'il  fait  la 
întijus  lententis,  plus  grande  partie  de  cette  croix  que 
ftinem'irilc  à^^"  nous  devons porter tous  les  joursjmais 
vciuntatccarna-  pour  nous  y  animer^  il  faut  penfer, 
bcariaTyorSt"  Premièrement  ,  que  nous  fom- 
«ioiore;îî  ,  duin  nies  juftement   condamnez  à  cette 

iiî  raciiare    par-  .      ■'         _  j    ii  n  -T       o- 

ccni  onfactudo  pci^^c  ,  &  qu  ehe  eft  comprile  & 
fieftitur  Quod  fiaurée  dans  celle  qui  a  été  impoféc 
qîiaû  nacus  etè  ^  la  femm.e  d  enfanter  avec  douleur. 
Ji!^us^ideft,ad  Parce  que  ditfaint  Auc^uftin  ,  on  ne 
rstus  eft  atFeAus  lurmonte  pomt  lans  peme  les  pai- 
poâ-  confuetu-  -^ons.  Et  î'ordre  de  Dieu ,  eft  que 
Qae  «oûfoeua^  î  hommc  dcchu  de  1  cçat  d  innocen- 


ÏKVÏRS     50Y-MEME,  I9 

ce  ,  cîe  la  paix  &  du  fouveraiii  em-  ^'^  "t  nafccreV 
pire  fur  luy-meme  ,    ou  Dieu  1  a-  r.  reiuaatum 
voit  établi ,  s'étant  par  le  péché  pre-  ^^  *  confucmàf- 
cipite  dans  la  lervituae  des  paillons ,  daUen.cont, 
îie  recouvre  point  cette  paix  ,  qu'en  ^'*"-  ^-  ^-  '- 
combattant  contr'elies  avec  effort.       Non  enim 

trandc  ad  lunî- 
mam  pacem  ubi  fammum  lllcntium  eft  j  nifi  cui  magao  ihepka 
luis  viciis  bcUigeravic.    ^^g.  in  Pf.  9.  ^ 

Hoc  eft  opu5 

Secondement ,  que  c*eft  la  euerre  noftium  mha* 
ou  nous  lommes  appeliez  ,  oc  que  camis  rpirica 
cette  o;uerre  eft  infiniment  plus  do-  mortificare 
rleuie  que  celle  ou  le  lignaient  les  te,  minueic/i«- 
conquerans ,  que  faint  Auguftin  ap-  ^^^^^^  >  ^"hx^'It 
pelle  avec  railon  de   petites  âmes  aa;Vnoftra,hrc 
iuperbes  ,  qui  font   poiledées  de  la  cfti^l^i^^^^,"'-' 
paillon  de  pouvoir  beaucoup  ,    oc  ^p.  fer  i^. 
<iui  ne  peuvent  rien  pour  guérir  de  .^^Jj'^a^^^-^ù 
pour  retenir  leurs  paillons.  cftectaai  pimi- 

mum  colle  ,    & 
ad  fua  vitia  fananda  ,  vcl  eciam  icfrafBanda  nihil  polUint    '^' ^ 

Troifiémement  ,  que  c'eft  là  nô- 
tre martyre  ,  &c  que  tout  martyre 
doit  avoir  Tes  peines  .  puifqu'il  doit 
mériter  une  récompenie. 

Enfin  ,  il  fliut  penfer  qu'il  fautalv 
folument  vaincre  ou  périr  dans  cette 
guerre^  &  que  l'unicrue  moyen  d'évi- 
.ter  de  tomber  dans  la  mort  éternel- 

B  ;,     ^ 


lo  Delà  Charité' 
le  ,  &:  d'être  à  jamais  fous  la  puif- 
fance  du  démon  ,  c'efl:  de  combat- 
tre Ôc  de  vaincre  en  cette  vie  nos 
paiïîons  ,  qui  font  les  armes  ,  dont 
le  diable  le  lert  pour  nous  furmonter. 

Ainfi  il  faut  renouveller  fans  cefïc 

la  refolution  de   refifter  à  fcs  paf- 

fions ,  &c  fur  tout  après  fes  chutes, 

•  &    au  commencement    de  chaque 

jour. 

£>,   Quand  faut-  il  commencer  k 
refifter  a  fes  pafïîons  ? 
ru^BablToifix?      ^-  ^n   ne   fçauroit    commencer 
nafccnces  maix  trop  tôt ,  parce  ouVlles  fe  fortifient 

oupiditates.quâ-  i  i-  •     •         ^  i 

^o  nafcitur  eu-  pr  la  neghgcnce  j  joint  a  cela  que 
piditas  3  antc-  1  ame   s'accoûtumc  aifément  à  leur 

<iuam   robiir  fa-  ,  o  ,1,  r  •     r     • 

ciat  adverfum  te  ccder  ,    OC  qu  eiies  lont  ninniment 
roa'a  confuctu-  plus  difficiles   à    furmonter    quand 

co  .  .  .  cum  par-  -^ , ,         r     r  C       -C  r-'    a. 

vuiaeftcupidi-    clies  le  lont  rortihees.  C  elt  pour- 
tas   eiideiiiam,  quoy  il  faut  tâcher  de  les  étouffer 

led  tiines  ne  eli-   ,-^       A    ^  ,.,       ^  /y-,  ,  ,    /^ 

fanonmoriatui^  le  piutot  qu  il  elt  poliibie  :  celt  un 

ad  petram  clide    ^yjg    ^q    |-0US     leS     PcrCS  ,     QUe    faiuC 
I-ctra  autcm  erac    ,  ^  .  ^  /     r 

chriftus.  jnFj,  Augultm  a  rcnterme  lous  ces  paro- 
''*•  les    du    Pfeaume  cent  trente -fix: 

J-deureiix  celuy  cjuï  écrafe  les  peths  en- 
fans  de  Babylone ,  c'eft-à-dire  ,  les 
pallions  encore  nailTantes  ,  contre  la 
-pierre  ,  qui  efl  Jefus-Chrifl:  ,  par 
qui  feul  nous  les  pouvons  furmour 
ter. 


ÏNVERS    SOY-MEME,  II 

Ainfi  la  plus  grande  inflrudion 
qu'on  devroit  donner  aux  enfans  , 
&  le  principal  exercice  auquel  on 
les  devroit  former  de  bonne  heure  , 
cft  celuy  de  refifter  a  leurs  pafîîons  ; 
ôc  il  eil  honteux  qu  on  ait  foin  de 
leur  apprendre  tant  d'autres  chofes , 
ôc  qu'on  fonge  fi  peu  à  celle-là  ,  qui 
néanmoins  eft  la  plus  utile  ôc  la 
plus  neceiïaire. 

D.  D'où  vient  que  Ton  avance 
il  peu  dans  la  m.ortiiîcation  des  pai^ 
iîons  } 

^.C'eft  par  diverfes  raifons.  i^.Par- 
ce  qu'on  ne  l'entreprend  gueres  tout 
de  bon  j  il  y  a  toujours  certaines  par- 
iions favorites  ,  aufquelles  on  ôte 
même  le  nom  de  pafîions  ,  pour  ne 
fe  pas  croire  obligé  de  les  combat- 
tre. 

2°.  Parce  qu'on  n'a  pas  aiTez  de 
perfeverance ,  ôc  qu'on  fe  laiïe  fa- 
cilement dans  cette  guerre  fpiri- 
tuelle.  On  voudroit  que  tout  fût 
fviiten  un  jour  ;  mais  cela  ne  va  pas 
ainfi  ,  la  mortification  des  pallions 
eft  l'ouvrage  de  toute  la  vie ,  ôc  elle 
ne  doit  finir    qu'avec  la  vie.  Dieu    Tune  eft  ff- 

y  f  1  nienda   puejia 

permet  quon  epi.ouveaans  ce  com-  ^uando    poft 


11      De  l  a  C  h  a  r  I  t  e* 
liinc  vîtam  fuc-  bat  diverfes  folblelfes ,  afin  de  noua 

cedic  pugnas  fc-  ,       v      ,  -i  i         • 

cura   Victoria,  apprendre  a  n  en  pas  attribuer  la  vic- 
L.  de  vttacon.iQ{^-Q   ^    j^q5  proprcs  forces.   Nous 

Ferimus  &  fc-  trappons  Cet  ennemi,  dit  laint  Augu- 
cimur,  iiieau-^jj^      ^   ^.^^  ennemi  nous  frappe: 

tem  vmcu  qui  .'       i-ivi  o  • 

quod  ferit  de     mais  ceiui-la  demeure  victorieux, qui 
vuibus  .f^iï  non  J^'^^JJ.j|3^ç  p^g  à  fes  proprcs  forces , 

f^;</,  de  ce  qu  il  le  rrappe  ,  c  eit- adiré  , 

de  ce  qu'il  furmonte  fes  pafïïons. 

5°.  Parce  que  nous  ne  fçavons  pas 
profiter  de  nos  chûtes ,  pour  en  de- 
venir plus  humbles  &  plus  vigi- 
îans,  &  que  nous  en  prenons  au 
contraire  à^s  fujets  de  négligence 
èc  de  découragement. 

4°.  Parce  que  nous  ne  fommes  pas 
affez  perfuadez  que  ce  n'eft  que 
par  le  lecours  de  Tefprit  de  Dieu ,  & 
de  fa  grâce  ,  qu'on  peut  venir  à  bout 
de  iurmonter  fes  paiïîons  j  de  forte 
que  Dieu  voit  toujours  en  nous  une 
fecrete  confiance  dans  nos  propres 
forces. 

i).  Peut-on  employer  des  moyens 
&  des  motifs  humains  pour  vaincre 
fes  paiïions  ? 

R.  Q^oy  qu  on  ne  puifîe  vaincre 
les  paflions  d'une  manière  chrétien- 
ne ,  que  par  la  grâce  ,  qui  n'eft  auy 


tre  chofe  que  Tamour  de  Dieu  -, 
néanmoins  comme  Dieu  a  accoutu- 
mé de  joindre  cette  grâce  aux 
moyens  humains  ,  on  doit  être  foi- 
gneux  d'y  avoir  recours. 

D,  Quels  font  ces  moyens  ? 

^.  Il  y  en  a  plufieurs.  i^.  De 
fouftraire  à  fes  paflions  ,  tout 
ce  qui  les  excite  ,  ôc  qui  les 
nourrit  ;  comme  par  exemple  ,  les 
entretiens  qui  les  aigriilent  ;  les  ob- 
jets qui  animent,  les  occafions ,  ôcc, 

2*".  D'employer  à  les  furmonter, 
le  fecours  de  quelques  pallions 
moins  mauvaiies  ;  comme  de  la 
honte  humaine ,  de  la  crainte  de 
Tinfamie ,  ôc  de  l'improbation  des 
hommes.  -^   • 

3°.  De  confiderer  fouvent  le  néant 
de  ce  qui  nous  agite  ,  afin  d'appren- 
dre à  le  mépiiler. 

4°.  De  comparer  fouvent  les  ju- 
gemens  que  l'on  porte  des  choies 
hors  le  temps  de  la  paffion  ,  avec 
ceux  que  l'on  porte  dans  le  temps 
qu'on  eft  agité  par  la  pafïion,  pour 
en  reconnoitre  l'illufion. 

D^  Seroit-il  utile  pour  fe  préparer 
à  combattre  les  pafîions  ^  de  rap- 


F 


i^         D  E    L  A    Ch  AR  IT  1* 

eller  lorlqu'on  n'en  eft  point  agité, 
'idée  des  mouvemens   qu'on  a  lei- 
fcntis } 

7^.  Cela  feroit  dangereux  à  Tégard 
des  tentations  d'impureté  ^maispour 
les  autres  objets  moins  agiilans , 
le  Combat  Spirituel ,  qui  eft  un  livre 
fort  approuvé  ,  le*  conieille  j  &  la 
raifon  eft ,  que  lorfqu'un  clprit  eft 
occupé  des  lumières  contraires  aux 
paiïions ,  ces  lumières  lont  capables 
par  elles-mêmes ,  non  feulement  de 
rejetter  ,  mais  auiïi  d'afFoiblir  les 
pallions  :  joint  à  cela  que  les  paf- 
fions  pour  l'ordinaire  font  tres-foi- 
blés  ,  quand  elles  ne  fe  prefentent 
pas  d'elles-mêmes  jmais  que  c'cft 
la  volonté  qui  les  rappelle  ,  &  qui 
les  force  ,  pour  ainfi  dire,  de  compa- 
roître  comme  des  criminelles ,  pour 
être  condamnées  &  confondues  par 
la  vérité  ,  &  par  la  raiion. 

2).  A  quelles  paiïions  faut-il  s'ap- 
pliquer davantage  ? 

R.  A  celles  qui  font  les  plus  dan- 
gereufeSj  les  plus  durables, ôc  dont  on 
le  lalTe  moins  ,  comme  l'amour  du 
plaifir,  de  l'honneur  <3c  du  bien. 

CHA- 


INVERS     SOY-MEME.  IJ 


CHAPITRE    IV. 

Des  remèdes  particulières  des  p^f- 
fions,  ^ue  le  principal  efi  de  fe 
délivrer  du  mauvais  amour. 

t>,  1^  St-il  neceffaire  de  chercher 
.C  <^ts  remèdes  particuliers  aux 
pafïïons ,  puifqiie,  comme  il  a  été  dit 
ci-devant ,  l'amour  de  Dieu  en  ell: 
le  remède  gênerai ,  &  qu'il  fufîit 
pour  les  vaincre  toutes  î 

^.  Quoyque  l'amour  de  Dieu  foit 
le    remède    gênerai    des    pafïïons, 
néanmoins  cet  amour  de  Dieu  prend 
diverfes  formes  pour  furmonter  les 
diverfes  paffions ,  <Sc  il  peut  naître 
de  diverfes  confîderations.  Il  ne  faut 
donc  pas  pour  furmonter  nos  paf- 
fions  5  feulement  aimer  Dieu  en  ge^ 
neral,   mais  il  le  faut  aimer  d^  la 
manière  oppofée  à  la  pa(ïîon  parti- 
culière qu'on  veut  furmonter.  Outre 
que  les  pallions  ne  fe  lurmontent 
pas  toujours  par  l'amour  de    Dieu 
feul  5  il  y  a  divers  motifs  qui  con- 
TornclL  C 


i6  De  LA  Charité* 
tiibucnt  a  cette  viéloire  ;  ainfî  il  efl 
bon  de  prcfenter  à  refprit  ces  mo- 
tih  ,  qui  étant  joints  a  l'amour  de 
Dieu,  fervent  a  lurmonter  les  pat 
lions. 

JD,  Quelle  eft  la  meilleure  voye. 
Se  la  plus  alfurée  pour  travailler  à 
vaincre  Tes  paiïions  ? 

F,  C'eft  d'en  conliderer  la  fource^ 
qui  eft  toujours  le  mauvais  amour 
dont  elles  naillent^^  de  tâcher  de  re- 
médier à  cet  amour  ;  car  la  triftelTè, 
lajoye  3  refperance  ,  le  defefpoir, 
la  colère  ,  la  crainte  ,  tirent  toujours 
leur  origine  de  quelque  amour, 
comme  il  a  été  dit  ci- devant  :  par 
exemple ,  on  ne  conçoit  de  la  triRef- 
fe  ,  que  parce  qu'on  efl:  privé  de  ce 
qu'on  aime  ,  &  de  ce  qu'on  fouhai- 
te  ;  on  ne  fe  met  en  colère  que  con-* 
tre  ceux  qui  s'oppofent  à  ce  que 
nous  deiirons ,  parce  que  nous  ai- 
m.ons  ce  que  nous  délirons  j  on  ne 
craint  de  perdre  que  ce  qu'on  defire 
de  poileder  ,  &  que  par  confequenc 
on  aime.  Ainli  quiconque  nous  ap- 
prend à  n'aimer  pas  quelque  choie, 
nous  apprend  en  même  temps  a  ne 
nous  pas  affliger  d'en  être  privé  ^  à 


SNVÊRS      SOY-MEME.  I7 

ne  craindre  pas  de  le  perdre  ,  à  ne 
nous  pas  mettre  en  colère  con- 
tre ceux  qui  nous  empêchent  d'en 
joUir ,  ôc  à  ne  nous  pas  trop  réjoiiir 
de  le  polfeder. 

Comme  il  y  a  donc  difFerens  ob- 
jets que  Ton  peut  aimer  ;  combattre 
en  détail  Tes  pafîîbns  ,  c'efl:  combat- 
tre en  détail  Tamour  de  ces  difFe- 
rens objets. 

D,  A  quoy  peut-on  réduire  ces  di- 
vers amour  ,  dont  il  faut  tâcher  de 
délivrer  la  volonté  ? 

i?.  L'Apôtre  iaint  Tean  les  réduit  à    ^  . 

trois  j  lçavou*,i°.  la  concupilcence  ae  dïm  mundo , 
la  chair  ,  2^.  La  concupilcence  des  ^o^^^^p^^^^^^^^J 

,  1     t      I         •  }  carnis  eft  ,    ôc 

yeux  5  5°.    L'orgueil  de  la  vie  j  c'eft-  eoncupiicentia 
à-dire,    à  l'amour  des  chofes  qui -;'-;- '„,^,. 
nous  caufent  quelque  plaifir   lenfi-  joan,  1.  is. 
ble  J  à  l'amour  de  la  fcience,&:  à  Ta^ 
mour  de  l'élévation.  Mais  chacun  de 
ces  amours  généraux  fe  peut  encore 
divifer  en  divers  amours  particuliers. 
Tous  ceux,  par  exemple,  qui  aiment 
le  plaifir,  n'aiment  pas  toujours  les 
mêmes  plaifîis ,  &  il  arrive  même 
fouvent  que  !a  pafTion  pour  un  cer- 
tain plaifir  ,  étouffe  celle  qu'on  avoit 
pour  tous  les    autres  j    le  cœur  de 

c, 


iS       DelaCharite' 
l'homme  étant  fi  étroit  ôc  Ci  borné  , 
qu'il  n'eft  guère  capable  que  d'une 
forte  pafîîon. 

jD.  Que  faut- il  donc  faire  pour 
fortifier  ion  ame  contre  les  paiïions  ? 

\R,  Il  faut  la  fortifier,  contre  ces 
trois  pallions  principales ,  aufquelles 
toutes  les  autres  fe  réduifent  j  de  de 
plus ,  il  eft  utile  de  fe  munir  de  re- 
mèdes contre  les  pallions  particuliè- 
res pour  certains  objets ,  &  princi- 
palement contre  ceux  auiquels  on 
îe  feroit  attaché. 

§.   I. 

Di  qt4elle  ?naniere  il  frut  tomhfiU 
tu  U  première  efpece  de  conm- 
fifcc?iU  ,  qui  cjl  l^amoftrdupUi- 
Jir 

D.  Eft-ce  une  pafnon  difficile  à 
vaincre  que  l'amour  du  plaifir? 

R.  On  en  peu:  juger  par  le  nom- 
bre efFroyable  de  ceux  qu'elle  pré- 
cipite dans  l'enfer.  Se  par  le  peu  de 
perfonnes  qui  la  furmont  Mit.  La- 
mour  du  plaifir  a  régné  fouY<?raine- 


INVERS     SOY-MEWï.  If 

ment  dans  le  monde  juiques  à  Je- 
rus-Chrill:  :  nul  des  payens  ne  la. 
parfaitement  furmonté  ,  ôc  n  a  lon- 
gé à  fuir  le  plaifir  pour  le  plailir.  Ce 
même  amour  re^ne  encore  dans,  tous 
les  o;ens  du  monde,  ôc  très- peu  de 
Chrétiens  le  combattent  de  bonne 
fov.  Les  ambitieux  même,qui  fem- 
blent  fe  propoler  un  autre  objet ,  fe 
flattent  d'ordinaire  de  la  penfée  de 
mener  une  vie  de  plaiiir  ,  quand  ils 
auront  atteint  le  point  de  grandeur 
auquel  ils  afpirent.  Enfin,  on  peut 
dire  que  Tamour  du  plaifir  fe  dé- 
guife  en  toutes  fortes  d'autres  paf. 
Sons,  &  que  tres-fouvent  il  drellc 
des  pièges  aux  Saints  mêmes  ,  ôc 
qu'il  leur  fait  commettre  une  infini- 
té de  fautes, 

D,  De  quelles  confiderations  peut- 
on  fe  fervir  pour  combattre  l'amour 
du  plaifir  ? 

^.  Il  y  a  des  confiderations  ôc  des 
reflexions  qui  Ibnt  particulières  aux 
plaifirs  criminels  ,  &:  d'autres  qui  s'é- 
tendent à  ceux-même,  ou  qui  ne  nous 
rendent  que  veniellement  coupables, 
ou  qui  peuvent  être  même  légitimes, 

A  l'égard  des  plaifirs  criminels ,  la 

Cii) 


30         De  LA  Charité' 

moindre  lumicre  de  la  foy  fafHt  pour 
nous  les  faire  regarder  comme  un 
goufFre  ,  comme  un  abîme,  comme 
une  porte  de  la  mort  éternelle  &  de 
Tenfer  :  &  il  arrive  rarement  que 
l'on  fe  porte  à  les  rechercher  vo- 
lontairement ,  lorlqu'on  s'en  cftfait 
une  idée  aufîi  effrayante  ,  ôc  qu'on 
les  regarde  en  cette  manière.  En  ef- 
fet 5  à  quoy  nous  follicite  ce  plaifir  ? 
A  préférer  le  temps  à  l'éternité ,  le 
néant  au  tout ,  l'extrémité  de  la  baf- 
ùiVe  à  la  fouveraine  grandeur ,  & 
TEnfer  au  Paradis  j  c'eft  là  néanmoins 
ce  que  le  démon  nous  propoie  par 
l'idée  de  ces  plaifirs  ,  dont  il  excite 
en  nous  l'amour  :  mais  pour  affoiblir 
cette  idée  pernicieufe  ,  il  n'y  a  qu'à 
fe  perfuader  qu'une  éternité  de  ces 
miferables  plailîrs  ,  ne  vaudroit  pas 
un  moment  de  ces  maux  effroyables 
que  Dieu  prépare  aux  méchans  en 
l'autre  vie  ,  ni  encore  moins  un  mo- 
ment de  ces  biens  ineffables  dont  il 
comblera  Ces  Elus.  Que  peut-on 
donc  dire  de  la  folie  de  ceux  ,  qui 
par  un  choix  aufîi  infenfé ,  préfèrent 
quelques  momens  de  ces  plaifirs 
brutaux  que  la  concupikence  pro» 


ENVERS     SOY-MEME.  ^I 

pojfè,  à  réceniité  de  ces  mr.ux  &  de 
ces  biens.  Qai  ne  verroit  jannais  les 
plaiiirs  qu'au  travers  de  ces  idées  au- 
tant véritables  qu'elles  font  altreu- 
fes^en  feroit  beaucoup  moins  touché. 
Ainfî  5  comme  l'un  des  plus  grands 
rnaux  des  hommes  eil  de  féparer  or- 
dinairement l'idée  des  plaiiirs ,  des 
fuites  qui  en  font  réellement  &  de 
fait  inféparab les;  l'un  des  plus  grands 
remèdes  au  mal  que  l'amour  des 
plaifirs  peut  caufer  à  nôtre  imagina- 
tion ,  ell:  de  réunir  par  la  penfée  ce 
qui  ed  joint  en  effet,  &c  de  ne  regar- 
der jamais  les  plaifirs  qu'avec  leurs 
iuites. 

Tout  homme  qui  fe  fent  preflé 
du  deiir  de  quelque  plaifir  criminel, 
doit  confiderer  que  s'il  y  fuccom- 
boit  ,  il  luy  feroit  bien  plus  difficile 
de  s'en  retirer  ,  qu'il  ne  luy  eft  de 
n'y  pas  tomber  ;  éc  comme  il  eft  ne- 
ceifaire  de  s'en  retirer,  ou  d'y  périr, 
il  vaut  fans  doute  bien  mieux  n'y  pas 
tomber  :  il  doit  coniiderer  dé  plus , 
qu'il  eft  impofîible  qu'il  arrive  par  le 
péché  au  repos  &c  au  plaiiir  qu'il  cf- 
père.  Car  il  faut  necelïairement  ou 
que  ceux  qui  s'engagent  volontaire- 

C  iiij 


32      Delà   Qh  a  r  i  t  e' 
ment   dans   le  péché  ,  étoufFent  en 
eux  tous  les  fentimcns  de  Religion  , 
ou  qu'ils  les  confervent  dans  leur  ef- 
prit  5  en  les  bannilTànt  de  leur  cœur. 
S'ils  étouffent  en  eux  tous  les  fenti- 
mcns de  Religion  ,    l'état  malheu- 
reux  dans  lequel  ils  tombent  eft  (i 
terrible  ,  que  Tame  ,  quelque  refo- 
lution  qu  elle  prenne  ,  n'a  pas  allez 
de  force  pour  bj  foutcnir ,    parce 
qu'il  efl:  impolîîble  qu'elle  n'apper- 
^oive  rhorreur  que  tous  les  hommes 
ont  de  ceux  qui  font  dans  cette  déte- 
flable  difpofition  ;  &  que  Tapperce- 
vant  ,  elle  n'en  foit  pas  troublée. 
Que  il  en  confentant  au  crime,  ils 
n'éteignent  pas  tous  les  fentimens  de 
Religion  ;  ces  fentimens   fubiîftant 
dans  l'ame  ,  troublent  par  neceilité 
fa  paix  -y  ils  la  déchirent  par  des  re- 
mords inutiles  5  qui  ne  lufEfantpas 
pour  iuy  faire  abandonner  le  péché, 
fuffifent  pour  la  rendre  malheureufe. 
La  moindre  de  ces  raifons  fufEt 
pour  arrêter  l'ame  dans  le  penchant 
du  crime  ,  pourvu  qu'elle  en  ioitun 
peu    vivement    touchée  ;    de  afin 
qu'elle  le  foit ,    il  faut  tâcher  de  fe 
les    imprimer    fortement  hors    les 


ENVERS    SOY-MEMÎ.  ff 

temps  de  la  tentation  ,  afin  que  ces 
veritcz  fe  prefentent  plus  prompte- 
ment  3c  plus  facilement  dans  les  oc- 
'cafions  où  elles  font  necelîàires. 

£>,  Mais  fi  les  plaiiirs  que  la  conçu- 
pifcence  propole  ne  font  pas  ciimi- 
neis  ,  Se  s'ils  peuvent  même  paiFer 
pour  légitimes  ;  de  quelles  railons 
fe  peut-on  fervir  peur  en  préférer  la 
privation  à  la  jolliiîance^? 

^.  Quels  que  foient  ces  plaiïirs ,  il 
ell:  toujours  vray  qu'ils  s'évanoiiif- 
fent  aulTî-tôt  qu'on  en  a  joiii  ,  ôc 
qu'il  n'en  refte  qu'un  fouvenir  dan- 
gereux ,  Se  une  foibleiïè  efreclive 
qui  lie  l'ame  aux  créatures  ,  &  qui 
la  difpofe  à  fuccomber  encore  plus 
facilement  aux  attraits  du  plaifir. 

Quels  que  foient  ces  plaifirs,  ils  a- 
moliilfent ,  ils  obfcurciflent  &  appe- 
fantillent  l'ame  -,  ils  l'attachent  au 
corps  5  <Sc  la  retirent  des  objets  fpi- 
rituels. 

La  privation  d'un  plaifir  ,  à  la- 
quelle on  fe  porte  par  l'amour  de 
Dieu,  eft  certainement  un  bien  du- 
rable ,  folide  &.  éternel  :  elle  fou- 
lage l'ame  ,  elle  luy  donne  de  la  for- 
ce &  de   la  vigueur  pour  s'élever  à 


34  Dé  ia  C«  a  ïi  I  t  ê' 
Dieu,  elle  la  dégage  de  la  fervitudtf 
des  cireatui'es.  Quiconque  employé 
les  occafions  du  plaifir  ,  à  en  joiiir  , 
les  employé  a  un  ufage  vil  éc  mé- 
prilable,  &  les  laifle  proprement 
périr  ,  parce  que  cette  jouidânce 
périt  5  &  qu'il  ne  peut  empêcher 
qu'elle  ne  perilTe.  Mais  celuy  au  con- 
traire qui  par  la  privation  de  ces 
plaifirs ,  employé  ces  occafions  à  la 
mortifitation ,  en  fait  un  uTage  bien 
plus  grand  ,  bien  plus  relevé ,  ôc 
hicn  plus  folide  ,  puifqu'il  les  met 
il  profit  pour  l'éternité.  Ainfi  on 
peut  dire  véritablement  qu'il  y  a 
autant  de  différence  entre  l'un  de 
l'autre  ,  qu'entre  un  homme  qui 
employeroit  fon  bien  en  bagatelles 
periifables  ,  de  un  autre  qui  l'em- 
ployeroit  à  l'acquifition  de  bons  re- 
venus ôc  de  bonnes  Seigneuries  :  l'un 
eft  un  diiïïpateur  qui  employé  mal 
ce  que  Dieu  luy  a  donné  pour  s'é- 
tablir dans  l'éternité  -,  l'autre  au 
contraire,  eft  un  homme  fage  &  pru- 
dent ,  qui  ufe  des  chofes  que  Dieu 
luy  donne  ,  pour  les  fins  que  la  rai- 
ion  luy  prefcrit. 
Quel    regret    aura     donc    l'am.c 


ÏNVERS    SOY-MEMÏ.  )f 

quand  elle  verra  dans  Tautre  monde 
la  grandeur  des  biens  qu'elle  pou- 
voit  acquérir  par  ces  légères  priva- 
tions des  plailirs  ,  6c  le  néant  de 
ceux  qu'elle  a  choifis  ,  Ôc  aufqueis 
elle  s'eft  attachée. 

Ainli  c'eft  une  penfée  &  une  difl 
polition  digne  d'un  véritable  Chré- 
tien ,  de  ne  regarder  le  monde  ôc 
les  créatures  que  pour  s'en  priver , 
Se  de  croire  qu  elles  ne  font  bonnes 
qu'à  cet  ufage.  En  effet ,  rien  de 
plus  bas  ni  plus  petit  que  la  jouif- 
fance  des  créatures  ;  rien  n'eft  plus 
grand  ni  plus  relevé  que  la  priva- 
tion volontaire  des  créatures  pour 
l'amour  de  Dieu. 

La  privation  des  pîaifirs  ne  fert  pas 
feulement  à  nous  acquérir  un  méri- 
te pour  l'autre  vie  ,  elle  nous  fert  à 
nous  en  alTurer  la  juftice  dans  celuy- 
ci.  Qui  fe  prive  des  plaifirs,  afFoi- 
blit  leur  imprefîion ,  «Se  l'ame  de- 
vient par  là  plus  forte  à  y  rellfter» 
Ainfi  il  peut  fore  bien  arriver  que 
quelqu'un  fe  conferve  la  vie  de  la 
grâce  par  cette  force  qu'il"  aura  ac- 
quife  en  refiftant  aux  petits  plailirs 
îîiême  permis  3  &  qu'un  autre  fuc- 


^^  De  I  A  C  H  A  R  I  T  E* 

combe  (Se  perde  la  vie  de  la  grâce  . 
par  ce  degré  de  foibleire  qu'il  a  con- 
trarié dans  la  jouiifance  des  mêmes 
plaifirs. 

^  Que  prétendons  •  nous  fatisfairc 
par  la  jouifiGmce  des  créatures  ?  nos 
iens  ,  &c  nôtre  chair  ,  a  qui  nous  ne  | 
devons  rien,  félon  l'Apôtre.  Mais 
la  privation  des  créatures  eftun  prc- 
fent  &c  un  payement  que  nous  fai- 
fons  à  Dieu,  qui  nous  acquitte  d'aUr- 
tant  de  ce  qui  eft  dû  ,  a  ccluy  a  qui 
nous  devons  tout  ce  que  nous  fom-* 
mes. 

Jefus-Chrift  en  venant  au  monde  a 
voulu  être  le  modèle  ,  &  nous  mon- 
trer  l'exemple  de  ce  que  nous  de- 
vions choilir  ;  car  le    parti  qu'il  a 
choifi  ,  eft  fans  doute  le  meilleur  : 
Or  toute  la  vie  de  Jefus-Chrift ,  de- 
puis fon  incarnation  ,  jufques  à  fa 
mort  ,  n*a  été  qu'une  privation  vo- 
lontaire des  plaiils  de  des  biens  du 
monde.  La  privation  des  plaifirs  eft 
donc  la  voye  pour  nous  rendre  lem- 
blables  à  Jelus-Chrift,  &  au  con- 
traire la-joliiiîance  des  plaifirs  eil  ce 
qui  nous  rend  dilf^mblablcs ,  <5c  qui 
nous  éloigne  de  luy. 


ENVERS       SOY-MEME.  37 

Pour  juger  lainement  d^  Tavenir  , 
(crvons-nous  des  juge  mens  que  nous 
portons  du  paiîé  ,    pu  il  que  infailli- 
blement cet  avenir  coulera  dans  le 
palfé.    Or  qui  efl   Thomme  qui  ne 
vcudroic  a  Tégard  de  la  vie  paliée  , 
avoir  mis  a  profit  pour  Ton  ial ut  6c 
pour   réternité  toutes  les  occaiiens 
qu'il  a  eues  de  fe  pris^cr  des  làtis- 
facVions    humaines  ,    ôc  avoir  ainli 
amalTé  un  tréior  certain  pour  l'autre 
vie  ,  au  lieu  d'avoir  iaiiïe  perdre  des 
occalions  li  precieules  de  b 'enrichir, 
ôc  ce  travailler  à  Ion  bonheur  éter- 
nel ,    en   jaliilïant   des    latisfcicdons 
dont  il  ne  reite  qu'un  fouvenir  fri- 
vole ,    inutile  ,   de   même  très- fou- 
vent  dangereux  ?  Pourquoy   ne  ju- 
geons -  nous  donc  pas  ainli  du  •: re- 
lent   Ôc    du   futur   ;    ôc    pouiquoy 
n'en   faifons-nous    pas  Tuiage   que 
nous  voudrons  indubitablement  en 
avoir  fait  quv,lque  jour  } 

Qui  écoute  la  fenfuaiité  ,  écoute 
une  imporràne  &  une  infatiabh, 
qui  ne  iera  jamais  fatisfa:te  ;  plus  ou 
luy  accorde  de  choies  ,  plus  elle  en 
demande  ,  6c  elle  les  demande  n  ê- 
xi'ie  plus  impericuieiiienc  ,  à  mciure 


^S       DelaChari  te 

qu'on  luy  eft  plus  indulgent.  Mais 
fi  on  luy  refufe  ce  qu'elle  demande , 
elle  fe  lalïè  de  demander  ,  &  elle 
lailïe  l'ameenrepos,  même  dés  cetcc 
vie. 

Le  bien  que  l*on  cherche  dans  la 
jouiirance  des  plaifîrs  du  corps,  n'effc 
pas  feulement  mépriiable ,  mais  il 
eft  abiolument  faux  ;  on  n'y  trouve 
nullement  ce  qu'on  s'y  étoit  promis. 
Le  mal  au  contraire  qu'on  fe  pre- 
fente  dans  la  privation  des  plaifîrs , 
eft  infiniment  moindre  ,  qu'on  ne  fe 
rétoit  figuré  ;  il  s'adoucit  tous  les 
purs  ,  &  le  bien  que  renferme  cette 
privation  augmente  même  dés  cette 
vie  5  par  la  liberté  que  l'ame  en  ref- 
fent. 

Une  ame  qui  fe  mortifie  ,  trouve  à 
gagner  par  tout ,  &  à  s'enrichir  par 
tout ,  parce  qu'elle  trouve  par  tout 
à  pratiquer  la  mortification  ;  c'eft 
une  moiifon  toujours  prête.  On  n'a 
pas  toujours  l'occafion  ni  le  moyen 
de  faire  l'aumône,  ni  de  vifîter  des 
prifonniers ,  ni  de  confoler  des  affli- 
gez ;  mais  il  y  a  par  tout  à  foufî-rir  , 
àrefiPcer  à  fes  paillons,  à  contrain- 
dre la  nature  ^  6c  à  retenir  fes  fens  ; 


ENVERS     SÔY-MEMÏ.  ^y 

une  ame  feniùelle  au  contraire ,  faic 
des  pertes  par  tout  ,  Se  fe  blelïè 
par  tou^3  parce  que  fa  fenfualité 
trouve  par  tout  à  fe  fatisfaire  par 
mille  recherches  fecretes  qui  fe  mê- 
lent dans  fes  allions. 

Si  ceux  qui  ne  fe  mortifient  point 
s*exemptent  de  quelques  maux  vo- 
lontaires 5  ils  deviennent  aulîi  plus 
'tendres  &  plus  fenfibles  aux  maux 
neceifaires  ;  6c  ainfi  à  l'égard  même 
des  plaifirs  de  cette  vie  ,  ils  perdent 
bien  autant  qu'ils  y  gagnent  ;  au 
contraire ,  il  les  perfonnes  qui  fe 
mortifient ,  foufFrent  plus  de  maux 
volontaires  ,  ils  deviennent  aufîi 
moins  fenfibles  aux  maux  neceilai- 
res ,  ôc  ainfi  ils  y  gagnent  bien  au- 
tant qu'ils  y  perdent  ;  de  forte  qu'en 
ne  perdant  rien  pour  cette  vie  ,  ils 
ont  en  pur  gain  ,  pour  ainfi  dire ,  les 
récompenfes  de  l'autre.  Mais  une 
ame  vrayment  chrétienne  ,  n'a  pas 
beioin  de  ces  confiderations ,  qui 
peuvent  paroître  intereifées.  Il  luy 
lufîit  5  pour  prendre  le  parti  de  la 
mortification  &  de  la  privation  du 
pkiifir  dans  les  rencontres  qui  fe  pre- 
ientent^  de  reconnoître  qu'elle  eà 


,  J}.3        D  F.     t  A     C  H  A  R  I  T  r* 

coupable    de  pliilîcu  s    péchez,    & 
qu'en  cette  qualité  elle   elè  indigne 
de  la  joiliirnice  des  créature^  :  qu'é*, 
tant  beaucoup  redevable  a  la  Jufticer 
de  Dieu  ,  elle  doit  eftimer  que  c'eft 
un    très  -  grand  bonheur    pour  elle 
qu'il  veuille  bien  fe  fatisfaire  de  fi  peu 
de  choie.    Il  luy  fufîic  de  penfer  que 
Dieu  l'ayant  appel iée  a  être  mem- 
bre de   l'homme  de  douleurs ,  dont 
toute  la  vie  n'a  été  qu'une  priva- 
tion continuelle  de  toute  fatisfaction 
humaine  ,  il  eil  bien  jufte  qu'elle  le 
lliive  dans  cette  voye   qu'il   luy  a 
marquée ,  ôc  dont  il  luy  a  donné  l'e- 
xemple pour  Ty  engager.    Enfin ,  il 
luy  luffit   de  penfer  qu'ayant   tout 
reçu  de  Dieu  ,   &  avant  tant  de  lu- 
jet  de  luy  dire  avec  David:  Qne  ren-, 
(^kI  rétribua  ^ray-jc  dii  Seicneur  pour  tous  les  biens 

lîoinino  pio  y    f  ^  à:  r 

o)xiaibasqu;£re-  ^li'il  m  A  faits  ?    elle  ne  peut  moms 
uibuit  miai  ?      £^-  y     \^^  témoigner  la  recon- 

ris  accipiam  3  &  noillauce  ,  que  d'ajouter  avec  le  me- 

rèc^bo'' vî"'  m-^   David  :  /.  frendr^.y  le  c.Hce  du 

iij.  5^//^^  ;  c'eft-à-dire  ,    je  participeray 

au  calice  des  foufïrances  de  Jeius- 

Cbrift ,  par  lerqu.lles  j'ay  été  lauvé. 


J.II. 


§.       I    I. 

Remèdes  co77tre  l^  {econàc  efpcce  de 
concuplfceîue  ,  qui  efl  Ifi  curio- 
(ité>  ou  l*mrwurdelajàcnce, 

D.  Quelle  cil  la  féconde  pente 
générale  de  la  concupiicence  \ 

JR.  Ceft  celle  qui  porte  a  recher- 
cher la  connoilïance  des  choies  ou 
dangereules  ou  inutiles,  pour  le  feul 
plaiiir  de  les  connoîcre  ,  &  fans  que 
Dieu  loit  la  lin  de  cette  recherche. 

D,  Pourquoy  eil-il  vicieux  de  de- 
firer  de  fçavoir  pour  fçavoir  ? 

R,  Parce  que  Dieu  doit  occuper 
toute  Tame  de  l'homme  chrétien  ; 
c*eft-à-dire  ,  tout  Ion  entendement 
&  toute  la  volonté  ,  étant  feul  ca- 
pable de  les  remplir.  L'ame  doit 
toujours  tendre  à  cette  plénitude, 
qui  eft  la  fin  de  fa  nature  :  or  elle 
n'y  tend  pas  ,  lorfqu'elle  s'en  écarte 
pour  connoître  quelque  chofe  fans 
rapport  à  Dieu. 

D,  D'où  vient  donc  la  curioiîté,  ou 
l'amour  de  la  fcience  ,  qui  femble  ii 
naturelle  à  Thomme  ? 

Toms  IL  D 


42         De'  L  A   C  H  A  R  I  T  E* 

R,  Elle  vient  de  ce  que  Tame 
étant  vuide  de  Dieu,  fent  bien  en 
gênerai  qu'il  luy  manque  quelque 
chofw  ,  mais  ne  fent  pas  que  c'eft 
Dieu  qui  luy  manque  j  ainfî  elle 
cherche  fans  difcernement  à  remplir 
ce  vuide  :  &  comme  elle  fent  une 
extrême  avidité  de  connoître  ,  elle 
tâche  à  la  fatisfaire  par  la  connoif- 
fance  des  créatures ,  au  lieu  de  tâcher 
de  fe  remplir  de  la  connoilïance  de 
de  Tamour  de  Dieu.  Mais  les  autres 
pafîîons  contribuent  &  fervent  beau- 
coup à  augmenter  cette  curiofîté  & 
cette  pente  à  connoître  les  créatures 
pour  elles-mêmes  ,  &  par  rapport  à 
elles-mêmes  ,  parce  que  les  paiïions 
trouvent  leur  nourriture  dans  cette 
connoilïance.  On  eft  bien-aife  ,  par 
exemple  ,  de  fçavoir  les  maux  du 
prochain  ,  par  malignité  &  par  en- 
vie ;  ii  y  a  mille  chofes  dont  on  ne 
recherche  la  connoiiïance  que  par 
vanité  ou  par  intérêt ,  pour  fe  Signa- 
ler &  pour  en  parler  :  il  y  a  des  con- 
noiflànces  qui  entretiennent  nos  de- 
flrs  &  nos  efperançes  j  enfin  ,  cha- 
que paiïîon  ,excite  une  certaine  ca- 
riofîté  pour  fon  objet. 


ÏNVERS     SOY-MEME.  45 

D,  Quels  maux  peut  caufer  par 
elle-iriême  la  curiofîté  ,  ou  lamour 
de  la  fcience  ? 

E,  ï°.  Elle  difïïpe  lame  &  la  vui-  r' 
de  de  Dieu  de  plus  en  plus  ;  car  i\  eft 

certain  que  ceux  qui  s'abandonnent 
à  la  curiofité  ,  &  qui  dans  leurs  re- 
cherches n'ont  pour  but  6c  pour  fin 
que  Tamour  de  la  fcience  ,  ne  Içau- 
roient  trouver  Dieu  par  cette  voye  ,  ^ 
ni  fe  tenir  attachez  à  luy  par  cette 
étude  ;  en  forte  que  ce  mélange  con- 
fus d'idées  dont  la  curiolité  les  rem- 
plit ,  bien  loin  de  fatisEiire  leurame, 
de  de  la  remplir  pleinem.ent ,  luy 
caufe  au  contraire  une  inquiétude 
qui  la  fait  lortir  hors  d'elle-même , 
pour  chercher  à  le  fatisfxire  par  la 
connoifTance  des  créatures ,  éc  ainli 
elle  entretient  &  elle  augmente  i'ou. 
bli  de  fes  propres  maux. 

1°.    Elle  fait  perdre  ,   dit    S.  AugU-      lHa   namqae 

ftin  ,  dans  ces  recherches  inutiles ,  5o  qutuanï^ 

un    temps     que     l'on   pOUrroit    utile-  nec  faas  ad  h  a- 

ment  employer  à  des  chofes  iiecef-  ^fn^nfemiM" 

laires,  videncar  pcrci- 

y.  hile  coniume  mutiiemçnt  1  a-  adfeumc  vola.- 
<îl:ivité  de  i'eiprit,  parce  cu'il  s'é-  ^-^^^ ,  cum  u:- 
mouiie  ce  pera  la  irorce  qu  il  devroïc  cacndamsrr. 


44- 


De   la  Charité' 


cimcn  ncoccu  coiif'Jivjr  poui"  des  chofes  vravment 

peut  teniTJus  rc-  j  ^      ^-I         c      '  r 

bus  impenaen-  gi'-^i^acs  ,  viaymeiit  utiJcs  &  ncceu 
dumiijdxoiibus.iaires  ,     au  lieu  qu'on  l'c*nployc  à 
*   ^        des  recherchespctites ,  vaines  &  pu- 
rement curieulcs. 

4°.  Elle  donne  lieu  à  nos  pallions 
d'agir  :  car  en  remplillant  l'ame  de 
divers  objets  fans  rapport  à  Dieu ,  les 
pafîions  ne  demeurent  pas  oihves  à 
l'égard  de  ces  objrts  :  l'amour  pro- 
pre s'y  intereiîè  toujours  par  quel- 
que endroit ,  &:  forme  quelque  def- 
fein  d'en  profiter  j  &c  de  même  cha- 
que paTlion  le  remué  leion  l'ulage 
qu'elle  en  peut  faire  j  enfin  ,  la  vani- 
té les  rapporte  toutes  a  fa  fin ,  &  ne 
les  edime  que  par  la. 

5**.  Ce  n'eft  pas  l'amour  de  la  vé- 
rité qui  nous  fait  eilimer  3c  recher- 
cher CCS  connoiiTànces  -,  c'cft  le  de- 
fir  de  l'eftime  des  hommes  :  ainfi  , 
quand  il  plaît  aux  hommes  de  don- 
ner du  prix  aux  plus  inutiles  curio- 
iitez  5  on  s'y  applique  avec  autant  de 
pafïion,  qu'aux  fciences  qui  peuvent 
avoir  une  fin  bonne  de  utile.  C'efl:  co 
qui  fait  rechercher  ,  dit  S.  Aueuiliin, 
de  fçavoir  de  vieilles  fauflctez  ,  qui 
ont  eu  cours  parmi  les  hommes  ^  ôc 


ÏNVERS    SOY-MEMfi.  4^ 

qui  font  maintenant  abolies.,  Ahâ- 
tornm  annonim  de  créant  as  pdjitates, 

D,  De  quelle  railon  le  peut-on 
fervir  pour  fortifier  Tame  contre  la, 
curioiicé  vaine  &  inutile  ? 

R.  Il  faut  confiderer  que  nôtre 
ame  le  lalle,  le  didipe  6c  s'amufe 
après  tous  ces  objets  de  curioiité; 
qu'elle  élo.gne  par  là  les  grâces  de 
Dieu  5  qu'elle  en  devient  froide  & 
féche  ,  &  qu'elle  s'engage  par  cette 
froideur  &  cette  fécliereile  en  une 
infinité  de  péchez  &  de  miferes.  Que 
c'eil  la  cauie  du  peu  d'attention  que 
nous  avons  dans  nos  prières ,  &  de 
Ja  manière  lionteufe  dont  nous  nous 
tenons  en  la  prefence  de  Dieu.  Or  la 
prière  étant  la  lource  de  tous  nos 
biens ,  ce  qui  gâte  &  qui  corrompt 
nos  prières ,  nous  prive  de  tous  ces 
biens  ,  &  nous  attire  tous  nos 
maux  fpi rituels. 

Nous  faifons  par  la  curiofiré ,  ce 
que  feroit  ui  homme  qui  ayant  un 
\ù.\^2  précieux  deftiné  a  contenir  ce 
qui  luy  feroit  neceflaire  pour  fa  nour- 
riture, au  lieu  d'y  mettre  des  viandes 
falutaires ,  ne  le  rempUroit  que  'de 
fumier  6c  d'ordures ,  ^  ne  fe  nour- 


^6      Deia  Charité' 

riroit  que  de  cela.  Car  notre  me- 
rnoire  eft  proprement  le  vafe  où  Ta- 
me  referve  ce  qui  la  doit  nourrir  ,  Ôc 
c'eft  par  cette  nourriture  qu'elle  fe 
conierve  la  vie  :  cependant  la  curio- 
fité  vaine  Se  frivole  ,  au  lieu  de  rem- 
plir ce  vafe  des  veritez  falutaires  , 
ne  le  remplit  que  de  connoifïances 
qui  font  par  elles-mêmes  balles  &c 
viles ,  &  Tinfedle  même  fbuvent 
d'idées  mauvaifes  &c  dangereufes , 
qui  dans  la  fuite  font  des  fources 
d'une  infinité  de  fautes. 

Il  eft  difficile ,  par  exemple  ,  que 
nous    donnions    entrée   dans  nôtre 

ame  à  la  curiofîté  de  fcavoir  les  fe- 

» 

crets  de  les  affaires  des  autres ,  ôc  de 
pénétrer  dans  leurs  delleins  ,  fans 
nous  expofer  à  un  grand  nombre  de 
tentations  Se  de  fautes ,  ou  par  des 
jugemens  téméraires  ,  ou  par  des 
paroles  indilcretes  aufquelles  nous 
nous  iailTons  aller ,  ou  enfin  ,  par  des 
mouvemens  injuftes  que  nous  con- 
cevons ;  Se  il  eft  très -certain  que 
nous  nous  épargnerions  toutes  ces 
fautes  ,  en  fermant  l'entrée  à  cette 
curioiité  inutile. 
Mais  11  la  curioiité  nous  tend  d.\y>s 


INVERS    SOY-MEME.  47 

la  vie  une  infinité  de  pièges ,  en  nous 
tentant  continuellement  ;  il  faut  tâ~ 
cher  de  nous  rendre  ces  pièges  uti- 
les ,  en  y  refiftant  auiïi  continuelle- 
ment y  car  fi  nous  étions  bien  vigi- 
lans  fur  nous-même  ,  nous  trouve-  • 
rions  en  elle  un  moyen  de  pratiquer 
la  mortification  en  une  infinité  de 
rencontres ,  en  ne  nous  enqueranc 
jamais ,  par  exemple ,  des  nouvelles 
qui  ne  nous  fervent  de  rien ,  en  ne 
contribuant  point  à  faire  tourner 
l'entretien  fur  ce  fujet^en  ne  nous  fer- 
vant  d'aucune  malice  pour  découvrir 
ce  que  Ton  nous  veut  cacher  ;  enfin, 
en  nous  tenant  heureux  que  Ton  ne 
nous  falïè  confiance  de  rien  ,  qu'on 
ne  nous  découvre  rien ,  qu'on  ne 
nous  demande  nôtre  avis  fur  rien  ; 
parce  que  tout  cela  lailfant  l'ame 
dans  une  plus  grande  folitude  ,  luy 
donne  plus  de  moyen  de  s'appliquer 
à  Dieu  Se  à  fon  falut. 

X>.  Dieu  n'a-t-il  point  marqué 
par  l'Ecriture  fainte  la  necefîité  de 
retrancher  cette  curiofité  pernicieu- 
fe? 

^.  Il  nous  en  donne  pîufieurs  avis 
formels  dans  l'Ecrit  are  ;   comme  ce 


4^  P  E    L  A    C  H  A  R  1  T  e' 

Alt.'ori  te  ne  cm  cft  dit  Jaiis  rEccleiïaltique  :  Ml  l 

quilicns,  &:  for-    ^,         .  >     -  •      t  ,     ^  I     •; 

iioiatenc  icru- ^^-'^''^^•'«-"^  f^^  a  ffavoir  Lcs  chofes  quii  cl 
tacus  tuciis  fed  A;;^/-  aH-defftts  de  vôtre  înteUl(rerice  ;  «c    " 

qua:  prxccpic  ti--'  /r  •  ; 

bi  Deusj  iiia  co-  ^"-'oiii  (jforcex.   foint  de  pénétrer  ce  (jHi 

gua  re.npcr ,  ^  fuTVaffc  Votre  forcc ,    ^ppllqHe^-vQHi 

in  pluiibus  ope-        k  ,    •'  ff     ' 

ribusejusnetur- ^^/^'^/^^^f'Vr  a  ce  cjue  Dkii  voiiscom- 
nscunoius:nûn;;2^;^^.       &    réprimer^  vôtre  cuyiofitè 

eit  enuu  tibi  ne-  v     .,  ,      '         ,        /  J 

ceilaiiuuu  ea     ^-  t  égard  ae  tiHjicirrj  des    oenvres  as 
qusabiconciua   jjku  :  €ar  il  ne  vo^s  ej}  Voint  ne€ef^U 

lune  vidcreoca-  j'         •       i  *  '      n 

lis  tuis ,   in  lu-  ^e  de  voir  de  vos  yeux  ce  qui  eft  ea- 

peryaca.s  rébus     ^/,^'.    J^^    r,'^^^   ^^^^    ^^-^^^    ^^^    ^^^^ 

mulcipiicuer ,  &  ^(^'^^CT^  «^  recherctjes  inutiles  fur  les 

cris  curiofus.      d  ctre  cHrleux  d  l'égard  de  ce  que  T)iet£ 

"pérftnfut"   /'f^''--/'^'-  il  y  ^  blend,s  chofes  rcpc 
honùnmw  QÇtcn- fées  a  VOS  ysiix  ^   qïil  furpajfent  vôtre 
tos  quoqurfup*  '^^^^il'g^rice  ;   &  les  vaines  idées   que 
piincavit  luipi-  l'on  forme  ^   ont  été  cavifes  de  la  chiite 
inVimcrtT  def  ^f .  p^^if^^^''^^  ,    &  ont  rempli  leur  efprlt 
timuic  lenius  il  d'Uliifion  &  de  Vanité. 
IT.'^ua'''  ^'     C'eft  auiîi  dans  la  vue  de  nous 
apprendre  à  retenir  nôtre  curiofité , 
que  Dieu  a  trouvé  à  propos  de  nous 
cacher  une  infinité'  de  choies  •   com- 
me pir  exemple  ,  la  vie  de  la  fainte 
Vierge  ,   celle    que  Jelus-Chrift   a 
menée  jufqu?s  à  trente  ans,  celle  des 
Ap6t:es  ,    Ôcc.    Aufîi   voyo.is-nous 
t^ue  les  plus  grands  Saints,  comme 

la 


Ta  fainte  Vierge  ,  &  faint  Jean-Bap- 
tifte  5  à  qui  Jefus-Chrift  a  rendu  un 
témoignage  li  autencique  ,  en  nous 
alîurant  que  de  tous  ceux  qui  font  nez 
des  femmes  ,  il  n'y  en  avoit  point 
de  plus  grand  que  iuy  ;  nous  voyons, 
dis-je  ,  que  ces  exemples  de  vertu, 
&  ces  modèles  de  perfection  ,  ont 
pratiqué  une  exemption  admirable 
de  curiofîté.  En  effet  la  lainte  Vierge 
s'eft  toujours  nourrie  de  ce  que  Je- 
fiis-Chriftluy  £iifoitconnoîtrede  fes 
myfteres  &  de  fes  delfeins^fans  qu'on 
voye  qu'elle  Iuy  fît  aucune  queftion 
fur  ce  qu'il  devoit  faire  dans  fon 
Eglife.  Saint  Jean  de  même  *,  tant 
qu'il  a  vécu  feparé  du  Sauveur  ,  s'cft 
attaché  uniquement  à  remplir  les 
devoirs  de  la  miflion  ,  fans  qu'on 
voye  qu'il  s'informât  en  aucune 
manière  de  ce  que  faifoit  Jefus- 
Chrift  5  ni  de  ce  qu'il  difoit.  Nous 
voyons  même  qu'après  que  faint 
Jean  -  Baptifte  eut  connu  Jefus- 
Chrift  ,  il  ne  s'att.icha  pas  peifpn- 
nellement  à  Iuy  ,  mais  qu'il  conti- 
nua avec  une  foumilTion  parfaite  à 
accomplir  fon  miniftere,  fans  vou- 
loir  être  ipeclateur  des  adtions  du 
Xome  lî,  E 


yO  D  E    L  A    Ch  AR  T  T  e' 

Meiïie.  Enfin  il  y  a  peu  de  vertuj 
dont  Dieu  nous  ait  donné  plus  d'e- 
xemples dans  l'Ecriture  ,  &  dans  la 
conduite  de  les  Saints ,  que  de  cette 
modération  dans  la  curiofité  ,  &c 
dans  la  recherche  des  connoiflances, 
mêmes  utiles. 

D.  Quelle  eft  donc  la  difpofition  , 
OLi  nous  devons  être  à  l'égard  de  U 
curiofité  ? 

R.  C'eft  1°.  de  ne  defirer  connoître 
que  Dieu  ,  Se  ce  que  Dieu  veut  que 
nous  connoiffions  ,  Se  que  nous  re- 
cherchions. 2^.  De  renoncer  fans 
celle  ,  au  moins  de  cœur ,  à  toutes 
les  autres  connoillances  ,  comme 
nous  étant  inutiles  ,  Se  principale- 
ment à  celles  des  a6lions  particu- 
lières des  hommes ,  dont  nous  ne 
iommes  pas  chargez, 

§.    III. 

De  U  troifiéme  efpece  de  conçu- 
fifcence  ,  qui  e(l  V orgueil  de  in 
vie ,  ou  l'amour  de  i' cïevfLîi:n. 

D.  Eft- il  necelfaire  de  traiter  ici 


ENVERS       SOY-MEM?..  ff 

âe  la  troifiéme  concupilcence  ,  qui 
ei\  l'orgueil  de  la  vie  ,  ou  Tamour  de 
l'élévation  ,  puifqu'onen  a  déjà  trai- 
té ci-devant  en  traitant  de  Thumi- 
lité? 

^.  Comme  cette  matière  efl:  d'une 
extrême  importance  ,  &  d'une  cres- 
grande  étendue ,  on  en  peut  encore 
parler  ici. 

Z).  La  tentation  de  l'orgueil  eft- 
elle  bien  dan^ereufe  ? 

R,  Elle  l'eft  tellement,  que  la  prin- 
cipale raifon  pour  laquelle  Dieu 
permet  toutes  les  autres  tentations , 
êc  même  les  miferes  ôc  les  chûtes  des 
hornmes  ,  c'eil:  pour  les  prelerver 
de  l'orgueil.  Tout  cela  doit  tenir 
lieu  d'avertiffement  à  l'homme  fu- 
perbe ,  &  il  faut  s'accoutumer  à 
entendre  ce  langage  de  Dieu.  S'il 
permet  donc  que  l'on  Toit  tenté  en 
diveries  manières,  il  faut  compren- 
dre qu'il  nous  avertit  par  là  de  nous 
humilier  :  s'il  permet  qu'on  loir 
affligé  ,  c'eft  qu'il  nous  dit  que  nous 
as^ons  beioin  d'humiliation  :  fi  nous 
iommés  privez  de  la  grâce  ,  c'eft  que 
nous  méritons  par  nôtre  orgueil 
d'être  humiliez. 

Eij 


ji        De   laCharite* 
D.  A  quoy  nous  oblige  cette  cou* 

diiice  de  Dieu  ? 
R,  A  prendre  fujet  de  toutes  cho- 

fes  de  nous  humilier  devant  luy ,    & 

à  joindre  l'humilité  a  toutes  nos 
Ounmobrem  ^^lons.  Car  rhurniiité  elt  un  carac- 
fit  ncbis  &:  gia-  cerc  général ,  qui  doit  paroître  par 
^iuîl'oDmVus.ëtoiit,  (5c  principalement  dans  nôtre 
demirium  faper-  extérieur  :  parce  que  l'ame  ,  comme 
nurrapi^b""  ait  S.  Ifidore  de  Damiette  ,  après  S, 
irceiVus ,  &  ne  Bafile^prcnd  intérieurement  la  poltu- 
EUS  ôc  ha.iuii^  i-*e  extérieure  ducorp<;.  Il  faut  donc, 
:athedra,&:fiu-  Jjt  ce  laint  Doclcur,  quc  nôtre  ex- 
Rictus ,  ôcftia-  teneur  loit  modeite  ^  notre  vWage 
^uium  nihiio  plein  de  douceur  nos  regards  hum- 
r.ecciie  ht,  ex  cks  cf  l'aDailiez  ;  que  notre  marcher 
[uppciiexad  ee-^j^'ji^j.  j-j^j^  d'alçïer ,    oue  nos  hatits 

r.aicacem  ac   vi-      ,  .  i     r  ^      i  /v 

[itacem  compa-  n  ayeut  UQXi  que  de  nmple  ,  que  no- 
laia,  ac  doaius  j-j^-g  ji^cre  foit  bas ,   nôtre  nourriture 

Chullianis  di-       -  O  ^  i        ,- 

gna  ,  irca.que  trugaie  ,  uotre  lit  lai.s  ornemens  , 
;^femio  &  vox,  j^Q5  mcubl^s  vils  ,  <^'  toutc  nôtre 
cll  .  ahisadmo-  mailon  digne  d  unChretienrque  no- 
deftum    potius  ^^^  ^^^^     ^^^^^  paroles  ,  nôtre   abord 

quâiii  ad  tumo-      ^  '.  -t.        ^     '      ,, 

icm  &:  airogan-  Il  ayent  rieii  qui  reliente  1  arrogance^ 

tiain  Ipedec.    ^.  ^  q^g  j-^^j.  ^j^   j^^qqj  ^^.^  y^  ^[^  ^^^  ^^^q, 

3.f/.  «75.         deitie  &  dnumUite. 

Z).  Ne  peut-on  pas  être  orgueil- 
leux avec  toutes  ces  apparences  ex- 
térieures d'humilité  ? 


IKVERS    SOY-MÈME.  55 

■  ^.  On  le  peut  :  Mais  par  toutes 
CCS  pratiques  jointes  à  la  prière  ,  on 
obtient  ordinairement  de  Dieu  la 
grâce  de  Thuniilité  ;  car  l'humilia- 
tion  étant  la  voye  ordinaire  d'acqué- 
rir cette  vertu ,  Dieu  y  joint  ordi- 
nairement fa  arace  ,  mais  fouvent 
il  ne  la  donne  pas  à  ceux  qui  vou- 
droïent  paroître  humbles  lans  s'hu- 
milier. 

De  plus  ,  les  peniee*  de  vanité 
font  moins  fréquentes  dans  un  état 
rabaiiîè,  que  dans  l'éclat  de  ia  pom- 
pe j  parce  que  l'ame  ie  conforme 
à  cet  extérieur  humilié  ,  &c  que  les 
paillons  qui  font  les  fuites  de  Tor- 
gueil ,  n'y  convenant  pas ,  elles  ne 
s'élèvent  pas  li  facilement ,  ôc  fc  re- 
priment plus  aiféiiient. 

-D.  Comment  peut-on  empêcher 
les  complaifances  qui  arrivent  de  ce 
qu'on  prévoit  que  quelques-unes  de 
nos  aâions  ont  plu ,  ou  pourront 
plaire  aux  hommes  ? 

jR.  Le  loin  que  nous  devons  avoir 
de  combattre  ces  complaifances  doit 
ailer^ou  a  les  empêcher  de  naître,ou 
à  les  étoufïèr  quand  elles  font  nées. 
Il  eil   diiîicile    d'empêcher  abfolu- 

E  iij 


14-  D  E    L  A     C  H  A  R  I  T  e' 

ment  que  Ton  n':n  relfente  quelques 
atteintes  ;  parcf  que  le  diable  les 
excite,  &:  que  l'imagination  même 
les  peut  produire  ;  Mais  ce  qui  peut 
le  plus  contribuer  a  empêcher  qu'el- 
les ne  s'élèvent  fou  vent ,  c'eft  de  le 
nourrir  le  plus  que  Ton  peut  des 
penfées  &  des  vues  de  fa  mifere,dc 
ia  corruption  ,  &  de  fes  dangers  ^  de 
fes  péchez  &  de  fes  défauts  :  ôc  l'ap- 
plication d^  Tame  à  ces  reflexions  , 
quand  elle  eft  tentée  de  ces  complai- 
fances,  en  détruit  Teffet.  Mais  apr  é 
toutjil  ne  faut  pas  s'étonner,ni  s'alar- 
mer de  ce  que  ces  penfées  s'élè- 
vent en  nous  ,  ni  de  ce  qu'il  peut 
arriver  qu'elles  produifent  quelque 
complailance  ;  le  capital  eft  de  les 
rendre  fans  acftion ,  en  ne  faiiant  ja- 
mais rien  par  le  feul  motif  d'orgueil 
&  d'élévation  ,  &  dans  la  vue  de 
s'attirer  l'eftime  des  hommes. 

D.  Faut-il  abandonner  les  bonnes 
a6tions ,  à  caufe  de  ces  penfées  d'or- 
gueil avec  lefquelles  elles  peuvent 
être  mêlées  ? 

/?.  Il  faut  fort  diftinguer  quels  ef- 
fets ces  i^enfées  produifent  en  nous  -, 
car  fi  elles  ne  produifent  aucun  au- 


ENVERS      SOY-MEMÈ.  ^j 

tre  effet ,  que  la  complaifance  mê- 
me 5  il  feiiible  que  le  meilleur 
moyen  d'y  reiifter  ,  eft  de  les  né- 
gliger ,  éc  de  ne  donner  pas  cet 
clvantage  au  démon  ,  de  nous  avoir 
fait  abandonner  nos  bonnes  œu» 
vres. 

D.  Pourquoy  vaut-il  mieux  les  né- 
gliger ,  que  de  les  combattre  positi- 
vement ? 

^.  C'eft  qu'en  les  combattant  po- 
fitivement  ,  on  rend  la  tentation 
plus  vive,  ou  plus  fréquente  ^  au  lieu 
qu'en  les  négligeant  ,  on  afFoiblic 
davantage  Timpreffion  de  ces  idées , 
ôc  on  donne  moins  lieu  à  refprit 
de  s'y  attacher.  Il  eft  vray  qu'il  eft 
tres-urile  quelquefois  de  tâcher  de 
concevoir  fortement  la  baiîetîe  Se 
l'injuftice  de  la  vanité  &  de  l'orgueil, 
ce  qui  fe  peut  appeller  une  refîftan- 
ce  pofitive. 

D,  Quel  orgueil  eft  le  plus  à  crain- 
dre ?  ' 

R.  C'eft  l'orgueil  qui  produit  des 
actions  ;  comme  celuy  par  lequel 
on  tâche  d'acquérir  de  la  conildera- 
ration  &  de  Téievation  dans  le  mon- 
de i   celuy  qui  forme  des  entreprifes 

E  iiii 


\ 

^6  De  laCharite' 
ambitieufcs  •  celuy  qui  fait  qu'on  fe 
croit  capable  de  tout.  Il  ell  trcs- 
difficile  de  dilcerner  fi  on  confent , 
&c  jufqu'à  quel  point  on  confent 
aux  {impies  penfées  de  vanité  :  Mais 
il  n'y  a  point  à  douter  que  l'on  ne 
confente  aux  adlions  ,  lorfqu'on  en 
fait.  De  plus ,  cet  orgueil  d'adions  a  1  j 
bien  d'auties  fuites  ,  car  nous  ayant 
élevez  aux  emplois  ôc  à  l'état  que 
l'KDUs  avons  fouhaité ,  il  nous  rend 
refpcnfables  de  routes  les  fautes  où 
cet  état  &  cet  employ  nous  enga- 
gent ;  outre  qu'en  éloignant  de  nous 
les  grâces  de  Dieu  ,il  nous  expofe  à 
une  infinité  de  péchez. 

Z).  Cet  oro;ueil  d'aélions  eft-il  fort 
commun  ? 

£>.  Il  n'y  a  rien  de  plus  frequenc 
dans  le  monde  ;  car  c'efl  par  cet  or- 
gueil ,  par  exemple  ,  qu'on  s'engage 
fans  vocation  ,  ik  par  une  ambition 
fecrette  dans  l'état  Ecclefiaflique,  ou 
dans  les  charges  feculieres  ^  quo.y 
qu'on  en  foit  incapable.  On  s'y  por- 
<é  par  la  feule  vue  d'avoir  un  rang, 
ôc  de  la  coniideration  dans  le  mon- 
de ,  c'efl-à-dire  ,  par  un  pur  motif 
de  vaiiicG, 


ENVERS'    SOY-MEME.  |7 

D.  Y  a-t-il  toujours  de  Torgucil 
à  s'engager  dans  quelque  employ 
que  fe  foit ,  &  principalement  dans 
i'état  Ecclefiaii;ique,ians  vocation  ? 

R,  Quoy  qu'on  y  puiiîe  encore 
ctre  porté  par  d'autres  mauvais  mo- 
tifs ;  néanmoins  il  eft  certain  qu'il  y 
a  toujours  de  l'orgueil  à  entrepren- 
dre quoy  que  ce  loit  ,  •&  à  cmbraf- 
fer  quelque  état  que  ce  foit,  fans 
confulter  Dieu,  &  fans  la  vocation. 
Car  quelque  capacité  que  l'on  puilIe 
avoir  d'ailleurs ,  c'eft  une  erande  in- 
capacité  que  de  n'y  être  pas  appelle; 
puiiqu'il  eft  certain  qu'on  ne  fçau- 
roit  rien  faire  fans  le  fecours  de 
Dieu  ,  &  que  c'eft  une  témérité  de  fe 
le  promettre  ,  quand  on  s'y  engage 
fans  fon  ordre. 

D,  Quels  font  les  autres  efpeces 
d'orgueil  d'aélions  ? 

R,  Ce  font ,  par  exemple  ,  les  pa- 
roles fieres  &  infolejites  j  les  outra- 
ges faits  au  prochain  ,  dont  il  a  été 
parlé  ci-devant ,  en  traitant  de  l'hu- 
milité. 

D,  De  quelles  raifons  fe  peut-o» 
fervir  pour  nous  rendre  les  humilia- 
tions aimables  ? 


5$  D  E     L  A     C  H  A  R  I  T  Ê* 

R,  Il  faut  tâcher  de  graver  dans 
nôtre  efprit ,  que  nous  ne  Tommes 
dans  ce  monde  que  pour  'y  ctre  hu- 
miliez ,  &  que  non  feulement  nous 
le  méritons,  parce  que  la  Juftice 
de  Dieu  nous  y  condamne,  mais  que 
l'humiliation  fait  le  plus  grand  des 
biens  de  cette  vie.  Car  c'cft  le  prin- 
cipal remède  du  plus  graud  de  nos 
maux ,  qui  e(l  Torgueil  ^  c'eft  la 
plus  grande  des  fatisfadtions  que  nous 
puiŒons  offrir  a  Dieu  pour  nos  pé- 
chez ;c'eil:  le  principal  moïen  pour  ob- 
tenir le  ciel ,  «Se  pour  y  être  élevé  en 
une  place  éminente.  Ainli ,  bien  loin 
de  nous  foulever  contre  les  humilia*- 
tions  ,  &:  de  faire  tous  nos  efForts 
pour  les  éviter,nous  devons  aller  au* 
devant,  &  les  recevoir  comme  un 
prefent  de  la  bonté  de  Dieu  envers 
nous  :  nous  devons  prendre  en  tou- 
tes occafions  le  parti  de  l'humilia- 
tion ,  &  nous  croire  toujours  les 
mieux  partagez  &  les  plus  favorifez 
de  Dieu,  quand  nous  fommes  les 
plus  humiliez. 


ÎNVÊRS   SOy-MEMÊ\  |9 

CHAPITRE    V. 

Bes  autres  fajjions  qui  nattent  du 
mawitais  fimour.  Des  remèdes 
quily  faut  apporter, 

Z>.  T  A  concupifccnce  étant  Ta- 
L'mour  des  chofcs  temporelles, 
ne  fe  porte-t-elle  vers  ces  chofcs 
temporelles  ,  que  par  des  mouve- 
niens  d'amour  ? 

R,  Elle  s'y  porte  par  quantité  de 
mouvemens  qui  ont  tous  l'amour 
pour  principe ,  Se  qui  ne  font  mê- 
mes que  de  différentes  formes  que 
l'amour  prend  félon  les  diverfes  ma- 
nières dont  il  confîdere  fon  objet. 
Ce  font  ces  différentes  formes  qui 
font  les  autres  pafîîons  ,  que  l'on 
peut  regarder  ainfî  comme  difFerens 
amours. 

D,  Comment  ces  pallions  nailîent- 
elles  de  l'amour  ? 

R,  On  le  peut  concevoir  en  cette 
manière  :  fi  le  bien  que  l'on  aime  cft 
regardé  comme  abfent,  l'amour  en 
produit  necelfairement  le  defir  r  fi  Ton 


r 


i( 


60  Delà  C  h  a  r  i  t  i* 
en  conçoit  la  poflèfJion  comme 
pofTible,  il  produit  refperance  :  maiifc 
fi  l'on  le  regarde  comme  prefcnt,  &  *'' 
comme  aftuellement  pollèdé  ,  il 
produit  la  joye.  De  même  ,  il  eft 
impolTible  d'aimer  .quelque  bien, 
qu'en  même  temps  on  ne  hailfe  le  mal  jo 
qui  nous  en  piive  ;  ôc  l'amour  pro- 
du't  necelfairement  la  haine  de  ce 
mal  coniideré  abfolument.  Que  fi 
l'on  regarde  ce  mal ,  comme  pou- 
vant arriver  ,  il  produit  la  crainte  ; 
fi  Ton  croit  qu'on  ne  Içauroit  l'éviter, 
il  produit  le  delelpoir  :  fi  l'on  le  con- 
çoit comme  prefentjil  produit  latri- 
fteiïe,&  déplus  la  colère  contre  ceux 
que  nous  croyons  qui  en  font  la  cauie. 

D,  Eft-il-  neccfïaire  de  traiter  en 
particulier  de  toutes  ces  paffions  ? 

^.  Non,  parce  qu'il  y  en.  a  de 
certaines  que  l'on  ne  fçauroit  com- 
battre, que  par  les  raiions  mêmes 
qu'on  employé  contre  l'amour  donc 
elles  nainent.  Il  n'y  a  point ,  par 
exemple ,  d'autres  raifons  à  alléguer 
contre  le  defir  &  l'efpcrance  des 
biens  du  monde  ,  que  contre  l'amour 
des  biens  du  monde. 

£>»  En  efl-il  de  même  des  paiïioiis 


INVEHS    SOY-MFME.  <^î 

uî  rega  dent  les  maux  oppo- 
jzauxbijiis  de  Li  concupifci^ncJ? 
"R,  Q^ioy  qu'on  n'ait  de  i  éloigne- 
tient  5  6c  de  ia  h.iine  pour  ces  maux, 
[ue  parce  que  l'on  aime  les  biens 
ont  ils  nous  privent  j  néanmoins 
m  peut  dire  que  ce  iont  des  objets 
iiierens  ,  qui  agilTsànt  differem- 
nent  fur  l'erpiit  ^  ixxc  le  corps,  il  y 
,  même  queiqu/s-uns de  ces  miux, 
[ui  ne  font  pas  feulement  oppoiéz 
ux  biens  de  la  coacupiicenc e  ,  m.iis 
u'îi  à  ceux  de  la  nature.  C'ell  la 
kature  ,  dit  laint  Augufhin  ,  &  non 
'opinion  qui  craint  la  mort.  Aï)''  Se''^»3ï.ét 
e.'/i  horreî  non  op'mlo  fe  i  nuîWci,  Et  on  '^  ^"  ^^'^^ 
:ii  peut  dire  autant  de  la  douleuf  : 
ar  l'homme  n'eil  pas  né  a  la  veiité 
)ouL-  jolLr  djs  plaiiîîs  ;  mais  au 
:ontraiie  ,  il  avoit  été  c;eé  pour  ne 
Joint  louf-rrir  de  douleur  ,  &  pour 
le  point  mouiii:cell-a-dire,  que  ie- 
on  luy-même  &  ia  nature,  il  eft 
îé  avec  des  ientimens  qui  Téloi- 
rnent ,  &  qui  luy  font  craindre  les 
douleurs  &  ia  mort.  îl  eft  donc  ne- 
:e{raire  d'affermir  l'ame  contre  ces 
abjets  3  d'autant  plus  que  Timpref- 
fion  en  eft  tres-violente.   Car    les 


/^I  D-E    LA    Ch  A  R  I  T  1:* 

maux  étant  infinimciu  plus  icnh. 
blcs  &  plus  grands  a  proportion 
que  les  plaihrs  de  les  autres  biei>^ 
humains;  les  mouvemens  de  crain- 
te &c  de  trifteife  que  produit  fui 
Tame  rimprefTion  de  ces  maux,  loni 
auGi  plus  vifs  &c  plus  violens  ,  que 
tous  les  mouvemens  par  lei quels  la 
cupidité  fe  porte  vers  fes  propres 
objets, 

§.    I. 

De  la  cminîe  des  maux  humains. 

D,  Comment  doit-on  confiderer 
la  crainte  des  maux  humains  ? 

B.  On  la  doit  confiderer  en  gê- 
nerai ,  comme  un  des  grands  prin- 
cipes ôc  des  grands  reiforts  de  laÉ 
vie  humaine  ,  &  en  particulier  com- 
me l'une  des  plus  grandes  lources 
des  péchez, 

C'efl:  en  gênerai  la  crainte  des 
maux  humains ,  qui  retient  les  hom- 
mes dans  certaines  bornes  ,  ôc,  qui 
les  empêche  de  fe  porter  aux 
excès  qui  troubleroient  la  fo.cicté. 
C'eft  le  plus  fort  fondement  de  tou- 


ENVERS    SOY-MZME.  (j^ 

tes  les  polices  ,  &  le  plus  grand  ap- 
puy  de  la  iûreté  publique. 

D,  Quand  eft-ce  donc  que  cette 
crainte  eft  une  fource  de  péché  ? 

i?,  C'eft  lorfqu'on  ne  fçauroit  évi- 
:er  certains  maux  humains  ,  qu'en 
zommettant  quelque  péché.  Ainiî 
es  Martyrs  ne  pouvoient  éviter  la 
110 rt  5  qu'en  renonçant  à  la  foy  ; 
ùnCi  Ton  île  fçauroit  fouvent  évi- 
:er  la  pauvreté,  la  periecurion,  l'in- 
■aniie  ,  qu'en  blelfant  la  conicience; 
k  il  faut  neceiîairement  alors  ,  ou 
]ue  la  crainte  furmonte  la  conicien- 
:e  ,  ou  que  la  conicience  iurmonte 
^  crainte. 

D,  Ces  occafions  font-elles  ordi- 
laires  ? 

JR.  Il  n'y  a  rien  de  plus  commun, ^^^^['J^^^''' 
lans  la  vie  ,  &  c'eft  pourquoy  faint  cùmc  in  homf. 
\uguftin  dit  avec  raifon  ,  que  la  eu-  dmo'î-!"co5ic^'e 
)idité  &  la  crainte  font  la  fource  de  Qj^cutite  .Inrerf 
ous  les  pcchez.  Il  y  a  une  infinité  S-^^^^^^^,:^^^^- 
le  rencontres ,  ou  Ion  ne  içauroit 't;îi"i  co: -cien- 
atisfaire  à  fon  devoir  ,  fans  s'expo- 1'^^'^^' J'J^^/^^'^Jjr 
er  à  la  haine  6c  aux  perlecutions  Piccata, niiîaut 
les  hommes.  Souvent  on  eft  obligé  mfnia'^Pi-op^n" 
le  s'oppoler  à  leurs  injuftes  deifeins.  ^'^^^  pr^mium 
Souvent  on  elt  oblige  de  leur  duc  quod  te  ddedac 


6^  D  E  t  A   C  H  A  R  I  T  £* 

facîj ,  propter  des  veritcz  defagreables  j  &  la  crainte 
?ouè  non  Indu-  ^^  ^^s  clioqucr ,  &  de  rellèntir  les 
cens  donis ,  ter-  efFcts  de  Icur  haine  ,  eft  alors  une 

reiis   minis  tacis  i  ^-,    ,  ,        . 

propcci  quod  ti-  g^iinde  tentation.  Cela  n  arrive  pas 
rocs.  s.  ^u^,  m  leulement  dans  les  perfecutions  oi\ 
l'on  veut  forcer  les  fidèles  à  trahir 
la  vérité  ,  &  la  juftice  j  mais  cela 
arrive  tous  les  jours  dans  la  vie  com- 
mune &  ordinaire.  La  crainte  de  la 
pauvreté  porte  pluficurs  perfonnes  a 
des  mjuftices  :  La  crainte  des  mala- 
dies en  porte  d'autres  à  des  fuperfti- 
tions  criminelles  :  On  difïîmule  une 
infinité  de  veritez ,  de  peur  de  fe  nui- 
re &  de  déplaire. 

-D.   Par  quels  moyens  peut-on  re- 
fifter  à  la  mauvaife  crainte  î 
Quod  fupra         R,  On  y  peut  refifter  par  une  bon- 
hoiinnes  eit  il-         crainte  èc  un  bon  amour.Craignez 

ine ,  ot  hommes  ,  i     i-       i  '     i  ^     i 

te  non  icrrebûc  ce  qui  eil  au-  dellus  des  hommes  ,  dit 
Mouau  ien.pi-  fanit  Auffuftin ,  &  VOUS  ne  craindrez 

tciuanitiiut  ,  oc  c?  ' 

praùuie.ii  .non  point  Ics  honimes  ^  craignez  la  mort 
wum'iUm^m-  étemelle,  &  vous  ne  craindrez  point 
corrupia...  &  la  mort  temporelle.  Defircz  la  vo- 
2."rù;.fc!&l"ftéinconuptibie  &  le  repos  par- 
piomiutntciii  fait ,  &  vous  VOUS  mocquercz  du 
poSia\^ ôc'^io'  monde  ,  &  de  Tes  promeflcs.  Crai- 
tuni  munoum    anez  donc  ,    &    aimcz    même  les 

deri:.ebis     Ama  P.  ,^. 

crgo  &.  urne  :  a-  biciiS  que  Dieu  VOUS  promct  :  crai- 
gnez 


iEî4VERS    SOY-MEME.  6) 

ûiiez  les  maux  dont  il  vous  menace ,  '"^  'l^^J-  p^^»-. 
&  VOUS  ne  lerez  point  corrompu  par  nie  qaod  mna- 
les    promelles    des     hommes    .     ni  ---^^^^^^  ••  iiec 

,         r  ,  •'  coirampens  •'C 

epouvente  par  leurs  menaces.  eoquodpro-.-.it-- 

Quelque  zïand  que  loit  ce  que  le  ^^^  >  ^^^^  teiKt.  •-- 

^^ —       1         ^  -'■  -^  ns  exeo  auo.l 

monde  nous  promet  pour  nous  ren-  minacur  homu, 
dreiniuftes,  dit   ce  même  Père  dans  ^'X^-'"  '.^""J: 
un  autre    enaroit  ;     peut -il    nous  iniquo  promii-- 
donner    autant    que   ce  que     Dieu  r^mûdus  nun- 
nous   promet  ^   ii  nous    demeurons  quantum  diji. 
juftes?    De    quelques  maux  que  le  j^^^^^^^^^^^ 
monde  nous  menace  pour  nous  rai-  juiio  miaacus    - 

re    abandonner  la   julHce  ,   pcut-iJ^J^'^S'-pt'î 
nous  faire  fouifrir  des  tourmens  pa-  faceie  quod  ta- 
reils  a  ceux  dont  Dieu  punira  ceux  "^^'^'^ II"^"' 
qui  l'auront  abandonnée  ?  Périmât  aU:- 

Il  faut  con(îd:n-er  avec  k   même  ".J.-'-'Srd.tn 
faint  Auguftin ,  que  le  mal  dont  on  reivec  vericas  a 
eft  menacé ,  fi   l'on  a-bandonn^  la  ju-  aùTe^rà'vedcate 
ftice  ,  eft  infiniment  moindre  que  ce-  refiiieriS;,.  quid 

I  \>         r     C  ■  ^        r  ^  ti'oi  amplius  f.c- 

luy  que  1  on  le  tait  a  loy-meme  en  ^^^^^^  ^^  i^^i^  j. 
rabandonnant.    Si  vous  bleifez  la  ve-  eus  ^    quam  n 

•     /  j-      -1  '  n.  ^^        tibi  ipfe  facis  ?' 

rite  ,    dit-il  ,    queit-ce   que  votre  mimicus  révisas 
ennemi  vous  peut  faire  de  pis,  que  ce  carnemcuam 

^      /•  .  V         ■*•  A         ,   poteft  occider:  : 

que  VOUS  vous  laites  a  vous-mem.e?  [aautem  dic;a- 

II  ne  peut  que  faire   mourir  vôtre  ^o  faifum  tcdi- 
corps  j  &  voas,par  le  taux  témoigna-  mara  occidis.- 
ge  que   vous    rendez  ,    vous  faites  ^^'^^* 
mourir  votre  ame.     Que  riniuftice 

Tomî  II,  F 


G(^        De    l  a  C  h  a  r  I  t  e' 
d'un    autie    falfc  donc   pcrir  votre 
chair  5    pourvu  que  la  vérité  cou- 
ler ve  vôtre  ame. 

D,  La  vue  &:  la  prefence  de  Dieu 
n'eft-elle  pas  un  objet  capable  d'é^ 
toufFer  en  nous  la  crainte  des  hom- 
mes par  quelque  autre  railon  j 

R,  Guy  :  Car  on  en  peut  tirer  une 
tres-forte  ,  pour  ne  craindre  ni  hom- 
mes 5  ni  démons ,  ni  aucune  créa- 
ture ,  de  ce  qu'il  n'y  en  a  aucune  qui 
nous  puiife  nuire ,  fi  Dieu  ne  le  veut, 
0!C  s'il  ne  luy  en  donne  la  puilîance. 
îl  faut  aufîi  le  perfuader  que  Dieu 
ne  la  donne  jamais  que  pour  nôtre 
bien  ,  fi  nous  luy  fommes  fidèles. 

L'homme    ,  dit  S.Augnftin  ,  peut 
Malitia  homi-  j^j^j^^  avoir  de  luy-mème  le  deiir  de 

num   cupidica-  .  .     .,      /  , 

texn  nocendipo.  nuire  ,  mais  il  n  en  a  pas  le  pouvoir 
cefthabere  pio-  ç^  Dieu  lie  le  luv  donue  :  pailque» 
icvn  aucem  fi  i!ie  comme  dit  i  Apotre  ,  le  pouvoir  ne 
ron  dar,  non     yj,.j-^|.  ^^^  j^  X:)\q\x.  Car  Ic  diable  , 

iiahet  j   non   eft  -^         ,  r         -i    /"  r     \ 

«rjmpoceftasni-  f^r  execiple  ,  ola-t-il  oier  une  leuie 
fi  1  Deo.    Défi-  bi-^bis  a  lob  ,  avant  que  d'en  avoir 

r.itiva   lentcntia  ,  ,-^,        '  .*j^  ^     r^-  tvt 

Apoftoli  cil  .  .  demanae  la  permiTron  a  JJicu.  Ne 
Quid  ipfe  diabo-  craienons  donc  point   ni  les  hom- 

Jusaulus  cft  vel  ^         •     i         t    i  i  i-  i 

unam  ovicuiam  mes  ,  111  le  diable  ,  dit  encore  le 
toihre  viio  fan-  ,^;^^^-^ç^  Dodcur  :  ni  les  uns,   ni  les 

tto  Job,  nih  ^  .  •  r  •  r 

pnusdiceret,     autres  HC  içauroient  rien    taire   li 


ENVERS     SOY-MK%ir.  ^7 

Divu  ne  le  It^ur  permet ,  ^:  il  ne  leur  ,^^,^^  ^  h^c  cft , 
permet  rien  que  pour  notre  bien.       da  poceftatem. 

Il  faut  donc  ,  pour  ne  point  ciain-  ,"  ^^'  ^' 
dre  les    hommes  ,    ie  former    une  ^î^'^'^'ll^pcc  i- 

....        1      I  •  ■  n"  ^     fte  tecic  aliquid 

grande  idée  ae  leur  impuiiiance ,  Se  mil  quantum 
de  la  puiifance  de  Dieu  ,  en  fe  di-  pcnniccitur,  pcr- 

,  V  >  tT  ••         •"!  miccit  aurem  no 

iant  a  loy-meme  ,  avec  Ilaie  ;  Cor/?-  poteft,  mil  quod 
we^ir    poH^cz  -  vous   avoir  pei-r  d'nn  ^^^'^^  prodeit. 
homme  ?no'rtel  ^  aiî'n  homme  (^ulfeche-    Quidm  ut  ti. 
ra    C07nme  l'hsrbe?  Avex^-ious   ^£?;?<;  meies  ab  homi- 

,  .  ,  -ne  mortah  oc  a 

Gnblic  le  Seigneur  ^m  vous  et  crce  ,  ^iti  fiuo  hominis , 
a  étendu  les    Ciaix  ,    &    affermi   /^  qui  quail  toenum 

-■^  ifa  arelcet    ?   Et 

terre  ?  obUtus  es  Domi- 

ni  fado  ris  tui  j 
qui  retendit  ccelos  &:  fundavit  tcrram      //.  n.  U.  (j  i>* 

D,  Les  tentations  de  la  cupidité 
font-elles  plus  à  craindre  qus  celles 
qui  naiffeiit  de  la  crainte  ? 

E.  Outre  que  les  objets  de  crainte 
ont  quelque  choie  de  plus  violent 
que  ceux  de  la  cupidité  toute  feule  , 
il  y  a  encore  cela  de  plus  dange- 
reux dans  les  péchez  qui  naillent  de 
la  crainte  ;  c'eft  que  la  cupidité  por- 
te d'oreiinaire  a  des  crimes  grofîiers  , 
qui  font  horreur  par  eux-mêmes  ;  au 
lieu  que  les  péchez  aufquels  la 
crainte  engage  ^  ne  font  aifez  fou- 
vent  que  des  omiflions  j  comme,  par 

Fij 


i3  D  E    L^    Ch  A  R  I  TE*^ 

exemple  ,  de  ne  pas  reprendre  ,  de 
ne  pas  rendre  témoignage  a  la  véri- 
té,  de  ne  pas  protéger ,  de  ne  pas 
défendre  les  innocens  j  &  il  eft  cer- 
tain que  ces  pcchez  ,  &:  ces  omif^ 
iîons  font  moins  d'horreur  ,  &  frap- 
pent moins  ,  quoy  que  le  mal  qu'ils 
produifent ,  ne  foit  quelcJUefois  pas 
moins  erand  ni   moins  danj^ereux. 

JD.  Tous  les  péchez  dont  la  cramte 
eft  le  principe  ,  font-ils  toujours 
mortels  ? 

picrtfmquc  ab  ^^  ^'°"  î  ^,  ^'  Auguftin  rappot- 
«>s<iocendi$,ad.  tant  les  caules  pour  lelquelles  les 
n^rJlT^f'''  ^^^'  bons  participent  aux  maux  dont 
objuigandis    &  Dieu  punit   les  mechans  dés    cette 

raiS^^tr;  ^i^  >  &  P'-'r  confequent ,  ne  parla,.: 
vei  cum  laboris  que  des  pechez  véniels  ,  en  marque 

^JofumoTloramP^^^^e^^'s  q^i  Haiifent  de  craintes; 
vcrecûndamuc    comme  ,  par  exemple  ^  de  s'abfte- 

cfrenderc  ;vel  cû      •     j>n       •  j>  •      o       i 

mimicicias  de-  ^^'^^  ^  iftruu-e ,  d  avertn*  de  ce  rcpren- 
vitamus^  ne     dre  Ics  uechcurs ,  de  peur  qu'en  les 

jmpe-diant  Se  no-     i  ^  r  c        ^^-  1 

ce?.nt  in  iftis  te-  choquant  cn  race  ,  oc  attirant  leur 
Toralibusrebus  _,  colete  ,  ils  ne  nuiient  dans  les  cho- 
ciadhucappedc^es  tem.poîieiies  ,  que  ion  dehre 
ricftiacLipiditas,  d'acquerir  ,  ou  que    l'on  craint  de 

nve  imas    amie-  ,^  ■  r  ■         ^•  -r* 

terefoimidatin-  perdre  ;  ce  qui  fait ,  dit  ce  Père  ,  que 
fîrmitas;  ira  uc  les  bons  font  luftemeiit  châtiez  avec 

cuamvis  bonis     1  .       '  .       .  ,., 

vita  maiorum    i^s  autrcs  dans  k  temps  ^  quoy  qu  ils 


lUVLKS     SOY-MEME.  <^i>' 

ne  foient  pas  éternellement  punis  ^^î^pîîceat ,  &  r- 

,A       ,,,  .    ,  ■*•  Cleo  cum  ciu  no«^ 

avec  eux  dans  1  éternité.  ineidantiniiiam 

,  damnacionem  , 

qvix  poft  hanc  vitam  taUbus  prœparatu-r  j  tamen  quia  pioptcrea  pec- 
catis  eorum  damnabilibiis  paicunt ,  dum  cos  in  îliis  licec  lcvibus& 
vcnialibus  metuimt,  }ure  cum  eis  temporaliter  flagellentur  ,  quam» 
vis  in  sternam  minime    puniantur.      -^m^«  de  C\vit.  De\  /»  i,  c»  ^% 

î>.  Efl-ce  une  timidité  blâmable 
que  de  s'abltenir  de  reprendre  les 
pécheurs ,  ou  parce  qu  on  cherche 
hc  qu'on  eipere  un  temps  plus  favo- 
rable ,  ou  parce  qu'on  craint  de  les 
rendre  pires,  ou  parce  qu'on  appré- 
hende qu'ils  empêchent  d'inllruire 
lesfoibles,  &  qu'ils  ne  les  détour- 
nent de  la  foy  ? 

-^.    S.  Au^uftin  décide  qu^en  ces    Nam  fî  prop- 

^^^^r  •«  A  •  teia  quifoiie  ob- 

occalions.il  ne  paroit  point  que  ces  jurgandir& cor- 
railons  de  ne  pas  reprendre  ,  foient  ripicndis  maiè 

dr       1  •  \-    >  •  '    \     a^ëntibus parcir. 

es  excuies  de  cupidité  ,  mais  qu  el-  quùa  opponu- 

les  paroiilènt  au  contraire  des  con-  "i^*.  tempus  in- 
feils  de  la  charité  &  de  la  prudence,  dcm  ipfis mecuît' 

ne  deceriorcs  ex 
hoc  efïîciantur  ,  vel  ad  bonam  vitam  ^  piam  erudiendos  impc- 
dianc  alios  infirmes  y  &  premanc  acqu-e  avertant  à  fide  ^  noa 
iridecur  efle  cupidfcads  occalîo,   fed  conûlium  caïuads.   Ibid. 


70      De   l  a  C  h  a  Pv  r  t  e' 

§.     II. 

De  la  cr^'mte  des  jugemetn  de$ 
hommes  ,  ou  de  la  mauvdïÇt 
honte- 

D.  Ne  craint-on  de  la  part  des 
hommes  que  les  maux  réels  qu'ils 
nous  peuvent  faire  ;  &  n'y  a-t-il 
que  cette  forte  de  crainte  qu'on  doi- 
ve regarder  comme  un  obftacle ,  & 
une  tentation  dans  la  voye  de  Dieu? 
R.  La  crainte  des  jugemens  des 
hommes ,  d'être  condamnez  par  eux, 
de  leur  déplaire  ,  d'être  l'objet  .de 
leurs  railleries  >,  eft  encore  une  ten- 
tation plus  ordinaire,  &  qui  n'eft 
num  cft^"^im*er  fouvent  pas  moins  dangereufe.  Saint 
corum  verba  Auguftin  en  reconnoiuoit  tellement 
&tnrcc'i:ê  la  force  &  le  danger  ,  qu'il  ne  craint 
de  itinere  prge-  pas  de  dire  que  c'ell:  un  c^rand  don  de 

ccpcoium  Dei  ;     v>v  j''-  1         •  f 

fsepe  enim  nicens  Dicu  ,  quc  d  être  tous  les  jours  rrap- 
pergereinDeum  pé  dcs  difcours  des  hommes  char- 

coneuflas  in  ip-  ^    ,  _     ,  r       •  •        11 

fo  icinere  tiepi-  nels ,  &  de  ne  iortir  ponit  de  la  voye 
dac  y  èc  pieium-  j^  Dieu  :  parce  qu'il  arrive  fouvent 

que  piopterca  ,,  ^         1  11        v    -rx-  rL 

non  impiet  bo   quc  1  ame  voulant  aller  a  Dieu,  elt 
numproporuum  ébranlée  dans  fa  courfe,   &  devient 

TiC  cttcndac   eos   .  .  ,  ,         '  p 

cum  quijus  vi.  mcertainc  ôc  chancelante,  6c  que  lou* 


Masnum  do- 


•   EKVERS    SOY-MEMF.  7I 

vent  même  elle  abandonne  l'execu-  ^''  ^^'^  ^^^^  p^ 
tion  des  bons  dciu'S  qu  elle  avoit  con-  feuucia  diiigcn- 
ciis ,  de  peur  de  bleller  ceux  avec  qui'^^^'  atque  Ceaan- 

•»       '  .      A         ^  -,,   ,         ,     ,,         ^      tes.  in /-/.  6. 

elle  vit,  qui  iont  poliedez  de  i  amour 
des  chofes  perilfables  (Scpaifageres. 

D,  Qui  font  ceux  qui  Iont  le  plus 
en  butte  a  ces  difcours  ,  &  a  ces 
jugemens  des  hommes  î 

R,  On  en  eft  attaqué  en  tout  état, 
^'  c'eft  une  épreuve  ordinaire  par  où 
Dieu  fait  palfer  la  plupart  des  âmes  ; 
c'eft  cette  eau  de  contradiction  dont 
pai'le  le  Pialmille  ,  lori qu'il  dit  :  probavî  te  a- 
fet'ay  éprouvé  dans  l'eau  de  contradï-  P^-i^quam  coa- 

•'„.     -^     •*       .  .  n  tradictionis.  f/". 

tî'^on  j  mais  cette  tentation  eit  nean-  so. 
nioins  plus  ordinaire  à  ceux  qui  com- 
mencent a  vouloir  fervir  Dieu.     Si- 
tôt qu'on  eft  baptilé  ,  &  qu'on  mar- 
che dans  la  voye  de  Dieu  ,    dit  Saint     Rc  veri    Fra- 
Au^uftin  ,  on  eft  incontinent  atra-  '^^^  :.  re  vera  qui 

/  j  •  •    r  \^  "  exaudicus  eft  ia 

que  par  des  gens  qui  inlultent  a  tous  abf.-onduo 


tem- 


ceux   qui  veulent  bien  vivre  ,  &  fe  p^ftatis ,   débet 

j     1  1  r^       r  •        probaii  in  aquâ 

retirer  de  la   voye   large.    Ce^  lamt  contradiaioms  ^ 
Docteur  croit  même  aue  cette  énreu-  '^^^  ^^^^  cre- 

c^.  r  1  '1  *  diderit,cum 

ve  elc  l!  générale ,  qu  il  ne  crain:  pas  bapatatus   fuc- 
de  dire  ,  qu^  celuy  qui  n'a  pas  en- '^^^>'^"'"'^'^"* 

I    I    \     \         j^-^i  ^  ,.     Dei  carpeie  cœ- 

core  ete  le  but  de  ces  langues  medi-  périt  ,   cum  ia 

fantes    ,    n'a  point    encore  fait  de  s^'^'^^^^^'"'^"^^^- 
,       ,  «^  quaii     intende- 

progres  dans  la  vertu  ^  &  que  pournc^ôcabarmor. 


ta  pubiîcc  cur-  éprouvcr  Jcs  infulccs  &  les  diTcour^ 
hc,habcbic  railleurs  des  hommes  charnels,  i! 
"?=:":  "îsi;^  "'y  a  ^^V,  '^""e  le  pied  dans  la 
infuicacores,mui  voyc  ûu  laluc ,  dc  temoîgiier  y  vou- 

minantes  cciam  les  choles  fragiles ,  terrertres  &:  tem- 
mrLt'r/'lc:  ?ovdks,  &  ne  fau-e  aucun  état  de 
primcntes.^  Hxc  la  fclicité  du  fîecle  j  alors  on  verra  , 

Tdiftrisrft"-  «l"  .^'^  la""  P"e ,  quelle  contra- 
inPf.no.  diction  on  foufJrira.  On  ne  manque 
honiT  duS  P^^  ^^  trouver  dans  le  iiecle  des  gens 
nuscogicarepio- qui  diieut ,  eft-ce  donc  que  vous 
rati  i.nguas  ad-  pre^endcz  que  le  ciel  n  eft  fait  que 

vcrfannum;  qui-  poUr  VOUS  ,  &  Ou'll  ÎIV  a  OUe  VOUS 
cunqucillasmû-  -r  r^i      '    -^  t W 

<iam  paiîus  eft  ;  4^^  lovez  Lhictiens  :  Lit-ce  que  vous 
mundum  profe-  prétendez  que  quiconque  ne  Teft  pas 

cit  ;   quicunque  ^        a  j        V  i  ' 

iiiâs  non  pacicur  ^  voU'e  modc  ,  iera  aamne  > 

ron    conatur 

perfîceie...  incipiat  proficerc  ^  incipiat  velle  afccnderc  y.  vellc  ccn.- 
«cmnere  terrena  j  fragilia,  tempcralia  j  felicicatem  foeculi  pro  ni- 
hilo  haberc  ,  Drum  iblam  cogitave,  ôcc  Videaraus  qiiemadmo- 
daai  patiatur  linguas  detrahenciuni  &:  muka  contiadicencium  ,  Sc 
quod  eft  gravius  ,  qaafi  confukendo  à  faluce  aveirenlîum  .  . .  ipd 
funt  qui  dicun:  ^  ôc  îu  hoc  taôurus  es  ,  q.uod  nenio  tecit  ?  Et  ni 
lolus  eris  Ciiiift:anus.    ^n  ^7-  *  '  9' 

jamvcroquif-     Q-jg  f^  qucIqu'un  ,    dit   cucore  le 

CUIS    fublimia  7^^     r-     t  K-  '■■lj^        J^ 

3ia  pracepta  mcme  S,  Auguitm  ,  tache  de  tendre 
impiere  voiucrit  ^  l'accompHifement  des  î^randes  & 

ut  dilpergat,  det    r  ^  ^^  •  J      Pr        '^      1         ^.,';l 

paupenbu^/quo  iublimes  veritcz  de  1  Evangile  ,  qu  il 
juftuia  ejusma-  Jiltribuc  fon  bien  aux  pauvres,    -^ 

îieat     in      aeter-         5-1     r   ,-r        u  1 

xiiim  ,  oamibuf-  qu  il  talie    d  autres  bombes  œuvres 

femblabks  , 


ENVERS      SOY-MEMt.  75 

iembiables  ,  li  devient  le  iaiet  €e  la  ^'^^  fuis  tebur 

.,-       .        -,  -in  •    '   tericm-s  vendiciï 

^:allle^e  des  nommes  :     il  elt  traite  &  inàigemibus 
comme   s'il   n'étoit  pas   lae;c  ,    par  ^^^s-^"--»  ^^,'^^" 
ceux  qui  ne  veulent  pas  le  devenir  ;  rit ,  diccns  m. 
êc  fouvent ,  dit-il  encore  ,  de  peur  ^'^  mtuiimus  m 

,,A  •    /    1      1      r  1        hunemundum, 

à  être  traite  de  la  lorte  par  ces  mala-  vcrum  ncc  au- 
des  defelperez  ,  il  craint  Se  il  diffère  ^'"^  q^id  poffa 

-,  \.  '  ,  r  1    ^  mus:   vittum  ôC 

d  accomplir  ce  que  le  tres-hdele  &  tegumencumha- 
tres-puiilant  médecin  des  âmes  luy  ^^^^^^^jus  eon. 

^i  ^  ,  ^   J    tenci  lur.us  :  la- 

preiente  pour  la  guerilon<S<:  pour  ion  ddu  in  iftomm 

lalut.  lacdlegarn  dica- 

,  .  citacem^ôcabeis 

tn  erret  ,  il  n  y  a  point  de  temps  qui  fanad  no- 
oùles  diicours  des  hommes  loientun  a^^f  "'^.""Ï^J 
plus  arand    obftacle  au  lalut,   que  nehoc'vocecui.-, 
lorfqu'U  s'agit  de  foire  une  ferieufe  iSr^i^p"" 
pénitence  j    ôc  il   arrive  alors  très-  dat  facere  ,  & 

ibuvciit,  que  la  cramte  de  déplaire  ^IJ^^J^lr 
aux  hommes  fait  plus  d'imprefîion  sc  potenuiîînius 
fur  l'efpnt ,  que  l'amour  de  la  Jui-  y^f^^T^' 

tice.  Nam  &  ipla 

C'eft  cette  mauvaife  honte  qui  em-  ^t^^^' 
pêche  de  confeller  les  péchez  ,  &  <nui  ert  fccundum 
y  fait  trouver  tant  de  diiîicultez:  c'eft  "^^^.^^f^^, 
ce  qui  empêche  de  fe  retirer  du  mon-  rm-nque  inHrmi . 
de,  de  fe  mortifier  &c  de  faire  des  quTa & padm^Jl 
fruits  dicTiies  de  pénitence.    Il  cfl:  é-  m»^  «^  airpii- 

^      1  •  •  .  ,.     cendi.  dum  plus 

trange  combien  certains  noms  nii-  deiecut  hoaii- 
cules  qu'en  donne  dans   le  mondjà"^"^  exiftima- 

•  \  r  •  .      tio     quam  iat'>i- 

ceux  qui  veulent  le  convertir  veri-  na  quâiequii- 
Tomell.  G 


74  De  la  Charité' 
que  humiliât  tabfemeiit ,  détournent  de  gens  de 
thtr,c,8i.  iii  voyc  de  Dieu;  oc  h  ion  exami- 
noit  bien  ce  qui  a  empêché  la  plu- 
part des  gens  du  monde  de  fuivre 
les  bons  mouvemens  qu'ils  ont  eu 
quelquefois  de  le  convertir,on  trou- 
veroit  fouvent  que  ce  n'ont  été  que 
certanis  jugemens  des  hommes ,  &: 
certains  difcours  ,  dont  ils  le  loiic 
fait  des  fpedres  &  des  phantômes. 

D,  Que  faut-il  donc  faire  pour 
fortifier  Ion  ame  contre  cette  tenta- 
tion ? 

j°.  Il  fout  tâcher  de  concevoir  for- 
tement l'excès  de  la  folie  qu'il  y  a  à 
faire  dépendre  ion  lalut  des  jugemens 
faux  &c  ridicules  des  hommes ,  ôc  à 
proférer  le  iuçement  des  aveuojts  Se 
'ï-  des  inlcniez  a  celuy  de  Dieu  ,  de  les 

Anges,  de  Tes  Saints,  &  des  hommes 
raiionnables  ôc  véritablement  é- 
clairez. 

i".  Il  faut  tâcher  de  s'imprimçr 
vivement  dans  Teiprit,  cette  confu. 
lion  éternelle  que  les  méchans  fouf- 
friront  un  jour  en  prefence  de  toutes 
les  créatures  ,  6c  mépiiler  dans  cette 
vue  les  jugemens  des  hommes  char- 
nels de  cette  çonfufion  pallàgere  de 


ENVERS      SOY-MEME.  -)" 

faiiiL*  ,  qui  n'a  pour  principe  que 
l'erreur  &c  l'aveuglement  des  hom- 
mes attachez  au  fiecle, 

5^.  Il  faut  penfer  ,  que  fî  nous  ne 
méritons  pas  cette  confufîon  parti- 
culière ,  que  les  jugemens  de  les  dil- 
cours  des  hommes  nous  font  louf- 
frir,  nous  méritons  néanmoins  par 
nos  péchez  d'être  couverts  de  confu- 
sion ;  &  qu'ainiî  Dieu  nous  fait  une 
grande  grâce  de  nous  donner  moyen 
de  icitisfaiïe  a  la  Juftice ,  par  la  con- 
fufîon injulle  que  nous  foufFrons  de 
la  part  des  hommes. 

4°.  Il  faut  le  fbuvenir  que  quitter 
les  bonnes  œuvres  6c  la  pratique  des 
règles  du  Chriftianifme  par  la  crainte 
des  difcours  &  des  jugemens  dés 
hommes;c'eftdéiavouer  Jefus-Chrift 
devant  les  hommes  ,  ôc  mériter  d'ê- 
tre rejette  de  luy  dans  Ion  jugement, 
puifque  c'eft  la  menace  qu'il  fait  à 
ceux  qui  auront  rougi  fur  la  terre  de 
luy  &  de  fes  paroles. 

5"^.  Il  faut  découvrir  dans  ces  dif- 
cours des  hommes ,  la  malice  du  dé- 
mon ,  qui  fe  fert  de  ces  bruits  qu'il 
excite  pour  nous  détourner  de  nôtre 
chemin  ,  &:  qui  triomphera  de  nôtre 

Gij 


-jC        De    l  a  C  h  a  Ti  I  t  e' 

foibleirc  ,  il  nous  donnons  dans  le 
piège  qu'il  nous  tend. 

6^.  11  faut  le  faire  honte  à  foy-mc- 
nie  de  n'avoir  pas  autant  de  courage 
&  de  fermeté  pour  nôtre  falut ,  que 
les  hommes  en  ont  d'ordinaire  pour 
leurs  moindres  pafTions.   Car  n'cft- 
ce  pas  une  chofe  étrange  ,   de  voir 
que    lorfqu'un    homme    du  monde 
veut   fatisfaire  à  fon  ambition  ou  à 
ion  plailir ,  ou  à  fon  intérêt ,  il  mé- 
priie  louvent  tous  les  jugemens  des 
hommes  j  <Sc  au  contraire  ,  lorfqu'il 
s'agit  de  lervir  Dieu,  on  craint  les 
jugemens  &    les   moindres  dilcours 
de  ceux  même    qu'on  méprile  ,  & 
qu'on  veut  quitter  :  on  appréhende 
tout  ce  que  les  hommes  peuvent  di- 
re :  on  fe  remplit  refprit&:  le  cœur 
de  vaines   frayeurs  ,  6c  on  colore 
toute  cette  mauvaife  honte  du  nom 
de  piiidence. 

n'-^.  Il  faut  reconnoître  que  les 
jugemens  des  hommes  ne  font 
des  impreiïions  fî  vives  fur  nous , 
que  parce  que  les  veritez  de  Dieu 
en  font  peu.  Car  fi  nous  étions 
touchez  autant  que  nous  le  de- 
vrions être ,  de  ces  veritez  Evan- 


ENVERS    SOV-MEME.  77 

geliques  ,  les  jugemens  des  hom- 
mes nous  toucheioient  peu.  Pour- 
quoy  la  PecherelFe  ,    donc  Pexem-    Super  convî- 

1  fL  C'       J^-  ^     Vr;      vantes  i»f:;ieira 

pie    nous    eft    propoie     dans    1 E- ^^^^^^^  j^^Va 
vanille  ,   craignit-elle  (i  peu  les  ju-  venu,  imei  cpu- 

'^  11  ,-  -,11^..   ias  lacrymas  ob« 

gemens  des  nommes,  que  pouL  ailei  tuiit.Difckequo 
trouver  Jefus-Chrifl ,  elle  s'expofa  à  doioieaidec^qua: 

1  c  (\-  111      fleie  &   inttr  e- 

entrer  dans  un  teiiin ,  auquel  elle  p^j^^  ^^^  ^^^^ 
n'étoic  point   appel lée  ?   C'eft  ,    dit  befck  .  . .  con- 

/r  ■         r^  \     r^  j'  vivances  non  c- 

lamt  Grégoire  le  Grand,  que  com-  rubuit  ;  nam 

me    elle   roucrilloit    beaucoup    d'elle-   quia fen^eciplam 

même  au  fond  de  Ton  cœur  ,  elle  ne  ^eb«  ILùs^'n^' 
yoyoit  plus  rien  au  dehors  qui  la  hii  elle  cicdidir^ 
puc  raire  rougir.  ^  darctur  fons.  6\ 

8^^.  Enfin ,  la  hardielle  &  la  terne-  ^reg.  Mag.H»m, 
rite  ordinaire  des  gens  du  monde  ^  >'''"  ev^h^. 
qui  condamnent  le  plus  fouvent  à 
la  légère  &  fans  crainte  ce  qu'ils  ne 
connoifïènt  pas^  nous  devroit  don- 
ner de  la  honte  de  nôtre  lâcheté» 
Car  pourquoy  s'ils  ne  rougiirent  pas 
de  la   faulleté  de    leurs  jugemens  , 
rougirons-nous  de  la  vérité  $c  de  la 
folidité   des   reiolucions    que    nous 
devons     prendre    de    nôtre    laluc. 
Pourquoy  ,    s'ils    foutiennent   leur 
fentiment    avec    tant    de    confian- 
ce 5     lori qu'ils     font    dans    l'illu- 
fion  ,    aurons-nous  moins  de  force 

G  ii) 


yS  D  E   L  A    C  n  A  R  I  T  t' 

qu'eux  pour  loutenir  la  juilice  que 
Dieu  nous  a  fait  connokre.  C'ell:  par 
ces  railons ,  &C  autres  femblables , 
C|u'il  faut  tâcher  d'affermir  fon  ef- 
prit  contre  cette  tentation  dange- 
reufe. 

$.     III. 

Z)e  la  trcîfiéme  forte  de  crainte  j 
qui  efi  U  puJîlUnimité, 


D,  N'y  a-t-il  point  d'autre  forte 
de  crainte  vicieufe  ,  qui  puiife  être 
uji  fujet  de  tentation  ,  outre  leî 
ccriix  que  nous  avons  marquées  ? 

jR,  Il  y  en  a  une  troilieme  ,  qu 
ned  pas  moins  dangereuie  ni  moin: 
ordinaire,  &qui  fe  couvre  encon 
plus  facilenîént  ious  une  appareno 
d'huiBilité.  C'eft  ce  qu'on  appell 
-puJîlLr/î'nnlîc,  C'eft  une  crainte  qu 
nous  empêche  d'entreprendre  de 
allions  de  vertu ,  en  nous  les  fai 
fane  regarder  comme  trop  difficile 
&  trop  diiproportionnées  à  nôtr 
foiblelîe. 

F,  En  quelle  occafion  eft-on  attc 
que  plus  ordinairement  de  cette  ten 
tation  5 


ÊNVFRS    SOY-MEMÏ.  79 

jR,  C'eft  dans  le  choix  des  condi- 
tions ,  &des  états  de  la  vie  :  car  la 
plupart  des- gens  ne  le  déterminent 
a  celiiy  qu  ils  choiûlfent  ,  que  par 
des  mouvemens  de  pufillanimité.  Il 
y  a  ,  par  exemple ,  une  infinité  de 
RUes  qui  s'engagent  dans  le  maria- 
ge 5  parce  qu'elles  le  forment  des 
idées  affireuies  de  la  vie  Relieieule, 
Se  des  aulteritez  qui  s'y  pratiquent  : 
d'autres  demeurent  toujours  dans 
une  vie  molle  ,  de  crainte  d'in- 
commoder leur  fanté  :  d'autres  ne 
font  jamais  les  efforts  neceifaires 
pour  éviter  Iss  occafions  du  péché  , 
parce  qu'ils  regardent  ces  efforts 
avec  terreur  ,  &c  qu'ils  s'ijnaginent 
qu'en  fe  reduifant  à  la  vie  qu'il  fan- 
droit  mener  pour  cela  ,  ils  n'au- 
roient  plus  d'agrément  ni  de  joye 
dins  la  vie.  Ainli  ils  étouffent  par 
cette  crainte  tous  les  defu's  qu'ils 
fentent  de  fe  convertir,  ôc  de  quitter 
le  péché. 

Il  y  en  a  qui  n'ofenc  entreprendre 
aucune  bonne  œuvre  ,  de  peur  de 
n'y  pas  réufîîr  -,  &  qui  manquent 
ainli  de  rendre  à  Dieu  les  fervices 
qu'ils  luy  doivent ,  félon  les  taleus 

G  iiij 


8(^        De   l  a  Ch  a  r  I  t  k' 
qu'ils  ont  reçus.  C'eft  par  cette  ten- 
tation  que   ce    mauvais  Serviteur , 
Autti..^:.^.         tioîit  TEvangilc  parle,  cacha  le  ta- 
lent qu  il  avoit  reçu  ,   fans  le  faire 
itet  pigrorum  P^o^cer  ■  c  eft  aufll  ce  qui  fait  dire 
quaii  lepes  ipi-  au  Sagc  ,    Q^ie  le    chemin  du  varef- 
TT^iT'    ^"'^'  fi^^-"^  eft  comme  une  haye  d'épines  :  par- 
ce que  ceux   qui  font   poifedez   de 
cette  puiiUanimité  ,   qui  produit  en 
-    eux  une  pareile   fpirituelle  ,    trou- 
vent des  difficultez  par  tout  j  ils  font 
fenfibles  à  tout  ce  qui  leur  peut  eau- 
fer  de  la  peine  ,  &  toutes  ces  refle~ 
xions  font  comme  autant    d'épines 
qui  les  arrêtent. 

D.  Quelle  eft  la  caufe  ordinaire  de 
cette  tentation?  - 

R,  îi  y  en  a  deux  :  Tune  ,  que  Ion 
juge  mal  des  difficultez  des  chofes 
en  foy  ;  l'autre  ,  qu'on  ne  s'appuye 
pas  aiièz  fur  le  fccours  de  Dieu. 

D,  Comment  juge-t-on  mal  dej 
difficultez  des  chofes  en  foy  ? 

R,  La  plupart  du  monde  fuppofe 
fans  raifon  qu'ils  regarderont  tou- 
jours dans  la  fuite  les  chofès  qui  leur, 
font  peine  ,  de  la  même  forte  qu'ils 
les  regardent  dans  le  ientiment  de 
cette  peine.      Ainii  ils   conilderent 


ÉNVEÎLS     soy-meme.  8^t 

les  difficultez  dont  ils  font  frappez  ^ 
comme  fixes  ,  llables ,    de  invaria- 
bles y  au  lieu  que  (auvent ,  elles  ne 
font  que  paiîageres.  On  s'imagine  , 
par  exemple  ,  que    c'eft  une  chofe 
bien  duie  que  de  ne  manger  point  de 
viande  ,    d "être    enfermé    dans    un 
Manaflere  fans  fortir  ,  de  fe  lever  à 
une  certaine  heure  ;   5c  ainii  en  re- 
gardant ces  pratiques  comme  des  pei- 
nes qui  doivent  durer  autant  que  la 
vie ,    on   s'éloigne   des  états  qui  y 
obligent  ;  parce  qu'une  peine  conti- 
nuelle nous  efirave,  iVlais  on  en  ju- 
geroit  autrement,  fi  on  ùiloit   re- 
flexion que  certainement  la  peine  de 
ces  pratiques  n'eft  que  paiTagere , 
que  l'habitude   la  détruit ,    ôc  que 
l'on  vient  à  y  être  inlenfible  :  ainfi 
cet  effet  de  l'habitude  étant  certain, 
il  ne  faut  donc  regarder  ces  prati- 
ques comme  pénibles ,  que  pour  un 
temps.  Une  perfonne  ne   leroit  pas 
effrayée  ,  par  exemple.  Ci  l'on  ne  luy 
propoloit  que  de  s'abftenir  de  vian- 
de cinq  ou  iix  mois.  Cependant  s'en 
abdenir  pour  toujours  ,   n'eft  guère 
plus  pénible  que  de  s'enabilenir  pour 
ûx  mois. 


i: 

tic 


âl  De     LA    Ch  A  R  i  T  E* 

Une  femme  du  monde  confideic 
comme  une  choie  infupporcable  de 
renoncer  pour  toujours  aux  diver- 
tiiremens  du  iiecle ,  de  demeurer  re- 
tirée  dans  fa  mailon  ,  ôc  de  mener 
une  vie  réglée  :  mais  elle  fe  trom-  w 
pe  en  fe  reprelentanc  cette  vie  ré- 
glée ,  comme  pénible  pour  toute 
la  vie  j  fix  mois  d'habitude  luy  en 
ôteront  toute  la  peine  ,  ôc  après  ce- 
la elle  y  trouvera  autant  de  goût  Se 
de  plai(ir,que  dans  tous  les  divertilfe- 
mens  dont  elle  ne  concevoit  pas 
c]u  on  fe  pût  paiFer. 

Z).  Par  quelles  confiderations  faut- 
il  remédier  à  ces  faulfes  idées  que 
Ton  k  forme  des  difîicultez  de  la  vie 
Chrétienne  î 

JR,  1°.  Il  y  faut  remédier  par  nôtre 
propre  expérience ,  ôc  par  le  fouve- 
nir  que  nous  pouvons  avoir  qu'un 
peu  d'habitude  ,  adoucit  preique 
tout  ce  qui  paroît  le  plus  affreux. 
Combien  de  cho  fes  avons-nous  re- 
gardées comme  inlupportables ,  ôc 
que  nous  fupportons  néanmoins 
fans  peine  dans  la  fuite  ?  Combien 
de  gens  les  foufFrent  ,  non  feule- 
ment fans  impatinece  ,  mais  enco- 


ÏNVERS    SOY-MEMÎ.  $^ 

'e  même  avec  joye  ?  Elles  ne  font 
ionc  pénibles  que  par  rimagination. 
Dr  l'habitude  &  le  temps  corrigent 
5c  détruifent  abfolument  l'imagina- 
:ion  ;  pourquoy  nous  priverons- 
nous  donc  ,  pour  un  mal  de  fantai- 

Iiîe  ,  &  que  le  temps  guérira  necei- 
.  fairement,  d'un  bien  réel  de  éter- 
nel ?  Et  pourquoy  n'aurons-nous  pas 
le  courage  que  nous  voyons  que 
tant  d'autres  ont  ?  Cnr  no7i  poterls 
^ttod  ifll  &  IfU  r  L'habitude  adou-  ^^'^r  ^'•^-  ''  *' 
cit  même  les  calamitez  oc  les  miie- 
res  réelles,  Perfonne,  dit  un  Philofo-    Nemo  durarct 

adverfitez  5  ii  elles  fciiioient  dans  la  vimaïuduitas 
fuite  une  imprefïïon  aulTi  vive  qu'el-  prh^î^iaulX 
les  font  au  commencement.  Ainfi^e^e^i;, 
donc  à  plus  forte  raifon  ,  l'habitude 
peut-elle  adoucir  certains  états  qui 
ne  font  pénibles  ,  que  parce  que  nô- 
tre imagination  nous  les   reprcfen- 
tent  comme  tels, 

2°.  Il  faut  y  remédier  par  la  confé- 
dération des  maux  ^c  des  peines  de 
toutes  les  conditions  de  la  vie  ,  & 
de  celles  même  aufquelles  on  s'en- 
gage le  plus  volontairement.  Quel- 
les fatigues ,  par  exemple  ,  ne  fouf- 


^4  ^  E     L  A    C  H  A  R  I  T  e' 

fcnt  point  a  la  guerre  les  perfonnc-, 
inéme  de  qualité  :-  Quelles  aufteritez 
égalent  les  travaux  &  les  miferes  de  Ip: 
la  vie  des  pauvres  de  des  artilans,  des 
gens  qui  vivent  a  la  campagne,  de  de  rj 
ceux  dont  la  vie  le  paife  en  voyages  Ir 
continuels  ?   Mais  il  ne  nous  plaîc  ji 
pas  de  nous  comparer  avec  tous  ces  jr 
états-là  j  mais  pourquoy  ne  nous 
plaît-il  pas  ?  C'ell:  nôtre  amour  pro- 
pre qui  nous  flatte,   c'ell:  cette  pu- 
iillammité  qui  nous  retient ,  &  qui 
nous  tente.  En  effet  nôtre  être  eft-il 
diltercnt  de  celuy  de  ces  autres  hom- 
mes ,  ôc  iommes-ncus  moins  rede- 
vables à  la  jullice  de  Dieu  ?   Il  faut 
donc  convenir  que  c'ell  une  honte 
terrible  aux  Chrétiei^s  ,  queprefque 
perfonne  ne  veuille  faire  pour  Diea 
ôc  pour  Ton  falut,ce  que  tout  le  mon- 
de fait  avec  amour,  &  fans  fe  plain- 
dre, pour  de  petits  intérêts ,  &:pour 
des  biens  temporels  <3c  perilïables. 
.   D,  N'y  a-t-il  pas   quelque  chofe 
de  plus  folide  dans   la   crainte    de 
ceux  qui  s'éloignent  des  pratiques 
pénibles  de  la  vie  Chrétienne,  pour 
ne  pas  ruiner  leur  fanté  ? 
^.  Cette  crainte  pourroit  être  foi> 


ENVERS    SOY-MEME.  85 

\ée    fur    des   raifons   li   évidentes , 
:]u'elle  obligeroit  en  effet  quelques 
^erfonnes  de  s'abftenir  de  ceitanies 
pratiques  contraires  à  leur  tempe- 
.ament.    Il  y  a  ,  par  exemple,  des 
perlonnes  ,  qui  lans  fe  flatter  ,  font 
incapables  du  jeûne  ,    ôc  de  certai- 
nes aufteritez  :  mais  le  nombre  en 
?ll:  petit ,  de  il  ne  faut  pas  facilement 
porter  ce   jugement   de   loy-mème. 
Pour  l'ordinaire  ,    toutes  ces  crain- 
tes viennent  de  foiblelfe  de  vertus 
de  d'un  trop  grand  amour  du  corps. 
Et  quand  elles  n'ont  que  ce  fonde- 
ment,   de  que  le  danger   de    nuire 
a  fa  fanté  eil  incertain ,  ces  perfon- 
nés  doivent   confiderer    qu'il  n'y  a 
prefque   aucune  condition  feculiere 
qui  ne  foit  plus  dangereufe  ôc  plus 
capable  de  caufer  la  mort ,   que  ces 
exercices  dont  on  veut  le  dilpenier 
Que  l'on  regarde ,  par  exemple ,  dans 
une  ville  les  filles  qui  le  confacrent  à 
la  pénitence  ,   foit  par  la  profeiTion 
de  la  vieRelieieuie,  loit  d'une  autre 
manière,  &  celles  qui  entrent  dans  la 
condition  du  maria2e  ,  (Se  l'on  verra 
que  dans  dix  ans  il  y  aura  plusde  fem- 
mes mariées  mortes  ^    que  de  celles 


.S^  De   la  Charité* 

qui  ne  le  loue  pas  ,  &  qui  vivent 
d'une  manière  plus  aullere.  L'on  en 
peut  dire  autant  en  comparant  la  vie 
des  Religieux  &  des  Prêtres  ,  avec 
celle  de  ceux  qui  font  engagez  dans 
la  vie  du  monde.  Sera-t-ii  donc  dit 
qu'il  n'y  aura  que  Dieu,  pour  le- 
quel on  croira  ne  devoir  s'expoicr  a 
aucun  danfier? 

On.  met  la  gloire  dans  le  monde 
à  s'expofer  aux  plus  grands  périls, 
pour  plaire  aux  Rois  de  la  terre  j  & 
même  cette  pafîion  eft  Ci  forte  &  li 
univerlelle  ,  qu'elle  remue  ,  &  me- 
né à 'la  mort  des  armées  entières. 
Mais  les  précautions  Se  les  réfle- 
xions de  prudence  viennent  en  fou- 
le ,  quand  il  s'agit  de  faire  quelque 
choie  pour  Dieu  ;  de  il  lemble  qu'u- 
ne mort  inévitable  foit  attachée  a 
tous  les  exercices  de  pieté. 

