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U o7
INTRODUCTION
A L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPFIES
a*
.^^,^
Jean Feançois Champollion, le jeune.
Né à Figeac, le 23 décembre 1790. — Elève au lycée de Grenoble, 1801. — Étudiant
à Paris, 1807. — Professeur d'histoire à la Faculté de Grenoble, 1809. — Destitué
pour raisons politiques. 1816. — Mariage avec Rosine Blanc, 1818. — Deuxième
séjour à Paris, 1821. — Lecture à l'Institut de la Lettre à Dacio-, 27 septembre 1822.
— Mission en Italie, 1824 à 1826. — Conservateur du Musée égj^tien du Louvre, 1826. —
Mission en Egypte, 1828 à 1830. — Membre de l'Académie des Inscriptions, 1830. —
Professeur au Collège de France, 1831. — Mort à Paris, le 4 mars 1832.
h; SOTTAS E. DRIOTON
DIRECTEUR D'ÉTUDES PROFESSEUR
A LÉCOLE PRATIQUE A L'INSTITUT CATHOLIQUE
DES HAUTES ÉTUDES DE PARIS
T N T R 0 D U C T 1 0 î^
A L'ÉTUDE DES
H 1 É R 0 G L Y F H P] S
AVEC UN PORTRAIT DE CHAMPOLEION,
3 PLAXCIIE.S ET 5 Fl(;UKES
LIBRAIRIE ORIENTALISTE --o''7r^''
PAUL GEUTHNER ' ^ ^
13 RUE JACOB, PARIS - 1922
VIENNE - TYP. ADOLPHE HOLZHAUSEN.
IMPUIMEKIE DE LX'XIVKESITE.
Les auteurs de ce petit livre, qui couuneuce
une série de manuels sur les langues et écri-
tures orientales, sont heureux d'avoir ])u le
faire paraître à l'occasion du centenaire de la
grande découverte de Champollion, comme
un faible témoi<»'nao'e de leur «Tande ad-
uiii-nti(»n })(»iir le fondateur de Tét^yptuloyie.
Avertissement.
Au lendemain du cataclysme mondial, qui a fait fléchir ou abattu,
hélas! définitivement^ tant d'énergies scientifiques, il a semblé qu'un
double devoir s'imposait tout d'abord à un égyptologue français
orienté vers la philologie: assurer, dans la patrie de Champolliox,
la continuité des études démotiques et fournir aux néophytes
une série de manuels les dispensant de s'aller former à des
habitudes d'esprit et de travail étrangères. Les deux tâches ont
pu recevoir un commencement d'exécution, grâce au concours
matériel de l'éditeur de ce petit livre, lequel, soit avant, soit
après la guerre.^ était allé au devant de mes désirs.
Si, au bout de quatre ans, le travail n'est pas plus avancé,
c'est que les signatures mises au bas de l'armistice, puis du
traité de paix, n'ont pas davantage fermé les plaies ou calmé
les malaises des victimes individuelles que des nations elles-mêmes.
Et la trop grande hâte à regagner le temps perdu pour la
science s'est révélée comme un principe de mauvaise économie
des forces. Contraint de céder journellement à la fatigue trop
prompte, et de m 'arrêter parfois durant des semaines pour ne
pas compromettre une guérison d'ailleurs problématique, j'aurais
dû peut-être prolonger outre mesure l'élaboration de ce manuel
si je n 'avais rencontré un précieux auxiliaire en la personne de
M. l'abbé Etienne Drioton. Des dons naturels de premier ordre,
une excellente préparation générale et spéciale, un sens péda-
gogique très développé lui sont en partage, avec ces biens
inestimables que j'ai perdus, l'endurance, la patience et la
X AVERTISSEMENT.
régularité dans le travail. M'étant mis facilement d'accord avec
lui sur les grandes questions qui dominent notre discipline et
souvent en divisent les adeptes, il m'a semblé qu'une collaboration
était possible, ce qui s'est vérifié, et je pense que l'avenir la
rendra plus étroite encore. Pour cette fois^ M. Driotox a bien
voulu se charger de préparer dans le détail les i-Tableaux des
signes>^, qui ont été ensuite revus en commun. Les spécimens
d'écriture ont été choisis et analj'sés par lui. Il a composé les
Chapitres /T' sur la disposition matérielle de l'écriture et VII
sur les Pérès de l'Église et Kircher; enfin dessiné la vignette
de la p. 6. Pour ma part, j 'assume la responsabilité des Chapitres
I, IL III, V, VI, VIII et du plan général.
* *
Les manuels d'égjyptologie relativement récents ne font pas
défaut à l'étranger. Ils remontent en majorité à un même
prototype. Je n'ai pas cru devoir ajouter un numéro à cette
série. Quitte à dépenser plus de peine et de temps, je me suis
interdit d'écrire quoi que ce fut qui ressemblât à un démarquage.
Il y avait lieu, par dessus tout, de s 'adapter au tempérament
français, c'est-à-dire de donner à l'idée générale le pas sur le
fait particulier., en maintenant entre eux, cela va de soi, la
liaison nécessaire. Faute d'une tradition française ininterrompue.,
le désir de trouver une formule tant soit peu neuve en un
domaine aussi fréquenté m'a déterminé à fixer ma méthode en
cherchant à faire tourner à bien les conséquences de la longue
période troublée. Ne pas sollicite)- la mémoire, tirer le sujet de
mon propre fonds, en tracer tout d'abord les grandes lignes et
ne recourir aux travaux antérieurs que pour contrôler et
compléter, tel a été le procédé mis en œuvre. Si la légitimité
m 'en paraissait parfois un peu suspecte, eu égard aux exigences
AVERTISSEMENT. XI
de la science moderne, mes scrupules ont été levés quand, à la
veille de livrer le manuscrit à V impression, j 'ai pu lire en tête
de V ouvrage magistral de Heinrich Schâfer sur l 'art égjytien
les lignes suivantes: «Wàhrend der Vorarbeiten habe ich midi
von Ansichten Anderer beuniJJt moglichst ferngehalten, bis ich
tnein Eigenes geniigend gefestigt zu haben glaubte; um so mehr
hat midi dann oft das Zusammentieffen gefreut» (/). Pouvais-je
souhaiter justification meilleure?
Parmi les sujets de réflexion que m'a donnés l'étude des
travaux de mes prédécesseurs, il en est un qui a trait à la
nomenclature. P. Mostet, dans ses Remarques sur la Gram-
maire, souvent fort judicieuses, recommande (p. 33 sq.), d'après
V. LORET, l'abandon de l'expression '^ signe-mot-» et le retour
à la nomenclature de Champollion. J'ai cru devoir passer outre,
et voici poui-quoi. Le principal reproche adressé à <-signe-motr>
est de prendre un sens différent d'un auteur à l'autre. Ce
reproche peut être fondé, mais il s'applique tout autant au
vocable <i-figuratif^, sous lequel Mostet groupe (p. 26) deux
catégories distinctes chez Champollion (Précis, Chap. X,
§VI — VJI) et chez M. Lorkt lui-même (Manuel, §3$ — 3j): les
signes '^figuratifs r> et <i- sj'mboliqiies ■» . «Signe-mot» et, mieux,
«signe-racine» ont l'avantage d'évoquer les rapports de la
langue et de l 'écriture. Je reconnais qu 'ils nous transportent
dans une région bien obscure, mais c 'est affaire au temps de
Vêclaircir. A ce propos je veux parer à une équivoque qui
pourrait naitre de l'opinion exprimée p. 75 sq. et ii3 sq. Je
crois, avec Champollion, qu'une écriture pictographique très
rudimcntaire pouvait être d'abord à peu près indépendante de
la langue parlée et que celle-ci a pu, par la suite, adapter
(i) H. ScHÀFEB, lo» àgyptisclier Kunst (içiç), \onvort, p. VI.
XII AVERTISSEMENT.
quelques-uns de ses éléments à celle-là. Mais, dès qu 'il s 'agit
de l'écriture hiéroglyphique développée^ la langue me paraît
prendre le pas sur récriture, la conditionner en quelque sorte,
la contraindre à se modeler sur elle, et cela, non seulement
pour les éléments phonétiques, ce qui est l'évidence 7nème, mais
pour les éléments mixtes phonético-idéographiques dont Champollion
n 'avait pas encore précisé la nature.
Il se peut qu'on critique l'expression ^signe-racine-» en
objectant qu'un tel signe écrit parfois des homonymes étrangers
à la racine. Mais, si l'aire phonétique d'un signe déborde son
aire sémantique, il nous est bien difficile de nous eji assurer.
Et puis les adaptateurs de l 'écriture ne devaient pas être des
étjnnologistes rigoureux sur les principes. Enfin.^ le cas est en
somme prévu indirectement aux p. y et p. Si une racine difficile
à représenter graphiquement emprunte le signe d'une racine
homonyme, celui-ci se trouve jouer un rôle purement phonétique,
comme adjoint d'un signe-racine non exprimé, fait normal selon
la théorie.
*
* *
Si je ne m'accorde pas tout- à- fait avec mon collègue de
Strasbourg pour une simple question de mots, je suis heureux
de me rencontrer avec lui sur un point plus important: la simpli-
fication de la nomenclature par la réduction à trois des catégories
de signes (cf. Montet, p. p6). Si j'ai employé l'expression
<i complément phonétique ^ , c'est que l'usage en est commode, en
dehors d'une classification théorique. Il ne m'a pas semblé utile
de maintenir la distinction, souvent artificielle, entre l'emploi
comme signe-racine ou comme abréviation (Abkiirzung, chez
Erman). Quant aux <i. déterminatifs phonétiques-», je n'aurais pas
été conséquent avec moi-même si je ne les avais pas supprimés^
AVERTISSEMENT. XIII
puisque, dit Montet (p. 48), «c'est uniquement par leur position
que ces signes se distinguent des véritables sj^llabiques » . Il en
est de même pour le <iiibertragen>^ d'ERMAN. D'abord la distinction
est le plus souvent affaire de lexique plutôt que d'écriture. Et
puis tous les signes sont «tropiques-»^ plus ou moins, élargissant
ou rétrécissant l'idée tour à tour et même à la fois.
Il en est de la transcription comme de la nomenclature. On
en trouvera difficilement une qui réunisse tous les suffrages et
ne pèche point par quelque coté. Je me contenterai de renvoj-er
à ce j'ai dit sur ce sujet dans l'Introduction des mes Papyrus
démotiques de Lille, p. XII.
Dans le tableau des signes, nous nous sonimes tenus autant
que possible à l'écart des questions de vocabulaire, )ie donnant
dans la colonne signe-racine qu'un seul mot pour une même
prononciation. Il a été dérogé à cette règle lorsque, à coté du
mot le plus «figuratif*, mais d'orthographe trop abrégée, il j-
avait intérêt à en citer un autre, apparenté, montiant tous les
éléments utiles. De même, quant a l'analyse des spécimens
d'écriture, je me suis mis d'accord avec M. Drioton pour qu'il
en exclue les détails de grammaire qui sont du ressort d'un
manuel subséquent.
Nous espérons que le tableau des signes phonétiques classés
en ordre rétrograde (p. 161 — 163) sera jugé commode. Pour
ma part, j 'avais, en cryptographie, apprécié la grande utilité
des listes de groupes chiffrants établies sur chacune des com-
posantes. La pratique de l'enseignement égjptologique montre
que les débutants ont quelque peine à tirer tout le parti possible
des compléments phonétiques pour la lecture des signes de valeur
complexe. Le tableau les confirmera dans l'application systématique
de cette méthode et aidera leur mémoire.
H. SOTTAS.
XIV
TABLEAU DES SIGNES UNILITERES.
Tableau des signes unilitères («alphabet égyptien»).
Page du j Trans-
Tableau Signes I " "^
détaillé! ^ icription
Valeur approximative
Forme i Forme
hiéra- démo-
tique I tique
130
esprit doux grec, 'aleph sémitique.
Quelquefois voyelle: or, e
136
122
131
155 9
124
L
143 î D
134
131
128
y (comme dans «yole*). Quelquef.
voyelle : i. Souvent affaibli et
confondu avec le précédent,
surtout comme initiale
peut-être le 'ain sémitique.
Quelquefois voyelle : û. o
IQ w anglais.
Quelquefois voyelle: ?t (ou)
P P
} VI i m
1 40 I /VWAA/v
121
141
m
h doux
1
f
i^
L.
m.
3
3
IL
m \^
TABLEAU DES SIGNES UNILITERES.
XV
Pngeda: ™
. Tableau i Slffues I "
; détaillé ° Ciiption
Valeur approximative
Forme i Forme
hiéra- démo-
tiqué tique
156
153
124
142
147
140
139
153
143
157
156
123
134
h 1 h fort
C^
S
comme le ch allemand dans «nach»
e>
son voisin du précédent, mais dis-
tinct aux hautes époques
1
distincts aux liantes époques; I,
■1 ■!
fort
ch (comme dans «chat»)
' peut-être le qoph sémitique, em-
■^ phatique
"^
A
son voisin de ^ dur dans t tjàteau » r?|
peut-être le teth sémitique, em- :
phatique
(?)
le djendja copte, son voisin de clj
r
V-
n
XVI NOTIONS DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE.
Notions de Chronologie Égyptienne.
Les grandes périodes de l'histoire d'Egypte reçoivent habi-
tuellement les dénominations suivantes:
DATES APPROXIMATIVES
PÉRIODES DTXASTIES AVANT JÉSUS-ChEIST
Période prédjnastique . — x — 3500 ?
Période archaïque. ... 1-3 3500? - 3000?
Ancien Empire (ou Em-
pire Memphite) .... 4-6 3000 ? - 2500 ?
Moyen Empire (ou pre-
mier Empire Thébain) 11-12 2200 - 1800
Nouvel Empire (ou deu-
xième Empire Thébain) 17-20 1650 - 1100
Période saïte 26 663 — 525
Période perse 27 30 525 - 332
Période ptolémaïque ... — 332 — 30
Période romaine — 30av.J.-C. — 395ap.J.-C.
Les dynasties qui ne sont pas décomptées ci-dessus corres-
pondent à des périodes de troubles ou d'arrêt, au moins
apparent, dans le développement de la civilisation.
La chronologie est à peu près établie pour le premier millé-
naire avant notre ère, et d'autant plus incertaine qu'on remonte
dans le temps. Plus haut que le Nouvel Empire, les erreurs
possibles peuvent atteindre plusieurs siècles. Les anciennetés
indiquées représentent plutôt un minimum.
Première Partie. Le système hiéroglyphique.
Chapitre P^
Principe du Système.
Notre })ensée est rarement adéquate ;i son objet. Son ex-
pression sonore, le langage, n'est elle-même qu'un truchement
assez infidèle. L'écriture, si perfectionnée soit-elle, ne peut
rendre Tintégralité des sons qu'émet notre appareil glottal et
buccal. On peut donc dire que, comme les enchaînés du mythe
de la caverne, le lecteur dun document écrit ne perçoit que
l'ondjre d'une réalité.
En face de ces imperfections, Ihumme observe trois atti-
tudes : ou il s'en accommode, ou il les accentue, plus ou moins
inconsciemment, ou enfin il s'efforce d'y remédier.
Il s'y résigne, par exemple, quand il préfère la sim])licité
à la précision, tendance qui ressort nettement d'une compa-
raison entre l'écriture courante et les transcriptions imaginées
par les phonéticiens; (1) ou encore quand il néglige pendant trop
longtemps de rétablir l'harmonie entre son système scriptural,
plutôt stable de nature, et l'idiome parlé, dont l'évolution est
continue. On sait combien, sous ce rapport, le français ou
l'anglais offre de difficultés aux étrangers et même aux na-
(1) Ex. : arî.;e =^ arranger; k'infa = connais.-^ait ; kulyreir =: coutu-
rière; vioelj ^= niouton ; pr7i:v = prendre (P. Pa.ssy, Le» Resten d'un patoix
cliainpeiiois, ap. Mélangea publiés à l'occasion du Cinquantenaire de VErole des
Hautes Etudes, p. 243 stpi.).
Sottas-Drioton. 1
2 INTRODUCTION A L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
tionaux. (>n mesurera l'écart actuel en lisant le travail d'un
linguiste français qui use de l'orthographe réformée. (1)
11 semble paradoxal, à première vue, que l'homme n'évite
pas soigneusement d'ajouter aux défauts qui grèvent un instru-
ment de civilisation dune utilité aussi éminente. C'est que, là
encore, il obéit à cette loi du moindre effort qui est aussi le
ressort principal, si l'on peut dire, des modifications du lan-
gage. C'est elle qui donne naissance aux cursives, aux écri-
tures négligées répondant à pou près ii ce qu'est le bredouille-
ment dans la langue parlée ; aux abréviations sporadiques ou
systématiques dont les inscriptions latines et les notes tiro-
niennes montrent des exemples si frappants ; à l'omission des
voyelles dans un si grand nombre d'écrits en langues sémitiques,
etc. etc., et pour ne parler que des faits les plus voisins de nous.
Les moyens sont nombreux de remédier à ce que nos écri-
tures, analytiques à l'extrême, ont d'inexpressif ou d'ambigu.
Telles sont certaines conventions d'écriture qui font de l'ortho-
graphe, non plus un tyran, comme beaucoup l'envisagent, mais
un précieux auxiliaire. Des difïérenciati(5ns s'obtiennent encore
par des initiales majuscules, par des accents qui soiivent ne
correspondent à rien dans la prononciation, par des traits sou-
lignés, par la séparation des mots, la ponctuation, etc. etc.,
tous procédés qui cori'espondent plus ou moins, dans l'écriture,
à ce que sont, pour la langue parlée, les inflexions de la voix,
le geste, même la musique accompagnant les paroles, en un
mot tout ce qui s'adresse directement à notre sensibilité plutôt
qu'à notre raison.
Ces remarques générales et préliminaires ne sont pas inutiles
pour qui veut juger sainement, ou simplement décrire, le
système hiéroglyphique. Faute de les prendre en consi-
(1) P. ex. Tarticle prtîcité, ou, mieux, les uiûinoires de M. Ant. Thomas
dans les dernières années de I?oma)iin.
CHAP. I : PRINCIPE DU SYSTEME.
dération, nous serions trop tentés, esclaves de riia1)itude, d'en-
visager notre propre système d'écriture comme la norme, et
de traiter d'inférieur tout ce qui s'en écarte par trop. (1)
L'avantage le plus évident de notre alphabet sur les écritures
anciennes complexes est la réduction du nombre des signes.
En réalité, les lettres accentuées du français ou infléchies de
l'allemand accroissent ce chiffre de quelques unités et les ma-
juscules le doublent. Mais ce qui est plus grave, c'est que le
temps économisé par l'enfant gnâce à la réduction des signes
constitutifs est compensé ensuite, et au delà peut-être, par la
nécessité d'apprendre l'orthographe, c'est-à-dire de graver dans
la mémoire la physionomie de chaque mot, sans que des règles
bien logiques facilitent cet effort. Le bienfait de l'analyse est
par Ik-même en partie perdu. Quand une langue présente une
orthographe aussi capricieuse que la nôtre, on jjeut dire, sans
outrer le paradoxe, que la simplicité du système d'écriture n'est
vraiment sensible que pour la typographie (2) ou la dactylographie.
Pour qu'on ne nous accuse pas d'emblée de partialité en
faveur de la vieille Egypte, nous allons, observant d'ailleurs
le même ordre que ci-dessus, exposer tout d'abord brièvement
les résultats de son indolence en face dos défauts essentiels
du système hiéroglyphique.
Les p^g^-ptiens se sont montrés des plus conservateurs en
matière d'écriture; les orthographes dites historiques ne se
comptent pas; ils ont notamment continué à écrire systéma-
tiquement des signes corres})ondant à des phonèmes depuis
longtemps oblitérés.
(1) Récemment encore, M. Spikc.kuseug (GUttinfjinche gelelirte Anzeiijen, 19U8,
1>. 119) traitait récriture liiéroglyplii((ue de système enfantin.
(2) On ne paraît même pas avoir toujours apprécié à sa valeur cet avantage.
C'est ainsi que la cursive grecque imprimée a longtemps admis des caractères
comportant des lettres ligaturées, et cela en plus du système déjà complexe
des esprits et des accents.
1*
4 INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
Ils n'ont guère marqué de tendances suivies k la réduction
du nombre des signes élémentaires. Là où l'on observe ce
phénomène, il s'agit d'une simplification des signes synthétiques
(signes-racines) et elle s'opère plutôt aux dépens de la clarté.
Aux basses époques on voit au contraire les hiéroglyphes se
multiplier de telle sorte que l'écriture en devient presque une
cryptographie. Il est vrai qu'alors, par suite de l'adoption de
récriture démotique servant aux usages courants, les hiéro-
glyphes étaient réduits aa rôle d'écriture savante.
Les Égyptiens ont, eux aussi, pratiqué l'abréviation; niais, vu la
nature synthétique d'une partie du système, cette pratique n'en-
traîne pas des inconvénients aussi grands qu'avec nos alphabets.
Comme les Sémites, ils se sont abstenus d'écrire régulièrement
les voyelles. La question de la vocalisation est une des plus
épineuses et des plus contestées ; il n'y a pas lieu de la mettre
ici en discussion. Il suffira d'observer que les partisans les
plus décidés de la présence de signes-voyelles dans les hiéro-
glyphes n'ont jamais soutenu que le vocalisme fiît entièrement
représenté, même de façon grossière. On ne risquera donc de
heurter trop fortement l'opinion de personne si l'on admet,
après Champolliok, que les Egyptiens marquaient les voyelles
k peu près dans la même mesure que l'hébreu non ponctué
ou l'arabe dans sa f(ti'me usuelle, réduite aux lettres et points
diacritiques. Il est important de constater que, lorsque les Egyp-
tiens sont entrés en contact étroit avec la civilisation sémitique^
puis avec la grecque, ils ont fait effort, les deux fois, pour
exprimer le vocalisme des mots étrangers nouvellement intro-
duits dans la langue, mais ils n'ont nullement éprouvé le besoin
d'en faire autant, du moins de façon complète, pour les mots
appartenant au fonds indigène.
Si, en regard de ces défectuosités, nous cherchons k discerner
les avantages du système, nous devons reconnaître que les
Egyptiens ont été guidés par un instinct très sûr. Cette irré-
CHAP. I : PRINCIPE DU SYSTEME.
eularité orthographique qui nous choque tant (1) confère à
leur écriture une souplesse inégalée. Ils ont su doser mieux
que nous le rôle de l'ouïe et de la vue dans la transmission
graphique de la pensée. Qu'on leur attribue une mentalité de
primitifs ou qu'on leur accorde un certain sens philosophique,
ils n'ont pas cru devoir renoncer complètement, comme nous,
h représenter directement robjet de la pensée sans passer par
l'intermédiaire obligé des mots de la langue parlée. L'emploi
simultané des deux procédés qui se complètent mutuellement
réussit a pallier bien des défauts. Les caractères idéographiques
ou semi-idéographiques ajoutent à l'expression de la pensée
abstraite un élément émotif ou pittoresque comparable, nnitatls
mutcmdis, à ce que nous font éprouver, par exemple, l'illustration
d'un texte par l'image, le hit-motiv wagnérien qui s'adresse en
quelque sorte au subconscient et, par un dessin mélodique pré-
cis, évoque des idées au contour flou, ou encore les épithètes
dites homériques. Quoi de plus suggestif, en effet, qu'un rap-
])rochement entre l'orthographe d'un mot comme ^-jp) ^^ il Ql)
« supplier » et l'expression eschylienno y^tioorôvovg hràg (»bVj?<
contre T/iUes, 172) V
* *
Dualisme, voilà le mot (jui nous ouvrira la compréhension
de la jilupart des faits. Examinant le système i)arvenu à son
plein éj)anouissement, et ré.^ervant pour un chapitre subséquent
toute tentative d'en rechercher les origines et tracer l'évolution,
nous constatons qu'un hiéroglyphe peut, à ce qu'il semble,
posséder les propriétés suivantes :
(1) On peut se demander si la fixitc d'une orthograjihe snuvent arbitraire,
ainsi que la nôtre, ne serait pas apparue au.x yeu.K de l'Eg^yptien comme
une tyrannie analojrue à l'obligration de composer en mètres, alors que
l'invention de Tûcriture supplée à ce moyen mn('moteclini([ue. Ecrire en
])rose et orthographier selon son jug'ement, ce sont là, si l'un y rc'fléchit, deux
libertés du même ordre.
6
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
1" Il représente à la fois un son et une idée, c'est-à-dire,
en somme, un mot. Il sera dit mi-idéographique, mi-phonétique,
ou «signe-mot», ou plus généralement, «signe-racine».
Ex. : ^7| sirr «boire».
2" Il représente une idée, mais pas de façon assez précise
pour qu'un mot de la langue parlée y soit attaché. Il sera
dit idéographique, ou « déterminatif ».
Ex. : A idée de mouvement.
3° Il représente seulement un son. par convention pure, son
origine étant perdue de vue. C'est, en moins accentué, ce qui
s'est passé pour nos caractères actuels. Il sera dit « signe
phonétique » .
Ex. : <=z:=> r, préposition « vers » (représente une bouches)
Quoique ce rôle soit triple, c'est bien de dualisme qu'il
convient de parler, puisqu'il s'agit en fait de deux élément,
considérés tantôt isolés, tantôt combinés.
Dans sa forme complète, un mot égyptien présente les élé-
ments d'une charade : or + an^e + orange-
C'est mieux qu'un «rébus», puisque, à côté du «premier»
et du «second», etc., on retrouve l'« entier». Les Egyptiens
se sont comportés là comme un chimiste qui laisserait, en pré-
sence des produits de l'analyse, un résidu du corps composé.
Ex. : <rr> r^^^^ ^ fl r + mn + rmn «bras».
Il arrive aussi, mais plus rarement, que la partie purement
phonétique du mot écrit ne comporte pas de décomposition.
CHAP. I : PRINCIPE DU SYSTEME.
(.)n accolle seulement au signe-mot celui d"un mot liomonyme,
de lecture mieux connue ou moins ambiaur.
Ex. : .^s^iiTI "■'* + "■'' «ouvrir».
Un cas particulier du précédent se rencontre, dans les or-
thographes qui visent îi être complètes^ lorsque le signe-mot
se suffit à lui-même, n'ayant pas d'homonyme plus explicite.
La dualité est maintenue grâce à un trait vertical qui accom-
pagne le signe-mot. C'est comme si on redoublait le signe-mot
pour avertir qu'il a sa pleine valeur, tant idéographique que
phonétique.
Ex. : a \ )/ [+ [i) « siège » .
Le signe-mot, d'une part, et la partie phonétique, de l'autre,
employés isolément, peuvent comporter plusieurs sens. Leur
réunion i)récise l'idée. ( 1 )
*
5f: *
Mais on conçoit que, si le signe-mot se laisse identifier sans
doute possible et que, d'autre part, la partie phonétique .soit
entièrement écrite, au vocalisme piès, il y ait redondance,
presque double cm[)loi. Des simplifications ne pouvaient
manquer d'intervenir, selon les occasions et dans des pro])or-
tions variables ; c'est lii ce qui exj)lique le manque de rigidité,
de constance, du système.
Les simplifications atteignent, soit la partie phonétique, soit
le signe-mot, soit l6s deux à la t'ois. Elles peuvent aller jusqu'à
la suppression totale de l'une des deux variétés.
(1) Avec le système égyptien ou n'aurait pas eu besoin du contexte pour
distinguer (nous) jiortion.i et (les) portions, ou (le) couvent des (poules qui)
coiiceni. L'emploi des déterminatifs a})pli([ucs à une même racine rendrait
impossibles les < nouvelles à la main v portant sur Vordonnance (du pliar-
niafien) et le {so\àsit-)ordoniiance, etc. I^es Egyptiens pratiquaient rallité-
ration, mais dans un autre e.sprit que nous, en rechercliant un rap])roclie-
nient, non une éi[uivo(iue.
8 INTRODUCTION .A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
La partie phonétique peut être réduite au strict nécessaire
pour parer k la synonymie, c'est-à-dire aux cas où les signes-mots
de deux ou plusieurs mots différents seraient trop ressemblants
ou même identiques, par suite d'une usure inévitable, surtout
dans les cursives. C'est comme si, estimant insuffisante la
distinction des images d'une pomme et d'une orange, nous les
accompagnions, l'une d'un m ou d'un p, l'autre dun r ou d'un
g. Les éléments de ce phonétisme partiellement exprimé re-
çoivent d'ordinaire le nom de compléments phonétiques. -
Ex. : ^ Vv szm + m « entendre » et 1 ^ ^v s + szm + m,
en face de I jTl ^\ s + z + szm + m.
Très souvent on se contente d'écrire le signe-mot seul,
comptant sur le contexte pour faciliter la compréhension au
lecteur.
Ex. : nà peut représenter les mots |— p| au et s^-
«écritoire» : tipi «écrire» ; "'^
« couleur », il ^ — ^ tiiii « brover ».
D p « socle » et non la consonne j).
La simplification du signe-mot peut s'opérer de bien des
manières. Tantôt on n'en conserve que les parties caracté-
ristiques. Sa force expressive n'est pas, de ce fait, sensible-
ment diminuée.
Ex. : n^^^^ SUT «boi
D'autres fois la mutilation est moins anodine, et, en face
d'un plionétisme pleinement exprimé, le signe-mot tend à devenir
en (pielque sorte un accessoire. On peut alors presque le qua-
lifier de déterminatif. Convenant à tout un groupe d'idées et
de mots, son rôle est à peu près exclusivement idéographique.
CHAP. I : PRINCIPE DU SYSTEME.
Ex. : I ^^ ^ .^vr «boira», ^^ iiiiiini tru «ouvrir»;
<r;> 7^ hrp «offrir les prémices» s'écrit aussi «cir
et <^ .=_ii
D
Dans des cas comme celui du mot szr «être couché», qui
peut s'écrire Ob^ ou 0 ^ "J^ ou 0 ^ o(^îq, le signe-
mot en vient ;i perdre jusqu'à son individualité, puisque deux
si<;'nes entièrement différents servent pour un même mot.
On constate une sorte de parti-pris de généralisation dans des
cas comme ^jx. «mouche», en face de m, l'image
de l'oie s'appliquant Ji tout ce (|ui vole. (1) La distance sé-
parant le signe-mot et le détorminatit' est alors franchie. De même
pour X ^^^ '^^ «sauterelle» devenu "^^ ^f< *^*='
Si l'on n'a eu d'autre intention que de substituer ii un dessin
rare et compliqué un autre d'usage très courant, c'est là encore
un procédé de simplification gra])hique. De mémo quand on
écrit Ift ii-A au lieu do JP '^— j «veau% etc.. etc.
r^e signe-mot j)eut être encore, soit remplacé par une figure
géométrique (o, \ ou l), soit entièrement supprimé. 11 est très
important d'observer que. dans ce dernier cas, la partie pho-
nétique doit être écrite intégralomont, du moins en ce qui con-
cerne les consonnes.
Ex. : ^ ^^ rmf «homme», ^ ^\ : mais <rr>'^^\ s=>
(copte pcoMe).
I.,a réduction ou la suppression du signe-mot a pour objet
le plus souvent do simj»lifier la tâche du dessinateur, mais aussi,
(1) Cf. le cas (lu latin volatilix. réservé aux oiseaux, à l'exclusion des
insectes (A. Daizat, I,a Philonophie du Langage, p. 13).
10 INTRODUCTION A L'ÉTUDE DES HIÉKOGLYrHES.
dans les textes funéraires, d'éviter certaines figures que la
magie pourrait animer et rendre nuisibles.
L'emploi isolé d'un signe, sans accompagnement du trait \,
est régulier quand ce signe ne représente qu'un homonyme du
mot qui lui a donné naissance.
Ex. : D p «ce» (démonstratif).
Il peut y avoir réduction des deux éléments h la fois, quand
le contexte est suffisamment explicite.
Ex. : ^h SIC)- «boire», venant, dans les papyrus médicaux,
après la formule d'une potion.
A l'inverse de ces^simplifications, on observe la présence d'élé-
ments qui s'ajoutent au schéma tracé plus haut. Ces développe-
ments sont de nature, soit phonétique, soit idéographique.
Tout signe entrant dans la partie phonétique d'un mot et
répondant à plus d'une consonne peut être lui-même environné
de tout ou partie de ses compléments phonétiques. Il y a^. dans
ce cas. décomposition ù deux degrés.
Ex. : ,^j-"^ ^ fl /■ + (mu + u] + rmn «bras».
rnr + »? + r) + mi' «pyramide».
dlP ^ ^ (."'•^- + -^) + i'^i' + '■) + >"^^-^i' «oreille».
I ^ I i^ /? + (^ + ;■ + //•) 4- litr «attelage».
A chaque stade de cette décomposition, l'élément plus simple
et plus fréquent aide la mémoire à reconnaître l'élément plus
complexe et plus rare. On comprend que le signe unilitère
n'ait pas éliminé, ;i la longue, le signe bilitère. car ce dernier
fournit la transition avec le signe-mot trilitère ou quadrilitère.
IKL "
CHAP. I : PRINCIPE DU SYSTÈME. H
Si nous passons aux développements idéographiques, il
Y a lieu, pour bien saisir cet ordre de phénomènes, de mo-
difier au préalable notre conception de l'élément appelé signe-
mot, ;i l'imitation des grammairiens modernes. En effet, dans
cet emploi, un signe ne convient généralement pas à un mot
unique, mais à tout un groupe de mots apparentés par le son
comme par le sens et qui, même sans tenir compte des nuances
répondant au genre, au nombre, à la flexion, paraissent différer
les uns des autres par des éléments de dérivation, préfixes,
infixés ou suffixes, notés ou non phonétiquement.
JLx. : û mnh «être taronne», I a smnh «lacon-
ner., <=>^^ '•'"; P'-^» M'I^^^i'er», <=>^(](] ^^
>'iiii/f, ep.UH «larme».
Ainsi des signes-mots, tels que 9 6* ^^^ n'appartiennent
])as en propre à un mot chacun, mais k une racine. C'est
pourquoi, romitant avec les habitudes reçues, nous proposons
de substituer à l'a{)})ellation signe-mot, l'ap})ellation généralisé»*
signe-racine. Si des simplifications n'intervenaient pas, chaque
image ainsi désignée serait caractéristique d'une racine.
Pour distinguer les mots appartenant à une môme racine, la
langue parlée dispose, outre les moyens déjà indiqués, des mo-
difications du vocalisme radical. L'écriture n'en tient générale-
ment pas compte et c'est sans doute pour combler cette lacune
(qu'elle eut recours :i un nouvel élément, purement idéogra-
l)hique, le déterminatif.
C'est comme si, après or + (ox/a + oraiifje, on ajoutait l'image
d'un édifice pour exprnner oraïu/crle (sans parler du suffixe rie\.
Ex. : f^ wi «soldat», L^>^J^ «expédition par eau» (signe
Ks' + déterminatif), /ww^a \ % «être jeune»,
] 0(1) «fruits» (phonétisme complet + signe-racine
(1) Le signe ^, ajoute au radical, représente le I, marque du genre féminin.
/Ta
racine vu
AA/V\AA
D
12 INTRODUCTION A L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
r;/y; + déterminatif ), "^ ^ J (^ * nuque ». "^ |J ^,
«attelag'e de bœufs», Isx o ]' -ctxk «bouton de fleur»
( plionétisme complet nhh + déterminatif).
Le déterminatif peut être complexe :
E
A^AAA^ O n '^
On voit, d'après ces trois séries d'exemples, que le déter-
minatif peut se joindre, soit au plionétisme et au signe-racine
réunis, soit à l'un des deux.
On rencontre assez souvent le trait I accompagnant le signe-
racine malgré la présence du plionétisme .partiel ou complet.
C'est une manière d'indiquer que le signe-racine, employé dans
son sens premier, se sert de déterminatif à lui-même.
Ex. : C3:iii 1 [^ ^^j^^^ "S dstr «langue:
Le déterminatif, s'appliquant à des séries de mots attachés
à des racines différentes, a une valeur plus générale que le
signe-racine ; mais, comme celui-ci tend, nous l'avons vu, à se
simplifier, il est des cas assez nombreux où l'on ne sait trop
il quelle catégorie l'on a affaire. D'ailleurs des échanges se
sont produits. Ainsi i^ »î^' est signe-racine dans iA^ ^îi soldat.
()v ce mot est apparenté au verbe C\ ^~r^ marcher. Dans
l'orthographe ancienne ^^^ î j^î iM le signe-racine est £^
et le déterminatif L^ On comparera encore les trois ortho-
graphes archaïques de irnin «manger» ' '*'QAj '^ ^t Q]\.
Dans le troisième cas, Qh semble devenu déterminatif, à moins
qu'il ne soit devenu signe-racine dans le premier. Même
quand un mot paraît muni ;i la fois d'un signe-racine et d'un
CHAP. I : PRINCIPE DU SYSTÈME. 13
déterminatif, il se peut agir en réalité d'un double déterminatif.
Les critères, d'ailleurs insuffisants, permettant d'opérer une
distinction dont l'importance est surtout théorique, paraissent
être les suivants :
Un signe-racine peut être encadré par ses compléments phoné-
tiques ou les suivre. Un déterminatif est obligatoirement à la
fin du mot.
