Skip to main content

Full text of "Jeanne d'Arc, racontée par l'image, d'après les sculpteurs, les graveurs, et les peintres"

See other formats


"fiU' 


»f'^i 


■.fy^J/ 


f  ^,^^; 


ff^^pon. 


'^f^^^ 


THE  BOSTON  PUBLIC  LIBRARY 


JOAN  OF  ARC  COLLECTION 


■2q<Tf\Afl<«  -?i^  .*^>'*? 


'^^^ 


^rr^- 


rf!*r:r,'!- 


_!f-*** 


y> 


V  7 


-^î^ 


^«i^;, 


f^-'^^k^'^M..  ¥ 


N^iS^-v^'  \ 


'''r?r^ 


»!% 


'^^^ 


^.r^  A\ 


''  >r^\^^  \^r.i' 


^f  ''^Wâ^yS,.^^^^'^ 


'ff^^^l  h&il 


-<^^. 


.r^^: 


,«^SN- 


^ 


^^'^^ 


,îM^^« 


la 


•rsr\r\.r\. 


^r^r>oAv^.^;-)^ 


r 


cToarf^  6'P£r^  ^m 


a  /rr<^/c     f(£{(/  fCy/r^     //.  f^t  ./sz/Sr^ 


J' 


le     (/c^ 


r 


â4a  c^. 


JEANNE    D'ARC 


RACONTÉE   PAR    L'IMAGE 


Droits  de  traduction  et  de  reproduction  réservés. 


P\H1S.      IMPRIMERIE     LAHLHE 


M^  LE  NORDEZ 


JEANNE  D  ARC 


RACONTÉE  PARU  IMA- 
GE DAPRÊS- LES  SCULF 
TEURSLES  GKWEUR5- 
ETLES  PEINTRES 


'/ 


HACHETTE  §CS 

M.D,CCC.XCV1U 


V 


7fy 


/■ 


-^•^  . 


LE    SOMMEIL    DE    JF.VNNK    U  AllC    A    JVllGEAU 
D'iiprcs  le   tablfiiii   de   Juv. 


AVANT-PROPOS 


JEVKSF,     \     I 

Statuette     eu 


V    1ETE    ur 
bronze    du 


temps   ilisait    d 


i:    Ions   les  oii^Miics  (les  sens,  :i   dil    liossucl,  ifS   ^c'll\ 

sont  ceux  (iiii  clcndciil  le  plus  nos  coiiiiaissances.  » 

On    poni'iail    ajonicr    (jnc   c'csl    aussi    par    les 

Ncnx   (|U('   MOUS  sonnni's  à    niriiic  de   nous  rcndi-c 

le  plus  ia|)i(lfnicnl    coniplc  des  choses. 

I)'nn  i'('i;ard  jclc  sur  une  iniai^c,  nous  connais- 
sons rolijcl  (pi'cllc  rcpi'c'scnle;  pour  nous  faire  en- 
lendre  sa  nalnre,  il  eùl   l'allu  qu'on  nous  le  définil  lon- 
lenienl,  (ju'on  nous  en  (il  une  descri|ilion   ininulicusc. 
l/image  esl    an    sl\le  cciil   ce  (|ne    le   i^csle  esl   à   la 
parole  :  elle  dil  loul  d'un  liail. 
Représenter  e'esl  deciiic. 
Les  hommes  de  noire  temps  penseni   ainsi, 
el    >'    l'illustration  »   est  aujourd'Imi   pour   notre 
époque  pressée  qui  veut  se  Caire  Aile  et  sans  peine 
inu'  idée   des  choses,  ee  que  Ah)ntaigne   en    son 
e    l'opinion   :    "    la    iiine   cl   em|>(''rière   du   monde  ». 


I.  AHMEE 

w"    siècle 


AVANT-TROPOS. 


C'est  la  pensée  qui  a   inspiic'  la  piihliralioii   de  rc   \()liimc'. 

Adonné  depuis  douze  ans  à  l'élude  de  la  vie  de  .leaniu'  d'Aide,  el 
désireux  d'étendre  son  eulle  populaire,  je  formais  dés  lonylemps  le  dessein 
de  la  faiie  connaître,  en  réunissani  en  un  même  on\  rage  les  [)iineipales 
œuvres  que  lui  ont  consacrées  les  aris  de  la  l'eiulure,  de  la  Seulplure, 
de  la  Gravure  et  du  Dessin.  Je  suis  lieureux  que  ce  \(eu  s'accomplisse 
aujourd'hui. 

