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Full text of "Jeanne d'Arc"

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iHin 

600017 



M 



JEANNE D'ARC 



PARIS. — IMPRIMERIE DE CH. LAHURE ET C<« 
Rues de Flfurus, 9, et de rOu«st, 91. 



JEANNE D'ARC 



PAR H. WALLON 

MEMBAB DK L'INSTITUT 
PROFESSEUR D'fllSTOIRE MODERNB A LA FACULTÉ DES LETTRES 

DE PARIS 



TOME PREMIER 



PARIS 

LIBRAIRIE DE L. HACHETTE ET C'** 

RUE PIERRE-SARRAZIN, N** 14 

(Près de l'École de médecine) 



1860 



2/û. ^. /^<^. 



PREFACE. 



La vie de Jeanne d'Arc est un, des épisodes les 
plus émouvants de nos ajïiî^s -/c'est comme 
une légende au milieu defirhistoirè'; c'est un 
miracle placé au seuil des^'^tenips modernes 
comme un défi à ceux qui veulent nier le mer- 
veilleux. Jamais matière ne parut plus digne de 
la haute poésie : elle réunit en soi les deux con- 
ditions de l'épopée, sujet national, action surna- 
turelle. Mais jamais sujet ne tenta plus malheu- 
reusement les poètes. La poésie vit de fictions, 
et la figure de Jeanne ne comporte aucune 
parure étrangère. Sa grandeur se suffit à elle- 
même ; elle est plus belle tlans sa simpUcité. A ce 

I a 



11 PRÉFACE. 

titre rien ne (levait attirer davantage, et mieux ré- 
compenser le zèle des historiens ; et la récente 
publication de M. J. Quicherat, qui réunit à Fédi- 
tion des deux procès les fragments des chroni- 
queurs et les actes de toute sorte relatifs à la 
Pucelle, devait donner une impulsion nouvelle à 
ces études. J'y ai cédé con^me plusieurs autres ; 
et peut-être est-il tard maintenant pour offrir au 
public le résultat de ce travail suspendu pendant 
quelque temps par d'autres travaux. La grandeur 
du sujet n'est pas à elle seule une excuse, ni les 
facilités offertes aux recherches une recomman- 
dation pour une nouvelle histoire. Cependapt, 
j'ai pensé qu'après tant de récits qui s'autorisent 
de noms célèbres, h vie de Jeanne d'Arc pouvait 
encore être racontée. Ce n'est pas seulement 
parce que ces récits, étant pour la plupart des 
pages détachées d'une histoire générale, ont dû 
se réduire aux proportions du livre d'où ils sont 
tirés : replacés en leur lieu, ils pourraient ra- 
cheter cet inconvénient par l'avantage de mieux 
paraître dans la suite de l'histoire. S'il m'a 
semblé qu'on pouvait tenter quelque chose en- 
core, c'est dans l'usage et dans l'appréciation 



PRÉFACE. III 

des documents où doivent puiser toutes les his^ 
toires de la Puoelle. On sait combien ils sont 
nombreux. Un fait si plein d'éclat^ à une époque 
déjà féconde en chroniques et en écrits de toute 
sorte^ a agi sur tous les esprits et laissé sa trace 
dans tous les écrivains du temps ^ et les deux 
procès qui ont poursuivi tour à tour par tant 
d'interrogatoires et d'enquêtes la condamnation 
de Jeanne d'Arc et sa réhabilitation^ ont recueilli 
une masse de témoignages qui^ sans cette cause 
toute providentielle^ eussent été perdus pour 
rhistoire. Or^ d y a un double écueil parmi tant 
de richesses : c'est tout à la fois de trop confon* 
dre et de trop distinguer. 

Le plus souvent, on a trop confondu. L'his- 
toire a paru si merveilleuse en elle-même, qu'on 
,n'a pas vu grand inconvénient à y joindre la 
légende. Tout se mêle alors sans qu'il soit pos« 
sible de discerner ce qui est de l'une ou de l'au- 
tre. 11 semble que le récit n'y perde rien; mais, 
en proposant du même ton au lecteur les choses 
qui dérivent des traditions les moins autorisées 
et celles qui s'appuient des témoignages les plus 
forts, on l'amène nécessairement, môme dans 



IV PRÉFACE. 

les livres les plus éloignés de l'esprit de système, 
à les recevoir ou à les rejeter de la même sorte. 
Et pourtant, quand on les jugerait au fond de 
même nature, encore serait-il bon d'en signaler 
et d'en discuter Torigine, afin que chacun pût 
voir ce qu'il en doit prendre ou laisser. 

D'autres fois, au contraire, on établit plus de 
distinction qu'il ne faut. Les deux procès ont un 
caractère et un esprit bien opposés ; mais, peut-on 
dire qu'ils nous font de Jeanne d'Arc deux por- 
traits différents? et M. J. Quicherat, qui, comme 
éditeur de tous les deux, les pouvait voir du 
même œil l'un et l'autre, a-t-il raison de dire du 
second, dans ses Aperçus nouveaux : « Le pro- 
cès de réhabilitation vint ensuite donner une 
tournure de commande aux souvenirs, qu'il eut 
au moins le mérite de fixer. — 11 est la source de 
tout ce qu'ont écrit les chroniqueurs favorables 
à la Pucelle : il a fourni les traits de cette froide 
image qui a trop longtemps défrayé l'histoire, 
image d'une chaste fille venue pour rendre cœur 
à son roi, d'abord prise en défiance, puis écou- 
tée et suivie ; malheureuse de sa réussite , puis- 
que la reconnaissance du monarque, en la rete- 



PREFACE. y 

nant plus qu'il n'aurait fallu ^ la précipita vers 
une funeste fin \ » 

S'il fallait^ de toute nécessité^ choisir entre les 
deux documents; mon choix ne serait pas dou- 
teux: je préférerais le premier au second; et en. 
cela je ne croirais pas nuire à Jeanne. Dans le 
second procès nous voyons un portrait de. la 
PuceUe, tracé par ceux qui ont conversé avec elle 
à toutes les époques de sa vie ; dans le premier 
nous la voyons elle-même, et elle est assez grande 
pour se montrer imposante encore au milieu 
des retranchements et des altérations que sa 
parole a pu subir. Mais pourtant on ne peut pas 
tout dire sur soi-même, et les juges ont sup- 
primé les témoins. Le premier procès a donc 
des lacunes; c'est avec le second qu'il faut les 
remplir. 

Le second procès d'ailleurs, autant qu'il la 
pu, a puisé, s'il est permis de le dire, aux sources 
du premier. Il en a appelé non pas les témoins, 
mais les acteurs, les hommes les plus intéressés 

1 . Aperçus nouveaux sur V histoire de Jeanne âHArc , 
page 156. 



Yl PRËFAGB* 

à le défendre : J. Beaupère, le second de 
P. Cauchon; Th. de Courcelles, qui mit le pro*- 
cès-verbal en latin; les greffiers^ Thuissier, et 
presque tous les assesseurs encore vivants; et 
^ quand bien même les autres dépositions recueil- 
lies pourraient être regardées comme produites 
au nom de F accusée^ elles ne feraient encore que 
rendre au premier procès un élément qu'on ne 
peut> sans injustice, retrancher de la cause. Leur 
appréciation ne ressemblera pas à celle des 
juges; mais apprécieront-ils moins justement? 
Et Jeanne^ dans leurs témoignages, sera-t-elle 
autre qu'on ne la voit quand elle se montre 
elle-même dans son procès? Sont-ce les déposi- 
tions de Dunois> de L. de Contes et du duc d'A- 
lençon qui ont subi cette « tournure de com- 
mande » et « fourni les traits de cette froide 
image » des histoires postérieures ? Où trouve- 
t-on Jeanne plus Vive, plus pleine de vigueur et 
d'entrain^ soit que^ arrivant devant Orléans, et 
s'en voyant séparée par la Loire> elle interpelle 
rudement Dunois sur le détour que la timidité 
des chefs a fait prendre, en la trompant, au 
convoi qu'elle amène; soit que, se réveillant à la 



PRËPAGB. Yll 

nouvelle de l'attaque de Saint-Loup, elle gour- 
mande son page : ec Ah ! sanglant garçon, vous 
ne me disiez pas que le sang de France fût ré- 
pandu ! 9 soit qu'à Jargeau elle entraine aux mu- 
railles^ criant au duc d' Alençon qui veut attendre : 
ce Ah! gentil duc, as-tu peur? » Est-elle moins 
ferme et moins prompte à la réplique dans le 
témoignage de Séguin, un des examinateurs de 
Poitiers, que dans le procès-verbal des juges de 
Rouen ? 

Mais il nous faudrait reprendre dans cette pré- 
facé les traits les plus saillants de Thistoire qui 
va suivre. Et si le même document qui nous dé- 
peint sËi hardiesse à Poitiers, son aisance à la 
cour^ sa bonne tenue sous les armes, et ce coup 
d'œil et cette science militaire dont les plus vieux 
capitaines étaient surpris, nous la montre en 
même temps pieuse et recueillie, accomplissant 
avec la ferveur d'une nonne et la simplicité d'un 
enfant toutes les pratiques de la dévotion la plus 
vulgaire, dira-t-on qu'ici, du moins, il a affadi 
son image et imprimé à sa figure la couleur que 
la réhabilitation avait pour objet de faire préva- 
loir? Mais comment le dire, si l'on trouve les 



VJII PRËFACe. 

mêmes choses dans le procès même de condam* 
nation ou dans des pièces qui Font précédé? Ce 
ne sont pas seulement les témoins de Vaucou- 
leurs ou d'Orléans, ce sont les docteurs de 
Poitiers, qui attestent, avant qu'on se décide à 
l'envoyer à Orléans, la dévotion de la Pucelle; 
c'est Jacques Gelii, archevêque d'Embrun, qui, 
dans son traité, composé le mois même où Or- 
léans fut délivré, argumente en sa faveur, de sa 
piété, de son assiduité à la confession et à la com- 
munion \ C'est Percevàl de Boulainvilliers qui, 
dans une lettre écrite au duc de Milan, le 21 du 
mois suivant, avant le sacre, parle, en témoin, des 
mêmes choses * . Ce n'est pas un témoin endoctriné 
ou prévenu, c'est Jeanne qui raconte comment, à 
Sainte-Catherine de Fierbois , elle entendit trois 
messes le même jour (séance du 27 février). C'est 
elle encore qui, interrogée par ses juges si elle 

1 . « Sollicite sacramenta ecclesiastica veneratur et fré- 
quentât, confitendo sœpe, et corpus Domini dévote reci- 
piendo.» {Procès^ t. III, p. 406.) 

2. «Immobilis Deo serviendo, missam audiendo, eucha- 
ristiam percipiendo, prima proposita continuât. » {Ibid,^ 
t. V, p. 119.) 



PRÉFACE. IX 

se confessait à son curé^ répond qu'elle s'est con- 
fessée deux ou trois fois aux frères mendiants^ 
et cela quand elle était à Neufchâteau : — deux 
ou trois fois, et elle vient de dire qu'elle y fut 
quinze jours ! (Séance du 22 février.) Ce sont ces 
mêmes juges enfin qui, lui demandant si elle a 
jamais fait oblation de chandelles ardentes à 
ses saintes, l'amènent à répondre qu'elle ne 
l'a jamais fait, <k si ce n'est en offrant à la messe 
en la main du prêtre et en l'honneur de sainte 
Catherine (séance du 15 mars). » 

On n'a donc pas le droit de dire que les 
deux procès, à les prendre je ne dis pas dans les 
articles de l'accusation ou dans ceux de la dé- 
fense, mais dans les interrogatoires du premier 
et dans les enquêtes du second (et c'est là qu'il 
les faut voir), offrent de Jeanne d'Arc deux por- 
traits différents. Si divers qu'ils soient par leurs 
conclusions, loin de se contredire à cet égard, 
ils se complètent; et ils servent à titre égal à re- 
présenter la Pucelle dans toute sa vérité. Si les 
anciens apologistes de Jeanne en ont souvent trop 
effacé les traits , ce n'est pas que le procès 
de réhabilitation les ait induits en erreur : c'est 



X PRÉFACE. 

qu'ils n'ont pas su le comprendre ou le lire. 
L'une et l'autre chose est aujourd'hui facile, 
grâce aux travaux de M. J. Quicherat. Nous em- 
ploierons concurremment les témoignages des 
deux procès ; et personne n'a jatnais entrepris de 
faire autrement l'histoire de la Pucelle; car si 
L'Averdy a présenté en deux tableaux les traits de 
sa figure, c'est qu'il faisait l'histoire non de 
Jeanne, mais de ses procès, dans le recueil parti- 
culièrement consacré à la Notice des manuscrits. 
Nous réunirons donc leurs matériaux, non pas, 
aveuglément sans doute, mais en disant où nous 
puisons, et sans oublier que, si l'un a été suscité 
par les amis de Jeanne, l'autre (on parait trop ne 
s'en point souvenir) est l'œuvre de ses ennemis; 
et> d'autre part, nous chercherons à distinguer 
ce qui est de la légende et ce qui est de l'histoire, 
non pour supprimer la première, mais pour l'ad- 
mettre à son vrai titre, sans farder la seconde 
des fausses couleurs qu'elle en pourrait recevoir. 

En reproduisant les paroles de Jeanne dans le 
français du temps, quand elles nous sont ainsi 
parvenues, nous ne nous croirons pas astreint 



PRÉFACE. XI 

à en garder ni Torthographe, ni les formes deve- 
nues inintelligibles : car une histoire est faite 
pour être lue sans étude ; et il faut éviter d'ail- 
leurs le contraste que ces paroles pourraient offrir 
dans la même page et dans le même discours^ 
selon qu'elles seraient prises du français ou tra- 
duites du latin. 

Les tomes désignés dans les notes sans autre 
indication d'ouvrages, sont ceux des Procès de 
Jeanne d'Arc, publiés par M. J. Quicherat, et 
comprenant, le tome I*', le procès de condamna- 
tion ; les tomes II et III, le procès de réhabilita- 
tion ; le tome IV, les fragments des historiens; et 
le tome Y, les pièces diverses. Nous croyons être 
utile au lecteur en renvoyant de préférence à 
cet ouvrage, même pour les chroniques publiées 
intégralement dans d'autres collections. 

Nous donnerons à la fin, dans l'ordre alpha- 
bétique, une courte notice des historiens origi- 
naux, ou des témoins qui ont déposé au procès, 
afin qu'on puisse se rendre compte de la valeur 
de leur parole, dans les passages où ils seront 
cités. 



INTRODUCTION. 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. 



Jamais la France ne fut plus en pérît qu'au 
moment où parut Jeanne d'Arc. 

L'Angleterre, jadis conquise par les Normands 
français, prenait à son tour possession de la 
France : c'étaient les représailles de la conquête, 
et le terme où semblait aboutir la longue rivalité 
qu'elle avait provoquée. 

La rivalité dès deux nations n'avait en effet 
pour principe aucune opposition naturelle soit 
des pays, soit des races. Les deux pays, voisins 
sans se toucher, se trouvaient, grâce au détroit, 
quand la mer n'était pas encore un sujet de que- 
relle, exempts de ces conflits qui naissent le plus 
souvent de limites communes ; et les deux popu- 



MV INTRODUCTION. 

lations étaient sœurs : ce sont les mêmes races 
qui ont, à F origine, peuplé la Gaule et la Bre- 

tagne. Toujours unies dans leurs destinées, elles 
avaient subi ensemble la conquête romaine, suivi 
les mêmes révolutions, figuré dans la même divi- 
sion de r empire; et à T époque des invasions bar- 
bares, ce sont defii races s^œurs encore qui se les 
partagèrent. Que si la transformation des deux 
peuples se fit dans des conditions différentes, si les 
Francs se fondirent cm sein des populations de 
la Gaule, tandis qu'en Bretagne les Anglo-Saxons 
prévalurent, ce changement dans le caractère des 
deux contrées n'altéra point leurs bons rapports. 
Egberf, roi de Weasex, était dans l'alliance, x)n 
pourrait dire dans la clientèle de Gharlemagne, 
et les deux pays s'envoyaient et B*empruntaient 
tour à tour Fun à l'autre leurs missionnaires et 
leurs savants. Gette différence du langage qui 
devait rendre les communications plus difficiles, 
les relations moins étroites, semblait môme à la 
veille de cesser, au moins daris les classes domi- 
nantes, lorsque l'Angleterre fut envahie par les 
Normands. 

C'est alors que la rivalité commença. 

L'occupation de l'Angleterre (1066) faisait au 
duc de Normandie une position menaçante pour 
le roi dont il relevait. Sans rien changer à sa 



LA FRANCE £T L'ANGLETERRE. XV 

eonditiop de vassal, elle agrandissait considéra- 
blement son état ; elle le faisait sur le sol étran- 
ger régal de son suzerain de France, avec une 
supériorité de ressources qui, au moindre diffé^ 
rend, le mettait en mesure de faire la loi, bien 
loin de la subir, I^ France, n'ayant pas su em-i 
pécher la conquête, voulut en prévenir les résul-» 
tats; et tout l'effort de sa politique tendit à 
rompre entre TAngleterre et la Normandie cette 
union qui la tenait elle-même en écbec 2 poli-^ 
tique inaugurée par Philippe l^*" lui-même en 
face de Guillaume le Conquérant, continuée avec 
plus de suite, mais sans plus de bonheur, par 
ÏjOuîs VI contre Henri l*^ et qui, mal soutenue 
par Louis VII, confondue par T heureuse fortune 
et l'habileté de Henri II son rival, fut reprise par 
Philippe Auguste contre Richard Cœur de Lion 
et surtout contre Jean sans Terre, Mais cette fois 
il ne s'agit pas seulement d'amener le partage 
des possessions anglaises entre les membres de 
la famille régnante. Le crime par lequel Jean 
s'est débarrassé de son neveu lui a suscité un 
prétendant bien autrement redoutable 2 le roi, 
son suzerain, armé des droits de la justice. De 
là ces réunions au domaine, maintenues par 
Louis VIII, et que saint Louis aurait eu si bien 
le droit et le moyen d'accroître, grâce ^ux at^^ 



XVI INTRODLCTION. 

taques imprudentes et aux agitations intérieures 
de l'Angleterre sous Henri III, s'il n'avait mieux 
aimé les affermir en les réduisant, par un excès 
de scrupule et de modération (1259). 

Jusque-là, la France a l'offensive. Malgré la 
disparité des ressources, elle attaque sa rivale, 
non-seulement sous Philippe Auguste, mais dès 
le règne de Philippe P', au temps du Conqué- 
rant, et sous Louis VU, lorsque Henri II réunit 
à l'Angleterre les domaines de la Normandie, de 
l'Anjou, de l'Aquitaine ; et les rois d'Angleterre 
ainsi provoqués ne vont guère au delà des né- 
cessités de la défense, respectant jusque dans 
leur ennemi, leur suzerain. Mais la querelle va 
changer de face. Après la paix de saint Louis, 
les deux nations, détournées d'abord l'une de 
l'autre parles tendances diverses de leurs gouver- 
nements, avaient été ramenées à la lutte, contre 
le gré d'Edouard P', par le génie remuant de 
Philippe le Bel : guerre moins funeste en elle- 
même que par le traité qui la termina (1299 et 
1 303) ; car pour sceller l'union des deux pays, il 
stipulait entre le fils d'Edouard et la fille de Phi- 
lippe le Bel un mariage qui contenait en germe 
la guerre de Cent ans. 

Dès ce moment les rôles sont changés : ce 
n'est plus la France qui, en vertu des droits de 



LA FRANCE £T L'AlVGLETERRE. XYH 

la suzeraineté^ intervient dans les troubles de 
l'Angleterre pour arriver à la division ou à la 
confiscation de ses provinces continentales : c'est 
l'Angleterre qui revendique la France elle-même 
comme un héritée usurpé par la maison de Valois 

w 

sur le petit-fils de Philippe le Bel, Edouard III. 
La querelle change donc d'objet et de caractère: 
il ne s'agit plus de telle ou telle province, mais 
du royaume ; et la question, en cessant d'être 
féodale pour se faire dynastique, devient natio- 
nale : car la dynastie est le signe et la sauvegarde 
de l'indépendance du pays- 

C'est à cette phase nouvelle de la rivahté des 
deux peuples que se rattache la mission de Jeanne 
d'Arc. 

La guerre de Cent ans, qu'elle fut appelée à 
terminer, se partage en deux grandes périodes 
où les succès et les revers alternent pour F An- 
gleterre et pour la France. Dans la première, la 
France vaincue par Edouard III sous Philippe de 
Valois et sous Jean, se relève avec Charles V 
pendant la vieillesse d'Edouard et la minorité 
de Richard II son petit-fils. Dans la seconde, 
après un intervalle où se produit, d'une part, 
l'usurpation des Lancastre (Henri IV), de l'autre 
la rivalité des Armagnacs et des Bourguignons, 
la France, vaincue sous Charles VI par Henri V, 

T b . 



XVlil IfiTfcObUCTlON. 

se relèvera sous Charles VII œntre Henri VL 
Mais de quel abîme elle se relève et pat quelle 
grâce inespérée 1 Pour le faire entendre^ signa- 
lons au moins les faits saillants de cette lamen-» 
table histoire. 

Rien à T avènement des Valois (1328) ne pré-* 
sageait quelle sanglante époque cette maison 
allait marquer dans nos annales- Philippe VI^ 
reconnu par les trois ordres de l'État^ voyait 
tous les princes d'alentour saluer son élévation 
au trône^ briguer même une place dans son cor* 
tége ; et son jeune rival, Édouard> devenu roi 
prématurément par le crime de sa mère, gou- 
verné par elle et déconsidéré par la tutelle où il 
était retenu comme par les revers qui la désho- 
noraient, se trouvait réduit à venir faire hom- 
mage au prince dont il allait disputer la cou-* 
ronne. Mais tout change dès qu'il s'est affranchi 
de la triste solidarité du parricide, et bientôt 
y on put voir ce qu'il y avait de faiblesse souS 
les brillants dehors du despotisme des rois de 
France, ce qu'il y avait de force pour les rois 
d'Angleterre, jusque dans le frein que la consti- 
tution leur imposait. 

La guerre entamée d'abord par la Flandre et 
par la Bretagne, est bientôt portée au cœur 
même de la France. Edouard III débarque en 



LA FRANGE ET L'ANGLETERRE. XIX 

Normandie : c'est la patHe de ses aïeuxies con- 
quérants de TAngleterre. Mais, pour conquérir la 
France, il a besoin de Taide des Anglais : la Nor^ 
mandie leur est livrée en proie par cet héritier de 
Guillaume le Bâtard 4 Une charte qu'il a trouvée 
à Caen, charte par laquelle Philippe VI oc- 
troyait au duc (Jean> son fils) et aux barons de 
Normandie une nouvelle conquête de l'Angle*- 
terre , est envoyée en Angleterre , publiée dans 
toutes les paroisses, comme pour reporter sur les 
nouveaux Normands tout l'odieux attaché en An- 
gleterre au nom de leurs ancêtres, et confondre 
les vieilles inimitiés en une haine commune contre 
la France. Dès ce moment, c'est bien le peuple 
anglais qui soutient la lutte avec Edouard, et l'on 
sait quel en fut le résultat : la bataille de Crécy 
(1346), c'est-à-dire, le triomphe d'une armée 
rnèrcenaire, mais nationale^ sur l'armée féodale ; 
et la prise de Calais (1347), qui donnait à l'An- 
gleterre une porte ouverte en France'. 

Tandis qu'Edouard, en ménageant les Anglais 
pour obtenir leur libre concours, avait su les 
intéresser à la guerre, même lorsque cette guerre 
était toute de conquête, le roi de France, grâce 
aux déplorables facilités de son droit absolu, 
trouvant bon tout moyen de se créer des res- 
sources, les confiscations, les altérations de mon- 



XX INTRODUCTION. 

naie, avait épuisé le pays et le décourageait, 
même quand il s'agissait de défense nationale. 
Ce fut bien pis encore sous le roi Jean : il en 
vint à s'aliéner non-seulement le peuple par ses 
exactions, mais jusqu'à la noblesse par ses vio- 
lences; et la guerre fut marquée par une dé- 
faite bien plus fatale encore : la bataille de Poi- 
tiers (1356), qui donna au vainqueur non pas 
une ville, mais le roi, c'est-à-dire, comme un 
gage du royaume. La France fit alors la triste 
expérience d'un pouvoir qui ne connaît rien, 
qui n'a rien ménagé hors de soi. Il tombe, et 
rien n'est prêt pour y suppléer. Au lieu du par- 
lement dont la royauté anglaise peut s'appuyer 
dans le péril, l'héritier du pouvoir en France 
est en présence des Etats généraux, où fer- 
mentent tous les ressentiments de la nation. Au 
lieu d'un concours, c'est la lutte qu'il y trouve; 
et ce grand mouvement national provoqué par 
l'excès du mal, aboutit à l'insurrection de la 
commune dans Paris, au soulèvement des Jacques 
dans les campagnes. C'est dans ces conditions 
que le tlauphin, ayant vaincu et Marcel et les 
Jacques, prit le parti, ne pouvant vaincre les 
Anglais de la même sorte, de traiter avec eux 
(Bréligny, 1360) : déplorable traité commandé 
par les circonstances, mais qui ne sauvait la cou-- 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. XXI 

ronne qu'au prix de la moitié de la France, 
laissée en toute souveraineté au roi d'Angle- 
terre. 

Une chose qui fait pardonner au dauphin le 
traité de Brétigny, c'est que, roi, il sut en ré- 
parer les conséquences. Sans rendre le pouvoir 
royal moins absolu, il le lit plus populaire par 
la réforme de l'administration, par l'éloigné- 
ment des Compagnies qui entretenaient jusque 
dans la paix tous les maux de la guerre, et bien- 
tôt par une guerre qui, mettant à profit les 
fautes du gouvernement anglais, sut lui repren- 
dre plusieurs de nos provinces. 

Mais ce retour de fortune fut cruellement coto- 
pensé sous le règne suivant. 

tes deux pays, après Edouard III et Char- 
les V, avaient subi des vicissitudes analogues : 
de part et d'autre une minorité, des tiraillements, 
causés par les vues ambitieuses des oncles du 
roi, et des excès qui provoquèrent également des 
mouvements populaires : Wat Tyler en Angle- 
terre, et en France les Maillotins. Seulement, en 
Angleterre, le roi, devenu majeur, prit en main 
le pouvoir; et quand son autorité eut dégénéré 
en tyrannie, une révolution porta au trône une ' 
branche intéressée à relever son usurpation par 
des victoires. En France, à la minorité du roi 



XXn INTRODUCTION. 

succéda bientôt sa folie, c'est-à-dire le gou- 
vernement des proches sans responsabilité, des 
rivalités de pouvoir sans frein ; et, pour con- 
séquence, une guerre civile qui préparera le 
triomphe de la guerre étrangère. 

La révolution qui renversa Richard II au profit 
d'Henri IV, ne rompit point immédiatement la 
paix que Richard avait conclue avec la France, 
Henri IV n'en eut pas le loisir : il avait à rëpri- 
mer à l'intérieur les mouvements excités au nom 
du prince qu'il avait mis à mort, ou des réformes 
qu'il n'avait pas accomplies ; mais, au prix de 
cette lutte, son tils Henri V se trouva libre de 
tirer parti des troubles de la France. La France 
était plongée, tout à la fois, et dans le schisme et 
dans l'anarchie : le schisme fomenté par elle 
depuis que la papauté s'était soustraite à la cap- 
tivité d'Avignon; l'anarchie née de la rivalité des 
ducs d'Orléans et de Bourgogne. Le duc de 
Bourgogne Jean-sans-Peur, après avoir tué le duc 
d'Orléans et triomphé insolemment de son as- 
sassinat, se trouvait n'avoir vaincu que pour 
devenir à Paris l'homme des Bouchers ; et il y 
tombait avec eux, laissant la place au parti de 
son rival, devenu, par une alliance avec les 
hommes du Midi, le parti des Armagnacs. Entre 
les deux partis, les Anglais ayaient le choix des 



LA FRANCK ET L'ANGLETERRE. UIII 

• 

alliwces, et Hepri IV avQit soutenu tour à tour 
le duc de Bourgogne et le jeune duc d'Orléans» 
flepri V* niis comme son père en demeure de 
choisir, prit pour ennerni cplui qui était au pou^ 
Yoir; p' était se rouvrir la voie des conquêtes , et 
donner ^ c^tte guerre d'ambition les dehors 
d'une guerre sainte, en attaquant les derniers 
IHutaurs de la papauté schismatique. 

La prise d'Harfleur, un autre Calais, un Calais 
au^ bouches de la Seine, ouvrant la France à 
l'Angleterra, ferpoant la mer à Rouen, à Paris; la 
journée d'Azipcourt (1415), répétition sanglante 
des journées c[6 Crécy et de Poitiers, tels furent 
Ipfi) débuts de la guerre, et la suite y répondit. 
Henri V, à ^on retour de Londres, où il est allé 
mettre en sûreté ses prii^onniers (parmi eux les 
ducs d'Orléans et de Rourbon), trouve les villes 
presque sans défense (141 7) : toutes les garnisons 
en ont été rappelées pour la lutte des Armagnacs 
contre le^ bourguignons. Caen, Bayeux, etc., 
sont réduits ^ capituler ; la Bretagne, l'Anjou, 
sollicitent du vainqueur des traités de neutralité, 
tels qu'il en a déjà avec la Flandre. Ainsi cou- 
vert sur ses flancs , il peut avancer en toute li- 
berté, divisant son armée pour accomplir, au 
milieu de la terreur universelle, plus de sièges 
en mépie t^nips. La chute des Armagnacs, la 



XXIV INTROPUCTION. 

rentrée du duc de Bourgogne à Paris, n'arrêtent 
pas ses progrès en Normandie. Rouen suc- 
combe : c'est au duc de Bourgogne, à son tour, 
d'en répondre à la France \ 

La prise de Rouen avait excité la plus vive 
émotion. Un cri s'élève de partout, qui com- 
mande la fin des luttes civiles. Les partis font 
trêve. Le duc de Bourgogne, ayant le roi, aurait 
été jusqu'à la paix, et le dauphin, qui était avec 
les Armagnacs, n'y répugnait pas : il n'avait 
point de grief personnel contre le duc; et il avait 
tout intérêt, comme héritier du trône, à s'assu- 
rer de son concours. Mais la paix ne se pouvait 
pas faire entre eux sans supprimer toute l'impor- 
tance des Armagnacs. Ce furent ces perfides con- 
seillers qui préparèrent et accomplirent, au nom 
du dauphin, le guet-apens du pont de Monte- 
reau(1419). 

Le meurtre du duc de Bourgogne , à Monte- 
reau, vengeait le meurtre du duc d'Orléans; 
mais cette vengeance était un assassinat, et ce 
nouveau crime, loin de rien réparer, devait 
mettre plus bas encore et le dauphin et la France. 
Les Parisiens se déclarèrent contre les meur- 
triers ; Philippe le Bon, fils de Jean-sans-Peur, 
ne pouvait pas faire défaut à son parti. Il vint, 
résolu de venger son père, mais par les Anglais, 



LA FRANGE ET L'ANGLETERRE. XXV 

et^ paF conséquent^ aux dépens de la France. 
Une conférence fut tenue à Arras , et Ton y fixa 
les bases de la paix, qui fut signée à Troyes 
(1420). 

Le traité de Troyes semblait être la conclusion 
définitive de la lutte qui avait si longtemps di- 
visé la France et TAngleterre. 11 donnait pour 
bases à la paix l'union permanente des deux 
pays sous un môme roi, la fusion des deux fa- 
milles royales en une seule famille. Le dauphin 
était proscrit, il est vrai ; c'était le salaire du crime 
de Montereau. Mais la fille de Charles VI épousait 
Henri V; elle partageait avec lui le trône d'An- 
• gleterre en attendant le trône de France : et c'é- 
tait à leurs descendants qu était assurée la pos- 
session des deux royaumes. Tout le monde, 
hormis le dauphin, paraissait gagner à cet arran- 
gement : le duc de Bourgogne était vengé, 
Charles VI gardait sa couronne, et la France y 
trouvait l'assurance de voir se rétablir un jour 
l'union de ses provinces. Jamais paix avait-elle 
tant donné aux vaincus? Mais le vainqueur n'y 
perdait rien que l'odieux même de la victoire. La 
conquête, se voilant sous les apparences d'un 
bon accord, y trouvait le moyen de s'affermir et 
de s'étendre. Que si, pour porter la couronne, 
Henri V devait attendre la mort de Charles VI, 



XXVI INTRODUCTION. 

il n'attendait rien pour en exercer tous les droits. 
Il devait gouverner à la' place du roi malade, et 
poursuivre en son nom, avec les ressources des 
deux couronnes, la guerre contre le dauphin et 
les Armagnacs, Charles VI semblait né plus vi- 
vre que pour couvrir cette intrusion et Ift faire 
mieux agréer de la France. 

Disons-le donc : jamais la Frapce ne fut si bas 
dans rhistoire qu à l'époque du traité de Troyes. 
Ce traité, sous prétexte d'unir les deux pays, 
iabandonnait en une fois à l'Angleterre, non pas 
seulement ce qu'elle avait conquis, mais ce qui 
lui restait à conquérir. Le vainqueur voulpil bien 
n'être que l'héritier du vaincu, et promettait de 
lui laisser, sa vie durant, les ornements de la 
royauté, un état honorable, la résidence ep son 
royaume ; mais au fond il était roi déjà, ayant la 
.capitale et tous les grands instruments du pou-^ 
voir. La France, livrée par tous ceux qui la dcr 
vaient défendre, le roi, les princes, les États gé- 
néraux, le Parlement, l'Université, n'avait de 
refuge pour sa nationalité qu'auprès d'un prince 
déshérité par son père comme assassin , et dans 
le camp plus que jamais odieux des Armagnacs. 
C'est là qu'Henri V comptait lui porter bientôt 
le dernier coup lorsqu'il mourut, et Charles VI 
après lui (1422). 



LA FRANCK ET L'ANGLETERRE. XXVJl 

La mort d'Henri V préservait le dauphin d'une 
perte immédiate, sans le sauver pourtant. 

Henri VI, proclamé roi de France après la 
mort de Charles Vl^ était un enfant de dix mois, 
et une telle minorité convenait peu à de si 
grandes affaires ; mais Henri V avait sagement 
pourvu à la régence. De ses deux frères, il avait 
désigné le plus jeune, Glocester, pour l'Angle- 
terre ; l'aîné, Bedford^ le plus capable, pour la 
France : et cet arrangement avait été maintenu 
ail fond, avec un changement dans les titres, 
propre à calmer les susceptibilités du parlement 
anglais. Désigner l'alné des princes pour la 
la France, n'était-ce pas donner à la France le 
pas sur l'Angleterre? Bedford fîit nommé rëgent 
des deux royaumes, Glocester, son lieutenant en 
Angleterre ; et de cette façon, le plus habile res- 
tait toujours où était le danger. 

Le dauphin avait été proclamé aussi à la mort 
de Charles VI, sous le nom de Charles Vil , et il 
était, lui, en âge de régner. Mais la légèreté de son 
caractère , son goût pour les plaisirs , le détour- 
naient des soins les plus indispensables : <c n'a- 
voit point cher la guerre s'il s'en eût pu passer. » 
La conduite des affaires restait donc à ceux qui 
l'entouraient: or c'étaient les plus fougueux des 
Armagnacs, des hommes qui n'avaient rien à 



XXVllI INTRODUCTION. 

attendre du parti contraire; qui^ pour s'en mieux 
garder, n'avaient pas craint de se faire une bar- 
rière de l'assassinat : Tannegui duChastel, Lou- 
vet ; et, aprè s eux , des étrangers : le connétable 
de Buchan, Douglas, Narbonne ; ou bien encore, 
parmi les meilleurs, quelques hardis chefs de 
bande, Xaintrailles , La Hire : La flire qui jurait 
que Dieu le Père, s'il se faisait gendarme, se fe- 
rait pillard, et qui, en raison de cette confrater- 
nité, s'écriait «en son gascon, » avant de se jeter 
dans la bataille : « Dieu, je te prie que tu fasses 
aujourd'hui pour La Hire autant que tu voudrois 
que La Hire tît pour toi, s'il étoit Dieu et que tu 
fusses La Hire ' ! » 

Tout l'avantage demeurait donc au jeune 
Henri VI. Avec les ressources de l'Angleterre et 
ce qu'elle avait directement conquis en France, 
il avait ce que lui donnait dans le royaume le 
parti du duc de Bourgogne, c'est-à-dire presque 
tout le Nord ; il avait Paris et tous les grands 
corps de l'État, et ses alliances venaient encore 
de s'affermir et de s'étendre. Dans une confé- 
rence tenue par Bedford, à Amiens, le duc de 
Bretagne et son frère Richemont s'étaient ren- 
contrés avec le duc de Bourgogne ; et un double 
mariage resserrait par des liens de famille l'u- 
nion des pays : le duc de Bourgogne donnait une 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. XXIX 

de ses sœurs à Richemont et une auti:e à Bedford. 
Charles VII retenait en général les provinces du 
centre et du midi^ les apanages des prinœs faits 
prisonniers à Azincourt, et ce que pouvaient 
mettre à sa disposition les maisons d'Anjou et 
d'Alençon, les comtes d'Albret et d'Armagnac. Il 
avait réuni ses Etats généraux à Bourges; il s é^ 
tait fait^ des conseillers de Paris restés fidèles à sa 
cause^ une ombre de parlement à Poitiers. Mais sa 
détresse était extrême. Les troupes^ composées en 
partie d'Ecossais et de Lombards (les Ecossaiis 
par haine de T Angleterre ; les Lombards par atta- 
chement au fils de Valentine deMilan^et tous un 
peu par amour de la solde ou du pillage), don- 
naient à sa cause un air que la présence des Gas- 
cons d'Armagnac ne rendait pas beaucoup plus 
national; et la manière d'agir de cette armée 
faisait bien plus douter encore qu'elle fût fran- 
çaise : car il lui fallait vivre , et Charles VII 
n'ayant pas de quoi l'entretenir, elle vivait aux 
dépens du pays. On avait donc tout à gagner en 
l'envoyant en pays ennemi, et l'on chercha, par 
son moyen, à se rouvrir les voies de communi- 
cation avec les villes demeurées fidèles en Cham- 
pagne et en Picardie^. Mais des deux côtés on 
échoua. En Champagne, on se fit battre en vou- 
lant reprendre Crevant aux Bourguignons; en 



XXX INTRODUCTION. 

Picardie, oq laissa le Crotoy lomber aux mains 
des Anglais * . 

Heureusement pour la France^ Henri VI avait 
pour oncle non pas seulement Bedford, mais 
aussi Glocester; et, tandis que le premier fai- 
sait tout pour se mieux assurer T alliance du duc 
de Bourgogne^ l'autre faillit la rompre. U déci- 
dait Jac(Jufeline de Hainaut à répudier le duc de 
Brabant^ cousin de Philippe le Bon, pour Tépou- 
ser lui-même, froissant par là le duc de Bour- 
gogne dans ses intérêts les plus chers ; car Jac- 
queline, par son divorce, rompait les liens de 
famille qui l'attachaient à ce prince , et par son 
nouveau mariage elle lui enlevait F espoir d'une 
succession qui semblait infaillible, tant qu'elle 
aurait eu pour mari le valétudinaire duc de 
Brabant. Cette querelle, qui absorbait juste- 
ment toute l'attention de Bédford, donna quelque 
répit à Charles VH- : il continuait donc sa petite 
guerre, mais parmi des tiraillements qui la pou- 
vaient rendre encore dangereuse. Ses généraux, 
jaloux l'un de l'autre, n'avaient pu s'entendre 
qu'en mettant à leur tête le duc d'Alençon, un 
prince de quinze ans. Il fat battu et pris à Ver- 
neuil; le connétable de Buchan, Douglas, Nar- 
bonne, et presque tous les Écossais demeurèrent 
sur le champ de bataille *. 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. XÂXl 

Ainsi rien ne réussissait à Charles VIL Dans 
cette lutte où l'Angleterre n'ayait pu rentrer 
encore ayec toutes ses forces^ il avait tenté deux 
coups un peu plus décisifs^ à Crevant^ à Verneuii; 
et il avait été battu. Tout n'était point perdu en- 
core^ grâce à la diversion du Hainaut^ Glocester^ 
ayant épousé Jacqueline^ voulait entrei^ en pos-^ 
session de ses États. Qu'eût-il gagné à prendre 
la femme sans la dot ? Mais c'étai ce que le duc 
de Bourgogne était le moins disposé à laisser 
prendre. La lutte était imminente : le duc de 
Bourgogne avait reçu de Glocester un défi; et 
beaucoup d'autres, Richemont^ par exemple, se 
trouvaient fort mal de leurs nouveaux alliés* 
Pour que ceux qui se voulaient éloigner des An- 
glais vinssent à Charles VII, qUe fallait-il? Il fftl^ 
lait qu'ils ne trouvassent plus auprès de lui ces 
chefs armagnacs en qui ils voyaient des ennemis 
persoiiilels* C'est c6 que comprit une femme de 
grand sens, qui savait dominer Charles VII par 
l'autorité de sa position comme par l'ascendant 
de son esprit^ la reine de Sicile Yolande d'Aragon, 
veuve de Louis II d'Anjou et mère de la jeune 
reine de France. Ce fut par ses conseils qu'il of- 
frit répée de connétable à Richemont. Riche- 
mont, frère du duc de Bretagne et beau-frère du 
duc de Bourgogne^ pouvait devenir un lien' 



XXXII INTRODUCTION. 

entre le roi et pes deux princes. Les chefs 
armagnacs ne tentèrent point de retenir un pou- 
voir qui leur échappait, et le principal, Tan- 
negui du Chastel, couvrit au moins sa retraite 
d'une noble parole: « Que jà à Dieu ne plût, 
que pour lui demeurât à faire un si grand bien, 
comme la paix entre le roi et Monseigneur de 

Bourgogne ^ » 
Cette petite révolution de palais pouvait tout 

changer dans la France. Si les Anglais avaient 
officiellement pour eux les corps de l'État, ils 
n'avaient jamais eu la nation. Les haines des 
partis avaient pu seules comprimer les répu- 
gnances populaires. Mais l'équilibre commen- 
çait à se rompre à leur détriment; les seigneurs 
s'irritaient de leur morgue, les villes de leurs 
exigences. Paris d'abord, avait bien eu pour les 
recevoir ses réjouissances accoutumées; mais 
maintenant on y murmurait de tout : les me- 
sures les mieux justifiées étaient mal accueillies 
venant d'eux. Le journal de cet universitaire 
qu'on appelle le Bourgeois de Paris est l'écho 
fidèle de ces plaintes : que les Anglais viennent 
ou s'en aillent, il a toujours quelque chose à 
dire sur ce qu'ils gâtent en venant ou volent en 
repartant. Et le pays tout entier, qui subissait 
leur domination, accusait leur impuissance. IjC 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. XXXllI 

brigandage avait pris possession des campagnes; 
le brigandage était devenu la forme commune 
de la guerre. Les champs n'offrant plus rien, 
on prenait les hommes : on les entassait jusqu'à 
cent et deux cents dans les caveaux des tours , 
pour les contraindre par des tortures de toutes 
sortes à se racheter en livrant leur argent. Et ces 
excès se continuaient là même où la guerre ne 
s'étendait plus. C'est surtout dans les provinces 
soumises aux Anglais, que ces brigands (brigandi) 
avaient élu domicile, vivant aux dépens des vain- 
cus; et aussi au mépris des vainqueurs : et c'est 
aux nouveaux maîtres qu'on s'en prenait partout. 
A ces périls nés de la position faite aux Anglais 
en France par la conquête, ajoutez ceux dont 
Bedford n'avait pu prévenir les causes parmi les 
siens, les querelles de Glocester avec le duc de 
Bourgogne sur le continent, avec le cardinal de 
Winchester, son oncle, en Angleterre. 

La situation prenait donc, par contre-coup , 
un caractère moins fâcheux pour Charles VIL 
L'épée de connétable donnée à Richemont était 
un gage de réconciliation pour tous : aller à 
Richemont, c'était un premier pas vers le duc de 
Bourgogne son beau-frère, au moment où l'am- 
bition de Glocester l' éloignait de Bedford. Quelle 
meilleure occasion de le ramener au roi, et avec 



\XX1V INTRODUCTION. 

lui, on le peut dire, tout le reste de la France? 
Mais cet espoir fut trompé : Richemont, fier du 
concours qui se faisait autour de lui, ne garda 
plus de mesure et se rendit odieux par son des- 
potisme. Trop rude pour mener le jeune roi par 
lui-même, il avait imaginé de le conduire par 
des favoris que le prince acceptait de sa main ; 
mais ces hommes même ne songeaient à user 
de la faveur du roi que pour secouer le joug du 
connétable. Ces intrigues dominèrent toute autre 
chose : elles faisaient avorter les campagnes ; et 
en somme l'œuvre de Richemont se réduisit à 
faire tuer deux de ces favoris (Giac et Beaulieu) 
et à se faire chasser par le troisième (La Tré- 
mouille)*. 

Le gouvernement revenait donc aux Arma* 
gnacs : plus d'espoir, ni du côté de la Bretagne, ni 
du côté de la Bourgogne; et, pendant que cesfau* 
tes se commettaient à la courde Charles VII, Bed- 
ford avait pourvu de son côté aux dangers les plus 
pressants. Il avait mis un terme aux fatales querel- 
les de Glocester avec Winchester, en détournant 
ailleurs l'ambition du cardinal; avecleduc de Bour- 
gogne, en dissipant toutes les craintes que les vues 
de Glocester lui avaient causées* Le mariage de 
ce prince et de Jacqueline avait été cassé par le 
pape ; bien plus, le duc de Brabant, le mari lé- 



LA FRANCK ET L'ANGLETERRE. XXXV 

gitime^ étant mort^ Glocester n'avait pas même 
songé à renouer l'union rompue^ et il avait 
laissé Jacqueline et le comté de Hainaut pour 
épouser sa maltresse. Le duc de Bourgogne, un 
instant incertain^ le duc de Bretagne, un instant 
ennemi, étaient ramenés à l'alliance anglaise, et 
Charles VU restait seul avec son triste entourage. 
C'était pour Bedford le moment de reprendre 
enfin l'œuvre interrompue de Henri V : il fallait 
frapper un grand coup, passer la Loire, et ne 
plus laisser même à Charles Vil le triste nom de 
rai de Bourges, Salisbury, substitué à Warwick 
dans le commandement des armées, fut chargé 
d'assiéger Orléans. 

La ville d'Orléans formait une sorte de carré 
long, comprenant à l'est et pour la plus grande 
partie l'ancienne ville romaine; à l'ouest, l'ancien 
bourg d'Avignon (Avenum), joint à la ville en 
1345 par Philippe de Valois. Le plus grand côté, 
au sud, longeait la Loire sur une étendue d'en- 
viron mille mètres ; le côté parallèle, au nord, 
ne dépassait pas une ligne que l'on pourrait 
tracer de la place actuelle du Martroi aux dépen- 
dances de l'Évéché, Les deux autres descen- 
daient de ces points vers le fleuve, celui de Test, 
en ligne droite : c'était le côté de l'enceinte ro- 



XXXVI INTRODUCTION. 

mairie ; celui de l'ouest, par une ligne plus courbe 
qui enveloppait Féglise Saint-Paul : c'était le 
côté du bourg d'Avignon. La ville était donc 
loin d'atteindre aux limites qu'elle a aujourd'hui, 
mais la population s'y acheminait déjà par des 
faubourgs «les plus beaux du royaume, » qui se 
prplongeaient à l'issue des portes (porte de Bour- 
gogne à l'est ; portes Parisis et Bernier au nord; 
porte Renard à l' ouest) . Devant la portes du sud, un 
pont de dix-neuf arches, qui s'appuyait vers le tiers 
de sa longueur sur une île aujourd'hui supprimée 
(motte Saint-Antoine et motte des Poissonniers), 
menait àla rive gauche de la Loire, où s'élevaient le 
grand couvent des Augustins, et, audelà,un nou- 
veau faubourg, dit « Portereau Saint-Marceau*. » 
Réduit à son enceinte, Orléans faisait encore 
une immense tête de pont au passage de la Loire. 
Ses murs, qui, pour les trois quarts de leur éten- 
due, reposaient sur les fondements romains, 
épais de deux mètres, hauts de six et même de 
dix au-dessus du niveau de la plaine, étaient 
bordés d'un fossé large de treize mètres, pro- 
fond de six, et flanqués de tours à trois, étages, 
qui dominaient la muraille et faisaient une saillie 
de dix mètres au moins dans les fossés de la 
place. Les portes, resserrées chacune entre deux 
de ces tours, étaient en outre défendues par des 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. XXXVU 

boulevards, ouvrages en terre de forme carrée, 
entourés d'un fossé et d'une forte palissade. Le 
pont, sur la rive gauche, avait une défense de 
même sorte : c'était d'abord un pavillon élevé 
sur la culée même du pont, et séparé de la rive 
par un fossé qu'alimentaient les eaux de la Loire 
(on le nommait, des deux tours dont il était 
flanqué, les Tourelles ou Tournelles); et au delà 
du fossé, un vaste boulevard qui en couvrait les 
approches et qu'on appelait le boulevard des 
Tourelles. Cette forteresse, jointe à la ville, mais 
séparée d'elle par un pont d'une telle longueur, 
était bien aventurée. Pour y suppléer, au besoin, 
on avait, dèis 14 17, aux premières apparitions 
des Anglais dans le pays, élevé une autre bas- 
tille à l'endroit où le pont s'appuyait sur l'Ile 
de la Loire : la bastille Saint-Antoine*. 

De part et d'autre on n'avait rien négligé pour 
donner plus de vigueur à l'attaque ou à la dé- 
fense. Salisbury, avant d'approcher de la place, 
avait voulu s'en assurer la route et les abords. 
Il avait pris sur la route, par capitulation ou par 
force, Rambouillet, Rochefort, le Puiset, Thoury, 
Janville ; et il réduisit de la même sorte les alen- 
tours d'Orléans : sur la basse Loire, Meun et 
Raugency; sur la haute Loire, Jargeau et Châ- 
teauneuf. C'est alors que, maître du fleuve au- 



XXXYIII INTRODUCTION. 

dessus et au-dessous d'Orléans, il fit une pre- 
mière démonstration contre la ville* Il passa 
le fleuve, prit Olivet à une lieue d'Orléans, et 
envoya quelques coureurs jusqu'aux premières 
barrières de la place*. 

Les Orléanais tinrent compte de F avertisse- 
ment. Ils avaient, par des contributions volon- 
taires, pourvu la ville d'armes et de vivres. Ils 
tirèrent de leurs magasins tous les engins qui se 
plaçaient aux murailles en cas de siège, pour en 
protéger les défenseurs ou repousser les assail- 
lants : mantelets mobiles faisant parapets, bom- 
bardes et canons (on en compta soixante et onze 
pendant le siège); ils mirent en bon état leurs 
tours, leurs boulevards, leurs barrières. Un pri- 
vilège (c'en était un dans ces temps de désordre) 
confiait exclusivement aux habitants la garde de 
leur ville; mais c'était le royaume tout entier 
qu'il y fallait défendre. En ces conjonctures ils 
n'hésitèrent point à s'adjoindre tous ceux qui 
les y pouvaient aider; et en même temps que 
plusieurs villes (Bourges, Poitiers, la Rochelle) 
leur envoyaient des secours en vivres et en mu- 
nitions, ils ouvraient leurs portes à quiconque 
voulut bien partager leur fortune . Ils avaient à leur 
tête, comme bailli du duc d'Orléans, un vieux 
chevalier, Raoul de Gaucourt, qui avait corn- 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. XXXIX 

battu à Nicopolis en 1396, et vaillamment dé- 
fendu Harfleur contre les Anglais en 1415. 
Vaincu alors et retenu pendant treize ans dans 
leurs prisons, il en sortait avec le désir de 
prendre sur eux une éclatante revanche*. 

La prise d'Olivet, la reconnaissance poussée 
jusqu'aux Tourelles, avaient démasqué les vues 
de l'ennemi. Il voulait prendre le pont d'Or- 
léans, non pour passer la Loire, mais pour blo- 
quer la ville; c'est au delà de la Loire qu'il vou- 
lait s'établir pour la tenir en échec : tentative 
téméraire si Charles VII avait eu une armée ca- 
pable de le combattre ; mais rien ne semblait à 
redouter du roi. Le 12 octobre, Salisbury, ayant 
passé la Loine, vint donc se loger au Portereau, 
devant le pont. A son approche, les Orléanais en 
avaient détruit les maisons ; ils avaient en même 
temps mis le feu au couvent des Augustins, ne 
pouvant l'occuper et ne voulant pas laisser à 
l'ennemi une position si forte en face des Tou- 
relles. Mais ils ne purent tellement le détruire, 
que l'ennemi ne trouvât moyen d'en relever les 
ruines ; et en même temps que ses batteries, éta- 
blies derrière la jetée de la Loire, lançaient des 
pierres de plus de cent livres sur la ville et dé- 
truisaient les moulins qu'elle avait sur le fleuve, 
de cette bastille improvisée il attaquait le boule- 



1 



XL INTRODUCTION. 

yard des Tourelles par la mine comme par le 
cauon *. 

Le 21 octobre il lui donna l'assaut ; mais tout 
Orléans s'était disputé l'honneur de le défendre. 
Les femmes même y étaient accourues^ appor- 
tant des cendres brûlantes^ de la chaux vive, 
de l'eau chaude et de la graisse fondue pour en 
couvrir les assaillants ; et plusieurs s'armaient de 
lances pour les rejeter dans le fossé. Après un 
combat de quatre heures, les Anglais se reti- 
rèrent pour recommencer leur travail de mine. 
Ils le poussèrent rapidement, malgré les contre- 
mines : et déjà le boulevard ne reposait plus que 
sur les étais des mineurs ; pour le faire crouler , 
il ne s'agissait que d'y mettre lu feu (c'était 
encore, malgré l'usage de la poudre, la seule 
manière de faire jouer la mine), quand les Or- 
léanais prirent le parti de l'abandonner. Us 
avaient, on l'a vu, au delà des Tourelles, une 
bastille qui fermait le pont vers la sixième arche 
à partir de la rive droite : la bastille Saint-An- 
toine. Dès la veille, prévoyant la nécessité de la 
retraite, ils avaient construit vers la onzième 
arche, près de l'endroit où s'élevait une croix, 
un boulevard en charpente, qui servit d'avant- 
poste, le boulevard de la Belle-Croix : ils rom- 
pirent une arche entre le boulevard et la bastille. 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. \LI 

ne les rejoignant que par un pont volant^ afin 
que les communications de l'un à Tautre pussent 
être maintenues ou supprimées selon les besoins 
de la défense. Alors^ mettant le feu aux palis- 
sades du boulevard menacé^ ils se retirèrent 
dans les Tourelles, dont ils levèrent le pont; et 
des Tourelles , trop ébranlées elles-mêmes par 
le canon, et trop découvertes après la perte de 
leur boulevard pour qu'on y pût tenir encore, 
dans le boulevard nouveau et dans la bastille 
destinés à y suppléer*. 

Salisbury prit les Tourelles et n'alla point au 
delà : car ce n'était point par ce chemin qu'il 
comptait entrer dans Orléans. Gomment suppo- 
ser en efifet que les Anglais, maîtres du nord de 
la Loire, fussent allés, pour prendre la ville, 
s'établir au sud, ayant à dos toutes les forces 
des Français ? Comment admettre qu'ayant par 
le nord toute liberté d'attaquer directement ses 
murailles, ils eussent entrepris d'ouvrir la brèche 
par-dessus la rivière, sans autre moyen d'y ar- 
river qu'en forçant un pont parfaitement dé- 
fendu? Ce que voulait Salisbury, c'était d'occu^ 
per la tête du pont, pour ôter à Orléans toute 
communication avec ces provinces du Midi où 
était son espérance. Aussi, pour s'y mieux gar- 
der, fit-il rompre les deux premières arches atle- 



XLII INTRODUCTION. 

nantes aux Tourelles. Le midi ainsi fermé, il sem- 
blait difficile que la ville pût résister longtemps 
quand on viendrait en force Tattaquer par le 
nord. Avant de s'éloigner, le soir même de la 
prise des Tourelles, Salisbury monta au deuxième 
étage de la forteresse, et il examinait l'enceinte 
de la place, quand un éclat de boulet le frappa 
au visage, et le renversa blessé à mort auprès 
d'un chevalier tué du même coup. Les Anglais 
l'emportèrent à Meun en secret, mais non pas de 
telle sorte que la nouvelle n'en vînt à Orléans. 
Elle s'y répandit avec des circonstances merveil- 
leuses : on disait que Glansdale, nommé par Salis- 
bury capitaine des Tourelles , lui en faisait les 
honneurs et lui montrait Orléans de la fenêtre, 
disant : « Monseigneur, regardez ici votre ville ; 
vous la voyez d'ici bien à plein. » Salisbury re- 
garda et reçut le coup dans l'œil. L'attaque était 
suspendue après la rude affaire de cette journée ; 
les canonniers étaient allés dîner : c'était un 
enfant qui, rôdant sur les remparts et voyant une 
pièce abandonnée, avait eu l'idée d'y mettre le 
feu. Jamais coup visé n'atteignit mieux le but'. 
Salisbury mourut au bout de trois jours, re- 
commandant à ses capitaines de ne point aban- 
donner l'entreprise. Mais les Orléanais venaient 
de recevoir des renforts. Le lendemain de la perte 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. XLIII 

des Tourelles , le bâtard d'Orléans (Dunois), le 
maréchal de Boussac^ le Lombard Valperga, 
Ghabannes, La Hire, étaient venus, avec huit 
cents hommes environ, s'associer aux périls de 
la place. Les Anglais, sans renoncer à Tattaque, 
jugèrent prudent de la suspendre. Ils achevèrent 
de mettre en bon état les Tourelles et leur bou- 
levard, et la nouvelle bastille des Augustins. Ils y 
laissèrent cinq cents hommes sous la conduite de 
W. Glansdale, officier de second ordre, à ne voir 
que l'origine, mais qui ne le cédait à personne 
en habileté, en courage et en haine des Fran* 
çais. Il jurait, dit-on, qu'à son entrée dans Or- 
léans, il y tuerait tout, hommes et femmes. Les 
autres se retirèrent dans leurs cantonnements, 
sur la haute et sur la basse Loire, à Meun et à 
Jargeau, attendant, pour reprendre le siège dans 
sa vraie direction, un nouveau chef et des ren- 
forts de Paris * . 

Les Orléanais, ne se faisant pas illusion sur 
leur retraite, s'apprêtèrent à les recevoir par où 
ils devaient venir; et ils sacrifièrent leurs beaux 
faubourgs de la rive droite comme ils avaient 
fait les maisons du Portereau : couvents, églises, 
tout fut détruit comme autant de places d'armes 
où l'ennemi n'eût pas manqué de s'établir. En 
attendant, des deux côtés de la rivière on échan- 



XLIV INTRODUCTION. 

geait des coups de canon. Les Anglais des Tou- 
relles, ravitaillés le l**" décembre par Talbot et 
Scales, rouvrirent le feu avec plus de vigueur : 
munis de pièces de fort calibre, ils lançaient des 
boulets de pierre de 164 livres jusqu'au cœur de 
la ville. Les Orléa^nais firent si bien, qu'ils purent, 
môme à cet égard, leur tenir tête : ils fondirent 
une bombarde dont les boulets pesaient 1 20 li- 
vres, et qui, avec deux autres canons de gros- 
seur inusitée, appelés, Tun, Montargis, à cause 
de son origine. Vautre, Rifflard, à cause de ses 
prouesses, répondaient avantageusement, du pied 
des murailles, au feu des Anglais. D'autres pièces, 
beaucoup moindres d'ailleurs, n'en faisaient pas 
moins bien leur office : un coup, tiré du boule- 
vard de la Belle-Croix contre les Tourelles, en 
abattit le toit , qui écrasa six hommes dans sa 
chute *. 

Ce boulevard de la Belle-Croix, par sa position 
comme par l'audace de ses défenseurs, incom- 
modait tout particulièrement les Anglais. Un 
jour ils tentèrent de le surprendre ; mais on y 
faisait trop bonne garde. Là s'était établi de pré- 
férence un Lorrain, nommé maître Jean, qui 
manœuvrait un de ces canons longs et légers ap- 
pelés coulevrines; et nul, lui présent, ne se mon- 
trait impunément à découvert aux meurtrières des 



LA FRANGE ET L'ANGLETERRE. XLV 

Tourelles. Les Anglais le connaissaient bien; ils 
auraient donné beaucoup pour en être quittes^ 
et parfois maître Jean leur procurait le plaisir 
de croire que leurs vœux étaient exaucés ; il se 
laissait choir comme s'il eût été frappé lui-même^ 
et on remportait à la ville ; mais il revenait bientôt 
à Fembuscade, et de nouveaux coups prouvaient 
aux Anglais que maître Jean n'était pas mort ' . 

Tout cela n'était qu'un prélude. 

L'avant-dernier jour de l'année, les Anglais se 
montrèrent enfin sur la rive droite, pour com- 
mencer le vrai siège d'Orléans. Talbot et Suffolk, 
donnés pour successeurs à Salisbury, ayant avec 
eux John Pôle, frère de Suffolk, Scales, Lancelot 
de Lisle et les plus braves chevaliers d'Angle- 
terre, vinrent à la tète de 2500 hommes, et 
s'établirent, non sans une vive résistance, sur les 
ruines de Téglise de Saint-Jjaurent, à Touesl^ 
d'Orléans, près des bords de la Loire, où ils se 
fortifièrent. Pour se relier au corps qui occupait 
sur la rive opposée les Tourelles et la bastille des 
Augustins, ils firent construire, dans une île de 
la Loire et de l'autre côté du fleuve, deux boule- 
vards formés de fascines et de terre : le boulevard 
Gharlemagne, ainsi appelé de l'île, aujourd'hui 
supprimée, où il était bâti, un peu au-dessous 
d'Orléans, et le boulevard du champ Saint-Privé, 



XLVl INTRODUCTION. 

non loin de l'église de ce nom^ mais plus près 
de la Loire; et d'autre part^ ils étendaient leur 
front d'attaque vers le nord, en élevant successi- 
vement le boulevard de la Croix-Boissée, en face 
de la porte Renard (à J'ouest)vat la bastille, entre 
Saint-Ladre et Saint-Pouair, en face de la porte 
Bannier (au nord), sur l'emplacement actuel de 
la porte du même nom, 1200 hommes, amenés 
le 1 6 janvier par Falstolf , leur avaient permis 
d'étendre ainsi leur ligne*. 

En somme, leur position était loin d'être do- 
minante, 800 hommes, qui ne pouvaient que 
garder les Tourelles ou faire la patrouille sur les 
bords de la Loire, et 3700 hommes en bataille, 
ce n'était pas de quoi s'emparer d'une ville comme 
Orléans ; et on ne s'expliquerait pas cette dispro- 
portion entre les moyens et le but, si on ne te- 
nait compte de là nécessité où les Anglais se 
voyaient d'éparpiller leurs forces, à mesure 
qu'ils étendaient leurs conquêtes : car rien n'était 
h eux que ce qu'ils occupaient en effet. La ville, 
de son côté, n'avait point reçu du dehors les 
renforts que réclamait son importance. Elle avait 
peut-être 400 hommes de garnison avant les pre- 
mières attaques des Anglais ; elle en avait reçu 
un millier depuis, de telle sorte que sa principale 
force était touj ours dans la bourgeoisie, qui, en éva« 



I • 



LA FRANGE ET L'ANGLETERRE. XLVll 

luaot la population à 30 000 àmeft^ pourait pré- 
senter sous les armes environ 5000 hommes, 
distribués par corps de métier y et se partageant 
la défense des portes et des tours *. 

C'est avec ces combattants^ et ce fut principa- 
lement entre les bastilles de la rive droite et la 
partie correspondante des murailles^ que s'éta-* 
hlit la lutte. Chaque jour il y avait quelque alerte, 
soit que les Anglais assaillissent la ville, soit que 
les défenseurs d'Orléans se portassent aux bou- 
levards ennemis; car les Orléanais, assiégés chez 
eux, étaient assiégeants à T égard des bastilles 
anglaises, et ils prenaient môme l'offensive plus 
souvent que les autres. Il semblait que les An- 
glais, trop peu nombreux encore pour tenter de 
pénétrer dans la ville, voulussent en lasser les 
habitants avant de l'envahir; et leurs canons ser- 
vaient moins à faire brèche aux murailles qu'à 
lancer à toute volée leurs boulets sur les maisons 
des bourgeois. Mais les Orléanais ne s'en émou- 
vaient guère , et le Journal du siège, fidèle écho 
de la voix publique, s'amuse à raconter les bizarre 
ries du canon. Quelquefois la lutte générale faisait 
place à des combats singuliers : deux contre deux, 
six contre six, ou bien à des conibats de pages. 
D'autres fois aussi, il y avait des trêves, mais *lles 
étaient courtes, et il ne fallait pas s'attarder: 



XMIII INTRODUCTION. 

Lancelot de Lisle, un des principaux chefs an- 
glais, s'en revenant, l'heure passée, d'une con- 
férence avec La Elire, eut la tête emportée d'un 
boulet M 

Ni la défense ni l'attaque n'en pouvaient res- 
ter là, et de temps en temps, les secours envoyés 
à l'un ou à l'autre parti les remettaient aux 
prises. La ville, n'étant bloquée que sur une 
moitié à peine de son enceinte, pouvait, comme 
les bastilles anglaises , recevoir des vivres et des 
renforts. Les Anglais épiaient ces convois, et les 
Orléanais ne réussirent pas toujours à les sous- 
traire à leurs attaques : un jour la coulevrine de 
naaître Jean resta entre leurs mains, et peu s'en fal- 
lut qu'il n'y restât lui-même. D'autres fois, c'est 
aux Anglais eux-mêmes que les secours étaient 
envoyés, et les Orléanais, par d'audacieuses sor- 
ties, firent entrer dans la ville ce qui n'y était pas 
destiné*. 

Un incident de cette sorte amena entre les 
deux partis une rencontre qui eut l'importance 
d'une véritable bataille. 

Vers le commencement de février, Falstolf 
était revenu à Paris pour en ramener de nou- 
veaux renforts,*et, sous leur garde, tout un convoi 
de munitions et de vivres. Ce n'était pas moins 
de trois cents chariots avec un millier de gens 



LA FRANCE Et L'ANGLETERRE. XUX 

du commuii, marchands et autres, et 1500 com- 
battants anglais, normands oli picards. On en- 
trait en carême. Le convoi se composait surtout 
de barriques dé harengs. Uoccasioti était ex- 
cellente poUi* sùfpfendre les Anglais dans rem- 
barras de ces yoitui*és, et leur enley et leurs ap- 
proyisionnements pour prix de la tictoire ; mais 
les défenseurs d'Orléans ti'eussent pas suffi à 
cette entreprise : la cour, à laquelle ils s'étaient 
adressés plusieurs fois, parut enfin consentir à 
tenter un effort. Le comte de Clermont/fils ainô 
dtî dud de Bourbon^ amenait au secours du roi 
3 à 4000 hommes du Bottrbofthais et de l' Au- 
vergne ; Avec lui se trouvait à Ëlois JeaU Stu&rt, 
étoilétëble d'Ecosse, rêcetnmenti'éyenu de Terre - 
Sainte, et impatient de se retroutet^ en présence 
des Anglais. Ils se fconcërtètëni bvec plusieurs 
autres capitaines, et tandis que ceux-ci, passàftt 
pat Orléans, allaient ïtiafcher au-dëtant du fcon- 
voi pour lui battër le dheifliH, eux, pattafit de 
filois, se devaieUt reildte ati point de la route, où 
Ton comptait bien le Rejoindre : vainqUetirs, ilâ 
se rabattaient sur la ville assiégée ; et, les habi-, 
tants se joignant à eux, tout faisait Croire que 
les bastilles anglaises , privées de leurs renforts 
et ^attaquées de^deux côtés à la fois, n'auraient 
pas résisté*. 



L INTRODUCTION. 

Les choses se passèrent d'abord comme on l'a- 
vait résolu. Le 8 février, arrivent à Orléans Wil- 
liam Stuart, frère du connétable d'Ecosse, et le 
gouverneur Gaucourt, avec 1000 combattants, 
dont la belle tenue fit Tadmiration de la ville. 
La nuit suivante, 320 autres, soit au sire d'Al- 
bret, soit à La flire; le lendemain, 300 autres 
encore, avec le maréchal Gilbert de La Fayette, 
Tous venaient pour le coup projeté; on les re- 
trouvera dans la bataille. Il importait que le 
comte de Clermont n'y fût pas moins exact; pour 
en être plus sûr, le bâtard d'Orléans, avec 
200 hommes, traversa les lignes anglaises et le 
vint prendre à Blois (10 février). Le 11, ceux 
d'Orléans se mettent en route; c'était un corps 
de 1500 hommes, à la tète desquels on comp- 
tait G. d'Albret, W. Stuart, Boussac, les deux 
Xaintrailles , Verduzan, La flire : ils venaient 
de passer Rouvray-Saint-Denis, quand le convoi 
des Anglais débouchait d'Angerville. Rien n'é- 
tait plus facile que de l'attaquer pendant qu'il 
s'avançait en longue file par la route, de le 
rompre et de le détruire ou de le prendre : c'é- 
tait l'avis de La Hire, de Poton de Xaintrailles, 
et de tous ceux qui venaient avec lui d'Orléans; 
mais le comte de Soissons n'était pas encore là. 
11 arrivait (il était à Rouvray depuis la veille 1), il 



LA FRANCE ET L'ANGLETERBE. Lt 

mandait de l'attendre^ disant qu'il amenait 3 à 
4000 hommes^ avec lesquels on était sûr d'ac- 
cabler les Anglais. Ils attendirent donc^ et lais- 
sèrent à FalBtolf le temps d'aviser à la situation. 
L'habile général^ se faisant une barrière de ce 
qui naguère était pour lui un embarras^ disposa 
ses chariots en la forme d'un parc, large par 
derrière, et n'oflfrant qu'une longue et étroite 
issue par devant à qui voudrait l'y forcer. Der- 
rière ses chariots, il se fit un autre retranchement 
de ces pieux aiguisés dont les Anglais étaient 
toujours pourvus en marche, et il s'y renferma 
avec ses hommes d'armes, résolu de vaincre ou 
de mourir : car, d'échapper par la fuite, il n'en 
avait ni l'espoir ni le désir*. 

Le retard avait tout compromis; la précipita- 
tion fit tout perdre. Le comte de Clermont ap- 
prochait; déjà le bâtard d'Orléans et le connétable 
d'Ecosse, le laissant à Rouvray, avaient rejoint la 
troupe établie en face des Anglais dans la plaine. 
Il avait été convenu qu'on resterait à cheval, et 
qu'on laisserait les gens de trait engager l'attaque 
des retranchements. Ces derniers s'en acquit- 
tèrent fort bien. Ils n'avaient pas seulement l'arc 
et l'arbalète; ils avaient apporté d'Orléans force 
coulevrines dont les coups mettaient en pièces 
les chariots laissés à la garde des archers anglais 



LU iNfftODuctiori. 

et des marchands, Cdttimé les at*chêfs anglais, 
au lieu d'être souteritts, étaient reçus derrière 
les palissades, et qu'il n'en sortait plus que des 
flèches fort incommodes pour TasSaillant, l'É- 
cossais n'y tint pas : îl mit pied à terre • son frère 
William StUart et les chevaliers français, non 
moins impatients de combattre, firent de môme, 
et ils se portèrent assei confusément vers les bàr-*- 
ricades anglaises, afin de les forcer. Mais les An- 
glais, voyant que le principal corps de bataille ne 
se mettait point en devoir de les soutenir, sortirent 
en bon ordre, et, tombant brusquement sur eux, 
les accablèrent, les mirent en déroute. Ils allèrent 
même jusqu*à s'aventurer à les poursuivre dans la 
plaine, et ils le firent impunément. Vainement La 
Hire, Poton dé Xaintrailles et plusieurs autres, 
rassemblant 60 à 80 compagnons autour d'eu*, 
tombèrent sur les vainqueurs dispersés, dont ils 
tuèrent plusieurs : Us ne furent ni imités ni soil^ 
tenus. Le comte de Cler mont, qui s'était fait armer 
chevalier ce jour-lâ, demeura spectatétif de la Ititte, 
Comme si les Anglais agissaient pour lui , en 
châtiant ceux qui avaient combattu contre son 
ordre. Il prit la,, route d'Orléans, laissant à 
l'ennemi le champ de bataille, et, dans cette 
plaine, les corps de 3 à 400 soldats et des 
chevaliers les plus braves : G. d'Albret, les 



Lk FRANCE ET (.'ANGLETERRE. LUI 

deux Stuart, Yercjuzan, Châteaudun, Roche- 
chouart^ Chabot*. 

Cette troupe qui devait chasser les Anglais de 
devant Orléans, dut se garder dp leurs bastilles, 
pour y entrer sans un nouvel échec. Elle n'y 
vint que pour assister du haut des murailles à 
l'arrivée toute diflférente de Falstolf (le 17), ra- 
naepant son convoi intact, moins les barriques 
défoncées sur le champ de bataille, et qui, le jon- 
chant de leurs débris, firent nommer cette jour- 
née, la bataille des harengs. Le comte de Clermont 
se trouvait mal à Taise dans cette ville qu'il avait 
comproinise au lieu de la délivrer. Il partit le 
lendemain de l'arrivée de Falstolf (18 février) 
avec Regnault de Chartres, archevêque de Reims, 
et révêque d'Orléans môme, disant qu'il allait 
trouver le roi à Chinon, et requérir de nouveaux 
secours; il commençait psr en^mener de la ville 
l'amiral L. de Culan, La Hjre et plus de 2000 
combattants'. 

< a • 

jLes Orléanais, comptant peu sur le secours 
du roi, se tournèrent vers le duc de Bourgogne, 
et lui firent demander, au nom du sang de 
France, de prendre eu garde l'héritage de son 
cousin le duc d'Orléans, Le conseil d'Angleterre 
avait promis, disait-on, au duc prisonnier d'é- 
pargner son apanage ; les Orléanais réclamaient 



LIV INTRODUCTION. 

contre Bedford le bénéfice de cette promesse; 
menacés de devenir Anglais, ils cherchaient sous 
le patronage du duc de Bourgogne un refuge 
dans une neutralité qui était si peu selon leur 
cœur. Leur situation, en effet, allait empirant. 
Un instant ils avaient cru trouver contre Fenne- 
mi un auxiliaire dans le fleuve : la Loire grossis- 
sant tout à coup avait monté jusqu'aux parapets 
des boulevards que les Anglais avaient con- 
struits dans la rivière ou sur ses bords (boule- 
vard de nie Charlemagne, du champ Saint-Privé, 
des Tourelles), Les Orléanais espérèrent qu'ils 
avaient été minés par les eaux et ne pourraient 
tenir; mais les Anglais, à force de travail, avaient 
conjuré le péril*. 

Les Anglais gardaient donc la basse Loire ; ils 
entreprirent de tenir aussi la haute. Ayant rap- 
pelé à eux une partie de leurs garnisons de Jargeau 
et des villes de la Beauce (8 mars), ils commen- 
cèrent dès le surlendemain (le 10) une bastille à 
Saint-Loup, à Test d'Orléans; et, tout en prenant 
position de ce côté jusqu'alors demeuré libre, 
ils travaillaient à se fortifier sur leur principal 
front d'attaque : ils avaient commencé une tran- 
chée, qui, reliant le boulevard de la Croix- Bois- 
sée à la bastille de Saint-Ladre, leur eût permis 
d'aller à couvert de l'une à l'autre, et de mieux 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. LV 

garder Tintervalle contre les courses de rennemi. 
Mais les assiégés interrompirent cet ouvrage par 
une sortie vigoureuse où maître Jean prouva aux 
Anglais qu'ils n'avaient pas tout^ pour avoir pris 
sa coulevrine : armé d'un autre instrument de 
même sorte^ il leur tua cinq hommes en deux 
coups, et parmi les cinq, lord Gray, un de leurs 
principaux chefs. A cet ouvrage ainsi inter- 
rompu, les Anglais substituèrent deux nouveaux 
boulevards, qui, tout en resserrant l'espace laissé 
libre, étaient eux-mêmes de plus facile défense : 
le boulevard des Douze Pierres ou des Douze 
Pairs, et le boulevard du Pressoir- Ars ; ils nom- 
mèrent le premier Londres, le second, Rouen. 
Un peu après ils achevèrent leur bastille du nord 
entre Saint-Pouair et Saint-Ladre, et la nom- 
mèrent Paris \ 

Ainsi le blocus allait se resserrant, et le mo- 
ment semblait proche où l'ennemi, maître des 
principales routes, pourrait, en interceptant les 
arrivages de vivres, tourner contre la ville le 
nombre même de ses habitants. Leur résolution 
tiendrait-elle devant cette épreuve ? le doute au 
moins gagnait les esprits dans' la foule : on com- 
mençait à craindre les trahisons. Un jour, on dé- 
couvrit dans le mur de l'Aumône d'Orléans, près 
la porte Parisis, un trou assez large pour donner 



LVl INTHODUCTION. 

passage à un homme. Le peuple s'ameuta : cou- 
pable ou non, lé directeur de la maison dut cher- 
cher son. salut d^nis la fuite. Un autre jour, le 
• Jeudi sqipt, sans nul autre indice, le bruit cou- 
rut qu'on ét^it trahi : chacun se tint sous les 
armes. Ces rumeurs, par les effets qu'elles pro- 
duisaient, montraient au moins que le peuple 
n'était pas disposé à se repdre; et il ne cessait 
pas de le prouver par sa vigueur. Les chefs pou- 
vaient bien encore faire entre eux échange de 
politesses : quant aux hommes d'armes, ils n'é- 
changeaient guère que deg coups. De moins en 
moins attaqués dans leurs murailles, ils prenaient 
plus souvent Toffensive. Ils allaient chercher 
l'assiégeant dans ses lignes; et plusieurs fois de 
hardis coureurs to][flbèrent è^ l'improviste sur 
r ennemi dans la campagne, et purent même ra- 
mener leurs prisonniers dans Orléans*. 

C'est au niilieu (ie ces incidents divers que 
Ton vit revenir les députés envoyés au duc de 
Bourgogne. 

Le duc avait acpneilli volontiers le message, 
et, sans se prpsser d'ailleurs beaucoup d'y don- 
ner suite, il avait emn^ené les envoyés à Paris, 
où il voulait en parler lui-même à Bedford. 
Recevoir sous sa garde la ville d'Orléans, c'était 
établir son influence au centre de la France, 



LA FRANCE ET L'ANGLETERRE. LYll 

enlever aux Armagnacs la lêle de leur parti : 
mais c'était par le même coup se rendre plus fort 
vis-à-vis des Anglais, et c'est ce que les Anglais ne 
voulaient pas. Aussi Bedford ne rtiit-il point 
beaucoup de façon à écondttire son beatl-frère. 
Il déclara qu'il aurait la ville à sa volonté, et que 
les Orléanais lui payeraient ce que lui avait coûté 
ce siège : ajoutant, sans plus de ménagement 
pour le solliciteur intéressé, « qu'il seroit bien 
marry d'avoir battu les buissons et que d'autres 
eussent les oisillons. » Le duc de Bourgogne se 
retira blessé. Il dut renvoyer les députés d'Or- 
léans sans autre réponse ; mais il envoyait avec 
eux un trompette chargé de rappeler du siège 
tous ceux de son obéissance *. 

Les Anglais s'émurent peu de ce rappel, qui 
pourtant leur enlevait des auxiliaires (1000 à 
1500 hommes peut-être), dans un moment où 
ils n'en pouvaient trop avoir pour compléter leur 
ligne de blocus. Us s'en consolaient en pensant 
qu'ils seraient seuls à garder la conquête : le duc 
de Bourgogne se retirait à point pour perdre le 
fruit qu'il aurait pu attendre de son concours ; 
et, malgré le départ très-précipité des Bourgui- 
gnons, ils élevèrent à Saint-Jean le Blanc, sur la 
rive* droite,. une nouvelle bastille qui concourût 
avec celle de Saint-Loup à la garde de la haute 



LVIII INTUODUCTION. 

Loire. Quant aux 'Orléanais, ils se consolèrent 
aussi en voyant qu*ils restaient à eux-mêmes ; 
car déjà avait paru celle qui se disait envoyée de 
Dieu pour les délivrer, celle qui devait associer 
leur nom au plus beau nom de rhistoire : 
Jeanne d'Arc, la Pucelle d'Orléans *. 



c^ 



JEANNE D'ARC 



JEANNE D'ARC 



LIVRE PREMIER. 



VAUGOULEURS. 



Jeanne d'Arc naquit le 6 janvier 1 41 2 à Domremy , 
petit village situé dans la vallée de la Meuse, entre 
Neufchâteau et Yaucouleurs, aux confins de la Cham- 
pagne et de la Lorraine. Domremy, lié à Vau couleurs, 
qu'une ordonnance de Charles V (1365) avait déclaré 
inséparablement uni au domaine royal , se rattachait 
par Vaucouleurs à la prévôté d'Andelot et au bail- 
liage de Chaumont en Bassigny ; ce qui tranche la 
question agitée récemment encore : Jeanne d'Arc est- 
elle Lorraine? Jeanne d'Arc est-elle Champenoise? 
Jeanne d'Arc était Française. Son père, Jacques d'Arc, 
avait pris naissance en un autre village de la Cham- 
I 1 



2 LIVRE PREMIER. 

pagne : à Séfond (Ceffonds), près Montier en Der 
(Haute-Marne); sa mère, Ysabellette Romée, était 
de Vouthon près Domremy*. 

C'étaient de simples laboureurs « de bonne vie et 
renommée, » n'ayant, avec leur chaumière, qu'ua 
bien petit patriinoine; mais considérés dans leur état, 
vrais et boiis catholiques, et soutenisint avec honneur 
leur pauvreté. 

Ils eurent trois fils : Jacques, Jean et Pierre, et 
deux filles, Jeanne ou Jeannette et Catherine'. 

Des deux sœurs, Jeanne était l'aînée. Elle grandit 
auprès de sa mère, formée par elle à la religion et au 
travail : c'est un témoignage qu'elle &e rendit à elle- 
même; et, par ce témoignageV c'est sa mère qu'elle 
honorait. « Elle était bonne, simple et douce fille, » 
dit une amie de son enfance; « point paresseuse, » 
ajoute un voisin : et elle travaillait de bon cœur, 
tantôt filant, jusque bien avant dans la nuit, aux 
côtés de sa mère, ou la remplaçant dans les soins 
du ménage; tantôt partageant las devoirs plus rudes 
de son père, pourvoyant à l'étable, allant aux champs, 

r 

mettant la main, selon qu'il le voulait, à la herse, à 
la charrue, et quelquefois aussi gardant pour lui , 
dans la prairie commune, le troupeau du village, 
quand le tour en était veau'. 

ce Bonne fille, n c'est le cri de tous ; honnête, chaste 
et sainte, parlant en toute simplicité, selon le pré- 
cepte de l'Évangile : « Oui, non; cela est, cela n'est 
pas. » — ce Sans manque, » sine defectu^ voilà tout ce 



VAUC0ULEUR9. S 

qu'il lui arrivait d'ajouter à sa parole pour en attester 
la vérité. Un pur rayon de l'amour divin illuminait 
cette vie si occupéei et donnait du charme à ses la«* 
beurs. Le petit jardin de la maison paternelle touchait 
au cimetière^ qui est comme le jardin d'une église 
de village. Jeanne usait du voisinage pour aller à 
Téglise le plus souvent qu'elle le pouvait : elle y goû- 
tait une douceur extrême. On Vy voyait prosternée 
devant le crucifix^ ou bien les mains jointes, les yeux 
levés vers l'image du Sauveur ou de la Vierge sa 
mère* Tous les matins, pendant le saint sacrifice, 
elle était au pied des autels; et le soir, quand la clo* 
ehe qui sonnait les compiles la surprenait aux champs, 
elle s'agenouillait, et son âme s'élevait à Dieu. Elle 
se plaisait à entendre chaque soir ce commun appel à 
la prière. Quand le sonneur de l'église (on le sait de 
lui-même) venait à l'oublier, elle le reprenait, disant 
que ce n'était pas bien, et promettait de lui donner 
des lunes (quelque espèce de gâteaux). pour qu'il se 
montrât plus diligent. Elle ne se bornait pas aux 
devoirs que la religion prescrit à tout fidèle. Cette 
jeune fille, qui avait accompli de si grandes choses à 
dix-neuf ans, est tout entière à ces pratiques naïves 
de dévotion où les âmes simples et pures ont tant de 
charme à se répandire. Non loin de Domremy, sur le 

m 

penchant du coteau qui descend vers la Meuse, il y 
avait un ermitage dédié à Notre-Dame de Belmont. 
Jeanne aimait à le visiter; et le jour que l'Église a 
plus spécialement consacré à Marie, le samedi, vers 



4 LIVRE PREMIER. 

la fin de la journée, elle se joignait à d'autres jeunes 
filles pour y venir prier ensemble et y brûler des 
cierges : symbole consacré par TÉglise pour rappeler 
aux fidèles la foi qui veille et Tamour qui doit brûler 
pour Dieu*. 

Jeanne fut donc, dès sa plus tendre enfance, un 
modèle de piété. Elle n'avait point, disait le curé, sa 
pareille au village. Les jeunes gens se moquaient bien 
un peu de sa dévotion ; les jeunes filles en jasaient 
aussi. Mengette, sa petite amie, trouvait elle-même, 
et lui disait qu'elle était trop pieuse; et ce reproche 
était pour Jeanne comme un éloge qui la faisait rou- 
gir. Mais sa foi se traduisait en bonnes œuvres. Si 
peu d'argent qu'elle eût, elle en avait pour l'aumône. 
Elle consolait les malades, elle recueillait les pau- 
vres, elle leur donnait place au foyer, elle leur cé- 
dait même son lit, secondée dans sa charité par la 
religieuse condescendance de ses parents. Aussi était- 
elle aimée de tout le monde *. 

Elle ne cherchait point d'ailleurs à se distinguer 
des autres /- et se mêlait à ses compagnes dans les 
fêtes du village. Sur cette même pente où s'élevait 
la chapelle de la Vierge, entre les bords fleuris de la 
Meuse et la sombre forêt de chênes, le bots Chesnu^ 
qui en couronnait les hauteurs, il y avait un hêtre 
d'une remarquable beauté, i< beau comme un lis, » 
dit l'un des habitants, large, toufTu, dont les br«an- 
ches retombaient jusqu'à terre. On l'appelait « Aux 
loges les Dames, » Ad lobias Dominarum, ou encore 



VAUCOULEURS. 5 

<c l'arbre des Dames. » Autrefoisi quand le château 
de Domremy était encore habitable, les seigneurs et 
les dames du lieu, avec leurs demoiselles et leurs sui- 
vantes, venaient, au retour, du printemps, faire un 
repas champêtre sous son ombrage. Peut-être un 
jour ces joyeuses réunions avaient-elles amené quel- 
que mystérieuse aventure qui changea de nature et 
de forme en passant dans la tradition. Le nom de 
dames^j donné aux femmes de haut parage, était aussi 
le nom donné aux fées dans le langage populaire. On 
racontait qu'un chevalier, seigneur de Bourlemont, 
venait y voir une fée, conversait avec elle* Jeanne 
Thiesselin, Tune des marraines de Jeanne, avait en- 
tendu dire qu'on le lisait dans un roman (récit en 
langue vulgaire). L'arbre des Dames était donc aussi 
l'arbre des Fées. C'étaient les fées qui, dans les an- 
ciens temps, venaient danser sous le beau hêtre; on 
disait même qu'elles y venaient encore. Cela n'em- 
pêchait pas les habitants de Domremy de faire ce 
que faisaient leurs pères. L'arbre était toujours 
aussi beau. Au printemps, on se rassemblait sous sa 
large voûte de verdure. On l'inaugurait, en quelque 
sorte, avec les beaux jours, le dimanche de la mi- 
carême, Lœtare. En ce jour, qu'on nommait aussi 
le dimanche des Fontaines^ les jeunes garçons et les 
jeunes filles venaient sous l'arbre fameux faire ce 
qu't)n appelait leurs fontaines.. Ils emportaient, 
comme provision de la journée, de petits pains faits 
exprès par leurs mères, et s'y livraient aux ébatte- 



§ UVRE PREMIER. 

ments de leur âge, chantant, dansant, cueillant des 
fleurs dans les prairies d'alentour pour en faire des 
guirlandes dont ils ornaient les rameaux du bel ar- 
bre i puis, quand ils avaient mangé, ils allaient se 
désaltérer aux eaux limpides d'une source voisine, 
tout ombragée de groseilliers*. 