Un déterminatif est ordinairement accolé à une représentation
])lionétique complète, abstraction faite dos éléments habituelle-
ment défectifs (consonnes-voyelles ', y et ic; radicales redou-
blées, etc.).
En résumé, pour faire tenir dans une formule unique les
caractéristiques du .système hiéroglyphique, on dira (jue la graphie
d'un mot peut com))rendre :
1. une représentation en signes n'ayant conservé qu'une valeur
l)honétique ;
2. un signe-racine, de valeur h la fois phonétiiiue et idéo-
graphique ;
3. un déterminatif. simjjle ou complexe, de valeur purement
idéographique.
Tout ou partie de deux de ces éléments peut être sous-entendu.
Ainsi, que l'on veuille, dans la pratique, s'en tenir au principe
dualiste pris comme point de départ, ou que l'on tienne davantage
compte du troisième terme, somme des deux autres, l'essence
du système apparaît comme un dosage variable et partiellement
compensateur d'éléments ])honétiques et idéograj)lnques. On
comprendra aisément qu'il se prête à une infinité de combi-
naisons et qu'il serait illusoire de prétendre en donner une
descri])tion complète.
Cette infinie variété, que l'analyse permet de réduire ii une
trinité ou un dualisme, peut même être ramenée à l'unité.
14 INTRODUCTION A L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Nous allons montrer en effet que la cellule constitutive, proto-
plasniique, pourrait-on dire, est le signe -racine, image cVuu
otre ou d'un objet matériel, au repos ou en action. Les autres
hiéroglyphes n'en sont que les transformations.
Il n'y a pas, en réalité, de caractères purement phonétiques,
c'est-à-dire représentant un «on conventionnellement et sans
que la forme du signe et le son soient liés originairement par
une idée. La convention consiste à dépouiller le signe de
l'idée qu'il évoque directement. Un signe qu'il est convenu
d'appeler phonétique agit d'abord idéographiquement sur notre
intellect, en ce sens qu'il éveille l'idée d'un objet. A cette idée
la langue attache un son. Ce stade atteint, il peut se produire
trois cas :
1. Le mot qui répond à la fois à l'image et au son s'est
conservé dans la langue parlée.
Ex. : D I p « siège ».
2. Ledit mot est sorti de l'usage, mais celui-ci en a gardé
d'autres qui appartiennent à la même racine.
Ex. : f"^^^ m7i qui représente un échiquier: mais dès les
anciens textes, échiquier semble se dire exclusivement
'^'^^^ f^^^^ sut. Il y a probabilité que rester^ vwwv un
tel etc. soient apparentés à échiquier.
3. La racine elle-même est complètement oblitérée.
On conçoit que ce dernier cas seul donne lieu à une convention
analogue k celle qui attribue un son déterminé à un caractère,
ou réciproquement, dans nos écritures actuelles. Par contre, la
convention inverse n'a plus à jouer, qui enlève à un signe
toute valeur d'idée. On observera que, dans l'état présent de
notre connaissance du vocabulaire égyptien, il nous est à peu
près impossible d'affirmer qu'une racine a cessé d'exister. Nous
nous dispenserons donc de donner un exemple.
cil AP. I : PRINCIPE DU SYSTÈME. 15
Quant au déterminatif. il semble procéder du signe-racine,
par voie de généralisation et abstraction de la valeur phonétique.
On a vu combien la distinction était malaisée à faire.
La notion élariiio de signe-racine permet d'apprécier les
possibilités d'exprimer, avec une approximation suffisante, les
idées par l'image. Lorsque, parmi les mots appartenant h
une môme racine, on peut choisir le plus concret, sans viser
à rendre ce que les grammairiens appelleraient le sens premier^
on augmente ses chances de découviir la figure convenable.
Il est clair que bien peu de mots de la langue peuvent être
représentés de façon précise par un signe-mot, sans qu'inter-
viennent des conventions parant à l'amphibologie. Comment,
en effet, distinguer par l'image des termes presque synonymes?
Non seulement prétendre atteindre par ce procédé à la richesse
de nuances de la langue parlée serait illusoire, mais les idées qui
ne s'attachent pas a des objets matériels, c'est-à-dire la majorité,
ne sauraient trouver pour les représenter d'idéogrammes adéquats.
CiiAMi'OLLiox (Précis, p. 320 sqq.) a développé fort habilement
une distinction établie par les anciens, entre les signes figuratifs^
images directes des objets, et les signes symboliques, dont
l'emploi suppose une association d'idées ])lus ou moins lâche.
l)ien que ce classement soit commode, on ol)servera que la
frontière est malaisée à tracer entre le sous-groupe des ca-
ractères figuratifs dits conventionnels et les caractères symbo-
liques dont le symbole n'est ])as trop obscur.
Notre grand précurseur a encore exposé comment, pour ex-
jirimer les abstractions, les hiéroglyphes procèdent, à l'instar
de la langue, par syneedoche, métonymie, métaphore, ete. Rien
de plus juste; mais on peut aller plus loin. Champollion, s'en
tenant à deux catégories de signes bien tranchées, les idéo-
graphiques et les phonétiques, compare, en deux séries parallèles,.
16 INTRODUCTION A L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
les développements de la langue et de l'écriture. Or la science
contemporaine s'est enrichie de la notion de signe-mot qui
constitue en quelque sorte une moyenne. On concevra dès lors
les deux développements comme étroitement solidaires^, comme
s'accomplissant en deux étapes successives^ l'écriture complétant
au besoin le travail fourni par la langue. On devra donC; dans
l'étude de cette classe de signes^ faire^ d'abord et dans la mesure
du possible^ la part des faits de sémantique.
Par exemple; si Q^ est appliqué par synecdoche à la notion
de bataille ou à'avmée (cf. Horapollon, II, 5), est-ce que le
mot armée lui-même n'est pas un collectif et une abréviation
de l'expression iroujje armée? Quoi d'étonnant si l'écriture nous
montre un personnage unique et réduit aux membres et attributs
qui répondent au sens de l'adjectif'? S'il s'agissait du français,
il n'y aurait pas là de trope scriptural, l'écriture paraissant
traduire la langue aussi fidèlement que possible. Rien ne prouve
qu'il n'en a pas été h peu près du même en égyptien.
Si ^ (Horapollon, II, 12; cf. Spiegelbeeg, A. Z.. LUI, p. 93)
peut représenter une foule (oyXoç) c'est par une extension de
sens allant de troupe armée h foxde en général. Cette fois
nous savons positivement, grâce au copte MHHiye, que cette
évolution est d'ordre entièrement linguistique.
Si un croissant de lune ^-c:^ (Horapollon, I, 4) sert à écrire
«lots, n'est-ce pas qu'à un moment donné lune et mois s'exprimaient
par le même mot ou deux mots apparentés, ainsi qu'il arrive dans
bien des langues? Il peut y avoir métonymie scripturale seule-
ment dans le choix de la forme de l'astre la plus caractéristique.
Si l'année (Horapollon, I, 3) s'exprime conventionnellement
par un roseau \ , c'est que les mots signifiant rajeunir, verdure
et année appartiennent à la même racine ^^AAAA.| . En matière
d'écriture, l'effort d'invention s'est borné ici à rechercher quelle
était, des trois idées, la plus concrète, et à fixer la forme du
CHAP. I : PRINCIPE DU SYSTÈME. 17
sig'ne qui la représente. II semble qu'on ait bien là la clef des
associations d'idées qui nous paraissent abstruses^ et d'autant
plus que certains intermédiaires linguistiques ont pu sortir de
l'usage entre temps.
On pourrait multiplier les exemples. Il y aurait toute une
étude 11 faire qui intéresserait autant le vocaljulaire que l'écriture
et ne saurait trouver sa place ici. Mais on peut admettre a
priori, que les inventeurs ou adaptateurs du système Iiiéro-
glyphique se sont permis des approximations du genre de
celles que nous employons nous-mêmes quand nous imprimons
l'image d'une enveloppe de lettre ou d'une raquette pour in-
diquer qu'il y a un bureau de poste dans une localité ou un
court de tennis au I^alaee-Hôtel.
Les racines do la langue égyptienne paraissent comporter
de une à quatre consonnes ou consonnes-voyelles. Les radicaux
qui en montrent davantage sont formés par redoublement ou
par l'adjonction d'un élément grammatical. On distinguera donc
des racines unilitères, bilitères, trilitères et quadrilitères.
Une question des plus graves et non encore résolue consiste
il déterminer si chaque hiéroglyphe comporte une vocalisation
fixe qu'il entraîne avec lui dans tous ses emplois (sauf celui de
déterminatif), ou bien s'il constitue une armature consonantique
à laquelle s'adai)tent des nuances vocaliques variables. La notion
même de signe-racine et les modifications vocaliques internes ob-
servées dans le copte parlent en faveur de la deuxième hypothèse.
Si elle est juste, les signes unilitères méritent vraiment le nom
([' alphabétiques, du moins selon le mode hébraïque. Par contre, on
ne peut parler de signes syllabiques que dans l'hypothèse inverse.
La série d'exemples qui suit montre que, pour la décom-
position des radicaux trilitères et quadrilitères^ toutes les com-
binaisons sont possibles, bien que de fréquence très inégale.
Sottas-Drioton. 2
18 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGiLYPHES.
Radicaux trilitères.
1 + 1 -f- 1 y, Tm¥. Ij^[> «district» h -\- s + ji
1 + 2 t^^f^ ^ û rmii «bras» r + (»iu + «)
AAA/>Aft
2+1 -iXSi3 1 v\ I t'^l trni «loup » {irn + ») + .s
Kadicanx quadrilitères.
1 + 1 + 1 + 1 ^^ n ^^"^ A irsUi « se hâter » //• + .s + / + a
- - ' I AAAAAA
1 + 1+2 P '^ i ^fl *''"-^"' « «în<^ " "" + "' + (*■"■ + "■)
1 + 2+1 ® J^Pt^ -"""'' «ami» A + (/^ + Hm + H0+^•
2 + 1 + 1 "^^^^ 11!°^ Sa "i"^'" « éeritoire » (//îh + »1 + // + .:
2 + 2 > [^r£l ^tç^A irn?:ir «bétail» irn -\- :cir
1 + 3 I I o sntj' « encens » .s + {nij- + ^ + r)
^ "'" ^ O , 'O hprs « couronne (hpv + >•) + -s
royale »
Ou trouvera dans le tableau annexé au présent volume
l'explication d'un certain nombre de signes dans leurs différents
emplois. Il est impossible d'établir une liste complète, car,
outre que la série des hiéroglyphes n'est pas, en principe,
limitée, chacun d'eux, pris isolément, comporte une grande
variété de formes. Sur ces deux points il sera fourni quelques
données au chapitre traitant de l'histoire de l'écriture.
CHAP. I : PRINCIPE DU SYSTÈME. 19
Pour le olioix des sii^nes, il <i t'allu se borner à une période
moyenne, laissant de côté, vers les origines, le temps où les
signes-racines, encore très nettement diftëreneiés, étaient en
très grand nombre; et. d'autre part, vers les basses époques,
celui où les hiéroglyphes avaient cessé de servir h l'usage
courant pour faire place h leur succédané, le démotique.
Pour la forme de chaque signe, on s'en est tenu, forcém.ent,
H celle du caractère typographique, bien qu'elle se rapporte,
par un fâcheux abus, à la fin de la période envisagée, et montre
généralement des symptômes d'usure manifeste.
La disposition du tableau parle d'elle-même et cadre avec
l'exposé qui précède. Si l'on n'a pas mis la colonne « signe-racine »
v.n contact avec la représentation isolée des signes, c'est d'abord
pour conserver à cet emj)loi sa position moyenne entre les deux
autres qui semblent en dériver. (J'est aussi dans un but tout
pratique, afin que le lecteur trouve facilement la prononciation.
Quand celle-ci, notét^ en transcrii)tion, est mise entre paron-
tiièses, c'est qu'elle ne ])araît pas usitée dans un rôle purement
[)honétique, et en dehors de la racine mentionnée par la colonne
voisine. (Jette indication, de même que les blancs laissés dans
le tableau, ne prétend })as marquer autre chose que notre
ignorance, i)eut-être tem))oraire, et n'a aucune valeur de principe.
Extrait bibliouraphiqiic et références Justificatives.
CiiAMi'Oi.LioN le jeune, Lettre à M. Dmieh rehitica à l'alphabet
(les hiéroglyphes phonéÀûpies (1822); — Précis du Système hiérogly-
phique, 2""= éd. ( 1 828) ; Grammaire égyptienne ( 1 8o6). — V. Loreï,
Manuel de la langue égyptienne (1889) ; — A. Erman, Agyptische
(Jrammatik, 3'"*' éd. (l'Jll). — P. Lacau, Notes de grammaire,
ap. Recueil de Travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie
égyptiennes et assyriennes, XXXIV sq. (1912 sq.). — P. Montet,
Questio)is de grammaire et d'épigraphie, ap. Sphinx, XIX(1915). —
A. Z. = Zeitschrift fiir agyptische Sprache und Altertumskunde.
2*
Chapitre II.
Évolution du Système.
Xous sommes ici sur un terrain particulièrement difficile et
il importe, pour parer à toute équivoque, de bien définir les
termes employés. Quoique la limite entre histoire et préhistoire
tende aujourd'hui à s'efFacer. du moins au dire de certains au-
teurs, on admet communément comme critère l'existence de
documents écrits. L'histoire d'Egypte et l'histoire des écri-
tures égyptiennes commenceraient donc, par définition, en
même temps.
D'autre part, un dessin ne mérite le nom d'écriture que si
la position respective de ses éléments n'a plus d'autre portée
que d'en indiquer la succession, correspondant à la suite des
idées exprimées, et «sans aucun égard à une image d'ensemble».
Par exemple TO ne veut pas dire qu'un homme appuyé
sur un bâton regarde deux cribles tombés dans l'eau, mais ex-
prime le mot nhh «vieillard».
Le système hiéroglyphique tel que nous l'avons décrit et tel
qu'il nous apparaît sur la grande majorité des monuments, ré-
pond pleinement a la condition sus-énoncée (1). Par contre,
certains érudits contemporains ont cru relever des traces d'un
état antérieur dont la caractéristique essentielle serait pré-
rien
(l) «Une in.scriiitiou hii'roglvpliinue présente l'aspect d'un véritable chaos ;
.__n n'est à .=a i)lace ; tout manque de rapport; les objets les plus opposés
dans la nature se trouvent en contact immédiat, et produisent des alliances
monstrueuses» (Champoltjon, Précis, p. 305).
CHAP. II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 21
c'isément de n'y point satisfaire. Nous sommes donc en droit,
provisoirement au moins, d'étudier successivement la préhistoire
t't l'histoire des écritures égyptiennes.
On peut dire que tout dessin contient en germe nne écriture,
puisqu'il fixe la pensée, fût-ce d'une façon très vague, et la
transmet. ]1 constitue en somme une allusion à un fait ou
un ensemble de faits, allusion qui se précise dans l'esprit de
rcjbservateui", grâce à une connaissance antérieure, plus ou
moins complète, de ces faits. L'imagerie et l'écriture sont deux
moyens d'expression qui agissent do faeon différente sur notre
entendement et qui ne sauraient se remplacer l'un l'autre. On
a pu dire de nos cathédrales gotiiiques qu'elles étaient des
livres à l'usage de la foule illettrée. Et pourtant, que de gens
instruits se trouveraient bien empêchés aujourd'hui s'il leur
fallait en expliquer l'iconographie, sans avoir en main un
exemplaire des Apocryphes ou de la Légende Dorée. Plus
peut-être que tout autre peuple, les Egyptiens so sont attachés
;i préciser le sens de leurs monuments figurés au moyen de
légendes écrites; ils y ont mis un scrupule (jui souvent et à
première vue, apparaît comme superflu et même un pr^i
puéril (1).
Un dessin tend ;i devenir une écriture dès qu'on prétend
évoquer par lui, non plus une impression, mais une suite d'idées
l)récises, représentées dans la langue parlée i)ar une phrase
déterminée. La part de convention y devient alors énorme.
1^1) Du inoiiKS en jiiijeons-noii.s ainsi superticielleniout, uiiiis iiou.s pratinUdiis
It's mêmes erreineuts. Si le catalogue d'un Mag'asin de Nouveautiîs éi-rit
« Moulin à Café » au-dossou.s de l'image de l'objet, bien (lu'aucun doute
sur sa nature ne puisse subsister, c'est : 1" qu'un intérêt commercial commande
une dêtinition précise ; '!'' ([ue la suppression de l'image ou de la légende
ferait disparate dans la série. De même les Egyptiens obéissaient à un
double sentiment : 1" croyance dans la valeur magii^ue des tableaux ;
2" horior vacu.i pour les tonds.
22 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES lllÉROGLYPJIES.
Par exemple, les Indiens de rAniérique du
Nord dessinaient Timage ei-eontre pour exjjrimer /^15~\J\
g-rapliiquenient la fonnnle rituelle ou plutôt le ) /*^
couplet magique : «I^a demeure du grand esprit, -^^
vous en avez entendu ]»arler; il va entrer».
De môme^ chez une i)euplade du Congo, une phrase entière
est notée par la représentation d'un mot caractéristique. Ainsi
O se traduira : « Si je renonce pour le moment ii traiter de
cette affaire avec toi. nous nous en expliquei'ons si le .^oleil
hriJle à midi » (1).
On conçoit que des « écritures » aussi synthétiques ne se
prêtent qu'à la notation de phrases toutes faites et en nombre
restreint. On retrouve pareille chose, aux antipodes de la civili-
sation, dans nos codes télégraphiques.
C'est un postulat admis couramment que toute écriture, pro-
duit d'une généiation spontanée, a commencé ])ar être une
écriture en images s'adressant directement à la pensée, avec
un minimum de conventions. Si, de cela, l'évidence paraît mani-
feste, c'est bien quand il s'agit des hiérog^lyphes égyptiens,
lesquels, non seulement ont possédé jusqu'au bout des idéo-
grammes, mais encore les ont conservés sans trop de défor-
mations, sauf dans les cursivcs, et nettement représentatifs des
idées. Les cunéiformes, par exemple, se sont comportés, à cet
égard, de tout autre manière.
Néanmoins un auteur des j)lus jierspicaees, comme des mieux
informés (A. H. Gardixer, ./. K. A., II, p. 74) vient d'ad-
mettre comme possible que «les ])lus anciens hiéroglyphes
aient été de nature })honéti({ue et non idéographique», et
peut-être employés à rendre les noms })ropres, en manière de
rébus.
(1) \'oir d'autres exeniplos, nombreux, do ces «écritures» |)riniitives dans
Tii. \V. Danzki., 7><e Aufiin^e der SrJiriff.. Leip/ig 1912.
CHAP. II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 23
Cette opinion quasi-révolutionnaire (1) témoigne du peu de
clianees que nous possédons u l'heure actuelle d'acquérir des
notions précises sur l'origine des hiéroglyphes. En face
dun monument arcliaïque montrant des dessins diftérant de la
norme liiéroglypliiquo. comment savoir s'il s'agit d'hiéroglyplies
jirimitifs ou simi)lement de ces re])résentations figurées dont la
variété est naturellement infinie?
(Cependant, depuis quelques années, l'attention de quelques
égyptologues s'est fixée sur uii petit nombre de documents
arclxaïques ou arcliaïsants })résentant des ensembles où de pures
images et de vrais signes d'écriture seraient intimement mêlés,
tandis que rinterj)rétation ii donner h l'ordre des parties ne
i-emplirait })as la condition indiquée i)lus haut ))our définir la
notion d'écriture.
]jV monument h' ])lus souvent cité h ce proj)OS est la célèbre
palette d'Hiéraconpolis, dite du roi Karmer. Depuis une
dizaine d'années, il n'est guère de mémoire traitant de l'écriture
qui ne le reproduise au moins en partie. Mais le ])lus remar-
(juable en l'affaire est que les interprétations diffèrent presque
toujours sur quelque point essentiel.
En face de la représentation habituelK' du roi triomj)liateur
massaci'ant un chef prisonnier, se voit un grou})e composé
{l ) Un peu dans le nu'-ine ordre d'idées, A. E. C'owi.ioy (Sclureich Lectitrex
for 1918. p. 38) a admis (|ue les Hittites avaient inventé ou adopté leur
sy.'^tème d'hiéroglyphes pictograpirK|ues alors qu'ils écrivaient depuis longtemps
en cunéiforiues. Bien (pie II. II. Hali, {J. E. A., VI, p. 49) jtaraisse avoir
réfuté victorieusement cette supposition, le seul fait (juelle a été émise
est très significatif. On serait tenté d'en rapprocher le chapitre de Danzki.
intitulé «Verwendung von lîilderschrift bei schriftbositzenden Volkern »
(p. 1!>"2 — 193), mais il s'agit surtout d'illustrations de manuscrits au Moj'en
Age, d'almanachs ou d'une )>rière en rébus. Ce sont là des fantaisies (juasi-
•'■ternelles. Nos dictionnaires actuels, (juand ils arrivent à la lettre 1\ par
exemple, ne figurent-ils pas un poisson, un )iarapluie, une potence, etc.,
sans qu'on puisse parler de retour au principe d'acrophonieV
24 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
d'un faucon tenant de sa patte droite, terminée par une main.
la corde passée dans le nez dune tête barbue terminant, elle-
même une sorte d'ovale. De ce signe, étendu horizontalement,
sortent six tiges feuillues, sur deux desquelles repose la serre de
la patte gauche du faucon (v. PI. 1). Dans sa grammaire (o® éd.
1911), A. Ekman interprète ainsi : «Le faucon ^^, (c.-à-d. le roi)
a emmené prisonniers (indiqué par la corde) six mille TTTTTT
têtes (c.-a-d. hommes) hors d'un pays».
Le caractère hybride de cet ensemble résiderait dan.s le
double fait que : 1^ T est employé phonétiquement; 2° que
le groupe entier servirait de légende au tableau voisin.
Dès l'année suivante, le même auteur [Die Hiero;jlyphen,
V^ éd. 1912, p. 14) modifie sensiblement sa manière de yoh\
Il n'est plus question de rapports avec la représentation du roi
anthropomorphe, mais c'est au contraire l'image discutée qui
se trouverait glosée par une légende en hiéroglyphes normaux
, soit le nom de la terre ( ).
D'autre part, A. H. Gardixer (J. E. A.. II, p. 61) observant
que le souverain massacreur et le faucon se font face, envisage
le tout comme un tableau en deux parties analogue à ceux
que montrent les temples postérieurs. Un dieu ^^. (Horus)
amène 6000 prisonniers au roi occupé k frapper l'un d'eux.
La légende est restituée au prisonnier agenouillé.
Enfin Cir. Sntz {B. I. F. A. 0., XVII, 1920, p. 151), utilisant
une remarque de Y. Loret, affirme que ( ) ne désigne i)as
un pays quelconque, mais la terre étrangère.
Les autres auteurs se rallient k l'une des opinions qui viennent
d'être résumées, sans se préoccuper d'indiquer les raisons de
leur préférante (1).
(1) Notamment Danzei, {op. cit, p. 179 et pi. 37) qui suit Eiiman, première
manière. Dans .son ouvrage Histoire des lîeligions et Métliode comparative.
PI. I
Palette de Nariner (iaee)
PI. II
Y^-' f*-fti.,-^
Palette <le Narmer (revers)
CHAP. II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 25
Avant même d'avoir constaté ces divergences, des doutes
nous étaient venus sur la portée attribuée à cette re])résentation.
Tout d'abord, on est tenté de ne point dissocier @ et C~D
(|uand on pense aux complexes ultérieurs composés du ])lan
d'une enceinte de ville muni d'une tête et de bras. En outre^
il serait bien étrange que le pays visé fût laissé indéterminé,
mais à coup sûr le nom se rap})orte au prisonnier placé
au-dessous, car, partout sur la palette, le nom d'un ])ersonnage
est placé h côté de sa tête et non ailleurs. Si donc l'ensemble
iormé par @, c ) et les six T symbolisait tout simplement «le
l)ays des marais v? Le type sémite de la tête n'y contredirait
pas. D'autre part, la serre du iaucon repose par ses doux ex-
trémités sur les feuilles. Singulière fa^-on d'exprimer le mouve-
ment! Ne serait-ce pas plutôt là le geste de la prise de ])os-
session, tel qu'on l'observe par exemple, dans les représentations
(lu sphinx ou griffon royal?
Au total, l'énigme })0urrait se résoudi'e ainsi : une image du
faucon royal tenant sous sa serre un pays de marais et sai-
sissant dans sa main la corde liant la population prisonnière.
(Je double geste trouverait un parallèle au revers (v. PI. 2), oii le
taureau royal démolit de ses cornes une forteresse dont il
l)iétinc un des défenseurs (1).
|i. 6G, G. FoiiCAUT donne nne explication diftereiite rt nui ii;i rien à voir
avec l'origine de récriture.
(1) Il est significatif, comme nous l'observons ajirès cou]>, que Daxzel
ait précisément choisi les deux images comme types d'un certain développe-
ment de r^écriture». il suit peut-être en cela M. Huhchakdt, ap. Pauly-
\V'ysso\VA, liealenzi/khpudiej s. v. Hieroglj'plion. — On comparera le groupe
jyeint sur la paroi d'une tombe tliébaine de la XVIII^ dynastie : < Une
l'enune assise sur un trône tient sur ses genoux le jeune Aménophis II cas<iué,
appuyant une main sur l'épaule de sa nourrice et tenant de l'autre des
cordes auxnuolles sont attachés cimi nègres et quatre Asiatiques qui lui
servent d'escabelle ^ (Champoij.iox, Xolices descrij^Uvex, p. 499 S(i.).
26 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Ainsi se trouverait éliminé l'élément écriture; il resterait un
tableau teinté de ce symbolisme que l'on rencontre n toute
époque, qui nous rapj)roclie souvent des croyances primitives,
mais dont la présence sur un monument, pour si ancien qu'il
soit, ne suffit pas k démontrer qu'on ait affaire a une survivance
d'un temps où l'on ne disposait point de moyens d'expression
plus perfectionnés.
Notre interprétation est sujette à critique, comme les autres.
Tout d'abord, les monuments anciens, et la massue du mome
roi Narmer, groupent volontiers en une touffe les signes T
affectés de leur valeur numérique. ( )n pourrait môme prendre
ici ( ) pour la base sans signification qui complote parfois
cette étrange graphie des milliers. Mais K. Sethe (T'o» Zalden
uuJ Zahhcorteii. p. 6) voit là un de ces «jeux d'écriture idéo-
grapliisante» à rapprocher d'autres attestés h toute époque;,
particulièrement sur les monuments les plus anciens, et tels
que "^ «porter», o^ «frapper», 1 1 gt^ H «hiA'er» etc. (Ekjman,
Gr<imm. § 82 et 80; Lacau, Recueil, XXXV, p. 61; Setiie,
A. Z., LU, p. 58). C'est l'introduction, dans l'orthographe de
quelques mots qui s'y prêtent, d'un élément idéographique su})-
plémentaire, obtenu par déplacement des signes constituants.
D'autre part, les représentations figurées et les légendes qui
les accompagnent se pénètrent fréquemment. Pour ne citer qu'un
exemple, on trouve sur une paroi d'un temple de la V*" dynastie
un défilé de divinités ou localités personnifiées portant sur la
tête tout ou partie dos hiéroglyphes composant leur nom, et à la
main, les signes r-Q— . htp, 1 >rs, -r- 'nh désignant l'offrande, la pros-
périté et la vie. Au-dessous, une scène de boucherie. Dans la
légende s^=* <=. «prendre la patte de devant», l'image C?V
de ce membre, située au-dessous, rendue ii une échelle trois fois
plus grande et ])ortée ])ar un personnage, sert de signe-mot.
CHAP. II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 27
l)v même lo couteau "^ qu'un nide affûte est placé de telle
sorte qu'il complète la légende crs:^ I «aii^uiser le cou-
teau» (BoKCHAiîDT, Sahtire. II. pi. 31).
Ces échanges n'ont *Aisil)lenient rion de commun avec les
tâtonnements qui ont i)u accompagner l'éclosion dun système.
Tout au contraire, seuls peuvent se les jjermettre des écrivains
en pleine possession de leurs moyens d'expression. 11 se pourrait
donc que la présence de signes phonétiques dans le groupe de
la palette d'Héracléopolis conduisît à une conclusion dianié
tralement opposée à celle qu'on a préconisée jusqu'ici.
( )n ne saurait abandonner la célèbre palette sans signaler
une bien curieuse rencontre. De deux calices de fayence attri
bues h la X'VIIP dynasti(> (KicKiiis, ./. K. A . V. p. 145), l'un
montre le faucon "^^^ perché sur le signe irQ , ayant devant
lui (nom illisible) et derrière lui. en manière de fond, un
bouquet de sept tiges. Cette re[)résentation est englobée dans
des scènes de bataille et de capture de prisonniers. L'autre
calice présente, en deux registres, une suite de métopes contenant
tous, avec quelques légères variantes, la représentation du roi
frajtpant un chef vaincu. Avons-nous lii le produit d'un simple
hasni'd. ou sinon, quelle eonclnsion tirer du rnpproclienient (1)?
1,1) On iinter.'i encore <[ue, parfois, le roi nia.>*safreur voisine avec l;i re-
l>n''seutation de l'urious w'zt percliée sur trois ti>res de papyrus (p. ex.
II. Scn\i-KK, A. Z, LV, p. 35). La présence de la déesse tutéiaire et de la
plante symbolique du nord a-t-elle à son tour un rapjiort (|uelcon(iue avec
le.s faits discutés ? — Il ncst pas sans intérêt do comparer aux représen-
tations de la palette de Narmer celles de trois monuments de même pro-
venance au nom du roi archaïque Kliaseklieni. Un fragment de stèle montre
la scène classique du massacre d'un i>risonnier dont on voit seulement lo
jicnou posé à terre et une main. Or la hande de terrain servant de base
se termine par une tête de Nubien snpportant i, hiéroglyphe du nom
ethnique. I-e roi, dont l'image est détruite, se trouverait ainsi fouler l.i
28
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
(Jn interprète encore comme résidus de r^< écriture par images»
les groupes comme "7^ i^. , relevés dans une copie récent-'.
mais arcliaïsante, d'un texte fort ancien. Les noms divins se
l'ont face pour indiquer que l'un des dieux adresse la parole
Il l'autre : «Geb dit ;i IIoi'us».
terre ■■ nubienne et il y aurait là, pour ainsi dire, la somme de.s deux
représentations distinctes chez Narmer, avec élimination du faucon royal.
Sur la plinthe d'une statue assise sont représentés des ennemis tombés dont
le nombre est inscrit au-dessous. On
relève l;i deux si-rues
;i trois et
quatre tiges, donnant au total 7000. Or,
à côté, ou voit un autre personnage
couché et portant sur la tête un bou-
(juet de cinq tiges auquel le rapproche-
ment ne permet guère d'attribuer une
valeur numérique et que l'on interprète
en elt'et comme la plante symbolique
du nord. Enfin, sur trois vases a été iu-
cisé le même dessin ci-contre. A l'Horus-
roi du sud fait face la déesse-vautour
tutélaire du ruyauiiie du sud. L'inscription de droite a. pour objet de
rappeler la date où le remplissage du récipient a eu lieu : '; L'année
de combattre et de frapper les Septentrionaux. -■■ Il y a \k mélange in-
time de la représentation figurée ou symboli(iue avec l'écriture. Ainsi -t
est grandi pour servir de limite au tableau. Le vaincu est retourné pour
faire face à l'image ilu nn. La massue î est déplacée et semble exercer
matériellement, contre l'idéogramme du mot suivant, laction qu'elle ex-
l)rime. Le vautour fait le geste de serrer le nœud des plantes symboliques
des deux royaumes autour de riiiéroglyphe V qui, représentant les poumons
et la trachée, ne répond ici qu'à la valeur conventionnelle et abstraite
« réunir >. etc., etc. Cet ensemble mériterait d'être utilisé jiour la recherche
des origines au même titre ([ue la palette de Narmer. Mais n'y reconnaît-
on pas aisément un mélange artificiel, conscient, bien plutôt que le produit
«Pline dissociation restée imparfaite ?
CHAP. II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 29
Ici encore il serait arbitraire traffirmer que l'emploi d'un
tel procédé ait été commandé par la pénurie de ressources
scripturales. A toute époque le discours a été introduit par
des abréviations. Témoins les expressions oîi le verbe ^^ zd
«dire» est sous-entendu, soit au début, soit au milieu, soit à la
fin. r^) ^ cJ^ {zd)hr-f.ic «que Ton ^dise)»; Q^f^)^
y(.zd)n-f «ce qu'il a (dit): |~j j ( ^°1 ) 'utr-tr (hr zd) «les dieux
de (dire)»; 1] ^ ' ( ^ ^^ ) V"'^''^ (J.'^' "''0 "^i^s (disent)».
Tout cela n'a rien de plus primitif que notre tiret » — « in-
diquant un clianf^-enient d'interlocuteur. En copte on a employé
l'abréviation 2S.Ç pour ï\e2<î.ev''-\ ^v^wq 2£.e introduisant le dis-
cours direct.
Quant au changement de sens de certains éléments de l'écri-
ture, c'est là un procédé courant aux époques les plus histo-
riques. Certaines stèles retournent l'expression cS^ «il dit>^,
et quelques sarcopha2:es : jT^ «paroles ii dire». Les décrets
royaux débutent souvent par le mot j V> «décret» inversé.
Dans les lég^endes des tableaux religieux et funéraires, le nom
ou le pronom rejirésentant la personne placée en face est par-
fois tourné dans le même sens qu'elle, donc à rebours du
discours environnant.
Le fait que de tels procédés sont employés dès les j)remières
dynasties ne démontre pas i2)so facto leur origine préhisto-
rique. A ce compte, des inscriptions de scarabées de la
XVIIL'^ dynastie {Urkunden, IV, p. 557) 1 et 9 79 que
l'on croit pouvoir transcrire phonétiquement : «/-//.s' J^^V^
hq'u- (?) «Le roi piétinant les chefs», seraient aussi des exemples
d'« écriture en images». On s'est permis ces fantaisies à toute
époque, et surtout aux plus basses. Pourquoi en modifier l'in-
terprétation si on les rencontre sur un monument ancien?
30 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HJÉROGLYPHES.
On met encore en avant le groupe i^ , traduit à l'époque
macédonienne àvTirraKoiv irréQTSQOÇ et où VTréozsçog répondrait
il la position respective des deux signes. Mais nombre d'au-
teurs comprennent autrement : «Horus d'or». Au demeurant,
cet élément du protocole royal ne fait son apparition qu'au
début de la IV® dynastie.
Enfin, le rendu graphique des noms de rois antérieurs à
jMénès, ou ses presque-contemporains, tels que l[ ji|,^, s=
I itffl, ^^^^"'^'in' ^^ V' l'^'PO'''^^; ^" '^® P®^^^ mieux à la
norme hiéroglyphique. La plupart d'entre eux, il est vrai,
nous ont été conservés par des Annales rédigées sous la V*' dy-
nastie. Mais nous devons admettre, jusqu'à preuve du contraire,
que ces noms y ont été insérés sous leur forme primitive. On
voit donc qu'au total, nous manquons actuellement de ma-
tériaux pour esquisser une préhistoire de l'écriture égyptienne.
En dehors d'une préhistoire portant sur le mode de graphie
rudimentairc qui aurait précédé les véritables hiéroglyphes,
des essais ont été tentés pour fixer les étapes de ce qu'on
pourrait dénommer la protohistoire du système hiéroglyphique,
c'est-k-dire sa croissance jusqu'à l'état adulte connu par les
])lus anciens textes d'une étendue suffisante. Des considérations
logiques, tirées de l'origine probable (^t des emplois subséquents
de certains signes, ont conduit à une reconstruction dont la
valeur est, il faut le dire, surtout théorique (1). On ne fait pas
l'histoire à coup de déductions, surtout quand il s'agit d'une
(1) On est rai)pelé à la prudence (luand on relit les passages de r^(;î//)<e7j
d'E.uMAN (1885) où l'auteur, influencé par les ortlio<jraphes alphabétiques des
Pyramides, exposait un développement inverse de celui qu'il préconise aujour-
d'iiui, avec la même assurance. Mais rien n'égale la sérénité de Danzel qui
décrit, les progrès successifs comme s'il y avait a.«sisté.
CHAP. II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 31
entité n'obéissant point à la loi natura non facit saltiis. L'éla-
boration d'un système d'écriture étant le fait d'un ou plusieurs
inventeurs, et non une production collective et en quelque
sorte spontanée, comme le langage, il est vain de prétendre,
h l'aide d'un tronçon de courbe, restituer le tracé d'un tronçon
voisin. Le système hiéroglyphique a pu n'avoir point d'enfance.
Tout ce que nous pouvons affirmer en pareille matière, c'est
(jue la s[)écinlisation constatée dès les plus anciens textes, de
certains signes dans certains emplois paraissant éloignés de
leur valeur })remière supposée, constitue un témoignage d'usure
et indique que nous sommes déjii assez; loin du point de dép.irt.
