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THE BOSTON PUBLIC LIBRARY
JOAN OF ARC COLLECTION
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JEANNE D'ARC
RACONTÉE PAR L'IMAGE
Droits de traduction et de reproduction réservés.
P\H1S. IMPRIMERIE LAHLHE
M^ LE NORDEZ
JEANNE D ARC
RACONTÉE PARU IMA-
GE DAPRÊS- LES SCULF
TEURSLES GKWEUR5-
ETLES PEINTRES
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HACHETTE §CS
M.D,CCC.XCV1U
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LE SOMMEIL DE JF.VNNK U AllC A JVllGEAU
D'iiprcs le tablfiiii de Juv.
AVANT-PROPOS
JEVKSF, \ I
Statuette eu
V 1ETE ur
bronze du
temps ilisait d
i: Ions les oii^Miics (les sens, :i dil liossucl, ifS ^c'll\
sont ceux (iiii clcndciil le plus nos coiiiiaissances. »
On poni'iail ajonicr (jnc c'csl aussi par les
Ncnx (|U(' MOUS sonnni's à niriiic de nous rcndi-c
le plus ia|)i(lfnicnl coniplc des choses.
I)'nn i'('i;ard jclc sur une iniai^c, nous connais-
sons rolijcl (pi'cllc rcpi'c'scnle; pour nous faire en-
lendre sa nalnre, il eùl l'allu qu'on nous le définil lon-
lenienl, (ju'on nous en (il une descri|ilion ininulicusc.
l/image esl an sl\le cciil ce (|ne le i^csle esl à la
parole : elle dil loul d'un liail.
Représenter e'esl deciiic.
Les hommes de noire temps penseni ainsi,
el >' l'illustration » est aujourd'Imi pour notre
époque pressée qui veut se Caire Aile et sans peine
inu' idée des choses, ee que Ah)ntaigne en son
e l'opinion : " la iiine cl em|>(''rière du monde ».
I. AHMEE
w" siècle
AVANT-TROPOS.
C'est la pensée qui a inspiic' la piihliralioii de rc \()liimc'.
Adonné depuis douze ans à l'élude de la vie de .leaniu' d'Aide, el
désireux d'étendre son eulle populaire, je formais dés lonylemps le dessein
de la faiie connaître, en réunissani en un même on\ rage les [)iineipales
œuvres que lui ont consacrées les aris de la l'eiulure, de la Seulplure,
de la Gravure et du Dessin. Je suis lieureux que ce \(eu s'accomplisse
aujourd'hui.
Il sera touchaul de \oir les artistes de noirt' pa\s, les plus eoiuuis dipLiis
quatre siècles, apporter tour à toiu- à la ^ ieri^c de
Vauconleurs I liommaee de leur admiration et
/
>x.
\
de leur lalenl.
Avec nous, on pourra, au cours des
siècles (|ui nous sepaicul de la \ie el
du martvre de Jeanne, selon le i;('nie
de chaque artiste et de cluujue épocpie,
suivre l'c'lude patiente de nos sculp-
teurs et de nos peintres, leur lecherehe
^ pieuse de celte ligure de Jeanne, à la
l'ois douce et forte, simple et sui)lime, de
cet idéal fait de choses di\ erses el mènu'
opposées dont la foule attend encore, et
pt'ut-ctre attendra longtemps, sinon tou-
joius, la parfaite et définitive réalité.
lieau l'ève et nohle ardeiu', à la flamme
desquels s'entretiendra notre culte poiu' la I*u-
celle, avec notre désir de la voir comme elle fui !
On m'a demandé de donner le texte de
cet ouvrage. Je n'ai pas cru pouvoir me déroher.
Ces pages ne seront pas une œuvre d'érudition pure ; encore moins
seront-elles œuvre de polémique ou même de simple discussion.
Conçues dans l'esprit de cette publication, je voudrais que, comme
une guirlande, elles courussent entre ces diverses gravures et que, par
leur brève et claire simplicité, elles eussent, dans renseignement qu'elles
pourront donner, quelque chose de la rapidité de l'impression que cause
l'image.
Ce sera moins le récit détaillé de la vie de Jeanne d'Arc (jue l'àmc même
de cette vie rendue visible.
JEANNE L.V I»VCI:LLE
Fragment d'une statilu
tlii XV siècle.
[Mrtst'c du Trocadcro,)
AVANT-PROPOS.
Je chercherai à nionlici' ici Jeanne d'Aïc lelle
qu'elle lui en sa vie, '( telle que la mort nous
l'a l'aile ", la montrer telle que l'imagine l'in-
genuile du sentiment populaire, sans conircdiri
à l'idée qu'en ont ccu\ qui l'onl judi-
cieusement étudiée à la ilartc des
recherches historiques.
Puissé-je, en ces |)ages, concou-
rir à ajouter encore quelques l'axons
à la pure lumière f|ui l'illumine aux
\eu\ de tous cl conliihucr à liàlei' le jour
où, saluée à la fois par les lellrcs, les
arts et la science, a\anl iccu de ri'^glisc
la coui'onne «pi'elle r(''scr\e à ceuv (pii
lurent parfaits iei-has', cl de la foule
l'hommage singulier doni celle-ci dis
pose quand la ■' voi\ du peuple •■
est vraiment la ^ \()i\ de Dieu v>,
Jeanne réunira tous les fils de la
France dans le coinnuin hommage
cju'ils lui rendront. Puisse cette
heure bientôt sonner!
Parlant à tous mes
concilo\ens d'une Ccnnne
dont la gloire est le patri-
moine de tous les Français,
je ne \eu\ servir aucun
parti.
Il faut (juc mou laheui'
s'inspire des seules ^ues et îles seuls desseins dont Jeanne inspii-a le sien.
Elle a servi, sans jamais les séparer, la Religion cl la Pairie; celles-ci
seront mes seules clientes.
Serviteur également dévoué de ces deux causes sacrées, j'écrirai en
Français qui a l'iiomieur d'être Evcque, en Évêquc qui se souxicndra toujours
qu'il est Fi'ançais.
I. Nous déclarons qu'ici, comme daiis Uuil le cmirs <Ic cet ouvrage, quand nous saluons la
haute \crlu de Jeanne d'Arc, nous n'enlcnduns en rien devancer les décisions de l'Eglise à son endroit.
JEANNE VICÏOIUF.rSE
Statue de Trémiet, érigée h \ancv.
IV AV V>T-Pn()lM)S.
.lai (l:iMS ce lia\ail iciicoiitic le coiicoiiis dcNoiic cl |)icci('U\ d'un
lioniim' (le l)i('ii doiiUlc d'im ailisic (|iic son lalcnl sohi'c cl sûr aiilani (|iic
son criulilioi) a\aiciil |)rc|)arc à ce li"nail. .Iv \cu\ parler i\r M. \. Piu wiiiic.
C'est à ses lalxirieusi'S el liilclii^cnlcs rc( liei'clics ([iic nous dcNons celle
longue suite tie gra\ui'es, en <;ran(l iioinl)ie inédites, dont nos l)il)iiolliè(jucs
publiques ou les collections |)ri\ees possédaient seules Toiii^inal el que
désoimais tous pourront connaître cl admirer.
Que M. ]'runaire recoi\c ici le Icnioii^iia^i' (|ui lui esl du et la yratiludi'
qu'il nous est doux ilc lui cxpiinicr pul)li(|ueMicnl.
"j" .VLiji;irr, iî,\è(iue dArca, \u\. de \ erdun.
Lo Mont lilliiliriv illc. pri's _\toiili-l)oury, \c (j Voùl 1^97.
I.V PUCELLE
D'après une jïlnque en email du xvl"^ siècle
[Collection lîaldat du f'J's.)
LES VOIX l)i; .II.ANSE
l)';i])rès If t.ililfiiti lie PiERnE Lagarde.
LA SAINTE
Buslc d'É.
IJE LA PATK
ClIATROUSSE.
qui 11 t'sl (|ii
DOMREMY
LES PARENTS DE JEANNE ET SA MAISON
SON ENFANCE — SES VOIX
Jkais?«l: u'Akc iKKjiiil à Ooinremy, le G janvier i'ii2.
C'est en ee jonr ([ue tombe la fête de l'Epiphanie :
le peuple l'appelle plus volontiers le joui' des Rois.
De très vieille date, nos pères l'ont eélébrée, plus
encore peul-èlic au r()\(r (ju'au temple. Elle est popu-
laire enli'e toutes les Cèles et semble réunir en un même
eulle la Camille, la patrie et la religion.
Ce jour-là, elie/. les pauvres comme du/, les riches, la
Cève traditionnelle, ministre du sort, désignait un roi ou une
reiiu'. Royauté d'un jour, s'évanouissant sitôt après l'avène-
E \ . '
ment, mais sereine et sans tieuil.
Ce l'ut donc en ce même joui', — non de par li- sort,
ini de ces mots vains ilonl se leinrent notre ignorance ou nos
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'LMAGE.
passions, mais de jiar un des-
sein (le Dieu, — (|ue la grande
famille franeaise reeut pom*
reine la petite » Jeannette ».
Hélas ! le seepire devait lui
peser rudement el sa eou-
ronne eaeliait de sinijulières
épines; mais son règne, en
retour, de\ail n'être pas éphé-
mère, les bienfaits devaient
s'en poin'sui\re à tra\ers les
âges, el le U()tre a, plus (pie
loul autre, lieu de le Ix'uir.
(Juehjues \ieu\ auteurs
oui (lit (|U(' niainl prodige
cnloura cette naissance. Les
co(js du \illagc de Doniremx,
ces oiseaux aimes de la \ieille
(jaule et de notre France,
auraient (liante clair el Corl la
^enue en ce monde de la
future Pucelle (V( )ilcans.
l'()ur(|uoi n'\ pas croire?
IjCS lionmu^s, la chose esl xisihie, ont le goût du merveilleux. Ils
iradmcttent guère qu'un grand homme ne l'ail pas été dès le herceau et
(|u'il soit né comme nail le vulgaire. Ce lïil la source de plus d'une de nos
légendes.
Il ne s'ensuit pas ipic les légendes soient à dédaigner. Elles ont parfois
sous le dehors du vvw cl >\v la fanlaisic nue réalité plus saisissante que celle
des froides annales. l'Jles ne sont ni le corps, ni la lettre de l'histoire; n'en
sont-elles pas souvent l'âme même el l'esprit?
TjC sage, dit-on, rit rarement et soln-ement ; mais s'il esl bon, comme le
doit être un sage, il sourit volontiers. I3ans le calme de ce sourire on le
retrouve tout entier avec sa force et sa bonté, non seulemeiil la sagesse austère
de ses pensées, mais aussi la sereine miséricorde de ses jugements sur les
hommes et les choses.
La légende esl le somire de l'histoire.
(( JEANiM-; PAHLVir A I>IEU »
lYiUiri'-^ lin dessin »li- D^bois-Ménant.
DOMREMY. 3
Aussi l)ien n'est-ce pas notre coutume que d'étendre à ce qui nous
entoure, ce <[ue nous sommes et ce que nous ressentons, joies et tristesses?
— Instinctivement nous tendons à façonner l'univers conformément à ce que
nous sommes el nous étendons volontiers à tout ce qui est, nos joies et nos-
doulcuis. On aime, en la présente conjoncture, à s'imaginer que la nature
JIAISON Olj NAQUIT JEANNK A DOMKIiJIY (liTAT ACTUEl)
D'après une photographie.
s'ému( du grand (''xc-nement qui s'accomplit pour noire France, en ce jour
où naquit renfanl prédestinée qui devait rendre à noire patrie, avee l'inté-
grité de son leniloire, la gloire depuis troj) longtemps absente de ses armes
et l'indépendance de ses fds opprimés par l'étranger.
Qu'il chante donc, le coq gaulois, cl ([u'il salue, à l'aurore de ce
jour de réparation et de relèvement, cette fleur nouvellement ("elose, la plus
pure el la |)lus nol)le des tilles du sang de France!
^
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
\
Nous savons |)cii de diosc loucliiml la raiiiillc de Jeanne d'Ai-e, el ce
n'es! i^uère qne par indiielion (|ne l'on pent s'en Caire une idée.
Il semble bien toutefois que son père, Jaeques d'Are, et sa mère, Isabelle
Romée, furent de condition moyenne.
lis eurent la boiuie Corinne, — la meillenre, — de n'être ni rieiies, ni
pauvres.
Née de famille
riche, Jeanne d'Arc se
dit peut-être, comme
tant d'autres âmes de
elioiv, endormie dans
le bien-ètic (pii cnlon-
l'ait son cnCance. Illlc
n'eùl pu, eonunc il
eomcnail cl eonnnc il
en Cul ponr elle, cn-
Icndi'c le cri de détresse
de lanl de français en
proie aux soiill'ranees
de la nuci're civile et de
la misère.
(( ( )ua n d II n
homme tlort, dit ]>os-
snel, il s'imai;inc (jnc
tout le monde dort. «
(hiand un liomme,
(|uand un enfant sur-
tout \il dans l'abon-
dance, il u'csl (juc trop
enclin à estimer (|ue
le l)icu-être est uni-
versel et que tous sont
à l'aise quand il v est lui-même. C'est un écucii dont peu de riches se gardenl.
La |)auvreté n'eût penl-èlrc pas moins entravé Jeanne d'Arc.
Le pauvre a besoin de tous : il a donc aulanl de maîtres que de ^ens en
mesure de le secourir. L'humilile de sa condition l'oblige à s'incliner devant
ceux qui possèdent, et trop souvent son caractère et son esprit s'inclinent axec
E> THiil; DE L\ MAISON DE JEASNE D AHC A DOMBEMY (ETAT ACTUELj
D'.iprès une i>liotograi)hic.
DOMREMY
son front. L'enfant pauvre
s'accoutume à la dépen-
dance et à la crainte. Ses
jeunes années ainsi passées
ne le j)réparent ([ue l)ieu
médiocrement à la dignité
de la vie, à l'élévation des
pensées et à cette noblesse
d'attitude qui n'est pas
l'orgueil, mais sans la-
quelle les desseins sublimes
et les héroïques résolutions
n'entrent que difficile-
ment dans luie àme.
Jeanne d'Arc ne subit
pas ce dommage et, fille
de paysans modestes mais
non indigents, elle ap|)rit
à être débonnaire iweo les
petits et digne avec les
grands.
( )n le\ il bien |)luslar(l
quand clic parut à la cour.
Quel l'ut le carac-
tère des parents de Jeanne d'Vrc? Il est assez malaise de le conjecturer.
On aimerait voir ])rès d'une telle enlaiit un ciitoui'agc digne d'elle, une
société familiale capable de la pi'épai-cr, sans le sa^oir et par une natuiclle
direction de ses sentiments, à l'aM-nir' (|ui l'attend, au\ clioscs eti'anges et
grandes qui formeront son épopée.
En fut-il ainsi?...
Jacques d'Arc semble n'avoir que bien nK-diocremeut enicudu la gran-
deur d'âme de sa fille, l'héroïsme de ses desseins et la mxslciicuse dignité de
sa mission.
C'est lui qui, ayant soupçonne Jeanne de Aouloir aller en I'
aux frères de celle-ci de la noNci' dans la Meuse plutôt que de I;
Domremv.
Il ajouta que, s'ils ne le faisaient, il le ferait lui-même.
JUNMVlTii AUX CHAMI'i
l)';i[)l'rs If tiihleiiu de M'"*' DKMO^T-]înETON.
nce, oidonna
aisscr (luillcr
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
ÉGLISE DE DOMKEMY (ÉT.VT ACTUEL)
n'nprrs une ]»hntnp;ra|tliir '.
l II Ici propos |)('iil inoiilrcr <ii .hicqucs dArc iiiR- ('■iicii^ic que rimli(jiiit(''
naïeniu- eût iulniiicc. On ii'v icliomc licii (l'iinc âme nol)lemenl irKjiiit'lc des
grandes choses qui se passent en son enfant, rien non plus de celle sollici-
tude liaule et sacrée qui s'impose à l'espril d'un père à l'endroit de l'avenir
de sa fille, (juand l'adolescence de celle-ci est marquée des signes qui mar-
quèrent celle de Jeanne d'Arc.
Un dessein comme celui dont Jeanne, malgré elle, laissait transpirer
quelque chose, ne nait pas naturellement dans l'esprit d'une enfant. La
grandeur du projet, l'audace iiigciiiic qu'il révèle, l'étrangeté même du rêve,
à supposer que rcM' il v ait, coiniciil la raison d'un père à se recueillir devant
un spectacle aussi inattendu.
On ne ])eul pas compter trancher le n<eud d'un tel mystère |)ai' une
I. A l'époque île .Ii'.iiiim- d'Arc, li- cliii'iir de l'i'f^lis
actuel, el léciproquemeiil.
Domremy ()('cii|);iit la ])liiee du ])(>ilail
DOMREMY. 7
défense l)nilale, ni même par un acte de simple aulorité, lut-ee l'aulorité
paleinelle.
Il est à eraindre que le père de Jeanne n'ait pas été à la hauteur de sa
tâelie. Elle était du reste si ardue, qu'il n'y a pas lieu de s'en étonner et qu'il
convient de le juger a^ ec une suprême miséricorde.
Jeanne trouva-t-elle du moins dans le cœur de sa mère un asile contre
l'inintelligence de son père et les de-fianccs (]c ses frères? Au cours de son
jugement à Rouen elle rendit à
Isabelle liomée un témoignage fort
honorable et que nombre tic
mères dcMaicnl être jalouses de
mériter de leurs enfants : » .le
n'ai, dit-elle, Iciui ma cicance
tl'autres que de ma mère. »
\u lendemain du sacre de
Reims, sa pensée se reporte vers
Domrcmv et sa famille : « Que je
voudrais, dit-elle, qu'il plût à Dieu ,
mon créateur, que je m'en retour-
nasse maintenant, quittant les armes, "> ,
et que je revinsse servir mon pèi'c cl
ma mère, à garder leurs troupeaux
avec ma s(ï'ui' cl mes frères, qui sci-aienl
bien aises de me voir. »
Mais ces allusions sont rares. On ne
les retrouve sur les lèvres de l'Iiéroïne ni
au\ heures des grandis victoires, ni à celles
des triomphes que le peuple enthousiaste
improvise pour elle, l'eiulanl les longs i);,i„v,s .m m..,i„iiion ,ic pkcou.
jours de sa ca|)tivité, pendant les interro-
gatoires (|u'ellc suhil, cpiand ses juges la poursuivent cl ([u'elle est seule
devant ces hommes et seule contre eux tous, sur son IjucIkt cndn, clic n'ap-
pelle à son secours ni son père, ni ses frères.
T>e nom même de sa mère, ce cri (pii s'échappe comme irrésistiblement
tics lèvies d'une jeune fille dans k'S moments d'angoisse et de terreur, Jeanne
ne le fait pas entendre. Elle ne compte que sur Dieu : « Je m'en attends
à Noire-Seigneur. » « Je m'en remets à mon créateur J'en appelle à
JFHANNF.TTE
8
JEANNE D'ARC RACONTÉE V \l\ L IMAGE.
Dieu (les loris cl in^f;i\ ances qu'on nie l'ail soiiH'iii' !... » '\'oilà ses suppliralioiis
et SCS (lolcaïK'i'S. « .Tcsus ! » voilà son dernier eii an milieu des flanuiies.
De la |)ail d'inic âme aussi Icndre cl i;cnei-cuse ([ue celle de Jeanne d' \i-c,
un Ici silence a l'cndroil des siens est dii^ne de i'cinai(]ue. Il esl lro|) clair
((•l'cllc compta peu sur eux et que la lendressc (|u'ellc leur portail ([('passail, de
■y ,. • - .■•'^■■;.S'r*>v;
1
DOMBF.MY KT I.V VVLLIiK l>i: I.V MHrSE
l)*aj)rrs niiL' jtiiologrjiphif.
lieaueonp celle cpiils avaient pour celle curant, si dii;iie eej)en(lanl a tani de
tilrcs d'être aimée.
Ne nous en plaignons ])as. ( hiand un lionuac cl a plus f'orle raison une
jeune fille sont appeli's par Dieu a une mission comme celle de Jeanne, il est
bon peut-être (jue les liens du sang ne les enserrent pas trop fortement. 11 ne
faut j)as (pie l'amour de la famille entrave celui que nous devons à la patrie.
Jeanne aimée des siens, chérie comme elle méritait de l'être, se lùt-elle
arrachée aux bras eaiessants d'une mère cpii, par sa tendresse et sa l)onté, eût
été digne d'une telle fille?... Si les menaces de son père ne purent l'arrêter,
en eùt-il été de même de son amoin- à la fois tendre et fort?
Quant aux frères de Jeanne, si on les \oit près d'elle aux heures du
DOMREMY.
succès et (le la gloire, ils
font trop souvent défaut
quand vient l'heure de la
lutte, lis nous apparaissent
tels dans l'histoire de leur
héroïque sienr, (jn'on a pu,
non sans vraisemblance,
assurer qu'après la mort de
Jeanne on les revit à Orléans
faisant escorte à l'aventu-
rière Jeanne des Armoises.
11 est, en tous cas, trop
Maiscmhlahle (pi'on les trou-
vait toujours où il \ a\ail à
iccueillir écns et titres de
noblesse, et (ju'ils étaient
moins empressés quand il
s'agissait tle combattre aux
cotés de Jeanne ou de la
défeiulre.
Souhaitons vivement
pour leui' mémoire (ju'ici le vraisemblable ne se confonde pas avec le vrai.
Pendant les quatre années (jui preccdèrcnl le dcpait de Jeanne pour
Chinon, elle n'initia personne au dessein qu'elle nouiiissail d'aller en
l'iance.
<( Votre père siil-il \()tre (h'-parl? » lui demande un de ses juges.
(( Il n'en sut rien », répond Jeanne.
Elle garda la même réserve à l'égard de sa mère, à l'égartl de tous.
Force étrange que celle de cette enfant (jni si longtemps porta seule le
fardeau d'un tel avenir, les angcjisses qui s'attachent à un dessein si extraor-
JEANNE ENFVNT
U'npri's le tableau do .1. Henneu.
iinaire
Mais combien l'on aimerait xoir sa mère, confidente et conseillère d'une
(elle lillc, porter sa part de ce l'ardcan, lui rendre moins cruelles ces angoisses!
Il n'en fui rien.
La religion cl la saine philosophie sont grandement sages, quand elles
inspirent aux parents inie sollicitude sans mesure pour l'enfance et l'adoles-
cence de ceux qui tiennent d'eux la vie.
lo
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Quand on songe à ce que sont pour les choses leurs eommencemeiils, les
sources pour les fleuves, le germe et la tige naissante poui- la piaule ou
rarl)risseau qui demain grandiront, l'enfance, en un mol, pour la \'w enlièic,
le premier âge prend aux regards du sage je ne sais quelle graxile ausièic,
quelle grandeur mystérieuse.
Combien sont dignes d'être attentivement eonsidt'rées toutes les choses
du jeune âge, rires ou larmes, jeux bruyants ou pensées solitaiies! Combien
sacrées ces mélancolies jusqu'alors inconiuies dans lesquelles la \ ie se r(''\èle,
avec ses devoirs nouveaux, en une clarté naissante ou l'ombre a place encore!
Combien dignes de compassion, eombii'u aussi de respect, ces soupirs a demi
contenus, ces regards incertains et iiujuicis \eis un a\enir (pic le \oile de
l'inconnu rccou\ l'c !
Il es! loucliaiU (\r considérer Jeanne (V \\i' au milieu de ces solliciludes.
'ip'
(hiel peintre e\0(piera lomme il conxicnl celle ligure d'enrant, a la lois
sinq)ic coinuic l'âme dont elle porte le rellet cl complexe pourtant comme la
ren<'onli(' des pcnsi-es di\erses (|ui se prcsscnl en son esprit, connue les sen-
timenls opposi's (|ui se lieurlcnl en son c(eur?
( )ui nous dira ce Iront ingénu cl gra\c, ce regard serein cl pensif, de
temps à autre interrogeant l'espace inlini connue le lonl les âmes «pie lra\aille
(piel(|nc noble in(jnieludc cl (pii soudcnl (piehpie m\sl<'re?
Oui la sui\ra j)ar les eliemins creux, sous les lièti'cs du liois-Clicnu, |)rès
de la Fontaine des Groseilliers, ou longeant la Meuse?
l*our(|uoi l'imagination de l'Iiomnie est-elle ainsi eouric cl bornée? Pour-
quoi, niènie conduit par le génie, l'art arraelie-l-il si peu de Iclus secrets aux
âmes choisies? Pourquoi statuaires cl peintres soiil-ils, après tant d'cU'orts
généreux, teiuis comme en échec devant celle lillelle de douze ans agitée de
si hautes pi'usécs et de si étranges desseins?...
Jeanne se taisait.
(Ju'on ne eommcllc point louteCois l'er^rcur de croire que, étrangère à son
sexe cl à son âge, ce silence était en elle le l'ail d'une singularité hautaine (|ui
lui rendait celle taeilin'uité l'acile cl pres(|uc douce. C'était chez elle ellèl de
volonU' l'ortc cl de haute vertu.
11 est visible (ju'il eût été doux à cette nature ou\ei(e et spontanée
d'annoncer d'avance à ceux c|ui gémissaient autour d'elle les grandes choses
DOMREMY.
auxquelles ses voix la conviaient et le salut qui com
meneait de poindre pour la Franee.
On le devine aux rares confidences qui lui éeha|
peut, et dans lesquelles se révèlent et ce sexe et cet
âge qui étaient les siens et auxquels, dit-on, la discré-
tion demande efl'ort. — << Si tu n'étais Bourguignon, dit-
elle à l'un de ses compatriotes, je te dirais bien quelque
chose ). — À un autre : « Avant six mois, il y aura
entre Greux et Domremy une jeune fille qui fera
sacrer le Dauphin. »
On aime, n'est-il pas vrai, ces propos tenus
à demi-voix, (''cha|)j)és à renCanl, à la jeune lille,
et ([ui lui sont si natiu'cls.
Toujours, d'ailleui's, et dans les évc'nements
les plus graves tle sa vie, Jeanne restera ce qu'elle
doit être : elle sera toujours femme. Et voilà
pounjuoi si, par le dehors, sa mission semble
la faire sortir des choses et des coutumes de son
sexe, elle y rentre loujoiu's et elle \ demeure
par le fond de son être, par la délicatesse de ses
pensées, la houtcde son c<cur, sa grâce ingénue,
par la facilite touchante de ses laimes comme |)ai
le charme alerte et jo\cuv de ses propos.
Aussi restcra-t-elle le l\pe parfait de
la femme et de la jeune lllle françaises.
Sur le cai'aclère de Jeanni' d'Arc <l
la bonne renommée dont elle jouissait
à I)()mrem\ , nous aAons des témoi-
gnages aussi touchants ([ue certains.
Vingt-cinfj ans environ après sa moi't, dans le pi-ocès de réhabilitation
([ui rendit à sa memoiic une tardi\e mais |)leiiu' justice, on entendit plu-
sieurs habitants de Domremy f|ui jadis l'avaient connue. Nulle peinture ou
descri|ition n'égalerait en ing(-nue sincérité le langage de ces pavsans.
Il faut citer leurs |>aroles, elles forment auloiu- du front de Jeanne
comme une couronne de fleurs des champs, et il est doux de les rap|)ro-
cher de l'odieuse sentence en laquelle les juges méprisables de Rouen se
plaisent à entasser les outrages (jue la haine leur dictait contre l'infortunée.
JKANNE KNFANT ENTEND SES VOIX
D'après 1;» statue d'Ai.tiERT I.efeuvre.
12
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
.Icaiiiic, ou plutôt Jcanuotte, comme tout lo monde l'appelait à Domremy,
avait trois amies <le e(eui' : Ilau^ietle, Meui^ette et Isaliellelte. Voiei leurs
témoignages.
Celui (le TTauvielte d'aboid : « Tout enfants. Jeannette et moi, nous
restions volonlier's dans la maison de son |)ère. ('.'('■tait |)laisir poiu' nous de
eouelier dans le m(''me lit.
(( Jeanne était bonne, simple et douée, l'allé aimait
à allei' à l'ei^lise, et comme les £;ens lui reprocliaient de
la lré(|uenlei- trop (le\ oteinenl, elle a\ait honte.
« A rc'pofjue où elle (|uitla deruuti\('ment le \illage,
.leanuelle ne m'avisa point de sou départ, je ne le sus
(lu'apres cl je pleurai Corl. Elle était si bonne et Je
l'aimais tant ! C'c'-lait
mon amie ! »
" C'était mon
amie
.. Il
est-
pas vrai, dans ee simple
mot de |)a\samie, tout
un pau(''i>vrique plein
d('l()(juenee iuj^cuue et
loucliante.
Voiei maintenant
le témoignage de Men-
gette, une autre amie de
Jeanne : « C]'était ime
lllle bonne, simple el
pieuse, si pieuse que ses
camarades et moi nous
disions ([u'elle r('tait trop. Elle se conl'essait volontiers au curé du village. »
Jeanne n'('tait pas seulement pieuse, elle était laborieuse, « vaillante
au travail et occupée à maintes besognes. Jeanne fdait, faisait le ménage,
allait à la moisson et, la saison venue, quand c'était son tour, gardait quel-
quefois les bêles, sa quenouille à la main. En quittant Domremy elle me tlil :
« Adieu, Mengette : je te recommande à Dieu. »
Isabellette survient à son tour ; comme ses compagnes, elle parlera
de la douce bonté de Jeanne, et de sa dévotion. Elle y ajoutera son amour
pour les pauvres, la façon touchante dont elle les secourait, et le tout se
K \.\. riLLi-: Dii. uiEi;, va I »
D';iin'i-s iiu dessin de Philippoteau.\.
« LAUCHVTVGE SAINT MICHEL I, I.MIU.TINT 1>E LA GHVMJE PITIE DU ItnyAU.ME DE FIIANCE »
D'après le tableiiu de Ij.-F. Cabanes.
DOMREMY.
résumera dans ce mot simple et primesautier : c'était « une hiave fille ».
« Jeannette, dit-elle, était une brave fille, bonne, chaste, pieuse, crai-
gnant Dieu, pratiquant l'aumône et faisant le bien. Elle recueillait les pau-
vres : elle voulait coucher au coin du fover et qu'ils couchassent dans
son lil. >i
C'est bien la douce guerrière qui plus tard ne |)ouria voir sans larmes
un soldat blessé, fùt-il Anglais, et « le sang
de France couler, sans que les cheveux lui
dressassent ensur ».
La veuve Thicsselin, marraine de
Jeanne, vivait encore. Elle vint rendre té-
moignage à sa fillcidc : « C'était, dit-elle en
parlant de Jeanne, une bonne enfant, \i\aiil
honnêtement et religieusement, comme il
sied à une fille sage.
« Elle ne jurait jamais, et pour adirmei-
elle se contentait de dire « sans mancjue ».
« Jeannette était bonne travailleuse,
filant, faisant le ménage et, quand le cas se
présentait, gardant à son tour les animaux
pour son |ière. »
On fait M'nir la femme Tlic\cniu, une
voisine des parciUs de Jeanne. Elle vc\\i\ un
témoignage semblable, ajoutant toutefois ce di'tail ([u'cllc ' ctail suifisammenl
instruite dans la foi par rapport à ses pareilles et si'Ion son état ».
Puis Noici le pariain de Jeanne, ,lcan Morel. l^e brave homme n'en dit
pas long, mais il \ met une coidialilc (|ui émeut : <> l'allé était si excellente
fille, dit-il, (|nc dans le \illage tout le monde l'aimait. ••
Jeanne faisait mentir le dit'ton, elle avait réussi à être prophète dans
son propre pa\s.
Jeainie a\ait elc mai'rainc à Domi'cmx ; elle avait eu pour k compère »
Gérardin. Celui-ci vint à son tour témoigner en faveur de Jeanne : "- A\i\nl
habité le \illagc de Domremv depuis l'âge de dix-huit ans, j'v ai vu et
fréquenté Jeannette, dit-il. Elle était modeste, simple et pieuse. Fréquenter
l'église et les lieux de dévotion était son plaisir. »
Michel Eebuin, un camarade d'enfance de Jeanne, loue l'activité de
la l'ucelle et sa dextérité : « Elle était, dit-il, diligente à la besogne, elle
VISION m: jv.vNM'. i> auc
IVillUl'S un lll■^^lll lll' LeCURIEUX.
l(i
JEANNE D'AIIC RACONTÉE PAR L'L^IAGE.
s'acquilhiit de façon cnnve-
nal)lf et adroite de Ions les
lra\aii\ ([iii soiil du ressort
des l'emmes vl des jeunes
lilles. »
Jean Wallei-in, aiilre
camarade de Jeanne, snecède
à ^lieliel l>el)nin : « J'elais
eid'anl (|nand Jeannelle l'elait
aussi, dil-il, el je la \o\ais
souNciil. Soiixenl, landis (|ne
nous elions a jouer, Jean-
nelle se relirail a part el
parlail a Dieu. "
(hw diles-\(>us de ee
laui-ai^e siu' les lèvres d'un
|)a\san : « lille pailait à
I )ieii )i. Un \()il hien (ju'il
avail plus d'inie fois consi-
dère Ji'anne en sa prière.
Celle-ei ne la l'aisait j)as du
bout des lèvres. L'enfant en
avait été frappé : « Elle par-
lai! a Dieu -. (Micllc scène simple el i^rande, faite |)our inspirer un peintre!
c< Jeannelle clail une lionne 1 1 a\ ailleuse. Elle pour\o\ail à la nourri-
ture des hesliauv cl s'occupail \oionlicrs du i;()u\ei'nemenl des animaux de
la maison de son pcre — Elle allait a la cliarrue, i)ècliail et, son lonr \enu,
L;ai(lait les hèles. »
(lesl eneoi'c un eamaïade de Jcaïuiclle, Jean (lolin, (jui parle ainsi
d'.'lle.
• A mon avis, reprend un autre ami d'eid'anee, il n'\ avait |)as meilleure
<|u'elle dans le villaijc. ..
Simonin Musnier, encore un eaniaratle île Jeannette, appoite aussi
son trihut : « (hie savez-vous? lui dcmaude-t-on. — Je sais, dit-il, que
Jeainicllc était l)onne, simple el pieuse, eraii;nanl Dieu et ses saints. Quand
les cloelies sonnaient. Jeannette se siynait et s'agenouillait. »
« Jamais je n'ai entendu mal parler d'elle, reprend Jean Jacquard.
LUS \UIX Ui: JUS Mi
l) ii]iii!. uiK- 1 Mii-fiiitc ili' ISiDA pour ri-ilitioil illustri-c de Jcmuiu- J'Aie
liai- JlicIlL'k-t. [Uachctlc, cditciir.)
DOMREMY.
17
Elle était rc|nit(''(' pour sa bonté et sa piété. C'était une fille admirable-
ment douée. »
Nicolas Bailh, tabellion, confirme tous ces témoi»nagnes : « Jeanne
fut toujoms une brave fille..., dit-il; elle aimait à aller en pèlerinage à la
chapelle de Bermont. »
Le drapier l'errin, ancien sonneui- de Domremv, a\ait ('té convoqué.
C'est à lui (ju'auti'cfois Jeanne pi'omcttail des « lunes », sorte de petits pàlés
L ANGELUS UE JEANNE
D'api-és le tnlilciii. <!.■ H.-,I. Lucas. {Mum d'.JIgcr.)
renommes dans li' na\s, à la condition (lu'il IVil exact à sonner \'t///<>/'/us.
« Jeannette, dit Perrin, ne cessa d'être une fillette bonne, chaste,
simple et réservée.... Je sais bien ce que je dis, ajouta-t-il en homme
conscient de son importance, car j'étais en ce temps-là marguillier de l'église
de Domremv et souvent je voyais .leaunette venir à la messe ou auv
compiles. »
Henri \rnolin, un bon prêtre qui avait aussi eoniui Jeanne, dit
d'elle : « Jeanne, depuis l'âge de six ans juscpi'à son départ de la maison
paternelle, fut une brave fille, imbue d'excellentes mdL'urs. Elle était d'iumieur
laborieuse, filait, allait quelquefois avec son père et ses frères à la charrue.
3
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
« A l'église, on la ^()^ail la ii lot prosternée devant le erueifix, tantôt les
mains jointes et les veux levés vers le Christ ou la Sainte Vierge. »
Etienne de Sionne, curé de Domremv, clôt la série par cette louange :
« Jeannette était une bonne et simple fille, bien éduquée, craignant Dieu,
telle enfin qu'il n'y avait pas sa pareille dans le village '. »
C'est donc sous ces traits que nous apparaît Jeanne d'Arc enfant, a travers
les dires de ceux qui l'ont connue. La naïveté de ces paysans nous assure de
leur sincérité, et leur témoignage emprunte une force nouvelle à cette
consiilération que, coni|)atrioles et familiers de celle tlonl ils ])arlcnt, ils
n'ont point subi de sa part le prestige qu'imposent ceux qui' l'on \()il de lt)in
et f|uc l'on n'a j)as fiH'quentés dans un commerce
journalier.
Nulle cmpliasc d'ailliius dans leurs discours.
|i Les exploits passés de riicroïnc, la notoriété de
son nom dcsonnais célèbre, la gravité de la démarche
publifpie à hujuellc on les a conviés, l'importance
des pci'sonnages devant lesquels ils déposent, rien
ne les (h'toiniie du clicniin simple et dioil de la
vérité, le seul qu'ils veulent suivre. Ils disent tout naï-
vement ce qu'ils ont au et parlent d'elle avec le calme
de gens qui s'entretiendraient d'une personne de
leur ordinaire société et ue soupçonneraient pas l'importance du propos qu'ils
tiennent. C'est ce qui rend leur témoignage si saisissant dans sa simplicité.
Jeanne était donc « bonne »; elle était « simple ». « Laborieuse »,
clic n'était ni indolente ni rêveuse. Ses voix et ses visions ne modifiaient
en rien ses dehors. Elle ne s'en autorisait ni pour s'élever au-dessus de ses
compagnes, ni pour s'éloigner des tra\au\ vulgaires des personnes de sa
condition : elle « lilail, faisait le ménage, allait à la moisson » et « son
tour xcnn, gardait les troupeaux », comme toute autre fille de son village.
Elle n'était pas seulement « bonne travailleuse », mais robuste et
« vaillante au travail »; elle « allait à la charrue » et « bêchait », quoiqu'elle
n'eût pas dix-sept ans encore, puisque c'est à cet âge C|u'elle quitta Domremy.
On aime à se l'imaginer ainsi, répondant cinq siècles d'avance à ceux
qui nous la dé})eindront chétive, anémique et rêveuse.
Son humeur ^aut sa santé : elle est « luie brave fille ». Elle a le cœur
JEANNE D AllC ET SES SAINTS
Médaille de DnopsY,
d'nprès le yi-oujie d'ALLAR.
1. Josepli Faille, Procès de vchabiitlation. t. II, ]). ^u tt suiv.
DOMREMY.
'9
Ijon pour tous; elle l'a meilleur eneoie |:)our les pauvres; elle « fait fréquem-
ment l'aumône par amour de Dieu ». Quand quelque indii^ent, fuyant
peut-lire devant une horde bouri^ui^nonne, frappe à la porle de son prre,
e'est ell<' «|ni, empressée, va lui ouvi'ir el lui offre à manger. Es(-il sans asile,
elle i>lai(le sa eausi' et im|)lore de son pri'c la fa\cui" de lui donner son lit.
Et Jeanne, où reposera-
t-elle? — « Au coin du
fover », répond-elle allé-
o rement.
E^o(Juons cette suave
imai^e de Jeanne endormie,
sur un escabeau dm' et nu,
« au coin » de l'clle vaste
cheminée qu'on \oit encore
à Domremv. hi encore
quelle scène dii^nc d'inspi-
rer nos peintres !
Robuste et « vaillante
au travail », la charinc ne
l'effraie pas, et les bœufs
tranquilles creusaient le
sillon non sons la toncbc
de l'aii^uillon, dont elle
usait à peine sans douli',
douce aux bêtes ainsi
qu'auv hommes, mais do-
ciles à cette voix qui plus
tard devait si fortement animer les i^cns d'armes à la lutte et, comme un
clairon pur et sonore, ramener l'armée de France au chemin de la victoire.
Heureux bétail que celui que Jeanne a conduit !
Rentrée au logis, elle reprenait la quenouille, « vaquait aux soins du
ménage » et se montrait <- adioitc en tous les travaux qui sont du ressort
d'une femme » .
Ainsi douée par la nature, elle ne négligeait pas de s'assurer la grâce
de Dieu. Elle était « pieuse », aimait <. à aller à l'église ». Ses compagnes
l'en raillaient parfois. Mais elle, au souvenir de ce qu'elle puisait au pied
de l'aulcl, laissait tlire, « rougissait » seulement, « avait honte », comme
0 j'wMS TUiaZE ANS QU\NI) j'euS UNE V(1I\ M.N \N1' UE DIEU. »
D'après le tablciiu de Lejutte.
20
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
(lisait Iliunicllc, et ne rt^clail licii des
mvslôros donl son âme clail le llicàlic
cl le It'nioin.
IMroise en ses propos aiilanl (|nc
sincère, clic dcciarail nettement cc(|u'il
(allail (lire, cl le (lisait simplcnicnl cl
avec mcsiMc. » Sans manqne », telle
('lait son afliimalion favorite, sa locu-
tion (le choix. Devant ses juives, à Rouen,
c'était aussi son dernier recours, eu
nii'Miic IcMips (|ue son dernier mol :
.f Sans inan(|uc ", allii iiiail-cllc (|uaud
ou doutait de sa parole.
De ses extases et des voix ([u'cllc
entciidail, Jeanne ne disait rien. Seule-
nicul, (|uand elle priait, sa prière n'était
pas pure ("oi-ninle, et, selon le mot de sou camarade Jean Wallcriu, .■ elle
parlait à Dieu >•.
Les jeux lui plaisaient peu. Des pensées plus i;ra\cs occupaient son
esprit. Mais elle ne se singularisait pas, et, |)ar simplicil('' et condescendauce,
faisait connue ses conipaii^nes.
Ce porirail, l'ail de la rude main d'Iionnncs des diamps, restera sans
doute toujours le plus lidcle comme le plus (Mnouvaul (|uc nous a\ous de la
personne de Jeanne d'\rc adolescente.
JK\SNE 111. INT A CDTK DE SON PEHE
D'iipri's nnr j;r;iviiiT îles Vif^iles (It* Cliarlcs V'II
(!r l/,<)'i. [Mastic Cantavatct.)
^^
Dans le premier interrogatoire que Jeanne subit à Rouen, elle échangea
avec Cauehon le colloque suivant :
« Votre nom'?
— Dans mon pavs on m'appelait Jeannette. Depuis ma venue en France
on m'appelle Jeanne.
— Votre surnom?
— Du surnom je ne sais rien.
— Votre lieu d'origine'?
— Je suis née à Domremv, qui fait un avec le village de Greu.x, et
c'est à Greux qu'est la principale église.
"è
^n'"
1
^
^
-s.
A.
^^
V
->
N
1
DOMREMY. 2 1
— T>es noms de votre père el de votre mère?
— Mon père s'iippelle Jacques d" Ai'c et ma mère Isabelle.
— Où avez-vons été baptisée?
— \ I)omrem\ '. »
En ees quelques lignes Domremy lient ses lettres de noblesse.
Ce village a subi quelfjues transformations de|)Mis le temps de Jeanne
CmMUlir. DU JIUSNE DAKC \ DOMIIEMY (ihvT ACTITEl)
D'itprfs une ])liotof;r;ij)hie.
d'Are el ce lut l'occasion de dissertations nombreuses île la part des érudits.
On y trouve encore toutefois deux lieux qui furent témoins de l'enfance de
notre vénérable héroïne : la maison où elle est née le 6 janvier 1409, et
l'église où elle fut baptisée.
On a ^u parmi les illuslralions du présent ouvrage la i-epr(''sentation de
la maison de Jeanne d'Arc en son étal actuel. Elle a mallieureusemenl subi
depuis le xv'' siècle des transformations assez considérables.
I. Joseph Fabi-c, Procès de condamnation.
22
JEANNE D'ARC RACONTEE PAR L'IMAGE.
Montaignt' niconlc qu'on l'cvenanl d'Italie il passa par Domroiny. (le
(ju'il dit de la faeade de la maison de Jeanne d'Are eoneorde bien peu
avec ee que nous v voxons maiiilenant. Les seul|)luies qui en orneni la poile
el ([ui lurent, dil-on, exo'cutées sur les ordres de Louis Xi, l'urenl plus lard
transportées aulie pai'l, et ee n'est rpi'à une époque heaucoup plus rapprodiee
CHAMliHl; IJAN-. L\ MMblIN 1)1; Jl »N>t UAUC (lilAT ACHEl)
n'apres une ])Iiot<»graphic.
(le nous, et, selon quelques auteurs, vers le eommeneenieni de noire sieele,
qu'on les remit eu place.
Des travaux récents ont transformé les combles en musée. L'opj)ortunité
de ce traAail semble discutable.
Quoi qu'il en soit, on ne peut pénétrer dans cette demeure sans une
émotion profonde. On se recueille en cette pièce vaste et pauvre où les
parents de Jeanne d'Arc avaient sans doute leur cuisine. On v voit la
A'aste cbeminée où la famill(> se réunissait pendant les soirées d'hiver.
Cl'est là, à ee « coin tle feu » où Jeanne voulait dormir quand elle offrait
son lit pour les pauvres, que petite enfant elle écoutait allenti\e et troublée
DOMREMY.
le récit des maux que subissait la France. C'est
là, avant même que saint Michel l'en entretînt,
qu'elle apprit « la grande pitié du royaume de
France ».
Vers le fond de cette pièce, une porte
s'ouvre sur une autre pièce plus sombre et
plus étroite, où, assure la tradition, Jeanne
prenait son repos. On y voit la place de sa
couchette, un creux dans le mur où sans
doute elle plaçait ses pauvres bardes, et
la fenêtre étroite, donnant sur l'église,
par laquelle elle eut sa première vision.
« J'avais treize ans, dit-elle, quand j'eus
une voix venant de fJieu pour m'aider à
me bien conduire.... Cette voix vint vers
l'heure de midi. C'était l'été, dans le
jardin de mon père — J'entendis la voix
vers la droite, du côté de l'église. »
Une pièce voisine était, pense-t-on,
occupée par les frères de Jeanne.
Il est peu d'endroits au monde
consacrés par des souvenirs plus émou-
vants.
A quelques pas, se trouve l'église
de Domremv, où Jeanne fut baplisc-e. Elle aussi a subi rjuchiucs cliangcmciils.
L'orieiilalion n'en est plus la même, en ee sens que le eiid-ur occupe la
place où se trouvait le poilail au lcnq)s de Jeanne d'Arc. Ee poilail ()((ii[)c
donc lui-même l'aneicM ne place du clucur.
Ee respectable et distingué cure de Domrcmy n'a rien nc'-gligé, dans la
mesure de ses ressources, hélas! bien peu considéral)les, pour marquer en ce
sanctuaire les traces que Jeanne d'Arc y a laissées.
Des inscriptions pieuses et sans faste rappellent la place où elle (\ul
être baptisée, un bénitier où sa main d'enfant prenait l'eau l)énile, une slalue
ancienne devant laquelle elle a souvent prié.
Ees chrétiens ne pénètrent qu'avec vénération dans cette humble église
de campagne. Tout bon Français, quelles que soient ses convictions
intimes, y entre avec émotion et respect. Ne partageât-il pas la foi de Jeanne,
LES SVIÏTS IJE JEVNSE I.III OBDONSENT DE SECOLIUU L\ FKASCE
Groupe d'Ai.LAn, h Doniremy
24 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
il se souvient de ce que la foi a fait en elle, il évoque le souvenir des visites
fréquentes que la pieuse enfant faisait sous ces voûtes, foulant de son pied ces
dalles. C'est là que, selon le mot touchant d'un de ses camarades, (jiie nous
avons cité, « elle parlait à Dieu «, là, comme disait ce bon a ieux j)rèlre, l'ahhé
Arnolin, (ju'on .< la voyait prosternée devanl le eriieiliv, tantôt les mains
jointes, le visage et les veux levés vers le Christ ou la sainte A'ierge ».
Nul temple, si magnifique soit-il, ne peut valoir plus (jue eelui-là; nulle
|iai'l le ('(cur ne se sent plus fortement saisi. On ne le (juille (ju a\ee i-egret, on
y voudrait demeurer toujours.
Jj'extérieur de l'église a dû |)eii changer. C'est toujours cette même vieille
tour; c'est par ces haies (jue la cloclie ciivo\ait à Jeanne, qui les aimait tant,
les volées joyeuses de l'A//ge/as^ quand le sonneur IVrrin n'ouhliait pas la
consigne.
Jeanne d'Aie a maintes l'ois considère ces murailles vieillies, ces pierres
soiU comme imprégnées de son regard. Ce icgard lésa consacrées pour nous.
C'est une loi du ((cui', en elfel, cpie d'étendre aux ohjels (pTont consi-
dérés ceux <pic nous iiimons, (pielcpie chose du culte (|uc nous axons poin-
eux-mêmes.
A peu (le distance de Domremv, se trouvait, :ni temps de Jeanne
d'Arc, une cliapi'lle th'diéc à la sainte Yierge. On l'appehiit Noti'c-Dame de
Bermont.
C'était une sorte d'ermitage, situe sur le penchaiU de l'une des collines
(|ui ])ordent le chemin de Domremv à Vaucouleurs et descendent vers la Meuse.
Selon le témoignage du tabellion Nicolas Baillv, « Jeanne aimait à s'y
icndi'c en ])èlerinage ». En compagnie de jeunes fdies de son âge, elle v
allait chaque samedi pour v ])rier la Yierge, y apportait des fleurs et y
brûlait des cierges.
Cette chapelle existe, quelques personnes la vont visiter; on s'étonne
toutefois que le noml)re des pèlerins ne soit pas plus considérable. On v
eonseive la statue de Notre-Dame, en pierre assez bien sculptée, devant
laquelle Jeanne d'Arc a prié.
4^
Nulle histoire de Jeanne d'Arc, quelque plume qui l'écrive, n'aura le
charme pénétrant, la saisissante élo(|uencc île celle (ju'ellc a laconté'c elle-
même dans les réponses qu'elle fit à ses juges de Rouen.
(I I-A VU1\ Alli DIS Ml : n VA F.N F1\\M:K. » ET JE SE POE VAIS l>ErS DEUER OU JETAIS. »
D'apri-s l;i in-intiirc iimralf Jii Piintlit'on par E. Lenepveu.
4
DOMREMY.
^•7
C'est là ([ircllc se (Icpcinl Icllc qii'flk' est,
;ne(* ce naturel qui marque ses (lisef)urs eomme
sa conduite, en ces vives saillies qui mettent eu
déroute, par un seul mot, les ari^uties des doc-
leuis et jaillissent raj)i(lcs c( [)rccises eomme ces
lettres (ju ClIe lancail au houl d'une (Icclie aux
Anglais, (juand elle les soiinnait de se rendre.
Dans son proet's, il l'ut longuement question
des « voix » qu'elle attestait avoir entendues et
|)ar le conseil desquelles elle faisait toutes choses.
C'est un des points sur lesquels se porta l'elFort le
plus soutenu de ses misérables juges. Ils en firenl
le fondement de leur |)rincipale accusation. \
chaque S(''ancc ils \ rc\enaicnl, et, la \cilic de
son supplice, ils rinlcirogeaicnl encore siu- ccl
oh jet.
C'est sur ce point enfin (juc porte le preniicr
article de leurs conclusions finales cl t\^• l'acte
tlaecusation : « Sui- le premier ailicle (l'oncer-
nant les révélations), ladite Faculté dt'clare doc-
trinalement, après avoir pesé fa iin, le mode, la
matière des révélations, la qualité de la personne,
le lieu et les autres cii-conslanees, (|u'il n'v a la (|uc mensonges imaginés à
plaisii-, sc'ductcurs cl pernicieux, procédant des esprits malins et diaboliques
Bélial, Satan et J5éhémoth. »
Pourquoi le dissimuler'? c'est sur ce même objet (|uc portent nos
f|ucrcllcs (le pensées dans le temps présent touclianl Jcaïuie d'Are. Les
croyants atlrihucnl aux \oi\ ([ir'ellc entendit une origine cl une rc'alitt' surna-
turelles. Ceux (pii ne croicnl pas se refusent à admettre celte origine et cette
réalité. Parmi ceux-ci, dès lors, les uns s'abstiennent de juger, les autres ne
voient dans l'elal d'espril de Jeanne d'Ai'C (ju'une pure hallucination tout en
respeclani la bonne loi de la Puccllc, lacpielle leur paraît indiscutable.
On ne nous pardonnerait |i()inl, et ce serait légitime, de laisser de côté
cette grave question. Nous avons, d'aulrc pari, dcclarc' au dcbul de cet
ouvrage (|u"il ne serait (cuvrc ni de polémique, ni même de discussion. Nous
serons fulèle à cette promesse.
Nous nous contenterons donc de laisser la parole à Jeanne. Elle nous
JIÎANSF. A DO.MBI.MY
l)'.ij)ri-s iiiH- sliiluettc tic I'rémiet.
JEANNE D'ARC IIVCONTÉE PAR L'IMAGE.
dira, dans ses réponses an\ juives, ce qu'elle pense et ee ([u'elle eroil. [,e
lecteni' l^^eoulera, non eomine les juives de Rouen, avec le seeret dc'sii- de la
surprendre en ses discours, mais a\cc droilure. Nous aussi, dans un anire
esprit, étudierons, en ces discours de Jeanne, » la lin, le mode, la nialiere des
révélations, la qualité de la personne, le lieu cl les autres eireonslances ...
Celle Icclure laile, nous ne
conclurons pas senlemcnl à
la parfaite sincerilc de l'Iic-
ronie, el à l'adinirahlc ler-
incle de son l)on sens, ce
doni (In rcsie pcrsoinic ne
saurail doulci-, mais nous
reconnaîtrons (|ue ses r(''-
ponses nous |)lacenl en lace
de l'un des prohlèmes les plus
(lii;iics d'inicrci (|ne puisse
nous ollru' rinsloirc, I CUide
de riioumic cl la loi.
\ssislons donc à C(>s
liisles séances Av iioucn :
a\ons le pcnihic conrai;!'
d'cnlcndre, (jucique dci^oùl
(jue nous puissent causer le
cynisme et l'hypocrisie des
juges.
Aussi bien, les i('|)onses
de Jeanne nous donncroni
consolation et réconl'orl.
Nul mieux qu'elle ne nous
tlira, sans passion comme
sans crainte, les détails de ce m\ stère étrange dont son âme l'ut le théâtre et
le témoin. Sa voix, ingénue el vaillante, nous touchera plus (juc les disserta-
tions les plus longues et les mieux nourries.
« Messire Dieu, disait-elle, a un li\ l'c où nul clerc n'a jamais lu, si
fort soit-il eu eléricature. u Laissons les livres des clercs, ceux des sa\ants et
des discuteurs, lisons, loyalement, dans ce livre écrit de la main même de
Jeanne.
L_JE.ANNE PARC EXTENiPANT LES VOIX.
JEANNE ENTEND.VST SES VOIX
Ucssiu lii' Prouvé et Cahot pour le missel île Jeanne iPArc.
(Leiaige, éditeur. Cotlcctimi de l'ahhc Lcmerlc.)
DOMREMY.
jilvnm; vu buis CIlliNU
D'aiH-rs lin ilessiii île VlTAL-DuimAY. [Muscc Jeanne il\-lrt\ à Orléans.)
Dès le (lcl)ul (lu (Iciiviùiuc iiilciiogaloiic, les juges en \iemieiil à eelle
question :
« Qunnd avez-Nons entendu nos \()i\ pour la première (ois? demande
mail re Jean lleanpère.
— J'avais treize ans, repond Jeanne, quand /'rus une Aoiv xcnanl de
Dieu pour l)ien me eonduire. lit la première l'ois j'eus grand'pein'. (lelle \n\\
vint vers l'iieuic de midi. (J'i'tail l'ele, dans le jardin de mon pèic.
— AAiez-\ous mange?
— J'étais à jeini.
— Aviez-vous jeûné la veille?
— Non.
— De quel eôle enlendites-\ous la \(ii.v?
— A. droite el (\i\ (■à[v de l'église.
— La voi\ était-elle accompagnée d'une clarté?
— Rarement je l'entends sans clarté. Cette clarté se manifeste du côté
où me ^ient la ^oi\.
— Que NOUS semblail-il de cette voix?
— C'était, à ce qu'il me paraissait, une voix l)ien nol)le,elje crois iju'elle
m'était envoyée de Dieu. Lorsque je l'entendis pour la troisième fois, je
reconnus que c'était la voix d'un ange.
— Avez-vous bien |)u la l'omprendre?
— Elle m'a toujours protégée, je l'ai toujours bien comprise.
3o JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
— Oiicl cnsoioncmciil vous donnait-elle?
— Elle m'a enseii;nc à me l)ien conduire et à (re(|nenlei' r<''i;lise.
— ... A'oli'e |)ère siil-il \()lre (l(''pai"t ?
— Il n'en sut rien. La voix me disait : u ^a en Fcanee », et je ne [)on\ais
pins (inrei' on j étais.
— Que vous tlisail-elle eneore?
— La \n\\ me disait qne je lèverais le sièye mis par les Ani^lais devant
Orléans.
— Entendez- vous souvent cette voix?
— Il n'est jour (|ue je ne l'entende : j'iMi ai du reste Lien Lesoin. «
Dans la ti'oisième s(''anee, l'interroi^ateur revient bienl(">l sur la (pieslion
des réxclations :
« I)ei)uis ([ueile lieinc a\e/.-\()MS enlendu la \i)i\?
— Je l'entendis Lier, je l'ai entendue aujourd'lini.
— A quelle lieuic, liier, ra\e/.-\()US entendue?
■ — Je lai liier eiilendue trois (ois, le malin, a llieure des vêpres et (|uand
sonnail Wivc M(t//f/ i\u soir. Il m'arriM' même de renlendre plus sou\cnl ([ue
je ne le dis.
— Hier malin, (|ue raisie/,-\ons (piand la \()i\ \inl?
— Je tlormais, et elle m'a e\eillee.
— Vous a-t-elle éveillée en nous loueliani les hras?
— Elle m'a éveillée sans mi' louelier.
— La voix était-elle dans la chambre?
— Elle était dans le château.
— Lui avez-vous rendu i^ràcc? \nus êtes- vous mise à i,^enoux?
— Je l'ai rcmcreit'c en me lc^anl cl m'asse\ant sur mon Ml, les mains
jointes.
— Que vous dit-elle?
— De répondre hardiment Je lui demandai sur les réponses que je
devais faire, la priant de dcmaniler là-dessus conseil à Noti-e-Seii^ncnr. La
voix me dit : <-< Ré|)onds hardiment. Dieu te sera en aide » (Icttc nuit
même je l'ai entendue.
— A'ous a-t-cllc dit (juelqnes paroles avant que \ous lui adressiez (juel«|ue
re(juêle?
— La voix m'a dil (juclqucs paroles, mais je n'ai pas tout compris. Ce
f|ue je sais bien, c'est qu'après mon réveil elle me dit de répondre hardiment.
Vous, évèque, vous dites que aous êtes mon juge; prenez garde à ce que
DOMllEMY.
3i
vous faites, car, eu vérité, je suis euvoyée de la pari de Dieu, et vous vous
nulle/, en grand danger.
— Cette voix a-t-elle quelquefois varié dans ses conseils?
• — Non. Oneques je ne l'ai trouvée en deux langages eoiilraires.
— Mais cette voix vient-elle île Dieu?
— Je le crois fermement, comme je crois la foi ehrélienue.
LKS VOIX
D'aprrs le l;>blrau tl* Adrien Bonnefoy.
— N'en savez-vous rien de plus?
— Je crois que je ne vous dis pas à plein tout ce que je sais; mais
j'ai pins grande c lainle de Jaillir en disanl (jnelque chose f[ui d(''|)laise a ces
voix (|uc je n'en ai Ar \ous repondre a nous. (^)uant à %otrc ([ueslion sur ma
voix, je ^ous prie de me donner délai.
— Croyez-vous qu'il «léplaise à Dieu ([u'on dise la \erile?
— Les 'voix m'oni dit de dire certaines choses au roi, v\ non a xous.
Celle nuit même, la \oix m'a dil licaucoup de choses pour le l)i<n du roi que
je Nondrais être des mainlenant sues de lui, dnssé-je ne pas l)oirc de \in d'ici
à l'à(|ues. Il en serait plus aise à diner.
32 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
— Ne |)ouvt■z-^olls l;inl faiie aiipirs de c'clle voix qu'cllf conseille à
poiler la nouvelle à voire roi?
— Je ne sais si la ^oix voudrait y consentir. Elle ne le ferait que si Dieu
le voulait et y donuail son assentiment. Mais, si c'est le plaisir de Dieu, il
pouna bien se i'aire (|ue la ré\élalioii soit t'aile au roi, et j'en serais hien
eontenle.
— Pourfpioi celle ^()i\ ne parle-l-elle j)lus niainleiianl à Notie roi eonmie
elle le l'aisail (piand aous ('lie/, en sa j)résence?
— Je ne sais, si c'est la volonté de Dieu. N'étail la i;ràce de Dieu, je ne
saurais rien faire. »
Le (jualriènie inleirogaloire est à peine eulauK' f|ue Jean Beaupère
reprend la ([ueslion des ^oiv :
« Depuis sanu'di a\ e/.-\()US enleiidu les voix?
— Oui, et plusieurs l'ois.
— Y a-l-il loni;leni|)s ([u'illcs \()us parlenl?
■ — Voilà hien se|)l ans (|u'cllcs lue i^ardenl.
— C.i'S sainles soiil-elles \clues de la niènic eloilc'''
— Je ne aous en dirai pas niainlenanl da\anlat;e. Je n ai j)as congé de
le ré\eler.
— A ous ne devez rien nous laire.
— îl y a des ic\elalions (|ui \oiil au roi de l'rance, cl non à Aousfjui
m'inlerrogc/,.
— Les deux sainles parlenl-ellis à la l'ois ou l'une après l'aulre?
— Je n'ai point à \ous le dnv. CependanI j'ai loujoius eu conseil de
toutes les deux.
— La(pullc des deux nous l'sl appaiiii' la picniiere?
— Je l'ai su jadis, mais je l'ai oïdilié.
■ — ^ iles-vous saini Alicliel cl K'S anges en corps cl en réaliU'?
— Je les xis des \eux de mon corps aussi hien (jue je nous xois. El
f|uaud ils s'éloignaienl de moi, je |)lcurais cl j'aurais hien xoulu (ju'ils m'eus-
sent emporlée aNcc eux.
— lui quelle liguic élail saint Michel ?
— Il n'y a pas de réponse possihle; je n'ai |)as congé de vous le
dire'. ..
I. \ous empiinuons la plupart de ces léponsis à la liadiiclion qu'a donnée du procès de
RmuM M. Joseph l<"abre, dans son leuiarijualde et eonseientieuv ouvrage : Procl'S de coiiduiiiimlioii de
Jcuinic d'.-lii-, I \ol.; J'roics dv ic-liii/iililclwii de Jeanne d'Jrc. 2 vol.
DOMREMY.
33
Un homme attentif cl impartial ne pouria lire ces réponses de Jeanne
d'Arc sans fiiire les remarques suivantes :
Il n'y a trace de rêverie dans ses paroles : les détails de lieu et de
temps qu'elle
donne à l'en-
droit des appa-
ritions qu'elle a
eues sont d'une
précision abso-
lue. C'est à telle
heure, c'était
hier, c'est main-
tenant , en til
endroit, de tel
côté.
Point (le pa-
roles superflues,
rien de celle
1 o (\ u a c i t é (\ u i
marcjue ordi-
nairement les
fantaisies de
l'imagination ou
les illusions tl'un
esprit illumine.
Lui demande-
t-on des détails
sur le vêlement,
la taille, la voix
ou l'alluic des
sainles (|ui lui
pai'Ient, elle se
refuse à les don-
ner. A ses yeux, ce sont de pures inulililc-s. « Passez outre », répond-elle.
En retour, elle alfirme avec une énergie extrême ce qui importe : « .Te
crois aussi fermement les dits cl les laits de saint Michel, comme je crois
que Notre-Seigneur Jésus-Christ a souffert mort, en passion pour nous. » —
5
Il I„\ FHANUl. l'LHIH 11 V\K (Mi FI.MMl; SF.ll V IUCGAGNÉK I>AH UNE VII.liGr. I.OnUAlMi. »
D'ajni-s le tableau de H. -P. Uelanoy.
M
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
<v Yraimenl, ajoute-t-elle, si vous me (leviez arraclier les ineinl)r(s e[ faiie
pailii- l'âme hors du eorps, eneore ne \ oiis (lirais-jc autre eliose; et si je nous
disais autre ehose, après je vous dirais loujouis (|ue nous uie l'aNcz lait dire
par forée. »
(hiel([u<'s jours après, elle y re\ienl et dit : '■ Si j'c'tais eu jui^cinent,
que je visse le fi'U allumé et les bourrées prepai'ces et le hoiureau prèl à bou-
ler le l'eu et «pie je fusse dans
le feu, encoi'c je n'en dirais
autre chose et je soutien-
drais ee (pie j ai dit au
procès jus(pi'à la morl. »
()u dirait (pi'cllc se
complaît a ciuuncrer les pr((-
Urès de ce su|)plicc du feu
dont elle a tant horrciu-, et
a les analsser un à un, pour
donner à son assinanee une
(■nergie su|)rème.
Enfin, à rencontre des
illuminées, elle est la saii;esse
même, elle excelle dans l'es-
prit de eonduite. Ses visions
n'ont pas été vaines, mais
tendent toujours;! son amen-
dement et au succès de
r(euvi'e (|iii lui a été con-
liec. C'est « poui' 1 aider à se
bien eonduii'e >> (pie cette
\<ù\ lui \ienl de Dieu.
« Sois bonne enfant », lui dit saint Alichel.
A ses saintes elle n'a demande (pie trois choses : « Le succès de mon
expédition; (pie Dieu aide aux français, et i^arde bien leurs villes; enfin le
salut de mon âme ». Elle dit encore : <■' Ouekpie chose cpie je fisse jamais,
mes voix m'ont toujours seeonrue; c'est le signe qu'elles sont de bons esprits. »
Enlin pour conclure, ajoutons : .Icanne était \ii^oureuse cl fort bien
portanle; toute jeune elle tra^ aillait aux champs, vaquait aux soins du
ménage, « allait à la charrue et b('ehait ». Pendant la guerre, on la vit supé'-
I, ISSPIKATIOS
D'iipi'és le t.iblc:m de Ducis (182.Ï).
DOMREMY.
rieni-e aux plus graudes fatigues. On ne peut donc supposer
en elle un être maladif et propre à certaines afFeetions dont
la science s'est, avec gi-and fruit du reste, tant occupée de
nos jours.
J'^ile est d'autre part le bon sens même et le plus fer-
me; on ne saurait supposer en elle iliuminisme ou folie.
Enfin sa lovante est supérieure à tout et, incapable
de s'égarer, elle ne l'est pas moins de tromper autrui.
Telle est Jeanne d'après les témoignages de tous
ceux (|ui l'ont connue.
Devant ces faits, les ci'oyanls estiment qu'elle a
réellement entendu ces voix, et de cette pi-emière
conclusion ils passent naturellement à cette autre :
qu'elle a été réellement inspirée de Dieu.
Ceux qui ne croient pas se refusent à cette conclu-
sion. Nous n'entreprendrons point ici de les convertir à
notre jugement. Il faudrait pour cela uuc démonstra-
tion étendue f[ue ne comporte poini uoli'c trasail cl
([ui ne rcnlicrail (\i[ icsic nullement dans ri'S|)rit (ju'il
doit garder.
<li' que nous souliaitons, c'est que les savants qui
sont dignes de ce beau litre [lar le soin de leurs recherches, l'étendue de
leur savoir et la gra\ile lo\ale de leui-s conclusions, s'arrêtent à étudier
ce phénomène à la l'ois intellectuel et moral.
Il est au plus haut degré digne de leur attention.
Leur demanderons-nous de conclure? Non, peut-être. La science et les
sa^ants n'ont pas à dogmatiser.
Nous attendons d'eux simplement iju'avcc la modestie toujours aussi
facile à u\\ grand esprit (|u'ellc est honorable poiu- lui, ils continuent les tradi-
tions de respect intellectuel et de reserve élevée qui jus({u'à nos joins, à
quelfjues exceptions près, ont été de tradition pour l'esprit français à l'é'gaid
de ce fait considérable de la vie de Jeanne.
Même en ces dernières années où les recherches des maîtres de la science
française sont allées si loin, nid n'a touché d'une main profane le nom et la
personnalité de Jeanne d'Arc. La chose honore l'héroïne. Elle n'honore pas
moins la science française.
L'Eglise, du reste, nous le disons avec une fierté filiale, donne à la
JEANNE D \RC ECOUTANT SES VOIX
D'ai>rés l.T statue (l'A. Ktex
clans réglisc d'Orsay.
36 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
science en celte matière nn exemple bien digne d'èti-e suivi. Dans le procès
de rèliabililation de Jeanne d'Arc, elle s'abstient de porter le débat sur le
caractère ou la réalité de ses voix, se contentant de mettre en une lumière que
rien désormais ne pourra ternir la baute et inattaquable vertu de Jeanne.
Si, dans un procbain avenir, le procès ouvert à Rome aboutit conformé-
ment à nos espérances, en assurant à Jeanne d'Arc l'auréole des bienbeureux
et des saints, il se peut ([w l'Ei^lisc i^ardc la nicmc réserve.
La science ne saurait mieux lairc <|U(' de ((mliiuici- a s'iiis|)ircr d'une Icllc
conduite. Ce ne scia pas, eu nos joui's où tant de fjucsiions nous (li\iscnl,un
spectacle médiocrement consolant cl Ibililianl que de \oii' Jeanne d'Vrc, eu
cette manière comme en tant d'autres, pacifier les lils de la France réunis à
ses pieds, en la personne des maîtres de la Science et de ceux de la Foi, dans
un culte assez «^rand et im dc-vouement assez génc-reux pour imposer silence
à leurs querelles de pensées cl s'accoidcr dans la commiuie admiration (jii'ils
professent pour la plus vaillante cl la [)lus uoble de leurs sœurs.
•■><
I)OMIir..MV
D'iiiiri-s la médaille de O. Roty.
w^^
I.K PI DKI.l.E CHASSIMI' I.F.S ANGLAIS
D'iiprés une f;iMMiri' île V.ocms. {Bil'linlhèiiiic naliniialc.)
II
VAUCOULEURS
PREMIER VOYAGE DE JEANNE — JEANNE ET BAUDRICOURT
SECOND VOYAGE — DURAND LAXART
!V-,
LES clioses allaient de mal en pis pour la Franee.
Les suceès des Anglais se poursnivaient. Verneuil
elait Ion jours en leur pouvoir, Orléans grandement
menacé. J^e bruit de ces deuils se répandait dans les
campagnes. Un pèlerin, un vovageur ou quelque fuyard
en apportaient la nouvelle. Dans les familles on s'en entre-
tenait avec terreur; le récit en était répété le soir au coin
du foyer, et les âmes étaient comme en suspens dans l'at-
tente d'événements plus graves encore et de calashoplies
suprêmes.
Jeanne entendait tout cela, sans dire ce qu'elle en
savait déjà par les révélations de ses saintes; mais
l'impression qu'elle en ressentait s'accroissait encore par
l'émotion populaire que suscitaient autour d'elle ces
terrifiantes nouvelles.
Une tradition raconte qu'un moine franciscain de
passage à Domremy s'était arrêté chez Jacques d'Arc. Il
avait raconté lui aussi « la grande pitié du royaume de France ».
,<%-s«':-4
JEANNE ENTEND SES VOIX
D'après la statue d'ANDRÉ Allar.
[Basilique de Domremy.)
38
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Jeannette, loujouis modeste, se tenait à l'écart, à la |)lace
la plus humble, au milieu de ses frères et sceur, assise sans
doute près de cette vieille et Aaste cheminée que l'on
conserve encore dans la maison de Domremv.
Son dessein dcxiul plus formel, sa liàlc de partir
plus impatiente.
Les Franciscains semblent avoir eu, entre tous les
ordres rclii^ieux , rinilucuce la plus considérable sur
.Icannc d'Vrc. l'idèlcmcut alla(li('>s à la cause fran-
çaise, indcpciidanls cn\('rs le t\iu- de iSoui'goiiuc cl le
pai'ti anglais, ils allaient par les \illes cl les cam-
pai;iics, clanianl les iiiallicurs de la I raucc, cxliorlanl
les hommes à la liillc cl raniniaut l'espoir d'une \i(-
loirc liuale.
Ful-cllc reellcmcMl Icr'liairc fr'anciscainc, ainsi
(lu'oii la piclciidu? La chose ne scnd)lc pas péremp-
toirement établie, (|uoi(|uc a cette cpo([ue le nombi'e
des fidèles aflilies à lun des i;iands ticrs-ordi'cs dit très
considérable. Mais ce (|ui demeure clabli, c'csl la
mission (juc les i'ranciscains ont remplie près de
Jeanne pendant son action publicpic cl I inalté-
rable dcvoucmcnl (|u'ils lui oui moulic. Il est
juste (\^^ le l'cconnailrc cl de rendre à leur oi'drc
ce lem(»iij;nage si honorable pour lui.
Les « voix «, du reste, pressaient .Jeanne toujoins davantai^e. « T>a voix,
me disait deux ou trois fois par semaine : Il faut que tu quittes Ion villaoe et
que tu ailles en France ".
" La \oix me ilisait : \a en France, et je ne [jouxais plus duicr où
j'étais ».
« La voix me disait encore que je lèxcrais le siège mis devant Orléans.
— Ne xous disait-elle pas autre chose"?
— Oui, elle me dit d'aller à A aucouleurs, vers Robert de Baudrieourt,
capitaine dudit lieu, et qu'il me donnerait des gens jtour faire route avec moi.
Et alors, moi, je ré[)ondais à la voix que j'étais une pauvre fdle ne sachant ni
chevaucher ni guerroyer. »
Jeanne passa quelques mois dans ces alternatives d'espérance et de
crainte. Tantôt l'àpreté de l'entreprise la rejetait en arrière; elle se disait alors
<I IL PlUr OUF. J VIl.LF., F.T J IlUI »
D'après hi siatiiftlc irANnftÉ Massoui-le,
VAUCOULEURS.
39
(ju'il c[ail j)kis s;ii;f de rt'sU'i- aux cliamps, ou du moins de sui'scoir à loute
résolution.
Mais bientôt l'inspiialion icvciiail; Irs voix ro-jK-onaii-nl : « Va, va, lille
de Dieu, va ! » Son cœur, du itsIc, ('lail ()u\eit, prêt à les enleiidre, et le grand
amour (ju'elie axait de la
France s'unissant aux in-
stances de l'ange et des
saintes : « Il faut que
j'aille, disait-elle résolu-
menl, et j'irai. »
Mais la réalisation
des plus grands desseins
dépend souvent au delinl
de ({uel([ues détails de
conduite, qui ne sont rien
en a|)parence et même en
soi, mais (ju'il n'est pas
toutefois aisé de mener à
bonne fin. Le point im-
portant pour Jeanne élail
de se rendre à Vaueou-
leurs, et pour cela il lui
fallait quitter Domrenn.
(4- n'était pas cliose facile.
lui silence, elle réllé-
cliil sur cet ol)jet.
On ne s'attardera ja-
mais assez à considérer celte enl'anl de Irci/.e ans, menant seule un tel labeur,
n'en parlant à personne, saeliani (|n'aii moindre mot (ju'elle en dirait tous
seraient contre elle.
Une telle force d'âme est vi'aiment surprenante clie/ une enfant de cet âge.
Il est à croire toutefois qu'en dcpil de ses ell'orts elle ne dissinudail pas
complètement les pensées qui roccupaient et (juc sa famille cul (pielcpie \ent
de la cliose.
I.\ VOIX MV. DISAIT « V\ IN lUANCM »
D'après le tableau do Jacques Waghez.
4o JEANNE DARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Nos songes sont souvent faits de nos craintes ou de nos désirs. Le père
de Jeanne eut des songes à ce sujet.
« Votre pèie ne fit-il pas des menaces contre aous, pour le cas où
vous partiriez? demanda un tles juges.
— J'entendis répéter par ma mère, répondit Jeanne, que mon père
disait à mes frères : Vrai, si je crovais qu'advint celte chose de ma fdie,
je voudrais qu'elle fût no\(''e par vous; et si vous ne le faisiez, je la noierais
moi-même ».
Elle ajoutait : « Mon père et ma mère perdirent presijue le sens quand
je partis pour Vaucouleurs ».
Jeanne von ait tout cela, et nul ne pourra s'imaginer les lortiucs qu'elle
ressentit quand, placée entre l'amour (|u'clle avait poui' les siens et celui
qu'elle portait à la l'ranee, elle « voulait et ne voulait pas ».
Ces sollicitudes la chargeaient déjà l)eaucoup : luie autre s'\ adjoignit.
Sa famille, sans doute poui' la détourner de son dessein, essaya de la marier.
Lin jeune homme île Toul demanila sa main, mais Jeanne se refusa à ce projet.
I^e jeune homme la fil alors citer en justice à Toul, comme lui ayant promis
de l'épouser; mais gain tic cause fut donné à Jeanne.
Ses juges de lîoueii rinlcrrogèreul à ci' sujet, étaxant sin- ce i'ontl une
de leurs accusations contre elle :
« Qui est-ce qui yous poussa à faii-c citei- un honune à Toul en cause île
mariase ?
— Je ne le fis pas citer, répondit Jeanne; mais ce fut lui (]iii me fil citer
en cette ville, et j'v jurai devant le juge de dire la vérité : je n'avais fait à cet
homme aucune promesse. »
Au milieu de ces angoisses iliverses, Jeanne eût peut-ètie encore retardé'
son dépari, si une occasion fayorable ne lui eût été offerte de tenter un
voyage du côté de Vaucouleurs.
Elle avait à Burev, village situé aux environs de cette ville, un cousin
germain de sa mère, nommé Durand Lavait'. Jeanne obtint de ses parents
la peimission iKallcr passer qiu'lfpies jours chez ce pai'cnt.
Aussitôt arrivée à linrev, elle demanda à Lavait de la conduire à Vau-
couleurs.
Lui confia-l-elle l'objet de l'ouverture qu'elle voulait fiiire au gouverneur
de cette ville? Nous ne savons. Durand Laxarl était bon. J^'accent avec
I Ou Durand Liissois.
VAUCOULEURS.
4i
LIÎ Dia'Mll' Dr. VAUCOULEURS
I)'.i[H'('s lit peinttii'i* imir.iU' «lu P.iiitlu'-on, j)iir Lenepvku.
It'fjui'l la jc'iuiL' lillc lui (Icinaiitla ce st'r\icc le remua saus iloulc, l'I il se décida
à l'accompagner.
Jeanne a raconté cet incideni de\an( ses juges de Rouen, a\{'e sa netteté
cl sa concision habituelles : « J'allai clicz mon oncle cl lui dis (|uc je xoulais
rester près de lui pendant quclf[ue peu de temps, et j'\ icslai huil jours.
Pour lors, je dis à mou oncle fju'il me fallait aller à Aaucouleurs, cl mon
oncle m'y conduisit. Quand je fus mmuic à Vaucouleurs, je reconnus
Robert de Baudriconrt, qnoicjne je ne l'eusse oncques vu aupara\ant.
— Comment le reeonnùtes-vous?
— Je le reconnus grâce à ma voix. C'est elle qui me dit : « Le voilà «.
Je dis à Robert : « Il faut que j'aille en France ! » Deux fois Robert refusa
de m'entendre et me repoussa. T^a troisième fois, il me reçut et me donna
des hommes. Aussi bii'u la xoix m'avait ilit (pi'il eu serait ainsi. »
^^
42
JEANNE D'ARC RACONTEE PAR L'IMAGE.
C'est, pense-t-on, vers la fêle de
l'Ascension que Jeanne se rendit pour
la première fois à Vaucouleurs.
Il est facile de s'imaginer l'anxiéu-
de ses pensées en ce premier vovasjfc.
L'imporlanee de la ville ('(ait assez
considérable, et Jeanne sans doiile y
entrait pour la pi-emière fois.
Les villes ont pour les gens des
cliamps une sorte de prestige donl ils ne
se (Icicndcnl (ju'a la longue et après
plusieurs voyages. Les maisons v sont
plus alignées qu'à la eampagne, où clia-
ciMi l)àlil (i oriente sa deuK itic selon sa
l'aulaisic, sans compter a\cc les soisins
ni prendre souci de la \()irie. Les de-
nieui'cs V oui un plus liclic aspect cl jcr,
toits s"\ élcxcnt beaucoup plus liaul (|uc
celui des cbauuùères. Ou \ parle un
langage |)lus correct, (pii [met mal à
l'aise f{'\i\ (|ui n'ont gnèi'c use (juc du patois campagnard. Les gens enfin
y ont des manières plus soignées, inic mise plus elegaiilc et des allures cpù
déroutent le paxsan. [)c tout cela nail eu lui une sorte de crainte (jiie sou
embarras extérieur tralùl et (pii le rend sou\eut gauclie et parfois balourd.
Jeanne s'élevait évidemment au-dessus des sentiments du granil nombre
des hommes et, dc^à mûre longtemps avant l'âge, elle savait juger à leur- poids
les choses et les gens.
Aussi prompt que elairvovaut, son regard allait plus loin ([ue les appa-
rences et le dehors : il atteignait le fond même.
11 n'en demeure pas moins que son ame, éminemment propre à recevoii-
les impressions du dehors et fidèle surtout à se pénétrer de la gravité des
entreprises avant d'v mettre la main, dut s'émouvoir grandement devant
cette porte du château où, plus que son propre sort, allait, selon l'accueil
du gouverneur, se décider le sort de la France. J^e pont-levis s'abaissa
lentement et Jeanne entra, suivie, à distance sans doute, par l'onde Durand
I^axart.
Cette porte est conservée à Vaucoidcurs. Le visiteur se recueille avant
i)-.,p.
JF.VNNl'. I> AUC
la sr;ituf tir V. lîoGlNO.
VAUCOULEURS.
43
d'i'ii fiaïuhir le seuil, (l'est qu'il n'est pas moins saeré (jue eclui de la maison
(le Jeanne à Domremv. Celui-ei fut le premier que Jeanne petite enfant foula
en entrant dans la vie. lei, e'esl dans la vie publique que Jeanne va entrer;
e'esl la première manifestation de son action étonnante, c'est le premier mot
de son épopée.
Il n'est pas permis à un bon Français de considérer ces pierres sans une
émotion profonde. Elles ont
pour le visiteur je ne sais
quoi qui le fascine et, comme
i\n parfum sacré, s'en dc'--
uaee le souvenir des choses
étrangement grandes qui se
sont passées en ces lieux
dans l'àmc de Jeanne d'Arc.
Baudricourt fil à la
jeune fille un accueil peu
encouraseant.
I^a Pucelle lui dit, sans
autre préambule, qu'elle
« venait île la part de sou
Seigneur, afin qu'il mandât
au Dauphin de se bien lenii-
et de ne point assigner ba-
taille aux ennemis, parce
qu'il aurait secours avant le
milieu du carême ». — « Le
royaume, disait-elle, n'ap-
partient pas au Dauphin,
mais à mon Seigneur; mais
mon Seigneur veut ([uc le
Dauphin devienne roi et (ju'il ait ce royaume en commande. En dépit de ses
ennemis, il sera roi, et moi-même le conduirai au sacre. Il faut f|uc j'aille
en France, et j'ii'ai. Qu'on me donne une escorte et un che\al. V\ant la mi-
carême, il faut que je sois par devers le roi. •
Ces propos n'étaient pas pour étonner médiocrement baudricomt. Ces
mots de « mon Seigneur » lui parurent étranges, et il demanda à Jeanne :
« Et quel est donc ton Seigneur? » — « Le roi du ciel «, répondit Jeanne.
« V.V vu SECOUBS DU KOI DE FRANCE, lU LUI IIENDUAS
SON ROYAUME ))
B'aprês le tabicnii d'EuGÈNK rmuioN.
44 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Le capitaine la jugea folle et, sans aller plus loin, a|)pela Durand l,a\arl
el lui tlit de la « reconduire à son père après lui avoir donne'' deux soulïlels ».
On a fort attaqué la mémoire de Baudricourt pour le peu de confiance (pi'il
montra d'abord à Jeanne d'Arc et pour la créance (ju'il icfusa à ses dires.
C'est juger ])ien à la légère que tle juger ainsi. Il faudrait en effet mieux
entendre les conditions dans lesquelles le capitaine de A'aucoulcurs recul les
ouvertures de Jeanne.
Qu'on s'imagine une jeune fille de dix-sept ans, presque une cnCanl,
arti\aut de son village à l'insu de ses parents, n'avani pour guide cl ponr
garant qu'un simple pavsau. (>u'on l'écoute ensuite pai'Iant an gonverncni' de
son dessein d'aller faire sacrer le Dauphin, après avoir déli\ ré Orléans, qnand
les plus fameux capitaines du temps n'y pouvaieni réussir. (^)n'on la suppose
enfin se donnant comme une envoyée de Dieu, el l'on c<miprendra que Bandri-
eourl ail lout d'ahord vu en elle une folle plutôt qu'une inspirée.
De telles pensées n'entreraient qu'avec peine en l'esprit de tout homme
sage; elles ne pouvaient surtout agréer à un soldat double d'un |)olili(jne avisé,
peu fait pour admettre en son conseil de défense les interventions surnatu-
relles et les considérations mystiques.
A nous qui, après einfj siècles écoulés, savons ce qu'il en fut de Jeanne et
de sa mission, il est facile d'accorder à celle-ci toute créance. Mais en ce temps-
là c'était autre chose. On n'a pas le droit de blâmer Baudricourt plus que les
docteurs de Poitiers qui pendant trois semaines tinrent Jeanne d'Arc dans
l'attente, ni plus que le Dauphin et sa cour qui commencèrent par douter de sa
mission.
Les propos de Jeanne il'Arc eussent-ils (-te tout autres, eussent-ils été
inspirés par une connaissance approfondie des choses de la guerre, que
15audriconrt eût dû encore prendre temps et conseil avani d'\ adhérer. Yaucou-
Icuis élail, à l'est, la clef de la France. Quaiul on ou\ ic el (jiuuul on ferme
à discrétion la « Porte de France », il ne le faut faire qu'à bon escient et après
a\()ir exigé papiers en règle de ceux qui veulent en franchir le seuil.
C'est ce que fit Baudricourt, et il faut l'en loner. Il a fait ce qu'il dexait
faire, il a ('lé ce (jn'ii devait être : le fidèle et prudent gardien des intérêts
de la France.
Il est facile de jeter sur lui le blâme; il serait moins aisé pour ses accusa-
teurs de justifier les reproches dont ils l'accablent.
Quel accueil eût-il rencontré à la cour si, sur les premières ouvertures de
Jeanne, il l'avait envoyée au Dauphin avec lettres de garantie?
VAUCOULEURS.
45
Qu'eussent pensé de lui les La Hire et les Dunois en le voyant, sans exa-
men plus prolongé, annoncer comme chef de guerre aux armées françaises
et comme iïilur libérateur du territoire une enfant de cet âge, hier encore
paysanne, faisant le ménage chez son père et fdant la quenouille en gardant
des troupeaux?
Le blâme ici ne doil pas aller à Baudricom-t pour avoir agi comme il l'a
CH.VTEAU I>K VAUCOIILI'.MIS (iLTAT ACTIIKI.
La Porte (!c ville et la Pm-lr «le l'rallec (iTaprés une |iliiitiii^'i-a[iliie).
l'ail, mais à ceux (jiii hii loril un crinir de sa prudence et de ses sages Icnlcuis.
On iiisisie cl on lui (ait reproche (l'a\oir conseillé à Durand Laxarl de
soulllelcr Icaniie.
Il est clair qu'en noire Icinps, ou Tcaïuic d'Vi'c esl l'objcl d'iiii Ici cullc,
on s'indigne volontiers à la seule pensée du moinilrc outrage lail a sa
personne. Mais Baudricourl vivait en son temps et non dans le nùirc. Il serait
plus sage de comprendre que Jeanne d'Arc ne pouvait avant sa mission clic
pour lui ce qu'elle est pour nous.
Il serait juste aussi ilc se reporter aux mieurs de ce même temps. Elles
avaient, en toutes choses, une rudesse dont nous n'avons plus l'idée aujour-
46
JEANNE D'AIU: R VCONTÉE PAR L'IMAGE.
(l'iuii, cl (le même qu'à cette époque Ijiùler \ if (|uel(|u'un n'iniiil piis aux
yeux (les foules l'odieux (|u'uu (el supplice aurait maiuteuaut, de même,
dans l'éducaliou des eufauls, ou usail de uioyeus que uos mceurs actuelles
l'cpiouNcul, et a\ee raison,
mais (jui, il a a à peu près
un demi-siècle, étaient loin
d'èli-e lomb("s en (l(''suélude.
La pau\ie Jeanne eût
de beaucoup préféré nombie
(le soufflets, même \ii;()U-
l'cux, aux <• torts el iui^ia-
\auccs » que les couilisaus
lui inipos('i-cnt des le pi'c-
miei- jour sans relàelie, que
tant d'autres avec eux ne lui
mcuiii;er('nt pas, el (jui jus-
(|u a la mort l'enlia^èrcnt à
tout instant.
Il con\icul enlin de
disciMpcr Laudi'icoui'l d une
accusation plus i>rossièi"e à
la fois et plus odieuse, d'api'ès
huiuellc il ainail insull('' à la pudeur de Jeanne cl lui aurait, devant ses
soldats, tenu des piopos révoltants.
Jeanne le nia a Uouen, et ecu\ (|ui aujourd'liui ci'oient faire (cu\re
oratoire en nicme Icnqjs (jue patiioti(jue en eta\ant sur ces hideux racontars
r(''pilhèlc d'iufàmc qu'ils jeltenl gratuitement à baudrieourt, devraient se
souvenir en (juclle compagnie ils se placent en parlant de cette manière. Les
lauriers des juges de Rouen ne sont vraiment pas de ceux qui devraient les
empêcher de doiniir, el Icui- ardeur peut s'animer comme il convient pour
riionneur de la Pucellc el la grandeur de la l'rancc, sans emprunter à une
émulation de ce caractère des sentiments ([ui ne sauraient être efficaces en
leurs fruits quand ils naissent d'une telle source.
Aussi bien, qui veut-on insulter ici? Un moraliste a dit fort judicieuse-
ment cette grave parole : « On ne fait généralement entendre à une femme
que les propos qu'elle a fait compiendre qu'elle écouterait volontiers ». —
Veut-on faire à Jeanne d'Arc application de cette règle? Non, sans doute.
D';ipn's une iniiii;iturf d'un niiilul^ci-it latin du xvi*^ sii'clc
VAUCOULEURS.
47
t.t: songe
D'iiinc's une; lilliiji;i ;iiiliii' de CllASSEl.AT (1S20).
Comnicnl (1rs lors ne coinpicnd-oii |);is ([u'cn xoiihinl iMl):iiss(i- Ikmdiicoiiil
|):ir le |)ro|)os qu'on incl suc ses Icxics, on rahaissc du même t'on|) cl dans
la même mesure Jeanne (jiii \ auiail sans protestation \>\v[v roieilley
Il faul laisser à d'aulres causes des plaidoyci's de celle nature, cl si l'on a
le faible des lieux communs, en elierelier de moins hiessanis |)our la
mémoire de .Teannc cl mieu\ (ails pour honorer ceux qui veuleni en ceci
se faire ses avocats.
fw»!™»
Cet échec ne découragea pas Jeanne d'Are, et sa résolution n'en fut pas
ébranlée. Elle dut toutefois rentrer sans retard à Domremy.
Le temps qui s'écoula cuire ce premier voyage à Vaucouleurs et le
second qu'elle y fil en février raniiée suivante dut être fécond en épreuves
|)our elle.
Il est clair qu'à celte époque la distance de quatre lieues qui sépare
Domremy de Vaucouleurs était réputée beaucoup plus considérable qu'elle ne
48 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
l'est aujouril'luii. Il semble difficile toutefois que la faniiiic de .leaiine n'ait
pas eu quelque bruit du voyage de la Pueelle et de sa démaielie près de
Baudiieourt.
S'il en fut ainsi, l'inilation de son père dut s'accroître encore, les craintes
de sa mère grandir aussi, cl plus que jamais l'un et l'autre, selon la forte
expression de Jeanne, durent •• en perdre le sens ».
Plus d'une scène |)énible, Aiolenlc |)cul-clre, eut lieu au foNcr, et ces
vieux murs de la maison de Jeanne l'urenl témoins de ses larmes. Son âme
était forte des dons fjuc Dieu lui avait fails el des gràc(>s qu'il lui accordail
ebaquc jour.
TjCs voix de ses saintes el celle de saint Alicbel la xenaient consoler.
Mais la lutte n'en était pas moins formidable pour le Cd'ur de cette enfant
seule contre tous et rencontrant les forces les plus redoutables qui fussent
pour elle au monde, puiscjue pour elle elles étaient les plus sacrées, à saxoir :
les ordres de son père et les larmes de sa mère.
« Et pourtant, disait-elle plus lard à ses juges de Rouen, puisque Dieu le
commandait, il fallait le l'aire. Puiscjue Dieu le commandail, même si j'eusse
eu cent pères cl ccnl mèics, cl (|uc j'eusse elc lillc de roi, encore scrais-je
partie. »
Jeanne louclie ici à l'inic des lois les plus graves parmi celles qui régissent
l'Iiumanitc : elle le fait avec une sagesse <jue la foi éclaire cl qui étonne en un
âge si tendre.
T/autorité paternelle est sacrée. Comme elle est le fondement tic la
famille, ainsi est-elle aussi l'un des fondements de la société même, lacjuclle
se compose des familles.
Il importe donc grandemcnl de la fortifier, afin de la maintenir. Il n'est
nulle religion, comme il n'est nulle pliilosopbie dignes de leur nom, qui ne s'v
soient ap|)liquées. Mais s'il faut soutenir et par conséquent mettre en lion-
neur l'autorité paternelle, il n'est pas moins nécessaire d'éclairer' sur leurs
dex'oirs ceux qui l'exercent.
L'enfant, l'adolescent et le jeune homme même ont rarement assez de
sagesse pour considérer l'axenir comme il convient et établir leur vie selon
leur intérêt propre et celui de la société à laquelle ils sont redevables de leurs
efforts.
C'est alors que le père et la mère doivent intervenir, l'un a\ec sa force
morale et sa sagesse, l'autre avec sa tendresse et son dévouement. J/en-
fant doit s'incliner devant la volonté paternelle et maternelle, il doit axec
lC<nœ^
VAUCOULEURS.
49
respect, amour et soumission suivre la ligne qu'ils indiquent, et c'est cet
ensemble de devoirs que le Décalogue et la religion ont rc'sumé dans ce mot
si profond : « Tes père et mère honoreras ».
Si ce devoir est grave pour l'enfant, combien pour les parents n'est pas
pressant aussi et sacré celui de l'abnégation, de la sagesse et de la calme
autorité sans lesquelles le ministère paternel ne saurait être accompli !
Il semble étrange de parler d'abnégation à un père, à une mère, car nous
estimons que leur cœur en est rempli et que nul amour n'est plus oublieux
de lui-même que l'amour
des parents pour leurs fils.
On ne doit toucher à
ces choses qu'avec véné-
ration, tant est grave la
moindre erreur en telles
matières.
C'est donc avec une
infinie douceur cl une me-
sure parfaite qu'il faut rap-
peler aux parents que le
cœur peut se tromper en
ses tendresses, se faire à
lui-même illusion, et qu'un
père, une mère, peuvent
se rechercher eux-mêmes
alors qu'ils croient ne D\,|n-.s un i.Ms-reiici de roYATir.n. {M:,séc ,rorica„s.)
songer qu'à leurs enfants.
« L'amour-j)ropre se fourre partout », écrivait familièrement Bossuet à
l'une de ses filles spirituelles. Il n'est que troj) vrai, et l'amour maternel lui-
même n'est pas à l'abri de cette atteinte.
Ainsi se fait-il que des parents, (jiiaïul il s'agit de diriger l'enfant vers
l'avenir et de l'y préparer par le choix dune carrière ou d'un [)arti, courent
risque plus qu'ils ne le pensent de mettre leurs caprices à la place d'une
volonté éclairée, et de chercher leiu- bien-être et leur plaisir au lieu du bien
véritable de l'enfant. C'est par ce mal et parce qu'ils auront suivi cette pente
trop naturelle du cœur de l'homme, que dans un sentiment de gloire ils
dirigeront un fils vers telle carrière pour laquelle il n'a nulle aptitude, au lieu
de lui faire eml)rasser celle qui lui eût con\enu.
01)
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Gi;i\c i(\s|)onsaI)ilik'' (lu'iiii i^iaiid nombre d'hommes oiiUliciil, pressant
(le\()ii' (|u'ils n('iilii(ent. C'est eel oiihli cependant et cette n('i;lii^cnce qui
loni le malheur de tant de jeinies hommes et (jui eoneouicnt au mal des
sociétés elles-mêmes en compromettant la paix et le hien-
èlre (les familles.
l'()ui(jU()i tant de paicnts réduisent-ils à l'hoiizou
elioil ou du moins modeste de leur présente famille,
l'avenir (ju'ils ne connaissent pas et (|ui peut-être sera si
did'erent de ce qu'ils prévoient?
^fà^^^^ ^' ^'^l^ clair que Jac(|ues d'Vie eut lien de s'etonni'r des
/ I Vvwn desseins qu'on prêtait à sa lille et dont eelle-ii
' » ny \. >^ venait de tenter auprès de Bandricourt une pre-
mière exécution. C'était de plus un devoir pour lui
([ue {\'vn contrôler alteutiM'inenl le hien-fondé.
Alais il \ asait en Jeanne des signes <le\anl les-
i[uels l'esprit d'un père de\ait se sentir en sus|)ens.
La ii;ravite précoce de cette enfant, la ferNcur de sa
piété, la rci^ularité a(lmiral)le de sa \ ic, sa honte'', sa
soumission en tontes choses, fors en <•(• point',
devaient lui olfrii' des gai'antics et le convier à ne
(•ond)allre point de paiti pris l'entreprise à laquelle
clic songeait.
I^a France était à la veille d'une perte totale
cl, en bon Fi-ancais, il devait cti'c frappé de l'assu-
rance ingénue, mais aussi in\ incible, avec laquelle
l'enfant déclarait devoir la sauver.
Sans doute il en coûtait au cœur de cet homme,
comme à celui de sa femme Isabelle, de voir courir
à de tels périls Iciu' enfant; mais c'en sera fait chez nous du patriotisme le
jour où les pères et les mères ne mettront pas l'amour de la France au-dessus
de la tendresse paternelle.
Quant à Jeanne, elle ne renonça pas un instant au dessein qu'elle avait
arrêté, et sans relâche elle reprenait son propos :
« Il faut que j'aille, et j'irai. J'irai, dussé-je m'user les jambes jusfju'aux
JEMSNE ECOUTANT SES VOIX
D'apri's la statut' de G. C.T-KnE
[Miiscc tic Châtcamlnn.)
I. « J'ai bien obéi a mou père el à ma mère pour toutes autres ctioses, hors pour ce départ »■,
disait Jeanne,
VAUCOULEURS.
LV JiaiNE PASTOmiE
D'api-cs k- tableau de 11. liiLnTE.vux.
I/iiMc (le SCS plus j)('iiil)lc's angoisses diil porter siii- la (pieslion de savoir
si elle eoiiliiuierait de garder le silence on si elle s'onvrirail de ses propres
pensées à ceux <pn l'entouraienl.
Celle iiuléeision dut lui être d'aulaiil plus cruelle, cpie ses voix, disait-elle
plus tard, l'avaient laissc'e libre de le faire ou non.
« Vos \oi\ ne vous donnèrent-elles pas d'ordre eonccinaiil l'annonce
de votie départ à votre père et à voti'c mère'?
— Mes voix s'en rapportaient à moi tic le dire on de m'en taire. »
4»p|i
si dans sa famille Jeanne avait à suhir cette rude éprenv<', elle ne d(>vait
pas la porter moins doulonreuscmcnl au dehors.
De ([uehjiie mxstère qu'elle eût entouré sa démarche près de Baudricourt
et (iuel([ues efiorts qu'eussent faits ses parents pour tenir secret ee que jieut-
ètre, lielas ! ils considéraient comme une équipée peu honorable et une
aventure plutôt faite pour compromettre Kur fille, au jugement de l'opinion
52 JEANNE D'ARC RACONTEE PAR L'IMAGE.
publique, que pour l'honorer, le bruit dut s'en répandre peu à peu jiarmi
les gens de Domrem\.
Jeanne était sans doute aimée de ses compatriotes, et les témoignages que
lui rendirent plus tard ceux d'entre eux qui vinrent déposer au procès de
réhabilitation le prouvent abondamment. Mais au cours des siècles les hommes
changent moins cju'on ne le pense. T>a malvciliant'c et les mesquines passions
dont elle nail oui dans riuunanilc un cours ferme et régulier (|ui ne s'arrête
guère.
On a\ail plus d'une fois, à l)omrem^, raillé Jeanne pour sa pielc. Ce
n'était pas que cette |)icl(' pi'il nuiic à queUpiun, mais elle doiniail à Jeanne
sur ses compagnes une supériorité morale ([ui la plaçait au-dessus de ses pairs.
(Test là un de ces crimes (jue l'on ne pardonne guère.
Voici qu'aujourd'hui Jeanne i'è\e d'ime mission étrange : sau\ei' la France
et faire couronner le Dauphin. C'est au nom de Dieu " son Seigneur > ([u'clle
prétend accomplir ces grandes choses. Avouons que son ambition n'est pas
médiocre.
Jeannette à la cour. Jeannette avec une escorte, Jeannette chef de guerre,
et, en attendant loul ceci, Jeannclle demandant au gouxerneur de Vaucou-
leurs en personne, et l'obtenant, une audience pour lui exposer tout au long
ses graves desseins, en xcrilc- cela ne s'clail |)as \u et sans doute ne se
reverrait plus.
Il est \rai que son intioducleur avait ete seulement ce bra\c Laxart, fjue
l'on connaissait bien cl dont |)ersonne tlans le pa\s n'avait juscpialors song(''
à faire un héraut d'armes.
Il ne l'est pas moins que BaudricourI, \raimenl |)(u docile aux beaux dis-
cours delà « lafdlette », comme on disait, l'avait bel el bien renvovée à son
père avec menace de correction, ce qui n'était |)as ini succès très encourageant.
Il était non moins vrai enfin que de toute cette belle entreprise Jeannette
était revenue à Domremy assez semblable à ce qu'elle était la veille et obligée
de reprendre le ménage chez sa mère, d'aller, « à son tour » comme jadis,
garder les troupeaux. La quenouille devait longtemps encore suppléer à l'épée
entre ses mains vaillantes. Mais enfin Jeannette n'en était pas moins une
illustre personne, honorée de l'entretien des archanges et des saintes, à ce
qu'on assurait, et entendant des « voix » que le vulgaire n'entendait pas.
Croyez qu'il se trouva bien parmi les gens de Domremy quelqu'un pour
tenir ces propos railleurs. Qu'on n'en soit pas surpris et qu'on s'étonne moins
encore de la supposition que nous en faisons.
VAUCOULEURS.
53
Nous jugeons mal les vies illustres et, par un penchant trop naturel,
nous les plaçons absolument en dehors de la condition des existences ordi-
naires, et ainsi nous les connaissons mal.
En voyant quel accueil Jeanne d'Arc reçut des grands qui formaient la
cour du Dauphin, quelles envies et rivalités mesquines elle y éveilla, nous
ne pouvons qu'avec trop de vraisemlilance supposer que parmi ses com-
patriotes elle rencontra quelque opposition semi)la]>lc, du jour où elle se
distingua des autres et sortit de leurs rangs
par les événements dont sa vie commen-
çait d'être le théâtre.
T^orsqu'on raillait Jeanne pour
sa dévotion, « elle avait honte »,
disaient ses compagnes. Mot
plein de naïf mystère et bien
frappant. Jeanne ne savait que
dire pour justifier sa piété; elle
tenait a tarder eaelices
CCS
J.r.S VAINQUEURS DES ANGLAIS '.
JIANNK d'abc, DUGUAY-THOUIN ET TOUUVILLE
D'après une gravure de Beuthet
(xvill" siècle).
choses qui se passaient jjour clic,
ces visions qu'elle avait, ces voix
(|ui lui parlaient. De tout cela le
récit eût vite justifie- sa piété, sa « tl
votion », sa particulière assiduité
l'église; mais de clioses si grandes, si
sacrées, on se tait. IjC cœur qui les res-
sent a le culte du silence, il les cache,
comme les sraiules douleurs cachent
leurs larmes, comme le cœur cache quelque grande passion (jui l'aiiiine,
comme le génie parfois lait au monde les grandes pensées dont il se nouriit,
les secrets qu'il a arrachés à l'inconnu.