Jeanne y wenait comme les autres; Mengette, son 
amie, dit qu'elle y fut et y dansa plus d'une fois avec 
elle. Pourtant elle n'était point danseuse ; et souvent, 
au retour de la fête, elle prenait le chemin de sa cha- 
pelle chérie, et suspendait à l'image de la Vierge les 
guirlandes qu'elles avait tressées des premières fleurs 
des champs'.. 

C'est du milieu d'une vie si calme et si paisible 
qu'elle fut appelée à s'armer pour la France. 

La mission de Jeanne d'Arc produisit une si com- 
plète et si rapide révolution dans les destinées de la 
France, qu'assurément il n'est point de problème plus 
digne de fixer l'attention de l'historien. Aussi a-t-on 
mis en jeu toutes les ressources de la critique, exa- 
miné les faits, recueilli, pesé les témoignages. Il en 
est un qui domine tous les autres, et qui, ce semble, 
en pourrait bien tenir lieu, c'est celui de Jeanne 
d'Arc. Elle affirme qu'elle a reçu de Dieu sa mission. 
Mais ce qu'on cherche^ c'est une solution qui per- 
mette de rejeter ou d'interpréter une déclaration si 
précise et si nette : et on fait bien de ne l'accueillir 
qu'avec défiance. Ce n'est qu'à bon escient qu'il faut 
admettre le merveilleux dans l'histoire. Seulement, 



YAUGOULEURS. 7 

quand on veut Texpliquer, il faut, en produisant ses 
arguments , n'eu pas surfaire la valeur, et si Ton ne 
peut se rendre compte de tout, il vaut mieux en con- 
venir que d'inspirer, sur des raisons insuffisantes, 
une sécurité pire que le doute ou Tignorance. On ne 
dit pas que Jeanne ait trompé sciemment; on ne dit 
plus qu'elle ait servi d'instrument à une machination 
politique, complice ou dupe elle-même de la fraude 
qu'elle était chargée d'accréditer. Mais on cherche 
en elle, et dans les plus nobles inspirations du cœur, 
dans lextase d'une âme pieuse, dans l'exaltation d'un 
ardent patriotisme, la source de l'illusion qu'elle au- 
rait propagée de bonne foi. 

Jeanne était une mystique, dit-on ; et, pour mon- 
trer qu'elle le fut, on fait appel à toutes les influen- 
ces qui ont pu produire en elle cette disposition de 
l'âme : influences générales du pays et du temps où 
elle vivait ; influences plus intimes de sa propre na- 
ture. Mais la Champagne, ou, si l'on veut, la Lor- 
raine champenoise (car pour désigner la patrie de 
Jeanne d'Arc il est juste d'associer les deux mots), 
n'a jamais été un pays de mystiques ; et tous les ef- 
forts tentés au procès de Rouen pour grossir les su- 
perstitions de son village, n'ont servi qu'à montrer 
combien elles avaient peu d'empire sur elle. Quant 
aux illuminés de son temps, ils n'ont rien dans les 
vagues épanchements de leur âme qui ne soit en con- 
traste avec le caractère si parfaitement précis et dé- 
fini des révélations de Jeanne. Ce n'était pas non plus 



8 LIVRE PREMIER. 

une jeune fille maladive, dont la nature imparfaite- 
ment développée lp,fît sujette aux hallucinations. Le 
témoignage d'où on Ta voulu conclure est une sim* 
pie opinion, un ouï-dire qui ne prouve que Textrème 
délicatesse de sa pudeur; et tous s'accordent à décla- 
rer qu'elle était aussi forte que belle : belle et bien 
formée (d'Aulon) ; bien 'compassée de membres et 
forte {Chron. de la Pucelle) ; grande et moult belle 
{Mirouer des Femmes vertueuses) ; de grande force et 
puissance (Chron. de Lorraine) ; d'une force qui n*a- 
vait rien de viril : elle avait la voix douce, une voix 
de femme, disent ceux qui l'ont entendue (Gui de 
Laval, P. de Boulainvillers); d'une puissance qui 
marquait dans la jeune fille l'entier développement 
de la femme. — C'était une âme religieuse dans un 
corps robuste et sain*. 

Ce que le mysticisme n'explique pas, le doit-on 
rapporter au seul amour de la patrie ? Jeanne assu- 
rément n'était pas insensible aux malheurs de son 
pays. La vieille querelle des Armagnacs et des Bour- 
guignons partageait, jusque dans ce coin reculé de la 
France, les villages, les familles même ; et la haine 
était vive entre les deux partis. Domremy (Dompnus 
Remigius)j ancien domaine de l'Église métropolitaine 
de Reims, devenu plus tard un des apanages de la 
seigneurie de Joinville, et rattaché depuis au domaine 
de la couronne, était resté fidèle au roi. Tout le 
monde y était Armagnac, sauf un seul homme; et 
Jeanne avoue qu'elle aurait vu sans regret qu'on lui 



VAUCOULEURS. 9 

coupât la tète, si toutefois c'était la volonté de Dieu. 
À Maxey, au contraire, tout à côté, sur la même rive 
de la Meuse, les habitants étaient Bourguignons, et 
la lutte s'engageait souvent entre les enfants des deux 
villages. Jeanne vit plus d'une fois ceux de Domremy 
revenir de la bataille le visage meurtri et sanglant. 
C'était une image de la guerre civile; mais on n'a 
pas de preuve, qu'elle ait sévi entre les habitants de 
ces contrées autrement que par ces combats d'en- 
fants. On n'y souffrit pas beaucoup plus de la 
guerre étrangère. Cette marche de la Lorraine, aux 
frontières de l'Allemagne, n'était pas le chemin des 
Anglais. La paix de Troyes les avait établis en Cham- 
pagne ; mais ils n'en occupaient qu'un petit nombre 
de points. Ce n'était qu'à grand'peine et avec l'aide de 
Jean de Luxembourg, qu'ils avaient pris position sur 
le cours inférieur de la Meuse, àBeaumpnt, àMouzon; 
quant au cours supérieur, ils l'avaient laissé aux entre- 
prises des Bourguignons, qui, au nombre de quatre 
ou cinq cents partisans, ravagèrent le Barrois 
en 1424, réunirent en 1428 (r*" juillet), postérieure- 
ment aui premières démarches de Jeanne (1 3 mai), 
quelques soldats pour attaquer Vaucouleurs, et pro- 
bablement se séparèrent sans avoir rien tenté. Celte 
sanglante guerre paraît s'être réduite, pour les habi- 
tants de Domremy, à quelques alertes. Parfois, à l'ap- 
proche d'une troupe de partisans, on sauvait les bes- 
tiaux dans l'île formée devant le village par les deux 
bras de la Meuse. Un jour même tous les habitants 



10 LIVRE PREMIER. 

s'enfuirent à Neufchâteau, Jeanney suivit ses parents, 
et demeura quatre ou cinq jours, ou même quinze 
jours avec eux chez une honnête femme nommée la 
Rousse. Après quoi on revintrau village ; et rien ne 
dit que ce fût alors ou en pareille circonstance qu'il 
ait été brûlé. Voilà tout ce que les recherches les plus 
habiles et les plus minutieuses ont pu faire découvrir 
sur la part de Domremy aux malheurs du temps. As- 
surément c'est quelque chose, et il ne faut pas te- 
nir pour nulle l'impression que Jeanne en put rece- 
voir. Mais, sans aucun doute, si le sentiment des 
souffrances que la guerre apporte, si la haine qu'in- 
spire la vue du conquérant maître du sol natal avait 
suffi pour donner un sauveur à la France^ il serait 
né partout ailleurs ^ 

D'où vient donc la mission de Jeanne d'Arc? Nous 
ne voulons pas trancher d'avance la question. Notre 
unique objet, au contraire, est de mettre en garde 
contre les explications prématurées, et de faire voir 
que tout ne se résout pas aussi naturellement qu'on 
le pourrait croire, au moyen des influences alléguées. 
Quelque vraisemblance que ces causes puissent avoir 
d'ailleurs à première vue, il faut, pour se faire ad- 
mettre, qu'elles se justifient au contrôle des faits ac- 
complis. Revenons donc à 1« vie de Jeanne d'Arc. 
Ecoutons ce qu'elle a dit et voyons ce qu'elle a fait. 
L'entière manifestation du caractère de Jeanne dans 
la suite de l'histoire, sa franchise, sa droiture, sa 
netteté d'esprit et son parfait bon sens, montreront 



VAUCOULEURS. 1 1 

mieux que toulies les raisons du inonde quelle idée 
ou se doit faire de sa personne, quelle foi on peut 
avoir en ses discours. 

Le récit de la vocation de Jeanne d*Arc ne nous 
est pas venu par la tradition populaire : si merveilleux 
qu'il paraisse, il ne fait pas l'objet d'une légende. 
C'est Jeanne elle-même qui parle : ce sont ses juges 
qui ont fait écrire ses paroles au procès. 

Elle raconte qu'à l'âge de treize ans (cela reporte 
à l'an 1 425) elle eut une voix de Dieu qui l'appela. 
C'était un jour d'été, à l'heure de midi, dans le jar- 
din Je son père. La voix se flt entendre d'elle à la 
droite, du côté de l'église, et une grande clarté lui ap- 
parut au même lieu ; et rarement depuis elle entendit 
la voix sans qu'elle vît en même temps cette lumière. 
La première fois elle eut grand'peur; mais elle se 
rassura, elle trouva que la voix était digne : et elle 
déclare à ses juges qu'elle lui venait de Dieu; à la 
troisième fois, elle connut que c'était la voix d'un 
ange *. • 

C'était, comme elle le sut plus tard, l'archange 
saint Michel. Il se fit voir à elle entouré de la troupe 
des anges : « Je les ai . vus des yeux de mon corps 
aussi bien que je vous vois, disait-elle à ses juges; 
et lorsqu'ils s'en allaient de moi je pleurais, et j'au- 
rais bien voulu qu'ils me prissent avec eux. » L'ange, 
dans ces premières apparitions, ne faisait que la 
préparer à son œuvre; il lui disait de se bien con- 
duire, de fréquenter l'Église, d'être bonne fille, et 



12 LlvnE PUEMIËB. 

que Dieu lui aiderait. Déjà pourtant il lui faisait 
entrevoir le but de sa mission. Il lui apprenait qu'un 
jour il lui faudrait venir en France; qu'elle y vien- 
drait au secours du roi; et il lui racontait la, pitié qui 
était au royaume de France. Mais que faire pour y 
porter remède? L'ange ne lui en donnait point encore 
le secret; seulement il lui promettait d'autres appa- 
ritions plus familières en quelque sorte et plus in- 
times. Sainte Catherine et sainte Marguerite devaient 
venir à elle pour la guider : il lui ordonnait de croire 
à leurs paroles; que c'était le commandement de 
Dieu. Et dès ces premiers temps, les saintes lui ap- 
parurent et commencèrent à gouverner sa vie\ 

Aux premières marques de cette vocation divine , 
Jeanne se donna tout entière à Dieu en lui vouant sa 
virginité. Elle vivait dans le commerce de ses saintes, 
ne changeant rien d'ailleurs à sa manière de se con- 
duire. On la voyait bien quelquefois quitter ses com- 
pagnes, se recueillir comme si elle était devant Dieu, 
et les autres s'en moquaient. Mais nul ne sut ce qui 
se passait en elle, pas mémo celui qui l'entendait en 
confession. Elle garda la chose secrète, non qu'elle 
se crût obligée à la taire, mais pour se mieux assurer 
du succès quand le temps viendrait de l'accomplir : 
car elle craignait les pièges des Bourguignons, elle 
craignait les résistances de son père*. 

Cependant les périls s'étaient accrus. Tandis que 
tout manquait à Charles VII, qu'on l'engageait à se 
retirer en Dauphiné, qu'il songeait lui-même à cher- 



VAUCOULEURS. 13 

cher un refuge soit en Espagne, soit en Ecosse, Bed- 
ford venait de raffermir ses alliances sur le conti- 
nent; et Salisbury passait en France pour porter enfin 
la guerre au cœur des pays demeurés fidèles au roi 
national. Les apparitions de Jeanne lui venaient plus 
fréquentes. Deux et trois fois par semaine, la voix 
lui répétait qu'il fallait partir et venir en France; 
et un jour enfin il lui fut ordonné d'aller à Yau- 
couleurs auprès de Robert de Baudricourt, capitaine 
du lieu, qui lui donnerait des gens pour partir avec 
elIe^ 

Partir, quitter sa mère, ses jeunes amiesi ses pai* 
sibles travaux, pour se jeter en pareille compagnie 
dans cette vie de hasards, c'était chose qui devait 
troubler étrangement cette âme simple et recueillie. 
Elle disait plus tard qu'elle eût mieux aimé être tirée 
à quatre chevaux que de venir en France sans la vo- 
lonté de Dieu. Jusque-là, le caractère de sa mission 
pouvait se dérober à ses yeux dans les ombres de l'a- 
venir et l'attirer par le mystère. Quand les voix lui 
disaient qu'il fallait aller au secours de la France, 
elle se sentait pleine d'ardeur et d'impatience : « elle 
ne pouvait durer où elle était. » Mais quand les voiles 
tombèrent; quand le présent se montra avec toutes 
les misères, les dégoûts de la réalité, et qu'il fallut 
partir, elle s'effraya. Elle répondit qu'elle n'était 
qu'une pauvre fille qui ne saurait ni monter à cheval 
ni faire la guerre. Mais la voix avait parlé : elle triom- 
pha de ses répugnances. EtJeanne,sans étouffer le cri 



Ik LIVRE PREMIER. 

de son cœur, n'eut plus qu'une pensée : ce fut de eon- 
courir de toute sa force à raccomplissement de la 
volonté de Dieu^ 

Elle alla chez sod oncle Durand Laxart, qui de- 
meurait à Burey-le-Petit (Burey en Vaux), près 
Domremy, comme pour passer quelque temps près 
de lui ; et au bout de huit jours elle s'ouvrit à lui 
de ses projets. Elle lui dit qu'elle voulait aller en 
France vers le dauphin pour le faire couronner. 
Comme il s'étonnait de son dessein : « N'est-il pas 
dit, ajouta-t-elle, qu'une femme perdrait la France 
et qu'une jeune fille la relèverait? » Et quand elle 
le vit ébranlé, elle lui demanda de venir avec elle 
à Yaucouleurs pour demander au sire de fiaudri- 
court de la faire conduire au lieu où était le dau*» 
phin \ 

Il se rendit à sa prière, et la mena à Yaucouleurs 
vers le temps de l'Ascension (13 mai 1428). Elle se 
présenta dans ses habits de paysanne au sire de Eau- 
dricourt, qu'elle distingua parmi les siens sans l'avoir 
jamais vu : « Mes voix, dit-elle, me le firent connaî- 
tre; » et elle lui dit qu'elle venait de la part de son 
Seigneuri afin qu'il mandat au dauphin de se bien te- 
nir et de ne point assigner bataille à ses ennemis, 
parce que le Seigneur lui donnerait secours avant lé 
milieu du carême. Elle disait que le royaume n'appar- 
tenait pas au dauphin, mais à son Seigneur; mais 
que son Seigneur voulait que le dauphin devint roi 
et qu'il eût ce royaume en commende ; qu'en dépit 



de ses ennemis il serait roi, et qu'elle-mèmie le aon** 
duirait au sacre. 

a Et quel est ton Seigneur? dit Robert. 

— Le roi du ciel. » 

Le sire de Baudricoupt l'estima folle, et Taurait 
Y.oloatiers livrée aux grossiers ébats de ses sol- 
dats. Il crut la ménager fort en disant à son oncle 
qu'il ferait bien de la ramener à son père bien souf- 
fletée*. 

Elle revint à Burey (car ses voix lui avaient prédit 
cet affront) et de là dans la maison de son père, re* 
prenant ses occupations accoutumées, mais toujours 
ferme dans sa résolution ; et on aurait pu la deviner 
à plusieurs paroles. Peu de temps après son retour, 
la veille de la Saint-Jean-Baptiste, elle disait à un 
jeune garçon de son village qu'il y avait entre Cous* 
sey et Yaucouleurs (Domremy est entre les deux) uoe 
jeune fille qui, dans l'année, ferait sacrer le roj. Une 
autre fois elle disait à Gérardin d'Épinal : « Compère, 
si vous n'étiez Bourguignon, je vous dirais quelque 
chose. » Il crut alors qu'il s'agissait de mariage. Des 
bruits, d'ailleurs, avaient pu revenir de son voyage à 
Yaucouleurs. Elle dit dans son procès que, pendant 
qu'elle était encore chez son père, il avait rêvé qu'elle 
s'en irait avec les gens d'armes. Sa mère lui en parla 
plusieurs fois, et se montrait, comme son père, fort 
préoccupée de ce songe : aussi la tenait-on dans une 
plus grande surveillance, et le père allait jusqu'à 
dire à ses autres enfants : « Si je pensais que la chose 



16 LIVRE PREMIER. 

advînt, je vous dirais : « Noyez-'la y » et si vous ne le 
faisiez, je la noierais moi-même. » On essaya quel- 
que moyen moins violent de la détourner de ces pen- 
sées. On voulut la marier : un homme de Toul la 
demanda^ et comme elle refusait^ il l'assigna devant 
Tofficialité , prétendant qu'elle lui avait promis ma- 
riage ; mais elle parut devant le juge et confondit son 
étrange adversaire*. 

Cependant, le temps qu'elle avait marqué ap- 
prochait. Jeanne voulut faire la démarche décisive. 
Son oncle s'y prêta encore; il se rendit à Dom- 
remy, et, alléguant les soins que réclamait sa femme 
nouvellement accouchée, il obtint des parents de 
Jeanne qu'elle la vînt servir. Elle partit sans prendre 
autrement congé de ses parents. Dieu avait parlé : 
« Et quand j'aurais eu, disait-elle à ses juges, cent 
pères et cent mères et que j'eusse été fille de roi, 
je serais partie. » Et néanmoins elle leur écrivit 
plus tard pour leur demander pardon. Avec ses pa- 
rents, elle laissait derrière elle de bien chères com- 
pagnes. Elle vit en partant la petite Mengetle, et 
s'en alla, la recommandant à Dieu. Quant à Hau- 
viette, l'amie de son enfance, aurait-elle pu lui ca- 
cher la cause réelle de son départ ? Elle aima mieux 
lui laisser ignorer son voyage, et partit sans la voir. 
Hauviette, dans sa déposition, dit comme elle en a 
pleuré '. 

Jeanne reparut à Vaucouleurs dans son pauvre 
habit de paysanne, yne robe grossière de couleur 



VAUCOULKURS. 17 

rouge, et revit le sire de Baudricourt sans se faire 
mieux accueillir. Mais elle ue se laissa plus con- 
gédier. Elle prit domicile chez la femme d'un char- 
ron (Henri Le Royer), et demeura trois semaines 
dans sa maison^ toujours simple, bonne fille et 
douce, filant avec elle, et se partageant entre ces 
travaux familiers et la prière. Un témoin, qui était 
alors enfant de chœur de Notre-Dame de Vaucou- 
leurs, déposa qu'il la voyait souvent dans cette 
église : « Elle y entendait, dit-il, les messes du ma- 
tin, et y demeurait longtemps en prières, ou bien 
encore elle descendait dans la chapelle souterraine, 
et s'agenouillait devant Timage de Marie, le visage 
humblement prosterné ou levé vers le ciel. :> L'objet 
de son voyage n'était plus un mystère pour per- 
sonne : elle disait hautement (son hôte, qui Tenten- 
dit, en dépose) qu'il fallait qu'elle allât trouver le 
dauphin ; que son Seigneur, le roi du ciel, le vou- 
lait; qu'elle venait de sa part, et que, dût-elle y aller 
sur ses genoux, elle irait ^ 

Plusieurs des chevaliers du sire de Baudricourt, 
qui, sans doute, l'avaient entendue devant lui, vou- 
lurent la revoir. Jean de Novelonpont, appelé aussi 
Jean de Metz, l'un d'eux, la vint trouver chez le 
charron et lui dit : 

« Ma raie, que faites-vous ici? Faut-il que le roi 
soit chassé du royaume, et que nous devenions An- 
glais? w 

Elle répondit : 

I 2 ^ 



18 LIVRE PREMIER. 

ce Je suis venue ici, à chaînbre de roi (dans une 
Tille royale), parler à Robert de Baudricourt pour 
qu'il me veuille mener ou faire mener au roi. Mais 
il ne prend souci ni de moi ni de mes paroles. Et 
pourtant, avant le milieu du carême, il faut que je 
sois devers le roi, quand je devrais user mes jambes 
jusqu'aux genoux; car nul au monde, ni rois, ni 
ducs, ni fille du roi d'Ecosse, ni aucun autre ne 
peut recouvrer le royaume de France; et il n'y a 
point de secours que de moi : et certes, j'aimerais 
bien mieux filer auprès de ma pauvre mère, car ce 
n'est point mon état; mais il faut que j'aille et que 
je le fasse, parce que mon Seigneur veut que je le 
fasse. 

— Qui est votre Seigneur? dit Jean. 

— C'est Dieu. » 

Le chevalier, mettant ses mains dans les siennes, 
jura par sa foi que. Dieu aidant, il la mènerait au roi, 
et il lui demanda quand elle voulait partir. 

« Plutôt maintenant que demain, plutôt demain 
qu'après, » dit-elle. 

Un autre, Bertrand de Poulengi, s'engagea, comme 
Jean de Metz, à la conduire^ . 

Après ces adhésions publiques, le sire de Baudri- 
court né pouvait plus prendre la chose avec autant 
d'indifférence. Jeanne lui avait fait part de ses ré- 
vélations; mais fallait-il l'en croire, et même alors, 
qu'en fallait-il croire? Si elle avait des visions, d'où 
venaient-elles? Pour éclaircir ce point, le capitaine 



la vint trouver un jour ohes le charron , ayant 
avec lui le curé : le curé, revêtu de aon étole, se mit 
en devoir de rexoroiser, lui disant que s'il y avait 
maléfice, elle se retirât d'eux, sinon qu'elle s'ap- 
prochât. Jeanne s approcha du prêtre et se mit à ses 
genoux ; — toujours humble, mais gardant dans sa 
soumission m.ême toute sa liberté de juger. Elle dit 
après, qu'il n'avait pas bien fait, puisqu'il l'avait en-- 
tendue en confession : il devait donc savoir si c'était 
l'esprit malin qui parlait par sa bouche. -^ Gonmie 
répreuve n'était pas de nature à dissiper les doutes 
4u capitaine, Jeanne lui cita la prophétie populaire : 
qu'une femme perdrait la France et qu'une jeune fille 
la sauverait. On disait dans le pays, tt une jeune fille 
des marches de Lorraine; 9 et la femme de Henri Le 
Royer, témoin de la scène, en demeura vivement 
frappée ; car elle avait ouï cette tradition que Jeanne 
s'appliquait. Mais Robert de Baudricourt doutait en^ 
core ^ 

Cependant Jeanne était pressée de partir : <c Ls 
temps, dit le même témoin, lui pesait comme à une 
femme en travail. » Et tous, excepté le sire de Bau* 
dricourt , semblaient conspirer avec elle. Les deux 
chevaliers qui s'étaient offerts à la conduire avaient 
pris sur eux les frais du voyage ; le menu peuple, 
qui de plus en plus croyait en elle, y voulut coneou* 
rir aussi. Pour s'en aller parmi des hommes de guerre, 
il lui fallait prendre leur habit. Les gens de Yaucou- 
leurs se chargèrent de l'équiper. Us lui donnèrent ce 



20 LIVRE PREMIER. 

qui composait en ce temps le costume militaire : gip- 
pon ou justaucorps, espèce de gilet ; chausses longues 
liées au justaucorps' par des aiguillettes ; tunique ou 
robe courte tombant jusqu'au genou ; guêtres hautes et 
éperons, avec le chaperon^ le haubert, la lance, et le 
reste. Un autre aida son oncle à lui acheter un che- 
val. Déjà tout à Tentour il n'éfait bruit que de la Pu- 
celle, de ses révélations ; et le duc de Lorraine, qui 
était malade, la voulut voir et lui envoya un sauf- 
conduit. Elle se rendit à son appel, ne voulant négli- 
ger aucun moyen qui pût servir à son voyage. Jean de 
Metz raccompagna jusqu 'à Toul ; elle continua la route 
avec son oncle et se présenta devant le duc. Le duc 
la consulta sur sa maladie. Selon un témoin qui pré- 
tend le tenir d'elle-même, elle lui dit qu'il se gou- 
vernait mal et ne guérirait pas s'il ne s'amendait; 
et elle Texhorta à reprendre « sa bonne femme, » dont 
il vivait séparé. Dans le procès, Jeanne se borne à 
dire que, consultée par le duc, elle déclara ne rien 
savoir sur sa maladie, et qu'elle lui exposa en peu de 
mots l'objet de son voyage, ajoutant que s'il lui vou- 
lait donner son fils et des gens d'armes pour la me- 
ner en France, elle prierait Dieu pour sa santé. Le 
duc évita de s'engager à ce point dans l'affaire; mais 
il la congédia avec honneur, et lui donna, dit-on, un 
cheval et de l'argent *. • 

Après avoir mis à proût cette excursion, pour aller, 
à deux lieues de Nancy, faire ses dévotions à Saint- 
Nicolas, but fameux de pèlerinage, elle revint à Yau* 



VAUCOULEDRS. 21 

couleurs. Son départ ne pouvait plus être différé. Le 
sire tle Baudricourt, soit qu'il ail pris Tavis de la 
cour de Bourges, soit qu'il ait dû céder à l'entraîne- 
ment qui se manifestait autour de lui, n'essaya plus 
d'y faire obstacle . On dit que le jour où se donna la 
bataille de Rouvray (Journée des harengs), Jeanne le 
vint trouver et lui dit : ce En nom Dieu (au nom de 
Dieu : c'est sa manière d'afllrmer depuis le commen- 
cement dô sa mission), en nom Dieu, vous mettez 
(tardez) trop à m'envoyer : car aujourd'huy le gen- 
til dauphin a eu assez près d'Orléans un bien grand 
dommage ; et sera il taillé (court-il fortune) encore 
de- 1 avoir plus grand, si ne m'envoyez bientôt vers 
lui. » Il céda, et dès lelendemain, premier dimanche 
de carême (1 3 février 1 429), elle put se disposer à 
partir avec sa petite escorte, savoir : Jean de Metz et 
Bertrand de Poulengy , qui emmenaient deux de leurs 
servants (Jean de Honecourt et Julien), et deux autres, 
savoir Colet de Vienne, messager du roi, et Richard 
l'Archer. Plusieurs s'effrayaient de voir Jeanne s'a- 
venturer en si petite compagnie : six hommes armés, 
c'était assez pour la signaler à l'ennemi, trop peu 
pour la défendre. Mais Jeanne n'avait pas sa confiance 
dans le secours des hommes. Ce n'était point une 
armée qu'elle était venue chercher à Vaucouleurs. 
Elle dissipait ces craintes, elle disait avec assurance 
qu'elle avait son chemin ouvert, et que si elle rencon- 
trait des hommes d'armes sur sa route. Dieu son Sei- 
gneur lui frayerait la voie jusqu'au dauphin qu'elle 



ss 



LIVRE PREMIER. 



devait faire sacrer : « C'est pour cela, diBait-elle, que 
Je suis née. m Le sire de Baudricourt vit la petite 
troupe au départ; il recommanda aux compagnons de 
Jeanne de lui faire bonne et sûre conduite. Il lui donna 
à elle une épée, et^ doutant jusqu'à la fin, il la congé* 
dia en disant t <y Allez donc^ allez^ et advienne que 
pourra ' I » 



^ 



LIVRE DEUXIÈME 



ORLÉANS. 



Le voyage de Vaucouleurs à Ghinon, où était la 
cour, était déjà pour la mission de Jeanne comme une 
première épreuve. Tout le pays était aux Anglais et 
aux Bourguignons : il fallait éviter leur rencontre et 
passer trois ou quatre rivières, la Marne, l'Aube, la 
Seine, l'Yonne, dans une saison où la crue des eaux 
ramenait presque forcément les voyageurs aux villes 
ou aux ponts gardés par eux. Ils allèrent ainsi pen- 
dant onze jours et plus, marchant le plus commu- 
nément la nuit. Jeanne n'approuvait pas ces mesures 
d'une prudence tout humaine. Elle eût voulu s'arrêter 
au moins chaque jour dans quelque village, pour ren- 
dre à Dieu ses devoirs accoutumés. « Si nous pou- 
vions entendre la messe, leur disait-elle, nous ferions 
bien. » Mais se montrer semblait être un péril tant 



24 LIVRE DEUXIÈME. 

que l'on était en pays ennemi. Ils ne cédèrent que 
deux fois à ses désirs, une fois peut-être dans Fab- 
baye de Saint-Urbain , où Ton passa la nuit, et Tautre 
fois dans la principale église d'Auxerre. Jeanne, à 
son tour^ condescendit pour tout le reste à leur ma- 
nière de la conduire; mais elle leur rappelait les 
autres guides qu'elle avait au cieL Quand ils lui de* 
mandaient si elle ferait ce qu'elle avait annoncé, elle 
leur disait de ne rien craindre, qu'elle ne faisait rien 
que par commandement, et que ses frères de paradis 
lui disaient tout ce qu'elle avait à faire'. 

Jeanne, pour ses compagnons, n'était déjà plus de 
la terre. Pendant ce voyage, quoiqu'on marchât la 
nuit, on s'arrêtait néanmoins pour prendre du repos. 
Jeanne couchait au milieu d'eux, renfermée dans son 
habit d'homme. — Mais ce vêtement, qu'elle avait 
adopté par pudeur, n'était point sa seule sauvegarde 
en cette compagnie d'hommes de guerre. — Tel était 
l'ascendant qu'elle avait pris sur eux, que les plus 
jeunes, loin de songer à lui rien dire ou faire qui pût 
l'offenser, affirment qu'ils n'ont même jamais eu la 
pensée du mal auprès d'elle ; ils étaient comme en- 
flammés de l'amour divin qui était en son âme, et deve- 
naient chastes et purs par la contagion de sa sainteté '. 

Ils passèrent la Loire à Gien, et parvinrent à Sainte- 
Catherine de Fierbois, en Touraine, où Jeanne, par 
honneur pour la patronne du lieu, l'une de ses deux 
patronnes, et comme pour compenser les privations 
qu'elle avait acceptées durant la route, entendit jus- 



ORLÉANS. 25 

qu'à trois messes le même jour. Depuis qu'on n'avait 
plus à craindre une surprise de l'ennemi, ses com« 
pagnons ne cachaient plus l'objet de son voyage. De 
Gien, la nouvelle était venue aux habitants d'Orléans 
qu'une bergerette nommée la Pucelle, accompagnée 
de quelques nobles de Lorraine, avait passé, disant 
qu'elle venait faire lever le siège de leur ville et me- 
ner le roi à Reims pour qu'il y fût sacré. Da hameau 
de Sainte-Catherine elle-même écrivit, ou, plus exac- 
tement, fit écrire au roi pour lui demander la permis- 
sion de l'aller trouver à Chinon. Elle lui mandait 
qu'elle avait fait cent cinquante lieues pour lui venir 
en aide; qu'elle savait plusieurs bonnes choses qui le 
touchaient : et, pour lui donner comme un premier 
gage de sa mission, elle déclarait qu'elle le saurait 
distinguer parmi tous les autres \ 

Le bruit de son voyage avait sans doute devancé 
sa lettre à Chinon, et la petite cour qui s'agitait au- 
tour de Charles YII l'avait fort diversement accueilli. 
La position du roi devenait chaque jour plus criti- 
que ; sa détresse était extrême : son trésorier déclarait ' 
qu'il n'avait pas quatre écus en caisse, tant de l'ar- 
gent du prince que du sien. Le roi ne savait plus que 
faire pour sauver Orléans, et, Orléans pris, rien n'é- 
tait sûr pour lui au sud de la Loire. Il en était réduit 
à se demander s'il chercherait un refuge en Espagne 
ou en Ecosse. La reine de Sicile, mère de la reine, . 
et ceux qui gémissaient de l'état des affaires, étaient 
disposés à tout risquer pour sortir de cet abîme; 



26 LIVRE DEUXIÈME. 

au contraire, Thoinme en faveur, La Trémouille, 
craignait par-dessus tout un changement de conduite 
qui pouvait soustraire le prince à son influence en 
le tirant de cette torpeur. Pour un tel homme, le suc- 
cès même était un périL Mais pouvait-on refuser de 
voir au moins celle qui promettait de si grandes 
choses ? On lui permit donc de venir, et sur la route 
il paraît qu'on lui tendit une embuscade : c'était une 
manière aussi de la mettre à Tépreuve! L'épreuve 
réussit mal : ceux qui la voulaient prendre demeu- 
rèrent, dit un témoin de Poitiers, comme cloués au 
lieu où ils étaient*. 

Jeanne vint donc à Ghinon (6 mars), mais elle vou- 
lait parler au roi : nouvel obstacle à vaincre. Fallait- 
il aller jusqu'à compromettre le prince dans une 
entrevue avec une fille des champs que Ton pouvait, 
Sur les rumeurs populaires, soupçonner d'être folle 
ou pis encore? C'est ce qu'on agita dans le conseil. 
Plusieurs la virent et la pressèrent de leur dire à eux- 
mêmes ce qu'elle se réservait de dire au roi. Elle parla 
donc;, mais, en l'écoutant, ils s'affermirent dans la pen- 
sée que le roi ne devait point l'entendre. D'autres 
même croyaientqu'il le devait d'autant moins, qu'elle 
se disait envoyée de Dieu; et les ecclésiastiques 
furent consultés sur ce point. Tout bien examiné, 
ceux-ci ne crurent pas qu'il y eût lieu d'empêcher 
le roi de la recevoir : mais, comme ces scrupules 
n'étaient pour plusieurs que des prétextes, une 
semblable décision ne suffisait point à les dissiper ; 



ORLÉANS. 27 

et quand Jeanne vint au château, elle rencontra de 
nouveaux obstacles dans le conseil. Cependant la rai- 
son finit par triompher: on allégua au roi que Jeanne 
venait à lui avec une lettre de Robert de Baudricourt; 
on lui dit les périls qu'elle avait afi&rontés et dissipés 
comme par miracle pour arriver jusqu'à sa résidence* 
C'était le dernier espoir des habitants d'Orléans ; ils 
avaient envoyé une ambassade au roi à la nouvelle 
de ce secours inespéré ; leurs députés étaient là, aU 
tendant la décision du prince. Et Jeanne n'avait pas 
seulement pour elle la lettre, très-froide , sans doute , 
du sire de Baudricourt ; elle avait ses compagnons 
de route. Les deux hommes qui avaient cru en elle 
dès son séjour à Yaucouleurs, s'étaient sentis bien 
mieux affermis dans leur foi après l'épreuve de ce 
voyage ; mandés au conseil, ils y parlèrent avec toute 
la chaleur de leur conviction et persuadèrent ^ 

Après deux jours d'attente, Jeanne fut donc in- 
troduite au château par le comte de Vendôme. Elle se 
présenta simplement et avec assurance. « Elle fit les 
inclinations et révérences accoutumées de faire aux 
rois, ainsi que si elle eût été nourrie en la cour^ » 
dit Jean Chartier. Le roi, continue-t -il , pour la 
mettre à l'épreuve, s'était confondu parmi d'autres 
seigneurs plus pompeusement vêtus que lui, et quand 
Jeanne, qui ne l'avait jamais vu, le vint saluer, di- 
sant : « Dieu vous donne bonne vie, gentil roi ! 
— Je ne suis pas le roi, dit-il : voilà le roi ; » et il 
lui désignait un des seigneurs. Mais Jeanne répondit : 



28 ^ LIVRE DEUXIÈME. 

« En nom Dieu, gentil prince, vous Têtes, et non un 
autre. » Et, abordant Tobjet de sa mission, elle lui 
dit que Dieu l'envoyait pour lui aider et secourir ; 
elle demandait « qu'il lui baillât gens, » promettant 
défaire lever le siège d'Orléans, et de le mener sacrer 
à Reims. Elle ajoutait « que c'étoit le plaisir de Dieu 
que ses ennemis les Ânglois s'en allassent en leur 
pays ; que le royaume lui devoit demeurer, et que 
s'ils ne s'en alloient, il leur mescherroit ( arriverait 
malheur*). » 

Parmi les princes que le favori n'avait point écar- 
tés de la cour, se trouvait le jeune duc d'Alençon. 
Pris à Verneuil (1424), il avait résisté à toutes les 
séductions mises en pratique pour l'attirer à la cause 
de Henri VI ; et il avait dû payer sa fidélité à Char- 
les VII par une captivité de trois ans et une rançon 
qui le ruinait. Il y avait alors à Chinon bien du loisir 
autour du roi : le jeune duc se trouvait au voisinage, 
à Saint-Florent-lès-Saumur , chassant aux cailles. 
Ayant su, par un de ses gens , l'arrivée à Chinon 
d'une jeune fille qui se disait envoyée de Dieu pour 
expulser les Anglais et faire lever le siège d'Orléans, 
il s'y rendit, et entra comme elle parlait au roi. Le roi 
l'ayant nommé à Jeanne : « Soyez le très-bien venu, 
dit-elle : plus il y en aura ensemble du sang royal 
de France, mieux en sera-t-il. » Le lendemain elle fut 
à la messe du roi, et le roi l'ayant prise à part avec 
Alençon qui le raconte et La Trémouille, elle lui fit 
plusieurs requêtes : elle lui demandait « de donner 



ORLÉANS. 29 

son royaume au Roi descieux, et que le Roi des cieuxi 
après cette donation , ferait pour lui comme pour ses 
prédécesseurs, et le rétablirait dans son ancien état^ j» 

Mais qui était-elle pour parler avec cette autorité, 
et quel signe donnait-elle de sa mission? L^beureuse 
issiie de son voyage pouvait bien, après tout, n*ètre 
pas un si grand prodige, et le fait d'avoir reconnu le 
roi sans l'avoir jamais vu, fournir des armes à ceux 
qui ne voulaient voir dans tout cela qu'une trufferie. 
Au lieu de la foi, elle rencontrait même, non-seule* 
ment le doute, mais quelquefois l'outrage. Le jour 
qu'on la présenta au château, un bomme à cbeval la 
voyant entrer : « Est-ce là la Pucelle? » dit-il; et il 
raillait grossièrement sur son titre, reniant Dieu. 
« Ah ! dit Jeanne, tu le renies, et tu es si près de ta 
mort! > Avant qu'il fût une heure, Vhomme tombait 
à Teau et se noyait*. 

Ceux qui étaient les plus favorables ne savaient 
qu'attendre et voir encore. Le roi l'avait donnée en 
garde à G. Bélier, dont la femme était de grande dé- 
votion et de bonne renommée. En même temps qu'il 
envoyait dans son pays natal des religieux chargés 
de s'informer secrètement de sa vie, il la faisait 
paraître devant sa cour; il la soumettait à l'examen 
des gens d'Église : et elle savait garder en toute ren- 
contre la même aisance, la même fermeté ; parlant 
avec assurance de sa mission, soit devant La ïré- 
mouille, soit devant les évêques, et montrant, au be- 
soin, que dans cette carrière des batailles où elle 



30 LIVRE DEUXIÈME. 

voulait ramener le roi, elle-même saurait faire bonne 
figure. Un jour après le diner, le roi étant allé se pro- 
mener dans la prairie, elle y courut, la lance au 
poing, et de si bonne manière, que le ducd'Alençon, 
charmé, lui donna un cheval. Lés épreuves se con- 
tinuaient jusque dans la demeure qui lui avait été 
assignée. De grands personnages la venaient voir à la 
tour du château de Coudray(à une lieue de Cbinon), 
et elle répondait à leurs questions. Mais quand elle 
était seule, elle priait et pleurai t^ 

Un jour enfin, elle vint trouver le roi et lui dit • 
« Gentil dauphin, pourquoi ne me croyez-vous? Je 
vous dis que Dieu a pitié de vous, de votre royaume 
et de votre peuple : car saint Louis et Gharlemagne 
sont à genoux devant lui, en faisant prière pour vous ; 
et je vous dirai, s'il vous plaît, telle chose, qu'elle 
vous donnera à connoître que me devez croire. » 
L'auteur de la Chronique ajoute qu'elle admit comme 
témoins de sa déclaration le duc d'Alençon, Robert 
Le Maçon, seigneur de Trêves (en Anjou), Christophe 
d'Harcourt et Gérard Mâche t, confesseur du roi, et 
qu'après leur avoir fait jurer de n'en rien révéler, 
elle dit au roi (c une chose de grande conséquence 
qu'il avoit faite bien secrète; dont il fut fort ébahi : 
car il n'y avoit personne qui le pût savoir que Dieu et 
lui. » D'autres suppriment les témoins, ou du moins 
les tiennent à distance, s'accordant sur le fait lui- 
même et sur Timpression que le roi en reçut : « Ce 
qu'elle lui a dit, nul ne le sait, écrit Alain Chartier 



ORLÉANS. 31 

peu de temps après (juillet 1 429), mais il est bien 
manifeste qu'il en a été tout rayonnant de joie comme 
à une révélation deTEsprit saint \ m 

Qu'était-ce donc que ce signe? Jeanne elle-même 
est convenue du fait devant ses juges ; et elle con- 
firme les derniers témoignages allégués en disant 
(c qu'elle ne pense pas que personne ait été alors avec 
le roi, quoiqu'il y eût bien des gens assez près. » Mais 
en même temps elle déclara quelle n'en voulait rien 
dire. Elle persista longtemps dans ce refus^ protes- 
tant que sur ce point on n'aurait pas d'elle la vérité; 
et d'autant plus pressée qu'elle se récusait davantage^ 
elle finit par se dérober à ces instances par le biais 
que ses juges mêmes semblaient lui offrir en l'inter- 
rogeant sur l'ange qui avait apporté une couronne au 
roi : bruit populaire qu'elle accueillit comme expri- 
mant sa mission sous le voile d'une allégorie fort 
transparente. Par cette allégorie qu'elle expliqua plus 
tard, elle dépista ses juges : le signe leur demeura donc 
caché ; car c'était le secret du roi. Mais une parole 
avait été entendue dans cette conversation secrète ; 
parole d'une siagulière autorité, et dont l'accent put 
frapper les oreilles de ceux qui se tenaient non loin 
du prince : (v Je te dis de la part de Messire que tu 
es vray héritierde France et fils du roy. » Cette parole 
reproduite en français dans la déposition de Pasque- 
rely parmi les autres déclarations de Jeanne^ reçut 
plus tard son explication et se trouve rattachée au 
signe donné au prince, par les déclarations mêmes 



32 LIVRE DEUXIÈME. 

du roi. Le sire de Boisy^ qui, dans sa jeunesse, avait 
été Tun des chambellans les plus familiers de Char- 
les VII, a raconté en effet à Pierre Sala, comme le te- 
nant du roi lui-même, qu'un jour, au temps de ses 
plus grandes adversités, ce prince, cherchant vaine- 
ment un remède à tant de maux, entra un matin, seul, 
dans son oratoire, et que là, sans prononcer une pa- 
role, il fit à Dieu, du fond de son cœur, cette requête : 
Que s'il était vrai héritier, issu de la maison de France 
(ce doute était possible avec la reine Isabeau), et que 
le royaume lui dût justement appartenir, il plût à 
Dieu de le lui garder et défendre; sinon, de lui faire 
la grâce d'échapper sans mort ou prison, et qu'il se 
pût sauver en Espagne ou en Ecosse, où il voulait, en 
dernier recours, chercher un refuge. — C'est cette 
prière connue de Dieu seul que la Pucelle rappela. à 
Charles YII : et on s'explique maintenant la joie qu'au 
dire des témoins il manifesta, sans que personne en 
sût alors le motif. Jeanne, par cette révélation, n'avait 
pas fait seulement qu'il crût en elle; elle faisait qu'il 
crût en lui-même, en son droit, en son titre : Je te 
DIS (jamais Jeanne n'a parlé au roi de la sorte : c'est 
quelque chose de supérieur qui parle par sa bouche), 
je te nis de la part de Messire, que tu es vrat héritier 
. DE France et fils du roy\ » 

Ce n'était point assez : il fallait que personne n'eût 
le droit de révoquer en doute sa mission ou d'en sus- 
pecter l'origine. Le roi ne précipita rien, et décida 
qu'on la mènerait à Poitiers, où était le parlement, où 



ORLÉANS. 33 

siégeait le conseil, où se trouvaient réunisplusieurs des 
menibres de TUniversité de Paris, restés fidèles. Il 
voulait lui faire subir une épreuve plus solennelle, et 
donner à la résolution qu'on prendrait la sanction 
des hommes les plus autorisés dans FÉtat et dans 
rÉglise. Jeanne partit donc, et quand elle sut où on 
la menait : a En nom Dieu, dit-elle, je sais que j'y 
aurai bien affaire : mais Messire m'aidera. Or allons de 
par Dieu*.» 

Elle vint donc à Poitiers, et fut, comme à Chinon, 
confiée à la garde de Tune des plus honorables fa- 
milles de la cité : celle de Jean Rabateau, avocat géné- 
ral au parlement. L'archevêque de Reims, chancelier de 
France, etTun des principaux chefs du parti dominant, 
d'accord avec les membres du conseil^ convoqua les 
évèques présents et les docteurs les plus renommés 
entre ceux qui avaient suivi la fortune de Charles YII: 
Gérard Machet, évèque de Castres, confesseur du roi ; 
X Simon Bonnet, depuis évêque de Senlis; Tévêque de 
Maguelonne et l'évêque de Poitiers; maître Pierre de 
Versailles, depuis évêque de Meaux, et plusieurs au- 
tres, au nombre desquels le dominicain frère Séguin, 
à qui l'on doit le récit le plus étendu de ces confé- 
rences. On leur dit qu'ils avaient commission du roi 
pour interroger Jeanne et en faire leur rapport au 
conseil, et au lieu d'appeler la Pucelle devant eux, on 
les envoya vers elle, chez maître Jean Rabateau*. 

Dès qu'elle les vit entrer dans la salle, elle alla 
s'asseoir au bout du banc, et leur demanda ce qu'ils 
I 3 



34 LIVRE DEUXIÈME. 

voulaient. Us lui dirent qu'ils la venaient trouver, 
parce qu'elle avait dit au roi que Dieu l'envoyait vers 
lui ; et ils lai montrèrent^ » par belles et douces rai- 
sons, » qu'on ne la devait pas croire, a Ils y furent, 
dit la Chronique, plus de deux heures, dont chacun 
d'eux parla sa fois; et elle leur répondit: dont ils 
étoient grandement ébahis comme une si simple 
bergère, jeune fille, pouvoit ainsi répondre. » Nous 
n'avons plus les procès - verbaux de ces conféren- 
ces tenues par des hommes défiants, sans doute (c'é- 
tait leur devoir), mais sincères : actes auxquels 
Jeanne, dans son procès, renvoie plusieurs fois en 
toute assurance, et où Ton trouverait les libres effu* 
sions de son âme, recueillies sans réticence et sans 
altération. Mais à défaut de ce monument qui a péri 
de bonne heure, il reste comme un écho fidèle encore, 
quoique plus lointain, de sa parole, dans les déposi- 
tions de deux témoins : Gobert Thibault, écuyer du 
roi, et frère Séguin, docteur en théologie. 

Dans la première visite, après diverses questions 
sur elle, sur sa famille, sur son pays, Jean Lombart 
lui ayant demandé qui l'avait poussée à venir vers 
le roi, elle lui dit ses visions, comme ses voix lui 
avaient appris la grande pitié qui était au royaume 
de France, et qu'il fallait qu'elle y allât : à ces paro- 
les, elle s'était mise à pleurer; mais la voix avait 
commandé. Et elle racontait comment elle avait en- 
trepris ce voyage, accompli , parmi tant d'obstacles, 
en toute sûreté, selon au'il lui était prédit. <c Jeanne, 



OHLCaNS. 85 

]ui dit Guillaume Aytueri, voui demandez gens d'ar« 
mes, et dites que c*est le plaisir de Dieu que les An-* 
glais laissent le royaume de France et s*en aillent en 
leur pays. Si cela est^ il ne faut point de gens d'ar- 
mes, car le seul plaisir de Dieu les peut déconCre et 
faire aller en leur pays. 

^^ En nom Dieu « reprit Jeanne^ les gens d'armes 
batailleront, et Dieu donnera victoire. » 

Maître Guillaume avoua que c'était bien répondu. 

Alors Séguin ) un «bien aigre homme, n dit la Gbro« 
nique^ voulant savoir que penser de ses voixi lui de** 
manda quelle langue elles lui parlaient. 

« Meilleure que la vôtre, m répondit '»ellei 

Il ^parlait limousin. 

(T Croyez^vous en Dieu? dit le docteur visiblement 
blessé* 

— Mieux que vous, répliqua Jeanne sur le même 
ton . 

-«^Eh bieni reprit Séguin^ Dieu défend de vous 
croire sans un signe qui porte à le faire ; « et il déclara 
quc; pour sa part, il ne donnerait point au roi le con« 
seil de lui confier des gens d'armes et de les mettre 
en péril sur sa simple parole* 

«c En nom Dieu, répliqua Jeanne, je ne suis pas 
venue à Poitiers pour faire signes ; mais menez-moi 
à Orléans, et je vous montrerai les signes pour quoi 
je suis envoyée. Qu'on me donne si peu de gens qu'on 
voudra, j'irai à Orléans. » Le frère Séguin^ si aigre 
homme que le dise la Ghroniquci a eu du moins la 



36 LIVRE DEUXIÈME. 

• 

bonhomie de nous garder ces traits sans leur rien ôter 
de ce qu'ils avaient de piquant pour lui-même; moins 
soucieux de son amour-propre que de la vérité'. 

L'examen se prolongea pendant trois semaines , et 
Jeanne en témoigna parfois son impatience. Le jour 
que vint Gobert Thibault, en compagnie de Jean 
Érault et de. Pierre de Versailles^ la Pucelle, voyant 
entre les deux docteurs Técuyer du roi, qu'elle 
avait sans doute rencontré à Ghinon, lui frappa fa- 
miUèrement sur Tépaule, et lui dit « qu'elle voudrait 
bien avoir plusieurs hommes d'aussi bonne volonté.» 
Puis, s'adressant à Pierre de Yergailles : 

i< Je crois bien , dit-elle, que vous êtes venu pour 
m 'interroger : je ne sais ni A ni B; mais je viens de 
la part du Roi des cieux pour faire lever le siège d'Or- 
léans; et mener le roi à ReimS; afin qu'il y soit cou- 
ronné et sacré* » 

Et ensuite : 

(c Âvez-vous du papier, de l'encre ? dit-elle à Jean 
Érault. Écrivez ce que je vous dirai : « Vous, Sufifort, 
r< Glassidas et La Poule, je vous somme par le Roi des 
« cieux, que vous en alliez en Angleterre,» — Lalettre, 
écrite alors, se retrouvera en original à l'époque où elle 
eut enfin acquis le droit de l'envoyer aux Anglais' . 

On ne l'interrogea point seulement sur ses révéla *- 
lions : on la fit surveiller par des femmes dans sa 
manière de vivre, on l'interrogea sur sa croyance. Gar 
ses visions fussent-elles constantes, il fallait savoir d'où 
elles venaient : si elles venaient du diable, on était 



ORLÉANS. 37 

eonvaincu qu'il se trahirait par quelque mot maison- 
nant touchant la foi. Jeanne sortit tout aussi heureu- 
sement de ces épreuves. Elle n'avait pas compté en 
vain sur Celui dont elle disait aux docteurs : a II y a 
es livre de Notre-Seigneur plus que es vôtres.» Malgré 
ces vivacités de langage contre la science des docteurs, 
ils l'admiraient et confessaient qu'elle leur avait ré- 
pondu avec autant de prudence que si elle eût été un 
bon clerc. Plusieurs crurent sincèrement à son ins- 
piration : le confesseur du roi et d'autres voyaient en 
elle celle qu'annonçait une prophétie (la prophétie de 
Merlin, sans doute, alléguée, en ce temps même, 
dans les vers de Christine de Pisan). Jean Érault, 
cherchant à la révélation de Jeanne un appui dans 
une autre, cita à l'assemblée ce que l'on rapportait 
de Marie d'Avignon. On disait que cette femme, re- 
nommée alors par ses prédictions, était venue jadis 
trouver le roi, et lui avait communiqué ses visions sur 
la prochaine désolation de la France. Elle avait vu 
quantité d'armes; elle avait craint que ce ne lui fût 
un signe d'aller à la guerre. Mais elle avait été ras- 
' surée : il lui avait été dit que ce signe ne la touchait 
pas; qu'une pucelle viendrait après elle, qui porterait 
ces armes et délivrerait la France de l'ennemi. Jean 
Érault ne doutait point, pour sa part, que Jeanne ne 
fût la pucelle prédite*. 

Sans aller aussi loin, les docteurs ne laissèrent pas 
de conclure en faveur de Jeanne. Ils louaient le roi de 
n'avoir, dans cette nécessité pressante du royaume, 



38 LIVRE DEUXIÈME. 

ni rejeté la Puoelle^ ni cru trop légèrement à ses pro« 
nf)ea9ea ; mais de ravoir éprouvée ^n cherchant dans 
sa vie et en demandant à ses actes la preuve qu'elle 
était envoyée de Dieu. Sa vie a fait Tobjet d'une en-* 
qu$te sérieuse, Jeanne pendant six semaines a étégar*» 
dée parla roif visitée par toutes sortes de personnes} 
et rpq n*a rien trouvé en elle, que a bien, humilité, 
virginité* dévotion, honnêteté, simplesse.» Son signe, 
c'est devant Orléans qu'elle prétend le montrer. Puis* 
qpQ la première preuve est faite, il ne faut pas re« 
fuser la seconde qu'elle offre; il faut la mener à Or- 
léans : car, la délaisser sans apparence de mal, <( ce sa- 
roit répugner au Saint-Esprit et se rendre indigne de 
Taide de Dieu, » Les matrones firent leur rapport à leur 
tou;*. La reine de Sicile, les dames de Gaucourt et de 
Trêves attestèrent que Jeanne était digne de porter 
son surnom populaire, et dès lors la démonstration 
était complète ; car on n'admettait pas qqe l'âme pure 
d*une vierge eût commerce avec le démon*. 

Le peuple, pour croire en elle, n'avait pas demaodé 
tant d'épreuves. Lesplusincrédulesnerésistaient point 
à l'accent de sa parole : tel qui en venant déclarait . 
pes promesses pures rêveries, ne s'en allait pas sans 
avouer qne c'était une créature de Dieu; et plusieurs 
en revenant pleuraient à chaudes larmes. Jeanne 
avait gagné tous les suffrages. Les hommes d'Ëglisp 
rendaient témoignage à sa vertu et à sa foi \ les hom- 
mes de guerre s'émerveillaient de la façon dont elle 
parlait sur le fait des armes, et le^ dames et les de- 



ORLÉANS. 39 

moiselles ne s'étonnaient pas moins de trouver une 
simple jeune fille dans celle qui faisait l'admiration 
des hommes de guerre et des docteurs. Elle qui, sous 
les armes, semblait égale aux plus habiles par sa te- 
nue, par ses discours, elle se retrouvait, quand elle 
avait dépouillé le bamoisi ce qu'elle était dans son 
village, i( moult simple et peu parlant, » toujours 
pieuse et repueillie, priant dans le secret, et accueil- 
lant avec bonté les hommes de toute condition que la 
curiosité attirait autour d'elle, et principalement les 
femmes. Elle leur parlait si doucement et si gracieu- 
sement, dit la Chronique, qu'elle les faisait pleurer. 
Elle s'excusait auprès d'elles de l'habit qu'elle por- 
tait ; et les femmes surtout la devaient compren- 
dre. L'habit d'homme, qui effaroucha tant la pudeur 
du tribunal institué par les Anglais, n'excita pas les 
mêmeç scrupules parmi les évèques et les docteurs 
du parti de Charles VII. Il n'en est pas dit un mot 
dans ce qui est resté de l'enquête de Poitiers ; et si la 
question s'y posa, elle fut résolue par le bon sens, 
comme elle Ta été dans la consultation que l'archevê- 
que d'Embrun envoya au roi, peu de temps après la 
délivrance d'Orléans, sur les actes de la Pucelle. « Il 
est plus décent, dit le prélat, de faire ces choses en 
habit d'homme, puisqu'on les doit faire aveq des 
hommes. « 

Le roi ne différa plus, Il l'envoya à Tours (vers le 
2Q avril), et lui composa toute upç maison militaire. 
Les d^ux plus jeyneg frères de Je^pne (Jean et Pierre) 



40 LIVRE DEUXIÈME. 

Tétaient venus rejoindre ; ses deux guides, Jean de 
Metz et Bertrand de Poulengy , ne l'avaient point quit- 
tée. Le roi les maintint dans sa compagnie. Il lui 
donna pour maître d'hôtel, ou chef de sa maison mi- 
litaire, Jean d'Aulon, honnête écuyer; pour pages 
Louis de Contes, qui s'était déjà trouvé près d'elle au 
château du Coudrai, et un autre du nom deRaimond; 
de plus, quelques variets, deux hérauts d'armes. Un 
religieux augustin, frère Jean Pasquerel, connu de 
ceux qui avaient amené Jeanne àChinon,lui fut pré- 
senté par eux et devint son aumônier. Le roi fit 
faire à la Pucelle une armure complète, et lui donna 
des chevaux pour elle et pour ses gens. Mais à Tépée 
qu'il lui offrit, elle enpréféraune qu'elle semblait tenir 
de l'une de ses patronnes. Sur son indication, on alla 
dans la chapelle de Sainte-Catherine de Fierbois, et 
l'on trouva derrière l'autel, à une petite profondeur, 
une épée marquée de cinq croix, toute couverte de 
rouille. La rouille céda facilement, et l'épée fut en- 
voyée à Jeanne avec deux fourreaux magnifiques, 
l'un de velours vermeil, l'autre de drap d'or : elle 
s'en fit faire un autre de cuir fort, pour l'usage ordi- 
naire. On lui fit en outre, d'après les indications 
qu'elle en donna, un étendard de linon, brodé de soie, 
au champ d'argent (blanc) semé de lis. On y voyait 
l'image de Dieu assis surles nuées du ciel, tenant le 
monde, et deux anges aux côtés, avec ces mots : Jésus 
Maria; et sur le revers une annonciation : la Vierge 
et l'ange, un lis à la main. Elle aima son épée : mais, 



ORLÉANS. 41 

comme elle le dit en son procès/ elle aimait quarante 
fois plus son étendard. Car cet étendard, bien plus 
que son épée, était pour elle le signe et Finstrument 
de la victoire» Jamais elle ne tua personne. Pour ne 
point s'y exposer dans la bataille, elle abordait Ten* 
nemi l'étendard à la main. 

Il n y avait plus de temps à perdre si Von voulait 
sauver Orléans. Les Anglais achevaient leurs bas- 
tilles ; ils avaient fortifié et relié par de nouveaux 
boulevards leurs positions à l'ouest et au nord de la 
place (de la fin de mars au 15 avril), et ils s'établis- 
saient à Test par la construction des bastilles de 
Saint- Loup (10 mars) et de Saint- Jean le Blanc 
(20 avril). Le blocus allait donc se resserrant chaque 
jour, et Ton devait compter de moins en moins à 
Tintérieur sur ces arrivages, en quelque sorte furtifs, 
qui, échappant à l'ennemi grâce à leur médiocrité 
même, renouvelaient de temps à autre les ressources 
des assiégés. C'était d'une tout autre sorte et dans 
d'autres proportions que Jeanne voulait ravitailler 
la place. Son concours étant enfin accepté, on pré- 
para un grand convoi de vivres. La reine de Sicile, 
qui était l'âme du parti national, fut chargée d'en 
réunir à Blois les éléments avec le duc d'Alençon, 
Ambroise de Loré, et l'amiral Louis de Culan. L'ar- 
gent manquait : le roi sut en trouver, cette fois ; et 
bientôt Jeanne vint elle-même à Blois en la compa* 
gnie de Regnault de Chartres, archevêque de Reims, 
chancelier de France, et du pire de Gaucourt, char- 



42 LIVRE DEUXIÈME. 

gés sand doute de donner les derniers ordres pour le 
départ. Le maréchal de Boussac et le seigneur de 
Rais, investis du commandement, y vinrent très-peu 
après, avec La Hjre, Poton de Xaintrailles. et tous 
ceux qui devaient faire l'escorte. Jeanne n'évalue 
pas à moins de 10 ou 12 000 hommes le nombre de 
ceux qui la composaient*. 

Avant d'engager la lutte, Jeanne essaya de la pré- 
venir, marquant du signe de la paix le premier acte 
de sa mission ; car sa mission c'était aussi la paix 
aux hommes de bonne volonté. Mais comment obtenir 
de la bonne volonté des Anglais ce que réclamait le 
droit de la France à être libre? Jeanne ne s'en crut 
pas moins obligée à leur envoyer ce message, dont 
les termes ont été gardés textuellement : 

«Jhesus Maria. 

M Roi d'Angleterre, et vous duc de Bethfort qui 
« vous dites régent le royaume de France ; Guillaume 
« de Lapoule (Pôle),, comte de Suffort (Suffolk), 
« Jehan sire de Thalebot (Talbot), et vous, Thomas, 
tf sire d'Escalles (Scajes), qui vous dites lieutenans 
(< dudit de Rethfqft, faites r^son au I^oi dp ciel de 
w son Sfing royal; rendez à la Pucelle cy envoyée de 
« par Dieu le roi du ciel, les clefs de toutes les bonnes 
« villes que vous avez prises et violées en France. 
<c FlUe est venue de par Dieu le Roi du ciel, pour 
« rpclapaer le sang rpyalj plie est.loqte preste de faire 



ORLËANS. 43 

r< paix, si VOUS lui voulez faire raison, par ainsi que 

c< France vous mettez sur (rendez) et paiez de ce que 

« Tavez tenue. Entre vous, archers, compagnons de 

a guerre gentils, et autres qui estes devant la bonne 

a ville d'Orliens, allez -vous-en, de par Dieu, en vos 

(( pays, et si ainsi ne le faites, attendez les nouvelles 

ce de la Pucelle qui vous ira voir brièvement à vostre 

« bien grand dommage. Roi d'Angleterre, si ainsi ne 

((le faites, je suis chef de guerre, et en quelque lieu 

u que j*attaindrai vos gens en France, je les en ferai 

(( aller, veuillent ou non veuillent; et s'ils ne veulent 

(( obéir, je les ferai tous mourir, et s'ils veulent obéir, 

(( je les prendrai à merci. Je suis cy venue de par 

« Dieu, le roi du ciel, corps pour corps, pour vous 

« bouter hors de toute France, encontre tous ceux 

« qui voudroient porter trahison, malengin ni dom- 

(( mage au royaume de France. Et n'ayez point en 

« vostre opinion, que vous ne tiendrez mie (que 

« vous tiendrez jamais) le royaume de France de 

« Dieu, le Roi du ciel, fils de sainte Marie; ains le 

(( tiendra le roi Charles, vrai héritier; car Dieu, le 

(( Roi du ciel, le veut ainsi, et lui est révélé parla 

« Pucelle : lequel entrera à Paris à bonne compagniet 

u Si vous ne voulez croire les nouvelles de par Djeu 

(( de la Pucelle, en quelque lieu que nous vous 

« trouverons, nous fqrrons (férirons, frapperont 

« dedans à horions, et si (ainsi) ferons un si gros 

a hahaye, que encore a mil années (il y a mille ans) 

« que en France ne fut fait si grai^d, ^i vous nei faites 



44 LIVRE DEUXIÈME. 

« raison. Et croyez fermement que le Roi du ciel 
« trouvera {ou envoiera) plus de force à la Pucelle 
a que vous ne lui sauriez mener de tous assauts, à 
« elle et à ses bonnes gens d'armes; et adonc verront 
« lesquels auront meilleur droit, de Dieu du ciel ou 
« de vous. Duc de Bethfort, la Pucelle vous prie et 
« vous requiert que vous ne vous faites pas destruire. 
« Si vous faites raison, encore pourrez venir en sa 
a compagnie Toù que les François feront le plus beau 
« fait qui oncques fut fait pour la chrestienté. Et 
<c faites réponse en la cité d'Orliens, si voulez faire 
« paix; et si ainsi ne le faites, de vos bien grands 
« dommages vous souvienne brièvement. 
« Escrit le mardi de la semaine sainte. 

a De par la Pucelle. » 

Et dessus : « Au duc de Bethfort, soi disant ré« 
gent le royaume de France, ou à ses lieutenans estans 
devant la ville d'Orliens*. » 

Cette lettre , datée du 22 mars et probablement 
écrite à Poitiers, ne fut sans doute adressée aux An- 
glais qu'après que Jeanne fut agréée de Charles VII ; 
peut-être seulement quand elle vint à Blois. Elle fut 
accueillie avec insulte. Ils ne se bornèrent point à 
des outrages envers la Pucelle; ils allèrent jusqu'à 
une violation du droit des gens sur son messager: 
ils le retinrent, et ils n'attendaient pour le brûler 
que l'avis de l'Université de Paris*. 



ORLÉANS. 45 

Jeanne n'avait donc plus de ménagements à garder 
envers eux. Pendant qu^on prenait les dernières 
disposition^ pour le départ, elle s'y préparait elle- 
même à sa manière. Indépendamment de son propre 
étendard, elle avait fait faire une seconde bannière 
où était peinte Timage de Jésus en croix ; et chaque 
jour, matin et soir, des prêtres se rassemblaient a* 
lentour pour chanter les hymnes de Marie. Jeanne y 
venait, et elle eût voulu que tous y fussent avec 
elle : mais nul homme d'armes n'y était admis qu'il 
ne fut en état de grâce, et Jeanne les engageait à se 
confesser aux prêtres qui étaient là, tout disposés à 
les entendre. Au moins voulut-elle qu'avant de partir 
chacun mît ordre à sa conscience. « Elle leur fit 
oster leurs fillettes, m II n y avait point de place pour 
elles dans une armée conduite par la Pucelle sous 
l'invocation de la Mère de Dieu^ 

La congrégation qu'elle avait formée autour de ce 
pieux étendard fut son avant-garde, lorsque le 28 avril 
elle sortit de Blois pour aller à Orléans : c'était elle 
qui ouvrait la marche au chant du Veni Creator* 
Jeanne eût voulu qu'on marchât droit sur Orléans 
par la rive où la ville s'élève. On passait à travers les 
plus fortes bastilles des Anglais; mais on arrivait 
sans autre obstacle, et elle avait déclaré que les An- 
glais ne bougeraient pas. Toutefois les capitaines de 
Charles VII ne pouvaient point fonder leur plan de 
campagne sur cette assurance, que Talbot, Suflfolk 
et les Anglais, maîtres des positions, laisseraient 



46 LITRE DEUXIÈME. 

passer entre leurs nlains^ sans tenter de le prendre, 
un convoi de vivres dont ils pouvaient eux-mêmes 
si bien faire leur profit. Ilsf résolurent donc de suivre 
la rive gauche (côté de la Sologne)^ laissant le fleuve 
entre leur troupe en marche et les principaux éta- 
blissements de Tennemi. De ce côté; en décrivant un 
cercle, on évitait les bastilles occupées par les An- 
glais aut abords du pont d'Orléans, et en passant la 
Loire au-dessus de leurs dernières positions, on re- 
venait vers la ville par la rive droite, à travers une 
plaine moins garnie de bastilles* La marche se fit 
ainsi. On trompa la simple jeune fille sur la vraie 
position d'Orléans; on traversa le pont de Blois, et 
l'on passa devant Baugency et Meun, sans que l'en- 
nemi, qui occupait ces places, fît rien pour inquiéter 
le convoi « On coucha en rase campagne (Jeanne, qui 
ne voulut pas quitter ses armes, en fut toute meur- 
trie), et on gagna Olivet, derrière les bastilles an- 
glaises de la rive gauche. Jeanne put reconnaître 
alors comme on s'était joué de son ignorance. Elle 
était devant Orléans, mais séparée de la ville par la 
rivière. Elle en fut vivement affectée. Elle eût voulu 
au moins ne s'en pas éloigner davantage, et sans 
prétendre forcer, dès l'arrivée, les bastilles qui dé- 
fendaient l'accès du pont, elle demandait qu'on atta- 
quât la plus occidentale et la plus isolée, celle de 
Saint-Jean le Blanc : les Anglais s'y attendaient si bien, 
qu'ils en rappelèrent la garnison aux Âugustins et 
aux Tourelles, croyant la position trop faible pour 



ORLÉANS. 47 

être défendue. Mais les autres jugèrent le lieu trop 
rapproché de Tennemi pour y tenter la traversée, et 
lis se dirigèrent vers rile-aux-Bourdons, devant Chécy 
(à deux lieues d'Orléans), où ils trouvaient le double 
avantage d'embarquer le convoi plus sûrement et de 
le débarquer en lieu plus commode ^ 

La ville d'Orléans attendait avec anxiété Tissue de 
cette tentative. On ne doutait pas que les Anglais ne 
fissent tout pour la faire échouer. Il fut ordonné que 
chacun fût soùs les armes, prêt à agir; et Dunois vint^ 
avec quelques autres, rejoindre le convoi, comme il 
se trouvait à la hauteur de l'église Saint^Loup, pour 
aviser aux meilleurs moyens de lui faire passer le 
fleuve et de l'introduire dans la ville. La chose n'était 
pas si facile encore. Il fallait des bateaux : on ne 
pouvait les faire venir c^ue d'Orléans, sous le feu des 
bastilles ennemies, et le vent était contraire. Jeanne 
était moins touchée de ces difficultés que du parti 
qu'on avait pris d'en éviter par là de plus grandesi 
au risque de montrer, dès le début de l'entreprise, 
si peu de confiance en elle et surtout si peu de foi en 
Dieu. 

«c Étes-vous le bâtard d'Orléans? dit-elle à Dunois 
quand il l'aborda. 

— Oui, et je me réjouis de votre venue. 

— Est-ce vous, reprit-elle, sans autrement répon- 
dre au compliment, qui avez donné le conseil de me 
faire venir ici par ce côté de la rivière, et non pas 
directement où étaient Talbot et les Anglais ? » 



48 LIVRE DEUXIÈME. 

DuDois répondit que lui, et de plus sages que lui, 
avaient donné ce conseil, croyant mieux faire et plus 
sûrement. 

« En nom Dieu, s'écria Jeanne, le conseil de Mes- 
sire (Dieu) est plus sûr et plus sage que le vôtre. 
Vous m'avez cuidé (pensé) décevoir et vous vous 
êtes déçus vous-mêmes, car je vous amène le meilleur 
secours que eut oncques chevalier, ville ou cité; et 
c'est le plaisir de Dieu et le secours du Roi des cieux : 
non mie pour l'amour de moi , mais il procède pu- 
rement de Dieu. Lequel, à la requête de saint Louis 
et saint Charles le Grand, a eu pitié de la ville 
d'Orléans, et n'a pas voulu souffrir que les ennemis 
eussent le corps du duc d'Orléans et sa ville\ » 

En ce moment sa parole sembla se confirmer par 
un signe : le vent changea tout à coup ; des bateaux 
arrivèrent d'Orléans, et l'eau, qui était basse, parut, 
sous rimpûlsion du vent contraire au courant, s'en- 
fler pour en rendre plus facile l'abordage. On y plaça 
les chariots tout chargés et les bœufs, et on les débar- 
qua au port de Chécy. Mais les moyens manquaient 
pour y transporter en même temps tous les hommes 
d'armes. Point d'autre passage que le pont de Blois 
d'où l'on venait. Plusieurs proposèrent donc de les y 
reconduire; Dunois se bornait à prier Jeanne de venir 
avec lui dans la ville ce soir même : car Orléans eût 
cru ne rien avoir, recevant les vivres sans elle. Jeanne 
en fut très-irritée. Elle ne savait se décider ni à lais* 
ser partir les siens ni à les suivre ; car elle ne venait 



ORLÉANS. 49 

pas seulement ravitailler Orléans, mais le sauver. Or 
elle avait là des hommes préparés comme elle Tavait 
voulu, (( bien confessés, pénitents, et de bonne vo- 
lonté. » — t< En leur compagnie, disait-elle , je ne 
craindrais pas toute la puissance des Anglais ; » — et 
elle redoutait qu une fois partis, leur troupe ne vînt à 
se dissoudre. Il y en avait, en effet, dit Jean Chartier, 
« qui faisaient difficulté de mettre tant de gens en ladite 
ville, pour ce qu'il y avait trop peu de vivres : » on 
eût craint sans doute à la cour d'être obligé de refaire 
bientôt les frais d'un nouveau convoi. Dunois, voyant 
qu'on ne la pouvait point avoir autrement, vint trou- 
ver les capitaines qui commandaient l'escorte, et il 
les supplia, au nom de Tintérèt du roi, de laisser 
Jeanne et de la décider à le suivre dans la ville, en 
lui promettant d'aller à Blois passer la Loire pour la 
rejoindre bientôt à Orléans. Les capitaines firent ce 
qu'il désirait , et Jeanne agréa leur promesse. Elle 
laissa à ses hommes la bannière autour de laquelle 
elle avait coutume de les réunir; elle leur laissait 
Pasquerel son aumônier, et les prêtres qui les entre- 
tenaient dans leurs pieux exercices : et elle-même, 
avec Dunois, La Hire et deux cents hommes d'armes, 
passa le Ûeuve à la suite du convoie 

De ce côté, les Anglais n'avaient qu'une seule bas- 
tille, celle de Saint-Loup : pour leur ôter la tentation 
d'en sortir et d'inquiéter les arrivants, les Orléanais 
les y assaillirent eux-mêmes, et de telle sorte, qu'ils en 
rapportèrent un étendard ; mais, ce qui valait mieux, 
I 4 



50 LIVRE DEUXIÈME. 

la file des cfaariots, grâce à la diversion, tournait la 
forteresse ennemie^ et entrait saine et sauve dans la 
place^ par la porte de Bourgogne. Jeanne et ses hom- 
mes d'armes étaient restés aux champs jusqu'à la fin. 
Pour éviter l'empressement tumultuaire de la foule, 
on était convenu qu'elle n'entrerait dans la ville que 
la nuit. Elle j entra à huit heures du soir, armée de 
toutes pièces et montée sur un cheval blanc. Elle s'a- 
vançait précédée de sa bannière, ayant à sa gauche 
Dunois, richement armé, et derrière elle- plusieurs 
nobles seigneurs et quelques hommes de la gar* 
nison ou de la bourgeoisie d'Orléans, qui étaient 
venus lui faire cortège. Mais c'est en rain qu'on 
eût voulu exclure la foule : tout le peuple était 
accouru à sa rencontre, portant des torches et mani- 
festant une aupsi grande joie « que s'ils avaient vu 
Dieu descendre parmi eux. >i Jeanne, en effet, 
était pour eux comme l'ange du Dieu des armées. <f Us 
se sentoient, dit le Journal du siège, tous réconfortés 
et comme desassiégés par la vertu divine qu'on leur 
avoit dit être dans cette simple pucelle. » Tous se 
pressaient autour d'elle, hommes, femmes et petits 
enfants, cherchant à la toucher, à toucher au moins 
son cheval (dans leur empressement, ils faillirent 
de leurs torches brûler sa bannière); et ils l'accom- 
pagnèrent ainsi, lui faisant « grant chère et grant hon- 
neur,» à l'église principale, où elle voulut, savant toute 
chose, aller rendre grâces à Dieu; puis jusqu'auprès 
de la porte Regnart, en l'hôtel de Jacques Boucher, 



OULtANS.' SI 

trésorier du duc d'Orléans^ où elle fat reçoe fttee sei 
deux frères et les deux getitilshonnues qui ravalent 
amenée deyaucouleurs\ 

Jeanne avait dès ce moment changé lafaoe des 
choses. Les Orléanais^ d'assiégési devenaient décidé^ 
tnent a8siégeantS4 Le peuple avait repris tant de 
(sonflance, qu'autrefois (c'est Dunoif qui Tavance) 
deux cents Anglais eussent mis en fuite plus de huit 
cents hommes de l'armée du roi^ et maintenant qua* 
tre ou cinq cents hommes d'armes osaient braver 
toutes les forces anglaises. 

Dès le lendemain matin, les plus impatienta^ et 
dans le nombre Florent d'IUiers, arrivé de Chàteau- 
dun Tavant-veille avee quatre cents conibattantSy 
sortirent enseignes déployées, chargèrent les Anglais 
et les t'efoûlèrent vers leur bastille voisine de Saini- 
Pouair^ sur la route de Paris; et déjà on ne parlait dans 
la ville que d'apporter de la paille et des fagoté pour 
y mettre le feu ' mais l'attaque ne fut pas soutenue. 
Jeanne n'avait rien su de l'entreprise; et^ si pressée 
qu'elle fût de combattre, on peut croire qu'elle l'eût 
désapprouvée i car avant d'attaquer l'ennemi, elle le 
voulait sommer encore; mais elle entendait qu'on ne 
différât pas davantage. Elle ne voulait pas même at- 
tendre sa propre troupe, qui devait passer la Loire à 
Blois, et se refusait à ce que Dunois Tallât chercher, 
aimant mieux qu'il restât pour faire immédiatement 
sommation, ou, en cas de refus, donner l'assaut aux 
Anglais. Dunois ne se refusa point à lui laisser faire 



52 LIVRE DEUXIÈME. 

telles sommations qu'il lui plairait; mais il tint à ne 
point combattre avant d'avoir reçu ses moyens d*atla- 
que ; et Jeanne dut céder à son tour. Elle écrivit donc 
aux Anglais dans le même sens que la première fois, 
réclamant le héraut qui ieur avait porté sa lettre de 
Blois. Ceux qu'elle envoyait d'Orléans pouvaient bien 
avoir le même sort : car les Anglais ne se croyaient 
point tenus du droit des gens envers cette fille qu'ils 
réputaient pour le moins hérétique ; mais Dunois leur 
manda en même temps que s'ils ne les renvoyaient 
tous, il ferait mourir les Anglais prisonniers, et ceux 
qu'on avait envoyés pour traiter de la rançon des 
autres. 

Us cédèrent à cette menace, selon le Journal du 
siège; selon d'autres témoignages qui trouvent ailleurs 
leur confirmation, des deux messagers ils retinrent 
l'un, et ne renvoyèrent l'autre que pour avoir l'occa- 
sion de publier ce que leur haine avait dès lors ré- 
solu contre la Pucelle. Ils lui mandèrent « qu'ils la 
brûleroient et f croient ardoir; » et, mêlant l'insulte à 
. la menace, ils ajoutaient ce qu'elle n'étoit qu'une ri- 
bande et comme telle s'en retournât garder ses 
vaches*. » 

Jeanne fut vivement émue de ces insultes grossiè- 
res; mais^ au risque de les subir en face, elle voulait, 
avant de commencer l'attaque, adjurer, en personne, 
les Anglais de l'éviter en se retirant. Elle s'en alla 
donc au boulevard de la Belle-Croix, position avancée 
des Orléanais sur le pont, et de là elle somma Glans- 



ORLÉANS. 53 

dale (Glacidas) et les soldats qui occupaient les 
Tourelles de se rendre de par Dieu, ne leur assurant 
que la^ie sauve. On devine comment cette somma- 
tion fut accueillie. « Glacidas et ceux de sa rote, dit 
le Journal^ répondirent vilainement, Tinjuriant et ap- 
pelant vachère, comme devant, crians moult haut 
qu'ils la feroient ardoir (brûler) s'ils la pouvoient te- 
nir. » La Pucelle prit encore en patience leurs injures; 
mais elle leur déclara qu'ils s'en iraient bientôt, et à 
leur chef qu'il ne le verrait pas. Sa parole s'accom- 
plit : mais les Anglais n'en seront que plus ardents à 
tenir leur promesse ^ 

Puisque Dunois ne voulait point combattre sans les 
troupes renvoyées à Blois, le plus sûr et le plus court 
était peut-être encore qu'il les allât chercher. Il partit 
donc le dimanche matin, 1*"' mai, avecBoussac, d'Âu- 
lon et plusieurs autres, passant fièrement sous les 
bastilles anglaises. La Pucelle était venue s'établir 
entre ces bastilles et la ville, et sa présence avait 

m 

suffi pour que l'ennemi, si fort qu'il fût, ne remuât 
pas". 

Bentrée en ville, elle employa les loisirs qu'on lui 
faisait à se mettre plus intimement en rapport avec 
la population, en lui communiquant, avec sa foi en 
Dieu, sa confiance dans la victoire, et en la préparant 
à braver les Anglais dans leurs forts, si les Anglais 
continuaient de rester sourds à ses invitations. 

Et d'abord elle voulut donner satisfaction à l'em- 
pressement populaire. Les Orléanais se portaient en 



54 LIVRE DEUXIÈME. 

tel nombre vers son hôtel, qu'ils en rompaient presque 
les portes. Elle parcourut h cheval les rues de la ville, 
et la foule était si grande sur son chemin qu*à grand- 
peine pouvait-elle s'ouvrir un passage : car le peuple 
(¥ ne se pouvoit saouler de la voir, » Tous admiraient 
sa bonne grâce à cheval* sa tenue militaire ; et ils 
sentaient qu'elle ne se trompait pas lorsque, tour* 
nant vers Dieu leur confiance, elle allait répétant 
sans cesse : « Messire m'a envoyée pour secourir 
la bonne ville d'Orléans. » Puis elle renouvela auprès 
des Anglais de la rive droite ses démarches si mal 
accueillies à la rive gauche. Elle vint près de la croix 
MoriUy invitant ceux qui tenaient la bastille voisine à 
se rendre, la vie sauve, et à s'en retourner en Angle« 
terre. Mais ils lui répondirent comme aux Tou- 
relles par des insultes. « Voulez-vous donc, s'écriait 
le Bastard de Granville,' que nous nous rendions à 
une femme? » Et il jetait à la face des Français, 
dont elle était suivie, des injures qui retombaient 
encore sur elle \ 

Le lendemain (lundi , 2 mai) , elle sort à cheval 
et s'en vient par les champs examiner les bastilles et 
les positions des Anglais; et le peuple la suivait en 
grande foule, prenant plaisir à la voir et à être autour 
d'elle, sans souci de l'ennemi : comme si avec Jeanne 
nul péril ne les pût atteindre. Et en effet les Anglais 
ne bougèrent pas; et Jeanne, après avoir inspecté 
leurs fortifications tout à bisir, rentra dans la ville et 
vint à l'église Sainte-Croix entendre vêpres". 



ORLSAlfS. 55 

Le mardi, grande procession à laquelle elle assiste 
avec les capitaines, afin de tourner les cœurs, par 
cette manifestation publique, vers Celui de qui elle 
attendait son secours : car pour elle, elle ne mettais 
point en doute la défaite des ennemis; et si quelque 
sage homme lui disait : a Ma fille, ils sont forts et 
bien fortifiés, et sera une grande chose à les mettre 
hors, )> elle répondait : ce II n'est rien d'impossible 
à la puissance de Dieu, u 

Ce jour-là, on vit arriver les garnisons de Gien, de 
Château -Regnard, de Montargis, celte brave ville qui, 
après avoir vaillamment repoussé les Anglais en 1 427, 
prêtait, à la même fin, si volontiers secours aux au- 
tres. Mais de Blois, personne encore : et cependant, 
si les capitaines avaient tenu leur promesse, c'est en 
ce jour qu'on les devait voir revenir. Enfin, le soir, 
on apprit qu'ils étaient en marche ^ 

Ce n'était pas sans raison que Dunois avait jugé 
utile d'aller à leur rencontre; car, lorsqu'il arriva, 
leur départ était mis en question. On délibérait devant 
le chancelier de France. Quelques-uns opinaient que 
chacun retournât en sa garnison; c'était probable- 
ment l'avis du chancelier et de ses adhérents : car 
pour les capitaines, presque tous voulaient revenir 
à Orléans comme ils s'y étaient engagés. Dunois 
montra que si cette petite armée, réunie avec tant de 
peine et déjà réduite des deux tiers, venait à se dis- 
soudre, c'en était fait de la ville. Il l'emporta. On ré- 
solut de revenir à Orléans avec des munitions nou- 



I 



56 LIVRE DEUXIÈME. 

velles, et d'y revenir comme on Tavait arrêté, comme 
Jeanne Tavait voulu d'abord, par la Beauce (la rive 
droite), à travers les principales bastilles des An- 
glais ^. 

Jeanne n*était plus parmi ces soldats que par la 
bannière commise à Pasquerel et aux prêtres. Mais 
elle devait être là quand on passerait devant l'en- 
nemi. Le mercredi (4 mai), apprenant leur approche, 
elle vint au-devant d'eux jusqu'à une lieue d'Orléans, 
son étendard à la main, suivie de La Hire^ de Florent 
d'Illiers et de plusieurs autres. Et tous ensemble ils 
repassèrent avec leur convoi devant la grande bastille 
des Anglais nommée Londres, processionnellement, 
les prêtres chantant des cantiques, sans que les An* 
glais, qui avaient l'avantage de la position et du nom- 
bre, fissent rien pour les arrêter. Cet ennemi, qui était 
le plus fort et qu'on ne pouvait point soupçonner de 
manquer de courage, était resté comme frappé d'im- 
puissance devant celle que la veille encore il outra- 
geait '• 

C'était maintenant aux Anglais de se défendre ; 
et ce n'était pas sans une vive sollicitude qu'ils 
attendaient des renforts à leur tour. La Pucelle ne 
les redoutait pas. Ce jour même, après le dîner, Du- 
nois l'étant venu trouver pour lui dire que Falstolf 
leur amenait des vivres et des hommes, et qu'il était 
déjàà Janville : « Bastard, Bastard, s'écria Jeanne dans 
une saillie de joie, en nom Dieu, je te commande 
que tantôt (aussitôt) que tu sauras la venue dudit Fal- 



ORLÉANS. 57 

stûir, tu me le fasses savoir : car s'il passe sans que 
je le sache> je te promets que je te ferai 6ter la tète. » 
DuDois lui dit sur le même ton de ne rien craindre : 
qu'il le lui ferait bien savoir ^ 

Ce fut pourtant sans lui rien dire que Ton com-* 
mença l'attaque. 

Elle s'était jetée sur un lit pour se reposer un mo- 
ment des fatigues de la journée^ quand tout à coup 
elle se leva, et réveillant d'Aulon, son écuyer, qui 
dormait sur un autre lit : « En nom Dieu, dit-elle, 
mon conseil m'a dit que j'aille contre les Anglois ; 
mais je ne sais si je dois aller à leurs bastilles ou 
contre Falstolf qui les doit ravitailler. » Comme il 
l'armait, on entendit grand bruit : on criait dans la 
ville que les ennemis portaient grand dommage aux 
Français. Elle quitte d'Aulon, qui lui-même se revêt 
de ses armes, sort précipitamment de sa chambre , 
et rencontrant son page : a Ha, sanglant garçon, s*é- 
crie-t-elle, vous ne me disiez pas que le sang de 
France fût répandu ! Allez quérir mon cheval. » Elle 
achève de s'armer avec l'aide de la dame du logis et 
de sa fille ; puis, sautant sur le cheval que le page 
amenait, elle l'envoie chercher son étendard, le reçoit 
par la fenêtre sans lui laisser le temps de descendre, 
et part, courant droit par la grande rue ver^ la porte 
de Bourgogne, si vite que les étincelles jaillissaient 
du pavé*. 