Il  sera  touchaul  de  \oir  les  artistes  de  noirt'  pa\s,  les  plus  eoiuuis  dipLiis 
quatre  siècles,  apporter  tour  à  toiu-  à  la  ^  ieri^c  de 
Vauconleurs    I  liommaee    de    leur    admiration     et 


/ 


>x. 


\ 


de    leur    lalenl. 

Avec     nous,     on     pourra,     au     cours    des 
siècles  (|ui   nous   sepaicul    de   la    \ie  el 
du  martvre    de  Jeanne,    selon   le  i;('nie 
de  chaque  artiste  et  de  cluujue  épocpie, 
suivre   l'c'lude   patiente    de    nos    sculp- 
teurs et  de  nos  peintres,  leur  lecherehe 
^         pieuse  de  celte  ligure   de  Jeanne,  à  la 
l'ois  douce  et   forte,  simple  et   sui)lime,  de 
cet   idéal    fait   de  choses    di\ erses    el  mènu' 
opposées    dont     la    foule    attend    encore,    et 
pt'ut-ctre    attendra    longtemps,     sinon     tou- 
joius,  la  parfaite  et  définitive  réalité. 

lieau  l'ève   et   nohle    ardeiu',   à    la    flamme 
desquels  s'entretiendra  notre  culte  poiu'  la  I*u- 
celle,  avec  notre  désir  de  la  voir  comme  elle  fui  ! 
On  m'a   demandé   de  donner  le  texte  de 
cet   ouvrage.  Je  n'ai  pas  cru    pouvoir   me   déroher. 

Ces  pages  ne  seront  pas  une  œuvre  d'érudition  pure  ;  encore  moins 
seront-elles  œuvre  de  polémique  ou  même  de  simple  discussion. 

Conçues  dans  l'esprit  de  cette  publication,  je  voudrais  que,  comme 
une  guirlande,  elles  courussent  entre  ces  diverses  gravures  et  que,  par 
leur  brève  et  claire  simplicité,  elles  eussent,  dans  renseignement  qu'elles 
pourront  donner,  quelque  chose  de  la  rapidité  de  l'impression  que  cause 
l'image. 

Ce  sera  moins  le  récit  détaillé  de  la  vie  de  Jeanne  d'Arc  (jue  l'àmc  même 
de  cette  vie  rendue  visible. 


JEANNE    L.V    I»VCI:LLE 

Fragment     d'une     statilu 

tlii   XV  siècle. 

[Mrtst'c   du    Trocadcro,) 


AVANT-PROPOS. 


Je  chercherai  à  nionlici'  ici  Jeanne  d'Aïc  lelle 
qu'elle   lui    en   sa   vie,    '(  telle   que   la   mort   nous 
l'a   l'aile    ",    la   montrer   telle   que    l'imagine  l'in- 
genuile  du   sentiment  populaire,    sans  conircdiri 
à  l'idée  qu'en  ont  ccu\  qui  l'onl    judi- 
cieusement   étudiée    à    la    ilartc     des 
recherches  historiques. 

Puissé-je,  en  ces  |)ages,  concou- 
rir à  ajouter  encore  quelques  l'axons 
à   la    pure    lumière    f|ui    l'illumine    aux 
\eu\    de   tous  cl   conliihucr  à  liàlei'  le  jour 
où,   saluée    à    la    fois    par   les    lellrcs,    les 
arts  et   la  science,  a\anl    iccu    de   ri'^glisc 
la   coui'onne    «pi'elle    r(''scr\e   à    ceuv    (pii 
lurent   parfaits    iei-has',    cl    de   la    foule 
l'hommage  singulier  doni    celle-ci  dis 
pose   quand    la    ■'   voi\    du    peuple    •■ 
est  vraiment    la    ^    \()i\   de   Dieu    v>, 
Jeanne    réunira     tous    les   fils   de   la 
France   dans   le   coinnuin    hommage 
cju'ils     lui     rendront.     Puisse     cette 
heure  bientôt   sonner! 

Parlant  à  tous  mes 
concilo\ens  d'une  Ccnnne 
dont  la  gloire  est  le  patri- 
moine de  tous  les  Français, 
je  ne  \eu\  servir  aucun 
parti. 

Il  faut  (juc  mou  laheui' 
s'inspire  des  seules  ^ues   et  îles  seuls  desseins   dont  Jeanne  inspii-a    le  sien. 