(Je n'est encore l;i qu'une part de ces conventions d'écriture
qui ont dû se faire jour peu à peu, car s'il règne dans l'ortlio-
graj)he une très grande liberté, il serait, semble-t-il, exngéré
de dire qu'il n'y a pas de règles orthographiques.
Nous nous bornerons à considérer objectivement l'évolution
du système entre deux dates historiques extrêmes, et sous
trois aspects princijiaux :
1" Altération de la forme des signes.
2" Disparition et apparition de signes.
3" Modifications apportées à l'emploi et au groupement des
signes.
I. D'une manière générale, les liiéroglyi)hes les plus an-
ciens (1) se distinguent par la précision et la richesse des dé-
tails. Comme on pouvait s'y attendre, c'est par eux souvent
que l'on a pu opérer des identifications délicates. Si une déca-
dence progressive est indéniable et d'observation facile, cette
simple constatation ne correspond pas à la complexité des faits.
L'évolution des signes d'écriture constitue, en quelque sorte,
(1) Il n'est pas tenu compte en ceci de la période archaïiiue, soit les
trois preniièrc^s dynasties. Les sifi^nes y sont le plus souvent dessinés et
groupés avec beaucoup de gauclierie. Néanmoins (quelques monuments
soignés montrent déjà de beaux hiéroglyphes.
32 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
un chapitre annexe de l'histoire de l'art, la gravure des hiéro-
glyphes étant fonction de la technique du bas relief et de la
peinture sur paroi. Or, pour l'Ancien Empire, les monuments
qui nous ont été conservés étaient destinés, pour la plupart,
au souverain, à la cour ou aux grands feudataires. Les hiéro-
glyphes y sont généralement façonnés avec le pins grand soin.
Dès le Moyen Empire commencent à apparaître les masses
profondes de la «canaille des inscriptions». On rencontrera
alors tonte la gamme, depuis les plus beaux spécimens, d'ailleurs
rarement aussi détaillés qu'auparavant, jusqu'aux caractères k
peu près informes. Ce sera surtout aux basses époques, no-
tamment sous les Ptolémées et les Empereurs, que les architec-
tures les plus grandioses se trouveront envahies par des rangs
pressés d'hiéroglyphes aux contours flous et de lecture difficile.
Les négligences ont fini par influer, non seulement sur l'esthé-
tique, mais sur la pratique même du système. Elles eurent
pour premier résultat l'abolition des distinctions anciennes entre
signes semblables, mais non identiques de forme. D'où les em-
plois multiples d'un même signe et les échanges de signes dans
le même emploi. On trouvera des exemples significatifs au
tableau des hiéroglyphes.
Tantôt les modifications n'altèrent pas gravement la phy-
sionomie des signes :
e a, '^-^, ^ «, ^ /'", ^ ^, 1 i
(l)ouclie cracliant)
Tantôt, au contraire, elles rendent méconnaissable la signi-
fication originelle :
(bandelette nouée) (queue)
A considérer les plus beaux hiéroglyphes de l'Ancien Em-
pire, ciselés avec amour, on n'échappe pas h cette idée que
CHAP. II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 33
de véritables artistes y travaillaient d'après des recueils de
modèles. Mais la démocratisation introduisit un procédé plus
simple. On s'habitua à dessiner chaque signe^ de mémoire,
d'après le brouillon hiératique- Ainsi s'explique une grande
part des déformations, et l'on en a la certitude grâce à l'in-
troduction, dans récriture monumentale, d'éléments d'abord
particuliers k la cursive. Ainsi les traits diacritiques de ^,
tZD, 2=5, 7 . De là encore certaines formes nouvelles, comme
Q pour ^ et "^SzQ pour .•••^, ou des confusions, comme .2:^
pour 'V^.
II. Les questions relatives à l'épigrapliie n'ayant enqoro
jamais été traitées d'ensemble, il est malaisé de fournir des
précisions quant ii la disparition ot lapparition des signes.
Mais, si les faits particuliers ne doivent être mis en avant
qu'avec prudence, quelques tendances générales se laissent ob-
server. Ainsi certains textes de l'Ancien Empire, par dessus
tout ceux des pyramides de Saqqarah, présentent un nombre
appréciable de signes qui, sauf erreur, ne se rencontrent plus
par la suite, comme
■ î
fff-—^ v'dh « verser »
■#■ hqsic «vertèbre»
Au contraire, on voit apparaître au cours des temps des
signes inconnus, ou du moins encore exclus de la pratique
Sottas-Drioton. 3
(j ir
< étroitesse»
dtc^
nom divin
sk
« épousseter »
sz
«briser»
34 INTRODUCTION À LÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
courante. Un groupe spécial^ peu nombreux, est constitué par
la représentation écrite des objets dont la civilisation s'est peu
h peu enrichie^ tels que i^, Jj', ^~^^i *^^'^^M*
C'est surtout à l'époque gréco-romaine que cette Horaison
nouvelle va se faire exubérante et, en particulier, dans les
inscriptions qui se déroulent en frise au-dessus et au-dessous
des tableaux garnissant les murailles des temples. On a re-
marqué que les mêmes salles présentaient à la fois des textes
modérément ou furieusement novateurs h cet égard et que le
contenu des derniers n'avait généralement rien que méritât
d'être tenu secret. Si donc une intention cryptographique a
donné naissance à ces jeux d'écriture, leur développement
peut être dû à la valeur décorative qu'on leur attribuait, à
tort ou à raison, et au désir d'étonner le visiteur profane
par des combinaisons d'apparence indéchiffrable. Il se peut
que cette catégorie de textes à l'aspect particulièrement
mystérieux réponde aux « anaglyplies » de Clément d'Ale-
xandrie.
A dire le vrai, la grande majorité des signes nouveaux ré-
sulte de la combinaison de deux ou plusieurs éléments an-
térieurement connus. Ce procédé a été employé dès les temps
les plus reculés. Témoin, l'union de A, \ ou 1 avec un éljé-
ment phonétique, en vue de distinger les racines l\ yy. l-^ hm,
—jy ys. \ rnptj j rnp^ \ fr, 4= rs, X nsic-t. L'usage adoptera
peu ;i peu des complexes comme rw^ ^'■"^■; ■'^^ '"'; H^ ^i'Z^'V
ir\t etc. Sous les Ptolémées, les exemples se multiplient :
l"'- ^qZd l'^"} <^ "■•^'''? *J| ^^; '^Y^ ''"'-} ®^c- ^^ ^^^ ^^t
de même des jeux d'écriture analogues à l'ancien "^ (cf.
p. 26) : 5^:^, R\ ^3) sh, Mj) msdm, ^ pour T i, etc. On
CHAR II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 35
trouve encore des combinaisons englobant deux ou plusieurs
mots : F^^ ra nh «en or», Q | ^ imrt ut)- «mère du dieu»;
o I o I O "
fTh~i
nfr-hr « h la belle face », f^f^ pour ^^ === « roi du
sud et du nord, seigneur des deux pays», etc. Déjà les con-
temporains de Ramsès II se laissaient aller à graver son pré-
nom ^OvainâçrjÇ ainsi : im.
En dehors de ces combinaisons apparaissent vers la même
époque des signes qui semblent entièrement nouveaux : v,' èd,
p!^ .V»> ^^> l'», DC ^'""» etc.
III. En ce qui concerne les variations d'emploi et de
groupement des signes, une remarque générale est nécessaire.
L'écriture hiéroglyj[)hi<pio, tout en évoluant, est restée elle-
même, en ce sens que pas un procédé nouveau n'apparaît au
cours de la période historique. Les fluctuations portent unique-
ment sur l'extension relative que prennent les divers moyens
d'expression admis par Tusage.
Un phénomène aisé à percevoir est l'accroissement du nombre
de signes unilitères appelés, h tort ou à raison, alphabétiques.
Le mode de réduction qui a abouti à l'isolement de ces élément^
simples n'est pas l'acrophonie, comme l'avait cru Cuamtollign,
qui faisait venir J^T^T du jjrototype de lytiH «jardin» ou /i
de ueA.2i. «angle». Ceux des signes unilitères anciens dont la
valeur première de signe-racine s'est conservée montrent que
le processus fut beaucoup plus simple :
. )• «bouche» est employé pour le son r.
s « verrou »
Mais déjà dans r« alphabet :> ancien on relève la présence de
signes qui furent bilitères, mais dont une des consonnes est
faible et plus ou moins passée k l'état de voyelle :
36 INTRODUCTION À I/ÉTUDE DES HIÉllOGLYPHES.
A q vient de ^^^\^ ?' «colline».
C'est ainsi qu'on voit api^araître, dès le Moyen Empire,
dans l'emploi étudié : \t{y): é=z^{ij)m: )J n{t).
Plus tard, et notamment à l'époque gréco-romaine la repré-
sentation multiple des consonnes deviendra une des carac-
téristiques de l'écriture. Ainsi / s'exprime, outre l'ancien *i^=-- ,
par |. IIHL/: |). ^fO- ^ iy^'^)f, etc.:
n, outre ^^aa/^ et ^J , par E^, cscd n: o «(?'') 5 ^^^=^ 'KO?
^ n\n). etc.
A la trcs basse époque, la fantaisie des scribes paraît avoir
poussé jusqu'à Tacroplionie véritable :
Vers le Nouvel Empire apparaissent (S, dérivé de ^ par
l'intermédiaire de l'hiératique, et j lU, <^ k, dont l'origine est
moins claire.
Un phénomène d'ordre phonétique a d'ailleurs accru la
jnultiplicité des signes représentant un même phonème; c'est
l'abolition des différences entre sons voisins. Ainsi — «— et I se
confondent d'assez bonne heure ; puis ^. 2=5. cr^^i. ^^ et
^^. , [1 et même ^ — d.
L'écriture démotique a aussi des homophones alphabétiques,
mais son caractère pratique l'a empêchée de tomber dans le
même excès. Chaque phonème y est représenté par un ou
deux signes, rarement davantage.
Aux basses époques, certains signes prennent des valeurs
bilitères ou trilitères inconnues jusqu'alors.
Ex. : -^ sp, \\ vnm. etc.
CHAP. II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 37
Pour ce qui touche l'emploi idéographique ou semi-idéo-
graphique des signes, il a été signalé, au Chapitre I, des passages
du rôle de déterminatif h celui de signe- racine. Ce n'est pas là
un fait isolé. Voici un autre exemple présentant le double
avantage de se manifester à date historique et d'avoir été étudié
en détail récemment. Sous l'Ancien Empire, fW^ sert à écrire
la racine hnt à laquelle est attachée l'idée de priorité. Les mots
qui en relèvent n'ont généralement pas de déterminatif, sauf
rmr\ s «visage». Or £), se trouvant plus représentatif de
l'idée que ŒW], relègue peu a peu ce dernier dans un emploi
purement phonétique et devient lui-môme l'expression graphique
normale de la racine hnt. D'où des orthographes comme
ou ^cliarem », qui apparaissent aux Moyen et
Nou-vel Empires. Même le mot origine fffih^ «support de
vases > finira i)ar s'écrire ym\ G
La question du groupement des signes est intimement liée
ji celle de l'orthograplie ([ui, elle-même, relève de la grammaire.
Il n'y a donc pas lieu d'entrer dans le détail, et d'autant
moins qu'il nous manque un élément essentiel, la connaissance
l)récise de la nature du vocalisme, tant au point de vue phoné-
tique qu'à celui de la représentation graphique. Nous nous
bornerons donc ii quelques remarques très générales.
On sait quelle liberté règne dans l'orthographe. Outre l'ex-
pression facultative, signalée au Chapitre I, de certaines parties
constituantes du mot, on ne semble pas attacher grande impor-
tance à des variantes comme [1 ^ci::*^^\ j | «bouclier», en face de
[j ^ — I ^^ \\\ 0 * ^^^"^'^ fruitier », en face de [1 ^^^ T5ôr ;
* -minnr «ouvrir», en face de -^-^^^ -nnmir ; ] U»ï4î° «protection»,
en face de J V, etc. Néanmoins, une comparaison avec les
38 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉUOGLYPHES.
temps gTÔeo-romains suffit à. montrer que liberté n'est pas licence
et que les hiéroglyphes ne sont pas tombés dans la fantas-
magorie tant qu'ils sont demeurés, avec l'hiératique, l'écriture
de tous les lettrés. Il a existé des conventions orthographiques
un peu élastiques, mais dont on ne s'écartait qu'exceptionnelle-
ment. A l'époque ancienne, des jeux d'écriture comme Ji
pour il II (J U fâ ,y^.'/ «pi'iiice», ou j j -^ pour |||; ntvfr «les
dieux», sont assez rares.
Malgré le caractère conservateur de 1" orthographe, on y voit
parfois transparaître les changements phonétiques. Ainsi l'ancien
s'écrira ^ \X C^O^ «Bvblos». soit Jtpn au lieu de
/NAAAAA
Ihn. La chute du ^ médian sera visible dans [1 <£ AAA/^A^ ^ lop
<^ fleuve y> : autrefois [1 V^ i t . Les deux exemples précé-
demment cités témoignent de la confusion, devenue possible^
entre ^, ^=^> et t=i.
Les plus anciens textes développés, surtout ceux des Pyra-
mides de Saqqarah, présentent deux caractéristiques opposées :
1° Les éléments idéographiques y sont d'une précision géné-
ralement inégalée par la suite.
Ex. : ^^^ "l;^, l»lus tard ^^ '«îîj^V? «moissonner»;
/vAwvA ^,,.^^^, plus tard aa^wvaaaams; — c «écoper un bateau», etc.
Même lorsque les êtres animés y sont dessinés incomplètement,
])ar scrupule religieux, le geste et les attributs essentiels sont
conservés.
2" La suppression ou la réduction ;i une forme géométrique
des éléments idéographiques entraîne le développement complet
de la partie phonétique qui est alors écrite le plus souvent
en signe unilitères. Ces vieux textes religieux se trouvent être
par là les plus analytiques de tous.
CHAP. II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 39
^^^|lf|, plus tard Ây sps{y) «noble:
Ex. :
Beaucoup d'autres monuments de TAncien Empire n'obéissent
pas aux mêmes tendances. Même les inscriptions funéraires, qui
sont la majorité, comportent beaucoup moins de mutilations ou
suppressions de signes dangereux. C'est que généralement elles
sont gravées dans la chapelle qui tait encore partie du monde
vivant et non dans les couloirs qui mènent k la chambre
mortuaire ou sur les parois môme de cette chambre ou du
sarcophage. Ces textes se distinguent par la sobriété. Un seul
détcrminatif le plus souvent, ou pas du tout.
orthographe nor-
male postérieure
\insi
en
face
de
eVA
« nom »
A^AA/NA
/WAAAft liiU
w
r
l^i
P
j
«ordre»
^%
n
ra^^
« descendre »
^
n
V
A
«enti'er
etc.
A partir du ]\Ioycn Em])ire et peut-être sous l'influence de
l'orthographe des papyrus, plus développée, comme il est na-
turel, une orientation nouvelle se dégage de la complexité des
faits. Le déterminatif, élément autrefois un peu accessoire,
tend il devenir indispensable. Hormis quelques termes très
usuels, comme ^ ^\ szm «entendre», ^ lq)r «devenir»,
9 (^^ (ch^ «ouvrir >, chaque mot devra se terminer par un ou
plusieurs éléments idéographiques. Ceux-ci prennent une valeur
plus générale que dans la période précédente et, par contre-
coup, sauf le cas d'abréviation voulue, la partie phonétique se
complète. La relation de cause k effet peut d'ailleurs être in-
versée. Quand le signe-racine est cantonné par des éléments
40 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
phonétiques, il semble perdre une part de sa valeur idéogra-
phique et se trouver réduit à un rôle purement phonétique.
Il peut même disparaître, sans que, cette fois, le scrupule re-
ligieux y soit pour quelque chose.
Ex. : 0 ^^K ^^ p «voler», puis : A^< ^^ ^^, puis :
-^ ^\ ^^ "* «voir», puis : .^ , puis :
(^ 1 1 -<2>- w^ >¥^ 00
00
Durant cette période la majorité des mots comporte d'abord
la partie phonétique, puis le ou les déterminatifs. La disso-
ciation des deux modes d'expression a progressé. Même un
mot fréquent comme V\ nuct «mère» en viendra a s écrire
^ J). Le nom de l'inondation Mi-U ^ht, si souvent employé
dans les dates, se conformera peu à peu aux nouvelles ten-
dances en modifiant à peine sa disposition traditionnelle : J ^ I ^ L
où O est déterminatif .
Il semble que, pour un même mot, on ait eu le choix entre
plusieurs déterminatifs, simples ou complexes, de valeur très
générale, et convenant également bien à l'idée exprimée. Cepen-
dant l'emploi n'en était pas tout à fait arbitraire et chaque
période avait ses préférences. Ainsi le verbe 'X J ^\^> «fêter»
était déterminé normalment par \ \ \ au Moyen Empire, va-^
ou sous la XVIIP dvnastie : sous la XIX'^.
A partir de l'époque saïte se manifeste une réaction, un
retour vers les formes anciennes de l'écriture, comme d'ailleurs
de la civilisation en général. Ce parti-pris exagère l'écart na-
turel existant entre les hiéroglyphes et la langue parlée et ne
va pas sans de nombreuses inconséquences qui rendent l'or-
thographe souvent informe. Le système a cessé désormais
CHAP. II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 41
d'être quelque chose de vivant ; les traces de décomposition
n'y seront que trop visibles.
Le pédantisme des adeptes de l'écriture savante se manifeste
aussi en sens inverse, par des innovations systématiques.
D'assez bonne heure apparaissent des jeux d'écriture comme
j^E^ et ^^-^ pour les verbes 'q «entrer» et pr «sortir». Sous
les Ptolémées et les Empereurs, ce procédé tourne à la facétie :
° 7
o nu <^or».
Jm>- ^^^ Tf ntrir «dieux
^^=^^11111^ //*■'■ «Osiris».
-H © trv nom de Denderah.
^^-Sa^'^n^ iihir «seigneurs».
^ ^ psd «briller ».
'"*:' pour "rnl ''>h ''''■ "/'■ élément de protocol
e
royal.
Une orthographe comme ^ .^Qi^P^'^'^' Q]) """"^ «manger»
m
outre que l'on no se souciait ]>lus môme de la ])rononi-iation.
*
En ce qui concerne le vocalisme, une seule chose paraît
certaine, c'est que les Egyptiens n'ont pas tenté, sauf de rares
exceptions, de rexi)rimer complètement. Le rendu j)artiel au
moyeu des consonnes-voyelles ^^, 0, «•= — °, y n'e&t pas aisé
il saisir. En face de séquences chronologiques telles que
V5 ^ ^ V ft ^ démot. : /*"•/< »OTO «corde»,
42 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
on trouve :
"^^ D^^.c:^>^ démet, -.lit nevT «jambe».
[H (1 ''^"ù) ^ 1^ ^fe\ Q 4 '"^^^ ^ ^^^'"°^- • ^^y ?^^* «é]>oux».
Si l'on veut admettre les équivalences ^^^ = ô. et ^ = ot
(voyelle), pourquoi cette fixité dans un cas et ces alternances
dans les deux autres ? Il y a là une série de problèmes non
encore résolus.
Il est cependant deux occasions, au moins, où le lecteur
ancien ne pouvait restituer mentalement la vocalisation sans
que l'écriture vînt à son aide. C'est quand le prononcé d'une
formule, devait, dans nn but magique ou religieux, être rigou-
reusement fixé. C'est encore quand il s'agissait de noms propres
étrangers ou de mots d'emprunt insuffisamment acclimatés.
1. Dans une conjuration contre les serpents conservée par les
textes des Pja-amides^ on lit les mots ^\^'°^'^ [1 0» '^ \\u
^\ {] (*=îfi I (J où les variations d'orthographe semblent corres-
pondre à des différenciations vocaliques entre vocables pro-
bablement vides de sens. On peut faire des constatations
analogues à l'autre extrémité de l'histoire du système hiéro-
glyphique. Dans le papyrus magique de Londres et Leyde
(IIP s. ap. J.-C.) les mots cabalistiques sont écrits avec un
vocalisme plein et, pour plus de sûreté, glosés en lettres grecques.
Ex. : ''o-Vs'gr = o£id.ces.upev ; nijpttrmi/kh = uinTOir-
A\.i^, etc.
2. L'Egypte conquérante en Asie au Nouvel Empire et
l'Egypte soumise aux successeurs d'Alexandre se sont trouvées
en contact trop étroit avec des peuples étrangers pour que la
civilisation en général et la langue en particulier n'en subissent
pas l'influence. L'écriture ressent le contre-coup et d'une façon
CHAR II : ÉVOLUTION DU SYSTÈME. 43
assez différente dans eliaque cas. En effet, les cunéifonues en
usage dans l'Asie antérieure môme pour les besoins diploma-
tiques sont une écriture syllabique. L'Egyptien, par imitation,
groupera deux par deux consonne et voyelle formant syllabe
et souvent incorporera le signe-« voyelle » dans un signe bilitère.
Of ç — ts^r^ AAAAAA v
==> _ D ^^''
J%M
n)2n
écrivain
char
e>.To7V.Te
lance
Aiepeo
liamath
Même en tenant compte dos variations phonétiques qui ont
pu se produire entre temps, on doit avouer que le système se
montre souvent incohérent. Ce sont peut-être ces imperfections
qui l'ont empêché de se généraliser.
Cependant quelques mots d'usage courant obéissent h la
mode nouvelle :
eur», opupe, écrit auparavant
'cJf.tme ('^) «avec», u€Avev=.
<a^ i\
w
Les trauscri})tions d"é])oque grecque rendent sensible lin
riiience du procédé alphabétique. Le vocalisme est rarement
exprimé au complet. Le caprice règne quant au choix du signe-
voyelle, et même quant ii la présence ou l'absence de celui-ci.
(1) Transcriptions hébraïniies très postérieures.
44 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
AAAAAA I 1 <^ Vj
_23^
[1 ^ l^lé$avÔQog
A la même époque, on use quelquefois du même procédé^
avec aussi peu de conséquence, pour écrire les mots de la
langue courante. Ex., en hiérog^lyphes, [I [I pour la finale i ou
e ; en déniotique ^^, pour l'co de cco&e, etc.
Extrait bibliographique et références justificatives.
Outre les articles de Lacau et de Mo^cïet mentionnés p. 19
et les travaux cités dans la discussion sur. les origines : Ed.
Meyer, Histoire de l'Antiquité (1912), l, § 119 sqq. — K. Faul-
MAXN, Geschichte der Schrift (1880; pour les faits, non pour
la théorie). — C. Mei>"hof, Zur Entstehnmj der Schrift, ap.
A. Z., XLIX (1911). — J. E. QuiBELL & F. W. Geeen, Hierakon-
polis (1900—1902), pi. 26 b, 29, 30—41, 58. — F. Ll. Grif-
FiTH, Hierofjlyplis (1898). — G. Môller, Hieratlsche Palaographie
(1909 — 1912 ; donne trois séries d'hiérog^lyphes correspondant
aux trois grandes périodes). — H. Junker, Uber da.s Schriftssystein
im Tempel der Hathor in Dendera (1903). — K. Sethe, Znr
Eeform der Schriftlehre, ap. A. Z., XLV (1908). — A. Eeman,
Ein orthographisches Kriterium, ap. .1. Z., LV (1918). — P. La-
cau, Suppressions et modifications de signes dans les textes fu-
néraires, ap. A. Z., LI (1913). — A. Ermak^, Z^ir Ugyptischen
Wortforscliung, I et III, ap. Sitzungsherichte der Berliner Aka-
demie, 1907 et 1912. — W. Max Mïjller, Die Spuren der ha-
bylonischen Weltschrift in Agtjpten (1912). — G. Maspero, In-
troduction à la plionétique égyptienne (1917). — J. E. A. =
Journal of egyptian Archaeology. — B. J. F. A. (J. = Ihdletin
de l'Institut français d'Archéologie orientale. Pour Becueil et
À. Z , cf. p. 19.
Chapitre III.
Extension du Système.
Les Egyptiens ne se sont point contentes, comme, par exemple,
les Assyro-Bcibyloniens. d'une seule écriture k toutes fins. Ils
ont possédé une onciale (Ij et une cursive, et même, à un
moment donné, deux cursives. L'onciale est l'écriture hiéro-
glyphique; les cursives sont l'écriture hiératique et l'écriture
démotique. De ces appellations, léguées ])ar les anciens, nous
discuterons l'exactitude en temps et lieu.
Le choix de l'onciale ou de la cursive était fonction de
deux données : la matière sur laquelle on écrivait et la
nature du texte à reproduire. D'une manière générale/ les
hiéroglyphes étaient gravés sur matière dure et pesante, au
moyen d'un outil incisif, soit en creux, soit en relief, par
ablation du fond, soit encore en relief dans le creux. Au con-
traire, les cursives convenaient aux matières meubles et plus
fragiles, dont la surface n'était pas entamée par le contact
d'un calame ou ])inceau chargé de matière colorante liquide.
Mais le deuxième facteur intervient pour brouiller cette
distinction. Aussi trouve-t-on des hiéroglyphes simplement
peints sur stuc ou écrits sur papyrus et inversement de
nombreux textes démotiques gravés sur pierre. D'ailleurs, entre
l'onciale et la cursive nettement caractérisées, on rencontre
des intermédiaires.
(1) Nous employons ce terme commode au sens d'écriture monumentale,
sans égard à d'autres acceptions plus spéciales.
46
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
L'hiératique nous est connu dès les plus anciennes époques
et a duré aussi longtemps que les hiéroglyplies eux-mêmes.
Si; à partir de la mise en service de son succédané démotique,
il n'a plus été employé que pour certains textes religieux et
s'est de nouveau rapproché de l'oncialc; antérieurement du
moins son usage était général. Un texte liiéroglypliique sculpté
suppose l'existence d'un brouillon moins soigné et aisément
transportable. Nous avons reconnu d'ailleurs plus haut l'influence
en retour de certains signes hiératiques sur leurs correspondants
hiéroglyphiques.
L'hiératique n'est qu'une déformation, signe par signe, des
liiéroglyphes. On y rencontre aussi des ligatures en nombre
variable selon les documents, mais toujours relativement restreint.
La transcription en hiéroglyphes est, en principe, toujours
possible.
La tendance générale des signes hiératiques, comparés à
leurs prototypes hiéroglyphiques, est triple : l** simplification;
2° mise en évidence d'un détail caractéristique: 3° adjonction
d'un ou plusieurs traits diacritiques.
Exemples :
1° Simplification
/
i }
Ça
%* -i>-
T
/
t
CHAP. III : EXTENSION DU SYSTÈME. 47
2" Mise en évidence d'un détail.
3° Adjonction de tvilts diacritiques.
^ A^ ^cliffél•c«t de j^ /\^)
f l
tt
1 r
i 1/
y n (//r^>j différent de rr ■''^"0
Outre la rapidité, Lut essentiel de toute cursive, on ob-
tenait encore par là l'avantage d'une régularité relative. En
ert'et, la reproduction rapide et à traits épais d'un dessin un
peu compliqué^ si l'on veut tenir compte de toutes ses parties
(l) Le trait supérieur s'explique par la présence de l'urjcus frontale,
comme dans r>?l.
48 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
et si l'on y met peu de soin, risque d'aboutir à une juxta-
position de lignes assez énigmatique. Si, au contraire, on
détermine conventionnellement, et les seuls éléments k repro-
duire, et la forme a leur donner, on compense par une diffé-
renciation, établie nettement et une fois pour toutes, la né-
cessité de fixer dans la mémoire la convention sus-indiquée,
c'est-à-dire d'apprendre comme deux écritures au lieu d'une.
La forme d'un grand nombre de signes hiératiques est, dès
leur première apparition, fixée k peu près ne varietur. Quelques-
uns même semblent remonter k des hiéroglyphes perdus. Ainsi
^^ n'est pas le correspondant exact de ^a, mais d'une
image d'oiseau plus ancienne aux deux ailes dressées. D'autres
signes au contraire présentent une évolution plus ou moins
accentuée. Ainsi y passera successivement par les formes ca-
ractéristiques suivantes : ^ - /TV^ p.-^
Il arrive parfois que des formes du même signe parvenues
k des degrés d'évolution très différents soient contemporaines.
Ainsi les deux formes de ^ et de ^^ ,, données plus haut,
apparaissent en même temps. Cette dualité ne fera que s'ac-
centuer par la suite. Elle correspond k une distinction entre
l'écriture livresque et celle des besoins courants. Cette dernière,
très eursive, aboutira progressivement au démotique. La pre-
mière se rapprochera des hiéroglyphes linéaires dont il sera parlé
ci-après et par ce retour en arrière, deviendra l'écriture de la
littérature religieuse des bas temps écrite sur papyrus.
*
* *
Le même parti, double, de simplification et de codification,
par lequel on avait tiré le hiératique des hiéroglyphes, a fourni,
appliqué k son tour au hiératique, ce qu'on appelle le démo-
CHAP. III : EXTENSION DU SYSTÈME. 49
tique. Par conti-e, cette fois, on s'en prit, non plus seulement
au signe isolé, mais au gToupe de signes qui, par leur rap-
prochement fréquent, constituait une unité. On a, en somme,
traité un groupe hiératique ligaturé comme on avait fait jadis
un hiéroglyphe de dessin complexe, afin d'obtenir simplicité et
régularité.
La nouvelle écriture présente, comparée au hiératique, un
triple défaut :
1" La forme des signes isolés est encore plus éloignée des
prototypes hiéroglyphiques. Il faut donc imposer à la mémoire
un plus grand effort.
2° On devait, en outre, apprendre de véritables sigles issus
d'anciens groupes hiératiques et de forme très conventionnelle.
3*> Cette simplification à un double degré devait amener des
ressemblances fâcheuses, et parfois l'identité, entre signes ou
groupes dont les valeurs étaient entièrement diiférentes. Ainsi :
r-^tr-
P
1 =y.
h
^= O'
V
D'
I ' r
Par contre, un moderne peut faire aisément les deux expé-
riences suiv^antes :
1° Il copiera plus facilement, plus rapidement et plus exacte-
ment un texte démotique qu'un autre en bon hiératique de
longueur équivalente. Cela tient en partie ii ce que, dans le
premier type, les mots les plus fréquents sont simplifiés à
l'extrême.
Sottas-Drioton. 4
50 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
2° Après s'être imposé l'effort initial nécessaire, il lira avec
beaucoup moins de peine un texte démotique gréco-romain
qu'un texte hiératique postérieur au Nouvel Empire, alors que
beaucoup de signes, réduits, par usure, à l'état de simples
traits, se différenciaient très mal, et que les ligatures, devenues
plus nombreuses, affectaient des formes inconstantes. La for-
mation du démotique, qui a duré environ depuis la dynastie
éthiopienne jusqu'à Alexandre, marque un progrès continu. Il
s'est fixé alors et n'a plus varié que dans le détail au cours
des périodes ptolémaïque et impériale.
A dire le vrai, le démotique se trouvait en germe dans les
ligatures que l'on rencontre dès l'hiératique d'assez haute époque,
où non seulement les signes étaient reliés par un trait, mais
subissaient, du fait de cette réunion, une simplification supplé-
mentaire. Bien mieux, le principe constitutif du démotique
était déjà pleinement appliqué à l'écriture hiératique en ce qui
concerne l'ensemble des signes de numération. En effet, alors
que les hiéroglyphes se contentent d'un signe par puissance
de dix, les simplifications de la cursive ont provoqué la création
de presque autant de sigies qu'il y avait de groupements possibles
entre unités de même ordre, si bien que le nombre des « chiffres >
a été à peu près multiplié par dix. D'analytique qu'elle était,
la numération écrite est devenue synthétique. Il y a là, comme
pour les autres éléments de l'écriture, évolution progressive,
mais la révolution qui a modifié le principe s'est accomplie
beaucoup plus tôt. Chose curieuse, elle a atteint jusqu'aux
hiéroglyphes eux-mêmes. Parfois ZZ s'écrira 1 I.
Le démotique servait à écrire, sinon la langue courante, du
moins une langue littéraire et administrative qui ne s'en écartait
pas trop. Aux basses époques, les hiéroglyphes et le hiératique
sont à peu près confinés dans une langue savante à tendances
très archaïsantes. La tradition religieuse se transmettait en
CHAP. III : EXTENSION DU SYSTÈME. 51
hiéroglyphes ou en hiératique quand elle s'adressait aux seuls
initiés. Parfois, mais rarement, on l'accompagnait d'une traduc-
tion démotique à l'usage du vulgaire. Enfin, la religion populaire
a donné naissance à de nombreux textes en démotique, soit
simplement écrits, soit gravés dans la pierre. Inversement des
documents relatifs, non au dogme, mais à l'administration des
temples, pouvaient être sculptés en hiéroglyphes sur les murailles,
bien que rédigés en langue courante. Dans ce cas, non chaque
signe, ce qui serait souvent impossible, mais chaque mot est
comme transposé du démotique en hiéroglyphes.
Le démotique disparaît, à peu près en même temps que les
hiéroglyphes, lors du triomphe du christianisme. Cependant
quelques éléments en ont survécu dans le copte qui a emprunté
au démotique les sept lettres ly q ^ o (ç.) 2Sl 5' '^.
La variété d'écriture que, depuis Cha:mpollion, on a cou-
tume d'appeler hiéroglyphes linéaires ne constitue pas k
proprement parler une cursive. (A?s hiéroglyphes, plus ou
moins simplifiés, ont presque exclusivement servi à écrire, sur
les parois des sarcophages de bois, puis sur les papyrus dé-
posés près des momies, les longs textes funéraires que l'on
gravait ou peignait avec soin sur les murailles des tombes
riches. Cette écriture monumentale à bon marché a gardé très
tard la marque de son origine : elle a conservé, et la dispo-
sition en colonnes quand la cursive hiératique l'avait aban-
donnée depuis longtemps, et la faculté de s'écrire de gauche
il droite, surtout dans les « Livres des morts » à vignettes.
*
* *
La force d'expansion du système hiéroglyphique peut être
observée dans deux manifestations, l'une certaine, l'autre pro-
bable : les hiéroglyphes méroïtiques et l'alphabet cananéen.
4*
52
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
Les GrecS; toujours ù la recherche du fabuleux, ont affirmé
à maintes reprises que rÉgypte avait reçu ses hiéroglyphes
d'Ethiopie. La science n'a jusqu'ici rencontré aucune confir-
mation d'un tel fait. Nous voyons, au contraire, dans la pre-
mière moitié du premier millénaire av. J.-C, les souverains
d'Ethiopie emprunter k l'Egypte sa langue et son écriture.
Puis, vers le début de notre ère, après un long silence, les
monuments reparaissent, cette fois en langue indigène et dans
une écriture alphabétique manifestement dérivée des hiéroglyphes
égyptiens. Le déchiffrement en est tout récent. Voici cet al-
phabet, où les voyelles sont représentées. Il y avait aussi un
alphabet cursif de formes très conventionnelles.
^
*1
te
h
P
u
-Sa. /
13 b
A
9
l i
t
fÏÏ
fe
^==a
tê
séparation des mots
Pour l'alphabet cananéen qui a donné naissance à nos
écritures actuelles, la question est beaucoup plus confuse. La
majorité des érudits a longtemps admis la thèse d'EîHMANUEL
DE RouGÉ qui voyait dans les lettres phéniciennes des défor-
CHAP. III : EXTENSION DU SYSTÈME. 53
mations graphiques de signes hiératiques de valeur correspon-
dante. Ainsi V , '^v a donné ^^X, % a. J^ , ^x a donné
^'y m, etc. Dans cette hypothèse, la filiation est directe et,
sans y penser, nous écrivons tous les jours en hiéroglyphes
égyptiens.
Tout récemment, on a cru découvrir l'origine des alphabets
cananéen, grec et italique dans une écriture rencontrée sur un
petit nombre de courtes inscriptions de la péninsule sinaïtique.
Certains signes s'y rapprochent des formes de quelques élé-
ments desdits alphabets, tandis que d'autres apparaissent
comme des représentations grossières d'êtres animés ou ina-
nimés. Le nombre des signes indique une écriture alpha-
bétique. On a tenté le déchiffrement de ces inscriptions en
admettant qu'il s'agit d'un idiome sémitique, et en donnant
aux signes linéaires la valeur de leurs correspondants appro-
ximatifs dans les alphabets connus. Quant aux signes d'aspect
analogue aux hiéroglyphes égyptiens, on ne les a pas rapportés
à ces derniers, mais on a extrait leur valeur, par acrophonie,
des mots sémitiques exprimant l'objet figuré. Ainsi vf vaut ',
parce que le bœuf se dit \deph en sémitique ; ^ vaut r, parce
que la tête humaine s'exprime par le mot res, etc.
Même si ces bases de déchiffrement sont exactes, comme il
est probable, les conclusions tirées des inscriptions sinaïtiques,
tout en ruinant l'hypothèse de Rougé, ne suffisent plus k four-
nir la preuve que le prototype de nos écritures doit être cher-
ché dans les hiéroglyphes de l'Egypte. Le lien est visible-
ment trop lâche, et, pour acquérir une certitude, il faudrait
disposer d'autres intermédiaires.
Extrait bibliographique et références justificatives.