C'est de ce côté qu'était l'action dont le bruit s'é- 
tait répandu dans la ville. Après Tentrée du convoi, 



58 LIVRE DEITXIÈHE. 

• 

ceux d'Orléans qui Tavaient escorté, ayant pris leur 
repas à la bâte, étaient allés à Thôtel de ville y où ils 
se firent donner des coulevrines, des arbalètes, des 
échelles, et ils étaient partis pour attaquer Saint- 
Loup. Mais cette bastille, qui commandait le passage 
de la Loire en amont et le chemin de la Bourgogne, 
avait été fortement mise en défense par Talbot. Il y . 
avait là trois cents Anglais d'élite : malgré l'absence 
de leur capitaine, Th. Guerrard, ils résistaient avec 
vigueur aux assaillants , et bon nombre de blessés 
étaient rapportés vers la ville, Jeanne s'arrêta au pre- 
mier dont elle fit la rencontre, et sachant que c'était 
un Français : (^ Jamais, dit-elle, je n'ai vu sang de 
François que les cheveux ne me levassent en sur (sur 
la tête). » Elle arriva devant la bastille : elle avait été 
rejointe par son écuyer, son page, tous ses gens ; et 
bientôt Dunois et plusieurs autres vinrent soutenir 
l'attaque si témérairement commencée, Jeanne leur 
ordonna d'observer l'ennemi, et d'empêcher qu'il ne 
vînt des autres forts au secours de Saint-Loup. Elle- 
même, debout sur le bord du fossé, son étendard à 
la main, encourageait ses hommes à l'assaut. Les An- 
glais tinrent trois heures, forts de leur propre réso-* 
jution et comptant sur le secours des autres. Talbot, 
en effet/donna l'ordre de sortir des retranchements 
pour faire diversion en menaçant la place, et ceux de 
Saint-Pouair, cette grande bastille que les Anglais 
avaient nommée PariSy plus rapprochés de la bastille 
attaquée, tentèrent de la dégager en prenant par dert 



ORLSAlfS. 59 

rière les asBaillants. Mais par deux fois la cloche du 
beffroi dénonça leur entreprise, et ceux d'Orléans, 
fious la conduite de Boussac, de Graville et de quel* 
ques autres, sortant aussitôt de la ville au nombre 
de six cents, se rangèrent en bataille et les contrai- 
gnirent à rétrograder. Ceux de Saint-Loup ne se lais* 
seront point encore abattre» et, disputant le terrain 
pied à pied, se retirèrent au clocher de Téglise; mais, 
malgré leur bravoure, ils y furent forcés et tués ou 
pris. Quelques gens d'Église qui étaient parmi eux,ou 
de soi-disant tels, vinrent sous Thabit ecclésiastique 
se présenter à Jeanne. Elle les reçut, empêcha qu'on 
ne leur fît aucun mal, et les emmena dans son hôtel. 
C'étaient assez de tués en cette journée, a Elle pieu* 
rait sur eux, dit Pasquerel, en pensant qu*ils étaient 
morts sans confession \ » 

Les Français trouvèrent à Saint-Loup grande quan* 
tité de vivres et d'autres biens qu'ils pillèrent, et ils 
mirent le feu à la bastille. Quand ils furent rentrés à 
Orléans, les Anglais eurent bien la pensée de re- 
prendre la place ; mais à la vue des flammes, ils re* 
broussèrent chemin, la jugeant décidément perdue 
pour eux *• 

Ce premier succès fut célébré dans Orléans comme 
le premier acte de la délivrance. leanne, qui avait 
mené le peuple à la victoire, lui rappelait qui en était 
Tauteur . Elle répondait à l'empressement dont elle était 
l'objet, en menaçant ses hommes d'armes de les quitter 
s'ils ne se rapprochaient de Dieu par la pénitence ; 



60 LIVRE DEUXIÈME. 

elle les exhortait à lui rendre grâces, et promettait 
que dans cinq jours le siège serait levé et qu'il 
n'y aurait plus un seul Anglais devant Orléans. Le 
peuple la croyait. On courait aux églises, et le 
s^n des cloches portait comme un retentissement 
de cette joie publique aux Anglais étonnés d'être 
vaincus*. 

La Pueelle ne voulait point qu'on leur laissât le 
temps de se raffermir. Dès le lendemain, quoique ce 
fût le jour de l'Ascension , elle demandait qu'on les 
attaquât au cœur même de leurs positions, à la bas- 
tille de Saint-Laurent. Mais les capitaines se refusè- 
rent à ces instances, alléguant la sainteté du jour. 
Jeanne céda, et sut elle-même honorer la fête et y 
chercher de nouveaux éléments de succès, non-seu- 
lement en allant recevoir dans la communion le Pain 
des forts, mais en rappelant à ses compagnons les 
vraies conditions de la victoire promise. Depuis qu'elle 
était à l'armée, elle n'avait cessé de combattre en eux 
le désordre et le vice, comme leur plus dangereux 
ennemi et le plus grand obstacle à leur triomphe. 
Elle ordonna que personne ne sortît le lendemain 
pour combattre qu'il ne fût confessé , et renouvela la 
défense qu'aucune femme dissolue ne les suivit, parce 
que Dieu pourrait permettre qu'ils fussent battus à 
cause de leurs péchés*. 

En même temps, elle voulait offrir à l'ennemi un 
dernier moyen d'éviter une plus sanglante défaite. 
Elle lui écrivit une dernière lettre , que Pasquerel , 



ORLÉANS. 61 

son fidèle compagnon en toutes ces journées , repro* 
duit en ces termes : 

« A vous, hommes d* Angleterre, qui n^avez aucun 
droit en ce royaume de France, le Roi du ciel or* 
donne et mande par moi que vous laissiez vos bas- 
tilles et vous en alliez en votre pays, ou sinon je vous 
ferai un tel hahu (ou hahaye) qu'il en sera perpétuelle 
mémoire. Voilà ce que je vous écris pour la troisième 
et dernière fois, et je ne vous écrirai pas davantage. 
Jhesus Maria. Jeanne la Pucelle. » 

Elle ajoutait après avoir signé : 

« Je vous aurais envoyé mes lettres plus honora* 
blement, mais vous me retenez mes hérauts. Vous 
m'avez retenu mon héraut Guyenne. Renvoyez-le-moi 
et je vous renverrai quelques-uns de vos gens pris dans 
la bastille Saint-Loup ; car ils ne sont pas tous morts. » 

Elle prit alors une flèche, y attacha la lettre, et la fit 
lancer aux Anglais avec ce cri : « Lisez, ce sont nou- 
velles. » Les Anglais la relevèrent, et l'ayant lue se 
mirent à crier : « Voilà des nouvelles de la p.... des 
Armagnacs. » Jeanne, à ces mots, soupira et répandit 
d'abondantes larmes, appelant à son aide le Roi du 
ciel. Et le Seigneur la consola ^ 

Pendant que Jeanne cherchait tout à la fois à ren- 
dre la lutte décisive et à la prévenir, s'il se pouvait 
encore, les chefs, dans un conseil tenu chez le chan- 
celier du duc d'Orléans , délibéraient à part sur la 
manière de la conduire. Jeanne avait proposé d'aller 
droit à la grande bastille des Anglais. Ils convinrent 



6S LITRE BBUXIÈME. 

d'adopter son plan, mais seulemeût en apparence t 
ils voulaient, par une fausse attaque sur la rive 
droite, y attirer ceux de la rive gauche, et profiter de 
la diversion pour enlever les bastilles de cette rive, 
dégarnies de leurs défenseurs. De cette sorte, ils 
devenaient maîtres du pont; ils rendaient toute H- 
berté à leurs communications avec la Sologne^ et se 
ménageaient les moyens d'introduire dans la place 
de quoi soutenir un long siège : car ils n'avaient 
point d'autre ambition que de lasser l'ennemi. 

Jeanne n'était pas de ce conseil ; et plusieurs 
même voulurent qu'on ne lui dît rien de l'attaque 
projetée contre les bastilles de la Sologne, c'est-à-dire 
du véritable but de la journée , de peur qu'elle n'en 
parlât. En effet, quand on l'appela, on ne lui fit part 
que du projet d'attaquer la grande bastille de la 
Beauce ; et l'on croyait la tromper d'autant mieux, 
que ce projet répondait à ses vues. Quand le cfaan- 
celier lui eut fait l'exposition concertée, elle répondit, 
indignée de ces subterfuges : 

a Dites ce que vous avez conclu et appointé; Je 
cèlerais bien plus grande chose, d Et elle allait et 
venait par la place, marchant à grands pas. 

a Jeanne , » lui dit Dunois, voulant réparer l'effet 
de cette injurieuse maladresse, (c ne vous courroucez 
pas, on ne vous peut pas tout dire à une fois. Ce que le 
chancelier vous a dit a été résolu ; mais si ceux de 
l'autre côté se départent pour venir aider la grande 
bastille de par deçà, nous avons résolu de passer la 



ORLÉANS. 63 

rivière, pour y besogner ce que nous pourrons. Et 
nous semble que cette conclusion est bonne et profit 
table. >\ 

Jeanne se calma^ et répondit qu'elle était contente 
et que la conclusion lui semblait bonne , pourvu 
qu'elle fût ainsi exécutée. De quelque côté que portât 
le coup, elle sentait qu'il serait décisif; mais sa 
défiance n'était que trop légitime : ils ne firent rien 
de ce qu'ils avaient résolu *. 

On se décida à se porter directement sur la rive 
gauche. 

Les Anglais occupaient, on l'a vu, la tête du pont 
ou la bastille des Tourelles, et, un peu au-dessus des 
Tourelles, la bastille des Augustins, l'une et l'autre 
couvertes par leur boulevard. Ils avaient de plus, en 
aval du fleuve^ le boulevard de Saint-Privé, qui était 
relié à la grande bastille de Saint- Laurent (rive droite) 
par un boulevard, élevé dans l'île Cbarlemagne ; et, 
en amont, la bastille de Saint-Jean le Blanc, qui était 
moins une forteresse qu'un poste fortifié, ou, selon 
Texpression du Journal, ce un guet pour garder ce pas- 
sage, » poste abandonné une première fois à l'appro- 
che de Jeanne, et occupé de nouveau après son en- 
trée dans la ville. Ce fut par ce côté que la Pucelle 
et les capitaines allaient commencer leur attaque. * 

Il y avait là une petite île appelée depuis Ile-anay 
Toiles et alors île Saint- Aignan, séparée de la rive 
par un étroit canal. Rien ne convenait mieux pour 
disposer à loisir une attaque dirigée d'Orléans contre 



64 LIVRE DEUXIÈME. 

les positions des Anglais sur la rive gauche ; et les 
Orléanais en avaient usé plusieurs fois. Ils y passè- 
rent cette fois encore. Deux bateaux, amençs entre 
Tile et la rive gauche^ furent comme un pont qui 
mena de l'une à Tautre. Mais quand ils vinrent à 
Saint-Jean le Blanc, ils le trouvèrent encore aban- 
donné. Glansdale, menacé d'une attaque sérieuse, 
avait jugé.prudent d'en rappeler ses soldats dans les 
bastilles qui défendaient le pont'. 

La Pucelle vint les y attaquer aussitôt, sans même 
attendre que tous ses gens eussent passé de Tile sur 
la rive gauche, et elle planta sa bannière sur le re- 
bord du boulevard des Augustins. Mais ses compa- 
pagnons ne soutinrent pas son audace. Une terreur 
panique les saisit tout à coup. Le bruit se répand 
que les Anglais viennent en grande force du côté de 
Saint-Privé. On fuit, on cherche à regagner le pont de 
bateaux, afin de se mettre en sûreté dans l'île de la 
Loire ; et les Anglais, sortant de leurs bastilles^ pour- 
suivent à grands cris les fuyards, insultant de leurs 
grossiers propos la Pucelle qui cherchait à couvrir 
leur retraite. Elle se retourne alors, et leur faisant 
visage, si peu de monde qu elle eût autour de soi, elle 
marche à eux, sa bannière déployée. Les Anglais 
s'effrayent, et, sans l'attendre, fuient à leur tour 
jusque dans leur bastille des Augustins; mais Jeanne 
les presse, et plantant de nouveau sa bannière sur 
le fossé du boulevard, elle rallie alentour les Fran- 
çais ramenés par son exemple. 



ORLÉANS. 65 

 la vue des Anglais sortant de leurs baslilles, on 
pouvait croire que ceux de la rive droite, à lexemple, 
des Français, avaient passé la Loire, et venaient, par 
Saint-Privé, au secours des places attaquées; et, dans 
ce cas, la prudence commandait peut-être de rentrer 
dans la ville. Mais la Pocelle, en changeant l*aspect 
des choses, avait changé les résolutions des capitaines. 
Ils arrivaient, et ne songeaient plus qu'à forcer avec 
elle l'ennemi dans son refuge. Deux chevaliers qui, 
dans ces alternatives de retraite jet d'attaque, s'étaient 
défiés à qui ferait le mieux son devoir, étaient déjà 
au pied des palissades : mais un Anglais, grand, 
puissant et fort, occupant à lui seul tout le passage, 
les tenait en échec. D'Aulon le signala au fameux ca- 
nonnier Jean le Lorrain, qui l'abattit d'un coup de sa 
coulevrine; et les deux chevaliers, entrant dans la 
bastille, y furent suivis d'une foule d'assaillants. Tous 
les Anglais périrent ou cherchèrent un refuge derrière 
le boulevard des Tourelles. La bastille contenait des 
vivres et du butin en abondance. Pour ôter aux vain- 
queurs la tentation du pillage et leur en éviter les 
périls, la Pucelle fit mettre le feu à la bastille, et tout 
fut brûlé '. 

Restaient les Tourelles : on les investit immédia- 
tement, et Ton prépara tout pour les attaquer le len- 
demain. 

Il y a ici, dans les témoignages contemporains , des 
différences qui ne laissent aucun moyen de les con- 
cilier. Perceval de Cagny et Jean Chartier disent que 
I 5 



64 LlVnB DEUXIÈME. 

loB positions des Anglais sur la rive gauche ; et les 
Orléanais en avaient usé plusieurs fois. Ils y passé- 
ront cette fois encore. Deux bateaux, amençs entre 
rtle ot la rive gauche, furent comme un pont qui 
mena de l'une h, l'autre. Mais quand ils vinrent à 
Saint-Jean le Blanc, ils le trouvèrent encore aban- 
donné. Glansdale, menacé d'une attaque sérieuse, 
avait Jugé-prudent d'en rappeler ses soldats dans les 
bastilles qui défendaient le pont'. 

}ji Pucollo vint les y attaquer aussitôt, sans même 
attendre que tous ses gens eussent passé de l'île sur 
la rive gauche, et elle planta sa bannière sur le re- 
boni du boulevard des Augustins. Mais ses compa- 
piignons ne soutinrent pas son audace. Une terreur 
|>ani(|uo les saisit tout à coup. Le bruit se répand 
que les Anglais viennent en grande force du côté de 
Saint-Privé. On fuit, on cherche à regagner le pont de 
hatoaux, afin de se mettre eo sûreté dans l'île de la 
Loire : et les Anglais, sortant de leurs bastilles, pour- 
suivant i grands cris les fuyards, insultant de leurs 
grossiers propos la Pueelle qui cherchait à couvrir 
leur retraite. Elle se retourne alors, et leur faisant 
visait si peu de monde qu'elle eût autour de soi, elle 
marche à eux, sa bannière déj^yée. Les An^ais 
sVflblv^nt, et, sans l'altradre, fni^t i Imr tour 



OHLfiAHS. g. 

A la vue des Anglais sortant de leurs faa£^-^ r 
pouvait croire que ceux de la rive droiiè. i, \ ^leci- - 
des Fraoçaia, avaient passé la Loire, e'. tcdii-'-l- i^- 
Saint-Privé, au secours des places attaquée: ; t* iian- 
ce cas, la prudence commandait peut-être û-- r^"'**- 
dans la ville. Mais la Pocelle, «n clianjieai;- 1 at't"' 
des choses, avait changélesréBolulionËÙecca- l, j" 
Ils arrivaient, et ne songeaient plus qu i. ji-.,- j.-.*- 
elle l'ennemi dans son refuge. Deux cuf\i..-^ - 
dans ces alternatives de retraite et d aiLt:- _-. -„— : 
défiés à qui ferait le mieur Bon df^u.■. ^i_,-. ... 

au pied des palissades : ruais ul .-:.: :, -,.• 

puissant et fort, occupant à lui &ei. in: ■ ,..i~. 
les tenait en échec. D'Auloa \e si^uu.- u .-—•' -^ 
nonnier Jean le Lorrain, qui Taba-ui:. L 
coulevrine; et les deux chevaii«-- *; ;■ 
bastille, y furent suivis d'une luui- ; a.-... 
les Anglais périrent ou chercbertii! u •- - - ..^ 
le boulevard des Tourelles. Lu ua ■.. --. 
TÏvres et du butin eu abondaui'- ; .- .- 
queurs la tentation du pilla;;' <- >■. - .- ,. 

périls, la Pucelle fil mettre k k, t- -^ ,. - 
fut brûlé '. 

Restaient les Tourelles : w i- -■■ ■■-,.- .^ 
temenl, et Von prépara lyui iw ■ - .-- , -_, 
demain. 

l\ -v a ici, dans leB témuijUKM - -- -,. , ,_ 
»a qui ^^ ^"'-"""■'■•t*'- • - - ^ .-_ 



66 ' LIVRi; DËV^IËME. 

Jeanne passa la nuit devant la, ))astille des Tquf elles ; 
le héraut Berri, la Chropique de la Pucelle et celle de 
la fête du Smai, qu'elle la passa, ^anp Orléap^. Cette 
même opposition se retrouve jusque dana \e témoi- 
gnage de ceux qui étpiient là, qui étaient attachés à 
sa personne. D*Aulou son écuyer dit qu'elle demeura 
avec les seigneurs « toute icell«^nuit » devapt les Tou- 
relles; L. de Cqntes, son page, qu'elle repassa le fleuve, 
et lui-même avec elle, qu'elle rentra dans Orléfins et y 
coucha dans son hôtel avec quelques femipesy selon 
son habitude. Pasquerel, son confesseur , raconte ce 
qu'elle fit ce même soir dans Orléans, lui présent; 
et ce qu'il dit est trop important pour qu'on y 
puisse soupçonner une erreur de mémoire; Colette, 
femme de Pierre Milet, cite un trait qui se rapporte au 
moment où elle repartit, le samedi matin, d'Orléans, 
pour attaquer la bastille du Pont. Les témoignages les 
plus pertinents établissent donc son retour dans la 
ville ; et Ton peut dire que c'est l'opinion qui a le plus 
d'autorité dans ses histoiresi puisque c'est la version 
de la Chronique i aussi est-ce l'opinion que la plu- 
part des écrivains modernes ont adoptée S 

La Pucelle laissa donc, non sans appréhension 
pourtant ni sans regrets, ses gens devant les Tourel- 
leS| et rentra le vepdredi soir dans Orléans i — et les 
vraisemblances sont encore ici pour les témoignages 
qui nous ont parûtes plus sûrs. Ce n'est pas seulement 
parce qu'elle s'était blessée aux chausses-trappes, ni 
parce qu'elle ne manquait jamais d'aller passer la 



nuit pwrmi lea fçmœeSi quand cela o'Êt^t pus impos- 
sible : c'eatp^rce qnf^i dan9 l'intérêt même du aucc^a, 
il fallait qu'elle fût, non dans TarméQ^ mais dans la 
ville : car )à était le plus grand péril. Les capitaines 
arment accepté son concourp : maia ils ne youlaient 
pas avoir Tair de suivre sa direction ; et plus on aU 
lait, plus iU semblaient craindre de lui laisser Thon- 
neur de la victoire. Mais chaque fois leur opposition 
tournait contre eux-mêmes. LaPucelle avait toujours 
voulu porter le coup au cœurde la puissance anglaisé. 
C'est contrairement à son avis qu'ils l'avaient ame- 
née à Orléans par la Sologne ; et elle leur avait bien 
prouvé que son avis était le meilleur, lorsque, trois 
jours après, elle y fit entrer un autre convoi, trois fois 
moins escorté, par cette route de la Beauce, à travers 
ces mêmes bastilles anglaises qu'ils avaient craint 
d'affrpnter d'abord. C'est contrairement à son avis, 
et, autant qu'il avait été en eux, à son inaut qu'ils 
avaient résolu d'attaquer les bastilles de la rive gau- 
che ; et c'était elle qui avait fait réussir leur attaque 
au moment même qu'ils se décidaient à l'abandonner. 
Après cet éclatant succès qui promettait le dégage»- 
ment du pont pour le lendemain, ils voulurent s'ar* 
rèter encore. Le soir, quand Jeanne eut pria un peu 
de nourriture (contre son habitude, dit Pasquerel, 
elle n avait point jeûné ce vendredi-là, parce qu'elle 
était trop fatiguée), un des notables chevaliers lui vint 
dire que les capitaines avaient tenu conseil. Il leur 
avait semblé, ajoutait-il, qu'ils étaient bien peu, vu le 



68 UTEB DEUXIÈME. 

nombre des ÀDglais, et que Diea leur avait déjà &it 
une grande grâce en leur accordant ce qu'ils araient 
obtenu ; que la ville étant pleine de vivres, il leur se- 
rait facile de la bien garder en attendant le secours 
du roi ; et que par suite il ne paraissait pas opportun 
au conseil de faire sortir le lendemain les gens de 
guerre. Jeanne lui répondit : « Vous avez étéen votre 
conseil, et j'ai été au mien ; et croyez que le conseil 
de Dieu s'accomplira et tiendra ferme, et que cet au- 
tre conseil périra; m et se tournant vers son confes- 
seur, qui le raconte : « Levez-vous demain de grand 
matin, dit-elle, et vous ferez plus qu'aujourd'hui. 
Tenez-vous toujours auprès de moi ; car demain j'au- 
rai beaucoup à faire, et plus que je n'ai jamais eu : 
demain le sang coulera de mon corps au-dessus du 



seinV 



Ce qui peut expliquer jusqu'à un certain point, 
sinon excuser entièrement l'étrange résolution des 
capitaines, c'est que les Anglais, après la prise des 
Augustins et l'investissement des Tourelles, avaient 
rappelé sur la rive droite, dans leur bastille de Saint- 
Laurent, les hommes qui occupaient, sur l'autre rive, 
le boulevard de Saint-Privé. Us renonçaient donc à 
aller directement au secours des Tourelles : mais 
ne se réservaient-ils point de tenter une forte attaque 
contre la ville elle-même? et dans ce cas n*était-il pas 
prudent de les observer et d'attendre ? La Pucelle ne 
le crut point, non plus que les habitants de la ville 
même. Jeanne pensait à ces bra es gens qu'elle avait 



ORLÉANS. • 69 

laissés devant les Tourelles, exposés, sans elle, aux 
sorties des Anglais; quant aux habitants 'd'Orléans, 
ils passèrent cette nuit à leur envoyer des vivres et 
des munitions, et à préparer tous les engins qui pou-* 
vaient servira désarmer le boulevard ennemi de ses 
défenses et à en rendre l'accès plus praticable aux as- 
saillants ^ 

Le lendemain, de grand matin, Pasquerel dit la 
messe, et Jeanne partit pour Tassant. Au moment du 
départ, son hôte voulait la retenir pour manger d'une 
alose qu'on venait de lui apporfer. « Gardez-la jus- 
qu'au soir, dit-elle dans une saillie de bonne humeur» 
et je vous amènerai un godon (on reconnaît le sobri- 
quet populaire) qui en mangera sa part; » et elle pro- 
mettait de repasser par-dessus le pont. Mais les capi- 
taines persistaient dans leur opposition à l'entreprise, 
et ils avaient donné ordre au gouverneur d'Orléans, 
Gaucourt, de garder les portes pour empêcher qu'on 
ne sortît. Jeanne le trouvant devant elle comme elle 
voulait passer : «Vous êtes un méchant homme, dit- 
elle; et qu'il vous plaise ou non, les gens d'armes 
viendront et gagneront comme ils ont gagné. » Gau- 
court aurait vainement essayé de résister à ceux qui 
suivaient Jeanne, et il ne s'était déjà que trop mis en 
péril. Jeanne fit ouvrir la porte de Bourgogne et une 
petite porte, près de la grosse tour, qui donnait direc- 
tement sur la Loire, et, passant le fleuve, elle alla re- 
joindre avec ces nouveaux combattants ceux qu'elle 
avait laissés devant le fort ennemi '• 



70 LIVRE DEUXIÈME. 

LeÉ Capitaines, même ceux (îui Tavaietlt voulu al*- 
rèlel^y là suiviretit : jaloux de vaincre sans elle, ils 
ne 6e souciaient guère qu'elle tHomphât sans eux. 
Âved Durioib et La Hire^ qui paraissent toujours 
plus {)rêtë à là seconder, on cdUipta bientôt devant 
lés Toui*ëllë&, hais, Gràville, t'oton de ^aintraUles, 
Thibaut d'Armagnac, seigneur de Termes, Louis de 
Culàn et Gaucôurt lui-même. La lutte s'engagea dès 
6 ou t heures du matin. Anglais et t'rançais rivali- 
saient d'ai*deur. Ceux d'Orléans voyaient dans la 
victoire te gage de leur délivrance ; ceux de la bas- 
tille cUttibâttaient poui» leur vie et pour leur liberté : 
cat^ ils n'avaient point de refuge. Les Français des- 
cendaient dans les fossés du boulevard, et sous le feu 
des canons ou les traits des arbalètes, ils cherchaient 
à gravir l'escarpement « avec une telle vaillance, 
qu'il sembloit à leur hardi maintien qu'ils cuidas- 
sent être immortels ; » mais lorsqu'ils touchaient au 
sommet, ils trouvaient l'ennemi armé de haches, de 
lances et de maillets de plomb; ils ne cédaient qu'ac- 
cablés par le nombre dans des combats corps à corps. 
Ces assauts, toujours repoussés, recommençaient tou- 
jours; la Pucelle était là, soutenant les courages et 
disant : « Ne vous doiibtez (ne craignez pas), la place 
est votre. » L'attaque se prolongeait sans résultat, lors- 
que, vers une heut*e après midi, elle descendit dans 
le fossé et dressa une échelle contre le parapet : au 
même instant, elle fut atteinte entre l'épaule et la 
gorge d'un trait d'arbalète qui la perça de part eh 



ORLÉANS. ' 71 

part. Se sentant blessée, elle eut peur et pleura. Que 
craigtiait-elle, etpour(|uoi pleurer? N'étail-elle plus 
sûre de la victoire, ou ctaignait-elle de mourir? 
Non, cal' elle avait prédit qu'elle serait blessée et 
qu'elle en guérirait. Ce fait» tout merveilleux qu*il soit, 
est thiû hors de doute par les témoignages les plus 
irrécusables. Ce n'est pas seulement Jeanne dans le 
procès de Rouen , ce ne sont pas seulement les té- 
moins du procès de réhabilitation qui le constatent : 
c'est iitle pièce écrite «près qu'elle eut prédit sa bles- 
sure et avant qu'elle l'eôt reçue. Cet accident confir- 
ttiÈiit dohc sa parole *, mais la femriie demeurait dans 
rhéroïde et dans la sainte : elle eut peur et pleura. 
Cependant elle fut consolée, comme elle disait. Elle 
arracha le fei* delà plaie, et comme plusieurs honwnes 
de guert*e lui proposaient d^ charmer la blessure, elle 
s'y refusa, disant : « J'aimerais mieux mourir que 
de rlëti faille que je susse être péché ou contre la 
volonté de DièU ; » tiiais elle ne refusait pas qu'on 
entreprît de la guérit*, si Ton y pouvait appliquer 
quelque t'emède permis; On lui mit une compresse 
d'huile d'olive; après qUol elle se confessa, versant 
des larnies'* 

Cette longue résistance des Anglais et l'acciilént de 
Jeanne avait découragé les assaillants. Les chefs la 
Vinrent trouver, et tout en lui exprimant leur peine 
de la voir blessée, ils lui dit'eht qu'il valait mieux 
laisser l'assaut jusqu'au lendemain. Elle ne répondit 
à ces ouvertures que par les plus nobles paroles, les 



72 LIVRE DEUXIÈME. 

exhortant à ne pas faiblir; mais fort peu touchés de 
ce langage, ils suspendirent l'assaut, et se retirèrent 
à distance, songeant à ramener dans Orléans et leurs 
troupes et leur artillerie : car elles n'eussent plus 
été fort en sûreté, même pour une nuit, de ce côté 
de la Loire, après un échec avoué. Jeanne, malgré 
ses souffrances, vint alors elle-même trouver Dunois, 
et le supplia d'attendre un peu encore : « En nom 
Dieu, disait elle, vous entrerez bien brief (bientôt) 
dedans, n'ayez doute, et les Anglois n'auront plus 
de force sur vous. C'est pourquoi reposez-vous un 
peu, buvez et man]gez. » Ils le firent, car sa parole 
avait un accent qui les subjuguait; et alors : a Main- 
tenant, dit-elle, retournez de par Dieu à l'assaut 
derechef : car sans nulle faute, les Anglais n'auront 
plus la force de se défendre, et seront prises les 
Tourelles et leurs boulevards. » 

L'attaque recommença, ou plutôt reprit avec une 
ardeur nouvelle, car elle n'avait jamais été entière- 
ment suspendue. Jeanne demanda son cheval, et lais- 
sant son étendard à d'Aulon, son écuyer, s'en vînt à 
l'écart dans une vigne voisine, pour faire à Dieu son 
oraison : mais elle reparut bientôt, et prenant elle- 
même sa bannière, elle dit à un gentilhomme qui 
était auprès d'elle : « Donnez-vous garde (regardez) 
quand la queue de mon étendard touchera contre le 
boulevard. » Un peu après il lui dit : (c Jeanne, la 
queue y touche! >> Elle s'écria : « Tout est vôtre et y 
entrez*. » 



ORLÉANS. 73 

A sa voix, ils reviennent à Tassaut. ce Et oncques, 
dit un contemporain, on ne vit grouée d'oisillons eux 
parquer sur un buisson comme chacun monta contre 
ledit boulevard. » En même temps ceux d'Orléans ve^ 
naient, du boulevard de la Belle-Croix, attaquer» 
par le pont , les Tourelles. De ce côté , les Anglais . 
étaient séparés des assaillants par plusieurs arches 
qu'ils avaient rompues ; mais les Orléanais, apportant 
avec eux des échelles, de vieilles gouttières, se 
mirent en devoir de les jeter d'un pilier à Tautre ; et 
comme la plus longue de ces gouttières était encore 
trop courte de trois pieds, ils la rajustèrent, l'étayè- 
rent comme ils purent. Cest sur ce pont de nou- 
velle sorte qu'un chevalier de Rhodes, le commandeur 
Nicole de Giresme, s'aventura le premier tout armé. 
Les Anglais étaient donc assaillis des deux côtés à la 
fois; mais ce qui les terrifiait, c'était de voir, prési- 
dant à Tassant sur la rive gauche, cette femme qu'ils 
se flattaient d'avoir tuée. L'étonnement paralysa 
leurs forces : comme Jeanne l'avait annoncé, ils ne 
firent presque plus de résistance. Ils cherchaient à 
fuir du boulevard dans les Tourelles, par le pont 
jeté entre les deux places; mais, là aussi, ils se 
trouvaient prévenus par l'intrépide activité de ceux 
d'Orléans. Pendant que l'attaque se poussait sur les 
deux côtés, contre la bastille et contre le boulevard, 
un bateau chargé de matières combustibles fut 
amarré sous le pont qui joignait l'une à l'autre ; et 
quand les Anglais, forcés dans le boulevard, voulu- 



74 LIVRE DEUXIÈME. 

rent se retrancher dans les Tourelleô, le poht, attaqué 
par les flammes, céda, et presque tous furent précipi- 
tés dahsr les flots. Là PUcelle eût voulu les sauver : 
(c Glacidas ! Giacidas ! criait-elle à leur chef, rends*- 
ti^ rends-ti (reods-toi) ati Roi du ciel.^. Tu m'as ap- 
pelée p ; j'ai grand pitié de vos ânies! » Mais 

Glansdale fut entraîné avec les autres, et la Pucelle 
ne put voir sans verser des larmes cette un misérable 
de tant de braVes gens. Il ne resta sur la rive gauche 
aucun Anglais qui ne fût tué ou pris ^ 

Il était soir quand les Tourelles furent occupées. 
La Pucelle y detoeura Une partie de la nuit, afin de 
voir si les Anglais de Saint-Laureht ne tenteraient 
rien pour venger leurs compagnons et regagner la 
position perdue; « mais ils n'en avoient nul vouloir, m 
La Pucelle rentra donc datis Orléans. En moins de 
trois heures, les Orléanais avaient su rendre le pont 
pi'aticable, si bien que Jëaniie put, contmeelle Tavait 
dit, le repasser pour rentrer dans la ville* c< Et Dieu 
sait, dit Perceval de Cagny, à quelle joie elle et ses 
gens y furent reçus. » On la débarrassa de ses armes; 
on tnit un nouvel appareil sûr sa blessure. Elle 
ptit un peti de pain trempé dans du vin mélaBgé 
d'eali ', et alla se Reposer*. 

Tàtidis que les ddchës d'Orléans saluaient celte 
nouvelle victoire^ lés Anglais qui, pendant ces deux 
jours, n'avaient rien fait pour la prévenir, ne son- 
geaient plus qu'à la rendre défitiitive en se retirant. 
C'était bien se déclarer vaincus parcelle qu'ils avaient 



bRLËAnS. 75 

accueillie de tant d^outrages. La terreur seule qu'elle 
avait inspirée peut expliquer cette impuissance et 
cette résolution parmi des hommes qui, depuis si 
longtemps, avaient pris Thabitude de vaincre les 
Français. Le dimanche donc, de grand matin, ils 
sortirent de leurs bastilles; mais en capitaine con«> 
sommé, Tàlbot comprit que, s'il laissait voir de la 
peur, sa retraite deviendrait Une déroute. Bien loin 
de fuir, il rangea son armée devant la ville, comme 
pour offrir la bataille aux Français. Les Français 
sortirent aussitôt et se disposèrent en ordonnance de 
combat, sous les bannières de leurs capitaines. La 
Pucelle était sortie avec les autres, revêtue d'une 
simple cotté de mailles. Mais cette fois les Français, 
impatients de combattre, attendirent vainement 
qu'elle leur en donnât le signal. C'était dimanche. 
Elle défendit de commencer la bataille, disant que 
c'était la volonté de Dieu qu^on les laissât s'ils s'en 
voulaient aller I mais que, s'ils attaquaient, on aurait 
la victoire. Ëti attehdant, elle voulut d'abord qu'on dît 
la messe; elle fit dresser uti autel, et deut messes 
furent célébrées en présence dé l'armée. La cérémonie 
achevée : « Or, regahiez, dit-élle, si les Anglois ont 
le visage tourné devers vous ou le dos. » On lui ré- 
pondit qu'ils se tournaient vers Meuti : « En nom 
Dieu, ils s^en vont, laissez-les aller ; il ne plaît pas 
â Messire qu'on les combatte aujourd'hui : vous les 
aurez une autre fois *. » 
Les Anglais, après être restés en ligne une héiife 



76 LIVRE DEUXIÈME. 

entière, s'étaient retirés en bon ordre, brûlan* leurs 
bastilles et emmenant leurs prisonniers : mais ils ne 
se retiraient point si librement, qu'ils ne dussent 
laisser derrière eux une partie de leur artillerie et 
de leurs approvisionnements , et même ^ selon la 
Chronique, leurs malades; et les hommes d'armes 
n'obéirent point si complètement à la Pucelle, qu'ils 
ne s'en allassent avec La Hire faire quelques escar- 
mouches et gagner du butin sur les derrières de l'en- 



nemi *. 



Parmi les prisonniers que les Anglais voulaient 
emmener avec eux était un Français, nommé Le Bourg 
du Bar, pris comme il voulait aller d'Orléans re- 
joindre Dunois près du comte de Glermont, la veille 
de la bataille de Rouvray. Talbot tenait beaucoup à 
son captif. Il le gardait « enferré par les pieds d'une 
paire de fers si pesants » qu'il pouvait marchera peine; 
et il avait commis la charge de le voir et de lui don* 
ner de la nourriture à un augustin anglais, son propre 
confesseur. C'est aussi à lui qu'il. avait laissé le soin 
de l'emmener dans la retraite. Le chevalier s'en allait 
ainsi au bras du moine, marchant le pas et demeu- 
rant fort en arrière des autres, en raison des fers qu'il 
avait aux pieds. Quand il les vit à une distance suf- 
fisante, il s'arrêta et dit au moine qu'il n'irait pas 
plus avant. Il fit plus : il le contraignit, enferré comme 
il était, à le ramener à Orléans sur ses épaules, et il 
fit ainsi son entrée dans la ville, pouvant compter 
pour sa part de butin sa propre rançon dont il se li- 



ORLÉANS. 77 

bérait^ grâce au concours forcé du moine son con- 
ducteur *. 

Pendant que les Anglais se retiraient vers Meun et 
Baugency, les habitants d*Orléans couraient aux 
bastilles qui depuis si longtemps les tenaient empri- 
sonnés : ils les démolirent et en rapportèrent en 
triomphe les canons, bombarbes et approvisionne- 
ments de toute sorte que l'assiégeant y avait dû lais- 
ser. Puis, guidés encore par Jeanne d'Arc, ils allèrent 
d'égliàe en église rendre grâces à Celui qui leur avait 
donné la victoire, improvisant dans la joie du triomphe 
cette procession dont Tévèque d'Orléans institua peu 
après la solennité, et qui s*est perpétuée d*âge en âge 
sous rinvocation de la Pucelle : témoignage durable 
de la vénération de la France pour la sainte fille qui, 
en un jour de péril, sauva la patrie. 

Mais la Pucelle n'était encore qu'aux débuts de sa 
mission. Elle avait hâte de la mener à son terme. 
Le lendemain donc elle se déroba à Tenthousiasme 
des Orléanais et aux fêtes de la victoire pour se rendre 
à la cour de Charles VII, où elle allait avoir d'autres 
ennemis à vaincre, d'autres obstacles à surmonter*. 



^ 



LIVRE TROISIÈME. 



REIMS. 



La délivrance d'Orléans fit dans tous les esprits 
une impression profonde, La Pucelle avait donné son 
signe. Ce grand siège qui durait depuis sept moiSf 
elle y avait mis fin en une semaine. Ces bastilles qui 
3*appuyaienl les unes les autres, elle les avait enle* 
vées Tune après l'autre, ou plutôt il avait suffi qu'elle 
e|i prit trois pour que tout le reste fût évacué. 

Jeanne était donc bien l'envoyée de Dieu, e*était 
le cri du peuple; c'était aussi le sentiment des doc- 
teurs les plus 'autorisés. 

Jean Gerson dans un écrit daté du 14 mai, six 
jours après la levée du siège (il mourut le 12 juillet 
suivant : c'est, on le peut croire, son dernier acte 
public), Jean Gerson examinait si l'on pouvait, si 
l'on devait croire à la Pucelle. Il énumérait toutes les 



80 LIVRE TROISIÈME. 

raisons qui militaient en sa faveur : l'adhésion du 
conseil et des gens'de guerre, au péril même du ri- 
dicule; Tenthousiasme du peuple, le découragement 
de Tennemi; et avec ces raisons externes, d'autres 
plus intimes : la vie passée de Jeanne d'Arc et sa 
manière de se conduire, faisant tout, simplement, 
sans superstition ni vue intéressée, parlant au nom 
du ciel sans cesser d'agir par elle-même, ou tenter 
Dieu par témérité. Il se prononçait donc pour elle, 
ajoutant : a Quand bien même (ce qu'à Dieu ne plaise) 
elle serait trompée dans son espoir et dans le nôtre, 
il ne faudrait pas en conclure que ce qu'elle a fait 
vient de l'esprit malin et non de Dieu, mais plutôt 
s'en prendre à notre ingratitude et au juste jugement 
de Dieu, quoique secret. » Et il terminait ses obser- 
vations par cet avertissement prophétique : ^ Que le 
parti qui a juste cause prenne garde de rendre inutile 
' par incrédulité, ingratitude ou autres injustices, le 
secours divin qui s'est manifesté si miraculeusement, 
comme nous lisons qu'il arriva à Moïse et aux enfants 
d'Israël : car Dieu, sans changer de conseil, change 
l'arrêt selon les mérites. » 

C'est aussi la pensée qui domine le traité de l'ar- 
chevêque d'Embrun, Jacques Gelu, écrit dans le 
même mois (mai <849). La Pucelle est-elle envoyée 
de Dieu ? Quelle est sa mission ? quelles en sont les 
raisons ? Et si Dieu veut manifester sa puissance, a-t-il 
besoin d'un intermédiaire? n'a-t-il pas les anges? 
pourquoi une jeune fille élevée parmi les brebis? Le 



REIMS. 81 

prélat se pose et résout toutes les questions dans le 
même sens que J. Gerson; et ses conclusions sont 
plus expresses encore et plus pratiques. Il veut que, 
sans négliger les voies ordinaires en ce qui touche 
les approvisionnements, les finances et tous les be- 
soins de Tarmée, on suive surtout Tinspiration de 
Jeanne, et qu'on la préfère aux suggestions d'une sa- 
gesse tout humaine. Il rappelle Saûl. Le roi doit crain- 
dre, s'il omet de faire ce que dit la Pucelle, croyant 
faire mieux, de se voir abandonné du Seigneur, et 
privé de l'objet où il tend. C'est pourquoi le pieux 
évêque donne le conseil qu'en toute chose on corn* 
mence par prendre l'avis de la Pucelle, et que même 
dans les cas douteux, si elle y tient, on s'y conforme. 
Il voudrait que le roi conférât chaque jour avec elle 
sur ce qu'il doit faire pour accomplir la volonté de 
Dieu, et qu'il le fît en toute humilité et dévotion, « afin 
que le Seigneur n'ait pas raison de retirer sa main, 
mais qu'il accorde la continuation de sagrâce^ » 

Les avis des docteurs n'étaient plus bien nécessai- 
res pour que le peuple crût à Jeanne ; mails leurs con- 
seils étaient loin d'avoir perdu leur opportunité 
auprès du roi. Les conseillers intimes de Charles Vil, 
voyant la confiance qu'elle inspirait autour d'elle, 
l'avaient acceptée sans trop de peine pour délivrer 
Orléans. Si elle n'en chassait l'ennemi, ils étaient for- 
cés de se déloger eux-mêmes. Les Anglais, maîtres 
de la Loire, ne leur permettaient plus d'y demeurer 
en sûreté. Mais l'affaire n'en était plus là : Orléans 
I 6 



^... a,, ;«ril mêm* *" '" 
'^ =-.mn\elDent, 



prélat se pose et résout toutes les questions dans le 
même sens que J. GersoD ; et ses conclusions sont 
plus expresses encore et plus pratiques. Il veut que, 
sans négliger les voies ordinaires en ce qui touche 
les approvisionnements, les finances et tous les be- 
soins de l'armée, on suive surtout l'inspiration de 
Jeaonc, et qu'on la préfère aux suggestions d'une sa- 
gesse tout humaine. Il rappelle Saut, Le roi doit crain- 
dre, s'il omet de feire ce que dit la Pucelle, croyant 
faire mieux, de se voir abandonné du Seigneur, et 
privé de l'objet où il tend. C'est pourquoi le pieux 
évêque donne le conseil qu'en toute chose on com- 
mence par prendre l'avis de la Pucelle, et que même 
dans les cas douteux, si elle y tient, on s'y conforme. 
11 voudrait que le roi conférât chaque jour avec elle 
sur ce qu'il doit faire pour accomplir la volonté de 
Dieu, et qu'il le fit en toute humilité et dévotion, ■ afin 
que le Seigneur n'ait pas raison de retirer sa nuia, 
mtùs qu'il accorde la continuation de sa grâce'. » 

Les avis des docteurs n'étaient plus bien oécescai- 

les pour que le peuple crût à leanne ; mais leurs f:on- 

seils étaient loin d'avoir perdu lenropp'jrtijiuté 

auprès du roi. Les conseillers intimes d« Oiiuia VU, 

voyaot la confiance qu'elle iospiraîl autr^ur dV!î«, 

l'avaient acceptée sans trop de peîoe po-jr 4A'Ait*:r 

OrléaDs. Si elle n'en chassût reDoemi, ils ^^^ct *j,r- 

céadcse déloger eux-mêroes. l« .\i.;.'îilt, cji'r.**^ 

i de la Loire, ne leur pennetlaKE.t pi;» d'y drïrjt.**- 

r en sûreté. Mais l'afEaîre n'en éu:; pl_t 'jt. : tri^i^ 



as LIVRE TROISIÈNE. 

délivré, la Pucelle voulait mener le roi à Reims, et 
Tentraîner, après le sacre, à la délivrance du 
royaume. Il fallait donc qu'ils payassent de leur per- 
sonne, ou du moins qu'à la suite du roi ils se mis- 
sent en route à travers les provinces occupées par 
l'ennemi. Gela coûtait à leur lâcheté, ou, si Ton veut, 
à leur nonchalance ; et ils étaient résolus de prendre 
tous les prétextes pour en reculer le moment^ 

Jeanne leur devait laisser peu de loisir. 

En quittant Orléans, elle était venue à Blois, puis 
à Tours, et de là au château de Loches, où était le roi. 
Charles la reçut avec de grands honneurs. Il n'igno- 
rait point quelle part elle avait eue à cette victoire 
aussi prompte qu'inespérée. Dans sa lettre aux habi- 
tants de Narbonne, lettre écrite pendant qu'on appre- 
nait, pour ainsi dire, coup sur coup, la prise de 
Saint-Loup, puis des Tourelles, et enfin la levée du 
siège, le roi, sans dire encore tout ce qu'elle avait été 
dans le succès, leur signalait les choses merveilleu- 
ses qu'on rapportait d'elle, la nommant seule et 
constatant qu'elle avait été présente à tout. Il pouvait 
maintenant en savoir bien davantage. Aussi lui fit-il 
ce grande chère. » Mais Jeanne n'était pas venue 
chercher la récompense, elle venait solliciter l'achè- 
vement de son œuvre : et c'est ce qu'on semblait le 
moins disposé à lui accorder*. 

Charles convoqua ses capitaines et « autres sages 
de sa cour. » Il tint plusieurs conseils (à Tours), et la 
prudence des conseillers eut plus d'une excellente 



REIMS. 83 

raison à opposer aux deaaeins de la jeune fille. On 
alléguait la grande puissance des Anglais et des 
Bourguignons, et la détresse du roi, qui n'avait pas 
de quoi soudoyer Tarmée nécessaire au voyage. La 
Pucelle ne demandait pas tant de choses pour le con* 
duire, lui et sa compagnie, jusqu'à Reims^ n sûrement 
et sans dostourbier » (empêchement) , mais elle vou- 
lait qu'on se pressât. Elle disait a qu'elle ne durerait 
guère plus d'un an, et qu'on songeât à bien besogner 
cette année : car elle avait beaucoup à faire : m après 
le sacre elle avait encore à chasser les Anglais, à dé- 
livrer le duc d'Orléans. Si l'on croyait à sa mission, 
c'était bien le cas de faire comme disait Jacques 
Gelu : imposer silence à toutes les objections et la 
suivre. Mais ceux qui ne la voulaient pas suivre af- 
fectaient de croire que ce n'était pas si clairement 
Tordre de Dieu \ 

Un jour, la Pucelle, impatiente de ces lenteurs, vint 
avec Dunois au château de Loches, et fut menée à la 
chambre de retrait où le prince était conversant avec 
Christophe d'Harcourt, l'évèque de Castres, son con- 
fesseur, et le seigneur de Trêves (R. Le Maçon), an- 
cien chancelier de France. Elle frappe à la porte, et 
dès qu'elle est introduite, elle se jette à ses pieds, et 
T^mbrassant ses genoux : c< Gentil Dauphin, dit- 
elle, ne tenez plus tant et de si longs conseils, mais 
venez au plus tôt à Reims pour recevoir votre 
digne couronne. » Christophe d'Harcourt lui de- 
manda si ses voix lui avaient dit cela. 



Sk LIVRE TROISIÈME. 

u Ouï , répondît-elle, je suis fort aiguillonnée tou- 
chant cette chose. 

— Ne Youdriez-vous pas, ajouta d'Harcourl, nous 
dire ici, devant le roi, comment font vos yoix quand 
elles vous parlent ? 

— Je conçois bien, dit-elle en rougissant, ce que 
vous voulez savoir, et vous le dirai volontiers. » 

Et comme le roi, la voyant émue, lui demandait 
s'il lui plaisait de s'expliquer devant les assistants, elle 
répondit qu'elle le voulait bien, et raconta comment, 
lorsqu'elle s'affligeait dés doutes que Ton opposait à 
sa mission, elle se retirait à part et priait Dieu, se 
plaignant de ce qu'on ne la voulait pas croire; et sa 
prière faite, elle entendait une voix qui lui disait : 
a Fille Dé (de Dieu), va, va, va, je serai à ton aide, 
va ! » et quand cette voix lui venait, elle était bien 
réjouie et elle eût voulu être toujours en cet état, — 
En rapportant les paroles de ses voix, elle rayonnait 
d'une joie divine et levait les yeux au ciel'. 

Ces paroles avaient leur autorité dans les merveil- 
les qu'elle venait d'accomplir. Le roi et personne au- 
tour de lui ne le pouvait méconnaître : mais pouvait- 
on aller à Reims, en laissant les Anglais derrière soi 
sur la Loire, à Baugency, à Meun, à Jargeau? Les 
Anglais, en effet, chassés de devant Orléans, s'étaient 
repliés sur ces villes. Talbot avait occupé Meun ; 
Suffolk, Jargeau ; et naguère, après la levée du siège 
d'Orléans, quand Dunois, Boussac, Graville, Xain- 
trailles, voulant profiter de l'impression que Jeanne 



RSIMS. 85 

avait produite, et peut-étre de son absence , s'étaient 
portés sur Jargeau dans l'espoir d'enlever la place, 
ils avaient du y renoncer. Les Anglais tenaient donc 
toujours; et il y avait à craindre que cette marche 
aventureuse vers le Nord ne leur abandonnât le Midi. 
DailleurSy pour rassembler les princes et les sei- 
gneurs qui devaient accompagner le roi au sacre, il 
fallait du temps : le pouvait-on mieux employer 
qu'en enlevant aux Anglais leurs dernières positions 
sur la Loire ? Jeanne adopta le projet ; selon Perceval 
de Cagny, ce fut même elle qui le proposa. On réunit, 
à laide des capitaines revenus d'Orléans, une petite 
armée qui fut placée sous les ordres du jeune duc 
d'Alençon. Libéré enfin de sa rançon au prix des plus 
dur^ sacrifices, il brûlait de venger son ancien échec 
et de regagner au service du roi l'équivalent de ce 
qu'il y avait perdu. Le roi répondit à ses désirs en 
lui donnant le commandement de cette expédition ; 
mais il plaçait auprès de lui la Pucelle, avec la re- 
commandation expresse qu'il ne fît rien sans son avis^ 
Jeanne avait pris dès lors un ascendant auquel 
personne ne pouvait plus se soustraire; et elle l'exer- 
* çait avec un naturel qui, chez cette âme simple et sans 
prétention, témoigne bien delà source où elle puisait 
tant d'autorité. 

Gui de Laval, dans une lettre écrite le 8 juin <429, 
au milieu des derniers préparatifs de la campagne, 
en fait à sa mère et à son aïeule un tableau animé, où 
la Pucelle est peinte au vif dans toute la grâce et la 



86 LIVREl TROISIÈME. 

fiéduction de son rôle ; traitant familièrement avec 
les plus hauts personnages, donnant tour à tour le 
signal des prises d armes ou des processions. 

Le roi était venu à Saint-Aignan en Berri, et la 
Pucelle s'était rendue à Selles, à quatre lieues de là, 
où toutes les troupes devaient se réunir pour entrer 
en campagne. Gui de Laval étant venu rejoindre le 
roi, le prince lui fit un excellent accueili voulut qu*il 
vît la Pucelle, et comme il se rendait lui-même à 
Selles, il la fit venir au-devant de lui. ce Et fit, dit 
le jeûne comte, ladite Pucelle, très bonne chère à 
mon frère et à moi , armée de toutes pièces , sauf la 
tète,, et tenant la lance en main. Et après que fûmes 
descendus à Selles, j'allai à son logis lavoir; et fit 
venir le vin, et me dit qu'elle m'en feroit bientôt boire 
à Paris; et ce semble chose toute divine de son fait, 
et de la voir et de Touïr. » Puis, racontant comment le 
même soir (6 juin) elle partit pour Romorantin avec 
une portion des troupes: « Et la vis monter à cheval, 
armée tout en blanc, sauf la tète, une petite hache 
en sa main, sur un grand coursier noir, qui à l'huis 
de son logis se démenoit très fort, et ne souffroit 
qu'elle montât. Et lors elle dit : a Menez-le àla croix, » 
qui étoit devant l'église auprès, au chemin. Et lors 
elle monta, sans qu'il se mût, comme s'il fût lié. Et 
lors se tourna vers l'huis de l'église, qui étoit bien 
prochain, et dit en assez voix de femme : (f Vous, les 
a prêtres et gens d'Eglise, faites procession et prières 
rr à Dieu* » Et lors se retourna à son chemin, en disant : 



ftBnS« 87 

a Tirez avant, tirez avant, n son étendard ployé que 
portoit un gracieux page, et avoit sa hache petite en 
la main \ » 

Cette lettre témoigne en même temps de Tenthou- 
fiiasme et du zèle que la Pucelle inspirait. Tout le 
monde voulait raccompagner : « ne oncques gens 
n'allèrent de meilleure volonté en besogne. » La cour 
manquait d'argent, et on- n'avait rien à attendre 
d'elle, mais on savait y suppléer : on se ruinait pour 
combattre avec Jeanne. « Pour ce, continue le prince , 
vous, madame ma mère, qui avez mon sceau, n'é- 
pargnez point ma terre par vente, ni par engage, où 
avisez plus convenable affaire, là où nos personnes 
sont à être sauvées, ou aussi par défaut abaissées, et 
par aventure en voie de périr. » La dame de Laval, par 
un sentiment bien pardonnable à une mère, en en- 
voyant ses deux fils à la cour, aurait voulu qu'ils do- 
meurasseat auprès du roi : elle avait écrit en ce sens 
à LaTrémouille son parent, et peut-être aussi à la Pu- 
celle. Jeanne, entrant dans ses vues, voulait faire pa- 
tienter le jeune comte, lui disant que lorsque le roi 
prendrait le chemin de Reims, il irait avec lui. « Mais 
jàDieu ne veuille, s'écrie-t-il tout bouillant d'ardeur, 
que je le fasse et que je ne aille. Etautretant (tout au- 
tant) en dit mon frère et comme Monseigneur d'Alen- 
çon : abandonné seroit celui qui demeureroit'. » 

On était dans le mouvement du départ. Le duc 
d'Alençon était arrivé avec sa compagnie Tavant-veille 
(lundi 6 juin) ; le seigneur de Rais était attendu dans 



38 LIVR^ TROISIÈME. 

la journée (mercredi 8), et, ce même jour, Alençon, 
Dunois et Gau court devaient quitter Selles pour re- 
joindre Jeanne, qui, dès le 6, avait pris les devants. 
On disait même que le roi partirait le lendemain 
pour se rapprocher de Farmée. « Et on espère, conti- 
nuait Gui de Laval, qu'avant qu'il soit dix jours, la 
chose sera bien avancée de côté ou d'autre. Mais 
tous ont si bonne espérance en Dieu, que je crois 
qu'il nous aidera ^ » 

Il ne se trompait pas, même pour le temps. 11 
écrivait le 8 : le 1 8, après deux sièges et une ba- 
taille, la campagne était terminée. 

Le mercredi après-midi, Vendôme^ Boussac et 
autres avaient rejoint le général en chef; La Hire 
était proche : «Et ainsi, disait Laval dans une addi- 
tion à sa lettre , on besognera bientôt. Dieu veuille 
que ce soit à notre désir ! » Le lendemain (9 juin), 
la petite armée rentrait dans Orléans, où elle fut re- 
çue avec une joie extrême, et surtout la Pucelle, 
« de laquelle voir, dit encore le Journal du siège, 
ne se pouvoient saouler. » Ils en partirent le 1 1 au 
nombre de 8000 hommes, dont 600 lances ame- 
nées par le duc d'Alençon, 600 par Dunois, Florent 
d'IUiers et quelques autres, et le reste du commun, 
c'est-à-dire du peuple d'Orléans et lieux voisins ; et 
ils s'avancèrent vers Jargeau, que défendait le comte 
de Suffolk avec 600 ou 700 hommes d'élite, bien ré- 
solus et pourvus de canons. Les Français n'avaient 
point laissé leur artillerie en arrière j mais à peine 



RBIHS. 89 

venus, et; selon le témoignage du due d'Alençon, 
avant même d*être arrivés, plusieurs voulaient re- 

l)rousser chemin. On disait que Falstolf venait au 
secours de la ville avec une nombreuse troupe. Et, 
en effet, Bedford, apprenant l'expédition préparée 
contre ses places de la Loire, Tavait fait partir de Paris 
avec 5000 hommes, et levait partout d'autres soldats 
qui le devaient rejoindre. Falstolf s'avançait avec 
lenteur. 11 s'arrêta quatre jours à Étampes» quatre 
jours à Janville, voulant avoir tous ses renforts avant 
d'atlaquer une armée conduite par la Pucelle. Mais 
dans l'armée de la Pucelle, il y en avait encore qui 
ne s'étaient point désaccoutumés de craindre les 
Anglais» et il leur semblait périlleux de les attendre 
devant une place occupée par leurs troupes. Plusieurs 
partirent^ et Jeanne ne retint les autres qu'en leur 
affirmant que Dieu conduisait Tentreprise : « Si je 
n*en étais feûre, disait-elle, j'aimerais mieux garder 
les brebis que de m'exposer à tant de périls*. >i 

Jeanne voulait, dès l'arrivée, loger Tarmée dans les 
faubourgs; tandis que les gens d'armes cherchaient 
un abri, les gens du commun» pensant que rien ne 
pouvait résister à la Pucelle, se jetèrent dans les 
fossés, et, sans attendre qu'elle fut à leur tête, atta- 
quèrent la place. Les Anglais firent une sortie, et les 
forçaient à se replier en désordre, quand Jeanne, 
prenant son étendard, vint leur rendre courage, et 

. Von fit tant que cette même nuit on s'établit dans le 
faubourg comme çUp Vftvçiit voulu". 



90 LIVRE TROISIÈME. 

Avant de commencer Tattaque en règle de la ville, 
Jeanne» selon son habitude, voulut faire sommation 
à ses défenseurs. Elle leur enjoignait de s'en aller 
en leur petite cotie^ la vie sauve, sinon qu'on les 
prendrait d'assaut. Les Anglais demandaient quinze 
jours de suspension d'armes : c'était plus qu'il n'en 
fallait pour donner à leurs renforts le temps d'ar- 
river. On répondit qu'on les laisserait partir avec 
leurs chevaux, mais dans l'heure même. SufiFolk 
tenta quelque autre moyen de traiter ou de traîner 
en longueur en parlant à La Hire; mais on rappela 
La Hire et l'attaque fut résolue*. 

Pendant le reste de la nuit, on s'occupa des travaux 
préparatoires. Dès le matin , les canons et les bom- 
bardes étaient en batterie, et à neuf heures, quoique 
ce fût dimanche, Jeanne fit sonner les trompettes et 
cria au duc d'Alençon : « Avant, gentil duc, à l'as- 
saut! » Le duc trouvait que c'était trop tôt commen- 
cer; mais Jeanne lui dit : «Ne doutez point, c'est 
l'heure quand il plaît à Dieu ; il faut besogner quand 
Dieu veut. Travaillez, et Dieu travaillera. » Et elle 
ajoutait : «Ah! gentil duc, as-tu peur? Ne sais-tu 
pas que j'ai promis à ta femme de te ramener sain et 
sauf? » Et en effet, quand le duc d'Alençon avait 
quitté sa femme pour venir avec Jeanne à l'armée, la 
duchesse avait exprimé ses craintes à la Pucelle : le 
duc sortait à peine de captivité, et il avait tant dé- 
pensé pour sa rançon ! Mais Jeanne lui avait dit : 
« Ne craignez point, madame, je vous le rendrai 



REIMS. 91 



sain et sauf, et en tel point qu'il est ou mieux en* 



core*. >» 



Elle tint parole, et dans cet assaut même un mot 
d'elle lui sauva la vie. Comme il observait l'at- 
taque, d'un endroit découvert : a Retirez-vous, dit- 
elle, car voici un engin qui vous tuera; » et elle le 
lui montrait aux murs de la ville. Il se retira, et un 
moment après le seigneur de Lude était tué à cette 
même place, d'un coup parti de la pièce désignée*. 
Les Anglais soutinrent l'assaut avec vigueur. 
Parmi eux, il y en avait un, grand et fort, qui se 
tenait à découvert sur les murailles, accablant les 
assaillants de boulets et renversant les échelles et 
les hommes. Mais là, comme à l'assaut des Augus- 
tins , il y avait parmi les Français le fameux canon- 
nier de Lorraine. Le duc d'Alençon lui montra le 
redoutable Anglais, et d'un coup de sa coulevrioe 
lean le renversa mort dans la ville. Comme l'attaque 
durait depuis trois ou quatre heures , Jeanne et le 
duc d'Alençon lui-même, tout commandant qu'il fût, 
descendirent dans le fossé et coururent aux murailles. 
Snffolk comprit le péril; il voulut parler au duc, 
mais ne fut plus écouté. Déjà la Pucelle montait à 
l'échelle, tenant en main son étendard, quand cette 
bannière fut atteinte, et elle même frappée à la tête 
d'une pierre qui se brisa sur son casque. Elle tomba 
par terre, mais elle se releva criant aux hommes 
d'armes : ^r Amis, amis, sus ! sus ! notre Sire a con- 
damné les Anglais. Ils sont nôtres à cette heure. Ayez 



92 LIVRE TnOIS)ÈM£. 

bon courage. » Et les Français, excités par ces pa- 
roles, escaladèrent hardiment les murs et prirent la 
Tille. Suffolk et les Anglais se replièrent vers le 
pont, et ' Tun des deux frères du capitaine fut tué 
dans cette retraite; les autres ne purent tenir da- 
vantage. Suffolk, vivement pressé par un écuyer 
d'Auvergne, nonimé GuillauQie Regnault, lui de- 
manda s'il était gentilhomme. 
« Oui, dit-il. 

— Êtes-Yous chevalier? 

— Non. » 

Le comte le fit chevalier et se rendit à lui ^ 
Quatre ou cinq cents hommes avaient péri dans 
Tassant; le reste fut pris à rançon, et dans le nombre 
l'autre frère de Suffolk. La ville, l'église même où 
les Anglais avaient serré leurs biens, tout fut pillé. 
Quant aux prisonniers de renom, on les fit partir par 
eau et de nuit vers Orléans, de peur qu'ils ne fussent 
tués ; et cette crainte n'était pas sans fondement : car 
les soldats ne voulaient de quartier pour personne. 
Au retour, un débat s' étant élevé sur quelques autres 
captifs, ils les tuèrent*. 

Le lundi, Jeanne et le duc d'Alençon, après avoir 
pourvu à la garde de Jargeau, revinrent à Orléans, et 
Ton peut deviner l'accueil qu'ils y reçurent. Après avoir 
mandé au roi leur victoire, ils y restèrent les deux 
jours suivants, ralliant à eux tous ceux qui n'avaient 
pas eu le temps de les rejoindre au premier siège : 
les seigneurs de Laval et de Lohéac, ces deux jeunes 



REIMS. 93 

frères dont on a vu la lettre à leur mère et à leur 
aïeule , Cbauyigny, La Tour d'Auvergne , le vidame 
de Chartres. Le mardi» la Pucelle appela son beau 
ducj comme elle nommait Alençon, et lui dit : « Je 
veux demain, après-midi, aller voir ceux de Meun ; 
faites que la compagnie soit prête à partir à cette 
heure. » Tout le monde fut prêt. On vint à Meun. 
On attaqua vivement et on prit le pont que les An- 
glais avaient solidement fortifié, et on l'occupa, lais- 
sant pour le moment la ville. On était, sur ce point, 
maître du passage : on avait hâte d'en faire autant à 
Baugency '. 

A Baugency, à leur approche , les Anglais désem- 
parèrent la ville pour se retrancher dans le château 
et sur le pont. Ce ne fut point cependant sans laisser 
derrière eux quelques soldats déterminés à vendre 
chèrement la place qu'ils abandonnaient. Mais les 
Français, arrivant le jeudi matin, les refoulèrent 
dans le château où les autres s'étaient retirés, et dis- 
posèrent leurs canons et leurs bombardes jpour les 
forcer dans cette dernière retraite '• 

Le. siège fut marqué par un incident qui faillit 
diviser , par le contre-coup des intrigues de la cour, 
l'armée si bien unie contre les Anglais. Richemont 

ne se résignait point à l'inaction où le condamnait 

• 

l'ingrate et misérable jalousie de sa créature, La Tré- 
mouille. Après l'arrivée de la Pucelle, quand on alla au 
secours d'Orléans, il voulut en êj;re, et leva une troupe 
qui ne comptait pas moins de 400 lances et de 800 ar- 



94 LIVRE TROISIÈME. 

ohers« Mais comme il était à Loudun, le roi lai fit 
dire de s'en retourner : que s*il passait outre, on le 
combattrait. Le connétable dut s'arrêter, et il put 
d'ailleurs apprendre bientôt qu'Orléans avait été 
délivré sans sou aide. Mais quand il sut qu'on re- 
commençait une campagne sur la Loire^ il reprit sa 
marche ; il passa le fleuve à Âmboise^ dont le capi- 
taine, plus homme de bien qu'homme de cour, n'en* 
treprit point de l'arrêter, et apprenant qu'on fai- 
sait le siège de Baugency, il y alla'. 

Si l'on en croit l'historien attitré, on pourrait dire 
l'apologiste de Richemout, Guillaume Gruel , dès 
qu'on apprit l'arri? ée du connétable, le duc d'Âlen- 
çon et la Pucelle montèrent à cheval pour le combat* 
tre. Mais La Hire et plusieurs autres, sachant ce qu'elle 
voulait faire, lui dirent c< que si elle y alloit, elle trou* 
veroit bien à qui parler; et qu'il y en avoit en la 
compagnie qui seroient plutôt à lui qu'à elle; et qu'ils 
aimeroient mieux lui et sa compagnie que toutes les 
pucelles du royaume de France. » Malgré ce langage 
assez impertinent (on a plus d'une raison de dire que 
Gruel ne Ta pas entendu), la Pucelle s'avancQ vers 
Richemont. On le rencontre ; mais, au lieu de le com- 
battre, on lui fait grande chère, on est bien aise de sa 
venue. La Pucelle met pied à terre, embrasse ses ge* 
nouXy et Richemont lui dit : « Jeanne, on m'a dit que 
vous me voulei combattre. Je ne sais si vous êtes de 
par Dieu ou non. Si vous êtes de par Dieu, je ne vous 
crains do rien : car Dieu sait mon bon vouloir; si 



REIMS. , 9b 

VOUS êtes de par le diable^ je tous crains eticore 
moins. » C'est sur ce mot que Gruél montre son héros 
tirant droit au siège, et prenant la charge du guet : 
« et fut le plus beau guet qui eût été en France passé 
à long temps *. » 

Le duc d'Alencon fait un tout autre récit de cette 
affaire. L'arrivée de Richement fut fort mal vue des 
chefs. Alencon avait reçu les ordres du roi : it déclara 
à Jeanne que, si le connétable venait^ lui-même s'en 
irait. Le succès était donc compromis par une démarches 
faite pour Tassurer : mais il n'y avait au fond de tout 
cela, on le savait, que la jalousie d'un courtisan, point 
de haine personnelle aux chefs : il ne fallait pour les 
rapprocher qu'un prétexte et du bon vouloir. Le pré- 
texte fut l'ennemi, dont l'approche était annoncée; et 
le bon vouloir, c'est Jeanne qui Tinspira. Elle qui cher- 
chait si peu l'aide des hommes, elle dit au duc d'A- 
lennon qu'il fallait s'aider; et elle régla les formes de 
l'accord : car elle seule paraissait avoir assez d'in- 
fluence pour le faire goûter de Charles VII. A la prière 
du connétable et des seigneurs, elle se chargea donc 
de ménager la paix de Richement avec ce prince. 
Le connétable jura devant elle et devant les seigneurs 
qu'il servirait toujours loyalement le roi ; et le duc 
d'Alencon et les autres chefs se portèrent garants de 
sa réconciliation ^. 

La troupe anglaise dont l'arrivée hâta, la conclusion 
de cet accord était celle que Falstolf avait voulu ame- 
ner au secours de Jargeau. Il avait appris pendant 



96 LIVRE TROISIÈME. 

son séjour à Janville la perte de cette place ; et Talbot 
venant de la Loire avait pu lui faire connaître presque 
en même temps que le pont de Meun était pris , et 
Baugency à la veille d'être forcé. Falstolf était d'avis 
qu'on en laissât la garnison capituler, représentant 
que depuis les aCTaires d'Orléans les troupes étaient 
« moult amaties et efTrayées* » Il pensait donc qu'il 
valait mieux ne rien risquer, se renfermer dans les 
forteresses les plus sûres, et y attendre que leurs gens 
eussent repris confiance et que Bedford leur eût en- 
voyé tous les secours promis. Mais Talbot s'indigna 
de cette circonspection et jura que, n'eût-il que sa 
gent et ceux qui le voudraient suivre, il irait combat- 
tre l'ennemi à l'aide de Dieu et de monseigneur saint 
Georges. Falstolf céda, et le lendemain on mit les 
troupes aux champs : mais avant de partir, il réunit 
les capitaines et leur remontra encore les périls de l'en- 
treprise : ils n'étaient, disait-il, qu'une poignée de gens 
au regard des Français, et, c< si la fortune tournoit 
mauvaise sur eux, tout ce que le feu roi Henri avoit 
conquis en France à grand labeur et long terme seroit 
en voie de perdition, d Mais ses remontrances n'étant 
pas mieux goûtées, il commanda aux étendards de 
prendre la route de Meun *. 

Les Français, laissant une partie des leurs autour 
du château de Baugency, vinrent au-devant des Anglais 
et les rencontrèrent « à une lieue près de Meun et assez 
près de Baugency. » Wavrin, qui parle seul expressé- 
ment de ce mouvement, porte leur nombre à 6000 



REIMS. 97 

eDYironet nomme parmi les chefs Alençon, Dunois, 
Lafayette^ La Hire^ Xaîntrailles et la Pucelle. Ils se 
postèrent sur une éminence, observant les ennemis. 
Les chefs anglais, s'attendant à la bataille, firent met- 
tre pied à terre, avec ordre aux archers de s'entourer 
de leur ceinture de pieux; puis, voyant que les Fran- 
çais ne bougeaient pas, ils envoyèrent des hérauts les 
défier s'ils voulaient descendre dans la plaine. Mais 
ils eurent cette réponse des gens de la Pucelle : « Al- 
lez vous loger pour maishuy (aujourd'hui), car il est 
tard; mais demain, au plaisir de Dieu et de Notre 
Dame, nous nous verrons de plus près ^ » 

Les Anglais vinrent se loger à Meun, où ils avaient 
garnison, et changèrent de tactique. Au lieu de mar- 
cher droit sur les assiégeants de Baugency, ils canon- 
nèr^it toute la nuit le pont de Meun qui était aux 
Français, comptant Tenlever et gagner par l'autre 
rive le pont de Baugency qui était aux leurs. Ils en- 
traient ainsi sans nul obstacle dans le château assiégé, 
et demeuraient libres ou d'en sortir avec toutes leurs 
forces pour attaquer, ou de se borner à s'y défendre. 
Mais les Français avaient employé le temps bien mieux 
encore : ils avaient pris la place qu'on voulait déli- 



vrer * 



Les défenseurs du château de Baugency étaient, 
comme ceux de Jargeau, les débris de l'armée d'Or- 
léans : c'étaient déjà des vaincus de la Pucelle. Or ils 
voyaient des renforts venir aux assiégeants avec Riche- 
mont, et ils avaient perdu l'espérance d'en recevoir 
I 7 



98 LIVAE TAOlâlÈMË. 

eux-mêmes : car le départ et le retour si prompt de la 
Pucelle leur avaient fait croire que l'armée de Falstolf 
était venue et s'en était allée. En ces circonstances^ 
et avant que la situation devînt plus critique (elle d^ 
vait Tétre^ si Richemont achevait de les investir en 
les attaquant par Tautre côté du fleuve comme on l'avait 
résolu), le bailli d'Ëvreux, qui commandait la place, 
proposa et obtint une capitulation. On convint qu'ils 
sortiraient de la place avec les honneurs de la guerre, 
emmenant leurs chevaux, leurs harnais et la valeur 
d'un marc d'argent au plus. Ils promettaient de ne 
point reprendre les armes avant dix jours '. 

Ils partirent le 18 au matin, et la nouvelle en fut 
portée à Meun par un poursuivant d*armes, quand les 
Anglais, ayant canonné le pont toute la nuit, s'ap- 
prêtaient à lui donner l'assaut. Ils furent heureux de 
ne l'avoir point passé, et ne songèrent plus qu'à re- 
prendre^ avec la garnison de Meun, la route qu'ils 
avaient suivie naguère. Us firent d'ailleurs leur re- 
traite en bon ordre. Derrière une première troupe, 
conduite par un chevalier anglais, marchaient l'ar- 
tillerie et les bagages ; puis venait le corps de bataille 
sous les ordres de Falstolf, de Talbot, de Raveston; 
puis l'arrière -garde, toute composée d'Anglais de 
race '. 

Cependant les Français, maîtres du château de Bau- 
gency, avaient hâte de voir les Anglais de près comme 
ils l'avaient promis la veille. Ils avaient cru les retrou- 
ver à Meun ; mais l'ennemi ayant fait retraite à la pre- 



REIMS. 99 

mière apparition de leur avant-garde, iU gagnèrent 
au plus vite la route de Paris, où ils espéraient le 
rejoindre. Les Anglais , avertis de leur marche par 
les coureurs de Tarrière-garde , ne songèrent plus 
qu'à trouver un lieu favorable où ils pussent s'arrê- 
ter et les attendre, comme à Crécy. On donna donc à 
Tavant-garde Tordre d'aller s'établir, avec l'artillerie 
et les bagages, le long d'un petit bois qui couvrait les 
abords de Patay. Pour y parvenir, il fallait traverser 
un passage resserré entre deux haies très-fortes. 
Quand le corps principal y arriva, Talbot, mettant 
pied à terre, promit d'y tenir avec 500 archers d'é- 
lite, jusqu'à ce que l'arrière-garde eût rejoint le corps 
de bataille : il comptait ensuite, faisant retraite le 
long de ces haies, gagner à son tour la position où 
i'avant-garde avait précédé, et où tous se devaient 
réunir pour soutenir le combat \ 

Mais il en arriva autrement. Les Français mar- 
chaient en avant, ne sachant au juste où était l'en- 
nemi, mais allant toujours, sur la foi de la Pucelle. 
Elle leur avait dit que les Anglais les attendraient, et 
comme on lui demandait où, elle avait répondu qu'on 
chevauchât sûrement et qu'on aurait u bon conduit. » 
Ils allaient donc dans la direction où l'on croyait que 
marchaient les Anglais, ayant pour éclaireurs 60 ou 
80 de leurs chevaliers les plus braves et les mieux 
montés. Us n'avaient rien vu encore, lorsqu'un cerf 
qu'ils firent lever, alla donner dans le corps (Je 
bataille des Anglais, où il fut reçu à graùds cris. Ces 



100 LIVRE TROISIÈME. 

cris donnèrent Téveil aux chevaliers français, qui 

connurent Tennemi et bientôt le purent découvrir, 

marchant en parfaite ordonnance. Ils se hâtèrent d'en 

avertir le gros de leur armée, disant qu'il était Theure 
de besogner, qu'on les aurait bientôt en face. A cette 

nouvelle, le duc d'Alençon demanda à Jeanne ce qu'il 

fallait faire. 

ce Avez-vous de bons éperons ? » lai dit-elle. 

Plusieurs Tentendant s'écrièrent : 
. « Que dites-vous? Nous tournerons donc le dos? 

— Nenni, en nom Dieu, dit Jeanne, ce seront les 
Anglois; ils seront déconfits, et vous aurez besoin 
des éperons pour les suivre. » 

Et comme on disait qu'ils avaient plus de 1 000 
hommes d'armes : 

«c Ah ! beau connétable, dit-elle à Richemont^ vous 
n'êtes pas venu de par moi ; mais* puisque vous êtes 
venu, vous serez bienvenu. » 

Et quelques-uns manifestant encore des doutes, 
sinon de la crainte : 

(c En nom Dieu, dit Jeanne, il les faut combattre; 
s'ils étoient pendus aux nues, nous les aurions, parce 
que Dieu nous les envoie pour que nous les châtiions, m 

Et elle répondait de la victoire : 

« Le gentil roi, disait-elle, aura aujourd'hui la plus 
grant victoire qu'il eut pieça (de longtemps). Et m'a 
dit mon conseil qu'ils sont tous nôtres^ » 

Elle voulait être à l'avant-garde. On la retint mal- 
gré elle, et on y mit La Hire, mais avec l'ordre d'al- 



101 

taquer les Anglais assez vivement pour leur faire 
tourner le visage, point assez pour qu'ils tournassent 
le dos. On voulait, en les retenant à cette escarmou- 
che, donner au gros de l'armée française le temps 
d'arriver, sans leur laisser à eux celui de gagner la 
position où ils comptaient se réunir. Mais l'impétuo- 
sité de La Hire» et sans doute aussi la terreur que 
Jeanne, même de loin, inspirait, déjouèrent ce calcul. 
Les Français tombèrent sur Tarrière-garde des Anglais 
et la dispersèrent. Talbot pourtant demeurait ferme à 
son défilé» etFalstolf , fidèle au-plan qui avait été arrêté, 
faisait diligence pour aller rejoindre Tavant-garde dans 
ses positions sur les derrières. Mais l'avânt-garde , 
le voyant venir à elle, crut qu'il se retirait, et ne vou- 
lant point perdre son avance, elle prit la fuite. Fals- 
tolf voulut se retourner alors et marcher à Tennemi : 
il était trop tard. Déjà Talbot était enveloppé, lapani* 
que était générale, et les Français, maîtres du champ 
de bataille, tuaient ou prenaient ceux qui leur tom- 
baient sous la main. Falstolf céda enfin aux instances 
de ceux qui Tentouraient, et s'enfuit avec peu de 
monde. Dans son escorte était Wavrin, qui a fait ce 
récit de la bataille. Il dît que les Anglais perdirent 
2000 morts et 200 prisonniers. Dunois, sans distin- 
guer, évalue leur perte à 4000 hommes. Talbot était 
parmi les prisonniers. Gomme on le présentait au 
duc d'Alençon, le jeune prince lui dit :. « Vous ne 
pensiez pas, le matin, que cela vous arriverait. » Il 
répondit : « C'est la fortune de la guerre*. » 



102 LIVRE TROISIÈME. 

Cette journée eut des résultats coosidérables. Tout 
le pays, qui détestait les Anglais, ne chercha plus à 
cacher sa haine. Ceux de Janville^ à qui ils avaient 
laissé leur argent au départ, leur fermèrent la porte; 
et quant aux places qu'ils possédaient encore au vol* 
sinage^ Mont-Pipeau, Saint-Sigismond, etc.^ les garni* 
sons s'empressèrent d'y mettre le feu et d'en partir. 
Nulle citadelle ne leur semblait sûre. Ce qui était 
plus grave, c'est que, même en plaine, ils ne parais* 
saient plus à craindre. Les Anglais, grâce à Thabile 
emploi des armes de trait, à Texcellence de leur in* 
fanterie et à une tactique qui reléguait au second 
rang les brillants usages de la chevalerici avaient ac- 
quis dans les combats en rase campagne un renom 
de supériorité consacré par les souvenirs de Crécy, de 
Poitiers etd'Azincourt. Ce prestige se dissipait comme 
les autres. Toute leur tactique avait été déjouée dans 
le lieu ie plus propre à leur faire retrouver la gloire 
de ces grandes journées; tout leur corps de bataille 
avait été dissipé par une simple avant-garde, mais 
une avant garde animée de l'esprit de la Pucelle. Qui 
pouvait douter maintenant qu'elle ne menât le roi 
à Reims comme elle le promettait ? Jeanne avait 
prouvé qu'elle saurait s'ouvrir les chemins comme 
elle saurait forcer les citadelles. On l'avait vue à 
l'œuvre : et pourtant on différait encore * ! 

Jeanne avait déjà rencontré bien des résistances 
à l'accomplissement de sa mission. Elle en avait 
rencontré de toutes sortes : àDomremy, à Yaucou- 



REIMS. 103 

leurs 9 à Chinon, à Poitiers. Elle avait triomphé 
alors ^ sans persuader encore. Comme on Vayait 
laissée aller à Chinon, on l'envoya à Orléans : 
mais la défiance la suivait. Si le peuple avait foi en 
elle, les grands se servaient d'elle sans la croire. 
Ils la mettaient devant, et décidaient à son insu, 
qu'il s'agît ou de la marche du convoi, ou de 
l'attaque des forteresses anglaises : il avait fallu 
qu'elle commençât par leur faire en quelque sorte 
violence à eux-mêmes, pour forcer les Anglais dans 
leurs bastilles et les chasser d'Orléans. La délivrance 
d'Orléans, qui étaitplus qu'une victoire, avait imprimé 
un élan immense à tous les esprits. Il n'y avait qu'à 
le soutenir et à le suivre : on le laisse retomber, et 
Jeanne doit lutter encore et contre l'inertie et contre 
la malveillance. Elle demandait le voyage de Reims. 
On lui offre une campagne sur la Loire. Elle accepte, 
comme en attendant ; et l'on a vu avec quelle rapi- 
dité elle la termine. Le 11 juin elle attaque Jargeau, 
et le prend le 12; le 13 elle est à Orléans, où elle rai- 
lie ses troupes; le 15 elle occupe le pont de Meun; 
le 1 6 elle attaque Baugency, qui se rend le 1 7. Les An- 
glais partis pour secourir Jargeau arrivent à Meun, 
le jour même où Baugency capitule ; ils n'arrivent 
que pour faire retraite, mais non si vite qu'ils ne soient 
rejoints et battus le 18 à Patay. Une semaine a tout 
achevé \ 

L'épreuve est donc complète. Jeanne a prouvé sa 
mission et dans Iqp sièges et dans les batailles. Ce n'est 



IQk LIVRE TAOISIËME. 

plus seulement le peuple, ce sont les soldats, ce sont 
les capitaines et tous les seigneurs qui croient en 
elle et ne demandent qu'à la suivre. Eux qui, au 
siège d'Orléans, montraient encore tant de défiance, 
n'avaient plus, dans la dernière campagne, rien fait 
que par sa direction. Mais c'était^ ce qui effrayait 
ceux qui, dans le plus intime des conseils du roi, 
l'avaient toujours sourdement combattue, et notam- 
ment le favori La Trémouille» Sa puissance étsât fon- 
dée sur l'inertie du prince et sur sou isolement. Elle 
était fort compromise si le roi voulait agir enfin, s'il 
s'entourait des princes du sang, de toute la noblesse : 
car il trouvait nécessairement en eux dans cette voie 
une concurrence fatale à son crédit. Or Jeanne, qui 
venait d'imprimer ce grand mouvement, devait en 
cela lui être suspecte à plus d'un titre. Elle avait sa- 
lue dans le jeune duc d'Âlençon l'un des soutiens du 
trône, et illustré par le triomphe le commandement 
dont il avait été revêtu. Elle avait, dans le cours de 
cette rapide campagne, accueilli le connétable : elle 
lui avait promis de faire sa paix avec le roi ; elle y 
avait engagé le duc d'Alençon et les principaux capi- 
taines ; et comme pour rendre l'engagement plus sa- 
cré, elle l'avait scellé de la commune victoire. Elle 
allait donc ramener à la cour un homme qui n'y pou- 
vait paraître sans que La Trémouille rentrât sous terre. 
La Trémouille, sans aller de front contre un mouve- 
ment qui l'eût emporté, fit en sorte que le roi ne s'y 
abandonnât que le moins possible, et sut ainsi, en l'y 



RS1M8. 105 

suivant lui-même avec prudence, gagnw le jour où 
rêntraînement ayant perdu de sa force, il fût possible 
de l'en retirer. C'est le triomphe de sa politique et le 
malheur de la France. 

La Pucelle était revenue le dimanche matin (19) 
de Patay à Orléans; et les habitants» joyeux et fiers 
d'un succès qui couronnait et consacrait leur déli** 
vrance, ne doutaient point que le roi n'y vint lui- 
même : c'était montrer l'importance qu'il attachait à 
leur ville et l'estime qu'il faisait de leur dévouement. 
Mais laisser aller le roi à cette armée tout enivrée de 
sa victoire, au sein d'une ville qui était comme le mo- 
nument du triomphe de la Pucelle, c'était l'exposer 
à la contagion de TenthouBiasme populaire, et le fa- 
vori sentait bien qu'elle ne gagnerait pas le prince à 
son profit. Xe roi resta donc à Sully^sur-Loire, et les 
habitants d'Orléans, qui s'étaient mis en grande dé- 
pense pour lé recevoir plus dignement^ ornant les 
maisons et tendant les rues, en furent, à leur grand 
déplaisir, pour leurs frais de décoration ^ 

Ce premier succès en promettait un autre àLaTré- 
mouille. La Pucelle, n'ayant pas trouvé le roi à Or- 
léans, vint avec le duc d'Âlençon et les seigneurs à 
Sully, pour accomplir auprès de lui l'engagement 
pris à regard de Richement : ils le priaient de par- 
donner à un homme qui avait eu sa part aux der- 
niers succès, et qui venait mettre 1 500 combattants à 
son service. Le roi pardonna j mais il refusa absolu- 



106 LIVRE TROISIÈME. 

ment de Tadmeltre au voyage de Reimd « pour Ta- 
mour du seigneur de La Trémouille; » ce « dont la 
Pucelle fut très-déplaîsante ; et si furent plusieurs 
grands seigneurs..., mais toutefois n'en osoient parler 
parce qu'ils voyoient que le roi faisoit, de tout, ce 
'qu'il plaisoit à celui seigneur de La Trémouille. » Le 
voyage même lui plaisait peu, et il s'effrayait de ce 
grand rassemblement d'hommes qui ne demandaient 
rien que de servir à leurs dépens sous la Pucelle, 
mais qui ne pouvaient pas longtemps servir ainsi le 
roi sans péril pour le favori : c'est ce qu'atteste Jean 
Chartier : « Et par le moyen d'icelle Jehanne la Pu- 
celle venoient tant de gens de toutes parts devers le 
roi pour le servir à leurs dépens, que on disoit que 
icelui de la TrimoUe et autres du conseil en étoient 
bien courroucés que tant y en venoit, pour le doubte 
(crainte) de leurs personnes. Et disoient plusieurs 
que si ledit sijre de la TrimoUe et autres du conseil 
du roi eussent voulu recueillir tous ceux qui venoient 
au service du roi, qu'ils eussent pu légèrement recou- 
vrer tout ce que les Anglois tenoient au royaume de 
France*. » 

Cependant le voyage de Reims fut résolu ; et le 
roi vint à Saint-Benoît-sur-Loirè, près Ghâteauneuf, 
où les capitaines furent réunis en conseil. La Pu- 
celle était l'âme de tout ce qui tendait à ce but : 
et le roi se montrait touché de la peine qu'elle se 
donnait; il lui commanda même, en cette rencontre, 
de prendre du repos* Mais ce qui peinait la Pu- 



REIMS. 107 

celle^ c'étaient ces hésitations et ces retards : elle 
se mit à pleurer et dit au roi qu'il ne doutât point, 
et qu'il recouvrerait son royaume, et serait bientôt 



couronné \ 



Il fut décidé que les troupes d'Orléans viendraient 
à Gien, où le roi se rendrait lui-même avec tous ceux 
qui le devaient accompagner. Jeanne revint donc à 
Orléans pour tout préparer; et le vendredi matin 24, 
elle fit donner le signal du départ. On fut à Gien le 
jour même; et dès le lendemain, elle adressait une 
lettre aux habitants de Tournay, cette brave et loyale 
ville qui, au sein de la puissance bourguignonne, 
restait attachée à la France et à sou roi. Elle leur an-^ 
nonçait les succès remportés en huit jours sur les 
Anglais^ leurs villes de la Loire conquises, leur ar- 
mée battue et dispersée, leurs chefs tués ou pris. Et 
elle les invitait au sacre du roi, les priant de se tenir 
prêts à venir au-devant de lui quand ils auraient 
nouvelle de son approche '. 

Mais les choses étaient moins avancées qu'elle ne 
l'avait cru. C'étaient chaque jour encore de nouveaux 
conseils. Quelques-uns des princes du sang royal, 
ditDunois, et d'autres capitaines remettaient même 
en question le voyage de Reims, proposant une en- 
treprise plus hardie : il s'agissait d aller au cœur de 
la puissance anglaise, non à Reims, mais à Rouen. 
D'autres admettaient le voyage de Reims en principe; 
mais, sous prétexte de lui donner plus de sûreté ou 
plus d'éclat, ils ne cherchaient qu'à le faire ajourner. 