D,  Qnelle  règle  doit-on  donc 
avoii"  fur  ce  point  ? 

'/(\  La  règle  qu'on  doit  fuivre  ell 
celle-ci ,  qu'un  danger  commun  ôc 
ordmairc  ne  nous  doit  jamais  empê- 
cher d'entreprendre  ce  qiii  eft  certai- 
nement utile  à  nôtre  filut ,  Se  qui  a 
été  entrepris  avec  iuccés  par  une  in- 


ENVERS    SOy-MEME.  S^ 

Ênité  de  perlonnes  auiïi  foibles  que 
nous  ;  il  Faudroit  pour  déférer  à  ces 
craintes,  que  la  foiblelle  de  nôtre 
tempérament  fût  aifez  grande  pour 
nous  être  une  marque  certaine  de  la 
volonté  de  Dieu.  Or  elle  ne  l'efl;  ja- 
mais 5  quand  on  voit  plulieurs  per- 
fonnes  ,  qui  avec  les  mêmes  ou  de 
plus  grandes  foiblelïès  de  corps , 
n'ont  pas  lailfé  de  réiifîîr  dans  les 
choies  dont  cette  prétendue  foibleiîè 
nous  donne  de  réloifrnemcnt. 

D.  Par  quelles  railons  le  doit-on 
fortifier  contre  la  défiance  du  iecours 
de  Dieu  ? 

jR.  Il  faut  avoir  dans  l'elprit  qu'il 
n'y  a  point  d'état  iî  facile  où  nous 
puiiîions  lubliiter  «Se  faire  nôtre  lalut 
fans  le  iecours  de. Dieu;  &  de  même, 
qu'il  n'y  en  a  point  de  li  difficile  oii 
fa  grâce  ne  foit  capable  de  nous 
coniei;ver  :  de  forte  que  la  différence 
du  danger  des  conditions  à  l'écard 
de  chacun  ,  ne  vient  roint  tant  de 
ce  qu'il  y  a  de  plus  dangereux  dans 
une  condition  que  dans  une  autre ,  en 
les  comparant  enfemble  ,  que  d^  la 
vocation  ou  du  manque  de  voca- 
tion. Car  quelque  fivorabie  peur  le 


gS  Delà  Charité' 
laluc  que  loit  un  état  de  vie  ,  il  cfl 
excifêniemcnc  dangereux  pour  ceux 
que  Dieu  n'y  appelle  pas  :  quelque 
difficile  que  (bit  un  autre,  il  celfe 
d'être  dangereux  a  ceux  que  Dieu  y 
appelle. 

Il    eft  bien    vray  que  Dieu  veut 
qu'on  ait  égard  dans  ce  choix,  aux 
dangers  des   divers  états  coniiderez 
en  eux-mêmes  ,  6s:  qu'il   eft  de  la 
prudence  dechoifir  les  plus  favora- 
bles ôc  les  plus  iûrs  :  mais  quand, tout 
condderé  ,  &c  après   avoir  tâché  de 
découvrir ,  autant  qu'il  nous  eft  poil 
fible  ,    la  volonté    de   Dieu,  nous 
croyons  qu'il  nous  veut  dans  quel- 
que état  ;  c'eft  une  illufion  manifefte 
d'être  arrêté   par  la   défiance  du  lé- 
cours  de   Dieu  •    car  il  eft  toujours 
beaucoup  plus   probable  qu'il-  nous 
accordera  ion  Iccours ,  en  fuivant  ce 
que  nous   croyons  être  le  plus  con- 
forme à  fa  volonté  ,  qu'en  nous  en- 
gageant dans  une  voye  qui  ne  nous 
paroit  pas  y  être  fî  conforme. 

CHAP. 


ENVERS      Sôy-MEME.  Sq 


y 


CHAPITRE    VL 

Bî  U  Trijlejfc, 

JD.  /^  Uel  eft  le  mouvement  de 
V^  lame  qui  fe  porte  vers  le 
jnal  pieient  &  inévitable  ? 

F.  C'eft  celuy  que  l'on  appelle  tri- 
ftelTè  5  qui  eft  le  contraire  de  la  joye. 

D,  Combien  de  iortes  de  triileiîès 
doit-on  coniiderer  ? 

R.  On  en  doit  confîderer  quatre. 

La  première  ,  que  Ton  peut  appel- 
ler  une  tnil:elîe  d'humeur  &  de  tem- 
pérament, &  c'eil  celle  qu'on  rel- 
ient 5  lorique  Htns  aucun  luj  jt  parti- 
culier de  triftelTe  ,  lame  le  porte 
d'elle-même  à  s'entretenir  d'objets 
triftes  ,  (Se  eft  plus  vivement  tou- 
chée des  accidens  qui  anivent  dans  la 
vie  ,  que  ne  le  lont  ceux  qui  ont  un 
autre  tempérament, 

La  féconde  eft  celle  qu'on  rcffent 
dans  l'exercice  des  vertus  ,  loiTqic 
l'ame  vient  à  n'y  trouver  plus  de 
goût  &  de  plaifn- ,  &  c'eft  ce  qu'on 
appelle  dans  les  livres  Ipirituels 
Toms  IL  H 


^O  De    L  A    Ch  A  R  I  T  E* 

féchereilL*  ôc  délolation. 

La  troificme  eft  celle  qui  eft  caufée 
par  les  afïliâ;ions  de  les  maux  qui  ar* 
rivent  dans  la  vie  ,  ou  par  les  péchez 
que  l'on  a  commis. 

La  quatrième  enfin,  efl:  celle  que 
l'on  conçoit  du  bien  même  du  pro- 
chain 5  ôc  c'eft  cette  palïïon  qu'oa 
appelle  envie. 

$.   h 

' De  la  triflejfe  q^^i  naît  de  l'hu- 
meur c^  du  umpcrament, 

D,  Comment  le  tempérament 
peut-il  caufer  la  triHefTè  ? 

R,  Il  n'en  faut  point  chercher  d'au- 
tre rai  Ton  que  la  loy  de  l'union  in- 
concevable de  l'ame  avec  le  corps  , 
qui  fait  que  lorfque  le  cerveau  eft 
remué  d'une  cenaine  manière  ,  l'a- 
me conçoit  plutôt  certaines  penfées 
que  d'autres  5  or  il  y  a  des  humeurs 
dans  les  corps  qui  produifent  Cw^r- 
taines  agitations  dans  les  efprits  ,  ■  ôc 
qui  remuent  le  cerveau  de  la  ma- 
nière propre  à  luy  fa^re  concevoir 
des  objets  triflcs  :  de  forte  que  ceux 
en  qui  cette  humeiu:  cft  abondante  , 


ENVERS    SOY-MEME.  c)  X 

ont  par  necefïité  des  idées  trifles  ,  & 
reirentent  divers  mouvcmens  de  cet- 
te triftelle  que  nous  avons  appel léè 
de  tempérament. 

D,  Ces  mouvemens  rendent-ils 
coupables  ceux  qui  les  reirenteiit  ? 

'^,  Non ,  tant  que  ces  perfonnes 
demeurent  dans  les  termes  de  fim- 
ples  mouvemens ,  &  que  la  volon- 
té ne  s'y  joint  poiiit  :  paixé  qu'il  eft 
certain  que  ces  mouvemens  dépen- 
dent du  tempérament  ,  &  qu'ils 
font  involontaires  j  mais  fi  la  volon- 
té s'y  joint ,  &  qu  elle  les  laiffe  dif- 
pofer  des  allions  extérieures  du 
corps ,  ce  font  alors  de  véritables 
péchez  ,  (i  les  adbions  qu'ils  produi- 
lent  font  déréglées.  Auid  une  mé- 
lancolie qui  parle,  &  qui  agit  ,  eft 
toujours  volontaire. 

T,  Comment  l'ame  peut-elle  être 
continuellement  remuée  &c  agitée  par 
les  oKj^ts  triftes  dans  ces  tempera- 
mens  mélancoliques  ? 

R.  C'eft  que  la  plupart  des  objets 
de  la  vie  font  mêlez  de  bien  &  de 
mal.  Or  ceux  qui  font  de  ce  tempé- 
rament ne  s'appliquent  qu'a  ce  qu'il 
y  a  de  mal  dans  ces  objets  ,  6c  n'y 

H  ij 


5;i  Dfla  Charité* 
cnvifagcnc  prcfque  point  le  bien.  Ils 
oiic  des  idées  fortes  des  maux ,  de  de 
foibles  des  biens  j  Se  comme  les 
plus  fortes  l'emportent ,  ils  ne  con- 
çoivent prefque  que  des  mouvemens 
de  triftelfe. 

D.  Eft-on  obligé  dercfifter  à  cet- 
te difpofition  d'eiprit  ? 

^.  L'on  y  efl:  d'autant  plus  obligé, 
qu'elle   flate    l'ame   d'une    manière 
délicate  &  fubtile  ;  car  tantôt  cette 
paiïion  fe  traveftit  en  zèle  contre  les 
dercglemens  du  monde  ,  tantôt  elle 
emprunte  le  vifage  de  la  gravité  ,  air- 
elle femble  condamner  avec  railoii' 
la  légèreté  ^   &c  la  vanité  des  hom-  ' 
mes.  Cependant  fi  elle  s'empare  dc[ 
Tame,  elle  la  pouffe  à  des  excès  tres-^ 
dangereux;    elle  répand  fur   toutes -• 
les  a£èions  une  teinture  de  chagrin  ;' 
eile  excite  la  colère,  l'impatience-.  Se 
la  haine;  eile  couvre  l'efprit  de  noi- 
res images  ;    elle    combat   direéte- 
menc  la  compaiTîon  ,  le  fupport  du 
prochain,  Teiperance  ,   Se  la  chari- 
té; enfin  elle  détruit  le  corps  mê- 
me. C'eft  pourquoy  l'Ecriture  nous 
^  _. .  avertit  tres-cxpreflement  de  refifter  à 

Tnltitiam  non  rr  tvt»    /         ; 

des  aaiiuK  tu«  ^  cette  •  pallioiî.    ISTat^an donne z^  pas  ^ 


EKVERS    SOr-MEME.  5)5 

ik  rEGcleiiaftique  5  z'ôtre   urne  ^ /^  &:non  afïTigâs 
mffep,C'7  ne  vous  in-JJez^  pas  aller  vo-  eoniiho  tuo.  Jn, 
lontaïremenîd  laffiïtlion  ;  car  /^/^y^  cunduas  cordis 
d«  cœnr  ^  ejt  ce  qui  cenje-rve  La  vie  de  xvwni^ ,    &  the- 
r homme  :  c'efi  nn  trefar  inèptnfahle  de  ^^ums  fine  dcfe- 

,    '    ,    -^  -(  ',     -^  .       ûione    fanâica- 

famtete  -,  &  pour  AVoir  une  longue  vie^  tis  :  &  exuitado 
il  faut  être  dans  U   ioye,  yiysz^    donc  vm  eft  lon^^vi- 

r  .  ,    ,         /T  '    }  ]  ^*5'    Milercic  a^ 

titie  de  votre  ame  en  tachant  de  vous  ni;nae  iiue  pla- 
rendre  arreablc  a  Dieu.  AbCtene^^vous  ^^"^'-^  ^^®  *    ^ 

j  ;       V        '       •/!-  ^  I  coxitine    :     coll- 

ai mal  ^  &  repimjjcz.  votre  cœur  dans  gifga  cor  tuum 

la  fainteté  de  Dieu.  Banni/fez  U  tri^  '^'  '^J'^^']^^^.  "" 

/i   ir    I    '       j  1  •  a   rr  jus  ,&  niituiàoft 

jtejfe  loin  de  vous  ,  car  la  trijtejje  en  longë  lepeikà 
a,  ffi.it  mourir  plufieurs  ,    Ô'    elle  na  ^^:  ^'^^'^^^  e-^ 

...,'•'  '  lîim  occiûJt  tri- 

point  d  utilité.  ftuia  ,     &    non 

D.  Comment  faut-il  refifter  à  cet-  f  "^^^^^^  '"^  '^' 
te  paillon?  éf^q- 

R.  En  la  regardant  telle  que  TE- 
criture  nous  la  reprelente ,  (5c  en  pra- 
tiquant ce  qu'elle  nous  prefcrit  pour 
l'éviter,  C'ed:- à  -  dire,  qu'il  ne  le 
faut  pas  laiifer  tromper  par  les  appa- 
rences ,  que  cette  paliion  preiente 
au  dehors  ;  mais  qu'il  en  faut  péné- 
trer le  fond.  Or  ce  fond  nous  fera 
connoître  ,  que  bien  loin  d'être  uti- 
le, elle  détruit  les  principales  difpo- 
frtions  dans  lelquelies  il  faut  tâcher 
de  s'établir  pour  vivre  ch:  étienne- 
ment  ^    foit  qu'on  foit  juile  >  ioit 


^4       D  E  LA   Char  r  t  e* 

qu'on  foie  pénitent.  Car  en  quelque  j 
état  que  ioit  une  ame  ,  elle  doit 
toujours  s'élever  à  Dieu  par  refpe- 
rance  &  par  l'amour  ,  ôc  travailler 
fortement  à  Ton  falut  :  Or  la  triftef- 
fe  s'oppofe  à  tout  cela ,  en  tenant 
lame  dans  k  parelfe  6c  dans  l'abbat- 
tement. 

Il  eft  vray  que  cela  ne  convient 
qu'à  la  trifteife  exceflîve.  Car  quand 
la  triftelïe  n'eft  que  modérée  elle  n'a 
pas  ces  mauvais  effets ,  ôc  même 
quelquefois  elle  en  peut  avoir  de 
bons  ;  mais  il  faut  prendre  garde 
qu'elle  ne  s'empare  totalement  de 
Tame  :  c'eft  pourquoy  l'Ecriture 
nous  avertit  d'avoir  pitié  de  notre 
Ame  :  Miferere  amm^t  tuét  ;  en  ne  la 
livrant  pas  entièrement  à  cette  paf- 
fion.  Et  elle  ajoute  qu'on  doit  ufer 
de  ce  ménagement  pour  pUire  a 
Dien:  placens  Deo.  Parce  que  cette 
condefcendence  d'une  ame  qui  épar- 
2;ne  Ca.  propre  foiblefTè  ,  étant  con- 
forme aux  règles  de  la  fageiïe  ,  eft 
agréable  à  Dieu  qui  eft  la  fagefte 
même.  Il  faut  donc  regarder  ^  félon 
l'Ecriture,  Li  jo^^  da  coeur  comme  le 
principe  de  la  vie  fpiricueile  aufîi- 


ENVERS    SOY-MEME.  ^^ 

tien  que  de  la  vie  corporelle.  Mais 
cette  joye  n'eft  pas  une  joye  char- 
nelle ,  une  joye  de  légèreté  ,  c'eft 
une  joye  inkparable  de  l'amour  de 
Dieu. 

D,  La  triftefTè  étant  une  difpofî- 
tion  naturelle  ,  &  cette  mauvaife 
dirpoficion  étant  une  peine  duc  a  nos 
péchez  j  ne  feroit-il  pas  meilleur  de 
s'y  livrer  que  d'y  refiiier? 

F,  La  tn fteire  n'eft  pas  f.^ulement 
une  peine ,  c'eft  aufîî  une  tentation 
que  Dieu  ne  fait  que  permettre  :  C'efl 
pourquoy  fi  Ton  peut  foufFrir  par 
efprit  de  pénitence  la  trifteffe  m-O- 
deiée  ,  on  doit  refifter  a  ion  accroif- 
fement ,  parce  que  ce  feroit  iccon- 
der  ta  tentation. 

/).  Comment  peut-on  expliquer  ce 
que  dit  l'Ecriture  ,  que  la  triftelle 
eft  inutile  ,  puifque  fuivant  ce  qu'on 
vient  de  dire  ,  on  peut  en  faire  un 
bon  ufage  ,  &  fatisfaire  par  elle  à  la 
juftice  de  Dieu? 

^.  Quand  l'Ecriture  dit  que  la 
trifteiTe  eft  inutile  ,  elle  parle  de  la 
triftelfe  qui  nous  domine  ,  ôc  non 
pas  de  celle  à  laquelle  on  refifte  ,  à>C 
que  l'on  retient  dans  de  juftes  bor* 
aes. 


9<j       Delà  Charité' 

D,  Quels  loue  les  remèdes  qu'il 
faut  apporter  a  la  cridelïe  ? 

R,  C'ed  de  ne  fe  point  conduire 
par  les  mouvemens  de  triftelFe  ,  de 
laiiï'er  la  cette  amertume  qu'elle  ré- 
pand dans  ie  cœur  ,  &:  d'agir  com- 
me (1  on  n'en  avoit  point.  Car  l'ef- 
prit  gouverné  par  une  volonté  fer- 
me &c  forte  ,  fe  détache  ainfi  peu  à 
peu  des  objets  de  trifteiïè  ,  &  fe 
remplit  d'autres  objets  ,  en  forte 
qu'il  conçoit  d'autres  mouvemens, 
&  donne  lieu  par  là  aux  humeurs 
qui  cauient  le  chagrin  de  fe  diiïiper: 
outre  cela  ,  l'adion  eft  extrême- 
ment propre  aux  perfonnes  triftes, 
&  rien  ne  leur  nuit  davantage  que 
l'oinvcté ,  parce  qu'elle  leur  permet 
d'entretenir  leurs  penfées  ,  &  que 
l'imagination  dominée  par  la  mélan- 
colie ,  n'étant  capable  de  prefenter 
à  l'efprit  que  des  objets  triftes ,  aug- 
mente cette  maladie ,  ôc  la  porte 
fouvent  aux  extremitez.. 

D,  Eft-il  bon  pour  foulager  la  mé- 
lancolie de  chercher  des  divertiife- 
mens  ? 

F.  Il  eft  certain  qu'il  en  faut  per- 
mettre quelques-uns  aux  mélanco- 
liques. 


ENVERS     SOY-MEMf.  97 

liques.  Mais  il  faut    bien   prendre 
garde   de   ne   pas    prétendre    gué- 
rir   un  mal  ,     par   un  plus    grand 
mal.  D'ailleurs,  les  divertillemcns  da 
monde  font  de  mauvais  moyens  d'é- 
viter la   triftelfe   ,    pour   ceux    qui 
font  éclairez   des   véritables  lumiè- 
res du  Chriftianifme.  Ces  plaiiirs  ne 
fatisfont  point^une  ame  qui  aime  à 
travailler  à  fon  falut  ;  ils  la  îailîent 
au  contraire    dans    un    plus   grand 
dégoût ,  &c  la  plongent  plus  avant 
dans  la  triflelfe.Dieu  efl:  donc  le  vray 
Médecin  des  âmes  trifles ,  ôc  c'eft 
dans  Telperance  de  les  mifericordes., 
dans  la  ndelle  pratique  de  fes  loix  , 
ôc   dans    Thun^ble  foumiilion   à   fa 
juftice  5  qu  il  en  faut  trouver  le' vray 
remède  à  le  folide  foulagement. 

§.    II. 

De  la>  féconde  forte  de  trijlejje , 

au  on  /îf pelle  fechereffe  on 

defolation, 

D,  Qu'eft-ce  que  cet  état ,  dont  il 
efl:  il  fouvent  parlé  dans  les  livres 
fpirituels  fous  le  nom  de  fecherelfe 
Tom  IL  1 


5^S  D  E    L  A  C  H  A  R  I  T  e" 

c<j  de  deiolations  ? 

^.Il  y  en  a  de  tant  de  fortes,  qu'il  eft 
difficile  d'en  donner  une  idée  qui 
convienne  à  toutes. 

Ce  n'eft  quelquefois  qu'une  pure 
mélancolie  naturelle ,  qui  domine 
l'imagination ,  &  qui  applique  Ta- 
me  aux  objets  de  triftelîe  &c  de  crain- 
te :  Ainii  ,  comme  il  y  a  toujours 
quelque  lu  jet  de  craindre  dans  tou- 
tes nos  œuvres  ;  les  âmes  polfedées 
par  cette  humeur,  ne  s'appliquent 
qu'aux  fujets  de  défiance  ,  &c  ne  fe 
foulagent  j.amais  par  les  motifs  de 
confiance  ,  d'amour  &  de  joye.  Il 
leur  femble  qu'elles  n'ont  jamais 
rien  fait  de  bon  ;  que  tout  ce 
qu'elles  ont  de  vertu  eft  faux;  qu'el- 
les trompent  tout  le  monde ,  ôc  mê- 
me qu'elles  trompent  Dieu;  enfin,, 
elles  lont  fans  celTè  tourmentées  de 
agitées  de  mille  fembL^J^les  penlées. 

C'efl:  quelquefois  la  fouftradtion  de 
la  privation  de  certains  mouvemens 
fenfibles ,  qui  fervoient  à  Tame  d'un 
vent  qui  la  portoit ,  &  qui  la  faifoit 
agir  avec  joye  ;  de  forte  que  l'ame 
s'y  étant  attachée  ,  s'il  arrive  que  ce 
vent  ceife  de  fouffler^  elle  demeure 


ENVERS     SOY-MEME.,  ^<^. 

en  quelque  forte  fans  mouvemenc  : 
elle  fent  de  la  peine  &  du  dégoût  à 
tout.  Se  le  fouvenir  de  ces  conio- 
lations  fenfibles  qu'elie  avoit  relïèn- 
ties  ,  &  qu  elle  n'a  plus ,  la  tient 
dans  un  état  de  trifteile  ôc  de  ferre- 
ment de  coeur. 

C*eft  quelquefois  l'effet  de  l'infidé- 
lité de  l'au^ie  ,  qui  s'étant  répandue 
au  dehors  par  la  recherche  des  ob^ 
jets  du  monde  ,  êc  voulant  rentrer 
au  dedans  de  foy  ,  y  trouve  tout  en 
delordre.  Ainfi  ,  elle  s'y  déplaît , 
elle  s'y  trouve  mal ,  elle  ne  fçau- 
roit  s'y  arrêter. 

C'eft  quelquefois  auiîi  utne  pure 
.  épreuve  de  Dieu  ,  qui  voulant  puri- 
fier les  âmes  qu'il  aime ,  de  leur  or- 
gueil ôc  de  leurs  attaches  cachées  y 
leur  fiit  fentir  ce  qu'elles  font  par 
elles-mêmes ,  en  retire  les  lumiè- 
res Se  fes  grâces  fenfibles  ,  Se  les 
abandonne  pour  quelque  temps  à 
l'infirmité  de  la  nature.  Dieu  per- 
met alors  que  les  idées  de  leurs  mi- 
feres  Se  de  leurs  ténèbres ,  fe  pre- 
fentent  vivement  à  ces  âmes ,  Se  que 
les  idées  confolantes  s'en  éloignent 
ou  agiiîent  foiblement  fur  leur  el- 

BÎBL10THÎCA    j 


roo  De  la  C^tarite' 
prie  ;  en  force  néanmoins  qu'il  Ie$ 
ioucient  dcins  cet  état ,  mais  d'une 
manière  qui  leur  fait  craindre  de 
tomber  à  toutTnoment  dans  le  pré- 
cipice ,  6c  qui  leur  fait  connoître  le 
befoin  continuel  de  la  ^race.  A  la 
vente  on  ne  peut  nier  que  Dieu  ne 
permette  fouvent  au  démon  dans 
ces  occalions  d'y  mêler  fes  imprel- 
fîons  ,  de  remuer  les  humeurs  du 
corps  ,  d'agir  lur  l'imagination  ,  de 
de  rendre  par  la  plus  vives  &:  plus 
pénétrantes  les  idées  trilles  6c  défo- 
lantes  dont   les  âmes  font  affligées. 

-D.  Qu.'y  a-t-il  de  commun  entre 
toutes  ces  différentes  efpeces  de  fé- 
chereires  ôc  de  défolations  ? 

^.  i^.  Elles  ont  toutes  leur  fourcc 
dans  l'impureté  du  cœur  de  l'homme; 
elles  font  toutes  juftes  ,  ëc  font  tou- 
tes ordonnées  par  la  fainteté  de 
Dieu  5  qui  tient  les  âmes  dans  cette 
fournaife  d'humiliations ,  pour  les 
purifier  de  leurs  fautes  :  ainli  l'a- 
ine en  cet  état  eft  obligée  à  s'humi- 
lier fous  la  Juflice  de  Dieu,  à  s'y 
foûmettre  &  a  l'adorer. 

2°.  Ces  déiolations  oblicjent  l'ame 
en  cet  érat  à  dilcerner  autant  qu'elle 


ÎNVERS     SOY-MEME,  lOl 

.peut  5  les  caufes  qui  luy  peuvent 
avoir  attiré  cette  affiidticii  fpirituelle, 
ôc  cet  état  de  léchereiTè ,  &  à  exanii- 
ner  devaiit  Dieu ,  il  elle  ne  s'eft 
point  relâchée  ,  il  elle  n'ed  point 
tombée  dans  la  nc2;lieence  ou  dans 
Torgueil  ,  ôc  enfin  ,  il  elle  ne  s'efc 
point  engagée  dans  l'amour  du  mon- 
Jde. 

3".  Cet  état  -de  langeur  dans  le - 
-quel  Tame  le  trouve  ,  doit  Texciter 
de  plus  en  plus ,  &  la  porter  à  avoir 
dans  la  luite  plus  d'attention  ôc  de 
vigilance  a  fes  adlions, 

4°.  De  quelques  caufes  que  naiil 
fent  ces  déiolations  ,  l'ame  ne 
doit  point  perdre  courage  ,  ni  ceifer 
de  bien  vivre  :  mais  au  contraire , 
elle  doit  s'appliquer  ,  &  être  plus 
exadte  à  tous  les  devoirs. 

D.  Puilque  cet  état  eft  deflitué  de 
grâce  -,  comment  y  peut-on  agir  ,  & 
de  quelle  lorte  pourroit-on  luppléer 
à  la  ^race  ? 

F.  Cet  état  n'eft  pas  defl:itue  de 
toutes  grâces ,  mais  feulement  d'une 
grâce  feniible  Se  confolantc  j  ainfl, 
au  défiiut  de  la  charité  tendre  &  dou- 
-cc ,  il  faut  agir  ,  fclon  S.  Bernard  , 

I    UJ 


ICZ  Dî    I  A    Ch  AR  ite' 

par  cette  charité  qu'il  appelle  féchc, 
mais  forte  ,  qui  fufïit  pour  faire  les 
aurions.  C'ell:  ce  que  S,  François  de 
Sales  appelle  agir  par  la  partie  fu- 
pencure  de  l'ame,  non  qu'il  prétende 
^^ue  Ton  puilîeagir  par  pure  raifon  & 
fans  aucun  mouvement  de  grâce, 
mais  parce  que  la  grâce  dans  cet  état 
cft  fi  femblable  à  la  raifon  ,  qu'on 
ne  l'en  diftingue  pas. 

D,  Que  faut-il  faire  quand  l'ima- 
gination prefente  des  terreurs  va- 
gues j  qu'elle  fe  figure  qu'on  eft  m^al 
avec  Dieu  ,  qu'on  a  perdu  la  grâce 
par  quelque  péché  fecret ,  &  mille 
autres  penfées  de  cette  nature  ? 

J^.  il  faut  confuîter  la  vérité  fur 
ces  penfées  vagues  ,  &  fur  ces  ter- 
reurs ;  &  la  vérité  qui  eft  Dieu 
même ,  répondra ,  que  lorfqu'on  ne 
peut  trouver  aucune  lumière  far 
quelque  chofejla  volonté  de  Dieu  eft 
qu'on  ne  s'y  arrête  pas  ;  qu'on  ex- 
pofe  imiplement  à  Dieu  ces  ténè- 
bres j  qu'on  prenne  fujet  de  s'en  hu- 
milier ôc  d'en  gémir  devant  luy ,  ôc 
qu'on  ne  perde  pas  le  temps  à  cher- 
cher de  la  lumière  où  Ton  n'en  peut 
pas  trouver,  Ainfi  après  avoir  exa- 


DËNVÎRS     SOY-MEME.  10^ 

ruiné  fur  quel  fondement  ces  ter- 
reurs iont  établies ,  on  doit  regar- 
-der  toutes  ces  craintes  values  ,  com- 
me  de  pures  tentations ,  aulquelies  il 
ne  fciut  avoir  aucun  égard. 

D,  Mais  n'eft-il  pas  poiïible  que 
•ceux  qui  s'imaginent  être  mal  avec 
Dieu  par  quelque  péché  caché  ,  y 
foient  efFeâivemens  mai  ? 

R,  Cela  eft  pofïible  ;  mais  com- 
me ces  âmes  ne  fçavent  pas  il  leurs 
Terreurs  font  légitimes  &  bien  fon- 
dées 5  &  qu'elles  ne  le  fcauroient 
ifcâvoir ,  attendu  le  défaut  de  lu- 
mieres  que  nous  fuppoions  en  elles  ; 
Dieu  ne  veut  pas  qu'elles  donnent 
cet  avantage  à  l'ennemi ,  de  s'arrê- 
ter inutilement  à  cette  recherche: 
-&  quand  même  il  ieroit  vray  que 
ces  âmes  auioient  perdu  la  grâce  par 
quelque  péché  lecret  ,  leur  crainte 
ne  laiileroit  pas  d'être  vaine  &  té- 
méraire 5  puifque  la  manière  de  re- 
couvrer la  grâce  ,  n'eft  pas  de  fe  fa- 
tiguer la  tête  a  chercher  ce  qu'on 
ne  connoît  pas  ;  mais  c'eft  de  s'hu- 
milier ,  &  de  gcmir  de  fes  ténèbres  ^ 
.d'efperer  en  Dieu  ,  de  l'aimer ,  de 
.'lîluy  être  fidèle  ^   eu  exécutant  cou- 

J  iiij 


104  ^^  ^^  Charitb' 
ragcufement  ce  qu'on  connoîc  c3c 
les  volontez ,  ann  de  couvrir  par  cet 
amour  3c  par  cette  fidélité  ,  les  pé- 
chez même  que  Dieu  permet  qui 
foient  cachez. 

Z).  Doit  -  on  confiderer  l'état  de 
fechereife  ,  comme  plus  élevé  ,  6c 
plus  utile  ,  que  celuy  de  confolation 
&  de  ferveur  ? 

^.  Cet  état  peut  être  plus  utile  ; 
mais  il  n'eft  utile,  que  parce  qu'il 
nous  humilie  davantaj^e  :  Ainii  com- 
me  il  nou5  rabaiile  aéluellement  ,  il 
faut  que  nous  confentions  a  ce  rabaif- 
fement ,  Se  que  nous  ne  le  rendions 
pas  inutile ,  en  nous  relevant  inté- 
rieurement. La  fechereiTe  eft  un  état 
où  Dieu  nous  châtie  ,  comme  il  a 
été  dit  3  pour  nos  fciutes,  grandes  ou 
petites  5  nous  n'en  fçavons  pas  la 
mefure.  C'eft  donc  une  témérité  à 
nous  de  juger  par  là  que  nous  Tom- 
mes dans  un  état  grand  de  relevé. 
L'état  de  ferveur  6c  d'une  grâce  for- 
,  te  ,  qui  ôte  les  difficultez  des  adions, 
eft  celuy  auquel  nous  devons  afpirer 
Telon  les  lumières  ordinaires  de  la 
£oy.  C'eH:  l'état  auquel  nous  fom- 
snQs   obligez  de  tendre  par    nous- 


ÎNYERS      SOY'MEME.  ICJ" 

mcmes  :  mais  s'il  plaîc  à  Dieu  de 
nous  conduire  par  un  autre  chemin , 
il  faut  y  marcher  ,  &  s'y  foumettre 
en  la  manière  qui  convient  à  cet  état; 
c'eft-à-dire  ,  avec  patience  ôc  humi- 
lité. 

§.     I  I  L 

JDe  la  tr/jlejfe  caufée  par  les  af- 
fichons ,  d^  les  maux  qui  ar^ 
rivent  à  ans  la  vie.  Cojiiment  on 
y  peut  remédier, 

D,  Les  affligions  qui  caufent  la 
triftefïe  ,  l'impatience  6c  le  delcf- 
poir  étant  fi  différentes  ,  &3  agilîanc 
fi  diverlement  lur  l'cipiit  ;  peut-on 
trouver  des  remèdes  généraux  capa- 
pables  de  fortifier  l'ame  contre  tou- 
tes fortes  d'afflidions ,  Se  de  tribu- 
lations telles  qu'elles  foient  ? 

^.Toutes  les  affli^îtions  ayant  quel- 
que chofe  de  commun  ,  elles  peu- 
vent auffi  avoir  des  remèdes  com- 
muns. 

V.  Que   doit-on  remarquer   d'a- 

i>ord  à  l'égard  de  ces  remèdes  ? 
o 


I 


10(3       DelaCharîte'  I 

/*.  Il  faut  remarquer  qu'on  lc5 
doit  appliquer  diflercmmciu  ,  félon 
àeux  temps  difFerens.  i°.  Avant  que 
les  afflictions  ioient  arrivées,  i'^.  au- 
près qu'elles  le  font. 

Article      I. 

T)e  Id  préparation  aux  affitclioni. 

D.  Eft-il  necelfaire  de  fc  préparer  1 
aux  afflidlions  ? 

i^.   L'une  des  principales  caufes  de 

Tabbatement  où  Ton  tombe  dans  les 

afflidtions ,  c'eft  le  peu  de  foin  que 

*ït  prépara  a-    l'on  à  eu  de  s'y  préparer.  C'eft  pour- 

iiimam  tuam    ç,^Qy  |.o  5^ac  donne  avis  à  ceux  qui 

Ecdi.  i.  c.  i.     embraiient  le  lervice  de  Dieu  ,  de  fe 
*"'  '■  préparer  aux  tentations  j  par  où  il 

NuUi  vacat  au- entend  principalement  les  afflic- 
fL'L'raaendirê  ^ïons.  Lcs  accidens  nous  renverfcnt, 
cum  vobis  bene  parce  qu'ils  furprennent  Tame.  Ce 
vobis  bene  ^  eft  pas  le  temps  d  écouter  Dieu  , 
cft  :difcixfcum  dit  faint  Auguftin  ,  loilquc  l'on  eft 
fapîemi^ ^dSi-  prcflcdu poids  del'afîliâiion.Ecoutez» 
pimam,&  ver-  je  loifouc  VOUS  en  êtes  exeiTjpt.  Ap- 

bum  Dei  ut  ci-  ^    ■>  i  i  i         •  V  •     i- 

bnm  coiîigite.  prenez  dans  le  calme  la  diiciphne 
Quandoeniin     Je  la  faocife  ,  dont  vous  aurez  be- 

quifous  in  tribu-   n   ■        1*^1  ^  c     r   ■ 

iauoLs eft , pro,  loin  dans  la  tempête,  ^  faites  pro^ 


ENVERS     SOY-MEME.  Î07 

Virioi:k  de  la  parole  de  Dieu  :    Car  ^^ç^^  iu^  ^^^^^ 
quand  la  tribulacion  eft  venuc,c'cf}:Ie  quodrecuiusau- 
xemps  de  fe  fervir  de  ce  que  Tame  a  iaIo"^admonc-'  * 
entendu  dans  la  paix.  C'efI:  par  cet-  snur  imitaii  for- 

.,-  i,T-       •  •     micam.  ficut  c- 

te  raiion  que  1  tenture  nous  avertit  ^^^^  piorperitas 
<l'imiter  la  fourmi   :  car  comme  la  fecuU  fignifica- 

r        •    <     y       r      \         n     r       -c  tiu  die  ,  adver- 

proiperite  du  liecle  elt  iignihee  par  ç^^^^  fcecuii  fi- 
le jour  ,&  Tadverfité  par  la  nuit  ,  gnificaturnoac, 

'  A  r        •    I      Ci         rr  ica  alio  modo 

cette  même  proiperite  eit  aulii  mar-  prorpci-itas  fœ- 
xiuée  par  TEté  ,   &    ladverfité   par  ^"f  fignificatur 

,-•,  ,      ^        ^  r  •    1      r  •  11     ïeftate.   Adverlv- 

I  Hyver.  Ur  que  tait  la  fourmi  ?  elle  tas  fœcuU  figni- 
amalfe  durant  TEté  ce  oui  luy  eil  fi^^^,"^!^'^''^!^-^'^ 
neceliaire  pour  i  Hyver.  Ecoutez  mka  ?  Per  afta^ 
donc  avec  foin  la  parole  de  Dieu  ^="^  coiiigitquod 

,  Al  /         ei  per  hiemem 

pendant  que  vous  êtes  dans  un  état  profit.  Ergo  cû 
heureux  &  tranquille:   car  il  n  eft  f^  ^^^^  ^  ^^^ 

^^,  ,  ^  '        ^^  ~  bene  eit  vobis , 

pas  pollible  que  vous  paniez   lans  cum  tianquiiu 
tempête  la  merde  ce  monde.  Cela  ^^'t*^'^^!'^^  . 

,      r  ^  ...     verbum  Domi- 

II  arrive  a  perlonne ,  <5c  s  il  arrivoit  ni  -.  unde  emm 
àquelqu'un,il  nVauroit  rien  de  plus  ^^^.^  poreft,  m 

,    -i       .  i  '     ,      •'  r  in  hac  tempelta- 

a  craindre  quun  calme  non  inter-  te  fœcuii  hujus 
rompu,  comme  celuy-là.  foT^.'fï^rmr 

re   tranfeatis  ? 
"Unde  fieri  poteft  ?  Cui  hoc  hominum  contigit  ?  Si   concigit  aliciii 
plus  metuenda  efl  ipfa  tianquillitas.   ^ug.  in  Ff.  41, 

D,  En  quoy  confifte  cette  provi- 
sion que  l'on  doit  faire  î 

^.  Elle  confîfte  non  feulement  à 
-jremplir  Ton  efprit  de  quantité  de  ve- 


io8      De    la  Charité' 

xitez  ,  qui  nous  découvrent  la  ne 
ceflité  &c  rucilité  des  affligions  ,  ^l^ 
la  manière  de  les  foufFrir  ;  maislfr^' 
aufîi  à  s'en  remplir  d'une  manière  1^ 
humble  ,  &  non  pas  prclomptueuie;  |i 
à  ne  s'imaginer  pas  qu'il  n'y  a  qu'à  je 
avoir  dans  l'eiprit  une  teinture  ru-|l 
perficielle  de  ces  veritez  ^  mais  à 
prier  Dieu  avec  ardeur  ,  qu'il  les 
grave  profondement  dans  nôtre 
cœur,  &  à  mettre  toujours  fa  prin- 
cipale confiance  dans  le  fecours  que 


nous  devons  efperer  qu'il  nous  don- 
nera dans  la  tentation  même  ,  ôc 
dans  le  temps  del'afflidlion. 

D.  Quelles  font  ces  veritez  qui 
nous  découvrent  la  necefîité  Ôc  l'uti- 
lité des  afflictions  ? 

i?.  Il  y  en  a  plufîeurs,  &  nous 
en  marquerons  ici  feulement  les 
principales. 

La  première  ,  de  qui  fert  de  fonde- 
ment à  toutes  les  autres ,  eft  ,  que 
l'ordre  de  la  juftice  de  Dieu  pour  le 
fiîlut  des  hommes  ,  efl:  qu'étant  dé- 
chus pas  le  péché  de  l'étrit  heureux 
d'innocence  où  il  les  avoit  créez  ,  ôc 
s'étant  attachez  aux  créatures ,  ils  ne 
Soisnt  purifiez  de  ces  attaches ,  qu^ 


ENVERS     S  O  Y- ME  MB.  IOî^ 

par  le  feu  des  affligions  ,  Se  des 
douleurs.  Dieu  ne  leur  veut  plus 
donner  Ion  Royaume  ,  lans  leur 
faire  fentir  le  mal  qu'ils  fe  font  fait 
à  eux-mêmes ,  en  luy  préférant  les 
créatures  :  Ainii,  l'afflidion ,  la  dou- 
leur, Se  la  trifleiïe  lont  devenues 
depuis  le  péché  de  l'homme  ,  des 
moyens  neceiïaires  au  lalut ,  parce 
que  c'eft  la  voye  que  Dieu  a  cholfie 
pour  la  purification  de  l'ame  ,  qui 
ne  peut  être  admife  à  la  jouillance 
de  Dieu,  quelle  ne  loit  parfaite- 
ment pure  de  toute  loiiillure. 
'  Ainfi  celte  purification  de  lame 
par  l'affliction  ôc  par  la  foufFrance  , 
fe  fait  en  dejux  iortes  de  purgatoi- 
res ,  l'un  de  ce  monde ,  Se  Tautre 
de  l'autre.  La  première  purification, 
qui  eft  celle  qui  fe  fait  dés  cette  vie , 
comprend  tous  les  maux.  Se  toutes 
les  affligions  qui  font  deftinées  par 
la  juitice  de  Dieu  à  purifier  les  âmes. 
Se  à  leur  appliquer  le  mérite  du 
fang  de  Jelus  Chrift.  L'autre  puri- 
fication que  Dieu  referve  pour  l'au- 
tre monde  ,  comprend  tous  les  châ- 
timens  que  la  Juilicc  Divine  exer- 
cera dans  l'autre  vie,  iur  les  amcs  qui 


UÙ        D  Ë    t  A    C  H  A  R  I  T  Ë* 

fortironc  de  ce  monde  avec  quel- 
ques taches.  Mais  il  y  a  cette  diffé- 
rence entre  Tun  ôc  l'autre  de  ces  pur- 
gatoires ,  que  les  peines  du  premici 
Ibnt  incomparablement  plus  douce 
plus  efficaces  ôc  plus  utiles  que  cel- 
les de  l'autre. 

Elles  font  plus  douces  ,  parce  que 
la  Juftice  de  Dieu  s'y  exerce  avec  un 
plus  grand  mélange  de  mifericorde , 
ôc  que  Dieu  proportionne  les  peines 
à  la  foiblelFe  des  hommes  ,  qu'il  en 
tempère  la  rigueur  fuivant  la  force 
de  la  créature  qu'il  veut  punir  &  pu- 
rifier. Elles  font  plus  efficaces ,  parce- 
qu'on  y  latisfait  a  de  grandes  dettes  , 
par  beaucoup  moins  de  foufftances. 
Elles  font  plus  utiles ,  parce  que  les 
maux  de  cette  vie  ,  en  fatisfailant  à 
la  Juftice  de  Dieu  pour  nos  péchez , 
font  en  même  temps  des  remèdes  Ôc 
des   prefervatifs   qui  gueriiïènt  nos 
paffions  ,  ôc  qui  nous  prefervent  de 
l'Enfer,  comme  nous   le  dirons  ci- 
aprés  ;    au  lieu  que  les  fouffrances 
de  l'autre  vie  n'ont  point  ce  dernier 
effet ,  puisqu'elles  nettoyent  iimple- 
mentl'ame  des  loiiillures  qui  la  ren- 
dent incapable  de  joiiir  de  Dieu. 


IKVERS    SOY-MEMF.  rit 

Toutes  fortes  de  raiions  nous  o- 
bligent  donc  à  choifir  plutôt  les 
maux  de  ce  monde  ,  que  ceux  de 
l'autre.  Cependant  la  delicateiïe  des 
hommes  ell  fi  grande  ,  que  fi  la  cho- 
fe  étoit  entièrement  a  leur  choix ,  ils 
ceferveroient  tout  ce  qu'il  y  a  àlouf- 
frir  pour  l'aun'e  vie  ,  &  le  referve- 
roient  celle-ci  pour  joiiir  tranquil- 
lement des  créatures.  Mais  comme 
cette  diipofition  les  conduiroit  plu- 
tôt à  l'Enfer  qu'au  Purgitoire  de 
l'autre  vie  ,  Dieu  n'a  pas  voulu  que 
ce  choix  dépendît  de  leur  volonté  -y 
il  a  rendu  le  purgatoire  de  cette  vie 
necelfaire  &  inévitable  à  tous  les 
hommes ,  &  il  leur  a  alTîgné  à  tous 
une  certaine  melure  de  foufïrances , 
pour  commencer  au  moins  leur  puri- 
fication dans  ce  monde  ,  afin  de  l'a- 
chever ôc  de  la  confommer  en  l'autre^ 
Plus  cette  melure  de  loufiTrances  eft 
grande ,  Se  plus  Dieu  traite  favo- 
rablement ceux  à  qui  il  la  defi;ine  , 
s'ils  en  fçavent  bien  ufer ,  de  s'ils 
entrent  dans  les  vues  pour  lefqusUes 
Dieu  leur  envoyé  ces  afflictions. 

Voilà  la  loy  du  falut  des  hommes 
établie  par  la  Sagelfe  2c  la  Juftice  àz 


ïil  De  la  Charité* 
Dieu.  Il  n'eft  point  queftion  d'en 
appcllcr  ,  ni  de  chercher  un  autre 
voye  ;  ce  feroit  une  infolence  &c  une 
témérité  fans  pareille  :  car  outre  que 
tout  ce  que  nous  ferions  pour  éviter 
êc  pour  éloigner  de  nous  les  maux 
que  la  Providence  nous  a  deflinez  , 
feroit  abfolument  inutile  ^  puifque 
ces  maux  ont  été  ainfi  ordonnez  par 
les  décrets  ôc  par  la  volonté  du  Très- 
haut  j  tous  nos  efforts  ne  ferviroienc 
qu'à  nous  rendre  infruélueux  &  inu- 
tile ce  confeil  de  la  mifericorde  de 
Dieu  ,  qui  nous  les  envoyé  pour 
nôtre  falut  ôc  nôtre  juftifîcation. 

C'eft  pour  nous  ôter  la  mauvaife  eA 
perance  dont  nous  pourrions  nous 
flatter  ,  de  nous  pouvoir  fouftraire 
aux  maux  qui  nous  font  deftinez  , 
que  Dieu  nous  a  avertis  par  les  hcri- 
TU<relUt  auté  tures  ,  cjnil  châtie  ceux  quii  mme  ,  & 
i^mnemfilmm       qH  il  frappe  de  ver  ces  tous  ceux  au  il 

qnem  recipit.   Ne'         .         ^  '  ;         j*^^  ^  t,' 

te  fine  flageiio     refoit  dH  nombre  de  je  s  cnfans,  rrepa- 
fperes  futurum,  ^ez-vous  doiic  ,  dit  S.  Au^uftin  ,  à 

nlî  force  cogicas   ^  t  a    •'      r  i        '^  a 

cxhxredari  fia-  ctre  chatic ,  il  VOUS  voulez  cttc  reçu 
geiiatomnemfi-  jg  Dieu.  Comment  prétendez-vous 

liumqucm  reci-    .  ,    ,  |  i      <-• 

pit.   ica  ne  om-  cttc  exceptc  de  cette  loy  générale?!)! 
nem  ;  \jbi  te  vo- yQ^jg    ^j-^g   excepté  du  châtiment , 

lebas  ablcondc-  ,-  ••■  /     ,  i         j     r 

re  ?  omnem  :  &  VOUS  Icrcz  cxccptc  du  iiombrc  dc  les 
Duiius exceptas,  enfaus.  En 


4!NVERS     SOY-MEME,  ïl^ 

'•  "Lw  efi-ct ,  l'iiiftoire  de  TEglife  n'eft  "^//^«  ^'"^  ^^  - 
-qu'un  tiilu  concinusl  d'afriictions  &  ?>/:  ,1. 
de  maux.     La  peiTecution  a  com-    Ponofî  ipOi-î 
menœ  par  Abel ,  oc  iinira  par  le  der-  imc  prim^    ra- 
nier  juile.    Elle  a  particulièrement  ^'^^.*'^°'^-J''^^^-' 
^clace  dans  le  chei:  des  juiles ,  &  dans  gnare  noiuic , 
la  fourcc  même  de    toute    Tuftice  ,  f  ^.^=  ^^^^^"= 
qui    eic  Jeius-Chiiit      L  orare    ae  quod deorfin 
Dieu  a  été,  dit  S.  Aueuftin ,   que  ^;-^'^*  ^^.^'^p=^ 
leXus-Chriil  n'eievàt  dans  le  ciel  le  viami  quUau- 
îorps  qu-il  a  pris  fur  la  terre ,  que  par  f;,",!,,'";':,'". 
la  voye  de  la  tnDulation  :  commeat  luo  ma^is  h 
les  membres  oferoient-iis  donc  efpe-  ^°^_^  '^nq/^c- 
r€r  d'être  plus  heureux  que  leur  chef?  gofpeiemusme-. 
Ne  cherchons  pas  un  meilleur  che- ;'^';^ ;,X  V,- 
min  que  le  hen  :  Marchons  par  ce-  "his,  quà  du.dc 
uy  qu:l  a  fraye,    &  par  lequel  il  ^,^,.^,^g^^ 
nous   veut  conduire.      Car  fi  nous  «j^s  aherraveri- 
nous  écartons  de  la  voye  ,  nous  pe-  j^^j'^îf."''^'*^ 
rirons. 

Jefus-Chiift  tout  entier ,  c'eft-à- 
dire,  le  chef  6c  les  membres ,  fera 
élevé  cà  la  gloire  par  la  même  voye  , 
c'eft-a-dire  ,  parcelle  des  ioufrran- 
ces.  Chaque  portion  de  ce  corps 
niyftique  en  doit  foufïrir  une  cer- 
xaine  partie  quiluy  eR-  deftinée  j  ain-= 
Ti  ,  ce  feroit  une  extrême  injuilicc 
<de  vouloir  avoir  part  aux  avaina^ 
'I  ome  IL  li 


IÏ4      E)e  l'A  Chari  tï* 

gcs  de  ce  corps ,  &  de  ne  la  voulofi 
pas  avoir  aux  mêmes  conditions  que 
li:s  autres  membres. 

Z>.  Ne  paroît-il  pas  que  cette  di- 
ilribution  des  maux  &  des  foufiran- 
^es  de  cette  vie  ,  fe  fait  lans  rede  & 
-lans  equte  ? 

^.  Nullement  ;  elle  fe  fait  au  con* 
-traire  avec  une  fouverame  Juftice, 
parce  que  c*eft  Dieu  luy-meme  qui 
en  eft  le  diftributeur  ,  &  qu'il  n'en 
donne  jamais  à  chac|ue  membre ,  que 
ce  que  fa  Sagclle  Ôc  fa.  Juftice  luy  en 
ordonnent.  Que  tous  les  hommes  Sc 
tous  les  démons  s'unillènt  enlemble; 
ils  ne  Icauroient  fure  foufFiir  à  au- 
'Cun  membre  de  J.C.  que  ce  qui  luy 
elt  ordonné  par  la  Juftice  de  Dieu. 
Ce  ne  font  pas  les  Juifs  qui  ont  pre- 
jparé  &  réglé  le  calice   que  Jcfus- 
■Chrift  a  bù  ;  c'eft  le  Père  Etjrnel 
luy-meme:  c'eftauiîî  le  même  Père 
Eternel  qui  ordonne  nôtre  part  à  ce 
-'Calice,  &   qui   nous   prépare  nôtre 
:part  à  fcs  foufixances.  Les  hommes 
•n'y  petivent  rien  .;  ils  font  limples 
'^«xecateurs  des  décrets  de  Dieu  ,  fans 
^^ouvcir  y  ajouter  ni  en  diminuer  la 
'ïSBoindre  pai tie .;  c'eil: pour quoy  Je- 


ENVERS    SOY-MEME,  tty 

fus-Chrift  difoicaS.  Pierre  :  Ne  faut.    CaiicN-«  que:» 

•  dedu    mihi  pa- 

tl pas  cfHe  je  ho<vc    Le  calice  que  mon  ^^^ ^  non  bibam 
^ere  ma  donné  ?  *^^|^'^  •  ^^"'  '*' 

L'auteur  de  nos  afïlidions  en  doit 
donc  êcue  en  même  temps  le  remè- 
de ,  &  il  devroit  fuffire  de  dire  à  un 
Chrétien  pour  le  confoler  de  tout, 
que  c'eft  Dieu  qui  le  fait  loufFrir ,  & 
que  c'efl  la  Juftice  qui  Tafflige  :  maiij 
il  y  Faut  ajouter  premièrement ,  que 
Dieu  ne  l'afllige  pas  feulement  eu 
Dieu,  mais  en  Père  ,&  qu'il  ne  i'ctf- 
£ige  que  parPamour  qu'il iuy  porte: 
Dint  exerce  fa  mï^crïcoroie  enven  ceux     sicut  mifi'-a- 
qui  le  cra'anenty  comme  un  Père  en-  tu-j,aterfiiiosJc 
vers  [es  erifans  ^  ait  le  Plalmiiïe.  Qu.ii  „ù„us  ù^^ente^ 
nous  traite  donc  avec  quelle  feventé  '":'"'    J^-'^  ^** 
il  luy  plaira  ,  dit  b,  Auguitin,    c  eir  vuk  ,  pater  at 
ïiôtre  père  :   il  efl;  vray   qu'il  nous  ^^^  fi^geiiavit 

.^.r  ;^1  nos,  afaixic  UDS, 

châtie  quelquerois  ,    qu  il  nons  at-  s^  contiivu  no^: 
fli^e  &   qu'il  nous  briie  :  mais   avec  ^?^"  ^H  u  ^^'^ 
tout  cela  il  eit  notre  père.    Si  vous  ue  piora  :  ujH 
pleurez  donc  ,  mon  fils/ousle  poids  '''''' '^y'^^^;^ 
des  amidlions ,  pleuiiez  comme  étant  pi^^  iupeib.-ï. 
-fous  la  main  de  vôtre  père  :  Bannif  !;^';?TS'^n%--* 
iez  de  vous  tous  les  mouvemens  de  niedicina  dt„ 
■colère  (5^  d'impatience.  Ce  que  vous  ft^^^lSin^; 
fouffiez  Se  qui  vous  fait  pleurer ,  eft  ^^  '  ^^^'-\  ^^^'' 
aiue  médecine,  &  non  -un  fuppHce-;  YJm  "iiitf^-'? 

K  ij    ' 


II (j      De   la  Charité* 

TPpctlî  ab  lijerc-  ccùi  un  châtiment ,  &  non  pas  une 

<jitate   :Noliat-  j  ^-  XT  • 

«ndere  quam  condamncition.  Nc  uejcujz  pas  ce 
pornam  hab;as    châtiment ,    fi  VOUS  ne   vouicz  être 

in  hageilo  ,  ùà  l         j       ri        •  o  r  j 

<iuam  locain  in  exclus  dc  i  héritage  5  &  ne  confide- 

îdtamcato     7"  ^^cz  pjs  tant  ce  Gue  vous  iouffrez  par 

••ce  cnacnnent ,  quv  la  phice  que  vous 

avez    dans   le   t^ftamcnt  de    votre 

pcre, 

sat«  anreni        Secondement  ,    il  y  faut  ajouter 

XiïS  Oitenaitur  ^  ,       -,^  '       .     ^  •'        , 

vcibis ,  propcer  -qu  on  ne  ioufrre  rien  en  ce  monde, 

lur^lîcerTieîll  '^^^  ^'°"  ^'^'^^^  mcrité  par  les  péchez, 
tusjhasheri  &c  qui  ne  ioit  le  remède  de  ces  mê- 
^"'^wsTac  ™es  péchez.  Les  afflidions  ,  dit 
iioreicac  rnar-cy-  faini  Auguilin  ,  nc  font  cnvoyéts 
rùoptaennxA  ^^^  fideles  ,  que  parce  quils  les  ont 
pièiufeencato  in  méritées    par   leurs    péchez,    quoy 

irlodeia.iiiasd  r- ^'^^  "^^^  memes  loutrrances  loienc 
ciplin^.Hoc  Ma.  la  iemeuce  de  la  ^lou-e  des  Martyrs, 
^  arorrnenca  ^  ^^^  cc  que  les  Ma-chaoees  ont  con- 
hoc  tics  viii  in-  fi^ifé  dans  les  plus  cruels  tourmens  , 
hoc  Fro-  ^uiii-oien  que  ceux  qui  rurent  .jettez 


Tl'iÂS 


jihccjE  lanai  in  ^ans  la  fûurnaiie  de  Babylone  :  c'eà 

<apcivicace  tef-  r  i        r^         i       "  r  • 

-i/arar.  jQuira-  -eniin  ce  que  les  Prophètes  ont  eniei- 

î.euiai  pacci.  ^né    daus    la    captivité.   Car   quov 

.ntrafoiuiîi.uè     qu  ils   ayent  louitert  avec  une  en- 

^  viHTi^Tiè  per-  iiq^q  aeneiofité  ce  châtiment  pater- 

ï^ei^r,  non  ta-         i    i   ^r^-  l  i'    1       '  • 

iiicn  :accm  ii£c  nci  QC  j.)ieu,iis  Ont  dcclarc  neanmoms 
acncsce  mcriio  hautement  ,  ou'ii  ne  leur  ecoit  rien 
^y.  r^,  arnye^qu  ils  n  euiient  mente  par  leurs 


ÎNVERS    SOY-MEMT..  ÏI? 

racliez.  klus-Chiift  a  été  le  fcul  .  ^'^Y'  f^^""'^"^ 
qui  a  loLifleit  comme  innocent  ;  au-  &  non  exaudu'i- 
cun  des  auties  ne  peut  s'attnbuer  ce  ;-;  ^^^^^turf.! 
privilee'e..  piei-niâm  .   .  ut 

Tioiliémemem ,  il  y  faut  ajouter  --',''S-  ho?» 
<]ue    cette     punition   eft    en  même  Deuni_,  &  nibu- 
temps  un    remède  ialutaire  àQ  nos '^^^^^^l]''^^^^^^^ 
paiïions  ,   &    de  nos   playes    inte-  Ce  ad  faïutem , 

/^       pmo.-        i_  11'         ^  non  roenam    ad 

rieures.  Car  i  aiiJiction  humilie  lame  aamnadonem. 
fous  la  main  de  Dieu  ;  elle  iuv  fait  submedicamen- 
£onnoitre  iimpuiiiance  de  1  nomme  ^^^^  ç^^^^'^ 


non 


par  luy-même  ,   &c  la  puiilance  de  audu  medicus 

V>..  11       1         1'  j  1  •    ^     ad  v^luncarem  a 

Dieu  ;  elle  la  détourne  des  objets  f.^  audk  ad  fa, 
qui  relèvent ,  Se  l'applique  a  ceux  nkatem.  i«  rf. 
•qui  la  rabaiiîent  ,  qui  iont  les  pe-  ^i^  eu  ad  in- 
chez  ôc  Ion  néant  :  Elle  la  détache  teikaum  non 

1  ,  o      \       r  ■        r  •  exaudies;  ià  eir^ 

•du  monde  ,  ce,  la  tait  alpirer  au  re-  me  non  exaudies 
-pos  de  Taurre  vie.  Sans  cela  Tame  ^'^^^"■'po'^^^^^^ 

^,  ,  .     ,  ■  n  ut  incelligam    a 

5  attacheroit  a -cette  vie,  eiiey  met-  te  detideranda 
iroitfa  paix  &  fon  bonheur  ,  &c  el-  fempuema.  Non 

,  ,  '        ,  .  .  ergo  leLinqu-it 

le  ne  cJi^n-cheroit  point  une  autre  pa-  Deus.&cum  vi- 
trie.  Dieu  Iuv  ôte  donc  des  dcfus ,  ^^^,^'^^^^'^^'^"^-' 

yy      r      ^  ■  ■  r  tolhc  qu3d  ma- 

<iont  eue  teroit  un  mauvais  uiage,  le  deiidcrafti,  &: 
àc  il  luy  apprend  ce  qu'elle  doit  de-  docer  qmd  de- 

/ ,     I  i  -1  ^  béas   bene    deli- 

îirer.  S  il  nous  envoyoit  toujours  des  derare.     Sienim 

profperitez,  fi  nous  étions  toûiours  ff,'^'?^*^  ?^"^  ^ 

r         r  '  i       -^         ilïis  pro>pcncaci-. 

-dans  l'acondaïKe  de  toutes  choies ,  bus  laveiec  no- 
ii  nous    n  avions  point  d'afflicftions  ^^^~^  ^^^omnï^ 

r  ^      noois  abunaa- 

6  de  maux  dans  ce  temps  .  de  no-  veiit^  ivaiiâm.cis 


Tï8       De  lA  Charité* 

•In  tempore  ifto  ^^^  mortalité  ;  iious  crqjfions  faci- 
niorcaiicatis  no-  lement ,   ouc  c  cft  la  ce  bien  fouve- 

ItidE     Cil  lulacij-  :J^.  -  ,       ,        ^         . 

neii,niiias  f-^iH  quc  Dieu  reiervc  a  les  lervi- 
prciiarasjAn^u- ceurs  ,  ôc  iious  n'afpirerions  pas  à 
mui ,  non  dicc-  uiic  piLis  grande  telicite.  C  eft  ce  qui 

cQ'"ranima'^bo  ^^"^^'S"  ^^^^  '^  mêler  l'amertume 
naqui  prxftat  des  affliftions  ,  a  la  douceur  dange- 
Dca,  ler/is  fuis,  ^.ç^fg  ^g  ccttc  vic ,  Dour  nous  por- 

o:,mjj3:a  ab  illo  ^  '   r  i 

non  dcà  leiare.  t jr  a  en  délirer  un j  autre  ,  dont  la 

hmcyK^maie^^^^^^^^^"  nait  tien  que  de  falutaire. 
duici  mifcec  a-  Outrc  ccla,  Ics  afflicftîons  font  fen- 
tZ:^:t  "-^  '^  l'ange  qu'elle  étoir  attachée 
alla  qu2  fakibri  aux    biens  temporels  ,   &c   luy  ap- 

.to"?.  ""  P^^'?"^'"  <^«  plus,  quelle  étok  la 
4J.  nijlure  de    Ton   attachée  Car  lame 

înfirmainhac  S  attache  inieniibiement  a  une  mn- 
vitâ  qu^ric  fibi  nité  de  chofes  de  la  terre ,  fans  le 
Wrequiefca: . .  içavoif,  &  C  eit  pat  la  privation  de 
c  . .  &  qaodam  ccs  chofcs  que  Tame  reconnoît  qu'el- 
quadain  iccum-  1^  Y  ctoit  ettectivement  liée.  Oriat- 
bac,  veiuûfunc  fliàion  fert  à  l'en  désaxer:  cVft  ua 
_gunc&innocen.  pi^elloiï  q^i  lepaïc  d  elle  les  delirs 
tes...   ivd  ta- ch:ii-iiels  ,  &:  qui  n'y  laiife  rien  que 

nien    Dcus    vo-   j 
lens  nos  amoié    de  pUI, 
-nonhabere  ^  niCi 
vitï  SEtenxï  ,  Se  iftis  veliit  innocentibus  deleiTtationibus  mifcct  âma- 
litadines^  uc  Se  in  his  paciainur  tiibalaciones ,    &   univerfum  ftia- 
-tumnoftrum   vercic  in  inftriuicate  noftrâ.    Non  crgo   conqaeraïur 
quando  in  hisqu£  innocenter  ha^ec  ,  paticur  aliquis   tilDalaric- 
«ï\es  ;  docetai    2:iiare   m:Iîoia    per  aiiaiitudinem   inferi-^ruiu  ,    ne 
viator  teniens    ad  patiiâ.ii  ^   ftabuiuai  amct  pro  doaio  fui.     la 


ENVERS     SOY-Mtî.rE,  tT^ 

La  fenfibilité  même  que  l'ame  é= 
;j)rouve  dans  les  afflidfcions  ,  eft  une 
-maïquc  évidente  du  beloin  qu'elle 
-en  a  :  car  fi  nous  n'avions  point  d'at- 
*tache  ,  la  plûpait  des  maux  nous  le- 
roient  entièrement  inlcnfibles.  La 
perce  des  biens ,  par  exemple  ,  ne 
=nous  leroit  rien  ,  fi  nous  n'aimions 
point  les  biens  du  monde:    on  ne 

-ieroit  point  touché  du  mépris  &  des 
-outrages ,  fi  l'on  ne  fe  plailoit  point  ' 
'dans  les  honneurs  &c  dans  l'eftime 
-des  hommes  :  on  ne  fe  plaindroit 
point  d'être  rabaiiîe  ,  fi  on  n'aimoit 
point   l'élévation.  S'il   s'élève  donc 

-dans  l'ame  des  fentimens  contraires 
•^ui  l'ai^igent  ,  ce  lont  des  marques 
de  la  maladie  :  aiiifi  une  ame  en  cet 
•état  eft  obligée  de  remercier  Dieu 
-de  ce  qu'il  travaille  à  la  délivrer  de 

«cette   attache  funefte.  Joint  à  cela 

-->que  les  moyens  dont  Dieu  Ce  [eu 
pour  ia  guerilon  ,  ne  luy  paroillent 
durs  ,   que  parce  qu'elle  eft  maladCc 

•"^ar  enhn  ,  il  n'y  a  rien  de  plus 
vray  que  cette  maxrme  de  fiaint 
Auguftin   ;   Il  n'y  a  point   de  peine     Non  cnîm  eft 

*dans  la  privation  ,  s'il  n'y  a  point  de  '^  carendodiffi. 

^       •  j-    /    1  1  1^  m     '  cukas,  nifî  cura. 

>cuj>idite  dans  ia  poiieliion.  eitin  h^bcndo 


110       De    1  A   C  H  A»R  î  T  e' 

f.a.ip\àkis.^u£.  ivTq^5  croyons  iouvcnt,  dit  le  même 

i.f.c  li  A  cre  dans    un  autre  lieu  ,    n'aimer 

Homo  qui       point  les  biens  que  nous  avons  pcn- 

prorpciis  rébus      '■,  i  ■»'    i  ^ 

profîcir,  afpcris  Q^nt  que  nous  les  polledons  ;    mais 
-^md  piotcceiic    fj  j-jQ^g  veHons  à  en  être  privez  , 

niin  mutahiim   nous  reconnoilions  ce  que  nous  lom- 
bonoiLim  adeil    ^-^^^  efFcclivement.Car  il  n'y  a  que  ce 

copia  ,    non  cis  -,  ,  ^  ,     ^   ^ 

confiait  ,    led  que  nous  policrdons  lans  attache,  dont 
cum  fubnahun.  ^^qus  lovons  privez  faus  douleur. 

tur  ,    agnolcic  tj       n     /  iF-         ■    n  i  1 

uciura  cum  non     il  elt  Qoiic  bien  juite  quc  dans  les 
ccepetinr.  Q^iia  affligions  nous  lailTions  faire  Dieu,' 

plerumq.ie  cum  ^  '  " 

adfunc  nobis ,     ôv:  quc  nous  nous  regardions  entre  les 
putamusqaod     mains     comiiie  uu  malade  ciitrc  Ics 

non  ea  aili?,?--  .  ,j 

mus^fedcum    Hiains  d  uu  medeciu  qui  nous  veut 
abefie  ccrpe.inr^  mjerlr.  îl  ne  faut  poiiit  appréhender 

invenmius  quid  '^    ,,,  -t  ^     i  i 

/îmus.    Hoc  e-  qu  il  coupe  les  parties  laines ,  au  lieu 

nhn  fiae  amoie  .Jg    CellcS   qUl  font  pOUlTieS  :    il   COll- 
-îioltro  aueiat^  ^  i  i  ' 

-quod  fine  do-  iioit  à  fouds  lîos  maladies  &  nos  ul-  ^ 
^^^^^^u^'l'.'^.^Çrcs:,  ôc  comme  il  eft  iautrur  de 
Plane  commit-  notre  iiature  ,  il  connoît  ce  qui 
Scin«n",ron-eft^ie  fon  ouvragc,  &  ce  qui  nm 
enimenat,  ut  cft  pas.  L  homme  Cil  ianté  n'a  pas 
urfe'cct^rnowt  ^nteiiclu  le  régime  ,  ôc  l'ordre  que 
-qaod  infpicir ,     le  Mcdeciu  de  iios  ames  kiyapiei-' 

tiovit  vitium ,  •  p  '^    L      -    J  1 

quiaipfefecu      ^rit   pour   i  cmpech^r  ^  de    tomber:^ 
nacuran  ;  quid  puïfqu'il eft  malade,  qu'il  écoute  doiic 

ipfe    condidit  ,  /-  i  o     r  ■ 

qtiid  de  nofirra  l^s  ordonîiances ,  OC  la  voix,  pour  au 
cupidicateaccef-  moins  le  relcvcr  de  recouvrer  la  iaiité. 

.llt.diiceruic.  Scit         .-^     ■        •  /  '  ru  ■  r-  • 

Xe  fano  homini      Q^uncmement ,  les  anliCtiojis  ne 

ibiit 


tKVERS    SOY-MEÎvîS.  îlt 

font  pas  de  fimpies   remèdes    pour  pr^ceptum    de. 

.  ^  Il       r  rr    \     -^i^e,  ne  languo- 

guerir  nos  maux  ,  elles  lonE  aulii  le  r^.^  incurteiec , 
iiioyen  pour  acquérir  les  véritables 'f^^'^'^^^'^ '^^3,-1- 

1  .     •'       _^A.  -■•  I       .  duca.  Se  hoc  no- 

biens.  Dieu  veut  que  nous  achetions  i-.  Non  audim 
le  Ciel  :  &  les  afflidions  qu  il  nous  ^^'^"^  '^'^-' 

r  y  -A  praecfprun,    uc 

envoyé  en  lont  le  prix.    Comment  noa  caderee  ; 
nous  pouvons-nous  donc  plaindre  de  audiac  vei  sgro. 

A  ,  /  eus.  Ut  iurj-ac. 

ce  que  Dieu  nous  aonne  de  quoy  ac-  /»  py.  1^0. 
quérir  cet  ineftimable  bien? 

Avec  combien  de  maux  &  de  peines 
ie  procure-t-on  fur  la  terre  les  avan- 
tages de  la  vie? Que  ne  fait- on  poiiit 
pour  conferver   une  fanté  foible  Se 
peridàble  ,  qu'un  rien  ébranle  &  dé- 
truit ?  Que   ne  donneroit-on  point 
pour   retarder  de  quelque  temps  la 
mort ,  que  tous  les  hommes  fçavent 
•qui  leur  efl:  certaine  ?  Quelles  démar- 
ches ne  fait-on  pas  pour  avoir  des 
honneurs, qui  iontlaplûpart  du  temps 
inccpmmodes  ,  &  dont  on  fera  bien- 
tôt privé  ?  Que  ne  fiiic-on  point  pour 
acquérir  des  richelfes  ,  qui  nous  fe^ 
ront  ravies  par  la  mort?   Et  cepen-    '  . 
^iant    les    hommes    ne    s'en    plai- 
gnent pas  ;  ils  loufFrent  avec  des  fa^ 
tigues  laborieufes  dans   la  voye  du 
fîecle,  des  peines  très-dures  &  tres- 
fteriles  j  &  leur  lâcheté  leur  fait  ap- 
Tçme  IL  L 


111  De  LA  Charité' 
pL-chendcr  de  fouffrir  dans  la  voye 
de  Dieu  d'^s  travaux  beaiicoiip  moin- 
dres ,  ôç  qui  lont  neannionis  iliivis 
d'une  récompenfc  beaucoup  plus 
grande. 

D,  D'où  vient  l'impatience  d.js 
hommes  ,  a  l'cgard  des  peines  de  la 
vie  Chrétienne,  &  des  maux  que 
Dieu  leur  envoyé  ? 

R.  Elle  naît  de  plulieurs  erreurs  , 
dont  l'efprit  cft  prévenu  ,  Se  que 
que  les  lumières  de  la  foy  devroieat 
néanmoins  dijîiper. 

i".  De  ce  que  l'on  ne  connoît 
point  ailcz  l'énormité  des  péchez  , 
Se  de  ce  que  l'on  neû.  pas  allez  per- 
fuadé  que  nos  moindres  fautes  me- 
ntent tous  les  maux  de  cette  vie  ; 
car  il  l'on  lentoit  un  peu  vivement 
le  poids  de  fes  péchez  ,  on  trouve^ 
roit  que  Dieu  nous  traite  coû^urs 
avec  une  très  -  grande  mifencorr- 
de  ,  &c  l'on  embraiïeroit  avec  joye 
les  maux  que  fa  juflice  nous  en- 
voyé ,  comme  n'ayant  aucune  pro- 
portion avec  nos  péchez  ,  &  nous 
donnant  un  moyen  favorable  pour 
y  iatisfaire. 
.  2°,  De  ce  que  l'on  ne  conçoit  pas 


ENVERS     SOY-MEMjS.  îij 

ifîoz  combien  les,  prolpcritez  font 
plus  dangeueuics  à.  Tame  que  les 
idverlitez  ,  combien  elles  i'iiveu- 
^lent ,  combien  elles  l'attachent  au. 
aïonde  ,  combien  elles  la  remplil-- 
.ent  de  conhance  en  elle-même  , 
:ombien  enhn  elles  l'éloicrnent  de 
la  voye  de  Dieu.  Car  ii  l'on  étoit 
bien  pénétré  de  ces  veritez,  on  le 
réjoiiiioit  de  ce  que  Djcu  i^ous  con- 
duit par  la  voye  des  adverfitez ,  ëc 
3n  les  recevroit  de  ia  main  avec  re- 
connoi [lance  &  avec  joye. 

3°.  De  ce  que  Ton  n'a  pas  aiTcz 
dans  l'eCprit  que  les  proiperitez  du 
monde  iont  iouvent  le  plus  grand 
stlet  de  la  colère  de  Dieu  lur  les 
hommes  ,  parce  qu'elles  peuvent 
3tre  des  marques  que  Dieu  récom- 
peniant  en  cette  vie  ceux  à  qui  il 
(es  envoyé ,  ne  leur  reierve  que  des 
châtimens  pour  l'autre  ;  &  qu'au 
contraires  les  affliâ:ions  font  les  plus 
jrrandes  marques  de  Ton  amour , 
puiique  Dieu  les  envoyé  pour  pu- 
rifier l'ame  dés  ce  monde  ,  ik  pour 
n'avoir  qu'à  la  récompenier  en  l'au- 
tre. 

4^\    Cette   impatience    des  hom- 


L 


t24  Delà  Ch  ar  r t  ê* 
mes  dans  les  afflictions  ,  vient 
auiîi  des  fauffes  idées  que  Ton  le 
forme  de  ce  qu'on  appelle  afflic- 
tions; car  on  les  augmente  fou- 
vent  par  Timagination, beaucoup  au- 
delà  de  qu'elles  lont  en  effet. 

D,  Quelle  ell  l'idée  que  nous  de- 
vons nous  former  des  afîlidlions  ? 
.  E,  1°.  Tout  ce  qui  ne  nous  pri- 
ve que  des  chofes  dont  nous  de- 
vrions nous  priver  nous-même , 
doit  être  conté  pour  rien  :  &  ce- 
pendant au  contraire  ,  dans  les  af- 
flictions que  nous  caule  la  perte  des 
biens  temporels ,  on  en  conte  la 
privation-  pour  beaucoup. 

2°.  Tout  ce  qui  nous  met  dans  un 
état  plus  heureux  que  celuy  où  nous 
étions  5  ne  nous  peut  être  lenfible , 
que  parce  que  nous  fommes  dérai- 
Ibnnables.  Or  toutes  les  dif^races, 
par  exemple  ,  qui  éloignent  un 
homme  de  la  Cour  ou  des  emplois  , 
^  le  reduifent  à  la  vie  privée  ,  font 
de  ce  genre.  Car  l'état  d'une  vie 
privée  &  fans  employ  ,  eft  beaucoup 
plus  favorable  que  celuy  des  em- 
plois ,  non  feulement  pour  le  fa- 
iut  ,  mais  pour  le  bonheur  même 


IMVERS     SOY-MEME.  Ilj 

de  la  vie,fi  Ton  efl:  délivré  d/ambicion. 

3°.  Tous  les  maux  d'opinion  ,  n'ont 
aufîi  de  fondement  que  dans  Ter- 
reur de  nôtre  imagination  5  tel  efl, 
par  exemple,  le  fentiment  qu'on  a 
des  calomnies  ,  des  mépris  &:  des 
outrages  ,  or  on  en  eft  délivré  fu 
tôt  que  Tame  n'eft  plus  alTujettis 
aux  illufions.  Les  ioufFrances  mê- 
mes qui  femblent  plus  réelles ,  re- 
çoivent de  l'imagination  une  grande 
partie  de  ce  qu'elles  ont  de  terri- 
ble. On  juge  de  Ton  afïliétion  ,  non 
feulement  par  la  réalité  de  fon  mal, 
mais  encore  par  les  idées  affreuies 
que  les  autres  en  ont. 

4®.  On  s'imagine  que  le  mal  doit 
toujours  durer  ,  &  que  Ton  y  az- 
tache  en  quelque  forte  l'idée  d'uns 
miiere  éternelle.  ,Cepen4ant  la  plû^ 
part  des  maux  tïo^it  qu'un  couif 
Çalfager  ,  ôc  quelques  longs  qu'ils 
îoient,  ils  ne  durent  qu'autant  que 
la  vie  ,  qui  n'eft  jamais  longue  ;  tout 
ce  qu'ils  peuvent  faire  5  eit  dp  nous 
conduire  à  la  mort ,  où  l'on  arrive 
louvei:^t  auiîî  promptement  par  la 
prolperité.  Mais  il  y  a  cet -avantage 
îy:es-grand  dans  l'adverfité  ,    qu'en 

L  iij 


Il5         De     LA      C  H  A  R  1  t  F/ 

nous  conduifant^  h  mort ,  elle  noui 
y  prépare  en  nous  dégoilranc  du 
monde,  de  de  1a' vie  ;  &  elle  nous 
donne  lieu  de  plus,  par  lé  bon  u'àge 
que  nous-  en  pouvons  faire,  de  moins 
craindre  ce  qui  fuit  la  moit  :  au  lieu 
que  la  prelrericé  attache  Tame  à  la 
vie,  en  lorte  qu'elle  rend  la  mort  plus 
terrible,  «Se  qu'elle  fert  d'obftacle  par 
elle-même  a  s'y  préparer.  Cepen- 
dant la  bonne-mort  eft  une  chofe  il 
importante ,  que  ce  qui  eft  plus  fa- 
vorable pour  bien  mourir  ,  eft  fàtis 
doute  ablolument  meilleur  que  ce 
qui  l'eft  moins.  '^ 

5^.  Enfin  ,  on  ne  feroit  jamais  ab- 
batu  par  tes  afflidions ,  fi  on  avoit 
une  idée  bien  vive  de  la  gloire  éter- 
nelle que  nous  elpcrons  :  ce  grand 
objet  feroit  difparoître  aux  yeux  de 
nôtre  efprit  tous  les  maux  du  mon- 
de ,  ôc  nous  nous  tiendrions  heu- 
reux de  pouvait  acheter  ce  bon- 
heur immenfe  6>c  éternel,  au  prix 
des  foufFrances  fi  courtes  &  fi  légè- 
res. Quand  ces  maux  feroient  infi- 
niment plus  grands  Se  plus  longs 
qu'ils  ne  font  ,  que  feroient-ils  en 
comparaifon  de  cette  éternité  de 
gloire  > 


i]?îyERS    soY-iviEME.  127 

Article.    II. 

l)c   ce  qiion  doit  filtre  mi  tcrrifS' 
de  VaffliLvio'/z, 

D.Y  a-t-il  quelque  chofe  de  parti-' 
eulier  à  faire  au  temps  de  l'afflidion? 
.  R,  Le  temps  de  raffliârionell:, com- 
me nous  avons  dit  ci-dcvarit ,  le 
temps  de  fe  nourrir  des  vericez- 
dont  on  a  faitproviiion  par  avance, 
afin  de  foutenir  l'effort  ^  Tropref- 
iion  que  Tafflidion  fait  fur  Telprit, 
On  y  doit  néanmoins  ajouter  cer- 
tains exercices  particuliers  pour  ren- 
dre ces  veritez  plus  utiles. 

Z>.  Quels  fant  ces  exercices  ? 

R,  i^  Il  faut  entrer  dans  un  efprit  ^^î;^tS/;j,;, 
de  recueillement  ^  de  prière.  C'efl  Uas  negotium 

kr  •\      \       r  •  A  n-  -m  efl  in  tribulatio- 

conieii  de  lamt  Augulhn.    Nous  ,^j^  ^^^^  ^^^^_ 

ne  fcaurians  ,  dit-il ,  rien  faire  de  d^re  ab  eo  ftie- 

1        '  1-1  1  pieu  qui  foris  cft 

plus   arand  m  de  plus   avantac^eux  ^  -^,^;^  i^^,,io. 
dans  la  tribulation  ,    que    de  'T'ous  r^  mcmis  feci-c- 

1  loi  j  tia   ;    ibi-  Deuru 

retu-erdu  tumulte,.  &  de  rentrer  dans  invocare,  ubi 
le  lecret  de  nôtre   cœur  ,   pour  in-  i^^-'^^  "^'^^^^  ge- 
voquer  Dieu  dans  cette  retraite  ,  ou  vcnientcm  ;   iù 
perfonne  n'ell:  témoin    de    nos   cre-  Huî  cubicuii  ad- 
îriiilemens^.ni   au    iecours  que  nous  exuiniecos  iiia^ 

L  iii} 


îi8       De    LA    Ch  A  Tl  I  T  E* 

ram  molefliam  obtcnoiis  par  cc  movcii  :  il  faut  5  die 
humiiiare  ûipfû  ^^  mcmc  Pcrc  ,  termcT  la  porte  a 
inconfeflione      l'imprclTioii    dcs   maux    extérieurs, 

pcccan  .    ma-         ^        ^  L  T 

gniricare  &:  lau-  ^  wows  humili^r  noiis  -  iiiemes  , 
oaieDcum,  ôc  eii  nous  coiifefTant  pechcurs  :  il  faut 
comoiantem.  glonher  c>i  loLier  Dieu  qui  nous  cha- 
irorfushoconi-  tie  &  oui  Hous  piocurc  du  bien  tout 

r.imodo    tencn-        ,^11 

dum  eit.  -^H^.  enicmble. 

%n  ff.  ,4.  2°.  Il  faut  entrer  dans  un  aneantif- 

fement  intérieur  ,  &  adorer  la  puif- 
fance  &  la  fouveraineté  de  Dieu ,  en 
reconnoilTànt  l'impuiflance  ,  la  foi- 
blelïe  &c  le  n^anc  de  la  créature.  Car 
Li  fin  de  Dieu  dans  les  maux  qu'il 
nous  envoyé  ,  eft  de  nous  âbailfer  , 
&  de  nous  faire  rentrer  dans  le  neanc 
qui  nous  convient.  C'eft  cette  difpo- 
iîtion  qui  didingue  la  vertu  chrétien- 
ne de  celle  des  anciens  Philolophes, 
Car  les  Philofophes  tendoient  à  faire 
voir  la  grandeur  de  leur  ame  dans  la 
ruïne  de  leur  corps,  ou  dans  la  priva- 
tion des  chofes  extérieures  ;  au  lieu 
qu'un  chrétien  ne  tend  qu'a  recon- 
noître  luy-même  fa  pauvreté  &  ion 
.  . ,  néant  dans  les  châtimens  de  Dieu,  T-s 
paupcrtacé  meâ  juis^cLix.  le  Prophète  Jeremie,w;2  homme 
jn  virga  indi-  ^^/  ^.^/^  quelle  e\î  ma  mlfere  ,  parce 
gnationis  tuae.       ^         .       -{      ^        /  j     /.-     / 

Tireo.  i.  1,         ^Hf  je  jiiiS  joiis  U  vcrge  de  i  indigna^ 
tîon  dn  Seigneur* 


INVERS      SOY-MF.ME.  1%^ 

3*^.  Comme  les  afflictions  font  des 
voix  de  Dieu  pour  nous  aveitir  de 
penler  à  nous  ;  il  fliuc ,  quand  on  s'y 
trouve,  penler  à  la  reformation  de 
fa  vie  5  non  par  un  efprit  de  icrupu- 
le  5  en  s'imaginant  que  Dieu  eft 
irrité  contre  nous  ,  pour  quelque 
grand  péché.  Car  fi  nous  ne  le  iça- 
vons  pas  d'ailleurs  ,  nous  ne  le  de- 
vons pas  juger  ,  par  la  feule  raifon , 
que  Dieu  nous  a  envoyé  quelque  af- 
flidtion  :  mais  nous  devons  fuivre 
iîmplement  l'ordre  de  la  Providence, 
qui  nous  met  dans  une  obligation  de 
faire  reflexion  fur  notre  vie.  C'ed 
donc  le  temps  d'examiner  avec  plus 
de  foin  fa  confcience  ,  ôc  de  tâcher 
d'y  découvrir  ce  que  notre  amour 
propre  nous  a  peut-être  caché,  C'eft 
le  temps  de  former  des  relolutions 
plus  effectives  de  nous  corrigera  de 
faire  pénitence  ^  car  dans  le  temps 
de  tribulation  ,  l'ame  eft  plus  difpo- 
fée  &  plus  préparée  aies  faire  ferieu- 
fcment ,  parce  qu'elle  fent  plus  vi- 
vement le  befoin  qu'elle  a  de  Dieu, 
Enfin  ,  c'eil  le  temps  ou  de  retour- 
ner à  Dieu  ,  {i  on  s'en  ell;  éloigné  ; 
ou  de  s'avancer  dans  la  voye  de  Dieu^ 


î  ;  c  t)  E  LA  Charité' 
li  l'on  y  mai'choit  trop  lentemciht  ; 
mais  il  faut  prendre  garde  de  ne  fon- 
der point  CCS  refoltitions  fur  dc5 
frayeurs  de  mélancolie,  qui  fe  di(Ti- 
pent  facilement  ;  mais  fur  des  veri- 
rez  réelles  ,  que  la  lumière  de  Dieu 
nous  découvre. 

4^.  Le  temps  de  l'affliclion  eft  en- 
core le  temps  de  s'unir  particuliè- 
rement a  Jefus-Chrifl  foaffrantj  ceft 
le  temps  de  le  prier ,  de  fandlifier  nos 
fouiîrances  par  la  fainteté  des  Hen- 
nés j  de  nous  foutenir  par  fa  force  , 
6c  de  nous  donner  part  aux  difpofi- 
tions  d'amour  &  dliumilité  avec  lef- 
quelles  il  a  offert  les  fiennes  a  Dieu 
fon  Père  ^  ainfi  ,  il  faut  le  confide- 
rer  comme  foufFranc  en  nous ,  6c  luy 
demander  pardon  de  ce  que  nous  re- 
cevons fi  mal  rhpnncur  qu'il  nous 
fait  d'avoir  quelque  part  à  Ion  calice^ 

5°.  Tout  mal  nous  prive  d'un  bien. 
La  maladie  ,  par  exemple  ,  nous  pri- 
ve de  la  fanté  :  la  pauvreté  ,  des  ri^ 
cheiîes  ;  la  calomnie  ,  de  l'honneur  r 
âinfi,  le  temps  de  l'afflidion  eft  le 
temps  de  facrifier  à  Dieu  ce  bien 
dont  nous  fommes  privez  -,  c'eft  le 
temps  de  reconnoitre  que  c'eft  avec 


1 


fNVtRS    SOY'-MEMÉ.  IZÎ 

juftice  qu'il  nous  en  prive  ;  de  le  re- 
mercier de  1  ufage  qu'il  nous  en  i 
dojiné  :  ainfi ,  il  faut  luy  demander 
pardon  de  l'abus  que  nous  en  avons 
pu  fciire  ,  6c  des  attaches  que  nous  y 
avons  eues  j  il  faut  accepter  avec  re- 
Connoiiîance  cette  privation  ,  &" 
luy  demander  la  grâce  d'en/aire  urr 
meilleur  ufacre. 

6". Toute  privation  des  biens  parti- 
culiers  du  monde,noas  approche  de  la 
privation  générale  du  monde,oii  nous 
entrerons  par  la  mort  ,  (k  à  laquelle 
nous  avons  été  condamnez  •  il  fauc 
doue  recevoir  rafflidliion  qui  nous  ar- 
rive 5  comme  faifant  partie  de  cette 
i^ort  totale  que  nous  avons  méritée: 
&  comme  la  bonté  de  Dieu  nous  per- 
met de  luy  faire  un  iacrifice  de  cette 
peine, il  faut  la  luy  offrir,  pour  obte- 
nir la  grâce  de  luy  facrifier  le  jour  de 
nôtre  mort  tous  les  biens  du  monde^ 
te  nôtre  vie  même. 

7*^.  Enfin  ,  il  faut  regarder  le  temps 
de  raffl""éLion  comme  un  temps  pré- 
cieux,&  tâcher  d'en  profiter, Car  il  y  a   Nifî  enim  numc^ 
^  apparence,  comme  dit  S.  Cnry- fi    j^nc    fera'. 

îoftome,  que  ceux  qui  dans  ce  temps  ^"s  niU  nunc 
n  entrent  pas  dans  des-  ientimens   de  «jas,  cum  adi 


iji       De   t  a  Ch  a  r  I  t  £* 

trîtulatio  &  je-  compondion.y  entrent  jamais:  c'eft 

«io  unquani  in     Un  tCmpS  OU  DlCU  noUS  VllltC  ;  il  hlUt 

tompunaionem  ^q^c  Ic  reconnoîtrc ,  (Se  tâcher  d'cn- 
i/^«.  4.  ^//;>o/..  trcrdans  les  tins  qu;;  Ditua  dans  cet- 
'^"''  te  vifîte. 

-D.  Faut-il  augmenter  les  péniten- 
ces extérieures  dans  le  temps  des  af- 
fligions ? 

R,  Il  faut  les  proportionner  à  la 
force  de  Ton  ame  &  de  ion.  corps  :  & 
comme  lame  eft  particulièrement 
tentée  dans  ces  occafions  d'abbatte- 
ment  &:  d'impatience  ,  c'cft  un  avis 
qui  peut  être  laintement  pratiqué , 
que  d'en  diminuer  plutôt  quelque 
chofe  par  une  fage  condelcendance  , 
que  de  les  augmenter  dans  ce  temps. 

Article     III. 

Ve  U  trijhfj'e  qu'on  conçoit  de  fc% 
f  s  chez,. 

D,  Peut-il  y  avoir  quelque  excc$ 
dans  la  triftelTe  ,  qui  a  pour  objet 
Multos  audivi  les  péchez  qu'on  a  commis  ? 
adieipfosdicen-  R^  Saint  Chryloilomc  dit  fou  vent, 
îas  'qi^^doTuV?  c[ue  la  triftelfe  efl  nuiiibie  à  toute  au- 
^ccpecunias  le-  t^e  chofc ,  &  qu'elle  n'eft  bonne  qu'à  j 
i^i wii  kii  •  fi''  ce  feul  ulage ,  d'effacer  les  peche«  j  " 


IKVERS    SÔY-MEMÎ.  I^l 

Bc  cet  ufage  nous  la  doit  rendre  bien  X"°  P«cato  trî- 
precieuie  ,  pmlquil  ny  a  rien  de  ai,  &:  maximam 
plus  ^rand,  que  d  anéantir  le  ne.  ^i^"^'^'  es  vo- 
che.  Cependant  iaint  Paul  rait  voir /y»,,;,  i»  adpof^ 
qu'il  peut  y  avoir  de  l'excès  dans  ^Jl'.^.  .  , 
cette  tnltelle  même  ,  puiiqu  il  avan-  pcccaco  nata, 
ça  la  reconciliation  du  Corinthien  P^'^-^'^"'^"^i"iiis 

?        n  1  ^-1  r^    per  pœnuenciam 

inceltueux  ,    de   peur  quil    ne  rutmducta.   Bona 
accablé  par  un  excès  de  triftelTe.         ^^^  pœnicencia 

1  vere    pœnicenti- 

bus    :    convcnif 
enim  peccan:ibus  pro  peccato  luftus.    Idlïom.  k.  de  tœntr. 

Ne  abundancioii  trifticià  abforbeacur  j  qui  ejufmodi  cft.  i.  ^#g^ 
1.  7. 

D,  En  quoy  confifie  cet  ex- 
cès ? 

^.  La  triftelle  conçue  pour  les  pé- 
chez eft  exceffive,  1°.  Quand  elle 
éteint  l'eiperance  de  la  milericorde 
de  Dieu,  &  qu'elle  porte  au  defef- 
poir  ,  comme  celle  de  Judas. 

2**.  Elle  eft  excefîîve  quand  elle  ré- 
duit l'ame  al'inadion  &  à  la  parelTè; 
quand  elle  la  remplit  de  troubles  èc 
de  frayeurs  ,  qui  n'aboutiilent  à 
rien. 

3"*.  Elle  eft  excefïïve  quand  c'eft 
l'orgueil  qui  la  produit ,  &  non  l'a- 
mour de  Dieu  ;  de  qu'au  lieu  de  s'at- 
fiiger  de  fes  péchez  ,  parce  que  Dieu 


f54  D.B  laCharite* 
^11  cft  ofTenfc,  on  s'en  afflige  à  cauu- 
fe  de  la  honte  «Se  du  rabaiflemcnt 
qui  nous  en  revient ,  6c  qu'on  vou- 
droit  le  cacher  à  toutes  les  créatu- 
res ,  au  lieu  de  porter  humblcuunt 
l'humiliation  ,  ôc  la  confuhon  de  lun 
pechc. 

D,  Coninient  faut-il  dor.c  modé- 
rer ces  mouvemens } 

'A'.  Il  les  faut  modérer  en  fe  per- 
fuadant  fortement  que  quels  que 
foient  nos  péchez  ,  la  mrlericorde 
de  Dieu,  &  les  mérites  de  Jefus- 
Chrifi:  lont  infiniment  plus  grands  : 
que  Jeius-Chrift  le  plait  a  faire  é- 
cLiter  fa  o-race  dans  la  suerifon  des 
plus  profondes  bîeliures  ,  &:  des  ma- 
ladies Ils  phis  deielperées  ;  que  la 
connoiiLmce  &  le  regret  qu'il  nous 
en  donne  ,  eft  déjaun  tres-£;rand  ef- 
fet de  cette  grâce  ôc  de  cette  milcri- 
coide  5  ôc  enfin  ,  que  pourvu  que 
nous  ayons  recours  a  luy  avec  une 
iiumble  efperance  ,  rien  n'eil;  plus 
certain  dans  la  religion  Chrétienne 
que  la  rcmiiïîon  des  péchez  aux  vrais 
penitens. 

Plus  ces  péchez  font  grands  ,  par-  : 
ce  qu'ils  attaquent  un" Dieu-  plus 


I 


fNVERS    SOY-MEME.  îfj' 

la  rcmilîîon  en  elt  certaine,  parce 
que  ce  Dieu  efl;  infiniment  mileri^ 
cordieux.  Il  faut  donc  que  Tame  le 
nourrilîe  en  même  temps  de  ce^ 
deux  objets ,  de  la  î^randeur  de  Tes 
péchez  ,  &  de  la  mifericorde  infinie 
de  Dieu,  Euis  les  feparer  jamais  i  il 
fciut  qu'elle  envilage  la  grandeur  de 
Ces  péchez  ,  pour  les  detefter  j  &  la 
grandeur  de  la  bonté  de  Dieu ,  pour 
^n  efperer  le  pardon.  L'une  de  ces 
deux  vues  fans  Tautre  ,  eft  dange- 
:eufe  ;  parce  que  Tune  peut  porter 
lu  defeipoir  ,  de  l'autre  à  la  pre-- 
^omption  j  mais  étant  unies,  elles 
Dperent  cette  pénitence  ftabie  ,  qui 
Drocure  le  faiut. 

D,  Doit-on  pratiquer  la  patience 
k  la  foumifïion  à  la  volonté  de 
.Oieu  même  à  l'égard  de  fes  péchez 
k  de  fes  imperfections  ? 

\R.  Il  y  a  dans  Dieu  deux  volontez 
i  l'égard  des  péchez  &  des  imper- 
)erfed;ions  des  hommes  ^  l'une,  par 
aquelle  il  les  condamne  comme 
:ontraires  à  la  juftice  fouveraine  y 
}ui  condamne  toute  iniquité  ;  Tau- 
re, par  laquelle  il  les  fouftre  pour 
in  plus  grand  bien.    Nous  devons 


t)(>  Delà  Cvl  am  t  ê* 
avoir  à  l'cgird  de  nos  pcchcz,  quel 
que  conformicé  avec  ces  deux  forte; 
de  volontez.  Nous  devons  condam- 
neu  nos  péchez  pour  nous  confor- 
mer à  la  volonté  de  Dieu  confideréc 
comme  juftice.  Nous  devons  le; 
foufFrir  avec  patience  ,  parce  que 
Dieu  les  fouffre  ;  &:  c'eft  Là  le  ref- 
pe(5t  que  nous  devons  a  la  volonté, 
par  laquelle  il  les  permet.  Nous  les 
devons  donc  condamner  d'une  vue 
tranquille  ,  en  alliant  enfemble  la 
paix  du  cœur  ,  ôc  le  regret  de  les 
avoir  commis.  Il  en  efl:  de  même  du 
defir  que  nous  devons  avoir  d'être 
délivrez  de  nos  défauts  ôc  de  nos 
imperfedions.  Il  faut  que  lame 
condamne  fes  foiblelîes  ,  qu'elle 
s'excite  à  s'en  corriger  ,  qu'elle  de- 
mande à  Dieu  qu'il  l'en  délivre, 
qu'elle  pratique  tout  ce  qui  y  peut 
contribuer  ;  mais  il  faut  aufîi  qu'el- 
le évite  l'impatience  dans  fes  chû- 
tes ,  qu'elle  ne  s'étonne  point  de  fe 
voir  tomber ,  &  qu'elle  attende  en 
paix  les  retardemens  de  Dieu.  Sonf- 
suftine  fuften.  A.^^    /f^    fkfpen fions    &    les    retarde^ 

Caitioncs  Dci  •  j     1       j 

Ecdn,  i,         mens  de  Dieu  ,  dit  l'Ecriture  fiinte. 
-D.   Pourquoy  fauc-il  attendre  en 

pai% 


ENVERS      SOY-MIME.  I57 

mix  ces  recardemens',  puifque  Diea 
étant  prêt  de  no\is  domict  .les  grâ- 
ces 5  t't(ï  toujours  ,par  jio^re  faute 
qud  nous  ne  les  obtenons  pas  ?  > 

R,  Quoy  que  ce  foie  toujours  par 
notre  faute  que  nous  n'obtenons  pas 
les  grâces   de  Dieu  ,    ôc  que  nous 
devions  .  condamnqr    ces     fautes   j 
néanmoins  nous  le  devons  faire  fans 
trouble  ,  de  fans  im-patience  ;  parce . 
que  la  volonté  de  Dieu  qui  doit  être  ^'''  ■. 
potre  règle  ,  condamne  cfs  troubles 
&  ces  impatiences  ,   qui   font  pour 
l'ordinaire:  des   effets  de   notre  or-    ' 
gueil  ;  &  par  coniequent  ce  font  des 
empêchemens  a  la  corre6tion  réelle 
de  nos  défauts ,   &  à^nôtre  avance- 
ment.  Or  il  eft  contre  la  raifon ,  ôc 
contre  la  volonté  de  Dieu,que  le  re- 
gret de  n'avancer  pas  dans  la  pieté, 
nous  falfe  entrer  dans  une  difpofi- 
tion  qui  y  apporte  un  nouvel  obfta- 
cle.  Il  faut  donc  qu'une  ame  vraie- 
ment  éclairée,  prenne  tous  ces  trou- 
bles ,  &  toutes  ces  impatiences  qui 
luy  ôtent  la  paix,  &  qui  l'empêchent 
de  travailler  a  Ion  avancement,  nour 
des  tentations  der^nnemi,&:-non  pas 
pour  de€  mouvam^ns  de  Dieu,  Ç'eièl 
Tome  II,  M 


fKO. 


i^S  De  LA  Charité' 
pourquoy  les  Pères  nous  oiiC  cnCcu 
gné,  que  ia  vraye  pénitence  eft  mê- 
lée de  joye,  &:  qu'elle  donne  ie  caL 
me  Se  la  paix  au  cœur.  Et  faint  Paul 
Qu«  enim  fc-  décrivant  la  tiiftelFe  ,    dit  aux  Co- 

nitcntizm  m  U- fêle»    Dicn  ,    ctlle  qui   ofcre  en  enx 

tam  in  vobii  o-  de   faîisf^EI:  Oit  ,     d'r/îdi^nat'.ûyî  ,    dç 

dcfcnfioncm^fed  deur  a  van^er  U  crime,  D  on  il  s  en-. 

ftdr„o::;:SSd  ^^^  q»=  «fe  qui  na  pas  ces  cff-ets, 
dçfidedum  ,  ied  <Sc  qui  met  lan'e  dans  le  tioublc  ^ 
?rvta^:"'  dans  l'abbat:c-ment,.eûimuue,c^ 
>.  C9r.  7.  V.7-  n  eilpaa  ieion  liieu^  ^  i£f 

D^  //ï  ^f^^  triéme  forte  de  trife^e, 
âui  f(i  cclh  que  ion  en  coït  dit 
^/f/^  de  ion  fr.cbam  j,  eu  de, 
P  Envie- 

T>,  Pourquoy  traiter  en  ce  lieu:  de 
l'en  vie  ? 

S*-.  Parce  que  c'eft  une  efpece  de 
tri Ac  fie  que  Ton  conçoit  du  bien 
temporel  ou  fpirituel ,  qui  arrive  ayi 


ifNVERS    SOY-MEME.  I^^ 

prochain  ,  qui  produit  aufîi  une  joye 
jialignc  du  mal  qui  luy  arrive  ;  parce 
que  la  même  paiïion  qui  fait  que 
l'on  s'attriil:e  du  bien  du  prochain , 
Fait  que  l'on  fe  réjoliit  de  Ton  mal, 
de  de  fon  rabaifïement. 

D.  L'envie  ne  s'attache- 1- elle 
qu'aux  qualitez  extérieures  &  natu-' 
relies  ? 

R,  Elle  s'attache  quelquefois  aux 
(jpirituelles  ,  de  même  à  celles  qui 
{ont  de  pures  faveurs  de  Dieu  ,  en- 
tant qu'elles  élèvent  ceux  à  qui 
Dieu  les  donne. 

D,    Quel  eil;  la  fource  de  l'envie  ? 

R.  C'eft  l'orf^ueil.  Car  on  n'a  de  la 
jaloufie  du  bien  des  autres  ,  que 
parce  qu'en  appréhende  que  ce  bien 
ne  les  élevé  au-deiîus  de  nous ,  ou 
ne  les  égale  à  nous  ;  c'eft  pourquoy 
l'envie  ne  s'attache  point  a  ceux 
à  qui  on  ne  peut  être  comparé, 
Onn'eft  point  par  exemple, jaloux  de 
ceux  qui  font  morts  ,  ni  de  ceux 
qui  ne  font  pas  encore  nez  ,  parce 
qu'ils  ne  nous  font  aucune  concur- 
rence. ^ 

D,  Quand  efl-cc  que  l'envie  eft 
un  péché  î 

M  ij 


140         DelaCharite* 
R,  Quand  elle  efl  volontaire ,  c  efl 
-dire  ,  quand  on  confcnt  aux  mou- 
vemens  d'envie  que  ronrcifenc,  de 
que  l'on  agit  en  les  fuivant. 

X>.  Le  pcché  d'envie  peut- il  être 
grand  \ 

R,    Il  peut  être  fî  grand  ,    que  les 
Pères   nous  alfûrent  que  c'eft  le  pé- 
ché du  Diable.    On  ne  dit  point  au 
boiicuin ,  quo     Diable  5  dit  b.  Auguitin,  vous  avez 
foius  Diaboius    commis  un  adultère  ou  un  larcin  ; 

reus  eft,,  &  in-x-  ^  /      1        1  ■* 

piabiiitei-  reus.    VOUS  VOUS   etes  empare  de  la  mai- 

furoLtltr  ^«'^  '^.'^"^^"y  ■■  ™''is  on  luy  dit ,  qu'a. 

ciamnetui,,  a-    prcs  être  tombé,  il  a   porté  envie  à 

iff:S':irr  ^"r^^-  q^^  «oit  encore  debout  : 
icc-Aïx  ,  viiiam  1  euvie  eft  donc  le  péché  du  Diable , 
tr^^r!^^  &  elle  a  pour  mère  la  fuperbe;  étouf- 
ti  lapfus  invidi-  fez  Cette  mcrc  ,  &  la  fille  ne  lurvivra 

ili.      liividentia 
ï:iabolicuin    vi-  P^^' 

*iumeii:iedha-     En  fccoud  lleu  .    le  Dcché  de  l'cn- 

bet  mat  rem  luâ.      •  ^  1^  r  1  »    n_ 

superbia  voca-    ^^^  P^"^  ^^^^  ^1  grand ,  que  c  clt  par- 


*ur 


raacer  invi-  ticulieremcnt  ce  queDieuacondam- 

dentîs    Super-  '     -  —  ^  .     .   .       ^ 


aenns   buper-      ^    /   j  r^   ■■  o  '    '   1      r 

bia  iiwidosfa     ^^^  daiis  Cain  ,  OC  qui  a  ete  la  iource 
«ù.  sutfoca  ma-  de  fa  réprobation.    Le  péché  .  dit  S, 

xrenî      3c  non  e-    .  n-  1  T-^  •  • 

liî  iiha.  ^  A  g.  Auguitin  ,  dont  Dieu  reprit  particu- 

dru./c,  cimji.    iierement   Caïn  ,  a  été  la    trifteife 

Hocpeccatam  ^^'"^^  coiiçut  de  ,1a  vcrtu  d'un  autre  , 

^^uiè  arguit   C  efLà-dire  .  de  la  vertu  de  fon  fre- 

<k  altîiius  boni-  ^^  Abel. 


INVERS    SOY-MEME.  Î^Ï 

tate  ,  &  hoc.  fraciiî.  Hoc  .quippe  argucndo  inceirog-avît  dicensi 
^Ihiire  csntrtjlalui  es  ^  (j^  qAu.ri!  tonciatt  fact^s  lH.i?  L>  v^>dc  Ctvit^- 
Det.  c.  7. 

Troifiémement  ,  ce  péché  peut 
être  11  grand  ,  que  c'a  été  la  fource 
du  plus  grand  des  crimes  ,  qui  eft 
le  Deïcide  commis  par  les  Prêtres  & 
les  Pliarifiens  en  la  perfonne  de 
L  C.  Car  Pdate  me  ne  reconnut  que  ...  .^ 
c'etott  par  envie  cjuils  le  luy  avaient  (\\ioà  pci-  invi. 
livré  :  &  cette  envie  les  aveuda  tel^  5.'^"!   "*ttti' 

-  '  o  lent  tu.vci,Aiaitiii, 

jement  ^    qu'elle   juinna  dans   leur  v  'S. 
«fprit  la  haine  qu'ils  avoient  contre 
Jelus-Chriil:,    oc  la  mort   qu'il   luy 
■cauferent.   On.  voit  dans  la  fuite  de 
l'Hiftoire  de  l'Eglile  ,  que  l'envie  eft 
la  lource   des  plus  grands  defordres 
6c  des  plus  funelles  divi/îons  qui  y 
foient  arrivées.  AulTi  S,  Paul  la  met     Diffcntione», 
^ntre  les  vices  qui  excluent  du  Roïau-  JJÎ^dito' vobl"* 
me  de   Dieu  ;  ce  qui  fe  doit  enten-  ^»cuc  praedixi , 

j  1       p  •  •     '      •        1  1        ■    '  quoniam  qui  ta- 

dre  de  1  envie  qui  éteint  la  ciiarite  i\  ag^^:  ^  Re^ 
envers  le  prochain.  gnum  Dei  non 

r-.       T  >  •  11"^  •        confequentar, 

D,    L  envie  peut  -  elle  n  être  point  q^l  ^ .  xi. 
péché  ? 

R,  Elle  n'efl:  point  péché  ,   quand 
-elle  n'eft  point  volontaire,  C'cft  pour-    ec  quornodo 
quoy  S.  Bernard  répondant  a  ceux  ^'^  *  ^?°  P^^^-. 

"*    .  -^,  ,     .  ■'■  -ceie  poilum,  qui 

4^111  demandoient  comment  on  peut  hacn  pro.icieR. 


ij^z      De  la  Charité* 
tunTidco?si  do-  avaiiccr  dans  la  vertu  ,  loiTqu'onefB 

tes    qu-»d     invi-    r    .  j»  •       j 

des,  icntis,  icd  i^jetaux  mouvemeiis  d  envie jdit  que 
Bon  confcnus.     Il  OH  a  dc  Li   doulcui  dc  ces  mouve- 

Pallio  eit  quan  ^  i  •    '  i  i      i 

doqac  lankl.aa ,  '""ens  ,  on  lenc  cl  k  vente  le  poids  de 
non  aciio  con-  Tcnv  e.Uiais  quc  i'on  n\  Gonient  pas  i 

dc.nnaada.     >ii>  •         n  rr  r 

i.-  ,j.,.  ^^.  w    1  envie  elt  une  palJion  qui  le  pourra 
^*'"-  guérir,  mais  que   ce   n'eft  pas  une 

action  qui  mente  d'être  condamnée, 
D,   L'envie  peut-elle  être  un  pe- 
tit péché  ? 

^,  Elle  peut  être  un  petit  péché, 
ou  parce  que  le  chagrin  que  Ton 
conçoit  du  bien  du  prochain  ,  n'eft 
pas  grand ,  Sz  qu'il  eft  prelque  in- 
fenfîble,  ou  parce  que  l'on  y  con- 
fent  imparfaitement  ,  ou  paice  que 
ce  dépit  que  l'on  conçoit ,  n'a  que  de 
petits  effets ,  5z  lubrifie  avec  un  fond 
de  charité,  quidifpole  l'amc  a  ren- 
dre au  piochain  les  devoirs  elfentiels. 
Cependant  elle  eil:  toujours  dange- 
reufe  :  c'eft  toujours  un  grand  iujec 
de  gemiir.'menc ,  parce  que  îi  l'on 
n'eft  en  garde  contre  cette  palTion  , 
elle  peut  s  accroître  &  s'emparer  de 
lame. 

/).    En  quoy  confifte  le  danger  de 
Fenvie  ? 
jR^  ï^^  En  ce  qu'elle  nous  prive  de 


ENVERS     SOY-MEME.  ïf) 

la  part  qu-e  la  charité  nous  donneiOiC 
aux  biens  du  prochain  ;  car  il  eft  cer- 
tain que    Ton  y  participe  loilqu'oii 
s'en  réjou't.  La  vertu  des  autres  de- 
vient la  iiot  e  ;  nous  jeûnons  aveG 
èax  ,  nous  ioufi-lons  avec  eux  ,  nous 
donnons   l'aumône  avec  eux,  ii  ces 
bonnes  oeuvres  qu'ils  pratiquent  font 
le  fujet  de  nôtre  joye  6c  de  nôtre  re- 
connoilfance  envers  Dieu  :  &    par 
coniequent     nous    n'y    participons 
point  ,    quand   ces   bonnes  œuvres 
nous  attriftent.     C'eft  le  fondement 
de  cette  belle  reele  que  S.  Au^uftin    y,^^^^^  ^«*^^ 
donne  a  de   laintes  remmes  :  Qj^c  po;eritA^o>iaU 
chacun  de  vous  ,  dit  ce  Père,  falil  t^-^  ^^^i"'^^  p^ 
ce.  qu  eUc  peut  ;    &  ce  qu  elle  ne  p  .c.ii  uaz ,    fi 
pourra  pas  faire  par  elle-même  ,  elle  1°^^'"'^  '^i^igit, 

le  f-era  par  celle  qui  le  peut  ,  li  elle  non  poceft  ipù 

aime  en  elle  ce  qu:^  la  ieule  inipuif-  ^J^^.^^^^^'^t\ 

Éince  Tempêche  de  faire,  ^^  ^>»b*m.  f<f, 

2°.    Non   r^ulemenc  l'envie  nous  " '^^ 

prive  de  la  part  que  nous  aurions 

à  la  vertu' des  autres  ^rnais  elle  nous 

empêche  encore  de  la  voir,de  nous  en- 

édifier, &  par  confequent  de  l'imiter. 
3".  Elle  nous  ouvre  les  yeux  pour 

appercevoir  les  moindres  défauts  du- 

prochain,   elle  les.  groilit  6c  les  fait 


144  I^E  LA  Charité* 
paioîtue  grands  :  louvent  même  c!i 
le  croit  en  voir ,  ôc  s'en  imagine  dans 
les  autres ,  qu'ils  n'ont  point  cfFedi- 
vement  ;  &  elle  fe  fert  enfuite  de 
ces  défauts, vrais  ou  faux, comme  d'un 
voile  qui  l'empêche  d'appercevoiç 
leurs  vertus. 

4°.  C'eft  une  fource  de  jugemens 
téméraires  ;  parce  que  la  prévention 
qu'elle  caufe  dans  l'elprit  ,  luy  fait 
tout  voir  du  mauvais  coté  ,  de  ces 
jugemens  téméraires  prcduilent  en- 
luite  quantité  de  médiiances. 

5°.C'efl:  uns  fource  de  joye  maligne 
dans  les  rabaiifemens  qui  arrivenc 
au  prochain  ,  "  ôc  même  dans  les 
fautes  qu'il  commet.  Ainfi  ,  elle 
prive  de  tous  les  avanraj^es  de  la  cha- 
rité dans  les  biens  &  dans  les  maux, 
des  autres ,  5c  elle  répand  un  venin 
qui  infecte  la  plupart  des  mouve-i 
mens  du  cœur,  a  l'égard  de  ceux 
dont  on  ell  jaloux.  7 

D,  Y  a-t-il  bien  des  gens  qui  ioient: 
flijets  à  ce  vice. 

i?.  Il  n'y  a  perfonne  qui  en  fort  en- 
tièrement exempt  ,   parce  qu'il  ji'y 
a  perionne  qui  n'ait  encore  quelque; 
orgiicil,  ôc  que  ce  vice,ei^;eft  une; 

fuite 


ENVERS       SOY-MEME.  14^ 

Kiite  neceilaiiC  j    ainli  il  eft  impor- 
tant   de  reconnoîcre    devant    Dieu 
qu'on  y  eil  fujet,  parce   qu'encore 
que  ce  vice  foit  extrêmement  com- 
mun 5  on  le  le   déguife  a  loy-mê- 
me  ,  autant  que  Ton  peut.  Perionne 
preique  ne  voulant  avoUer  qu'il  eft 
envieux ,  parce  que  ce  vice  tient  de 
la  balfelTe  ,     ôc  que  c'eft  mettre  en 
quelque  lorte  au-delFus  de  loy,  ceux 
dont   on    confeiferoit    qu'on  eft  ja- 
loux. On  n'avoue  donc  l'envie  ,   ni 
aux  autres ,  ni   à   loy-même  ,  ni  à 
Dieu    même  ,   Ôc  l'on  tâche  de   la 
couvrir    fous  l'apparence  de  quel- 
que mouvement  plus  honnête.  C'eft 
pourquoy  le  Sage  dit  que  l'envie  e fi    Futre^oofllu 
U  pourriture  des  os  ,  c'elî-a-dire  ,  que  '"^^^^^^  ^''*^- 
ce  n'eft  point    un   ulcère  extérieur 
qui  foit   expoié    aux  yeux  ,    mais 
qu'elle   fe  cache  dans  les  replis  du 
coeur. 

Z).  Doii  vient  dites-vous  qu'il  eft 
difficile  de  découvrir  l'envie  ,  puif- 
qu'il  eft  alfcz  facile  de  leconnoître 
(i  Ton  s'attrifte  du  bien  du  pro- 
chain ,  ôc  il  l'on  fe  réjouit  de  fon 
mal? 

^.   C'eft  que  comme   Taveu^le- 
Tone  IL  N 


m 


ï4-^  Delà  Chariti* 
mcnt&:  rignoraiice  qui  icgnentdans 
la  piûpaïc  du  mon  le  ,  font  que  l'oii 
y  loii^  une  infinité  de  gens  qui  ne 
iont  pas  louables  ,  &:  que  Ton  les 
iolie  même  pour  des  choies  qui  ne 
meiitent  point  detie  loiiées.  Oi:  il 
peut  fort  bien  arriver  ,  ians  que  le 
cœur  foit  touché  d'aucun  niouve- 
ment  d'envie  ,  que  ces  lolianges  don- 
nent quelque  chagrin  aux  pcrlonnes 
éclairées ,  parce  qu'elles  font  faul- 
fes  ,  &  que  bien  loin  d'être  un  bien 
pour  ceux  a  qui  on  les  donne ,  elles 
ne  peuvent  lervir  qu'à  les  aveugler. 
Il  fe  peut  faire  aufîi  que  Ton  foit  por- 
té à  repoulfer  ôc  à  diminuer  ces  fauf- 
fes  lolianges ,  parce  qu'elles  font 
faulfes ,  &  qu'elles  font  un  mal  pour 
ceux  qui  les  donnent,  n'ayant  point 
d'autre  louice  que  leur  illullon  ,  ou 
leur  ignorance.  Qui  en  dcmeure- 
loit-la ,  il  n'y  auroit  point  encore 
d'envie  ,  puifque  l'objet  de  cette 
triftelle  ,  &  de  ce  chagrin  qu'on  ref- 
fentiroic  ,  fèioit  non  le  bien  ,  mais 
ie  mal  du  prochain  ,  fçavoir  foa 
aveuglement  ,  qui  paroît  fouvent 
autant  par  ces  louanges  fans  lumiè- 
res de  Uns  vericé,   que  par  aucun 


tNVERS    SOY-m|kmE.  I47 

a^utre  figue.  Mais  il  arrive  tres-fou- 
vent  cjue  ces  mouvemens  ionr  fort 
équivoques   j    ôc   en   même   temps 
qu'on  s'imagine  n'avoir  du  chagrin 
que  de  la  faulîèté,  ôc  de  rinjullicc 
des  loiianges ,  on  en  a  louvenc  de 
ce  que  par  là  le  prochain  eft  relevé, 
,  ôc   que  l'on  en  eft  rabaifïe  ;    outre 
,  qu'il  arrive  quelquefois  que  l'on  ne 
trouve    irauiîes   les  loiianges    qu'on 
donne  aux  autres  ,   que  parce   que 
nôtre  jalouhe  nous   fait  voir  leurs 
défauts  plus  grands   qu'ils  ne  font , 
ôc   nous    empêche    de    voir    leurs 
vertus    ôc    leurs    bonnes    qualitez. 
Ainii  quand  on  apperçoit  en  foy  ces 
mouvemens  que  j  ay  appeliez  équi- 
voques ;    c'eil-à-dire,  ces    chagrins 
dans  les  loiianges  du  prochain  ,   ôc  - 
ces  fentimens  de  joye  dans  les  mau- 
vais luccés  qui  luy  arrivent,  ce  font 
de    grands  f-ijets  de  gémir  devant 
Dieu,  Ôc  de  luy  demander   ia  lu- 
mière pour  fonder  le  fond  de  fon 
cœur  ,  ôc  pour  y  découvrir  s'il  n'y  a 
point  quelque  jaloufie  fecrette  qui 
produife  ces  fentimens. 

Sur  tout  il  faut  être  extrêmement 
retenu  a   s'oppofer    aux    louanges 

N  ij 


14^  De  la  Charité' 
cju'on  donne  aux  autres  :  car  louvent, 
quoyquc  ces  lolianges  ioicnt  faullcs, 
elles  peuvent  être  utiles  à  ceux  qui 
les  donnent  ,  de  elles  difpolent 
ceux  qui  les  écoutent ,  à  avoir 
créance  aux  perfonnes  a  qui  on  les 
donne  ,  en  plufieurs  choies  oii  il 
eil  bon  qu'elles  en  ayent.  Outre  que 
l'on  paroît  ordinairement  malin  & 
envieux  en  s'y  oppofant ,  &c  qu'ainli 
on  fcandaliie  le  prochain. 

D.  De  quels  prefervatifs  fe  doit-on 
donc  iervir-  contre  l'envie  ? 

^.  Quand  on  connoît  clairement 
que  les  mouvemens  que  Ton  relient, 
font  des  mouvemens  d'envie,  il  y 
faut  refifter  comme  aux  autres  mau- 
vais mouvemens  :  C'efl-a-dire  ,  qu'il 
les  faut  delavoUer  ,  ôc  en  gémir  de- 
vant Dieu  ,  lorlque  l'on  les  recon- 
noît.  Et  lorfqu'ils  nous  font  lim- 
plement  fufpects  ,  il  en  faut  fuf- 
pendre  les  effets  extérieurs  ,  ôc  n'a- 
gir point  que  Ton  n*ait  un  motif 
jufte  &  neceifaire  qui  nous  falfe 
agir.  Mais  pour  prévenir  tous  ces 
mauvais  mouvemens  ,  il  faut  tâ^ 
cher  d'attirer  par  Tes  prières  l'efpric 
de  chanté  ôc  d'humilité.  Car  corn» 


EJïVERS    SOY-MEME*  1^9 

me  rorgueil  eft  la  fource  de  Tenvie, 
ôc  quec'ellce  quifaic  qu'on  s'atcrifte 
des  biens  ,  &€  qu'on  le  réjouit  des 
maux  des  auties,  Thumilité  ôc  la 
charité  en  font  le  remède  ;  parce 
.que  rhumilité  ,  fait  que  nous  ai- 
mons d^être  au-delfous  du  prochain, 
ôc  que  nous  trouvons  nôtre  avantage 
en  cette  place  ,  6c  que  la  chanté 
nous  fait  réjoiiir  (încerement  de  ion. 
véritable  bien.  Que  s'il  arrive  qu'on 
ait  fujet  de  croire  que  certains  biens 
humains  ,  3c  certaines  élévations 
ne  foient  pas  des  biens  pour  le  pro- 
chain ,  on  pourra  alors  s'en  attrifter 
fans  pécher  ,  parce  qiî'on  ne 
s'attriftera  que  du  mal  ,  de  du  pré- 
judice qu'il  en  reçoit.  Il  n'y  a  donc 
prefque  que  le  fond  du  cœur  qui 
diftin^ue  ces  mouvemens  :  de  com^ 
me  ce  fond  du  cœur  nous  eft  incon- 
nu 5  l'envie,  quelque  ordinaire 
qu'elle  foit  ^  nous  eft  allez  ordinaire- 
ment peu  connue  ,  &  ne  peut  foo- 
vent  être  que  l'objet  de  nôtre  craia-»- 


te  3c  de  nos  gemiffemens. 


N  iij 


i^o      De    la    Chariti' 


CHAPITRE    VII. 

De  la-  coUre.  TjC^  rtmiàes  que 
ifi  PhîlojopiJie  Payerrac  ^  tâ- 
ché d'y  apporter.  Avantages 
de  la  Religion  chrétic/jne  \ur 
la  Philofophie  humaine  tri'  ce 
point* 

D.  /^U'eft-ce  que  la  colère  ? 

V^  R,  C'eft  un  foulevement 
de  l'am^  contre  la  perfonne  donc 
on  croit  avoir  reçu  quelque  injure 
ou  quelque  déplaihr  ,  qui  porte  à 
luy  defirer  du  mal  ,  &  à  luy  en; 
faire  fi  Ton  peut. 

D,  La  Philofophie  humaine  n'a-t- 
elle  pas  eu  grand  foin  de  remédier  à 
k  colère  ? 

R,  Comme  cette  paiïîon  a  de 
tres-niauvais  effets  ;  qu'elle  trouble 
la  raifon  ,  qu'elle  fait  fortir  l'ame 
de  (on  afîiecte  naturelle  ,  qu'elle 
luy  caufc  des  trani  ports  ,  des  con- 
vull'ions ,  (3c  une  eipece  de  fureur  ; 
quelle    la    poulij    a    toutes    fortes 


£NVERS    SOY-MEMF.  I^î 

;:l'exccs^  qu'elle  ruïnc  foiivent  les 
familles  c\:  les  états  -,  la  iagelïe  hu- 
maine a  toujours  crû  qu'il  étoit  très- 
important  de  porter  les  hommes 
non  feulement  à  reprimer  fès  mou- 
vemens ,  mais  aufîî  à  les  étouffer  » 
s'il  étoit  pollible. 
jO.  Comment  s V  eii-elleprife  >  -  vi^e  Sente,  ic 
3?.  Elle  a  tâché  de  donner  de  fhor-' ^•''  '•  ''  '' 
reur  de  cette  paiîion ,  par  l'état  oii 
elle  met  le  corps ,  &  par  les  mar- 
ques extérieures  de  déreglemenc 
qu'elle  y  imprime.  Car  il  n'y  a  point 
de  paiïlon  dont  l'unage  foit  plus  ca- 
pable de  caufer  de  l'aver ilon  :  les 
autres  ont  quelque  chofe  d'atti- 
rant &  de  trompeur  5  mais  la  colère 
n'a  rien  qu^  d'adieux  &  de  terri- 
ble. Elle  nous  a  propofe  en  fuite  di- 
vers exemples  dès  excès  où  la  co- 
hïQ  a  porté  les  hommes  ,  ^  prin- 
cipalement les  Princes  :  elle  a  en- 
fi-iice  oppolé  d'autres  exemples  de 
modération  ^  de  douceur  ,  capa- 
bles d'attirer  à  l'amour  de  ces  ver- 
tus ;  &  enfin  elle  a  donné  quelques 
remèdes  ,  (o\z  pour  reprimer  la  ce-  • 
1ère  quand  elle  efl:  née  ,  foit  pouc 
Te  m  pécher  de  naître. 

N  iiij 


lyi       De  la    Charité* 

D.  Quels  font  ces  remèdes  ? 
rlurimumprr-     ^^  i"^  C'cft  par  exemple  ,  den'ac- 

«crit  paeros  fta-         a  -^i  r  ^  '  i 

tim  fàiubriter  coucumcr  pas  les  eiiraiis  a  une  eau- 
niftitui ,  nihii   catioH   mollc  ,    Cil    leur    accordant 

niagr»  racit  ira-  >-i  i 

cundos,   quam  tout  cc  qu  ils   veuleiit  j    parce  que 

cducacio  mollis  ^[q,-,      jjj-  Sen-que  ,    ne    contribue 

&:  blanda ,  non      ,  •      ,         r  ■  i  o       • 

xciiftic  ofFenfisj  pius   a  les  tairc   colères  ec   mipa- 

<ui  nihil  unquâ  fipi-ic 

/.  1.  c.  zi.  i'^.  Dev]cer  les  loupçons ,  <x -de 

Qiud,  (]uod    ^-jg  iu^er  pas   aifément  qu'on  nous 

non  cruninacio-  »        r  •         •  i 

lîibas  tantum ,  ait  voulu  faire  injure  ;  de  ne  nous 
k!î1  Z'^^^ir^^^"  mettre  pas  au  moins  en  colère,  avant 
^  ex  vuica  ,  ri-  quc  d  en  avou'  examnie  le  lujet  j  de 

jSrer^rerart  P^^^^^^^  ^'^^   ^'°^^  P^^^  toûjours  puuir 

innoccniiijus  i-  ceux  doHt  OU  aura  différé  la  puni- 

cva  fc  caufa  ab-  que  ccux  qu'oH  aura  punis  injafte- 

Fcnfo  ira  rcti- ^'^^^^^^  '  lie  1  aycnt  CtC. 
ncnda.    Poteft       3°.  D'éviter  le  luxe   &  la  delica- 
ta  cxigi    noQ     celle  5   &   de  S  accoutumer  a  n  être 
poccft  ciaOarc-  pas  fenfibles  au  petites  choies  ,  afin 

vocari.     ibid.  c,  p    r     •  V  1 

a;.  que  1  elprit  ne  lente  que  les  coups 

Nulla  fcï  ma-  qui  feront  pefans. 

gis  iraciindiain  o     t\      r    T  •      J      T 

aiit ,  quam  la-  4  •  ^^  ^^  louveiiir  de  les  propres 
xuria  inccmpc  fautes ,   &  dc  fes  propres  déRiuts , 

ransôc  iiupaciés;      r        ^yr.  -ri         •      t    1 

dure  tradiadas  ^'^^'^  d  être  par  ce  motit  plus  mduU 
aniniLis  eft,  ut  crent  au  défauts    èc  aux  fautes  des 

ictum  non  fcn-  ^  a      ^     r     \-         -     r 

tiacnifigravem.  autres  j  ^  de  le  dire  a  loy-meme, 
'•"^-  jav  fait  la  même  faute    en  telle  &z 

Koc  primo  ne-  ■'    ,-',  .- 

bis  iuadeamus     t^Ue  OCCallOU. 