Jeanne se taisait donc.
Vie étrangement grande que celle-là, qui dès son aurore jette déjà de
si profondes clartés. Épopée singulière, qui, même dès les premiers pas,
oblige à tout instant le témoin à s'arrêter, à méditer, pensif et presque
inquiet, tant, en ce qu'il voit, toutes clioses lui semblent grandes et fécondes
en nouveauté.
Qu'on ne nous fasse donc point un grief de ces réflexions auxquelles
nous convions le lecteur. Le sujet les impose. La vie si brève de Jeanne
54
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
d'Arc lient on viiigl pages un peu compactes, mais la pliilosopliie qui s'en
tlci^age demanderait un long ouvrage.
Il n'csl lieu du reste de plus instructif et de plus fécond. T.es dehors de
la mission de .Teanne d'Arc imposent l'admiration. Mais
l'estime qu'on nous insjiire vaut souAcnt mieux pour nous
que l'admiration même. En tous les cas, celle-ci n'es! fc'conde
et salutaire qu'autant qu'elle naît de l'estime cl s'iuiil à elle.
l'Ln honorant Jeanne d'Arc, nous \()ul()ns le hieu de
ceux fjui, comme elle, oui le grand honneur d'èlrc
Fi-ançais. Sa gloire doil nous rendre meilleurs el nous
convici' à l'imiler.
Aussi hien, (ju'onl fait cette suit<> glorieuse d'ai-
listes dont les ccuvics font rornemcul de cet ouvrage,
sinon de se recueillir devant les traits aimés de
Jeanne, les considérant attentivement el longuc-
mcnl, pour évoquer à nos \cu\ l'âme même de
l'héroïne?
Ils complelcronl nolr-c o'uxrc. Nous aurons
seconde la Icui'. 1 .a peiulur(> s'ajoute au shie
("i-ril, l'ommc la musi(|ue à la parole, cl la pen-
sée V uasne eu forée comme en charme.
Pendant les mois qui s'('Coulcrenl cuire le
retour di- Jeanne d'Arc à DonucniN el le
second \()\agc (ju'ellc fil à Vaucouleurs, sa (lé\o-
lion, toujours grandi', dut s'accroître encore. Ses
saillies ne l'ahandoiuiaicMl pas, mais elle de sou
eôle se montrai! d'aulanl plus assidue à les eon-
suller (lue son anxiclc (l(\cnail plus profonde el
ses épreuM's plus pénibles.
La pii'té, du reste, est un des earaclères (|ui dominent en Jeanne d'\re.
C'est \\n Irail qui ne doit |)as échapper à l'élude allcnli\c cl lo\ale (|uc nous
faisons de sa vie.
Quelques-uns se demanderont piut-èlre si dans nue \ ic de Jeanne d'Vic
s'adressant, comme celle-ci, à tout le monde, il eouxieul de Irailer un objet
aussi spécial que celui de la piété. Un temps comme le iiôlre \ peul-il aceorder
quelque allcnlion? Si tous les Français rci'onnaisseiil que la foi de Jeanne
fui \ivc autant que son patriotisme el (|u'i'llc a été, selon le témoignage
JF.iNSE D AIIC
n'apri-s la statue en marbre île 1-". RunE
{^Mtiscc du Louvre.)
V AUCOULEURS.
DD
CUVI'I'K lui CUM'MVll !)l-: \ ALICnlIl.JiUHii
U'apri-s mif [ilnitiigi'iipliie.
(ju'cllc s'en rcndail à elle-même en face de ses juges, « ime hoiine clii-é-
liemie », esl-il opportun de pousser plus loin la tlémonstralion el de faire
valoii' en elle une (lé\()lion doni noire société moderne n'a peut-être qu'une
mé(li(jeic inlellioenee ?
Je le crois sincèrement.
Nous devons, en eflfel, considiTcr Jeanne d'Vre lelle (ju'ellc lui. H 'n'est
par' suite pei'mis à |)ersonne de rien reiraneher en elle de ce (|ui esl de son
essence même. La foi el le palriolisme sont ainsi en .Teanne el nulle main ne
peut sans profanation louclier à l'une de ces deux choses.
Nous vei'rons plus loin (|ucl lui son amoui- de la Fi'ance et le hel exemple
qu'elle donne en cette matière aux hommes de nos jours, l/exemple de pieté
(ju'elli> nous offre n'est pas moins instructif. T^es esprits attentifs et sages,
avec les âmes droites et sans paili pris, ne refuseront pas de nous suivre en
cette voie.
•Wil»
56 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Jeanne ne fut pas seulement chrétienne dans le sens ordinaire du mot,
elle fut une chrétienne fervente et montra toujours une extrême fidélité aux
praliques de piété.
Au eouis des témoii^nages à elle rendus au procès «le réhahililalion par les
habitants de l)()miem\ (|iii ^a^ aient connue, nous les axons vus pres<|ue tous
attester sa pii'té. Cette piété même, rcconnaissi'ul-ils, était si vi\e, (|ii'on l'en
raillait parfois et que de ces critiques « elle était confuse ».
Elle était scrupuleusement fidèle à ses prières. Elle encourageait le sacris-
tain dn village à sonner régulièrement VAit^elus et pour l'exciter lui disait :
« Si tu le sonnes bien, je te donnerai des lunes ' ».
Elle assistait fréquemment à la messe, avait poni' la sainte \ iergc une
particulière dévotion, se plaisait à orni'r de ll( ms ses autels et à \ hnili r des
cierges.
Jean Morel, son parrain, rendait ce tcinoignage : '< J'ai elc témoin
(|ue Jeanncilc allait xolonliers cl soiixcnl a la cliapellc de rilcrmitage de la
hienheureuse Maiie de lîermoni, |)rès de J)omrem\. Tandis (|ue ses parents la
croyaient dans les clianips, clic clail la. (^)nand elle entendait sonner la messe
et qu'elle était aux champs, elle rentrait an \illagc et gagnait l'c^glise pour
entendre la messe; je puis l'attester pour l'axoir \n ».
« Soment, c|uan<l nous étions à jouer, dit Jean W altciin, l'un de ses
camai"ules d'enfance, Jeanni'tte se retirait à part et parlait à Dieu. »
« Elle se montrait bonne calholi(|Mc, reprend le tabellion liaillv, fré-
quentait assidûment les églises, aimait a aller en pèlerinage à la chapelle de
Bermonl et se confessait j)res(jue chaque mois. »
A Vancouleurs, on ne la \il |)as moins fer\enle. Cha(|ne jour elle des-
cendait à la chapelle souterraine où l'on vénérait la statue de Notie-Dame
des Voûtes. Un I^orrain, qui était alors enfant de chœur de la chapelle de
Vancouleurs, disait qu'il l'y voyait souvent. » Elle v entendait, dit-il, les
messes du matin et y demeurait longtemps en prières; ou bien elle descen-
dait dans la chapelle souterraine et s'agenouillait devant l'image de la sainte
Vierge, le visage humblement prosterné ou levé vers le ciel. »
Il y avait près de Vancouleurs, non loin de Burey, où habitait Durand
Laxart, une chapelle dite de Sainte-Ijibaire et cjue l'on peut \oir encore,
pittoresquement bâtie an |)enchant d'inie colline. T.a tratlilion assure que
Jeanne v allait sou\ eut prier.
1. Sorle de petits jiàtes connus dans ce pays.
VAUCOULEURS.
Pendant le voyage de Vaucouleurs à Chinon, sa piété ne se démentit pas
nn instant. L'un de ses compagnons, Jean de Metz, son guide, dit au procès
de réhabilitation : « J'étais enflammé par ses paroles et par l'amour divin qui
était en elle. En route, Jeanne aurait été contente d'entendre toujours la
messe. « Si nous pouvions entendre la messe, nous ferions bien », disait-
elle Elle faisait dévotement le signe de la croix,
elle se confessail souxenl et elle était zélée à faire
l'aumône. »
Telle était sa piété. On dira, non sans vérité,
qu'en cela Jeanne se montrait fidèle aux mœurs du
temps, aux traditions de sa famille et aux habitudes
de son enfance. Il est vrai; mais il ne l'est pas
moins c|u'une fois entrée dans sa vie publicjue,
non seulement elle montra pour son compte per-
sonnel la même piété, mais la répandit autour
d'elle et, |)ourrait-on dire, l'imposa à son entou-
rage. Il fut visible alors qu'elle faisait des exer-
cices pieux l'élément particulièrement important
du l'cnouvellement de l'armée.
Ici, qu'on ne parle plus d'habitudes d'enfance
et de préjugé respectable puis(' dans l'c'ducation.
Sur tout autre point Jeanne modifie ses allures
dans la mesure nécessaire. Elle a changé son cos-
tume, elle monte à cheval, clic qui n'asait point
chcvauclK' jus(|u'alors, ses manières se trans-
forment en quchjucs jours, et un jeune seigneur,
Guy de Laxal, ccii\ait à sa mère (|ue telle était
sa grâce, qu'on l'aurait crue élevée à la cour. Hier
" ' JEANNE A NOTBE-DVME DE BEHMONT
encore timide et silencieuse à DomreniA, aujour- unpns la statue de Loiseau-bailt.y.
d'hui, pour le bien de son fait, elle parle aux
seigneurs, au Dauphin lui-même, avec assurance et, au besoin, avec audace.
Quant aux exercices de sa piété, elle ne les change en rien et, nous
l'avons dit, les impose autour d'elle.
Voulant lanimer dans le cieur des soldats la religion, soutien des grands
courages et de l'héroïsme, elle appela les prêtres, leur ordonna de se tenir à la
disposition de la foule, réunit sous leur conduite les soldats dans les églises, fit
faire des prières, exécuter des chants, multi|)Iier les offices et les cérémonies.
8
58
JEANNE nVRC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Cliosc (lii^nc (le ffniiircuic cl de l'c'-
flcxion, sous e(>ll(' condiiiU' les lioiipcs se
Iransfoi-inrri'iil. La lliic ne hlaspliémail
plus (^1, dans le camp, la ^(■l■lu |)ril la
place (le la licence.
Tj'emicini s'cloiina (lc\aiil cel appa-
reil, l'imaiife du Dieu ciucilic l'incpiicla
jilus que les soldais ranimes en halaille, et
Jeanne vain([uil.
Il \ a là, nous n'Iicsilons pas à le
i(''pelcr, un ohjcl dii;ue de l'élude des
sa^es esprils cl des lionmics (|ui onl la
noble in([uicludc de la xciilc.
Nous avons nouIu, lo\alcnienl, les
convier a l'cludicr a\ec nous, pecsuadé
(]u'il leur iniporlc de se i'aice luieconxic-
lion icrnie à cel cndroil.
Eu dcpil de (picNpics appaieuees cl
mal^r('' la \iolence de (|uel([ues-unes de
nos lullcs sociales, il ne scrail pas jusie
d'accuser les jours presenis (rirr('lii;ion
propr-cnienl dilc. Il semble uu'me (|u'ils soni mar(|ues d'un relour universel
vers les choses religieuses cl sin-nalurcll(>s.
Qu'on eludie le niou\cmenl i;cneral des ich'cs en i'rance dans l'ordre des
di\crses manileslalious de l'espril nalional, on \crra sans peine (pie, dans les
aris cl la lillératiu'e, l'iiU-e religieuse lend a ('Ire icmise en lionucur. Il u'esl
plus bien porté de se poser en impie.
I^iCs grands auteurs chrt'tiens rccoiveul dans les chaires de noire
enseignement publie un hommage que le passé leur a refusé longtemps.
Les arts de la peinhuc, de la sculpture cl la musique (loi\enl à ce
sentiment religieux souveni les plus renommées de leurs œuvres, cl la
scène, si longtemps profane, ne se refuse pas, eà cl là, à brûler eu l'iionucui-
de nos mysU'res l'encens pur cl xi\i(ianl de (|ucl(juc drame où l'iugénuilé de
la |)aslorale le dispute à la |)iélc du sculimcnl.
Je ne sais j)as même si ce relour n'est point parfois enlaelu' de (juehjue
excès et si plusieurs ne poussent pas jusqu'à im m>slicisme plus rê\('ur (|uc
eoncluanl cl plus illumin('' qu'éclairé ce mouvement vers les choses de la loi.
LA LIHIillATKICE DE I.\ FH ANCE
D'upi'fs une esquisse d'AuGUSTE PnÉAULT.
[AJuscc Jeanne d'.^rc, a Orléans.)
VAUCOULEURS.
%
Que eouvicnt-il d'ni coiielurc? Faut-il voir en eet élal de elioses la
uiai(|ue d'un triomphe proeliain de nos croyances et de noire culte sur
l'incrédulité passée? Nous ne le croyons pas, et, tout considéré, notre temps
est plutôt marqué de religiosité que de religion véritable et efiicace. Or
religiosité et religion ne sont pas même chose.
Il y a peut-être là un sujet fait pour inspirer quelques craintes plus
qu'il n'est propre à justilier nos espc-rances. Nous ne sommes (jue trop
exposés, en effet, au p('ril de voir l'ensemble des esprits s'arièter en
chemin dans ce retour a des pensées plus sages. Par cela même (ju'ils
professent pour la religion en général un respect plus visible, ils courent
risque de se rassurer à
leur propre endroit et
de se croire arrivés au
but (lu \o\age ([uand ils
ne font ([ue le com-
mencer.
Les philosophes de
nos jours ne sont [)as
faits, malheureusement,
poiu' nous rassurer à ce
sujet, l't la plus consi-
tlérable parmi leurs di-
verses écoles ne nous
parle (juc trop d'un Dieu indilférent à l'homme, vivant en lui-même, ne
prenant de nous qu'un souci médiocre, le « Dieu île rentendcment pur »,
que l'homme ne doit point piier, qu'il ne saurait aimer et (|ui, par consé-
quent, n'a besoin d'aucune religion oi'ganisée, d'aucun cullc, de ludlcs pra-
tiques et de nul sacerdoce comme intermédiaire entre lui et nous.
Il est gi'aM' de faire ciilendrc au\ (lisci|)les une telle docli'ine, non moins
grave de l'enseigner au ix'UpIc |)ar le specladc de sa propre \ic. L'homme,
corps cl âme à la fois, a ix'soin de signes extérieiu's poiu' traduire ses
sentiments, pour les rece\oir aussi, cl peul-êlre plus encore pour les
cnlrclcnir. Tous les grands seulimculs de l'àme des peuples ou des individus
oui un cml)lème visible <|ui les rcpi'cscnU-, les montre à eux-mêmes et les
anime. Le drapeau national excite et entrelient le courage mililaire comme
le palriotisme civil; la majesh- cxleiicure de la puissance est uu soutien
pour elle. L'autel est la source et le garant du sentiment religieux, le temple
JI'ANM; V UllMlllùHY
I)"ii|)i'i's 1111 (l('sï.iii d' Alphonse de Neuville.
(Exti'iiit clf V Histoire lit: i''raiH-e, [lar GuizoT. Huirhcttc et C", éditeurs.)
6o JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE
poi-(c' il lit prièie, i-l pour tout divv eu un mot simple mais concluant, tlonl on
nous pardonnera la sincérité, il paraît bien que ceux qui ne prient j)as avec
le prèlre ne prient pas sans lui.
El pointant il faut prier, et l'àme humaine perd toujovns à se priver des
pensées qui la portent vers Dieu, qui l'élèvent, la consolent, lui rappellent ses
oiigines et ses destinées futures. Elle connaît mieux ses misères quand elle
demande à Dieu d'y subvenir, et c'est déjà pour elle commencer de recevoir
le secours d'En-Haut que de l'implorer. Or n'est-ce pas là la prière, celle
« élévation de l'àme vers Dieu «?
Ces mêmes sentiments religieux ne se soutiennent en une société que
par II' minislèie d'uni- hiérarchie sagement ordonnée el agissante. Rêver une
société religieuse sans sacerdoce est un songe creux. On ne défend |)as un
pays sans armée permanente, la justice n'est pas rendue sans magistrature,
l'ordre public maintenu sans force armée et sans police.
F/ennemi triomphera toujours de bandes armées réunies par l'aNcnture,
alors même que ceux qui les composent auraient le plus grand courage.
Quoique tout homme de bien ait le sentiment de la justice el puisse, après
examen, rendre une sentence, une société livrée à ces seuls juges d'occasion
se di\isera conlrc elle-même.
En (l( |)il (In sentimeni de la conscLvalion, si foil en nous, les coquins
oui besoin, pour ne point nous nuire, de redoulcr autre chose (|iic la police
iàilr par un diacun.
Ce soni la de puis piinripe's de bon sens, ([u'il semble dilïicile de ne
point accepter.
Le sens judieiiiix de Jeanne d'Arc entendait ainsi les choses, et de la
le cas qu'elle lit toujours de la piété et de ses manifestations sincères, qu'il
s'agit de son bien ou de celui de la France.
^1^
C'est vers le commencement de l'année 1429 que Jeanne pailil une
seconde fois pour Vaueouleurs. Les voix la pressaient étrangement, et les
nouvelles qui parvenaient de France jusqu'à Domremy disaient combien
les malheurs de notre pays s'aggravaient chaque jour.
Jeanne n'y tint plus et se rendit à Burey près de son parent Durand
Laxart. Elle n'avertit personne de son départ, n'eut pas le courage d'em-
brasser son père et sa mère, salua en passant ses amies Mengette et Mauviette
VAUCOULEURS.
et dit adieu à quelques habitants, mais à la dérobée et sans faire eonfi-
dence du but de son voyage ou de la diuée qu'il pourrait avoir.
Elle ne devait plus revoir Domremy.
Elle tra\ersa Greux, se retourna plus d'une fois pour jeter un dernier
regard sur l'église de Domre-
my, le Bois Chenu et la rue
fjui menait chez son père.
Bientôt elle passa près de
Notre-Dame de Bermont et
sans doute y entra pour y
prier encore.
Elle arriva à Burev, et,
sans délai, dit à Durand
T^axart qu'il la fallait conduire
à nouveau près de Baudricourt.
Diuaiid se rendit avec
elle chez le gouverneur.
L'accueil de celui-ci ne
tut pas, en cette seconde en-
trevue, beaLicoup plus chaleu-
reux que lors de la première.
Mais Jeanne était décidée à
parvenir à bonne issue et à
livrer au capilainc de \ aucou-
leurs un siège en règle.
Elle s'installa donc chez
un brave homme, nommé
Henri T^e Hovei', charron de
son métier, lecpiel, avec sa
femme, lui fit bon accueil
et lui donna asile.
On vovait encore à Vaucoulcurs il y a quelques annt'cs, dans i'élal où
elle était au temps de Jeaiuie d'Arc, la maison où logeait riicroinc. Une
restauration eu a de|)uis modifié la façade. On ne saurait trop le déplorer, et
il est lamentable qu'on n'ait pu empêcher ini acte qui touche au vandalisme.
On peut toutefois, nous assure-t-on, voir encore à l'intérieur de cet
immeuble la chambre où l'on présume que Jeanne d'Arc couchait.
h\ PUCF.LLE VENANT AU SECOURS DE LA FRANCE
D'jtpri's la gravure d'ABRAHAM BosSE. (^Frontispice du poème
de Chapelain : La Puce/le ou la France délivrée.)
62
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
En jRU (le Itnips on cul Inuil dans la ville ilu tlcsst'in (jnc nounissail
Jeanne d'Are, el la foule s'en entretenait non sans passion.
JiaudricoiMl, loul en se refusant eneore à se rendre an\ sollieilations de
la jeniii' lille, s'inquiétait cependant de savoir le mol de eelle ('iiinme.
l'cisiiadé qu'elle était possédée du démon, il pria le euié de A'aueoulenrs
lie l'aller exorciseï' el se
rendil a\ee lui elle/, le
cliarron Le Ro\er. Le
cui'e, re\èlu de son elole,
se mil en de\oii' de rem-
plir son ministère, lui di-
sant que, si le démon la
possédait, il eiit à se re-
lirer, el <(ue, s'il n'en elail
l'ien, elle s'approcliàl.
Jeanne s'appi'oelia du
prèlie el se mil à ses i^c-
nou\. VA\v le hlàma toute-
fois |)his lai'd de eelle de-
marelie.
jîandrirouri ne lac-
eusa plus d'être possédée,
mais ne lui aeeorda pas
eneore sa confiance; du
moins ne lui en lit-il pas
l'aveu.
Il est à croire ee-
jiendant que, frappe de
l'énergie avec la(|uelle
Jeanne persistait à lui de-
mander de la l'aire conduire près du Dauphin, non moins que de la force
élrani^c' de son discours, et, d'autre pari, presse par les événements (jiii se
succédaient cl menaient en un péril toujours plus i^rand les destinées de la
France, il a\ait envoyé vers le Prince jiour sa^()ir de lui s'il d(\ail lui
adresser la l'ucellc.
Quelques auteurs ont même prétendu que BaudricourI, par un parle tenu
secret, avait pris l'engagement de livrer Vaucouleurs aux ennemis si les
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{■^^■^^^^^^r ' ^^ ^^^^B^^^^^^Hlb ^^^^^1
LV LIBERATRICE DE LA FRANCE
D'après le table;m de Jean Benneh. [Photographie Uraitn^ Clcmcnt et C'*-'.)
VAUCOULEURS.
6:3
afTiiires de France n'étaient pas
venues à meillem- état avant une
é|)oque fixée. La chose a été niée,
mais le doute est au moins per-
mis'.
Dans une telle extrémité, toul
secours est hon à accueillir, d'où
(\\\"\\ \ieniu'. (^)uoi fju'il en soit,
il fut hienlôt visible fjne ses
dispositions premières se modi-
fiaient cl (ju'il commençait d'écou-
ler d'une oreille plus favorable
ce que dans Vaucouleurs on di-
sait de Jeanne cl les espérances
([u'elle faisait concevoir.
Quant à celle-ci, elle conti-
nuait, a\('c inie éncri^ii- MaimenI
étonnante, à conduii'c son dessein
vers bonne issue. Silencieuse à
Domremy, cachant avec un soin
jaloux ses espoirs comme ses
craintes, elle parle à Vaucouleurs, cl, loin de fiire mysicre de la mission
qu'elle a reçue de Dieu, clic la (h'voilc à lous, en donne tous les détails, en
enirclicnl libicniciil ses IkMcs, leurs ^oisins et la foule.
Il est \isil)le (ju'à son aAÎs la lullc suprcnn' se li\re, (ju'cllc ne doit
négliger mil secours, mais fortifier sa résolution par rasscnlimcnl du peuj)lc,
créer autour d'elle l'enthousiasme, l'inspirer par la confiance même qu'in-
spire l'assuianic de ses propos, l'animer |)ar sa pio|)re émotion, porter haut
les Cd'urs par l'éloquence ingénue et vive de ses discours. En présence
MAISON OU JEANNE LOGEAIT A VAUCOULEIIHS
D'apri-s iinu pliiitof^i-apliic.
I, « Que sV'liiil-il p;is,s(' cntri' Aritoirii' do VrrLjy et Robert de li:uu!rieourt :' Qiu'lle l'tait hi
t<'iieiii\ (juelles étaient les elauses de ce traité de eaj)ituhuiou iiui[uel II est fait ailiisioii lormelleineiit.
dans les articles de comptes dont nous venons de parler? L'arrangement intervenu entre le gouver-
neur général de Champagne el le capitaine de Vaucouleurs stipulait-il, comme la plupart des actes
du même genre..., la reddition de la forteresse assiégée après un temps déterminé, sauf le cas d'une
victoire décisive remportée dans rintervalle par Charles VII ? Il faut bien avouer que nous ne sommes
pas en mesure de ii' pondre à ces (pieslions. Toutes les recherches que nous avons faites pour retrouver
le texte de l'accord conclu entre Antoine de Vergy et Robert de liaudricourtsont restées infructueuses...
Malgré ces obscurités, il n'en reste pas moins bien établi que Vaucouleurs capitula dans les derniers
jours de juillet I-I9.8, puisqu'on lit dans les articles décomptes portant cette dali' et relative aii\ jiaie-
64 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
dos hcsitations de Baudricourt, elle entend l'obliger, sous l'impulsion du sen-
timent populaire, à prendre une décision, et, — ce sera le fond de toute sa
vie publique, — contre l'égoïsnie ou la couardise des grands, se faire une force
de l'amour que la foule lui accorde.
A ceux ([ui lui disent la prelcnduc folie de son dessein, la grandeur et le
nombre des obstacles qui s'v o|)|)oscnl : <■ J'irai, dil-elle, j'iiai, diissi'-je
muser les jambes jus(ju'au\ genoux ».
Certes, elle a plus que personne conscience des difficullcs de ce rude
labeur, mais elle ne manque ni d'entrain, ni d'audace. Dieu du reste est avec
elle, et « (>lle ira ".
Elle a, dans un de ces mois éli-anges et forts (|ui lui claicnl familiers,
rendu avec luu' exlraordinaire ('uergic* ce mélange de la eraiiUc cl de l'impa-
tience (|ui la tenaient. Veiuic clic/ Dinand i,a\ail sous le prétexte de donner
ses soins à la femme de celui-ci, dont les eouclies approcliaieni, l'Ile avait
sans doute enUndu cette paxsanue exprimer ce sentimenl, fait de joie cl de
tristesse, d'espérance impalieiUc cl de crainte qui redoute, le([iiel éti'cinl le
ent'ur des femmes à la veille du jour où, selon la belle |>aroie du (llirisl, elles
\ont donner << un homme au monde ■.
ILllc, sublime enfant cl \ierge cliaslemcut féconde, a la \('ille de ilonucr à
la France, en sa propre personne, une fdie en mesure de la sauver de la luine,
s'écriait : « J'ai bâte, comme une femme ([ui attend la naissance ilun fds ».
Aussi bien n'essayons pas de décrire ce (|ui ne peut être (h'ciil. Quelques-
luis tle ceux qui, en ces joui'S, l'onl \v\r a I'ccumc et de près, lui ont rendu
témoignage. T^aissons-les pailer, ils le feront mieux ((ue tout autre.
Les époux I^e Rover, chez lesquels elle était descendue, furent cités
comme témoins au |)rocès de rc'liabilitation. \'oici le témoignage d'Henri
T.e Rover':
« Jeanne, dit-il, quand elle \ int à A aucoulems, fut logée ilans ma maison.
menls de divers messagers. qu'Aiiloiiie de Vergy « avait fait traité et accord avec les ennemis sur la
reddition du chastel et ville de Vaiiconleurs » . Si la capitulation n'aboutit pas à une reddition
efTective, peut-être faut-il attribuer ce résultat à quelque entremise de Philippe le Bon, qui s'était
engagé à s'abstenir de tout acte d'hostilité contre la place de Vancouleurs. » (Siméon hiice. Ji arme
d\4ic à Domrem/, p. CLXviii.) — « En dépit d'une défiance personnelle qui persista même après la
seconde entrevue, les succès remportés par les Anglais devant Orléans, l'hommage exigé par Bedfort
pour le Barrois et peut-être aussi tine clause resiée inconnue de la capitulation conclue, vers la fin de
juillet 1428, avec Antoine de Vergy, sont les trois points, diversement mais également mena-
çants, sous l'influence desquels Baudricourt prit la résolution de consulter son souverain sur la suite
qu'il devait donner à la demande de la jeune paysanne de Domremy. u (Siméon Luce, Jeanne d'j4rc
à Duniremy, p. cxvi.)
I. Ici encore nous empruntons notre texte à l'ouvrage de M. Joseph Fabre.
VAUCOULEURS.
Gr>
Cl'ctiiil, il me si'ml)lc, une cx-
celleiitt' fille. Je l'ai eiileii(liie
(lire (les pai'oles eomnie eelli'S-
ei : <f II faut (|iie j'aille vers le
a gentil Daiij)liin. C'est la vo-
« lonté (le mon Seigneur, le Roi
« fin Ciel, que j'aille à lui. C'est
« (le la part du Roi du Ciel (jue
« je me suis ainsi |)résenl('"e.
« Dussé-je aller sur mes genoux,
« j'irai ».
« (Hiand Jeanne \\u[ à
notre maison, elle portait mie
l'obe rouge. On lui donna un
vêtement d'iiomme, des eliaiis-
ses, tout un ('(juipemenl, et,
monl(''e sur un elieval, elle l'ut
eonduite au lieu où élail le
Daupliiu.
<' Au moment ou elle s'ap-
prèlail à |)arlii', on lui disait :
« Comment poiuicz-vous faire
i' un tel vovage, (|uand il \ a
« de tous côtes des gens de
u guerre? » l<]lle irpondait :
« Je ne erains pas les gens de
« guei-re, ear j'ai mon cliemin
<( tout aplani; et s'il s'\ IrouNc
« des hommes d'armes, j'ai Dieu,
« mon Seigneiu-, (pii saura bien
i< me fi'aver la roule poin- aller
« jusfju'à messire le Daupliin.
« Je suis iH'e pour ee faire ".
Henri Le Uo\er a\ail cin-
cjuante-si\ ans (piaud il rendit
ee témoignage; il a\ait doue
trente ans à r(''po(jue où Jeanne était eluv, lui. Sa femme était plus jeune que
9
LK Dlil>\RT DE VAUCOlILEliKS
D'.'<i)l't'S un carton do M. LonlN.
66
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
lui (le (lcii\ iiiis. Calliciiiic Le
U()\ci- |);irl:i ainsi : ■■ J'ai mi
.Icaimc |)(>m" la picinièic fois, a|)i(s
son (Icparl de la maison palcr-
lu'llc, (juand elle fut amenéi" fiiez
nous pai- J)uian(l Laxarl. l'.lle
\i>ulail aller au lieu où ('lail le
Dauphin.
« Je l'ai loujoui's Iroiuce
simple, honne el douce, iille de
l)i)nne naluic el de honne eon-
duile. IJIe allait Nolonlieis à la
messe el à eonCesse. Je puis le
dite, eai' je lai menée à rej.;lise et
je l'ai Mie se eonfesser à messire
.lean l'ouriiier, qui ('lail alors euri-
di' Vaueouleurs.
« Jeanne aimait à fder el filait
hi<'ii. .le nous re\()is encore, filant
eiisemhle, chez moi. Jeanne est
restée dans notre maison en\ iroii
trois semaines en plusieurs fois. «
Ainsi donc, au monK'iil nièm(> où toute la ville de Vaueouleurs, émue de
rarri\ce el du séjour de Jeanne, s'entretenait de ses desseins et déjà songeait
à l'équiper pour qn'elle pût se rendre près du Dauphin, elle, toujours simple
et modeste, u filait ». Ni le souci de son enlre|)rise, ni l'impatience même de
partir et l'ineertitude du lendemain ne la Irouhlaienl : u elle lilail, el vWv /Hall
bien m.
Entre temps elle laissait sa quenouille et allait prier; ou hieii, accueillant
aimablement et ingénument les allants el venants, eiirieuv de la \oir cl de
l'entendre, elle leur disait èlre venue de la |)art du Uoi du Ciel, el se pré-
parait a aller en guerre en tournant gaiemeiil le fuseau.
« Jeanne, continue Catherine Le Rover, est restée dans notre maison
environ trois semaines en plusieurs fois. Elle fit parler au sire Rohert
de Bandrieourt, capitaine de A'aucouleurs, |)onr (piil la menât où elail
le Dauphin.
« Un jour, j'aperçus le capitaine Uohertqui vi'iiait chez nous en compagnie
i;lHl'l.l.l.li bAlMK-I.IilVIllK, l'UIiS UK V.VVCOl I.Kl US
(ÉTAT ACTI'El)
[Jijannc Y vint pi'ii-'i' Sf^itvt'iit pciulant son svjoiir à /'aitconleiirs.'j
D'iiprt'S mu* jihutuj^riipliic.
VAUCOULf:uilS.
Gy
de messire Jeiin Founiici', noire euré. Ils virent Jeanne à part. Ensuite j'inter-
rogeai Jeanne, et elle me raconta ce qui s'était passé. T.e curé avait apporté
son étole, et, en pi'ésence du capitaine, il l'avait adjurée, disant : » Si tu es
<c chose mauvaise, éloigne-toi de nous; si lu es
« chose bonne, approche » . — Pour lois,
Jeanne se toiu'na vers le prêtre et resta à ^
ses genoux. Toutefois elle disait (jue le
curé n'axait pas ])ien fait, \u ([u'il la sç--'
JEANNE n MiC
iiu''(liiillon J'Hknri Cii.vpu,
ic la ni(>nait pas \ers le
connaissait, l'ayant ouïe en confession.
K (lonime Robert n'était pas dis-
pos('' à la conduire au Roi, Jeanne lui
dit : " Ron gré, mal gré, il faut que
1' j'aille là où est le Dauphin. Ne savez-
i< vous pas qu'il a été propliclisc' que la
'< France serait perdue par une femme et
'< qu'elle serait rele\ce par une Pucelle des
Il marches de Loiraine? » Je me rappelai en
elfet cette prophétie et je demeurai stupéfaite.
c< I^e désir de Jeannette était bien fort et iv.i
le temps lui pesait comme si elle eût été une
femme attendant la naissance d'un fds, parce (ju'on
Dauphin.
« Depuis lors, bien d'autres cl moi nous eûmes foi en elle, \insi arii\a-t-il
qu'un certain Jacques Alain et Durand l>a\art voulurent eux-mêmes la
conduire. Ils la conduisirent jusqu'à Saint-INicoIrts'. Mais ils revinrent à
Vaucoideurs, Jeanne leur a\ant dit, à ce ([ue j'appris, (ju'il n'était |)as honnête
à elle de jiartir en telles conditions.
' Vlors les habitants du village lui firent une tunique, des chausses, des
guêtres, un éperon, inic épc'c et tout un équipement. Un cheval lui fut acheté
par les gens de Vaucouleurs. Jean de Metz, Bertrand de Poulengv, Colet de
Vienne, avec trois autres, la conduisirent au lieu où était le Dauphin. Je les vis
monter' à cheval pour s'en allei'. »
Jean de Nouillempont, dit Jean de Metz, vint aussi (K'posci' au procès
de réhabilitation. Son témoignage est à citer', par'cc (pi'il lappcllc a\('c toute
leur nette énergie (prelques paroles de Jeanne.
7
-P
r^
I. Saint-Nicolas-du-rort, près de Nancy.
68 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR I/IMAGE.
« Quand je \is .Icaniic pour la |)i'cuuci'(' lois, dil-il, loi-s de sou arriver à
Vaueouleurs, elle jiorlail une roi)c |)au\ ic cl usée, de eouleur rouge. Je lui dis:
a Ma mie, ([ue failcs-vous ici? Faul-il que le Roi soil ciiassé du royaume et que
Il nous soyons Anglais? »
« La jeune lille me r(''|)ondit : » Je suis venue ici, à clianihre de Roi, |)arler
c< au sire de riaudrieouri, afin (|u'il \'euille me conduire ou me faire conduire
« au Roi. Mais il n'a nul souci de moi ni de mes pai'oics. l'oui'lanl, a\anl
« (|u'arr-ive la mi-carème, il faut que je sois de^(■rs le Roi, dussé-je user mes
« pieds jusqu'aux genoux; car nul au monde, ni rois, ni ducs, ni lille du roi
« d'Ecosse, ni autres ue peuNcnl ri'couvrer le royaume de France. Il n'y a de
« secours que de moi, fjuoi(jue j'aimerais mieux fder ]irès de ma pau\rc mère et
« fjiu' ce n'est pas là mon clal. Mais il faul (|ue j'aille, et ji' ferai cela paice
« (pic mon Seiniicur seul (pie je le fasse ». Je lui demandai cpiel elail son
Seigneur, illlc me re|)(>ii(lil : (( C'esl Dieu! »
« Aloi's je donnai a Jeanne ma foi en lui loiicliani la main cl je lui promis
([lie. Dieu aidaiil. je la condiiiiais yers le Roi. i'.n in(''ine Icmps, je lui demandai
(jiiand elle \oiilail parlir : <' l'Itilol maiiUeiianl ipie demain, pliih')! demain
i< (pi'apres ". Je lui demandai encore si elle Noiilail faire cliemin a\ec ses
yètemenls de feiiiinc. iJlc nie rcpoiidil : •■ Je prendrai \()lonlicis liahil
« d'homme ». Pour lors je lui donnai les \ (■•U'inenis cl la chaussure dim de mes
hommes. Ensiiile les gens de \ aiicoulenis lui lirciil faire nu cosUniic d'Iioiiimc,
des cliausscs, des gucMrcs, loiil rc(pupciuenl nécessaire, cl lui donncreni un
elic\al (pli coula sei/.e francs ou a peu près'. »
Nous avons cité ce témoignage en son inU'griu'', parce (pie, à Iraycrs le
langage de ce hra\e soldai % ou yoil Jeanne ap|)aiailre avec sa résolution, son
entrain et sa louchante impatience.
Son enireprise était donc en (piehjue {)rogrès; l'espérance lui était
permise. Baudricourt ('lait encore indécis, mais du moins ue résistait-il |>lus
ouvertement aux supplications de Jeanne. Autour d'elle le peuple était énui,
1. Joseph Fabre, Procès fit- rchahilitation.
2. Jciin (le Metz avait des senliments chevaleresques, qui parfois cepeiidanl toiiri)ai<-iit à mie
excessive vivacité. Le i"' septemljre 1425, alors âgé d'environ vingt-<|iiatre ans. il avait été condamné
par le prévôt de Gondrecourt à pa\"er une amende de cinq sous 0 pour avoir juré le vilain serment»
et avoir jeté par terre une somme d'argent qu'on lui présentait. — Voici du reste le texte di' la
sentence, conservé aux Arcliives de la Meuse ; « Jelian de Mets, pour ce qu'il a juri' vilain serement
en jugement et jette à terre certain argent ii lui présenté en manière de retraite, disant que point
n'en recevrait, l'a amande pour ce v sols. » — La vivacité de Jean de Metz était hlànialilc, et son
<( vilain serment u aussi; mais il l'St grand, ce soldat, jetant ainsi à terre « un certain argent » qui ne
l'honorait point. Tant d'autres l'eussent mis en leur poche. Il <'lait hien digne d'accompagner Jeanne
d'.Vrc et de la .srr-\ir. el. api-,"'s ce tr.iit, l'on ne s'élonne pas «le la nd«-litr (ju'il lui nion(r-a.
JEANNE IJ AlU: ET I.E CAPITAINE DE BAÎIDRICOUUT
D'apn''^ le tidil-.Mi «lu Gaston MÊu>r.L'i; iiU'ci-t un Mustc Jeanne il\lrr p;ir r;iiitniir
VAUCOULEURS.
l'I (jiicl(|iics l)ra\('s gens gai^nés ])ar
la vii^ucur de ses paroles lui pro-
metlaienl dt- la conduire au Dau-
phin. Encore quelques eflorts et
sans doute elle pourrait partir.
Ce fut à cette époque que
Jeanne d'Arc se rendit à Nancy
près du duc de T.orraine. Celui-ci
avait dcsir'c la \o'n\ pousse sans
doule pai' f|uclque espiit de cmio-
site, un peu comme Ilcrode <jui, au
joiu' de la Passion, axait (U'sii'c
de voir le Christ, espérant <ju'il
accomplirait dcxani lui (|ucl(|uc
prodige.
Jeanne resta peu de temps
près i\u due. Elle essa\a de l'inle-
resser à ses desseins, lui demanda
de lui douner sou lils, ou |)lulôl
son gendre, René d'Anjou, duc de
Bar, et des hommes d'armes; mais
le duc ne se rendit pas à ce désir.
l'n témoin a déclare (jue, le du(
I,\ \IKUGK DF.S CM'I.F.S
])"ii|n-i's ml bas-rclici" tU- S\r.l,If;n.
ixani consultée sur sa maladie, elle
déchu'a n'en rien connaître et l'exhorta à reprendre sa femme légitime.
Le tout se termina par le don d'un cheval, disent c|uel(|ucs-uns, ou tlu
moins d'iuic somme de (juali'c francs, (juc .ii'anne, a\i'c son luunilitc ordinaire,
ne refusa pas, — elle était sans ressources à cctie époque, du reste, — et
(|u'cllc montra ingénument à son cousin Eaxarl.
Avant de rentrer à \ aucouli'urs, elle alla, à deux lieues de Nancv, faire ses
dcxolions dans r('glise de Saint-Nicolas-du-Porl, lieu (\r pèlerinage très
fréquenté à celte époque.
Elle rentra enfin à \ aucouleurs.
Dans le voyage de Jeanne à Nancv, Jean de Metz l'accompagna jusqu'à
Toid. Durand Eaxart ne la quitta pas de tout le xoxage.
f|^
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR I/IMACE.
i
jrANM-: I) vue
.Ti' \()ii(lr;iis consaci'fi' (jiicKjucs pagt's a vvl hoiniiic de
hirii, aussi l)ia\i' (|iu' iiiodcsU'.
En toutes les c-irconstancfs (|U(' nous nciioiis de laconlci- cl
(|ui lurcnl si i^iaNcs eu couscciucuccs jiour la niissiou de .Icaunc
et le sailli de la Eiaiici', Durand La\art sniihlc jaloux de
resicr dans l'onihi'c ; mais rohsci'Nalciu' \oil en lui un lioninic
(\c l)i('n, calme, |)ru(lenl, fidèle aniani (|ue dévoué.
Il oiHUpe modcsiemeni cl \aillaninienl la place dont le
|)éi(' de Jeanne d'\ic n'cùl dû laisser l'honneui' à personne.
Il esl près de noli'e |)ieuse lii'roïnc un |)eu comme Josc|)li
en la Sainle Kamille, toujours dans r()nd)re, mais toujours
prescnl cl dc\oué, ne s'imposani jamais cpiand on ne l'appelle
poini, em|)i'essé de icpondrc quand on réclame son sccoui'S.
il a prolei;('' le hcreeau où la pairie dexail icnaiire |)ar le
lalx'Ui' sacre de noire \ ieri;c Ci-ancaise, il l'a i;ar(lé, allcnlil' cl
Stntiu'tte fil Ixiis peint /> i i i i • ■ i t ' i
du xvi- siècle. lidèle, dans la pauMc cliaunuère de l)Urc\, le lîellileeni de noire
(tw/«.a„« .W,«.) j(..,„„(.. il , ., |„,;|,arc n'ipiplianie de \ aucoulcurs.
Il lui l'ami de la première licure, cl (piand Jeainic eut
f|uillc celle \ille, lenons |)oiu' cerlain (|u'il ne l'oublia pas cl L;cmil plus
d'une lois sans doule de ce <pie ses ol)li<;alions de raiiiiile ne lui permissent
pas de sui\re sur les champs de halaille celle (|u'il a\ail aceompagni'c en ce
eomhal secrel, mais si rude, (prcllc a\ail li\re à \ auconleni'S contre les
obstacles multiples qui rairctaienl.
\ rcpo([ne de ces événements, Durand f-axar-l axail Irente-trois ans,
seize ans de plus (jue sa jeune cousine. En i ') >(Ji 'if^é de soixante ans, il
comparut au procès de reliahililalion de Jeanne comme témoin. Toujours
modeslc, il raconta ci' ([ui suit, eommi' s'il eut l'ait en seeoiulanl Jeanne la
chose la plus simple du monde :
« ... J'allai prendre Jeanne au loi;is de son père et l'emmenai cliez moi.
l'allé nie disail (|u'clle \()ulait se rendre en Irance, xei's le Dauphin, pour le
faire couronner. ■ N'a-t-il pas ele dit, ajoulail-clle, que la Fi-ance serait
« désolée pai- i\ui' l'cmme et |)uis dc\ ail être retahlie par une pucelle":' » l'A
elle me demanda d'aller dire au sire Robert de Raudricouil de la faire
eontluirc là ou était Monseii;ueur le Dauphin. Robert me dil à plusieiu's
reprises : " Hamenez-la au loi^is de son |)ère cl donne/.-lui des souKIcIs ».
.' l ne fois (|u'elle \il ipie Koberl n'clail pas dispose a la l'aire mciU'r
vers le Dauphin, .leannetle [)iit des habits à moi et me dil (ju'elle voulait
VAUCOULEURS. -i
|):ulii-. Elit' |);ulil cl je l;i coiuluisis jiiscju'ù .Sainl->iiL'olas. De là, ctaiil immie
(11111 sauf-c'onduil, clic lïil amenée auprès du seigneur Clliarles, duc de
Ivorraine. Le duc la vil, lui parla et lui donna quatre francs, qu'elle me
montra.
<t Jeannetle ('lanl revenue à 'S aueoulcurs, les habitants de Vaucouleurs
lui aclielèrent des vêlements
d'homme, des chaussures
et tout un écjuipement de
guerre. En même temps
Alain de Vaucouleurs et
moi, lui achetâmes un cheval
coûtant douze francs, dont
nous pi'imes la dette à noire
charge, mais cpie lit ensuite
payer le sire de Baudricouil.
« Clela fait, Jean de
Metz, Bertrand de Poulengv,
C'olet de Vienne et Richard
l'Archer, a\ec deux sei\i-
teurs de Jean et de Bertrand,
conduisirent Jcaiinelte au
lieu où était le Dauphin.
« Je ne la revis qu'à
Reims au sacre du Roi.
(( Tout ce que je vous
ai dit, je l'ai dit autrefriis au
Roi. Je ne sais rien autre'. »
Durand Laxart ne men-
tait pas en disant : « Je ne
sais rien autre », mais il fais;iil ()u!)li : il laissait dans l'omhrc une fonlc de
faits qui lui eussent ('■lé grandement honorables et cpie sa modestie, ignorant
son pro|)rc nicrile, taisait.
Il faut I en louer pour la vertu <ju'il montre, mais ce silence a |)our nous
qiicl(|uc dommage. ( hicl prix nous allachcrions à ces détails louchant le séjour
de Jeanne a JUncy, chez son paient! Combien précieux j)our nous cl insli'uclif
roitru DU l'RVNCE A VAtlCOULEUHS
D'iipri's une i)hotogr;ipluo.
Jusi'pli l'al)rc. Pnucs de rclinhililulion.
74 .IP:A^>E IVAllC RACOiNTÉE PAR LIMACE.
serait l'éeho nu'inc allii il )li (les cnliclicns de rrs (k'ii\ âmes si liicii i'ailis pour
se compic'iidrc!
Si'èiif (ligue d'elle iiiliTpicItH' |);u- l'iiii de nos pcinlifs français. \n fond
de l'alccne de ee lotjis, paiiM-e sans lionle, on t\ii moins i)ien modeste, la l'emme
de Durand Laxarl se remet de si-s eouelies récentes, i^iàee auv l)ons soins de
Jeannette, l'rès du lit, le hereeau du nouvean-n('' repose; l'Iicioïne heree ses
premiers sommeils. T>es veux de l'enfanl sont clos, non pas encore ouverts aux
choses de la vie; ceux de .Teanne à la fois caluu's et iiujuiels, paisibles et rêveurs,
sondent ra\<'nii', essaxant de soulever le voile <le eel inconnu (|ui i^ardait
encore mxsleiieusement caclie le soLt (|ui raltendail, et celui i\u " nobli' pa\s
de France ».
Les \()ix le soule\crcnt-ils ipicl(|ucfois dexant ses rci^ards? Ijitrex it-elle
Orléans, les clie\aucliees de l'alax , les i^loircs de UcimsV Kt Paris, et (lompièi^ne,
et Rouen?...
l>'enfaiit dormait, la jeune mèi-e aussi, Durand Laxarl rentrait des
l'iiamps, l't .Teauni', constante cl ic'soluc, re|)renait axcc lui rentrctieu dcinicr
qu'avait interrompu le lahonr ou i'arrixee de ([uel(|ue voisine.
■Fcanni'tte <( disait (pi'ellc i'nii/ai/ se rendre en France, voir le Dauphin,
pour le faire couronner ». Durand sClonnait d'un tel pro|)os. .Jeannette le
re|)ctail, et avi-c tant de fort-e cl une telle résolution, (pi'à la iin Laxarl se
pi'cnail a s'émouvoir à son tour, resislail moins cl tombait d'accoid avec elle.
L'enfanl se l'cvcillail pcul-ètre, cl |)lcurail connue le font les autres, cai'
l'iiomme, ce roi de la nature, n'a (juc des gc'misscmcnts pour premiers discoin-s.
Jeanne le ramenait doucement au sommeil avec nne caresse de sa main
douce et forte, puis soni;eait à la même licure à la France, celle grande et clière
malade dont elle voulait soutenir la Iclc iliaucelante et panser les blessures,
attentive du même cieur à la France (jui se mourait et à l'enfant qui commençait
à vivi'c.
jMais Durand Laxarl dcvenail de plus en plus resoin, et c'est ce (|u'clk'
voulait par-di'ssus tout, car il est visible que c'est siu' lui (prclle comptait et
(pie son secours, de l'av is de Jeanne, sudirait, si RaudricourI faisait défaut.
Ainsi c'est de lui (pi'elle em[)rinile son |)remicr babil d lionnne.
« Jeannette prit des babils à moi », dit Laxarl. Pauvi'c Jeanne, elle était
singnlitTcment (''(juipée dans cet accoutrement, et plus tard, alors (ju'elle
chevauchait en l(;'te de rarm(''e, entre Orh'ans et Reims, sa joveusc cl coidiale
humeur dut j)lus d'une fois raconter, en ce stxie f|u'elle avait, celle piquante
histoire. Cv n'était [)as alois le justaucorj)S tic xclours orne de brocart (jue
VAUCOULEURS.
lui envoya l'iin des piinees du saut; de France. Non, mais c'élail le preuiiei-
vêtement de i>uerie. Quand on songe à l'inaccoutumé de ee costume, aux
aeensalions qu'on porta contre Jeanne à cet endroit, on ne peut s'empêcher
d'admir-er ee l)on paysan, qui, avec une audace ingxMuie, se rendit au désir
de la Pueelle et partagea d'avance Ions les déboires ([ni devaient s'ensuivre
pour elle, en secondant son dessein.
C'est lui aussi qui lui fournil son premier cheval. " Main de Vaueou-
leurs et moi nous
lui achetâmes im
cheval coûtant
douze francs, dont
nous prîmes la
dette à nolic
charge. » Il est à
supposer que Du-
rand n'était pas
rich(\ l'ji ce temps,
la somme de douze
francs ('-tait relati-
A'ement eonsidc'ra-
hle; il ne put la
pa^er comptant,
mais, avec \lain, il
« prit la dette à sa
charge ».
TjC sire de Bau-
drieourt fit plus
tard paver cette dette; mais T.avart eut le courage d'agir sans lui et de courir
les périls de l'aventure.
Ne fut-ce pas aussi cette vaillance et ce desintéressement de Durand (jui
firent comprendre à Baudricourt son devoir et l'ohligèrent de se montrer
plus confiant et plus généreux dexant la leçon que lui donnait ce simple
jiavsan?
« Je ne la re\is qu'au sacre du Roi à Reims », dit-il, l()rs(pril fit sa
déposition au procès de réhabilitation.
Ce fut sur le désir de Jeanne sans doute que le brave homme accom-
pagna au sacre le père de la Pueelle. C'(''lait bien juste, et Jeanne eût pu dire
MDCCCXCV
JF.AiNNE ET SON KSCOHTK OtiITTENT VVICOULEUItS (j'i rÉviUER I i"».;))
IV.ipfrs un dessin de Matatesta. publié par la Bonne l'rcssc.
76 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
de lui comme de son éteiulard : « Il axait elc à la peine, il l'allail hieii (ju'il
fût à riionnenf ».
Notre temps, qui s'est tant honore par le culte ((u'il |)i'ofesse pour
Jeainic d'Vrc, notre liéroïnc Iraiicaise, s'Iionoreiait encore en mettant plus
en lumière la respectable iigure de cet homme de bien, si simple et si ('levé
])oui'tant, iniisque le premier il a compris les pcnsc'cs de Jeanne et la grandeur
de son entrepi'ise.
Si, comme il faut l'espérei', le monument national qu'on v\r\c à Yau-
eouleurs s'achève, l'image de cet homme y devra trouver place aux côtés
de la liln-ralrice et nous conduire vers elle; car il la conduisit, fidèle, jus(|u'à
celte l'orlc de l'r'ance sous la(|ucllc l'Ilc passa pour aller l'aii'c sacrer le f)aiq)hin
l'I rendre a notre patrie ses gloires cl son indépendance.
^^
Les monuments (jui rappellent Jeanne d'Vit' à ^'aucoulcnrs sont nom-
]>rcu\ et de grand prix.
Nous axons déjà parle de la maison du eharion l.cRoxci-, dans lacjuclle
elle habita pendant son double séjour.
Nous axons aussi nienlioinie la l'orlc de \ illc i\{\ château de liaudiiconrl,
modeste (rapparence, mais dcxant la(|nellc riieronie dut cprouxcr' une anxieU-
si poignaiilc au moment ^\'v\\ franchir le seuil cl de paraître devant le gou-
verneur.
A ([uel([nes [tas de cette porte se trouxc la l'orlc de France, laquelle,
connue le dit son nom et comme le prouxe <lu reste son orientation, omrail
sur le chemin île France. C'est sous celle porte (|ue Jeanne d'Arc passa
éf[ui|)ee |)ai" les habitants, montée sui' le chexal que lui axait donné Raudri-
court.
Il si'iait superllu d'établir quels sou\enirs se rattachent à ce simjile monu-
ment, quellt^s pensées devaient remplir l'àme de Jeanne quand elle la franchit
pour aller faire coinonner le Daiq)hin.
Plusieurs pans de mur de dimensions considérables et d'imposant aspect
restent du château de A aucouleurs et attestent l'importance de e(>tle place
forte.
In tilleul de port majestiu'ux couronne de ses deux puissants rameaux et
de sa verdure l'une de ces ruines. La tradition populaire atteste que c'est à cet
endroit, devant la face inteiieure de la Porte de France, fjue Jeanne monta à
l>i:i'\HT lïE VAUCOULEUBS, LE 2i FÉvKIEK i îatj
D'iijïrès le t:ib)r;i(i ile ScHP.nnKn.
VAUCOILEURS. 79
(•lic\al au moiucnl du drparl, là aussi par suilc (juc Baudricourl lui donua
congé.
Mais de lous ces souvenirs le plus \énéral)le esl eeclaiuenieul la ei\|)le
(|ui se li()u\ail au-dessous de la chapelle du cliàleau, cl dans laquelle la Pucelle,
selon plusieurs témoignages consignés au procès de réhabilitation, descendait
frécjuemment [)our prier dexant la slalue de Notre-Dame-des-^'oùles, statue
conservée elle-même à Vaucouleurs.
Dans son témoignage, Jean T^efumeux, de Vaucouleurs, chanoine de la
chapelle du château et curé de l'église paroissiale dTgny, alors âgé de treule-
huit ans, témoigna ainsi : « En ce temps-là (au temps tlu S(''jour de Jeanne à
Vaucouleurs) j'étais tout jeune cl attaché comme clerc à la chapelle SaiiUc-
Marie-de- Vaucouleurs, dont je suis aujourd'hui chanoine.
(( Je \is souvent Jeainu' \cnir à celte église axer grande dcNotion. Elle y
entendait les messes du malin cl restait longtemps en prière. Ji' l'ai \ue aussi
sous la voûte en berceau, dans la chapelle soiUerraine de Saiule-Marie-tle-
Vaueouleiu'S, se tenir à genoux de\anl la ^ ierge, k' x isage lautùt baisse,
tantôt Icxé vers le ciel'. )>
Tx's dalles sur lesquelles se « baissaient » les xeux de Jeanne, sont encore
là; cette « voùle en berceau «, vers la(|uelle ses regards « s'ele\ aient " en
cherchant « le ciel », sont dememces, elles sont inlaeles, l'ailes de ces pieires
imprégnées du souvenir de la vénérable héroïne. Elles furent témoins de ses
prières et de ses larmes.
Après la destruction du cliàleau, cette er\|)le fut eonxerlie en étable. Pour
qu'on v pût ace(''dei', une feiu'lre fui eliaugee en porte et, connue le ni\eau de
la crvpte ne concortlait pas avec celui de la ruelle xoisine, on combla de terre
la partie inférieure de ce souterrain, alin (juc le bétail \ pùl enirer jtlus faiile-
menl. I^e fumier s'y entassa avec cetti' Ici're et ce sont ces innnondices fjui
ont sauvé de la ruine ces lieux consacrés par la pic'scnee de Jeanne d'Are.
Parmi les di\t'rs monuments (pii nous rappellent la libt'rali'ice, aucun n'est
resté |)lus intact; il en est peu aussi (pii méritent cl inspirent une aussi lé'gi-
time vé'iieralion.
Quand on enlic dans cette eha|)elle, on n'ose a\ancei'. A la pensée cjue
les |)ieds de Jeanne ont foule ce seuil, à la \ue (k' ces dalles sur les(|nelles elle
s'agenouillail, près de celle colonne (|ui occupe le centre du sanctuaire,
soutenant la \oùte, et sur laquelle tant de fois cHe s'ap|)U\a sans doute,
I. Jo.srpli l'';il)i"c. Proccs de rchiihihtalion.
8o JKANINK D AUC KA(:(J>TEE l'Ail L LMAGE.
défiullaiitc et désolée, <mi Noudrait n'avanctT <|u'à j^t'iioux, haisor de ses
lèvres émues, arroser de ses larmes reconnaissantes, ces pierres vraiment
sacrées pour tout cœur français.
On n'est pas moins ému dexani la \ ieille staliie de Nolre-i)ame-des-\ oùtes.
C'est devant elle que Jeanne priail.
Une restauration, peu inteliii^cnle, il faut l'avouer, l'a en partie modifiée.
On ainieiait la xoii- dépouillée de celle décoration trop conforme au ijoùl
(loul( ii\ de la statuaire religieuse de notre temps, et considérei' en sa pierre
simple cl nue cette image si xénc'-rahle. Mais, même ainsi modiliée, l'Ilc n'en
est pas moins d'une absolue authenlicilé et compte, par le souvenir de Jeaiuie,
parmi les plus précieuses statues de la Vierge que l'on conserve en France.
Un monument s'élève pour protéger ces iiiiiu'S ])récieiises et les garder
en honneur, devant les veux de la France. Les pouvoirs publics, civils et
religieux, le |)atriotisme et la foi se sont donné la main pour- cette entreprise;
elle peut tarder à Acuir à plein succès, mais elle v viendra un joiu', parce (ju'en
notre xaillant |)a\s de {elles causes ne sont jamais perdues'.
Si ces souxcniis matériels de .Jeanne d'Vrc conservés à \ aucouk'ins ont
un grand l)rix, celui (jui nous reste des (-vénements rapides mais considérables
sur\emis pour elle en ces lieux est peul-ètre plus cMiouNaiil encore, l'.n cette
étude où nous nous ellort-oiis de dégager des ineideiils de la \ ie di' Iberoine
l'âme même et, comme nous l'axons dit, ce (|ue l'on pouirail appelei- la
pliilosopliie de cette \ ie si grande, A aucoulcius a tlroit à une place éminente.
Les hommes jugent mal la vie des grands hommes. On dira qu'ils jugent
mal de toutes choses, et l'assertion n'est pas contestable; mais leur erreur est
peut-être surtout \isibU' (juand elle porte sur les choses (pii sont grandi'S cl
qu'il leur importerait davantage de bien enlendre.
Fa libeili', la puissance, la grandeur et la gloii-e sont l'objet de leui'S
plus vifs désirs, excitent en eux les passions parfois les plus emportées.
Qu'entendent-ils cependant à la gloire, à la grandeur, à la puissance et
à la lilierlé? Foil peu de chose.
I. a O Fraiici', |):\uir liicn-aimi'e. lanl (|iu' Iciii cuili'. ijui se confoml. ;i vrai diri-. avec celui
(Ir riiumaniu- c-ii liUle contre louli-s les cruaulés île la iialure, coiisei\ era encore des fidèles, celle
chapelle souterraine de X.-I). de Vaucouleurs. (jui vit les angoisses de la Pueelle el (|ue viennent de
ri'staurer di's mains ])ieuses, ne cessera d'aiiparaitie eoninie l<' plus sacré des sanctuaires. Tant (|uc tes
enfants, ou du moins les meilleurs d'entre eux, l'aimeront, ô mère, comme tu mérites d'ëtic aimée,
c'est là plus encore (j ne partout ailleurs qu'ils se feront un devoir de v<iiir en |)èlerinaye; et arrivés à
l'endroit où la vierge de Domremy s'est agenouillée pour prier el pleurer, ils éprouveionl le lusoiii
de se prosterner à leur tour et de baiser cette terre, saiicliliée parce qu'on peut appeler la « V<'ill('e
des larmes de Je;uiue il'Arc ». Siméon l.uce. Jeaiiiu' d' .ire à Donirenn\ i>, cwi.
^€^ytn4i a Svtt:^
^ e//i'tf'<j '/(• //t(f 'fr'/f f/(' c^fe^riA-c &-/i^ui /,>4ùiéee eÂi, ,.£u4r'e'??t&€^aA^. /
^>r^^ScWé^ât^ . i^W
VAUCOULEURS.
ADlliUX 1)E JKVNNK 1) Uli; \ll CMMTAINE DE BAlII>llIi;(>lill r A VAIK.UI I.EfUS
J)'aiii(s II' t.ihliMii lie MiLi.iN Dupeubeux (1S17).
A|)prt'ciii[('iii's médiocres des choses, ils ne le soiil pjis moins des liommes
et de leurs actions, et s'ils en font quelque cas, leur estime porte moins sur le
bien que eeux-ei ont accompli que sur le hi iiil cpiils ont pu l'aire.
Il arrive ainsi que, de la vie des grands hommes, — la remarque ne
s'applique pas moins aux Saints, — le meilleur leur ("chappe, l'éclat seul les
frappe et selon la juste |)arole des Livres sacrés : « l'homme ne voit que ce qui
parait au dehors' )>.
« On n'imagine Platon et Aristote, dit i\iscal, qu'avec de graniles rohes
de pédants. C'étaient des gens honnêtes et comme les autres, riant avec leurs
amis; et quand ils se sont divertis à faire leurs Lois et leur Politique^ ils l'ont
fait en se jouant. C'était la partie la moins philosophe et la moins sérieuse de
leur vie. T.a plus j)hilosophe était de vivre simplement et tranquillement". »
\jA \ie de Jeanne d'Arc ne pou\ait écha|)per à cette règle fâcheuse, et,
de cette \ ie, le plus grand nombre de ceux qui l'ont étiuliéc, d'accord avec la
foule, ne se sont guèic attaches (|u'aux principaux épisodes (jui rillusirent;
I. I. Reg., XVI, 7.
•>.. Pascal, Pcnxn-s. liv. vi, yt. 5^.
8u
JEANNK 1)\U(: n VCONTKK I' U\ I/IM\(.E.
ils cil oui iK'i^lii^c le loiul inliinc cl ciiclic. (Tcsl ia ccpciKhnil, |)()iif le r('(lirc
iiNcc l*;isc;il. " hi pMilic la [iliis pliilosoplie " de celle \ ie si éli'iint;('inenl L;raM(le.
l'aiiui ccii\ ({iii cclchi-ciil .Icaimc d' \rc, par la parole otr par la plimie,
dans les vei's ou la prose, |)ai' le piiiccaii mèinc ou le eiseau, eoitd)ieii en esl-il
(|ui saclient se dégainer du lieu couiniun? (lonihieii sorU'Ul de rine\ital)le
trilogie, I^onireni\, Orléans el Uouen, a\ce une allusion à lU-iuis, doni on ne
parle (|ue hrièvemeiil cepen-
danl, pour ne pas dc'lruire la
louelianle SMiiélrie des Irois
grands sujels trailes en ini dis-
coures ine\ ilahlcnienl coni|)os(''
de Irois |»oinls, conuiic les
sermons l'anicux railles par La
llruvére? (lerles ces trois noms
sont \ eneiaiiles, ces Irois ohjels
dignes de nolr'c élude; mais
esl-ee donc là loule la \ie de
Jeanne d'\re? l'.nlic ces Irois
" niNSlères », n'en esl-il pas
d'anlres, el nombreux, où nous
la Irouxons toul enlière el
plus elle-même peul-èlre à un
eeilain |)oinl ?
l'ouri|uoi ni'gliger i'oiliers,
lUois, Paris, t'.ompiègne, Beau-
l'cxoir, ]a' Clrotox ?
En tous ces lieux, nous
Aoxons Teanne aux prises axcc
les senlimcnts les plus cmouvanis, les épreuves les plus intimes mais aussi
les plus douloureuses, et c'est là peul-èlre que se rc'vèlc en elle une gran-
deur souxeraine. (l'est là sui'Ioul (|u'cllc |)cul nous être utile en nous
donnani l'exemple, non d'acles d'i'clal, de triomphes militaires ou de xertus
dramatiques, mais celui de verlus intimes, dignes d'être proposées non
seulemeni à noire atliniralion souvent stérile, mais à noli'c imitation, ce qui
xaut beaucoup mieux.
J'ai à ca-ur, en ce travail, de con\ ier les sages esprits à l'élude atlentixe
de ces recoins caches de la x ie de la libératrice, (hi'ils ne se refusent pas a
JKVNNE I) ARC
D'nprès une copie de la peinture attribuée au roi Ucné.
[Coilci'lion de M. Jacrjucs tic Bicz.)
^ alc(3LJj:uus.
83
rU.VG.^IlLNTS DE L\ CHAlUiLLK DU lîlUS CHliXU
FHONTOS ET CLEF DE VOÛTE
D'ii[n't's une pllotoj^rnpllif.
cet ;i|)|)<'l : ils liomcronl diiiis ce
lal)ei!r des fruits aussi doux f|U('
leconds.
C/est à ce titic que les é\é-
nements de Vaucouleurs méritent
atteulioii cl occupent xiainiciit
dans la \ii' de Jeanne d'Arc une
niaci' notoire.
Évidemment, les combats
qu'elle li\ra plus lard, et qui sont
comme les étapes de sa rapide et
prodii^ieuse épopée, ont un celai
plus \if et plus l'raj)pant; mais celui qu'il lui l'allnt li\rcr à A ancoidenrs ne
lut-il pas plus âpre ou du moins plus malaise, qucl(|ue peu de hruit (|u'il ait l'ail?
Nulle part, en cH'et, a\('c plus de i'aihlesse et dans un plus conqilcl
isolement, elle ne rcnconlia d'oppositions plus icdoutai>les. V ( tricans, a l'ala\ ,
le combat scia rude, le tiiomplie éclatant, mais du moins elle a deiiicrc elle
cette armée Crançaise ((ui sait toujours xaincre fjuand elle est conduite par des
chefs dignes d'elle.
A Vaucouleurs, Jeanne est seule, et seule contre tous, (l'est le peiq)le qu'il
faut émouvoir, couAainere et conquérir à sa cause. Ce sont les railleries de
ceux-ci, le scepticisme cl la défiance de ceux-là, qu'il faut sui-monter. (l'est
la pau\rctc <|iu l'enliinc, (jui l'olili^c, (piand il lui faut poui' partir un habit
d'homme, à emprimter celui de son cousin, pauvre comme elle. fJle maufjue
d'une monture : elle n'en a pas, et clic n'en ama pas si sf>n parent n'engage
])as sa parole |)oin- en accc|itcr la dette.
Cherche-t-cllc soutien d[i c(')le de Dieu, le cure de Vaucouleurs la prend
pour une ensorcck'c et la vient exorciser, cl, la chose faite, on doute l'ucore
d'elle cl on lui montre de la défiance.
Tous ces obstacles, ell(> les sm-monte, et cela à làgi' dv tiix-scpt ans.
Combattue au dehors, elle se Hmc à elle-même un combat intérieur non
moins ardu, lin dcpil des consolations et du réconfort que lui ap|)ortcnt saint
Michel et les saintes, il serait puéril de croire que son cceur ne fut pas souvent
partage entre l'espoir et la crainte. 11 ne se put faire qu'à eei"lain(>s heures son
dessein ne lui pari'il chimérique et (|u"(llc ne songi"àl à retourner à Domremy.
Puis l'espoir renaissait. Les voix lui parlaient à nouveau. Comme im coup
de clairon belli(pieux, retenlissail à son oreille la parole de l'aichange : « \'a,
84 JEANNE D'ARC RACONTEE PAR L'IMAGE.
va, filli' de Dieu, va! » Son eceiii-, après ses voix, lui disait la « grande pilie du
royaume », et elle se ressaisissait tout entière. Alors, vaillante, résolue : « Il faut
que j'aille, et j irai, dussé-je m'user les jaml)es juscju'aux genoux ! » s'écriait-elle.
Puis c'était Jean de Melz (|ui venait l'entretenir et (jui, anime pai' ses
discours, mellail ses mains dans les siennes et lui jurait de la conduire au
Dauphin, liertrand de i'oulengv se joignait à Jean, Duranil Laxarl aclielait le
clunal, les liabilanls donnaieni à Jeanne le justaucorps, les chausses longues,
la rohe comte, les guêtres, le eha[H'ron, le hauhcri cl le reste Et l'héroïne
i< ne |)Ou\ait plus durer « ; elle voulait partir c< aujourd'hui même plutôt (pic
demain, cl demain plutôt (ju'après ■■
IMais tous ne jjcnsaicnt pas ainsi. IJaudiicourI l'cnlraNail, (|ucl(jucs-ims lui
moniraicnl l'ctrangeté de son é(juipéc, et voilà (|uc la |)au\ ic enfant se sentait
moins assurée cl se demandait anxieuse si par hasai'd clic ira\ail pas tort
conli'c tout le monde cl loul le monde raison contre elle.
Puis l)omrcm\ n'clail cpi'a (jualrc lieues. Il en M-nait bien un jour ou
l'aulic (piciquc hahilanl à \ aucoulcurs. Ia' vo\agcur sinfoiiiiait de Jeanne,
disait riiujuiétude et les larmes de sa mèri-, la colèie de son père, il disait
comme la pauvre fdie (juc l'un et l'aulic « en perdaient le sens», de la xoii' ainsi
partie. Ces ])ropos se r(''pandaicnl dans la xillc. T>es pères, xoulant pour leur
prolit soutenir l'autorilc paternelle, se prononçaient contre Jeanne cl plai-
gnaient Jacques d'Arc. Les mères n'étaient |)as moins dévouées pour Isabelle
Romée, et disaient qu'une lillc sage cl aima nie ne fait pas ainsi jileurer sa
mère, ([uc le commandement <le Dieu oidonnc aux cnfanls d'obéir à leurs
parenis cl (|uc Jeanne, (ju'oii disait si dévote, aurait bien dii au moins se mon-
trer chrétienne et obéir à la loi de Dieu en obéissant à ceux qui le remplacent,
l'isl-il bien assure (pie (piel(|ues-uiis n'allaicnl pas jus(ju"à dire (pie la
conduite de Jeanne clail i\\\n pernicieux exemple pour les enfants du lieu,
qu'on allait bicnlôl noIi- d'aulres jeunes filles se mettre en tète des rêves
tle même nature, cl (pi'il fallait, selon le conseil sage et trop peu écoule de
BaudricourI, la renvoxer a\ec correction à son j)èrc et à Domremx , (jui, en
vérité, faisait nu singulier prc-sent aux braves gens de Vaueouleurs en la
personne de celle fillette, aventurière de dix-sept ans';'
Si ce n'est |)as erreur (|uc de su|)poser tous ces propos, Jeanne en
recevait l'écho et l'on |)cut estimer quelle epreuxc elle en ressentait.
Que ne peuvent-ils parler les miiis de la ehambrcllc (|u'cllc babilail chez
Henri T^e Roxcr! Catherine, femme de celui-ci, était bonne |)<)ur la pauvre
désolée. IMais (jue peut souxcnt pour nous le déxoucmcnt (\v nos amis, même
VAUCOULEURS.
85
les plus sincères? Oiiaiid il iaiil eoiisoler et
i;uérir, l'homme esl si impuissant pour
l'homme!
Puis les grands ed-urs ont la ])udeur
saerée des larmes et, comme le Christ au
jardin de l'agonie, ils ont hesoin de mettre
au moins la distance « d'un jcl de pieri-e '
entre le spectacle de leur douleur cl le regard
des hommes.
Jeanne gravissait cet escalier fjuc l'on
voyait naguère encore à la façade de la maison
du charron, se rendait à la chambre du se-
cond étage, sous les combles, cl là phurail
sans doute, comme plus tard elle le faisait
• juand les Anglais l'ajjpi'laienl libaude.
Mais sa défaillance ne durai! pas, et,
comme à Orléans quanti sa blessure fut
pansée avec de l'huile et du miel : « Je me
sens consolée », disait-elle, et puis : « J'iiai;... avant la nii-carcme, il faut
(juc je sois devant le Roi,... car lud au monde, ni rois, ni ducs, ni lille
d'Ecosse, ni aucun autre ne ])cut secouiir le ro\aunic de France.... Il faut
que j'aille et que je fasse, pai'ce (jue mon Seigneur veut que je fasse ».
JFVNSE DAIKJ liT VKliCIXCKTOJlIX
Priije't (le moniniient, t\r(\ic
nii\ in;irtM-s de riii(lé{M'[ii]iUi(-(- njitiuualc
[lar Kmile r.lUTKoussE (1H72).
4^
Ces réflexions suffiraient à faire cnlendr-c combien graves pour Teanne,
combien dignes de souvenir pour nous, furent les événcmcnis (!<■ Yaucou-
leurs.
Celle épotjue de la \\v de Jeanne revêt toutefois un autre et peut-être plus
touchanl caractère.
Qu'on me pci-metlc encore celle considération et rpi'ou me pardonne de
ne (|uiller ([u'à regret cette terre de A ancouleurs sanelilit'c par les prières, les
larmes vi les aneoisses de Jeanne d' \re.
L'homme porte mal le |)oids de l'inconnu. « Nous ne prenons ijas nos
mesures bien juste », ainsi que dit l'.ossuci, et, qu'il s'agisse des choses tristes
ou de celles (|ui nous appoi'lcnl la joie, nous les |ir(''vo\ons gcMK'ralemenl plus
grandes (ju'elles ne le seront par leui' réalité.
S(i
JEANNE D AUC RACONTKK l'Ail I/IMAGE.
De là les illusions f|iu' nous ciiliclciioiis, de Li les l^^(■s doiil nous nous
berçons a l'cndroil des joies (jui nous soni ;nnioncf('S.
De la aussi raltallcnunl où nous jcllc la pccxision des cprcuvi's (|ui nous
nicnaccnl.
En un mol, les choses, cl siirtoul la joii' cl l'cpi'cuve, son! plus grandes
en nos espérances cl en nos crainics (|u'in Icui' ohjcl nicnic.
T/ineonnu nous fascine.
C'esl luie saijc pliilosopliii' (jui' saint Aui;iislin a mise en luniicic cl ([ue
liossuel a conimenlce. Ils nous cnirclienncnl l'un cl lunlic
du nnsicre de la l'rcscnlat ion de Jésus au 'rcni|)le. El, (|uand
rc\c(|ue d Ilipponi'a rappelé les paroles par lcs(pii'lles Sinicon
annonça à la ^ ieri;c cpiun glaive de soulIVance percciail son
ànie, il cvpliiiuc lorl jusicnieni (pi'cn oulre du l'aidi'an d une
Icllc ainioncc, Marie porla encore celui de I inconnu;
« car, ajoute ci' Docteur, c'est porter toutes les don-
C-— v^ ^ leuis (jue (Vvw redoutei' inie eerlainc, sans sa\oir dOu
Vt elle \iendra, cl de sentir la pointe Av tous les ^lai\cs
'"^ V jflJB' M'"' d'ii;norei' celui (pii doit nous i'ra|)|)er, (juand il est
assure d'antre part (|ue nous serons happés. »
\ un enl'anl, dit-on, cl j'iniai^inciais \olonlicrs (jue
ce fut plut(')l à (|ucl(|ne sai;c, judicieux connaisseur dis
choses huinaines, on demandait : ■ (Hiel est le plus
heau jour de la \ ie ":*
— (l'est la veille », réj)on(lit-il.
On eût pu lui demander aussi : « ()uel est de la
vie le joui' le plus douloureux? •■ Il eùl fait la même r(''|)onse.
Clesl moins sur le champ de bataille, au milieu de renirainemcnl du
t'ombal, que le stratège montre sa parfaite assurance et le soldat son vrai
coiu-age, qu'à la Mille même du combat. Aussi l'on approuve Bossuet (juand
il admire le l'rincc de (londé dormant quelques heures avant Rocroy et
n'a\ant « jamais dormi plus paisiblement ».
Ainsi en est-il dans tous les ordres de racti\ilc lumîaine. I>a foule estime
que pour l'orateur le plus grand labeur et le moment où son âme s'inquiète
sont celui même ou il parle; ceux qui ont quelque connaissance de cet art
savent bien an contraire (|ue l'henre de l'angoisse c'est l'instant (|ui précède
le discours. E'oratcui- n'a pas encore pris contact avec l'audiloire; ignorant
la composition de la foule et ses dispositions, il sent le poids de cet incoiuui,
JliVNNU I) ABC
D'.iprès le buste de PÉcou.
VAUCOULEUllS.
cil uiio ('■Irciiilc de l'àinc cl
une sorte de suspension des
sens si douloureuse, qu'il lui
lar-dc de la rompre et de
gravir ces degrés de la trii)unc
ou de la chaire au bas desquels
il souffre de telle façon.
La veille, c'est le mot
dont il faut marquer le séjour
de Jeanne à Vaucoidcurs,
comme c'est celui (jui con-
viendra aux incidents de son
sejoui' à Blois, trois jours
axani Oilcans, comme ce sera
enfin le mot juste pour les
tristes jours que Jeanne pas-
sera au Crotoy, avant de sortir
des mains françaises pour être
livrée à celles des Anglais. Yau-
couleurs, c'est, dans l'épopée
de Jeanne d'Are, l'aïuore fjui
va naître; Rlois, le plein midi
qui va briller; J^c Clrotoj, c'est
le crépuscule qui commence,
avanl-conrcni' de la nuit « dé-
sastreuse » et (( elfroyable »,
où la France diia : Jeanne
a se meurt », Jeanne u est
morte ».
C'est le premier mot de
ee singulier discours qu'elle
va tenir, la première page
de l'émouvante ('popc'c (|u'cllc
écrira ilc la pointt' de son
épée, c'est l'ébauche première
de ce ehef-d'auvre qu'elle va peindre et devant lequel les siècles s'étonne-
lont, et, poiM- cmplover une image plus douce, pins sim|)lc cl mieux faite
JKVNNIÎ 1) VHC SK RESDINT AUPRES DE CHVKLES VII
D'api'rs le cartiiii tle A. (inELLET.
88
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
|);ir c-cllc dont on disait (lu'elle « lut toujours moult simple cl peu j)iiil;uitc' »,
c'est, en Jeanne, la ileur non encore éclose, fermée encore à la rosée comme
au soleil et qui demain s'ouvrira.
Je ne sers ici nul inti'rèl de clocher. 1)<'S lieux où Jeanne a vécu, tous
me sont chers et sacrés; mais j'estime (jue parmi les événements de sa vie
celui-ci compte comme l'un des plus cmouxanls, l'un de ceux où, dans
l'allcnlion du cœur cl de l'esprit, ceux (|ui ont le culte profond cl vrai
de l'héioine lr<)u\cnt les émotions les plus touchantes et l'ohjt't du souvenir
le plus durahlc.
1. \ PrCF.I.I.F.
IV.i|iri-s iiiif mi'-clailli-. liihl. uni.)
■flvr^^
p---v^-"^^- /^^TK#^ fil.
■■ ' w^>-' .
JEANNE AUX PIEDS DU ROI A CHINON
D'après le dessin de Vital-Dubr.vy. (^Muscc Jeanne d'.lrcy à Orléans.]
III
CHINON ET POITIERS
\1UU\ÉK A CIIINON — LES ENNEMIS DE JEANNE ET SES A:\I1S
LES PREMIERS JUGES DE JEANNE
L
i; st'coiid sijoiir de Jt'aiiiic d' \re à ^ mucoiiIcuis a\;iil (Uiir
liielfjues semaines, (l'est peu quant à la duiée, mais dans
la vie les ehoses les plus grandes sont souvent l'œuvre d'un
iiislaiil. L'imporlanee des événements ne se jui;e [)as au
lenips ([u'ils onl demandé.
Le mercredi 2') févi'ier 1 1'-',) Jeanne (|ui(ta Vaueouleurs
el prit le chemin de Ciliinon. Sa petite escorte l'aecompagnait,
composée de Jean de Metz, Bertrand de Poulengv, Jean de
llonecourt e( Jidien, servants tles deu\ premiers, puis (lolet de
Vienne, messager du roi, et Richard EVrchcr.
Le sire de Baudricourt avait, croit-on, reçu l'assentiment du
Dauphin au Aovage de Jeanne. Le mouvement de faveur qui
s'était dessiné dans le peuple à l'égard de la Pucelle l'aNait,
du reste, obligé de se prêter aux instances de celle-ci. Il cessa
tlonc de lui faire opposition, contribua à l'éciuiper, comme
nous l'avons vu, el lui donna congé en lui disant : » ^ a, va, advienne
JEANNE 1) ABC
Biistc (le A. T,E Veel.
9"
JEANNE DAUC R VCONTÉE PAU L'IMAGE.
(jiic poiiri'ii ". Il \ a moins de sccplicisiiic ([ii on ne lu cslnnc dans (_'t'S
paroles.
( )n assui'c (|uc, le jonr de la halaiilc de I{on\ ra\ , jom iicc dite des liaicn^s,
Jeanne elail M'iuie le li()ii\ei- cl Ini a\ail dit : « En nom Dien, xons larde/
li'op à m'tMnover, car anjoni'd'lmi le i;cnlil Dauphin a en près d'()rleans nn
l)ien i;i-and domnianc, el il ponrra l'avoir encore pins i^rand, si \ons ne
m'en^()^('/ l)ienl(")l xcrs Ini ».
Ail momeni An (le|)arl de Jeanne, la popnlalion de ^'aneonlenrs se rennil
LA JOHUSKF. DKS HAHKNGS
D'iilJl-i-s iin iii.iiHis<Tlt liiiiifiiis <]ii .w"^ siécli*. (/y//'/, liât.)
dans la eonr dn eiiàlean, près de la l'orle de \ ille el de la Porle de l'ianee.
Jeanne reee\ail déjà de ee peuple les iiiarcpies de l'aNcnr el de eiilie (jue
pendani lonle sa eanipai^ne elle devait recueillir. I^es foules n'oni jamais
manijué de lui monirer le plus \ if allacliemeiil ; sa seule vue evcilail en elles
I enlliousiasme. Jeanne, du reste, ri'udail à ees l)ra\es gens les sentiments
([u'ils a\aienl pour elle, el plusieuis fois, de\anl ees manifeslalions popu-
laires, elle dil, en des lieux tlivers : « Je \oudrais hien mourii' ici el (jue
mon corps reposât au milieu de ees bonnes gens ».
C'est doue le mercredi ui février que partit Jeanne. On atlendit que le
CHINON ET P(MTIERS.
f)'
VI i', [>i (:ii\ri,\r Di. chimiv
l)';i|)r'rs iiiii' pliMtoj^r;i|(hu'.
soir apjiroeliâl, afin de vovager imc parlic de la niii( cl dWilcr ainsi les
liandcs anglaises cl hourgnignonncs (|ni infcsiaicnl le |)a\s.
\u procès de rt'haijililalion, ses compagnons dcposci-enl. Clilons leurs
paroles : elles donnent mieux (|ue loulc descriplion lidee jusie des sentimenis
(le la pclile Ironpc cl du \o\age de .Icaunc.
« ijC vo^a^e, dit Jean de Melz, se lil aux frais de lieiliand c( à mes frais'.
Il nous a^l■i^a de \()\agei' la nuil par ciainlc des \nglais cl des ilourgirignous,
(|ui (iaieul mailr-es des chemins. Nous r(>slàmes en roule l'espace de onze jours,
toujoiu'S elievauciiant.
« Pendant le chemin, je dis plusieurs fois à Jeanne : « Ferez-vous bien
" ce que vous dites? » Et elle nous répétait : « N'ayez crainte; ce (jue je
<c fais, je le fais par commandement. Mes frères du Paradis me disent ce que
« j'ai à faire. Il y a déjà quatre ou cinq ans que mes frères du Paradis et mon
I. Comme on le voit, le dévouement de (m\s deux hommes ne se hornait pas à aeroinpagner
Jeanne il Are, ils inaient piis à leur charge les Irais du voyage.
f)2 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
« Seigneur Dieu m'ont dit qu'il fallait que j'allasse en guerre pour reeouvrer
« le royaume de France ».
« En route, Bertrand et moi, nous reposions ehaque nuit avec elle.
.Teanne dormait à eôté de moi, serrée dans son liahit d'homme.
« En route, Jeanne aurait ('te eontenle (rciilciidre toujours la messe.
« Si nous pouvions entendre la messe, nous ferions bien >■, disail-elle. Mais,
pai' crainte d'être reconnus, nous ne l'entendimes (jue deux fois '. »
15crtrand de l'oulcngv rend un témoignage à pvu près semhlahlc. Il ajoute
ee propos : « Jeanne nous disait toujours : « Ne craigne/, tien. Vous verrez
« comme à Cliinou le gentil Dauphin nous fera hon \isage ». l'.n renlendanl
parler, j'elais tout eiilhunme. I.llc ('lail |)()ur moi luic eM\o\ce di' Dieu
Voilà commcnl nous finies cheinin cnsemMc sans grand cmpcchcMienl, et
arri\ànies à Chinon, ou clail le Roi, alors l)au|)hin. Une l'ois à Cliinon, nous
picscnlâmes la l'ucelle aux noMes cl aux ^ens du Hoi. »
Ces simples paioles nous donneni une juste idée du \o\age de Jeanne et
de ses compagnons. Ils voyagent une partie de la miil, cjuclquefois le jour
(juand le pa\s est plus sûr. Jeanne édilie la pclilt' escorte par sa pi(''lé, sa
modestie cl sa honlé. Ses discours enflamment ces hommes de l'amour divin, cl
sans doute aussi de l'amour de la l'rance. Ouchpics jours sont à pt'inc écoulés
f[ue ch'jà ils \oicMl en elle ■ une ciuoxcc de Dieu ■>. C'est l'impression que
Jeanne laissera à tous ceux (|ui la rencoMireronI depuis ce joui' jus(|u'à sa
mort. Celte impression, forte cl singulici'C, les juges de Jeanne eux-mêmes
s'ctfoiceronl de s'\ soustraire, mais ils la suhironi plus (|uc loul antre.
Au procès de Rouen, interrogée sur cet ohjcl par ses juges, elle résuma
en ces termes le ^o^age de A aucouleurs à C'hinon :
<.< \ mon depaiM de \ aucouleurs, j'elais en hahil d'homme. Je portais
uni- épée que m'a\ait donnée Rohert de iiaudricourl, sans auti-es armes,
cl j'avais poui- société un chevalier, un écuver et quatre serviteurs. Avec
eux je gagnai la \illc de Sainl-l rhain et là je passai la nuil dans une alil>a\c.
En route, je traversai la ville d'Auxerie cl v entendis la messe dans la principale
église. Alors j'avais fréquemment mes voix \ »
Bertrand de Poulengv nous a dit que le vovage dura onze jours et se passa
« sans grand empêchement «. Il ne fut pas cependant sans difficultés. Il fallait
traverser plusieurs rivières, la Marne, l'Aube, l'Yoïme. La mauvaise saison
l'cndait ces incidents plus laborieux. De temps à autre, Jean de Metz ou
I. Jfisf'pli Fahre, Procès de réhabilitation, t. I, !*■ i"^-"*
'2. Joseph Fabre, Procès de condanitiatioti, p 5t).
5 -î ■*
- ^
CHINON ET P0ITIF:US.
93
Bertrand s'ii)(iuu'(aic'nt di' l'issue de l'ciihcjuisr cl iiilrrroi^caiciil .TeaiiiU'.
C'.cllc-ci rcnoiidait aM'c ciilrain (jiic loiil irail l)it'ii, et l'on reprenait la
roule.
Les voyageurs passèrent la Loire à Gien et parvinrent à Sainte-C'-atherine-
de-Fierbois, en Touraine. Jeanne a\ail une pi(''t('' spéeiale pour sainte Catlie-
liiie, l'uiu' des deux saintes dont les ■• \()i\ ■ la cDnduisaient. Pour eelle
raison sans doute elle s'ar-
rêta en ee lieu et y en-
tendit successivement trois
messes. C'est de ee sanc-
tuaire ([u'elle fit venir plus
lard une (''|)ée qu'elle porta
longtemps.
Depuis que Jeanne et
son escorte ne vo\asJeaienl
n
plus dans les contrées infes-
to'es })ar les bandes enne-
mies, ils a\ançaient avec plus
d'assurance et de ("acilité. Ils
cachaient aussi avec un soin moins jaloux l'objet de leur \o\ai;e cl en
faisaient confidence à (juelques bons et dcNoucs amis Au Daupliin. Et
ceux-ci, comme il est naturel, ne négligeaient pas à\'\) parler à leiu' toiu-.
D'à,,,-.
I. V PUCELLE ASIENEE AU MOI
1111 in^uuiscrit françiiis du xV siècle. {UtOL itat.)
^
IjC bruit de l'arriNcc de la Puccllc se icpandil donc assez ra|)idemcnl, et
comme, dans les su|)rèmes épreu\('S, on se rallaclic aux moindi'cs ()i)jels (pii
justifient l'cspc'rancc, l'enthousiasme déjà la précédait. A blois, Orléans et
autres lieux on parlait de i-cllc l'ucclle ([ui, accompagnée de quelques hommes
d'armes lorrains, venait pour entretenir- le Dauphin à Chinon, (léli\ r( r ( )rlcans
et l'aire coui'onner (Charles à Reims.
Le peuple s'animait à ces nouvelles, et quand la petite troupe arrivait en
quelque bourgade ou traversait (juelque hameau, on la recevait avec une faveur
(jui sans cesse allait giandissant et déjà toiunait à l'enthousiasme.
La bonté de Jeanne, sa gaieté aussi, la grâce naïve de sa personne, les
vises saillies de son discours, la simplicité unie en elle à la distinction, lui
gagnaient tous les cœurs; elle s'en réjouissait ingénument et sans nul esprit de
96 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
gloire, heureuse de cet aeeueil qui foitifiiiit sa cause et lui devait |)ré|)arer les
voies près du Daupliiu.
Jeanne devait sur son elieniin rene()iilr( i- d'autres dispositions (jue eelles-
ei : sans relard l'intrigue devait se faire jour et tenlei' d'entraver son entre-
prise. V i'en\i (le ee nou^(■l obstacle, les périls du Ao\age elai( ni peu de chose.
Elle en aNail déjà dû a\oir (juelque inlelMgence à \ aucouh'urs à la \ue des
froideurs et des défiances de BaudricourI; mais ici l'opposiliori allail cire
autrement redoutable. Jeanne, si prompte cl si (lairxoxanlc, allait connaiire
l'humanité sous un jour bien mal fail pour la charmer. Il lui fallait compter
désormais avec l'opposition des grands et celle des prétendus gens de bien. Au
premier rang parmi les a(h ersaires de la Pucelle devaient biillcr La Trémodle,
le ministre le plus écouté du Dauphin, et Regnaull de Chartres, archevècjue de
Reims.
Il faut bien l'avouer, la faveur ne \a pas généralement au mérile. Cela ne
tient |)as seulement à la puérilité des jugements Immains, mais encore à la
malveillance (pie le mérite rencontre chez un trop giaiid M()nd)rc d'iioinmcs.
Quand le mérite est réel, il s'unit toujours à la vérité morale, car il la
défend, et à la vertu, jiarce (|u"il la prati(pic. Mais, par cela même, nosAiccset
nos défauts le tiennent en déliance. Ceux (jui n'aiment ni les enscigncmenis de
la vérité morale, ni les exemples de la vertu, ne sont ([ue trop enclins à les
entraver, à les combattre et à les opprimci'. Ils réserxcnt le même traitement
au mérite.
Mais, jiar une de ces conlradictions cpii l'oui'millent en l'homme, cet
« animal ondoxant et tliM-is <>. connue a dit Montaigne, en même temps <|uc
nous combattons le meiile |)ar haine de la xciilc morale et de la justice, d'autre
])arl l'estime tle ces grandes choses a dans notic âme une racine si naturelle cl
si vive, (juc nous sommes jaloux de ccirx (jui les annoncent ou les font \al()ir
dans leurs actes.
Il arrive de là que le mt^riti' d'antrni, qui devrait nous plaire cl nous
toucher, souvent nous inite, et que, dans ce mouxement d'opposition que
l'envie excite en nous, les entraves que nous apportons à la vertu d'un homme
se mesurent à l'estime même et à l'admiration qu'il nous inspire.
Le mérite se trouve pris ainsi entre le double assaut des méchants qui le
détestent et des gens de bien (jui par jalousie lui en veulent de les surpasser.
Cette dernière opposition semble dex oir être la plus rude et la plus amère,
car, outre le chagrin légitime que nous ressentons de voir contre nous ceux
qui dexraient être pour nous, nous sommes moins à l'aise pour les combattre,
CHINOK ET POITIERS.
iillcndii <|ii(', il*' l'axis
(lu |)iil)lii', ils soni des
nôtres. Enfin, |);m' sni-
ei'oil (l'ennui, il ne nous
est pas même loisible de
nous en plaindre sans
eanser (juelqne scandale
an\ faibles.
T>e mal serait moins
grand si celle injnsie
conduite en\ers le nicrile
clail scnlemeni le l'ait
(les petites gens on de
ceux du moins dont la
noioriele n'est pas grande
et dont le pouxoir est
monlioere. Malhenreuse-
ment, ce vice s'étend
même aux grands et,
sans tiop de sever'ite
|)ent-èlre, on poui'rail
même ajouter fpie les giands n'cxcelleul (pie trop sonxcnl à opposer des
entraves an bien.
One n'entendenl-ils mieux combien le dommage est considérable pour
le monde et combien ils sortent du cliemin (piils déviaient fidèlement snixre!
Au lieu de profiter de la gloire (pii les entoure cl du pouxoir cju'ils tiennent
pour le bien des liommcs, ils ne les emploient (pie pour l'aire obstacle à la
vérité (pii nourrit les âmes et à la justice (pii cicxe les individus comme les
nations.
('.epeiidaiil, en inèine temps (pi'ils sont assidus à rompre l'efTorl dn mérite
et à rcinp('clier tl'agir, ou les \oit empressc'S à honorer la médiocrité et à mettre
en iioloiiele la sottise, l n iiislincl secrel leur dit ([u'ils n'ont rien à craindre
de la rivalité de telles gens et qu'ils peuvent aussi tout en attendre'.
,loi"nc/, à ceci la plaie morale de la flatterie. I/hommc de xaleur cl de bien
KIIINKS Dl' CHATEUI DE CHINON OU JEANNE FUT BEtJUE
V\K I,E DVtJPHIN, LE 8 MiBS I (29
D'npii's une yr.TviiiT (lu xvll" siècle. Recueil île Gaignièrcs ÇHihl. nal.)
t. « Qui ne suit cjiK^ \rs lioiunu'S. rt siirt()iu les «raiifls, sont pk'iiis d'inti'i'ct et fie passions?
L'iiijuslp pi'ul cnlrcr dans tous les desseins, trouver tous tes expédients, ménager tons les intérêts.
A <|uel usage peul-on mettre eet liomme si droit qui ne parle que de son devoir? Il n'y a rien de si
i3
9»
JEAjNAE D'ARC R ACO.NTKF. PAR LIMAGE.
COMMENT L.V PLCEI.I.E VINT DEVERS LE ROI
D'après une gravure des Vigiles
(le (".liarlt's Vil par Martial d' Auvergne. {Miisrc Carnavalcf.)
CiCommcnffgpuctg'eSmtteiictefaor- ne se résoiil poiiil à l'cni-
])l(i\«'r près des i^i-aiuls,
mais les inli'iganls s'en (ont
une ai'inc loiilc-pirissaiilc.
l'.t Aoilà coniint'iU
niai'c'lic le inonde; xoilà
aussi coninienl il esl en
soudVance, par l'inaeliN iU-
l'orcee des hons; car s'il
est nra\(' pour les hommes
d'entendre l'erreur, il l'est
l)ien da\anla_nc d'être pri-
\('S, par l'oppression des
puissants et la serxitude
(ju'elle impose au\ bons
espi'its, des vérités (|u'il lein- serait o|)pnrlun d'entendre et (|ui pourraient
les sauAer.
Combien .Teaiuie i\ul soui^cr à ces eboses (|uand. arrixant a la cour cl
a\anl même d'\ entrer, elle trouva sur son cbcniin la soiudc cl irrcduclible
op|)osilion des seii^neuis (|ui cnlouraieni le Daupbin!
C^ette opposition dma pendant le cours ciilicr de son action publicpic et
ne désarma pas même dcxani la capti\ilc cl la mort de i'inforlunce ^iclimc.
Certes, pour une âme moins i;rande cl moins \aillanle, il \ ciil eu là
l'objet d'une surprise douloureuse et d'une désillusion (jui eût pu devenir
fatale à l'o'uvre ([u'cllc cnireprenail.
<Juoi ! les \oi\ t\u Ciel lui oui parle, elle a (|U il le làmi Ile cl pa\s pour leur
obéir; ni les dures |)aroles de son père et ses menaces, ni les larmes de sa
mère ne l'onl arrèlee. illle a su \ainci'e les besilations de liaudricoini, i-en-
verser les obstacles (|ue lui cicaient la deliance cl les lenteurs de ce ea|)ilaiuc.
Accueillie d'abord avec suspicion et raillerie par les i;cus de Vaucouleurs,
elle les a gagnés à sa cause; elle a vaillamment cl patiemment obicnu l'ccpii-
pement et la monture (jui lui manquaient; ni les longueurs ni les dangers
d'un Aoyage à travers le pavs occupé par l'ennemi ne l'ont arrêtée. La voici,
scr. ni dv moins sonjili-, ni <Ir moins llrxihlr. cl il \' ;t Uuit dv cliost'S qn'il ne peut p;is faire, fjii'.'i i;i
(In il est legardi' comme un InjMimr (|iii n'i'sl lion ii liiri cl entièrement inutile. Aussi, élanl inniili'.
on se résout facilement à le mépriser, ensuite à le laisser périr sans en faire bi-nit et même à le
sacrifier à l'intérêt et aux pressantes sollicitations de cet liomme de grand secours, qui ne ménage
rien, ni le saint, ni le jn-t^fane. junir nous ser\ir. » Bossuet, V Scnn. pour le j'' Diinanchv de Curêine.
(:llI^()^ kt poitikus.
99
i;i\ic cl i;('Mci'ciis(', (|iii viciil ;iii I ):iii])liiii poiif iclcxcr son coiiiMi^c' cl le
(iiirc sacrer loi de l'raiicc, cl ce l);mj)liiii li(''silcra à ract-iicillir ; auloiir de
lui, (lès le premier jour, les iiitrii^ues, la liaiiie même se feront jour pour
an(''aiilir le dessein de Jeanne cl réloulTei' des le début; et cette France qu'elle
vent sauver, conduire à la vicloii'c, va, dans la personne des seigneurs et des
chefs qui la gouverncnl, refuser son dc'voucnicnl cl ses services.
Rude o'preuve pour un c(eur jeune et droil. Combien d'auli'cs ainsi
rcbuU's se fussent retirés la mort dans l'ànic et l'indignation sur les lèvres!
I/admii'ablc génie e't la vertu de Jeanne relcAcrcnt dès la |)remièrc heure
au-dessus de ces mi-
sères. Comme si dès
longlem|)s elle eût
connu les hommes cl
les mcscpiincs passions
(pii les agitent, clic ne
laissa voir ni déception
ni découragement. Ses
foi'ces s'accruicnl awc
l'obstacle cl sa con-
stance s'airermil par les
cnlra^cs mêmes doni
on ^olda[l l'entourer.
Comme elle axait dit à
Vaucouleurs : (( J'irai,
dusse -je m'user les
jambes jus(|u'au\ gcnf)ux d, ainsi dil-cllc sur le chemin de Cliinon : u J'iiai,
(|ui (|uc ce soit (jui lente de m'arrèlcr ».
Aussi bien, diplomate consomme autant (pic lillc \aillanlc, elle se garda
de laisser agir ses adxcrsaircs sans riposter a leurs coLips. Voulant, a\ant
même d'aborder le Dauphin, s'emparer de son espril cl s'assurer sa conliancc,
elle lui écrivit ou plutôt lui lit ccriic de Saiule-Calherine-(le-l'i(^r])ois pour lui
demander la permission de se présenter à lui.
Tjoin de s'autoriser des premiers avantages déjà obtenus poiu' dédaigner
les diflicult(''s nouvelles et n(''gliger de les résoudre, elle n'en |)rofitc que [)Oin'
se montrer plus hinnblc, tout en ne doulani jamais ni île la réalité de sa
mission, ni du succès linal de ses clforts.
C'est unv mar(|ue particulière et bien digne d'cludc en Jeanne d'Vrc fjue
JK Ill'.CONNUS I.E KOI. EM «K LES AUTRES, PAR LE COSSEII. DE M\ VOIX "
D'iiprr^ Mil (Ii-ssin (le Cabasson.
loo JEANNE DAllC IIACO.NTÉK PMI J/l.MAGK.
ce iiK'laiigc «riissiiiaiifc fciinc cl de priidciilc modcslic. Ci' fui s:i i^iandc loitc,
cl c'est aussi l'un des cotes pai' les((ucls se rc\elciil eu clk' les dons adinirahles
et \iainieiil cxliaordiiiaiics de sa naUire.
V loul iusiaiil on la \ciia ainsi al'liiinant (juc Dieu l'cuNoic, dc't'laianl
que c'est elle, cl elle seule, f|ui samcia la France, (juc nul n'a le dioil de
renlr'a\('i', cl (juc (|ui tente de le l'aiic, insulle à son Seii;Menr. le roi du
Ciel.
Mais toujours aussi elle dira ([u'cllc csl dans la main de Dieu cl r\uc^
loin de s'en |)r(Waloir avec orj^ucil, elle rceonnail siniplenicnl '■ (|u'il a {)ln à
Dieu ainsi faire par une simple pucclle .■.
\A\v est ainsi un exemple frappant cl fori inslruclif de celle union
parfaite de la forci' cl de la doui'cur (|ui fui toujours la mar(|uc des i;randcs
ànies.
Ne ni'glii^canl aucun des moxeus ([ui pouvaient lui concilier la fa\cur
du Dau|)liin, .leaunc, dans sa lellrc, s'cll'orca d'cNcilcr en lui la cuiiosile. iJle
lui dit (|u'a\anl l'ail ein(|uanl<' lieues pour senir a lui, elle savail plusieurs
choses ([ui rinliMcssaient i^randcrncnl, cl, pour lui donner un i;ai^e de la iegi-
limil('- de sa mission, elle ajoulail (|U('lle sauiail le dislin;;ner parmi lous ceux
de sa corn-.
I,a lellrc de Jeanne fui accueillie diverse ineul par rcnloura^c t\i\ Daupliiu.
Celui-ci loulcfois ne la dcdaii^na point, (|Uoi(|U d rescr\àl sou avis cl ne
s'engai^càl pas. 1,'clal de ses all'aires elail Ici, du reste, (pi'il n'avait rien a
ris(|ncr ni a perdre en accueiliani .Jeanne avec (|nel<|uc laveur. Sa posilion
devenait elia(|uc joiu' plus crili(jue : ses armées erraient à l'avcnluic, sans hul
el sans direction; le Ir-csor roval était épuise cl son trésorier lui dcclarail un
jour f|u'il " n'avait pas (pialre cens en caisse' -, lanl de l'arucnl t\y\ prince
ipic du sien.
Orléans, de plus en plus serre de pris par les Ani>lais, allait succoud)er,
sans que personne put arriver a di-fendrc celte place imporlanle. Dans celle
détresse, Ciiarles "VII en vciiail a se demander en (juci pavs il iiail clierelier
asile; on songeait |)()ur lui à l'Espagne.
La reine île Sicile sa belle-mère cl f|uelqiies serviteurs dévoués gémissaient
amèrement sur cet état des choses de France el se déclaraieni prcis à loul
tenter pour conjurer une catastrophe dcrniéie. Mais le loul-pnissani La Iri'-
moïlle entravait ces bons desseins. La fortune de la Fiance lui importail peu
a l'envi de la sienne propre. Maître incontesté d'un faihie Dauphin l'i'-gnanl sur
un pavs démembré, il reiloulail la restauration Au rovaume, craignant que le
CHINON ET POITIERS.
|)()ii\()ii' tloiil il iisail ne lui l'ùl alors ciilcxe'. A vv lilrc, .Tcaïutc lui apparaissait
plutôt comme une cause de péril (|ue comme un instnmienl de salul.
Toutefois, astucieux autant (|uc superbe, il comprit bien (ju'il lui serait
malaisé de fermer à la Pucelle tout accès auprès du Koi. et (jue les scii^neius
ne lui partlonneraienl |)as de refuser d'admettre à examen le secour's qu'oH'rait
celle-ci, quand, tout étant désespén'', le moindre appui devenait précieux.