/' 



108 LIVRE. TROISIÈME. 

On attendait la reine, que Ton voulait faire couronner 
avec le roi, et en Tatlendant, on proposait aux capi- 
taines quelques petites entreprises qui étaient comme 
à la portée de la main. Les Anglais avaient générale^ 
ment abandonné leurs forteresses de la Beauce; mais, 
par eux-mêmes ou par les Bourguignons, ils en gar- 
daient encore plusieurs sur la Loire : Marchénoir, 
Bonny, Gosne et la Charité. Ne pouvait-on les en dé- 
loger d'abord? Le 26, L. de Gulan prenait Bonny; 
ceux de Marchénoir offraient de se rendre, à la nou- 
velle que Richement^ demeuré à Baugency, les vou- 
lait attaquer. Cosne et la Charité refusaient de capi- 
tuler : mais serait-il si difficile de les prendre ? 
Cependant, encore fallait-il lesaller prendre Tune après 
lautre; et aller prendre Cosne et la Charité, c'était 
ramener le roi à Bourges. Jeanne le voulait mener à 
Reims. Elle sentait que ce temps perdu à de petites 
choses, quand on en pouvait faire de grandes, n'était 
bon qu'à rendre même les petites plus difficiles : ainsi 
ceux de Marchénoir qui avaient donné des otages et 
obtenu dix jours pour emporter leurs biens, appre- 
nant la conduite du roi envers Richement, usèrent 
du délai pour saisir quelques otages à leur tour et 
garder la place. — La Pucelle ne voulait plus ad- 
mettre aucune cause nouvelle de retard : et voyant 
où Ton cherchait à Tenlraîner, elle quitta la ville, 
dès le 27, et alla se loger aux champs. Agir sans 
elle, c'était tout perdre. On se rendit. La reine, arri- 
vée à Gien, fut renvoyée à Bourges ; Cosne et la Cha- 



REIMS. 109 

rite furent laissées là, et le 29 juin^ jour de la Saint- 
Pierre ^ on partit pour Reims \ 

Le roi emmenait, dans cette expédition avec la Pu- 
celle, le duc d'Alençon, les comtes de Glermont, de Ven- 
dôme et de Boulogne, le bâtard d'Orléans, le maréchal 
de Boussac (Sainte*SéTère), l'amiral L. de Culan, les 
seigneurs de Rais, de Laval, de Lohéac, de Ghauvigny , 
La Hire, Poton de Xaintrailles, La Trémouille et plu** 
sieurs autres , avec environ 1 2 000 combattants. 
Charles prit d'abord le chemin de Montargis, etl'on put 
croire qu'il marcherait sur Sens ; mais il se tourna vers 
Auxerre. Les habitants, sans se déclarer contre lui, 
auraient voulu ne se point compromettre vis-à-vis 
des Anglais. Ils envoyèrent donc une députation au 
roi pour tâcher d'accommoder ses vues à leur poli- 
tique. Jeanne voulait qu'ils se rendissent ou qu'on les 
prît. Un acte de vigueur au début ne pouvait qu'apla- 
nir les difficultés de la route. Mais Jeanne ne com- 
mandait plus ici : elle ne pouvait qu'agir auprès du 
roi; et près du roi était La Trémouille, que la dé- 
putation sut mettre, dit-on, dans les intérêts de la 
ville à prix d'argent. On leur accorda la trêve qu'ils 
demandaient, au grand mécontentement de la Pucelle 
et des capitaines. Ils promettaient de faire ce que fe- 
raient ceux de Troyes, de Châlons et de Reims. La seule 
chose qu'ils concédassent pour le moment aux gens 
du roi, ce fut de leur donner, à prix d'argent, des 
\ ivres dont on avait négligé de se pourvoir *. 

Après trois jours passés devant Auxerre, on alla à 



110 LIVRE TROISIÈME. 

Saint-Florentio, qui se rendit de bonne grâce, et, chè* 
min faisant, on se préparait la voie par des messages. 
De Brinon-rArchevèque , le roi écrivit à Reims ( le 
4 juillet), mandant aux habitants les choses qui ve- 
naient de s'accomplir à Orléans, à Jargeau, à Bau-- 
gency; ete», « plus par grâce divine que œuvre hu* 
mainOt » Il leur annonçait son voyage, et les invitait 
à le recevoir comme ils avaient coutume de &ire à ses 
prédécesseurs, sans rien craindre du passé, « assurés 
d'être traités par lui en bons et byaux sujets» » Le 
même jour, comme on était à Saint-Pbal, à quelques 
lieues de Troyes, la Pucelle à son tour envoya aux 
Jiabitants de cette ville un message qui les invitait à 
se soumettre, ne leur laissant d'autre alternative 
que d'être forcés. Il y avait à Troyes une garnison 
de 500 ou 600 Anglais et' Bourguignons qui gou- 
vernaient les résolutions de la bourgeoisie. Au lieu 
de répondre au roi, ils écrivirent à Reims pour qu'on 
leur vînt en aide et qu'on demandât -des secours au 
régent *. 

Le 5, à neuf heures du matin, l'armée royale était 
devant leurs murs, et elle s'y établit malgré une sor- 
tie de la garnison, qui fut repoussée. Le roi reprit 
les négociations, espérant amener les habitants à une 
soumission volontaire. On prit ses lettres des mains 
du héraut, sans le laisser entrer dans la ville ; on les 
lut au conseil, et on y répondit que les habitants 
avaient juré au duc de Bourgogne de ne recevoir en 
leur ville, sans son ordre exprès, aucune force capa- 



REIMS. lli 

ble de leur (aire la loi. lU ajoutaient, pour s^excuser 
eux-mêmes, qu'ils avaient actuellement chez eux uue 
multitude de gens de guerre auxquels ils n'étaient 
pas en état de résister ; et ils ne le prouvaient que trop 
par de nouvelles lettres aux habitants de Reims, où 
ils parlaient de ces messages, des réponses qu'ils y 
avaient faites, des dispositions qu'ils avaient prises, 
et de leur résolution de combattre jusqu'à la mort* 
Us leur parlaient aussi de la Pucelle, une Cocquardej 
comme ils l'appelaient; ils certifiaient que c'était une 
folle pleine du diable ; que sa lettre n'avait ni rime 
ni raison, ajoutant qu'après s'en être bien moqués, 
ils l'avaient jetée au feu sans daigner y répondre ^ 

La Pucelle n'avait point laissé de faire de nouveaux 
efforts pour les ramener au roi. 11 y avait alors à 
Troyes un moine augustin, d'autres disent corde- 
lier, qui avait fait grand bruit en ce temps-là. Frère 
Richard (c'était son nom), après avoir visité les saints 
lieux, était allé à Paris, au commencement d'avril 
1429, et y avait prêché avec un succès extraordinaire: 
il parlait cinq ou six heures de suite, et ne comptait 
pas moins de 5000 ou 6000 personnes à ses sermons. 
Les Anglais avaient fini par prendre ombrage de 
ce concours. Il était donc sorti brusquement de 
Paris, avait parcouru la Bourgogne et la Champagne. 
Il se trouvait à Troyes, quand vinrent le roi et la Pu- 
celle. Ayant ouï ce que l'on disait d'elle, il la voulut 
voir ; mais craignant un peu qu'elle ne fut ce que 
disaient les habitants de Troyes, il s'approchait avec 



112 LIVRE TROISIÈME. 

défiance^ faisant des signes de croix et jetant de Feau 
bénite. 

« Approchez hardiment, lui dit la Pucelle, je ne 
m'envolerai pas. » 

Et après l'avoir rassuré, elle le chargea de nou^ 
velles lettres pour la ville assiégée. Mais elles n'eu- 
rent pas plus de succès ^ 

On était là depuis cinq jours^ attendant que la ville 
se rendît. Mais elle n^en faisait rien, et Pon se croyait 
si peu en état de l'y contraindre qu'on ne songeait 
plus, dans le camp du roi, qu'à lever le siège. L'ar- 
mée royale, partie sans provisions, commençait à 
sentir la famine. On tint conseil, et l'archevêque de 
Reims, aussi peu pressé de rentrer dans sa cathédrale 
que d'y mener le roi, démontra fort pertinemment 
qu'on ne pouvait demeurer devant Troyes davantage. 
Il alléguait le manque de vivres et d'argent, la force 
delà ville assiégée, ses approvisionnements, ses nom- 
breux défenseurs. Il montrait comme elle était peu 
disposée à se rendre, et comme on était peu en me- 
sure de la forcer, n'ayant ni artillerie ni bombardes, 
ni places d'où l'on en pût tirer plus proche que Gien, 
c'est à dire à trente lieues de là. On recueillit les voix, 
et la plupart furent d'avis que si l'on n'avait pas pris 
Auxerre, une ville bien moins forte et moins dé« 
fendue, c'était folie de vouloir forcer Troyes : on n'a- 
vait donc plus qu'à s'en retourner. — Heureusement, 
dans cette assemblée de logiciens, il y eut quelqu'un 
qui se souVint de Jeanne. Robert Le Maçon, inter- 



REIMS. 1 13 

rogé à son tour, répondit que, selon son opinion, il 
la fallait appeler au conseil. C'est sur son avis qu'on 
avait entrepris Texpédition sans trop calculer ni le 
nombre des gens d*armes ni les moyens de les en- 
tretenir : avant de s'en départir» il était convenable 
de savoir si elle n'avait pas quelque autre bonne 
raison pour y persévérer. 

Comme il parlait encore, Jeanne , apprenant 
qu'on délibérait, vint frapper à la porte. On la fit 
entrer, et le chancelier lui exposa ses raisons. Jeanne, 
se tournant vers le roi, lui demanda s'il la voudrait 
croire, a Parlez , dit le prince ; et si vous dites 
chose profitable et raisonnable, volontiers on vous 
croira. » Elle répéta sa question; et, sur une sem- 
blable assurance : « Gentil roi de France, dit-elle, 
si vous voulez cy demeurer devant votre ville de 
Troyes, elle sera en votre obéissance dedans (avant) 
deux jours , soit par force ou par amour; et n'en 
faites nul doute. 

— Jeanne, reprit le chancelier, qui serait certain 
de l'avoir dedans six jours, on l'attendrait bien. Mais 
dites-vous vrai? » 

Elle dit derechef qu'elle n'en faisait nul doute ; 
et l'on se résolut à attendre *. 

Jeanne monta à cheval, et, sa bannière à la main, elle 
s'en vint dans le camp, et ordonna de tout préparer 
pour Tassant. Chevaliers, écuyers, tous se mirent en 
besogne, rivalisant de zèle à porter des fagots, des 
ai s de portes, des tables, des fenêtres et autres cho^ 

I 8 



114 LIVRE TROISIÈME. 

ses propres à couvrir rapproche dé la place, et à fa- 
voriser rétablissement des batteries. Ëlie-mème avait 
dressé sa tente près du fossé, et faisait, au témoi- 
gnage d'un homme qui s'y connaissait, plus que 
n'eussent pu faire deux des plus habiles et des plus 
fameux capitaines. Le lendemain matin, tout était 
prêt, et déjà la Pucelle faisait jeter les fascines dans 
les fossés et criait : « A l'assaut 1 » quand l'évèque 
et les principaux de la bourgeoisie et des gens d'ar- 
mes vinrent demander à capituler^ 

Dès la veille, quand on la vit à l'œuvre, une grande 
fermentation s'était manifestée parmi le peuple. Les 
habitants de Troyes ne subissaient pas sans mur- 
mure, on le peut croire, cette faction étrangère qui les 
dominait, et ils n'étaient pas d'avis de se mettre, 
eux et leurs biens, en péril pour elle. Quand le matin 
ils virent l'assaut tout prêt, ils résolurent de le pré* 
venir. On s'entendit sans peine sur les conditions. 
Charles Vil n'avait d'autre intérêt que de s'attacher 
et d'attirer à lui, par des ménagements, les villes qui 
voudraient se rendre. Il donna donc aux habitants 
toute garantie pour les personnes et pour les biens, 
toute liberté pour leur commerce, même avec les États 
soumis au duc de Bourgogne; toute satisfaction tou-* 
chant les impôts, les aides, la monnaie ; toute sécu- 
rité pour la ville en général et pour chacun en par- 
ticulier. Il maintenait chacun en possession des 
bénéfices ou ofidces obtenus du roi d'Angleterre, à la 
seule condition de reprendre de lui nouveaux titres, et 



R£tMS. 115 

S 'engageait à ne donner à la ville ni garnison ni ca* 
pitaine. Les troupes étrangères avaient la permission 
de s'en aller avec leurs biens ^ 

Le lendemain, t1 juin, le roi entra dans Troyesen 
grande pompe avee tous les seigneurs et eftpitainee ef 
laPucelle auprès de lui, portant son étendard. La gar^ 
nison sortit librement , selon la convention ; mais 
comme plusieurs, en vertu de Tartiele qui leur lais- 
sait leurs biens, emmenaient leurs prisonniers» Jeanne 
ne le voulut point souffrir. «Elle se tinta la porte en 
disant que en nom Dieu, ils ne les emmeneroient pas; 
et de fait les garda. » Le roi, pour mettre d'accord la 
lettre du traité avec ces justes résistances» les racheta 
de leurs maîtres, argent comptant '* 

Le roi mit dans Troyes un bailli et d'autres offi*» 
ciers ; et le lendemain son armée qu'il avait laissée aux 
champs, sous la garde d'Ambroise de Loré, traversa 
la ville et prit la route de Chàlons. 

La ville de Châlops, comme celle de Troyes, était 
aux Bourguignons et aux Anglais , et c'est prc^baU^n 
ment aussi sous leur inspiration que loa habitants 
écrivaient à Reims dans le même sens que ceux de 
Troyes au commencement du siège. Us avaient, di- 
saient-ils, reçu eux-mêmes des lettres de Troyes; ils 
avaient su que frère Richard s'était fait porteur des 
messages de la Pucelle, et ils mandaient à ceux de 
Reims a qu'ils en avoieui été fort ébahis, d'autant 
qu'ils cuidoient que ce fût un très -bon prud'- 
homme, mais qu'il étoit venu sorcier. » Ils ajoutaient 



116 LIVRE TROISIÈME. 

que ceux de Troyes faisaient forte guerre aux gens du 
dauphin, et qu/ils étaient eux-mêmes résolus à ré- 
sister de toute leur puissance. Mais les dernières 
nouvelles eurent bien vite dissipé ces résolutions. Le 
parti anglais s'éclipsa, et avant que le roi fût aux 
portes de Châlons, il rencontra Tévêque et un grand 
nombre de bourgeois qui se venaient mettre en son 
obéissance. Le roi logea dans la ville cette nuit avec 
son armée^ et le lendemain partit pour Reims ^ 

Comment les Anglais^ qui le savaient en route^ ne 
s'étaient- ils pas mis en mesure d'y être avant lui ? 
Charles avait tout à conquérir sur le chemin, et pour 
eux tout leur était soumis^ y compris la ville elle- 
même. — C'est que déjà ils n'étaient plus autant les 
maîtres en France qu'on le pourrait croire, et Bed- 
ford était bien forcé de se le dire , la rage dans le 
cœur. Quand il avait vu, au moment où il se croyait 
sûr de la victoire, toutes ses espérances confondues: 
ses bastilles enlevées, ses troupes battues en rase 
campagne, les garnisons capitulant et l'esprit des 
soldats, naguère si fier, complètement abattu, il n'a- 
vait pu croire que ce fût là l'œuvre d'une simple 
jeune fille. Il y reconnaissait quelque chose de sur- 
naturel, et n'hésitait point à le rapporter au démon. 
Il le déclare dans une lettre où il confesse en même 
temps et l'importance des pertes éprouvées par ses 
gens, et la démoralisation de ceux qui restent. A la 
nouvelle de la délivrance d'Orléans, lui-même avait 
quitté précipitamment Paris pour se retirer à Vin- 



REIMS. 117 

cennesi craignant que le contre-coup de la défaîte n'exr 
citat un mouvement populaire. Il avait eu de la peine à 
former Tarmée qui, venue pour secourir les villes de 
la Loire, se fit battre à Patay ; et depuis cette dé&tite, 
qu'il vengea par la dégradation fort imméritée de 
Falstolf, les difficultés étaient bien plus grandes en«- 
core '. 

L'Ile-de-France et le voisinage lui faisant défaut» il 
s'était tourné vers l'Angleterre, vers le duc de Bour- 
gogne. Le parlement commençait à se lasser d'une 
guerre qui savait si peu se suffire à elle-méine 
en pays de conquête. Bedford crut faire mieux en 
s'adressant directement au cardinal de Winchester. 
Le cardinal, après tous les soucis qu'il avait donnés à 
Bedford du côté de l'Angleterre par ses. querelles avec ' 
Glocester et par l'empire qu'il s'y était assuré dans 
TÊglise, lui promettait un secours ine^éré dans sa 
détresse. Pour se débarrasser de lui» on l'avait mis à 
la tète d'une croisade contre les bussites ; il s'était 
recruté une armée des deniers de l'Eglise. Or, il 
n'était point parti encore; et Bedford» tirant profit de 
ses retards» avait décidé Winchester à. mettre, provi- 
soirement cette armée au. service du roi en Fraacle 
(l""" juillet). Quelles meilleures troupes diriger contre 
celle qu'il appelait un limier de l'enfer? et à quoi 
pouvait^on mieux gagner les ipdulgences de. la croi- 
sade;?. D'autre part, il avait pressé le duc de Bour- 
gogne de venir àPajris;. et le.duc s'étaat rendu àcette 
invitation et aux instproeps des : bodrgeois» .«)»; ne 



118 LIVRE TR0181ËME. 

négligea rien pour réchauffer sa haine -contre le 
prince qui s'était souillé du meurtre de son père : 
sermon à Notre-Dame, assemblée solennelle au palais 
où on relut le traité conclu entre Jean-sans-Peur et le 
dauphin, pour raconter ensuite le meurtre qui le 
déchira. Le duc renouvela sa plainte contre Charles, 
et toute l'assemblée le serment de fidélité aux actes 
du traité de Troyes. Tout se réparait donc, ce semble ; 
mais il fallait du temps encore pour entrer en action; 
et Bedfordy en ce moment, ne pouvait combattre la 
marche du roi vers Reims que par des messages 
adressés à la ville ^ 

Les habitants de Reims ne lui demandaient d'ail- 
leurs aucun renfort. Ils inclinaient secrètement pour 
* le roi ; mais ils craignaient, en laissant percer leurs 
sentiments^ d'affaiblir la confiance qu'on avait en 
«ux, et de se faire envoyer quelque grosse garnison 
qui les gênât dans leurs résolutions postérieures, et 
les ruinât en attendant, sous prétexte de les défendre. 
Ils prenaient donc toutes les mesures nécessaires 
pour rassurer les Anglais en se réservant de se gar- 
der eux-mêmes ; et les extraits des délibérations de 
leur conseil, du mois de mai au mois de juillet, de- 
puis la bataille de Patay jusqu'à la veille du sacre, en 
offre&t des traces curieuses : <c Que les étrangers ne 
viminent de nuit, à peine d'amende arbitraire et de 
prison; qu'on garde les habitants de èommo- 
tioii ; qu'on mette gens , de jour , sur les murs 
(23 mai), d Le bruit court que plusieurs duconsmlsont 



AUMS. 119 

Armagnacs : on ya au-devant, en ordonnant au pro- 
cureur de la yille d'en faire enquête (8 juin). On 
s'occupe de fortifier et d'armer la place (13). On 
songe à un emprunt (1 7), et Ton donne au régent une 
preuve sensible du sèle de la ville à se bien mettre en 
défense : on lui demande d'appliquer aux travaux des 
fortifications les aides du roi et la gabelle (27); et le 
lendemain, sur une lettre qui arrive justement de 
Bedford, laissant au conseil toute liberté d'aviser à la 
situation présente, on décide qu'on les y emploiera. 
Mais il n'était pas bien sâr que ce dût être à son profit. 
Le 29, à la nouvelle que l'évéquede Beauvais (Pierre 
Gauchon) vient avec le bailli de Yermandois en am- 
bassade, on décide qu on les laissera entrer s'ils n'ont 
que cinq ou six chevaux, et l'on mande à G. de Châ- 
tillon, capitaine de la place^ absent alors, que l'on 
sait qu'il veut mettre garnison dans la ville, mais 
que l'on est résolu à n'en point recevoir ^ 

Voilà quelles étaient les dispositions de Reims, le 
jour même où Charles YII commençait son voyage. Les 
Anglais attendaient-ils beaucoup du concours des ha- 
bitants pour l'arrêter? Peut-être ne semblaient-ils y 
croire que parce qu'ils n'étaient point en mesure de 
s'en passer encore. Quoi qu'il en soit, les avis arri- 
vaient de toute part à Reims, comme au centre de la 
résistance à l'entreprise de Charles VU. Le duc de 
Bourgogne mandait aux habitants qu'il avait su que 
le dauphin était appelé par quelques-uns des leurs, 
et venait avec l'assurance d'être bien accueilli. Chacun 



120 LIVRE TROISIÈME. 

de ses pas leur était signalé. La troupe royale était à 
peine à Montargis, que Philibert de Moulant leur écri- 
vait de Nogent-sur-Seine pour leur en donner la nou- 
velle. Il leur annonçait qu'elle se promettait d'aller à 
Sens (il n'en fut rien) et d'y entrer portes ouvertes; mais 
il les assurait que Sens avait pris et portait la croii 
de Saint- André (la croix de Bourgogne); que ni 
Auxerre^ ni les autres villes du pays ne se souciaient 
des Armagnacs et de la Pucelle^ et que si Reims avait 
besoin de lui^ il y viendrait avec sa compagnie 
« comme bon chrétien doit faire. j> Les habitants de 
Troyes; ceux deChâlons, leur adressaient les lettres 
que Ton a vues : ceux de Troyes f pour leur dire 
que le roi venait, qu'il était venu, et finalement 
comme il était entré; ceux de Châlons, comment on 
s'apprêtait à le recevoir, et bientôt comme on l'a- 
vait reçu : lettres toutes pleines d'exhortations, 
d'abord à résister, puis à se soumettre, selon leur 
exemple*. 

G. de Chàtillon, capitaine de Reims, se trouvait 
alors à Château-Thierry. Les habitants de Reims, 
fidèles à leur politique, ne manquèrent pas de lui 
communiquer les nouvelles qui leur venaient. Le 8, 
après les premières lettres de Troyes et de Ghâlons, ils 
lui en firent connaître le contenu et lui apprirent en 
outre ce qui s'était fait dans la ville. Le conseil s'était 
réuni pour délibérer, mais il ne s'était pas trouvé en 
nombre pour conclure. Le peuple avait été assemblé 
par quartier; il avait juré de vivre et de mourir avec 



REIMS. 121 

les notables» de se goaverner selon leurs avis, de ne 
rien faire sans l'ordonnance du capitaine. Mais le 
bailli, chargé du message, devait, en l'invitant à se 
rendre dans la ville, lui faire connaître une condition 
qui montrait assez jusqu'à quel point on était dis- 
posé à suivre ses ordonnances ; c'est qu'il ne viendrait 
qu'avec une force de 40 ou 50 chevaux : assez pour 
se garder, trop peu pour faire la loi. G. de Chàtillon 
prouva bien qu'il comprenait les intentions de la 
ville sous ces démonstrations de bon vouloir. Il y 
envoya Pierre de La Vigne avec une liste d'arti- 
cles que les habitants étaient priés d'accepter, s'ils 
voulaient qu*il vînt à Reims pour y vivre et mourir 
avec eux. Il demandait que la ville fût bien et hâti- 
vement mise en état de défense; qu'elle levât une 
troupe de trois ou quatre cents hommes pour y tenir 
garnison jusqu'à l'issue de l'entreprise du dau- 
phin ; qu'oà lui assurât à lui-même et la garde de 
la place, et la faculté de résider au château de Porte- 
Mars avec cinq ou six notables, qu'il affectait de vou- 
loir bien y recevoir comme conseil, et qu'au fond il 
entendait garder comme otages ; le tout, ajoutait-il, 
« pour doute de la commotion du peuple et aussi pour 
le bien de la ville. >> — « On peut facilement juger, » dit 
l'auteur à qui on doit le résumé précieux de cette 
correspondance, « on peut juger par le comportement 
dudit seigneur de Chàtillon sur les occurrences de ce 
temps, qu'il avoit reconnu que le dessein des habi- 
tants dudit Reims étoit d'jidfpçttre et de recevoir le- 



Vf . -.■ . 



122 LIVRE TROISIÈME. 

dit dauphin en ladite ville. C'est pourquoi il ne veut 
pas y venir qu'il ne soit le plus fort', n 

Les articles, on le devine, ne furent point accep- 
tés : toutefois les habitants de Reims n'avaient point 
rompu encore , et Ton redoublait d'efforts pour les 
retenir au moment décisif. Winchester était attendu 
à Paris, et le duc de Bourgogne venait s'y concerter 
avec le régent. Le bailli de Yermandois s'empresse 
d'envoyer à Reims ces bonnes nouvelles. Il leur écrit 
le 1 que Philippe le Bon avait dû entrer la veille 
à Paris , que huit mille Anglais avaient débarqué à 
Boulogne, et que bientôt il y aurait plus belle el 
grande compagnie qui ait été, passé vingt ans; et il 
leur montrait le roi menacé sur ses derrières par le 
duc de Bourgogne, qui, maître des passages, lui fer- 
mait le retour*. 

Mais Charles VU ne songeait qu'à pousser en avant. 
Troyes s'était rendue, et Jean de Châtillon, frère du 
capitaine de Reims, cherchait vainement, par une let- 
tre du 13, à effacer l'impression que devait causer cet 
événement considérable. Il leur disait que c'était 
l'œuvre de l'évêque, du doyen de Troyes, et surtout 
du cordelier frère Richard; que les seigneurs n'y 
avaient point consenti, qu'ils avaient été contraints 
par une sédition populaire; que l'ennemi assurément 
eût été hors d'état de les forcer ; qu'il n'avait pas de 
quoi manger, qu'il avait été près de passer outre; et 
quant a la Pucelle, dont il fallait bien parler pour ex- 
pliquer comment la ville s'était rendue, il ajoutait que 



RBIMS. 183 

«on messager l'avait vue et affinnait par sa foi « que 
c'étoit la plus simple'chose qu'il vit oocques; et qu'en 
son fait n'avoit ni rime ni raison^ non plus qu'en le 
plus sot qu'il vit oncques ^ » 

Mais les habitants de Reims recevaient en même 
temps la dernière lettre de ceux de Troyes, puis une 
autre écrite de Troyes par leur archevêque, dont le 
rang auprès du roi leur était» au besoin , une garantie 
des sentiments que le roi lui-même leur avait expri- 
més. Après Troyes, c'était Châlons qui se rendait et 
pressait Reims d'imiter son exemple (16 juillet); et le 
roi, arrivant en même temps que la lettre, s'arrêtait à 
Septsaulxi à quatre lieues de Reims, n'attendant plus 
que la députation des habitants ^ 

Cette démarche ne se fit pas longtemps attendre. Ghâ- 
tillon, voyant que les événements se précipitaient, s'é- 
tait rendu à Reims avec les seigneurs de Saveuse et de 
Lisie-Adam. Il avoua aux habitants que l'armée dont' 
on leur avait tant parlé ne swait prête que dans tinq 
ou six semaines : il les priait de tenir jusque-là, pro- 
mettant qu'ils recevraient alors du secours. Mais ceux 
de Reims avaient si peu envie d'en recevoir, qu'ils 
n'avaient même pas voulu laisser entrer dans leurs 
murs les hommes que Cbâtillon, Saveuse et Lisle-Adam 
avaient amenés en grand nombre à leur suite. Les trois 
seigneurs se retirèrent, et ils n'étaient pas encore 
bien loin, que les notables, tenant conseil, envoyèrent, 
du consentement de tous , des députés au roi . Le roi 
les reçut, leur assura par lettres pleine amnistie, 



124 LIVRE TROISIÈME. 

et le même jour fit son entrée dans la ville (16 juil- 
let)*. ^ • 

L'archevêque Regnault de Chartres, qui Vy avait 
précédé dès le matin, vint à sa rencontre à la tête des 
corporations et de la bourgeoisie; et le peuple faisait 
entendre autour de lui le joyeux cri de Noël : mais 
tous les regards étaient pour la Pucelle; qui suivait le 
prince avec l'armée . Le reste du jour et toute la nuit 
furent employés aux préparatifs du sacre, qui eut lieu 
le lendemain dimanche, 17 juillet. Les maréchaux de 
Boussac et de Rais (Rais fut fait maréchal ce jour-là), 
le sire de Graville, grand maître des arbalétriers, et le 
sire de Gulan , amiral de France, allèrent à cheval, 
leur bannière à la main, chercher à Saint-Remy la 
sainte ampoule, qu'ils jurèrent, selon le cérémonial, 
de conduire et de ramener sûrement ; et sous leur es- 
corte, l'abbé, revêtu de ses habits pontificaux, la porta 
* solennellement jusque devant l'église de Saint-Denis, 
où Tarchevéque, à la tête du chapitre, la prit de ses 
mainspour la déposer sur le grand autel de Notre-Dame. 
Au pied de l'autel était le roi. Selon l'antique usage, il 
devait y être entouré des douze pairs du royaume. 
Comme on ne pouvait ni les réunir ni les attendre, les 
principaux seigneurs et les évèques présents tenaient 
la place des absents: comme pairs laïques, leducd'Â- 
lençon pour le duc de Bourgogne^ l'allié des Anglais; 
les comtes de Clermont et de Vendôme, les sires de La- 
val, de La Trémouille et de Beaumanoir; comme pairs 
ecclésiastiques, l'archevêque de Reims et l'évéque de 



REIMS. 125 

Gbâlons en vertu de leur titre, les évéques de Séez, 
d'Orléans, et deux autres prélats au nom des autres 
titulaires; L'archevêque de Reims officiait; le sire 
d'Albret tenait Tépée devant le roi. Mais il y avait en- 
core un personnage que l'antique cérémonial ne pré- 
voyait pas : c'était la Pucelle, se tenant aux côtés du 
roi, sa bannière à lamain. Après la cérémonie, quand 
le roi, fait chevalier par le duc d'Alençon, eut reçu de 
l'archevêque l'onction sacrée et la couronne, làPucelle, 
se jetant à ses pieds, lui embrassa les genoux, et, pleu- 
rant à chaudes larmes : « Gentil roi, dit-elle, ores est 
exécuté le plaisir de Dieu, qui vouioit que vinssiez à 
Reims recevoir votre digne sacre, en montrant que 
vous êtes vrai, roi et celui auquel le royaume doit ap- 
partenir. » Elle pleurait, et les seigneurs qui étaient 
là pleuraient avec elle \ . 

C'était le roi, c'était eux tous que par ces paroles 
elle prenait à témoin de la vérité de sa mission : et 
qui d'entre eux la pouvait mettre en doute? Orléans 
délivré en quatre jours de combat ; les Anglais, en 
moins d'une semaine, chassés de leurs principales 
positions sur la Loire et battus en rase campagne dans 
leur retraite; le roi mené à Reims avec une armée 
dépourvue de tout, à travers un pays occupé par l'en- 
nemi, entrant dans les villes et atteignant le but de 
son voyage sans coup férir : voilà ce qu'elle avait 
fait; et sa façon d'agir n'était pas moins surprenante 
que les résultats obtenus. Dans la première campa- 
gne, elle avait montré non-seulement l'inspiration 



126 LIVAE TROISIÈME. 

qui enlève le succès , mais Thabileté qui le prépare, 
étonnant les plus vieux capitaines par une science de 
la guerre que n'eût pas mieux donnée la plus longue 
expérience. Et dans cette nouvelle entreprise, où Ton 
avait affaire moins aux Anglais qu'à des enfants éga-* 
rés de la France, elle avait su prendre les Tilles, sans 
qu'une seule goutte de ce sang français, qui lui était 
si cher, fût répandu ^ 

Mais ce qui commandait surtout la foi en sa mis- 
sion, c'est qu'elle l'affirmait. Elle se plaisait à dire 
que son œuvre n'était que ministère, c'est-à-dire 
qu'elle ne faisait, humble servante, que ce qui lui 
était commandé; et quand on lui disait que jamais 
en aucun livre on n'avait lu choses semblables, elle 
répondait : «Messire a un livre où nul clerc n'a jamais 
lu, si parfait qu'il soit en clericature. » C'est donc à 
Dieu qu'elle en rapportait le principe; et quand elle 
l'affirmait, comment ne l'en pas croire? Tout en elle 
était d'une sainte. Sa piété, sa ferveur sont attestées 
à toutes les époques de sa vie. C'était peu pour elle 
que d'accomplir ses devoirs de bonne chrétienne; elle 
le faisait avec un zèle à en chercher les occasions, 
parmi les empêchements de toute sorte, où l'on pou- 
vait voir qu'ils n'étaient pas seulement pour elle une 
obligation de conscience, mais une joie de l'âme. 
Souvent, à la messe, pendant l'élévation eu quand 
elle communiait, ou bien encore lorsqu'elle était en 
prière, on la voyait verser des larmes. Elle se plaisait 
au son des cloches, simple et religieuse harmonie qui 



REIMS. 127 

n'est point seulement un appel à la prière , nais 
comme une voix de la terre au ciel. Elle se plaisait 
aux chants consacrés ; et chaque jour à Theure du 
crépuscule, pendant que les cloches sonnaient, elle se 
retirait dans les églises, et, rassemblant les religieux 
mendiants qui suivaient Tarmée du roi, elle leur fai* 
sait chanter quelqu'une des hymnes de la Vierge. 
Elle aimait surtout les petits et les simples, et cher- 
chait à se confondre parmi eux pour approcher de 
celui qui a dit : Laissez venir à moi les petits enfants. 
« Quand elle se trouvait, dit Pasquerel, dans un endroit 
où il y avait des couvents de moines mendiants, elle 
me disait de lui remettre en mémoire les jours où les 
petits enfants des mendiants recevaient la communion, 
afin que, ce jour-là, elle la reçut avee eux; ce qu'elle fit 
bien des fois * . » 

Ce n'était point assez pour elle que de rendre 
honneur à Dieu : elle eût voulu qu'il fût honoré de 
tout le monde; elle voulait que les soldats fussent 
comme elle dans la grâce de Celui en qui elle cher* 

chait sa force. On a vu à quel titre elle admettait les 
troupes autour de son étendard, quelles conditions 
elle réclamait pour Tassant ou pour la bataille : elle 
fit que La Hire se confessât. Ce n'était pas, sans 
doute, chose bien rare en ce temps ; mais ce qui était 
bien plus commun alors comme aujourd'hui, c'é- 
taient les jurons, les blasphèmes, cette déplorable habi- 
tude qui fait qu'on renie Dieu et qu'on se damne soi- 
même comme sans y penser. Jeanne ne se lassait pas de 



128 LIVRE TROISIÈME. 

la combattre auprès des seigneurs comme auprès des 
soldats : c( Ah ! maître, disait-elle à un des princi- 
paux chevaliers qu'elle entendait jurer ainsi, osez-vous 
bien renier notre Sire et notre Maître? En nom Dieu, 
vous vous en dédirez avant que je parte d'ici. » Et le 
chevalier se repentit et se corrigea. Elle reprenait le 
duc d'Âlençon comme les autres. On n osait plus 
jurer en sa présence; et le duc d'Alençon déclare 
que sa vue seule le contenait. Mais c'est Thabilude 
même qu'elle eût voulu déraciner de leurs cœurs, et, 
ne la pouvant détruire, elle cherchait à la transfor- 
mer en proposant à cet instinct, devenu machinal, 
une manière inoffensive de se produire. Elle avait 
décidé La Hire à ne plus jurer que par son bâton, 
et elle-même, comme pour tâcher d'en mettre l'u- 
sage à la mode, elle avait, si l'on en croit Perceval de 
Gagny, familièrement adopté cette expression : Par 
mon martin (par mon bâton)' ! 

Sa chasteté, sa pudeur, ne pouvaient jamais mieux 
se montrer que dans cette vie toute militaire. On 

s'étonnait de la voir à cheval si longtemps, comme 
étrangère aux nécessités qui l'auraient pu forcer d'en 
descendre. Quand elle le pouvait, elle allait passer la 
nuit chez l'hôte le mieux famé de la ville ou du voi- 
sinage, et partageait son lit avec quelqu'une des 
filles de la maison. Quand elle ne le pouvait pas, 
elle couchait comme les autres^ à la pa%ll€ide^ mais 
toute vêtue et renfermée dans ses habits d'homme. 
C'était peu que d'être chaste et pure ; elle inspirait la 



REIMS. 129 

chasteté aux autres. P'Aalon, son écuyer, qui la voyait 
plus familièrement que personne, quand il Tarmait, 
quand il dut panser ses blessures , Âlençon qui l'avait 
près de lui dans toute la campagne de la Loire, Du- 
noisqui la suivit presque partout, s'accordent adiré, 
comme les deux chevaliers sous la garde desquels 
elle vint de Yaucouleurs, que jamais sa vue n'éveilla 
en eux aucune pensée dont elle eût pu rougir. 11 est 
inutile de dire qu'elle ne pouvait souffrir la présence 
de ces femmes qui se mêlaient aux armées, à la honte 
de leur sexe. Plusieurs fois, elle ordonna qu'elles 
fussent toutes renvoyées. Aucune n'eût osé se montrer 
devant elle, et elle ne tolérait pas davantage qu'une 
fille suivit son amant, fût-il chevalier, à moins de se 
majrier. Un jour elle en poursuivit une, Tépée levée, 
mais sans la frapper pourtant, et en l'avertissant avec 
douceur de ne plus se trouver dans la société des 
hommes d'armes^ ou qu'elle lui ferait déplaisir. Une 
autre fois elle fit plus : elle brisa son épée sur le dos de 
l'une d'elles, l'épée de sainte Catherine! Le roi en fut 
fâché pour l'épée, et lui dit qu'elle aurait mieux fait 
de prendre un bon bâton. Mais elle tenait plus à l'hon- 
neur de son sexe qu'à l'épée de sainte Catherine*. 

Si elle voulait rappeler le soldat aux devoirs du 
chrétien, elle tâchait, à plus forte raison, de le 
soustraire à ces habitudes de pillage et de meurtre 
qui trouvent dans la vie des camps trop d'occasions 
de se satisfaire. Elle avait horreur du sang versé. 
C'était pour ne tuer personne qu'elle portait à la main 
1 9 



IdO LIVRE TROISIÈME. 

son étendard dans les batailles. Elle n'imposait pas 
cette loi aux siens, sans doute, mais elle condamnait 
tout ce que la nécessité ne commandait pas. Un jour 
un Français ayant frappé à la tête et blessé griève* 
ment un des Anglais prisonniers qu'il avait sous 8a 
garde, Jeanne descendit de cheval, soutint le blessé 
par la tète, et lui fit donner les secours de la religion 
tout en lui prodiguant les siens. Quant au pillage, 
cette cause de violences et quelquefois de meurtres, 
elle ne le tolérait pas plus volontiers. Elle ne répon- 
dait de la victoire qu'à la condition qu'on ne pren- 
drait rien à personne et qu'on ne ferait aucune violence 
aux pauvres gens. Pour sa part, même quand on 
manquait de vivres, elle refusait de prendre rien de 
ce qui avait été enlevé. Sa bonté était extrême et s'é- 
tendait à toutes les misères. Elle faisait volontiers 
l'aumône; elle donnait aux autres pour qu'ils la fis- 
sent aussi ; elle disait qu'elle était envoyée , pour la 
consolation des indigents et des pauvres. Quant aux 
blessés qui étaient plus spécialement confiés à sa 
sollicitude, elle avait les mêmes soins pour tous, qu'ils 
fussent Anglais ou Français. Et avec tout cela, elle 
était si simple que sa bonté faisait oublier sa gran- 
deur, et qu'un des témoins du procès déclare naïve- 
ment qu'il voudrait avoir une aussi bonne fille ^ 

Cette simplicité, cette innocence, cette douceur 
qui se gardaient inaltérables jusque dans le trouble 
de la vie des camps, rendaient plus étonnantes en- 
core les grandes qualités qu'elle montrait dans la 



REIMS. 131 

conduite des armées. Ses compagnons admiraient en 
elle, non-seulement le courage du chevalier ou le 
coup d'œil du grand capitaine, mais une science et 
comme une habitude de la guerre que le temps sem-» 
ble seul pouvoir donner. Le duc d'Alençon qui, dans 
la campagne de la Loire, commandait à côté d'elle, 
et on peut dire sous elle, n'hésite point à constater 
par le récit des faits, et à reconnaître expressément 
par ses paroles, cette supériorité dont tout le monde 
s'étonnait : « En toutes choses, dit-il, hors du fait de 
la guerre, elle était simple et comme une jeune fille; 
mais au fait de la guerre, elle était fort habile soit à 
porter la lance, soit à rassembler une armée, à or- 
donner les batailles ou à disposer Tartillerie. Et tous 
s'étonnaient de lui voir déployer dans la guerre Tha^ 
bileté et la prévoyance d'un capitaine exercé par une 
pratique de vingt ou de trente ans. Mais on Tadmi- 
rait surtout dans l'emploi de l'artillerie, où elle avait 
une habileté consommée. » Ce n'est point là le propre 
d'une mystique, et la, Sibylle française, comme l'ap- 
pelait un clerc allemand dans un écrit de ce temps- 
là (juillet- septembre 1429), ne ressemblait guère à 
toutes celles qu'il énumère en tète de son livre pour 
la rattacher à des antécédents. Jeanne, dont on vou- 
drait faire une visionnaire à cause de ses visions, 
était loin, toute pieuse qu'elle fût, d'être absorbée 
dans les paisibles contemplations de l'extase. C'était, 
comme on l'a pu voir déjà par le tableau même de 
ses premières campagnes, une nature pleine de vi- 



132 LIVRE TROlSiÈME. 

yacité et d'eniraiiiy faisant pour sa part métier de 
soldat et de chef de troupes, et ne différant des autres 
que par ces illuminations de Tesprit et ces vertus 
angéliques, où Ton pouvait voir un rayonnement de 
la force qui l'animait*. 

Si les résistances devaient survivre au sacre en 
certain lieu, les hommages n'avaient point attendu 
jusque-là pour lui venir de toutes parts. Les -cheva- 
liers ahandonnaient leurs propres panonceaux pour 
s'en faire faire à l'imitation de sa bannière. Le roi 
lui avait donné un état de maison qui la faisait l'égale 
d'un comte, ne voulant pas que personne dans l'ar- 
mée eût lieu de mépriser son dénûment; et elle sou- 
tenait son rang parmi les seigneurs sans vanité 
comme sans fausse modestie. Elle avait reçu des Or- 
léanais une robe à la livrée du duc d'Orléans ; du 
duc de Bretagne, des compliments d'abord, et à la 
suite de la bataille de Patay une dague et des che- 
vaux de prix. Elle recevait ces présents : elle en fai- 
sait à son tour, et même aux plus grandes dames, 
usant familièrement de réciprocité sans prétendre les 
égaler d'ailleurs, et s'excusant avec grâce de la mo- 
dicité de ses dons. Mais elle aimait surtout, selon le 
précepte de l'Evangile, à donner à ceux de qui elle 
n'espérait rien recevoir ; et pour cela elle ne craignait 
pas de recourir à son crédit. Pendant qu'elle de- 
meurait à Tours, elle avait pris en amitié la fille da 
peintre qui décora son étendard et sa bannière. Cette 
jeune fille se mariant, elle demanda, par une lettre 



REIMS. 133 

adressée au conseil de Tours, qu'il lui donnât cent 
écus pour son trousseau. Après le sacre, ce qu'elle 
demanda au roi et ce qu'elle obtint pour prix de celte 
couronDe qu'elle avait fait poser sur sa lète, c'est 
qu'il usât de sa prérogative pour exempter d'impôt le 
village où elle était née. Le père de Jeanne, qui la 
vint rejoindre à Reims, put en rapporter la nouvelle 
aux habitants de Domremy^ 

Si Jeanne recevait des grands ces honneurs, que 
ne devait-elle pas attendre du peuple? C'était comme 
une adoration, et elle ne savait comment s'en défendre. 
On se jetait aux pieds de son cheval, on baisait ses 
mains et ses pieds, et l'accusation, qui plus tard de- 
vait recueillir précieusement les moindres traits de 
ces l\pmmages populaires pour les faire tourner à sa 
perte, constate que l'on portait des médailles à son 
effigie, qu'on plaçait son image dans les églises, et 
qu'on la mentionnait dans les prières de la messe. 
Jeanne ne demandait pas mieux que de savoir qu'on 
priât pour elle; mais son bon sens la mettait en garde 
contre l'enivrement de ces honneurs, et quand les 
docteurs lui disaient qu'elle faisait mal de les souf- 
frir, qu'elle entraînerait les peuples à l'idolâtrie, 
elle répondait avec simplicité : « En vérité, je ne 
m'en saurais garder, si Dieu ne m'en gardait lui- 
même'.» 

La foi en elle, l'enthousiasme était donc général, 
et il y en a, dans le temps même, des témoignages de 
diverses sortes. Le comte d'Armagnac lui écrivait 



134 LIVRE TROISIÈME. 

pour savoir à quel pape il fallait se soumettre 
(août 1 429) ; Bonne Yisconti^ pour qu'elle la rétablit 
dans le duché de Milan; et sa lettre portait cette sus^ 
cription : « A très -honorée et très -dévote Pucelle 
Jeanne, envoyée du Roi des cieux pour la réparation 
et extirpation des Anglais tyrannisans la France, m 
Christine de Pisan, presque septuagénaire, sentait se 
ranimer en elle un reste d'inspiration pour chanter 
celle qui avait conduit son peuple comme Josué, qui 
Tavait sauvé comme Gédéon, qui avait surpassé en 
prodiges Ësther, Judith et Débora : « Et sachez, s'é- 
criait-elle, 

Et sachez que par elle Anglois 
Seront mis jus (à bas) sans relever, 
Car Dieu le veult. 

Et déjà elle voyait non-seulement Paris ouvrant 
ses portes à Charles YII et les Anglais chassés de 
France, mais l'Église paciûée et la terre sainte re- 
conquise ^ 

Mais une plus franche poésie se développait dans 
les traditions qui s'attachaient à sa personne. Déjà la 
légende naissait pour elle à côté de Thistoire, et l'i- 
magination populaire parait de ses fantaisies les pro- 
diges bien plus sérieux qu'elle opérait. Au siège d'Or- 
léans, les Anglais déclaraient avoir vu deux prélats 
cheminant en habits pontificaux tout à l'entour des 
murailles de la ville; et Ton ne doutait pas que ce ne 
fussent les deux patrons de la cité, saint Ëuverte et 



REIMS. 135 

saint Aignan, qui Tavaient jadis sauvée des mains 
d'Attila. Au moment où Jeanne avait donné le signal 
du dernier assaut, une colombe avait paru planant 
au-dessus de son étendard ; à Troyes» « une infinité 
de papillons blancs » voltigeant à Tentour; et à la 
veille du voyage de Reims, on avait vu dans le Poitou 
« des hommes armés de toutes pièces chevaucher en 
Tair sur un grand cheval blanc, se dirigeant des mers 
d'Espagne vers la Bretagne et criant aux populations 
efErayées : Ne vous esmayez (n'ayez peur). » — C'est 
l'Angleterre qui devait trembler ^ 

11 était plus facile encore de répandre le merveil- 
leux sur sa naissance, sur ses premières années. Sa 
naissance avait été divinement présagée. La nuit 
qu'elle vint au monde (c'était TÉpiphanie), les gens 
du peuple avaient, sans savoir pourquoi, senti en eux 
une joie inexprimable; ils couraient çà et là, deman- 
dant ce qu'il y avait de nouveau ; les coqs avaient 
fait entendre des chants inaccoutumés, et pendant 
deux heures on les vit battant de l'aile comme en pré- 
sage de cet événement. Son enfance n'avait pas été 
moins bénie. Pendant qu'elle gardait les brebis, les 
oiseaux des champs venaient à sa voix, comme pri- 
vés, manger son pain dans son giron ; jamais le loup 
n'approcha du troupeau confié à sa garde, ni l'ennemi 
ou le malfaiteur, du toit paternel tant qu'elle l'habita. 
Qu§ind elle eut sa première révélation, ses compagnes 
jouant avec elle la défiaient à la course ; elle courait, 
ou plutôt elle volait ; ses pieds rasaient le sol sans y 



136 LIVRE TROISIÈME. 

toucher. Voilà ce qu'on disait, voilà ce que recueil- 
lait déjà Perceval de Boulainvillers dans une lettre 
écrite au duc de Milan, Philippe-Marie Visconti, le 
21 juin 1429, trois jours après la bataille de Patay, et 
terminée pendant le voyage de Reims. « Cette Pucelle, 
ajoutait-il, plaçant auprès de ces fictions un portrait 
fait au naturel, est d'une rare élégance, avec une atti- 
tude virile. Elle parle peu et montre une merveilleuse 
prudence dans ses paroles. Elle a une voix douce 
comme une femme, mange peu, boit peu de vin ; elle 
se plaît à cheval sous une armure brillante. Elle aime 
autant la société des gens de guerre et des nobles, 
qu'elle aime peu les visites et les conversations du 
grand nombre; elle a une abondance de larmes, et le 
visage serein ; infatigable à la peine, et si forte à por- 
ter les armes , que pendant six jours elle demeure 
(Tomplélement armée, jour et nuit *. » 

Bien d'autres lettres, sans doute, et il en est resté 
plusieurs, portaient au loin le bruit de sa renommée. 
Celles mêmes qui laissent de côté le merveilleux de 
fantaisie témoignent de la même foi en ses succès, en 
ses prédictions, jusque dans lestermes où les exagé- 
rait le bruit populaire. Des envoyés de quelque ville 
au prince d'Allemagne qui donnent une curieuse et 
très-précise relation du siège d'Orléans et de la cam- 
pagne de la Loire, y compris la bataille de Patay, et 
qui par conséquent écrivent après le 1 8 juin,diseDtque 
a la Pucelle a garanti qu'avant que le jour de la Saint- 
Jean-Baptiste de l'an 29 arrive (avant huit jours) il 



REIMS. 137 

ne doit pas y avoir un Anglais, si fort et si vaillant soit- 
il, qui se laisse voir par la France, soit en campagne 
soit en bataille ; » et le terme n'a rien qui les étonne : 
on croit que rien ne lui peut résister. Le secrétaire de 
la ville de Metz, qui écrit pendant le voyage de Reims, 
le 16 juillet, ne met en doute aucun des bruits qui lui 
signalent les villes comme prises ou près deTêtre: car 
u tout ce que le dauphin et la Pucelle entreprennent 
leur réussit en tout sans aucune résistance ; » et il 
montre qu'il y avait tout à Tentour autant de repu- 
gnance à Taller combattre que d'empressement à ser- 
vir avec elle. Le duc de Bourgogne s'était vu réduit 
à l'inaction , les Flamands et les Picards refusant de 
l'aider hors de leur pays; et au contraire beaucoup 
de chevaliers partaient des pays allemands pour n al- 
ler trouver le dauphin à Reims : » on Tapprend par 
cette lettre ; et l'on voit en effet Robert de Sarrebruck 
et le seigneur de Commercy venir avec le duc de Bar, 
René d'Anjou, héritier désigné de la Lorraine, rejoin- 
dre le roi le jour du sacre où peu après *. 

On était donc plein de confiance et d'espoir. Le 
sacre, loin d'être le terme où l'on dût s'arrêter, ne se 
montrait que comme le point de départ de la con- 
quête. La couronne que le prince y recevait était le 
gage du royaume qu'il avait à reprendre, et dans 
l'armée et dans le peuple il y avait un élan immense 
pour Ty aider. Comment ces espérances furent-elles 
déçues? La mission de Jeanne se terminait-elle au 
sacre, et la victoire a-t-elle dès lors cessé de la sui- 



138 LIVRE TAOISIËME. 

vre parce que la force qui la faisait vaincre ne la 
dirigeait plus? C'est ce qu'il importe d'examiner de 
plus près, au moment de passer de la période triom* 
phante qui aboutit à Reims à celle qui a pour terme 
Rouen. 



^ 



LIVRE QUATRIÈME. 



COMPIÈGNE. 



La mission de Jeanne d'Arc finissait-elle au sacre? 
On Ta soutenu très-anciennement déjà et on le répète 
encore tous les jours, comme pour mieux établir la 
vérité de son inspiration, au risque d'amoindrir son 
caractère. On dit qu'après la cérémonie elle se voulait 
retirer, mais qu'on la retint et qu'elle resta, cessant 
dès ce moment d'être l'envoyée de Dieu pour n'être 
plus que l'instrument d'une politique tout humaine ; 
et l'on allègue à l'appui de cette opinion les déclara- 
tions mêmes de Jeanne d'Arc. Mais pour la ramener à 
sa juste valeur, il a suffi d'examiner de plus près les 
textes dont elle s'appuie. 

Dunois raconte que lorsqu'on traversa la Ferté et 
Crespy-en-Valois, comme le peuple accourait criant 
Noël^ Jeanne, qui était à cheval entre Tarchevêque de 



140 LIVKË QUATRIÈME. 

Reims et le bâtalrd d'Orléans, dit : «Voilà un bon peuple, 
et je n'ai jamais vu peuple qui se réjouît tant de l'arrivée 
d'un si noble prince. Et puissé-je être assez heureuse 
pour finir mes jours et être inhumée en cette terre ! 
— Jeanne, lui dit l'archevêque, en quel lieu croyez- 
vous mourir? » Elle répondit ; « Où il plaira à 
Dieu, car je ne suis assurée ni du temps, ni du 
lieu, pas plus que vous-même. Et que je voudrais 
qu'il plût à Dieu, mon créateur, que je m'en retour- 
nasse, quittant les armes, et que je revinsse servir 
mon père et ma mère, gardant leurs troupeaux avec 
ma sœur et mes frères, qui seraient bien aises de me 
voir ! » 

Cette anecdote^ racontée par Dunois lui-même, est 
reproduite dans la Chronique de la Pucelle et dans le 
journal du siège d'Orléans, mais avec cette variante : 
Jeanne dit à Dunois : « J'ai accompli ce que Messire 
m'avoit commandé, qui étoit de lever le siège d'Or- 
léans et faire sacrer le gentil roi. Je voudrois bien 
qu'il voulût me faire ramener auprès mes père et mère, 
etc. » La Chronique de la Pucelle est d'un contempo- 
rain et d'un homme généralement bien informé. On 
lui peut reconnaître le droit d'ajouter de son propre 
fonds aux traits qu'il prend ailleurs. Mais ici l'addi- 
tion est telle qu*elle change, presque à l'insu de 1 au- 
teur, tout le sens du passage : car ce n'est plus de 
Dieu, c'est du roi que la Pucelle, dans la forme nou- 
velle du récit, paraît vouloir obtenir son retour auprès 
de ses parents! On peut donc dire que la leçon est 



COMPIËGNE. 141 

sans valeur en face da texte parfaitement clair de To- 
riginal. Évidemment, dans ce récit, les paroles de 
Jeanne ne sont ni un aveu que sa mission est terminée, 
ni un désaveu de l'entreprise qu'elle poursuit : c*est 
le cri du cœur au milieu des répugnances naturelles 
qu'elle savait vaincre pour obéir à ses voix ; comme 
à Vaucouleurs, quand elle demandait à partir, dé- 
clarant qu'il ny aurait de salut que par elle, elle 
ajoutait : ((Etpourtant j'aimerais bien mieux filer au- 
près de ma pauvre mère ; car ce n'est pas mon état : 
mais il faut que j'aille et que je le fasse, parce que 
Messire veut que je fasse ainsi \ » 

S'il y avait un doute possible entre ces deux ver- 
sions, il y aurait un moyen sûr de le lever : c'est de 
recourir aux déclarations les plus authentiques de 
Jeanne. Or il y en a une qui remonte au commence- 
ment de sa mission, et qui est contenue dans un do- 
cument signé d'elle : je veux parler de la lettre qu'elle 
adressa aux Anglais avant de les attaquer. Dans cette 
lettre, datée du 22 mars 1 429, elle leur dit expressé- 
ment : (( Je suis cy venue de par Dieu le Roi du ciel, 
corps pour corps, pour vous bouter hors de toute 
France. » C'est ce qu'elle avait dit à Vaucouleurs, 
à Chinon, à Poitiers; c'est ce qu'elle répétait à toutes 
les époques de sa carrière, si l'on s'en réfère aux 
témoignages les plus autorisés*. 

Parmi ces documents, il y a en effet des distinc- 
tions à faire. 

Les témoignages qui se rapportent aux premiers 



142 LIVRK QUATRIÈME. 

teropàdé la mission de Jeanne, aux mois de juin ou 
de juillet 1429, à la veille ou au lendemain du sacre, 
sont unanimes à ne marquer d'autre terme à sa 
mission que Texpulsion des Anglais. C*est ce que dit 
Perceval de Boulainvillers dans sa lettre citée plus 
baut : « Elle affirme que les Anglais n*ont aucun 
droit en France, et qu'elle est envoyée de Dieu pour 
les chasser et les vaincre, toutefois aprhs les avoir 
avertis....» préliminaires auxquels Jeanne tenait 
beaucoup, et dont la mention prouve queTauteur est 
bieninformé. C'est ce que disent encore, on Ta vu, 
les envoyés allemands, marquant pour terme à Tac- 
complissement de sa parole, le 25 juin : ils écrivaient 
moins de huit jours auparavant! C'est ce que ré- 
pète , moins le terme ajouté peut-être par le bruit 
populaire, Alain Chartier dans une lettre écrite 
un mois plus tard , vers la fin de juillet : u Dé* 
livre Orléans, lui dit la voix, mène sacrer le roi à 
Reims , reconduis^le à Paris et le rétablis dans son 
royaume. » C'est ce que répètent en France et en 
Allemagne les docteurs qui examinent si Ton doit 
croire à sa déclaration : Jean Gerson, Jacques Gelu, 
qui se prononcent pour elle en raison même du 
but qu'elle se propose : « le rétablissement du roi 
dans son royaume et l'expulsion de ses ennemis; » 
Henri de Gorcum, qui, après avoir rappelé ce même 
objet de sa mission, se borne à donner six raisons 
pour et contre, laissant à d'autres le soin de pour- 
suivre l'enquête et de conclure; l'auteur enfin de 



COMPIËGNE. 143 

la Sibylle française, qui, loin de douter , montre 
pourquoi Dieu devait se prononcer en faveur de la 
pieuse France contre la cruelle Angleterre, et choi- 
sir une jeune fille afin que le royaume, perdu par 
une femme, fût recouvré par une femme; et il joint 
aux prédictions de la Nouvelle Sibylle ses prophé- 
ties à lui, qui ne sont pas toutes aussi infiiillibles. 
L'objet de la mission de Jeanne était donc bien l'ex- 
pulsion des Anglais ; et Christine de Pisan ne lui 
en marquait pas d'autre^ quand, pour chanter cette 
guerre sacrée de la délivrance, elle retrouvait le cri 
de la Croisade : 

Et sachez que par elle Angloîs 
Seront mis jus sans relever : 
Car Dieu le veult*. 

Les témoins entendus au procès de réhabilitation 
paraissent quelquefois réduire la mission de Jeanne 
aux faits d'Orléans et de Reims. Simon Charles, pré* 
sident de la chambre des comptes, dit qu'en arrivant 
à Chinou elle déclarait avoir reçu de Dieu deux com- 
mandements : Tun de faire lever le siège d'Orléans, 
l'autre de mener le roi à Reims pour qu'il y fût sa- 
cré. C'est ce que disent aussi le conseiller Garivel, 
récuyer Thibault; et Dunois semble même exclure 
tout autre objet, lorsqu'il dit « que Jeanne, bien que 
souvent sur le fait des armes elle parlât par manière 
de plaisanterie, pour animer les gens de guerre, de 
befiucoup de choses touchant la guerre qui peut-être 



144 LIVRE QUATRIÈME. 

ne soDt point arrivées à re£Fet, cependant, quand 
elle parlait sérieusement de la guerre, de son fait et 
de sa mission, elle ne déclarait jamais affirmative- 
ment autre chose, si ce n'est qu'elle était envoyée 
pour faire lever le siège d'Orléans, secourir le peuple 
opprimé dans cette ville et lieux circonvoisins, et me«- 
ner le roi à Reims pour le faire consacrer ^ » 

Mais si les témoins de 1429 écrivaient au milieu 
de tous les entraînements des espérances populaires, 
ceux du procès de réhabilitation n'ont-ils pas pu se 
réduire à ne parler que des faits que Jeanne avait 
accomplis? Il est juste de se défier de la réserve des 
uns au moins autant que de l'exagération des autres; 
et à part quelques traits de la lettre des Allemands, où 
l'on sent trop qu'ils ont moins recueilli la parole de 
Jeanne que des bruits de la foule, c'est aux pre- 
miers qu'il faut s'attacher de préférence : car ce qu'ils 
' disent, Jeanne elle-même non-seulement l'a déclaré 
dans. sa lettre, mais l'avoue et le maintient dans son 
procès. 

Dans le dixième des 70 articles proposés contre elle, 
on lit qu'elle prétend « avoir eu par saint Michel, 
sainte Catherine et sainte Marguerite, cette révélation 
de Dieu, qu'elle ferait lever le siège d'Orléans, cou- 
ronner Charles, qu'elle dit son roi, et chasserait tous 
ses adversaires du 'royaume de France. » Et Ton ne 
peut pas dire que ce soit une allégation mensongère 
de ses juges , invention dont on les pourrait bien 
croire capables, à voir toutes les faussetés que l'ac- 



GOMPIËGNE. 145 

cusation y ajoute pour entacher sa prédiction de sor- 
tilège quand révénement la vérifiait! Jeanne en con- 
vient ; (c elle confesse qu'elle porta les nouvelles de 
par Dieu à son roi, que notre Sire lui rendroit son 
royaume, le feroit couronner à Reims et mettre hors 
ses adversaires; » et elle ajoute, « qu'elle disoit tout 
le royaume, et que si monseigneur le duc de Bour- 
gogne et les autres sujets du royaume ne venoient en 
obéissance, le roi les y feroit venir par force. » Elle 
confirme enfin ses précédentes déclarations sur ce 
sujet, lorsque le 2 mai, dans la séance de l'admo- 
nition publique, interrogée sur l'habit d'homme 
qu'elle portait toujours, et pourquoi elle le portait 
sans nécessité, par exemple dans la prison (on verra 
si dans la prison il lui fut inutile), elle répondait : 
a Quand j'aurai fait ce pour quoi je suis envoyée de 
par Dieu, je prendrai habit de femme. » Même dans 
sa prison de Rouen, et à la veille de monter au bûcher, 
elle ne croyait donc pas sa mission terminée; elle 
ne le pouvait pas croire tant qu'elle vivait, et qu'il 
y avait un Anglais en France. On peut même avancer 
qu'elle ne croyait pas sa mission bornée là; et ce 
que Perceval de Boulainvilliers dit encore dans sa 
lettre, touchant le duc d'Orléans qu'elle comptait dé- 
livrer, trouve dans les déclarations de Jeanne au pro- 
cès une entière confirmation. On demande à Jeanne 
comment elle entendait délivrer le duc d'Orléans : se- 
lon le bruit public recueilli par Boulainvilliers, c'était 
par un miracle. Elle écarte le miracle, et répond 

I 10 



146 LIVRE QUATRIÈME. 

hardiment « qu'elle aurait pris en deçà de la mer 
assez d'Anglais pour le ravoir (par échange) ^ et si 
elle n'en eût pris assez, elle eût passé la mer pour 
Taller chercher en Angleterre par force. » Elle ajou-» 
tait que^ si elle eût duré trois ans sans empêchement^ 
elle Teût délivré '. 

Ce quadruple objet de la mission de Jeanne : le- 
vée du siège d'Orléans, sacre du roi à Reims, expuU 
sion des Anglais, délivrance du duc d'Orléans, c'est 
ce qu'atteste d'ailleurs un témoin du procès de la 
réhabilitation, qui n'avait pas moins été que Dunois 
dans la compagnie de la Pucelle : le duc d'Alençon. 
« Elle disait, déclare4*il, qu'elle avait quatre charges : 
mettre les Anglais dehors, faire consacrer et couron- 
ner le roi, délivrer le duc d'Orléans et faire lever le 
siège mis par les Anglais devant Orléans. » Est-ce à 
dire que Jeanne dût atteindre à ce quadruple but 
sous peine d'être en contradiction avec soi-même? 
Non assurément. Elle disait qu'elle était envoyée 
pour le faire, mais non qu'elle le ferait en tout état 
de cause. Il fallait qu'on y aidât. Et les choses dont 
elle avait annoncé l'accomplissement au roi finirent 
après tout par s'accomplir» Seguin, un de ceux qui 
l'entendirent à Poitiers, tout en rappelant lui-même 
les quatre points de la déposition du duc d'Âlençon, 
constate, à l'honneur de Jeanne, qu'on les a vus 
accomplis *. 

Le rôle de Jeanne n'était donc point terminé à 
Reims., et si le succès ne répond plus à ses efforts, 



GOMPltGNE. 147 

ce n'est point que la grâce de sa mission lui fasse 
défaut. Serait-ce qu'elle-même a manqué à sa mi»* 
sien? C'est ce que Thistoire \a nous montrer. 

Quand on reprend la série des faits, une réflexion 
vient ajouter une nouvelle force^aux conclusions que 
nous avons tirées des témoignages : c'est que si 
Jeanne, après le sacre, avait songé à retourner dans 
sa famille, ce n'est pas la politique de Charles YII qui 
l'en eût empêchée : car cette politique était toujoura 
celle de La Trémouille et de sa faction. C'était pour 
eux un grand effort que d'avoir achevé le voyage de 
Reims. La chose faite, ils n'avaient pas lieu de re- 
gretter d'être venus jusque-là sans doute; mais la 
suite permet de croire qu'ils n'étaient pas tentés 
d'aller plus loin. * 

Le roi sacré à Reims , la Pucelle voulait qu'il en- 
trât dans Paris. Tout le monde s'y attendait et Bed- 
ford le premier. Dans une lettre datée du 16 juillet, 
la veille du sacre, le régent, annonçant au conseil 
d'Angleterre que Reims, après Troyes et Châlons , 
devait le lendemain ouvrir ses portes au dauphin (le 
dauphin y entra ce jour même)» ajoutait : « On dit 
qu'incontinent après son sacre il a intention de venir 
devant Paris et a espérance d'y avoir entrée ; mais 
à la grâce de N. S. , aura résistance, m Mais ai les 
villes, de Gien à Reims, avaient montré si peu d'ar- 
deur à le combattre, devaient-elles , après le sacre, 
résister mieux, de Reims à Paris? Le ton même du 



148 LIVRE QUATHIËME. 

message de Bedford prouve qu'il n'en était pas si 
assuré. Le sacre, il le sentait bien, devait produire 
partout une impression considérable en France. C'est 
pour cela que dans cette lettre il manifeste tant de 
regrets que le jeune Henri VI n'ait pas prévenu son 
rival, tant d'impatience qu'il vienne en France se 
faire sacrer à son tour a en toute possible célérité : n 
car, ajoute-t-il, a s'il eût plu à Dieu que plus tôt y fût 
venu, ainsi que jà par deux fois lui avoit été supplié 
par ambassadeurs et messagers, les inconvénients ne 
fussent pas tels qu'ils sont. » A défaut de Notre-Dame de 
Reims, il fallait donc lui garder au moins Notre-Dame 
de Paris. Or, dans cet ébranlement général, Paris 
même n'était pas sûr ; et pour le garder le régent en 
était réduit à compter sur deux hommes qui n'étaient 
là ni l'un ni l'autre, le duc de Bourgogne qui venait de 
partir, et le cardinal de Winchester qui n'arrivait pas*. 
Winchester n'arrivait pas, et il n'y avait guère 
lieu de s'en alarmer encore. Le traité par lequel le 
cardinal s'engageait à mettre sa troupe au service du 
roi était du 1" juillet; l'ordre de lui rembourser ce 
qu'il avait dépensé, du 5 : mais Bedford ne peut con- 
tenir son impatience. Il annonce qu'il se rend le sur- 
lendemain en Normandie, puis en Picardie pour al- 
ler à sa rencontre : il semble qu'il veuille le prendre 
au débarquement, de peur qu'il ne lui échappe. Le 
duc de Bourgogne était parti ce jour même (le 16), 
promettant d'amener des renforts; et Bedford se loue 
extrêmement des services qu'il a rendus et de ceux 



CMPIÈGNS. 149 

qu'il va rendre; il va jusqu'à dire que sans lui 
« Paris et tout le remenant s'en alloit à cop (était 
perdu)! » Mais le duc avait-il bien sincèrement oublié 
tant de griefs personnels, si capables de contre- 
balancer en lui les raisons qui l'avaient entraîné vers 
les ennemis de sa race : les prétentions de Glocester 
sur leHainauty les refus de Bedford touchant Orléans? 
et ne savait-il pas que ceux-là mêmes qui venaient 
de lui rappeler avec tant d'éclat le meurtre de son 
père, avaient naguère eu la pensée de se débarrasser 
de lui de la même sorte ? Invité par la Pucelle à se 

• 

rendre à Reims , A était venu à Paris. Mais la cam- 
pagne qui avait si rapidement conduit au sacre- pou- 
vait bien l'ébranler comme les autres. Le 16, après 
les cérémonies organisées à Paris par Bedford, on 
avait pu le voir partir avec quelque espérance. Le 17, 
après les cérémonies de Reims , on ne pouvait plus 
être assuré de le voir revenir*. 

Telle était la situation de Bedford : tout semblait 
se dérober à lui ; et Paris même était au roi, si le roi 
suivait ce mouvement qui devait s'accroître à chaque 
pas et devenir, par son progrès, irrésistible. C'était 
à quoi poussait Jeanne d'Arc; mais la cour était de 
tout autre humeur. Empêcher le retour du duc de 
Bourgogne et prévenir l'arrivée de Winchester, voilà 
ce qu'il fallait faire; et marcher en avant pour arrê- 
ter le second était encore le plus sûr moyen.de rete- 
nir le premier. On aima mieux commencer par entrer 
en négociation avec le duc de Bourgogne ; on pensa 



150 LIVRE QUATRIÈME. 

que, lui gagné, TAnglais serait déjà vaincu; et Jeanne 
dut accommoder sa conduite aux décisioAS qui avaient 
prévalu. 

Ce n'est pas qu'elle répugnât aux négociations. 
C'est par là qu'elle avait commencé, même à Tëgard 
des Anglais ; et si elle souhaitait moins de vaincre 
l'ennemi que de faire qu'il se retirât volontairement, 
k plus forte raison désirait-elle user des moyens dé 
persuasion envers des Français. Elle avait déjà écrit 
à Philippe le Bon avant le sacre. Elle lui écrit le jour 
même de la cérémonie ; et sa lettre lui fut portée peut- 
être par la députation que le roi lui envoyait pour le 
ramener à sa cause. Jeanne aussi veut triompher de 
sa résistance; mais comme sa lettre diffère par le ton 
et l'accent des lettres qu'elle avait écrites aux Anglais 
avant de les combattre 1 Les Anglais sont des ennemis : 
elle les somme de partir, sans autre alternative que 
d'être mis dehors : car c'est pour cela qu'elle est en« 
voyée. Le duc de Bourgogne est du sang royal, c*est 
un fils égaré de la France : elle le supplie, elle le 
conjure à mains jointes de faire la paix, ne craignant 
pas de se faire trop humble ; car une chose la relève 
dans cet abaissement, et donne une singulière auto- 
rite à ses prières : c'est qu'elle sait, c'est qu'elle af- 
firme que s'il refuse il ne peut être que vaincu. Elle 
le prie donc, non par aucun intérêt de parti, mais 
parce que « sera grani pitié de la grant bataille et du 
sang qui y sera réspendu; » car c'est le sang de France ^ 

Jeanne s'accordait donc avec la cour pour négocier; 



G0MPIË6NB. 151 

mais tout en négociant elle voulait agir aussi : elle 
croyait que l'action était tout à la fois un moyen de 
soutenir les négociations ou d'y suppléer au besoin. 
D'ailleurs, si peu disposé que Ton fût à courir de 
nouveaux hasards, il y avait à faire, aux alentours, 
plusieurs conquêtes qui promettaient d'ajouter sans 
péril au prestige du voyage. En attendant que le duc 
de Bourgogne répondît, le roi s'occupa de rallier 
les villes disposées à se soumettre. Après quatre jours 
passés à Reims, ayant accompli dans l'abbaye de 
Saint-Marcoul les pratiques de tout roi nouvellement 
sacré, il vint à Yailly-sur- Aisne, où les bourgeois de 
Soissons et de Laon lui apportèrent les clefs de leur 
ville. Le 23, il se i^endit à Boissons, et là de nou- 
velles députations vinrent mettre en son obéissance 
Château ^Thierry, Provins, Coulommiers, Grécy en 
Brie*. 

Il y avait pourtant un ordre à suivre dans cette 
marche victorieuse, pour la faire aboutir à la déli- 
vrance du royaume. Le roi avait reçu sa couronne : 
Jeanne voulait qu'il reprit sa capitale ; et cette suite 
de soumissions, obtenues à si peu de frais, lors* 
qu'elles n'étaient pas entièrement spontanées, devait» 
selon son plan, mener droit à Paris. Mais les courtisans 
trouvaient plus sûr et plus commode de prendre 
Paris par le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, 
moins touché des raisons de Jeanne qu'effrayé de 
son approche, affectait cette fois de répondre aux 
intentions du roi ; et les conseillers intimes de Cbar^ 



152 LIVRE QUATRIÈME. 

les Ylly ne demandant pas mieux que de se croire à 
la veille de la paix^ prenaient occasion des offres de 
soumission qui leur venaient des villes d'alentour 
pour modifier, selon leurs vues, l'itinéraire de la Pu- 
celle. Le 29 juillet, on vint à Château-Thierry, où le 
sire- de Châtillon, connaissant les dispositions du 
peuple, n'essaya pas de tenir plus d'un jour. Le 
1®' août, on était à Montmirail ; le 2, à Provins. On 
retournait vers la Loire*. 

Les retards du roi avaient donné à Bedford le 
temps de se reconnaître; sa marche en arrière lui 
offrait l'occasion de reprendre l'offensive. Il n'y man- 
qua point. Le 25 juillet il avait amené dans Paris les 
5000 hommes de Winchester; le 4 août il en sortait 
avec cette troupe et un nombre égal d'autres soldats 
recrutés par lui-même, et il arrivait par Corbeil à 
Melun. Sur le bruit que les Anglais étaient proche, 
l'armée royale sortit de Provins, et alla jusqu'à la 
Motte-de-Nangis. Mais on ne vit rien; et le bruit 
courant que Bedford regagnait Paris, le roi reprit le 
chemin de la Loire. C'est derrière ce fleuve que les 
courtisans voulaient aller se reposer d'une campagne 
qu'ils trouvaient assez longue*. 

Leurs intentions furent pourtant déconcertées. 

En quittant la Motte-de-Nangis, le roi était venu à 
Bray, où il comptait passer la Seine. Les habitants 
avaient promis obéissance, et l'on avait remis le pas- 
sage au lendemain. Mais pendant la nuit, une troupe 
d'Anglais, détachée sans doute par Bedford, s'établit 



C0MP1Ë6NE. 153 

dans la ville^ et les premiers qui s'approchèrent fu- 
rent tués ou détroussés. Le passage ne fut point forcé ; 
car il n'y aurait eu que les courtisans pour Tentre* 
prendre : toute larmée avait vu avec indignation 
qu'on s'en allât quand tout invitait à marcher en 
avant. Cette déconvenue était donc une bonne for- 
tune; le duc de Bar (René d'Anjou) et le duc d'Âlen- 
çon, les comtes de Glermont, de Vendôme et de Laval, 
comme Jeanne et tous les autres capitaines, laissè- 
rent voir la joie qu'ils en avaient \ 

On revint donc au plan de la Pucelle : et on le voit 
par une lettre qu'elle écrit ce jour même, 5 août, 
aux habitants de Reims. Elle les rassure contre les 
craintes que leur devait inspirer la retraite du roi 
vers la Loire. Elle leur apprend le fait qui a sus- 
pendu ses progrès et trompé l'impatience de leur at- 
tente : le roi a conclu avec le duc de Bourgogne une 
trêve de quinze jours, à l'expiration de laquelle le duc 
lui doit rendre Paris. Elle convient que, malgré cette 
promesse, elle n'est point contente de trêves ainsi fai- 
tes; c et ne sais, dit-elle, si je les tiendrai, mais si 
je les tiens, ce sera seulement pour garder l'honneur 
du roi. » Du reste, elle affirme qu'on n'abusera pas 
le sang royal, et qu'au terme de quinze jours l'armée 
sera prête à agir s'ils ne font la paix. Et pour ne lais- 
ser aucun doute sur le but vers lequel on marche, 
elle date sa lettre « emprès un logis sur champ, au 
chemin de Paris *. » ' 

Si le duc de Bourgogne devait, au terme de quinze 



154 LIVRE QUATRIÈME. 

jours, rendre Paris, il convenait sans doute d*ètre à 
portée de le recevoir : la trêve inéme qu'on venait de 
conclure faisait un devoir à la cour de se rapprocher 
de la capitale.. Le roi reprit le chemin de Provins : 
le 7 il était àCoulommiers; le 10, à la Ferté-Milon; 
le 11 y à Grespy en Valois. Ce brusque changement 
dans la marche de Tarmée française alarma juste- 
ment Bedford. Le régent y avait été pour quelque 
chose, si, comme on le peut croire, c'est lui qui avait 
envoyé les troupes que l'on a vues à Bray; et lui- 
même s'était porté à Montereau-faut-Yonne, pour 
appuyer ce mouvement. Mais apprenant que le roi| 
loin de chercher à forcer le passage', regagnait le 
Nord, il lui écrivit une lettre où ses appréhensions 
se cachent sous les termes du mépris et de Tiusulte. 
Il écrit à « Charles qui se disait dauphin et ose main- 
tenant se dire roi ; » et après lui avoir reproché ce 
qu'il enirepTend tortionnairement sur la couronne du 
rx)i Henri, naturel et droiturier roi de France et 
d'Angleterre, et les moyens qu'il emploie pour abu- 
ser le simple peuple, comme de s'aider « d'une 
femme désordonnée et diCFamée, étant en habit 
d'homme et de gouvernement dissolu, et aussi d'un 
frère mendiant (frère Richard), apostat et séditieux; 
tous deux, selon la sainte Ecriture, aborainablea à 
Dieu; » il ajoute qu'il le poursuit de lieu en lieu sans 
le pouvoir rencontrer, et lui offre cette alternative : 
ou de fixer un jour et un endroit pour une confé- 
rence à laquelle il pourra venir avec l'escorte de « la 



C0MP1Ë6NE. 155 

diffamée femme et apostat dessusdits et tous les par- 
jures, et autre puissance » qu*il voudra ou pourra 
avoir ; mais à la condition qu'il s'agisse d'une paix 
tf non feinte, corrompue, dissimulée, violée ni parju* 
rée, j» comme celle de Montereau, où le dauphin a 
fait assassiner Jean sans Peur; ou.de terminer promp- 
tement la querelle par les armes, afin d'épargner au 
pauvre peuple les malheurs de la guerre, et lui rendre 
ce repos « que tous rois et princes chrétiens qui ont 
gouvernement doivent quérir et demander \ » 

Ce fut le H, à Crespy en Valois^ que le roi reçut 
cette lettre, et déjàBedford était au voisinage (à Mitry 
près Dammartin), prêt à donner la bataille qu'il of- 
frait, mais à une condition pourtant : c'est qu'on la 
vînt chercher dans ses lignes ; car il comptait sur 
l'impétuosité française pour qu'elle renouvelât à son 
profit les journées de Crécy, de Poitiers et d'Azin- 
court. Ainsi provoqué, leroivintàLagny*le-Sec,pous- 
sant son avant-garde à Dammartin, et il envoya La 
Hire et quelques autres capitaines pour reconnaître la 
position des Anglais. Pendant toute la journée du 13, 
il y eut de fortes escarmouches autour de Thieux, en 
avant de Tarmée anglaise. Mais tout se borna là : car 
les capitaines jugèrent que les Anglais s'étaient trop 
assuré l'avantage du terrain; et Bedrord, ne se voyant 
point autrement attaqué, se replia le soir même sur 
Paris pour chercher des renforts ', 

Ces hésitations des Anglais, ces défis suivis sitôt de 
la retraite, ne faisaient qu'encourager les villes à se 



.1 



156 LlVftË QUATRIÈME. . . 

donner au roi. Le roi les pressait d'ailleurs par ses 
messages. Revenu à Crespy, il envoya ses hérauts à 
Compiègne^ à Beauvais, et il marchait lui-même vers 
la première de ces villes, quand il apprit que Bedford 
n'avait pas dépassé Louvres, d'où il ramenait, avec ses 
troupes, celles qu'il attendait. Il revint sur ses pas, et, 
arrivé à Baron, il envoya Loré et Xaintrailles s'assurer 
des mouvements de l'armée anglaise. Il ne fut pas 
longtemps sans recevoir d'eux la nouvelle qu'elle 
marchait sur Senlis, qu'ils l'avaient vue tout entière : 
mais quelque hâte que Ton fît, on arriva trop tard 
pour Tempècher de franchir l'étroit passage de la ri- 
vière qui coule de Baron à Senlis (la Nouette) et de s'y 
établir près d'un lieu de favorable augure, l'abbaye 
de Notre-Dame de la Victoire. Il était soir ; après quel- 
ques escarmouches, les Français se logèrent près de 
Montépilloy*. 

Le lendemain, 1 5 août, malgré la solennité de la 
fête, tous s'attendaient à la bataille. La messe fut dite 
à la première heure ; et aussitôt chacun de monter à 
cheval et de se préparer au combat. L'armée s*était 
formée en trois corps : le premier sous le duc d'Alen- 
çon et le comte de Vendôme; le second sous René 
d'Anjou, duc de Bar; le troisième, formant l'arrière- 
garde, où était le roi avec le comte de Clermont et La 
Trémouille : les maréchaux de Boussac (Sainte-Sévère) 
et de Rais commandaient les ailes; Graville, les archers. 
Il y avait en outre, pour faire escarmouche et subve- 
nir à tout; une autre troupe qui ne devait pas avoir la 



COVPJÈGNE. 157 

moindre part à la journée : car elle avait à sa tète 
Danois, La Hire et la Pucelle *. 

On marcha donc vers les Anglais ; mais ils restè- 
rent immobiles dans leur position. Ils avaient passé la 
nuit à la fortifier avec leur industrie accoutumée. 
Protégés sur les derrières par la rivière et un étang et 
sur les côtés par de fortes haies d'épines, ils s'étaient 
barricadés de leurs charrois et couverts sur leur front 
par des fossés garnis de palissades. C'est là qu'ils 
attendaient l'attaque: les archers faisant la première 
ligne, tous à pied avec leurs pieux aiguisés fichés de« 
vaut eux ; et derrière, les seigneurs à pied aussi , for- 
mant un seul corps de bataille, où dominaient, avec 
l'étendard de Saint-Georges, les deux bannières de 
France et d'Angleterre : car le régent combattait au 
nom des deux nations. La Pucelle, voyant qu'ils ne 
faisaient point mine de sortir, se vint mettre à Ta- 
vajit-garde, et alla frapper de son étendard leurs re- 
tranchements; mais ils ne répondirent à ce défi qu'en 
repoussant les plus hardis des assaillants. Vainement, 
pour les tirer dehors, la Pucelle fit-elle retirer tous 
ses gens jusqu'au corps de bataille; vainement leur 
offrit-on de faire reculer toute l'armée elle-même, 
pour leur donner le loisir de se mettre aux champs 
et de se ranger. Ils s'obstinèrent à demeurer dans 
leur position, sans en sortir que pour des escarmou- 
ches : ils repoussaient les assaillants, qui, revenant en 
plus grand nombre, provoquaient à leur tour une sor- 
tie plus nombreuse; et vers la fin, la mêlée fut telle 



158 LIVRE QUATRIÈME. 

qu'aa milieu d'un nuage de poussière on ne se dis* 
tinguait plus, Français ou Anglaise 

Avant que les choses en Tinssent à ce point, La 
Trémouille s'était laissé séduire par ce simulacre de 
bataille. Il s'avança, monté sur un coursier superbe 
et richement paré, et, la lance au poing, il donna des 
éperons et Tondit sur l'ennemi. Maisson cheval tomba 
et le fit rouler parmi les Anglais. On s'empressa de 
l'en tirer, et l'aventure aurait pu lui être fatale : car 
ce n'était point tournois de chevalerie. Il y avait 
en jeu des haines nationales : « et n'étoit homme, dit 
Monstrelety de quelque état qu'il fût, qui fût pris à 
finances : ains (mais) mettoient tout à mort sans pitié 
ni miséricorde*, o 

Le roi, voyant que les Anglais ne sortiraient pas, 
s'en revint le soir à Grespy. La Pucelle, le duc d' Alen- 
çon et tout leur corps d'armée passèrent la nuit sur 
le champ de bataille ; et le lendemain de grand matin, 
pour éprouver si l'ennemi, les voyant moins nom- 
breux, ne se déciderait point à les poursuivre, ils 
se reculèrent jusqu'à Montépilloy. Mais les Anglais ne 
songèrent à profiter de ce mouvement que pour opé- 
rer leur retraite plus à l'aise. Vers une heure, la Pu- 
celle fut informée qu'ils avaient repris le chemin de 
Senlis et marchaient droit sur Paris. Il était trop tard 
pour les suivre. Elle vint donc à Grespy rejoindre le 



roi*. 



Rien ne devait plus arrêter le mouvement qui ra* 
menait les villes à Charles VU. Les hérauts qu'il avait 



COMPIËGKE. 159 

envoyés à Compiègne, à Beauvais, y reoeTàienl le 
meilleur accueil. A Beauvais» le peuple ne le vit pas 
plus tôt, portant les armes royales, qu'il se mit à crier : 
« Vive Charles, roi de France I » et chanta le Te Deum^ 
au grand déplaisir de l'évèque-comte, Pierre Cauchon, 
partisan déclaré des Anglais. Le peuple proclama que 
tDus ceux qui ne voudraient pas se soumettre au roi 
pourraient s'en aller, et il les laissa emporter leurs 
biens* Mais Cauchon ne pouvait emporter son évêché 
et s& seigneurie. Il emporta sa haine, qu'on retrouvera 
plus tard . 

Le 17, le roi reçut à Crespy, où il était encore, les 
clefs de Compiègne. 11 s'y rendit le lendemain et fut 
accueilli avec de grands honneurs. Il voulait donner 
la capitainerie de cette ville à La Trémouille. Mais 
Compiègne, placée par son adhésion à Charles YII entre 
les convoitises du duc de Bourgogne et les haines des 
Anglais, avait besoin d'avoir chez soi un bon officier 
qui la sût défendre. Les bourgeois demandèrent à 
Charles yn d'y maintenir un brave gentilhomme de 
Picardie nommé Guillaume de Flavi, qu'ils avaient 
pris pour capitaine. La Trémouille eut le titre, mais 
Guillaume de Flavi, sous le nom de lieutenant, garda 
la charge avec tous ses pouvoirs '. 

Avant de quitter Crespy pour se rendre à Compiè- 
gne, Charles VU avait ordonné au comte de Vendôme 
et aux maréchaux de Boussac et de Rais de marcher 
surSenlis. Les habitants n'eurent garde de résistera 
une armée devant laquelle ils venaient de voir Bed- 



160 LIYBE QUATRIÈME. 

ford battre en retraite. Ils accueillirent Vendôme, qui 
en demeura gouverneur. La nouvelle en arriva au roi 
à Compiègne, en même temps que Tan nonce de l'adhé- 
sion si enthousiaste de Beauvais ^ 

Il vit aussi arriver à Compiègne les ambassadeurs 
qu'il avait envoyés au duc de Bourgogne, et bientôt 
ceux du duc lui-même. Les quinze jours de la trêve fi- 
nissaient. Paris n'était pas rendu ; et il était trop clair 
que le duc de Bourgogne, en eût-il la volonté, n'était 
pas en mesure de le rendre. Le roi, ainsi déçu* ne 
pourrait-il pas vouloir se dédommager à ses dépens? 
Sa marche deCrespy sur Compiègne, quand Compiègne 
se donnait d'elle-même, semblait trahir la secrète pen- 
sée d'aller prendre Paris à Lille ou à Gand. Il y avait 
donc au moins des ménagements à observer; et la 
plupart des conseillers du duc inclinaient franche- 
ment à la paix : mais- le duc lui-même était trop cir- 
convenu parles agents de Bedford. Le régent sut le 
retenir par de fortes remontrances; et le duc se borna 
à envoyer au roi Jean de Luxembourg et l'évêque 
d'Arraspour lui donner de belles paroles. Ils réussi- 
rent à faire proroger la trêve jusqu'àNoël. Le duc pro- 
mettait toujours de livrer Paris; mais en attendant, 
c'était lui qui devait recevoir du roi Compiègne pour 
tout le temps de la trêve ■. 