Champollion le jeune. De l'écriture hiératique des anciens
Egyptiens (1821). — Gr. Moller, Hieratische Palciographie
54 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
(1909 — 1912). — J. J. Hess, Der demotische Roman von Stne
Ha-m-us (1888 ; avec tableau comparatif succinct des signes
dans les trois écritures). — H. Brugsch, Grammaire démotique
(1855). — K. Sethe, Von Zahlen nnd Zalilicorten (1915). —
H. Gkapow, iJber einen cigyptischen Totenpapyrus aus dem
friiheren mittleren Reich, ap. Sitzungsherichte der Berliner Aka-
demie (1915). — F. Ll. GeiftitH; l'he Meroitic Inscriptions
(1911). — E. DE RouGÉ, Mémoire sur l'origine égyptienne de
l'alphahet phénicien (1860). — A. H. Gaedinek, The egyptian
origin of the semitic alphahet, a^^. J. E. A., III (1916).
Chapitre IV.
Disposition matérielle de l'écriture.
I. Direction do récriture.
La direction rationnelle de l'écriture est celle qu'après
avoir abandonne l'usage du «boustrophédon», — ou écriture
allant alternativement de droite à gaucho et de gauche à
droite, — trop incommode pour la lecture, l'expérience du
peuple grec a seule retenue et fait passer dans l'usage de tous
les peuples occidentaux : le mouvement de gauche à droite.
Cette direction a l'avantage, puisque l'on écrit de la main
droite, de laisser en lumière les mots et les phrases au fur et
à mesure de leur composition et de ne pas obliger la main à
passer sur la lettre fraîche qu'elle vient de former. Les Chal-
déens, imprimant leurs signes sur l'argile mou, ont, eux aussi,
adopté la scription vers la droite et, d'une façon plus générale,
c'est la même préoccupation qui a déterminé tous les peuples,
quelle que soit la direction de leur écriture, à commencer à
remplir par le haut la page où ils traçaient leurs caractères.
Mais cette direction rationnelle, recommandée par l'expérience,
n'est pas la direction naturelle. La loi du moindre eflFort,
ou plus exactement celle de la simplicité du geste, veut que,
la matière à écrire étant posée d'axe devant le scribe, la main
droite trace d'abord les caractères sur la partie qu'elle atteint
naturellement pour s'éloigner par un effort progressif vers la
partie gauche qu'elle veut remplir. Cette scription de droite
à gauche a été et reste encore celle de la plupart des écri-
tures sémitiques.
56
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
En principe l'écriture hiéroglyphique n'a pas de direction
obligée. Ecriture monumentale^ dont chaque signe réclame
une application spéciale de l'artiste et se trouve souvent sculpté
avec autant de soin qu'un camée, elle obéit aux exigences des
monuments qu'elle décore : se déroulant en bandes ou descen-
dant en colonnes, ou courant de gauche à droite ou de droite
k gauche^ elle remplit les vides laissés par les personnages,
les objets ou les motifs ornementaux. Une loi absolue préside
cependant k cet usage décoratif de l'écriture : lorsqu'il se
rapporte k un personnage quelconque d'un tableau^, le texte
écrit aborde son interlocuteur imaginaire de la même façon
que le personnage représenté l'aborde lui-même : tourné vers
la droite, c'est-k-dire de droite k gauche, si celui-ci regarde
vers la droite; tourné vers la gauche, c'est-k-dire de gauche
k droite, si celui-ci regarde vers la gauche.
Dans ces différents emplois, les hiéroglyphes, qui conservent
toujours la même position respective entre eux, s'inversent
suivant les cas. La règle 'pratique de lecture est qu'il faut
aller à la rencontre des personnages ou des êtres animés
que renferme un texte hiéroglyphique.
^
^^
zv
CHAP. IV : DISPOSITION MATÉRIELLE DE L'ÉCRITURE. 57
se lira de droite k gauche, mais
A
doit se lire de gauche à droite.
Pourtant lorsque la surface à remplir ne comporte pas de
scène figurée ou qu'aucune situation topographique dans un
ensemble ne vient commander l'économie du texte écrit, l'écri-
ture hiéroglyphique prend naturellement tin sens : celui de
la minute hiératique dont elle est pratiquement la trans-
cription.
L'écriture hiératique, cursive des hiéroglyphes, s'écrit uni-
formément de droite à gauche. Les plus anciens textes, sans
doute pour éviter partiellement le danger déjà signalé d'obliger
la main du scribe à passer sur les lettres fraîchement tracées,
dispose les groupes en colonnes verticales, alignées elles-
mêmes de droite à gauche. Cette façon de faire, qui, à quelques
exceptions près, est celle des papyrus d'Abousir et d'Eléphantine,
ainsi que des graffitti archaïques de Hât-noub, a passé dans
les textes hiéroglyphiques des Pyramides. Au Moyen Empire
s'affirme la tendance k remplacer l'écriture verticale, qui suppose
sous la main du scribe un déplacement constant du papyrus,
par la scription horizontale qui laisse établir des colonnes
plus larges, exigeant de moins fréquents déroulements : sur
les tablettes de bois et les ostraca, cette façon d'écrire, où
l'œil se repère plus aisément, permet de perdre moins de place
et de serrer davantage le texte. Les papyrus d'Illalioun, les
contes de Sinouhit et du Naufragé présentent, k côté de parties
écrites verticalement, de longs passages écrits horizontalement
et le papyrus Prisse est édité entièrement suivant la nouvelle
méthode. Dans les hiéroglyphes, tandis que les textes religieux
conservent les vieilles traditions, les stèles privées du Moyen
Empire adoptent délibérément l'écriture horizontale des manus-
58 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
crits. Au Nouvel Empire^ tant dans les textes hiératiques que
dans les textes hiéroglyphiques qu'une autre raison ne déter-
mine pas, règne en maîtresse incontestée l'écriture en lignes
horizontales.
II. Distribution des signes.
Les signes, on l'a vu, s'accommodent à la direction de l'écriture,
en s'inversant s'il est besoin. Cette direction déterminée, le
scribe égyptien n'alignait pas ses caractères, comme nos lettres
modernes, à la suite les unes des autres sur les lignes et dans
les colonnes, en ayant soin, comme nous, de séparer les mots :
d'autres lois d'esthétique président en effet à la disposition
de l'écriture. Ces lois, très souples, qui dérivent de la con-
ception ornementale de l'écriture hiéroglyphique, peuvent se
résumer dans le souci d'éviter les vides disgracieux.
La première application de ce principe est que, loin d'être
séparés par des blancs, les mots sont bloqués de telle façon
que, sauf certains cas où l'ornementation peut tirer parti d'une
disposition contraire (1), rien n'indique à l'œil le rôle de chaque
signe dans la constitution du mot. Sans qu'il y ait pourtant k
ce sujet de règles absolues, la disposition des caractères ainsi
confondus est régie, elle aussi, dans le détail par Vhoi'^'or va-
cui : lorsque dans la ligne un signe n'occupe pas toute la hauteur
ni dans la colonne toute la largeur, tout se passe générale-
ment (2) comme si le scribe avait déterminé mentalement un
(1) Par exemple les stèles funéraires où des noms propres, écrits en co-
lonnes, sont disposés de telle sorte que tous les déterminatifs, au besoin
sépares par un espace de leur mot trop court, soient écrits les uns au-
dessous des autres, et les pancartes alimentaires de toutes les époques où,
dans le sens vertical, une disposition analogue est observée.
("2) La distribution de détail des signes peut subir d'autres influences,
par exemple la nécessité de faire tenir en peu de place un long texte, ce
qui amène le lapicide à entasser les caractères :
CHAP. IV : DISPOSITION MATÉRIELLE DE L'ÉCRITURE, 59
rectangle ou un quadrat, selon les cas, qu'il remplirait avec
les signes subséquents, mais en respectant l'ordre de succession
suivant la direction de l'écriture. Ainsi :
(1)
T
1
< — >
in
1
a j)
AAAAAA
DOD
D
1
f Ci
^
\
Ik
i
® o
ïl
l
c^
i
doit se lire
et
Al
AAAiNAA : y1 . AAAA/VV
: AAAAAA : ^-^7^"^^
r^/^>1
Al
^Cr^3- n "^^ AAAAAA
— ^ 11^® §=>
AAAAAA ^
ou l'obligation d'employer une formule courte à orner un fond spacieux,
ce ijui l'invite à espacer les signes :
(1) L'astérisque * détermine les quadrats imaginaires.
60 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES,
doit se lire : A jji a^(vw\ v. -t ^ /wwv\ c:^ ^ a AA/v^A^ ^_^ ^"- ® ^::i ^ o
^
I I I
Mais les lois mêmes d'esthétique qui prescrivent cet ordre
sont en même temps le principe qui amène à y déroger.
Lorsque^ malgré les combinaisons possibles, un vide fâcheux
est inévitable, l'écriture hiéroglyphique accomplit d'une façon
presque régulière certaines métathèses (1).
Tout petit signe carré (D, S . • . etc.) (2) ou tout signe
long vertical ( ', [1 • • • etc.) peut s'écrire devant un oiseau
qui normalement devrait le précéder. Dans l'écriture la plus
ancienne ces signes se logent dans l'intervalle qui reste libre
sous la tête et devant la poitrine de l'oiseau :
P'î^^'ff pour '«^P'^W «Bastet»
T ^ A pour -vX T<n=>A «pvramide»
1/ V\ I pour ^ ^^ i «échelle»
Tout petit signe carré se trouvant placé avant ou après
deux signes longs, verticaux (cf. plus haut) ou horizontaux
(— "— , <r=> . . . etc.) peut être encadré entre ces deux signes.
Quelquefois même un ensemble de signes s'insère entre deux
signes longs verticaux :
(1) Cf. Lacau, Métathhses apparentes en égyptien. Recueil, XXV, 139 — 161.
(2) Le !, dont la forme ancienne est J peut être compté comme petit
sit^ne carre.
CHAP. IV : DISPOSITION MATÉRIELLE DE L'ÉCRITURE. 61
n Q d5 PO^^i' (^ i] l| Clî « disque solaire »
AA/^/vAA
pour n© «éternité»
o
T Ci pour
1 !">»■■ U
; belle
J« fête »
_ _ O
Tout signe long horizontal se trouvant entre deux signes
longs verticaux peut se placer derrière ces derniers :
«momie»
Enfin plusieurs métatlièses difficiles à cataloguer dérivent
du môme souci d'esthétique :
^^ pour '"^ «partie antérieure»
-^1^^ 1"""- ^^^ •™"-
^^n| pour b^^l\ «justice»
Quelquefois ces règles jouent toutes ensemble et concourent
à donner au mot une physionomie déconcertante ii première vue :
W'^o 1^°^'^" ^-"i^ «caroube»
^ pour |x^^
pour ^\ — «— 9 «^3=^ « crocodile »
Un autre jeu d'écriture dans la distribution des signes con-
siste à placer en accolade, pour éviter une répétition^, quelque
expression qui commande deux propositions parallèles :
62
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
S
p^
D^
^ I
,, . . , les loups de la montagne,
«J ai rassasie , . , . ,
les oiseaux du ciel.»
C'est le même procédé, mais développé, qu'emploient cer-
tains textes en intercalant des lignes horizontales au milieu de
colonnes verticales qui tantôt les commandent et tantôt en dé-
pendent.
Les textes hiéroglyphiques, enfin, ne comportent aucune
ponctuation. Dans les textes hiératiques au contraire appa-
raissent, surtout pour distinguer les stiques des poèmes, des
points en l'air, que les manuscrits renfermant certaines phrases
écrites en rouge, ou rubriques, peignent volontiers de la même
couleur.
2^ Partie. La connaissance des hiéroglyphes.
Chapitre V.
L'antiquité égyptienne.
Les Egyptiens, qui croyaient avoir été, au début des temps,
gouvernés par des dynasties de dieux, n'ont pas manqué de
leur attribuer l'octroi des grands bienfaits de la civilisation.
C'est ainsi que le dieu Tliot aurait inventé la plupart des
sciences et notamment l'écriture qui en assure la transmission
sans le secours de la mémoire. Sa parèdre, la déesse Sesliat,
était affectée à la tenue régulière des annales du royaume.
Aussi la langue égyptienne désignait-elle les hiéroglyphes au
moyen de l'expression \M\ md-ic ntr «paroles divines».
Il n'était pas besoin de ces données légendaires pour que
le prestige du lettré i'ùt assuré, dans un état bureaucratique
que les hautes époques nous montrent fortement centralisé.
Le fonctionnaire, écrivain et calculateur, dressait et redressait
le cadastre, veillait à la perception des impôts et à la prestation
des corvées. Il disposait d'arguments parfois frappants qu'il
fallait bien «entendre». Si infime que fût son rang dans la
hiérarchie administrative, il n'en personnifiait pas moins l'auto-
rité aux yeux de l'ouvrier et du paysan. Aussi l'obtention
d'une place de scribe était-elle, de tous les déclassements, le
plus recherché. La littérature nous a conservé plusieurs mor-
ceaux d'oii il ressort qu'une comparaison n'était pas à l'avantage
des autres branches de l'activité sociale.
64 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES,
Que l'on ait tenu en haute estime l'art du ealligraphe, cela
transparaît notamment dans le fait que certaines œuvres litté-
raires des plus prisées nous sont parvenues sans nom d'auteur,
mais, par contre, accompagnées de la désignation du copiste.
C'est vraisemblablement en souvenir d'un temps où la con-
naissance de l'écriture était encore une rareté que le titre de
iI\X'^;3;7j hry-hb soit, littéralement, «porte-livre», joignait à
cette signification celle de «magicien»; et nous retrouvons un
fait du même genre à la très basse époque, quand les hiéro-
glyphes, devenus écriture savante, n'étaient plus compris que
de quelques initiés. En effet, le traducteur copte de la Bible
n'a rien trouvé de mieux pour rendre a"ria~n, è^rjyrjTal de Gem-se
41/24, que Texpression c'-^pô.nuj = \hf\ ^ shpr'nh «scribe de
la demeure de vie», qui équivaut sensiblement, comme on va
le voir, à «écrivain en hiéroglyphes».
Les Egyptiens nous ont eux-mêmes renseignés sur la manière
dont ils concevaient la distinction à établir entre leurs deux
principaux modes d'écriture usités k la basse époque. Les
hiéroglyphes sont dits, au Décret de Canope, ripi 0 shnpr'^nh.,
(écriture de la demeure de vie), leçà yoàfxixara, et au Décret
■de Memphis, tipi ^'^^^^ ] fl i (écriture des paroles divines; même
rendu en grec). Le démotique est désigné par HfiiAAAA^
(variante : tjfiiV \\\\ S ; sh n s'y, écriture des lettres ou
des livres), et, en grec, tantôt par aiyvmia yçât^ifiara (Canope),
tantôt par èy/coçia yQaf.if.taTa (Memphis), par opposition k
ékXrjvr/.à yçâfifiara.
Cette nomenclature suffit k montrer que dans la seconde
moitié du IIP siècle av. J.-C, la connaissance de l'écriture
hiéroglyphique était l'apanage d'une élite. Nous possédons de
curieux indices d'un état de choses analogue, bien que moins
CHAP. V : L'ANTIQUITÉ ÉGYPTIENNE. 65
accentué naturellement, pour une époque beaucoup plus reculée,
le début de la XVIIP dynastie. Deux tombes de la XII'' ont
conservé des graffiti en cursive hiératique, émanant de visiteurs
qui y inscrivaient leur noms enchâssés dans des formules sté-
réotypées. On constate avec surprise que la sépulture de
Khnoumhotep à Beni-Hassan passait pour être le temple de
Khéops, parce que ce cartouche entre dans la composition d'un
nom de localité inscrit sur la muraille. De même, la syringe
tliébaine d'Antefoqer, vizir sous Sésostris I", et de sa femme
Senet, était attribué, avec un retard d'un siècle et demi, au
temps de la reine Sebeknofrou, et peut-être à cette reine elle-
même. De tels faits ne s'expliquent que si des gens, relative-
ment experts dans la cursive servant aux besoins de tous les
jours, se trouvaient embarrassés pour lire, couramment du
moins, l'écriture monumentale.
La connaissance des écritures égyptiennes, même du démo-
tique, paraît s'être perdue assez vite après le triomphe du
christianisme et l'adoption de l'alpliabet copte. Los deux inscrip-
tions bilingues grecques-démotiques de 453 émanent d'un prêtre
d'Isis de Philae et sont datées à la mode nouvelle. Le fait
que le conte démotique de Setna a été trouvé dans une tombe
de moine ne prouve pas rigoureusement que la compréhension
en ait été ouverte k son dernier possesseur antique. Si l'évoque
saint Pésunthios déchiffre, à la fin du VP siècle, une liste de
noms de momies entassées dans un hypogée, il se peut agir
d'un document, soit grec, soit bilingue, à l'instar des étiquettes
de momies. Hermapion et Horapollon, dont il sera parlé au
chapitre suivant, puisqu'on n'a d'eux que des traductions
grecques, apparaissent comme des exceptions et méritent même
la qualification d'« archéologues».
L'Egypte ne nous a rien laissé de comparable, pour l'im-
portance, aux séries de- tablettes cunéiformes où les valeurs
des signes sont classées et comparées, tant pour le sumérien
Sottas-Diioton. 5
66 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
que iiour le babylonien et l'assyrien. Toutefois un papyrus,
trouvé à Tanis, mallieureusement incomplet et relativement
récent, fournit une longue liste de signes Inéroglypliiques,
avec, en regard, leur correspondant hiératique et l'énoncé,
également en hiératique, de leur valeur figurative. Ils sont
visiblement classés par catégories, selon le principe même de
nos listes modernes; pourtant, assez souvent, la raison de
Tordre adopté nous échappe. Tantôt la signification donnée est
unique :
i = I P (jambe)
Tantôt elle est double :
O = Ij 'lJ fB (disque solaire — jour).
/VWSAA
Tantôt elle est indiquée, non pas par un seul mot, mais par
une expression complexe :
^ = ^ !] P ^e ^ (œil pleurant).
{0} = i\ ^iN^ M ^ 0° (clisque solaire resplendissant).
^5-;:^ (bois coupé).
D
On voit, d'après cette dernière catégorie, que la teneur du
document est surtout descriptive et correspond, dans notre
tableau, à la colonne de gauche rédigée en français, plutôt
qu'à la colonne «signe-racine» où sont résumés les rapports
entre les hiéroglyphes et le vocabulaire égyptien.
- Bien que le papyrus ait été écrit seulement à l'époque ro-
maine, la liste ne comporte pas toute la variété du système
parvenu à ce stade. Il s'agit peut-être d'une adaptation d'un
CHAP. V : L'ANTIQUITÉ ÉGYPTIENNE. 67
recueil plus ancien. D'ailleurs, il semble destiné plutôt à des
lecteurs mieux orientés sur la cursive hiératique que sur les
hiéroglyphes eux-mêmes et cela suppose un temps antérieur
à la prédominance du démotique.
Telles sont les seules données nettement didactiques que
nous possédions de source égyptienne. C'est à d'autres besoins
que répond un papyrus magique démotique datant de la fin ,
du paganisme et où plus de 500 mots sont glosés en lettres
grecques. On a ainsi directement la valeur de tous les signes
déniotiques unilitères et aussi de quel(^ues autres multilitères.
Un texte démotique, rédigé probablement sous les Ptolémées,
fournit incidemment la valeur de deux hiéroglyphes : « Si l'on
veut écrire miel, on trace une image de la déesse Nout tenant
à la main un roseau», et : «Si l'on veut écrire année, on doit
dessiner un vautour». La première équivalence demeure pour
nous une énigme, mais la seconde se retrouve, et chez Hor-
APOLLON et dans les textes hiéroglyphiques eux-mêmes. Voici
comment chacune d'elles est amenée : «Pour faire sortir (V)
les abeilles de la ruche (?), les apiculteurs jouent sur une flûte
de roseau. C'est un roseau que la déesse Nout avait saisi au-
paravant », et : « Le noble vautour, qui n'a pas de mâle de
son espèce, Sothis qui est aussi l'année».
Ce contexte mutilé et obscur a du moins l'avantage de mon-
trer à quelles sources Horapollon a pu puiser, tantôt la ma-
tière, tantôt le modèle de son commentaire explicatif, parfois
si étrange.
Enfin on n'oserait affirmer que le nom tveeuTHp «les dieux»,
donné à un groupe d'étoiles dans un manuscrit copte daté de
1006, constitue une survivance d'une acception tardive du
signe -k.
Les documents bilingues fournissent encore de nombreux
renseignements d'ordre phonétique, quand ils renferment, soit
des noiîis propres, soit des mots empruntés, dans un sens comme
68 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
dans l'autre. Ils permettent aussi^ dans une certaine mesure,
d'élucider la signification des éléments idéographiques de l'écri-
ture.
Extrait Ibibliographique et références justificatives.
G. Maspero, Du Genre épistolaire chez les EgyiHiens de
l'époque pharaoniq^ie (1872). — B. Gunn, Interpreters of dreams,
ap. J. E. A., IV (1917). — W. Spiegelbekg, Varia; die Aiif-
fassung des Tempels als Hitnmel, ap. A. Z., LUI (1917). —
N. DE G. Davies et \ H. Gakdiner, The tomh of Antefoqer
(1920), p. 8 et 27. — H. Brugsch, Vier bilingue Inschriffen
von Philae, ap. A. Z., XXVI (1888). — F. Ll. Griffith, Stories
of the h'gh priests of Memphis (1900), p. 67. — E. Amélineau,
Un évêqne de Keft au VIP siècle (1889). — E. W. Budge,
Coptic Apocrypha in the dialect of npper Egypt {\^\?)), p. 256.
— F. Ll. Griffith, Txco hieroglyphic Papyri of Tanis (1891).
— Id. et H. Thompson, Ilie demotic magical papyrus of London
and Leiden (1904 — 1909). — W. Spiegelberg, Der agyptische
Mythus vom Sonnenauge, ap. Sitzungsherichte der Berliner Aka-
demie (1915).
Cliapitre VJ.
L'antiquité classique.
Les Grecs, curieux de toutes choses, n'ont pas manqué
d'être fortement intrigués par l'aspect inusité de l'écriture
hiéroglyphique. Si les renseignements qu'ils nous ont légués
sur ce chapitre sont de valeur inégale, cela tient d'abord à la
désaffection de leurs contemporains égyptiens pour le système
créé et cultivé par leurs pores, et aussi, peut-être, à l'influence
d'Hérodote, lequel se plaisait h dire que, dans cet étrange
pays, tout se faisait à rebours du reste de l'univers. C'était
la porte ouverte au paradoxe, voire à l'absurde. Los écrivains
classiques sont, pour une bonne part, responsables des errements
qui surprennent chez les i)récurseurs de Ciiampollion.
FIkrodote (1) nous renseigne sur la direction de l'écriture :
de droite à gauche. Autre bizarrerie, sohjii hii : non contents
de ne pas agir, en cela, comme tout le monde, les Egyptiens
prétendaient encore qu'ils écrivaient vers la droite et les Grecs
vers la gauche! PoMroNius Mêla (2) remarque de même que
les Egyptiens écrivaient pei'verse, à l'envers.
Hérodote (3) distingue très justement deux sortes d'écritures
(yQÛ^iuaTo): la sacrée {\eocc) et la populaire ((JjjiWOTtxâ). Diodore(4)
maintient cette distribution (leçà et ôrj{.i(I)ôrj) et ajoute avec
raison que la seconde était la plus couramment étudiée, tandis
que la connaissance des hiéroglyphes se transmettait à l'in-
térieur des collèges sacerdotaux. Clément d'Alexandrie (5)
(1) II, 3G. (2) de SilH orbis, l, 9, 6. (H) II, 36.
(4) I, 81, 4 et III, 3, 4. (5) Slromates, V, 4.
70 INTRODUCTION A L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
définit avec exactitude l'état de choses en vigueur de son
temjDs quand il distingue trois écritures : « l'épistolographique,
puis l'hiératique, dont usent les liiérogrammates, et enfin l'hiéro-
glyphique». Si cette classification a été appliquée abusivement
aux anciennes périodes, la faute en est aux modernes. Le
même auteur affirme encore que les trois variétés s'apprenaient
dans l'ordre indiqué ci-dessus.
Porphyre (1) oppose l'écriture épistolograpliique à l'hiérogly-
phique et à la symbolique. Cette dernière, de nature allé-
gorique et énigmatique, correspond bien, pour cette époque,
à une réalité^ bien qu'il n'existe pas, entre elle et les hiéro-
glyphes normaux, de limite nettement tracée. Il semble que
Porphyre ait mélangé, en les résumant, deux classements,
distincts chez l'évêque d'Alexandrie.
Héliodore(2) parle d'écritures démotique et hiératique. Comme
il s'agit d'un texte sur bandelette, l'auteur a très bien pu en-
tendre le second terme dans le même sens que Clémext, et
que nous-mêmes d'après lui.
Les anciens se sont beaucoup occupés aussi des origines
de l'écriture. Nombreux sont ceux qui suivent la tradition
égyptienne, c'est-à-dire l'attribution à Thot-Hermès-Mercure :
Platox (3), CicÉRON (4), Hygix (5), Gx. Gellr's (6), Plu-
tarque(7), Servius(8). Pour Tacite (9), il parle des Egyptiens
dans le même sens, sans toutefois mentionner le dieu.
D'autres, comme Diodore (10), LrcAix (11), Joskphe (12),
Plixe l' ANCIEN (13), PoMPONius Mela (14), dénient au contraire
(1) Vie de Pythagore, 11. (2) Ethiopiennes, IV, 8. (3) Phèdre, 59.
(4) De natura deonim, III, 22. (5) Fabulae, 277.
(6) Grammaticae romanae fragm., Teubner, p. 120.
(7) Quaest. conv., IX, 3, 2. (8) Ad Aen., IV, 577.
(9) Ann., XI, 14. (10) I, 69, ô. (11) III, 220.
(12) C. Apion, I, 28. (13) llist. nat., VII, 57.
(14) De situ orbis, I, 12.
CHAP. VI : L'ANTIQUITÉ CLASSIQUE. 7 1
la priorité à l'Egypte et Faceordent, soit aux Phéniciens, soit
aux Chalcléens.
Ce qui a le plus frappé la plupart des écrivains, c'est na-
turellement la présence de figures d'êtres animés. Dio-
dore(1) mentionne en outre les membres humains, les outils;
Apulée (2), les enroulements et enchevêtrements de lignes ;
LucAEST (3), les oiseaux et bêtes féroces — même fantastiques,
ajoute Ammien Makcellin (4) — et Lucien (5), en manière de
critique, les hommes à tête de singe et de lion.
A propos des signes pris individuellement, nous rencon-
trons des données parfois assez exactes. Chez Diodore (6), le
crocodile, symbole de méchanceté, rappelle ^^. «fureur»;
l'œil, gardien de tout le corps, "i -<s>- «veiller»; la main
ouverte, pour dire gagner sa vie, <î^::xi "« — a «recevoir»; le
poing, qui conserve les biens acquis, ^^^i^ÎJ «saisir». L'en-
fant assis sur un lotus représente bien le lever du soleil, comme
le veut Plutarque (7). De même, l'œil et le sceptre, pour le
nom d'Osiris, chez le môme (8) et Macroije (9), ou le poisson
pour l'idée de haine, encore chez Plutarque (10); le scarabée,
image du soleil, chez Clément (11), et l'abeille désignant le roi,
chez Ammien (12). (Quelques autres attributions sont plus que
douteuses. Quant aux explications fournies, elles apparaissent
le plus souvent comme arbitraires, parfois variables d'un auteur
à l'autre et en tout comparables à celles que nous rencon-
trerons chez Horapollon.
Les renseignements généraux fournis par les auteurs sur la
nature et l'emploi des hiéroglyphes se révèlent généralement
(1) III, 4. (2) Mélam., XI, 22. (3) III, 220. (4) XVII, 4.
(5) Hermotime, 44. (G) III, 4.
(7) De rylhiae ovac, 12. (8) De Iside, 10. (9) Sut., I, XXI, 12.
(10) De Inde, 32. (11) Slromaies, Y, 4. (12) XVII, 4.
72 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
comme assez exacts^ mais incomplets et parfois d'interprétation
malaisée, même maintenant que nous possédons la clef de
l'énigme. Il n'est pas surprenant que certaines erreurs des
modernes se soient montrées si tenaces.
Quand LucAm (1) affirme que les premiers hiéroglyphes
gravés sur pierre avaient pour objet de conserver les paroles
magiques, on ne saurait dire qu'il a tort. D'autres ne sont pas,
sur le contenu des textes, moins véridiques. Ainsi Hérodote (2),
DiODORE (3), Strabon (4) et Tacite (5), à propos des inscrip-
tions relatant les victoires de Sésostris-Ramsès, ou Josèphe (6)
affirmant que Manéthon a compilé l'histoire d'Egypte d'après
les textes hiéroglyphiques, ou encore, et surtout, Hermapion
quand il donne la traduction in-extenso d'un obélisque. Il n'y
a là rien qui justifie les élucubrations mystiques d'un Kirchee.
Par contre, Pluïarque (7) a apporté quelque trouble en in-
sistant sur le caractère mystérieux des textes écrits en hiéro-
glyphes et en les comparant aux sentences de Pythagore. De
même, Clément d'Alexandrie (8) avec ses fameux «anaglyphes»
destinés, paraît- il, à transmettre les louanges des rois sous forme
de mythes religieux.
Les quelques passages d'un grand intérêt où il est traité de
l'emploi des signes et des tendances générales de l'écriture sont
malheureusement assez obscurs et ont donné lieu à bien des
confusions et des discussions. L'opinion de Diodoee (9) semble
assez proche de la réalité : «L'écriture ne rend pas le langage
sous-jacent par juxtaposition de syllabes, mais par représen-
tation figurée de ce qui doit être exprimé et par des méta-
phores qui viennent au secours de la mémoire». 11 ajoute qu'il
faut une longue application pour parvenir à lire parfaitement.
(1) m, 224. (2) II, 102 et 106. (3) I, 55, 7. (4) XVII, 5.
(5) Ann., II, 60. (6) C. Ap., I, 228.
(7) De Iside, 10. (8) Stromates, V, 4. (9) III, 4.
CHAP. VI : L'ANTIQUITÉ CLASSIQUE. 73
Même tendance, exagérée pour une part, chez Ammien
Marcellin (l) : «Les anciens Egyptiens n'écrivaient pas,
comme on le fait aujourd'hui, au moyen d'un nombre de ca-
ractères déterminé et susceptible de rendre toute conception
de l'esprit humain. Chaque caractère servait pour un nom ou
un verbe et parfois exprimait toute une proposition.»
Plotin (2) admire les sages de l'Egypte qui n'usent pas de
caractères décomposant le discours et représentant des sons,
mais emploient des images, chaque concept ayant son image
attitrée. Dans la suite, on croit comprendre que les signes
avaient une valeur première très synthétique et d'autres com-
plémentaires et explicatives. Mais le passage paraît irrémé-
diablement obscur.
Quelques mots de Porphyre (3) sur les hiéroglyphes sym-
boliques ont été cités plus haut, et ce disciple de Plotjn, ins-
piré peut-être en cette occasion par Clément d'Alexandrie,
nous conduit à traiter du texte fameux de cet auteur ecclé-
siastique (4).
Il distingue (5) quatre moyens d'expression :
1° au propre, en utilisant les éléments primordiaux ;
2" au propre, par imitation ;
3*" par symbole, au moyen de tropes ;
4<» par symbole, au moyen d'allégories et d'énigmes.
Clément ne met pas au même rang toutes ces catégories et
groupe les trois dernièi-es sous l'épithète «symbolique», mais,
comme il emploie le terme «eyriologique» pour caractériser
les deux premières, on voit, ainsi que nous l'avons déjà fait
observer h propos de Ciiampollion, que la limite est flottante.
(1) XVII, 4. (2) Ennéades,V, 8, 6. (3) Vie de Pytha.jore.
(4) En cette qualité, nous devrions le réserver pour le chapitre suivant,
mais la chronologie commande de le placer ici. — Nous n'utilisons pas le
passage d'Apii.KK, XI, 22, qui ne s'applique peut-être pas strictement aux
hiéroglyphes ordinaires. (5) Stroniate», V, 4.
74 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Les deux dernières variétés s'expliquent d'elles-mêmes. Quant
à la distinction entre la première et la seconde^ elle dépend
du sens attribué aux mots ôià tCjv ttocotcjv aroixsUov. Nous
ne pouvons rouvrir ici cette discussion (1). Il semble qu'il soit
question de représentations figuratives parlant d'elles-mêmes
grâce à la présence des éléments constitutifs, essentiels, distinc-
tifs, de l'objet de la pensée. Dans le procédé par imitation,
il y aurait déjà une part de convention. Pour reprendre les
exemples proposés par l'auteur, un cercle représente bien le
soleil et un croissant la lune, mais ces images sommaires
peuvent convenir et s'appliquent en effet k d'autres êtres ou
objets. Il y a donc en plus, dans ce cas, une opération de
l'esprit consistant à faire un choix.
Ainsi entendue, la classification de Clémekt indique par une
progression logique le rôle des éléments idéographiques con-
tenus dans les hiéroglyphes.
On voit qu'en tout cela les auteurs ont été surtout frappés
de ce qui, dans les hiéroglyphes, fait disparate avec leurs
propres écritures, et qu'ils ont à peu près totalement négligé
d'en mentionner la partie phonétique, si ce n'est pour eh nier
plus ou moins formellement l'existence. Les tcâtonnements des
modernes trouvent dans cette abstention leur meilleure excuse.
Après les écrivains qui ont ti'aité incidemment des hiéro-
glyphes, il convient d'aborder ceux qui leur ont consacré des
ouvrages spéciaux.
(1) Letronne et Champollion tiennent pour le sens «; lettre > Ae OToi/iCov,
très admissible en principe. Pour ne citer que des auteurs ayant traité des
écritures égyptiennes, Tzétzès l'entend ainsi, tandis (iu'Horapoixon conserve
la signification première < éléments». Avec M. Marestaing, nous pensons
que l'interprétation de Letronne et Champollion ne cadre plus avec les
données acquises aujourd'hui.
CHAP. VI : L'ANTIQUITÉ CLASSIQLŒ. 75
DiOGÈNE Laërce (1) raconte que Démocrite d'Abdèee s'en
serait occupé, mais nous n'en savons pas davantage, ni })ar
lui, ni par d'autres.
Tertullien (2) parle dans le même sens d'un certain Her-
MATÉLÈs, inconnu par ailleurs. Nous sommes mieux renseignés
grâce h Suidas et surtout k ïzétzès, sur l'œuvre de Chéré-
^roN, philosophe stoïcien et grammairien, qui fut probablement
directeur du Musée d'Alexandrie après Apion et ensuite pré-
cepteur de Néron. Il a composé des ' IsQoylvcpiyM qu'on peut
imaginer avoir inspiré Clément d'Alexandrie. Quelques ex-
traits nous en sont parvenus dans l'ouvrage du moine Tzétzès
(XIP siècle) sur l'Jliade, à pro])Os de l'épithète àqyvQÔTO^oç,
d'Apollon. L'auteur (3) soutient qu'Homère avait emprunté
(1) Vie de Démocrile. {'!) De Speclaculis, 8.
(3) Voici le passage de Tzktzès, d'après Lenoiîmant, Bevne Archéologique,
1851, p. Ifi. "OfDjooç âè nctiâtv&tlç ùxoiftwi âè nùaav /.lâ&riaiv êx riôv av/j.-
PoXixwv Ald-ionixibv yçcififiÛTiùv, xavra (pr]aCv ' ot yÙQ Al&Coniç arotj^iîa
yça/ii/Lic'(T(ov ovx 'é/ovaiv, ùkX' àvr avxÛiv Çù)c( ncvToîa xal jU^kr/ tovtwv, xcd
/uoiQia • Povkô/uivot yÙQ ot ÙQXctiàTiQot Tùiy ifçoyça^/LiuTiwv xbv moi 9uov
ifvaixbv Xàyov xQvmtiv. âi àXX^yoçtxiàv xaï avfjj36).o)v roiovzwv xcd yçcca-
fiâvoiv ToTç iâi'oiî jîxpotç avxà naçeâ^fovr, ihç ô îiQoyçcc/ufiaTti'; XAI-
PHMSIIV (pyjai, (I) xcd àvtl fiiv ;K«pâ,- yvrccTxa xvfÀnuvCÇovaav tyQccipov '
(II) ài'xï Iv7i7jç, iii'&QcoTiov xîi X^'Q^ ^^ yévtiov xçaxovvxa, xcd nçàg yfjv
vivovxu ■ (III) àvxï ât av/xcfOQÙs, àcp&al/uàv âctxQvovrct ' (IV) àvxl xov fii}
é^é/r, âvo x^f^Ç^S xtvàç ixxixct/xévui ' (V) àvxl dvaxoXijg, hcpiv i^eçx°M^^'°^'
éx xivbç ànijç ' (VI) àvxl âvafvDi. lioiçx'^/j.tvov • (VII) àvxl «rrt/^/wfftw,.