Il conseilla donc (|u'on la laissai
^('nir, mais il se promit d'èlrc atten-
tif aux moindres jlemarclies de
l'héroïne et d'entraNcr à ton
pr'ix son action. Jeanne
trouva en lui son plus res
(loulal)le ad\('i-saire. Ile-
gnault tic (iliartres, ar-
chevêque de Reims, ne
A erse, et le nom de ces
deux liommcs doit être
place près de l'cnx des
juges de Uouen. Clenx-ci
firent mourir Jeanne d'\i'c
les (]vii\ premiers ne nc'gligè-
rent rien poni' renipcelicr de
vivre eu l'empêcliant d'agir.
Emules dignes les uns des autres
cl pour lesquels, a\ec l'Iiistoire, la
conscience des gi'iis de lucn ne saurait
ciri' trop scxère. Honorons-nous nous-mêmes en les jugeant comme lis le
méritent.
En face de ces hommes indignes de leur rang comme du pouxoir (|u'ils
dcti-naient, il est consolant d'e\o(|uer le somenir de deux princes clie/. Ies(|ucls
Jeanne d'Xrc li'onva un appui (crinc et un attachement qui ne se démentit
pas. Nous voulons parler de Jean, due d'Alençon, et de Dunois, dit le Bâtard
d'Orléans.
Descendant <le princes \aleureux, Jean, duc d'Meneon, se montra
digne de son origine. Dès l'âge de dix-huit ans il fut fait prisonnier à la
bataille de Verneuil. Il fut pendant cin(| ans ca[)tif dans la forteresse
SCKVll Dli lUH i;ilVHM':s \II
Coiisci'xi' iiu\ Vi'cIiÎm-s ll;;tioiiiiU-s.
I03 JEANNE D'ARC IIVCONTKK V \\\ l/IMVCK.
(lu CioloN , ou .Iciuiiic d'Ai-c, peu ;i|)i('S, dcMiil i^cniir cllc-nirnu' |>cn(l;nil
plusieurs mois, ;i\aul d'elle dcliniliMMUcul Mmcc aux niaius des \iigliiis.
l'ji 1 '|2i), il lui l'cndu à la lil)cilc. Il \ il Jcaunc à (lliiuou cl dès le premier
joui' s'elahlireul eulr'e l'herouie cl lui des lieus (|ui ue de\aienl plus se
rompi'e f|U au joue de la eaplixile de la i'ueelle.
Il lui eih' eomme lemoin au pioeès de ielial)ililalif)u. Sou lemoii;iiai;e,
foi'l uel cl 1res foi'uiel, ahouile eu i'ails inleressaiils sui' le st'jour de .leauue
à Cliiuou el sui' plusieurs de ses fails de guerre. Il ahoude aussi eu reman|ues
louelianl le naturel de l'iK-roïne, sa i^ràee simple el vive eL la i^iaudeur de
son âme.
( )u eu lira avec lulerèl (|uel([Ues exirails.
« l n jour, dil le i\ui\ (|ue j Clais a la eliasse aux cailles près de Saiul-
Flor'cul-lcs-Saïunur, un de mes courriers \uil maunouccr (|u d clail arrive
près (\u Hoi unv lille i|ui se declarail cu\o\cc de |)icu pour nicllrc en luile les
Aniiiais el faire lc\er le sieyc d^ )rleaus.
" Sur celle uouM'Ile, je me reiulis à (lliiuou le lendemain. .1'\ Irouxai
ladile Jeanne couNci'sanl a\('e le Hoi ( '.omme j'approchai, Jeanne demanda
<|ui j'clais. — " C.'csl mon cousin, le duc d'Alencon jj, rc'pondil le Hoi. —
« A ous, so\e/. le Ircs-hien xeiui, me dil Jeanne. Plus on sera ensend)le du
» saiii; du Hoi <le l'ranee, mieux cela sera. »
(( Le join- d'après, Jeanne \inl a la messe du Hoi l'I . <|iiand elle l'apcrcul ,
elle lui lil la icNcrence. Le Hoi la conduisil dans une cliand)re. l.e seigneur
de la Iremodle el moi nous elious a\c<' lui. Il axail lail relirer Ions les aulrcs cl
nous a\ail rclcnus. Mors Jeanne adressa au Hoi plusieurs i-e(|ucles. Idie lui
demanda partieulieremenl de faire don de son loxaunie au « iioi des
(lieux )i, après quoi le Hoi des (lieux ferait pour lui ce (|u'il a\ail fail pour ses
pr('d(''cesseurs el le replaeerail en l'elal de ses pères.
« Ce même jour, le Hoi elanl à la promenade, Jeanne fit en sa présence
une course, lance eu main. V\anl \u comme elle a\ail honne mine à courir
cl poilci- la larU'e, je lui fis don d'un clrc\al.
« Le Hoi finit par- décider' que Jearnre ser-ail examiru'e ])ar- les ijcns d'I'li'lise.
V ce soin furent délégués re\è(pie de Castres', eonfesseui' dir roi; l'c-xècpie de
l'oilier's, maître l'ier-r-e de \ ersailles, depuis e\è(jue de Meau.x ; maître Jourdain,
moine, el plusieurs autres, dont les noms ne me reviennent jtas.
>' Ils inleri'ogèr'ent Jeanne en ma prc-senee. lui demandarri p()Ui(proi
I. Gcranl .Macliel.
rni>0\ KT POITIERS.
io3
H FAITES DON Mr. VOIUE HUV.VliME ,\l' lUH l>i:S LlIiUX, KT H, IT.HA l'OllK \ Ul S
CE qu'il a fait POIrU VOS ANCÊTRES »
l)'a|iirs I;i lilhoi^iMiihii- ilc ( .1I\SSF,I„VT (1819].
elle (■■l;iil \ en lie et qui l'avail fail \(iiii- au lioi. l'.lle icpoudil (ju'cllc ('lail \cuuc
(le la |)afl du Roi des (aeuv l'I (|u'(He a\ail des \()i\ el un conseil (|ui lui
(lielaieul ce (jii'il \ aNail à l'air-e. Alais là-dessus les souM'uiis nie uianijuenl.
<( Dans la suile, un jour (ju'elle dinail avec moi, Jeanne nie déclara
([u Clic a\ail ele l)eancou|) examinée, mais sa\ail el poux ail oins de choses
(|uclle n a\ail dil à iin\ (|ui rinlerroi^caienl '. n
\a' duc s'elend ensuilc sur les procès de Poitiers el les éxencmcnls
d'()rleans. Nous re\iendrons siu- ces teinoii;iiai^('s el nous en donnerons le
lexle, car il en esl peu (|ui soient d'un intérêt plus i;ran(l el jetteni sur la
\\v de .Jeanne une plus \i\e lumière.
\ jouions seulement ici le passaj^c suixanl, où nous verrons, en même temps
(|iie le di'vouemenl, — faut-il dire de mère ou de sœur aînée? — de , Jeanne
pour le due, la façon simple, cordiale et dignement familière dont la Pueelle
en allait a\('c les seigneurs, (juekjues jours à peine après sou arrivée à la cour.
I. .losi'pli Fm1)1c. /'rijf{\s (le icliiiliililalioii . I, 1, |). 1^3 et Slli
in4
JEANNE D ARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
(( Nous ('lions en conseil, dit le dui' d' \lcnron.
s(|iril lions f'nl lappoi-U' (|nf L:i Mire
conlV'i-iit iivcc Snfloliv. \ ccKc nou-
\cllc. les :mli('s cl moi, (|ni ;i\ ions
la clKU'i^c (le rc\|)('(lilion, nous
fVnnes iiK'conIcnIs de I,ii Ilire. J|
lui mandé et vinl.
(< La Hii-e venu, l'assanl fn!
i'(''Soln. Les Ikm-iuIs d'aimes se
mirent à crier' : u \ Lassant ! )i là
Jeanne me dil : « Avant, i^cnlil duc,
a à lassant! .. Il me semMa (|n'eii
eomniencanl si |)roni|)l('menl l'as-
sanl lions allions Irop xilc en he-
soijne. .leaiine me dit : « Ne doutez
" pas. L'heni'c est lionne, (juand
(I il |ilail à Dieu. Il faut licsoi^ncr
" (juand Dieu le \ri\\. Iicsogne/,
1' et Dieu licsoi^nera. »
(i L n |ieu a|ir('S, elle me dil :
(( \li! i,H'nlil due, as-lu peui'? Ne
sais-ln pas (|ne j'ai promis à la
femme de le lamencr sain cl
sauf? )) — Lt en elLet. loi'S(|ue je (|nillai ma femme pour \cnir à l'armée iixt-c
.leanne, ma femme lui dil : ^ .leannclh'. je crains lieanconp pour mon mari.
(i II sori a peine de prison cl il a tallu dépenser tant d'ai'i;('nl pour sa
« rançon (pie je le prierais liicii \olonliers de rester an loi^is. )i — A (|noi
.Teanne l'cpondit : -■ Aladame, so\ey. sans crainte, je ^ons le rendrai sain cl
Il en tel on meilleur état rpi'il n'est. »
«' Dnraiil l'assanl. comme j'(''tais à une certaine place, .leanne me dil :
« Retirez-vous de là. Si vous ne aous retirez, celle machine vous tuera ». .Te me
relirai, cl peu après la macliinc (ine .leanne m'a^ail désignée tua le sire du
Lnde. a la jilace mi'mc d'on je m'étais relire, 'foui cela me lil une i^raiidc
impression. J'clais l'orl cmci\ cille des paroles de .leanne et de la M'rile d<' ses
prédietions. n
En parentlu'se, faisons ces simples remarques à l'occasion de ce l(Mnoi-
gnage du due : Quand .Teanne parle aux chefs ou aux soldats, elle fortifie
ciiMiLF.s VII r.vToi'iiii Dr. jr.\>Nr- D viu; kt i>e sv cdih
D'.iprès une niiniatiire des Vigiles
de Jeax Chaiitier, xV siècle. [Ilihl. de l'Arsenal.)
\
CHINON ET POITIERS.
I03
loujouis sa parole ou ses actes, de son esprit de foi et de l'intei-vention divine.
Le duc hésite à monter à l'assaut. Jeanne n'oppose pas à son avis son avis
personnel, c'est Dieu, son voidoir et son secours (ju'elle allègue. — « Ne
doutez pas. L'heure est bonne quand il plait à Dieu. 11 faut besogner quand
Dieu veut. Besognons et Dieu besognera. <>
Le due a bien lendu aussi, tlans son témoignage, les paroles mêmes de
Jeanne; il leur a gardé celte marque ncllc, vive, primcsautière et concise, si
digne de remarque cl (pic l'on retrouve tlans tons ses propos. On dirait autant
de sentences, et, de fait, ce sont des sentences : « T.'heure est l)()iine (juand il
plait à Dieu », et la même pensée rendue |)his \i\c et plus Ibrle : « Il l'aul
besogner quand Dieu veut >. — Lt ciilin : < Besognons, Dieu besognera »
(Test sous wni- l'oiinc uouxelle et plus or-iginalc le proverbe connu et (|u'cllc
aimait du reste à citer : « Aide-toi, le (licl t'aidera ».
La forme donnée par Jeanne est plus claire et plus pressante.
Avisée et souple, Jeanne variait son allui'c snisant le caractère des person-
nages a\ee lesquels elle s'entretenait. Avec le duc, elle est allègre, presque
enjouée et familière. C'est de bonne mise a\ec les gens de guerre : « Ah!
gentil (noble) duc, as-tu |)ciu' ?
Ne sais-tu j)as (juc j'ai promis
à ta femme de le l'amener sain
et sauf? »
A la duchesse, au con-
traire, elle répond en forme
grave et respectueuse : » Ma-
dame, sovez sans crainte, je
vous le rendrai sain et en tel
ou meilleur état qu'il n'est ».
Ne peut-on remarquer en-
core la grande diirercncc des
sentiments de ces deux femmes
en cette rencontre? La du-
chesse est fort anxieuse, elle
« craint beaucoup pour son
mari ». Toutefois, de son aveu
un peu naïf, autre chose l'in-
quiète que les |)érils mêmes que
JKANNE DAKC
le duc va courir : « Il sort à D^iprès b gn.vure (I'André Thévet (1534;.
i4
io6
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR I/IMAGE.
peine de prison et il a fallu rlepenser- lanl d'argent , que je le prierais bien
\olonliers de rester au logis ».
Le souei de la duchesse n'est que médioeremenl héroïque, et Jeanne eût
pu lui ré[)ondre f|u"elle-mème avait fait d'autr-es sacrifiées plus grands et
loul quille, faniilli' et amis, pour courir au salut (\u Hoi et de la l'iani'c.
Mais eût-elle ele comprise? T^a femme du duc u'cnlendail guère pcul-eire
de tels propos. Ici, i''est Jeanne (|ui jyarlc en duclicssc, et la <lucliesse (|ui le
fait en paysanne.
Remar(|uez encore <|u'à la cour on dut, même quelque temps après
l'ariiNcc de Jeanne, ra|)pelei', comme à l)omrem\, » Jeannette ». car le duc
l'appelait ainsi. Il est |)res(pi(> rcgrcttahic ([u'on ne
lui ail pas laissé toujours ce nom, gracieux
comme elle.
Sans doule cllc-incme \ cul lrou\('
y, v ^ quelcjue agrc-mcnl. C'eût cic au milieu de
vp/1Mïi '^''^ épreuves comme une biisc d'air
natal.
Au milieu des seigneurs tpii forincnt
autour du Dauphin uwr cour Iroi) digue
de lui, uu aulrc prince apparail, cpii lui un
.uni <l(''\()uc i\(' Jeanne et, ilès la première
ncnre, lui rendit justice.
Nous xdulons parler- drr comlc de i.onguc-
\illc, Durrois, dil le liàlard d'( )ilearrs. C'est une
gloire pour- la \illc de Blois (|uc d'aNoir forrrrii à Jcarurc ce ferme cl très
fidèle appiri.'
Dunois était le lils de Louis d'Or'lcans, comlc de Hlois. Né d'un amour-
coupable, il semble qu'il ail voulu cU'accr' par' ses hairlcs cl louchanics (prairies
la tachi' de son origine.
A la mort de Louis d'Orléans, \ alentinc de ^lilan, épouse de celui-ci,
l'avait recueilli et élevé comme s'il eût été son propre fils. Elle l'avait aimé
d'un amour égal à celui qu'elle portait à ses enfants et c'est de lui qu'elle leur
disait sur son lit de mort celle parole étrange, où se révèle un mystère si
touchant du cœur de l'épouse et de la mère : « Voilà Jean, qui est mon enfant
comme vous; on me ^a^ait dérobé, je l'ai repris ».
Elle avait ajouté : « Je suis sûie que nul ne saura mieux (pre lui faire du
mal à r\uglais et venger son père ».
SCE\U I)F. DUSOIS
I
ClIINON ET POITIERS.
Jeune encore à l'épofjue où
Jeanne vint à Cliinon, — il
n'asail qne a ingi-qualie ans, — il
était déjà de tous les chefs de
l'armée celui sur lequel repo-
saient les espérances les plus fer-
mes, tlinq ans auparavant il aAail
vaillamment comjjatlu à Roua ray,
où il a\ail élé blessé, et en 1/127
il avait, avec seize cents hommes,
taill(- en ])ièces, sous les murs
de Montargis, trois mille Anglais
command(''S par \N arwiek, Sutlolk
et Jean de la l'olle.
Il venait de vietorieusemeni
défendre Orléans assiégé par
BedforI cl a\ait élé de nouveau
blessé à la Jomiiée des Harengs.
Elevé au cliàleau de Hlois, il
avait ele chargé de la défense de
cette Aille, en même temps que de
celle d'Orléans.
Avant entendu parler tlii pas-
sage de Jeanne d'Arc à Gien, il envova sans délai à Chinon deiiv de ses meil-
leurs chevaliers, Villars et Jamet du Tillay, l'iui el l'aufre capitaines du cliàleau
de ISlois. Ils avaient mission de s'ciicjucrir sur la l'iieilic.
Les renseignements (jne lapporlcrenl les envo\cs le convaiiKiMirtMil, et
de tous les chefs de l'armi'c il lïil, on peut le diic, le premier- (jui accueillit
Jeanne, le dernier (pu songeai à l'oublier. Il i'iil dans les combals le lidch'
compagnon qui la suivi! parloiil. Nous le xcnons avec elle à Orléans sous le
fort des Tournelles. JNous le retrouverons à Blois, |)rès de l'héroïne, après
la délivrance d'Orh'ans; à T.oches, à l'alay, il comballra |)rcs d'elle; à Reims,
il se réjouira des Iriomphes de la INicclle plus que des siens mêmes, et sa
iitièle sym|)atlne fera conirasic a\cc les mechanis propos de ceu\ (pu la
blàmeroul d'aNoii- di'ployé son étendard au sacic du Dauphin. l»lns tard, elle
sera capli\e : il ne cessera de songer à la d('Ii\rer; nul ne plenrcia sa mort
avec des larmes plus émues.
DUNOIS, DIT I.i: B.UAB1) U OBLEANS
ir.tprt's uae inini:ituro d'un inamiscrlt IratK^ais datant lie l^ïo.
{Ili/iln'l/ir'/iic ililliiiiin/c.)
JEANNE DARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
I>1 N-OIS, LE BATARD d'obI.KAXS
l)':i|iri's une sl.itui' i-n pierre ]ieiiitc du xv' siècle, conservée
ihuis la chalicllc ilu clljtcau <Ic- Cll;'itr;iuilun.
Ail ])roc('s (le i'(lial)ilil:\-
lioii, viiii;l-cin(j ;ms apirs la
moil (le la Piicclle, son dé-
vouement el son eiillc |)()ui-
la pieuse el sul)linie enfanl
n'auroni licn perdu de leur
A i\aeilé première, el parmi les
divers témoii^nai;es rendus à
la vielime des Anglais el de
leurs émissaires, nul, a^ee le
(\i\r d'AIeneon, ne melira en
plus i^rande limiière lour à
lonr le coiu'agc de la i^uer-
rière, l'angélique purelc de
la \ieri;(', le seuliuienl de
Aeneraliou ([u'elle répandait
auloui' d'elle el le earaelere
inspiré de sa mission.
Nul langage n'est plus
touehani fjue eelui de ce guer-
rier si lerrible sur les eliamps
de halaille el (jui ^ienl rendre
à Jeanne, avec l'ingénuité
d'un adoleseent pieux, le le-
moiaiiaee de sou dévouement
fidèle el de son admiration.
Il faul lii-e ee témoi-
gnage; il esl élocjuenl el d'une eloijuenee simple, de sens el de e(eur, bien
faite pour nous louelier.
Notre temps a le goùl du diseours simple el droit. Volonlieis avec
Bossuet il estimerait que « l'éloquence n'a (jue deux (jualités : l;i xerile el la
simplicité ».
Il n'enlendra pas sans émotion le langage de ce loyal soldat el de cet
homme de bien, et pour amener nos contemporains à penser de Jeanne
ce qu il convient, nul discours peut-être n'est plus opportun que celui de
Dunois disant, sans faiblesse comme sans forfanterie ni pédantisme, ce qu'il
pense de Jeanne et du caractère de sa mission. Voici sou témoignage :
CHINON ET POITIERS.
109
« Je crois, dil-il, que Jeanne a été envoyée de Dieu. Ses faits et gestes
dans la i>uerre me paraissent proeéder non d'industrie humaine, mais
d'inspiration diAine.
« Ce que je vais vous dire vous expliquera ma eréanee.
« J étais à Orléans, alors assiégé, quand le bruit se répandit que par la
ville de Gien venait de passer une jeune fille, vulgairement dite la Pueelle,
qui déclarait se rendre auprès du noble Dauj)liin, avec mission de faire lever
le siège d'Orléans et de conduire le Dauphin à Reims pour le sacre.
« Ayant charge de garder la ville d'Orléans el étant lieutenant général
D-.M
I.AHIllK ET XAINTKVILLF.S
miiiiiihiic d'un mailii-^crit du w"' sircle. [lîihl. iiat.)
du Roi, j'envoyai le seigneni' de Villars, sénéchal de iîeaucair'e, et .laniet
du Tillay, depuis bailli de Vermandois, prendre des icnseignenients sin' cette
jeune fdle.
« Ils me rapportèrent en |irésence de toiile la population d'Orléans, très
a\ide de savoir la vérité sur l'arrivée de cette l'ucelle, (ju'ils avaient vu Jeanne
près du Roi à Chinon ; que le Roi, à première vue, n'avait pas voulu la recevoir
et qu'elle avait même dû passer deux jours à attendre une audience, quoi-
(|u'elle persistât à dire : « Je suis venue pour faire lever le siège d'Orléans
<' et conduire le Roi à Reims. Il me fixut des hommes, des chevaux et des
« armes ».
Ici Dunois parle du procès de Poitiers et de l'arrivée de Jeanne et
de l'armée sous Orléans.
JEANNE D'AUC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
<( Ni iiii\ capitaines, ni à moi-même, eonlinne Dunois, il ne nons
semblait possible que l'armée (jui oondnisail le convoi IVil capable île resisler
et de faire entrer les vivres par ce côté. Force (iail donc de recourir à des
balcauv. par lesquels le convoi piMiétreiail dans la Aille. Mais la chose n'allait
pas sans difficultés; car il fallait i-enionler le courant, et le -sent était lolale-
ment contraire.
« C'est alors que Jeanne me dit : « Étes-vous le bâtard d'Orléans?
« — Oui, répondis-je, et je me rejouis de xolrc arri\('e. — Est-ce aous (|iii
« avez donné conseil que je vienne ici, de ce côts' de la livicrc, et (|uc je
c< n'aille pas direclement où ('taient Talbot et les \ni;lais:' ■> — Je lui dis :
« Moi cl de plus sai;cs (|uc moi avons donné ce conseil, cro\ant l'aire mieux
et plus sûrement. — lui nom Dieu, répli(|ua Jeanne,
« le conseil de Notre Seignenr est plus sur et |)lus
« sai^c (|ue le \(')trc. Vous ave/ cru me tromper',
" et Adus \()us tronqx'z daxantai^c \()us-mcmes;
« car je vous amène meilleur secours (|u il
« n'en est jamais venu à chevalier ni roi (|ncl-
« con(|Uc. roulclois, il ne aous \icnt pas par
" amour de moi; il procède de Dieu mcnic
(jui, à la rc(|nclc de saint Louis cl de saint
« Charlemagne, a eu pilic de la ville d'()rlcans et
« n'a pas voulu (|nc les ennemis eussent à la fois le
« corps du duc et sa \illc. »
Tout a coup le veut chaiii^c et le succès couronne le dessein de Jeanne.
« D'après ce (juc je \ icns de raconter, ajoute le l)ra\c Dunois, il me
semble visible que les dits cl faits de Jeanne d'Arc dans l'arniee étaient chose
(li\ine plutôt (|u'huniainc,... tout cela est de Dieu!
<( Je vous citi'rai un autre fait ou je \ois ci;alcmenl le doii^l de Dieu >i,
poursui\it Dunois.
Il raconte alors la bataille li\i('e le second joui' sous Ork-ans, l'impossi-
bilité où l'armée française était de vaincre, et les instances qu'il lit lui-même
pour (ju'on se retirât.
« Sur ce, eontinnc-t-il, la Pui-cllc \ient à moi et me requiert d'allcndre
encore un peu. En même temps elle monte à cheval, se retire dans une
>ii;iic, seide à l'écart, et là reste en prière l'espace d'un demi-([nart d'heure;
puis, elle revient, prend son étendard en ses mains, pressant l'ennemi. A sa
vue les Anglais frémissent et sont saisis iri'pouvante; les soldats du Roi
sciuu \iv. lAiiiiu-:
CHINON ET POITIERS.
1 1 1
reprennent ctrur et eou-
rent à l'escalade. Ee l)ou-
levard est assailli. I^as de
résistance. La bastille est
prise : les Anglais qui v
étaient se mirent à fuir
et tous périrent'. »
Nous devançons les
faits en donnant ce récit
des événements passés
sons Oi'Ieans, mais il nous
a paru ([u'il ('tait hon de
citer ce passage (\u t('moi-
gnage de Dnnois. On \
retrouve Jeanne loulc
entière. Mais Danois s'v
révèle aussi, avec son àme
vaillante et généreuse,
plus jalouv de glorifier
.leanne en la mettant en
contiadiclion axcc lui-
même que de sauvegariler
sa propre dignitc' en ca-
chant le sage conseil (pic
Jeanne lui doiuia (juand
elle I cmpcclia de i'nir. \n cours de son rccil, il sanimc. Apiès \ingt-sc|)l ans
ecoidcs, on le croit encore sur le clianip de bataille; les faits se succèdent
foudroyants, son sl\le est bref, rapide, comme l'action de Jeanne. « Les
Anglais frémissent,... les soldats du iioi reprennent cieur,... le boulc\ard
est assailli, la bastille est prise, les Anglais s'enfuient, tous périssent. »
Voilà le bon Dnnois devenu peintre de batailles.
Quel sujet, du reste, digue d'un peintre liabile ! Jeanne enfant, — elle
n'avait que tli\-sept ans et quelques mois, — lutte tout le jour. La victoire
se refuse, les courages faiblissent, les ebefs veulent battre en retraite. Dunois,
Dunois lui-même veut céder.
I.MIIHE ET XAINTKAILLES A L.\ TETE DE tElKS GESS I) AKMI S
D'apri'S une mlnialiire d'un manuscrit français, (iithi. nal,)
I. .Ios<'|)li I'':il)ie. Procès de réliahililation.
112 JEANNE D'ARC RACONTEE PAR L'IMAGE.
Jeanne arrive, demande un répit de quelques instants, se retiie dans une
vi^ne, prie, revient, reprend son étendard, presse l'ennenii ; on la suit cl
la bataille est gagnée. Quelle épopée singulière! Quel licinl perpétuel des
ehoses les plus opposées! Quel eoniraste de la faiblesse et de la forée, de
l'âge tendi'c a\ee rexjierienee consommée!
TjC Ràlai'd d'Orli'-ans clôt sa d('|)osition dans les termes suivants :
« Maintenant, île la \ ic de Jeanne, (\v ses niceurs cl de sa tenue au milieu
des liommes d'armes, je n'ai (|nc du i)icn à dii'e. Jamais il n'\ cul plus st)l)re
<|u'cllc. Le seigneur d'Aiiliin, clicNalii r, aujourd'luii sencclial de l'x-aucaire,
(|ui, \n sa grande sagesse cl lioniu'lclc, a\ail cic mis par le Hoi à c()lc de
Jeanne quasi pour \cillcr siu- clic, m'a dil plusieurs fois (|u'il ne ci()\ail pas
(luancunc femme put être plus cliaslc <|uc .Icaïuic lU' l'clail.
« Elle faisait sonner les eloclies à peu près une demi-luure cl réunissait
les religieux mendiants (|ui elaicnl a la siiilc (\v l'armcc du Hoi. Luis elle
se mettait en oraison cl faisait cliaulcr par les religieux mendianls une
antienne en l'iioiuu'ur de la Lienlieureuse \ ierge, mère de Dieu'. »
Il est facile de voir, pai- la nalui-e de ce témoignage, vi) (|nclli' \(''n(''ralion
Dunois Icnait Jeanne il'Arc cl (juci etail aussi son déxoni'mcnl poiu' sa
personne.
Mais les scnliMicnls (ju'il professait pour la i'uccllc cl donl il lui donna
laul (\r prcuMS louchantes nr sont pas le seul lien (|ui l'iniisse a Jeanne.
I^'on dirait (|u'cu mourant celle-ci lui légua, connue un héritage sacre, la
lâche de parfaire ce (|u'cllc laissait inachexc.
C'est Dunois, en eifel, (|ui iccou{|uil pour le Roi cette \ illc de Laris qu'elle
a\ail si fort souhaih' de re|)rendre aux \nglais.
« Axant sept ans, avait-elle dil à ses jnges, les Anglais seront boutés hors
de France. » Ils le fuient en elfet, et c'est Dnnois qui, à Formignv, l'éalisa la
prédiction de Jeanne et les boula hors de France en les chassant de celle
vaillante terre normande qu'ils ne devaient plus fouler (pi'en touristes.
Ce fut un secours précieux |)oui' Jeanne d' \rc (juc la svmpathie de Dunois.
L'accueil fju'il lui lit et la considération (|u'il lui marqua lui donuèreni
d'emblée autorité cl |)restige devant l'armée et ses chefs.
I. Joseph Fabrc, Piin-is tic rr/ni/nliliilioii. i. I, p. uj8 cl suiv.
4^
CHINON ET POITIRRS.
T.;i Piiccllc (lc\;ul loiilclois lioii\('r un iippiii iioii moins fciiiic cl pins
efficMc'c, nnt' consccialion plus lianic, (hnis le jni^cnK'nl (\uc poila sur elle
un autre fils de
la ville (le JUois.
Nous parlons de
Géiaril Matlul,
confesseur tlu
Dauphin.
(llianoinc de
Charti'es cl de Pa-
ris, niemhif de
l'L n i\ crsilc de
cette ville, tlonl il
avait été recteur
et vice-elianeelier,
il devint plus lard
évèque de Castres.
Ami (In docle ,
prohe et pieux
Gei-son, il cul seul
avec lui, dans les
rangs tie cette cor-
poration fameuse
alors inféodée au
parti anglais , la
sagesse et le cou-
rage
de rendre
témoignage à la
vertu de .leaiuic
d'Arc et à sa mis-
JF.ISNK lîST PRliSENlKE AU KOI
D';il»rt-s nue niiniiitiirf d'un iiKinuscrit IViinçnis [Dihl. nat.)
sion.
Dès l'arrivée
de la Pueelle près
du Dauphin, celui-ci \oulut (juCllc fnl soumise à l'exanun de (krard, dont
il avait fait, en même temps que son confesseur, son conseiller intime.
Gérard Machet intei'i'ogea longuement Jeanne cl lui rendit un témoi-
gnage auquel le Dauphin souscrivit.
i5
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
AïoN.wii: m imiMiiN ciimiiis mi
On a li()|) iu''glii;('' de considérci- l'iinporlaïKc de la lâche ooiifiéc à ce
prtii'c cl le poids de la respoiisahililé (|iii lui iiieomha.
Oue f'ùl-il adveiui tle Jeanne et de sa mission si (Ic'iai'd Alaciiel l'eùl
repoussée cl, par ses conseils, eùl dissuadé le Dauphin de lui accorder
confiance?
Dans le sonije où Dieu re\cla à Mardoehee les hautes destinées d'iisther,
elle ap|)aiail à celui-ci, nous dit-il, sous rimait' d'une hunihle source (|ui
dc^icnl un lleu\e lari^c cl prol'ond et dont les cau\ abondantes rehondissaient.
Il est dit'licilc d'arrêter ini fleuve (|uand son cours s'est ctai)li dans ut\ lit
profond cl lai^c; mais cpiand il n'est encore (ju'une soiu'ce, cond)ien aisé-
ment on peut rompre li' W] de ses eaux !
Le \ii'U\ Mardoehee protcijca en sa nièce
celle humble source et li' llcu\e lui (lui l'clen-
ilue de son cours.
Ainsi (Icrard Machcl nous appaiail au ber-
ceau même de la \ ic publi(|uc de Jeanne d' \rc,
cl parce (|u'il eùl pu trop aiscmcnl, par ericur
ou injustice, nous pi'ivcr du sccom's Inespéré (|uClle apportait à la l'rance,
la Lrance lui (•>! en (|ucl(pic sorte rcilcxable (\\i bicnlail d a\oir eu Jeanne
connue libcrahicc.
( .c (|uc l'ut pour la l'uccllc Dinand La\arl à \ aucoulcins , (icrard l'est
pour elle a ( iliinon.
Il \ a donc lieu poui' les i;cMs de bien <|uc ICspril de scclc n'ci^arc pas,
d opposer ce nom \cMcrablc a celui du liisic c\c(|uc (ju'on nous jcllc si
f'rc(|ucnuncnl a la (ace.
Si Cauchon a fait mourir Jeanne, (Icrard ALichcl lui a donne de \i\re,
d'agir, de combattre pour la l'rance cl de la sauM'r.
Gérard ^lachet ('lait lilesois. (l'i'st cncoi'c lui honneur |)oui' la \ille de
Hlois (ra\()ir assuré à Jeanne d' \rc cet ami sùi'.
J ro|) longtemps ses liabitanis ont oublié celle gloire locale. Ils s'en sont
sonxeiuis enlin à l"a|)pel de (|uel([ues liommes de co'in'.
La 'J'rc'-modlc a\ait dû céder de\anl la force des (^ciu'mcnls cl permis-
sion avail été accordée à la Pucclli' de venir' vcr's le I )auphin. Toulefois les
hesilalions de celui-ci n a\aii'nl point entièrement disparu cl (juelques
dcliances le lenaicnl encore à l'cndroil de Jeanne.
I. VI. I iil)ln' Devflle a |>iil)li(' sur Jcimm- d'_tic à /i/nis et à Selles en licrr^V" un (Hi\rug(^ fort
iiit("i-css;iiit. ()rl('aiib. Hcr!iUM>n. iSiji.
CHINON ET POITIERS.
1 1 j
Elle iirtiva à Chinon le
G niiirs I V-if)- Deux joiri's (luraiil
elle (lui aUcndi'c «lu'on l'admit à
aiidience, et pt'ut-ètie rvil-cllc
attendu vainement, si Jean de
Metz et Bertrand de Poulengy,
ses fidèles eompaynons, ne s'é-
taient employés aelivement en
sa faveur.
Les onze jours passc'-s en
voyage a^■ec Jeanne la leur'
avaicnl fait mieux eonnailrc
eneore. Ils ont dit rux-mèmes,
en un (('moii^na^c que nous
avons (Mlé, ([uelle admiration en-
thousiaste exeitaienl en eu\ ses
discouis, sa piété et sa veitu.
Témoins désintéressés, ils
parlèrent selon ce <|u ils a\aieMl
ressenti et le lirent axée l'elo-
(jucnce des i^cns de guerre, hrève
mais loxale, émue et eoneluanlc. Ils en eulreliureut |)lusieurs des seii;n(
de la cour, cl le Daupliin sans doute en eut (|Ueli|ue eelio.
jKiNNi; i)\ni:. cr.i.i liiiK HiiuoiM'. FiuKr.visE
D'apri-s la gravure (le J. VoYKZ ([78;).
urs
Il fut donc résolu ijue la i'ueelle serait admise à audience. Mais, par
défiance eneore et aussi par une de ces anomalies (|ui portent les hommes
à demander des prodii^es à ceux surtout dont ils semhlenl n'espérer rien, le
Dauphin résolut de se dissimuler et de faire présenter à Jeanne un de ses
courtisans en sa place, fa I'ueelle ne lui pas dupe de ce sultleifui^e. l'.lle a
raconté elle-même cet incident au procès de Rouen.
« J'allai, dit-elle, sans empêchement jusqu'à mon Roi. Arrivée au xillai^e
de Sainte-Calherinc-de-Fierhois, je commençai par envovei- au cliàleau de
Chinon, où était le Roi. Vers midi, j'arrixai à (Junou el me ioi^eai dans une
hôtellerie. Après le diner, j'allai Iroincr le Hoi, <|ui clail dans le chàlcau.
« ... Quand j'enli-ai dans la cliamlire du Uoi, je le rcccniuis cnlic les
1 H
JEANNE D'AllC HACONTÉE PAU L IMAGE.
îuilr'cs pai- le t'oiiscil de ma \cù\. (jui me le re\(''la, el je lui dis ([lie je \oiilais
aller faire la i^iiene aii\ \iii^lais'. ■
Le Daiipliii) recul Jeanne plusieins fois, l'eiiliclinl longuement el fut
séiUiil par la droiture et la sûreté de son jui^cmenl, pai' la netteU' de si-s
déelaralions el le dévouemeni (lu'elle montrait pom- sa cause. 11 fut frap|)('
surtout, dit-on, de l'assmance (|ue Jeanne lui donna de la légitimité de sa
naissance.
Le L)auj)liin toutefois ne \oulut rien (h'cidcr sans avoir pris l'avis de
quelfliies personnages eeclesiasticjues considérables et il remit Jeanne à
rexamen d'une commission composée de re\c(pie de (lasti'es, de celui de
Senlis, de celui de Magneloiuu'% de l'exccpie de l'oiliers
el de i'icrrc de \ crsailles, depuis e\ (''([ue de Mcau\.
Ils iiilcrrogcrenl Jcainic sur les causes de sa
\enuc, la source et la nature des conseils (|ui
raxaicul poussée a \euir et le l)ut ([u'cllc se
proposait.
Jcainie r'cpondit nctiemcnl aux (|ucstions
(|ui lui fiu'ent posées. Toutefois, dcja lidclc à
cette union Irappantc de force et de prudence (|u On
remar<|ua toujouis eu elle, elle se garda de lout dire
sc:e\t' itr. i v rni.Mnir.i.i
ui\ |)relals de ce (|u'cllc sa\ait : non (|u'clle fut
•apahlc de (picl(|ue mensonge, mais |
)ai-cc (lu elle
n'ignorait pas ([ue, si la \erile est bonne en soi, encore ne faut-il la doinici"
aux hommes que dans la mesure ou ils la pcu\cnt porter avec fruit pour
eux-mêmes el sans ([ue leurs passions ou leur' ignoi'anee la puisseni inulile-
ment compromclti'c.
En dépit (\v la graxitc des pr(''lals cliar-gc-s de revamincr', Jeanne ne leur-
confia donc (|uc ce ([u'ils |)oir\aicnt por'Icr' des scci'cls (ju'ellc cirl pu Iciu'
confier'.
■( Lu jour qu'elle drnait avec moi, dit le (\ui- d'Mcncon, Jeanne me
déclara cju'elle avait éle i)eauc()U|) evaminee, mais savait et pou\ail plus de
choses (ju'ellc n'axait dit à ceux (jiri l'interrogeaient. »
1. Diuiois l'I (|iicl(iues trmoins assurent que Jeanne allenitil deux jours avani d'être admise. II
se peut que la Puci-lie ait oublie ee délail; mais il n'est pas clair (jue Jeanne, en disant que n aj)rès le
dîner » elli' alla trouver le I)au|>liin. parle du jour même de son arrivée à Cliinon.
2. Après les premières victoires de Jeanne d'Arc, un envoyé spécial alla à Montpellier |)orter
les ce lionnes nouvelles » du succès des armes françaises. C'est peut-être en souvenir de l'évêquc de
Maguelonne, cité ici, que Jeanne eut pour la ville de Montpellier cette attention marquée.
lijiiil, ixiui ] Ll'ai naiiiur liéics
je\>m; d'auc Ksr imi.hhogkiî pvii i.i.s ijoi:i'i:rns r.T siuGNtrus v l'oniEKS
D^ipiH'S une ;iiju«iilli' ili- I'. DiMiiNT, |>iilill,V' li.iMs lu Iliii/iLi's Maf^iiziiu' (New-York).
CHINON ET POITIERS. ,19
Celle [)riulence est l>ien fiappaiile el 1res admiraljle en une enfanl
(le (li\-sej)l ans.
La Commission des prélats s'était, du reste, adjoint plusieurs priiîces,
seigneurs et chefs de guerre. Le due d'Aleneon dit qu'il assistait à cet examen.
Au témoignage de Gaucourt, gouverneur d'Orléans, eu même temps qu'il
faisait examiner Jeanne par les évêques et les seigneurs, le Dauphin, « voulant
être plus amplement infoimé de son état, la fit donner en gaide à Guillaume
Bellier, son majordome, depuis bailli de Troyes, dont la femme était personne
de grande dévotion et de réputation très reeommanda])le ». Il estimait sans
doute (jue, femme elle-même, l'épouse de Guillaume IJellier serait eneore
plus avisée pour juger Jeanne (|ue les docteurs el les chefs. C'était se
montrer avisé lui-même.
Le rappoi't des juges fut fa\orai)le à Jeanne.
L'avis de la dame Bellier fut assiu-emcnt eonfoi'me à ce rapport cl le
Dauphin commença de croire en Jeanne.
Lui-même l'cxaiiiinail altciUivemcnl, admirait son aptiliidc à monlcr à
cheval et à manier la lance, i'.ndn il chargeait des personnages de niar(|iic de
l'aller \ isiler et cnlrclcnir, cl de le r'i'nseigner à ce sujet.
Louis de Coules a donne sur ce point d'inlci'cssauls (K'Iails dans le
témoignage (ju'il rendit au procès de réhahililation. Il a\ail cic le page de
Jeanne d'\rc cl n'avait (|uc qniu/.c ans quand le Dauphin lui conlia celle
mission. Il était originaire de Normandie, écuver, scigiu'ur de Nowon cl de
Kugles.
« L'année on Jeanne vint à Chiiion, dil-il, j'avais (jiialor/c ou quinze
ans et j'étais, comme page de la suite du seigneur de Ganeouil, ca[)ilaiiu'
dudil lieu de Chinon.
« Jeanne ariiva à Chinon, en compagnie de deux gentilshommes (jui
la conduisirent an Roi. i'Iusieui's fois je la vis allci' el venir chez le Roi. On
lui doiHia logis dans une lour du chàlcan du Coudra\ , pivs de Chinon, et
je demeurai là avec elle tout le Icnips (|u'elle y resta. J't'tais continuelle-
ment en sa compagnie |)endanl le jour; mais la nuit elle avait des femmes
avec elle.
« Je me souviens j)arfaitemenl (ju'au temps oii elle liahilail la toui' du
Coudiay, des personnages de grand clat vinrent pendant plusieurs jours
s'entretenir avec elle. ( hie faisaient-ils ou disaienl-ils, je ne sais. Toujours,
quand je les voyais arrivci', je me retirais.
« A cette même épo([uc el dans cette même tour oii j'élais a\cc elle.
I9.0
JEANNE DAIU: K\(:()^TKE V \\\ LIMVCK.
je \is iiKiiiilcs lois .Icaiiiic a i;t'ii()ii\. l'Jlc paiaissail en |)iicic; mais je ne
compi'cnais pas bien ce ([u'cllc disail. \ssiv. souncmI <H(' piciiiail '. »
Jean l'as(|iu'i('l, iclii^iciiv du coinciil <lcs l'.iiiiilcs à Toiiis, cl plus latd
allaclic à la |)('i-s()iiiic de .Icaiiiic eu (|iialilc d'aunKHiici-, nous (loiiiic (|ii('l(|ii('S
autres rcnseignenicnls louclianl cctlc mèinc cpoijuc de la \ie de l'Iieiouie.
(liions <|ue]f|ues-unes de ses paroles.
Nous l'avons dit, il n'est liisloiic de Jeanne (|ni puisse prc'senlef l'inleièt
qu'on li'ouvo dans la leelure du texte même des procès de condamnation
et de reliai)ilitation. J)ans le |)i'emier, c'est .Jeanne (|ui parle d'elle-même en
rc'poudanl à ses juives. Dans le second, ce sont les i;ciis (|ui l'ont connue à
Domremx , à \ aucoulcurs, à ( hleans ou autre part pendant sa campagne.
Voilà pour(|uoi nous a\()ns j)laisir a cilci- mainls passai;('s de ces procès-
verbaux, en \ ajoutant parfois un hrel' connneutaire.
Les amis de .Jeanne d'Vrc doixent une \\\v i^raliludc à M. .losepli I''al)re,
(|ui, eu publiant sa traduc-
tion des deu\ procès, a mis
à la port('e de tous les sour-
ces où l'on peu! puiser pour
counaîlre .îeaiiiic d'Arc lelle
([u'elle l'ut.
Voici (|uel(|ues extraits
du tcmoisuaHc de .leau l'as-
([uercl :
(f Quand j'eus poui' la
première fois des nouvelles
de .Teanne d'\rc et de sa
venue à la cour, j'étais dans
la \ille du i'u\ , où se trou-
vaient la mère de Jeanne,
ainsi que (piel(jues-uns de
ceux ([ui l'avaient menée au
Roi\
I. Joscpli I''al)ie, Pnn-i-s de ré-
liiihililation. t. I, p. 207.
■X. Tout eiuièio à .sa mission
Il les vi-u\ (ixi'S sur Orli-aiis, Jeanne
JE.VNMi DtVAM 1.1;. UOCIUUS A l'llllll-lt^
,,.. . . „ , ,, ne pouvait songer alors a se rendre
D après le dessin de Bida publie dans Jeanne d Arc, p.u- Wiciielet l o
Uacheile et C-, éditeurs.) -nv Puy; mais nous savons quelle y
CHINON ET POITIERS.
lai
« Étant entrés en - -«^^=*^'
connaissance avec
moi, ils me dirent :
« Il faut venir avec
« nous près de Jean ne;
« nous ne vous lâehe-
« rons que quand nous
c. vous aurons conduit
« près d'elle ». Je vins
donc avec eux à C.lii-
non, puis à Tours —
Il m'a ('té dit que,
quand elle vint au
Roi, Jeanne fut visitée
à deux reprises par
des femmes.... Elle
fui notamment visi-
tée, parait-il, par la
dame de Gancourt et
par la dame de Trêves.
... « (l'est le sei-
eneur comte de Ven-
dôme qui fut l'intro-
ducteur de Jeanne.
YMv entra dans l'ap-
partement du Roi, et
le Roi l'apercevant lui demanda son nom. Elle répondit : « Gentil Dauphin,
« j'ai nom Jeanne la Pucelle; et vous mande le Roi des Gieux par moi que
c< vous serez sacré et couronné à Reims et fjuc \()us serez le lieutenant du
« Roi des Cieux qui est roi de France. »
X \près beaucoup de questions faites par le Roi, Jeanne reprit : « Je
« te dis de la part de Messire que lu es ATai héritier de France et fds du Roi,
(' et il m'envoie à loi pour te conduire à Reims, afin (jue tu \ reçoives ton
« couronnement et ton sacre, si tu en as la Aolonte. )>
« A la suite de cet entrelieu, le Roi dil aux assistants (|ue Jeanne
envoyi» en pèlerinago c|iielqups-iins des liomnics d'armes qui nvairiu i'ciiii|ios(' son cscorlc dans le
Irajpt de A'aucouleurs à Ctiinon. (Sinieoii I-iire. Jriiniie tl'.-lrc t'i Doiiiivmy. p. ccciv.)
n^a i'ac-.'itc d'Orléans, rnciu-e pai Ir Coiutc de J)tinoU,SKl
dclivrc Drk'.ius ec i'.\À laiTCt le Kqi a Rhcims; K.Ue oll l'aitc'.l
i^>rîiôuteiv ;i l*onipie«,nc , elbiidc'e ii Koticn i^ar IcB An-jloi^ . I ,e Roi
reprend, par l"e> Grner,\us , Li Xoiin.tiulie. L\ Omeuiie etBordeniix.
CHARLES VII ET L\ PUCELLE
D'après le dessin de C.-N. CociUN, gravé par Prévost.
IP.2 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
lui iivait parle'' de certaines choses secrètes que mil ne savait ni ne ponNail
savoir, honnis Dieu, et (|u'ainsi il avait hien enlièrc confiance en clic.
Toul ce (|uc je ^icns de dii'c, je le liens (\r Jeanne, car je ne fus l(''nioin
(le rien.
« Jeanne me disail qu'elle n'clail pas coniciilc de lanl d'inlcrroi^aloiics;
fju'on l'eniprchail d'acconiphr la hesogne pour la(jucllc elle clail cn\()\('e;
((ii'ellc avait hàle d'ai^ir et <ju'il était temps'. »
De ces di\t'rs t(''moignages l'cssorlent pour nous les caractères du
séjour de Jeaniu> à (ihinon. T^e Roi, fort in(|uiet touchaul l'clal du pa\s cl
le sori (|ui l'allcnd lui-même, n'axant pas le courage de l'aire (eu\rc \irilc
pour sortir sou roxaume de l'clal dcplorahic ou l'oul amené les l'anlcs cl les
malhcui's de ses prcch'eesseurs cl les sieimcs pro|)res, couscul à r'cccxoir
Jeanne. Il se dissimule loutefois et |)i('senle à sa place un des scigncms de
la corn-. Si Jeaiuic se fiil laisse- |)rcn(lrc à ce piège, le Roi sans doulc l'cùl
sans merci cong('-di ('•(■. La chose eùl pu se Caii'c poui'tanl sans (pi'il IVil clai)li
<[uc Jeanne n'a\ail point reçu la mission dont elle se disait chargée. \u fond,
le l)aLq)hin, en la soumettant à celte epreuxc, a\ouc inq)licitcmcnl (|u'il lui
croit qucNpie pouvoir surnaturel.
Dès la première enli-c\ue, Jeanne le Trappe d'clonncmcnl cl prend (Mnpire
sur lui. I>llc rcnliclicnl, disail-il (pichpics jours après, » de choses (|uc nul m-
savait, ni ne |)()n\ail sa\oir, hormis Dieu ».
Toujours h(''silanl ccpcndani cl, ce dont il ne le Tant pas hlàmer, dcsirani
appUNcr sa («'solulion sur \':\\\s de (prcl(|ucs gens d Tlglise, le Dauphin charge
plusieurs e\è(|ues, (|uclqucs docteurs cl des seigneurs de son entourage
d'inlcrroger la l'ucelle.
\i\\ même Icmps, d'antres seigneurs cl < personnages de grand clal »
reçoivent mission de se rendre |)r-ès de Jeanne au château (\[i ('.oudra\. Ils
Tinicrrogcnl cl la relourncnl eu tous sens.
En même temps f|uel(|ncs dames, cl entre autres \olandc d'\iagon, la
dame de licanmoul cl celle de Trèvt'S, TonI suhir à Jeanne lui examen d'un
ordre plus intime.
Jeanne repond dans la mesure qu'elle juge opportum-; aftirmc certains
points, garde le silence sur certains autres cl a bien vile Tait de conqu(''rir
tons ses juges.
I. I-c Ic'iuoignagp de Jeiin P;isquerel est fort intrressniu par la naïveté et la sincéi-ilé dont il est
inai'ciiié. Il est elair toutefois qu'il contient ])lusieuis ine\aelitiulcs. I^e l)on père, comme il nous le
dit, n'avait été « témoin de rien », et tenait seulement de Jeanne le ri'cit de ces «■véncments. don! il
intervertit l'ordre plus d'une fois.
CIllXON ET l'OITIliRS. lai}
L'iiiipMliciicc (oiik'fois fmil |tiu' la |)r'cii(lic cl elle ne pciil s'eniprclicr de
maugrrci' contre lous ces iiiler rogaloires souveiil i'iililes, et quelquefois
blessants pour elle.
Il lui fallait prendre patience encore et subira Poitiers, plusieurs semaines
durant, l'examen des évèques et docteurs qui, sur l'ordre du Roi, allaient
l'examiner.
Ce fut pour elle unv rude épreuve, mais elle ne perdit ni courage ni
patience et partit en disant : » En mon Dieu, je sais (jue j'\ auiai ]>ien à
faire; mais Messirc m'aidcia. Or, allons de par IJieu ! »
Les procès-verbaux des séances de Poitiers
ont élc dclruils.
C;'est cbose fort regrettable, car par
les trop rares extraits fju'on en possède cl
le témoignage rendu par ([uelques-uns
des examinateurs de Jeanne, il est visible
que nous trouxerions dans les diffé-
rentes r(''|)onses de la Puccllc une foule
t\t- dclails intéressant sa \ie et (jui sont
(K'sormais perdus pour nous.
Il n'est |)as moins \isible (juc Jeanne
parla à Poitiers, non seulement avec sin-
cérité, mais a\ec tout l'entrain de son ca-
l'actèrc cl la xixacilé cliarmanle de son esprit.
A lioucn nous en reliouNcrons cjuehjue
cbose dans les réponses qu'elle fit à ses juges,
mais a Poitiers elles oui bcaucouj) plus d'aban-
don. Maigre les longueurs (ju'on lui imposait,
elle scnlail bien (pic sa cause allait à bonne issue
en plus elle gagnait la conliancc de lous.
Aussi ne se metlail-elle point eu peine pour dire à ses juges sa pensc'c,
rijioster en une x ivc cl jo\('US(> saillie à la sublililc' de leurs ([ucslioMs ou de
leur dialectique.
A Kouen, au conliaiie, les circonslances sont autrement graves. Sa \ ie
esl en jeu, et elle ne peul ignoier qu'on lii'cra parli contre elle de ses moin-
dres j)arolcs. \ussi, quand clic s'abandoniu', c'csl à rindignalioii, c'est pour
prolcslei' contre (( les loris et ingraxanccs (pi'on lui fait », remcllrc en droit
cbcmin l'un de ses juges par trop mah cillant, ou jcicr a la face de Caucbon
JF. V>->F. D AUC
l)'iij>ri-s uti dessin de Raffet,
j^iMM- par I\o^so^E'rïE.
<|uc clia(pic jour de |)lus
ir..4 JEANISK 1) vue IIVCONTEK PAU 1, IMAGE.
riiiic (le CCS :i|)()sli()|)lics xinilciilcs (|iii l'clourdissiiicnl cl le l'aisaiciil cli:m-
cclcr un iiishml, iiis(|ii';i ce (jiic celle àine (Voide cl Irop inaitresse d'elle-
mémo se lui reniisc el re\iul ;i siuiii-l'ioid.
r^r
si les pièces t\\\ pioi'ès Ai' l'oilicrs nous iii;m(|uciil, mous mous, loucliaul
les incidenis de la nroee-
j ii.iJJJiii^Jiiuiiiiiiii]i.iiL..|4j,j^^^^^Q^,,,,m^;^^,jn j^ll^|l^^njl|n iBTiH[UTnpsiTtiu^aljiL;jil'.uil.iiMC»aJwuliluLfaimf.rtmit^ f
(I i.v Gi;Nru.i.i>; l'rcKi.i.i; pi
dure, plusieurs h'inoiijnagcs
loil iuleressauls.
L un d'eux nous \ ieul
fin Cici-e Sci^uiii , domini-
cain, le(jucl, a\cc niailrc
Jean L()inl)ail , piol'esseui'
de iheoloi^ie sacrée à l'I ni-
xci'sile de Paris, lui appelé
de celle \ illc pour inlcrro-
i;cr Jeanne.
Il \ eul maille a parlir
enirc le frèi'e Seguin, " un
hicii aigle lioinine » , el
.Icanne. Mais du moins ce
rcligicuv a eu la sineerile
de rendre lemoiguage à la
i'ueelle lois du procès de
reliahilitalion , el de eiler
(|uel(|ues boutades doni
.Icanne lalteignit.
(liions (|ucl(|ucs exirails de sou h'iiioignam' :
« ... J'ai \ Il .Icanne pour la première l'ois à l'oitiers.
« Le Conseil (\u Uoi elail réuni en celle \ ille, dans la maison d'une
dame l,a Alaoèe, el parmi les conseillers il \ a\ail l'archevêque i\v Reims,
alors cliaiicclier de France. On m'axail l'ail \enir, ainsi (|ue maiire Jean
l.omharl, (iuillaumc l.eAlaire, clianoinc de l'oilicrs, hacliclier en llièologic,
(hiillaumc \imcr\, professeur de llu'ologie sacrée, i\c l'ordre des frères jnè-
clieurs, i'vvvv ricrre rurclurc, du même ordre, maiire Jacques IMaledon el
plusieurs autres (pu' je ne me rappi'lle |)as.
CHINON ET POITIERS.
lao
JI. \NM". IJ A lu;
D'-ipifs mil- .uni. ■mil- ^laMiir lir (ji\ui.l;s ni; <>ltAssAii.i.i;.s
[lllhlialltr'/in nul iimit/r.)
nous clions miindcs de la pari
(lu Uoi pour inlcrro^cr .Icaiiiic,
avec charge de rappoilcr au
(louscil ce fju il nous scinhicrail
d'elle. Ou MOUS einoNa, en cH'el,
au logis de niailre Kal)aleau, à
l'oiliers, pour iiilerroger .leanne,
(|ui \ denieur'ail. Nous nous \
rendîmes cl i'imcs à Jeanne |)lu-
sieurs (|ueslions.
c< lùiti'c autres (|uesli()ns,
maiire .lean l.oiiiharl demanda
à Jeanne : « l'()ur'(|uoi èlcs-xous venue? le lioi \eul savoir (piel mohile vous
« a poussée à vcnir'le Irouvcr ><. Elle repondil de grande manière : ■ (!oimiic
c< je gardais les animaux, une xoix m'appaiul. (lelle voix me dil : ■ Dieu a
<< grande pilie du l'ovaume de l'ranee ». \\anl oui ces paroles, je me mis à
'< plemer. Puis la voix me dil : « Va à Vaueoideins. Tu liouveias la un
<( ea|)ilaine (|ui le conduna siiremenl en l'ranee el près du Koi. Sois sans
« erainle ». .lai lail ee (|ui m'elail dil. l'^l je suis arrivée au Uoi sans empè-
(' cliemeni (|ueleon(|ue ».
« J>à-dessus, inailre (iniliainne \imerv la pril à partie :
« D'après \()S dires, la voix vous a dil (|ue Dieu veiil delivrei- I,' peuple
« de France de la ealamile ou il esl. Mais si Dieu veul délivrer le peuple
« de l'ranee, il n'esl pas nceessaire d'avoir des gens d'armes. » — « l'.n
« nom Dieu, repondil .leanne, les gens d'armes lialailleronl, el Dieu don-
« liera vieloire. »
Celle réponse pliil el mailrc (liiillaumc en fui eoiileiil.
« Moi (|ui parle, je demandai à Jeanne (|uel idiome parlait sa voix. —
« Un meiilcui- <jue le voire, .. me rcpondit-elle. I.l en eirel je parle limousin. —
L'inlerrogeant dcieclier, je lui dis : « Ci'ove/.-vous en Dieu"/ -> — >< Oui, mieux
« que vous, » me rcpondil-elle. ..
Comme on le voir, .Teainie se mit a l'aise; il \ avait l)ien aussi (|uel((ue
im|)alienee en son discours el, de l'ail, on ne saurait s'en eloniier. 'l'oiiles ces
snhlililes étaient peu laites pour captiver son àmc, in(|ui(te, comme illc le
disait, de ne pouvoir agir (piand le temps pressait ain^i.
Le l'rère Seguin, sans garder rancune a .leanne de ses rehuU'adcs, pour-
126 JEANNE D'AUC RACONTÉE PAR I/HIAGE.
siiil : >' Miiis ciilin, lui dis-jo, Dieu ne \ciil pas f|ii'<)ii \oiis croie, s'il ii'ai)-
painil ([ucIfjiK' sii^iie <|iril fau( (ju'oii \()iis l'ioic. Nous ne saurions conseiller
au Ivoi, sur une simple assertion, de nous conlier cl dv niellrc en |)eril des
hommes d'armes; n'avez-vous donc rien aulre à dire? » Elle répondit : " En
nom Dieu, je ne suis pas M-nue à l'oiliers poin- (aire sii^iies; mais nuMuv.-moi
à Orléans, el je \ous montrerai signes poiu'Cjuoi je suis en\o\ée. » i'.lle ajouta :
« (ju"on me donne des hommes en si ijiand nondu'c (|u'(tn le jui;('ra hou, el
j'irai à Orléans. »
« lai même temps, elle nous dil ([uali'c choses, alors à venir, (jui sont
arri\(''es depuis
" Nous rapportâmes tout cela au ( lonscil du Koi el nous fûmes d'a\ is que,
^u I i'\lrème n(''cessilc et le péril eu clail ()rlcans, le Hoi pou\ail s'aider d'elle
et l'cuNoxer en celle \ illc.
<' Poui' mf)i, je crois ([ue Jeanne a eh' cn\o\ee par Dieu; car, (|uand clic
parut, le Hoi et ses sujets n'a\aicnt plus d'cspeiance. Toi^s cro\aient (ju'il n'\
axait plus (|u'à se sau\ei' ->
Maître Jean lîarhier, doclciu' es lois, a\ocat du Hoi, a\ail \u Jeanne à
Poilicis: il déposa au procès de icliahililalion. Son lenioi!;nai;(' ne \ai'ie
i;ucre, pour le lond. <lc celui du Ircrc SeL;uin. C.ilons seulement ces (|ucl-
(|ues lignes :
<■ J'appris de la houclie tics doi-teiu's le rc'sidlat de leur examen. Ils
axaient l'ail à .Icaiinc plusieurs (|ueslions. l'Jle r(''poudait à toutes a\cc grande
sagesse, comme ei'it l'ait ui\ hou clerc, \ussi ('laienl-ils cmer'vcilles de ces
pr'opos cl cr"o\ aient-ils (pr'il \ a\ail la (|ucl(pre i-liose de di\ in, clairl doirncs sa
\\v cl ses eompor'Icments.
" EinalemerrI, il l'ut conclir, a|)rcs f'ori'c cxameirs cl (jucslioirs, (|u'il ir'\
axait en cela airciru mal ni rien de conliairc à la loi callioli<|rrc. cl (jirc, \u
la rrccessile ou elaicnl alors le Koi el le roxairmc, |)r-incc el sujets clanl au
ilesespoir' et sans aide sur' (jui compter-, hors de la part dr l)icu. le Hoi pori-
Aait s'aidei' de Jeanne'.
Gérard Machet, confi'sseur du Hoi, (jiri dexirit plus lar'd l'xèque de
(laslres, avait expétli(' à l'oiliers im gentilhomme « honnête et prudent »,
Gobert Thibaut, (ju'il a\ait chargi' d'assister- a l'examen (jui serait fait de
Jeanne, avec charge de lui (-n rapporter' la substance.
Plus tar-d Gobert Thibaut firl a|ipcle à lemoigucr' dans le procès de r-(-lraIii-
1. Jobt'ph Fabre. PrUL\^ ilc rcliabtlttatiun. t. l. p, l j l .
2. Ihidi'm.
CHINON ET POITIERS.
Aquarelle tic l'iOUTET DE MoNVKl,. l-lxtl'iiito (If Jcuinic il'Ari- [Allmin i/iiistir, P/uii et C'^', à/ilcnrs).
lil;ili(>ii ; il le fil en Iciincs pleins (r;i(liiiiiali()ii potii- la l'iiccllc. Il rappoilc ([irc
(l('\anl lui, à l'oilicis, .Icaniu' cliaigca l'un de ses secrélaires d'éci-irc au\ chefs
anglais en son nom une lellic donl il eile les pi-emiers mois et (pie nous
possédons encore.
Un autre témoin, François Garivel, conseiller gcMiéral du Roi, nous donne
ce détail : <' Il fut demandé à Jeanne pourquoi elle appelait le roi Dauphin.
Elle ri'pondit : « Je ne ra|)pellerai pas roi jusqu'à ce (ju'il aura été couronné
« et sacré à Reims, (l'est dans celte cite f[ue j'entends le mener ».
Désiri'uv de doiuicr au leelcur unv idée juste du séjour de Jeanne
dans la ville de Poitiers et de l'evameu fpi'elle y suhil, nous avons mis
sous ses yeux, selon noti'c habitude, le texte des principaux témoignages
ia8 JEANNE D'ARC RACONTEE PAR L'IMAGE.
rendus plus tai'd à la l'iierlle par ceux qui l'avaient vue et fi'équentée pendant
le |) roc 'es.
[>es procès-verbaux, comm(> nous ^a^ons dit, soni depuis longtemps
disparus. Ces! un dommage réel, car à voir eomhien frecjuenmieul, pendant le
jiroeès de Rouen, Jeanne v renvoie sfs juges, on compi'end <ju'il s'\ lrou\ait
nombre de doeumenis im|)ortants.
En (U'pit de eetle lacune, on peut se faire une idc'-e de ces divers inei-
(lents. Pendant plus île trois semaines Jeanne est interrogée, examinée par
quelques evèques, des docteurs, des hommes graves, seigneurs, écuyers et
conseillers du Roi. T>'examen porte surtout sur la ^ ie et les nKxnu'S de la
Pucelle. Sur ce point tout le monde tombe d'accord pour lui rendre le témoi-
gnage le plus favorable.
En ce (jui est de sa mission et de ses voix, il est visible queles examinateurs
éprou\èreiil (|uel(|ue embai'ras à se prononcer. ( )n \o'\[ que les nettes et fermes
déclarations de Jeanne les surprennent el les troublent, mais s'imposent à eux.
Son attitude ne les elouuc pas moins, l/.i \i\acite et le naturel de ses repli(|ues
les déroutent.
Tout pesé, on la d(''clare bonne cln-étienne, très lionnète (ille, et, "\u la
gra\ ile des eii'constances où se trouvait le Dauphin «.on ajoute (ju'il n"\ axait
i'aule ni péril à laisser Jeanne agir, à « s'aider d'elle » et à lui fournil- les
nioxens de donner sous ( )rleans le signe par le(|uel elle promettait d'établir
rins|)iration divine (\c sa mission.
I^es juges terminèrent ainsi leui' dcclaraliou écrite : » ...T>e Roi, attendu
la pi'obation faite de ladite Pucelle, eu tant (jue lui est possible, el nul mal ne
trouve en elle, elconsidèi-e sa re|)onse, qui est de démontrer signe di\ in devant
Orléans; vu sa constance el sa persévérance en son propos et ses requêtes
instantes d'aller à Orléans, jiour y montrer le signe de divin secours, ne la doit
point empêcher d'alh'i' à Orh'ans avec ses gens d'armes. Mais la doit faire
eontluire honnêtement, en espérant en Dieu. Car la mettre en suspicion ou
délaisser sans apparence de mal, serait répugner au Saint-Esprit et se rendic
indigne de l'aidi' de Dieu, comme dit Gamaliel en un conseil des Juifs en
regard des apôtres ».
Comme on le voit, les juges ne s'engagent guère, et si Jeanne avait compté
siu" leur ferme appui pour s'imposer an Dauphin et à l'ainK-e, la pauvre enfant
eût été singulièrement déçue.
Mais il en allait tout autrement. Jeanne, avisée autant que xaillante,
subissait ces retards (ju'elle ne pouvait empêcher, se prétait à cette procédure
CHINON KT POITIKI'.S. 129
à l;i(|iicllc il lie lui cUiil pas possible de se soiisliaiii' ; mais s(tii iiiij)alicnce
fut i;i'aii(lc |)cM<laiil ces six semaines (|ir(iii lui Caisail peidi-e.
A diverses icpi'ises elle laissa \nir sa liàle el ne dissimula pas son ennui.
JI'.WVI: 1> AIIC DU I-IS, l'ICl'.LLI': IJ OHLl-VNS
D'api'è's U' taltlrau de Caumont (lu XVI'' siècle. iJîotcî de Ftllc r/i- Hoiitit.)
Enfin les dehals ('laienl (ei'minés; on n'a\ail lroii\('' « nul mal en elle >',on
n'osail pas " l'empèclier d'ailei- à Oi'lc'ans poui' \ monlrei' k- sii^ne » {|ireile
|)i'omeHail. iai ini mol. on la laissail l'aire. T'esl loiil ce (|u'elle desiiail. Uissi,
sans perdre plus de lemps, se mil-elle a Iceini'e sans auli't' délai.
I^e Uoi n'iiesilail plus, ou du moins passa outre à ses lusitalioiis; pousse
17
i3o JEANNE D'ARC RACONTEE PAR LIMAGE.
du reste par les (■Nriicinciits, il l'csoliil de faifc essai du rcconfbil cl secours
que lui prouicllail la Pueelle et l'envoya à Tours, d'elail, cioil-on, vers le
20 a^ril. Il \ axail deux mois hi(>iilôl que Jeanne a\ail (|uiltc Vaucou-
leurs.
(les jours avaieni el('' hien laUorieuv pour la i'ncclle. \i\\v a\ail du,
presque encore enfani, suhir l'assaul de la euriosilé fulile ([u'excilait'iil son
arriv('e, la siuiifularile de son o'um'C cl le caraelère de sa personne; suhir
aussi l'elïorl de ceux (jui (h'siraient sa\<)ir (pielle elle elail, d'où elle vcnail,
où elle \()ulail en xcnir. Dans le conseil, nous dirions aujourd'liui la conniiis-
sion d'cnquèle, composée par le Dauphin pour l'examiner, se renconiraieni
les honnnes les plus dÎNcrs. On v vovait des évèques hahiUu's à |)i'endrc place
et parole dans le (ionscil du Iloi, des moines apportant en leiu' examen les
eoutmnes cl l'espi'il du cloître avec la rij^iu'iu' de la seolasiique. T-es i^cns de
guerre les coudo\aient, eonsidéraul les choses en hommes de leur métier,
de grands seigneurs assez peu disposc-s à aecordei' Icttics de nohiesse à Jeanne
en rc(>()nnaissant le l)icn-fondé de son entreprise, la force tic son génie cl le
caractère suiuiaturel de s<'S voix.
(l'est plaisir de voir .Feanne repondre à tous, cniploxcr avec chacun, par
une dextérité native, l'argument (jui lui convenait personnelleinent. Elle
ictlrcssc alerlemcnt la théologie lui peu âpre <\i\ fière Seguin, remet Jean
Lomharl dans le chemin du hon sens et de la foi (juand il s'i'u ('loigue par
subtilité d'arguments. Vxce les dames, princesses el duchesses, elle est digne,
comtoise, presfjue giandc dame, et cela les ehai'me. Elle traite d'égal à égal,
comme un soldat \ieilli dans les camps, avec d'Aleneon et Dunois. Gohert
Thibaut, ( ino\e par (icrar'd Maehet, eonfesseiu' du Hoi, sui\icul a son tour.
Il est homme judicieux aulanl (|ue lo\al et brave. D'un mot .1 eau ne le cou(|uierl.
Elle lui frappe sin- l'épaule et dit : « .le xondrais bien avoii- plusicuis hommes
d'aussi bonne \(ilont(' », el voici (loljcit (|ui lui appaiticnt mainlenani, sans
comptt'i' (ierard INIachet, (jui aura demain des sympathies encore plus vives
poiu' Jeanne par le fait de la satisfaction (juc son homme de conliance icssent
lui-même de l'accueil de la Pueelk'.
C'est un jour sous le(|uel la Pueelle se révèle admirable t'I l'un des cotes de
sa personne hien digne d'être étudié. (Jue de souplesse, que d'apropos, (juelle
familiarité toujours digne, quelle fierté de bon aloi, sans raideur! Elle suffit à
tout et excelle dans les labeurs les plus variés.
Enfant vraiment extraordinaire, elle reste toujours l'une de nous, par
sa simplicité, sa rondeur, son naturel, mais domine l'hinnanite dans cette
CHINON ET POITIERS.
iJi
simpliciti', l;inl cllt' a de grandciii- ou plutôt do majcsir, lanl cllo est l)Oiino
dans la forée et forte dans la honte.
Il n'est vraiment pas étrane^e que l'art hésite, halhulie, s'avoue vaincu,
dexanl celle iii^ure à la fois si élraiiije et si nette. 1/art est <f simpliste », il
tâche de hien dire une chose, mais n'vn dit (ju'une à la fois : or il \ a des
choses si diverses et tant de choses à la fois
à dire de Jeanne !
Saluons l'effort généreux de l'art français
devant cet idéal à la fois irrésislihiement at-
Iravant et perpéluellcmenl (K'-cevanl.
Aussi hien, si nos meilleius artistes nous
peinieltent d'estimer qu'aucun d'eux ne nous
a encoi'C donnt' la Jeanne d' \rc de nos pensées,
de notre amour' et de nos r'èxcs, il v a dans
leur aveu ceci de consolanl, <|uc l'arl conli-
nuera de s'efl'oi'cer, (|ue longlemps durera celle
Mohie émulation des hcllcs intelligences sei'vies
par un hahile pinceau ou un ciseau puissant.
Notre peuple continuera ainsi de consi-
dérer les (t'uvres dont l'hommage va à notre
héroïne. '
l/allcnle enfante le désir; le désir main-
tient l'âme en éveil; ainsi l'àme inème de notre
peuple ne se détouiiieia point du culte de ceik'
de ses enfants qui lui fait tant honneur.
S'il faut louer Jeanne d'\rc ou plutôt
l'admirer jioui' le calme et la stratégie a\iséc
dont elle fait preuve devant ce trihunal composé il'eléments si (li\cis, peut-
être ne serait-il (juc de justice de louer le Dauphin — l'occasion de le faire
est si rare — pour la manière dont il axait composé le trihunal de\anl le(|iicl
dexait comparaître Jeanne d' \vc avant d'être admise à conduii'c l'arinc-c.
La vérité est une en elle-même. Je xeux dire ([u'un principe est un.
Mais la véritc-, si elle ne se modifie pas selon les espi'its qui la considèrent,
a cependant divers aspects et ne l'ra|)pc |)oint tous les hommes de la même
manière ni dans la même mesure.
T-a diversité des espi'its lait la diversité même de l'élude des principes
cl de Iciu's applications.
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D'iipri's un émail ihi xvi' sirclr.
[Co/fcction de M. Jnrry ir( hl.Mtis. J
i:',. .IRANNE D'ARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
JjCS |)('ii|)li's Silices l'oiil loiijoiirs ciiIcikIu ninsi : cl \()il;i |)()iii(|ii()i les
;iss('ml)lc'('s (jn'ils oui cliari^c'cs de faire el de eli;mL;cr les lois, soiil composées
(riiomines doiil la siliialioii. riiiimcui- el les lacidlcs soiil dix ciscs.
En celle i;ra\t' (|iiesli()n de saxoir (|ticl cicdil il l'allail accorder a la l'nccllc
et jus(|ii"a (|ucl poiiil on poiixail fonder snr son a<'lioM |)iil)li(|ne res|)<'rance
de samcr la l'rance el de la dcli\ rer de l'elrani^cr, ( iliarles ^'ll linl à s'cnlonrer
des hiuiièrcs de Ions. Il fani ICn louer.
\.
Ç^'^^SP^ . /
.îi;\NM': 1) AUt;
l)';i|iirs le iiU'dailtoil de A. I,E \ KFI..
(JHAHLiiS VII KEMi-nTANT \ JEANNE D AHC I, EPEE POIll COMBATTUE
D'aj)rès le bas-rt-Iief de Gois {1S02).
ly
TOURS irr BLOIS
TOI us l,\ M VISON MlLlTVlliK DK JKANNK DVIU:
lil.OlS — RÉFORME DE L'ARMÉE
ENi'iti; les (li\ciscs \llli's où Jciiiiiic s'ari'iH;!,
celle (le l'ours du
Il lui hùsser uu souxcuir
|):ulieuiièreineul ;ii;re;il)le. Mlle u'\ eul iiueuue
e|)i'en\e. elle \ i;()ùl;i de \ iJiies joies.
Le |)i-oees de l'oilieis eliiil ler-niiue. L'e\;niieii dout
.leauue axiiil ele l'ohjet ;i\:iil ele loui; el plein d'ennuis
pour elle, mais les elioses a\aienl lour'ue à ra\anlai;e el à
riionneur de la l'uceile. Le lioi, eulin eon\ aineu, a\ ail
donne ordre de lui eoniposer une maison mililaii'e el de
lui laire eonleclioiuier unelendard.
Pour ces di\erses choses el sur l'ordre du lioi,
.Icaune sClail rendue a Tours. Elle \ airi\a un peu
après la nn-a\rii ii'|2()l. Les deux plus jeunes de ses
Iréri'S, Jean el Lierre, elaienl \enus la re|oin(li'e. Jean
(le Melz el IScrlrand de Loulcni;\. (pii l'aNaicnt accoin-
pai;nee de \ aucouleurs a (iliinon, elaienl r'csh'S ])!"(''S
d'elle el, a\cc l'aulorisalion du lioi. (!e\ aient laire partie
de sa suite. I^lle eut pour cliel de sa maison militaire Jean d'Vulon,
ecUNcr; pour paLjc, Louis de ( ionles, ([ni nous est déjà connu el dont nous
avons reproduit le témoignage. Vn autre page, i\i\ nom de liaimond, lui lui
i.A viiiuai .vmiii.K
l)';ipri*s HP'' gt'iivuri' siii- I
(lu cli'hiit (lu sirrlr.
.V,
1KA>M': I) \IU: 15 \(;ONTÉK l'\K f/IM\(;E.
encore (Ioimk'. On Icim' iidjoiiinil (|n(l(|n(s xailcls cl des 1ici;hiIs (l";ir'mcs.
Ijilin ini i'clii;icn\ de l'ordre de S;iiiil- Xnyusiin, nonnne .lean l':is(|ni'rel,
fui presenle a .le;innc cl dexinl son ;unn(')nicr.
(lelni-ci ;i r:iconle, dmis le lenioii;n:ii;(' (|n'il rcndil lors dn procès de
reliMi)ilil:ili(in, c(nnnienl il lui ;i|)|)ele :i ce ministère : <• (>n;nid j'eus noui' la
première lois des noii-
\ elles de Jeanne, dil-il,
cl de sa \enuc à la
• ■oni', j'clais dans la \ ille
dn l'n\ , où se Ironxail
la merc de .leanne, ainsi
i|nc (|ncl(|u<s-uns de
ci'iiN ijui l'axaienl iiic-
nec an i!oi >>.
\ ce snjel, il esl
l>on de l'appeler (|nc
plusieurs aulenrs oui
pense (pi'il ne saisissait
poiul ici de la \ ille dn
l'u\ . Il semlile ccpcii-
danl (|ne c'esl liien
dans celle \ ille (|ne se
rendit la merc de
Jeanne, lui i 'i-'^, It'
A'cndredi Saint coiiici-
dail a\ec le jour de
l'.vm;,.: „k ^H^^u. 1' \ Il l.oncia 1 ioil . V cette
D'iiliri's uni/ Liiiiii;iliin' piiiiti' sur p^irclii'iniri : iiiitliilr il un iintiplninnii'c Ot'CaSlOll llll nllllle (ut
du XV' sicrlc. {C<t//iilioii de M. (;. SjkIZ.)
accorde an pèierina£;e
fameux de Notre-Dame Ai\ Vu\ . De nomhreux pèlerins s'\ rendirent, la mère
dv Jeanne d' \\r fut du nombre.
In jul)il<' a\ait eu lieu à |{oc- \madour, autre pèlerinage non moins
fameux, en i '|:',S'. On s'\ rendit en :;rand nomhrc de toutes les parties de la
France, et avec grande di'votion. Quand, (|uel(|ues mois après, — cl dans la
même aniH'e liturgique, — J<'anne d' \rc \ iiit à (lliinon, les habitants de Oaliors
1. I.cs prands pincions on jnl)il<'.s avaient lion à Roc-Aniad
cidail avec la frie Saint-Marc (a5 aM'it). Ce fail se |)iodnisil rn iJ-jS.
onr lui'MMH
la l/'lr de rànni
èf^'S^ UrJ.i^^'^Ul)
rtvw
TOURS ET 15LOIS. i35
î<*
f f c-
' ok "»*vJu"t pH^«-.v«-' vvp».»-*^. ^^t vwfji^.s^ ^y, flv*tVBJ»vi^^^/ vv- i.K>»*-^
C^^Tr^t^ f '^ b^-T-'--^ .^t;
TAC-siMiiii i)i: 1, i.vnuii di itn.io ci.xm di k limu: tannk » ui: cahohs
>(ilis (lollliolis ci-dessous l;i copie cll «'•critlll-i- lIMlcIh- <lll trvlr i^nlluillK.'. avec l.i Iradiic-
lioii liili raie l'ii regard. Nous a\(nis iii(li(|iit'' en ire pareil llirscs le ^eIlS des ahriA ia lions
usitées à celle ('pofjue.
/.o {lis.uihdc (i trts (itthmil Itut ni. Un. c. J.mj.
<liic cra h( vcsnrn tic im.utis niintiisft /o ptTf/o ijnc
nie itio-\/rc) si-iiln>r In ntiint <i\-i<i tiiilni^nt rf ibiiuil
ti ne nu et iiiliui tu lu canitc/Iti et iiitituri de h ru
{ lias l ru 1 iUnui <lc Riuiudmador cl hi tiin-nm ttuilti\
de ^c/is de tottis Jils iiKirts) /'rtuiics et iin^/cs cl ti/t/rcs
ïjUliic) niidlti.s rci;(td(is iicni t r cl .i.i.r nii/in psuntis
IncrM m (!.•>) .slrtim^icrus u HoiiuiiiiiKtltir.
/i/ircl lu dic/i ncrdo tt Hoijiioiiiador cnlro (o tcr/i
juin upji {unies) pttiilueosla m hume nu fii près tlcs-
liirlu m tlfunnnuli^c.
F.nciru niiecli cuicnie luit t!c\.siis ccnl u! h'c] de
l'rttn.su Tire iiui'.lre] slir [.scn/iur) iiiiu imisc/ti T/i^iiiic)
se dizla vstrc lrunie.su «// ley /'(/"'') '^"' '/''/ <<'^
fiper) '(ilar lus (m'aies del Realnic de fruusu.
\.v samedi an li'nis d'aM'il lari mil i|iiati'i- crut
\ in^^l lui il '] ni ('lait la \r|H)' ries rinjnc^ cDinmcnra
le |>.iii1mii (jiir iiulrr sfi_i;iic M r le [lapc- avaÎL
nrli'uyé el duniie à peine el conlpi- en la rliaptlle
el oraloire de iiolir dame de Hoeainador <'l y
allrif-nl tant de i;t'n^ di- Inns parlis iVancais cl
ani;lais c-l aïKn -^ (|n<- phisirnis ian^r<-s a\aiciil -^o
c-i Ml nnllr |>rt'M iiiiii's (-1 ra Misères a Itueaniadtn'.
Dura If dil pardi m à lîoeamiidor- juscpi'au
Iroisirmi- jour apr«"> Tiiil i-i-i»|r. Nid homme ne
\ prit 4-mprtdiriiirrii ni dnmma^r .
I'.ii\iriin mi-earriiii- laii snsrlii \\i\\ an lîui de
l'ianrc niilrt- M'i^niur une l^in-llc <pii s<- disait
rhf invoy<e (lianMiiisr) au Koi par Dirn du
eici pour faire horlir N*s anglais du Uo\ aume de
l'ianee.
se plurent à [tenseï' i\\\v e'eliiil ;i la (ri\rur de leurs prières ((lie la l'ianee elail
re<le\al)le <lii " i;ran(l secours m (|u'a\ail apjxnle Jeanne a la Ira née en laisaiil
sae rer le ].)aLi|)hiii el chassa ni les \ni;lais de |>lusieiirs \ illes (|u*ils orriipaicnl.
Vussi les ronsuls eadurcieiis (irenl-ds r()nsii;iier la chose dans les annales de
leur \ille. ()n relrou\e leur décision noiiliee au ^' l.i\i'e Tanne »,
i36 JEAA^iE D'AUC IIACO.NTEK l'AK 1/IAlAGK.
Jji soiuciiir (le celle eireonshiiiee, des fcMcs oui eu lieu jieu(l;iul liuil jours
à Roo-Amadoui- sui' rinili;iti\c de Algr l'évè(|ue de Cidiois, el (ou! liiil picNoii'
qu'elles se renouvelleroul eliiH|ue annc'c'.
Revenons :ui iccil i\\\ hou Piis(|uei-el. • iJanl eu ht 'S en connaissance ince
moi, ils (een\ (jui a\aien! amené .leaniu' à (lliinonl me direnl : " Il (au! ^enil•
« avec nous près de Jeanne. Nous ne vous làclicions (|ue (|uau(l nous xous
1' aurons conduil près d'elli' ". Je \ius donc a\ec eux d'abord à (iliinou, puis
à Tours.
" J'elais pri'cisi'nienl lecleui' dans un councuI de celle \ille. \ Tours,
Jeanne deuieurail pour- lois dans la maison de Jean l)upu\, l)ouri;cois de la
Aille, (i'esl eu ce loyis (jue nous la lrou\ànies.
<' IMes eompai^nons lui direnl : ■ Jeanne, nous nous avons amciK' ce hou
« pèi'c. (Hiand nous le connaiire/. hicn. nous sonnues cerlains (p:e \ous
« l'aimei'c/, l)ien >>. Jeanne leur re|iondil aussil(')l : » Le l)on pèic me rend
<' bien eonlenle. J'ai déjà enleudu pailer de lui plusieurs l'ois, el des demain
" ji' \eu\ me coid'esser à lui )>.
<i 1-e lendemain, je l'oius en cord'essiou el je cliaulai la mosc dc\aul elle.
Depuis celle liciuc, j'ai loujours suivi Jeanne cl je n'ai cesse d'circ sou
cliapelain jus(|u'à ( lompiès^ne'. »
Le Koi (il l'aire à la Pucclle wuv aiimnc complèlc. On lui donna des
elievaux pour elle cl les i;cus de sa suilc.
Teanue lould'ois. a l'cpcc (|ui rai>ail parlie de son arnun-c, en pr(''f'(''ra une
aulre (|u'elle lil \cnii- de Saiule-( lallierine-de-l'icihois. l']|lc a raconle dc\aul
ses juges de Rouen comuunl la chose se passa.
<< \\ie/.-\ous une cpec? lui dcmandc-l-on. — J'avais une epee (pie
j a\ais pi'ise à Vaucouleurs. — N'a\e/.-\ous |)as eu une aulre cpec? — Ktant
a i'roves ou a ( iliinon, j'cn\o\ai (picrir une cpcc dans l'ci^lise Saiulc-( iallicrine-
(lc-l"ieil)ois, tierrière l'aulel. \:\\v \ lui Irouvcc aussilol loulc rouillcc. —
Comment saviez-vous (pu' celle epèe elail la?- - Je sus (pTclIc clail la par m(>s
voix. ()nc(pies je n'aNais vu l'Iiounne (pii l'alla chercher. J'écrivis aux ijens
d'église du lieu (|u'ils m'euvo\assenl celle epee, el ils me renxovcrcnl. Elle
1. I.cs consuls lie Ciiliors n(-l:iiciil pus li's seuls i'i csliiiici- qui- l<'s pricics de leurs c()ui|);ilrioles
enss<'ul \alu ii \;\ Kiauee le l)ienlail île Li mission de .leiiiine d'Arc. Un avocat fameux du lenips.
Nicole de Sa\ii;ny, avait dit : o ■linues les foisijue le \ endredi Saint tombe le jour de r.Vnunucialion.
il arrive des choses mer\ eilleuses el exiraordinaires ». Un annotateur de ses miimis ajoutait ; n II en
lut ainsi en j^iij. où, jiresijue aussilùl a|)ri's Pâques, la rueelle prit les aiuies. lexa lianniires ciinlrc
les Anglais, les chassa d'Orléans, etc. »
2. Josejili Kabre, Procès df icinilnlitatioit, t. I, p. -217 et suiv.
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WPummmum'mmmmmiF
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TOURS ET BLOIS.
.37
(■lail sous [cnc, pas fort avant et derrière l'aulel, comme il semble. Au fait,
je ne sais pas au juste si elle était devant l'autel ou derrière. Je crois bien avoir
alors écrit qu'elle était derrière.
« Dès qu'elle fut i-ctrouvée, les gens d'éi^lisc du lieu la frottèrent. La
rouille tomba aussitôt sans efllbrls. (le fut un marcliand d'armes de Tours qui
l'alla chercher. Les gens d'église de i'icrbois me l'ornèrent d'un fourreau;
ceux de Tours égalemenl. T>es deux l'ouricauv f|u'iis me firent étaient, l'un de
ri.\> DE I.\ VII.I.F, DK BI.OIS I) APBT.S IN F, GR VVl'RE DU XVl" SIECLE
[Collcilioi, ,1,- M. Vnbbc Dci'ilh:)
velours vcrmi'il, lauhc de dia|) noir. J'en ai fait faire ini troisième île cuir
bien fort.
— Aviez-\()us l'cpcc de Ficrbois quand \()us fûtes pi'ise? — ()uand je
fus |)rise,je ne i'a\ais point. Je la poilai conslammeni depuis (pie je l'eus,
jusqu'à mon départ de Sainl-Oenis, ajirès l'assaut de Paris. — (hielie liéné-
diction fitcs-vous ou fi tes-vous faire sur elle? — Je ne l'ai ni bénite, ni fait
b(''nir. Je ne l'eusse su faire. — ^'ous teniez beaucoup à cette épée'? — Je
l'aimais l)ien, parce qu'elle avait ('té trouvée ilans l'église de Sainte-Catherine,
que j'aimais bien — N'avez-vous pas quelquefois posé votre épée sur un
autel pour ([u'elle fût plus fortunée? — Non, que je sache. — N'avez-vous
18
i:58
.lEANNK DMIC Jl A CONTRE PAR 1/ IMAGE.
jamais (ail des piirrcs pour ((u'cllc IVil |)liis lorliiiK'c? — Il est hoii à sa\()ir
fine j'eusse nouIu (|uc uion liaïuois iVil iiicu lorluuc. \\i('/,-vous xoli'c
('■|k''i' (|uau(i vous fuies prise":' — Non, j"eii axais uiu' (|ui a\ail vlv prise sur
uu r>oiiL;uii^uou V Saiul-Denis, j'ai olFerl une l'pee el des aiiues; uiais
ee u'élail |)as celle v\)cv '. >
()uan(l la pau\re eul'anl recul à Tours sou arnuu'c c( sou epee axce les
lourrcaux uiai;uili(|ues (|ui l'accompagnaicul, elle ne soupconuail pas (|u'uu
jour ou l'ouderail sur cel ineideni des accusalions aussi p<'r(ides el aussi
Icuai'cs.
d'esl aussi à Tours (|u'( Ile lll faire son (iendard. Elle le dc'eril ainsi' :
« J'avais une hannière doul le cliauip elail seine de lis. l,e monde v elail lii^ur*',
el deux aui;cs, uu de ciia<|ue ciMe. Illlc < lail de couleur hianche, île celle loile
(lu'ou a])pelli' Uoucas'iu. Il x avail eeril dessus, .llu'SUS-lMar'ia, eoniuie il me
semble. Elle élail fran^(''e de soie
— Qu'aimiez-vous mieux, voire bannière
ou \()lre e|>ee?
— .l'aiuiais beaucouj) plus, \oire (jua-
raule fois plus, ma bannière (|ue mon epee
('.'elail moi-même (|ui portais ladite bannière
(|uand je cliai'iicais les euueuiis. Je n'ai jamais
lue personne. »
Tel ('lait, en ed'et, l'eteudard de Jeanne;
clic \)v le décrit (jue sommairement; il faut
aux détails qu'elle donne en ajouter quel(|ues
autres. < )n \o\ait sur cet etendai'd l'inserip-
lion .Ibcsus-Maria, l'imaj^c de Dieu assis sur
les nuées, porlani le Monde dans sa maiu, el
de clia(|ue e('»te uu aui;c lui pi'esentaut uiu'
(leur de lis (|u'ii bénissait. Sur le re\ers, I'i'h'U
de 1 lancc Icuu par deux anges.
.Icaunc s'ciait fait faii'e une autre ban-
nière plus petite, un pennon; on y x oyait
peint le mvstère de l'Annoneiation ; la Vierge
cl l'Anae tenaient uu lis à la main.
Teaiiiu' |)i'('si(l<i cllc-inènic à la eoiifeciion
« J AVAIS UNE IIANMEHK
DONT lE CHAMP ETAIT SEME DE IJS. "
D'après U- liihltMii tle A. Grkixf.t.
1. Joseph Fabrc, Prons de coiidanmaln
2. ihiiU-ni.
TOURS ET BLOIS.
[39
(le son ctciKhu'd. Si les rcprcscnlatioiis fjiroii
nous en ii i^;n'(l(''('s soni (idclcs, l;i composilion
(le (('lit' bannière, la noblesse du sujet, l'har-
moiiie des eouleuis f|ni s'\ \()ient, dénotent
elle/ riicroïne lui i(oi"il loi! |)ni' cl un sens
eslli('(i(|uc reniar(|uable.
.leanne, du reste, rt^clail eelle dislinclion
du goût dans les moindres détails de sa per-
sonne et de sa mise.
I^es eourtisans en étaient dans i'admii-a-
lion, et les dames elles-mêmes l'eussent prise
^()lonliers pour une des leurs, lanl elle a\ail
de gi'àee et de grandeui'.
In jeinie seigneur, Guy de T>aval, expri-
mait eelte impression à sa mère dans une lettic
beureusement eonservée.
H faut en lire le passage sui\ant :
« Et lit ladite Pucelle très boinie elière
(aecueil) à mon frère et à moi, armée de toutes
pièces, sauf la tète, et la lance en main. Et,
après que nous fûmes descendus de selle,
j'allai à son logis la \o\r et lit \cnir le xin, el
me dit (ju'elle m'en ferait bientôt boire à Paris; et semble toute eliose di\in('
de son l'ail, el de la \()ir, et de l'ouir. VA la \ is monter à clicNal arnicc loul
en l)lane, sauf la lèle, une petite baelie en sa main, sur un grand eomsic r
noii- (pii à l'buis (la porte) de son logis se démenait lies l'orl el ne soulfrail
qu'elle montât. \A lors elle dil : ■' Mene/.-le à la croix ■ <|ui clail des an! l'église,
auprès, au chemin. \.[ lors, elle moula, sans (|u'il se mul, counne s'il fût lie.
l'^l lors se tourna \ ei'S l'Iuiis de l'église, ([ui elail bien procbain el dit en assez
douce xoix de femme :
« A ous les prêtres el gens d'église, failes processions el |)r'ières à Dieu. »
« Et lors se retourna à son chemin en disant : " Tirez axant, tirez axant »,
son elendard plox('' ([ue |)oi'lait un gracieux ]iage, el axait sa hache pelilc en
la main.
« Un de SCS frèi'cs, (jni est xcnu depuis huit jours, parlait aussi axcc elle,
tout ai'm(> en blanc.
... " La Pucelle m'a dit en son logis, (juand je la suis aile xoir, (jue trois
Jl'.VNM", l> vue
I)'ii|iirs le t;iliK'.iii (II- rixr\.
{Cil/citinii <lc M. Prieur.)
i4o
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L IMAGE.
J
I >♦! /m/itJ H*rf
CONCESSION DABMOIBIES FUIE l'Ail I.E UOl CII.Mtl.ES VII A JEXNNE U ABC I.E 2 JlIN li2<)
D'<i|H*ès II- iiiiuiii^rrit d'un registre friinçiils iljité tif ij.Vj. {Dihl. liât., n" 5j24.)
Ndiis ddiiiioTis ri-clossoiis la Irailuclidii lilliTalc du lr\lc f^ntlilqiir.
I.
Le prvmicr jour de iiiiiy nul tiijt- eiii<^t-iifuf\
marc d'ariiitii ufij .vc.
De i,a Pucei.le .Iiiunne
/.(■ ij"" jour de juiiff m. iiije xxix le dit Sei^-iieiir
Jioy ayant con/fneii les i>n)eiie.s de Jelianne la Pacelle
et victoires du don de Dieu et son conseil intervenues
donna estant en la ville de Cliinon arnioyries a la
dite Jelianne pour son estandart et soy décorer du
patron </ui sensuict donnant charge au duc Diillcn.\on
et a icellc Jelianne du siège de Jargtieau,
jirciuiri' joui' (le mai 1429,
le marc <rai-yriii à (Iiv-scpl sous.
I)l. I.\ PtCELLE JevSNE
Le dcuvirmr juiii' di- juin 1429. h'dil seifjiii'ur
roy. ayant coium 1rs prouesses de Jeanne la
Purelle ei les \icloires reniporl('es pai- le ilnn
de Dieu <'l son conseil, donna, étant en la \ille
lie Chinon. (.les armoiries à ladite l*iieelle, pinie
décorei" son t'tendtird et «'lle-nième. tloiil le
modèle s'ensuit, donnant au duc d'Alençoii et
à la dite .leanne la cliaf:4<* tlu sié"e de .lafijean.
joins ;n;iiil mon ;iiii\éL' elle ;i\;iil ciixom'c a vous, mon aiculi', nn hii-n |)('tit
annt'an d'or, mais que c'était liicn petite cliose, et (|n'elie vous eût volontiers
enAO\é mieux, attendu l'estime (|u'e!le a |)oui' vous'. »
I. L'aïeule de Guy l't Henri de La\al dont il est parle ici, était la veuve de Du Gucsclin, et c'était
sans doute en souvenii- du giand liomme de guerre que Jeanne avait eu pour sa femme celte attention.
Copyright. 18Ï1S.1
[Par Haipei- Irères.
jE\NNr. i>"\iu: i:sT \HMi':r. chewlieh, a blois
D'apri's le tlesslu de !■'. Du.mont piiliUë dans le IIiirj>cr\s Ma^nizinc.
TOURS ET RLOIS. i43
En lisMiil l'cs lii^iu's, on subit le iiu-inc charme qui" Giiv de Laval. En ceci
cnrorc, «lu l't'slc, ou peut voir conihicu Jt'auuc est toujours restée de son sexe.
Nous Taxons vue douce el lendic pleurer à la vue des blessés, comme nous
la \ errons pleurer encore à la ^ue de ses |)i()])res blessiu'es, ayant, ainsi
que toute femme, hoi'reiu' du saui; ; nous la Aoyons ici avec une grâce qui
eût fait croire, ainsi qu'on le disait anioui' d'elle, Cju'elle a\ail ('lé élevée à la
cour.
Aussi bien il en est de .li'anne comme de tous les liommes tie véritable
génie : ils ont une aptitude universelle cl excellent en tout ce qui est digne
d'iux.
Un autre Irait (|ui monli'c bien encore la fennne, la jeune (ille toujours
pi'esenle en .Jeanne, se lapporle à son séjour à Toui's. Elle s'était prise tle la
plus \i\e aU'ecliou pour la (ille du peinire (|ui lui (il son «'■lendai'd. IMus tard,
([uaiid celle-ci dul se marier, elle s'in(|uiela de lui Caire consliluer' une dot
et lui envo^a un pour|)oiul de xclours <|u'elle leuail du don «le l'un des
princes du sang.
Jeanne quitta Tours, (le ne dul |)as être sans regret, car elle y avait goûté
des joies très douces.
Avec Orléans el Reims, celle vill«' forme une sorl«' i\v trilf)gie sereine
dans la \\v d«' .l«'aini«'. \ ()rleans t«)ule(ois elle ■■ «'Ul ("«)rl à p«iu«'r >■ «'I à
combatlr«'. A lU'ims l'envie lui (il s«'nlii' si's l)ass«'s all«'iules. V Toins, au
«•oulrairc, loul «'sl j«)ie poiu' «'Ile. ( )n dirail s«'s liaucailU's Ih'uries a\«'c la
France doul «Ile allait pr«'udi'e la maiu daus la sienne, pour la conduire a la
X icl«)ir«'.
\ r«)urs «loue rcxicul l'Iiouiu'Ui' cousolaul (l«' resU'r par e\«'ellencc la
xill««l«'s s«)U\ cuirs 'joyeux ili' Jeanne. l'Ius «l'iuie l'ois, aux jours «lésolés delà
eaplivilé, lorsf|ue, abandonnée de tous, persécutée par ses juges, elle vit
«|u'«'ll«' n'axail plus rieu à all«'ndr«' (l«' la justice buuiaiue, l«' c«eur «■! la pensée
«!«■ la l'uceile dur«'ul s«' r«'porler vers ces miU'S. Les j«)ies «lu pass«' n'cmpèclu'ut
pas l«'S «'pr«'uv«'s |)r'es«'nles «l'être douloureuses, mais «-IN'S m«'tl«'nl c«)nnne un
baume sur la bb'sstuc «loul «>n s«m(]re, baume souvcnl plus «'nicaee <|u«' c«'lui
même des r«''\cs «l'a\cuir meilleur, aux«|u«'ls n«)us eouxi«' l'espt'iance.
4^
i4i JEANNE DARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Je (lirai do Blois, comme de Yaiiooiileurs, qu'on a mal compris l'impor-
lancc et la i^i'andciii' des (^(''ncmcnls (|iii s"\ sont accom|)lis poni- Jeanne
d'Arc.
Sa mission a\ail reçu lapprohalion des évèques cl des doeleurs. T>e Roi
aAail souscrit a celte décision; cCtait l)i<'n. Mais (pie de choses restaient à
faire à la l'ucellc, cl combien ces choses ('■laicnl lahoiieuses !
Il i'aul d'ahoi'd et sans délai prendre autorité sur rarinec et ses chefs.
Elle est depuis ini temps lrt>s long en (lcl)an(la(le. Sans doute ou vient de reunir
quelques compagnies, cl Jeanne pou\ait plus tard estimer à dix ou douze mille
hommes le nombre de ceux qui la composaient.
Mais (jue sont les soldats sans la discipline cl la confiance?
Ea discipline ('lait rompue. TJvrés à eux-mêmes, les soldats erraient à
l'avcntin-e et tout oi'dre a\ait disparu.
Xvec la discipline il fallait rétablir ce (pii eu est le soutien. î^e vice s'('tail
fait luie large place parmi cette soldales(|nc. Le pillage et le \ol étaient dcxciuis
comme de droit commun; axcc l'absence de discipline était Ncnue la licence
des nKcui'S.
Enfin, depuis l()nglem|)s hahilnee à la defaile. l'aruK'c a\ail perdu, a\ec
l'espoii' i\ii triomphe, le com-age de combat Ire.
Il fallait en (juel((ues jours remédier à tout cela : ramener l'ordre dans
les rangs, en bannir la licence cl ranimer la conliance tlans les armes
franç-aises.
(hi'on n'aill(> |)as imaginer (juc Jeanne d'Vrc demcuiàl étrangère à ces
sollicitudes : ce serait mal la connaiire.
Le triomphe rcm|)orte sur ses cxaminalcurs de Poitiers ne lui a\ail inspiré
ni orgueil, ni oiihli des charges (|ui rattcndaicnl pour le lendemain. .Fudicieuse
et gi\n(', elle a\ait pre\u tous les obstacles; mais, a\('c la promptitude de son
admirable génie et le secours continuel que Dieu lui accordait par le ministère
de ses voix, elle snOit et en quelques jours avisa à toutes les nécessites.
Elle rele^a d'abord l'autorité du Dauphin, alors si compromise. Il est
frappant i\v voir a^('e (jnel resjiecl elle eu parle devant les chefs et les soldats,
quelles images iugéni(>uses et saisissantes elle emploie pour faire entendre à ces
hommes la vraie mission t\\i Roi parmi eux, la délégation (|u"il a reçue de
Dieu, auquel la Erance ajipartieul en propre, mais (juc le prince possède " eu
commande ».
Ou n'entend |)as d'elle une parole qui fasse quelque allusion aux faiblesses
de Charles, aux lenteurs prolongées et fatigantes cju'il lui a imposées. Non, il
TOURS ET I3LOIS.
',.)
n'est que le « gentil ' Dauphin »,
et comme Jean ne n'est venue que
pour le faire sacrer à Reims,
ainsi l'arnK'e entière ne doit
avoir (ju'inie pensée, ne recher-
cher (ju'un hut : rendre par ses
hitles victorieuses ce sacre pos-
sii)le.
Judicieuse olîservatricc (hi
cœur humain cl hahilc à mettre
en jeu les moindres de ses sen-
timents, elle appelle Charles VII
" le Dauphin >^. On s'en étonne,
on s'en plaint même : " Je l'ap-
pellerai ainsi jus([u'au jour où il
sera sacré ". Il semhlc qu'elle
\cuillc, eu lui doiinanl seule-
ment ce litre, exciter clie/, le
|)rincc le désir de la ro\auté
même, aiguiser malicieusement
l'ardeur des soldats par cette esp('rancc de le l'aire roi et l'ennui (piils
d<iivent ('[irouvcr de n'a\oir à leur tclc (piun prince non couronne.
(hiant an\ seigneurs <|ni cnlourenl celui-ei, .leainic les a dès longlenq)s
jug'(''S. i'Jlc sait leur cgoïsme à l'endroit de lenis propres intc'rèts, rindifrerence
(|n ds cul rel ienneni poni' ceux du prnice.
Elle n'ignore pas les embûches (|ue depuis six semaines ils sèment sur
son chemin à toute occasion, l'ein ie dont ils la poiusnixcnt seerètemcnl, la
défiance (ju'ils lâchent d'entretenir à son sujet et l'ennui (juils ('prouM'iil
du preslige qu'elle s'est déjà attiré.
Regnault de (".hartres l'accompagne à Blois, mais c'est moins pour la
soutenir que pour l'entraver. La Trémoïlle, au contraiie, est resté près du
Dauphin : ce n'est pour autre chose sans doute que pour atténuer dans
l'esprit du prince l'espoir qu'il commence de mettre en Jeanne, la confiance
qu'il accorde à son courage, à sa vertu et à ce qui semhlc di\in dans son
entreprise.
I. Noble Daupliin.
I- ^.^\c.)^ i.i, av. mwa:
D'apri's un mi-ilaillnri d'I-!. DuopsY.
'9
i46
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR I/IMAGE.
'^'^i;^-^>;'5:L''^
n;:
■ ^^:
Mais .Icaniie garde vn elle silencieux ces sentimenis, taiil elle a une
haute idée de l'auloi-iU', unv |)ersuasion foi'le el |)i-()(nnde (|ii'il n'esl poini de
société possil)le. si les sujets ne gardent le respect envers ceu\ (|ui lieiuienl le
pou\()ir' !
Elle (K'fcnd la renommée des courtisans, pour fortifier celle du |)rince
même.
A son exemple, chacun |)armi les chefs de l'aiiiKc icprcnd le lang ipii
lui coinient, et l'ordre renaît |)armi les soldats.