Le roi était là depuis cinq jours, recevant la sou- 
mission d'une foule de places du voisinage : Creil, 
Pont-Sainte -Maxence , Choisy , Gournai-sur-Aronde, 
Chantilly, etc. ; et il aurait pu, sans ces négociations 



COMPltGNS. 161 

avec le duc de Bourgogne, amener à lui les villes les 
plus considérables de la Picardie : SainUQuentin, 
Gorbie y Amiens, Abbeville; car a la plupart des habi- 
tants d'icelles, dit Thistorien bourguignon Monstrelet, 
étoient tout prêts de le recevoir à seigneur, et ne dé- 
siroient au monde autre chose que de lui faire obéis- 
sance et pleine ouverture. » Mais la Pucelle ne le 
voyait pas sans chagrin oublier, parmi ces soumis- 
sions volontaires, la ville s^ns laquelle la possession 
des autres n'avait rien de durable ni d'assuré. 
Pour le tirer de sa fausse quiétude, elle fit ce qu^elle 
avait fait à Gien pour l'entraîner au voyage de 
Reims. Elle ne prit conseil de personne. Elle appela le 
duc d'Alençon et lui dit : « Mon beau duc, faites ap- 
pareiller vos gens et ceux des autres capitaines ^'je 
veux aller voir Paris de plus près que ne l'ai vu *. » 
Le mardi 23 août , la Pucelle et le duc d'Alençon 
partirent en effet de Compiègne avec une nombreuse 
troupe d'hommes d'armes. Ils rallièrent en passant 
une partie de ceux qui étaient demeurés à Senlis, et 
le vendredi suivant, 26, ils se logeaient à Saint-Denis. 
Le roi, sous peine de rester presque seul à Com- 
piègne, était bien forcé de les suivre, car tous les vou- 
laient rejoindre. Il vint donc jusqu'à Senlis d'abord, 
<c à grand regret, dit l'historien du duc d'Alençon : et 
sembloit qu'il fût conseillé au contraire du vouloir de 
la Pucelle, du duc d'Alençon et de ceux de leur com- 
pagnie'. )> 

Au moment où le roi hésitait à se rapprocher de 

I 11 



iH LIVRB âOAWIlME. 

fBi^iêf fiedfof d ti'oi^ftit ptes y nmWf dtaigiiatit le èùû^ 
lèvemeot, non point tant de la vittd qa^ d« la Ncf^-^ 
mândie* A Parid, les haines divUed lui dMfiaîeot en-' 
eore f dans le pafti bôùrguigiiéA r dM «otiKaiiW 
contre les Armagnacs. Mail» la Norolaifdiéâ'éliitpoiât 
traraillée des mêmes passionâf s Templre dea Anglmi 
y était devenu une dominatioti éfrangèrér Vêiempkf 
deBeaavais, puis d'Atmiale, ittontratt au rég€^t la àé* 
fection gagnant de proche en proche j él il savait aux 
frontières de Cette province le connétable, qui, exclu 
du voyage de Reims, brûlait de montrer ce qti^il pou- 
vait à lui seul. Il laissa donc pour garder Paris Louis 
de Lulembourgy étêquè de Thérouanne, soft chance^ 
lier de France, un chevaliei^ anglais, nommé Radley^ 
avec environ 2000 Anglais^ et L'Isle-^Adatn avee aes 
Bourguignons ; et il partit pour Rouen V 

Les représentants de Bedford, à Paris^ ne négligè- 
rent rien pour assurer la défense de la vîUe^ Le 26^ le 
jottr oi la Pucelle et le duc d'Alençon arrivsûeiii à 
Saint-Denis, te chancelier L. de Luxembourg réunit eu 
la chambre du parlement tous tes membres du corps ^ 
t'évèque et le prévôt deParis, les mattres des cotapie^f 
les prieurs des couvents, les curés des paroisses^ ete*^ 
et leur fit renouveler le serment de fidélité qu'ils 
avaient déjà prêté en présence de Bedford, et tout ré« 
eemment encore avant son départe Puis il commit 
deux magistrats pour aller dans les couvent» et les 
églises recevoir pareil serment des clercs, tant réguliers 
que séculiers. En même tempe les chefii de quartiers 



s^occtfpaîMit dé foKifie^^ chacuh dans sà section , les 
portes, les boulevards de la ville et les maisons qui 
éUiient sur lés mtirs. On j mettait les canons en bat** 
ter ie ; on y disposait des tonnes pleines de pierres ; 
m réparait les fossés^ dn établissait de nouvelles btf-< 
riènes Au dedans et au dehortfi H fallait des hommes 
pDtir donner force à ces disposîtionê : on excitait lé 
peuple en faisant ftppel à la haine et à la penr^ On 
disait que le prétendu réi avait promis d'abandonner 
à ses gens Paris tout entier, hommes et femmes,- 
grands et petits, et que son intention était de passer 
\A charrub sur la ville s m ce qui n'est pas, « dit Thon- 
nète greffier du parlenient, auquel on doit ces détails; 
mais le peuple^ en pareil cas,croittout sansraisonner'^ 
Le duc d'Alençon avait commencé par inviter les 
éohevins à recevoir le roi^ et il avait fait jeter deë 
proclamations dans la ville pour agir sur le peu- 
ple. Mais on lui répondit comme il pouvait VhU 
tendre de ceut qui commandaient ftu nom Am Au'- 
glais, et on l'engagea à ^'abstenir de pareilles démar- 
ehes^ Il en vint donc aux armes, et il ne se passait 
pas de jour qu'il n'y eût deux ou trois escarmédchesf 
aux portes de Paris, sur un point ou sur Uû autre, 
et notamment auprès d'un moulin qui s'élevait entre 
la porte Saint-Denis (du temps) et la Chapelle* Lu Pu* 
eelle assistait à ces escarmouches et examinait avec 
grande attention la situation de Paris, afin de voir où 
donner l'assault. Mais l'assaut ne pouvait se donner tant 
que le roi n'amenait pas le reste des troupes* Les mes- 



164 LIVRE QUATRIÈME. 

sages qu'on lui envoyait restant sans réponse^ le duc 
d'Alençon vint lui-même à Senlis, le 2, puis sa dé- 
marche n'ayant pas eu plus de résultat, le 5 sep- 
tembre^ et cette fois il fit tant que le roi se mit en 
route et vint, le mercredi 7, dîner à Saint-Denis. Son 
arrivée fut saluée comme une victoire. On ne dou- 
tait plus du succès 9 après avoir triomphé de cette 
étrange résistance; et il n'y avait personne qui ne 
dît dans Tarmée : « Elle mettra le roi dedans Paris, 
si à lui ne tient.* » 

Dès que le duc d'Alençon eut rapporté l'assurance 
que le roi venait, la troupe, logée à Saint-Denis, alla 
s'étabHr à la Chapelle (le 6). Le jour même de son 
arrivée (le 7) il y eut une plus forte escarmouche ; et 
les Parisiens, se figurant que dès ce jour on voulait 
prendre la ville, s'applaudissaient comme d'un triom- 
phe du résultat de la lutte. Ils étaient fiers surtout 
d'avoir tenu contre « cette créature qui étoit en forme 
de femme avec eux, que on nommoit la Pucelle. Que 
c'étoit, Dieu le sait, » dit le Bourgeois de Paris*. 

L'assaut qu'on ne songeait point à donner ce jour- 
là fut tenté plus sérieusement le lendemain. 
. C'était encore un jour de fête (la Nativité) : mais 
la Pucelle ne croyait pas que ces jours fussent moins 
propices à la sainte mission qu'elle avait reçue. Et si, 
comme elle le dit dans son procès, les seigneurs, qui 
eurent la pensée d'attaquer Paris ce jour-là, ne vou- 
laient faire encore « qu'une escarmouche ou une vail- 
lance d'armes , » elle était décidée a d'aller outre » et 



COHPiËGNE. 165 

de les entraîner après elle au delà des fossés. Ils parti- 
rent à huit heures de la Chapelle, divisés en deux corps, 
les uns qui devaient attaquer, les autres demeurer en 
observation pour prévenir les sorties et couvrir les as- 
saillants. Ceux-ci allèrent se loger derrière une forte 
butte (le marché aux Pourceaux, depuis butte des 
Moulins ou butte Saint-Roch), d'où ils pouvaient sur- 
veiller la porte Saint-Denis. Les autres se dirigèrent 
vers la porte Saint-Honoré, et dès l'abord ils enlevè- 
rent le boulevard qui la protégeait. La Pucelle, tenant 
à la main son étendard, se jeta avec les plus hardis 
dans les fossés de la place, et elle y soutint un vif 
combat. Pierriers, canons, coulevrines, étaient diri- 
gés contre les assaillants sans qu'ils pussent arriver 
aux murailles. Ils avaient bien franchi le premier 
fossé, qui était à sec, et le dos d'âne ; mais au revers 
ils avaient trouvé le second fossé rempli d'eau. Jeanne, 
quoique surprise, ne s'en rebuta point, et, tout en 
sommant la ville de se rendre, elle donnait ordre 
d'apporter des fagots qu'elle faisait jeter dans le 
fossé pour le combler, quand elle fut frappée à la 
cuisse d'un trait d'arbalète. Il était soir; et cependant 
Jeanne, toute blessée qu'elle fût, demeurait là : elle 
continuait de faire combler le fossé, et pressait les 
soldats de courir aux murs, leur disant que la place 
serait prise. Et en effet l'émotion était grande dans 
le peuple. Dès le commencement de l'assaut, on avait 
vu des gens criant par la ville que tout était perdu, 
que les ennemis étaient entrés dans Paris, que cha- 



166 LIVRB QUATRIÈME. 

eu» se i^tirât songeant à son salut : et 19 multitude» 
que le{$ ppédicateura l)9.raDguai0nt dans lea églisesi 
s'enfuyait en désordre. On rentrait dans les maisons, 
on fermait les portes. Mais ressaut durait depuis 
inidi ; et les capitaines, voyant les troupes lasses ei 
Jeanne blessée, résolurent de le suspendre* Vaini^r 
ment elle insistait, refusant de quitter la plac^ ; ih 
rappelèrent les troupes. Quant h elle, il £3.llut que le 
ducd'Alen^n, Gaucourt et d'autres vinssent h pren- 
dre de force et la missent à cbeyal pour la ramener à 
la Gbapelle : et elle^ sons le feu des canons qui^ de U 
porte Saint-Deniç, la poursuivaient de leurs boulets 
jusque par delà 3aint -Lazare, elle ne cessait de pro- 
tester, ai£rmant que la place eût été prise S 

Jeanne comptait bien encore qu'elle le serait. Le 
lendemain, quoique blessée, elle se leva de grand 
miatin^ et^ faisant appeler le duc d'Alençon qui étaii 
toujours comme l'interprète de ses volontés dans le 
commandement, elle le pria de faire sonner les trom- 
petteç et monter à cheval pour retourner devant Paris, 
promettant de n'en point partir qu'elle n'eût la ville» Le 
due d'Alençon et plusieurs autres ne demandaient p9f 
mieux ( et leur espoir n'était pas sans fondement. 
Quoique dominée par les Anglais, \a^ ville était Ipin 
d'être unanime dans le parti bourguigiion, et l'on a 
vu le trouble excité la veille, moins par Tassant peut- 
être qu'à l'occaBion de l'assaut. Au milieu de ces 
alarmes vraies ou fausses , il n'eût pas été difficile, 
il était encore possible de forcer la place. Et ce n'était 



COMPltfiNE. 167 

pas seulement une multitude cédant à la peur : c'étaient 
les plus nobles de la chevalerie^ qui regardaient la 
venue de la Pjucelle comme un signal de se rallier au 
roi. Au moment pu le duc d'Alençon donnait Tordre 
de revenir sur la ville, le baron de Montmorency et 
56 ou 60 gentilshommes vinrent de Paris se joindre 
à la compag^ie de la Pucelle. Mais cpmme ils appror 
chaient des murailles, pleins dVdeuryRené d'Anjou 
et le comte de Clermont vinrent au nom du roi invi- 
ter la Pucelle à retourner vers lui à Saint "Denis} 
ordre était donné en même temps au duc d'Alepçon 
et aux autres capitaines de s'en venir aussi et d'ame^ 
ner la Pucelle ^, 

Ils obéirent, la douleur dans Tàme. Mais en s'éloi-f 
gnant de la pkce, ils ne perdaient point l'espérance 
d'y revenir par un autre chemin. Le roi avait cédé 
peut-être à la crainte de renouveler contre de trop 
forts obstacles un assaut malheureux. Or le duc d'A« 
lençon avait fait jeter un pont sur la Seine à Saint- 
Denis. On pouvait passer la rivière et attaquer brufr' 
quement la ville par un côté où elle ne craignait pas. 
Le roi ne s'expliqua point sur ce projet ; mais dans 
la nuit suivante (du vendredi au samedi), il fit 
détruire le pont. C'était asse^ déclarer quïl ne vou"* 
lait plus attaquer Paris d'aucune manière. Il demeura 
quelques jours encore à Saint*Denis, n II s'y fit intnn 
niser, selon l'usage, n dit Thomas Basin. Mais il sem* 
blait qu'une fois investi de tous les symboles de la 
royauté I il pût sans inconvénient en abandonner 



168 LIVRE QUATRIÈME. 

tous les gages. Il tint plusieurs conseils : il y pour- 
vut au gouvernement des pays récemment réunis. Il 
les confia au comte de Clermont, et laissa à Saint* 
Denis le comte de Vendôme et le sire de Culan , ami- 
ral de France, avec des forces capables de surveiller 
momentanément, mais non plus de menacer Paris. 
Évidemment il ne s'agissait plus que de protéger le 
roi dans sa retraite. Il partit le 13 ^ 

Quand la Pucelle vit que par aucune raison elle ne 
Ten pouvait plus empêcher, elle vint dans Tabbaye 
de Saint-Denis, et déposa ses armes en offrande de- 
vant l'image de la sainte Vierge et les reliques du saint 
patron du royaume : pieux hommage à celui qu^on 
invoquait dans les batailles, u pour ce que c'est le cry 
de France, » dit-elle ; et en même temps protestation 
muette contre une résolution qui désarmait le roi. 
Mais elle-même elle ne le quittait point, parce que 
moins que jamais elle devait croire sa mission ter- 
minée. Elle . le suivit donc, pleine de tristesse, dans 
un chemin si différent de celui où elle le conduisait 
naguère. Naguère on marchait en avant, et chaque 
pas était marqué par un triomphe qui acheminait vers 
la libération du royaume : maintenant on se retirait 
de cette capitale où Jeanne avait compté introduire 
son roi couronné ; et la retraite se faisait avec une 
telle précipitation, que parfois elle aurait pu sembler 
une fuite. On passe non par les villes qu'il eût fallu 
rallier encore, mais par celles dont la soumission 
promettait un plus sûr passage : Lagny, Provins, 



GOMPIÈGffE. 169 

Bray : cette fois les Anglais n^étaient plus là pour fer- 
mer la route. Sens refusait tl^ouvrir ses portes : on 
passa TYonne à gué, près de la ville, et Ton revint enfin 
par Courtenaji Chàteau-Regnart et Montargis, à Gien, 
d'où Ton était parti en un bien autre appareil trois 
mois auparavant (21 septembre) \ 

Quelle était la cause de ce départ précipité du 
roi, 'et quelles raisons pouvait-on alléguer dans ses 
conseils pour l'amener à cette retraite, quand celle 
qui avait délivré Orléans, vaincu l'Anglais et ac- 
compli le voyage de Reims, selon qu'elle l'avait 
prédit, contre toute apparence, continuait de dire 
qu'elle mettrait le roi dans Paris? Ce qu'on alléguait, 
c'étaient les promesses du duc de Bourgogne, que l'on 
affectait toujours de croire. Mais ne valait-il pas mieux 
prendre Paris sans le duc que par le duc? Oui, sans 
doute, de l'aveu de tout le monde, à l'exception toute* 
fois de ceux qui dominaient dans les conseils du roi. 
Prendre Paris sans le duc de Bourgogne, c'était le pren- 
dre par la seule force de laPucelle et de l'armée; c'était 
faire passer aux capitaines toute l'importance que se 
donnaient les favoris : car il ne suffisait pas de le pren- 
dre, il le fallait garder; il eût dqnc fallu que le roi fût 
dès lors ce qu'il devînt plus tard, qu'il entrât sérieu- 
sement dans la conduite de son gouvernement ; et, 
pour cela, il avait besoin d'autres hommes. Prendre 
Paris par le duc de Bourgogne, c'était peut-être le lui 
laisser; mais on acquérait la sécurité sans contracter 
l'obligation d'agir, et U wi pouvait çgntinuer plus à 



170 LIVRE aVATRlEME. 

• 

Taise ta vie qu'il meqait daas ses ch&teaux de la Loîm. 
Le choix des eourtiaans fut donc bien vite arrétéX'était 
à leur corp9 défendant, eteomme bous la contrainte de la 
PuoelW, quik avaient laissé le roi aller de Gompiègne 
à Senlisi et de Senlis à SaiqtrDeais : Taceident qui avait 
fait suspendre l'assaut avait été popr ^ux une trop 
bonne oçcasioq d'y renoncer. On partit» u^s vouloir se 
dire que partir après une attaque sans réeuUat, c'était 
(du hm un véritable échec : c'était exalter dans Paris 
les ennemis du roi, et mettre le duc de Bourgogne, 
reût*il voulu, dans Timpossibilité de lui donner la 
viUe. Et on le vit bieutôt* Le duc de Bourgogne, muni 
du sauf^conduit du roi, vint k I^aris (29 septembre), 
traversant tqyt le pays repris par le^ Français, salué 
au passage par le chancelier de Franc? et le comte de 
Clermonti commandant des troupes françaipe^ en.ces 
parages ; e( il répondis à ces avances en resserrant 
son alliance avec Bedfordp Bedford lui donna en une 
fois Tinvestiture de la Champagne et la lieutenance du 
royaume , c'est-à-dire la charge de reprendre Reima 
et de garder Paris, ne retenant pour lui-même que le 
gouvernement de la Normandie; et les Anglais, qui 
avaient eraint mên^e pour cette prQvinçe, 9Q prirent 
de nouveau à espérer la çpBquête de la France \ 

Cette retraite devait avoir une antre conséquence 
fâcheuse; mais il semble qu'au gré dea courtisans 
ce fût encore une bonne fortune : c'était de compro* 
mettre l'autorité de la Pucelle. Jeanne avait dit 
qu'elle était envoyée pour délivrer Orléans, faire sa- 



CONPIËGNB. 171 

crer le roi à Beims, h m^oer à Paris et chasser les 

Aoglai3 du royaume. On Tavait volontiers laissée dé^ 

livrer Orléaos ; on Tavait suivie de mauvaise grâce 

jusqu a Reioi», et par contrainte jusqu*à Paris. Si on 

eQlrait à P^ris comme i Reims, il faudrait donc lui 

obéir encore quand elle voudrait ne laisser aucun repos 

que TAngUis pe fut chassé de France» 11 était plus que 

temps de s'arrêteri si on ne voulait être jeté dans le 

mouvement de cette grande guerre* L'échec de Paris 

mettait ea doute une parole que le peuple tenait pour 

prophétique, et dispensait de lui céder à l'avenir. A voir 

CQmme les ennemis triomphent de cet échec, on pënt 

deviner combien les esprits dans le camp du roi pout 

valent être ébranlés. « Elle leur avoit promis, dit le 

faux Bourgeois, que sans nulle faute ils gagneroient 4 

celui assaut la ville de Paris, par force, et qu'elle 

y giroit celle nuit, et eux tous, et qu'ils seroient tou^ 

enrichis des biens de la cité.... Mais Dieu qui mua, 

h grande entreprise d'Holopheme par une femme 

nommée Judith, ordonna par sa pitié autrement qu'ils 

ne pensoient.» Il n'est pas besoin, je suppose, de ré^^ 

pondre aux allégations du Bourgeois. Jeanne disait 

aux siens que la place serait prise ; mais à une conr 

dition, c'est qu'on persévérât. Pour prendre aussi pne 

comparaison dans la Bible , elle n'avait pa« dit que 

devant son étendard les murs de Paris crouleraient 

comme ceux de Jéricho devant l'Arche ; mais qu'on 

all|Lt à l'assaut» qu'on fôt effort, et que Dieu aiderait. 

A Orléans aussi, devant les Tourelles, les capitaines 



172 LIVRE QUATRIÈME. 

voulaient se retirer après sa blessure : elle les retint, 
et la bastille fut prise. Si à Paris on eût fait de même, 
on aurait eu, tout permet de le croire, semblable 
succès. L'affaire de Paris ne prouve donc rien contre 
la Pucelle et sa mission. Sa mission était d'y mener 
le roi, pourvu qu'il n'y fît point obstacle. Ses voix 
lui avaient marqué ce but; même après son échec, 
elles lui commandaient (c'est Jeanne qui le déclare) 
de persévérer en demeurant à Saint -Denis; mais elles 
ne lui avaient pas révélff qu'on y entrerait , quoi 
qu'on Ht, ni que l'assaut dût réussir ou échouer. 
C'est à ceux qui Tarrètèrent quand elle disait d'aller 
en avant, et le lendemain quand elle voulait renou- 
veler la tentative, c'est à ceux-là de répondre de 
l'échec *. 

Le retour du roi à Gien eut les suites que l'on 
pouvait prévoir. Il affecta bien de ne pas délaisser les 
pays qu'il rouvrait à l'ennemi par sa retraite. Il écri- 
vit, dès son arrivée à Gien, aux habitants de Troyes 
qu'il avait donné ordre à Vendôme de venir à leur 
aide. Mais plus d'une ville se trouvait compromise, 
et l'armée dont il aurait eu besoin pour y veiller 
n'existait déjà plus. Le duc d'Alençon s'en alla en sa 
vicomte de Beaumont, où l'attendait sa femme; 
les autres capitaines , chacun en son gouverne- 
ment •. 

Jeanne était demeurée auprès du roi, presque seule, 
et fort triste de l'inaction où elle était réduite. Cepen- 
dant le duc d'Alençon, qui partageait si complètement 



G0MP1È6MK. 173 

ses vues, revint bientôt s'offrir pour l'en tirer* Il 
avait réuni des hommes d'armes, et proposait d'en- 
trer en Normandie par les marches de la Bretagne et 
du Maine, pourvu qu'on lui donnât la Pucelle : car 
selon qu'elle serait ou ne serait pas avec lui, sa troupe 
allait bientôt se grossir ou se dissoudre. Les circon* 
stances paraissaient favorables. Les Français avaient 
dans le pays des partisans : Étrépagny, Torcy, ve- 
naient de. leur être livrés. On refusa. L'archevêque de 
Reims, La Trémouille et le sire de Gaucourt, qu'on 
trouve toujours sur le chemin de Jeanne pour lui faire 
obstacle, ne voulurent à aucun prix consentir à cette 
réunion du duc d'Alençon et de la Pucelle. Le duc, 
ils le sentaient bien, aurait gagné en importance tout 
ce qu'il eût ajouté à la fortune du roi. L'historien Per« 
ceval de Cagny a bien le droit de mettre à la chaîne 
du conseil les conséquences de cette résolution, et de 
flétrir cette résistance délibérée à la grâce dont la 
Pucelle était la messagère (octobre 1 429) ^ 

Le roi allait donc promenant ses loisirs en Tou- 
raine, en Poitou, en Berri, et, pendant ce temps-là, 
tout était en proie dans le pays qu'il avait abandonné* 
La garnison qu'il avait laissée à Saint*Denis s'était 
repliée sur Senlis ; les Anglais, se jetant sur la ville, 
la pillèrent, et, sans crainte du sacrilège, ils empor- 
tèrent, comme en trophée, ces armes que la Puoelle 
avait déposées dans l'église de l'abbaye. Le reste de 
la contrée ne fut guère plus épargné : ces riches 
campagnes furent ruinées, les villes mises à rançon. 



174 LIVRE QUATftIËME. 

On letif votrlaît faire sentir ce qu'il en éoâtalt dV 
bândonnéi' si légèrement les Anglais ponr tri itiri 
iftiptilséant à les défendre. Et, en effet, on eût pu c^oire 
le pays entièrement délaissé. Le comte de Clermont, 
lieutenant du roi, s'en allait veiller à ses propteir drt^ 
inàibes; le comte de Vendôme, subétitûé à sa ùhàt^e, 
ktâit déjà bien assez de gatdér j^efllis ; le Aiftfé<5faal 
de Boossâc Tint, il est Vrai, amenant 1000 com- 
battants environ ; mais que faire avec cette troupe, 
quand les ÂUglaiS et les fiôurguignous possédaieut 
tout le pays alentour, la Normandie^ la Picardie, la 
Bourgogne? Il eût fellu être présent partout pouf 
conteuil- les uns ou pour obserref les autres. Au lieu 
dé se déduite à eette défense laborieuse, tons ces 
hommes d'armes trouvaient plus cominode et pld^l 
profitable d'allef à leur toui* porter le Mvage sur le 
territoire de l'ennemi. Ainsi le mal ne faisait que 
«"étendre et devenir plus général. Paris même, quoique 
doublement protégé par hë armements des Anglais 
et par les trêves des Bourguignons, souffrait de cet 
état de choses dans toutes les classes de ses habitants i 
« Nul homme de Paris, dit le Bourgeois, n'osoit 
ineltre le pied hors des faubourgs, qui ne fût mort ou 
perdu ou rançonné. Le cent de petits colterets 
valoit 24 sds parisis; deux œufs, 4 deniers; un petit 
fromage tout nouvel fait, 4 blancs.... et n'étoit non- 
velle ni pour Toussaint, ni pour autre fête en celui 
temps, de harengs fraii^ ni de quelque marée \ n 
Le Nord, et en particulier 1 lle-^e-France , était 



WMnUMi 17» 

donc m pMki atit ràrâgêë dé la goétVè} et \é côfitM» 
eoop de ce» évéïieitieiiM pontuil (>fotro<|Qer den périls 
au Toisîntige mèiiie des résidences royales. Toute la 
Loire, en effet, n^appartetiait pas au roi. L'enoemi 
était fortement é»Mi à la Gbarité; il possédait èo^ 
ôore Saint-PJerre*Ie«>Moti8tier, Gosùe et quelques 
au^es plaees : et ces positions qu'ori arait eu raisotk 
de négliger pour marcher sur Reims et sur Paris sem^ 
blaient maintenant plus menaçantes^ Un conseil fut 
tenu à Meun-sur-Yèvre, et il paroi qu'il y avait tout 
atantage à datisfairé de ee c6té Timpatienee que la 
Pncelle avait d'agir. Il fut décidé qu'on l'enverrait 
faire le siège de la Charité, et qu'on préluderait à 
cette conqudte par celle de Saint^Pierre^le^Mous* 
tier *. 

La Pucelle aurait mieui aimé aller etl France^ e'est^ 
à^iré Vers Paris. Elle se rendit à Bourges poiif réUtlir 
\eê troupes destinées à cette campagne; puis elle vint^ 
en compagnie du seigneur d'Albret, assiéger Saint^ 
Pierre^le^Moiistier, comme il avait été résolu^ Jeanne^ 
selon son hafaîtude^ se portait au plus fort du péri}> 
et y demeurait sans compter ceui qui restaient auprèfs 
d'elle^ lyAtfloU, Son éouyer, qn'une blessure à la 
jambe tenait éloigné de l'àssaiit, la voyant avec quatre 
ou cinq hommes au plus devant les murailles, monta 
à cheval, courut h elle, lui demandant ce qu'elle fai- 
sait là seule, et pourquoi elle ne Èé retirait pas comme 
les autres» Mais elle, étant son casque, lui répondit 
qu'elle n^était pas seule, qu'elle avait en sa compas 



176 LIVRE QUATRIÈME. 

gnie cinquante mille de ses gens, et ne partirait point 
de là que la ville ne fût prise. Comme il insistait, elle 
lui ordonna de faire apporter des fascines pour fran- 
chir le fossé, et en même temps elle s'écria : « Aux 
fagots et aux claies, tout le nionde, afin de faire le 
pont ! » En un instant elle fut obéie, le pont dressé 
et la ville prise d'assaut. Tout était en proie aux vain- 
queurs, mais Jeanne sut leur faire respecter une 
église où les assiégés avaient mis leurs biens en dépôt 
(novembre 1429)*. . 

De là on devait aller assiéger la Charité. Mais la 
place était forte et bien pourvue, et la petite armée 
de la Pucelle manquait des choses les plus indispen- 
sables à Fattaque. La cour ne sachant pas trouver le 
moyen d'y pourvoir, elle s'adressa aux villes. On a 
encore en original une lettre signée d'elle aux habi- 
tants de Riom (Moulins, 9 novembre 4429) ; elle 
lenr annonce le siège qu'on vient d'accomplir et celui 
qu'on prépare; et elle les prie, par l'attachement 
qu'ils ont au bien et à l'honneur du roi, d'envoyer 
rc poudres, salpêtre, soufre, traits, arbalètes fortes 
et autres habillements de guerre. » On commença le 
siège avec ce qu'on avait, et, tout en le poussant, on 
continuait de s'adresser aux villes les plus intéressées 
à déloger l'ennemi de leur voisinage. La ville de 
Bourges engagea ses octrois, afin d'avoir les 1 300 écus 
d'or qu'on lui demandait pour entretenir l'armée 
et la garder devant la place. La ville d'Orléans eut 
aussi à porter dans ses comptes diverses sommes 



COMPIfiGNB. 177 

dépensées pour entretenir ou équiper des capitaines, 
des gens d*armes, des « joueurs de coulevrines » 
envoyés au siège en son nom* Mais ces secours par* 
tiels étaient insuffisants pour une telle entreprise, et 
le roi n'envoyant rien, Tannée, dépourvue d'argent et 
de vivres, dut lever le siège, au grand déplaisir de la 
Pocelle (fin de novembre 1 429) *. 

Elle fut reçue à la cour avec non moins d'honneur : 
éaràquel titre le roi lui eût-il imputé cet échec? et les 
courtisans y trouvaient cette compensation peut-étre, 
qu'on serait moins tenté de la suivre quand elle voudrait 
aller plus loin. On Tanoblit, elle et toute sa famille, 
et, par un privilège signalé comme unique dans nos 
annales, on stipula que cette noblesse se transmettrait 
dans sa race, non-seulement par les hommes , mais 
par les femtnes ; on lui composa un blason où figu- 
raient les lis de France et l'épée qui les avait affran- 
chis : ses frères en prirent le nom de Dulis, mais elle 
garda son nom et sa bannière. Tous ces honneurs lui 
étaient donnés « en considération des louables et utiles 
services qu'elle avait rendus au royaume et lui devait 
rendre encore. » On ne renonçait donc point à ses 
services : et que demandait-elle pour prix de ceux 
qu'elle avait rendus, que de servir encore? Mais 
on ne se pressait pas de la mettre en demeure de le 
faire '. 

Elle resta donc dans Tinaction, suivant la cour à 
Bourges, à Sully-sur-Loire, ou visitant les bonnes 
villes qu'elle avait délivrées, Orléans, par exemple, 

I 12 




ipi a flsMM iamm in rqptw» A» 

nk iim pdiju^mr ^ <^l^ édîâait Uw^owa» par 

MiKi <|ii>il4( n éti»fiiuîtpli»par 

fn/i^^ d4^ ttenéiWemtËA et de piété qû asani 
MMi ^ténùffm la Tie des canps; cctie snpiicilé que 
îi^M^i yM eoimMDpfiie iMadoratkNW de b fbiile; ce 
Um Mron a^lmirable qoi s*a|^Uqiiait à détruire le boa 
Ijfft^t^ dont on b Toolait entourer. A eem qui lai 
diraient qoVtle n'arait point à craindre d'alkr iTas* 
iaut parée qo'elle sarait bien qn elle ne serait pas 
toée^ elle répondait qu'elle n'en était pas plos asso- 
rée que lei autres ; et quand des femmes Tenaient en 
sa irtaison pour lui présenter des patenôtres et autres 
signes en la priant de les toucher : « Touchez-les 
vous-mfimes^ leur disait^elle en riant^ ils seront tout 
auisi bons ^ » 

KUe flt preuve du même bon sens, quand une 
fumnie nommée Catherine de la Rochelle, se disant 
ini^piri'Hii la vint trouver pendant son séjour à Jargeau 
1^1 À Monlfaucon en Berri. Cette Catherine prétendait 
q\\\\m dame blanobe, vêtue de drap d'or, lui com- 
mandait d'alUr dans les bonnes villes , et de faire 
orif>r par tos hérauts du roi que tous ceux qui au- 
tikm\i iU Tor ou d<) l'argent caché rapportassent sans 
retard I annonçant en même temps qu'elle connaî* 
trait <imx qui ne le fenient pas^ et saurait trouver 



COHPlfiGNE. . 179 

leurs trésors : e'était pour payer les gens d'armes de 
Jeanne. Quel auxiliaire pour un chef de troupes I 
Frère Richard voulait qu'on la mit à l'œuvre, et plu- 
sieurs agréaient fort son jjroeédé. Jeanne lui dit de 
retourner à son mari| d'aller faire son ménage et 
nourrir ses enfants. Cependant, ne voulant point ju- 
ger témérairement de ^riûspiration des au Ires, elle 
consulta ses saintes et elle offrit à Catherine de cou- 
cher avec elle pour être témoin de ses apparitions. 
Elle partagea son lit, en effet, veilla jusqu'à minuit, 
et, ne voyant rien, s'endormit. Le matin, l'autre 
lui dit que sa dame était venue, mais que Jeanne 
dormant, elle ne l'avait pu réveiller. Jeanne s'enquit 
d'elle si la dame devait revenir la nuit suivante, et 
lui demanda de renouveler l'épreuve. Mais cette fois 
elle prit soin de dormir le jour, de telle sorte qu'elle 
pût. rester éveillée toute la nuit; et de temps à autre 
elle demandait à sa compagne : « Viendra- 1- elle 
point? — Oui, tantôt, » disait l'autre. 
Inutile de dire que la dame ne vint pas ^ 
Jeanne écrivit donc au roi que le fait de Catherine 
n'était que néant et folie. Frère Richard en fut très- 
mécontent, et les familiers du roi aussi sans doute : 
c'était un moyen si commode de trouver de l'argent! 
Cette Catherine, qui promettait de leur en fournir, 
n'entrait pas moins dans leurs vues par sa politique. 
Tout en offrant de recueillir de l'argent pour les sol- 
dats, elle ne pressait pas de faire la guerre : elle re- 
fusa d'aller au siège de la Charité, disant qu'il faisait 



180 LIVRE QUATRIÈME. 

trop froid. Elle proposait de se rendre près du duc 
de Bourgogne pour faire la paix. A quoi Jeanne ré- 
pondit « qu'il lui semblait qu'on n'y trouverait point 
de paix, si ce n'était par le bout de la lance *. » 

Les événements le démontraient de plus en plus. 
La trêve avec le duc de Bourgogne, qui expiraità Noël, 
avait été prorogée jusqu'à Pâques, et à défaut de Com- 

• 

piègne qui s'y était refusée, Pont-Saînle-Maxence lui 
avait été livré en garantie. Mais la trêve ne liait pas 
les Anglais; et les Bourguignons, en se cachant sous 
leur bannière, avaient toute facilité de porter avec eux 
le ravage dans les pays qui s'étaient donnés au roi. 
La terreur y était grande partout, et plus d'un san- 
glant exemple avait montré combien elle était légi- 
time". 

La ville de Reims, la plus menacée dans cette ten- 
tative de restauration, comme la plus signalée par le 
sacre, écrivit à la Pucelle pour lui communiquer ses 
craintes. Elle redoutait la vengeance des Bourgui- 
gnons; elle redoutait le délaissement du roi, à qui l'on 
avait dit qu'il y avait des traîtres dans son sein prêts 
à livrer la ville. La Pucelle leur adresse une première 
lettre, le 16 mars, afin de les rassurer sur le siège : 
« Sachez, leur disait-elle, que vous n'aurez pas de 
siège si je les puis rencontrer; et si je ne les rencon- 
tre et qu'ils viennent vers vous, fermez vos portes, j'y 
serai et je leur ferai chausser leurs éperons en telle 
hâte qu'ils ne sauront par où les prendre. » Le 28, elle 
leur écrit pour les rassurer touchant les dispositions 



COMPJËGNE. 181 

du roi et leur promettre une prompte assistance : 
« Si vous prie et requiers, trës-chers amis, ajoutait- 
elle^ que vous gardiez bien ladite bonne cité pour le 
roi, et que vous fassiez bon guet. Vous orrez (ouirez) 
bientôt de mes bonnes nouvelles plus à plein. Autre 
chose quant à présent ne vous rescris, fors que toute 
Bretagne est française, et doit le duc envoyer au roi 
3000 combattants payés pour deux mois. A Dieu 
vous command (recommande) qui soit garde de vous. 
Écrit à Sully, le 28* de mars *. » 

Ces bonnes nouvelles qu'elle leur promettait d'elle, 
c'était sa prochaine arrivée sur le théâtre de la guerre. 
Elle écrivait la veille peut-être de son départ : car sa 
lettre est du 28 mars, et c'est en mars que le rap- 
porte l'historien Cagny. Lasse déjouer un rôle de pa- 
rade, et désolée de voir comment le roi et son conseil 
entendaient arriver au recouvrement du royaume, 
elle prit le parti de se séparer d'eux et d'aller rejoin^ 
dre ceux qui combattaient '• 

On combattait en Normandie, et, quoique les An<- 
glais parussent vouloir y concentrer leurs forces, plu- 
sieurs nouveaux succès avaient couronné les efforts 
des Français. La Hire s'était emparé de Louviers 
(décembre 1429), d'où il faisait des courses jusqu'aux 
portes de Aouen ; puis de Château-Gaillard, où il avait 
délivré Barbazan (24 février 1 430) ; Torcy avait résisté 
aux Anglais qui le voulaient reprendre.Mais c'était dans 
le Nord que la question était surtout reportée depuis 
le voyage de Reims. Sauver les places qui s'étaient 



182 LIVRE QUATRIÈME. 

ralliées au roi, défendre la ligne de l'Oise contre le duc 
deBourgogne, ramener Paris au roi en Tisolant de plus 
en plus, voilà la vraie manière de reprendre Tœu* 
vre interrompue le 8 septembre ;« et tout y invitait. 
Depuis la dernière entrevue de Bedford et du duc de 
Bourgogne (octobre 1429), Paris dans ses rapports 
avec eux n'avait eu que des sujets de plaintes. L*ex- 
régent s'en était allé en Normandie; le régent nouveau, 
dans ses propres États, recommandant aux Parisiens, 
s'ils voyaient venir les Armagnacs, de se bien défen* 
dre : et il les laissait sans garnison ! Du reste les Pa- 
risiens avaient plus d'une raison de ne point regret* 
ter qu'il emmenât ses 6000 Picards : u 6000 aussi 
forts larrons, comme il parut bien en toutes les mai- 
sons où ils furent logés. » Mais le champ restait libre 
aux Armagnacs ; et la désolation des campagnes, la 
cherté des vivres, augmentaient l'irritation populaire. 
On accusait les Anglais de vouloir, par une retraite 
systématique, tenir en échec les pouvoirs qu'ils avaient 
donnés au duc de Bourgogne. On cherchait encore 
des excuses au duo de Bourgogne. Il allait se marier 
pour la troisième fois ; et au moment où sa fiancée, 
Isabelle do Portugal, touchait déjà au port de l'Écluse, 
une tempête s'était élevée si furieuse, qu'elle Tavail 
repoussée a jusque dans son pays. » Voilà pourquoi, 
disait-on à Paris, le duc de Bourgogne f< entre-laissait 
la ville si longtemps. >i Mais quand la jeune prin- 
cesse, qui avait été recueillie, non en Portugal, mais 
en Angleterre, fut ramenée en Flandre, le duc ne pou- 



GOMPIËGNE. 183 

vait guère venir à Paris davantage : ce furent à Bru* 
ges des fêtes d'une magniûcence inouïe; et pendant ce 
temps, les cotterets» les œufs et le fromage haussaient 
de plus en plus de prii dans le journal du Bourgeois. 
La masse souffrait, la bourgeoisie commençait à se 
tourner vers d'autres espérances. Dans les commence* 
ments d'avril, on découvrit une conspiration où se 
trouvaient impliqués des membres du parlement et du 
Chàtelet, avec plusieurs marchands notables ou gens 
de métier; et les Armagnacs étaient aux portes. Le 23 
mars ils surprenaient Saint-Denis; le 25 avril ils s'é- 
tablissaient à Saint-Maur '. 

La Pucelle, ici comme avant de marcher sur Reims 
et sur Paris, ne demanda conseil à personne ni pour 
résoudre ni pour agir. Un jour donc, sans prendre 
congé du roi, elle partit, fit semblant d'aller « en au- 
cun ébat, » et s'en vint à Lagny-sur-Marne, « pour ce 
que ceux de la place faisoienl bonne guerre aux An"- 
glois de Paris et ailleurs.» Elle aurait pu hésiter cette 
fois. Comme elle traversait Melun dans la semaine de 
Pâques (vers le 1 5 avril), ses voix lui dirent qu'elle 
serait prise avant la Saint-Jean; et depuis elles le lui 
répétaient tous les jours. Mais elles ne la détournaient 
point d'aller en avant; elles lui annonçaient sa capti- 
vité comme une chose qu'elle devait souffrir ; et 
Jeanne, quoiqu'elle eût mieux aimé la mort, marchait 
sans peur à Taccomplissement de son œuvre '. 

L'occasion qu'elle venait chercher lui fut bientôt 
donnée. Les Anglais, au nombre de 300 ou 400 



184 LIVRE QUATRl£tt£. 

étaient allés, sous la conduite d'un gentilhomme 
nommé Franquet d'Arras, faire le ravage dans le pays 
d'alentour. Ils revenaient , rapportant leur butin , 
quand la Pucelle, informée de leur retour, fit monter 
ses gens à cheval, et vint en force à peu près égale leur 
disputer le passage. Les Anglais mirent pied à terre, 
s'établirent derrière une haie; mais les Français les 
assaillirent à pied et à cheval, et firent si bien que tous 
leurs ennemis furent tués ou pris. Au nombre des 
prisonniers était leur chef, Franquet d'Arras. Ce Fran - 
quet, tout gentilhomme qu*il fût, n'était pas seulement 
un ennemi, c'étaitun brigand, particulièrement odieux 
au pays par ses meurtres et ses rapines. Le bailli de 
Senlis et les gens de justice de Lagny le réclamèrent 
comme leur justiciable. Jeanne eût voulu le sauver 
pour réchanger contre un homme de Paris, qui tenait 
l'hôtel de TOurs; mais ayant su que cet homme était 
mort, et le bailli lui reprochant de faire grand tort à 
la justice, elle ne fit plus obstacle à ce quelle suivît 



son cours \ 



Ce retour de la Pucelle sur le théâtre de la guerre 
eut un grand retentissement dans Paris ; et le succès 
qui le signalait devait ajouter encore à Timpression 
de terreur qu'elle avait faite au loin, en Angleterre. 
Au témoignage de Thomas Basin, des Anglais afiir- 
maient par serment qu'à son nom seul, ou à la vue 
de son étendard, ils n'avaient plus le courage de se 
défendre, ni la force de bander leur arc et de frapper 
l'ennemi. Et cette terreur superstitieuse est attestée 



GOMPIËGNE. 185 

par des aeles publics. Les Anglais paraissaient se 
déeider à envoyer enfin leur jeune roi se faire sacrer 
en France. Plusieurs fois le bruit de son arrivée avait 
été répandu à Paris. L'administration l'avait salué 
par des feux de joie, «ce dont le menu peuple n'étoit 
pas bien content, dit le Bourgeois, pour la bûche qui 
tant éloit chère.» Mais cette fois la choseétait sérieuse : 
l'argent nécessaire avait été ordonnancé, les vaisseaux 
requis, les troupes louées. Or les provisions faites, les 
soldats et les capitaines qui s'étaient engagés à se met* 
tre le l'' mai à la disposition du roi pour le suivre 
en France restaient chez eux, sans tenir compte de 
leur marché, ni des périls du prince. Bedford s'en 
plaint dans un édit adressé le 3 mai aux vicomtes de 
Londres, en leur enjoignant de rechercher les réfrac- 
taires et de les expédier à Sandwich ou à Douvres, sous 
peine de dégradation ou d'emprisonnement. La Pucelle 
n'est pas nommée dans le décret, mais elle l'est dans 
une rubrique du temps qui en exprime toute la pen- 
sée et l'à-propos : « Proclamation contre les capitaines - 
et les soldats retardataires terrifiés par les enchante- 
ments de la Pucelle ^ » 

11 y avait dans le nord de la France une ville qui 
était alors pour Philippe le Bon comme la clef du 
royaume : c'était Gompiègne. Placée aux portes de Tlle- 
de-France, elle la fermait ou l'ouvrait aux Bourgui- 
gnons, selon qu'elle était au roi ou au duc. Elle était 
au roi, et l'imprévoyant Charles VU avait été sur le 
point de la donner au duc pour de vaines espérance^ 



186 LIVRE QUATRIÈME. 

de paix; dans la suspension d*armesdu 28aoûtyil avait 
ordonné, on Ta vu, qu'elle lui fût remise pendant la 
trêve, et Tarchevèque de Reims, chancelier de France^ 
8*était fait lui-même porteur de ce message. Mais les 
bourgeois fermèrent Toreille aux ordres du roi et aux 
raisons du chancelier. Le roi avait satisfait autant 
que possible aux exigences du duc en lui livrant 
PonUSainte-Maxence; mais le duc voulait Gompiëgne, 
et| n'ayant pu lavoir par cet accord, songeait à la pren* 
dre de force. La trêve était à peine expirée (17 avril) 
qu'il se mit en campagne, et, pour n'avoir rien qui 
le gênât aux alentours pendant le siège de la ville, 
il détruisit Gournai-sur-Aronde, et vint assiéger 
Ghoisy-sur-Âisne, que Guillaume de Flavy, capitaine 
de Gompiègne, avait confié à Louis de Flavy, son pa- 
rent '. 

La Pucelle vint à Gompiègne, et redoubla par sa 
présence l'ardeur et la confiance des habitants. 
On résolut d'aller au secours de la place assiégée. 
Montgommeri et ses Anglais occupaient Pont-rÉvè- 
que, et le duc de Bourgogne avait laissé plusieurs sei- 
gneurs à Noyon pour garder derrière lui, avec eux, 
le passage de l'Oise. La Pucelle, Ghabanne, Xain- 
trailles et plusieurs autres capitaines, attaquèrent 
Pont'-rÉvêque, et ils allaient y forcer la troupe an- 
glaise, quand les seigneurs laissés à Noyon vinrent 
l'aidera repousser les assaillants. L'Oise étant défen- 
due, on imagina de tenter une nouvelle attaque sur 
tes derrières du duc de Bourgogne , en allant passer 



COMPIÈGNE. 187 

rAisne à Soissone. Mais le capitaine qu'on devait 
croire ami , puisqu'il gardait la place pour le comte 
de ClermoDt, en refusa Tentrée, et, dès qu'ils furent 
partis, se démasqua en vendant la ville au duc de 
Bourgogne : il le vint rejoindre devant Choisy, qui fut 
pris et rasé ^ 

Dès ce moment, le siège de Gompiègne ne pouvait 
plus longtemps se faire attendre. Jeanne y revint, 
sans s'y renfermer pourtant : car elle se multipliait 
pour réchauffer le zèle de ceux qui soutenaient encore 
la cause du roi. Elle était à Crespy, quand elle apprit 
que le duc de Bourgogne et le comte d'Arundel 
pétaient venus mettre le siège devant la place. Sa ré-- 
solution fut bientôt prise. Sur le minuit, elle réunit 
300 ou 400 combattants : et comme on lui disait 
qu'elle avait bien peu de monde pour traverser le 
camp des ennemis : « Nous sommes assez, dit*elle. 
J'irai voir mes bons amis de Gompiègne. » Et au so-* 
leil levant elle entrait dans la place sans perte ni dom« 
mage *• 

La ville de Gompiègne, placée sur la rive gauche 
de l'Oise, domine la rivière et la vallée qui s'étend de 
l'autre côté en une prairie basse et humide d'un quart 
de lieue, avant d'atteindre à l'escarpement du bord 
de Picardie. La ville y communique par un pont et 
une chaussée qui se prolonge au-dessus de la prairie 
jusqu'au versant de la colline. La place était donc 
forte par elle-même; et un boulevard , faisant tète de 
pont, lui assurait le libre accès de l'autre bord. Les 



1 



188 LIVRE QUATRIÈME. 

ennemis qui Tassiégeaient étaient bien loin deTavoir 
investie. Ils n'occupaient que la rive de TOise op- 
posée à la ville : le duc de Bourgogne était à Coudun, 
à une lieue à Test de Compiègne; Jean de Luxembourg 
un peu plus près^ à Clairoix^ au confluent de TOise 
et de TAronde, et Baudon de Noyelle, avec un corps 
détaché , à Margny, à Tissue de Isi chaussée devant la 
place ; àTouest, Montgommeri et les Anglais s'étaient 
logés à yenette^ 

A peine arrivée, la Pucelle voulut chasser l'en- 
nemi de ses positions. Déloger brusquement les Bour* 
guignons de Margny, les poursuivre et les accabler à 
GlairoiXy pour se porter ensuite à Yenette, contre les 
Anglais , telle devait être la suite de ses opérations. 
D'après ce plan , elle courait un double péril : elle 
poussait les Bourguignons vaincus sur leur principal 
corps de bataille, et elle tournait le dos aux Anglais. 
Mais elle pensait que le corps de Margny dispersé 
jetterait plus de confusion à Clairoix qu'il n'y trou- 
verait d'appui, et elle comptait sur ceux de Com- 
piègne pour arrêter les Anglais à la chaussée , s'ils 
osaient sortir de Yenette afin de l'attaquer sur les 
derrières*. 

Le plan s'exécuta d'abord comme elle l'avait conçu. 
Le 23 mai, vers cinq heures du soir, elle sortit avec 
500 ou 600 hommes à pied et à cheval. Jean de 
Luxembourg, qui commandait à Clairoix, se trouvait 
alors à Margny, observant la place : il fut surpris 
avec les autres, et repoussé vivement sur Clairoix; 



COMPIËGNE. 189 

• 

mais ceux de Clairoix accoururent à son aide , et la 
lutte se soutint dans la prairie avec des alternatives 
qui en retardaient le résultat. Les Anglais entrepris 
rent d'en profiter. La chose était prévue, et les ar- 
chers disposés par Guillaume de Flavy derrière les 
épaulements du boulevard du pont, devaient leur ren« 
dre le passage de la chaussée fort difficile. Mais ce 
mouvement intimida ceux qui combattaient aux der« 
niers rangs dans la troupe de la Pucelle. Ils craigni- 
rent d'être coupés de la place , et, fuyant vers la 
chaussée, ils suscitèrent le mal qu'ils redoutaient. 
Les Anglais, en effet, encouragés par leur fuite, se 
portèrent avec plus d'ardeur vers la chaussée, et s'y 
logèrent sans péril, protégés par les fuyards eux- 
mêmes contre ceux du boulevard, qui ne pouvaient 
plus tirer sans frapper indistinctement amis et enne- 
mis ; et, d'autre part, les Bourguignons se portaient 
avec plus d'ardeur contre ceux qui tenaient encore 
avec la Pucelle'. 

Déjà ceux-ci commençaient à plier, et ils la pres- 
saient de regagner la ville. Elle résistait : « Taisez- 
vous, leur disait-elle; il ne tiendra qu'à vous qu'ils 
ne soient déconfits. Ne pensez que de férir sur eux. » 
Mais, quoi qu'elle dît, ils voulurent pourvoir au- 
trement à leur salut, et elle fut bien forcée de les 
suivre, marchant la dernière et soutenant l'efTort des 
assaillants. Malheureusement, ceux contre lesquels 
elle luttait n'étaient pas les seuls à craindre. Beau- 
coup d'autres, témoins de sa retraite, se portèrent en 



190 LIVRE QUATRlfiME. 

foule vers le pont pour lui en disputer le passage ; 
et Flayy, appréhendant qu'ils n'entrassent avec les 
siens dans Compiègne, fit lever le pont de la ville et 
fermer la porte. La Pucelle demeura donc dehors^ 
acculée à la rivière et au fossé du boulevard avec le 
petit nombre de chevaliers qui s'étaient attachés à 
sa fortune . Elle était vivement pressée : cinq ou six 
hommes d'armes s'étaient jetés sur elle en même 
temps, criant : 

« Rendez- vous à moi et baillez la foi. 

— J'ai juré et baillé ma foi à autre qu'à vous, dit- 
elle, et je lui en tiendrai mon serment. >; 

Mais vainement résistait-elle en face : elle fut tirée 
pair ses longs habits à bas de son cheval, et prise 
par un archer du bâtard de Wandonne, un des cheva- 
liers de Jean de Luxembourg. Son frère Pierre, son 
écuyer d'Aulon , et Poton de Xaintrailles , qui ne 
l'avaient pas quittée, eurent le même sort^ 

Ainsi fut prise la Pucelle, aux portes mêmes de la 
ville qu'elle voulait défendre, abandonnée de ceux 
qu'elle était venue sauver : c'est le commencement 
de sa passion. Fut-elle livrée aussi par un des siens, 
et cette politique funeste qu'elle avait eu tant de 
peine à vaincre jusqu'à Reims, et qui, depuis Paris, 
la tenait en échec, a-t-elle triomphé d'elle par un 
acte formel de trahison? On Ta dit, et on Ta voulu 
établir par le témoignage même de la Pucelle. On 
lit en effet dans le Miroir des femmes vertueuses^ petit 
livre du commencement du xvi* sièclei qu'un matin, 



COHPIËGIfC. 191 

la Pucellei à Compiègne, ayant fait dire la messe et 
communié dans Téglise Saint- Jacques, se retira près 
d'un pilier de Téglise, et trouvant là plusieurs gens 
de la ville et une centaine d'enfants rassemblés pour 
la voir^ leur dit : «Mes enfants et chers amis^ je vous 
signifie que Ton m'a vendue et trahie et que de brief 
(bientôt) serai livrée à la mort. Si (ainsi) vous supplie 
que vous priiez Dieu pour moi ; car jamais n'aurai plus 
de puissance défaire service au roi ne au royaume de 
France*.» 

Ce livre a peu d'autorité par lui-même; et tou- 
tefois il s'appuie ici des témoignages de deux vieil- 
lards, âgés lun de quatre-vingt-huit et Tautre de 
quatre-vingt-six ans^ que l'auteur avait entendus à 
Compiègne en 1498, et qui disaient avoir été présents 
lorsque la Pucelle prononça ces paroles. Sans récuser 
le fait en lui-même, M. J. Quicherat a montré qu'il 
ne se peut rapporter au jour de la sortie; car Jeanne, 
entrée le matin dans Compiègne, fit son attaque et 
fut prise le soir. Elle savait qu'elle devait être prise, 
mais, elle ne savait ni quand ni comment : elle a dé* 
claré elle-même que, si elle eut su qu'elle dût l'être à 
cette sortie, elle n'y serait point allée. Ces paroles 
peuvent donc avoir été comme un épanchement 
de la tristesse qu'elle avait dans le cœur en 
songeant à sa captivité prochaine ; et la scène 
paraît à M. Quicherat se placer assez convenable- 
ment quelques semaines plus tôt, quand Jeanne,vou- 
lant passer l'Aisne à Soissons pour tomber sur le duc 



192 LIVRE QUATRIÈME. 

de Bourgogne au siège de Ghoisy, se vit arrêtée par 
la trahison du capitaine de la place, et qu'elle revint 

m 

tout affligée dans Compiègne. En ce dernier jour, 
elle redoutait si peu d'y être trahie, qu^elle y était 
venue exprès le matin même ; et Flavy était le der- 
nier dont elle eût à craindre une trahison, puisqu'elle 
venait librement défendre la ville qui.était sa fortune, 
et qu'il défendit lui*même avec tant de vigueur pen- 
dant six mois. Ajoutons que la Pucelle ne l'en soup- 
çonna pas plus après qu'avant sa captivité : car son 
idée fixe dans sa prison, idée qui prévalut en elle 
jusque sur l'autorité de ses voix, c'était d'en sortir 
au péril même de la vie , pour aller sauver la ville 
où Flavy semblait près de succomber *. 

C'est donc à tort que l'on a rapporté à la trahison 
de cet homme la captivité de la Pucelle. Flavy répu- 
gnait peu au crime, toute sa sanglante histoire le 
prouve; et toutefois, si criminel qu'il ait été, on ne 
peut l'accuser d'être traître quand il n'eût pu Têtre 
qu'à ses propres dépens. Mais, s'il n'a point livré la 
Pucelle, est-il complètement innocent de sa perte ? 
Évidemment, en cette occasion, il se montra moins 
préoccupé de la sauver que de garder sa ville. Or, la 
Pucelle était d'assez grande importance pour que 
tout fût à risquer, même Compiègne, afin de la sau- 
ver ; et une sortie énergique delà garnison aurait 
suffi peut-être pour dégager le pont, ne fût-ce qu'un 
seul moment, et donner à la Pucelle le temps de 
rentrer dans la place. Ainsi elle fut victime, sinon 



COMPIÈGNE. 1 93 

de la trahison y au moins d'une coupable indifférence; 
et, à cet égard, Tévénement de Compiègne répond • 
trop bien à cette funeste politique qui» depuis si long- 
temps , minait sourdement ou entravait Tœuvre de 
Jeanne d'Arc. Ce n'est donc pas entièrement sans 
raison qu'un annaliste de Metz contemporain (pour 
le reste 9 assez mal informé) rapportait sa captivité, 
comme l'écbec de Paris , à la jalousie de La Tré- 
mouille : (( Et fut dit qu'il n'estoit mie bien loyaux au- 
dit roi, son seigneur, et qu'il avoit envie des faicts 
qu'elle faisoit et fut coupable de sa prise.» Jeanne 
d'Arc ne fut livrée par personne, mais elle fut 
constamment trahie par tous ceux qui la devaient 
le plus soutenir \ 

Ce coup dont elle ne doit point se relever est-il un 
suprême démenti à la vérité de sa mission? Ce serait 
bien mal la comprendre. Jeanne d'Arc a pu révéler 
des choses qui lui étaient inspirées : mais, pas plus que 
les prophètes, elle ne s'est jamais donnée comme sa* 
chant l'avenir. Les prophètes ont eu. des révélations 
déterminées; ils ont parfois annoncé des choses que 
l'événement a démenties, comme Jonas prêchant la 
ruine de Ninive : parce que les actes de la Providence 
ne sont point des actes de la fatalité, et que si Dieu 
peut suspendre les effets de sa colère en faveur des 
pécheurs repentants, il peut aussi, devant une indifiTé- 
rence aveugle à la grâce, révoquer les promesses de sa 
miséricorde. Jeanne avait déclaré l'objet de sa mis- 
sion : c'était de chasser les Anglais» Elle avait dit 
I 13 



194 LIVRE QUATRIÈME. 

qu'elle délivrerait Orléans et ferait sacrer le roi à 
Reims ; elle avait dit qu'on prendrait Paris ; elle le di* 
sait encore, blessée, au pied des murailles : mais^ nous 
le répétons^ il fallait qu'on la suivit ju^u'au bout 
comme à Orléans^ comme à Reims. Rien ne se pouvait 
faire sans un libre concours à la grâce. Pour ce qui 
la concerne, elle avait su, elle avait dit qu'elle serait 
blessée à Orléans, qu'elle ne durerait guère plus d'une 
année, qu'elle serait prise. Quand et comment? elle 
ne l'avait pas su, et elle disait très-franchement, on 
Ta vu, que si elle avait su qu'elle dût l'être dans cette 
sortie, elle n'y serait point allée. Prisonnière, sa vie 
active est terminée : mais sa mission ne Test pas en- 
core, et celte phase où elle entre en est le couronne- 
ment et la consécration. Où a-t-on jamais vu que le 
martyre fût un jugement de Dieu contre ses envoyés? 
Sans sa captivité, plusieurs traits de son caractère 
seraient demeurés inconnus; sans son procès, sa 
mission serait restée dans le demi-jour de la lé« 
gende. Son procès, et je parle surtout du procès de 
condamnation, offre le témoignage le plus incontes- 
table en sa faveur. Ses ennemis, qui la pouvaient 
tuer, ont cru faire plus que lui ôter la vie , ils ont 
voulu perdre sa mémoire : et ils lui ont élevé un mo- 
nument plus irrécusable qu'aucun de ceux qui ont 
établi les droits des saints à la vénération des fidèles. 
Sa belle et grande figure brille plus parmi ces ou* 
trages qu'elle ne l'eût fait parmi les formules respec- 
tueuses d'un procès canonique; et toute la suite de 



COMPIÈGNE. 195 

cette longue et insidieuse procédure , en mettant 
journellement à l'épreuve la sincérité de sa parole, la 
fermeté de son jugement et ce bon sens exquis dont 
elle' est douée, servira mieux que nulle autre chose à 
montrer la vérité de son inspiration. 



up 



LIVRE CINQUIÈME 



ROUEN. - LES JUGES. 



La Pacelle, prisonnière du bâtard de Wandonne, 
fut menée au camp de Margny, où bientôt accouru- 
rent, poussant des cris de joie, tous les chefs anglais 
et bourguignons, et après eux le duc de Bourgogne, 
arrivé trop tard pour la bataille. Que lui dit-il? Que 
lui dit Jeanne elle-même? Monstrelet, présent à l'en- 
trevue, n'en a point gardé le souvenir. Le duc était 
du sang de France; et Jeanne, à plusieurs reprises, 
lui avait écrit pour le ramener au roi ; mais depuis la 
campagne de Paris, elle n'espérait plus le détacher 
des Anglais que par la force. — Le bâtard de Wan- 
donne étant delà compagnie de Jean de Luxembourg, 
c'est à ce prince que Jeanne appartenait. Après trois 
ou quatre jours passés au camp, il l'envoya à son 



198 LIVRE CINQUIÈME. 

château de Beaulieu, jugeant peu sûr de la retenir 
si près de la ville assiégée*. 

Ce n'étaient pas seulement les assiégés que le sire 
de Luxembourg devait craindre, s'il voulait gar- 
der la captive dont le droit de la guerre l'avait fait 
maître. La Pucelle avait été prise le 23. Le 25 on le 
sut à Paris. Dès le 26, le vicaire général de l'inqui- 
sition adressait au duc de Bourgogne un message, 
que dut accompagner ou suivre de bien près une 
lettre de TUniversité, conçue dans le même sens : 
lettre perdue, mais qui est rappelée dans une autre 
conservée au procès. L'Université priait le duc de 
livrer Jeanne, comme idolâtre, à la justice de l'Église. 
L'inquisiteur la réclamait en vertu de son office, et 
« sur les peines de droit, » rappelant l'obligation 
formelle de « tous loyaux princes chrétiens, et tous 
autres vrais catholiques » d'extirper « toutes erreurs 
venans contre la foi. » Mais il y avait, derrière l'in- 
quisitioQ et l'Université , une puissance bien autre- 
ment redoutable pour la Pucellei je veux dire les 
Anglais. Ils voyaient en elle la cause unique de leurs 
revers, et ce n'était pointassiez pour leur sécurité que 
de savoir aux mains des Bourguignons celle qui 
avait relevé la fortune de la France. Gomment douter 
que Charles YII ne sacrifiât, s'il le fallait, le meilleur 
de son royaume, pour recouvrer celle qui l'atait sauvé 
d'une entière conquête et promettait de le reconqué- 
rir entièrement? Et comment se flatter que le sire de 
Luxembourg résistât à ces offres? Le comte avait re- 



ROUEH. — LES JtGES. 199 

poussé leurs premières ouvertures : n'était-ce pâs dans 
lespoir d'avoir de Charles VU un meilleur prix? Pour 
la lui disputer il fallait aux Anglais plus que de l'ar- 
gent : il leur fallait l'autorité de la religion, mise au 
service de leurs intéréts.G'est par l'Église qu*ils ten* 
tèrent de la prendre, comme c'est par elle qu'ils la 
voulaient frapper : entreprise d'une hypocrisie infer- 
nale, où ils déployèrent assez d'habileté, sinon pour 
égarer le sentiment populaire, au moins pour donner 
1 le change à certains esprits trop prompts à relever 
comme idées nouvelles des apparences dont le bon 
sens public a de tout temps fait justice*. 

Si l'on en croit, en effet, non point le savant éditeur 
des procès de Jeanne d'Arc, mais des interprètes un 
peu téméraires des documents qu'il a réunis, les An- 
glais seraient, pour ainsi dire, étrangers à la con- 
duite de cette affaire; c'est l'affaire de TËglise de 
France et de l'Université de Paris. C'est TUniversité 
qui a eu l'idée du procès : c'est ua évêque fran- 
çais qui l'exécuta, assisté de docteurs en théologie et 
autres juges parmi lesquels on trouve à peine un nom 
anglais. Les Anglais y assistent en simples specta- 
teurs. Voilà la thèse comme on la pourrait soutenir 
de l'autre côté du détroit, mais à la condition pour- 
tant de s'arrêter à la surface des choses. Assurément 
il ne faut pas laisser aux Anglais tout l'odieux de ce 
grand crime. Il y avait en France tout un parti lié à 
eux par nos troubles civils. Charles YII était pour les 
Bourguignons Thomme des Armagnacs. La Pucelle, 



200 LIVRE CINQUIÈME. 

nous ne voulons pas dire par quel blasphème impur 
Ils la disaient des Armagnacs. Ils la détestaient donc, 
et les haines civiles ne sont pas moins vives que les 
haines nationales. Mais sur un point où l'orgueil et 
la fortune de TÂngleterre étaient tenus en échec, la 
hainedes Anglais ne lecédait point aux haines civiles 
de la France : elle sera là pour les entretenir, les gui- 
der, et y suppléer au besoin. Il ne fut pas nécessaire 
qu'on suggérât aux Anglais l'idée de ce procès : si 
l'inquisition, si l'Université de Paris l'exprimèrent au 
lendemain de l'affaire de Gompiègne, eux-mêmes, on 
le peut dire, l'avaient eue dès la veille de la déli- 
vrance d'Orléans, quand ils répondaient aux somma- 
tions de la Pucelle en menaçant de la brûler dès qu'ils 
l'auraient : on ne brûle pas des prisonniers de guerre. 
Dès l'origine, ils étaient donc résolus à la faire juger 
comme hérétique et comme sorcière. Pour accomplir 
leur résolution, ils n'eurent qu a prendre les instru- 
ments qu'ils trouvaient tout prêts à les servir: 

Les Anglais n'ont pas eu seulement la première 
idée de ce procès : ils en ont eu la direction. 

Pour juger la Pucelle, il la fallait avoir. Pour l'a- 
voir, comme pour la juger, ils employèrent un homme 
à eux, Pierre Gauchon, évêque de Beauvais. 

Pierre Cauchon paraît dans le procès l'organe le 
plus accrédité de l'Université de Paris. Dès le temps 
de Gharles VI, il avait été appelé, par les suffrages de 
ce corps, aux fonctions de recteur, et il était devenu 
le conservateur de ses privilèges. Mais les circon- 



ROUEN. — LES JUGES. 201 

Stances Tavaient particulièrement attaché au parti des 
Anglais. Évèque de Beauvais, grâce à i*appui du duc 
de Bourgogne, il avait été chassé de son siège par un 
mouvement du peuple en faveur de Charles YII ; ré- 
fugié à Rouen, il convoitait ce siège archiépiscopal 
vacant alors, et il l'attendait de Tintervention du roi 
d'Angleterre auprès du pape. Ce fut lui que les An- 
glais choisirent pour se faire livrer et pour juger la 
Pucelle. La Pucelle avait été prise dans le diocèse de 
Beauvais> et, à ce titre, relevait de Tévêque du lieu. 
Pierre Cauchon n'eut garde de s'excuser de son ab- 
sence; le siège d'où il était chassé lui offrait le 
moyen d'arriver à l'autre; l'ambition et le ressenti- 
ment conspiraient en lui au profit des intérêts de 
l'Angleterre. S'étant concerté avec l'Université de Pa- 
ris, il vint, le 14 juillet, au camp de Compiègne, et 
réclama du duc de Bourgogne la prisonnière, comme 
appartenant à sa justice; il présenta à l'appui de sa 
requête les lettres adressées par l'Université de Paris 
au duc et à Jean de Luxembourg. La main qui diri- 
geait tout se trahissait d'ailleurs dans sa requête. 
Cette requête était accompagnée d'offres pécuniaires : 
un évêque n'offre pas de l'argent pour juger ceux qui 
sont de sa juridiction. Aussi l'offre était-elle faite pu- 
rement et simplement au nom du roi d'Angleterre : 
« Et combien, dit Tévêque, qu'elle ne doive point 
être de prise de guerre, comme il semble, considéré 
ce que dit est; néanmoins, pour la rémunération de 
ceux qui l'ont prise et détenue, le roi veut libéra- 



202 LIVRE CINQUIÈME. 

lement leur bailler jusqu^s à la somme de'YI mil 
francs, et pour ledit bâtard quiTaprise, lui donner et 
assigner rente pour soutenir soù état, jusques à II ou 
III cents livres. » Il finit mème^ en terminant sa 
lettre, par offrir iOOOO francs, somme au prix de 
laquelle, selon la coutume de France qu'il invoquait, 
le roi avait le droit de se faire remettre tout prison- 
nier, fût-il de sang royale 

Pour soutenir le sire de Luxembourg contre ees 
obsessions, il eût fallu que Charles YII fît des dé- 
marches, des offres même, et que le clergé, qui avait 
reconnu la mission de la Pucelle, fît voir que toute 
TÉglise n'était pas du côté de ceux qui la voulaient 
Juger. Ori il n'y a nulle trace d'aucun acte de cette 
nature. Charles YII demeure immobile, et son clei^é 
se tait. Je me trompe : on a l'extrait d'une lettre du 
obancelierRegnault de Chartres, archevêque deReims, 
aux habitants de sa ville épiscopale. Il leur annonce 
la prise de la Pucelle, et y veut voir comme un juge- 
ment de Dieu, « comme elle ne vouloit croire conseil, 
ains (mais) faisoit tout à son plaisir; ») il leur annon- 
çait, par une sorte de compensation, « qu'il étoit venu 
devers le roi un jeune pastour, gardeur de brebis 
des montagnes de Gévaudan, en l'évêché de Mende^ 
lequel disoit ne plus ne moins que avoit fait la Pu- 
celle, et qu'il avoit commandement d'aller avec les 
gens du roi et que sans faute les Anglois et les Bour- 
guignons seroient déconfits. » Bien plus, « sur ce 
que on lui dit que les Anglois avoient fait mourir 



HOUtN. — LES JUGES. 203 

Jeanne la Pucelle, le pastour répondit que tant plus 
il leur mescherroity et que Dieu avoit souffert pren- 
dre Jeanne, pour ce qu'elle s'étoit constituée en or- 
gueil^ et pour les riches habits qu'elle avoit pris, et 
.qu'elle n'ayoit fait ce que Dieu lui avoit commandé^ 
ains avoit fait sa volonté. » Ainsi ee n'étaient 
pas seulement les Anglais et les Bourguignons qui 
triomphaient de la chute de la Pucelle : c'étaient les 
conseillers de Charles VIII La Pucelle succombait, 
parce qu'elle ne les avait point écoutés. Dieu avait 
jugé : un envoyé plus /docile (aux conseillers, on le 
peut croire) venait prendre sa place, et c'était de la 
réprobation de Jeanne qu'il faisait les préliminaires 
et comme le fondement de sa mission. Les Anglais 
avaient donc bien eu tort de tant craindre d'être tra- 
versés dans leurs négociations : Charles VII n'avait 
garde de leur faire concurrence. Que s'ils poussaient 
leur haine jusqu'au bout, s'ils faisaient mourir 
Jeanne d'Arc, tant mieux encore, puisque, d'après 
le jeune pastour de l'archevêque de Reims, « tant 
plus il leur en mescherroit\ » 

Le sire de Luxembourg céda, et l'évêque put en rap- 
porter la bonne nouvelle à ceux qui l'avaient envoyé. 
C'est l'Angleterre qui payait, mais c'était la Norman- 
die et les pays de conquête qui en devaient donner l'ar- 
gent;onen répartit la somme par surcroîtà l'impôt que 
ces provinces devaient fournir pour une levée de sol- 
dats : la Pucelle valait bien, sans doute, une armée. 
Au mois d'août, le marché étant conclu, les États de 



204 LIVRE CINQUIÈME. 

Rouen votent le subside; le 2 septembre, le roi or- 
donne qu'il soit réparti et levé avant la fin du mois ; 
et le 24 octobre, en vertu des lettres royaux, datées 
du 20, le trésorier de Normandie fait acheter la mon* 
paie d'or qui doit solder le prix de laPucelle*. • 

Le marché faillit manquer par un incident qui 
n'avait pas été prévu au contrat. 

Jeanne avait subi avec courage l'épreuve si dure 
de la captivité. Si l'événement de Compiègne, qui 
comblait de joie tous ses ennemis, avait, jusque 
parmi les siens, donné satisfaction aux jaloux et 
ébranlé les faibles, il n'avait pas diminué sa foi. Sa 
captivité lui avait été prédite, et ses saintes ne l'a- 
vaient point abandonnée. Elle se résignait donc, mais 
elle se tenait toujours prête à reprendre l'œuvre 
qu'elle estimait seulement interrompue. Un jour, à 
Beaulieu, elle crut en avoir trouvé l'occasion : elle 
faillit s*échapper à travers les ais de sa prison. Elle 
était déjà sortie de la tour, et, pour mieux assurer sa 
fuite, elle allait y enfermer ses gardiens, quand elle 
fut aperçue du portier, qui la reprit". 

De Beaulieu, où elle demeura trois ou quatre mois 
(mai-août), le sire de Luxembourg la fit passer en 
son château de Beaurevoir, près de Cambrai, à une 
distance du théâtre de la guerre qui devait rendre 
moins facile toute tentative soit d'évasion, soit d'en- 
lèvement. Là résidaient la femme et la tante de ce 
seigneur; et Jeanne n'eut qu'à se louer de leurs soins : 
mais elle refusa les vêtements de femme que ces da- 



ROUEN. — LES JUGES. 205 

mes lui offraient^ disant qu'elle n^en avait pas congé 
de Noire- Seigneur, et qu'il n'était pas temps encore. Si 
les habits d'homme lui étaient nécessaires dans la vie 
des camps, parmi les gens de guerre, qui respectaient 
en elle Tenvoyée de Dieu et la messagère de la victoire, 
Fétaient-ils moins parmi des ennemis dans l'isole- 
ment de la prison ? Jeanne put en faire l'expérience 
dans ce château même. Les jeunes seigneurs voulaient 
la voir et lui parler, et plus d'une fois elle eut à se 
défendre contre leurs indécents badinages. D^ailleurs 
elle ne croyait point sa mission terminée, et n'avait 
pas renoncé à ses projets de fuite. Le sire de Luxem- 
bourg les redoutait fort : il la tenait dans un donjon 
très-élevé, et il craignait encore qu'elle n'échappât 
par art magique ou par quelque moyen subtil *. 

Jeanne n'y mit point tant de subtilité. Elle savait 
qu'elle était vendue aux'Anglais; elle savait que 
Compiègne tenait encore, mais sans être secourue : 
elle résolut de sauter du haut de la tour. Elle-même a 
raconté les luttes qu'elle eut à soutenir contre l'inspi- 
ration à laquelle elle avait jusque-là toujours obéi. 
Vainement ses voix blâmaient - elles ce dessein 
périlleux; vainement sainte Catherine lui répé- 
tait tous les jours que Dieu lui aiderait, et même à 
ceux de Compiègne : elle trouvait réplique à toute ob- 
jection. Elle répondait que puisque Dieu y devait 
aider, elle y voulait être; et comme la sainte lui disait 
de prendre patience, qu'elle ne serait point délivrée 
tant qu'elle n'eût vu le roi d'Angleterre, elle protes- 



1 



206 LIVRE CINQUIÈME. 

tait qu'elle ne le voulait point voir, et qu'elle aimerait 
nnieux mourir que d'être mise en la main des An- 
glais. Ce combat^si pénible pour Jeanne durait déjà 
depuis longtemps^ quand on lui dit que Gompiègne 
était à la veille d'être prise, qu'elle serait détruite et 
tous les habitants mis à mort depuis l'âge de sept 
ans. A cette nouvelle, elle s*écria : « Gomment Diea 
laissera-t-il mourir ces bonnes gens de Gompiègne, 
qui ont été et sont si loyaux à leur seigneur? » Dès 
ce moment elle n'écouta plui^rien^ et, se recomman- 
dant à Dieu et à Notre-Dame, elle sauta du haut de la 
tour. Elle demeura sur la place sans mouvement ; 
ceux qui la relevèrent la croyaient morte, et elle de- 
vait se tuer en efEet : car on ne peut guère supposer 
à cette tour moins de soixante pieds de haut. Toute- 
fois elle reprit ses sens, mais dans le moment elle 
avait perdu la mémoire : il fallut qu'on lui dît qu'elle 
avait sauté du haut du donjon. 

Elle fut deux ou trois jours ne voulant, ou, pour 
mieux dire, ne pouvant ni boire ni manger. Mais 
sainte Gatherine, dit-elle, la réconforta; elle la reprit 
doucement de son imprudence, elle lui dit qu'elle se 
confessât et demandât pardon à Dieu , ajoutant, pour 
la consoler, que Gompiègne serait secourue avant la 
Saint-Martin d'hiver. Elle se prit donc à revenir et à 
recommencer à manger, et en peu de jours elle fut 
guérie*. 

Le marché put donc s'accomplir. Le sire de 
Luxembourg avait éprouvé qu'une pareille prison- 



ROUEN. ^ LES JUGES. 207 

nière est de garde difficile, et, malgré les résistances de 
sa tante, il la livra (novembre 1430). — De Beaurevoir 
on la mena à Arras, et de là au Crotoy, où elle fut re- 
mise aux Anglais par les officiers du duc de Bour- 
gogne (novembre 1430). Le duc de Bourgogne, qui 
avait besoin des Anglais pour achever de s'afremiir 
aux Pays-Bas, s'était prêté de bonne grâce à la négo- 
ciation y et n'était point fâché de paraître dans la 
conclusion du marché. Par cet acte de condescen- 
dance, il acquérait de nouveaux titres à leur faveur. 
Qu'il en garde la responsabilité devant l'histoire'. 

Avant de la livrer, comme elle était encore à Arras, 
on lui offrit des vêtements de femme; mais parmi 
les Anglais, elle devait pins que jamais avcMr besoin 
de ses habits d'homme : elle refusa. Au Crotoy, où 
elle séjourna jusqu'à ce que les dernières mesures fus- 
sent arrêtées pour son procès, sa captivité ne paraît pas 
avoir été fort rigoureuse encore. Elle y pouvait assis- 
ter à la messe. Un chancelier de l'église cathédrale d'A- 
miens, qui se trouvait alors dans le château, l'enten- 
dait en confession et lui donnait reucharistie ; les 
dames mêmes d'Abbeville étaient admises à la visiter : 
et c'est une justice à rendre aux femmes, que parmi 
tant d'outrages dont elle fut l'objet, pas un seul ne 
lui vint de leur part. On ne cite d'elles que des témoi- 
gnages d'admiration et d'estime pour celle qui, elles 
le sentaient bien , ne déshonorait pas leur sexe sou? 
ces habits dont la pudeur des hommes se montrait si 
fort scandalisée. La Pucelle fut touchée de ces hon- 



208 LIVRE CINQUIÈME* 

neurs rendus à ses chaînes; elle remerciait ses nobles 
visiteuses» « se recommandait à leurs prières, el les 
baisant amiablement, leur disait : A Dieu !^ n 

Les Anglais n'avaient acheté la Pucelle que pour la 
juger; c'est à ce titre qu'ils l'avaient fait ré<Jamer par 
Tévèque de Beauvais. Mais Beauvais appartenant à 
Charles VU, où allaient-ils dresser le tribunal? L'U- 
niversité de Paris réclamait pour Paris* L'Université, 
qui avait montré tant de crainte que la Pucelle n'é- 
chappât lorsqu'elle était encore aux Bourguignons, ' 
apprenant qu'elle est aux Anglais, se met aussitôt en 
campagne. Dès le 21 novembre, elle écrit au roi; elle 
le complimente d'avoir entre ses mains cette ennemie 
de la foi, et le presse de la livrer enfin à la justice, 
c'est-à-dire à l'évèque de Beauvais et à l'inquisiteur; 
elle le prie de la faire conduire à Paris, pour don- 
ner au procès plus de sûreté et d'éclat : « Car par les 
mais 1res docteurs et autres notables personnes estant 
par deçà en grant nombre, seroit la discussion d'icelle 
de plus grant réputation que en autre lieu. » Le 
même jour, elle écrivait à l'évèque de Beauvais une 
lettre acerbe, que l'évèque ne manque pas d'insérer 
parmi les pièces de procédure, comme pour i-endre sa 
responsabilité moins lourde en la partageant. L'Uni- 
versité s'étonne de si longs retards ; elle s'en prend à 
la négligence de l'évèque : w Si Votre Paternité, dit- 
elle, avait mis plus de zèle dans la poursuite de l'af- 
faire, cette femme serait déjà en justice. Il ne nous 
importe pas si peu, tandis que vous êtes revêtu d'une 



ROUEN. — LES JUGES. 209 

si grande dignité dans TÉglise, d'ôter les scandales 
commis contre la religion chrétienne, surtout quand 
il se trouve que le soin d'en juger est de votre juri- 
diction. » Elle le prie donc de ne pas laisser plus 
longtemps en souffrance Tautorité de TÉglise, et de 
faire en sorte que le procès se poursuive à Paris, où il 
y a tant de sages et de docteurs ^ 

Mais les Anglais ne se souciaient point de conduire 
la Pucelle à Paris : car, bien que la ville fût à eux, ils 
ne s'y sentaient pas assez les maîtres. Les Armagnacs 
poussaient encore leurs courses jusqu'au Bourget, 
jusqu'à la porte Saint- Antoine : le 6 novembre, le 
roi d'Angleterre donne à Tévôque de Tbérouanne, son 
chancelier pour la France , la faculté de différer la 
rentrée du parlement en raison des dangers de la 
route; et la ville même n'était pas sûre. On le voit 
par les plaintes perpétuelles du Bourgeois sur l'aban- 
don où elle est laissée , sur la cherté des vivres. Les 
Anglais ne voulaient donc point de Paris. Un coup 
de main des Armagnacs, un mouvement populaire 
pouvait tout emporter. Peut-être même ne se sou- 
ciaient-ils pas de faire le procès si près de l'Univer- 
sité elle-même: car qc corps, tout passionné qu'il fût, 
était indépendant, ils entendaient bien s'en servir, 
mais non se livrer à sa discrétion ; et pour cela, 
rien de mieux que de placer leur tribunal à distance 
• et d'y appeler, par des choix réfléchis, les plus sûrs 
des docteurs parisiens. Ils menèrent donc Jeanne à 
Rouen. Là, quelques impatients se seraient même 

I 14 



210 LlVaE CmaUIÈME. 

passés du secours des docteurs de Paris : ils voulaient 
la mettre dans un sac et.la jeter à la Seine. On croyait, 
en efTeti parmi les Anglais , qu'aucun succès n'était 
possible tant qu'elle serait en vie, et le siège qu'on 
voulait mettre devant Louviers fut ajourné jusqu'a* 
près sa mort. Mais l'expédient, qui semblait tout fi- 
nir, laissait les Anglais sous le coup de leurs défaites. 
Pour les en relever, c'était peu que de tuer Jeanne ; 
il fallait la flétrir. Jeanne s'était dite envoyée de Dieu 
pour chasser les Anglais, et elle les avait vaincus 
partout où on l'avait voulu suivre. Dieu était-il donc 
contre les Anglais ? Il fallait montrer qu'elle n'était 
pas son envoyée, mais bien une magicienne et un 
suppôt du diable. A ce prix-là seulement, l'autorité 
des Anglais devait se rétablir dans leurs conquêtes : 
brûler Jeanne comme sorcière, ce n'était pas seule- 
ment pour eux une affaire d'amour-propre, mais une 
question de domination *. 

On la mit, dès son arrivée, dans une cage de fer : 
un peu plus tard, on se contenta de la tenir à la 

« 

chaîne; mais combien elle eut à regretter sa cage, 
dans la compagnie des soldats qu'on lui donnait pour 
gardiens, ou des seigneurs qui la venaient visiter I 
De ce nombre, on vit un jour venir à la prison, 
avec Warwick et Stafford, Jean de Luxembourg, qui 
l'avait vendue. Il osa lui dire qu'il venait la racheter 
si elle voulait promettre de ne plus jamais s'arnaer 
contre l'Angleterre. « En nom Dieu, lui répondit-elle, 
vous vous moquez de moi, car je sais bien que vous 



ROUEN. — LES JUGES. 21 i 

n'en avez ni le vouloir ni le pouvoir; » et elle le ré- 
péta plusieurs fois. Gomme il insistait, elle ajouta ; 
« Je sais bien que ces Anglais me feront mourir , 
croyant après ma mort gagner le royaume de France; 
mais quand ils seraient 100 000 Godons plus qu'ils 
ne sont à présent, ils n'auront pas le royaume. » 
Le comte de Stafford indigné tirait sa dague pour 
la frapper, mais Warwick le retint. On a vu qu'' 
avait ses raisons*. 

Les Anglais avaient le juge , Tévèque de Beauvais« 
Il lui fallait un tribunal, puisque son siège était à 
l'ennemi. On avait rejeté Paris, et choisi Rouen : le 
siège était vacant ; il semblait qu*on n'y dût faire, 
ombrage à personne. Mais le choix était peu goûté du 
chapitre, dans la crainte que le prélat chassé de 
Beauvais ne se fît un titre de cet exercice des fonc- 
tions épiscopales à Rouen pour pai*venir au siège, il 
ne fallut pas moins que l'habileté anglaise pour né- 
gocier avec les chanoines, et obtenir d*eux concession 
du droit territorial à Tévêque à& Beauvais*. 

L'évèque de Beauvais ainsi installé à Rouen» il fut 
•moins difficile de lui composer son cortège judiciaire. 
Il prit pour procureur général ou promoteur, son 
vicaire général, qui partageait son exil et ses haines, 
Jean d'Estivet , dit Benedicitê. Quant aux assesseurs, 
l'Université de Paris s'était trop avancée pour qu'on 
ne fût pas sûr d'en trouver parmi ses principaux 
docteurs : on appela donc et l'on vit arriver sur cet 
appel Jean Beaupère, recteur en 1413 et depuis chan- 



212 LIVRE CINQUIÈME. 

celier en Tabsence de Gerson ; Jacques de Touraine, 
Nicole Midi, Gérard Feuillet, Thomas de Courcelles, 
déjà alors recteur émérite, quoique âgé de trente ans 
seulement, Tune des lumières de l'Église gallicane, 
dont il défendit avec éclat les privilèges au concile de 
Bâle. On en tira aussi du diocèse où le jugement al- 
lait s'accomplir : Gilles, abbé deFécamp, conseiller du 
roi d'Angleterre; Nicolas, abbé de Jumiéges; Pierre 
Miget, prieur de Longueville; Raoul Rousset, tréso- 
rier de la cathédrale ; Nicolas de Venderez, un des 
prétendants au siège de Rouen; Nicolas Loyseleur, etc. 
Plusieurs paraissent avoir accepté ce mandat sans 
répugnance, soit par conviction, soit par ambition; 
mais d'autres ne cédèrent qu'à la peur. Jean Tiphaine, 
maître es arts et médecin , voulait se récuser : il fut 
contraint. Le sous-inquisiteur lui-même laissa com- 
mencer sans lui le procès dont il devait être un des 
juges. Il n'y accéda que sur l'ordre de l'inquisiteur 
général, et, selon Massieu, sur l'avis confidentiel qu*il 
était en péril de mort s'il s'obstinait à refuser. On 
en cite un qui sut se montrer indépendant : ce fut 
Nicolas de Houppeville. Il osa soutenir que le procès 
n'était pas légal, parce que l'évèque de Beauvais était 
du parti ennemi de la Pucelle, et parce qu'il se faisait 
juge d'un cas déjà jugé par son métropolitain : la Pu- 
celle ayant été approuvée dans sa conduite par Tarehe- 
vêque de Reims, de qui relevait Beauvais. L'évèque, 
furieux, l'exclut de l'assemblée quand il vint prendra 
séance et le fit assigner devant lui : mais riotimé 



ROUEN. — LES JUGES. 213 

fusa de comparaître, comme ne relevant que dei'of- 
ficialité de Rouen. Il allait se présenter à ses juges 
quand il fut arrêté, conduit au château et mis en 
prison; et on lui dit que c'était par Tordre même de 
Tévêqûe, dotit il avait récusé la compétence. On ne 
voulait pas s'en tenir là : il était question de Texiler 
outre-mer; on parlait même de le jeter à Teau, mais 
il fut sauvé par les autres\ 

Cet exemple était moins propre à encourager qu*à 
effrayer les opposants. On voit d'ailleurs qu'il n'y en 
avait guère e( qu'on pouvait s'arranger de manière à 
ce qu'il n'y en eût pas ; mais le mandat une fois ac- 
cepté, il n'eût pas été facile d'«n user contrairement 
à la volonté de celui de qui on l'avait reçu . L'avis des 
témoins est que personne n'eût osé opiner autrement 
que l'évêque, et on en aura des preuves dans le cours 
du procès. Plusieurs ont, de leur aveu, voté par peur. 
G. de La Chambre, qui s'excusait comme étranger à 
la théologie en sa qualité de médecin, reçut l'avis 
que s*il ne signait au procès il se repentirait d'être 
venu à Rouen ; P. Miget, prieur de Longueville, dé- 
noncé comme favorable à la Pucelle, eut toutes les 
peines du monde à se justiâer auprès du cardinal de 
Winchester; le greffier Manchon, l'huissier Massieu, 
furent aussi plusieurs fois en péril. Et le sous-inqui- 
siteur lui-même, qui s'était si difficilement rallié, 
ayant paru moins docile par la suite, fut menacé 
d'être jeté à la rivière '. 