ENVERS     SOY-MEME.  I53 

^*.  De  différer  autant  qu'on  peut  "^"^^^^^-^^  ^^* 

s    f-  I  -^  ^     1     ItiUiU  elle  nne 

a  le  mettre  en  colère  ,  parce  que  le  cuipâ,   poceft 
erand   remède    de  la   colère    eil:  le  non  ftaum  iraf- 

«-^  -  ,  Cl ,  Il  libi  ad  im- 

retardement.  De  ne  conaamner  pas  guia  quibus  af- 
les  orens  ,  &  principalement  les  a-  {^n^iiturdixeric, 
mis  lur  le  champ,  ce  lur  des  rap-  mifi.  zi»  .  re- 
ports   fans    preuve  ,    &  lans   leur    ^^^^^^'^^^^  5e- 

■i       .  ,i,.  1       r         '  /  ^  meamm  eit  irae 

avoir  donne  lieu  de  le  c. étendre  ,  mcra  ...  gra- 
puifqu'on  ne  voudroit  pas  jucrer  ain-  ^^^  ^^"^^  ^^']^^' 

ri  _  £.-  •  '    "^  tuspnmos.    To. 

Il  de  la  moindre  afi-aire.  tavinceairdum 

6^,   D'exculer  autant  qu'on   peut  ^''■'"^"^  .^-"^^P^- 

,       ^         i  I  cur.    c.   :a 

celuy  qui  nous  ofi-enle  ,  «Se  de  trou-  De  parvuia  lu* 
ver  en  nous  des  lailons  de  ne  nous  fl^  J-^-ie^t^iro 

tibi  les  fine  celte 

mettre  pas  en  colère,  C'eft  un  en-  non  probaiecur, 
fane  ,  difent  les  PlHlofophes  ,^  par-  5™^^;'drpr.. 
donnez  à  Ton  âge  ,  il  ne  connoit  pas  renubus,  ancc- 
encore  fes  fautes.  C'eil:  une  femme  ;  aniqu^amTnter- 
c'eft  qu'elle  le  trompe.  C'efl  le  Roy;  roges  r.  :^. 

'I  •  -r  J      ^       Puer  cH  ,  xcati 

S  il  VOUS  punit  avec  railon  ,  cédez  a  ao^etur    nefcù 

la  juftice  ;    s'il  le  fait  lans  railon  ,  ^"  P'ccec 

cédez  a  la  grandeur.  C'eft  un  hom-  ^tzt^.]\  /  udzi 
me  de  bien  ,    ne  croyez  pas  qu'il  ^^^  pîusiiiius 

f  .     .     .  'H  '      credas  Icncentii 

VOUS  ait  raie  injure  :  c  elt  un  me-  quam  tu:r.  rcs 
chant,  ne  vous  en  étonnez  pas.  Ce^^^^   ^^  nocen. 

Wn^     r       n  1       -r   •     tem  punir,  cedc 

qui  vous  otrenle  elt  ou  plus  Iroi-  jaùntix,  li  inno- 
ble ,    ou   plus  fort  :    s'il  eft    plus  foi-  "fî^em  ,  cède 

ble ,  epargnez-le  ;  s  il  cit  plus  tort ,  nus  vu- eft  qui 

épareineZ-VOUS  vous-même.  mjuriana    teck, 

^    „  "^T^      r      ^'r   ■  1       1'  noii  credeie.Ma- 

■j \  De  le  deiairc^ae  1  amour  pro-  i-js,  noU  mûa- 

ri.  c  jo. 


ïy4        D  E     L  A     C  II  A  R  1  T  £' 

«c^ru^xXai-  P'^  T  "'^'^^  perruade  que  nous  de 
liori  li  imbc-    vons  être  inviolables  a  tout  le  mon 

cillior ,  Parc  il-  J-.        c^    '  •  r^  ^^ 

liif.  pocenuor,'!^  '  ^^  ^  ^^^^  cnncmis  mcme.  Qu 
tibi  ;ir,.,         '  ionimes-nous  pour  vouloir  n'enten 

JI^L^t  '-  'J'-^'  t"-'"  'te  de&gi-eable  ;  Que  i 
mius_,invioiacos  nous  pardonnons  aux  animaux  qu 
ni?ci?Jud.cTmus  "^'^'^  blelTcnt ,  il  feroit  bien  injuft< 
cUe  deijere.  c  de  fc  faire  une  rai  Ion  de  ne  pardon- 
Quis  film,  eu-  ^'^^  ?^^  ^^^  hommes ,  parce  qu'il: 

jusauiesJacline-  font  hommeS. 

t^s  fil.  l    2.  c.  oo    T~\>  '     •  1  r  K 

x+  ô.  iJ  éviter  les  occaiions  ou  nou; 

Num  quis  Càtk  pouvons   rcccvoir  quelques  injure 

conftaïc  lihi  vi-  •  r      n-  ■ 

deatur ,  û  mn-  ^^^  nous     ne  poumons  lourtnr 

i^m  caicibus  le-  parcc   qu'ïl  eft  plus   facile   de    ne 

nioifu  ?  jftayn-  poi^^^  S  engager  dans  le  combat,  que 
^'-'is  pcccaie  le  dc  s'en  retirer. 

nciciunc  ;  l  ri-  r^     r  u  /     .         i  •    r    '    o     i 

nium  ,  quam  i.  9*  -t-nrin ,  d  éviter  la  curiolite,ôr  de 
niquus  eit  ^.  a-  ne  vouloir  pas  tout  icavoir.  Voalez- 
«<^;"  eUc,  ad  im-  VOUS  n  être  point  luj.et  a  la  coiere  , 
pecrandam  ve-    ^fc  le  Philofoplie  SenequcîNe  foyez 

nuinnocet.  De-         •  -         ^      y      >    n   ''  i- 

inde.fi  cïtera  a-  point  curicux  :  il  n  ciT  pas  expcdiciit 
miîîaiia  ira  tus  ^e  voir  toutes  chofcs ,  &c  d'cnteii- 

luodu.vit,  quod   j  1      r-  o      1'  r      ' 

confilio  carent,  drc     tOUtes  CnoicS  ,   SC   1  OU    HC    IÇait 

coioco  tibi^t,'  pas  la  plupart  des  injures  ,    lorfque 

quifquis  confilio  p      *        ^       ,       .  ■'  ^ 

caier.   /t,;i c.w   1  011  vcuc  ies is^uorer,  '        ..i 

Demus  operâ,  ne  accipianiLis  injuriam  quam  ferre    nefcimus.    L. 

J.    c.  ?. 

Facilius  eft   à  certaminc  aSftinere,  quain  abducerc      //-'V. 

Kon  vis  efl'e  iracunduî ,  ne  ils  cuiiorus  ^  non  expédie  omnia  vu 
"^ers  ,  omnia  audire  :  inulcx  nos  in^iif  cvanlcant  ,,  ex  qui- 
buspi^rafquc  non  accipic  q^ui  neCtic.  jt/ittM  t^c  iraltb.  j,  cap.  u. 


ENVERS      SOY-MEME.  Ij-y 

1  Z>,  Quel  jugement  doit-on  faire 
de  CCS  remèdes  ,  que  nous  donne  la 
Phiiofophie  humaine  ? 

^.  Comme  ils  ionc  raifonnables  en 
foy  ,  il  ne  les  faut  pas  mépriier  ;  il 
les  faut  au  contraire  eiVimer  ,  parce 
qu'ils  font  vrais ,  &  que  toute  véri- 
té eil  a  Dieu  &  vient  de  Dieu  ,  Se 
qu'elle  n'appartient  jamais  aux  hom- 
mes. Mais  il  faut  aufii  reconnoître 
que  la  Religion  Chrétienne  nous 
fournit  bien  d'autres  armes  pour 
combattre  nos  pallions,  &  princi- 
palement la  colère. 

£>.  En  quoy  confiite  l'avantage  de 
la  Religion  Chrétienne  lui  la  Phiio- 
fophie en  ce  point  ? 

R,  1°.  La  Philofopli'ie  humaine  ne 
s'arrêtant  qu'aux  caufes  fécondes  » 
ne  pou  voit  perfaader  les  hommes,, 
que  ce  qu'on  foufFioit  fût  jufte  ;  ôc 
ninCi  elle  ne  pouvoit  ôter  de  i'efpric 
d'un  homme  ofFenié  ,  que  TofFen- 
fcur  ne  luv  eût  fait  toit ,  de  que  ce 
qu'elle  fouflmit  ne  fût  injufte.  Mais 
la  Religion  Chrétienne  va  bien  plus^ 
loin  j  elle  nous  fait  voir  que  ce 
que  nous  prenons  pour  injure  ,  ôc 
qui  cft  iniuile  en  effet  de  la  partdcs- 


, 


1^6  De  la  Charitî* 
hommes ,  a  une  caufe  première  qu 
l'ordonne  fans  injuftice  ;  ainfî  ell< 
nous  montre  qu'on  ne  nous  fait  ja- 
mais d'injuftice  :  que  nous  meri- 
^  tons  tous  les  traitemens   que   nou; 

pouvons  recevoir,  des  hommes  : 
qu'ils  n'en  lont  point  les  première? 
cauies  ,  qu'ils  ne  font  que  les  fim- 
ples  infti'umens  «Se  les  fimples  mini- 
fti'GS  des  ordres  de  Dieu  -,  &c  par  là 
elle  appaife  nos  plaintes  d'une  ma- 
nière bien  plus  eliicace  ,•  elle  détour- 
ne nôtre  efprit  de  cette  prétendue  in- 
jiiilice  qu'il  fjufî^re,  ëc  l'applique  âlî 
coniiderer  de  à  condamner  Tinju- 
fticc  de  fa  colère  ,  en  luy  diiant 
Putafnebenc  comme  Dicu  ht  à  Tonas  :  PenCeX- 
4  ^,  *  voHi  avoir  raifon  de  vous  jacher  ^  (fj* 
cjue  votre  rejfentiment  foit  jnfle  ?  La 
Religion  Chrétienne  nous  fait  dé- 
couvrir dans  ces  traitemens  que 
nous  prétendons  injurieux  ,  non 
feulement  la  juilice  de  Dieu,  mais 
encore  fa  bonté  qui  les  permet  par 
des  vues  de  mifericordes  ,  pour  nous 
donner  moyen  d'en  profiter  ;  pour 
guérir  le  plus  grand  de  nos  maux  , 
qui  ell:  l'orgueil  ;  &  pour  nous  pro- 
curer le  plus  grand  des  biens  ,   qui 


ENVERS    SOY-MF.ME.  I57 

;ft  rhumilité.  Ainli  elle  charge 
iouces  nos  idées ,  en  nous  fdilant 
•eg^arder  comme  des  grâces  ôc  des 
■civeurs  de  Dieu,  ce  que  les  hom- 
îies  appellent  des  dilguaces  &z  des 
nalheurs. 

2^,  La  Philo  tophie  humaine  ayant 
!U  pour  but  d'élever  l'homme  ,  le 
netcoit  en  état  de  croire  qu'on  le 
rabaiifoit  injuftement  ;  ôc  quainfi 
1  avoit  lieu  de  s'ofFenier  ,  lorf- 
qu'on  luy  faiioit  quelque  injure, 
)u  quelque  mauvais  traitement.  La 
ileligion  Chrétienne  nous  donne  au 
zontraire  une  telle  idée  de  nos  mi- 
sères &  du  rabalifement  que  nous 
ïieritons  pour  nos  péchez  ,  &  elle 
lous  fait  defcendre  (i  bas  par  les 
fentimens  d'humilité  qu'elle  nous 
mfpire ,  que  toutes  les  humiliations 
que  les  hommes  nous  peuvent  faire, 
ne  fcauroient  nous  rabailler  davan- 
tage. 

3.  La  Philofophie  Payenne  n'avoit 
point  d'autres  moyens  de  reprimer 
la  colère  ,  que  de  nous  reprt Tenter 
fa  difformité  Se  fon  injuftice ,  <Sf 
d'autres  railons  iemblables  ,  qui  ne 
font  gueres  d'imprefîion  iur  un  ef- 


îjS  D^E    L  A    C  H  A  p.  I  T  e' 

plie  irrité  ;  mais  clic  n'avoit  aucu 

châtiment  à  propolcr  pour  en  dé 

tourner  les  hommes  ,  &   principale 

ment  ceux  qui    font  ?.u-dclUis   de 

autres.  Mais  il  n'y  a  ni  particulier,  n 

Grand  ,  m  Prince  ,   que  la  Religioi 

Chrétien  ne  ne  pu:  fie  étonner  ,   ei 

luy  propoiant  les  menaces  de  Dici 

même  ,  contre  ceux  qui  /c  metten 

en  colère  ;  &:  que  cette  pafTîon  porte 

a  quelque  excès  contre  le  prochain 

o^nis  s^^  i- Qi^icofiatie  ,    dit   pofitivemcnt    l'E- 

fuo ,    reus  eii:  vangïle  ,  je   mettra  en    colère   contn 

jiîdicio.  mmu.Çq.^   ■n.g.^g      méritera  d'être  condamm 

par  le  junernent, 

4°.  Quoy  qu'en  difent  les  Philo- 
fophes  ,  il  ne  confideroient  pas  la 
colère  en  foy  ,  comme  un  grand  mal 
pour  celuy  qui  ètoit  poiiedé  de  cette 
paillon  ;  ils  en  apprehendoient  plus 
les  effets  extérieurs  pour  les  au- 
tres ,  que  i^our  ceux  qui  les  cau- 
foient.  Mais  la  Religion  Chrétienne 
nous  la  fait  ■  conliderer  comme  une 
maladie  tres-dangcreuie  pour  celuy 
qu'elle  tranfporte  ,  &  ainfi  la  Re- 
ligion Chrétienne  applique  l'ame  à 
remédier  a  {^o\\  propre  mal ,  &  à  Tes 
propres  défauts ,  au  lieu  de  longer 
à  ceux  dautruv. 


tNVERS     SOy-MEME.  1(9 

'  ^^.  Les  remèdes  qu.^  la  Philoropliie 
humaine  propole  ,  ne  peuvent  avoir 
un  grand  efîet  pour  guérir  la  colère  , 
parce  qu'ils  en  laillent  lubfiftcr  la 
lource  ,  qui  eft  l'amour  des  biens 
du  monde  ;  or  tant  que  le  cœur  ea 
fera  poiledé ,  il  le  foulevera  ,  &  le 
mettra  en  colère  contre  ceux  qui  les 
luy  voudront  ravir.  Mais  c'eft  con- 
tre l'amour  même  du  monde,  <^  de 
fes  faux  biens  ,  que  la  Religion 
Chrétienne  employé  les  plus  forts 
remèdes.  Ain(i  elle  attaque  la  colè- 
re dans  la  lource  ,  «k  elle  prend  la 
voye  naturelle  de  la  déraciner  ;  tous 
les  railonnemens  de  la  Philoiophie 
Payenne  ,  ne  tendent  qu'a  l'endor- 
mir ,  mais  non  pas  à  la  détruire, 
ni  à  la  guérir  entièrement. 

6°.  La  Philofophie  humaine  efl 
fatisfaite ,  pourvu  qu'elle  repdme 
les  laillies  &  l'impetuoi^té  de  la 
colère  ,  ôc  qu'elle  en  calme  les 
traniports  :  elle  ne  fe  m?t  guère  en 
peine  que  cette  paiTIon  le  renferme 
dans  le  coeur  ,  6c  qu'elle  s'y  chan- 
ge en  haine.  Mciis  c'eft  cet  effet 
intérieur  que  la  Religion  Chrétien- 
ne prétend  empêcher  encore  plus 


I(jO        D  F     LA    Ch  A  R  I  T  E* 

c]ue  les  cfïvts  excericius  ,  parc 
qu'elle  le  con/idere  comme  u 
giand  mal.  Elle  ne  le  contente  don 
pas  d'un  calme  extérieur  ,  ni  d'un 
modération  luperficielle  ;  elle  veu 
encore  que  la  douceur  (5c  la  chariti 
fiacccdeni  à  la  colère  ,  <^c  que  To; 
délire ,  &  que  Ton  faife  mcim 
du  bien  a  ceux  contre  qui  on  ccoi 
irrité. 

7°.  La  philofophie  humaine  ne 
fait  voir  dans  les  injures  que  l'on  re- 
çoit, qu'un  leul  ennemi,  qui  eft  ce- 
iuy  qui  fait  l'injure  ;  &c  elle  n'em- 
pêche point  ainli  que  Tame  ne  le 
louleve  toute  entière  contre  luv  avec 
toute  fon  impetuolité.  Aîais  la  Re- 
ligion Chrétienne  nous  découvre 
toujours  deux  ennemis  ;  l'un  viliblc 
&  l'autre  inviiible  ;  l'homme  qui  nous 
f^iit  injure  ,  Se  le  démon  qui  Tv 
poulie  j  l'homme  qui  prétend  nous 
ravir  quelque  bien  humain  ,  cC  1. 
démon  qui  veut  perdre  nôtre  am^ 
par  la  colère  &:  par  la  haine  qu'il  ex- 
cite en  nous  :  elle  nous  fait  voir  que 
cet  ennemi  inviiible  étant  beaucoup 
plus  dangereux  que  celuy  qui  eft  vi- 
iîble  ,  il  doit  attirer  la  plus  grande 

partie 


ÉNVEPvS     SOY-MEME*  ïSt 

de  nôtre  refiftance  ,  &  nous  doit  a, 
doucir  envers  l'homme  ,  de  peur  de 
féconder  les  dclïeins  du  diable. 

8°.  La  philoiophie  humaine  ne 
tîous  montre  dans  ceux  qui  nous  of- 
fenlent ,  que  leur  qualité  naturelle  j 
c'eft-à-dire ,  qu'elle  ne  nous  y  faic 
voir  que  des  hommes,  &  des  hom- 
mes vicieux  ,  peu  dignes  par  con- 
fequent  d'être  aimez  :  la  Religion 
Chrétienne  nous  y  découvre  Tmia- 
ge  Dieu  ,  &  les  liailons  qu'ils  ont 
avec  Jelus-Chrift  ;  &  ces  coniidera- 
tions  doivent  effacer  tous  nos  reiîèn- 
tiiïemens,  &  rallumer  notre  charité 
pour  eux. 

9^.  La  philofophie  humaine ,  vou- 
loir a  la  vérité  qu'on  examinât  [es 
actions  ,  &  qu'on  fît  reflexion  cha- 
que jour  fur  les  Riutes  que  la  colère 
nous  auroit  fliit  faire;  mais  elle  s'ap- 
plaudilFoit  tellement  de  cett2  pra- 
que  ,  qu'elle  donnoit  bien  plus  lieu 
à  l'ame  de  s'élever  de  ce  qu'elle  re- 
conoilfoit  ainfî  Tes  fautes  de  bonne^ 
foy, que  de  s'humilier,  &  de  fe  con- 
damner de  les  avoir  faites.  Ainii 
ceux  qui  s'étoient  mis  en  colère  , 
croyoient  en  être  quittes  pour 
Tom^  II,  O 


i6i        De   la    Charité' 
avouer   qu'ils   avoicnt    failli. 
Taciebat  hoc        Oïl  peut   voiu  dans   Seneque  de 
fumnmodî";    cxemples  de  ces  examens  philofo. 
cum  le  ad  noc-  phiques.       Le  Philofophe    Sedus 
JecSc^rinNi^      ,  a^'oit  accoutumé,    lorfqui 
tcirogaiec  ani-    s'étoït    l'etiié   le  loir  pour  dormir 

muin  luum  ,         j>-  ^      r  o,     J       1 

Quodhodieuia-^"^^^^'^^?^^    ^^^     ^^^f   '.    ^    '^"^    ^^') 

lu.a  cuiiin  fana-  demander  fî  elle  s'étoit  guérie  de 
obfticiîii  V^Qiia  q'-^e^u'^I'i  <^e  Tes  maux  jfi  elleavoii 
parte  meiior  es  ?  relillé  a  quelouc  vice  ',  il  elle  s'étoiî 

Definec  ira  .    &  j    ■"■  il  1 

erit  mod.>ratior  l'^'^duc  meilleure  par  quelque  eii- 
qu3e    fciec   fiol  droit.    Or  ,  coutinuc  ce  Philoiophe^ 

quotidieadjadi".   11  «T*  j  '1 

cem  efic  vemen-  1^  colcre  ccliera  de  nous  troubler , 
dam.  Qi,iid  ergo  3c    deviendra  plus  modérée  ,    lorl- 

puichnus     hac  j   11       r  ^       j-l     r       1 

confuetudine  quelle  Içaura  quil  faudra  compa- 
cxcuciendi  totû  roître  en  juî^ement  tous  les  jours. 
le  fomnus  poft  V oiLi  1  cxamen  ,  oc  voici  1  efretqu  il 
recopitionem    faifoit  fur  Tcf-jot  de  CCS  Philofophes. 

qui  tranqiillas,   Qii  Y    a-t-ll    dC   oluS    bcaU  ,      dlt-li   , 

aicus  ac  iijtrr ,     qug  ç^q^^  coûtumc  d'cxaminer  ainfi 

cum  auc   lauda-    ^  p    .  ,  r^      \  r  -in. 

tus  eft  animuî,  toutc  la  joumee  ?  Quei  lommeu  eit 
aucaimonitus  3  (-^jyy  que  Tou  2oûce  aprés  cette 
ccniorqae  fecre-  revuc  de  loy-meme  ?  Quileirpro- 
tm,  copofcit    foj^j  I    q^'ji  çft  tranquille!   quil  eft 

ucor  riac  pocef-  libre  Oc  dcga^e  ,  iorlque  l  on  a  loue 
tare,  &  quoti-   fon  elprit  ,  ou  quon  l'a  averti,  & 

dicapudmecau-         ^        i  ^     ^  \.  ^  '     ^ 

famdico,  tocum  qu  en  Qualité  de  cenleur  &  de  te- 
«'rSî^"":  "°i"  /on  a  jagé  de  fes  aûions  t^ 
ûamea  terne-     C'eft  aiiiii  que  j'en  ule  j  je  compa. 


ENVERS    sor-MEMè,  r6^ 

Irois  tous  les  jours  devant  moy-mê-  tior  ;  nihil  mi- 
me :  je  ne  crains  point  mes  dchiuts,  Jjiipicaofcori- 

■  r      >■■[     n  j       1-        *io>   mini  tran- 

puilquiielt  en  mon  pouvoir  de  dire  leo.  Qiiareenim 
a  mon  ame  ,  ne  faites  plus  cela ,  je  q^icquam  ex  er- 

1  r-        ^  -r-r     -      lonbus  nicis  d- 

vous  pardonne  preientement.  Vous  meam^cumpor- 
avez  repris  cet  homme  plus  libre-  ^^  fiiceie ,  vide 

-  ,      ■■:  .    ^  ne  iltad  am- 

ment  que    vous  ne   deviez  ,    ainli  phusfac.as,nunc 
vous  ne   l'avez  pas  corrii^é  ,    mais  Y^^  ignoico.  n- 

p  n-     ^-,       r  A  ^    lum  liberius  ad- 

vous  i  avez  olrenie  :  longez  donc  a  monuifti  quam 
Tavenir  ,  non  feulement  ,  Ci  ce  que  ^^bcbas  ;  uaqu- 

,       ,.  P.  .  ,T        r  ^^^  emendafti  ^ 

vous  direz  eit  vray  ;  mais  auili  ,   li  icd  cffendifti. 
celuy  à  qui  vous  le  direz  eil  en  état  ^^  cœceio  vide 

j     r      rr  •     1  •    /  non  tancum  an 

de  louftnr  la  vente.  vcrum  fn  quo  i 

La  Religion  Chrétienne  employé  î^"^'^■'.'.^^*"  ^^• 

rr-  '^  -    ^         ,      le  cui  Gicitur , 

auJli  ces  examens  pour  réprimer  la  vci i  paacns  fu. 
colère  &  les  autres  vices  ,  mais  d'u-  ^""<"*  ^-  ^  '^^ 
ne  manière  bien  chfFerente..  Elle  fait 
comparoître  Tame  ,  non  devant  foii 
propre  tribunal ,  mais  devant  celuy 
de  Dieu  ,  qui  eft  fon  Juge  ,  6c  celuy 
de  tous  les  hommes  :  elle  luy  fait 
reconnoître  les  fautes  que  la  colère 
luy  a  pu  faire  commettre  ;  mais  au 
lieu  de  s'élever  de  cet  aveu ,  elle  s'en 
humilie  devant  fon  Juge  ,  elle  les 
regarde  comme  une  playe  profon- 
de qu'elle  s'eft  faite  ;  &  fi  l'efperan-- 
ce  de  fa  mifericorde  la  foûtient ,  la 
crainte  de  fa  jufte  fe vérité   luy  fait 


1^4       ^^    ^^    Charité* 

prendre  de  foites  refolutions  ,  &  c 
punir  ces  fautes  ,  &  de  les  éviter 
l'avenir.    On  peut  juger  quelles  de 
deux  voyes  eft  la  plus  propre  pou 
réprimer  la  colère. 

£>,  La  railon  fait  bien  voir  qu 
nous  avons  grand  intérêt  de  rclifte 
a  la  colère  ;  mais  comment  s'ei 
peut-on  fèrvir  ,  puifque  cette  paf 
lion  prévient  ordinairement  refprit 
6c  Tempcche  de  voir  d'autres  objet 
que  ceux  qui  la  favorifent  ? 

/?.  Il  efl  vray  qu'un  efprit  empor- 
té par  la  colère  ne  voit  guère  autre 
choie   que   ce    qui  eft    capable   de 
nourrir  fa  pafîîon  ,  &  c'eil  en  quoy 
con/ifte  le  danger  oii  elle  met  Ta- 
me  ;  parce  que  cette  pafîion  luy  re- 
prefente    d'une     manière    vive    ÔC 
Forte  ,    tout  ce  qui  la  peut  exciter  à 
Taverfion ,  Se  à  la  haine  du  prochain, 
êc  qu'elle  luy  cache  tout  le  reile  j 
cependant  en  méditant  bien  ces  ve- 
ritez  ,  elles  peuvent  devenir  ii  pre- 
fentes    à   Tame  ,    qu'elles   s'ofïrent 
aulîi  -  tôt    que   les   mouvemens  de 
colère  le  font  élevez  ,  &  alors  il  n'y 
a  qu'a  donner  du    temps  a  l'efpric 
jour  goûter  la  venté ,  èc  pour  dé^, 


EN  vins      SOY-MEMt.  l6f 

couvrir  Tillulion  de  ces  idés  qui  por- 
tent à  la  colère. 

V,  Pour  quoy  donc  y  a-t-il  tant 
d'emportement  parmi  les  Cliré-- 
tiens  ,  puifque  la  Religion  Chré- 
tienne fournit  tant  de  moyens 
pour  réprimer  la  colère  > 

^.  C'eil  que  parmi  les  Chrétiens 
il  y  a  peu  de  véritables  Chrétiens  , 
êc  que  la  véritable  foy  eft  rare  parmi 
ceux  qui  font  profelîion  de  la  foy  • 
la  plupart  des  gens  ne  font  aucuns 
reflexion  fur  les  veritez  que  la  Re- 
ligion leur  fournit ,  ils  ne  les  ont 
point  dans  l'eipiit  ,  ils  ne  s'en 
nourrilTent  point ,  &  leur  efprit  eft 
tout  occupé  des  foins  du  monde^  qui 
font  la  foui  ce  des  pafîîons. 

C'eft  en  fécond  lieu ,  qu'il  faut 
autre  choie  que  des  railons  pour 
corriger  les  pallions  :  car  il  fau-c 
que  la  grâce  nous  les  applique  ^ 
qu'elle  en  pénètre  l'eiprit  ,  qu'élis 
les  faife  entrer  dans  le  caur.  Or  Ja 
grâce  eil:  rare,  éc  ne  s'obtient  que 
par  les  prières. 


166      Ce   la  Charité* 


CHAPITRE    VIII. 

De    U    hahîc.    Comment  elle  fc 

forme   dans  Le  cœur^  Ses 

remèdes, 

D.  /^U'eft-ce  que  la  haine? 

V^  R.  Si  on  regarde  la  haine 
en  gênerai ,  ce  n'eft  qu'un  fîmple 
éloigncment  d'un  objet  qui  nous 
parole  contraire  a  nôtre  propre  bienj 
mais  en  la  regardant  comme  une 
inclination  vicieule  ,  on  doit  dire 
que  c'eft  le  même  lentiment  que  la: 
eolere  ;  c'eft-a-dire  ,  un  fenciment  - 
d  aigreur  contre  un?  perfonne  ,  dont 
o-n  croit  avor  été  ofF.Mifé  ;  avec  cette 
«iifFv^rence,  qu'il  eft  plus  affermi  dans 
Tame,  &  qu'il  fubfifte  lans  émo- 
tion :  c'eft  pourquoy  la  colère  per- 
feverante  produ't  la  haine  ,  l'ame 
faifant  une  dirpohtion  fixe  &  con- 
fiante de  ce  fentiment  tumultueux 
que  l'on  appelle  colère  j  &  c'eft  la 
raifon  de  ce  précepte  de  l'Ecriture, 
qui  nous  ordonne  d'appailer  nôtre 


ENVERS    S  O  Y- MEME.  r(?7 

colère  avant  le  coucher  du  Soleil, 
de  peur  qu'elle  ne  fe  change  pas  en 
haine.   Que  le  Soleirne  fe  coitchi po'.nt    Soi  non  occi- 
frrvkre  colère,    dit  l'Apôtre  iaint  tS  veftrâ. 
Paul     dans   Ion    Epîcre    aux  Ephe- f/^^*/.  4.2-^. 
iîens-.  Il  y  a  donc  plus  d'éloignement 
&  d'aigreur  dans  la  haine  ,  &  plus 
d'impetuo/îté  dans  la  colère. 

D^    La  haine  efl:  -  elle   toujours 
mauvaiie  ? 

R,  Elle  n'eft  pas  mauvaife  quand 
elle  n'a  pour  objet  que  les  vices  & 
les  péchez  ;  mais  elle  eft  directe- 
ment oppofée  à  la  charité  ;  quand 
elle  paiîe  des  vices  aux  perfon- 
nes. 

D,  En  quoy  coiififte  Tinjuilice  de 
cette  forte  de  haine  ? 

F,  C  eft ,,  i"\  Que  nous  ne  haïf- 
foîis  pas  le  plus  iouvent  ce  qui  eft 
l'objet  de  nôtre  haine  par  le  vérita- 
ble motif  qui  le  rend  digne  de  haine,, 
qui  eft  la  contrariété  qu'il  a  avec  la. 
jiiftice  qui  eft  Dieu  même.  Nôtre 
averlion  n'eft  ordinairem.ent  fondée 
que  lur  ce  que  la  perionne  qui  en  eft 
l'objet  ,  eft  oppoiée  à  quelqu'un  de 
nos  intérêts  ,  ou  de  nos  dclîrs  /  Se 
qu'ell»  incommode    nôtre  orgueil.. 


tes  Db  la  Charité' 
C'cft  la  foLUCc  ordinaire  de  nos  avcF- 
ilons. ,  ôc  ainfi  elles  font  injuftes 
dans  leur  fond,  n'ayant  pour  prin- 
cipe que  l'amour  propre^ 

La  féconde  injuftice  de  la  haine, 
c'eft  que  nous  ne  la  bornons  pas 
dans  la  feule'  qualité  fur  laquelle 
elle  cfl;  fondée ,  mais  que  nous  Té- 
tendons  a  la  perfonne  même  ,  de  à 
tout  ce  qu'elle  peut  avoir  de  bon. 
Si-tôt  qu'une  perfonne  nous  eft  de- 
venue odieufe  par  quelque  endroit, 
elle  nous  déplaît  en  tout  y  l'a- 
mour propre  répand  [on  venin  fur 
tout  le  bien  qu'elle  peut  avoir,  & 
alors ,  ou  nous  ne  croyons  pas  qu'el- 
le l'ait ,  ou  nous  en  fommes  fâchez, 
ôc  nous  voudrions  qu'elle  ne  l'eût 
pas. 

Il  arrive  même  de  là  ,  que  la  haine 
prévaut  dans  notre  cœur  à  toutes  les 
raifons  que  nous  pouvons  avoir  d'ai^ 
mer  ceux  qui  en  font  l'objet  j  ce 
qui  eft  maqiféftcment  injufte  :  car 
qujlqu2  tort  que  puiife  avoir  la  per- 
fonne contre  qui  on  lent  quelque 
difpofition  de  haine  ,  les  raifons  que 
nous  avons  de  l'aimer,  prifes  de  l'a- 
^oui  de  Dieu ,  de  l'obligation  qu'il 

110  lis 


"Enyeks   soy-memb.  1^9 

nous  impofe  d'aimer  nôtre  pro  chain, 
ôc  de  la  qualité  d'image  de  Dieu  qu'el- 
le confervejdevroient  prévaloir  a  tous 
les  fentimens  d'averlion  &  de  cha- 
grin qu'on  pourroit  tirer  d'ailleurs, 

D,  Comment  la  haine  fe  formc- 
t-elle  dans  notre  cœur  î 

^.  L'amour  propre  étant  choqué 
par  quelque  endroit ,  applique  vio- 
lemment l'ameà  ce  qui  le  bleiîè  ,  ôc 
étouffe  par  cet  unique  fentiment  ce 
qu'elle  avoit  de  fenifbilité  pour  les 
bonnes  qualitez  de  cette  perfonne  ; 
l'ame  étant  fi  bornée  &  li  étroite  , 
qu'elle  n'eft  capable  que  d'une  feule 
application  un  peu  vive  ôc  un  peu 
pénétrante. 

D.  Toute  haine  efl-elle  péché 
mortel  ? 

F,  Quand  la  haine  efl  une  paiïioii 
involontaire  ,  qu'elle  n'a  que  de 
légers  efFets ,  &  que  l'ame  ne  s'y  li- 
vre pas  -y  ce  n'eiL  alors  qu'un  mou- 
vement de  concupifcence  ,  qui  peut 
même  être  fans  péché  :  mais  fi  l'ame 
s'y  livre  par  un  confentemen  for- 
mel ,  ôc  qu'elle  agiife  félon  les-mou- 
vemens  que  la  haine  luy  infpire,  rien 
:i'e{l  plus  direâ:ement  oppofé  à  la 
Tome  II,  P 


«I7Ô       Dfi  tA  Charité' 
.charité  ,  c'eft-à-dire ,  a  la  vie  de  l'u- 
nie,   Etc'cft  principalement  a  caufe 
de  ce  mouvement  d'une  haine  vo- 
Qai  amcm  di- lontaire ,    quc  Jefus-Chrift  déclare 
::::'i^:::^^  da„s  l-EvangHe  .  ^uecc!.y  ,j_Hi.ppcU 
vis.  Mutiiu  S'    lêf'a  fort  f/' ère  fol  _,    méritera  d  être  con^ 
*^*  damné  au  feu  de  l'enfer. 

D,  Comment  doit-on  donc  confia 
^erer  la  haine  î. 

R,  On  la  doit  confiderer  comme 
un  poifon  mortel  renfermé  dans  l'a- 
fiiour  propre ,  capable  de  fliire  mou- 
rir notre  ame ,  îi  nous  n'avons  re- 
cours à  Dieu,  &:  fi  nous  n'y  reflé- 
tons. Ce  feul  défaut,  (î  nous  y  con- 
sentons ,  nous  rend  peut-être  plus 
criminels  envers  Dieu  ,  que  tous 
ceux  que  nous  remarquons  dans  les 
autres  -,  ainfî ,  au  lieu  d'avoir  l'ame. 
appliquée  à  ces  défauts  prétendus 
des  autres  qui- attirent  nôtre  haine  , 
nous  la  devrions  tourner  unique- 
ment contre  nous-mêmes. 

D,  Comment  peut-on  remédier  à 
la  haine  ? 

R,  1°.  Il  ne  faut  pas  fe  découra- 
ger  lors  que  Ton  lent  des  aver- 
lions.  Il  y  en  a  beaucoup  qui  font 
plus  dans  l'imagination  que  cans^  Iç 


ÏNVERS   SOY-MEMP.  î^ï 

«oeur.Mais  pour  en  empêcher  le  pro- 
grés 5  il  faut  d'abord  rendre  ces  len- 
timens  muets  &  fans  adion  ;  c'eft-à- 
dire  ,  ne  leur  permettre  jamais  de 
paroître  au-dehors ,  de  s'étudier  mê- 
•me  à  une  modération  plus  grande  j 
quand  on  parle,par  exemple,  de  ceux 
pour  lefquels  nous  nous  fentons  de 
l'averfion. 

2°.  Il  faut  tâcher  de  rendre  à  ceux 
•à  l'égard  de  qui  on  fent  cette  difpofi- 
ticni ,  tous  les  bons  offices  que  l'on 
peut  ;  &  demander  à  Dieu  qu'il  ôte 
de  nôtre  cœur  cette  racnie  d'amertu- 
me. Si  avec  tout  cela  on  fent  qu  elle 
continue  ,  il  la  faut  porter  en  pa- 
tience comme  une  e^-^nde  mifere  ,  de 
-comme  une  grande  preuve  de  notre 
orgueil. 

3^^.  Il  faut  tâcher  de  trouver  dans 
cette  averlion  même  de  quoy  y  remé- 
dier. Car  on  ne  conçoit  d'ordinaire 
des  averiions  contre  les  gens ,  que 
parce  qu'on  s'imagine  qu'ils  ne  nous 
•aim.entpas,  de  qu'ils  ne  nous  conhde- 
rentlpas  autant  que  nous  croyons  le 
mériter.  OrCjétïe'fenfibilité  étant  une 
marque  d'un  amour  propre  tres-vif , 
nous  doit  être  une  preuve  que  nous 


Ifl  D  E    L  A   C  H  A  p.  I  T  E* 

ne  fommes  pas  fort  aimables  ,  St 
qu'il  n'efl:  pas  fore  étrange  que  l'on 
loit  chocjué  de  nous.  Car  il  n'y  a  rien 
de  moins  aimable  qu'une  perlonne 
qui  s'aime  beaucoup.  Et  ainfi  c'eft  à 
nous-mêmes  &  à  nos  propres  défauts 
que  nous  nous  devons  prendre  de 
ce  qu'on  ne  nous  aime  pas.  Nous 
avons  beau  nous  juflifier  à  nous- 
mêmes,  cette  leule  averfion  pour  le 
prochain  que  nous  avons  dans  le 
cœur  ,  nous  rend  dignes  du  mé{)ris 
&  de  la  haine  des  hommes ,  puit 
qu'elle  nous  fait  mériter  la  haine  & 
le  mépris  de  Dieu  même. 


CHAPITRE  IX. 

De  la  tra^nquillité  de  l'efprif.  Com^ 
ment  on  je  la  peut  procurer,  ^ut 
Id  Religion  Chrétienne  en  four^ 
nit  des  inoyens  plus  jtm  que  l^ 
Fhilofophie  p(iy:nne, 

D,   T^  St-on  obligé  de  fe  procurer 
JT.  à  fo^-même  la  tranquillité 
de  l'efprit  ? 
I^,  Puifqu'il  y  en  a  une  bonne  Se 


ENVERS     SOY-MEMÎ.  Ï73 

Vautre  mauvaife  ,  on  eft  obligé  de 
bannir  la  mauvaife ,  &  de  fe  procu- 
rer la  bonne. 

-D.  Quelle  eft  la  mauvaife  tran- 
quillité d'efprit  ? 

I^,  C'eft  celle  qui  confifte  dane  la 
joiiilîlince  paifible  des  créatures  ou 
de  foy-même  ,  &  que  Ton  fe  pro- 
cure en  détournant  fon  efprit  de 
tout  ce  qui  le  pourroit  ou  troubler 
ou  affliger  ,  en  retranchant  même 
dans  fes  paflions  tout  ce  qui  pour- 
roit être  incommode,  en  adoucif- 
fant  les  maux  de  la  vie  &  les  crain- 
tes de  l'avenir ,  fans  autre  fin  que 
d'éviter  de  foufFrir. 

D,  Pourquoy  cet  état  eft-il  mau- 
vais ? 

R.  Parce  qu  il  arrête  Tame  dans 
la  créature  Se  dans  foy-même  ;  qu'il 
exclut  les  peniées  de  l'autre  vie,  la 
crainte  de  l'enfer ,  Se  la  mortifica- 
tion ,  qui  font  necedaires  pour  aider 
à  l'ame  à  fe  détacher  des  créatures. 
Que  s'il  paroît  que  cette  difpofition 
modère  diverfes  paillons,  c'eft  en 
fortifiant  celle  dont  on  eft  dominé, 
qui  eft  l'amour  du  repos. 

D,  Quelle  eft  donc  la  bonne  tran- 
c^uillicé  d'efpric  ?  P  iij 


ï74       Delà  Charité* 

^.  Ccft  celle  qui  bannit  les  rroiî*» 
blés  5  les  inquiétudes  &  les  paffions 
non  pour  joliir  de  foy-mêmc  ,  mais 
pour  fuivre  Dieu  plus  fidèlement, 
pour  mieux  difcerner  fa  volonté  ,  & 
pour  y  être  plus  attaché. 

D.  Comment  le  peut-on  procurer 
cette  tranquillité  d'efprit  ? 

R.  Cette  tranquillité  ii'efl:  pas  dif- 
férente de  la  paix  ,  qui  eft  un  fruit 
du  S.  Efprit.  C'efl:  le  premier  pre- 
fent  que  Jcfus-CKrift  reirufcité  fit  à 
fes  Apôtres  \  ainfi  il  ne  la  faut  atten- 
dre que  delà  grâce  :  mais  parce  que, 
la  grâce  fe  fert  de  la  vérité  pour  nous^ 
affermir ,  &z  qu'elle  n'eft  même  autre 
chofe  que  l'amour  de  la  vérité  j  il 
eft  utile  de  remplir  Ton  efprit  des  ve- 
ritez  évangeliques  ,  qui  falfent  voir 
qu  elle  n'a  aucun  fujet  defe  troubler, 
éc  quipuiflfent  contribuer  à  l'établir 
dans  une  affiette  ferme  ,  qui  ne  foit 
pas  renverfée  ni  ébranlée  par  les  ac- 
cidens  ordinaires  de  la  vie. 

i?.  .Les  Philofophes  n'ont-ils  pas 
aufîi  beaucoup  travaillé  à  établir  l'a- 
me  dans  la  tranquillité  ? 

R.  C'a  été  une  de  leurs  principales 
applications^  mais  ils  fe  font  trompes 


ÏNVERS      SOY-MF.MI.  ÎTJ 

^  dans  la  fin  de   dans  les  moyens. 

Dans  la  fin  ,  parce  qu'ils  ont  pris  la 
mauvaife  tranquilitépour  la  bonne  j 
le  repos  dans  la  créature  &  dans  loy- 
même ,  pour  le  repos  en  Dieu  &c  dans 
l'exécution  de  Tes  volontez. 

Ils  le  font  troriipez  dans  les  moyens 
en  diveiTes  manières. 

i^.  Ils  ne  nous  ont  confolez  de  la 
privation  de  certaines  créatures  ék 
de  certains  biens  humains, qu'en  fub- 
fiftuant  d'autres  créatures  &  d'autres 
biens  humains  pour  en  jouir, 

i^.  Ils  ont  prétendu  bannir  abfou- 
ment  toute  triftelfe  ôc  toute  douleur 
d'efprit ,  ce  qui  eft  impoflible  Se  per- 
nicieux.   Car  la  peniee  qu'on  peut 
étouffer    abfolument  les    pallions , 
n'a  jamais  été  qu'une  iàés  d'imagi^ 
nation,    &  un  ipuhait   inutile  ;  ôc 
quand  on  pourroit  fe  procurer  cette 
forte  d'infenfibilité,  ce  feroit  plutôt 
un  mal  qu'un  bien. Ce  qui  a  fciit  dire. à    mud  nihîî  d-^. 
Ciceron  ,  que  cette  exemption  cle^^^"^^  "^^  ^^'^' 
douleur ,  que  les  Stoïciens  promet-  comigit  imma. 
toient,coûteroit  trop  cher  à  l'homme,  "'^^''y^  ^"^" 
puilqu  il  ne  la  pourroit  acquérir  lans  coipore.. 
devenir  brutal  dans   refprit ,  &  in- 
feniibie  dans  le  corps. 

P  iiij 


tjS    DelaCharite*  I 

3°.  Il  y  a  certains  troubles  «Se  ccr^ 
taincs  tnftefles  qui  lont  utiles  ,  «Se 
qu'il  faut  modérer  «Se  non  pas  ban- 
nir. Il  efl:  bon  ,  par  exemple  ,  d'être 
émû  par  la  frayeur  àcs  jugemcns 
de  Dieu,  «Se  par  la  crainte  de  Tenferj 
il  eft  bon  de  fentir  le  poids  de  Tes  pé- 
chez 5  &:  d'éprouver  combien  il  efk 
amer  d'avoir  abandonné  fon  Dieu: 
Il  eft  bon  d'être  fenfible  aux  fautes 
que  Ton  fait  continuellement  contre 
Dieu  ;  &  bien  loin  de  chercher  des 
remèdes  à  ces  iortes  de  trifleiles. 
quand  elles  ne  font  que  modérées ,  il 
faut  tâcher  plutôt  d'en  trouver  contre 
rinlenfibilité  qui  nous  priveroit  de 
ces  fentimens  fi  juftes  &  fi  uf'les. . 
X>.  Ne  peut-on' donc  tirer  aucun 
avantage  de  tout  ce  que  les  Phiiofo- 
phes  ont  dit  pour  nous  procurer  la 
tranquillité  de  l'efprit ,  6<:  pour  nous 
affermir  contre  les  fecoulies  &  les 
agitations  que  nous  caufent  les  ac- 
cidens  de  la  vie  ? 

R,  On  le  peut ,  en  changeant  de 
fin,6e  en  corigeant  l'imperfedion  des 
moyens  qu'ils  nous  fourniirent.  C'efl: 
encore  un  des  lujets  ,  où  l'on  voit 
le  plus  clairement  l'avantage  de  la 
morale  Chrétienne  ,   fur  celle  dcs 


ENVERS    SOY-MEM'É.  177 

?ayens  :  Car  ce  qui  efl:  foible  ^ 
tlefecflueux  dans  la  bouche  des 
Payens ,  eft  fort  Se  efficace  dans  cel- 
le des  Chrétiens  ,  comme  il  eft  aifé 
de  le  faire  voir  en  comparant  les 
raifons  des  uns  &  des  autres  fur  ce 
point ,  comme  nous  avons  déjà  ^ic 
dans  le  Chapitre  précèdent ,  à  re- 
gard des  remèdes  de  la  colère. 

jD.  Propofez-nous  quelques  exem- 
ples de  cette  comparaifon  ? 

^.  Un  des  préceptes  des  Phiîofo- 
phes  Payens ,  eft  de  s'attacher  dans 
les  évenemens  qui  ne  dépendent  pas 
de  nous ,  à  ce  qu'ils  ont  de  favora- 
ble ,  &  dont  on  peut  faire  un  bon 
ufage  ;  &  de  détourner  fon  efprit  de 
ce  qu'ils  ont  de  contraire  à  nos  de- 
fîrs.  Un  homme  difcret ,  par 
exemple,  eft-il  exclus  d'une  charge 
publique  ?  Hé  bien ,  luy  font-ils  du 
xe  5  je  m'attacheray  davantage  à 
faire  valoir  mon  bien.  Mais  i\  cet 
homme  defu-oit  cette  charge  ,  Se  s'il 
la  defîroit  ardemment  ,  il  n'eft  pas 
aufïi  fi  facile  d'en  feparer  l'efprit  Se 
le  cœur ,  comme  il  l'eft  de  fe  faire 
honneur  de  ces  difcours  5  car  le  de- 
fir  applique  la  penfée ,  &c  la  penféc 


T7S      DeiaCitarite' 

dg  la  perte  d'un  bien  que  ïondeCiiÇ^ 

amiiie  Tame  ncccirairement. 

La  morale  Chrétienne  s'y  prend 
bien  d'une  autre  manière  pour  nous 
confoler  des  accidens  fâcheux. 

Premièrement  ,  elle  nous  empê- 
cl^de  nous  attacher  a  aucun  cve- 
.  nement,  parce  qu'elle  nous  fait  voir 
que  nous  ne  fçavons  pas  par  nous- 
mêmes  ce  qui  nous  eft  utile  dans  la 
vie,  &  qu'ainfi  il  faut  nous  lailîer 
conduire  à  la  volonté  de  Dieu  ,  qui 
difpofe  des  évenemens  du  monde  , 
&  qui  les  difpofera  toujours  d'une 
manière  favorable  à  nôtre  ^'ray  bien, 
pourvu  que  nous  luy  foyons  fournis. 

Secondement ,  elle  nous  fait  voir 
ces  évenemens  çonfacrez  par  la  vo- 
lonté de  Dieu  ,  &  revêtus  par  con^ 
fequent  d'une  fouveraine  juflicc  ;  de 
fi  l'amc  prétead  encore  le  loulever  , 
NoTine  Dco     elle  l'appaile  en   luy  difant  :  A:fon 

Tubjeaaeritani.  .^   ^^^^^  foumlfe  k  L'icH  ? 

ma  raca ,  ab  ip  ,    A     ,      ,  ^       •      j   •  j 

Cq  enim  faluuie  car  c  eft  de  Luy   que  je  aots  atteiiare 

Troifiémement ,  elle  n'embraffe 
pas  le  parti  que  Dieu  luy  laifTe^ 
comme  un  pis  aller  :  mais  elle  s'y 
ioumet  &:  l'accepte  comme  la  voye 


ÏNVERS   SOY-MÎMF,  Î7O 

^ui  luy  a  été  choifîe  par  la  fagcffe 
de  Dieu  ,  &  par  laquelle  elle  eipcre 
d'arriver  diredlement  a  fa  fiiij  oc  bien 
plus  fûrement  ^  que  par  celle  à  la- 
quelle elle  avoit  plus  d'inclination. 

Une  autre  maxime  des  Philofo» 
phcs  Payens ,  eft  de  ne  fe  rebuter 
ôc  de  ne  s'inquiéter  pas  des  vices  des 
hommes ,  mais  de  le  contenter  de 
faire  de  nôtre  part  avec  foin  tout  ce 
qui  dépend  de  nous ,  puifque  nous 
ne  iommes  chargez  que  de  cela  :  Se 
ils  avertiiïent  avec  raiion  fur  ce 
point  5  que  cette  indignatian  que 
['on  conçoit  facilement  contre  ceux 
qui  ne  font  pas  ce  qu'ils  doivent , 
vient  fouvent,  non  de  la  haine  du  vi- 
ce 5  mais  de  l'amour  de  foy-même, 
d<.  de  la  pafîion  trop  violente  que 
l'on  a  pour  le  iuccés  de  ce  qu'on 
fouhaite  ,  ôc  pour  k  reuiîîte  des 
affaires  dans  lefquelles  on  voudroit 
ne  pas  être  troublé.  En  effet ,  il  eft 
bien  difficile  de  ne  fe  pas  choquer 
des  vices  des  hommes  ,  quand  on 
croit  les  furpaffer  en  vertu ,  Se  être 
exempt  des  défauts  qu'on  remarque 
en  eux.  Et  il  eft  encore  plus  difficile 
de  ne  defirer  pas  avec  ardeur  les  cho- 


îêo         De  la   Charité' 
fcs  qu'on  louhaite  fortement,  quand l 
on  n'cft  pas  balancé  pai  un  autre  ob-|l 
jet ,  ôc  quanti  on  n'a  point  un   plus 
fort  amour  qui   nous  en  détache  ; 
car  il  n'y  a  que  Tamour  qui  puiile 
bannir  Tamour. 

C'cfl:  donc  encore  à  la  Religion 
Chrétienne  à  employer  fcs  moyens  : 
comme  elle  nous  convainc  que  nous 
fommes  capables  de  tous  les  défauts 
des  hommes  ,  elle  adoucit  par  là  nô- 
tre fierté   de   nôtre  impatience  dans 
les  défauts  des  autres.     Elle  laifîe 
Dieu    difpofer  des  -faccés   ,    parce 
qu'elle  fçait  qu'il  en  cft  le  maître, 
éc  que  ce  qu'il  fait  réliiîîr  ,   efl:  le 
meilleur  ;   &  ainfi  les    bons  ôc  les 
mauvais  fuccés  nous  doivent  être  in- 
difïerens  ,  pourvu  que  dans  les  uns 
comme  dans  les  autres ,  nous  foyons 
également  fidèles  à*  Dieu.  En  efFct, 
cette  fidélité  à  Dieu  dans  toutes  les 
occafions    &   dans   toutes    les   ren- 
contres,    efl  ce  qui  fait  le  prix  ôc 
le  mérite  de  la  Religion  Chrétienne, 
puilqu'il  efl  certain    qu(?  Dieu    ne 
nous  récompcnfera  pas  à  proportion 
de  nos  fuccés ,     mais  à  proportion 
de  nôtre  foin  ôc  de  nôtre  applicacioa 
à  luy  obéir. 


ÎNVERS    SOY-MEME.  î^l 

^  îl  faut  ,  difenc  les  Philofophes 
Payens  ,  dans  les  accidcns  fàc*hcux 
qui  nous  privent  de  certaines  cho- 
ies ,  faire  reflexion  fur  les  biens 
qui  nous  reftent ,  &c  étouffer  le  fen- 
timent  de  nos'  pertes ,  par  le  plaifir  ' 
de  la  poilèffion  de  ces  biens.  Or  il 
en  refte  ,  difent-ils ,  toujours  plu- 
fieurs.  Celuy,  par  exemple,  à  qui  on 
ôte  du  bien  ,  peut  avoir  des  amis  & 
de  la  réputation  :  en  tout  cas  les 
richeifes  communes ,  com'me  les  éle- 
mens ,  les  Cieux  &  le  fpedacle  de 
la  nature ,  ne  luy  manquent  pas. 

Tout  cela  eft  -vray ,  mais  tout  ce- 
la conlole  peu  un  cœur  paiîionné  ôc 
privé  de  Tobjet  de  la  paffion.  Ces 
biens  mêmes  qui  reftent^nefont  point 
tels  qu'ils  puiifent  étouffer  le  fenti- 
ment  de  ceux  que  l'on  a  perdus.  Ils 
font  du  même  ordre,  &:  ceux  que 
Ton  perd  ont  cet  avantage,  qu'ils 
font  l'objet  de  l'amour  dont  le  cœur 
eft  prévenu. 

Mais  fi  la  pieté  Chrétienne  veut  fc 
fervir  de  cette  railon  ,  avec  com- 
bien de  force -ne  la  peut-elle  point 
employer  î  Car  que  peut-on  ôter 
ÀQ  confiderable  à  un  Chrétien  ,  donc 


l'Si  DïlaCharIt:ê* 
Dieu  eft  le  trefor ,  puifqu'ori  m 
layTcciurolc  ôcer  Dieu,  &  que  toui 
ce  qu'on  luy  peut  faire  de  la  parc  de 
fes  ennemis ,  luy  peut  fervir  à  le 
polfeder  encore  plus  parfaitement  ? 
•Que  luy  peuc-on  ôter  en  luy  ôtant 
des  biens  temporels  î  On  ne  peut  le 
priver  que  des  chofes  luperflucs  ; 
mais  on  ne  luy  fçauroit  ravir  ,  ni  fa 
charité  ,  ni  ion  eiperance  ,  ni  la 
Avarî,  quid  foy     ni  enfin  fon  droit  au  Royau- 

vobis  fuificic ,  "       •'    1       ^-  Ti  r         ^        L- 

Deusipfe  non    ^c  des  Oieux.  Il  laut  être  bien  ava- 
Yobis  iufficit.     ]-Q     ^{^  f^ini-  Au^uftin,  fî  Dieu  ne 

*  nous  lurht  pas. 

Les  Philolophes  Payens  difent  que 
pour  être  content  de  la  place  que  la 
fortune  nous  donne  ,  il  faut  fe  com* 
parer  ,  non  à  ceux  qui  font  au-delfus 
de  nous ,  mais  à  ceux  qui  font  au- 
deifous.  Qu'il  ne  faut  pas  regarder  cet 
homme  porté  fur  les  bras  de  fes  va- 
lets -y  mais  qu'il  faut  regarder  ces 
valets  que  la  fortune  a  réduits  à  un 
fi  bas  miniftere. 

Outre  que  cette  reflexion  ne  peut 
conioler  que  ceux  qui  font  dans  un 
état  médiocre  ,  &c  non  pas  ceux  qui 
font  dans  rextuême  rabaiflem^^nt , 
comme  les  pauvres  ôc  les  ferviceuis; 


ENVERS   SOY-MEME.  t^^ 

ife  moyen  eft  foible  ,  même  à  re- 
gard de  tous  ;  parce  qu'il  ne  guérie 
•ni  l'envie  ,  ni  l'ambition,  qui  nous 
font  toujours  porter  avec  impatien- 
-ce  l'élévation  des  autres. 

Mais  la  Religion  Chrétienne  va 
bien  plus  avant  ;  &  (i  elle  Te  fert  de 
ce  moyen  ,  elle  l'employé  avec  toute 
une  autre  force  :  elle   n'eftime  pas 
plus  heureux  ceux  qui  polfedent  ces 
avantages  humains  ,   ni    plus  mal- 
heureux  ceux  qui  en  font  privez, 
parce  qu'elle   confidere    une    autre 
diftindtion  entre  les  hommes  ,  qui 
eft    entièrement    indépendante    de 
celle  que  les  biens   temporels  peu- 
vent caufer.  Cette  diftindion  naît 
uniquement  de  la  vertu  ,  félon  la- 
quelle un  pauvre  vertueux  eft  in- 
finiment au-delFus  des  riches  Se  des 
puilfans  du  monde.       La  Religion 
Chrétienne  nous  apprend  donc  que 
ce  n'eft    point  par  l'apparence    ou 
par  les  richeflès   temporelles    qu'il 
faut   juger    ,    puifque    tres-fouvenc 
celuy  qui  commande,  eft  efclave; 
Se  que  celuy  qui  obéît ,  eft  maî- 
tre ;  parce    que  tout  eft  pour  les 
£lus ,  de  qu'ils  font  en  ua  fens  les 


1^4-      ^^  ï-A   Charité' 

Rois  Se  les  Maîtres  du  monde  ^   ca 

quelque  condition  qu'ils  foient. 

Les  Piiiiofophes  Payens   confeiU 
•lent  dans  les  accidens  fâcheux,  qui 
privent  de  certains  biens  humains,  de 
jetter  les  yeux  fur  les  maux  attachez 
*  à  la  condition  de  ceux  qui  les  poile- 
dent,aiin  de  ne  les  en  croire  pas  plus 
heureux  ^  ôc  de  ne  prendre  pas  pour 
un  grand  malheur  d'en  être  privé. 
Mais  il  n'y  a  que  la  Religion  Chré- 
tienne qui  puilîe  fe  fervir  efficace- 
ment de  ce  moyen.  Il  eft  difficile  de 
prouver  aux  hommes  que  les  biens 
du  monde  ne  loient  pas  des  biens 
par  rapport  au  monde.    Mais  il  eit 
facile  de  leur  faire  voir  que  ces  biens- 
temporels  ne  font  pas  des  avantages 
par  rapport  à  Dieu  ;  que  ce  font  au 
contraire  de   très -grands    obftacles 
au  faiut ,  Se  une  lource  de  tenta- 
tions daneereufes. 

Un  autre  précepte  que  donnent 
les  Philofophes  Payens  pour  ac- 
quérir la  tranquillité  de  Pefprit  ,  eft 
de  retrancher  les  deftrs  qui  nous 
rendent  dépendans  de  la  fortune  , 
Se  de  fe  contenter  de  peu  -,  parce 
que,   difent-ils,  ceux  qui  défirent 

beaucoup 


ÏNVîRS    SOY-MEMI.  l8^ 

beaucoup  de  chofes  ,  manquent  de 
beaucoup  de  chofes  5  ôc  que  man- 
quant de  beaucoup  de  choies  ,  ils  ne 
peuvent  être  en  repos.  Il  faut ,  di- 
lent-ils  encore ,  ne  pas  afpirer  à  ce 
qui  eft  au-deifus  de  nous,  parce  que  ce 
nous  eft  une  fource  de  fâcheries  Se 
de  déplaifirs.  Enfin  ,  continuent-ils , 
il  faut  ne  jamais  prétendre  à  des 
avantages  incompatibles  j  comme, 
par  exemple  ,  le  crédit  &c  la  fureté  ; 
la  gloire  ,  &  le  repos  ;  les  richef- 
fes  5   &  l'exemption  de  loins. 

On.  ne  nie  pas  qa  il  n'y  ait  quel- 
que vérité  dans  ces  raifons  philolo- 
phiques  ;  mais  fi  on  ks  compare 
avec  ce  que  l'on  peut  apprendre  de 
la  Religion  Chrétienne  iur  ce  mê- 
me fujet  ,  on  les  trouvera  foibles  ôc 
petites.  C'eft  laReligion  Chrétienne 
feule  qui  peut  nous  bien  inîlruire  à 
retrancher  les  defirs  des  chofes  fu- 
perflucs.  Car  ces  chofes  ne  lont  que 
fuperflucs  aux  Payens  •  mais  elles 
font  non  feulement  fuperflucs  ,  mais 
même  dangereuies  &  pernicieufes 
aux  Chrétiens  ,  qui  les  regardent 
comme  des  charges  pelantes ,  dont 
ils  auront  à  rendre  un  compe  exact , 
Tome  If.  Q^ 


3^g^     DeiaCharitb' 
coiîime  des  chole^  qui  ne  font  point* 
a  eux,  dont  il  ne  leur  eft  pas  per- 
mis de  joiiir  ,   &c  dont  ils  ne*  ionc 
que  limples  œconomes  Se  difpenfa- 
teurs. 

La  Philofophie  humaine  ne  pou- 
voit  fournir  aux  Payens  aucune  rai- 
fon  iolide  pour  les  dégager  du  defîr 
des  chofes  necellaires  à  la  vie;  car 
leur   bonheur   étant   renfermé  dans 
cette  vie ,    ils  dévoient  croire  que 
tout  ce   qui  efl:  necelïaire  à  la  vie,, 
étoit  necelïaire  pour  être  heureux.. 
Mais  il  n*en  efl:  pas  de  même   des. 
Chrétiens,   S'il  faut  vivre  pour  être 
heureux  en  Payen ,   il   faut  mourir 
pour  être  heureux  en  Chrétien.  Ainfi. 
la  vie  même  efl:  au  regard  des  Chré- 
tiens  au  rang  des  choies  non  necei-- 
iàires  ;  &  ce  qui  les  oblige  à  la  con- 
ferver  ,  n'efl:  pas  la  neceiîité  ,  mais 
l'ordre  de  Dieu.  La  defirer   contre 
îow  ordre ,    c'eft    une   avarice  ,    Se 
une  avarite  aulîî  blâmable  que  cel- 
le de  l'argent  ;  ce  iqui  fait  dire  à  faine 
?âru,T»  eft  ca-  Auguftïn  ,  qu'il  ne  fufîit  pas   d'être 
cu".rrcat/a:  exempt  de  l'avarice  de  l'argent,  mais 
vaiiuaai  vitx.    qu'il  faut  Craindre  l'avarice  de  la  vie. 
^^àr^"  *"  ^'     ïl  eft  aifé  de  voir  combien  un  ef. 


TNVÉRS    SOY-MEMT.  ïSj' 

prk  vivement  pénétré  de  ce^  veri- 
tez  du  Chdftianifme,  a  d'avantage 
pour  conferver  la  tranquillité  de 
i'efprit  i  puifque  ne  defirant  rien ,  il 
n'eit  point  contredit  dans  fes  deiïrs  , 
Se  que  ne  tenant  à  rien  ,  on  ne  luy 
fçauroit  rien  arracher  avec  dou- 
leur. 

La  Philofophie  humaine  confeille 
encore  pour  conierver  la  tranquillité 
de  refprit ,  d'arrêter  autant  que  Ton 
peut  par  la  mémoire  les  choies  fa- 
vorables &  avantageuses  qui  iont 
palTées  ^  en  fè  les  rendant  comme 
prefcntes  j  &  de  ne  s'arrêter  pas  au 
contraire  au  fouvenir  des  difgraces,^ 
de  peur  de  nourrir  fa  miélancoiie  par 
ces  objets  triftes.  Mais  tout  cela  le 
réduit  à  peu  des  chofes.  Faiions  tout 
ce  que  nous  voudrons ,  il  nous  at- 
tachons nôtre  bonheur  à  quelque 
ehole  de  temporel ,  nous  ne  Içau- 
rions  l'exempter  de  la  condition  de 
toutes  les  choies  temporelles,qui  (e 
précipitent,  &  qui  tombent  dans  le 
îieant.  Le  fouvenir  que  Ton  peuc 
conferver  eft  toujours  fombre  Ôc 
languilîant  ,  &  par  confequent  peu^ 
capable   de  nous  contenter.   Il   ne 


iSS  De  laChariTe* 
fjut  p^iiit  tant  craindre  auiïi  le  Totrw 
venir  des  mauxpalfez,  il  peut  même 
avoir  quelque  chofe  d'agréable.  Car 
comme  le  louvenir  des  biens  palfea 
nous  cha^rrine  &  nous  incommode  ^ 
parce  qu'il  nous  en  met  devant  les 
yeux  la  privation;  de  même  le  fou- 
venir  des  maux  palfez  nous  peut 
plaire  ,  parce  qu'il  enferme  avec 
îuy  l'idée  de  la  délivrance  de  ces 
maux. 

Mais  une  ame  vrayement  touchée 
des  veritez  Chrétiennes  ,  n'a  pas 
hefoin  de  ces  rufes.  Son  objet  &  les 
biens  font  toujours  prelens  ;  elle 
trouve  par  tout  le  Dieu  qu'elle  ado- 
ré, -&  elle  trompe  toujours  en  Iuy 
Jes  mêmes  fentimens  de  mifericorde 
Se  de  bonté.  Les  dons  qu'elle  a  re- 
çus de  Iuy,  ne  font  point  pailagers  ; 
èc  il  on  ne  les  perd  po^int  par  fa  fau- 
te ,  ils  fubfîftent  dans  l'ame  jufqu'à 
l'éternité.  Une  ame  chrétienne  ne 
craint  pas  même  de  fe  louvenir  des 
maux  ^âiTez  ,  parce  qu'il  Iuy  eft  uti- 
le de  ne  pas  oublier  de  quels  abîmes 
Dieu  Ta  tirée  par  fa  grâce ,  pour  la 
faire  jouir,  &  la  rendre  participan* 
te  de  la  liberté  dç^  enfans  de  Dieu. 


ÏN'^^ERS    SOY-MEMÉ.  1S5? 

La  Philoiophie  Paycnne  divife  les 
niaux  ,  en  maux  réels  qui  atcaquent 
le  corps  ou  rcfprit ,  Se  en  maux  d'o^ 
•pinion ,  qui  ne  faiiant  ni  l'un  ni 
l'autre  par  eux-mêmes  ,  n'agilFent 
fur  nous  qu'à  la  faveur  de  certaines 
opinions  dont  nous  nous  lailfons  pré- 
venir ,  de  par  l'attache  que  nous 
avons  à  certains  biens  imaginaires 
dont  ils  nous  privent.  Et  lur  cela , 
çlle  prefcrit  comme  une  chofe  facile, 
de  fe  défaire  des  opinions  par  lef- 
quelles  ces  maux  d'imagination  a- 
"gilTênt  fur  nous. 

.  Mais  la  Religion  Chrétienne  con- 
noît  trop  l'homme  ,  pour  croire  qu'il 
ioit  ailé  de  détruire  toutes  ces  fauf- 
/es  idées  dont  i'eiprit  eft  rempli  & 
jprévenu.  Elle  fournit  néanmoins  des» 
railons  tout  autrement  efficaces  pour 
les  afFoiblir  :  elle  luy  en  découvre  la 
iource ,  qui  eft  la  corruption  de  la 
nature  fortifiée  par  le  commerce  des 
iiommes  corrompus  :  elle  luy  pro- 
pofe  avec  autorisé  les  veritez  de  l'E- 
vangile ,  qui  étant  contraires  à  ces 
idées  5  en  découvrent  toute  la  fauf- 
ùté  j  &  elle  fait  voir  par  l'exemple 
d'une  infinité  de  Saints  ^  que  la  rai- 


T<)o       De  la  Charité* 
fon  aidée  de  la  grâce  ,  fe  peut  met- 
tre  au-delfus  de  ces  maux  d'opiuion,.- 
&  fe  croire  heureuie  dans  les  états, 
que  rimaginatioii  des  hommes  a  de-* 
clarez  malheureux. 

Enfin ,  comme  tous  les  maux  de  la^ 
vie  qui  troublent  la  tranquillité  de* 
l'efprit  5   fe  tcrmment  a  la  mort,  1er- 
Philofophes  Payens    ont  crû    qu  ils 
établiroientl'ame  dans  un  parfait  re-* 
pos  ,  s'il  la  pouvoient  mettre  en  état^ 
de  ne  craindre  point  la  mort,  &  ils 
ont  fait  quantité  d'efforts  pour  cela^. 
Mais    il    n'appartient  nullement    k 
ceux  qui  ont   mis  tout  le  bonheur 
dans  cette  vie  ,  de  prétendre  nous*^ 
fortifier  contre  Tapprehenfion  de  la. 
mort  ;  auiïi  quand  ils  femblent  l'a- 
voir méprifée  ,  ce  n'eft  pas  en  luivanc 
leurs  principes ,  c'efi:  plutôt  en  s'en 
écartant.    L'efprit  humain  n'eft  pas 
en  effet  incapable  de    méprifer    la» 
mort  :  mais  c'eft  qu  il  ne  trouve  pas 
d'une  part   grande  fatisfadion  dans 
cette  vie  ,  &  que  de  l'autre  fon  aveu- 
glement ou  fa  ftupidité  luy  cachent 
ce  qu'il  y  a  à  craindre  dans  l'autre  vieji, 
ce  qui  le  rend  capable  de  fe  précipi- 
ter dans  la  mort  comme   dans  une 


profondeur  muette  ,  dans  laquelle  il 
efpere  trouver  l'exemption  des  maux 
delà  vie. 

Il  n'y  a  donc  que  la  Religion  Chré- 
tienne qui  nous  puille  faire  méprifer 
la  mort  fans  aveuglement  &  fans  er- 
reur ,  de  nous  conduire  par  là  au  mé- 
pris de  tous  les  maux  de  la  vie.  Il  eft 
vray  que  les  maux  de  cette  vie  ne 
nous  peuvent  conduire  qu'a  la  mort; 
que  cette  mort  eft  proche  de  nous  ^ 
éc  que  Tefpace  qui  nous  en  fépare  ne 
peut  être  long,  comme  les  Payens 
Tont  reconnu»  Mais  il  n'y  a  que  le 
Chriftianifme  qui  nous  faiie  voir  que 
cette  mort  en  finiffant  nos  maux , 
nous  ouvre  k  porte  d'une  félicité 
éternelle ,  &  que  le  bon  ufage  de 
ces  maux  palTagers  peut  contribuer 
plus  que  toutes  chofes  à  nous  y  don- 
ner entrée.  Il  n'y  a  donc  que  le 
Chriftianifme ,  qui  nous  découvre 
dans  la  mort  8c  dans  les  maux  qui 
nous  y  conduifent,  des'qualitez  qui 
nous  les  puillent  rendre  aimables.. 
JJn  vray  Chrétien  ne  craint  point  la 
mort.  Se  il  la  defire  même  tous  les 
fours .  en  defîrant  le  Royaume  de 
Pieu  5  auquel  il  ne  fçauroit  arriver 


m 


1^1       De  la  Charité' 

que  par  la  mort  j  cSc  il  ne  craint  poin 
non  plus  les  maux  de  la  vie  ,  parc 
qu'ils  ne  fçauroient  Te  terminer  qu'; 
cette  mort  qu'iL  fouhaite  ,  &  qu'il 
luy  donnent  moyen  de  s'y  dilpofer 
ôc  d'éviter  ce  qu'il  y  a  a  craindn 
après  la  mort. 

A  ces  reflexions  générales  les  Phi- 
lorophes  payens  enjoignent  quelque? 
autres  pour  certains  états  Ôc  certaines 
rencontres  particulières.  Ils  preil 
crivent  ^  par  exemple  ,  de  ne  s'en- 
gager pas  dans  des  emplois  dange- 
reux j  de  fe  retirer  de  la  Cour,  quand 
on  n'eft  pas  maître  de  fa  langue  6c 
de  fa^lere  :  D'éviter  ce  qui  nous 
peut  engager  à  parler  trop  librement 
quand  on  fe  fent  fier  &  impatient. 
Ils  veulent  qu'on  nefe  charge  pas  de 
fardeaux  qu'on  n'a  pas  la  force  de 
porter  ,  Se  qui  nous  accablent  par 
leur  peianteur  :  Qu'on  ne  s'embar- 
ralfe  pas  d'affaires  dont  on  ne  fçau- 
roit  fe  dégager  quand  on  veut. 

Mais  la  Philofophie  Chrétienne 
fournit  encore  pour  tout  cela  des 
motifs  bien  plus  preiïans  ,  parce 
qu'elle  fait  appréhender  dans  ces  oc- 
cupations dangereufes ,  non  la  perte 

du 


■ENVERS     SOY-MEME.  I95 

du  temps  ou  du  repos  ,  mais  celle 
delà  vie  de  l'ame  &  du  falut  ;  elle 
gueric  les  painons  qui  nous  y  enga- 
gent 5  qui  font  l'ambition  &:la  vani-  . 
té  ;  8c  nous  faifant  mettre  nôtre 
bonheur  à  plaire  à  Dieu  ,  elle  nous 
rend  aimables  ces  emplois  tranquil- 
les que  la  Philoiophie  payenne  nous 
peut  bienconieiller,  mais  qu'elle  ne 

icauroit  nous  Faire  aimer. 
.» 

D.  Doit-on  croire  qu'on  n'a  point 
de  part  à  l'elprit  du  Chriftianiime , 
quand  on  ell  (ujet  aux  agitations  ôc 
aux  troubles  ? 

M.  Nullement,  car  la  tranquillité 
chrétienne  a  divers  degrez  ,  <^  les 
premiers  coniiftent  à  ne  s'étonner 
pas  des  ébraniemens  de  fon  ame  ,  ni 
des  troubles  dont  Dieu  permet  quel- 
quefois qu'elle  loit  agitée  -,  elle  con- 
fifte  à  avouer  tranquillement  la  mi- 
fere  &  fa  foiblelfe  devant  Dieu ,  en    ,^.,- 

I  1  •  r  A  '  •  >    I  Mi(ci-cre  niei, 

tuy  allant  :  yjye<.-pitt:  de  moy ,    varce  qaoniiminiu- 
que  je  fuis  folhle  -  anen(îez,-moy  ,  parce  '""^  fum  -,  fana 

7       -^    J        -'  '  cN         J  J  ^1  me.  Domine 3 

jHe  mes  os  font  trouble^..    La   grâce  quoniam  coti- 
commune  n'empêche  pas  ordinaire-  r'f^^'^,^^^;;î-°5" 
ment  les  acritations  &  les  ébranle-  ^.  z-. 
mens  de  Tame  :  mais  elle  les  ioufïre 
patiemment ,  Se  elle  preierve  ieule- 
Tornc  IL  R 


15? 4-  ^^^  laCharite* 
ment  l'ame  du  dccouragcment  Se  du 
dclclpoir.  Or  il  vaut  beaucoup 
mieux  être  ébranlé  en  cette  manière, 
avec  un  humble  ieiitimencde  iafoi- 
blelle ,  que  de  regarder  tous  les  acci- 
dens  humains  avec  une  fierté  philo- 
fophique  ,  par  une  confiance  en  Tes 
propres  forces.  Il  efl;  vray  que  la 
grâce  le  fortifiant  dans  l'ame  ,  elle 
rétablit  dans  une  plus  grande  immo- 
bilité, &  pluiieurs  Saints  même  ont 
été  beaucoup  plus  loin  en  ce  point 
que  tous  les  Philofophcs  pavens  :  te- 
DtfcipUdcfAint  moin  ce  Sanit  dont  Theodoret  dit 
^*'fi^''  dans  Ton  Hilloire  Relig-ieufe  ,  qu'en 

The,d»rtt  Ff'  l'clpace  de  quarante-cinq  années  qu'il 
tétfi'.  ^'^^  Supérieur  d  un  Monattere  ou  il 

avoit  cent  cinquante  Dilciples ,  ja- 
mais ni  la  colère  ni  aucune  autre 
pafîion  ne  le  firent  tant  (oit  peu  for- 
tir  de  l'adiece  immobile  où  Ion  ame 
étoit  établie. 

Voila  les  principes,  fur  lefquels  çn 
peut  fonder  folidement  fa  tranquil- 
lité de  fon  repos  :  on  en  pourroit  ra- 
malfer  encore  plufieuis  autres  de  ce 
qui  a  été  die  ci-devant,  en  parlant 
c  es  moyens  de  reprimer  les  paiïîons 
Car  comme  la  tranquillité  de  l'ame 


'  ENVEH-S     SOY-MEME,  19^ 

ncù.  troublée  que  par  les  paiïîons , 
tout  ce  qui  fertà  eiipreferverrame, 
éc  à  l'aider  à  les  vaincre,luy  ierc  âulîi 
pour  coiifer ver  fa  tranquillicé^de  mê- 
me que  tout  ce  qui  lert  à  conlerver 
le  calme  &  le  repos  de  lame  ,  fert 
aufîi  à  l'exempter  de  l'agitation  ôc  du 
trouble  des  pallions. 


Ri} 


l^G       De  la  CuARiTfi* 

W4  wâmwmwëWëM  mm 

SECTION    SECONDE. 

Z)t^   regUnierjt  de  l'entendement , 
(^  de  la  volonté. 

CHAPITRE    PREMIER, 

En  cjuoy  confijle  le  règlement  de  l'en^ 
tendement  &  de  U  vohnté, 

D,  /'^^^  refte-t-il  à  examiner 
V^rouchant  les  devoirs  de  l'a-r 
mour  réglé  ,  ôc  légitime  de  loy- 
même  ,  ou  de  la  charité  envers 
foy-même  ? 

/?.  Le  véritable  amour  de  foy- 
même  confiflie  5  comme  nous  avons 
déjà  dit ,  à  nous  procurer  le  fouve^ 
rain  bien  ,  ôc  à  régler  toutes  les  par- 
ties de  notre  être  par  rapport  à  cet- 
te tin  ;  ainfl  il  eft  cUir  que  de  mê- 
me que  cet  amour  doit  relier  le 
corps  ,  l'imagination  ,  les  paillons 
ôc  la  volonté  ,  il  doit  aufîi  régler 


^'efprit  5     e'eft-à-dire  ,    l'entende- 
ment. 

D,  N'a-t-on  encore  rien  dit  qui 
e^ardàt  ce  reî^lement  de  Tel- 
nitî 

R.  Tout  ce  que  nous  avons  dit 
ufques  ici  y  a  beaucoup  de  rapport  j 
:ar  la  conduite  de  Tefprit  conlifte  à 
e  remplir  des  veritez  neceilaires 
3our  éclairer  Tame  dans  la  voye  du 
[Ziel. 

D,  Puifque  les  veritez  necefTaires 
i  U  conduite  de  IJentendement  par 
rapport  à  Dieu,  font difperfécs  dans 
■es  Inftrudions  ,  félon  les  objets 
:jui  doivent  être  aimeZjConinie  Dieif, 
le  prochain  ,  Ôc  nous -même  ,  que 
:efte-t-il  donc  qu'on  puifFe  rapporter 
^n  particulier  à  la  conduite  de  l'en- 
tendement ? 

5^.  On  y  peut  rapporter  en  parci- 
:ulier,  i°.  Les  motifs  qui  nous  doi* 
vent  faire  deiker  la  icience  du  falut. 
2.^.  Les  divers  moyens  de  s'inftruirc 
des  veritez  neceifaires  au  falut. 
5°.  Ce  qu'il  faut  conliderer  dans  le 
choix  d'un  Direébeur.  4'.  Ce  qu'il 
faut  conliderer  dans  le  choix  des 
opinions.  j°.  Ce  qu'il  faut  confider 

Riij 


ic)S       De   la   Charité' 
dans    le  choix  d'un  genre  de    vi 
6".  Ce  qu'il  faut  conlidcrer  dans 
choix  des  vertus  ;  &  ces  confiden 
tions  comprennent    les    principal 
devoirs  de  la  prudence  Chréticnn 
Ainfi  quoyque    l'ordre    que  Te 
s'eil;  prefcrit  n'ait  pas  permis  qu*c 
traitât  de  fuite  les  Vertus  cardinale 
ce  qu'on  en  doit  fçavoir  fera  near 
moins    renfermé    dans  ces   Infl:ru< 
tions.  Les  règles   de  la    temperar 
ce  font  renfermées  dans  ce    qu*o 
a  dit  de  l'amour  4u  corps ,  ôc  dan 
ce  qu'on  dira  dans  la  fuite  de  la  cha 
fteté.  Ce  qui  regarde  la  juftice  el 
compris  dans  ce  qu'on  a  dit  de  Ta 
mour  de   Dieu  comme  juftice  ,  & 
dans  ce  qu'on  dira  en  parlant  de  C' 
qui  eft  du  au  prochain.  Ce  qui  re 
garde  la  force  ,  eft  compris  dans  c 
qui  a  été  dit  touchant  les  afflidion 
ôc  les  maux.  Enfin  ,   ce  qui  regar 
de  la  prudence  ,  eft  renfermé  dan 
ce  que  nous  avons  à  dire  fur  la  con 
duite  de  l'entendement. 


ENVERS      SOY-MEMF.  199 


CHAPITRE     lï.       . 

Ce  que  cejl  cjue  la  fcicnct  du  falui. 
Com'oîcn  ce  ne  Je  tance  eji  d'.fira- 
éle  »  &  peu  defircc, 

V.  /^Uelle  eft  la   icicnce  du  ia- 

^.  C'eA  celle  qui  nous  apprend  le 
chemin  du  Ciel ,  la  voye  de  la  vie 
éternelle  ,  la  vove  de  la  juftice,  & 
la  voye  du  royaume  de  Dieu.  C'eH 
celle  qui  nous  apprend  a  furmonter 
les  puiiïances  des  ténèbres ,  de  tout 
ce  qui  s'oppofe  à  nôtre  falut ,  (  car  il 
cil  utile  de  la  concevoir  fous  toutes 
ces  idées.)  En  un  mot,  c'eft  celle  qui 
nous  enleigne  à  vivre  ôc  à  mourir 
comme  il  faut ,  &  de  la  manière  ne*- 
celfaire  pour  être  éterncUemeac 
heureux. 

D,  Quelle  eft  l'étendue  de  cette, 
fcience  ? 

^.  La  voye  qui  mené  chacun  à  la 
dernière  fin  ,  conliftant  dans  les  ac- 
tions de  l'entendement  ôc  de  la  vo-» 

Riiij 


loo  De  la  Charitî' 
lontc  ,  &  dans  toutes  celles  qui  en 
dépendent  ;  il  eft  clair  que  lafciencc 
du  .ialut  s'étend  a  tout  cela,  &  qu'el- 
le confifte  dans  toutes  les  veritez, 
par  leiquelles  on  doit  régler  toutes 
ces  aâ:ions. 

De  lorte  que  comme  toutes  les 
fciences  ,  tous  les  arts ,  &:  toutes  les 
profeiîions  en  font  partie  j  c'eft  a  la 
fcience  du  falut  a  les  diriger  à  la  fin^ô^ 
à  s'en  fervir  pour  y  arriver:  fans  elle 
toutes  les  fciences  font  inutiles ,  ou 
n'ont  que  des  utilitez  petites  &c  bafles| 
mais  elles  déviennent  grandes  <Sc 
importantes, fî-tot  que  la  icience  du 
falut  y  eft  jointe.Ce  n'cft  rien  que  d'ê- 
tre,par  exemple,grand  Jurifconfulte, 
grand  Magiltrat ,  grand  Capitaine  ^ 
grand  Prince  j  l'enfer  ell  plein  de  tou- 
tes c^s  fortes  de  c^randeurs,  àc  c'eftoù 
L'on  arrive  par  les  fciences  humaines, 
lorqu'elles  font  feules  :  Mais  c'eft 
quelque  chofe  de  bien  plus  grand 
que  d'acquérir  le  Royaume  du  Ciel , 
en  exerçant  même  le  plus  vil  mini- 
ftere  du  monde. 

Toutes  les  autres  fciences  ont  des 
ufages  bornez:  il  n'y  a,  par  exem- 
ple ,pas  toujours  lieu  de  fe  fervir  de 


ENVERS     SOY-MEME.  lÔH 

la  Médecine ,  de  la  Jurirprudence  , 
des  Mathématiques  ,  de  l'Art  Mili- 
taire. Mais  il  n'y  a  point  de  temps 
&  point  de  moment  où  l'on  n'aie 
befoin  de  la  fcience  da  lalut  j  parce 
qu'il  n'y  a  point  d'aôbions  qu'elle  ne 
doive  rapporter  à  fa  fin. 

Les  hommes  peuvent  fe  partager 
en  diverfes  profeiïions ,  &  il  n'y  en 
a  aucune  qui  les  puiife  tous  occuper  j 
mais  perfonne  ne  peut  s'exempter  de 
s'appliquer  a  la  fcience  de  Ion  ialuc^^ 
&  de  s'y  appliquer  fans  diiconrinua- 
tion. 

On  peut  fuppléer  prefque  à  toutes^ 
les  autres  iciences  ^  en  s'adrefianc 
dans  les  eKcafions  où  l'on  en  a  be- 
fajn,  à  ceux  qui  y  font  habiles: 
mais  il  n'en  efi:  pas  de  même  de  cel- 
le du  falut.  Quoy qu'il  foit  utile  de 
prendre  confeil ,  on  ne  peut  pas  fe 
repoier  de  fan  falut  entièrement  fur 
autruy.  Il  y  a  mille  chofes  qu'il  faut 
régler  fur  le  champ,  mille  penfées 
&:  mille  defrs  qu'il  faut  ou  rejet-, 
ter  ,  ou  approuver  j  les  confulta- 
tions  continuelles  font  mêm.e  im- 
poiïiblcs  j  de  ceux  qui  font  deftinez 
à  conduire    les    autres,    n'y    fuffi-r 


I 

loi  Di  tA  Charité' 
roient  pas  ,  fi  on  vouloïc  s'adreflet 
à  eux  pour  toutes  choies.  Chacun 
doit  donc  avoir  en  foy  une  lumière 
fuftifante  pour  fe  régler  dans  les 
actions  ordinaires  de  la  vie ,  «Se  pour 
difcerner  quand  il  eft  obligé  de  pren- 
dre conleil. 

D,  Cette  fcience  du  falut  Çi  c^ran- 
de  j  fi  étendue  ,  &  u  importante  , 
eft-elle  fort  recherchée  ? 

<^.  Il  y  en  a  peu  qui  le  loit  moins  : 
chacun  tâche  de  fe  rendre  habile 
dans  la  profefîion  particulière  qu'il 
a  embraifée  :  on  étudie  avec  foin  la 
Philo'.ophie,  la  Médecine,  la  Ju- 
rilprudence  ;  les  moindres  Arts  ont 
de  longs  apprentiiîages  :  mais  il  n'y 
a  prefque  point  de  temps  que  Ton 
deftine  en  particulier  à  la  fciencc  du 
falut  5  &  que  l'on  donne  entière- 
ment pour  apprendre  à  vivre  &  à 
mourir  ;  c'eft- à-dire  ,  à  fe  condui- 
re dans  la  vie  &  dans  la  mort ,  par 
rapport  à  l'éternité.  On  veut  que 
'  cette  fcience  vienne  par  furcroît ,  & 
Ton  ne  croit  pas  qu'elle  mérite  une 
application  particulière. 

On  apprend  avec  foin  le  métier  de 
faire  la  euerre  aux  hommes ,  ^  de 


ENVERS    SOY-MEME,  20| 

refîflcr  aux  ennemis  *de  l'état  ;  mais 
on  fuppofe  que  le  métier  de  faire 
la  guerre  au  diable ,  d'éviter  Tes  piè- 
ges 5  de  découvrir  fes  artifices  ,  de 
de  repoulFer  Tes  traits  enflammez^n'a 
pas  beloin  d'étudt  ni  de  travail. 

On  s'inftruit  de  ce  qui  eft  necef- 
ceifaire  pour  conlerver  les  biens 
temporels  ,  cc  les  beioins  de  la  vit 
preiente  y  rendent  tout  le  monde  in- 
telligent. Mais  la  Icience  de  confer- 
ver  les  biens  ipidtuels,  &  les  trc- 
fors  de  la  grâce  reçus  dans  le  Bap- 
tême 5  eft  la  fcience  du  monde  la 
moins  recherchée. 

Plus  les  arts  &  les  Iciences  nous 
conduifent  à  de  grandes  choies  , 
plus  on  les  cultive  avec  loin  ,  &c  plus 
on  les  juge  dignes  d'application.  La 
fcience  du  fâlut  ne  nous  promet  rien 
moins  que  de  nous  rendre  des  Rois 
éternels,  cependant  c*eft  la  fcience 
la  plus  méprifée  ,  de  la  plus  négli- 
gée. 

D,  N'y  a-t-il  point  d  exagération 
dans  tout  ceci  î 

K,  Bien  au  contraire.  Ce  que  l'on 
dit  ici ,  eft  encore  beaucoup  au- 
deiîous  de  la  vérité  :  <^  on  le  re  = 


104  t)E  LA  Charité' 
€oiinoicra  facilement ,  Ci  on  fait  rc 
flexion  lur  le  peu  de  perfonnes  qu 
pratiquent  les  moyens  ,  dont  nou^ 
parlerons  dans  les  Chapitres  fuivans . 
fans  lelquels  néanmoins  on  ne  peut 
acquérir  lafcience  du  falut. 

I>.  Que  faut-il  donc  faire  pour 
ne  point  tomber  dans  ce  mal  Ci  or^ 
dinaire  ? 

J^,  Il  faut  s'appliquer  à  bien  con- 
noître  l'importance  de  la  fcience  du 
falut,  Se  être  fortement  convainciî 
de  Taveuglement  des  hommes  qui 
la  négligent,- 

Il  mut  méditer  fouvent  ces  paro- 
<5ûid  çrodcft  les  de  l'Evangile  :  One  fert  a  l'hom- 

<lum  univcrfum  ^^  ^^  ^^'^^^'^  ^^^^  "  ynonde  j   S  il  fera, 
lucrctnr^znimx  Tff^  ^^/jc  ^  ôc  fe  les  appliquer  en  fe 

vcro  fuï  dccri--',.  V  ,      -•  ^  ^A  r 

fiicntura  paria-  allant  a   loy-meme  ;  Que  me  1ère 

tmfMat$h,  \(.  de  connoître  toutes  chofes ,   fi  je  ne 

fçay  pas  le  chemin  de  la  vie ,  &  que 

je  marche  continuellement  dans  Ie$ 

voyes  de  la  mort  ? 

Il  faut  enfin  le  remplir  des  paroles 
de  l'Ecriture  ,  qui  nous  avertirent 
de  cette  illufion  ,  &  tâcher  de  fe 
les  graver  dans  le  cœur. 

D,  Quels  font  ces  pailages  de  la 
fâinte  Ecriture  ? 
/**  Il  n'y  a  point  de  matière  fuç 


ÏNVEHS     SOY-MEME.  10| 

laquelle  Dieu  nous  ait  donné  tanc 
d'inftiudions  &  de  préceptes  dans 
les  faintes  Ecritures.  En  voici  quel- 
ques-uns. 

1°.   L'Ecriture  appelle  tous    ceux 
qui  ne   font   pas  inftruits   de  cette  "^fi^cquo^par- 

/  .  ^     J        r  .         '    r    r  •         vuh,dilignis 

Icience  ;  Fétus  ^  joitx^  mfenjez.  ^  tm-  infantiam ,  qu» 
vmdens.  O  enfans  ,  leur  dit-elle  ,  inf.  ^'"^'^^^^^  no.-'^i* 
ijnes  a  quand  aimerez,-voHS  le/ifarjce  ?  ^m^cn^ts  odi- 
jitfques  a  quand  les  infenfcz.  'de/lre.f^^l^l'^l'^^'^' 
ront-ils  ce  qui  les  perd  ?  &  les  impm-  „  , 
dens  a  liront- us  U  fcience  ?  qui  invenic  la. 

1^,  Elle  nous  apprend  que  le  bon-  v^^^^^^^_  >    & 
heur  de  cette  vie  conlure  a  poilcaer  dencu:meiior 
cette  fcience  :     Heurenx  ,  dit-elle  ,  ^^-"^^^^"0  ^- 

Cellty  qui  a,  trouve  Ul  fitgcjje  ^    CT    qui  aigenti  &  auti 

efl  riche  en  prudence:   Son  prix  pafs^''^^^''''^- 

f  .' ,  Il    y-*     ini  riLictus  cjus  ; 

toutes  les  j-'icheRis  ,  &  tout  ce  qiton  piecioiior  eil 
depr:  le  plus  ne  mérite  pas  de  luy  être'^''^''' .''^'^''' » 
compare.  Ses  voyes  font  belles  ,  (^  defiJerantur, 
toHS  ces  fentters  font  pleins  de  paix.  compTrarr^'"^^ 
5°.  Elle  nous  apprend  que  la  re-  vi^^ejuspakhr^, 
cherche  de  cette  lageife  ,  ôc  à<:  z^xit^^^^'^ 
fcience,  doit  faire  nôtre  principale  j^^^r.  ,.i^.  ^ 

étude.  Travaillez,   a  acquérir  /^"  ./"^-'''pnnciptumfa- 
^ç/T^  ,   c^e-n  efi  le  commencement.  Tra-  piendc^,  poifide- 

>..■//  'V     '^^  '       t     ^       J  bit  iapienciain . 

vaille\^  a  acquérir  la  prudence ,    anx  ^  j^^omai  pof- 
dépens    de  tout  ce  que  vous   pouvez,  feifione  cuà  ac- 
fojjeaer,  tum.it^ta^.  7, 


io6        De   la  Charité* 
4".  Elle  nous  apprend  que  l'ctu 

Bcatus  horao     j  ,'  .  \  ^.     ^        ^ 

qu»  audit  me,  &:  ^^  Cette  Iciencc  doit  etie  continu, 
qui  »^igilac  ad      \ç^  Heureux  celuy  qui  rn  écoute  ,    ci 

rorcsmcas  4ao-  r         tT         1^  • 

tiûie,  £c*rcr- cette  .Sagelie  même,  ^m.  veille  toi 
vac  ad  portes  o-  /^j  joHrs  à  l'entrée  de  ma  maiCon  ^  c 

nu  mci  :  qui  me  .     .,       .  ^  -L       ' 

invcnent,  in-    (fut  Je  tient  a  ma  porte,    CeUy    qi 
remet  viram,&:  ffiaura  trouvé  ,  trouvera  la  vie  ,  &  . 

nauiiec  lalutem         .^         t      r  !  i       /        t  >     1 

À  Domino,  ibui  puijera  le  Jalut  de  la   honte  du  Sei 
t.  34.   cr  ?f.       çneHy. 

Mcum  eft  con.  ^o^  £11^  ^^^^  apprend  que  c'efl:  cet 
tas ,  mca  eit  tc  lagelie  &  Cette  icience  qui  reglen 
prudcncia  mea  aeneralement  toutes    choies.    Cei 

e'r  roiticudo.       î^.  •        1 1  •  • 

p.r  me  icges  re-  de  rnoy  ,  dit-elle  3  que  vient  le  conCei 

gnanr,  &  kgum  ^  l'équité  ;  ctl}  de  moy  que  zient  L 

dcccrnunt.  ivid  priidencg  ô"  la  forse  ;   les  Rais  regneni 

i4-cr'5-  p^^y   moy  ^   &    c  eft  par  moy  que  Ici 

Legifl.^tenrs    ordonnent     ce     qui    eft 

jufie, 

Uoinoncfl        <5°.  Elle  nous  enfeigne  non  fcule- 

fcicmjaanimx,  ment  que  cette  fcience  du  falat  ell:  le 

non  eft  boxium.      ,  j    i       1  •  >\     n- 

ii'id.  ij».  i .       plus  grand  des  biens,mais  qu  il  elt  mi- 
poflîble  lans  elle  d'avoir  aucun  bien. 
Ou  la  fcience  de  l'ame  ne  fi  point  ,  // 
ny  a  po'nt  de  bien, 
initium  iiHus     7°.  Elle  nous  apprend  par  où  il 
ciphnx  conçu-   ^^^^  Commencer  pour  arquerrr  cette 
puicniia    6af.  Icience    du  falut ,   ou  cette  ia^elfe. 
Le  crnmencement    de  la  ÇaçefTe  ,  dit 
TEcriture  ,  efi   le  defir  de  l'infiruc- 


ENVIRS      SOY-MEME.  107 

tio'ri.    Elle    nous   avertit  au (îi ,   que    Quimanè  rî- 

.    ,         1         .*         eilanc  ad  me  , 
^jfHOy    (jue    tous    ceux    qi-i'-    Lt   cherchent  inve nient  me, 

de  bo^yie- heure ,  la  trouvent  \    nean- ^'     ^'.'''. 

,  .,T^'  n  Sapientia  eaim 

moins  laconnoillanceeneltti-es-rare,  docicma  noa  eA 

mulcis  manifc- 
— ^ . . ûè.   £fc/.  i,  6, 

CHAPITRE    III.  *^'     _ 

Des  nwye7?$  ordinaires  de  sinjlruire 
des  vtritez,  du  id.ut, 

Z>.  f  A  fcience  du  falut  eft-elle 
Lune  Icience  comme  les  au- 
tres ,  qui  s'apprennent  par  l'étude  , 
le  travail  6c  lapplication  hun:iai- 
ne  î  ■  -^ 

R,    L'Apôtre  faint  Jacques   nous 
avertit    que  c'eft  de    Dieu  qu'il   la     ,     , 
faut  attendre  :  Sï  cjuH^ii  nn  dit-il ,  indi^'l^'rapien- 
d\mr2  vous  mancjiie  de  fk^:û}  ,  ciu'U^^^»  pjfta.et  à 

.1  J     ^     r\  •;  ^  'Deo,    qai  dac 

la  demande  a  Dieu  _,   cjui  ion-ne  a  tous  omniDu>  atiiaé- 
liheralement  y  [ans  reprocher  ce  ^////tcr,  ccnoana- 
donne  ,    &  elle  hiy  Ctm  donnée,  C'efl  Sr^eu  /«:'.  u 
pourquoy  il  en:  dit  au  commence-  ^ 
nient  de  rEccledardquc:  One  toute  U-  Oivinis  fapieti- 

rn      '  J      c   •  r^-      '  s    «        tia  à  Domino 

^cjjj  Vient  du  ôe-gneur  Uuh  •,  ^//  elle  a  q^o  eft  &  cam 
toujours  été  avec  lny,&qHelle  efi  éter.  illofaicfeaiper, 

neae.  Ce  qui  marque  que  cette  ve-  eccU  i.  i, 
ritable  fagelFe  que  les  hommes  doi- 


£o8  De  la  Charité* 
vent  dclirer  ,  ôc  qui  n'cft  autre  cho- 
fe  que  cette  Icience  dulalut,  q(ï  une 
participation  de  la  fagelfe  éternelle. 
Se  un  rayon  de  cette  fource  de  lu- 
mière ,    qui  éclaire  nos  eiprits. 

D.  N'y  a-t-ii  donc  rien  à  Elire 
pour  l'acquérir,  que  de  la  deman- 
der à  Dieu ,  luivant  le  précepte  de 
i'Apôtre  faint  Jacques  ? 

R.  Dieu  qui  veut  conduire  le^ 
hommes  d'une  manière  qui  Toit  pro- 
portionnée à  l'état  de  foy  &:  d'ob- 
icurité  ,  où  il  les  veut  tenir  en  ce 
monde  ;  les  oblige  à  la  rechercher 
par  certains  moyens  humains  ,  lous 
Icfqucls  il  le  cache,  <3c  par  lel quels 
il  aime  mieux  la  leur  donner  ,  que 
de  les  éclairer  d'une  manière  ex, 
traoLûinaire. 

D,  Quels  iont  les  principaux  de 
ces  moyens  ? 

R.  Ceux  qui  font  les  plus  ordinai- 
res font ,  i".  La  lecture  de  l'Ecriture 
fainte,  &  des  livres  de  pieté.  i°.  L'in- 
ftrudtion  des  Paftcurs  &  des  Direc- 
teurs ,  &  généralement  de  tous  ceux 
dont  on  peut  tirer  quelque  lumière. 
3^.  Les  refiëélions  que  l'on  peut  fai- 
re fur  ce  qui  fe  palfe  au  dedans  .<?c  au 
dehors  de  nous.  .  §•  !• 


tï^VERS    SOy-M£ME^  10^ 

§.    I. 

înmler   moyen   de  s*injlruire  d$i 
f^lîdt  ,  qui  ejl  l^  Uciure, 

Article      I. 

De  la  mcejfitt  de  la  leErnre. 

i>.  La  lecture  eft-elle  neeellaire 
à  tout  le  monde ,  pour  acquérir  la 
icience  du  falut  ? 

R,  On  ne  peut  pas  avancer  cela 
généralement ,  puiiqu'ily  a  bien  des 
gens  qui  ne  fçavent  pas  lire  ,  &  qui 
par  confequent  font  peu  capables  de 
profiter  de  la  ledure  ;  &  à  l'égard 
'3e  ces  perfonnes ,  on  peut  dire  fans 
doute  que  la  lecbure  n'eft  pas  un 
ftîoyen  propre  àleurinftrudtion.  Ou- 
tre cela,  il  y  a  eu  des  Nations  entiè- 
res ,  félon  iaint  Irenée  ,  qui  ont 
été  Chrétiens  ,  lans  avcrir  TEcri- 
ture  parmi  eux.  Mais  à  l'égard  de 
ceux  qui  ont  de  l'intelligence  ,  cc 
qui  peuvent  fe  fervir  de  ce  moyea 
pour  s'infti:uire,on  peut  due  qu'iis.ne 
fcauroient  le  négliger  fans  une  faut§ 
Toms  IL  S 


210       De  la  Charité' 
confiderable  ,  &c  que  le  feul  dcfam 
de  s'en  fervir ,  les  met  en  un  dangei 
évident  de  leur  falut. 

D,  D'où  vient  ce  befoin  fi  pfi-i 
tif&fi  preiTant  de  la  ledure^  poa 
acquérir  la  fcience  du  falut  ? 

J^,  Il  vient  de  ce  que  c'eft  le  moyen 
le  plus  facile  ,  &  qu'il  efl  tres-difîi. 
cile  de  faire  par  une  autre  voye  ,  ce 
que  l'on  peut  faire  par  celle-là  j  car 
pour  acquérir  cette  fcience  du  falut, 
il  ne  s'agit  pas  fimplemcnt  d'avoir 
dans  fa  mémoire  les  artxles  de  la 
foy  ,  &c  les  principales  règles  de 
nos  adtions  :  il  faut  les  avoir  fi  vi- 
vement imprimées  dans  le/prit  ôc 
dans  le  cœur  ,  qu'elles  nous  mettent 
en  état  de  refifler  à  rniiprefïîon  da 
monde. 

Pour  comprendre  mieux  la  necef- 
fité  de  la  leclure  ,  il  faut  concevoir 
que  les  maximes  qui  font  contrai- 
res à  la  vraye  fagelfe ,  &  à  la 
fcience  du  falut,  font  celles  qui  nous 
donnent  de  grandes  idées  des  cho- 
fes  du  monde  ,  &  des  biens  du  fie- 
cle  ;  qui  nous  portent  à  les  aimer,  à 
nous  conduire  par  des  vues  humai- 
nuincs ,  ôc  des  intérêts  temporels  ; 


ÈNt'ERS     SOY-MÈME.  lll 

^uc  CCS  maximes  lont  continuelle- 
ment propofées  à  notre  efprit  par 
l'exemple ,  par  les  paroles  ,  &  par 
la  vue  même  des  crens  du  monde ,  & 
des  objets  du  monde  ;  de  forte  que 
l'on  peut  dire  que  la  vie  du  monde 
n'efl;  qu'une  prédication  continuel- 
le de  la  vie  de  concupifcence  ;  qu'el- 
le tend  à  effacer  de  nôtre  ame  tou- 
tes les  lumières  qui  conduilent  à 
Dieu  ,  <Sc  à  la  faire  entrer  dans  les 
voyes  tenebreufes  de  famour  du 
monde.  Il  faut  donc  retracer  con- 
tinuellement dans  nôtre  elprit  ces 
vérité z  de  la  fageife  divine.  Il  faut 
les  ranimer  Ôc  les  réveiller  fans  cqÇ- 
fe  ,  &  en  renouveller  l'amour  dans 
nôtre  cœur. 

On  le  peut  faire  à  la  vérité  par 
divers  exercices  ,  ôc  par  divers 
moyens  -,  comme  par  les  prières  y 
tant  publiques  ,  que  particulières , 
qui  y  font  très-utiles  ;  par  la  médita- 
tion des  veritez  Evangeliques,  qui  y 
fervent  tres-efficacement;par  i'appli- 
tion  aux  inftrudions  des  gens  de 
bien ,  des  Directeurs  ôc  des  Pafteurs, 
qui  y  peuvent  auiïi  contribuer  beau- 
coup.  Mais  il  n'y  a  point  de  moyen 

S  i) 


11  i-      De    l  a  C  h  a  r  t  t  e*^ 
qui  foie  plus   en   nôtre  clirpof^tion> 
^  par   lequel  nous  puiflions  mieux 
pourvoir  a  tous  nos   befoins  Ipiri- 
tuels,  que  celuy  de  la  ledture* 

On  n'a  pas  toujours  lieu  d'enten- 
dre des  diicours  de  pieté  ,  &  même 
ces  diicours  ne  conviennent  pas 
toujours  à  tous  nos  befoins  5  mais 
la  ledlure  eft  un  moyen  toû)ours' 
prêt ,  &  que  Ton  peut  aifortir  à- 
toutes  fes  différentes  neceiïîtez  :  cXl: 
un  moyen  qui  anime  tous  les  autres  ; 
caries  prières  Se  les  méditations  font 
d'ordinaires  bien  feclies  ,  iî  elles  ne 
font  anonfée  par  la  ledture.  On  a 
befoinde  même  de  renouveller  dans^ 
fon  eiprit  par  cette  voye  les  inftruc--: 
tions  des  Paftcurs  &  des  Direcflreurs,:  |' 
qui  s'efFaccroient  facilement ,  Ci  l'on 
ne  trouvoit  dans  le  co!.irs  de  ces 
Ic(fcures  ce  qu'ils  nous  difent  :  Qui 
pourroic  donc  porter  les  hommes  a- 
négliger,  ce  moyen  (i  utile  ôz  iî.  facile 
en  même  temps?  c'eft  ians  doute  le' 
peu  de  foin  qu'ils  ont  de  leur  ame,. 
éc  le  peu  d'amour  qu'ils  ont  pour  la 
(agelTe  Chrétienne  ,  &  pour  la  fcicn-^ 
©mni  caftodiâ  ce  du  falut.  Il  nous  Sit  Commande 
frr4°'J"'"''  idans  lEcriture  de  garder  nôtre  caur 


tNVERS      SOY-MEÎ^E.  2>rj 

%vcc  toute  forte  de  loin.  Or  ce  ccrur 
ne  le  garde  pas  par  des  gardes  exté- 
rieures .,:  &  il  n'y  a  pas  d'autre 
moyen  de  le  garantir  de  Timpref- 
lîon  des  objets  &  des  difcours  du 
(iecle  j  qui  font  capables  de  le  cor- 
rompre ^  qu'en  le  mettant  a  la  gar- 
de de  la  vérité  même.- Mais  afin  que 
k  vérité  le  garde  ^  il  faut  qu'elle  ne 
foit  pas-  comme  mort€  ,  &  comme 
endorm.ie  dans  notre  elprit  j  il  faut 
donc  louvent  réveiller  en  nous  la 
connoilîance  que  nous  en  avons ,  au- 
trement elle  nouS'  devient  inutile 
pour  nous  garder  ;  &  le  dégoût 
&  l'engourdillement  pour  les-  choies 
fpirituelles  ,  caufez  en  nous  par  la: 
concupifcence  ôc  famour  du  iiecle, 
prévalent  aifémcnt  ,  de  prennent 
le  delfus ,  fi  nous  n'avons  foin.de- 
ies  détruire  perpétuellement^  Or  cela 
tie  le  peut  faire  par  un  moyen  plus 
ailé  que  celuy  de  la  lecture  des  li- 
vres de  pieté  ,  qui  coiiiiennent  les 
verfccz  Evangeliques  ;,  &  la  fcience 
du  lalut. 

D.  La  négligence  pour  la  lecture' 
des  livres  de  pieté  ,  eft-elie  fort  or- 
dinaire? 


ii4     D  î  t  A  Cm  ar  ï  tt' 

R,  L'expérience  ne  fait  que  trop 
voir  combien  elle  Teft  :   Car,    par 
exemple,  combien  trouve-t-on  peu 
de  gens  du  monde ,  &  de  pcrfonnes 
engagées  dans  le  mariage  ,  qui  pren- 
nent tous  les  jours  un  certain  temps 
réglé  ,  pour  donner  a  leur  ame  par 
quelque  lecture  5  la  nourriture  donc 
elle  a  belom  ?   &  même  entre  ceux 
qui  le  font ,  combien  y  en  a-t-il  peu 
qui  le  falfent   comme  il   faut?    La 
plupart  du  monde  traitent  leur  ame 
avec  bien  moins  de  foin  6c  d'affec- 
tion 5     qu'ils  ne  traitent  non  feule- 
ment  leurs    ferviteurs  ,  mais  leurs 
chevaux  ,  leurs  chiens ,  leurs  oifeaux 
&  leurs  autres  animaux  domeftiques. 
On  ne  s'informe  fouvcnt  que  trop  , 
il  on  leur  a  donné  à  manger  ;  mais 
on  ne  fe  met  pas  en  peine  (i  fon  ame 
n'eft  point  dans  la  difette  ,  &  fi  on 
luy  a  donné  fuffifamment   de   quoy 
fe  nourrir.  On  fuppofe  qu'elle  n'a 
bcfoin  de  rien  ,   &   qu'elle  peut  fe 
foutenir  par  elle-même  :  Et  il  arri- 
Pctcuffus  fam  ve  de  la  5  qu'elle  tombe  dans  l'état 
ârr'rrâ,.?.decnc  par  le  Prophète    lorfquil  dit: 
ijuia  oblicusfu  n  ^\iy  été  f/'^Ppc  co^i'ne  l" herbe  ,   dr  mon 

coiuîicre  pa-  »    /2    r    f  '        ^  •>  Lv.L 

nem  mcai.  .';.  ^^<^  ^  ^ft  A^^»^^  .  Pf^Ce  qUÇ  j  ay   OHbUc 

»<>*•  J-  de  manger  monfain,  ^ 


ENVERS    SOY-MEME.  21^ 

Z>.  Doit-on  juger  que  cette  négli- 
gence eft  un  grand  péché  ? 

<^.  Ouy  ,  certainement,  puifqu*el- 
le  conduit  lame  fort  vite  &  fort  di- 
rectement à  la  mort ,  en  luy  ôtant 
Ja  force  ôc  la  vigueur  necefTaire 
pour  foutcnir  les  tentations  du  mon- 
de. 

D,  Contre  quel  commandement 
ce  péché  eft-il  ? 

/*.  Contre  la  charité  que  Dieti 
nous  commande  d'avoir  pour  nous- 
même  ;  car  de  même  qu'un  homme 
qui  laiiïeroit  mourir  fon  corps  faute 
de  luy  donner*de  la  nourriture  ,  fe- 
roit  un  très-grand  péché  contre  la 
charité  ;  c'en  eft  auui  un  fort  grand 
que  de  lailfer  mourir  fon  ame,  faute 
de  luy  donner  la  nourriture  fpiri- 
:uelle  ,  dont  elle  a  befoin, 

D,  Que  peuvent  donc  faire  ceux 
qui  ne  fçachant  pas  lire  ,  ne  fçau- 
"oient  fe  fervir  de  ce  moyen  ? 

I^.  Ils  y  en  doivent  fubftituer  d'au- 
tres ,  avec    d'autant   plus    de    foin , 
qu'ils  font  privez  de  celuy-là ,  corn-* 
lie  nous  l'expliquerons  dans  la  Cm» 


îio       Dé  la  C  iî  arit  ^* 
Article.    II. 

De  quelle   manière  on  doit  fai 
fes  leciu/es  fp^irifuelles. 


2).  Sufïït-il  de  lire  des  livres  « 
J)ieté  pour  fe  procurer  les  avantag 
de  la  ledlure  ? 

F,  Non  ;  car  il  ne  faut  pas   conlL 
derer  la  ledture ,  dont  nous  parlon 
comme  une  étude  humaine  ,  &  u 
exercice  humain  ;  la   vue  que   Te 
doit  avoir ,  eft  de  donner  lieu  à  Te 
prit  de  Dieu  de  nous  éclairer  ,  &c  a 
loleil  de  Juftice  de  luire  en  nou- 
Il   faut  donc  faire  les  lectures  fpiri 
tuelles  d'une  manière  fpirituelie  ,  6 
capable  d'attirer  fur  nous  l'efprit  d  I 
Dieu.  Il  les  faut  faire  pour  y  écou 
ter  Dieu  ;  car  comme  nous  parlon 
à  Dieu  par  la  prière,  aufïï  Dieu  nou 
parle  par  la  lecbure  ,  fel'on  les  Père; 
de  TEglife. 

D.  Comment  doit-oii  concevoii 
*que  Dieu  nous  parle  par  la  ledur^ 
des  livres  de  pieté. 

^.  On  doit  concevoir,  première- 
ment ,  que  Dieu  dans  l'infinité  de  ù 

prefciena 


ENVERS    SOY-MEME.  I17 

prcfcience  n'a  pas  fait  écrire  une 
parole,  non  feulement  dans  TEcri- 
ture  fainte  ,  mais  même  par  les 
Pères  ,  &  par  les  Dodeurs  de  TE- 
glife  ,  qu'il  ne  l'ait  deftinée  par  une 
vûë^iftindte  à  l'utilité  de  tous  ceux 
qui  laliroient ,  dans  le  moment  pré- 
cis auquel  ils  la  lifent.  Ainfi  ,  cha- 
cun en  lilant  ou  l'Ecriture  Sainte,  ou 
quelque  autre  livre  de  pieté  que  ce 
foit ,  doit  croire  que  c'eit  Dieu  luy- 
même  qui  a  di6l:é  les  veritez  qui  y 
font  contenues  :  que  c'eft  Diculuv- 
même  qui  luy  preiente  ces  mêmes 
veritez  ,  &z  qui  les  luy  preiente  pour 
fon  falut.  Il  doit  fe  perfuader  que 
Dieu  veut  qu'il  fe  lerve  de  ces  veri- 
tez ,  puifqu'il  luy  donne  la  volonté 
de  s'y  appliquer  ;  que  c'eft  pour  luy 
qu'elles  ont  été  écrites  ,  &  qu'ainfi  il 
rendra  compte  à  Dieu  de  l'ufage  qu'il 
en  fera. 

Secondement,  on  doit  concevoir 
que  la  parole  extérieure  ne  luffit  pas, 
éc  qu'elle  ne  nous  peut  être  utile  ,  fi 
Dieu  luy- même  ne  la  ^rave  dans 
nôtre  cœur  :  mais  on  doit  être  aufîi 
perfuadé  que  Dieu  eft  prêt  de  l'y 
graver  ,  fi  nous  ne  mettons  point 
Tem^  IL  T 


iiS      De   laCharite' 

d'obftacles ,  à  la  lumière,  par  îa  du^ 
reté  de  nôtre  cœur. 

D.  Que  s'eufuic-il  delà  ? 

R.  Qu  il  faut  faire  fes  lectures  avec 
un  efprit  de  reconnoiirancc  pour  la 
grâce  que  Dieu  nous  fait  de  nous 
admettre  à  la  ledure  de  fa  parole  & 
de  Tes  veritez ,  &:  avec  un  defir  lin- 
cere  &:  une  humble  prière ,  qu'il  les 
imprime  dans  notre  cœur,  &  qu'il 
nous  en  donne  l'intelligence  dans  le 
d^gré  qui  nous  eft  utile  pour  nôtre 
fandlification. 

D,  Que  faut-il  obferver  dans  le 
cours  de  Tes  ledlures  î 

R,  1°.  Conferver  toujours  cette 
difpofîtion  de  prière  &  cette  at- 
tention à  Dieu ,  &:  la  renouveller 
fouvent  5  de  peur  que  cet  exercice 
ne  fe  change  en  une  occupation  de 
divertiiîement  &:  de  curiofité. 

2°.  Ne  palfer  pas  légèrement  fur 
les  veritez  qu'on  rencontre ,  &  don- 
ner le  loifîr  a  Telprit  de  les  digérer  , 
de  s'en  nourrir ,  &  de  fe  les  appli- 
quer, 

3°.  Finir  fa  ledure  par  la  prière  , 
&  par  Taétion  de  grâce  ,  comme  on 
la  doit  avoir  commencée. 


ÏNVÎRS     SOY-MEMÏ.  '  llf? 

t  ■  D»  Que  doic-on  éviter  dans  les  le- 
vures, pour  n'en  pas  perdre  le  fruic  ? 

R,  On  y  doit  évicer  une  certaine 
avidité  qui  aime  à  fe  remplir  de 
quantité  de  veritez  ,  en  les  faifant 
ièulement  fervir  de  lpe6i:acle  à  Ton 
efpric  5  ce  qui  n'eft  dans  le  fond 
qu'une  curiofité  iecrette.  On  n'aime 
peu  la  vérité  ,  quand  on  s'y  arrête 
fi  peu  5  <Sc  Ton  fait  bien  voir  en  s'en 
réparant  fi  vite  ,  que  c'eft  plutôt  la 
nouveauté  que  la  vérité  qui  nous 
plaît, 

D,  Mais  que  faut-il  faire  fi  l 'efprit 
ne  fournit  aucune  penfée^^:  que  l'on 
tombe  dans  la  langueur  ,  en  voulant 
Jire  lentement  ? 

R,  On  peur  s'arrêter  en  deux  ma- 
nières à  fa  ledlure  j  l'une  ,  en  faiianc 
des  réflexions  lur  ce  qu'on  lit ,  en 
l'étendant  dans  fon  elprit  ,  ^n  fe 
l'appliquant,  en  l'approfondiiï^int  5 
l'autre  ,  en  relilant  plufieurs  fois  la 
même  chofe  ,  &c  tâchant  ainfi  de  f«ç 
la  mieux  imprimer,  en  honorant  ce- 
pendant la  vérité  par  un  refpeâ:  in^ 
*terieur.  Qui  ne  peut  arrêter  la  rapi- 
dité de  ion  ci  prit  en  la  première 
'  manière  y  le  peut  toujours  en  la  fe- 

Tij 


'220  D  E  LA  Charité"* 
conde  5  &  cette  féconde  manière  de 
lire  eft  toujours  infiniment  plus  utile 
pour  la  pieté  ,  qu'une  ledure  qui  ne 
Jailîe  que  des  notions  confufes  ,  &c 
qui  ne  donne  aucune  vraye  lumière. 
On  modère  toujours  par  la  la  curio- 
fîté  ;  on  imprime  plus  profondement 
dans  la  mémoire  les  vcritcz  que  l'on 
lit  ,  ëc  on  donne  lieu  a  rclprit  de 
Dieu  de  nous  les  rendre  prefentes 
dans  les  occafions. 

X).   Eft-il  bon  de  lire  beaucoup  h 
chaque  fois  ? 

^.  Tous  les  Maîtres  de  la  vie  fpi- 
rituelle  ont  recommandé  de  lire  peu 
à  chaque  fois  ,  afin  d'avoir  lieu  de  le 
digérer  ,  &c  pour  n'éloigner  pas  l'ef- 
prit  de  Dieu  par  la  ctiriofité.  Mais 
pour  ne  pas  abufer  de  ces  avis ,  ôc 
ne  les  pas  porter  trop  loin  ,  il  faut 
fçavoir  i°.  Qu'il  y  a  certains  livres 
dont  on  peut  lire  davantage ,  comme 
les  Hiftoires  &  les  Vies  des  Saints , 
^  que  l'on  peut  y  employer  un  temps 
plus  conliderable.  i",  Qu  il  y  a  cer- 
taines perfonnes  qui  peuvent  lire, 
beaucoup  davantage  ;  tels  lont  ceux  * 
à  qui  l'étude  tient  lieu  de  travail, 
parce  qu'ils  en  ont  befoin,  ou  pour 
inftruire  les  autres  ^  ou  pour  s'occu'- 


BNVEP.S      SOY-MEME.  221 

per  utilement.  Or,  quoy  que  ces 
peiTonnes  doivent  s'arrêter  aux  ve- 
ritez  qu'ils  lifent ,  &  ne  fe  lailfer 
pas  emporter  a  la  curioiité  ,  ils  peu- 
vent néanmoins  employer  autant  de 
temps  à  l'étude  ,  que  leurs  autres  oc- 
cupations leur  en  laiilent. 
.  £>,  Peut-on  tomber  dans  quelque 
excès  à  trop  lire? 

..  i?.    On  le  peut  très  facilement.  S. 
Au^uftin  ,  par   exemple,   remarque  .-^^^'^^"^n 
comme  un    dérèglement  conlidera-  ledtiom  noUe 
ble  dans   certains  P.elieieux   de  ion  ^b^smperare , 

1  ,-i       ^    ^    ■  duinvulc   ci  va- 

temps  5    de  ce  qu  ils  vouioient  em-  caie. 

ployer  à  la  lecture  &  à  la  prière  le 
temps  deftiné  au  travail,  &  il  les  ac- 
cule de  ne  vouloir  pas  obéir  aux  ve- 
ritez  oulls  iifoient  en  même  temps 
qu'ils  les  vouloient  lire.  On  pourroit 
reprocher  les  mêmes  défauts  aux 
perfonnes  ,  qui  étant  prellées  de 
quantité  de  devoirs  necellaires ,  von- 
drdienc  employer  un  grand  temps  à 
la  leâ:ure. 

D.  Que  doit-on  encore  éviter  dans 
les  ledlures  ? 

J^,  On  y  doit  éviter  Tinfrabilité 
d'efprit,  qui  porte  à  palTer  d'un  li- 
vre à  un  autre  ;,    6c  à  les  effleurer 

T  iij 


212       De  la  Charité* 
tous.    Ce   changement    li   fréquent 
marque  une   ame   malade  ,    dégoû- 
tée  de  la  vérité ,  &    poiredée  d'une 
curiofité  inquiette.    Les  Philofophcs 
Payens  même  ont  reconnu  que  ce 
n'étoit  pas  le  moyen  de  profiter  des 
ledures  j  que  la  multitude  des  livres 
oneratdifcen.  charge  l'eiprït  ëc   nelmihuit  pas  ^^ 
temturba,  non  &  qu'il  vaut  bien  mieux  fe  donner  à 
quefatiuseit      Certains  Autcurs  ,   que  d  être  errant 
pr.ucis  le^  auto-  ^  vae^boud  parmi  une  foule  de  dif- 

libus  iiadcie  ,       r       .  *"^  j  ■ 
quam  eiraie  per  fCrcnS  llVreS, 

rcukos.  ôc.ic.  Outre  cela  on  doit  éviter  la  vanité 
^tf'.'T.  ''  ^  qui  porte  inicniiblement  a  tirer  avan- 
tage de  ce  que  Ton  apprend  ;  à  mé- 
prifer  ceux  qui  ne  le  fçavent  pas 
comme  nous  ,  à  les  regarder  comme, 
des  gens  fans  lumière  j  à  rapporter 
par  une  vue  fecrette  de  vanité ,  les 
vérité  z  que  Ion  lit ,  plutôt  à  la  cor- 
redtion  des  autres ,  que  celle  de  foy- 
nicme.  îl  faut  tâcher  au  contraire,  de 
fe  coniîderer  ioy-mêuie  ,  dans  les 
ledtures  que  l'on  fait ,  comme  dans 
1  un  miroir ,  &    d'y  voir  plutôt   fes 

propres  défauts  ,  que  ceux  d'autruy^ 
i).  Comment  peut-on  reprimer  la 
vanité  dans  fes  ledures  6c  dans  Tac- 
croiffement  des  connoiffances  ? 


ÎNVERS     SOY-MEME.  lîj 

^.  En  confiderant  que  toutes  les 

veritez  que  nous  lifons  ,  nous  feront 
'  repreientées  au  Jugement  de  Dieu, 

four  nous  faire  rendre  compte  de 
ufage  que  nous  en  aurons  fait  j  <3<: 
que  Dieu  nous  imputera  comme  un 
abus  de  fa  vérité ,  de  l'avoir  lailîée 
flerile  dans  nôtre  elprit,  lans  la  faire 
paifer  dans  le  cœur  par  l'amour  ôc  par 
le  refpe^t.  AinCi ,  comme  perfonne ne 
peut  s'aifurer  d'avoir  tiré  de  la  vérité 
les  fruits  qu'il  devoit ,  il  n'y  a  point  de 
vérité  qui  ne  doive  être  un  grand  fu- 
jet  d'humiliation. 

Qui  ne  tire  pas  de  la  connoilTance 
de  la  vérité  tout  le  fruit  pour  le- 
quel Dieu  nous  l'accorde  ,  &^  qu'il 
prétend  que  nous  en  tirions  ,  en  eft 
injufte  polfelleur.  Il  eft  du  nombre 
de  ceux  dont  l'Ecriture  dit  ,  ^/^/'//^  O^iifarantu! 
ront  voleH''s  de  la  parole  de  Dieu.  Ces  ^^^^^  '^^^  ^'" 
paroles  iont  1  arrêt  de  leur  condam- 
nation. Or,  eft-ce  un  ^rand  fujet  de 
vanité ,  de  porter  fur  foy  la  convic- 
tion de  fon  vol  ,  &  l'arrêt  de  fon 
fupplice  ? 

D.  Quels  antres  mauvais  effets  la 
îeârure  peut-elle  produire  ? 

R,  Outre  la  vanité  &  la  confiance 

T   liij 


i24  Dî  LA  Charité' 
en  roy-mcnie  ,  elle  peut  produire 
encore  une  certaine  dureté  de  cœur, 
ôc  une  indocilité.  Si  l'on  n'y  prend 
garde  ,  on  n'eil:  plus  touché  de  rien, 
parce  qu'on  a  comme  émouiré  par 
des  leclures  mal  faites  Se  mal  digé- 
rées ,  la  pointe  des  veritez.  On  ne 
trouve  rien  de  bon  dans  les  inftruc- 
tions  des  Pafteurs ,  parce  qu'on  ne 
les  trouve  pas  fi  juftes  ni  fi  bien  ar- 
rangées que  celles  qu'on  trouve  dans 
les  livres  :  on  palTe  même  jufques  à 
s'imaginer  qu'on  n'a  pas  beloin  des 
Pafteurs  ni  de  leurs  inftrudtions  y 
que  les  livres  dont  on  fe  fert  peu- 
vent fuppiéer  à  tout  ;  &  on  tombe 
en  de»  très-grands  é^aremens ,  en 
s'a^ppuyant  ainii  fur  la  propre  con- 
duite. Mais  ces  défauts  ne  viennent 
pas  précifément  de  la  lecture  j  on 
peut  dire  plutôt  qu'ils  viennent  de 
nôtre  propre  fond ,  &  de  la  mauvai- 
fe  difpolltion  de  nôtre  cœur,  de  du 
peu  de  loin  que  l'on  a  de  profiter  de 
les  ledures ,  dans  lesquelles  on  fe 
contente  de  fe  divertir  l'efprit ,  fans 
fonger  ferieufement  à  pratiquer  les 
veritez  que  l'on  y  rencontre. 