^tcxçct^ov • (VIII) àvxl xpvxîji, l^Qctxcc • txi xcd àvxl t)X(ov xal &iov . (IX) àvxl
d-TjXvyôvov yvvcdxbî. xal jUi}XQb,\ xcd xqôvov, xcd ovçavov, yvna ' (X) àvxl
(iaaiXéixiç, fi^Xiaaccv • (XI) àvxl ytvéatoig xal avxocpvcov, xcd à(>{>ivwv, xâv-
&UQOV • (XII) àvxl yijç, ^ovv ' (XIII) Xéovxoç ât UQoxofiî] nùaav àçx^v xcd
(pvXc<xr}v (^i]XoT xax' avxovg " (XIV) ovnci Xiovxog, àvûyxjjv " (XV) eXacpoç,
iviccvxôv ■ (XVI) ôaoCoiç ô cfoù'i^ ' (XVII) ô naïg âi]XoZ xà av^avô/xBva '
(XVIII) ô yÎQcav. xà cp&siQÔfilva ' (XIX) xb xà^ov, xr]V ô^tTav âvvcc/xiv ' xal
txiQcc /uvQÎa. î^ (JJV "Ofirjçoç xctvxa cpr/aîv " èv aXXto Si xônio, uneç aÎQeîad^e.
iâwv fx xov XatQy'jiiovos, xal xc(>; xùiv yQct/xfiûtoiv avxibv èxcpwvi\atiç Aid^io-
nixâiç. tïao).
76 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
aux Egyptiens le rapprochement; d'ailleurs exact, entre la cou-
leur du métal et la lumière solaire (le signe Y est employé
en effet pour «blanc» et «argent»). Homère aurait possédé
la science des «lettres symboliques éthiopiennes», et de leur
«valeur allégorique» telle qu'on en trouve l'exposé dans Chéré-
MON. Suivent dix-neuf exemples qui valent d'être énumérés.
Nous remplaçons la description du signe par le signe lui-même.
1. ^ «joie».
2. p^ «chagrin».
3. 7Tr~ «malheur».
4. ^JUr « néant » .
5. ^^-^ «lever du soleil».
6. _^sx «coucher du soleil»,
«résurrection ».
«âme — soleil — dieu».
9. '^^ «mère — temps — ciel».
10.
11. "^ «génération spontanée».
12. ^^ «terre».
13. ^ «commandement — veille».
14. ^ «contrainte».
CHAP. VI : L'ANTIQUITÉ CLASSIQUE. 77
15. ^&^ «année».
16. j «année».
17. S) «ce que croît».
18. p^ «ce que décroît»,
19. -i==^ «rapidité».
On voit combien ces équivalences sont, aujourd'hui, par-
lantes pour l'initié. Elles sont données toutes sèches et sans ces
explications fantaisistes abondant chez Hokapollon. Quelques
remarques de détail suffiront à mettre les choses au point.
2. Légère inexactitude probable dans la description du signe :
«un homme se tenant le menton (ou la barbe) et penché en
avant .
5. La signification paraît étroite, le groupe étant employé
pour pr «sortir» dans ses différents sens. Pourtant nipe : ^ipi
s'applique spécialement au lever de l'astre.
7. Magnifiquement confirmé, car la grenouille s'échange avec
l'expression j -¥- (époque grecque). Cf. Si)hin.T, VII, p. 215 sqq.
8. Pour l'âme, c'est ^^.
9. «Temps», pour «année» aX = a^v-^. Cf. JloRAroLLON
I, 11. «Ciel.» De môme, Horapollon. Peut être en rapport
avec , parce que a\ = n.
12. A cause d'Isis, considérée comme la terre. Cf. Plutarque,
de Iside, 39 et Clément d'Alexandrie, Strom., V, 7.
15. Cerf. — Le seul article qui ne se confirme pas. Cf. Hor-
apollon II, 21. Y a-t-il malentendu ancien ou ignorance de
notre part ?
78 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
On remarquera dans l'ordre des signes la succession des ca-
tégories suivantes : êtres humains^ parties du corps humain,
reptiles, batraciens, oiseaux, insectes, mammifères, plantes,
armes. Sauf l'enfant et le veillard, qui peuvent avoir été in-
terpolés, on a là presque notre classification moderne.
On voit de quelle ressource eût pu être l'œuvre de Chéré-
MON, et cela d'autant plus que Tzétzès fait allusion aux va-
leurs phonétiques (èy.(pcovrjCisiç) dont il se propose de parler
ailleurs d'après le même auteur. Encore faut-il que les misé-
rables extraits conservés n'aient été découverts dans l'ouvrage
de Tzétzès qu'au milieu du XIX*^ siècle. Connus plus tôt, ils
auraient peut-être, rien que par la mention des E-AcpwvrjGsiç,
évité bien des tâtonnements.
Tout au contraire, Horapollox a exercé une grande in-
fluence sur les débuts de l'égyptologie, et malheureusement
dans un sens assez peu favorable. Il a une excuse : autre
chose était de traiter des hiéroglyphes au P'' siècle ou 400 ans
plus tard.
HoRAPOLLOX a vécu dans la deuxième moitié du V® siècle.
Il appartenait à une famille aisée, originaire du village de
Phénébythis, près d'Akhmim. Son grand père et homonyme,
HorapoUon le grammairien, son père Asklépiadès et son oncle
paternel Héraïskos, tous deux philosophes, sont bien connus
par les auteurs. Suidas, Photius et Zacharie le Scholastiqoe,
pour avoir occupé, à Alexandrie, de hautes situations dans
l'enseignement. Horapollon le philosophe suivit leur exemple,
et, comme eux encore, se fit le défenseur des traditions et de
la religion nationales. Pourtant il céda à la persécution et finit
par se convertir au christianisme. Un papyrus récemment dé-
couvert nous apprend qu'ayant épousé sa cousine, fille d'Hé-
ra'iskos, il eut des malheurs conjugaux et dut, sous le règne
CHAP. VI : L'ANTIQUITÉ CLASSIQUE. 79
d'Aiiastase, poursuivre sa femme pour adultère et en restitu-
tion de biens. Le groupe de philosophes auquel se rattachait
HoRAPOLLON recherchait avec curiosité les vestiges de l'antique
civilisation. Il n'est pas surprenant que l'écriture des monu-
ments pharaoniques ait retenu son attention. Photius cite des
extraits d'un ouvrage analogue à celui d'HoRAPOLLON et qui a
peut-être été rédigé par son oncle Héraïskos.
HoRAPOLLON a sans doute écrit ses ^IsQoyXvcpiyià en copte et
s'est inspiré, soit de quelque liste d'hiéroglyphes, soit d'ouvrages
antérieurs sur le même sujet. ()n retrouve chez lui environ
un tiers des données fournies par Chérkmok, plus ou moins
dénaturées.
Nous ignorons à quelle époque remonte la traduction grecque
due à un certain Philippe. Le texte primitif paraît avoir été
assez maltraité. Il commence ex abrupto par l'exposé des faits
particuliers qui se succéderont uniformément à travers les deux
livres. Cependant le second comporte trois lignes d'introduction
adressées à un lecteur anonyme. Il doit manquer les géné-
ralités ouvrant le premier en même temps que l'ouvrage lui-
même.
L'ensemble manque d'homogénéité. Les 70 chapitres du
livre I comprennent chacun trois éléments : 1° l'idée à ex-
primer graphiquement ; 2" le signe employé à cet effet ; 3° l'ex-
plication du rapport liant le signe à l'idée. Mais, au livre II,
les 30 premiers chapitres suppriment toute expHcation (sauf
9, 10 et 25 qui on donnent une très succincte). Quant aux
chapitres 31 à 115 (il y en a en tout 119), ils constituent une
mystification pure et simple. Le thème en est fourni par une
série d'espèces animales dont quelques-unes n'ont vraisemblable-
ment jamais figuré dans les hiéroglyphes. Leurs qualités, telles
du moins queMes décrivaient les naturalistes du temps, étaient
transportées à l'espèce humaine, par renversement du procédé
usuel chez les fabulistes, et l'on obtenait ainsi, soi-disant, l'ex-
80 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
pression graphique d'idées complexes et abstraites. C'est là un
jeu d'esprit parfois ingénieux^, mais qui^ par malheur, n'a rien
à voir avec les hiéroglyphes égyptiens. S'il est beau assuré-
ment de pouvoir représenter par une seule image un «homme
qui s'oriente vers le bien» (II, 114) ou un «homme qui gaspille
indistinctement l'utile et l'inutile» (II, 105), on ferait tort à Hor-
APOLLOX en lui attribuant la paternité de toutes ces élucubra-
tions qui occupent le tiers du texte conservé.
Pour le reste, qui vaut mieux, il faut faire deux parts. La
pire comprend les justifications de l'emploi des signes dans
telle ou telle acception. La fantaisie, qui peut d'ailleurs ren-
contrer juste, y règne en maîtresse. Malheureusement, l'on a
cru trouver là une confirmation des dires des auteurs plus
anciens touchant la nature purement idéographique et ultra-
symbolique de l'écriture. Quelques exemples suffiront à montrer
l'inanité de remarques imaginées par quelque pédant désireux
de masquer son ignorance. Ainsi «fils» s'écrit par l'oie, en
raison de l'amour extrême que ressent cet oiseau pour sa pro-
géniture ; «ouvrir», par le lièvre qui a toujours les yeux ou-
verts; «cinq», par l'étoile, à cause des cinq planètes dont les
mouvements, parmi les fixes, règlent la marche du monde.
Quant aux faits exposés, on les trouve exacts dans une pro-
portion notable. Voici un choix des mieux confirmés.
Livre I".
1. o^^=^ éternité.
3. \ année.
4. ,-'=^ mois.
o n □ (Y4 d'aroure) = année commençante {hsf> pour
CHAP. VI : L'ANTIQUITÉ CLASSIQUE. 81
iiiiiiiii
6. Wv dieu.
11. aN. mère, aiinée^ deux draclimes (m imn], iiiTe,
s'écrit aussi \\ ^ |.
^^ ^ V^ Héphaïstos (Tn, surnom de Ptali).
l Athéna {N-f, Neith).
13. ^ dieu^ cinq, matin (cf. IT, 1).
14. ^ lune.
"\^ colère.
26. ^^ ouvrir.
38. ïlèi écriture, scribe.
40. -^ juge.
41. -^^ c~zi pastophore.
44. <C=^ horreur.
47. ^ ouïe.
53. "^ fils.
55. ^^2=" bienfaisance (wwv^ "£ |.
67. «s;£=^ fureur.
70. j>- — I (queue de crocodile) = obscurité.
Sottas-Drioton. 6
82 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Livre IL
bonté.
5. Q^ guerre.
IL
n
concorde.
12.
(l
foule.
16.
f]
feu.
17.
V
travail (icj?,
eioiie)
20.
^
lieure.
30.
n
dix.
118.
e ■
justice.
D'autre part, un grand nombre de rapprochements ne cadrent
pas avec les résultats acquis par la science moderne. Cer-
tains doivent être entièrement faux. Néanmoins quelques cas
désespérés en apparence se sont révélés comme reposant sur
des malentendus anciens touchant la forme même des signes.
Ainsi :
I, 21. 000 et AAA/w^ donnés comme deux moyens d'expression
distmcts, doivent être réunis en un seul groupe.
I, 27. ^ est pour ^.
1, 42. Si l'horoscope est rendu par un «homme qui mange
les lieures», c'est parce qu'il y a eu confusion pour le premier
élément de -
i
3;:sii ^ U2i (celui qui s occupe de 1 heure)
avec
CHAP. VI : L'ANTIQUITÉ CLASSIQUE. 83
I, 61. ( ^^] 6st décrit comme un serpent se mordant la
queue avec^ à l'intérieur, une grande maison.
II, 29. « Muse » exprimée par sept signes compris entre deux
doigts, repond peut-être a ^iiiV, les cornes ayant ete prises
pour un pouce et un index écartés. La déesse Sesliat a pour
surnom 1 ^^N<>^ «celle qui a enlevé les deux cornes».
Jeux de mots sur 1 = 7 (1).
Il faut espérer que de nouvelles petites énigmes de ce genre
seront déchiffrées peu à peu et leur résultat porté à l'actif du
vieil auteur des ' Isgoylvcpr/M qui, là, du moins, se serait ainsi
trompé sans vouloir nous tromper.
Un rapprochement des plus suggestifs et bien de nature à
réhabiliter Horapollon peut être établi ii propos du chap. 21
du livre P'' : . . . ôiioiovvreç -/.aoôui yXôjooœi èyovarj • y.aQÔlq
^èv èTtsiôf} naq' avzoTç xo fjye(.ioviY.6v èari rov (Tù)[.iaTOç aVrr] . . . .,
yXôiaoïi ôè bci ôià navxoq. èv vyQM vrrâoyovaav ravTr^v, -/.ai yevé-
Teiqav tov eirai '/.aXovoi. Or les mômes idées, assez typiques,
se retrouvent dans un ouvrage philosophique très ancien, con-
servé par une copie exécutée sous le roi éthiopien Taharqa :
^=^ « C'est le cœur qui prend toutes les déterminations et la
langue qui répète ce qu'a pensé le cœur». On voit par là
combien Horapollon a su parfois puiser aux bonnes sources.
Extrait bibliographique et références justificatives.
P. Marestaixg, Les écritures égyptiennes et l'antiquité classique
(1913). — J. Letro:x^'e, Examen du texte de Clément d'Ale-
xandrie, ap. CiiAMPOLLTON, Précis, p. 376 sqq. — P. Marestaikg,
(1) On peut aussi penser à l'insigne ¥ que la déesse porte sur la tête.
6*
84 INTRODUCTION À LÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Le passage de Clément d'Alexandrie relatif aux écritures égyp-
tiennes, ap. Becueil, XXXIII (1911). — Articles sur Chérémon
et Horapollon dans Pauly-Wyssowa, Realenzyklojyadie. — S.
BiECH et F. Lekormaistt, Fragments dti livre de Chérémon sur
les hiéroglyphes, ap. Revue archéologique, VIII (1851). — J.
Maspero, HorapoUon et la fin du paganisme, ap. B. I. F. A. 0.,
XI (1914). — L. BoECHAEDT, A. Z., XXXVII, p. 11 sq. —
H. ScHAFEK; A. Z.. XLII, p. 72 sqq. ; LV, p. 93 sq. — W. Spiegel-
BERG, A. Z., LUI, p. 92 sqq. — A. Ermak, Hevz und Zunge,
ap. Sitzungsherichte der Berliner Akademie, 1916, p. 1151 sqq.
Chapitre VIL
Les Pères de l'Église et Kircher.
Dans la transformation profonde du monde opérée par le
christianisme, la connaissance des hiéroglyphes égyptiens subit
le sort général de la culture antique. Tenant la voie moyenne
entre les influences extrémistes qui, dès son berceau, la solli-
citaient, la civilisation nouvelle sauva du naufrage tous les élé-
ments de l'antiquité qui de près ou de loin pouvaient lui être
utiles, mais elle laissa irrémédiablement périr ceux d'entre eux
qui ne lui étaient d'aucun secours, lorsqu'ils n'étaient pas fon-
cièrement liés au paganisme vaincu. C'est ce qui explique la
mesure dans laquelle l'antiquité chrétienne s'intéressa aux lettres
de l'ancienne Egypte et en perpétua la tradition, et la mesure
dans laquelle elle assista sans intervenir à l'agonie de leur
discipline.
Tant pour justifier aux yeux des païens le secret qui entou-
rait la révélation des dogmes chrétiens, que pour défendre
contre eux certaines expressions de la Bible dont ils se raillaient,
les Pères de l'Église, comme Clément (1) ou Cyrille d'Ale-
XANDKiE (2), montrèrent par un argument ad hominem que les
plus sages d'entre les païens, les Egyptiens, ne livraient pas
les mystères sacrés à tout venant, mais qu'ils savaient les pro-
poser sous les énigmes des hiéroglyphes. Les historiens,
comme Eusèbe de Césarée dans sa Préparation Evangélique [S),
voulant résumer, pour établir la transcendance du christianisme,
la «théologie égyptienne» de leur temps, analysèrent ses sym-
(1) Stromates, V, 4. (2) Contre Julien, IX. (.S) Livre II.
86 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
boles mystérieux : les uns et les autres, avides d'exemples
pour illustrer leurs thèses, cherchèrent souvent à dérober le
secret des hiéroglyphes et répétèrent ce qu'ils en purent savoir.
Le malheur fut que dès l'origine ils confondirent avec ces
hiéroglyphes les représentations figurées des temples, qui
offraient bien avec eux quelque affinité^ et que^ si l'historien
des religions peut faire chez les Pères une ample moisson de
symboles égyptiens, le philologue ne trouve en somme que très
peu de passages qui, dans leurs œuvres^ s'appliquent spécifique-
ment à l'écriture égyptienne.
La source directe, celle des écoles d'écriture sacrée, leur
était du reste interdite. Déjà compliquée à plaisir dès les Pto-
lémées contre les Grecs, l'écriture hiéroglyphique avait pris
de plus en plus un caractère ésotérique contre les chrétiens.
Au commencement du IIP siècle, rapporte Oeigène (1), elle
ne pouvait être enseignée qu'à celui qui avait été initié par la
circoncision. Dès cette époque, de fait, elle reçut, au mépris
de la classification fameuse rapportée par Clément d'Alexan-
DKiE, le nom de «hiératique» ou «sacerdotale», qui atteste sa
solidarité définitive avec le sacerdoce païen. Le début du
V® siècle vit bien s'ouvrir à Canope un enseignement popu-
laire de ces «lettres hiératiques» : mais, au témoignage de
RuFix (2), il ne s'agissait là que d'une propagande à peine
déguisée de pratiques magiques.
Il ne restait donc aux écrivains de l'antiquité chrétienne
pour se documenter sur la langue et l'écriture de l'ancienne
Egypte que les sources indirectes.
La première de ces sources furent les livres mêmes de
la culture classique : Diodore, Maxéthon, Ciikkéjion peut-
être et surtout Plutarque, auxquels il faut joindre les ouvrages
(1) Coinmenlaire de l'Ex>ître aux Bomaivn, H.
(2) Hist. ecclés., II, '2G.
CHAP. VII : LES PÈRES DE L'ÉGLISE ET KIRCHER. 87
aujourd'hui perdus d'IsTER «Sur la colonisation des Egyptiens»,
de Léon «Sur les dieux d'Egypte», mentionnés par Clément
d'Alexandrie (1), et le traité du scribe EpèiS; qu'EusÈBE a lu
dans la traduction grecque qu'en fit Arius d'Héracléopolis (2).
EusÈBE DE Césarée, du restc, qui écrivit au commencement
du IV'' siècle, eut entre tous une formation livresque, puisque
travaillant loin d'Egypte il n'a pu consulter que la bibliothèque,
pourtant déjà fameuse, de sa ville : ce furent ses notes de
lecture, tirées on ne sait d'où, qui lui permirent de citer, comme
complément d'un passage d'EpÉis sur le serpent à tête d'éper-
vier, la description d'un signe complexe par lequel les Egyptiens
exprimaient «le monde > (3), et qui pourrait bien être uU ytv
«la chapelle», nom mystique des parties constituantes de
l'Egypte.
Les renseignements que les Pères alexandrins ont emjn'untés
à la seconde source — informations particulières ou opinion
courante d'un pays où tant d'obélisques et de pylônes sculptés
sollicitaient sans cesse la curiosité de ceux qui vivaient dans
leur voisinage — sont en général précis et fondés. Ils se
ressentent seulement du symbolisme qui régnait en maître à
cette époque. On a étudié plus haut le texte significatif entre
tous de Clément d'Alexandrie qui, seul dans l'antiquité, a
défini les trois systèmes d'écriture des anciens Egyptiens (4).
Mais son informateur, si renseigné fût-il, laissa Clément dans
l'ignorance complète de la nature intime de l'écriture hiéro-
glyphique. Clément conserva le préjugé de son temps qui ne
voyait en elle qu'une notation directe d'idées, et telle fut sa
conviction à ce sujet, qu'il relata, en l'attribuant au «Pylône»
de Diospolis, une séquence de signes dont Plutarque avait
jadis parlé à jn'opos du temple de Xeith k Sais :
(1) Stromates, I, 21. (2) Préparation Evangélique, 1, 10,
(3) id. (4) Stromates, V, 4.
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
: naissance
: décrépitude
: Dieu
: haine
: impudence^
et qu'il n'hésita pas à traduire comme l'auteur grec : « 0
vous qui naissez et qiù mourez^ Dieu hait l'impudence* (1).
Les termes mêmes dont se sert Clément et les variantes
qu'il introduit prouvent qu'il n'utilise pas* Plutaeque, mais
qu'il se fait l'écho de quelque on-dit populaire^ dont nous
n'avons pas à chercher l'origine. On possède pour le siècle
suivant la preuve que quelques-uns au moins des hiéroglyphes
les plus frappants n'étaient point sans signification pour la foule.
Lorsqu'en 391 l'archevêque Théophile eût renversé le temple
de Sérapis à Alexandrie^ chacun put pénétrer dans le sanctuaire^
et les chrétiens découvrirent avec étonnement le signe de la
croix : iT parmi les hiéroglyphes. Ils voulurent en tirer argu-
ment pour faire rendre à Sérapis lui-même témoignage en
faveur du Christ^ de qui il aurait porté la marque : mais les
païens surent bien leur répondre que c'était là un symbole
propre également à Sérapis et que la signification de cette
lettre — ou plutôt, croit devoir rectifier Eufin qui rapporte
le fait (2), «de ce mot» — était tout simplement : «la vie
future » .
Vers le miliea duV® siècle, Cyrille d'Alexandrie (3), réfu-
tant les écrits de Julien l'Apostat, encore en faveur parmi les
(1) SCromales, V, 7. Cf. De Iside, 32. (2) Jlisl. ecclli., II, 29.
(3) Contre Julien, IX.
CHAP. VII : LES PÈRES DE L'ÉGLISE ET KIRCHER. 89
païens^ fut amené h citer, lui aussi, pour illustrer son sujet,
plusieurs exemples d'hiéroglyphes. Il donna comme un fait
notoire la traduction :
qui ne paraît pas dériver de Plutarque, mais qui recoupe
d'une façon intéressante l'interprétation de ce nom d'Osiris
que donne l'auteur du traité sur Isis et Osiris. Sous le cou-
vert de l'opinion courante, il ajouta :
^
: le temps r cTTI
(l'O' ' ha colère, cf. M I A "^ «bouillant de cœur»
qui ne sont que des interprétations partielles et trahissent en
effet leur origine populaire.
Dans sa Topographie Chrétienne du Monde enfin, écrite en
547, l'alexandrin Cosmas Ikdicopleustès ne cita malheureuse-
ment aucun exemple d'hiéroglyphes, mais, ayant parlé à propos
de Moyse des «lettres hiéroglyphiques», il reprit aussitôt sa
propre expression, consacrée pourtant par ses prédécesseurs :
«Je devrais dire, écrivit-il (1), des symboles de lettres : car
ce n'était pas encore des lettres. » Le témoignage des écri-
vains ecclésiastiques se clôt ainsi par l'affirmation de l'axiome
erroné, héritage des Grecs et peut-être des hiérogrammates
eux-mêmes, qui, sans qu'ils en soient responsables, leur avait
interdit la véritable compréhension du système hiéroglyphique.
La tradition courante, à laquelle ils avaient du reste em-
prunté tant de renseignements exacts, continua après eux k
vivre en Egypte autour des monuments qu'elle prétendait com-
menter. Les Arabes l'y trouvèrent et le médecin Abénkphi,
(1) Topographie, III.
90 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
%
dans son livre <iDes sciences des Anciens Egyptiens-», utilisé
par Kirchek(I). avait recueilli les interprétations :
^^/^^ : eau.
'css? : âme du monde.
Vf : excellence du Soleil.
Mais si dès lors les données scientifiques s'estompent, la lé-
gende se développe dans les imaginations arabes autour des
hiéroglyphes : Alkakdi, cité lui aussi par Kirciiek {2), sait
qu'au temps d'Abraham le patriarche Hermès Trismégiste en
avait inventé le système, et Abénéphi rapporte que le signe -j-,
révélé à Adam par l'ange Raziel et transmis par Noé, avait
été détourné par Cham vers un usage magique, et qu'après
avoir accompli grâce à lui de grands prodiges, Cham lui-même
l'avait, par son fils Misraïm, laissé en héritage aux Egyptiens.
C'était la solution tardive donnée par le conquérant arabe au
problème jadis posé devant les chrétiens, lors de la mise au
jour des hiéroglyphes du temple alexandrin de Sérapis.
Telles étaient les notions de provenances diverses et de va-
leur très inégale qui constituaient l'héritage traditionnel de
l'égyptologie, lorsqu'en 1505 les presses d'Aide Manuce im-
primèrent a Venise pour la première ibis les Hiéroglyphes
d'HoRAPOLLOX, entre les Fables d'Esope et une collection d'au-
teurs grecs mineurs. L'ouvrage eut son succès de curiosité
auprès des érudits, puisqu'il ne connut pas moins de Imit
(1) Prodrovius 254. Ohelisci Isaei Inlerpr-etaiio, 26, 42, 72.
(2) Oùel. Isaei Inlerpr., Argumentum.
CHAP. VII : LES PÈRES DE L'ÉGLISE ET KIECHER. 91
éditions au cours du XVI® siècle : mais il ne suscita alors au-
cune étude scientifique sur les hiéroglyphes, car on ne saurait
compter comme tels les Hieroglyphica de Jax PiEEirs Vale-
EiA:fus (1556), qui sont un traité de symbolique puisé aux
sources les plus variées, non plus que le Discours sîir les Hiéro-
f/li/phes EgijptleMs, de Técuyer Pierke LaxCxLOIS (1583), qui
sur les mêmes thèmes figurés brode des dédicaces poétiques.
L'allemand Kirchee devait le premier, au milieu du XVIP siècle,
tenter le déchiffrement méthodique des hiéroglyphes.
L'occasion en fut offerte à ce jeune jésuite de trente ans,
déjà savant orientaliste, par Pierre de la Vallée qui lui confia
la traduction d'un lexique copto- arabe qu'il avait rapporté
d'Orient.
Toute l'Egypte ancienne s'ouvrit alors devant l'imagination
ardente et constructive de Kircher : dans les Coptes il re-
trouva d'un coup les anciens Egyptiens, qui avaient, pensa-
t-il, emprunté leur nom de Coptes à la ville de Coptos comme
les anciens Latins, eux aussi, avaient tiré l'appellation de
Romains du nom de leur capitale. A l'appui de cette thèse,
il constata très justement que la plupart des noms égyptiens
cités par les auteurs anciens s'expliquent par la langue copte,
et il ne douta i)lus, croyant ainsi avoir retrouvé la langue et
l'écriture po})ulaires de l'ancienne Egypte, qu'il fût dès lors
à ])ied d'œuvre pour entreprendre le déchiffrement des signes
sacrés des hii'rogly plies. Ce fut le but de ses nombreux ou-
vrages égyptologiques.
Il se mit au travail, et, avant môme d'avoir édité le lexique
copte de Pierre de la Vallée, sa synthèse était achevée dans
son esprit. Il la publia dès 163() dans le Prodromus Copfus
sive ^-Egyptiacns. Cet ouvrage qui, instaurant sur des bases
scientifiques l'étude du copte, est bien la préface de l'égypto-
logie moderne, livre déjà sur les hiéroglyphes la pensée défini-
tive de Kircher et donne en détail le plan de VŒclipns, qui
92 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
ne sera publié que seize ans plus tard. Entre temps Kircher
édita le lexique de Pierre de la Vallée dans la Lingiia
^Efjyptiaca restituta, de 1644, et il expliqua l'obélisque Pam-
phili en 1650, dans le premier de la série de ses in-folio. Il
fit enfin paraître en 1652 — 1654 VŒdipus JE(jyptiaciLs, le grand
œuvre de sa vie, dont le Prologus n'était que l'introduction.
En 1667, il commenta l'obélisque de la Minerve, découvert
alors dans les ruines du temple d'Isis à Rome, publia en 1676
le Sphinx Mystagoga et mourut à Rome dans la retraite, en
1680, sans avoir pu mettre au jour le vaste ouvrage qu'il mé-
ditait sous le titre de Ars veterum Aegyptiorum Hieroglyphi-
coriim.
Aujourd'hui cette œuvre égyptologique de Kircher n'excite
plus qu'un intérêt de pure curiosité. Kircher a beaucoup cons-^
truit, mais il a construit dans l'erreur : sa méthode du reste
l'y exposait étrangement. Ses synthèses en effet sont en grande
partie a p)i'iori : leurs preuves les commandent moins qu'elles
ne commandent leurs preuves. Est-ce un autre trait de race?
Kircher se montra radicalement incapable de nuancer ses cer-
titudes et, malgré les attaques dont il fut l'objet, il ne semble
pas qu'il ait été jamais effleuré par un doute sur ses propres
synthèses.
La genèse de sa pensée se reconstitue facilement à travers
ses divers ouvrages. L'identité du copte et de l'égyptien
ancien étant posée en principe, Kircher s'en est référé au
fameux texte de Clément d'Alexandrie (1), dont il n'a pas,
quoi qu'on ait dit, méconnu l'importance. Mais il a vu d'abord
dans l'écriture «épistolographique» le copte lui-même et tiré
argument du fait que certaines amulettes gnostiques en sa
possession portaient à la suite de caractères hiéroglyphiques
des inscriptions magiques en lettres grecques ; quant k l'iden-
(1) Prodromus, 2-21— 223.
CHAP. VII : LES PÈRES DE L'ÉGLISE ET KIRCHER. 93
tification de récriture «hiératique», il a du premier coup
atteint la vérité et sa définition : «eursive des hiéroglyphes»
pourrait être insérée telle quelle dans les grammaires les plus
modernes.
Le classement de Clément d'Alexa>'drie ne considérait,
on l'a vu, l'écriture hiéroglyphique que sous son aspect
représentatif : ce l'ut l;i l'écueil où Kirciiek sombra. A côté
de la figuration directe, dont il parlait obscurément. Clé-
ment s'étendait sur le symbolisme ; or trop de textes an-
ciens rendaient la même note pour que KiEcnER ne crût pas
que la véritable voie dût être cherchée de ce côté. Parmi ces
textes convergents il en fut un qui lui parut le plus clair,
sans doute parce qu'il était le plus exagéré, un passage "du
livre du néo-platonicien Jamblique *Siir les mystères égyptiens»,
d'un symbolisme exaspéré (1). Ce fragment, il est n-ai,
élucidait des représentations figurées et non des hiéroglyphes,
mais la confusion entre ces deux ordres d'expression datait
de loin et Kirciier ne fit ici que suivre ses prédécesseurs. Ce
texte devint sa Grammaire hiéroglyphique.
Les hiéroglyphes, dit-il en effet dans le Frodromiis, emprun-
tant à son tour le langage platonicien (2), «sont bien une écri-
ture, mais non l'écriture composée de lettres, mots, noms et
parties du discours déterminées dont nous usons en général :
ils sont une écriture beaucoup plus excellente, plus sublime et
plus proche des abstractions, qui, par tel enchaînement in-
génieux des symboles, ou son équivalent, propose d'un seul
coup à l'intelligence du sage un raisonnement complexe, des
notions élevées ou quelque mystère insigne caché dans le sein
de la Nature ou de la Divinité».
Le sujet dont traitent les hiéroglyphes est donc ainsi bien
défini : il ne peut s'agir que de vérités très hautes. Quant
(1) Cf. Obel Isaei Inlerpret., 17. (2) Prodromus, 260—261.
94
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
aux signes eux-mêmes^ leur nombre est illimité : c'est suivant
ce principe que Kirciier n'hésita pas k composer lui-même
des hiéroglyphes et que, sans la moindre pensée de super-
cherie, il préposa à
son explication de l'o-
bélisque de la Minerve
« un schéma hiérogly-
phique exprimant l'i-
dée de Livre» (ci-
contre) que l'on cher-
cherait en vain sur les
monuments égyptiens.
L'interprétation de
ces symboles n'est liée
à aucun mot, mais elle
s'occupe uniquement
des idées. Pourtant il
faut avant tout, pour
comprendre ces sym-
boles, ressusciter au-
tour d'eux la menta-
lité des Egyptiens qui
les ont choisis comme
signes : c'est là le rôle
de l'érudition et ce fut
à cela que Kikcher
dans sa longue car-
rière dépensa le plus
positif de sa culture :
ses lectures universelles et sa connaissance étendue des textes
orientaux. Bien plus, ce fut pour consolider cette culture
qu'il travailla si longtemps entre la publication de VŒdipus
^'Egyptiacus et celle du Prodromus qui, seize ans auparavant,
CHAR VII : LES PERES DE L'EGLISE ET KIRCHER.
95
en avait tout au long exposé l'idée. Magni passus, sed extra
n'am.
Car, est-il besoin de le dire, cette méthode donna des résul-
tats lamentables. Les explications de Kikchek n'eurent en
tait aucun point de contact avec la réalité et la découverte de
CiiAMPOLLiON permit de mesurer l'abîme d'erreur que ses con-
temporains n'avaient pu que soupçonner. Sur l'obélisque de la
Minerve, par exemple, il décomposa et traduisit ainsi les car-
touches, dans lesquels il voyait des «tables sacrées» expri-
mant les plus profonds mystères et douées d'une efficacité
spéciale sur le monde des Génies (1). :
O
v^
Globe solaire.
Bras.
Autel et chaîne.
Bras.
Vase nilotique.
«Les bienfaits du divin Osiris doivent être procurés par le
moyen des cérémonies sacrées et de la chaîne des Génies,
afin que les bienfaits du Nil soient obtenus. »
o
LJ
Globe solaire.
Couronne k sept fleurons.
Globe solaire et Scarabée.
Signe mystique de l'Agathodémon.
Signe de l'eau.
(1) Obel. Isaei InterpreL, 53, 78.
96 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
«La citadelle céleste des planètes est préservée de tous les
malheurs par l'assistance du divin Osiris, l'Agathodéraon hu-
mide »;,
cartouches qui en réalité signifient :
Apkiès,
Menkheperrâ, l'aimé de Râ.
Aussi ne peut-on remarquer sans mélancolie Tironie aiguë
de ce texte de saint Lue qu'il semble avoir élu pour devise
de prédilection et qu'il inscrivait au-dessus de la copie de cet
obélisque^ œuvre de sa vieillesse^ comme il l'avait placé, dans
le triomphe de sa jeune découverte, en épigraphe du Prodro-
mus : «Il n'est rien de caché qui ne sera découvert, rien de
secret qui ne sera connu.-»
KiRCHER mourut peut-être sans avoir douté un instant de la
valeur de ses théories, mais il n'était pas mort que le monde,
un moment ébloui, mais vite mis en défiance par l'invraisem-
blance mystique de ses traductions, ny croyait déjà plus.
Chapitre VlII.
Le déchifFrement.
KiECHER n'a point lait école à proprement parler, mais il
n'a pas manqué d'imitateurs, et qui ont réalisé le prodig-e de
faire pis encore. 11 serait cruel autant que fastidieux de tirer
d'un oubli mérité les noms des imaginatifs qui ont bâti de
toutes pièces des systèmes, sans aucune considération des faits,
ou encore cru voir dans certains documents hiéroglyphiques
des transcriptions de l'hébreu. Si quelques-uns, comme Wak-
BURTON, DE GuiGNES, GiBERT, Semblent dignes d'une mention,
pour avoir, au cours du XVIH'' siècle, émis quelques induc-
tions raisonnables et assez proches de la vérité, néanmoins la
question tant controversée demeurait entière lorsque, à la fin
du môme siècle, l'expédition d'Egypte vint lui conférer un
renouveau d'actualité. Cet événement marque le début de la
phase héroïque du déchiflVement. Il- convient de s'arrêter pour
examiner, d'un point de vue général, la position exacte du
problème à cette époque.
On aurait tort de considérer la reconstitution simultanée
d'une langue et d'une écriture toutes deux inconnues comme
un problème théoriquement insoluble. En effet, supposons qu on
soit parvenu k fixer le sens d un texte, soit par les procédés
d'un cryptographe opérant sur un code désordonné (1), soit
(1) Ain.si dénommé quaiul, n l'ordre alphabétique ou numéri€[ue des élé-
ments de la langue (lettres, groupes de lettres, mots, nombres, phrases) cor-
respond une série de groupes chiffrants se suivant dans un ordre arbitraire.
Sottas-Drioton. 7
98 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
grâce à la présence didéogrammeS; soit enfin, pour mettre les
choses au mieux, parce qu'on possède une traduction dans
un idiome connu : supposons, en second lieu, que le texte ren-
ferme une quantité de noms propres suffisante pour l'attri-
bution de sons à un certain nombre de caractères d'écriture.
On a là un démarrage que d'autres textes permettront de com-
pléter et d'autant mieux qu'on y pourra identifier plus de noms
propres connus. Il n'y a donc pas d'impossibilité de principe.
Si l'énigme est encore double pour les hiéroglyphes Cre-
tois, et peut-être, en dépit des découvertes récentes, pour les
hiéroglyphes hittites, en revanche la plupart des problèmes
importants posés par les langues et écritures du bassin mé-
diterranéen ne présentent qu'une des deux inconnues. Ainsi
les langues sumérienne, élamite, hittite, étrusque sont repré-
sentées dans des systèmes d'écriture dont on a la clef. Inverse-
ment, les hiéroglyphes égyptiens, les cunéiformes, le syllabaire
chypriote ont pu être déchiffrés grâce aux langues qu'ils re-
couvraient, copte, persan ou grec.