Elle  a  servi,  sans  jamais  les  séparer,  la  Religion  cl  la  Pairie;  celles-ci 
seront  mes  seules  clientes. 

Serviteur  également  dévoué  de  ces  deux  causes  sacrées,  j'écrirai  en 
Français  qui  a  l'iiomieur  d'être  Evcque,  en  Évêquc  qui  se  souxicndra  toujours 
qu'il  est  Fi'ançais. 

I.  Nous  déclarons  qu'ici,  comme  daiis  Uuil  le  cmirs  <Ic  cet  ouvrage,  quand  nous  saluons  la 
haute  \crlu  de  Jeanne  d'Arc,  nous  n'enlcnduns  en  rien  devancer  les  décisions  de  l'Eglise  à  son  endroit. 


JEANNE    VICÏOIUF.rSE 

Statue  de  Trémiet,  érigée  h  \ancv. 


IV  AV  V>T-Pn()lM)S. 

.lai  (l:iMS  ce  lia\ail  iciicoiitic  le  coiicoiiis  dcNoiic  cl  |)icci('U\  d'un 
lioniim'  (le  l)i('ii  doiiUlc  d'im  ailisic  (|iic  son  lalcnl  sohi'c  cl  sûr  aiilani  (|iic 
son  criulilioi)  a\aiciil  |)rc|)arc  à  ce  li"nail.  .Iv  \cu\  parler  i\r  M.  \.  Piu  wiiiic. 
C'est  à  ses  lalxirieusi'S  el  liilclii^cnlcs  rc(  liei'clics  ([iic  nous  dcNons  celle 
longue  suite  tie  gra\ui'es,  en  <;ran(l  iioinl)ie  inédites,  dont  nos  l)il)iiolliè(jucs 
publiques  ou  les  collections  |)ri\ees  possédaient  seules  Toiii^inal  el  que 
désoimais  tous  pourront   connaître  cl  admirer. 

Que  M.  ]'runaire  recoi\c  ici  le  Icnioii^iia^i'  (|ui  lui  esl  du  et  la  yratiludi' 
qu'il   nous  est   doux   ilc  lui   cxpiinicr  pul)li(|ueMicnl. 

"j"  .VLiji;irr,  iî,\è(iue  dArca,   \u\.  de  \  erdun. 
Lo  Mont  lilliiliriv  illc.  pri's  _\toiili-l)oury,   \c  (j    Voùl    1^97. 


I.V    PUCELLE 


D'après  une  jïlnque  en  email  du  xvl"^  siècle 
[Collection  lîaldat  du    f'J's.) 


LES    VOIX     l)i;    .II.ANSE 

l)';i])rès  If   t.ililfiiti  lie  PiERnE  Lagarde. 


LA    SAINTE 

Buslc  d'É. 


IJE    LA     PATK 

ClIATROUSSE. 


qui  11  t'sl  (|ii 


DOMREMY 

LES   PARENTS   DE   JEANNE   ET   SA   MAISON 
SON    ENFANCE   —   SES   VOIX 

Jkais?«l:   u'Akc    iKKjiiil    à    Ooinremy,    le    G  janvier    i'ii2. 
C'est    en    ee   jonr  ([ue  tombe   la  fête   de   l'Epiphanie  : 
le  peuple   l'appelle  plus  volontiers  le  joui'  des  Rois. 

De  très  vieille  date,  nos   pères  l'ont   eélébrée,  plus 
encore  peul-èlic   au   r()\(r  (ju'au    temple.  Elle  est  popu- 
laire enli'e  toutes  les  Cèles  et  semble  réunir  en  un  même 
eulle  la  Camille,  la  patrie  et  la  religion. 
Ce  jour-là,    elie/.  les  pauvres  comme   du/,   les   riches,   la 
Cève  traditionnelle,  ministre  du  sort,  désignait  un   roi   ou  une 
reiiu'.  Royauté  d'un  jour,  s'évanouissant  sitôt  après  l'avène- 

E  \  .  ' 

ment,  mais  sereine  et  sans  tieuil. 

Ce  l'ut   donc   en   ce   même  joui',  —  non  de  par  li-   sort, 
ini  de  ces  mots  vains  ilonl  se  leinrent    notre  ignorance  ou  nos 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'LMAGE. 


passions,  mais  de  jiar  un  des- 
sein (le  Dieu,  —  (|ue  la  grande 
famille  franeaise  reeut  pom* 
reine  la  petite  »  Jeannette  ». 
Hélas  !  le  seepire  devait  lui 
peser  rudement  el  sa  eou- 
ronne  eaeliait  de  sinijulières 
épines;  mais  son  règne,  en 
retour,  de\ail  n'être  pas  éphé- 
mère, les  bienfaits  devaient 
s'en  poin'sui\re  à  tra\ers  les 
âges,  el  le  U()tre  a,  plus  (pie 
loul  autre,  lieu  de  le  Ix'uir. 