Edic n'excelle pas moins à bannir du i-amp la licenr(>. EJIc inter^■ient
(le sa pcrsoniu' pour en chasser les filles de joie, interdit le hlasphènie el
conxcrtit à cet endroit La Ilire lui-même, qni ne jurera pins fjuc pai- son
" Alartin Bâton >i, erimme le lui a conseille Jeanne.
Mais elle \a plus loin dans cette reforme, el
c'est ici (pi'clle rcNclc pent-ctre une sagesse cucoïc
plus haute, en uk'iuc tcm|)s (pi'uuc foi aussi ferme
([u'cclaircc.
i'.llc n'ignorait pas. eu effet, (|uc le courage
militaire doit axoir dans l'àme du soldai un fon-
dement solide poui' demeurer ferme et ne se
réduire pas seulement a l'élan passager ijui vient
Revers d-im mcdiiillim d'K. Ubopsv. ^\^, l'ivressc (lu couihat.
Elle savait bien (|u'unc âme n'est v. aiment
supérieure aux périls cl a la mort (|u'autanl ([uClle a pris sur l'Ile-uK'mc un
empire l'orl cl diuahlc.
Elle s'inspirait en cela de cet esprit (\u chiistianismc dont elle clail si
profoiulémeut ind>uc et i|ui fait de l'empire sur sf>i-mèine, sur ses passions cl
ses désirs le premier fondement de la vertu.
Les hommes n'entendent pas volontiers cette maxime, et la plupart
d'entre eux estiment que la meilleure manière de vivre consiste à repousser
la contrainte, attendu qu'à leur avis la licence n'est autre chose que la pleine
liberté.
Il faut qu'ils sachent (ju'il en xa tout auti-e-mcnl. Ce n'est pas seulement
la i-eligion, comme on serait tente de le croire, (jui condamne une telle
maxime et en déplore les conséquences; la viaic ])hiloso|)hic et le ferme bon
sens s'accordent avec la religion jiour juger cette gi'axc cricur cl l'estimer
|)ropre à engendrer une foule de maux.
!• \bsti(>ns-toi cl supporte, " tel (''lait le conseil |iréf('M-('' de l'un des |)lus
LES AIOIES DE JEVSXE U AllC
TOURS ET BLOIS.
i47
graxcs parmi les phi-
losophes (le l'anli-
qiiilé. Les hommes qui
parmi nous demeurent
fidèles au\ traditions
des maîties anciens
ne renieront ni cette
maxime ni le |)réceple
de la morale chré-
tienne.
4^
C'est (jue l'homme
est tel, en ellct, (|u'il
ne se domine pas aisé-
ment cl <jue, s'il se
laisse aller sans con-
Irainlc à la pente di'
sa nature, il Iranchil
iné\ilal)lemcnt les li-
milcs du (le\()ir.
l'aulin de Noie,
citt' par Hossui'l, l'ail
à cet endroit une fine
et bien judicieuse ic-
marcjuc : ■ J'ai com-
mis, dil-il, cr (piii
n'était pas bon de l'aire (|uand je ne me suis pas modère dans ce ([ui m'était
pcimis' )'.
(hicl homme de bien dira le contraire cl ipii n'a maintes fois dans son
existence de chaque joui' rccdiniu la grande sagesse de celle maxime?
Qui n'amasse pas disperse, (pii n'économise point pi-odigue son liien.
(hii ne tend |)as au cainu' eu \icnt a la colère et ([ui donne à son cœur
toute libelle arrive à la licence.
JKANNIi I> ARC ri.l:i tl l)V: IA <.Hl',\ AMvRIE
n".i|trf> lin dessin ;i lit siiiii^iiine de Vui.NON. (xvir" siècle, Bih/. iiat.)
I. Quod non crnedic/nU tidiimi diini uou tt'/iint'nt uuod licc/mf.
.48
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Propres ;i toutes les situations, ees maximes ont une spéciale op|)or-
tiMiiU' et une gravité pailieulièi'e pour ceux qui mènent la \ ii' des camps.
I.e désordre et l'extrême liherté des mcein-s ne s'\ i'onl en ell'el
liriiiie place trop large et Irop facile, et le soldat, peut-être pai' ci'la même
(ju'il est esclave de la iliseipline que les hommes lui imposent,
est plus empresse'' de se melli'c a l'aise avec la loi île Dieu cl
les préceptes de la conscience.
C'est au sein de celle licence cepcndani <pu', avec les
mo'urs (jui se ilissolvcnt, s'allic'dil cl disparail l)icMl(')l la \alcui-.
Les caractères s'abaissent, l'image de la pairie perd son
prestige et sa beauté, an milieu de lanl d'objcis oll'cils en
pâture aux passions.
Lue armée vicieuse oH'rc loujours une l'oile |)rise à
I innemi qui raltacjue.
Ainsi pensait .Icanni'. \nssi son cU'orl se porla-l-il de
ce côté a\cc une vigueur (|ui loucliail a l'audace cl cpii
ne laissa pas de siuprcudrt' grandement ceux (jui l'en-
louraienl.
Dès le pi'cmicr joiu' qu'elle passa à lUois, elle s'eU'orça
de faire ciilciidre aux soldats des jxn-olcs tie convei'sioii
cl de |)énilcnce. Sachant cond)icn l'homme respecle dif-
iicilcmcnl la limite ([ui sépari' le licite du défendu, ainsi (|ue nous \v remar-
(juions tout à l'hciuc, elle conseilla, avec la confession, le jeune cl l'abstinence.
Je sais cjuc nous sommes loin de telles pensées et je l'eiai soiuire qnel(|iies
hommes sans doule eu disant ces idioses aussi simplemcnl. Les lieurs scronl-
ils assures d'axoir le bon sens de leur cole"!' (Ui'ils \ songeni cl (|u'ils
repondent.
Aussi bien iu)us a\()ns Jeanne d'Vrc de notre bord, et ce u'csl pas peu
(le chose. Je ne sci'ais |)as étonné (jue de nolic bord aussi se rangeassent,
— en secri't peut-être, mais a\ee con\iclion. — (|ucl(|ues-iuis de nos chefs
d'armée les plus autorisés.
]'ji tous les cas, l'issue de l'enlrcprisc de Jeanne cl l'hcurcuv succès de
son dessein montieni c()nd)ieu l'Ile a\ail ('té sagement inspirée. L'exemple
(in'cllc donne en cette conjoncture à ceux (|ui conduisent les peiq)les et les
armées suflit à établii' l'heureuse cl féconde influence de la \crtu siu' le
courage militaire.
Ainsi fit donc Jeanne d'Are, et l'on ne peut ne pas s'étonner quand on
JKANNE D AKC
D'nprt'S lit statue
lit- yi"" la durlicssc d'L'zês
TOURS ET BLOIS.
'49
songe qii't'llt' n'avait pas encore tli\-liiiit ans à eelte épofjLie. Je ne sais rii'ii de
grand, rien d'étrange aussi comme cette simple et ferme assurance, et je
radniirc encore da\aiilage quand je songe à ceux <pn l'cnlourenl cl dont la
présence et l'éclat devaient, semble-t-il, tant aHaihlir le picstigc dont elle a\ait
besoin aux \cu\ de i'ai'mée.
La reine de Sicile, en effet, iieile-mère du Dauphin, arrivait à Blois en
même temps que Jeanne d'Arc. Le due d'Alençon l'accompagnait, avec
Amhroise de Loré et l'amiral Louis de (lulan. L'archevêque de Reims, Regnault
de Chartres, les suivait aussitôt avec le sire de Gaucourt. Le maréchal de
Boussac et le sire de
Rais, chargés du eom-
mandemcnl de l'armée,
ainsi (|nc La Ilire cl
Poton lie Xaintrailles,
vinrent aLissi.
Quelle place se faire
au milieu de tout ce
monde de la coin? lit
cependant (|ui'llc action
pourrait avoir Jeanne si
de piiine ahord elle
ne s'imposait pai- une
notoriété personnelle ?
La reine de Sicile,
Yolande d'Vragon, si
fortement attachée au parti national, ('tait cxidcnnucnl l)icn\ cillanlc pour
Jeanne, et celte l)icn\cillance pouxail cire de grand appui pour la l'uccllc.
Mais, d'aiilre pari, la prt'sence de celle princesse à Blois, par cela même qu'elle
attirail raltenlion de la foule cl de rarnice en nicnic lcnij)s (prcllc laniniail
l'espoii' de la cite, dc\ail détourner plus ou moins les regards (jui se seraient
portés vers Jeanne.
La présence du duc d' Meiiçon, quoiipic d('siicc par riicroïnc, a\ail pour
clic aussi les mêmes périls.
( hiani à Regnault de Chartres, Jeanne ne pouvait se dissimuler sa soin-de
opposition.
Enfin le maréchal de Boussac et le sire tic Rais a\anl reçu du l)an|)lnn
le commandement de l'armée, Jeanne devait encore dans leur présence ren-
JliANNIi AUMEE CHEVALIKU 1>\U l.E KOI
Gravure tiri-u des Vigiles Je Cliiules VII. [nihl. nul.)
ijo JEANNE D'ARC IIACONTÉE PAR L'IMAGE.
contrer un olislacle, car il falliiit que le commandement lui revint, au risque
d'échouer dans son entreprise.
\Aee lui art plus admirable ((ue celui (|u'elle allail deploxer dans la
ynerre, la \aillante et [irudente enfant sut tout mener à hien mali;re les
mille obstacles qui j)ou\aient l'arièter au dehut même de sa mission. Sa per-
sonne, sa coniluite, ses tliscours, lui lirent en (piel(|ues heures uni' place (|ui
n'était cl ne pou\ail être celle de personne. ( ie lurent les princes cl la icine
([ui tiincnt le second rani; : elle occupa le premier sans l'aNoir and)ilioune,
sans inlrii^ues comme sans esprit de hautiur par le seul ascendant (ju'ellc
prit sui' tous les es|)rits. J.e peuple ne vit ([u'ellc, elle seule fut la lihéi-atrice
de demain et le \crilal)le chef de l'armei' parmi tant d'autres reputc'S fameuN.
(^Hi'on ne dise point (|u'uru' âme i^iandc connue celle de .Jeanne d'Arc
trou\e naturi'llement ce qui échappe au\ âmes ordinaires cl (|uc, sans
longues icclieiches, notre hcioine comprit ce (|u'il comenail de l'aire poin-
s'élcNcr au-dessus des foules, au-dessus lucmc des princes cl des princesses.
Il n'en \a point ainsi, cl si, selon le juste mol de Pascal, « dans une
i;rande àmc tout est L;rand >■, c'est (|uc la résolution cl l'cdorl sont à la
hauteiu' des actes (ju'il faut produire. I .c labeur est la règle des honnnes île
génie connue celle des honnnes ilr facultés modestes, car, |)our " a\oir la
Icle dans les cieu\, ils ont cependaul les pieds par terre j', et sont sujets à
nos faiblesses. — ■■ 1 ,e génie, a-l-on dit, cl cond)icn cette pensée est forte,
n'est ([u'inie plus grande a|)lituile à la patience. »
(Quelle délicatesse n'ajoulail pas du reste à l'action pul)li(|ui' de .(canne
en cette cireonstance sa condilion de jeune lillc si dillicile et d'où dcxail
dépendre le succès de l'(eu\rc de regcncralion (pi Clic r(''\ail. Mais, dautic
pari, (|uel tact |)aiTail ne lui fallul-il pas jiour n'excéder en rien de l'un ou
de l'autre c(')tc !
(hiel xisage conxcnait-il de faiic dexant l'armi'c? De (|ucllc allure
s'axancerait-elle quand, pai'aissant poui' la première fois di'xant les soldats,
elle si'rait l'objet île la i-uriosité unixcrscllc":'
Modeste et timiile, ainsi ipi'il conxient à une jeune lillc, ne passerait-elle
pas poiu- prude":' Sa rescixi' ne serait-elle pas estimée crainte'? El alors quel
chef aurait-on là "?...
Au contraire, xaillante, assuri'C, le front haut et noble, lenlerail-clle de
conquérir de prime saut et de lulle bicxe l'autorité, par ce quelque chosi' (|ui
impose le respect aux hommes quand on parait devant eux sans crainte'? Soit ;
mais alors ne blesserait-elle pas a la fois cl la modestie de maintien qui
TOURS i:t p. lof s.
JEVNXK 1> MIC Eï I.r.S SVINTS CH VMl'ETllp.S
D'npi-i's la |iiinliin' ik- Josil'il AriiEirr dans l'.ilisiili- rlo l'K^llsc Nntiv-Damr-iIrs-C.lliimps à Paris.
convient ;'i un iidolcseent, plus cncoi'C à une iKlolcscciilc, cl celle .■mire
modestie, celle de resjX'il, s;ins l;u|iielle l'Iionime |);isse pour c(''der ;"i roiLiucii
cl éloigne de iui-niènic la juste admiialion (|u'on lui eût accorde s'il eût ele
plus luuiihie ?
Platon a dit (jui' c'est l'ànie (|ui l'ait le corps cl sintout la pli\siononiic :
.Icaruic lui ellc-nième, et sur son l'ronl l'on \il le rellet des dons si rares de
son âme.
La conquête fui du reste rapide, et le jour même de son arri\ee à lUois
elle V rt'ona sou^(■rainenu'nt sur Ions.
Admirons eeltr àmc maitiesse (rcllc-mènic dans la i^Ioirc comme dans
rc'prcuvc.
l'.lle l'était {\\\ resic aussi dans la i;uerre, cl, ni:di;ré son iuipalicnce
d"ai;ir, elle voulul écrire au\ Vnylais, a\ant de les atlaquci', poui' les exhorter
à se retirer sans coup icrii'.
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR I>'1MAGE
Elle leur cinoxii dciie <•(■ mcssii^c (|iic nous icjiiodiiisdiis (Milicicmciil ici :
<( lioi (F Viii^U'terre, et vous duc de HclliforI, (|ui vous dilcs rci-cul (\y\
roxMUMic de l'iMiu-e; Guillaume de l;i l'oidc, comte de SidTort, .Telian siic de
riiidel)ol, cl \ous, Thomas, sire (ri!sc;dlcs, (jui vous dites lieutenants dudil
de liclldoil, l'ailcs raison au lioi du Ciel de son sang royal. Rende/ a la
l'ucille ey eiixoye'e de par Dieu, Roi du Ciel,
les clefs de toutes les bonnes ailles (|ue nous
a\ c/. prises cl \ iolces en l'rancc.
« {■.lie csl \cnMc i\v pai- Dieu, le Roi i\{\
(licl, pour reclanicr le sani; r()\al;clle esl loulc
preste de l'aire paix, si nous lui xouic/. (aire
raison, par ainsi ([uc l'rancc nous mcllc/. sur
endez) et payiez de ce (jue l'avez tenue.
" Et entr(> vous, arehers, eompasjnons de i^iieri'c
g;entils et autres <|ui êtes devant la bonne xille d'Or-
léans, allez-Nous-en, de par Dieu, en vos pays, et si
insi ne le laites, je suis elief de i;ncrre et, en quelque lieu
(|uc j'atteindrai Nosi^cns en i'rancc, je les en ferai aller,
Acuillenl ou non Ncuillcnl; cl s'ils ne ncuIcuI obéir, je les
'crai tous mourir: et s'ils Nculcnt obéir, je les prendrai a
merci. Je suNS cN ncumc de par Dieu, le Roi du Ciel, corps
pour corps, pourNous bouler bors de toute Eranee cnconire
tous ceux (|ui Noudroicul porter Iraliison, malengin
ni donnnage au RoNaume de France. Et n'aNez |)oinl
en votre opinion que vous ne tiendrez mie le
rovaume de l'iauce de Dieu, le Roi (\u Ciel, lils de
Sainte-Marie; mais le tiendra le l'oi Cliarles, Nrai
héritier; car Di( u le Roi du Ciel le veut ainsi et lui
est révèle par la l'ucclle; lafjuellc entrera à i'aiis à
bonni- eompaignie.
« Si vous ne voulez croire les nouvelles de par Dieu de la I\icelle, en
quelque lieu que nous vous trouverons, nous frapperons dedans, et ferons un
si grand carnage que encore y a-t-il mille ans que en France ne fut si grand, si
vous ne faites raison. Et croyez fermement que le Roi du Ciel enverra |)lus
de force à la l'ucclle que nous ne lui sauriez mener de tous aseauK à elle
et à ses bonnes gens d'armes; et aux horions verra-t-on qui aura meilleur
droit du Dieu du Ciel.
ACTIONS DE ClUI.rS :
St.-ilne en marbre j)olyeliromo (i'Ar.i.olAnn
^&ljSÂé^ <* c
TouKs ET nr.ois.
JliANNF. ENVOIE AIX ANGLAIS UN MESSAGE I.EIU ENJOIGNASÏ DE SOKriU DE rlilNCE
D'après la {gravure en coiilcurii de RoGicn, (raprt-s Sergent.
Tirée (le la Col/cctiuit des portraits lU-s f^raiitls hniniiH-s^ Paris, 17X8-1797,. [Bibliotlwijiu- jiatioiialc.)
« Vous, (lue (le l'xlliforl, la I'iktIIc miiis prie cl xoiis i(M|iii(il i|iic nous
ne \()iis failcs pas (Icliiiiic. Si xoiis l'ailcs raison, ciicoïc poiiiic/. Nciiir cm sa
com|)aii;iiic, où (|iic les Français l'croril le plus licau l'ail <|n'onc([ues lui lail
par la clirelienle.
« El faites i'(''ponse en la cil('' d'OrK'ans, si \omIcz faire paix, cl si ainsi
lie le failcs, de aos l)icn grands domniai^cs \oiis sonxienne hrièxcmcMl.
(' Escril le mardi de la semaine sainl<'.
« I )e par la l'iicelle. »
Au procès (le Rouen on inlerroi;ea loni;uemeiU l'Iiéronie sur c;'lle Icllre.
« Voici, lui dil l'un des jui^cs, en (|uels lermes vous ave/ ('cril au Roi,
noire sire, au i\ue de Bedlorl, e( à d'aulres. I ,a icconnaisse/.-vous ?
• — Oui, sauf Irois mois. \u lieu de " rende/ à la l'ucclle , il liiul :
à
JEANNE n'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
i< rendez au Roi ». Les mots " chefs de guerre » et « corps pour corps »
n'étaient pas dans la lettre que j'ai envoyée.
— N'est-ce pas un seigneur qui vous a dicté cette lettre?
— Aucun seigneur ne m'a oncques dicté cette lettre; c'est moi-
même qui I ai (liclce a\anl de l'envoyer; il est \rai que ji' la mon-
trai à ({UcIqucs-UMS de mou parti.
— l'.st-ce <pie NOUS |)cnsez, contiinu^ i'inici loi^alcur, (pi'il
i>«K^. arri^cra mal au\ \uglais?
— \\aul (ju'il soit sept ans, les \nglais laisseront encore
un l)icu plus grand gage qu'ils n'ont fait devant Orléans,
ils perdront tout en France.
— Que voulez-vous dire?
— TiCS Anglais é|)i()n\('ront en France |)Ius grande
perle (|u"ils aient eue oncques et ce sera par grande
xicloii'c (juc Dieu cu\crra au\ Français Je sais
cela par révélation aussi sûrement que je vous vois là
dc\anl moi. »
Selon la lemarquc de plusieurs auteurs, cette lettre,
datée du mardi saint (22 mars), ne fut adressée (jiu- près
de deux mois plus tard aux Anglais. Outre (jue ce délai
de l'envoi ne réjiond guère à la prestesse ordinaire de
^^^gj^tt^"^^^ Jeanne, il donne à penser (|ue les chefs la gardèrent
ifl^^^K^ -'--■ comme un message à eifel, dont ils tireraient paili,
HHBL l'occasion faxorahle se j)rescntaut.
Quoi (|u'il en soil, cette lettre de Jeanne aux
Anglais ne ressemble point aux autres conservées d'elle,
et l'on s'explique qu'à l'époque de son jugement elle
n'ait ])as reconnu comme authenti(|ues ])lusieurs des passages (jn'clle con-
tient.
Les Anglais la reçurent avec fureur; ils insultèrent grossièrement Jeanne,
et retinrent prisonnier son envoyé, avec le dessein de le mettre à mort.
Pendant qu'on achetait les derniers préparatifs matériels, Jeanne pour-
suivait avec une activité non moins grande la réforme morale de l'armée.
Elle avait fait venir un granil nombre de prêtres et de religieux, et sans
discontinuer ils entendaient la confession des gens d'armes.
Elle-même se tenait fri'quemment et longuement en prière dans l'église
du Saint-Sauveur.
«In^I
JEANNE PACIIMCATRICE
D'après la statue de Ciiampigneulle
poiii" le niouuiiient t\v Bennont.
TOURS ET BLOIS.
i55
ClVst à Blois aussi (iircllc iil fairi' un nouvel étendard, un [icu (lifluienl
(le son étendai'd de sruerre.
Elle y fit l'eprésenter l'image de Jésus crucifié.
Elle avait toujours eu mie grande dévotion pour le crucifix, cl l'on sait
que c'est le seul sou-
tien qu'elle réclama
sur le bûcher. D'autre
part, le vocable de
l'église du Saint-Sau-
veur où elle réunissait
les soldais, à Blf)is, lui
ins|)ii'a pcut-clii' aussi
cette décoration de
son ('■Icndard.
(l'est un sou\cnir
honorable de plus
poin- la cité blésoise.
Enfin c'est dans
celle même éelise
qu'elle fut faite cheva-
lier cl iccut l'armure
de guerre. On sait
combien étaient "ra\ es
cl louchants les détails
de celte cérémonie,
à la fois religieuse et
L lil'lili UE I..V rilASCE
D'itpi-i's la gravure de Le Blond, (xvir siècle, Bihl. iiat/
gucnieic.
Celle où Jeanne
d'Arc reçut celle sorle
de conséiralion mili-
laire dut être fort émouvanle, cl il csl à regretter qu'aucun sou\( iiir ne nous
en ail été gardé par les chronicpicurs.
Ouelques restes demeur<'nl Au clHcur di- l'c'glise du Saint-Sauveur dans
laquelle cette cérémonie eut lieu, a iilois. IMusieurs immeubles enserrenl ces
ruines vénérables. On assure (juc (|ucl(jues hommes de cœur et île foi songenl
à en faire l'aequisilion. Nous souhaitons vivement que ce louable dessein
reçoive exécution.
:j6
JEANNE D'ARC RACONTÉE PMÎ l/IM\GE.
Toul ('liiit prêt. L'armée quitta Blois le 28 aMil pour aller à Oilrans. Elle
elait piéeedée de prêtres et de religieux portant des eroix et des l)aiiiiières et
eliaiilanl des psaumes au\(|uels répondaient les gens d'ai'mes. Aux psaumes
on ajonlail un verset du ]'ein' Creator.
L'Iienic lanl désirée de la i'ucelle elail enfin \enue. Sa longue épreuve
prenait fin; elle allait pouNoir déplo\er librement son étendanl, voler à
Orléans, donner au Dauphin, à la eour et aux doeleurs le « signe » (|u'on lui
a\ait tant de fois demandé en |)reuve de sa mission et <|u'elle-même avail
promis avec une sérénité si grande, une espérance si fière et si ferme.
A la soilie de Blois, le front de la l'ueelle devait être radieux, son allure
inspirée et nohie. Sa liaquenée, eomme intelligente des sentiments de lliéroïne
([n'elle porlail, devait mareliei- d'un pas alerte et déjà vain(|ueur. Les yeux
(le Jeanne de temps à autre s'élevaient au eiel en prière d'actions de grâces
pour le passé, en silencieuses supplications pour l'avenir.
I.E DEPAKT DE JEANNE
D"ai)rfs la statue d'ÀRMANu Le Véel.
L\ vn.Lli u'dUl.KANS DE l4-î8 A l4'-!i)
D'après une rfi-onstitutioil l;iiti- p.ir M. Llsill, arcliitii-tc du GouvL-nicmcnt.
OKLEANS ET REIMS
DKI.IVRANCF, n'OlU.ÉAAS — SUR LA ROUTE DM REIMS
EE SACRE DU ROI CHARLES VII
ï;:î:|l|i|i!||j|lljpi,|.;i!iii
"|"F, \>^F, voulait se icikIic (iiii-L'U'int'iil a ()i-
*' k'aiis en siii\anl la ii\i' droite delà Loire.
Elle n'ignorait pas (jiie ce |)avs élail oeeupc par
l'arniee anj^laisi', et (in'on aurait, en prenant
celte Aoie, à passer sous le feu de ses bas-
tilles. Mais elle assurait <jue Talhot et Sufl'olk
céderaient à l'ellort de notre armée el (ju'on
arri\('rail <|uaMd nK'ine.
Les chefs ne se laissèrent point aller à
cet enthousiasme el se dirigèrent par la rive
gauche. Ils évilaienl ainsi les Anglais, dont le
lleuve les séparerait, et comptaient de cette
manière arriver plus sûrement.
Aussi bien les secrètes pensées de plusieurs
d'entre eux se laissaient voir en cela, el l'on
put comprendre (juanlant il leur semblait opportiui de faire usage de
rinler\ eiilion de .leanue el du prestige (ju'elle exerçait sui' l'arniee poiu'
seconder leur pL'0|)re action, autant ils étaient résolus à ne lui accorder
LA VIIillGE LORRAINE
D'ii|)rfs une gravure de Chadowicki.
i58 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
poinl le commandement en chef et la suprême tlirection des opérations.
C'est pour cette cause qu'ils la laissaient libre de réformer les mœurs de
l'armée et de donner carrière à son zèle pieux. Cela leur était à secours. Mais
dès le premier jour nous les voyons tenter de tenir conseil en dehors d'elle
et de prendre leurs résolutions sans la consulter.
Dans la conjoncture présente, Jeanne, qui ignorait la idéographie du |)a\s,
se laissa induire en erreur et suivit la rive gauche de la Loire. On lra\ersa
ilonc ce fleuve par le pont de lilois, on passa de\ant Beaugency et Meung, sans
que l'ennemi, qui ne se sentait |)as eu force de ce côté, essa\àl d'arrèU r
l'armée, et l'on arrixa à ()li\et, sous Orléans, derrière le camp des Anglais,
élahli sur la rive gauche.
En chemin, on passa la nuit, et Jeanne, pour la première fois, coucha en
rase campagne et sans (|uiller son armure. Elle en éprouva ([uehpic soullranee;
mais au lever elle reprit \aillammenl la route, comme si la nuit eût été bonne
et de ])lein sommeil.
En arrivant sous Orléans, Jeanne s'apcrcul de l'i irein- en la(|uelle on
l'aNail induite, et s'i'ii plaignit a\('c (juchpie aiiicrUnne. C.r lui hunois (|iii
poila le poids de son dt'plaisir. Il a raconte la chose an procès Ar rehahilila-
lion; nous avons cité ce passage de son témoignage.
Ji'anne, après avoir gourmande Dunois, ne songea plus ([u'à rc'parer la
faute (pi'on avait commise eu agissant contrairement à son dessein. Comme il
fallait donc faire par\enir an\ ( )rl('anais, au travers du nemc, les ^i^rcs (|u'on
avait apportés, on pensa à fairi' \cnir tics bateau.v d'Orléans \ers la ri\fou se
trouvait l'armée.
Malheureusement le \ent ('tait coiilraiic. Mais Jeanne assurait (|u'il n'en
fallait avoir cure, et que tout à l'heure le vent ehangeiait de direction : ce (|iii
arriva.
Écoulons Danois raconter cela : « Tout aussilôl, dit-il, et comme
instantanément, le vent qui était contraire, et (pii rendait fori difficile (|ue les
bateaux oîi étaient les \ ivres |)ussent remontei' le (Icuve dans la direction
tl'Orléans, tourna et devint favorable.
« En conséquence, les voiles furent tendues immeiliatement. J'entrai
dans les bateaux et avec moi y entra Nicolas de Giresme, aujouid'hui grand
prieur de France. Nous longeâmes l'église Sainl-f^oup, et nous passâmes outre
malgré les Anglais. Dès ce moment j'eus bonne espérance de Jeanne, plus que
je n'avais fait jusque-là — »
Voilà donc le cou^oi de vivres en sûreté; mais il fallait aussi faire |)asser
ORLÉANS ET REIMS.
iSg
l'armée, et comment l'aurait-on pu aux regards et sous le coup de feu des
Anglais?
Les chefs proposaient de retourner jusqu'.à Blois, d'y repasser le pont et
de revenir par la rive droite de la Loire jusqu'à Orléans, (l'était reconnaître à
nouveau la sagesse de l'avis premier de Jeanne. Mais il était trop tard, et il en
coulait à celle-ci de sembler l'cculer devant l'ennemi en reprenant le che-
min de Blois, d'où l'on menait.
Cependant Dunois pressait Teanne de Acnir avec lui à Orléans. Depuis
le joiu" où il
leuravail parle
d'elle et de son
arrivée à Chi-
non, les Orléa-
nais s'<'"taient
pris d'enthoM-
siasme |)our la
Pucellc. On
commentait les
prophéties (|iù
semhiaien I
l'an noncer ,
on se répétait
les propos de
l'héroïne, et, "''"'
comme le font
les hommes après a^()ir longtemps desespéré, on reprenait csjjom' a\('c acIk'-
menee et l'ardeui' du peuple lournail au délire.
Sans doute, Jeanne xciiait déjà de répondre à leur attente en leur faisant
parM'uii' des vivres; mais ce hienfait n'elail rien aupi'ès de sa j)résence.
C'était Jeanne qu'on voulait voir, sa voix qu'on \()idait ententlre.
Dunois insista donc j)our emmener Jeanne jusqu'à la ville. La Pucelle
résistait; elle ne voulait à aucun prix, disait-elle, laisser seuls des gens si bien
préparés et qui, en son absence, se croyant peut-être délaissés, pourraient
modifier leurs bonnes dispositions.
Dunois s'adressa alors aux autres chefs; il les supplia de n'emmener point
Jeanne avec eux, mais de la laisser, de regagner Blois et de venir la rejoindre à
l'autre rive. Ils y consentirent et Jeanne se décida alors à suivre Dunois jusqu'à
SIEGI-: IJ OKLli.VNS
muiiitliirc il'iiii ninniiscrit iranç.-iis " I^es Vigiles ilf ('.liiu-lL's \ Il n.
(iiité lie 1-(S',. [Hîhtintlit-ffuc ruitionaU.)
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Oi-h'iins. INIiiis, ol)Iii;('c (ral);ni(I<iniicr niomcnhimmciil les siens, elle
leur l;iiss;i l;i lumninc aiiloiif de liUjiielle ils iivaicnt eoiilume de
)ricr: {'Ile It-iir laissa aussi son aitmôiiicc Jcim Pasqiierel avec
les prêtres qui l'avaienl aecompa^née depuis lilois, el Iraversa
la Loire en haleau, avee Dunois, T.a Ilire et (\cu\ eents lances.
Ils alleii^nii'ent la rive droite.
Sur cette live les Ani;]ais n'avaient qu'une
seule bastille, dite de Saint-T.oup. Pour leur
ùter toute idée d'essayer d'empcciicr Jeanne
et sa petite troupe de |iasser, les Orléanais
sorlirenl en masse et assail-
lirent la hasiille. Ils en rappor-
tèrent même luie hanniêre.
Cependant le eomoi de
vivres pouvait être déchargé.
Quant à Jeanne, elle se tenait
dans la campai- ne avec Dunois, La
Ilire et les (\vu\ cents hommes. On
avait, en enel, ic'soln de ne la faire
(iilrci' dans la ville (|ue le soir: on
cùl icdoulc pendant le joui' (|ncl<|ue
mêlée InnudUicnsc de la part de la
foide, tant celle-ci l'allendail avec
un eutliousiasme impatient.
Elle V entra le soir i\u 2(1 avril, vers hnil hcnres. Elle ('lait armée de toutes
pièces v\ monicc sur son cheval Manc Sa bannière la précédait. Dunois
l'accompa^iiail en coslume de i;ala, cl un eerlain nombre de seigneurs, des
gens d'armes et (|ucl(|ues boin-geois d'Orléans lui ioiinaicnl cortège.
La foule si- précipita à sa rencontre. Chacun voulait lui baiser les mains cl
la toucher-, cl (piand on ne le pou\ail, on làchail de loucher sa monture. Ce
n'étaient (pic cris de joie, exclamations d'espoir et de triomphe, beaucoup
d'entre cu\ portaient des torches, et l'un des assistants faillit avec la sienne
mettre le feu à la bannière de Jeanne.
Ils (lovaient, disaient-ils, voir Dieu en la personne de Jeanne. Ils se
sentaieni tout réconfortes et " comme ilésassicgcs >■ par la vertu divine (|u'on
leur avait dit être dans cette simple pucelle.
Quant à Jeanne, elle recevait tous ces hommages à la fois avec modestie
« EN AVVM
(HT KST NOTRF.. »
Statue rqufstpo de MM. M. MonEAu et 1*. I.k ^TonDKz
{^Appartient à la Société tics Foniicries du l'ai d'Osne.)
s
(:i»|)yn^;hl, 18».",] [l'ar llnr|i.r, iVèrc^.
sors i.r, FOUT des kh unki.i.f.s
D'itpivs \o l^^'^^ill (II' I'. DuMONT, ])iililir iliiiis \c lltir/H/'s Maîjaziiic.
ORLÉANS ET REIMS.
i63
(■( t'iiiolioii ; clic lie cacliail pas la joie douée qu'elle en ressenlail, mais n'eu
liiail aueune i^loire pei'soniielle. Celle altitude ne faisait qu'aeeioilic l'eiilhoii-
siasme et elle eut graiid'peine à i^agner la maison de .Taeques Boueher, trésorier
du due d'Orléans, près de la |)orte Bannier. Elle y fui reeue avec ses deux
frères, qui poiu- eelte fois ne songeaient j)as à la ncner; Jean de Metz et Ber-
trand de Poulengy, ses deu.v eompagnons de loute enlre Vaucouleuis et
Cliinon, lesquels toujours fidèles a\aienl leur plaee mar(piee en ee picmier
triomphe de Jeanne, se tenaieni aussi près d'elle.
Les tristes juges de Rouen de\aienl lui faire grief de ces iiicidcnls, lous
LES I.NCEIMKS DE t.\ VII. Il; DOKLUVNS
D'.nprrs un ancit'ii ]>I;iii.
les |)relc\les leur étant hons poui' arriver a perdre celle dont ils a\ aient a
l'axanee résolu la condamnation. — « Ne eonnaissiez-vous pas les sentiments
de ceu\ de votie parti (juand ils vous baisaient les pieds, les mains et les
vêtements? — Beaucoup d'eux me \o\aicnt volontiers, repond .Icaniie; cepen-
dant ils me haisaicnl les mains le moins (pie je pouvais. Mais venaient les
pauvres gens volontiers à moi, parce ipic je ne leur faisais point de déplaisir
l'I plutôt les supportais à mon pouvoir. »
A partir de ce jour, Jeanne d'Vrc était dcveinie le chef réel de l'arnK'c.
Ses adversaires cependant n'avaiciil pas renoncé eom])lètement à leurs senti-
ments de basse jalousie et devaient plus d'une fois encore tenter de l'éloigner
des conseils du Dauiiliin cl d'agir sans elle; mais le peuple l'avait consacrée
par ce triom[)lie et la première place lui appartenait désormais sans conteste
possible.
Ici, devons-nous entreprendre de raconter avec détails les ('■vcnements
de la délivrance d'Orléans? La trame en est assez compliquée, et s'il est labo-
i64
.ii:a?snk j)'AH(: iiu;()>tkk v\i\ i.imvck.
l'it'UN pour riiisloi'icii de Li iuclli<' en pleine liiinièic, il ne ICsl i^uèi'c moins
|)Oiii' le Icciciii' (le le siii\ ic en ce dédale.
Aussi bien, (jue \oulons-n()iis voii? Jeanne, el elle sniloul. Son fail cl sa
personne disparail raient faeilemenl au milieu i\i\ Inniulle des ('vénements el
(.In yi'and nond)re de eenx qui \ pretnieni pari.
Il nous a donc paru plus opporUni de demander a (|uel(|nes-nns de eeux
f|ui la sni\ireul pendani ces (|uel(|ues jours, de nous eommuni(|uer leurs
souNcniis.
\\vc eux nous sui\ rons la l'ueelle comme pas à pas; nous ^(■rrons mieux
ce (|u'elle lui a Orléans, el
dans (|uels seulimenls elle
^'f' eonduisil ee lail d'armes, le
lus UrillanI de sa l)re\c el
I)
I ) aulre pari , le calme el
ii^- f! la uaiNcle du recil (lucnons
oui ces lemonis prou\e
|,j d'une manière louclianic la
ç*-i' sincérité de leur lemoii;nai;e.
^"^■. adunrahie cari'iere.
D'.ijircs iii niiiiiiitiin- (l'un inaïuisci-it llMliriûs ttii .w" sit'clc.
(^/îiOtiiil/u'f/in' natiiifififf. ,
( .es i;randes choses i;ai;uent a
être dites simplement, sans
empliase cl m(''me sans son-
i;t'r a la louaui^c rormelle. Trop souvent le pauci^v r'iste se i^ninde, ou du
moins se hausse el s'eidle, a\ec sincérité i\[[ reste, par le lait de l'admiration
(|u'il ressent et plus encore peut-être par le l'ail de celle (pi'il \eul inspirer- au
lecteur. \u fond le sujet \ perd en L;randeur et en \('rite.
Laissons doue, louchani ces i;ra\es e\euenients d'( )rleans, la parole aux
amis de .leanue d'Arc, a ceux (|ui l'oul \ ne ai;ir, entendue parler, el (|ue de
leur discours lo\al et autorise la lii^nre de l'IuM'oïne appar-aisse à uosncllx en
sa elarté pure et en sa sereine i^randeur.
J'A'Oulons d'abord le pai^c de Jeanne, Louis de ( .ontes.
" A Oi'leans, Jeanne fut loijce dans la maison du trésorier de la \ille, eu
face la porte liannier. Il me semble mémi' (jne dans celle maison elle recul le
sacrement de l'Eneharistie.
" T.e lendemain de notre entrée dans la ville, Jeanne alla trouver le sei-
gneur Bâtard d'Orléans et |)arla a\ec lui. Au retour, elle était fort courroucée,
parce que, disait-elle, on a\ail décide' fpi'il n'y aurait pas d'atta([uc ce jour-là.
ORLÉANS ET REIMS.
« Néanmoins elle ;illa a
un houU'xartI des Anglais
cl, pailant au\ Ani^lais fjui
claicnl dans le l)()nl('\ai(l en
l'ace d'elle, clic Icuf dit :
« En nom Dieu, relirez-vous,
' sinon je vous chasserai ».
L'un d'eux, appelé le Bàlard
de Granville, lui dit plusieurs
injures : " ^ eu\-lu donc, lui
(' criail-il, que nous nous
" rendions à une feinmi-? »
Va il hai(ail de mescréans
les Français (lui claicnl
Wi:/. UON t;(>LLK. \Ul.s AlKl.Z I.V UVMlLI.l: MHS ItUl.r IJI.I.Al.
lias-relief" de roYATlEn. [Mtiscc Jeanne d'Arc, à Urléiiiis.)
a\('c elle.
" Sur ce, JeaiHie rc\ lui
à son loi;is cl monta dans sa cliauduc. .le cro\ais ([ircilc allait dormir, lors(|nc
I
il;
pres(|uc aussitôt elle descendit cl nie dit : " Ha: sanijtanl i;arçou, \ons ne
i' me disiez pas (|uc le saiii; de l'rance l'iil répandu •■ . lin même temps, elle
m Ordonna d'aller (jucrir sou cliexal.
" l'endanl (|uc j'\ allais, elle se lit armer par la dame Av la maison cl
sa fdie. A mon retour, je la trouvai déjà armée. I^llc me connnanda d'aller
clicrclicr aussil(')t son étendard (jui clail reste- dans sa clKunhre; et je le
lui passai par la l'euèlre. L'eleiidaid une l'ois dans sa main, elle partit
au i;alop \crs la porte de llourgoijne. " Coins après elle ■, me dit l'hôtesse.
Ainsi lîs-je.
" Il \ avait eu ce moment une esearmouclie \eis la bastille Saint-Loup,
cl dans celte cscaranouclic le houlevard l'ut piis.
1' lui route, .leainie reucoiilia (|nel(|ues Français Messes, ce qui la làclia
beaucoup. Pourtant les \ui;lais se prcpaiaicnt à une bonne défense. .Icauuc
s'axanca contre eu\ en liàlc. Vnssit(')t (pr'ils l'aper-curenl. les Français se mirent
à pousser de grands cris, cl fut prise la bastille Saint-Loup.
■ Le soir, Jeanne \int souper dans sou h(')tcl. iJlc était 1res sobre.
Bien des fois, eu toute nue journée, elle n'a mangé (|u'un morceau de pain.
J'admirais qu'elle mangeât si peu. Lorsqu'elle restait chez elle, elle mangeait
seulement deux fois par jour.
(' Le li'ndemaiu, \ers ti'ois licurcs, les hommes d'armes du Uoi passèrcnl li'
iG6
JKVNNE D'VUC U VCONTKK JVVR l/IMA(iK.
llciiNC pour miU'cluM' coiilrc la hasiillc de Saiiil-.lcaii-lc-lUaiic, ([u'ils piiiciil,
ainsi ([iic la hasiillc des Aiiguslins. .Icamic passa la Loire a\cc eux. .['(Mais là,
lui iiai'Ianl. ( )n
iculra a ()il<'aus,
cl .Icauuc coucha
ilans sou IkMcI
a \ ce (|uc 1 (|ucs
Icniuics, selon son
lial)ilu(le. (:lia([ue
nuiu aulanl (jue
possible, elle a\ail
inu' i'ennne pour
eonipai^ne de lit.
(Miaud elle n'eu
pouxail Irouvcr,
en i^uenc et en
eanipai;ne, (Ile
eoueliail loul lia-
hillee.
" l,e jouf sui-
'i \anl, niali;i-e l'op-
position de plu-
sieurs seit;iieurs
(| u i I l'ou \ aient
(| u (d le \ ou la i I
mettre les «jcns du
l'ioi eu i^i'and pc'-
ril, .Icamu' fil ou-
M'ir la porte ào
r>our<^()i;iie, ainsi
(pi'uue pelile porte
sise près de la
grosse toui-, et
passa l'eau avec les liommcs d'armes pour aller allaquer la hastille du pont,
que les Anglais IcnaienI encore.
" T>à les gens du Hoi restèi-ent en aelion depuis la première heure jusqu'à
la nuit. Jeanne fut blessée cl l'on dut lui ùUr son armiue pf)ur la [lanseï'.
I. AKAllili UU ROI ASSlliiit L\ \II,LE I) ORLEANS
D'aprt'S la iniDiature d'un manuscrit français du xv" siêclu.
ORLEANS ET REIMS.
167
JIUSNF. AU COAIBVT
D'ajU'i'S iitl l>as-rclifi cvi-ciitr par (lois en 180/,: actiicllenn'iit à Ol-lcails.
« Aussitôt pansée, elle s':iiiii:i de n()u\c;iii et ;ill;i ;ncc les jiiilics ;'i rnllaquc
cl il l'assiuil.
" \\c/. I)<)ii ('(rue, Iciii' (lisail-cllc : ne \(iiis l'clircz pas; nous aiirc,' la
l)aslillc sous l)i('l'(lclai. '•
l^llc ajoiitail, à ce (|iril inc scmlilc : ■ (hiaiid yous \cric/. (|iic le ncmI
pousse les haiinièros \eis la hasiille. elle sera à \()iis ».
« Tanl V a fju'oii elail siii' le soii' cl <|ue les ijcns du Uoi, \()\aii( ((u'oii
n'a\aueail |)as el (|ue la uiiil elail pioche, coinnuMicalciil à descspcicr de la
prise de celle hasiille. Jeanne |icisislail (|uaiid incine cl piomcllail (pie sans
l'aule 011 aiiiail la hasiillc ce joiii-la.
" Sui- son assurance, on se disposa à un dernier assaiil. ('elle fois, les
\ni;lais eessèrenl U)ule l'csislaiicc. i.'cpoin aille les saisit el prcs(pie Ions f'iircnl
iioves. I)e\aiil celle snpi-ènic alhupie, ils n'a\aienl pas mèiiie elierclic à se
défentlre.
» \a' leiideniain, lous les \nglais (jui elaienl à Orléans se relircrenl a
]>eauL;eney et à Nevers.
c< ...T.e jour du eonilial \eiiu, les Anglais déeampèreiil de licaiii^ciicx .
Les gens du Roi de se nicllic a leurs Irousses en compagnie de .leaiine.
I^a Ilire eonduisail ra\aiil-gai(lc : di- (pioi Teanne fui fori coniraricc, car
elle désirail lieaucouj) avoir la charge de l'avant-garde. l>a Ilire loinha
sur les anglais. On se hallil el la Aicloirc fui à nos lionimes. I*res(pic lous
les ennemis furent lues.
« Jeanne, qui était 1res eoinpalissanle, eut grandi' pilic crune lelle hou-
elierie. Voici un Irail ipii le prouve. Un Français qui eonduisail (pielques
Anglais eaplifs venail de frapper l'iin d'iux à la lète si forlenieni, (pie riionniie
[68
.IKANAF. D'MU: lîVCOXTKi; I' V II LTMVr.R.
loiiilia i-omiiic iiiorl. \ celle
MIC .leimne (lescendil de
<'li<'\al cl lil eonfesser l'Vii-
i;lais en lui soiilcnaiil la lèle
cl en le eoiisolani selon son
|ion\oii'. M
.Ican l'as(|nerel, l'ainiio-
niei- (le Jeanne, (|iii l'aceoni-
|iai;nail pailonl, nons doiuie
en sa deposilion <(iiel(jncs
delails (jui eoni|ilelenl le i'('-
eil (In |>ai;c Lf)nis de ( '.onles.
I.n lui, l'obseiNaleiu-, ou le
\oil, s'esl place à nw anire
|)oiul (le Mie el eonsidiTe
pailieuliei-enieni en .leaiiue
le e(')le surnalnicl.
Son reeil, l'or! simple,
eouune celui du pai;c. nous
nionli'c CM Jeanne la \ ier^c
pieuse. Il nous dil aussi à
(pielle source loujoiirs l'c-
nouxclec par les prali(|ues
ehrelienncs elle puisail le eouiai;e de hiller el la l'ofcc i\v \aincre.
• Le lioisienie jour, dil-il, on aiiixa a ( )ileans ( hiani a moi, sur l'ordre
de Jeanne, je relouruai a lUois a\ec les pr("'lres el la hannicic. l'eu de jours
après, a la suilc d'une ([uanlile d'Iionunes d'armes, je re\ins a ( )rleans, par la
lieauce, a\ec la hanniere cl les pr(''lres, sans aucun emp('cliemenl. \\anl \u
noire arri\ee, Jeanne se icndil an-de\anl de nous, el nous enhànies tous
eiisendile dans la \ille. Il n'\ cul aucune résistance; nous iniroduisimes des
\ i\ res sous les \ eux m(''mes des \ni;lais. ( i'elail là cliose mer\ ci lieuse. Les \ni;lais
claicnl en i^rande puissance el en grande mulliludc, evcelicmmeiil arm('S el
|)rt"'ls au comhal ; el ils s'apercex aieni Lien (|ue les j^ens du Roi f'aisaicnl maiijrc
lii;ure \is-a-\is d'eux. Ils nous xoxaieni; ils enleudaieni clianler nos prèlres
au milieu clescjucls j'clais, porlani la i)aiinière. l-li Lien, ils restèrcnl tous
jk.vnm: 1) abc au sik(;i; u dbi.i-ans
CiiiviMC il'Alui urAM l'.dssE, «l'.ipivs \ icxux, peur In Piutllc ik- Ciiai'Elai
1. Josepli Fal)if. Pnici-s dv i-tliuhiHtatiuii. l. I. p. 221 i-t suiv
&'nÂe-e-- 't-'U(?///A//a/<' /-/y^- ,_.^a,nf
Z/-*nft . lS(- ff^Mmarî^.'
ORLEANS ET REIMS.
169
iinpassihU's, t>l ni pi-èli-cs ni liommcs d'armes n'eurcnl a snhir an< une alla(|ue.
« A peine elions-nons à Orlc'-ans, que, pressés par Jo-anne, les hommes
d'armes sorlirenl de la \ille pour aller allaquer les Anglais e( l'aire l'assanl de
la bastille de Sainl-Loup. Ce jonr-là, d'anlres pr-èlics el moi nous nous
rendîmes, l'après-midi, an logis de Jeanne. Au momenl ou nous ai-rivions
nous l'entendîmes qui eriail : << Où sont eeux qui me doi\enl armer? Le san"-
« de nos gens coule par (errey »
« Avant été armée, elle sortit préeipilammenl et eomiil a la hasiille de
« UN NOM DIEU, m; TIllK/.-VOlS, OU JE VOUS CHASSEHAI ! »
D'ajn-fi (II) dessin de Vai.entini.
Sainl-Lou|), ou a\ail lieu ralla(|ne. l'.n roule, Jeanne renconira plusieins
l)less(''s. Elle eut une 1res giande douleur.... Il y eut la beaucoup d' \nglais mis
à morl. Jeanne s'en afdigcail beaucoup, parce que, disail-cllc, ces pau\res
gens a\ aient été tu('S sans confession, el elle les plaignait i'oil. -
A la ^ue de eclle morl iMO|)inee, Jeanne s'cHraxail, cl sa délicate
conscience s'inquic'Iail poin- son propre salut. « On ne peut jamais trop
nettoyer sa conscience ■■, disail-cllc sans doute comme à lUnien. cl « sur
place, eonlinue Jean Pas((uerel, elle se confessa à moi. En même Uinps, elle
me prescii\il d'a\crlir |)nbliqucmcnt tous les hommes d'armes de confesser
leurs pèches cl de rendre grâces à Dieu pour la \ic(()irc obicnuc, sinon
170
JEANNE D'AllC RACONTEE PAU I/IMAGE.
elle ne les ;ii(lcr:iil plus cl ne l'ostciMil plus nièuic en leur fompagnic.
« Le soir du même jour, fiant en mon logis, Jeanne me dit que le
lendemain, «jui elait le joiu- tle l'Ascension de Notre-Seigneui', elle s'abstien-
drait de guerroM'r et de s'armer par icNerenee de cette fête solennelle, et que,
ce joiu'-là, elle voulait se confesser et eommuniei'. Elle le fit ainsi. Elle
ordonna même (|ue nul ne pensât à sortir le lendemain t\i' la \illc, cl à allci-
alta(|ucr ni faire assaut, qu'il iic se fui prcalahlcmenl confessé. I*>ilc ajouta
(ju'on j)ril garde cpie des femmes dissolues ne lissent |)artie de sa suite, car,
à cause de leurs ])ccli(''s. Dieu pcruiclhail <|u'ou ail le dessous.
« C'est en ce jour de 1' Vscensiou tjuc Jeanne ccii\it aux \nglais i-etran-
eliés dans leurs hastilles T. a Ictirc une fois cci'itc, elle prit luu' llèdie,
allaclia au bout sa missixc avec un lil, et oi'donua à un ai'clicr de la lancer au\
Anglais, en criant : « l,isc/., ce sont nouvelles ".
Les \nglais lisent la Icllrc, puis se melteni à l'rier cl a insulter grossière-
ment Jeanine. " \ ces mots, poiu-suil Jean l*as(|ucrcl, Jeanne se lucl à soupirer
et à pleurer al)oudannncul , iM\o(|uant le Uoi des Cicu\ à son aide. r>icut(')t elle
fut consolée, parce que, disait-elle, elle a\ail des nouvelles de son Seigneur.
« TjC soir, après souper, Jcaïuic me dit (|u'il nie faudrait le Icndciiiain
maliii me lc\cr plus tôt (|ue le jour (\v 1" Vscensiou, et que je la confesserais de
très grand m;ilin.
« En consé(juence, le lendemain vendredi, je me levai dès la pointe du
jour; je confessai Jeainie cl je clianlai la messe dcAanl elle et ses gens, fuis elle
et les hommes d'armes allèrent à l'attacjui', qui dura du malin jusqu'au soii-.
Ce jour-là, la bastille des Augustins fui prise après i\]) gi-and assaut.
'< Jeanne, (|ui a\ait Ibabiludc de jeûner tous les \endrcdis, ne le pul celle
fois, parce (pi'clle avait eu trop à faire, \insi elle soupa. Elle \ euail d achcv ci'
son repas, lorscpic \inl à clic un noble et vaillant capitaine dont je ne me
rappelle plus le nom. Il dit à Jeanne : « Ees capitaines sont rassembles en
<t conseil. Ils ont reconnu (ju'on elait bien peu de Elançais eu égard au
et nombri' des Anglais, l't que c'était par grande gi'àce de Dieu ([u'ils avaii'Ut
" obtenu (juclques avantages Dès lors, le conseil ne ti-ouve pas expédient
« que les hommes d'armes fassent demain ime sortie ».
« .Teanne répondit : « A'^ous avez été à votre conseil et j'ai cle au mien.
(' Or, erovez que le conseil de mon Seigneur s'accomplira cl tiendra et (juc
« le vôtre périra ». Et, s'adressani à moi qui clais près d'elle : " Levez-xous
<( demain de ti'ès grand matin, encore plus (juc vous ne l'avez fait aujom--
« d'hui, et agissez le mieux que vous pourrez. Il faudra vous tenir toujours
(I Ol VM) I.K VENT IMUSSKKV r.l.S llVNNiFKES VEUS l.\ ItVSflLLK, Kl, LE Si;U V V VOUS. »
L)"a[)i'cs une jiriiiiuir iiuirale cxri-ntL'c {mv 1.ese.v\eu au Paiithi-mi.
ORLÉANS ET REIMS.
.73
« |)i't's (le moi, car demain j'aurai fort à faii'c vi plus ample besogne (jue je
« n'aie jamais eue. l'^t il sor-lira An sang de mon corps au-dessus ilu sein ».
Le lendemain le combat a lieu, el .leanne, l'apiès-diner, lui fiappc'c d'une
(lèclie au-dessus du sein. Ouand
elle se sentit blessée, elle eut
peui-, elle [ileura el puis dit :
« Je suis eonsolee >• .
« On applitjua siu' sa bles-
sure de l'buile d'olive avec du
lard, poursuit l'as(juerel, el, ce
|)ansement fait, Jeanne se con-
fessa à moi en pleurant et se
lamentant. Ensuile elle relourna
dereelief à l'assaut en criant :
OHLKANS DliLIVHK PAR I. V PI CKI.Lli UOUl.liVNS
(8 M\I I iïy)
(m'IUUITS l'Xtl'.llll'S (lu lOCIIl'il (le JcilTl (Ic Bic (|(jj(i). (/)//■/. IIOl.)
« (llasdas, (ilasdas, renli, renti au Koi des ('.ieu\. Tu m'as insultée, j'ai grande
(( pitié de Ion âme et de celles des tiens >>.
" \ ce moment, tilasdas, arnu' de la tèle au\ pietls, tomba dans la l>oire
el fut no\(''. Jeanne, émue de pilié, se mit à pleurer forlement poin- l'àme de
Clasdas et des autres, no\és en grand nombre. »
l'as(|uei(l ajoute a son récit celle remar(pie :
« J'ai son\enl entendu Jeanne rc|)eler qu'il n'\ avait dans son fail (|u'un
pni' ministère; el
^rVliUs.,.-^^ (juand on lui disait :
« Mais rien de Ici
ne s'est \u comme
ce (|ui se \oit en
\()lre Tait; en au-
cun li\ re on ne lit
telles clioses »; elle
r(''pondait : " jMon
(( seigneur a un
u livre dans lequel
« oncques nul clerc
« n'a lu, si fort soit-il en eléricature ». Citons encore ces lignes du témoi-
gnage de l'aumùnier de Jeanne : « Souvent, la nuit, je l'ai vue se mettre a
genoux en priant Dieu pour la |)rospérité du Roi el pour l'aclièvement de la
mission (ju'elle tenait de Dieu.
IHF.DMLLFS FRAPPEES EN I. HONNEUR DE JEANNE D VKC
Evtiailis (1(1 recueil de Jc^iin de Ilie. [Bih!. nal.)
r74
JEANNE DARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
JEVNNF. t:OMIÎVTI \NT
(ira\ iii'i' di' Dri'l.Kssls-IiERT.vrx il".ipri-s I, v Tite.
" ... (hiand on ('lail
cil cainijai^iu', les vivres
inanf|iiaieiil ()iielquefois ;
mais jamais .leaniie n'aii-
rail Noiilii maiii^ci' des ali-
ments re(|uis par pillage,
i'.lle a^ail une
i^rande pilie des soldats,
même de ceux (jui étaient
(lu parti des Aiii^lais. ■■
l*nis<|ne nous a%ons
\oulu recueillir des lèviTS
mêmes de ceux i|ui en
lurent les témoins les laits de .Jeanne d'\reau sieL;e d'()rleans. il \ aurait lieu
de ciler loui^uemenl encore le tcnioii;naj;e de l'intendant de la i'uccllc, le
clicxalier nicssirc .Ican dVnlon. Le rapport <|u'il rediijca pour le procès de
l'cliaUililation ahondc en détails l'oit intéressants. Mais déjà les tcmoii;nae;es
elles ont en i|ucl(|uc étendue et nous pomrions l'atii^ucr le lecteur en \ ajou-
tant eelni-ci.
]\()us Noidons toulelois ciler ces (|ucl(|u<s lii^ncs. La déposition de .lean
d'\ulon ne l'ut pas traduite en latin; nous a\ons la Lonne fortune, — trop
rai'c en ce procès, — i\c la posséder en langue Irancaise.
« Dit (Jean d'Vuioni (|ui' incontinent, il (lui^ (pii parle su\\it ladidc
Piirelle; mais silosl ne scciil aller ([u'cllc ne Icnsl ja a icellc porte.
«Dit (pic, ainsi ipiils arri\aicnl a icellc |)orle, \ircnl (pic l'on apportai!
l'un (les gi'iis d'iccllc (•il('' (< )rleausi, lequel clail Ires fort Mecie. l'.t adonc la-
dicte Lncellc demanda a ceux (pii le portaient (pii estail cestiix lioiume;
les(|iiels lui lespondirent (|ue c Clait uiig Irancais. Ll lors elle disi (pic jamais
n'a\ail \eii sang de Fran<_'ois (juc les clicxeulx ne iu\ lésassent ensiu' '< isur
la tète).
I^a déposition de Simon r>eaucroix, éeuver, eontieni aussi de fort inté-
ressants détails. Mous lui cmprunlons sculemcnl ce passage : " I^e lendemain,
les gens du I>oi sorlircnl pour cond)allre les \iiglais. (Icux-ci à la mic des
nôtres s'enfuirent. \ ()\ant les Anglais fuir et les Français se mettre à leur
poursuite, .leanne dit aux FiJUK-ais : « Laissez-les aller, ne les tuez pas; (ju'ils
« se retirent, leur retraite me suffit ».
^ oilà donc Jeanne telle (jue nous la montrent les gens de sa suite ou
ORLÉANS ET REIMS.
philot (le son iiiliniilr, son iuimoiiii'i', son page, son inlcndanl, en ci's jours
fameux de la dclix raiicc d'Oilcans.
Nous la i-clrouvons telle que nous ^a^()ns \ur jiis([u'iei à Domi-emy,
à Vaucouleurs et à C.liinon. l'Iiisicuis auli'cs, à sa place, auraient pris à
Orléans une attitude qu'ils n'avaient pas la \cille. Ea gloire est venue avec
le succès et avec la gloire l'autorité ou plutùt la puissance. Ees seigneurs
pâlissent près d'elle, et la majesté même de la personne royale subit ([uelcpic
ombre.
Jeanne reste simple, douce et vaillante. Nature \raiuicnt granile, ou li'S
dons les plus di\crs et
parfois les plus opposés
se rencoutreni cl se fou-
dent en nue liarnionie
parfaite, eu lui é'(juilii)re
qui ne se rompt jamais,
a\('c lui cliai'uie indeli-
nissable.
Aussi en un jour
Con([uierl-elle la place
éminente (|ue jusfju'alors
on lui a refusée ou du
moins disputée. ■• Dès ee
moment, dit lovalement
J)unois, j'eus bonne esp('
ranee de Jeanne |)lus (|ue je n'axais fait jus(|ue-là. " Eui seul |)eul-èlre, parmi
les chefs, l'avoua avec celle sincérité; mais Ions, (|uoi (pi'ils fissent, subirent
ce pi-cslige étrange el fort (|Uc .Icanne imposait autour d'elle.
Elle est à la fois velienieule et sage. Dès le lendemain de son arrivée a
OrU'ans, elle \eul cou d)a lire. Ee conseil s'\ oppose cl, nous dit Eouis dc( Ion les,
« elle fui courroucée (|u'il n'\ eût pas d'alta(pie >>.
Bienir)l loulefois, toujours souple et mailresse d'elle-même, elle se i-eprend,
et la voilà (|ui \a droil à la bastille oii sont les Vnglais, parlemeulc elle-même
avec eux el les exliorle à se retirer. Ees \uglais l'insullenl, elle renli'c au logis
et se met au lil.
A peine elle a commenet' de dormir (pi'iui grand bruit la réveille : c'est
ime escai'mouclie (|ui s'ouvi'c avec l'Anglais. Jeanne se lève en hâte, et il faut
enleudre les propos <|u'elle lient el (jue nous rapportent les divers témoins.
i.i; siiii;r. i> uisi.i-.ans
l)\i|iiis II- l;ililiMU cl..' DollEL, grivvr par MïucinMi (1781)).
-6 JEANNE D'ARC IWCONTKK PAR l/IMVGE.
Eli qiii'ls mots singulifrcim-iil ptMirliaiils elle liadiiil son iiiipaliciicc cl sa
douleur : « Où sont ceux qui me doivent armer ?... I>e saii^; de nos i^cns coule
parterre!... » Son [)ai;c arri\c toul ellarc : " Vli! saiii;laiil i^arçon, lui cric-
t-olle, lu lie me disais pas que le saiii; de l'raiicc fui répandu! ■ — • Le san^
de Franee! >■ Avail-ou dil le mol avant elle? 1^1 toul a l'Iieure elle dira eneore :
« ,U' n'ai jamais vu eouler sani( de Eraueais (|ue les eiie\eu\ ne me dressent
ensur ».
Mais voiei qu'on l'arme; tout le monde y aide : son hôtesse, iiohie daine,
('pouse du tr(''Sorier du dire d'Orléans, (pii se mel a la l)esoL;ue pour ceci
comme une simple suivanic; puis dliarlotti', sa lillc, (pii tout a l'Iieure doriiiail
aux côtés de Jeanne; puis Jean d'Aulon, rinleiidanl de la l'ucelle, (|ui lui
boucle tant hieii (pie mal un coin de rarnuire. l'endanl cela, le pai;c est aile
(luerir l'iMeiidard dans la cliainlirc; il le passe par la l'enèlrc a l'Iicroiiie,
(|ui part au trijile ijalop. >' l>e ïvn en jaillit des pierres du pa\e, ■ dil un
leinoiu. <• Cours après elle, ■ crie l'Iiôtesse à Eouis de Contes. Jean d' Viiloii
\('Ul la siiix rc aussi, mais >< silol ne sut aller (prcllc ne fVil déjà a la porte de
IJouriiOi'iie » .
Et Jeanne va, va toujours, au i;alop de son elieval.
Quelle scène!
Et cette autre? Au |)lus lôrl de sa course elle reiiconlre un soldai lilcssè
(lu'on lrans|)orte. La ijucrriere l'ail place à la douce \icr>;c, cl la \oiia qui
s'arrête court, descend de sa inouture, panse le moriliond. comme si elle eût
\()ulu remplacer |)rcs de lui, à " ce [las de la mort », comme elle disait a
Uoucii, sa mère absente, et, gémissant, dit ce beau mot (|uc nous citions tout
à riieurc : < Je n'ai jamais mi de saiiy français que lesclie\cu\ ne me dressent
ensur )) .
^Nlais la voici remontée à elie\ah les l'rancais l'apercoivenl. Dès lors ce
sont des cris de joie, c'est la lutte héroïque, il eu un instant c'est la \ictoire.
Jeanne, après ce haut fait, rentre en son loi^is; il est tard. Elle mange un
peu de pain, se met au lit l't dort de son bon sommeil di' jeune iillc ou plutôt
d'enfant.
Le lendemain elle retourne au combat, (jaucouri tient fermc'c la porte de
Boureroone et refuse de l'ouvrir. « Vous êtes un mecliant homme », lui dit
Jeanne. Elle insiste, la foule la seconde cl Gaucourl les laisse passer.
Ee combat s'engage. Jeanne est blessée, ainsi qu'elle l'avait annoncé la
veille à Jean Pasqucrel. V la \ ne de son sang, elle gémit, se lamente, pleure :
elle est femme. Alais on la panse avec de l'huile cl du lard. Elle « se sent
ORLEANS ET REIMS.
'77,
consolée ", soiuil, ir\iciil
au L'oml)at, raiiiiiK' l'ardeur
des gens d'armes, et les
Anglais sont battus.
^"oiei qu'iui jour f.a
Hire a pris le commande-
ment de l'avant-garde.
Jeanne en maus^rée inaénu-
ment, comme une enfant
déçue, et sur l'heure et sur
place dit son fait à La Hire.
C'est que, nous dit son
page, « Jeanne en était foil
contrariée, car elle désirail
beaucoup avoir la cliaige
de l'avant-garde » .
Mais, véhémente et im-
patiente du repos, elle ne
perd rien de sa douceur; elle
va dans quelques instants
rencontrer un soldat anglais
que l'on malmène, i^llc des-
cend de che^al, reprend
vertement celui qui a fra|)|)e
cet homme, prend dans ses mains la tète du blessé, la pose sur ses genoux,
le console et le fait confessci'.
Ne faisant rien comme aiilrui cl toujours heureuse en ses idées, elle xeut
('■crire aux Anglais. Comment cm on ci' le messager? Ils hii gardciil ses hérauts
et les menacent de moil. Illle appelle un archei-, attache la lettre par un lil
à une flèche et la l'ait lancei' dans la bastille anglaise, en disant : •.< Lisez, ce
sont noux elles » .
Là-dessus les Anglais l'iusultcnt. Kn entendant leurs injures, elle pleure,
mais se recueille, en prend son paiti et dit : « Je suis consolée, mon Seigneur
m'a donné de ses nouxelles ».
Elle, si douce aux blessés, si sensible à l'injure, n'est pas moins \ aillante
dans la conduite de ses desseins (|u'intrcpiile sur le champ de bataille.
Dunois lui annonce, non sans enibarias, que le conseil a decitlc (pic l'on
aï
JEANNE BLESSEE SOUS OKI.EANS
l)'.i|n-<s un dessin d'A. de ?»euville jiublié djiiis i'IIistoirc de France
de GuizOT. {Hachette et 6'"", èilitcitrs.)
.IEANM: I) arc nVCONTKK PAU LIMAGE.
ne i-()ml>alli;i plus a\iml (juclfjiit-s jours. « N'ous avez clé à
\()li(' cousril, j'ai de au mien; le conseil de mon Scii>neur
liciidia cl s'accomplira, cl le vôlrc périra. » Là-dessus elle
dcçi(k' (juou se hallia Iv lendemain; elle annonce à son
aumùnier (pTclie sna hie-isee au-dessus du sein, cl (jn'il ne la
faudra pas laisser scuk'.
Le combat a lieu cl la \ictoii'e le couronne.
En vérile. (|uelle lii;ure placer prés de celle de .Teanue? V
a-l-il rien au monde qui rappelle son l'ail, personne (|ni lui
rcssenil)le nuMUe de loin?
(Juel inipelticuN i;énic! (|uelK' \oloule \elie-
ineiile, pi-oniple cl loujours eflicacc! l'rés de cela,
conihien de douceur, de honte, de compassion,
d'ini-x'-iuiilc, de limidile reniinine! (hie de cliarnu'
elraui^i' dans les larmes i|u'elle \erse et les i^cmissc-
nenls (|ni lui ecliappcnl ! I.l (oui aussili'jl (|u<llc licrlc
sonvciainc (|nand elk' impose scsnoIouIcs aux ^;rands!
C;lier-d'(i'U\i'e de la main de Dieu, (leur loiiclianle
cl sua\e en même lenips <|ue lielle de noire lerre de
l'ranci'. Iionneiu' du se\e (|ui csl le sien, cl modèle
parlait du courage \iiil le plus assure!
Et avec tous ces dons, cl au milieu des succès
(ju'ohlicnl son action. (|uelle con>lanle modeslie. (piclle
luimilité l)ien comprise! ( )n lui dil, cl bien juslemenl
du reste : « Rien de tel iw s'est \i\ comme ce (|ui se
\oit en \otre fait: en aucun livre on ne lit de telles
choses. — (l'est u\\ cerlain minislere (juc j'ai reçai,
répond-elle, cl voilà toul. Il a plu à Dieu ainsi faire pour
une simpli- pucelle >< .
( !'est là sans doule sa plus b:'lle \ icioire, car elle la
remporte sur elle-même. De cette humilité on ne la ^ il jamais se dé|)aitii' un
in.->lanl cl, contiasie bien frappant, celle humilité- n'a d'cijile en elle (|ue la
dignité' haute cl forte avec lafjuelle celle enfant de di\-liuil ans im|)Osc sa
volonté (juaiid il le faut.
Après Orléans comme après Reims, et |>endant toute son épopée glo-
rieuse, même et surtout en ses malheurs, .Teanne est restée humble et forte
devant la s!)ull'rance, devant les grands comme devant le pc-ril. Elle l'a él('' aussi
JEAS.NE D ARC
D'après iint' statue
de 1»EYL,\RD.
ORLÉANS ET RE BIS.
179
(l(\;iiil la i;l()ii'c, doiU i< la fasciiialion » ccpemlant, an dire (le Bossiict, « i si
plus loilc «nie ((Ile (le la licaulc même ».
Elle i'iil loiijtuiis humble dans le Irioniplic, (.omiuc dit' fui jusqu'à la fin
douce dans la lui le.
Cliose (Iraui'c et pénible, Michelel, qui de Jeanne d'Are a si bien écrit,
el qui l'a si noblcincnl laconlée, en ce bref ouvrage qu'il lui a consacré et qui
est un Innuie j)lnl(')l (|u'inie bisloire, Miebelet a accusé Jeanne d'oi'gueil et
JEINNU IILESSKF. V OIII.UANS
])';i[in> une lilho^iMpliir de C.iiAsSELAT (1819).
de crnaulc. Sini;uli( rc abcrralion d'une grande inlelligence plus l'apide ([iw
ferme en sa marche, IVappanI exemple des ineoherences parfois sublimes
en leiu' forme, mais réelles ee|)endaul, doni ce fort el elaii- génie ne se
défendait pas assez.
Il f'aul le laisser parlei* lui-même el l'on jugera ce que ses paroles ont
d'incompréhensible et de bizaiic : <■ Il fallail (jue Jeanne souffril. Si elle n'eût
pas eu l'épreuve de la purification suj)rème, il serait resté siu' cette sainte figure
des ombres douteuses parmi les ravons ; elle n'eût pas été dans la mémoire des
hommes la l'ueelle d'Orléans.
» Ellea\ail dil, en narlani de la delisranee d'Orléans il du sacre de
i8o
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAU LIMAGE.
Reims : « (l'est pour ecl;! que je suis ik'c ». Ces deux elioses aecomplies, sn
sainteté était en péiil.
« Guerre, sainlt'le, dvu\ mots eonlrailieloires; il semble que la sainteté
soit tout l'opposé de la guerre, qu'elle soit plutôt
lamoui' (le la paix. ( hicl jeune eourage se mêlera aux
batailles sans pai-tagei' l'isresse sanguinaii'c de la lutte
et de la \ ittoire?... lille disait à son de|)arl (|u'elle ne
\()ulail se scr\ il' de son ('|)ee poui' tuer |)ersoune. Plus
i A M^ lard elle parle axcc plaisir de l'epee (ju'elle portait
^fifc gWr à (iompiègne, « exeellente, dit-elle, pour frapper
^3 rm ï? d'estoe et de taille ■ . N'\ a-t-il pas là l'indice d'un
eliangemeni y La sainte dcNcnait un eapitaine. T-e due
d'Vieneon dit (|n'elle avait une singidière a|)litude
pour l'arme mo<lerne, l'arme meurtrière, celle de
l'arlillerie.
« Chef de soldats
iiidisciplinables, sans
cesse affligée, blessée
de leurs désordres, elle
devenait rude et colé-
rique au moins povn-
les réprimer. Elle était
surtout impitoyable
pour les femmes de
mauvaise vie qu'ils traî-
naient après eux. Un
jour elle frappa de l'épée
de sainte Catherine, du
plat de l'épée seide-
ment, luie de ces mal-
EXTBÉE TBIOMPHASTE DE h ARMEE ROYALE A OBLEASS
D'après un dessin de Phiuppoteaux, tiré de VHi^itoire de France
éditée par Lahure.
heureuses. ^Liis la \ii-
ginale épée ne soutint
pas le contact : elle se brisa et ne se laissa reforger jamais ».
Continuons la citation, si pénible soit-elle.
« Peu de temps avant d'être prise, elle avait pris elle-même un |)artisan
bourguignon, Franquet, d'Arras, un brigand exécré dans tout le Nord. I>e
bailli roval le réclama pour le pendre. Elle le refusa il'abord, pensant
ORLÉANS ET REIMS.
Al'HES L\ VICTOIRE. JEAXSE KEMIVST GRACES A DIEU
D'iiprês le b.-is-rolief de I-'oyatier. [Musée Jeanne it\4rc, i\ Orléans.)
r(''('lian£(er, puis elle se (!(■-
cida à le livrer à la justice.
Il méritait eeni fois la
corde; néanmoins, d'avoir
livré iMi jirisonnier, con-
senti à la mort d'un
homme, cela tlul altérer,
même aux veux des siens,
son caractère de sainteté.
« Malheureuse condi-
tion d'une telle âme tom-
bée dans les réalités de ce
monde, elle devait chaque
jour perdre quelf[ue chose
de soi. (le n'est pas impu-
nément qu'on devient tout
à coup riche, nohie, honoré,
l'égal des seigneurs et des princes. O heau costume, ces lettres tle noblesse,
ces grâces du Roi, tout cela aurait sans doute altéré sa simplicité héroïque.
« Mais le plus grand pe'ril pour la sainte, c'était sa sainteté même Et
pourtant ce n'était pas orgueil »
Après cette lecture, je m'informe près des bons esprits et je leur demande
si l'on peut mettre un verbiage plus sonore au service d'une thèse plus creuse.
Aux dévots de notre Jeanne, je demande si l'on j)ent insulter, de bonne
foi peut-être, mais plus cruellement à notre héroïne.
Jeanne cruelle ! Jeanne orgueilleuse ! Où donc l'avez-vous vu, et se peut-il,
|)f)ur la doideur de ceux qui vous lisent ici, ([ne ce soit \()tre plume, chantre
inspiré de Jeanne, (jui écrive ces deux mots? Se peut-il encore que vous, qui,
d'une main si vigoureuse et d'ailleurs si légitimement vengeresse, avez
fustigx' les juges misérables de Jeanne, aujourd'hui, inconscicnl, dans l'cntrai-
nement tl'une imagination plus riche que votre jugement n'est ferme, vous
donniez, hélas! la main à ces hommes par l'accuser de cette manière! tlar eux
aussi ont accusé Jeanne d'orgueil et de cruauté, et puisque la victime a répon-
du, permettez qu'elle réponde encore et qu'elle se lave d'une accusation que
vous n'eussiez jamais dû lancer contre elle et qui ternit, d'une ombre qui
demeurera, les pages du livre que vous lui avez consacré.
En ce cjui est de l'épée, d'al)or{l, Jeanne a déclaré ne s'en être jamais
i82 JEANNE DARC H VCONTÉE PAR L"IM\(;i:.
servie. " ( uriiimit'z-voiis mieux, lui clemiiiKlc-l-oii, de \()li'e l);iiiiiièfe ou de
votre epée? — .l';iimais I)e;tueou|) plus, répond-elle, \oir (juaranle lois plus ma
haunière (|ui' mon é|)ee. — (Jui portail \olre hanniére? — (l'était moi-même
(jui la portais, (|uand je eliars^eais les ennemis, pour cNiler de \uv\- personne :
je n'ai jamais lui' persoiuie. ■>
Il est \rai (|ui' lorsqu'on demanda à Jeanne si elle a\ail eu d'aulre epi'e
(jue eelle de sainle Callierine-de-Fierhois, elle repoudil : ■ l)ei-ai;u\ à ( lom-
piègne j'ai porte i'ept'i' du liouri^uigiion (jue je nous ai dit, parce (pie e'élail
une Jjonni' e|)(''e de guerre et bonne à donnei- de bonnes huiles et de lions
lorchons ». Mais que signiliiiil d'abord au juste ees expressions de <■ bulles »
et de « toi'elions »? Ce ne sont pas les mois (|ue Jeanne eût emjilovés si elle eut
voulu dire (jue eelle épée luail sûrement u\\ ennemi. Y.Wv déclare d'ailleurs
ne ra\oir « poi-lee » — et non pas s'en cire ser\ ie — que de T,agn\ a Com-
piègne. I.i\ ra-l-elle en ee laps de lemps beaucoup de combals? l'ourcpioi dès
lors s'a|)|)uver sui- ce pilo\able argumcnl poui' elablir (pi'elle lui cruelle depuis
Orléans el Reims?
Autre argument, peul-èlre plus pitoyable eneore : c'est parée f|ue Jeanne
« excellait dans l'artillerie », selon le témoignage de Dunois, el (|ue cette aime
est ' menririèrc », qu'elle meiile d'èli'c tax(-e de cruauté. T^'artillcrie esl
meurtrière, mais elle esl moins >' cruelle » que la lance el l'épée; car il v a
moins de cruauté à tuer de loin un lionnne (ju'on voit à peine, qu'à le
l^ereer sur |)lace el à lui pas de soi, el c'est pour celte raison (jue la guerre avec
les armes à longue portée, telle que nous la faisons aujourd'hui, est moins
sanguinaire que les mêlées des siècles passés. Au moins ceux (pii se lueut, ne
se connaissent |)as el ne se a oient |)oinl.
Aficlicicl pai'le, |)oin' le bi'soiii de sa iheorie, des « soldais indiscipli-
nahles » que contluisail Jeanne, « sans cesse aftlige-e, blessée de liins
désordres ». Où donc a-l-on \\\ ces soldats? el ne sait-on pas au cfinlraiie le
prestige que Jeanne exerçait sur l'armée el les vertus qu'elle sut développer
dans ses rangs? Et c'est pour eelle cause cependant que !Michelel l'accuse
tl'êlre devenue « rude et colérique ».
« Elle était, dites-vous, impitoyable pour les femmes de mauvaise vie. »
L'en hlàmez-vous et les justifiez- vous contre elle?
Un jour, il est très vrai, elle frappa l'une d'elles « du plat de son épée » .
Est-ce un crime? Le même écrivain ajoute : « Mais la virginale épée ne soutint
pas le contact, elle se brisa et ne se laissa reforger jamais >. — Qu'est-ce que
ce pathos et pour qui, de Jeanne ou de la prosliluee, r(''|)t''C se |irononcait-elle.
C\THi:i>R\LE I> OIU.IvVNS
D'apriîS nue i)hotographIe.
01\LEANS ET REIMS.
18:
'Vl!i"B?"" ' '^" I' i!!iii|ij'i<i"i ^i^i w
t''--
s'il \oiis pliiit, à supposer
avec vous ([u'cllc se pro-
nonçât jiour ([uckjii'iiii ,
qu'elle se fil " briser )>,
par niiuivaise lumieur, à
l'endroit de la besogne
qu'on lui faisait faire, (t
poussât l'enlèlemcul, l'eùl-
on cru? jusqu'à <( ne se
laisser plus reforger ja-
mais )) .
Pitoyables arguments,
indignes d'un tel esprit cl
par troj) injujiciix pour
Jeanne.
l'.l le brigand Eran-
quet, d'Alias, doni Mielie-
let nous dit lui-même qu'il
« méritait cent fois la
mort », voici (jue .Tcaniic
est jugx'c cruelle, non pour
l'aNoir fait hier, mais |)our
a\()ir lini, — a\aiil d'abord
<c refusé de le liMcr », — par
l'abandonner à la justice.
Les juges de Houen essaxcrent de fonder une accusalion contre .Icannc
sur cet incident, (le seiail peul-clrc une raison siinisaule au\ u'u.v d'un
admirateur de Jeanne d'Arc pour n'en tirer point un grief contre elle. Mais
laissons-la se défendre.
« N'est-ce pas un |)eebc nioilcl, lui deinandail-oii, (juc de prendre un
homme à rançon cl de le faire niouiir prisoniuci?
— Ji' n'ai pas fait eela.
— Ne vous sou\cnc/.-\ons pas de Eranquet, d'Vi'ras, qu'on fil mourir à
I.agnv ?
— Je consentis qu'on le fil moiu'ir, s'il l'axait mcrilc'. |iour ce f|u'il con-
fessa être meurtrier, larron et traître.
— Donnez-nous des détails sur celle affaire.
24
.;^ -^-2Jz^
^^^
__ËVTKFJL_DE JEANINE D'ARC A ORLEANS [C
ENTKF.E DE JEANNE 11 U»; V OUI.EVNS
D'iipri's le (Ifssiii (U* MM. Trouvé et Carot pour le missel de Jr;itlnf d'Ai-e,
édité ]);ir Lehirge. à Paris.
{Collcclion tic y. l'dhhé Lemcrlc.)
i8r>
TRANNE DVKC UVCONTÉK P\R L'fMVGR.
lîMiii r. DU jkvnm: d vue v uiu.iii\s
Bas-ri-lief tii* I'ov\tier.
— I>(' |)i'oc('s tic FraïKiiicl diira c[iiin/.c jours, cl en fui jiiijc le hailli tle
Scnlis, a^(■(■ les i;('ns de juslice dt- Lii_i;ii\. .le rtMiiuriiis (jii'on me domiàl ce
Fi"U)(jii(l pour l'cclian^fr oonli'c un hoininc de l'aris, inailrc d'Iiolcl A l'Ours.
()r je sus (lue ccl lioininc clail iiiori, cl ce hailli me dit (|uc je Noidais l'aire
ti;rand lorl à la juslicc en (k'li\raiil ce l'raM(|U(l. Mors je dis au hailli :
« Puisque mon lioninie esl nior'l, (|ue je M)ulais a\oir, failes de ce l'r.in(|uel
vv (|ue NOUS (le\e/ faire |)ar jusiiee »,
A oilà done sur- (|uoi se fonde Midielcl.
Et « l'ori^ueil « prétendu de Jeanne, (|ui •' i'lia(|ue jour yvvA (|uelque
eliose de soi « ? i'.l cet eni;(>uenienl ou la jellenl la richesse, li'S honneurs et
les tilr'cs ? l'LsI-ee ■• loul cela ■■ (|rri " allerc sa simplicité lrer()r([ue •■ ?
Bien peu « lier'or(|ire '. err \erité, une " simplicité >■ (jui se laisse ^ allcr'cr n
a ce ])ri\
Si Jeanne eût ete femme à céder- a de lelles lenlalioirs, rrorrs dc\ rions
r'cfusci' à sa mémoir-c le cirlle (|ire rrorrs liri rcirdorrs. Car' c'est peu Cjue d'a\oir
-saincu les autres, fùl-ce les Anijlais, (juarrd on rre peirl se Nairrcic soi-même
cl (|ir'rrir pcir d'or cl ([irchjircs titres font somhrer rrolie \ertu, si iicr'c soil-elle
sur- les champs de halaillc.
Ce (jui est vrai, c'est (|uc c'est sur'Iout apr-ès Or-I(''ans cl Reims fjue Jeanne
a été granile, et l'épreuve f|u"elle a portée jusques au hrrchci-, avec un si ferme
courage, la place iiifinimcnl plus haut que la d(''Ii\ ranec d'Orléans, ou le sacre
du Daupliin.
Si nous avons insisté sur- celte deplorahle err-eur- de ^liclielet, c'est que
il'unc |)ar-t nous avons cru (|u"il eût été le pr-emier- a la r-cconnarlr-c et a la renier
après l'éflexion |)liis mûre, et que de l'autr-c le slvle de cet écrivain r-e\cl un
tel preslioe aux acux d'irn gi-and nomhi-e, qu'il imporlail de r-cicver l'accusa-
tion dont Jeanne d'Ar-c était l'ohjet de sa pari cl de ne laisser- point planer
sirr sa chér-e et sainte mémoir(> une omhre pro|)re à rallcindre.
ORLÉANS ET REIMS.
187
Nous iK' servons iiiiL-mu' passion; la vérité cl la justice sont ici, a\ec
Jeanne, nos seules clienles. Nous défendons aussi le trésoi- (riioiincur de la
Fiance, puisque Jeanne est la perle la plus pure de son diadème et qu'il
y aurait crime à permettre fju'on en ternît l'éclat.
Il se faisait tard quand, le «S mai, le fort des Touinelles fut pris par Jeanne
d'Ai'C et son armée. J^es Anj^lais s'enfuirent, un i^rand nomi)rc périrent siu"
DliCAl'IIAl ION Div l-UVN(JL i-.l l>AhH\s
D'apri-s (lu dt'ssla à la jiliiine tiré des Chroniques de 3foiistrclct, luauiiscrit l'xl-cuIl' à Gênes eu ijio. {^Bihl. iiat.\
place. T.a Pucelle refusa de r(Mitrer dans la \illc aussit(')t après la \i<t()irc. I']|le
passa dans le l'orl un<' parlic de la nuit ; clic redoutait en cH'cl de la pari îles
Anglais un retour oflensif. Une fois rassurée, elle rentra dans Orléans;
les habitants a\aicnt à la liàlc restaure le pou! ([ui conduisait des Tournelles
à la cité; Jeanne prit w clicniin pour rentrer cl tint ainsi la promesse (|u'clle
avait faite le malin même.
La population entière vint au-devant d'elle. Jeanne se dirigea, suivie de la
foule, vers les diverses églises, et donna ainsi la première idée de la procession
solennelle que chaque année célèbre Orléans en souvenir de sa délivrance.
i88
JEANNE D AlU: IIACONTÉE PAU LIÏMAGE.
Quelques années après la nioil de .Te aune, en etl'et, l'cM^'Cjue d'Oileans eut la
généreuse idée de l'insliliier, de eoneeit avec les éehevins, el celle toiielianle
tradition a ("té reprise au début de noire sièele. Tous les ans, le H mai, le
panégvri(|ue de .leanne d'Are est pioiioneé à la «alliedrale, de\ant le elergé
et les représenlanis des |)ouYoirs eixiisfel uiililaires. l lU' j)roeession esl faite
ensuite jusfjue sur l'emplaeenienl (piOecupail jadis le fort des Toiu-nelles. T>a
L lis TBIili A OHLliASS
D'après la peinture murale du Panthéon, par LENEl'VEt;.
veille, la rnunieipalilé remet l'elendard de Jeanne à l'évècjnc', ({ui en a la
garde jusqu'au lendemain soir.
l.a \ille d'Orléans s'est fail honneur |)ar la fidelile de son souvenir el de sa
reconnaissance. Pendant les siècles trop longs ou la France a semblé oublier
.leanne, Orléans s'en est souvenu. Si un jour le pa\s entier consacre au culte de
l'héroïne une fête nationale, celles d'Orléans n'en souffriront pas. l.a Erance
se plaira à reconnaître qu'en célébrant la fête de Jeanne d'Are elle n'a fait (jue
s'inspirer de l'exemple île la cité oiléanaise et (jue c'est à la flanune de son eceur
noble el fidèle qu'elle a rallumé le flambeau trop longtemps éteint tie son admi-
lalioM, de son amour et de son culte enthousiaste pour la \ aillante enfant qui
lui rendit la vie avec l'indépendance.
^
i
>
N.
n;
S| ^
V
■?s
^
ORLEAJNS ET REIMS.
.89
I.c f) mai clail un diinaïu'lif. Talhot, ne \ou-
laiil |)()iiil paraih'f fuir (lc\aiit les Français, ranm'a
SCS troupes en l)ataille devaiil la \iile. Les
Orléanais sortirent aussitôt en masse avec la
garnison. Mais Jeanne étant survenue ne
permit |)as de combattre, parce que
c'était un jour de prière. Elle ne vou-
lait |)as non plus qu'on fit des Anglais
un massacre qu'elle jugeait inutile.
Elle oidonna donc de drcssi'c deux
autels et l'on y dit la messe. 1/office
terminé, elle tlit à ceux (jui persistaient à vou-
loir combattre : « Regardez si les Anglais ont
le visaae ou le dos touiiu' ^crs vous. — Ils
regardent vers Meung, lui répondit-on. — lui
mon Dieu, reprit Jeanne, ils s'en vont, laissez-
les aller. Vous les aurez une autre fois ».
IjCs Anglais se retirèrent en efiet, laissant
dans les bastilles un matériel considérable,
dont les soldats français s'emparèrent.
Jeanne toutefois ne s'endormit pas dans la victoire, et dès le Icndemani
elle quitta Orléans, afin de se rendre piès du Daupliin. T-à, des luttes d'un
autre génie rallendaicnl cl allaient soumettre sa liante vertu à une rude
épreuve.
La délivrance d'Orléans fut un fait d'une particulière importance. La
nouvelle eut en l'rance un retentissement considérable. La situation stra-
tégique de cette place, l'imprévu et la rapidité de la défaite des Anglais
depuis longtemps habitués à \aincrc, l'élrangeté merveilleuse de I action de
Jeanne d'Arc, l'enthousiasme (ju'elli' avait è'\ cille dans le peuple et l'armée,
tout donnait à cet événement une marcpic de prodige qui frapj)a tout le
monde.
J^a condition des Anglais en France était grandement changée et, d'agres-
seurs qu'ils étaient, ils devenaient l'objel d'un retour agressif formidable, dont
.Jeanne était l'àme et le chef incontesté.
Le prestige de la l'ucclle était en effet à son apogée, et tous, parmi les chefs,
comptaient nécessairement avec elle.
S'ensuivait-il qu'aucun d'eux ne dut songer désormais à l'entraver secrè-
JEASNE VICTOllIEUSE
D'apli'S la statue tic Le Véel.
IQO
JEANM-: D ARC RACONTEE 1>AU L'IMAGE.
jr.VNM; ACi:HMEU l'VK I.KS HVIIITIMS lli; CIIMKVI DUN
n".t]ii-r> II' liildtMii lie l.i;r:iii:vAT.i.lEi\-t Jii;\ 1(;n MU). [Mtiscc de C/utlftni(iiiti,j
tt'int'iil? I ,()iii (le la. !>(' sucl'cs aii^iiisc l'cinic cl l'iiiilc. Il en lui ainsi j)()m"
Jeanne, cl La ric'nioïUc, avec lU\nnaiill de Cliailics et noiiihic (l'aiili-cs, s'ils
firent sciiihiaiil de s'iiicliiicr devant la IHieelle, n'en lïn-eiit (|iie plus lortenunt
résolus à elierelier sa peile.
.Teanue, (\i[ reste, loujouis avisée, veillait, et ee fut, dans les jours <jui
siii\ii-(>nt la vietoiie d'Orléans, un speetaele l)ien diii^ne d'étude qui' eelte lutte
entre elle et les i^rands. Ils \ mirent toute leiu" astuce : elle \ o|)|)osa tonte la
vaillance de sa nature, forliliée d'une linesse clairvoyante (ju'il était dilïicile
de mettre en échec et d'iuie prompliluile de parole et d'actes qui dérou-
taient les plus liaUiles, lenversaient en un instant les plans les plus longue-
ment médites.
En retour, (|nel([ues bons et gi'aves es|)i'ils lui rendaient lenioignanc
Gérard Macliet, confesseur du l{oi, lui demeurait fidèle; Jac(jues Gelu,
arehe\c([ue d'Embrun, la défendait, et Gerson, chancelier de Irnixcrsité, cet
homme de bien double d'un savant, consacra à sa louange (juel(jues pages
aussi éloquentes tjue courageuses.
ORLÉANS ET REIMS.
■9'
(le li';i\;iil f'iil l:iil en fiirinc de intMiioirc , ([ii{l(|ucs joiii's ;i|)its la (U'Ii-
vranoc d'OiU-ans, i '| mai i V-()- Ocrsoii (lc'\ail mourir i\cu\ mois après; ce
fut sans (joule le (icrnicr- éciil (le ccl homme, si jusleiuinl renommé comme
l'une (les plus grandes lumi('res du \v° siècle.
(hi'on veuille hien lire de son traxail mai^islral les quelques extraits
sui\anls'. Après a\oir loue Jeanne d'Vrc de sa foi, sa
piété, son amoin- de Dieu et du procliain et son de\()uc-
ment |)our' la Fi'ancc, il poursuit en ces termes :
■ On ne doit pas se liàler de traitei' comme
faux les faits f[ui sauloiiscnl de sérieuses proha-
l)ilités; et parmi les faits prohahles, on doit
incliner à juger vrais ceux (|ui sont sonleiuis pai'
les plus solides raisons.
1' (l'est le cas pour la mission de Jeanne.
(Hi'on eonsid('r(' les heaux eirets de l'apparition de
la Pucelle et la justice de la cause qu'elle défend ;
qu'on envisage les xcr'tus de cette li('roïne (jui
lriom[)lic des Anglais |)ar son instinct de gncriicrc,
comme sainte C.atlierine triomj)liait des doclems
par sa science de pliilosoplie; (pii au sein de la \ ic-
toire dcmcni'c inaccessible à la ^anilc cl à la liaine;
(|ni au milieu de l'cnllionsiasme jiopulairc \il dans
riiuniilitc cl la prière; (jui dans le elioc uni\erscl
des and)ilions ne eon\oilc ni prolits, ni honneurs;
(|n'on songe au hon témoignage (|ue lui rendent
tant de grands lioinmes de guerre (jui se font petits
devant elle, tout en s'accoidanl le plus possible
avec elle à rester dans les sentiments de cette
humaine prudence doni on ne |)cut s'eear-|(M' sans
tenter I )icu ; (|n'on rcniar(|uc cnlin reflet jjroduit
par Jeanne sur les ennemis de la France, (|ui à son a|)proche, eircinis
|)ar l'cpouNantc, fuient en criant comme des fennnes en couche; et l'on
verra qu'il n'est ni impie ni déraisonnable de penser que celte jeune fille,
émule des Maehabées, est une envoxée de Dieu. T^a main du Seigneur est là.
« (^uant à blâmer la Pucelle de porter un habit d'homme, c'est être
ClillSON . Ullll-NSIl K DE l.\ l'LCF.LI.E
I^alliiraii en lias-rnlicf tlii xV siècle.
(Co//ecliml de .V le Nordcz.)
I. Cilé par M. .I(isc|ili Falir<' au Piocis de rékiilnlidilinii. Iciiiu' II, p. i-'j.
192
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR l/ni\GE.
resc'lavc des Icxics de l'AiicicuMc cl de la Nouvelle Loi. sans coinijrciulre
l'espi'il (lui k'S a inspiics. Sau\cj;ai(lci' la pudeur csl le hul de loulcs les
défenses faites. Or ({ue i'em;u'(|iioiis-uous ici? C'est que .leaune s'Iiahilie en
liomme pour |)resei'ver plus sùrenieul sa verlu cl pour niieu\ eoiid)allre les
ennemis de sa |)alrie et de sou Uoi. (iardons-uous donc de cliicauer
riuM'oïne à |)ropos d'une niiscrahlc ([ucsliou de xèlenicnls cl liouorous en
elle la honte de Dieu, (jui, faisant d'une \ieri;c la libératrice de ce roxaunie,
a rcvèMi sa iaililesse de la force d'où nous \ient le salut.
« (Kie si (le ciel nous en >;arde !) il arrixail (jue les (■vcMiements
tournassent à l'eneontre de ses espérances et de-, noires, il ne faudrait pas
s'en autoriser pour conclure (jue Jeanne sert d'instrumeni à l'esprit malin.
Il faudrait plulùl
se demander si nos
(I cccp I io n s n au-
laicnt pas pour cause
nos fautes, nos blas-
phèmes, nos ini^rati-
Indes, qui, iriilant la
colère de Dieu, fe-
raient de nous les
victimes des secrètes
décisions de sa jus-
tice.
... « T>e secoiu's
de Dieu nous est
apparu. Faute de
vertu, de foi et de
l'cconnaissanci', ne
rendons pas le mi-
racle inutile. »
En (juittant ()r-
li'ans, Jeanne alla à
Hlois. On fui gran-
dement heureux de
la revoir. l'ille s'y
SOLVESIK UE Ll lÉTE CWLMlblOBATIVE DOSNÉE ES LHONNELB UE JEVNSE IjMiC •((■l'ètl ;( neluC Ct SC
À OBLÉANS
Copie de la b:innii-ie exécutée an xvi« siècle. rCntllt a lOlU'S, pUlS
ORLÉANS ET REIMS.
193
\
s
f
-s-^IUiIft©,
'JËi..uJt»^
-£fc
à Loches, où était le
Dauphin. Le dessein
arrêté de Jeanne était
de conduire sans
délai le prince à
Reims, afin de l'y
faire sacrer. Elle en-
tendait bien c|uelle
force apporterait à
sa cause et à son
parti cet événement
considérable et s'in-
quiétait, non sans
raison, que les An-
glais ne prissent les
devants en faisant
sacrer roi de France
leur jeune monarque.
Le roi fit grand
accueil à Jeanne et
convoqua sans re-
tard les chefs prin-
cipaux de l'armée et
les seigneurs. J^es
projets de Jeanne
essuyèrent de leur
part une assez forte opposition. On alléguait l'importance des armées anglaises
la nécessité d'augmenter l'eirectif des troupes françaises avant d<- liscjucr une
nouvelle bataille. Les gens d'armes dont on pouvait disposer étaieiil, disail-on,
trop peu nombreux pour assurer au Dauphin une escorte suffisante.
Enfin, convenait-il d'abandonner aux Anglais les villes qu'ils tenaient
encore sur les bords de la Loire? N'était-ce pas leur faciliter l'occupation du
Midi de la France, qu'ils pourraient envahir pendant que les troupes du Roi
iraient vers le Nord pour gagner Reims ?
Jeanne répondait qu'elle n'avait pas besoin de tant de soldats qu'on le
pensait pour assurer la sécurité du Dauphin ; que les villes se rendraient
spontanément îi lui sur son passage. Elle ajoutait qu'elle avait peu de temps
s^'Aïf*
SOUVENIR DE LV FETE COMMEMOllATIVE DONKÉE EN l'hONNEUK
DE JEANNE d'aRC À ORLEANS
Copie de la bauuirrc exécutée uu xvi" siècle (revers).
'9i
JEANNE D ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
(levaiil elle, qu'elle
ne K ilLiieiait (jii'im
an », qu'il fallail
profiter avee usure
(lu temps qui lui res-
tait et agir sans len-
leiu's.
I.es seigneurs
insistaient. Dunois
s'entremit et la Pu-
celle consentit à re-
prendre, avant toute
autre expédition, les
quelques villes qui
bordaient la Loire et
(ju'oeeupaient les
Anglais.
A Loches, elle
avait retrouvé Gé-
rard Machet, évêque
de Castres. Un jour
que celui-ci était au
conseil du Roi, de
compagnie avec
Christophe d'Har-
court et Ro])ert Le
Maçon, seigneur de
Trêves, Jeanne sur\int avec Dunois et fra|)pa à la porte. « Presque aussitôt,
raconte Dunois, elle fianchit le seuil, se mit à genoux et, tenant embrassées
les jamhes du Roi, elle lui dit ces paroles ou d'autres seml)lables : « Gentil
« Dauphin, ne tenez pas davantage tant et de si interminables conseils;
« mais venez au plus vite à Reims pour prenilrc votre digne couronne. —
« Est-ce votre conseil qui xous dit cela? lui demanda le seignein- d'ilarcourl.
" — Oui, répondit-elle, et je suis très fort aiguillonnée là-dessus! » D'Har-
court reprit : « Ne voudriez-vous pas dire ici, en présence du Roi, la manière
« de votre conseil quand il aous {)arle? « Jeanne lui répondit en rougissant:
« Je crois comprendre ce que vous voulez savoir et je vous le diiai xolon-
U'ajnis ^1 stiiliie cli- Toyatieb i-riyi-i- jihicc ilu M^iilldl, à OrliMiis.
ORLÉANS ET REIMS.
195
'c tiers. » Alors le Roi : « Jeanne, vous |)laît-il bien de déelarer ce qu'on aous
« demande en présence des personnes ici présentes? — Oui », répondit-elle,
et elle ajouta les paroles suivantes ou d'autres semblables : « Quand je
« suis contrariée en quelque manière parce qu'on fait difficullé d'ajouter
« foi à ce que je dis de la part de Dieu, je me retire à l'ecarl et je prie Dieu,
« me plaignant à lui de ce
« que ceux à qui je parle ne
« me croient pas facilement.
« Ma prière à Dieu achevée,
« j'entends une voix qui me
« dit : « Fille Dé (fdle de
« Dieu), va, va, va, je serai
« à ton aide, va ! » Et quand
« j'entends cette voix, j'ai
« grande joie; même je
« voudrais toujours l'en-
« tendre «.
« Et, chose frappante,
en répétant le langage de ses
voix, elle était dans un ravis-
sement merveilleux, les re-
gards levés vers le ciel.
« J'ai encore souvenir,
poursuit Dunois, qu'après les
victoires que j'ai rappelées,
les seigneurs du sang royal
et les capitaines voulaient
que le Roi allât en Norman-
die et non à Reims. Mais la
Pucelle fut toujours d'avis
qu'il fallait aller à Reims pour y faire sacrer le Roi. Comme raison de son
opinion, elle disait que, le Roi une fois sacré et couronné, la puissance
de ses adversaires irait toujours en diminuant, et que, finalement, ils ne
pourraient nuire ni au royaume ni à lui. Tout le monde se rangea à
l'avis de Jeanne. »
Le Roi s'en vint à Saint-Aignan, dans le Berry, pendant que Jeanne se
rendait à Selles, à quelques lieues de là. On avait résolu d'y réunir les troupes.
MVISON DU COMMENCEMENT DU XVl" SIECLE, RUE DU TVBUUllG,
A ORLÉANS
[C'est dans cette maison qu'est installe actuellement
le musée Jeanne d'Arc.)
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
C'est en ce temps que Giiv de Laval la rencontra. Il était venu
vers le Dauphin et celui-ci, voulant qu'il connût Jeanne, pria
celle-ci (le venir à son (levant. Le jeune seigneur fut charmé
(le l'accueil de la Pucelle, et c'est sous l'empire de ce sen-
limciil (|ii"il écrivit à sa mère la lettre dont nous avons
(If)iine un extrait.
Après cette entrevue, Jeanne se rendit à Romoraiitin.
Les chefs de l'armée l'y rejoignirent; le duc
d'Alencon, chargé du commandement en chef de l'ex-
pédition, était là; Duiiois et Gaucourl vinrent aussi.
Les événements allaient se précipiter et grandir la
gloire de Jeanne avec sa renommée de grand capi-
taine.
I^e 9 juin, la petite armée rentrait dans Orléans,
où clic était accueillie avec joie. Jeanne, particulière-
ment, V reccxait les martiues d'un cntiiousiasme
toujours grandissant. » Ils ne poM\aicnl se saouler
de la voir ", dit le .Iduriiiil du siège.
Deux joins après, l'armée quittait Orléans;
clic comprenait en\iron huit mille hommes. On
s'a\anca vers Jargean, (jue le comte de Sufïblk
défendait avec sept cents hommes choisis et
pourvus de canons; ils se promettaient de dis-
puter chaudement la xictoire.
Malgré les hauts faits accomplis à Orléans [lar la Pucelle, tous ne lui
accordaient pas encore leur confiance.
On se demandait si la dcli\rance de celte ville n'avait pas été l'amvre
d'un favorable hasard, d'un entraincmcnl heureux mais irréfléchi, et d'une
sorte de panique dont les Anglais, sur|)iis de la nouveauté de l'événement,
n"a\aicnt pu se défendre.
Lu certain nombre de chefs et de soldats songèrent donc à se retirer.
Quelques-uns même partirent, et l'énergie de Jeanne ne suffit qu'à peine à
retenir les autres.
« Il y eut discussion, dit le duc d'Alencon, entre les capitaines. Les
uns étaient d'avis qu'on donnât assaut contre Jargean; les antres étaient
d'avis contraire, alléguant la grande puissance des Anglais et leur grande
multitude.
JEVNNK 1) AHC
St;itiie de Oois tTigt-e en 1S02, à Orlèun:
ORLÉANS ET REIMS.
'97
« Voyant ces difficultés entre nous, Jeanne nous dit : « Ne craignez
« multitude que ce soil; n'hésitez pas à donner l'assaut aux Anglais. Dieu
« conduit notre œuvre. Si je n'avais l'assurance que Dieu conduit notre
« œuvre, j'aimerais mieux garder les brchis que de m'exposer à si grands
« périls ».