On a ignoré d'abord totalement quel idiome pouvait être
noté au moyen des caractères spéciaux aux monuments de
Chypre, et cela jusqu'au jour où Ton a découvert une inscrip-
tion bilingue à traduction phénicienne. Elle contenait heureuse-
ment plusieurs noms propres. Les valeurs identifiées grâce à
eux permirent de se rendre compte qu'on avait affaire k un
dialecte grec et de déterminer la nature syllabique du système.
La confirmation serait fournie, s'il en était besoin, par la petite
inscription du Louvre donnant les deux mots /.aQV^ eut. en
syllabique et en alphabétique, et que MAsrERO a eu tort d'ap-
peler bilingue puisqu'il s'agit seulement d'une transcription en
deux écritures.
Le déchiffrement des cunéiformes offre un modèle de dé-
marrage, parce que nulle traduction en langage et écriture
connus n'a pu être utilisée. On disposait de plusieurs inscrip-
CHAP. VIII : LE DÉCHIFFREMENT. 99
tiens de Persépolis. On détermina d'abord la direction de
l'écriture, grâce à des copies du même texte dont la disposition
était différente. Puis on constata que chaque inscription com-
prenait trois parties. La première, la plus longue, présentait
une variété de signes relativement faible. La troisième, la
plus courte, montrait au contraire un grand nombre de carac-
tères distincts. La seconde constituait, sous tous rapports, une
moyenne. On en conclut qu'il s'agissait de trois variantes du
même texte dans trois écritures de moins en moins analytiques.
C'est sur la première que portèrent naturellement les efforts,
puisque, en raison du petit nombre de signes, ce système se
présentait comme un alphabet. On conjectura, d'après la fré-
quence et la position, quels caractères pouvaient correspondre
à des voyelles. Puis on supposa que la première partie devait
être l'original en langue perse et les deux autres des tra-
ductions. Recherchant les répétitions, on obtint un superbe
démarrage de la manière suivante. Chaque lettre grecque
employée ici dans l'exposé qui va suivre représentant un
groupe de trois k huit signes, on compara, dans deux
inscriptions, les séquences suivantes :
a /? /:? / ô ii E
ô ^ fi y J= €
En s'aidant de la phraséologie connue des inscriptions sas-
sanides, on attribua au groupe /9, des plus fréquents, le sens
« roi » (le même mot qui plus tard servira de démarrage pour
le syllabaire chypriote). La combinaison /? /î y devenait « roi
des rois», / étant une marque de flexion, et (i s «fils de roi»
(régis filius). ^4, ô et / cachaient des noms de souverains qui
s'étaient succédés dans l'ordre /, ô, a. Comme on lit / e, en
regard de ô jS e, c'est que f n'était pas roi et que ô avait
fondé la dynastie, celle des Achéménides, constructeurs des
7*
100 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
monuments de Persépolis. La méthode des mots croisés fournit
la vérification des données historiques :
V I Sh T A S P H r
T> A R Y Vh U Sh
Kh Sh YAR Sh A
Ces valeurs permirent de s'assurer qu'on avait bien affaire
à la langue perse, de retrouver d'autres noms propres, et,
après bien des tâtonnements, de compléter l'alphabet et de lire
entièrement les inscriptions du premier système.
Pour le déchiffrement des deux autres, on disposait désor-
mais de traductions. Ayant retrouvé le troisième isolément
sur les monuments de Mésopotamie et le second sur ceux de
l'Elam, on sut que les lan<;'ues en étaient respectivement l'assyro-
babylonien et le parler de la Susiane. Dans l'assyro-babylonien
on reconnut un idiome sémitique, fait qui compensa en partie
la complication de l'écriture. L'élamite est une langue inconnue
dont la reconstitution est commencée.
Cet exposé sommaire était utile pour permettre au lecteur
de mieux apprécier par comparaison comment se posait le pro-
blème du déchiffrement des hiéroglyphes et quels sont les
mérites respectifs des chercheurs qui l'ont mené à bonne fin.
Pour qu'une tentative de déchiffrement comporte des chances
moyennes de réussite, en dehors de circonstances exception-
nellement favorables, trais conditions paraissent nécessaires :
1" Connaître la nature du texte clair, c'est-à-dire la langue
dans laquelle il est écrit, et avoir de son contenu une notion
au moins très vague.
2° Se faire, soit du mode de cliiffrement, soit du système
d'écriture, une idée qui ne s'écarte })as trop de la vérité.
CHAP. VIII : LE DÉCHIFFREMENT. 10 1
3" Deviner un point de détail et tomber absolument juste.
C'est ce qu'on appelle le démarrage.
Examinons comment ces conditions ont été remplies peu à
peu en ce qui concerne les hiéroglyphes égyptiens.
I. L'idée que hi langue exprimée graphiquement par
les hiéroglyphes est celle des coptes appartient au P. Kircher^
le rénovateur des études coptes. Elle a été développée ensuite
par E. QuATREMÈRE (l). Pour juste qu'elle soit, on n'en pouvait
apprécier le degré d'exactitude, car on ignorait l'écart lin-
guistique existant entre les textes coptes et la majorité des
documents écrits en hiéroglyphes. C'est ainsi que des néo-
logismes comme Ciïp «corbeille», unii\i2SLi «mesure d'huile»,
ont été utilisés, le premier par You>;g (2) pour lire °^- dans
BsQ{€vUr]), le second par Champollion, comme ayant fourni,
par acrophonie, la valeur de ^^zz::^. Young, après avoir re-
connu le sens de la préposition 1\ l'identifiait avec ^eu- ou
c^OTTii. CiiAMPOLLioisr faisait de même pour U (I et uee, et, ne
retrouvant pas en copte l'équivalent de l'affixe '^^'^^^^ y voyait
la o« personne pluriel du futur cettdw-. En cela il soupçonnait
une partie de la vérité, ayant observé que les marques de la
flexion verbale, préposées en copte, étaient postposées en hiéro-
glyphes. Il faisait une remarque analogue pour les affixes
possessifs et pour le o, indice du féminin, que les hiéroglyphes
montrent à la fin du mot et que l'on retrouve en copte sous
forme d'article. Il s'est aperçu que, si môwI- no peut être que
participe actif, «aimant», V^Mll s'employait au passif, «aimé».
Mais ces faits n'ont pu être précisés que quand le déchiffre
ment était déjà en bonne voie.
De même, après la découverte de la pierre de Rosette, on
n'avait aucun moyen de constater que les écritures hiéro-
(I) 178-2—1857. Français. (2) 1773—18-29. Anglais.
102 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
glyphique et démotique y correspondaient k deux stades assez
éloig-nés du développement linguistique. Les dift'érences qui
en résultent étaient de nature k faire outrer l'opposition entre
les deux systèmes graphiques.
En ce qui concerne le sens des premiers textes à la dis-
position des chercheurs, on était relativement bien renseigné,
grâce à la traduction grecque, par Heemapioîc, dans Ammien
Marcellin, de l'inscription d'un obélisque élevé à Héliopolis
par Ramsès II et transporté à Rome par Auguste, mais dont
le prototype exact n'a pas encore été identifié à l'heure ac-
tuelle. C'est avant tout sur cette classe de monuments que les
efforts sérieux ont porté. Malheureusement, on était trop imbu
de la nature mystique du contenu des textes pour tirer tout
le parti possible de cette précieuse ressource. Kircher déclare
la traduction grecque fausse d'un bout à l'autre et son opinion
a longtemps prévalu. Zoëga (1) a eu le mérite de s'en dégager
et même de désigner celui des nombreux obélisques de Rome
qui se laisse le mieux rapprocher du texte d'HEKMAPiON, l'obé-
lisque Flaminius. Les ressemblances sont telles que Cham-
POLLION a pu établir de fructueux rapprochements.
Avec la pierre de Rosette on eut beaucoup mieux encore :
une traduction grecque authentiquée sans doute possible (2).
(1) 1755 — 1809. Danois.
(•2) La pierre de Rosette (pi. 111) reproduit un décret du clergé égyptien
en l'honneur de Ptolémée V, promulgué à Memphis en 19G avant J.-C. Elle
a été découverte en août 1891) au cours de travaux de fortification exécutés
sous la direction du capitaine du génie français Bouchard. Les savants
attachés à l'expédition de Bonaparte en reconnurent aussitôt la valeur et
expédièrent en Europe des copies et estampages. Mais le document lui-
même, compris dans la capitulation de Ménou, fut transporté à Londres
en 1802. Il occupe actuellement, au British Muséum, à l'entrée de la grande
galerie égyptienne, une place d'honneur. Son cadre porte l'inscription :
Conquered by llie British armies. et, parfois, un gardien se charge d'attirer
dessus l'attention du visiteur (expérience personnelle d'un des auteurs en
r^
CHAP. VIII : LE DÉCHIFFREMENT. 103
Mais une difficulté des plus graves résultait de l'état fragmen-
taire de la version hiéroglyphique, dont pas une ligne n"est
complète, tandis qu'un nombre inconnu de lignes manque au
début. Impossible donc de mettre en regard les parties corres-
pondantes du texte et de la traduction, tant qu'on n'aurait pas
d'autre point de repère certain que la fin môme des textes.
Aussi la méthode des mensurations n'a-t-elle pu être facilement
a])pliquée qu'à la version déniotique par S. de Sacy (1) et
Akerblad (2). Cependant les conjectures de Youxg touchant la
place occupée dans le texte hiéroglyphique par les correspon-
dants d'un certain nombre de mots de la version grecque, se
sont en partie véi"ifiôes.
II. Quant à la nature du système d'écriture, les premiers
déchifFreurs s'en sont tenus à cette exagération, en partie im-
putable aux anciens et consistant à prendre les hiéroglyphes
1009). Selon le texte même du décret, d'autres copies, également trilingues,
devaient ôtre i)lacées dans un assez grand nombre de sanctuaires. 11 est
surprenant qu'aucun autre exenijtlaire ne nous soit parvenu. Pour com-
pléter les lacunes de la pierre de Kosette, nous disposons de ressources
assez médiocres : 1° Un décret postérieur de 18 ans, gravé sur la muraille
du temple d'Isis à Philae. Le texte, en très mauvais état, reproduit, avec
quelques modifications, les versions Iiiéroglypliiciue et démotique de Kosette.
2° Une stèle, hiéroglyphique seulement, trouvée à Nebireh, près de Daman-
liour et <iui, après un protocole emprunté à un autre décret postérieur de
deux ans au précédent, reproduit, en omettant des passages entiers, le texte
niéiiie du décret de Memphis. C'est visiblement une copie mal établie d'après
un exemplaire en fort mauvais état.
La comparaison des trois versions en langue et écriture différentes peryiet
d'établir que le décret avait d'abord été rédigé en langue égyptienne (dé-
motique) par le synode, traduit en grec, puis soumis sous cette forme à
l'approbation de l'administration grecciue qui aurait modifié quelques dé-
tails. Ces corrections auraient été reportées dans le texte démotitiue actuel.
Enfin la traduction en hiéroglyphes aurait été élaborée par ([uelque prêtre
connaissant bien la langue ancienne.
(1) 1758 — 1838 Français. (2) 1760-1819 Suédois.
104 INTRODUCTION A LÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
pour des symboles^, voire des énigmes^ chaque signe représen-
tant une idée. Avec une telle notion des choses, le jugement
correct porté sur la langue ne pouvait être à peu près d'au-
cune utilité. D'autre part, on accentuait plus que de raison
les différences entre les deux écritures juxtaposées sur la pierre
de Rosette, en faisant du démotique une écriture purement
phonétique et même alphabétique. Le secours k tirer éven-
tuellement de la version démotique, presque complète, se trou-
vait réduit d'autant. Un autre écueil d'abord insoupçonné se
cachait sous la multiplication des signes à l'époque gréco-
romaine, entraînant de fréquents doubles emplois qui risquaient
de faire échouer les vérifications les plus convaincantes.
Enfin, la plus précieuse ressource des déchiffreurs, les noms
propres, ou plutôt ici l'unique nom propre, pouvait demeurer
inefficace, ce nom étant étranger et peut être transcrit dans
une autre notation que le contexte. Cette idée, vraie en partie,
se présente naturellement, et d'ailleurs les systèmes de crypto-
graphie les plus modernes emploient volontiers aussi, pour les
mots étrangers, des procédés plus analytiques que pour le
reste du discours.
C'est spécialement sur ces questions que le génie intuitif de
Champolliox s'est exercé. De très bonne heure, il acquit
la conviction que les éléments grammaticaux conservés dans
le copte se devaient retrouver, notés phonétiquement, dans les
textes hiéroglyphiques. Remontant de q k '^^^^ par l'inter-
médiaire des formes cursives, il parvint, dès 1818, k identifier
le pronom de la 3*^ pers. masc. sing.' dans le décret de Rosette.
En décembre 1821, ayant eu l'idée de compter les signes hiéro-
glyphiques de la partie conservée du texte, il constata que leur
nombre dépassait de beaucoup celui des mots de la version
grecque. (1) Donc, .impossibilité d'admettre que chaque signe
(1) Les 18 lignes du grec correspondant aux 14 du texte hiéroglyphique
conservé fournissent environ 486 mots pour 1419 signes.
CHAP. VIII : LE DÉCHIFFREMENT. 105
représente une idée. Enfin, en septembre 1822, il remarqua
dans les deux noms propres égyptiens Thotmès et Ramsès la
présence de l'élément phonétique 1 qu'il connaissait par ailleurs.
Ainsi fut-il amené progressivement à une juste conception du
système hiéroglyphique : un mélange d'éléments idéographiques
et phonétiques.
D'un autre côté, grâce à ses travaux préparatoires, purement
matériels, sur les cursives, qui lui avaient fait reconnaître dans
l'hiératique le trait d'union entre les hiéroglyphes et le dé-
motique, il comprit que ces deux écritures, quelles qu'en soient
les dissemblances, n'étaient pas opposées dans leur principe.
On pouvait donc appliquer à l'une des variétés quelques-uns
des résultats obtenus pour l'autre.
III. Le démarrage a été amorcé par l'abbé Barthélémy
et ZoËGA quand ils remarquèrent que les « cartouches > Q con-
tenaient des noms de rois. L'application en aurait pu être
faite à la pierre de Rosette dès sa découverte, car elle pré-
sente jusqu'à six exemples, dont quatre intacts, du nom de
Ptolémée enfermé dans un cartouche. Bien que le nom grec
correspondant au cartouche final soit perdu dans une lacune,
et que le démotique donne là simplement «Pharaon», aucun
doute ne pouvait subsister. Une petite complication résultait
de la présence, dans trois exemples, des groupes adventices
■y X^ 5 \ M^J" ^J^'s le hasard fournissait là un excellent
moyen de vérification, car les deux premières lettres du nom
de Ptolémée, D et c, s'y retrouvent dans celui de Ptah, alors
qu'à plusieurs reprises le souverain est qualifié de alcovô^ioç,
vnè Tov Oââ i]-/ajti]uévoq. En outre, cet élément pouvait s'éli-
miner facilement par soustraction et il restait quatre fois
^|~_300 '; avec une orthographe invariable. Le démarrage
était pour ainsi dire automatique.
106 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Le texte démotique étant le mieux conservé, on put repérer,
par simple mensuration, les groupes correspondant à Ptolémée.
C'est ce que firent S. de Sagï' et Akeeblad dès 1802. Comme
on n'avait pas de préjugé contre la nature phonétique des
signes démotiques, on lut alphabétiquement et exactement
PtJomis.
Malgré ces facilités relatives, l'idée dune écriture symbolique
était si ancrée dans l'esprit des chercheurs qu'ils ont longtemps
fait fausse route. Ce que nous admirons le plus aujourd'hui
dans cette partie de la découverte c'est qu'il ait fallu faire
tant de détours pour y parvenir. Young, après un heureux
départ, s'est arrêté en chemin, tant il est vrai qu'un démarrage
ne se montre efficace que s'il est de tous points exact et si
la deuxième condition signalée plus haut est remplie. Cham-
POLLiois' a eu, lui aussi, beaucoup de peine à se convaincre de
la nature alphabétique de tous les éléments du nom de Pto-
lémée. Il lui a fallu remonter des signes démotiques aux hiéro-
glyphiques par l'intermédiaire des formes hiératiques. Aussi
peut-on dire qu'en pareille matière, le démarrage type, vrai-
ment génial, est celui des cunéiformes, dû à l'allemand Gro-
tefe^'d(I), tandis que, toutes proportions gardées, c'est l'œuvre
de l'anglais Rawlinsox (2) qui, par l'étendue des résultats, se
peut le mieux comparer k celle de Champolliox.
Là oîi les difficultés ont commencé, c'est quand il s'est agi
de faire la première application du groupe démarrant, opération
qui devait permettre de le contrôler et, si besoin était, de le
rectifier dans les détails.
Pour le démotique, les ressources ne faisaient pas défaut.
En plus des noms royaux, Alexandre, Arsinoé, Bérénice, le
(1) 177.') — 1853. (2) 1810 — 1895.
CHAP. VIII : LE DÉCHIFFREMENT. 107
début du texte fournit toute une série de noms grecs transcrits :
Aétos, Pyrrha, Pliilinos, Aréia, Diogène, Irène. On put ainsi
compléter l'alphabet sans trop de peine.
Si la version liiéroglypliique avait été conservée au mémo
endroit, le déchiffrement en eût été grandement facilité. Mais
elle ne présente pas dautre cartouche que celui de Ptolémée.
Le hasard s'est acharné contre les chercheurs, en enlevant
encore le cartouche dArsinoé qui devait figurer au début de
la ligne 8. Donc, aucun moyen de contrôle immédiat, en dehors
du nom de Ptah, déjà signalé, lequel, par une autre male-
chance, ne s'écrit pas alphabétiquement en démotique. Si bien
que YouNG a pris 9 pour «aimév et V> {1 [1 pour «Ptah».
Il fallut donc recourir à d'autres monuments, rares et plus
ou moins exactement publiés. Youxg, dans le grand ouvrage
de la Commission d'Egypte, devina le nom de Bérénice gravé
sur un plafond de Karnak. Mais ce cartouche ne pouvait
servir à la vérification, n'ayant qu'un seul caractère commun
avec celui de Ptolémée, (][1. Ce qui montre le mieux l'inanité
de la méthode de Young, supposé qu'elle mérite ce nom,
c'est qu'il échoua devant le nom de Cléoprâtre, alors que les
meilleures conditions se trouvaient réunies. L'identification du
cartouche était certifiée par une inscription grecque, tandis
que Cléopâtre et Ptolémée ont trois lettres communes : _S:a,,
X] et n. Poursuivant ses inductions fantaisistes, Young a vu
Arsinoé Evergète là oîi il y avait Autocrator Caesar.
On ne saurait trop admirer la sûreté de méthode avec laquelle
CiiAMPOLLiOïs' a rendu sa découverte évidente et l'a étendue
de proche en proche. Parti de l'idée juste de la nature
alphabétique attribuée au nom hiéroglyphique de Ptolémée,
il en eut la confirmation partielle grâce à de.s noms comme
Cléopâtre, Alexandre, etc. Mais aussitôt on se heurtait à une
108 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
difficulté, la représentation multiple, obstacle bien connu des
clîiffreurs. Champolliox sut l'écarter avec une remarquable
richesse de moyens. Le son k est rendu par A dans Cléopâtre
et par ^:c3^ dans Alexandre. Mais le premier nom, fourni en
outre par un papyrus démotique, présente l'équivalent cursif
de ^^rr^î. La désinence s de Ptolémée a la forme 1, tandis que
— ^- vaut s dans Alexandre. Mais si l'on compare deux pa-
pyrus funéraires offrant le même passage, on y relève des
échanges fréquents entre |1 et — »— . Les sous représentés par
<cz=> et _2:ss paraissent interchangeables, mais p et TV. ne le
sont-ils pas en effet d'un dialecte copte à Tautre '? On conçoit
que, s'appuyant sur de telles preuves, Champollion ne se soit
plus laissé arrêter par d'autres cas analogues et qu'il ait pu
dresser son alphabet en tenant compte des «homophones». En
lisant un grand nombre de noms et surnoms de Ptolémées et
d'empereurs, tous entourés du cartouche, il a rendu sa dé-
monstration irréfutable.
Le cartouche était-il l'indice d'une notation alphabétique spé-
ciale aux noms des souverains étrangers ? Non, car sur l'obé-
isque Barberini, portant les cartouches d'Hadrien et de Sabine^
on lit, dans le même système et en l'absence de cartouche, le
nom d'Antinotis. De même, l'obélisque de Bénévent montre,
dans des conditions analogues aux précédentes, les noms de
l'empereur Domitien et de Lucilius Rufus. Grâce aux obé-
lisques Borgia et Albani, Champollion obtint le nom de
Sextus Africanus.
Il n'est pas jusqu'à la représentation multiple, pierre d'achoppe-
ment pour d'autres, que Champollion n'ait habilement utilisée
pour exploiter sa découverte et parer à cette objection que le
système alphabétique pouvait être réservé aux noms grecs et
romains. Mettant en parallèle des passages de papyrus funé-
raires de teneur identique, aux noms des défunts près, il dressa
CHAP. VIII : LE DÉCHIFFREMENT. 109
un tableau des homophones qui se trouva reproduire le pré-
cédent, fourni par les noms propres. D'où cette conclusion
naturelle que les mêmes signes avaient le même emploi phoné-
tique partout où ils se rencontraient. Autrement il eût fallu
admettre en même temps la coïncidence de leurs valeurs idéo-
graphiques, effet de hasard défiant toutes les probabilités.
Partant de ce principe, Champollion recherche la valeur des
groupes qui se répètent à satiété sur les stèles funéraires et
manifestement indiquent la filiation : ^;:*, « fils » ; fTl 1 « né
de»; y\ «mère». Il parvient alors k repérer |T| '; OOTMïce,
correspondant à yeré&lia dans le texte de Rosette. De là il
passe aux articles, pronoms, prépositions, etc., dont la pro-
nonciation était contrôlée par le copte.
Ensuite, il s'attaque aux noms divins, reeonnaissables à ce
qu'ils paraissent souvent en tête de formule après le groupe
ir°^ 4 «paroles prononcées par», et il retrouve ainsi les
U \ /VAAAAA
noms connus de Râ. Amon, Chnoubis, Ptali, Satis, Anoukis,
Anubis, etc.
Puis viennent les noms propres de particuliers indigènes,
dont beaucoup d'ailleurs sont formés sur des noms de divinités.
Le système s'y maintient intact, permettant de lire des noms
déjà connus par des transcriptions grecques.
Pour montrer que les résultats conviennent aux textes pha-
raoniques antérieurs à Cambyse, il en est fait application aux
titres royaux rencontrés sur des monuments qui, manifeste-
ment, remontent à des époques reculées. Ces titres s'y re-
trouvent sous la même forme qu'aux temps gréco-romains. Ici
CiiAMPOLLiON fait l'usage le plus judicieux du texte d'HER-
:mapion.
Enfin, il complète sa démonstration en recherchant les
noms des souverains eux-mêmes. 11 remonte ainsi des Ptolé-
mées aux Perses et aux rois indigènes révoltés contre eux ;
110 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Artaxerxès, Xerxès^ Darius^ Cambyse^ Hakoris^ Néphoritès ;
puis aux Pharaons antérieurs k la conquête, Psammétique,
Osorkon, Slieshonq ; et jusqu'aux Aménophis et Thoutmosis. Il
aurait encore atteint le Moyen Empire si le nom lu Osortasen
sur l'obélisque d'Héliopolis n'avait présenté plus de ressem-
blance apparente avec Osorthros de la XXIIP dynastie, qu'avec
Sésostris de la XIP. Ses notes inédites semblent d'ailleurs
montrer qu'il opéra par la suite la rectification. En tous cas
il réussit à lire Khéops, en lui assignant son véritable rang-,
donc k toucher aux débuts même de l'histoire.
Dans tout cet exposé relatif aux hiéroglyphes phonétiques
on n'a guère k relever, après un siècle, que quelques erreurs
dont deux seulement touchent aux principes :
1" Attribution dune valeur purement alphabétique a des
signes multilitères comme ] iv{sr) ; ^ //(>•) ; t — r et y^ m{r) ;
i^ m{n) ; | m{s) ; | s(n) ■ .^ (h)ôitp).
Nulle méprise n'est plus excusable, étant d'ailleurs partielle,
puisque, dès l'époque grecque, il y a redondance de l'élément
alphabétique. En particulier Champolliok avait trouvé •; — r =
m dans le cartouche de Domitien. Et le verbe «aimer» n'est-
il pas M.Ç. en copte ?
2** Dérivation des signes alphabétiques par acrophonie. Quand,
par exemple, pour 'vczps, Champolliox invoque trois mots :
ueAcoTV., KHIRI2S.I, ïies.22.1, désignant des vases, il infirme sa
preuve plutôt qu'il ne la renforce (1). Cependant, nous l'avons
(1) Si ces deux propositions ne sont plus conformes aux idées reçues, la
fausseté n'en est point tellement évidente que tout dernièrement un savant
ne les ait reprises, admettant que parfois j ^ ?i ; "T" = ^ — " ; i"""'i = m.
Pour l'acrophonie, l'exemple invoqué ^|\ = jsv(oTÀekac), «chouette», est
peu heureux, car le mot n'est connu dans le système hiéroglyphique, et
cela dans le plus récent des papyrus démotiques, que sous la forme
*cavotAi5c..
CHAP. VIII : LE DÉCHIFFREMENT. 111
vu, le procédé acrophonique n'est pas entièrement inconnu des
basses époques.
*
* *
Quant aux caractères idéographiques qui se trouvent cons-
tamment mélangés aux «alpliabétiques», Champollion les
étudie en se basant sur les textes de Clément d'Alexandrie
et d'FToRAPOLLON. Chez ce dernier il a su discerner les pro-
duits de la fantaisie et il les a rapportés à la classe des
« anaglyphes » . Il disting'ue :
1° Des caractères figuratifs, «qui, par leurs formes maté-
rielles, sont une image des objets mêmes dont ils expriment
l'idée». Il en retrouve plusieurs dans l'inscription de Ivosette :
^ v«dg; U] «r/twv; % ^ôavov : ^ ré/.vov \ JL àa7rlç-^ fj
GtrjXr].
Ailleurs aussi : l'image d'un sphinx, d'un colosse ou d'un
obélisque dans les inscriptions de ces mômes monuments ou
de leurs socles ; la main ^^Za, suivie d'un chiffre, à côté d'une
scène de recensement des mains coupées après la bataille ;
l'expression -^^ «vaisseau de», suivie d'un nom de divinité,
dans les légendes accompagnant les représentations de barques
divines, etc.
2° Des caractères symboliques. Il en a été parlé au clia-
pitre I"'. Un groupe spécial est formé par les hiéroglyphes
symboliques énigmatiques, particulièrement «ceux qui, dans
les textes égyptiens, tiennent la place des noms propres des
différentes divinités», images du dieu, avec ses attributs distinc-
tifs, de l'animal sacré, d'êtres hybrides participant des deux
natures, humaine et animale, d'objets de culte, etc.
3** Des signes d'espèce ou déterminatifs, qui suivent des
mots écrits phonétiquement. Outre ^ et Jj, accompagnement
112 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
habituel des noms propres d'hommes et de femmes, Cham-
POLLION en a reconnu un grand nombre et ces précieux élé-
ments lui ont permis d'identifier des mots au milieu d'un texte
resté d'abord incompris. En effet;, si rencontrant par exemple
la séquence des signes ^i ' v^' °^^ conjecture avoir affaire
au mot À\.cô<o «crocodile», on acquiert une certitude en trou-
vant le mot déterminé par <S3:=.. Si un mot ne s"est pas conservé
en copte, son déterminatif fournit souvent une probabilité suf-
fisante. C'est surtout ainsi que Champollion réussit à traduire
des textes et à composer un volumineux dictionnaire.
Sur la question délicate des rapports entre les signes, soit
figuratifs, soit symboliques, et la langue parlée, voici quelle
semble avoir été, avec des fluctuations, la marche générale de
la pensée de Champollion. A l'époque où presque tout le
monde croyait à la contexture purement idéographique du
système, il soutenait que les hiéroglyphes pouvaient et devaient
être lus, et que leur succession répondait à celle des éléments
du discours. Lorsqu'il se trouva en possession de son « alphabet
des hiéroglyphes phonétiques», il en vint naturellement à la
conception d'une écriture «peignant tantôt les idées et tantôt
les sons d'une langue» (1). Il disait encore que le système
« parvint bientôt à se lier intimement avec la langue parlée en
s'accroissant d'un troisième ordre de signes [les phonétiques],
d'une nature fort différente de celle des deux autres [les figu-
ratifs et les tropiques] » (2). L'aboutissement de ses méditations
sur ce point doit être recherché dans sa Grammaire, posthume
(§ 68 sqq.), où, après avoir parlé des signes phonétiques, il
admet que «la même liaison, mais moins directe, exista égale-
ment entre la langue parlée et les signes figtiratifs'» ou tro-
piques, car «on attribua, pour ainsi dire, k chacun de ces signes
(1) Lettre à Dacier, 2« éd., p. 41. (2) Précis, 2« éd., p. 321.
CHAP. VIII : LE DÉCHIFFREMENT. 113
un mot de la langue parlée, exprimant par le sou précisément
la même idée que le caractère rappelait». On voit qu'en cette
matière, comme nous l'avons déjà observé (p. 15 sq.), la science
moderne a réalisé un certain progrès de principe, en remettant
les choses dans l'ordre et en faisant du mot l'intermédiaire
naturel entre Vidée et le signe visible.
Le déchiffrement une fois amorcé, Champollion donna l'essor
à son génie. La tâche accomplie dans les dix années qui ont
séparé sa découverte de sa mort est, à la lettre, stuj^ante.
Ses successeurs n'ont eu qu'à compléter et rectifier des détails
du déchiffrement dont tous les principes restaient acquis, et h
l'exploiter dans toutes les branches de la science archéolo-
gique (1).
Ce succès foudroyant est dû en partie au fait que Cham-
pollion se savait, dès l'enfance, prédestiné à parfaire le grand
œuvre du déchiffrement. Il avait étudié la question sous toutes
ses faces et envisagé à peu près toutes les hypothèses possibles.
Lorsqu'il eut enfin acquis une certitude, avec son alphabet, il
fut 11 même de dégager ce qui, dans ses spéculations anté-
rieures, se révélait conforme à la vérité. Il se trouva, par là
même, en possession d'un arsenal de moyens incomparable.
La découverte de 1822 avait été différée par une série d'acci-
dents : insuffisance des sources, mauvais état des matériaux,
inexactitude des publications, retards dans l'envoi des copies,
alors que d'autres chercheurs disposaient des originaux, etc.
Champollion allait quand même de l'avant, tel un stratège
qui tourne et dépasse l'obstacle, tout en l'attaquant de front.
N'a-t-il pas eu la superbe audace de tenter la synthèse du
(1) Des jaloux ont longtemps refusé de se rendre à l'évidence. Les
nommer ici serait leur taire trop d'honneur.
Sottas-Drioton. 8
114 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
mot hiéroglyphique, recherchant, pour chaque signe, le terme
copte approprié et reconstituant les noms propres en hiéro-
glyphes d'après leur graphie démotique ? Et tombant juste !
Tant de hardiesse, jointe à tant d'habileté réfléchie et univer-
sellement informée, voilà qui fait penser au génie de «l'Autre».
Ceux qui, par flatterie, puis par dérision, ont usé de l'amal-
game Champoléon ne croyaient pas si bien dire.
Pour le déraotique, qui avait servi de point de départ, les
progrès étaient moins étendus. Il est juste d'associer au nom
de CiiAMPOLLiox celui d'HEixRiCH Brugsch(I) qui, avec une
rapidi# surprenante, lui aussi, parvint à mettre sur pied une
grammaire (1855) qui n'a pas encore été remplacée et la tra-
duction (1867) presque correcte d'un long morceau. Mais déjà
le grand ouvrage démotique de Champolliox, terminé en 1822,
malheureusement demeuré inédit et longtemps ignoré, avait
avancé, dans une proportion notable, le défrichement de ce
domaine broussailleux.
La personnalité de Champollion nous apparaît comme grou-
pant harmonieusement les trois qualités maîtresses du grand
inventeur : curiosité toujours sn éveil ; imagination féconde et
créatrice ; esprit critique empêchant cette dernière faculté de
se dévoyer. A ce bel équilibre, si rarement réalisé, nous devons
de célébrer cette année, après cent ans, un événement consi-
dérable dans l'ordre intellectuel, magnifique fleuron ii la cou-
ronne de e:loire de notre belle France.
Extrait bibliographique et références justificatives.
M. Brkal, Sur le déchiffrement des^ inscr'qjfions chypriotes, ap.
Jorirnal des Savants (1877). — C. Bezold, Niniv nnd Bahïjlon
{\) 1827—1894. Allemana.
CHAP. VIII : LE DÉCHIFFREMENT. 115
(1909). — P. Valeeio, De la cryptograpliie (2^ partie; 1916).
— A. EK:srAN, Die Oheliskeniihersetzung des Hermapion, ap.
Sitzungsherichte der Berliner Akademie (1914), — K. Sethe,
Zur Geschichte tond Erklcirung der Rosettana, ap. Nachrichten
Gottingen (1916). — J. F. Champolliox, ouvrages cités p. 19 et
53. — H. Haetleben, Champollion, sein Leben und sein Werk
(1906). — A. EkmaN; Wortforschung, III (cf. p. 44). — H. Sottas,
Préface de la Lettre à M. Dacier, édition du Centenaire (sep-
tembre 1922; Paris, Geuthner) (1).
(1) Ce travail développe plusieurs ((uestions abordées dans le présent
chapitre. On y trouvera notamment de nouvelles considérations sur la ma-
nière dont CuAMPOLi.iON a pu déchiffrer les cartouches de Ptolémée et de
Cléopâtre.
8*
116
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
Tableau détaillé des principaux hiérogh^phes (1).
dieu acfioupi
Râ
Aniou
Osiris
la Justice
homme assis
femme assise
enfant assis
Hiéro-
^'aleur comme
Description gly- signes
phes I pbo-
nétiques
Signes-racines
Signes
déterminatifs
I. Personnages divins.
(ymn) \ l\
(wsr) n
{m", t)
— j: I
<■■ Râ :>
«Amou:>
« Osiris >
;la Justice:)
divinité mascu-
line
(2)
II, Personnages humains.
(hrd)
I <liomme:> homme
1
^ «enfii
femme >
femme
enfant
(1) Cf. ci-dessus, p. 18 sq. Dans la colonne signe-racine, chaque racine est
représentée par le mot répondant à la valeur figurative du signe d'écriture,
ou, si ce mot n'est pas attesté, par celui dont le .sens paraît le plus voisin.
(2) Tous les dieux et déesses du Pantliéon égyptien peuvent s'exprimer
par un liiéroglj-phe, qui les rcpré.sente munis de leurs attributs distinctifs.
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. HT
Descriptiou Hier.
feignes
pho-
nétiques
Situes-racines :
Sigues_
déterminatifs :
liomnie assis et por-
tant la main à sa
boufhe
homme assis et bii-
vaut
homme assis K's
bras balhints
homme assis por-
tant un fardeau
@
homme à <;enoux
faisant un geste
de louange
homme à genoux
faisant un geste
d'adoration
homme à genoux
versant de l'eau
homme à genoux
versant de l'eau
sur une dalle
homme assis élevant
les bras en signe
d'admiration
homme agenouillé
frappant du bâton
homme agenouillé
se frappant de la
haelie
}^
{fswr)
(..V)
m
id.
U
actions de la
bouche :
alimentation.
])arole, iVoh
pensée
«boire» ' boire, soif
I repos, faiblesse
7\ (■■ porter» porter, charger
^ « char-
^) ger »
« travail»
louau<;e
adoiat ion
^--n'
fier »
une libation»
million »
id.
ennemi,
chose funeste
id.
118
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
Description
bigries
Hier. I pho-
nétiques
Signes-racines :
Signes
déterminatifs
homme à genoux,
les bras liés der-
rière le dos
archer agenouillé
soldat assis
homme assis tenant
unehoulette et un
manteau roulé
personnage assis
portant les insi-
gnes de la royauté
homme appelant
homme appelant en
courant
homme adorant
homme levant les
bras au ciel
homme jetant les
bras en arrière
homme s'inelinant
profondément
homme dansant
homme tombant
homme les bras liés
derrière le dos
t
ï
r^
{ms')
id.
(0
yn
{dw')
(2)
ib'-)
id.
prisonnier,
condamné,
étranger
id.