IMVERS    SOY-MEME.  Ziy 

ArticleIII. 

Des  livres  que   l' on  doit  lire  t  ^ 
particulièrement  de  la  leciure 
de  V Ecriture  Sainte.^ 

D,  Peut  -  on  prefcrire  générale- 
ment les  mêmes  livres  a  tout  le 
monde  î 

^ .  Non  ,   parce  que  les  ouvertu- 
res des  efprics  &  les  lumières  que  ,-  ^ebrsorum 
Dieu  leur  donne,  qui  y  font  d'ordi-  oiuuHebixis 
naire  proportionnées  ,    font  extiê-  \^^^1  ^^"'^^  ^^^'r 

r      r  5  lant  ,  in  pnmis 

mement  difrerentes,  de  ces  divers  de-  egiegiam  sc  lau- 
grez  de  lumière  font  qu'un  même  li-  ^l  "^S^^^ 
vre  eft  plus  avantageux  en  un  temps  quivis  iciipcmac 
qu'en  un  autre.  _  C'eft  pourquoy  S.  ^l';: ""„\tm " 
Grégoire     de    Nazianze    remarque  aiii  iibri  jam 

_    5  ^^     •  -1  1     •  r    pridem  à  prima 

qu  on  ne  permcttoit  parmi  les  Juifs  J,,,,  ommbus 
qu'à  ceux  qui  étoient  âgez  de  vingt-  pcuvaccebantur. 
Cinq  ans,  la  lecture  de  certains  livres  ^^^^^  ,..aiiiau- 
de  TEcriture  ,  &  principalement  du  ^em  his  duma- 

Cl        r^         •  xat    qui   virefi- 

antique  des  Cantiques ,   quoy  que  mum  qmi^cum 

les  autres  fuilent  permis  à   tout  le  annum  stacis 

11/1        1        j  A  r,     <-    •        excefliflenc.     S. 

monde  des  le  plus  bas  âge  ,  oc  Saint  ure^.Na^.orat, 
Jérôme  a  ufédelamême  précaution,  »• 
en  prefcrivant  à  L^ta  des  relies  pour    ^'''^^  '^;  ^'"' 
clever  la  mie. 


ii(^     De   la  Charité' 

li.'l?r„;ri  ,  ^'-^j.'"  ^ugaftin  ,  a  qui  Saint  An, 
tuo,  virofanao  broilc  avoit  conlcillé  de  lire  le  Pro 
t^:^r-  Ph«';  l'aie  ,  Ce  crut  oblige  d'en  d.ftl 
mcos,  &pi2-  rer  la  lecture  ,  jufqu'a  ce  qu'il  fû 
Srn°Tmo.  plus  exercé  dans  le  ftylc  de  i'Ecritu 
neret  qmd  po-  re.  Il  cft Certain  aufîi  que  dans  laie 

tiflimum  mihi        n., J^„    I:  J       I'î-  c^    ■ 

de  hbiis  CUIS  le.  ^^^^^  des  livres  de  1  Ecriture  Sainte 
gcnduin  ertec . .  il  y  a  quelque  ordre  a  garder  ,  de  ou 

ac  illeiulîic  U      ^    ■'         ^     r  '1^  J  f      r 

faïam  Prophe-  ^^^^  ^^^  ^^^^^  P'^s  également  diipolc 
tam. . .  veium-  en  tout  temps  à  profiter  de  la  le  dur 

taraen  ego  pri-      i  a  i  . 

raa.n  hujus  lec-  ^cs  memes^livres. 

tionem  non  in-     Pc  cck  n'a  pas  lieu  feulement  dan 

tclligens  ,  to-       p^       .  ^    .  rr    j  1        T  • 

lumque  taiem  -l  hcriture  ,  mais  aulii  dans  les  Livre 
arbitrant;,  dif-     (^q^  Percs  ,  &  dans  tous  les  autres  li 

tuli  repetcnduin  i  •       /        -i  i-  r 

cxercitatior   in  vrcs  de  pietc  ;  il  y  Cil  a  de  trop  tort; 
dominicocio-    &  de  trop  difficiles  pour  les  cipnt: 
i.  ^.  t««/.  f.  j.  iimples  ;  de  lorte  qu  li  taut  que  cha- 
cun ait  loin  de  chercher  une  iedurc 
qui  luy  loit  proportionnée. 

J).  Doit-on  confeiller  à  tout  le 
monde  la  lecture  de  l'Ecriture  fain- 
te  ? 

n.Sl  cteSi'l'^'  ^'  C>^^^  i  ^^^^'\  ^^  1-emarque  des 
inicripruiis  il-  Percs  ,  a  fait  écrire  Ion  Ecriture, 
d.V.n'^»"^''..  dans  la  vue  quelle  pût  ferv.r  de 
ineft  omnino  nourriture  ,  Se  aux  petits  aux  grands; 
deùdis'^fnftau"  elle  eft,  dit  faiiit  Auguftin  ,  telle- 
randifquc  aniw    ment  accommodéc  a  k  capacité  de 

«nis  accommo-        i  si         -  r 

daciUima  difci-  chacun  ,   qu  il  n  y  a  perionne  qm 


ENVERS     SOY-MEME.  11J 

n*en  puille  tirer  une  luftiiaiice    in-  p'»»^^  ^  &  pîanc 

f.       f-^.  ica  modinrata, 

ItrUthon.  ut  nemo  inde 

Dieu  ,  die  encore  ce  même  Père  ,  a  ¥^"""°".P°'* 
abailie  1  hcnrure  juiques  a  la  capacité  ^s  cft  s,  ^«^. 
desenfans  qui  font  encore  à  la  ma-  ^'^»*^'/-  crf</.  f. 
melle  ,   félon  ce  -qui  eft  dit  daîis  un   'mcHnavk  er- 
Pleaume  ,   que   Dieu  a    ^ha-fTi    /^j  go  fcuFruias 

.    ^        »./  /   r       j        T       Deus  ulque  ad 

CietLX   _,    CT    ^/^  //    f;2     dejce-ûa.     J^a  infantium  & 
manière  de  parler  de  l'Ecriture  iainte  J^aennum  ca- 

CL    r      y      ■      -i  \  '  '^  pacitatem,  hcuc 

eit  il  admu-able,  quen  même  temps  in  aiioptaimo 
quelle  eftacceffiblecà  tout  le  monde,  cankar,  &  m- 
lin  y  a  prelque  perionne  qui  lapuille  &  defcendit.  in 
pénétrer. Dans  leschofes  clairesqu'el-  '  '      , 
le  contient  ,  elle   eil  comme  un  ami  ipfe  dkendiqao 
fidèle  qui  parle  fans  fard  &  fms  ar-  ^^"^"  ^"^P^^"^? 

.-il  1  r  concexuar,  qua 

tirice  au  cœur  des  Icavans  $c  des  omnibus  acceflî- 
ignorans  ;  de  quand  elle  cache  quel-  ^^rr,^"";^ 
que  veritez  par  des  expreflions  my-  netiabiiis  £a 
fterieufes  ,  elle  ne  le  fx.t_  pas  avec  '^^^'^^^t 
un  langage  fuperbe  &  enflé,  capable  mïcus famiiia- 
de  rebuter  les  efprits  card.fs  ,  &  de  ^o/io^ato  m- 
leur   ôter   la  hardielfe  d'en  appro-  doaorum  acque 

^v  ^  1  •  ^  do£lorum.      £a 

cher,  comme  les  pauvres  craignent  veioquxinmy. 
d'approcher  des  riches.  ftcriisoccakac^ 

nn  ■  j-i  nec  ipiaeloquio 

eit  vray  néanmoins   quil  y  a  ^^pe/bo  erigk , 

certains    livres    de    l'Ecriture   plus  quonon  audeac 

1  V     ■'•  accedere  mens 

proportionnez  généralement  a  tout  taidiuicuia  & 
le  monde  ,    &C  ce  font  les  livres  du  ineiudita^quaiî 

^T  f^    n  paupcr  ad  divi- 

Nouveau  Teftament»  Uni  s.  ^a^. 


iiS       Delà  Crr  a  r  i  t  e* 

T.f'fi.    adVclif      Vide  S.    Cire^.    M.ig.    Ej.   ad    Ltand.  &  in    friijl 
^'t*.  ?c.  Mor-il  tn    'job. 


D.  N'efl-il  point  utile  de  fc  fcrvi  1 
de  la  lumière  de  quelque  Dire(fi:eur||^^ 
pour  choifîr  les  livres  de   l'Ecriturt 
qui  nous  iont  le» plus  propres  ? 

R,   Comme   on  le  doit  conduire 
dans  toutes  chofcs  par  la  lumière  d(|^ 
Dieu  ,     il  eR   fans  doute  que  c'efl 
une   fort  bonne    voye  pour  trouvei 
cette  lumière  ,     que      d'avoir    re 
cours  pour   cela  à  celle   d'un  Dire- 
cteur éclairé.   Et   c'eft  un  tres-bon 
moyen    d'attirer  la  benedi6lion   de 
Dieu    fur  nos    lectures   ,     qu?    de 
les  lanctifier  par  l'obéilîance.  C'efl: 
pourquoy  c'eli  la  pratique  de   tous 
les    A'îonafteres    bien    réglez  ,    de 
ne  faire  point   de  ledture  que  par 
l'avis  &  l'ordre  des  Supérieurs  ,    qui 
cependant  ne  doivent  pas  abufer  de 
cette  pratique  ,  &  fous  l'ombre  de 
cette  loy,  oter  aux  enfans  le  pain  de 
la  parole  ,   que  le  Seigneur  veut  au 
contraire    qu'ils   leur  mettent   à  la 
main.    A  la  bonne  heure    qu'ils  le 
retranchent  comme  les  Médecins  re- 
tranchent le  pain  aux  malades ,  après 
que  par  leur  expérience  ils  oncrecou-. 


'  ÏNVERS    SOY-MF.ME.'  22^' 

fiu  l'abus  &  la  profanation  que  quel- 
ques elprics  mal  tournez, peuvent  fai- 
re quelquefois  des  meilleures  ledlu- 
res  'y  mais  que  ious  le  même  pré- 
texte ,  ils  ne  le  retranchent  pas  aufïï 
à  ceux  qui  ne  lont  nullement  mala- 
des. Ufer  d'une  telle  autorité,&  exi- 
ger que  les  inférieurs  y  défèrent , 
c'ell  vouloir  dominer  lur  leur  foy  , 
ôc  fe  fervir  de  leur  déférence  ,  non 
pour  leur  édification  ,  mais  pour 
leur  ru  me. 

Z>.  N'y  a-t-il  pas  une  défenfe  de 
lire  l'Ecriture  en  langue  vulgaire  , 
à  moins  qu'on  n'en  ait  une  permif- 
{îon  par  écrit  de  Tlnquiiiteur  ,  de 
l'Evêque  ,  ou  de  ceux  qui  iont  com- 
Qiis  par  luy  ? 

^,  Le  Père  Amelotce  fait  fort 
bien  entendre  dans  la  Préface  de  fa 
traduction  du  Nouveau  Teftament , 
que  .s'il  y  a  eu  autrefois  des  défen- 
fes  de  lire  la  Bible  en  langue  vulgai- 
re ,  elles  ne  fub/iftcnt  plus.  Car  il 
fait  voir  que  ces  défenfes  n'ont  eu 
lieu  ,  que  lorfque  la  contagion  de 
certaines  herelies  s'çchauffoit ,  mais 
que  ce  n'en  eft  plus  le  temps  aujour- 
d'huy.  Le  Cardinal  de  Richelieu  dit 


i50       De  la  Charité' 

de  même  dans  les  Controverfes,  qi 

cette   déEenCc  n'a.  été  faite  que  po 

un  temps. 

Biblîa  ...lice-      Le  Père  Veron  pafTe  plus  avani 

re  tum  yei  plu-  ^^^  j^^^^  j^  Piefacc  de  fa  tradudic 

tibusvel  omni- 

bus  iegeie,prout  dti  Nouveau  Teltament,  il  mont 
innotttajam       ^^  cette    déftnle  n'a  jamais  été 

Germaniavide-    J,  ,    ,     ,      ^  o.  1      r      J 

nuis ,  ubi  non  i  égard  de  la  rrance  :  Que  le  rond 
raoào  «on  un-  ^^^^^  j^.  l'opinion  populaire  ,  que 

probant  Epilco-  r  ^/    •  /       ••'      , 

pi,parochi.      Bible    cu  langue  vulgau'e  etoit  d- 
conteflaiii     fi  f^^^^^   ^Q.  pj-jg    nou  du  Concile  < 

Didembeigu  ,  i  rente,  mais  d  une  règle  de  la  Coi 
ftafiàu"uï::  gregation  de  l'Index  ,  qui  n'eft  poi 
gat  :  Ted  probâc  reçûc  en  France  j  ce  qui  paroît  cla 
^^*^"'^^.;  îam*  rement  ,  en  ce  que  ce  même  Ind( 
facukaseacom-  deteiid  lous  les  memes  peines, 
'""^^^  ilm  in^  ledure  des  Auteurs  Catholiques  qi 

Sue  psnani  in-  ^  i  i 

igmu  uiiam     ont  éciit  des  controveries  ;  ce  qui  r 

nraocerexpe-^'  s'cft  jamais  obfervé.  Le  Père  Verc 
rientia  ,  ôc  latis  coiiclut  de  là,  que  chacuu  du  peup 
ufnl'urcp'u  peut  l.ie  la  Bible  Françoilc  ,  d'ur 
gnatoi.  ^  i-  verfion  Catholique,  ians  être  obli^ 
7^7.'^^""^'  P^^'  ^iicune  loy  d'en  demander  pe] 
Serrartus  c4p.  miflion.  Serrarius  Içavant  Jefuite 
lo.Pro  egqu^j.  j-q^^^ç^^^ç  ^q  même  dans  Tes  Proie 

gomenes  fur  l'Ecriture ,  que  ceti 
défenfe  ne  s'obCcrve  plus  dans  l'A. 
lemagne  ,  de  que  les  Evêques  y  troi 
vent  cres-bon  que  l'on  life  les  m 


ÏNVERS      SOY-MEME.  l^î 

Coudions  Catholiques  de  la  Bible , 
fans  leur  permifîion.  ^ 

D,  Mais  fi  quelqu'un  étant Toible 
dans  la  foy  ,  tiroit  des  fujets  de 
fcandale  de  la  ledure  de  l'Ecriture 
/àinte  ,  ne  leroit-il  pas  à  propos  de 
luy  en  défendre  la  le(flure  ? 

R,  Il  feroit  bon  de  luy  en  défendre 
la  le6ture  ,  tant  qu'il  demeureroit 
dans  cette  infirmité  ,  non  par  une 
loy  pofitive  de  TEglif^  ,  mais  par  la 
loy  naturelle  ,  qui  nous  oblige  de 
nourrir  nôtre  ame  d'une  nourriture 
proportionnée  à  fes  difpofitions. 
Ainli  on  ne  doit  pas  conclure  que  la 
Bible  foit  défendue  en  loy  ;  car  il 
eft  certain  qu'on  feroit  obligé  d'uier 
de  la  même  reierve  à  l'égard  de  tout 
autre  livre  que  ce  foit  ,  dont  on 
prendroit  quelques  occafions  de 
fcandale. 

jD.  Si  une  perfonne  n'étoit  pas  ca- 
pable de  juger  par  elle-même ,  fi  la 
ledlure  de  l'Ecriture  fainte  luy  eft 
propre  ,  ne  fcroit-elle  pas  obligée 
d'en  confulter  au  moins  fon  Curé  , 
ou  fon  Direâreur  Tur  ce  fujet  ? 

R,  On  ell  obligé  par  la  loy  natu- 
relie ,  d'avoir  recours  à  la  lumière 


^3i        De   1  A    Ch  AR  IT  E* 

d'autruy  ,  quand  on  manque  de  lu 
mier^dans  toutes  les  chofes  qu'i 
faut  décider  :  Mais  cela  ne  conclu 
point  que  la  lecture  de  TEcritur» 
fainte  foit  défendue  par  aucune  \o^ 
de  TEglile  ;  au  contraire  elle  eft  pre 
fumée  utile  à  tout  le  monde  ,  î 
moins  qu'il  n'y  ait  des  raifons  parti- 
culières pour  la  défendre  a  certain; 
elprits. 

Article     IV. 

Ce  que  doive?7t  faire  ceux  qui  «< 
fcavent  pas  lire, 

D.  Comment  fe  peut  accorder  k 
befoin  de  la  lecture  de  l'Ecriture  & 
des  autres  livres  de  pieté  ,  avec  l'im- 
puilfance  où  nous  voyons  un  granc 
.  nombre  de  Chrétiens  de  fe  fervir  de 
ce  moyen,  puiiqu'ilyen  a  beaucou]; 
qui   ne  fçavent  pas  lire  ? 

F.  Ce  befoin  de  la  ledture   n'efî 

point  11  prelîant  ni  fi  univerfel ,  que 

Ton  n'y  puille  fuppléer  par  d'autre: 

vide  S.  irtn.  cxercices  de  pieté.  Et  faint  Irenée 

/.  j.  c.  4.  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  remar 

que  qu'il  y  avoit  des  nations  Chré 

tiennei 


TNVERS    SOY-MEME,  2)3 

àennes  entières  ,  qui  n'avoiejic 
dâs  rEcriture.  Mais  il  eft  vray  que 
:omme  ce  moyen  eft  le  plus  aifé  & 
e  plus  facile  ,  chacun  le  le  doit  pro- 
curer autant  qu'il  peut,  6c  s'il  ne  le 
aeut  pas ,  il  y  doit  remédier  par  d'au- 
tres exercices  qui  y  iuppléent. 
.  T,  Quels  font  ces  exercices  ? 

JR,  Le  premier  ,  eft  de  repaffer 
fou  vent  dans  fa  mémoire  les  veri- 
::€z  que  Ton  apprend  dans  les  in- 
llrudions  des  Pafteursj  de  s'en  nour- 
rit ,  ôc  de  les  imprimer  foitement. 
Car  une  feule  vérité  bien  méditée, 
Se  étendue  à  fes  luîtes  naturelles  , 
fufHt  pour  donner  de  la  lumière  à 
l'ame  dans  la  plupart  de  fes  a6lions. 
Qui  n'a  que  peu  d'argentje  doit  bien 
:onferver  ,  qui  ne  connoît  que  peu 
ie  veritez  ,  en  doit  avoir  un  extrê- 
me loin,en  les  regardant  comme  ion 
çréfor ,  ôc  comme  ce  que  Dieu  luy 
donne  pour  fe  foutenir  dans  le  voya- 
ge de  réternité. 

1*^.  Il  n'y  a  point  de  Chrétien  11  peu 
inftruic,  qui  ne  doive  au  moins  iça- 
voir  le  Pater ,  VAve  Maria  ^  &c  Je 
Credo  j  ou  le  Symbole  3  &:  même  ceux 
qui  font  cliargez  du  foin  des  âmes  ? 
To?ne  IL  V 


154  ^^  ^^  Charité" 
tels  que  font  les  Pafteurs ,  doivenC 
faire  en  forte  qu'il  n'y  ait  aucun  de 
ceux  qui  font  fous  leur  conduite  3^ 
qui  ne  Içache  ces  prières  en  langue- 
vulgaire  ,  &  qui  n'entende  les  ve- 
ritez  qui  y  font  contenues.  Or  cesi 
veritez  que  la  foy  ,  même  des  plus 
iimples  y  y  peut  trouver  ,  étant  fou- 
vent  repalfées  dans  l'elprit  par  ua 
cœur  fidèle  &c  pénétré  de  l'amour 
de  Dieu  ,  peuvent  l'inftruire  de  fes-- 
devoirs,. 

3°.  Celuy  qui  n'eft  pas  capable  de- 
s'inftruire  par  les  livres  écrits  de  la' 
main  des  hommes ,  doit  s'appliquer 
avec  d'autant  plus  de  loin  â  s'inflrui- 
re  dans  le  grand  livre  du  monde  ,■ 
dans  lequel  on  voit  continuellementr 
la  grandeur  &c  la  puiiîance  de  Dieu  j> 
la  Foiblelfe  des  hommes ,  la  vanité* 
de  leurs  delfeins ,  le  néant  des  biens- 
du  monde  ,  &  la  folidité  des  biens  da 
Cieh^^ 

D,  D'où  vient  donc  que  les  fim- 
pies ,  les  Paifans  &  les  ignorans  font 
fi  peu  de  reflexion  fur  tout  cela  ? 

^.  Cela  ne  vient  pas  fimplcment 
de  leur  ignorance  ,  mais  du  peu  d'a- 
mour qu'ils  ont  pour  la  vérité  5  6ç' 


INVERS     SOY-MEME.  25^ 

Î)our  leur  falut.  Qui  délire  connoîcre 
a  voye  du  falut  avec  toute  l'ardeur 
dont  un  fi  grand  bien  mérite  d'être 
de(iré ,  ne  manque  point  de  moyens 
jle  la  connoitre.  Ce  defir  luy  ouvre 
lelprit  ,  &  il  ne  manque  jamais  d'en 
trouver.  S'il  ne  fçait  pas  lire,  il  fe 
fait  lire,  félon  lavis  de  faint  Cefai- 
re.  Y  a-t-il  quelqu'un  ,  dit  ce  Père  ,    Qjs^^do  noc 

,  ,     ■*■         ^.         .-  ,         1  tes  iongiores 

qui  quand  les    nuits   lont  plus  Ion-  lunt ,  q  liî  nit 
eiies ,  n'enpuilîè  prendre  trois  heu-  q^iitantumpoL. 

*^  ..    ^  A  r      r  ■        I-  luaormiie,    uc 

res  pour  lire  ou  pour  le  raire  tire  ;  ledionem  div.- 
Te  connois  des    Marchands  qui  ne  ,^^'^*  ^^^^ '^■^^'^; 

J.        .  ,      ,       -i  bons ,  non  poi- 

Içachant  pas  lire  ,  ont  a  leurs  ga-  Çn  aut  ipfs  le- 
ecs  des  Fadeurs  habiles  ,  &  qui  font  P"^^  ^  ^"^  f':'"^^ 
de  grands  gains  par  leurs  moyensj  .  . .  No/ir.us 
pourquoy  ne  trouverons-nous  pas  ^^""  aiiq'^^s 
de  même  le  moyen  d'avoir  quel-  cu.niuîcrasnon 
qu'un  qui  nous,  life  l'Ecnture  famte,  "Z^^^^^, 
afin  de  pouvoir  gagner  le  Cieh-Com-  nariosikteratos: 
bien  y  a-c-il  de  Pa.fans  &  de  Parla-  ^^}!^'X- 
nés  qui  chantent  des  chanfons  des-  liisr.ribenuDus, 
honnêtes  oc  diaboliques  ?  tlies  peu-  gç^cia  lucracô. 
vent  bien  apprendre  ce  que  le  dia-  quitun:  .  .  eu 
ble  enteigne^pourquoy  donc  ne  pou-  \^,  .,,,1,35  ^oa 
roieiic^elles  pas  s'infhuire  des  pre- ""^^^j  r  q^^i^e  s- 

j       T    r       r-^       n  tiam  non  cUrU- 

ceptes  de  Jelus-Chrill  ?  P.edo  &  merce. 

lie  roj,as  qui  cibi 
debeaf  fcripcuras  divinas  relegere  y  ut  ex  ilîis  poiîîs  pr^mia  a:ccrna 
eonquiEcte  ?    ,  .  Sed  dicec  aliquis  ;  E^o  hoiuo  rufticus  fum  ,    terre- 


1^6     De    la    Charité" 

tiU  ppfiibus  jugitcr  occupacus  fuin  ,  Icdionem  divinam  nec  audirt 
pofliim  j  ncc  légère.  Quam  multi  ruftici  ,  &  quani  multx  niuliere; 
julticanx"  ,  &;  tamcn  cantica  diabolica,  amacoria  &  turpia  orc 
tlccantant  ?  Ifta  poflunt  tcncic  acquc  paraïc  ,  qua:  L'iabolus  doccc  j 
ficnonpoiVunc  tcncrc  quod  Clmltus  oftendii.    S-  Cajar.  Htm.  lo. 

Si  on  manc]ue  d'infl:ru6tions  en  un 
lieu,  que  ne  le  tranfpoite-t-dn  en 
un  autre  ,  ou  on  en  puilfe  trouver  ? 
Que  ne  ramalFe-t-on  tout  ce  qu'on 
entend  pour  le  mettre  à  profit?  Aind 
il  eft  vray  d'une  part  ,  que  la  voye 
du  falut  eft  peu  connue  ;  que  h. 
plupart  des  Chrétiens  font  plongez 
dans  une  profonde  ignorance  j  que 
la  plupart  des  âmes  lont  dans  la  ai- 
fette  ,  dans  la  pauvreté,  (Se  dans  les 
ténèbres  j  qu'elles  ont  un  voile  lur 
les  yeux  qui  les  empêche  de  voir 
leurs  devoirs ,  leurs  dangers  6c  leurs 
mileres  :  mais  il  eft  vray  aufîi  que 
c'eft  par  l'indifFerence  qu'elles  ont 
pour  Dieu  qu'elles  demeurent  dans 
cet  état  ;  elles  tentent  Di^^u  par  leur 
négligence  &]  par  leur  froideur  ,  6c 
ainii  elles  ne  le  trouvent  point  j  au 
lieu  que  les  âmes  iidelles  qui  em- 
ployent  de  bonne  foy ,  <Sc  qui  met- 
tent à  profit  pour  leur  falut ,  les 
moyens  que  Dieu  leur  donne,  ne 
manquent  point  de  le  trouver.  C'eft 


ï 


SNVERS      SOY-MEME.  1^7 

îans  cetefprit  que  le  Prophète  Roy    Muirentes 

i  -i  •       /         /  auccm  Dominu 

lous    allure  que  ceux  cjiii  cherchent  non  minuentut 
V    Seii^neiir  ,    ne   mmcjucnt  â'aucvin  o^^"'  ^o^^-  ^^' 
nen  ;  c'eft-a-dire ,  que  qui  cherchera  ^^*  '°' 
Dieu  ne  manquera  pas  de  le  trouver, 
Ss:  avec  luy  tous  les  autres  biens» 

§.    II. 

"Du  Jèco7id  moytn  de  sinfiruire  de 

lo'  jcicnce  du  falut ,  qui  eji 

l' inJîruBîon  des  Pafieurs. 

B,  Peut-on  fe  contenter  de  Pinfl 
trudtion  qu'on  tire  des  livres  ,  ou  de 
celle  qu'on  reçoit  immédiatement  de 
Dieu  i 

R.  Ceux  qui  font  incapables  de 
s'inftruire  par  la  ledure,  ont  a  la  vé- 
rité une  obligation  plus  étroite  de 
recourir  à  Tinftrudian  des  Pafteurs  & 
des  Directeurs  ;  mais  ceux- mêmes 
qui  peuvent  l'ire ,  ne  iont  pas  dif- 
penfez  de  fe  rendre  difciples  des 
hommes ,  éc  d'écouter  avec  refpedt 
ceux  que  Dieu  leur  a  donnez  pour  les 
inftruire. 

Z>.  Pourquoy  Dieu  a-t-il  ainfi  af- 
fdjetti  les  hommes  a  la  conduite 
d'autres  hommes  i 


25S      Dé   l'A  Ch  a  r  t  t  é' 

Qaod  pcr  ho-  ^^  S,  Aucruftiii  remarque  que  c'ert 
dum  eft  (îne  fa-  premieremcnt,pour  leur  faire  éviter 
perbiidifcac...  \^  tentation  perilleufe de  la  prelomp- 

neque  teniemus     ■         «      1    1  /-  ^        a       ■'■ 

cunicuicredidi.  tioii  &  delà  Gonhance  cn  eux-mcmes. 
mus ,  nec  taii-     Secondement,    pour     honorer  la 

bus  iniinici  ver-  .         ,         -f  , 

fuciis  &:  peivei-  Condition  des  nommes  ,  par  la  qua- 
iltace  decepci,ad  j^-^  de  miiiillres  de  la  parole  de  Dieu, 

«plum  quoquc  ,  ■'■'-1  - 

audiendumE-  cn  ne  Ics  rendant  pas  leulement  ion 
vangeiium    ac-  teippJe  par  la  prefence  de  Ton  efprit . 

C[ue  dilcendurrij  .*■        *^  J  ,   i     ,    ' 

noiimus ire  in  mais  Cil  voulant  encoie  rendre  des 
îccichas  auc     oracles  dans  ce  temple  pourl'inftru- 

aut  legcntem,       clioil  deS  pCUpleS. 

romIn'emTdi-  Troifiémem'ent ,  pour  établir  entre 
xe . . .  abjeaa  les  hommes  un  faint  commerce  de 
c!^duio7r"per  charité,  en  faiiant  les  uns  maîtres  , 
homines ,  ho-    &  les  autres  difciples.    Car  comme' 

minibus  Deus       1  j  t\    n.  1 

verbum  fuum  ^^  remarque  ce  iaint  Dodteur ,  la 
miniftrare  noilc  charité  qui  lie  Ics  hommes  enicm- 

vidererur.  Qiio-  11  -  r      ■       ' 

modo  eniin  vc-  ^^^  ^^  ^^^^  n^eme  lociete ,  ne  pour- 
ram  efièc  quod  roït  pas  uiiir  leurs  efprits ,  &  les  ver-- 

ûi£tiim  eft,  r  ;«-   /-       ^  I  ri  1  1      . 

plum  n  ci  fane-  ^^^  ^^  queique  lorte  les  uns  dans  les- 
tumeji-,  ejcod  autrcs  ,  fi  Ics  hommcs  n'étoient  in- 
Dcu5  de  huma-  ftfuits  de  rien  par  le  miniftere  d'au- 
no  cempio  réf.  tres  hommes.    Il  eft  vray  que  Tini^ 

ponfa  non  red-  r>  •  ■  r  '        1        • 

deret . . .  Dein-  truCtion  extérieure  ne  lert  de  rien  , 
de  ip;a  caritas     Ç^   Dieu  lie  répand  eii  même  temps 

eux  fioi  honii-     j  p  1>      n       rL-        • 

nés  invicera  no-  ^^^s  1  ame  1  initruchon  intérieure  par 
ào  caritatis  af-  1  ondiou  de  fa  crrace.    Mais  la  prin- 

tringit,  non  ha-     •       1       i-r      r   •  • 

bctct  adicum  re-  cipaic  dilpolition  pour^  rcccvoir  cette 


ENVERS    S0Y-M:EME.  ÎJ9 

é  motion  &  cette  crrace  ,  eftPhumilité  fundendorum  ^ 

*^     y  ,    n    Se  quah  mifcen- 

ant  intérieure  qu  extérieure  ;  c  elt  doium  fibimcc , 
)Ourquoy  le  Sa^e  nous  recommande,  animorum ,  fî 

^  r  ^3   1      ■  n"  />  homines  per  ho- 

i  louvent  dabaiiler  notre  ame  pour  mines nihii  dir- 
icouter  kSaeeire  :Alo'^  fils ,  dit  le  cciem.  j.^m^. 
texte  lacre  ,  cj^te  votre  oreille  je  rende  inproto?o. 
îttentive    a  U  faaelfe  :  abbaiffiZ.V0'     Aadiat  fapie'- 

•^    ^  •'^  n  .         •'•'   j  ciani  auris   taa  % 

re  cœur  po^r  cennoftre  la  prudence,  inclina  cor  tuu 
Dr  cet  abbaiilemer.t  &  cette  humi-  \^  cogncfccn- 
.lation  du  cœur  elt   beaucoup    pius  ftov,  i.  r, 
réelle  &  plus  aiîurée  ,    quand  on  la 
pratique  à  l'égard  à^s  hommes  que 
Dieu  a  mis  au-deifus  de  nous ,  que  £ 
on  ne  la  pratiquoit  que  par  des  mou- 
vemens  interieurs,dans  leilpels  on  fe 
trompe  fcicilement. 

Z>,  Mais  fi  un  Payeur  ne  nous  dit 
rien  que  ce  que  nous  fçavons  déjà,, 
ou  qu*ii  le  àiiii  même  d'une  manière 
peu  édifiante  ,  ne  peut-on  pa5  le  dif- 
penler  d'écouter  les  inftrudiions  ? 

R.  Quand  i\  feroit  vray  que  les 
inftrudtions  des  Palpeurs  ne  nous  fe- 
^oient  pas  necelïaires  en  particulier  , 
il  fufHt  qu'elles  puillènt  être  necef- 
faires  à  d'autres  ,  pour  nous  obliger 
à  les  écouter  avec  fouiniflion  &  avec 
docilité.  Car  û  on  prend  prétexte  de 
^Qïi  difpenfer ,  de  ce  que  Ton  pre- 


14®     Delà  Charité' 

tend  n'en  avoir  pas  befom  ^  un  an^ 
tre  qui  en  a  befoin  ,  s'en  dilpenfera 
de  même  a  notre  exemple  j  &  ainfî 
on  le  fcandaiiiera  ,  en  le  portant  à 
fe  priver  d'une  inftruétion  necelfai- 
re.  Il  faut  donc  avoir  dans  l'elprit, 
qu'il  y  a  un  devoir  réciproque  en- 
tre les  Pafteurs ,  &  ceux  qui  leur 
font  fournis  :  les  Palleurs  font  obli- 
gez d'inftruire  le  peuple  ,  de  le  peu- 
ple eft  obligé  d'écouter  les  inftruc- 
tions  des  Pafteurs  •  &z  li  quelqu'un 
ne  les  écoute  pas  comme  neceifai- 
res  a  Ion  inftrudlion  particulière  ,  il 
1-es  doit  écouter  comme  necelfaires  à 
l'Egliie  ,  6c  honorer  par  reipedt  ce- 
luy  qui  porte  Tordre  de  l'Eglife. 
Outre  qu'tine  ame  véritablement 
humble  trouve  toujours  a  s'édifier,^ 
&  à  profiter  dans  qu-elque  inftruc-^ 
tion  que  ce  foit, 

D,  N'eft-on  obligé  d'écouter  que 
ks  Pafteurs  ? 
Noverat  uie  ^.  H  faut  avoir  -fîàns  l'efprit  c% 
Jx'quairnquea.  P™^ipe  de  faiiit  Auguftm ,  que  de 
niiiià  veiumcô-  qui  que  ce  foie  que  procède  un  con- 
fec ,  non  ei,  led  l^^l  Véritable  ,  il  ne  le  rautpas  attri- 
iiii  qui  eft  veii-  buer  à  celuv  oui  le  donne  ,   mais  à 

tas  ,  incoinma-   t>w  •  a  •     r    ■i'^  r 

tibih  Dco  cri-     i^ieu.  Ainli  il  ne  rauc  jamais  rejet- 

ter 


ter  une  venté  ,  à  caufe  de  la  peiTon-  hucnanm  cfTe. 
lie  qui  la  piopole  .-,  il  rauc  au  con-  cinfi.  m  ^reU 
traire  la  relpcder  par  tout  où  on  la 
trouve ,  (Se  donner  accès  a  tout  le 
monde  pour  nous  la  dire.  Car  ce 
x|ui  fait  que  l'on  ne  prend  pas  la 
peine  de  nous  avertir  de  quantité 
3e  choies  importantes ,  c'eft  que  Ton 
fçait  qu'ordniairement  la  vérité  blei^ 
fe  5  Ôc  irrite  ceux  à  qui  on  la  dit, 
AinCi  en  rebutant  les  perlonnes  qui 
nous  avertiifent  ,  on  le  prive  d'u- 
ne infinité  d'indruclions  qui  nous 
auroient  pu  être  utiles.  Pour  éviter 
.donc  cet  inconvénient  qui  eft  très- 
grand  ,  on  efl  obligé  de  faire  pa- 
roître  autant  que  l'on  peut,  qu'on 
prend  en  bonne  parc  tous  les  avis 
qu'on  nous  donne. 

D,  Doit-on  conhderer  cette  con- 
duite comme  importante  a  notre 
falut  ? 

5?.  Le  faint  Elpric  nous  propofe 
cette  docilité  à  recevoir  les  avis  & 
les  correâiioas  ,  comme  fi  abfolu- 
ment  necellaire  ,  qu'il  n'y  en  a  noinc 
qu'il  répète  iî  fouvent  dans  les  in- 
ftructions  qu'il  nous  a  fait  donner  Aurisquiati- 
par  le  Sage.  L'oreille ,  dit  la  iainte  nis  yi^x^^la' 
Tome  IL  X 


141     Delà   Charité* 
medio  fapicn-    Ecricui'e ,  aul  écoiitc  Us  reprimanic 

tiuni  coiiiUiO'       ri'  j       r         '  J  1 

labicur.  Qui  ab-/^*''^*^^'^'?->  "'  la  Vie  ^  demeurera  dan 
jicit  diicipiinâ  ,  l^affdmbléc  dcs  faz^s  '  celiiy  qui  rcjett 
iuâ  i  quiauccm  i^  corrcction  J  nïeprije  jon  amc  ;  mat 
acquieicu  m-      celnv  qui  fc   rend  aux  réprimandes 

crepationibiis  rr    )      r  r-,   1  •        •  t 

poiieflor  cftcoi- pV/^«^ /^«  cœur.   Ceinj  ejia    a-rne  i 

dis.  f  roy  ij  51.  corrcEïion  ^  aime  la  fcicnce  j  mais  ce 

Qui  diligit      li^y  (^if-i  haït  les  réprimandes  ,    efl  u 

difcipimam,di-  infenCe.  Ceux  donc  qui  éloignent  pa 

lieu  icientiam  :  1         -^w,.  ,t     1  r  •  1 

qui autem  odic  icur  delicatelic  les  perionnes  qui  le 
incrcpationcj ,    approchent  ,  de  leur  dire  la  vérité 

inlipicns  cit.         ri-  •  11  i> 

^rov.ix.i,  le  doivent  crou'e  coupables  d  un 
faute  tres-confidcrable ,  parce  qu'ij 
fe  privent  de  la  lumière  qui  leu 
peut  être  necelîaire  dans  des  occa 
lions  très-importantes. 

Ainfi  toutes  les  perfonnes  vraye 
ment  fages,  &  qui  connoilîènt  Icui 
ténèbres  ,  doivent  aller  en  quelqu 
forte  au-devant  de  la  vérité  par  leui 
recherches  ,  en  demandant  confeil 
ceux  dont  ils  efperent  pouvoir  tire 
quelque  lumière  ,  félon  qu'il  eft  d 
dans  la  fiinte  Ecriture  ,   Qj4s  l'ho?/. 

Aftutus  omnia  ;^^f  p^^^^Vf^^^  f.^J^  ^oyj-  ^y^Q    conftll.    I 
agit  cum  conli-    ,    /  \^    .  ''      r 

ho.  bt9v.  ij.    doivent  aulli  donner  un  accès  rac 

i^-  le  ,   en  recevant  avec  gratitude  1( 

avis   que  les  autres   leur  donnenî 

fans  fe  rendre  difficiles  6c  délicà 


'ÏKVEllS    SOY-MEMB,  l^lf 

i  fiir  les  manières  ,  ôc  fans  exiger  des 
■]  précautions  étudiéjs ,  qui  éloignent 
cres-iouvent    d  eux   les   perfonnes  , 
dont   les  avis  leur    pourroienc  être 
utiles   -y    c'eft  par  ces  moyens  qus 
i  ceux  qui  défirent  véritablement  leur 
•  falut  ,   le  mettent  en   état  de  pro- 
i  fiter  de  la  lumière  de  tout  le  mon- 
de ,  ik  d'avancer  dans  le  chemin  de 
la  perfection. 


CHAPITRE    IV, 

Ce  qu'il  faut   confiâcrer  d^ns   le 
choix  d' un  Directeur. 

§.  L 

De  la  necelJlté  des  DlrcElsHrs. 

X>,  T^  St-ce  une  pratique  ancienne 
jT-  dans  le  Chriftianifme  ,  & 
n'eft-ce  point  une  nouveauté  intro- 
duite par  quelques  perfonnes  ,  que 
celle  de  fe  foumettre  à  la  conduite 
de  quelqu'un  ,  pour  fuivre  fes  lumiè- 
res  <Sc    fes  avis  dans    le  détail  de 


i44        ^^  ^  ^  Charité* 
fes  allions  &  de  fa  vie  ? 

^,    Tout  ceux  qui  ont  prefciit  c 

règles    de   la    vie  Religieulc  , 

preicrit    celle-là   comme  Tune    ( 

.     .,  plus  importantes  :   Lors  ,  dit  fa 

3ujam  quod      vaille  ,  que  Dieu  vous  aura  inlp 

uiienis  rébus     [q  (Jef^-  j^  changer  de  vie  ,    Ôc 

nancmm   remi-  ^  ^      .  '    ,     ^ 

icris,  honoratû  VOUS   conlacrcr   entièrement   a  1 
^^  ^^r^'^/f ^''^'    Tervice  ;  il  faut  que  vous  employi 

rum  reeiitijlam-  a  r   •  i  • 

mâquc  potius     tout  votre  loiu  ,  &  toute  la  circo 
vigiUmiâ ,  a-    ipedion    poiïible  ,    afin  de  trouv 

ccitiinaque  in       ■»     ,  a  '  t    •         i 

omnes  partes  a-  un  homme  pour  VOUS  tTouduire  da 

nimicircumfpe-  J^   vic    OUe    VOUS    avCZ    choiflC  ,    C 
aioaeopcram  r  •  i  i  •     j        "  '   ' 

dato,  uc  aiiqué  ne  ioit  capable  ,  ni  de  s  égarer  lu 
tibi  virum  m-  j^^^-^-j^^     ^^j  ^^  £,ij-^  égarer  les  autre 

veuias ,  qaem  '  .  r  •         1  t  • 

in  omnjbas  de-  Cc  rere  dccrit  enluite  les  quaiit 
inceps  deî^-.j     j    ^^  Dircc1:eur  ,  &  ajoute  :  Quai 

tibi  vira  ItuQiis  '  )  ^ — 

cettifljmuna  du-  VOUS   aurez    rencontre  un    homn 
ceni  feouare  •  ^-  qualitez  ,  défaitcs-vo 

qui  requin  iier  de  votrc  propre  volonté ,  loumctte 
\L?^buT^c\ll^c,  vous  entièrement  à  luy,  ouvrez^i 
icuz  co.Timonr-  yotrc  CŒur  ,  afin  que  vous  dev 
^' Ac  lî  taicm  ^^^^  comme  un  vafe  très- net.  Enfui 
qucaipiaiîi  nac-  aprés  avojr  décrit  Tutilité  de  cet 
v^'ero^viiinta-'"  foumifTion,  il  conclut  en  ces  terme 
tem  tuam  om-  Si  doiic  Dieu  VOUS  fait  la  gra 
fovas  pfoiicito  :  dc  trouver  un  homme  de  cette  le 
itque  hoc  ubi  iq  ^  ^  VOUS  Ic  ttouvcrez  fans  dou 
jni'^  ucVmccrif!  fi  ^«^'-^s  le  cherchez  comme  il  faui 


ÎNVERS     SOY-MEME.  245" 

prenez  cette  ferme  &  confiante  re-  ^"^"f"  7)"^^ 

^  ,      .  ,  ■         r  •  r        vas  quoadam  e- 

olution,dc  ne  rien  rairc  que  par  Ion  xifias,  qui  quae 
ivis.  Car  fi  vous  faites  quelque  cho-  ''^  ^'^  infundan- 

"     -^     r         •     r  A  ^^^  virtutcs,  aa 

e  a  ion  nilçu  ,    vous  commettrez  laudcm  Dei , 
m  larcin  &  un  facrileee.  gioriamq.ue  ab 

*~>  orani  vitio  ca- 

»  ftas  conlerves. 

Si  igitur  Dci  munere  talem  quempiam  virum  inveneris  pror- 
ïisautcm  fi  peiyeitigaie  volaeris  ,  invenies  )  magiftruni  bonorum 
)periim ,  hoc  apud  te  conftanteu  teneto  ,  ut  nihil  omuino  quic- 
[uara  prx'tci-  ipàus  lencentiain  facias.  Quidquid.  enim  co  infciente 
3cis  j  id  futcunî  ac  facniegiurxi  cft.   S.    bajii.  de  abdtcat.  rnum. 

Saint  Jérôme  prefcrit  à  peu  prés  ^,ri^r,,^^^_ 
es  mêmes  choies  à  Ruftique.  Ne  ccaî ,  &  abique 
.oyez  pas,  dit-iî  ,^  votre  maître  a  ^f^^^  ,,^, -^^j 
v'ous-mcme  ,  &  n'entreprenez  pas  nunqua  ingref- 
ie  marcher  fans  fluide  dans  un  che-  l^,^fl,U  ,n  nïï" 

o  que  cioi  in  pat» 

nin  oii  vous  n'avez  jamais  marché,  cem aicciamde- 

^  )  ciinanduin  fit .  , 

c^royez  que  tout  ce  qu  on  vous  or-  p.^pofuumMo- 
donnera  vous  eil:i.alutaire,(Sc  ne  pre-  nafteiii  timcas 

11]  /     j       .  ,         ^      ■     ut  Dominum  , 

lez  pas  la  liberté  de  juger  des  avis  ^iiigas  ut  pa 
de  ceux  qui  font  au-deiius  de  vous  5  lentem  ;  credas 

A  j  •       '  ii    1    /  ■  ri'        tibi  falutaie 

votre  devoir  étant  d  ooeir  ,  &  d  e-  .^uidquid  iile 
xecuter  ce  qu'on  vous  prefcrira.    Et  pi^cepem,  n«c 

j     r  •  ^  ni  r     n        1      de  majorum 

quand  iaint  Benoiit  dans   la  Régie  fentemiâ  judi- 
Dbliïie  tous  les  Relideux  de  décou-^^^,  cujus  ofH- 

.   "^1  -,        „  ^,  .  ci i  cft  obcdirc  ôc 

vnr  leurs  peniees  <x  leurs  tentations  ijupicie  quae 
à  leur  Abbé,  c'eft  la  incme  chofe  J'^î^'^  i"''^-  ^ 
que  s'il  les   obligeoit  de  fe  foumct-  rI'^'/''  ^' 
cre  à  fa  diredion.  De  forte  que  les    „. 
Conciles  de  France  ayant    déclaré  ^um^cJ^r 

X  11) 


1j^6      De   la    Charité' 
fntritUters^rar.  ^^q  ccttc  ordonnaiicc  de  laReele 

tuni  ^bù.iti   <^^'    /   ■  n  -,  ,  ^        ,'  il' 

fpnjtuaidus  fe.  idint  IJenoilt ,  S  cntendoic   des  At" 
^tonkus  pauf.^  bdles  ,    auffi-bicn  que  des  Abhez 

ciMt  ,    (jut  jetant  ^  1/11 

eurarefua,^a'  US   R'S    Ollt    pOI     la  CtablieS    Dktôn] 
iunavulneranen   ^^^    ^^  |^.^j.  ReligieufeS.    Oïl  IlC  PCI 

ditt^trc     &     pu-  &  ^  t 

ihcMre.  donc  douter  que  ce   qu  on  appci4 

tQux&  inMo-  Dire6i:ion  ne  loin  une  partie  effer 
Bobiis,  ergafui  tielle  de  la  Vie  Religicule,  &  qu'el 

M^riTe;.'!":'::  ^f  n'^>'  «^  pratiquée  de  tout  temp 

très  opoitet       dans  tous  les  Monafteres, 

Monachas  ob- 

Tcivare     Cor.e,  Duz^taf.  i.  c^p.  8. 

D,  S'enfuit-il  de  là   que  la  direc 
tion  loit"  utile  ou  neceiïaire  a  ceu: 

s 

c]ui  vivent  dans  le  n-!onde;&:  ne  peut 
on  point  dire  qu'elle  n'eft  bonnt 
que  pour  les  Cloîtres  ,  d'autant  pluj 
qu'il  femble  que  la  pratique  de  k 
direcflion ,  telle  qu  elle  eft  aujour- 
d'huy  ,   foir  allez  nouvelle  ? 

R.  La  direction  particulière  étoit 
autrefois  moins  neceiïaire  ,  qu'elle 
ne  i'eil  a  prefent,  pour  bien  des  rai- 
fons, 

1°.  La  corruption  étoit  fans  con- 
tredit moins  grande  :  ainfi  l'exem- 
pie  des  gens  de  bien  ,  étoit  une  rè- 
gle vivante  que  les  particuliers  xi'a- 
voient  qu'à  fuivre» 


ENVERS     SOY-MEME.  247 

J    1®.  Les  peuples  é:oient  beaucoup    vos, Patres > 

s     I        .     ^       I       I  «      t,^,      .     '■    crudité  hlios  vc- 

5lus  inltruits  des  vencez  de  1  hcritu-  ftrosinDomino, 
:e  qu'ils  ne  le  font  à  prefent  :  on  la  e^lucantescosia 

-r-  «  13  !••  •  1     dilciplinaj  oc 

•.iloit ,  &  on  1  expliquoit  continuel-  monicis  Domi- 
,ilemcnt  dans  rEelife  ;   on  la  medi-  "^  ;•  ^ocete 

Cl       .  ,  ^  •  1  eos  a  piieruia- 

jEoit  &  on  S  en  entretcnoit  quand  on  ikcciasfacras,& 
étoit   revenu;   les   pères   faifoient  ^'^^'^^''' ^'^^^'' 
repeter  dans  leur  lamilie  les  mitruc-  divinarafciip- 
tions  du  Pafteur,  de  ils  y  fliifoient  turameis  tradi- 
1  omce  de  Paiteurs  &  de  Directeurs,  /  4.  cio. 
à  réeard  de  leur  femmes ,  de  leurs    Unufqairquc 

o  n  ■  etiain  pareira- 

enfans  ^   ôc   de  leurs  domeftiques  ,  miiias  hoc  no- 
comme  les  Conflitucions  Apoftoli- "^^^"^'"^'X 
ques  le  prefcrivent  expreiicment ,  &  tum  fus  tamiiix 
comme  S.  Auguflin  Ta  enfeignéde-  chnfto  &  pro 
puis^  Ainfi,dit  laint  Chryiof!:ome,les  vkâ  xcemâ/uos 

•r  •       1-  ''     •  1  omries  admo- 

maiions    particulières  etoient  alors  ^^^^^    doceat 
des  Eglifes.  Plufieurs  pratiquoient  la  hortctur  ,  cor- 
confeiîion  mutuelle  des  fautes  lege-  arrbcnei^f&n" 
res  aux   Laïques  même  ,  félon  Por-  ^iam ,  exeiccac 

1  1      r  •  T  o      T         diiciplinam  ;  ita 

donnance  de  lamt  Jacques  ;   &jo-  in  domo  lua 
nas  Evêque  d'Orléans ,    le    prouve  Eccicfiaflicum 
par  le  témoignage  de  Bede  ,    àc  par  do  Ep::copaie 
plufieurs  autres  Pères,  Or  il  eft  pro-  mipie,)iroftici«. 
bable  ,  que  comme  ils   leur  decou-  ,,. .., io^„. 
vroient  leurs  fautes,  ils  recevoient    Tuncctiam 

/•  ,  1  r  -T       r>       I  domuserant  Ec« 

ians    doute    leurs  conleils  de    leurs  c\d\x,  nunc  air. 
réprimandes,    ôc    qu'ils    en  profi- '^^^^^^'^"'^*^* 

^  *  *-  cleuaelt  domus, 

tOient,  s  CoryfojLH  --■». 


24S      De  la   Charité' 

Morjsefl  Ecckfis  de  gravioribus  peccatis  ,  faccrdotibus  ,  perqeoî 
hoiiiines  Deo  reconciliantur  ,  conf  (lionrm  faccrc  ;  de  quoudianis 
vcro  &c  Icvibus  quibufcunque  ,  perrari  funt ,  qui  inviceiii  contcfTio- 
nem  faciant.  Quod  vero  de  levibus  ôc  q^JOtidianis  peccacis  con- 
feflîo  mucua  fîcti  debcat  ,"  fequcncia  manifeftant.  Jcfus  films  Sirach 
dixit:  N-'n  c»>:fi*ndaTii  cij  fitm  peccat  >  :in  i  ii  Aloi  -.  ju/t^s  tn  1.  rtK. 
^ipio  atcufafir  tfi  fui  y  Et  Dominus  in  Evangelio  :  ^'tia  co'angtifts 
-via  eff  ,  ,^H4  liiicif  ad  vu«,w  ,  hoc  eft  ,  ^ccarorum  confcflîo.  Ja- 
CObus  Apoftolus  ait  :    Cotifiremi'H  alterAtr^m  pecratrK  ■'  e    r.-~   ,    —     f  att 

fro  tn'jtctm  ,  Ht  fal"emini.  Hunc  locum  Bcda  vencrabilis  Praefbytcf 
ita  exponitjin  hae  fcntentiâ  illa  dcbct  cfle  difcrecio,  ut  quocidiana 
ieviaquc  peccata  alterucrum  coafqualibus  confiteamur ,  eorumque 
^uotidianà  credamus  orationc  falvari.  Hier,  m  expof,  Eccief. 
^  frov.  EtUreg.  tn  Hom.  (^  Maralih.  l,  il,  c.  10.  Et  Ori^.  m  Le» 
•vit.  3    hom.  ?. 

^nat  ep    ^urtl.  l.   l.    de  Injî.  laïc,   c-   16.    tom,  t.   Spicil. 

Medicus  rc  On  ne  doit  pas  croire  que  dans  ces 
gioncs  &tcm-  fiecles-là  même  les  fidèles  neuffentr 
&  anni  paues',  pas  auffi  recours  à  ladiredtion  des 
caeteraque  hujus  pj.^^j.g3        &     prmcipalemenc     des 

genens  explora-  ^  a~>    1  a^       t- 

bit,  medica-     Evcqucs.   Cela  paroïc  allez   par  la 
menca  ctiam  x-  ^iverfité  des  remedes  dont  faint  Gre- 

grotanci   propi-         .  .  _ 

nabit  ...  nihii  goïie  de  Nazianze  ,  laine  Cnry- 
^".raeZln  ioft°™e,&  flimt  Grégoire  le  Grand. 
atque  difficile  veulent  que  les  Evêques  3c  les  Prê- 
affeausT"^  vt;  t^^^s  ulcHt  felon  les  diverfitez  des 
tam ,  vicaeque  maladies  dcs  amcs.  C'eft  en  quoy 
aif:;7,'j;«Udl  ces  Peres  font  confiller  une  des  plus 
res'inteftinas  grandes  difficultcz  de  la  charge. Pa- 
l^Z  7.  ftorale.  Et  il  eft  vifibie  que  c'elt  par- 
crcg.  N.Z..  or.  ticulicremeut  dans  les  corrections 
^*Quiigitut  q^e  les  Evêques  (Se  les  Prêtres  fai- 
pharmacuiTi  ad-  foient    en     particulier  à    ceux  qui 

hibfre  poflit         ,       .  ,-  \  ,  ,.       n,-  /i 

morbo  ei,  cu;us  CCOieiiC  ioUiHiS  l\  ICUI  CUlCCtlOrr^qU  llS 


ENVERS    SOT-MEMI.  24^ 

Revoient  ufcr  de  cette  diver/ité  de  genus  ncquaqua- 

,  .  intelligat    .... 

remèdes,  en  les  propomonnanc  aux  Quocirca  mui- 
diipoiitions  particulières  de  ceux  qui  «^  q^i'-^em  paa 

'     •  r    ^    1  j   •         Ti      n.  ^°"   *^P^^     ^^ 

etoient    lous   leur   conduite.    11   eit  prudemia ,  uc 

tres-aiie  de  ruser  que  cette  diverflté  "^^  undique 

/    <^        J  humani  animi 

de  remèdes  propoiee  par  ces  Pères,  habirum  cn-- 
avoit  beaucoup  moins  de  lieu  dans  la  cumfpicere  pcC- 
conduite  des  penitens  ,  puiique  leurs  /.  t.  defr.c.  c.  i. 
remèdes  ,  ou  pour  mieux  dire,  les  pe-  ^'/^  ^\  ^''^• 
nitences  qu'on  leur  impoloit  ^  etoienc  cHraPafi. 
prefcrites  par  les  Canons  de  l'Eglife  , 
êc   recevoienr  peu   de   variété.   On 
peut  dire  aùfïï  que  ces  remèdes  Se 
ces  moyens  n'étoient  point  propres 
à  prefcrire    dans    des   difcours  pu- 
blics &c  généraux  ,  où  Ton  ne  peuE 
pas  obferver  cetS€  proportion  avec  la 
difpofition  particulière  de  chacun  do 
ceux  à  qui  on  parle. 

[  Auiïi  eft-il  marqué   expreirémcnt     Nihil  fuferrav 
dans  les  Ades  des  Apôtres,  quiis  ï!,,",\^^Tn  ^''^' 

_  r  ^1  minus  annun- 

n'inftruifoient  pas  feulement  dans  les  riaiem  vobis^se 
Eglifes ,  mais  auiïi  dans  les  maiions.  âkè^ plrdr 
LesEveques  Se  lesPrêtres  en  failoient  i^os-  ^^^-  io- 
de même  ^c'eft  pourquoy  S.  Jérôme  %^a',  domos, 
met  entre  les  devoirs  des  Ecclefiafti-  manonarum  & 

„      ^      j^      -r^       1       r  j'  libetos  eoium. 

ques ,  de  viiiter  les  temmes,  d  entrer  {j,,r.  ep.    »i 
en  connoiiïance  de  leurs  maiions,  ik  '^^f  «'• 
de  leurs enfans. Dans  ces  vilites  on  leur 
jrendoit  compte  voloncairemenc  de  la 


i^o  De  la  Charité' 
conduite  que  Ton  tenoit  :  ctf  que  S^ 
Jérôme  marque  ,  en  ajoûcant  entre 
les  emplois  Ecclefiafliques ,  celuy 
d'être  dcpoiitaire  des  fecrctsdesper- 
fonnes  de  qualité  ;  ce  qui  fait  voir 
qu'on  prenoit  ordinairement  leurs 
conieils. 
Saint  Grégoire  le  Grand  marque' 
Talcs  autem    encore  plus  piéciiement .  que  de  ion 

fcte   qui  prxfût  1/  •  -r»    ^  r 

«xmblant,  qui-  tcuips  OH  decouvtoit  aux  Ptctres  les 
bus  fubjeai  oc-  tentations  fecrettes  :  c'eft  pourquoy 
rua  piodere  non  ce  Père  veut  qu  ils  le  conduilcnt  d  u- 
erubefcar.T  :  m  j^o  nianicre  oui  attire  la  confiance  des- 

cam  rentatio-  ,  -^ ,-  v       1  u 

num  fliidus  par- peuples  ;  en  lorte  ,  dit-il  ,  que  Ion 
vuii  toieianc^ad  j^'ait  point  de  honte  de  leur  découvrir 

Paltoris  men-      r  1  r  r 

tc,quaCadma.  les  pius  lecrets  mouvemens ,  ann 
tris  iinum  rc-     q^o  lorfque  les  petits  ou  les  foibles 

curran: ,  &  hoc    J  .  J-  \        n  1 

quod  fe  inï^ui-  iont  agitcz  pat  les  nots  des  tenta- 
nari  puifanns    j^qj-jj     ils  puilïènt  recourir  aux  avis 

culps  fordibus      ,     I  Vi  r  •       1 

przvident ,  ex-  de  leurs  Pafteurs ,  comme  au  lem  de 
hoitationis  cjus  j     .  ^         g^jjg  reconnoilfenc 

fo]ano,acla-  ,  >,    ,  ^     .. 

crimis  orationis  qu  US  Ont  cte  louiliez  par  quelque 

ime^fôr^^tl^nfî  ^^^^^  '  ^^^  ayent  moyen  de  s'enpu- 
piiadabiuendas  rifier  par  leurs  exhortations  3^  par 
mfrms^^aï'rL-  l^urs  pricrcs  ï  a  quoy  il  ajoute,  que 
nzum ,  id  eft ,.  les  Ptêtres  qui  font  ainli  provifion  de 
dedm  Vorcs''''"  condelcendance  Ôc  de  patience  pour- 
portant,  s.  purifier  les  fidèles  des  fautes  qu'ils^ 
Fajî.p.  y  e.  <.  leur  confeilent  5  pratiquent  ce  qui  elt 


ENVERS    SOf-MÊWÉr  25Î 

prcfcrit  dans  l'ancienne  Loy  :  Qu'ils 
mettent  un  vale  d'eau  à  la  porte  du 
Temple  ,  &  donnent  ainli  moyen  à 
tous  ceux  qui  dei?Lent  de  s'ouvrir 
rentrée  au  bonheur  éternel ,  de  dé- 
couvrir leurs  tentations  à  leurPaf- 
teur  ,  ôc  de  laver  ainfi  les  fautes 
qu'ils  ont  commiics  par  leurs  pen- 
fées ,  ou  par  leurs  aélions  ,  dans  ce 
vafe  d'eau  porté  par  des  bœufs ,  qui, 
félon  les  Interprètes  dés  Livres  Sa- 
crez ,  font  la  figure  des  Paftcurs 
qui  prêtent  leur  miniflere  pourpuri- 
~fier  les  fidèles ,  ôc  qui  foutiennent 
le  poids  de  cette  mer  myfterieufe  de 
la  pénitence  ,  lorfqu'ils  fe  chargent 
de  la  confcience  des  pécheurs ,  3c 
qu'ils  travaillent  à  les  laver  de  leurs 
crimes. 

Enfin  5  il  ne  faut  pas  croire   que  4^ 

dans  les  plus  purs  iiecles  de  l'Eglife^ 
on  n'ait  pas  faivi  ceravis  du  Sage  ,    Adutusomnb 
que  ievyay  prudent  doit  faire  tout  avec  agit  cam  confi- 
ai? «;?//- Et  celuy  àc  i'Ecclefiaftique  /g.'      '""'  '^' 
qui  dit  ,  qitilfimt  cholfir  pour  coriCeil     Gonfiliarius- 

;  .,,  -^     ^  1,  fit  cibi   unus  de 

im  homme  entre  7nule,    Ce  que  1  on  naiu«.  giM,  6* 
peut  dire  cil ,  que  dans  les  premiers  ^• 
£eclesde  l'Eghfe  ,  la  direction  ne  le 
pratiquoit  pas  parmi  les  laïques  de 


Ij  1  D  f  LA  Charîté' 
la  même  manière  qu'elle  le  prati- 
c|uc  maintenant ,  parce  que  la  con- 
felîion  des  péchez  véniels  n'étoit  pas 
encore  dans  un  ufige  fi  ordinaire  j 
on  ne  s'adrefloit  aux  Prêtres  que  par 
manière  de  conleil  ,  &  pour  être  pu- 
ritie  de  Tes  fautes  ,  comme  dit  fanic 
$.Grei.î»($  Grégoire  ,  par  leurs  exhortations  & 
H'  ^"'  par  leurs  prières, 

£>.  Les  mêmes  raifons  qui  ont 
porté  les  Fondateurs  des  Ordres  à 
foûmettre  leurs  Religieux  à  robeiT- 
faiîce  d'un  Père  fpirituel  ou  d'un  Di- 
re(5leur,  font-elles  allez  fortes  pour  y 
obliger  aufïï  ceux  qui  vivent  dans 
le  monde  ? 

^.  Elles  le  font  beaucoup  plus  , 
comme  il  efl  facile  de  le  faire  voir. 

1°.  La  volonté  de  Dieu  eft  décla- 
rée aux  Religieux  fur  la  plupart  des 
chofes  ,  par  leurs  Conftitutions  de 
par  leurs  Règles  ;  en  forte  qu'il  en 
refte  tres-peu  fur  lefquelles  ils  ayent 
befoin  de  coniuker  un  Directeur  : 
mais  au  contraire,  les  leculiers  font 
engagez  dans  beaucoup  d'afFaires  dif- 
férentes de  obfcures  ,  Se  ont  beau- 
coup plus  befoin  de  lumière  ;  ainfi, 
ils  font  plus  obligez  par  conlequenc 


■ENVERS    SOY-MF.ME.  IjJ 

4'ïivoir  recours  au  conleil  d'autruy. 

2**.  Les  Religieux  s'occupent  beau- 
coup à  la  ledluie  ôc  a  la  prière  ,  ÔC 
peuvent  trouver  dans  ces  moyens 
plus  facilement  la  lumière  neceilaire 
pour  le  conduire  dans  la  voye  du  fa- 
lut.  Les  leculiers  s'y  occupant  beau- 
coup moins ,  ont  plus  befoin  par 
conlequent  d'emprunter  d'autruy  la 
lumière  qui  leur  eil  neceiraire. 

3°.  L'une  des  principales  «5j  des 
plus  importantes  railons  qui  nous 
doivent  porter  a  nous  loûmettre  à  la 
conduite  d'un  Direcfleur  ,  eft  que  la 
-palîion  &  l'amour  propre  nous  aveu- 
glent d'ordinaire  dans  nos  propres  af- 
faires,  6c  nous  juftifientdans  nos  dé- 
fauts ;  ainli  ,  il  ne  paroit  pas  qu'il  y 
ait  de  moyen  plus  naturel  de  plus 
propre  pour  en  éviter  Les  lurprifes , 
que  de  s'en  rap>porter  à  un  homme 
-de  bien  ,  qui  n'ait  point  de  part  à 
nos  paillons  ,  afin  que  ce  foitîa  rai- 
Ion  &  la  Loy  de  Dieu  qui  nous  ccn- 
duifent  ,  ôc  non  pas  nos  caprices  & 
nos  fantaines.  Or  cette  raiion  a 
beaucoup  plus  lieu  à, l'égard  des  per- 
fonnes  qui  vivent  dans  le  monde, 
qu'a  l'égard  de  celles  qui  font  enga- 
gées dans  les  Monafleres ,  parce  que 


1^4  D  f  ^  A  Charité* 
-dans  le  monde  les  paflions  font  plu 
vives  ,  &:  les  aftaires  qui  s'y  traitent 
plus  capables  de  les  exciter  •  par  con 
îequent ,  ceux  qui  vivent  dans  le 
monde  lont  encore  plus  obligez  que 
les  Religieux ,  de  tacher  de  fe  mettre 
à  couvert  des  furprifes  de  leurs  paf- 
iions  (Se  de  leur  amour  propre ,  par 
le  conleil  d'un  Directeur. 

4^.  Plus  on  tombe  fouvent,  plus 
on  a  beioin  d'être  louvenc  relevé 
par  les  avertilîemens  &  par  les  cor- 
redlions  des  autres.  Les  chûtes  étant 
donc  bien  plus  frecuentes  dans  le 
monde  que  JiUis  les  Monaileres  ,  oji 
doit  tâcher  de  s'y  procurer  des  per- 
fonnes  iidelles  ,  qui  par  leurs  avis 
nous  aident  à  nous  relever  ,  ou  qui 
nous  preiervent  des  chûtes  ;  £c  c'eft 
proprement  l'office  des  Directeurs. 

j°..  Enfin  ,  loit  dans  le  Monaitere  , 
foit  dans  le  iiecle  ,  ouelt  également 
obligé  de  luivre  la  volonté  de  Dieu  , 
Se  non  pas  la  fienne.Car  fi  Jefiis-Chrift 
luy-même  lur  la  terre  n\i  pas  cru 
pouvoir  faire  fa  volonté  ,  qui  olera 
dire  qu'il  luy  loit  permis  de  luivre  la 
fienne  ?  Or  pour  fuivre  la  volonté 
de  Dieu ,   il  la  faut  connoître  ;  «Se 


ÏNVEPV.S    SOY-MEME.  l^j 

qtiand  on  ne  la  connoît  pas  par  foy_ 
niême,  c'elliiiie  neceffité d'avoir  re- 
cours a  la  lumière  d'autruy.  Si  donc, 
comme  il  paroît  évident ,  les  per- 
fonnes  du  monde  connoiifent  moins 
ce  que  Dieu  veut  d'eux  ,  que  les  Re- 
ligieux ,  à  qui  prefque  toutes  leurs 
adiions  lont  preicrites  par  leurs  Rè- 
gles Se  leurs  Conflitutions  ,  ainii  que 
nous  avons  déjà  dit  ;  il  eft  clair  qu'ils 
font  plus  étroitement  obligez  de  tâ- 
cher de  s'en  inliruire  ,  &c  de  le  con- 
duire par  les  conteils  d'un  Directeur. 

D,  Faut-il  que  le  Directeur  foie 
unique  > 

^,  Cela  n'eft  pas  eirendel ,  car  un 
Directeur  n'étant  autre  choie  qu'un 
homme  de  qui  on  prend  confeil  pour 
les  chofes  fpirituelles ,  rien  n'empê- 
che que  l'on  ne  prenne  confeil  de 
plufieurs  perfonnes ,  tV  que  l'on  ne 
s'adreife  tantôt  à  un,  tantôt  à  un  au- 
tre ,  félon  que  l'on  eipere  d*y  trou- 
ver de  la  lumière.  Mais  il  eft  bien 
clair  qu'une  perfonne  qui  fçait  la 
fuite  de  nos  inclinations  ,  nôtre  pen- 
chant, nôtre  tempérament,  &  les 
fautes  qu'ils  nous  font  faire  ordinai- 
rement ,  eft  bien  plus  capable  en 


15^  D£  LA  Charité* 
b.^iucoQp  d'occafions  de  nous  dov 
ner  conlcil  ,  qu'une  perfonne  qi 
nous  connoît  peu,  Ainfi  ,  il  c 
vray  qu'il  faut  fe  réduire  ,  autar 
que  Ton  peut  ,  a  l'unité  d'un  Direc 
teur  ;  d'autant  plus  que  la  diverlit 
des  fentimens  donne  lieu  a  l'amou 
propre  de  s'aurorifer^  de  choiiir  le 
avis  qui  iont  les  plus  favorables  a  no 
inclinations.  Ce  que  l'on  dit  ici  d( 
l'unité  d'un  Direâ:eur,n'empêche  pa 
néanmoins  que  dans  la  decifion  d< 
certains  cas ,  on  n'en  puilfe  coniul- 
ter  d'autres,  que  l'on  auraraiion  d( 
croire  être  plus  éclairez  fur  ce  point 
que  le  Directeur  ordinaire. 

D.  Que  doit-on  obierver  dans  le 
choix  d'un  Directeur? 

R.  Il  faut  éviter  également  dans  la 
direction,  la  gêne  ,  la  légèreté  «Se  la 
duplicité  de  cœur.  La  gène  qui  fait 
que  l'on  le  lie  cà  des  hommes  contre 
i'inrerêt  de  fa  conlcience  ,  <5c  que 
l'on  fe  prive  de  la  lumière  qu'on 
pourroit  trouver  dans  les  avis  de 
ceux  qu'on  jugeroit  plus  éclairez. 
La  légèreté  par  laquelle  on  confulte 
tantôt  l'un  &  tantôt  l'aucre  par  un 
pur  caprice.    La   duplicité  du  co'ur 

qui 


ÎNVE'RS     SOY-MEME.  257 

îui  porte  à  s'adreJÎer  à  divers  Dire- 
fteurs ,  non  pour  connoîcrc  la  vericc, 
nais  pour  fe  cacher  à  fon  Directeur 
ordinaire  ,  oa  pour  en  trouver  dont 
es  avis  foient  favorables  à  fes  in- 
:linations. 

/).  Eft-ce  une  bonne  pratique  pour 
éviter  la  légèreté,  de  faire  vœu  d'o- 
3éïr  à  un  certain  Diredteur  ? 

-/?.  C'eft  une  pratique  tres-dange- 
reufe  5  &  qui  a  ordinairement  de 
mauvaifes  fuites.  Aind  un  Dire- 
6beur  qui  y  porteroit  les  perfonnes 
qui  s'adrenent  à  luy  ,  ou  même  qui 
foufïriroit  cet  en^a^ement ,  devroir 
être  extrêmement  fu(pc6l.  Quelques 
faintes  âmes  ont  néanmoins  fait  ce 
vceu  avec  fimplicité,mais  ces  adVions 
font  plus  admirables ,  qu'imitables. 

D,  Doit- on  conclure  de  ce  qui  a 
été  dit  ci-deiîus ,  quil  eftabfolument 
neceilàire  à  tout  Ciirétien  defe  fou- 
mettre  à  la  direélion  de  quelqu'un? 

E.  Non  ,  i^.  Parce  qu'il  peut  y 
avoir  des  lieux  où  l'on  ne  trouve  per- 
fonne  que  l'on  puille  prudemment 
choiiir  pour  Direàjur,  comme  nous 
le  dirons  ci -après  j  or  dans  ces 
rencontres  il  faut   trouver   d'autics 

ra.^nc  IL  Y 


içS      De  LA  Charité* 
voyes    pour     luppléer     au    fccour 
qu'on   pourroit  recevoir  d'un  Due 
âeur  éclaire. 

2°.  Parce  que  la  roumiiïion  a  ui 
Dire(fteur  n'eil:  pas  toujours  l'uniqu. 
moyen  pour  obtenir  de  Dieu  la  lu- 
mière qui  nous  eft  necefifaire  pou 
nôtre  conduite  :  Se  quiconque  a  une 
jufte  confiance  d'avoir  cette  lumière 
n'eft  pas  obligé  par  une  loy  généra- 
le de  le  foûmettre  à  la  direction  d'au- 
truy. 

Mais  ce  qui  eft  certain  ,  eft  que 
tout  homme  eft  obligé  de  fuivre  U 
volonté  de  Dieu  dans  la  conduite  di 
fa  vie  :  Que  cette  volonté  de  Dieu 
n'eft  pas  connue  en  toute  forte  d'oc- 
ca{îo4is  à  tous  les  Chrétiens  ,  foit  è 
cauie  de  leur  ignorance  qui  la  leui 
cache  ,  foit  à  caufe  des  ténèbres  que 
leurs  pafîîons  répandent  dans  leur 
efprit.  Que  dans  ces  occafions  ils 
font  obligez  de  rechercher  la  lu- 
mière qu'ils  n'ont  pas  ,  &  de  pren,. 
dre  les  moyens  neceilaires  pour  l'ac- 
quérir. Que  fi  n'en  ayant  point 
d'autres  que  de  confulter  leurs  Pa- 
fteurs  ,  ou  de  s'adrellcr  à  quelque 
perionne  capable  de  les  inftruirc^  ils 


ÏNVERS    SOY-UËMté  10 

:r]  ftegligent  ce  moyen  ;  il  efl;  clair 
qu'ils  feront  coupables  non  feule- 
ment des  fautes  qu'ils  commettront 
par  l'ignorance  de  la  verité^mais  auiïî 
de  leur  négligence  à  la  chercher  6c  a 
s'en  iuftruire.  Et  comme  ces  occa- 
sions font  fréquentes  ,  il  efl:  clair 
qu'il  y  a  un  très-grand  nombre  de 
Chrétiens  qui  font  coupables ,  en  ce 
qu'ils  agiiïent  fans  conleils.  Se  qu'ils 
fe  privent  de  la  lumière  qu'ils  au- 
roient  pu  recevoir  en  s'adreilantàun 
Diredeur. 

D,  D'où  vient  donc  qu'il  y  a  fî 
jpeu  de  perfonnes  qui  le  foumettent 
à  des  Dn'edteurs ,  &  que  même  la 
plupart  des  perfonnes  du  liecle  re- 
gardent cette  pratique  comme  une 
foiblelfe  d'efprit? 

R,  C'efi:  qu'il  y  a  tres-peu  de  per- 
fonnes ,  6c  lur-tout  parmi  les  hom- 
mes du  monde,  qui  ayent  le  foin 
qu'ils  devroient  avoir  de  leur'ame 
éc  de  leur  falut.  Ils  font  fi  éloignez 
d'avoir  la  lumière  qui  leur  efl:  necef- 
faire  pour  leur  conduite  ,  qu'ils  ne 
connoiirent  pas  même  leur  aveugle- 
ment ,  &c  qu'ils  croyent  voir  clair 
dans  les  plu^  épallfes  ténèbres.    Car 

Yij 


i6o  De  la  Charité' 
il  n'y  a  perlonne  d'eux  ,  qui  ne  de- 
meure d'accord  de  ce  principe,  qu'il 
faut  chercher  la  lumière  quand  oîi 
tic  l'a  pas.  Mais  le  mal  ordmaire 
de  ces  gens  eft  de  croire  qu'ils  font 
éclairez  ,  lorlqu'ils  ne  le  font  nulle- 
ment ,  (Se  leur  orgueil  leur  fait  for- 
mer des  principes  de  conduite  qui 
ne  lont  fondez  que  fur  leur  témé- 
rité &leur  préfomption. 

i).N'efl:-ce  pas  avoir  un  Direâ:eur, 
que  d'avoir  un  Confellèur,  à  qui 
Von  découvre  fes  péchez  quelques 
fois  Tannée  }  Or  il  y  a  peu  de  Chré- 
tiens qui  ne  pratiquent  cela  ? 

J^,  Non ,  car  on  ne  dit  a  fbn  Con- 
feiTeur  que  les  chofes  fûtes.  Or  la 
principale  utilité  d'un  Directeur ,  efi 
de  prendre  avis  de  luy  lur  les  chofes 
qui  lont  à  faire.  On  ne  découvre  au 
Confeifeur  que  ce  qu'on  connoît  de 
fes  défauts  ,  or  il  faut  s'adreifer  à 
un  Directeur  pour  apprendre  à  fe 
connoître  ,  en  luy  expofant  non  feu- 
lement ce  que  l'on  croit  avoir  fait  de 
mal  ,  mais  en  le  rendant  Juge  de 
toute  la  vie  ôc  de  toutes  les  adions 
particulières  ,  dans  lefquelles  il  ie 
glillc  fouvent  beaucoup  de  fautes 


ENVERS    SOY-MFMr.  l.'^.T 

que  nous  n'y  découvrons  que  par  lesr 
lumières  que  Ton  re<^oit  d'un  Direc- 
teur intelligent. 

^.     IL 

De  ce  que  doivent  faire  cettic  qui 
ne  fc  dur  oient  trouver  de  JDire^ 
cteun  di^ns  le  lien  cùih  vivent^ 

-D.   Doit-on  regarder  comme  une 
choie  facile  de  trouver  un  Direcleur? 

F,  S'il  eil:  vray  ,  comme  le  dit  le 
faint  Prêtre  Avila  ,  qu'il  faille  choi- 
fir  un  Directeur  entre  mille  ;  6c  com- 
me dit  faint  François  de  Sales ,  entre  lYfdfvoul 
dix  mille  ^  &  s'il  doit  avoir  les  con-  c  4. 
ditions  qu'ils  demandent  ,  comme 
d'être  àoCcQ  ,  fpirituel ,  expérimen- 
té ;  il  eft  elcïir  que  non  feulement  ce 
n'eft  pas  une  chofe  facile  que  d'en 
trouver ,  mais  qu'il  n'y  a*  rien  même 
de  plus  difficile.  L'expérience  de 
plus  ne  fait  que  trop  voir  qu'il  y  a 
iouvent  non  iculement  plulieurs  vil- 
lages de  la  campagne ,  mais  même 
des  villes  entières, dans  lefquelles  on 
ne  trouve  perfonne  qui  ait  les  quali- 
cez  marquées  par  faint  François  de 


i6i  De  la  Charitë^ 
Sales  comme  necelîaires  aux  Dire- 
6teurs ,  &  ou  au  contraire  on  ne  ren- 
contre que  des  Prêtres ,  de  la  lu- 
mière defquels  on  a  un  jufle  iujet  de 
fe  défier  :  enfin  ,  dans  les  lieux  même 
où  Ton  trouve  des  Prêtres  fjpirituels 
6c  vrayement  éclairez  ;  ils  font  fou- 
vent  tellement  accablez  d'occupa- 
tion 5  qu'ils  ne  peuvent  donner  le 
temps  necelfaire  à  la  direction  de 
ceux  qui  s'adreiTent  à  eux  ,  ni  entrer 
dans  le  détail  de  leurs  adions  &  de 
leur  conduite. 

-D.  Que  peuvent  donc  faire  ceux 
qui  fe  trouvent  dans  ces  conjoncftu- 
rcs  ?  Faut-il  qu'ils  fe  contentent  des 
Directeurs  que  l'on  trouvCjtels  qu'ils 
puifîênt  être  ,  ou  faut-il  qu'ils  iè 
pallent  de  Directeur? 

R.  On  ne  peut  dire  précifément  ni 
l'un  ni  Pautre.  Car  on  peut  avoir  de 
il  juftes  défiances  de  la  lumire  d'un 
Directeur ,  qu'il  vaut  mieux  en  cer- 
taines occafioas  ne  s'adrelVer  point  à 
luy  5  que  de  s'y  adreller.  C'eft  ce  qui 
porte  le  Bienheureux  Avila  à  con- 
feiller  à  quelques  perlonnes ,  que 
lorfqu'elles  ne  rencontreront  pas 
des  Confelfeurs  tels  qu'il  feroita  fou- 


ENVERS     ^OY-MÈMt,  25j' 

fiaiter ,  elles  le  concenceiit  d'aller 
à  confeiTe  trois  ou  quatre  fois  Tan, 
lâns  faire  de  liailon  plus  particulière 
avec  ces  Confeilèms.  Cet  avis  eft 
particulièrement  neceilàire  aux  filles,, 
qui  ont  plus  befoin  que  d'autres ,  de 
prendre  garde  à  qui  elles  s'adrellent,- 
Il  fe  peut  faire  auiîi  que  quoy  qu'un 
Prêtre  n'ait  pas  toutes  les  qualitez 
qu'il  feroit  à  deiirer  dans  un  Confei- 
feur  ,  il  ait  pourtant  des  lumières  , 
par  lèfquelles  il  peut  être  utile  à  ceux 
qui  s'adreifent  à  luy  j  ôz  il  eft  cer- 
tain que  dans  cetts  conjonclure  ,  on 
fait  mieux  de  s'adreflèr  a  luy  Se  de 
fuivre  Ton  avis ,  que  de  fe  régler  par 
fa  propre  lumière. 

Tout  ce  que  l'on  peut  donc  dire  fur 
ce  fujet  efr,que  la  connoiiïance  géné- 
rale des  préceptes  de  l'Evangile  ,  la 
pureté  de  cœur  ,  de  les  prières  con- 
tinuelles peuvent  donner  aiîezde  lu- 
mière aux  Chrétiens  pour  régler  la 
confiance  qu'ils  doivent  avoir  à-  leur 
Palpeur  ,  de  pour  dilcerner  non  feu- 
lement les  loups  des  brebis  ,  félon 
les  termes  de  l'Evangile  ,  mais  aufîi 
les  ténèbres  d'avec  la  lumière  ,  dans 
ceux  qui  ne  font  ni  univerfellement 


1^4  I^î  l'A  Charitî' 
bons,  ni  univerfellement  mauvais 
Ce  difcerncment  n'eft  pas  facile 
ainfi  ce  doit  être  aufîi  l'un  des  plu 
grands  objets  de  nos  prières ,  que  d( 
demander  à  Dieu'  un  guide  lûr  6- 
éclairé:  &  quand  nous  le  dcmandon: 
à  Dieu  comme  il  faut ,  il  ne  man- 
que jamais  de  nous  le  donner. 

Il  eft  vray   qu  il  ne  faut  pas  juge 
témérairement  de  fes  Pafteurs  ;  mai 
il  ne  faut  pas  aufïï  s'aveugler  volon- 
tairement fur  leurs  défauts  vifibles. 
ni  efperer  de   trouver  des  lumière: 
dans  leurs  ténèbres.    Il  faut  prendre 
n  garde ,  dit   fainte  Therefe  ,   de  ne 
J3  pas  loumettre  fon  entendement  a  ce- 
is  luy  qui  ne  Ta  guère  boii.    Car  agii 
M  de  cette  lorte  ,  c'eft  a^ir  fans  lumie- 
»  re  &  fans  raifon,   ôc  c'eft  vouloir 
«  obliger  Dieu  a  faire  un  miracle  ,  qu-i 
»5  feroit'denous  éclairer  par  un  aveu- 
M  gle  5  ce  qui  s'appelle  tenter  Dieu, 
i^.  Que  doivent  donc   faire   ceux 
qui  le  trouvent  dans  des  lieux  où  ils 
ne  icauroient  trouver  de  Directeurs, 
foit  parce  qu'il  n'y  en  a  point  de  ca- 
pables de  cet  employ  ,  loit  parce  que 
ceux  qui  y  font ,  ne  fcauioient  s'ap- 
pliquer a  eux  ? 


tNVKRS    Sôr-MBMî.  l6^ 

r  i?.  Ils  doivent  tâcher  de  fuppléer  a 
ce  défaut  par  tous  les  autres  moyens 
que  Dieu  met  en  leur  pouvoir.  Car 
c'eft  une  règle  folide  à  importante 
de  la  vie  Chrétienne ,  de  faire  tou- 
jours tout  ce  que  Ton  peut ,  &  de 
fubftituer  les  exercices  que  Dieu 
laiiîe  en  nôtre  pouvoir ,  en  la  place 
de  ceux  qu'il  nous  met  dans  Tim- 
puilïànce  de  pratiquer.  Dr  les  per- 
sonnes destituées  de  Directeur ,  peu- 
vent Se  doivent  faire  plufieurs  cho- 
fes. 

1°.  Ils  doivent  s'appliquer  davan- 
tage à  la  leâ:ure  de  la  lainte  Ecri- 
ture  ,  &  des  autres  livres  de  pieté  Se 
d'édification  ;  ils  doivent  aufïï  la 
faire  avec  plus  de  reflexion ,  afin  de 
graver  davantage  dans  leur  cœur 
les  veritez  qui  s'y  trouvent. 

1°.  Ils  doivent  repaifer  fouvent 
dans  leur  efprit  les  veritez  qu'ils 
fcavent ,  Se  ne  les  laiifer  pas  efracer. 
Car  de  même  que  ceux  qui  ont 
moins  de  bien  ,  font  obligez  de  le 
conferver  avec  plus  de  foin  ;  ceux 
qui  ont  aufli  peu  de  moyens  de  s'in- 
ftruire  ,  &  de  fe  conduire  dans  la 
voye  du  falut ,  font  obligez  de  s'ac- 
Tome  IL  Z 


1/^^      D«   LA    Cmarïtï' 

tacher    davantage  à    ce   qu'ils  ont 
appris. 

•,,5°.  }ls  doivent  çtre   plus  fidèles  à 
pratiquer    tout  le   bien  qu'ils  con- 
noilL-nt ,   ôc  être  plus  vigilans   iur 
eux-mêmes,  puifqu'ils  font  plus  de- 
ftituez  de  fecours  extérieurs. 
^4°.  Us  doivent  être  plus  appliquer 
à  la  prière.  Car  Dieu  en  leur  ré- 
futant le  fecours  des  hommes ,  les 
oblige  de  recourir  a  luy  avec  plus 
de.  ferveur.  C'eil  luy  leul  qui  infrruit 
les  âmes  ,    lors  même   qu'il  le  fait 
par   les   hommes  ;    &   ainli   quand 
les  hommes  manquent  ,  il  eft  cer-# 
tain  qu'il  le  peut  faire  immédiate- 
ment par  luy-même. 

5*.    Ils   doivent   réduire  leur  vie, 
autant  qu'il  leur  eft  pollîble  ,  a  des 
allions  qui  ayent  des  règles  claires 
ik:  certaines  j  ôc  ne  pas  former  des 
entrepriies  qui  ayent  befoin  de  beau- 
(coup  de  lumières.  Car  puifqne  Dieu 
ne  leur  donne  pas  le  moyen  depren* 
dre  conieil ,  c'eft  une  marque  qu'il 
ne  veut  pas  qu'ils  s'appliquent  a  des, 
emplois  ôc  a  des  adions  quien  ont 
beaucoup  befoin. 
'    X^\  Tous  les  Chréciens  ne  font-ils 


tNVÏRS    SÔY-MEM5.  2(^7 

pds   W)ligez  de  pratiquer  la  plupart 
de  ces  exercices  ? 

i^.  Ils  y  font  obligez  par  un  de- 
voir gênerai.  Mais  ceux  qui  lont 
deflicuez  de  conieil  ,  y  lont  obligez 
par  un  devoir  particulier  j  parce  que 
ces  moyens  leur  lont  plus  particu- 
lièrement necelTaires. 

D,  Qui  font  ceux  qui  ont  plus  de 
befoin  de  dilcerner  les  Diredreurs , 
&  d'éviter  de  s'adrdiîer  à  ceux  qui 
feroient  ou  indilcrets ,  ou  ignorans , 
ou  vicieux  ? 

1°.  Ce  font  les  jeunes  filles  ,  qui 
doivent  avoir  pour  règle  ,   de  ne  fe 
mettre  jamais  fous  la  dirediion  d'au- 
cun Prêtre  ,   qu'elles   ne  foient  al- 
furées ,  de  fi  probité,  de  fon  éloigne- 
ment  de  toute  légèreté, &  de  fa  mor- 
tification. Ce   qui  fe  doit  entendre 
principalement  des  commwnications 
particulières  ,   qui  peuvent  produire 
de  la  familiarité  j   bc  non  des  con- 
fefïïons  pallageres  ,   qui  n'ont  point 
de  fuite. 

i*^.  Plus  ce  qu'on  a  à  commu- 
niquer a  un  Directeur  eft  difficile  & 
embarralfé  ,  plus  on  a  fujet  d'en 
chercher    un   qui  iovi  prudent   bc 

Zij 


2éS       Di   LA  Charité* 

fçavant.  Ainfi  ce  n'eft  point  ui€^gc- 
ment  téméraire  ,  que  de  ne  pas"  croi- 
re toutes  fortes  de  Prêtres  capables 
de    rcloudre   toutes  fortes  de    difK- 
cultez  de  conlcience ,  &  d'avoir  re- 
cours à  d'autres    qu'à    fon  Confe^ 
leur  ordinaire  pour  *les  décider.  Ca; 
il  faut  toujours  avoir    dans  l'elprit 
que   les  affaires    de   confcience   nt 
iont  point  matière  de  complaifance 
lorfqu'il  s'agit  du  falut,   on  ne  doi' 
pas  le  priver  de  la  lumière  dont  or 
croit  avoir  befoin  ,  ni  avoir  peur  de 
choquer  un  Diredleur  ordinaire,  ei 
confultant  un  autre  que  luy.   Si  le 
Directeur    qu'on  ne    confulte   pas 
efl  vrayement  humble  ,  bien  loin  de 
fe  fcandalifer,  il  fera  bien- aile  qu'oi 
fe  procure  d'autres  lumières  que  leî 
Tiennes  ;  &  s'il  ne  l'eft  pas  ,  il  mé- 
rite   d'autant    moins  qu'on  s'arrête 
à  les  fentimens. 

$.   I  I  L 

Des  qualités  cCun  Direef/ur* 

D,  PiTifqu*il  efl  iï  utile  ,  ^  me^nc 
en  certaines  rencontres  ii  neceflai- 


inVirs     SOY-MEMÎ.  2^9 

re  de  fe  foumettre  à  la  conduite 
d'un  Diredeur ,  quelles  qualitcz  y 
doit  -  on  principalement  recher- 
cher ? 

R,  Il  n*eft  pas  difficile  de  mar- 
quer ces  qualitez  ,  mais  il  eft  très- 
difficile  de  les  difcerner.  Saint  Fran- 
çois de  Sales  dit  qu'un  Diredfceur 
doit  être  plein  de  charité ,  de  fcien-  j„,,  ^  ,^  j,-^ 
ce  &  de  prudence  ;  d'autres  difent  «'^vo/r.fe.  4. 
qu'il  doit  être  dode,  fpirituel^  &  ex- 
périmenté. 

Saint  Bafile  dit  qu  il  faut  qu'il  foit  ,„?'"f'^''^' 
bieninftruit  dans  la  manière  de  me-  cjufmodiquc, 
ner  à  Dieu  les  âmes  :  qu'il  foit  rem-  a^'ocu^nVoiJ- 
pli  de  toutes  les  vertus  ;  qu'il  pof-  tibus  pcvgcre , 
ùàt    l'intelligence    de    l'Ecriture  ,  ^7,\V°"^^^"^; 
qu'il  ne    fe  lailTe  jamais  aller  à  des  natas  vircaciba? 
diftradions  fuperHuës  ,   qu'il    n'ait  i-um  ^luc'erlcaîî^ 
aucune  affedlion   pour  les  biens  du  fcientiaai  ha- 

1  31  >        1  ,-p  •        beat  ,  virum  in- 

monde  ,  qu  il  ne  s  embarralie  point  t^amm    ncc 
dans  les  affaires  ,    qu'il  cherche   la  uiu  diftradioai 

tranquiihte,  qu  il  tuye  1  inquiétude ,  avaiicià  abhx- 
qu'il  aime  les  pauvres  ,&  la  pauvre- lentetn,  mlnU 

/  '-1      '    -^  iT       •  1     ni^   libemer  ge- 

te  ;  qu  il  n  ait  aucun  reilentiment  du  j-endis  fe  ne bo- 
rnai qu'on  luy  fait,  qu'il  foit  de  ^ran-  tiis  admifcea- 
de  edincation  a  ceux  qui  le  frequen-  amantem  Deû  , 
tent ,  qu'il  n'ait  aucune  vanité  pour  egencia;n  ftu- 
paroitre  devant  les  nommes  ,  qu  il  meùacanduiii; 

Z  iij 


lyo      De  la  Charité' 
injiîiiaium  im-  jie  flatte    pcrfonne  ,  6c  qu'il  ne  fc 
rurâ'propcnfuni  lalife  poiiit  flatter  aux  auties. 

adccsdoccndos 

c[iii  ad  ipfuni  accédant  ,  qiiem  gloria  inanis  non  inflct  ,  fupcrbi; 
non  c::tollac ,  adulacio  non  tiangat  ,  ievcium  atqjie  conftan:era. 
i),  liafil.  de  abdic.  rtmw. 

/^.Comment  faut- il  entendre  qu'un 
Dire6l:eur  ^it  ces  qualitez  ,  puif- 
que  félon  cette  idée  on  n'en  trouve- 
roit  prelque  point  ? 

E.  On  ne  doit  pas  prétendre  c[\\'\. 
ait  toutes  ces  qualitez  dans  un  fou- 
verain  degré  ;  mais  il  faut  au  moins 
qu'il  n'ait  pas  les  contraires  ,  en 
forte  qu'on  les  puiile  remarque! 
en  luy  :  c'efl:-à-dire  ,  qu'il  faut  qu'on 
n'ait  pas  fujet  de  juger  que  ce  foit 
un  liomme  vain  ,  vindicatif  ,  inte- 
rêflfé,  qu'il  aime  les  richefles,  l'éclat , 
les  aifes  du  corps  ,  la  vie  molle ,  & 
qu'il  s'intrigue  dans  les  afFaires  du 
iîecle. 

Il  ne  faut  pas  néanmoins  prendre 
fl  à  la  lettre  ces  conditions ,  que  l'on 
s'imagine  ne  devoir  mettre  fa  con, 
fiance  qu'en  des  Saints  j  mais  il  ne 
faut  pas  au/îi  les  réduire  a  rien.  Ain/î 
quand  on  voit  qu'un  Ecclciiaftique 
n'a  aucun  zèle-  pour  la  mortifica- 
tion 5   qu'il  ne  la  pratique  poinc^ 


ENVERS     SOY-MEME.  I7I 

€\xii\  aime  la  propreté,  les  ajufte- 
mens  ,  qu'il  mené  une  vie  ailée  ,  6c 
peu  laboricule  ,  on  a  quelque  fujec 
de  croire  qu'il  n'ellipas  fore  propre  a 
contribuer  au  falut  des  autres  par  la 
•dire6tion.  On  doit  écouter  avec  ref^ 
ped:  les  Pafteurs,  tels  qu'ils  foient , 
Se  tâcher  de  profiter  de  leurs  in- 
-ftrudtions.  Mais  quaitd  il  s'agtc  de 
fe  foumettre  volontairement  à  la 
direction  d'un  homme  ,  &  de  le 
rendre  juge  du  détail  de  fa  vie  ;  on 
a  grand  niterét  de  choifir  un  hom- 
me de  bien  ,  &  on  ne  doit  pas  faci- 
lement croire  ,  que  ceux  qui  n'ont 
pas  grand  foin  d'eux-mêmes  ,  de  qui 
mènent  une  vie  aifez  relâchée,  ioient 
propres  à  nous  avancer  dans  les 
voyes  de  Dieu. 

Comme  la  vocation  eft  le  fon- 
dement de  la  pieté  des  Ecclefia- 
iliques  ,  on  peut  avoir  égard  dans  le 
choix  d'un  Confeffeur,  à  la  manière 
dont  il  eft  entré  dans  fon  cmploy  ; 
êc  quoy  qu'il  ne  faille  pas  faire  de 
jugemens  téméraires  ,  en  décidant 
fur  ce  que  Ton  'lie  fçait  pas ,  il  ne 
faut  pas  aafïï  s'aveugler  ,  ni  prendre 
pour  guides  ipiripueis  ceux  qui  au- 

Z  iiij 


272.     De   laCmarite' 
roient  fait  paioître  un  grand  defîr  de 
le  pouifer  dans  l'Eglife,  qui  auroient 
recherché  avec  emprelfemenc  leurs 
Bénéfices ,   ôc  qui  y  leroienc  entrez  i\ 
par  des  voycs  fort  humaines. 

D.  Doit-on  avoir  égard  aux  opi- 
nions ,  ôc  aux  fentimens  de  ceux 
qu'on  choilit  pour  Directeurs  ? 

^.  Quoy  qu'il  iemble  que  par  cet 
égard  ,  que  l'on  a  pour  les  opinions 
de  ceux  que  Ton  choifit  ,  ou  qu'oii 
.  ne  veut  pas  prendre  pour  Directeurs, 
on  s'établiiFe  juges  de  leurs  icnti- 
mens ,  &  qu'en  gênerai  ce  jugement 
ne  Toit  pas  permis  ;  néanmoins  il  y 
a  des  opinions  Ci  vifiblement  mau- 
vaifes ,  qu'il  eft  permis  à  tous  les 
Chrétiens ,  mêmes  Laïques,  d'éviter 
la  direction  de  ceux  qui  y  font  enga- 
gez. Car  s'il  n'étoit  permis  en  au- 
cun cas  de  juger  de  Tes  Directeurs  , 
comment  pourroit-on  pratiquer  ce 
que   Tefus-Chrift  nous  recommande 

Attendite a fal-    ^        -^  ,        i     u-r  '^      r^       j 

fisProphetis,qui  p^^  ces  paroles  de  1  bvangile:  Gardez." 
veni'jn:  ad  vos  ^q^^  ^ss  fâiHX  Prophètes,  éjui  viennent 

in  veltimcnris      >  -^  *  ,  )    f      i  ' 

ovium,  imnn-  ^'^'O'^^  >   coHverts  de  feaiix  de  brebis , 
^ccusautcmfant  ^  am  font  au  dedans   des  loHps  ra^ 

iupi  lapacet.  .J  r^\  r^\      '    ■  j     •       " 

^latt,  7.  i^.       vijjans.    Chaque  Chrétien  doit  ctie 
inftruic  des  principes  de  la  vie  Chré« 


INVERS    SOY-MÏMÎ*  ly^ 

tienne  ;  &C  ces  principes  un  peu  cn- 
Itendus,  doivent  fournir  allez  de  lu- 
■' mieres  ,  ou  pour  rejetter ,  ou  pour 
éviter  la  conduite  de  ceux  qui  par 
leurs  fentimens  erronez  ,  violeroient 
vifiblement  la  pureté  de  la  morale 
Chrétienne.  Il  n'ell:  pas  même  necef- 
faire  de  former  fur  ces  fentimens 
un  jugement  pofitif;  il  luffit  que  l'on 
entre  dans  un  doute  raifonnable.  Car 
ce  doute  oblige  de  ne  s'engager  pas 
à  la  direction  de  ces  perfonnes  ^  tant 
que  le  douce  fubfifle. 

D,  Ne  peut-on  donc  jamais  pren- 
dre confçil  de  Dire<fteurs  qui  ne 
font  pas  profefïion  d'une  vie  péni- 
tente de  mortifiée  ? 

^.  On  le  peut  fouvent ,  lorfqu'il 
ne  s*agit  que  de  cas  de  confcience, 
qui  dépendent  de  la  fcience.  Car  il 
fe  peut  fort  bien  faire  qu'un  Prêtre 
afTez  relâché  dans  fes  mœurs  ,  foit 
fçavant  &  habile ,  5c  par  confequenc 
foit  plus  propre  à  décider  certains 
cas  ,  qu'un  autre  plus  vertueux , 
mais  moins  habile.  Or  dans  ces  oc- 
cafîons ,  il  faut  chercher  la  lumière 
où  il  efc  plus  raifonnable  de  croire 
qu'on  la  trouvera. 


^74      ^^  ^  ^  Chariti* 
§.    IV. 


De  ce  que  l'on  doit  craindre  à  un.  % 
la  direciion. 


p 


D,  N'a-t-on  plus  rien  à  craindn 
quand  on  a  trouvé  un  bon  Direc- 
teur,  6c  n'y  a-t-il  qu'à  fe  foumct-  ^ 
tre  à  la  conduite  avec  une    obéii-lci 
fance  aveugle  ? 

R,  Dieu  ne  veut  pas  qu'il  y  ail 
aucun  état  dans  ce  monde  ,  qu: 
exempte  de  crainte  j  parce  qu'il  veut 
que  nous  y  opérions  toujours  nôtre 
falut  avec  crainte  &  avec  tremble- 1! 
mentj&que  la  crainte  continuelle  foit 
un  des  plus  grands  moyens  de  nôtre 
falut.  Ainii  quoyque  ceux  qui  fc 
conduifent  par  les  avis  d'un  Direc- 
teur éclairé  ,  foient  fans  doute  dans 
une  voye  plus  fûre,  que  ceux  qui 
n'en  ont  point  ,  ils  ont  encore  plu- 
sieurs chofes  à  craindre. 

K.  Qu'eft-ce  qu'ils  ont  principa- 
lement à  craindre  ? 

R.  On  peut  dire  en  gênerai  qu'ils 
doivent  le  craindre  eux-mêmes ,  <3c 
le  Direclcur. 


ENVERS     SOY-MEME.  IJ^ 

ïîs  doivent  craindre  de  leur  parc 
me  certaine  duplicité  de  cœur^  qui 
fait  qu'au  lieu  de  chercher  finceie- 
^,  ment  la  volonté  4e  Dieu  ,  par  le 
moyen  de  la  direction ,  on  ne  cher- 
che en  effet  qu  à  faire  autorifer  Tes 
pallions  par  fon  Direfteur  :  on  s'a-  , 

drelfe  à  luy  avec  un  efprit  préoccu- 
pé j  on  luy  expoie  fortememenc 
ce  que  l'on  délire  ;  on  étouffe  &  on 
obfcurcit  ce  qu'on  ne  délire  pas  ; 
on  le  remplit  de  fes  préventions  &: 
de  fes  imprelïîons  :  on  le  trompe  le 
premier  ,  ôc  enluite  on  trompe  le 
Diredeur  ;  &  par  le  Direéleur ,  on 
fe  confirme  foy-même  dans  l'égare- 
ment. 

Tf,  Que  doit-on  juger  de    cette 

conduite    ?  PorroquifquîS 

n     ^-\  1    •     .  r  •        vel  aperce  vel 

A.  On  en  doit  juger  ce  que  laint  occukè  laca^i: , 
Bernard  en  ju^e.  Celuy  ,  dit-il,  qui  °^  ^".<^i^-^;^ 
S  errorce  ,  ou  a  découvert  ou  en  ca-  hoc  ei  fpiricualis 
^hette,  de  foire  que  fon  père  fpiri- f^^ï-JS^^. 
tLiel  luy  ordonne  ce  qu'il  délire  ,  forte  fibi  quafi , 
s  abufe  ,  s'il  prend  la  foumiffion  t^:!:^L. 
qu'il  luy  rend  pour  une- véritable  q^^enim  in  câ.< 
obéiiance  :  car  ce  n'eft  pas  luy  qui  fed  mlg^re^^  ' 
obéit  à  fon  Supérieur,  c'eft  fon  Su-  pi^iacus obedr. 
perieur  qui  luy  obcit,  Hy.rf.  ».  4, 


17^         D  E    L  A     C  H  A  R  I  T   È*  . 

S.Ber.ir.  ]j,(!e     Cette  fcducftion  n'a  pas  feuîemcn 
iwry.i».  4.        j.^^  ^^^^^  j^^  chofes  où  Ton  n'a  pou  . , 

but  que  <de  fuivre  fcs  inclinations  | 
mais  aufTi  dans  celles  où  il  s'agit  d(f 
la  vérité.  On  veut  fouvent  fe  jufti-  [, 
fier  à  l'égard  de  fon  Directeur  j  oi 
luy   reprefente  la  conduite  des  au- 
tres, vC  la  Tienne  propre  ,  comme  or 
la  conçoit ,   S>c  on  la  conçoit  feloi  ^ 
le  jour  que  l'amour  propre  y  donne  [ 
Ain(i  il  n'y  a  fouvent  point  de  gen: 
plus   trompez    que  les   Directeurs 
parce  qu'ils  ne  voyent  pas  les  adion. 
en  elles-mêmes,  Ôc  qu^ils  n'en  ju- 
gent que    fur  les  rapports    altereî 
qu'on  leur  en  fait  :  rapports  qu'ils  ju- 
gent fîilceres  ,  par  la  bonne  opinior 
qu'ils  ont  des  perfonnes  qu'ils  con- 
duifent. 

X).  Quel  efl  le  remède  de  ce 
mal  ? 

J^.  C'eft  de  demander  continuelle- 
ment à  Dieu  le  defir  de  le  cherche! 
uniquement  :  c'efl  de  fe  faire  une 
règle  inviolable  ,  de  de  s'attacher  s 
la  vraye  fmcerité  ,  qui  ne  confifte 
pas  feulement  à  ne  pas  tromper  leî 
autres  par  des  menfonees  eroffiers . 
mais  qui  conliile  auiîi  a  ne  le  pas 


ÏNVïKS      SOY-MEMÏ.  177 

tromper  foy  même  par  les  déguife- 
iiens  de  Ion  amour  propre  :  c'eft 
n^n  de  purifier  lans  celfe  Ton  cœur 
le  toutes  les  attaches  qu'on  y  apper- 
foit.  Car  ce  n'eft  que  par  cette  pu- 
eté  de  cœur  ,  qu'on -peut  éviter  ces 
léguifemens. 

£>.  N'y  a-t-il  que  ce  défaut  à 
raindre  de  fa  part  dans  la  direc- 
ion  ? 

jR,On  doit  craindre  aufïï  les  attaches 
rop  humaines  que  l'on  contracte 
nfenliblement  pour  ion  Directeur. 
ZsLiL  Cl  Ton  n'y  prend  garde  ,  on 
,'cut  infenfiblement  être  eftimé  de 
uy  5  6c  qu'il  nous  donne  des  mar- 
ques de  confideration  Se  de  con- 
iance.  On  eft  bien-aife  qu'il  s'ap- 
■)lique  à  nous  ,  &  l'on  fait  paiîer 
les  amufemens  inutiles  pour  des 
entretiens  necelïaires.  On  s'occupe 
ie  luy ,  &  l'on  a  fouvent  dans  les 
icftions  ôc  dans  Tes  bonnes  œuvres 

on  Directeur  beaucoup  plus  pre- 
fent ,  que  Dieu.  On  juge  de  fes  pro- 
pres fautes ,  plutôt  par  rapport  à 
[uy  ,  que  par  rapport  à  Dieu.  Tout 
le  monde  doit  craindre,  ôc  veiller 
fur  ces  défauts  j  mais  particulière- 


iyS      De   la  Charité' 
ment  les  femmes ,    qui  aiment  na« 
turellement   à  plaire  ,   &  qui    font 
plus   faciles  à    contradler    ces   for- 
tes d'attaches. 

D.  Que  doit-on  craindre  de  la  part 
de  fon  Confcifeur  ? 

R.  On  en  doit  craindre  les  défauts 
humains ,  &:  principalement  le  man^ 
que  de  lumière  ;  &  que  s'égarant 
kiy-même  ,  il  ne  nous  engage  dans 
l'égarement.  Cette  crainte  nous 
oblige  de  recourir  à  Dieu  avant  que 
de  s'adrefiTer  au  Directeur,  &  de 
luy  demander  la  grâce  ^  &  la  lumiè- 
re dont  nous  avons  befoin  pour 
nous  conduire  dans  la  véritable  voye 
du  falut. 

D,  N'eft-on  pas  en  fureté  d^  conf- 
cience  ,  quand  on  fuit  de  bonne  foy 
&  fins  duplicité  Ta  vis  de  fon  Con- 
felfeur  ? 

R,  C'eft  une  grande  matière  ,  d^ 
qui  demande  beaucoup  de  àïÇcu(- 
fîon.  Mais  pour  la  refoudre,  il  la  faut 
propofer  plus  généralement  ,  en 
examinant  quelle  fureté  il  peut  y 
avoir  en  fuivant  Tavis  de  ceux  que 
l'on  confulte  ,  foit  Directeurs  ^  foie 
Dodteurs  ,    foitCafuiftes  5   &    de' 


iii 


lelle  manière  on  fe  doit  conduire 
ns  le  choix  des  opinions  iur  lef- 
lelles  on  agit.  Et  comme  C2  choix 
t  une  des  plus  grandes  parties  de 
prudence  chrétienne  ,  de  que  rien 
i  peut  plus  fervir  à  conduire  nô- 
e  entendement ,  il  eil  tres-à-pro- 
jsd'en  traiter  ici. 


CHAPITRE     V. 

)^  ce  que  Von  doit  confiderer  dans 
le  choix  des  cpnions, 

y  l^T'Y  a-t-il  point  de  difFeren- 
X^  ces  à  faire  entre  les  opi- 
ions,  quand  il  s  agit  d'en  faire 
loix  pour  régler  fa  conduite  ? 

J^.  Il  y  a  pluiîeurs  différences  à 
dre,  dont  les  unes  dépendent  de 
.matière  de  ces  opinions ,  les  au- 
es  de  leur  qualité ,  Toit  à  l'égard 
z  ce  qu'elles  font  en  foy  ,  loit  à 
égard  de  ce  qu  elles  font  par  rap- 
ort  à  nous. 

D,  Quelles  font  les  différences  qui 

épendcnt  de  la  matière  ? 

k.  Comme  il  s'agit  ici  de  matie- 


i.S«       De  la  Cha:r.ite' 

res  morales  ,  &  d'epinions  qui  rc 
gardent  les  choies  bonnes  ou  mau 
vaifes  ,     légitimes  ou  illégitimes 
permiies  ou  défendues  ;   il  faut  d'à 
Dord  faire  une  cres-grande  difïeren 
ce  entre  les   opinions  qui  regarden 
les    chofes    permifes  ou   défendue 
par  la  loy  éternelle  ,  ou  par  le  droi; 
naturel  (  ce  qui  eft  la  même  chofe  ^ 
de  celles  qui  ne  font  bonnes  ou  mau 
vaiies  ,  que  parce  qu'elles  font  per- 
mifes ou  défendues  par  ledroitpo- 
iitif ,  foit  divin  ,  foit  humain  ;  c'eft- 
à-dire  ,  par  des  loix  divines  ou  hu- 
maines   qui   défendent  ce  qui  n'eft 
pas  formeilemqnt  mauvais  par  loy- 
même  ,   &  qui  ne  feroit  pas  jiatu- 
rellement   défendu  -,    ou    qui   com- 
mandent ce  qui  n'eft  pas  par  loy- 
même  &c  formellement  bon  ,  de  qui 
ne    feroit  pas   naturellement  com- 
mandé, fî  ces  loix  divines  ou   hu- 
maines ne  Teullent  ainfi  ordonné. 

Cette  différence  pofée  ,  il  faut  ob- 
ferver  que  les  chofes  permifes  ou 
défendues  par  le  droit  naturel,  ôc 
par  la  loy  éternelle  ,  font  ellèntiel- 
lement  &  immuablement  bonnes  ou 
m^uvaifes.  Dieu  même  ,  quoy  que 

tOUCf 


ÏNVERS     SOY-?vîEMS,  iSî 

tout-puilîanc ,  ne  lç:^uroic  faire  que 
ce  que  fa  loy  éternelle  défend^  de- 
vienne permis  :  que  ce  qu'elle  dé- 
clare injuile/ devienne  juiie  ;  parce 
que  la  juftice  qui  condamne  ces  cho- 
fes  eft  fon  eifence  même.  Il  n'en  eft 
pas  de  même  de  ce  qui  n'eft  défen- 
du que  par  des  loix  pofîcives  ou  de 
Dietf ,  comme  écoit  celle  de  travail- 
ler le  jour  du  fabbat  j  ou  des  hom- 
mes, comme  tout  ce  qui  ell:  défendu 
par  des  loix  purement  humaines  ; 
car  ces  chofes  font  indeffèrentes  en 
elles-mêmes  jil  n'y  a  que  la  défciSc 
qui  les  peut  rendre  mauvaiies.  Ainfi 
celuy  qui  ignorant  la  défenfe  des 
chofes  défendues  par  le  droit  po- 
fitif,  les  approuve,  n'approuve  rien 
de  mauvais  en  loy  ,  &  n'a  point  la 
volonté  contraire  a  la  juftice.  îi  peut 
à  la  vérité  être  coupable  de  ne  s'être 
pas  inftruit  des  loix  poiitives,qui  ont 
défendu  ou  commandé  ces  choies, 
comme  nous  dirons  dans  la  fuke  de 
ce  Chapitre  ;  mais  il  n'eil  pas  cou- 
pable de  ne  juger  pas  cette  chofe 
mauvaile  en  foy  ,  puifqu  en  effet 
elle  ne  l'eil:  pas. 
D.  Quelles  fo iules  autres  diiTeren- 
Torn£  II.  A  a 


l8i        D.E    LA    Cl4  A  R  I  T  E* 

ces  qu'il  faut  conlideier  à  Tégaid  de 
opinions  ? 

R,  C'efl:  que  toutes  les  opinion, 
font  vraycs  ou  fauiles.  Car  elle: 
font  toutes ,  ou  contraires ,  ou  con- 
formes à  la  venté  éternelle  :  Diei 
voit  ce  qui  en  eft.  Or  tout  ce  que 
Dieu  voit  efl:  vray  :  il  voit  .donc  que 
certaines  opinions  font  vrayeaj^  que 
d'autres  font  fauifes  ,  parce  qu'il  ef 
vray  qu'elles  font  fauifes  :  de  fi  nouï 
en  jugions  comme  il  en  iuge ,  noue 
ne  nous  tromperions  jamais.  Ainii  il 
n'y  a  point  a  l'égard  de  Dieu  d'opi- 
nions qui  foient  en  foy  douteufes , 
parce  que  Dieu  ne  doute,  de  rien ,  & 
qu'il  voit  h.  vérité  de  tout. 

Z>. Quelles  font  les  difl-erences  qu'il 
faut  confiderer  dans  les  opinions  par 
.rapport  à  nous  ? 

£,  C'eft  qu'entre  les  opinions  ,  les 
.unes  nous  paroiifent  certainement 
vrayes  ,  ou  certainement  Eiulfes  ; 
&.les  autres  nous  paroiifent  douteu- 
fes ,  c'eft-à-dire  ,  que  nous  n'en 
voyons  pas  avec  certitude  ,  ni  la  vé- 
rité, ni  la  faullèté. 

Cette  différence  pofée  ,  il  eft  bon 
^e  remarquer  que  ces  doutes  peu- 


TNVEPvS     SCfY-MEME.  iSj 

rent  être  de  deux  iortes  ;  il  y  en  a 
qu'on  peut  appeiier  des  doutes  de 
lufpQnlion  ou  d'équilibrt ,  ôz  ce  font 
ceux  qui  arrivent,  ou  loiTque  l'efunt 
eft  balancé  par  des  raifons  égales,  ou 
lorfqu'il  ne  voit  aucune  raiion  ni  d'un 
côté  ni  d'autre  ,  qui  le  détermine  en- 
tièrement :  l'autre  lorte  de  doute  eil 
celuy  qui  n'empêche  pas  que  refpiu 
ne  prenne  parti  ,  &z  ne  le  porte  d'un 
côté,quoy  qu'avec  défiance  ëc  crainte 
de  fe  tromper.  Et  c'eft  là  propre- 
ment ce  que  les  Anciens  appelloicnt 
opinion  ,  qui  lignifie  ,  lelon  eux  , 
l'attache  de  Tefprit  à  un  parti,  fans 
une  raifon  évidente.  Ainfi ,  dans  leur 
langage  prol^abilia  feqiti  ^  c'eft  fuivre 
le  plus  probable  -,  &  de  même  opinari^ 
comme  il  eft  aifé  de  voir  par  les  que- 

1  a. 

liions  Académiques  de  Ciceron. 

D.  Qu'eft-ce  donc  qu'opinion  pro- 
bable ? 

R,  Il  fiut  diflineuer  :  félon  les 
Anciens  ,  c'eft  l'opinion  qu'on  croie 
la  plus  vray-ieKpblable. 

Selon  le  langage  des  nouveaux 
Scholaftiques ,  c'eft  une  opinion  qui 
eft  fondée  fir  quelque  raifon  appa. 
renie  .  foit  que  l'efprit  l'embraife  ^ 

A  a  1] 


284       De  la  Charité' 
foie  qu'il  la  rejette  :  pourvu  qu'il  rtt 
la  rejette  pas  ,  ou  qu'il  ne  l'embralL 
pas  comni(?  certainement  faufe  ,    01 
certainement  vraye. 

D.  N'y  a-t-il  point  d'autres  diffh- 
rences  à  obferver  entre  les  opinions 

J^,  Il  y  en  a  encore  une,  qui  vieni 
en  partie  de  la  nature  des  opinion? 
mêmes  ,  &c  en  partie  du  rapport 
qu'elles  ont  avec  nôtre  difpofition. 
Car  il  y  a  des  opinions  qu'on  appelle 
fûres  ,  parce  qu'en  les  fuivant  on 
n'eft  point  en  danger  de  pécher  j  <3^ 
d'autres  qui  ne  font  pas  fûres,  parce 
que  l'on  pèche ,  ou  que  l'on  peut  pé- 
cher en  les  fuivant. 

D.  Ces  différences  fuppofées , 
quelles  font  les  principales  difficul- 
té z  qu'il  faut  examiner  fur  cette 
matière  l 

J^,  On  les  peut  réduire  à  ces  qua- 
tre queftions. 

1°.  Si  dans  une  matière  de  droit 
naturel  ,  on  eftexcuié  dépêché,  en 
fuivant  une  opinion  fauife  ,  pourvu 
qu'elle  ioit  probable. 

1°.  Si  dans  une  matière  de  droit  po- 
lîtif  ,une  opinion  fauife  en  loy,  mais 
probable,peuc  être  fuivie  fans  péché. 


J 


EKVERS    SOY-MEME.  ^Sj 

"^  3".  Si  s'agllfant  de  faire  choix  dans 
la  pratique  de  deux  opinions  ,  dont 
'^  Tune  ell  plus  probable  ^  plus  fûre  , 
l'autre  moins  probable  ôc  moins  lûre, 
il  eft  permis  de  clioilir  &c  de  fuivre  la 
moins  probable  &:la  moins  fûre. 

4".  S'il  eft  permis  de  fuivre  l'opi- 
nion la  plus  probable  ,  lorfque  la 
contraire  eft  la  plus  fûre. 

QUESTION   I. 

Si  une  opwionfrobable  peut  exemp- 
ter de  péché ,  lorfquH  s*agk  du 
droit  naturel  ,  d^  que  cette  opi- 
nion efi  f^ti^e. 

D.  A  quoy  doit-on  réduire  cette 
i^ueftion  pour  la  décider  nettement  t 

R,  On  la  doit  réduire  à  ces  termes 
ici.  Si  l'ignorance  du  droit  naturel 
peut  quelquefois  exempter  de  péché 
ceux  qui  le  violent.  Car  fî  cette  igno- 
rance n'excufe  jamais ,  il  eft  très- 
certain  qu'une  opinion  probable  con- 
traire en  ioy  au  droit  naturel ,  ne 
fcauroit  fervird'exeule  devant  Dieu, 
puifque  celuy  qui  fuit  une  opinion 


iS<j  De  la  Charité* 
probable  ,  qui  eft  cflccftivcment 
faulfc ,  cft  dans  cette  ignorance  de 
la  vérité  ;  ôc  il  cft  bien  clair  que  s'il 
ne  l'ignoroit  pas  ,  il  pecheroit  en- 
core davantage  ,  6c  que  cette  opi- 
nion même  ne  leroit  plus  probable  à 
l'égard  de  celuy  qui  connoîtroit  clai- 
rement la  vérité. 

Comment  fe  peut-on  afiurer  de  ce 
qu'il  faut  croire  fur  cette  que- 
flion  ? 

^.  On  s'en  peut  alfurer ,  en  con- 
fultant  les  mêmes  fources  dont  nous 
devons  tirer  toutes  nos  lumières  à 
regard  des  règles  des  mœurs  ,  qui 
font  l'Ecriture  fainte  ,  la  Tradition, 
ôc  l'exemple  des  Saints. 

Z).  .Que  nous  dit  l'Ecriture  fur  ce 
fujet  ? 

/^,  Elle  nous  apprend  à  condam- 
ner généralement  tous  les  violeniens 
de  la  loy  de  Dieu  ,  lans  admettre  ja- 
mais Texcufe  de  l'ignorance  ,  parce 
jue  cette  ignorance  n'exempte  ab- 
folument  pas  de  péché. 

Elle  nous  dit  par  l'Apôtre  S.  Paul  , 

rekgc  pecca-  f  ^  ^^^'^  ^^^^^  ^"'  ^^^ pecKC  ja}js  avotr 
verijnt,fine  le- r<?pi /^î  loy  ^  -périr  ont  fan  S  avoir  reçil 
%m.^iT^il      /^  Z^*.    Or,  combien  parmi  ces  gens 


t 


IN.VERS.SOY-MEMÉ.  1S7 

kpi  n'avoienc  point  reçu  la  loy  ,  y  en 

avoit-il  qui  l'ignoroient  ? 

••    Elle   condamne  généralement  les 

<îéreglemens  des  Payens. ,  quoy  qu'il 

y  en  eut  beaucoup  oii  ils  tomboient 

par  ignorance ,  ôc  qui  étoient  auto- 

ïilez  par  la  coutume  ,  comme  l'i- 

doiatrie  ,  la  fornication,  ôc  divers 

-autres  péchez  ;  &  TEcriture  les  con-    slcut  &  gen-- 

damne  en  même  temDS  qu'eJie  re- ^"  ^™^"!-^^^  *^ 

^  ,       .       JL         1       •  vanicare  lenius 

connoit  qu'ils  etoient   dans  l'igno-  fui  tenebns  ob- 
rance  &  dans  les  ténèbres.  Car  c'efl  [es^mceika^am'; 
ainli  que  l'Apôtre  iaint  Paul  décrit  aiien^ti  à  vitâ 
Jes  Payens,  qui  o„t ,  <iK-il  ,/^rk  ^^-J;'^"^ 
plein  de  ténèbres  ;  qui  font  entièrement  in  illis ,  proptec 
tLoignez,  de  ta  vte  de  Dieu  ,   a  canje  de  ^.^  ip^rum. 
4'ignorance  oh  Us  font  ^    &  de  l'aveu-  £^/;.  4»8. 
élément  de  leur  cœur, 

^    Toute  la  vie  Payenne  eft  appellée  quTdem ïufus  *. 
•par  faint  Paul  le  temps  d'ignorance,  gnoranriz  def- 

7-»  J  •      •  1         '  A  piciens  Deus  , 

Jûieu  J  dit-il  5   étant  en  colère  contre  ^unc  annuntiac 
€€s  temps  d' ignorance      fait   mainte-  hommibus^   ut 

'  '^  N  ,1  j;,   omnes  ubique 

nant  annoncer  a  tous  les    hommes     &  pœniccndani  a- 
€n  tous  lieux ^  i^ii  ils  en  fajfent  pénitence.  ^^^'^'  ^^'  i?» 

La  même  expreffion   a  été  em- 
ployée par  faint  Pierre  dans  fa  pre- 
îiiiere  Epitre.  Evitez^  ,    dit-ii ,   de  rati  prioribus 
devenir  femhlables  à  ce  que  vous  étiez,  ignotandx  veT- 
autrejots  5   Lorjque   dans  votre   t-gno-  j^^^i,  i^. 


îSS       De   la  Charité' 

rarice ,  vous   vous  dbaridonnieH^^  À  voi 

■palJlons. 
Qjjîprimus  j^   ^^  j^j^j^  ^,j.^y  q^ç    f^il^j.  p^ul  té- 

blalphcinus  lui,  J     j  .  ,    .  ■ 

&:pcrrccutor  &:  moigiic  qu'il  a  ohtenu  miséricorde, 
"dlnlîln'or.' '/'''>•«  ?«■''  avoh  ■pcrfec^tél- EgUfcfur 
aiam  Dei  con-  ignorance.  Mais  il  ne  lailic  pas  de  le 
frcutus  fum  ,    rcconnoîcre  coupable   dans  ces  ac- 

quiaignorans      i-«- v,«^iniwitj.v,  i  ^  . 

fcci  in  incvcdu-  tions  ,  qu'il  déclare  qu'il  a  faites 
juac^.  '.  ji';..  ^^^  ignorance  j  &  de  s'appellcr  luy- 
chriftus  jcius  même  ,  à  cauie  de  fes  péchez  ,  ic 
"uti;"c'ca.  moindre  de^  Afotrts  .  &  indigr^e  du 
tores  falvos  fa-  ^iom  d' Apotre  ^ponr    avoir  perfecHté 

ccxc,   quouim     „_    ..  -    j^  y^. 

primus  ego  fû.  ^  £gi^j^  de  Dien, 

ibii.  V.   IV 

Ego  enim  fum  minimum  Apoftolorum  ,  qui  non  fum  dignut  voca- 
xi  Apoftolus  ,  quoniara  perfccutu5  fumEcclefiam  Dei.  i.  ^or.  i}.  f. 

tt«  ,"cio'^  quiT'  Saint  Pierre  rend  auiïî  témoigna- 
pcr  ignoramiam  ae  aux    Tuifs  qu'ils   ii'avoient  defa- 

feciftis  ...  Pœ-  ^    ..  >       o       r  •  ^    C       n\^   ^(l 

niteminiigitur  vouc  &  lait  mourir  Jeius-Chrilt 
«cconvcnimi-    çy^Q  p^j  ianoi'ance  ;  mais   en  même 

mini.ut  dclean-    ^        ^  y. ,   ,  '         .  ^  . 

tur  pcccara  vc-  temps  qu  il  les  exorte  a  en  taire  pe- 
ftia.  ^:.'  }.  »7-  nitcnce. 