D'Alençon ne donne évidemment ici que quelques-unes des paroles de
Jeanne; mais on comprend par cette simple citation quel fut le fond et quelle
fut aussi la force de son discours. C'est toujours par l'annonce ferme de la
victoire qu'elle remet en bonne place les volontés. C'est en affirmant avec cet
accent que la
foi et la croyan-
ce à ses voix
lui donnaient,
qu'elle fortifia
les courages
ébranlés. Quel-
ques-uns sem-
blaient peut-
être estimer
queJean ne son-
geait à soi plus
qu'aux autres,
et que l'amour
de la gloire
ATTAQUE DE JARCEAU
I entraînait. Miniature d'un niamisciit français « Les Vigiles do Cllailos VU » filS4)-
D'un mot bref
et simple, mais concluant, elle rétablissait la vérité et, comparant les ennuis
journaliers cju'on lui causait, le rude labeur qu'il lui fallait conduire, à la
paix qu'elle eût goûtée au milieu des siens : « Si je n'avais pas l'assurance que
Dieu conduit notre œuvre, disait-elle, j'aimerais mieux garder les brebis que
de m'exposer à de si grands périls ».
« Sur ces paroles de Jeanne, poursuit le duc d'Mençon, nous poussâmes
vers Jargeau, croyant gagner le faubourg et y passer la nuit. Mais, sachant
notre approche, les Anglais \inrent au-devant de nous et, tout d'abord, ils
nous repoussèrent.
« Voyant cela, Jeanne prit son étendard et se mit à attaquer, en invitant
les hommes d'armes à avoir bon caHn\
198 JEAN-NE D'ARC IIACONTÉE PAR L'IMAGE.
« Nous fîmes si liien, que les gens du Roi purent se loger eettc nuil-I;'i
dans les fouhourgs de Jargeau'. «
C'est ce que Jeanne avait souhaité dès le commencement de la jouinée.
L'attaque devait être reprise le lendemain : toutefois Jeanne, selon sa
coutume de tout faire pour éviter l'effusion du sang, tint à adresser som-
mation aux \nglais. Elle leur conseilla de partir : ils ainaienl la ^ic sau\e;
sinon on les prendrait d'assaut.
Suffolk désirait traîner en longueur, dans l'espoir cjue quelcjues renforts
lui arriveraient; mais on ne tomba point dans le piège. On lui répondit (juil
pouvait encore partir, emmenant même les chevaux, mais que si la chose ne
se faisait sur l'heure, on n'accorderait aucun autre sursis.
Toujours rusé, Suffolk entreprit de parlementer secrètement avec l^a Ilire,
plus vaillant soldat qu'habile diplomate, et qui commandait l'avant-garde.
Heureusement on eut bruit de la chose et l'on rappela La Hire.
D'Aleneon fait ce récit dans son témoignage : « Nous étions en conseil,
lorsqu'il nous fut raconté que La Hire conférait avec le duc de Suffolk. \ cette
nouvelle, les autres et moi, qui avions la charge de l'expédition, nous fûmes
mécontents de La Hire. Il fut mandé et vint" ».
L'assaut fut donc résolu.
Ici se place l'incident que nous avons raconté et dans lequel Jeanne, avec
enjouement, prend à partie le duc d'Alençon, qui estimait sage de retarder'
le combat, et lui demande s'il a peur. Puis la Pucelle, pendant le combat,
avertit le duc de quitter la place qu'il occupe; le sire du Lude l'y remplace et
est tué raide par un boulet.
L'assaut fut rude : les Anglais se défendaient vigoureusement. Il durait
depuis quatre heures et la victoire était toujours incertaine. Les chefs, d'Alen-
çon lui-même quoique général en chef, durent prendre part à l'action, cl le
due descendit dans le fossé.
Jeanne était au premier rang, animant les hommes, du geste, de la
parole et de l'exemple. Elle montait à l'échelle, son étendard en main,
quand une grosse pierre atteignit sa bannière et se brisa lourdement sur son
casque. Elle fut renversée et tomba de l'échelle. On s'empressait autour
d'elle, mais déjà elle était relevée et criait aux gens d'armes : « Amis, amis,
sus, sus, notre Sire a condamné les Anglais! Ils sont nôtres à cette heure,
ayez bon courage ! »
I. Joseph Fabre, Procès de rilltaHlitatioi:, t. I. ]). 176.
a. Iliidem. l. I. p. 178.
ORLÉANS ET REIMS.
'99
Excités par ces paroles, les Français redoulilent d'efTorts et les Anglais se
retirent vers les fossés. « Nos soldats les y poursuivirent, dit d'Aleneon,et leurs
tuèrent plus de onze cents hommes. )■
L'un des frères du duc de Suffolk fut tué dans cette mêlée, cl SufFolk lui-
jkinm: u vkc a loches
D'apii-s une aqiinrillc de Boutet de Mon\el, extraite de l'album Jeanne d'Arc. [l'Ion et C", éilitcurs.)
même fut fait prisonnier. Un écuver d'Auvergne le pressait : «' Es-tu gentil-
homme? lui (lit le due. — Oui, ré|)ondit l'autre. — Es-tu chevalier? reprit
le duc. — Non, « répondit l'étranger.
Le duc alors le fait clie\alier sur place et se rend à lui.
200 JEANNE D AllC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
L'aulrc frère de Suttolk fui pris aussi. I^es soldats pillèrenl la ville, l'église
et tout ce qu'ils reneonlrèreul.
Ainsi doue Jeanne était loujoius el en toutes choses l'àme de l'expédition
et l'auteur de la victoire. C'est à ses plans qu'on (levait linalement se ranger,
c'est elle qui conduisait le comhal, (|ui rclevail les couiagis (juand ils faihlis-
saient, et par quelque geste inqjrévu ou quelque vif propos décidait du
triomphe.
Le lendemain de la prise de Jargeau, la gai-dc de la ville a\ant été assurée,
Jeanne avec d'Alençon rentra à Orléans.
Nouveau triomphe pour elle et accueil plus que clialciucux de la pari des
BATAILLE DE PATAY
lias-relief tic l'oYATiER. (^yfitscc Jeanne d'Arc^ à Orléans.)
habitants. Elle y passa deux jours, expédia au Roi des nouvelles de la prise de
Jargeau el recul (juciques nouveaux seigneurs el capitaines qui n'avaient pas
encore rejoint l'armée : tels les seigneurs de Laval et de Lohéac, Chavignv et
la Tour d'Auverone.
Le mardi la Pucelle dit à d'Alençon : « Je veux demain, après-midi, aller
voir ceux de Meung; faites que la compagnie soit prête à partir à cette heure ».
Les choses se passèrent selon son désir, et l'on alla à Meung. Les Anglais
s'étaient fortifiés à l'entrée du pont. 11 fut occupé, cl, maîtres de ce passage, les
Français évacuèrent la ville et se hâtèrent de se rendre à Beaugency.
Chemin faisant on rallia encore quelques soldats, et sans retard on lit une
attaque contre les Anglais. Ceux-ci cédèrenl, ahandonnèrent la ville et se
retirèrent dans le château. Les Français s'établirent alors en face et prirent
position, afin d'empêcher l'ennemi d'en sortir.
C'est sur ces entrefaites qu'on apprit fjue le connétable de Richemont
s'avançait avec un corps d'armée pour s'unir aux Fiançais. Le connétable était
depuis quelque temps en disgrâce auprès du Dauphin, moins du reste par le
fait des sentiments personnels du prince que par le mauvais vouloir et les
ORT>KA\S ET REIMS.
201
iiilii^iics (le î>:i Trrnioïllc. l'oiif conserver plus
inlacl raseeiidaiU (|iril avail pris sur le faible
Clliarles VII, La Trémoïlle éloignait de son mieux
(le la personne du Roi tous les seigneurs qui
pouvaient aef|n('"rir près de lui quekjue crédit.
Le Dauphin, li-op docile à cette néfaste
influence, avait banni Richemont de la cour cl
lui a\ail inlcrdildc |)ren(b'c pai'l aux opc-ralions.
RiehemonI souHVail de celle inacliou. \ussi,
\()\anl les succès de la l'ucciic cl espérani pou-
voir em|)lo\ci' au profil de sou rapprocbcnicul
avec le Dauphin l'autorité de .Teanne, songca-t-il
à re\|)édienl fju'il employait mainlenanl.
( hioi((nc vaincus, les Anglais étaient encore
à craindre; les Français n'étaient pas en nombre
suflisani; il arrixcrail ilonc a\cc i\]\ rcnfori
dont il serai! dii'licilc a d"\lcni;')n di' l'cfuscr le
secoiu'S.
Le monieni, (\i\ rcsic, clail paiiicnlicrc-
mcnl propice cl les circonslanccs sei'\aicnl ses
desseins mieux ([u'il n'ciil pu l'cspcrer.
La volf)nle du Dauphin clail si formelle,
que les chefs, d'Alencon v[ Jeanne elle-même,
ne purcnl apprcndi'c sans dc-plaisir la uouncIIc
tic son ari'i\('c. Leduc d'Alencon monirail pai-
liculièremcnl sa nian\ aise humeur, cl il eu viul
à dire à Jeanne, chc/. Ia(|(icllc il \(i\ail sans
doulc luie louable Icndancc à la concilialion :
« Si le eonnclabic \ieul, moi je m'en irai ».
Les coujonclui'cs claient graves; l'armée, dis-
loquée par le dcparl du i]u(\ u'eûl pu conliimcr
sa campagne. Les Anglais reprcndraicul conliancc
et la division des Français ferait leur force.
Jeanne, conscienle de ce péril, employa à
le conjurer loules les admirables i-essources de
son esprit.
Le lendemain, avani rarri\ée du conné-
AirAyiiE uu l'osr de jabgkmi
ET JEANNE
A l'Église de sothe-dasie de cléhy
])'n])ris le vitrail de Léon Ottin
n réglise ?<olre-Dame-de-Clérj.
26
JEANNE n ARC RACONTÉE PAU LIMAGE.
l;il>lc, on aiinonop que les Anglais
s'axanciiicnt en giaïul iionilii'c. On
Clic '■ \u\ ai'incs! n. D'Vicncon dc-
clarc (le ii(ni\cau (|ii'il \a se relii'cr;
mais le danger est ininiinenl, l'en-
nemi aj)|)i()elie el Jeanne (ail a|»|)el an
e<enr dn dnc ponc le décider a rester :
- il i'anl s'ailler j>, lui dil-clle.
RemellanI alors à pins lard à
vider le dehal relalil' à liicliemoni,
d'Viencon \()le an coniUal, cl les
\nglais. après nne conrie Inlle, sont
forces de rendre le eliàlean. Ils se
rclircnl a\ec nn sani'-condnil, (nie
d AlciKoii lenr accorde en (jiialile de
liciilcnanl dn ISoi.
I .e sncccs \ti](\ (lcl)onnaire.
|) Vieiicon, ^ icioricnx , >(■ monira
pins concilianl. Jeanne se cliaigea tic
(aire acccpicf an Danpliin la soninis-
sion dn connelalilc cl dil a ccini-ci :
« \|il l)ean coniiclalilc. sons [/(''les
pas \enn de par moi; mais, pnis(jiie
A<nis ("'les M'ini, aoiis sei'c/. le hicinenn ».
Le eonnelalili- jnra (l( \aiil elle el li's cliels de ser\ii- loxaicmciil le lioi, cl
on ladinil.
J^es événemenls s'élaienl préeipilcs par ce fait (pinn homme d'armes élait
Aenn assnrani (jn'nn corps d'armée considérable, compose d'\nglais, s'avan-
çait en hâte. La chose élail Maie : c'elail Talhol, ([ni s'clail dirig(' vers Jargeau
pour secouiir les siens. De |)assage à Janville, il axail appris les dernières
victoires du |)arti fran(:'ais, la prise de Jargeau, l'occupalion dn pont de Meung
et le sort (pii menaçait Beaugenev.
\ ces nouvelles, Falslolf iiil d'avis ((u'on laissât Beaugenev se défendre,
(pi'on allcndil des rcnforls on (|n'(m laissai du moins an\ soldais anglais,
ell'ravés des succès foudroxants de Jeanne, le leni|)s de se reprendre.
Alais riiilr(''pi(le Talhol se refusa a ces Icmpoii^alions cl déclara (jiie, fnl-il
seid. il irait an comi)at.
Ji:\NM': i> \iu: (:<iMi;\ir\Ni'
U'a|nvs un croquis d'Aur.LSïE l'nr.AULT.
{Muscc Jeanne tCAri-),
()ULK\NS RT REIMS
203
Il falliil hicii ccilcr, cl l'iilslolC ;i\ ce Tiillx)! pardicnl. r>c;nii;ciic\ clail déjà
pris (|iiaii(l ils en a|)|)i()(lu'r(nl . La l'uccllc n^nail eu ([tia paiailic, cl les
Ani;lais, doiil la plupart a\aiciil ('le l)alliis à Orlcans, a\aiciil cslimc la liillc
impossible.
(icii\ (|iii a\aiciil pu s'('cliappci' de licauijencv piiicul le cliemiii de Paris,
ISAl.VU.LK IIK l'ATAY (|8 JlIN l -\-J.H)
U'aiin's imo ginviin- tlri'i- des Mémnmhlcs jiiurnvcs tk Fraiiie; Paris, iG;;. {/Jil>lii,t/ii:/uc naùaiiulc.)
et, rciicoiihanl l'aneicnnc i^arnisoii i\v Meuui;, rcnlraiiièrciil a\ce eux daus la
même direelion.
Lorsipie r>caui;eiie\ l'ul pris, les l'raitcais cuicnl liàlc de proliler de Icui'
premier a\anlai;e, el api-ès avoir rejoinl les Viii^lais de leur proposer le e()nd)al.
Talhol, (pii a\ail pris les dexaiils a\ee l'aN aiil-i;ai'de des Iroupes anglaises,
s'arrèla en lui lieu appelé Pala\. On lui aniiouea l'aiiixee des l'raneais; il se
résolut xaillamnienl a la lulle el s'adossa solideiiienl à lui liois, alin de soutenir
plus aisément ralla(|ue eu alleudanl l'arrivée du i;ros de l'arniee, que eou-
duisait Falsloll'.
Cepeudaul les i'raiieais arrixaieul sans trop sa\oir ou se |)ou\ail tionvei-
l'ennemi, (piand lui eerf(ju'ils avaient ellrayé, s'élançant du eôlt' des Anglais,
204
JEANNE D'AIU; RACONTÉE l'AR LIMAGE.
y lomhii à rim|)i()\ isic. Ecs Anglais, :i sa \ih\ |)oiiss<'Cciil des cris; on siil ainsi
«ju'ils claiciil la.
Jl lailul |)iL'n(lic lapidcmcnl conseil. D'Mcneon licsilail à (■ni.;ai^ci' la
Jl.VNMC A I.V UATHM.K DF. JVKGI'.AII
Biis-relli'f de Fovatieh. (^Miiscc Jeanne d'Arc, à OrltMiis.
halaillc cl dcinanda à .Fcainic ce (|iril Callail faire. (hi('i(|n('s rlicl's ciai^naicnl
cl disaicnl nn il sciail lion de s assnrer des clic\aii\. • \\e/,-\ous de lions
l'msi)>Mj:KS AMl.M'.S V JIAXXI'- l> AIIC APKKS L\ BVTAILI.E 131'- l»M\V
B;(s-relifi de KoYATlEn. [Musée Jeanne iVArc, à OrIé;uis.)
éperons? » dil alertenicnl la l'ueclle. ( hioi 1 fallail-il donc, à son axis,
soni^ci' a (nii-? « Nenni, reprend Jeanne, ce sont les Vni^lais (|iii fnironi, cl
il fandra de hons é|)crons ponr les snixrc. » Ou lii'silc eepeiidani cncoi-c.
« l'^n nom Dicn. reprend plus \i\cnienl Jeanne, ipiand ils seraienl |)iiidns
an\ nni'S, nons les anrons, parce (ine I )ieu nons les cinoic pour (|uc nous
les ehàliions. "
« Elle aflirniail, dit (r\lcneon. qu'elle était sure de la vicloire : « Le
ORLÉANS ET REIMS.
20D
mivii.M. 1)1 l'Mvv (iH jiix i-i'iHj
Ecsssin il l;i iiliinic tir.' des Lluuiiujius ,1c MonsdiUl, manuscrit exécuté à Gcncs eu Ijiu.
« of-niil Rov, disail-clK', aiiiii aiijoiiidluii la plus grande \ icloiir (jii'il ail eue
.' (Ic|)iiis longtemps. El, ni"a dll mon conseil, ([u'ils seioni des nôtres ». De
l'ail, l'ennend fui liallii el mis en pièces sans dit'Iieullé.
« Enlfc auU-es, Talhol lui ])iis. Il y eut grande lueiie (EViiglais, el l'on
s'en vint au ^illage de l>ala\, en Heauce. C'est là que Talhol fut amené tlevanl
moi el le seigneur eonnelahle. Jeanne était présente. Je dis à Talhot : « Vous
« ne croyiez pas ee malin (|u'il vous adviendrait ainsi «'? Talhot re|)ondil :
.' C'est la fortune de la guerre <> . Nous retournâmes ensuite vers le Koi, et il
fut décidé qu'on irait sur Ueims pour le sacre'. »
Ainsi donc, en quelques jours, par la conduite de Jeanne, cette campagne
I. Jusepli Fabre, Proccs tic rclialidilatiuii.
JEA>NK D'AllC U VCONTKK V \\\ I.MMVGE.
(le la Loiic ■,i\:ù\ o-lc mciU'c n honnc fin. Le () juin, .Icininc clail
à Selles, Jo Icndiinain à IJonioranlin ; le (), elle icvicnl
à Orléans; le ii, clic prend .lari;(an ; le i3, elle esl de
reloni' à Orlc'ans; le mercredi, <'lli' eliasse dn ponl de
Meinii- les \ni;lais; le jendi, elle esl sons JSean^eney
et hienlol en prend le eliàlean; le iS, elle rcniporle
la \ ieloire de l*ala\ .
l'onr celle lois son presli^c ('lail irresislihie.
Elle se rendil près dn Danpliin a\cc d'Mencon,
el l'on soni^ca à parlir poni- licinis.
Ce ne l'nl pas sans peine dailleurs ([ne la l'ncelle
\ dc'cida le Danpliin. I ,a 'Ifeniodle ne cessait pas de
lra\aillei' sonrdeincnl contre Jeanne. Ee rapproclie-
nient du connetalilc de liiclieniont lui était parlicn-
lièrenienl desai;r('alilc. et il en Aoidait à .Jeanne de
cet e\encnicnt dans la mesure même on elle s était
emplovee a le mener a lin.
Ilahile tontelois autant ijne haineux, il se
i;ardail de comi)attre en l'ace rinlluciice de .leaniii'.
Seul ml cdiiihicii celle-ci était puissante pour
l'Iienre prc^enlc, il se contenlail d'alteiiner dans
l'esprit dn Daupliin la satislaetion (|ue le prince
ressentait des succès de la l'iicclle el les espe-
ranees ([u'il eu poinait coiice\oir.
T. es iniriijnes de Ea Trémoillc ne réussirent (|n'à demi. Ec Danpliin
ne repoussa pas liiclieinonl ; il ne consenlit pas loulefois à et' (|u'il le
suixil à Reims, ce (|ni l'ut très penihie à la l'ncelle.
Il fui (h'cidi' (|ne les troupes ([ui \cnaieul (\i- mener la campagne de la
jjoire <|uitteraieiit OrU'ans où on les axait coiidnilcs et se r(''uniraieiit a
Gien, où le Danpliin les rejoindrait. .Icauiic rc\int donc à Orléans. I>lle
veilla aux derniers préparatifs du depail cl le i] [)artit a\ec l'armée par (iieii,
où l'on arrixa le soir.
LeDaupliin ne s'\ trou\a pas comme il axait ete conxcnn. De nonxclles
intrigues s'elaient nouées. Les uns disaieiil ijuil l'allait, au lieu d'aller à Picims,
aller à Rouen el purger la Normandie des liordes anglaises. I^es autres ne se
refusaient pas au xoxage de Reims, mais, jionr <lix erses raisr^ns, eslimaieiit
qu'il fallait x surseoir el attendre îles jouis pins faxoi'ahles.
Al'UKS I.V VlCIllIlli;
Statue de Pati. .Xliikut.
ORLEANS ET REIMS.
207
i.\ pici.iir, (:o\.s[:n.i,K au hiii dk iMUiSKvr.iinu
A FAIUE LE SIÈGE DE TllOYHS
IMIiiliitiiii' <lu maunsiTlt dos Vlgll|.s di- C.hiiHcs Vit (14S5).
Jeanne protesta contre
ces lenteurs; puis, \ovanl
(|trcll(' ne gai;nait rien, elle
se relira aux clianips, comme
(léeitlée à ne prendre plus
aucune paît aux allaires de
la i^uerre.
])e\aul celle alliludc,
le Dauphin pril peur cl ccda.
i-e 2() juin, on parlil pour
Reims.
(l'était un succès consi-
dc'iahlc poui- Jeainie, mais ce n'élail pas la fin de ses épreuves. Le Dauphin,
en edcl, emmenait avec lui la plupart des seii;;neurs; parmi eux Icanne comptait
des adversaires doni elle n ;uail pu désarmer le mauvais \ouloir cl la jalousie
toujours en éxcil. La Trémoïlle elail (\n reste de re\|)('dilion cl l'on dcxait
s'allcndrc à plus d'une niaehinalion de sa pari. Ileurcusemcnl loulclbis le duc
d' \leneon, I )uuois ;l La il ire sui\aienl aussi le Dauphin.
V|)res a\oir' loul d'ahord pris la diicclion de Sens, f)n se diri^t'a sur
Auxcrie cl l'on \ arrixa. \u\erre ne se dcelarail ni pour ni eonire le Dauphin,
ilésirant ne se l)rouiller ni a\ce lui ni a\ce les Vui^lais. La Trémoillc, fini
était gouverneur de celle ville, ne iil rien pour amenci' les liahilanls à se
soumettre au Roi. Jl send)le même clai)li (|ue, moxennani (\rii\ mille (■eus d'oi',
il eneourai^ea les hahilanls à lenii' leurs portes fermées. Ceux-ci linirenl par
demander' une lièxc, (|u'on
leur accorda mali;ré Jeanne
d'Arc.
Ils s'cngai^caicnl d'iiil-
ieuis à Caire ce (|ue Ceraient
(piehpies autres \ illes qu'ils
désignaient, cl entre autres
Troves. Tout ce qu'on put
ohtenii- sur' i'heur'c, c'est f|ue,
mo\eruianl paicmcnl, ils
loirrriiraieirl des ^ i\ r'cs à
COMMENT CEUX IJE TllOYES SE HENDIIIENT M luil I '.,..■,,,'.,. . ,,.,, ,,.. r C ■ N
lar'uicc; encor-c le Irr'cnl-rls
Miniature du mnnuscnt des Vif;ili-s de criiii-les VU, chité de l/|,S-'|.
{isihii„tiw>/iic iiulimniie.) (Ic uiauNaisc gr'àcc.
208
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR T/IMAGE.
Au i;riiii(l i-niuii de Jcamic, on ii'soliil tic hiissi'r inouicntam'iiKMil
Aiixciic cl l'on se diii^ca mts 'l'roys.
I.a \ill(' clail occupée par une foric i;aiiiis(>n d' Vnt^lais, au\<|ucls se
joii^iiaicnl (|ucl(|ucs ISouii^uli^noiis. l.cs poilcs n'eu Ancnl donc |)as ou\crlcs
au Roi. Le 'i juillcl, Jeanne ccii\il celle lellie aux lialiilanls de la \ille :
c< Aux seii^neui's el hour'i^cois de la cilc de 'l'ioxes.
« Jliésus, Maria.
" Très cliers el bons amis, s'il ne lienl à ^ous, seigneurs, hourj^eois et
liahilanls de la \illc de Tro\es, .Iclianiie la i'nccllc vous mamle el fait savoir de
|)ar le Uoi du
Ciel, son dr-oi-
linier el sou^(•-
rain seiijneur,
dn(|nel elle est
clia(|uc jour en
so n ser\ i ce
roN al, (|ne \ous
l'assic/. olx'is-
sance el recon-
naissance au
L;cnlil H(>\ de
l'ranc(^ (|ui sera
bientôt à Reims
el à Paris, (|ui
(|ui vienne
conlic, el ses
bonnes ailles du saini roNaunic, a\cc l'aide (\[i roi .llicsus. l,o^ald\ Français,
venez au-devant du roi Cliarles el (|n'il n'\ ail poinl de fautes el ne vous
douiez pas de \os corps el de \ns l)iens, si ainsi le faites. El si ainsi ne le
faites, je aous piomels cl ccrlifie sur nos ^ ies (pic nous cnirerons, avec l'aide
de Dieu, en lonles les villes (pii doivenl ('Ire du sainI ro\aume, el \ ferons
l)onue |)ai\, ([ui (|ui \icnuc conirc.
« A Dieu Aous recommande. Dieu soil i;arde de \ons, s'il lui plail.
Réponse bien loi.
« Devant la cilc de Troyes, éeiil a Sainl-Ealc, le mardi (pialricnic de
juillet. »
Le Daupliin joignit le lendemain ses instances à celles de Jeanne. Mais les
111.1)1)11 ION I)F CHAl.ON.S-SUll-MMIMi
Miniiiturc- lin niaiiiisorit tics A'iijilfs liu e.iiiirlcs A II.
ORLEANS ET REIMS.
aof)
'WRTKAir inojF. lAl-U'^ERIE FAITE "i AOtV'X CENS ANJ UV EST HEFREyF-NFE 1-E ■I^OV t liM^LEi" Vil. AIX^VT FAIRE,
ÏOV £^TFF£EN L/^ VII.LE nc Rh F.IM5 Ixn'R V l_?TRE *ACBE A LA CQNDVIX PC LA l'Mfilf- DOniEANi .^17"^'-
_J<Tr \'»rr If f mifhf îf i(ï>ini>r In nurr'.if. C hirlrt Ui'rr i|1ii"< fniin fiil "km'
œi^Hi, '*"'''"'*'' "'"S rt>>fl'llf nf ffil Qiw.t f t *Ii Hfu 11 nf fui rou' Miiir \l
Î\
Aiiiuvi;!-; A iiicins
(.ii'avure Je Puinssart, datrc rlr i(ii(i, ir.nirrs une tapissci'ic de haute lisse, perdiit- atijoiii-iriMii i-t exécutée
vei> la lin ilu XV' siècle. (Jîi/i/iot/tt'//nc iiatioita/v.)
Ii;il)ilanls (le 'l"i()\('S ne se iciidiiciil pus. In piiili piiissiinl \ (loiiiiiKiil (|iii se
niononcail en fax ciir des \iii;lais. ('.ciiv-ci du icsic coniposaiciil la liiiniisoii,
liiquellc coinpiait ciiKi à six cciils lioinincs. Ils cciiN iiciil d'aiilic piiil aux
lial)il;iiils de liciins, leur déclarant (|ii'ils licndiaicnl lion. Ils \ paihiiciil a\cc
injure de .le;miie, la Irailiiienl de |i()ssedee du denion, cl ridienlis;iienl hi lellre
qu'ils ii\iiient reçue d'elle.
Ce|)en(hint il se tinuvail à Trn\es mi moine eordelier, prediealeiii'
populaire alors fort en renom, qu'on appelait frère Rieliard. Ses eoneitoyens
le ehargèrent sans doute d'aller examiner .Jeanne, ou bien un sentiment de
euriosilé le |)orla à le faire de lui-même. Toujours est-il ([u'il \inl au camp
(les Français. Mais, persuade' que la l'ucelle était, selon les dires des liahitants
de Troves, plus ou moins de (•onni\enee axée les mau\ais esprits, il s'a\an('a
timidement avec mille précautions, faisant des signes de croix et aspergeant
.Teanne d'eiui bénite. » Approchez liindimciit, lui dit l'Iiéroine, je ne m'envo-
lerai pas. »
Frère Richard finit par se rassurer, et la l'ucelle le chargea d'une
nouvelle missive pour les liahitants tie Troves. Malheureusement, ceux-ci
2IO
JEANNE DAIU: l^VCONTÉE PMI LIMAGE.
ne se reiuliieiil |)iis |)liis à eelte nouvelle iléinarelie qu'il la première.
Le temps s'éeoulail, le sièiife durait depuis eiu([ jours et Ton ne prévoyait
pas (juaud les ehoses pourraient tourner à niieuv. La falii^ue et le décourage-
ment s'empai'aient des eliefs, les soldats manipiaienl de \i\res, car on était
parti sans proxisions. ^^
Regnault de (lliaihcs, dii>ne ('mule de i-a Trc-moïlle dans son opposition
sourde en\('rs .leannc, s'attacha à demonlrer (|u'il était sage d'aUandonnei'
Troves et de rclonrner en ai'i'iére.
.leanne eut hiiiil de ces intrigues el de ces conseils. Llle\inl inopinément
f'iapper à la porte du l)au|)liin. Il fallut hien la laisser enirer. ( )n s'cU'orca de
lui faire eompi'cndre (pie le si('ge ne dexail |)as être poursui\i.
.leanne alors se tourna vers le Daupliin et demanda la permission de
parler. ■ l'arle/, dit le lioi, cl si nous dites clioses prolilai)les el raisonnahles,
on \()us eroii'a. — Nous me eioiic/ ? dil .leanne. ()ui, selon ce (|ue \(ius
dire/. — (lentil Koi de
l'rance, rcpril la l'ucelle,
si ^olllc/. demeurer ici
de\anl \oIrc \ille de 1 i()\es,
elle sera en \olre obéis-
sance avant trois joiu's, soit
de l)on gre et par amoui',
soil par force et courage :
cl glande sera la slup(''fae-
lion de la fausse l'xiurgogne.
— Jeanne, reprit l'arelie-
\èf[ue, (|ui sci'ail certain de
l'avoir dans six jours, on
l'attendrait bien. Mais dites-
vous vrai? » — Elle en donna
de nouveau l'assurance el il
lut décidé qu'on surseoirait
à la retraite.
Au sortir même du con-
seil, Jeanne se lil armer,
moula a cheval cl prit son
JEANNE \V SACRE DE CHAKLES VII A KEIAIS élCudard.
D'apiis une cau-lorte de Bm* extraite ilc Jeanne d'Arc, par Michelet. \ l'C • .
[Hachcnc c, o-, éditeurs.) A SOU appel, oifieiers et
ORLÉANS ET REIMS. an
soldats sf miiH'iit au ti'a\ail et cii devoir de prcpari'i' l'attaque, (l'était mer-
veille (jiie de \oii' Jeaui'.e aviser à tout et donner l'exeinpie de l'acliNilé.
LA I lu lIliAM. lu. f.lAMS
IVapn's une pliotograpliii'.
Ia" lendemain dès le malin lout elail pièl pour l'assaut, (jiiand l'eNèque
de Troyes et les prineipauv de la \ille, \inrenl faire lein' soumission.
Ils fuient hien aeeueillis. Le Uoi a\ail intérêt à le faire et à attirer à lui les
212
JEANNE D'ARC RACONTEE PAR 1/lMVGi:.
niiti'e's villt's par la Ixmlc avec la(|iicll(' il liailail celle-ci. I ,a iiarnisoii ehaiiijèi'e
lui aiiloiisee à se relirer cl lOii doiiiia aii\ liahilaiils les meilleiiies i;aiaiilies
pour la seeiirile de leurs personnes cl rinlei;rile de h'iirs l)iens.
J)èsle leiideinaiii., lo jiiillel, le lioi eiilra dans 'rro\es. La Pncelle elail a
L AK.Mlvt KUYALE IJEVAN l' ItKlAlS
Gi-;ivurf en coulcm-s de MoUET (rn]>rt's Desfontaines (Collection des jMirlraits tics Grailih llo.
jiiihliru i);ii- lilin il Paris, 1788-171)2.) (Bihlioltict/nc iiirli<,iia/c.)
côté (lu prince, porlanl son elciulard ; les seignems cl les chefs (\v l'arnite
venaieni a la suile.
Selon les c()n\ cnlions, la i^ar'nison sorlil. Mais, coninie on a\ail i^aranli
leurs biens aux i;cns d'armes ainsi (|u'au\ aulres, ils soni;('renl à ennnener
leurs prisonniers, .leanne s'\ o|)posa l'ornielleinenl ; resolunienlclle se linl à la
porte de la ville et d(''eiara (|ii'ellc' ne les laisserait pas sortir. Il l'allnl hieii (aire
selon sa Nolonté. Seulement le Dauj)liin, voulant rester fidèle an texte même
des conventions, racheta les prisonnieis a ceux (jui les détenaient.
Au lendemain de la prise de Troyes, l'armée se dirigea sur Chàlons. Le
ORLÉANS ET REIMS.
2l3
SACIIK DU HOI A KEIMS
IVIiiii.itur.' (lu ni;iinisci-it les Vi"ilcs iK* Cliarli-s VIL
l)riiit (le la prise
de cette pre-
mière ville y
('■tait déjà par-
venu. L'évèqiie
et les bourgeois
vinrent au-de-
>an( du Dau-
phin pour lui
l'aire leur sou-
mission, sans
qu'il eùl fallu
coup ferir.
Ainsi la re-
nommée de
Jeanne suffisait mainicuani à gai^ner di'S halailles, ou du moins a faire ouvrir
les poi'les des \illes.
Une joie 1res scnsijjle allendait Jeanne d'Vre à (Ihàlons. Plusieurs liahi-
lants de Domiem\ s'v Irouvaienl, allires sans doule par le désir de rt'xoir
« Jeannette >■.
Elle V vil d'ai)ord Jean Morel, l'un de ses parrains, qui ('lail de (Ireux.
tl'est lui (jui le raconte tians la dé[)osition qu'il fit au procès de réhabilitation.
« Je n'ai plus rien à déclarer, dit-il, sinon qu'au mois de juillet je fus à Chà-
lons, au moment où il se disait (juc le Roi allaita Reims se faire sacrer. " l'>lle
V vit encore Gérardin d'Epinal, son compère, leciuel devait aussi plus lard
déposer au procès de reliabililalion.
A Domremv les hauts faits de Je;uuie étaient parvenus; on s'en était beau-
coup enirelenu au \illage, et Jean jMorel et Gérardin, sans doute un peu plus
fortunés, avaient résolu il'allcr voir Jeanne en son triomphe. Il fut doux pour
la l'ucclle de les rencontrer, et elle donna à Morel lui habit rouge (|n'elle a\ail
porté. La caillante enfani, aussi tendre (pie courageuse, avail le eulle du sou-
venir; elle eu dornia des |)reuves en plusieurs occasions. Son parrain dul
remporter [)reeieiiscmenl le vêlement (|ue Jeanne lui a\ail odcrl.
Etait-ce celui doni clic usail en arrivant à \ aucoulcius cl doni il est paile
dans les lemoignages tie Le Rover, de Jean de Metz el de llcrlraiid de l'ou-
leng\ ? Il se peut; toutefois il sembli' |)eu probable (jue Jeanne, après avoir
à Vaucouleurs pris l'habit d'homme, n'ait pas remis son vèlemenl orilinairc à
ai4
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Duraïul Laxarl ou à quelque autre. Au milieu de ses eampai;nes, l'eùt-elle
facilement conservé? et dans fjuel hul d'ailleurs? Comme souvenii- du temps
où elle vivait en |)a\sanne? Il esl à su|)|)()sei' (|ue le vêlement dont il est ici
(juestion était l'un de eeuv (|ui lui l'urenl oU'eils api'ès son arrivée à la cour,
el qu'elle pril ini plaisir ingénu. I)ien en lapporl a\ce sonate et son se\c, à
en\o\i'i' à Domremy ce
riche \ élément (|ui dc\ait
laii'c l'admiration de ses
compatriotes.
l.e Uoi di'meura peu
de lenips à Cliàlons, et dés
le lendemain l'armée le sui-
\ il sui' le clicniin de Keims.
Sans allendre l'ari-i-
\ ce dn Hoi sous leurs
murs, les liahilanls \in-
ren( au-dc\anl de lui jus-
([ii'à Sainl-Sanl\, à (|ucl-
(|ues lieues de Keims; la
deputalion se composait
de l)oiu'i>('ois, à la télc des-
(|uels se Irouxait l'ar-
(■lic\(''(|ue Hegnaidt de
Cliarires.
Le l^oi les accueillit
a\cc l)onnegrâccel, par let-
tre, accorda pleine amnis-
tie au\ liahitants. Le même
joiu', i() juillet, il entra
solciniclicmeut à Reims.
Le peuple nionlra beaucoup d'enlliousiasme poui- le Hoi. Mais .Teanne
était par-dessus tout l'objet des rcf;ai-ds : (ui se répétait ses "landcs actions, et
l'on admirai! la boule simple cl modesie dont elle doiuiait si souvent des
preuNcsa tons les mallicureuv <pii rapprocbaienl.
Elle logea dans une maison Noisini' de la cathédrale, (juc l'on montre
encore aujourd'hui.
On voulait sans retard procéder au sacre. T.a nuil fut donc consacrée à en
Ji:\N.\K 1) AHC AL SAUUIi Ul KUÏ A HKI.MS
D'apiis If ilissin (lo MM. PnoLVÉ et Cabot pour le missel ile Jeajine il' Ajv.
é.lité 11^11- I,ehii-i;e à Pnris. i (Win lion ,1c M. Vahhi I.cmcric.)
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ORLÉANS ET REIMS.
oriloiHicr les préparatifs, et le lendemain, dimanche
17 juillet, la eérémonie eut lieu.
Le matin, les maréchaux de Boussac et de Rais, le
sire de Gi'aville et le sire de Cnlaii, allricnl à cheval
solennellement ehei'cher la sainte ampoule en l'église
Saint-Rémv. L'abbé de cette abi)aye, revêtu de ses
ornements sacerdotaux, l'apporta à l'église Saint-
Denis, où l'archevêque la reçut de ses mains pour
la déposer sui" l'autel.
Le Roi se tenait au pied de l'autel. Douze sei-
gneurs et évêques suppléèrent aux douze pairs du
rovaiuBc, (jui, sui\anl le cérémonial, eussent tlù
entourer le piincc. Ce furent, pour les laùjucs, le
duc d'Alençon, les comtes de Clermont et de
Vendôme, les sires de La\al, de T^a Tré-
moille et de Beaumanoir. Parmi les évêcjues,
on vil paraître ^archc^'êque de Reims, l'évê-
(|ue de Laon, ceux de Clhàlons, de Séez et
d'Orléans.
L'archevêque de Reims officiait, le sire
d'Alm se tenait, l'épée à la main, devant le
Roi.
Jeanne assista h la cérémonie, son éten-
dard à la main; on le lui reprocha plus tard
à Rouen. On sait quelle fut sa réponse :
son étentlard a\ait été à la peine, il était juste (pi'il fût à l'honneiM'.
Le prince fut fait chevalier par le duc d'Alençon; il reçut des mains
de l'aichevêque l'onction sacrée et la couronne. Alors se passa une scène
qui arracha des larmes à lui grand nombre d'assistants. .Teanne s'avança,
se jeta aux pieds du Roi, lui embrassa les genoux à plusiems icpiiscs et, pleu-
rant abontlamment, lui dit :
« Gentil loi, ores est exécuté le plaisir de Dieu, (jui \oulail (jue vous
vinssiez à Reims recevoir voire digne sacre, en montiant (|ue xous êtes Mai
Roi, et celui aufjuel le rovaume doit appartenir )> .
Ce même jour, Jeanne cul le bonheur de voir son père. Celui-ci, \eiui
aussi a Reims pour assister au sacre et revoir sa lille, fut logé et nourri aux
Irais de la ville. Un des anciens comptes de la ville de Reims porte que, des
•J.S
JEANNE D ABC AU SACHE
P'iipri'S la statue (TKmile LafONX.
2l8
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
deniers communs do la ville, ont été pavés 24 livres parisis à la femme Alis,
veuve de feu Raulin Moiian, maîtresse de l'hôtel de VAs/ic Hnyi\ |)oiii- les
dépenses faites en son hôtel pour le père de la l'ueelle, laquelle était 111 com-
pagnie du Roi quand il fut sacré.
Dans un autre compte, il est dit ([ue le Hoi Ht <• à Ucinis l)ailler et (lélixrei'
60 livres données à Jehannc pour l)ailler à son père >^.
Jeanne, (|ni n'onhliail pas son pa\s de l)omr(Mn\ , obtint en fin cnr de ses
compati'iotes cl des liai)itants de Creux rexeniplion du paieuieni des imp(')ts.
JI.A.NM; i;U.M)l ISANT LE KOI A «EIMS
D'aprrs res(jnisse il'AnY ScHEFFEn. [CoUection de M^" Marjnlîn Schefjer.)
Le texte de l'edil ro\ai est conserxc aux \rclii\es nationales cl a ele publié
comme il suit par M. \ allet de \ iriville, dans la l'ihlidl/ii'qiic de l' licolc des
Chartes :
'( Charles, par la grâce de Dieu, Rov de France, au liailli de Cliaumont,
aux esleus et commissaires commis et à commettre, à mettre sur, asseoir et
imposer les aides, tailles, subsides et subventions audit bailliage, et à tous nos
autres officiers et justiciers ou à leurs lieutenants, salut et dilection.
i< Sçavoir nous faisons <[ue, en faxeur et à la requête de notre bien aimée
Jehanne la Pucelle, et pour les grands, hauts, notables et proiilaljies serxices
qu'elle nous a faits et fait ehaijue jour au recoux ri-ment de notre seigneurie :
nous axons octroyé et octroyons, de grâce spéciale, par ces présentes, aux
manans et habitants des villes et villaiees de Greux et Domremv, audit bail-
liage de Baumont en Bassigny, dont ladite Jehanne est native, qu'ils soient
SACHE DE CHAKLES VU. ]- JIILI.ET l^MJ
D'après la peinture murale du l'.ititliéou, pjir Lekepveu.
ORLEANS ET REIAfS.
p. ai
d'ores en avant
francs, qnilles,
exempts de toutes
tailles, aides, sub-
sides et suliventions
mises et à mettre
audit l)ailiiai^e
« Donné à
Cliinon le deire-
nier jour de juillet,
l'an de gràee mil
quatre cent vingt-
neuf et de nostre
règne le septième.
« Par le Rov,
en son conseil.
« Badé ».
L e p è r e d e
Jeanne d'Are, Jean
Morel, parrain de
la F^icelle, et Gé-
ra riiin, son ami
d'enfance, eurent la
douce joie de pou-
xoiiremportei' celte
bonne nouAclle aux
amis que Jeanne
avait laissés à
Greux et Domremv.
:çv/^tfm
COURONNEMENT DU EOI A IIKIMS
D'aprrs \:\ iniiiiatiire d'un manuscrit Tranchais tlu x\'^ sii-cle.
ijiihlifithèque iialionalc,\
Le soir du sacre, Jt>anne dut ax^oir un long entretien avec son père.
Après le triompbe des Rameaux, le Cbrisl se icndil à lîcMlianie cliez Lazare
et ses sœurs, qui étaient ses amis. La \\v intime cl cadu'c csl douce
après les joies bruyantes et publiques; c'est le recueillement du c(j'ur. On
rcti-ouvc dans la solitude du lo\cr (l()nicsli(|ue ou ami la (leur même îles
joies qu'on vicnl de goùlci' si elles oui eu (|ucl([ue cliosc de substanliel et
de durable, on en recueille |)our le respirer à nouveau et plus libre-
ment le parCum mcnn' : laissant de côte le bruit du dcliors, rcclal (|uc
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
oi'ilcnl seules les Ames futiles, on garde l'àme des joies (jiroii
\ieiil de eoiin;u'lr'e ou des lionueur-s c^wo les liomuies nous ont
eiulus.
C'est luie joie douce au e(eui', connue l'est pour l'esprit le
souvenir d'une hcllc pai^c <|u'on \ient de lire, d'un discours
elotjuent (|u'on ^ient d'entendre. \)u livre ou du discours
la lellre est déjà loin, mais la pensée l'cste, la
vérité demeure hienfaisaulc <\c lumière cl de
forée.
Que ne nous a-t-on gardi- le l'ccil de l'eulre-
tien de .leauiu' avec sou père, au soir de Keims !
Alais ces choses ne son! pas de celles (|ue les
secrétaires mettent eu noie, et (pic l'on rcirouxc
consignées au livre de compics d'une ville ou d'uu
bourgeois. < )u v inscrit seulement la sounne des livres
louruois dépensées.
.leauue s'iid'orma sans doulc de sa mère, de ceux de
ses frères qui elaieul restes au logis cl de sa S(rur.
(^)ue devenail-ou à Donu'cmv depuis les six grands
mois (|ue .Icannclle eu était partie ":* (^)u'av ait-on dit
d'elle au v illage et <|ue pensait-on de sou e(|uipec"::'
Va .lae([ues d'Vre, avait-il enlin pardoinu' à
.leaiuietle (r(''lre parlie malgi'c sa défense? Se
rejouissail-il aLijoiM-d liui <|ue, ccoulaut la voix
des saiiUes plul(')l (|uc celle de son père, elle
liïl venue a \aucouleurs d'aliord, a (.liiuon
ensuite, puis a ()rleans et a Mcims pour taire
ces grandes choses?
.Teaune était trop douce et trop dc-licate poui'
parler ainsi; elle n'eut |)as voulu même efdeiu'er ces propos et réveiller' ces
souvenirs propres à coid'ondre le pauvre .Taeques d" \rc.
Mais lui, sinon pendant que sa fdle était à ses côtés seule avec lui, dan:,
quekjue ehamhrctic de I'IkMcI de ■< ÏAs/ic lUn/c ", du moins, au moment du
sacre," de quelles pi'iist'-es son l'spril n'avail-il pas été hanté !
S'il avait persisté jadis dans sa défense, si ses fils l'i'ussent écoute (juand il
leur disait de jeter Jeanne dans la Ali-use, si, etfravée de ces menaces, Jeanne lut
i"estée à Domremv, (pu'l autre ctal |)our les choses de France! — Ce Roi, <|ui.
JEANNE 1) \!tc \i; s\i:hi-;
après la statue tU- S,\int-M,\i\(;kaux
,.//r,
■'"'/' ^^■■'y
Ji/it^ u^u
OllLKANS ET REIMS.
223
hois Jeanne, l'eùl fait sacrcf? I.e pays envahi, qui en eùl eliasse l'Vn^lais?
( hii nous eùl rendu la i^loire des armes et assuré l'indépendance?
Oli! la mission des pères esl \raiment sacrée, mais elle esl hien i;rave
aussi et parfois redoulahlc. Conihien recueillis et sages ne doivent-il.v pas
l'exercer! Combien aisé ne leur est-il pas d'entraver à son deparl unr \w (\u\
peut être féconde, peut êlrc mèine gi'ande et illustre!
Un père, une mère, devraient par la sagesse de leurs |)ensées, la gra\ile et
I.K SACHE
D'anrrs tut ciii-toii de Lionel Royer.
la mesure de leiu's ri'soiulions, s'épargner pour l'aNcnii' la peine de \oir leurs
(ils, de\enus hommes, uliles à leiu'S frères, honores par le l'ail (|tril oui eu le
rare el didieile courage d'opposer aux desseins de leurs parenis un dessein
plus sage, à leui' noIouIc (|ui se Irompait d'ohjet une volonle plus éclairée el
plus ferme. .< Quel malheur pour l'homme que d'être heureux sans Dieu "!
dil Pascal. ( i'i'sl un malheur poiu' ini père que le spectacle du honlieur' de sou
iils heureux sans lui, cl non par le i'ruil de sa prudente dirccliou el de la lidelile
de son dcxouemenl.
Jacques d'Arc avait pardonnt' à sa fille ((uand elle partit de \ aucouleins;
.leanne n'a\ait pas eu même à pardonner, tant son àme douce et indulgente
224 JEANINE D'AllC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
était incapal)le de s'arrêter même un instant à quelque ressentinicnl envers
eeu\ <[u'el]e aimait.
Il l'ant (loue penser (jue leur entrelien l'ut tout au honlieni' de se rexoii',
et (|ui' Jeanne, si rarement jo^ellse, le int pendant ees instants, sans iesei'\e.
(l'étaient, lielas! les derniers (|u'elle passerait a\ee son père; elle ne
de\ait [)lus le revoir !
MEDAILLON UN VILH.MI.II, lu \\1 SltCLE
{Mitscc Jeanne d'.lri-, ;i Orléans.)
LE SIEGE DE PARIS
T;il)Ii'iiii (le CAnRiER-BEi.T.EUSE pnMir djnis lii Mission patrintii/nc île Jeanne d'Arc. (Jmpr'tmciies Rt'anîfs.)
VI
DEVANT PARIS
GÉNIE ET PATRIOTIS^IE EN JEANNE D'ARC
A SAINT-DENIS SOUS PARIS
\RMi les causes diverses de l'élrange et adminihle
aelion piil)lique de Jeanne d'Arc, avec sa foi vive,
sa [)!('!(' fervente et le secours d'En-Haul que lui
appoilent conslamment ses « voix », il faut compter
le i;(iii(' f[uc Dieu lui avait donné et le grand amour
qu'elle eut pour la France.
Je voudrais, avec mes lecteurs, m'arrêter
quelque temps à cette considération, persuadé
qu'elle importe grandement tant à la juste
intelligence de ce que fut Jeanne et de ce
qu'elle fit, qu'au bénéfice que cliacun de
nous doit l'ctirei- poiu" son propre bien de
l'élude même de ses actes et tic son caractère.
^9
JKANNF, PI.El'RANT A LA VUE lllis BLKbSl.S
Statue tie la princesse Marie d'Orléans.
226 JEANAE D'ARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
Admiii r une grande âme est bien, mais non pas assez : il faut que noire
admiration, en même temps qu'elle honore eeux qui en sont l'objet, soit
féconde pour nous, que les exemples qu'ils nous donnent nous portent
à les imiter, et que l'esprit qui les anime prenne en nous une ])lare plus
large, plus durable.
Un écrivain de notre siècle a dit de Bossuet cette très juste parole : « Le
caractère propre et distinctif de Bossuet, c'est le bon sens' « .
« La découverte n'est pas bien grande -, ajoute l'auteur. C'est une erreur :
la découverte est grande, parce que d'une part elle est fort juste, que de
l'autre elle est nouveauté pour nombre d'hommes qui ne connaissent (juc
médiocrement ré\è(jne de Aleaux et qu'elle est par conséquent instructive.
Je crois que quiconque aura étudié la vie de Jeanne d'Arc comme il
convient de le faire dira aussi : « T>e caractère propre et distinctif de Jeanne,
c'est le bon sens » .
En Bossuet le bon sens a été singulièrement fortilié par la fermeté de ses
croyances, par sa foi. Il en est de même de Jeanne d'Arc, mais le bon sens n'en
demeure pas moins sa marcjue particidière.
Le bon sens! On a généralement trop réduit son domaine cl l'amcnc à une
trop modeste mesme le mctitc ([ui est le sien.
« Rien n'est estimable <|ue le bon sens et la mm-Iu )•, a dit justement
Fénelon; mais combien ces deux grandes choses sont peu popidaires! La
vogue n'est pas j)our elles.
C(^|iendant le bon sens est ici-bas le Fontien de la vc'rité, sans hupielle ni
indi% itlus ni sociétés ne pcuncut \ i\ rc. Mais on le traite comme ces arbres dont
on recueille les fruits et dont on dédaigne le Ironc et la ramure, on encore
ainsi que ces hommes plus sages dans le conseil ([u'cntrcprcnants dans Faction,
([ui ne s'cxpiinient jamais biuuammenl cl qui rendent si modestement service,
qu'on oublie le bienfaiteur d'aboid, le bon ser\ ice ensuite et le prix <{u'il a
pour nous.
C'est |)ar la force du bon sens qu'un homme vaut, c'est par la faiblesse du
sens qu'il est médiocre. Sans le bon sens, rien n'est ferme en nous ni eflicace.
C'est par lui que les résolutions sont sages et aboutissent; c'est lui, en effet, qui
donne à la volonté la vigueur et la constance, par la clarté, la pi'écision et la
sagesse des desseins qu'il inspire.
Sans lui le goût n'est pas sûr dans les arts et dans les lettres, la poésie est
I. Dt'sirt" \is;irtl. Uîstoirc de la J.Uti'ratnrf. l. III. p. 'i?.i.
DEVANT PARIS.
227
vaine et les l)e;m\ moinements de la |)arole liumaine ne peiivenl èlii' (ju'une
creuse et sonore harmonie de mois (jui se succèdent.
Le génie enfin n'est pas aulre chose que le ])on sens (''Ie\é jusqu'au
suhHme par l'imaginalion. Le génie est la raison émue, la vérité ladieuse et
splendide! Splcndoi- vert^
comme l'a dit l'ialon du
heau.
Mieux encore que la
science, c'est du bon sens
que nous pouNous dire avec
Bossuet : « Il esl la lumière
de l'entendement, le guide
de la volonté, la nourrice de
la vertu, eu lui mot l'âme
de l'esprit et le maitre de
la vie humaine' > .
Comme l'espiit de foi,
le bon sens est en nous cet
« œil « dont parle le Christ
et qui, (juand il s'applique
avec clarté et précision à son
objet, jette sur tout ce qui est
en nous et devant nous la
kimière\
Peu d'hommes ont été
aussi fortement marnués nue D'IIH''* '<; ilcssiu de ISida. (extrait de Jcamic d'Arc, par MiCHELET
'Il Hachette et C'', cilitcurs.)
Jeanne de cette universalité
du bon sens. C'est en lui qu'elle puisa celte aptitude aux rôles les plus di\ers.
Par lui elle est à l'aise en toutes choses et partout elle se trouve en sou nalurel.
Ni le spectacle nouveau tles cours, ni les finesses de la (liploiiialic ne la
déroutent, ni les arguties de la scolastique ne la mettent en échec, ni la guerre
avec ses surprises et son tumulte, ni la gloire même ne la font sortir tic sou
« assiette stable et tranquille», comme dit Pascal.
Elle est |)artoul fidèle à elle-même, parce que partout son admirable sens
lui donne lumière pour sagement concevoir et fortement exécuter.
Jl.VNM-. IJICIANT UNIi LliTTllK A SON AIIMONIiai
1. Bossuet, Pancgyriiltte de sainte Cathcnne.
2. Si oculus tuuj l'uciit siinpUx cl parus, totum corous tauin lacidum cru, (.Malli. \i, 22.)
■ii8
JEANNE D'ARC IIACONTÉE PAR L'IiMAGE.
SOSNIilTIi AVliU MANCHli
KUl'BÉsiiS TANT UNE STATUE
UK JIÎANNK d'aHC
[AIuscc Jeanne d'An-, ;i Orléans. )
C'est du bon sens, source et fondement de l'espiil, que
jaillissent ces saillies Aives et pénétrantes qui donnent à son
discours l'originalité puissante — et charmante aussi — qui
laisse sans réplique courtisans, chefs de guerre, docteurs et juges.
C'est par le bon sens, uni au bon cœur, qu'elle plait tant
aux foules, qu'elle leur dit ces mots que les gens du peuple
se répètent et qui font fortune parmi les petits, tant ils
rendent en termes justes, forts et prompts ce que chacun
pense tous les jours.
Sous Jargeau, les siens perdent courage. Elle leur
promet la victoiie : Dieu ne manquera pas. — « En êtes-
vous sûre? — Eh! si je n'en étais sûre, j'aimerais mieux,
croyez-le, garder les brebis que de m'exposer à de tels
périls. » Que ré|)ondre à cet argument ?
A Poitiers, les docteurs chargés par le Daiiphiii de
1 examiner la rcloiirnciit en tons sens : li's ()l)i('cti()iis se
croisent, les questions se succèdent. A cliainn Jeanne répond par le mot juste.
« Vous dites que Dieu vous a promis la victoire, hasarde Guillaume Aymeri,
et d'autre part vous demandez des soldats. A (juoi bon des soldats, si la
victoire est assni-ée? — En nom Dieu, réjtond Jeanne d'Arc, les soldats
batailleront et Dieu donnera la victoire. »
Elle est à Rouen. On essaye de la surprendre en ses paroles : « Ne savez-
vous |K)int (jue sainte Catherine et sainte Marguerite haïssent les Anglais? —
Elles aiment ce que Notre-Seigneur aime et haïssent ce ([iie Dieu liait. —
Saint Michel avait-il les cheveux longs ou courts? — Pensez-vous qu'il en
coûte à Dieu de les lui couper? — Etait-il \ctu? — En eoùtait-il à Dieu de
le vêtir?
« Quel langage parlait saint Michel? lui demande un des docteurs de
Poitiers, Limousin d'origine. — L n meilleur (|ue le vôtre », réj)ond Jeanne.
A Rouen encore : i< Savez-vous être en état de grâce? " lui demande-t-on.
Si elle dit oui, on l'accusera d'orgueil; si elle dit non, elle se reconnaîtra
coupable.
« Si je u'a suis. Dieu m'v mette, répond Jeanne; si j'v suis, Dieu m'y
garde. Je serais la plus dolente du monde, si je ne savais pas être en la grâce
de Dieu Au surplus, je crois qu'on ne peut trop nellover sa conscience. »
Le bon sens en elle s'éleva jusqu'au génie.
Qu'on ne nous accuse |)as d'atténuer en son action comme en ses discours
DEVANT PARIS.
229
la pari de l'inspiration. Nous la laissons entière. Mais quand Dieu dispose une
âme à queUjue mission extraordinaire, il l'y prépare et commence toujours par
lui assurer les dons qui conviennent à la charge qu'il lui réserve. « C'est
Dieu qui fait les guerriers et les concjuérants..., dit Bossuet. II inspire le
courage, il ne donne pas moins les autres grandes qualités naturelles et
surnaturelles et du cœur et de l'esprit. Tout part de sa puissante main'. »
« Tout » nous vient
donc de lui, l'intelligence et
le génie même, comme la foi.
C'est chose plus éton-
nante encore et |)Ius admi-
rahle que de voir de tels
dons, et en un progrès si
achevé dans une enfant ou
du moins une simple jeune
fdle.
Aussi rien n'est-il |)lus
aisé, quand on lit la vie di'
Jeanne d'Arc, et de plus
fréquent ipie d'ou])lier l'âge
encore tendre qu'elle avait,
puisqu'elle est morte à dix-
neuf ans moins quelques
jours.
Nous ne rencontrons
nulle part, semble-l-il, une
nature aussi exceptionnelle-
ment mûre, et l'on eompniul
qu'Etienne Pasquier ail dit de sa personne, de sa vie et île son action : « C'est
un vrai miracle de Dieu* ».
Mais il est un autre objet sur lequel il me larde d'appliiiuer notre élude :
c'est le grand amour que Jeanne eut pour la France. Le génie n'est le partage
que d'un petit nombre d'hommes, mais tous ont le devoir d'aimer et de servir
leur patrie. C'est un devoir que Jeaiuie nous enseigne de l)ieu belle et bien
louchante manière.
Al'KES AVOIR TEHKASSE LE LEOPARU U ANGLETERilE,
JEANNE REMET A DIEU SON ETENDARD
Groiij)c> yn lu-onze lie M. le ctiinte G. nu Passage.
I. Bossuet, Oraison funcbre du prince de Condè.
■i. Elieiuie Pasquier, la Recltcrches de la France, livre VI, cli. v.
23o JDANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'LMAGE.
Il y a dans node tempérament national une telle généiosilc ikiIInc,
(|ne ceilains senlimenls nous semblent devoir naîlie en nous d'inslincl cl s'y
développer sans eObrl. Il en est ainsi du patriotisme.
Demandez à un Fiançais s'il ainu' son |)a\s, s'il a le culte passion lu- de la
France, si dans ses paroles et dans ses acies il Iraduil, sans cesse ni défaillance,
ce seulimenl : il n'hésitera pas à répondre (ju'il en est ainsi et (jue son patrio-
tisme esl aussi profond (ju'eHt'ctif. Montrez quelcpie léger doulc à cel cndroil,
NOUS lui canst'icz aulanl d'ctonnement (|uc de dc|)laisir. Insisicz, priez-le de se
l'ccucillir, de s'inleirogcr lui-même a\anl de répondre une fois encore : il ne
sera |)as éloigné de vous en voidoir cl ne \ous cacliera pas (|uc \()lre doulc le
])lesse.
Et eepeudani ('ludiez vous-même ses actes, son allilude liahiluelle, écou-
tez ses piopos, cl NOUS devrez en conclure que son palriolisme est médiocre,
que ses paroles sont fré([ncmment amères à l'endroit de son peuple, cl ([ue, si
devani l'cnneini cl sLir le champ de bataille il est homme à coml)allre vaillam-
ment, au coniraire, dans la [)ai\, dans sa vie de chaque jour, il est nombre de
sacrifices, non pas liéi'oi(jues ccpendanl, au\<|nels il ne consenlirail pas.
Vous verrez surloul (pic si, par une ihcorie facile, il aime cl admire la
France du passé, ou celle (pi'il prc\oil dans l'avenir, pour la France de son
temps il n'a (ju'éloignemcnl, maussaderie et, dans l'action, indifférence et
inertie.
C;'est que, quoi qu'on en pense, le patriotisme est une vertu. Et si, comme
il est vrai, ce noble sentiment a dans toute âme généreuse une racine naUnelle,
encore ne peut-il vivre, croître et devenir fécond que par l'etl'ort et l'abné-
gation. Il faut souNcnt s'oublier soi-même pour aimer son pa\s, et de même
que, poiu' alli'r défcndic le diapcau conli-e rcnncnii, il faut quitter sa demeure
et sa famille, ainsi pour ser\ ii- son pa\s dans le patriotisme civil et pacifique
faut-il se renoncer soi-même et imposer silence aux sentiments personnels
parfois les plus vivaces.
Nul ne nous offre plus que Jeanne d'Are un modèle parfait de cette vertu.
S|)ectacle aussi touchant qu'il étonne en une enfant, Jeanne s'était fait de
la France une sorte de personne vivante. Son grand cœur et son vif génie
avaient évoqué devani ses veux comme une image visible tle la Patrie !
En un temps où l'idée de la Patiie française se dessinait à peine, Jeanne
la vit ni'ttemcnt, et la France était poui' elle comme luie âme vivante. Elle avait
eu l'intuition du génie de la France.
Née en cette vaillante terre de Lorraine f|u'on ue peut nommer sans lui
f
Copyriplil isy:;.]
APRES r.A iJATAlM.E — JE/WNE P,\NS\NT UN BLESSE
D'aprt's une ;iqiiiiroIli' tic I)uMO^T piiMiéc dans le Uarpcr's Mai^azinc
I
DEVANT PARIS.
233
oiiNOxcr un saliil du crrur, liclas! moiiilk' de lai'incs, plari'c sur ics coiilins dr
r Vllcuiai^nc cl de la l'iaiicc, il scmhic (|u'cllc ail jui^c- le lempcrauicnl de ces
d('U\ races, si dixcrscscu loulcs clioscs. Son (-(l'ur, sa pcnscc, loulc son âme,
a\aicnl - oplc .. pour la l'rancc. Aussi, (|uaud clic en parle, il \ a dans ses
VENAIENT A MOI TRES roI.ONTIEBS LES PAUVRES GENS, TOUR CE QUE
JE NE LEUR FAISAIS POINT DEPLAISIR
D'itprés iiiic afiii.ircllc de ISdutkt te Mo^vE^, extraitt* de ralbiini Jt-aiiiiv d'.lrc. [Pion tt C"", éditeurs.)
aecenis je ne sais ipioi de lendrc cl de earessant. Elle la clioie. clic a pour
elle quelque chose (|ui rappelle les caresses de l'cnfanl (|ui \oil pleurer sa
mère cl lenle d'apaiser ses larmes.
< hi'on ne dise pas (|ue les malheurs de la l'r-ancc elaicul Icis en ee lcm|»s,
(juc nul l'rancais ne [)()u^ail n(''ij|ii;er iraimer son pa\s cl de le sei'vir de loul
234
JEANNE D'AIU: UVCONTKE P \ H l.[M\(,E.
(•(riir, cl (|ii(' .Icimiu- a ("ail simpicmcnl ce (|iic cliacim faisail cl (lc\ail faire
cil pai'cillc circonstance.
.l'ani'ais d'ahoril le deuil de rc|)()ii(lrc (|n'en ce nicnic Icinps cl an si'in
des nicnies inallicnrs, n()nd)rc des lils de l'rancc l'onhiierenl, accncillircMl
I ciranijfi' on se consolèrcnl des dcnils nalionaux, ponrlanl si ^rascs cl si
cruels.
Mais ce n'csl poinl d"a\()ir aime la j'iance niallicnrcnsc (|ue je loue
Jeanne: c'esl alors, eu eUel, (|ue le |ialriolisinc csl le plus l'acilc. Elle a mieux
l;ii' : <'ll<' I :• ainiec nicruc eu dcliors de ses nialliciu's, je \cu\ dire pour ce
([u'cllc csl d'cllc-nicuie, pour
sa heaule, sa uoi)lesse, sa
L;raudeur.
\ussi, dans l'expression
de cel amour, mel-ellc je ne
sais ([nelle fierU' sereine, (|ucl
ori;ucil noMcen même lemps
(|u°in!;('uu, cl, puis(|ue nous
a\ons parl(' de mère cl d'en-
l'anl, il seml)le (|Uc Jeanne
d'Vre \euillc faire cnleudrc
au monde qn à ses veux nulle
nalion ne vaut la l'rancc.
( i'csl liien ainsi, n'csi-il
pas \ rai, (|ue l'enlaul pense
cl parle de sa mère ; de loules
les femmes, de loules les
mères, sa mère est la meilleure, la plus noMc, la plus hcllc même et la plus
aimée, (lei'tcs, j'aime cnleudrc Jeanne i;('mir connue elle l'a fait sur " la ijraude
pilic (In roxaume de l'rancc ■ . J'aime (]u'à ^'ancoulcnrs elle compare sou
allcutc douloureuse à celle de la mèri' ([ui attend le lils ([ui xa lui naître.
J'aime la \oir i|uitlcr loni, allrouler tous les pc'-rils, (h'joucr toutes les
ji:inm; m.i.vnt al r.ojiiivT
Ilas-ri'lii'l lie Kovatier. [Mtigt-c Jcatinc tt.irCj Orléans )
inis nalicnlc (luc ne sou
I lonus les délais (|n'ou I
UI
inliii^ues, cl se montrer pi
impose; j'aime la \oir \ i\ re, comhaltrc, cire eaptixe pour sauver la France cl
mellreun lerme à son mallieur. J'aime enlin la xoii', a sa dernière licure.
douce, sereine cl resii^nce par le seul fail de celle assurance (|n'cllc a (|ne
c< axant sept ans les \ni;lais seront houles liors de l'rancc ".
^Nlais ce (jui ne me louelic pas moins ou plul(")l ee (|ui m'cmcul da\aulai;e.
1 i Vl,l)> \\\.i: 1, lAMOt
1)1. lA l'IJCKI.LK
DEVANT r\i;is.
e'csl le ciillc passionne (radniiialion (|ircllc a ponr son paxs
quand elle parle (In " liean paxs de lianee ■, de ce •' noble
i()\aume >> el de ee " saini l'oxaume ". lA\v ajonleiail xolonliers.
a\ee nu de nos \ien\ eln()ni(|neurs, (|ne si l)ieii a\ail en deux
lils, a\anl donne le ( liel an preiniei', il eùl an second donne
la lianee |)onr a|)anai;('.
N'a-l-eile pas l'ail, dn l'csle, de la l'ianee nne louani^c
meillenre encore (|nc cclle-la (jnand elle a dil : ■• Tons cen\
([ni i;nerroienl contre ce sainI l'oxanme de l'rance, j^iierroienl
eonire le roi .lesns, roi dn (liel cl de loni le Monde ".
De l'avis de la i'iiccllc, c'csl enire la l''rancc cl l)icn connne
nne alliance od'ensiNc cl dcrensixe : (jiii lonclic a I nn Messe
l'anlrc.
Voila (|nel en Ile Jeanne a\ail poin' son pa\ s. ( )n dira : ( i'csl
iniicnii. Soil; mais c'csl nohie, c'csl loncliani cl c'csl cClicacc.
l'.n Ions les cas, c'csl ainsi ((ne .Jeanne a coinni'is j'ainoui' (i'''""-'''"" moiLinc'
(le la l'rance cl j'ajonic (|nc (|nicon(|ne ne l'aime pas ainsi, ne l'aime pas
comme il con\ ienl.
( )n nons acense de je ne sais (jnellc \anlardisc a l'endroil de la valeur
de noire peuple.
.le ne sais pas si nons a\ons liors de clic/, nons le Iravers de \anlcr la
l'rance a re\c(''s; mais s'il en esl ainsi, i;ran(l Dieu! (jucl iclour nous j)rcnons
nue fois renircs dans nos nmrs!
Nous excellons à dire t\i\ mal de nous-m(''nies el, à enlendrc nombre
d'enli'c nous, il n'esl nalion pire (|ue la n('>lre. i'ji ini mol, si \i\e (luc puisse
('■Ire la jalousie des aulres peuples a l'endroil du n(')lre, il esl \rai poinlanl
(juc nul ne dil plus de mal de la l'rance (|uc les l'raneais.
La l'rance mcrile mieux (|ne ces railleries, cl nons serons dans la \crile
cl dans la jusiice en imilanl Jeanne d'Vrc. en cslimanl la l'ianec comme elle
l'aeslimc'c, en l 'ad m ira ni connue elle l 'ad m ira il. Nous aurons à i^a^ncr beau coup
à ce! cnlliousiasnic, je ne \ois pas ce (|ue nous pourrons \ perdre; car il en
esl d'un peuple connue d'ini liouniie, il esl meilleur de l'cIcNcr à ses \eu\
a\cc mesmc (|ue de l'ahaisser.
Jeanne loulcfois, en sou palriolismc, nons doinic nn aulrc exemple
Cju'il imporic de ne pas oublier, car il esl d'une iinilalion plus lahoi'icusc.
SouvenI, aimer sa raniillc esl plus facile (|u'ainier ses frères, (l'est (|ne les
inlerèls el l'iionneui' de la famille nous soûl un bien commun a\ee noire
236
JEANJNE DAllC RVCONTKK 1' V II LIMVCK
|);iiciik', lundis (|ii(' l'inlcirl de iiolic |)ai('Ml n'csl pas loiijoiirs coiiCormc an
nùli'c.
UiU' passion coininniic nons fail aiinci' noli-c faiiiillc; des passions
0|»|)os('cs ne pcnxcnl (jnc Irop racilcnicnl nous <li^is(•|• a\cc nos IVcics on
nos pi'oclus. \insi nons csl-il pins aise d'aimer noire pallie (pie nos eonipa-
li'iolcs, cl noire pa\s ualal ([lie nos eoneilo\ens; en nn mol, pins aisé d'aimei'
la l'ranec (jne les l'raneais.
.Icaniie, en elia(jne l'ianeais, aimail la l'ranee.
Elle a aime son Hoi, elle l'a honore, ser\ i el deCendii eoiilre een\
(|ni l'aeensaienl.
pis(|nes an hii-
i-iier. J'.l (piel
Itoi ponriani !
Mais le Dan-
pliin, |)onr elle,
e't'Iail lal'ranee.
i'.mers les
lonseillers du
prince el les sei-
gneurs, son rcs-
pccl ne s'est pas
lin inslanl de-
mcnli. ()n(ds
conseillers ee-
pcndanl ! ils
soiil dix iscs l'nn
eonirc lanlrc cl pins Halles du ponxoir (pi'ils cverccnl snr leur pa\s dc-
memi)re, (piils ne scraieni lienrcn\ de \oir la pairie rele\ee, leur prcsli^c
elanl exanoni. .Icannc n'eiiireprcnd rien conirc en\. Son aciion se l'cdiiil à
eonihallrc li'nr opinion dans l'inlimilc d'nn ( lonscil ro\al ; maisdcvani le penpic
cl l'armée, jamais clic ne les hlànu'. ( l'csl (|ii'clle ciilend bien (pi'on n'alhupic
jamais les représentants de l'autorilc <lans nn paxs sans chranlcr le principi'
même de l'autorité et sans nuire à la nation. (Test qu'en eux elle vo\ait la France.
Elle la ^o\ail encore dans ces chefs de l'armée, dont (inel(pics-nns
en\iaient sa i^loire el làcliaiinl de faire éclicc à son indnence. Encore liieii
(ju'cllc ent a pâlir de leurs sourdes menées, elle les ménagea toujours : ils
étaient la France.
(IMIUJ.S \II. Jlul 1>1, nul 1U,L^
D'iilili'» hi ruiiilalniv (l'un ins. IV. ilcs Viglli'S (le Cluirlus VU d.ili- ilc l'i'U-
{^lîihliotlièt/it€ nationale.)
DEVANT PMirS.
a3-
Il ricLi.i.i. riiHM
D'iiprès une griivure iuioiiynie du xvil'" sli'i-Ie. [/Jihlittt/.tyitc naiionalc
VMv ;i\;iil pour rendre ee seiiliinenl un mol brel' cl d'une elranye
énerj^ie :
Le soir du second jonr, ;i ()rleans, ;dors (|n'elle eonnnencinl de
s'endormir, elle entend dn lirnil (i;insl;i vw. I. Ile se lè\e el \ oil (jn'on eoinl
a l'ennemi. {•.Ile a|i|ielle iiiissih')! son |iat;('. > \li! s:mi;l;nil i;areon, lui dil-
elle courroucée, \ous ne me disiez pas (|ue le saui^de l'rance lui répandu! »
i'.l peu après, a\ isani un sohial l)less(' : ■■ Jamais, dil-elle. je n'ai \u couler
le sani; de l'rance <|ue les clie\cu\ ne me lexassenl ensur ".
Le sani; de l'rance!... l'arole sini;uliere el nonxcllc. Nid aulre, f(U(' je
saclie, ne l'axail dil a\anl elle. I)ans l'ardeur de son palriolisme, .Jeanne s'esl
lail comme une France de loules pièces, prt'senle, \isil)le el \i\anle. \ ses
M'U\, la Irani-e a son c(eur, ses \eines, son sang. (llia(|ue l'raneais, poiu' elle,
se coni'ond a\ec la l'rance m(''me. i)\\\ hiesse ini des Mis, lilesse la mère; un
des membres, le corps; el le sang (|ui coule n'esl le sani^ ni de celui-ci, ni de
celui-là; c'esl .f le sang de France ».
Il esl clair «[ue lanl <|ue les hommes seroni les liomnies, les lulles
d'opinions el de senlimeiils seroiil ine\ ilaUIes. La \erile, du reste, el la jusiiee
oui (l(^s tlroils impreseriplihies, que cliacun de nous a le de\oir de défendre
ilans la mesure di' son aelion.
2:58
JKAx>>.E D'AIU: 11AC(JNTKK l'VlV J/1MAC;K
Mais il faiil ne dcliiiirc (juc le mal, n'allaciiicr (|iic rcntiir on riiijuslicc,
cl iiiL'inc (|iian(l nous conihalloiis nos fftM'cs, les aiincc cik'oi-c. Ils soni les (ils
(le la pairie; ils son! ■' le sani^dc Fiance >>. jN'\ louchons (|ii^nc't' niisciicoide
el respecl.
l'uis-jc, loul en nie liàlani, niclire en lumière un dernier Irail de l'amour
de Jeanne pour la l'ranee? Elle l'a aimée dans laNcnir.
Nous nous rccliei'clions nous-mêmes en loules choses. Il arrixe de la ijue
l'égoïsme se (ail place même dans les seulimeuls (|ui scmhicnl le moins pro-
pres à se concilier a\ec lui.
Le palriolisme n'echap|ic poini a celle rci;le, el il n'csl (|ue lropsou\enl
iufesie du \ ice de lamour-propr'e. ^ous nous aimons nous-nK'mcs (juand nous
ci'OAOïis aimer noire pairie, cl nous ne soui^cons (pic Irop à nous loul eu
semhiani soni^cr a nos <'oncilo\eus el à noire peuple.
('.'esl pour cela (|ue riionneur cl siuloiil
le l)icn-èlrc de noire nalion ne nous imporleiil
i;ucre (|u'aulanl (|u'ils soûl de noire Icmps;
nous a\ons pour ces mêmes ohjcls une heau-
cou|) moindre sollicilude (juand il s'ai^il du
pass(' ou lie ra\cnir de la Irancc. I )c ses
maux anciens nous prenons facilcmeul noire
parli, el nous ne nous mêlions ipic peu en peine de ceux (|ui peuNcnl l'allendre
dans les siècles sui\anls; (|uanl a ceux (|u'elle epi'ouve dans le prcscnl el donl
le conire-coup nous alleini plus ou moins, ils sonI l'ohjel de nos peipeluclles et
qiielf|uefois amères doléances.
1,'hisloire (|ue nous lisons nous importe peu; (juaul a celle ipic nous
Aivons, c'esl loul aulre chose.
S'il en est ainsi des epicu\cs de la pallie, il n'en \a i;uere aulremenl de
ses gloires el de sa prosperile.
Celles (In |)assé nous donneni (pielque oi'i^ueil, celli^s du prcscnl nous
exalleni; mais (|ui donc s"iu(|uiele de <-elles de raxenir?(hii donc surloul esl
])rèl a pâlir xolonliers (le son lemps, pourxu (|ue la l'rance recueille plus lard le
fruit de nos |)i'ésenls lalteurs":*
Nous ne disons poiiil a\ec le sage el désinleresse \ieillard de la lahie :
ISIi.'s ;ii'rir'ri'-iii'viMi\ iiir devroiil rel niiihraiji'.
MONXAIl. 1)1 CHVIUKS VII
Nous sommes de l'école des jouvenceaux :
Passe cncur tli' liùlir. mais piauler à cet âge!
DEVANT PVIUS.
a3r)
El que sci'ions-iioiis |)oiiil;inl nous-inèines si nous n"a\i()ns ix'ciicilli
(lu passé ce qu'il nous a léi^iié, si nous ne bénéficiions pas des laideurs de
nos pères, de leurs lulles |)our l'indépendance de la pairie? Quelle France
"'^V-'^ '■^. -^y^^. ^^4.- ^-':^-'C 'CT
POIITRUT ET liKI'HI.SEÎiTmoN lU VRAI SIMLI.iCRE QUI PUT É.LEVÉ SUR LE PONT n'ORI.ÉlNS (l iJ8)
D'aprt's la gravure de Léonaiid Gaultier (iGi3}.
aurions-nous s'ils ne l'avaient sauvée par leur héroïsme (pi'ils ont pa\é
souvent de leur sang?
iN'ouhlions tlonc |)as le p;issé de la Fr-ance : le préseni l'Sl ]'(cu^ re de ce
passé; mais saluons aussi l'avenir : il sera la notre.
24o J E A iS N E i:) ■ \ U C \\\C n A T E E V \ 1\ L " I M \ G E.
Ainsi |)(Mis:iil .[camu' (iVrc. \\anl loiil sacrifie |)()iir son paxs, il ne lui
imnorlail pas (|iic son ctlorl ahoulit de son \i\anl à \t\\ |)lcin rcsullal. iJlc ne
soHi^rail (|ii'a l^ncnii' : ■< .le ne dînerai (|n'uii an, disail-elle fréqueninienl, pas
l)eane()n|) plus; il faul pensera hien hesogner pendant celle année -■.
( tn insiste criiellenicnl à Rouen pour lui faire constater (|u'elle est caplivc,
(luc sa mission n"a pas ahouti. Elle relève fièrement la tèle et se console en
disant : " \\anl (|u"il soil sept ans, les Vui^lais laisseront un plus i^rand gai^e
(lu'ils n'ont fait dc\anl Orléans. Ils perdroni tout en l'rancc )>.
(lellc assurance lui sudit cl les souli'rances lui sont peu de chose au pri\
de cet espoir. Dès lors (|u'i'lle demeure capli\c, (|u'imporle même (|u'clle
meure : " les Vn^lais seront houles hors de l'rancc avant sepi ans. \u Ko!
ser'a rendu son ro\aume », >< cl tout le ro\aume ", ajoulc-l-cllc.
.Jeanne a su >ivre dans l'aNciiir cl, dans celle pensée, lou( accepicr
pour son |)a\s. C'est une \crlu forl hclle cl Irop rare pour ne pas la ciler en
exemple aux lils de la l'rancc.
Le dcNoir i\u palriolismc n'est poini sans cela rempli comme il le doil
être. Nous nous dc\ons à la l'rani-c, non sculemcul en loulc noire \ie, mais
encore, dirai-je, en loulc la si<nne.
( tuand la femme (|ui es! noire mère clail encore enfani . atlolcsccnlc ou
jeune lillc, elle n'clail poinI encore notre mère, mais elle de\ail r(''lrc un jour.
\ oila |)ouri|Uoi ces jeunes années de sa x ic soni sacrées pour nous à l'eLjal de
ses années i)rcscnlcs, et si (|uel(|u'un insullail en elle ce passe déjà lointain,
celle injure nous loucherait aussi donionrcnscmcnl (|uc si l'on insullail à son
âge pi'cseul.
Nous pomons mourir axant elle ; mais cet ax cuir ([ui lui reste a xi\rc est
également sacre pour nous, et nous ne permcltrions pas (ju'on \ insullàl j)lus
(lu'à son pass(''.
C.'esl (|u'en ces âges divers elle csl cl doit rester noire mère.
Vimons ainsi la l'rancc, cl scr\ons-la conform(''mcnl a ce! amour. (Mii
n'aime pas ainsi sa paliic ne l'aime pas xerilahlcmenl.
Ces réflexions s'im|)osaient à nous, l'.lles nous doiuient l'inlelligenee de la
grande œuvre de Jeanne d' \rc, en nous rappelani les forces admirahles de foi,
de génie et de patriotisme ([ui l'animaienl.
l'.lles nous feront mieux comprendre la suite de sa \ ic, la longue cl noble
palicnic de ses malheurs et de sa ca|)li viu-, l'héroïsme de sa morl.
Le jour même (]i\ saei'e, .Teanne, au lieu de s'alanguir dans le Iriomphe,
sans (h'Iai songeail au lendemain cl se pri'parail a poursuix rc son aciion.
DEVANT PARIS.
241
Pour le dire en passant,
cv serait peut-être une suf-
ilsanlc réponse à faire à
ceux qui prétcndcnl fjuc la
Pucelle, après le sacre du
Roi à Reims, estimait sa mis-
sion terminée.
Elle écrivit donc au due
de Boiu'gogne la lettre sui-
vante :
« Au Duc de Bourgogne.
« •|",Thésus, Maria-}-.
« Haut et redouté sei-
gneur duc de Rourgogue,
Jehanne la Pucelle vous re-
quiert de par le Roi du Ciel,
son droiturier et souverain
Seigneur, que le roi de France
et vous fassiez bonne paix et
ferme, qui dure longuement.
(t Pardonnez l'un à l'au-
ti'c (le l)on c(«'ui', eutièrc-
mcnt, ainsi (|uc (l()i^(■n( faire Nnaux chrétiens, et s'il vous plaît à guerrover,
si allez sur les Sarrasins.
« Prince de Bourgogne, je vous prie, supplie et requiers tant humble-
ment f|ue requérir vous puis, que ne guerrovez plus au saint rovaume et
faites retrairc incontinent et brièvement vos gens qui sont en aucunes places
et forteresses dudit saint royaume et de la part du gentil Roi de France; il est
prêt de faire paix avec vous, sauve son honneur.
« Et vous fasse à savoir de par le Roi ilu Ciel, mon droiturier et souverain
Seigneur, pour votre bien et pour votre honneur cl sur votre vie, que vous n'y
gagnerez point l)ataille à l'encontre de loyaux Français et que tous ceux qui
guerroient audit saint royaume, guerroient contre le Roi Jhésus, Roi du Ciel et
de tout le Monde, mon droiturier et souverain Seigneur.
« Et vous prie et requiers à jointes mains que ne faites nulle bataille ni ne
guerroyez contre nous, vous ni ^os gens et sujets; et croyez sûrement que,
JEVNNE I) ARC
D'apri-s la gravure de J. Le Clère le Jeune, xvu" siècle.
245
JEANNE D'XRC RACONTÉE PAR L'IMACxE.
quelque uoml)ie de geus qu'amèuerez couti-e nous, ce sera t>rande |)itié de la
grande bataille el du sang qui y sera répandu de eeux (jui vieiidront conlre nous.
« El il \ a trois semaines que je aous avais écrit et cn\ose
bonnes lettres par un liéraul (|ue vous fussiez au sacre du Roi
qui, aujourd'bui dimanelie xvu'' jour du présent mois de juillet,
se fait eu la cité de Reims; dont je n'ai eu point de réponse, ni
n'ouïs oneques nouvelles dudit liéraut.
« A Dieu vous recommande et soit garde de vous, s'il lui
plaît; et prie Dieu qu'il y mette bonne paix.
ic Écrit audit lieu de Reims, ledit wu' jour de juillet'.
« Jehakke. »
Cette lettre est bien de Jeanne : on l'y retrouve avec sa
finesse de bon aloi, la générosité de son eo-ur, la douceur de sa
nature et sa piété nalixc. ('c n'est |)lns aux an-
glais qu'elle parle, c'est à un prince ilc la famille
l'ovale, c'est « au sang de Erance ». Aussi insislc-
t-elle avec inic liunihlc douceur, i'.llc le
" prie, supplie "; elle le fait ■ à joinics
mains ". Celle bumilile ne lui coûte pas :
c'est poiu' la l'rancc (|u'ellc l'acccplc. Mais près
(le celle linmilile f[uellc jnslicc sereine cl indcpendanlc!
Il \ a loils réciproques cnire le Roi el le duc;
liOnKILI.l.
vvix l'ima(;i.
1)10 JE\?iSF. I> AlU:
l'iiIiriiMtioii nKiili'i-uf.j
-— c::f;'^::r:£^^^^*^"^\-^^-x:. *'"'' '''^ con\ic l'un cl l'aulre à l'indulgence : " l'ar-
^^ (loiuu'Z 1 un a I autre de l)on e(cur, entièrement,
ainsi (pie (loi\eul faire lo\aux cbrétiens )>.
Ce n'est pas à combattre enti-e Français (pi'il
faul dcpensci' sa bL'axonre cl \erser son sang; si donc
l'ardeur guerrière le dévore, cpi'il aille sui' les Sarrasins.
Aussi bien, s'il u'ccoulc les conseils et les prières de
Jeanne, >< mal lui en |)i'cn(lra au corps cl à l'àine »,
comme elle disait aux juges de Rouen. Si on le cou\ic à
la paix, ce n'est pas (ju'on redoute la guerre avec lui.
« A'^ous n'v gagnerez point liataille, el ([uchpie noml)re de gens qu'amènerez
contre nous, ils n'y gagneront rien. »
BOITi; lis CUIVKE BHOSZU
SUEMOSTÉE d'une STATIE
DE JEANNE d'aBC
[Muste Jt-anne d'Arc^ à Orléans.)
I. Josepli Fabrc, Procùs du n'ItuliiliUiliuii, 1. U. p. 21)7.
DEVANT PARIS.
243
■ ' iElle lui a jadis cnTové Ictti't's cl Ikm-uiI |)(iiir le çom it-r an sacre; d'une
louche délicate elle fait senlir au duc sa discouiloisie, comme l'eût fait une
i^i-andc dame, |)i-iiiccssc du sang : " Il y a trois semaines j'envovai bonnes
IcKi'cscl liciaut..., dont je n"ai eu point de réponse, ni n'ouïs oneques depuis
n()U\('llcs du dil licraul >> .
(Icllc Icdi'c csl ini modèle de diplomatie noble cl a\isée.
Toutefois, si Jeanne acceplail (ju'on nt'fjociàl, elle irisislail aussi pourqu'on
agît. Le Roi avait passé quatre jours à Reims; il avait accom|)li à l'abbaye
de Saint-Marcoul les cérémonies doul axaient la coutume les rois nouvellement
couronnés; il vint à
M
%^km
JKANNK lil.ESSir. AU SIKOlî UE l'AItlS
Vaill\-sur- \isnc.
I ,à les \ illcs de
Soissous cl de i.aon
lui cn\()\crc;il une
délégation cliargcc
de lui remettre les
clefs de leurs villes.
II se rcndil a
SoissoMS le 2), cl
recul l'obéissance
des \ illcs de ( !lià-
Icau- rliicrr\ , i'ro-
\ ins, ( loulonnnicrs
et ( Irccx -cn-lSric.
(les soumissions successives a\ aient une réelle importance cl montraient
clairement combien .leannc a\ail cl(' sagement ins|)ir(''c d'insisicr |)our que le
Danpbin fi'il sacre sans iclard.
Mais une aulic |)ciiscc l'occupait |)lus \i\cment :cllc\oulail arracher Paris
au joug de l'c-tranger.
Dès le dcbul, clic a\ail sui\i ce ilcsscin, cl le i>2 mars, dans sa lettre aux
Anglais, clic ccri\ail : • .le suis cv venue de paiDicu le Roi du (iici, corps
poiu' corps, poiu' NOUS bouler hors de loulc Irance ».
(^)uan(l, le/|juillcl, elle écrit au\ liabilants de Troyes, elle leur dit : <( Jehanne
la Pncelle... \ous mande et i'ail savoir de par le Roi du Ciel que vous fassiez
\ raie obéissance au gentil Roi de France, qui sera bientôt à Reims cl à Paris... »
C'était du reste chose bien naturelle, et le royaume ne pouxait être réputé
rcnthi au Roi par le seul fait du sacre : avec la couronne, il fallait la cai^itale.
244 JEANNE D'ARC UACONTÉK PAR L'IMAGE.
Malheureusement, iei encore les eourtisans se meltiiienl seeirlement en
travers îles desseins de Jeanne. Eux aussi avaient éeril au due de liourgogne.
Celui-ci les Icunail par (juelques vagues espérances et Iju-liait, |Knu' mieux
vaincre, de traîner en longueur.
Au lieu donc de se diriger xigoureusement vers Paris, on semhiait Nouloir
regagner la J^oire. Le 2() juillet on vint à Chàteau-Tliieri'v, qui fut pris en moins
d'un jour. Le i"' août on gagna Montmirail, et le 2 on fut à Provins.
A ce moment, les nouvelles ({non a\ail du duc de Bedford f'aillirciil opérer
une diversion conforme au xicu de Jeanne d'Arc. En ell'et, le 25 juillet,
le (lue a\ail amené à Paris 5ooo hommes : c'étaient des gens d'armes que le
cardinal de Winchester axait recrutés pour la croisade et aux(|uels on
promettait des indidgences égales |)our li'ur cam|)agne contre la l'uecllc.
Les Anglais, qui excellent, comme on le sait, dans la plaisanlerie légère,
avaient à cette occasion fabri(|ué un étenilaid (|uc l'on portait au milieu des
rangs, où l'on voyait une quenouille a\ec ces mots : ()/■ ^'iciiiu- la belle! C'elail
promettre à Jeanne le plaisir, qu'elle avait désii'é plus d'une fois, de rclournei'
« filer » chez son père.
Dans les premiers jours d'août, le duc axait dirige celle Iroupc, encore
fortifiée d'autres conlingenls, \eis Melun, en passant par Corheil.
Le Dauphin, axcrti de ce mouxcmeiil, (il sortir son armée de Proxins, cl
la conduisit jusqu'à La AIotte-de-Nangis. Mais là on cul hcaii chercher les
halaillons anglais, on ne les put trouver. On supposa (juc Bedford axait repris
le chemin de Paris, et le Dauphin, fidèle aux conseils de la cour, s'empressa
de reprendre le chemin de la Ivoire.
Un nouvel incident vint toutefois contrarier encore une fois ce plan de
campagne.
Les habitants de Brav avant j)roinis oi)(''issaiice à Charles \ II, il (juitta
I^a Motte-de-Nangis pour se diriger vers cette x ille et y passer la Seine.
Mais, sur ces entrefaites, une troupe anglaise était xenue pcndani la juiil
s'établir à Bray; comme on comptait n'y trouxer que des amis, les Anglais
purent surprendre l'avant-garde rovale et lui iiilliger un échec. Il fallut
renoncer à passer la Seine.
Ce dernier parti était, du reste, appuyé par plusieurs seigneurs de grande
importance, tels cjue le duc de Bar, René d'Anjou, le duc d'Alencon, les
comtes de Vendôme et de Laval. Jeanne d'Arc applaudit à leurs dispositions
et put de nouveau mettre en axant le plan fju'clle poursuivait.
Les choses tournant ainsi vers un meilleur état, elle s'empressa d'en écrire
DEVANT PARIS.
245
LliS EPISODES DE LA VIE DE JEANNE D AKG
Triptyque en émail du xvi" siècle. [Collection de M. Lancrj d'Arc.)
;ui\ hahilaiils de Reims, lesquels n'elaieiil pas sans quel([iie iiH[iiielu(le |)Oiir
avoir appris (jiie le Daiipliiii iici^oeiail a\ec le duc de iîouri^ogne.
A'oiei la lellre de .leauue; on \ l'eeoiuiailra sou sl\le aleile el personnel :
« Aux lo\aiil\ l'iaueais lial>i(aul la \ille de Heinis.
« Mes eliers el bons amvs les bons el lo\anl\ Français de la eilé de
Reims, Jehanne la l'ueelle vous fait savoir de ses nouvelles, el \ous prie el
vous requiert que vous ne fassiez, nul doute en la bonne querelle (ju'elle mène
pour le sang royal; et je vous promets et vous certifie f(ue je ne vous abandon-
nerai point tant que je vivrai.
« Et est A rai ([ue le Roi a fait IrèNC au duc de liourgogne quinze jours
durant, pour, ainsi (|u'il doit, lui rendre la cité de l'aris, paisiblement au
eliief ' de quinze jours.
« Cependant, ne mxis donnez nulle merxeille si je u'\ entre si briexe-
ment, eombien que des trêves (|ui ainsi sont faites je ne sois point contente
et ne sais si je les tiendrai; mais si je les tiens, ce sera seulement pour garder
I. Au buiil.
9.46
JEAJNJNK D'ARC UACOATEE PAJl LIMAGE.
rii<iiiiu'ur (lu lîoi. ( l()inl)i('ii
aussi ils ne icl'iisfroiil poiiil le
saiii; l'en al, rar je ticiidi'ai cl
inaiiiliciuliai cnscinhlc l'afincc
(In i{()i pour ('■lie loiMc pirlc au
cliicf (Icsdils (|uiit/,(' jours, s'ils
uc ionl la |iai\.
« l'our ce. mes Ires clicrs
cl parfaits amis, je \ous prie
(|uc NOUS ne ^()us eu donnic/.
pas malaise tau! (|ue je \i\rai;
mais NOUS recpiiers (|ue nous
l'assie/ hon i;uel el i^ardiez la
i)OMue eili' du Hoi ; el me l'ailes
saNoir s'il un a nuls Irileui's '
(|ui NOUS Nculeul i;re\er el, au
plus hriei' (pie je pourrai, je les
eu eilerai el me l'ailes saN oir de
NOS noiiN elles.
" \ hieu NOUS eommani'
(jui soit i^arde de nous. Eail ee \endi'edi, eiiujuième joui- d'aoul, emprès uu
loi;is sur eliamp au eliemiu de l'ai'is'. — " .li.ii nwi;. ■
( )n était loiu d'aNoir, au camp de (liarles \ II. la garantie ipie le due de
15ourii()i;ui' satisl'it aux espc-iauees (|u'il aNait lail un moment eonecNoir; mais,
à toute oeeurrenee, il importait de se rapproeliei' de Paris pour le eas où il
le rendrait.
On se diriijca doue de nouveau Ners l'roNins. ( )n fut a ( loulommiei's le
" août, le lo à la Ferte-AIilon, et le ii à ( irespv-en-N alois.
i( (hiand le Hoi vint à C.i'espN, dit Diinois, le peuple accourait au-dcNanl
de lui, transjiorle de joie el criant : « Noël! » T-a Pucelle elievaueliait alors
entre rarehevèqne de Reims et moi. Elle se prit à dire : ■ A'oici lui l>on
« peuple. Je n'en ai pas au nulle part ailleurs qui monlràl tant de joie de
« l'arrivée d'un si nol)le Roi. Et pliit à Dieu que je fusse assez heureuse, quand
« je iiniiai mes jours, pour èlre inhumée sur celle terre! »
JLANM'. i.v PicLi.i.i-; Kr-srAïKAiHici-: i>i-; j,\ <;,vi"i.i
D'iiprrs mit* [^riivurr du drlmt du xviT siecif.
1. PiTssiirt'Lirs.
2. Rccommanili".
3. Citre ;ui Proi-cs de rc/ialii/itation, Joseph l'"al)ro. t. II. |i. 29S.
DEVANT PARIS.
ï47
« A ces mois, l'iiivlicvnjiu' lui dit : « O Jt'anno>, eu ([uel lieu avez-vous
« espoir de mourir? »
— « Où il plaira à Dieu, répoudil-elle. Je ne suis sûre, ni du temps, ni
« (\[i lieu; et je n'eu sais pas |)lus ([ue ^<)us. Mais je voudrais Ijien (|u'il pli'il
« à Dieu, mon créalcur, (jue mainleuanl je me retirasse, laissant là les armes,
« et que j'allasse ser\ir mon
« père et ma mère, en gardan t
« leurs brebis avec ma sœiu'
« et mes frères, qui seraient
" bien aises de me voir-. »
\ oici donc cette .Icauuc
d'Arc (ju'on a \oulu nous
montrer éblouie par les iion-
ueurs et la «gloire après ()r-
leans et Heims.
i^"':;-^
1^
.^«^
•mira*
jF^EROKe noe>ilissim:-e
Iq.4Nîm:Darc Lotilv
RING/E VIHLGC AvUELLî
MEf/SlS PVELL.€.^ HISTCRIA .
Exvariis^auiffimx atciuc"
incorrupti/îirna* fi'dei_y
fcriptonbiis cxcerpta
n's-jfrinacentU. à. ca,-
lumrù'is •'.niuCUala,
Audicri loûnna Hordtd Scrmi^mt
Duiis Lotharmjùi ConsiUario
Et I-Y-Dcûore ttc prcfêljôrxj
publkc m aima 'vniuerfir
tati Pcnti-Mufsttna .
^â
■'CNTI-An'SSi
I Rernordum EiusJem
Scr.DuàsTypoiimjihun.
M. B c Yn.
' / wn^\initiU'fii RSfff.
r '«"W ÙMllur ICiiîli.
( ;'esl à (!res|)\ (|ue le l{oi
recul du duc de liedl'ord une
lellre injurieuse, ou «clui-ci
lu! proposait de terminer le
dillèrend cul re son maiire cl
(iliarles \ II par une conCe-
rence où xicndrail aussi
Jeanne, (ju'il insultait, la
traitant de « femme désoi'-
doMiK'e et diffamée ". Il s'en
prenait aussi au frèi'c \V\-
cliard, (|u'il appelait ■• aposlal
et séditieux )>. l'our le cas ou
la eonf(''rence n'ai;réerail, il demandait (|ue le Hoi acceptât la bataille, afin
d'epai'i;ner au panxre peuple les mallienrs de la guerre et lui rendre la pai\
i< (|ue tons rois et princes cbrclicns doi\eut (|uerir et demander ».
Il n'\ axait (|u'uue leponsc à faire, c'était île eomliatlre. Déjà le duc de
Hedford s'était approclié et se lrou\ait a \iti\, à peu de distance. Il mettait
toutefois uni' condition a la bataille : c'est (ju'on viendrait l'attaquer dans ses
A I.A MEMOIKli DE JEASNK 1, V l'UCEl.l.K
InmiUjiico i'ravi- par Léonard Gaultier ni i(li2, tii-r «In rriMn-il
tle Cliiirlrs de I.is, Paris, l()v»8.
248 JEANNE DVRC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
lignes, d't'sl une cxii^x-iicc à 1;i(|ik'IIc les clicfs français ne crnrcnl |)as dcnoir
se rendre.
Jk'dforcI se relira donc dn cùU- tie Paris, mais ce Ail [lonr l)ienlol re\eiiir.
11 prit ses positions près de Senlis, non loin de l'ahUaxe de Nolre-Danie-
(le-la-\ icioire.
Les l'rancais s'elaMirent à Monlepiilox , car i! se l'aisail lard.
IvC lendemain, ils se preparcreni an comhal, pnis on marcha l)ra\cmenl snr
les \nglais. Mais een\-ei, enfeL'ines dans lenr eamp forlifie, el pr'ok'gès par une
rivière el des haies épaisses, allendii'enl (pTon les \ forçai.
La Pucelle ^inl pliisienis fois les pro\(>(|ner, v[ frappa même de son
élendard lenL- l'cliancliemenl ; mais ils ne repondireni (\u':\ peine. On les
|)rovo(pia de non\ eaii. lonjours en \ain; ce ne fnl «pie lard cpi'ils se déei-
dèrenl à sorlii- ponr rcponsser les assaillants, el il \ enl une mèlee on les
soldais de camps di\ers se (lislini;naienl a\ee |)eine.
i'ris d'nn hean conrai;(', La Lrémodle se mcla a la liillc cl s'clanca snr son
cheval la lance an poini;. Sa moninre lond)a. cl pcn s'en fallnl (|ne le premier
minisire n'\ snccondjàl.
Le soii', le lioi rci;ai;na ( acspx ; d'Mcncon cl Jeanne d'Vrc conclièrenl
sur le champ de halaille, el le lendemain, pour essayer d'allirer l'ennemi, se
i-eplièrcnl snr Monlepiilo\ . Mais les \nj;lais, au lieu de les poursuix re, hallirenl
en retraile. Jeanne rcAinl à ( acspx près tin Hoi.
(lependanl le nutnxenuiil Av soumission se ponrsuixail. V (lompieyue el à
Reauvais ou a\ail accueilli a\ec enlhonsiasme cen\ ([u'il \ a\ail envoyés. A
BeauAais, un 7V IJcii/ii a\ail clé elianté.
En celle ^ ille, ré\èque Pieric (lauchon se dcclarail déjà eonire les l'^'an-
çais el voxail a^(•c ijraLid déplaisir les manifcsialions en fa\cin' du roi de
France. 11 lui fallut quiller lieanvais.
D'autres villes se soumettaient à leur four; telles f'.lioisv, Pont-Sainte-
Maxenee, C.reil, Goin'na\ et (IhautilK. lieancoup d'autres étaient |)rètes à le
faire.
I>e duc de Bonri^ogne n'avait pas renilu l'aiis; il essa\ail de nouer de
nouvelles négociations et, entre autres, de convenir d'une trêve à laquelle
les Anglais auraient pris part.
Au milieu de toutes ces longueurs, Jeanne était loin d'être satisfaite. Sans
doute elle se réjouissait de la soumission de ces villes, mais elle eùl de heaueoup
préféré la seule soumission de Paris.
L'inertie du Dauphin entravait sou vouloir. Elle eut alors recours à un
^ià.Â^i, s-'-e^
'?St^^.^....^"iSi-..^>^^.^w
^^nft'yfAjtm/t'nM^.Sa^
DEVANT PARIS.
249
moyen qui déjà lui avait l'cussi pour amener le voyage de Reims, et résolut de
partir poiu- les environs de Paris avec une armée.
Elle fit venir inopinément li- due d'Aleneon et lui dit : a Mon beau duo,
faites appareiller vos gens et eeu\ îles autres; je veux aller voir Paris de plus
près (|ue je ne l'ai mi ><. C'est à t:om|)iègne qu'elle (enait ee propos au duc
'd\ ki>J, rrvrà] r^^rn} V:Xr^ ; m.i?^.k\r'^^ r~LrÀ ' r;vrA
V/\LEI1
CCXXVllI
ùim
ji\\NM': i> Aiu:
U'iipi'i-s «lie esquisse île M. L.VMfcimE Jiour une peiiiliire iiiiiiMie (lS55).
d'Alençon. C'est de celle \illc ([u'cllc parlil a\cc lui le 2') aoi'il. Ils emmenaient
avec eux une pelilc armée. Ils passèreni |)ai' Seulis el recueillirent au
passage quelques conlingenls. Le 26, c'était un xcndredi, ils s'arrêtèrent à
Saint-Denis.
Le Roi ne les avait pas suivis. 11 n'avait pas osé s'opjioseï' au départ de
Jeanne, mais il est \isil)le que la nouvelle entreprise était loin de lui plaire.
Jeanne, qui de son regard alleulif cl perspicace avait liien étudié le prince
9..JO
JEANNE D'AIU: RACONTEE PAR L'IMAGE.
4-
Oi^lUC
D'après tiiie miniature tirée
tlii C/.afiipn-n i/<s Dames, iiiaiiiiscrit
exécuté à Arras eu l 'i ji).
depuis cinq mois hientcM, eom|)iil ([u'il
fallait lui forcer la main. Elle le fil;
mais (iliarles \\\ dut voir cela d'un œil
maussade.
Il lui ctail malaise cependant de
dcnicin'cr à (lompici^nc inaclif et simple
témoin, pendant (|uc la l'ucclli', (|ui hier
lui rendait la coinonne, cnireprcnait
aujourd'hui de lui rc(()u\fer la capitale
de son roxaume.
Il se l'csii^na donc à |)artir, mais
" à i^rand rci^ret '>, nous dit un historien
bien renseigne. Son premier edoilne le
conduisit (juc jus(|u"à Senlis. Là, sans
doulc, i\v nouNclles hcsilations le tirent
demeurer. - Il scmhlail, dit le même historien, (|u il (ut conseille au contraire
i\\\ \ouloirde la l'ucellc, du duc d' \leiicon et de ceux de leur compagnie, n
i'.v n'était (|uc tro|)\rai, et (jucl(|ucs seii>iieuis, non des moins iniluents,
s'efforça ic ni de l'cloi^iicr de Jeanne.