Voilà donc le tribunal. On n'y trouve guère d'An- 



214 LIVRE CINQUIÈME. 

glais, mais il n'y a personne qui n'y soit sous la 
main des Anglais. Le juge est à leurs ordres. Quand 
Jeanne le récuse comme son ennemi, il répond : m Le 
roi m'a ordonné défaire votre procès, et je le ferai. » 
Il s'y porte de tout cœur. On a vu sa joie quand il rap- 
portait au roi et au régent le contrat qui leur livrait 
Jeanne; et à présent qu'il la tient il s'applaudit de ce 
qu'il va faire « un beau procès. » Mais le juge n'est 
dans le procès que le fondé de pou voir de l'Angleterre. 
Les deux oncles du roi, Bedford et Winchester, le sur- 
veillent. Le tribunal siège au château ^u milieu des 
Anglais. Ils travaillent aux frais des Anglais. L'exacte 
comptabilité de l'Angleterre en donne la preuve pour 
chacun par livres et par sous; et s'ils ne travaillent 
pas bien, on a vu de quelle manière sommaire on 
entend régler leurs comptes. Il y en eut encore un 
autre exemple dans le cours du procès. Quelqu'un 
ayant dit de Jeanne une chose qui ne plut point à 
StafTord, le noble seigneur le poursuivit, l'épée à la 
main, jusque dans un lieu sacré. Il l'eût frappé, s'il 
n'eût été averti qu'il allait violer un asile I D'ailleurs, 
quelque garantie que trouvent les Anglais dans un 
juge dévoué et un conseil asservi à leur influence, le 
procès n'est qu'une épreuve dont ils n'ont rien à 
redouter. Si, contre toute attente, il n'aboutit pas à 
la condamnation de la Pucelle, ils se réservent de 
la reprendre : c'est une clause formellement expri- 
mée dans la lettre royale qui la livre à son juge; et 
même alors ils ne s'en dessaisissent point. La règle 



ROUEN. — LES JUGES. 215 

que l'accusée soit remise aux mains du juge est ou- 
bliée. La Pucelle est gardée dans le château de Rouen 
par les Anglais : Pierre Cauchon, si jaloux d'observer 
les formes de la justice, dut subir ici la volonté de 
ses maîtres. Il voulut au moins dégager sa respon* 
sabilité en un point si délicat^ et prit Taveu de son 
conseil : mais le conseil inclinant à observer le droit, 
il coupa court à la discussion, et décida seul. Bien 
plus, sa démarche, loin de le couvrir, ne faisant dès 
lors que le compromettre davantage, il supprima la 
délibération du procès-verbal : il n'y en a trace que 
par la déposition de l'un des assesseurs, Martin Lad- 
venu. Ainsi Jeanne demeura aux maips des Anglais, 
non plus dans la cage, mais dans une chambre obs-* 
cure de la tour du château, les fers aux pieds, liée 
par une chaîne à une grosse pièce de bois, et gardée 
nuit et jour par quatre ou cinq soldats de bas étage, 
des houce-paillers (houspilleurs), comme dit Massieu. 
Cette circonstance, si étrangère aux habitudes des 
juges ecclésiastiques, n'est pas indifférente; on peut 
même dire qu'elle fut capitale au procès : on verra 
que, sans elle, il eût été bien difficile de trouver un 
prétexte pour condamner la Pucelle*. 

Ce sont donc bien les Anglais qui ont fait le pro<* 
ces de Jeanne d'Arc. Us l'ont achetée, afin qu'elle soit 
N jugé^ V^^ ®u^ ) sinon par des Anglais de race, au 
moins par des hommes qui ne leur offrent pas moins 
de garantie : car le juge est à eux par ses haines comme 
par son ambition, et les autres appartiennent sinon 



216 LIVRE CINQUIÈME. 

• 

aux mêmes passions^ au moins à la même influence. 
L'Angleterre les paye, et leur donnera sa garantie, 
même contre le pape, si, en la servant, ils s'exposent 
à encourir son animad version. D'ailleurs, si les An* 
glais ne tiennent pas tous les juges, ils tiennent tou- 
jours Taccusée : ils la gardent dans leur prison, et ils 
sont là pour suppléer au jugement, si l'issue du pro-» 
ces trompe leur espérance. La sentence est déjà tout 
entière dans la lettre de Henri YI, qui la livre à son 
tribunal *. 

Lorsqu'il est prouvé que le procès de la Pucelle ne 
fut qu'une œuvre de parti, il est assez indifférent de 
rechercher s'il s'est fait dans les formes légales. La 
question pouvait avoir de l'intérêt à l'époque du procès 
de révision, et nous en pourrons dire un mot alors. 
Mais l'observation, même rigoureuse, des formes de 
la justice, n'est pas un signe qu'on en garde l'esprit. 
Y eut-il désir sincère d'arriver à la vérité dans la 
poursuite du procès ? Y eut-il au moins respect de la 
vérité dans la reproduction des interrogatoires et des 
enquêtes? Et que sera-ce si des enquêtes sont sup* 
primées, si les interrogatoires sont altérés; si le pro- 
cès-verbal, même ainsi rédigé, on le soustrait à la 
connaissance.de ceux que Ton consulte, pour ne les 
mettre en présence que d'un réquisitoire? Toutes ces 
questions seront à résoudre à mesure qu'elles se po- 
seront dans la suite des débats. Mais dès ce moment il 
est deux points que nous devons signaler, parce qu'ils 
touchent aux fondements mêmes du procès et au mo- 



ROUEN. — LES JUGES. 217 

nument qui nous en a gardé la substance : je veux 
parler des enquêtes préliminaires et des procès-ver- 
baux. 

Des enquêtes ont été faites et supprimées au pro- 
cès-verbal. 

On sait de quelle importance était en matière de vi- 
sions le fait de la virginité : la vision étant acceptée 
comme réelle, c'était un signe où l'on prétendait ju- 
ger si Tesprit qui se communiquait à la jeune fille 
était pur ou impur» Jeanne avait été visitée àPoitiers, 
et le rapport des matrones en ce point n'avait pas 
semblé moins décisif que celui des docteurs sur la 
foi due à ses paroles. Elle ne pouvait manquer de 
subir la même épreuve à Rouen : et le fait est attesté 
par d'irrécusables témoignages. L'huissier Massieu 
déclare qu'elle fut visitée par ordre de la duchesse de 
Bedford et par les soins de deux matrones ; c'est de 
l'une d'elles qu'il tient la chose. Guillaume Colles a 
ouï dire que le duc ^e Bedford assistait d'un lieu 
secret à l'examen ! Thomas de Courcelles, l'un des 
principaux assesseurs et le rédacteur dû procès sous 
sa forme latine, dit qu'il n'a jamais entendu mettre la 
chose en délibération, mais il lui paraît vraisem- 
blable et il croit qu'elle s'est faite, parce qu'il a ouï 
dire à Tévèque de Beauvais que Jeanne avait été 
trouvée vierge. Il dit même assez naïvement que, si 
.elle n'avait pas été trouvée vierge, on ne s'en serait 
pas tu au procès. Pourquoi, l'épreuve étant fa- 
vorable, n'en dit-on rien? Puisqu'on avait fait Ten- 



218 LIVRC CINQUIÈME. 

quête, pourquoi en supprime-t-on le résultat? C'est 
que le juge Testimait inutile, comme ne tournant 
pas contre l'accusée *. 

Mais il est une autre information qui était 
commandée par la nature même du procès, et 
qu'on cherché en vain parmi les pièces de la pro* 
cédure. 

Avant de poursuivre un hérétique, il fallait con- 
naître ses antécédents» ouvrir une enquête sur sa 
renommée dans le pays où il avait vécu. Cette en- 
quête u'a-t-elle pas été faite à Tégard de Jeanne? Les 
greffiers du premier procès, interrogés par les juges 
de la réhabilitation, ont déclaré qu'ils n'en ont pas eu 
connaissance. Manchon dit qu'il ne l'a ni vue ni lue, 
et que, si elle avait été produite^ il l'eût insérée au 
procès. G. Colles va jusqu'à dire qu'il croit qu'elle 
n'a jamais existé. Mais son existence est attestée par 
le premier procès lui-même. Il est dit en toutes let- 
tres au procès-verbal de la séance préparatoire du 
13 janvier, tenue par Tévêque avec l'assistance de 
cinq ou six conseillers intimes, qu'il y fit lire les in- 
formations faites dans le pays natal de Jeanne et en 
divers autres lieux. Pourquoi donc ne sont-elles pas 
au procès? On le devine, quand on sait ce qu'elles 
étaient, au témoignage de ceux qui les ont pu con- 
naître. On a, en effet, sur cette enquête, les déclara- 
tions les plus compétentes. C'est d'abord un des 
commissaires, Nicolas Bailly, d'Ândelot, qui en parle 
au procès de réhabilitation. Il déclare qu'il fut 



ROUEN. — LES JUGES. 219 

chargé par Jean de Torcenaiy bailli de Ghaumont 
pour Henri VI, d'aller avec Gérard Petit, prévôt 
d'Andelot, recueillir des renseignements sur Jeanne 
alors détenue dans le château de Rouen. Mais le ré- 
sultat parut tellement favorable à la Pucelle, qu'ils 
durent produire des témoins eux-mêmes, pour en at- 
tester la vérité; ce qui n'empêchapas le bailli de Ghau- 
mont de les traiter de faux (traîtres) Armagnacs. 
Au rapport d'un autre témoin, Tun des commissaires 
vint à Rouen apporter son enquête, espérant bien 
recevoir de Tévêque le prix de ses peines. Mais 
Tévêque, à la lecture du document, lui dit qu'il était 
un traître et un méchant homme, et qu'il n'avait pas 
fait ce que l'on voulait qu'il fît. Le commissaire, 
commençant à comprendre le véritable objet de sa 
mission, eut grand'peur alors de ne point toucher 
son salaire; ses informations n'avaient paru bonnes 
a rien, et on se l'explique sans peine : car, ajoutait* 
il^ (c bien que je les eusse faites à Domremy et dans 
cinq on six paroisses du voisinage, je n'ai rien 
trouvé en Jeanne que je ne voulusse trouver en ma 
sœur. » L'euquète n'a donc pas seulement été faite; 
elle a été remise à l'évèque ; elle a même été com- 
muniquée par lui à quelques assesseurs. Mais en 
quelle forme? c'est ce que nul ne peut dire, puis- 
que ce document disparaît dès lors du procès. Du 
reste, en quelque forme qu'il ait été lu ce jour-là 
à cinq ou six docteurs, il a été supprimé pour 
tous les autres; et cette suppression, qui témoigne 



220 LIVRB CINQUIÈME. 

si hautement de la partialité du juge, a été jus- 
tement signalée parmi les vices radicaux du pro* 
ces*. 

Les procès-verbaux offrent donc déjà sur les préli- 
minaires du procès des lacunes graves, où se révèle 
la pensée qui y préside; et à mesure que TafEsûre se 
déroulera, nous aurons plus d'une autre omission à 
signaler dans leur texte. Mais cette exposition offi- 
cielle, incqmplète sur des points qu'on a pu faire 
aux greffiers, doit-elle faire foi sur tous les autres? 
Il importe d'examiner de près cette question, puis- 
qu'il s agit du document dont le texte, quel qu'il soit, 
sera toujours la principale source de cette histoire. 

Le procès-verbal, tel que nous l'avons, a été tra- 
duit de l'original par Thomas de Courcelles, et la 
comparaison de la minute française, dont une copie 
nous est restée en partie, a prouvé que c'est généra- 
lement à tort que dans les enquêtes de 1452 et 1455 
on l'avait accusé d'infidélité. La traduction vaut donc, 
à peu de chose près, l'original, et c'est à l'œuvre 
même de la rédaction que nos observations doivent 
s'appliquer*. 

Trois greffiers. furent attachés à ce travail : Man- 
chon, G. Colles, dit Boisguillaume, et Taquel; Tun 
pour l'évêque de Beauvais, l'autre pour le roi d'An- 
gleterre, et le troisième pour l'inquisiteur. Les notes 
prises dans les interrogatoires, le matin, étaient col- 
lationnées le soir et reproduites dans une minute 
française que Manchon rédigea. Quand il la présenta 



ROUEN. — LES JUGES. 221 

lui-même au procès de réhabilitation, on lui demanda 
ce que signifiaient plusieurs nota qu'on lisait à la 
marge. Il répondit que dans les premiers interroga- 
toires de Jeanne, le premier jour, dans la chapelle 
du château, il y eut grand tumulte; on l'interrom- 
pait presque à chaque mot quand elle parlait de ses 
apparitions. Or il y avait là deux ou trois secrétaires 
anglais qui enregistraient ses dépositions comme ils 
voulaient , supprimant ce qu'elle disait à sa dé- 
charge. Manchon s'en plaignit et dit (c'est tou- 
joui:s lui qui parle) que si on ne procédait autre- 
ment, il déposerait la plume. Sur sa plainte, on 
changea de lieu, et le lendemain on s'assembla dans 
une salle du château, voisine de la grande salle, 
avec deux Anglais à la porte. Gomme il y avait quel- 
quefois difficulté sur les réponses de Jeanne, et que 
plusieurs disaient qu'elle n'avait pas répondu de la 
façon dont il l'avait écrit, il marquait d'un nota le 
lieu contesté, afin que Jeanne fût interrogée de nou- 
veau, et la difficulté éclaircie*. 

Voilà un homme qui veut la vérité, et c'est une 
garantie sans doute. Mais on voit combien il y en 
avait d'autres qui la voulaient altérer. Une déposition 
antérieure de Manchon à Rouen, lors de l'enquête 
préliminaire du procès tle réhabilitation, achève de 
prouver que ces criminelles tentatives ne se produi- 
sirent pas seulement à la première séance : pendant 
les cinq ou six premières journées, quelques Juges 
lui disaient en latin ( pour n'être pas entendus 



22â LIVRE CINQUIÈME. 

de la Pucelle), « qu'il mît en autres termes en 
muant la sentence de ses paroles. » C*est Tévèque de 
Beau vais lui-même qui avait placé auprès du tribunal, 
dans une fenêtre, derrière un rideau, ces greffiers 
clandestins, chargés de recueillir les charges et 
d'omettre les excuses; et c'était avec ces rédactions 
sciemment infidèles que se faisait le soir la colla- 
tion. On voit quelles différences devait offrir celle de 
Manchon, et Tévèque de Beauvais savait à qui s'en 
prendre : toute sa colère retombait sur le pauvre 
homme qui marquait ses nota. Quelquefois même 
Tévêque et d'autres docteurs, intervenant plus direc- 
tement, commandaient à Manchon d'écrire selon qu'ils 
l'imaginaient, et tout au contraire de ce que Jeanne 
avait entendu ; ou si quelque chose leur déplaisait, 
ils défendaient de l'écrire, comme n'étant pas du 
procès. Manchon proteste qu'il n'en fit rien, qu'il 
agit toujours selon sa conscience; et on le veut 
croire: mais cet homme qui avoue n'avoir accepté 
que par peur les fonctions de greffier, n'a-t-il pas 
pu quelquefois capituler avec la peur, sinon pour 
commettre un faux constant, du moins pour accepter 
une rédaction plus conforme à l'esprit du procès? 
On l'en peut soupçonner: car on en a plusieurs in- 
dices. Jean Monnet, secrétaire de Jean Beaupère, qui 
prenait des notes, mais non comme greffier officiel, 
dit que Jeanne se plaignit souvent des inexactitudes 
du procès-verbalet les faisait corriger. Les releva- 
t-elle toujours et ne se pouvait-il faire que souvent il 



ROUEN. — LES JUGES. 223 

lui en échappât ? Qu^on en juge par ce trait de la dé- 
position de J. Fabri ou Lefebvre, religieux augustin, 
depuis évèque de Démétriade. Un jour que la Pucelle 
étant interrogée sur ses visions, on lui lisait une de 
ses réponses, J. Lefebvre y reconnut une erreur de 
rédaction et la fit remarquer à Jeanne, qui pria le 
greffier de relire. Il relut, et Jeanne déclara qu'elle 
avait dit tout le contraire. Manchon promit de faire 
plus d'attention à Tavenir. Voilà pour les erreurs, et 
quant aux omissions, voici un fait bien grave, constaté 
par le témoignage d'Isambard de La Pierre. Lorsqu'à 
la persuasion de ce dernier, Jeanne déclara qu'elle 
. se soumettait au concile alors réuni (le concile de 
Bâle), Tévêque furieux s'écria : « Taisez^vous de par 
le diable I » et Manchon lui ayant demandé s'il fal- 
lait écrire sa déclaration, Tévêque répondit : «Non, 
ce n'est pas nécessaire; » sur quoi Jeanne lui dit : 
a Ah ! vous écrivez bien ce qui est contre moi, et vous 
n'écrivez pas ce qui est pour moi ^ » 

Nous n'accusons point Manchon de faux dans ses 
écritures ; nous admettons qu'il n'a pas été le docile 
instrument de toutes les volontés de l'évêque, qu'il a 
su même lui résister quelquefois, bien qu'il ait eu 
beau jeu de l'affirmer au procès de réhabilitation : mais 
en présence de ces faits constants, il est difficile de 
dire que l'on tient de lui une rédaction rigoureuse- 
ment exacte, et que jamais il n'a rien concédé à la co- 
lère d'un homme dont la violence envers ceux qui 
avaient l'air de ne point penser comme lui, est attestée 



224 LIVRE CINQUIÈME. 

pour des faits bien moins graves. llnjourquePhuis- 
sier Massieu ramenait Jeanne en prison, un prêtre lui 
ayant demandé : « Que te semble de ses réponses? 
Sera-t-elle arse (brûlée) ? » il avait répondu :" u Jus- 
qu'ici je n'ai \u que bien et honneur en elle; mais je 
ne sais ce qu'elle sera à la fin ; Dieu le sache! » Sa 
réponse fut rapportée ; il fut mandé par l'évêque, qui 
lui dit de bien prendre garde, ou qu'on le ferait boire 
plus que de raison. Et il déclarç que, sans le greffier 
Manchon, il n'eût point échappé. Manchon qui Ter- 
cusa dut profiter de la leçon pour lui-même\ 

Concluons donc : le procès-verbal n'offre pas ces 
caractères assurés de sincérité qu'on doit attendre 
de la justice : le juge lui-même a pesé sur la rédac- 
tion pour la corrompre et l'altérer. Que s'il n'a pu y 
réussir complètement, c'est qu'ayant pris pour 
greffier principal un prêtre, greffier de Rouen, il s'est 
trouvé aux prises avec les habitudes honnêtes d'un 
homme qui savait les devoirs de sa charge, et y de- 
meura généralement fidèle, saps toutefois se défendre 
toujours des influences parmi lesquelles il écrivait. 
On doit donc prendre avec défiance certaines ré- 
ponses où le tour de la phrase peut changer le sens 
de la pensée, quand une altération de ce genre est si 
facilement concevable avec les obsessions ou les 
préoccupations du moment. Mais cette réserve faite, 
nous acceptons les procès-verbaux comme base de 
notre jugement. Il y a dans Jeanne d'Arc une telle 
force de raison, une telle vigueur de réplique, que 



ROUEN. — LES JUGES. 225 

sa parole , comme un glaive aigu , traverse les 
replis du texte dûment coUationné par Manchon, 
Taquel et Boisguillaume; il y a de telles illuminations 
dans ses réponses que, malgré les voiles de ce résumé 
si habilement serré, on en est encore ébloui. 



^ 



15 



APPENDICES. 



APPENDICES. 



I 



Forces engagées dans l'attaque et dans la défense d'Orléans. 

Le relevé des indications du- Journal du siège, en suppo- 
sant qu'Orléans avait 400 hommes de garnison au com- 
mencement, ne çorte pas au delà de 5876 le nombre de 
ceux qui y entrèrent avant l'arrivée de la Pucelle, selon les 
calculs de M. JoUois {Hist. du siège d'Orléans^ p. 42}; mais ce 
nombre est trop fort. On ne peut regarder comme acquis 
à la défense ceux qui ne firent que passer par la viUe pour , 
la bataille de Rouvray, au nombre de 15 à 1600, et il est 
assez probable que le comte de Glermont, après la bataille, 
n'amena pas 'beaucoup plus de monde dans la ville qu'il 
n'en emmena deux ou trois jours après (2000) : car le 
nombre de tous les combattants réunis est évalué par le 
Journal du siège (p. 122) à 3 ou 4000 avant la bataille; 
400 périrent, plusieurs purent se disperser. Il y a donc à 



230 APPENDICES. 

retrancher, du nombre de M. JoUois, les 1600 hommes 
qui passent pour aller à Rouvray, et les 2000 hommes que 
le comte de Glermont emmène : reste 2276 hommes. Il 
n'est pas nécessaire de dire qu'on n'y compta jamais autant 
d'hommes en même temps : 650 hommes n'y vinrent que 
sur la fm d'ayrii, peu de temps avant Jeanne d'Arc. La 
principale défense fut donc toujours dans la bourgeoi- 
sie, qui, à raison de 30 000 hommes, pouvait fournir 5000 
combattants. — Les Anglais avaient laissé 500 hommes aux 
Tourelles avant d'en partir le 8 novembre, et ils y envoyè- 
rent un renfort de 300 hommes au l'^" décembre. Ils étaient 
venus au nombre de 2500 au 31 de ce mois, pour commen- 
cer le siège par la rive droite; et ils reçurent ensuite 
1200 hommes amenés par Falstolf le 16 janvier, et 1500 
autres amenés par le même le 1 7 février, après la bataille 
des Harengs : ajoutez-y 40 hommes venus le '7 mars, les 
renforts tirés de Jargeau et des garnisons de la Beauce le 
8 mars, que M. JoUois porte approximativement à 2000 hom- 
mes, et enfin 1400 hommes qui purent s'adjoindre pomme 
escorte à divers convois, et vous aurez un total de 9440, 
sans les Bourgoignons que le duc de Bouiigogoe rappela, et 
qu'on évalue à 1500 hommes. (Yoy. la note de M. Jollois, 
Siège (t Orléans^ p. 44.) 



n 



Sur le nom de Jeanne d'Arc. 

Dans un article du Journal de l' Institut historique^ et dans 
un mémoire plus étendu intitulé Nouvelks recherches sur la 
famille et le nom de Jeanne Darc^ M, Vallet de Viriville, à qui 
l'on doit tant de savantes études sur le xv« sièck» a montc^ 
que le nom de Jeanne d'Arc s'était écrit constamment 



APPEffDlCES. 231 

jusqu*en 1576, Dare^ et que c'est seulement depuis le 
rvn* siècle que la forme <FArc a prévalu : en conséquence, 
il a proposé de revenir à l'ancienne forme, et il a été suivi 
par MM. Micfaelet, Henri Martin et plusieurs autres. Mais 
lui-nième reconnaît que l'étymologie la plus probable du 
nom est le substantif Arc ^: c'est celle qui était du moins 
adoptée dans la famille, puisque, au rapport de Charles du 
Lis, issu du plus jeune frère de Jfeanne d'Arc (Pierre d'Arc), 
Jacques d'Arc, père de la Pucelle, avait pour armoiries, ou, 
pour nous servir d'un mot moins ambitieux, pour signet ou 
pour sceau, « un arc bandé de trois flèches. » Jean du Lis, 
fils putné de Pierre d'Arc, laissant à soii aîné les armes que 
Jeanne et ses frères avaient obtenues de Charles VIP, s'était 
contenté de retenir ces « armoiries anciennes de la famille, 
auxquelles il ajouta le timbre comme écuyer, et le chef d'un 
lion passant, à cause de la province à laquelle son roi 
(Louis XI) l'avait habitué (l'Artois) • : » c'étaient celles que 
Charles du Lis, son arrière-petit-fils, portait encore en 
1612*, et auxquelles il obtint de- Louis XII la faveur de 



1. Nouvelles recherches y p. 41. 

2. « Elles sont, » disent les lettres patentes de Louis XII, « blasonnées 
d'un escu d*azur àdeux fleurs de lys d'or, et une espée d'argent à la garde 
dorée, la pointe en haut férue en une couronne d'or. » (Procès , t. V, 

p. 227.) 

3. Traité sommaire , tant du nom et des armes que de la naissance et 
fMrenté de la PuceUe d'Orléans (1612 et 1628) , p. 37.. « Dès le xiv siècle, 
des familles ou des individus plus ou moins considérables, quoique non 
nobles, tels que pouvait Tôtre à cette époque la famille Darc, se servaient 
pour leurs signets ou sceaux, etc., de marques ou insignes personnels et 
distincts. Ces marques se groupaient et se figuraient exactement comme 
des armoiries, à la seule exception du timbre ou heaume, lequel étant 
essentiellement militaire , faisait le complément caractéristique du blason. » 
Vallet de Viriville^ Ncuvdles recherches y p. 34. 

4. « D'azur à Parc d*or, mis en fasce, chargé de trois flèches entre- 
croisées, les pointes en haut férues , deux d'or, ferrées et plumetées d'ar- 
gent; et une d'argent, ferrée et plumetée d'or, et le chef d'argent an lion 
passant de gueule. » Lettres patentes de Louis XII (t V, p. 228.) 



232 APPENDICES. 

joindre, écartelées dansleniéme.écusson, à Textinction de 
la branche aînée, les armes reçues de Charles VIL Quoi 
qu'il en soit de Tétymologie et de Torigine même de ce 
blason rustique, c'était au moins le sens que la famille, dès 
avant Jeanne d'Arc, ou tout au moins avant la fin du siècle 
où elle vécut, attachait à son nom ; et dès lors il est bien lé- 
gitime de l'écrire selon qu'elle l'entendait. Elle l'écrivait 
Darc, et on le dut écrire ^nsi tant que la particule, après 
l'élision, s*unit à la voyelle initiale du mot suivant, sans 
apostrophe ; mais depuis que ce signe est devenu en usage, 
on a le droit de l'appliquer à ce nom comme aux autres ; ou, 
pour être conséquent, iL faudrait écrire, comme autrefois, 
Dharcourt, Darmagnac, etc.: car peu importe que le mot 
exprime un lieu ou autre chose. En employant la forme d*Arc^ 
on peut être assuré qu'on ne fait pas autre chose que ce 
qu'eût fait la famille au temps où elle prenait l'arc pour 
emblème, si l'apostrophe eût été alors usitée. C'est donc 
par une fausse fidélité à l'ancienne orthographe, que Charles 
du Lis écrivait ce nom comme il le trouvait dans les pièces 
du temps ; et les pièces officielles ne font pas même autorité 
en cette matière : le nom du Lis, que cet héritier de la fa- 
mille de Jeanne d'Arc écrit constamment en deux mots, 
selon l'étymologie, se trouve écrit Dulis dans les lettres pa- 
tentes qu'il obtint de Louis XII pour réunir dans un même 
écusson les armoiries de sa famille. Nous nous conformerons 
donc h l'usage suivi depuis, et consacré, on le peut dire, par 
le livre qui sera désormais la source de toute histoire de 
Jeanne d'Arc: l'édition des àeuxProcès, parM.J.Quicherat. 
Un mot encore, non plus sur le nom, mais sur le prénom 
de Jeanne. M. Michelet est tenté d'y voir une prédestination 
au mysticisme : < Il semble, dit-il, annoncer dans tes familles 
qui le donnaient à leurs enfants, une sorte de tendance mys- 
tique; > et il cite, parmi les hommes célèbres qui ont porté 
ce nom au moyen âge , Jean de Parme, Jean Fidenza (saint 



APPENDICES. 233 

Bonaventare), Jean Gerson, Jean Petit, etc. (Hùt. de France, 
t. V, p. 51.) Pour le nom de Jeanne, porté par la Pucelle, 
on pourrait citer plus justement Jean Moreau, Jean Le Lan« 
gart, Jean Rainguesson, et Jean Barrey, qui furent ses par- 
rains ; Jeanne Tbiesselin, Jeanne Thévenin et Jeanne Le- 
maire Âubéry, qui, avec deux ou trois autres, furent ses 
marraines (on sait que Tusage était d'en prendre plusieurs).. 
Quant aux parents de Jeanne, une chose diminue l'idée 
qu'on voudrait se faire de leur mysticité : c'est que s'ils ont 
choisi, avec ce patron, ces parrains et marraines pour leur 
fille, et nommé encore un de leurs fils Jean, le père s'ap- 
pelait Jacques et le fils aîné Jacques, nonobstant « Toppo- 
. sition de Jean et de Jacques » signalée par M. Michelet au 
tome IV de son histoire. 



III 



Sur le pays de Jeanne d'Arc. 

On a disputé sur la nationalité de Jeanne d'Arc. Jeanne 
d'Arc était- elle Lorraine, était-elle Française*? Il semble 
étrange qu'on ait pu poser cette question. Toute l'histoire 
dé Jeanne d'Arc prouve assez qu'elle appartient à la 
France, et il importe médiocrement que la limite entre le 
comté de Bar et la Champagne ait été en deçà ou au delà 
de la maison où la Pucelle est née. Mais pour ceux qui au- 
raient quelque scrupule à cet égard, il a été établi que 
Domremy se partageant entre les deux pays, la partie où l'on 
retrouve encore la maison de Jeanne d'Arc était sur le terri- 



1. Dans le premier sens, M. Lepage (Nancy, 1852); dans l'autre, M. Re- 
nard ( Chaumont , 1853). Voy.M.Valletde Viriville, Athenxum français , 
10 juin 1854, p. 528. 



234 APPENDICES. 

toire de la France. Le fait de la nationalité de Jeanne d'Arc, 
en laissant de côté ces minnlies, ^t d'ailleurs établi par 
Tenquète anglaise au procès de condamnation : c Et est 
oriunda in villa de Grus, pâtre lacobo d^Àrc^ matre Ysa- 
bella, ejus uxore ; nutrita in juventate usque ad zvm an- 
num aetatis ejus vel eo circa, in villa de Dompremi super 
fluvium Mosœ, diocesis TuUensis» in bailliviatu de Cha^/^ 
morU-en-Bassigny et prœpositura de Monteclere et (TAnddo. » 
T. I, p. 209. (Monteclaire est une colline voisine d'Ande- 
lot.) Une autre preuve décisive que son pays natal apparte- 
naità la France (et cette preuve était déjà donnée par Charles 
du Lis, Traité sommaire, p. 3-4), c'est que Charles VII, en con* 
sidération de ses services, accorda(Chàteau*Thierry, 31 juil- 
let ]429) exemption d'impôts à Domremy et à Greux (c'é- 
taient comme deux parties du même village); et Domremy 
en profila jusqu'au jour où, pour résoudre une question de 
frontière, on le céda à la Lorraine (15 février 1571). Quand 
la Lorraine, à son tour, fut réunie à la France (1766), les 
habitants de Domremy sollicitèrent en leur faveur le réta- 
blissement du privilège dont ceux de Greux, qui n'avaient 
pas cessé d'être Français, continuaient de jouir, et ils 
envoyèrent à l'appui de leur demande la copie authentique 
de la charte royale ^ Cette requête amena un échange de 
notes entre l'intendant de la généralité de la Lorraine et du 
Barrois et le contrôleur général , et eut pour résultat de 
faire retirer le privilège aux habitants de Greux, sans qu'il 
fût rendu aux habitants de Domremy (1776). Voy. Vallet de 
Viriville, dans le Bulletin de la Société de V histoire de France 
(1854), p. 103 et suiv. 



1. Cette copie est aujourd'hui' aux Archives, Secl. doman. H. 153S. 3. 
M. Vallet de Viriville en a donné le texte dans la Bibl. ijie l'école det Char- 
tes 3- sérié (t 54), t. V, p. 271. 



APPENDICES. 23& 



IV 



Étendard de Jeanne d'Arc. 

Il y a quelques diversités dans les descriptions qui nous 
sont faites de l'étendard de la Pucelle. Jeanne d'Arc dit 
elle-même qu'il était blanc et semé de lis; qu'on y voyait 
le monde et deux anges aux côtés avec cette inscrip- 
tion : Jésus, Maria. < Respondit quod habebat vexiUum 
(GaUice, estendart ou banière) cujus campus erat seminatus 
liliis ; et erat ibi mundus fignratus, et duo angeli a lateribus; 
eratque coloris albi de tela alba vel boucassino , eraotque 
ibi scripta ista noniina jhesus , maru, sicut ei videtur, et 
erat fimbriatum de serico. » (T. I, p. 78.) Cette expression 
le monde y est expliquée un peu plus loin : c'est Dieu tenant 
le monde : « Deum tenentem mundum, et duos angelos; — 
Regem cœli » {Ibid.^ p. 117);cr, p. 181 : < Ipsa fecit ibi fieri 
istam figuram Dei et angelorum, » et dans le 58' des arti- 
cles proposés contre elle : « Fecit depingi vexillum suum, 
ac in eo describi duos angelos assistenles Deo tenenti mun- 
dum in manu sua, icum his nominibus jhssus, maria, et 
aliis pîcturis.* (Ibid., p. 300.) Selon Jeanne d'Arc, la prin- 
cipale figure est donc Noire-Seigneur ; selon le Journal du 
siège, il semble que ce soit la sainte Vierge. Il ditde Jeaune 
à son entrée dans Orléans : « Et faisoit porter devanf elle 
un estendard qui estoit pareillement blanc, oiiquel avait 
deux anges tenant chacun une fleur de lis en leur main; et 
ou panon estoit paincte comme une Aimonciation (c'est 
l'image de Notre-Dame ayant devant elle ung ange luy pré- 
sentant ung liz). » (T. IV, p. 152), Mais la description est 
double et incomplète : l'auteur décrit incomplètement le 



236 APPENDICES. 

côté principal, le seul dont Jeanne ait parié ; et il décrit de 
plus le revers, car Tétendard était peint sur les deux faces. 
C'est ce qui résulte du témoignage de Perceval de Gagny : 
« La Pucelle print son estendart ouquel estoit empainturé 
Dieu en sa majesté, et de l'austre costé... et ung escu de 
France tenu par deux anges. » (T. lY, p. 12.) La lacune, 
comme le remarque M. J. Quicherat, peut être remplie au 
moyen de Tindication donnée plus haut par Thistorien : 
« Elle fist faire ung estandart ouquel estoit l'image de Nos- 
tre*Dame. » (/2»i(2., p. 5.) Car on ne peut entendre parla 
cette autre bannière confiée à Pasquerel et aux prêtres; ou 
bien il faudrait prendre dans le même sens la bannière 
décrite par le Journal du siège à l'entrée de Jeanne : or, la 
bannière des prêtres accompagnait alors les troupes qui 
étaient allées passer la Loire à Blois ; et l'on sait d'ailleurs, 
par le témoignage de Pasquerel, qu'on y voyait l'image du 
crucifix. (T. III, p. 104). Telles étaient donc, dans leurs traits 
principaux, les peintures de l'étendard de Jeanne d'Arc. Les 
autres témoignages ne font que les reproduire en résumé, 
ou y joindre quelques traits accessoires. La Chronique de 
la Pucelle se borne à dire : « Un estendart blanc auquel elle 
flst pourtraire la représentation du sainct Sauveur et de deux 
anges.» (T. IV, p. 215.) Pasquerel ne parle que d'un ange te- 
nant un lis que bénissait le Seigneur, siégeant sur les nuées: 
« In quo depingebatur imago Salvatoris nostri sedentis 
in judicio in nubibuscœli, et erat quidam angélus depictus 
tenens in suis manibu? floremliliiquembenedicebat imago.» 
(T. III p. 103.) Eberhard de Windecken, trésorier de l'em- 
pereur Sigismond, qui doit écrire d'après les relations ofQ- 
cielles venues de France, modifie simplement l'attitude du 
Sauveur : « Une bannière de soie blanche sur laquelle était 
peint Notre-Seigneur Dieu, assis sur l'arc en ciel, montrant 
ses plaies, et ayant de chaque côté un ange qui tenait un lis 
à la main* > (T. IV, p. 490.) Dunois, par une confusion évi- 



APPENDICES. 237 

dente, dit que c^était le Seigneur qui tenait le lis : « Vexil- 
lum.... album.... in quo erat figura Doixiini nostri, tenens 
florem lilii in manu sua. » (T. III, p. 7.) 

Une addition, ou, pour mieux dire, une modification plus 
considérable aux descriptions connues, est celle que M. de 
Certain a tirée du Mystère du stége (fOrUans^ mystère qu*il 
est à la veille de publier et dont il a donné ce fragment 
dans la Bibliothèque de l'École des Chartes (mars-ayril 
1859), à Toccasion d'une tapisserie où Jeanne d'Arc est re* 
présentée visitant le roi à Chinon (cette tapisserie a été of- 
ferte par M. d'Âzeglio au musée historique d*Orléans). Voici 
comme la bannière y est représentée : 

Un estendart avoir je vaeil 
Tout blanc, sans nulle autre couleur, 
Ou dedans sera un souleil 
Reluisant ainsi qu'en chaleur; 
Et ou milieu en grant honneur 
En leclre d'or escript sera 
Ces deux mots de digne valeur 
Qui sont cest : ave mabu. 
Et au-dessus notablement 
Sera une Majesté 
Pourtraicle bien et jolyment 
Falote de grant auctorîté. 
Aux deux coustés seront assis 
Deux anges, que chascun tiendra 
En leur main une fleur de liz, 
L'autre le soleil soustiendra. 

On voit combien de traits de fantaisie l'auteur a joints à 
quelques traits exacts. M. de Certain me parait expliquer 
fort bien comment Jeanne n'a parlé que d'un côté de son 
étendard. Elle n'a pas Thabitude de répondre à ses juges 
plus qu'ils ne lui demandent, et ils ne lui ont pas demandé 



238 APPENDICES. 

si Fétendard était peint de deux c6tés. Mais il diminue trop 
l'autorité de sa description, sous prétexte que < la simple 
jeune fille n'avait pas acquis une grande connaissance des 
choses d'art. » Elle avait pu, en commandant son éten- 
dard au peintre, ne pas lui marquer fort exactement For- 
donnance du sujet ; mais l'ouvrage fait, elle savait aussi 
bien et mieux que personne ce qu'il représentait. 

Aux descriptions données, ajoutons celles des lettres pa- 
tentes de Louis XII sur les armoiries de la Pucelle, quel- 
que peu officielle que soit cette pièce en cette matière. 
Il y est dit qu' « elle estoit de toile blanche semée de fleurs 
de lis d'or avec la figure d'un ange qui présentoit un lis à 
Dieu porté par la vierge sa mère. » (Procès, t. V, p. 229.) — 
On trouve dans les comptes le nom du peintre et ce qui lui 
fut payé pour les deux étendards : « Et à Hauves Poul- 
noir, paintre demeurant à Tours, pour avoir paint et bail- 
lée estoCTes pour ung grand estandart et ung petit pour la 
Pucelle, 25 livres tournois (141 fr.).» T. V,p. 258. 



Lettre de Jeanne aux habitants de Tournai. 
(25 juin 1429.) 



« f Jhesus, f Maria. 

• Gentilz loiaux Franchois de la ville de Tournay, la Pucelle 
vous faict savoir des nouvelles de par dechà que en vm jours 
elle a cacbié les Âtiglois jiors de toutez les places qu'ilz 
tenoient sur la rivire de Loire, par assaut ou auUrement ; 
où il en a eu mains mors et prinz, et lez a desconfis en ba- 
taille. Et croies que le conte de Suffort (SuCTolk), Lapoulle 



APPENDICES. 239 

(Pôle) son frère, le sire de Tallebord (Talbot), le sire de Scal- 
lez (Scales), et messires Jdian Falscof (Falslolf) et plusieurs 
chevaliers et capitainez ont esté prinz, et le frère du conte 
de Soffort et Glasdas mors. Maintenés vous bien loiaux 
Franchois, je vous en pry, et vous pry et vous requiers que 
vous sciés tous prestz de venir au sacre du gentil roy 
Charles à Rains où nous serons briefnient , et venés au 
devant de nous quand vous saurés que nous aprocherons. 
A Dieu vous commans» Dieu soit garde de vous et vous 
doinst sa grâce que vous puissiés maintenir la bonne que- 
relle du royaume de France. Escript à Gien le xxv* jour de 
juing. » — Sur t adresse : « Aux loiaux Franchois de la ville 
de Tournay. » — {Procès, t. V, p. 125, tirée des Archives du 
Nordf nouvelle série, 1. 1, p. 520.) 



VI 



Lettre de Jeanne aux habitant! de Troye» 
(4 juillet 1429.) 



« Jhesns, t Maria. 

« 

c Très chiers et bons amis, s'il ne tient à vous, seigneurs, 
bourgeois et habitans de la ville de Troies, Jehanne la 
Pucelle vous mande et fait sçavoir de par le roy du ciel, son 
droitturier et souverain seigneur, duquel elle est chascun 
jour en son service roial, que vous fassiés vraye obéissance 
et recongnoissance au gentil roy de France quy sera bien 
brief à Reins et à Paris, quy que vienne contre, et en ses 
bonnes villes du sainct royaume, à Tayde du roy Jliesus. 
Loiaulx François, venés au devant du roy Charles et qu'il 
n'y ait point de faulte; et ne vous doublés de voz corps ne 



240 APPENDICES. 

de voz biens, se ainsi le faictes. Et se ainsi ne le faictes, je 
vous promectz et certiffie sur voz vies que nous entrerons à 
Tayde de Dieu en toultes les villes quy doibvent estre du 
sainct royaulme, et y ferons bonne paix fermes, quy que 
vienne contre. A Dieu vous commant, Dieu soit garde de 
vous, s'il luy plaist. Responce brief. Devant la cité de 
Troyes, escrit à Saint-Fale, le mardy quatriesme jour de 
jullet, » 

Au dos desquelles lectres estoit escrit : « Aux seigneurs 
bourgeois de la cité de Troyes. » {Procès^ t. IV, p. 287- 
288.) 



VII 



Christine de Pisan. 

Dans un petit poème, écrit à Tftge de soixante- sept ans, 
après avoir rappelé Texil du roi, elle exprime sa joie de 
le voir enfin revenir : 

L*an mil quatre cens vingt et neuf 

Reprint à luire li soleil, 

11 ramené le bon temps neuf. 

Elle entreprend de raconter ce miracle : 

Chose est bien digne de mémoire 
Que Dieu, par une vierge tendre, 
Ait adès voulu (chose est voire) 
Sur France si grant grâce estendre. 

Tu, Johanne, de bonne heure née, 
Benoist loit cil qui te créa ! 



ÂPPENBICBS. 241 

Elle cite Moïse délivrant Israël ; Josué : 

n estoit homme 
Fort et paissant. Mais tout ea somme 
Veci femme, simple bei^ère 
Plus preux qu*onc homs ne fut à Romme. 
Quant à Dieu, c'est chose légère. 

Gédéon, Esther, Judith et Débora ; mais Dieu a fait plus en- 
core par la Pucelle : 

Car Merlin, et Sébile et Bede, 
Plus de cinq cens a la veïrent 
En esperit. 

Elle rappelle le siège d'Orléans : 

Héel quel honneur au féminin 

Sexei**« 

Une fillete de seize ans 

(N'est-ce pas chose fors nature?) 

A qui armes ne sont pesans, 

Ains semble que sa norriture 

Y soit, tant y est fort et dure. 

Si rabaissez, Anglois, vos cornes. 
Car jamais n'aurez beau gibier 
En France, ne menez vos sornes; 
Matez estes en l'eschiquier. 
Vous ne pensiez pas Pautrier 
Où tant vous monstriez périlleux ; 
Mais n'estiez encour ou sentier 
Où Dieu abat les orgueilleux. 

Jà cuidiés France avoir gaingnée. 

Et qu'elle vous deust demeurer. 

Autrement va, faulse mesgniéel 

Vous irës ailleors taboarer, 
1 16 



24S APPENDICES. 

Se ne voidei assavcrarcr 
La mort, comme vos compaignons, 
Que kMipft porroient bien devom'er, 
Car morê gifleot par les sillon». 

Etsacbez que, par elle, Anglois 
Seront mis jus sans relever, 
Car Dieu le veult, qui ot les voix 
Des bons qu'ils ont voulu grever. 
Le sanc des occis sans lever 
Crie contre eulz. Dieu ne veult plus 
Le souffrir; ains les resprouver 
Comme mauvais, il est conclut. 

Elle entrevoit un plus vaste horizon : 

En cbrestienté et en TEglise 
Sera par elle mis concorde. 



Des Sarrasins fera essart 

En conquérant la Sainte Terre. 



Mais le sentiment national la ramène aux Anglais : 

Si est tout le mains qu'affaire ait 
Que destruire l'Englescherie 



Le temps advenir mocquerie 
En sera faict : jus sont rué. 

Elle interpelle les Français rebelles : 

Ne voiez-vous qu'il vous fast mieulx 
Estre alez droit que le revers 
Pour devenir aux Anglais serfs? 

Mais maintenant le roi est sacré : 

A très grant triomphe et puiSMnee, 
Pu Charles coanmiié à Ralns. 



AI'PBNBIGES. 243 

Elle ne doute point que la France ne lui revienne : 

Avecques lui la Pucellette, 
En retournant par son païs, 
Cité, ne chastel, ne villette 
Ne remaint. Âmez ou hays 
Qu'ils soient, ou soient esbaïs, 
Ou asseurez, les habitans 
Se rendent ; pou sont envabys 
Tant sont sa puissance doubtansl 

Paris pourtant lui donne quelque inquiétude : 

Ne sçai se Paris se tendra, 
Car encoures n'y sont-ilz mie, 
Ne se la Pucelle attendra. 

Mais elle ne tfj arrête pas : 

Car ens entrera, qui qu'en groingne : 
La Pucelle lui a promis. 
Paris, tu cuides que Bourgoigne 
Défende qu'il ne soit ens mis? 
Non fera, car ses ennemis 
Point né se fait. Nul n'est puissance 
Qui l'en gardast, et tu soubmis 
Seras et ton oultrecuidance. 

Elle date sa pièce : 



L'an dessusdit mil quatre cens 
Et vingt et neuf, le jour où fine 
Le mois de juillet. 



{Procèfy t. V, p* 4 et suiv.) 



244 APPENDICES. 



VIII 

Lettre de Jeanne au duc de Bourgogne. 
(17 juiUet 1429.) 

« f Jhesus Maria. — Hault et redoublé prince, duc de 
Bourgoingne, Jehanne la Pucelle yous requiert de par le 
Roy du ciel, mon droicturier et souverain seigneur^ que le 
roy de France et vous, faciez bonne paix ferme, qui dure 
longuement. Pardonnez l'un à l'autre de bon cuer, entiè- 
rement, ainsi que doivent faire loyaulx chrestians; et s'il 
vous plaist à guerroier, si alez sur les Sarrazins. Prince de 
Bourgoingne, je vous prie, supplie et requiers tant hum- 
blement que requérir vous puis, que ne guerroiez plus ou 
saint royaume de France, et faictes retraire incontinent et 
briefment voz gens qui sont en aucunes places et forte- 
resses dudit saint royaume ; et de la part du gentil roy de 
France, il est prest de faire paix & vous, sauve son hon- 
neur, s'il ne tient en vous. Et vous faiz à savoir de par le 
Roy du ciel, mon droicturier et souverain seigneur, pour 
vostre bien et pour vostre honneur et sur voz vie, que vous 
n'y gaignerez point bataille à rencontre des loyaulx Fran- 
çois, et que tous ceulx qui guerroient oudit saint royaume 
de France, guerroient contre le roy Jhesus, roy du ciel et 
de tout le monde, mon droicturier et souverain seigneur. 
Et vous prie et requiers à jointes mains, que ne faictes nulle 
bataille ne ne guerroiez contre nous, vous, voz gens ou 
subgiez; et croiez seurement que, quelque nombre de gens 
que amenez contre nous, qu'ilz n'y gaigneront mie, et sera 
grant pitié de la grant bataille et du sang qui y sera res- 
pendu de ceulx qui y vendront contre nous. Et a trois sep- 
maines que je vous avoye escript et envoie bonnes lettres 



APPENDICES. 245 

par uug béraalt, que feussiez au sacre du roy qui, aujourdui 
dimenche xvij* jour de ce présent mois de juillet, ce fait en 
la cité de Reims : dont je n'ay eu point de response,* ne 
n*ouy oncques puis nouvelles dudit hérault. A Dieu tous 
commens et soit ^rde de vous, s'il lui plaist ; et prie Dieu 
qu'il y mecte bonne pais, Escript audit lieu de Reims, ledit 
xvij* jour de juillet. » 

Swr V adresse : < Au duc de Bourgoigne. » (Procès^ U Y, 
p. 126. L'original est encore aux archives de Lille.) 



IX 

Lettre de Jeanne aux habitants de Reims. 
(5 août 1429.) 

c Mes chiers et bons amis, les bons et loyaux François de 
la cité de R^ins, Jehanne la Pucelle vous faict à savoir de 
ses nouvelles, et vous prie et vous requiert que vous ne 
faictes mil doubte en la bonne querelle que elle mayne pour 
le sang royal ; et je vous promet et certiffy que je ne vous 
abandoneray poinct tant que je vivray. Et est vray que le 
roy a faict trêves au duc de Bourgogne quinze jours durant, 
par ainsi qu'il ly doibt rendre la cité de Paris paisiblement 
au chieff de quinze jour. Cependant ne vous donnés nule 
merveille se je ne y entre si brieffvement, combien que des 
trêves qui ainsi sont faictes, je ne soy point contente et ne 
sçày si je les tendroy ; mais si je les tiens, ceseta seulement 
pour garder l'honneur du roy ; combien aussy que ilz ne 
rabuseront point le sang royal, car je Uendray et maintien- 
dray ensemble l'armée du roy pour eslre toute preste au 
chief desdictz quinze jours, s'ils ne font la paix. Pour ce, 
mes très chiers et parfaicts amis, je vous prie que vous ne 



246 APPENDICES. 

TOUS en donnés malaise tant comme je vivray, mez toos 
requiers que vous faictes bon guet et gardez la boime cité 
du roy ; et me faictes savoir scil y a nuls triteurs qui vous 
veullènt grever, et au plus brlef que je pourray, je les en 
osteray ; et me faictes savoir de vos nouvelles. A Diea vous 
commande qui soit garde de vous. 

c Escript ce vendredy, cinquiesme jour d'aonst, etnprès 
un logis sur champ ou chemin de Paris. » 

Sur V adresse : < Aux loyaux Francxois faabitans en la 
ville de Rains. • {Procès, t. V, p. 139.) 



X 



Lettre de Jeanne aux habitants de Riom. 
novembre 1429.) 

c Ghers et bons amis, vous savez bien comment la ville de 
Saint- Pierre le Moustier a esté priuse d*assault; et, à l'aide 
de Dieu, ay entencion de faire vuider les autres places qui 
sont contraires au roy ; mais pour ce que grant despense 
de pouldres, trait et autres habillemens de guenre a esté 
faicte devant ladicte ville, et que petitement les seigneurs 
qui sont en ceste ville et moy en sommes pourveuz pour 
aler mectre le siège devant la Charité, où nous alons pré- 
sentement : je vous prie sur tant que vous aymez le bien 
et honneur du roy et aussi de tous les autres de par deçà, 
que vueillez tncontinant envoyer et aider pour ledit siège, 
de pouldres, salpestre, souffre, trait, arbelestres fortes e( 
d'autres habillemens de guerre. Et en ce faictes tant que, 
par faulte desdictes pouldres et autres habillemens de 
guerre, la chose ne soit longue, et que on ne vous puisse 
dire en ce estre négligens ou refasans. Ghiersetbons amis. 



Nostre Sire soit g^rde de tous. Escript à Molins, le neuf- 
viesmejour de novembre. » — Signé : c Jehanne. » 

Sur V adresse : « A mes chers el jDons amis, les gens d'É- 
glise, bourgois et habitans de la ville de Rion. » (Procès, 
t. V, p. 147.) 

XI 

Lettre de Jeanne aux habitants de Reims. 
(1« man ItôO.) 

« Très chiers et bien amés et bien desiriés à veoir 
Jehanne la Pucelle ay reçue vous letres faisent mancion 
que vous vous dopliés d'avoir le sciege. Veîlhés saTOÎr que 
vous n'arés point , si je les puis rencontrer ; et ci âînrf fut 
que je ne les rencontrasse, ne eux Tcnissent devant vous, 
si vous fermés vous pourtes, car je serey bien brief vers 
vous ; et sy eux y sont, je les ferey chausser leurs espérons 
si à aste qu'il ne sauront por ho les prendre, et leur seil 
{essil, destruction) y est si brief que ce sera bientost. Autre 
chouse que (ce) ne vous escry pour le présent ; mes que 
soyez toutjours bons et loyals. Je pry à Dieu que vous yait 
en sa guarde. Escrit à Sully, le xvi* jour de mars. 

c Je vous mandesse anquores augunes nouvelles de quoy 
vous sériés bien joyeux ; mais je double que les letres ne 
fussent prises en chemin et que l'on ne vit les dittes nou- 
velles. — Signé : Jehanne. » 

Sv/r V adresse : « A mes très chiers et bons aimés, gens 
d'Église, bourgois et autres habitans de la ville de Rains. > 



248. APPENDICES. 



Aux mêmes (28 mars). 

c Très chiers et bons amis, plese vous savoir que je ay 
rechu vous letres, lesquelles font mantion comment on a 
raporté au roy que dedens la bone cité de Rains il avait 
moult de mauvais. Si veulez savoir que c'est bien vray que 
on uy a raporté, voirement qu*il y en avoit beaucoup qui 
estoient d'une aliance, lesquelz estoient d'une aliance 
et qui dévoient tralr la ville et mettre les Bourguignons 
dedens. Et depuis , le roy a bien seu le contraire , par 
ce que vous lui en avez envoyé la certaineté : dont il est 
très contens de vous ; et crgiez que vous estes bien en 
sa grasce ; et si vous aviez à besoingnier, il vous secou- 
roit, quant au regard du siège; et cognoie bien que 
vous avez moult à soufrir pour la durté que vous font ces 
traitrez Bourguignons adversaires ; si vous en délivrera au 
plesir Dieu bien brief, c'est assavoir le plus tost que fere se 
pourra. Sj vous pris et requier, très chiers amis, etc., « 
(voy. ci-dessus, p. 181). {Procès, t. V, p. 160-162.) 



c^ 



NOTES 



NOTES. 



INTRODUCTION. 



LA FRANCE ET l'ANGLETERRE. 



Page xiz, note 1. 

Convention entre le roi (Philippe \l) et le duc de Normandie 
(Jean, fils du roi) pour la conquête de V Angleterre : Bois de 
Vinceunes, le 23 mars, l'an 38 (1339.) Rymer, U V, p. 504. 

Page zziv, note 1. 

Sur l'état de la Normandie à l'époque de l'inyasion des 
Anglais, voy. Thom. Basin (le faux Amelgard), Hist. de 
Ch. Vil, 11 V. I, cb. n (publié par H. J. Quicberat). Dans la 
plupart des villes, dii*il, si les capitaines n'eussent fermé 
les portes, les babitants se seraient enfuis : « Populus enim 
terr» longa lune pace simul cum servitute imbellis et simples 
nîmis erat, œstimantibus pluribus non Anglos gentem atque 
bomines esse, sed immanes quasdam atque ferocissimas bel-* 
luas , quœ ad devorandum populum sese effundereut. » 



252 NOTES. 

Page TTruif note 1. 

LaHire:Chron. de Jacques le Bouvier, dit Berri, ap. Gode- 
froy, Vie de Cliarles YII^ p. 495. 

Page XXX, note 1. 

États et Parlement : Les états, réunis en octobre 1428 à Ghi-' 
non, demandèrent et obtinrent la réunion du parlement de 
Toulouse et de ce qui restait de celui de Paris, à Poitiers : 
Ordonn.^ t. XIII, p. xn et 140. 

Ibid, f note 2. 

Bataille de Vemeuil : Thomas Basin {Hist. de Charles YII^ 
liv. II, chap. iv) dit qu'au jugement des plus sages capitaines, 
' la France trouva une compensation à ce revers dans Fentiërc 
destruction de ses auxiliaires écossais. Les Écossais s'étaient 
rendus insupportables par leurs pillages; mais on peut croire 
qu'ils avaient surtout excité la jalousie de ces capitaines par 
les faveurs dont Gharles VU les avait comblés. 

Page XXXII, note 1. 

Mot de Tannegui du Chastel : Hémoires de Rlchemont , 
p. 718, Éd. Godefroy. 

Pagexxxm, note 1. 

Sur le caractère de la guerre et les excès du brigandage 
dans les parties de la France abandonnées aux Anglais, voy. 
Thom. Basin, Hist. de Ch. VII, liv. II, ch. vi. Voy. aussi, 
au ch. I du même livre, le tableau qu'il fait de la désola- 
tion du pays, de la Loire h la Seine et de la Seine à la 
Somme : « Si on cultivait encore la terre, ajoute-t-il, ce n'é- 
tait qu'autour des villes et des châteaux, à la distance où, 
du haut de la tour, l'œil du guetteur pouvait apercevoir 
les brigands. Au son de la cloche ou de la trompe, il rap- 
pelait des champs ou des vignes dans la forteresse. Et 
cela était devenu si fréquent en mille endroits, qu'au signal 
du guetteur les bétes de somme et les troupeaux, formés 



NOTES. 253 

par une longue habitude^ accouraient tout effrayés au lieu 
de refuge, sans avoir besoin de conducteur. » 

Page zxxvi, note 1. 

Orléans : Jollois, Histoire du siège (TOrlians (183^, in-fol.)f 
§§ 1 et 3, et les cartes jointes h cet excellent traité. 

Page xxxvu, note 1. 
Fortifications <r Orléans : Jollois , ibid. 

Page xxxviu, note 1. 

Progrès de Salisbury : Chronique de la Pucelle, ch. xxx et 
XXXIV de rédition de M. Vallet de Yiriville; et J. Chartier, 
p. 19 (Éd. Godefroy). — !'• attaque contre Orléans: Chron. 
de la Pucelle, ch. xxxv. 

Page xxxiz, note 1. 

Préparatifs des Orléanais : Religieux de Dumferling, dans 
Tëdition des Procès de Jeanne d'Arec par H. J. Quicherat, 
t. y, p. 341 , et Honstrelet, II, 52; Cf. Lemaire, Hist. et 
Antiq. de la ville SOrléans^ eh. xl, p. 184 (1648); Lebrun des 
Charmettes, Histoire de Jeanne d^Arc, 1. 1, p. 1 17 ; Jollois, 5 3, 
et J. Quicherat, Histoire du siège ffOrlèans^ petit in-18, 1854, 
p. 6. — Gaucourt : voy. M. J. Quicherat, note sur sa déposi- 
tion au procès de réhabilitation, t. III, p. 16 (nous rappelons 
que les chiffres de tomes sans indication d'ouvrage renvoient 
à rédition des Procès de Jeanne d'Arc^ par M. J. Quicherat, 
5 vol. in-8J. 

Page XL, note \. 

Journal du siège, dans l'édition des Procès de Jeanne âArc^ 
t. IV, p. 98-98; Chron. delà Pucelle, ch. xxxv. 

Page XLi, note 1. 

Perte des Tourelles : Journal du siège (t. IV, p. 98); Chron. 
de la Pucelle, ch. xxxvi et xxxvn. 



254 NOTES. 

Page XLU, note 1. 

Mort de Sdisbury : Journal du siège (t. IV, p. 100) ; Chron. 
de la Pucelle, ch. xxxvni ; J. Chartier, p. 27 ; Grafton, 1. 1, 
p. 577 (édiu 1809); Monstrelet, II, 49; Th. Baein, Histoire de 
Charles YÎU liv. II, ch. vu : « Qui (lapis) ferramento allisus 
quo eadem muniebatur fenestra, et in parte divisus, in caput 
ipsius comitis prope alterum oculorum impegit eumque le- 
thaliter vulneravit.» — Glamdale (Glacidas) : « Et disoit-on que 
ce siège se goiivernoit plus par lui que par nuls autres^ com- 
bien qu'il ne fust pas de si grand estât que plusieurs des des- 
sus nommés (Chartier, p. 18); »— • de haut courage, plein de 
toute tyrannie et orgueil (Chron. de la Pucelle, ch. xxxvn); > 
—«usa souvent de grands menaces, et s'alloit vantant par son 
orgueil, qu'il feroit tout meurtrir à son entrée dans la ville, 
tant hommes, que femmes, sans en espargner aucuns {ibid}.» 

— Délibération des Anglais : iind. ch. xxxvm et Journal du 
siège (t. IV, p. 102). 

Page XLiu, note 1. 

Arrivée de Dvmis : Procès, t. IV, p. 100 (Journal). Le bfttard 
d'Orléans sera quelquefois appelé par anticipation Dunois 
dans notre récit , comme il l'est* dans les chroniqueurs qui 
ont écrit postérieurement à l'époque. où il reçut du duc d'Or« 
léans, son frère, le comté de ce nom (21 juillet 1439). Voy. 
Godefroy, Vie de Charles VII, p. 805. 

Page xLiv, note 1. 

Destruction des faubourgs^: Procès, t. IV, p. 103 (Journal 
du siège). — Arrivée de Talbot : ibid, — Canonnade : ibid», 
p. 103-105. 

Page XLT, note 1. 
Maître Jean : t. IV, p. 105 et 109 (Journal). 

Page XLvi, note 1. 

Suffolk : ibid., p. 106 et Chronique de la Pucelle^ ch. 

— Falstôlf: t. IV, p. 1 10 (Journal). 



NOTU. S5& 

Pag« xLvn, nota 1. 

Fùreet des Anglais : 500 hammes aux Tourelles avec Glans- 
dale, t. IV, p. 102; renfort de 300 hommes avec Talbot^ 
l*' décembre 1428, ibi4.t P* i03; i500 hommes arec Salis* 
bury, à Saint-Laurent, 29 décembre, ibid.^ p. 106; renfort de 
1200 hommes avec Falstolf, le 16 janvier 1429, ibid., p. 110. 
~ Forces des Orléanais : Indépendamment de la population , 
évaluée à 5000 combattants, et de la garnison primitive d'en- 
viron 400 hommes: 800 hommes, 25 octobre 1428, ibid.^ 
p. 101 ; 200, le 5 janvier;i429, ibid.j p. 108. Pour les renforts 
postérieurs , voy. ci-après et M. JoUois {Hist. du siège fOr- 
Uansj p. 42). 

/MU, notes. 

Bizarreries du canon : Un boulet tombe sur une table en 
tourée de cinq convives, sans autre effet que de briser le ser- 
vice; un autre tombe au milieu de cent personnes réunies, 
atteint l'une d'elles et lui emporte un soulier. (Procès, t. IV, 
p. 104 et 111.) — Combats singuliers : Un jour ce sont deux 
Gascons qui battent deux Anglais ; un autre jour six Français 
qui défient six Anglais : les Anglais ne vinrent pas. (Ibid., 
p. 106 et 111.) — Combat de pages : à coups de pierres : les 
petits Anglais y perdirent leur chef, les Français leur éten- 
dard. (Aid., p. 143 et lkk.)'-Mort de Lancelot : ibid.^ p- 115. 

Page ZLYUi, note 1. 

Nouveaux renforts à Orléans : 30 hommes d'armes ou 
180 hommes, le 24 janvier» t. IV, p. 114 (Journal); 26 com- 
battants le 5 février, ibid. , p. 1 1 6. — Convois de vivres ; Les 3, 5, 
10, 12, 25, 31 janvier; 25 février; 6, 7, 8mars; 5, 16, 21 avril 
(voy. le Journal à ces dates). — Affaire de File des Mo%Uins : 
ibid. t p. ll2^^Convois aiAX Anglais; 7 et 19 avril; interceptés, 
25 (18), 26 janvier et 27 avril (voy. le Journal à ces dates.) 

Page xux, Qotel. 

Convoi de Falstolf : t. IV, p. 120 (Journal). Honstrelet (II» 56), 
dit quatre à cinq cents charrettes. ^ Le comie de Clermont : 
Chron. de la Pueelle, ch. xi, Berri, p. 376 (Ëd. Godefroy.) 



256 NOTES. 

Page u, note 1. 

Arrivée des troupes àOrléans pour FexpidUimprojeUe:T. IV, 
p. 118-120 (Journal).— Pr^para{t/*5 de la bataiUe: ibid.^ p. 120; 
Ghron. de la.Pucelley et Monstrelet, 1. 1. 

Page uif note 1. 
BatçLille de Rouvray : ibid. 

4 

Ibid, , note 2. 

Le comte de Clermont à Orlécms : mêmeB citations. L'auteur 
de la Chronique de la Fête du 8 mai dit que les Orléanais, 
voyant que les fugitifs de Rouvray n'osaient combattre les 
Anglais, les invitèrent h sortir de la ville comme des bouches 
inutiles (t. V, p. 288). Il vaut mieux s'en rapporter au Journal 
qui dit que les Orléanais se montrèrent mécontents de ce dé- 
part (t. lY, p. 130). 

Page LIT, note 1. 

Ambassade au duc de Bourgogne : Journal, ibid. ; Chronique 
de la Pucelle, ch. xlt. — Crue de la Loire: Journal, p. 131. 

Page Lv, note 1. 
Nouvelles bastilles : Journal, p. 134, 135, 138. 

PageLVi, note 1. 

Trou pratiqué au mur: T. IV, p. 134 (Journal). — Bruit de 
trahison : ibid. , p. 141. — Échange de politesses entre les chefs : 
Un jour (22 février) Suffolk fit offrir au bâtard d'Orléans 
un plat de figues, de raisin et de dattes, en le priant de lui 
envoyer de la panne noire (sorte de drap) pour faire une 
robe : politesse fort intéressée sans doute, car dans Orléans on 
ne manquait pas encore de vivres, et les Anglais pouvaient 
bien manquer de drap dans leur camp; mais le bâtard accueillit 
l'offre et la demande avec la même bonne grâce, ibid-^ p. 131. 
— Sorties : Plusieurs fois les Orléanais pénétrèrent assez avant 
dans les bastilles pour rapporter en trophée des tasses d'ar- 
gent, des robes fourrées de martre, sans compter les arcs, les 



NOTES. 257 

flèches et autres instruments de guerre (2 mars et 18 avriV, 
t. IVy p. 132 et 147). — Courses dans la campagne : Un jour 
(12 avril), c'est une troupe qui, sortant de nuit, pénètre jus- 
qu'à Saint-Marceau au Val de Loire, force Tëglise et y fait 
prisonniers 20 Anglais qu'elle ramène à Orléans; un autre 
jour (20 avril), un homme d'armes avec 20 compagnons arrive 
à Fleury-aux-Choux et y surprend les hommes qui la veille 
avaient amené des vivres aux bastilles anglaises. (/Md., 
p. 145.) 

PageLvu, note 1. 

Betour de V ambassade envoyée au duc de Bourgogne : tfrid., 
p. 146; Honstrelet, II, 58 ; Chron. de la Pucelle, ch. xu; Ghar- 
tier, op. Godefroy, Hist. de Charles YII^ p. 18. 

Page LYiu, note 1. 

Bappel des Bourguignons : Journal et Ghron. 1. 1. 

Nous avons donné en appendice (I) l'état des forces des 
Anglais et des Orléanais au moment de l'arrivée de Jeanne 
d'Arc. (Voy. ci-dessus, p. 229.) 



LIVRE PREMIER. 



VAUCOULEURS, 



Page 2 1 note 1. 



Naissance de Jeanne éCArc : Dans son interrogatoire du 
21 février 1431 , Jeanne dit qu'elle a environ dix-neuf ans. 
[Procès, 1. 1, p. 46.) La date de l'Epiphanie est donnée par 
la lettre de Perceval de Boulainvilliers au duc de Milan, 
du 21 juin 1429 {ibid. t. V, p. 116). Les traditions fabuleuses 
qu'il a recueillies sur la naissance du la Pucelle peuvent ren- 
1 17 



258 NOTES. 

* 

dre suspecte la dësigaatHiii du jour. — Pûùrie de som père : 
« Traite sommaire tant du imm et des armes que de la nais- 
sance et parenté de la Pucdle 4*0riéait& > (paf Charles du 
Ljs), p. 7. 

Page 2j soteS*. 

Condition de sa famille : Témoignages des gens du pays. 
Proies, t. II, p. 388, 393, 395, 39T, 400, 401, 403. 

Les lettres d*anobTis8ement données aux parents de 
Jeanne d*Arc supposent qu'ils pouvaient être d'origine ser- 
vile: «'non obstante quod ipsi forsan alterius quam liber» 
conditioms existant. > (Prveès, t V, p. \b%.) Hais eek est 
moiiis an lémoigsage sur leur origine, qK'une ieroMle ptë* 
voyant tous les cas pcMir lefvr teas le& dbstadea: car lot no- 
blesse ne s'accordait communément qu'aux personnes de 
condition libre. 

Nous avons traité; dans les. appendices^ du fwm et du pmys 
de Jeanne d'Are (U el lU) ; vey» ci-desaus, p. 230 et 233» 

Ihid,, note 3. 

Son instruction religieuse : «Nec alibi didicit credentiam, 
nisi a praefata matre. » Procès, t. I, p. 47. (Les citations du 
tome I sont toutes du procès de condamnation.} Cf. les té- 
moiguages de Jean Horeau, t. II, p. 389, de Beatrix EstelHn, 
p. 395, et des autres, p. 398, 403, 404, 418, 424. 

Sur les occupations de son enfance : « Utrum in juventute 
didicerit aliquam artem : drxft qnod sic, ad suendum pannes 
lineos et nendum » (t. I, p. 51); et les mêmes témoignages, 
t. II, p. 389 , 390, 393, 396, 398, 400 , etc. « Non erat re- 
missa; laborabat libenter; nebat, ihat ad aratrum cum pâtre, 
tribulabat lerram cum tribula, et alia domus necessaria facie- 
bat; et aliquotiens animalia custodîebat, » p. 424 : — c prout 
pluries de nocte eam,, in dono bqitentis cum quadam filia 
sua nere vidit, » p. 409 et 430 ; — c laborabaL, nebat, aar- 
clabaty » p. 422, 42a, 427,. 462; — c Fibenter operabatur et 
videbai nutrituram bestiarum ; libenter gubernabat animalia 
domus patris, nd>at et necessaria domus laciebat, ibat ad 
aratrum, tribulalum, et ad turnum animalia custodiebat, » 
p. 433; cf. p. 404, 410, 413, 415, 420, etc. Le soin des 



NOTSS. a^» 

troupeaui doitse rap|K>rtftr k sa première enfance : piosgrande» 
elle a*occiipait mrtout dea soins du mfoage ; pour lea tros* 
peaux, c'était ai peu son habkuda de lea garder^ qa*elie^mlnie 
déclare dans soa procès que, ai elle le fil, elle ne a'en aou^ 
vient pas : « Yacabat circa negplia faniUaria domna» née ikat 
ad campos cum ovibus et aliis animaUbus,» U I, p. 51 {Jmêêrr. 
du 22 févr.) ; — « et qnod pestqnam fuit grandior et quod 
habuit discretionem , non custodiebat animalia communiter, 
sed bene juvabat in conducando ea ad prata, et ad unum 
caslrum quod nominatur InEula , pVo timoré bominum arma- 
torum ; sed non rçcordatur an in sua juvenili a&tate eustodie- 
bal an non, » 1. 1, p. 66 (Interr. du 24 févr.)^ 

Ptige4, note 1. 

Piété de Jeanne : Mêmes témoignages » t. H, p, 400, ele. 

« Dumeratinecclesia,aliquotîen8 prona erat anteCrucîfixiim, 

et aliquando habebat manus junctaa et fixas insimult âe 

vultum et oculos erigendo ad crucifixum aut ad beatam Ua^ 

riam,» t. II, p. 459 (Arnolin, prttre.) ^Assiduité à U nmse ; 

t. II, p. 390, 396, 398, 400. Si elle avait eu de l'aident, 

dit naïvement un des prêtres ^tendua, elle Taurait dooni k 

son curé pour dire des messes, t« II, p. 402 (Et. de Sienne)* 

— Pratique des sacrements : t, II, p. 390, 394, 396, 399» 

404^ 415, 418, 432; Nicolas Bailly, qui fit Tenquèle k 

Yaucouleurs , au nom de Pierre Caucbon , dit au procès de 

réhabilitation, qu^elle se confessait presque tous les mois, 

selon qu'il Tavait ouï dire de beaucoup 4'habiUnts (t. II, 

p. 452). H. Arnolin, prêtre, la confessa trois fois en un C9t^ 

réme, t. II, p. 459. — Us coraplies et les doches : U II, p. 393, 

413, 420, 424. — Des lunes : on lit aussi lanas (de la laÂne). 

-^ V ermitage de Belmont : U II, p. 390, 404, 4U, 420, 

. 425 , 433, 439 (témoins de Domrémy). 

Ibid., note 2* 

Sa dévotion : « Quod non erat sibi similis in dicta villa, ^ 
l. H, p, 402 (Et, de Sienne). ~ « Quod erat bona catliolica, » 
quodque nunquam mellorem ipsa viderat, nec in sua parochia 
habebat,» p. 434 (Colin) ; — « et ipse et alil deridebant eam,9 



I 



I 



260 NOTES. 

p. 420 (J. Waterin) ; — « quod erat nimis devota,» p. 430 (Hen- 
gette) et .418 (Hauviette). — Sa charité : Ibid. p. 398 (Jean- 
nette Thevenin); — « et faciebat hospitare pauperes, et vole- 
bat jacere in focario et quod pauperes cubarent in suo lecto, > 
p. 427 (Isabelle Gérardin). Un de ceux qu'elle soigna malades, 
en rend témoignage : « Dum erat puer, ipse infirmabatur, et 
ipsa Johanna ei consolabatur, > p. 424 (Musnier.) 

Page 6, note 1. 

L'arbre des dames : Voyez ce qu'en dit Jeanne elle-même, 
t. 1, p. 67, et presque tous les témoins de Tenquéte de Vau- 
couleurs au n*" 9 de Tinterrogatoire. — Le beau may, t. If, 
p. 67. — L'arftreLdominarum, t. II, p. 394, 396, etc.; — ad 
loMas dominarum^ p. 427, 430, etc. ; — « tempore veris, quia 
tum est pulcra sicut lilia et est dispersa, ac folia et rami ejus 
veniunt usque ad terram, » t. II, p. 423. En 1628, Edmond 
Ricber en parlait encore avec admiration. L'arbre n'existe 
plus; mais le souvenir s'en est gardé dans le pays (voy. 
la note de H. J. Quicherat, t. II, p. 390). — Les seigneurs et 
les dames de Bourlemont : p. 398 , 404, 413, 427. — Le 
chevalier Pierre Granier de Bourlemont et la fée : p. 404. 
— Les fées : Jeanne rapporte au procès qu'elle a ouï dire 
de l'une de ses niarraines qu'elle les y avait vues : c sed 
ipsa loquens nescit an utrum hoc esset verum vel non, » 
t. I, p. 67. Les témoins delà revision en parlent comme 
de chose qui n'arrive plus, t. II, p. 410, 420, 425, 440: 
« Sed propter eavum peccata nunc non vadunt, » p. 396 
(Beatr. Estellin). — < Sed, ut dicitur, postquam evangelium 
beati Johannis legitur et dicitur, amplius non vadunt, > 
p. 391 (J. Moreau). 

Divertissement des jeunes gens: p. 390, 394, 400, 407, 
423, 425, 427, 430, 434 (témoins de Yaucouleurs). 

Ibid, I note 2. 

Jeanne à V arbre des darnes^ t. II, p. 407 (Th. Le ftoyer), 
430 (Mengette); « non tripudiabat, ila quod sœpe ab aliis 
juvenculis et aliis causabatur, > p. 427 (Isab. Gérardin). 
Jeanne elle-même dit qu'elle a bien pu y danser aussi; mais 



NOTES. 261 

qu'elle y a plus chanté que dansé: « Et nescit quod, post- 
quam habuit discretibnem , ipsa tripudiaverit juxta iiiam 
arborem ; sed aliquando bene potuit ibi tripudiare cum 
pueris, et plus ibi cantavit quam tripudiaverit, > t. I, p. 68. 
— «Et faciebat apud arborem serta pro imagine beatœ Mariœ 
de Dompremi, » iMd. p. 67. 

Page 8, note 1. 

Superstitions : Jeanne ne nie pas théoriquement Texls- 
tence des fées ou des êtres surnaturels, pas plus que per- 
sonne en son temps; mais elle dit qu'elle n*en a jamais vu à 
l'arbre des Dames , et ne sait si elle en a vu ailleurs (t. I , 
p. 67); car elle déclare qu'elle ne sait ce que c'est (t. I, p. 209); 
et pour ce qu'on raconte -de ceux qui vont en Ferre (qui errant) 
avec les fées, elle ajoute qu'elle n'en sait rien , qu'elle en a 
entendu parler et n'y croit pas , estimant que c'est sortilège. 
Après cela, comment M. Henri Martin peut-il parler « des fées 
qu'elle croyait entrevoir? » {Histoire de France, t. VI, p. 140.) 
Avec ce passage. (Procès, t. I, p. 67), où Jeanne dit qu'elle 
n'en a jamais vu, l'auteur en cite un autre (Procès, t. I, 
p. 168), où elle parle des apparitions de ses saintes. C'est 
se placer, pour en juger, du côté de ses juges. 

Contraste de Jeanne et des mystiques de son temps. — C'est 
ce que montre M. J. Quicherat, Aperçus nouveaux swrV Histoire 
de Jeanne d'Arc, p. 74. 

Constitution physique, simple ouï-dire : t. III, p. 219 (d'Au- 
lon). — Ainsi encore ceux qui l'ont suivie dans ses campagnes 
s'étonnaient de la voir rester à cheval des jours entiers, comme 
étrangère aux nécessités de la nature : « Dum erat irï armis 
et eques, nunquam descendebat de equo pro necessariis na- 
turae; et mirabantur omnes armati quomodo poterat tantum 
stare supra equum. > Ibid., p. 118 (Sim. Charles); cf., t. Y, 
p. 120 (P. deBoulainvilliers), et M. J. Quicherat, Aperçus, 
p. 59-60. 

Portrait de Jeanne : Procès, t. III, p. 219 ; t. IV, p. 205, 268, 
523,330; t. V. p. 108, 128, et le témoignage du ducd'Alençon, 
t. III, p. 100. Un auteur plein d'erreurs et de fables, mais qui 
cite un chevalier italien, présent alors k la cour de Charles VII, 



Î62 NOTES. 

4û qu'elle était petite de tatUe, «lâis ftrte et corps : « Erat 
hreyi quiiem steturt, rostieftaaq«# fieie «t nigro «apillo, sed 
toto corpow praralida.» T. IV, p. 523 <Ph. de Bergame). Ce 
<|«'il dit de sa tailla, en eontradtetioB avec les antres, peut s'ex- 
pUqtterparrfcabit d'homme qu'elle portait ; etle pouvait, sans 
être petite réellement, le paraître sous lewstumed^ hommes. 
Voy. Lebrun des Charmelles, HisL de Jeanne d'Arc, t. I, 
p. 367, et M. Vallet de Viriville, Iconographie de Jeanne d'Arc, 
p. a. Quant aux portraits qu'on a de Jeanne, aucun n'est au- 
thentique. Voy. ibid., p. 10 et U. 

Page 10, note 1. 

Le bourguignon de Domremy: 1. 1» p. 65« Po«ur raaswer le 
lecteur sur le sort de ce Bourguignon» Lebrun des Gharmettes 
remarque que Jeanne Taplus tard accepté pour conpère. (Sùi. 
de Jearnie iArc, 1. 1, p. 280, 28Kj — les enfanU ds Mawe^ : 
Procès, t. I, p. 66. — Le* Anglais et les Bowrguignom mr la 
Meuse : Monstrelet, II, 22, 37 et 47. Vario, Arck. iegial, de 
gems, Statuts, t. I, p. 675 et suiv« — ExpédiUm prép(»née 
torure Vaue&hbl&ujrs : Archives de TËmp., sect, hisi. IL, carU M, 
n» 63. — Alertes à Domremy et fudte à Neufohâieau : PrtfCèg^ t, I, 
p. 66 et 51; l'art, xii de l'enquête de Vaucouleurs, t. 11^ 
p. 392 et suiv. et t, III, j^ 198. ~ L'incendie du véUage^ U Il| 
p. a96(Béatr« ËstelUo). Le témpio dit que : « Quand le village 
de Domremy fut brûlé, Jeanne allait aux jours de fêle k la 
messe à Greux» ^ Voy<^ pour tous ces faite, iL (hiickerat, 
Aperçus nouwava^ p» U-13. 

P^ge U, noie 1. 

Âppàriti&M : « (Jllemis eonfesaa 6iit, quod dum esset 
lelalis 13 annoanm, îpaa brtrait veeem a Deo, pro se juvando 
ad giAernandtim. Et prima vice, habuit magnum timorem. 
Et "veiiit illa vox, quasi hora meridiana lenpore «stîvo iu 
horto patris sui, et ipsa Johanna jejunaverat die pr»cedenti.> 
ifra^^ t.I, p.52.)~G'e«t d<me le lendeaoaiiKi'ufi jeûne, et non 
un }<Nir de j«ûne, comme le dit M. Jdidielet, q[ui paratt y «her- 
•cher «ne cause d'hallacînatien Hist. de France, t. V, p. 56). 
^ « Qttod sibi i9îdebal«ir digna vox, et crédit fWKl «adem vox 



KOTfiS. ^$3 

erftt missa a parte Dei; ei po&tquan aadmt tenr iliam ?aoêni, 
eognorlt quodwat vox aBgeR.»(Pfocè*, l. I,p. 52.) 

Page 12, note 1. 

c Quod fuit sanctus Mlchael quem vidit ante oculos suos ; et 
mm erat soins, sed beiie asaodatusaogeUsdecœlo.... £go vidi 
eoB oculis mais corperalilws aeqoe bene sicut ego video vos ; et 
quando recedebant a me plorabam, et bene voluisaem quod me 
§»cumdefortBA&eaL» {Procès^ Ll, p.73.)Gf. p. 171 : « Et vidit 
ipsummultotiensantequamsciretquodessetsanctusMicbael.**. 
Prima vice, ipsa erat juvenia athabvit timorem ; et de post idem 
saiictus Michael in tantum docuit eam et ei monstravit, quod 
crcffidît firmiterquodîpseeral.» — Mitsùm: Q»od docuit eam se 
bene regere, frequentare eccieaiam^ et eidem Jofaanns dixit ne- 
cessarîum esse, quod ipsa Jobanna veniret in Franciam. » {Frù- 
Tè$j 1. 1, p. 52.) — «Et loi raoontet Vange la pitié qui esloit en 
royaume de Franœ.v (i&id., p. l71.)<Bixit aibi quod sancta 
ïatbarina et Mai^areta yenifent ad ipsam , etc. n {Ibid., 
p. 170.) 

Jbië., D0te!2. 

Ycsu de virginité : « Prima vice qua audivit vocem suam , 
ipsa ¥Ovit aervare virginilatem auam, tamdiu quamdiu plaçait 
Deou» {X. I, p. 12a, ci. p. i27 et 157.) 

Becmeilkment »' «Et sœpe dum jocarenX insimal, ipaa Jo- 
banDJi ae trahebat ad partem etioquebatur Deo, ut«ibi vide- 
batur. j* (T. il, p. 420,} — Secret: «îotarro^JBe de oea visions 
eUe apoint parlé à aoa mvé ou autre bomme d^Égltae ; respond 
qM noa.... Et dit iMilire qu'elle ne fust point eontrainie de 
jes voix à, te celer, mais doubtoit moult le révAer pour double 
4es Bûur^guignons quUlz ne i'empeschassenl de son voyi^e^ et 
par especial doubtoit moult son père, qu'il ne la empescbas.t 
de son véage faire. (T. I, p. 128.) 

Page 13, note 1. 

DétarusediGhariks VII: Tb.BasÛH , Viê4e€harie$ V£I^ Vw. I, 
di. I. — Ordre de partàr: « Quod lilla vox aibt dioebal bis aut 
ier ifi bebdacnade cpiodiipartflbtttipsian JohaaMun reeedere et 



264 NOTES. 

yenire in Franciam. » (T. I, p. 52.) — « Quod ipsa Johanna 
iret ad Robertum de Baudricuria apud oppidum de VaUeco- 
loris, capitHiieum dicti loci ; et ipse traderet sibi gentes secum 
ituras. » {Ibid.) 

Page 14, note 1. 

Combats intérieurs : c Quod mallet esse distracia cum equis, 
quam venisse in Franciam sine licentia Dei.»(T. I. p. 74.) — 
« Et non poterat plus durare ubi erat.» (/5êd., p. 53). — • Quod 
erat una p^iuper filia quse nesciret equitare et ducere guer- 
ram.»(/6id.) 

Ihid, t note 3. 

Prem. voyagea YaucoiUeurs : MM. MicHelet et Henri Martin 
disent que l'oncle y alla seul d'abord : c*est, je crois, mal in- 
terpréter le témoignage de Durand Laxart : « Et hoc ipsa di* 
lit eidem testi quod iret dictum Roberto de Baudricuria quod 
faceret eam ducere ad locum ubi erat dominus Dalpbinus. » 
{Procès^ t. IL p. 444.) Quod iret peut vouloir dire qviil aUdt 
ou qu'elle irait : mais ce qui prouve qu'il faut l'entendre 
dans ce dernier sens, c'est la déposition de Jeanne elle-même 
au procès : « Dixit ultra quod ivit ad avunculum suum, sibique 
dixit quod apud eum volebat manere per aliquod modicum 
tempus ; et ibi mansit quasi per octo dies; dixitque t«im prae- 
fato avunculo suo quod oportebat ipsam ire ad prœdictum 
oppidum de Yallecoloris, et ipse avunculus ejus illo duxit 
eam. » (T. I p. 53.) Comparez le témoignage de Jean Moreau 
qui parle de plusieurs voyages : « Ipsa ivit bina aut trina 
vice ad Yaliis-Golorem, locutum Ballivo. > (T. II, p. 391.) 
Jeanne avait r^u l'ordre, non d'envoyer mais d'aller à Vau- 
couleurs (t. I, p. 53). Jean Laxart dit qu'elle demeura six 
semaines chez lui : mais il ne le dit pas spécialement de ce 
•voyage (t. II, p. 443). 

Page 15, notel. , 

Robert de Baudricourt : < Ipsa cognovit Robertum de Bau- 
dricuria, cum tamen antea nunquam vidisset, et cognovit 
per illam vocem prœdictum Robertum. » (T. I, p. 53.) Cf. les 
témoignages de D. Laxart, son oncle, de Jean de Novellom- 



KOTCS. 265 

pont, dit de Metz, et de Bertrand de Poulengi, ses premiers 
adhérents (t. II, p. 444, 436, 456), et la Ckron. de la Pu- 
celle {i. IV, p. 205, ou ch. XLn, p. 271, 272 de l'édit. de 
M. Vallet de ViriviUe). 

Page 16, note 1. 

Retour : c Ipse autem Robertus bina vice recusavit et re- 
pulit eam, et ila etiam dixerat sibi vox quod eveniret. » 
{Procès j\, I, p. 53.) — Demi' confidences : « Quod erat una 
puella inter Couxeyum et Yallis-Colorem, quse, antequam 
esset annus, ipsa faceret consecrare regem Francise. » (T. II, 
p. 440.) — Gérardin dÉpinal : i. II, p. 423. -^Songes et 
menaces de son père : t. I, p. 131. — Son poursuivant de 
Toul : t. I, p. 127. 

Ihid, , note 2. 