Dciida  jiivcn-     C'cft   dans  ce    même  ^fprit   que 
cutis &:;gnorar-  D^vid  demande  pardon  à  Dieu  des 

tias  meaï  ne  me-  i      r    .  -r  i      r      r 

mineris.  f/.  H.  pechez  dc  la  jeunelle  ,  &  de  les  tau- 
7'  tes  d'ignorance. 

Enfin  5  Jefus-Chrifl:  luy-même  dé- 
clare que  non  ïeulcmcnt  les  guides 
aveugles ,  mais  ceux  même  qui  les 

ûuvent , 


CNVËR5  SOY-MEMÏ.  lî^ 

fiiivenc  ,  tombent  dans  le  précipice, 

&:  font  engagez  dans  le  même  mal-    cœcus  (î  ccrc» 

leur  :  One  Ci,  dit  formellement  TE-  dacacum pr.:- 

.,  ^«^    ■'    '  ,    .  ftet  ,  ambo  in 

mangue  ,  nn   aveugle  conmn  un  autre  fovcaai  cadaac. 
aveugle ,  ils  tombent  tons  deux  dans  la  ^^'»'*''»  ^i*  *+• 
^op.   N'eft-ce  pas  dire  que  celuy  qui 
fe  laillèxonduire^  ne  pourra  pas  s'ex- 
rufer  lur  fon  ignorance  ;  ni   fur  l'a- 
veuglement de  celuy  qui  le  conduit? 
L'Evangile    dit    encore    précile- 
nent  dans  un  autre  endroit  ;  Le  fer^     illc  ferrus  q-iî 
vlteur  qul^  aura  fçu  la  volonté  de  fon  u?elîx°DomTnr" 
maître^   &  mil  néanmoins  ne  fe  Jera  ^^^i^rion^t^- 
pas^    tenu  fret  ,   &  n  aura  pas  fait  ce  \^^^\^^^^X11 
ijuil  defiroit  de  luy  ^fera  battu  rude-  voluncatcm-   ç- 
mfnt  :  mais  celuy  ^uinaura  pas  ffâfei  muiùT^Q^u^, 
volonté j  &  (jul  aurafaï  t  des  chofes dignes  ^^ ^i  no  n  cogno- 
iechkthnent^  fera  moins  battu,  N'eii-  na'piagir^  Vf^ 
:e  pas  dire  que  TienoranCe  nexemp-^^^^bicpaucW 
:e  pas  de  pèche,  &  qu  elle  ne  peut  ^s. 
fervir  d'excufe  ?  Puilque ,  félon  les 
cermes  de  TEvangile  ,   ce  ferviteur 
ignorant  les  volontez  de  fon  maître, 
fera  puni ,  quoy  qu'à  la  vérité  moins 
feverement  que  celuy  qui  aura  man- 
qué après  en  avoir  été  informé, 

D,  Ne  peut-on  point  dire  que  tous 
ces  paiîàges  qui  condamnent  dépê- 
ché les  adlions   commifes  par  igno- 
Torne  IL  B  b 


x5)o        Delà  Charité* 

rai!.cj,ne  doivent  s'entendre  que  dcç 
actions  faites  par  une  ignorance  vo- 
lontaire jcv  qu'il  étoit  au -pouvoir 
de  l'homme  de  lurmontcr  ;  &:  non 
de  celles  cjui  !<  nt  faites  par  une  i- 
iznorance  involontaire  ôc  invincible? 

R,  L'Ecriture  lainte  ne  donne  aucun 
lieu  a  cette  dillincftion,  non  plus  que 
la  tradition  de  TEglife  ;  ainfi  ,  il  n'eft 
pas  permis  de  fouftraire  par  une  di- 
ilinàion  fans  fondement  ,  la  plus 
glande  partie  de  ce  qui  elt  compris 
dans  l'exprelîion  générale  de  l'Ecri- 
ture :  autrement  il  n'y-  auroit  rien 
qu'on  ne  juftiiiàt  par  ce  moyen.  Ec 
cette  reo;ie  abrolue  ell:  d'autant  plus 
necellaire  en  cette  occalion  ,  que 
par  le  moven  de  cette  exception  on 
prétendroit  exempter  de  péché  la 
plupart  des  péchez  d'ignorance  ,  y 
ayant  bien  plus  d'opinions  probables, 
que  de  dogmes  certains.  De  lorte 
que  il  'cetZ'^  dilliiiftion  d'ignorance 
volontaire  ou  involontaire  étoit  ad- 
miiC ,  tan:  s'en  faut  qu'on  pût  géné- 
ralement condamner  tous  les  péchez; 
d'ignorance  ,  qu'au  contraire  il  feroic 
plus  viiiy  de  les  exempter  tous  gé- 
néralement de  pecbè. 

£>.  Les  Feres  de  l'Eglife  ont-ils  iui-^ 


ÊNVETIS:    SOV-MFMl?.  1^1 

1?î  ce  langage  de  rEcritiire? 

f^,  Oliy  ,  «!k  ils  ont  de  même  con- 
damné généralement  de  péché  tout 
ce  qui  le  fait  'pau  ignorance  contic 
la  ioY  éternelle  ;  &  il  eil.  inoLiy 
dans  tous  leurs  écrits  ,  qu'ils  ayent 
exemDté  aucune  a6lion  de  péché , 
fous  prétexte  d'ignorance. 

Ils    ont    ccndamn.é    exp'-eilément 
cpmme  une  erreur  dans  les  Pelagiens, 
de    dire    que   Dieu  n'imputoïc  pas  a 
péché  ni  l'ignorance  ni  Toubli  -,  & 
cette  condamnation  ne  fe  peut   pas    . 
entendre    ieulement  de   Tignorance 
afFectée  &  diredement  volontaire  , 
puiique  Pelageiuy-même  reconnoiii. 
loit  aue  cette  lorte  d'ignorance  afïe- 
d:ée  n'exemptoit  pas  de  peché,com- 
me  S.  AugLiilin  le  dat  expreilement  ^./''^;;'^,V^^ 
dans  le  Livre  de  la  Nature  &  de  la  r^^'-*  *  c.i^. 
Grâce,  .,   '^' 

Auiîi  n'y  a  - 1  -  il  rien  de  plus 
précis  &  de  plus  gênerai  que  ce  'que  pcr  hoc  incx- 
ce  laint  Docteur  dit  dans  fa  lettre  à  ^^'^'-^^'^^^eftom- 
Sixtc:Tout  pécheur  ePt  inexcuiable  ,  rcamo"g?n;s^J^ 
ou  par  le  crime  qu'il  tire  de  la  naif-  ^^^  ^^mcaaicn- 
lance  ,  ou  par  ceux  qu  il  y  ajoute  par  voiancans ,  iive 
fa  propre  vo,ionté,loit  qu'il  connoille  s^'  novit,  ilve 

k-    '      r   ■  '•]  1  ■i-r-    <n*Ji  ignorât.  /<^. 

vente,  ioit  quii  ne  la  connoiiie  c^.  joj. 

pas.  Bb  ij 


191      n  ï  LA   Charité' 
virifafudeuh"     ]^q  mcmc    Pcie    prouve  la  mêmS 

d.m  1,1'.  i.  de  \       r        iT  1  J  1 

pccc.  ver.  erre-  cholc  allcz  au  long  dans  le  premier 
nn.e.  is.         Livre  du  mérite   6c  de  la  remilTioii 

Qui  nelcicns  ,  ,  , 

pcctavit,  non  des  pcchez  ,  OC  il  eu  rend  la  railon 
mcongiuentet    ^^j^^  f^^  Rctraélations.en  ces  ternies: 

r.olei.s  pcccafls  .  i       r         i     r 

c.ici  joteft ,  Ceiuy  qui  pèche  lans  le  i(^avoir  ,  na 
tjiamvis&:  ip:-e  j^jjf^  p^g    j^   vouloit  faire   ce  qu'il 

iccir,  voiensta-  fait,  quoy  qu  il  ne  veuille  pas  pe- 
ir,en  tccu  ua  çj^^j.  puiiqu'il  ne  Icait  pas  que 
potuic  fine  vo-  ce  qu  il  tait  eit  pèche.  Amii  ce  pçr 
iuniate  pccca-     ^^^  j^'^fj.    p^^  entièrement  fans  vo- 

lum  .  .  .  Quia     ,  ,  •         y    n  1  '  •  r 

voiuic  ergo  te  lonte ,  mais  c  eit  une  volonté  qui  le 
cit,  cnamii  non  pQj-^^  à  l'a6tion,&  nou  au  péché  qui 

eiiia  volau  p:c-  r  ^  ri 

cavic ,  netciens  S  y  rencontre  ;  oc  cependant  cette 
ie;cataincue     ^ç^ion  ne  laillc  pas    d'être    péché, 

r.ccpeccacumii- pnilque  C  eit  Une  action  qui  ne  de- 

n=  voluntatc Cl-  ^^-^  .^.^.^  T^-^.^ 

le  potuic  ,  ieo.  r 

voluntacc  taûi , 

non  voluntacc  pcccati ,  quod  tamen  fatlum  pcccatum  fuit ,  hoc 

cniiu  taduai  eft  quod  fier i  non  dcbiiit  /.  i.  Retr.^c,  ij. 

Ecce  dat  tibi       Saint  Auguflin  enfeigne  non  feule- 
fccuii:aceinrro-  ment  quc  Tigiiorance  n'excule  point 

b'^^C^"'  ^^  P^^^"^^  ^^  violement  de  la  Loy  de 
pateifamihss  Dicu  j  mais  il  dcclare  expreifémenc 
rmcur^tm^fam,  <^^^"  Tautorité  même  des  Pafteurs  ne 
feivus  fum  :  vis  nous  donne  aucune  fureté ,  il  elle  eft 
vc'q.Tomodo''''  contraire  à  la  Loy  de  Dieu.  Le  Pro- 
vis,   ooininuï  cureur  ,  dit-il ,  VOUS  donne  affûran- 

le  non  perdct  ?  ^-^  r     ^  ,-p 

sccumaceai  tibi  cc  ;  Que  VOUS  icrc  ccccc  ailuiance,  li 


INVERS    SOY-MEMP.  i95 

îe  père  de  famille  ne  TaGcepte  ?  Te  ne  Procurator  d;- 

f»   >  ,  o  V  "i'c  :  mail   vaiîC 

uis  c]u  un  procureur  ce  un  lervitenr;  iscuritas  Procu- 

que  vous  lerviroit  quand  je  vous  di-  ratoris.  udna  n 

■^  .  ^   .  -^  j  Dominas  tibi 

rois  :  faites  ce  que  vous   voudrez  ,  ^^^^.  ^  ^  .g^  r.. 
Dieu  ne  vous  perdra  point?  Ce  ne  rjUicitum  û- 
eroit  qu  une  aliurance  donnée  parle  ^i  cnimfccui 


;ari 


procureur  ,  de  cette  aifurance  ieroit  t^s  vaiet,etiaai.i 
mutile.    Plut  a  Dieu  que  Dieu  vous  ro  nihii  vaicr,  li 
la  donnàt,&  que  ie  vous  la  refufalFe.  iiicnoiuevic. 
Car  l'aflurance  que  Dieu  vons  donne-  f^uritàs,  fia- 
roit  feroit  bonne  ,  quand  bien  même  "es ,  y<:i  mea 

,-      /-        .  .       -^  r        ■  vel  vellra  ,   ni  i 

elle  leroit  contraire  a  mon  lentiment  j  ur  Dommi  jad'i 
&  la  mienne  ne  vaut  rien,  fi  elle  le  intente  &:diii- 

1  ,        T^ .  e;enter  audia- 

tuouve  contraire  a  ceiuy  de   Dieu,  ^as,  sct^ronif- 
Quelle  eft  donc  la  véritable  fureté  ,  ^'^  hdeiucrexpj- 

^^    .       ..  ^  et -mus  ^.  -'i^^. 

continue  ce  Docteur  ,  ou  pour  vous  a  tut.  t».  c.  $, 
ou  pour  moy  ,  linon  d'écouter  avec 
tout  le  foin  &c  toute  Tattention  pof- 
Tible  ce  que  Dieu  nous  commande  , 
ôc  d'attendre  avec  confiance  l'accom- 
pliffement  de  fes  promelfes  ? 

Commentée  faint  Do(5teur  auroit- 
il  pu  dire  que  la  fureté  donnée  par 
le  procureur  ne  fert  de  rien  ,  fi  une 
infinité  d'adions  condamnées  par  la 
vérité  ^  devenoient  bonnes  Ôc  fûres 
par  les  fentimens  3c  les  opinions  des 
jiommes? 

Ce  Père  pafTe  même  plus  avant  j  ôc 

Bb  lij 


194  ^^    LACHARItt' 

en  reconnoiflant  d'une  part  qu'il  cd 
comme  impofîible  de  Ce  délivrer  dî 
certaines  erreurs  ,  il  ne  laillc  pas  de 
condamner  abfolument  ceux  qui  le; 
Quta  faccrec    fuivent.   Comment  ,  dit-il  ,  un  en- 

puei  natus  in-  ,  •  i         T^ 

1er  Paganos  _,  ut  hint  nc  parmi  les  Pavéns  pourroit-L 
SiT.r'""  '';  s'cmpechér  d'adorer  des  idoles,  puif- 
iiium  cuicuin  quc  ics  parens  ront  palier  ce  culte 
jrai^nTcITTnde  ^''^^^^  fon  efprit  dés  Ics  premières  aft- 
prima  verba  au-  nécs  ?  Lés  premières  paroles  qu'il  en- 
xôrcm  clria:  ^^"^  ^«'^  ^^^  paroles  d'idolâtrie  •  il 
âc  fuxit  :  &      fucce   cette  erreur  avec  le  lait  ;  &l 

<juia  illi  qui  lo-  ^  •    M         ^       j  1 

suebancur  ma-  commc  ccux  a  qui  il  entend  parler 
jores  erant ,   &  font  2;rands,&  qu'il  cft  petit^que  peut- 

puer    qui  locui     i  r   •  J      T  1  •    '    o 

Siicebat  inf.ins  ^^  ^"^'^'^  ^^^  ^^  luivrc  kur  autontc,& 
crac ,  unde  po-  croire  bon  pour  loy  ce  qui  eft  ap- 

terac  parvulus  /  .     r-^  i  c    ;    * 

niii  inajoium  prouvc  par  cux  ?  Cependant  ^aint 
autontatem  fe-  Au^uftin  reprcfcnte  enluite  ces  en- 

qui  ,   &   id  lîbi   ri  r^\      '    •  J  J 

bonum  ducere  ^ans  devenus  Chrétiens,  demandans 
«juod  ifti  lauda-  pardon  à  Dieu  de  ce  qu'ils  ont  fait 
ics  converfî  ad  ^^"1  ii-Uvant  ccttc  impreliion  de  leurs 
chrifium  poftea  parens  ,  &  luv  adrellans  ces  paroles: 

&  recordanccs     \  ,.  ^  /      .        .  •       j      r 

impiecatem  pa-  ^^^  diJcvHrs  aes  impics  Gût  frcvalii  (If/ 
icntumfuoinm,  ;^(j;^f  .   Seiçrîcur^  pardonnez.-noHS  nos 

&  diccntcs  quud   .        .  *-*  •' 

jam  dixic  Pro-      imp'€tez.. 

pheta  ipie  jere-       Quelle  opinion  faulFe  peut  être 

iiiias,  veremen-      ,      ^--     ,      i  i"  v    ij/  i   j  • 

aacium  coiue-  plus  probable  a  1  égard  de  qui  que  ce 
runt  racres  noù  {^^^  ^  -  ç^^^^  l'idoLitrie  i'eft  à  l'égard 

tri  J   vanitatera    ,,        "      A  "-^  r 

qu«cisûonpro.  4  UH  entaiit^  qui  commençant  auler 


ENVERS    SOY-MEME.  29^ 

foiblemenc  de  fa  raifon ,  voit  ce  culte  fuit .  cum  crgo 

.  >    e     r  •     •  ^  •  jani  hoc  dicunt 

JïpprOUVe  Se  lUlVl   par  tous    ceux  qui  Jenunuant   opr 

renvironnent ,  &c  qu'il  reconnoîten  nioaibus  &  fa- 

1      r         1        r  o       1        crilcgiis  paiea-  "* 

toutes  aurics  choies  plus  lages  oc  plus  ^^..^^  luorum  i. 
éclairez  qu'il  n'efl:  :  cependant  cette  niquoram.  sed 

1     1    i-.-    /       ,  ^  quia  ut  jnfcicié- 

proDabiliiite  n  exempte  pas  ces  en- tur  taiibus opi- 
fans  de  recourir  à  Dieu,  pour  obte-  nionibus&  fa- 
nir  le  pardon  ae  leur  crniie.  fiu-iioncs  fece- 

runt  corum^qui 
quantosetAtc  pr^cedebant,  tanto  autoritatc  ptsccdcre  dcbcre  paca- 
bantaiiconfitecui"  jam  redire  volens  ad Jsrufa'lem  de  Babylonia^^-di- 
cic  feiinoncs  iniquorum  praevaluerunc  adverfus  nos.  Qaarc  iaîoie* 
lates  noftias  tu  propitiabeiis.   S.  Aitg.  mPf.ii. 

D.  N'y  a-t-il  que  S.  Auguftin  qui 
ait  condamne  généralement  les  pc- 
diez  d'ignorance  ? 

^,  Les  autres  Pères  ont  tiré  la  mê- 
me doftrine  de  rEcriture  iainte  , 
comme  faint  Aucuftin  l'en  avoit 
tiré.  Aucun  n'a  enieiirné  que  l'ieno- 
rance  put  lervir  d'excule  a  ceux  qui 
âuroient  violé  la  loy  de  Dieu.  Au- 
cun n'a  appris  au  monde  ce  fccret , 
Que  pourvu  que  l'opinion  que  l'on 
fuit  dans  fcs  actions  foit  jti^ée  pro- 
bable par  celuy  qui  la  fuit  ,  fon  ac- 
tion eft  exempte  de  péché.  On  voit 
au  contraire  qu'ils  craignoient,  ôc- 
qu'ils  enfeignoient  que  l'on  doit 
craindre  dar.-s  les  actions  même  que 

Bb  iii] 


Viri  fanAi 


15?^  Di  lA  Charité* 
l'on  juge  bonnes,  ôc  qui  font  faites 
par  confequent  félon  des  opinions 
qu'on  juge  probables.  Les  Saints , 
cummaTa7upe-  dit  faint  Grégoire  le  Grand ,  crai- 
lant  fua  ctiam   anent  même  pour  leurs  bonnes  ac- 

tcnc  getra,  for-  *<  ,  ^  1  r  •        1 

jBiaanr,nc  cum  tions ,   de  pcur  que  voulant  taire  le 
bona  agere  ap  ]^[qi^     [\^  j^g  s'attachent  à  Une  fauf- 

ïicnis  insaginc    ic  UTiage ,  &  qu  il  n  y  ait  une  pour- 
faiiantur  na     riture  mortelle  qui  foit  cachée  fous 

peftifcra  tabès  ,     ,,  1  j  ■    n 

putrediniîj  fub  unc  belle    apparence.    Les  jultes  , 
fconi  f^ecic  la-  jjj     encore    ce    Père  ,    tremblent 

tcat  coloris.  .,  ' 

scjunrcnim       dans  IcuTS  meilleures  actions  ,    &" 
«juia  corrupcio-  aemilfcnt    Continuellement   devant 

Tiis  adhijc  pon-  o 

«iercgravati,di- Dieu   ,    daiis  la   craiiitc  qu'ils  ont 

î-ubdiKcr  nT    q^'^^^^s    ^e  déplaifent  à  Dieu  par 
ciunt   &  cum    quelque   erreur    qui    leur  foit   ca- 

ante  ocalos  ex-  -U '^     • 

ertmi  exanimis    *-"^^» 

xegulam  dcdu- 

cant  ^  hïc  ipfa  in  fc  non  nunquam  &  quJt  appiobant  metuunt.  •?, 

^"'■^i-  /•  ^,  Moral,  c.  6. 

D.  Cette  doctrine  a-t-elle  pa(Te 
des  anciens  Pères  ,  à  ceux  qui  font 
plus  proches  de  nôtre  temps  ? 

F.  On  ne  voit  pas  d'autres  fenti- 
mens  dans  l'Eglife  durant  quatorze 
cens  ans ,  comme  on  le  peut  aifé- 
ment  juger  ,  par  ce  qu'enfeignenc 
fur  ce  fujet  faint  Bernard  ,  faint 
Thomas ,  ôc  les  anciens  Scholafti- 


ENVERS     SOY-MEMÏ.  1^7 

ques  &  Canoniftes. 

D,  Qu'eft-ce    qu'enfeigne    fàint 
Bernard  ? 

J^.  Ce  Père  réfute  fort  au  long     f'ide  s.  s^i 
dans  fa  Lettre  à   Hugues   de  i^aint  f?/^;/,f^]^^-^ 
Vicftor  ,  ceux  qui  ne  reconnoilfoient 
point  de  péchez  d^ignorance  -,    Se  il 
fait  voir  qu  il  y  en  a  ,  par  plufieurs 
paflages  de   l'Écriture  lainte  ,   fans 
jamais    excepter     cette     ignorance 
jointe    aux  opinions    probables.   Il 
palïe  plus  loin ,  3c  enleigne  géné- 
ralement qu'il  y  a  deux  conditions 
neceiîaires  ,  afin  que  l'œil  de  nôtre     ïgo  verô  iJi 
ame  foit  yrayement  iimpie  j  içavoir  ve«  ilmpiex  fit, 
la  charité   dans  l'intention  ,  &  la  ^mo  iin  eiie  ar« 
vérité  dans  le^choix  :  car,dit  ce  faint  n" cLiutem  Ta 
Dodfceur,  fi  nôtre  ame  aime  le  bien,  intentionc,  & 
mais  qu  elle  ne  cnGiliiie  pas  le  vray  ,  .i.^.em.  Nam  fî 
elle  peut  bien  avoir  le  zèle  de  Dieu  ;  bonum  quidem 
mais  un  zèle  qui  ne  fera  pas  règle  rum  non  eUgac  ; 
par  la   fcience  :    &  je  ne  voy   pas  hatjetqmdem 
qu  au  jugement^de  la  vente  ,  la  fim-  ^on  fecundum 
pli  cité    puille  être  eftimée    vraye     fciemiam  ,    & 

'  ■     •  ^    \       r      iV     '  ncfcio  quemad- 

étant  jointe  a  la  fauilete.  modiim  judido 

X).  Ce  paiîa^e  fait  bien  voir  que  vericatis  veia 

{•  .    ^  o  j  '^  1  1  '     efle   pofîic  cura 

aint  Bernard  reconnoit  quelque  de-  faiùtate  finipU- 

faut  dans  cette  {implicite  trompée;  ^'^^^^-  ^-^'^-^^ 
mais  il  ne  prouve  pas  que  ce  Père  y  14. 


toS    De   tA  Charité' 
reconnoiirc  du  péché  ? 

^,  S\\  ne  dent  pour  le  prouver  , 

qu'a  montrer  que  ce  Père  le  fcrt  du 

mot  même  de   péché ,   5c   que  c'cft 

le  défaut  dont   il  parle  ,  cela  fera 

bien  aiié  :  car  c'efl;  le    terme  qu'il 

jnaiam  putes     employé  daus  ces  paroles  luivantes. 

bonumquoi     ^^j^  donc  qu'en  failant  le  bien,  or 

honum  maium  ic  croyc  mal ,    OU  qu  en  rauant  le 

c.iod  opcvaiis ,  ^^^^  ^^^  j^  croye  bien  :  lun  ôc  l'au- 

-<atuincft  ibid.  tre  clt  un  peche.- 

D.  Quel  efb  le  fentiment;  de  faint 
Thomas  lur  ce  lujet  ? 
.  -R,  On  ne  le  peuc  pas  plus  claire- 
ment exprimer  que  ce  faint  Dodeur 

«lum  quodduo- 1  ^  lait  par  ces  paroles^  On  le  rend  , 

bus  modis  aii-  dit-il, coupablc  de  péché  en  deux  ma- 
quis ad  pecca-     .  /,  ■  i-r  i 

tum  obiigacur  Hieres  ^  1  uue,  en  agiiiant  contre  la 
unomodofa.    \q^       commc    Guaud    OU   commct 

cicndo  contra      -   ■'    :        .  ,,     -^  ..^ 

legem ,  ut  cum  Tomication  :  1  autre,  cu  agiiiant  con- 
aiiquis  fcrnica-  ^^^^  f^  confcience  ,  quoyque  ce  que 

tur,   aliomodo  _   .  '     ^^       -'    i        ,        ,i 

faciendo  con-  1  OU  rait  ne  loit  pas  contre  la  loy,= 
traconfcicntia,Q^  ce  qui  eft  fait  contre  la  loy  efl: 

ctli  non  ut  con-        ^1  ^,j 

tra  icgem  ....  toujours  mauvais  3  quoy  qu  il  ne 
q.-ûda-kuT  ^^'^  P^^  contre  la  confcience.  Rien 
contialegem  ne  p2ut  êcre  plus  gênerai  ni 
tu'ï.^'nLlv:"';.  plus  précis ,  que  les  termes  de  ce 
tûi  pei-  hoc  Saint  Dodrcur  •  &  c'eft  fur  ce  fon^ 
l^^  %uTd^^  demenc  qu'il  continue  dans  le  mê-i 


5NVEP.S    SÔY-MSiM''.  15)9 

nie   endroit  ,  &c  reconnoilïïmt  qu'iM'^"^-.- ."^"^^ 
y    avoïc    diveries    opinions    lur    la  cft  vcra,  fed 
queftion  de   la   pluralité  des    bene^  magis  conaada 
nces ,   il  décide  nettement ,    que  h  cur ,  ua  quod 
Topinion    qui     permet    d'en    avoir  ^^^^  ^'"'  ^^^^®' 

1      -  1  r  ^  re  pluies  prx- 

pluiieurs    elt    faulie    ,     celuy    qui  bei.das ,  ix- cunc 
la  fuit  pèche  ,   &  n  efl:  pas   excule  ^^^-'-'^s^'^^-^'^um 

^  i  ^'  ,  ^  €lt  qaui  auc  tahs- 

pour   luivre  la   conlcience  &  cette  habec  conùien- 
opinion  ,  parce  qu'il  ag;it  contre  la  '[^'^'^^'^  conna- 

r  '    r  1  t>  110,  led  ceiciru- 

ioy    de    Dieu.  dmem  ,  led  ta.- 

Le  même   Père  ne  s'explique  pas  T''  1".^^^^^^^ 

i       1         r        ducuacionem 

moins    clairement  dans   la  queftion  inducifar  ex 
fuivante.  Il  eit ,  dit-il  ,    dangereux  ^^^^^  ^ 
de  décider  une  queltian  où  il  s  a^it  ûc  manerxce  ;aik 
de  fçavoir  h   quelque  chofe  eft  pe-  .^ti^'T^ben. 
ché  mortel  ou  non  ,   à  moins  qu'on  dis  habec,  pc- 

■  iT"        1    :  1  ^  -^^      ricu'.o   fe  cotn- 

ne  connoiiie   clairement  la  vente  j  ^^^^^^    ^^^^ 
parce  que  Terreur  qui  fait  que  ce  procui  dubio 
qui  eft  péché  mortel  n'eft  pas  efti-  magh  amïns* 
mé  péché   mortel  ,   if  exempte  pas  benehcuim  ce:n- 
de  pèche ,  ^  quoy  qu  il  en   diminue  propnam  laïu- 
peut-être  l'énormité.  tem.  auc  ex 

*-    -r^  1  ■  1  '^  conrrariis  opi- 

,    ht  en  un  autre,  lieu  du  même  ou-  nioniousinnui- 
vraere  5  il  propoie  généralement  le  i^'"  ^^i^'j^atio- 

•  *-    •  1  1     a    •  T>»  nc'in  addacitur  ~ 

principe   de   cette   doctrine  :  Dans  ^  de  non  com- 
les   choies,    dit-il,    qui  appartien- "^^'^\i^  ^'^ '^^^''="- 
nent  à  la  toy  ôc  aux  bonnes  mœurs,  .ar'.  j   t» 
perfonnc  n'eft  excule  de  péché  ,  pour--^^--'''^  ^- 
avoir  iuivi  le  ientiment  de  fou  maî-^'^^ri,.  Dic<;n- 


rir    rhriCci. 


500         De  la   Char 
4um  quod  om-  j^e  ;  Car  daiis  ces  fortes  de  chofcs 
qui  de  moitaii  1  ignorance  n  excule  point. 

peccato  qua?n- 

tur  nilî  cxprcfle  vcritas  habca.tur ,  pcriculofè  dcterminatur  ,  quia 
crror  quo  non  credicur  cflc  pcccatum  morcale  quod  eft  pcccaium 
rnortalc  ,  confcientiam  non  excufat    à  toco  ,  licet  forte  à  lanco. 

^l^a'.lh.  9.    '-^m-^     '.art     If. 

...  In  his  vcro  qaas  pertinent  ad  fidem  &  boros  morei  nuUus  cx- 
cufatur,  fi  fcquatur  crroncani  opinionem  alicujus  magifln  cnim 
Sgnorantia  non  cxcuiat.  ^odlib.  j.  ^-fi-  4-  art.  10 

D,    Saint  Thomas   n'a-t-il    point , 
tcr'fi  fadJ^pec-  ^uivl  unc  autre  dodtrinedans  Tes  au- 

cat   quia  hujuf-  j^çg  OUVragCS  ? 

îu  non  fxS*,  ^.  Non  :^  Car  il  enfeigne  nette- 
cum  lit  ignoran- nient  lur  l'hoîtrc  aux  Galates  ,  que 

eiaiuris.  ^.  T/'.  ,,.  j"      j       -^      5  r  ■        . 

auLt.  j.  leS»  I.  ^  Ignorance  du  droit  n  excule  point  » 

Article     I, 

^x^.men   de   quelques   âijflcHltesi 
fur  cette  àecirmc. 

D,  Ne  peut-on  point  rendre  inuti- 
les tous  les  paiFagcs  qui  viennent 
d'être  rapportez  ,  en  difant  qu'à  la 
vérité  ,  l'ignorance  des  premiers 
principes  du  droit  naturel ,  n*excu- 
le  point  ,  parce  que  ces  principes 
font  naturellement  connus  ,  &  que 
le  péché  n'en  a  pas  eftacé  la  con- 
^  noilFance  •   mais  que  cette  ignoran- 


ENVERS    SOY-MEME,  JÔÎ 

ce  peut  fervir  d'excufe  à  l'égard  des 
conclufions  éloignées  du  droit  natu- 
rel ,  parce  qu'on  peut  ignorer  ces 
conclufions  fans  malice  ôc  fans  cu-« 
pidité  î 

.  ^,  Cette  diflindion  ne  peut-être 
propofée  par  ceux  qui  auroient  tant 
foit  peu  de  refped  pour  l'antiquité. 
Car  puiique  les  Pères  de  TEglife 
condamnent  indéfiniment  &  sene- 
ralement  de  péché  ,  tout  ce  qui  eft 
fait  contre  le  droit  naturel ,  il  feroic 
bien  étrange  qu'ils  n'eulfent  point 
vu  qu'il  en  falloit  excepter  plus  de  la 
moitié ,  &  qu'ils  n'eulfent  point  eux- 
mêmes  fait  cette  diftindlion. 

Toutes  les  raifons  qui  prouveroienc 
que  l'ignorance  peut  excufer  ceux 
qui  violent  le  droit  naturel  dans  les 
conclufions  prochaines  ,  prouve- 
roient  aufîi  que  l'on  doit  excufer 
ceux  qui  le  violent  dans  les  conclu- 
fions les  plus  éloignées.  Car  com- 
me c'eft  la  cupidité  qui  fait  que  l'on 
fe  laiife  feduire  par  les  mauvaifes 
taifons ,  qui  favorifent  certains  fen- 
timens  contraires  aux  premiers  prin- 
cipes de  la  morale  Chrétienne  5 
c'eil  aulîi  la  même  cupidité  qui  nous 


foi      De   l  a  C  h  a  r  I  t  e' 
cache  la  vérité  dans  les  conclufion$ 
ks  plus  éloignées.  Que  l'on  bannillb 
de  lame  les  nu.igcs  des  pallions ,    de 
la  corrupciou  du  cœur,  elle  ne  trou- 
vera rien  d'obfcur  dans  les   loix  de 
Dieu  ,  iSc  ne  cherchera  point  a  difcin- 
guer  ni  concluiions  prochaines,  nié- 
loi'.nicc*s.   Au  contraire  ,  auemcntcz 
cette  corruption ,  il  n  y  aura  rien  qui 
ne  puide    paroître  probable  a  Vamc 
,  „         aveuglée.  Car,  comme  faintAu^u- 
taie    iiiud  effc-  "^n  Ic  TCii^iarque  rort  bien  dans  les 
formidoiofurn ,  Lfvres    contfc    les  Académiciens , 
cu.quc  iniiucn-  il  H  y  a  point  dc  Crime,  tel  qu  il  loit , 
duiî.  quod  nctas  q.jj  ^^q  |«  Dmlfc  exculci  &c    défen- 

tio  piobabiHs  drc  pat  des  raiions  qui  pourroient 
it,  cumpio- p^j-çj^jj-ç  piobablcs  a  quelques  per- 

viramfiierueile  lonnc^s.  De  lortc  que  11  la  probabi- 
t.iciendu!n,tan-jjj.^    fufliloit  pour  cxcufer  quclque 

vci.o2a"cntj..c'^t,  pèche  ,  elle  les  exculeroit  tous  ge- 
nou (oiam  lu.--  neralcmenc.    On  doit  donc  recon- 

fcclcris,   kd  t-        ^  ,  . 

tiauT  hue  eiio-  noitrc  qu  entre  les  veritez  ,  que  i  î- 
lis  vitupciauo-  rrnorance  nous  peut  cacher  ,  il  v  en 
.;>   .^>;.. /.  <.     a  de  plus  claires,  Se  de  plus  obicu- 

c.nt    Àcadem.     ^.^  o.       ^^-1     £^^j.       ^         ^^    padlOU  , 

Se  pius  ci  avcugiement  pour  cacher 
les  unes  que  les  autres:  Mais  com- 
me il  n'v  a  aucune  vérité  de  morale, 
dont  Tio-norance  n'ait  la  iource  dans 


tNVERS    SOY-MEME,  305 

(es  paffip.ns  <Sc  les  tcnebres  qu'elles 
créaient ,  il  n'y  en  a  .auffi  aucune  donc 
l'ignorance  puiiîe  excuier. 

D,  D'où  vient  donc  que  cane  de 
Théologiens  modernes  le  iont  éga- 
rez fur  une  matière  li  peu  douceule, 
5c  qui  fe  trouve  prouvée  par  l'E- 
criture ^  par  les  Pères  ? 

R,  C'eil  eue  ces  Theoloeiens  n'ont 
pas  luivi  le  véritable  ordre  dans 
l'examen  de  cette  queftiori  ^  6c  qu'au 
lieu  de  s'attacher  à  cette  propofition, 
qui  a  toujours  été  vraye',  claire,  & 
ri-cûë  dans  la  tradition  deTE^lile': 
Qu_e  jamais  le  vioiement  des  loix 
naturelles  n'efl exempt  de  péché,  de 
quelque  ignorance  dont  il  puiile 
naître  ;  ils  ont  changé  la  thefe  ,  de 
ff  Iont  appliquez  a  l'examen  de  cet- 
te  autre  queition  pleine  d'équivo- 
CLie  (5c  d'obicurité  ,  Scavoir  ii  Ti- 
ignorance  invincible  peut  exçu^ 
ilr. 

/).  Pourquoy  dites-vous  que  cette 
dernière  qiieltion  eft  remplie  d'équi- 
voque &  d'obicurité  ? 

/?.  C'efl:  que  l'on  ne  convient  pas 
bien  de  ce  que  l'on  appelle  igno- 
rance invincible  ^   de  lorte  que  ce- 


J04       I^ï    l'A  Ch  a  R  I  TI* 

luy  qui  dit  ,  que  l'ignorance  invin* 
cible  n'excufe  point  de  péché  dans  le 
droit  naturel ,  de  celuy  qui  dit  qu'el- 
le en  excufe  ;  celuy  qui  dit  il  n'y 
a  point  d'ignorance  invincible  dans 
le  droit  naturel ,  &  celuy  qui  die 
il  y  a  une  ignorance  invincible  du 
droit  naturel ,  ne  différent  fouvent 
que  de  mots ,  &  font  d'accord  dans 
le  fens. 

Z).  Comment  cela  fe  peut-il  fai-i 
re? 

R.  Si  par  le  mot  d'ignorance  in- 
vincible ,  on  entend  une  ignoran- 
ce dont  on  ne  puifîe  fe  délivrer , 
même  en  purifiant  de  bonne  foy  Ton 
cœur  ,  ôc  en  demandant  la  grâce  de 
Dieu  5*  que  cette  ignorance  n'aie 
point  fa  fource  dans  la  corruption 
du  cœur  :  il  eft  vray  de  dire  que  cet- 
te forte  d'ignorance  invincible  excu- 
feroit  de  péché.  Mais  fi  par  le  mot 
d'ignorance  invincible,  on  entend 
une  ignorance  dont  on  ne  peut  fc 
délivrer  par  fo y-même,  &  par  les 
feules  lumières  de  l'efprit  humain, 
mais  dont  on  peut  fc  délivrer  par  le 
fecouis  de  la  grâce  de  de  la  lumière 
de  Dieu  que  Ton  peut  obtenir  par  la 

prière  y 


ENVERS      SOY-MF-Mt.  ^O^ 

oriere';  il  eft  vray  que  cette  igno- 
rance n'excufc  pas  de  péché.  De 
même  ,  celuy  qui  dit  qu'il  peut 
y  avoir  une  ignorance  invincible  â 
l*égard  de  quelques  veritez  du  droit 
naturel  ,  peut  être  d'accord  avec 
celuy  qui  dit  qu  il  n'y  en  peut  avoir-, 
parce  que  l'un  entendra  la  première 
lorte  d'ignorance  invincible  ,  qui 
ne  fe  rencontre  en  effet  jamais  à  l'é- 
gard du  droit  naturel  ;  &c  l'autre  en- 
tendra la  féconde  ,  qui  fe  rencontre 
fouvent.  ^ 

X).  Comment  les  anciens  Théolo- 
giens ont-ils   parlé   iur    cette  ma-  ^ 

J.  *■  If^noramia  qu« 

tiere  ?  '     ftudio  luperan 

Â.  Saint  Thomas ,  de  après  luy  les  "^"  p°',^^  '  ^'- 

,        .      ■'  i         „      ^  que  oo  la  iHvin- 

anciens   Théologiens ,  ont    loutenu  cibiUs  aiei  fo- 
d'une  part ,  que  l'ignorance  invinci-  ^"  -  nailum  eft 
pie  excuioit  de  pèche  j  &  de  l'autre  cantummodo 
qu'elle  ne  fe  rencontroit  jamais  à  :™;^";'„'/'f ', 
l'égard  du  droit  naturel  :  &  ainfi  il  eft  fcire  rencmi ,  , 
aifé  de  voir  en  ralfemblant  ces  deux  ^°^  qurs'^fdte 
proportions  ,  qu'ils,  font  demeurez  ^"^^^  lenetur.  s, 
dans  la  doctrine  des  Pères,  qui'eft  ^^',^^^1." 
que    l'ignorance   du    droit    naturel   ^'^^  P°^^^  'f^ 
nexcule  jamais    les  actions    qui  y  eju$  coiTman;! 
font  contraires,  '  &  uni/erfaiia 

.  omnibus  noia. 
principia  ex  cofdibus  hominam  aboîcri.   llit^.  Sz^p-  ^a-  ^'*-  ^< 

Tome  II,  C  c 


^o6       De  la  Charité* 

D.  Quel  cfl  donc  la  four  ce  de  Te- 
gaiement    de     quelques     nouveau: 

Théologiens  ? 

J^.  C'ell:  que  prenant  cette  maxi- 
me de  laint  Thomas  j  Que  l'igno- 
rance invincible  excuie  de  péché 
qui  eft  véritable  en  la  manière  qut 
fâint  Thomas  l'entend  :  ils  y  oni 
joint  une  autre  maxn-ne  qui  peui 
être  vraye  en  un  certain  Tens 
mais  qui  eft  fauife  dans  le  fens  que 
faint  Thomas  donne  à  ce  terme 
qui  eft  y  Qu'il  peut,,  fe  rencontrer  de 
l'ignorance  invincible  à  l'égard  dt 
droit  naturel  :  &  de  ces  deux  no- 
tions  obicures  de  équivoqlies  ,  il* 
en  ont  tiré  une  conclu  (ion  di- 
re6lement  contraire  à  l'Ecriture 
fainte  ,  6c  aux  Pères,  qui  eft  ;  Qu'u- 
ne aétion  contraire  au  droit  naturel , 
peut  être  exculée  par  une  ignoran- 
ce probable  ,  c'eft-a-dire  ,  par  des 
railons  probables  qui  nous  cachent 
la  vérité. 

D,  Quel  eft  le  lentiment  le  plus 
fur  ,  &  le  langage  le  plus  autorifé 
fur  ce  fujet  ? 

^.  C'eft  de  ne  reconnoitrc  point 
abiûlumcnc   d'icrnorance   invincible 


'"envers    SOt-MEMÏ.  507 

à  regard  du  droit  naturel.  Car  quel- 
que cachée  que  loit  une  vérité  de  la 
loy  de  Dieu  ,  nous  en  obtiendrions 
de  Dieu  la  connoilCuicc  ,  Ci  nous 
uiions  T3ien  des  lumières  de  la  loy 
naturelle  ,  dont  Dieu  ne  laiffe  pa^ 
d'éclairer  nôtre  ame  ,  même  après 
le  péché.  Nous  acquiererions  Fans 
doute  cette  connoiifance  ,  il  nôtre 
cupidité  volontaire  ôc  libre  ,  ne 
mettoit  point  d'obftacle  à  Taccroif- 
fement  de  Tes  lumières  dans  nôtre 
cœur  ;  ôc  il  dans  la  connoilîance  011 
nous  devons  être  de  nos  ténèbres  Ôc 
de  nôtre  impuilïànce  ,  nous  nous 
adrellions  a  Dieu  avec  la  pureté 
de  cœur  necelTaire  pour  obtenir  les 
lumières.  Car,  comme  dit  faint  Au-  _.  . 
guitm  5  il  par  des  prières  pures  nous  Dominum  lar- 
nous  adreiîioîisà  Dieu,   oui  donne  p^^^^^^^  ^ono. 

^   .  '  ^  1  .  .         ïvuxi  omnium 

tous  les  D-icns  ,  nous  icrions  in- cicpieceiis  _,  om- 
ftruits  par  ia  lua.iere  ,  fans  le  fe-  r,L".c''drg„rf?n;; 
cours  d'aucun  homme  ,  de  toutes  --^ut  cenè  piuà> 
es  veritez,  qui  iont  dignes  cl  être  j„,p;^^P^^^^.^^^^^ 
fcûes ,    ou  du  moins  de  la  plupart,  hominum  aii- 

eit  dans  ce  iens  que  iamt  Augu- /     5.^,,-^,^^^   ^.^ 
ftin  dit  .  qu'il  n^  point  été  ôté  à  au-  -"^^^i-   '?■   i  o- 
cun  nomme  de  Içavoir  chercher  nti-    -^^^m  homi- 
celement  les  chofes  .  dont  l'io-noran  rminaiMacuai 
luy  eit  dangereule,  C  c  ij         ^^^^,,eic  c::od 


3o8       De  la  Charité* 
fnatîliter  igno-      £>.    Ce    fentiment  obliee-t-il   dé 

tac.   De  lib,  arb.  ^  r    ■  >  n 

i.i.c.i?.  croire  que  toutes  les  fois  quon  eit 
prêt  d'agir  par  l'ignorance  de  quel- 
que vérité  ,  Dieu  donne  toujours 
quelques  lumières  qui  nous  en  in- 
ftruiient  en  particulier  ? 

^  vUe  s.  ^ug.     R,  Nullement  ;  il  fuffit  d'admet- 

^itiitwlJ'  ''^^*  ^^^  ^^  Dieu  une  préparation  de  don- 
ner aux  hommes  Tes  lumières  parti- 
culieres,  s'ils  ufoient  bien  des  lumiè- 
res générales  ;  c'eft-à-dire  ,  s'ils 
ufoient  bien  de  celles  par  lefquelles 
Dieu  leur  fait  connoître  certains 
principes  généraux  de  la  loy  natu- 
relle. 

X>.  Eft-il  neceflàire  de  reconnoî- 
tre  qu'il  y  a  des  gens  qui  fans  aucu- 
ne autre  grâce  ,  peuvent  faire  ua 
bon  ufage  des  lumières  .généra- 
les? 
roy^  tiK  j^^  Cq\2l  n'efl:  point  necelîaire ,  & 
minfii  ^cordis.  c  cit  pourquoy  les  Dilciples  de  laint 
Thomas  enfeignent ,  que  perfonne 
n'ufe  bi^  de  la  grâce  purement  fuf- 
iîfante ,  &  qui  n'eft  point  jointe  à  la 
grâce  efficace. 

jD. Doit-on  re)etterabfolument  cet- 
te proportion, que  l'ignorance  invinci- 
ble a  lieu  dans  la  loy  naturelle  ,   âc 


ENVERS    SOY-MEME.  505 

IJu'elle  n'excuie  pas  de  pcché  ? 

^•.  Cette  proportion  efl  odieufe^ 
"parce  qu'elle  donneroit  lieu  de  con- 
clure ,  félon  la  rigueur  des  termes, 
que  robfervation  des  commande- 
mens  de  la  loy  naturelle  leroit  im- 
pofîîble.  Mais  Ci  en  expliquant  cette 
propofition  ,  il  paroiuoit  que  par 
cette  ignorance  invincible ,  on  n'en- 
tendît pas  une  igorance  qui  fût  abfo-» 
^ment  impofîible  de  furmonter , 
iRais  feulement  une  ignorance  qu'on 
ne  veut  jamais  furmonter  avec  les' 
grâces  ordinaires  &  communes ,  cet- 
te propofition  ainfî  expliquée  ne  fe- 
xoit  point  condamnable.  Car  ,  par 
exemple  ,  les  enfans  des  Payens 
font  dans  une  ignorance  à  l'égard  de 
l'idolâtrie,  qu'ils  ne  furmontent  ja- 
mais fans  une  grâce  extraordinaire, 
que  Dieu  donne  très-rarement.,  Ce- 

Î)endant  l'idolâtrie  ne  lailîe  pas  de 
eur  être  imputée  par  la  juftice  de 
Dieu,  de  il  en  eft  de  même  de  la 
plupart  de  leurs  autres  ignorances  : 
ils  ne  les  furmontent  jamais  avec  la 
grâce  commune  qu'ils  ont ,  &  ce- 
pendant ils  ne  lailîent  pas  d'être  cou- 
pables de  ce  qu'ils  font  par  cette 
ignorance. 


^la     De    la  Charité* 

D,  Eft-ce  mal  répondre,  que  dire 
que  la  rai  Ton  pour  laquelle  Dieu 
impuce  à  péché  ce  que  Ton  commet 
par  cette  ignorance  que  Ton  pour- 
roit  lurmonter ,  mais  que  l'on  ne 
furmonte  jamais  adtuellement  ,  eft 
que  cette  ignorance  efl  une  fuite  du 
péché  originel  ? 

^.  Cette  réponfe  n'eft  pas  faulfe, 
mais  qu'elle  n'eft  pas  entière  ni  fuffi- 
£knte.  ^ 

Elle  n'eft  pas  faulfe  ,  parce  qu*^ 
efFct  cette  ignorance  eft  une  fuite  du 
péché  originel ,  &  que  Dieu  ne  nous 
impute  pas  injuftement  le  péché  o- 
riginel ,  ni  par  conlequent  les  fuites 
de  ce  péché  j  mais  auffi  cette  répon- 
fe n'eft  pas  entière ,  parce  qu'il  ne 
fuffit  pas  pour  que  Dieu  impute 
quelque  adtion  à  péché  ,  qu'elle  foit 
une  fuite  &;  une  peine  d'un  péché 
précédent  ;  autrement  les  mouve- 
mens  de  la  concupilcence  aufquels 
on  ne  coufent  point,  feroient  àcs 
péchez.  Il  faut  de  plus  que  cette  ac- 
tion que  Dieu  impute  à  péché  ,  foit 
volontaire  &;  libre, ou  direâ:emcnt  ou 
indiredement.  Or  cette  ignorance 
.a  toutes  les  qualités  pour  être  impu- 


'invers    so'y-m:emî'.  ^it 

tée  à  péché.  Elle  efc  libre  &  volon- 
taire ,  parce  que  nous  n'ignorons 
jamais  aucun  point  de  la  loy  natu- 
relle ,  que  parce  que  nous  nous  dé- 
tournons volontairement  &z  libre- 
ment des  principes  que  Dieu  en 
a  gravez  dans  nôtre  cœur  ,  qui 
nous  *  éclaireroient  lans  doute  fuï 
toutes  les  difEcukez ,  ou  qui  nous 
apprendroient  à  luipendre  1  adion  , 
j^lqu'à  ce  que  nous  eudions  trouvé 
une  lumière  certaine  pour  nous  con- 
duire.- 

D,  Comment  la  lumière  de  la  loy 
naturelle  que  Dieu  grave  dans  l'ef- 
prit  de  tous  les  hommes,  les  peut- 
elle  porter  à  s'empêcher  d'agir,  lorf- 
que  ces  hoiTuiies  ne  font  pas  fuffi- 
famment  indruits  de  quelque  règle 
de  morale  } 

5?.  Elle  le  peut  certainement, 
puifque  la  lumière  naturelle  fait 
convenir  tous  les  hommes  de  cette 
vérité  conftante  ,  que  dans  quelque 
aéVion  que  ce  ioit,  il  ne  faut  jamais 
agir  que  félon  la  vérité  connue  ,•  & 
que  d'agir  fur  un  principe  ou  fmx, 
ou  incertain  &  inconnu  ,  c'eft  agir 
contre  la  raifon ,  puiique  c'eft  s'ex- 


3Tl        D  E  I  A   Chab-i  Tt' 

pofcr  au  hazard  de  s'éloigner  de  ù 
nn  ,  où  la  feule  vérité  nous  peut  con- 
duire. 

D,  Comment  les  hommes  pour- 
roient-ils  faire  ces  reflexions ,  puif 
qu'ordinairement  ils  ne  paroiflèm 
point  douter  des  règles  qu'ils  lui  vent, 
ôc  que  même  ils  les  prennent  poui 
vrayes ,  quoy  que  tres-fouvent  elles 
foient  faulFes  ? 

Il  eft  vray  qu'ils  n'en  doutent  point 
ordinairement,  mais  c'efl  que  leur 
aveuglement  &  leurs  paillons  les 
empêchent  d'en  douter.  Car  il  eft 
certain  qu'en  s'appliquant  de  bonne 
foy  &  fans  aucune  prévention  de 
l'amour  propre  à  l'examen  de  ces  rè- 
gles 5  ils  pourroient  facilement  re- 
connoître  s'ils  en  font  ou  s'ils  n'en 
font  pas  alïîirez.  Les  hommes  ont 
une  idée  de  la  clarté  ;  ainfi,  ils  peu- 
vent juger  fur  cette  idée,  fî  ces  règles 
qu'ils  fuivent  lont  claires  ou  obicu- 
res  :  ôc  la  raifon  même  leur  dicle  que 
c'eft  agir  témérairement,  que  de  fui- 
vre  ces  règles  ,  avant  que  s'en  être 
afTûrez. 


Art.  II. 


ENVERS     SOY-MSME.  5r| 

Article.    IL 

BcUirciJfemens  de  quelques  feutres 

dificulttz»  fur  cette  même 

matière 

D,  Comment  peut-on  prétendre 
cju'il  eft  certain  que  l'ignorance  n'ex- 
cufe  point  de  péché  ^  quand  ra6lion 
commife  par  ignorance  efl  en-foy 
contraire  au  droit  naturel ,  puifquc 
depuis  un  temps  l'opinion  contraire 
cft  affez  commune ,  &  a  été  foutenuc 
dans  quelques  Ecoles  de  Théologie  ? 

R.  Les  Ecoles  ne  font  qu'une  très- 
petite  partie  de  l'Eglife ,  6c  non  pas 
toute  l'Eglife  ,  &  encore  moins  , 
quand  ce  ne  font  que  quelques  Eco- 
les particulières  -,  ainfî ,  il  fe  peut 
fort  bien  faire  qu'un  fentiment  foit 
commun  dans  quelques  Ecoles,  fans 
l'être  dans  toutes  ,  &  encore  moins 
dans  toute  l'Eglife  ,  principalement 
quand  ce  fentiment  eft  exprimé  en 
des  termes  dont  le  fens  n'eft  pas 
clair  à  tout  le  monde.  Il  a  bien  pa- 
ru que  les  efprits  du  commun  du 
monde  n'étoient  pas  préoccupez  en 
Tom  IL  D  d 


^1^      De   la  Ohahiti*. 

faveur  de  l'opinion  contraire  à  ceHe 
que   nous  venons    d'établir ,    puif- 
qu'elle  a  été  condamnée  dans  l'Egli- 
ie  par  divers  Evêques  ôc  par  le  Pa-. 
pe  ,  prefquauiîi- tôt  quelle  a  été  at- 
taquée.    On  peut  voir  fur  cela  les 
'  Vcyez,  tes  écrits  Cenimes  des  Êvéques  de  France ,  &c 
1n^ce!n*  ^    ^^^  Conftitutions  du  Pape  Alexandre 
i-vêc^ues  de       VII.  lous  le  Poutificat  duquel  cette 
Frar,ce  centre  u  aifputc  s'^ft  élevée.     Cc  Pape  a  de- 

livre  intitule  ^.~      ,    ^  ,  .-   rr  r  C        r        ■ 

foiope  des  Ca-    ciare  lumiamment  Ion  lentiment  par 
fuitti.  2^5  Cenlures  du  i^.  Septembre  1665, 

&:du  18.  Mars  1666,  dans  leiquelles 
il  condamne  diveries  proportions  ti- 
rées de  la  doctrine  de  la  probabilité  , 
à   la   tête   delqueilcs  il  a  parlé  du 
principe  même  de  la  probabilité  en 
ces  termes   :    Qu'il  a  appris   avec 
Audiricnoii    beaucoup  de  douleur,  qu'il  s'intro- 
fine  magno  ani-  duiloit  de  jour  Cil  jourdaus  le  Chri- 

mi  fui  m^jerore.  n_-       -r         j  •     ■  1  '-    T    ' 

•ocnpiuresopi-  uianilme  des  opinions  relâchées  con- 
niones  chrirtia-  ti'aircs  à  la  Véritable  ditcipline  de  TE 
reiaxacivas  &  gl^l^  ,  OC  Capables  de  cautcr  la  perte 
mimarum  per   des  ames.  Qiie  queloues-unes  de  ces 

niciem  inferen-  •     •  r~      •  ■,, 

tes ,  partim  opinions  n  etoient  que  d  anciennes 
anciquatas  itc-  erreuis  qu'on  renouvelloitique  quel- 

ru.Ti    fufcita-  ^        ,      .  lie 

ti  ;  partim  no.  ^^^^  autres  ctoient  nouvelies  oc  cx- 
v.:sr  prodire, &  traordiiiaires  ;  qu'entre  autres  choies 
liauciuai  in"4r  OU  ie  dounoit  la  liberté  d'admettre 


€nVe«-s   soy-meme.         5iy 
t^ôur  la  decifion  des  cas  de  confcien-  nîorumliccu- 
ce  ,     une    manière     très  -  éloignée  ma-is  cxcreù-e- 
de  la  fimplicité  de  TEvandle  ,  &  de  "^  P^"^  4^^-^ 

,       ,     ^    .^       ,        _,  y-  r  in  rébus  ad con- 

la  doctrine  des  Pères  ;  en  ioite  que  li  fciemiam  pera- 
cette  mauvaife  manière  étoit  fuivie  ,  nennbus  mod^u 

,         1  A  1         I     r  •  opinandi      ic- 

ôc  qu  on  la  prit  pour  règle ,  la  lainte-  rcpfu  aliénas 
té  de  la  morale  chrétienne  ie  trouve-  «"^"^^^  ,^?  ^- 

vangelica  liiu- 

roit  entièrement  corrompue.  Pour  pUcuace,  fane- 
qu  il  ne  foit  pas  dit ,  continue  ce  ^°J^;^^f  ^^'^ 
même  Pape  ,  que  la  voye  du  ialut ,  quem  lî  pro  re- 
quelaverité,quieftDieuluy-même,a  ^^  in^pl-axn'el 
dit  être  étroite,  a  été  élargie,  ou  pour  queremur,  m- 

mieux  dire,  pervertie,  par  des  f;^n- IZ  ZÏStln^ 
timens  relâchez  ,  qui  peuvent  être  vkx  coirupceia. 
caufe  de  la  perte  des  âmes ,  pour  X^JtJX 
détourner  le  troupeau  dont  Dieu  luy  re  viam  faïucis, 
a  confié  la  conduite  ,  de  cette  voye  JefiSs^^Deu^^ 
large  &  fpacieufe ,  qui  conduit   les  cujus  veiba  in 

V  1  •    •  o  T  „      arcernaja  per- 

ames  a  perdition  ,  &  pour  les  rap-  ^^^,^^^  /^^^_^ 
peller  dans  la  voye  droite  du  faliit.  e^e  deHnivic , 

yi         j  O  ii^   animai um 

11  ordonne  ,  ÙCC,  pemiciem   dila- 

uri  3  feu  veriu» 
perverti  concingercc  Idem  fanftiffimus  D.  N.  ut  oves  Cibi  créditas 
ab  ejufmodi  fpaiiofâ  latâque  per  quam  itui  ad  perditionem  via  , 
pio  pailorali  Ibllicitudine ,  ia  redam  lemitam  revocarct.  .  .  .  •  •« 
Scatuit,    ôcc.    Êullartum  magnum.  To,  5.  p«g.   ^oj.  ^~  405. 

D.  Ne  peut- on  point  dire  que 
cette  doctrine  rend  la  conduite  delà 
vie  chrétienne  trop  -  difficile  ,  6c 
qu'ainii  elle   expofe  les  ames  à  une 

Dd  ij 


^^6  De  la  Charité' 
infinité  de  icrupules.  Car  il  y  a  us 
très-grand  nombre  de  points  où  la 
vente  ne  paroît  pas  clairement ,  mê- 
me au\  (ça vans  ,  qui  les  examinent 
avec  foin. Que  pourront  donc  faire  les 
fimples  lorlqu'iis  auront  à  le  déter- 
miner &  à  prendre  parti  fur  ces  mê- 
mes points  "r  Piétendront-ils  connoî- 
tre  clairement  ce  qui  paroit  obfcur 
3c  incertain  à  pluheurs  habiles  Theo^ 
logiens ,  ou  demeureront-ils  lans 
rien  faire  ? 

I^,    La  difficulté  n'eftpas  fi  gran* 
de  que  l'on  s'imagine. 

Car  i^.  Il  y  a  bien  des  opinions  qui 
112  paroilFent  probables  ,  que  par  des 
fubtilitez  recherchées  ,  &  que  le 
fens  commun  de  la  pieté  chrétienne 
juge  improbables  &c  fauifes  tout  d'un 
coup.  Âinii,  tant  s'en  faut  que  les 
limples  ioient  incapables  de  trouver 
la  vérité  dans  ces  lortes  de  queftions; 
qu'au  contraire  :  Se  les  autres  ne  s'é- 
cartent de  la  venté  que  parce  que 
par  des  détours  ingénieux  ils  s'éloi- 
gnent de  la  ilmpllcité.  Il  faut  des 
rafinemens  ôc  des  lubtilitez  étudiées 
pour  juger  ces  qucil:ions  |:robables, 
^  il  ne  faut  que  fe  lailler  conduire 


ENVERS     SOY-MEMÉ.  317 

par  le  fens  commun  ^  pour  les  juger 
improbables. 

2°.  Si  la  vérité  n'eft  pas  claire  fur 
tous  ces  points  ^  il  eft  certain  au 
moins  qu'il  y  a  un  parti  qui  eft 
exempt  de  danger  ;  Se  ainfî  ,  ce  que 
les  (impies  ont  à  faire  ,  eft  de  pren- 
dre le  paVti  le  plus  lûr.  Quand  «un 
homme  de  bien, quelque  fimple  qu'il 
foit ,  voit,  par  exemple,  que  les  Do- 
uleurs font  en  difpute  ,  il  quelque 
contrat  eft  licite  ;  à  moins  qu'il  ne 
foit  capable  de  s'en  éclaircir  à  fond 
par  luy-même  ,  il  doit  éviter  de  faire 
ce  contrat  ,  il  eft  certain  que  ce  par- 
ti eft  fur  Se  fans  danger. 

D.  Ne  s'enfuivroit-il  point  de  là 
que  dés  -  lors  que  par  un  excès  de 
fcrupule  ôc  de  féverité,  quelque  Ca- 
fuifte  auroit  condamné  une  adïion  , 
elle  deviendroit  interdite  au  com- 
mun du  monde  ,  puifque  les  fim- 
ples  feroient  obligez  pour  lors  de  la 
regarder  comme  incertaine  ,  &  par 
confequent  de  s'en  éloigner,  comme 
on  le  fuppole  ici  ? 

/?.  Cela  ne  s'enfuit  point ,  parce 
qu'il  fe  pourroit  faire  que  le  nom- 
bre de  ceux  qui  approuveroient  cette 

Ddiij 


.    ? 


tf 


iT 


31 S      De   laCharite* 

opinion  feroit  compofé  de  perfbn- 
nes  11  confiderables  en  pieté  &  en 
fciencc  ,  que  l'autorité  de  ceux  qui 
Tauroient  condamnée  ,  ne  feroit 
alors  d'aucune  confideration  ;  outre  |(e 
que  dans  ces  fortes  de  queftions ,  la 
lumière  du  fens  commun  jointe  à 
ceile  de  l'autorité  ,  peut  facilement 
aller  jufques  a  la  certitude  morale. 

D,  Ne  s'enfuit-il  pas  encore  qu'on 
ne  pourra  pas  fuivre  avec  fureté  l'a- 
vis même  de  fon  Evêque  ou  de  fon 
Pafteur  ;  &  qu'ainfî  les  iimples  fe- 
ront agitez  de  défiances  continuelles? 

JR.  Si  les  fidèles  ,  quoy  que  /im- 
pies 5  ont  le  foin  qu'ils  doivent  a- 
voir  de  leur  falut ,  ils  auront  auili 
celuy  de  s'inftruire  des  Commande- 
mens  de  Dieu,  &  des  Règles  com- 
munes de  la  Morale  ;  &:  cette  inflru- 
étion  fufEra  pour  leur  oter  les  dou- 
tes fur  les  points  capitaux  de  leur 
conduite  ,  parce  que  les  Comman- 
démens  de  Dieu ,  font  ordinaire- 
ment clairs  fur  ces  devoirs  com- 
muns. 

2^.  Ils  auront  auflî  foin  de  s'in- 
former cxadement  des  devoirs  de 
leur  état,  comme  Jcfus-Chrift  1q 
leur  ordonne. 


ÏNVERS     SOY-MEMÎ.  ^Yp 

3^.  Ils  difcerncront  parles  règles 
communes  Se  évidentes  de  l'Evan- 
gile ,  fi  leur  Pafteur  eft  un  loup,  qui 
mérite  par  confequent  peu  de  créan- 
ce 5  ou  un  vray  Pafteur  qui  en  mé- 
rite beaucoup  ;  ôc  au  cas  qu'ils  ayent 
droit  de  ne  le  pas  croire  fort  éclairé , 
ils  auront  foin  d'en  confulter  d'au- 
tres. 

4°.  Ils  fe  réduiront  à  des  emplois 
&:  k  des  exercices  qui  n'ayent  pas  bc- 
foin  de  tant  de  lumière  ,  de  qui 
ayent  du  rapport  à  leur  foibleiïe. 

j".  Ils  prieront  beaucoup  Dieu  , 
qu'il  les  preferve  de  l'illulion  ;  &  ils 
obtiendront  cette  grâce  ,  s'ils^la  de*- 
mandent  avec  ardeur,  &:  qu'ils  cher^ 
chent  de  bonne  foy  ôc  fans  aucune 
prévention  la  vérité. 

6°,  Ils  auront  foin  de  choifir  les 
opinions  les  plus  fûres  -,  de  en  agif- 
fant  de  la  forte  ,  ils  auront  fujec 
d'efperer  ,  ou  qu'ils  ne  feront  pas 
trompez  ,  ou  qu'ils  ne  le  feront  pas 
dangcreufement. 


iC0> 


D  d  iiij 


jio      Di   iaChariti' 

Article      II  I. 

Divers  inconveniens  de  cette  âoc^ 
trine  f^^Jfe  ^  erronée ,  ^h^unt 
ofinion  probable  ,faujfe  &^  con- 
traire au  droit  naturel ,  ne  Uijft 
pas  d'être  une  règle  qu'on  feuï 
fuivre  en  fureté  de  confâence, 

D,  Quels  dommages  peut  appor- 
ter  aux   âmes   la  dodlnne  de  ceux 
qui  enfeignent  qu'on  peut  fuivre  lû- 
rcment  toute     opinion     probable , 
quoy  que   contraire  au  droit  natu- 
rel ,  quand  même  elle  feroit  faulfe  ? 
J^.  Elle  en  peut  caufer  de  tres-con- 
fîderables ,  &  qui  mettent  les  âmes 
dans  un  danger  évident  de  leur  falut. 
i*^.  Cette  dodtrine  éteint  Tamour  de 
la  venté  ,    en   periuadant ,    qu'une 
faudcté  probable  eft  auiïî  utile  que  la 
venté  la  plus  claire  &c  la  plus  cer- 
taine. 

2".  Bien  loin  qu'on  foit  porté  par 
cette  doélrine  à  chercher  la  vérité  ; 
on  fouhaite  au  contraire  de  n'en 
être  jamais  inilruk  ,  puifque  la  ve-» 


rîté  ne  fait  que  rendre  la  voye  plus 
étroite  ,  Se  faire  que  ce  qui  étoit 
permis  ne  le  foit  plus.  Ainiî ,  bien 
loin  que  cette  doàrine  ait  Teffet  de 
nous  rendre  libres,  qui  efl:  celuy  que 
TEvangile  attribue  à  la  venté  ,  elle 
n'a  que  celuy  de  nous  rendre  efcia- 
vcs  &  prévaricateurs ,  6c  d'être  un 
obftacle  à  n^tre  falut, 

3^.  Cette  dodtrine  empêche  que 
ceux  qui  en  font  perfuadez  ne  iere- 
connoiiîènt  coupables ,  lors  même 
qu'ils  font  détrompez*  de  quelque 
erreur  qu'ils  auroient  fuivie  dans 
leur  conduite  ;  parce  qu'elle  leur 
donne  lieu  de  s'imaginer  ,  qu'avant 
cette  inftrudlion  ,  leur  erreur  étant 
probable  à  leur  égard ,  ils  étoienx 
par  confequent  exempts  de  pech  é.  - 

4*^.  En  empêchant  ainfi  que  les 
hommes  ne  le  reconnoifTent  coupa*. 
blés  dans  leurs  péchez ,  elle  les  em- 
pêche de  s'en  repentir  ,  puifqu'on  ne 
peut  fe  repentir  de  ce  qu'on  ne  croit 
pas  péché  ;  ainfî  elle  éteint  l'efprit 
de  compon6bion  ,  de  pénitence  ôc 
d'humilité  ,  qui  nous  eft  fi  fouvent 
recommandé  dans  les  faintes  Ecri- 
tures. 


jli        Db  la  Chaxîte* 

5°.  Cette  doctrine  détruit  refprît 
de  prière  ,  parce  qu'elle  empêche 
de  demander  à  Dieu  finceremcnt  la 
connoilfance  de  fa  loy.  Car  aquoy 
bon  demander  à  Dieu  ce  qui  ne  nous 
ferviroit  de  rien,  &  qui  nous  feroit 
au  contraire  dangereux  ^  de  forte 
que  quand  on  la  demanderoit  de 
bouche,  on  ne  la  derrfanderoit  pas 
néanmoins  efFe(!^ivement  de  cœur. 
Car  le  fond  de  la  prière  eft  le  defir  , 
èc  quiconque  ne  defire  pas  ,  ne  prie 
point  ;  ainfi ,  comme  cette  doctrine 
éteint  le  defir  de  la  vérité  ,  elle  éteint 
par  confequent  la  prière  ,  par  la^ 
quelle  on  pe^ut  obtenir  la  vérité. 

6°.  Elle  anime  l'clprit  humain  à 
obfcurcir  la  Loy  de  Dieu  par  des 
fubtilitez  &:  des  raifonnemens  re- 
cherchez ;  puilqu'elle  luy  fait  croire 
que  pourvu  qu'il  puifïe  rendre  pro- 
bable le  contraire  de  ce  que  la  Loy 
ordonne ,  on  fera  effectivement  dé- 
chargé de  l'obligation  de  la  Loy. 

7^.  Cette  docftrine  rend  la  règle  à^s 
mœurs  fujette  aux  chanqcmens  <Sc 
aux  caprices  des  hommes  ;en  forte  que 
les  mêmes  chofesferoient  réellement 
permifes  &  fûres  en  un  temps,  6<:  dé- 


ÎNVERS     SOY-MEM?.  |l| 

fendues  dans  un  autrc/ans  qu'il  y  eût 
lucun  changement  dans  les  chofcs 
nêmcs  ,  puilqu'en  fe  fervant  dss 
principes  de  cette  doctrine  ,  tout 
le  changement  ne  feroit  que  dans 
l'efprit  de  ceux  qui  auroient  raifon- 
né  fur  cette  matière  :  or  cette  con- 
trariété ôc  ce  changement  font  vifi- 
blement  contraires  à  Tidée  que  Je- 
fus-Chrift  nous  donne  de  fes  Loix, 
en  nous  aliurant  dans  1  hvangile  ,  ra  cranfibunt 
One  le  ciel  &  la  terre  p  a  [fer  ont ,    mais  ^"^^  ^^f-'  m=a 

^^    -  ,  -,^    ■'•'         .  non  piatteribût. 

ijine  fes  paroles  ne  fajjerorît  point,  j^^uh.  x^.  3  5, 

QUESTION   II. 

Si  me  opinion  pYohMt  ,  qui  nejl 
contmire  qu^au  droit  pojttif  hu» 
m^dn  OH  dtvm  ,  petit  être  fuivis 
Janspeché- 

T>»  Doit-on  porter  le  même  ju- 
gement des  opinions  probables  qui 
ne  font  contraires  qu'au  droit  pofi- 
tif ,  que  de  celles  qui  font  contrai- 
res au  droit  naturel  ? 

R,  On  en  doit  juger  d'une  maniè- 
re toute  différente.  Car  les  opinions 


^14     ^^  ^  ^  Chahîti' 

probables  contraires  au  droit  nafu 
rel ,  n'cxcufent  pas  de  pcchc  ,  parc 
que  l'ignorance  ou  Terreur  a  i'égar 
des  loix   naturelles    ,    n'en    excuf 

F  oint.  Mais  comme  l'ignorance  è 
erreur  peuvent  exciifer  de  pcché 
l'égard  du  droit  pofitif ,  on  doit  dit 
ia  même  chofe  des  opinions  proba 
blés  qui  enferment  l'ignorance  de 
loix  pofitives. 

D.  Pourquoy  Tignorance  du  droi 
pofitif  peut-elle  excufer  ? 

D,  Parce  que  les  chofes  qui  m 
font  défendues  que  par  le  droit  pofi- 
tif,  ne  font  pas  naturellement  maù- 
vaires,ni  contraires  à  la  vérité  &  à  la 
juftice  :  mais  elles  font  indifférentes 
par  elles-mêmes. On  n'en  a  pas  perdu 
la  connoiiîance  par  fa  faute  ni  par  le 
péché  5  qui  ne  nous  prive  que  de  la 
connoiiïànce  de  la  loy  naturelle.  Ce 
n'eu:  point  la  corruption  de  nôtre 
cœur,  qui  nous  cache  ces  loix  pofiti- 
ves. Ainfi  ,  ce  qui  eft  fait  par  cette  i- 
gnorance  n'eft  pas  mauvais  ôc  injuftc 
de  foy'même,&:  il  ne  le  peut  devenir 
que  parla  négligence  que  nous  au- 
lions  eue  à  nous  inftruire  de  cette  loy, 

D,  Quelles  preuves  a-t-on  que  l'i- 


ÏNVERS     SOf-MÎMf.  ''  5^jf 

lorance  d'une  loy  pofitive  exempte 
'  péché? 

R.  Dieu  ne  peut  condamner  que  j 

î  qui  eft  injafte  :  or  une  adtion 
^ntraire  aune  loy  poficive  que  Vqvi 
;nore  fans  fa  faute,n'efl:  pas  injuftej 
ieu  ne  la  fçauroit  donc  condamner, 
eft  la  Juftice  éternelle  qui  nous 
)lige  d'obéir  aux  loix  pofitivcs  ;  3c 
)n  n'eft  coupable  de  n'y  pas  obéir, 
le  parce  que  la  loy  naturelle  le 
)mmande  :  or  la  toy  naturelle  ne 
)mmande  pas  d'obéir  à  des  loix  pofî- 
ves  5  que  l'on  ignore  fans  fa  faute; 
par  confequent  quand  on  manque 
les  obferver  par  cette  ignorance  , 
1  en  eft  excufé  devant  Dieu.  si  non  v«jiif« 

D,  Cette  doctrine  eft-elle  autori-  î^"l,^  locata? 

^}T      ■  o       '      1        r>  luiflem  eis , 

e  par  1  Ecriture  &  pai;  les  Pères  ?      peccatum  non 
J^,  Elle  eft  clairement  décidée  par  ^^bercm ,  nunt 
?t  endroit  de  1  bvangile.      Jeius-  lionem  non 
hrift  dit  :  Que  s'il  nétoit  point  venu ,  ^^^*^^^  ^^  P^^: 
"  qn  il  n  eut  point  parle  aux  jnijs  _,  cpera  non  fc, 
i^il  neut  point   fait  devant  eux  les  ciflemincis^ 

t  '     r'  '1       y       n         quas  nemo  alius 

iracles  cjh  il  avait  faits  ,  ils  n  eujsent  fecic  y  peccatum 
ts    été  coHpahles  ,    &  n  enflent  pas  ^o^i^abcicm. 
5  de  pèche  ag  ne  pas  croire  en  lny.    Or  24, 
îtte  deciiion  de  Jefus-Chrift   n'eft 
)ndée  que  iur  cette  règle  ,  que  la 


51^  De  tA  Charité* 
juftice  n'oblige  de  croire  les  mirai 
des,  que  lorfqu'oii  en  eft  inftruit, 
ôc  non  lorfqu'on  les  ignore  fans  fa 
£iute  :  ainfi ,  cette  raifon  prouve 
également  à  l'égard  des  loix  potici- 
ves.  Car  on  n'eft  pas  plus  obligé  d'o- 
béir à  une  loy  pofitive  qu'on  ne 
connoît  point  ,  que  de  croire  uix 
nvracle  que  l'on  ignore. 

D,  Les  Pères  ont-ils  expliqué  cet 
endroit  de  l'Evangile  en  cette  ma- 

fem  ,  &  itcuttis  R,  C'eft  l'explication  formelle  de 
,u  fuiprr,  pec-  ^^-^^  Auauftui  ÔC  de  laiut  Bernard  ; 

catiim  non  rtabt-  ^  ^  .  ^       ' 

rmt.  Jadxosef-  &  laiut  Auguftiu   COUclut   UOU    fcU- 

n":.T/iislement  à  l'égard  des  Juifs,  qu'ils 
locutus  eii  n'auroient  pas  cfté  coupables  d'infi- 
ams1e",,bâ:?.  deiké,  fi  Jefus-Chrift  ne  fût  point 
hoc  cftautem    veuu  j    mais  .que  les   Gentils   auf- 

ouia  non  crecii-  1     -i      »  •         r    ,  >       r 

3erant  in  chri  -  q^els  il  u  a  poHit  ccc  aunoncc  ,  lonc 
ituuij  qui  prop-  bien  à  la  vérité  coupables  d'autres 

teiea  venic  ,  ut  t  j         ^1         j         » 

cicdatur  in  eu;  pechez ,  mais  non  de  celuy  de  n  a- 
hoc  peccatu-n    voir    pas  crû    en    Telus-Chrif}.    Te 

fi  non  venillet,      ,  1         1  ••  r»  •  • 

non  ucique  ha-  reponds  ,  dit  ce  Père  ,  que  ceux  a  qui 

berenc.i.  ^1*^.  Jeliis-Chrift  ii'eft  poiut  veuu  ,  &  d 

^,.,„  qui  il  n  a  point  parle ,  (ont  exempts 

Homo  homi-  y^Qy^  ^ie  tout   pcclié  ,  mais  bien  de 

nis  non  niliipfo        1  1         >  •  ai  r^ 

indicante  cogi-  celuy  de  u  avoir  pas  cru  en  luy.  Ce 
tatuni  inteihgit  qu'ji  ^-^q  f^m;  p^g  étcudre  .  dit-il  ,  h 

qiuiico  lUiûus       ■»•  ■*■ 


ÎNVERS     SOY-MEMÏ.  J I7 

eux  à  qui  Jefus-Chrift  eft  venu  ,  6c  divinum  qu?>  ^ 
qui  il  a  parié  par  Ton  Edile.  Car  il  P"'^^'^'^  inyefti- 

r^  ^  ^.  j-       r    }-r       gare  confilium  i 

il  venu  aux  nations  par  ion  hglile  ,  nifi  cui  ipfe  \co- 
k:il  leur  a  parlé  par  Ion  mini ftere.  ^"^''i'  ^^vciarc.» 

•»•  A  Audi  aemquc 

>rum.  St  non  vtni  fj'^n^  ^  zit  y  (^  Ircutus  eit  ritn  fuifCnn  ^  pr  ifum 
m  haberer.t . .  .  Oftendens  linc  dubio  non  antc  cenfcri  inexcufa- 
ilcs  de  contcmpcu,  quam  ad  ipforum  uique  noticiam  juffio  peryc- 
irer.   S   Ber.  op.  ■  j.  adHug.ii   6.Viti'e.   i. 

Quod  adjunxic  ntne  auTein  excnfatiorem  nttt  hubent  de  pfcaft» 
'0  potell  moveie  quarrerentes  utrum  hi  ad  quos  non  venii 
hriftus  nec  locucus  eft  eis  habeant  excufationem  de  pcccata 
lo.  Refpondeo ,  habcie  illos  excafacionem  ,  no^  de  omni 
eccato  fuo  ,  fed  de  hoc  peccato  >^quo  in  Chnftum  noa 
rediderunc ,  ad  quos  non  vetiic  ,  Se  qmbus  non  eft  locucus.  Sed 
.on  in  eo  lune  numéro  hi  ,  ad  quos  in  difcipulis  renie  ,  &  quibus 
er  difcipulos  eft  locucus  ,  quod  &c  nunc  facir  ;  nam  per  Eccleliara 
liam  vcnic  ad  gentes ,  ôc  pet  Eccleilam  loquicui"  geniibusiiî,  «/<»«^* 
rat},  i^     in  foan. 

D.  Ne  peut-on   pas  dire  que  les 
^ayens  qui  n'ont  pas  oUy  parler  de 

Itius-Chrill:  ,  n'ont  été  privez  de 
tte  connoiilance  ,  qu'à  caufé  dQS 
■rimes  volontaires  par  lefquels  ils 
)nt  violé  la~loy  naturelle  :  &  que 
Dieu  leur  auroit  donné  cette  con- 
loillance  ,  s'ils  avoient  fuivi  les  lu- 
mières de  cette  loy  qui  brilloienc 
ians  leur  efprit  ? 

^.    On    le   peut   dire   vetitable- 
lient  :  car  il  eft  vray  en  un  bon  lens  • 

que  Dieu  cfl:  prêt  d'éclairer  tous  ceux 
qui  ne  mettent  point  d'obftacles  à  ia 
jrace.  comme  on  l'a  fait  voir  ail- 


^i5  De  tA  Charité" 
leurs.  Et  ainfi  on  peut  dire  que  l'î- 
gnorance  même  des  myftercs  de  Je« 
lus-Chrift ,  eft  une  peine  du  pechc. 
Mais  quoyque  les  Payens  Tayenl 
attirée  par  des  déreglemcns  volon- 
tés ,  il  y  a  pourtant  une  extrême  dif- 
férence entre  cette  forte  d'ignoran- 
ce ,  ôc  celle  des  loix  naturelles. 
Car  c'eil:  la  cupidité  des  Payens  qui  ^ 
leur  a  fîsrmé  les  yeux  à  l'égard  des 
loix  naturelles'  ,  qui  étoient  liées 
par  des  confequences  neceiTaires, 
avec  les  veritez  qu'ils  avoient  gra- 
vées dans  leur  efprit.  Mais  on  ne 
peut  pas  dire  la  même  chofe  des 
myfteres  de\Jefus-Chrift  ,  ils  n*o 
aucune  liaifon  necelVaire  avec  auc 
principe  imprimé  dans  Telprit  d 
Payens.  Ce  n'eft  donc  point  la  cu- 
pidité proprement  qui  les  leur  ca- 
che. Elle  porte  feulement  Dieu  à 
les  en  priver  par  une  jufte  punition. 
Or  comme  les  maux  temporels  ou 
éternels ,  que  fa  juftice  fait  foufFrir 
aux  Payens  ,  quoy  qu'attirez  par 
leurs  péchez,  ne  font  pas  des  pé- 
chez ,  mais  de  fimples  punitions  -,  de 
même  l'ignorance  des  myfteres  de 
Jefus-Chrift  n'cfl  pas  un  péché  dans 

les 


tNVIRS      SOY-MFMÏ.  519 

[es  Payens  ,  quoy  qu'ils  Te  la  foient 
attirée  par  leurs  dereglcmens  ,  ôc 
que  cette  ignorance  les  prive  de 
l'unique  remède  de  leurs  mifercs. 

Z>.  Que  doit-on  juger  de  l'igno- 
rance des  faits  &  de^  circonftan- 
:es  ? 

R.  On  en   doit  juger  comme    de     si  enim  co:.- 


a  prop- 


non 


'ignorance  des  loix  poiitives ,  c'eft-  terea  ixdl 

i-dire  ,  qu'elle  excufe  de  pcché  lorf-  P°^"^^  ^     1"'^ 

que  1  on  n  elt  ponit  oblige  de  s  en  incipic  ixdi  , 

informer.  quia  fdvic  :  ve- 

^,    CL  \      r       ^  J  i  -     -  lut  h  tunicâ  (le 

C  elt  le  londement  de  ces  deux  de-  latrodnio  nef- 
rifions  de    faint    Aueuftin  :    qu'un  ''^^,^  veftire:ur, 

,  .  \     1  ■  ■  n  '    ex  il lo  ht  3U1- 

homme  qui  porte  un  habit  qui  a  eire  quitatis  vcftis 
volé  par  quelqu'un  ^  n'efl:  coupable  'lia,  exquo  co- 
de  larcin  ,    que  iorlqu  il  eit  averti  le  iniquus  mh 
que  cet  habit  a  été  volé.  De  même,  ^i^jfcent^&qui 
Loriqu  un  homme  epoule  la  remme  duxem  aliéna, 
i'un  autre  ,    il  n'eft  coupable   d'à-  ^^^^^^^'  ^^^~ 

1        r      3-1  •  ^^^3   ex  quo  i:li- 

duitere  ,    que    loriqu'il   eft  inftruit  difcent ,  mil 
que  cette  femme  appartient  d  un  au-  ^^^"^'-*"^-     '^• 
cre.  Et  c  eftauiîi  le  principe  qu'il  em-  crefc.  c.  i^. 
ployé  contre  les  Donatiftcs,  quipre- 
cendoient  que  l'Eglile  avoit  étéfoiiil-    Nullfuscrîmen 
lée   par  la  communion  de  Cecilien.  ^acuiac  neiao- 

i  .  ,,  tem.      Idem  tu. 

Le  crmie  et  autruy  ,  dit  ce  Père  ,  ne  j}.  ^/w  ^s. 
peut  foiiiiîer  celuy  qui  ne  le  Içait  pas. 

7  orne  IL  E  e 


jjo       Dï  lA  Chatlite^ 
QJJESTION    III. 

Si  Von  peut  choîftr  four  règle  dé 
(es  aciions  topnion  la  moins 
trobabk  (^  la  moins  jàre  j  en 
quittant  la  plus  probable  (^  l^ 
plus  fûrc, 

D.  Qu'appel  le- 1- on  une  opinion 
fûre  ? 

F,  On  a  déjà  dit  que  c'efl  celle 
qu'on  peut  fuivre  certainement 
fans  péché  :  ainii  quand  il  s'agit 
d'un  contrat  douteux  ,  il  peut  être 
probable  ,  &  même  plus  probable 
que  ce  contrat  eft  permis  :  mais  il 
cil  fur  qu'il  eft  permis  de  ne  le  pas 
faire.  Peut-être  qu'il  eft  permis  de 
tuer  en  ie  défendant  :  mais  il  eft: 
fur  qu  il  eft  permis  de  ne  pas 
tuer. 

X).  Dq  quoy  convient-on  fur  cet- 
te matière  ? 

R.  On  convient  que  dans  le  dou- 
te, il  faut  fuivre  l'opinion  la  plus 
fûre  5  fuivant  cette  règle  de  l'équité 
uaturellc ,  &  du  droit  Canonique  ; 


l 


g' 


ÏNVERS     SOY-MEME.  53I 

T;i  dubils  tutior  pars  eligenda  ^  félon 
laquelle  les  Papes  ont  décidé  un  très- 
grand  nombre  de  cas. 

D,  La  queftion  n'eft-elle  pas  plei* 
nern^nt  refoluc  par  cette  deci(îon  ; 
car  s'il  n'eft  pas  permis  de  fuivre 
une  opinion  doutcufe  ,  il  eft  encore 
bien  moins  permis  de  fuivre  une 
opinion  moins  probable  &  moins 
fûre  ;  puifqu'en^la  jugeant  moms 
probable  &  moins  fûre ,  on  la  jur 
ge  plus  que  douteufe  ,  <Sc  que  1  on 
croit  qu'elle  approche  plus  de  la 
fauiïeté  que  de  la  vérité  ? 

R,  Toutes  les  lumières  du  fens 
commun  vont  à  en  juger  ainli  j  ce- 
pendant il  s'eft  trouvé  quelques  Au- 
teurs nouveaux  qui  en  demeurant 
d'accord  qu'on  ne  peut  en  conf- 
cience  agir  dans  le  doute  ,  n'ont  pas 
laiifé  d'enfeigner  qu'on  peut  fuivre 
l'opinion  la  moins  probable  6c  la 
moins  fûre ,  pourvu  qu'elle  foit  pro- 
bable ,  quelque  foible ,  difent-ils , 
que  foit  fa  probabilité. 

D,  Sur  quoy  ces  Auteurs  peuvent- 
ils  fonder  un  fi  étrange  lentiment  ? 

R,  Ils  le  fandent  fur  deux  diflinc- 
tions  j  la  première  eft  celle  qu'il  leur 

Ee  ij 


ç^i  DelaCharité' 
plaît  de  mettre  entre  le  cloute 
l'opinion  probable  ,  qui  eft ,  d 
fent-ils  ,  que  celuy  qui  eft  en  doi 
te  ne  voit  point  de  raifons  ni  poi 
ni  contre  ,  &  eft  purement  fans  li 
mierc  ;  amfi  il  n'a  rien  qui  lu 
puilFe  fervir  de  règle  :  au  lieu  qt 
celuy  qui  eft  balancé  par  des  op: 
nions  probables  oppolées,  voit  c 
part  Se  d'autre  de^  raifons  confide 
râbles  qu'il  peut  fuivre. 

La  féconde  eft  ,  qu'ils  font  difïc 
rence  entre  un  doute  fpeculatif ,  l 
un  doute  pratic.  Ils  appellent  dout 
fpeculatir  ,1e  partage  de  l'elprit  ba 
lancé  par! des  railons  égales  :  &  il 
•appellent  doute  pratic  ,  quand  l'ef 
prit  ne  fçait  quel  parti  prendre  dan 
îa  pratique.  Or ,  difent-ils ,  il  el 
pofllble  d'être  fpcculativement  in 
certain  de  certain  dans  la  prati 
que  ,  en  le  fondant  fur  ce  princip' 
qui  rend  l'adlion  certaine  ,  Qu'il  ef 
permis  de  fuivre  toute  opinion  pro- 
bable ;  d'où  il  s'en  fui  vra  que  l'or 
pourra  luivre  en  conlcience  quel  fen 
timent  on  voudra. 

Z).  Qu^e  doit-on  juger  de  ces  deui 
diftindions  î 


ENVERS    SOV-MEWtï.  ^^ 

^,  On  en  doit  juger  non  feule- 
ment que  ce  font  de  pures  illuiions. 
Mais  qu'il  eft  difficile  d'en  inventer 
même   de  moins    vray-femblables. 
Car  depuis  que    les  hommes   par- 
lent &  raifbnnent  ,   on  n'a  jamais 
douté   qu'un  efprit  balancé  par  des 
railons  également  fortes ,  ne  fût  en 
doute  'y  c'eft-à-dire  ,  dans  l'incerti- 
tude.   Une  balance  n'efl  pas  moins 
en  équilibre  ,  foit  qu'elle   ne   foit 
chargée  d'aucun  poids ,  foit  qu'elle 
foit  chargée  de   poids  égaux.     On 
eft  aufîi  peu  éclairci  de  ce  qui  eft 
vray  en  foy  ,  lorfqu'on  voit  d'égales 
raifons  de  douter  de  part  &  d'autre  , 
que  il  on  n'en  voyoit  aucune  ^  c'eft 
même  la   defcription  la  plus  ordi- 
naire que  l'on  fait  de  l'état  de  doute 
&c  d'incertitude,   &  de  la  perplexité 
de  l'eiprit ,  que  de  de  dire  que  l'ef- 
prit  eft  tiré  tantôt  d'un  côté  tantôt 
d'un  autre  ;   qu'il  eft  partagé  par  les 
diverfcs  raifons    qui  fe  prelentent^ 
êc  qu'il  ne  fçait  à  quoy  fe  fixer, 

^tque  animum  num  hue  celere?/i,  nnnc 
dividit  IUhc 


534      ^^  "^  ^  Charité' 
Jn  f^rtef^Hc  raplt  varias  ,  pcrtjne  om-i 
tu  a  verfat, 

T>.  Si  celuy  qui  efl  balancé  par  àts 
raifons  égales ,  eft  dans  l'état  de  dou- 
te ,  en  quel  état  eft-il  a  l'égard  de 
ropinioa  qu'il  juge  &  moins  prgba- 
ble  &  moins  fûre  ? 

R.  Un  efprit  dans  cet  état  ,  nefor- 
me  point  du  tout  cett^:  forte  d'adion 
qu'on  appelle  opinion.  Car  Topinion 
eft  une  approbation  &  un  acquiefce- 
ment  derelpritjquoyqu'avec  crainte, 
ajfenfiis  opi?7ativH^'ciipnte{iau  con- 
traire dans  un  état  d'improbation; 
il  rejette  cette  opinion,  il  la  com- 
bat j  il  s'cu  éloigne  ,  il  la  con- 
damne même  ;  car  quoy  qu'il  juge 
qu'elle  eft  appuyée  fur  quelques  rai- 
fons ,  il  juge  en  même  temps  qu'il 
eft  plus  probable  que  ces  raifons 
foient  faulles ,  que  non  pas  vérita- 
bles. Ainfi ,  l'écrit  dans  cette  occa- 
lîon  prend  parti  de  l'autre  coté  ,  & 
fe  détermine  contre  cette  opinion , 
en  la  jugeant  moins  probable  y  de 
forte  que  dire  qu'il  eft  permis  de  fui* 
vre  cette  opinion  ,  que  l'on  juge  de 
moins  probable  &  moins  lûre  -y  c'eft; 


ENVERS   SOY-MEME,  351 

iire  qu'il  eft  permis  de  iiiivre  l'opi- 
nion qu'on  rejette,  &  de  ne  fuivre 
oas  celle  fur  laquelle  on  forme  fa 
:onlcience. 

C'eft  un  excès  auquel  les  Philofo- 
Dhes  Académiciens  qui  prétendoient 
.]u'on  ne  pouvoit  rien  içavoir  avec 
zertitude  ,  n'ont  jamais  palfé  :  car 
Is  demeuroient  d'accord  que  dans  la 
:onduite  de  la  vie  ,  on  devoit  fuivre 
e  plus  vray-femblable  ,  ôc  c'étoit  là 
:e  qu'ils,  appelloient  probable.     Ce- 
pendant depuis  un  fîecle  ou  environ, 
l  a  plu   à  quelques  nouveauîc  Au- 
eurs-  de  changer  ces  notions,  cc  ces 
:ermes ,  de  d'appeller  opinion  pro- 
bable, non  celle  qu'on  approuve  ^  ôc 
i  laquelle  on  confent  ,  mais  celle 
]ui   eft   appuyée    des    raifons    qui 
)ourroient  la   faire  juger  probable 
xar  d'autres  perfonnes  j  de  iorte  que 
a  queftion   s'il  eft  permis  de  fuivre 
me    opinion    m.oins    probable    & 
noins  fûre ,  réduite  aux  termes  qui 
'expriment  naturellement ,  coniifte 
ifçavoir,   s'il  eft  permis  de  fuivre 
me  opinion  qu'on  défapprouve  ,  àc 
]u'on  ne  juge  pas  probable. 

/^.  Cela  n'eft-il  pas  fuffifatnment 


53^      De  t a  Ch ariti' 

redific  par  l'autre  diftindlion  ,  qui 
donne  un  moyen  d'allier  la  certitude 
à  l'égard  de  l'adion  ,  avec  l'incer- 
titude fpeculative  de  l'opinion  ,  en 
fe  perfuadant  que  quoy  qu'il  foit 
incertain  fi  cette  opinion  cft  vraye  ou 
non  5  il  eft  certain  neamoins  qu'on 
la  peut  Tu  ivre  ? 

^.  Pour  que  ce  fécond  jugement 
nous  pût  donner  cette  afïurance  dans 
la  pratique^  c'eft-a-dire,  qu'il  nous 
pût  ailûrcr  que  nous  pourrions  faire 
î'adion  3  il  faudroit  que  ce  jugement 
fût  vray.  Or  il  eft  notoirement  faux. 
Car  dire  que  l'on  peut  fuivré  en 
confcience  toute  opinion  probable  , 
quoy  que  moins  probable  ôc  moins 
fûre  5  c'eft  dire  qu'on  peut  fuivre 
une  opinion  incertaine  ôc  plus  qu'in- 
certaine. Or  dire  qu'on  peut  fuivre 
une  opinion  incertaine  de  plus  qu'in- 
certaine ,  c'eft  dire  qu'on  peut  lui- 
vre  une  opinion  douteufe  &  plus 
que  douteufe  5  &  c'eft  établir  une 
règle  contraire  à  celle  que  la  lumière 
naturelle  a  imprimée  dans  Tefprit 
des  hommes.  Les  Philofophes  mê- 
mes Pavcns  font  c©us  convenus  au'il 
n  eft  pas  permis  de  faire  une  choie, 

quand 


^lîâncî  on  doute  qu'elle  ioic  mauvai- 
fc.  Qïiod  dubitcs  yiefecerls.  Aller  con- 
tre ce  fentimenc  ,  &  Soutenir  qu'on 
oeut  fuivre  foute  opinion  moins  pro- 
bable dans  une  adion  ,  c'eft  dire 
fu'on  peut  agir  contre  la  conlcien- 
:e  ,  en  luivanc  une  opinion  qu'on 
l'approuve  pas  ;  car  j.uj^er  qu'une 
opinion  eft  moins  probable  &  moins 
Lire  ,  c'eft  s'en  éloigner  ,  c'eft  la 
léfapprouver  ,  c'eft  former  fa  con- 
science fur  l'autre  :  èc  par  confe- 
^uent  juger  avec  cela  que  l'on  la 
?eut  iuivre  ,  c'eft  juger  qu'on  peut 
igir  contre  la  confcience, 

D,  Quel  fentiment  doit- on  avoir 
le  la  raifon  qu'on  oppofe  à  cette 
lodrine,  &  que  quelques-uns  font 
)aiîer  pour  une  dérnonftration  ?  On 
le  peut,  difent-ils,  être  blâmable  eu 
Lgilïànt  prudemment  :  or  fuivre  une 
)pinion  probable  ,  quoy  que  moins 
)robable  &  moins  fûre ,  c'eft  a^^ir 
)rudemment  ;  donc  on  n'eft  pas  blà^ 
nable  en  la  luivant  -,  ôc  Ci  on  n'eft 
)as  blâmable  ,  on  la  peut  fuivre  fans 
)eché  ? 

7(.  Non  feulement  cet  argument 
le  doit    point  paifer  pour  une  de-- 
Tome  IL  F  f 


a 


*33S       Dt   la  Chartt'e' 

4iionfl:ration  ;  il  cil:  au  contraire  dif 

iicîlc  d'en  trouver  de  plus  cvidem 

ment  taux.  Car  bien  loin  que  ce  lo" 

Aine  adlion  de   prudence  de   luivr 

une    opinion     moins     propable    c 

moins  lûre  ,   c'eft  la  plus  vifible  4 

toutes  les  imprudences.   Car  y  cut- 

jamaisnendc  plus  imprudent  que  d 

choi fit  volontairement  &  avec  con 

noiiïance  le  mauvais  parti  ?  N'eft-c 

pas  s'expofer  au  hazard  de  pécher,  o 

pour  mieux  dire  ,    n'eft-ce  pas  pc  o 

cher    certainement     ?    car    encoi 

bien  que  celuy  qui  croit  une  opinio 

moins  probable  &  moins  iûi:c  ,   i 

trompât ,  de  que  cette  opinion  rée 

lement  fut   véritable  ;    neanmoir 

comme  en  la  jugeant  probablc,iî  jag 

qu'elle  pourroit   être  fauilè  ,  il  ac?; 

contre  la  conicience ,  s'il  la  luit.  C 

agir  contre  la  conicience,   c'eil  pc 

cher  certainement. 

V.  Mms  eft-on  obligé  de  iuivi 
toujours  la  vérité  ,  puilqu'elle  eil 
fouvent  cachée  ? 

-^.  Quand  elle  eft  cachée,  il  n 

a  qu'a  iuivre  l'opinion  la  plus  lûrc 

c'eft-a-dire  ,    la  plus'  exempte  c 

-  danger  de  pécher  ;  car  c'efl  une  ver 


ÏNVERS     SOY-MIMS.  f>f 

:é  qui  ne  nous  eft  pas  cachée  ,  que 
ians  le  douce  il  faut  luivre  le  pius 

"A 

ur. 

D,  Mais  à  prendre  cette  dodrine 
lia  lettre.,  pour  luivre  le  plus  fur 
3arti ,  tout  le  monde  feroit  obligé 
lux  confcils  de  Jeius-Chrill,  &  à 
■aire  ainli  de  tout  ce  qui  eft  dans 
'Evangile  des  comandemens  for- 
nels  j  car  on  ne  pourroit  pas  les  en- 
endre  autrement  ,  li  on  vouloir 
îblijer  tout  le  monde  a  luivre  la 
/oye  la  plus  lUre.  Par  exemple  , 
1  eft  certain  que  la  virginité  eft  plus 
ûre  que  le  mariage  :  que  la  vie  de 
•ecraite  eft  plus  ailùrée  que  la  vie  du 
nonde  ? 

R,  Quand  on  parle  de  fureté  en 
naticre  d'opinion  probable ,  c'eft  de 
a  fureté  que  la  choie  dont  il  s'acric 
*ft  permife.  Et  ainli  on  appelle  fa- 
e  ,  l'opinion  qui  autorife  ce  qui  eft 
:crtainement  licite  ,  quand  même 
;ile  auro't  àzs  iuices  daneereuîes; 
3r  il  n'eft  pas  moins  allure  que  le 
naria2;e  eft  permis  ,  que  la  virgini- 
é  ,  puifque  l'un  &  l'autre  état  eft 
LUtorifé  formellement  par  l'Evan- 
;ile  ôc   par  faint  Paul.     Ainfi  tous 

Ff  ij 


-349       De  la    ChAriti' 
les  deux  partis  font  lûrs. 

D,  Ne  peuc-on  pas  dire  que  celu 
qui  juge  une  opinion  moins  probe 
bie  ,  la  juge  probable  ?  or  s'il  la  jt 
ge  probable  ,  il  n'eft  pas-donc  vra 
qu'il  la  dcfapprouve  ? 

R,  Il  n'eft  pas  vray  que  celuy  qi 
juge  une  opinion  moins  probable 
la  juge  probable  abiolument  j  ma: 
il  ne  la  juge  probable  qu'a  un  certai 
égard  ,  &  pour  ceux  qui  ne  feroiei: 
pas  informez  des  railons  contraire: 
Juger  une  opinion  moins  probable 
c'eil  juger  qu'une    opinion   eft  ap 
puyée  lur  Aqs   railons  capables  d 
Faire  impreiïîon  fur  l'efpric  ,  fî  elle 
n'étoient  point  combattues  par  d'au 
Eres  railons  plus  fortes  ,  &:  qui  k 
afFoibliilent  :  ainll  on  ne  iuf^e  ces  rai 
Ions    lur  leiquelles  on  appuyé  lo; 
fentiment  j  on  ne  les  juge  ,  dis-j:e 
probables  ,    que  dans  une    fuppoii 
tion  que  l'on  détruit  en  même  temps 
&  certainement  l'imprellion  qui  de 
meure  dans  l'eiprit,  eft  qu'on  le  doi 
éloigner  de  cette  opinion. 

D,  Ne  peche-t-on  jamais  en  fui 
vant  l'opinion  la  plus  iûre  ^  la  rlu 
probable  î 


ÏNVEIIS     ÎOV-MEMÏ.  54Ï 

P,  Oii  ne  pèche  jamais  contre  la 
[onfcicnce  ,  mais  on  peut  fort  bien 
>echer  contre  la  vérité  ;  parce  que 
ette  opinion  6c  plus  lûre  Se  plus 
)robable,  abiolument  parlant ,  peut 
tre  faulFe  ,  &c  que  l'ignorance  qui 
ache  une  vérité  de  la  loy  de  Dieu  , 
l'excule  pas  entièrement  de  péché. 
1  faut  néanmoins  remarquer  qu'on 
le  prend  pas  ici  le  mot  de  plus  lûr  , 
>our  une  opinion  exempte  de  tout 
langer  de  pécher  ;  car  en  ce  fens , 
m  ne  pèche  jamais  en  faivant  une 
>pinion  iûrc  :  mais  on  le  prend  pour 
e  qui  eft  moins  expofé  à  ce  dan- 


;er. 


QUESTION     IV. 

i'Jh  ejl  permis  de  fuivre  l* opinion 
Jure  ,  lorjque  la  contraire 

ejilaplus  proèac?le, 

D.  Eft-il  auiïi  facile  de  décider 
:e  qu'on  doit  faire,  quand  la  plus 
grande  fureté  eft  d'un  côté  ,  &:  la 
3lus  grande  probabilité  de  Tau- 
;re  ? 

-^.  Il  s'en  faut  bien  j  parce  que  k 

f  f  iij 


34i  De  L  A  C  H  A  n.  I  T  e' 
tcime  de  plus  probable  approche 
quelquefois  fi  fort  de  la  certitude 
morille  ,  qu'il  eft  fouvent  tres-difH- 
cilc  de  Ten  diftiiif^uer.  Or  il  eft  cer- 
taui  que  Ton  peut  luivre  ce  qui  eft 
certain  d'une  certitude  morale ,  quoi- 
que le  contraire  paroilTe  plus  fur. 
S'il  étoi^  queftion  ,  par  exemple  , 
d'un  contrat  condam.né  par  quelques 
Théologiens ,  mais  autorifé  par  les 
plus  habiles  ,  &  par  la  raifon  mê- 
me ,  on  peut  dire  qu'il  eft  morale- 
ment certain  que  ce  contrat  eft  le- 
gicinie:  Cependant  il  pourroit  pa- 
roicre  plus  fur  de  ne  s'en  fcrvir  pas , 
à  caufe  de  ce  peu  de  Théologiens 
qui  le  condamnent.  Or  dans  ce  cas, 
je  dis  que  s'il  y  a  de  bonnes  rai- 
Ions  qui  portent  a  s'en  fervir  ,  on 
ne  doit  pas  fe  priver  de  cette  liberté, 
3<^  que  Von  peut  faire  licitement  ce 
contrat.  La  raifon  en  eft  ,  que  quoy 
qu'il  paroiile  plus  fur  de  fuivre  l'o- 
pinion qui  condamne  ce  contrat 
en  une  occafion  particulière  ;  il  n'eft 
pas  néanmoins  plus  lûr  de  saftrain- 
dre  à  iuivre  cette  règle  en  toutes 
occafions  ,  parce  qu'elle  reduiroic 
la  vie  Chrétienne  à  une  gêue  terri- 


ENVERS    SO'Y-MEME.  545 

ble  5  ôc  que  Ton  fe  mcttroit  hors 
d'état  de  faire  aucune  bonne  œuvre ,  . 
parce  que  l'on  trouveroit  toujours 
en  Ion  chemin  quelque  railon  de 
fcrupule  ,  qui  pourroit  faire  croire 
qu'il  cil:  plus  fur  de  s'en  abftenir.  Or 
il  11  eil:  pas  bon  de  réduire  les  âmes 
à  cette  contrainte  ,  &  ainfî  il  ne 
faut  pas  leur  interdire  de  fuivre  les 
opinions  qui  font  moralement  cetr 
taincs  ,  3c  contre  lelquelles  on  ne 
peut  propoler  que  des  raiions  de 
iciupule. 

X\  Mais  Cl  ces  raifons  ont  quel- 
que poids ,  &  que  l'on  ne  voye 
pas  clairem;?nt  que  la  choie  ioit 
licite  5  quoique  l'on  panche  fort  à 
le  croire ,  à  quoy  cft-on  obligé  ? 

X.    Comme    cet    état    neft    pas  ^.^^^.Vtuïïi 

exempt    de    doute  ,    on   ne    voie    pas  lalutem    animae 

que  1  on  le  puiile  exempter  alors  de  J^i  eo  foio quod 

fuivre    l'opinion    la  plus   llire    ,     fui-,  cerns   inccna 

vant   la  dccifion  de  faint  Augaftin,  ^.^iTj^.^/iVL^-f. 
qui  dit  5  Que  c'eil:  un  grand  péché  co^ur,  oonavf.c, 
dans  les  chofes  qui  regardent  le  la-  '  jjj.    ,j  -^^ 
lut ,  de  préférer  l'incertain  au  cer-  quaudam  dubî- 

•  cacionem  indu- 

riin 

*■         "  ^  citur  contrane- 

C'eil  aufli  la  déciiion  expreile  de  tjite  opinionû , 
Xaïut    i  nomas.   Car  iuppoiant  que  biuuonc  pluies 

rfiiij 


344      D2   LA  Charitî' 
^rxbcndas  ha-    l'opinioii  qui   permet   d'avoir    pîil- 

ter  ,  periculo  le   ^    *  L        j  A.  o  ^ 

conmiictu,  ôc  iicurs  prebcndes  cft  vraye  ,  &:  que 
iicprocuidubio  <:eluy  qui  la.  fuit  en  eft  peiiuadé  ,  il 
inagis  amans  be-  TiQ  laille  pas  de  la  Condamner  de 
neficiuin  ccra-    péché  ,    fi    h  Contrariété   des  opi- 

porale ,  quam      ^  .  '      .  ^  ,  ,  ^ 

propriamiaiu-    nions    mit   naître   en  luy  quelque 

um.5   Th.       doute.  Parce  que  ,  dit  ce  Peie,  fi  cet 

homme  conicrve  cette  pluralité  de 

bénéfices,  fon  doute  lubiiftant,  il  ic 

met  en  danger. 

Il  faut  pourtant  remarquer  que 
cela  le  doit  entendre  ,  pourvu 
que  ce  foit  un  véritable  doute ,  6c 
non  pas  une  fimple  timidité  de 
fcrupule  j  Car  il  eft  fouvent  meil- 
leur &  plus  fur  aux  confciences  Icru- 
puleules  ,  de  palier  par  -  delfus  ces 
vaines  frayeurs  qui  les  arrêtent  en 
leur  chemin.  C'ell  ce  qui  fait ,  com- 
me il  Si  été  dit  5  que  ces  cas  font 
difficiles  à  refoudre  ;  parce  que  l'on 
ne  Içait  fouvent  fi  la  raifon  que  Por> 
a  de  douter  de  la  vérité  d'une  opi- 
nion ,  n'eft  point  un  vain  Icrupule  , 
ou  fi  elle  mérite  d'être  traitée  de 
confiderable.  Car  il  ne  fuffit  pas 
pour  cela  que  cette  raifon  fur  la- 
quelle on  fonde, fon  doute, ait  paru 
iûlide  ,  6c  ait  été  fouc^nuc  pai  quek 


EKVtRS    SOY-MÊMï.  34| 

ques-uns  ,  puilqu'il  n'y  a  gncres 
d'erreur  ô<:  d'égarement  d'eipric  , 
qui  n'ait  eu  pour  approbateurs  des 
gens  habiles  en  d'autres  chofes. 

D.  Ne  s'enfuit-il  point  des  prirr- 
cipes  qu'on  a  établis  ,  qu'on  ne  de-* 
vroit  jamais  communier  ,  puifqu'on 
ne  Içait  point  fi  on  eft  en  état  de 
grâce,  &  fi  par  confequent  on  ne 
communie  point  indignement  ? 

]^.  Quoique  peridnne  ne  puilîe 
avoir  une  entière  certitude  d'être  en 
grâce  ,  néanmoins  on  en  peut  avoir 
une  jufte  confiance  ,  6c  en  ce  cas  il 
y  a  plus  de  iûreté  à  communier  qu'à 
ne  communier  pas.  Car  en  ne  com- 
muniant pas ,  on  fe  prive  certaine- 
ment des  grâces  attachées  à  la  Com- 
munion ,  &  on  fe  met  en  un  danger 
évident  de  tomber  dans  le  péché  par 
le  défaut  des  grâces  de  Dieu  ,  dont 
on  fe  prive.  Or  ce  danger  étant  ^lus 
certain  ,  fiirpafie  celuy  de  cette 
Communion  indigne  que  l'on  peut 
craindre  en  communiant.  Ainfi,  ce- 
luy qui  avec  une  jufte  confiance  prend 
le  parti  de  communier,  fijit  l'opinion 
la  plus  probable  &  la  plus  {me, 
i>.  Que  doit- on  dire  de  cç  fenti. 


-54^     ^^  L^  Charité' 

timent  qui  a  été  avancé  par  ceux 
qui  ont  foutenu  le  parti  de  la  pro- 
babilité ,  Que  quatre  Doéleurs ,  ou 
même  un  leul ,  peuvent  rendre  une 
opinion  probable  ? 

^.  Cette  dodrine  feroit  fort  peu 
importante  ,  fi  Ton  reconnoilfoit  en 
même  temps  qu'une  opinion  proba- 
ble faulfe  ,  n'excufe  point  de  péché 
quand  il  s'agit  du  droit  naturel  :  mais 
il  on  la  joint  avec  Topinion  ,  qui 
donne  la  iûrcté  a  toutes  les  opinions 
probables  ,  il  n'y  a  rien  dans  toute 
lamiorale  chrétienne  de  plus  dange- 
reux ,  que  cette  doéèrine.  Car  c'eft 
ouvrir  la  porte  à  tous  les  excès  des 
Caluiftes  nouveaux  ,  ôc  a  tous  les 
égaremens  de  l'elprit  humain. 

Z>.  Ne  pourroit-on  pas  répondre 
que  ces  opinions  ne  font  pas  proba» 
blés  ? 

^î  On  le  répondroit  inutilement; 
car  le  mot  de  probable  efl:  un  mot  de 
rapport.  Tout  ce  que  j'approuve 
m'efl:  probable  ;  fi  donc  l'autorité 
d'un  Docteur  me  fait  approuver  une 
opinion,on  ne  peur  nier  qu'elle  ne  me 
foit  probable  .  quoy  qu'elle  foit  tres-r 
faulie  en  foy.     Nulle  opinion  fauiïe" 


fi!- 

f 

tI.V; 
f 

k 

f 
a: 


ENVERS    SOY-M"F.  ME,  547 

!i*ejfl  probable  ablolumenc.  Il  y  a 
toujours  des  raiions  évidentes  qui  en 
prouvent  la  faudeté,  quoy  qu'elles  ne 
ficus  loient  pas  connues  j  &:  au  con- 
traire 5  il  n'y  a  prefque  point  d'o- 
pinion fliuife  qui  ne  ioit  probable  à 
quelqu'un  ,  parce  que  les  ténèbres 
de  l'elprit  humain  font  ii  diftcrentes, 
que  prefque  toutes  les  fauiîètez  ima- 
ginables le  trouveront  conformes 
aux  faux  principes  &:  aux  fiuifes 
iciées  de  quelques  eforits  ;  d'où  il 
s'eniiiit  qu'elles  leur  doivent  paroî- 
tre  probables. 

D.  A  quoy  s'en  faut-il  donc  te- 
nir fur  la  matière  de  la  probabilité  } 

R.  Il  s'en  faut  tenir  i°.  A  cher- 
cher la  vérité  autant  que  Ton  peut. 

2°.  A  demander  continuellement 
à  Dieu  qu'il  nous  éclaire,  &  qu'il 
ne  nous  laitfe  pas  tomber  dans  l'a- 
veuglement. 

5^\  A  choifîr  toujours  les  opinions 
\qs  plus  lûres  &  les  plus  probables  ^, 
èc  après  cela  il  faut  tâcher  de  marcher 
en  paix ,  parce  qu'on  ne  Içauroïc 
mieux  fiire  fflon  la  lumière  que 
l'on  trouve  dans  loy-même. 

Il  faut   néanmoins  toujours  être 


5  4  S  De  t.  a  Chariti' 
dans  la  crainte  &c  dans  rhumilid-. 
rion  devant  Dieu  ,  dans  la  vue  de 
nos  tenebi'es  ,  qui  peuvent  nous  ca- 
cher pluiieurs  fautes  que  nous  com- 
mettons tous  les  jours  par  ignoran- 
ce. Car  la  crainte  s*accorde  fore 
bien  avec  la  paix  &:  avec  la  confian- 
ce ,  quand  elles  font  dans  un  degré 
inoderé. 


CHAPITRE     VI. 

Ce    quil  faut  conjïdcrer  dans  le 
choix  d'un  genre  de  vie, 

D,  l^TE   rcfte-t-il  point  encore 
JL^  quelque  devoir  très-impor- 
tant &tres-étendu  ,  auquel  la  pru- 
dence oblige  } 

J^,  Il  en  refte  plufieurs  ;  car  toutes 
les  actions  de  la  vie  fe  doivent  faire 
a^ec  prudence  :  il  faut  prefquen 
tout  difcerner  le  vray  du  faux  ;  ÔC 
confcrver  une  infinité  d'égards. Mais 
le  plus  elfentiel  de  tous  ces  devoirs , 
^  celuy  qu'il  eft  neêelTaire  d'expli- 
quer ici,  c'eft  l'obligation  que  cha». 
cun  a  de  çhoifir  un  genre  de  vie  qui 


ÏKVERS   SÔY-MEMP.  54^ 

foit  propre  à  le  conduiie  à  fa  fin  , 
c'cft-à-dire  ,  a  Ion  falut  ;  &  les  rè- 
gles qu'il  faut  fuivre  dans  ce  choix, 

§.   L 

Combien  le  choix   d'une  condition 
eft  imfoYt^nt. 

D,  Quel  eft  le  principe  de  To- 
bli^ation  du  choix  d'un  état  ? 

R.  1°.  C'eft  que  quiconque  eft 
oblic;é  d'arriver  a  une  fin  ,  eft  dans 
Tobligacion  de  prendre  une  voye  qui 
y  conduiie.  Or  le  genre  de  vie  que 
chacun  prend ,  eft  la  voye.  Toute 
la  vie  ne  ieroic  donc  qu'un  égare- 
ment continuel ,  li  cette  voye  n'a- 
Yoit  Dieu  pour  fin  ,  &  il  elle  n'y 
conduiioit. 

a°.  Toutes  nos  adtions  doivent 
être  rapportées  à  Dieu  ,  &  être  fai- 
tes  par  1  impreffion  de  Ion  amour  ; 
on  eft  obligé  de  les  luy  conlacrer 
toutes  ,  parce  qu'elles  luy  appar- 
tiennent toutes  par  une  infinité  de 
droits  :  or  fi  cette  vérité  eft  con- 
jftantc  ,  comme  perfonne  ne  la  ré- 
voque en  doute  j  6<:   ii  ce  rapport 


V  1 

^50  Dï  LA  Charité* 
coniinuci  de  toutes  nos  acftions  ? 
Dicueft  fi  neccllaire  même  dans  le* 
a61:ions  particulières  ,  combien  Teit- 
il  plus  dans  certaines  adions  ,  qu) 
font  le  principe  6<:  laiource  d'une  in- 
finité d'autres  ? 

5°.  La  plupart  des  tentations 
cju'on  éprouve  dans  la  vie  ,  naillcnt 
du  genre  de  vie  que  chacun  choifit. 
Or  5  comme  c'cfl:  par  ces  tentations 
que  les  hommes  iont  ordinairement 
di (cernez  ;  que  les  uns  en  font  ren- 
vericz ,  les  autres  demeurent  de- 
bout 5  ielon  que  ces  tentations  font 
ou  ne  font  pas  proportionnées  a  leur 
force  j  il  elt  clair  que  le  genre  de 
vie  eCz  ce  qui  nous  attire  de  plus 
grandes  ou  de  moindres  tentations , 
ôc  par  conicquent  c'e.n;  la  fource  de 
notre  ialut  ou  de  nôtre  perte. 

O,  Expliquez-nous  cela  plus  dif- 
t  in  clémente 

^.  Il  n  y  a  qu'à  en  propofer  des 
exemples  pour  faire  bien  com- 
prendre cette  vérité.  Une  femme 
s'unit  par  le  mariage  avec  un  homme 
déréglé  ,  brutal ,  bizarre,  emporté  ; 
elle  a  des  enfans  mal  nez  &  âéio- 
béiilânts.      Elle  fe  trouve  enciai^ée 


ENVERS      SOY-MF.ME,  5<I 

ans  la  compagnie  de  gens  peu  rc- 
lez  j  elle  le  trouve  envnonnée  d'ob- 
?cs  qui  luy  infpirent  l'aniour  du  jeu 
c  des  divemllèmens.  Il  eil:  clair  que 
outes  ces  tentations  qu'elle  épiouve 
laiilent  de  Ton  engagement ,  ik  pouc 
è  fauver  ,   il  faut  qu'elle   les   lur- 
nonte  :  elle  a  beloin  pour  cela  d'u- 
le  grâce  forte  •  cependant  cette  fem- 
ne  fe    trouve   foible  en  vertu,   le 
renre  de  vie  qu'elle  a  choiiî  ne  luy 
permet  pas    de   pratiquer  ,    ou  luy 
rend  tres-dilïïciles ,  les  exercices  de 
pieté  qui  pourroient  la  ioutenir  &  la 
fortifier  :  ainli ,  on  ne  peut  pas  nier 
que  fon  falut  ne  ioit  tout  autrement 
en  danger  que  Ci  elle  avoit  embralfé 
un  autre  engagement  moins  expofé 
aux  tentations  ;  ik  qu'ainii ,  a  moins 
qu'elle  n'ait  été  forcée  à  ce  mariage 
parquelqu'autre  neceiïité  bien  pref- 
iante,  le  choix  qu'elle  a  fait  ne  foie 
fort  imprudent. 

Un  homme  achette  une  grande 
charge ,  dont  il  ne  f  çauroit  s'acquit- 
ter ians  un  grand  travail ,  fans  re(i- 
fter  à  des  paflions  tres-fortes  ôc  à 
^es  intérêts  tres-preilans ,  &  fans  fe 
commettre  beaucoup   avec  des  gens 


f^^t         D  î    L  A    C  H  A  R  I  T  ï* 

riches  &  puillans.  S'il  fe  crouv 
avec  cela  que  cet  homme  foit  foiblc 
incerreire  ,  timide  ,  parefleux  & 
peu  éclairé  ;  qui  doute  qu'étan 
<lans  cette  dilpoiition  ,  cette  charg< 
ne  loit  un  ties-grand  obftacle  pou 
fon  falut } 

Un  Ecclefiaftique  qui  a  peu  de  lu 
mieres  fe  charge  d'un  miniftere  qu 
en  demande  beaucoup  :  il  s'expok 
par  la  qualité  de  [on  employ  à  k 
vie  diiïîpée  ,  à  la  conveiTation  des 
femmes  ,  aux  conteftations  ,  aux 
procès  ,  6cc.  Il  efl  vifiWeque  le  pé- 
ril où  il  eft  de  fe  perdre  ,  eft  tout 
autrement  grand  ,  que  s'il  étoit  de- 
meuré dans  la  retraite  -,  Se  on  peut 
^  .r     .    .    dire  de  luy  ce  que  faint   Au^uiBn 

Demcari  cnim    ,.,  J     ,         ^       ,        ,.  j-io 

ttrifquc  in  o-    dit  de  quciqu  un ,  qu  au  lieu  qu  li  eit 
uo  hcchit. A'.i^.  ^^^  ^j^       -j  émin^nt  de  périr  dans  cet 

ii6,  employ  5  il  auroit  pu   devenir  laint 

dans  la  lolicude.  En  un  mot,  comme 
chacun  a  les  pafïions,  h  rcmploy 
que  l'on  choiftt  les  favoriie  &c  les 
augmente  ,  il  eft  viilble  que  cet  em- 
ploy fera  pour  luy  une  tentation 
continuelle. 

D.  Ne  fufîit-il  pas  de  choiilr  un 
employ  &  un  genre  de  vie  qui  foit 
boji  6c  légitime  2  ^» 


ÎNVËRS     SOV-MEME.     •  355 

R,  Non  ,  il  fciQc  de  plus  être  ca- 
pable  de  s'en  bien  acquitter  :  c'eft 
pourquoy  l'Ecriture  laintc  nous  aver- 
rit  der,ep,s  rechercher  l'office  dejf^ge,  .^^^'^^i 
fi  on  nn  PAS    a(fex,    de  force  ^  &  de  valsas  vire  ic 
fermeté  pour    s'oppofer  a:ix  mjnjilces  '^^^^'^l^i^ 
des  hommes.     Elle  nous  avertit  aiifïï  6.  7. 
de  n'entreprendre  que  ce  que  Ton 
peut  faite.   QhI  efl  ccluy  d'entre  vous , .    quîs  ex  vobîs 
dit  l'EvancTile'    qui  voulant  hatW  une  voienscurnm 
Hiir  j   ne  fuppiite  auparavant  en  re-  prias  fcdens 
pos  &  a  loljîr  la  dèpenfe  qui  y  /^^^  computatiuinT)- 

r  -'      .       ^      r     J       j        -^      n       ^^^5    QUI  ne::;- 

faite ,  pourvoir  s  il  aura  dcanoy  la-  ianifanc^iî  ha- 
thiver^    deùenranen  ayant  jet  té  les  ber^cadperfi- 
fandemens  ,   CT  ne  pouvant  L  achever  ,  roftcaquampo- 
tohs  ce-yix  qnl  verro'nt  ce  bâtiment  im-  ^^^^^'^  tunda- 
parfait ,  ne  commencent  a  je  mocquer  non  potuerk 
de  Iny     en   dl'ant  ;  Cet  homrne  avoir  ?^^^^^^'- .\  '^■^*" 

■^  '     .     ^      /   '    .  •       •/       ^  nés  qui  vident 

commence  a  batir  ^    mats  tl  na  /^<f/ incipiannllude- 

achevé  '^^^'^  y  dicencC5  ; 

'    ;    •  •  ./  Quia  hic  iiûiTi^ 

C  elt  une  règle  reconnue  de  tout  cœpu  sr.ufi^aie, 
le- monde  ,    qu'il  nefl  pas  pennis  ^ '""°   p-^'^"^ 
de  S  engager  m  de  demeurer  dansîi-Kc.  i^.  t>, 
un  employ  qu'on  ne  fçauroic  exer- 
cer fans  péché  ,  eu  qui  par  rapDorc 
à  la  diipoîit  onoii  l'on  fc  trouve  ,  eft 
une  occaiion    prochaine  de    piché^ 
Enfin,  le  genre   de  vie   que  chacun 
choilk ,  efi  Dour  chacun  le  Diiiici-r 
Tome  II,  G  g 


^54-  Delà  C  ha  r  i  t  e* 
pal  moyen  ,  par  lequel  il  doit  opé- 
rer Ton  lalut  ;  c'eft  le  vaiiîcau  qui  lé 
doit  mener  a  réternité.  On  ell  peu 
en  état  de  plaire  à  Dieu  par  d'autres, 
adiions  ,  lorlqu'on  luy  déplaît  par 
fon  état  même  ,  &  par  la  manière 
dont  on  s'acquitte  des  devoirs  auf- 
quels  il  oblige.  C  eft  cet  état  qui 
fait  le  gros  de  la  vie  j  de  forte  que 
fi  on  s'en  acquitte  mal  ,  on  ne  peut 
pas  dire  qu'on  vive  pour  Dieu ,  ni 
que  la  vie  fe  rapporte  à  luy. 

§.    IL 

Combien  il  ejl   difficile  de  choiftr 
un  genre  de  vie. 

D.  Eft-ce  une  chofe  facile  que  de 
faire  un  bon  choix  d'un  genre  de 
vie  ? 

^.  Il  ne  paroîtpas  qu'il  y  ait  d'ac^ 
tion  plus  difficile  dans  la  vie  Chré- 
tienne, pour  plufieurs  railons. 

1°.  Parce  que  ceux  qui  font  ce 
choix  ,  "font  d'ordinaire  de  jeunes 
gens  5  fans  lumière  &c  fans  expérien- 
ce 5  qui  ont  peu  d'amour  pour  le 
vray  bien,  &  beaucoup  de  pafïiuns 


•  ENVERS    SOy-MEME,  55^ 

2°.  Parce  qu'ils  connoilfent  enco- 
re tres-peu  la  nature  des  pioftlîîons 
&  des  états  ,  les  tentations ,  les  pei- 
nes ôc  les  dangers  qui  y  iont  atta- 
chez ,  &  ainli  ils  iont  peu  capables 
d'en  iuf^er. 

3°.  Parce  qu  ils  connoiiient  peu  les 
devoirs  de  la  vie  Chrétienne  ^  les 
obligations  eiïentielles  au.Chriftia- 
niime  ,  de  à  chaque  état  ^  ôc  qu'aiii- 
fi  ils  font  peu  capables  de  prévoir 
les  difïicultez  ,  ik.  les  facilitez  qu'il 
y  a  à  les  pratiquer  dans  ces  difïe- 
rens  états. 

4°.  Parce  qu'ils  connoilfent  peu 
leurs  forces ,  ôc  qu'ils  ne  font  pas 
capables  de  juger  de  ce  qui  les  lur- 
paile  5  ou  de  ce  qui  y  eit  proportion- 
né. 

5°.  Parce  que  leur  vie  eil:  d'ordinai- 
peu  capable  d'attirer  la  grâce  &  la 
lumière  de  Dieu ,  dont  ils  ont  be- 
ioin  dans  un  choix  fi  important. 