I.e moment ee|)cndant était des |)lus propices : licdl'ord, e(I"ra\c des
proiji'ès (11- l'armée Aw Roi, et ii;iioi;uit les (li\isions dont la cour et le haut
commandement de larmet' ('talent le théâtre, s'était pris à craindre. H
redoutait le soulèvement de la Normandie, et comme cette pr<)\ince était
pour r\ni;lelcrrc la clef ou plut(")t la porti' de la l'rancc, il se dcniandait
s il n'était pas plus urinent de s'assurer de ei'ttc porte (pic de rester à Paris,
dont la possession ne sciait ([ue de peu d'a\antai;c d\.\ jour où la Normandie
aurait secoue le joui; ani;lais.
11 laissa donc la garde de Paris à Louis de Luvcinhouri^, e\è(|uc de Thé-
rouanne, et à iiadlcN, ehcNidicr anghiis. l n nombre assL'z considérable de
gens d'armes bourguignons s'\ trouxaient, sons la conduite de l'Isle-Adam'.
Ce fut d'abord un touiMioi de diplomatie populaii'c entre k' duc d'Alencon
I. Est-il (-'\act tjiie -^tooo Anglais dt-lriiflii-eiit Paris avec rii\ .' l'Iusiciirs aïKciirs t'ont ciisfieiu',
mais le point est au moins discutaille. « C'est d'apiés le seul témoignage original du cardinal de lion-
treuil, si mal informé pour tout ce qui regarde le parti liom-guignou. dit M. (>eriiiain Lerè\re-ron-
talis. que l'on lait g('iu'ralenient iîgtiri-r à la d<'feiis<' de Paris deux mille Anglais. Jean Cliartier n'a
fait que le copier. T.e Jourtttil d'un Iloiir^iuiis de Paris dit qu'il ne s'en troii\ail ])as plus de 40 à 5o.
D'après Parce\al de Lagny et siirt(jul les Chrimiijiit's des Cordeliers, Paris n'aurait v{v gardi' (jiie ]iar des
liciiirgnignons. ([ue le Ji>i:rmil ('\ allie à "00. Fn tout cas. depuis le i '■> a^ril. l'antoritt- à l^aris n'appar-
DEVANT PARIS. aSi
cl les inaiulalaircs du (lue do Ik'dl'ord. Le [jimiier a\ait dans l'aiis (|ucl(jucs
iiilelligences, les seconds y dominaient par la force cl par le (ail acquis.
Évidemmenl le peuple parisien, en i^rande majorilc, enirelenail de vi^es
sympathies poui' le Hoi cl son parti. Mais il en est toujoiu's ainsi en pareilles
conjonctures : la foule nourrit secrètement des senlinienls gc'uc'reuv et «nii
pourraient de\eiur ellleaees; l'occasion cl les ino\ens de les li-aduirc au dehors
lui foui défaut, (l'est une loi des soeic'Ies ipie les hommes notoires et élevés
en situation ont hesoin du nomhre pour mettre en œuvre leurs desseins; mais
le peuple de son côté, si vives et si violentes même que soient les passions
qui l'animent et le poussent, a hesoin de chefs pour (ju'elles ahoulissent à
quelque effet autre que le désordir.
iAT»4»
On a laissé en trop i;rand oiilili, diuis \\
épisode du siège de l'ai'is. Il Cul peul-clic, (
le plus palpitant |)our elle.
Il a\ait impf)rlc e\ idem-
ment de deli\rcr Orh'ans cl de
faii'c sa<'rer le Roi, mais (piclle
urgence n\ a\ail-il pas de
rendre à ce Koi la capilale
de son roxaume occupée par
l'élrangei'. Le pa\s ne poux ail,
sans cela, repicndi-c (juekjue
apparence d'unité.
Ce sont ces considérations
qui avaient inspiré à Jeanne le
désir ilcntrer à Paris, et (jui
l'avaient amenée, en présence
des lenleuis et tles ineerliludes
de Charles, à preiulic sur elle-
ttnait qu'au duc de Bourgogiu-, qui eu
avait été fait gouverneur par liiircs de
Henri VI, datées de ce jour. (G. Lefi^re-
Ponlalis, Un détail du siè^'e de Paris par
Jeanne d\4rc. Extrait de la Biù/iot/ièi/in- de
l'École des Chartes, t. XLVI, i885.)
popce
e tous
i\r .I(
ses
aune d'
l'ails de
\v(\ cel
guer're,
l'I.AQUK 1:N faïence avec I.E l'OKlUAIT DE JEANNE 1-) AKC
rabric;iti()ii modorue. [Mfistic Jeanne d'Arc, à Ol-!i'iuls.)
aSa
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
même la rcsponsaliililé de l'iiiliiprisc ri à commencer la campasfnc en dcliors
mèinc (le rasscnliiiiciil de ce |)rincc (jiii ne sa\ail ni aijii' par lui ni laissci' aux
aiilres loiile liUcile de le sauver.
Ce lui pendaul (|uel(jues jours, enire les deux parlis, coninie un duel
ouverl, sans ineici, un eorps-à-eor'ps éniouxaul. doni Paris et, a\ee Paris, la
Fi'anee ('■laieiit l'enjeu.
C'esl du resie depuis de l()ni;s siècles le soil de celle cile, lèle cl e(eui' de
la nalion, (jue de décider des deslinées Au pa\s par les siennes propres.
Le (\i\r d'Meucon
eomniiMica par répandre à
profusion dans Paris des
pi'oclaïualions deslinccs à
i^auncr le peupk' à la cause
du Roi. Il in\ ila en même
Icinps les cclic\ins à ou-
\rir au prince les portes
de la \illi'. La mesure
n'était pas d'tuie liahilelé
consommée. Ces mai^is-
trals, (\[\ niomeni (|u'ils
claicnl v\\ loiiclions, accor-
daicnl e\idcmnicnl Icm'S
sxmpatliics au paili des
Vni^Iais. Ceux-ci, autre-
menl, ue les eusseni pas
laissés en cliari;e.
Il cul l'allu se conlcn-
ter de lia\aillei' l'esprit
(lu peuple a\ec aulanl de scci'ct (pi il clail |)()ssil>lc, réveiller la iihrc du
palriolismc cl de la liainc de rclran_i;cr, toujours si vive cl si puissanle eu
l'rancc, et, le tcriain étant ainsi prépare, alla(pici' les remparts dans lui assaut
vigoureux, .leanue l'eût conduit cl sa vue seule ei'il gai^ne les Parisiens.
On ne lit point ainsi. L'éveil était donne |)ai- l'arrivée de l'armée roxale
à Sailli-Denis; l'appel adresse par d'Alencon aux cclicNius, alors même (ju'ils
eusseni eu (picl(|uc pente à favoriser son entrée dans Paris, les ohligeail à se
prononcer elialeureusemenl poiu' le parti contraire, sous peine de tomber en
suspicion. Ur les passions étaient telles à cette heure, (ju'il en eût ete pour
sujKT l'itiMii'H. i)i; I. ax(:ii;n .iiom.muxt ki.kvi; srii i.e pont d ohluns
D";»i>res la gravure de .\li,ais, dessin de DlOï.
DEVANT PARIS.
i53
eux non pas soiilemt'iil du [joiixoir
ou (le la lihnlc, mais fiicorc de
la X ic.
Pour ol)lisc'r davantage tous
ceux qui à fjuelcjue degré avaient
autorité et exerçaient quelque fonc-
tion, on fit renouveler le serment
de fidélité au régent.
En même temps, dans les
divers quartiers de la ville on for-
tifiait les remparts et les portes. Des
pièces d'artillerie furent portées
sur ces houlevartls, et l'on prit,
en lui mot, toutes les mesures (|ni
eon\c'naient à la défense d'une
JIC.VNNE I) vue CHEF VICTOJUF.IX DIÎ L All.MEE ni.iNÇ.VISE
D'après une gravure anglaise de Marsciiall.
ville a celte époque.
(Connue on ciaignail encore
touIcCois (|uel(|uc l'ctoiu' jiopulairc
en faveur de (lliarics Miel des assiégeants, on r('pandil le hriiil que les
gens d'aiincs français avaient reçu de leiu's chefs l'axis (|uc Paris leur serait
abandonne en pillage et (juils auraicnl lilirc droil de \ic ou de iiioil sur tous
les lial)ilanls.
C'était faux, il est clair, et insensé^ mais quelles cireurs n'cnlrcnt pas
dans l'esprit d'un peuple affolé !
l/ouverture des hostilités ne pouvait larder, et ne tarda pas en effet.
Des escarmouches eurent lieu [xiidant plusieurs jours, de divers cotés,
sous les remparts et dans les cn\ irons de l'aris.
On sait que cette ville était en ce temps infinimcrd moins ('tendue (ju'elle
ne l'est maintenant. L'emplacement occupe aujourd'hui par- l'église Saint-Hoch
était en di'hois des murs, cl celui cpr'occupc la Madeleine conliriarl à la maison
de campagne des évêques tic Paris; d'où le nom de rue de la ^ ilie-l'l^èque
resté à l'une des rues voisines.
Les premières escarmouches eurent lieu surtout entre la por-te Saint-
Denis d'alors et le quartier de la Chapelle. De temps immémorial, un chemin
conduisait directement de Saint-Denis à Paris: les troupes françaises le sui-
virent nalurcllement pour venir sous cette dernière ville.
Jeanne assistait à ces escarmouches, étudiant hommes et choses, cherchant
JEANNE ])'A1U: RACONTEE PAR E'IMAGE.
I-
■ic
a se i:iirc une jiisic idée (\n Iciiaiii ri des iciiipails, aliii de \()ii' de (jiicl <'ol('' il
C'oinic'iidiail le niitiiv de diii<;cr l'assaiil.
Ellr lie lU'i^lii^vail pas non pins d'cUidici-, dans la mcsnic où clic le poi
vail l'aiic, l'clat (Tcspril des i'arisiens. Il Ini inipoilail de les eonnailre poni
eas on le siè!;c aniail nne lieincnse issne, el celle connaissance pon\ail Ini èlic
d nne non moins jurande niilile ponr la condnile dn sièi^c nièinc.
(hic n'axons-nons pins de dclails lonclianl celte
cii'conslancc t\c la ^ ie de .leanni'! (Jiic de pensées,
qnc de scnlimcnls dc\aicnl se prcssci- en clli' ! Des
liauleuis de la (iliapcllc elle ponNail an-dcssns di'S
ninrs apcicexoir les piincipanv nionnincnls de l'aiis.
jVoIic-I )anic doniinail an loin, leniple \ enciahlc,
sancinaiic des l()ni;leinps consacic par la loi cl le
|>ali'i()lisnie parisiens, el près (hupicl, — IVil-cc le
Temple élevé par nn de nos rois à l'Iioinicnr de
Sainlc-Geneviè\i' on la coupole des Invalides, — loni
anh'e sanetnaiif, à l'aiis, doil sans conteste jirendre
cl garder la seconde plat-c.
.leanni' en ponsail conlcniplcr les den\ lonrs,
sicnrs nnies en Notre-Dame, comme l'amonr de la
l'rancc el ccini de Dieu l'elaicnl dans l'àmi' tic l'Iic-
roine.
(l'csl là (|ne la Erance élail \enne maintes l'ois
iniploi-er Dien dans ses niallienrs, on le remercier
de ses ^icloires. cretait |)ar l'xecllcnce le temple des
Je ui'iiiii nationanv, et eomhien devait être heaii
B'itpivs uni* iiniche de liE FEUnnE.
{Appartenant à MM. Asirc et Omx.) saiis (loiitc ccUii (|ue la IHiccllc clianlail déjà dans
son C(cnr et (|ni' di'inain l'aris, « s'il de\ ait plaiic à
Dien », chanterait [>oiir sa déllM'anec et son relonr an Uoi.
C'est là (|uc, \iiii;l-sept ans plus tard, sons les \oùtes de la vieille basilique,
Jeanne devait être, par les juges dn procès de réhabilitation, vengée du juge-
ment de Rouen, comme c'est là encore, espérons-le, qu'un jour, toute la
France, leprésentée par tous les pouvoirs et par les plus nobles de ses
fils, viendra inaugurer cette fête nationale de Jeanne d'Are en laquelle,
pour nn jour au moins chaque année, les partis feront trêve et les passions
silence.
Je me suis souvent arrêté devant le panorama que Jeanne avait considéré,
JEVNNK D All(J A LA CHAI'EI.I.K. SOUS l'AKIS
D'iijiics le ciiiton (Je l,iuM.i, lloviiR. Vitrail (-M'-ruté par {'.hampigneui.le, à Paris,
DEVANT PARIS.
i5y
demandant ingénument à ces pierres de nos monuments religieux et civils ce
qu'elle leur avait dit.
J'imagine (|u'ellc considériiil la grande cité comme une sorte de terre
promise où il lui tenail au cœur d'entrer et surtout de conduire le Roi. Dès ce
temps Paris avait eu France ce prestige singulier qui attire et séduit. Cette ville
était loin d'être ce qu'elle est aujourd'hui. La France, surtout en ces temps
de guerre civile, n'avait pas la cohésion (ju'elle a maintenant et i*aris était
par suite lui centre moins marqué.
Mais depuis plusieurs siècles déjà il clail le point culminant du pavs, la
ji:a>M'. BLiiSSiiii sous i-ahis
D'api'1-s II' h:i<-rilii-f île Vital I)unR,\ï. {Miisce Jeanne d'.hc, i\ Orlraiis.)
tète et le cœur de la ualion. La herlt- française de\ait souffrir élrangement
de le voir aux mains des Anglais; et si comme point stratégique Orléans avait
une importance considérable, encore celle-ci était-elle peu de chose auprès
de celle de Paris.
Les vrais Français a^ aient donc du souNcnt gémir en le vovant aux
mains des \uglais; ces doléances s'étaient étendues dans toutes les pi'cninccs,
et il est à supposeï' <[ue le soir à Domremy, au coin du foyei- paternel, Jeanne
fiilaiil a\ait cnti'ndu de hieu tristes |)aroles touchant Paris, la graiule cité.
Entre antres deuils, celui-là avait dû compter pour une grande part dans la
(c pitié du lovaume de France » dont elle s'attristait si douloiuensement.
Elle eût aussi trouvé dans ce peuple parisien un accueil si chaleureux! Les
grandes causes l'émeuvent si forlement; il excelle tant à les mettre en honneur,
à les grandir par son accueil! C'est là mieux encore qu'à Reims et à Crespy
33
258 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
que Jeanne eût pu diie : " Aoici un hou peuple. Je n'en ai vu nulle part
ailleurs qui montrai tant de joie. Et plût à Dieu (jueje fusse assez heureuse,
quand je finirai mes jours, pour être inhumée en cette terre! »
Paris n'a pas l'iionneur de garder cette chère et sainte dépouille. Et
pourtant sa « terre » garde quelque chose de Jeanne d'Aic. L'héroïne fut
blessée, comme nous le verrons bientôt, au bord du fossé, près de la porte
Saint-Honoré. Rien ne se perd dans le monde, et là encore où le sang de Jeanne
a coulé, non loin du lieu où s'élève sa statue, œuvre du sculpteur Frémiet,
quelque chose peut-être de ce sang demeure.
Je ne passe jamais en cet endroit sans saluer, avec l'image de la guerrière,
le sang (ju'elle a versé pour notre patrie. Ce sang-là, c'est bien « le sang de
France », le plus noble et le plus pur.
Paris se doit à lui-même de s'en souvenir.
fj^
Charles Vil se tenait loujouis à Scidis, et si oppoi'lun qu'il pùl paraître
à Jeanne el àd'Viencon de li\ rcr assaul, la ciiose ne se poux ail accomplir sans
l'auloi-isalion du Itoi.
On nuillipliait les messages, mais il un répondait pas.
Le duc d'Aleneon résolut alors de se rendre piès de lui et partit poui'
Senlis. (l'etail à la date du i" se |it(inltrc. Sa déniarclie n'aboutit pas a bien, i-e
Hoi rc'coula sans protester, mais demanda le temps de plus longues rcllexions.
Il fallut bien le lui accorder.
D'Aleneon rexint à Saint-Denis, où Jeanne l'attendait, non sans au\i('té.
Leur entretien dut être singulièrement pénible. Egalement vaillants, ces deux
cceurs si profondément dévoués au bien de la France gémissaient sur l'inaction
d'un prince qui les arrêtait sur le chemin de la lutte et de la ^ieloil•e, au\
portes d'une ville telle que l'aris. Leurs pensées erraient tristement entre les
deux cités, et, dans une révolte aussi légitime que généreuse, ils se deman-
daient à qui leur rancœur dexait allci' plus fortement, ou de l'ciiangci' (pii
tenait Paris sous l'oppression, ou du Roi (jui, à (pielques lieues de la,
demeurait oisif el leiu' défendait d'agir pour en chasser l'oppresseur.
On ne s'est pas assez arrêté à ce fait de la a ie <lc Ji-annc, nous l'aNcnis d(-jà
dit, et à la rude épreuve qu'elle en dut ressentir.
Paris s'honorerait en réveillant ce souvenir. Jeanne n'a pas seulement
teint le sol parisien du sang de ses veines; les larmes sont comme le sang de
1
DEVANT PARIS.
ajf)
c--^ (.{tanna iSorx. Jï5iX,-fc f«oo
l'âme, surtout ces larmes cachées
qui ne tombent pas des veux, et
(loni le cteur seul est le témoin.
Jeanne devant l'aris, entravée par
le Roi et impuissante de par lui,
a dû pleurer ainsi. — Que Paris
se souvienne des larmes de la
Pueelle !
Le 5 septembre, sans doute sur
les instances de Jeanne, d'Alençon
retourna auprès du Roi : pour cette
fois, il insista de telle façon que
Charles VII consentit à venir ' di-
ner à Saint-Denis » le 7 sep-
tembre.
L'enthousiasme populaire salua
son arrivée. Tl semblait que ce triste
prince fut à son armée le seul en-
nemi qu'on redoutât de ne pouvoir
vaincre. Les autres coniplcraicnl
pour rien, i\y\ moment où l'on
li-iompherail de sa résistance.
« Jeanne mettra le Roi dans Paris, disail-on dans les rangs de l'armée,
si à lui ne tient. »
Malheiu'eusement il en devait « tenir à lui » .
De la part d'hommes tels que Charles VII, les retours sont fréquents. Les
lésolutions qu'ils prennent sont moins le fait d'une volonté formelle que celui
d'une impression passagère. Le retour est aussi prompt que le fut la concession
qu'ils ont faite et parfois même ils mettent quekjue gloire ou du moins cjuelque
vanité à répudier le lendemain l'autorité qu'ils ont subie la veille. Il importait
donc de profiter tlu moment fa^oiable et d'engager l'action sans retard.
Le duc d'Alençon |)récéda le Roi à Saint-Denis. Comme il rapportait
l'assurance de l'arrivée de celui-ci, la troupe qui s'y trouvait gagna la (Chapelle
le 6 septembre. Le cjuartier de la Chapelle est aujourd'hui compris dans Paris
et l'un des plus po|>uleu\ de la capitale. \ cette époque, il n'y avait là (|u'un
village, situé à peu près à mi-chemin entre Saint-Denis et Paris; il était fortifié.
Une église y avait été érigée.
JEANNE DEVANT OHI.EANS
(Irinurn originale publiée dans l'Histoire du siège d'Orléans
lie Tripaiilt (1621). [Cvlieftion de M. Lanérjr d'Arc.)
a6o JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
En voici l'origine. Sainte Geneviève, qui avait une grande dévotion pour
saint Denis, faisait de fr(kjuents pèlerinages à son lomi)eau. Comme elle habi-
tait la Cité, dans une des rues eom|)rises entre Notre-Dame et le bras septen-
trional de la Seine, elle s'airêtait, à l'aller et au retour, au sommet de la côte
assez longue qui conduit au quartier dont nous parlons. \u retour elle en
faisait autant.
I^es voyageurs s'y arrêtaient aussi généralcnicnl |)our v prendre repos
ou accorder (juelque répit à leur moulure. Cicnc\iève y priait ; c'clail
son repos.
Existait-il déjà à cette place un oratoire cle\c |>ar la dévotion des pèlerins,
ou Geneviève elle-même le fit-elle conslinire pour les besoins c\v sa piclc?...
Nous ne savons. Toujours csl-il que cet oialoire demeura après la mort de la
sainte et qu'une chapelle v lïil bâtie plus tard.
On l'appela la chapelle Saiulc-Cicnex iè\t', cl plus lard Sainl-Dcuis-dc-la-
Cliapelle-Sainte-Geneviè\e. l ne paroisse s'\ l'ornia au cours du temps, et
aujoiu'd'hui clic csl, par le iiondx-e des paroissiens, l'une des plus considé-
rables de la ville.
C'est là que Jeanne d'Arc viiU prier |)cndanl ces jours dw siège de Paris
et surtout pendant la nnil du S an <) sepleinbre; elle \ communia sans donle,
selon sa coutume.
T>e curé de cette paroisse a eu, depuis (|ncl(jucs annc'cs, la religieuse et
|)alrioli(jue pensée d'y réveiller la mémoire de .Teanne d'Vrc. et une fête
annuelle y a lieu, le jour (le la Nativité de la \ ici'gc, au milieu d'un concours
considérable.
De toutes nos églises parisiennes, celle de Sainl-l)cnis-la-Chapelle est
la seule qui ait été honorée de la présence de Jeanne d'Arc.
I>e souvenir de sainte Geneviève s'y rattachant aussi, on peut, par cette
double considération, voir en ce modeste temple un des sanctuaires les plus
vénérables pour ceux qui ont le culte des grands souvenii-s français et
chrétiens.
C'est là que sainte Geneviève, la libératrice de Paris devant Attila, cl l'une
des fondatrices de l'unité française, venait dans la solitude et la prière puiser
vui courage au-dessus de son sexe.
C'est en ces mêmes lieux (|ue .leaiuie d'\rc \int |)rier à son loui-, inq)a-
liente de porter à l'Anglais un dernier cou|> (jui mil lin à l'invasion étiangère,
en rendant l'aris à la France. Ces deux femmes héroïques se donnent la main
sous ces voûtes.
DEVANT PARIS.
261
Aussi bien, puisque à celle occasion nous aAons i'a|)[)i-o(li(' l'un de laulie
ces deux noms si purs et si vénéraliles, ajoutons que ce rapprocliement
n'est pas le seul qu'on puisse établir entre Geneviève et Jeanne, soit par simi-
litude, soit par aniitbèse. 11 peut être opportun de le ra])pclcr biic\ cnicnl.
Sainte Geneviève est
née en 4o4- Mille ans
après , presque année
pour année, Jeanne nais-
sait, en i4i2.
C'est le 3 janvier
que Geneviève mourut;
c'est le 6 janvier que na-
quit Jeanne.
L'une et l'autre ont
i;randement servi la
France. I/une a protège
le berceau national : c'est
Geneviève; l'autre a ra-
inciu' notre nation des
portes de la ruine dei-
nier<-, et l'a lait se relever
de la couclie funèbre oii
elle se mourait.
Jeanne d'Are a
<' l)out(' liois tic France •>
l'euA aliisseur ; Gene\ ic\ c
asau\(' Paris cl la Fi'aiicc
naissante de la perte
dont Attila les menaçait.
J/une a été la eons(
Charles VII.
JE\NNE DEVANT I. AUTEL
D'nprès une gravure du xvii" siècle. [lli/'L iial.]
ère du loi Clovis, l'autre le soutien d 1 roi
L'une et l'autre ont fortifié leur action et noui-ri leur patriotisme
par une foi ^i\c, une pi('t(' ferme autant qu'ini;('nue et une haute
vertu.
L'une et l'aulrc ont établi, par leur exemple, (pn'llc action considérable
une sim|)lc femme peut exercer sur les destinées de sou pa\s, quels services
signales clic peut rendre à ses concilovcns.
26a
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Geneviève n'a point |)arn sur les champs de bataille, mais elle a dans sa
demeure, au baptistère de Notre-Dame et dans la Cité, montic un courage
supérieur à celui i\c noinbic de capil;;iiics. Quand Us hommes voulaient
abandonner Paris et fuir, elle a exhorté les femmes à tenir ferme et à se
montrer couraoeuses à la place des hommes, dont r(''ncri;;ie avait défailli.
Ceux-ci, furieux de sa icsistance, voulurent la jeter à la Seine, comme on
voulait jeter Jeanne d'Xrc dans la Meuse, parce qu'elle se proposait de sauver
son j)a\s.
Jeanne, du reste, même sous l'armure et dans le tumulte de la i(uerre,
n'a pas été moins douce que Gene-
viève. Ni l'une ni I autre, malijré l'im-
^- <^ '-=.^^ ^x ^\ portanee et l'cclal de Ictu' action
'§fi/„M ^ /'^^^^^iÙ ^^/K\\^ sorties des nireui-s de leur sexe
%\
-.Tl^^aii.
Elles sont le parfait modèle
des femmes françaises.
Jeanne a ct(' l'objet de
l'cnv ic cl (le la haine; ( icnc-
X lève a é'tc calomniée, et elle
eût succombe sous les coups
de ses adversaires si un c\c(juc,
saint Germain d'\uxerre, ne
eût justifiée et sauvée. Hélas! il
\\v\\ fui plus ainsi pour Jeanne, et
tandis (juc GenevièNc recoruiaissante
avait baisé les mains de saint Gciniain
O'apivs un.- ginvure 1,1- - /• 1
rcpiodi.isanlumm.-dnillo en bronze «I AU XCrrC, Jca U UC «lut (lire a CaUcllOli:
(lu xvM" sifcle. -J^ ,
« Eveque, je meurs par vous »,
L'antithèse rapiMoche, et celle-ci n'est pas la seule (|u'on puisse établir
entre ces deux filles de la 1-rancc.
Jeanne d'Arc est moite à dix-neuf ans et quatre mois; Geneviève a vécu
soixante-dix ans de plus : elle est morte à l'àj^e de qnatre-\ ini^t-neuf ans. E'une
et l'autre toutefois étaient nées aux champs, l'une à Nantei-rc, l'autre à
Domremv. Le peuple s'est pressé autour de l'une et de l'autre au moment
de leur mort : la Coule entoura d'hommages et d honneurs la couche de
Geneviève mourante cl lui fit des funérailles rovalcs; au conliairc, ce même
peuple, autour (In bûcher de Rouen, l'ut le témoin incric de l'ini(jnité qui se
\.\ 1 iiii.nMiiicF, i>r i,v rn\M:E
DEVANT PARIS.
263
consommai ( : pas une voix ne s'éleva de celte
multitude, où pouilant l)a(tail plus d'un bon
cœur, et Jeanne, qui nous a\ail tous sauvés,
mourut abandonnée de tous, comme meurent
les criminels.
Sainte Geneviève eut un tombeau glorieux ;
on l'inhuma dans l'église Saint-Piei-re et Saint-
Paul. Plus tard, Clovis et la reine Clotilde récla-
mèrent l'honneur d'être inhumés à ses côtés. Et,
comme si c'eût été trop peu c|ue la majesté rovale
s'inclinât et voulût s'efTacer dans l'ombre de
cette fille du peuple devenue si grande,
on changea le vocable de cette mênie
église, et la foule, qui s'entend souvent
à décerner les titres durables, l'appela
l'église Sainte-Geneviève. On en con-
serve les restes dans l'cnccinlc (\i\ hcéc
Henri IV.
Jeanne, elle, n'eut poui- lonihcau
([uc les flols (le la Seine, où ses cciHlres
iureiil jetées le soir i\u 3o mai.
Mais remarquons cette singularité des choses humaines, ("jenevièxc a\ail
été glorieusement inhumée en 493. Treize cents ans plus lard, an pour an cl
|)iesque jour pour jour, sa dépouille était, en pleine Terreur, ra\ie à son
lonibeau séculaire, publiquement brûlée, et ses cendres jetées par une louibe
en délire dans les eaux tic ce même fleuve (jui dtjà a\ait reçu les cendres de
Jeanne d'Arc.
Comme si ces deiiv grandes l'cmmes, âmes sœurs dans le double cullc de
la religion et de la pairie cl déjà unies dans le sein de Dieu, avaient Aouhi fjue
leiu's cendres eusseni un même sépulcre, et (jue le même lleuve les recneillil
poui" les porter ensiùte à l'Océan, ce lonibeau singidier, seul assez \asle
jioiu' de telles dépouilles.
Elles ont dû frémir et comme se ranimer en se rencontrant, ces cendres
héroïques et virginales!
Et, dernier rapprochement, (juand, il a a un siècle, des lils ilc la Fiance
égarés ont, [lar cet outrage fait à la dépouille de la Patronne tic Paris, rapproché
ilaiis répreu\e Geneviève de Jeanne d'Arc, aujouid'hui voici que les fils de
JKASMi D AHC
la statuette tl'P^M. FnÉMIET.
264
JEANNE DARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
CO.M.MI.M' L.V l'LCELLi: l-.T hl.S IKAXÇAIS MNKKNT AL Sllitili DI-: l'AltlS
n'ii|n'i'S In minintiiro
(lu nKiniiM-lll <li-s ^ ifjil.-s lie ClliiHi-s \l[ ;l'|S4l
(l'ite même Franco, par
l'c-clat qu'ils rcpandcnl siii-
la iiK'inoii'c de la \ icPi^c de
\ aiicoiik'iiis cl le cullc
passionne (pi'iis lui \()ucnl,
lappcllcnl, en celle icnais-
sance de I lieroine Irop
loni^tenips oubliée, les
i^loires dont le peuple d'où
nous sommes issus en-
loura la nioil cl les l'une-
railles de la \ ierge de Nan-
ICITC.
( )n ne me hlàmera poinl. jCspcic. (!<■ celte diijrcssion. Iji cel ou\ iaj;e
dcsiine a lous les hons l'iancais, il m'aura cle permis de rappi"0(?liei' l'une de
l'aulre ces deux fennnes (|ui lionorenl ei;alement noire nalion cl (|ui l'onl
ei;alemenl ser\ ie.
Il y avail |)arlieulièrc opportunilé à le faire en nos jour's, où peut-être le
nom cl le cullc de Ciene\iè\e semhleni loml)cr en un ouhli relatif aucpiel
la fidcliU- de noire Iradilioii clirélieune ne les as ail pas accoutumés. Le
peuple s'en sou\icnl eiu-ore, mais lous ne fout pas comme lui.
(l'est ser\ir sonpa\S(|uc de lui iap|)eler ses gloires; c'est fortifier le seu-
limenl relii^ieux d'une nalion (|ue de ne laisser point depi'iir au milieu
d'elle ses déxotious sccidaires.
Le jour même de l'arriNt'c du Roi à Saint-Denis, 7 septembre, un engage-
ment sérieux eut lieu entre les gens d'armes français et la garnison parisienne.
L'assaut toutefois ne fut poinl donné, et les Parisiens, qui le cro\aieut immi-
nent, se firent un succès de ce qu'il n'eut pas lieu.
La terreur qu'ils avaient de la l'ucelle était tlu reste fort grande. La gar-
nison anglaise n'en a\ait pas une moindre, et il suffit pour s'en faire une idée de
lire les ordonnances et déerels par lesquels le gouvernement anglais s'effor-
çait, mais souM'Ul en xain, d'amener les i'e<'rues à passer le dciroil pour- aller
eomballrc <ii l'rancc.
jM. (Icrmain Lci'c\ rc-Pontalis a public sur ccl objcl des pages fort inléres-
sanles et d'iuic sûre érutlilion'. .' L'armée de secours, dit-il, refusait de prendre
I. La punUjuf anglaise en 1429. l'aris. K. Bouillon, 6-. rue de Riclielieu, in-8, 20 pages.
DEVANT PARIS. a6a
la mer cl se Iroiuait vn pU'iiU' dissolution. Officiers cl soldais, cmus à la pensée
(\u pci'il suriunnain fjii'ils allaicnl coiiiii' sur la Icire française, s'étaient
dispersés tlans les dcpcndanoes de Londres et dans les faubourgs des ports
échelonnes sur les bords de la Tamise.
« Ordre est expédie aux vicomtes de Londres et aux autorités de Rochester
de faire proclamer à cri public que lous les retardataires, sous peine d'empri-
sonnement, sans distinction de grade ou de condition, aient à se rendre sur
l'heure dans les ports de
Sandwich et de Douvres.
« Une terreur inex-
plicable pèse malgré tout sui-
ces troupes endurcies à tous
les risques, fortes contre toutes
surprises »
Une pièce, récemment
découverte par M. Siniéon
Luce nous montre qu'au milieu
d'août 1429, entre le sacre de
Reims et l'attaque de Paris,
des bandes di' déserteurs pai-
coinaient le (lotcnlin, cher-
chant, entre auti'cs ports, à
gagner Cherbourg, pour s'y
embarquer et fuir la tcirc de
France. « T^e 18 août, — Irois
semaines a\anl le siège de
l'aris, — le lieutenant général
du bailliage reçoit deux man-
dements du conseil i()\al de Normandie T^e second ordonne d'empêcher
tous Anglais, Gallois on autres gens d'armes de s'embarcjuer [)our repasser la
Manche. »
Tel était assurément l'état d'esprit dv nombre des soldats composant la
garnison de l'aris. Il est facile dès lors de comprendre combien aisément
Jeanne en eût eu raison, si on l'eût laissée agir librement.
Il en fut, hélas ! comme on le \ cira, tout autrement, et la l'ucelle, ici comme
partout ailleurs, vit ses meilleurs desseins et ses |)lus sages résolutions mis en
échec par l'indolence du Roi et les sourdes machinations des conseillers tro{)
34
JEANNE EN l'IUKIlE
D'après 11' tal)liMii cI'Amax Jean. [Music d'Orlcaiis.'
5.66
.TEANJNK D'AIIC l\ VCONTKK l'VIl I/IMVCK.
(lii^iU'S (le lui (jiii rciitoiiriiicnl. .Iciimic (li'\ail t'ii |)à(ir, mais la l'rancc cMK'orc
plus qu'elle peul-ètre.
4^
L'assaut [toutefois fut leulé le lendemain. (:'('lail la fêle de la Nativité. A
Rouen, les juges de Jeanne
lui firent i^rief d'avoir eom-
balln pendant ee jour; mais
Jeanne ne s'en defendil point,
estimanl -.xm-v son Maiire que
si l'on peut sauver son âme le
jour (In SaMial, il esl l)ien
permis de san\cr l'aris un
jour de fêle.
Les clieCs, comme elle
le dit plus lard, ne soni;('aient
(|u'à « l'aire une esearmouche
ou une \aillanee d'ai'mes»;
elle \ i< alla à leui' i'e(|uèle »,
mais, ajoule-l-elle, '< e'(''lait
bien mon inlenlion d'aller
oulre e( de passer les fossés ».
\insi donc, même avee
d \leneon, GaucourI et les
aulres, Jeanne elail obligée
de dissimuler son dessein et
n'osai I avouer son désir d'en-
gager une aelion dc-cisixc.
On partit de la Ciliapelle à
huit heures du matin. T^'armée
se di\ isa en deux corps. Hais,
Gaueourt et la Pueelle commandaient le eorps (ralla([ue; ils se dirigèrent
vers la porle Sainl-Honoré'. T.e due d'Alençon et le comte de Clermont,
comme eorps de iéser\e, s'établirent près d'une sorte de mamelon, appelé
Ji:v>"NE D ARC DASS L AFFICHE
U'iiliiis r^ifCchf (le Grasset pour le théâtre de la Rruaissance.
(Mulhcihc cl t'"', CiJilciirs ù Pnris.)
I. Ct'ttf i)orU- ('-lait siliirc [iii-i, de l'ciiUi'c cU' rincnuc de rOj)i"ia, non loin du Tliràlri'-Fraiiçais.
Copyright, 1S93.] [Par llarpei- frères.
JEANNE d'arc DITE LA PUCELLE d'oBlÉaNS
D'après la composition de Uumont, extraite du Harpcr's Magazine.
DEVANT PARIS.
269
ii9'-
depuis lîiittc (les Moulins
ou Initte Sainl-Roeh. Ils
pouvaient de là surveiller
la porle Saint-Denis.
Dès leur arrivée,
Jeanne et ses eompagnons
s'emparèrent du boule-
vard qui protégeait la
porte Saint-IIonoré. Mal-
lievu'eusement, le second
fossé était reni])li d'eau;
il fallul euhcpr-endre de
le combler de fasots et
d'aulres matériaux. Jeanne
conduisait les li :n aux aM'c
lUie inirepidc a(li\ il(''.
Vers le soir, comme
de la hampe de son elen-
dard elle soudait le fond
du fossé et donnait l'ordre
de le combler, un trail d'arbalèle l'allcii^nil à la cuisse. Malgn- sa blessure,
Jeanne continua de diriger l'aclion, cl le succès semblait dcNoir couionnci-
ses efforts.
En elfet, une panique (■onsi<l( lablc rcgnail dans Pai'is. Xonibrc d'Iiabilanls,
venus d'abord au sommet des remparis |)our assister à lassanl, regagnaient
précipitamment leurs dcmeui-es el s'y enferniaicnl. La \uc de Jcainie les
avait terrifiés.
Mais l'assaut durait depuis midi ; il se faisait lard, et des chefs, jugeant que
les troupes étaient lasses et vo\aut du reste Jeanne blessée, ordonnèreni
d'arrêter le combat.
Jeanne prolcsla avec x('licniencc conire celle rcirailc, insisia |»oui- (ju'on
conlinuàl l'assaul, assurani que la victoire le couionnc rail ; on ne l'c-couta pas.
Elle resia avec f[nel(jues hommes; il fallul que d'Mencon el Gaucoui-t vinssent
l'entraîner de force; ils la lircnl mouler à chcNal el regagnèreni la (Ihajielle.
Tout le long du chemin, elle ne cessa de protester contre ce qu'on l'obligeait
de faire, déclarant (jue la place cul rlc prise si on l'cnl laissc'c libre d'agir.
(^)uoique blessc'c, .leannc passa une partie de la luiil en prière dans la
JEHANNE LA PUCELI.E
('.i-iiMii'i' sur Itnis tirro (lu In Mer de."; hysfoir
( lîihltotlù-fpic nationale.)
a"o
JEAINNE D'\RC 1\ \C:oNTP:F PAU L'IMAGE.
potile éoliso (le la (lluipe-llc. Heures l)icii (loiiloiiieuses poiii' elle et qui durcul
laisser eu sou ;une uue iuiière impressiou ! Paris lui écliappail pai' la icsoluliou
irn'déeliie des eapitaiues et le l'ail de la mollesse du Roi, à (|ui eeu\-ei saus
doule a\ aient \()ulu èlre a^ieahles.
(l'est pai'lieulièreuieut le s()u\eMir de cette \eille (|ue Jeanne passa dans la
prièie el l'augoisse, (pii a coinnie consacre ce sanctuaire poni' tous ccn\ cpii ont
le culte de la nieinoire de la \cneral)le licroïne.
Là, connue dans la cr\ pie de A aucouleurs. elle eut sa ^('ill('■(^ de larmes.
Quoi (lu'il en soit, le lendemain dès le matin elle était prèle à reconuneneer
le comliat et à l'cparcr la l'aute conimise la \ cille par ses compai^nons d'armes.
Elle pria le duc d'Mencou de (aire sonner la cliari^c et monta à clie\al, décla-
rant ([ue l'aris serait pris a^ant (pi'ellc icntràt à la Cliapclle.
D'Mencou et les principaux cliel's par-lai^caicnt ses espérances: ils ue
pou\aient douter d'ailleurs (pic nond)rc de Parisiens ne supportassent a\ec
peine le joui; ant;lais et ne se declaïasseni |)our le Hoi de i'raucc des le pi'cmier
succès des l'rancais. ( )u le \ it l)ien (piaud, au moment ou l'on s'a\aneail sur la
\ille. le liaron de M()ntmorcnc\ en sortit a\cc nomhre de ^cutilsliommes et
d'hommes d'armes.
Ou partit donc alléi^rement. Mais, au moment même où l'on approchait
des murs, le duc Uené d'Vnjon el le comte de C.lermont sur\ini'enl, el au nom
du loi in\ itèrent la Pucelle a se rendre à Saint-Denis; en même temps, le due
(rUeuçon et les autres ehcCs reee\aieul ordi'i- de ichrousser chemin a\ee
.leanne.
Ils se retirèrent la mori dans l'àmc, et il ne l'allut rien moins à .leanne (|ue
le ^rand respccl (pTclIc portail a l'aulorile ro\ale, el dont elle lenail a donner
toujours re\cniplc, |)our (prcllc ne se rcNoIlàl pas contre l'ordre reçu.
(lomhicu trislemeni elle dut <licminer sur la route de la (Ihapelle, sous les
regards des assiégés qui raillaient les Français comme des fuvartis, suivie de
l'armée, honteuse de ce fpi'on lui faisait accomplir et peut-être en voulant à
.Teanne des espérances maintenant déçues (ju'elle leur a\ait t'ait conee\oir. Les
malheureux sont facilement injustes.
(lependant le duc conser\ail encore (picNpie espoir el sans doule
s'elToreait de le conunui!i((Ucr a la Pucelle. Peut-être fallait-il altiihucr la déci-
sion i\u l{oi à la crainle (pi'il a\ail de xoir une défaite complète suci'édcr à
l'échec de la \cille. i\'Ul-êlre, uue fois (piel(pics renforts amenés, il autorise-
lail un nouNcl assaut.
D'Mencou avait aussi les jours précédents fait jeter un pont sur la Seine
DEVANT PARIS.
à Saint-Denis. Il se liallait de poiivoii', grâce à ce l^a^ail, l'aire l'assaut de Paris
p;ir lin auti'e t'ôte et siirpreiidic a\ee siieeès les Parisiens, (jiii ne eoniptaienl
pas sur eetle allacjne'.
On arriva à Saint-Denis en tenant ces propos. D'Aleneon communiqua
son plan au Roi. Clelui-ci ne dit point sa pensée et garda le silence.
Peut-être cette réserve permettait-elle encore quelque espoir. Celte illusion
dura peu, car dans la nuit, — c'était celle du vendredi au samedi, — le pont
construit par d'Alençon fut détruit sur les
ordres du Roi.
Pour celle fois, le doute n'était plus
possible.
Charles resta quelques jours en-
core à Saint-Denis. Il \ tint (|uel-
ques conseils, dans lesquels assuré-
ment plusieurs des courtisans le
louèrent de sa n-solutiou. Il conlia
au comte de Cleiinont le gouverne-
ment des \illes et pavs soumis de-
puis le sacie cl laissa celui de Saint-
Denis au comte de Vendôme et à
l'amiral de Culan. (^cux-ci devaicnl sur-
veiller l'aris, mais n'étaient pas en foi'ce
poui- le menacer.
Le 1 3 septembre, il vint à Saint-Denis.
Ouaud Jeanne sut que toutes sollicitations
étaient iiuililes et que la décevante i-ésolution
de se retirer du côté de la Loire était irrc-vocable clu/ le Roi, elle se icudit à
l'abbavc de Saint-Denis et dans l'abbatiale déposa son arniiirc sur Taiitcl de
la Vierge, non loin des reliques du saint patron. On l'iiiteifogea à Rouen sur
les motifs <jiii l'avaient l'ait agii'.
« Quelles armes oH'ntes-vous en l'église de Saint-Denis en France? — ■
LTn mien blanc harnois entier, tel (pi'il eonvienl à un homme d'armes, avec
ime épée que je gagnai devant Paris. — \ quelle fin oflrîtes-vous ces armes?
• — Par dévotion, comme c'est accoutumé |)armi les hommes d'armes, fpiand
ils sont blessés. Avant été blessée devant Paris, j'oliris ces armes à saint Denis
I. n<' i(-f<-iil<"s recliircliis ont ('labli que l'i'spoir do d'Alençon élait fondé. V^oir Un détail du
aiî'gf de Pans pur Jeunne d'Arc. G. Lcfévre-Pontalis, Bihliulli. de l'école des Ctiurires, 2, XL VI, l885.
l.\ VIF.ItGIÎ DUS GMILES
l>'iipi'(''s un ini'-flaillon en pierre dure.
{Collcrtinn lliihlut ,lii lys.)
272 JEANNE DVVIU: RACONTÉE PAU L'IAIAGE.
paicc que c'fsl le cri de Fraiiee. — Ne l'a\ez-voiis pas lait pour (jue ces
armes fussent adorées? — Non. »
Il fallait l'astuee et la niaheillanee des jui;is de Jeanne pour sn|)|)osei'
en elle ee motif inspiic par roii^neil. Mais aM'c plus de justice on peu! cslimci'
qu'elle ai^it pai' d'aulri's taisons (pic celle de d('\otion cl de lidclite a " la
eoiilimie des lionnncs d'armes <juand ils ont etc blessés ».
Jeanne n'a\ait (|uc trop lien i\v pcrdic courai^e. Depuis le sacr'c, le Roi
l'enlravait sans cesse eu ses meilleurs desseins. Ce n'i'tait (ju'à force de constance
qu'elle l'amenait de temps à antic a se rani;cr à son propre avis. A enu à
Saint-Denis à contre-C<cur-, il ra\ait airètee au moment ou les espérances
de succès paraissaient fondées, et aujourd'hui, tacituiiic. inerte et presque
maussade, il se dirii^cait Acrs la Loire, pour l'cclicrclicr un repos indigne d'ini
piincc pour lc(|iicl Dieu cl son cnsoNce a\aienl tant fait.
]ùi \critc, (|ui n'ciil perdu à la lois patience cl courage, i|ui n'eût pas
ahandoinic ini Uoi aussi indigne de la couroinic ipi'on lui a\ail rendue cl du
dcxoucmcnl (|u'on lu! monirait !
Ces pensées se pressent dans l'àmc (piand on enirc dans la l)asili(pie
(le Saint-Denis a\ec le souxenir de Jcainic d \rc. Ces \oiitcs, elle les a
A ucs ; CCS pie'i'rcs, elle les a toucliccs; ces dalles, peut-être son pied les
a foulées I
C'est a celle place (|u'ellc se piosicrna a\anl de déposer son ■< liarnois tout
blanc ", c'est la (piCllc se tint à genoux, longui'meiU sans doute et en larmes,
après le satiifu-c t'onsoinmé.
^p.
Ouel drame étrange et précipité que celui de celle vie de Jeanne d Are ! En
se|)l mois à peine, que de choses diverses, (jue de contrastes, que de heurts!
Domremv ()u'elle al)andonne, A aucoidein-s où elle lutte, cl puis Chinon ou elle
salue le I^auphin, Poitiers où elle triomphe des docteurs. Tours ou on larme,
Blois oii elli- \()it l'armic pour la première fois, Aoilà le prélude. Puis Oi'léans,
et Jargeau, et l'atav, et Reims. C'est la Iriomphantc épopée. Le ciel commence
de s'assombrir, les \ icloii-es sont moins ra|)idcs; la lutte languit, le I{()i écoute
moins docilement la Pucelle, et Paris survient, puis Saint-Denis, et le cahaire
commence pour finir au bûcher de Rouen !
On a pensé que Charles VIT n'axait arrêté les opérations de .Jeanne d'Are
sous Paris que dans l'espoir que le diLc de Bourgogiu' lui li\ rerail cette ville, à
DEVANT PARIS.
la suite des négociations
alors entamées avec lui.
Celui-ci lui eut bientôt fait
comprendre quel fond il
fallait faire sur ses pro-
messes.
Muni du sauf-condiiil
que le Roi lui aAait accordé,
il \\ni à l'aris. t^liemin fai-
sant, il ne put cacher qu'il
lra^ aillait conli'e les intérêts
du faible mouarcpie. lîedfoi'd
le nomma lieutenant général
du roxaumc pour le compte
dii roi d' Vngleterrc", ne gar-
dant pour lui-même que
le gou\erncmcnt t\v la Nor-
mandie.
Cela n'avait pas em|)ê-
clié ].a Trémoïllc et le
comte de Clermonl d'aller
au pasage lui i-cndrc lliom-
mage de leurs sentiments.
Ainsi les choses (lc\e-
naient tle plus en |)lns claires :
4^?
'^., %F>^"
ji \\\r. \v .siici, Dr. l'Miis
Cniviirc il'AnuAiiAM llossE, d'après ViGSoN, pour la l'ia-clU
>>ii lu l'raiH'c dclii'irc^ pornic clo Chapelain.
les ad\crsaircs de Jeanne à la cour se réxélaicut
neltenicut connue ccu\ du Roi et de la l'rance même.
Il en est gencraleiucul ainsi. Ceux (jui cond)altent l'homme de liicn ne
le comhattent pas pour lui-même; ils ne s'en prennent, an fond, (pi'aux
principes de justice et de Ncrité dont il est le scr\iteur lidêlc.
Leur haine dès lors ne s'arrêlc bienlê)t plus à la seule personne de celui
(pi'ils ont attaqué, et tous ceux cpii alentour défendent le même principe,
essuient de leur part la même inimitié. C'est le bien qui est en cause,
beaucoup plus cpic l'homme de hicn.
Il est bon «pic les choses soient ainsi; tôt ou tard, le méchant est
reconnu pour ce (pi'il est, et l'honnête homme rccui'illi' l'i'stime tlont il
était digne.
La foule l'aNail IduI d'abord méconnu, et c'est son ennemi qui passait
2-4
JEANNE D'ARC R VCOXTÉE PAR L'IMAGE.
pour èlrc le défenseur de la vertu. Les rôles se modifient; la justice trouve
enfin son heure, et les ehoses sont remises en leui' ])laee.
IVLilheureusement, un long temps parfois s'écoule avant ([u'il en advienne
ainsi. Jeanne d' \i'c r('prou\ a el justice ne lui fut pas rendue sur l'iieure.
Ne nous en piaii^nons |)as trop. La ^raie i;loirc est dural)le comme
les cliènes ; c'esl pour cela <pie, connue eux. elle cioil lenleinenl. De nos
jours, on xoil clic/ lous je ne sais (piclle soif de i^loiic cl (picllc inipalicncc
d'immorlalil('. l'.n celle liàlc, cl pour la coulculer, les uns emploient le
hron/e el les autres le li\rc : un liomme notoire ne peut plus mourir sans
(|ue, dans l'auncc (|ui suit sa mort, on ne lui consacre nue l)ioi;rapliic, si même
on ne lui clc\ c un monunicnl. Parfois on llionore de l'une el de l'autre.
Bossui'l mourui en 170'!; près de cin(|uaulc ans s'econicrcnl a\aul (ju'on
cùl ecril sa premièL'c \ ie. I.ncorc clail-ellc l)rc\e. (hie dire de Jeanne d'Arc?
Tout pes(', c'est là une honne école de iiicsuic cl de sai;('ssc. ( )n dira (pic
si nous alleiidons cin(|iiaiile ans pour écrire la \ ic de nos " i;rands liomines >>
ou leur cle\('r un iiioiiimicnl, il est iiomhre dCiiIre cu\ (pii u'auronl pas celle
lionne forlune.
('.'est pcul-cire, au lond, ce (pi'il laiil dcsirei'. La posicrile sait rccoiiiiailrc
l(')l ou lard ccu\ (pii soiil (lii;iies de son souxciiir; mais, de i;iàce, laissons
à celle noble jusiicicrc cpii s'appelle l'ilisloirc, le délai (rciilciidrc la cause
el de méditer sa seiileiicc a\aiil de l'cdictcr.
JE\NNi; EN AKMl KE I)F. COMliVT
St.Ttiictto en Iji'ûiize. (J/wAc't Jftiiinc tl'Arf^ à Oi-lè.i
I
JEANNK r.MTIi l'IUbONNIEBE A COMPIEGNE
D'a|)rcs la peinture muriile exécutée par Lenepveu au Pantliciiu.
VII
SAINT-DENIS ET COMPIEGNE
DÉCOmiA(ii:MK>T J)K niKl.nLKS CHEFS
LES ARMES DE JEANNE D'ARC
A pjirlii' (le Hfiiiis, l'iislic de .Icamic sciuMc pâlir; depuis
-^-^ Sainl-Deiiis, romhic (le\ieiil plus ('paisse.
Il semble (pi'une peule incsislihle conduise .leauiie d' Vie
\eis la (•alasli()|)lic (leiui('i'e où se de\aieul ahiiiier, non sa
gloire, mais sa jeunesse el sa \ie uK'me.
Serail-ee, eomme on l'a dil lanl de l'ois, (pie la mission
(le Jeanne se hoi-nàl a l'aire saerer le Dauplùn après a\oir
d(''li\r(> OrK'ans?
On a Irop développé ee lieu eommuii, aussi hanal (pi'il
esl injurieux pour Jeanne d'Arc.
Chose ('•Irange, ee sont presque loujours des admirateurs
de la Pucelle (pii lenleni de mettre en honneur cette llièse.
C'est entendre l)ien misérahlemenl la \'w de Jeanne, bien mal entendre
JEVXXE 1) AUC
Snituette du xvill' sit'cle.
{0<l/. llalilat ,1,1 /.,•.(.)
2-6
JEANNE n'ARC IWCONÏÉE PAR L'IMAGE.
iiiissi l;i loi siipirmc (|iii domiiii' la ^ ic de l'Iioinnic, I mal ciiU'ihIic enfin
l'aclioii (le Dieu dans le monde.
Depuis qnand une \ ie esl-elle i^nnide sans lahenrs, sans épreuves, et depnis
quand aussi la souHVanee n'assurr-l-elle pas à ce fjue nous sommes u ee je ne
sais quoi traelievé
(' jÊÊtJÊÊÊÊÊMÊ^ mmar'' ^j^ jfa,,. , qu(> les malheurs
Depuis (piand
ciiliii l'epi-euve
esl-elli', (lie/, un
homme, la mar-
<|ue de l'ahandon
de Dieu, el de
(|nel principe
pari -on pour
étahlir (|ue Dieu
s'elail relire de
Jeanne el (pTclle
n'élail plus son
einoM'c, pai' ee
seul l'ail (|ue ses
triomphes soni
de\enus d'ahord
inoins rapides el
moins surpre-
nanls, el (jue la
d é Fa i I e a ( h i n I
enfin pour elle,
ainsi (pic la cap-
tivité":'
N'éeriva!t-on pas naguère que Jeanne avait été vaillante el viclorieuse tant
qu'elle avail ('-lé un oulil dans la main de Dieu; qu'elle s'adailtlil el se
condamne à la delaile, du jour où elle devieni un ageni ?
Quoi! voila loule noire héroïne! Clest eel oulil (juc \ous eélehrez
en vos Inmiies, cel èlre passif el ineonscienl, que vous voulez ofl'rir en modèle
à noire race si « agissante » el si fière!
JILANNE CHEVAUCHANT VT MILIlif DIIS HOAlMliS U ARMES
D'aprt's une lithogi-npliie <i'E. Grasset, [fcrncini^ éditeur à Paris.)
:-fc.%^ju^ri j-s^
SAINT-DENIS ET COMPIÈGNE.
i
*77
CO.MMENl l.l.S IKWÇVIS LEVKHENT LE SIEGE UE ^;OAIl'lEU^E
B'iiprt'S uiif mininlure des Vigiles de Charles VII (l^-S/iJ»
Que At'ul-on ser\ir ici,
la raison on la foi? CîommenI
n'c"iik'ii(l-on pas f|ii'()i) les
lilessc riiiic cl l'aulic! Car
si la raison a parfois i^randi
l'homme jns([ii"à le porlei' à
croire qu'il peut vivre et ai^ir
sans Dieu, il faut fju'on saelie
que la foi ne nous permet
pas (le penser que la vie de
l'homme se fasse sans lui.
Le génie, (pii cerles a ienl de
Dieu, cependant ne peul l)rillci' sans le travail de l'Iionune qui le possède.
Un homme n'est pas ini héros sans son propre ed'ort et sa propre vaillance^
la grâce même « ne l'ail pas (oui en nous sans nous » .
Et c'est à notre temps si jaloux de la grandeur de l'homme, et qui n'entend
qu'à peine même les dogmes les plus adoucis louchant le hesoin (jue nous
avons de Dieu, qu'on croit |)ouAoir oppor^tunc-ment proposer de telles doc-
trines, c'est à son culte qu'on oll're unc.leannc tl'Arc ainsi faile!
En vérité, la patience devient une rude vertu devant de tels enseigne-
ments, quand on a dans les veines un sang clirelien, jalouv de la grandeur
de nos dogmes, et ini « sang de Erance ■■ jaloux de la grandeur de .Icanne.
Icudail loni aulrement les choses et, si elle disait nellc-
Ea V
'Il
uccllc en
ment : «- M'elail la grâce de Dieu, je ne pourais rien faire », et « Je n'ai
rien fait cpie i\u coinmaudemenl de Dieu », elle ajoutait avec non moins de
netteté : « Aide-loi, Dieu t'aidera ». « Besognons, Dieu hesognera ». « Les
soldais hatailleronl. Dieu leur donnera la victoire ».
Qu'est-ce donc que » s'aider », qu'est-ce que « hesoguer » et « halailler »,
sinon agir ?
(hic le Dauphin, a|)rès le sacre, ail cslimc'' (ju'il axail recueilli île l'aclion
de Jeanne ce (|u'il en poii\ail rccevoii' de meilleur, on se rcxpli(jiie, f[uand
on songe à sa mollesse cl à son incapacité. ^lais Jeanne n'est |)as venue seule-
menl pour le Dauphin : à nous aussi Dieu la donnée.
Pour noire hicn elle a fait autre chose que " hoiiter l'étranger hoi's de
France » : elle nous a ofl'crt à nous Elançais l'exemple d'une vie vraiment
grande.
Que sérail Jeanne [lour nous aujourd'hui si sou épopée se fût terminée ù
JEANNK D'M'.C U UiONTKK IV\ K l/[MU;i;.
Hciuis? I,;i |)()iii'-
lioiis-iiniis |)r()|)()scr
eu niodrlc ;ill.\
l'ommcs (VjiiicaiscsV
Scrjiilcllc |>()iii' nous-
mêmes une iuKii^t'
\i\aMlc (lo foi, de
|>ali'i()l ismc , d'iiié-
1)1 anl;d)lc coiislaneo,
de noMc (li^nil('' dc-
xaiit riiiiiislicc cl de
licilc sc'i'C'iiic di'\aiil
la liaiiie?
( Hii nous pioCilc
le |iliis aiijoiii'd'liui^
<|iii l'Iioiioi'c cl la
ttiandil da\aiilai>('
dc\aiil noire i;cnt'-
lalioii, (!'( )il('ans ou
i\v lioiicM, de SCS
\ ieloiii's ou de ses
doulcinsV...
Non. C'esl a
|>ailir de lieiiiis cl de
l'aiis (|u'cllc de\icul
admualtle, c'est de-
puis lors (|u'clle est
\ laiiuciil noire sccui',
parce (|u'au lieu <lc Corcer scnlenieul noire adniiralion par des lulles cpKpics
et des Irioniplics L;ucrriers au\(|ucls nous ne pouxons soui;er pour nous,
elle soudre connue nous souCIVons, rcncoulrc riioninic niccliant comme nous
le renconirons, i;cniil cl pleure comme nous i;cinissons cl pleurons.
I .a mission de Jeanne ne s'csl pas plus Icirnince au sacre (|uc celle t\u
Clirisl au joiU' de Kanicaux. C'csl du CaKaire ipic nous csl \cnu le salul. non
t\[i I liahor.
J)ésinleress()ns donc la i^loirc de l'iK'roïnc d'une llieoric peu honorable
|M)ur elle, puisqu'elle l'ail de .leaunc d'Vrc, a |)arlii- des l'èU's de Ucinis, une
t' J lUAI MlIU Mi:S IIUNS AMIS 1)1. COMI'IKGM. »
Si. Uni' (l'I!. I.i:uuux, ('l'i^i'C sur la iilace de rUntel »Ii' \'illc dv (^om|Hi-yiu'.
S\I>'T-nEMS ET COMPIEGNE.
279
soilp de (léflassée, sortie de sii voie providentielle et persistant à continuer
d'agir sous l'empire de je ne sais quel sentiment personnel, dont il faudrait
au moins nous dire la nature cl le mobile.
Désinlc'ressons aussi la religion d'une inlei prelalion de la \\v de Jeanne
d'Vre où sa dodrine na poini de pari, cl dune soric de compromission on
il ne coin ieni |)as (|uc rcngagcnl ccu\ de nos oralciU'S sacres (pii onl soutenu
eelle llicse.
]>es lionunes sont séxèrcs pour l'insueeès. Si les ^icloil•es de .Teauiie
eussent, après Heims, conliuue d'èlre aussi rapides el aussi eclalaules. pcisonne
r^-
^'
T..
TOiiK i)i'. ji'.vNM'; i> \i((: \ (:(iMr'ii'(;M-
Dessin (i'iipri's ti;(tiir<' ili- ll(uir>ii:u.
n'eût song('' à prc'tendre (jue sa missif)n se leimiuail au sacre. "Mais le succès
d'une entreprise n'en clahlit pas phis la legiliruilc que l'cclicc auquel elle
aboutit n'en est la négation.
J'ji maintes occasions, .leainie d' \rc a déclare (|n ClIe clail en\()\(''e, non
seulement pour délivrer Orléans et l'aire sacrer le Dauplùn, mais encore pour
lui rendre Paris et '< purger tout le royaume " de la présence des \ni;lais.
C'est le biU (pTclle se ero\ail Irace cl (|u'clle a du resie, même apiès sa
mori, lanl contribue' a alleindre.
(".'est pour cela qu'en dcpil de ses goûts el de ses (h'sirs |)crs()nnels, el
quoiqu'elle dc-claràl le bordieui- ([u'elle aurait à •< reloLuner près de son père
el de sa mère, pour l'aire le nu'nage et garder les moulons a%ee ses frères », elle
est restée, (l'est (pi'elle clail cou\aiucue (ju'il lui fallait continuer la Inlle.
28o JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Elit' l'a continuée, même après que ses voix lui eui-cnl irvélé à "Meluu
(t qu'elle serait prise avant la Saint-Jean ».
Si Jeanne eût estimé (jue sa mission se teiminàl à Reims, tenons pour
eeitain fju'en cela, comme en toutes circonstances, elle eùl agi conformément
à sa con\icli()n et (juc nulk' loi'ci' an monde ne l'eût arrêtée.
Elle est restée à l'armée, |)aice (|n'elle cro\ait (le\oir le l'aire cl le voulait.
Qui du reste songeait à \'\ coniraindre? [.a plupart de cvu\ ([ui l'enlou-
raient n'eusserU-ils pas favorisé' son dessein de partir plnl(")l (|ue de renti'a\er?
J£st-ce le Roi, ou La Trémoïlle, est-ce Regnault de (liarlres ou Clermont,
qui l'eussent retenue?
Aussi hien, à supposer f[ue Jeanne se liit retire(" après 1e sacre, les clioses
A' eussent-elles gagne ou perdu?
(hiand on xoit commcnl elles lourneni nialgic sa prcsence et le succès
partiel de ses ar'Uies, on peut se demander ce (|u"il lut a(l\cnu de son dcparl.
TiOi'S([ue les \illcs des hords de IC )isc se rendaienl sans coup Icrir, ne
fallait-il |)as l'allrihucr au prcNligc de Jeanne? ()uand Paris elail sur le poiiU
de se rendre, (juand les recrues anglaises refusaient de passer le deiroil,
n'elait-ee pas encore par le lait de sa personne?
Sur (piel dessein judicieux de l'Iieromc cl, à plus forte l'aison, de la
ProNidcnce, peut-on des lors fonder celle opinion (|uc la nussion de .leanne
dexail se Icrminei- a Uciuis, cl (pie la Pucelle dcvail, a celle date, (piiller
l'armée?
«wTw
Les faits se réduisent à ceci : le sacre accompli, on comprit si Lien
rimporlance (piun tel e\enement de\ail a\oireii l'raiicc, (|u'on perdit (piel(|ue
chose de l'aclixile preinierc. L'Iionnnc est ainsi (ail (pie l'obstacle l'excite et
(JUC le succès l'endort.
Jeanne seule ne subit point cette loi du Cd'ur de l'homme. Et nous l'avons
vue le jour même du sacre poursuivre l'anivre commencc-e et écrire au duc
de Bourgogne.
Quant au Roi, à la plupart des courtisans et à |)lusieurs chefs, il en elait
d'eux tout autrement. I^e Roi axait recou\ re la t'ouronne; à leur axis, il n'y
axait [)as lieu de se presser ])oin' recoux rcr le royaume.
Qu'on n'oublie pas en outre Iciixie des seigneurs à l'endroit de Jeanne
d'\rc, celle qu'ils nourrissaicnl tout bas contre d'Mcncon. La crainte (pi'ils
SAINT-DENIS ET COMPIÈGNE.
281
JFVNM'. VIOTOIIIF.ISE
D'api'i's tiUL- stiihir de RoULLKAU, érigée à Cbinon.
avaiciil que Jeanne el le due, coiiliiiuanl d'imir leur aelion, n'en \insseiil à
prendre dans le nnannu' el aii\ \eii\ ^\^\ lioi nne iMi|i()il:iiiee ea|)al)le de
rniner la leur.
(^)n'()n ajoute l'iilin à eela la seeuiilé qu'ils eoncevaient en voyant d'une
part nombre de villes françaises apporter d'elles-mêmes au Roi le témoignage
de leur soumission, et de l'autre les Anglais trahir la terreur dont Jeanne les
pénétrait.
On aura ainsi la elef d'un mystère, beaucoup plus simple d'ailleurs qu'il
ne le semble, et dont l'obscurité est bien moins le fait des choses elles-mêmes
que celui d'écrivains qui cèdent trop facilement au penchant de modifier de
bonne foi les événements pour étaver leurs théories, au lieu de suivre les
événements mêmes pour les raconter tels qu'ils sont, et les commenter
tout uniment.
36
282 JEANNE D'ARC RACONTEE PAR L'IMAGE.
I/astic (le.Toanne seml)lait pàlii-. ('ependiml il devait encore en plusieurs
fails (le i^uet-re jeter im éclal (jui rap|ielait celui des premiei-s jours.
Il était facile de prévoir que la retraite du Roi à Gien entraînerait le
découragement des chefs de l'année et la défeelion d'un certain nombre des
villes qui s'étaient ralliées à la cause de (Charles MI.
Le duc <rAleneon, dégoûté, se i-i'tii'a en sa >icomle de Heaumont, jircs de
sa femme dont le \^vu ('tail ainsi accompli; la plupart des autres chefs rega-
gnèrent leur seigneurie.
T^'ahscncc de d'Vicncon ne lïil ccpciidanl pas de longue dui'ee. .Tcanne
était rest(''i' à peu |)rcs seule |)rès du Roi, cl comhicii Irisie! Le duc, stimule
sans doute par la constance de la Pucelle, rcxinl a la cour cl proposa d'aller à
la h'Ic des hommes d'armes (|n il a\ail rciuiis, rccon(|uei'ir' la NOr-mandic en
|)assanl par le Maine cl les bords de la llrclagne. Il \ mcllail une clause
toutetois : c'est <jue la l'ueelle l'accompagnerail ; il |)cnsMil sagement <|n'à celle
condition était attache le succès de l'expédition.
C'était précisément la seule <|u'on lu- voulut pas accepicr. Le Roi eut laiss(''
faire, mais larchevèqne de Reims et La TiH'modIe, toujoins assidus (juand il
fallait comballrc .Icaïuie cl le duc, ne voulurent à aucun prix consenlii' à ce
(juils unissent leur action. Ces deux rnauxais g(''nics de la l'rance n'avaient ([ne
ti'op d'inihicnce sur l'cspril de Charles \ Il cl ils l'amcncrcnl facilement à leur
a\ is.
^^
Pendant ce temps, les gens d'armes laissés par le Roi à Saint-Denis venaient
d'en être chassés par les Anglais, qui s'étaient aussitôt emparés de la ville. Ils la
livrèri'nl au pillage et l'ulevèrent de l'abbatiale l'aiinure, le « blanc harnois »
(juc Jeanne y avait dépose.
Le pillage s'étendit a loiUc la contré'c, (ju'il s agit des \illes ou des
campagnes, et les habitants se eon\ainquircnt, hclas! trop justement, du pciil
<[u'il y avait à (piiltcr les Anglais pour s'attacher à (ihai'lcs ^ IL On devine (|ucl
fut l'cllet de ces incidents sur les villes (jui pouvaient songer encore à se ral-
lier au Roi de France.
Quelques chefs, tels que le comte de Vendôme et le maréchal de Roussae,
« tentaient bien çà et là ({uelque vaillance -> ; mais ces actions isolées, outre
qu'elles iriilaient l'ennemi plus fju'clles ne rin(|uiétaient réellement, faisaient
perdre beaucoup de monde aux français.
n 'T\'\m'
JEANNE SAPPKÉTANr POUK LE COMBAT
D'après le tableau de G. W. JoY. {Appartenanl à Mgr J. Kenyou.)
SAINT-DENIS ET COMPIEGNE.
285
De là à la dt'l)anila(le il n'y avait qu'un pas; aussi nombre de ^ens de
guerre désertaient-ils.
Quoique le Roi fût du côté de la Loire, le pays était loin d'être tout à lui.
Quelques villes demeuraient fidèles au parti anglais.
On fînil [)ar s'en inquiéter et, comme Jeanne ne cessait de réclamer la per-
mission d'aller combattre, on crut bon (\c donner pàliii-c à son impatience en
l'envoyant faire le siège
de Saint- Pierre- le -
Moustier et de la Cba-
rilé.
Jeanne eût mieux
aiint' anire cliosc; Paris
lui Icnail loujours au
cteur. dépendant elle
préférait encore celte
campagne à l'inaction.
Elle partit donc pom-
Bourges afin d'y grouper l'armée, et, la chose laite,
elle se rendit sous les murs <k- Sainl-l'ierrc-le-
Mouslier en compagnie du sire d'Albret. (ielui-ci
était le frère de la Trémoïlle et Jeanne ne pouNail
faire (|uc bien peu de fond sur son dé\()uemenl.
Selon son habitude, Jeanne attacpia la |)lace a\cc
véhémence, combattant au premier rang, sans s'in-
quiéter tle savoir si on la suivait ou non.
Son éeuyer, d'Aulon, s'en aperçut et, malgré
une blessure cjui le retenait, se rendit près d elle
au pied des murailles. Il arriva au galop de son
cheval et lui demanda ce qu'elle faisait. Jeanne ùta
son casque et lui rc'pondit. Mais citons plutôt le texte de la déposition écrite
faite par d' Vulon au procès de réhabilitation.
« Dit (Jean d'Aulon) (jue certain temps après le retour du sacre du Roi,
fut advisé par son conseil qu'il ('tait très nécessaire de recon\ rcr la \\\\c de la
Chéfité (la Charité), que tenaient lesdits ennemis, mais qu'il fallait avant
prendre la ville de Saint-Pierre-lc-AIoustier, que pareillement tenaient iceulx
ennemis.
« Dit c|ue, pour ce faire et assembler gens, alla ladicte Pucelle en la ville
JEANNE D AKC FAITE PlUSONNIEHE
A COMPIÈCNE
D'après le dessin de Piiilippoteaux.
286
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
(le Bourges, en laquelle elle fist son assemblée; et de là aAec certaine quantité de
gens d'armes, desquieulx ]\Ionseigneur d'Elhret estait le elief, allèrent assiéger
ladiete ville de Saint-J'ierre-le-Moustier.
CI Et ilit que, après ce que ladiete l'ucelle et ses dictes gens eurent tenu le
sièiic (le\ant ladiete \ille, il lui ordonne alors de donner l'assaut à ('i'tle\ille.
l'^t ainsi (ut (ait. l'j de la prendr'c lircnt (ont leur de\oii' ceux (jui là étaient;
mais ohsiant le grand nondire de gens d'armes estant en ladiete \ille, la
grande loree d'icelle, cl aussi la giandc roiNlancc ([ue ceux (\ii dedans
làisaient. furent coiUrainls et Corées lesdicls ("rancois de hallre en retraite,
pour les causes dessus dictes.
" El à celle liciu'c, il
(jui parle, lc(|ucl clail blesse
d'un Iraict paiini le talion,
Icllcnient (juc sans poleuces
( l)é(|uilles) ne se pou\ail sou-
tenir ni aller, \ il <|uc ladiete
l'ncelle était dcnieurce ti'ès
pclilemcnl acconipagucc de
ses gens d'armes, ni d'autres;
cl douhtant il, (jui parle, que
uiconxénient ne s'en ensui-
vit, monta sur un cheval et
ineoutineiit tira vers elle, lui
demanda ce (|u'<'llc Caisail là ainsi seule cl poiucpioi l'Ilc ne se retrailiail comme
les aulrcs a^aienl (ail.
H Eacjuelle, après ce qu'elle ot (eut) osté sa salade (son casque) de dessus sa
teste, lui respondit qu'elle n'était pas seule cl que encore axait elle en sa com-
paignie cinquante mille de ses gens cl tpie d'ilec ne se paitirail jusques à ce
qu'elle lait prinsc ladicle ville.
« El dit il, (jui parle, (juc à cette heure, quchjuc chose qu'elle dit, u'aAait
jias a\ee elle plus de quatre ou cinq mille hommes.
« Et ce seait il certainement et plusieurs antres qui pai'cillement la Airenl.
« Pour laquelle cause lui dict derechief qu'elle s'en allât d'ilec et se retirât
comme les aultres Ausaient. Et adonc luy dist qu'il lui (ict apporter des fagots
et claies pour faire un pont sni' les fossés de ladiete Aille, afin qu'ils y peussent
mieux approchier.
« Et en luy disant ces paroles, s'écria à haute voix et dict : « Aux fagots et
CO.^IMl.M LA l'LCl-XLi-: FliT l'ItlSK Dli\AST CUMI'llCONE
Miniature tics Vigiles de Charles VII. (/»//»/. nal.)
SAINT-DENIS ET COMPIÈGNE.
28':
JE\NSF. D ABC FAITE l'UISDNNIKUE
Rcproilurtioii (fime j^ravurt' sur Itoîs d'iipr»-s un devsiii
de Paul Deï.aroche.
(Ilisl. i/fs itiiis de Doiirgnf^iie, par M. IiE IlAnANTE,
Didier cl C'', éditeurs.)
iiii\ claies tout le monde, afin de faire le
j)oiil. [^equel incontinent après fut faict
et dressé.
« De quelle chose iceluv desposant
fut tout esmerveillé ; car incontinent
ladicte ^illc fut prinse d'assaull sans y
trouver pour lors trop grant résistance ' . »
Le siège de la Charité fut sans délai
commencé ; mais la place était fort im-
portante, et il fallait pour menci- la chose
à honne fin un matériel considc'rahie et
beaucoup d'argenl.
Jeanne adi'cssa un a|)|)cl à pUisicurs
villes : Bourges lui répondit, ()ricans
aussi; mais la cour ne fit rien, et il fallut
lever le siège. Ce fut pour la i'uccllc
le sujet d'un grave déplaisir.
Ces choses se passaient à la fin de
no^emhre 1 4-9- I^p Roi eut sans doute (juchpic conlusion du peu de sccoiu's
([u'il pr-êtait à Jeanne, quand elle, au contraire, n'hésitait à rien sacrifier pour
lui. Il la combla donc d'honneurs, l'.llc lui annoblie, ainsi (pie sa famille.
l'ai- un privilège assez rare, il lut statué (pic cette noblesse serait hérédi-
taire pour les descendants de la famille de Jeanne, non sculcmcnl par les
hommes, mais par les femmes.
On composa à Jeanne cl à sa famille uu blason. Il elail à fond d'azur a^ec
une épée surmontée de la couronne de France et llancpiéc de deux llcurs de
lys. De ce détail, les frères de Jeanne d'Arc prirent le nom de ■• du L\s ..
Mais Jeanne pn'féra gariler son nom a\ec sa bannièLC et ne lit pas usage
de ce blason.
De ce (pTclIc w'vn usa pas, jjlusieiu's ecri^ains ont inféiu' fpi'il n'est
point juste de considérer ce blason comme celui dv Jeanne d'Arc. Ils fortifient
celte remanpic de la i-cponsc que fit Jeanne à ses jnges, à saAoir ■ (pi'i'llc
n'axait pas eu de i)lason )> .
Elle disait \rai, puis(pic par modestie elle n'avait pas accepté de faire
usage p(>rsonnel de celui <pie le Uoi lui axait constitue, tout en racccplant
I. Cilc jïar M. Joscjtli l'aljrc, Procc.'i de réhidnhttition. l. 1, p. 'jt^d.
288
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
pour sa famille. Sachant fort bien, du reste, que l'on
songeait, au procès <le Rouen, à liier parti, pour l'ac-
nser, de ce titre de noblesse et de ces armes, elle ai^issait
)rudemment en affirmant qu'elle n'a^ait pas eu l'orgueil
(ju'on lui prêtait en cette conjoncture.
Mais ces armes en dcmeurciit-cllcs moins les siennes?
l'Jles sont les armes de Jeanne d' \r<-, parce (pic c'est
a clic a^ ani loul autre qu'elles ont cic oclro\ecs |)ar le Roi.
lA à (jui l'eusseiU-clles donc été, si ce n'eût cIc à
elle? Les d(''tails mêmes de ce blason ne sonl-ils pas
coimnc le rc'sumc de la mission de Jeanne d' \ic, cl n'est-
<■(' pas son epec (jui a cl('' le soutien île la couronne de
France et de la royauté dont les Ivs sont l'em-
blème? l'^sl-ce à ses frèi'es (pi'on eût
donne ces aimes? à fjuci lilic les
eussent-ils nu>ritées?
Il ne l'aul |)as vouloir subtiliser
en semblables matières.
Il est |ieul-être ino|)portun aussi
quand, aujourd'hui, les armes de
Jeanne d'Arc, ainsi conçues, ont
depuis longtemps reçu droit de cite partout en France, de venir dérouter
l'opinion populaire, qui, si elle renonçait à ce l)lason de Jeanne, n'en prendrait
probablement pas un autre.
Ces armes plaisent |)ar leur composition, leurs détails et leurs nuances
mêmes. Croil-on (pi'on fera faciicmcnl accepter à tous la colombe a\cc la
devise : De par le Roy du C ici.
Jeanne d'Arc a apporté à la France la source de la paix qu'elle goùla plus
tard; de nos jours, elle réapparaît au milieu de nous comme une pacificatrice.
Rien n'est plus vrai, mais il n'en demeure pas moins que le peuple aime à voir
en elle surtout la guerrière qui a sauvé la France : et voilà pourquoi cette épée
soutenant la couronne lui plaît.
Ces raisons suffiraient pour conserver le blason connu de Jeanne d'Are,
lors même que la critique historique aurait pour cela quelque léger sacrifice
à fiiire. Mais il n'v en a aucun à lui demander ici, et le blason en question
est bien celui de Jeanne, parce que c'est à Jeanne a\anl tout autre qu'il a été
donné par Charles VII, parce que, d'autre part, il est le résumé de sa sublime
JEVSNK U AUC
D'après une statue en pierre restaurée
et conscr\ée à Donireun.
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SAINT-DENIS ET COMPIÈGNE.
291
mission, parce ([irciirm sa Cainillc ne l'a possi'dc' (jiie par .leamie cl comme un
lu'iilai;c de la l'iicelle.
Ces honncin-s fui'cnt faits à Jeanne « en considéralion des loiiaMes et
utiles services qu'elle avait rendus an ro\anme et lui de\ail icndrc encore ».
La Pucellc en! prcfi-rc' à tout cela une l)()nne arni(''c, des subsides et
AI'IIKS LA JdUUMiE DK COMPII.GNE, JKANNK PIUSONMÈIU'
IJ'apri-s le taliliNiLi de Patiuiis.
([UcNinc lahorieuse cam|)ai;ne à mener contre i'aris ou la Normandie. Son
ennni n'en lui donc pas amoindri.
A\anl de ponrsnixre le récit des aciions de .Icannc, on peul cilcr oppoi'-
luncmcnl ici une partie (\i[ témois^nage ((ne ÎNlari^uerilc la rlioiu'ouldc rcndil
au procès de réhabilitation. Il contient plusieurs détails sni' le séjour de .Jeanne
à Bourges avant le siège de Saiiit-Pierre-le-]Moustier, sur sa ^erlu, sa pietc et
divers de ses goûts.
Mai'guerile la Tliourouidc, vcu\e de l'eu inailrc Henc de Jiouligin, de son
vivant conseiller du fioi dans le gouvernement des finances, avait connu
Jeanne à Bourges. C'est chez elle que la i'ucclle demema pendant trois
semaines.
292 JEANNE D'VUC R VCONTÉE P \\\ I/HIAGE.
« ^',\'\ \ii, (lil-cllc, .Tcaiim' sculcinciil à r(''|)0(nic où le Hol |■(■^illl de l^cims
ii|)i'('s son sacre. Il sf l'ciidil à Hoiifijv.s où tiail la Heine, el moi axce elle. Le Roi
approchanl de la \ille, la lieiiie alla aii-(le\aiil de lui jiis(jii'à Selles-en-Bt'i'i'\ ,
et je W aeeoiu|)ai;iiai.
" l'eiidaiil (|iie la Heine allait à la i'(Mieonti'e (]u Hoi, .leainic prit les
(le\ants et \int saliiei- la Heine'. ( )n la conduisit à J)onii;cs el, par ofdre de
Moiiseigneiii' d' Ubret, elle fui lo^ce chez moi, mali^rc le dire de mon mari, (jui
m'avait annoneé quelques jours avant (ju'elle devait loger cliez un eeilaiu
Jean Ducliesne.
« Jeanne resta dans notre logis l'espace de trois semaines; elle \ concliait,
hnxail et mangeait. I'res(pie tontes les nuits, je couchais a\ee elle. .Jamais je ne
'sis, ni ne pus soupçonner en elle rien de mauvais. Elle se gouvernait eu
liouncte leunne et honne calholi(|ue. IJIe se coni'essait très souvent, aimait à
assistera la messe el maintes l'ois me demanda de l'ai'eompagner à matines, où
j'allai el la conduisis à plusieurs re|)rises siu' ses instances. ■>
Marguerite el Jeanne aimaient à deviser eusenihle, et .Jeanne hù racontai!
nond)re de circonstances de sa vie.
« Il nous arrivait rrc(|ncnnucnt de causer ensemhle, poursuit Margue-
l'ite. .le lui disais : " Si vous ne craigne/, point d aller an\ assauts, c'est
« <[ue vous savez hien (|ue vous ne serez pas tuée. — .le ne suis pas plus
(c sùrc (pie les autres gens de guerre )■, me répoudail-elle.
« (JueKpiel'ois Jeanne me racontait comme elle avait ete examinée parles
clercs el (ju'ellc leur avait l'ait cette réponse : .' Il v a es liv res di' Notrc-.Seigneur
<' plus (|ne es vôtres ■•.
... " .Jeanne avait iori en hoiacnr le jin de dc's. l.Wv était hien simple et
ignoraule. \ mon regaid, clic ne savait absolument rien hors le lail de guerre'.
« J'ai souvenance (pii' maintes fcnuiics v enaient a mon logis cpiand .Icaïuie
A demeurait. Elles lui apportaient des patenôtres (chapelets) el autres objets (le
|)iete poni' K's l'aire loucher. .Icauue riait el disait : ■< 'rouehez-les vous-mêmes.
« Ils sei'onl aussi bons par votre loucher ipic |)ar le mii'U ».
« Jeanne était très large eu amnônes et bien volontiers elle subvenait aux
pauvres et aux indigents. <> J'ai ele envovée, disait-elle, pour la consolation des
<< pauvres et des indigenis ».
1. Nous avons drjà lail nssortir l;i li:iiilc couiloisie <li' Jcaiiiic rmcis les jjiiiicossrs et li'S
dames.
2. Dame tic t|iialH(''. la Irmiiic de R<'n(' di' Bouligiiy avait pris i)Our ignoraiici' ci' (|iii clirz
Jeanne n'était que défaut d'instruction. Tous les actes de Jeanne et ses paroles dénotent en elle une
connaissance naturelle des objets les plus diveis.
saint-dp:nis et compiegne.
293
... « D'ai)rès ce (|iic je siiis d'clk', (mil était innocence dans son fait,
hormis le fait d'armes. Elle montait à cheval et maniait hi lance comme eût fait
le meilleur chevalier. L'armée en était dans l'admiration'. "
Jeanne allait maintenant connaître d'autres loisirs. Il lui fallait sui\ re le
roi à Bourges, puis à Sully-sur-Loirc. Celle inaction la fati-
guait, et quand elle songeait à l'emploi ^£ (ju'elle eùl pu
ennui s aiii;ra\ait
OC
faii'c de son temps à la tète de rarince, son
encore. (^)ueIquefois
elle se l'cndait à Or-
léans, dette ^ ille lui
(tait toujoiu's chère;
elle \ rctrou\ail de
hnns et fidèles amis
et i\\\ peuple dont l'ac-
cueil la consolait en
quelque mesure de ses
c|)rcu^es.
(l'est à cette même
epo(|uc (pi'une femme,
nommée Catherine de
la iîochelle et se disant
inspirée par des \]-
sions, \inl la tromer.
Laissons Jeanne nous
raconter cet incident
a\ec sa verve accoutu-
mée. Elle est à Rouen.
« ^f'avez-^()us point \ii ou connu Catherine de la Uoclicllc ? lui
deinandc-t-on.
— Oui, à Jari^cau et à Montfaucon en lîeri'v.
— Ne NOUS a-l-elle pas montre mie dame \ctuc de hianc (|u'clle disait
lui apparaître de temps en temps?
— Non.
— (Hic \()us a dit celte ( lalliciiiie?
— iJlc me dit (pi'uiie dame blanche Nètue de dr.ip d'or \cMail à clic, lui
a Jl.llANNK I.A i'IlCIiLLE », ïliU'TYQLrii JIOUKHNE EN METAL
[Mhscc Jeanne tVArc, à Orléans.)
I. Josppli F;ibre, Procis de réluihililalioii. t. I, p. 291 et sui
294
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAU L IMAGE.
(lisaiil (l'iillci- \y.[v les honiifs \ill('s cl (|iic k- Roi aiiiail à lui doimci' des
licraiils ou (les Irompcltes pour- l'aiii' crier : ■■ (hii a or, ai'i^eiil ou Irt'soi-
« caclic, (|u'il l'apporte iininédiateiiietil ! •• lHle ajoulail (|ue (|ui eu
aurait de cache cl (pii ne l'apporlerail pas seiail l)ien reconnu par clic
cl qu'elle saurait liicn rc[rou\er lesdils trésors, a\ec lcs(picls seraient
paves ses lionimes trarmes.
P^jT « A (pioi je rc|)oudis : « Hetonrne/ |)res de votre
VJf^ ■/ A ' '"'"'- '■''''*' ^"'i<' '"<i''ii;t' <' nourrir vos enfants ».
" Poiu' plus de certitude, je parlai de cela à mes
saintes. Jolies nie direul : .. Dans le lail de cette Catlie-
" rine, il n'\ a (pic jolie, cl c'est tout neaut ...
« .1 écrivis a mon Wo] |:(inr (juil sut à ijuoi
s'en Icuir, et <piand je Ainsà lui. je lui dis :
" Dans le l'ail de celle Callicrinc, il u'\ a (pie
" lolic et c'esl tout néant >. Toulciois Irere
lîicliard voulait (pic (iallicriuc l'ut mise en
iciivrc. I )c tout cela il s'ensuivit (pic ledit
Irere Hicliard cl ladite Catlicriiie riircnt
mal contents de moi.
— Parlàles-v oiis av ce ('.atlicriue de
la Roclicllc du lait d'aller a la Cliaritc'-
siir-l ,()ire?
— Elle me disait : " .le ne vous
^^ -r- -i^w'^^^^M^- < " eonseilie pas dv aller, il lait trop
JHL ^M^^^^^^ ^^ « froid ». Et elle ajoutait «pTi^lIc u'iiait
'^^^H^K'- -^^-^HH^^- point, f.lic voulait aussi se rendre vers
^^^ le duc de l'>ouri;()i;nc pour faire paix, i'^t
moi je lui dis : " Il me semble (pi'on
« u'v trouvera point de pai\. sinon par
« le hoiit de la lance ».
— Ne Aous ètes-AOUS point eiupiise
(le celle dame blanche dont parlait Callierine?
— Je demandais à ('.atlici-iue si cette dame hianchc (pii lui apparaissait
venait toutes les nuits, et, pour ce xerifier, je voulus coucher avec elle dans le
même lit. J'y couchai et veillai jusfprà minuit et ne vis rien, puis m'endormis,
(^uand \\n\ le matin, je demandai à ('.athcrine si cette dame i)lanche était
venue. " Oui, me repoiulit-eile, mais vous dormiez, et je ne pus vous éveiller».
JIÎANNE U ARC
D'après la statue (I'Emile ('hatrousse,
érigéf boulevard Saiut-^Iarcel, Paris.
SAINT-DENIS ET COMPIEGNE.
ÎQD
LF. SriOlEMT DIS AMAZOSES niANÇAISES ATI l'Ii:I) III-, I. V STATl F. Dli JFANMi d'aUC
D'apri's une gravure .nnonvmr eti cciiilnii's de iSlî).
— La (laine hlaiiolic ne a iciulra-t-clle pas (Icinain? lui dcinandai-jo.
— lille i'('\ icLulfa «, inc it'poiulil ClallicM-ine.
" Pour ei', je ilormis de joui', afin de pomoir veiller la iiuil sui\aiile. Et
celle luiil-là je eouchai avec Callierine, et toute la nuil je restai les \eu\
oinei'ls.Mais je ne ^ is rien, encore (|ik' de inoineiit en nioinenl je dcinandasse
à Callierine : « Ne a ieiidra-t-elle point? » A (jiioi elle répondait : " ( )ui,
- Iaul(')l' .1.
On a ^u (pi'uiie trcHe avait éto' eonelue avec le duc de Bourgogne; elle
devait expirer à Noël, elle l'ut prolongée jusqu'à Pâques.
Charles VII lui avait cédt' Compiègne en garantie, mais les habitants de
celle cité, — si chère à Jeanne d'Arc, — refusèrent de ratiller celte conven-
tion. Pont-Sainle-Maxenee remplaça Compiègne en ce marche.
Par malheur les Anglais n'étaient pas liés par celle trêve, et les Bourgui-
gnons n'étaient (|ue lrt)p lial)iles à se glisser dans leurs rangs pour combattre
avec eux.
Joseph P'ahrc, Procès de i-ontlanmittion , p, 121.
296 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Piii'ini loiilcs les ;uili-('s. I;i \ill(' de Reims scinl)I;iil plus inMiiircsIciiiciit
nn'iKR't'f. Les \nnliiis cl les lioiiii^iiii^iions ne lui piii'domuiiciil pas le sacre du
Roi cl raccucil (iiiellc lui a^ail l'ail à celle occasion. 1-a Pui'clle ccrixit aux
hahilants de celle' \illc une nou\clle lellre à la dalc du iGmars dcl'anno'c i/|3o.
.leanue l'aisail de sou mieux houne fii>nre eu ccrixaul ainsi. Mais son
(h'plaisir elail i;iaud cl l'elal des allaircs de
Iraucc elail loin de lui ai^fccr. 1,'iuacliou à
la(|ucllc elle elail rcduile la (alii^uail; aussi se
l'csolul-cllc à se l'cudic près de ceu\ (|ui com-
liallaiciil. ( )n le l'aisail l'U Noi-mandic, mais la
cam|)ai;uc de Picai<lie cl de rilc-de-l"raucc ( laiL
plus acli\c.
i.cs mccoulculs claieul nombreux à Paris;
llcdlord et le (\\\i' de r>our£;oonc x ('laicnt peu
popidaircs. ,lcaini<' le saxail cl ne désespérait
pas de leur reprendre un jour la i^rande \illc.
I.ii loulc occurrence, elle cnicndail ne rcsier pas
plus loni;lcmj)s inaclix c.
l'.llc ne parla a personne de sa rcsolnlion,
cl parlil sans prendre confie du Roi.
l'Ile se rcudil a I .at;n\ -sur-Marne, à (|ue!-
(pics lieues de Paris. Les dcrcnscin's de cclli'
place i;uciro\aienl conire les Anglais de la j^ar-
nison |)ar'isicnnc.
( ,'cst \crs celle même cpocpie <|uc, relour-
iicc a Mclun, elle appril de ses \oix (ju'elle
scrail prise a\anl la Sainl-.lean ; elles le lui repc-
laienl souxcnl. dil-cllc plus lard.
.Jeanne crut-elle ipic celle ca|)lixitc ne
stMail (pic passagère?... ( )n ne sail. Toujours
esl-il qu'elle ne cliani;ca rien à son dessein de
comhallre cl ne s'en montra ludlcmenl atrecU-c.
C^'esl à Lai;n\ (juc se passa l'aU'aire rclalivc au i)r'ii;and l"ran(|uct d'Vr'ras.
Les Ani>lais étaient xeiuis en |)illai;i' sous la conduite de ccl liomme. .leanne,
inforiiK-e de la chose, partit a\cc ([ucl(|ucs liommes daiincs et Icui- lit de noni-
hieux piisonniers, paimi lesquels se Irouxait l"ran(|uet. Comme on l'a vu plus
haut par le Icmoiyuas^i' de .ieannc cllc-mènic, la Pucelle axait d'ahoid songé à
(( IIFSOGNONS, DIF.U lîI>OGM:HA »
D';i)>r<'s la statuette en hroiizp de KnÉMiET
(More cditvnr^ Paris/;
SAINT-DENIS KT COMPIhXINE. ag;
M_Ui^'jti«'»..~' t.-^jtc.^. tUt,<jii_„; ,.^ fur^S^-Ç^. y^iv ,.„,.(,
:A. ^J^ t>.\*-*C*..;^ /,-.W^k>*C%' v*««-»'»^x j* t-^ji-* j\'~i (VAr /Z.« ^ ,_ _
-fy-^. j^;-,-«i.«r >. — ^.îif pr.,^,s, Ab«-. -*•«.■?•< .i.-J-j n i-^i^-^ji^ a ^.
;u\\>t-v
■V— ■ai— — w— m— IW
LETTKE DE JEAXSE UAHC AUX H.VHITASTS DE IIIOJI (ij SOVEMISRE I.'l-i;))'
((.".onservée à ja Bibliotlu-quc de Rioin.)
en f;iii(' rccliiinge conli'c un Parisien auquel elle porlait inlécèt. Mais, eehii-ei
élant mort, elle eonsenlil, sur les inslanees du !)ailli de Senlis, à le li\i'ei' à la
justice.
Jeanne allait ])ientot porter son ell'ort sur un autre |)oinl. Nous a\ous \u
(jue (lliarles VII a\ail i\\\ instant soni^é à remettre C'.ompiègne en i;arantie au
tlue de lîouri^oi^ne et (jue les lia])itants de cette ^ille s'étaient opposés (Micri;!-
quemenl à racconiplissemenl de ce contrat. Le duc, tout i-n aeee|)lant une
autre ville, tlésirait \i\emenl C'ompiègne. Il songea donc à la prcndi-c.
Il se mit en eampai;iie le 17 avril i/i3o, cl détruisit, eliemin l'aisanl,
Gournay. Il assiégea ensuite Clhoisy-sin-Aisne.
Jeanne d' Vrc, arrivée le i3 mai à (lompiègne, v tint conseil. Il fut
convenu qu'avec Xaintrailles et plusieurs autres capitaines elle essayerait de
dégager Choisy. Ils y eussent réussi, mais une trahison tlu gouverneur tle
I. « A MES CHERS ET BONS AMIS LES GENS d'ÉGLISE, BOURGEOIS ET HABITANTS
DE LA VILLE DE RIOM.
« CIhts cl Ijoris amis, vous savez l)ien comment la ville de Saiiit-Pierre-le-Mouslier a éle prise
d'assaut; et, avec l'aide de Dieu, ai intention de faire vider les autres places qui sont contraires au
roi; mais pour ce que grande dépense de poudres, traits et autres habillements de guerre a été faite
devant ladite ville, et que pctileuienl les seigneurs qui sont en cette ville et mui en sommes pourvus
pour aller meure le siège devant la Charité où nous allons présentement, je vous prie, sur tant que
vous aimez le hien et riioniieur du roi. et aussi de tous les autres de par deçà, que veuilliez inconti-
nent envoyer et aider pour ledit siège, de poudres, salpêtre, souffre, traits, arbalètes fortes et auti'es
liahillements de gueiTe ; la chose ne soit longue et qu'on ne vous puisse dire en ce être négligents ou
relnsans. — Chers et bons amis, noire Sire soit garde de vous. Kcrit à Moulins, le ix" jour de
novembre. »
38
298 JEANNE D'ARC RACONTÉE TAR LIMAGE.
Soissons, cependant au service du comte de Clermont, dérouta leurs plans;
Choisv fut pris et rasé.
Cet exploit termine, le dui- de P>oiu'gog;ne de\ ait naturellement se |)orler
sur Compiègne; il le fil sans letard; sans retard aussi Jeanne d'Xre ^ re^inl.
Le •l'i mai, le due, a\ee le comte (r\ruii(lel, s'etahlil (le\anl celte place
forte. Jeanne, (|ui allait en di\ers endroits |)our rccliaullcr le /.èle di'S delén-
seurs du Roi, se trouvait alors à Crespx .
Aussil(')l (|u'elle Cul axcriie (jue < lompiègne était investi, ell<> s'\ l'cndil.
Au milieu de la nuil, elle a\ait ri'uni (:|uel(jues centaines d'hommes d'armes
et, sans s'inquiéter des remarques tju'on lui faisait sur le petit nombre de
ses compagnons : « Nous sommes assez, dil-elle, j irai \oir mes bons amis
de Compicgne ». Et de lail. elle ('lail enlicc dans la place le 2] mai, au
malin.
« Ea xille de Compiègne, dil Al. \^'allon. placée sur la ri\e gauche de
l'Oise, domine la rivière cl la vallée (pii s'clciid de laulrc côlc en une piaiiie
basse et humide, large d'un (piail de lieue, a\anl d'alleindic à rescarpement
du bord de l'icardie. Ea ville v conniunii(|uc par un poiil cl une chaussée
(|ui se prolonge au-dessus de la prairie. jus(ju'au versant de la colline. 1 ,a
place était donc Ibile par elle-même, cl son boulevai'd faisant tète de pont
lui assurait le libre accès de l'autre bord. Ees ennemis (pii l'assic'gcaicnt
et aient bien loin de l'avoir investie. Ils ne leiiaient (pie la rive de l'Oise o|)|)osec
a la ville; le duc de boin'gogne ('tait à Couduii-sur-l' Vronde, au nord, à une
lieue (le (lompiègiie; Jean de Euveiiibonig. un peu plus j)ics. à (ilairoix, au
coiiilucnt de l'Aronde et de r()ise, an nord-est; et iiaudon de NOvcilc, avec
un corps délaelié, à Margnv, à l'issue de la chaussc-e devant la place; à
l'ouest, ^longommerv cl les \nglais s'étaient logés à ^"enctle'. "
A peine arrivée depuis (jucNpics heures, .k'amie rcsohit de commencer
l'action. Son plan consistait à atta(jucr les bourguignons à Ahu-gnv, à les
surprendre par la rapidité de l'attaque, à les rejeter sur Clairoix, pour se
jioricr ensuite avec la même ra])i(lil(' siu' ^ enclte, ou se tenaient les Anglais.
Ce dessein n't'tait |)as sans [x-rils, mais il axait aussi de réels avantages.
Ees choses allèrent au début selon les désirs tie la inicelle; mais
bient(')t elles s'embrouillèrent. Par suil(> d'un mouvement des Anglais, l'ar-
rière des troupes de Jeanne craignit de se troux er cei'ué ; une débandade
s'ensuixit; il fallut, bon gre mal gré, reculer après eux; Jeanne s'x refusait,
I. \\'allon, Jeanne d' .4rc. édit. in-ir;
p. 220.
SAINT-DENIS ET COMPIÈGNE.
299
mais rcimemi, eiiL-ouragé par cette apparence de défaile, finit par la
presser.
Guillaume de l'Iavy, (jui défendait Compiègne, fut pris d'affolement,
craignit que les Anglais n'entrassent dans la ville, et comme Jeanne approchait
du rempart, il ordonna de lever la herse.
.leanne, entourée de quelques hommes fidèles, se défendit avec intré-
pidité : (' Rendez-vous à moi et baillez la foi », lui dit un soldat. « J'ai
« liNTOUBIiE IJE QUELQUES HOMMES FIDELES, JEVNNE SE DEFENDIT AVEC ISTUEt'IlH I F. »
'J';iM(Mti (le (lAnuitn-iÎEl.LKUSE extrait (le hi M issinii j)filrii>/if/iic de Jeanne d'Arc. [Inipi-iiiieries remues.)
jiu'('' l't baillé ma foi à autre (pi'à nous, ilit-elli', et je lui eu tiendrai mou
seruu'Ut. »
jMais bieutol clic lut saisie par ses vctcmi'Uls, j\'lce à bas de son clie\al, cl
faite prisonnière par un arclicr du bâtard di' Wandonni', un des chevaliers de
Jean de I Aixembouig. Pierre d \rc, son IVcrc, son ccuxcr d' Vnlou et Poton de
Xaintraillcs furent pris avec elle.
Clomme les \oi\ le lui avaient prédit, Jeanne était prisonnière.
Y eut-il traliisony ( )n Ta pense, et plusieurs ccrixainsse sont efforcés de
l'établir. 11 est eerlaiii (juc le rôle de Guillaume de l'iavv, gouverneur de
Compiègne, est difficile à justifier. Il y a lieu de se demander comment,
sachant (jue Jeaime combattait, ignorant du moins si elle était rentrée dans la
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
place, et peut-être la AcnaiU lutter au Jxnd du fossé, il a pu orclouuci' de lever
la lierse et de fei'iner les porUs de la ville.
Cepeudanl rien ne pouxail faire redouler une Iraliison de sa pari; il
conlinua de delendre \aillaninienl la place dont il a\ail la eliari^c. Jeanne ne
l'aecusa jamais pendant sa eapli\ il(' ou son jui^enienl, el le i^iand amour ipi'elle
i;arda |»()in' eeu\ de Clonipiègne, la lenlalixe (r(-vasion (ju'elle fil pour aller les
secourir, se concilieraieul difficilemeni eu elle a\ee la [)eusée (|u'elle aurait clt''
Iraliie par (".uillanme de l'la\ \ , car il i^ouNcrnait encore Compiègne à l'époque
ou elle \oulail aller sauNcr (eux de celle ^ille.
Assez de Iraliisous evidenles sim-
poseul à nous dans le cours de la vie
jJF' de Jeamie; laissons de cole celles donl
nous u'a\ons jias les pri'uves, pour
i'Iionneur de noire pa\s el poiu' noire
cousolaliou.
On lil, il esl ^rai, dans le Mi/oir
(l(-s /'riiinics 1,'ciiuciiscs ^ ou\ la^e pniilie
an commcncenicnl du wi' siècle, (pi ini
jiiur Jeanne, axant assiste à la messe en
Ci^lise de Sainl-Jac(pies de ( !ouipiei;ue, se
)■( lira |)res d'un pilici- de celte église et
(pie, ^o\anl la (piehpics hraxes gens el une
Iroupe d'enfants, elle leur dit : " Mes
les clicrs amis, je \ous si-
gnifie (pie l'on m'a \en(lne cl Iraliie et
que de hrief serai li\reeà la mort. Si \ous
supplie (pie \ous priiez. Dieu pour moi, car jamais je n'aurai plus de puis-
sani'c de faire ser\ice an lioi ni au ro\aumc de fraiice ».
\a' propos est touclianl cl hien digne de Jeanne d'Are. IMais (|uan(l
l'a-l-elle teiur:* E\i(lennnenl ce ne pcnl-('lrc au matin du jour oii elle fut |)rise,
puisque, arri\ée à l'aurore, elle eoinhaltit pres(pie aussilt)t; ee n'était pas le
lendemain, puis([u'i'lle ne renti'a pas à Compiègne. Sans doute c'clail lors de
l'un de ses autres vo^ages à Compic-gne. ^lais à (pielles gens cl a (picl lait
Jeanne reportait-elle sa |)eusée en j)arlanl ainsi ":*... Nous ne sa\ous. 'faut de
trahisons, nous l'avons dit, l'entravaient, (pi'il n'\ axait embarras poiu' elle cpie
dans le choix à fairi'.
A supposer toutefois fpi'il n'v ait pas eu trahison formelle de la part de
entants el nu
1)K JEA^^E U ABC
[Miiscc Jeanne d'Jrc, h Orlrinis^.
SAINT-DENIS ET COMPIÈGNE.
3oi
COM.IIUNT I,liS ANGLAIS ET BOURGUIGNONS EMMENEBENT CAPTIVE
r.A PUCELLE A MAllGNY
Griiviirc sur bois des Viciles de Ciiitrles \ll.
Flii\ \ , homme du reste
à ([iii plus il un crime
il élé imputé, il n'en
demeure pas moins
que sa conduite fut au
moins fort équivoque.