(Juehjues  \ieu\  auteurs 
oui  (lit  (|U('  niainl  prodige 
cnloura  cette  naissance.  Les 
co(js  du  \illagc  de  Doniremx, 
ces  oiseaux  aimes  de  la  \ieille 
(jaule  et  de  notre  France, 
auraient  (liante  clair  el  Corl  la 
^enue  en  ce  monde  de  la 
future  Pucelle  (V(  )ilcans. 

l'()ur(|uoi   n'\   pas  croire? 

IjCS    lionmu^s,    la    chose    esl    xisihie,    ont    le    goût    du    merveilleux.    Ils 

iradmcttent   guère   qu'un   grand    homme  ne   l'ail    pas  été   dès   le  herceau   et 

(|u'il  soit  né  comme  nail   le  vulgaire.  Ce    lïil   la  source  de  plus  d'une  de  nos 

légendes. 

Il  ne  s'ensuit  pas  ipic  les  légendes  soient  à  dédaigner.  Elles  ont  parfois 
sous  le  dehors  du  vvw  cl  >\v  la  fanlaisic  nue  réalité  plus  saisissante  que  celle 
des  froides  annales.  l'Jles  ne  sont  ni  le  corps,  ni  la  lettre  de  l'histoire;  n'en 
sont-elles  pas  souvent  l'âme  même  el  l'esprit? 

TjC  sage,  dit-on,  rit  rarement  et  soln-ement  ;  mais  s'il  esl  bon,  comme  le 
doit  être  un  sage,  il  sourit  volontiers.  I3ans  le  calme  de  ce  sourire  on  le 
retrouve  tout  entier  avec  sa  force  et  sa  bonté,  non  seulemeiil  la  sagesse  austère 
de  ses  pensées,  mais  aussi  la  sereine  miséricorde  de  ses  jugements  sur  les 
hommes  et  les  choses. 

La  légende  esl  le  somire  de  l'histoire. 


((     JEANiM-;    PAHLVir    A    I>IEU     » 
lYiUiri'-^   lin   dessin   »li-   D^bois-Ménant. 


DOMREMY.  3 

Aussi  l)ien  n'est-ce  pas  notre  coutume  que  d'étendre  à  ce  qui  nous 
entoure,  ce  <[ue  nous  sommes  et  ce  que  nous  ressentons,  joies  et  tristesses? 
—  Instinctivement  nous  tendons  à  façonner  l'univers  conformément  à  ce  que 
nous  sommes  el  nous  étendons  volontiers  à  tout  ce  qui  est,  nos  joies  et  nos- 
doulcuis.    On  aime,  en   la  présente  conjoncture,  à  s'imaginer  que  la  nature 


JIAISON     Olj     NAQUIT    JEANNK    A    DOMKIiJIY    (liTAT    ACTUEl) 

D'après  une  photographie. 


s'ému(  du  grand  (''xc-nement  qui  s'accomplit  pour  noire  France,  en  ce  jour 
où  naquit  renfanl  prédestinée  qui  devait  rendre  à  noire  patrie,  avee  l'inté- 
grité de  son  leniloire,  la  gloire  depuis  troj)  longtemps  absente  de  ses  armes 
et  l'indépendance  de  ses  fds  opprimés  par  l'étranger. 

Qu'il  chante  donc,  le  coq  gaulois,  cl  ([u'il  salue,  à  l'aurore  de  ce 
jour  de  réparation  et  de  relèvement,  cette  fleur  nouvellement  ("elose,  la  plus 
pure  el   la  |)lus   nol)le  des  tilles  du  sang  de  France! 


^ 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


\ 


Nous  savons    |)cii    de   diosc  loucliiml    la   raiiiillc  de  Jeanne    d'Ai-e,   el  ce 
n'es!   i^uère  qne   par  indiielion  (|ne   l'on    pent  s'en  Caire  une  idée. 

Il  semble  bien  toutefois  que  son  père,  Jaeques  d'Are,  et  sa  mère,  Isabelle 
Romée,  furent    de  condition    moyenne. 

lis  eurent    la  boiuie   Corinne,  —  la   meillenre,  —  de  n'être    ni   rieiies,   ni 

pauvres. 