Son prétexte pour partir : t. II, p. 428 (Isab. Gérardin), 
430(Mengette)et 434 (Colin), c S'elle eust c pères et c mères et 
s'il eust été fille de roy, si fust-elle partie. » (T. I, p. 129.) — 
Adieu à Mengette (t. II, p. 431). — Hauviette : « Nescivit re- 
cessum dict« Johannettae : quœ testis propter hoc multum fle- 
vit. » (T. II, p. 419.) — Adieu au père de Gérard GuUlemetle; 
aux gens de Greux : t. II, p. 416 (Ger. Guillemette), et 421 
(Watrin). 

Page 17, note 1. 

Séjour de Jeanne à Yaucouleurs. — « Erat bona, simplex, 
dulcis et bene moderata filia.... Libenter et bene nebat, et 
quia nevit in domo sua cum ipsa. » (T. II, p. 446.) « Erat 
bona filia; tune nebat cum uxore sua, libenter ibat ad eccle- 
siam. » (/6id., p. 448.) c Audiebat missas matutinas et mul- 
tum stabat in ea orando. » {ïhid,^ p. 461). Elle se confessa 
deux ou trois fois pendant son séjour. (Jbid.^ p. 432.) 

Sa résolution : « Quod si deberet ire supra genua sua, iret. » 
(/6«., p. 448.) 

Page 18, note 1. 

Jean de Metz^ et Bertrand de Poulengy : t. II, p. 436 et 456. 
A propos de la fille du roi d'Ecosse, M. J. Quicherat fait la 
remarque que dès lors, il était déjà question de marier Mar- 
guerite d'Ecosse au fils du roi, encore enfant. (Ibid., p. 436. 



Page 19, note 1. 

Baudricourl^ U le curé exorcisant Jeanne, etc. : t. H, p. 446, 
447 (Calh., femme d'Henri le Royer.) 

Page 20, note 1. 

Impatience de Jeanne : < Et erat sibi tempus grave ac 
sieesetmulîer praagnanfi.» {Ihid,) — Les frais du voyage : ibid.^ 
p. 437 (J. de Metz), équippement (ibid.)^ «t Vallet de TirivOley 
Jconogr^ de J. Darc, p. ^ 3. Le cheval acheté par son onde 
ûoûta 16 francs, soit, à raison de 10 fr. 53 c. (valeur intrinsè- 
que), 168 fr. 48 c. Voy. les excellentes tables de n-Tfatalis de 
Walllj, Mémoire sur la variation de la livre tournois. Mém. 
de Vacad. des vnscript. , Nouvelle Série, t ICXI, 2* partie, 
p. 249. — Jeanne chez le duc de Lorraine : 1. 1, p. 54 ; cf. t. Il, 
p. 391, 406, 437, 444 ; t. III, p. 87. ^ 

Page 21, Qote L 

PrédicHon de la bataille de Rouvray : Chron. de la Pacellei 
Procks, t. IV, p. 206, ou chap. xlh, p. 272 (VaTlet de Vir.). 
— Escorte de Jeanne : Procès^ l. Il, p. 406, 4S2, W7, 444, 4M. 
— Sa confiance : t II, p. 449 (Henri le Royer). — Adieu de 
Baudricourt : *y^àe^ saîàey et quod inde poterit ^lenire, ve- 
niat.» (T. I, p. 55.) 



UV&Ë DEUXIÈME. 



ORliANS. 
Page 24, notai. 

Voyage à Chinant Càkvwt. de la PitceUe, cb. iLn,«t lonrnal 
■do «ége, Prooès, t. IV, p. 207 et 126; et les téiMigii«0es de 
Jetn 4e Mets et ^ Bertrand de Poulengy, «es comfMgnons, 
t. II, p. 4$7 et 456. 



^OTES. S67 

Pi^t4, note 2. 

FudewréeJiumm : «Ipsapuenajaoebat juta eumden leslem^ 
8i# gippoAO et catigÎB vaginaiis iiidvta;... înduta sao lodice 
et caligis suis, eto (Les mêmes, et H. Lemaislre ei M. La 
Touroulde, l. III, p. 198 et 87.) 

I%g« as, note U 

A (S%0n : Piro(^, t. IR, p. B (DuBois) et 21 (G. de Rictr- 
▼iHe) ; — n Fkrbois : 1. 1, p. 56 el 75. 

PagtIM, ana t. 

Détresse du roi : t. III p. 85 (M. La Touroulde); t. V, p. 33^ 
(le religieux de Dumferllng). — Emlmscade: t. III, p. 203 
(Seguin.) 

Page 27, note 1. 

JH^kidtés à i'^ttbmssim de hanm : i. III, p. 115 (Sim. 
Ouuries) ; cf. Md.^ p. 4 (Dunois); p. 8i (fiarbin); t. V, p. i 18 
(lettre de Pleicevai 4% Boulainvilliers, 21 juin i42d). 

La dép%Uution dOrléam : t. UI, tj^ 3 (Danois);-* les com- 
pagnons de Jeanne au cor^eil : Chran. de. la Pucdle, cb. xui» 
et Journal du siège, t. IV,* p.. 207 et 127. 

FrcwiRWMm ; 1. IH, p. 4 (0«ii«b) ; p. 16 (Gaiwwrt); «eaaa 
ma^a Iwmiiîtala et sim^kiaile,» Procè$^ t. iV, p. 52 <I. Char- 
tiei^ ; tUM., p. 906 {Tbomassin) ; il décrit 8(m<o08t«Re. 

Le roi distingué par la f>w>êlh: I. VIL, p. 116 (Sum» 
Charles); p. 192 (Jean Moreau); J. Chartier, l. L, el Chron. 
de la Pucelle, ibid., t. IV, p. 207. 

ùéckmÊUon de Jeanne .- Gkreo. de la (NieeUe, iMd.; Jour- 
nal du «iéfe, iM.; Chmrtîer, Md.^ p. ^, <i. L III, p. 17 
ifiamumrt^; p. 103 ^«aqiieral, «es «miaier). 

Ps^e 29, note 1. 

Uducd'Âàmçm: t. Jll,^ 91-^2 <AtoçoB);'Cf., iUâ.^^» 1^3 

(Pe^qoerei). 



268 • NOTES. 

Page 29, note 2. 

L'insulteur : « Esse pas là la Pucelle ? negando Deum quod 
si haberet eam nocte, quod ipsam non redderet puellam,* 
ibid.y p. 102(Pasquerel). 

PageSO, Qote 1. 

Vhâte de la Pucelle : ibid.^ p. 17 (Gaucourt). — Enquête dans 
son pays: < Âudivitdici quod fuerunt Fratres Minores in dicta 
villa ad faciendum informationes.»T.II,p. 397 (Bealrix Estel- 
lin); cf. p. 394 (Dom. Jacob) et t. III, p. 83 (Barbin): « Et misit 
etiam, ut audivit, inloco nativitatis ipsius Johannœ ad scien- 
dum unde erat. » 

Examens divers ^ etc. : Chron. de la Pucelle, ch. xui, t. IV, 
p. 208; t. III, p. 92 (Alençon) ; ibid.,ip. 66 (L. de Contes, son 
page) : c Et ipse loquens pluries eamdem Johannam vidit ire 
et redire versus regem, et fuit assignatum eidem Johannae ho- 
spitium in quadam turri castri du Couldray.... Per plures 
dies veniebant homines magni status locutum cum eadeni 
Johanna. Multotiens vidit eamdem Johannam genibus flexis, 
ut sibi videbatur, orantem ; non tamen potuit percipere quid 
dicebat, licet aliquando fleret. » 

Page 31 , note 1 . 

Cbron. de la Pucelle, ch. xlii. Procès^X, IV, p. 208; Journal 
du siège, ibid.^ p. 128 ; Alain Chartier, Lettre àun prince étran- 
geTyibid.f t. V, p. 133; d*Aulon, ibid.^ t. III, p. 209, p. 116 
(Sim. Charles)) cf. Th. Basin; HisL de Ch. Vil, liv. II, ch. x. 
Il allègue le témoignage de Dunois. 

Page 32, note l. 

Le signe du roi: t. 1, p. 75 et 93. Voir sur les réponses de 
Jeanne à cet égard ce que nous en dirons au procès. M. Mi- 
chelet dit : « qu'il semble résulter des réponses, du reste fort 
obscures, de la Pucelle ^ ses juges, que cette cour astucieuse 
abusa de sa simplicité, et que pour la confirmer dans ses 
visions on fit jouer devant elle une sorte de mystère oh un 
ange apportait une couronne.» (Hist. de France, t. V, p. 65.)*Mais 



NOTES. S69 

cela n*est d'accord ni avec le carjictère de Jeanne, ni avec la 
politique de la cour. Loin qu'on cherch&t h abuser la Pucelle, 
en cette matière, il fallut, on le verra, toute la constance et la 
force de sa conviction pour qu'on cédât à son entraînement. 

Parole de Jeanne: « Et bis auditis rex dixit adstantibus quod 
ipsa Jobanna aliqua sécréta sibi dixerat quae nullus sciebat aut 
scire poterat, nisi Deus. » T. III, p.l03 (Pasquerel). — Pierre 
Sala: Procès, t. IV, p. 270-280 ; cf. l'Abréviateur du Procès, ibid., 
p. 258, et le Miroir des femmes vertueuses, ibid., p. 271 ; L'A- 
verdy, Notices des Manuscrits, t. III, p. 307 ; Ijebrun des Char- 
mettes, Hist. de /. d'Arc, 1. 1, p. 379, et M. J. Quicherat, 
Aperçus Nouv., p.62 et suiv. 

Page 33, note 1. 
Envoi à Poitiers: t. IV, p. 209 (Ghron.). 

/btd.,.D0te2. 

Vhéte de Poitiers : En l'bostel d'un nommé maître Jean 
Rabateau qui avoit espousé une bonne femme. T. IV, p. 209 
(Ghron.); cf. t. III, p. 74 (G. Thibault) et p. 82 (Barbin).— 
Le conseil à Poitiers : ibid., p. 203 (Seguin). — Les examinateurs 
de Poitiers : Il faut joindre à ceux que nous avons nommés, 
Jordan Horin, député du duc d'Alençon, Jean Lombard, pro- 
fesseur de théologie à l'Université de Paris, Guillaume Lemaire 
ou Lemarié, chanoine de Poitiers, Guillaume Aymeri, profes- 
seur de théologie de l'ordre des frères Prêcheurs, frère 
Pierre Turelure, autre dominicain, maître Jacques Haledon, 
Mathieu Ménage, ibid., p. 19 (Fr. Garivel); p. 74 (Gob. Thi- 
bault); p. 92 (Alençon); p. 203 (Seguin). 

Page 36, note 1. 

Interrogatoire : Chronique, et Seguin, 1. 1. — Le signe : t. III, 
p. 20 (Garivel) et p. 17 (GaucourQ: « Ipsa respondit quod 
signum quod ostenderet eis esset de levatione obsidionis et 
succursu vill» Aurelianensis. • 

Ipid., note 2. 

Du/rée de Vemmen : « Qui pluribus ot iteratis vicibus et 



i70 NOTES. 

quftfti Bpatio trium septimanarum exammaverttnt dîclam 
Jobaïuitm.» T. IIl, p. U(GariTel); cf. p. 17 (Gaucouri) : 
« Spatîo et tenqpore trium fieptimanaoram et ampliua, tan 
Picta? ia qwam Gaynone* » Dana le réaumé dea conclsaioa» 
de Poitiera, il eat dit que le roî a fait garder et obaenwr Jeanne 
depuis aioL aemainea (t. HI, p . 392.) «-> fiofr. ThiboaU. «Yemt eia. 
obviaiQ etpercuaait loquentem super apatulam^eidem loquenti 
dicendo quod bene veUet habere plurea hominea volantalia 
loquentis.... Ego neseio née À nec B, etc. » T. HI, p. 74. 

Page 37, note 1. 

Surveillance exercée sur Jeanne : t. III, p. 20 (Seguin). ^- 
// y a es livres de N, S. etc. : U III, p. 86 (Marg. de La Tou- 
roulde.) — La prophétie de Jeanne : « Audivit dici diclo de- 
fuDCto domini confessori, quod Tiderat in acripiia, qnod 
debebat venire qus&dam puella, quae debebat juvare regem 
Francis... Quod ipsi credebant eam esse de qua prophetia 
toquebator. »T. III, p. 75 (6. Thibault). — Sur la propbAie 
de Merlin, Chriatine dePiaan, vers acheréa te 31 juiUeiHMp 
Pr(Kès, t. V, p. 12. Cf. la déposition de P. Miget, t. III, p. 193 ; 
Tbomasain, t. IV, p. 305, et Waller Bower, îMd., p. 480; — 
eombien le passage des prophéties de Merlin se raf^ierle pe« 
à Jeanne: M. J. Quicherat, t. III, p. 340 et 341 (notes). 

Page 38, note U 

ConchisUms des docteurs : Yoy. le résumé qii*on en a : Procès^ 
t. m, p. 391, et ce qu'en dit M. J. Quicherat, t. V, p. 472. 

— « Quod attenta necessitate emrnenti et pertculo in quo erat 
villa Aurelianensis, rex polerat de ea se juvare. »/Vo^^, t. III, 
p. 205 (Seguin); cf. ibid , p. 93 (Alençon), p. 102(Pa8que- 
rel), et p. 209 (d'Aulon). 

YisiU^kmeOrones: d'Aulon, ibid.; cf. Paaquerri» i6W.» et ia 
Lettre de Pereeval de Boulainvilliers, t. V, p. 119. 

Page 39, note 1. 

Impression produite par Jeanne: Chron 1. 1., t. IV, p. 211. 

— Contraste de la guerrière et de la jeune fille : Thomassin, 
ProcèSf t. IV, p. 306: • El ai ay oui dire à ceux qui l'ont vue 



NOTES. 271 

armée cpi'») la hisoit trèa-bon Toir, el se y ccNsleiioil aossi bîeo 
coniBie eust fait un bon homme d'armes. Et quand elle otoît 
snr faîct d^armes, eUe estoit hardye ei coera^nme, «i par>- 
loit hanltement da faiet des gloires. Et quand eU» csteksama 
harnoys, elle estoit moiiU simple et pen partenU » — Gf* 
Cagny, ibid.^ p. 3; Chron., p. 2]S:« Et en ehetandiaiit 
poitoit aussi gentilement son harnois que si elle n'eust faict 
autre chose tout le temps, de sa vie. » 

Piétéj ete. : t. Y, p. 119 (Pereeval de BoulaumUiers). 

V habit (fk4)mme: Chnm., K l. Traité de Jactpiea Gefai^.ar- 
cbeféqne d^Embron (mai 14â9) : « Decentius enim est ni inin 
in habita ririli eommittantur, pnqi^er conversalioncm cum 
vîris, quam alias, quia qui aimilem eum aliis gvrit vttam, mh 
cesse est ut similem sentiat în l^ibua diacipUnàm,» (ArMèr, 
t. III, p. 405, cf. p. 407. ) 

Page 41, note 1. 

Je(mn& à Towrs : J. Pasquerel Ui donne pour Mie un ho«ic- 
geoîa appdé Dupuy ; et L. de Contes, pour hôtesse une fenune 
wppeUù Lapau. {Procès^ t. III, p. 101 ek 66.) On ne peut acaw- 
der lea deux ténoins qn^en mariant les deux, personnagaa» 
C*eat ceqae fait Lebrun dea Gharmettesiy U I, p. 416. — Jeanne 
est à Tours, quand L. de Contes lui est donné pour page (t. III, 
p. 66); c*est à Tours aussi que Pasquerd. lui fut présenté ( t. III, 
p 101). 

Sa maison rnUUaire : d'Attlon„ t. DI, p^ 210 ; L. Conte, tbid., 
p. 67 ; Chron., ch. xm; t. IV, p. tll, 212 ; Gagny, tW^, p. 3. 

On trouve dans les extraits des comptes : « A Jehan de Mes, 

pour la despense de la Pucelle , 200 livres tournois (environ 
1128 fr.). Au maistre armeurier pour ung harnois complet 
pour ladilte Pucelle, 100 1. t. (564 fr.)- Audit Jehan de Mes et 
son compagnon pour ealx armer et habîBer, pour estre en la 
compagnie de laditte Pucelle, 125 l. t. (705 fr.).»(T. Y, p. 258.) 

Sur le costume militaire de Jeanne (VArCy voy. M. Vallet de 
Viriville, leonogr. de J. Darc, p. 23. Il prend pour modMe le 
costume de la miniature d*un manusèrit du Champion des da- 
mes, exécuté en 1451 (Bibl. tmp. 632, 2, f* lOï verae): eha- 
peau de feutre noir, cuirasse de fer poli avec diverses pièces 



• « 



272 NOTES. 

pour protéger le corps et les aines; jambes garnies de grègues 
de fer ; pieds chaussés de cuir ; coite d'étoffe brune, tombant 
entre la cuirasse et les jambières, un peu au-dessous du ge- 
nou; manches rouges collantes; et par- dessus, manches ouver- 
tes adaptées aux épaules (ibid.^ p. 12). 

Vépée de sainte Catherine : Ce qu'en dit Jeanne, Procès, 
t. I, p. 76 ; Chron., t. IV, p. 212. — L'étendard de la Pucelle: 
Voy. aux appendices (IV) ci- dessus, p. 235. 

Amour de Jeanne pour son étendard : « Quod multo, vîdeli- 
cet quadragesieS, prœdiligebat vexillum quam ensem.... quod 
ipsamet portabat vexillum praedictum, quando âggredieba- 
tur adversarios, pro evitando, ne interficeret aliquem;et 
dicit quod nunquam interfecit hominem.» T. I, p. 78. Cf. la 
déposition de àeguin, t. III, p. 205. 

Page 42, note ]. 

Situation d'Orléans : Voy. ci-dessus, et le Journal du siège. 
— Convoi pi'éparé à Blois : Le duc d'Alençon, t. III, p. 93 
(Âlençon); p. 4 (Dunois); p. 18 (Gaucourt); p. 78 (S. Beau- 
croix); p. 67 (L. de Contes) : < Et stetît ibi Johanua cum ar- 
matis in dicta villa Blcsensi per aliqua tempera, de quibus 
non recordatur. > Pasquerel dit qu'elle y resta deux ou trois 
jours (tWd., p. 104). — Cf. la Chronique, ch. xliu; Procès^ 
t. IV, p. 214, 215. Cagny, Und.y p. b.-^ Force de l'escorte: 
c Interrogata qualem comitivam tradidit sibi rex suus, quando 
posuit eam in opus : respondit quod tradidit x vel ni millia 
hominum. « T. I, p. 78. Monstrelet porte à sept mille ceux 
qui vinrent à Orléans avec Jeanne (II, 59). 

Page 44, note 1. 

Lettre de la Pucelle : Voy. entre autres transcriptions de 
cette lettre. Procès^ t. V, p. 96. Nous n'avons fait qu'en modi- 
fier l'orthographe. — « Oportebat primitus quod ipsa summaret 
et scriberet Anglicis. » T. lil, p. 20 (Garivel). Le journal du 
8iége(t.III,p. 140) et la Chronique de la Pucelle (i6ûl., p. 215) 
disent que cette lettre, dont ils reproduisent la date, fut en- 
voyée de Blois, d'oii Jeanne s'apprêtait à mener le convoi de 



NOTES. 273 

vivres à Orléans ; mais ils font commencer six semaines trop 
tôt l'expédition de la Pucelle. 

Page 44, note 2. 

Les Anglais: c Uappelant ribaulde, vachière, la menaschant 
delà faire brûler. > JoiirnaVdu siège, t. IV, p. 141; cf. p. 150; 
Chron.,p.220:cet1esvouloientfaireardoir.>Berri,t6id.,p.42: 
« Lesdits Anglois prindrent ledithérault et jugèrent qu'il seiroit 
ars, et firent faire l'attache pour le ardoir. Et toutes voies 
avant qu'ils eussent l'opinion et conseil de l'Université de Paris 
et de ceulx tenus de ce faire, etc. » 

Page 45, note 1. 

La bannière: « Dixit loquenti quatenus faeeret fieri unum 
vexillum pro congregandis presbyteris , gallice une bannière^ 
et quod in eodem vexillo faeeret depingi imaginem Domini 
nostri crucifix!. > T. III, p. 104 (Pasquerelj. Yoy. sur cette 
seconde bannière l'appendice lY, ci-dessus, p. 235. 

Les chants autour de la bannière, etc. : t. ÏII, p. 104 (Pasque- 
rel); p. 78 (Beaucroix); t. IV, p. 217 (Chron., ch. xuv). 

Page 47, note 1. 

Départ de BknSj le 28 avril: Éberhard de Windecken. {Pro^ 
cèSy t. IV, p. 490.) Le Journal du siège (t. IV, p. 150] semble 
aussi rapporter le départ à cette date. De plus, d'accord en 
cela avec la Chronique (ibid.., p. 217), il fixe l'entrée dans Or- 
léans au 29 au. soir; J. Chartier (i6id., p. 54) dit qu'on ne 
passa qu'une nuit en route ; et on peut entendre dans le même 
sens Louis de Contes, qui, à propos de la blessure de Jeanne, 
parle «delà nuit du voyage. »« Multum fuitlœsa.... quiaipsa 
cubuitcum'armis in nocte sui recessusavillaBlesensi.M (T. III, 
p. 66.) Ces témoignages, par leur accord, doivent l'emporter 
sur celui de Pasquerel qui compte deux nuits (ibid,, p. 105). 

La Bastille Saint-Jean le Blanc évacuée : t. IV, p. 217 (Chron., 
ch. XLiv), et p. 54 (Chartier). « £l erat ipsa Johanna pro tune in- 
tentionis quod gentes armorum deberent ire de directe apud 
fortalitium seu Bastildam Saucti Juannis Âlbi ; quod non feee- 

I 18 



274 IJOTBS. 

runt, imp iveruni inter [civilatei9] Aurelian^sem tiJargedu, » 
T. III, p. 78(Beaucroix). «<*Et vindrentparla $attl(Hgne el passé- 
rentpar Olivet ou près, el arrivèrent jusques à TIsle-aux-Bour- 
dons qui est devant Gheci- » T. V, p. 290. (Ghron. de l'établ. 
de la fête du 8 mai» L'auteur parait avoir été contemporain. 
Voy. M.Quicherat, ibid.) Cf. t. IV^ p. 150 flournal du siège). 

Page 48, note I. 

U Bastard (fOrléam^ et la PucelU : t. III, p. 5 (Dunois), et 
t. IV, p. 218 (Ghron. de la Pucelle). Lebrun des Gharmettes- 
(t. n, p. 10) montre très-bien que la Pucelle avait raison. 

Page 49, note 1. 

Passage de la loire : « Et saicbant ceux d'Orléans que elle 
venoit, furent très-]oyeulx et firent habiller challans £ puis- 
sance; et estoit lors la rivière à plain chantier; et aussi le 
vent qui estoit contraire se tourna d'aval» et tellement, que un 
chalen^menoit deux, ou trois chalens, qui estoit chose merveil- 
leuse, et falloit dire que ce fust miracle de Dieu. » (Ghron. de 
rétablissement de la fêle, ibid,) « Erat tune riparia ita roodica 
quod naves ascendere non polerant, nec venire usque ad ri* 
pam ubi erant Anglici, et quasi subito crevit aqua, ita quod 
naves applicuerunt versus armatos. » T. III, p. 105 ( Pas- 
qûerel); cf. ibid.^ p. 7 (Dunois) ; p. 18 (Gaucourt), et t. IV, 
p. 218 (Ghron.). 

On a TU les textes qui marquent en face de Cbéey le Heu 
oii passa le convoi de vivres amené par Jeanne d*Arc; etM . Jol- 
lois établit qu'il n'avait pas pu se faire ailleurs ni autrement 
{Hist. du siège 'd^ Orléans , p. 72-74); mais d*autre part tons 
les témoignages s'accordent à dire que Danois la rejoignit 
plus t6t : «Du edté de Saint-Jean le Blanc, > t. III, p. 1 1 9 (Th. de 
Termes); ic à un quart de lieue, » iWrf., p. 210 (d'Aulon); « à la 
vue des Anglais, > tj^fd., p. 105 (Pasquerel). Dunois lui- 
même semble indiquer le point opposé à Pé^ise Saint-Loup. 
« Usque juxta ecclesiam qus& dicilur Sancti Lupi. » (T. III, 
p. 5.) La Chronique de la Pucelle (t. IV, p. 218) fait arriver 
Danois avec les bateaux près de Saint-Jean le Blanc. 

Retour de V armée par Biais : « Et quia gentes armorum trans- 



ire non polerant ultra fluvium Ligeris, aliqui dixerunt quod 
oportebat reverti et ire transitum fiavimn Ligeris in villa Ble- 
sensi, quia non erat para propior in obedientia régis, ex quo 
multum fuit indignata ipsa lohanna, timens ne recedere vel- 
lent et quod opus remaneret imper fectum. Née voluit ipsa Jo» 
hanna ire cum aliis transitum apnd yillam Blesensem, sed 
tranaivit ipsa Johanna cum ducentis lanceis rel eirciter per 
ripariam in navibuB.... et intraverunt ?illam Aurelianensem 
per terram. » T. III, p. 78 (Beaucroix). « De qua re fecit diffi* 
cultatem, dicens quod ndebat dimittere gentem suam seu ar- 
matos homines qui erant bene confessi, pœnitentes et bons^ 
voluntalis, etc. » T. IV, p. 5 (Danois), et t. III, p. 219 (Chro- 
nique) ; J. Chartier, t. IV, p. 54. — « Et ipse 'loquens de 
jussu dictae Johannse", cum presbyteris et^vexillo reversus 
estapud yillam Blesensem.» T. III, p. 105 (Pasquerel). 

Page 61, note I. 

Entrée dam Orléans: Journal du siège. Procès^ t. IV, p. 15U 
153; cï.ibid.f p. 220 (Chronique), et t. III, p. 68 (L. de Con- 
tes). « Reeepta fuit cum tanto gaudio et applausu ab omnibus 
utriusque sexus, panris et magnis, ae si fuisset angélus Dei. » 
T. III, p. 2(i (Luillier). — « Quod vidit ipsam Johannam 
quando primo intrayit villam Aurelianensem, quod ante omnia 
yôluit ire ad majorem ecdesiam ad exhibendam reyerentiam Deo 
creatori suo.» T. III, p. 26. (J. L'Ësbahy, bourgeois d'Orléans.) 

Le Journal du si^e (t. IV, p. 126) et le greffier de Thôtel de 
yille d'Albi (t. IV, p. 300) disent que Jeanne yint trouyer 
le roi, accompagnée de ees deux frères (Pierre et Jean). Il ne 
semble pas, d'après les dépositions des témoins de Vau- 
couleurs, qu'ils soient partis avec elle de cette yille ; mais il 
est possible qu'ils l'aient rejointe ayant son arrivée à Chinon. 
Tous les deux étaient avec elle à Orléans. Le. JournM duaiége 
les y mentionne (t. IV, p. 153), et les comptes d'Orléab&qm 
se rapportent au temps du siège comprennent plusieurs sommes 
dépensées, soit en don envers eux, soit en payement des choses 
qui leur ont été fournies. Jean y figure nommément pour une 
somme de 40 1. p. (environ 283 fr.) qui lui est allouée afin de 
lui aider à vivre et à soutenir son état (t; V, p. 260);' dé son 



276 NOTES. 

côté^ Pierre obtint plus tard (28 juillet 1443) du duc d*0rléans 
la donation de l'Ile-aux-Bœufs (île de la. Loire, aujourd'hui 
disparue, en face de Cbécy), en récompense de ses services, 
notamment au siège d'Orléans (t. V, p. 212). Il ne parait donc 
pas qu'on les doive séparer comme le fait Lebrun des Gfaarmet- 
tes, à cause du témoignage de Pasquerel qui mentionne un 
frère (le mot mater du texte doit se lire frater : t. III, p. 101), 
et de la lettre de Gui de Laval (8 juin), où il est aussi question 
d'un frère « venu depuis huit jours » et qui part avec la Pucelle 
pour Jargeau(t. V, p. 108). Son arrivée près d'elle pour cette 
nouvelle campagne n'implique pas qu'il n'ait pas été avec elle 
à Orléans. 

' Page 52, note 1. 

Confiance des Orléanais : t. III, p. 8 (Dunois), et t. IV, p. 221 
(Chron.). — Journée du samedi 30 avril. Florent (Tllliers : 
t. IV, p. 150 et 154 (Journal). — Empressement de Jeanne à 
combattre : t. III, p. 7 (Dunois), et p. 68 (L. de Contes). Plu- 
sieurs des historiens de Jeanne d'Arc font intervenir dans le 
conseil de guerre un sire de Gamache, qui traite la Pucelle de 
haut, et qui paraîtra encore comme l'homme important dans 
plusieurs épisodes du siège. M. J. Quicherat a débarrassé la 
scène de ce personnage, en montrant que son histoire, écrite à 
la plus grande gloire des Gamaches, datait du siècle dernier, 
et devait avoir pour auteur l'éditeur ( t. IV, p. 358). 

Les hérauts : Comparez à ce que dit le Journal (t. IV, 
p. 154) le témoignage de Jacques L'Esbahy (t. III, p. 27). La 
Chronique reproduit l'une et l'autre version (t. IV, p. 220). La 
lettre de Jeanne selon Pasquerel (t. III,- p. 108), rapportée plus 
bas, appuie là seconde. 

Page 53, note 1. 

Sommations et réponses: t. IV, p. 155 (Journal); t. V, p. 290 
(Fête du 8 mai) ; t. IV, p. 463 (Bourgeois de Paris). 

Ibid.^ note 2. 

Dunois à Blois : t. III, p. 78(Beaucroix); p. 211 (d'Aulon); 
t. IV, p. 158 (Journal). 



NOTES. 277 

Page 54, note I. 

Empressement du peuple vers Jeanne : Journal, ibid. Sa 

mission : t. III, p. 124 (Colette, femme de P. Milel).— ifou- 
veUe sommation : Journal, Und., et t. IH,p, 68. (L. de Contes.) 

Ibid.y note 3. 

; Lundis 2 mai : Journal, L 1. 

Ibid., note 1. 

La Procession : c Pour ceuk qui portèrent les torches de la 
ville à la procession ou 3« de may derrenier, présens Jehanne 
la Pucelle et autres chiefs de guerre, pour implorer Nostre Sei- 
gneur pour la délivrance de la dicte ville d'Orléans; pour ce 
2 s. p.» T. V, p. 259. (Extrait des comptes.) — Les paroles de 
Jeanne : t. V, p. 291 (Chron. de la fête du 8 mai). — Les garni- 
sons de Montargis,eic. : t. IV, p. 222 (Chron. de la Pucelle). 

Page 56; note 1. 

L'armée de Blois : t. IV, p. 221 (Chron.), et p. 55, 56 (J. Char- 
tier). 

Ibid., note 2. 

Entrée du deuosième convoi à Orléans : t. III, p. 105 (Pas- 
querel); p. 211 (d'Aulon); t. IV, p. 56 (Chartrer); p. 156 
(Journal); p. 222 (Chronique). — La Chronique suppose que 
Dunois ne quitta point la Pucelle. La chronique de la fête 
du 8 mai dit que Jeanne alla à la rencontre du convoi jusqu'en 
la forêt d'Orléans, et qu'elle le ramena le long de la bastille 
appelée Paris (celle du nord), t. V, p. 291. 

Page 57, note 1. 
Jeanne et Ihmois : U III, p. 212 (d'Aulon). 

T&td., note2. 

Réveil de Jeanne : t. III, p. 212. (d'Aulon); p. 68 (L. de 
Contes).— « Subito evigilavit se et dixit: En nom Dé, nos 



î78 notes; 

{^ens ont bien à besogner ; » et ibid. , p. 1 27 (P. Milet). Cf. p. 1 24 
(Colette); p. 79 (Beaucroix); t. IV, p. 223 (Chron.): «Elle alla 
aussi droit comme si elle avoit su le chemin paravant. » 

Page 59, note 1. 

Attaque de Saint-Loup : t. V, p. 291 (Fête du 8 mai), t. IV, 
p. 223 (Chron.); p. 7 (Cagny); t. III, p. 213 (d'Aulon); 
t. IV, p. 43 (Berri); p. 57 (J. Charticr); p. 157 (Journal); p. 823 
(Chron.): «et depuis sa venue audit lieu ne fut Anglois qui 
peust illec blesser François. — Tentatives de secours : t. IV, 
p. 157 (Journal) ; p. 57 (Chartier). Charles VII en parle dans 
sa lettre aux habitants de Narbonne, datée du 10 mai 1429 : 
« Nos gens.... ont assailli Tune des plus fortes bastides des 
dits ennemis, c*est assavoir celle de Saint-Loup; laquelle. 
Dieux aydant, ilz ont prinse et gaignée par puissance et de bel 
assaut, qui dura plus de quatre ou cinq heures. Et y ont esté 
mors et tués tous les Anglois qui dedens estoient, sans ce 
qu'il y soit mort des nostres que deux seules personnes, et 
combien que les Anglois des autres bastides fussent alors 
yssus en bataille, faisant mine de vouloir combattre, toutes 
voiz, quand ils virent nos dites gens à rencontre d'euTs, ils 
s'en retournèrent hastement, sans les oser attendre.» T. V, 
p. 101, 102. — Les ecclésiastiques : t. III, p. 48 (L. de Contes). 
— Compassion de Jeanne pour les morts : ibid.^ p. 105 (Pas- 
-querel). Cagny (t. IV, p. 7) dit qu à l'arrivée de Jeanne d'Arc, 
« ceux de la place se vouldrent rendre à elle. Elle ne les voult 
recevoir à rançon et dist qu'elle les prendroit maulgré eux, et 
fist renforcier son assault. Et incontinent fut la place prinse et 
presque tous mis à mort. » Ce fait est trop en désaccord, 
non pas seulement avec ce que dit Pasquerel, mais avec 
iout ce que l'on sait de la manière d'agir de Jeanne à toute 
époque, pour qu'on le puisse admettre. Le héraut Berri compte 
«60 morts et 22 prisonniers; le Journal, 114 tués et 40 prison- 
niers ; la Chronique 1 60 tués. 

Ibid., note î. 

Us Anglais renoncent à reprendre Samt^Loup : t. IV, p. 42 
<Berri). 



HOTES. S79 

Page 60, note 1. 

• < 

Suite de la prise de Saint^Loup : t. m, p. 106(Pa8qu6rel). c A 
son de cloches que Anglois pouvoient Uen oayr; lesquels fu- 
rent fort abaissés de puissance par eeste partye, et aussi de 
courage : »» T. IV, p. 224 (Chron.). 

Ibid., note 2. 

Le jùur de rAscension : G*est la Chronique (t. IV, p. 224) 
qui prête à Jeanne Tintention de combattre le jour de TAscen- 
siou. Pasquerel dit, au contraire, que la veille au soir elle lui 
dit qu'on ne combattrait point à cause de la sainteté du jour; et 
que ce jour-là, elle voulait se confesser et communier (t. III, 
p. 107). — Défense des blasphèmes ;t. III, p. 126 (P. Milet). 

Page 61, notel. 

Nouvelle lettre de Jeanne : U III, p. 107 (Pasquerel).^ Cf. 
p. 126 (P. Milet] • — Le dernier trait auquel nous avons fait 
allusion ailleurs, tranche, si la mémoire de Pasquerel est fi* 
dèle, la question relative aux hérauts. Ajoutons que, selon 
Berri (t. IV, p. 52), les Anglais qui voulaient brûler le héraut 
de Jeanne < le laissèrent en leur logis tout enferré quand ils 
en partirent.» — Insulte des Anglais : « Ex quibus verbis ipsa 
Johanna iocœpit suspirareet flere cumabundantialacryma- 
rum, invocando R^em cœlorum in suojuvamine. Et post- 
modum fuit consolata, ut dicebat, quia habuerat nova a 
domino suo.» T. III, p« 108 (Pasquerel). 

Page 63, note 1. 

Conseil : J. Ghartier, t. IV, p. 57-59. Le Journal du siège 
{ibid,, p. 158), ne parle que d*un conseil tenu ce jour-là avec 
la Pucelle, où Ton résolut ce qui s*exécuta le lendemain. 

Page 64, note 1. 

Passage de la Loire : t. lïl, p. 213 (d'Aulon). — Saint Jean 
le Blanc évacué : L. de Contes dit simplement qu'on le prit 
<t. III, p. 69), comme aussi le Journal du siège (t. ÏV, p. 159)^ 



280 NOTES. 

mais d'Aulon, Beaueroix et la Chronique, disent expressément 
que la position fut abandonnée (t. III, p. 214 et 79, et t. IV, 
p. 225), et c'est ce qui est rapporté aussi dans la Lettre 
des agents d'une ville ou d'un prince d'Allemagne, écrite en 
juin 1429 (t. V, p. 348). 

Page 65, note 1. 

' Attaque des Augustins : Yoy. surtout d'Aulon (t. III, p. 214), 
la Chronique de la Pucelle (t. IV, p. 226), et celle de la fête 
du 8 mai (t. V, p. 292). On ne peut pas croire que les capi- 
taines aient cru la journée finie par l'occupation de la forte- 
resse abandonnée de Saint-Jean le Blanc. C'est la crainte que 
les Anglais ne vinssent de l'autre rive par Saint- Privé, qui put 
seule leur donner un instant la pensée de la retraite. — Sur 
la prise des Augustiiis, cf. Cagny (t. IV, p. 7), J. Chartier 
(p. 56), le Journal du siège (p. 159), et la déposition de Pas- 
querel (t. III, p. 107). — Il parait* qu'il ne resta rien des Au- 
gustins : c'est l'opinion de l'abbé Dubois, cité par M. Jollois 
{Siège d^OrléanSy p. 82). Il se fonde sur ce qu'il n'a trouvé dans 
les comptes de la ville rien qui décelât qu'on en eût vendu la 
moindre chose. Il en fut autrement de la bastide de Saint- 
Loup et du fort des Tourelles. 

Page 66, note 1. 

La. nuit du 6 au 7 mai : T. IV, p. 7 (Cagny); p. 61 (J. Char- 
tier); p. 43 (Berri); p. 227 (Chronique); l. III, p. 215 (d'Aulon); 
p. 70 (L. de Contes); p.l08 (Pasquerel); p. 124 (Collette); t. V, 
p. 293 (Fête du 8 mai) : « Et là demeurèrent toute nuyt. Et ce 
voyans les dits seigneurs que la dicte Pucelle estoit fort folée 
(fatiguée), la menèrent en la ville pour soy refreschir.» Cf. 
t. III, p. 79 (Beaueroix) : « Quod tamen facere nolebat, di«- 
cendo : « Amittemus nos geutes nostras? » Le Journal du 
siège (t. IV, p. 159) se borne à constater, ce qui n'est pas 
douteux, qu'après la prise des Augustins on resta la nuit de- 
, vant les Tourelles. 

Page 68, note 1. 

Jéamie et le conseil des capitaines : t. III, p. 109 (Pasquerel). 
— Ce témoignage, d'accord d'ailleurs avec ce que dit L. de 



NOTSS. 281 

Qntas (t. m, p. 70), et la Chronique (t. IV, p. 227 : voy. 
ci'âprès), nous paraît préférable au témoignage de la Chro- 
nique de la fête du 8 mai, qui parle d'un conseil tenu le 8, à 
la suite duquel Jeanne^ requise de tenir sa promesse et 
d'accomplir sa charge, monta à cheval et dit : < En nom Dé, 
je le feray, et qui me aimera, si me suive. » (T. Y, p. 293.) 
Les paroles sont dignes d'elles ; mais on peut croire qu'elle 
n'eut pas besoin d'y être provoquée. 

Page 69, note 1. 

Évacuation du boulevard de Saint-Privé : t. IV , p. 227 
(Chron.), et t. V, p. 293 (fête du 8 mai) : plusieurs se noyè- 
rent au passage. Voy. aussi M. Jotlois^ Siège d'OrléanSy'p. 83. 
— Sollicitude de la Pucelle et des Orléanais pour ceux qui 
étaient restés devant les Tourelles : t. IV, p. 227 (Chron.); 
p. 159 (Journal du siège) et Extrait des comptas de la ville 
d'Orléans, cités par H. Jollois, 1.1. 

Ihid. , note 2. 

U alose et le godon : t. III, p. 124 (Colette); t. IV, p. 227 
(Chron.). — La rentrée par le pont prédite: ibid., et t. III, p. 217 
(d'Aulon).— Opposition de Gaucourtàlasortie : Simon Charles, 
qui en parle d'après Gaucourl lui-môme, la rapporte^ au jour 
où fut prise la bastille des Auguslins (t. III, p. 117).*Mais on 
peut croire qu'il a confondu, et qu'il devait dire la bastille des 
Tourelles, si on rapproche son témoignage de celui de L. de 
Contes : « Die autem poslmodum immédiate sequente (après 
la prise des Augustins), ipsa Johanna, coutradicenlibus plu- 
ribus dominis, quibus videbalur quod ipsa volebat ponere 
gentes régis in magno periculo, fecit aperiri porlam fiurgundiœ, 
et quamdam parvam portam existentem juxta grossam tur- 
rim , et passavit aquam cum aliis gentibus armatis ad inva- 
dendum bastildam seu fortalitium pontis. » (T. III, p. 70.) La 
chronique de la Pucelle dit aussi que «• contre l'opinion et 
volonté de tous les chefs et capitaines qui estoient là de* par 
le roi, la Pucelle se partit à tout son effort et passa la Loire. » 
(T. IV, p. 227.) 



S82 - NOTES. 

Page 71, note 1. 

Attaque des Tourelles : Voy, P, de Cagny, Bcrri, J. G&ar- 
lier; le Journal, la Chronique de la Pucelle, la Chronique de 
la fête du 8 mai et les témoins de Tévénement, Dunois, L. de 
Contes, d*AuIon, Pasquerel, etc. aux endroits cités. — Blessure 
deJtanne : « Fuit Isesa de una sagitta seu yiritone in coUo, » 1. 1, 
p. 79 (Jeanne) ; « ex una sagitta quœ penetravit carnem suam 
inter collum et spatulas de quantitate dimidii pedis, » t. III, 
p. 8 (Dunois).tt Supra mammam taiiter quodtractus apparebat 
ex utroque latere, » t. III, p. 109 et 111 (Pasquerel); ct^ibid.^ 
p. 70 (il de Contes), t. IV, p. 61 (J. Charlier); p. 160 (Journal 
du siège) : « entre l'espaule et la gorge, si avant qu*il passoit 
oultre; > p. 228 (Chron.) : « par l'espaule tout oultre; > p. 494 
(lettre des envoyés allemands) : « ein wenig unter der rechten 
Brust. » — Sa blessure prédite : « Sicut praedixerat, » t. III, 
p. 109 (Pasquerel), cf. p. 127 (Aignan. Viole); t. IV, p. 231 
(Chrpn.)» p. 494 (les envoyés allemands), et la lettre écrite de 
Lyon k Bruxelles le 22 avril 1429, quinze jours avant l'événe- 
ment et relatée dans un registre de la chambre des comptes de 
Bruxelles, par le greffier de la cour : c Scripsit ulterius ex 
ejusdem militis relatione quod qusedam PueÛa, oriunda ex 
liOtharingia, aetatis xvm annorum vel circiter, est pênes prs- 
dictum regem; quœ sibi dixii quod Aurelianenses salvabit, et 
Anglicos ab obsidione effugabit, e( quod ipsa ante Aureliam 
in conflictu telo vulnerabitur, sed inde non morietur. > (T. IV, 
p. 426.) Cf. Lebrun des Gbarmettes, Hist. de J. ôUltc^ 1. 1, 
p. 223. — « Etdum sensit se vulneratam, timuit et flevit, et 
fuit consolata, ut dicebat, et aliqui armati, videntes eam taii- 
ter laesam, voluerunt eam charmare, gallice, charmer ; aed 
ipsa noluit, dicendo, etc. » T. III, p. 109 et 111 (Pasquerel). 

Page 72, note 1. 

V assaut suspendu et repris : t. TV, p. 160 (Journal), cf. 
.p> 228 (Chron.), p. 9 (Cagny).— « Proptcr quod dîctus domi- 
nu8 'deponens satagebat et volebat quod exercitus retraheretur 
ad «ivitatem. Et tune dicta Puella fenit ad emn et requîsivit 
quod adhuc paulisper exspectaret ; ipsaque ex illa hora 



NOTES. 283 

^ascendit equum, et sola reèessit in unam yineam, satis longe 
a turba hominum; in qua vinea fait in oratione quasi per 
spatium dimidii quarti hors; ipsa autem régressa ab illo 
loco, statîm eepit suum Yeiilliim in manibus suis, posultque 
se supra bordum fossati etc. » T. III, p. 8 (Dunoîs). Cf. t. III, 
. p. 70 (L. de Ck)ntes) : « Quod qnando perciperent quod ventus 
perduoeret vexiUa Tersus fortalitium, quod haberent illud. 
Beaucrotx rapporte le suecès à Tétendard plus qu'à Jeanne : 
4ictnm fuit quod aSerretur yexillum Johannie, et allatum asti- 
4it, et incepefunt invadere dictum fortalitium, etc. « (T. m, 
p. 80). D'Aulon raconte une assez longue histoire où il semble 
s'attribuer un peu trop complaisammenlThonneur du dernier 
assaut. Voyant la retraite décidée, comme il tenait l'étendard 
en l'absence de la Pucelle, il a l'idée de se porter au pied 
du boulevard pour y ramener les soldats : il le remet à un 
Basque qui le doit suivre et saute dans le fossé. Mais la Pu* 
celle arrive, et, voyant son étendard aux mains d'un inconnu, 
elle le saisit pour le reprendre. Le Basque résiste, tire à lui 
rétendardi et va rejoindre d'Aulonl Les gens d'armes qui au 
mouvement de la bannière ont cru voir un signal se rallient 
et emportent la place (t. III, p. 216). 

Page 74, note I. 

Vas$a\U du boukvard : t. V, p. 294 (Chron. de la fête du 
8 mai); cf. t. III, p. 80 (fieaucroii); p. 71 (L. de Contes) ; 
t. IV, p. 230 (Chron.) — Vattaquepar le pont : t. IV, p. 161 
^Journalj ; p. 229 (Chron.). Les comptes dé forteresse pour l'an 
1429, art. 57, en gardent la trace : « Payé quarante sous pour 
une grosse pièce de bois prinse chez Jean Bazin quand on ga- 
gna les Tourelles, contre les Anglois, pour mettre au travers 
d'une des arches du pont qui fut rompue. — Baillé à Cham- 
peaux et aux autres charpentiers seize sous, pour aller boire 
le jour que les Tourelles furent gaignées. « Voy. Jollois, Hist. 
du siége^ p. 84. — Terreur des Anglais à la vue de Jeanne : « Et 
instante ipsa ibi existente, Anglici frèmuerunt et effecti sunt 
pavidi. »T. III, p, 8 (Danois) ; cf. p. 71 (L. de Contes). La Chror 
nique de la fête du 8 mai dit que leurs boulets n'avaient 
jpas plus de force qu'une boule jetée par un homme : « Et k 



284 NOTES. 

venir joindre, lesdits Ânglois avoient les meilleurs canons du 
royaulme ; mais ung homme eut aussi fort getté une bole, 
comme la pierre povoit aller d*iceulx canons, qui estoit bel 
miracle. > T. Y, p. 294. On peut croire que Tépuis^ment des 
munitions y était pour quelque chose. — Rupture du pont 
entre le boulevard et les Tourelles : « Ceulx de la ville -chargè- 
rent ung grand chalen plein de fagots, d*os de cheval, savatles, 
soufifre et toutes les plus puantes choses que on sceut finer, et 
fut mené entre les Torelles et le boloart, et là, fut bote le feu 
qui leur fist ung grand grief. » T. V, p. 294 (Chron. du 8 mai). 
Le registre des comptes d'Orléans rappelle ce fait, en consta- 
tant que Ton paya huit sous h Jehan Poitevin, pécheur, « pour 
avoir mis à terre sèche ung challan qui fut mis sous le pont 
des Tourelles pour les ardre quand elles furent prinses 
(art. 19): d opération nécessaire pour le radouber, ditM. Jol- 
lois; « neuf sous à Boudou pour deux esses, pesant quatre livres 
et demie, mises au challan qui fut ars sous le pont des Tou- 
relles » (art^ 9), etc. Voy. Jollois, Siège d^Orléans^ p. 84. Beau- 
croix attribuait la rupture du pont à une bombarde dirigée par 
d'Aulon, t. III, p. 80. — Pitié de Jeanne pou/r Glansdale : t. m, 
p. 110 (Pasquerel). Berri (t. IV. p, 44) compte quatre ou 
cinq cents Anglais tués, noyés ou pris; Jean Chartier (i&ûi., 
p. 62), quatre cents morts; la Chronique (i&id., p. 230), trois 
cents morts et deux cents prisonniers ; le Journal du siège 
(ibid.j p. 162), quatre ou cinq cents tués ou noyés, «exceptez 
aucun peu qu'on retint prisonniers ; » et il déplore « le grant 
dommage des vaillants Françoys, qui pour leur rançon eussent 
peu avoir grant finance. » 

Page 74, note 2. 

Les ponts rétablis : t. IV, p. 9 (Cagny). — Rentrée de Jeanne : 
t. IV, p. 163 (Journal) ; p. 231 (Chron.) ; t. III, p. 9 (Dunois). 

Page 75, note 1. 

Retraite des Anglais : t. IV, p. 10 (Cagny); p. 44 (Berri); 
p. 63 (J. Chartier), elc. —Jeanne défend d attaquer : t. m, p. 9 
(Dunois); p. 25 (Luillier); p. 126 (A. Viole); t. IV, p. 164 
(Journal), t. V, p. 295 (Chron, de la fête du 8 mai). — Les 



NOTES. 285 

deux messes^ etc. : ifeîd., p. 232 (Chron,); l. III, p. 29 (Cham- 
peaux). 

Page 76, note 1. 

Prise (Fume partie des munitiofis : L IV, p. 44 (Berri) ; p. 63 
(J. Ghartier); p. 164 (Journal) ; p. 231 (Chron.), et la fin de 
la lettre de Charles YII aux habitants de Narbonne, 10 mai 
1429 : c s'en sauvèrent et deslogèrent si hastement qu'ils lais- 
sèrent leurs bombardes, canons, artillerie et la plupart de leurs 
vivres et bagages. » T. Y, p. 103. Monstrelet (II, 59), dit que 
les Anglais perdirent au siège six à huit mille combattants, et 
les Français seulement cent hommes environ de tout état. Les 
nombres sont exagérés dans l'un et l'autre sens. 

Page 77, note 1. 

Le Bourg du Bar : t. lY, p. 63 (J. Chartier); p. 163 (Jour- 
nal). Yoici comme Martial d'Auvergne rime l'anecdote U Y, 
p. 56 : 

Comme Talbot si s'en alloit, 

Un augustin son confesseur 

Ung François prisonnier vouloit 

Âmener^après son seigneur : 

Mais ledit François enferré, 

Par Taugustin, devant les gens, 

Se fist porter, bon gré, mau gré, 

Sur son col, dedans Orléans. 

Ihid.j note 2. 

T. ÏY, p. 156 (Journal); t. III, p. 110 (Pasquerel). — Flo- 
rent d'IUiers était reparti la veille avec sa troupe pour Château- 
dun, t. lY, p. 165 (Journal). 



38&. NOTES. 



LIVRE TROISIÈME. 



REIMS. 



Page 81 1 notai. 



Jean Gerson : It cite Debora et sainte Catherine, Judith 
et Judas Machabéer « Neque sequitur semper post piimum 
miraculum quidquid ab hominibu»expectatur. Propterea, etsi 
frustraretur ab omnî exspectatione sua et nostra (quod absit) 
dicta* puella , non oporleret concludere ea quœ facta sunt, a 
maligno spîritu vel non a Deo facta esse; sed vel propter 
nostram ingratîtudinem et blaspbemias, vel aliunde justo Dei 
judicio, licet occulto, posset conlingere frustratio exspecta- 
tionis nostrœ in ira Dei, quam avertal a nobis, et bene omnia 
vertat. » T. III, p. 303. 

Jacques Gelu : « Gredendum est quod ilie qui commisit, 
inspirabitcreaturae suae quam misit, eaquse sunt agenda, me- 
lius et expediéntius quam prudentia humana exquirere pos- 
set.... Quare consuleremus quod in talibus primo et princi- 
paliter exquireretur volum puellae, etc.... Et in hoc consilium 
puellse primum et prœcipuum dicimus esse debere, et ab ea 
ante omnes assistantes , quaerendum , investigandum et pe* 
tendum. Insuper régi consuleremus quod omni die oertom 
aliquid Deo bene placitum et ejus voluntati gratum faceret, 
quodque super hoc cum puella conferret, et, post ejus advi* 
samentum, in esse deduceret quam humiliter et dévote; ne 
dominus manum retrahendi causam habeat, sed gratiam 
suam continuet. » Ibid., p. 409, 410. 

Page 82, note 1. 

Sur cette hostilité sourde et constante des principaux con- 
seillers de Charles VII, voy. les Histoires de France de Sis- 



NOIRS. a«7: 

mondi, t. XIII, p. 152 et 165, Michelet, t. V, p. 39 et H. 
Martin , t.'YI, p. 150; et H. J. Quicherat, Aperçus nouveaux^ 
p. 30 et suiv. 

Page 82, note 2. 

Retour de Jeanne : t. III , p. 80 (Beaucroix). — Lettres de 
Charles Vil : l. V, p. 101, 103. — Accueil du roi : t. IV, p. 168. 

Page 83, note 1. 

Conseils et opposition ; t. IV, p. 11 (Cagny); p. 168 (Journal). 
— Instances de Jeanne : « Audirit aliquando dictam Johan- 
nam dicentem régi quod ipsa Johanna duraret per annum 
et non multum amplius , et quod cogitarent illo anno de bene 
opérande, quia dicebat se habere quatuor enera, videlicet fu- 
gare Anglicos, etc. » T. III, p. 99 (duc d*Alençon). 

Page 84, note 1. 

" « 

T. III, p. 12 (Dunois). Selon la version du Journal et de la 
Chronique, t. IV, .p. 168 et 235, le roi et « ses plus privés » 
hésitaient à lui faire cette question de peur qu'elle n*en fût 
mal contente; mais Jeanne le connaissant m par grâce divine, » 
vint à eux et leur dit ce qu*on a vu. 

Page 85, note 1. 

Les Anglais à Meun et à Jargeau : t. IV, p. 233 , (Ghron.) 
-^Attaque des Seigneurs contre Jargeau : ibid., p. 1 67 (Journal). 
« LaPucelle, qui toujours avoitTueil et sa pensée aux affaires 
du duc d'Orléans, parla k son beau duc d'Alençon et lui dist 
que, en tandis que le roi se apresteroit, elle vouloit àler déli- 
vrer la place de Gargueau, » T. IV, p. 11 (Gagny). — Le. duc SA- 
lençon : t. IV, p. 169 (Journal). « Il venait d'acquitter ses hos- 
tages, touchant la rançon accordée pour sa délivrance. » T. IV, 
p. 236(Chron.). 

Page 87, note 1. 

Jeanne (TArc à Selles, lieu de réunion de V armée ; t. V, p. 262 
(extrait des comptes d'Orléans); cf. t. IV, p. 12 (Gagny). « Le 
duc d'Alençon fist sçavoir aux mareschaulx de Boussac et de 



288 NOTES. 

Reis., que eulx et leurs gens fussent à certain Jour à ung 
village près Romorantin en Salloigne. » — Uttre de Gui de La^ 
val : t. V, p. 107. 

Page 87 , note 2. 

c Et aves fait bailler je ne sçay quelle lettre à mon cousin 
de La Trimoille et seigneur de Trêves, par occasion des- 
quelles le roy s'efforce de me vouloir retenir avecques luy 
jusques [à ce que] la Pucelle ait esté devant les places Angles- 
ches d'environ Orléans, où Ton va mettre le siège ; et est déjà 
l'artillerie pourveue, et ne s'esmaye point la Pucelle qu'elle ne 
soit tantost avec le roy, disant que lorsqu'il prendra son che- 
min à tirer avant vers Reims, que je irois avec luy. Mais jà 
Dieu ne veuille, etc. » {Ibid.^ p. 109, 110.) 

, Page 88, note 1. 

Départ de Selles : ihid,y p. 110. 

Ihid,, note 2. 

Retour de la Pucelle à Orléans : Le 9 juin, l. IV, p. 169, 170 
(Journal), et la note tirée des comptes de la ville, %b\d. — 
8000 combattants : Journal, ibid. Cagny dit de 2000 à 3000 com- 
battants et autant de gens du commun ou plus {ibid.^ p. 12). 
C'est le duc d'Alençon lui-même qui porte son armée à 
600 lances, et à 1200 après l'arrivée de Dunois, etc. t. III, 
p. 94. J. Chartier {ibid., p. 65), le Journal (ibid., p. 170) et la 
Chronique (i6i(^., p. 236) comptent de 600 à 700 Anglais; Cagny 
{ibid., p. 12) de 700 kSOO.-^Falstolf: t. IV, p. 1 7(r(Journal), 
et p.'413 (Wavrin). — Les troupes raffermies par la Pucelle: 
t. III, p. ,95 (Alençon) : « Quod nisi esset secura quod 
Deus deducebat hoc opus, quod ipsa prsediligeret custodire 
oves quam tantis periculis se exponere. ^ Cf. t. IV, p. 170 
(Journal). 

Page 89, note 1. 

Arrivée devant Jargeau : t. III, p. 95 (Alençon); t. IV, p. 171 
(Journal) et p. 12 (Cagny) : « A l'arrivée, les gens de commun 
à qui il estoit advis que à l'entreprinse de la Pucelle riens ne 



NOTES. 285 

povoit tenir, ils saillirent es fossés sans sa présence et sans, 
les gens d'armes qui entendoient à eux loger.» T. IV, p. 1% 
(Gagny.) 

Page 90, note \, 

En leur petite cotte: « In suis gipponibus vel tunicis, » t. I, 
p. 80 (c'est-à-dire sans autre chose que les vêtements qu'ils 
portaient sous l'armure). (Note de l'éditeur.) Cf. t. IV, p. 12 
(Cagny). — Pourparler de Su/folk et de La Hire: t. III, p. 87 
(Âlençon). 

Page 91, Dotel. 

Assaut de Jargeau :« Et clamaverunt prœcones : Ad insultum ! 
ipsaque Johanna dixit loquenti : Avant^etc^^ — HUxorloquentis 
dixit eidem Johannetœ quodmultumtimebatde ipso loquente 
et quodnuper fuerat prisonarius, etquod tantœ pecuniœ fue- 
rant exposilae pro sua redemptione, etc. » T. III, p. 96 (Alen- 
çon); — t. IV, p. 12 (Cagny); p. 171 (Journal), etc. - 

Ibid. f note 2. 

Le duc d^ Alençon sauvé par un avis de Jeanne : t. III, p. 96 
(Alençon) ; cf. t. IV, p. 171 (Journal), et p. 236 (Chrou.). 

Page 92, note 1. 

Jean le canonnier: t. IV, p. 172 (Journal) ; p. 237 (Ghron.).' 
— Durée de V assaut: t. IV, p. 173 (Journal), et t. V, p. 350 
(lettre des agents allemands). — Jeanne frappée d*une pierre . 
t. III, p. 97 (Alençon) ; cf. le Journal, la Chronique et les agents 
allemands, 1. 1. — Suffolk et le gentilhomme: le Journal et la 
Chron., ibid. 

Ihid.f note 2. 

Berri (t. IV, p. 45) et le Journal (ibid., p. 173) portent le 
nombre des Anglais tués k 4 ou. 500 ; J. Chartier, à 3 ou 400 
(ibid., p. 65) ; Alençon, à plus de 1100 (t. III, p. 97). Per- 
sonne ne dit qu'il y en ait eu jamais autant dans la place. 
Cagny compte 40 ou 50 prisonniers {ibid., p. 12). La Chronique 
dit qu'il y en eut « foison » {ibid., p. 238); les agents alle- 
mands, qu'il y avait 500 Anglais dans la pla.ce et qu'ils furent 

T 19 



286 NOTES. 

tousr tués, excepté Suffolk et deux autres (t. V, p. 351). Jean 
Ghartier et la Chronique rapportent que le siège dura huit jour% ; 
et le duc d'Alençon lui-m^e semble compter quelques jours 
(post aliquos dies) entre la première attaque et la prise de la 
ville ( t. III, p. 95 ) ; mais P. de Cagny et le Journal disent 
expressément que la première attaque eut lieu le 11 et la prise 
de la ville le 12. Les. agents allemands (t. Y, p. 350) ne sup- 
posent dans leur récit que deux jours de siège. 

La ville pillée : t. IV, p. 173 (Journal) et p. 235 (Gbron.). 
— Les prisonniers tués : t. IV, p. 65 (J. Ghartier), et p. 234 et 

235 (Chron.). 

Page 93, note 1. 

La Pucelle à Orléans et à Meun : t. IV» p. 13 (Cagny) ; p. 65 
(J. Chartier); p. 175 (Journal). 

Ihid., note 2. 

Baugency: t. IV, p. 14 (Cagny); p. 65 (J. Chartier) ; p. 174 
(Journal.) 

Page 94, note 1. 

Richemont: t. IV, p. 316 (Gruel); p. 175 (Journal), etc. Il 
amenait 500 à 600 combattants, selon Cagny (t. IV, p. 14); 1000 
à 1200, selon Chartier (i6id;,p.65). — Gruel prétend que Riche- 
mont ne s'arrêta point sur Tordre du roi, quand il venait pour 
le siège d'Orléans. Mais de quel pas a-t*il marché, puisqu'il 
n'arrive à Amboise qu'au temps du siège de Baugency? 

Page 95, note 1. 

Richemont et Jeanne : t. III, p. 98 (Alençon); t. IV, p. 175 
(Journal). 

/dtd., notes. 

Richemont accueilli : t. III, p. 98 (Alençon); t. IV, p. 175 
(Journal) ; p. 24 (Chronique). 

Page 96, note 1. 

Talbot venant de Baugency: t. IV, p. 239 (Chron.). — Fais- 
tolf : t. IV, p. 415 (Jean de Wavrin, dans ses additions à 



NOTES. 287 

Monstrelet). Wa?rin faisait partie du corps de Falstolf ; il 
en porte le nombre à 5 000 hommes, à quoi Talbot joignit 
40 lances et 200 archers (ibid.). Les historiens français dimi- 
nuent ce nombre , loin de Taecroitre : Jean Ghartier donne 
aux Anglais 4 000 à 5000 hommes {ibid.y p. 67); le Journal 
du siège, 4000 (ibid., p. 176). 

Page 97, note 1. 

Les Français et les Anglais en présence : 1. 1 V,p . 4 1 7 (Wavrin) ; 
cf.p. 176 (Journal) :«.... tendans avec les autresàsecourir Bau- 
gency et cuidans faire délaisser le siège ; mais ils ne purent 
y entrer, combien qu'ils fussent quatre mil combattants ; car 
ils trouvèrent les Français entelleordonnance qu'ils délaissèrent 
leur entreprise. Et s'en retournèrent au pont de Meung et l'as- 
saillirenl moult asprement. » T. IV, p. 176 (Journal). 

/btd., note 2. 

Les Anglais à Meun : t. IV, p. 417 (Wavrin) : « Et chevau- 
chèrent vers Meung, où ils se logèrent cette nuit, car il&ne 
trouvèrent nulle résistance en la ville , fors tant suellement 
que le pont se tenoit pour les François. » — Si les Anglais 
avaient abandonné la ville, les Français, on le voit, n'avaient 
point cherché à la reprendre; mais les autres témoignages 
établissent que la garnison anglaise n'en était pas sortie. Ga- 
gny dit que Falstolf y vint prendre le sire de Scales et sa 
troupe, pour les ramener à Jan ville (ibid, p. 15) ; cf. t. III, 
p. 10 (Dunois); t. IV, p. 176 (Journal). 

Page 98, note 1. 

Capitulation de Baugenci : t. III. p. 97 (Alençon). — « El 
veoyent que rien ne povoit résister contre la Pucelle, et qu'elle 
mettoit toute l'ordonnance de sa compagnie en telle conduite 
comme elle vouloit, tout ainsi comme le devroient et pour- 
roienl faire le connestable et les maréchaulxd'ung ost. »T.IV, 
p. 14, 15 (Cagny) ; cf. p. 45 (Berri) ; p. 1 75 (Journal) ; p. 241 
(Chronique); p. 318 (Gruel); p. 370 (Monstrelet), et p. 419 
(Wavrin). La chronique évalue la garnison à 500 com})altant8. 
Le journal rapporte qu'ils allèrent k Meaux; Berri dit avec 



288 NOTES. 

plus de vraisemblance qu'ils se retirèrent en Normandie 
c ung baston en leur poing. » 

Page 98-, note 3. 

Retraite des Anglais : Nous suivons le récit de Wavrîn 
qui y était (i. IV, p. 420, 421). 

Page 99, note 1. 

f" Bataille de Patay : Procès, t. IV, p. 68 (J. Chartier); p. 176 
(Journal); p. 421 (Wavrin). 

Page 100, note 1. 

Suite: ibid,, p. 422 (Wavrin); t. III, p. 98(Alençon); t. IV, 
p. 243 (Ûhron.). 

Page ICI, note 1. 

Suite : Wavrin, ihid. — « El babuit Vavant-garde LaUire; de 
quoipsa Johanna fuit multum irata, quia ipsa multum af- 
feclabat babere onus de Tava/nt- garde. y> T. III, p. 71 (L. de Con- 
tes). — cEt parce que la Pucelle et plusieurs seigneurs ne 
vouloient pas que la grousse bataille fust ostée de son pas, il 
esleureutLa Hire, Poton.... et leur baillèrent charge dealer 
courir et escarmoucher devant les Angloys pour les retenir et 
garder d*eulx retraire en lieu fort. Ce quMlz feirent et oultre 
plus; car ils se frappèrent dedans eulx de telle hardiesse, 
combien qu'ils ne feussent que quatorze k quinze cens comba- 
tans, qu'ils les mirent à desaroy et desconfiture, nonobstant 
qu'ils estoient plus de quatre mil combatans.»(T. IV, p. .177 
(Journal); cf. t. III, p. 120 (Th. de Termes). « Percutiatis 
audacter, et ipsi fugam capient. » T. IV, p. 339 (P. Cochon, 
Chron. norm,^ ch. XLvm dans l'édit de M. Vallet de Viriville). 

Perte des anglais : t. III, p. 11 (Dunois); t. IV, p. 423 
(Wavrin). Le Journal compte 2200 lues (t. IV p. 177); Berrî, 
2200 tués et 400 prisonniers (î&ic2.,p. 45). Le rapport qui fut 
envoyé à Tours sur la bataille évaluait h 2500 le nombre des 
Anglais tant mort que pris. C'est au moins ce qui est constaté 
dans le' registre où était mentionné le payement des 6 livres 
allouées le 22 juin au courrier qui en fut le porteur. Le bruit 



NOTES. 289 

courait alors que Falstolf était aussi au nombre des prison- 
niers (t. V, p. 262). La Pucelle le crut elle-même (voy. sa let- 
tre aux habitants de Tournai du 25 juin 1429 (t.V,p. 125); 
et la nouvelle en est reproduite dans les lettres écrites vers le 
même temps : T. Y, p. 120 (P. de Boulanvilliers) ; p. 122 (lettre 
sur des prodiges advenus en Poitou); p. 352 (lettre des 
agents allemands). — On trouve dans les extraits des 
comptes plusieurs choses qui se rapportent à cette campagne 
de la Loire. Bien que les seigneurs, comme on l'a vu par Gui 
de Laval, aient peu compté que le roi les indemnisât de leurs 
dépenses, le* seigneur de Rais reçut de lui 1000 livres pour 
les troupes qu'il conduisit à Jargeau (t. V, p. 261). La ville 
d'Orléans y prit sa part aussi, quoique dans une moindre me- 
sure : « A Jaquet Compaing pour bailler à Orléans le hérault 
pour avoir été à Selles le 4 juin devers la Pucelle dire nouvelle 
des Anglais, 6 1. 8. s. parisis; — pour deux seings et leur façon, 
faict pour signer les piczs, pioches, pelles, et aultres choses 
de guerre, donnés à Jehanne, pour aller faire le siège de Jar- 
guau : 16 s. p.; — pour deux autres messagers, 16. s. p., etc. > 
Un autre extrait comprend les dépenses relatives à un ton- 
neau de vin et douze douzaines de pain, envoyés à Jeanne au 
siège de Baugency ; — à un messager « pour estre venu de 
Beaugency à Orliens,par l'ordonnance de Jehanne, quérir 
des pouldres quant le siège y estbit, 16 s*. p.>T. V, p. 262 
et 263. 

Page 102, note ]. 

Suites de la bataille de Patay: t. IV, p. 46 (Berri); p. 178 
(Journal), p. 244 (Chron.). 

Page 103, note 1. 

Tout cela n'empêche pas Sismondi de dire : « Les chefs 
s'aperçurent bien vite que c'était à eux à la diriger. » (Histoire 
des Français^ t. XIII, p. 123.) 

Page 105, note 1. 

Retour de la Pucelle : t. IV, p. 178 (Journal) ; p. 245 
(Chron.). 



290 NOTES. 

Page 106 1 note 1. 

Le connétable : ibid. (Journal et Chron.); p. 71 ( J. Char- 
tier) ; p. 46 (Berri) : « Et renvoya le connestable et aussi 
contremanda le conte de Perdriae (Bernard d*Armagnac) 
pour ce que le sire de la Trémoille craignoit qu'ilz ne vou- 
Isissent entreprandre h avoir le gouvernement du roy, ou luy 
faire desplaisir de sa personne et le bouter hors. « Sully était 
une seigneurie de La Trémouille; les ménagements dont les 
Anglais avaient usé envers la ville, quand ils l'occupèrent un 
peu avant le siège d*Orléans, le soin qu'ils eurent d'y établir 
pour capitaine le frère même de la Trémouille (Chron. de la 
Pucelle, chap. xxxiv) , avaient fait soupçonner que le favori de 
Charles VU n'était pas leur plus grand ennemi. 

Page 107, note t. 

Préparatifs du départ : t. IV, p. 17(Cagny); p. 245 (Chron.). 

— Le roi et la Pucelle : t. III, p. 116 (Sim. Charles) ; cf. ibid.^ 

p. 76 (G. Thibault). 

Ibid, y note 2. 

Lettre de la Pucelle aux habitants de Tournai , Voy. aux 
appendices, n*" Y, ci-dessus, p. 236. 

Page 109, note 1. 

Projets sur la Normandie : t. III, p. 13 (Dunois). — Bonny, 
Marchénoir, etc.: t. lV,p. 179, 180 (Journal) ; p. 246 (Chron.). 
— La Pucelle aux champs : t. IV, p. 18 (Cagny) : « Et combien 
que le roy n'avoit pas d'argent pour souldoyer son armée, 
tous chevaliers , escuyers, gens de guerre et de commun 
ne refusoient pas de aller servir le roy pour ce voyage en la 
compagnie de la Pucelle, disant qu'ils iroient partout où elle 
vouldroit aller. » — « Au dit lieu de Cyen-sur-Loire, fut faict 
un payement aux gens de guerre de trois francs pour 
homme d'armes, qui estoit peu de chose. » T. IV, p. 249 
(Chron., chap. lvi). 

Ibid., note 2. 

Départ pour Reims : t. IV, p. 180 (Journal), et p. 74 



NOTES. 291 

(J. Chartier), — Lettre de Philibert de Moulant : t. IV, p, 286 
(J. Rogier, auteur du xvir siècle, mais qui a compilé des 
pièces authentiques, aujourd'hui perdues). — Auxerre: ibid.^ 
p. 181 (Journal), et 250 (Chron.); ily est dit qu'ils donnèrent à 
la Trémouille 2000 écus. — Conditions du traité :ibid.^ p. 378 
(Monstrelet). 

Page 110, note 1. 

Saint Florentin : t.IY, p. 72 (J. Chartier).— Lettre du roy aux 
habiuif^ d$ Reims : ibid., p. 287; — cte ceua de Troyes à ceux 
de Reims : ibid.^ p. 289, 290; —deJehanne aux habitants de 
Troyes: ibtd.^ p. 287 ; voy. aux append., n« Vl,ci-d6ssus, p. 237. 

Page 111, note 1. 

Le roi devant Troyes : ibid.^ p. 289, 290. Perceval de Gagny 

fixe à tort au vendredi, 8 juillet, l'arrivée devant Troyes {ibid., 

p. 18). 

Page 112, note 1. 

Frère Richard : Voy. la déposition de Jeanne, le Bour- 
geois de Paris, la Chronique et Monstrelet, cités par M. Qui- 
cherat à propos du premier interrogatoire de la Pucelle, 1. 1 
p. 99, 100. Monstrelet (chap. Lzni) dit qu'il avait été chassé 
de Paris parce qu'il se montrait trop pleinement favorable aux 
Français (t. IV, p. 377). A la nouvelle qu'il s'était rallié à la 
PuceÛe, les Parisiens, furieux contre lui, reprirent les dés 
et les boules qu'il leur avait fait quitter, et rejetèrent la mé- 
daille portant le nom de Jésus, qu'il leur avait fait prendre. 
(Journal du Bourgeois de Paris, juillet 1429 : t. XL, p. 393, 
Éd. Buchon.) Ce frère Richard passait pour avoir prédit l'ar- 
rivée de la Pucelle. On racontait « qu'es advens de Noël et 
devant, il avoit prescbié par le pays de France en divers 
lieux et dit entre autres choses en son sermon : « Semez, 
« bonnes gens, semez foison de febves : car celui qui doibt ve- 
« nir viendra bien brief. » Les habitants de Troyes semèrent 
des fèves; les soldats de Charles VII, dans leur détresse, en 
firent leur profit- (T. IV, p. 182.) 

Page 113, note 1. 

Détresse i conseil devant Troyes: Chron. ^ chap. lvii; et t. IV, 



292 NOTES. 

p. 72-75 (J. Chartier); p. 181-183 (Journal); cf. t.lll, p. 117 
(Simon Charles), et p. 13 (Dunois) : « Nobilis delphine, jubé- 
atis venire gentem vestram et obsidere villam Trecensem, nec 
protrahatis amplius longiora consilia, quia in nomine Dei, 
ante très dies ego vos introducam intra civitatem Trecensem, 
amore vel potentiavel fortitudine ; eteritfalsa Burgundiamul- 
tum stupefacta. > 

Page 114, note 1. 

Préparatifs de Vassaut : « Et tune ipsa Johanna acœpit ve- 
xillum suum, et eam sequebantur multi hominespedites,qui- 
bus prœcepit quod quilibet faceret fasciculos ad repleudum 
fossata. Qui multos fecerunt ; et in cfastinum ipsa Johanna 
clamavit : « Ad insultum, » fingens ponere fasciculos in fossatis. 
Ethoc videntes.... miserunt de compositione habenda.» T.III, 
p. 117 (Sim. Charles). — c Et tune dicta puella statim cum 
exercitu régis transivit, et fixit tentoriasuajuxta fossata, fe- 
citque mirabiles diligéntias quas etiam non fecissent duo vel 
très usftati et magis famati homines armorum, et taliter labo- 
ravit nocle illa, quod in crastino episcopus et cives.... dede- 
runt obedienfiam régi.» T. III, p. 13 (Dunois); cf. Chron., 
chap. Lvn, et t. IV, p. 183 (Journal). 

Page 115, note 1. 

Capitulation : t. IV, p. 297. (Lettre de Jean de Châtillon, 
d'après J. Rogier) : « Que le commun de la dicte ville alla aus- 
dictz seigneurs, chevaliers et escuyers, en très-grand nombre, 
leur dire que, s'ilz ne vouloient tenir le traité, qu'ils avoient 
fait pour le bien publique, qu*ilz mettroient les gens du roy 
dedans ladicte ville, voulsissent ou non.... — Quelesdicts che- 
valiers et escuyers estoient sortys de la dicte ville par traictë^ 
leurffcorps et leurs biens saufs, etc. ; » — p. 296 (Lettre des habit, 
de Troyes k ceux deReims):« Moyennant qu'il leur feroit aboli- 
tion générale de tous cas, et qu'il ne leur lairoit point de gar- 
nison, etqu'ilaboliroit les aydes, excepté la gabelle. » — Chron., 
chap. LVii: « Et au regard des gens d'Église qui avoient régales 
et collations de bénéfices du roi son père , il approuva les 
collations; et ceux qui les avoient du roy Henry d'Angleterre 
prindrent lettres du roy ; et voulut qu'ils eussent les béné- 



NOTES. 293 

fices, quelques colialîons qu'il en eust faict à autres. > Voy. le 
traité {Ordonn., t. XIII, p. 142.) 

Page 115 , note 2. 

Rachat des prisonniers : Ghron. de laPucelle,chap. lvii. — 
« Moyennant que de tous prisonniers qu'ils avoientpris, ils dé- 
voient avoir de chascun ung marq d'argent. « T. IV, p. 297 
(Lettre de Jean de Chastillon) ; cf. ibid.^ p. 76 ( J. Chartier) ; 
p. 184 (Journal); p. 378 (Monslrelet) : « Et fist publier par plu- 
sieurs fois, tant en son ost comme en la ville, sur le hart, que 
homme, de quelque estât qu'il fust,ne meffesist riens à ceux de 
la ville de Troyes ne aux aultres qui s'esloient mis en son obéis- 
sance. » 

Page 116, note 1. 

Châlons : Chron., chap. LVin, et t. IV, p. 290 (J. Rogier); cf. 
p. 76 (J. Chartier), et p. 184 (Journal). . 

Page 117, note 1. 

Lettre de Bedford sur ses revers : « Causés en grande partie 
comme je pense par enlacement de fausses croyances, et par 
la folle crainte qu'ils ont eu d'un disciple et limier de l'En- 
nemi (du diable), appelé laPucelle, qui usait de faux enchante- 
ments et de sorcellerie, etc. (of lakke of sudde beleve and of 
unlevefull doubte that they hadde of a disciple and lyme of 
the Feende, called the Pucelle, that used fais enchantements 
and sorcerie).»Rymer, t. X, p. 408, cité par M. Quicherat, 

t. V, p. 136. 

Page 1^8, note 1. 

Dispositions des esprits depuis la délivrance cTOrléans : 
(Bedford) doubtantque aucuns de Paris se deussent pour cette 
desconfiture réduire en l'obéissance du roy et faire esmouvoir 
le commun peuple contre Anglois, si se partit à très-grand 
haste de Paris, et se retira au bois de Vincennes , où il manda 
gens de toutes parts ; mais peu en vint : car les Picards et 
autres nacions du royaume qui tenoient son party se prindrent 
à deslaisser les Anglois et à les haïr et despriser.» (Chron., 
chap. xux.) — Falstolf: « En conclusion lui fu osté l'ordre du 



294 MOT£S. 

• 

Blancq-Jartier qu'il portoit entour la jambe. » T. IV, p. 375 
(MoDStrelet, II, 61). — Traité avec Winchester : Rymer, t. X, 
p. 424 (1'' juillet 1429). Ses troupes sont prises au service du 
roi, du 23 juin passé au 21 décembre. On réservait au cardinal 
le droit de faire alors la croisade dont le commandement lui 
était conféré par un acte du 18 juin, ibid.^ p. 423;' cf. sur la 
croisade de Winchester, ibid.j p. 417, 419. — Le duc de Bour- 
gogne à Paris^ le 10 juillet : Voy. le Journal du Bourgeois de 
Paris, à celte date, p. 390, 391 (Êd.Buchon); cf. Procès, t. V, 
p. 130 (lettre de trois' gentilshommes angevins, le jour du 
sacre); t. IV, p. 455 (Glém. de Fauquemberque, greffier du 
Parlement), et Monstrelet, II, 72. 

Page 119; note 1, 

Extrait des délibérations du conseil de Reims. Varin, ArcMn 
ves législat. de la ville de Reims, Statuts, 1. 1, p. 738-741. 

. Page 120, note 1. 

Lettres de Troyes et de Châlons : Voyez-en les extraite don- 
nés par J. Rogier, t. IV, p. 285 et suiv. 

Page 122, note 1. 
Lettre de Châtillon : t. IV, p. 292-294. 

Ihid,, note!!. 

Lettre du bailli de Vermandois : t. IV, p. 295. 

Page 123, note 1. 

Lettre de Jean de Chdtillon : t. IV, p. 296. 

Ibid., note 2. 

Lettres diverses : t. IV, 295-298. 

Page 124, note 1. 

Retraite de Chdtillon,x, IV, p. 294 etGhron.,chap. Lvm; cf. 
t. IV, p. 184 (Journal). Jeanne avait prédit à Charles VII qu'il 



NOTES. 295 

en trerait à Reim» sans résistance ; que les bourgeois viendraien t 
au-devant de lui, t. III, p. 118 (Sim. Charles). 

Page 125, notel. 

Entrée à Reims : Chron., t6i(f., et t. IV, p. 185 (Journal). — 
Sacre : « MMgrs le duc d'Alençon ,1e comte de Glermont, le comte 
de Vendosme , les seigneurs de Laval et La Trémoille y ont 
esté en abis royaux, et Mgr d'Alençon a fait le roy chevalier, 
et les dessusditz représentbientles pairs de France; Mgr d*Al«- 
bret a tenu l'espëe durant ledit mystère devant le roy; et pour 
les pairs de TÈglise y estoient avec leurs' croces et mitres, 
MMgrs de Rains, de Chalons, qui sont pairs; et en lien 
des autres, les ëvesques de Séez et d'Orléans, et deux 
autres prélas, et mondit seigneur de Rains y a fait ledit 
mystère et sacre qui lui appartient.. ;. Et durant ledit mys- 
tère, la Pucelle s'est toujours tenue joignant du roy, tenant 
son estendart en sa main. Et estoit moult belle chose de 
voir les belles manières que tenoit le roi et aussi la Pucelle. 
Et Dieu sac he si vousy avez esté* souhaités.» ( Lettre de 
trois gentilshommes angevins k la femme et à la belle-mère 
de Charles VII (du 17juil. 1429). Procès, t. V,p. 128;cf.Mon8- 
lrelet,lI, 64. — Paroles de Jeanne: Chron., chap. Lvni; cf. 
t. IV, p. 186 (Journal). 

Page 126, note 1. 

La Pucelle au voyage de Reims : « Et partout où la Pucelle 
venoit, elle disoit k ceulx des places : « Rendez (vous) au roi du 
«ciel et au gentil roy Charles.» Et estoit toujours devant à ve- 
nir parler aux barrières. > T. IV, p. 18 (Cagpy), 

Page 127, note 1. 

Mission : «Et pluries audivit dicere dictse Johann» quod de 
facto suo erat quoddam ministerium; et quum sibi dieeretur; 
«I^unquam talia fuerunt visa sicut videutur de facto vestro; 
< in nullo libre legitur de talibus factis; » ipsa respondebat : 
c Dominus meus habet unum librui^ in quo unquam nullus 
« clericus legit, tantum sit perfectus in clericatura. » T. JII, 
p. 110,111 (Pasquerel), 



296 NOTES. 

Piété de Jeanne : « Quod ipsa Johanna erat muUum devota 
erga Deum et beatam Mariam, et quasi quotidie confitebatur, 
et communicabat fréquenter;... dum ipsa confitebatur, ipsa 
flebat.» T. III, p. 104 (Pasquerel). « Quod habebat in consue- 
tudine fréquenter confitendi peccata sua, et quotidie audiebat 
missam.» T. III, p. 34(lafiUe de son hôte d'Orléans). « Con- 
fitebatur saepe, vacabat orationi assidue : audiebat missam 
quotidie, et recipiebat fréquenter Eucharistise sacramentum. » 
/6id.,p. 18 (Dunois). « Quae ssepissime confitebatur de duobus 
diebus in duos dies, et etiam quàlibet septimana recipiebat 
sacramentum Eûdiarisliœ , audiebatque missam quàlibet die, 
et exhortabatur armatos de bene vivendo et sœpe confîtendo.» 
Ibid.y p. 81 (Sim. Beaucroix); cf. p. 218 (d'Aulon). «Quod 
ipse vidit Johannam, dum celebraretur missa, in elevatione 
corporis Christi mittere lacrymas in abundantià. « Ibid., p. 32 
(Compaing); cf. p. 66 (L. de Contes). — Les cloches et les chants: 
t. III, p. 14 (Dunois). — Les petits enfants : ibid.^ p. 104 
(Pasquerel). 

î*age 128, note 1. 

»Piété inspiréeaux soldats : t. III, p. 81 (Sim. Beaucroix); cf. 
p. 105 (Pasquerel). « Ipsa inducebat armatos ad conûtendum 
peccata sua; et de facto vidit qui loquiturq uodad instigatîo- 
nem suam et monitiouem, La Hire confessus est peccata sua, et 
plures alii desocietate sua. a>/6id.,p.32 (Compaing.) — Répres- 
sion des blasphèmes : « Increpabat armatos quando negabant vel 
blasphemabant nomen Dei.«T. III,p. 33(Bordes). — «Ettunc 
ille Dominus pœnituit. » Ibid.^ p. 34 (VveHuré ). — c Multum 
etiam irascebalur dum aliquos armatos audiebatjurautes ; ipsos 
multum increpabat et maxime ipsum loquentem qui aliquando 
jurabat : et dum videbat eam, refrenabatur a juramento. a>/^ûj., 
p. 99 (Alençon). — LaHire: < Quod ampiius non juraret; sed dum 
vellet negare Deum, negaret suum baculum. Et postmodum 
ipse Lahire in praBsentia ipsius Johannae, consuevit negare 
suum baculum. » Ibid., p. 206 (Seguin). — « Par mon Mar- 
tin , ce estoit son serment. » T. IV, p. 4, etc. (Cagny). On 
peut se demander pourtant si Cagny n*a point prôté ici 
à la Pucelle quelqu'une de ses manières de parler. Tous 
les autres historiens ou témoins ne citent de Jeanne qu'une 



KOT£S. 297 

seule parole en forme d'affirmation. « En nom Dieu! > Si 
l'autre lui eût été ordinaire, il serait étrange qu'on n'en eût pas 
tiré au procès une nouvelle accusation dé sorcellerie. On n'a 
pas besoin d'invoquer le témoignage de d'Aulon qu'il ne Ta 
jamais « ouy jurer, blasphémer ou parjurer le Qom de Notre- 
Seigneur, ne de ses saints, pour quelque cause ou occasion 
que ce feust. » Ibid.^ p. 219. 

Page 129, note 1. 

Pudeur : « Quod dum erat in armis et eques nunquam des- 
cendebat de equo pro necessariis naturœ.» T. III, p. 118 (Sim. 
Charles). M Semperinnoctehabebatmulierem cum eacubantem 
si invenire posset, et dum non poterat invenire, quando erat 
inguerraetcampis, cubabatinduta suis vesiibus.»T. III, p. 70 
(L. de Contes); cf. p. 18 (Dunois); p. 34 (Charlotte Havet); 
p. 81 (Sim. Beaucroix),.etp. 111 (Pasquerel). 

Chasteté qu^elle inspirait : « Dicit etiam quod aliquando in 
exercitu ipse loquens cubuit cum eadem Johanna et armatis 
à lapaillcîde, et vidit aliquando quod ipsa Johanna se prœpara- 
bal, etc. /6trf.,p. 100 (Alençon); cf. p. 15 (Dunois), et p. 77 
(Thibault). 

Filles chassées des camps : ibid.^ p. 81 (Sim. Beaucroix). — 
«Quam tamen non percussit, sed eam dulciter et caritative 
monuit ne se inveniret amodo in socîetate armaiorum.*» Ibid,, 
p. 73 (L. de Contes). — « Persequebatur cum gladio evaginalo 
quamdam juvenculam exîstentem cum armatis, adeo quod 
eam insequendodisrupitsuumensem.» Ibid,, p. 99 (Alençon); 
cf. t. IV, p. 71, 72 (J. Chartier). 

Page 130, note 1. 

Horreur dusafig: t. III, p. 205 (Seguin). — Anglais blessés, 
secourus :ibid,, p. 72 (L. de Contes). «Fia etiam non solum erga 
Gallicos, sed eliam erga inimicos.» Ibid,^ ][). 81 (Beaucroix). — 
Pillage détesté: ibid., p. 111 (Pasquerel); t. IV, p. 500 (Eb. de 
Windecken). « Nam de victualibus quœ sciebat deprœdata nun- 
quam volebatcomedere.» Jbid,,, p. 81 (Beaucroix). — Charité: 
« Libenter dabat eleemosyuas, etdixit testis quod multotiens sibi 
pecunias ad dandum pro Deo concessit. » T. II, p. 438 (J. de 



298 NOTES. 

Metz). — «Dicebat qnod erat missa pro consolatione^pauperum 
el iodigentium. » T. III, p. 87 (Marguerite de La Touroulde). — 
Soin des blessés : c De pauperibus armatis, esto quod essent 
de parte Anglicorum, ipsa multum compatiebatur. » lind.^ 
p. 111. (Pasquerel). -*- Une cmssi banne fUle ;. «Et bene 
vellet babere unam filiam ita bonam. » T. II, p. 450 ( Aubert 
d'Ourches). 