^
« garder »
n î'c )( «adorer
^-^ ji mations
% ï"
élever »
S^^^ « tomber :
interpeller
adoration,' glori
fication
élever, jubiler
répulsion
se courber, hu-
miliation
danser
chute
prisonnier,
étranger
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 119
Doscriptiou Hier.
isignes
] pho-
nétiques
Siiïues-raciaos
Sig'ues
déterminatifs
honmie frappant de
la massue
homme fraj)paiit du
bâtou
liomme portant un
bâton ot un man-
teau roulé
homme «'appuyant
.sur un bâton
homme tenant une
canne d'Imnneur
roi muni de ses in-
signes
magou
femme assi.se por-
tant un diadème
femme assi.setenant
. . . C?) . . .
femme enceinte
femme iMifantant
fennne allaitant
femme berçant un
enfant
{vivyw)
(!/'«')
[smsw)
(wr)
{sr)
[smsw)
{yty)
{qd)
{yy)
{ms)
(rnn)
«battre»
t^^^f\X
M
«bercer:
« "rand :
action qui exige
de la force
vieillesse
personnage im-
« prince»
mM
aine»
O
« mouartiue»
gia «bâtir >
c<(]ui a raj)-
\\ Ml port à . . . :>
en-
te»
portant
déesse, femme de
condition
AA/SA/\A
AAAAAA
«enfanter»
« élever (un
enfant) »
enfanter
allaiter
élever un enfant
120
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
Description 1 Hier.
Signes
! pho-
nétiques
Sigiies-raciues
Sipue.s
détermiuatif.f
momie dressée
momie couciiée
momie d'homme as-
sise tenant un fléau
momie de femme
assise tenant un
lotus
momie assi.se sur un
siège, tenant ou
non un fléau
\==èD
(tiot)
{sps)
Ci V\Q
: statue ;
; être hono-
rable »
III. Parties du corps humain.
visage barbu vu de
profil
visage barbu vu de
face
mèche de cheveux
œil
œil avec cils
œil i)leurant
^
{zz'J
ip
^
hr
^^
{m)
{wsr)
<2>-
yr
{m")
-^
1
'il
^
rm
^
«têtes
tas _CEN^6ii; _ui\^ I
Ci
S\ « tête, sommet
^ <:visa<re»
->•
"-^^ <: clievelure»
"-^jx c chauve »
s œil »
J^^ cjoli:
momie, statue,
état
momie,
être couché
défunt de condi-
tion
défunte de con-
dition
défunt de con-
dition
tête, mouvement
de la tête
chevelure,
couleur,
deuil
^
« pleu-
rer»
œil, vision,
jolie.s.se
pleurer
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 121
Description j Hier.
Signes
pho-
nétiques
Si'zuos-raciiies
Signes
déterniinatifs ;
œil fardé
partie du préiédent v^-~~^
deux prunelle.* o o
nez
1
bouche "= — =>
niâclioiro>^, schéma-
liséet
lèvre, avec ou sans
dents
y"^
bouche qui crache /
! '^— <
langue . I I
côte
vertèbres (?)
même signe écrit
cursivement
^
{wz)
ly
{m")
hnt
(fnz)
{Sr)
«œil
divin »
'^ U ^ 1^^-j < partie»
— ^ K^ k\ <^ ^'oir *
AAAAAA
I v\ I
^
sp
ns
spr
(psz)
id.
■^2
AAAAAA itJ -i
fia o
£) « nez »
£) « nez V
Ci f) c nez »
> I A bouclie»
: lèvre»
nez,
respiration,
joie
|1 1^ Uauf
k^ — < «le direc
c^l teur»(l
)
< côté »
« dos »
id.
sputatiou,
excrétion
couper
id.
(1) Jeu d'écriture : <: qui e.st dans la bouche » ; puis : « qui a la bouche
(la parole) ». Cf. A. Z., XL, p. 142 ; LU, p. 107.
122 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
tiLines
Hier, j pho-
nétiques
Signes-racines
Signes
déterminatifs
poumons
mamelle
cœur suspendu par
une artère
bras
bras avec la main
pendante on re-
tournée
bras armé d'un os
de mouton
bras présentant un
pain
bras présentant un
gâteau
bras présentant un
vase
I
sni
^
(ninz)
{mn)
o
yh
A
nfv
,. n
'
[rdy)
^ n
(nnn)
r. (\
(mil)
{grh)
ih»)
^ Q
(vhf.)
A. _û
{rdy)
{dy)
û ./)
m y
a _n
(Imk)
'77 X ? ■ poumons ;>
mamelle,
nielle :> j allaiter
àwvÂa \^ « allaiter »
y
« bon )
action manuelle
I « bras »
donner ■>
, porter sur
_ e'paule:) j ,,
i'"""i 1 épaule.
°«=K. ,.-, û «coudée»
^ X ^ fl « cesser :>
^ û « chanter »
^ D « fort :> action manuelle
« donuei* ■■>
« donner »
iX B "■ donner »
«of-
frande»
donner
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 123
Doser iptiou
ï-igi es
Hier. pbo-
inétiques
Sio'ues-raciues :
Signes
détormiuatifs :
bras tenant un
sceptre
bras tenant un fléau
bras tenant une
massue
bras élevés
bras tendus en
avant
bras étendus laté-
ralement les
paumes vers le haut
bras maniant une
rame
bras tenant une
hache et un bou-
clier
nui in vue de face
nuiin vue de ])ro(il
la i)aunie vers le
haut
main vue de profil
la paume vers le
bas
poing
Wl
zsr
L-J
[hio ')
y
ih'-p)
u
k'
0
«^j^-^
n
(ywt)
^
hn
Q£x
m
^
d
"i^::^
[zr)
<;s^
kp
Cri
ibf)
Cm)
Y}<=^%^
blime;î
«protéger»
«donner le
□ ^f^ ])remier
coup à la victiTiiea
I 1 I '■ génie /c*»
soutenir
^-A-^
iiéijnlion
i _2r 0 liégatij
/>AAAA;
combattre»
o "v^ig^ « main »
<^SXi «nuiin »
étreindre,
diviser
"Ci^ -< poing :> poing, saisir
l^e. «saisir.
124 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description Hier
signes
pho-
nétiques
Sicues-raciiios
Signes
déterminatifs :
doigt vertical
deux doigts verti-
caux
doiut horizontal
intestins (?)
phallus (^organe)
phallus {fonction)
organes féminins
id.
jambe allongée
'^
K)
<^^
(9)
(vitr)
^
(t'y)
{dqr)
. )
(Qf')
(ph,-)
{Mn)
(iczh)
' — u)
mt
f Lu
{h'h)
ik')
«>-='
h
^ .
h m
r
h
Jl
: doigt '
. mettre
A
en équilibre
^=0)
« témoigner »
équilibre,
équité, justice,
témoianage
ooo
A
J
D
autours
J
I fruits.)
«intes-
tins»
«cir-
culer
id.
IJ
id.
'=u)
( — Lu «phal-
1 lus»
\ j ' Lu «taureau»
»— =■ «ventre»
I
\^ Ci «femme»
virilité, géné-
ration
virilité, géné-
ration,
urine
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 125
Description
Hier.
Signes
pho-
nétiques
Siffues-racinos
Signes
déterminatifs
jambe pliée
jambe pliéo et cou-
teau
paire de jambes al-
lant en a\ant_(l)
paire de jambes al-
lant en arrière
lambeau de chair
1
iw'r)
{rd)
%
^
{th)
A
(yu)
(.(/»")
/V
('»)
^
(y«/)
^ )
ih')
Ci ^ e jambe::
^ « pied >
^ \{C « transore.s-
ra Jr ^er»
jambe, action
de la jambe
transgression
mouvement
(| A V:> «venir»
A_ < retourner ' retour, recul
M '^ *; — Û «cliair» , chair, membres
X ,3 D ^ .meml)re"
IV. Mammifères.
taureau
vache
5^
i'c')
il/h)
iy»^'}
{»9')
^
(k'.i)
{yh-t)
i''') I M ^ «taureau.
f=Gi
A P y. , «tête de bé-
4i5f^ taiU
AAAAAA «^
I «vache»
taureau, gros bé-
tail
vache
(1) Sur le signe A en composition cf. p. .'{3 : i U i sm « aller > ;
jjs, sy {'?) « aller » ; A yw, « amener » ; °-jy^ >jty « prendre » ; ^^^
« conduire ».
126 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
~
T-. . . Siennes
Description ; Hier. pho-
nétiques
s ignés- racines :
Signes
déterminatifs :
T"
veau
1B
{hh»)
JLfe?^^^''''''"^'
i
1
1
animal nouveau né
^
yw
gazelle
h
ighs)
S|P ^ ^gazelle*
gazelle, anti-
lope, chèvt-e.
gazelle portant un
Collier à cylindre
hî
ish)
^ — ° l^^'''^^*^^^*
petit bétail
bubale
^
(Si)
«bubale»
chevreau dansant
^
yh
Jj ^^ 'savoir soif»
bélier
t5?
[sr)
(hnm)
v7 ^^ «bélier sacré»
«Khnouni»
cheval
H
(sum.t)
(k/r)
«cheval»
|^_^^|^<: attelage.
cavalerie, atte-
lage
félin
yS'
(qnd)
^ r*w-f? «t^trc en .
ç-^;^ JfJi eo ère:>
chacal passant
^
ih
^j -^ «chacal.
chacal couché
H
{y"p)
wp to\
lot)
1 D Jr bis» 1
«le tlieu qui ouvre les '
cheniiiis»
1
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 127
Description Hier.
Signes
pho-
nétiques
Sii;iies-raciiies
Signes
déterminatifs
chacal couché sur
une chapelle
lion passant
lion couché
t;irafe
aniinnl ty|>lionien
M\
{>/np)
{hry-
sst')
3^
("»V)
_2^
rw
h
SI'
\
■^^
tcn
^
(■'0
{nën)
<Anubis>;
.sesseur du secret •
cf.
"irafev
«dis-
poser»
^^^ «nome du
^ Lièvre»
1 1 1 1 1
)y
r.Set»
f effroi»
tête de taureau
tête de veau
tête de taureau avec
son œsophage
V. Membres de mammifères.
^ aliré\iat ion de >Ç5|
i£f cf. i>. 121, nez iiunuiin
{'m) ^ — D ^ J «avaler»
chose funeste
tête de bubale
protonié de bubale
^
{W
cf.
id
128 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Descriptiou
feignes
Hier. , pho-
jnétiques
Sijiues-raciues
Signes
déterminatifs ;
protomé de bélier
tête de liou
protomé de liou
tête d'hippopotame
I 'v'v I
^ I W)
^M
iV)
^M
i ^ «puissance»
1=^ <: vaillance
«partie
V i'>p> yp
emblème à cornes
T
défense d'éléphant
côté des moustaches
d'un animal (?)
régularisation du
signe précédent
dent canine
oreille de bovidé
\>
(yw)
'b
(db)
bJf,
hw
ym
(mszr)
{szm)
(ydn)
V
I antérieure»
^^ < instant»
^ « sommet,
I front::
vN ^ «ouvrir»
«touc-
tion»
opposition,
inimitié
'^~~-^ Il \v «corne:> |
(] () 8 _ ,dent» ! «P'^i-ation de la
S J A ! bouche
S
aliment»
«côté
id.
forme tardive de
M 1 ^ «oreille» i écouter, surdité
v^ «remjjlacer»
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES 129
Description
Signes
Hier. pho-
nétiques
Signes-racines :
Signes |
déterminatifs :
organes femelles
arrière-train d'un
animal couché
_^
cuissot
fémur entouré de
chair
jambe d'unguipNle
le viênie nurmonlé
d'un X
queue d'animal
peau d'animal
peau mouchetée
d'animal
peau servant de
cible
trois peaux d'ani-
mal réunies par
la tête (stylisé)
Sottas-Driolon.
//'^^
1^
T
pfi
(hpë)
{yw)
whm
whm
{sd)
U
_^
z^ «femelle»
(2 «arrière-
\\ train»
A — teindre»
.^
«arrière-train»
® D «cuissot,
bras, force»
mu-
ion»
(«0
«jambe»
i ^^ !y néruti
I «jambe, sabot»
X ©.
«répéter»
=3 «ipieue»
PÏJf
t moucheté»
souvent confondu avec
le précédent
I i:^ ïï «lancer»
«naître»
quadrupède
130 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
bignes
Hier. pho-
nétiques
Siffues-raciues
Signes
déterminatifs
cuir d'animal
outre liée et gonflée
vautour égyptien
vautour gyps
faucon
faucon sur son
perchoir
faucon sur l'éten-
tard de l'occident
faucon sur un per-
choir planté dans
le signe qui dési-
gne la nécropole
fauc-oii luoiuilié
aiiik
c*=<k
hn /TTi
éd
c*=^
:< outre»
5 outre 3
VI. Volatiles.
tyw
employé
aussi pour
AAyWNA
(hr)
{ntr)
«vautour»
c^ «mère»
>Horus»
i'hm)
tyw
;:dieuï
forme archaïque de W
forme archaïque de
cj^, cf. p. 143; 145.
Vv>\. c=- —^ /ll^'lTWk\\
liviiH
faucon
divinité
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 131
Description
I Signes
Hier. I pho-
nétiques
Sigues-racines
Signes
déterminatifs
rapace (?)
hibou
passereau
hirondelle
petite cailh
phénix
phénix sur un py-
ramidion
ibis à aigrette
ibis sur un pciclioir
échassier cherchant
sa nourriture
flamant rose
&
^
(irr)
vor
zb
10
{rh)
(hnw)
{//h)
a)
izhwty)
gm
b'
(dSr)
<être petit
sêtre "rand»
petitesse,
j méchanceté
\¥'%,'^
«humains»
J
o e
«phé-
nix»
I y "^S- «inon-
dation»
briller»
«Thot»
(^t^^ V\ «trouver»
«être
rouge»
9*
132 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
cormoran
sarcelle (?)
canard pilet
(oie sauvage)
deux canards
canard remuant la
tête
canard volant
canard se posant
Hier.
!<i«iies
nétiqnes
.SiîTues-racines :
Sianes
détermiuatifs
oisillon
oisillons au nid
oie rôtie
oiseau à tête
humaine
1
(r)
(prZ)
[rh ty)
{sd')
P
(ywn)
(.?»(z)
CUV
centrer s
;;mets»
n -^ «vola-
-^^ ^^ tile»
<^^ «fils»
-9 «oie sau-
H^ vaffe»
UL «blanchisseur»
;trem
bler>:
« voler >:
-voleter:;
équivaut à . Ijounie-
rang', ou se combine
avec lui
t^^Zr I « oisillon s
^ ter»
:nid»
I W )
^ ^ «nid
/\AAAAA
r\ i ^AAAAA
«crain-
dre-)
oiseau, insecte
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 133
Description
Signes
Hier. pho-
nétiques
Sienes-racines
Sii;iK'.s
dôteriuiuatifs ;
VII. Membres de volatiles.
tête de vautour
tête de pélicau (?)
tête d'oisillon
aile
plume d'autruche
griffe
œuf
{dnh)
iw
•^ «être forts
^
D^.
id.
:<pains
Ws^ <;aile»
V^\>^ <; plume
^^4
«jus-
tice»
{swh) 0^1 '^ Q «œuf;>
(*') ! Q I «fils»
voler
prendre
noms propres
féminins
VIII. Poissons, Reptiles, Insectes.
tylapia uilotica
mulet
oxyrrbynque (?)
Od
yn
{r,n)
^
(*«-)
<==>,
C\ <e-i
:<p01S-
«mu-
let»
poisson
horreur
134 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
Hier.
le même
crocodile
crocodile contrac-
tant .sa queue
crocodile sur un
naos
lézard
têtard
limace
serpent allongé
serpent pénétrant
dans sou antre (?)
serpent rampant
uréus levée
scorjjiou
.scarabée
abeille
"Î
Signes
pho-
nétiques
{bs)
K
'd
Signes-racines
Signes
déterminatifs :
j-
^
< intro-
duire»
«ca-
davre»
«croco-
dile»
«ra-
ger»
«contracter»
{sblc)
(Y)
f
z
[riiz)
PJ^^^a'^S^^^'»^^^
I w I P^ ^'^^ nom-
breux»
■^5^ «têtard»
Aft/VV\.\
^^ «serpent»
être profond»
{srq)
ureus»
«scor-
hpj
ih)
rfi «scarabée»
«miel»
reptile
déesse
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 135
Description
Hier.
signes
pho-
nétiques
Signes-raciues
Signes
déterminatifs
arbre
treille
branche d'arbre
épine d'acacia
pousse de palmier
même signe conihiiié
avec la lettre D
même signe covihiné
avec la lettre < — ^
même signe combiné
avec la lettre ^
ffousse de caroube
épi barbu
grains de céréales
A
f
IX. végétaux.
ym' j (J j? 1) nom d'arbre ' arbre
Wrr) I (j
«Vigne»
ht ' I «bois» I objet en bois
Ci
D
spd
A «pointus
, ,, I <5^ " «Tannée»
^ I D © dans les
j datations
I Même valeur que les
sigfnes .suivants.
rjljj) AAAAAA
D
Ci
tr
rtre ioune»
s temps»
{nip.t) I
nzm I "— =^ Q
! ^
<=> y
:<d0UX»
( sucré»
(id) ||,
o ,••■'—' «ami-
donnier»
(yt) ' (j Ci 0 t> 0 «céréales»
céréales
136 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
Hier.
Signes 1
pdo-
Détiques
Sif^ues-racines
Signes
déterminatifs
gerbe de lin
botte de roseaux
bouton naissant
sur sa tige
même xigne doublé
branche fleurie
champ de roseaux
panoncule de
roseau
double panoncule
panoncule combiné
avec (?)
champ de lotus
\
fleur de lotus
bouton de lotus
^
:<être limités
ys
(nhb)
(1& — ^
■^ y n «^bou
J T de fle
'^^^ n '^ -bouton
leur^
4- T,
(sën)
wdn
hn
(4) II©
(sni)
y
y
C'b)
îchamp»
« her-
bages;»
J
«offrande;;
«pays inondé»
(1 ^^ JjJU ^-inonder»
lotus» fleur, joie
végétation
«of-
frande»
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 137
De.sciiptiou j Hier.
! Signes
pbo- Sigues-raciues :
nétiques
Sig-ues
détermiuatifs
feuille de lotus
bouquet de papyrus
papyrus émergeant
de l'eau
papyrus coiubiué
avec le sigue
de la ville
tige de papyrus
joue eu fleur
id. avec la lettre
id. avec la lettre
joncs en fleurs
combinés avec le
signe de la ville
jonc
mêine signe combiné
avec ^ (1)
<3
><
^'
f
II
[yàh)
{mh)
î
w'z
ém'
*
1
f 5
('■*)
%
5 ;
sw
(ny
sw.t)
i
(sw.ty)
«plante
aquatiques
\ \m' *'^ bourré
de papyrus»
1=^1 |. Delta.
=-=><v Ci Mf «nord:
fnî
papyruss
*■
«Haute
Egypte»
«faire de la
nuisique»
«sud»
]
«jonc»
«roi de Haute
Egypte»
«roi de Haute
Egypte»
marécages
du Nord
de l'Egypte
id.
Basse Egypte
Haute Egypte
(1) Pour -1-fl et 1, cf. -^ et
138 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description 1 Hier.
Signes
pho-
uétiques
Sijjues-raciues
Signes
déterminatifs
X. Eléments cosmiques et géographiques.
ciel F=^ [p] i D Cl \, g «ciel» j
ciel avec un astre
suspendu
pluie
soleil
soleil dardant ses
rayons
soleil levant
soleil à riiorizon
croissant lunaire
étoile
O
I
Up-i/J
ip-h)
{y'd)
('•')
ihrw)
[ssio)
hnm
{wbii}
Cb)
Wb)
{ijhd)
sh'
dw'
«ce qui est
au-dessus»
"ir
aiuiti
«rosée»
ra
o I <- soleil»
«iour>:
(durée)
tk Q «jour»
7f (quantième)
:les humains
^è\ ^AAA/v. /Acbrille
" «se lever»
(Ol «horizon»
=^ «luui>:>
^ «mois»
«étoile»
étoile du
matin :
{wnw)\ ^^ O o ^ «heure:
nuit, soir
lumière, temps
rayonner
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 139
Description
Hier.
. Signes
\ pho-
Inétiqnes
S ignés -racines
Signes
déterminatifs ;
étoile dans un
cercle
languette de terre,
avec ou sans
granulations
butte de terre
col entre doux
montagnes
chaîne de mon-
tagnes
tertre avec trois
touffes d'herbe
languette de terre
angle de terrain
lopin de terre
route
{dw')
«région de l'Hadès»
31
même signe surmonté
de <
X
W)
zw
(smy)
{y')
{ydh)
{intii)
(vii')
(sw')
A
«terre»
«butte
de terre»
I «montagne»
«pavs
étranger»
:dés(>rt, nécroi)ole»
«lo-
qU-^-vJ
calité»
1-J
^IK*
%ï
route»
«die-
désert, paj^s
étranger
pays
pays
'pays, terrain
délimité
éloignement
|.. t=3a ^ ^^ «mar-
M^ ^ D ■^^ ciier»
^ ? j^ y «s'éloigner»
m
X
«passer auprès»
140
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
Description
Hier.
Signes
i pho-
nétiques
>igues-raciues
Signes
détermiuatifs :
terrain partagé
par des canaux
terrain de forme
elliptique
tronçon de canal
bassin rempli d'eau
bassin à sec avec
berges inclinées
coupe horizontale
d'un bassin
rempli d'eau
surface de l'eau
même signa triplé
orificed'un antre(?)
bloc de pierre
même signe triplé
t )
{hsp)
Çh)
¥
A/SAAA^
91
AAAAAA
AAAAAA
inw
AAAAAA
n
(mz)
CD
{ynr)
" «terrain
□ de culture»
D <=^ mil ^.nome«
\\
division de ter-
ritoire, nome
«île»
«ho-
rizon»
K canal» bassin, fleuve
cf. ' — 1, métier à ti
.ser
1 \\ I I «lac»
confondu avec ^ or-
ganes féminins et H^
fer de hache, et ré-
ciproquement
n «di
I 1 «pierre»
eau, liquide
minéral
substance
minérale ou
pulvérulente
id.
signe du pluriel
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 141
Description
I soignes '
Hier. pho-
nétiqnes i
Sio'nes-racines
Signes
détermiuatifs ;
XI. Constructions et parties d'édifices.
localité avec deux
avenues
plan d'habitation
enceinte de château
avec porte forti-
fiée
cour de maison
rue en zigzafr
enceinte bastionnée
le même, tombant
tour du Palais
façade d'édifice
pyramide
obélisque
©
(»)
1 1
pi-
n
il
(h)
ra
h
m
(""•'•)
(nm)
; i
{ynL)
(sht;/)
%\
C^
ïij
a)
u
A
{mr)
cL!i
{thn)
rs/I\/i
(Sn)
«ville»
y
Z2 I «maison»
Ci «château»
ra ' «cour (?)>:
z:> c^ U"] «rue»
«traverser»
'muraille::
urailh':
m
u: 0 -
I h] «palais»
qqf. pour tente
if k À '",■
1 <:3> !■ \| ramide»
obélisque»
('^") 9 ti£\l '^grenier»
ville
bâtiment
muraille
destruction
pavillon
142 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
Hier.
Signes
pho-
nétiques
Signes-racines
Signes
déterminatifs
aire circulaire cou- ©
verte de grains 1 ©
escalier
porte
vantail de porte
© 1
© J
iïï
iiiiiiiii
(rw)
C)
(wn)
s
ywn
o © «aire;>
%'errou
colonne cannelée
avec chevron pour
fixer le linteau
coin de muraille [j — ' [qnb)
tente dressée
étal
piquet de tente
ji<sesc!i
^^c£^ lier-
y' «monter»
^?\ c^ ^Y «porte» porte
escalier, monter
imilliJ «vantail»
•iiiiiiMi «ouvrir»
— I «verrou»
«colonne»
[P «angle»
AA «s^
"» I T nn •'"*"
{shn) ! ® ^ «étai»
/VSAA/^A I
n ^-^:'~^ « colonne »
V\ «erand»
cf.
pavillon do jubilé
H)
'T~rf~T «pavillon
; y l'iode jubilé»
XII. Mobilier et utensiles d'usage domestique.
siège
H
£2, «Sièges
htm 1 X ri
«chaise»
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 143
Description
Hier.
Signes
pho-
nétiques
Simes-racines :
Signes
déterniinatifs ;
chaise à porteurs
escabeau
socle
table servie
lit, avec ou sans
momie coucli('(>
chevet
tenture roulée (?)
porte-jarre
coifl'e-jarrc (?)
sac ouvert et en-
touré de cordes
a]Iuin(>-feu
ventilateur (?)
tas de cliarbon
brûlant
fourneau de potier
S
D
M
Ml
Y
D
{ivts)
9
(n.9)
P
{ivJh)
{hnk)
(szr)
(wrs)
h'p
hr
zh'
fyn
z
w'k
km !
j^:^^ «chaise
1 porteurs»
^ 5 «siège»
D I < socle»
«table servie»
I <:zi> *^ ^ couché»
être couché
clievet»
«cacher»
sous» cf. p. 130.
t
X «allume-
, ,-^ feu»
«poser»
«être noir»
D
a «ê'
'4 cha
tre
aud»
144 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
brasier fumant
ombrelle
pilon
pilon avec son
mortier
pierre a aiguiser
support tle balance
sarcophage
I Signes
Hier. pho-
nétiques
T
1
ih'h)
(sw)
ty
(smn)
{hsmn)
Signes-racines :
Signes
déterminatifs :
'V:
■!:brû-
1er»
.ombre»
ombre»
feu, chaleur
ombre
AAAAAA
^établir» pesanteur
matron»
î:guider>:
y Y] ' porter»
m
■■ élever >
A
:< sarcophage»
ensevelissement
XIII. Matériel de culte et pains d'offrande.
autel chargé
d'oflfrandes
pain d'offrande sur
une natte
vase à purification
cassolette
T
r
W)
(hip)
{w'h)
h'
■w-rz
^ a
i; poser»
\~4r:z.
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 145
Description Hier.
Signes
pho-
nétiques
Si"ues-raciues
Signes
détermi natifs
instrument â, fumi-
gation
perchoir divin
partie des en-
seignes divines
(?)
mât de teni|)lo (?)
colonne osirienn»^
étendard do l'occi-
dent
étontlard de l'orient
pain
pain blanc
pain allongé
galette
cr<=^
1
(y")
nty
(mn)
{hm)
! izd)
(ijnui)
galette (?)
ô
Q
8)
A
en
©
e
(il/
/''^ «par-
j^f^ □ fumer
par fumigation»
«perchoir divin >
yw\A 1 — 1
=5 I «dieu»
^ a «le dieu
T ^ Min»(l)
® gL «sanc-
tuaire»
: colon ne>:
•: durer»
n ttt^ l 'droit,
i ^AA/>/v^ P occid.Mitab
tf V\ «droit»
A -R n .0. «oriental,
4 ^^ J) T Seiche»
A
(/)
<-pain>:
-donners
r©
dieu, cf. p. 130
pain
ralette::
« neu-
vaine»
(1) al.
AAAAAA
Sottas-Drioton.
^^.
10
146 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
Signes
Hier. pho-
nétiques
Sieues-raciues
Signes
déterminatifs
couronne blanche
(de la Haute
Egypte)
couronne rouge (de
la Basse Egypte)
double couronne
plumes géminées
couronne
épingle à cheveux
collier d'or
pectoral
cylindre avec col-
lier
XIV. Parures et vêtements.
^* ^ ' V blanche»
V
pendentif
a
<?-^>c-.
(dSr)
p / «
H
1 \S I <:^ \J id.
couronne
rouge»
(â
[sw)
{mil)
mzh
'b
{nb) I PhwO «or
thn
roi de
Basse Egypte»
^ C^ «double
\\ v couronne»
les deux
v\ 'f' plumes»
«cou-
enne»
"=^. i Q r
O^ tur
«cein-
e»
'v'v"v' chose brillante,
éclair, tempête
S
imi '
«être brillant j
{htm) ^^\ y
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PKINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 147
Description I Hier.
Signes
pho-
nétiques
i pièce d'orne-
mentation
I nœud de ceinture
' pagne
I
i
1 manteau roulé
!
vêtement de voyage
vêtement exotique
pièce d'étoffe
pièce d'étoffe avec
bandelette
bandelette
bandelette nouée
sandale
XV.
bateau
(hkr)
{Snz)
Sienes-racines :
Signes
déterminatifs :
1 W I
«pagne»
Y » garde»
I? S\ 1 (') i v= — 11/^113 «interprète»
^t^ j {stj ls=5c?=^ «Syrie»
g t y ^ (Il «sandale»
d'étoffes
"cvête-
nient»
vêtement
bateau renversé
bateau avec sa
voilure
(dmz)
Navigation et engins de pêche.
bateau.
. . . e
^^
(hd) ;
î
(hnt)
ba-
teau
. . etc. . .
: descendre
le fleuve»
D
^AAAAA
«ren-
verser»
«remonter le fleuve»
naviguer
naviguer à la
voile
10*
148 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
bateau de pêcheur
avec filet
voile
mât à échelle
rame-souvernail
Hier.
hameçon de bronze
le même, vertical
I I
Signes
pho-
nétiques
{tw)
(nf)
(km)
{hrw)
{yh)
{hnr)
Signes-racines
«pê-
cheurs
^2^^ «veut
y^^ «souffle»
M ^ se tenir
y debout;»
^ ^\ '\^ «rame-
gouvernail»
□ U «rame5>
1^
Q^-^ «prendre
G — # au filet»
«retenir
prisonnier»
Signes
déterminatif3 ;
vent, air
XVI. Armes, bâtons et engins de chasse.
D
bois de Tare
arc nubien
deux arcs liés
{pz)
(*)
(n)
u
a. [Ny^y]
«are»
''tendre»
(Nu-
bie»
Neith»
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 149
Description
Hier.
Signes j
pho- Sig'ues-raciues
nétiques
Signes
déterminatifs :
corde d'arc
flèche
poignard dans sa
gaîne
coutelas
couteau
hache
fer de hacho
ina.ssue îi tête
sphériijue
nuis.sue A tête
conique
casse-tête en bois
^
J.
rwd
{swn)
(tp)
\^1!^
:; corde d'arc 3
ô^ lier>>
r w I 1 1 <::ir> < — m
«floche»
vendre;:
n *
I AAA/VA
D
/NA/VS/VA
{mdk)
ft.v'
premier»
<; billot»
«nieuuiser>:
J(j'^^''"^^tal»
^^ «massue»
couteau, couper
bâton pastoral
(brp)
(W)
i'w)
m A «ca
^° Y u-,
^ a «crosse»
casse-
té».
«bâton
pastorah
150 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description Hier.
bâton avec ou sans
pièce d'étoffe
bâton fourchu
bâton à tête de
lévrier
le même, fourchu
le même, avec plume
d'autruche et
bandelette
autre variété
boumérang
11
bâton-massue
courbache
harpon
1
Signes
pho-
nétiques
{rs)
(szb)
{wsr)
{lo's)
{z'm)
("m)
(<^")
{nha)
{qni)
(tn)
mdw
mh
Signes-racines
Signes
déterminatifs
1
s veiller»
] « I «balayer»
«puis-
sant»
nom de
sceptre
o © <:Thêbes>:
:::ik1
!flllllll
nom de j
sceptre
«asia-
tique»
peuple étranger
I Q O «libyen»
1
W I «nègre»
claucer»
K élever»
«bâ-
ton»
'="=^ «remplir»
arme de jet
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 151
Description
Hier.
Signes
pho-
nétiques
Signes-racines :
Signes
déterminatifs
pointe de harpon
en os
entraves
piège à filet
coupe d'un objet en
vannerie
échafaud (?)
-MS°
ft
(qrs)
(sht)
(Sms)
«os»
"iM^ «gardes
«tendre
un piège»
ossements
meuble,
corbeille
::^^.
n ^ «accom-
^ I ^ pagner»
XVII. Outils industriels et agricoles.
herniinette
herminette sur un
morceau de bois
ciseau
poinçon
foret îl mèche
autre forme du
même iitiitrument
maillet
masse
creuset
pièce d'échafaudage
traîneau
^
'"«,Pn ^
«her-
" minette»
«cou])er»
t
D
{mnli)
mr
(hm)
(wb')
hm
nz
(hml)
qd
AAAAAA lO
^
«artisan»
«ouvrir»
maillet»
«moudre»
^^icnr
JJ o «cuivre»
o
r~B^ «cons-
|_Pj truire»
@^^ «traî-
w\. neau»
métal
152 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
I Signes
Hier, j pho-
[nétiqaes
Sigiios-raciues
Sigues
déterminatifs :
bascule à monter les
matériaux (?)(!)
fuseau
dévidoir
navette
métier de tisserand
(?)
représentation du
ti.ssage (?)
faucille
pioche creusant
une fosse
^^3:7 (kb)
î.f
{bsf)
hovau
charrue
14
«fête»
«filer au
fuseau»
-W % «or-
° 1 donner»
cf. 1 1 tronçon de
canal
^
{mnh)
I v^ I «vête-
A X meut»
{9'-ff)
S
S
ir «creu
•^^^ — a ser i
une fosse
^ «lier»
Q vX V" «piocher»
rOj N-^ «charrue»
{■fk') 1 [_j "^N^ «labourer»
'Vi «sillon» (?)
labourer
(pr)
I W 1
«semence»
(1) Cette interprétation paraît s'accorder avec le sens du verbe fi |
j 1^^^ i|iii exprime la démarche cadencée de l'oie.
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 153
Description
Hier.
Signes
pho-
nétiques
Sisiues-raciues
Signes
déterminatifs ;
mesure de grains
crible (?)
pressoir
..Û
\J^
(2/0
(mzd)
"i— I «céréales» céréales
UU>
cpres-
XVIII. Ecriture, Musique et Jeu.
nécessaire (le scrilie
livre scellé
tablette de bois
stuqué
sistre
flûte (?)
échiquier
pion
terrine
w
(*i)
(h") '
<— «-^
(niz)
!
idmz)
=^
(•)
f
{.Se)
m"
,u.^
vm
û
iy'>')
(ftgft.
_>
«écrire»
lil «bariolé»
, I w , «livre»
, w , «livre»
^= «tablette»
W «si.stre»
_D «être vrai»
idée abstraite
Ukû-^
échiijuifr
XIX. Vases et Corbeilles
j (tvsh) ^ 1 1 ® CT «être large»
«.-^AAAA o \^ «chope» I vase
godet de
scribe»
154 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
I Signes
Hier. pho-
nétiques
Siffnes-racines
Signes
déterminatifs
vase à parfums
scellé
coupe scellée (?)
vase rond
vase rond à goulot ^
! =0=
{h's)
[mrh)
nw
(^hnw)
(lodp)
A i^ ^ «bièrea
vase rond
à oreilles
Les trois vases précédents sont en pratique interchangeables.
Ϋvase
à parfums»
*j^ «huile
u parfumée»
O «bétail»
«inté-
rieur»
•échan-
son»
parfum
vase, liquide,
opération du
potier
l
vase rond suspendu
biberon
vase géminé
cruche y
vase en pierre dure , — ^|>
Ol
aiguière
gargoulette avec jet
my
{yrt)
{yrp)
hnm
(m't)
hs
(qbh)
(qhb)
y (1 «comm
[j ^ o J 4ait>:
Q
«cruche»
ZI
JJ
'(y «granit»
o «aiguière»
«gar-
goulette»
;être frais»
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 155
Description
Hier.
Signes
pho-
nétiques
Signes-racines
Signes
déterminatifs :
panier à flacons
sébile à anse
corbeille
sac scellé
sachet
paquet
aromatique (?)
le même, répandant
xon odeur
corde enroulée
corde d'arpeuttMir
cordeau
bricole
Û
( j hnt
k
i nh
«support do vases»
t=SSt=i
o
XX
(9
{msn)
9
(■'/)
{lOt)
«corbeille»
i=àîfc=3 «sacs
^~^~^ t=àîÉ=i «couffe»
«cir> "^ «sachet»
v\ Ci Ç^ «embaumer»
confondu avec X dans
1 II □ «^compter»
-iO-
Cordages et nœuds.
»■(?) i (S «cent»
employé par confu-
sion à la place du
précédent
(snt)
; fondation»
^5-
<traîner»
-^ A
«se
hâter»
odiMir
corde, lier
156 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
Signes
Hier. pho-
nétiques
Sigues-raciues :
Signes
détemiinatifs
boucles on sens
divers
nœud coulant
corde tordue
corde tordue avec
boucle
bola (?)
nœud magique
autre nœud
magique
le même, allœif/é
8
5 S
9
Q
d5i
i^<^9')
Çrq)
X «corde»
-^ D^:> "S «corde»
^^^^ «finir»
corde, lier
lier et délier,
livre, écrit
sk
t
'iih
{sn)
(m)
f
X Q «cercle:;
moitié du précédent \ ZZÀ
XXI. Figures géométriques.
partag:er,
diviser
trait vertical I
le même, doublé \ I '
deux traits obliques ^\
croix grecque
il
y
y
(yniy)
duel
d',el
H
qui est
dans»
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 157
Description
Hier.
Signes
pho-
nétiques
Sisnes-racines
Signes
déterminatifs ;
fleurette
bâtons croisés
confondu quelquefois avec le .signe sui\ant
+
(t/)»»i) <=*=• ^7\ 'manger»
sfm) i—ii — I 11 AAAAAyv X «mêler»
circonférence
demi circonférence
O
(sut')
{qd)
K passer»
O
s cercle»
XXII. Objets indéterminés.
mélanger , comp-
ter, partager
cerck
->r-\
© I
{qn)
{zz)
; finir 2
il
O
< assem-
blée»
{lihn')
(aqr)
I — I — I !=^ O «localité»
AAAAAA
^=^
«Hiéra-
conpolis»
frap-
pera
(yp) 'UO ^ (2 «liarem>
158 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Description
Signes
Hier. pho- Signes-racines
iiétiqnes !