6°.  Parce  qu'il  eft  tres-difiicile  de 
diftinguer  les  défauts  pallagers ,  auf- 
quels  il  faut  avoir  moins  dégard  ; 
des  défauts  permanens  ,  aui quels  il 
faut  principalement  s'arrêter  :  les 
défauts  que  l'âge  emporte  ,  de  ceux 


^^6       De    la   Cha  r  itï' 
qui  augmentent  par  l'âge  même. 

D.  Ceux  qui  ont  à  choifir  un  état 
ne  pourroiens-ils  point  luppléer  ; 
tous  ces  défauts ,  en  prenant  confei 
de  perfonnes  éclairées  ? 

^.  C'eft  en  efFet  le  feul  remcdc 
<ju'ils  y  pourroient  apporter  ,  maiî 
il  y  a  peu  de  jeunes  gens  qui  loieni 
en  état  d'en  uler.  Les  uns  n'ont  au- 
cune lumière  pour  connoître  l'im- 
portance de  ec  choix  ,  &  s'y  laiffent 
déterminer  par  leurs  parens ,  qui  en 
ont  louvent  auffi  peu  qu'eux.  Les 
autres  fuivent  aveuglément  l'im^ 
prefîion  de  la  coutume,  &  certaines 
maximes  d'orgueil  qui  font  éta- 
blies dant  le  monde ,  fur  lefquelles 
même  ils  ne  délibèrent  pas  ,  &  ne 
croyent  pas  qu'il  y  ait  à  délibérer  t 
ils  le  fondent  fur  cette  maxime  ,  que 
tel  eft  l'ufage  ,  &  qu'ils  pratiquent 
ce  qu'ils  ont  vu  ,  &C  qu'ils  voyent 
faire  a  tous  les  autres. 

Il  y  en  a  qui  dans  leur  choix,  ne 
■conluitenc  que  les  paiîions  d'inte- 
Tet,  ou  de  plaifir,  ou  d'ambition.  Il  y 
-en  a  très -peu  qui  puiilent  même 
difcerncr  qui  lont  ceux  qui  font  ca- 
pables de  leur  donner  conieil  :  Ainfi 


ÏNVERS    SOY-MIMÎ.  5'57 

la  plupart  du  temps  ils  agiffent  ians^ 
railon  &c  fans  lumière  ,  dans  une 
action  qui  eft  la  plus  importance  , 
éc  donc  dépend  tout  le  bonheur , 
tant  de  cette  vie  ,   que  de  l'autre. 

-D.  Quelles  font  les  mauvaifes 
maximes  &c  les  mauvaiies  coutumes 
qui  font  établies  dans  le  monde  iur 
cette  matière  ? 

^.  L'une  d^  ces  maximes  eft , 
<Ie  croire  qu^il  dl:  toujours  permis 
de  s'élever  dans  le  monde  autant 
que  Ton  peut  ;  &  cette  maxime  elt 
fi  univerfellement  luivie  ,  qu'il  n'y 
a  prelquc  que  Timpuillance  de  s'é- 
lever plus  haut,  qui  tienne  les  gens 
dans  un  certain  état.  Si  on  les  laiiTbic 
faire  ,  (5c  que  l'on  leur  en  donnât  le 
moyen ,  on  verroïc  ptefque  tout  le 
monde  faire  eitbrt  pour  s'élever  en 
un  plus  haut  rang:  Or  cette  maxime 
eft  tres-fauife.  Car  il  v  a  quantité 
de  gens  qui  le  perdent ,  parce  qu'ils 
s'élèvent  à  des  places  ôc  des  em- 
emplois  qu'ils  ne  Icauroient  foute- 
nir  ,  &:  qui  deviennent  par  là  mal- 
heureux &  en  ce  monde  ,  Se  dans 
l'autre. 
■UnQ  autre  ma-xime  ,  -c'cft  de  chci-^ 


35S  Delà  Charité' 
fir  uniquement  les  emplois  par  rap'^ 
port  à  la  nalifance  ,  a  la  qualité  ,  &c 
a  fes  riclicircs ,  ôc  de  croire  ,  par 
exemple  ,  qu'on  peut  afpirei-  a  une 
certaine  charge  ,  parce  que  Ton  pcre 
Ta  exercée  ,  ou  parce  qu'on  a  luffi- 
lamment  de  bien  pour  Tacheter. 

D.  Pourquoy  cette  maxime  cft-elle 
fauile  ? 

-^.  Parce  que  ce  ii^ft  ni  la  nailfan- 
ce  ,  ni  la  qualité ,  nnes  licheiTcs  qui 
donnent  les  difpofitions  necefïliires 
pour  faire  ion  fcilut  dans  une  charge, 
dans  un  employ  5c  dans  un  état  de 
vie  :  ce  font  les  talcns  ou  naturels, 
ou  acquis  ,  ou  reçus  de  Dieu.  Ainli  , 
c'efi:  une  fort  mauvaiie  coniequence 
de  conclure  3  par  .exemple,  de  ce 
que  fon  père,  a  exercé  une  telle 
charge ,  qu'on  y  peut  auiîî  afpirer 
légitimement  y  car  peut-être  que  ce 
père  en  étoit  indigne  ,  Ôc  qu'il  n*y  a 
pas  fait  fon  falut.  Peut-être  qu'il  en 
étoit  digne  par  certaines  qualitcz 
que  le  fils  n'a  pas  ;  ainfi ,  il  n'y  a  pas 
de  coniequence  de  l'un  à  l'autre. 

D,  Ne  doit-on  avoir  aucun  égard 
à  la  nailTance  ,  à  la  qualité  ôc  aux 
richeifes  ,  pour  choilir  un  état  de 
•vie  î 


tKVERS     SOY-MÈME.  '^59* 

/',  On  y  peut  avoir  quelque  égaid,. 
)ourvû  que  ce  ne  foie  pas  tout  ce 
ju'on  y  confidere.   Il  efl;  permis  de 
lemeurer  dans  le  rans:  où  la  Provi- 
lence  nous  met ,  a  moins  que  quel- 
jue  raifon  particulière  ne  nous  obli- 
ge de  nous   rabailTèr.  Les  perfonnes- 
le  qualité  ne    s'clevant  donc  point 
/ar  les  emplois  proportionnez  à  leur 
ondition  ,  il  leur  eil  beaucoup  plus 
>ermis  d'y   penler  ,  qu'à  ceux  poflr 
[ui  ces  mêmes  emplois  feroient  une 
;rande  élévation  ,  dont  tout  Cliré- 
ien    doit  avoir    de   l'éloif^nement, 
)uiiq,u  il  doit  tendre  à  s'bumilier. 

§.     I  I  L 

De  la  vue  de  la  àc^înàanct  de 
Dieu  ,  ^Hû^  doit  avoir  d(ins 
le  choix  d'un  état. 

D.  Que  doit  -  on  conclure  de 
:ette  difficulté  extrême  du  choix  d'un 
.'tat  de  vie  ? 

^.  Qu'il  n'y  a  point  d'acbion  où 
ron  doive  être  plus  dépendant  de 
Dieu  ,  &  où  il  foit  plus  neceilaire 
d'avoir  recours  à  Dieu^  par  plufieui;^ 
raiions,  *• 


^(>Q      De   lA  Charité' 

1°.  Parce  que  comme  le  genre  d^ 
vie  efl:  le  principe  d'une  infinité  d'a^ 
(fiions ,  c'ert:  un  hommac^e  qu'on  doit 
à  Dieu  ,  que  de  le  conlulter  i'ur  ccc 
engagement ,  afin  de  luy  confacrer 
dans  leur  fource  même ,  toutes  les 
acftions  qui  en  doivent  naître. 

2°.  Parce  que  quel  que  foit  ce  sen- 
te de  vie  .  nous  ne  fcaurions  iatis- 
faire  aux  devoirs  auiquels  il  oblige  , 
fans  Tadiftance  de  la  ^race.  Or  le 
meilleur  moyen  de  Tohtenir  ,  eft  de 
ne  s'y  engager  ,  qu'en  confultant 
Dieu  ,  &  avec  une  foumifîion  en- 
tière à  fa  volonté.  Rien  au  con- 
traire n'eil:  plus  capable  d'éloigner 
les  grâces  de  Dieu  ,  que  d'y  entrer 
tos  Ion  ordre  :  car  c'eft  témoi- 
gner qu'on  croit  fe  pouvoir  pâlfer 
de  Dieu,  &  qu'on  fe  fuffit  a  ioy- 
niême. 

3°.  Parce  quelque  examen  que 
Ton  faire ,  on  a  encore  grand  beloin 
de  la  conduite  deDieu  pour  ce  choix  j; 
car  les  vues  humaines  iont  h  bornées 
6c  il  incertaines  ,  qu  on  ne  fçauroic 
prévoir  la  plupart  des  difficuîtez  des 
divers  états.  Il  v  en  a  où  il  fe  ren- 
contre des  précipices ,  dont  Dieu  ne 

prelervs 


J 


ïNVÊRS     SÔY-MEMf.  }^t 

prefei've  ceux  qu'il  veut  particulière- 
ment favorifer  ,  qu'en  empêchant 
qu'ils  ne  s'y  engagent ,  foit  en  y  fai- 
fant  naître  des  obftacles  ,  foit  en 
leur  en  donnant  du  dégoût  ;  ou  enfin, 
en  faifant  qu'on  les  en  détourne, fans 
fçavoir  pourquoy  :  «5.:  il  y  a  tres-peu 
de  perlonnes  ,  qui  faifant  reflexion 
fur  leur  vie  ,  n'ayent  fujet  de  recon- 
noitre  que  Dieu  les  a  délivrez  de 
quantité  d'engagemens  ,  qui  leur 
auroient  été  funeftes. 

D,  Suffit-il  pour  obtenir  les  grâ- 
ces de  Dieunecellaires  pour  ce  choix, 
de  faire  quelques  prières  ? 

jR,i°.  Il  faut  proportionner  les  priè- 
res à  la  grandeur  des  chofes  que  Von 
defire  obtenir  de  Dieu ,  félon  faint 
Auguftin  ;  &  comme  il  n'y  a  rien  de    quî  fîcpetut 
plus  important  que  cette  ^race  ,  il  ^  f^nnim  pe- 

^  n  ir  •         J      1      j  j  tunt ,  quomoda 

elt  necellau-e  de  la  demander  autant  &  quantum  res 
qu'une  chofe  fi  grande  &  fi  necef-  ^1^^^  petenda 
laire  doit  être  demandée.  C  ell-a- 
dire,  qu'il  faut  faire  pour  cela  de 
longues  6c  de  ferventes  prières  j  Se 
de-  la  il  s'enfuit ,  que  ceux  qui  ne 
font  point  encore  en  état  de  choifir  , 
doivent  par  avance  s'adreifer  à  Dieu, 
pour  obtenir  cette  grâce  dans  fon 
Tome  II.  H  h 


|i)i     Delà  C  h  a  r  i  tî' 
ccmps.    Car  encore  qu'il  ne  foie  pa^ 
toûjoLUs  temps  de  choilir ,  il  efi:  tou- 
jours temps  de  prier  pour  obtenir  la 
grâce  de  faire  un  bon  choix. 

2".  Il  ne  faut  pas  le  contenter  de 
demander  a  Dieu  cette  grâce  par 
des  paroles  ,  il  la  faut  principa- 
lement demander  par  des  defirs , 
&  par  des  deilrs  qui  tendent  a 
Dieu.  C'eft-à-dire  ,  qu'il  flmc  que 
Dieu  voyc  dans  le  cœur,  que  la 
principale  vue  que  l'on  a  dans  ce 
choix  ,  n'efl  pas  de  contenter  Ton 
ambition ,  ou  de  fe  procurer  une 
vie  commode,  mais  d'entrer  dans 
une  voye  favorable  pour  aller  à  Dieu, 
Car  c'eil  fe  moquer  de  Dieu,  que 
de  luy  demander  la  lumière  pour 
choilir  un  état,  lorfque  l'on  a  pour 
principal  but  dans  ce  choix,de  iatis- 
faire  a  fes  pafïïons  ,  ôc  que  le  falut 
n'y  entre  que  comrne  un  açcelîbire.j 
cette  corruption  que  Dieu  voit  dans 
le  cœur  ,  eft  beaucoup  plus  capable 
d'éloigner  ù  grâce ,  que  toutes  les 
prières  qu'on  peut  faire,  ne  font  ca- 
pables de  l'attirer. 

3°.  Il  faut  joindre  à  fes  prières  Tc- 
xerciçe  d'une  vie  vrayemenc  chrç* 


j* 


ENVERS     SOY-MfiMt.  ^(j^ 

tienne ,  &  fe  mettre  en  état  d'en- 
trer chrétiennement  dans  un  em» 
ploy  ,  en  devenant  d'abord  vérita- 
blement chrétien  j  c'eft  par  où  on 
doit  commencer  :  car  comme  ce  fe- 
roit  fort  bien  répondre  ,  fi  on  étoic 
Sollicité  de  faire  un  choix  lorfqu'on 
eft  dangereufement  malade  ,  que  de 
dire  ,  qu'il  faut  d'abord  fonger  à  ie 
gueriç  5  de  qu'enfuite  on  verra  à  fe 
refoudre  touchant  un  choix  ;de  mê- 
me quand  on  a  l'ame  malade  par  de 
grands  péchez  ,  on  doit  penfer  à  s'en 
guérir  d'abord  ,  avant  que  de  de- 
mander  à  Dieu  fa  lumière  pour  le 
choix  d'un  genre  de  vie. 

§.  IV. 

^uelle$  reglfs  on  doitfuivrt  dans 
le  choix  d'un  genre  de  vie. 

*Z).  N'y  a-t-ii  aucunes  maximes 
fur  lefquelles  on  doive  fe  régler  dans 
ie  choix  d'un  genre  de  vie  ? 

R,  Il  y  en  a  plulîeurs  ,  &  il  eft 
bon  de  les  féparer.  Nous  nous  ar- 
rêterons d'abord  à  celles  qui  doivent 
porter  à  s'éloigner  abfolument  de 
^  "  Hhij 


3<$'4  De  la  Cmaritï* 
certains  ctits  ;  &  nous  traiteront 
en  laite  de  celles  qui  nous  doivent 
donner  de  Tinclination  au  de  l'éloi- 
gnement  pour  certains  genres  de 
vie. 

A    R    T    I    C    L    I       I. 

T)es  maximes  qui  doivent  porter 

k  Cdoiy<ier  ^bfolumcnt  jie 

certains    ét^ts, 

D.  Quelles  font  les  règles  qui 
nous  doivent  éloigner  abiolumenc 
de  certains  états  ) 

/?.  On  doit  mettre  dans  ce  rang 
celle  de  ne  choifir  jamais  un  em- 
ploy  &c  un  genre  de  vie  qui  loit  il- 
licite en  foy  ,  &  oppofé  aux  Corn- 
mandemens  de  Dieu  ,  &  de  Ton  EgU- 
le.  On  ne  les  fpecifie  pas  ici ,  mais  il 
eft  certain  qu'il  v  en  a  j  &  S.  Gré- 
goire Pape  nous  en  avertit  exprei- 
lémenc  dans  une  Homélie  qui  fait 
partie  de  l'Oftice  de  TEglile. 

1°.  Celle  de  ne  choilir  jamais  u'i 
Cjenre  de  vie-  dont  on  foit  incapa- 
ble ,  faute  des  talens  neceiïàires  pour 
s'en  acquitter» 


i^^^ERS    SOY-ME\iE.  3^5 

Ainfî  ,     une  perionne  qui  a  peu 
d'ouverture  d'eiprit ,  &  qui  manque 
de  la  fcience  necellaire  ,   ne  peut  en 
confcience  encrer  dans   les  emplois 
qui  demandant   beaucoup   d'intelli- 
gence &  de  lumière. 'Cette  règle  fait 
voir  qu'il  y  a  une  infiaité  de  gens  qui 
fe  perdent  dans  les  Offices  de  Juges^ 
ôc    dans  les  Magiftrarures  ,    parce 
qn'ils  manquent  des  qualitez  necei- 
iâires  pour  s'en  acquitter.    Il  faut .     _        .  .  ,• 
dit  Saint  Ilîdore  de  Damiette  ,   que  cane  ^  acazun. 
ceux  qui  font  chargez  de  rendre  la  ^'°  »r.ger.io  eue 
juihce  ,  avent  1  elpnt  ouvert  &  pe- rum  quUo- 
netrant,  pour  pouvoir  dilcerner  les  3^^"^'^'" '^"-^''^- 
r;iiions  des  uns  ëc  des  autres^<Sc  trou-  mm   <{ux  di- 
ver  au  milieu  des  détours  de  la  Rhe-  ^^.^-"'^    ^'^^^' 

.  ,  ,       biJuacem  ne  vc- 

tôrique,  le  véritable  iens  des  choies  tiffiimiitadirieix» 
qu'on  leur  propofe.  Ceux  qui  man-  ^"^"^j?  ^^"-^.-r 

1  IL  1  tes,    Icnla   i?;a 

quent   de  ces   qualitez  ,   font   très-  inrrofpiccre/at- 
mal  d'entrer   dans  les  emplois  qui  '^^'^J'"''  '.'^'^ 

_  r  1       cantes  veaca- 

y    obligent ,  8c  qui  les  mettent  en  tem  haurire 
danger  de  ruiner  des  familles   par  ^"f\"^;  M''' 
leur  peu  de  lumière  ,    &  leur  peu  hb.  j.  «f.  ^. 
d'ouverture  d'eiprit. 

Pcurquoy  faut-il  de  même  que  tant 
de  gens  qui  n'ont  aucun  talent  pour  in- 
ftruire  les  peuples ,  fe  chargent  d'em- 
plois qui  les  v  obligcntr  Je  n'ay  pas. di- 

Hhiij      ' 


^66      Dï  LA   Chakite' 

îcnt-ils  ,1e  talent  de  prêcher  ,  Poiir- 
<^uoy  avez- vous  donc  la    hardieiîe 
de  vous  charger  d'un  miniftere  dont  ' 
on  ne  fe  peut  bien   acquitter  fans 
ce  talent  ? 

D.  Ne  doit-on  confîderer  que  le 
défaut  des  talens  extérieurs  ôc  des 
qualitez  humaines  ,  pour  s'exclure 
abloiument  de  certains  états  ? 

^.  On  doit  aufîi  avoir  égard  aux 
grâces  de  Dieu  ,  lorfque  ces  grâces 
lont  necefTaires  pour  s'acquiter  fe-^ 
ion  Dieu  de  cet  employ.  Par 
exemple  ,  une  perfonne  qui  n'a  pas 
un  grand  amour  pour  la  juftice.  Se 
une  grande  force  pour  reiiiler  aux 
paiïîons  injuftes  des  hommes  puif- 
lans ,  ne  fe  doit  pas  ingérer  dans  les- 
Magiftraturcs.  Un  homme  trop  ti- 
mide &  trop  complaifant ,  ne  doit.  - 
pas  entrer  dans  des  emplois  ni  Ec- 
clefiadiques  ni  feculiers  ,  où  l'oiv 
eft  fouvent  obligé  de  s'oppofer  aux. 
hommes ,  pour  foutenir  la  vérité  5c 
la  juftice.  Un  homme  vain  Ôc  ambi- 
tieux ne  doit  pas  prendre  un  genre 
de  vie  qui  favorile  &c  augmente  ces 
.  paflions  :  &  c'eft  par  cette  raifoa 
exmer^qiuTc  quc  faint  Chi-yfoftome  exclue    du^ 


ENVERS      SOY-MEME.  ^éf 

îîlinirtere  Ecclefiaftique  ,  les  perfon    ^^re  i!io  non- 
nés  vaines  &  ambicieules.Un  homme  tioce.nhmc^ 
qui  n'a  pas  reçu  de  Dieu  la  fagelîè  ôc  ^^S,^=  eiFera  n 

i-J        n-  *,r-  1  j-       bcriicAm  leca  XI 

1  onction  ncceiiaire  pour  la  conduite  euutriac ,  v;i v; 
des  âmes ,  ne  s'y  doit  pas  insérer,  ^.^^'^'i^^  ^-o^p-^^- 
tJne  lemme  qui  a  1  elpnt  intiexiblc  peinidem,  a:^ 
&:  violent  ,    doit   prendre  ^arde  à^  ^^^'^°  honore , 

,  '  f  •  •    r    P'2ceps  icurus 

n  entrer  pas  dans  le  mariage  ,  jul-  ût.  s.  C^rjfoiK 
ou'arce  qu'elle  ait  furmonté  cesmau-  ^.V  '^^i''/-'''^'' 

^    .  ^  i,  vide  îbid,  c.  10. 

vailes  habitudes. 

£).,  Ne  fuffit-il  pas  pour  entrer 
dans  une  état  de  vie ,  qu'on  rccon- 
noiffe  qu'on  a  befoin  des  vertus  ne- 
ceiïaires  pour  s'en  acquitter  ^  6c 
qu'on  Toit  reiolu  de  les  demander  à 
Dieu  }         ^ 

i?.  Cela  ne TufHt  point ,  parce  que 
peiTonne  5  fuivant  ce  principe,  ne 
fèroit  indigne  d'aucun  employ  ,  ni 
d'aucun  état ,  puifqu'on  peut  tou- 
jours demander  à  Dieu  la  grâce  de 
s'en  acquitter.  Il  faut  donc  autre 
choie  que  cette  dirpofidon  générale 
de  demander  à  Dieu,  ce  qui  nous 
manque. 

D,  A  quoy  doit-on  donc  réduire 
ces  vertus  neceifaires  pour  s'acquit^- 
ter  d'un  employ  ,  &  lans  lelqui^lles 
en  ne  peut  s'y  engager  fans  teu)  :  - 
nté  }  H  h  iiij 


jé8^      Dr  la  Charitb' 

K,  Encore  qu-c  tous  les  hommes- 
foient  dans  un  beloin  continuel  de 
la  grâce  j  il  faut  pourtant  rcconoî- 
tre  qu'il  y  en  a  de  forts  &c  de  foiblcs 
à  l'égard  de  certaines  paiîions  ,    de 
certains   vices  &  de  certaines    ac- 
tions  de  vertu.    Ceux-là    doivent 
paifer   pour  forts  ,  qui   font  acoû- 
tumez  à  refifter  à  ces  pafïïons  &c  à 
ces  vices ,  Ôc  à  pratiquer  ces  vertus  j 
&  ceux-là  font    foibles  ,    qui  font 
dans  l'habitude  de  fuccomber  à  ces 
vices  ,   &c   de  ne  pas  pratiquer  ces 
vertus  :  les    uns   &c   les   autres  ont 
néanmoins    beloin   du    fecours   de 
Dieu  -y  mais  les  premiers  fe  le  peu- 
vent promettre  avec  ccftfîance  j    Se 
les  autres  ont  befoin, avant  que  d'ar- 
river à  cette  confiance  ,  de  travail- 
ler long- temps  à  dompter  leurs  paf- 
fions. 

Cr  ceux  qui  ne  feroient  que  dans 
ce  dernier  état,  ne  feroient  pas  dif- 
pofez  fufEfamment  pour  embraffer 
un  genre  de  vie  ,  qui  demande 
qu'on  foit  exempt  de  ces  vices  ,  de 
qu'on  poifede  ces  vertus.  Un 
homme ,  par  exemple  ,  qui  a  tou- 
jours été  incontinent  jufques  à  un 


ENVERS-  SOY-:^iEME.  yG^ 

€<ritàin  temps  ,  &  à  qui  la  conver- 
fatioii  des  femmes  a  toujours  été 
dangereufe  ,  ne  peut  pas  embraller 
un  genre  de  vie  qui  l'oblige  à  un 
commerce  fréquent  avec  des  fem- 
mes. 

;  Ainfi  cette  règle  fe  réduit  à  cette 
maxime  commune  ,  Qu'il  n'eil  pas 
permis  de  s'expoler  aux  occafions 
proclviines  de  péché  j  &  une  occa- 
lion  doit  être  jugée  prochaine  ,  lorf- 
que  l'on  a  l'experi-ence  qu'on  y  a 
ordinairement  iuccombé  par  le  paf- 
fé. 

X).  Ne  convient-on  pas  de  ces 
règles ,  &  y  a-t-il  des  gens  qui  vou- 
lultènt  embrallèr  un  état  qui  leur 
fèroit  une  occafion  prochaine  de 
péché  ? 

'^.  Tout  le  monde  «convient  de 
ces  règles  en  gênerai.  Mais  on  n*en 
coi>vient  pas  en  particulier ,  parce 
qu'il  y  a  bien  des  péchez  aulqucls 
certains  (genres  de  vie  font  des  oc- 
cafîons  prochaines  ,  fur  lefquels 
néanmoins  on  fait  peu  d'attention. 
Engager  une  fille,  par  exemple,  dans 
u*i  Monaftere  où  il  y  a  peu  de  ver- 
ju  6c  beaucoup  de  mauvais  cxem- 


J70  De  laCharite*' 
pie  ,  où  elle  ne  içaiiroit  bien  vivre 
lans  être  fingulicre  ,  &c  fans  s'expo- 
ier  à  la  raillerie  &  à  la  contradidVion 
des  autres ,  eft  une  eipece  d'occa- 
iion  prochaine  ,  parc^e  qu'il  y  a  tres- 
peu  de  filles  qui  y  refiftent  ;  cepcn-^ 
dant  combien  y  a-t-il  peu  de  pères 
êc  de  mères  qui  fairent  reflexion- 
fur  cela  ? 

A  Que  doit-on  juger  des  -pères 
&  des  mères  qui  engagent  leurs  en- 
fans  par  des  mariages  ,  dans  des  fa-- 
milles  toutes  mondaines ,  (k  où  ils- 
voyent  quantité  de  mauvais  exem- 
ples ? 

-^. Comme  unefamille  de  cette  foute 
eft:  une  efpcce  de  Monaftere  dere-'- 
glé,  &  qu'il  eft  auffi  difficile  d'y 
vivre  chrétiennement  ,  que  dans 
dans  une  Religion  tres-relâchée  ,  .ou 
ne  voit  pas  que  la  confïderation  des 
avantages  temporels  ,  puillè  être 
une  raiion  de  s'y  engager  ,  ni  d'y  en- 
gager ceux  ou  celles  dont  on  eft 
chargé. 

-D,  On  demeureroit  bien  d'accord 
de  cette  deciiion,  s'il  s'agilfoit  de  vi- 
ces groiïiers.  Mais  la  faut-il  étendre 
âiix  autres  vices,  donc  le  monde  a» 


•ÏNVÎRS    SOY-MIMÊ.    •  37I 

moins  d'horreur  ,  comme  à  ratta- 
chement au  monde,  aux  plaifîrs  ^ 
aux  divertilfemens  ,  au  luxe ,  aux: 
habits  immodeftes ,  à  la  comédie  j 
ou  enfin  à  la  vie  de  partlFe  ôc  de  moi- 
kiVe  ? 

I^,  Il  faut  juger  de  la  même  forte 
d<î  tous  les  péchez  qui  font  capa- 
bles de  perdre  les  âmes  ,  ôc  d'en 
bannir  la  grâce  de  Dieu  ^  &  qui  font 
incompatibles  avec  une.  vie  vraye- 
ment  chrétienne.  Vouloir  y  mettre 
de  la  différence  ^  c'efl:  à  peu  prés 
comme  Ci  on  difoit  ,  qu'à  la  vérité 
l'amour  de  la  vie  oblige  d'éviter  de 
fe*  trouver  dans  des  lieux  où  l'on 
court  danger  d'être  poignardé  ,  mais 
qu'il  n'oblige  pas  d'éviter  les  lieux 
fimplemcnt  pelliferez. 

X>.La  grâce  de  Dieu  étant  neceflai- 
repour  s'acquitter  de  toutemploy  , 
on  ne  peut  donc  entrer  dans  aucun 
employ  fi  on  n'eft  en  grâce  ? 

R.  Il  y  a  de  l'équivoque  dans  cette 
queftion.  Il  efl;  vray  qu'il  y  a  cer- 
tains états  qui  demandent  la  grâce 
iuftiriante,  comme  tous  ceux  où  l'on 
entre  par  un  Sacrement  ;  de  à  l'é- 
gard de  ceux-là  il  faut  recouvrer  la 


372       Dle  la   Charité' 
giace ,  il   on  l'a  perdue  avant  que 
de  s'y  engager. 

Mais  il  y  a  bien  des  genres  de  vie 
cjui  ne  demandent  pas  l'état  de  grâ- 
ce ,  6c  il  fufïit*  pour  y  bien  entrer 
qu'on  foit  affilié  de  la  grâce  afiuel- 
Ic-  Il  faut  de  même  diilinguer  entre 
les  états  qui  demandent  la  vertu, 
acquife  ,  &  ceux  qui  fonrniircnS 
des  moyens  de  l'acquérir.  Il  faut 
qu'un  Juge  ,  par  exemple  ,  &  un 
Magiilrat  ,  un  Ecclefiaftique  ayenc 
les  vertus  neceflaires  à  leur  niini- 
flere  dans  un  certain  degré  avanç 
que  d'y  entrer.  Mais  à  l'égard  des 
emplois  laborieux  ,  comme  Ift 
Arts  ^  ils  peuvent  être  confiderez 
comme  des  remèdes  à  la  parefîe  j 
&  ainfi  il  eft  permis  de  s'y  engager 
fans  autre  préparation  ,  que  d'une 
bonne  volonté  de  renfter  à  ces  vices^ 
&  d'y  faire  fon  devoir. 


INVERS      SOY-MEMÎ.  57f 

Article    II. 

Confia erations  qtà  doivent  donner  de 
l'indinafion  pour  certains  états , 
(^  del' cloiTnement pour  d'autres, 

D,  Les  règles  alléguées  ci-delTus 
vonc  à  bannir  abfolumenc  6<:  à  s'é- 
loigner de  certains  états  :  mais  n'y 
en  a-t-il  point  qui  nous  apprennent 
quels  genre  de  vie  font  les  plus/ûrs, 
6c  quels  font  les  plus  dangereux. 

R.  Il  y  en  a  fans  doute  ,  cc  il  n'efl 
pas  difficile  de  les  découvrir  par  le 
moyen  de  certains  principes. 

1°.  Un  genre  de  vie  eft  abfolu- 
mcnt  mauvais  ,  quand  il  eft  impof^ 
fible  d'y  bien  vivre  :  il  eft  tres-dan- 
geieux  ,  quand  il  eft  fort  difficile  d'y 
vivre  chrétiennement  ;  &:  c'eft  par 
la  facilité  de  fatisfajre  aux  devoiis 
du  Cliriftianifme  ,  qu'on  doit  juger 
un  étaî:  meilleur  qu'un  autre. 

2"^.  On  doit  juger  du  choix  d'un 
genre  de  vie  ,  comme  du  choix  d'un 
chemin  ;  parce  que  le  genre  de  vie 
eft  pour  chacun,  le  chemin  de  Té- 
ternité.  Or  le  meilleur  chemin  eft 
fans  doute  celuy  qui  conduit  plus 
directement  à  la  fin  qu'on  fe  propo-» 


174      ^^  "^^  Charité* 

fe  dans  fon  voyage  -,  c'eft  ceîu^ 
ou  on  eft  expofé  à  moins  de  dangers, 
2c  oii  on  eft  moins  en  péril  de  s'éga- 
rer :  ainli  le  meilleur  genre  de  vie 
eft  celuy  qui  conduit  plus  direde- 
Tncnt  à  la  vraye  fin  de  la  vie  chré- 
tienne 5  &  où  on  trouve  moins 
d'obftacles  qui  nous  empêchent  d'y 
arriver. 

3°.  Nous  fommes  tous  malades  de 
la  maladie  de  la  concupilcence,  c'eft- 
à-dire  de  Tamour  des  plailirs ,  des 
honneurs  ,  &  de  la  paliion  de  fça- 
voir  des  chofes  inutiles.  Cette  ma- 
ladie étoit  mortelle  avant  le  Baptê- 
me 5  lorfqu'elle  étoit  jointe  avec  le 
péché  originel  :  elle  a  celfé  de  l'être 
par  la  remiiïîon  des  péchez ,  ôc  par 
la  grâce  qui  nous  eft  accordée  dans 
ce  Sacrement  j  mais  cette  maladie 
peut  encore  devenir  mortelle  en 
reprenant  fon  empire  fur  la  volonté; 
3c  même  fans  nous  faire  mourir  ,  el- 
le ne  laiiîe  pas  de  fouiller  tous  les 
jours  nôtre  ame  par  quantité  de  pé- 
chez. Nôtre  devoir  dans  cette  vie 
eft  donc,  non  feulement  d'empêcher 
que  cette  concupifcence  qui  eft  en 
nous  ne  produife  des  fruits  de  mort , 
ôc  qu'elle  ne  règne  dans  nôtre  cœur. 


ENVERS    SOY-XfEME.  57^ 

inais  auHî  de  la  diminuer  «Se  de  Taf- 
foiblir  autant  que  nous  pouvons. 
Ainii  tout  genre  de  vie  qui  eft  plus 
capable  d'irriter  &  d'augmenter  la 
concupiicence,  eflleplus  dangereux. 
De  mâme  les  états  où  la  concupii'- 
ccnce  trouve  moins  de  nourriture  , 
où  elle  eft  plus  mortifiée ,  où  il  eft 
plus  ailé  de  re/îfter  à  fes  impref^ 
fions,  font  les  plus  favorables.  C'eft 
par  la  que  faint  Chryfoftome  prou- 
ve qu'il  n'y  a  rien  de  plus  dange- 
reux que  1  état  des  Princes  &  des 
Grands.  L'ame  des  Grands  ,  dit  ce 
Père,  eil  afïbiblie  ,  &  rendue  lan- 
guilûnte  par  les  délices  ,  dans  lef^ 
quels  ils  vivent  ordinairement.  Elle 
eft  enflée  (Se  poullée  à  i'infolence  par 
ia  grandeur  même.  Elle  eft  obfedée 
ôc  occupée  par  les  defirs  des  volup» 
tez  criminelles  :  Le  pouvoir  de  les 
fatisfaire  les  fait  naître ,  &  la  vie 
molle  !?c  volupteufe  les  nourrit.  Les 
orages  des  foins  n'y  caufent  pas 
moins  de  troubles  que  ces  autres 
paflions,  Ainii  la  compondion  ne 
icauroit  trouver  d'entrée  dans  des 
coeiurs  environnez  de  tant  de  bar- 
.peres.  Car  comme  il  ne  le  peut  pas  ^uiu  difficile 


i|7<j       E)e  la  Charité* 
<ft,  vcl  potîtis  f^ire  que  le  feu  brûle  dans  Teau  ,  il 
Dcquu ,  uugnis  cft   auHi    impoiïîble  que   la    com- 
cuni  aquâ  mif-  pondioii  s'allumc  dans  les  délices. 

ccatur  ,    ica  ncc  ^    t-        j    n  •    i         r   •       i 

opinor  iinquain  Et  c  clt  cncoue  ce  qui  luy  tait  de- 
£cr,  uc  in  iinum  cider    plus    eeueralement   ailleurs, 

richciï  confluâc  i  o  » 

&  compunaio.  que  comme  un  corps  quinel^nour- 
s.  chry/hj}.  1. 1.  j-j^  q^e  (Je  viandes  mal  faines  ,  ne 

eord.  peut  pas    lubliiter  long-temps  ;  de 

"^^^^,",'"?  fp*^"  même   un  ame    qui   ne  fe    remplit 

BUS  n  lalubriDUS  ,  .  ^        .       -  rr^ 

cibisnonfrua-  que  dc  Ce  qui  noumt  les  pallions, 
*ur,  infaiabri-  s'affoiblit  &  dcvient  malade  necelTai- 

bulque  nutna-  ,  ,  . 

tar,iongotem-  rement  ;  oc  étant  rongée  continuel- 
pore  fubiiftcie    jei^-ienc  pat   cette  pefte  intérieure , 

^c  durare  non  l  .     .    ,    c  ,,       r         « 

poteft;  ita&    cile   elt   precipitcc    dans  1  enter  ôc 
.anima  quaee-    j^^j^g  la  mort  étemelle. 

jufmodi  dodu.       Tl      '       r  ■      J      r  '  J    •     • 

xiisfueritimbu-  11  S  enluit  de  la  qu  on  ne  doit  ja- 
ca,  njhiiun-     mais  choifit  un  orenre  de  vie,   parce 

quani  altunijni-         ^  o  '     l 

hii  magnum  co-  qu  il  uous  met  cn  un  plus  haut 
fireMmocUne-  ^^^^g  ^  P^^^^^  qu'il  nous  procure  une 
ceflteft  langui-  vie  plus  commode  Se  plus  delicieu- 
vuûr^ueTd'u?  fe,  parce  qu'il  nous  donne  plus  de 
pefte  quadam     moycu  de  latisfaite  nôtre  ambition. 

iu2i:cï  infecta,./^       /   _^  •  i  -r 

ita  dcmum  ik  ^^  ^^^^^^  ^^  Contraire  des  raiions 
infernos  ignes     pour  l'éviter.  Chercher  à  s'élever  , 

atquc  immorca  a--      jj        t  .   .  ,  /♦ 

les  cruciacus     ^J^^  ^^^  ^^cs  d  ambition  ,  OU  de  pai- 

projici.  y^fcn*.  Jion  ,    c'eft   chercher    à  rendre    fa 

ri/w.  jl"""*'  chute  plus  facile  &  plus  dangereu- 

fe..  Cependant  qui  eft-ce  qui  obfer- 

ve  cette  règle  dans  le  choix  d'une 

condition  ? 


tUVhKS      SOY-MtME.  J'^/ 

condidon  ?  qui  eftce  qui  prend  vo- 
lontairement un  état  plus  bas ,  lori- 
qu'il  peut  aipirer  à  un  plus  haut  :-  ôc 
qui  eil-ce  qui  met  à  Ion  ambition 
d'autres  bornes  ,  que  rimpaiifance 
de  s'éievcr  davantatre  ? 

D.  Eft-il  donc  détendu  d'aipirer  a 
un  état  plus  relevé  que  celuy-où  on 
eft  né  ? 

I^,-  Non  pas  abfolument.  i°.  Oa  y 
peut  être  porté  par  k  confeii  de 
(ren*;  defintcreilez,  qui  nous  ie  cou- 
feiilcnt  par  la  vue  de  rinteréî  public. 
1**,  Get  état  plus  élevé  peut  avoir 
d'autreS^  avantages  réels.  Il  peui 
être  plus  facile  de  moins  dangereu^PÇ 
plus  utile  au  Public  ;  il  peut  donner 
occafion  d'élever  mieux  fa  fannlle  : 
il  iuffit  donc  qu'on  ne  s'y  élevé  pas 
par  un  mouvement  d'ambition  ,  cc 
qu'fl  y  ait  des  railons  iolidcs  ô:  chré- 
tiennes qui  nous  y  portent  :  mais 
l'humilité  chrétienne  ne  permet  pas 
que  Ton  cherche  l'élévation  pour  l'é- 
îevation  5  &  qu'on  loit  toujours  prêt 
d'accepter  tout  de^ré  plus  éminent. 

D.  Dites -nous  encore  queloues' 
autres  règles  utiles  pour  le  choix  d'un- 
itit  ? 

Tjme  IL  U 


jyS*      De  la  Charité' 

R,   Tout  genre  de  vie  où  on  eft 
tenté  d'abandonner  Ton  dcvair  par 
de  glands  intérêts  ,  par  de  grandes- 
craintes  &  de  grandes  récompenfcs  , 
&  où  ces    oGcafîons  font  tres-fre- 
quentes  ,    eft  tres-dangcreux  ;    èc 
c'eft  une  très-grande   témérité  d'y 
arpirer^  Car  quoy  que  Dieu  y  puille 
Soutenir  par  fa  grâce ,  on  voit  néan- 
moins par  expérience,  qu'il  y  en  fou- 
tient    tres-peu,  &  que  la  manière 
ordinaire  dont  Diea  fauve  les  âmes  y 
n'cft  pas  de  les  afïèrmir  dans  ces 
grandes  tentations  ,  mais  de  les  en 
preferver.    Ainfi  on  voit  dans  l'Hi- 
iloire  Ecclefïaftique ,  que  lorfque  les 
Empereurs  ont  tâché  d'ébranler  les 
Evêques  par  la  crainte  de  Texil  & 
des  autres  maux  temporels  ,  ou  qu'ils 
les  ont  attirez  à  faire  ce  qu'ils  fou- 
haitoient  par  de  grandes  récompea- 
i^s  ;  ils  n'ont  prefque  jamais  man- 
qué d'en  venir  à  bout ,  &  qu'ils  eix 
ont  renverfé  la  plupart. 

Tout  genre  de  vie  où  l'an  ne  fçau- 
roit  vivre  chrétiennement  fans  aller 
contre  le  torrent ,  fans  mener  U4ic 
\iQ  (în2.ulicre  ^  fans  fê  diflincruei? 
beaucoup  de  ceux  qui  font  dans  1er 


ÎKVERS    SOV-MEMÎ.  3?^ 

jnême  ordre  que  nous ,  ôc  fans  atti- 
rer leur  mépris ,   leurs  railleries  ce 
leurs  contradiûions  ,     eil;  un   écat 
dangereux  ;  parce  qu'il  y  a   peu  de 
perfonnes  qui  ayent^ailez  de  force 
f>our  fe  foutenir  contre  l'impreffion 
de   ia  multitude  ,    &:   qui   puiifcnc 
foufFrir  l'improbaÊion  &  les  raille-     Ncmo  nofl.a 
ries  de   ceux  avec  qui  il  faut  vivre.  "f.^jï'tVo'l^l 
Queique   loin  ,  dit  Seneque  ,    que  nu^mas  ingç* 
Ion  prenne  de  former  nôtre ei>m,  p-^-fj-™^ 
il  eft  impoiïible  de  foutenir  Teffort  t.un  ma^no  co- 
des  vices  ,  loriqu  ils  nous  viennent  ^j^jj^^^^^^^^^^ 
iittaquer  en  il  grande  compagnie,        v^f.*/.  ;x, 

C'ell:  par  cette  raifoji  qu'il  faut 
éviter  tous  les  états  qui  nous  lient 
avec  des  gens  déréglez  ,  en  quelque 
manière  que  ce  foit*  Car  il  eft  fort 
difficile ,  ou  qu'on  ne  s'aveugle  en 
approuvant  de  en  imitant  leur  vie,  oit 
qu'oS  reiifte  à  leurs  dii cours  &  à 
leurs  moqueries,  fi  on  les  condamne 
par  fon  exemple  ou  par  fes  paroles* 

Tout  genre  de  vie  ou  l'on  prend 
part  à  des  chof^s  de  très  -  grande 
confequence  ,  ôc  où  les  fautes  qu'on 
y  peut  faire  ,  peuvent  porter  de 
très-grands  préjudices  au  prochain ,. 
font  trcs-daftgereux  ;  parce  que  plus 

î  1   u 


jgo      De   la   Charité' 

les   chofcs  font  de   grande   confêv 
qucnce  ,  plus   il    y  a  de    témérité 
à  s'expoferà  les  régler  ôc  a  les  déci- 
der ,  fi  on  n'a  toute  la  lumière  ne- 
cellàire  pour  cela.    C*eft  par  cette 
rai  Ton  que  les  fuperioiitez  Ecclefia- 
ftiques  lont  tres-dangereufes,  parce 
qu'on  y  décide  fouvent  des   chofes 
Ettnim  fi  na-  ^^^^j  reg:ardent  réternité.     Si  quel- 
ampîiiiànam,  &:  qu  un ,  dit  3.  Chryloltome,  me  vou- 
îlapondo^VeTal   ^^^^  donner  à  gouverner  un  navire 
<:ujrque  caicm  '  cliargé  de  marehandii^s  précieufes, 
3'ÏÏiUlraW  ^"a-  ^^  fourni  de  tout  l'équipage  necellai- 
i'îaipcaoïariî.n    re  ,  je  rebucerois  d'abord  une  telle 
rc^o^tiiï^'^ml  propofition  j  &  ii  l'on  medemandoic 
aii.'a;  gubci-na-  la  raifco  ,  je  répondrois  lîniplcmenr, 

i-ibcvec.^'cun    9^^  ^  ^^^  ^^  ?^^^  ^^  briierce  navire, 

Thyrrena.iwe     Q'Joy  donc ,  perlonue  ne  trouvera- 

T.jnwu.n Wet    ^^^^^'^s   <î^s  1  Œi  uie  d  unc  grande- 

^tadpri.îîaiîî     circonfpeclion  ,   lorfqu'il    s'aeic  de 

5»e.nirunHnj.n  choics  OU  1  on  lie  couit  pouir  d  autre^ 

yi  accrciiue.n  :  danger  ,   que  d^  oerdre  de  i'arçrenc 

«mo-ticl^qjii  ^'^  ^'^  Vie  des  corps  ;  <x  vous  trouve- 

*t.i?R:  iia/ea  rez  mauvaîs  qu^  je  ne  m 'exDole  pas 

«q-i- rcipjn.ie   tem^raireiTrent  a  dc?s  emplois  ouïr 

''-''"'  ^,^-"-  ^ô'-  s'agit ,  non  d?  briler  an  navire  dans 

»^jecaocaa;.t:-  ^-^1^  OU   telle  mer,  mais  ou  1  on  elt 

turar.rbeii  ,nec  g^-j^  danger  de  tomber  dans  l'abîme  du 

«.•lirorpolîs  in-  >         /    ^       1        r.        \    1  •       ,T 

«citas pcricUca-  iC'^  etenisl ^^  de  o\x  la.  mort  qui  elt: 


ENVERS     SOt'-MEME.-  301 

Jointe  au  naufrage ,   ne  lepare  pas  ^^\  'inc^a'^^e,* 
amplement  lame  du  corps  ,    mais  piehecdatque,fi 
précipite  &:  le  corps  Se  Tame  dans  s^"  niagnâ  eau-. 
des  tourmens  qui  ne  nniront  jamais?  dentiâquehic 

On  peut  faire  le  même  jugement  "^^i"^avcm  fis' 
des  miniftcres  oi\on  eft  obligé  de  de-  gtmibus  non  m 
cider  de  la  fortune  &  de  la  vie  des  ^7  r^^^l^l-^ 

1  AT  pelagus  ,  leaitt 

hommes  ,     &  msme    loavent    de  ignis  aeierni  a. 
cdledetoutun  Pvoyaume.   Car  les  ^'"fttub.1: 
JHconvenieiis  qui  nailîènt  des  fautes  ttm  eofdcm 
qu'on  y  pcm  faire,  ne   fe  bornent  r.î:f^^;',,;r„ 
pas  feulement  à  cette  vie,  mais  ont  qui  corpus  ab 

dj         r  •  1'  anima  dirimif* 

e  très-grandes  luîtes  pour  1  autre  ^  f,^  ^^^  ^^i^^^ 

ôc  fonElouvent  caufede  la  perte  éter-  jp^am  unà  cum 

11       i>  •    c    ■    '     -i'  corroie  in  feni- 

Jielic  d  un-e  innnite  d  âmes.  piremum  exigic 

Tout  2:cnre  de  vie  6c  tout^mploi^uppiicium.   s. 
qui  nous  jette  hors  de  nous,  qui  nous  Sactri.  e.  7. 
oblige  à  une  vie  toute  exterieure,qui    v^creor  ne  in 

1  ^^   rr  •  o  1     tV   mediis   ocsupa- 

nous  charge  d  ariaues  ,  ce  nous  laiile  tionibus    quo- 
peu- de  temps  pour  penfér  a  nous ,  &  ^iâ  muiix  funr, 

^     .  -^       !•     1  J  ?         dum   diffidisfi- 

tfumous  remplit  beaucoup  des  cno-  ^^^-i,  fronccm 
fês  du  monde,   eft  tres-dan^ereuxy  ^iiï^"  ,  &:  ita 

:,t  /         1  1     fcnfim    teipluiîï 

perce  Cjii  il  nous  ote  les  moyens  de  quodammodo 
nourrir  notre  ame  .  qu'il  l'afeiblic  ^/ei^^u  j  prives 
quilia  dcileche  ,  &  qu  il  ecemt  en  Coloris  muko 
die  peu- à  peu  i'efprit  de  prière:  cet  Pf'-^'l^^"^^  f<= 
ctat  porte  lamg  a  l'oubli  de  Dieu  &  yei  ad  'tempîs- 
de  fov-mêrae  :  il  iuv  ôce  le  difcer-  'î"-^"^  P.^^'^'S 
nement  de  la  plupart  de  les  fautes  3  duci  ceuc  pa*- 


^Sl         De    t  A     Ch  A  R  ÎT  î' 

ïitïm quota  jl  agrandit  &  rehaulfe  le  moncfeà 
t°%\làl  Ad  cor  Tes  yeux  ,  ik  diminue  &  rabailîe  le^ 
(H.urum  . . .  fo-  objets  fpirituels  ,  il  Texpcfe  à  plus 

iamcft  cor  du-    .    ^  ^  .  '        ^         ^  *    ,., 

riun  quod  fc-  de  tentations ,  en  même  temps  qu  li 
mctipium  non  j^y  ^^q  i^g  movens  d'y  refifter  :    & 

exhorrct  ,  ^uia        ->  ...  j    •       '   i       j  /    j 

fïcc  fencit  . .  -T-  cntin  ^  il  la  conduit  a  la  dureté  de 
ipfum  cft  quod  ^ç^^^    comme  S.  Bernard  en  aver- 

cione  ûinditur,  tit  le  Pape  Eugene  :  C  elt  cet  etar 
iicc  picrate  mol-  malhcureux  où  on  eft  peu  averti  dd 

luur  ,  ncc  mo-   ^      f.  ,      ^     n  / 

vetur  precibus.  les  rautes  ^  parce  qu  on  elc  toujours 
s.  B,T.  i  i,  de  q]^{q(^^  ^  environné  de  gen?  dont  kr 

bu:  (Se  1  intérêt  elt  de  nous  t-romper 
&:  de  nous  aveugler. 

Tout  genre  de  vie  où  on  a  befoiiî 
d'être  pleinement  inftruit  de  la  ve- 
nté, (X  où  on  a  peu  de  moyens  de 
s'en  inftruire ,  eft  effroyablement 
dangereux  ;  car  c'eft  cette  mauvaife 
Mcclc  4'  'c.  folitude  ,  dont  le  Sa^c  dit  :  Malheur 
à  celny  ^«/  efi  fenl:  Vdt,  foli.  Parce  que 
dans  cet  état  on  eft  en  effet  deflitiuc 
de  vrais  amisj  &  qu'au  lieu  de  la  voix 
de  la  vérité  on  n'y  entend  que  les 
fifÏÏemens  du  ferpent.  Il  y  a  bien  des 
Grands ,  qui  étant  toujours  environ- 
0  nez  d'une  foule  de  gens  qui  leur  font 

la  cour  ,  ne  laifTent  pas  d'être  dans 
cette  afFreufe  de  miferable  iolitude. 

Un  état  de  vie  eft  dangereux  quainî 


ENVERS    SOY-MEME.  ^?f 

il  y  a  de  mauvaifes  maximes  établies 
parmi  ceux  qui  le  fuivent.  Car  peu 
degeDs  ont  aiïez  de  lumière  &  de 
Force  pour  s'élever  au-dellus  des  opi- 
nions dont  le  commun  du  monde  eil. 
prévenu. 

Un  état  de  vie  efl:  dangereux  quand 
il  favorileies  inclinatiojis  naturelles, 
comme  la  pente  qu'on  a  à  lamoUef- 
fe  &  à  la  vie  de  plaifir  j  car  il  cfl  dif- 
ficile de  refifter  à  une  tentation  in- 
rerieure  &  extérieure  ,  quand  elle 
^ft  continueHe.  Ainfi  la  plupart  des 
^ens  qui  font  engagez  dans  des  états 
>iiil  y  a  peu  de  travail ,  de  beaucoup 
ie  moyens  de  mener  une  vie  com- 
mode y  comme  les  Bénéfices  faiîs 
charges  ,  ëc  certaines  Religions  non 
reformées .  fe  perdent  par  la  vie  fe^- 
fuelle  &:  par  i'oiiiveté. 

Un  état  de  vie  eft  dangereux^quané 
il  efl  expolé  à  de  grands  mauîf  Se  à 
ie  grands  travaux  ,  parce  que  les 
grands  maux  font  de  grandes  tenta- 
lions,  qui  font  par  confequent  peu 
:>roportionnées  aux  perfonnes  foi-* 
îles  ;  c'eft  ce  qui  doit  obliger  ceux 
]m  ont  foin  de  leur  falut ,  d'éviter 
:es  états  autant  qu'il  leur  eft  poilibie^» 


f 


k 


5^4  D  r  I A  C  H  A  R  1  r  é' 
c'eft  aufîi  le  fondement  de  cettt 
prière  de  Salomon  :  Aiendiciraîen 
frtV'  ]c,2.  CT  divitias  ne  dederis  mihi.  Seigneur 
ne  me  donnez,  ni  les  richejfes  ni  la  pan- 
vretè  ;  parce  que  les  grands  biens  & 
la  grande  pauvreté  lont  égalcmen 
expolccs  aux  grandes  tentations ,  ^ 
demandent  une  eiande  force  d'amc 
pour  n  en  être  pas  renverle. 

D,  Quels  font  donc  les  genres  d< 
vie  les  plus  favorables  ? 

R.  Il  eil:  facile  de  les  reconnoîcre 
par  ce  qui  a  été  dit.  Ce  font  ceux  oi 
il  y  a  moins  d'objets  qui  attirent ,  & 
qui  excitent  la  concupifcencc  :  ce 
iont  ceux  qui  nourniîent  moins  nô- 
tre vanité  ,  nôtre  curiofité,  &  nô- 
tre pente  aux  plaiilrs  j  ce  font  ceux 
oiyious  avons  pins  de  iecours  poui 
renfler  aux  impreiïions  des  chofes 
diWiecle  ,-  &  plus  de  chofes  qui  nous 
portent  au  mépris  du  monde  ,  & 
cjui  nous  en  font  connoitre  le  néant; 
ce  lont  ceux  ou  les  intérêts  qui 
nous  pourroient  détourner  de  nos 
devoirs  ,  ne  lont  pas  grands  ni  en 
effet  ni  dans  l'cftime  du  monde  : 
ce  font  ceux ,  où  bien  loin  "ft'être 
iiHguliers  en  faiiknt  le  bien  ,'nous 

paioitrions 


'envers    S'OY-IvfEICÎEi  ^Sj 

[JAroîtrions  finguliers  eu  ne  lé  fai- 
faut  pas.Ce  font  ceux  où  on  n'efl:  pas 
îxpolé  à  de  grandes  contradi6Vions , 
m  la  coutume  féconde  la  vertu  ,  ôc 
e  devoir  j  où  nous  agiflons  peu 
ie  nous-même ,  &  où  nous  fommes 
Deaucoup  occupez  ;  ce  font  ceux 
DÛ  les  fautes  font  peu  confîdera- 
3les  5  &  ne  font  préjudiciables  à 
perfonne  :  ce  font  ceux  où  nous 
fommes  peu  difîîpez  ,  Se  où  nous 
ivons  beaucoup  de  moyens  de  nous 
recueillir  :  ce  font  ceux  où  nous 
^ommes  avertis  de  nos  fautes  ,  ôc 
dÙ  on  trouve  divers  fecours  pour 
j'en  relever  :  ce  font  ceux  où  il  n 'y 
i  point  à  combattre  de  mauvailes 
Tiaximes  établies ,  ôc  enfin  où  le^ 
îiaux  ne  iont  que  médiocres  ,  ôc 
xir  confequent  proportionnez  aux 
3erionnes  fpibles. 

■D,  Comme  il  femble  que  toutes 
:es  conditions  ne  fe  trouvent  que 
lans  les  Monafteres  bien  réglez ,  ôc 
p'elles  ne  fe  trouvent  point  ailleurs, 
1  femble  par  là  qu'on  devroit  con- 
rlure  que  pour  fuivre  les  règles  de  la 
prudence  chrétienne,  tout  le  monde 
Tome  II,  K  K 


^So     De  la  Chariti' 
feroic  obligé  a  embraiFer  Ja  vie  mo«è 
liailiquc  ? 

/?.  Cette  confequence  ne  feroitpag 
jufte  ;    car  ,  par  exemple  ,  il  y  a 
des  gens  a  qui  ou  ne    permet  pas 
de  choifir  eux-mêmes  leur  employ 
ôc  leur    genre     de    vie  ,    mais    à 
qui  rEglifj   le   choiiit    pour  eux  ^ 
éc  ce    Font   ceux    qui    font  appel- 
iez  félon  les  règles  ,   au  miniftere 
Eccleilaftique.   Or  quoy  que  le  gen- 
re de  vie  auquel  TEglile  les  engage, 
foit  en  foy  tres-dangereux  par-  bien 
des  raifons  ,  néanmoins  la  vocation 
de  Dieu ,  &  les  fecours  qu'il  y  atta- 
che ,  font  qu'il  y  a  moins  de  péril 
pour  un  homme  bien  appelle,  à  lui- 
Yre  la  voix  de  Dieu  &  de  l'Ec^liie 
qui  l'appellent,  qu'à  demeurer  dans 
quelque    autre  état     que  ce    foit  ; 
parce  que,  comme  on  a  dit ,  il  n'y 
a    point    d'état    où     on    fe   puille 
fauver  fans  la  grâce  ,   ôc  il  n'y  en  a 
point  oii  la  grâce  ne  nous  y  puiilè 
foûtenir. 

Or  ce  que  Ton  a  dit  de  l'état  Ec- 
cleilaftique  ,  fe  peut  dire  de  même 
de  tout  autre  état  ^  quelque  dange- 


ENVERS     SOY-MlMf.  3S7 

jfeux  qu'il  foie  ,  où  l'on  ne  fe  porce 
point  par  cupidité  de  par  des. vues 
Humaines  ,  mais  où  Ton  eft  engagé 
par  le  confeii  de  gens  vraiment  éclai- 
rez qui  nous  déclarent  que  Dieu 
nous  y  appelle.  Car  alors  la  con- 
fiance légitime  que  l'on  doit  avoir 
air  fecours  de  Dieu  ,  balance  tou- 
tes les    difficultez. 

jD.  Ne  peut  on  pas  condamner  de 
témérité  ôc  d'imprudence  tous  ceux 
qui  s'engagent  volontairement ,  Ôc 
par  leur  propre  choix  dans  des  états 
dangereux  ? 

.  Â,  Non  pas  toujours.  Car  Dieu 
ne  faifant  pas  la  même  grâce  à  tout 
le  monde  ,  on  n'eft  pas  toujours  eu 
■état  d'embraller  certains  états ,  quoy 
que  plus  iûrs  ,  parce  qu'on  n'en  a 
pas  reçu  le  doii.  La  vie  de  continen- 
ce 5  par  exemple  ,  eft  fans  doute 
^oins  dangereufe  en  foy  que  k 
mariage.  Cependant  ceux  qui  n'ont 
pas  reçu  le  don  de  continence,  fe- 
roient  mal  de  s'y  porter.  Il  y  a  des 
gens  de  même  qui  ne  Tçauroienc 
iouffrir  la  folitude  ni  la  vie  tranquil- 
le 5  ôc  pour  qui  ces  genres  de  vie 
font  au^deffus  de  leurs  forces   :  il  y 

K  K  ij 


îfSS  De  la  Chàïlite* 
â  certaines  choies  très-faciles  e.^ 
foy  ,  donc  certanis  efprits  font  in- 
capables. Il  faut  donc  juger  de  la 
d'fîiculté  des  emplois  par  la  propor- 
tion qu'ils  ont  avec  les  dilpofitions 
particulières  des  perfonnes. 

IX.  Il  lembleroit  donc  qu'il  n'y  a 
aucune  règle  à  garder,  &c  qu'il  eft 
permis  à  chacun  de  choifir  l'employ 
qui  luy  plaît  ? 

C'eft  encore  une  faulfe  confequen- 
ce. 

i^.  Encore  qu'on  ne  foit  pas  obli- 
gé de  s'engager  dans  ces  genres  de 
•vie  qui  feroient  d'eux-mêmes  plus 
favorables  pour  le  lalut  ,  loriqu'on 
en  a  de  i'éloignement  -,  la  pruden- 
ce veut  pourtant  qu'on  falTè  quel- 
que effort  pour  iurmonter  cet  éloi- 
gnement ,  &  qu'on  n€  fe  rende  pas 
aux  petites  difficulté z  que  l'miagi- 
nation  peut  prelenter  à  t'erprit. 

2°.  La  prudence  veut  au(Ti  que 
cjuelque  genre  de  vie  que  l'on  choi^ 
liiFe  ,  on  ait  vne  jufte  confiance  d'en 
pouvoir, avec  la  grâce  de  Dieu ,  Iur- 
monter les  tentations ,  «Se  remplir 
les  devoirs:  &  cette  conhance,poui: 
eue  jufte  5  demande  que    l'on  con-* 


ENVERS       SOY-MEME.  ^B^f^ 

îioilTe  bien  les  devoirs  de  cet  em- 
pioy  ;  que  l'on  fe  connoilTe  bien 
ioy-même ,  êc  que  Ton  ait  quelque 
expérience  ,  qu'on  a  la  force  necef^ 
faire  pour  reiiiler  aux  tentations  de 
cet  état ,  avec  les  fecours  ordinai- 
res de  Dieu.  Ainii  quiconque  n'a 
aucune  de  ces  connoiffances ,  entre 
témérairement  dans  fonemploy. 

j°.  Elle  deaiande  auiïi  que  l'on 
ait  un  véritable  dciir  de  plaire  à 
Dieu  par  ce  choix,  &  qu'en  jugeant 
de  bonne  foy  ,  &  fans  s'aveugler, 
on  croye  l'état  que  l'on  choifit  pro- 
pre pour  y  faire  fon  falut. 

4°.  Elle  demande  que  G  l'on  n'a 
pas  alTez  de  lumière  pour  fe  con- 
duire dans  une  adion  n  importante, 
on  ait  recours  à  celles  d'un  autre. 
Carcen'efl  pas  un  confeil,  mais  un 
com.mandement  pour  ceux  qui  man- 
quent de  lumières ,  d'avoir  recours  à 
celles  d'autruy. 

On  peut  juger  par  là  combien  il  y 
a  de  gens  qui  violent  les  règles  de  la 
prudence  chrétienne ,  dans  cette  ac- 
tion capitale  de  la  vie. 

D,  Quel  péché  eft-ce  que  d'agir 
fans   aucune  vue  de  Dieu  dans   le 

K  K  iij 


1^90      E)e   la  Charité* 
choix  d'un  2:enre  de  vie  ? 

R,  Il  n'eft  pas  facile  de  le  détermi- 
ner, quand  dans  cet  état  qu'on  choi- 
fît ,  il  n'y  a  point  d'occafion  pro- 
chaine de  péché  ;  mais  néanmoins 
on  peut  dire  en  gênerai  ,  que  c'effc 
une  grande  marque  qiie  l'on  n'a 
point  Dieu  dans  le  cœur  ,  que  d'a- 
gir indépendamment  de  luy  ,  &:  ians 
le  confulter  dans  une  adion  ii  im- 
portante )  &  de  plus,  quand  par  ce 
choix  on  ne  fe  rerîdroit  coupable 
que  d'une  témérité  vénielle  ,  néan- 
moins rien  n'attire  plus  les  chûtes 
mortelles ,  que  ces  fortes  de  fautes , 
parce  que  Dieu  ne  favorife  pas  d'or- 
dinaire de  fa  grâce  les  choix  que 
Ton  fait  fans  le  confulter,  paice  que 
c'eft  agir  comme  fi  l'on  étoit  non 
feulement  indépendant  de  luy,  mais 
que  l'on  n'en  n'eût  aucun  befoin 
èâïis  la  fuite. 


0(^rr^ 


X^' 


*^^ 
^ 


ÏNVÊRS     SOY-MÎME.  5pt 


CHAPITRE    VU. 

Ce  quil  f^ut  confidtrer  da?îS   U 

choix  des  vertus* 

D^  XTA-t-U  quelque  choix  à  faire 
1  entre  les  vertus  ,  puifqu'el- 
îes  font  toutes  neceilaires  ,  ôc  même 
d'obligation  ? 

/?.  Les  vertus  ne  font  fouvent  ne- 
ceiïaircs  que  dans  la  difpofition  du 
coeur  ;  c'eft-à-dire  ,  qu'il  faut  être 
préparé  à  les  exercer  toutes  .  il  on 
y  étoit  obligé  par  quelque  devoir. 
Mais  la  pratique  de  toutes  n'eft  pas 
necelfaire  en  toutes  fortes  d'occa- 
fions.  Ainii  on  peut  faire  choix  à 
l'égard  de  la  pratique  de  certaines 
vertus  plutôt  que  d'autres. 

Z),  Quelles  font  celles  aufquelles 
on  doit  s'exercer  davantage  ? 

/*,  Ce  lont  5  i".  celles  qui  nous 
manquent  le  plus  ^  Se  dont  le  défaut 
nous  peut  expoier  à  de  plus  grands 
ôc  de  plus  frequens  dangers.  Car  il 
ç{ï  clair  qu'on  doit  fortifier  les  en- 

K  K  iiij 


Ipi      De  laCharite' 
droits  foibles   de  Ton  ame  ,    &  fe 
préparer  ainfi     aux  tentations    les 
plus  dangereufes  &  les  plus  ordi- 
naires. 

2°.  Celles  dont  la  pratique  eft  la 
plus  continuelle  j  comme  l'humili- 
té 5  la  douceur  ,  l'égalité  d'elprit ,  la 
mortification  des  inclinations.  Parce 
que  les  tentations  qui  nous  détour- 
nent de  ces  vertus  étant  plus  fré- 
quentes, rendent  auiïi  ces  vertus  plus 
necefïaires:  joint  à  cela  qu'elles  lont 
les  fources  de  l'édification  du  pro- 
chain ,  qui  forme  ordinairement  le 
jugement  qu'il  fait  de  nous ,  fur  ces 
actions  fréquentes  &  ordinaires. 

1**.  Celles  qui  font  les  plus  liées 
à  nos  devoirs ,  de  à  nôtre  état  ;  par- 
ce que  ces  vertus  nous  facilitant 
raccompliffemcnt  des  devoirs  auf-. 
quels  nous  fommes  le  plus  obligez, 
nous  facilitent  le  principal  moyen 
de  nôtre  falut  :  Ainfi ,  par  exemple , 
un  Pafteur  ne  doit  point  pratiquer 
ordinairement  d'aufteritez  qui  puif- 
fent  le  rendre  moins  capable  de  fer- 
vir  le  prochain  dans  les  fondions  de 
ion  miniftere.  De  même  ,  c'étoit  une 
£mte  h  cette  D^me  nommée  LzdiCi^^ 


ENVERS     SOY-MEMÏ.  39^ 

dont  parle  faine  Aueuftin  ,  de  vou-    Hunctsmarî- 

I     .        ,i     ,   .,,  ^  -ni-     tus  11  dcponcrc 

loir  S  habiller  en  veuve  ou  en  Kcii-  noinu  i  hai^nU  ) 
sieufe  ,   contre    la  défenie  de  ion  "=  ^^ ^.^,1"^  ^'-^ 

«^        .  13    I    '•  T  ^        duam  iilovive- 

man  ;  parce  que  1  obeiliance  a  Ion  tejaaares^putoj 
mari ,  &  la  confervation  de  la  paix  ^^'^  "^^  ^^^  . 

•,      r      r        M  I       •  1  rac  in  hac  re  uU 

delà  ramille  5    etoient    ûqs  vertus  que  ad  diaen- 
plus  Hées  à  Ton  état ,  que  la  p^-ati- .^"'^^^'^'^f"^*" 

r  ^    ■»     1  r  lum  perducen- 

que  de   la  pauvreté  quelle  vouloit dus_,m3gis  ino. 
obierver  dans  Tes  habits.  bediemu^  ma- 

10  j  quam  uU 
lius  abflinentiœ 
bono.  Quid  er.ifn  eftabfurdiusj  quam  muliercm  de  huniili  vefte 
viro  fuperbirc  ,  cui  te  ponus  expediiet  obtemperare  candidis  mo- 
ribus  3  quam  nigeliis  veftibus  repugnare.  Quia  &:  fî  te  indumen- 
tum  Monachsedclcûabat  j,  etiam  lioc  gratius  poflcî  ,  marito  obfer» 
vâto  ,  exortoquc  Tumi ,  qaam  iiio  incofifulco- ,  conceiîiptoqi>« 
prxfumi.    S.  ^ug.ep,  i^^. 

4**.  Celles  dont  la  pratique  efl  k 
moins  remarquée  ,  &  qui  attirent 
moins  par  confequent  les  louanges 
êiQS  hommes,  parce  qu'il  y  a  plus  de 
fureté  à  pratiquer  ces  vertus  ,  de 
quelles  font  moins  fufpedtes  de 
vanité, 

5°.  Celles  qui  nous  expofent  le 
moins  aux  difcours  è.Qs  hom- 
mes ,  de  quelque  nature  qu'ils 
foient.  Car  les  difcours  des  hommes^ 
foit  en  bien  ou  en  mal ,  iont  tou- 
jours des  lujets  de  tentations. 

6°.  Celles  qui  nous  difllpenc  k 


j94-  ^  ^  LA  Charité' 
moins ,  &  qui  nous  lailfent  plus  âe 
liberté  de  vivre  recueillis  &c  fepa* 
rcz  du  monde ,  parce  que  fans  dou- 
te CCS  vertus  font  de  purs  biens  j  au 
lieu  qu'il  peut  y  avoir  fouvent  au- 
tant de  mal  que  de  bien  ,  dans  la 
pratique  de  quelques  autres  vertus 
qui  nous  engagent  dans  le  mon- 
de. 

7*".  Celles  qui  font  les  plus  petites 
aux  yeux  des  hommes ,  ôc  celles  qui 
édifient  le  prochain,  fans  luy  eau- 
fer  de  l'admiration  ,  parce  que  ces 
vertus  nous  mettent  ainfî  en  étac 
de  le  fervir  pour  fon  bien  fpirituel, 
lans  nous  nuire  ànous-même. 

S*^.  L'impuilîince  où  on  eft  quel- 
quefois de  pratiquer  certains  exerci- 
ces de  pieté  ,  nous  doit  déterminer 
à  pratiquer  ce  que  nous  pouvons , 
parce  que  Dieu  ne  doit  rien  perdre  ; 
ou  plutôt,  que  devant  arriver  à  une 
certaine  fin  que  Dieu  nous  marque  , 
&  l'un  des  chemins  pour  y  arriver 
nous  étant  fermé,nous  fommes  dans 
l'obligation  d'en  chercher  &  d'en 
embraiïer  un  autre.  Ainiî,c'efl:  une 
tres-faulTe  règle  que  celle  de  certains 
Cafuiltes ,  quifuppofent  quelorfque 


ÏNVERS     SOY-ME^fE.  ^95 

(l'on  ne  peut  accomplir  un  précepte 
félon  toute  Ion  étendue  ,  on  n'effc 
plus  obligé  à  rien  de  ce  précepte  : 
Que  qui  ne  peut  jeûner  ,  par  exem- 
ple ,  en  s'abftenant  de  chair  ,  n'eil: 
point  obligé  de  jeûner  en  mangeant 
de  la  chair  :  Que  qui  ne  peut  dire 
tout  le  Bréviaire  ,  n*eft  plus  obligé 
d'en  rien  dire.  On  doit  conclure  au 
contraire  ,  que  l'on  eft  d'autant  plus 
obligé  de  faire  ce  que  l'on  peut ,  que 
l'impuilîance  nous  empêche  de  pra- 
tiquer les  préceptes  dans  toute  leur 
étendue.  Qui  ne  peut  s'abftenir  de 
la  chair  à  caufe  de  fon  infirmité  ,  ne 
laifTe  pas  d'avoir  befoin  de  mortifi- 
cation «Se  d'abftinence  ;  ainfi ,  il  ai 
doit  pratiquer  ce  que  fon  infirmité 
iuy  permet. 

9°.  Les  divers  états  de  la  vie  ren- 
dent la  pratique  de  certaines  vertus 
plus  necelÏÏiires  dans  des  temps  que 
dans  d'autres  :  les  calamitez  Se  les 
affli dirions, foit  publiques,  foit  parti- 
culières ,  nous  obligent  ,  par  exem- 
ple ,  à  l'humilité  &  à  la  prière.  On 
peut  dire  la  mcme  chofe  de  la  mena- 
ce des  fléaux  de  Dieu.  Il  y  a  des  De-  Hoc  genus  dar. 
tnons ^àii  Jefus-Chrill  dans  fon  Evan- ^cfcur^ûifi^p^ 


^^6      De   la  Charitî' 


mationem 5^ je-  elle.  éJiéi  ne  Ce  chapent   qnc  par  Pu- 

17.  io.  ratjon  GT  far    le  jeune  :    quiconqm 

donc  ell:  obligé  de  chalfcr  ces   De 

mons,efl:  obligé  de  prier  &  de  jeûner 

10". Toute  tentation  oblige  a  la  pra 
tique  de  la  vertu  qui  luy  ell  contrai 
re  ;  ainli ,  toutes  les  diverfes  ren- 
contres de  la  vie,  font  des  voix  àt 
Dieu,  pour  nous  appliquer  à  l'exer- 
cice de  certaines  vertus. 

£>.  Quels  inconveniens  peut  eau- 
fer  le  mauvais  choix  des  vertus  ? 

B,  Il  arrive  alTez  iouvent  dans  cer- 
taines perfonnes ,  que  l'amour  pro- 
pre ,  la  volonté  &  les  caprices ,  fe 
mêlent  beaucoup  dans  la  dévotion  & 
dans  le  choix  des  vertus  ;  en  forte 
qu'on  fe  faif  une  pieté  d'humeur  . 
qui  eft  peu  édifiante  à  l'égard  des 
autres ,  de  peu  de  mérite  devant 
Dieu,&  qui  fortifie  peu  l'ame  dans  les 
occafions  oiî  elle  a  beloin  de  force, 
îl  arrive  aufîi  fouvent  que  l'on  man- 
que à  des  chofes  clfentielles ,  pen- 
dant que  l'on  fe  charge  de  pratiques 
peu  neceffaires.  0\\  entreprend  quel- 
quefois par  humeur  &:  par  vanité 
-des  aufleritez  &  d'autres  œuvres  qui 
font  au>'deirus  de  nous  ,  que   Toç 


i 


pi 


Ï5ÏVERS  soy-mem:e.  39^ 
?(l  contraint  d'abandonner  dans  la 
Alite  ,  ôc  qui  nous  rebutent  de  la 
ievotion  •  enfin  ,  on  fuit  plutôt  fa 
v^olonté  que  celle  de  Dieu. 

D,  Quelles  font  les  vertus  &  les 
pratiques  de  dévotion  qui  ont  plus 
befoin  d'être  réglées  ? 

i?.  Ce  font ,  1°.  Les  aufleritez  ,  ^^^^y^  ^^^ 
parce  qu'on  y  peut  beaucoup  exce-  immodicè  &  in- 
dei-  par  caprice  Se  par  des  zèles  pçu  l^^^.tlc 
réglez.  Car  ,  comme  dit  l'Auteur  fumpiiirent,!*- 
de  la  Vie  de  Sainte  Sjncleti  que  ,  at-  ['Xmtlhi'Z 
tribuée  à  S.  Athanaie  ;  ceux  qui  ruï-  velue  qmadvcr- 

1  r     ^  I  j        farmra  fuftinere 

lient  entièrement  leur  lante  par  des  ampimsnonvs- 
jeûnes  indiicrets  &  exceffifs^  le  met-  leiem,  perdide» 

^  1  •  11  1      r  •  c        >       ï\xnz  le.      vide 

tentle  poignard  dans  le  lein  ,  &  n  a-  coteUriuminvi^ 
eiilent  pas  moins  contr'eux-mêmes  ,  ^^  Sjndetic*, 
que  s  ils  y  etoient  pouliez  par  le  De-  i^i.       ^ 
mon. 

C'eft  dans  ce  fens  que  le  Prophète 
■Ifaïe  rcprochoit  aux  Juifs,  <^iiils  ne     in  die  jejunîi 
fuivoiem    c^ne^    lenrs  propres  volontez.  ^^^^ncaTvcTa! 
dans  leurs  jeunes ,  &  qu  aind  ils  n'é-  iÇak  38.  i» 
toient  point  agréables  à  Dieu. 

z^.  Les  entreprifes  de  dévotion, 
par  lefquellcs  on  s'engage  louvent 
dans  des  œuvres  qui  furpaifent  ou  les 
lumières ,  ou  k  force  que  Ton  a  re- 
mues de  Dieu. 


IS^S  Delà  C  h  ar  i  t  e' ,  &rc/ 
3".  L'orairon  extraordinaire,  parc 
qu'on  afpire  quelquefois  ta  des  de 
grez  d'oraifon  ,  où  Dieu  ne  not 
cleve  point ,  de  que  l'on  ne  deiir 
que  par  une  fecrete  vanité ,  ce  qi 
donne  lieu  à  une  infinité  d'iUufioni 
Car  on  doit  être  perfuadé  qu'il  y 
tres-peu  d'ames  que  Dieu  tire  de  1 
voye  commune,  qui  efl;  celle  de  trai 
ter  avec  luy  par  une  diverfité  de  peu 
fées  ,  &  qu'il  en  élevé  tres-peu  à  1 
pure  contemplation  ,  qui  confift' 
dans  de  fimples  vues  fans  diverfit' 
de  penfées  :  il  eft  même  tres-dange 
reux  de  vouloir  prétendre  de  foy 
même  à  ces  états  extraordinaires  & 
furnaturels. 

Enfin  ,  la  règle  la  plus  alfaréi 
pour  le  choix  des  vertus  &  des  exer- 
cices de  pieté,  efl  qu'il  faut  tâcher  d( 
dépendre  de  Dieu  en  tout ,  de  lui- 
vre  Dieu  en  tout ,  &  d'éviter  er 
tout  l'ambition  lecrete  qui  nous 
porte  aux  chofes  qui  nous  paroiileni 
grandes  <3c  relevées. 


1: 


399 
N  E  UV  I  E'M  E 

INSTRUCTION, 

i     De   V amour  du  Trochain  , 

0    V 

De  la  charité  envers  le  TrochahK 

CHAPITRE  PREMIER. 

^ue    l^ amour    de    Dieu    produis 

necejj'atrement  t amour  du 

Prochain. 


L 


Z?.  X  E  commandement  de  Ta- 
mour  du  prochain  ^  eft  -  il 
différent  de  celuy  de  l'amour  de 
Dieu  ? 

R,  S.  Au^uftin  a  remarqué  que  ces     ^^^è   înr?ni 
deux  commandemens  de  1  amour  de  ^ue  mveuicux 
Tome  II» 


400       De  la  Charitî* 

?n  Hnguli't.  Nâin  Dicu ,  &  dc  l'amour  du  prochain,  1 

éi    qui    diligu  ,,       •!  „  ' 

Dcum  non  cum  Comprennent  mutuellement  :  Ceu> 
potcft  contcm-  ^[x.  ce  Pcrc,   cui  conçoivent  bien  le 

nere   prjecipien-      i       r  *r      -i 

tcm ,  ut  diiigat  choies.  Comprennent  facilement  qu 
proximum     &  cîiacun  de  ces  deux  préceptes  renfer 

qni     lande    &  r  l 

fpititaahtcr  di-  me  1  autre,  Car  celuy  qui  aime  Dieu 
;igic  p  oxmium  j^^  p^^^^  p^^  mcprifer  le  commande 

«quid  m  eo  dili-  ^  i  *  r 

sù  mfi  Dcum.  meiit  qu  il   nous  a  fait  d'aimer  1- 
T^£"  '''•  ^^"  '"  prochain  ;  &  celuy  qui  aime  fainte 
ment  &  fpirituellement  le  prochain 
Ji'aime  rien  que  Dieu  en  luy. 

JD,    Comment  l'amour   de    Diei 
comprend-il  l'amour  du  prochain  ? 

R,    C'eft  premièrement,  que  Dicu 
commande  d'aimer  le  prochain ,  ie- 
lon  ce  que  dit  S.  Auguftin.  Or  qui  ai- 
sne  Dieu ,  aime  ce  qu'il  com.mande. 
2^.   L'amour  de  Dieu  nous  porte 
naturellement  à  aimer   les   ouvra- 
ges de  Dieu  ,   &  tout  ce  qui  porte 
quelque  caraâ:ere  de  Dieu.    Or  no- 
ire prochain  ,    ou  pour  mieux  dire, 
•l'homme    eft  non    feulement   l'oi*- 
vrage  de  Dieu  ,   mais  fon  image  ; 
•&  il   nous    reprefente   plus   Dieu  , 
'que  toutes  les  créatures  corporelles  : 
par  confequent  l'amour  que  l'on  ai 
j>our  Dieu,  s'étend  naturellement 
ikr  ie  procKain.  ^ 


-ÎKVERS    LE   PROCHAIN.       40I 

ri°.  On  ne  fçauroit  aimer  Dieu 
comme  il  faut ,  ians  fouhaiter  qu'il 
foie  révéré  ,  adore  ,  &  aimé  de  tous 
ceux  qui  en  font  capables  ^  de  par 
confequent  fans  fouhaiter  que  les 
hommes  le  révèrent ,  l'adorent ,  & 
l'aiment.  Or  aimer  le  procham,  n'eil: 
autre  cholb  que  fouhaiter  6c  procu- 
rer qu'il  révère ,  qu'il  adore ,  &  qu'ai 
^ime  Dieu. 

4**.  Aimer  Dieu,c'eft  aimer  la  jufti- 
ce  5  &  procurer  que  la  juftice  ibic 
gardée.  Or  il  eil  jufte  que  tous  les 
hommes  aiment  Dieu.  L'amour  de 
Dieu  nous  oblige  donc  à  porter  tous 
les  hommes  à  aimer  Dieu  j,  &  por- 
ter les  hommes  à  aimer  Dieu  y  c'ed 
les  aimer. 

j^.  Quiconque  aime  Dieu  ,  entre 
dans  l'inchnacion  de  Dieu  ,  &  ai- 
me ce  que  Dieu  aime.  Or  Dieu  par 
une  bonté  qi\^  luy  eft  elfentielle  ,  ai- 
me tous  les  hommes.  Il  les  deftine 
à  la  fouveraine  béatitude^   il  les  y 
appelle  tous  ,  èc  il  leur  ofFre  à  tous 
le  prix  dû  fang  de  fon  Fils  ,    com- 
me nous  l'avons  expliqué   ailleurs. 
Quiconque  aime  donc  Dieu ,  entre 
p^"  necelTité  dans  ces  mêmes   fenti^ 
Tome  IL  L  1 


401      De    laChariTe' 
mens  de   bonté  Ôc  de  miiericord^ 
envers  les  hommes. 


CHAPITRE     IL 

De  quelle  nature  eji  cet  amour  dtt 

frocht^in  ,  on  cette  charité  qui 

nous  eJi  commandée. 

D.  /^Ue    doic-on   entendre  par 
v^l'amour  du  prochain  ,   oa 
la  chanté  envers  le  prochain  ? 

R,  Il  paroît  qu'on  ne  devro:t  point 
faire  cette  queftion  ,   puifque  tout 
le  monde  fcait  ce  que  c'eft  qu'ai- 
mer, &  que  perlonne  n'ignore  que 
Tamour  eft  un  mouvement  de  la  vo- 
lonté  vers    quelque  chofe.  Cepen- 
dant on  eft  obligé  de  la  faire  &  de 
l'expliquer,   à  caufe  d(i  certain  s  Au- 
teurs,   qui  ont  enleigné,  Que  nous 
n'étions  obligez  envers  le  prochain, 
qu'à  Taflifter  ,   &   non  à  avoir   de 
Taft-edion  intérieure  pour'  luy  ;  & 
que    l'on  fatisfiiloit  à    l'oblif^atioa 
d'aimer  le  prochain^en  luy'faiiant  du 
hi^n  ou  cemporellement ,  ou  Ipiri-. 


ÎHVERS    lE    PROCHAIN.        405 

tuellement ,  fans  aucun  mou-vemenc 
intérieur  d'amour. 

D,  Quel  jugement  doit-on  porter 
de  cette  opinion  ? 

R,  On  doit  juger  qu'elle  eft  très- 
contraire  aux  prnicipes  de  la  Reli- 
gion chrétienne, 

1°.  Puifque  l'amour  du  prochain 
n'eft  qu'une  fuite  &c  une  exteniion 
de  l'amour  de  Dieu,  &  que  c'en  eft 
une  fuite  necelfaire  -,  Si  l'amour  de 
Dieu  efl:  un  mouvement  ,  il  ne-fe 
peut  pas  fciire  que  l'amour  du  pro« 
chain  n'en  loit  pas  aufli  un. 

2.°.  Si  l'amour  du  prochain  ,  qui 
nous  eft  prefcrit ,  ne  coniîftoit  qu'en 
ies  œuvres  extérieures  ,  il  ne  'pour« 
roit  s'exercer  envers  la  plupart  des 
hommes ,  puilque  l'on  ne  peut  pas 
Faire  charité  aclaellement  à  la  plu- 
part des  hommes.  La  pauvreté,-  les 
maladies ,  &  mille  autres  neceffi- 
tez  ,  en  interoinproient  le  cours» 
On  ne  pourroit  donc  pas  dire  que  la 
charité  e(l  inépuilable  ,  puifque  les 
fëcours  qu'on  peut  donner  à  un 
homme  font  tres-facilem.ent  épui- 
fez.  On  pourroit  s'excufer  de  la  cha- 
rité du  prochain  ,  puiique  Ton  pcuc 


Li   1! 


4^4       DïtACwARîTl' 

ïccledaCa-  ibuveiic  s'cxcufer  juftement  de  ce^ 
ciiiiftianoium  Iccouis.  Cependant  fes  Pères  eta-: 
vci.fii.ua ,  non  blilîènc  cout  le  contraire.   Ils  enfei* 

folam  iptum  ,  i    •     i        t        .    /    <  t 

Dcum,cujusa-  gncnt  qu  on  doit  la  chante  a  tout  lie 
cicptio  vua  cft    jïiondc.  L'Ec^ife.dit  S.  Aueuftin,  in- 

bcatiffima,  pu-    „       .      -  Jj         '    ,  D.  ' 

jiffimc  atque  Itiuit  les  entans  qu  ils  ne  doivent  pas 
caftifliinc  co-     toutcs  chofes   à  tous ,    mais    qu'ils 

Jcndum    proedi-  ,  i       i        •    /  j-i 

cas .  . .  led  e-  doivent  a  cous  la  chante ,  &  qu  ils  ne 
tiamproximi     d-oivcnt    faiic   injuilice    à    perfon- 

Ciilcaionem  at-  J  i 

que  caiitatem       nC,. 

Xndéf  qucm:  ^^'  cnfeignent  que  l'on  ne  manque 
admodum  ôc  jamais  moyens  d'exercer  cette  cha- 
IZtTuZ..  "té  générale.  Vous  me  direz  ,  du 
jiibus  cantas,  5c  faiiit  Auguftin  ,  que  vous  n'avez 
^^T^i.  «en  à  donner  aux  pauvres  ;  mais 
tit  Mo-,   Ecci.  pouvez-vous  dire  que  vous  ne  puif-* 

^potesmihidi-  fi^^  P^^  ^voi'^  ^e,  ^^  ^^^^^'^i^é  pour 
cfre  non  habeo  eux  ?  Or  la  charité  eft  un  bien  que 
L°4na^?'^^'°  pofTede  d'autant  plus  pleine-, 
nunquid  potes  ment ,  que  l'on  le  diftribuc  plus» 
î?uteal''tc  habc-  abondamment..  Il  fè  peut  faire  que 
xc  non  poflc  ?  VOUS  n'ayez  quelquefcws  ni  or  ,  ni 
j>oflefliotamo  argent  5  ni  habits  ,  ni  huile  à  don- 
plus  augaur,    ner  ;   mais  vous    ne  pouvez  avoir- 

«uanto  a.'uplius   j>  r     i       •   • 

erogatur  .  f .  .  d  exculc  légitime  qui  vous  exempte 
Auriini ,  argen-  d'aimer   tous  les  hommes  ;  de  de- 

tum ,  veftc.n ,      r  i  j 

iru.ncmum,  vi  1^-'^^  pour  les  auties  ce  que  vous  de-. 
^'''"«^r'^^^^'^   /irez  pour  vous-même,  &  de  par-. 

■potcft  neri ,  ut    i  ^      < 

.âiiquotiens  non  dcuiner  a  VOS  ennemis  $  parce  que 


ENVERS   tE    PROCHAIN.       4^0,5' 

«jgiioy  que  vous  n'ayez  pas  de  quoy  '^^uTribur''frf. 
donner  dans  vôtre  grenier  ,  ou  dans  buas  :  uc  autem 
vôtre  cave  ,  vous    pouvez  en  tirer  °'.p""  Commet 
du    trelor    de    votre    cœur.      Puis  ahis  quod  tibi 
donc    que    la  bonne  volont^é   tou-  ^^^^^^^ 
te  feule  fuffit  à  tous  les  hommes ,  duigeas ,  nun- 
&  que  l'aunwne  du  cœur  eft  plus  ^T^l^T'; 
confiderable  que  l'aumône  du  corps,  quia  û  in  ccila. 
qui  peut  alléguer  un  onjbxe  de  pre-  îl^^n  hâbT 
texte  pour  s'en  difpenfer  l  quod  <iarc  pof- 

^  II  y  a  même  certains  devoirs  que  cordt^iato"« 
l'on  ne   peut    rendre   au  prochain  ,  proFene  qu«d 
uns  une  affedion  véritable  &  inte-  omnibus  hJi^ 

iamiî  Te* 
)ona  vo- 
fufSciaf, 

devoir  elfentiel  à  tout  Chrétien  de  ^  ^^^ï^ofynâ 

I  t     •  -r  cordis  mulco 

prier    pour   le    prochani  ,    puiique  ^ajor  fie/ 
toutes  les  prières  de  TEelife  le  font  q^â  eieemofyna 

^  t,  »i  n  corporis   ,   quis. 

en  commun  ,  «x  quil  noua  eit  or-  eft  qui  vei  um- 
donné  de  prier  pour  nos  ennemis,     biam  exsufauo- 
IJ,    Les  paroles  qui  contiennent^cndere.    nom. 
le  commandement  d'aimer  le  pro- ^- '"î''^®*'^""^ 
chain  ^  ne    fuffient-elles    pas  pour    *      ^' 
prouver  qu'il  le  faut  aiaier  par  une 
véritable  affedion  > 
,  JR,  Guy  ,  Se  les  mots  d'amour  Se 
de  diledlion  qui  font  employez  dans 
ce  précepte,  ne  Ço,  peuvent  entendre  ,  Servabîtur  m 

13  rr   n  ■     '    •  •  /-^       locutionibus '£• 

cpc  dame  aire  Choix  intérieure.  Car  ^maçis  re^iilak 


rieure.    Car  on  ne  prie  point  fans  nibuseciî 

o       r  ^    r        /■^        '    n.  la  fit  ,  bc 

amour  ,  &  lans    denr.  Ur  c  clt  un  i^nras  fu 


40^     De  laCharitî* 
/lujiîrmodî  ,  ut  1^  icalc  de  faint  Auauftin  efl:,  miff 
diiigcii  confule.  ^^  chaiitc  étant  la  nn  de  la  loy  ,  les 
rationequodic-  padàacs  qui  parlent  de  la  charité  fe 

gitur  ,doncc  ad  j    •     "-^  -^ 

xcgnum  chaii.  cioivcnt  expliquer  proprement  ,  2c 
tâtis  intciprc-    q^q  j^s  cxoreflions  figurées  fe  peu- 

tatio  pciduca-       ••  ,  .        ^  <~>  -t         . 

tiir  Si  autem  vcnc  bien  rencontrer  dans  ce  qui 
hoc  jam  prop, ic  ^cnd  ,  M  qui  fe  rapporte  a  la  charité; 

ionat ,  nulla  •  n 

piitatui  hguia-  mais  que  celles  qui  marquent  pro- 
taiociirio  ^.  piemcnt  la  charité  ,  ne  peuvent  être 
x>o(j/.  c/;r;j/.  priles  pour  ngurecs  ,  puiique  la 
'^'  '^'  charité  eft  la  vérité  des  figures. 

Tn  fraternira-     L'Apôtre    faint  Pierre  exclut  for- 
lL^'!.'?"^'i"^' iiicllement  ce  faux  fens  ,   en  nous 

piici  ex  corde  / 

inviceni  diiigi.  Ordonnant     ^6"     rjoHS     aimer     avec 

"r/rr?î'"^*  '*  ^^  ^^^'^  Jimpîe  j  ou  comme  porte 
le  Grec,  avec  un  cœur  pur.  Il  faut 
donc  que  le  cœur  y  ait  part.  Ce  qui 
fe  fait  fans  mouvemenfdu  caur ,  ne 
fe  fait  pas  avec  un  cœur  pur  8c 
f  mple  ;  c'efl  au  contraire  urie  efpece 
d'hipocrifîe  ,  «Se  un  amour  propre 
qui  le  déguile  en  amour  du  pro- 
chain. Enfin  ,  Jcfus- Chrifl  même 
l'exclut ,  puifqu'il  propoie  Tamour 
qu'il  a  pour  nous  ,  comme  le  mo- 
dèle de  l'amour  qu'il  nous  oblige» 
d'avoir  pour  les  autres.  Le  Comwan^ 
Hoc  cft  pr^-  dément  que  ie  tous  dor??7e  ,    dit  le  Sei- 

Ut  dih-aas  m-  gî^c^i"  j  c  ejt  de  ZQiiS  nmicr  Us  uns  ki 


ÏNVERS    Lï    PROCrtAÏK.        407 
Htres  ,    comme  je  vous  ai  aime,  Aui-  vicemficut  dî-^ 
eft-il  fi  eircntiel  à  la  chanté  dUi:'^^^^' 
îltrochain  d'ctre  intérieure,  que  laine 
J^aul  la   marque  ordinairement  par 
a   mot    d'entrailles  ,  vlfcera  ,  pour 
nontrer  que  la  charigé  confilie  dans 
m  mouvement  lemblable   à  celuy 
[ue  les  mères  ont  pour  leurs  enfans. 
7efl:  l'origine  de  ces  exprelïïons,  vif- 
era  mlferationis  ,   entrailles  de  miferi^ 
orde ,  dont  T Apôtre  fe  fert  dans  TE- 
'itreaux  Philippiens  :  &  pour  mar-   vhiu^.  1,  ?; 
juer  la  charité  deTite  envers  les  Co- 
inthiens,  il  dit,  vïjbera  eji-is  ^hundan-  ^'  ^"^^  1*  ^J» 
Ihs  in  vobisfunt  :  //  a  plus  d'entrailles 
tour  vous  cjîie  vowr  qui  que  ce  fait. 
Il  recommande  aux  Coloffiens  de   J^'Y^^'n^'' 
r    rezfitir     d''entr,^illes     de     ?/2f^?r/-  fanai  &:  dilcai 
■o;-h.    C'eft    auffi    pourquoy   faint  ^^^  ^^^^ 
3arile  ne  reconnoit  point  de  vrave  <  1- 
rharitépour  k  prochain  ,  que  celle  ^truth''"" 
:jui  nous  fait  prendre  part  à  les  biens  «i'^o ,  dokie  & 

1        •  o      ^    r  1      anei  in  iis  rebas 

par  la  joye  ,  &  a  les   maux  par  la  ex  V'bu$  ixdi^ 
:nilellc.  Il  nV  a  donc  rien  de  plus  tur  is ,  advenus 
certani  que  cette  dodnne  ,  Que  la  Lberur ,  fimi- 
charité  pour  le  prochain  ne  rcnfer-  iïteique  jpfîus 
me  pas  leulement  1  aCnon  exterieu-  &pioeâiaboia^ 
le  ,    mais  aufïî   le  mouvement  in-  ^'--  ^.  ^''fi^-  "» 
teneur  de  chante  ;  ce  que  lamt  Bo-  adinur.  .75, 


j^oé      De  lA  ChaiIitï* 

naventure  cxpiime  par  ces  paroles  ^ 
Qu'il  faut  aimer  le  prochain  par 
TafFedion  &c  les  efFcts  de  la  charité* 
Caritatis  ^jfcElu  &  tjfeBn^ 

Pour  rendre  cette  propofition  plus 
feniîble  ,  il  e{^  bon  de  le  icrvir  de 
cette  comparaifon  ,   lur  laquelle  il 
ne  faut  qu'écouter  la  voix  de  la  rai^- 
fon.  Si  nous  aimions  parfaitement 
quelque  grand  Roy  ^  que  nous  luy 
enflions  des  obligations  infinies ,   éc 
qu'il  nous  eût  recommandé  d'aimer 
quelqu'un  ,  comme  étant  aimé  de 
iuy  ,   &  de  procurer  à  cet  homme 
tout    le    bien   que  nous  pourrions  i 
n'eft-il    pas  vray  que  Tamour  que 
îious  aurions  pour  ce  Roy  ,   s'éten- 
droit  fur  celuy  qui  nous  auroit  été 
recommandé  ,  &  que  cette  confide- 
ïation  nous  le  rendroit  cher?  Or  c'eft 
en  cette  manière  que  Dieu  nous  a 
engagez  à  aimer  nôtre  prochain  :  il 
nous  a  nous-mêmes  comblez  de  biens, 
&  il  nous  a  liez  à  luy  par  des  bienfaits 
qui  furpaiîent  nos  penfées  :.  Enfuite 
il  nous  a  déclaré   qu'il  vouloit  que 
nous    aimafîions    nôtre   prochain  , 
comme  il  nous  a  aimez  luy-même:il 
31QUS  a  ordojmé  de,  témoigner  par  les 

affiftances 


k. 

avo' 

l'ei 
I 

la  fi 
vil 


tKVERS    LE   PROCHAIN.  409 

illîftances  que  -nous  rendrions  au 
3rochaiii  ,  la  reconnoilîance  que 
lous  devons  à  luy-même  ;  n'eft-il 
donc  pas  vifible*  que  Ton  ne  fçauroic 
avoir  de  l'amour  pour  Dieu  ,  s'il  ne 
s'étend  jufqu  au  prochain. 

X).  Par  où  paroîc-il  que  Dieu  nous 
a  recommandé  d'aimer  ,  de  de  ier- 
vir  le  prochain  ? 

i?.   Cela   paroîc    clairement    par     ec  manda  Wr 
l*Ecriture  fainte  :  //  leur  a  recomman-  ^nicuique  de 
de  achacHUy  dit  l  Ecclelialuque,  a  a-  £ccUf.  17.  ,t. 
voir  foin   de  leur  prochain.    Le  com^     Hoceftprs- 
tnanaement   cfue  je  vous   donne  j    dit  ut  diiigatis  in- 
Tefus-Chrift  dans  l'Evaneiie  ,  efi  de  ,^^""^  lïcucdi- 

•^  .  ,  ,  o  -^  lexi  vos.    joanJ 

V9HS  aimer  Les  uns  les  autres  _,  comme  y^  »  j.  n. 
vous  aï  ai?ne7.  Je  vous  fais  un  nouveau     Mandatum 

,        ^-^       ,.      .,  .  novum  do  vo- 

commandement ,   dit-il   encore  ,  cjui  bis ,  uc  diiiga. 
efl  que  vous  vous  aimiez^  Us  uns  Us  au-  ^^^  ^^.^'^^""^  '^- 

•^         ■'  ,  :,      •       .  eut  dlleXl    TOS  , 

très  y   &  e^ue  vous  vous  entr  aimiez. ^  ut  &  vos  diU-. 
comine  je  vous  ai  aimez, ,  S^"^  mvicem» 

-  '  Z^.L  amour  du  prochain  n  a-t-il  pas 
fon  fondement  dans  la  loy  naturelle? 
R.  Oliy.  Car  puifque  l'homme 
veut  être  aimé  du  prochain^il  efb  jufte 
qu'il  aime  luy-même  le  prochain.  Il 
eft  jufte  de  plus  ^  que  tous  les  mem- 
bres d'une  focieté  s'entr'aiment  & 
s'entre- recourent.  Or  tous  les  hom- 
Tome  IL  M  m 


410  Delà  Charitî* 
mes  font  unis  entp'eux  par  divers 
liens  5  &  foiin^ent  une  efpccc  de 
l'ocieté  commune  ,  dont  les  règles 
font  fondées  fur  la  Juftice  ccernelle, 
Aimer  les  hommes  pau  Tamour  de 
ces  règles  ,  c'eft  les  aimer  par  i'a^ 
mour  même  de  Dieu ,  parce  que  cet- 
te jufticè  eft  Dieu  même. 

D.  Comment  Tamour  du  procliain 
comprend-il  celuy  de  Dieu  ? 

R.  C'eft  que  par  cet  amour  du 
prochain  ,  nous  de  (irons  foumettre 
le  prochain  à  Dieu  :  nous  délirons 
qu'il  Tâime  ,  &  qu'il  Tadore.  Ainfi 
comme  c'efl:  l'amour  que  l'on  porte 
à  Ton  Roy, qui  fait  que  l'on  luy  vou- 
droit  affujetir  les  autres  peuples ', 
afin  qu'il  régnât -fuL"  eux  ;•  c'eft  de 
même  l'amour  de  Dieu  qui  fait  que 
nous  defirons  luv  loumettre  le  pro- 
chain. Il  y  a  feulement  cette  diiî-e- 
rence  dans  cette  comparaison  ,  que 
ce  n'eftpas  toujours  le  bonheur  d'un 
peuple  d'être  alfujetis  a  un  Roy  par- 
ticulier \  au  lieu  que  c'eft  toujours  le 
bonheur  des  hommes  d'être  alfujetis 
à  Dieu.  G'eft  dans  ce  fens  que  Ton 
peut  dire  que  la  fainte  Ecriture  ren- 
ferme toute  la  Loy  dans  Tamour  du 


SNVERS    LE    PROCHAm.         4ÎÏ 
)rochain   j    celuy    qui    aime  le  pro^ 
:haln  ^  dit  TApôtre  faint  Paul ,  ac^ 
:ompilt  la  Loy,     Car    il    n'eft;    pas 
^cran^e    qu'elle  renferme  toute  la    Onidiligit 
Loy  dans  l'amour  de  Dieu.  Or  l'a-  I^S^^Ïk^iû'' 
nour  de  Dieu  eft  compris  dans  la-  Rom.i^.i, 
Tîour    du   prochain  ,     puifque    cet 
imour  n'eft  autre  chofe  qu'un  defîr 
irdent  que  nous  avons  que  le  pro- 
chain   loit   parfaitement    alfujeti  à 
Dieu ,    ce    qui   eft  par  confequent 
ine  fuite  necelîaire  de  l'amour  que 
lous  avons  pour  Dieu. 


# 


CHAPITRE  III. 

"De  l'ètcnâu'é  de  l^  charité  envers 
le  prochain, 

D,  T   E  précepte  de  la  charité   du 
L^prochain,  s'étend-il  genera- 
ement  à  tous  les  hommes  ? 

K,  Saint  Aueuftin  conclut  de  la  si  vd  cu'prarÇ 
Parabole  du  Samaritain  de  l'Evan-  à^^tTob^pI^Î 
^ile ,  que  le  prochain  comprend  tous  bendum  eft  oiE- 

'  •  ^1^  ,      cium  mifericor- 

ceux  a  qui  on  peut  rendre,  ou  de  di^.reaè  proxi. 
qui  on  peut  attendre  quelque  office  "^^^  dicitui,ma 
de  miiencorde  ^  ce  qui  comprend ,  pr$cepco  q 


hoc 


uo 


M  m  ij 


412.     De  LA    Charité' 
juhemur  aiiigc--(3it  cc  faiiit  Dodlcur ,  &  les  hommes 

te  rjcxiir.um         _     i         a 

ctum  fanctos       ^  l^S  AngCS. 

An^cios  cond-     £),  Le  précepte  de  l'amour  du'pro- 

j.tir,  a  quibus        ,     .         '      •       t       rr   '         j      i  i» 

faîîianobis  mi-  chaui ,  etoit-il  aulli  cteiidu  daiis  1  aii- 
icticoidia:  im-  cicniie  Loy  ,  que  dans  la  nouvelle  2 
R.  Pour  reloudre  cette  difficulté  . 


tja.    ^"i-  /.    I 


fe  uoa.  (hr.  c.  ji  faut    diftinguer  tes    effets    exté- 


rieurs de*la  charité  que  Ton  doit  aux 
ennemis  ,  à  l'égard  du  falut  éternel 
^  les  afTiftances  temporelles  qu'or, 
leur  peut  rendre. 

On  ne  peut  nier  à  l'égard  des  bien; 
éternels ,  que  ce  n'ait  toujours  ét< 
une  Loy  indifpenfable  de  les  fou- 
haiter  a  tous  les  hommes ,  fans  ei 
excepter  les  ennemis  :  c'eft  pour- 
quoy  Ton  voit  que  David  exhorte  ei 
gênerai  toutes  les  Nations  à  lotie 
laudate  Do-  Y)[q^^  NatlonsAoHtX  le  Seianeur  .  s'é 
gences,  badace  crie  cc  Prophète  ;  Peuples  ^  loitez^'i 

eum,  omnes  po-  ^^^^^^   Q.^g   ^^^^  /^^  PeuVleS  pllhUcûî  VO 
puli.  Pfii6    I.    .   ..       ^^  -  -, .'  ^  . 

Conficeancur  loitanges  ,    0  mon  DicH  ;  cjite  tous  le 
tibi  popuh     _    Peuples  voits  loïtent  &  vous   render: 

Deus ,  conhtca.      .     ^     ^        rr      \  j>    •  T-k- 

tur  ubi  populi     fr^c^j-.hnerret,ie  moyen d  anner  Die' 

«mttês.  f/.  66,  ^3j^5  iouhaitcr  qu'il  ne  foit  point  ou 

tragé  par  les  hommes  ?  Or  c'ell  c< 

qu'on  appelle    aimer    les    homme 

pour  Dieu. 

Mais  pour  les  majpques  extérieure 


1NVER€     LE   PROCHAIN.         4!^ 

:?e  charicé  ,  il  ne  paroîc  pas  que 
Dieu  ait  voulu  que  les  Juifs  en  ren- 
dilFent  beaucoup  à  ceux  qui  n'é- 
coient  pas  de  leur  Religion  ,  parce 
qu'il  avoit  deileni  de  les  en  tenir 
fort  ieparez  ,  à  caufe  de  la  pente 
que  les  .Juifs  avoicnt  à  Tidclatrie  ; 
c'eft  pourquoy  il  leur  avoit  plutôt 
commandé  d'exterminer  divers  Peu- 
ples ;  ce  qui  n'eft  pas  néanmoins  con- 
traire à  la  dilpolition  de  charité  gé- 
nérale. Car  comme  les  Juges  ,  fans 
bicrter  la  charité,  peuvent  condam- 
ner les  criminels  à  la  mort ,  de  fai- 
te exécuter  leur  arrêts  -,  de  même 
les  Juifs  5  1  cachant  que  ces  Nations 
écoient  condamnées  de  Dieu  ,  onc 
pu  fans  blefler  la  charité  ,  exécuter 
cet  arrêts  de  Dieu. 

Ce  que  Jefus-Chrill  a  donc  ajouté 
fur  ce  point  à  la  Loy  de  Moïfe ,  neih 
pas  feulement  le  principe  intérieur 
de  l'amour  des  ennemis ,  mais  ce  iont 
iiUiîi  les  effets  extérieurs  de  cette 
charité  ,  qu'on  efl:  obhgé  de  rendre 
au  prochain  dans  la  Loy  de  f  Evan- 
gile, avec  beaucoup  plus  d'étendue  ; 
parce  que  bien  loin  que  dans  TE- 
yangile  il  y  foi:   commandé  d'ex- 

M  m  iij 


\ 


414  De  ^^  Chaé-ite' 
terminer  aucun  peuple,  il  y  efl:  atî 
contraire  précifement  commandé  de 
faire  tout  ce  que  l'on  peut  pour  at- 
tirer les  hommes  à  la  connoiflance  & 
à  l'amour  de  Dieu  ,  par  des  bienfaits 
même  temporels. 


CHAPITRE     IV. 
De  l'amour  des  enner/iis. 


D.  /^^Uels  font  les  fondcmens  de 
V^  l'amour    que   nous   devons 
à  nos  ennemis  ? 

F,  Tout  ce  que  Dieu  aime  dans 
tous  ceux  qui  font  nos  ennemis, 
nous  oblige  à  les  aimer.  Or  Dieu 
les  aime  ,  parce  qu'ils  (ont  fes  créa- 
tures ,  fes  images  ;  qu'il  les  a  appel- 
iez au  bonheur  éternel,qu'ils  en  iont 
capables  par  leur  nature  ,  &  qu'ils 
font  encore  dans  la  voye  d'y  arri- 
ver. Mais  les  hommes  vraiment 
chrétiens ,  en  ont  encore  une  rai- 
Cum  înîmî-  fon  qui  leur  eft  particulière.   C'eft 

cum  amas  ,  fra-         ,.,*■.  *  •r^'i'^ 

ïiem  amas.Qua-  qu  ils   Ignorent  ceux  qui  Iont  élus, 
propier  perfefta  ^   qu'on   doit   jueet   dc  tout  hom^ 

aiUaio,  cft  ini-  -^  •       i-       °     >-i    1 

raid  diieaio  ;    HIC  cn  particulier  quil  le  peut  etre^ 


ÎNVÏRS    LE   PROCHAIN.        415 

\infi  ils  ne  peuvent  haù  perfonnQ.^^^^V'^^^^^-^'- 
,  ,■      r  •  A  n-  5        je:tio  eft  in  di. 

le  peur  ,  dit  iaint  Augulhn  ,  qu  en  icaione  tcicer- 
>enrant    haïr  un   ennemi  ,   ils   ne  '^^'  ^^  „^"i- 

..,T  r  iratt.i.  m  tb. 

iailient  un  rrere.  jo4«. 

D,  Eft-il  injufte  de  haïr  fes  en- 
.lemis  ? 

R.  Oliy  :  Car  toutes  les  raifons 
qui  peuvent  porter  à  les  haïr  ,  ne 
•ont  que  des  raifons  d'amour  pro- 
|[3re^  au  lieu  que  les  railons  de  cha- 
rité nous  portent  à  les  aimer.  Or  il 
?fl:  in  Julie  que  l'amour  propre  domi- 
ne en  nous ,  &:  qu'il  l'emporte  fur 
la   charité. 

D,  Ne  peut-on  pas  les  haïr ,  à  cau- 
fe  de  leurs  défauts  véritables ,  mê- 
me félon  la  charité  ? 

R,  Quelques  méchans  que  foient 
les  hommes  ,  la  charité  nous  peut 
bien  port:;r  à  haïr  leur  méchanceté; 
mais  elle  nous  oblige  en  même 
temps  à  tâcher  de  les  en  délivrer ,  & 
à  leur  en  fouhaiter  la  délivrance. 
De  plus  ,  la  charité  nous  oblige  de 
rcconnoître  en  nous  le  même  fonds 
de  corruption  ,  qui  produit  dans 
les  autres  les  mauvaifes  actions  :  dt 
comme  nonobilant  cette  mauvaiie 
difpofition  ,  que  nous  fçavons   qui 

M  m  iîij 


j^jG  De  la  Charité* 
cft  en  nous ,  nous  ozons  nous  flat- 
ter  que  Dieu  ne  laiiTe  pas  de  noui 
regarder  avec  pitié  ;  il  ell  donc  hier 
jufle  que  nous  ayons  pour  les  autre; 
la  même  dilpofition  de  milericorde 
que  nous  nous  flatons  que  Dieu  c 
pour  nous. 

D.  De  quels  motifs  fe  peut-of 
fervir  peur  exciter  les  hommes  a  l'a- 
mour  des  ennemis  ? 
"  J^.  Comme  rien  ne  s'oppofe  er 
liious  à  l'amour  des  ennemis  ,  que 
le  loulevemcnt  de  l'amour  propre 
contre  quelque  injure  reçue  -,  ou 
quelque  tort  que  ^nous  prétendons 
qu'on  nous  a  fait  ;  il  faut  d'abord 
appaifer  ce  foulevement,  par  les  rai- 
fons  que  la  Religion  nous  four- 
^^it. 

-D.   Quelles  font  ces  raiions  ? 

^.  Il  faut  convaincre  l'efprit  que 
ce  prétendu  ennemi  ne  nous'a point 
nuy  :  que  s'il  nous  a  ôté  quelque 
chofe  de  ce  que  nous  polfedions  ,  il 
n'a  été  en  cela  que  Tinftrument  de 
la  juftice  de  Dieu.  Or  comme  on  ne 
hait  pas  l'inftrument  de  la  juftice 
des  hommes  ,  il  n'éft  pas  jufte  de 
haïr  les  inftrumens  de  celle  de  Dieu, 


"ENVERS    LE    PROCHAIN.       417 

Dieu  qui  a  voulu  que  ce  prétendu 
bien  nous  fut  ôté,  n'a  pas  feulement 
Jjugé  que  cette  privation  étoit  jufle  ^ 
mais  il  a  jugé  qu'elle  nous  étoit  uti- 
le. C'eft  nous  qui  nous  rendoiis  cet- 
te privation  inutile, par  le  mauvais 
ufage  que  nous    en#faifons  :   mais 
dans  le  deiïein  de  Dieu,  elle   nous 
pouvoit   procurer  des   biens    mille 
fois  plus  excellens  que  ceux  qu'elle 
nous  ôte.  Quelque  fut  le  delTèin  de 
cet  ennemi  qui  nous  a  ôté  ce  pré- 
tendu bien  ,  ou  qui  nous  a  dcfobli- 
gé  ,  il  nous  mettoit  en  effet  la  cou- 
ronne fur  la  tête  ,    ôc  fa  malignité 
en  faifoit  une  partie  j  car  c'étoit  uiî 
remède   dont  Dieu  avoit  jugé  que 
nous  avions  befoin  pour  mortifier 
nôtre    amour  propre  ,  qui  voudroic 
que  tout  le  monde  fût  occupé  à  nous 
aimer.  Car  enfin  la  haine  de  cet  en- 
nemi ,  qui   efl:    fi  fenfible  à  nôtre 
amour  propre  ,  n'efi:  pas  tout-à-fait 
injufte  ;    Ôc    fi    nous  voulons  faire 
re flexion   fur  nous-mêmes ,    ôc  ne 
nous  point  flatter  ,    nous    trouve- 
rons que  nous   méritons  cette  haine 
par  bien  des  endroits  ,  en  forte  que 
par  rapport  à  nos  pèches  ,  &  à  ce 


4î8       fttLACHARItE* 

que  nous  méritons  par  nous-même 
Dieu  ne  nous  fcroic  point  d'injulH 
ce  ,  quand  il  nous  rendroit  Tobje 
de  la  haine  de  toutes  les  créatures 
Ne  fommes-nous  donc  pas  bien  in. 
juftes  de  nous  plaindre  que  de   C{ 
grand  nombre «dennemis  que   nou 
méritons   d'avoir  ,    Dieu   en  laiifi 
agir  feulement  quelques-uns  contre 
nous  pour  nous  purifier  ?  Ceux  qu 
nous  naiirent ,  &  que  nous  eftimon: 
être  nos  ennemis  ,   ne  lont  pas  feu- 
lement en  cela  miniftres  de  Dieu 
qui  perm.et  leur  haine  pour    notre 
bien  ;  ils  le  Ibnt  aulTî  du  diable  ,  qq. 
prétend  fe  fervir  d'eux   pour  nouî 
perdre.  C'eft  luy  qui  domine    leui 
volonté.    C'eft  luy  qui  excite  Icui 
averfion  ,    &   qui  veut    par    cette 
averfion  qu'il  excite  en  eux  de  en 
nous  5  éteindre    nôtre  charité.     Au 
lieu  donc  de  nous  attacher  à  ce  pré- 
tendu ennemi,  à  cet  homme  foible  , 
&  dominé  par  le  démon  ;  que   ne 
nous  attachons-nous   plutôt  a  reli- 
fier  à  celuy  qui  nous  attaque  veri-r 
tablement  ?   &  que  ne  nous  occu- 
pons-nous  uniquement  du   foin  de 
refifter  à  cet  ennemi  invifible  ,    eu 


ENVERS     LE     PROCï^AIN.        419 

éteignant  par  la  charité  ,  le  feu  Se  la. 
haine  qu'il  veut  allmner  cfans  nôtre 
cœur  ? 

Quel  feroit  le  cœur  alfez  dur  pour 
s'abandonner,  au  mouvement  de 
haine  contre  un  ennemi ,  dont  il 
auroit  reçu  à  la  vérité  quelque  in- 
jure, s'il  le  voyoit  en  même  temps 
jetre  brûlé  wif  ,  ou  expirer  dans  ie^ 
plus  cruels  fuplices  ?  Or  il  arrive 
tien  pis  que  cela  à  ceux  qui  nous 
perfecutent  injuftement ,  puifqu'iis 
s  otent  à  eux-mêmes  la  vie  de  Ta- 
me  ,  qu'ils  Ce  livrent  au  démon  , 
qu'ils  fe  rendent  ennemis  de  Dieu  , 
6c  qu'ils  fe  dépoUiUent  du  droit 
qu'ils  avoient  au  Royaume  éter- 
nel :  ainfi  nous  devons  bien  plutôt 
les  plaindre  ,  quoy. qu'ils  nous  per- 
fecutent même  injuftement,  ou  qu'ils 
jtious  falfent  quelques  injures  ;  puif- 
qu'iis attirent  fur  eux  tant  de  maux, 
éc  qu'ils  fe  reduifent  dans  une  fi 
grande  extrémité  de  mifere. 

Que  fi  la  charité  avoit  lieu  d'en 
porter  un  jugement  plus  favorable. 
Se  de  fuppofer  que  leur  prévention 
contre  nous, ne  leur  auroit  pas  ravi  la 
grâce  de  Dieu,  la  haine  que  nous 


iLio     De  la  Chakite 
concevrions  contr  eux  ,  Icroit  enco- 
re beaucoup  pius  injufte.  Car  cette 
avcrfion  qu'ils  auroient  contre  nous^ 
Se  qui  les  porteroit  à  nous  nuire   ^ 
à  nous  haïr  ,   ne  feroit  dans  leur  ef^ 
prit  qu'une   efpece  de  nuage  ,  qui 
obrcurciroit  bien  leur  charité ,  mais 
qui  ne  l'étendroit  pas.  Ils  nous  ai- 
rtieroient  effedlivement ,    puiiqu'ils 
aimeroient  ce  que  nous  fommes  en 
effet ,  &  que   ce  ne  feroit  que  par 
une  erreur  humaine  ,  qu'ils  nous  au- 
roient  pris  pour  autres   que  nous  ne 
fommes.   Ce  ne  feroit  donc  pas  des 
ennemis  que  nous  haïrions  en  eux, 
ce  feroient  des  amis  ;  Ôc  nous  nous 
rendrions  bien  plus  injuftes  qu*eux 
en  les  haïifant ,  puifque  leur  erreur 
ne  feroit  que  'dans  leur  elprit ,  Se 
n'infecleroit    point  leur  coeur  ;    au 
lieu  que  notre  haine  corromproit  en 
nous  fefprit  Se  le  cœur. 

Mais  la  principale  raifon  qui  en- 
gage les  hommes  à  l'amour  des  en- 
nemis ,  c'eft  que  c'efi:  une  injufticc 
vifible  &  fins  excule ,  de  ne  traiter 
pas  les  hommes  de  la  même  ma- 
nière que  nous  avons  été  traitez  de 
Dieu,   Se  qnc  nous  defirons  de  Te- 


ÏNVERS     LI    PROCHAIN.        4ît 

cre.  C'eft  néanmoins  ce    que  fonc 
ceux  qui  confervent  dans  leur  cœur 
de   la  haine  contre  quelqu'un  ,    dc 
ceux  qui  ne  pardonnent  pas  fnicere- 
ment.  Car  c'eft  là  proprement  l'ef- 
pece  de  la  Parabole  de  l'Evangile,  j^atth.iî.in 
qui  nous  reprefente  ce  mauvais  fer-  &H' 
viteur  ,  qui  ayant  reçu  de  fon  Maî- 
tre la  remife  de  dix  mille  talens ,  ne 
voulut  pas  en  remettre  cent  à  un  au- 
tre fervieur  qui  les  luy  devoir.  Ain- 
fi  comme  la  dureté  de  ce  mauvais        • 
ferviteur     fliit  revivre     toutes    Tes. 
dettes  5  de  même  la  haine  que  Ton 
porte  à  quelqu'un  de  l^s  frères ,  fait 
revivre  en    quelque  forte  tous   les 
péchez  que  Dieu  avoit  pardonnez  : 
&  l'énormité  de  l'ingratTitude  qui  eft 
jointe  à  cette  mauvaife  difpofition, 
rend  l'ame  aulîi  criminelle    qu'elle 
rétoit ,  par  tous  les   péchez    dont 
on  avoit  obtenu  la  rem'iffion. 

Ce  n'eft  pas  feulement  témoigner 
à  Dieu  une  ingratitude  horrible , 
mais  c'eft  faire  encore  une  injure 
-fignalée  au  fang  de  Jefus-Chrift 
même.  Jefus-Chrift  a  fatisfait  pour 
tous  les  péchez  des  hommes  par  l'ef- 
fufion  d^    ion   fang  précieux ,  ôc 


411      De   la  ChaPvITe* 
par  confequcnt  pour  tous  les  crimes 
de   ceux   que  nous    appelions    nos 
ennemis.  Dieu  eft  prêt,  en  confide-» 
ration  de  ce  lang  ,    de  les  leur  re-. 
mettre  ^  pourvu   qu'ils  luy  en  de- 
mandent pardon  ,  fa  juftice  eft  fatis- 
faite.  Que  fait  donc  un  homme  qui 
ne  pardonne  pas  à  fes  ennemis  ,  &c 
qui  nourrit  la  haine  dans  Ion  cœur? 
Il   n'accepte  pas  le  prix   que  Jefus- 
Chrift  a  payé  pour  les  péchez  des 
•         hommes  ;  il    le   rejette  comme  in- 
fuffilant  ,  de  renonce  liîy-même  au 
fang  de  Jefus-Chrift  ,    &  a  la  re- 
milîion  de  les  propres  péchez  ,  puifl 
qu'elle  ne  luy  a  été  accordée  ,    qu'à 
condition  qu'il  pardonneroitaux  au- 
tres. Ainli  il'  aime  mieux  que  Dieu  ne 
luy  pardonne  pas,  que  de  pardon- 
ner; il  aime  mieux  que  Dieu  celîe 
de  l'aimer  ,    que  de  celTer  de  haïr 
Ion  ennemi  j  (3c  il  préfère  cette  hai- 
ro>'t  !es  inf-  ne  à  l'amour  éternel  de  Dieu  ,  &  à 
fr«f7»  ri /Kr/'o-  jQ^g  1^5  mérites  du  fan^  de  lefus- 

lechap.  y.  pa^e  Chriit  ;  ce  qui  eit  le  comble  de  la 
^7-  folie^de  ringratitude,<Sc  de  l'injuftice. 


IWVERS    LE    PROCHAIK*         if.Z$ 


CHAPITRE    V. 

A  quoy  oblige  r^mour  des 
ennemis. 


D.  1"^  Oit-on  à  Tes  ennemis  tout 
l_^  ce    qu'on  doit   aux   autres 
hommes ,  6rmême  a  Tes  amis  ? 

R,  Il  faut  diftinguer  la  chanté  in- 
térieure 5  d'avec  les  offices  exte^ 
rieurs  de  charité.  Car  à  l'égard  de  la 
charité  intérieure  ,  on  ne  doit  point 
douter  qu'on  ne  la  leur  doive  ,  de 
même  qu'aux  autres  hommes.  Ain^î 
nous  leur  devons  fouhaiter  fînce- 
rement  les  biens  éternels ,  &  même 
être  prêts  de  les  leur  piocurer  au- 
tant qu'il  nous  eft  poiTible.  On  ne 
les  doit  point  exclure  des  prières  gé- 
nérales ,  ni  les  diitinguer  en  aucune 
forte  dans  l'intérieur ,  du  refte  des 
Chrétiens. 

D.  Eft-on  obligé  de  prier  pour 
eux  en  particulier  ? 
-  'R.  Non  feulement   on   doit  prier 
pour  eux  comme  pour  les  autres  ^ 


4^4       ^'    ^^  Charit-e* 

mais  on  le  doit  faire  même  avec 
plus  de  foin  :  Car  comme  on  eft 
plus  obligé  de  faire  l'aumône  à  ceux 
dont  la  neceflité  nous  eft  plus  con- 
nue ,  on  eft  aufîî  plus  obligé  de 
faire  Taumône  fpiiituelle  de  la 
prière  à  fes  ennemis  ;  parce  que 
Dieu  en  nous  faifant  connoître  leui 
dérèglement  plus  qu'à  d'autres  . 
nous  met  dans  une  obligation  pluî 
particulière  ,  de  tâcher  de  les  aiïî- 
fter  par  nos  prières.  De  plus  ,  les 
injures  que  nous  avons  reçues  d'eux, 
font  des  tentations  pour  nous  ,  qu 
nous  follicitent  à  la  haine  ,  ainf 
nous  lommes  obligez  d'y  refifter  ;  ô^ 
la  manière  la  plus  propre  à  le  faire 
eft  d'exciter  nôtre  charité  en  prian 
pour  eux. 
D,  Que  veut  donc  dire  l'Apôtn 
.  ^-  faint"  Jean  par  ces  paroles  de  l'Evan 

ad  raortcm^non  giie  :  Il  ji  a  Hf7  pcche  o.  LA  mort  J  J 

praillo  dico  ut  ^^  ^-^  ^>^^  ^^-^  ^^^^  ^^^^^  A^^ 

rogec  quis.    i.  /  /  f        f  J 

"jo.  %  i6  de  pcche  ? 

lus  joanncs,  non  joints  à  1  impeuiteuce  ,  pour  lei 
fédnunquiddi-  quels  on  ne  peut  pas  prier  avec  l 
cis,ô  Apoftoie,  même  confiance  ;  mais  dont  on  do 

ut  guisdefperet,     i  a    -^  •  •  r  1         T  ; 

««mo  gemac     P^w^ot  genur  que  prier  ,  lelon  lau 

Bernar* 


1 


ÎMVERS    I/E    PP.CCHAIN.         425 

'ernard  ,  quovque  ce  cremiifcnjcnt  l^iî  'l^^m  amat. 

•  1  ,     L         Ll       Non  pratlumat 

Oit  une  prière  ,  mais   plus  humble,  orarc ,  nec  deû- 

flat  plorart 

bfitautem  à  nobhjUt  ctiampro  talibu-;,  etfî  palam  non  pra^fumimus, 
cl.in  cordibus  Holhis  oraie  celieiriuSjCum  Taulus  ces  quoque  1-ige- 
.n^quos  fine  ptcnitcntiâ  mortaos  fciiec.  S.  Bern»  de gra.i^  bum,G.  it« 

D.  Eft-oii  obligé  de  pardonner 
lux  ennemis  intérieurement ,  avant 
.|uils  avcnt  reconnu  leur  faute?    ' 

P.  On  efl  oblîce  de  les  aimer,  de 
fcuh^er  que  Dieu  leur  pardonne, 
^e  renoncer  -a  tout  dcilr  de  ven- 
geance ,  de  demander  a  Dieu  la 
grâce  qu'ils  fe  rcconnoiirent  ;  mais 
on  n'eil  pas  obligé  de  les  resarder 
comme  mnoccns  ,  lorfqu'îls  ne  le 
foîit  pas  j  m  de  les  diipenfer  de 
i'obliv^ation  de  nous  demander  par- 
don ,  lorlque  Dieu  les  v  oblige  .  6c 
<^ue  cela  efl  utile  &  ncceliaire  pour 
leur  f  al  lit. 