Née  de  famille 
riche,  Jeanne  d'Arc  se 
dit  peut-être,  comme 
tant  d'autres  âmes  de 
elioiv,  endormie  dans 
le  bien-ètic  (pii  cnlon- 
l'ait  son  cnCance.  Illlc 
n'eùl  pu,  eonunc  il 
eomcnail  cl  eonnnc  il 
en  Cul  ponr  elle,  cn- 
Icndi'c  le  cri  de  détresse 
de  lanl  de  français  en 
proie  aux  soiill'ranees 
de  la  nuci're  civile  et  de 
la  misère. 

((       (  )ua  n  d        II  n 
homme  tlort,   dit    ]>os- 
snel,    il    s'imai;inc    (jnc 
tout    le    monde  dort.    « 
(hiand       un      liomme, 
(|uand    un    enfant    sur- 
tout   \il     dans     l'abon- 
dance, il  u'csl  (juc  trop 
enclin    à    estimer    (|ue 
le    l)icu-être     est     uni- 
versel et  que  tous  sont 
à  l'aise  quand  il  v  est  lui-même.  C'est  un  écucii  dont  peu  de  riches  se  gardenl. 
La  |)auvreté  n'eût  penl-èlrc  pas  moins  entravé  Jeanne  d'Arc. 
Le  pauvre  a  besoin  de  tous  :  il  a  donc  aulanl  de  maîtres  que  de  ^ens  en 
mesure  de  le  secourir.  L'humilile  de  sa  condition  l'oblige  à  s'incliner  devant 
ceux  qui  possèdent,  et  trop  souvent  son  caractère  et  son  esprit  s'inclinent  axec 


E> THiil;    DE    L\    MAISON    DE    JEASNE    D  AHC    A    DOMBEMY     (ETAT    ACTUELj 

D'.iprès  une  i>liotograi)hic. 


DOMREMY 


son  front.  L'enfant  pauvre 
s'accoutume  à  la  dépen- 
dance et  à  la  crainte.  Ses 
jeunes  années  ainsi  passées 
ne  le  j)réparent  ([ue  l)ieu 
médiocrement  à  la  dignité 
de  la  vie,  à  l'élévation  des 
pensées  et  à  cette  noblesse 
d'attitude  qui  n'est  pas 
l'orgueil,  mais  sans  la- 
quelle les  desseins  sublimes 
et  les  héroïques  résolutions 
n'entrent  que  difficile- 
ment dans  luie  àme. 

Jeanne  d'Arc  ne  subit 
pas  ce  dommage  et,  fille 
de  paysans  modestes  mais 
non  indigents,  elle  ap|)rit 
à  être  débonnaire  iweo  les 
petits  et  digne  avec  les 
grands. 

(  )n  le\  il  bien  |)luslar(l 
quand  clic  parut  à  la  cour. 

Quel  l'ut  le  carac- 
tère   des   parents    de    Jeanne    d'Vrc?  Il  est  assez  malaise   de   le  conjecturer. 

On  aimerait  voir  ])rès  d'une  telle  enlaiit  un  ciitoui'agc  digne  d'elle,  une 
société  familiale  capable  de  la  pi'épai-cr,  sans  le  sa^oir  et  par  une  natuiclle 
direction  de  ses  sentiments,  à  l'aM-nir'  (|ui  l'attend,  au\  clioscs  eti'anges  et 
grandes  qui  formeront  son  épopée. 

En  fut-il  ainsi?... 

Jacques  d'Arc  semble  n'avoir  que  bien  nK-diocremeut  enicudu  la  gran- 
deur d'âme  de  sa  fille,  l'héroïsme  de  ses  desseins  et  la  mxslciicuse  dignité  de 
sa  mission. 

C'est  lui  qui,  ayant  soupçonne  Jeanne  de  Aouloir  aller  en  I' 
aux  frères  de  celle-ci  de  la  noNci'  dans  la  Meuse  plutôt  que  de  I; 
Domremv. 

Il  ajouta  que,  s'ils  ne  le  faisaient,  il  le  ferait  lui-même. 