La vie et la liberté de
la Pucelle avaient une
telle importance, que
même la prise de Com-
piègne n'était paseom-
parahle au désastre qui
devait s'ensuivre de sa
captivité.
Quelle soirée dut
être pour Jeanne celle
du 24 mai ! ( )u rem-
mena au camp de Margn\, doni nous a\()ns parle. (Icllc place éîail a 1res |)eu
(le dislauce de Compiègne. .Icannc pon\ail de là M)ir les ri'uiparls de la \ille.
Pendant qu'on l'cnlrainail, rccul-cllc au moins des hommes d'armes (jui se
tenaient au haut di's murs quchjucs mar(|ucs de icgrct, queUjues signes
d'adieu?...
Nous n'avons sur toute cette fin de jouriu'e, comme sur celles qui sui-
virent, aucun détail. Du moins avons-nous cette ressource de nous recueillir,
d'évoquer cette scène où Jeanne est emmenée par ceux qui l'ont pi'ise, traver-
sant les rangs ennemis au milieu des hourras des Anglais et des Boiu'guignons,
soulagés enfin de la leneiu- qu'elle leur inspirait.
N'en douions |)as, elle fut sei-cine et fière, elle passa au milieu d'eiiv
comme il convenail à la IHicelle (|ui les axait si l'orl l'ail lreml)ler, et il v eut
ilans sou regard comme en toute sa pcrsoime quelque chose (jui leur inspira
non seulement le respect, mais la crainte.
Dès qu'il eut appris la prise de Jeanne, le duc de liourgogue, donI la
conduite fut en loules ces conjont'lurcs si miscrai)lc, aiiixa t'u hàlc.
Sa place n'était pas là.
Jeanne l'avait toujours Iraile avec égards; les lettres qu'elle lui a\ail
adressées resj)iraient le respeci, parce qu'il élail prince du sang.
Et le voici qui vient, sans pudeur, consommer sa trahison envers la
302
JEANNK D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Fraiici' L'I coiUcinpIcr, vaineuf et eaplivc, celle tiiii a lout i'ail pour la saiixcr.
Il était liomme, elle était femme, celte condition seule eût dû suffire poui'
le rappeler à la générosité et au respect. INlais Jeanne était aussi Française, ou
plutôt elle était comme l'inearnation vivaiile <le la France; lui, a\anl d'èlre duc
de Bourgogne, était fds de la France, prince du sang français. (Jue \cnail-il
l'aiic et, déjà coupalilc d'avoir combattu contre son pays et donne la main a
l'étranger, que n'avail-il du moins la ])udeur de se tenir au loin et de n'insuller
point par sa présence à l'infortune de l'héroïne, qui aujourd'hui gémissait
enchaînée et demain devait mourir pour celle France que lui trahissait?
Il fallait donc (ju'il fût dit qu'eu ce drame du martyre de Jeanne, ainsi
que dans la passion du Christ, tout ce que les hommes répulenl grand \iendiail
se confoiulre en une commune honte.
C'est comme i\n iMii\(isel dechainemcnl de toutes les passions hasses et
haineuses; mais c'est aussi une prei'ipitalion \('rs un même ahinie de toutes
les grandeurs et de toutes les puissances (jui se melIcMl au scr\ ice de ces
mêmes passions, contre cette enfant de (li\-neur ans. l'.ii cet ahùiie toutes
choses se mêlent, couronnes de rois cl de ducs, iniircs de piclals cl cas(|ucs de
guerriers, honncis de docteurs et capuccs de uioiiies; seigneurs, manants,
gens de robe cl gens d'epee, tous \iennenL a celle curée d injustice, de haine
l't <r()pprcssion.
IMais la \ci'ite et la justice, pour marcliei- Iculemeut, n'eu arri\cul pas
moins. Fa posleiilc cl l'Iiisloirc ont lail leur (eu\re; elles glorilicul .leauue cl
honnissent ceux (pii l'ont oppiimée.
niiDMi.ir I mi'i'i I imu ii i. isvrcrinTioN dk i.v statue i:iu(;ir.
i:\ i.'ii(»NM-,i it IJI-; ji.anm: a uKI,lÎA^s EN 1802.
l.A l'VClLLE OU l-.V lUAKCK 1>KLIV1U.K
C.rjiviire d'AnuAiiAM liossE, (l'iiprés Vignon, extraite de /« Puccllc nu la France dclivrcc
Vin
DE BEAILIEU A DIEPPE
\A'S l)()l I.OUREUSES ÉTAPES
l)i: l,\ CM'TIMTÉ DE JEANNE LA PUCELLE
i: l)i"il;ii(l (le W Miidoimc (|iii s'cUiit ('m|):ii(' de ,lc;iimi' dVi'c
Il ( !()m|)ii't;ii(' (:iis;iil piiilic des i^cns d'nrincs de Jcim de
Lii\('imI)()iii'i; ; .Icaimc appailciuiit donc a (•cliii-ci.
1 /iiiioi-liiiicc |)iis()iiiiiri'(' avaiil passe (ni('l(|ii('s joiii's an
am|) (le iMaii;M\ , Jean de liii\eml)oiii'i; la (il coiidiiirc en son
cliàlcaii de llcaiilicii ; cllf \ soi'ail, pciisail-il à l)()n dioil,
- |)liis en siiicN' (|mc sons (lonipièi^nc.
Il \ a\ail, en cH'cl, lien de (■i'aindi< (jnc, dans nnc
soiiic iniprcN ne cl a ii^ourcnsc, la t;ainisoii de la
ville ne lil iiriiplion dans le cami) où l'on i^ardail
Jeanne el ne lenlàl de la délivrer.
Or Jean de Lnxeinhonri^ ('lail ti-op axisc-
noui' ne pas appi'eeier jnslenieni la \aleiM' de sa
eaplÎM'.
(hielle qne (Vil l'ineilie de Charles \ Il el
son iiidillereiiee, il etail à supposer (|ii'il eoiii-
prendiail eoinhien lui iiiiporlail la liUerU'' de Jeanne. On devail s'allendre
par siiile à qiiel(|iie demareiK' de sa |)arl en fa\t'ur de la Pueelle, à (piel(|iie
od're d'argent eonsideralile faile jiar lui pour la raiieoii de la prisonnière.
« <ni si.uvi-ji\ ci: SiJiK. »
Srittiic (le I-'OSSK, ('-ri^rr an Crotoy
JO'I
JEANNE n'\RC RACONTÉE P\R LIAIAGE.
Miiis la caplivilc de
.IcaiiMc (I Vie n'impoilail pas
moins au j)arli ani;lais. IjO
(lue (II- l'x'dford ne pouvait
(loue lai'dci' à proposer
l'aclial de la l'nccllc.
Des d('U\ aciielcurs, le
plus olIVanI ('("rlaincmeiU
ainail i;ain de cause; mais
a\anl loni Jean de JJixeni-
houri; dexail niellre en
sùrele un dépôt d'aussi
cuHiii.NT i.rs am;i.\is AMiiNÈnENT L\ piuiii.i.i-: A i)i;\ri.ii:u
(H-.iviiiv sur Lois cxfraiti- ili-s Vigll.-s J.- Chai-li-s VII {Musée Carnm'alcl.) i;l'inl(l pi'iX.
Telles étaient sans doute
les considérations (jiii le |)ortèi'ent à faire sans relard conduire Jeanne a son
chàleau de Ik-aulieu.
Ces sollicitudes étaient \aines. I,' \ni;lelerre songeait à s'assurer de la
pcrsoniu' de Jeanne d' \rc, et Ik'ill'ord avisait sans doute dès celte heure à s'en
débarrasser poin- jamais, par la ca|)ti\ite d'ahord et par la mort ensuite.
Mais Charles \ Il ne montrait aucune \ cl Ici te de d(''li\ rcr la pau\ re l'ucelle.
Speetaele profondément triste, mais (pi'il faut cependant a\oir le courage
de considérer, ne fut-ce (jue pour mieu\ coimaitre toutes les misères qui
peuvent trou\cr place même dans le c(eiir de ceux (pic leur naissance et
leur condition semhleiaicnl dcNoir en prcscrxcr.
^^
I.a Tremoille favorisait ces dispositions du prince, mais ne laissait point
toutefois éclater au dehors la secrète joie (ju'il en ressentait.
Regnault de Chartres eut moins de retenue, ou plutôt moins de pudeur. 11
ne put ijarder |)Our lui l'expression du plaisir que lui causait la captivité de
Jeanne d'Arc, et écrivit à ce sujet « à ses diocésains » une lettre qui suffirait
pour ternir à jamais sa mémoire et lui assurer près de Cauchon une place,
hélas! trop peu discutable.
Dans cette lettre il annonce aux Rémois la prise de la Pucelle, il y voit
un châtiment envoyé de Dieu à Jeanne et bien mérité, puisqu'elle « ne voulait
croire conseil, mais faisait tout à son plaisir ». A son avis, la France avait
DE BEAULIEU \ DIEPPE. 3o5
grandement soufTerl de l'ingérenee de la Pueelle clans les allaires pn])liqnes,
mais nn réconfort Ini venait « dans la personne d'un jeune berger, gardeur
de hiebis dans les montagnes de Gévtudan, en révêché de Mende, lequel
disait ne plus ne moins ee queavail (ail la Pueelle, et qu'il avait commandement
I)'.i|iiTs iiiic ]iriiitiirc .lu xvu" sit-cle. [Co/lcilioli ,1c M. Ihtliltil lin Lys.)
d'aller avec les gens du Roi el que saus faule les anglais cl les liourguignous
seraient déconfits ".
Pour que rien ne manquai à son épître, il ajoutait : ■ Sur ce que on lui dit
que les Anglais avaient fait mourir Jeanne la Pueelle, le pasiour répondit
que tant plus il leur en mescherrait cl cpie Dieu avail souflerl prendic Jeanne,
pour ce rpiellc s'elail consliluée eu orgueil, el pour les riclies babils (juclle
axail pi'is cl «|u'ellc uaAail pas (ail ce (pic Dieu lui a\ail commandé, mais
avail lait sa volonté ' ».
Cet avenlurier élail un berger visionnaire né auv cua ii'ons de Mende; il
I. ^^'Mlloll, .Iciiiim- d\-ln\ cililioii iji-iv!, p. i îo. MaclicUc el C'", éditriirs
39
)o6
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
prélciulail représenter Irait pour trait saint François d'Assise et montrer des
stigmates à ses pieds et à ses mains.
Nous savons d im antre eôté, par l'anlenr dn Jouz/ial d'un Bourgeois de
Pdiis^ qn'an mois d'août i V'i '^^'S Anglais eapinrèreni devant Reanvais >■ un
méelianl, nommé Guillanme le ISei'gi'r, (jni faisait les gens iilolàtres de lui, et
ehevaueliail de eùlc- el montrail, de fois en autres, ses mains el ses pieds et son
eôté. el ('■laicnl laelu's de sang eomme saint François'. »
Tel elail le Irisie héros que Regnanlt de
res en était arri\{'' à préeoniseï'.
On n'en \ ienl pas im homme
inand il on\re son àine an\
hasses passions de l'envie et de
la haine à l'é'gard dn juste.
Jeanne est eaptive depuis
ipielipies jouis à peine : en-
nemi earhé mais sans merei
(k- l'iidorlnnee, Regnanlt de
Charires ne peut retenir l'ex-
pression de la joie (jn'il ressent
de son malheur. [1 faut qn'il la
nianitrsle sans ri'tard el dans im
rie pnhiie.
Et c'i'sl à ses diocésains que lui,
■vècpie, adresse la triste missive en
acjuelle son eœur s'epanehe. Il ne peut
nier, malgré le désir qu'il en a, le génie
de la Pueelle, non plus cpie sa valeur
militaire et ses beaux faits de guerre; mais du moins espère-t-il atteindre et
Llàler tontes ees choses dans leur source même en l'accusant d'orgueil et d'esprit
de hantenr. <■ Elle ne voulait croire conseil, mais faisait tout à son plaisir. »
C'est l'éternel grief ties incapables et des en\ienx cpi'on ne cf)nsnlle poinl.
Regnanlt se pose en défenseur de la vertu et couvre le vice de sa jalousie dn
vêlement de l'humilité dont il rcvenditpic les droits.
L'Iùslorien doit à sa mission de flétrir un tel désordre moral et de mar-
(uier de la note qui convient quicon([ue oublie à ce |)oint les devoirs de
I. HEBOÏNE F1HM;\1SE
Gr;ivure en couleurs de Sergent exécutée
en 1787.
I. Joiinud d'un Jlourgeois de Paris. Edil. Trutey, p. 27a.
DE BEAULIEU A DIEPPE.
3o7
— /
i
t^
<è.
riiommc privé, les oliligations j)liis liaulcs ilc l'homme
public, et celles plus sacrées encore que lui impose le carac-
tère de pontife.
Saint Jean (ilu ysostome fait celte remarque (jue quand
la femme, cet être timide, douv cl dévoué, vient à se
perdre, elle va dans la voie du mal cl du crime beaucoup
plus loin que l'homme et surpasse en cruauté les animaux
les pins saunages.
Il semble qu'il en soit ainsi du prêtre. Quanil la haine
ou l'envie prennent en son âme la place de la ciiarité, qui
est le plus pressant de ses devoirs, ces froitles passions
revêtent en lui je ne sais quoi d'amer, d'incduclible cl
de profontl (jue l'homme du monde ne comiail pas.
Dans la passion du Clnisl, (iaiphe est le grand scc'lé-
rat. Dans le long marlvre de Jeanne d'Arc, Regnaidt de
Chartres et Cauchon sont les deu\ grands coupables.
Qu'on ne blâme pas la sincérité de cet a\cu, douiou-
reu.\ pour celui qui l'écrit à celle place.
Il importe que, par une sentence a la ibis sans ii'li-
cences comme sans merci, nous nous dégagions, nous
évêques et prêtres, de ce voisinage inlamanl |)onr nous cl
que nul au monde ne juge ces hommes plus jnslemcnl que
nous-mêmes.
Tenter d'allénuer leur crime ou de le M)il<'r par le
silence, serait armer contre nous nos adversaires et semble
prélats indignes et nous, quelque solidarité.
Au contraire, par la loyauté de noire jugemciil, desarmons ceux qui
tentent de se faire du crime de ces honnncs une force contre nous; lenilons
d'avance faible et vain ce qu'ils pourraient dire, en disant nous-mêmes avec
une force suprême et une droiture sans fau\-fu\anls noire indigiialion
comme notre méjnis pour les bourreaux de Jeanne.
Évêques cl Français, ils n'oni eU' ni la France ni l'Eglise; mais ils oui été
de l'une et de l'autre. A lilre de chr('liens cl de Français, nous nous devons de
les honnir cl de les i' bouter », comme disail Jeanne, hors des rangs où
nous voulons servir, en un culle égal, la pairie et la religion.
Reims réservait à Jeanne d'Arc un juste et glorieux retour et naguère ses
citoyens, unis aux pouvoirs civils et religieux, élevaient à Jeanne un monument,
« TOUS JtES DITS TT IHTS
SONT EN H iMAIN lli; UlliU »
D'iipri-s la btiilin" de- G. Cl.ÈnE.
'lablir, enire ces
3o8 JEANNE D'ARC RACONTKK l'AR L'IMAGE.
i^agc (le leur cullc |)ifU\ l'I l'iiiu' des plus htlk's fi'uvi'es coiiSiU'ic'i'S à la
Pucellc par la seiiIpUiic fi'aiH-aisc'.
4^
Pcndaiil (|iK' ( lliailcs "N'II ahandonnail .Tcaiiiic cl (jiic ses iniiiislri's la liai-
laiciil (II' celle laçou, les Vni;lais s'cinpioNaiciil acli\ cinciil a s'assurer de la
prisouuièic. Jean de T^ii\einl)()iirg avail repoussé leurs premières ouverlures,
sans doule dans respéraiicc d'()l)lcriir du roi de Fiance une rançon plus élevée.
jVIals ce premiei" écliee ne les avail |)as découragés.
Déjà l'I nixersile de l'aris a\ait pris poui' son coniplc la cliose en main.
Dés le 2") mai, on \ a\ail l'oimu la prise de la Pucelle ; el le 2G, sans plus larder,
le vicaire général de rhupiisilioii ecri\ail au duc dv ISourgoguc pour le prier
de lui li\ rcr Jeanne d' Vrc, connue liereli(|ue. (Juclcjucs jours après, l'Universilc
enlièi'c joignail sa rc(piclc à celle de rin(pnsileur.
liicnlol ré\è((ue de Meauvais, Pierre (iauclion, enirail en scène el se faisait
l'interprèle des A(ru\ de l'I nixcrsiU' à cel cndroil. \ncien rccicur de ce corps
consitlérable, il ctail (k'\enu couscrvaleur' de ses piixilcgcs.
Cillasse (le Beauvais par les liahilanls de cette ville au momeni ou ils
s'elaicnl déclares pour le parli du Hoi de France, il a\ail ahandonne son cvcclie
el s'elail relire a Itoueu. Le siège arcliiepisc((pal de ce dioc(''se clail \acanl;
L.auclion I and)ilionuail, cl comme il devait l'ohleuir du roi d' \uglclcrrc, il si'
mil sans délai au scrv iec du parli anglais, dans l'espoir d'oUlcnir ce siège.
Vers la nii-jiiillel, après s'èlri' conecric avec 11 uiversitéde Paris, il viul
au cani[) élahli sous Conipiègne el reclama du duv tle Bourgogne (ju'il lui livrai
la Pucelle, la cause de celle-ei étant tlu ressort de sa juridiction. Jeanne avail
été prise en eH'et ilans le diocèse de Beauvais, el bien (ju'avant quitté sa \ille
épiscopale et cessé d'administrer cette église, Cauclion entendait ilans les
présentes conjonctures se réclamer de son litre pour useï' du droit de jnger
la ])risomneic de Jean de f^uxembourg.
Il fut facile de comprendre (jue. loul en parlant en sou |)ropre nom, (]an-
chon n'était fjue le maudalaiic, non avoue mais i('cl, de 1' Vngleteiie. On le ^ il
])ien (|uand il offrit pour la rançon de Jeanne loooo fi'ancs d'or. Selon la
eoiilumc de France, le Roi aAail le droit, pour celte sonmie, de se faire icmellre
tout prisonnier quel que fût son rang. Présentement le roi d'Angleterre, agissant
comme roi de France, réclamait, |)ar l'entremise de l'cvèfjue de Beauvais,
l'usage de ce privilège.
•^■ejLifie- ^ J^n
C^ir^, iên-/%i£lhiann^
DE BEAULIEU A DIEPPE.
3o9
L'oflVc lïil allc'cliaiilo poui' Joaii tle Luxcmljoiiig. Il ciail d'illiislre souche,
el sa famille avait domic des rois à la Iloiigi'ie, des empereurs à l'Allemagne.
IMais pauvre, il do'pendalL entièrement du duc de Bourgogne, el devait être
lente par l'ofFre de la somme considérable (jui lui était offerte.
L'intervention du Roi de France, à supposer qu'il eût offert une somme
égale ou supérieure,
eût put le faire hé-
siter. Mais Charles VII
ne bougea pas.
Cauchon obtint
donc gain de cause
et quitta radieux Jean
de Luxembourg pour
venir annoncer à
ceux dont il était
l'envoyé le succès de
sa misérable négo-
ciation.
Il a\ait ete dé-
cidé que la Norman-
die serait imposée
pour subvenir au
paiement de la
somme convenue.
Nous avons le texte
de la réquisition re-
lative à cet objet.
Jeanne dans sa
prison eul-cllc con-
naissance de ces di-
vers incidents? iMit-
elle l'amertume de lir'c la lettre écrite par Regnaull de Chartres, et d'apprendre
le marché conclu pour sa peilc par Cauchon? Nous ne savons. Elle demeura
quelque temps dans la prison du château de heaulieu. Elle ne se résignait i>as,
du reste, à la captivité. Les saintes la lui a\ aient prédite, mais elle ignorait sans
doute qu'elle dût èlre déluiitive. Aussi essaya-t-clle de s'é\adcr. Il s'en fallut
de peu qu'elle ne réussit et ne s'échappât a liavers les planches de clôture de
l'OKTE DE LlivÉCHÉ DE BEVUVAIS OU HAUITAIT CAUCHON
U";ii>i'i's uiit' photogr;ipliU'.
3io
JEANNK ]) vue RACONTÉE V\\\ l/[M\(;i;.
sa prison. Dcja clic clail soilic de la loin- cl s'a|i|)rclail a \ cnlcimci' ses
ardiciis, quand le porlicc l'apcicul cl la icpiit.
Quelle lui au juste la duic'c du séjoiu' de .Icainic d'Vic à lU'au-
lieu? Il scnihlc assez dillicile de l'ariitincr. (hiel(|ues liisloricns piclcu-
denl ([u elle y dcnicuia quatre mois, d'anlics r(''diiiseut à (\i'u\ mois
le temps (|u'i'lle passa dans ce eliàtcau.
I^cs jircmicrs s'a|)puicul sur un passaj^c de l'crce\al i\c
/^,j^ (aguy, dont voiei les termes :
l*^^ft (' Messire Jean de Lu\eml)ouri^ la fil Acnir en son
""*■ logis (rois ou quatre jours, et après il demeura au
sicoe dc\aut (lompièi;ue, et fit mcnei' la i'ucclle en
im eliàtcau appelé lîeaulieu en Vermandois. Va
la elle fut dctcuue piisonuieic respaec de tpnitic
mois oit i'/tvf /■<)//.
/j ]\ \ ^ « I^a i'ueclle elaul eu prison audit eliàtcau de
Jl 1 \^' licaulieu, celui (|ui était sou mailrc d'Iiolel a^anl sa
|)risc et (|iii la ser\ait eu sa prison, lui dit :
(/Il << dette |)an\ri' \illc de ( .ompièi;ne (pic \<n\s a^(■/.
\ M ■ " tant aimée, sera cette fois remise au\ mains
<' (les ennemis de la i'raiice ■. Et .Icannc lui
répondit : « delà ne sera pas, car toutes les
« |)laces (pie le Koi diitlici a rcdiiiles cl mises
i^cnlil Ho\ Cliarles par
io\en, ne seront point reprises par
" ses ennemis, eu tant (|u'il l'era diligeiiee
« pour les i;ardcr )■ .
domme on la fait judicieusement ressor-
tir du texte m("'nic de ce passage, Pereeval de
dagnv a sans doute confondu les deux eliàleaux
de Beaulicu et de licaure\oir où Jeanne l'ut successivement prisonnière. En
effet, l'incident relatif à dompiègne s'est passé à Beaurevoir, tandis rpie
Percexal le raconte comme s'ctant |)assé à Beaulicu'.
Jeanne ctail à Arras a\ant la lin de septembre i '|3o. Prise le 2/| mai, elle
a doue passe un peu plus de ipiatrc mois à lîeaulieu. En tenanl donc com])le
du renseignement donne par Pcrec\al de dagny, il y aurait lieu de supposer
I. Voir à CP snict riiiUM'cssaiilc l'iiule de M. l'ai)!)!' V)chmn, .h'niiiic d' .tic pnsoniiùrc à Arras.
Al'raS, iiiipriiiici'li' do la SocirU' du l'ah-dc-Calals. in- 12. \o pages.
eu Idhcissaiice du
mou
« IL PUT A I.V PEISr., IL SEltA
A l'hONNEUK U
D'aiirès la statue de CAnAVAXIHZ .
[Darbcdicniic étUtctir, à Paris.)
DE BEÂULIEU A DIEPPE.
»ii
qu'elle passa une sc-ina'mc ou deux à Bcaulicu el eusuilc (jualre mois à
Beaurevoir.
Le château de Beaulieu où Jeanne fut enfermée par Jean de Luxembourg a
L KI'KE DE I.V FBANCE
D'iiprès la (K-iutiirc de l)i:nUEï, xvn" sirck-. [Coltcciitui i!c M. ch- Hahiat du Lys.)
été deiruil; a peine en di'ineure-l-il (piel(jues restes iiilornies, ini hout di' (ossé
et i\e\\\ épaulemenls. Lue maison a été construite, probablement au siècle
dernier, sur remplacement de la tour. Il reste encore nuv [)artie des anciennes
JEANNE n\u(; R vcoxtEe i'\r. i;[\[\ge.
caves ou 1 on voil
l'oiiverture con-
damnée d'un pas-
sage souterrain (|ui
conduisait, dil-on,
aucliàlcaiideNesIe'.
La Iradilion du
séjour de Jeanne
d'\rc en ces lieuv
csl icsicc Iles \'\-
\anlc dans la popu-
lation. Il est à sou-
liailer <|ue (|ucl(pie
joui' un iiionnnicnU
IVi(-il modeste, s'e-
lc\c sur l'une de
CCS ruines, cl rap-
pelle le lieu de la
première capli\ile
de la libératrice.
Jean de l,u\cm-
liourg s'i'lail cnVaxe
de la Icnlalivc dé-
\asion (|u'a\ail l'aile
Jeanne. Il crnl donc
sat;e de l'eloiijner
tlavanlagc ài\ lliéàtrc de la guerre cl l'envoxa en son eliàleau de Beaurevoir,
non loin de ( lamhrai.
Pendant que Jeanne éprouvait ces Iraitements de la pari des grands, (piils
fussent du ])arli d'Angleterre ou de celui de la Erance, le peuple lui montrait
un dévouement loucliant cl fidèle.
I>a nouvelle de sa ca|)li\ ile a\ail ele hienlol icpandue dans les provinces,
cl les pelilcs gens, qui l'avaient aimée, la picniaicnl cl priaient |)OUr sa déli-
vrance. On nous a conservé le texte des oraisons (jui, en ccriains jours, se
l'écitaient à la messe.
« C ETAIT INi; BONNE EPKE UE GlERBE. l'ROIMlE l DriNM II IlE BONNES BJIFFES »
l)':i|>ri'S iiii t.ililc.iu ancMiMiic. {Musée il'Orlcaiis.)
\oiis (U'voiis ces rnisi'iL'iienii'iils à j'obliseanci' cli> ]M. i'abbe Bnillu'kMnv, riiié de Bi muIh i
DE BEAULIEU A DIEPPE.
3i3
T>;i c'apti\ité de Jeanne n'était pas étroite à Beaurevoir comme elle le devait
('•Ire plus tard. Nous savons que la femme et la lante de Jean de Luxembourg
allaient visiter la prisonnière. Sans doute elles se plurent à atténuer pour elle,
dans la mesure qui leur fut possible, les souffrances de la prison.
Désireuses de la sauxer, elles l'exhoi-tèrent à quitter son babil d'bomme;
mais Jeanne ne put se rendre à leur piière.
Les visites des dame cl demoiselle de buxcmbouri^ furcnl pour Jeanne un
adoucissement à sa eaplivilc. Celle-ci, du ri'sic, espérait toujours (pic la liberté
ne tarderait pas
pour elle, et selon
le dicton qui lui
c t a i l fa m i 1 i e r :
K Aille -toi. Dieu
l'aidera », elle étu-
diait allcnti\cmenl
les moNcns dont
clic pouvait (lis[)o-
ser pour éeliapjx'i'
à sa prison.
Le si le de
Luxemboiu'g ne
l'ignorait pas : aussi
l'aAail-il fait enfer-
mer dans une touL'
très élevée. Jeanne
n'en songeait pas
moins à l'évasion,
si périlleuse fût-
elle.
La seule pen-
sée d'être livrée
aux Anglais lui fai-
sait borreur. Aussi,
quoique ses voix,
ainsi qu'elle le dé-
clara lilus tard au
" J OlIUrs Cl.s AlllIKS A SAIST-UENIS, l'AUCE QUE c'esT LE CKI DE IKANCE »
procès, insistassent i)-.,pr,s i,- t.hic.u, jo m»- ue Chatillon. (.v,««- .k r„«y,,%»c.)
4o
;5ii
.IKAAXE D'VIU: RVCONTÉE PAU L'IMAGE.
près d'c'lli' poiii- l;i «lélouniei- de toute pensée d'évasion, y songeait-elle sans
cesse.
Un jour son eliet'd'liùtel, Jean d'Aulon, (}ui ra\ail suivie dans sa eaptivité,
lui dit que ceux de Compiègne allaient être massacrés et que leur ville serait
détruite : « Comment Dieu, s'éeria-t-elle, laisserait-il mourir ces bonnes gens
de Compiègne fpii ont été et sont si loyaux à leur Seigneur »,
La nuit suixaute.allblée par celte pensée en même temps (pic parla crainte
d'être leniisc aux Anglais, elle se précipita de la paitic de la tour ipi'elle habi-
tait, eu passant par une fenêtre ce[)en(laut l'ort éle\ce au-dessus du sol. Elle
tomba et demeura
sans mouvement.
Un la crut morte;
elle avait perdu la
mémoire et l'on eut
peine à lui la ire
comprendre où elle
se trou\ait.
l'endanl plu-
sieurs jouis Jeanne
(ut malade. On la
soigna : il importait
de ne pas |icrdie
u\\ trésor de tel
prix. Elle se réta-
blit. Sainte Catherine la consola cl lui proniil (juc Compiègne serait délivré.
En effet, le siège fut levé le 2(') octobre.
Cette nouvelle tentative d'évasion elTraxa da\antage encoie le siie de
Luxembourg. Aussi, malgré les instances de sa femme et de sa iillc, liMa-l-il
Jeanne aux Anglais.
Elle ne leur fut point toutefois remise dès cette époque, mais contluitc de
beaurcNoir à Arras. (lela dut se faire vers la lin de scpteml)rc i/j'io. Jeanne
passait ainsi des mains de Jean de Luxembourg à celles du duc de Bourgogne,
lequel ne devait la livrer aux Anglais cjue plus taril.
Mais, comme il donnait lui-même désormais garantie à l'endroit de la
prisonnière, les Anglais pouvaient être tranquilles. Il ne lui déplaisait pas sans
doute, au lendemain de son échec sous Compiègne, de prendre sur Jeanne une
sorte de revanche. Au moins estimait-il ne pouvoir négliger cette occasion
VILLAGE UE IIEAUBEVOIU ET MO^UME^T ELEVE EN L HO>>ELK UE JEVNNE U lllC
D'iq)i-t'S une pliotrif^riipliii'.
DE BEAULIEU A DIEPPE.
3ij
i*'-
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ff /■ <; /. r_j u JE u
G3 I
mMM.
JIÎU DE L Kl'OPEE DE JEVSNE D MU:
Piihlii- pni- !'( H'.iivi'i" pnpnliiire de Je;innL> d'Arc (hSg',). i^Roppurt, cililcitr.')
d'accroître les obligations du roi d'Angleterre envers lui, en mellani la main
dans une certaine mesure au marché qui livrait Jeanne à ses ennemis.
Il poursuivait ainsi le triste lôle auquel il clait depuis trop longtemps
fidèle et qui, aux yeux de l'histoire, jette sur sa personne ime noie honteuse
dont son souvenir ne se hncra jamais.
On ne sait pas au juste où la Pucelle fui emprisonnée à Arras. Quel(jues
auteurs prétendent qu'elle hil jeh'c dans la prison du flhàlelain, où on lui lit
subir des interrogatoires'.
(Hioique sa captivité fùl plus étroite encore qu'à BeaureAoir,cependanl on
lui laissait quelque liberté relative. Elle put ainsi écrire aux habitants de
Tournai et leur demander quelques subsides. Ceux-ci étaient fort dévoués à la
cause du Roi et plusieurs fois pendant sa campagne elle leur avait écrit.
C'est à Arras qu'elle reçut la visite d'un gentilhomme, Jehan de Pressy, qui
l'exhorta, dit-elle, à quitter ses habits d'homme.
I. Voir sur ce sujet, Jeanne d\-lrc à Jrra.s, par INF. l'iililié Debout. Laroclie, Arras. i8q4.
3iG JEANNE DARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Elk' \ fui aussi \isitt'e par un Ecossais, qui lui lil voir son j)orlrail.
Il est difficile de dire au juste de comliicu de temps fut le séjour de .Teainu-
à Arras. On croit toutefois qu'elle ([uilla celle \ille vers la nii-novemhrc, pour
être conduili- au (!rolo\ en passant par I)ruL;\. Elle aurait donc séjourne à
x\rras pendant deu\ mois.
JjCS habitants de celle aIIIc n'ont |)as oublie les liens douloureux (|ui
unissent à leur cité le souvenir (le .Icanne. Des fêles commémoratives \ oui eu
lieu |)lusicin's fois, non sans éclal. On n'\ a poini loulclbis ('■lc^('■ à l'Iicroïnc le
monument (pii lui sei'ait si bien dii.
Jcaïuie ne lit que ])asscr par l)ru^\. ■ i^lle \ passa la nuil •', dll le cluo-
nicpieur Jean de la Cliapclle'.
Nous n'a^()ns pas ])lus de rcnscii^ncnicnls sur le séjour de Jeanne d' Vrc au
C.rolox (|uc sur celui (pi'cllc (Il à ilcaurcNoir ou à Arras. ('.'es! cliose lâcheuse.
En lonic celle aoIc douloureuse (pii nièuc noire \encrablc hcronic de ( loni-
piègnc à Rouen, il sérail bon de la suivre, d'assister à cel inliiiic entrelien
qu'elle avait a\cc ellc-niènic au souxenir (\i- son passe.
i'ounjuoi les murs de sa prison ne sont-ils plus, et (pic ne pou\'ons-nons
aller xcnerer ces picri'cs leinonis de ses Ioniques journées solilaires cl de ses
nuits sans sommeil !
«mT<|«
Ee souNcnir de Jeaimc et île ses ('pieux es domine la plage coquette et
calme du (aotox. Ea bourgade s'avance en proinoiiloirc domiiianl la mer. Le
port est situé à rcmbonchiirc de la Somme, l n bras de mer d'einiron une
lieue de largeur le sépare de laiilre rixe, sur laipiclle on découvre, coquellement
eam|)é, Saint-\ alérv-sur-Somme.
L'horizon s'étend avec une grâce infinie au nord jiis(prau\ (ôlcs de
Normandie, au midi en une chaîne de collines longues et adoucies jus(|ii'au
fond de l'anse, en laissant voir au loin les hauteurs (pii dominent Abbevillc.
Sur la rive même, au milieu d'un bouquet d'arbres, la municipalité cl
les habitants, avec le concours du gouvernemeiil f'iaïK'ais, ont élevé ut) monu-
ment à l'hëroïile qui fui captive en leurs murs.
Le piédestal est en pierre du pavs; la statue, u\) peu plus grande (|ue
nature, est en bronze. Jeanne v est assise, enchainée. Son regard triste cl
I. Voir Quicheral, t. V, p. 36o à ^fi5.
DE BEAULIEU A DIEPPE.
profond sonde l'horizon, et semlile déjà dire à Ronen, e;iolié là-lws, derrière
les collines bleues, ce qu'elle disait à la \eille do sa mort : <• () Rouen, seras-Ui
ma dernière demeure? »
Perdue en ce coin de pa\s retiré, celte statue est peu coninie el par suite
peu renonnnée. T. es
images qui en ont été
faites sont d'ailleurs
médiocres. Elle est
digne cependant de
ligurer aux premiers
rangs parmi les œu-
vres il'art consacrées
à Jeanne d'Arc'.
L'expression de
la pinsionomie est
l'orl saisissante; elle
est d'une heauté
égale, ^ uc de l'ace ou
de côté. On ne sau-
rai! micu\ rendre la
douleur de l'infortu-
u(''e victime, retenue
là pendant plusieurs
mois, en une capli-
vit(' relativement
douce toutefois, puis-
que les dames d'Ah-
heville pui'cnt sou-
vent aller visiter
Jeanne, et qu'on lui accordait la permission d'entendre la messe.
Jeanne dut bientôt quitter ces lieux et ce ne fut pas sans angoisse. Ou la
livra (U'finitivement aux Anglais. A la place même ou la statue s'élève, on la lit
monter dans ime barque avec les fers aux mains. Singulier jeu de la fortune,
on la débarqua à Saint-^'alérv, en face, précisément à l'endroit d'où, fpiatre
1. Cette statue est l'œuvre du siatiiiiire Fosse, originaire des environs d'Amiens.
2. Une tradition locale prétend que Jeanne d'Arc aurait habité cette tour pejidaul une nnil; à
i-c llue nous en donnons la vue, sans nous prononcer sur sa valeur.
TOUR SAINT-LUCIEN A BEAI'VMS^
3i8
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
cents ans plus tôt, était parti Guillaume le Conquérant avec quarante voiles
pour la conquête de cette terre anglaise qui aujourd'hui semhiail |)rendre
une cruelle revanche en arrachant an sol français sa fleur la plus belle et la plus
touchante, déjà flétrie par la souH'rance et la captivité.
Quiconque a le culte de la mémoire de Jeanne d'Arc doit vénérer ces
lieux; ils comptent parmi ceux que la présence de l'héroïne a consacrés.
Un historien nous dit que lorsque les dames d' Vbhcville venaient au
Crotov visiter Jeanne, elle les « baisait amiablcment » et en les quittant leur
disait : « A Dieu! »
De Saint-Valéry, Jeanne fui conduite à cheval el sous bonne i^a rde à En;
elle ne fit qu'v passer et fut diiigéc sur Dieppe.
En chemin elle faillit périr et quel([ues \nglais voului-ent la noyer. Ils
eslimaienl n'aNoir nulle sécurité tant (juc la l'nccllc serait encoie en \\v. Alais
il ne suffisait pas pour leur \cni;eancc de la tuei', il fallait souiller sa incmoii'c
en la mettant à mort comme une criminelle.
Jcaime quitta donc Dieppe saine et sauve cl arri\a à Rouen. C'est là
qu'elle devait mourir.
JE4?i NE D ARC
Mcilaillc de DoM.vnn (iSal).
'^y^'
f
■'^^^4:i" Jifl^
Wi ;
JEANNE INSULTEE DANS SA PBISON A BOUEN
D'après im dessin de Vital-Dubray. [Musée Jeanne d\-lrc^ n Orléaus.)
IX
ROUEN
JEANNE EN PRISON — SON PROCÈS
L'avoiekai-.ii:? J'ainu'iais Ici-
miner ici ccllf fliiilc de la
(le Jeanne d'Arc et laisser dans l'ombre
dciiiici' cl douloureux épisode dans
ucl \ icnnent s'aJM'mer tant de jeunesse,
1 de grâce, tant de génie et une si
lute vertu.
Ce long et inique procès qu'elle va
)ir, cette dure prison où on l'enferme
l'où elle ne sort que pour aller devant
ce tribunal indigne de la juger, celte
lente agonie, les révoltes généreuses
et fières de la victime, les lâches et
menteuses menées des bourreaux, cet
évêque, ces docleins, prêtres et moines, ces soixante hommes tous revêtus
d'un caractère sacré qu'ils oublient et, seule devant eux tous, cette enfant de
di\-iieur ans défendant pied à pied la justice de sa cause, son honneur et sa
JEANNE D AKC DEVANT SES JUtiES
D'après la miniature d'un manuscrit latiu
di- la fin ilu XV'' siècle.
320
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
vie; ses fières paroles d'une part, ses lamentations douces et tristes de l'aulie,
son horreur du bûcher, son effroi de la mort, son affolement tlevanl la torture,
sa défaillance passagère, })uis son relèvement, son supplice et ses dernières
paroles, tout cela me navre.
J'en ai vingt fois interrompu le i('cil ([iiaïKl j'en faisais la lecture, n'a\anl
pas le courage d'aller jus(prau houl, laul mon (-(l'iu' defaillail en sui\aiil
l'angélique et uohic \ ietime en celle \()ie douloureuse.
Comment éciirai-je ce que je n'ai pas niciiic pu lire ([uand d'aulrcs
l'avaient écrit?...
Qu'on ne m'accuse pas ici de feinte cl (l'liai)ilclc. ( hi'on n'cslinie pas que
je nie \()U(lrais (k-roher à la
rude cl Irisic lâche de juger
comme ils le méritent les
liomuics (jui oui si odii'usc-
nicul condanuic Jcaïuic.
Ceux (|ui oui lu les
p;igi's (pii pi'cccdcul celles-
ci, m'accorderont ce témoi-
guag<Mpic je n'ai point reculé
(lc\anl le (lc\ oir de l'Iiislo-
rieu. (|uau(l p(»ur le rcui-
|ilii' il ma l'allu mar(picr
d'uni' jusic infamie ccuv
(lUc j'eusse eu laul de joie à saUu'r comme des hommes de Meii.
Mais je ^()udl■ais, je le confesse, <pie l'on elfacàl de l'Iiisloirc de iiolic paxs
ei'lle page de dcslionncur. .le \ oudrais (lu'eiil ic Ions les bons Français — W \ eu
a lanl ! — il fût conv enu (pi'im ^oile de silence et d'oubli eou\ rira ilésormais
ce drame, plus que sanglaul |>uis(pril est ignoble.
Ce sont des gens d'Église, — il est vrai et je voudrais l'ignorer, — (jui ont
trem|)é presque seuls, sous la pression de 1' \uglais, dans cel allenlat. Mais ces
gens d'Église étaient aussi gens de France.
J'aimerais que nul ne l'oubliât parmi nous, (pion ne se fit pas contre
la religion une force de ce qui déshonore la pairie, cl ([uc, dans une trè\e
durable, il fût entendu que, sous les yeux de cette mère qui est la France,
nous ne nous jetterons plus à la faee, par haine de parti, des injures et des
sarcasmes qui l'atteignent elle-même dans la mesure où elles atteignent chacun
de ceux qui les subissent.
COMMENT I.KS ANGHIS riKKM l'KUIK J.V l'I l,Ll,l.i;
D'aillés une miul;iture liii'c (les Vigiles <lc Charles Vil.
/
ROUEN.
3^2 i
Au moins, puisque le
silence n'est pus possible,
contentons -nous de par-
courir rapidement cette
triste carrièi'c et de résumer
les événements dans la me-
sure exacte où il le faut fiure
pour que riiistf)irc trouAC
son complc.
Parmi les témoins cités
au procès de réiiabilitation,
en i/ijG, fii,nu'e Guillaume
Manclion, (pii aAait ('t(' le
greffier principal au |)rocès
de Rouen. INé en i igS, il
avait trente-six ans à l'é-
poque de la mort de la
J'ucelle ; il eu axait donc
soixante- deii\ lors de la
réhahililalioi).
Sa d(''|)osition est rem-
plie de détails du plus liant
intérêt et respire une sin-
cérité qii'atleuue à |)eiiie le
secret et naturel désir de n'accahler point sans iiierci des juges (|u'il con-
damne évidemmeni, mais dont il lut riMlcrprcle oblige cl le collaboialcur plus
ou moins résigne.
A Rouen, du reste, (pioi(|iu' soii\cnt l'Iliaxe des \iolenccs de (lauclion, il
n'avait pas dissiinuli' les svmpalliies (pi'il éprouvait pour la \ictimc de
révè(|uc de llcaiixais. Il leur donna u]} libii' cours (|uand, \ingl-si\ ans plus
tard, il l'ut appelé à témoigner à l'endroil de la l'uccllc et de ses juges.
Nous citerons (pielques passages importants de sa déposition; ils ont une
éloquence simple et persuasi\ e.
« Je n'ai connu, dit-il, ni le père ni la mère de Jeanne, ni aucun de ses
parents. Elle-même, je ne l'ai couiuie qu'à l'époque où elle fut amenée à
Rouen.
« On disait qu'elle avait été prise dans le diocèse de lieauvais. Pierre
4i
i.c DEiiMEU jorii 1)1. jkvnm: i> mu:
D'apr-ès une lithogr.iphie de Cklestin Nanteuil pour lu titre
(rua niurcfaii de imisiipie. (/ " liichaud, tlditcur.^
322
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
JEANNE PHISONNIEllE
Caut'hon en tira prétcxle |)()iir se la faire livrer. Il éeriNit laiil au
roi d'AiigleteiTe et au dur de Bourgogne, (ju'enfln il l'ohlint en
éehange d'une rente annuelle de trois eents li^res et d'une somme
(k- mille éeus donnée au nom i\u roi d' Vngleteire à l'homme
tl'aiines du duc de liourgogne ([ui axait fait .Teaniie prisonnière.
« Monseigneur de Beaux ais et les maîtres (ju'on lit M'uir
de l'aris, et les Anglais, à l'instanee desquels fut mené tout
le procès, procédèrent par haine. Ils ne pardonnaient pas
à Jeanne d'avoir combattu le parti anglais et, en la
frappant, ils voulaient atteindre le Hoi de France.
« Je ne veux pas iliri' ([ue tous ceux (|ui oui jugé Jeanne
aient ohéi à des sentimeuls de haine. J^à-dessus je m'en
ra|)|)orte à leur conscience
<' Si Jeanne lui conduite à Houen cl non à Paiis, c'est
(iiic le roi d' ^nglclcnc el ses princi|)aux conseillers elaicnl alors
à Rouen.
« On m'obligea à |)reudi'e part au procès comme greffier.
Je le fis bien maigre moi. Mais je n'aurais pas os('' résister
à un ordre des seigneurs du conseil ro\al.
" C'(''laienl les Anglais (|ui |)oursuivaient le procès et
il eut lieu à leurs frais. Ce n'est pas à dire que l'évèque
uapiTs i.T statue de lîAnniAs, ,|(. Bcauvais OU Ic promotcur aient cédé à une pression de
érigée îi Uuiierl.
la part des \nglais. Ils s'aecjuillèrcnl (\r Icin- besogne bien
volontairement. Je n'en dirai pas autant des assesseurs et des autres conseillers.
Ils n'auraient pas osé l'aire de l'opposition; et il n'\ en avait pas un qui ne
fût en crainte. »
4^
Manchon ne récrimine point avec véhémence, il ne met dans son récit
nulle amertume; mais il n'en fait pas moins la part d'iui chacun. Il avoue sa
propre crainte, la couardise de la plupart des assesseurs, la pression exercée
par les Anglais sur eux, et la haine doublée de cupidité et d'ambition que
dès le premier jour Cauchon apporte en la cause.
Laissons-le parler encore ; il y a profit à l'entendre. « Au commence-
ment tlu procès, continue-t-il, eut lieu une réunion où étaient le seigneur
évêque de Beauvais, l'ablié de Fécamp, maître Nicolas Lovseleur et plusieurs
autres, dans luie maison près du château. J'v fus mandé et l'évèque me dit :
ROUEN.
323
I' Il vous faut l)ieu servir le roi. Nous avons rinlcnlion de Taire un l)cau
« procès contre cette Jeanne'. Avisez un autre greffier qui vous assiste ». —
Je nommai Boisguillaume cl il nie (ut adjoint.
« Ayant été ainsi greffier au procès, j'ai l)ien connu Jeanne. A ce qu'il
me semblait, elle était tiès simple, et cependant dans ses réponses il y
avait maintes fois beaucoup de sagesse à côté de pas mal de simplicité. A mon
avis, il était impossible que, dans une cause si difficile, elle suffit elle-
même à se défendre contre de si grands docteurs, si elle n'eût été inspirée.
ANCIKN CHATKAU UE ROUEN
D'.inrcs ml m;miiscrit conservé à lii mairie de Rouen.
« (lliacun ci"iignait de déplaire à l'évcque et aux \nglais. \iiisi, après
le commeiiccmenl du procès, maître Jean Loliicr, n()lal)l(' clerc Mormaiid, vint
à Rouen. L'évè(juc île lk'au\ais le manda et l'invita à dire son opinion sur le
procès de Jeanne. Quelle réponse fit-il à l'évêque? Je l'ignore, n'ayant pas été
présent. Mais le lendemain je iciicontrai maître Lohier et je lui demandai :
« A\ez-vous vu le procès? — ,Ic l'ai \u, me répondit-il. Comme ji' l'ai dit à
" ré\èque, ce procès ne \aiil rien. Impossible de le soutenir, pour plusieurs
« raisons ». (Ici Manclion développe longuement ces raisons, d'aj)rès les i)aroles
de Lohier. ) Lohier, reprend-il, ajouta : i< ^'ous voyez comme ils procèdent. Ils
I. Centra istain Joltannatn,
32| JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
« la preiuliont, s'ils peuvent, par ses paroles. Ils tireront a\aiitai;e des asser-
« lions où elle dit : « Je suis certaine ", au sujet des apparitions. INlais si elle
« disait : « il me semble », m'est avis qu'il n'est honniie qui la pût eon-
« damner. Je m'aperçois bien qu'ils ai;issent plus pai- liaiue (|ue pai' loul autre
<< sentiment. Ils ont l'inlenlioii de fair»' mourir Jeanne, \ussi ne me liendrai-je
« plus iei. Ji' ni'\cu\ plus \ èlic. ( 'e (jue je dis deplail. »
«De l'ait, 3Iiir de P)eau^ais elail l'orl indiijne conlic ledil l.oliicr. >'(;ui-
l'Hociis ur. JF.A>M-; i> Aiu;
l)"iij>r('5 uni' Iitli()gr;t|>liic ilr Ciias^elat, 1S20.
moins il ra\ail picsse de demeurer pour ^oir la eoiiduile du piocès; à (pioi
Loliier réponilit qu'il ne demeurerait [joint « Voilà Loliier, disait Cauelion,
« qui nous veut Ijailler belles interloeutions en notre procès. Il veut tout
« calomnier et dit que le procès ne vaut rien...; on voit bien de ([uel pied il
« cloche. Par saint Jean! nous n'en ferons rien; mais continuerons notre
« procès comme il est commencé. »
« Ce jour même, Lohier quitta Rouen. Il n'aurait plus osé rester en cette
ville, sous l'autorité des Anglais. «
Ces témoignages rendus par Manchon ilonnent un \ i\ ant tableau de ce qui
se passa à Rouen au début du procès.
ROUEN.
325
Clauchon en csf
ràiue, les Anglais soni
derrière lui et donnent
il sa haine la puissance
d'intimidation qu'il
n'eùl pas eue sans eux.
Quelques hommes,
amis et confidents de
(lauchon , sortis de
Beau vais avec lui, se-
condent ses machina-
tions; les autres, pris
de peur à l'endroit
de leur sécurité , ou
(nient loin de Rouen,
ou se soumettent lâ-
chement à ce qu'on
exige d'eux.
I*cr|)etuelle his-
toire de l'humanité, où
les grandes iniquités
soLil toujours l'œuvre
tie quelques scélérats
qui osent et des faihies
qui tremblent et les
suixent.
Chaque fois que,
pendant le procès, l'un des juges essaya de défendre .Teanne ou même de
réclamei' en sa faxeui' (juchpie légitime moililicalion à la procédure, (lauchon
s'emporta.
Il alla parfois jusqu'à les menacer de mort ou de prison.
L'Anglais Stall'ord était là poiu' seconiler l'évèque île Hcauxais, cl un
jour, au témoignage de Manchon, il poursuivit, l'épée nue, jusque dans la
chapelle, un des docteurs, coupable d'avoir parlé de Jeanne avec quelque
intérêt.
Assurément de tels incidents ne justifient pas le crime de ceux qui ont
condamné Jeanne d'Arc, mais il est juste de reconnaître qu'ils atténuent b
lui 11 UL IL 1 KMiaiMlili Jli.VNMi U ,VUC A HOUliN (lilAT .VCTLlil.J
D'après une pliotogi-aphic.
326 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
loiiitir it'sjioiisiihililc (jiii leur iiicoinljc et cxpliciiR'iil It-iu' eoiuliiilc s'ils lie
l'excusent pas dans quelque mesure.
Écoulons encore Guillaume Manchon, son témoignaijc nous iiisliiiil.
« Parmi les docteurs les plus alTeclés contre .leaunc, dit-il, j'ai reinar(jiié
Beaupère, Midi et Jacques de Tourainc. J'ajouterai Loiscleur. Alaitre Nicolas
Loiseleur était un familier de l'évèijue de Beau\ais et tenait extrêmement le
parti des Anglais. Il se fit passer auprès de Jeanne comme étant de son pays
et ainsi trouva moyen d'avoir familiarité et conversation avec elle.
« Mon confrère Boisguillaume et moi nous fûmes avisés de la cliose
par le seigneur de V\ arwick, l'évètjne de Beau vais et Maître Loiseleur. Ils nous
disaient : « Cette Jeanne dit merveilles sur des apparitions. Pour savoir plus à
plein la vérité de la bouche, nous nous sommes avisés de ceci : Maître
Nicolas feindra qu'il est Lorrain et du parti de Jeanne; il entrera dans la
prison en haiiit laïque; les gardes se retireront, on les laissera seuls. »
« Il y avait dans la chamhre voisiiu' nue ouverture faite e\|)rès où on
nous fit placer, mon confrère et moi, pour ciilcndrc ce (|ue dirait Jeanne —
L'évêque et le comte nous dirent d'enregistrer les réponses faites par Jeanne;
mais je ré|)ondis (|ue cela ne devait pas se faire cl qu'il n'c-tail |)as honnête
d'enregistrer ainsi le procès
« Jeanne avait graiulc coiiliance en Loiseleur, si hieii (|ue plusieurs
fois il l'ouït eu confession. Il n'était pas permis à Jeanne de se confesser à
personne (ju à lui. »
Il semble ditlicilc d'imaginer une traîne plus honteuse (pic celle île ces
trois hommes conirc leur iiiforlnuée capti\e.
<' Bien des fois, en écrivant le |)rocès, j'eus à subir les réprimandes de
l'évêque de Beauvais et de di\ers maîtres. Ils Noulaienl me forcer à écrire
selon leur imagination et contrairement à ce (pie Jeanne avait en tète de dire;
et quand il y avait quelque chose (pii ne leur plaisait point, ils défeudaient
(-II.' l'écrire, en dis;int que cela ne servait point au procès.
« Pendant les cinq ou six piemiers jours notamment, comme je consignais
j»ar écrit les réponses de Jeanne sans rien omettre de ce (pii l'excusait, les
juges voulurent a plusieurs reprises me coniraindreà modifier ma rédaction.
Ils me disaient en latin d'einplover d'autres termes, de façon à changer le
sens des paroles et à rédiger autre chose que ce (pie j'entendais. Mais je
n'écrivis jamais que selon mon entendement et ma conscience. »
Voilà donc dans quelles conditions fut commencé et conduit cet ini(pie
procès. On voit par là d'avance ce que vaudra la sentence.
ROUEN.
32'
Manchon nous donne aussi quelques détails sur les conditions de lu
capti\ilé de Jeanne d'Arc. Ils sont douloureux.
« Un jour, dit-il, l'évêque de Beauvais et le comte de Warwick et moi,
nous entrâmes dans la prison où était Jeanne, et nous la trouvâmes les deux
pieds dans les fers. Il parait, d'après ce que j'ouïs dire alors, que la Tiuit
CopyiiBhl, 1X95]
[far llarj-tr lifies.
INTEIUIOGATOIBE DE JEANNE
D'après le tableau de Dumonï publié dans le Harpcr's Magazine
elle (Mail attachée par une chaîne de fer (|ui lui ceignait le corps; mais je
ne l'ai pas vue attachée ainsi. Il n'y avait dans la prison ni lit, ni ohjel
de literie, mais cpiatre ou cinq misérahles individus, qui étaient ses gar-
diens. »
Voici encore quelques détails sur la conduite du procès : « On fatiguait
Jeanne par des interrogations multiples et diverses. Presque chaque jour
avaient lieu le matin des interrogatoires qui se prolongeaient trois ou quatre
lieiMcs, et, maintes fois, de ce qu'avait dit Jeanne le matin, on extrayait la
328
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
matière de questions difficiles et subtiles qui servaient à l'interroger encore
l'après-dinée pendant deux ou trois heures.
'< On ne cessait de changer de sujet el de passer d'une question à une
autre. En dépit de ces va-et-vicnl, Jeanne repondait prudemment. Elle avait
une très grande mémoire. « Je vous ai déjà rc'pondu là-dessus », disait-elle
bien souvent; et elle ajoutait, voulant parler de moi : « Je m'en ra|)|)orle au
(c clerc ' '• .
Parmi les témoins du procès de rcliabililalion lii^urc encore Jean Alas-
sieu : son témoignage est plein (rinlérèl. Aiicii'U curé de l'une des <l(''pen-
dances de l'église paroissiale de Saint-t;ande-le-\ ieu\ à lioiien, il axait rempli
les fonctions d'huissier dans le procès de la Piiccllc. il la ^it cl rciiliclint
sonxcnl et ne néi;ligea nulle occasion de lui montrer son dc\ouemcnt dans la
mesure où la chose lui (Mail possible; il ne la (piitta sur le bûcher qu'au
dernier moment.
Nous ne citerons pas loni^ncment son t('moignage, lequel concortle
toujours a\('c celui de (luil-
laume Manchon.
Citons tonlclois le |>as-
sage suixani ou nous est
raconte l'un des incidents les
plus ("mouxants de la capti-
X itc (](' Jeanne.
K Une fois, comme
je la conduisais devant les
juives, Jeanne me demanda
s'il n'x axait |)as sui' le che-
min (picl(|nc cL;lisc ou cha-
pelle dans hupicllc liit le
corpsdcNoIrc-î'cigncurJcsus-
Christ. Je lui repondis oui
et lui montrai ime cha|)elle
située au-dessous du château,
prcs de notre chemin.
<< Alors Jeanne me re-
(piil très instamment de la
CAPTIVITE DE JEANKE D ARC
D'après le tableau de Ducis (1824}.
I. J. F.ibre, Proccs de it'/iahili-
lalioii, t. Il, piiisim.
l'.Ol K\.
329
faire passer (l('^a^l la clia-
pelle |)()ur (jii'clli' a pût sa-
luer Dieu el prier. .T\ eon-
senlis Aolonliers et la laissai
s'agenouiller en faee de la
ehapelle. Inclinée à terre,
Jeanne fit (k-votement son
oraison. Le fait étant arriAc
aux oreilles de Mgr de Beau-
vais, il en fut mécontent el
m'ordonna de ne plus tolérer
à l'aNcnir de telles oiaisons.
« De son cote, le pro-
moteur Bénédicte m'adressa
maintes réprimandes :
(' Truand, me disait-il,
<f (jui le l'ail si hardi de lais-
« ser approcher de l'église,
» sans permission, celle mi-
« sérahie exeommuniee? Je
« le ferai melire en telle lour
« que lu ne \ erras ni lime ni
« soleil d'ici à un mois, si lu
(' le fiis encore. " ■■ PourlanI je n'ohcis point à celle menace. Le dit promo-
teur, s'en clanl a|)ercu, se mit pai' plusieurs lois ilevanlla porte de la chapelle,
entre Jeatme el moi, pour empêcher cpTclle ne fit, ses oraisons dcAanl la dite
chapelle. »
Quelle scène! Jeanne, abandonnée des hommes, cherehe en Dieu son
secours. Elle demande s'il \ a « sur le chemin » quelque église ou ehapelle.
On l'y conduit liulivemenl ; elle ne peut \ entrer. Pourtant elle xeut « saluer
Dieu el le prier ». Elle tombe à genoux devani la porte fermée du temple et,
ne |)ouvanl aller jus{|u'au sanctuaire, elle baise le seuil; « inclinée à terre, elle
fait dévotement son oraison ».
Deux honnnes s'en indignent : c'est l'évèque de Beauvais et Bénédicte, le
promoteur. Ils menacent Massieu pour avoir octroyé à l'infortunée cette conso-
lation, et, cachant leur inavouable haine sous le manteau de la foi et du respect
pour le lieu saint, ils reprennent el menacent de prison ce « Irnand cjui, sans
INTl'llIlDCMCinn. I>li JI,\NM-: V\H 1. KMiQlIli CMICHON
l/aprrs imc* eau-forte (le lllDA, extraite de Jeanne ti'.-lrc,
par MlciiELET. {^Hachette et C'" étiitenrx.)
33o JEANNE D'ARC RACONTÉE PVR L'IMAGE.
licence, laisse approcliei- de réglise celte femme perdue, excommuniée -> .
INIiissieu persiste courageusemcnl, et c'est le promoteur (jui viendra, sur le
seuil du temple, se placer entre Dieu et Jeanne, entic celui (jue les Pharisiens
conduisirent an Calvaire et celle que Cauchon et Bénédicte veulent mener au
bûcher.
( Uicl abîme est-ce donc que l'homme et en (juels bas-fonds ne faut-il pas
descendre pour counaiire sa misère!
•H«J»
C'est le mardi 20 fc'vrier i43i (|ue Cauchon cila Jeanne à comparaître.
Il V avait dcu\ ans, presque à pareille date, que Jeaime était |)artie de Van-
couleurs pour aller vers le Dauphin (23 février 1 V-p)-
Le lendemain 21 février, r(''\è(jue lui dil : ■ Jcaïuic, ici pi-cscnle, nous
évêquc, dcsirani, en ce |)rocès, l'cuiplir le dcxoir (!<• uoirc ollicc pour la
conscrNalion cl l'cxallalion de la Coi catholi(|uc, a\cc la l)cuii;iie assislaucc
de INoIre-Seii^neur Jésus-Christ doul ceci esl l'aliairc, nous^ous rcqiu'rons
cliarilahlcmenl de vouloir bien, jioui' (jue ce procès marche vile cl pour
(jue voire conscience soit décliari^j'c, dii'c pleine cl enlièi'c vcrile, sans
sublei'l'ui^c's et sans d(''lours, sur toutes les ([ucsiions (|ui voni vous cire adres-
sées louchant la foi -> .
Jeanne lui rc'pondit : « .le ne sais sur (juoi vous voulez m'inlcrroi;cr. Tout
aussi bien pouvc/-vous me deinandci' U'Iles choses (|uc je ne vous dirais pas ».
Sur les instances <jui lui sont faites, Jeanne jure de diri' la vcrile siu- les
choses (pii lui seroul demandées cl (ju'cllc saïua « concernani les matières
de la foi » .
Cauchon l'interroge alors sur son nom, son |)avs,sa famille cl lui demande
ce cpi'elle sait : « J'ai ajipris de ma mère Notre Père, répondit Jeanne, Je vous
sa/uc, Marie^ et Je cniis cti Dieu. Je n'ai appris ma créance d'autre (jue
de ma mère.
— Dites Notre Père., lui enjoint Cauchon.
— Je ne vous le dirai fju'en confession », repond Jeanne.
Cauchon insiste, Jeanne résiste et se refuse. Dès ce joui-, le juge peut
entendre à qui il a affaire.
En terminant cette première séance, Cauchon enjoint à John Gris, John
Berwoit et à William Talbot de garder Jeanne. Il défend ipic (|ui (pic ce soit
communique avec elle. Ils le promettent avec sermeut.
ROUEN.
33i
Le jeudi 22 février eiil lieu une nouvelle séance. ( hiaiante-sept asses-
seurs entouraient l'évèque de Beauvais. Le vicaire de l'inquisilein-, ,Tean
rjcmaitre, peu soucieux de prendre part à un procès où il sou|)connail une
Icllc absence de droiture, avait cherclié à se dérober, (laucbon fit allusion
à ses scrupuli's, fondés sur ce fjue I^emaitrc n'avait juiidiction (|uc pour ii-
Jl VNNE INSULTEE PAR SES GEOLIERS
D'après une jn'iiitiiro anun^iUL- du coinineucement du siècle. (^Miiscc Jcatiiic tl'Arc, à Orléans.)
diocèse de Rouen et (juc lui C.aucbon ai^issait comme évêque de Bcau\ais.
\ussi bien le xicairc n'en jui^cail pas moins op|)orluuc la conliuualion i\\i
procès; on le continuerai! donc sans désemparer.
L'évèque de Beauvais dit alois : « Qu'on fasse comparaître Jeanne ».
Les juges, désireux de surprendi'c l'accusée en ([uelques-unes de ses
paroles, étendaient autant (jue possible le domaine du procès. Ils soubailaient
donc que Jeanne s'engageât par serment à répondre à leurs questions, quelles
qu'elles fussent.
C'est ce à quoi Jeanne ne voulait point s'engager, il y eut, au commen-
332 JEANNE D'ARC II VCONTÉE PAU L'IMAGE.
cemtMil de la scaïu-c, un nouNcl incident à ce siijcl ciilrc elle el Cauehoii; mais
la i'ueelle linl bon.
Maîtic Jean lleaupèie, " professeur insii^ne de lliéologie », lïil diargé
d'interroger Jeanne.
Les ([uestions portèreni d'ai)ord sui' les oeeU|)alions auxquelles l'aeeusc-e
s'(''lail a|)|)liquée pendant son jeinie âge. « J'ai appris à eoudre le linge el à
nier, repondit-elle; pour liler el eoudre, je ne erains l'eninie de Houeii. »
Elle ajouta : « (^)uand j'étais eliez mon péri', je \a(|uais aux soins du
ménage. — ^ Ous eonressie/-\ous'? — Oui, à noire curé. ..
On en xieul alors à la (|Ui'slioM des \oi\; c'est là (|u On allendail Jeamie.
Celle-ei, sans hésitation ni relicences, repond nellenienl.
C'esl a Irei/.e ans (|uCllc cnicndil la \oi\ pour la |)renii('re lois; une clarl('
accompagnait la \oix.
(( (^)uel enseignement \ous donnait la \()i\?
— Elle m'a l'useignc a me bien conduire, el à frerjuenler l'c'glise,
r('pon(! Jeanne; c'esl clic ({ui m'a <lil (|u'il clail nécessaire (|ue je \insse en
France. "
Puis \ienl le recil de son dcparl de l)omrcni\, de son passage a llnrcN el
de son \o\age à \ aucoulenrs. .Jeanne parle ensuile de son \clemcnl d liomme,
pris par le seul oidre di' si'S \oix, de son départ pour (lliinon et de son
arrivée à la cour.
« Que ilemanilie/.-\ons à \olic \oix? — .le ne lui ai jamais demandé
auli'e récompense linale (jue le salnl de mon âme. »
La séanee se tei-mine pai' (juel(|ues mois sui' le siège de Paris.
Le 24 février, soixante-quatre assesseurs enloui'ent (lauclion. Dès le dchnl
im nouvel incident s'élève tonclianl le serment, (lauelion l'exige, .icaniu' le
l'efuse. « Vous tlevez la \crik' a \otre juge, » s'écrie-l-il.
Jeanne relève le front el fièrement lui répond : « Prenez hien garde à ce
que ^ons dites, (|ue xous êtes mon juge : xous prenez une giandc cliarge. —
Vous voulez donc être condamnée, riposte Oauclion, à demi ("crasc par celle
apostrophe, à demi menaçant aussi pour se donner de l'assurance. — Tout le
clergé de Rouen et de Paris, répliijua .Teanne, ne sanrail me condamner s'il ne
l'a en droit. »
C.auchon insiste de nouveau pour obtenir le serment de Jeanne : « Je dirai
volontiers ce que je sais, et encore |)as tout », réplicjne rhéioï<|ue enfant. Elle
promet enfin de dire k ce qu'elle sait touchant le piocès >.
Maître Beaupère est ehargé d'interroger Jeanne. Il lui parle de ses xoix.
a fe)
o 5
ROUEN.
« Je les ai entendues
hier encore », ix'pontl-elle.
Suivent vingt questions de
Beaupère sur les plus menus
détails : Quel était le vête-
ment de saint Michel? la voix
parlait-elle dans la chambre
ou à côté? a-t-elle éveillé
Jeanne en lui touchant le
bras?... etc.
Jeanne dédaigne de ré-
pondre à ces questions, à la
fois puériles et soin-noises.
« E\pli([uc/-n()us mieux
ce que la \<ù\ xous dit (juand
vous fûtes e\('illée. — I.a
\n]\ m'a dit : H(''pon<ls liar-
iliment; Dieu l'aidcia ■, ri-
poste vaillamment la l'uccllc.
Cauchon fait sans doute
quelc[ue signe d'clonMcmcnt
ou de colère en rcnlciidaiil.
« Vous, évc(|Mc, reprend
Jeanne en se lournanl de son
côté, vous dites cpii' \ous clés mon juge; prenez garde à ce ([uc \ous faites;
car, en vérilc', je suis cn\oyée de la pari de Dieu, et \()us nous mcllc/. en gi-and
danser. »
On insislc pour l'obliger de repondre : u Cro\ez-\()US (piil déplaise à Dieu
qu'on dise la Acrilc?
— IjCS A<)i\, rc|)()nd fermcmeni Jeanne, m'oni dil de diic certaines
choses au Roi cl (\r \nus les lairc. (.elle nuit même, la \oi\ m"a dit beaucoup
de choses pour le bien du Roi. » El rc|)rcManl sa gaiclc iialuicllc : ■< Je voudrais
({u'elles fussi-nl des mainlenani sues de lui, dussé-je ne [las boire (]v \\n d'ici
Pâques. Il en serait plus aise à dinei' », ajoulc-l-cllc avec un cordial sourire
ciui déroule l'assemblée.
« La voix à la(|uelle vous demandez conseil a-t-elle une voix et des yeux?
poursuit le juge. — Vous n'aurez pas encore cela de moi, riposte Jeanne; c'est
JKANM; COUCHIiE U\NS SA riusoN
Dessin de Benouville. {Collection de J\l'"" Marjoiiit Sc/ufJ'cr.'j
336 JEANNK D'ARC RACONTÉE PAR LIMAGE.
un (licloM parmi les enfants de mon pa\sf[u'(ni est parfois pondu pour a\(>ir dil
la xcrilc. ■
On lui li'ud u\\ piège : « Sa\<'/-\()us èlre en la i;ràce de Dieu? » —
Toujours aleile el a\isee, Jeanne icpond : « Si je n'\ suis. Dieu in'\ melle, el
si j'\ suis. Dieu in'x i;arde. .le serais la pins dolente du monde si je sa\ais ne
pas èti'e en la i;i'àee de Dieu. Mais si j Clais en p:'elie, je crois (pie la \oi\ ne
\ iendrail pas a moi << .
( >ii lui parle des r)OUii;uii;nons. ennemis de la Erance, qui se li'ou\aienl
sous Domremx cpiand elle elail eid'anl . ■• .le nai <onnu a Domrenn (pi'un seul
liouri;nii^noii, repond-elle l)ra\emenl. .lanrais \ oulu «pi'il eût la lèle coupée, si
tonlel'ois. ;ijoula-l-elle ini;(''numenl , Ici eut ele le |)laisir de Dieu. ■
( )u rinlerroi;c ensuite sur \\///i/r (1rs Frcs (pii se Irouxail an llois
( lie un el sous lc(picl les enlanls de Domrenn allaieni danser. ( >u complail liieii
sur ce détail ionder une accnsalion de snpersl il ion. " (l'elail un Ixl ailnc,
repoiul .leaime. nu li(''lrc; on I appelait le licau mai \ j \ allais nrelialire a\ee
les antres. j'\ i'aisais des i;uirlandes pour riinage de la Sainle \ ieii^c. .rignore si
ou \ \o\ail ou non des lees. »
Cl \ ous mèlie/.-\ oiis an \ dix erlissemenis de \os compaijnes? — \ parlir
du moment ou je sus (|ue je dc\ais \euir en l'rance, repond i;ra\eincnl
.leaimc. je me donnai peu aux jeux el aux promenades el le moins (pie je pus.
,li' ne sais iiu'mc si, depuis I ài;e de raison, j'ai danse au pied de l'arbre, .le puis
liien \ axoir danse (|uel(juei'ois avec les enfants; mais j'x ai plus eliaiile ([i:e
tiansc. »
Une nouvelle séance a lieu le mardi 2~ février. (\s\ encore .lean
Heanperc, \\\\ des pires ennemis de .leaiine, (pii I intcrroi;('.
i' ( .ommeiit xous ("'les-xons portée depuis samedi dernier?» deniande-
t il à .Teaime. Celle-ci. (pii n'ignore pas les sentiments de lîeaiipcre, lui i'(''|)on(l
non sans ironie : « A ous voxez bien comment je me suis |)ortee. Je me suis
portc'-e le mieux que j'ai pu ■.
Presque tout rinterrogatoire porte sur la (juestion des xoi\. (le n était pas
sans dessein qu'on le ramenait à cet objet.
Apres nombre de demandes oiseuses par l'apparence et sonxeiit per-
fides par l'intenlion : " Croxe/.-moi si \oiis xoulc/. », répond .Icaniie.
Cl \\ie/--xous congé de Dieu pour \ cuir en l'rance? — .l'aimerais mieux
être tirée à (piatre clicxaux (|ue (r("tre xeiUK' en l'rance sans cong(' tic
Dieu, repond Jeanne; tout ce (|ue j'ai fait, c'est par le commandement de
I^ieu. y>
'anc i^mcif
^êieàg^. ^/m^^.^4uà.^riÂt&l&)^âMMi/ymneù/^ ,%amie.dS¥lC'
f.a^/cau. l^ù^'càc XVf^Âée/,', /^Jùiàde-^A 'keylauc/Ze,! /
:%n^. ^^:fhia'n/n', ^yiA-W
ROUEN.
337
L'examen porte ensuite sni- les diverses épées qu"a portées Jeanne :
celle de A aiieouleurs, celle de sainte Catherine et celle de Lagny, « bonne,
tlil-elle, à donner de bonnes bulles et tic bons torchons.
— Et c|u'aimiez-vous mieux, de votre bannière ou de votre épée? —
J'aimais beaucoup plus, voire quarante fois plus ma bannière que mon épée.
Je n'ai jamais tué personne. »
Dans le cinquième interrogatoire public, lequel eut lieu le i" mars, on
Jr,A>M; l'IUSUNMlilUL A KOlIli.V, MKMCIIE PAR LE CO.MTIi «MIWICK
D'apré's lo tahlciiu de UiivoiT. (liSli)). [Musée tic Ittiiicii.)
interrogea Jcaniic sur la Icllre (|m"iIIc a\ai( ccrile an comte irArmagnac lou-
chaiil le \rai pa|)('.()ii lui reproclia amèrenieni sa Icllre ('erite au due de Bedf'ord
et on s'en([uit loudianl ses Icllres adressées aux Anglais et ses seiilimeiils
cn\cis eux.
« Avant qu'il soit sept ans, dit-elle, les Anglais laisseront un plus gi-and
gage qu'ils n'ont fait devant Orléans. Ils pcrdrout loul en France.
— Comment savez-vous cela?
— Je le sais bien, j)ar une révélation qui m'a élc faite cl (juc cela arri-
4î
;5:58
JEANNE 'DARC RACONTÉE PAR L'LMAGE.
vcra avanl sept ans. Je serais
fort chagrine que cela lardât
autant. Je le sais aussi sûre-
ment que je vous sais là tie-
\ant moi. »
Les interrogateurs re-
tombent ensuite dans les |)i-
l()\al)les aryiities dont ils
avaient coutume : « Vos
\o\\ sont-elles houimes ou
femmes, ont-elles des che-
veux, sont-ils longs et pen-
dants, ont-ils des hras, des
anncauv an\ oreilles? l'Ic.
• — \ ce mol d'aiincaiix,
.Icannc se tourne ^i^cmcnt
veis (iauchon : « Vous, évê-
que de Bcauvais, vous en
avez un à moi, lendez-le-
moi Mon père et ma mère
m'eu ont donné un autre
Celui que vous avez, vous
évêque, c'est mon fi'ère qui
me l'a donné ; je vous charge
de le donner à l'église » .
Toutes ces misérables questions tendaient à accuser Jeanne d'avoir fait
louchci' ses amicaux aux gens du peuple sous prétexte de les guérir.
On la raille sur son es|)oir de délivrance : « Ceux «jui veulent m'ôter
de ce monde pourront bien s'en aller avanl moi », riposte Jeanne.
— « En quelle figure était saint Michel? continue le juge.
— De ses vêtements je ne sais rien.
— Était-il nu?
— l'ciiscz-vous ([uc Dieu n'ait pas de (juoi le vèlir?
— \\ait-ii des che\eux?
— Pourquoi lui ainaicnt-ils été coupés?
— Tenait-il ime balance?
— Je n'en sais rien. »
JEASSE U AHC DEVA>T I. EVEQUE CAUCHUN
l)':i]»rt'S 1111 dessin d'Ai.pnoNSK de Neuviixe.
(txtiMÎt de VHisloirc de France raiumlcc à mes pctits-enjants,
Jiin' (iuizoT. Ilachtlte et C*'\ èilileurs.)
ROUEN.
339
.TcaiiiK' comprenait h'ivn qu'on tramait le dessein d'ahiiser eontie
elle (les ro-ponses qu'elle aurait faites à ces questions; aussi évitait-elle d'y
repoudie, avec une \i\a(ite et mie liherté d'esprit qu'on ne peut s'empêcher
d'admirer.
On insiste : » Plutôt que de \ous dire tout ce que je sais, j'aimerais mieux
que \ous me fissiez l'ouper le cou ».
C:'est dans ce même interrogatoire (|n'on la querelle à l'endioil de l'alta-
tMTnjire-.dQCtè'i ^
t«j;f,fiïrSiinriiZ>rap| pi
niJTniiu^i>tiûiilnu'î»cg | f
rfïu rnfrûw nun-rarnu'^
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oagg^^^^^^^^^fe 4'^îïi^^^^s^5^>>^'^^s^s^îîs «3e^?fiSiBs?4c«â?w2K)È3?s*»»
JI'.\NM-: I> AllC MEUGE I-:T MAUÏYRE
C<ni\ citurc lin Calendrier national de l8y7, par M. ConiUER
chemcnt (pie lui montraient les i;cns <\\\ peuple : « Ne connaissie/.-Noiis point
les sentiments de ceux de \()tre parti (piaiid ils vous liaisaient les pieds, les
mains et les vêtements?
— Beaucoup me voyaient xolonticrs, répond Jeanne avec humilité et
honte, dépendant ils me haisaicnl les mains le moins que je pouvais. Mais
venaient les pauvres gens à moi parce (pie je ne leur faisais point de déplaisir
et plul(')t les supportais h. mon pouvoir. »
On fondait un secret espoir de la compromettre au sujet de l'enfant
pour lequel elle a^ait prié à Lagny : le peuple estimait en eflet (pi'il \ avait eu
miracle de sa part.
3io JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR LIMAGE,
l'.llo répondit sans iclkencos : « C'('lait un enfant de trois jours. 11 fut
appoile devant l'imai^e de Notre-Dame de J.agnv et on me dit que les jeunes
iilles (le la ville étaient devant celle iniai^e et (|ue j'\ Noidusse hien aller' ])i'iei'
Dieu et la Sainte ^ iei'i^e de rendre la \ ie à l'enfanl. .i'^ allai et priai avee les
autres, et finalenienl la ^iea|)pal■ul en cet enl'aul. Il hàilla trois fois et puis fut
haptisi", et aussit(')t il niouiut et on l'enleria eu terre sainte. Oi' il \ a\ait
trois jours, comme on disait, (pie la \\v n'était appaiiie eu cel enfant; et il
était noir comme ma cotte. IMais (juaud il bâilla, la couleur eommeu(;a à lui
revenir. Et moi j'(''tais avec les jeunes filles à i^cnoux et en prières dcxani
Notre-Dame.
— Ne fut-il |)as dit par la \illc (jue c'(''tait vous (jui a\ie/. fait l'aire celle
résinrection?
— Je ne m'en enquis point. »
— T>à se terminèrent les premiers iulcrro^aloires publics.
I.e lo mars cul lien ul^ intcrroi^atoirc secret ; il se tint dans la |)iison. ( l'est
Jean de Ea Fontaine, \ icaire de riu(piisileur, (pii posa les (piestions à Jeanne.
JjC second eut lieu le 12 mars au matin, le troisième dans ra|)i'('S-nndi du
même jour.
On V revint sur les objets (hjà ti-aitcs dans les inlerroi;atoir-cs publics. Il en
fut de même pendant les jours suivants, 1 >, i '| et i > mars.
En chacun de ces jours Jeanne subit deux interrogatoires foit longs.
C'est le i5 mars qu'on lui parla de nouveau de ses tentatives d'évasion.
Ses réponses sont admirables de sens et de netteté.
Elle se refuse à promettre de ne plus s'échapper.
« Jamais je ne fus en prison que je ne m'en (''cliappasse très volontiers,
dit-elle.
— Présentement, partiriez-vous si vous vov iez un point de soilie?
— Si je voyais la porte ouverte, répond-elle, je m'en irais, et ce me serait
le congé de Notre-Seigneur.
— Croyez-vous?
— Je le crois fermement. Si je voyais la poite ouverte et que mes gardes
et les autres Anglais n'y dussent résister, je reconnaîtrais là mon congé et que
Dieu m'envoie secours. ]Mais sans congé je ne m'en irais pas, à moins (jue je
ne fisse une entreprise pour savoir si Notre-Seigneur en serait content, selon
notr'c proverbe de l'rance : « Aide-toi, Dieu t'aidera »'.
I. J. Faljre, Procès de conda/nnation. p. it)8.
ROU'EN.
34.
Dans l'inter-
roi;al() ire suivant,
samedi 1 7 mars,
ses paroles ne
sont ni moins
justes, ni moins
sages. Ce sont
comme des fleurs
cueillies sur une
tige jeune et ver-
doyante à l'heure
où elle va tomber
sous la faux. Il
semi)le que dans
ces enti'ilicns te-
nus dans l'ombre
du cacbot avec
ses bourreaux
Jeaiuie, désarmée
cl eondamnc'O
d'avance, ait, par
une permission
de Dieu, révélé
le fond derniei-
de grandeur, de
sainteté et de gé-
nie que recelait
son àme , afin
qu elle ilominàt avec une liaut<'ur su|)rème les misc-rables qu'elle a\ail devant
elle et qui devaient la conduire à la mort.
Dans le neuvième interrogatoire on traite de son étendard :
« Aidiez-vous plus à l'étendard, ou l'iMendard à vous?
— De la victoire de l'elendard ou de Jeanne, c'était tout à Notre-Sei-
JKANNF. ISSIT.TI'.F. DANS SA PRISON
n';i|>ivs h- liihlciiii lie- l'Arnols (l86(j). {Musée Jeanne d'Arc, ,i Orlùiiiis. )
'iieiir.
— Pourquoi fut-il plus porté au sacre du Roi que les autres étendards?
— Il avait été à la peine; c'était bien raison qu'il fût à l'honneur. »
I.L- 18 mars, Cauchon reunit les plus dévoués à sa cause p:i
larmi les
342
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR I/I^I ACE.
assesseurs et, sur un Ion fort mesuré qui enuliaslail sini^ulièrcnieul ;i\('c la
violence de sa haine el de ses discours (ndinaires, il les pria de vouloir
bien lui faire pari de leur avis sur la manière dont il (•()m\ ieudiail de procéder
ultérieurement.
Toujours autoritaire cependant, dans la mesure même où il se montrait
modeste, il « donna ses ordres » et déclara que, « en attendanl, il serait
rédigé, d'après les interrogatoires de Jeanne, certains articles qui (lc\ant les
juges seraient proposés contre elle ».
Une autre réunion, plus nond)rcuse, eut lieu le 22 mars.
Le 2'i mars Cauclion se rendit dans la jii'ison de Jeaime a\ee quel([ues
assesseurs. On lut eu l'iamais les procès-\erliau\ des séances tenues jus-
qu'alors et Jeanne les déclara evacis.
Le 20 mars, dans sa prison, Cauclion el son fidèle assesseur Jean d'I'.stixcl
l'exhortèrent à (juiller son liahit dliomme ; Jeamic s'\ refusa énergiquement
et on en profita pour lui refuser d'cnlcndrc la messe.
Jusqu'ici l'on s'était c()iil<iilé de pi('parer le procès |\roprement dit par
des interrogatoires publics ou prives; on allai! maintenant le commencer ofii-
ciellement.
Le 2(") mars eut lieu chez
Cauclion une réunion eom|)rciianl
le vice-inquisiteur et les universi-
taires. ( )n leur' donna lecture des
articles renfermant ce (pic le pro-
moteur a\ait le di'ssciii de pro-
duire contre Jeanne. On délibéra
ensuite ; l'évèque de 15eau\ ais dé-
clara clos le procès préparatoire
cl ouvert le procès ortlinaire.
Nous retrouverons dans ce
second procès les tristes condi-
tions du premier : mêmes passions
chez les juges, même noblesse
chez l'accusée.
Le 27 mars, la i(''union fut
rONTAINK F.I.F.Vr.E A ROUEN
AU coMMENCEMEKT DU xvi« SIECLE SUR I.A PLACE l»'"» nonibreusc. NouNcllc Iccturc
OU LES ANGLVS 0>T FAIT MOURIR LA PUCF.LLE J^.^ aiticlcS ful doiméc Ct ClaUchoU
(DETRUITE EN 1754)
D'après un." gravure d'isRAEL sïi.vestbe ( xvii' siècle). proposa : 1° dc Ics faire connaître
ROUEN.
343
fl j EN api'j-:lli-: ih". \fns hr.vANi" niEi;, i,i-: giivm» jigf, m
D'.ipri's 11' i.ilili-.ui lie (',. Ai.Aiix.
à Jeanni'; 2" d'cxigei' d'elle le sei-meiil de dire IduIc hi \er-ile el de repondi'e
à toutes les questions (ju'oii lui |)()sei;iil ; 3" de rexeoniiiuiiiier si elle s'y
refusait.
Chaque assesseur dut donner son avis : la pliipail opinèrent ({u'on devait
d'abord lire les articles à Jeanne, la contiaintlre ensuite de prêter serment, el,
pour le cas où elle s'y refuserait, lui accorder un délai de trois jours avant de
l'excommunier.
On fit aloi's venir Jeanne. liC promoteur s'offrit à jnrei' el jura ijue « ni
faveur, ni rancune, ni crainte, ni haine, n'inspiraient sa poursuite ». Il eût pu
jnrei' loul le eoniraire; on eùl alors été dans le \rai.
Maître Thomas de Courcelles lut à Je;nine, en lani;iie française, les
articles rédigés par le promoteur et constiluanl l'acte d'aecnsalion. Il faut, (|uel-
que douloureuse qu'en soit la lecture, citer ime partie de cet acte. On xerra
combien, en le composant, le promoteur avait vraiment, selon sa déclaration,
évité de servir « faxeur, rancune, crainte et haine ».
Dans ce factum Jeanne est citée dans les termes suivants : Elle est « une cer-
344
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
laliu' l'fininc, Mili^nircint'ul dite la PiiecUc, M'hémentenienl suspi'ttc, objcl de
seandale et déeiiée aussi notoirement que possible auprès de tous les fijens
gra\es et liouuètes ». Le pronioli ur dcniande doue <|u'elle « soit déclarée, à
raison des faits doul suit l'énumëration, soreière, devineresse, fausse prophé-
tesse, iu\()(aliiee el eoujuialiiee des malins esprits, superstitieuse, adonnée à
la pratique des arts magi(|ues, mal sage
!itwWttlP^a^BW5?iiëji^5i&i9i?jSl en tout ee qui touelie à la foi eatliolique,
schismalique, doutanl el s'écarlani de
l'arliele l'Eglise une, sainte el de |)lu-
sieurs autres artieles de notre foi; saeri-
lège, idolâtre, apostate, maldisante et
malfaisante, blasphématriee envers Dieu
et ses saints, seandaleuse, séditieuse,
perlurhalrice de la paix, exeilalrict' de
la guerre, eruellemeul allcrée di' sang
luimain et pr()\()(aliiee de son elfusion,
absolument el impudemment oublieuse
de la déeenee el des eon\enanees de son
sexe, prenant sans xergogne l'Iiabil et
l'elal d'Iionnne de guerre; poui' ces
causes cl aulri's, abominable à Dieu et
aux boiumes, pré\ariealriee des lois
dixincscl biunaines et île la dist-ipliiie
eeelésiastique, séductrice des princes et
des peuples, usurpatrice de l'IioMncur et
du culte di\in, pour a\oir permis et
consenti sacrilègement et au mé|)ris de
Dieu (ju'on la révérât et adoi-àt, don-
nanl ses mains et vêtement à baiser;
liercliquc du du moins \eliemenlenient
suspcclc d'Iicrésie ».
Ce réquisiloirc était signé de son aulcui' Jean d'i:sli\cl. Il ajoulail, non
sans raison, (|u"il n'cnlendail pas s'asireindre à démontrer certains points
superflus, mais qu'il s'en liendrail à l'cssenliel, c'est-à-dire à ee (jui pourra
et devra suffire pour atteindre /<■ but i'ise par lui.... Voilà donc sous quels
traits ee prétendu juge présente à ses collègues la pure et admirable fille
que la Erance vénère aujourd'luii, (jue l'Iunnanilé entière glorifiera demain.
l.\ Ml UGi; IIIANÇMSF.
rirt- lie l'AIniiinach uatioiial de Je.iniic d'Arc
pour i8<ji, par A. Coudier.
ROUEN. 345
Nous ;i\()iis voulu cilii- crllc suilc d'iujurcs donl on l'aeL-ahlc, lapprlcr
i--! A oit \b:^9 ,^i*o9 tnCJ &(*Ô^ y^*-'^ f- iiÛaUf^fij ^u>«~
^►-«ufvt.t "jr^c^fa. lUinc »^iiSi« ^Hrtmn» i<^ÛA»Mt )i^tw »n<âh/{».,v
xS\JK.,")f^^ttui ^idi tilM--prriM.< 27^<i5<3A^^«t^«4vvi4.5US)'
F4C-SIMILÉ d'une page DU PBOCKS DE JEANNE d'aRC
Extraite d'un manuscrit latin du xV siècle.
chacun des opprolircs donl fut couvert son front de vierge, d'héroïne et de
martyre. C'était le plus bref et le meilleur moyen de la venger, car il ne sera
31(; JEANISE J)'AU(: RXCONTKK I' V U l,'l\iu;i:.
pc'i'soiiiU', |);ii-iiii cciiv (|iii liroiil ces lignes, (jiii ne l'jissc icloiiilxT >,iii- les
juges (le riii(oi'Unu'i' l'iifnoiniiiic doiil ils oui \oiilii lu coiixiii'.
CclU' Iccliiit' iiiic l'ois Irniiiiicc, on <'omimiiii(|ii;i a .Icamic les doti/c loiij^s
ai'liclc's dans k'S(jiU'ls on a\ail icsuiiic li's piclciidns ciinics doni on laci-tisail.
A|)i'('S oIkujiu' ailiclc, on lui dcniandail : ^ .Icannc, (|ii"a\('/.-\oiis à dire?»
La (•()nrai;('usc cnlanl linl l(''lc a ralla(|U(' axcc saillancc cl noMcssc.
Il \ cul sou\cnl dans si's réponses inic liaulcuf sereine cl lorle (|ui de\ail
slui^ulièrcnienl frapper ses juges. Mais di' lels lioninies pouxaienl-ils doue èlre
eouvaini'us? (Juei(|ues-uiis, il esl \rai, sons le coup des (■uergi(|ui's aeeenis de
.li'anne el à la vue de sou iudignalion, essa\ereul de lui \eiiir en aide; mais
le regard de (".aueliou les faseiuail hieulol, el la leii'eur les raïueuail au silence.
I'res(|ue à lous les ailielcs, .Jeanne repond soil l'u deniaiidaul à ce
(|u'on se rcporli' à ses piceedcules réponses, soil eu niani cnergi(|ueinenl .
(UianI a se rciraeler. jamais : •' .l'aime plus elier mourir ([ue de re\o(|Ui'rcc
(|ue j'ai iail du <'ommandemenl de l>ieu ».
\ propos de I article [ V , ou lui demaude si elle conscul a ([uillcr sou lial)it
d'Iionune.
I' .Te ne laisserai pas eneoi'c lliabil «jue je poric, dil-elle, cl il n'esl pas
en moi de dire dans eomhieu de Icmps je pourrai le laisNci-.
— Mors, s'eerie (lauchou, \ous \oule/ \ous pri\er de la messe. )i
\ celle parole, .Jeanne se redresse el jelle l'cllc licre aposiroplie : " Si nous,
mes juges, vous refuse/ de me faire oiur la messe, il csl hieu au poLUoir de
INoIre-Scigucur de me la faire ouu' (juaud il lui plaira, sans \ous ».
( )u lui reproelie il a\ oir délaisse les lra\au\(les fenunes pour aller guer-
ro\ ei- : <■ Toul ce (jui esl (eu\ ic de femme lui répugne, dil I aeeusalion.
— .lai refuse el je refusi' encore de ([uillcr l'Iialiil d'Iionune. (HianI
aux aulrcs (eu\ri'S de femmes, il \ a assez, il'aulres femmes poiu' les laire. ■
i'.llca\ail déclare (|uc Dieu rendrail au Roi de France son roxaumc. - I )c
f|uellc parlie du pa\ s parli'/.-\ ous? ■ lui demande rc\c(|ue. " .le parle de loul
le roxaume, répond licremenl Jeanne. Si le duc de llourgogue l'I les aulrcs
sujets du Roi ne \icuneul pas en ohcissanei', le Roi les \ fera \cnir pai' l'oree, el
quant aux Anglais, la paix (ju'il x a. e'csl (ju'ils s'en ailleiil en leur pa\s, en
Anslelerre. ■
Ou lui parli' de sa Icllic aux Anglais. >' Si les Vnglais eusseni cru ma lellre,
ils n'eussent lait (juc se montri'r s;iges. AxanI <|u'il soil scpl ans, ils s"a|KM'cevronl
bien \ilc de la \critc de ee fjue je leur eeri\ais. "
Le 28 mars, ou i-eprcnd riulci'rogaloire, on re\icul a la cliaige loucliaul
ROUEN.
347
son li;il)il d'iiommc. ■< T^linhil cl les nrmos que
j'ai |)()il(''s, je les ai portés par le congé de
Dieu, r(''|)()n(l Jeanne; je ne laisserai pas cet
liahil sans le congé de Notre- Seigneur,
(liil-on nie (ranclier la tète. ■>
A l'occasion du "io" arlicle on l'accuse
d'in^'oquer les marnais espi'ils. ■ .l'appel-
lerai mes \oi\ à mon aide, lanl <|uc je vi\rai,
r(''pond Jeanne.
— (lonmienl les requére/.-vous ?
— Je réclame Notre-Seigneur et Notre-
Dame (juils m'cMnoient conseil cl réconfort,
cl puis ils me l'enxoicnl .
— Par (|uelles paroles les requérez-
%()US? »
Jeanne repond en cilanl celle prière si
loncliaiile cl si simple : " .l'adresse ma re(|uèU'
en celle manière : Très dou\ Dieu, en l'Iion-
nciM' de \olre sainic l'assion, je \()ns l'ccjuicrs,
si NOUS m'aimez, <jue xous me rc\('-licz ce que
je dois répondie Pour ce, plaise à nous à
moi l'enseigner. ■'
.< Vos voix vous [)ailcnl-clles jamais de
NOS juges? interrompt Cauehon , inquiet
sans doule à cet endroil, en depil du scepticisme qu'il ariiclic au delioi's.
— J'ai souveni, par mes ^o\\^ nouvelles de vous, JMonseigneur de
Ueaiivais.
— Que vous disent-elles de moi"? i-eprend Cauehon.
— .le vous le diiai à vous, à pari, » riposte Jeanne, sans doule avec un
(in sourire.
L'iiilerrogaloire fut clos, l'endanl les premiers jours d'avril on lit un nou-
veau r(''sum('', ;\M'r autan! de bonne foi qu'on en avait mis à rédiger le premier,
et on le soumit aux juges. Il sciait trop long de le citer en entier : le courage
nous manquerait du reste pour reproduire ces ignominies, œuxie de la haine
cl du mensonge.
Le 12 avril on soumit ce résumé aux assesseurs, cl chacun d'eux opina.
Nous ne les suiNrons poini dans celle Irisle besogne. Tous, sauf rares excep-
JEANNE VIEBGE ET MtnTYRE
D'.npris 1.1 stiituo (le G. Cr.KnE.
348 JEANNE DAllC RACONTÉE l' \ U I,IM\(;E.
lions, souscrix iiriil ;ui\ aeciisalions, tout en essayml d'ianoindrir la rcspon-
sal)ilité (ju'ils tMit-on raient ])ar là. Ix' ^i()li'Sf|no ne làil pas lotijoius (Idant;
l'extrèmo siihlililr \ anièiic phisiciiis des cxaininalciirs. i'il le Uacliclici' i{aoul
Sauvage, le(jiiel liil à [jiopos du 12'' ailicle : " Mliiiner (jue Dieu aime eer-
taines personnes, c'est l)ien; mais dite ipie sainle (iallieiine el sainte !Mar-
i^\\vv\\v ne pdilciit pas (iii<:;l(iis^ e'est là une assertion (|ui send)le teuieiaire el
blaspliénialoire! »
A la dale du 1 ! mai toutes les adhésions elaieul paixenues.
Le If) avril, .lean ileaupère, .Iae([nes de 'l'ouraine et Nicolas Alidi claieut
jiarlis pour l'aris. Il leur l'allail souinellic la décision des juives de Houen an
contrôle de II ni\ersilc. La laculle de lliéologie el celle des dccrels lurent
préposées à rcxamcn des conclusions cl l'cndircul le 1 \ une deliheialion
ni()li\(''e.
Cletic cousullalion lui soinnisc a I approhaliou de II ui\cisitc cl celle-ci
la ratifia le 1 \ mai eu deux lellrcs, adressées l'une au roi d'Aui;lclcrrc. l'aulre
à l'exètpic de licau\ais. La dernière se lerminail par le soidiail (|uc lïil
accordée à (lauclion " uni' couiounc iullclrissahlc ". Le \(eu des docicius esl
accompli : la ■■ couronne •■ doul I liisloire a c()U\crl le Iront Aw jui;f el
bourreau de .leauiic d' \rc esl assurée de I innnorlalilc. l'allé uCsl pas de celles
f|ue l'on peut " llclrii' o.
La volonle \aillaule de Jeanne cl sa \ii;ueur corporelle llecliiiciil à la lin
sous le faidean de SCS epreUNcs cl des ralii;ues ([uc lui causaient les inlcrroi^a-
toires lahoi'ienx el multiples. iJle tomba malade.
Canchon estima sans doute celle condition l'aNorahlc à ses scei'els des-
seins. Il si' rendit donc dans la prison de Jeanne et lui adressa une ' admo-
nition cliaiilahle •' pour l'cNliorter à se soiunellre cl à rétracter ses eri'curs.
]| X joignit la mi'uace des châtiments (|ui ralteindiaicnt si elle ne \enail à
résipiscence.
« Je Aoiis rends grâce, rejxmdil Jeanne, de ce cpic \ ous me dites lou-
chant mon salut. 11 me semble, au la maladie que j'ai, <jue je suis en grand
danger de mort. S'il en est ainsi, ([ne Dieu veuille (aire son plaisir de moi. Je
Aous requiers seulemenl que j aie confession et mon Sauveur aussi el (|ue je
sois mise en lerre sainte. »
Sur ce que (iauehou lui oppose, à savoir (|u'elle ne [)eul alleudre ni sacre-
ments ni terre sainte si elle ne se soumet, elle réj)lique : <f Si mon corps
meurt en prison, je m'attends que vous le fassiez mettre eu terre sainte. Si
vous ne l'v faites pas mettre, je m'en attends à Noire-Seigneur <>,
-y'
tx/fie-'J f//>f /f
■ '?„,.
ROUEN.
349
Aux reproc'Iies qu'on lui adicssc ensuite, elle répond simplement : c< Je
suis bonne ehrétienne, i)ien baptisée et je mourrai bonne eluctieune .l'aime
Dieu, je le sers, et suis bonne ebrétienne ».
l.e 2 mai eut lieu une admonition publique. Après une exliorlalion de
(lauelion, .lean de
Ciiàfillon pril la
parole et admo-
nesla .leanne.
(lelle-ci ne
ec'da sur aueun
point et se defen-
dil a\ec anlanl de
nellele (pu' de \ i-
i^ueur : " Si je
Aoxais le leu, dil-
elle (la pensée île
ce supplice ne la
(|uillail point), en-
core (lirais-je ce
(pic je vous dis
et n'en ferais aulre
eliose ».
« Ne Youlez-
\oLis pas \<)us sou-
mcllre au pape?
lui dil-on.
— Menez -
m' \, répond-elle, et
je lui rt'pondrai. »
Ou la nu'nace du supplice : " ^ ous ne ferez pas ce (pie nous dilcs conlie
moi (|u'il ne nous en prenne mal an corps cl à l'âme ».
¥A ainsi à loul inslani sa Noi\ claire et menaçante retenlissail sous la
Noiilc de la Nasie salle ou on la jii^cail, IVappaiil d'epouNaiilc cl (k' sUipeur la
Irisie assemblée ties docleurs ranimes autour d'elle.
Dans sa hauteur sereine elle paraissail clic le jui;c, ils se Iciiaicn! dcNaiil
elle comme îles accusés.
bien ne poinail donc Icrrasscr l'énergie suprême de celli' enfani ; i-lle
jr.VNNH DANS SA PRISON
D'.ipi-rs l.i p< iiitiii-f (If IlKNjAiLiN Constant, olTerte à M'-'^" I.i (liichcssc (FAIerK^on.
3jo
JEANNE D ARC IMCONTÉE PAU I.IMVGE.
ne graiulissail pas sciilcmcnl à mcsiiic fjiic le procès se
poursui\ail, elle dcNCMiail plus l'oiic cl sa parole plus ^en-
i^eresse.
Il i'allut a\ iseï' à d'aulres moxeiis. Cauelion espéra mieux
lie l'apiiareil de la lorluic. (lelle l'ois eneorc reueri;ie de
.leaiuie tle\ail inellre en ('eliee son dessein.
Le f) mai, dans la grande cour du eliàleau de Rouen,
eu pr('senee de div assesseui's, Cauelion lil \euir Jeanne
cl l'interpella en lui disant : •• Jeaiuie, si sur ee (|n'ou
\ienl de \ous lire nous u'a\oue/. poini la \ei'ile, \ons
aile/ èlre soumise à la loi'ture. \o\e/.-\ous les inslru-
nienls (jui soiil là loul pre|)ai'es. lai l'aee de xons les
e\eeuleurs n'allendent (|ue noire ordre cl sont |)rèls a
remplir leur olïiee. On \a \f)us loilurer pour \ous rame-
ner à la \('rile ([ue \()us méconnaisse/, el pour \ous
ssurer ainsi le douMe salul de \olre àme el de \olre
corps, ([ue vous ixposc/ l'un el l'anlrc à de si i;ra\es périls
par \os in\ entions mensongères. »
Jeanne repond l'crmemciU : - \ raimcnl, si ^ous me
deviez l'aiic arracher les memhrcs el l'aire partir l'àme
hors Au cor|)S, encore ne \ous dirais-je pas autre
chose "
(lepcndant il est \isil)le ((u'ellc a dû recuediir
tonte sa \aillauce et faire eU'ort contre la crainte
pour parler ainsi, viw elle semhie rcdoulei' dès inain-
lenanl un mon\enient de l'aihlesse el |)rend conlri-
elle-même des garanties pour le cas où elle v aurait
un instant cédé.
Elle ajoute en efFel aussitôt : " El si je Aons disais autre chose, après, je
vous dirais toujours que vous me l'auriez fait dire par force ».
Aussi, toujours rusé, Cauelion n'insista-t-il pas et la séance fut leve-e.
Trois jours après, le 12 mai, une ri'union de Irei/e conseillers eut lieu
tians la demeure de Cauelion. Celui-ci posa la question de savoir s'il était
opportun de soumettre Jeanne à la torture. Quoique timidement, la plupart
de ceux qui ('taient présents furent d'aAis (ju'il n'v avait pas lieu d'y recourir.
Cauchon se soumit, tout en ajoutant : " Poui' ce (pii reste à faire, nous y
nrocéderons ultérieurement ».
I.V. BUCHEK
D'itpri's le brou/f df L. CuGNOT
ROUExN. 3ji
(l('|)(']i(l:m( riJiii\t'i-silc de l'aris ;i\ail (ail parNciiir aii\ iiii;cs k's dclibi'-
lalioMS doiil MOUS a\ons parle plus liaiil. lue uouxelle séauee cul lieu,
le i() uiai, daus laquelle lecture en fut donnée aux conseillers; tons \ adlié-
rèiciil. Il fui eu nicnie temps décide qu'iuic <' admonition charitable » serait
encore adrcssc'c à .Teainie.
Maili'c l'iiiie Alor-iec lu! cliari^c de la lui faire euleudrc. .Icaunc écoula
eu silence celle tirade longue, larmoNanlc cl sans sincérité.
L'e\è(pie lui demanda de se soumeltrc : elle s'\ rel'usa. " T.a mauiéi-e
([ue j'ai toujours tenue an |)rocès, dit-elle, je la \ eir\ inainlenir.
— Soui^tv. à f|ucl pci'il \()us allez vous e\|)oser, rcpril alors (iauclion.
w^m^
\^-^ /
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V-. - .1-
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SL1'1'I.I(:E Uli JliAN.Nli 1> Alto
D'i4»ri's le bits-i-L-licl' de Gois. {Piétifstal de lu statue érijjèe à Orléans.)
— Si j'clais en jui;eincnl, répond Jeanne avec force, (|uc je \ issc le Icu
allume t'I les Uourrees prcpart'cs <'l le Uouricau pièl a houler le l'eu v\ que je
fusse dans le l'eu, encore n'eu dirais-je aulrc cliosc cl je souliciidrais ^-v ([ue
j'ai dit au pro<'cs.
— .leanuc, reprend l'cx è(jue sulfoquc-, ii'ax cz-vous plus rien a dire?
— Uien, ic'pond scclii'mcnl Jeanne.