D.  Celuy  qui  a  été  ofFcnlé  ,  eft- 
il  obligé  de  ^revenir  exteiietîrement 
fon  ennemi ,  de  de  chercher  à  le 
réconcilier? 

R.    Les  Pères  paroiiTènt  partagez 
iur  ce  point ,  mais  ce  partage  n'eft 
que  dans  la  furface  des  termes ,  3c 
nullement  dans  le  fond.  Saint  Au-     Cumînora- 
guftin  décide  nettement  qu  on  n  cft  èi>  <<*if*.» n<?,f«. 
Tome  IL  N  n 


4i<>      De  la"  Charité' 
f.€ut  &  n»s  ^i'  pas    oblii^é    d'aller     trouver    celu 
ti>rtb',sni(\r,-,    cjui  nous  a  tait  injure,  tt  il  n  atti 
procui  duino      q]^q  l'oblie-ation  de  pardonner  extc 

veroa    fponno-  '-*,.,     ^  .  _ 

nis  huju;  im-  rieurement,qu  a  la  pénitence  ,  oc 
picntur,  (^  ho-  ]^  prierc  de  celuy  qui  a  fait  injure 

nio   qui  nua-         >  V    ^      i-  /-i  > 

dum  ita  prof:-  c  elt-a-dire  ,  qu  li  ne  veut  pas  qu  o 
cic,   utjamdu  ^qj^  abfolunient    obligé  de  pardor 

ligat  inimicuni  \  rr 

taui:n  quando  ntr,  avaiic  quc  celuy  qui  a  orten. 
loptur  ab  ho.  çn   demande  pardon, 

ir.mcqui  pecca         c    •        r-i        i'  n.  .^^    • 

vu  in  eam,  ut  Saint  Chryloitome ,  au  coiHtain 
Cl  diaiictac ,  di   femble  palier  plus    avant  :  Il  ne  fui 

riictu  ex  coide:  i  r 

qui  etiam  fibi  lit  pâs  ,  dit-il ,  dc  iic  faire  aucu 
vuu  dimhc^,'''  déplailir  ,  ni  aucune  injuftice  a  v( 
cumoiat  &di-  trc  ennemi  ,  &:  de  n'avoir  aucur 
V.L'/,'/r,l ,^ir/  aigreur  contre  luy  dans  votre  cœu; 
terii,Hjn.ft't:^ià  mais  il  faut  faire  en  lorte  qu  il  n'e 
â-wcf'„''ôft'à"  ait  point  contre  vous.  Car  c'eft  u 
ïogamibus  no-    lau^aee  que  je  voy  dans  la  bouch 

bis  ,  lîcuc  ôc  nos   j^       i     r  *•         >  j> 

aimictimusro-  ^^  piulieurs  :  je  n  av  point  d  ave] 
^antibusdebico-  fion  pour  Cette  perfonne  ,   mais  j 

nous  noftris,  >     r  ■      i  •  r       ^  '  •  •  i 

^ug.  Eruhir.  c.  ^^^s  1^^^-*^  -  ^^^^  de  n  avoir  rien  c. 
7i'  commun  avec  luy  :  ce^  n'eft  pas  1 

c^ï^iaifiS  ^^  4^<^  J-^s  -  Chriil  nous  a  corn 
|)c  rogavi ,  fup-  mandé.    Ce    Père    va   encore    plu 

îôa^nL'co;!;"  J°'n  ;  ■'  ne  fe  contente  pas  que  lo 
irapccrare  non    ait    demandé   qu:^lquefois  à  fe  rc 

potui  ;  ne  prias   ^^^    •\-  -i  '         1       j  J 

abfiiias ,  quani  concilicr  ,  il  veut  qu  OU  Ic  demaud 
ïcconciiieris.      jufqu'à  ce  qu'on  l'obtienne.  s| 

Kqq    enim  di- 

?ùi  ,  diaaittciioc  doinuiHj  &  âbi"fupplica:am  fratri  tuo  ,  fed  \i 


INVERS    lE   PROCHAIN.       417 

le  ut  reconcilieris  :  quainobiem  eifi  niultam  fu^plicâtionstn  adhi- 
meris ,   ne  piius  definas  quam    perluaÇeris  •  .  .  Nec  priu?  abfcci^a - 
nu^,   quam  ad  veterein  aiiiicioam   leverû  fucri.nus.     Non  enfin 
aiîiçic  qood  non  Isdis  ,  quod  nuUâ  injuria  afîî vis  inimicuin,  & 
juod  non 'malignum  animum  adverlui  eum  gens  ,•  fed  enitcnduni 
:jft  ,  uc  ipfe  quoque  adverfus  nos  benevoluin  animtim  indaar.  Mai- 
res enim  audio  diccntes  ;  Ego  nihil  infenfus  fum,  nihil  dolco,n -que 
iuicquam  commune  cum  illo  habeo  :   veiuin  non  idà  Deo  pr.'j  cp- 
cum  eft,  ut  nihil  eum  eo  habeas  cojimunc  ^  fed  uc  quam  piuii  na. 
Hac  enim  de  caufa  fratcr  efl  tuus  :  hac  de  caufa  non  dixic  :  R-m  its 
fratri  cuo  ,  qux  adverfus  eum  habes  :  led  abi ,  &  cum   eo  prfus  rt- 
jljconcilieris  :  ecfi  lUe  aliquid  habet  adverfum  ce  ,  ne  prias  inceptuni 
omittas ,  quam  meuibrum  iliud  concordia  jundura  coalefcac.    ^^ 
Chryfofi,  He.n.  il.  Ad  Pop.   jint. 

d  : 

Mais  il  eft  aifé  d'accorder  ces  deux  , 

Pères  ,    quoy   que  leurs   iencimens  n^.-  dnmttintis , 
paroiiîènt   il    difFerens.     Car    la^^t  ^^'^^"^^^'^'^^" 


-  3  !  r-         ''^^'^^  contia  ift5. 

Augultin  demeure  d'accord,qu'îl  mut  leguiam  teciû; , 
pardonner  dans  le  cceur  toutes  l^s  V"^ '^^^  .'^''^^'^" 

1  ■       ,  lamus  qui  ve- 

jures  qu'on  peut  avoir  reçues  *,  &  mam  p^tunï , 
il  le  prouve  par  un  argument  fans  ^^^^  ^  ^^^^  /^' 
replique,  qui  ell  qu'on  eft  oblige  bus  nobis  a  be- 
de  prier  Dieu  qu'il  pardonne  à  nos  ^^^'^'^^  ^^ 
ennemis.  Or  ,  dit-il ,  il  ell  ridicule  lomus.  sad  iiio 
de  demander  a  Dieu  qu'il  leur  par-  '^:^IIZ7Z 
donne  ,  fî  on  ne  leur  pardonne  pas  rare  pio  inimi- 
foy-même.^Si  donc  ce  Père  enfei-  HuiîomoVaa: 
gne  -qu'on  n'eH  pas  obligé  de  preve-  tem  quifauam 

lîir   fes    ennemis   exteiueurement^,  ^J'^/p'?^^^^^^^ 
c'eft  d'ime  part ,  qu'il  n'^eil;  pas  toû-  non  ignorent, 
jours  utile  de  le  faire  -,  6c  de  l'autre,  S:r'^;„!^^  ^* 
que  la  charité  a  divers  devrez  ,   &  «'"»^-  *•  *< 
qu  11   y    en    a  qui  n  appartiennent 

Nn  ij 


\ 


42$     Delà   Charité* 

iliu.1  au:iio     qu'aux  plus   parfaits   Chrétiens.  .. 

gn.hccnciiiirax    quand  laiLt  Chryloltomc    cnleigi  ^ 

bo..uaciscft,ut  qu'il  faut   prclFer  Tes  ennemis  de  F 

inimicum  di'.i-  icconcilier  avcc  nous ,  c  elt  en  lup'^ 

g*^ fcciquo-  pofant  que  cela  foie  vraiment  utile 

rani  funt  ifta  H-  oÇ  quc  1  exculc   quc  la  plupart   d( 
^'-''f'^^'=^.'"}^'^  perlonnes  que  l'on  porte  a  fe  rc 

tjuiaer?!     ie   de-  ^  ...  J,  *  ,, 

hc:  omnis  hde-  concuier  ,  allèguent  j.que  1  on  cran 
i.s  eiienjcrc  ..  ^^  j^^  rendre  pires   en    les  rcche; 

t;'.men  qu'a  hoc      ,  ^       *■         , 

tam  magnum     cliant ,  ne  ioit  qu  uu  vani  prctext  ^ 

bpnum  tança:       p^^j.    cOUVlUf     UUC     fecrCttG     auimc 

non  eu,   quaa-  ilte. 

cam  crediams 

ezaudjri  ,  cum  inoratione  dicirur  ,  dimitte  mbi'  ,  (^c  Encijirii 

cao    fup.  a:. 

Muiti  à  nobis  admoniti  fupcr  rcconciliaiionc  ,  ubi  obtempciar 
r.on  placebat  ,  hanc  excurationem  pizccndeianc  ,  qua?  nihil  aliu 
l'Jit  quam  prïcexcus  ipforum  malici-r  ,  nolle  fciliccc  fe  réconcilia 
tionein  ,  ne  detcriorcin  immieum  taciant  ,  ne  acerbiorem  pofte 
oc  îTia;;.;r£m  cju.s  contempcum  experiantur  .  .  .  cceieium  omnia  ifti 
yana  lune.    S.  Chnfoji.  hom.  n.  ad  Ptp.  yint . 

iflapr^ccpca        AivSi  dans  la  con-duice  qu'on  doii 

magis  ad  prae-  j  /-  ■  -i 

parl-jonem  cor-  garder  eiivcrs  les  ennemis  ,  il   er 
ois,  qiiaî  intùs  faut  revenir  à  la  re^le  que  iàiiit  Au- 

Cl  ,  peainere,  ni  r        ^         r  '■^ 

qaaui  ad  opus  gultm  dcnuc    lur    ce  lajet  ,     quiJ 
quod  in  apcr-  faut  avoii  pour  eux  la  charité  dans 

tû  nt J  uc  tenea-    i  ^     .      f  i    •        -    i» 

tur  in  fecreco  «.  le  co£ur  ;  mais  le  conduiie  a  1  exte- 
jumi  patientiâ    neur   de  la  manière  qui   leur  peut 

«umbcnevolcn-    a  ,  ,  .,  ■'■  ■*■ 

tiâm  manifeftè   CtrC    la    plUS  Utile. 

autem  id  iîat 

quod  eis  videcur  prodeflc  poflc  ,  quitus  bcne  ytWz  debïiaus.      ^, 

"'^i*  '{>  î*   **^  MaTe<l,tniim. 


ENVERS    LE    PROCHAIN.  ^Ip 

S'il  cil:  donc  unie  à  nos  ennemis    Adhocenîm 

j         ,  •  c        J         1  L  ^    ^^^^  pr^ccptÀ 

le  les  prévenir,  &  de  les  recher- pertinent, alce- 
her,  on  ne  voit  pas  que  l'on  loit  "'^^,  p^cutiem» 

.  1  1-     '       1       1       r   •  praebendam  clic 

noms  oblige  de  le  hure  ,  que  de.  maxiiiam ,  vo- 
eur  tendre    l'autre    joue  ,  luivant  ^'"''^"f'"^'^" 

'  '  nicain  danaum 

Evangile  ,  de  de  loumir  qu  il  nous  etiam  paiiium , 
lépouiUent,  Or  iaint  Au^uftin  en- ^,^^^ /^"^Jf  "[| 

.1      ^  ^     r         _      ^  f       ^    .  auplicanda   via 

eigne  qu'on  doit  être  prépare  a  ob-  hocqmppe  fit, 
erver  ces  préceptes ,  s'il  étoit  ne-  JJ^  nS""".  ^^' 
elîaire  de  le  faire  pour  le  falut  de  tune  cnim  re£ic 
os  ennemis.  Ainfi  quand  on  dit  fj/^-^'^^J^';^" 
[u'on  n'eft  pas  obligé  de  prévenir  mm  elle  prop- 
eux  qui  nous  ont  oftenfez ,  cela  fe  op?randam'  în 
oit  entendre  ,  ou  qu'on  n'y  eft  pas  eo  correûioneiii 

11'  ■    n  1  acQue  concor- 

blige  par  jultice  ,  ou  que  cela  ne  ^,-^._^_.  .P3,a, 
mr  eft  pas  ordinairement  utile  j  tus  itaquedebec 
uilque  leur  véritable  bien  ,  cit  de  ^  ^^^^  ^  patien- 
econnoître   leur  faute  :  mais   cela  ter  eorummaii- 

r       J     •  J  5  3      nam   lufHijicre, 

e  le  doit^  pas  entendre  qu  on  n  y  ^^,^,  fien  bonos 
oive  pas  être  difpofé  ,  fi  cela  étoit  qua:m.  i.  ^«^. 
eceifaire  pour  les  gagner  à  Dieu. 
.ar  on  ne  pourroit  y  manquer,  fans 
référer  un  relTentiment  humain  au 
dut  de  Ton  frère  ,  ce  qui  eft  un 
snverfement  vifible  de  l'ordre  de 
i  charité. 

D,  Eft-il  toujours  défendu  abfolu- 
lent  de  punir  ceux  qui  nous  ont  of- 
é. ,  &  ne  le  peut- on  faire  fans  veii- 
eance  ? 


4^0     De  la  Chariti' 

Non  foîat»        j^^   Ce  n'eft  point  une  a(flion  d 

Cleo  qui  dat  c-  ^  .  ^  . 

fuxicna  cibiim  ,  vengcancc  5  mais  une  vraye  actioj 
fitienti  potuai     ^fg  charité  qùc  de  les  punir  ,  quan^ 

,      ,    vcrum   c-     ,,  ^  ,      ^  ^ 

tiam  qui  dat  ve-  d  unc  part  on  ne  S  y  porte  que  pa 
niam  peccanti,  [q  ^[gfjj-  ^q  profiter  à  ceux  ou'on  pu 

dac  ;  5c  qui  c-  nit ,  &  de  1  autre  que  1  on  a  auton 
inendacvcrbere  té  de  Ic  faire.  C'eft  ce  que  faint  Au 

m  quern   potef-  n-  J       •  J  XT 

tasdacur,  vei  gultin  decide  en  ces  termes  :  No 
5'^".'^"  '^^^'î^/    leulement ,  dit- il,  on  pratique  Tau 

ditciplina,   &  ^  '  'Il 

taïuenpcccacum  moue  par  les  autres  œuvres  de  mi 
loTïfus^au  ^of  ^^î-'icorde  ;  mais  on  la  pratique  me 
fcnfuseft,  di-  me  en  châtiant  ceux  qui  lont  loi 
vei  ora'u  °c^  ^'^  ^  ^^^^te  puifTauce  ,  ou  par  de 
dimittatui-,  non  coups  ,  OU  par  quelque  autre  voy< 

foluai  in  CD  1       z*^     5  \    ■  rC  i        ' 

quodd.miuic  loiiquon  ne  laifle  pas  pour  cela  c 
atquc  orat ,  ve-  pardonner  du  fond  du  cœur  la  fai 

rum  eciaai  in  eo  i  11-1  ^       ce      C^ 

quodcorripic,  te  par  laquelle  il  nous  ont  ofrenle 
^  aiiquâ  emen-  &  de  prier  pour  celuy  que  l'on  chi 

datoria  vltCtit        •         r\  i  •  ri 

pcenâ ,  eieemo  tie.  On  ne  la  pratique  pas  leul( 
fynam  dac,  quia  ment  par  le  pardon  que  l'on  accoi 

mifericordiam       •  ^  i  •'^  .  i>         r 

pr^ftat.  Muica  dc  ,  OU  par  Ics  pricrcs  que  1  on  ta 
cnitnbonapL^.  pour  luv  ;  mais  auiîi  par  le  chat 

llantur  inviti?,  ^  •'      ,,         r   •       i  i       ^    i-r  • 

quando  eorum  ment  que  1  On  rait  dans  le  deliein  c 
confuiiiuruciii-  Jç  corriger  ,  parce  qu'on  le  fait  p; 

tati     nonvo-  r-i-r-  i        /->        -i 

luntati.  S.  ^ug.  un  eiprit  de  milericorde.  Car  il  y 
tiiihir.cyi'  beaucoup  de  biens  qu'il  faut  fai 
aux  gens  malgré  qu'ils  en  ayent ,  c 
fe  réglant  dans  ce  que  l'on  fait  poi 
eux  3  plutôt  par  leur  véritable  bien 
que  par  leur  inchnation. 


I 


ÏNVERS   LE    PROCHAIN.  45Î 


CHAPITRE    VI. 

Dfs   devoirs  parncuiiers  de  la 
charité  envers  le  froshain. 


D,  /^Uelles  adions  ,     Ôc  quels 

V^  devoirs  doivent    naître  de 

cette  dilpolition  de  charité  où  nous 

devons  être  envers  le  prochain? 

i?.  On  peut  dire  en  gênerai ,  qu'il 

^  faut  faire  envers  le  prochain  ,  tout 
ce  que  Ton  doit  faire  pour  ceux 
que  Ton  aime  ;  &  que  i'ipn  ne  doit 
pas  faire  au  prochain  ,  ce  que  l'a- 
mour véritable  empêche  de  faire  à 
ceux  que  Ton  aime. 

Ainii  l'amour  eft  la  règle  de  ces  de- 
voirs :   il   défend  certaines  actions , 

1)  il  en  commande  d'autres ,  tant  inté- 
rieures ,  qu'extérieures. 

Il  défend  ,  par  exemple  ,  de  mé- 
prifcr ,  de  contrifter ,  de  fcandaii- 
fer  le  prochain  ,  de  le  formalifer  , 
ôc  de  s'impatienter  de  les  défauts  ; 
jd^  le  rebuter  par  impatience  ôc  par 
dédain  3  6c  en  un  mot,  de  luy  nuire^ 


45 X.       I^E   LA  Charitb* 
en  quelque  manière  que  ce  roic. 

Il  commande  de  le  fupporcer  ,  d( 
l'honorer  ,  de  l'afîifter  Ipiritucile- 
menc  &c  corporellement  :  ce  que 
faine  Augudin  réduit  à  deux  devoir: 
généraux  ,  dont  il  appelle  le  pre- 
mier remède  ,  &  le  fécond ,  difci 
pli  ne.  Aïedicina  &  dlfcivlïna, 
D,  Qu'cft-ce  que  ce  faint  Dodleu 
^    .  entend  par  le  mot  de  remède  ? 

coipori,  p^airiai     A.  Il  entend  tout  ce  qui  remedi<  ^ 

Ycroanim^ho-   ^,^^   befoinS   du    COIOS  ,    ^    OUI    COH- 

minis  beneracit,  ,  l      '  I 

qui  pio-Timum  triDUc  a  la  comervation  ;  Ôc  ainl 
diiigic.  Ad  cor-  ji  coi-^-jprend  fous  ce  mot  ,  non  feu 
ner,  medicina  iement  ics  rcmcdes  deia  mcaecme 
!^?'"'"^,^^ ^'\'    mais  auiïi  la  nourriture,    le   vête 

ad.  animain  au-  ' 

tcm,  difcipiina.  ment ,  ie  logemeiit ,  la  protecflion 
'ïc  ^o':;:;?.  l^  'léfcnfc,  &  enfin  tous  les  fem 
quid  omnino     ces   que   la  coniDaffioii  nous    peu 
:u7:a  laftat  foi'-e-  rendre  au  prochain. 
vat  laïucem.  Ad      J),   Qu'entcnd-ii   par  le   mot  d 

liane  itaque  pet-    ^^  r  ■    v 
tincnt,   nonea^liCipline; 

tancum  quî  ais     R^  \\  entend  tout  ce  qui  efl:  necei 

corum  exhibée  ,   r  •  -i  ^     T 

qui  proprie  me-  ^^^^^  o"  Utile  pour  procurcr  la  lan 
dici  nominan-    fé    de    Tame  ,    &   il    la    réduit 

tur  ,  fedetiam      i  i      r  ■<     i  n  • 

cibus  &  potus ,  deux  chefs  ;    a  la  cor^dtion ,  pa 
teginen  ôc  teaa,  laquelle  on  tâche  de  le  toucher  pa 

cletcnlio   deniq;  i      -'^        .  r^      m-     n        r\  ■  i 

ou;nis   atque    1^.  Crainte  ;  &  1  inltruccion  ,  par  1? 
naunitio  ,  qui  quelle  on  s'efiorce  a  l'attirer  pa 

noltiurn  COI  pus  A  *■ 

advcrrus    etum  i  amOUr.  IJ 


ÎKVÊILS    LE    PÊ.OCHAIN.         455 

D.  En  combien  de  manières  peut-  «t^fn«*  \*^' 
Dn  nuire  au  prochain  ?  ^  tur . .     qjoi 

R.  On  peut  nuire  à  Ton  corps  ,  à  aaccm  accuicc  al 
:on  ame ,  a  les  biens  ,  a  la  repuca-  pei  qua'u  ipii 
:ion  ,  à  fes  parens  ,  à  fes  amis ,  Se  -^^ ,'-';,",, 
autres  chofes  femblables.  animi  medicmi 

Il  n'eft  pas  necefTaire  de  parler  ici  t;^';^ 
iu  dommage  temporel    qu'on  peut  divmis  coUigi 
apporter  au  prochain ,  à  Ton  corps,  à  a.ftî.CjJ^^^ 
fes  biens ,  à  fa  réputation ,  6cc.  par-  cociduoncm^sc 
:e  que  cela  fe  trouve  renfermé  dans  co^e'cki^  dmi- 
[es  autres  préceptes  du  Decalogue.  rc,inftruûio 
Mais  on  ne  peut  trouver  de  lieu  plus  Hcuur^^!^!^-^! 
Favorable   que  celuy-ci ,  pour  par-  àc  mor.  Eeeiej. 
Qv  des  dommages    Ipirituels  qu'on  "''^'' '  **  ^^* 
luy  peut  caufer.     > 

£>,  Comment  s'appellent  dans  le 
langage  de  TEglife  ces  dommages 
fpirituels  que  Ton  cauie  au  pro- 
chain ? 

R,  Ils  s'appellent  fcandales  ,  c'cft» 
à-dire  ,  des  occafions  de  chute  ;  ôc 
cela  arrive  lorfque  par  quelque  ac- 
:ion,  quelque  parole  ,  ou  quelque 
Dmiiïion ,  on  donne  au  prochain  oc- 
cafion  de  chute  ,  où  on  le  difpofe 
à  tomber  ,  on  afrbiblit  en  luy  les 
vertus  3  on  obfcurcit  les  lumières , 
on  l'engage  dans  l'erreur.  Et  com- 
TQ?ac  IL  O  o 


45+  De  l'A  Charité' 
me  ce  dommage  eft  oppofé  dû 
redement  à  la  fin  de  la  charité  ,  qui 
eft  d'aider  en  tout  le  prochain  à  s'a- 
vancer dans  la  voye  du  falut ,  il  eft 
important  d'en  traiter  ici. 


ENVERS    lE  PROCHAIN.         435 


SECTION   PREMIERE. 

Du  fcartdale  ,  ^ui  ejl  le  principal 

dommage  fpirituel  quon  peut 

apporter  au  procbam- 


-CHAPITRE    PREMIER. 
Des  diverfes  fortes  de  fcaniales* 

jD.  •^Ombien  y  a-t-il  de  fortes 
Vw/de  fcandales  ? 

-^.Il  y  en  a  de  deux  fortes;  l'un  que 
l'on  nomme  fcandale  pris ,  bc  Tau- 
tre  qu'on  appelle  icandale  donné. 

D.  Queft-ce  que  le  fcandale  pris  ? 

R,  Le  fcandale  pris  ,  eft  quand 
-quelqu'un  par  fa  mauvaife  difpo- 
ficion,  prend  occafion  de  faire  quel- 
que faute  des  actions ,  ou  des  paro- 
les des  autres ,  quoy  que  ces  ac- 
tions &  ces  paroles  foient  non  feu- 
lement innocentes  en  elles-mêmes, 
xnais  qu'elles  n'ayent  rien  qui  porte 
au  mal,  ^  o  ij 


43<3      I^  E   la'Charite-" 

D.  Qu'entendez- vous  par  le  fcan- 
dale  donné  ? 

R.  Le  fcandale  donné  efl: ,  quand 
on  porte  quelqu'un  au  mal ,  ik  que 
l'on  luy  donne  occaiion  de  pcché  , 
par  quelque  adlion  ,  ou  quelque 
parole  déréglée  ,  ou  qui  en  a  l'ap- 
parence. 

§.    I. 

Dufca^dalc  pris  ,  ou  du  fcanddU 

T>.  Il  eft  bien  clair  que  le  fcandale 
eft  toujours  un  péché  dans  ceux 
qui  font  fcandalifez.  Mais  Teft-il 
toujours  dans  ceux  qui  fcandalilcnt 
les  autres  ? 

R.  Puifque  fuivant  l'Evangile ,  Je- 
fus-Chiift  luy-même  a  Icandaliic 
les  Juifs ,  toute  forte  de  fcandale 
pris  ,  n'eft.  pas  un  péché  dans  ceux 
dont  on  prend  fins  raifon  lujet  de 
fe  icandalifer.  On  ne  doit  pas  croi- 
re néanmoins  que  quoy  que  le  Ican- 
dale  foit  injufte  ,  il  n'y  ait  jamais 
de  péché  a  en  donner  occafion. 

JJ,  Quand  peut- on  croire  que  l'on 


ttiVlKS     LE    PROCHAIN.          4^7 

rft  ,  ou  que  l'on  n'eft  pas  exempt  de 
■auce  ,  quand  d'autres  fe  fcandali- 
enc  de  quelques-unes  de  nos  ac- 
ions  ,  ou  de  nos  paroles  ? 

^.  On  doit  le  régler  fur  cela  par 
îivcrfes  décidons  que  les  Pères  ont    Dic*mrer»o> 
•aites  de  divers  cas.  ven.mi,   mari. 

Sanit  Auguitin  enieigne,par  exem-  qu^^ftio  uc  di-  " 
île  5  dans   le  livre  du  don  de  perfe-  "^^"^  impeiiit , 

V    1,/  1     j       r  11  •  &  capiant  qui 

^erance  ,  a  1  égard  du  icandale  qui  pcflUnc  _,  ne 
laît  de  la  publication  de  la  vérité  :  ^^""^  -^^'^^  "'^s- 

^    ,.,     r  ^j.  1  .    r         ^       n  tur  propcer   eoi 

3uii  tant  dire  la. vente  3  lorlque  c^va  capcre  noi 
melque  difpute  y  en^a^e  ,  afin  P'^'^^^""^  »  ^^-^  ^ 
îu  elle  lo]t  entendue  par  ceux  qui  haudemur,  ve. 
•n  font  capables  ,  de  peur  qu'en  la  ^'^^^^^  =-^2-^^-'^^«- 

^        X  -     ,  ^  -i        .  tare  capunuir  , 

uppnmant,  a  caule  de  ceux  qui  ne  uui  rerum  ca- 
a  comprennent  pas ,  ceux  qui  font  P°-^^f,?  cavea 

.  ^  ,      i        '  ^  tur^taliius  p  jf- 

apabîes  de  la  comprendre  ,  non  fun: . .  .  se'da- 
eulement  ne  ioient  privez  de  cette  ^^"^  ^°' 

^er3te  ,  m.ais  loient  expolez  a  être  Ha  veram  di- 
inpris  par  l'erreur.  Le  même  faint  ^*,^^-^  ^'"'^'^'^'^ ■ 

ri  ^  Caulas  vcran 

Vueuft^n  reconnoit  néanmoins  que  tacendi  lon^a  n 
■eft  une  raiion  iufEfante  pour  taire  tT'"Z'^"" 
a  vérité  ,  que  d'avoir  iujet  de  crain-  ^^incn  at  Sc  a .-. 
Ire  qu'en  la  publiant  ,  on  ne  rende  ^.^^mus  co^^ !' 
>ires  ceux  qui  ne  Tentendent  pas  ;  ^oa  inteiii-^ 
►ourvu  néanmoins,  dit-il  ,  qu  en  L,,,,^  eos  q  .1 
a  fupprimant,  ceux  qui  ieroient  ca-  inteUigun-tfacc- 
)ables  de  1  entendre ,  loient  ieule- qui  nobis  aii 

O  o  iij 


438       E>ï  l'A  Chariti* 
^uid  taie  tacen.  meiit  privcz  d'unc  connoilîancc  utî- 
quidcnonfiùt,  1^3  niais  11  Cil  deviennent  pas  pires. 
fcd  nec  pcjoies  Mais  fi   par  la  fuppreflion  de  la  ve- 

fiunt.   CLim  au-      .    /  •*•  .     ,    ^  ^ 

tcm  resvcia  ita  Htc  ,  ccux  qui  la  pourroicnt  com- 
je  habet ,  ut  fiac  pi-çj-icli-g  çj-^  deviennent   pires,     ce 

f  e>or  nobis  eain  ^r-  .         t>.     r^  j/    1  ^1    >       r 

eliccntibus ,  il-  laHit  Dodceut  déclare  qu  il  la  faut 
le  qui  capcic      ^[^q  abfolument. 

tisautem  tacen.  Ur  ce  que  laiiit  Augullin  décide 
tibus    iiie  qui  ^e  1^  connoilTance  de  la  vérité  ,  fe 

potcft   :    quid  n-  1 

putamusefiefa- peut  appliquer  aux  actions  bonnes 
^e"ptc;:]seft ai:  d'el'«-mcmes  ,  qui  peuvent  édi- 
cendum  veium,  fier  les  uiis ,  ôc  qui  fizandalifent  les 

râfc^p^:*;"  a"""  ;  &  il,  '^emble  qu'on  les  doi- 

lacenduin ,  ut  ve  ,  OU  pratiquer  ou  omettre  dans 
ïxnbo°  nSi  'i.  ies  mêmes  cas  ,  ôc  félon  les  mêmes 

f  iunt ,  verum     règles. 

«nT^ent7orfipfe  ^^^^^^^  ChryfiDftome  propofe  une 
iitpejoi.  S.      règle  à  peu  prés  femblable. 

u^«?.   de  dono  ^^  1        1  •  tv  C   • 

ferf.  c.  16,  Quand,  dit  ce  Père  ,  on  peut  taire 

Quando   ma-  P^r  quclquc  a^iou  ,   quelque  grand 

ignum  aiiqiiod   profit  fpirituel  ,  qui  fiirpalfe  le  mal 

îucrum  obvene-         ,11^         r      ^  •      >  r 

lit  &  damno  &  qu  elle  caule  a  ceux  qui  s  en  Ican- 
piagâmajus  c5-  (j^lifent  faus  raifou  ,   on  peut  mé- 

»emncndi  lunt  ,        .^       ,  ^  ,,         -.x-  !• 

^ui  icandaium  priler  kur  icandale.  Mais  quand  i. 
pauunturiquan-  ^'^^-^  arrive  autre  chofe  ,   finon  que 

clo  autem  nul-  r     ^  \  r  r 

liim  fuerit  am-  les  foiblcs  eu  lont  tenverlcz ,  quo^ 
îiius,  quam         .j|  s'en  bleileut  ,  &  ne  s'cr 

<^uod  inhiniiab-     1  .  '  •  . 

jicientur.etiamfî  ficandaliieut  quc  par  ignorance  ,  i 
;ude"ïï  tec    faut  les  épargner ,  dit  ce  Père  ,  dar. 


ÏNVERS    LE    PROCHAIN.       459 

.a  crainte  du  châtiment,  dont  Dieu  pacianîur   illi, 

parccnau.îi  eis 

nenace  ceux  qui  donnent  aux  autres  erK:qaoaia.n  & 
des    occafions    de    fcandale    Ôc   de  dc^^  ^ds  ,   qui 

^  iinpellanc  la 

:nute.  lapfjm  &  deji- 

ciur.c  ,  lac  à  fca- 
cntiâ    fupplicii  puniet     .S".  Chryfojt.  t.  j.   verfut  m-d. 

Saint  Thomas  diftini^ue  deux  lor-    i"  his  aate  m 

,        /-         I    1  1     ^  ,-  1    1        j        Ipiricualibas  bo- 

tes de    icandaie    ;    le    icandaie  des  ^^s ,  qj.e  non 

Pharifiens,  qui  naît  de  malice.  Se  ce-  ^'^^'^  f^f  necem. 

,  ,        ^    .,  /       -,       ,  .  .         A     race   lalatis    vi- 

iuy  des  toibles  &  des  petits,  qui  naît  detardiftingué- 
d'isinorance.   Il  prétend  que  le  fcan-  ^^v"*  Q^'v^^- 

,p,         r-iin  -r        rr    dai^î^  quoi  ce 

dale  aes  toibles  clt  une  raiion  lut-  eis  ov.ruv.quia. 
filante  d'omettre    les  bonnes      ac-  ^o'î^^ 


ex  ini  ;  - 


,Y-  .  -ri  o  A      tia  procedic  .  .,. 

tions  non  neceiiaires  alaiut ,  &  me-  &hoc  eà  icaa- 
me  de  perdre  les  biens   temporels.  ^^^""^  ^^^"., 
Mais  iJ  ne  veut  pas  qu  on  loit  oblige  doctnaâ  D>ini- 
à  ce  même  devoir  ,  a  caufe  du  fcan-  f  '  fcandaii.a- 
Claie  qui  vient  de  malice.  ciT.-concc:nnea- 

dum  Doaiinii  n 
docet  Matths-i  if.  Quandoque  vero  fcandaîum  procedit  ex  infîr 
m'tate  j  vel  ignoranna.  Et  hujafmodi  eft  Tcandalum  puGllorim  , 
piopter  quod  u:nt  fpivicualia  bona  vel  occulranda  ^  vci  eciani  in- 
tcrdaiîi  dlfFsrenda  ^  ubi  periculum  non  in^minet.  S.  Th.  1.  z,  q- 
43.  à   7.  »•)   (("T. 

Si  enim  fcanda.lam  ex  hoc  o'iatui'  prcpter  isçnorantiam  ^  vsî  in', 
firmitarem  alioium  ,  quod  fuprà  dixinms  cÀe  fcandalan  palîUo- 
rum  ,  tune  vel  totaliter  dimittenda  funt  tcmpoiaiia  ,  vcl  aliter  le- 
dandam  eft  fcandalum.    îbu\art,   8.  m  cerp, 

D,  Pourquoy  n'eft-on  pas  obligé  à 
ce  même  devoir  pour  quelque  fcan- 
dale que  ce  foit ,  puifque  la  charité 
Veut  que  Ton  préfère  le  bien  fpiri- 

O  o  iiij 


440      De  la    Chamti* 
tucl  du  prochain  à  nôtre  bien  tem- 
porel ? 
Aiiquandovc-     /*.  Saint  Thomas  répond,  que  ce 
iâfi^rr'etl  feioit  nuire   au  bien    publ.c   ,    que 
Jitiâquodert     d  abandonner  aînfi  fou  bien  aux  mé- 
ïifxoiuin.   tt     C"^^'^s  i  parce  quils  en  prcndroient 
propter  60^3  qui  occafion  de  troubler  la  focieté,  &c 
citant,  non  lunt  ^^^  de  pIus  OU  nuuoit  a  ceux   qui 
xemporaiia   di-  Tont  pris  injuftement ,  parce  qu'ils 

initcenda  :  quia  j  •  j  i  L  ' 

hoc&  noccret  demeureroient  dans  leur  pèche,  en 
bonocoinmuni:  retenant  des  biens  qui  ne  leur  appaf- 

caretur  eni.n        ^-        j       •       ^  o 

iiia  is  rapiendi  t^endioiei)^  pas  ;  6c  pour  appuyer 
occaiio,  &  no-  fou  lentiment ,  ce  Père  cite  (ur  cela 
iihus'fq*ured-  "'^  palLige  de  faint  Grégoire,  qui 
ïiendo aliéna^  in  porte  ;    Il  v  a  Gueîques-uns  de  ceux 

pcccacoiemanc-         •  iT  ^  L-  »l 

xtnc.  unde  Gie-  ^^^  ravilleut  notrc  bien  ,  qu  il  en 
gorius  dicic  in  faut  empêcher  ,  non  par  la  leule  vue 
^inf 'tc^pora^  ^^  le  coulerver  ,  mais  par  la  crain- 
lia  à  nobisra-  te  qu'ils  lie  fe  perdent  en  s'envparaiit 
SVum  coTc'.  ^^  bien  d'autruy. 
xandi  :  quidam     Or  ce  quc  faiiit  Thomas   dit  des 

veto  zquitatc      i  •  ,  i  i-  '•    ^   ^    rn 

iVrvatà  piohi-  biens  temporels  ,  le  peut  aire  aulli 
bendi  :  non  fo- àes  bouues  adlions.   Car  il   Icmble 

lâcurà  ne  noftia  r        •  i  •  vr 

fubcràhanrar  ,  ^^^  ^^  leroit  nuire  au  bien  public , 
fcd  ne  rapicnres  {[  Ton  vouloit  s'abfteuir  de  bonnes 

r.on  lua  lemec-       r^-  i         /-    •  > 

if fos  perJar.i      actions  toutes  ks  fois   qu  on  prévoie 

^*"^'  que  des  gens  s'en  fcandaliieront  par 

une  pure  malice.   Mais  comme  ces 

faints  Dodeurs  ne  préfèrent  au  fcan- 


ÏNVERS    lie    PROCrtAIh/,       44X 

dale  même  des  Phaiificns  ,  que  les 
bonnes  avions  ,  ou  les  biens  tem- 
porels dont  on  peut  fiuve  un  ufage 
de  charité  ;  il  s'enfuit  qu'il  faut  o- 
mettre  pour  éviter  le  fcandale,  tou- 
tes les  allions  indifFerentes  ,  ôc  qui 
ne  font  pas  d'un  grande  utilité  ,  de 
qu'il  faut  perdre  même  des  bienî 
temporels  ,  lorfque  cette  perte  efb 
moins  confiderable  que  les  péchez 
qui  arrivent  de  ce  que  Ton  les  veut 
conferver.  Car  ce  fcandale  des  Pha- 
rifiens  eft  toujours  un  mal,(5c  il  offen- 
fe  Dieu:or  il  eft  certain  que  pour  évi- 
ter que  Dieu  ne  foit  ofFenfé^nous  de- 
vons fans  doute  renoncer  à  toutes  les 
chofes  indifférentes,  quelque  incli- 
nation que  nous  y  ayons  ,  de  perdre 
même  les  biens  lorfqu'ils  lont  moins 
confiderables  que  ce  péché.  Que  fî 
nous  ne  le  devons  pas  toujours , 
c'eft  que  cette  perte  que  nous  fe- 
rions ,  feroit  quelquefois  nuifible, 
ou  à  la  focieté  publique  ,  ou  à  ceux 
même  qui  nous  la  caufent. 


442.    Dï  laCharitï' 
§.    II. 

Dfi  fca^dale  donne  ,  ou  du 
j  caudale  Mi  if. 

D.  Cette  de  forte  fcandale  eft-i 
toujours  péché  ? 

R.  Il  eft  clair  qu'il  y  a  toujours  di 
péché  dans  cette  forte  de  fcandale 
puifqu'on  entend  par  fcandale  don 
né ,  une  adlion  déréglée  ,  ou  qui  i 
apparence  de  dérèglement ,  &  qu 
porte  d'elle-même  au  péché  les  au- 
tres ;  or  cela  ne  peut  jamais  étrt 
permis, 

D,  Le  fcandale  eft-il  toujours  pé- 
ché mortel  ? 

-^.C'eft  un  péché  ou  mortel  ou  vé- 
niel ,  félon  que  les  pcchez  où  l'on 
engage  les  autres  font  mortels  ou 
véniels.  Mais  quand  on  fait  mourir 
Tame  de  fes  frères ,  on  ne  peut  dou- 
ter que  ce  ne  foit  un  très-grand  pé- 
ché. Car  c'efl:  un  homicide  fpirituel, 
beaucoup  plus  criminel  de  loy-mê- 
me  ,  que  les  homicides  corporels. 
C'efl:  faire  mourir  Jefus-Chrifl:  miê- 
me  dans  les  âmes ,  &:  rcnouyeller  ic 


ÎNVFRS    LI   PROCHAIK.  44J 

rrime  d'Herode  ,    qui     voulut   tuer 
Jeius-Chrifl:  dans  les  enfans. 

O,  Quelles  erreurs  y  a-t-il  dans  le 
commun  du  monde  fur  le  fujec  du 
fcandale  ? 

7(,  Il  y  en  plufieurs. 

Premièrement ,  on  ne  prend  pour 
fcandale  &  pour  action  fcandaleuie, 
que  ce  qui  choque  les  hommes ,  de 
qui  eftimorouvé  du  comm.un  du  mon- 
de ,  comme  le  font  les  dereglemens 
grofîiers  ,  &  les  vices  qui  font  hor- 
reur. Mais  on  ne  dit  pas  que  des 
dereglemens  palTez  en  coutume  ,  <5c 
autorifez  par  la  pratique  ,  foienc 
fcandalcux  ;  parce  qu'on  ne  les  dé^ 
fapprouve  pas.  Ainfi  on  ne  dira  pas 
d'ordinaire  que  l'ambition  ,  l'amour 
du  bien ,  le  luxe ,  &  les  parures  foienc 
des  péchez  Icandaleux  j  parce  que 
ces  vices  font  peu  defapprouvez  dans 
le  monde.  On  ne  dira  pas  qu'une 
fv^mme  du  monde  qui  va  à  la  comé- 
die ,  qui  paife  fa  vie  dans  des  diver- 
ti Ifemens  aufquels  le  monde  n'a  pas 
attaché  de  deshonneur  ,  vive  fcan- 
daleufement.  Cependant  on  le 
trompe  fort  dans  ces  jugemens.  Les 
vices  qui  font  condamnez  de  tout  le 


ne: 

do:. 


k^ 


444.      De  la  Charité' 
monde  ,  (ont  des  péchez  ,   mais  ils 
en  font  d'autant  mains  fcandalcux  , 
qu'ils  font  plus  defapprouvez,  parce 
qu'ils  ne  font  tomber  perfonne.Mais 
les  Icandales  les  plus  grands  Ôc  les 
plus  dangereux  ,  font  ceux  qui  font 
les  moins  dei approuvez,  &  aufquels  L 
on  fait  moins  de  reflection ,  parce  l- 
qu'ils  font  plus  tomber  de  monde,  ôc 
qu'ils  font  plus  occafion  de  chute,  en  y 
quoy  confifte  la  nature  du  fcandale. 
Ainiî  rendre   les  vices  aimables ,  y 
attirer    le    monde  ,     en    diminuer 
l'horreur  ,  en  étouffer  le  fcrupule  , 
aatorifer  les  gens  dans  le  vice  ,  c'efl 
la  proprement  ce  que  l'on  doit  ap- 
peller  fcandale. 

£>,  Les  vices  qui  font  horreur  à 
tout  le  monde  ,  ne  doivent-ils  donc 
point  palfer  pour  des  fcandales  > 

^.  Ce  font  aufli  des  fcandales,  Ôc 
de  très-grands  fcandales,  parce  qu'ils 
deshonorent  TEglife  ;  ils  donnent 
fujet  aux  hérétiques  &  aux  libertins 
de  luy  infulter,  ils  confirment  dans 
le  vice  ceux  qui  y  font ,  &  donnent 
occafion  d'orgueil  à  ceux  qui  n'y  font 
pas  engagez.Car  les  vicieux  s'autori- 
fent ,  ôc  s'appuyenc  toujours  iur  la 


ENVERS    LE    PROCHAIN.        445 

iiultitade,  ôc  les  gens  de  bien  pren- 
nent louvenc  un  fujec  de  préfomp- 
:ion  ,  parce  qu'ils  lont  exempts  de 
:es  vices. 

Mais  de  plus.  Dieu  ne  mefure  pas 
les  Icandales  par  les  leuls  elîets  qu'ils 
:aurent  ,  de  il  n'imputera  pas  feule- 
nent  aux  hommes  les  luites  eflec- 
îives  de  leurs  a6tions  ,  mais  aufîi  les 
effets  pofîibles.  Ainfi  il  fuffit  qu'une 
lâiion  ioit  mauvaiie  ,  pour  pouvoir 
être  appeliée  Icandaleufe  ,  parce 
que  quoy  que  perfonne  ne  Timite 
e-fFedlivement ,  elle  peut  néanmoins 
kre  imitée. 

D,  Y  a-t-il  quelques  Pères  qui 
ayent  enfeigné  cette  dodrine  ? 

^.  Saint  Auguftm  l'en  feigne  for-  Dico  catûati 
mellement  dans  le  livre  des  Pafieurs,  diœ^%cïvr 
ôc  il  l'enfeiene  d'une  manière  doe-  vuncores,  etfî 


'^'^-^  — "-  — ^ 


fortes  luru  oves 


matique,  qui  ne  tient   rien  de  le-  .nveiboLomi- 
xacreration.  Je  déclare  à  vôtre  chari-  ru  ,s^  tenemii- 

^/*"j-      -1  •••111  lud  quod  audic- 

te,dir-il  i  ouy ,  je  le  déclare  encore  ranc  àLonano 
une  fois ,  que  quoy  que  les  brebis  ^""o ,  qua  di- 

f'   •„    ^      •  ^  5    11         r    •  curi:  tacite  quae 

Oient  Vivantes ,  quoy  quelles  loient  autem  taciurt 

fortement  attachées  à  la  parole  de  ridu-e  h  cereita- 

l'A-  c  »    11  ^  n^er  qui  in  con- 

Dieu,  <x  qu  elles  pratiquent  ce  que   ,ped'u  ^puii 
le  Seigneur  jkur  a  dit  :    Faites  ce  n^aievivit.quâ'. 

>i     ^  fjK^  o         }■      '  tum  in  eo  efî  , 

quils  vous  dririit ,  ôc  nimitez  pas  eumàciuoas- 


44^       E)e  la  Cmaritê* 

cendi'turoccidit.  Icurs  adlions  ;  celuy  néanmoins  qui 
Nonfibiergo      ^  la  vûé  du  Dcuplc  inenc  une  niau- 

blandiacur,  quia         .  r.  r      \ 

iUenoncftmor- vaile  vic  ,  caulc  la  morc  autant 
tuus  ht  lUe  VI- qu'il  ef^  en  luy  ,  à  ceux  qui  le 
vu  ;  &ille  ho-    ^  r^    >\  C     a  j     ^ 

micidaeft.Quo-  voyent.  Qu  il  ne  le  rlatte  donc  pas 
modo  cum  laf-  ^^  ^^  çr^^  ccluv  qui  a  été  fpedtateur 

civus  homo  in-    ,/-       ^  ..-•'.*       ,  ^   >^ 

tendu  ix  muiie-  de  la  mauvaile  vie,  n  en  elt  pas  mort, 
icm,  ad  conçu.  L^  \y^^\y\s  eft  vivante,  &  le  Pafteur 

pifccndumeam,  '        . 

cccc  lUa  catta    ne  laiiie  pas   d  être  homicide  :    De 

cft ^ftT^*^^^  fie  ^^^^^"'^  ^^  quand  un  homme  dere- 
omnisqui  maïc  glé  jette  fut  uiie  femme  des  regards 
tTu^^uf  impudiques  ,  la  femme  demeure 
buspra-pofuus  chafte  j  mais  cet  homme  nelailîe  pas 
fp'k.^rôSÛ  d-êcre  adultère.  Celuy  donc  qui 
&  forces  oves.  imite  un  mauvais  Pafteur  ,  perd  la 
^;  'Sonc'ù^  vie  de  l'ame.  Celuy  qui  ne  l'imite 
milum,mor:tur,  pas  ,  nc  la  perd  point  j  mais  le  mau- 
tTrvîviî  Tw-'  vais  Pafteur  ,  autant  qu'il  eft  en  luy, 
men  quantum    gft  houiicide   dc   Tuii    6c  de   Tau- 

^ad  illuin   peiti- 
net ,  ambos  oc-  tre. 
cidic«   Et    qiiod 

çrajJU.n  eft  ,  inqiiic  ,    inîerficitis  ^  •v#i  mtAi  nonpafcitij.     S,  ^n^. 
dc  'Paft,  c.    4. 

Neque  enim       Saint  Chrvfoftome  parlant  des  pe- 

fuorum  tantum  „  •'  •    •     r   •  1 

peccatorum  pœ-  res  3c  m.eres ,  qui  inlpirenc  a  leurs 
nas  dabunc ,  fed  enfans  Tamour  des  chofes  du  mon- 

corum  quoque      ,  r  .  rr-      r  n 

qu£  fiiii  pecca-  de  ,  cnleigne    auln    tormellement, 
runt   livctaiie-  qu'ils  ne  Icrout  pas  DiMiis  leulemenc 

rc  illi  huos  po     ^    ,  ^       J^^  ff 

ueiiût/iYs  non  de  Icuis  propres  pedW  ,  mais  aulU 


ENVERS    LE     PROCHAIN.      447 

le  ceux  qu'ils  ont  infpirez  à  leurs  potueiînt.  ^. 
:nfans ,  (oit  que  les  enfans^  les  fui-  ^'^■J^fy;;'^,^ 
/cnt  ôc  en  loient  renverlez  ,  foie 
.]u'ils  ne  le  foient  pas.  Non  feule- 
ment, dit-il  à  ces  pères  ,  fi  par  vôtre 
ronfeil  vos  enfans  le  lailfent  aller  au 
lumulte  du  monde  ,  mais  encore 
iiême  qu'il  vous  refiftent ,  &:  qu'ils 
fe  retirent  dans  des  folitudes,  vous  en 
ferez  feverement  punis,  &  vous  lerez 
châtiez  de  ce  malheureux  deifein , 
comme  il  vous  l'aviez  exécuté. 

£>,  Quelles  iont  les  autres  erreurs 
touchant  les  icandales  ? 

R,  1°.  C'en  eft  une  de  ce  qu'on  ne  d.^j^^,,^, 
donne  le  nom  de  icandale  qu'aux  Hias  pactes  cuia 
grands  péchez,  &  tous  les  péchez  qui  "^^IZ:^ 
y  difpoient  ne  font  comptez  pour  r^m  horcantur, 
rien.  Amh,  les  pères  &  les  mères  b'^^t^ruli^r' 
ne  croyent  point  fcandalifer  leurs  infuiurrarc  :  ii. 
enfans  ,  loriqu'ils  font  tout  ce  que  S.  nnU^'^^haJin'. 
Chrvfoftome  leur  reproche  j  comme  q^eioco  natus, 

j        "'  1     ..         1  ■  quia dicendi  fa- 

de ne  louer  devant  eux  que  ceux  qui  cuicacem  confe- 

s'avancent  ôc  qui   éclattent  dans  le  cucus  eft,  lum- 

nionde  j    de  ne   leur   parler  jamais  ^us,  maxima 
avec  eftime  des  perlonnes  vertueu-  impe^a  admi- 
fes  qui  iont  dans  un  état  rabaiifé  ;  de  i^s  rurfus':  iuV 
leur  infpirer  Tavarice  de  l'ambition,  i^q^^^  >  ia"ra 

Cj  r  •       /^}        r  CL  il-         linguâ  erudicu<:. 

ependant  laint  Chryioltome  eitime  m  regia  daiiiTu 


44^      De  la  Charité' 

mûjcft,  cunfta-  ^e  fcandale  Ci  erand  ôc  fî  dangereux  , 

^ue  intus  jpic  .-i     j    r  T  T  J      Tl  i 

admmiftrar,  a.  qu  il  delclpere  prelque  du  lalut  de 
liasuc.n  aiium  ç^ç^^  qu'on  élcvc  dc  la  foitc.    Lors , 

in  incdmiu  ad-      i-      -i  i  r  i    - 

duccns  propo-  dic-ii ,  quc  Ics  percs  font  &  dilent 
nu  ad  imitan-  ^^^^  ^g  qu'ils  pcuvcnc ,  Dour  fortifier 

flu.n ,  cun6ii4ac  i  r  '  l 

pcnuus  inùéues  ces  maiheureuies  plantes  dans  le 
&  ciaros  in  lœ-  ^crur  de  leurs  enfans,  qui  feroit  alTez 

culo   viroi   .as-  r       -'  r    - 

moians  :  cocL--  pcu  icnic  pour  ne  pas  delelperer  du 
?'T'^  '""ZT  ^^^liic  d'un  enfant  élevé  de  cette  loi  te? 
ftiumquc  bono-  C'eit  beaucoup  que  ceux  que  Von 
^"1".  Sr"^l^-^°',^."  élevé  d'une  manière  toute  contraire, 
. . .  Quis  i^itar  le  lauvent  des  vices  :  mais  quelle  ef- 
^Ira^men^'s'iu;  perance  peut-on  avoir  de  ceux  a  qui 
^a:nita  i.noiui  on  ne  fiit  vou*  autre  chofe  que  les 
^ee^'  fa^aJe'n  '  avantages  des  ncheiles  ,  de  à  qui  on 
boxu  coniuien-  nc  propofe  quc  des  méchans  à  imiter? 
fmaJ  T^'^  'lia  2.^  On  ne  croit  fcandalifer  le  pro- 
contraïus  rcbus  chain  ,  que   quand   on  le  porte  aux 

imouca  lit  .  pet-  j  '     '     1  j 

nicie.n  excre-  vices  (S:  au  dérèglement  par  des  pa- 
niam  poilu  eva-  roics ,  OU  par  des  aétions  vifiblemenc 

dere  :  cuai  veto    j/     '     w  •  1       r         J    IT 

■pi^cetea  undi  dcreglees  ;  mais  on  ne  le  icandalile 
qae  iihciant  pc-  p^g   moîus  ,  quaud  OU  expolc  a  Tes 

cuniaru.n  m£-    *■  .     ^  \\  r  r 

mia,  unique  yeux  ce  qui  peut  allumer  les  paU 
fceieiati  no.ni-   i|ons  ,    &c  luv  inlpirer  Tamour  du 

nés  ad   lantan-  ,  a  •     '^  •     r 

duai  pioponan-  monde.  Amli ,  ceux  qui  lans  agir 
tut  :  qusnam     ^  ^3^,15  parler  ,  frappent  les  veux  des 

iam  1P=3  lalatis  i  '         rr  ; 

iciinqaicur.  ^'  auti'es  par  leur  luxe  ;  ceux  qui  ronc 
c«n/./.  flciv.  paroîtrc  leur  vanité  ,  leur  ambition, 
/. ,,  1  attache  a  leur  corps  ,  6c  a  leurs  du 

verciiren:icns  j 


ÏNVERS     LE    PROCHAIN.        449 

/eitillcmens  j  le  mépris  de  la  pau- 
vreté, de  l'humiliation  ,  de  la  vie 
mftere  ôc  pénitente  ,  les  fcandali- 
enc  tres-dangereufement. 

3*^.  On  n'appelle  point  du  nom  de 
fcandale  ,  les  injures  qu'on  fait  au 
prochain  ,  ioit  en  le  méprilant ,  loic 
°n  l'outrageant  ,  ioit  en  luy  failant 
quelque  tort  dans  Ion  honneur ,  dans 
(es  biens  ôc  dans  la  perfonne.  Ce- 
pendant c'eft  peut-être  ce  qui  eft  le 
plus  contraire  à  la  charité  j  &  tous 
ces  péchez  rcandalifent  étrange- 
ment le  prochani ,  parce  qu'ils  le 
portent  a  l'impatience  ,  à  la  colère 
5c  aureirentiment,ôc  qu'ils  éteignent 
îïi  iuy-jOU  du  moins  qu'ils  afîbibilFent 
la  charité. 

4°.  Enfin  5  c'eft  une  autre  erreur 
couchant  les  fcandales,  que  de  n'en 
pas  allez  confîderer  la  multiplication 
de  rétend uë.Com bien  de  crimes- &  de 
péchez  fait  quelquefois  faire  une 
(eule  médiiance  &:  une  feule  calom- 
nie ,  dite  devant  ceux  qui  l'écoutent 
avec  plailîr ,  ôc  qui  la  répandent  avec 
malignité  &c  avec  légèreté  ?  Quelle 
étrange  multiplication  de  péchez 
n  arrive- t-il  point  par  des  chanfons , 
Tof/îe  II,  V  p 


4^0        De    la  Charité* 
des  difcouis  ,  ou  des  livres  deshon- 
nêtes ?  Combien  de  maux  peut-il  ar- 
river par  des  opinions  faulïcs  6c  cr- 
ronnécs  ,  ôc  par   des  livres  que  Ton 
publie    pleins    de    faullè   doctrine, 
que   l'on  avance  par  de  mauvaifcs 
coutumes  ,  ^  que  Ton  introduit  dans 
une  communauté  ou  dans  TEelile  î 
De  combien  de  péchez  les  femmes 
fe  rendent-elles  coupableSjlorfqu'el- 
les  introduifent  des  modes  contrai- 
res à  la  modeftie ,  ou  a  refprit  d'hu- 
milité qui  doit  régner  dans  tous  les 
Chrétiens   ?   Et  enfin,  de  combien 
de  péchez  fe  chargent  les  auteurs  Ôc 
les  approbateurs  des  abus  ,  des  re- 
iàchemens,  &:-des  mauvailes  maxi- 
mes ,  ou  ceux  qui  les  foufl-rent ,  lorf^ 
qu'ils  y  devroient  remédier  î 

D.    Quelle  eft  donc  l'étendue  du 
péché  de  fcandale  ? 

/?.  Le  fcandale  eft  inféparable  de 
tous  les  péchez  ,  «5c  de  toutes  les  paf- 
fions  déréglées  qui  paroiiîent  à  l'ex- 
térieur. Car  tout  ce  qui  eft  extérieur 
fe  peignant  dans  l'imagination  de 
ceux  qui  ie  voyent,  les  rend  plus 
portez  à  l'imiter  qu'ils  n'étoient  au- 
paravant.    Amfi ,  toute  pafTion  de. 


ENVEî^S    LE    PROCHAIN.        4^! 

:olerc  ,  de  haine,  de  de  defir  des 
)icns  du  monde  ;  Tamour  des  n- 
ihelles  ,  de  l'éclat  ,  &  de  la  reputa- 
:ion  j  le  mépris  des  chofes  qu'on 
ioic  aimer  ou  cftimer  ,  &  l'eftime 
des  chofes  qu'on  doit  haïr  j  tout  ce- 
la cft  fcandaleux  5  c'eft  un  poilon 
qu'on  verfe  dans  i'efprit  du  pro- 
chain ,  qui  Tinfecfte  &  le  corrompt, 
5c  tend  a  luy  faire  perdre  la  vie  de 
l'ame  :  en  un  mot ,  tout  péché  eft 
contagieux  ;  il  le  peut  multiplier 
dans  Telprit  de  tous  ceux  qui  le 
voyent  ou  qui  le  Içavent ,  parce 
qu'ils  en  reçoivent  l'image  ôc  Tim- 
preirion.  Tout  le  monde  a  la  venté 
demeure  d'accord  de  cette  étendue 
de  fcandale  a  l'égard  de  certains  pé- 
chez ,  comme  ceux  que  l'on  commet 
par  des  paroles  ou  àes  adlions  des- 
honnêtes :  mais  fl  on  fait  attention 
de  plus  prés  ,  on  trouvera  que  cette 
mauvaiie  qualité  eft  générale  à 
toute  forte  de  péché. 

JD.  Selon  cette  idée,  il  faut  donc 
dire  «que  les  hommes  fe  fcandah- 
fent  prefque  continuellement  les 
uns  les  autres  ? 

Â.  Cela  eft  indubitable  ;  &  Ton 

Pp., 


451  Delà  Charité*^ 
ne  fçauroit  mieux  concevoir  les 
converlacions  du  fiecle ,  (Ju'eii  fe 
reprefentaiit  une  troupe  de  gêna 
tous  occupez  à  s'entr'empoifonner, 
ou  à  fe  faire  des  playes  mortelles 
les  uns  aux  autres  j  puifque 
dans  ces  converfations  on  ne  fait 
autre  chafe  qu'exciter  réciproque- 
ment fes  palïïoiis  ,  ôc  fe  rem- 
plir les  uns  les  autres  de  tous  fes 
faux  jugemens.  C'eft  ce  que  les 
Payens  mêmes  n'ont  pas  ignoré. 
C'eft:  une  chofe  tres-capablc  de  cor- 
Qaid  tibi  vi.  Tompre  l'ame  ,  dit  Seneqne  ,  de 
tanjdan  pr3c;i-  convcrfei  avcc  la  foule  du  monde  : 
<ji«ris?Turbain.  il  H  y  a  pcrionne  qui  ne  nous  nulle, 

ru^àliiTcaîT  ^^^^  ^^  "°"^  faifant  aimer  quelque 
mitteriî . . .  ini-  vice  par  fon  exemple  ,  foit  en  nous 
t'^rîi'mconv'^r-^'  l'imprimant^  exprelîément  par  Ces 
fati^.N-mo  non  difcours  ,  foit  eu  nous  l'inipiranc 
viuu.n  aut  e5-  d'une  manière  infenfiblepar  fa  con- 
men.lar/iuciiTi-  verlation.  Il  faut  donc  iouftraire 
nefciencib.is  al  ^ocre  ame  lorlqu  elle  n  elt  pas  en- 
imir  \j-i:ji-quo  core  ferme   dans  le  bien,  à  la  con- 

mai  11  eit  oopu-  r     ■  t     i  i    ■       j 

lus,  cai 'coin-  verlation  de  la  multitude  ^  parce  que 
miicetLir,   hoc  rien  ncOi  fi  facile,  que  de  le  kiilFer 

•cricali  plus  eft.      n         \    r  •  i  j  L 

£en,c.  'ap.-r.      aller  Cl  luivre  le  grand  nombre. 
Cixiparide-         C'eftaufîi  ce  qui  a  tant  fait  recom- 

bent  a  vobis  hi  i        i      r  i  •        »     o    i  •        ' 

qui  civkates  fin-  mander  la  lolitude  &c  la  retraitera  ceux 


ENVERS    LE   PROCHAlK.  455 

Oui  veulent  cravailler  ferieufement  S^^^^  *<îco  vir- 
a  leur  laluc  :  lur  quoy  les  Pères  inacedias  fcce. 
derEelife  vont  quelquefois  fi  avant,  '''"['/'J"'^  *** 
qu  US  lemblent  en  taire  une  eipece  penkus  inutiles, 
denecelîitc  ,  en  diiant ,   par  exem-  "tquifaivi  eû« 

1  r  •      r  •  /-L       r  a        cupiunt,  non 

pie  ,  comme  fait  laint  Lnryiolto-  aiuer  id  poflîni 
me ,  que  ce  qui  oblige  de  ouitter  les  Ji^^.^'î"*  * .  ^^*;^ 

.,,-^  r^  ^1  1^       ri-         Il  fo.uudines  fi* 

Villes  pour  le  retirer  dans  les  lolitu-  dcfcrta  pcrfe- 
des,  c'eft  l'impofribilité  de  s'y  fau- ^^^^^^^^-^Y  f; 
ver,  éiv,  vituf, 

D,  Quel  eft  donc  le  devoir  des 
Clkétiens  à  Téeard  du  Icandale  ? 

-R,  C'eft  d'éviter  également ,  Se 
de  nuire  aux  autres,  ^  que  les  au- 
tres ne  nous  nuifcnt  -y  afin  de  fatis» 
faire  en  même  temps  à  la  charité 
que  nous  devons  au  prochain,  & 
à  celle  que  nous  nous  devons  à  nous- 
jnême. 

D,  Comment  peut-©n  éviter  Tua 
êc  l'autre  î 

2_i^.  La  retraite  fait  ce  double  effet. 
Car  un  homme  retiré  ne  contradle 
point  les  \ices  dans  la  converfa- 
tion^Sc  n'en  communique  point  aufïï 
aux  autres  :  mais  comme  ce  moyen 
ne  peut  pas  fe  pratiquer  par  tout  ie 
monde  ,  il  y  faut  fubftituer  une  ex-, 
trcme  vigilance  fur  loy-même. 


454       ^^  ^^  Charité' 

Z).  Que  faut-il  avoir  en  vue  ,  cil 
converiant  avec  le  prochain  ? 

F,  De  n'imprimer  dans  Ton  efpric 
aucun  lentiment  faux  ,  ni  aucun 
mouvement  déréglé  j  &  pour  réuf- 
fir  dans  l'un  &  dans  l'autre  ,  il  faut 
fupprimer  abtolument  en  foy  ,  & 
dans  fes  difcours ,  tous  les  jugemens 
de  phantaifie  ,  ôc  tous  les  mouve- 
mens  de  concupifcence  ,  6c  faire  en 
forte  qu'il  n'y  ait  que  la  vérité  & 
la  charité  ,  qui  règlent  nos  paroles 
Se  nos  adions. 

X>.  Les  perfonnes  qui  vivent  bien 
ne  font-ils  point  fujets  à  fcandalifer 
les  autres  ? 

R.  Comme  les  perfonnes  qui  vi- 
vent bien  ne  commettent  point  de 
crimes  grofîîers  ,  &c  dont  l'idée  feu- 
le fait  horreur  ,  auiîi  ils  ne  fcanda- 
lifent  point  les  autres  ,  en  les  por* 
tant  aux  crimes  vilibles  ;  mais  ils  les 
peuvent  facilement  fcandalifer  en 
plulieur-s  autres  manières.  Car, 

1°.  C'eftles  fcandalifer,  que  de  les 
porter  par  fon  exemple  à  quelque 
efpece  de  relâchement. 
-    2°.   C'eft  les   fcandalifer  que   de 
diminuer  de  quelque  manière  que 


ENVERS    LE    PROCHAIN'.        45^5 

ce  foit  le  fentiment  qu'ils  peuvent 
avoir  de  leurs  fautes ,  leur  ardeur 
pour  s'avancer  dans  la  voye  du  la- 
lut ,  leur  iollicitude  (3ileur  vigilan- 
ce fur  eux-mêmes. 

3°.  C'eft  les  fcandalifer ,  que  d'af- 
foiblir  en  eux  quelque  vertu ,  com- 
me la  crainte  de  Dieu ,  rhumilicé  ^ 
la  charité  ,  l'efprit  de  mortifica- 
tion  ,  6v:c. 

4°.  C'eft  les  fcandalifer,  que  de  les 
porter  à  reculer  en  arrière  ,  en  di- 
minuant fans  necefîité  quelque  cho> 
fe  dans  leurs  exercices  de  pieté. 

5°.  Enfin  5  c'eft  les  fcandalifer, que 
de  détruire  certains  dehors  ,  qui  les 
mettoient  à  couvert  du  péché. 

D,  Doir-on  confiderer  ces  fautes 
comme  fort  confiderables  ? 

jR,  Rien  ne  nuit  davantage  aux 
âmes ,  que  le  mépris  qu'on  fait  des 
péchez  véniels  j  ôc  on  devroit  con- 
Iiderer  au  contraire  ,  que  tout  péché 
véniel  eft  un  pas  vers  la  mort  de 
i'ame  ;  qu'il  y  tend ,  &  qu'il  y  dif" 
3ofe  par  l'afl-biblilTement  de  la  cha- 
:icé  :  tel  fuccombe  à  une  tentation, 
jui  n'y  auroit  point  fuccombe,  s'il 
1  avoit  point  perdu  une  partie  de  fes 


le 


45(j  De  la  Charité* 
forces  Ipirituelles  par  les  fautes  que 
l'exemple  des  autres  luy  a  fait  com- 
mettre. On  ne  regarde  pas  com- 
me une  chofe  peu  confiderable,  d'a- 
voir fait  au  corps  d*un  autre  une 
playc  qui  luy  auroit  fait  perdre  beau- 
coup de  lang  ,  quoy  que  cette  playe 
ne  fût  pas  mortelle  :  pourquoy  donc 
cft-on  il  peu  touché  des  blelfures 
ju'on  fait  à  Tame  des  autres,  par  les 
[caudales  qui  les  engagent  a  des  pé- 
chez véniels  ? 

Il  faut  donc  apprendre  à  juger  de 
Timportance  des  fcandales  que  Ton 
donne  aux  autres,  ôc  concevoir  for- 
tement combien  il  eft  dangereux 
d'enfanglanter  ainfi  continuellement 
ies  mains  par  les  playes  qu'on  fait 
à  Tame  du  prochain  ;  &  que  non 
feulement  c'eil  un  péché  coniidera- 
ble  ,  mais  que  c'eft  un  très-grand 
obilâcle  à  nos  prières  ;  puifque  Dieu 
nous  déclare  dans  l'Ecriture  qu'il  ne 
Cum  exten-  nous  exaucera  point  ,  parce  que  nos 

deruis  manus  ■        r  t    •  i      r  r       r 

TeAras,aycrtam  mams  tont  pleines  de  iang.  LorjcjHe 
ocuiosmeosà  -j/o/^j  éten.4.rez^  vos  matns  vers  moy  , 
nvaitipHcaveri-   ait  le  Prophetc  \ï2iiç ,  )€  detoumeray 

tis  oracion::n,  -rj^^  y;,^y.  Aç  ^.^f^^  ç^  lor/hue  VOUS 
non  exau_;u.Ti  :  ^.      .  '.  -^  ■' 

naaaus  eûim  vc-  rf7H',tlpli:irez,  vo-   prières  j  je  ne  vous 

éçQuteray 


ïnVers  le  î>rochain.     457 
hoHteray  point ,  parce  que  vos  mains  ^fç^/f^|'J^'°f^., 
font  pleines  de  ping,  i.  i^. 


CHAPITRE    II. 
jye  la  réparation  du  fcandale» 

D^  T7  St-cc  un  devoir  que  la  repa» 
JlI  ration  du  fcandale  ? 

^.  Comme  il  eft  de  droit  naturel  ^ 
de  guérir  il  l'on  peut  ceux  dont  on  a 
blelFé  le  corps  ,  ôc  de  reftituer  ce 
qu'on  aôté  injaiftementau  prochain j 
c'eft  auiîi  un  devoir  de  tâcher  de 
guérir  les  âmes  qu'on  a  bleirées  ,  en 
quelque  manière  que  ce  ioit. 

D.  Comment  le  doit  faire  cette 
réparation  ? 

jR^  Il  y  a  des  pcchez  dans  lefquels 
il  eft  tres-difficile  de  la  faire  ,  parce 
que  le  mal  paroît  faos  remède  ;  ôc 
la  pénitence  de  ces  péchez  doit  être 
d'autant  plus  grande,  que  les  fuites 
en  font  plus  irréparables.  Ceux  qui 
ont ,  par  exemple  ,  publié  des  livres 
pernicieux  qui  infpirent  le  libertina- 
ge &  l'impureté  ,  n'en  fçauroienc 
Tome  II,  Qj 


458  De  la  Ch  a  r  ï  t«' 
empêcher  le  cours,  &  ainfi  ils  con- 
tinuent de  Icandaliler  Je  prochain 
malgré  qu'ils  en  ayent ,  lors  n:icme 
que  Dieu  leur  a  changé  le  cœur  ;  ce 
c]ui  leur  doit  être  un  grand  lujet  de 
gemillement  ôc  de  confulion.  Ce 
que  doivent  donc  faire  ceux  qui  fe 
fentent  coupables  de  ces  péchez, 
c'eft  de  n'en  parler  jamais  qu'avec 
déteftation  j  d'en  gémir  devant  Dieu, 
&  d'abolir  ,  autant  qu'ils  peuvent  , 
les  exemplaires  qui  en  relient. 

Mais  à  l'égard  des  autres  efpeces 
de  Icandale  qui  font  plus   remedia- 
bles  5  on  cft  obligé  par  un  devoir  de 
juftice  ,  à  détruire  tous  les  mauvais 
effets  que  Ton   a  pu  produire  dans 
l'eTprit  du  prochain.    Ainfi ,  une  pcr- 
fonne    qui  a   avancé  de  mauvaiies 
maximes  ,  ou  des  calomnies  devant 
quelqu'un  ,  eft  obligé  de  les  delà- 
voiler  de  la  manière  la  plus  propre  k 
les  cfïacer  de  /on  eiprit.    Ceux  qui 
ont  bleifé  les  autres  par  leur  immo- 
deltie  ou  par  leur  luxe  ,   font  obli- 
gez de  donner  des  exemples  de  mo- 
deftie  5c  d'humilité  ,  &  de  condam- 
ner le  luxe  &  rimmodeilie,en  le  con- 
damnant eux-mêmes.   Ceux  qui  on 


ENVERS    tS   PROCHAIN,        ^.0 

■paru  colcres,aigrcs,  mépiiians,  fîeis  , 
préfomptueux  ,  font  obligez  d'édifier 
le  monde  par  les  vertus  oppofées. 

D,  Quelle  différence  y  a-t-il  donc 
entre  ceux  qui  ont  Icandalilé^  & 
ceux  qui  n'ont  point  fcandalii'é  ,  puifl 
que  les  uns  &c  les  autres ,  comrne 
Chrétiens  .  font  obligez  aux  mêmes 
adions  ;  les  uns  pour  reparer  le  Ican- 
dale  qu'ils  ont  caufé  j  les  autres  pour 
n'en  pas  cauier  ? 

I^.  Il  y  a  cette  difFcrence  ^  que 
ceux  qui  ont  déjà  efKrdlivement 
fcandalilé  le  prochain,  en  manquant 
à  ces  actions ,  bleifent  tout  enfemble 
Ja  charité  &  la  juftice  j  au  lieu  que 
les  autres  oui  ne  lont  obligez  a  ces 
mêmes  adlions  que  par  la  charité  , 
8c  que  comme  Chrétiens  ,  ne  com- 
mettent pas  la  même  injuitice,  lorf- 
qu'il  leur  arrive  d'y  manquer. 

Secondement ,  ceux  qui  lont  obli- 
ç^ez  à  ces  aélions  comme  a  une  ré- 
paration ,  doivent* chercher  les  oc- 
calions  de  détruire  dans  les  autres 
les  impreiïions  qu'ils  y  ont  faites  ; 
au  lieu  que  les  autres  doivent  fim- 
plement  éviter  le  fcandale  ,  fans 
chercher  les  occallons  de  le  reparer. 


En  tioifiéme  lieu ,  on  eft  obligé  k 
aller  plus  loin  par  le  defir  de  reparer 
le  f caudale  qu'on  a  caufé  au  pro« 
chain  ,  que  par  le  (împle  motif  de 
lie  luy  pas  nuire.  Une  femmes  par 
exemple  ,  qui  a  fcandalifé  le  pro-r 
chain  par  fon  luxe,,  doiçagir  par  un 
motif  de  juftiçe  ,  &  par  le  defir  de 
remédier  au  mal  qu'elle  a  pu  cauferj 
ainli  ,  elle  doit  fe  priver  des  paru- 
res &■  autres  chofes ,  dont  d'autres 
qui  n'ont  jamais  fcandalifé  le  pro- 
chain ,  peuvent  fe  fervir  innocem- 
ment. Mais  il  faut  remarquer  que 
pour  être  coupable  de  fcandale.,il  n'eij 
pas  necelïaire  qu'on  fe  foit  fignaljç 
par  un  luxe  extraordinaire  ,  &  qu'il 
fufîit  qu'on  ait  autorifé  par  fon 
exemple,  les  mauvaifes  coutumes 
déjà  établies  ,  &  qu'on  ait  porté  les 
autres  à  les  luivre. 

D,  Quels  font  les  fcandales  auf- 
quels  on  doit  particulièrement  s'ap- 
pliquer ? 

R,  Ce  font  ceux  qui  bleiïent  h 
plus  ouvertement  la  charité ,  &c  qui 
Yont  à  1^  détruire.  Telles  font ,  par 
exempW ,  les  imprefîîons  que  l'on 
donne  quelquefois  aux  autres    par 


ENVERS    LE    ï>ROCHAIN.        4(>î 

des  dikoais  imprudens ,  qui  leur 
peuvent  faire  croire  qu'on  n'anief- 
tjme  ni  affedion  pour  eux  ;  telles 
ionc  des  allions  faites  fans  réflexion, 
qui  peuvent  faire  croire  aux  autres 
qu'on  a  voulu  les  ofFenfer  ;  ce  qui* 
caufe  en  eux  des  préventions  de  des 
aigreurs  prefque  irrémédiables. 

D,  Que  doit- on  fciire  pour  guérit 
ces  mauvaifes  dilpofltions  ? 

^.  Il  faut  chercher  toutes  les  oc-* 
cafions  de  donner  à  ces  perionnes 
qu'on  croit  avoir  olïenfées  ,  d'es  té* 
tiioignages  d'eilime  fdc  confiance  6c 
ëe  conlideration:  iur  tout  il  ne  faut 
pas  neghger  de  les  iatisfaire  fur  les 
offen(es  qu'ils  croyent  avoir  reçues 
de  nouSjCnlèur  en  failant  des  excufes^ 
ëc  en  le  condamnant  loy-même  avec 
une  douleur  ilncere.  Car  on  doit  re- 
garder une  ofï^nfe  que  Ton  a  faite  à 
quelqu'un  ,  comme  un  fujet  conti- 
nuel de  tentation  pour  le  prochain, 
parce  que  cette  ofFenfe  met  fans 
cciïè'la  vie  fpirituelle  du  prochain  ::U 
danger  ,  ôc  qu  elle  peut  iuy  être  une 
occàfion  de  péché ,  routes  les  fois 
qu'elle  fe  reprefente  à  Ion  elprit. 
C  eft  un  feu  caché  qui  eft  toûjourg 


4^1  De  la  Charité' 
prêt  à  s'enflammer  ;  ainii^  ceux  qni 
s'en  fentcnt  coupables  ,  ôc  qui 
croyent  avoir  offenlé  leur  prochain  , 
par  leurs  difcours,  ou  par  leurs  ac- 
tions ,  fe  doivent  rco;arder  comme 
des  incendiaires  qui  ont  mis  le  feu  , 
non  à  une  mailon  ordinaire  ,  mais 
au  Temple  même  de  Dieu.  Orjien 
n'eft  plus  capable  d'éteindre  ce  feu  , 
&  de  réparer  ce  fcandale  ,  qu'un 
aveu  humble  &c  (încere  de  la  faute  -, 
parce  que  rien  n'appaife  f\  fort  Ta- 
mour  propre  du  prochain  ,  que  cet- 
te fatisfaclion  qu'on  luy  fait,  parce 
que  c'eft  l'amour  propre  qui  entre- 
tient 6c  qui  nourrit  en  luy  le  relîen- 
timent  qu'il  pourroit  avoir  contre 
nous  :  mais  il  faut  extrêmcm.ent 
prendre  garde  ,  après  qu'on  a  remé- 
dié à  ces  fortes  de  playes,  de  ne  les 
pas  rouvrir  par  de  nouvelles  oifen- 
îes.  Car  il  demeure  toujours  d'ordi- 
naire dans  l'efprit  de  ceux  qui  ont 
été  une  fois  offenfez  ,  un  certain 
levain ,  &c  une  difpofition  àl'ais^eur, 
qui  s'excite  plus  facilement  à  l'égard 
de  ceux  qui  l'ont  une  fois  cauiée  , 
que  contre  d'autres  j  c'efi-  une  playe 
qui   n'elt  jamais  parfaitement  re- 


E17VERS    LE    PROCHAIN.        4^5 

fermée  ,  &  qui  fe  rouvre  airément  a 
la  moindre  occafion  :  c'ell  ce  qui 
nous  fait  voir  combien  on  doit  être 
fur  les  gardes,  pour  ne  pas  bleifer  la 
charité  du  prochain  par  des  témoi- 
gnages de  mépris ,  par  des  moque- 
ries ,  par   des  reproches  injurieux  , 
ôc  iur-tout  pa;:  certains  outrages  qui 
ne  s'oublient  point.  C'eft  de  ces  for- 
tes   d'outrages     qu'un     Philoiophe 
Pajen  a  dit  qu  il  hiut  éviter  les  in- 
jures qu'on  ne  fcauroit  guérir.     Ca-    sentca  de  i  â 
'vendafunt  infa'/i^.biles  coîîtnmeli£,Qàï.  '"'•  '• 
non  feulement   on   fe  met    par  la 
dans  rimpuiifance  de  leur  être  ja- 
mais utile  ,    &  on  détruit   à  leur 
égard  toute  l'édification  qu'on  leur 
pourroit  donner  par  d'autres  aclions, 
mais    on    verie   encore    dans    leur- 
cœur  un  poifon  capable  de  leur  don- 
ner la  mort ,    fî    quelque   occafioii 
extérieure  vient  à  le  faire  agir  iur 
eux.    Car  ce  qui  ne  les  aigriroit  en 
aucune  foite ,  s'il  venoit  d'une  autre 
perfonne ,  les  tranfporte    fouvent  , 
lorfqu'il  vient  de  quelqu'un  qui  leur 
efi:  déjà  fufpedt  ^    &  qu'ils   crovenc 
mal  diipolé  a  leur  égard. 

JD,    Doit-on  avoir  en  vue  de  ie 

Qiî  i"j 


4<^4-     ^^   LA  Charité* 
faire  aimer  par  le  prochain  ? 

R,    Saint  Paul  ordonne  &  défend 

de  vouloir  plaire  aux  hommes  -,   il 

Tautorife   &:  le  condamne  par  ioîi 

Jgoperomnia  exemple  ,  mais  à  divers  égards  :  Je 

OmniouspIaccOj      '^    ,    ^     ,-      -i  i        t    •       ^ 

nô  quxic's  quod  tache  ,  dit- il  ,   de  .plaire  a  to!i<  en  toH^ 
jpihi  utile  eft ,  ^g^  chofes.  Et  cependant  il  alfure  ail- 

Ird  quod  mu  lus  J  ,.,  ^«    ,     .        ,        ,    . 

u:faivifianc.     ieuts  ^   ijiie  S  U  tachoit  déplaire  anx 
\.Lor.\o  ii.     liommes  ^  Une  feroit  pas  fèrviteitr  de 

JirTihtlf'-Chnfi-    Mais  quand  il  dit  qu'il 
K.'Siadhuc      tâche  de    plaire  aux    hommes  ,    il 
«tn? ch?!ft.  ^-'-^que  en  même  temps,  que  .V/? 
fcrvus  noa€f.    pûnr  leur  intérêt  ^  ôc  non  pour  le(ïen, 
* ^'^^'  *•  ^°'  ne  chercha7ît point  ,  dit-il , ce  cjui  tnefl- 
avantageux  :  ôc  quand  il  dit  qu'il  ne 
tâche  point  de  plaire  ;  il  veut  dire ,. 
qu'il  ne  rechexche  point  l'amour  des- 
hommes ,  par  le  fcul  défir  d'être  ai» 
mé  d'eux. 

Il  eft  donc  non  feulement  permis , 
mais  même  il  eft  commandé  de  tâ- 
cher de  fe  faire  aimer  des  hommes  , 
puifque  fans  cela  il  eil  prefque  im- 
pofîible  de  les  fervir,ni  de  les  édifier. 
Se  que  h  on  ne  fçait  pas  s'en  faire  ai- 
mer, o!\  court  rifque  ,  quelque  bien 
qu'on  leur  veuille  faire  ^  de  les  ofîen- 
ier  :  mais  fi  on  cherhe  l'amitié  des 
hommes^  ce  dx)it  être  pour  leur  avaii- 


tage  ,  &  non  pour  le  lien.  Il  faut  dcric 
s:xigcr  d'eux  ,  plus  par  nos  actions 
que  par  nos  paroles  ,  qu'ils  nous  ai- 
ment ,  ou  pour  les  ferviT  ,  Ci  Dieu  le 
veut  ,  ou  pour  empêcher  au  moins  Non  potefl- 
que  nous  ne  leur  nuiilons.C'eft  pour-  ^^^  ^'"."^  ^'^'^' 

■i  .  r  ntaus   impen- 

quoy  s.  Auguftin  ne  craint  pas  de  ibr ,  nifi  tueiit 
dire  que  l'on  ne  fcauroit  avoir  une  ^^'"''g"^^^  ^'^*^- 
véritable  chante  pour  le  procham,  d^ 
il  Ton    n'en  exige  avec  bonté  une 
pareille  de  luy.. 


^66      De  la   Charîte' 

^mmmmmmMmm 

SECTION    SECONDE. 

De  ce  quon  doit  ^m  prochain  h 
l*égard  du  ccrp.  ^ 

0  V 

Des  devoirs  de  charité  ,  qui 
regardent  le  corps, 

CHAPITRE    PPvEMIER. 

Des  avantages  que  retirent  ceux 
qui  pratiquent  les  devoirs  de 
chanté)  étudie  pn  H  s  doivent 
fe  propofer  tn  tes  exerçant  ;  Jt 
on  y  ejl  obUgé  envers  tout  U 
monde. 

t>.  TjUi^u'il  eft  fouvent  auflî  uti- 

1   le  aux  hommes  de  foufïiir , 

cjUe  d'être  délivrez  de  leurs  foufFran- 

ces ,  faut-il  faire  état  de  ces  offices 


ÎNVERS    LE    PROCHAIN.        4<57 

de  cliaritc  qui   regardent  le  corps  ,  £,*  Mor,  EccUf, 
que  faint  Aucrufcin  comprend  fous  le  <^'^^^^-  <^«  *7. 
mot  de  médecine  ? 

^.  Ces  offices  de  charité  ne  fe  ter- 
minent jamais  purement  au  corps; 
ils  doivent  avoir  pour  fin  le  bien  ipi- 
rituel  du  prochain ,  êc  ils  y  contri- 
buent Touvent  plus  que  ce  qui  fe 
rapporte  dircdlement  au  bien  de 
l'ame. 

La  raifon  eft  que  rien  ne  favorife 
plus  Timpreffion  que  nous  délirons 
faire  fur  les  autres  pour  leur  bien 
fpirituel ,  que  l'afîeâiion  qu'ils  onc 
pour  nous.  Or  les  bien-faits  tem- 
porels lont  un  moyen  bien  plus  fur 
pour  gagner  les  cœurs ,  que  les  bien- 
faits (pirituels.  Car  les  diverfes  pré- 
ventions où  les  hommes  iont  à  l'é- 
gard de  ce  qui  regarde  le  bien  de  Fa- 
mé ,  font  qu'ils  ont  fouvent  de  1  e- 
îoignement  des  biens  fpirirueîs  que 
Ton  leur  veut  procurer.  Ils  les  re- 
gardent fouvent  même  comme  des 
maux  ;  ils  prennent  la  vérité  pour 
Terreur  ,  ils  la  haïiTent  comme  leur 
ennemie  ,  parce  qu'elle  s'oppofe  à 
leurs  inclinations.  Mais  il  n'en  eft 
pas  de  même  à  l'égard  des  bien  tem- 


4^8  De  la  Charité^ 
porels.  Les  hommes  les  dcriicnt  cî?î 
bonne  fov.  Ils  en  Tentent  le  befoin. 
Us  ont  le  CŒur  ouvert  pour  les  re- 
cevoir avec  joye  quand  on  les  leur 
procure  ;  &  l'amour  qu'ils  ont  pour 
ces  biens  ne  manque  i^ucre  de  pro- 
duire des  ièntimens  d-^affcction  èc  de 
reconnoillance  envers  ceux  de  qui 
ils  les  reçoivent,  ce  qui  les  difpofe  à 
recevoir  favorablement  Tmipreflioii 
de  leur  exemple  &  de  leurs  paroles. 

D.  Ne  peut- on  point  avoir  d'au- 
tre fin  dans  les  oeuvres  de  charité  , 
que  de  gagner  le  coeur  du  prochain 
pour  l'acquérir  à  Dieu  ? 

R,  On  y  peut  joindre  diverfes  au- 
tres fins ,  qui  le  réunilfent  néan- 
moins toutes  dans  celle  de  porter 
le  prochain  à  Dieu.  Par  exemple, 
Con^me  pour  fe  convertir  à  Dieu , 
il  faut  vivre  ;  on  peut  avoir  pour  fia 
d'entrenirla  vie  temporelle  du  pro- 
chain 5  afin  de  luy-  donner  moyen  de 
fe  convertir  à  Dieu  par  la^  péniten- 
ce. 

On  doit  regarder  tout  le  temps 
de  cette  vie,  comme  l'unique  moyen 
que  Dieu  a  donné  aux  hommes  pour 
opérer  leur  faluç,  par  les  bonne* 


lïîVERS    Lî    PROCHAIN.       j^^9 

«uvres  5  ou  cette  confideration  nous 
doit  rendue  ce  temps  infiniment  pré- 
cieux ,  tant  pour  nou#,  que  pour  le 
prochain  ;    ainfi    c'eft   une   grande  . 

charité  que  d  empêcher  par  les  loins, 
de  par  ies  bons  offices  ,  que  la  vie 
fôit  abrégée  aux  autres  par  la  vio- 
lence de  leurs  maux. 

Les  maux  &  les  afflictions  qui  ar- 
rivent dans  cette  vie, font  de  grandes 
tentations  de  de  grands  obftacles, 
qui  empêchent  de  vivre  d'une  ma- 
nière .<:hrétienne  ceux  qui  ont  peu 
de  vextu  ;  ainlî  c'eft  une  grande 
charité  que  d'en  foulager  .ceux  qui 
en  font  accablez  ,  puiiqu'en  détrui- 
fant  ces  obftacles  ,  on  les  met  en 
état  de  fervir  Dieu,  Ôc  qu'on  em- 
pêche les  murmures  que.  ces  affli- 
ctions .pourroient  exciter. 

-D..  Ceux  qui  ne  font  pas  capables  - 
d'édifier  les  autres  par  leurs  paroles, 
ôc  dont  l'exemple  n'eft  pas  propre  à 
faire  impreiîion  lut  l'elprit ,  font-ils 
moins  obligez  à  faire  des  charitez 
corporelleSjpuifque  leurs  charitez  ne 
peuvent  avoir  leur  principal  effets 
qui  efl:  d'édifier  le  prochain  ? 
.;  ^,  Ils  y  font  plus  obligez  que  les 


470    De  la  Chariti* 

autres ,  P^irce  qu'étant  moins  capa- 
bles de  iervir  fpiiituellcment  le  pro- 
chain, Dieu#eur  lailFe  les  chaiitez 
temporelles  pour  leur  partage.  De 
plus  ,  il  n'cfl:  pas  vray  qu'ils  ne  puii- 
ient  édifier  le  prochain.  Toute  oeu- 
vre de  charité  eft  édifiante  par  elle- 
même  ,  &  elle  honore  l'Eglife  ,  en 
failant  connoître  refpuit  de  charité 
qu'elle  inipire  à  Tes  enfans. 
'  C'eft  dans  cette  occafion  qu'on 
peut  dire  que  c'eft  une  tres-fainte 
de  tres-loliable  pratique  aux  perion- 
nes  riches ,  qui  n'ont  pas  le  don  de 
pouvoir  édifier  par  leur  paroles  ceux 
qu'elles  afiiftent ,  de  faire  diilribuer 
leurs  aumônes  par  des  perfonnes  qui 
Y  puilTent  fuppléer  :  car  les  aumô- 
nes ainii  diflribuées  ,  ont  d'autant 
plus  d'eftet  pour  le  bien  fpirituel  des. 
âmes  ,  qu'elles  attirent  moins  de 
louanges  humaines  a  ceux  qui  les 
font  en  cette  manière.  C'étoit  la  rai- 
fon  par  laquelle  les  anciens  Chré- 
tiens choiiiifoient  d'ordinaire  les 
Evêques ,  Se  les  Prêtres  pour  être 
les  diftnbuteurs  de  leurs  aumô- 
nes. 
D,  N'y  a-t-il  point  de  certaines 


rNVERS     LE    PROCHAIN.      47! 

gens  II  déréglez  ,  &c  fi  éloignez  de 
Dieu  ,  qu'ils  foienc  entièrement  in- 
dignes des  aiïiilances  des  ^ens  de 
bien  ? 

/?.  Puifque  Dieu  continue  d'exer- 
cer la  miiericorde  fur  les  plus  mé- 
dians ,  juiqu'a  leur  mort  ;  la  charité, 
des  Chrétiens  ne  doit  pas  avoir 
d'autres  bornes.  Elle  doit  foufïrir 
tout  ce  que  Dieu  ioufîre  ,  6c  n  a- 
breger  jamais  le  temps  que  Dieu 
veut  donner  aux  médians  pour  fe 
convertir.  Il  n'y  a  que  ceux  qui  por- 
tent l'épée  de  la  part  de  Dieu ,  qui 
ayent  droit  dans  certains  cas ,  d'ôter 
la  vie  aux  hommes  par  l'autorité  de 
Dieu  j  mais  tous  les  autres  ne  font 
miniilres  que  de  la  miiericorde  en- 
vers les  hommes  j  ainfi  il  eft  de  leur 
devoir  de  leur  prolonger  autant 
qu'il  eft  en  eux,  la  vie  temporelle. 
Oii  peut  bien  néanmoins  en  quel- 
ques rencontres  refuier  certaines 
alîiftauces  temporelles  aux  mé- 
chans,  mais  c'eîl  loiTqu'il  y  a  lieu 
de  juger  avec  évidence ,  que  cette 
privation  leur  eft  plus  avantageuie 
pour  le  falut.  Car  ,  ielon  iaint  Au-  meoquod 
gultm  5  le  châtiment  même  eit  une  q^i  emcndato- 


47i     '^^  i^A   Charité* 
r.i  pccnâplcc-  aiimône.lorfque  l'on  ne  l'exerce  que 

Cl  C  C I C  C  ITl  O  - 

fynam  dac.quia  daus  la  vûc  de  Corriger  les  perfon- 
Tniiericordiam  ^^g  à  oui  on  le  fait  foufFrir.  Or  h 
Àncinrii.  c  71.  privation  des  atliitanccs  temporel- 
les 5  eft  une  efpece  de  châtiment 
que  Dieu  met  au  pouvoir  de  ceuîi 
qui  font  des  charitez  libres  &  vo- 
lontaires^ 


CHAPITRE     IL 

Du  principal  devoir  de  la  charité 
corporelle  ,  j«e  l'on  peut  rendre 
au  prochain  ,  qui  cfi  l'aumône, 

§.  I. 

I^e  Hehll-i-ition  de  faire  P aumône, 

D.  ps  'Oii  naît  l'obligation  de 
1^  faire  l'aumône  ? 
R.  Il  n'efl  point  necelfaire  d'en 
chercher  d'autre  fource ,  que  l'amour 
même  du  prochain.  Car  puilque 
nous  fommes  obligez  à  cet  amour, 

1       r  ^-r-  -   • 

nous  le  lommes  auln  aux  luîtes  na- 
turelles de  cet  amour.  Or  l'amour 

n'eH 


P 


•f  1 


ENVERS    LE    PROCHAIN.         4" 

h*efl  pas  une  paiïion  oilive  j  il  tend 
[iaturellemciit  à  agir.  Ainfi  il  ne  fe 
peut  faire  qu'on  aime  le  prochain  ,- 
&  qu'on  ne  l'afliae  pas.5i  ^«./^«'««^  f,Sfa'nSt. 
dit  l'Apôcre  iciinc  Jean  ,    aya?jt  des  jus  munai ,    ic 
biens  du  monde ,  voit fon  frère  dans  ^'^ ' fù J^i'^fc^qv^' 
neeejfiîé  _,    &   cjhU  liiy  ferme  '  [es  en-'  cem  habstc ,  5c 
treilles xommem  U  charité  dé'DieHeft-  ji^^.^^'J,  !''"*- 
die  en  lity  ?  C'eft   donc  le  défaut  de  quomodo  «ri- 
oharité  envers  le  prochain,  qui  rend  ,"'ei^^' i.''^«!'i' 
criminel    le  défaut  d'aumônes.    Et    7. 

:-eft  le  défaut   de-  chante  en vcrs<J„''tSfc'' 
Dieu  qui  rend  criminel  le  défaut  de  mihi  mandaca- 
charité  envers  le-prdchain.  C'eft  ^^''^Jv^ilLli^ 
3uieft  marqué  pa:î  les  reproches  que  n-ihi  potum  r 
Jefus-Chrill  fera  aux  reprouvez  au '^^Jf  "J^'^^TÎ^^j  " 
our  du  jugement,  de   ne   l'avoir  n' n:e  :  nudus ,  & 

•  •      ,A  .         r    '  .non' operuiftis 

lourri,  m  vêtu  ^  m  vifite  ,  parce  ^^.^i^r mas  & 
qu'ils  n'auront  ni  nourri ,  ni  revê--in  carcere,  ôc 

..,      .  :    i    •  r    '    \  1'     \      V  non"  vificaltis 

:u,  ni  ;viiite  les  pauvres  \    d  ou  ib^ie-  ,_  Quan^ 
j'eniuic  que    qui  manque  d'alîifter  ^^ïii  nonfeciftu* 

^  -^  ,,,     ,    .     uîii  de  minori-' 

.es  pauvres  ,  manque  ace  quil  doift^s^r^  ^  nsc 
\    Tefus-Chrifl:  même,   fuivant- les  ""'^^^^-"^^^'^-^ 
^iaroies  preciles  de  1  Evangile.  ^i.  ^-/v^., 

•  Z>.  L'aumône  n'eft-elle  comman- 
dée que"  par  cette  raifon  générale- 
^'il  faut  aimer  le  prochain  ? 

R,  Il  y  faut  joindre  plufieurs  au-- 
ures  raifons,  qui  forment  en  queU- 
Torac  //i  R  r 


474       ^  ^   L^  Charité* 
que  forte  un  devoir  de  juftice. 

La  principale  de  ces  railons  eft,que 
la  providence  ayant  créé  des  biens 
iuflilans  pour  la  nourriture  de  tous 
les  hommes ,  ne  les  a  diftribuez  iné- 
galement ,  qu'a  fin  de  faire  fubfifter 
les  pauvres  par  l'afliftance  des  riches. 
Ainli  en  ne  donnant  pas  aux  pau- 
vres ce  que  Ton  a  de  trop ,  on  ren- 
verfe  ce  deifein  de  la  providence  , 
on  donne  occafion  aux  pauvres  de 
murmurer  contre  Dieu  ,  ôz  on  ufe 
des  biens  qu'on  a  reçus  de  Dieu  con- 
tre fon  intention. 

D,  Ce  n'eft  peut-être  là  qu'une 
fpecuiation  morale  de  pieufe  ? 
mctibJbona     />,  Ceft  une  penfée  employée  par 

przfentia  unae?  i       -r»  ■'■       •    u  ,  ^ 

- ..  Nar.qaid  tous  les  Pcres  5  qui  1  ont  jugée  très- 
injuftuscft        ^1-^        ^      j  Qj^j  c^-û  qu'elle  nous 

Dcas  ,  qui  ca  '  i  .  i- 

^uïfuncadTi.  devoit  convaiucre  ,  comme  ils  en 
ou  injqr.ahtcr  ^^q[^i^^  cux-même  Gonvamcus.  Di- 

curtudiycscs,  tes-moy  ,  dit  laiiit  Caliie  ,  pour- 
fe^'no^/obT-  qtioy  vous  avez  tant  de  ncheifes  ? 
î-aio  caufam^ni-  eft-ce  que  Dicu  eft  injufte  ,  d'avoir 
'riracMelffaic  «n  partage  fi  inégal;  Pour- 
adn-.riftrationis  quoy  donc  ccluy-ci  eft-il  riche  ,  Se 
v^^Ë^t  celuy-la  pauvre  ?  N'efl^il  pas  cer- 
j'a:iecti2  maxi-  taîu  ouc  c'eft  afin  que  vous  ayez  lieu 

mis  trsny.is  ho-    r>  •        t  '  r  j 

jtcmur.  Ta  vc-  "  acqucriE    la  rccompenie  par  desL'î 


Î^KVERS    lE   PROCHAIN.         47^ 

lâiions'  de  banté  ^  ôc  par  une  fidèle  ro  infatî^-bilis 
adminiftration  des  biens   que  Dieu  o:nai"*c!?cuai! 
voiis--a  con'fié,  &  que   les  pauvres  pi^^ï-^^ ,  &:  toc 
loienc    couronnez    par  les  combats  pu/ans ,  ne-n> 
delà  patience  ;  ccpendai^t  vous  ne  ^^^^if^  ^«^nc 
croyez  pas  tan-e  in)ultice  a  perlon-  h  ^,.i>.  de  ^r,.^ 
ne  ,  pendanç  que  vous  mettez  tout  ''^'"^j^^'h^m. 
'.i\  téfer ve  dans-  ie^ 'i^in  in fatiable  de 
vôtre  avarice. 

Ce  n'eft  pas  aifez  ,  dit  (aint  Gre-     Admoncnii 
Toire  le  Grand,  de  ne  pas  ravir  le  ^"'''  ^^'^  "^^ 

^.  ,,  '        ,  i  aliéna  apperuac, 

:)ien  d  autruy  ,  il  hiut  encore  don-  nec  Tua  larg.û- 
ler  le  lien   pronre.  Tous   les  hom-  ^/^n-»  "^  Sciant 
nés  ont  ete  tuez  de  la  terre,  -&  la  ea  de  qua 
•erre  eft  commune   à  tous,  cSé  elle  f"X' n'"''' ' - 

,    .      ,      ^        ^,  1    •      r         candis  hom.ai- 

)roduit  de  ion  lein  ce  qui  doit  ler-  bus  terra  com 

^irà  les  nourrir  tous.    En  vain  donc  h"?.'J^^?*  ^ 

^  _  îu.  «.licoaiimen- 

reux-lafecroyent-ilsinnocens  5   qui  ta  quoque  oni- 

'approprient  a  eux  feuls   les  biens  I^J^^^^^//^^:;^- 
[ue  Dieu  a  rendus  communs  ;  car  en  tcrt.    incaflUm 
te  donnant  pas  aux  autres  ce  qu'ils  '«  pSàm°'quI 
iUt  reçu  de   troD  ,    ils   deviennent  commune  dw 
aeurtriers  &  homicides.  vatum  vindi- 

On  peut  voir  la  même  penfée  dans  ^^^^  $  qui  cum 

\    r  r\  r,     1     1         •  accepta  non  cri- 

lulieuus  autres  Pères  :  &  la  lumière  buu.^t,  inproxi- 
u  fens  commun  fuffit  pour  en  re-' ^^°'^':'^"  "«ce 

A         1  .    ,  ^  grallantur  :  quia 

onnoitre  la  vente.  fct  pœaé  quoti- 

.diè  périmant, 
lojc  morienciLim  pauperam  apua  fe  rubfidia  aUfcOiidunc.  ,  S,  Gfei* 

Rr  ij 


J^.y^       De  LA  C  H  A  R  r  r  B-' 

p.  Cela  prouve-t-il  qu'il  y  aie  df* 
riiijuftice  a  ne  pas  faire  l'aumône  >. 

J^.  Cela  le  prouva  clairement.  Car 
il  eft  viriblemenc-injufte  d'ufer  des 
biens  contre  l'ordre.  &  la  volonté 
de  celuy  de  qui  on  les  tient.  Ainfi  , 
Dieu  ne  nous  accordant  les  biens 
qu'à  condition  d'en  donner  le  fuper- 
£u  ;  il  eft  clair  que  violer  cette  con- 
dition 5  c'eft  en  ufer  injaflement. 

D.  Mais  quelle  injuftice  y  a-t-il  à 
ufer  de  fon  bien  comme  on  veut  ? 

Ji,  Les  hommes  ont  tort  de  fup- 
pofer  que  leurs  biens  foient-à  eux  ^ 
C€s  biens  lont  à  eux  à  l'égard  des 
hommes  ,  parce  que  les  hommes 
jî*ont  pas  le  droit  de  les  leur  ravir  i 
mais  ils  ne  font  jamais  à  eux  à  l'égard 
de  Dieu  j  il  en  eft  toujours  fouve- 
rain  maître  par  un  droit  inaliénable,» 
CTeft  donc  une  injuftice  toute  claire. 
ôc  une  efpece  de  vol  que  l'on  fait  k. 
Dieu,  d'employer  ce  que  l'on  a  reçu, 
de  luy',  contre  Ton  intention, 

£>,  Mais  pourquoy  Dieu  pré- 
voyant l'abus  que  les  riches  pour- 
roient  faire  de  leurs  biens ,  a-t-il  mis. 
le  neceftàire  du  pauvre  entre  le& 
snstins^  du  riche  } , 


IRNVERS     Le- PROCHAIN.      477 

,  J^^    L'inégalité  des  biens  eftdeve* 
îtVi'c  lîeceiraire  après  le  péché ,  (Se  ùms 
elle  le  monde  ne  pourroit  pas  fub- 
fifter.     Il  a  été  donc  jafte  que  Diea 
la   permît  :  mais  il  n'a  pas  permis 
que  Ton  abufat  de  cette  inégalité  de 
biens.    Il  le  foufîre  ,  mais  il  ne  l'ap- 
prouve pas.  Il  eft  vray  que  ceux  qui 
par  rinjuftice  des  hommes  ,  font  pri^ 
vez  des  foulagemens  que  Dieu  avoic 
ordonnez  qu'on  leur  donnât,  n'eh 
font  privez  qu'avec  juftice  de  la  part 
de  Dieu: mais  ils  lefontinjuilement 
de  la  part  des  hommes.  Ainfi  ,  quoy 
que  les  plaintes  contre  laProvidence 
de  Dieu  ioientinjuftesdans  ceux  qui 
ioufFrent  ;  ceux  néanmoins  qui  en 
ne  les  afïïftant  pas  ,   donnent  occa- 
fion  à  ces  plaintes  ôc  a  ces  murmures, 
feront  punis  de  toutes  les  fautes  que 
la  mifere  de  leur  état  leur  fait  faire. 
D,    Cette    première   raifon   fait 
Voir  qu'en    n'afliftant  pas  les  pau- 
vres 5  on  fait  injuftice  à  Dieu  ôc  aux- 
pauvres  :  à  Dieu,  en  uiant  de  les 
biens  contre  fon  ordre  5  &  aux  pau*- 
vres,  en  les  :privant  des  foulagemens^- 
&:des  afîiftances  que  la  Providcnce. 
dc  Dku  leur  avoic  dellinées,.  MaisL 


De   la  Charitb' 
ibnt-ce  là  les  feules  injuftices  qui  s'y 
rencontrent  ? 

JR.  En  n'afîiftant  pas  les  pauvres  , 
on  fait  encore  une  injuftice  particu- 
lière à  Jefus-Chrifl:  &:àfoy-mcme. 

Car  J.  C.  non  feulement  comme 
Dieu,  mais  aufîî  comme  Homme, 
cft  le  maître  &  le  légitime  poircf- 
feur  du  monde  :  les  richeifes  font 
partie  de  fon  héritage  5  il  les  donne  à 
la  vérité  aux  hommes  pour  leur  u- 
fàge  ,  mais  il  ne  les  donne  que  pour 
cela  ;  il  veut  qu'ils  luy  rendent  tout 
ie  refte  en  îa  perfonne  des  pauvres 
&  des  miferabies ,  dont  il  s'eft  revê- 
tu ,  &  par  lefquels  il  le  demande^ 
Ainfi,  en  rcfuiant  aux  pauvres  fon 
fuperflu,  on  commet  la  même  in- 
juftice  que  fi  on  refufoit  de  payer 
ce  qu'on  doit  a  un  créancier  qui  le 
demande.  Car  li  nous  ne  le  devons 
pas  aux  pauvres  perfonnellement  , 
nous  le  devons  à  Jefus-Chrift  qui 
le  demande  par  eux. 

Enfin ,  cette  refcrve  avare  de  fou 
fuperfiu  ,  eft  une  injuftice  contre 
nous-même.  Car  ce  fuperflu  qui 
n'eft  pas  nece'Taire  à  nôtre  corps ,  eft 
necelfaire  à  nôtre  ame  j  c'eft  le  prix 


ENVERS    LE    PROCHAtN.         475^ 

de  nos  péchez  ,  ôc  Dieu  l'a  mis  en- 
tre nos  mains  pour  les  racheter.  En 
faire  donc  un  autre  uiacre  ,  &  le  2;?^r- 
der  ou  le  coniumer  inutilement,  c'eft 
caufer  un  dommage  irréparable  à 
ion  ame  ,  en  la  privant  des  biens 
fpirituels  qu'elle  pourroic  acquérir 
par  la  diftribution  de  ce  iuperfîu. 

D,  Ne  peut-on  pas  racheter  Ces 
péchez  par  d'autres  bonnes  œuvres  , 
que  par  les  aumônes  ? 

y?.  On  le  peut  ,  quand  on  n'a 
point  le  moyen  de  faire  l'aumône  : 
mais  quand  on  en  a  le  moyen ,  c'eft 
fe  tromper  foy-même  ,  que  de  s'i- 
maginer que  Dieu  fe  fatisfafle  par 
d'autres  œuvres ,  en  ne^hc^eant  celle- 
là.  ,  puifqu'il  eft  certain  qu'il  n'y  3. 
que  l'attache  criminelle  à  ces  biens, 
&  l'avarice  qui  en  empêchent. 

§,    II. 

De  ce  quon  doit  aPpelUr 
'  Jupcrflu, 

T>,  Tout  ce  qui  a  été  dit  jufques 
ki,  établit  bien  l'obligation  de  don- 
ner fon  fuperflu  j  mais  il  ne  fert  de 


é^îo  Ds  LA  Gharitf 
rien  d'en  être  perfuadé,  s'il  n'y  a^ 
rien  de  fuperflu  :  or  il  lemble  qu'il 
n'y  en  a  jamais ,  puiique  ce  qui  eft- 
fuperflu  à  nôtre-  état  prefent,  peuc 
être  neccfîàire  a  quelqu  autre  état , 
où  il  nous  eft  permis  d'afpirer? 

^.   Il  eft  vray  que  perlonne  n'au- 
roit    jamais  de   fuperflu  ,  s'il  étoic- 
toujours  permis  de  s'élever  à  un  plus 
haut  état  :  mais  c'eft  ce  qui  montre 
que  cette  maxime  eft  tres-fauifc.  Car 
il  y  a  certainement  dulupcrflu,  de 
c'eft  une  obligation    tres-ordinaire 
que  celle  qui  nous  engage  a  le  don- 
ner  aux    pauvres  ,    puilque  Jefus- 
Ghrift  nous  déclare  dans  fon  £van- 
^*f.  iy.  t/.     gile,  qu'il  reproclîera  à  tous  les  re- 
îDurouvez  romiiïion    des   aumônes  •■< 
d'où  il  s'^niuit,  que  c'eft  un  défaut^ 
tres-ordinaire  :  or  ce  défaut  feroitaub^ 
contraire  très -extraordinaire  ,   s'il 
étoit  permis  de  referver  tout  ce  qui- 
eft  fuperflu  à  fon  état  prefent ,  pour 
s'élever  à  un  état  plus  haor. 

D,  Cela  n'eft-il  jamais  permis  ? 

^,  Ce  feroit  poulfer  à  la  vérité  le' 
fcrupule  à  un  autre  excès  ,  &  don- 
ner dans  un  autre  extrémité  égale-- 
îîiçnt^dangereufe,  que  de  s'imaginer- 

qu'U- 


ni. &f'^. 


Envers  le  prochain.  4S1 
qu'il  ft'eft  jamais  permis  de  s'élever 
à  un  état  plus  haut  ;  mais  il  faut  être 
perfuade  qu'il  n'eil  jamais  permis 
d'être  ambitieux ,  ni  de  rechercher 
l'honneur  pour  Thonneur.  Il  faut 
donc  que  fi  quelqu'un  s'cleve  ,  ce 
foit  par  un  autre  principe  que  celuy 
de  l'ambition  ;  c'eft-a-dire  ,  qu'il 
faut  au  moins  être  perfuadé  de  bon- 
ne foy  ,  que  Dieu  demande  cela  de 
nous  ,  que  (1  nous  le  faifons ,  il  y  va 
de  l'honneur  de  Di^u,  Se  de  celuy 
de  i'Eglife.  Or  il  y  a  tres-pcu  de 
perionnes  qui  fe  le  puiifent  perfua- 
der  avec  fondement.  Car  il  ne  fe 
faut  pas  tromper  ,  la  difpolition 
d'humilité  eft  elfentielle  au  Chriflia- 
niime.  Or  cette  difpofition  oblige 
tout  Chrétien  de  tendre  plutôt  au 
rabaiilement  qu'à  l'élévation. 

£>,  Mais  ne  peut-on  pas  dire  qu'il 
y  a  peu  de  gens  qui  ayent  du  fu- 
perflu,  même  par  rapport  à  leur  état 
preient  ? 

^.  On  le  peut  dire  ,  fi  on  renfer- 
me dans  ce  qu'on  prétend  neceiîài- 
re  à  l'état  prefent,  tout  ce  que  la 
coutume  ,  la  délicateife  &  les  paf- 
fions  des  gens  du  monde  y  ont  len- 
Tome  II.  S  i 


4-Si      Dé  la  Charité' 

fermé.  Mais  on  ne  le  peut  pas  dire, 
fi  on  retranche  de  ce  qui  palfe  poui* 
necellaue  ,  tout  ce  que  Tamour  de 
la  pénitence  ,    de   l'humilité ,   de  de 
la  pauvreté ,  en  doit  faire  retran- 
cher :    fi  on  garde  ,    par  exemple , 
une  exa6be  modeftie  dans  fes  meu- 
bles ,    dans    les   habits  ,   dans    fou 
train,  &  dans  fa  table  ,  Ôcc,  C'eil 
par  ces   retranchemens  qu'on  trou- 
ve du  fuperflu  ,  &  c'eft  le  défaut  de 
ces    retranchemens   qui    fait  qu'on 
n'en  trouve  point.  C'efI:   pourquoy 
Jefus-Chriil:  prévoyant  que  les  ri- 
ches diroient  toujours    qu'ils  n'ont 
point   de  luperflu  ,  a  voulu  figurer 
ce   que    l'on   doit  regarder  comme 
fuperflu,  par  les   cheveux  ;  de  par 
les  cheveux  d'une  femme  du  mon- 
de. C'eft  dans  cette  vue  qtie  l'Evan- 
gile nous  propofe  pour  exemple  la 
femme  pecherelfe  ,  qui  fe  fervit  àc 
les  cheveux  ,  &  qui  les  employa  à 
eifuyer  les  pieds  de  Jefus-Chrift^ 
pour    montrer  que    Ton    doit    em- 
ployer au  fervice  du  prochain  tout 
ce  qui  n'eft  •  pas  abiolument  necei- 
faire.   Or  combien  y  a-t-il  de  cho- 
fes  à  donner ,  H  l'on  donne  tout  ce 


BKYÊÏLS    LE  PROCHATHo  4^$ 

qui  eft  moins  nccciraire  que  les 
cheveux  ?• 

X).  Eft-on  obligé  de  donner  ce  fu- 
perflu  aux  pauvres  dans  toutes  fortes 
de  necelTitez ,  ôc  ne  peut-on  pas  le 
referver  pour  les  neceiîitez  extrêmes 
ou  prelFantes  ? 

K.  On  ne  manque  prefque  jamais 
de  pauvres  qui  foienc  dans  des  ne- 
ceflitez  prelîantes  ,  pourvu  qu  on 
ait  foin  de  s'en  informer  ;  mais 
quand  il  n'y  auroit  pas  efFedlivemenc 
de  necefïïtez  prelFantes ,  il  fufïit  qu'il 
y  en  ait  d'ordinaires  pour  être  obli- 
gé de  donner.  Car  fî  chacun  s'e- 
xemptoit  de  donner  dans  les  necef- 
fitez  ordinaires,  elles  deviendroient 
toutes  prelîantes.  Toutes  ces  neceiïî- 
tez  que  l'on  appelle  ordinaires  ,  doi- 
vent être  foulagées  par  la  charité  de 
toute  TEglife  ,  ôc  il  faut  au  moins 
que  chaque  fidèle  en  poite  fa  part  ; 
autrement  il  n'agiroit  pas  en  mem- 
bre vivant  de  l'Eglife  ,  ôc  on  ne 
pourroit  pas  dire  de  luy  qu'il  feroic 
animé  de  Tefprit  de  l'Eglife  ,  puif- 
qu'il  n'auroic  point  de  part  à  fa 
charité. 

D,  Ceux  qui  font  pauvres ,  font* 

S  f  ij 


484.      Dp.  la  Charité* 

ils    cnticiement    exempts   de    faire 

l'amBÔne  ? 

R.  Ils  ionc  exempts  d'une  force 
d'aumône  ,  mais  ils  ne  font  pas 
exempts  des  autres  ,  «Se  ils  doivent 
fublliituer  d'autres  oeuvres  de  charité 
&  de  mifericorde  ,  à  celle  de  don- 
ner de  l'argent ,  s'ils  n'en  ont  pas  la 
commodité.  Quand  la  charité  ed 
bien  gravée  dans  le  cœur  ,  elle 
trouve  les  moyens  d'être  utile ,  6c 
d'ailifter  le  prochain.  Les  pauvres , 
comme  dit  laint  Augudin  ,  ne  font 
pas  univeriellement  pauvres  ;  ils 
font  riches  quelquefois  ,  en  force , 
en  lanté  ,  en  induftrie  :  &  la  charité 
..  1  r  ir  r.«r  conhfte  à  afTiiler  les  autres  de  ce  don  t 
n-:endici ,  qui    on  eit  riclie  ,  OC  dont  les  autres  lont 

|::r;,fp'::cidi,  V^^-^^^-  Ainfi  >1,  ny  a  perfonne  fi 
juxrurniiâ.  Oc  pauvre  ,  qui  n  ait  quelque  moyen 
p-iSïbfm^  d'exercer  la  charité.  La  bonne  vo- 
viccm.   .  .  nie  lonté  eft  le  tréfor  des  pauvres ,  dit 

non  poccft  am-   r-    •  a  n.:  i 

buiats  :  quipo-  Sauit  Auguiun  :  or  cette  bonne  vo- 
\aï  ambuiaie,  lonté  ne   pcut  être    oillve.-    Tefus- 

pedes    Llios   ac-   /^i-nj  j  Ji  '^ 

côaiodac  claa-  v^nriic  demande  a  tous  ,  dit  le  me- 
ào  :  qui  vidît ,  rpe  pere  ,  &  tout  luy  fuftit ,  pourvu 

oculos  fuos  ac-  ij        •  r  rT  >  i 

coni.Tiodat  ex.  quc  1  on  talle  ce  qu  on  peut  :  le 
co  :  qui  )avenis  Rovaume  de  Dieu  vaut  ce  que  vous 

tft  oC  lanus,  VI-  •'         ^  ,  ,   -^ 

iti  ùas  aceom-  avez  j  il   VOUS  n  avez  qu  un  verre 


ïnvers  li  prochain.       4S5 
d'eau ,  il  ne  vaut  qu'un  verre  d'eau.  ^^^^^  ^=^  ^'^^'^ 

^  ^  vcl  aegroto .... 

fie  fe  crgo  ien;c 
corpus  Clirifli  ,  membra  focif  fie  coinpinguncur  3  &z  adananmr  ia 
caritace  &  in  vinculo  pacis  ,  cum  quifque  id  quod  habcc ,  prxlcac 
Ci   qui   noa  habcc.     S.  v-Jn^r.  -.n  Pf  uj. 

Seininate  quantum  poteftis  ;  fed  parum  habes  undc  facias ,  ha- 
bes  voluntatem  =^  Quomodo  nihil  efl'ec  quod  habes,  fi  non  adcH-c 
bona  voluncas.  lùii 

Habec  Tcupcr  undc  dct  ,  cui  plénum  peftus  cft  caritatis  ;  ipTa  e(l 
caricas  quae  dicirur  ôc  voluntas  bona  .  .• .  vacare  non  poteft  yolun- 
tas  bona  . .  .  ipfi  inter  le  paupcies  pisftanr  fibi  de  voluntatc  bona  , 
non  func  inteï  fe  infvuctuoli  .  •  .  TJndc  faclum  effc  hoc  uc  meu- 
bla fua  commodaicc  ei  qui  non  habcc,  quia  incùs  iacrac  r j- 
lun?as  bona  ,    theiaurus  pnuperum.    Idtnl'f  ^i-  Ser,  z. 

Non  habes  taculcacem  fiangendi  pancm  .  .  .  da  calicem  aqua;  fri- 
gide :  micce  duo  minuta  in  gazophilacium  ,  tan.:um  em;c  rid  ii 
duobus  minutis,  quantum  emic  Tetrus  relinqucns  retia  ,  quanrm 
émit  Zachaeusdaado  dimidiuin  patiimonium.  Tanti  valet  Regîurii 
Coelorum  ,  quancuiu  habueris.  id  in   tf.  4p. 

D,  N'ell-on  jamais  obligé  d'aflîfler 
les  autres  de  Ton  necelTàire  ? 

-^.  îl  y  a  tres-pcu  d'occaiions  oii 
l'on  foie  obligé  de  donner  ce  qui  eil 
abiolument  necelîaire  à  la  nature  ; 
mais  il  y  en  a  beaucoup  où  Ton  ci"b 
obligé  de  donner  ce  qui  e(l  même 
necelîaire  a  ion  état.  Car  il  ne  fauç 
pas  douter  que  l'on  ne  foit  obligé 
de  le  priver  du  neceifaire  ,  dans 
les  necefÏÏtez  cres-preirances ,  dans 
lefquelles  il  s'agit  de  choies  que  nous 
devons  préférer  à  nôtre  état.  Il  faut, 
par  exemple ,  préférer  le  falut  ôc  la 
vie  du  prochain  ,  à  certaines    bien- 

Sf  iij 


4S6  De  la  Charité' 
icances  extcneures3&  on  ne  voit  pas 
comment  on  peut  en  confcience  re- 
ferver  la  vaiiîelle  d'argent  &  Tes 
meubles  précieux,  lorfque  les  peu- 
ples penlFent  par  la  difette  &  par  la 
niifcre. 

On  peut  encore  être  obligé  à  re- 
trancher ce  qui  eft  même  neceifaire 
il  fon  état ,  par  un  efprit  de  péni- 
tence ;  cai:  il  ne  faut  pas  douter  que 
ceux  qui  ont  a  racheter  de  grands 
péchez ,  d<  particulièrement  ceux 
qui  font  ordinaires  aux  riches , 
comme  font  le  luxe ,  l'orgueil ,  la 
vanité  dans  les  meubles  &c  dans  les 
habits ,  (5jc.  ne  foient  obligez  de  le 
rabaillcr  au  deiîbus  de  leur  état,  pour 
témoigner  à  Dieu  par  ce  retranche- 
ment ,  le  regret  qu'ils  ont  des  excès 
où  ils  fe  font  lailfé  aller.  Se  réparée 
en  donnant'aux  pauvres  ce  dont  ils 
fe  retranchent  ,  le  fcandale  qu'ils 
ont  pu  caufer  à  leur  prochain  :  or  en 
le  retranchant  de  la  forte  ,  on  fe 
■fait  plus  de  fuperflu  dont  on  doic 
alïïfter  les  pauvres. 

£>,  Le  défaut  des  œuvres  de  mi- 
fericorde  eft-il  caufe  de  la  perte  de 
beaucoup  d'ames  ? 


ENVERS    TE     PROCHAIN.       487 

^  JR.  C'eft  une  vciité  dont  il  n'eft 
pas  pennis  de  douter  ,  puifque  Je- 
fus-Chrill;  nous  a  déclaré  dans  1  E- 
vangile  ,  que  le  jugement  qu'il  pro- 
noncera: contre  les  reprouvez  ,  lera, 
particulièrement  fondé  fur  ce  dé- 
îauc  ;  joint  à  cela  que  TomifTion  de 
l'anmône  fera  caufe  de  la  perte  des 
Chrétiens  en  plufieurs  manières. 

1°.  Parce  que  cette  omifïïon  efl: 
tres-fouvent  un  péché  mortel  par 
elle-même  ,  comme  lorfqu'elle  t\t€ 
fa  fource  de  l'avarice  Se  de  l'atta- 
che que  l'on  a  pour  les  biens  du 
fiecle. 

2°.  Elle  peut  être  péché  mortel, 
lorfqu'elle  naît  de  la  dureté  de  cceur 
Se  de  l'ingratitude  envers  le  pro- 
chain ,  puifqu'eile  eft  incompatible 
avec  la  charité  .  oui  eil:  une  vertu 
eiientielle  auChriftiahiime. 

5°.  L'omiliion  de  l'aumône  attire 
les  péchez  mortels  ,  puifqu'eile  dé- 
tourne de  dclTiis  nous  les  regards  fa- 
vorables de  Dieu  ,  de  par  confe- 
quent  la  grâce  par  laquelle  il  nous 
.enpreferve. 

4**.  Selon  le  fentiment  univerfel 
•Hes  Pères  de  l'Eglife ,  l'aumône  ei^ 

Sf  iiij 


4S8  De  LA  Charité' 
un  moyen  que  Dieu  nous  laifTe  p.our 
racheter  les  péchez  véniels  j  ariiii , 
romifîion  de  ce  devoir  eft  caufe  que 
les  péchez  véniels  que  l'on  devroic 
effacer  par  ce  moyen  ,  viennent  à 
fe  multiplier  ;  ce  qui  afFoiblit  telle- 
ment l'ame ,  que  la  charrités'y  éteint 
entièrement. 

5°.  Comme  l'aumône  eft  un  moyen 
pour  obtenir  &c  la   converlion  &  la 
perfeverance  ,    en  ce  qu'elle  donne 
de  Tefticace   à  nos  prières  j  ainfî  , 
l 'omiUion  des  aumônes  rend  nos  priè- 
res froides  ôc   foibles  .    &  éloir^ne 
ainfi  de  nous  la  grâce  de  Dieu.      Le 
Date  panem     pauvre  a  bcfoln  de  vous  y  dit  faint 
teneniira ,  &    Auguftin  ,  &  VOUS  de  Dieu  :  C\  vous 
uacm.   Domi-  mcprilez  le  pauvre  dans  le  bcioîii 
EUS  panis  eft  :    qu'ji   ^  de  VOUS  ,    nc   doutez  poinc 

l£,o  fum  panis ,  ^  '       T    J  1 

iifqiiit  vitse-       que   Dieu  ne  vous   mepnle  dans  le 
Quomodo  da-   {jgfoin  Gue  VOUS  aurez  de  luv. 

biciibij  quinon  I  ^ 

cla5  cgenti,  eget 

ad  te  aJccr  ,  eges  ad  alceram-    S.  ^.i^.-^erni.  ^o   de  ten-p. 

D,  Efl;-il  facile  de  déterminer 
quand  l'omiffion  des  aumônes  eft 
péché  mortel  î 

F,  Non  ,  parce  qu'il  eft  difficile 
de  fçavoirpréciiément  quand  la  cha- 
ricé  eft  entièrement  éteinte ,  puif- 


ÏNVERS    LE     PROCHAIN.       4S9 

qu'elle  s'éteint  iiilcnriblcment.-  Mais 
ou  peut  dire  néanmoins  que  cette 
omiffion  eil:  un  figne  d'un  état  mor- 
tel 5  ou  qui  approche  bien  fort  de  la 
mort.  Car  n'eft-ce  pas  un  figne  vi- 
fible  que  Ton  met  fon  eiperance  en 
ce  monde  ,  que  Ton-eft  citoyen  du 
monde  ,  ôc  que  Ton  n'a  pas  pour 
piincipale  fin  d'être  éternellement 
neureux  en  l'autre  ,  que  de  n'avoir 
aucun  loin  d'y  accumuler  &  d'y 
tranfporter  fon  trefor  ,  pour  en  vi- 
vre dans  l'éternité  ?  N'efl-ce  pas  fai- 
re voir  que  notre  foy  &  notre  efpe- 
rance  lont  étranecmentaffoiblies,  de 
que  de  n'être  point  touché  de  toutes 
les  promcllcs  que  Dieu  a  faites  de 
nous  rendre  au  centuple  ce  que  nous 
donnerons  ici  pour  l'amour  de  luy  ? 
N'ell-ce  pas  témoigner  à  Dieu  une 
horrible  ingratitude^  que  de  ne  luy 
vouloir  pas  rendre  dans  la  perionne 
des  pauvres  une  partie  des  biens  que 
nous  ne  tenons  que  de  luy  ?  N'eft-ce 
pas  marquer  vifiblcment  que  Ton 
n'aime  point  Ton  ame  ,  que  de  l'ex- 
pofer  à  paroître  devant  le  Tribunal 
de  Dieu ,  dans  un  vuide  de  dans  une 
çudité  honteufe  de  bonnes  ceuvres  l 


1 

49<^  ^^  ^^  Charité*" 
Éntîn,  eft-il  jufte  d'abandonner  ain- 
fi  le  foin  de  Ion  ame  ,  &  de  ne  luy 
faire  aucune  part  de  Tes  biens  tem- 
porels ,  de  de  les  donner  tous  a  les 
pafTions  ? 