Signes
déterminatifs ;
111
I «dosï
{s'h)
ssp
{wz')
H\l^^
!:orteils>:
^:ii
1)
^prendre»
"T~ «tran-
1/\| cher»
■w ;r^^ •«« large»
(y..rt)'û >^ r'".
1 ,^ ^ patronne»
signe dérivé du liié-
9.
ratiqup, pour
TABLEAUX DES SIGNES PLURILITERES.
Iô9
Tableaux des signes plurilitères.
On a réuni dans ces tableaux les signes plurilitères les plus
usuels de l'écriture hiéroglyphique, d'abord suivant leur ordre
alphabétique direct, puis suivant leur ordre alphabétique inversé.
Le Tableau II est conçu de telle sorte que les signes soient
classés suivant leur ordre alphabétique entièrement inversé :
■¥• 'nhj par exemple, est à chercher comme s'il avait la valeur
de *h'n\ après -^^ 2/"*'^; traité comme ^h'mij.
Ces tableaux, pensons-nous, seront utiles aux débutants, qui,
suivant qu'un signe plurilitère sera précédé ou suivi de ses
compléments phonétiques, auront recours au Tableau I ou au
Tableau II pour en trouver rapidement la valeur. A ceux aussi
qui s'occupent de hiératique, et même de démotique, ils pour-
ront rendre quelques services pour les transcriptions ou resti-
tutions de signes douteux dont les compléments phonétiques
sont clairement exprimés.
I. Tableau des signes plurilitères.
Par ordre alphabétique direct.
'w
r-^
y'f'
.6.
7K
yh
O,^
ymn
\
'h
î
y'b
Y7
y m
yn
JV^j
''•
^
yw
1^
yi)i
0
yr
-C3>.
'è
^
ywn
i
yin'h
^
ys
]
160 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
pr
'nh
w^h
wh'
wp j V
whm
wh'
0=9
1
h'
h's
h'
pi-
phr
psz
S
!]2
M f], ^^
0
r^^^
\'— ?
o^
nit j '^lD
nfi
nh
ntr
Il p
1
t
r
hw
hh
km
hn
hr
hs
lui
htp
hz
V
h'
hio
hpr
hnt
hrw
hrp
hsf
, v.^
^.
^
s
î
TABLEAUX DES SIGNES PLURILITERES.
161
ht
^.s^'-r^
sh
m
*«
l
II
^
shm
f
§d
*=\
hn
^.^
si
n
qd
\
hnm
Q
xsm
^::=:^
k'
U
hr
m
sic
1
km
s'
%>-5?
st
^^
gm
^
Lrijj **d1ïoo®
../;
-^
9>-9
(
oy'
..^^^
«
Tfî^î
t'
0,=,
aw
! ;
.<(('
P
0. e
sh'
^
Ap/t
^
ty
1
spd
A
sm/i
ttjw
^
sm'
I
XU
«
tp
@, 1
sn
i--
Sxp
m:
tm
>-ii
thn
(j
dw'
dmz
■1
'A
3//
Ci£l
-d
II. Tableau des signes plurilitères.
Par ordre alphabétique inversé.
W
^
f]
dw'
h'
. 'è
loh'
sb'
Sottas-Drioton.
11
162 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
zh'
ym
sm
h'
'^*
h'
,©
Ct^
n
hq'
k'
at'
u
-<t-
by
viy
ty
dy
4
h'
yic
tyu
&.
o,
_23^
/iro
mdw
zw
'h
y'b
yh
yh
nh
hh
zh
h'j)
yp
wp
hrp
S/)p
tp
?
À.
T
r
V
htp
rt
w
î
ym
nm
J
ivnm
t
hnm
S
irhin
1
hm
l'-.f
shm
t
ssrn
^^
km
r 1
ym
^
tin
>-=
iizm
1
yn
1,-
icn
+, ^.
ynm
mn
m
TABLEAUX DES SIGNES PLUEILITERES.
16^
hn
thn
hn
yr
wr
pr
'pr
l'P''
nfr
%\
%y^
îi^
l
hr
In-
phr
ntr
zr
w'h
ph
1
1
î]-_s)
ih =x=-\
nh
sh
'b
yinh
' uh
\
1
h's
sps
ms
ëvis
t.f I=«»=3
3
vit
h Ht
'3
L
^=iD
ht
si
rivd
xpd
Sd
qd
zd
dmz
puz
A
t
©
11-
164 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
Aualyse sommaire de quelques textes égyptiens.
I. Textes hiéroglyphiques.
A. Inscriptions d'un obélisque de Thoutmosis IV (1).
L'inscription suivante se lit sur le côté méridional de l'obé-
lisque dressé actuellement à Rome devant le Palais du Latran.
Les colonnes senestre et dextre de la face méridionale relatent
comment Thoutmosis IV embellit et fit ériger à Karnak un obé-
lisque que son père Thoutmosis III avait commencé à faire
sculpter trente-cinq ans auparavant. C'est la préhistoire égyp-
tienne de ce qu'AMMiEN Marcelli^^ (2) rapporte au sujet de ce
monument gigantesque : comment Auguste avait conçu l'idée
de le transporter à Rome, mais n'osa mettre ce projet à exé-
cution à cause de sa dimension et de son poids; comment Con-
stantin le fit convoyer à Alexandrie et comment Constance
l'installa à Rome, sur la spina du Cirque Maxime. Retrouvé
en débris dans les ruines en 1587, il fut reconstitué et érigé
l'année suivante par Sixte -Quint à la place où il s'élève encore
aujourd'hui.
L'épigraphie du texte, forcément h l'étroit dans le cadre de
ces colonnes, comporte peu de déterminatifs et exprime les
mots les plus connus par leur seule partie phonétique (p. 39).
C'est un exemple d'orthographe monumentale.
(1) Marucciii, Gli ohelischi egiziani di Hoina, Rome 1898, pp. 8 — 50,
pi. letll.
(2) Rerum gestarum, XVII, IV, 12—14.
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. IbÔ
a) Colonne senestre:
0
^ Il
« Le Roi de Haute et Basse Egypte, seigneur agissant,
Menkheperoura, aimé de Râ, aimé d'Anion.
Or ce fut Sa Majesté qui embellit le très grand obélisque
isolé qu'avait amené son père, le Roi de la Haute et Basse Egypte
Menkiieperrà, lorsque Sa Majesté eut trouvé cet obélisque
gisant depuis trente-cinq ans sur son côté, h la charge des
ouvriers, dans la région méridionale de Karnak. Mon père a
ordonné que je le lui érige, car je suis son fils dcnoué».
En détail:
1
,r T 1,7 ,r T Le roi de Haute et
Basse Egypte (2),
nb seigneur
(1) Nous enfermons entre crochets [] les lettres tiui, en vertu de la liberté
ortli(>graphi(iue des textes égyptiens, ne sont pas exprimées dans l'écriture.
Les désinences grammaticales sont séparées du mot (lu'elles affectent par
un point. Le trait d'union distingue les composants grammaticaux.
(2) Quelle que soit son origine historique, le protocole pharaonique évolué
jusqu'à sa forme la jjIus parfaite se compose en théorie de cinq éléments :
1" Le nmn d'Horus qui s'inscrit dans une image du palais royal (une façade
précédant un plan rectangulaire en projection) surmontée d'un épervier
166
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
■<3>- vyïiil faisant \ .1 1
^ "-./J I orthographes pure-
[ = agissant
^ Ci yh.t chose '
ment phonétiques.
o
i I I
o
de Râ
imi sont stables
hpr.iu les états^
r de Râ
m7"[î/] aimé,
(1)
anticipation respectu-
euse du signe O r.
A lire : Mn-hpr-r'.
même anticipation :
aimé de Rà.
couronné (cf. p. 28. figure). Ce nom est celui du roi comme incarnation du
dieu Horus. Traduit : 'AtoXXwv (Hermapion).
2° La devise des diadèmes, courte phrase laudative inscrite derrière le
groupe yù\^i <Î6 lecture incertaine, symbolisant les deux déesses d'El-Kab
et de Bouto. Traduit : /.ûpto; ^aaiXEiàiv (Rosette).
3° La devise d'Hoi-un-Noubti, inscrite derrière le groupe j^ que l'on
interprète soit «l'Horus d'or», soit «l'Horus vainqueur de Set l'Ombien «
(cf. p. 30). Traduit : àv-OTotXwv ù-nipxz^oi (Rosette).
4° Le nom d'intronisation, enfermé dans un cartouche ( j), que précède
le groupe =!pi^ ^'^^V ^U^iJ *I^oi ^^ la Haute et de la Basse Egypte». Ce
nom, qui fait généralement entrer en composition le nom de Râ, est celui
que le roi prenait à son accession au trône : il était pour les Egyptiens le
véritable nom royal. On l'appelle quelquefois le prénom. Traduit : ticya;
jjaaiXEu; xtôv te avw xai twv zâToj ^(^copâjv (Rosette).
5° Le nom de naissance, qui, à l'intronisation du roi, était lui aussi enfermé
, , , "f O , , .
dans un cartouche et précède du groupe ^5>^ s r «Fils de Râ» : ce nom
est celui sous lequel les historiens grecs ont connu les pharaons et sous
leciuel, à leur suite, les historiens modernes ont pris l'habitude de les désigner.
Traduit : jio; tou 'HXîo-j (Rosette).
(1) Prénom de Thoutmosis IV.
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 167
ymn
AAAAAA
yst
yn
hm-f
snfr
thn
-= — " ic .tll
^11 •'
icr.t
H
r^
v^
yi
d'Amon
aimé.
Or
ce fut
Sa Majesté
qui embellit
l'obélisque
isolé
ici. : aimé d'Amon,
déterminatif du roi après le
phonétisme km «majesté».
. + nfr.
avec son phonétisme :
AAAAAA cLL
écritures où le signe-racine
reçoit son complément plio-
grand > _ . > nétique : («•' + ') + ^ + ?/
, I grand ^ '
beaucoup ' ^ („•,• + ,-) + t.
étant donné que
[l'Jeut amené
(/'["/] son })ère
sict[y] le roi de Haute et
%^[i/] Basse Egypte
V,» V =Menkheper-
râ(l),
Jjpr
(1) Prénom de Tlioutmosis 111. Traduit Miaçprî; par Manéthon et Mii^p»)-
[xoû9to7iç, en combinaison avec le nom Tlioutmosis.
168
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
'^K
CD
r — \'
nnn
I
^
7n ht
gm.t
hm-f
après que
eût trouvé
Sa Majesté
711 + {ht + h-\- 1), généralement
suivi du déterminatif J\.
{g m + m) + t.
l'obélisque signe-racine doublé d'un trait
vertical (p. 7) et suivi d'un
cet, déterminatif (p. 11).
thn
pn
km-n-f ayant passé
XXXV trente-cinq chiffres égyptiens (1)
n d'
signe racine exprimant un
mot féminin (désinence
phonétique o t) et doublé
d'un trait (p. 7V
exception à la règle posée
p. 7. ^ signifie proprement
«la face» et ^ la prépo-
sition «sur», mais de bonne
lieure confusion des ortho-
graphes.
cf. plus haut. Orthographe
rare, quoique plus logique.
signe-racine sans complé-
ments plionétiques ; redou-
_ blé pour marquer le duel.
(1) Les chiffres égyptiens, que l'on emploie en inscrivant dans les nombres les
plus élevés les premiers, sont : '^^v^ 100.000, 1 10.000, T 1000, (^ 100, D 10, I 1.
rnp.t
année
tc'h
gisant
lir
sur
.9«-/
son côté.
hr
.wy
les bi
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 169
»;
^
\>
n
lii
m
T
I ^ Il
hiciv.iv
hr
des ou-
vriers,
sur
si§
.*7S
le côté
rs-y
méridional
id
n
de
yp.t .s irt
Karnak.
wz-n
a ordonné
signe-racine, désinence pho-
nétique et déterminatifs
dont celui du pluriel.
//■-// mon père y «moi» dans la bouche du
roi, écrit idéographiquement
par la représentation royale.
.s'//-?/ ([ue j'érige sV«' «ériger», mot à mot «faire
être debout», a pour écri-
n-f pour lui ture complète |1 ë [^. y
, . «moi», écrit ici phonétique-
sic lui : 1-1
ment.
ijuk moi
s'-f son fils
nz.tij-f son dévoué, nz, signe-racine «broyer»,
déterminatif.
b) Colonne dextrc :
170
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
V VI /\A/W\A /O^ ^Zi r- ■ ■■=■ X.-
O (^^^^ .Î3, o
0 Ci o
û e^^^
AAAAAA
O I
«Le Fils de Râ Thoutmosis, brillant de diadèmes.
Il Périgea dans Karnak, avec un pyraraidion d'or, de telle
sorte que sa beauté illumina Thèbes, sculpté au nom de son
père, le dieu bon Menkheperrâ.
Le Roi de Haute et Basse Egypte, Seigneur des Deux -Terres,
Menkheperourâ, l'aimé de Râ, a fait ceci afin que le nom de
son père reste durable dans la demeure d'Amon-Râ. »
En détail :
-y Q
Q
. I .
zluc.ttj
mis
h'
h^ .10
le Fils de Râ,
= Thoutmosis
brillant
de diadèmes
, (')
\\
li
sli-n-f II érigea
SIC lui
m dans
yp.t s.ict Karnak,
orthographe simplifiée du
môme mot que plus haut.
(1) Nom de Thoutmosis IV.
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 171
J hnhn.t-f son pyrami- purement phonétique. Avec
dion
en
signe-racine : J J A.
o z m or, signe-racme
oo
I , de bonne
heure confondu avec 1
(p. 32). Deux détermina-
tifs (p. 39).
'il -AywvA shz-n illuminèrent s-\-(Jiz + z).
TTTk^,^ nfr.ic-f ses beautés pluriel exprimé idéogra-
phiquement par triple ré-
pétition du signe-racine.
irs.t Thèbes, signe-racine, désinence pho-
nétique et déterminatif
^ ^r::=ï ht.ic sculpté écriture phonétique et dé-
terminatif.
^ hr au
1
m
nom
purement phonétique. Avec
n
tfW
de
son père
déterminatif : QA,
„;-- ^ AAAAAA d—J5
( >.
W\AAA
ntr
le dieu
nfr
bon
172 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
r^
.NAAAAA
O
I I I
O
hpr
swt[i/'\
nh
t\lC7J
Iqjr.ic
""■[//]
jur[jy]./
rdy.t
Menkheper
râ.
yr\ij'\-n A fait
le Roi de Haute
et Basse
Egypte,
Seigneur
des Deux-
Terres
Appellation traduite : oaixc-
Tr,ç o'.y.cu[j.£v^ç (Hermapion).
signe-racine sans complé-
ments phonétiques ; redou-
blé pour marquer le duel.
Menkheperourâ,
l'aimé de Râ
ceci
(71 + nir + nie).
désir \ = afin que.
de donner
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 173
t!i!^
I
¥[-f]
) ich
pr
i AAAAAA
O I '•'
ymn
soit
le nom
de
son père
demeurant
durant
dans
la maison
d'Amon
Rà
(if 7* + 11) 4- déterminatif des
idées abstraites.
signe-racine doublé d'un
trait (p. 7).
B. Hymne au dieu créateur (1).
Cette strophe, dont les accents font penser au psaume VIII,
commence au Papyrus 1116 A recto, 1. 130, de l'Ermitage Im-
périal de Pétrograd une hymne à la Divinité. Le papyrus
hiératique qui Ta conservée a été copié sous la co- royauté de
Thoutmosis III et d'Aménothès II (XVIIP dynastie). A la
différence des graphies monumentales de la môme époque,
l'écriture de textes de ce genre exprime régulièrement les signes-
racines et les déterminatifs, quitte à remplacer, par la simpli-
fication : \ (p. 9), ceux qui, même en cursive, seraient trop
difficiles à tracer. On trouvera plus bas le texte hiératique de
(1) GoLÉNiscHEFF, Les papi/fus hiératiques »°* 1115, 1116 A et 1116 B de
r Ermitage Impérial à St. Pétersbourg, 1913, pi. XIII et XIV.
174 INTRODUCTION A L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
cette strophe, dont nous étudions dabord ici la transcription
hiéroglyphique.
^\^iiK^z:ii^i^m
(3 1
^ I
1
D ^
AAAAAA f\ /^^AAAA
I IX O M I I I
>\AAiV\A
AAAAAA AAAAAA
1^3(2
T #
I n AAAAAA
I I I I I
AAAAAA ?^ ^^ pi Q^ — ^
\ I I I <cz=
^AAAAA \_ ^T-^=»^ i^ J\
\1
o
[— ] ^-^ A/W^A I O AAAAAA .<^Oi>- n AAAAAA
_;, , I I AAAAAA AAAAAA |
iF=q \> I I 1 I I I ^^^=^ I I I I
1 ^ _HH^I I I I - Mil
e<e=3
iik
«Que Dieu fut sage lorsqu'il régla la condition des hommes,
troupeau de Dieu!
Il fit le ciel et la terre à leur intention,
Il repoussa les ténèbres de l'Abîme,
Il fit le souffle du cœur comme vie de leurs narines :
Ils sont ses images sorties de ses chairs.
Il brilla dans le ciel à leur intention.
Il fit pour eux les plantes, le bétail, les oiseaux et les poissons
comme leur nourriture.»
En détail
1
ntr
Sage
Dieu
m lorsque
yr-n-f il fit
orthographe spéciale au
I \\ I
Nouvel Empire pour
é^^^' ^ ""^"nfl' signe-ra-
■ cine. Déterminatif des
idées abstraites.
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 175
1^ >
^ AAAAAA
,(E I
\ I
c> I
1
D ^
I I I
AAAAAA
/»*
la condition
r[?r/]f[i] des hommes
'?<;.< troupeau
M.^ de
i?ir Dieu !
yr-n-f II fit
j:>.^ le ciel
<' la terre
signe -racine -\- détermi-
natif des idées abstraites,
p. 9.
\ = ^Vry, signe-racme. i,
déterminatif d'un collectif.
signe-racine doublé d'un
trait vertical (p. 7) et suivi
d'un déterminatif (p. 11).
au
ijh
\
cœur
sn d'eux. )
dr-n-f II repoussa
snk l'obscurité
11 de
miv l'Eau.
ynj-n-f II fit
à leur intention.
écriture phonétique et dé-
terminatif.
siffne-racine.
176 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
ly3(S
f
tw
le souffle signe-racine et complément
phonétique,
du cœur
vie
AAAAAA
AAAAAA
TT.
sfn.w des narines écriture phonétique, signe-
racine et trait vertical
S7i d'eux : (p. 12).
"D '-^-^
_ \ ' ' ' snn.ic-f ses images {s -\- nn -f- n + ?i + nv: -\- ic),
signe-racine \ = IL déter-
A I
^ m
D ^
O
irr.w
c'est
sorties
de
minatifs.
h\îc-f ses chairs, écriture phonétique, signe-
racine, déterminatif du
wbn[-n]-f II brilla pluriel.
p.t
dans
le ciel
yb.io les cœurs ^
sn d'eux.
>jr-n-f II fit
n pour
= à leur intention.
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 177
I ^J»%l I I
i(2 I
\ I
^ I
^
eux
.ic les plantes, signe-racine ("^ forme de
[JjUl I encadré do son
plionétisme. Déterminatifs
(p. 11).
'iv.t le bétail
^pd.ir les oiseaux signe-racine et déterminatii'
du pluriel.
DiKic les poissons phonétisme, signe-racine et
déterminatii" du pluriel.
.^)iui nourriture (^s-\-n-i-nm+m), signe-ra-
cine et déterminatif(p. 11).
n.t
d'eux.
C. Rubrique de Papyrus funéraire.
Nous reproduisons à titre de spécimen d'hiéroijli/phes li-
)u'(ilres (p. 51) ce texte emprunté à un papyrus du Musée du
réouvre, de la XVITI' dynastie, et qui fait ]iartie dune clau-
sule cérémoniale du chapitre CXXV du Livre des Morts (1).
Le lecteur, familiarisé avec les exemples analysés plus haut,
se rendra facilement compte du détail de ce texte dont nous
ne donnons que la transcription et la traduction.
(H Naville, Bas Àijypti.schn Todteiihnch, I, pi. CXXXIX. (^uoi(jue le texte
soit écrit de droite ;i gauche, les colonnes sont disposées de gauche ;'i droite,
en ordre i-étroi/rade, comme cela se rencontre souvent dans les textes funé-
raires de cotte époque.
Sottas-Urioton.
12
I
lU
rf
o
ilL
L:
11
//
u
«V.
4^
'S' 9
2£
I « I
-^
£
• ( t
Il f o
f I f
4}
« Que l'on dise ce
chapitre, lavé et pu-
rifié, après s'être re-
vêtu de vêtements
de luxe, chaussé de
sandales blanches,
fardé de kohol et
oint d'essence de
myrrhe, et après
avoir offert en sa-
crifice un taureau
vigoureux, des vo-
lailles, de l'encens,
du pain, de la bière
et des léffumes. »
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 179
■c
D
/NAA/SAA
p
.(1)
r
pn
Dise
un homme
chapitre
ce,
lavé,
purifié,
r^"-^
irnh-n-f
il a revêtu
m
'I
I I I
/\AA/VNA
D
I 1
3X I
hh
tp.t
des vêtements
de
tissu (le choix.
(1) Orthographe normale : \A , (p. 12).
(2) Orthographe dite historique. Un mot comme twr étant devenu twy
garde l'ancienne orthographe en y ajoutant simplement Vy nouvellement acquis.
Le ^ a été omis, par mégarde, sur le fac-similé ci-contre.
Sottas-Drioton. 13
180 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
L
ih.iv
il est chaussé
^
^^>-
hz.ty
de
sandales blanches,
szm.ic il est fardé
de
msdm.t kohol.
=0= R
icrh[.ic] il est oint
de
m =0=
fp.t
essence fine
n.t
de
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 181
^_ '^ntyw myrrhe,
=0=
vdn-n-f il a offert en sacrifice
k'
un taureau
/f
ICZ
vigoureux,
1 1 1
'jyd.tv
des volailles,
ir
AAAAA\
sn7r{l)
de l'encens,
III o
f 1 /-^
1 1 lO
e
du pain,
^1
1 1 1
hq.t
de la bière.
A^^
smiv
des légumes.
fw
(1) L'orthographe normale du mot serait ^ ] («» -\- n) -\- {ntr
Jç- t -\- r) := sntr, mais comme le signe sert par ailleurs a écrire le mot
«dieu», il est anticipé par honneur et placé en tête du groupe: métathèse
purement graphique qui n'aflfecte en rien la lecture.
13*
182 INTEODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
II. Texte hiératique.
Yoicij tel que le livre le Papyrus hiératique 1116 A de
l'Ermitage^ le texte de la strophe tirée d'un hymne au Dieu
créateur qui a été transcrite en hiéroglyphes et analysée plus
haut, k la page 174.
I '
&
^ I I I I
AAAAAA ^<;;;U>.
ri'd^z
'^C:l^-1l^_r, P=n^i^ir-^
D -<2>
r
']l\p^p])^^^-^
^\
I I I M
AAAA/\A Q A ^ -<S>-
"T" I O S) ^ \l/ ' '^^■'"'•■'^ ^^AAAA (VAAAAft
® 1 1 ""«^ AAAAAA
(1) Bien (lue nous ne séparions pas les lignes à la façon du papyrus
original, nous introduisons ici la forme que présente l''^'^^ hiératique à la
tin des lignes dans le papyrus lui-même.
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 183
iA^r,\)}^n^y^=^'\
II
Il ^
^ I
I ^
I I I AAAAAA
«^
;)w T^I^'H^'-f^"^!^^
fl,^
O
.ii;^.?7l^?=-n^//5i:?
cS^
(1) Le I a été omis, par mégarde, dans le fac-similé du texte hiéra-
ticiue.
184 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
III. Texte démotique.
L'arrivée de Setné à Bubaste (1).
Ce fragment est tiré du fameux Roman de Setné; découvert
en 1865 à Thèbes par Henri Brugsch dans le tombeau d'un
moine copte avec un lot de manuscrits hiératiques et coptes.
La paléographie du papyrus permet de l'attribuer à la période
ptolémaïque.
On trouvera à côté du mot démotiqae sa transcription appro-
ximative en hiéroglyphes. Le lecteur se rendra compte facile-
ment des ressemblances et des divergences entre les deux
systèmes : il notera aussi, grâce à la transcription en lettres
latines, comment le déraotique emploie d'anciens groupes hiéro-
glyphiques consonantiques pour exprimer de vraies voyelles.
L'épisode se place au moment où Setné entreprend le voyage
de Bubaste pour rendre visite à Tbouboué (2) :
Al i I ^ A»<moJ 3/1 /^/S/iy!) r A illaj "jT^yi y ^
(1) Hess, Dtr deinotische Roman von Stne Ha-m-us, Leipzig, 1888, pp. 114 —
115.
(2) Cf. Masfero, Les contes populaires de Vancienne Egypte, 4'' éd. p. 146 — 147.
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 185
«Setné se fit amener une barque, y monta ù bord et il ne
tarda pas, k Bubaste, à arriver à louest du quartier de la nécro-
pole. Ayant avisé une maison très élevée, autour de laquelle
était un mur, qui avait un jardin du côté nord et une banquette
devant sa porte, Setné interrogea : « Cette maison, de qui est-ce
la maison"?» On lui dit : «C'est la maison de Tbouboué. »
.16/1 51
//
PAAAAAA I
9 0 I
l
Ih
ZV
te Donna
stne Setné
^n-w qu'ils amenassent
tJiH (1) une barque
htr-f sous lui,
H-f il monta
</ I
^
° L
#
mr.t
a r-f
hn-p-f
hrr
bord
en elle,
il ne pas
tarda
(1) Mot masculin en égyptien.
186 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
^^t[r2.X
e'Lï'"
pr-bst.t
Bubaste
/"
—^9 P
^f
il était
\^jiJi
1 /V9ZV9ZV
1
\c
venant
AaÎ^A
\^^U{u^
pr-mnt
k l'ouest
j„ AAAAw n (Je
^ ^A. ^9 le
/^fii'S^- ^^AA /^ quartier de la né-
^
cropole.
*) ' 9 <:=:> «- r-f Lorsqu'il eut
y'-^ I— >-^-i /^ ^A ,çm trouvé
î(; une
maison
y'» — ^5)^ e/ qui était
J ^ I <A- (j^ é" [T -^ élevée
■^/^--^ ^ >^ ^'^ *^ beaucoup,
III
9 [1 e-icn que était
p îc un
(1) Mot masculin en égyptien.
ANALYSE SOMMAIRE DE QUELQUES TEXTES ÉGYPTIENS. 187
f
S
/
3/.
1
t
ZVS)
P [L n si^e mur
/^ ??i çf/e-/ autour d'elle,
9 P e-«-7i que était
^1 cr-D
9
©
9 [1 e-«t'?i
1^
Icr^l
9 D
I ^
// ?
AAAAAA
9 O
8
^*
'-/
hi
stne
z
py
c
y
jardin
faisant
à elle
le nord,
que était
une
banquette
devant
sa porte,
interrogea
Setné,
disant :
Cette
maison,
188
INTRODUCTION A L'ETUDE DES HIEROGLYPHES.
Ali-
/
la
d
maison
de
qui
celle-ci ?
Ils dirent
a lui :
^\\ TP ^*
I [r~ii 1 0 — c. ''y maison
TT ^^ il il tbuhue Tbouboué
" ^^\\ -^^^ celle-ci.
i^^
«-/
TABLEAU DÉTAILLÉ DES PRINCIPAUX HIÉROGLYPHES. 189
Exercice de lecture.
L'extrait suivant non analysé est destiné surtout aux débu-
tants travaillant sous la direction d'un maître. Ceux qui l'uti-
liseront sans aide devront s'eftbrcer d'en retrouver la tra-
duction dans les Contes populaires de G. Maspeko, ouvrage
qui leur fournira en môme temps l'indication de la publication
originale, avec transcription et glossaire. Pour identifier le
passage, ils se serviront de la lecture d'un nom propre, de la
valeur des déterminatifs et même de quelques signes-racines
employés ici dans le sens «premier» fourni par le tableau des
hiéroglyphes.
Les mots ont été séparés, pour faciliter le travail. Toutefois,
l'indice du pluriel |||, les pronoms personnels (0) yf? ^cz:^,
*v-=^, I (1, 2, 3 masc. sing. ; 3 pi.), les marques de con-
jugaison ~wsAA^ M /wwvA^ '^^ V ^'sstent liés à la fin des mots qu'ils
affectent.
kiVM
J%»M^' k î^-l
A VI
w
41
' AAAAAA
L A/VVAAA
\ ^— T AAAAAA ! O C\ '^AAAAA .^
^ AAAAAA jj I I I I A/^VSAA
190 INTRODUCTION À L'ÉTUDE DES HIÉROGLYPHES.
s^,T, i':z\
s: I
>•
cl I I
Ci I w ,
I I I
1^
@ I
1^ Pi aaaaaa
^^^
^?^
Q AAAAAA /W\AAA H ^-M Ç] ra ± 1
^ I
^
III
^SX, I ^ \N
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(1) Reproduit d'après Erman.
CORRIGENDA.
ADDENDUM.
191
Corrigenda.
Hauteur
Page dans la page
6
18
•29
34
1/2
3/5
7/8
3/4
1/3
Lire : bouche. — éléments.
Lire : ntr -\- t-\-r.
Lire : le lion piétinant.
Lire : distineruer.
^„.
est pas positive-
ment un signe nouveau, mais
plutôt une forme complète de
, que les vieux textes reli-
gieux mutilent volontiers. —
On ajoutera aux innovations
des cas comme celui de
pour
T 1 AAAA/V\ <i_-L
«s'asseoir», où tout un mot,
partie phonétique et détermi-
natif, est résumé en un seu
hiéroglyphe.
Hauteur
Page dans la page
40 3/4 Lire : normalement.
42 1/2 Lire, les trois fois : ' u)
et non f tû.
42 2/5 Lire : formule devait.
46 0 et 1/3 Lire : le hiérati(iue.
47 1/6 Au lieu de
lire
mais avec les bras pen-
dants.
50
1/3
Lire : le hiératique.
57
1/2
Lire : disposent.
64
1/3
Lire : D'iaa-in.
79
3/5
Lire : homogénéité.
86
1/6
Lire : en sorte que, si
l'historien.
91
1/8
Lire : telles.
97
6/7
Lire : d'un.
97
7/8
Lire : (lu'on.
101
(fin)
Lire : déchiflfre-ment.
102
3/4
Lire : 1799
108
2/3
Lire : obé-lisque.
Addendum.
11 nous a été possible, au dernier moment, de consulter le mémoire de
K. Sethe sur Der Ursprunçi de.i Alphabets, ap. Nac.hrichlen GoUingen, 1916,
p. 88 sqq., surtout p. 151 sqq. On ajoutera ce titre à la bibliographie du Cha-
pitre II, p. 44. Dans le Tableau détaillé des hiéroglyphes, on complétera ainsi
la colonne signe-racine
« roseau » : pour '^.c^ :
Pour
«aigle» ; pour H : M
tvipere a cornes»; pour -wva^
I I
AAAAAA A^^NAAA
'w>^vAA « eau.
192 TABLE DES MATIÈRES.
Table des matières.
Page
Avertissement IX
Tableau des signes unilitères XIV
Notions de chronologie égyptienne XVI
Première partie.
Le système hiéroglyphique.
Chapitre l^^\ — Principe du système l
Relations entre l'écriture et la parole, p. 1. — Le système hiérogly-
phique égyptien : ses défauts et ses avantages, p. 3. — Dualisme
du système : représentation directe et notation phonétique, p. 5. —
Simplifications, p. 7. — Développements, p. 10.* — Réduction du
système à l'unité par le signe-racine, p. 13. — Représentations par
l'image, p. 15. — Notations phonétiques des différentes racines de
la langue, p. 17.
Extrait bibliographique et références justificatives 19
Chapitre IL — Évolution du système 20
La préhistoire de l'écriture hiéroglyphique, p. 20. — La palette d'Hié-
raconpolis, p. 23. — Autres cas similaires, p. 27. — Incertitude
d'une reconstitution de la protohistoire de l'écriture hiéroglyphique,
p. 30. — Faits constatables de l'évolution du système : altération
de la forme des signes, p. 31, disparition et apparition de signes,
p. 33, variation d'emploi et de groupement des signes, p. 35. —
Expression du vocalisme, p. 41.
Extrait bibliographique et références justificatives 44
Chapitre 111. — Extension du système 46
L'écriture hiératique, cursive des hiéroglyphes, p. 45. — Le démo-
tique, simplification de l'écriture hiératique, p. 48. — Les hiéro-
glyphes linéaires, p. 51. — Les hiéroglyphes raéroïtiques, p. 51. —
L'alphabet cananéen, p. 52.
Extrait bibliographique et références justificatives 53
TABLE DES MATIÈRES. 193
Page
Chapitre IV. — Disposition matérielle de l'écriture ... 55
/. Direction de récriture.
Direction rationnelle et direction naturelle, p. 55. — La direction des
écritures hiéroglyphique et hiératique, p. 56. — Scriptions verti-
cale et horizontale, p. 57.
II. DistrihrUion des signes.
Souci d'éviter les vides disgracieux, p. 58. — Les métathèses gra-
phiques, p. 60. — Les dispositions en accolade, p. 61. — La ponc-
tuation, p. 62.
Deuxième partie.
La connaissance des hiéroglyphes.
('hapitre V. — ii'antiquité égyptienne 63
Origine légendaire des hiéroglyphes, p. 63. — Prestige du lettré, p. 63.
— Distinctions entre les diverses formes de l'écriture, p. 64. — Le
papyrus des Signes, p. 66. — Renseignements occasionnels et sur-
vivances, p. (57.
Extrait bibliographique et références justificatives 68
Chapitre VI. — L'antiquité classique 69
Renseignements épars chez les historiens grecs sur l'origine, la nature
et l'emploi des hiéroglyplies, p. 69. — Le témoignage de Clément
d'Alexandrie, p. 73. — Ouvrages spéciaux sur les hiéroglyphes, p. 74.
— Les fragments de Chérémon, p. 75. — Horapollon et les 'kpo-
yXuyi/câ, p. 78.
Extrait bibliographique et références justificatives 83
Chapitre VII. — Les pères de l'église et Kircher .... 85
Citations relatives aux hiéroglyphes chez les apologistes et les histo-
riens chrétiens, p. 85. — Les sources de cette érudition : écoles
païennes d'écriture sacrée, p. 86, livres de la culture classique,
p. 86, opinion courante, p. 87. — Survivances de la tradition po-
pulaire chez les auteurs arabes, p. 89. — Les prédécesseurs de
KiRCiiER, p. 90. — Kircher et son système, p. 91.
194 TABLE DES MATIÈRES.
Page
Chapitre VIII. — Le déchiffrement 97
Les imitateurs de Kircher, p. 97. — Conditions et processus théoriques
d'un déchiffrement : exemple du déchiffrement des cunéiformes,
p. 97. — Le problème des hiéroglyphes après les travaux des pré-
curseurs de Champollion, p. 100. — La découverte et l'œuvre de
Champollion, p. 106.
Extrait bibliographique et références justificatives ... 114
Appendices.
Tahleau détaillé des principaux hiéroglyphes.
I. Personnages divins 116
IL Personnages humains 116
III. Parties du corps humain 120
IV. Mammifères 125
V. Membres de mammifères 127
VI. Volatiles . 130
VIL Membres de volatiles 133
VIII. Poissons, reptiles, insectes 133
IX. Végétaux 135
X. Eléments cosmiques et géographiques •. 138
XL Constructions et parties d'édifices 141
XII. Mobilier et ustensiles d'usage domestique 142
XIII. Matériel de culte et pains d'offrandes 142
XIV. Parures et vêtements 146
XV. Navigation et engins de pêche 147
XVI. Armes, bâtons et engins de chasse 148
XVII. Outils industriels et agricoles 151
XVIII. Ecriture, musique et jeu 153
XIX. Vases et corbeilles 153
XX. Cordages et nœuds 155
XXI. Figures géométriques 156
XXIII. Objets indéterminés 157
Tableau des signes plnrilitères.
I. Tableau des signes plnrilitères par ordre alphabétique direct . . 159
IL Tableau des signes plnrilitères par ordre alphabétique inversé . . 161
TABLE DES MATIÈRES. 195
Page
Analyse sommaire de quelques textes égyptiens.
/. 'Textes hiéroglyphiques.
A. Inscription d'un obélis(iue de Thoutmosis IV 164
13. Hymne au Dieu créateur 173
C. Rubrique d'un papyrus funéraire 177
//. Texte hiératii/ue.
Fragment du papyrus 1 1 l(i A du l'Ermitage 182
///. Texte démotiqne.
L'arrivée de Setné à lîubaste 184
Exercice de lecture 189
Corrigenda 191
Addeiadum 191
Table des matières 192