— Nous n'a\()ns plus cpi a pi'océdcr a la clôture des débats, > conclut
(lauclion.
(jucllc sccuc inoubliable et (pic (l'encri;ie raisonnée cl calme eu celte
beroiipic l'iifaul !
Depuis (pialoize jours on a mcua(-c Jeanne de la lorlurc, ou a placé
de\ant ses veux la perspectixc ilu bûcher. Kien ne l'a ébranlée.
Oui donc a prétendu que la mission de Jeanne se lenninail à Reims et
fpi'a partir du sacre elle n'est plus (jue l'ombre d'elle-même?...
(Uiand fut-elle plus jurande (pi'clle n'est maintenant? (Hie sont près de
3j2
JEANNE J)'\ll(: UA(:(3NTÉE PAU I, IMA(;E.
celle scriic les flicxiiiicliëcs de lllois, l;i \icloire (r()i'le;ms, la inèlee de l'Mla\ cl
le liiomphe de lieiins?
Non, loiil cela II Csl ([lie |)eii()iiil)re en comparaison de ce (|ui se passe à
celle heure. .Jeanne n'a jamais (Me pins i;rande, pins nol)le cl pins vaillanle :
elle n a jamais ele plus elle-même.
Par lin ccMe des choses, .leaime, en se monlranl aussi lerme, secondai!
les secrels désirs de ses ennemis, (lomme ils dcsiraieiil sa perle lolale, il leiii'
en ei'il coi'ile de xoir leur proie se dérober par (juel(|ne concession lailc a la
deiiiière heure.
Alais, d'aulre pari, il leur imporlail i^randcmcnl de la rahaisser au\ \eii\
de la loiile.
l'.n depil des precanlions prises, ([iichpie eclio des séances du cliàlean
arrixail au dehors. La \illeeiiliere s'eiilrelcnail a\ec passion des iiicidenls du
procès. (>ucl(|ues iiidiscrelions elaienl liieii commises par liin on l'anlrc des
conseillers, selon la laihlesse de riinmaine naliire. Il l'aiil i'emar(|iier eiiiiii (juc,
opprimes pcndani les S('ances par la dure aiilorile de (iaiiclioii cl la lerreur
<|U il leur inspiiail. <|ucl(pics-iiiis des assesseurs (le\aienl axoir nue penle
nalni-clle a prendre ciinlrc lui une sorle de relonr en rcpclaiil les paroles
sévères (|ne .leanne lui disail. I!c\elcr la i;randenr de la \iclime, c'elail
l'abaisser dans une ei;ale mesure le lionrrcan i|ni la poursnixail de sa haine.
LE BUCHER
Vignette iki titre <ie VUistoirc de France d'A^QUETlL
{Didier, tjiiitetir^j.
i.K sri'iM.icu, nr. jhvnnk
l)';ij)rrs un liihleaii dv C.ARRitn-liKLi.EUSE. (l'.xir. de riilbiim f.a iitission patriotiffuc i/c Jcnniic i/'In. Tnipr. r<"*unics.)
X
LE SUPPLICE DE JEANNE
LE CIMETIÈRE SVINT-OLEN ET I.\ l'IACE DU VIEUX-MARCHÉ
\
&
4
1
■i^
Cu (MON eonipril liicn f|u'()n ne pf)iiv;iif laisser les
évcncments siiixrc Inir cours cl qu'il imporlju'l au
nrcmici- clicf d'oIjUMiir de .Icaunc une icliaclaliou
|)ul)li({uc, a ({uel({ue |)ii\ que ce fut.
Les âmes basses et méchaules ont souxcul uue
connaissauce approfondie de la nalurc liuniaiue. Les
i^raiids cùlés d'iui homme leur échappent, mais ils
exccllenl à decouM-ir ses f'aililesses. Ce sont, à leurs
Ncux. les l)rèclies (|u'on peut élargir et par où l'assaut
sera vicloricusemenl livré pour le triomphe de leurs
desseins pervers et de leurs menées souterraines.
l'our cette fois, Cauchon ne s'était pas trompé et
STATUE Uli JEANSE IJ AHC
Pai- la pria." Marie d'Orléans. J^'annC dcvait UU luStaUt défaillir.
On a souvent déploré cette défaillance; c'est un tort.
45
354 JEANNE n ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Quand le eliêno et lo roseau vivent l'un près fie l'autre, c'est |)ai' leur
sommet qu'ils s'éloii^nenl, c'est [)ar les pieds cju'iis st> rappi'oclienl.
La Fontaine a fait erreur en les mettant en guei're : il eût mieux fait de les
eoneilier l'un avec l'aulie, en rap|)elanl ce (ju'il v a de commun dans leui- sort.
L'a(|uilon renxcrse le iVonI allier i' au Caucase pai'cil ■, il epaii;ue la lii^c liumhle
el pliante du roseau; mais (juand le sol s'ehraule, cliène el roseau eu pâlissent
également, une commune misèi-e les lapproclie.
Cette défaillanee l'apide île .leanne d'Vrc me louche plus fjue lous ses
liants faits; je ne puis pas \ainere conune elle, mais elle a défailli comme
moi.
Grâce à celle défaillance, il ne sera pas permis de dire tpi'elle est sortie de
son sexe el ([u'elle n'a pas subi en (juehpie mesure le fait de celte timidité
qui est la mar([ue pailiculière de la femme, son charme le plus louchant el
peut-cire, loul compté, sa plus i;ran<lc force.
Ce |)hcnomène mérite hicn (|u'on l'clndic. La (loulcur esl le fond de la
xi<', pour l'homme connue pour la fennne. Ni l'un ni l'aulrc ne s'\ peinent
soustraire, mais il est \isil)lc (ju'ils n'en poilcnl point le fardeau de la même
manière.
J^'homme est génc-ralcmenl vaillant contre la douleur ph\si(jue; la femme,
en face de cette même douleur, j)erfl son assurance. L'incendie s'allume, les
eaux déhordent, le Ivv hrille, le canon tomie, le hiiiil des halailles se fait
entendre, le sang coule : l'homme à celle \ ne, s'il a qucNpic \igucui' moi-alc,
se redresse, combat, résiste; le danger tlouhie ses forces: timide hier dans le
calme, le \()ici l)ra^c dans le lumullc.
Au contraire, dans les mêmes conjoncinrcs, la femme a peuL', elle se
détourne, implore, verse di'S larmes et cède à l'cHroi.
Lu retour, la douleur moiale la trouve [)lus vaillante que l'homme. A
l'approche d'une épreuve menaçant la famille, le père s'inquiète. Peut-être
raisonne-t-il plus ipi'il n'est opportun. H anaivse à l'excès, sonde l'avenir el
porte d'autant plus tloidourcuscmcnt ce fardeau de l'inconnu qu'il l'a pesé plus
minulicusement.
La femme, au contraire, la mère surtout, se montre \ aillante. Llle ahorde
l'épieuve et l'aflronle avec son cœur, et parce (juc ce cœur est comme inlini
dans ses tendresses el son de\()ucmenl, il ne i-rainl rien.
Dès lors attendez tout de sa constance : elle ne faiblira j)as tani (pic durera
l'épreuve.
L'homme ne pleure guère; son angoisse a je ne sais (pioi d'austère, sinon
LE SUPPLICE DE JEANNE.
355
d'aride. T^a femme
pleure ahondain-
meul, mais il semble
que ses larmes sout
une source mysté-
rieuse d'où ses
forces renaissent
sans cesse.
Singulier assem-
blage de tristesse et
de sérénité, de lar-
mes flésolées et de
sourires embellis
d'espérances. Les
semaines s'écoulc-
ronl, les mois suc-
eédcronl aux mois,
les années aii\ an-
nées, vous la re-
trouverez toujours
chancelante et tou-
jours debout, tou-
jours en pleurs et
toujours sereine,
veillant nuit et jour
au chevet de l'enfant (jui se mcurl. iMS(|ir;i l'heure où le Ciel le Un aura pris ou
rendu.
Telle est la femme devant l'épreuve.
Jcaïuie, |)ar ce |»oint comme par lous les aulrcs, est restée essenlielicment
femme.
Au cours de son jugement, nous ne l'avons pas vue faiblir même lui instant ;
elle tient tète à ses juges, encore bien qu'elle n'ignore pas que sa vie dépend de
leur sentence et (ju'elle connaisse d'autre part la malice ou la coupal)le faiblesse
de leurs dispositions. On admire la netteté avec laquelle elle discute et de quel
regaril sûr et prompt elle découvre le faible de leur argumenlalion. A certaines
heures elle devient le juge, ils sont les accusés; ses paroles noblement hau-
taines fustigent Cauclioii, Bénédicte d'Estixet et Jean de La Fontaine, et
VUli DU niOSLFMENT EIIIGK A BON-SECOURS, PUES DE HOUEN
MM. Liscn, ai-fliitccte, et Cahrias, sculpteui-.
356 JEANNE. D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
constamment, de la première séance à la dernière, cette enfant de dix-iuiif ans
domine l'assemblée des cincjuanle docteurs qui prétendent la juger.
Mais voici que le 2^ mai un grand mouvement se lit dans Rouen, l^a i'oule
se portait en masse vers le cimetière Saint-Ouen. ])eu\ écliafauds v venaient
d'être dressés et l'on apprenail (|ui' Jianne devait monter sur l'un, lanilis (|ue
révè({ue de lUauvais et le cardinal évèque de Winchester, avec les assesseurs,
occuperaient l'autre. Les évè(|ues de rliérouainie, de Novon et de Norwicli
devaient compléter la réimion.
Maître Guillaume Eiaid, « homme de grande éloquence », devait sei-
monner Jeanne et l'exhorlcr à rétracter ses laits et dires.
I^es sentiments de rhonnne, nobles ou bons, s'accroissent par le \o\-
sinage de ses semblables, rindi\idu se voit comme emporté par la foule la
où il ne songeait pas à aller, il cesse d'être lui-même et devient une part de ce
tout le monde dont sont faites les nuillitudes et dont l'cgan'uicnl axeugie a si
fréquemment été la cause des ( linies (|ui deshonoiciil les pcu|)les cl tiacint
dans Icui' histoire des pages déshonorées (juc rien n'cU'ai-cra plus au cours des
sièi-lcs.
Jeanne, en sortant de prison, fut conduite au cimetière Saint-Ouen. I^es
cris de la foule l'cU'iaNèrcnl. yjouloiis à cela (pic les Anglais, qui n'esliinaicnt
rien pouvoir tant qu'elle sciait eu vie, demandaient sa inoil à grands cris, dette
comparution de Jeanne d' Aie leur faisait l'cdouter de sa part (pieUjue faiblesse
qui la rendrait digne de pitic, amènerait peut-être un retour favorable de la
part de la foule et leur aiiacheiait des mains leur ^ ictime.
Dès (pK' Jeanne ap|)arut, en cil'el, ces seiitiiiienls ()|)|)Osés se fireiil bien-
tôt jour. Les rpierelles s'allumèrent enire ceuv fpii cédaient à la pilii' et ceux
(pii deiiicuiaieiit lidèles à la haine.
( )n \\[ mieux encore ([uelles [lassions opposées se partageaient la foule
quand Jeanne commença de fléchir. A ce moment, les cris devinrent plus
furieux. Un Anglais cria à Gauchon : <' Tu nous trahis. — Tu mens », liposta
l'évêque de Beauvais. nuehjues instanls après, on entendit Gauchon s'éerier :
« Je viens d'être insulté. Je ne procéderai pas plus axant, jusqu'à ce qu'il m'ait
été fait amende honorable » .
Bientê)t des pierres xolèrent de tous cê)tés; les blessés gémissaient el l'on
se demandait jusqu'où le désastre allait s'ctcndrc.
La fraveur de Jeanne s'accrut à celte vue.
Ici ce n'était plus l'ennemi (ju'il fallait braver, l'Anglais qu'il fallait mettre
en déroute. L'étendard de Jeanne n'était plus eu sa main, la charrette des
LE SUPPLICE DE JEANNE.
toiulamncs remplaçait son coiirsit-r de l)alaille ; seule devant ces milliers
d'hommes et sans un seul qui la défendit, elle aussi, comme elle l'avait dit
de ses parents au jour du départ de Domremy, elle aussi « perdit le sens ».
Nicolas Loiseleur,
cil (pii la pauvre enfani
cro\ait encore, malgré
ses midliples trahisons,
élait allé la prendre en
sa prison. L'huissier
Massieu l'accompagnait,
essavant à la dérohée
de faire entendre à
l'infortunée quelques
paiolcs d'espoir et (\v
réconfort.
Loiseleur ne cessait
(le pousser Jeanne à
l'aUjuialion, lui disani
c|u'ellc dc\ail se sou-
mellre à l'Eglise cl
([u'i'llc si'rail hiùlci' si
elle se refusait à signer
la eédulc de réiraclalion
(pi'oii lui présenterait
bientôt.
Massieu, de sou
pôté, l'exhortait dans
le même sens et avec
bonne foi. 11 le rapporta
[)lus lard au procès de
réhabilitation.
« Jeanne deman-
dait eonseil, dit-il; Eraril m'asail (ht : « Conseillc/.-la pour telle abjuration ».
D'aboi'd je m'étais excusé; puis je (Hs à Jeanne : <( Cloni[)Lcne/. bien ([ue si
« vous allez à l'encoud'c d'auciuis dcsdils articles, vous serez brûlée »,
A cette menace d'être bri'ilé'c, la |)auvre enfant se iameulail et gémissait
amèrement.
o ELLE CHIA SIX FUIS I) UNE VOIX FOUTE 1 JESUS ! »
D'après un dessin de Philippoteaux.
(Kxtralt de VHtstoirc de France, éditée par I.miuue.)
3:Ï8
JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
■-V
« Je Aous conseille, reprenait jMassieii, de vous en rappoiler à l'Eglise
uni\eiselle si vous devez ahjurer ees articles ou non. »
Cependant Guillaume Érard aAait eommeneé son discours; il fut très
<\uv pour Jeanne, ne lui ménagea pas les outrages et d'une \oi\ tonnante
aclie\a de teriasser son eouiage déjà ébranlé.
Quand Erai'd cul lini de parlt'r, Canclion se le\a. Vn
grand silence se lit ; les juges comprenaient bien (|ue la lullc
terrihie ouxcrte dc|)uis plusieurs mois entre eux et Jeanne
,'^^ arii\ail à la crise su|)rème. I,e peuple le sentait aussi.
l/e\c(pic de IWauNais parla i'roidi'mcnl à Jeaime,
ésuma les accusations poitees contre elle, entassa lune
sur l'autre les cpilliètes d'orgueilleuse, menteuse, sc'iluc-
^^^^^^w»" triée, de\ ineiessc, blasphématrice, cruelle cl apostate.
Ce lut comme un torrent de honte et de bouc (|ui con-
Nril la pan\rc mart\re.
Ce peuple applaudissait et (|ncli|ucs-uns reprenaient
: a haulc \oi\, |)our les acccnluei-, les outrages à elle
lancés par l't'Nècjue.
En terminant, Cauchon, de plus en plus Ibudroxant,
dit à Jeanne :
« Nous t abandonnons au bras séculier, priant ce
^ même pou\oir ipie, (ont en t'imposant la mort cl la
l^H^ mutilation des meml)res, il \cuillc bien à Ion égard
j^|^[HH^^H| modérer son jugement et, si de vrais signes de repentir
apparaissent en toi, que te soit administré le sacrement
tic pénitence. »
A ce moment, Guillaume Erard reprit avec force,
s'adressanl à Jeanne : « Signe, ou lu seras brûlée
aujourd'hui même •■ .
Cependant le bouricau se tenait là a\ec sa chairettc,
prêt sur un signe à s'emparer de Jeanne. Loiseleur ne
cessait de la pousser à signer. Massieu, resté près d'elle, l'y exhortait de
son côté.
Jeanne, afFolée, eéda alors : « Je veux, dit-elle, tenir tout ce (jue l'Eglise
ordonne et tout ce que vous, juges, voudrez dire et sentencier. Du tout,
j'obéirai à votre sentence et volonté ».
On lui présenta sans retard la eédule de rétractation et elle la signa.
cl
LE BUCHER
Statue de Cordonnier.
yjijiiscc du Luxcinhourg
LE SUPPLICE DE JEANNE.
Le greffier Miuielion, dans la
déposition qu'il fit Aingt-eincj ans
plus tard, dit ■ (juà ee moment
Jeanne somiait ".
En eflet, un rire étrange
courut sur ses lèvres. Sans doute
ee fut comme un éclair de vertige
et de folie passagère. Ses forces
avaient défailli, et ni sa i-aison ni
sou cœur ua\re n'a\aieut pu porter
fermement cette dernière épreuve.
,Te ne sais, mais ee rire m'est
plus douloureux à évoquer que ne
le sera le spectacle de sa mori
même sur le hùclier'.
Demain la foice lui sera re\e-
nueaAcc la possession d'elle-même.
Rede\cnue \aillanle, elle mourra
comme elle a \ecu, douce et
forte; elle se lanieuleia, mais elle
tiendra ferme cl, |)lus grande (|uc
ses ennemis, elle sera plus constanic
(|ue leiu' malice même.
IMais aujourd'Imi sa pauxre
âme, que, eu ce souiirc, je \()is
passer comme un corps de vierge
martyre à la (lcii\c d'un neu\c,
ballotte et oiidoxaul, ci'tlc ruine
momentanc'c de tout ce qu'elle
a été, cette mort, eu un mol, de Jcamie \i\an(c, me na\rc au delà de touli'
amertume. Je \oudrais me détourner, ne plus entendre. Je Noudrais surtout
me taire et ne plus écrire.
O fiance, pa\s gcnercuv et hon, (|uc ce souvenir ne sorte |)as de la
mémoire, et n'ouMic jamais l'agonie de (elle (jui a tant |)àli pour le sauver!
« ET INCLINANT I. V TKTE, ELLE EXPIUV 1)
D'après Max Blondat, ciTamiuno de M. Lachenal.
•if^
36o JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
T.c liouhlc ([ii"a\;iil icssrnli ,lc:iniu' au ciiiu-lirrc Saint-OiUMi cl la (It-fail-
lanee passagt-iT (jiii s'en t'tail suivie, avaiciU clc tout de sentiment el piesque
affaire des sens.
J^a jeune lille, à la fois sous l'empire de la limidilé el de la pudeur (pii sont
le propic de ee sexe el de cet âge, s'élail all'olee de\anl celle Coule; les cris
]'a\aienl elCaree; seule en (ace de ce luinulle de passions (li^el■ses mais loules
dirigées eontre elle, l'Ile a\ail perdu loule assuraïU'e el l'elrange lire (pii a\ail
passé sur ses Irails a\ail Men re^('le le Irouhie de son àme.
VMc n'avail même pas lu le texte de la réiraetalion qu'on lui avait l'ail
signer' el l'on de\ail eonsommer l'infamie dont elle était ^ielime en substi-
tuant à eetle eédule une autre pièee plus explieite et eonlenant maint arlielc
ipii n'elail jias dans la première.
C'elail tlu reste « à l'Eglise » (prellt' a\ail déclare'' « se soinnellre i> el la
terr'eui' l'axail amenée à celle si'ule concession, (pi'elle a\ail sur l'eehafaud
eonsenli à \(ùr l'Eglise dans ces é\è(pies el leurs assesseurs dont juscpialors
elle avait réeusé la compétence.
Elle f'-lail à peine descendue de l'c'cliafaud (pTellc commenea de se ressaisir.
« Comme on re\enail du prêche de Saint-( )ucn apics l'abjuration, dit C.uillaume
ISIanelion dans son U'moignage, Loiseleur disait a la l'ucelle : <> Jeanne, xous
« a\c/. fail inic bonne journc'e. S'il plaît à Dii'U, nous a\c'/. sau\é \otre àme. —
« Or cà, dit-elle, entre nous gens d'Ilglise, mene/.-moi en ags |)risons et que je
« ne sois plus vw la main des Anglais. ■» Sur (|uoi. Monseigneur de i'xauNais :
« ]Mene/.-la, dit-il, où \()us l"a\('/ prise ». l'.n consetpienee, Jeanne fut ramenée
au eliàteau d'où elle était partie. »
Massieu rend le même témoignage. Déçue en son attente, Jeaime
commença de voir combien on ^a^ait indignement tiompée.
Elle voulut cependant tenir la |)romesse qu'elle a\ait faite et dc-posa
l'habit d'homme.
<-< Ce même jom-, ajirès diner, poursuit Massieu, devant le conseil de
l'église, Jeanne déposa l'habit d'homme et piil celui de femme, ainsi cju'il lui
était ordonné. C'était le jeudi ou le vendredi de la Pentecê)te. E'hahit d'homme
fut mis dans un sac, en la même chambre où Jeanne était prisonnière. Elle
demeura sous la garde de l'inq Anglais. Ea nuit, il en restait trois dans la
chambre et deux dehois à la porte de la chambre. Jeanne, couchée, a\ait les
jambes tenues par deux paires de fers et le corps enserré par la cbainc (pu,
I. « Elle fit une croix avec une plume que je lui donnai », dit Massieu.
LE SUPPLICE DK JEANNE.
36i
li'incrsaiil les pieds de son lil, U'iiail à uiu' i;rosse
pièce de bois et fermait à clef. En cet état elle ne
pouvait se nîouvoir de place. »
(lomhien douloiu'eux dut èlre pour l'inCor-
tunée ce soir du :>.] mai! eoml)ien somhre la
nuil ([u'elle passa dans le eaciiol, seule avec elle-
même !
Ouels retours tiistes et navrants ne fit-elle
pas sur les divers incidents de ce jour! Quelle
ruine non seulement de ses beaux espoirs
passés, mais de sa grandeur même!
l'eu à peu le calme de l'àme lu
rcAcnait, sa terreur s'elait apaisée; n'en-
tendant plus ces cris, ce lumulle, n'axanl
plus aulour d'elle celle foule hou-
leuse et menaçanic, elle commençait
à redevenir elle-même.
l']|le repassa alors en sa mé-
moire ce (jui s'était fait ilepuis le
matin; elle anahsa avec amertume
ce drame rapide, ce vvw mal-
faisant et eiucl dc\ant le(|ucl
son regard s'était \o\\é et sa
raison a\ail y\n instant chan-
celé comme dans {i\] \crlige.
Ainsi donc elle avait paiii
reconnaître un instant (jue ses
voix l'avaient trompée et cpie, suivant son (expression, « Jésus-Christ lui a\ail
failli ...
Sa vaillante et ferme résistance avait cessé, cl soumise et crainlivc devant
ces juges qu'elle avait si longtemps doinincs, elle avait signé « d'une croix i.
le reniement de tout ce (|u'elle avait dil cl l'ait, de tout ce ([u'elIc avait été
« de par Dieu ».
Et à mesure que l'omlire du soir s'étendait aulour d'elle, que la nuit
s'écoulait et (|ue toutes choses se taisaient, en ce silence si doux pour
l'homme en paix et à celte heure effrayant pour elle, tout lui apparaissait en
une clarté de |)lus en plus vive, avec une austérité plus inexorable.
40
MUNI Mil.NT KI.KVl': A UUHKN KN 1^56
svi\ i."kmi'l\(:kmi:nt de f.'ancif.sne r()Nf.\iNE nu xv" sif.ci.k
JJ\ipri-s II in* [iIiotn^iMplile.
362
II^ANNE DARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Ses voix se taisait'iil, sans iloulc. Ce n'c'-lail plus l'iicure
où c'ik- >.< ac'C'olail sainte INIargueiile et sainte Cathe-
rine », ni eelle où c< elles fleuiaieni bon », encore
moins eelle « où elle pleuiait de les voir
partir et où elle eût bien ^<)ulu s'en aller avec
elles ».
T>es saintes elles aussi l'abandonnaient et,
dans son anijoisse, elle se ilemandait : « Suis-
je <lii;ne de leur amour ou de leur haine? »
i/liorrenrdu bùcbi'i' lut moins aUVense
|)onr la pau\ re Jeanne <|ue celle de cette
loni-iie cl soiubrc nuil.
Alors elle se dressait sur sa couche,
secouait les l'ers (|ui lui scrraiciU les pieds,
l'.llc Aoulait clamer à Ions (juc « c'clail par
force » <|u'on l'aNail fait ai;ir comme elle
avait l'ail.
Mais les fers la retenaient. « El puis, se
' . disail-cllc, (|ui' sais-je au fond cl (|uc faut-il
penser de tout ce m\stèr'c?...
<( Vraiment, n"ai-je pas ('le le jouet de
l'illusiou? mes \()i\ ne m'auraienl-cllcs pas
Irompc'C ou plutôt ne me suis-je pas Irompce
moi-même en Iciu- donnant cette rcalilc? On
ma\ail promis le salut, et je me suis mic à dcuv pas du bùehcr. .I'a\ais tou-
jours espc're la dclivi'ancc et la iil)cilc, et ces fers (|iii m'attacliaicnl et que
je secoue vainement scud)lcnt en leur (■li(|uclis railler ma douleur cl mes
déeej)tions !... »
I^a Intti' fut ali'rcuse cl elle seule a^(•c Dieu a pu sa\<)ir ce (ju'il en était.
L imagination se perd à le vouloir entendre et il n'y a plus qu'à dire avec
Bossuet : « C'est un grand abime dans lc(picl on ne connaît rien ».
La lutte ne fut pas vainc toutefois, et bientôt Jeanne en sortit, retrouvant
toute sa Aigueur a\ec toute sa licite.
Aussi bien ses ennemis devaient la seconder, en ce retour.
Ils l'avaient déshonorée, pensaient-ils, en l'amenant à abjui-er. Elle mour-
rait maintenant sans "randeur; il v avait donc uriicncc de la faire mourir.
Pour y réussir, il suffisait à Cauchon d'obliger Jeanne soil a rcNcnir sur sa
LE BUCHKR
D'iiprés ]i> stntue de V. ]loGl>o.
LE SUPPLICE DE JEANNE.
363
ivli-actation, soit à repi-cndre l'iiiihil d'iiomme. Le second moyen, étant
d'ordre tout matériel, semblait |iar suite le plus facile; on se résolut donc à
y recourir tout d'abord.
« Le dimanche suivant, ([u'\ ('lail le jour de la Trinité, dit Jean Massieu,
voici ce qui se passa. Jeanne me l'a rapporté. Le matin étant venu, Jeanne dit
aux Anglais, ses gardes :
« [)ef'ei'i'ez-moi et je me
« lèverai «. Alors un de ces
Anglais lui ùta ses halnlli'-
ments de femme qu'elle
avait sur elle. On vida le sae
où était l'habit tl'homme ;
on jeta cet habit sur son lit,
en lui disant : <i Lè\t'-toi -■,
et on serra dans le sae les
habits de femme.
« Jeanne se couvrit de
l'habit d'homme qu'on lui
a\ait (loinK-. En même
temps, elle disait : " Rhs-
« sieurs, \ov\s savez que
« cela m'est défendu. Sans
« faute, je ne le prendrai
« point ». Mais ils ne vou-
lurent pas lui en donnei'
d'autre, si bien que le débat
dura jusqu'à midi. A la fin
Jeanne fut contrainte de
prendre cet habit; et ou ne
lui en voulut pas donner
d'aulr-e.... Après dîner, divers conseillers furent mandés au ehàleau pour
constater comme quoi Jeanne avait repris l'habit d'homme.... Ils disaient
que les Anglais, avec haches et glaives, les avaient furieusement menacés....
« Après que Jeanne cul clc vu<' avec l'habit d'homme, on lui rendit pour
le lendemain l'habit de femme. »
Jeanne n'avait pas seulement obéi à la contrainte qu'on venait de lui
imposer en reprenant l'Iiabil d'Iionnnc. Les témoignages les plus auloiis('s, et
MOHT DJi JtASSE D AUC
Dessin ilr MM. Prouvé et Carot, pour le Missel de Je^iniie d'Are.
Ulttigc cililiur. [Collcclion clc M. l'ubhc I.ciiuilc.)
364 JEANINE D'ARC RACONTÉE PAR I.'IMVC.E.
eiilrc aiilic's <cii\ (risaml)ai(l de la l'icirc ri de Alailin 1, advenu, «[iii l'assis-
lèiciil CM SCS dcinit rs moniciils, assiircnl (lu'cllc cul à souli'iii- les violences
non sculemcnl des niiscrahlcs (|ui la i;ai(laicnl, mais encore d'un seigneur
anglais qui \inl dans sa |)iison cl Icula de lui faire subir les suprêmes outrages.
Isamhard dit ([u'elanl enli'c dans la piison de Jeanne, << il la vil ('-plorée,
le visage iuondi' de larmes, dcligurce el outrag(''e, en soric iju'il en eut grande
pitié ».
Guillaume Maudion confirme celle version. Il avail entendu, comme
greffier, Jeanne dire (jue, si elle avail l'epris ses habits d'Iiomme, « elle l'avait
fait pour défendre sa pudeur contre ses gardiens qui voulaient y attenter ».
4f^
Aussi bien ces indignes trailcniculs finircnl de rendre à Jeanne toute son
énergie, el Caucbon pul le voir, (piand, le lundi 2iS mai, il xinl la trouver dans
sa prison avec ses assesseurs.
Elle déplora en termes amers " la trahison qu'elle avail consentie en
faisant rcxocalion poiu' .sauver sa \ie... : c'est .seulement par peur du feu que
j'ai dit ce <juc j'ai dil cl que j'ai r(''vo(pié ce (|ue j'ai r(''vo([U(''. »
<i J)u rcsic, ajdulail-elle, je n'ai |)oinl dit (jue je révocasse mes appari-
tions Tout ce (|uc j'ai l'ail, je l'ai fait par peur du feu; je n'ai rien révoqué
que ce ne soit contre la vérité J'aime mieux mourir (ju'cudurer plus longue-
ment la prison.
— Eh bien, reprit ('auchon, nous n'a\ons plus cpi'à procéder ultcricn-
l'ement comme de droit et de raison. »
Là-dessus les juges se reliicrcnl; et ('.auchon, rencontrant le comte de
Warvvick qui attendait à la poilc de la prison le résultat de la visite, en com-
pagnie de nombre d' Vnglais, lui cria en riani : < Earcwcll, fai-cwell; faites
bonne chère, c'csl (ail ! »
Ee lendemain, l'cAèque île Beaux ais réunit ses collègues dans la chapelle
du manoir archié|)iseopal. Ils se trouvèrent au nombre de quarantc-ilcux. 11
les somma de donnci' leur avis. Ils furent unanimes à déclarer Jeanne héréli(jue
et relapse. L'abbé de Fécamp exprima toutefois l'avis (pi'une d( inièrc admo-
nestation fût donnée à Jeanne : on verrait ensuite à la livrer au bias séculier.
« 11 nous reste à vous remercier el à conclure, dil C'auchon. Nous
concluons qu'il devra être proci'dé contre Jeanne comme relapse, ainsi que de
droit et de raison. »
« QUE I.V CHOIX SOIT DEVANT MES YEUX, JUSQUES AU P\S DE LA RIOKT »
D'apri-s le carton d'ALU^RT Maignan. (Co/lcction de M. CliainpigiuaUc.)
LE SUPPLICE DE JEANNE.
367
L'iiiiqiiilr (lait consommée. Jeanne n'avaiL plus qu'à mouiir. Ce devait
être chose faite dès le lendemain.
La vaillante enfant en avait pris son parti quand elle avait rétracté son
abjuration.
Mais la mort, et surtout une mort comme celle qui l'attendait, ouvre
devant l'homme un abime près duquel nul ne se tient ferme. Le C.hrist, en son
humanité, a connu cette suprême épreuve, et son cœur, soumis à Dieu, souhai-
tait cependant que le calice s'éloionàt de lui, s'il était possible.
Aussi ce n'est pas sans raison (jue Dieu a jeté, [)our la plupart des
hommes, un ^oile sur cet abîme. Presque toujours l'homme
(^ ignore autant sa mort que sa naissance. L'infortunée ^ ictime
tft '\^i ot]<wi' \i& otitvrt cttpitiimrtvt- maie iitimce htnaw^ l<ifi<fni <ii
«fôloijè ntiti^ ^icv'ili* lAfhiiÇ, «itcvucii'iit Util! Um'lliyt p>uu ciLs-
.j^^yMY\ '7bnJ)Miri L» cmu'uue tH»». ouoiCiit vSj (,!ui' compte)""^ ^'»«î^f>"t>i''<= p^ '
MfQUil ^ ~
l'OIlTlHIT DE .IF.VNNK I> AHC
Dcssinî' il la jilunir par Ii' greHifi* du rarlcnient di' Paris en i»nrf;(^ d'un registre ^nr lequel se trouve mentionnée
la le\éi' du sir^i* d't.Jrléaus. (^.Iri'/n'i'cs int/iofiti/cs.)
des Anglais cl de Cauchon devait voir la sienne en face cl, plusieurs heures
d'axancc, en considérer l'iiorrcur.
Le malin du jour ou elle moiu'ul, s'adressani à l'un de ceux f[ui se trou-
vaient près d'elle : « IMaitir Pierre, lui dit-elle avec angoisse, où serai-je ee
soir? — N'avez-vous pas boinie espérance en Dieu? répondit P. Morice. —
Oh oui! répondit-elle, et par la grâce de Dieu je sciai au Paradis «.
I'au\ rc .Jeanne! à ce moment, son cœur se reporta siuis doute M-rs son
passé si court et si plein. Mn ces dernières heures, clic \it, comme eu un
rêve, passer (le\aul ses a eux Domremy et le Bois Chenu où « elle a\ait
chante «, cl l'église du \illage, puis la cr\|)le de ^aucoideurs où clic iuail
tant prié cl plcui'c. IjUc songea à la Porte de fiance sous laquelle elle était
passée radieuse, lorsijue quittant Baudricourt elle était partie pour ('.binon,
aux jours glorieux d'Orléans, de Palay et de Reims, aux chevauchées rapides
où sa haquenée l'emportait victorieuse, aux acclamations de la fouie et de
l'armée entière.
368 JEANNE D'ARC RACONTÉE PAR L'IMAGE.
Elle se rappela les heiiiix lèNcs fpi'elK' a\ail caressés, les i^iaiids desseins
(jii'elle a\ail iioiinis : le Uoi leiiliaiil à l'aiis, la ualioii l'eiidiie a elle-inèiiie,
l'Aiiiilais ■( honte hors de Fraiiee )>.
El loul cela n'elail doue plus (pi'iiii soiix eiiif ou une deeeplioii ! d'aulaul
plus douloureuse (|ue son rè\c a\ail ele |)lus i;raud. i'.l de celle draniali(|ue
é'popée le dernier mot allait être dit par elle. Et ce dernier mot Elle se
détournait alors el sans doute essa\ait t'ucore d'espérer.
" Où serai-je ec soir? où s'en ^a mon pauvre corps? où s'en va ma
jeunesse sitôt flétrie? »
L'image du hùelier se dressait dexant elle. IJIe se prenait alors à i^émir-;
elle pleurait, s'arrachait les che\eu\, se lanienlait et disait à iMaîtic Lad\enu:
« llelas ! helas ! peut-on me traiter si horrihlcment et si crucllcnicnl, (pi'il
faille que mon coips net el entier, (pii ne l'ut jamais corrompu, soit aujour-
d'hui consumé' et réduit en cendres!... » l^lle s'arièlait, puis reprenait avec
une douliur Aiaimcnt naxrante: " Oh! oh! j'aimerais mieux être deeapilee
sept l'ois (jue d'être ainsi hrùlee!... ■» l'>t se redressant avec im geste vengeur :
« Oh! j'en appelle à Dieu, le grand iiig<', dis torts el ingravanees (ju'on me
fait! »
\'A\v parlait encore, lors(jue Cauchon entra dans la prison, accompagné
<lu viec-in(|uisiteur. .Jeanne dehout, lui dit d'une voix forte : « Eyèque, je
meurs parxous l'appelle de vous de\ant Dieu ».
i)uv venait faire ici Cauchon? Les choses etaicnl réglées, et la condamna-
lion dé Jeanim irrévocable.
Voulut-il par cet instinct ('Irange (pii attire maigre eux les scélérats
vers leurs victimes, revoir encore et de plus près l'infortunée «[ui allait mourir
par son fait? l'tait-ce impudeur el venait-il comme .Tudas au jardin des Olives?
Fut-ce cruauté?
Il semble bien ([u'il vint surtout |)our' essaver de ramener' Jearme à une
nouvelle rétractation, laquelle ne l'eût pas sauvée tie la mort, mais l'eût à
nouveau dcshoirorée.
Il est assez malaisé de savoir' au jirstc ce qui se passa enir'c sa x iclimc et lui.
Le procès-verbal (ju'il produisit dix jours après la mort de .learnie n'est revêtu
d'aucun earactèr'c d'aulhcnticitt'-.
« .Te reconnais que mes voix m'ont déçue », aurait dit .Teanne. L'a-t-elle
dit? Nous ne savons; mais si elle l'a dit. (|u'en conclure? Qu'elle a nié la réalité
de ces voix? Ce ne pouvait être .sa pensée, puis([ue avant el après celte scène
elle a déclaré à dix reprises celte réalité.
'i^i/t ^t/Una.n'U'.JâA^
LE SUPPLICE DE JEANNE.
369
Le fait csl que jusqu'au dcfiiicr joui' Jeaune d'Arc a espéré
sa (lélivranoe. Son cœur récLTinait cet espoir, et Dieu le lui
a\ait laissé. ( kiand ses voix lui disaient : » Ne le eliaille (]v
ton niail\re », elle croyait qu'elles lui parlaieiU de sa prison.
Placée, à la lin de ce Ioni>- tourment, devant une morl
inévitable, il lui fallut renoncer à toute csp('rancc. La lutte
dut être eli'rovable. Elle eut la sincérité de le reconnaître.
En essavanl de conclure de ses paroles <ju'elle avait à
nouveau renié ses voix, Cauclion a train Jeanne en même
temps que la vérité.
Il était dit que cet homme couduirail ius([u'an bout la haine
et le mensonge. Que sa mémoire dcmenre sous ce fardeau
(ju'il a assumé !
Il nous ri'stc à donner le récit dn supphcc de .Icanne.
Nous demandons (pi'ou nous épargni- celU' lâche
douloureuse, en nous permettant de laisser parler, dans
l'émotion et la sinc(''rit('' de leurs sons cuirs, ('{'[w <|ni onl
assisté à ci- Irisic s|)ectacle.
Aussi bien cpie dirions-nous qui pùl \aloir ce (|n'ils
diront?
Le récit (juc nous IrouNons dans la dcposilion de
l'huissier Massieu, semble être le pins complel ; nous le cilci'ous tionc eu
entier.
Après ^ini;l-cin([ ans écoulés, l'c^molioii rcssenlic au sup|)lice de .Icanne
par cet homme timide, mais bon, persisU' encore et se manifeste dans ses
paroles :
« Li' mercredi eut lieu rexéeulion. Dès le matin, après avoir oui deux
fois Jeanne en confession, frère Martin J^advenu m'envova lrou^(•r l'évèque
de Beauvais pour l'informer qu'elle avait confessé et demandait la commu-
nion. L'évèque réunit à ce sujet quelques docU'urs. D'après leur délibération
il me répondit : « A ous dire/, à frère Martin de lui donner la communion et
« tout ce qu'elle demandera ». Je revins au château et avisai frère Martin.
« t'.erlaiu clerc, messire Pierre, apporta à Jeanne le corps de Notre-
Seigneur ; mais il le lui a|)|)orla bien irrévérencieusement, sur une patène
enveloppée dans du linge ilont on couvre le calice, sans lumière, sans cortège,
sans surplis et sans étole.
te Clela mécontenta frère iMartin. Il renvoAa quérir une étole cl de la
47
Il GR\M>E .M\KTYKE
D'après la statue de Kt.ev.
Syo
JEANNE D'ARC R VCONTÉE PAR L'IM\GE.
JEANNF. TKro>IPH\M r.
D'iiprrs lii siiiiuc iKH^nci i.k
iiniiric, puis il ;ulmiiiislrii .Icaniu'. INloi pri'SfiU, clU' icriil le <'()r|>s i\v
NoIrc-SiMiiiicur lirs (lévolciiicnl cl en \crs;inl di-s lainics al)()M(l;HiU's. -
Guillaiiinc Maiiclioii, i;rcf(i('r, ajoiilc à ce icril les dc'lails
sui\anls :
<c l'oinail-oii (loiincr la communion à une personne
ainsi cléolarce cxoommiiiiirt' et liérélicjiie ? Ne fallail-il
|»as une absolution en forme de l'Eglise? Il fnl déMIxTC'
là-dessus enlic les juges el les conseillers. On décida
(|u'il V a\ail lien de lui donner, sur sa requête, le
sacrement de l'Eiicliarislic cl de l'absoudic an tribunal
de la pcnilcnce. »
La conduilc lie l'Iionunc est sou\t'nl faite de conlra-
diclions. (lelle niai(|Mc de sa nalurc apparaît surtout
dans les grands cxcuenicnls de sa \ie el lors(ju'il doit
prendre en publie i\t)v delcrniinalion gra\e. Hc'rodc csli-
uiail ,lean-l)aplislc el aimait à ne pas agir sans le con-
sulter : en même lemps il le tenait en prison.
Pilalc confesse la parfaite vertu de ,l(''sus-( hrist, cl
du nicnic coup déclare ([u'il le ^a •■ amender •> en le faisant (lagellcr.
C.auclion cl SCS assesseurs dcclarcnl Jeanne licrclicjuc cl relapse : ce (|ni
ne les cmpcclic pas de radmcllre à la conuuunion; (iauelion ajoute nicnie
que, avec l'Eucliarislic, il l'aul lui accorder ■ loul ce (|u'cllc demandera » .
(i'csl le plus clair a\cu de l'innocence de .b'amie (r\rc.
En Miile, c'est à diie comme l'ascal : << Quelle eiiimère est-ce donc ([ue
l'homme ! Ouelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contra-
diction!... Dépositaire du vrai, cloaque d'incertitude el d'erreur, gloire el
rebut de l'univers! qui démêlera cet embrouillement?...' •<
Retournons au récit de Jean Massieu :
« Jeanne, dit-il, fut menée au Vieux-Marclic'. Eièic Martin el moi, nous
la conduisîmes. Il \ avait un corlège de plus de huit cents hommes de guerre,
porlaiU haches et glaives.
« Sur le chemin, Jeanne faisait de si pileuses lamentations, ([uc hère
Mari in cl moi nous ue pouvions nous empêcher de pleurer.
« Au \ ieuv-Marché, Jeanne ouït le sermon de maître Nicolas Midi bien
paisiblcnu'Ul. Ec scimon fini, maître 'Midi dil à Jeanne : ■■ Jeanne, va eu
I. Pascal. Pfnsees. I. 1, |>. ii-i-
LE SUPPLICE DE JEAAAE.
3-.
" |»ai\. L"Eglise ne peut plus rien pour te défendre el le li\re au hias sc'culier >■.
'■ V ces mois, Jeanne, s'élanl ai>enouillée, fil à Dieu les |)lus dévoies
maisons. Elle eut une merveilleuse constance, monlranl apparences ('\ idenles
el grands signes de contrition, pc-nitence et ferveui' de loi, laiil par ses
piteuses et dévotes lamentalions (jue par ses invocations de la henoilc Tri-
nile, de la l)enoile glorieuse Vierge Mai'ie
cl (](■ Ions les benoîts saints du Paradis,
parmi les([ncls elle en nommail cxprcs-
semenl plusieurs.
« Au milieu de ses lamentations,
(h'votions et attestations de vraie foi, elle
demandait merci très liumhlemcnl a
toutes manières de gens, de (|iiel(|uc
condilioM ou clal (pi'ils iïisscMl, lanl de
l'autre parti (jue du sien, en rc(|ucianl
(|U ils \()ulusscnl bien prier pour elle et
en leur pai'doiuiaul le mal (pi'ils lui
avaient l'ait.
c< Elle continua ainsi un très long
espace de temps, comme une dciul-
lieurc, et |)ersévéra jus([u'à la lin.
ic (le que \o\arU, les Juges assis-
tants et même |)lusienrs Anglais l'urcul
provoques à grandes laiiucs, cl de lail
1res amèrement en plcurèreul.
« Plusieurs di'S Anglais |)rcscnls rr-
counaissaicnl et confessaient le nom de
Dieu au spectacle d'uni' si notable lin.
Ils ('laient joveux d'v axoir assiste, disant
(pic c'avait èle une bonne fennne. "
L'emolion fut vraiment universelle.
Frère Isambard de la Pierre l'assure à son tour, dans les lermes suixanls :
« Elle disait des paroles si |)ilcuses, dcNoles et cbrétiennes, que tous ceux
rpii la l'cgardaicnl, en grande multitude, pleuraient à cbaudes larn\cs. Le
cardinal d'Angleterre et plusieurs antres Anglais furent contraints de pleurer
et d'avoir compassion. Lui-niriiic r(''\è(|ue di- lU'auvais versa des plem's. »
Ce « lui-même -> est tout un monde!
.(mvnm: i> Aiu;
D'.inrcs le tiibleaii de Simon Vouet (xvu- sièc-lc),
[Mus.
il'Orîcans.
372 JEANNE D'AllC RACONTÉE PAU L'IMAGE.
« Quand Jt'aiiiR- fut dclaisscf par l'Eglise, j'étais encore avec elle, dit
Isamhard de I-.a l'ici-re. \i\]v demanda avec grande dévotion à avoir une
cioix. Lu Anglais en lit mie |)elile a\ec le bout d\[n hàlon et la lui donna.
(' Jearme la recul déxotement cl la i)aisa avec tendresse en faisant piteuses
lamentations cl oraisons à Dieu notre Rédempteui- (|ui axait souH'crl en la
croix poiu' notre rédemption, de laquelle cioiv clic avait le signe cl la rcprc-
scnlalion.
« Elle mit cette croix en son sein, entre sa chair et ses xêlemcnls. En
ouli'c clic me demanda liumhicmcnl de lui faire axoir la cioix de l'église, alin
([u'cllc la piil xoir l'ontinuellcnicnt juseju'à sa mort. »
I n aulrc Icmoin cite les paroles mêmes de .Jeanne : « Je vous prie aller
me cliciclicr la croix de l'cglisc voisine, pour la tenir élevée devant mes veux,
jusf(ues au pas di' la morl, alin (|uc la croix où Dieu pendit soit dans ma
vie conliimellcmcnl devant mes veux ».
« Je lis lanl. pouisuil Massicu, (|Me le clerc de la paroisse Saint-Sauveur
la lui apporta, (hiand on la lui cul ap|)orlce, Jeanne l'embrassa bien clroite-
mcnl et longucmcnl en pleurant, cl elle la serra dans ses mains jusqu'à ce (pie
son corps fui lie a lallaclic.
'< Pcndanl (|uc Jeanne faisait ses dévotions cl pileuses lami'Ulalions, les
soldais anglais cl plusiem's de leurs capitaines nous barcelaient, avant bâte
(pTclIc fût laissée en b'urs mains pour |)lulùl la faire moiuir. »
Ea sentence une fois |)rononcee |)ar Cauelion, Jeanne demeura " environ
uni' dcmi-licure > siu' l'i'slradc où clK' avait été placée.
II sembla ([ne les séculiers n'osassent pas s'cnq)ai'cr d'elle. Ea loi voulait
<pic le liailli prononcAl l;i condannialion. (Icllc formalité ne fut pas reni|)lic;
dix des lemoins ralleslcnt.
« A la suite de la sentence du juge ecclésiastique, qui l'abandonnait au
bras S(''culier, atteste lsami)ard de la Pierre, .Jeanne fut conduite au bailli la
présent, et celui-ci, sans autre dclibciation ou sentence, faisant signe de la
main, dit : << Menez, menez! » Et c'est ainsi (|uc .Icaimc fut menée au bûcher
où elle fut brûlée. «
« Je réconfortais Jeanne sur l'échafaud selon mon entendement, dit
Massieu, (juand ils me dirent : « Comment, prêtre, nous Icrez-vous diner
(' ici? )3
« Et incontinent, sans aucimc forme ni signe de jugement, ils l'cnvovèrent
au feu, en disant au maître de l'œuvre : « Eais ton office ».
« Accompagnée de frère Martin, Jeanne fut menée et attachée; et jusqu'au
LE SLPPLICE DE JEAN>"E.
3t3
LA FllANCE CHKETIENÎIK. JI'.SIIS ET I. V VIERGE ENTOURES DE L ANGE DE LA FRANCK,
DE SAINTIi GENEVIÈVE ET DE JEANNE d'aRC
Mosaïque t'\cculi-c iiii Paiitli«''uii, d'après le tableau de Hébert.
(Iciiiicr inomciil, clk- ((niliiiiia ses liiiiicnlalioMS dévoies oiucis l)ic'ii, saiiiL
iNlicliel, saiiik' (iallicriiic cl Ions les saiiils. n
« A la Un, ifprc'iid (iiiillaiiinc Alanchoii, inclinaiil la Iric cl iciidaiit
l'cspril, .loaiiiie prononça imicoic axic force le nom de Jésus. »
Un aulie lénioin, le ciné' Jean Hiquier, dil (jue .leaiiiic ne cessa,
pendant son su[)plice, de pionoiicer d'une \oi\ 1res forle le nom de " .h'sus ».
<■ Quand Jeanne \il incllre le léii au hùelier, elle se mil à eiier d'une
voix forle : i' Jésus! >■ el loujours, jus([u'à ce qu'elle trépassa, elle cria :
(' Jésus ! »
(Hiel ilrame en ces (pielipu's mois dits si simplement |)ar Jean Ri([uier!
On croit entendre ce cri de Jeanne, sa \t>\\ de jeune vierge, rendue' plus
perçante par l'eflroi et aussi par la ferveur, appelant à son secours le seul
ami, l'unique consolateur <jui demeure à l'àme croyante quand tous les
autres font défaut !
i< Elle ne voidut jamais révoquer ses révélations et [persista jusqu'à la
dernière heure », ajoute un aiitie témoin.
Combien de temps dura le supplice de Jeanne ? Nous ne savons. Les
3:4
JEANiNE DAUC nVCONTKK l'VH I/IMVGK.
.\iii;liiis a\;iiriil i'\\'j,v qu'on l)àlil lirs liiiiil rcclialMud de |ilà(ic (|iii l'urmail la
hasi' (lu l)iK-licr, aliii que la viclime fùl \ uc de loulc la l'ouk'. Ia' supplice de
rintoiliiuee eu lui plus cruel : elle fui moins \itc suiro([uée.
(l'csl le hoinrcau kii-nièmc <jui, cpou\anlc de ce (|u'il \enail de l'aire, a
rentlu ce leinoiunage quelques liiHn<'s après la niorl de .leanne d'Are :
'< .laniais, dil-il, l'exeeulion de nul ne m'a donne lanl de erainle <pie
l'iAc-culion de celle puci'lle, d'ahord a cause de son renom cl du i^rand Uruil
l'ail autour d'elle, puis à cause de la cruelle manière doni elle a ele lice cl
allacliée. >•
'■ De l'ail, ajoute Isanibard de la l'icrre, les Aui^lais a\aienl l'ail l'aire iwt haut
eclialaud de plâtre et, au rapport du dit exécuteur, •■ il ne la |)()u\ail hoimc-
<• mcnl ni i'acilenieni e\p(''dier' >■. axant peine a atteindre ius(|u'a elle. De toul
cela il elail l'orl marri et il a\ail i;raiidi' compassion de la cruelle manièri'
tlout on laisail mourir .Jeanne. >'
Jean ISinuier nous a dit (pie Jeanne ne cessa pas de prononcer d tnie \oi\
l'orle le nom de Jésus, jusfju'à
1-e (pi'iHe evpiràt.
l n aulic témoin, l'appa-
rilcur Leparmentier, ajoute :
■ Au milieu du feu, elle cria
plus de six fois : " Jésus! »
( ,e l'ut sui'toul en icndaul le
dernier soupir (|u'elle ci'ia
d une \()i\ forte : " Jésus! •■
Si liieii ([u'cllc put ("'Ire enten-
due de tous les assistants.
I*res(jue Ions pleuraient, |>ris
de pitié. »
Jeanne n'aui-ait tlonc
poussé ce cri que six fois envi-
ron. On xoudrait, s'appu\anl
sur ce témoignage, penser que
le supplice de l'infortunée ne
(hua (juc peu d'instants.
I. Il II ne la pouvait v.iprilier »,
c'est bien dans sa cru(iité le mot d"uu
bourreau familiarisé a\ec sa funèbre
bcsofiiie.
Ji;\>SE I.A PUCELLE
D'après la gravure Je Léonard Gaultier (1G12 .
LE SUPPLICE DE JEANNE. SjS
Dieu l'ail \()iilu ! l>'ai;oiiir qui avail pivct-dc celle du i)ùelier a\ail été si
longue et si cruelle !
Frère Isambard de la Pierre ajoute ee delail saisissant : « Ce même
bourreau m'affirma que, nonobstant l'iiuile, le soufre et le ehaibou ([u'il a\ait
appliqués contre les entrailles et le cœur de Jeanne, il n'avait pu arriver à
consumer et à léduire en cendre ni les entrailles ni le cieur. Il en était tout
étonné, comme d'un miracle évi-
dent .'.
Il ne s'agit donc point ici
d'une simple tradition plus ou
moins entacbée de légende, mais
d'un témoignage rendu par le
bourreau lui-même.
Plusieurs autres témoins \
font allusion, entre autres l'buis-
sier Massieu :
« J'ai oirï dire par Jean
Fleur\ , clerc cl grellicr du bailli,
qu'an rapport du bourreau, le
corps étant consume et rc'duit l'ii
cendres, le C(cnr de Jeanne elail
reste intact et ])lein de sang >>.
« A ce ([u'il me semble, dil
rarcbidiaere Marguerie, après la
mort tic Jeanne, ses cendres, par
ordre du cardinal d'Angleterie, fu-
rent réunies et jetéesdansia Seine. >
Massieu lui l'affirma :
« Le bourreau eut l'ordre de recueillir les cendres de Jeanne et tout ce
(jui restait d'elle et de le jeter en Seine. C'est ce qu'il lit. '
Terminons <•(■ douloureux récit par le tc-moignage sui\anl :
« Presque tout le peuple murmurait (|u'il ctail fait à Jeanne grande injure
et grande injustice. J'entendis pailiculièrement des paioles cxpressi\es de
Maître Jean Tessard, secrétaire du roi d' \nglelerre. Il rc\enait de la place
où Jeanne \enail d'être brûlée ; je le xis triste, dolent cl gémissant, il se
lamentait sur ce (|ui avait ètt' fait et déplorait le spectacle dont il avait <''t(''
témoin au lieu (\[i snpplici'. " Nous sommes tous perdus, disait-il. car c'est
I.'kXEMPLE 1)1. I.l fl t.1,1.1.1. I.MIAIUIII IIS MIRIFS COF.URS
DE iii\>c:i;
Olîuvrc ilr Mautis le Franc, (xv siccIc.;
376 JEANNE D'ARC UACONTÉE I'\R L'IMAGE.
iiiu" l)oniu' saillie personiu' (jii'oii a l)ri'ilc('. ,1c crois son âme dans la
main de Dieu cl je crois damnés tous ceux qui onl ailhéré à sa condamna-
tion. »
« Je suis ccilain, ajonic le s^i'cffier Boisguillainiie, que les jui^cs cl leurs
complices encoururenl une i;iande noie d'inraniie de la |)ail du peuple.
Quand Jeanne fut brùice, le peuple monliail les auleurs de sa moil cl en a\ail
llOI'l'CUl-. »
Ainsi, les flammes où périt Jeanne d'Arc n'étaient pas encore éteintes, que
déjà l'histoire el la postérité commençaient de lui rendre justice; elles pro-
uonçaient le premier mot de l'immortel plaidoNcr dont notre temps présent
écrit une si belle pai;e et (pie les siècles à ^clnr achèveront, tant au nom de
la reliijion qu'au nom de la pairie.
Du même coup, les jui;es et les l)ourrcau\ claicnl marf[ués d'un signe
(Mii ne s'eUacera plus : ■< le peuple li'S moulrail cl en a\ait horreur. »
Unissons-nous au >> |)ciiple -■ dans ce jusic jugement (pi'il a porU' sur
eux. Ne recherchons, pour essaxcr de les dci'cndre, ni les distinclions ingé-
nieuses, ni les \aincs suhlililés. Laissons-les tels <pie les a faits la mort de
leur victime. " Je meurs par \ous •■, leur disait-elle. (Jne << par clic ■■ \\\e et
demeure la lourde cl juste si'iitciicc dont le mol \cugeur les a fra|)pes. Nous
servirons ainsi la foi, le patriotisme cl celle justice immanente par hupiclie
Dieu habite au milieu de nous el (jui a dans notre âme une naturelle cl \ivace
racine.
Mais puis(|u'ils étaient Français et que tous nous a\(ms, fils de la France,
à rougir de leur mémoire, je demande «piun jour prochain leurs noms soient
raves de l'histoire tle la i'alric cl (jue l'oubli couvre de son \oilc ce (pi'ils
furent el ce (pi'ils ont fait.
Oui, oublions-les! Souvenons-nous de Jeanne seulement, de sa vie el
lie sa mort.
De sa Aie, pour bien entendre à quelles sources l'Ileroïne en a ptiisé la
haute vertu, la nolilesse et la fécondité; pour imiter, chacun dans notre sphère,
non pas tant l'éclat (pii la marc pie et pour lequel la plupart d'entre nous ne
sont pas faits, (pie le courage, l'inébranlable constance et la parfaite alinéga-
tion dont elle fut jalouse jusques au bûcher. Souvenons-nous eu, pour aimer la
Patrie et nos concitoyens de la manière dont elle a aimé et servi la France et ses
frères. Que son exemple soit l'école de notre palriolisme.
Souvenons-nous de sa mort, pour la pleurer, comme une des plus grandes
ini(juilés dont runi\ers ait été le témoin. Que l'ardeur de notre culte national
LE SUPPLICE DE JEANNE.
377
et la grandeur de notre
amour pour eelle sublime
enfant déjjassenl la haine de
ceux qui l'ont fait mourir!
Que le souvenir de eette
iniquité dememe de^anl nos
yeux, pour nous melire en
garde eonire l'enlrainemenl
des passions mau^aises, sem-
blable à ces signaux (|ui dans
les montagnes mar([uenl les
aliîmes ciu'il faut é\iler, ou
à ceux (jui dans l'Océan in-
diquent les éeueils et rappel-
lent les naufrages fameux,
(hie les gr-ands surloul en-
lendenl eelle leçon !
Sou\en()ns-nous, non
seulement avec une immense
pilié pour la \iclime, mais
a\ee une sorte de remords;
eai- Ions nous a\ons eu (|uel-
ijue ancêtre au pied du bû-
cher de Jeanne. Hois, seigneins, eliel's d'arme e, cAècjues el prêtres, magis-
ti'ats, gens de lellres el de sciences, |ieuple el bourgeoisie, tous nous a\ons à
déplorer eelle lâche nalionale, car tous parmi nos pères oui laisse mourii'
celle (pii nous a sauvés.
(lonfondons-nous en de comnums regrets, au lieu de nous jeler muluelle-
menl au xisage, comme une injure, le nom de noire conununc \iclinie.
Mais soyons fîers aussi au sou\enir des grandeius île Jeanne, de sa
haute vertu, de sa piéle, de son grand courage, de son génie el de sa
bonté.
De^anl son image el à l'i^oealion tic son souvenir, so\()ns luiis el faisons
trêve aux querelles (pii nous di\isent.
()ue, sous son regai'd doux el forl, nos luttes sociales, religieuses ou
polili(pies s'a|iaisenl au moins pour un jour clnupie année, puis (pie peu à peu
celle paix s'elende et (pie nos blessures se fcrmeni , par le fait de celle lille
48
i)-.,i
I.l- 61 l'IM.ICl. IJK JI-.VNM". I> AlU;
c:ni-lbrtc de BlDA, extrait»- lie Jeanne t/'.Ir
|Mi- Micilti.F.ï. (llmlicllc et C"',
■,/iU:
■■)
a-s
JEANNE D'ARC RACONTÉE l'VR L'IMAGE.
pieuse, vaillanle et douce, qui " ne ^il jainais couler le saug de France sans que
les clieveu\ lui dressassent sur la lèle ». Que cette sceur aînée de la grande
famille française réunisse les frères qui l'aimenl et qu'appartenant à tous, elle
pacifie tout le monde.
(Uiand on hii demanda ponrcpioi clic a\ail déposé son armiuc sur l'autel
de saint Denis après le siège de Paris : « Par dévotion, dit-elle, comme c'est
accoutumé parmi les hommes d'armes quand ils sont blesses,... parce (juc
c'est le ( '.v'i de France » .
<^)uc son nom nous soit comme un cri de ralliement, si l'cinicini icvcnait;
mais (ju'il soil surtout poui' nous comme un appel de concorde et de pacili-
ealion.
Que devant l'élranger diuis la guerre, (prcnli'c nous dans la paix, le nom
de Jeanne soil désormais le « Cri de France ».
« ET TOt'JOVlKS, JlsyU A CE QUELLE THESIM5S\,
ELLE CHU : « JÉSUS ! »
I)'.ij>rcs I.i médaille Je KoTY.
i
TABLES
Des Matières et des Gravures.
GRAVURES HORS TEXTE
Jeanne d'Arc. (D'après la staliie de Paul Diiliois, érii^éesur le parvis Notre-Dame
il Reims) Frontispice
Jeanne écoulanl ses voix dans le jardin de son père. (D'après le laijleaii de
Bastien Lepag^e. Musée de New York) 20
Jeanne entend ses voix. (D'apiès le tableau de I>.-F. Benouville. Musée de
Reims) 48
Jeanne îi Domremy. (D'après le marbre d'Henri Cliapu. Musée du Lii.teiii/'ouri;) . 80
Jeanne entend les voix du Ciel. (D'après un carton d'E. Grasset. Cof/rc/iou île
M. Gaudiii) 108
La vocation de Jeanne. (D'après le j^roupe en marbre d'AïUonin Mereié) .... i 36
L'attaque du château des Tournelles. (D'après le carton d'Albert IMaii;nan.
Colleetion de M. Champigneulle) IJ2
Entrée triomphale de Jeanne à Orléans. (D'après le tableau de J.-J. Seherrer.
Musée d'Orléans) 168
La délivrance d'Orléans. (D'après le laldcau d'Vman Jean. Musée (T Orléans) . . . 188
Jeanne d'Arc au sacre de Charles Vil. (Tableau de J.-D. Ingres. Musée du
Louvre) 223
Charles VII, roi de France. (D'a|)rès un tableau de l'école Crançaise. Musée du
Louvre) 248
La Cour de Justice. (D'après la miniature de Jean Fouquet. l'>ibHothè<iue de
Munich) 276
Jeanne d'Arc. (D'après la statue de Frémiet, érigée place des Pyramides à Paris). 3o8
La Vierge et l'Enfant Jésus, entourés de saint Michel et de Jeanne d'Arc. (Tableau
votif du xv'^ siècle. Musée de Versailles) 336
Jeanne d'Arc. (D'api'ès une miniature du xv° siècle. Colleetion de M. Geori;es
Spetz) 348
Le supplice de Jeanne il'Arc. (^l'ar E. Lenepveu. Peinture murale du Panthéon) . . 368
GRAVURES DANS LE TEXTE
AYANT-PKOPOS
Le sommeil de Jeanne à Jai'geau. fD'après le tableau de Joy^
Jeanni' la Piicellc. (Slatuelle en bi-oiizc du \v'' siècle)
Jeanne la Puérile. (Fragmrnl d'uni' slalue du xV siècle. {Miisc-e du Trocadéro) ....
Jeanne victorieuse. (^D'après la slalne de l''r(''miel, érigée à Nanc}';
La Pucelle. (D'après une |)la([ue en émail du xvi" siècle. Collection lluldni du
Lys)
I
DOMREMY
LES PARENTS DE JEANNE ET SA MAISON — SON ENFANCE — SES VO[X
Les voix de Jeanne. (D'après le lablcaii de Pierre Lagarde) i
La sainte d(^ la patrie. (Buste d'E. Clialroussi»! i
« Jeanne parlait à Dieu ». (D après lui dessin de Dubois-Ménant) 2
La maison où naquit Jeanne à Doniremy, état actuel. (D'ajirès une iihotographie^ . ... 3
Entrée de la maison de Jeanne d'Arc à DonircTriy. état actuel. (D après uncpliotograpliiel. 4
Jeannette aux champs. (D'après le tableau de M""-' Demont-liretonl 5
Eglise de Domremy, état actuel. (D'a{)rès une pholograpliie) . 6
Jehannelte. (D'après un médaillon de Pérou) 7
Domremy et la vallée de la Meuse. (D'après une photographie) 8
Jeanne enfant. ^D'après le tableau de J. Henner) 9
Jeanne enfant entend ses voix. (D'après la statue d'Albert Lefeuvre) ■ . 11
« Va, fille de Dieu, va ! ». (D'après un dessin de Philippoteaux' 12
« L'archange saint Michel I entretint de la grande pitié du royaume de Franc(! ».
(D'après le tableau de L.-F. Cabanes) lî
Vision de Jeanne d'Arc. (D'après un dessin de Lecurieux' ij
Les voix de Jeanne. (D'après une eau-forte de Bida. Extraite de l'édition illustrée de
Jeanne d'Arc par Michelet) lO
L'angelus de Jeanne (D'après le tableau de U.-J. Lucas. Musée d'Alger] 17
Jeanne d'Arc et ses saints. (Médaille de Dropsy, d'après le groupe d'AlIar) 18
« J'avais treize ans quand j'eus une voix venant de Dieu. » (D'après le tableau de
IjCniattel 19
384 TABT.E DES GRAVURES.
Joanno lilant à côté de son pùro. (D'aprts une graviiro clos Vigiles do Cliarlos VII do
i4;)5- Musée Carnai'(i/cl) 20
Ciiambre de Jeanne d'Arc à Donircmy. olat a<Uiol. (D'après une photographie). ... ai
Chambre dans hi maison de .loanno d' Vro, étal aotiiol. (D'ajirès inie photographie!. . . ?.i
Les saints de Jeanne lui ordonnent de secourir la France. (Groupe d'Allar à Domrenivl. l'i
K La voix me disait : « \ a on France, » et je ne pouvais ))lus durer tiii i'('lais. >■ (D'après
la peinture itnu'ale du Panthéon par E. Lcnepveu) •l'i
Jeanne à Domreiny. (D'après une statuette de Fréniieli 27
Jeanne entendant ses voix. (Dessin de Prouvé et Cai'ol jKinr le missel do Joaniio d'Arc. 28
Jeanne au liois Chenu. (D'après un dessin de Vilal-DuliiMV. Miisrc Jctiniic (t Arc, à
Orléans) 29
Les voix. (D après lo tableau d'Adi-ieu lîonnefov) '^ i
et La Franco perdue |)ai' une femuu' sera regagnée par une Vierge lorraine. » (D après
le inlileau do H. -P. Delanoy) S'}
L'inspiraliiin. (D'après le tableau de Dueis, i825) 5f
Jeanne d'Arc écdul.uil ses voix. (D'a|ii'ès la statue d'V. Elox dans Ic^gliso d (Jrsay). . . 'î >
l)iiiiiron]\ . n'aprèN la UMnlaillo d'O. Iloty) 30
II
Y\l COI LEURS
piîi'.Mii'.iî V()\ \<;k i)f. ji;\nnf — jf.vnnf et iî ai diîicoi is r
SECOND VOYAGE — DL RAXD FAX A HT
La Pucelle chassant les Anglais. [D'a|)rès une gra\uri' de Cochin. Jj'ib/iol/icqiic natio-
nale) ;i-
Jeanne entend ses voix. (D'après la statue d'André Vilar. Biisi/ifjiie <le Domreiny) . . . 'i-j
« Il faut <pie j'aille, et j'ii-ai. >> (D'après la statuette d'André Massoulle) 38
J^a voix me disait : « Va en France >>. (D'après le tableau de Jacques Wagrez). ... 3f)
Lo départ de Vaucouleui's. iD après la poinlui'e nnn'ale du Panth(''<in. ])ai' Lenepveu) . . lf\
Jeanne d'Ai'c. (D'ai)rès la statue do F. Bogino) ',2
« Va au secours du roi de Finance, tu lui rendras son royaume. « (D'après lo tableau
d'Eugène Thirion* • /,3
Château de Vaucouleurs. élal acinol. (D'après une pliiilograi)hiei ',î
La Pucelle. (D'après une miniature d'un mamiscril dn \vi^' siècle) .\G
Le songe. (D'après une lithographie do Chassolat, 1820) /,7
I^es voix. (D'après un bas-relief do Foyatior. Musée d'Orléans] ',9
Jeanne écoutant ses voix. (D'après la slatno do G. Clère. A/hscc (/c t7/«7cr/(/f/«/(). ... 5o
J^a jeune pastoure. (D'après le tableau de Bortoaux) 5i
Les vainqueurs des Anglais : Jeanne d'Arc, Dugnay-Trouin et Tour\illo. (D ajjrès une
gravure de Berthet, xvni'= siècle) 53
Jeanne d'Arc. (D'après la statue en marbre de V. Rude. Musée du Louvre) '7',
Crypte du chrueau de Vaucouleurs. (D'après une photographie) .5Ï
Jeanne à Notre-Dame de Bermont. (D'après la statue de Loiseau-Bailly) 5y
La libératrice de la î"rance. (D'après une esquisse d'Auguste Préault. Musée Jeanne
d'Arc, à Orléans) 58
Jeanne à Domrcmy. (D'après un dessin d'Alphonse de iNeu\illo 5y
TAI5IJ': DKS GRAVURES. 385
La Pucollf Ycnanl au secours de la France. (D'après la gravure d'Abraliain Bosse) ... Gi
La libératrice de la France. (D"après le tableau de Jean Benner) 62
Maison où Jeanne logeait à Vaucouleurs. (D'api'ès une photographie) 63
Le départ de Vaucouleurs. (D'après un carlon de M. Lorin) G3
Chapelle Sainte-Libaire, près de Vaucouleurs, état actuel 66
Jeanne d'Arc. (D'après le médaillon d'Henri Cliapuj 67
Jeanne d'Arc et le capitaine de Baudiicourl. (D'après le tableau de Gaston Mélingue
offert au Musée Jeanne d'Arc par l'auteur) 69
La Vierge des Gaules. (D'après un bas-relief de Saglier) ^i
Jeanne d'Arc. (Statuette en bois peint du xvi<^ siècle. Collection Art/ics) ■ja
Porte de France à Vaucouleurs. (D'après un [)liotographie) -j'i
Jeanne et son escorte quittent A^ancouicurs, 2'} lévrier i (29. [D'après un dessin de
Malatesta) 7J
Départ de Vaucouleurs, le 23 février I ',29. (D'après le lalileau de Scherreri 77
Adieux de Jeanne d'Arc au capitaine de Baudricourt à Vaucouleurs. (D'après le tableau
de Millin Duperreux, 18 17) 81
Jeanne d'Arc. (D'après une copie de la peinture allrif)uée au roi Reni- 82
Fragments de la chapelle du Bois Clieiui. fronton et clef de voûte. (D'après une pliolo-
graphie) 83
Jeanne d'Arc et Vercingétoi'ix. (Prnj<'l de inoninnenl. drdiv aux ujarlyrs de ! indi'pm-
dance nationale par Emile Chatrcjusse, 1872 8j
Jeanne d'Arc. (D'après le Ijusle de Pécouj 86
Jeanne d'Arc se rendant auprès de Chai-les VIL (D'après le i-arloii de A. Grellcll ... 87
La Pucelle. (D'après une médaille. /Jibliothr/jiic nntionalc) 88
III
Cil IN ON ET poil 11: Il S
ARRIVÉE A CHINON — LES ENNEMIS DE JEANNE ET SES AMIS
LES PREMIERS JUGES DE JEANNE
Jeanne aux pieds du roi à C.liiiKin. D après le dessin de Vital-Dubra\ . Musée Jeanne
d'Arc, à Orléans) 89
Jeanne d'Arc. (Buste d'A. Le Véel) 89
La Journée des Harengs. (D'après un riiaiiusc ril fi-aiicais du w'^ siècle. Bibliotlièque
nationale] 90
Vue du château de Chinon. (D'après une photographie) 91
Arrivée de Jeanne d'Arc à Chinun, le 6 mars 1429. (Reproduction d'une tapisserie
flamande du milieu du xv" siècle, achetée à Lucerne en i8ï8 par le marcjuis d'Aze-
glio, qui en lit don à la ville d Orléans. Musée Jeanne d'Arc) 93
La Pucelle amenée au roi. (D'après un manuscril français du xv'' siècle. Bibliotlièque
nationale] 95
Ruines du château de Chinon où Jeanne lui reçue par le Dauphin, le 8 mars 1^29.
(D'après une gravure du xvii'^ siècle. Bibliotlièque nationale] 97
Comment la Pucelle vint devers le roi. (D'après une gravure des Vigiles de Charles VIF
par Martial d'Auvergne. Musée Carnavalet] 98
« Je reconnus le roi, entre h>s aulres. par le conseil de ma voix. » (D'après un dessin
de Cabasson) 99
49
386 TABLE DES GllWlRES.
Sceau du roi Charles VII. (Conservé aux Arclihrs iKiliniialcsl loi
« Faites don do votre royaume au Roi des Cienv. cl il lira pour vous ce f(ii'il a lail pour
vos ancèlres. » (D'après la litiiograpliic de Cluisselal, iSiyj io3
Charles VII entouré de Jeanne d'Arc et de sa cour. (D'après une niinialure des \ igiles
de Jean Chartier, w^ siècle. Bibliotlicqiic de l'Arscntil) loi
Jeanne d'Arc. (D'après la gravure d'André Thévct, i58'() io5
Sceau de Dunois io6
Dunois, dit le hâlard d'Orléans. (D'après une nLlnialiii-c d'un manuscrit trançais datant
de 14Î0. Bibliotlicquc nationale) loj
Dunois, le bâtard d'Orléans. D'après une slainc en pierre peinte du w"" siècle, conservée
dans la chapelle du château de t^hàleaudun' 108
Lahire et Xaintrailles. (D'après la miniature d nn njanusci'il du xv" siècle. Ijibliothrqiir
nationale'! mij
Sceau de Lahire 110
Lahire et Xaintrailles à la lèle de leurs f^cns d'armes. (D'après une minialure d'un
manuscrit français. liihliotlièquc nationale] 1 1 1
Jeanne est présentée au roi. iD ajirès une niinialnrc d'un Miannscril Irançais. BIbliotlil-qiic
nationale i '3
MoiMiaie du dauphin Charles VII ii'i
Jeanne d Arc, célèbre héroïne française. iD'api'ès la gra\ure de J. Voyez. 178^). ... ii3
Sceau de La Trémollle 116
Jeanne d \i'c est interrogée par les docteui's cl scigiieni-s à Poitiers. D après uni' acpia-
relle de F. DuTuonl 117
Jeanne devant les docteurs à Poitiers. iD'ai)rès le dessin de Bida extrait de Jeanne
d'Arc, par Michelet) lao
Charles VII et la Pucelle. (D'après le dessin de C.-N. Cochin, gravé par Prévost). . . . 121
Jeanne d'Arc. (D'après un dessin de Raffel, gravé par Uonsonette) la'i
c< La gentille Pucelle » (D'après la gravure de Gaucher) 12 i
Jeanne d'Arc. (D'après une ancienne gravure de Charles do Grassailles. Bibliotlièqne
nationale) 12^
« C'était plaisir do la \iiir répondre. » (A(iuarelle di' IJonloI de Monvel. Exti-ailo de
Jeanne d'Arc] 127
Jeanne d'Arc du Lis. Pucelle d'Orléans. (D'après le tableau de Cauraont, xvi'^ siècle.
Hôtel de Ville de Rouen) 129
La Pucelle. (D'après un émail du xvi'^ siècle. Collection de M. Jarri/ d'Orléans; . ... l'ii
Jeanne d'Arc. (D'après le médaillon d'A. Le Véel) i32
IV
TOURS ET BLOIS
TOURS — LA MAISON MII^ITAIRE DE JEA?s"NE D'ARC
BLOIS — RÉFORME DE L'ARMÉE
Charles VII remettant à Jeanne d'Arc l'épée pour coniliattre. (D'après le bas-relief de
Gois (1802) i'5'i
La vierge armée. ^D'après une gravure sur bois du début du siècle) iTi
L'ange de France. (D'après une miniature peinte sur parchemin : initiale d'un aiiliplm-
naire du w" siècle. Collection de M. G. Spetz] i34
TABLE DES GRAVURES. 887
Fac-similé de l'extrait du folio ci.xiii du « Livre tanné » de Cahors i35
Plan de la ville de Blois. (D'après une gravure du xvi"^ siècle. Collection de M. l'abbé
Develle) iSr
« J'avais une bannière dont le champ était semé de lis. >■ (D'après le tableau d'A. Grellet). i38
Jeanne d'Arc. (D'après le tableau de Pinta. Co//ef/wn rfe jlf. /"r/cî^/'l 189
Concession d'armoiries faite par le roi Charles VII à Jeanne d'Arc le 2 juin i 129.
(D'après le manuscrit d'un registre français daté de i 539. Bibliothèque nationale.
n° •')Î24l 140
Jeanne d'Arc est armée chevalier, à Blois. (D'après le dessin de F. Duniont publié
dans le Ilurper's May^azdne] l 'i '
L'envoyée de Dieu. (D'a[)rès un médaillon d'E. Dropsy) i4'>
Les armes de Jeanne d'Arc. (Revers d'un médaillon d'E. Dropsyj 1 46
Jeanne d'Arc fleur de la chevalerie. (D'après un dessin à la sanguine de Vignon,
xvii" siècle, liibliothiujue nationale] 147
Jeanne d'Arc. (D'après la statue de M""^^ la duchesse d'LTzèsl 148
Jeanne armée chevalier par le roi. (Gravure tirée des Vigiles de Charles VIL Biblio-
thèque nationale) I 19
Jeanne d'Arc et les saints champêtres. (D'après la peinture de Josejih VuIk rt dans
l'abside de l'église Notre-Damo-des-Chainps à Paris) iJi
Actions de grâces! (Statue en marbre polychrome d'Allouardj iSa
Jeanne envoie aux Anglais un message leur enjoignant de sortir de France. (D après la
gravure en couleurs de Roger d après Sergent. Bibliothèque nationale] i53
Jeanne pacificatrice. (D'après la statue de ('.han]])igiicullr jioiii' le moiuiiurnl de Ber-
mont) i54
L'épée de la France. (D'après la gra\ure de Le Blond, xvii= siècle. Bibliothèque natio-
nale) i55
Le dépari de Jeanne. (D'après la statue d'Armand Le Véelj i56
V
ORLÉANS ET UEIMS
DÉLIVRANCE D'OUI, ÉANS — SUR LA ROUTE DE REIMS
I.E SACRE DU ROI CHARLES VII
La ville d'Orléans de 1428 à 142g. (D'après une reconstitution faite par M. Lisch,
architecte du Gouvernement) i îy
La Vierge lorraine. (D'après une gravure de Chadowicki ijy
Siège d'Orléans. (D'après la minialine d'un manuscrit français « Les Vigiles de
Charles VIT », daté de t ',8',. Bibliothèque nationale) i Sg
« En avant! tout est nôtre. >> [Statue é(pieslre de MM. M. Moreau et P. Le >'ordez.
Appartient à la Société des Fonderies du Val d Osne\ lOo
Sous le fort des Tournellcs. [D'après le dessin de F. Duuiont. publié dans le Uarper's
Magazine] 101
Les enceintes de la ville d'Orléans. (D'après un ancien plan) ifi'î
Siège d'Orléans. (D'après la ujiniature d'un nianusi ril français du w"^ siècle. Bibliothèque
nationale) 104
G)
G6
G?
(i8
388 TABLE DES GUWURES.
« Ayez bon ((riir, el vous aurez la liaslillc sous bref délai. >> (Bas-relief Je Foyalier.
Musée Jeanne d'Are, à Orléans!
L'armée du roi assiège la ville d'Orli'ans. (D'ajH'ès la iniiiiatui'e d un uiaïuiseril Ir.uit-ais
du w" sièele)
Jeanne au combat. (D'après un bas-relief exéeuli' [)ar Gois en iSo'i; aeluelleinenl à
Oi'léans
Jeanne d'Are au sièye d'Orléans, ^(iravui'e d AlH-aliani liosse, d après \ iynon, pour la
Puccllc de Chapelain)
« En nom Dieu, relirez-vous, ou je vous chasserai. » (D après un dessin de Valentini) . .
« Onand le vent pous.sera les bannières vers la bastille, elle sera à vous. » (D'après une
pi-inini-e nuii-ale exécutée par Lenepven an l'anllii'dnl
Orléans délivré par la Pueelle d'Orléans, 8 mai i V>iJ- ^Gravures extraites du i-ccueil (h'
Jean de Vîrie. i()'5(j. Bihliollièfjur iintionale]
Médailles Irappées en Ihonncnr de Jeanm.' d'Are. (Kxirailes du recueil de Jean de lîrle.
lJiblwlli<'<iiir niilionale^
Jeanne combattant. (Gravure de Duplessis-li<rtaux dajirès La File)
Le siège d'Orléans. (D'après le tal)leau de Borel, gravé par Marchand. 1789]
Jeanne blessée sous Orléans. (D'après un dessin d'A. de Meuvillc jiublié' dans V llistoivr de
France de Guizot)
Jeanne d'Arc. (D après une statue de Beylard)
Jeanne blessée à Orléans. (D'après une lilhogra})hie de (^liasselal, 1819)
Entrée triomphante de larméc royale à Orléans. (D'après un dessin de Philippoteanxj .
Après la victoire. Jeanne rendant grâces à Dieu, il) après le bas-rclici' de Ko\atici'. Musée
Jeanne d'Arc, à Orléans;
Cathédrale d Orléans. (D après une pbolograpliie)
Entrée de Jeanne d'.Vrc à Orléans. iD'a|n'ès le dessin de Jl.\l. 'l'ronxé et Carol ponr le
missel de Jeanne d Arc. Collection de M. l'ubbc Lcmerle]
Entrée de Jeanne d Arc à Orléans. (Bas-relief de Foyaticr)
Décapitation de Franipiet d'Arras. iD'après un dessin à la ])lume tiré des Chroniques de
Monsirelet, manuscrit exécuté à Gènes en iliio. liil/lioiliéijnr nationale]
L entrée à Orléans. (D après la peinlure nnn'ale du l'antliéori. par !,( iie|iven
Jeanne victorieuse. (D après la statue de Le Aéell
Jeanne acclamée par les habitants de (iliàteaudun. [D après le tableau de Lcclievalliei'-
Clievignard. Musée de Cluileaudiin]
Gerson, défenseur de la Pueelle. (Panneau en bas-rclii-f du xv'' siècle. Collection de
M» Le .\ordez)
Souvenir de la fête conimémorali\e donnée en I hcmueur tie Jeanne d Arc à Orléans.
^Co})ie de la bannière exécutée au xvr' siècle]
Scuvenir de la fête eomniéraorative donnée en l'iionneur de Jeanne d Arc à Orléans.
(Copie de la bannière exécutée au xvi'' siècle. Revers)
Jeanne d'Arc. (D'après la statue de Foyatier érigée place du _^lartroi, à Orléans) . . .
Maison du commencement du .x\r' sièele, rue du Tabourg, à Orléans
Jeanne d'Arc. (Statue de Gois érigée en 1802, à Orléans)
Attaque de Jargeau. (Miniature d'un manuscrit français « Les Vigiles de Charles \U »,
1484)
Jeanne d Are à Loches. (D'après nue aquarelle de Boutet de .Mon\el, extraite de l'album
Jeanne d'Arc)
Bataille de Patay. (Bas-relief de Foyatier. Musée Jeanne d Arc, à Orléans) 200
Attaque du pont de Jargeau et Jeanne à l'église Notre-Dame-de-Cléry. (D'après le vitrail
de Léon Ottin à l'église >'otre-Danie-de-Cléry) 201
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TABLE DES GRAVURES. 389
Jeanne d'Arc conil)allant. (D'après un croquis d'Auguste Pn'ault. Mi(src Jeanne d'Arc). 202
Bataille de Pata\ , 18 juin i ',28. (D'après une gravure tirée des Mcnioraù/cs joiirnccs de
France: Paris, iG',7. Bbliotlicque nationale) 2()3
Jeanne à la bataille de Jargeau. (Bas-relief de Foyatier. Musée Jeanne d Are, ;i Orléausj. 20',
Prisonniers amenés à Jeanne d'Arc après la bataille de Patay. (Bas-relief de Foyatier.
Musée Jeanne d'Arc, à Orléans) 204
Bataille de Patay, 18 juin 1428. (Dessin à la j)lnine tiré des Clironiqucs de Monstre/et) . 2o3
Après la victoire. (Statue de Paul Aubert) 206
La Pucelle conseille au roi de persévérer à faire le siège de Troyes. ^Miuialure du
manuscrit des Vigiles de Charles VII, 1484) 207
Comment ceux de ïroyes se rendirent au roi. (Miniature du inaniiscril des \ igiles
de Ciiarles VII, 148 |. Bib/iol/iè(jue nationale) 207
lïi'ddilion de Cliàlons-sur-Marne. (Miniature du manuscrit des Vigiles de Cluu'les VII). 208
Arrivée à Beinis. ^Gravure de Poinssart. Bihlioliièquc nationale^ 201)
Jeanne au sacre de Charles VII à Bcims. ^D'après une eau-forle de Bidal 210
(^aliiédrale de Reims. (D'après une photographie] 21 r
L'année royale devant Eeims. (Gravure en couleurs de Moret d'a[)rès l)r>liiiiiaines,
Bibliothèque nationale) 212
Sacre du roi à Reims. (Minialnrc (In manuscrit des Vigiles de Charles VII) 2i3
Jeanne d'Arc au sacre du roy à Reims. (D'après le dessin de MM. Prouvé et Carol) . . 214
Charles VII reçoit de l'archevêque de Reims l'onction et la couronne. (D'après le
tableau de Duujonl) • 21 j
Jeanne d'Arc au sacre. (D'après la slaluc d'Emile Lafont) 217
Jeanne conduisant le roi à Reims. (D'après l'esquisse d'Ary ScheH'en 218
Sacre de Charles ^11, 17 juillet i '129. ^D'après la peinlure murale <lii l'aiilli('(iri. par
Lenepveu) 21g
Couronnement du roi à Reiujs. (!) après la minialiire d nu manuscril français du
xv' siècle. Bibliothèque nationale) 221
Jeanne d'Arc au sacre. (D'après la statue de Saint-,\larceaux) 222
Le sacre. (D'après le carton de Lionel Iloyer) 223
Médaillon en vermeil du xv° siècle. f.V«.scc /(■((/(/((• (/.l/'c, à Orléans) 224
VI
DEVANT PARIS
GÉNIE ET PATRIOTISME EN JEANNE D'ARC
A .SAINT-DEM.S .SOUS PARIS
Le siège de Paris. (Tableau de Carrier-Relieuse) 223
Jeanne pleurant à la vue des blessés. (Statue de la princesse Marie d Orléansl 223
Jeanne dictant une lettre à son aumônier. (D'après le dessin de Bida) 227
Sonnette avec manche représentant une statue de Jeanne d'Arc. [Musée Jeanne d Are, à
Orléans) 228
Après avoir terrassé le léopard d Angleterre, Jeanne remet à Dieu son étendard.
(Groupe en bronze de M. le comte G. du Passage) 229
Après la bataille. Jeanne pansant un blessé. (D'après une aquarelle de Diinuml publiée
dans le Harpers Magazine) 2ji
Sgo TABLE DES GRAVURES.
« Venaieiil ;i iiini Irrs vdioiiliers les paiivrrs gens. pDiir i-e (|iio je ne leur faisais puint
déplaisir. » (D'après une aquarelle de Boulet de Monvel. extraite de l'alliuiu Jeanne
cl Arc) 233
Jeanne allant au condiat. (Bas-relief de Foyatier. Musée Jeanne d'Arc, à Orléans) . . . 234
Flacon avec l'image de la Pucelle. (Fabrication moderne) 23'»
Charles VU, roi de Boui'ges. (D'après la miniature d'un manuscrit français des VigiU'i.
de Charles Vil daté de l'iS',. Bibliol/ièrjne nationale) 23G
La Pucelle priant. (D'après une gravure anonxuie du xvii'' siècle. Bîblioi/ùv/iie naiiona/r . l'i-j
Monnaie de Charles VII 238
Portrait et représentation du vrai simulacre (pii fut l'ievé sur le pont d'Orléans, i458.
(D'après la gravure de Léonard Gaultier, iGrî) 23<)
Jeanne d'Arc. (D'après la gravure de J. I^e Clère le Jeune, wii'' siècle -i^i
Bouteille avec l'image de Jeanne d'Arc. (Fabrication moderne) 2J2
Boile en cuivre bronzé surmontée d'une statue de .leanne d'Arc. [Musée Jeanne d'Arc,
à Orléans) 2^12
Jeanne blessée au siège de Paris. (D après une gravure de Munau le Jeune, 1771) . . . 2',3
Les épisodes de la vie de Jeanne d'Arc. (Triptyipie en ('mail du xvi'' siècle. Collcriion de
M. Lanenj d'Are' 2',3
Jeanne la Pucelle restauratrice de la Gaule. (D'après une gravure du ticbul du
xvii" siècle) 2 ',6
A la mémoire de Jeanne la Pucelle. (Frontispice gravé par Léonard Gaultier en i()i'>.,
tiré du recueil de Charles de Lis, Paris, 1628I 247
Jeanne d'Arc. (D'après une esquisse de M. Lameire pour une peinture murale, i83î). . 249
Jeanne d'Arc comparée à Judith. (D'après une miniature tirée du Champion des Dames,
manuscrit exécuté à Arras en i44<>) 25o
Plaque en faïence avec le portrait de Jeanne d'Arc. (Fabrication moderne. Musée
Jeanne d'Arc, à Orléans) aîi
Sujet principal de lancien monument élevé sur le jionl dOrleans. (D'après la gravure
de Allais, dessin de Diot) 232
Jeanne d'Arc chef victorieux de l'armée française. (D'après une gravure anglaise de
Marschall! 253
Jeanne d'Arc. (D'après une afiiclie de de Feurre. Appartenant à MM. Astre et Cou.r) . . 234
Jeanne d'Arc à la Chapelle, sous Paris. iD'après le carton de Lionel Rover, vitrail
exécuté par Champigneulle, à Paris) 2jj
Jeanne blessée sous Paris. (D'après le bas-relief de \ ilal I)ubra\ . Musée Jeanne dArc, à
Orléans^ 2Î7
Jeanne devant Orléans. (Gravure originale publiée dans V Histoire du siège d'Orléans, de
Tripoult, 1621. Collection de M. Lanery d'Arc] 23y
Jeanne devant l'autel. (D'après une gravure du xvii'^ siècle, llibliotlièque naiionalcj. . . afii
La libératrice de la France. (D'après une gravure reproduisant une médaille en bronze
du xvii'= siècle) 262
Jeanne d'Arc. (D'après la statuette d'Ém. Frémiet) 2G3
Comment la Pucelle et les Français vinrent au siège de Paris. (D'après la miniature du
manuscrit des Vigiles de Charles VII, 1484) 2^',
Jeanne en prière. (D'après le tableau d'Aman Jean. Musée d'Orléans] 263
Jeanne d'Arc dans l'affiche. (D'après l'affiche de Grasset pour le théâtre de la Renais-
sance) 2f)6
Jeanne d'Arc dite la Pucelle d'Orléans. D après la composition de Duniont) 267
Jehanne la Pucelle. (Gravure sur bois tirée de \a. Mer des /n/sioircs, 1 ',(ji . Bibliothèque
nationale) 2(j;)
tabi.p: des gravures. 391
La vierge des Gaules. (D'après un médaillon en pierre dure. Collection Ilaldal du Lys). 271
Jeanne au siège de Paris. (Gravure d'Abraham Bosse, d'après Vignon, pour la Pucclle
ou lu France délU'réc, poème de Chapelain) 2^3
Jeanne en armure de combat. (Statuette en bronze. Musée Jeanne d'Arc, à Orléans) . . 274
VII
SAINT-DENIS ET COMPIÈGNE
DÉCOURAGEMENT DE QUELQUES CHEFS
LES ARMES DE JEANNE D'ARC
Jeanne faite prisonnière à Corapiègne. (D'après la peinture murale exécutée par Lenep-
veu au Panthéon^ 275
Jeanne d'Arc. (Statuette du xviii'' siècle. Ci)lleclion lluldut du Lys) 2^5
Jeanne chevauchant au milieu des hommes d armes. ( D'après une lithographie
d'E. Grasset) 276
Comment les Français levèrent le siège de Compiègne. (D'après une miniature des
Vigiles de Charles VU, 1484) 277
« J'irai voir mes bons amis de Compiègne. » (Statue d'E. Leroux, érigée sur la place de
l'Hôtel de Ville de Compiègne) 278
Tour de Jeanne d'Arc à Corapiègne. (Dessin d'après nature de Boudier 27g
Jeanne victorieuse. (D'après une statue de RouUeau, érigée à Chinoni 281
Jeanne s'apprètant pour le combat. (D'après le tableau de G. W. Joy. Apparlcnunt à
Mgr J. Kenyan) 283
Jeanne d'Arc faite prisonnière à Compiègne. (D après le dessin de PhilippoleauxJ . . . . 285
Comment la Pucelle fut prise devant Compiègne. (Miniature des Vigiles de Charles VII.
Bibliothèque nationale] a86
Jeanne d Arc faite prisonnière. (Reproduction d une gra\ure sur bois d'après un dessin
de Paul Delaroche. Histoire des ducs de Bourgogne, par M. de Barante) 287
Jeanne d'Arc. (D'après une statue en pierre restaurée et conservée à Domreray). . . . 288
« J'ai baillé ma foi à autre cpi'à vous, répondit Jeanne, et je lui en tiendrai mon serment >-.
(D'après le tableau de M. Dûment) 289
Après la journée de Compiègne, Jeanne prisonnière. (D'après le tableau de Patroisl . . 291
Jeanne la Pucelle, triptyque moderne en métal. (Musée Jeanne d'Arc, à Orléans). . . . 293
Jeanne d'Arc. (D'après la statue d'Emile Chatrousse, érigée boulevard Saint-Marcel,
Parisl 294
Le serment des amazones françaises au pied de la statue de Jeanne d'Arc. (D'après une
gravure anonyme en couleurs de 181 5) 295
« Besognons, Dieu besognera. >• D'après la statuette en bronze de Frémiet) 296
Lettre de Jeanne d'Arc aux habitants de Riom, 9 novembre i'i29. [Conservée à la
bibliotliÈcjue de Riom] 297
« Entourée de quelques hommes lidèles, Jeanne se défendit avec intrépidité. » (Tableau
de Carfier-HeWewie, e\\VM\ Ae la. Mission patriotique de Jcatme d' Arc) 299
Timbale en émail décorée d'un portrait de Jeanne d'Arc. [Musée Jeanne d'Arc, à
Orléans) 3oo
3^2 TABLE DES GRAVURES.
(^ominenl les Anglais et I5t)urguJgnons einmenèrenl captive la Pucelle à Margnv. (Gra-
vure sur bois des Vigiles de Charles VU) lioi
JMOdaille frappée pour rinaiii;uralii)n do la >laliie rrigi'r m riidniicur de Jeanne à
Orléans en 1802 3„2
VIII
DE BEAULIEU A DIEPPE
LES DOULOUREUSES ÉTAPES
DE LA CAPTIVITÉ DE JEANNE LA PUCELLE
La Pucelle ou la France délivrée. (Gravure d'Abraham Bosse, d après Vignon, extraite
de la Pucelle ou la France délivrée) 3o3
« Où scrai-je ce soir? » (Statue de Fossé, érigée au Croto}) 3o3
Coniinent les Anglais amenèrent la Pucelle à Bcaulieu. (Gravure sur bois extraite des
Vigiles de Charles VIL Musée Carnavalet) 3o4
Jeanne d'Arc et Dunois sous Paris. (D'après une [)einture du wii"^ siècle. Collection de
M. Haldat du Lys) 3(>'>
L'héroïne française. (Gravure en couleurs de Sergent exécutée en 178^) 'îofi
" Tous mes dits et faits sont en la main de Dieu. » (D'après la statue de G. Clèrej. . . ^07
Porte de l'évèché de Beauvais où habitait Cauchon. (D'après une photographie^ . . . 3oy
« Il fut à la peine, il sera à l'honneur. » (D'après la statue de Caravaniezi iio
L'épée de la France. (D après la peinture de Deruet, xvii'' siècle. Collection de M. lluldat
du Lys) 3 1 1
« C était une bonne épée de guerre, propre à donner de bonnes buffes. (D'après un
tableau anonyme. Musée d'Orléans) 3 12
« J'offris ces armes à Saint-Denis, parce qui' c'est le cri de France. » (D'après le tableau
de M""= de Chatillon. jV»s('e (/f Cowpiégnc) 3i3
Village de Beaurcvoir et momiment élevé en l'iionneui' de Jeanne d'Arc. (D'après une
photographie) 3 1 4
Jeu de l'épopée de Jeanne d'Arc. (Publiée par rCKii\re jiopulaire de Jeanne d'Arc, iSy'i). 3i3
Tour Saint-Lucien à Beauvais 317
Jeanne d'Arc. (Médaille de Domard, i8a3) 3i8
IX
ROUEN
JEANNE EN PRISON — SON PROCÈS
Jeanne insultée dans sa prison à Rouen. (D'après un dessin de Vital-Dubray. Musée
Jeanne d'Arc, à Orléans) Sig
Jeanne d'Arc devant ses juges. (D'après la miniature d'un manuscrit latin de la fin du
xv-' siècle) 3ig
TABLE DES GRAVURES. -.Wy]
Comment les Anglais (ii-enl prrir la Pucclle. (D'apW'S une niininlure tirée des \ i^iles de
Charles VII) 32»
Le dernier jour de Jeanne d' Vrc. (D'après une liliiograpliie de Céleslin Nanteni! pour le
tilrc d nn niiirei'au de nnisique) 821
Jeanne prisonnière. (D après la statue de Barrias, érigée à Roueni 322
Ancien rliàteaa de Rouen. (D'après un manuscrit conservé à la mairie de Rouen) . . . . 323
Procès de Jeanne d'Arc. (D'après une lithographie de Chasselat, 1820) 32',
Tour oii fut enfermée Jeanne d'Arc à Rouen (état actuel). (D'après une photographie). . 325
Interrogatoire de Jeanne. (D'après le tableau de Duniont) 32^
Captivité de Jeanne d'Arc. (D après le tableau de Ducis, i8a4 ^28
Interrogatoire de Jeanne par l'évèque Cauchon. (D'après une eau-forte de Bida. extraite
i\f Jcainic f/ Arc Y>Ar Michelet) 329
Jeanne insultée par ses geôliers. (D'après nue prinliire anonsnn' du ccinniicncenient du
siècle. [Musée Jeanne d'Arc, à Orléans) 33 1
« J'aime mieux mourir que de révoquer ce que Notre-Seigneur m'a fail faire. » (D'après
une aquarelle de F. Dumont 333
Jeanne couchée dans sa pi-ison. (Dessin de Beniiu\ille. Collection de M'"" Marjolin
Schcifcr) 33T
Jeanne prisf)nnière à Roiii'n, menacée par le comie Warwick. (D'après le lableau de
Réviiil. 1819. Musée de Rouen) 337
.Icaune d' Vrc devant révè((ue Cauchon. iD'api-ès nn dessin d'Alphcuise de IVeu\ille.
Exlrall de V Histoire de France racontée à mes petits-enfants, par Gnizol) 338
Jeanne d'Arc vierge cl martyre. (Couverture du calendrier national de 1897, ]>ar
M. Coi'dier) 339
Jeanne insultée dans sa [)rison. (D'api'ès le lal)lean de Pali'ois. i8G(>. Mus(''e Jeanne d'Are.
à Orléans) 3'(i
Fonlaine élevée à Rouen an coniinencenieiit du xvi'^ siècle sur la place où les Anglais ont
lait mourir la Pucelle (délruile en i^r»']). (D'après une gi'avure d'Israël Sylvestre
XV II'- siècle) 3 Ja
« J'en appelle de vous devant Dieu, le grand juge. » (D'après le lableau de G. Alaux. . 3', 5
LaVierge française. (Tiré de l'Almanach national de Jeanne d Arc, 1891. par A. Cordier . 3|'|
Fac-similé d'une page du procès de Jeanne d'Arc. (Extraite d'un manuscrit latin du
xv*" siècle) '>4'
Jeanne vierge et martyre. (D'après la statue de G. Clère) '47
Jeanne dans sa prison. (D'après la peinture de Benjamin Constant) 3 ',9
Le bùciier. (D après le bronze de L. Cugnot) 35o
Supplice de Jeanne d'Arc. (D'après le bas-relief de Gois. Piédeslal de la statue érigée
cà Orh'ans) 3ji
Le bûcher. (Vignette du tilrc de Yllistoire de France d'Ancjiielil. i823i 352
X
LE SUPPLICE DE JEANNE
LE CIMETIÈRE SAINT-OUEN ET L.\ PL.\CE DU VIEUX-MARCHÉ
Le supplice de Jeanne. (D'après un tableau de Carrier-Relieuse. Extrait de l'album
La mission patriotique de Jeanne d'Arc) 353
Statue de Jeanne d Arc. (Par la princesse Marie d'Orléans) 353
39 i TABLE DES GRAVUllES.
Vue du monument érigé à Bon-Secours, près de Rouen. iMM. Liscli. anhitecte, et
Barrias. sculpteur) ']~)~t
Elle cria six fois d'une voix l'orle : Jésus! |L) après un dessin de Philippoteaux! .... ijr
Le bûcher. (Slalue de Cordonnier. Miiscc du Liucmbourg] '^hS
Et inclinant la tèle, elle e.xpira. (D'après Max Blondat, céramique de M. Lachenalj . . 3jy
Monument élevé à Rouen en i^'JG sur l'emplacement de l'ancienne fontaine du xv" siècle.
(D'après une photographie! 3(1 1
Le bûcher. (D'après la slalue do F. Rogino) 'Mri
Mort de Jeanne d'Arc. (Dessin de MM. Prouvé et Carol. pour le Missel de Jeanne d'Arc.
Collection lie M. l'iibbé Lcmerlv) 3(')'5
« Que la croix soit devant mes yeux, juscjucs au pas de la uiorl. « il) après le carlon
d'Albert Maignan. Collection de M. Cluiinpignculle) 3(iï
Porli'ait de Jeanne d'Arc. (Dessiné à la plume par le grellier du Parlement de Paris en
marge d un registre sur lequel se trouve mentionnée la levée du siège d Orléans.
Arc/iii'es nationales) 3()7
La gi'ande martvre. I) après la slalue de Rleyi 36<)
Jeanne Iriouipliaiite. I) après la statue d'Hercule 370
Jeanne d \rc. D après le lalilcau di' Siiiiciii Vouet. xvir' siècle. Musée il Orléans .... 3^1
La France chrélienne, Jésus et la \ ierge enluui'és de l'Ange de la France, de sainli'
Geneviève el de Jeanne d Arc. iMosau|ue exécutée au Pantli(''on, d ai)rès le laliieau
de Hébert: 373
Jeanne la Pucelle. (D après la gravure de Léonard Gaultiei', iCivc 374
L'exemple de la Pucelle enhardit les nobles cœurs de France. (Œuvre de Maitin le
Franc, xv"" siècle' 37»
Le supplice de Jeanne d \rc. D'après une eau-forte de Rida, extraite de Jeanne d'Arc
par Michelet) 377
« Et toujours, jusqu à ee quelle trespassa, elle cria : « Jésus! » (D'après la médaille de
Roty'i 378
TABLE DES MATIERES
Avant-Propos
I. — DoMuF.MY. Les parents Je Jeanne et sa maison. Son enfance. Ses voix i
II. — Vaucouleurs. Premier voyage de .teanne. .leanne et Baudiicourt. Second
voyage. Durand Laxart Zn
IIF. — Chinon i;t Poitiers. Arrivée à Cliinon. Les ennemis de Jeanne et ses amis. Les
premiers juges de Jeanne 8g
IV. — Tours et Blois. Tours. La maison militaire de Jeanne d Arc. Blois. Réforme
de l'armée i33
V. — Orléans et Reims. Délivrance d'Orléans. Sur la route de Reims. Le sacre du
roi Charles VU i3j
VI. — Devant Paris. Génie et patriotisme en Jeanne d'Arc. A Saint-Denis sous
Paris 22 5
VII. — Saint-Denis et Compiègne. Découragement de quelques chefs. J^cs armes de
Jeanne d'Arc 27Î
VIII. — De Beaulieu a Dieppe. Les douloureuses étapes de la captivité de Jeanne la
Pucellc 3o3
IX. — Rouen. Jeanne en prison. Son procès 3iy
X. — Le supplice de Jeanne. I^e cimetière Sainl-Ouen et la place du Vieux-Marché. 353
Gravures nous texte 38 1
Gravures nAî<s le texte 383
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m l' u iM i: lî i F. r,i;M''.ii Ai-K i.Aiirr.i'.
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