§.    III. 

'De$co7iiitions  dcVéïtmone' 

D.  Suflit-il  de  fciire  Taumône  ,  de   . 
c[uelque  manière  que  l'on  la  falTe  ? 

R,  Dieu  ne  nous  a  obligé  à  l'au- 
mône ,  que  pour  nous  faire  encrer 
dans  certaines  dirpofitions  :  ainfi,  ces 
difpoiitions  qui  font  la  fin  de  l'au- 
mône ,  font  encore  plus.eCfentielies 
que  l'aumône  extérieure. 

D.  Quelles  (ont  ces  difpofitions  ? 
Non  tx  trir.     ^,  L^  première  eftla  joye  .  fcloa 

çitia  aat  câ  ne     ^    t»      .      ^  r^  •  i  •  a      '^ 

«effitate,hikrejn  ^-  ^^«ï  \   Car,   Z;/c?«  ,    dit  CCt  ApOCte, 

cnim  daioiem    ^l^ne  celnv  qul  do'ûne  avec  joye,  &  it 
Ctr.  s.  7.  rejette  les  dons  qui  je  font  avec  trijrejje. 

Or  cette  joye  doit  naître  du  ienti- 
m.ent  que  nous  devons  avoir  de 
l'honneur  que  Dieu  nous  veut  bien 
faire  ,  de  nous  rendre  fes  ihftrumens 
&  les  cooperateurs  dans  Talliftancc 
*ie  fes  créatures  de  de  fes  en  fans. 


ENVERS   LE    PROCHAÏM.         49Î 

Car  fi  l'on  le  trouve  honoré  de  ren- 
<lre  lervice  aux  enlans  des  Rois  ôc 
des  Princes  de  la  terre  ;  quel  hon- 
neur n'eft-ce  pomt  de  rendre  lervi- 
ce aux  enfans  de  Dieu. 

Cette  joye  doit  naître  en  fécond 
lieu,  de  ce  que  l'aumône  eft  un  com- 
merce infiniment  avantacreux  entre 
Dieu  &  nôus.Nous  donnons  peu  pour 
avoir  beaucoup;  nous  donnons  cejqui 
nous  eft  fupcrflu ,  pour  avoir  ce  qui 
nous  eft  neceilaire  -,  nous  achetons 
pour  peu  de  choies  la  remiiîion  de;nos  Tu  vide  quîd 
péchez.  Confiderez  ,  dit  iamt  Aug-u-  l'^l'/  ^>^-"^* 

r  ^  D        eiv.as ,  quand 

ftin  5  ce  que  vous   achetez  ,  quand  emas.  irais  e- 
vous  Tachetez,  combien  peu  vous  ^œlorum'^'^& 
Tachetez.    Qui  ed:  celuy  qui  s'afflige  non  eftemendi 
en  icmant  ,   pnncip^alement  s'il  eft  LlT'vfdf &"" 
aiïlirc  que  ce  qu'il  iéme  ,    ne  peut  q^i^ni  viii  cmas, 

J     C      rL-'~        ^  ^  attende       Ah-t. 

manquer  de  truamer  ?  ,^  ^y;  ,0^^    * 

La  féconde  difpofîtion  qu'on  doit    î^oliteron-- 

avoir   en   faiiant   l'aumône  ,   eft  le  cemnere  paupe- 

r      CL  1  /^  res  ,  ha'aeut  quo 

relped  envers   les  pauvres.  Car,     int^enc , habenc 

i^.  On  les   doit   regarder  comme  tabemacuia, 
des  grands  Seigneurs  du  Royaume  na ,  habcm  quo 
de  Dieu  ,    qui  ont  pouvoir  de   luy    fiuftra  recipi 

a.       1  1  1  ''      oprabitis,  (1  non 

e  nous  recevoir  dans  les  taberna-  eosnuncinve- 

Cles  éternels.  ^^^    recepemk. 

z°,On  les  doit  regardercomme  des  txfirm.''"*' 


49i  De  laCmarite* 
Rivons,  donc  Dieu  écoute  les  re- 
commandations 5  qui  lont  les  'ou- 
haits  ëc  les  bénédictions  ,  dont  ils 
comblent  ceux  qui  les  alîiflent  dans 
leurs  befoins.  . 

3^.  On  les  doit  regarder  comme 
des  amis  de  Dieu  ,  dont  il  a^rée  ex- 
trémemcnt  les  prières  ,  ôc  comme 
des  miniftres'  aulqiàels  il  a'confié  les 
palfe-ports  pour  nous  recevoir  dans 
fon  Royaume. 

4*^.  Ce  qui  doit  encore  plus  exciter 

nos   reipccts  pour  les   pauvres  ,  eil 

qu'on  doit  les  regarder   comm-:;  la 

perionne  de  Jefus-ChriiHuy-même, 

puifqu'ils  nous  tiennent  la  place  ei 

ce  monde  ,  &  que  c'eil:  Jefus-Chrift 

qui  nous  demande  en  leur  perfon- 

.ne,  &c  qui  nous  demande  ce  qui  luy 

appartient.  Or  ii  c'ell:  Jeius-Chrili 

Éfurire  in  pau-  même  qui   nous    demande   ,    avec 

peribus  voiuic ,  qQ^Hg  humilité    ne    devons  -  nous 

qui  dives  in  ccc-     j-    ,  •       n     \     i 

]oeft,&cudu-  point  luy  donner  ce  qui  eit  a  luy? 
bkashomodaie  Q^^:  ^g   s'humiliera   devant    Teliis- 

homini  ,    cum    "^^  i    /     i  -^ 

fcias  te  chrifto  Chnit  humilie  dans  les  pauvres  ,  ÔC 
darequod  das ,       •  étant  comblé   de  richelfes  dans 

a  quo  accepiki     /        .    ,  ,  •      r  •  i  i 

quidquid  das.    le  Ciel  a  voulu  avoir  raim  dans  leur 
^^l-tn^f.j^.  perfonnc. 

La  troificme  difpofition  dans  la* 


îMVERS    LE    ^ROCHAIN.        49$ 

quelle  on  doit  être  pour  rendre  fou 

aumône  agréable  à  Dieu  ,  &:  utile  à 

foy-mcnne  ,  c'cll:  de  la  faire  avec  un 

véritable  amour  du  prochain  5  car, 

comme  dit  laint  Auiuiilin,  Taumône    Uade  proccdic 

de  la  main  ,  fans  celle  du  cœur,  n'eft  '.oTdef  Tcnhn 

rien  ;  Se  celle  du  cœur  lans  celle  de  manum   poiru 

1  ■  ^  ''         L  r^'    n  £<is  ,    nec    in. 

la  main  ,  peut  être  beaucoup.   C  eit  °^^l^  niiferca. 
pourquov  le  Prophète  liaie  ne  veut  ris,  mhii  tecî- 

r     \   '  5         j  fli  :  ii  autem  in 

pas  leuiement  qu  on  donne  aux  pau-  corde  mifnea- 
vres  les  biens  ,  mais  au/li  Ton  cœur,  ns ,  eciamii  non 
Votre  Lumière  s  élèvera,  dans  les  tene    ponigas  manu, 
brcs  ,  dit-il  ,    lorfcfue  vous  aurez,  ré-  accepcat  Dcus 

j  "  '  *  j  1     r  •      J      ^         eleemorynam 

vandii  lotre  arne  dans  le  je i?2  du  pan-  ^^^^^^^    s.sAut. 

■T-     r      \  ■  '  ^■  r      r  •  '^       Cum    cfFudc- 

hnnn  la  quatrième  diipoiition  ou  j-is  eiuiicnci  a- 
on  doit  entrer  en  faiiant  l'aumône,  m'^iair.  tuam, 
elt  une  extrême  reconnouiance  en-  bris  lux  tua. 
vers    Dieu.   Car  la  bonne   volouté  'P'  î^-  *^» 
qui  nous  Fait  donner  Taumône  ,  eft 
vlïi  des  plus  grands  dons  ,    pmique 
c'eft  un  moyen  que  Dieu  nous  don- 
ne ,  pour  obtenir  ioii  Royaume,  les 
grâces  ,    Se  la  rernidion  de   nos  pé- 
chez. C'eil:  pourquoy  l'Apôtre  dans 
ion  Epître  aux  Corinthiens  ,    par-  - 
lant  des  aumônes ,  dit  poiitivement,     cranas  Deo 
qiiil  fant  en  rendre  nraces  a  Dieu  ^  &  ^"^^  inenanabili 

-i  .  I  s         '      rc  1  1  ,.,donofuo    i, 

le  remercier  ae  ce  aon  ineffable  qn  U  c<>r  ^.  ij, 
nous  fait. 


4P4      ^^  ^^  Charité' 
§.    IV. 

.    De^    ex  eu f es    que    l'on     apporte 
pour  s  exempter  de  faire 
l'aumône. 

-D.  N'eft-ce  point  une  excufe  va- 
lable pour  s'exempter  de  faire  l'au- 
mône, que  celle  que  l'on  peut  pren- 
dre des  malheurs  des  temps ,  &  des 
calamitez  publiques ,  puilqu'il  fem- 
hle  que  ceux  qui  n'ont  pas  de  grands 
biens  ^  font  obligez  par  prudence  à 
faire  des  referves  pour  fe  garantir 
des  miferes  qui  menacent   tout  le 

Kuncexhor.    monde? 

tor,  ne  vos  vin-  ^.  Plus  le  monde  efl:  accablé  de 
facile^  omiuio  cakmitez  ,  plus  il  faut  faire  d'au- 
hujusmundi  ,   m.ônes.  Car  il  fciut  fe  hâter  de  met- 

cui  calia  videcis  ri-  r^         '    -     e         i  • 

accidere,4uaiia  ^^"^  ^^'^  bien  cu  luretc  ,  &  obtenir 
Redemptor  no-  de  Dieu  par  fes  bonnes  œuvres ,  la 

lier  vecuiapiîE-  ,  r  ^ 

dixit.  Non  fo-  g^^cc  de  ne  pas  iuccomber  aux  ten- 
lum  ergo  non  cations ,   auix]uellcs  les   miferes  6c 

dcbecis  minus       i  i         •  î"  •     • 

faccre  opéra  ini-  i^S  CalamiCez  iont  JOlUteS. 
lencoi  "lïe  ,  fed 

etiam  debctiî  amplius  quam  foleris.  Sicut  eniai  ad  loca  muniriora 
feftinantius  migrcintj  qui  ruinaai  domus  vidant  conciicis  paiiecibus 
iramiaere:lic  cvJida  cnnttiana  qu.anco  niagis  Tentiant  miindi  hujas 
ruinam  cieorefcentibus  tribulacionibus  piopinquare  ,  tanto  niagis 
dcbcnc  bsna  qas  in  cerrâ  rccondere  difponebant  ,  in  thefauruiiî 
csleftcm  in;!pigtâ  cekiitatc  transferic.  ù.  -^k^.  ef.  158, 


ÎNV£RS     LE    PRCCHyilîf.     4^5 

X>.  Ne  peuc-oii  s'excufer  de  fane 
raumôiie  lur  les  enfans  que  ilon  a 
il  pourvoii-  &  à  établir  j  &  eft-ce 
mal  taie  que  d'épargner  de  Ton  re- 
venu par  cette  coniideration  ? 

F,  On  doit  a  la  vérité  quelque 
chofe  aux  enfans  -,  ôc  ceux  qui  n'ont 
pas  de  bien  pour  les  pourvoir  lelon 
leur  condition  ,  peuvent  amalTer 
quelque  choie  pour  cela  ;  mais  il  ne 
faut  pas  croire  ie. pouvoir  dilpenler 
entièrement  lous  ce  prétexte  de  tou- 
tes fortes  d'aumônes.  Car  fi  les  en- 
fans ont  beloin  des  biens  temporels, 
ils  ont  encore  plus -de  beloin  qu'on 
leur  attire  la  protcdtion  de  Dieu  par 
des  aumônes  ,  ôc  qu'on  fatisfaife  à 
Dieu  pour  leurs  péchez  par  des  œu- 
vres de  miiericorde  ;  ôc  il  faut  té- 
moigner a  Dieu  par  ces  aumônes , 
qu'on  a  plus  de  confiance  en  luy 
qu'en  des  richeiles  periifables  ôc  in- 
certaines :  c'eft  pourquoy  les  Pères 
ont    refuté  cette    excule.    Gardez-    Noii  fub  im»- 

j  ■     r  •         A  n  •  j  S^^^  pietatis  au- 

vous  ,  dit  iamt  Auguihn ,  de  pren- |eic  pecaniam; 
dre  le  prétexte  de  l'amour  de  vos  ^ ^^"^  «i^is  fer- 

r  ^  1  •  ^<^  >  magna  ex- 

entans  pour  augmenter  votre  bien,  cmatio ,  fiUis 
Te  cT-rde  mon  bien  pour  mes  en-  ^-^^  ^^"^^o-  vi- 

i-       "^  -1  111  r        ■  deamus  :  lervat 

tans  :  voua  une  belle  excule  ,  je  gar-  ûbi  pacer  tuas , 


Il 


49(j     Delà  Charité' 
rcrvastufiliis     ^le  moii  bien  pour  mes  enfans  î  Vô- 

tuis,  ùlii  tui ,  1  '      j'  I   • 

hiusiuis ,  &  lîc  tre  ^cre  a  garde  Ion  bien  pour 
peroaincs  ,  bc  vous  ,  VOUS  le  cardcz'pour  vos  cn- 

nullusfattLirus      --  ri  i 

cftprxcepca  lans  ,  (X  VOS  cnhins  le  garderont 
^^^' ^^  ^^^^^  pour   les  leurs  ,   &  ainfî   perfonne 

proptcr  nlios  VI-   •'•  ,    «   />  i      i  i       -r>  • 

dcancur  ieivare  H  ODiervera  la  lov  de  Dieu. 

hommes   quod      Qq   f^j^^j.    Dodcur    fait  voir    en 

piopc>-r     avaii-  ^  .  1      r   -  TLI 

tiain  fervanc.  iuice,par  uu  exemple  lenlible,  que  ce 
Nam  ut  nove.  pretcxce  dcs  en  fan  S  ,  n'eft  ordinai- 

ritisquia  lie         r  ,  X 

pisiumque  con-  remcnt  qu  un  deguilcmenc  d  avari- 
tingit,  viicuur    ^ç    ji    arrive  ,    dit-il  ,    qu'un    père 

quaic  non  tacit  perd  UQ  de  ics  enrans  :  ne  bien  ,  h 
eicemoiynam  ?   c'écoit   pour   cet   enfant    que   vous 

Quia   leivac  h-  i  1 

lus  luis.  Con-  tardiez  ce  bien  ,  le  voila  mort , 
"?!m'??'T    donnez  -  luy    donc   fa    part.    Il  eft 

tat  unam  ,  li  y  r 

pLopter  lîiios  mort  dïtes-vous.  Il  n'a  fait  qu'aller 
"J™  p":  devant  ybus  a  Dieu  :  la  portiaa 
te.n  fuam.  Qua- qui  luy  ctoit  dcflinée  ,  eft  due  aux 

le  illam  tenec  m  '  ii  n.     J '^       '  1    t 

faccuio  ,  &  il-  p^^i^vres  ;  elle  eit  due  a  celuV  vers 
lumreimquic     lequel   il  eft  allé  ;    elle    eft   duc   à 

ab  animo  ?  Red-    t    r       /^i     -n  r  ^    n.    i  ^^ 

dciiiiqaodraù>^us-Chrift,puilqae  c  eft  luy  avec 
eft,   redde  iiii  lequel  il  eft  réuni.  Dites  ce  que  vous 

quod  illi  ferva-  j  j  / 

bas.  Moituus  voudrez  ,  vous  devez  a  votre  en- 
eft,inqait,  fed  fant  mort ,  ce  que  vous  deftiniez  à 

priceflic  ad  /.  r 

Deam ,  pars  ip-  votre  enfant  vivant. 

fius  pàupcnbus 

debccur  ;  illi  debctur  ad  quem  perrcxit  ;  Chrifto  debctur  ,  ad 
illuni  enim  pcrrexic .  .  .fed  quid  dicis  ?  Tervo  fratribus  ipfius.  Si  vi- 
veret  ille  ,  non  crac  cum  fuis  fraciibus  divifurus  ?  O  fides  moriaa  ? 
Mortuus  eft  enim  fiWus  tuus.  Quidquid  dicas,  moicuo  debcs  ,  quod 
vivo  fervabas.   S.  ^ug.ftr,  de  Dec.  iktri.  c.  u,  JÇ, 


ÎNVIRS    LE    PROCHAIN.        497 

D,  Tout  cela  fe  doit-il  prendre  à 
la  lettre  ? 

5^.  Saint  Augulliii  n'ctend  fans 
doute  ce  devoir  qu'a  ceux  qu'il  fup- 
pole  avoir  allez  de  bien  pour  pour- 
voir leurs  enftins  honnêtement ,  fé- 
lon leur  condition ,  6c  il  ne  foumet- 
toit  pas  à  la  nicine  loy ,  ceux  qui 
n'en  auroient  pas  alfez  pour  cela. 
Mais  en  reduiiant  ce  cas  a  fon  efpe- 
ce  précile  ;,  il  iemble  que  ce  qui 
étoit  deftiné  à  cet  enfant ,  devenant 
/uperflu  par  fa  mort,  foit  plutôt  dû 
-aux  pauvres  ,  fclon  le  vray  efprit 
de  la  charité  &  de  l'humilité  chré- 
tienne 5  qu'aux  autres  enfans.  Car 
pourquoy  augmenter  la  part  des  au- 
tres ,  que  l'on  fuppofe  fuffifante  2 

D,  Suffit-il  en  ce  point  de  fe  ré- 
gler fur  l'exemple  des  autres  ,  & 
donner  autant  que  ceux  xie  fa  con- 
dition ? 

F,  Comme  il  n'eft  pas  toujours 
permis  d'imiter  ceux  de  ion  état  ôc  de 
ia  condition  dans  les  meubles  &  les 
autres  dépenfes  jparce  que  la  coutume 
jétablit  tous  les  jours  une  infinité  de 
mauvaifes  loix  :  de  même,  il  n'eft  pas 
toujours  permis  de  fe  contenter  de 
Tome  JL  T  t 


49^       De   la  Chautte' 

les  imiter  dans  leurs  aumônes.  C'cfl 

de  l'Evangile  qui  efi:  la  loy  de  Dieu, 

qu'il  en  faut   prendre  la  règle  ,  &: 

non  de  l'exemple  des  hommes.  C'eft 

cette  mauvaiie  excufe  de  l'exemple 

des  autres ,  que  faint  Auguftin  re- 

!colî  atten-    prend  par  ces  paroles  :  Ne  prenez 

^"u7.'ckt'^'ed  pas  garde  à  ce  qu'un  autre  ne  fait 

«îuid  te  jubeac    pas  ,  mais  à  ce  que  Dieu  veut  que 

fiiemo  quarein  ^^^^^  talliez.  Ce  n  elt  pas  amli  que 

iftis  affeaioni-  VOUS   agilfez   dans    vos  paflîons  de 

bus  faecularibus,   j  rr  •  i  i       -ir 

non  vobisfuffi-  ^^ns  VOS  aftaires  du  monde.  Vous  ne 
ciuncqaos  prs-  VOUS  contentez  pas  de  furpalîèr  quel- 
«jsefle  diviccs,  ques-uns ,  m  d  être  au-dellus  d  une 
«qaaies  ditiori-  infinité  de  pauvres  :  vous  voulez  lur- 

bus  vobis.    Non        ;T       i  i  •    t  r^        >   n. 

attendùisquan-  palier  les  plus  riclies.  Ce  n  elt  que 
tes  paupcriorès  ^ans  les  aumônes  que  vous  êtes  ainfi 

tranicendicis  ,  ,  >    n  i 

sincère  vuhis  moderez  :  ce  n  elt  que  dans  cette 
4litiores  :  l'ed     matière  qu'on  s'enquiert  exaélemenc 

in  eleemolynis      ,       ,  1,-1-  > 

jiabctur  modus.  des  Domes  de  Ion  devoir  ,  pour  n  en 
Kic  dicitur.jam  f^jj-^  p^g  pj^g  que  ce  qu'on  eft  obligé 

ufqaequo  racio?    j     r  • 

&  iiiic  non  di-  de  raire. 

«itur  quantis  di- 

^uibus  «iitior  fum.      S.  Aug.  ibid. 

D,  Ceux  qui  ont  des  excufes  lé- 
gitimes ,  fe  doivent-ils  croire  en 
fureté  de  confcience  ,  en  ne  dort- 
Jiant  pas  l'aumône  ? 

^,  Ils  y  fcioienc  fans  doute ,  û 


ÎNVtKS-  lE    PROCHAIN.         ^99 

leurs  excuies  croient  légitimes ,  6: 
que  ce  fût  véritablement  ce  qui  les 
retient-  mais Touvent  toutes  ces  excu- 
fes  font  frivoles  6c  fans  fondement  , 
en  forte  que  ce  n'eft  pas  par  im- 
puiffance  qu'on  ne  fait  pas  Taumo- 
ne  ,  mais  par  l'avarice  qui  empê- 
che de  donner.  Outre  que  fi  la  plu- 
part des  Chrétiens  avoient  plus  de 
charité  j  qu  elle  fut  fervente  de  fin- 
cere,  ils  trouveroient  des  expediens 
pour  afTifler  leur  prochain,  ik.  fur- 
aïontcroient  les  obflacles  que  leur 
cupidité  &  leur  avarice  leur  forme  : 
c'eil  pourqucy ,  dit  faint  Cyrille, 
l'Evangile  nous  propofe  formelle- 
ment l'excufe  que  les  Apôtres  alle- 
guoient  pour  ne  point  nourrir  les 
troupes  qui  fuivoient  Jeius-Chrift  -, 
pour  nous  faire  voir  ,  dit  ce  Père  , 
que  nous  manquons  fouvent  a  la 
chanté  ;  ôc  que  quoy  que  nos  excUr- 
/es  paroilTent  juftes  ,  elles  ne  le  loue, 
pas  effedivement  ;  parce  que  linous 
avions  plus  de  foy  ,  nous  ferions 
des  chofes  bcaucoirp  plus  gran-- 
des ,  &  qui  nous  paroiilent  impof- 
fibies. 
JD,  Les  Pères  de  PEelife  ne  mar-» 

T  t  :j 


yoo      De   la   Charité' 
quent-iis  rien    de  précis  a   l'égard 
des  aumônes  ? 

i?.Ils  propofeiitdiverres  règles  aux 

perfonncs  même  du  fiecle.  Ils  veu- 

întçrfiljosfnos  le,;,!- que  pon  conte   lefus-Chrift  aÛ 

«nos  habcnc  in  /        \      r  r  jni- 

irrrâcompucenc  Hombrc  de  Ics  entans ,  c  eit-a-dire  , 
unu-.nri.icrcm    qu'on  donnc    autant  a  Dieu  ,  que 

oucm  hibcnc        ,|  .  ,       ,  i       r  r 

in  cceio  ,  cui  1  OU  donne  a  chacun  de  les  entans. 
totam  daic  de-  Que  les  Chrétiens  ,  ditTainc  Au^u- 

bcSanc  ,  Tel  di-   rS-    r     r         •  i  i 

■vidamcuin  il-  Itin  le  louvicnnent ,  dans  le  partage 

îo.  /«/-/.  48-     cle  leurs  biens,  qu'outre  les  enfan.3 

computa  quia  qu'ils  out  fur  la  terre  ,  ces  enfans 

tjnum  plus  ha-   qj^j.   j^  pjus  un  frère   dans  le  ciel. 

te.-.    1-3C  iocum     .  .     r  }\  t         ^ 

chrirto,  cum  fi-  Ainli  qu  lis  partagent  avec  celuy  a 
lus  tuis,  accédât  q^^  tout  appartient ,  &  à  qui  ils  de- 

lamiJiac  eux  Do-    -l  r  f  '  j. 

ininus  tuus ,  ac-  vroient  touD  donner.  Avez-vous 
cedatadproiem  ^^^^  enfans  ,  dit  aillcurs  ce  même 

Creator  tuus,  t    r       /^i     -n 

-accédât  ad  nu-  Pcre ,  prenez  Jeius-Chrilt  pour  un 
^Z^:ir  "oifi^"ie  ;  donnez  rang  a  Jefus- 
tuus.caraenim  Chrift  parmi  VOS  cnfans  y  que  votre 
L'frac'ïrXdi^  ^cigneur  &  vôtre  maître  entre  dans 
^atas  efr.    Et  Votre  famille.    Qu'y  a-t-il  de  plus 

^■^s^'ioCha^E^o^^e^i^  5  o^  ^  ^'^^^  ^^  devenir  pe- 
icre  cohxredes.  re  de  Tefus-Chtifl:  j  ou  à  vos  enfans, 

Jd fer.  4fX.de  dt.    J      P  •  C 

vertus  en.       dei  avoir  pour  trere. 

Mediaai  faU  Saint  Chrvfoftome  veut  qu'on 
pâtrem,  aut  ter-  domie  aux  pauvres  ,  au  moins  la 
xiam,autquar- dixme  de  fes  biens.  Salvien  va 
«^mum  ca°  beaucoup  plus  avant.   Ce  Père  dans 


Î-KVÎRS    LI    PROCHAIN.         ^'OI 

les  livres  qu'il  aconipole  contre  la-  raitemdccimaîrt 
vance,  loucienc    que  1  on  doit  tout  ^nus.  s.  p^nf, 
donner  aux  pauvres,  &:  prouve  Ion  '^*'"'  *7.  »» 
fentiment  de  la  forte.  Puifque  c'eft     vrdèsdvia- 
de  Dieu  que  nous  avons  tout  reçu  .  ^'^^nibro  i.  ad^ 
OC  que  uous  luy  devons  tout  j  il  elt  „um  u.  (^  tn 
iufte   que  nous   luy    offrions  tout ,  ^/^f*/' 7?""'^ . 
&  que  nous  luy  rendions  tout  dans  tiâ. 
la  pcrfonne  des  pauvres.  Ce  même 
Père  fe   fert  d'une   infinité  de  rai- 
ionnemens  encore  plus  pathétiques, 
qu'il  autorife  des  pailages  de  la  iain- 
te  Ecriture  ,   dans  lefquels  ils  prou- 
ve pleinement  la  jurtice  ,   la  necel- 
Jité  &    l'obligation    de    l'aumône  : 
mais   comme  Tes    fentimens  pour- 
roient  paroître   trop  forts    &  trop 
excelîifs ,  on  s'aLfricnt  de  rapportei: 
[es  termes  ,  Ôc  on  le  contentera  d'y 
renvoyet   le  Ledeur  ,   qui  fouhai- 
tera  le  confulter  fur  cette  matière» 

§.     V. 

^vis  pour  U  pratique  de  l'aumône 

chréîhnne, 

jO.   La  pratique  de  l'aumone  n'a- 
c-elle   point  befoiii  de   règles  ^  de 


joi      De   la  Charité' 

R,  Comme  rien  ne  peut  plaire  a 
Dieu  ,  à  moins  qu'il  ne  foit  confor-. 
me  à  l'ordre  êc  aux  règles  qu'il  a 
établies  ,  &  qu'il  rejette  toutes  les 
adbions  qui  ont  la  cupidité  &  l'er- 
reur pour  principes  ;  on  doit  Te  con- 
duire dans  la  pratique  de  l'aumône, 
comme  dans  les  autres  allions  de 
pieté  5  de  fuivre  les  règles  delà  véri- 
té ,  qui  en  ont  été  données  par  les 
iàints  Pères. 

£>,  Quelles  font  ces  règles  ? 

^.  En  voici  quelques-unes  de$ 
plus  importantes. 

La  première  eft,  que  nous  ne  de-* 
vons  donner  en  aumônes ,  que  ce 
qui  efl  à  nous  ,  ôc  ce  dont  nous 
pouvons  difpofer  avec  juftice.  Ainfi 
les  femmes  l'ujetes  à  leurs  maris  , 
les  enfans  foumis  à  leurs  {feres  Se  à 
leurs  mères ,  ne  peuvent  faire  l'au- 
mône fans  la  permifïïon  de  ceux  k 
qui  l'ordre  de  Dieu  les  a  aifujetis  ; 
de  plus  ceux  dont  le  bien  eft  mal 
acquis  ,  ou  qui  font  chargez  de  det- 
tes ,  doivent  fonder  d'abord  à  fatis- 
faire  aux  devoirs  de  juftice  ,  avant 
que  de  s'acquitter  des  devoirs  de 
charité.   Ceft  pourquoy,   dit  faint 


ENVERS     LE    PROCHAIN.        5O5 

Creçoire  ,  l'Ecriture    nous    avertit  .  indîgcmîbus 

*~^     i  .      n^  r^-  r        ■      iublrrahunt  quae 

que  celuy  qui  offre  à  Dieu  un  lacn-  Deoiargiuntur, 
fice  du  bien  des  pauvres,  fait  corn-  ^e^  q^âcà  eos  ». 

,  .  •     1      ri  nimadveruone 

me  celuy  qui  tueroit  le  nls  aux  yeux  remeac  ,     per 
<iu  père.  Cependant  on  trouve  alfez  4ii<^nf^^"^  ^=»Fé- 

j      ^  1  1  A  ^^  Dominas  de- 

de  gens  qui  dans  les  même  temps  monftiac,  du 
qu'ils  font  des  aumônes  aifez  abon-  cens 'â^;  ».'"'»''- 
dantes,  lont  néanmoins  tres-negli-  d:  fubjiantiâ 
sens  à  payer  leurs  dettes ,  parce  que  P^"/'"'"  »  T'fJ^ 
la  vanité  &  l'amour  propre  lont  imm  »»  c«nfpea*t 
■flattez  j  ôc  trouvent  leur  compte  ^.^^"'  ("'•  ^' 
plus  dans  i  un  que  dans  1  autre  de  ces  Paji.  p.  3.  ddt^* 
devoirs.  ^^" 

1°.  Les  Pères  de  TEglife  ,  remar- 
quent, qu'il  y  a  des  aumônes  qu'il 
ïiiffit  de  Elire  à  ceux  qui.  nous  les 
demandent  ;  mais  qu'il  y  en  a  d'au- 
tres où  il  faut  prévenir  ceux  à  qui 
on  les  doit  raire  :  C  eit  ce  que  1  oni^di^eat^&no- 
peut  apprendre  de  ce  palTaee  de  faint  li  «iicere,  fi  p^- 

%  rt-^       ^r  1  1-       1  tieri:  dabo.  Ex- 

Augultin.  Vous  devez  ,  dit-il  ,    re- peaas  crgo  uc 
<:hercher  fi  les   ferviteurs  de  Dieu  p^^^t  ?  sic  paf- 

,  •        1      r  •        1        A  r  cis  bovem  Dei  - 

n  ont  point  beiom  de  votre  lecours;  qaomodo  tran- 
&  ne  pas  dire,  je  leur  donneray  s'ils  ieuntcmmedi- 

,^  ,         \^  ,      •'  ,  cum  ?  llli  pecen- 

me  demandent,  vous  attendez  donc  ti das.quiafcrip- 
qu'un  ferviteur  de  Tefus-Chrift  vous  ^^^^  '^f^*  °^J^^ 

(  1  r,  1  •  pctenti  da.     De 

demande;  &  vous  vouiez  traiter  un  ifto  quidfciip- 
ferviteur    &  un  officier  de    Tefus-  tumcft?Beacus 

^,  j.  -^.         ,-    quuntelligitfu- 

Chnit  comme  un  mendiant  qui  pal-  per  csenuoi  & 


504       'I^E    I-A    ChARITb' 

paupercai  •  .  .  fe.    Si  les  ferTiteurs  de  Terus-ChrîiT: 

fi  lie  inter  vos    r  ^     ■  •  1 

indigent  milices  ioi^t  ledUltS  parmi    VOUS  a  VOUS    de- 

chnrti^utctiam  mander  la  charité  ,    prenez    earde 

octant  ,    videte         ,.,  .  ^  -i 

nt:  vos  judiccnt  qu  US  ne  VOUS  jugent  avant  qu'ils 
antcquampc-     yous  la  demandent.  Quelle  recher- 

tant.Qtiomodo.     ,        ^  7^      1 

inquis,  qusro  ?  che  reiav-je  r  me  repondrez-vous, 
irtocuiioius.    Soyez  curieux  ,    lovez  prévoyant, 

€fto    providus?  •'      .  r  1  1  t 

profpice , atten.  examinez,  conliderez  de  quoy  cha- 
dcunàcqmfque  ^un  d'cux  vit.  On  nc  VOUS  blâmera 

vivat,  undc  le         .  ,  •    r    '      T  ^r       ■ 

tranfigat ,  unde  point  de  ccttc  curioiite.  L  Ecritu- 
«fil"^^^""  a"  re  dit ,  heureux  celuy  qui  fcait  bien 

prcnendctur  ilta  /  ;     i  > 

<uriontas  rua.    connoître  le  pauvre.  Il  y  a  donc  un 

fn'ei?4"o\t'.cf  P^^^^^  1V^  ^^''^  ^^^^^'  ^^  connoî- 
cgenum  scpau- tre  &    dilccmer    de    vous-même, 

«'venk^^mp'^  fans  attendre  qu'il  vous  demande, 
tat  5  aiium  tu  II  eft  écrit  des  pauvres  ordinaires  : 
tat':''skit''cnLTi  Donnez  à  tous  ceux  qui  vous  de- 
dciiio  qui  te  mandent  ;  mais  il  eft  dit  de  ceux  qui 
?ft^'^'^omn'i?e.  ^^  demandent  point  :  Gardez  long- 
tenri  te  dâ,  lie  temps    vôtre  aumône    dans    vôtre 

de  illo  nusm  tu  ■  r 

debes  qu^rere.  ^^^^  J  juiques  a  cc  quc  VOUS  ayez 
Diaumeft,  fa-  trouvé  uii  hommc  iufte  à  qui  vous 

-cet   eleemoiyna  1       j  • 

inmanutua.do-  ^a  donnieZ. 

Tiec  invenias  ju- 

ûatn  cui  eam  tradas.    S.  ^Aug.  in  Pf.  105..  Ser.  j. 

JD,  Que  doit-on  juger  de  ceux  qui 
menant  une  vie  déréglée  ,  ne  iaif- 
fent  pas  de  faire  des  aumônes  ? 

J^,  On   doit   juger  ,    i°.     Qu'ils 

n'obfervent 


ÏNVERS.   Lï     PROCtîATK.        50^ 

ti^obfervenc  pas  Tordre  de  la  chari- 
té ,  marqué  par  cette  règle  impor- 
tante  de  fain:  Auguftni  :   Quicon-  .^^J^^^^^^ 
que,  dit  ce  Père  ,  veut  garder  1  ordre  moiyuam,  à  ic- 
dans   la  diftnbution  des   aumônes /^Pj^^  ^^^^^^^^^^^^^ 
doit  commencer  par  foy-même  ,  en  ui  jnmum  d». 
fe    la  faifant  à  foy-même  le  pre-  '^%^  '^"""'-  '• 
mier. 

1°.  Ces  aumônes  doivent  être  fuf- 
pedes  de  n'être  pas  faites  pour  Jelus- 
Chrift  :  car  s'ils    dowioient  ,    dit  .f^iiS'ipin?^ 
faint  Aueuftin  ,   le  -pain  aux  pau-  canquam.  chu. 

il     1         1  ^.\.     ^   fto  darcnt.  pro- 

vres  ,  comme  s  ils  le  donnoient  a  f^^^^j  i^^i  pknrnt 
Tefus-Chrift  ,  ils  ne  fe  refuferoient  jufticis ,  quoi 
pas  a  eux-mêmes  le  pain  de  la  juitice,  /^  ^  non  ncga- 
qui  eft  Jelus-Chrift  luy-même.  '^'^^'  ^'  <^'"^^ 

3°.  Il  eft  vifible  que  c'eft  un  hor-  '•-  •  -f*  *7- 
rible  dcfordre  ,  de  donner  à  Dieu 
quelque  peu  de  bien  ,  ôc  de  donner 
fon  ame  au  démon  :  c'eil:  propre- 
ment le  crime  de  Caïn  ,  qui  fit  que 
Dieu  n'eut  point  d'égard  à  fon  fa- 
orifice. 

-D.  Ces  aumônes  font-elles  donc 
ablolument  inutiles  ? 

R.  Il  faut  diftingucr.  Si  ceux   qui    Elcemoryn» 
donnent  l'aumône  en  mauvais  état/^'^^^'^"^'^^'^* 
ont  deiiein  par  la  d  acheter  de  Dieu  caverunt.    Das 
l'impunité  de  leurs  crimes,  6c  i'e- f '"•  ^^"^°<=- 
Tome  II.  Y  u 


^a6         De  la  C  h  a«r  ï  t  é* 

câtntutrcdimas  vemption  des  peines,  ians  changer 

P' a  cent?..   Nam     ,4  r      t  r 

iiicicodas,utii-  de  Vie  ,  non  Iculemcnc  ces  aumônes 
ccjttibi  icmpcr  f^^^  inutiles  ,  mais  on  peut  dire 
11011  cimiiuai  qu  cllcs  iout  Criminelles  •  puiiqu'eii 
paicis,  icd  ;u-  ^ç^,j.   j^  j^  forte  ,    c'eft  croire  que 

peicconaris.      Dicu    cft  Capable  dc    corruption  ôc 

c-'crdfcmoi^^' ^'"■'i''^^^^^»  comme  les  hommes  ;  &c 
ram ,  uc  veitï2  c'eft  à  ces  perioimes  que  s'adrellè 
oia:ion.s  cxau-  [^  reprochc  du  Prophète  David,  lorl- 

diancur,  êc  ad-         ,    r  r  ,        ^    s 

juvet  vof,  Deus  qu  il  dit  :  yoHS  avez,  cru  ,  o  homme 
î.t  «rmS.^:  ?^''"  ^'i^h'^té  .  qn:  ;>  -vont  fcray 
«iam.    S.  uiu^.fembLîble, 

iJ^iûimafti  ^  inique ,  quod cro  fimilis  tibi.  Pf.  4^.  tt. 

•  __^ 

Mais  fi  une  perfonne  ,  quoy  qu'en- 
core engagée  dans  le  péché  ik  trop 
foible  pour  en  fortir ,  defire  fînce- 
rement  fa  délivrance  ,  &  que  pour 
obtenir  la  force  de  fortir  de  Ion  mal- 
heureux état  ,  il  offre  des  aumônes 
à  Dieu  ;  ces  aumônes  peuvent  être 
utiles ,  6c  certainement  elles  tien- 
nent lieu  d'une  efpece  de  prières, 
Ainfi  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  vaut 
mieux  pour  les  perfounes  encore 
engagées  dans  le  deiordre  <3c  dans  ie 
pechc  ,  ne  point  faire  d'aumônes  > 
que  d'en  faire. 

D.  Les  aumônes  fufEfcnt  -  elles 


tNVERS     Lï    PKOCUAIH.       5O7 

poiir  racheter  les  grands  péchez  ?       ^  ^*  pu??tîs, 

r>    T-n  r  n'i"  1  rratres ,  quia 

A.  Elles  ne  lurnlenc  pour  racnec-  facisuda  i\iac 
ter  aucun  péché ,  feins  une  véritable  q^ocidic  aduU 

^     i  '  .  tena  ,    6:  ciee- 

converlion  ;  Ôc  comme  une  venta-  mofynis  quod- 
ble  pénitence  des  grands  péchez  ,  ^''^?"  nvandan- 
doit  enrermer  la  volonté  de  latis-  la  majorais-- 
faire  à  Dieu  pour  ces  péchez ,  d  une  i^^^^.^'':'.!-. 
manière  qui  leur  foit  proportionnée,  nx  ciecmofynjc, 
on  ne  peut  pas  dire  que  les  feules  "1."^"^  1;^^'''  ' 
aumônes  contiennent  tout  ce  qui  muces  vIû,  &s, 
doit  être  compris  dans  cette  propor-  t,t!fJrZ,t 
don,  '    •  il' 

-D.  Comment  s'entend  cette  pa- 
role Il  en  ufage  ;  donnez  à  tous  ceux 
qui  vous  demandent  ? 

^.    Saint  Auguftin  répond  ,    que     id  profcâo 
lorfque  vous  avez  raifon  de  refuler  ^^^^"'^^  ^^.» 

1  ,  quod  nec  tioi 

ce  qu'on  vous  demande,  il  faut  au  necakcdno- 
moins  faire  connoître  à  celuy  qui  ^.TJ'J^JS 
demande,  la  juftice  de  ce  refus  ;  &  hominc  potcftj 
qu'en  cette  manière  on  peut  donner  ^v^As"  quod^* 
à  quiconque  demande ,  ou  en  luy  pc"t ,  indican- 
^  accordant  ce  qu'il  demande,  ou  en  da,^ut'LVcui!l 
luy  donnant  avec  douceur  ôc  afFa-  inanem  dirait. 
bilité  quelque  raifon  de  ce  refus ,  ôc  petend^cc°Sbiî, 
1  avis  de  ne  faire  pas  des  demandes  quam vis  non 

.     .    f,  •*■  fcmpcr  id  quod 

injuiteS.  ^  petit  dabis,    ôc 

aiiquando    rac* 
lias  aliquid  dabis  ,  cum  petencem   injufla  coicexecis.      ^t  Sirm^ 

V  u  ij 


5^S     ^^   ^  ^  Charité* 

,  Si' potes aarc        Ccccc  obliL^arion  de  donner  à  qui- 

ca ,  1]  non  potes  i  i  r 

ffra^jiemtepra-  cooqQC  demande  ,    le  peut  encore 
i.a  .  coronac      entendre,  qu'on  cft  obligé  de  donner 

Lcus  intuj  vo-    V  ,         ■'^  ,  ,  ^    , 

luiuatcm  ubi     a  touc  le  monde  par  la  douceur  ôc 
r.ouinvenic  fa-  p^^^-  [^  charité  ,  donc  on  montre  Te- 

"f  ^/.  loj.  j/r.  xemple.    C  eit    la  railon  pourquoy 
''  iainc  Auguftin  dit.  Ne  niépriicz  per- 

fonne  de  ceux  qui  s'adrelfent  à  vous 
pour  vous  demander  :  lorique  vous 
ne  pouvez  luy  donner  ce  qu  il  vous 
demande ,  au  moins'^ie  le  méprilez 
pas  :  fî  vous  pouvez  luy  donner  ce 
qu'il  vous  demande ,  faites-le.  Si 
vous  ne  le  pouvez  pas,  au  moins  té- 
moignez-luy  de  la  bonté  j  loyez  luy 
atïable.  Dieu  couronne  au  dedans 
vôtie  bonne  volonté  ,  rorfqu'clle  ne 
peut  au  dehors  accomplir  ce  qu'elle 
voudroit  pouvoir  faire. 
i^,  if.  2.  jry  Q^j  ^  1^  pl^2  donné  de  la  Veu- 
ve de  l'Evangile  ,  qui  ne  donna  que 
deux  petites  pièces  de  monnoye  ,  ou 
de  Zachée  qui  donna  aux  pauvres  la 
.,     .  moitié  de  Ton  bien  ? 

àaô'wAnatlTû-       ^.    Saint    Auguftin    décide    que 
G:,  pamni  ie-  quelque    inégalité   qu'il    y    ait    eu 

minavit?  Iramo     t  ^  ,.,*-'  .    ^      ,      L      ,       . 

catuam  quantû  dans  ce  qu  US  ont  donne  ,  ils  etoienc 
zach^us.  Mino-  néanmoins  éizaux  dans  le  fonds  de 

xes  cnira  f-acul-  ,  ,        .     ^  •      /       •      ^       r 

UCC5  ttizbM ,     leurs  chantez ,  qui   etoit  la  iource 


ENVERS     LE    rrLOCIîAIN*        50^ 

de  leurs  aumônes. On  pourroit  dire,  f*^^  P**"*™  "»• 
dic  ce  Fere,  qu  en  comparaiion  de  bar.  MificdiiV 
Zachée  ,  cette  Veuve  auroit  peu  ^nir^ata^cî^ncà 
donne.  Nullement  :  elle  avoit  moins  quand  zachïas 
de  bien  ,   mais    fa  bonne    volonté  '^îi^J^ii".^  pa-^ 

,      .  '.,,      s     ,      r  n      J  tr^uoniuai.    Si 

ccoit  pareille  a  la  lienne  ;  eue  don-  itcendas  quid 
na  ces  deux  petites  pièces  avec  une  ^^':^fi^"nt,divcr, 
volonté  aulii  pleme  ,  quel  etoitcel-  actcndas unds 
le  de  Zachée  .    lorlqu'il   donna  la  aedemnc ,  pa- 

.   .,         ^  1      r         1  •  *  lia  invenics..    in 

moitié  même  de  ion  bien.  A  con-  tj  H). 

fiderer  le  dehors  ,  on  voit  deux  cho- 

fc?y   bien   différentes   ;   mais  à  bien 

examiner  ce  qui  les  taie  agir  ,  ce  qui 

les  porte  à  donner,  on  y  vera  tout  le 

fciiiblable  :  la  Veuve  donne  tout  ce 

qu  elle  avoit  :  ZacJiée  donne  tout  ce 

qu'il  avoit. 

D.   Doit-on  préférer  le  faîu-t  d«  •  A*Pj';\'-'i -? 
prochain  a  ce  qui  ert  utile  ,  ou  même  dv.s  cft  quam 
necelfaire  à  nôtre  corps  ?  corpus  nsHmm^, 

A.  Cela  elt  indubitable.  Car  com-  ou, m»  iibd.i-- 
me  dit  faint  A^uftin  ,  le  prochain  ^1^''^«  ^"-H.]'  '^ 
eft  capable  de  joiiir  de  Dieu  avec  aiins  homo  d-; 
nous,  Ôc  le  corps  n'en  efl  pas  ca^  Ton '1,1  \^''^''''^ 

'  r  r  non  pocclt  co-- 

pable,  pus.  ^'^i.  t.  I. 

D.  Quels  font  ceux  que  l'on  doit  ;;  ^^;^-  ^*'''^^- 
préférer  dans  Tes  aumônes  ,  &  dans 
l'exercice  de  la  charité  ? 

J?.  Saint  Paul  décide  que  l'on  doit 

Vu  iij 


rum  a 


l.m    ^.i. 


510  De  laCharite' 
picfcrcr  ceux  qu'il  appelle  les  Bo^ 
meflicjues  de  la  foy  ^  c'cft-àdire  ,  ceux 
qui  nous  font  liez  par  la  foy.  Fal^ 
jimiàomntsjons  du  bien  a  tons  ^  dit  cet  Apôtre  , 
^^^J^^  n^"^''"  JW^/;    prlnclpdement   a    ceux   au  une 

ad  donirlticos  ^        t  1  n-  1 

hdti.'jfii.  €.10.  même    foy    a  rendus  domejri(jHes   du 

Seigneur.     Il  décide  auffi  qu'il  faut 

Si  qiiii  autcm  prcferer  les  domeftiques  :   Si  queU 

fuorum  &  ma-     ^     ,  i-      -i  >  ^     r-        i        r 

xime   domcili-  ^«  un ,   dit-ii ,  u  4  f^s  jom  des  Jiens, 
coiumcuram     ^    particulièrement    de     Ces  domefii^ 

non   habct ,   h  /  ^    r    r  ^         ?• 

demncgavic.  i.  ijucs  ^  il  rcrwnce  a  fa  foy  5    (y  ejt  pi- 
re (jHnn  Infidèle. 

Zvlais  comme  les  beloins  font  dif- 
ferens ,  on  ne  peut  établir  des  règles 
bien  certaines.  Car  il  eft  certain 
d'ailleurs  qu'il  Riut  préférer  les  plus 
grandes  nccefTîtez  a  celles  qui  îont 
moins  prenantes  :  De  même  ,  félon 
faint  Jean  Chryfoftome,  un  pauvre 
moins  réglé  dans  ies  mœurs  ,  &c 
dans  fa  conduite ,  mais  dont  le  be- 
foin  eft  plus  preilànt ,  doit  être  pre- 

ciiaritas  non     r      r         1         i  i      1  •  • 

orducamandi,  lere  a  de  plus  gens  de  bien  qui  ont 
fedoidine  fub-  Je  moindres  befoins.  Saint  A ugu (lin 

vtniendi ,  in-  ,  ^  P  p 

firmiorcs  for-    veut   qu  OU  pteterc   ceux    qui  lont 
tioribas  antcpo-  pj^jg  foibles  ,à  ccux  qui  fout    plus 

liit.  ^Hi    E..$jr.  i.  '  ^  * 

J78.  forts. 

Cum   omni-        Q^  f^jj^^  Dodeur.danS  un  autre  en- 
bus  prodellenon     ,  ,         r-  ,, 

poflis,  bis  pouf-  droit  de  les  ouvrages,  veut  que  i  on 


Charitas  non 


ÏNVERS     LE    PROCHAIN,  51I 

préfère    ceux    qui    nous   font    plus  fi.num    conCa- 

1-  r^  kadum  eft,  q;ii 

liez.    Comme    nous    ne    pouvons  ,  p^.^   locoruni 
fiic-iL  pourvoir  au  beloin  de  tous ,  tempornmvei 

•  1    /-  ^  ,.  ^  .  z'  q  n:\vamlibec 

11  tau:  s  appliquer  a  ceux  qui  le  trou-  rem.n  oppo.ta. 
vent  comme  par  une  efpcce  de  fort,  î}''"^^!^"*  ?,  "r^^  ■ 
plus  liez  avec  nous  ,    ou    par    les  4uîiiquâdam 
lieux  ,    ou  par   les  temps  ,   ou  par  [°^^'  Jiitigûtuf . 
4  autres  circonftances.   Car  comme  bi  abundarec  a- 
il  vous  aviez   quelque  choie  de  lu-  ^'i."''^*  quoda. 

,  A         ^     .       ..  dan  oporceret  ev 

periiu  a  donner  ,  continue  ce  Père  ,  qui  non  habe- 
Sc  que  vous  rencontraiïiez  deux  ["  *,  ""  A"^* 
perioimes  qui  rulient  dans  un  égal  fi  nbi  occurrc 
befoin,  fi  la  choie  que  vous  auriez  ru;^tut«T." 
à  donner  ne  le  pouvoic  partager  ,  iium  yei  indu 
vous  ne  pourriez  mieux  faire  que  de  fe'aHquâ^nc/:!! 
jetter  au  lort ,  pour  voir  celuy  à  qui  tudinc  fapcca- 
vous  la  donneriez  ;  ainfi  ne  pouvant  tTc'em^quïtn'ut 
faire  charité  à  tous ,  la  raifon  veut  i'^"e  icgcrc6,cui 
que  1  on  prenne  pour  un  choix  fait  .^^^  ^^.^  ^^^.^ 
par  le  fort  ,  quand  il  fe  trouve  que  que  non  poffcc: 

1'  1        j       r    -r  I  licin  hominibui 

1  on  a  plus  de  liaiion  avec  les  uns ,  ,^-v,^, ^mnibat 
qu'avec  les  autres.  conrukrenc- 

Ainfi-il  faut  du  difcernement  &:  de  h^bcncuîm  cti' 
la  prudence  ,pour  fcavoirceux  qu'il  p^^  ^^  quir-qu- 

£•     ^  r  *  1-  tibi  ttraporali- 

aut  prererer,    parce  que  ces  diver-  icr  coiiiganus 

fes  coniîderations  peuvent  être  con-  acihai-«c  potuc- 

X-.    T  *■  1  .  rit.  L,  i.  de 

traires.  Celuy,  par  exemple^qui  nous  ncs.  cimfl.e. 
fera  plus  lié  ,  peut   être  plus   fort ,  *s- 
&:  avoir  de   moindres  befoins  qu'un 

V  u  iiij 


yii      Db    la  Charité* 
étranger    qui    n'aura    nulle   liaifon 
avec  nous ,   mais  qui  attirera  notre 
charité  par    fa  foibieile  de   par   les 
prclîans  beloins. 

Il  faut  encore  confiderer  ceux  qui 
font  plus  ou  moins  abandonnez  ; 
ceux  qui  ont  plus  ou  moins  de  fup- 
port  :  car  leurs  beloins  lont  plus 
grands  à  nôtre  égard.  Il  faut  quel- 
quefois préférer  ceux  à  qui  nous 
jommcs  plus  engagez  pour  avoir  dé- 
jà commencé  de  les  aïlill-er  ;  ceux  à 
qui  il  y  a  plus  d'apparence  que  la 
ciiarité  qu'on  leur  fera,  fera  utile 
pour  leur  lalut.  Il  eft  très -difficile 
de  décider  tous  ces  cas  en  particu- 
lier j  mais  fans  s'embarralFcr  Ôc  fe 
donner- la  gène  iur  le  choix  de  ceux 
a  qui  nous  fommes  plus  obligez  de 
fcùre  la  charité  ;  la  plus  fure  de  la 
plus  folide  maxime  que  nous  de- 
vons nous  imprimer  dans  Tel  prit , 
eft  que  nous  ne  devons  point  luivre 
en  cela  nos  inclinations  «3c  nos  ca- 
prices ,  mais  les  intérêts  de  Dieu  ^ 
Se  qu'étant  les  diftnbuteurs  des  biens 
qui  luy  appartiennent  ,  nous  de- 
vons les  adminiftrer  lelon  fa  volon- 
té ,  de  félon  fcs  ordres. 


ENVERS    lE    PROCHAIÎ^.  5Ï5 

D.  Peut -on  s'acquitter  entière- 
ment des  devoirs  de  la  charité  en- 
vers le  prochain  ? 

^  R.  On  peut  bien  s'acquitter  en- 
tièrement des  devoirs  extérieurs 
pour  un  certain  temps  ;  mais  on  ne 
peut  pas  dire  qu'on  en  loit  quitta 
pour  toujours.  Car  f\  le  befoin  ie 
renouvelle  ,  nous  lommes  obligez 
de  denner  le  même  fecours  :  & 
quoy  que  nous  ayons  déjà  aŒl^é  les 
mêmes  perfonnes  ,  fî  une  nouvelle 
occahon  le  prefente  ,  nous  ne  fe- 
rons pas  moins  obligez  à  les  fcula- 
ger.  De  plus ,  la  charité  intérieure 
eft  une  dette  perpétuelle.  SoU  chsr^ 
r'ttas  fe-ûiper  retinet  de  hit  ores.  Qui  ai- 
me doit  encore  aimer ,  ^  même  ai- 
mer davantage.  Car  on  doit  tâcher 
d'accroître  &  d'avancer  dans  l'a- 
mour du  prochain  ,  comme  dans  ce- 
luy  de  Dieu.  C'eft  même  un  moyen 
de  témoigner  la  reconnoilîance  que 
nous  devons  à  Dieu  ,  pour  la  grâce 
qu'il  nous  4  faite  d'aimer  nôtre 
prochain  ,  que  de  tâcher  de  l'aimer 
encore  davantage.  Mais  comme  par 
nous- même  ,  nous  n'avons  pas  dans 
notre  fond  de  quoy  fatisfaire  à  cet- 


51^        D  I    L    A     C  HA  R.  X.  T  E* 

te  dette  ,  il  faut  s  adrelïer  ,  comme 

fait  faint  Auguftin  ,   a  ccluy  de  qui 

nous  tenons  tout ,  de  luy  demander 

_  j      de  quoy  s'en  acquitter.    Plaiie,  s'c- 

reddam  qui  do-  crlc  ce  Perc  ,  a  ceiuy  qm  m  a  ren- 

rav.c  ut  dcbcâ.  J    débiteur,  de  me  donner  de  quov 

?»4».  latisraire. 


ENVERS    LI    PROCHAÎN.        51^ 

06 6 666 6 60C 666006 666 60 
'SECTION    TROISIE^ME. 

Des    devoirs    que   l'on    doit    an 
•  prochain ,  h  l'égard  de  fon 
ame, 

Z>.     Jl,       Quoy  fe  rediiifent  les  de- 
./jk.voirs  aufquels  on  eft  obli- 
gé envers  le  prochain  ,  à  l'égard  de 
ion  ame  ? 

P,  Ils  Tont extrêmement  étendus, 
puifqu'ils    comprennent    générale- 
ment tout  ce  qui  peut    délivrer  le 
prochain   de  quelque  vice  ,    ou  de 
quelque  défaut ,  de  tout  ce  qui  luy 
peut  Hiipirer  la  vertu  ,  ou  l'avancer 
dans  le  chemin  du  lalut.  Saint  Au-  ^H-'fl-  ^'  '^- 
guitin  ,   comme   nous  avons  dit  ci-  <..  ^7.      ^ 
devant,  réduit  ces   devoirs  à  deux , 
qui  font  l'indrucflion  &  la  correc- 
tion :    Adedicina  &  difctplina  j  mais 
il  les  marque  plus  en  particulier  ,  en 
décrivant  la  charité  de  l'Egliie  pour 
fes  enfans.  Ce  faint  Doéleur  aifure 
qu'elle  fe  doit  rencontrer  dans  tous 


5î5  D  I      t  A    Ch  A  RITE* 

ceux    qui     lont    vcritablemciic    Ces 

membres.  L'on  doit,  dit-il  ,  la  cha-» 

Cum    eadem  rite  à    toiis  ^    mais   oii   ne  doit  pas 

•mnibus  debca-  ^j^^^  ^  l'éc^ard  dc  tous  dcs  mêmes  rc- 

tur  cnaruaSjnon  p^ 

eadcm  eft  om-  mcdcs.  Car  il  y  en  a  pour  qui  la 
di'^mcdkma'''"  charité  fouffre  ,  pour  ainfi  dire,  les 
îpfaitcmcha-  douIcurs  dc  rciifantemcnt ,  en  ta- 
îurû  ;'!;;;  ^fH;cIwnt  de   Ics  faire  mure  en  Jefus- 

infiimatur  ;  a-  Chril-t  :  elle  eft  malade  &c  abbattue 

lios  carat  zdili-  i  >   n  i 

carc,aiioscon-  P^^^^  ^^^  craiiitc  qu  clie  a  pour  lesau- 
trcmircit  offen-  tres  ;  elle  tâche  d'en  édifier  quelqucs- 

dcre,  ad  alios  n      '  l  ^  j  • 

fc inclinât,  ad  uns;elle  épargne  les  autres,dc  cram- 
aiiosfecrigit ,   te  dc  les  blclTcr  y   elle  fe  rabaille  par 

«liis  blanda  ,  a  i    r         i  -11 

liis  fcvcra,  nul-  condeicendance  pour  ceux-ci  ;  eiie 
li  inimica .  om-  cleve  Ceux-làavcc  elleicarelfante  aux 

nibus  marcr.      ■  «      r  •        it 

yi-jrujii,,us  A»  uns  &  levere  aux  autres  :  mais  elle 
cathech'.ftndi!  j^'^f^  enncmic  d'aucuns ,  &  elle  a 
''  pour  tous  la  tendrelfe  d'une  mère. 
Mais  comme  dans  le  cours  dc  ces 
Inftruâ:ions  on  a  déjà  traité  plufieurs 
de  CCS  devoirs ,  il  lemble  qu'il  n'en 
refte  que  quatrCjaufquels  on  peut  ré- 
duire ce  qui  refte  a  dire  de  l'amour 
du  prochain.  Ces  devoirs  font  l'é- 
dification 5  l'inftruction,  la  correc- 
tion ,  de  le  fupport  ou  la  tolérance^ 


tudtbut.  CMp.lJ 


ENVEB.J    LE    PÊ-OCHAIK.         517 


CHAPITRE  PREMIER. 

De  l'édification  qucn  doit 
AU  prochfLin^ 

D,  "TT^  N  quoy  confifle  Pédificacion 
X^j  qu'on  doit  au  prochain  ? 
-^.  Il  y  a  une  manière  d'édifier , 
qui  confiiie  à  ne  caufer  aucun  fcan- 
dale  au  prochain  ,  qui  a  déjà  été  ex- 
pliquée ci-devant  ,  en  parlant  du 
Icandale.  Car  il  eft  impoiîîble  que 
celuy  qui  ne  fcandaiiie  perfonne  , 
ne  ioit  pas  édifiant  ;  &c  c'eft  fans 
doute  porter  à  la  vertH  ,  que  de  ne 
porter  à  aucun  défaut.  Mais  outre 
cette  manière  d'édifier  ,  qu'on  peut 
appeller  négative  ;  il  y  en  a  deux  au- 
tres plus  exprefTes ,  qu'on  peut  ap- 
pelle%pohtives ,  dont  l'une  ell  Pédi»- 
fication  que  l'on  cauie  aux  autres  par 
fôs  bonnes  adlions ,  &:  l'autre  qu'on 
leur  donne  par  fes  înftrudions. 

D,  L'édification  que  l'on  peut 
donner  au  prochain  par  fes  bonnes 
actions  &  par  ion  exemple ,  eft-eiie 
fort  coniiderable  l 


nS     Delà  Ch  ar  t  të* 

R,  Elle  eft  plus    générale  5c  plu» 
efficace  que  celle  que  l'on  peut  don- 
ner par  des  paroles.  Celle  qui  con- 
fifte  en  paroles  convient  à  peu  de 
perfonnes  ;  elle  a  befoin  de  talens 
naturels  &  de  quelque  autorité  ;  elle 
ne  fe  peut  pas  pratiquer  en  toutes 
occaiions  ,  ni  en  tout  temps ,  parce 
que  ceux  que  Ton  veut  inftruire  ou 
reprendre  ,    font   quelquefois    mal 
diipofez  à  écouter.     Mais  il  n'en  eft 
pas   de  même  de   l'édification  que 
l'on  donne  par  Tes  bonnes  allions ,  il 
n'y  a  perfonne  a  qui  elle  n'appar- 
tienne i  elle  ne  choque  perfonne  ; 
elle  s'infinuc   dans  les   efprits   fans 
oppofition.    Ceft  une  manière   de 
prêcher  &  d'inftruire  ,  à   laquelle 
tout  le  monde  a  droit  &  eft  appelle, 
&  qui  eft  fouvent  beaucoup  plus  effi- 
cace  que   les  paroles.    Car  le   bon 
exemple  agit   plus  lur  le  cœ^r  ,  Se 
le  foUicite  plus  doucement  &  plus 
fortement    que    tout    autre    genre 
d'niftrudlion  ;    parce  qu'en  même 
temps  qu'il  fait  voir  ce  que  la  vertu 
demande  ,  il  donne  courage  de  Ten- 
treprendre  par  la  pratique  qu'il  nous 
en  fait  voir  dans  les  autres. 


INVERS   LE   PROCHAIN.         JT^ 

Z).  Comment  peut-on  accorder 
ce  foin  d'édifier  le  prochain  ,  avec  ce 
qui  nous  eft  (i  louvent  recommandé 
d'éviter  les  loiianges  des  hommes, 
ôc  de  cacher  les  vertus  &c  Ces  bon- 
nes adlions  ? 

7^,  Il  s'accorde  parfaitement ,  en 
diftinf^uant  les  vertus  de  la  manière 
de  les  cacher. 

1°.  On  peut  fort  bien  cacher  ,  mê- 
me a  dellcin  ,  les  auftetkez  extraor- 
dinaires, les  aumônes  aufqueiles  on 
n'eft-  pas  precilement  obligé  j  de 
enfin  ,  toutes  les  autres  œuvres  de 
furerogation. 

1^.  On  peut  laiffer  ignorer  aux 
hommes  les  bonnes  œuvres ,  même 
commandées ,  loriqu'on  croit  qu'ils 
n'auront  pas  lieu  de  fe  fcandaiifer 
de  cette  ignorance.  Mais  en  ne  doit 
point  cacher  à  dellcin  le  limple  ac- 
compliifement  des  Commandernens 
de  Dieu  ,  ni  les  vertus  qui  font  des 
elpeces  de  charité  qu'on  doit  au 
prochain. 

5°.  On  peut  découvrir  quelquefois 
certaines  vertus  extraordinaires , 
pourvu  que  ce  ne  loit  point  par  va- 
nité ,  ni  dans  la  vue  de  s'attirer  des 
ioiianges  :   mais  le  motif  qu'on  doit 


jîO         De    tA    CftARfTE* 

avoir  dans  cette  occafion  ,  doit  être 

de  porter  le  prochain  à  en  rendre 

grâces  a  Dieu  ;  c'efi:  pourquoy  faine 

Ncfcio  fi  quid- Auguftin  dit  dans  une  lettre  à  faine 

qaam  mifeii.     p^^^i^^     g^  le  lolîant  de  fa  charité  : 

quamfi  taticuiu  Qu  11  n  avoit  pouit  fait  d  action  plus 
Boiitis  Ja.c"c     ei'aiide-  ni   plus  méritoire,    que  de 

^uod  cales  cfhs,  î:,  ^  P  r   '^       J  11 

«juantura  taies  permettre   que  1  on  Icut  de  quelle 

:,':;^A^  H.    forte  ,1  v.vou  ?  ' 

D.    Quelles  vertus  lontMes   plus 
édifiantes. 

B,  Ce  font  celles  qui  paroiffent  le 
moins  intereffées  ,  &  où  il  y  a  moins 
de  mélange  d'amour  propre.  Car  il 
n'y  a  rien  de  plus  humain  &  de  plus 
odieux  que  de  s'aimer  foy-même;  de 
par  confequent  il  n'y  a  rien  qui  at- 
tire plus  Teftime  des  hommes  ,  que 
de  ne  fe  chercher  pas  foy-même ,  de 
s'oublier ,  &  de  ne  fonger  qu'à  l'u- 
tilité d'autruy.  Ainfi ,  l'humilité  eft- 
tres-édifiante  ,  parce  qu'elle  eft  fort 
contraire  à  l'amour  propre.  L*au- 
■  fterité  eft  édifiante ,  parce  qu'elle  en- 
ferme la  haine  de  loy-même  &  la 
fuite  du  plaifir.  La  gravité  eft  édi- 
fiante y  parce  que  c'eft  la  marque 
d'une  ameoù  la  railon  domine  ,  ôc 
quin'eft  pas  emportée  par  les  faillies 

des 


ÎNVIRS    LZ    PROCHAIN.  5II 

des  padîons.  La  modellie ,  ioit  dans 
-les  paroles  ,  foie  daîis  les  habits ,  cfi: 
édifiante  ,  parce  que  c'cil:  la  marque 
-d'une  ame  en  quirhumilité&la  pu- 
reté régnent.    L'égalité  d'efprit  cil 
édifiante ,  parce  que  c'eft  une  mar- 
que ou  que  l'ame  cil  exempte  des 
paiïîons  ,  ou  qu'elle  en  eft  fort  maî- 
tre(Tè.     Les  inécralitez  au  contraire 
qui  paroiilent  dans  îa  conduite  de  la 
vie  5  ayant  d'ordinaire  pour  iource 
les  diverfcs  agitations  des  paiïîons, 
qui   emportent    l'ame    tantôt  d'un 
côté  &c  tantôt  d'un  filtre.     La  dou- 
ceur cft  édifiante ,  tant  parce  qu'elle 
marque    une   ame   tranquille  ,  <iue 
parce  qu'elle  fait  paroître  qu'on  ai- 
me ceux  envers  qui  on  l'exerce,  de 
qu'elle  n'irrite  point  l'amour  propre 
du  prochain. La  patience  enfin  eft  édi- 
fiante ,  parce  qu'elle  marque  une  ame 
qui  ne  s'eilime  pas  indigne  du  châ- 
timent de  Dieu    ou  des  hommes  , 
mais  qui  s'y  foûmet  humblement. 
,  Mais  il  n'y  a  rien  de  Ci  édifiant  que 
la  charité  ,   la  compaiïion   pour  la 
prochain ,    Se  principalement   pour 
fes  ennemis-,  parce  qu'il  n'y  a  rien 
^^le  .les  hommes  ciment  mieux  que 
Tome  II,  X  x 


511  De  la  Cmarite* 
d'être  aimez  ;  ôc  par  confequent  rien 
ne  donne  plus  d'entrée  dans  leur 
coeur  5  que  l'afFedion  qu'on  leur  té- 
moigne :  C'eft  particulièrement  par 
cette  vertu  que  les  premiers  Chré- 
tiens ont  furmonté  &  détruit  le  pa- 
ganifme.  Ceux  qui  n'avoient  poinc 
cédé  ,  dit  un  Auteur  ,  aux  miracles 
des  Martyrs,  cedoient  à  leur  charité, 
qui  étoit  un  plus  grand  miracle.  Ils 
ne  pouvoient  continuer  de  haïr, 
ceux  qui  ne  pouvoient  fe  laiïèr  de 
les  aimer. 

La  fcience  que    les    Philofophcs 
Payens   avoient  pu  recueillir  de  Ici 
contemplation,  ôc  de  la  vue  des  créa- 
tures ,  ne  leur  a  fervi  de  rien  ^  au 
lieu  que  la  charité   des   Martyrs  a 
change  la  face  de  tout  le  monde.  La 
vue  de  ces  nouvelles  créatures  pro- 
duites   par    l'amour   de  la  grâce  de 
Dieu,  a  été  bien  plus  efficace  que  la 
vue  des    anciennes   qui  avoient  été 
produites  par  fa  feule  puillance^audi 
eft-ce   quelque  chofe  de  bien  plus 
cxtraordmaire ,    de    voir  des  Mar- 
tyrs qui  n'avoient  que  de  la  tendref- 
fe  pour  leurs  bourreaux  ,   &  pour 
leurs  perfccuteurs  ,  que  de  voir  le 


ENVERS    LE    PROCHAIN.        513 

foleil ,  la  lune  ,  de  tout  ce  qu'il  y  a 
de  plus  beau  dans  le  ciel  ,  fuï  la 
terre ,  &  parmi  couce  la  nature. 

D,  Mais  n'e(l-il  pas  recommandé 
de  cacher  les  vertus ,  de  peur  qu'el- 
les n'attirent  des  louanges  ? 

R.  1°.  Il  y  a  des  vertus  qu'on  ne 
fçauroit  bien  cacher  que  par  des  vices 
contraires  :  Or  les  vices  nuifenc  au 
prochain  &  le  Icandalifent  ;  aind  il 
eil:  clair  qu'on  ne  peut  légitimement 
uicr  de  ce  moyen. 

2".  La  chanté  nous  oblige  de  faire 
l'aumône  Ipirituelle  au  prochain  : 
Or  le  bon  exemple  e(ï  la  principale 
&  la  plus  générale  de  ces  aumô- 
nes ,  lans  laquelle  toutes  les  au- 
tres font  inutiles. 

3°.  Tout  le  monde  n'eft  pas  capa- 
ble d'inftruire  les  autres  de  la  vérité  : 
il  y  a  encore  moins  de  gens  qiai 
foient  capables  de  la  foufFrir.  Mais  le 
bon  exemple  eft  une  manière  d'm- 
ftruire ,  dont  il  n'y  a  perlonne  qui 
-fuit  incapable  ,  &  contre  laquelle 
perlonne  n'eft  prévenu  ;  perionne 
ne  doit  donc  s^en  excuier. 

D.    L'aumône   temporelle  qu'on 
fait    aux    pauvres  ,   eil  -  elle    pluà 

Xx  ij 


51^      DelaCharitî' 

confiderable  &:   plus   méritoire  de- 
vant Dieu ,  que  l'édification  du  pro- 
-ïTli  qui  relie-  cliaiii ,  Sc  le  boii  exemple  ? 
xâ  vci  diftribu-       j^   5^^jj^^  Auçiuftiii  décide  formel- 

ta  ,  lîvcampla  ,  o 

five  quaiicun-  lemeiit  ,  quc  les  riches  qm  ayanc 
que  opaicuti    j^j^j-^^  |^.^J.  ^j^j-^  ^^^  pauvres ,  le  re- 

iaculcatc  ,  intei"  ,  n  i      i 

pajpsics  cûrifti  duiient  a  travailler  de  leurs  mains 
piâac  laïubri     ({^1-15  un  Monaftere  ,   afin  que  ceux 

huniiUtace    na-  ,        ,    '       .  ^      i 

jiicrari  voiuc-  qui  lont  de  baile  naiiiance  ne  le 
r^Vn'ii '"^'-''' i'candalilcnt  pas  ,    font    une  adiou 

Il  manibus  op.*-  i         ' 

rcntar,utpigris  d'une  plus  grande  charité,par  ce  bon 
«  r&  ob^hof"  exemple  qu'ils  donnent  dans  le  Mo- 
«xcrcicaciore  iiafterc  ,  qu'ils  n'en  ont  faits  en  di^ 
fcunTcx^afa-'''  ^nbuaut  tous  kurs  biens  aux  pau- 

lionem,  multo  vrCS, 

raifcricordias 

a;;unc  ,  quam 

cum  omnia  fui  ' 

jndigentibus  di* 

vxleranr.     S.  C  H  A  P  I  T  R  E*    I   I. 

De  Vinjlrucilon  que  Von   doit  nU 

froc  h  ai?}.  En  quelles  occajiom 

on  doit  la>  fr^tHj^uer. 

D,   T     Inftrudtion    qui    fe  fait  par 
Liles  paroles  ,  eft-elle  refervée 
aux  feuls  Supérieurs  ? 

R,  Il  y  en  a  une  qui  eft  refervée  au 
Supérieurs  Eccleiiuiliques  ,  &  celt 


ENVERS    LE    PROCHAIN.         )1'^ 

celle  qui  fe  fait  dans  les  Eglifcs  : 
une  autre  qui  appartient  à  tous  ceux 
qui  font  chargez  des  autres  ,  corn- 
me  aux  maîtres  à  Tégard  de  leurs 
ferviteurs ,  aux  pères  &:  mères  à  l'é- 
gard de  leur  famille  ,  <3v:c.  Mais  il 
y  en  a  une  particulière  ,  qui  appar- 
tient a  chacun  a  l'égard  de  tout  le 
monde  ,  qui  efl:  celle  qui  conlille  à 
parler  véritablement  &:  iagemenc 
de  toutes  choies.  Or  on  ne  icauroic 
parler  en  cette  manière  ,  fans  in- 
llruire  ceux  à  qui  on  parle  ,  <Sc  lou- 
vent  cette  inilruction  efl  plus  eihca- 
xe  qu'aucune  autre.  Ainfi  qui  au- 
roit  toujours  dans  la  bouche  des  pa- 
r-oies de  vérité,  auroit  toujours  des 
paroles  d'inllrudion.   C'efl  la  prière     Neaufcras^ 

C     r   '      ^       T,         I  T»  !       r    oie  meo  vcibû 

que  raiioit  le  Prophète  P.oy  ,  lorl-  veritatis  uf^ue- 
qu'il  diioit  à  Dieu  ;  JVe  rnott^  jamais  ^^^'\'^<^'fi-  i-*» 
de  la  bouche  la  parole  de  la  rente. 

Ainii  l'entretien  commun  &  ordi- 
naire des  Chrétiens  devroit  être  une 
leçon  continuelle  de  toutes  les  ver- 
rus  ,  parce  qu'ils  ne  devroient  par- 
ler, à  l'imitation  deiaint  Paul ,  que  -^-"  ii^'ccn'taîc 
delà  part  de  Vien  ,  devant  Dieu  ,  C7  ccram  Deo ,  ia 
dans  l'elprit  de  'Jeûis-Chrl/I.  Il  n'y  a  chnnoloqui- 
lien  qui  n  entre  daj^s  i  entretien  ^  \^, 


51^  De  la  Charitë' 
dans  la  converfation  des  hommes  ; 
on  y  parle  fans  celfe  des  objets  qu'il 
faut  ou  aimer  ou  haïr  ;  &  ainli  la 
converfation  &  l'entretien  des  hom- 
mes comprend  tout ,  puifqu'il  n'y  a 
rien  qui  ne  Toit  un  fujet  ou  de  haine, 
ou  d'amour.  Il  n'y  a  donc  pour  in- 
rtruire  les  autres  ,  qu'à  parler  de 
toutes  chofes  dans  la  vérité  ,  &  fé- 
lon la  venté.  Ce  qui  ie  fait  non  feu- 
lement en  ne  propofant  que  des  fen- 
timens  véritables  ;  mais  auiïi  en  ne 
faifant  paroître  que  des  incHnations 
telles  qu'on  les  doit  avoir. 

D.  Cette  manière  d'inftruire  eft- 
elle  fort  importante  ? 

R,  Elle  elf  d'une  importance  ex- 
trême. 

i".  Parce  qu'étant  conforme  à  la 
vérité ,  qui  eft  Dieu  luy-même , 
elle  eft  félon  fon  efprit  &  félon  la 
volonté;  car  Dieu  ne  peut  vouloir 
que  ce  qui  eft  vray,  comme  nous 
avons  dit  ci-devant. 

2°.  Parce  que  cette  manière  d'in- 
ftruire  eft  la  plus  continuelle.  Un 
Prédicateur  ne  prêche  qu'à  certains 
jours  ,  &  à  certaines  heures  ;  un 
vray  Chtécien  iiiftruit  en  cette  ma- 


ïnvers  le  prochain.  517 
niere  en  tout  temps  ,  eu  tous  lieux , 
&  en  toutes  occaiîons, 

3°.  Cette  manière  d'inftruire  eft  la 
plus  efficace  ,  parce  que  la  plupart 
des  maximes  fur  leiquelles  chacun 
fe  conduit  dans  la  vie  ,  fe  tirent 
beaucoup  plus  du  commerce  ordi- 
naire ,  &  de  ce  qui  le  pratique  dans 
le  monde,  que  des  inftruclions  for= 
nielles  des  Pafteurs. 

Z>.  D'où  vient  donc  que  l'entre- 
tien des  Chrétiens  eft  li  peu  édi- 
fiant ? 

^.  C'eft  que  la  plûpat  des  Chré- 
tiens ,  ne    iont  Chrétiens   que  de 
nom.    Ils  n'ont  la  vérité   ,  ni  dans 
le  cœur  ni  dans  i'eiprit  :  ainfi  ils  ne 
la  peuvent    faire  palfer  dans  leurs 
paroles.  Ils  n'ont  pointes  bon  tré- 
for,    dont  Jefus-Chrift  parie  ,   en    b,„,,j,,„,^ 
diiant ,  Que  l'homrne  de  bien  tire  de  àt  bono  thc- 
-honnes  chofes  du  bon  trèfor  de  [on  cœur,  tJrc^  bon° '"^°' 
&   comme    ils  n'ont   au   contraire  ^Axxh,  n.  35. 
qu'un   tréior  de  faulfes  maximes  à 
l'égard   des  biens  ,  des  maux  ,   & 
^es  devoirs  de  la  vie  ,  ils  n'en  peu- 
vent tirer  que  ce  qui  y  eft.  Et  c'efl: 
ce  qui  a  fait  dire  au  Sac^c  ,   Qne  U  ,  ^^^^^H°f^"3 
ffoiiçhc  des  fous  je  répand  en  joua  ^      fxov,  ij.  i. 


5t3        Dh  laCharite' 

D.  Comment  peut- on  rendre  fon 
entretien  utile  a  l'mftrudlion  des 
autres  "? 

R,  En  le  remplilîant  le  cœur  de 
l'elprit  des  ventez  Evangcliques  ; 
en  les  méditant  jour  de  nuit  j  en 
s'accoûtumant  à  ne  fc  plaire  que 
dans  la  venté  ;  en  bannilTànt  de  Ion 
eiprit  toutes  ces  vanies  penlées ,  qui 
lont  condamnées  par  ces  paroles  da 
v«  qui  cogi-  Prophète  :  Adalheu-r  a  ceux  tjiti  s'en^ 
i^/'cJ"x!"l!*  tretiennent  de  fenfèes  rûatïles  :  Enfin 
en  defirant  au  prochain  ce  que  nous 
defirons  pour  nous-méme.  Car  com- 
me la  venté  &  la  lumière  Ipiritueî- 
le  nous  Feront  découvrir  une  infini- 
té d'erreurs  dans  ceux  avec  qui  oa 
parlera,  la  charité  pour  eux  nous 
fera  délirer  de  les  en  délivrer ,  &  la 
prudence  chrétienne  uous  en  fera 
trouver  les  remèdes. 

D,  Ceux  qui  font  obligez  de  re- 
connoître  que  bien  loin  d'avoir  édi- 
•fié  les  autres  par  leurs  dilcours ,  ils 
n'ont  fait  au  contraire  que  leur  nui- 
re ,  ne  doivent-ils  pas  avoir  uû 
grand  fujet  de  fcrupule  ? 

R.  On  n'en  peut  pas  douter  ,  k 
on    conlidere   combien    la  charité 

a  été 


ft  Clé  blelfée  ,  tant  par  l'omiflîon  du 
bien  que  l'on  pouvoit  procurer  au 
prochain,  que  par  le  mal  qu'on  liiy 
a  cauié  ;  ôc  pour  ne  parler  ici  que 
de  la  feule  omilîion  ,  peut-on  dou- 
ter que  romiiïîon  de  cette  charité 
fpirituelle  ,  ne  foit  un  très  -  grand 
mal ,  puifqu'ellc  eft  d'une  bien  plus 
grande  confequence  que  l'omimon 
des  charitez  temporelles  ,  &  que 
i'omilîion  des  charitez  corporelles 
cil:  il  fevercment  condamnée  dans 
l'Ecriture.  • 

D,  Mais  il  faut  donc  que  tous  les 
Chrétiens  deviennent  Prédicateurs. 
ôc  fe  rendent  onéreux  les  uns  aux 
autres  par  des  inftruclions  conti- 
nuelles ? 

£,  C'cd  pouiTer  les  chofes  à  une 
autre  extrémité ,  &  c'eft  abufer  de 
ce  que  l'on  a  dit  ici ,  que^d'en  ti- 
rer cette  confequence.  Il  y  a  diver- 
fes  manières  d'inftruire  ,  Se  il  les 
faut  toutes  proportionner  à  l'efprit 
de  ceux  à  qui  on  parle,  en  s'abfte- 
nant  de  celles  qui  peuvent  avoir  de 
mauvais  effets ,  3c  qui  font  oneiieu- 
fes  ôc  chagrinantes  dans  la  convcrfa- 
tion.  On  ne  parle  point  non-plus  d'u- 
To?nc  IL  Y  y  , 


# 

^»0  Db  L  A    C  H  ÀR  ITB* 

ne  inftrudion  qui  le  faiîe  avec  auto* 
ricé  :  maison  paile  des  difcours  qui 
édifient.  Or  il  cfl  certain  que  Ains 
que  l'on  prenne  Tair  ôc  le  ton  de  " 
Prédicateur  ,  on  peut  dire  par  diffè- 
rens  tours  une  infinité  de  bonnes 
chofes.  Et  fi  on  ne  le  fait  pas ,  c'efi: 
qu'on  ne  s'y  applique  point ,  c'eft 
qu'on  ne  fonge  point  au  bien  du 
prochain ,  ni  au  fien  propre  j  c'eft 
que  l'on  parle  au  hazard  comme  l'on 
vit  au  hazard  ,  au  lieu  qu'il  faudroic 
toujours  641  toutes  fortes  de  conver- 
fations  avoir  pour  but  de  tâcher  d'être 
utile  aux  autres  par  [qs  difcours  ,  ou 
de  profiter  des  difcours-des  autres. 
jD. Quelles  règles  doit-on  fuivrepour 
s'acquitter  comme  il  faut  de  ce  devoir?  ' 

R,  Cette  matière  a  été  traitée  af- 
fez  au  long  dans  les  Inftru6lions  pré- 
cédente^, où  en  parlant  de  l'amour 
de  Dieu  comme  Vérité  ^  on  a  rap- 
porté quels  iont  les  motifs  dont  on 
^  .  .    doit  ic  fervir  pour  s'exciter  à  i'a- 

^xntitmti.pai,  mour  de  la  vérité,  &  de  quelle  ior- 
%ii*&/»fv*     çç  ^  f^m   £^jj.g  régner  la  vérité  fur 

nôtre  volonté  ,  fur  nos  aétions  ôc 
fur  nos  paroles.  On  a  traité  des  pé- 
chez oppofez  à  l'amour  de  la  venté  j 


tels  que  font  le  menlonge  ,  Thypo- 
crifîe,  ôc  la  haine  de  la  vérité  :  enfin, 
on  y  a  parlé  des  effets  que  l'amour 
de  la  vérité  doit  avoir  a  l'égard  du 
prochain  ,  Se  des  péchez  qu'on  peut 
commettre  contre  ce  qu'on  doit  à  la 
vérité.  Ce  qu'il  eft  inutile  par  con- 
fequent  de  répéter  ici. 


CHAPITRE  III. 

De  la  corrcFlion  fmtcmdle  >  dr  de 
ce  qu  on  do  if  y  observer, 

D.  1^  St-ce  un  devoir  fore  impor» 
X-*  tant  que  celuy  de  la  corre^ 
€lion  fraternelle  ?  • 

I^.  L'autorité  de  l'Evangile  Se  la 
raifon  nous  le  perfuadent  également. 
Jefus-Chrift  nous  le  prefcrit  expref- 
îément  dans  l'Evangile  par  ces  pa- 
roles :  Sivotrefrsre  pechc  contre  vohs,  »  sî  pccctrcrît 
filles^  luy  montrer  fa  faute  en  i7<Jïr/^/c//-intcfrater  cuuf, 
lier  entre  vous    6^  Iny  y    &  s'il  v  eus  \l^^'^J^  IH^^ 
écoute  ,  vous  aure7  çacrné  votre  frère,  ^'  &-'  'P^^m  fo- 

L'A     "  ^.      c     T  1^'""  •  fi  te  au- 

Apotre  b,  Jacques  en  marquant  dierit  lucrams 

comment  Dieu    récompenfe    cette  «"^  ftafrcm 

chante,  en  raitconnoitre  la  necei- 43.  ,j, 

Yyij 


3^3 1        C)^    Î-A.    CflARlTH* 

Si^iuls  ex vo- (icé.     Si  i' Un    d'entre   vous  ,   dit-il,' 

t-is  cimvciità        ,  ,  ,     ,  .    .  >-  ,       , 

Anitatc,&:  con-  ^  cg.irc  de  U  Vente  ,  G  f«^  éjiiel^H  un 
rcncïu  ^inii  cù:  l'y  faffe  rentrer ,  quil  fçache  que  ce-. 
r.iani  qui  con-  ^/^^  ^'^^^  Convertira  un  pécheur  ,  &  le 
vciti  fcccric       retirera  de  fon  èaafement ,  fauvcra  une 

pcccatcicm     ab  i     r  u^  •       r  t  • 

crroïc  vijcfux  ,  '^'«f  ^^  ^^  ^^'^^  y  ^  CQUvnraio,  muitt^ 
fAivibiranimani  j^^^g  ^^  Çç^  pechez,,    Puifque  ce  palFa- 

eitis  à  moite  ,&:  t      u  \   ^  ci  >  j 

opcricc  muici-  gc  de  1  Apotrc  b.  Jacques  s  entend 
tudinem  pecca.  formellement ,  ôc  des  pechez  de  ce- 

toium.     jdc.  j     ,  •       n  ■       o       j  *        T    - 

1^.  ûTio.  luy  qui  eit  converti,  oc  de  ceux  de 
celuy  qui  contribue  a  la  converfion, 
il  prouve  abfolument  la  necefîîté  de 
la  correction  fraternelle  ;  &  il  ell 
certain  qu'on  ne  peut  négliger  fans 
un  grand  péché  ,  de  fauver  l'ame  de 
fon  prochain  ,  de  de  couvrir  la  mul- 
titude de  fes  propres  pechez. 
#  D,  Si  c'eft  un  péché  que  de  ne  pas 

reprendre  ceux  qui  commettent  des 
"  fautes  5  ne    s'enluit-il  pas  que  Ton 
commet  tous  les  jours  bien  des  fau- 
tes par  romifîion  de'ce  devoir? 
^i^  propcc-    /•  Saint   AuguRin  témoigne  que 
fci  peccaus  co-  c'eft  uiie  des   caufcs  pour  leiquelles 
X"':   Dieu  permet  que  les  gens  de  bien 
dum  cos  in  fuis  font  cnvcloppez  dans  les  calamitcz 

licct  îcvibus   ôc         1  1  •  J-  -n      ^ 

vcniahbus  me  publiques  ,  patcc  quc  ,  dit  ce  Père, 
tuuncjjuiceum  p^r  des  complaiiances  &  des  confi- 
flagciiintttCj     derations  humaines^  ils    épargnent 


E>JVTRS     LE    PROCHAIN.         5;3 

'&  ménaeent  trop  les  necheurs.   Qiie  qaamyis  in  «- 
11  les  gens  de  bien  pèchent  par   de  paniamut  :  jure 
femblabics  omiiTions  ,  combien  plus  ift^  "  vitain^ 
ceux  qui  ont  peu  de  loin  de  leurcon-  tui  atflig^nicur 
fcience  ,    commettent-ils  de  fiiutes '^'^■'^^'^  >.  ^'"^" 
plus  fréquentes    ôc  plus  conlidera^  cuj  r>  aman  lo 
blés  en  ce  n-enrc-là  ?  t''"tXT.  \i- 

ariaîi  tiVc  n,o- 
lucrunc-       S.   -^ug.   de  Ctvitate   Det   !it^.    i.   (dp.    y, 

D,  Eft-ce  toujours  un  pcché  de 
ne  reprendre  pas  le  prochain  quand 
il  pèche  ? 

k.  Non  ,  parce  qu  on  ne  le  doir. 
reprendre  que  lorique  l'on  le  peut 
faire  utilcmer.t  ;  or  on  a  trcs-iouvent 
lieu  de  juger  que  ce'feroic  en  vain 
qu'on  le  rcprendi'oit  :  de  forte  que 
comme  on  fait  fouvent  des  fautes  » 
en  ne  reprenant  pas  ceux  qu'on  doit 
reprendre  ;  on  en  fait  fouvenc  aufïi. 
en  reprenant  mal-à-propos  ôc  a  con- 
tre-temps ,  ceux  qui  font  des  fautes 
qu'on  nciï  pas  en  état  de  corriger. 

D,    La   corredion  fraternelle  eft 
donc  une  adion  difficile  ,   &  qui  a 
beloin  de  beaucoup  de  lumière  ôc  de 
.  circonfpeclion  ? 

i?.    Il  n'y  en  a  guère  dans  la  vie 
chrétienne  qui  eu  ait  plus  befoiu  ; 

Y  y  li) 


^34  DîLA  Charité' 
^  il  eft  aiié  de  s'en  perfuader  ,  fi 
on  confidere  la  difpofition  de  ceux 
qu'on  veut  reprendre  :  car  il  s'agic 
ordinairement  dans  la  corredtion 
fraternelle  ,  de  faire  voir  à  des  gens 
ce  qu'ils  ne  veulent  point  voir,  ôc 
d'attaquer  leur  amour  propre  dans 
l'objet  de  leur  pajfTion.  Or  on  ne  doit 
pas  précendre  qu'ils  foufFrent  l'un, 
ôc  l'autre  fans  combat  6c  fans  refl- 
flance  ;  d'autant  plus  que  d'ordinaire 
l'amour  propre  fe  fortifie  ôc  fe  rem- 
pare  d'un  amas  de  fauifes  raifons  , 
pour  juftifier  la  pafïïon  qui  domi- 
Txe. 

D'ailleurs  il  fe  trouve  tres-fou- 
vcnt  que  les  défauts  êc  les  péchez 
des  autres,  outre  la  contrariété  qu'ils^ 
ont  avec  la  juilice  &  la  raifon  ,  ce 
qui  les  rend  proprement  péchez , 
ont  aufïï  quelque  chofe  qui  choque 
nôtre  amour  propre  ;  de  forte  que  , 
i'averflon  que  nous  en  a^^ons  n'étant 
pas  bien  pure  ,  il  fe  mêle  louvent 
dans  la  correction  que  nous  en  vou- 
lons faire ,  quelque  chofe  de  l'amer- 
tume «S:  de  l'aigreur  eue  nôtre  in- 
teret  nous  caule.  Or  fi  l'amour  pro- 
.j)re  des  autres  s'en  appcrçoic ,  il  ne 


ÏTianque  pas  de  s'en  fcrvir  pour  le 
défendue  ,  &  pour  fe  révolter  con- 
tre la  corre(fVion, 

Enfin  les  pafîîons  des  hommes  ont 
auiïi-bien  que  les  maladies  du  corps, 
divers  degrez  d'agitation  ôc  d'ardeur, 
ainfi  il  fe  peut  faire  de  très-grandes 
fautes  par  des  contretemps,  en  atta- 
quant les  pafîions  dans  leur  plus  gran- 
de  violence,  La  correction  eil  une  ef- 
pece  de  médicament  ^  qu'il  faut  mé-- 
nager  par  la  prudence ,  6c  on  gâte 
tout  quand  on  la  veut  appliquer  à 
«outes  les  playes  de  Tame  en  quel- 
tjdc  état  qu'elles  foicnt. 

-D,  De  quelles  règles  fc  peut-on 
donc  fervir  dans  la  pratique  de  ce 
devoir  ? 

/?.  La  première  règle  indubitable 
fur  ce  point  eil ,  o^ue  chacun  doit  tâ- 
cher de  s'acquérir  une  créance  dans 
Teiprit  des  autres  ,  par  une  vie  édi- 
fiante, Se  par  des  témoignages  de 
charité.  Car  on  n'cft  pas  feulement 
coupable  de  ne  pas  reprendre  les 
fautes  des  autres ,  lorfque  le  pou- 
vant  faire  avec  fruit ,  on  néglige  ce 
devoir.  Mais  on  l'eil  aufïi  ,  quand 
C  cil"  par  nôtre  faute  que  nous  ne  nous 

Y  y  iiij 


\ 


j5^  DelaChariti* 
lommes  pas  mis  en  état  d'avertir  le 
prochain  ,  de  que  nous  n'avons  pas 
acquis  de  créance  dans  Ton  eiprir. 
Ainfi  il  n'y  a  prefque  perfonne 
qui  puiife  s'alfurer  de  n'avoir  point 
de  part  aux  fautes  d'autruy.  Car 
peut-être  que  fi  nous  avions  autant 
édifié  le  prochain  que  nous  le  de- 
vions ,  ou  nous  aurions  empêché 
ces  fautes  ,  ou  nous  y  aurions  faci- 
lement remédié  ;  Se  qu'ainli  elles 
Qucd  fi  ar-  ne  font  arrivées  que  par  nôtre  faute, 
gueroôc  f'cero  (2*^^  jç  là  Guc  laint  Bemafd  con- 

tiuodmcum  eft,  i  .  ,  ■     r   ■ 

rliaautcmincie-  ciut ,  que  lors  même  qu  il  avoit  rais 
patio  procedens  ^^^^  ^^       -|  ^^qh  pu  pour  corriî^er 

minime  quoct       ,         /-         ^     i  ^       f,  ^  ^  . 

fuum  eft  faciat,  les  fautes  des  autres ,  il  ne  le  tcnoit 

^uod°mff/1ila  P^ï^^^  ^^  repos  quand  ils  ne  profi- 
iîd  rcvcrtatur*  toient  pas  de  fes  corredlions.  On  a 
timeyacua,  beau  me  flatter  ,  dit  ce  Père,  que 
iumtenens&  j'ay  fait  à  ce  Religieux  tout  ce  que 
".fanTrni'cuac'^  jc  de  VOIS  ^  que  je  1%  averti  avec  les 
ki>cie  putaiis ,  témoi2;na2,es  d'amour  les  plus  obli- 

fracre*  ?  Nonne  ^       '^      .     ],  •     '    j 

angor ,  nonne  g<^ans  j  que  jc  1  ay  comgc  de  toutes 
torqucor  ?  ....  les  manières  les  plus  fortes ,  dont  on 

i^lacerc  ne  mini  r       j         l       1   •  '-r  1 

in  CD  quod  lo-  p^^t  perluader  le  bien  :  Tout  cela 
cucusfum  quo-  i^q    nie   fcauroit  confoler  ,    fi   mon 

liia;n  quod  de-    •      i     n    •       '       '    '     r  r         ' 

bui  fcci,  an  pœ- nidultrie  a  ete  lans  lucces  ;  parce 
r.i:emiani  agere  q^q  toutes  ces  raifons  lie  fcauroicnt 
quù  <iuod  Yo-  appaiier   ma  crainte  d  avoir  man- 


ttiVtKS    LI     PROCHAIN.  5^7 

qné  à  quelque  chofe  de  ce  que  }^  ^"^^ ^°^"^l'f^'^l 

luy    devois.  îran  mlhi ,  quod 

bonum  meiim 
ad  me  rcvcrtatur  ,  &  quia  laboravi  animam  mcam  ,  &:mundu» 
fum  à  fanguinc  hominis  ,  cui  annuntiavi  &  locutus  l'um  ,  ut  a- 
vcrteretur  à  via  fuà  mala  &  viverct  ;  fcd  oc  û  innumcra  talia  ad- 
das  ,  me  tamcn  minime  ifta  confolabantur  moriem  filii  iniucja»? 
tcm.     S,  Btr,  Ser,  41.  tu  Cant. 

D,  Que  faut-il  donc  faire  quand 
on  ne  fe  croie  pas  en  état  de  repren- 
dre le  prochain  avec  effet  ? 

R,  Il  faut  5  1°.  S'humilier  dans 
l'incertitude  où  nous  foin  mes  tou- 
jours ,  fi  ce  ]i'eft  point  par  nôtre 
faute  que  nous  fommes  dans  cette 
impuilîance. 

2°.  Il  faut  tâcher  de  prendre  une 
conduite  à  l'égard  du  prochain  qui 
puilfc  établir  nôtre  créance  dans  iosi 
efprir. 

3°.  Il  faut  fuppléer  par  nos  prières 
aux  défauts  de  nos  avertiiîemens. 

Z).  Quand  efl-ce  donc  precifé- 
ment  qu'on  eft  obligé  de  reprendre 
le  prochain  ? 

P.  Quand  on  a  fujet  de  croire 
qu'on  luy  pourra  être  utile  en  Taver- 
tiifant  de  les  fautes. 

Mais  il  faut  remarquer  qu'il  ne 
faut  pas  toujours  juger  de  l'utilité  de 


c^S     De   iaChamti* 

la  corre6lion  par  le  fentiment  prc- 
fent  de  celuy  que  l'on  reprend.  Car 
il  arrive    tres-fouvenc    que  tel  qui 
étant  repris  en    témoigne    d'abord 
du  chagrin  ôc  du  dépit,  ne  lailFe  pas 
cnfuite  de  profiter  des  avis  qu'on  îuy 
a   donné  ,    lorfque   le   dépit  étant 
palTé  5  il  vient  à  confiderer  les  cho- 
fes    avec  un  efprit  plus  dégagé  de 
paiïion.  Ainfi  on  peut  ôc  on  doit  re- 
prendre le  prochain  dans  fes  fautes , 
non  feulement  quand  on  juge  qu'il 
prendra   bien  à   Theuie    même   ce 
qu'on  Iuy  dira  ,  mais  aulîi  lorfqu'on 
a  lieu  d'eiperer  qu'il  en  pourra  pro- 
Hter  à  l'avenir.   Auiïi  efï-ce  une  ac- 
tion  de  charité  ,    que   de  ne    pas 
craindre  de   caufer  cette  mauvaife 
humeur  palTagere^qui  rejaillit  ordinai- 
rement fur  celuy  qui  la  caufe ,  lorf- 
que  dans  les  avis  que  l'on  donne ,  il 
n'entre  aucune  vue   humaine  ,   ôc 
qu'on  ne  s'engage  à  faire  la  correc- 
tion au  prochain,  que  pour  Iuy  pro- 
curer un  avantage  fpirituel. 

Il  faut  remarquer  en  fécond  lieu, 
que  la  corredion  n'a  pas  feulement 
pour  fin  le  bien  de  celuy  que  l'on 
reprend  ^  mais  aufli  le  bien  de  ceujs 


ENVERS   Li    PROCHAIN.  559 

a  qui  la  faute  pourroit  nuire,  Ainfi 
<]uelquefois ,  quoy  qu'on  pievoyc 
cju'un  particulier  ,  bien  loin  de  pro- 
fiter de  la  corredion  ,  &  des  avis , 
ne  fera  au  contraire  qu'en  devenir 

Î>ire,  il  ne  s'enfuit  pas  que  l'on  ne 
e  doive  reprendre  ,  Ci  Ton  croit  par 
là  pouvoir  empêcher  que  fon  exem- 
ple ne  s'étende  à  d'autres. 

Mais  cette  correction  qui  a  pour 
but  le  bien  des  autres,  plutôt  que 
celuy  de  la  perfonnc  que  l'on  re- 
prend 3  n'appartient  qu'à  ceux  qui 
ont  autorité  ,  &  qui  font  chargez  de 
procurer  le  bien  commun  ,  comme 
font  les  Princes  ,  les  Magiftrats, 
les  Prêtres  ,  dcc.  Les  particuliers 
n'en  étant  point  chargez,  ne  doivent 
fonger  qu'à  l'utilité  particulière  de 
ceux  qu'ils  reprennent,  ôc  ne  doi- 
vent reprendre  perfonne  ,  que  dans 
l'efperance  de  les  corriger. 

Z>.  N'eft-il  jamais  permis  aux  in- 
férieurs de  reprendre  les  Supé- 
rieurs ? 

i?.  Ily  a  ,  dit  faint  Thomas  ,  une    ^"P^^'^  ^^ 
correction  qui  elt  un  adte  de  julti-  quidcm  qus  eft 
ce  ,  &  qui  a  pour  fin  le  bien  public  ;  ^^^^  chamatis, 

_  1 1       1  >       >  •  •  •         *\^^  fprcialitec 

ôc  celie-lan  appartient  pouic  aux  m-  rendit  ad  emca- 


54<î>       ^  ^  i-  A  Charité* 

ïationcmfra-    f-'cneurs  à  Téf^ard  des  fuperieurs.  îî 

tris    delinqucn-  ^  •        n  n 

lis  pcr  iimpii-  Y  ^H  a  unc  autrc  qui  eft  un  adte 
ccmadmoni-     ^Ic  chanté  ,  &c  elle  appartient  à  tous 

tioiiem  :  ôc  talis  .    ,,/  ,    ,  ^^  >  i       i 

correûio  pcrti-  a  1  égard  de  tous  ,  parce  qu  il  n  y  a 
f"  ad  quemii-  perfonnc  qui  n'ait  droit  d'aimer  tout 

bct   chaïKatem    [  i  a  •     r      r  i  u 

habcntcm,  ûvc  le  moude.  Ainlî ,  Il  on  prend  1  op- 
ficfubditus,  H- pqCjjjqj^    que  faint  Paul  fit  à  faiiit 

veprxlatus.  £ft  r.  -l  r  J  /!• 

autcm  alla  c  i-  Pierre  pour  une  elpece  de  correction 

''f '°'  ^.^^  '^  de  juftice  .  comme  il  y  a  de  Tappa- 
pcr  quam  imen-  rciicc  ,  puilqu  elle  le  tailoit  pour  un 
aitur  bonuin      jj^j-çj-êt  publJc  ,  &  publiquement  :  il 

commune       •  •  ^  n     •  '1  ^       ^      i      ^      r  j" 

&  tahs  ccrrec-  talloit  qu  il  y  cut  queiquc  lorte  d  e- 
ri"?/"""','.  n^î  ^^^  entre  eux  :  icavoir  ,  dans  le  de- 
.S.  Th.  1.  z.  ^.  voir  de  défendre  la  Fov.  S.  TIio- 
^PauiusPctrum  ^^^^  ajoûte  néanmoins,  que.  li  la  Foy 
non  ïcprchsn-  étoit  cu  danger  ,  les  inférieurs  nie- 
qlfo"modo  par  mes jourroieut  en  ce  cas  reprendre 
ciTct ,  quantum  les  fupcrieuis  publiquement  j^  c'eft 

ad  fîdei  defcn-  ^  ■  >-i 

fioncm ......  encore  en    cette  manière  qu  il  ex- 

fciendum  tamea  plique  la  corredion  que  S.  Paul  fie 

cft  ,  quod  ubi       ■     c^    t\-  i    -i  >       • 

imminerec  pe-  ^  ->•  1  lerre  :  mais  quand  il  ne  s  agit 
ricuium  fidei ,   point  de  reprendre  avec  éclat- ,  on 

cciam  oublies      ■'■  .       *■  n  •  i         i 

eflent  prxiaci  i  peut  pratiquer  cette  action  de  cha- 
fubdicis  arguen-  yj^^  cuvers  tous   ceux  quc  Ton  doit 

di.     Unde  8c  .  .     .  i         r  • 

Pauius  qui  erat  auiier  j  aiuli ,  comme  les  iupeneurs 
fubdus  pccro  ,    j-jç  JQj-jj.  p^5  exempts  de  défauts  de  de 

propcer  immi-  ,  ^  i  •     r     • 

ncnspericuium  pechez  que  Ics  inférieurs  peuvent 
Hdcicircafidé,  ^-çcQj^„Q-j^^-ç      6^  Tamour  qu'ils  doi^ 

Petrum  publice  ^    ^       . 

arguir.  ibid  a.  YQïit  avoir  pout  kurs    iupeneui'S^j^ 

4.  ad  t. 


ÎÎÎVERS    LE    PROCWAIM.  y^t 

leui  devant  fciire  dcfirer  qu'ils  s'en 
corrigenc  ,  les  peut  &  les  doit  por- 
ter aies  en  avertir,  loriqu'ils jugent 
que  cet  avertiilèment  peut  être  utile, 

D,  Que  doit- on  obier  ver  en  pra- 
tiquant le  devoir  de  la  corrcAioii 
fraternelle  ? 

R,  1°.  On  doit  obferver  de  s-'alfu- 
rer  bien  de  la  vérité  de  la  faute  dont 
on  veut  reprendre  :  car  on  n'efl:  ja« 
mais  plus  obligé  d'éviter  la  trop 
grande  crédulité  à  l'égard  des  fautes 
d'autruy ,  que  quand  il  s'agit  de  les 
reprendre  j  parce  que  la  correction 
étant  douloureufe  &  pénible  d'elle-  faci;amedi*qu« 
même  à  celuy  à  qui  on  la  fait ,  il  efl  'Si^oramus  quo 

,    ^         -^     ,    .  •  ,-      animo  fiant  , 

certain  quon  ne  doit  point  cauler  quia  &  bono  & 
cette  peine  inutilement.   C'eft  de  ce  '"^^°  Ç^"  po^" 

r     A  n.-       o     c     /^          lunt ,  de  quibus 

prmCipe  que  S.  AugUltin   &  S.    Gre-  cemerarium  cft 

^oire  concluent ,  qu'il  n'ell  pas  per-  Ji^^icarc ,  ma- 

^  .       ,  11-  •  xivaz  uc  con- 

mis  de  reprendre  les  intentions  ca- demnemus . . .  ^ 
chées  ,  parce  que  nous  ne  les  con.  Non  cigo  rc- 
iioilions  pas.    Que  ii  elles  paroiiient  eaqu^nefcimu 
par  quelque  marque  extérieure,  il  s^o  animo  fiâr 
i>enraut  parler    qu  autant  que  CQSdefcr.  Dom.i 
marques  nous  donnent  droit  de  nous  '"""^S^^!; 
cnailurer.  mot.l  1. 1.  i^ 

1^.  De  ne  point  exagérer  ce  que 
Vmi  reprend.  Car  l'amour  propre  dç 


mus 


'^J\.l  T)  t  tA  CfîARITE* 
ceux  que  l'on  reprend  ,  cherchant  S 
s'accrocher  à  quelque  chofe  pour  fe 
défendre,  fe  prend  ordinairement  à 
certains  excès  que  l'on  mêle  dans  la 
corredion  ,  Ôc  s'en  fert  pour  la  rc-* 
jetter  comme  un  effet  d'averfion  , 
de  malignité  ôc  de  jugement  témé- 
raire. 

3^.  De  n'y  mêler  aucun  intérêt  ÔC 
aucune  paillon  humaine  ,  de  de 
bien  perfuader  celuy  qu'on  reprend 
qu'on  n'a  aucune  autre  vue  que  cel- 
le de  Ton  intérêt  fpirituel. 

4.*.  D'accompagner  la  correction 
de  témoignages  d'humilité  j  car  la 
corredtion  nous  élevant  en  quelque 
lorte  au-defTus  de  celuy  qui  eft  re- 
pris ,  ce  qui  êft  odieux  à  ion  amour 
propre  ,  il  faut  tâcher  de  le  calmer 
en  le  rabailïant  foy-même. 

^^.  D*y  joindre  aufîi  des  témoi- 
gnages extérieurs  de  charicéj  ôc 
d'eflime  ,  afin  que  s'il  paroît  par  la 
correction, qu'on  croit  celuy  que  Ton 
reprend  blâmable  en  quelque  chofe, 
il  paroiife  aufTi  qu'on  l'aime  &c  qu'on 
l'eftime  par  d'auttes  endroits. 

6'^.    D'attendre    pour    reprendre 
que  les  paffions  foient  moins  fortes 


ic  moins  émues.  Ce  ménagement 
même  eft  une  preuve  de  confidera- 
ci  on  ,  c^ui  difpofe  ceux  envers  qui 
on  en  uie ,  à  bien  recevoir  ce  qu'on 
leur  dit. 

£>.  Quand  eft-ce  que  le  péché 
qu'on  commet  par  i'omiiîion  de  la 
correction  peut  être  mortel  ? 

R,  Lorfque  par  des  vues  humai- 
nes ,  on  néglige  de  reprendre  ceux 
dont  on  eft  perfuadé  que  Ton  pour- 
roit  empêcher  la  chute  ou  la  perlevc- 
rance  dans  le  péché  ,  en  les  repre- 
nant. Car  il  eit  certain  que  cette  o- 
mifîlon  enferme  la  préférence  de 
quelque  confiderationiiumaine ,  au 
ialut  du  prochain. 

Il  lufHt   auffi  pour  pécher  mor« 
tellement  par  cette  omiffion ,  d'être 
obligé  par  la  charge  Ôc  Ton  état,  de 
veiller  au  falut  des  autres  ,   de  de 
négliger  néanmoins  de   les  repren- 
dre ,  quand  on  n'eft  pas  allure  qu'on 
le  feroit  inutilement.  Ceft  ce  que 
Dieu  déclare  formellement  dans  le    $•  ^ic^mc  me 
Prophète  Ezechiel  par  ces  paroles  .-adimpium, 
ùt    LorjcjHe   je   menace   L  pûjpie    de-  la  ^^^    non  an. 
mort     îii  neqilqe  de  l'avertir  de  cette  ^^^^'^^"^^^'^^  ^'^  » 
menace ,    (y  ne  t  efforce  pas  de  le  de-  f^èris  m  ayet- 


J4-4     ^*  ^  ^  Charitï* 

fifttiii-  à  vil  fui  tourner  de  fa,  voye  impie ,  afin  qiill 
ipic  impiuî  in  rccoHVre  U  Vie  j  /  impie  mourra  dani 
iniquicaïc  fuâ    /^;;    impiété,   mais  ji  ne  Uifjeray  pai 

uioriccur  ,  fan-     i       ->  i  i        i      r  r 

guincm  aucem  «^  ^  ^^  redemander  le  jang  ,  comme  Jt 
cjuj  de  manu    fii    i'avois    répandu    de    tes    propres 

tua  requiram.  .  *  *      ' 

/).  Quelles  différences  y  a-t-il 
donc  fur  le  fujet  de  la  correâion, en- 
tre un  Pafteur  &:  un  particulier? 

R.  Il  y  en  a  plufieurs. 

x^.  Les  Pafteurs  font  obligez  de 
s'informer  des  a6tions  de  ceux  qui 
leur  font  fournis ,  pour  les  corriger  : 
Mais  c'eft  au  contraire  une  vertu  à 
un  inférieur ,  de  n'être  point  curieux 
de  fçavoir  les  adtions  d'autruy,  ôc 
de  ne  s'appliquer  qu'à  foy-même. 

i*.  Il  iuffit  pour  obliger  les  Pa- 
fleurs  de  reprendre  les  vices  ,  qu'il 
ne  foit  pas  certain  que  leur  repre- 
henfion  fera  plus  de  mal  que  de 
^  bien.  Il  faut  plus  que  cela  pour  obli- 

ger un  particulier  à  reprendre  les 
autres ,  6<:  il  eft  necelTaire  qu'il  voye 
de  l'apparence  que  fa  reprehenfion 
fera  fort  utile. 

5°.  Les  pafteurs  font  obligez  de 
reprendre  p^r  leur  miniftere  même, 
i5c  ainfî  ils  nç  doivent  point  s'en  re- 
mettre 


ENVERS     LE    PROCHAIN.         545 

illettré  fur  les  autres.  Mais  un  par- 
ticulier a  droit  de  s'en  remettre  aux 
Pafteurs ,  &  il  n  eft  obligé  à  repren- 
dre par  luy-même  ,  que.lorlquli 
fçait  que  le  PaReur  la  négligé. 


CHAPITRE      IV, 

T)H  fupporf  ,  ou  de  la  tolcrance  f 
cejî-k.dtre  ,  de  U  condejccnd^n- 
ce  ^  ^de  la  co?iduite  que  la  cha- 
rité oblïzc  de  tenir  envers  ceux  h 
l'éo-ard  de  qui  on  ne  pcuf  fasfra^- 
tiqu:r  la  correciion* 

p.  /^Uelle  eft  la  difpofition  ou 
V^  on  doit  être  envers  ceux  que 
l'on  ne  peut  corriger  par  Tes  avis , 
foit  parce  qu'on  ne  les  juge  pas  en 
état  de  recevoir  les  avis  qu'on  leur 
donneroit ,  loit  parce  qu'ils  les  ont 
rcjettez  avec  mépris  ,  foit  parce  que 
l'on  craint  de  les  irriter,  de  les  laf- 
fer ,  &  de  les  rendre  encore  plus 
coupables  &  moins  difpofez  à  fç 
corriger  de  leurs  défauts  ? 
Tome  II f  Z  z 


^4^        I^E   LA  Charité' 

R.  On  doic  être  dans  une  dilpa^ 
iition  de  paix^  de  patience^  de  lupr 
port ,  d'attente  de  Dieu  ,  de  civili- 
té ,  &  de  reiped. 

X>.  Pourquoy  faut-il  ctre  dans  une 
dirpofirion  de  paix  ? 
.  F,  Paice  qu'il  faut  tâcher  d'entre- 
tenir au  moins  une  paix  extérieure 
avec  ceux  mêmes  à  qui  on  ne  peuc 
être  uni  par  les  fentimens  inté- 
rieurs ;  cette  union  extérieure  pou- 
vant être  un  degré  pour  arriver 
<]ueîqiie  jour  à  runioii  des  cœurs. 

-D.  Pourquoy  faut-il  être  dans  une 
dilpolition  de  patience  ôc  de  fup- 
port  ) 
r^     «,•/>,•        -^o  Parce  qu'on  ignore  les  deffeins 

Drus  miicij-  j  o 

cordiflimuî ,  &  de  Dieu  lur  les  hommes.  Peut-être 
iXeV"a\L"l'''¥^^e  temps  de  ceux  qui  refiftenc 
eft ,  &  pr^bct   'prel'entement  à  la  venté  ,   n'ei-t  que 

atcueco:it6>io.  ^^^^^^  ;  peut-eue  que  nous  auroTjS 
jiis  iccum. , . .  nous-même  befoin  qu'on  nousiouf- 
ricntiam  exer-  "^  >  4'"^  ^^  Hous  attende ,  qu  on  ne 
ccat,  &:  infor-  defefpere  pas  de  nous;  Si  Dieu  fouf- 

aiict  exemple      ri-  i  '    i  >i 

i"uo ,  quo  novc- ï^r^  bien  ies  mechans  .  quay  qu  il 
uim-.is  quantu.-H  prevove  leur  impcnitence  :  com- 
-iciabiiucr  ma-  bien  elt-ii  plus  juite  que  nous  i^s 
■îos  fuftinerc,,    ibuffrions  ,  nous  qui  ne  la  pouvons 

cum  ignoremu»  .  ,1    y- •  /  •'^r 

auaicsDGfîta  fa-  prévenir  ?   Il  iaut  toujours  taire  eji 


fNVERS    LE   PROCHAIN.         y4f 

tout  étac  tout  ce  qui  le  peut  pour  le  f»»"  f«^nf-  •^• 
prochain.    Qui  ne  peut  corriger  le  r;*d.  r.  ih 
prochain   par  fes   paroles  ,   le   peut 
préparer  à  la  correction  pat  fa  pa- 
tience ôc  par  fa  douceur.  . 

L'impatience  eft  une  marque  que 
Ton  croit  que  la  correction  dépend 
uniquement  de  la  volonté  de  1  honi^ 
me  :  &  la  patience  au  contraire  eft 
une  proteftation  de  nôtre  foibleiî'e  ^ 
&  un  aveu  que  fi  Dieu  ne  touche 
efficacement  le  coeur  de  l'homme  -, 
fa  pente  au  mal  ,  &c  la  dureté  ne 
.jnanquent  jamais  de  re lifter  aux  in-^ 
fpirations  de  Dieu.  Ainfi  l'une  eft  ua 
cfFet  d'un  orgueil  aveugle  ,  &  Tau- 
::tre  d'une  humilité  éclairée. 

Pour  s'établir  dans  cette  difpofi- 
-tion  de  patience  ,  &  diin   iiumble 
^fupport  à  l'égard  de?  pécheurs  ;  il  eiî 
.bon  de  le  iouvemr  que  nous  avons 
tnous-même  eu  bcloin  qu'on  nous 
fupportât    &   qu'on  nous   attendît. 
Souffrez  ^  dit  laint  Auguftin  ,  parce 
ciue  vous  êtes  nez  pour  cela  •  tolérez    tc^^  ^  ^  t^ 
les  détauts  des  autres,  puiiqu  on.a  «mmjiatus  -s-, 
bien  toléré  les  vôtres  :  Que  C\  ,^con-  S'IokrKu/»" 
:tinuë  ce  Père  ,  vous  avez  toujours  si  rempertor.us 
«té  bon  ,  foyez  indulgent  de  rr^ileri-  mlftViççîS 

Zz  ij 


54^       De  la  Charité' 
Ti  aliquando       coi'dieux  ciivcrs  votre  prochain.  Quf 

malus  fuilti.no-  r  '    '     j  i  '  ' 

ji  perdcrc  me-  il  VOUS  avcz  cte  daiis  le  même  état 
niciiani.   ^4ug.  ^  ^^115  le  defordrc  que  vous  recon- 

CfTHtr.e  de  e-Jt'  -.-p  i  r  i 

"i«^47.  M«v4  ^.  noiiiez  en  iuy  ,  iouvenez-vous   de 
dit.  c.  KO.         l'état  où  vous  avez  été  ,  &  de  Tin- 
duigence  qu'on  a  eue  pour  vous. 

Non  feulement  on  a  eu  befoin  de 
tolérance  avant  qu'on  eût  fait  quel- 
que progrés  dans  la  pieté ,  mais  on 
en  a  toujours  besoin..  Car  il  n'y  a  per- 
ionne  qui  n'ait  fes  humeurs  &  fes 
fantaifies  ,  &  qui  ne  faife  fouffrir 
les  autres  par  quelque  endroit.  Nous 
fommes  nous-mêmes  obligez  d'a- 
voir de  la  tolérance  pour  nous-mê- 
me ,  de  nous  fouffrir  en  paix  ,  d'at- 
tendre avec  patience  que  Dieu  nous 
guerilfe  de  certains  défauts ,  &  de 
ne  nous  pas  impatienter  de  nos  pro. 
près  imperfedi-ons  ;  à  plus  force 
laifon  devons-nous  avoir  pour  les 
autres  les  mêmes  égards  ^  la  même 
tolérance» 

D,  Elf-ce  une  vertu  bien  neceflaire 
^ue  la  tolérance  ,  &  le  fupport  des 
défauts  du  prochain  ? 

Znomnicon-        n      r^  n         n 

fregationc  mui-  ^-  Cette  vertu  clt  tellement  ne- 
ihudinis ,  ne-  cclTairc  ,  que  Dieu  en  a  vouki  faire 
ïenuiuw  luajii  uu  dcs  piiHcipaux  .exeicices  de  la  viQ 


ÏNVERS    LE   PROCHAIN.        545J 

tZhrétienne.  Car  c'eft  pour  cela  qu'il  ^«^^.^  «^"im  orJ 

,     f      ,  -  . -^  novu  excrccn- 

permet  que  dans  les    plus    laintes  aos  nos  ,  mif- 
■compaenies  il  fe  dilîe  des  méchans,  cet  nobis  &  non 

s  P  5-1  A  j  r  •    1     P-i'cvcraturos,.* 

&  qU  il  a  voulu  qu  11  y  eut  un  dllCiple  Novit  cnim  nc^ 

avare  ,  voleur  de  traître  ,  dans  la  ^-flarium  cae 

compagnie  des  Apôtres- le  deilein  de  musmaios. 

Dieu  étant  que  nous  ayons  par  tout  ^"^*  '"  ^f-  H* 

des  images  de  ce  que  nous  iommes 

par  nous-même,  des  preuves  de  ce 

que  nous  devons  a  Dieu  ,   des  objets 

nôtre  charité  ,  &  des  fujets  propres 

à  exercer  nôtre  patience, 

.  D.  Quel  eil:  le  moyen  pour  foufïrir 

avec  moins  de  peine  les  défauts  des 

autres  ? 

^.  Il  y  en  a  deux  principaux  :  Tua 
eft  de  bien  connoître  fa  propre  foi- 
bielfe ,  fa  propre  corruption  ,  les 
projpres  ténèbres  ,  les  infîdelitez  , 
de  fon  peu  de  fermeté  dans  le  bien  ; 
ce  qui  fciit  qu'on  s'étonne  <?<:  qu'on 
s'impatiente  mains  de  trouver  ces 
mêmes  défauts  dans  les  autres.  L'au- 
tre cft  de  tâcher  d'élever  fon  ame 
^ufqu'au  Sanduaire  ,  où  Dieu  règle 
ielon  fes  delfeins  éternels ,  les  éve- 
iiemens  du  monde  ,  ôc  fait  même 
fervir  les  péchez  des  hommes  à 
i  execiuion  de  fes  coiafeils.  Car  ce- 


55^         Dî   LA   CuARlTî* 

luy  qui  eft  ainfi  élevé  aa-deiTîis  iet 
creatureSjSc  qui  ii'eft  plus  occupé  que 
de  Dieu,  s*inquietc6c  s'émcucpeude 
ce  qui  fe  palfe  dans  le  monde  ^  parce 
qu'il  içaic  que  Dieu  en  fçaura  tirer  fa 
gloire.  Il  Te  contente  de  faire  ce  que 
Dieu  luy  ordonne ,  en  adorant  fa  vo- 
lonté dans  tous  les  événement.  Les 

TnlîrânT  m°cœl  ^^^^  >       ^^^    ^^^^'^    Auguftin  ,^   COntl^ 

lo  pcr  dicm ,  nucnt  leurs  cours  dans  le  même  or- 
TroccLnt°  peî^  ^re ,  fans  avoir  égard  au  crime  des 
agunc    iuncra  hommes  !   De  même  ceux  qui  habi» 

certos    habtnt  :  ^^^^  ^^^'^-  1^  ^1^1  ^^  Clprit   ,    dcvien» 

^  committun-  nent  paticns  ,  en  attachant    ieur$ 

tur  tancâ  mala  i  r/  ^      r  \    n 

nec  déviant  de  penlces  aux  choies  ceieltcs, 

fuper    ftellz  fi- 

^x  in  cœlo.  Sic  debcnt  dnàï  ,  fed  fî  in  cœlo  iigantur  corde  eo- 
rum  ....  Qui  func  in  fupernis  _,  *&  de  fupcrnis  coguant  ....  4$, 
ipfifi  cogicationibus  fupernis  patientes  iîimt.  ^.  -^ug.  tn  Pf.  95. 

jD.  Suffit-il  de  fouffrir  en  paix  & 
avec  patience  les  fautes  des  autres- 
qu'on  ne  peut  corriger  } 

R.  Non.  Il  faut  de  plus  témoigner 
à  ces  perfonnes  le  refped  ,  Teftime, 
&  raffêdlion  que  Ton  a  pour  eux  , 
&  s'exciter  même  à  en  avoir.  Car  ce 
monde  n'étant  pas  le  lieu  deftiné  à 
la  punition  des  crimes ,  &:  les  cri- 
mes n'étant  pas  encore  incorrigi- 
i>les   j  nous  ne  devons  pas  laiiter 


ÎNVER5    LE      TROCHAIN.        <^7 

de  nous  acquitter  envers  ceux  que 
nous  Iççivons  qui  font  dans  un  de  - 
fordre  acluel,des  devoirs  de  h\  locie- 
té  civile,  de  l'amitié  humaine,  &c 
de  la  charité  Chrétienne,  Nous  de«- 
-Vons  par  ces  diipoiitions  tâcher  de 
les  attirer  ,  eliayer  de  leur  gagner 
le  cœur  ,  Se  de  les  dilpoler  par  là 
il  revenir  à  eux-mêmes ,  6c  à  recon- 
jioître  la  vérité. 

-  £>,  Les  devoirs  que  nous  devons 
rendre  a  ceux  que  nous  connoifTons 
:pOLir  pécheurs  ,  ne  pourroient-ils 
point  pailér  pour  faux  ,  &c  pour 
trompeurs  j  puifqu'ii  eft  certain 
cju'en  les  connoillant  pécheurs,  nous 
n  avons  pas  pour  eux  au  fonds  du 
cœur  toute  l'eftime  que  nous  avons 
pour  ceux  que  nous  ne  connoillons 
pas  pour  tels  ? 

R,  Ces  devoirs  ne  font  ni  faux ,  ni 
trompeurs  ;  puilqu'ils  lont  fondez 
iur  des  qualitez  réellement  aimables^ 
cflimables  &  dignes  de  relpecl,  qui 
Teil:ent  dans  les  méchans.Car  on  peut 
toujours  aimer  en  eux  Tirnage  de 
Dieu,  On  peut  refpefter  en  eux  la 
nature  humaine  ,  qse  Dieu  a  ù  fort 
iionorée  coûte  entière^  eu  runiirantà 


'551  Dî  LA  Charité*,  8:Ci 
la  fiennc.  Tant  qu'il  plaît  à  Dieil 
les  laiifer  fur  terre  ,  ils  peuvent  tou- 
jours revenir  à  luy,  «5c  devenir  Tes. 
enfans  ôc  Tes  élus  •  ce  qui  eft  un 
xiroit  incomparable  ,  &  qui  mérite 
tous  nos  égards.  Ce  font  des  Prin- 
ces, à  la  vérité  déchus  de  leur  îjran- 
deur  3c  de  leur  élévation  ;  mais  ce-* 
pendant  ce  lont  des  Princes,  puifqu'- 
ils  peuvent  toujours  avoir  part  au 
Royaume  Celefte  ,  6c  ces  qualité^ 
iuffilcnt  pour  les  rendre  toujours  di- 
gnes de  relpedl:  ôc  d'amour  ,  a  ccu^ 
en  qui  régnent  véritablement  la  fo^£ 
êc  la  chanté. 


FIN. 


UnivsreTfJ^ 
SIBCfOTKFCA