Page 132, note 1. 

Habileté militaire de Jeanne d'Arc ; t. III , p. 100 (Alençon) ; 
et p. 120 (Th. de Termes) : « Quod extra factum guerrae erat 
simplex et innocens; sed in conductu et dispositione armato- 
rum et in facto guerrse, et in ordinando bella el animando 
armatos, ipsa ita se habebat ac si fuisset subtilior capitaneus 
mundi, qui totis temporibus suis edoclus fuisset in guerra. » 
Cf. t. IV, p. 3 (Gagny), et p. 70;(J. Charlier) : c Et chevau- 
choil toujours armée en habillement de guerre, ainsi qu*é~ 
toient les autres gens de guerre de la compagnie; et parloit 
aussi prudemment de la guerre comme capitaine savoit faire. 
Et quand le cas advenoit qu'il y avoît en l'ost aucun cry ou 
effroy de gens d*armes, elle venoit, fust à pied ou à cheval, 
aussi vaillamment comme capitaine de la compaignie eust 
sceu faire en donnant cueur et hardement à tous les aultres, 
en les admonestant de faire bon guet et garde en Tost, ainsy 
que par raison on doit faire. Et en toutes les aultres choses 
estoit bien simple personne, et estoit de belle vie et hones- 
teté. 3> Cf. t. III, p. 424 et suiv. {La Sibylle française.) 

Page 133, note 1. 

Us panonceaux : 1. 1, p. 97. — État de maison : « Ut ei Rex 
Garolus aumptus, quibus comitis familiam aequaret, suppete* 
ret, ne apud viros militares per causam inopias vilesceret. • 
T. IV, p. 449 (Pontijs Heuterus, écrivain du xvr siècle, d'a- 
près G. Ghastelain). Il continue ainsi : « Gonspiciebatur enim 
ejus in comilatu, prœler nobilespuellas, procurator domus, sta- 
buli prsfectus, nobiles pueri, a manibus, a pedibus, a cubi- 
eulis ; colebaturque a rege, a proceribus» ae imprimis a po- 



NOTES. 299 

pulo instar divse habebatur. » — Robes-: < A Jacquet Gompaing^ 
pour demye aulne de deux vers achactë pour faire les orties 
des robes à la Pucelle, 35 s. p. » T. V, p. 559 (comptes de for- 
teresse). 

Nous regrettons que H. Vallet de Viriville, dans la curieuse 
notice qu'il a publiée , entre tant d'excellents morceaux de 
critique, sur l'iconographie de Jeanne d'Arc, ait dit que 
c Jeanne, depuis le jour où elle prit possession de sa car- 
rière, se livra au goût du luxe, qui se développa chez elle 
d'une manière croissante. » — < Elle aimait, ajoute-t-il, pas- 
sionnément le cheval, l'exercice militaire, les armes et les vê- 
tements de prix, 3» etc. (p. 3, 4). Jeanne eut des vêtements 
de prix, Jeanne eut des chevaux : elle en avait une douzaine 
(tant pour elle que pour ses gens), lorsqu'elle tomba aux mains 
de l'ennemi (t. f, p. 295). Mais autre chose est de soutenir son 
rang, autre chose de se livrer au goût du luxe. Parmi les 
textes allégués, il y a bien celui de Perceval deBoulainvilliers 
qui dit qu'elle se plait à monter à cheval et à porter de 
belles armes (ce sont les .armes qu'elle a reçues du roi) : 
c in equo et armorum pulchritudine complacet. » Mais on 
est à la veille du voyage de Reims, et il n'en parle que 
pour opposer son genre de vie à sa nature de jeune fille, et 
témoigner de son activité : « inaudibilis laboris et in armorum 
portatione et sustentatione adeo fortis, ut per sex dies die noc- 
tuqtie indesinenter et complète armata maneat. » (T. Y, p. 120.) 
Quant au témoigtiage de Jean Monnet, que, selon le brui t répandu 
à l'époque où elle fut visitée, elle avait été blessée pour avoir 
monté à cheval (t. III, p. 63), comment rapporter à la pas- 
sion des chevaux ce qui était la conséquence de sa vie mili- 
taire? Le reproche (à prendre les citations de Fauteur lui- 
même) ne peut donc se justifier que par des emprunts faits 
soit à l'accusation : < Item dicta Johanna abusa est revelatio- 
nibus et prophetiis convertens eas ad lucrum temporale et 
questum ; nam per médium hujuscemodi revelationum sibi 
acquisivit magnam copiam divitiarum et magnos apparatus 
et status inofficiariis multis, equis ornamentis » (t. I, p. 294; 
cf. p. 223, 224); soit à l'extrait de la lettre rapportée à l'ar- 
chevêque de Reims, RegnauU de Chartres, prélat dont les sen- 
timents pour Jeanne, au jugement de M. Vallet de Viriville, 



300 NOT£S. 

n*ëtaient pas beaucoup plus favorables que ceux de Tévéque 
de Beauvais (t. V, p. 159). 

Compliments et présents du duc de Bretagne : D. Morice, 
Hist, de Bretagne^ U I, p. ôOB, et M. J. Quicherat, Procès^ 
t. V, p. 264. • 

Dons de la Pucelle : « La Pucelle m'a dit en son logis, comme 
je la suis allé y voir, que trois jours avant mon arrivée, elle 
avoit envoyé à vous, mon aieulle, un bien petit anneau d'or, 
mais que c'estoit bien petite chose, et qu'elle vous eust volon- 
tiers envoyé mieulz, considéré votre recommandation. « T. V, 
p. 109 (Lettre de Gui de Lavai à sa mère et à son aïeule). — 
La fille du peintre de Tours : Le conseil décida que les deniers 
de la ville ne pouvaient pas être détournés de leur emploi 
ordinaire. Mais « pour l'amour et honneur de la Pucelle» il 
résolut en même temps d'assister en corps à la bénédiction 
nuptiale, d'y convoquer les habitants par l'organe du notaire 
municipal, et de donner à la mariée (ici commence enfin la 
munificence de la ville) le pain et le vin ce jour-là : un setier 
de froment pour le pain et quatre j^ilaiès de vin.» T. Y, p. 154- 
156. Et les comptes des deniers communs de la ville de Tours 
portent en détail ce qu'il en a coûté : 40 sous pour les quatre 
jalaies de vin, et 50 sous pour le pain; total 4 1. 10 s. t. 
(37 f. 03). (T. V, p. 271.) 

Exemption d'impôts aux habitants de Greux et de Domremy : 
c Charles, etc., sçavoir vous faisons [que] en faveur et à la 
requeste de nostre bien amée Jehanne la Pucelle; [considéré] 
le grant, haut, notable et prouffitable service qu'elle nous a fait, 
et fait chacun jour au recouvrement de nostre seigneurie, 
nous avons octroyé et octroyons,» etc. (31 juillet 1429). T. V, 
p. 138.) 

Le père de Jeanne à Reims : Son voyage a laissé trace dans 
les comptes de la ville : «« Le lundi 5 septembre 1429, par An- 
thoine de Hellande, cappitaine....et plusieurs esleus et autres, 
jusques au nombre de 80 personnes, a esté délibéré de païejr 
les despens du père de la Pucelle, et de lui bailler un cheval 
ipours'en aller.» Yoy. p. 141; cf. p. 266. Dans les comptes des 
octrois patrimoniaux faits sur les deniers communs de la ville 
de Reims, en 1428 et 1429, on trouve la mention d'une somme 
de 24 livres parisis à payer « à Alis, veuve feu Raulin Moriau, 



NOTES* dOl 

faostesse de TAsne royé, pour despens fais en son hostel par 
le père de Jehanne la Pucelle, qui estoit en la compaignie du 
roy, quant il fut sacré en ceste ville de Reims. > Cet hfttel de 
TAne rayé est aujourd'hui Thôtel de la Maison-Rouge, rue du 
Parvis, devant la cathédrale. On ne voit pas sur quel fonde- 
ment l'inscription moderne gravée sur la façade dit que la 
mère de Jeanne y fut logée en même temps. (Voy. M. Qni- 
cherat, Procès^ t. V, p. 266.) Pasquerel a bien dit (t. 111, 
p. 101) que la mère de Jeanne la vint rejoindre avant la le- 
vée du siège d'Orléans ; mais Lebrun des Charmettes a facile- 
ment montré qu'il fallait lire son flrère dans ce passage* 

Page 133, note 2. 

Hommages populaires : « EU resistebat quantum poterat 
quod populus honoraret eam. > T. m, p. 31 (P. Vaillant). — 
« Multum dolebat et dispUcebat sibi quod aliquœ bonœ muUeres 
veniebant ad eam, volentes eam salutare, et videbatur quœdam 
adoratio, de quo irascebatur. » Ibid.^ p. 81 (Beaucroix). — 
« Quaedam gentes capiebant pedes equi sui , et osculabantur 
manus et pedes. — In veritate ego nescirem a talibus me 
custQdire, nisi Deus me cuslodiret. » /6id., p. 84 (Barbier). — 
Les médaiMeSj etc.: < Item ipsa Johanna in tantum suis adin- 
ventionibus catholicum populum seduxit, quod mulli in prse- 
sentia ejus eam adoraverunt ut sanctam, et adhuc adorant in 
absentia, ordinando in reverentiam ejus missas et collectas in 
ecclesiis.... Elevant imagines et reprœsentationes ejus in.ba- 
silicis sanctorum, ac etiam in plumbo et alio métallo reprœ- 
sentationes ipsius super se deferunt. » T. I , p. 290, 291 ; cf. 
p. 101. Sur ces médailles et ces images, voy. M. Vallet de 
Yiriville, /cono^r. e^/eanne Darc; et sur ces collectes de la 
messe, t. V, p. 104, où M. Quicherat en donne un exemple 
d'après M. Buchon. 

Page 134, note 1. 

Lettre du comte d'Arm^nac: 1. 1, p, 245 ; nous y reviendrons 

au procès; — de Bonne Yisconti : t. V, p. 253, d'après Lemaire, 

Histoire et antiquités de la vUle et duché d'Orléans. — Christ, de 

Pwan(ver8 achevés le 31 juillet 1429) ; t. V, p. 4 et suiv. Il y 

I 20 



MS JIOTU. 

'« dans €6 petit poème quelques autres passages qui méritent 
d'être cités. Voy. l'appendice VII, ciHlessus, p. 288. 

Page 135, note 1. 

Sainî^Aignan ; la colombe : t. Y, p. 297 et 294 (Ghron. de le 
fCte du 8 mai); cf. t. IV, p. 163 {ioumdl).'^ Us papillons 
bkmcs : Ghron. , chap. Lvn. Dans le procès il est question des 
papillons blancs autour de son étendard en un autre lieu, à 
Château-Thierry. La Pucelle répond qu'elle n'a rien tu de 
pareil, t. I, p. 163. — Lu hommes dans Fair: t. V, p. 122 
(Lettre sur des prodiges advenus en Poitou). 

V9^ 136, note I. 

L'enfance de Jeatm: t. V, g. 116 (Boukinvilliers). Le trait 
des petits oiseaux est du Bourgeois de Paris qui , comme on 
le pense bien , le déclare apocryphe : In veriUUe apocryphum 
est^ U IV, p. 463. 

Page 137, note U 

fwmt de la Samt-Jean: « Und ist yetzund der kcmig uff 
dem felde mit Jungfrowen, und vil die Engelscben uss dem 
lande sçhlagen, wanne die Inngfrowe heit ime verheissen ee 
dann sant tohannes tagdes deuffers kome in dei^ XXIX iart, 
st) solle kein Engelscher also menlich noch so geherit syn^da^ 
er sicli lasse sehen zu velde oder zu strite in Franckenrich, 
t. V, p. 351. — te secrétaire de Metz: iMd., p. 353-356. — Le 
s&igneur de Commercy: t. IV, p. 77 (J. Chartier); p. 185 
(Journal) ; cf., p. 23 (Cagny). René, duc de Bar, devint duc 
de Lorraine, le 31 janvier 1431. Il tomba aux mains de son 
compétiteur, Antoine de Vaudemont, le2 juillet suivant. 



mus. 90^ 



LIVHE QUATSJÈSïÊ. 



COMPIÈGNE. 



Page 141., note 1. 



Paroles de la Pueeile à Dunois: t. III, p. 14 (Dunois); — à 
J&mde M^z: t. Il, p. 436 (J. de Metz). Cf. sar le trail princi- 
pal. Chron»,chap. lix, et t. IV, p. 189 (Journal). Voy. M. Qui- 
cherat. Aperçus rumoeaux^ p. 37 et suiv. ; L'Averdy, Notice des 
manuscrits, t. III, p. 338 et suiv., et la polémique engagée sur 
ce sujet entre M. Henri Martin et M. Dufresne de Beaucourt. 

Tbid.y note 2. 

Lettre de Jeanne aux Anglais: i. V, p. 97. 

Bage 143, notei. 

P. de Boulaimilliers : ^Vitii Anglicos nullum habere jus 
in ¥rancia, et dîtit se missam a Deo ut illos inde expellat 
et de vincat, monîfioiïe tamen ipsius facta.» T. V, p. 120. 
— Les envoyés allemands : l. T, p. -351. La chronique de 
laPucelle redresse ainsi, quxmt au terme de la Saint-Jean ,. 
!e "bruit popxilaîre : « Disoit quepar plusieurs fois lui ayoient 
ëlé dictes aucunes révélations touchant la salvalion du t*oy 
et préservation de toute sa seigneurie, laquelle Dieu ne tou- 
loit luy eslre tolhie, ny usurpée; mais que ses ennemis en 
seroient déboutez, et estoU chargée de dire et signifier ces choses 
auroy, dedans le terme de la Saint-Jean, 1429.» T. IV,. 
p. 213, 214. 

Alain €hartwr:1. V, p. 132. — J. Gerson : «Restitutio régis 



304 NOTES. 

ad regnum suum et pertinacissimorum inimicorumjastissima 
repulsioseudebellatio. » T. III, p. 301. — Jacques Gelu ; c Ses 
Deo missam asserentem, quatenus princeps esset exercitas 
regii ad domandum rebelles et expellendum ipsius inimicos a 
regno, ac eum in dominiis suis restituendum. » Ibid.^ p. 400. 

— H. de GorcuM : c Asserens se missam a Deo quatenus per 
ipsam dictum regnum ad ejus obedienliam reducatur.»/6Îd., 
p. 411. — Sibylla Francica : « Intraterminum, Domino auxi- 
liante, Delphino regni promisit restitutionem , ipsumque 
viginti annis regnaturum,» Ibid,^ p. 464. « Sic necesse est ut 
nostra sibylla, Delphino in regem Francorum coronato, dabit 
informationes et sana çonsilia, per quas ipsum regnum con- 
servabitur, gubernabitur et prosperabit. Expleto tempore sui 
vatîcinii, exibit regnum , et Deo serviet in humiliato spjritu. 
Celebrior namque erit ejus memoria in morte quam in vita. » 
Jbid, , p. 426. — Christine de Pisan : voy. ci-dessus, p. 134. 
Un autre poète, qui sTdû connaître la Pucelle, dit aussi (t. V, 
p. 28) : 

El regem patria pulsum de sede reduces 
Ulius antique populum relevabis ab bosle 
Oppressum 

Page 144, note 1. 

5im. Charles : c Et dixit quod habebat duo in mandatis ex 
parte Régis cœlorum : unum videlicet de levando obsidionem 
Aurelianensem; aliud de ducendo regem Remis pro sua coro- 
natione et consecratione. > T. III, p. 115 (Sim. Charles). — 
« Pro reponendo eum io suo regno, pro levando obsidionem Au- 
relianensem et conducendo ipsum Remis ad consecrandum. » 
Ibid.j p. 20 (Garivel). — < Egovenio ex parte régis cœlorum ad 
levandum obsidionem Aurelianensem et ad ducendum regem 
Remis, pro sua coronatione et consecratione. » Ibid.y p. 74 (Thi- 
bault). Cf. ibid., p; 21 (G. de Ricarville), et p. 22 (R. Thierry). 

— < Quod licet dicta Johann a aliquotiens jocose loqueretur 
de facto a.rmorum pro animando armatos, de multis spec- 
tantibus ad guerram, tamen quando loquebatur seriose de 
guerra, nunquam affirmative asserebat nisi quod erat missa 
ad levandum obsidionem Aurelianensem ac succurrendam 



ILOTES. 305 

populo oppresso in ipsa civitate et locis eircumjacentibus, 
et ad conducendum regem Remis, pro consecrando eum- 
dem regem. * Ibid.j p. 16 (Dunois). 

Page 146, note 1. 

Art. 10. « Quod levaret obsidionem Âurelianensem et quod 
faceret coronari Karolum quem dicit regem suum, et expelle- 
ret omnes adversarios suos aregno Francis.M (T. I, p. 216.) — 
Art. 17. c Quod vindicaret eum de suis adversariis, eosque 
omnes sua arte aut interficeret aut expelleret de hoc regno, 
tam Anglicos quam Burgundos,i etc. — c Ad hoc articulum re- 
spondet Johanna se portasse noya ex parte Dei régi suo, quod 
Dominus noster redderet sibi regnum suum Franciœ, faceret 
eum coronari Remis et expelleret suos adversarios.... Item 
dixit quod ipsa loquebatur de toto regno, etc. » Ibid.y p. 231, 
232. — « Item du seurplus qui luy fut exposé de avoir prins 
habit d'onune sans nécessité, et en espécial qu'elle est en pri- 
son, etc. Répond : etc. » T. I, p. 394. — Délivrance du duc 
(TOrUans : c Dominum ducem Âurelianensem, nepotem ves- 
trum, dixit miraculose liberanduiti, monitione tamen prius 
super sua libertate Anglicis detinentibus fada. > T. V,p. 120, 
121 (P. de Boulainvilliers). « Interroguée comme elleeust déli- 
vré le duc d'Orléans, etc. » T. I, p. 133, 134; cf. t. IV, f). 10 
(Cagny) : « Elle disoit que le bon duc d'Orléans estoit de sa 
charge, et du cas qu'il ne revendroit par de çà, elle airoit 
moult de paine de le aler quérir en Engleterre. » 

Ibid. j note 2. 

Objet de sa mission : « Se habere quatuor onera videlicet : 
fugare Anglicos, de faciendo regem coronari et consecrari Re- 
mis ; de liberando ducem Aurelianensem a manibus Anglico- 
rum, et de levando obsidionem per Anglicos an te villam Au- 
relianensem. » T. III, p. 99 (Alençon.) — A quelle condition la 
mission de Jeanne devait être accomplie par elle : « El s'il la 
vouloit croire et avoir (foi) en Dieu, eu Monsieur Saint Michel 
et Madame Sainte Catherine et en elle, qu'elle le moinroit 
corroner à Reins et le remectroit paisible en son royaume, j^ 



ZQêZ NMÊ5/ 

T, IV^p-, aa& (doyen de Saint-Thibaud de H^ vers 144&>. 
-^ /Seguin : c Et tune dûit loqueati el aliis adstaBtîb»» quatuor 
quae adhuc erant ventura, et qnaa po»tmodam evenetuol: 
Primo dixit quod Ânglicî essent destructi et quod obsidio ante 
villam Âurelianensem exiiteas levaielor. Dixit secundo quod 
rex consecraretur Remis. Tertio, quod villa Parisieusis red- 
deretor in ebedieBtia.iegi& ; et quoA dus ABrdîmcnsift redsKt 
ab Anglia. Qase omnia ipse loqneiis vidit compleri. > T. Dl^ 
p. 305 (Scfuin). Cf. t. IV^ p. ail (Thonasain) : c Elle £kI par 
auenns interroguée de sa poîssapse se die diireroit guères, et 
se les Angloift avoioil puissance de la. £aîre neitnr. EUe xeft- 
pondit que tout eafioit au plaisir de hwem; et si cort^ que, s'il 
îuy eonveoott mourir aTanl que ee pour qaey Dieu Tavoit en- 
voyée fust aeeomply, que après sa mort elle Buyrroii plus awx* 
dits Angloys qu elle n'aurait fait en sa fie, el que mm obstaal 
s^ mort, tout ce pour qu0y elle esteit Tenue se aceowpliroit : 
ainsi que a esté fait par grâce de Dieu. > 

F^gelM, note 1. 

Instruction baillée à Jarretière roi iarm/ts de par M. le ré^ 
gmt (16 juillet 1429) : Rymer, t. X p. 432.— iSiluottonde Pa- 
ris : Le bourgeois de Paris témeigne des inquiétudes que la 
viUe albrs, même dans les régiena les plus élevées de la bour- 
geoisie, donnait au régeni. Le mardi devant la Saint^-Iean le 
bruit court que les Armagnacs doivent entrer dans la ville; 
dans la première semaine de juillet^ ou change le prévôt de& 
marchands, et les échevins,t. XL, p. 390,391 (Éd. Buchon). 

Page 149, note 1. 

WincheUer et le duc dû Baurgogm :. voy. la même lettre de 
Bedford : Rymer„ t. X,p.432. — NégociaLion avec Winchester : 
ibid..^ p. 424 et 427; voy. ci-des&us^p. 117. — Projets homi^ 
ùdes de Beâford contre le duc de Baurgogm: H. Micbelet en a 
trouvé la. trace dana Textrait d'une pièce qui se troiivaîl 
jadis aux archives de Lille. Chambres des comptes ^ iaven- 
taire, t. YIII, an. 1424. Voy. Micbelet, Hist. de France^ U V, 
Pm loe«> . 



NOTES. 307; 

Page 150, note I. 

iMire de Jeanm au duc de Bourgogne: voy. aux. appendi- 
^s, n'» VIII, ci-dessiis, p. 244. 

Page 151 , note 1. 

Le roi'a Saint^Marœuljetc.: t. IV, p. dO(Gagny : c'est lai qui 
est la principale source pour les dates et la suite du ▼oyage);cf* 
Chron.jChap.ux, t. IV^p. 78 (J.Chartier),etp. 187 (Journal)^ 

Page 162, notel. 

Chateau-Thwrry: U IV, p. 381 (Mon8trelel,n,63). Perceval de 
€agDy {ibid., p« 21} s* accorde au fond avec Monstrelet, quand 
n dit que le roi demeura tout le jour devant la place, s^atten- 
dant à être attaqué par Bedfort, et que le soir la ville se 
rendit. Monstrelet ajoute que le sire de Châtillon et les autres 
chevaliers allèrent k Paris rejoindre Bedfort, qui rassemblait 
des troupes. 

I&td.» nota 2. 

Arrivée de Wincheskr et de ses troupes à Paris, le 25 juillet : 
t. IV, p. 453 (Glém. de Fauq^uemberque). — Bedf$rt à Melun 
etàCarbeil: t.V, p. 453 (Glém. de Fauq.) : avec dix mille h.: 
t. IV, p. 382 (Monstrelet, II, 65) ; — dix à doute mille : 
Chron., chap. lix, et t. IV, p.- 79 (J. Chartier). 

Le roi à la Motte de Nangis : Ghron. , et J. Chartier, iUd. 
— On y rapporte qu'il y resta tout un jour eu bataille, et que 
le duc de Bedford, qu'on attendait, s'en retourna à Paris. Il 
faut l'entendre d'un bruit répandu, car Bedford se retrouvera 
le 7 à Montereau. — Glément de Fattqnemberque dit que Bed- 
ford était parti de Paris le 4 août, et d'un autre c6té,~nous sa- 
vons, par la date delà lettfe delà Pueelle, que, le 5,Gharles VH 
avait repris le chemin de Paris. Il sembla bien difficile de pla- 
cer tous les événements intermédiaires dans cette même jour-^ 
née du 4. Tout au plus le poarrait*on en supposant que Bed- 
ford, parti la veille de Parts, était à Melun le 4 au matin. Le roi 
^pu,rapprenant, se porter juaqu'àLa Motte de Nangis.et reve- 
nir dans la même journée vers Bray-sur-Seine, (Voy.ci-après.^ 



308 NOTES. 

Page 153, note 1. 

Le roi à Bray : Ghron., chap. lec et t. IV, p. 79 (J. Char* 
lier); p. 188 (Journal). 

. Ihid, , note 2, 

Lettre de Jeanne aux habitants de Reims : voy. Append., 
n® VI, ci-dessus. On voit par les extraits des dëlibéralions du 
conseil de Reims les inquiétudes que donnait à la ville la mar- 
che incertaine du roi. Le 3 août on fait «« écrire à Mgr de 
Reims que l'on a entendu dire qu'il veut délaisser son che- 
min.... et aussi sa poursuite» qui (ce qui) pourroit estre lades- 
truction du pays, attendu que les ennemis, comme on dit, sont 
forts. » (Varin, Archives UgisL de /îciww, Statuts, t. I,p. 741.) 
Le 4, on écrit h Laon et à Châlons pour leur communiquer ces 
inquiétudes et les démarches que l'on fait en conséquence au- 
près du roi. Le 11 août, nouvelle démarche auprès du roi, et 
invitation à Châlons et à Troyes de s'y associer. — Ces inquié- 
tudes de Reims redoubleront quand se sera dissipé l'espoir 
que leur avait dû rendre la lettre de la Pucelle, et on en trouve 
de nouveaux témoignages au commencement de la campagne 
suivante, 15 mars, 19 avril 1430. Voy. Varin, Archives légis- 
latives de Aeim^, Statuts, U I, p. 746. 

Page 155, note 1. 

Le roi à Coulommiers, le 7 août ; t. IV p. 21 (Cagny). — La 
Chronique, chap. lix , et Jean Chartier (t. IV, p. 80) le font 
revenir à Château-Thierry la vigile de la Notre-Dame d'août 
(14 août). Cela est inadmissible. — Lettre de Bedford : t. IV, 
p. 382-385 (Monstrelet, II, 65]. 

Ihid., note 2. 

La lettre de Bedford reçue par le roi à Crespy : t. IV, p. 46 
(Berri). — Les Anglais à Mitry : Chron., chap. lx, et t. IV, p. 80 
(J. Chartier). — Retraite de Bedford: La Chronique (chap. lx) 
dit qu'il retourna à Paris; — dedans Paris, t.lV,p. 190 (Jour- 
nal). Il vaut mieux croire Berri, qui dit qu'il s'arrêta à Lou- 
vres (t. IV, p. 47). 



NOTES. 309 

âge 156, note 1. 

Hérauts du roi à CompiègnCy à Beauvais : Chron., chap. lx ; 
t. IV, p. 80 (J. Charlier). —Retour de Bedford: t. IV, p. 47. 
(Berri). — La Chronique (chap. lx) el le Journal (t. IV, p. 190) 
disent que les troupes qu il joignit à son armée sont les croi- 
sés de Winchester; mais on a vu qu'il les avait déjà menés 
avec lui à Melun et à Monte reau. — Position des Anglais et des 
Français : t. IV,p. 433 (Lefebvre Saint-Remi); Chron., 1.1., et 
t. IV, p. 82 (J. Charlier), et 92 (Journal). 



Page 157, note 1. 



\ 



Chron. ,1. 1., et t. IV, p. 193 (Journal); cf. p. 434 (Lefebvre 
Saint-Remi), p. 387 (Monstrelet, II, 66). 

Page 158, note 1. 

Ligne de défense des Anglais : Chron., 1. 1., et t. tV, p. 22 
(Cagny) ; p. 83 (J. Chartier) ; p. 386 (Monstrelet); P. Co- 
chon, Chron. norm,y chap. xlix. — La Pucelle frappant les pa^ 
lissades anglaises^ etc. : t. IV, p. 22 (Cagny) ; cf. Chron., 1. 1., 
et t. IV, p. 84 (J Chartier); p. 194 (Journal). 

Ibid., note 2. 

Aventure 4e La Trémouille : « Le seigneur de La Trémouille, 
qui estoit bien joly et monté sur un grand coursier, voulut ve- 
nir aux escarmouches, »etc. Chron., chap. lx, et t. IV, p. 19 
(Journal).— Point de quartier : t. IV, p. 389 (Monstrelet, 11,66: 
il porte le nombre des morts k 300). Les Écossais de l'armée 
du roi joignaient leurs haines à celles des Français contre 
les Anglais; cf. ibid.^ p. 388. 

Ihid,, note 3. 

Lefebvre Saint-Remi, historien bourguignon, dit que les 
Français battirent en retraite devant les Anglais en cette jour- 
née (t. IV, p. 435), et il semble avoir pour lui Jean Chartier 
qui dit : « Le lendemain matin, environ dix heures, se deslo- 
gea Tost desdit François, et s'en alla à Crespy, en Valois, et 



3ia NOTES. 

p 

aussUosts'én relournërentlesditsÂnglais à Paris (t. IV, p. 8(1).» 
Mais le vrai sens du moàyement des Français est indiqué par 
P. de Cagny (t. IV, p. 23), et par le rédacteur du Journal du 
siège (t. rV, p. 196). Lefevre Saint-Remi lui-même confirme, 
Contre sa propre assertion, Topinion que nous avons suivie, 
quand il dit que, plusieurs voulant poursuivre les Français, le 
régent nele voulutpas souffrir «pour le doubte desembuscbes. > 
Honstrelet (II, 68) se borne à dire qu'ils « se deslogèrentlesuns 
de devant les autres sans plus rien faire, » t. IV, p. 389. Il 
■ne se serait pas exprimé de la sorte, si les Français s'étaient 
retirés par peur des Anglais. 

Page 159, note 1. 

Beauvais : Chron., chap. lx, et t. IV, p. 190 (Journal).- — 
CompUgne : Chron., chap. lxi, et t. IV, p. 23 (Cagny); p. 47 
(Berri); p. 80 (J. Charlier); p. 196 (Journal). 

Page 160/ note U 
Senlis : mêmes auteurs. 

Ibid., note 2. 

Négociation avec le duc de Bourgogne : Charles VII avait en- 
voyé au duc de Bourgogne son chancelier l'archevêque de 
Reims, les sires d*Harcourt, de Dampierreet deGaucourt,etc.Il 
déclarait par leur organe qu'il était âisjposé à faire des répara- 
tions (pour le crime de Hontereau), même plus qu'il ne con- 
vient à une majesté royale. (Honstrelet, 11,67.) — IHspasilicms 
favorables des conseillers du due: Und. — «Et mesmement ceux 
de moyen et de bas estât y estoient si affectés, que dès lors- 
ils s'empressoient autour du chancelier pour obtenir de lui 
des grâces , des lettres de remission, comme si le roi fût ple- 
nement en sa seigneurie. » Ibid. — Efforts du régent pour le re- 
tenir: ibid.f 69. — Ambassade du duc au roi : ibid. — Trêves: 
iWd., et Procès^ t. IV, p. 47 (Berri); cf. dom Plancher, Hist. 
de Bourgogne^ t. IV, p. 133 et suiv., et Preuve, n» 70.— 

Auquel, par traité fait audit Compiègne, le 38 dudit 

mois d'aoust [1429] avoit esté accordé trêve jusques au jour 
de Noël, prorogée depuis de trois mois, piendant laquelle» la 



NOTES/ 311- 

dicte ville de Compiègne seroit mise es mains dudit duc ou de 
ceulx qui seroient pour ce par lui commis. » T. V, p. 174. (Hë- 
iBoire k consultersur Guili. de Flavy, rédigé seulement ¥ers le 
temps de Henri II, mais sur des doeumenta aulhentiqiiea.) 

Page 161, soie 1. 

Soumission des places de V Ile-de-France: t. IV, p. 391 (Mous- 
trelet, II, 70). — A Abbeville, le maire et les écbevins mettent 
en prison deux hommes qui avaient outragé le nom de la Pu-, 
celle, t. V, p. 143. — Départ de Compiègne ; t. IV, p. 24 
(Gagny). 

' Ibid., note 2. 

Ibid.^ p. 25. C'est sans aucun fondement que P. Oochon, 
dans sa Chronique normande^ chap. u, porte à trente ou qua- 
rante mille hommes les troupes menées par le roi devant 
Paris. Le bourgeois de Paris est aussi fort suspect d*exa- 
•gération quand il compte douze mille hommes, ou plus, à Tas- 
saut du 8, t.*IV, p. 464. 

Page 162, note 1. 

Bedford en Normandie : Chron., chap» lu, et t. IV, p. 25 
(Gagny); p. 47 (Berri); p. 87 (J. Char lier); p. 197 (Journal); 
P. Cochon, Cyirorunorm.,chap. xux. — Richemond en Norman^ 
dk ; t. ly, p. 377 et 391 (Moustrelei, II, 63 et 70) : < [Bedford] 
â*en alloiten Normandie pour eombaHre leeonnestable, lequel 
versÈvreux travilloit fort le pays. » 

Page 163, notell. 

Préparants de défense à Paris: t. IV^ p. 454,455 (Glem. de 
Fauquemberque); p. 463 (Bourgeois de Paris). 

Page 164, note 1. 

T. IV, p. 25, 26 (Gagny). — Le moulin dont il est question 
Àaii, selon toute apparence, sur la banteur oti' &*é)ève anjonr- 
d'hiiî l'église de Notre-Dame de Beue^Nouvelie. 



312 NOTES, 

Page 164, note 2. 

Attaque du! septembre : ^\U la cuidoient prendre, mais 
peu y conquestèrent, si ce ne fut douleur, honte et meschef; 
car plusieurs' furent navrés (blessés) pour toute leur vie qui, 
par avant l'assaut, étoient tous sains, mais fol ne croit jà tant 
qu*il prend. Pour eux le dis qui estoient pleins de si grand 
malheur et de si malle créance. Et le dis pour une créature 
qui estoit en forme de femme aveceux,queon nommoit la Pu- 
celle. Que c*estoit, Dieu le sait. » T. IV, p. 464. 

Page 166, note 1. 

L'assaut du 8 septembre: «Inlerroguéë se quant elteala de- 
vant Paris, se elle Feustpar révélacionde ses voix de y aller: 
respond que non; mais à la requeste des gentils hommes qui 
vouloient faire une escarmouche ou une vaillance d'armes; et 
avoit bien entencion d'aller oultreet passer les fossés. > T. I, 
p. 147 (Interrog. du 13 mars). Cf. p. 250. — Porte Saint-Ho- 
noré : L'ancienne rue des Remparts, près le théâtre Français, 
indiquait le voisinage des remparts en cet endroit. — Particu^ 
larités de l'assaut : Chron., chap. lxi, et t. IV, p. 26 (Cagny), 
p. 87 (J. Chartier); p. 198 (Journal); p. 457 (Clem. de Fau- 
quemberque): «Et hastivement plusieurs d'iceulx estans sur la 
place aux Pourceaux et environs près de ladicle porte (Saint- 
Honoré), portant longues bourrées et fagots, descendirent et se 
boutèrent es premiers fossés, esquels point n'avoit d'eaue, et 
gettèrent lesdites bourrées et fagots dedans l'autre fossé pro- 
chain des murs, esquels avoit grant eaue. Et à celle heure y 
ot dedans Paris gens affecté^ ou corrompus , qui eslevèrent 
•une voix en toutes les parties de la ville de ça et de là les 
pons, crians que tout estoit perdu,» etc. Cf. le Bourgeois de Pa- 
ris (t. IV, p. 465, 466) , qui rappelle Judith et Holopheme (la 
Pucelle pour lui n'est pas Judith). On peut laisser à sa charge 
toute une moitié de la sommation qu'il prête à la Pucelle. Cf. 

t. I,p. 148. 

Page 167, note 1. 

Nouveau projet d! attaque j etc.: t. IV, p. 27 (Cagny). Mons- 
trelet (II, 70), qui doit être moins bien informé, mentionne la 



NOTES. 313 

soumission du sire de Monlmorenci pendantle séjour du roi à 
Compiègne [Procès^ t. IV, p. 391). 

Page 168, note 1. 

Pont de Saint^Denis : t. IV, p. 28 (Cagny). — Intronisation à 
Saint-Denis^ et Th. Basin, Histoire de Charles VII, liv. H, 
cliap. xm. — On a accusé Perceval de Cagny de partialité, mais 
il n'est pas le seul qui ait ainsi jugé l'affaire de Paris. Berri 
rapporte à La Trémotille Tordre de renoncera l'attaque (t. IV, 
p. 47). Le Journal du siège d'Orléans dit : « £t certes au- 
cuns dirent depuis que se les choses se feussent bien con- 
duites, qu'il y avoil bien gran te apparence qu'elle en fust 
venue à son vouloir ; car plusieurs notables personnes estans 
lors dedans Paris, lesquels cognoissoient le roi Charles, sep- 
tième de ce nom, estre leur souverain seigneur, lui eussent 
faiçtplainière ouverture de sa principale ci (é de Paris. » T. FV, 
p. 200. Et P. Cochon dans sa Chronique normande (chap. u) : 
«Et croy que ils eussent gaigné la dicte ville de Paris, si l'on 
teseustlaissié faire. »T.IV,p.343. Cf.Chron.,ehap.LXiet Lxn. 

Page 169, note 1. 

Lecryde France : 1. 1, p. 119.— Retraite du roi : t. FV, p. 29 
(Cagny); p. 48 (Befri); p. 89 (J. Chartier); p. 201 (Journal). 

Page 170, note 1. 

Leduc de Bourgogne à Paris: Monslrelet, II, 73; Bourgeois 
de Paris, p. 398 (Édit. Buchon); cf. Procès, t. IV, p. 48 
(Berri), et p. 201 (Journal); Godefroy, Vie de Charles VII, 
p. 332 (Abrégé chronol., 1400-1467); P. Cochon, Chronique 
normande, chap. ui.—Lieutenance du royaume : Registres du 
parlement, t. XV, (Archives imp.). L'investiture de la Cham- 
pagne au duc de Bourgogne fut ratifiée par le conseil l'année 
suivante, au moment de rentrer en campagne (9 mars 1430). 
Rymer, t. X, p. 454. Sur cette^ opposition constante du parti 
dominant à la Pucelle, voy. M. J.Quicherat, Aperçus nouveaux, 

§ 4, p. 30 et sûiv. 

Page 172, note 1. 

ImpresHon de Véchec de Paris : t. IV, p. 466 (Bourgeois de 



3L4 .MITES. 

Pftris). — Ce qu*mdU Jmnw dCArc. : * Ex ne fut centra ne par 
le commandement de ses voU.»T.I,*p- 169. Cf. p. 147. — SaàM- 
Denis : « Quod vox dixit si quod maneret apud villam Sancti 
Dionyâii in Francia; ipsaqae Jt^àmia ibi manere volebat; sed 
contra ipsiiifiVûluDtalejnDoiiiini eduxerynt eam. »Ibid.^ p. 57. 

P4ge J72, BCte 3. 

Ltttre du roi aux habitants de Troyes (23 septembre) , t. V, 
p. 145 (extrait des legistres de la TÎIle). — Avec oetle lettre est 
inentionnée-iine lettre de Jeanne écrite la Teille, où elle aa- 
• BOQce aux habitants qa'elle a été blessée devant Paris. 

Page 173, acte 1. 

Le due iTAlençon: t. IV, p. 30 (Gagny). — « Qaand le roy se 
troara audit lieu de Gien, lui et eealx qui le gouvemoient fi- 
rait semblant que ilz fussent eomptens du Toyage que le rey 
a?oit fait ; et depuis de longtemps après, le roy n'entreprint 
plas nulle chose à faire sur ses ennemis où il Yousîst estre en 
personne. On pourroit bien, dire que ce estoit par son (sot?) 
conseil, se lui et eulx eussent voulu regarder la très-graut 
grâce que Dieu avoit fait k lai et II son royaulme par Ventre- 
prinse de laPuoelle, message de Di^u en «esie partie, comme 
par ses fmu povoit estne aperceu. Elle fist choses incréaUes à 
ceulx qui ne Tavoient veu; et peult-on dire que encore eust 
fait, se le roy et son conseil se fussent bien conduiz et mainte- 
nue verê elle. > T. IV, p. 30 (Gagny). 

Étrepagny ( septembre ) ; Tord (26 octobre) : P. Codion , 
Chron. norm.^ cliap. lu et un. 

Page 174, note 1. 

Le roi sur la Loire : t. IV, p. 31 (Cagny). — les Anglais à 
SmsU'Dems^ etc. : t. IV, p. 89 <J. Ghartier). — Détresse de 
Paris: Bourgeois de Paris, p. 399 (éd. Bucbion). 

Page 175, Bote 1. 

Places de V ennemi sur la Loire : t. III, p. SI 7 (d'Aal(m); cf. 
t. IV, p. 181 (Journal du siège); t. V, p. 148 (Lettre du sire 
d*Albrel aux habitants de Riom). 



ffOTES. 315 

Pag« 176, notelf 

Saint-Pierre^^Moustier : U III, p. 218 (d'Âttlon); p. 23 
(Thierry) ; cf. t, I, p. 109. 

Page 177, note 1. 

« 

La Charité. Lettn de Jeam/ne aux habitant» de Riom ; Yoy. 
«ixAppend.,n'' X,ei-des8«8, p. 246. — A la lettre de Jeanne 
était jointe une lettre du sire d'Albret. Il y touche pins expres- 
sément aux intérêts de commerce qui doivent déterminer les 
villes à d«& sacrifices. Ibid., p. 148. Jeanne et le sire d*A1bret 
avaient adressé de semblables messages à Glermont-Ferrand 
tt probablement à d'autres villes. On a la note des envois faits 
par Ciermont-Ferrand. Ibid., p. 146. — Bourges (24 novem- 
bre 1429): On y engage « la ferme du treizième du vin vendu 
en détail en ladîcte ville de Bourges. »T. ,V, p. 357. — 
Orléans : « A Jacquet Compaing pour bailler à Fauveau et h 
Gervaise le Fèvre, joueurs de coulevrines pour aller audit lieu 
9 1. 12 s. p. — A lui pour argent baillé à 89 compaignonsenvoiei 
audit lieu de par la ville, k chacun d'eux, 4 l., etc. » Ibid,, 
p. 269. 

Levée du siège : « Pour ce que le roy ne fist finance de lui 
.envoyer vivres ne argent pour entretenir sa compaignie, luy 
convint lever son siège et s*en départir \ grant desplaisance.j» 
T. IV, p. 31 (Cagny). Le héraut Berri n'est pas moins fort, et 
il en rejette toute la responsabilité sur La Trémouille. Rappe- 
lant la proposition du duc d'Alençon touchant la Normandie : 
«Mais le sire de LaTrémoille ne le voulutpas, mais l'envoya 
avec son frère le sire de Lebret (Albret), au plus fort dériver, 
et le maréchal de Boussac, à bien pou de gens devant la ville 
de la Charité, et là furent environ un mois, et se levèrent hon- 
teusement sans que ce secours venist à ceux de dedens; et y 
perdirent bombardes et artilleries.» T. IV, p. 48. 

é 

Ibid, , note 2, 

Anoblissement de Jeanne : « Karolus, Dei gratia Franco- 
rumrex, ad perpetuam rei memoriam. Magnificaturi divinae cel- 
situdinisuberrimasnitidissimasque celebri ministcrio Puelte, 



316 NOTES. 

Johannse Darc.de Dompremeyo , chars et dilecUe nostr», de 

BalliviaCalvi Montis, seu ejus ressortis, nobis elargitas... No- 

turii facimus.... quod nos.... considérantes insuper laudabilia 

grataqae et commodiosa servitia nobis et regno nostro , (am 

per dictam JohannamPuellam,multimode impensa, etquod in 

futurum impendi speramus, prœfatam Puellam, Jacobuni Darc 

dicti loci de Dompremeyo, palrein;Isabeliam ejus uxorem, 

malrem, Jaoqueminum, et Johannem Darc et Petrum Prerelo 

fratres ipsius, et totam suam parenteiam et lignagium, et in 

favorem et pro contemplatione ejusdem, etiam eôrum posteri- 

tatem masculinam et femininam, in legitimo matrimonio 

natam et nascituram nobilitavimus et per présentes de gratia 

speciali nobilitamus et nobiles f^cimus, aliorum nobiiium ex 

nobili stirpe procreatorum consorcio aggregamus ; non ofostante 

quod ipsi, ut dictum est, ex nobili génère ortum non sump- 

serint, etforsanalteriusquam llberœ conditioni8éxistant,etc. » 

Yallet de Vir., d* après la copie gardée aux Archives, sect. bis- 

tor.K. 63, n» 9. Bibl. de TÉc. des Charles, 1854, 3* série, t. V, 

p. 277. H. Yallet de Viriville croit que la concession des armoi- 

ties fut jointe k Taçte d'anoblissement et que ces armes furent 

données à Jeanne comme à ses frères. Il induit ce dernier fait 

de ceque Barri (roi d'armes, comme on sait,) sous la date 1429, 

rappelle Jeanne Du Lys dans le manuscrit 9676, 1, A de la 

Bibl. impériale {Nouvelles recherches^ p. 29). Si ces armes 

furent données à la Pucelle, au moins ne les a-t-elle jamais 

portées. — Les villes d'Orléans et de Montargis reçurent aussi 

vers' cette époque , par divers privilèges, la récompense de 

leur bravoure et de leur dévouement: Orléans, 16 janvier,tet 

février ; Monlargis, mai 1430 {Ord \ t. XIII, p. 144, 150 et 167). 

Page 178, note \. 

Jeanne à Bourges : t. V, p. 155 ;— à Sully : ibid.y p. 160 et 
162; — à Orléans : c A Jehan Morchoesne pour argent baillé 
pour Tachât de six chappons, neuf perdrix, treize congnins 
(lapins) et cinq fesans présentés à Jehannela Pucelle, maistre 
Jehan de Sully, mai&tre Jehan de Rabateau et monseigneur 
de Mortemar, le xix* jour de janvier : 6 1. 12 s. 4 d. p. — A 
Jacques Leprestre pour 52 pintes de vin aux dessus dits k 



NOnSS. 317 

deux repas ledit jour, 52 s. p. (Il n*e8t pas besoin de faire 
obserrer que toute la suite de Jeanne et de ces seigneurs prend 
sa part aux deux repas) ; — à Isambert Bocquet, cousturier 
pour un pourpoint baillé au frère de la Pucelle, 29 s. p.sT.V, 
p. ^70.-- Marguerite de La Tou/raulde:X. III, p. 86 et suiv. 

Page 179, note 1. 
- Catherine delà RacheUe : 1. 1, p. 107, 108; cf. p.ll9. 

Page 180, note 1. 

Opinion de Jeanne sur Catherine : ibid.^ p. 108. 

C'est à cette époque qu'il faudrait rapporter une lettre de 
Jeanne aux Hussites, datée deSuUy (3 mars 1430), et publiée 
en allemand par M. de Hormayr en 1834 (voy. Procès^ t. V, 
p. 156). Mais cetC6 lettre, par le style comme par tout le reste, 
n'a aticun des caractères de celles que l'on a de Jeanne. Ce 
n'est pas Jeanne qui aurait dit, par exemple, aux Hussites : 
« Si je n'apprends bientôt votre amendement, je laisserai 
peut-être les Anglais et^me tournerai contre vous pour vous 
arracher l'hérésie ou la vie. » La réputation de Jeanne en Al- 
lemagne était grande : il est très-probable qu'on y aura fabri- 
qué cette lettre en son nom. L'allusion qu'y fait Jean Nider 
{Procès, t. IV, p. 503) peut se rapporter à une pièce fausse, 
tout aussi bien qu'à une pièce authentique. Jeanne songea à 
une grande entreprise en dehors de la guerre des Anglais, 
mais cela même se rattachait à sa mission : c'est la croisade 
où elle les invitait, dans sa première lettre, avant de les com- 
battre, afin d'offrir une autre carrière à leur ambition et de 
transformer la rivalité des deux peuples en une rivalité de gloire 
au profit de la chrétientétout entière. Les Anglais refusant, elle 
n'eut plus qu'une pensée et un but,c'est de les chasser de France. 

Ihid. j note 2. 

La trêve avec le duc de Bourgogne : Moustrelet, II, 72 et 74 ; 
cf. t. V, p. 175 (Mémoire à consulter sur G. de Flavy), 

Page 181, note 1. 

Lettres de la Pucelle aux habitants de Reims (16 et 28 mars 
1430). Voy. aux appendices, n^ XI, ci-dessus, p. 24 7« 
I 21 



318 NOTES. 

Page 181 , note 2. 
Départ de Jecmne : l. IV, p. 32 (Cagny). 

Page 183^ note 1. 

LouvierSf Château-Gaillard^ Torcy: Th. Basin,Hû^t2e Ch, Vll^ 
liv. K, chap. xiv; P. Cochon, Chron. norm.^ua-Lv; cf. Monstre- 
let,II, 78. — Situation de Paris: Journal du Bourgeois de Paris^ 
p. 399. — La princesse de Portugal : ibid.^ p. 400. On a dans 
Rymer rordonnancement des dépenses que sa réception inat- 
tendue en Angleterre a causées (16 décembre 1 429), t. X, p«4d6 . 

— Fêtes du mariage du ducdeBcmrgognô: Monstrîdet, H, 77 el 
78. C*est kcelte occasion qu'il institua la Toisond^or. — Con^ 
spiratUm à Paris : Journal du Bowrgeois, pr. 399 ei suiy. — 
Les Français à Sainl^Dems et à Saint-Maur : Md. 

[bid'f note 2. 

Départ de Jeanne : t. IV, p. 32 (Cagny). — Prédiction de sa 
captivité : 1. 1, p. 115. — Lç château de Melun avait été tout 
récemment occupé par les Français, avec le concours des ha- 
bitants. 

Page 184, note 1. 

Franquet d'Arras: t. IV, p. 399 (Monstrelet, II, 84), et p. 44S 
<Chastehin); cf. p. 32 (Cagny); p. 91 (J. Chartier). Monstrelet et 
Chastelain portent les Anglais à 300, les Français h 400, et 
ilisent qu*après un combat doateux la Pucelle fit venir tonte 
la garnison de Lagny. Perceval de Cagny dit que les Français 
étaient en moindre nombre que les Anglais et qu*il périt 300 ou 
40O Anglais; J. Chartier, que les Français n^étaient guère plus 
que les Anglais et que ces derniers furent tous tués ou pris. 

— Sur la mort de Franquet d'Arras, il faut suivre la déclara- 
tion de Jeanne d'Arc, 1. 1, p. 156; cf. p. 264. 

Page 185^ note 1. 

Terrmr inspirée par la Pueette : c Tantus enim ex aelo Poells 
nomine earom aniiws paror incesserai» ut sacrannento magne 



NOTES. aw 

eorumplurimifirmarentyquodjSoloeo audito aut ejus conspec- 
lis signis, nec reluctandi vires animamque, vel arcus exten- 
dendi et jacula in hostes torquendi, seu feriendi, uti soliti par 
prius fuerant, uHo modo assumere possent. » (Th. Basin, HisL 
de Ch. YII, liv. Il, chap. xi.) — « Le nom de la Pucelle es toit si 
grant jà et si fameux, que chacun la resongnoit comme une 
chose dont on ne savoit comment jugier, ne en bien, ne en 
mal; mes tant avoit fait jk de besongnes et menées à chief, 
que ses ennemis la doubtoient, et Taouroient ceulx de sou 
party, principalement pour le siège d*Orliens, là oîi^elle ouvra 
merveilles ; pareillement pour le voyage de Rains, là où elle 
mena le roy coronner, et ailleurs en aultres grans affaires, 
dentelle prédisoit les aventures et les événemens.» T.IY, 
p. 44â (Chastelain); cf. p. 32 (Cagny). — Passage de Henri VI en 
Fra^ice, etc.: Journal du Bourgeois, p. 405 et 407, et divers actes 
dans Rymer, t. X, p. 449, 450, 452. — Édit contre les capU' 
taines, etc.: Rymer, ibid.,f. 459, etM. J. Quicherat, Procès, 
t. V, p. 162. 

Page 186, note 1. 

Compiègne :\oy. ci-dessus, 160. Le duc de Bourgogne ayant 
réuni ses troupes vint à Péronne, où il célébra la fête de Pâques 
{c'était le terme de la tréve,17 avril);de là il vint à Montdidier, 
et de Montdidier à Gournai-sur-Aronde. Monstrelet, II, 81 et 
82 ; ProcèSy t. V,p. 174, 175 (mémoire sur Flavy). — Gour- 
nai-mr'Arondey Choisy : ibid. 

Page 187, note 1. 

Pontée Évique: ibid.,ei t. lY, p. 437(LefebvreSaint-Remi); 
p. 50 (Berri). Jeanne déclare qu'elle n'y alla point par le con- 
seil de ses voiï, et que depuis la prédiction de sa captivité 
« elle se raporta le plus du fait de la gcterre à la vouletité de» 
cappitaines. » T. I, p. 147. — Soissons : t. IV, p. 50 (Berri); 
cf. 1. 1, p. 111; t. IV, p. 32 (Cagny), et 1. 1, p. 114. 

Ibid.y note 2« ^^ 

Entrée de Jeanne à Compiègne : t. IV, p. 32 (Cagny). 



320 NOTES. 



Page 188, note 1. 

Sittuition de Compiègne : Voy . l'exposé très-net de M. J. Qui- 
cherat, Aperçus nouveaux^ p. 85 et suiv. 

Ibid, y note 2. . 

Jeanne à Compiègne : •« Interroguëe quant elle fust venue 
à Compaigne , s*eile fut plusieurs journées avant qu'elle fist 
aucune saillie : respond qu'elle vint à heure secrète du matin, 
et entra en la ville sans ce que ses annemis le sceussent gueires 
comme elle pense ; et ce jour mesmes, sur le soir feist la saillie 
dont'elle fut prinse. » T.I, p. 114. Lefebvre Saint-Remi (t. IV, 
p. 333) et G. Chastelain {ihid,, p. 443) disent que Jeanne y fut 
deux nuits et un jour, et qu*elle y prédit la défaite des Bour- 
guignons et des Anglais, voire même la prise du duc de Bour- 
gogne. Mais ces bruits, recueillis par eux, n'ont aucune va- 
leur ; s'ils avaient eu le moindre fondement, on en aurait parlé 
au procès pour la confondre dans ses prédictions. 

m 

Page 189, note 1. 

Sortie de Compiègne : c Et ala avec la compaignie des 
gens de son parti sur les gens de Mgr de Luxambourg et le 
rebouta par deux fois jusques au logeis desBourguegnons, et à 
la tierce fois jusques à my le chemin, et alors les Anglois qui 
là estoient coupèrent les chemins à elle et à ses gens, entre 
elle et le boulevert; et pour ce, se retrairent ses gens; et elle en 
se retraiant es champs en costé, devers Picardie, près du boule- 
vert, fut prise; et esloitla rivière entre Compiègne et le lieu où 
elle fut prinse; et n'y avoit seullement en ce lieu où elle fut 
prinse et Compiègne, que la rivière, le boulevert et le fossé 
dudit boulevert. » T. I, p. 116 (déclaration de Jeanne); cf. t. IV, 
p. 401 (Monstrelet,II, 86); p. 439 (Lefebvre Sainl-Remi), et 
p. 446 (Chastelain). — r « Dont la Pucelle passant nature de 
femme, soustint grand fès^ et mist beaucoup de peine à sauver 
sa compagnie de perte, demorant derrier, comme chief et 
comme la plus vaillant du troppeau. » 



NOTES. 321 

Page 190, note ']. 

« 

Prise de la PuceUe : t. IV, p. 34; (Cagny) ; p. 439 (Lefebvre 
Saint-Remi). Cf. t. V, p. 167 (Lettre du duc de Bourgogne aux 
habitants de Saint-Quentin, datée du jour même). — Monstre- 
let {ibid,, p. 401) et 6. Chastelain (ibid., p. 447) disent qu'elle 
se rendit au bâtard de Wandonne. Cf. t. V, p. 177 (Mémoire 
sur Flavy). 

Page 191 , note 1 . 

T, IV, p. 272. Passioii de Jeanne : Le rapprochement que 
ce mot implique a déjà été fait par l'Âbréviateur du procès de 
Jeanne d'Arc, quand il dit de ses juges: < Ne se monstrèrent 
pas moins affectés à faire mourir la dicte PuceUe, que Cayphe 
et Anne et les scribes et pharisées se monstrèrent affectés à faire 
mourir Nostre Seigneur. » (T. IV, p. 265.) 

Page 192, note 1. 

Qu'elle ne savait ni le jour ni Vheure ; t. ï, p. 1 1 5 ; cf. t. ITT, 
p. 200 (P. Daron). — Crainte vague de trahison: Quand Gé- 
rard d'Ëpinal la vit à Châlons pendant le voyage de Reims, 
elle lui disait qu'elle ne craignait rien qu'un traître, t. II, 
p. 423. Voy. M. J. Quicheral, Aperçus nouveaux^ §§ 8-10, p. 77 
et suiv. ^H.ysWei dey ïviviWe {Bibliothèque deVéèole des Chartes^ 
1855, 4* série, 1. 1, p. 151 et suiv.) a signalé un autre témoi- 
gnage surjette crainte de trahison exprimée par la PuceUe k 
Gompiègne; mais ici ses appréhensions sont surtout pour la 
ville. Jean Le Féron, héraldiste et historien du xvi® siècle, a 
écrit sur un exemplaire des ilnna^e^ d'Aquitaine de Jehan Rou- 
chet (Bibl. impér. réserve, in-fol. L, 359), en marge du cha- 
pitre intitulé: La Puçelle trahie et vendus : « Ladite PuceUe 
estoit logée au logis du procureur du roy dudit Gompiègne, à 
l'enseigne du Bomf, et couchoit avec la femme dudit procu- 
reur, mère grand de msistre Jehan Le Féron, appelée Marie 
le Boucher, et faisoit souvent lever de son lit ladite Marie, pour 
aller avertir ledit procureur que se donnast de garde de plu- 
sieurs trahisons des Bourguignons, l'espace de sept mois 
sept jours, et fut ladite PuceUe prinse sur le pont de Marîgny 
par ledit de Luxembourg. )> 



3S9 IWTfiS. 

Pà$^ 193, note 1, 

L'AnnaUsUdeMetZj t. IV, p. 323, et M. J, Quicberat, Aperçus 
nouveûWy p. 90. 



LIVRE CINQUIÈME. 



ROUEN. — LES JUGES. 



Page 198, note 1. 

Jeanne à Margny : t. IV, p. 402 (Monslrdet, II, 86) : 
a Oheuxde lapartie de Bourgogne et lee Anglois en furent moult 
joyeux, plua que d'avoir prins cinq cens combatans : car ila 
ne cremoient, ne redoubtoient nul capitaine» ne aultre chief de 
guerre, tant comme ih avoient toujours fait jusques k che 
présent jour ycelle PuceUe«9***vl Beaulieu: ibid.^ et p. 34 (Ca- 

Page 199, note t. 

Nouvelle de la prise de Jeanne à Paris : t. IV, p. 458 (Clém. 
de Fauquemberque, greffier du parlement). — ûtîre de l'Uni* 
versité : « Que cette femme diète la Pucelle fust mise es mains 
de la justice de TËglise, pour luy faire son procès denemenr 
sur les'ydolatries et autres matières louchans nostre sainte 
foy.»— îeWre de VInquisiteur:ihid.y p. 12. — Premier refus de 
Jean de Luxembourg^ et idée de recourir à Vévéque de Beau- 

vais : t. IV, p. 262 (Abrév. du Procès). 

Page 209, note 1. 

PXauclwn: note de M. J, Quicherat au 1. 1, p. 1, du Procès, 
et Aperçus nouveaux ^ p. 98 ; t. H, p. 360 (P. Miget), et t. IV, 



KOTES. 323 

p. â62 et 263 (Abrér. du Procès). Le goiiTenieinent d'Angle-- 
terre élait ai insUmee près du pape pour faire obtenir k TÊrC» 
que de Beautaia le si^e de Ronefi (.15 d^mb. 1489). Ry- 
jBier, t. X, p. 438. 

LsUre de VUmoemU : 1. 1, p. 8 et 10. 

Requête derèvêquedeBeauvais ;«.... Combien que la prinse 
d'icelle femme ne soit pareille à la prise de Roy, princes et 
autres gens de grand estât (lesquels toutes voies se prins es- 
toieot, ou aveun de td estât, fuat Roy, le Daulphia ou autres 
princes, le Roy le pourroît avoir, se il vouloit, en baiHantou 
preneur dix mil francs, selon le droit usage et coutume de 
France. »iMd.,p. 13, et le procès-verbal de la som'mati<»>,fdid.^ 

p. 15. 

BigeSOft, notai. * 

Lettre de Régn. de Chartres: l. V, p. 168. — JeanRogier, qui 
en donne rextrait,dit que, de son temps, elle existait en origi- 
nal aux archives de Thôtel de ville de Reims. Ce l>erger fut 
pris dans une embuscade près de Beauvais avec Xaintrailles 
(août 1431), et mené à Rouen, puis à Paris, lié de bonnes cordes^ 
comme un larron. Lefebvre de Saint-RemI ajoute qu*il a ouï dire 
qu'il fut jeté à la Seine. Yoy. les fragments du Bourgeois de 
Paris et des autres historiens sur ce sujet. Procès, t. V, p. 170- 
1 73. — A répoque où Jeanne fut prise, le roi n^avail de Targent 
et des troupes que pour soutenir La Tréniouille contre Riche- 
mont. (Voy. mém. de Rich, p. 757 (Éd. Godef.). On n'a de 
trace de quelque pensée de délivrer Jeanne que dans les 
craintes exagérées de rUniversité de Paris : « Mais doublons 
moult que par la faulceté et séduccion de Tennemy d'enfer et 
par la malice et subtilité des mauvaises personnes vos enne- 
mis et adversaires qui mettent toute leur cure, comme Ten 
dity à vouloir délivrer icelle femme par voyes exquises, elle 
soit mise hors de votre subjeceion par quelque manière, que 
Dieu ne veuille permettre. » T. I, p. 9 (lettre au due de 
Bourgogne portée par l'évéque de Beauvais}. 

Page 204, note 1. 

Vévêque de Beauvais ; « Quem vidit reverti de quœrendi 
eam et referentem legationem suam régi et domino de War-» 



^24 NOTES. 

wîck, dicendo lœtanler et exsuUanter quasdam vérba quae non 
intellexit, et postmodum locutus est in secreto dicto domino de 
Warwick. » T. II, p. 325 (N. de Houppeville). — Le jeune 
roi d*Angleterre était depuis plusieurs mois déj& venu en 
France (25 avril). Il fit son entrée à Rouen (le 29 juillet). P. 
Cochon, Chron. norm.^ chap. lvi. 

Levée de Vargenlj etc. : 3 septembre, lettre de Th. Blount, 
trésorier, et de P. Sureau, receveur général, en vertu de 
lettres du roi du 2 sept., ayant pour objet de lever, avant le 
dernier jour du mois, la somme de 80000 livres tournois oe* 
troyées par les gens des trois États de Normandie, et pays 
de conquête en l'assemblée de Rouen « au mois d'août der- 
nier; pour tourner et convertir c'est à savoir 10000 1. tournois 
(73 501 fr.78 c.) au payement de l'achat de Jeanne la Pucelle.» 
T. I, p. 1 79. — 24 décembre : Thomas Blount écrit à P. Sureau 
de faire acheter des deniers de la recette 2636 nobles d'or 
de deux sous, et un denier sterling, monnaie d'Angleterre, pour 
payer J. Bruyse, garde des coffres du roi, selon les ordres du 
prince. — 6 décembre: J. Bruyse déclare avoir reçu de P. Sureau, 
« 5249 livres 19 sous, 10 deniers obole tournois, pour le pour- 
payage de 2636 nobles d'or de 2 sous, 6 deniers sterling qui, 
par lettres du roi du 20 octobre dernier passé, m'ont été or- 
dés être payés et restitués par ledit receveur ; pour ce que par 
l'ordonnance du roi, je les avoye bailliés des deniers de sesdilz 
coffres et trésors pour employer en certaines ses affaires tou- 
chant les 10000 1. tournois payées par ledit seigneur, pour 
avoir Jeanne qui se dit la Pucelle.» T. V, p. 190; cf. t. II, p. 200 
(requête du promoteur à la réhabilitation). 

Page 204, note 2. 

Beaulieu : « Requise de dire la manière comme elle cuida 
eschapper du chastel de Beaulieu, entre deux pièces de boys : 
respond qu'elle ne fut oncques prisonnière en lieu qu'elle se 
eschappast voulentiers ; et elle estant en icelluy chastel eust 
confermé ses gardes dedans la tour, n'eust été le portier qui 
la advisa et la rencontra. » T. I, p. 163. 



NOTES. aâ5 

Page 205, note 1. 

A Beaulieu ; quatre mois : t. IV, p. 34 (Cagny). — A Beau^ 
revoir : Elle y fut quatre' mois environ : 1. 1, p. 110; trois mois : 
t. n, p. 298 (Manchon); t. IV, p. 402 ; Monstrelet, II, 86. 
— Reftbs de vêtements de femme : t. I, p. 95; cf. p. 230. — 
Tentatives libertines : c Et tentavit ipse loquens pluries, cum 
ea ludendo, tangere mammas suas, nitendo ponere manus in 
sinu suo : quod tamen pati nolebat ipsa Johanna, imo ipsum 
loquentem pro posse repellebat. » T. ni, p. 121 (Haimond de 
Macy). — Crainte qu'elle ne s'échappe : t. IV, p. 262 (Abrévr. 
du Procès). 

Page 206, note 1. 

5ati« du /laur de ta ïour: 1. 1, p, 1 10 et 1 50-lt2, et M. J. Quiche- 
rat, Aperçus nouveaux, p. 56, — Jeanne risquait sa vie, mais 
cela .n*a jamais pu être pris que par ses juges pour une in- 
tention coupable, à quelque degré que ce fût, de se tuer. Si 
elle dit dans le Procès, « qu'elle fut deux on trois jours qu'elle 
ne vouloit mengier, » cela s'explique par ce qui suit, « etmesme 
aussi pour ce sault fui grevée tant qu'elle ne povoit ne boire ne 
mangier. » Si on a relevé au procès-verbal ce prétendu acte de 
volonté, c'est par une insinuation que JeiTnne repousse hau- 
tement, et dont il est facile de faire justice. Nous y revien- 
drons au procès. 

Délivrance de Çompiènne : ibid,, 152. — Compiègne fut 
délivré le 24 octobre. 

Page 207, note 1. • , 

Jeanne livrée : 1. 1, p. 23. Le duc de Bourgogne venait de re- 
cueillir l'héritage du duc de Brabant (le 4 août 1430), et il 
était en guerre, à* propos de Namur, avec les Liégeois. Voy. 
Monstrelet, II, 89 et suiv. '" 

Page 208, note 1. 

Jeanne à Arras : 1. 1, p. §5, etc.— En quittant Arras elle 
passa par Drugy, t. V,p. 360(Chron. de St.-Riquier, de 1492). 
— Au Crotoy : t. I, p. 89, et t. III, p. 121 (H. de Macy). — 
Refus de vêtements de femme : 1. 1, p. 95 et 231 . — I^ chance- 



386 KOfE». 

lier (T Amiens: t. III, p. 121 (H. de Macy). — Les dames cFAb- 
beviUe : t V, p. 361 (Itinéraire de Drugy à Rouen). 



Page 300, wm u 

* Leti^^ d^ l'Université à Henri YJ: U I» p. 17, 18; — à l'M^ 
que de Beauvais : ihid.^ p. 16. Une Bretonne ncHumëe Pierr 
ronne avait été brûlée à Paris» le 3 septembre, pour s*éfjre 
donnée comme inspirée, et avoir dit, entre autres cboses, que 
dame Jehanne était bonne et que ce qu'elle faisait était bien 
fait et selon Dieu, t. IV, p. 467 (Bourgeois de Paris). 

Page 210, note K 

$ua de Paris : Journal dii Bourgeois, août*octobre 1430, 
p. 408, 411 et 413 (Éd. Buçhon). — Ajoumevhenl du Parlement 
(au 9 décembre). Ordonn.^ t. XIII, p. 159. — En févr. 1431, 
les séances en furent suspendues plusieurs semaines : le gref- 
fier dut interrompre Tson travail^ faute de parchemin. — Z)é- 
fiance pour VUnioersUé : Voy. M.' J. Quicherat, Aperçus noun 
veaux^ p. 97. 

Craintes des Anglais à propos de Loumers : t. II, p. 3 (I. 
Toutmouillé) ; p. ^44 (Manchon); p. 348 (Is. de La Pierre); 
p. 373 (J. Riquier) ; cf. t. Ilï, p. 189, w?.; «Et quia ipsi Ânglîci 
sunt superstitiosi,œstimabaQt de ea aliquid fatale esse. «T. II, 
p. 370 (Tl^. Marie). Interrogé comment il, sait que les An- 
glais sont supertîtieux , il répond que c'est un commun pro- 
verbe (ibid.). Les échecs du parti anglais n'avaient pas cessé 
par la prise de la Pucelle. Compiëgne avait été délivrée (24 oc- 
tobre)^ et le duc de Bourgogne n'avait osé accepter h Ger* 
miny la bataille que lui offraient les Français, Vers le n>ême 
temps Barbazan avait battu une armée bourguignonne près 
de Troyes ; Gaucourt avait défait le prince d'Orange k Anthon 
près du Rhône. Voy. Moustrelet, les autres chroniqueurs, et 
M. de Barante,Zri5^ des ducs de Bourgogne, t. V, p. 268 et suiv. 

Pourquoi Jeanne plutôt jugée que tuée : Valeran de Varanis, 
auteur du commencement du xvi* siècle, dans un poème 
httin composé sur les actes du proeëS; a très-bien démasqué 
cette politique. Voy. t. V, p. 84. 



NOTES. 3S7 

P>ge Î211, note 1. 

Cagt de fer : Un serrurier, nooimé Gastille, dît à l'huissier 
M assieu qu'il avait coBstruil pour Jeanne une cage de fer où 
elle était tenue et liée par le cou, par les'pieds et lea mains, et 
qu'elle y fut gardée en cet état, depuis le jour où elle fut ame- 
née à Rouen jusqu'au commencement du procès. T. III, p. 155 
(Massîeu). Thomas Marie dit h peu près la même cho§e (t. U, 
p. 371). P* Gusquel, bourgeois de Rouen, vit la cage, qui fut 
pesée chez lui (t. II, p. 306 et 346, et t. III, p. 180) : seuleoaent 
il n'y a pasivu la prisonnière. — Visite de Jean de Lmembovi/rg: 
t. UKp. 122 (H.de Macy). 

Zbid.| Bote 2-. 

droit territorial : 1. 1, p, 80 (Utlres du chapitre)» 

Page 313, note 1. 

Promoteur et assesseurs : M. J. Quicberat, Aperçue nouveaux^ 
p. 105 et suiv., et les notes qu'il a jointes sur chacun de ces 
noms, la première fois qu'ils ps^raissent dans le procès. II y 
eut 95 assesseurs environ qui parurent à diverses fois. On en 
compte quelquefois jusqu'à 60 dans une même séance. — Ac- 
ceplation volontaire des uns, forcée des autres : t. II, p. 325 (N. 
de Houppeville) ,-p. 356 (Groucbet); t. III, p. 131 (P, Migetj. 
— Pour plaire aux Anglais : t. Il, p. 7, et t. III, p. 167 (Lad- 
venu). — Qu'ils n'auraient osé refuser: t. II, p. 340 (Man- 
chon). — /. Tiphaine: t. lU, p. 47 (lui-même). — Le souS" 
inquisiteur: voy. les ?ictes du procès à son égard, 1. 1, p, 33, 
35. 

Menaces : « Sed per aliquos sibi notes fuit ei dictum quod 
nisi interessetj ipso esset in periculo mortis : et hoc fecit corn- 
pulsus per Anglicos,ut pluries audivitadictoMagistriquisibi 
dicebat ; «Video quod nisi procedatur in hujus modi materia 
« advoluntatem Anglicorum, quod imminet mors. »T.III,p. 153 
(Massieu); cf. t. III, p. l67(Ladvenu), et p, 172 (N. de Houp- 
'peville). -T- A^. de HouppeçiUe : Son propre témoignage, t. II, 



328 NOTES. 

p. -326, et t. III, p. 171, 172; cf., t. II, p. 364, et III, p. 166 

(Ladvenu); t. II, p. 370 (Th. Marie) ; p. 348, 349 (la. de La 

Pierre) ; 6. de La Chambre (t. III, p. 50) dit qu'on menaçait 

de le jeter à Teau; Massieu {ibid.^ p. 162), qu'il fut banniavec 

plusieurs autres. Un certain nombre avaient pris la fuite^ t. Il, 

p. 356 (Grouchet). 

Page 213, note 2. 

Intimidation : « Et bene scit quod omnes qui intererant hu- 
jusmodi processui non erant in plena libertaie, quia nullu6 
audebat aliquid dicere, ne esset notatus. » T. III, p. 175(J.Fa- 
bri); cf., p. 130 (P. Migel), etc.— Vote par ^eur: t. II, p. 356 
(Grouchet). — G. delà Chambre : t. III, p. 150 (lui-môme). 
— P. Miget : t. Il, p. 351 (lui-môme) ; Manchon : t. Il, p. 340 
(lui-mômc). — Massieu:.t III, p. 154 (lui-môme). — Le vice- 
inqmsitewr : t. III, p. 167 (Ladvenu). JeanLemaire, qui était 
à Rouen pendant le procès, signale encore, comme ayant couru 
risque de vie , Pierre Morice, Tabbé de Fécamp et plusieurs 
autres, t. III, p. 178. — Plusieurs chanoines de Rouen pa- 
raissent avoir été incarcérés pour avoir fait, en opinant, quel- 
que réserve. T. V, p. 272 ; cf. 1. 1, p. 343. 

Page 215, note 1. 

Vévéque de Beauvais : c Rex ordinavit quod ego faciam 
processum vestrum et ego faciam. » T. III, p. 154 (Massieu). — 
« Quod intendebant facere unum pulchrum processum contra 
dictam Johannam. » T. III, p. 137 (Nanchon). — Le tribunal au 
château : Voy. les procès-verbaux, 1. 1, p. 5, 38, etc. — Solde 
des juges et des assesseurs : A Pierre Cauchon pour 143 jours 
de voyage ayant trait en partie aux négociations qui amenèrent 
Tachât de la Pucelle, du 1^ mai au 30 septembre, au prix de 
cent sous tournois par jour: 775 livres tournois (6423 fr. 55 c.). 
T.V, p. 194. — Au vice-inquisiteur Jean Lemattre, 20 salutsd'or 
(240 fr. 80 c). Ibid.y p. 202 (14 avril 1421). — A. G. Érard, 
31 livres tournois (260 fr. 84 c), à raison de 20 sous tournois 
par jour (8 juin 1431). Ibid.y p. 206. — Aux docteurs de Pa- 
ris, Jean Beaupère, Jacques de Touraine, Nicole Midi, Pierre 
Maurice, Gérard Feqillet, Thomas deGourcelles, plusieurs paye^ 
ments au même taux (4 mars et* 9 avril 1431). Ibid., p. 196 



J 



NOTES. 329 

et 2O0. Dans le règlement définitif, Beaupère figure pour cent 
jours et 100 1. (841 fr. 75); Nicole Midi, 113 1.(951 fr. 16); 
Pierre Morice, 98 1. (824 fr. 93 c.) ; Thomas de Courcelles, 
113 1. (951 fr. 16 c), 12 juin 1431, ibid., p. 208. Thomas de 
Courcelles, qui dit si bien dans sa déposition que le vice^in- ' 
quisiteur a reçu de l'argent (t. III, p. 57), ne parle pas de ce 
qu'il a touché lui-même : c*est la plus forte somme. Jean Beau- 
père, Jacques de Touraine, Gérard Feuillet et Nicole Midi re- 
çurent en outre .100 1. t. (841 fr. 75), pour les fr^is de leur 
voyage à Paris, quand ils vinrent prendre l'avis de l'Université 
pour le procès de la Pucelle (21 avril), ibid., p. 203; Jean 
Beaupère, une indemnité de 30 1. (252 fr. 42 c), en raison 
des frais supplémentaires que lui occasionna l'ajournement 
de.son départ pour le concile de Bâle (2 avril), ibid,, p. 199. 
— Cf. II, p. 317 (Taquel). ' 

Justice sommaire : « Cum aliquis diceret de ipsa Johanna 
quod non placuii domino de Stauffort, ipse dominus de 
Stauffort eumdem loquentem sic insecutus fuit usque ad 
quemdam locum immunitatis cum ense evaginato. » T. III, 
p. 140 (Manchon). — Lettre de Henri VI : « Ordenons et con- 
sentons que toutes et quantes fois que bon semblera audit 
révèrent Père en Dieu, icelle Jehanne lui soit baillée et déli- 
vrée réaiment et de fait par nos gens et officiers, qui l'ont en 
leur garde, pour icelle interroguer et examiner et faire son pro- 
cès selon Dieu , raison et les saints canons.... Toutes voies, 
c'est notre entencion de ravoir et reprendre par devers nous 
icelle Jehanne, se ainsi estoit qu'elle ne fust convaincue ou ac- 
lainte des cas dessusdiz,» elc. (3 janvier 1431) T. I, p. 19. — • 
Délibiration sur la prison : « Qu'en la première session ou in- 
stance, révesque allégué requist el demanda le conseil de toute 
l'assistance, assavoir lequel estoit plus convenable de la 
garder et détenir aux prisons séculières, ou aux prisons de 
l'Église; sur quoy fut délibéré, qu'il estoit plus décent de la 
garder aux prisons ecclésiastiques qu'aux autres; fors, res- 
pondit cest évesque, qu'il n'en feroit pas cela, de paour de 
desplaire aux Anglois. » T. II, p. 7, 8 (Ladvenu), et t. III, 
p. 152 : « Et inter consiliarios tune fuit murmur de eo quod 
ipsa Johanna erat inter manus Anglicorum. Dicebant enim 
aliqui consiliarii quod ipsa Johanna debebat esse in manibus 



330 NOTES. 

Eceiesise; ipse tameii episeopus non cnrabat, sed eam in 
manibus Anglicorum dimisit. > Cf. t. Itl, p. 175 (J. Fabri), 
et p. 183 (Marguerie). — Prison : « In castro Rolomagensi, 
in quadam caméra me^ia ip qua ascendebatur perocto gra- 
dua ; et erat ibidem lectas in qua cnbabat; et erat ibidem qnod- 
dam grossum lignum in quo erat queedam catena ferrea, cum 
qua ipaa Johanna existens in compedibus ferreia ligabatur» 
et claudebatur cum sera apposita eidem ligno. El habebat 
quinque Anglicos miserrimi status, gallice houcepaUlers ^ qui 
eam custodiebant, et multum deaiderabant ipsius Johann» 
mortem, et de eadem saspissime deridebant. » T. III» p. 155 
{Massieu) ; cf. t. H, p. 329 (le même); t. III, p. 161 (G. Colles); 
p. 200 (P. Daron); p. 345 (Gusqnel) ; p. 48 (Tiphaine) , tons 
témoins oculaires. « La prison (dit P. Boucher) avait trois 
clefs, dont l'une était gardée par le cardinal de Winchester, 
l'autre par l'inquisiteur, la troisième par le promoteur, Jean 
Bemdicite. » T. Il, p. 323. On ne pouvait voir Jeanne sans 
la permission des Anglais, t. III, p. 167 (M.Ladvenu),ftt sans 
celle de Tévéque ou du promoteur. » T. H, p. 303 (1s. de La 
Pierre). 

Page 216, note 1. 

Uttres-de garantie (12 juin 1431) : t. III, p. 240-244; cf. 
t. III^ p. 161 (G. Colles); p. 166 (M. Ladvenu); p. 56 (l'évéque 
de Noyon; et le texte même.... «Pource que par adventure 
aucuns qui pourroient avoir eu les erreurs et maléfices de 
ladicte Jehanne aggréables, et autres qui indeuement s'e£force- 
roient.... troubler les vrays jugements de nostro mèresaincte 
ËgUse, de traire en cause pardevant nostre saint-père le pape, le 
saint concile général ou autre part, lesdits révérend père en 
Dieu, vicaire, les docteurs, maistres, etc., qui se sont entre- 
mis dudit procès : Nous...» affin que d*ore& en avant tous 
aultres juges et docteurs.... soient plus entenlifs.'... de vac- 
quier et entendre sans peur ou contraincte aux extirpacions 
des erreurs.. •• Prohectc^s en parollë de roy ques'il advient 
que lesdits juges, etc., feussent traiz en causé [à l'occasion] du-» 
dit procès pardevant nostre dit saint-père le pape, ledit saint 
concile général, etc., nous aiderons et deffendrons.... à nos 



NOTES. 331 

propres coustz et despenz et à leur cause en ceste partie, 
nous.... adjoindrons au-prooès.... > Et il donne keet effet -des 
ordres k ses ambassadeurs et k tous les évêques, etc.,^ de son 
obéissance (12 juin 1431), t. IIT, p. 241-243. 

Lutre du roi dlAngltUrrt à Févéque de Béarnais (3 janvier 
1431) : < Henry, par la grâce de Dieu, roy de France et d'An- 
gleterre» k tous ceulz que ces présentes lettres verront, salut. Il 
«st assez notoire et commun comment, depuis aucun temps en- 
«ça, une femme qui se fait appeler Jehanne to PticeUe» laissant 
ral>bit et vesteore de sexe féminin, s*est, contre laloy di* 
vine, comme chose abhominable k Dieu, réprouvée et défen«» 
due de toote loy, vestue, habitée et armée en estât et habit 
d*omme ; a fait et exercé cruel fait d'omicides, et, comme Veu 
dit, a donné k entendre au simple peuple pour le séduire et 
abuser, qu'elle estoit envoyée de par Dieu, et avoit cognois- 
sance de ses divins secrez ; ensemble plusieurs dogmatizations 
très périlleuses, et k nostre sainte foy catholique moult pré- 
judiciables et scandaleuses. En poursuivant par elle les- 
quelles abusions et exerçant hostilité k rencontre de nous et 
nostre peuple, a esté prinse armée devant Gompiengne, par 
aucuns de nos loyaulx subgez, et depuis amenée prisonnière 
parderers nous. Et ponrce que de supersticions, faulses dog- 
matizacions et autres crimes de lèse-majesté divine, comme 
l'en dit, elle a esté de plusieurs réputée suspecte, notée et 
diffamée, avons esté requis très instamment par révèrent père 
en Dieu, nostre amé et féal conseiller l'évesque de Beauvaîs, 
juge ecclésiastique et ordinaire de ladite Jehanne, pource 
qu'elle a esté prinse et appréhendée es termes et limites de 
son diocèse ; et pareillement exhortés de par nostre très chière 
et très amée fille l'Université de Paris, que icelle Jehanne 
vueillons faire rendre, bailler et délivrer audit révèrent père 
e& Dieu, pour la interroguer et examiner sur lesdiz cas, et pro- 
céder contre elle selon les ordenances et dîsposicions des 
droits divins et canoniques ; appeliez ceulx qui seront k appel- 
1er. Pource est-il que nous, qui pour révérence et honneur dû 
nom de Dieu , défense et exaltacion de sadicte sainte Ëglîse 
^ foy catholique, voulons dévotement obtempérer comme 
vrais ft humbles filz de sainte Église, aux requestes et 
instances dudtt révèrent père en Dieu, et exortacions des 



332 . NOTES/ 

docteurs et maistres de nostre dicte fille l'Universîté de 
Paris : Ordenons^ » etc. T.. I, p. 18. 

Page 218, note 1. 

Virginité : « Bene scit quod fuit visitata an esset virgo Tel 
non per matronas seu obstetrices, et hoc ex ordinatione du- 
cissae BedfordisB et signanter per Annam Bavon et aiiam ma- 
tronam.... Et post visitationem retulerunt quod erat virgo et in- 
tégra, eteaaudivit referri per eamdem Annam. > T. III, p. 155 
(Hassieu); cf, p. 180 (Cusquel); p. 50 (G. de La Chambre), 
p. 89 (J. Marcel), et t. II, p. 201. — « Et quod dux Bedfordiœ 
erat in quodam loco secreto , ubi videbat eamdem Johannam 
visitari. » T. lU, p. 163 (G. Colles). — « Et crédit quod si non 
fuisset inventa virgo , sed corrupta, quod in eodem processu 
non siluissent. » Ibid., p. 59 (Th. de Courcelles) ; cf. p. 54 
(l'ëvéque de Noyon). Jean Monnet a ouï dire qu'à cette occasion 
on reconnut qu'elle s'était blessée en montant k cheval. Ibid,^ 
p. 63. 

Page 230, note 1. 

■ 

Information préalable : c Quia alias quis in materia fidei 
trahere non debet,nisi informatione prœvia et fama contra eum 
referente. » T. II, p. 200 (Requête du promoteur, à la réhabi- 
litation). « Non tamen recordatur eas vidisse aut legisse, scit 
tamen quod, si fuissent productœ, eas inseruisset in proces- 
su. » T. lïl, p. 136 (Manchon). — « Eas non vidit, nec crédit 
quod unquam aliquae fuerunt factse. » /&id.,p. 161 (G. Colles), 
cf* t. II, p. 379. — < Perlegi fecimus informationes factas in 
patria originis dictœ mulieris, et alibi in pluribus ac diversis 
locis. » T. ly p. 28 (13 janvier). — N, Bailly : « Et dum dictus 
ballivus vidit relationem dicti locumtenentis, dixit quod dicti 
commissarii erant falsi Armagnaci. » T. II, p. 451. et 453 ; cf. 
ibid,^ p. 441 (H. Lebuin), et p. 463 (Jacquard). Nous négU^ 
geons plusieurs témoignages qui n'expriment que de vagues 
souvenirs, iMd., p. 394 (Jacob); p. 397 (Beatrix Estellin). — 
Colère de Vévêque : « Quod erat prodiîor et malus homo, et quod 
non fecerat debitum in eo quod sibi fuerat injunctum.... 
Quia istse informationes non videbantur dicto episcopo uti* 
les, etc.» T. III, p. 191, 192 (J. Moreau). Pierre Miget dit avoir 



I 



NOTES. 333 

entendu citer certaines informations : « Eas tamen non yidit 
nec legi audivit. » Ibid.^ p. 133. Le procès de réhabilitation 
eonstate qu'on Tes a vainement recherchées; t. Il, p. 381. 

Page 220, note 2. 

Yoy. M. Quicherat, Aperçus nouveaux^ p. 147. 

Page 221, note 1. 

Rédaction des procès-verbaux : t. III, p. 135 (Manchon) ; cf. 
p. 160 (G. Colles) et p. 195 (Taquel). 

Page 223, note l. 

Première déposition de Manchon : t. If, p. 12, 13. Cf. p. 340 
(le même). — Greffier par peur : c Et hoc invilus fecit, quia 
non fuisset ausus contradicere prstpepto dominorum de consi- 
lio régis. • T. III, p. 137 (lui-même). Le bruit courait que les 
greffiers étaient empêchés d'écrire tout ce que disait Jeanne, 
t. m, p. 172 (N. de Houppeville). Les greffiers, comme on le 
pense bien, protestent tous de leur exactitude, t. II, p. 343 
(Manchon); t. III, p. 160 (G. Colles); t. II, p. 319 (Taquel).— 
Jean Monnet: « Eidem Johann» audivit dici, loquendo eidem 
loquenti et notariis , quod non beûe scriberent et multoties 
faciebat corrigere. » T. III, p. 63. Cf., t. III, p. 160-161 (G. 
Colles).—/. Fabri : t. III, p. 176. — Isamb. de La Pierre : t. II, 
p. 349, 350 ; Cf. ibid.y 304 : « Conquerebatur quod ipse epi- 
scopus nolebat quod illa qiiœ faciebant pro excusatioue sua scri- 
berentur; sed ea quse contra eam faciebant volebat scribi. » 

Page 224, note 1. 

Massieu : t. II, p. 16 et 330. — Massieu lui-même rend bon 
témoignage au caractère de Manchon, t. II, p. 331. 



FIN DU PREMIER VOLUME. 



22 



y. 






TABLE 



ou TOME PREMIER. 



PaÉPACB , I 

IlfTBODDGTION. ; XIII 

LivRB I. Vaucouleura ; l 

LiVHB II. Orléans ^ .....' 23 

LiYRB m. Reims 79 

LiVRR IV. Compiègne. 139 

Livre V. Rouen : — les juges 197 

Appendices 229 

Notes 251 



FIN DE LA TABLE. 



I 

r 



PARIS. -- IMPRIMERIE DE CH. LAHURE ET V}» 
Rom de Fleuras, 9, et djB TOoest, 21 



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