JUNMVlTii    AUX    CHAMI'i 
l)';i[)l'rs    If    tiihleiiu   de    M'"*'    DKMO^T-]înETON. 


nce,  oidonna 
aisscr  (luillcr 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


ÉGLISE    DE    DOMKEMY    (ÉT.VT     ACTUEL) 
n'nprrs   une  ]»hntnp;ra|tliir  '. 

l  II  Ici  propos  |)('iil  inoiilrcr  <ii  .hicqucs  dArc  iiiR-  ('■iicii^ic  que  rimli(jiiit('' 
naïeniu-  eût  iulniiicc.  On  ii'v  icliomc  licii  (l'iinc  âme  nol)lemenl  irKjiiit'lc  des 
grandes  choses  qui  se  passent  en  son  enfant,  rien  non  plus  de  celle  sollici- 
tude liaule  et  sacrée  qui  s'impose  à  l'espril  d'un  père  à  l'endroit  de  l'avenir 
de  sa  fille,  (juand  l'adolescence  de  celle-ci  est  marquée  des  signes  qui  mar- 
quèrent  celle  de  Jeanne  d'Arc. 

Un  dessein  comme  celui  dont  Jeanne,  malgré  elle,  laissait  transpirer 
quelque  chose,  ne  nait  pas  naturellement  dans  l'esprit  d'une  enfant.  La 
grandeur  du  projet,  l'audace  iiigciiiic  qu'il  révèle,  l'étrangeté  même  du  rêve, 
à  supposer  que  rcM'  il  v  ait,  coiniciil  la  raison  d'un  père  à  se  recueillir  devant 
un  spectacle  aussi  inattendu. 

On   ne   ])eul    pas   compter  trancher  le  n<eud   d'un  tel   mystère   |)ai'   une 


I.    A   l'époque  île  .Ii'.iiiim-  d'Arc,  li-  cliii'iir  de    l'i'f^lis 
actuel,  el  léciproquemeiil. 


Domremy   ()('cii|);iit    la   ])liiee  du  ])(>ilail 


DOMREMY.  7 

défense  l)nilale,    ni    même   par   un   acte   de  simple  aulorité,  lut-ee  l'aulorité 
paleinelle. 

Il  est  à  eraindre  que  le  père  de  Jeanne  n'ait  pas  été  à  la  hauteur  de  sa 
tâelie.  Elle  était  du  reste  si  ardue,  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  étonner  et  qu'il 
convient  de  le  juger  a^  ec  une  suprême  miséricorde. 

Jeanne  trouva-t-elle  du  moins  dans  le  cœur  de  sa  mère  un  asile  contre 
l'inintelligence  de  son  père  et  les  de-fianccs  (]c  ses  frères?  Au  cours  de  son 
jugement  à  Rouen  elle  rendit  à 
Isabelle  liomée  un  témoignage  fort 
honorable  et  que  nombre  tic 
mères  dcMaicnl  être  jalouses  de 
mériter  de  leurs  enfants  :  »  .le 
n'ai,  dit-elle,  Iciui  ma  cicance 
tl'autres  que  de  ma  mère.   » 

\u     lendemain    du    sacre    de 
Reims,   sa    pensée  se   reporte   vers 
Domrcmv    et  sa   famille  :    «  Que  je 
voudrais,  dit-elle,  qu'il  plût  à  Dieu , 

mon    créateur,    que  je   m'en   retour-  

nasse  maintenant,  quittant   les  armes,  ">  , 

et  que  je  revinsse  servir  mon  pèi'c   cl 
ma     mère,    à    garder    leurs    troupeaux 
avec  ma  s(ï'ui'  cl  mes  frères,  qui  sci-aienl 
bien  aises  de  me  voir.  » 

Mais  ces  allusions  sont  rares.  On  ne 
les  retrouve  sur  les  lèvres  de  l'Iiéroïne  ni 
au\  heures  des  grandis  victoires,  ni  à  celles 
des    triomphes    que  le    peuple    enthousiaste 

improvise     pour     elle,     l'eiulanl     les    longs       i);,i„v,s  .m  m..,i„iiion  ,ic  pkcou. 
jours  de    sa    ca|)tivité,    pendant  les  interro- 
gatoires (|u'ellc  suhil,  cpiand    ses  juges    la  poursuivent    cl    ([u'elle    est    seule 
devant  ces  hommes  et  seule  contre  eux  tous,  sur  son  IjucIkt  cndn,  clic  n'ap- 
pelle à   son  secours  ni  son  père,  ni  ses  frères. 

T>e  nom  même  de  sa  mère,  ce  cri  (pii  s'échappe  comme  irrésistiblement 
tics  lèvies  d'une  jeune  fille  dans  k'S  moments  d'angoisse  et  de  terreur,  Jeanne 
ne  le  fait  pas  entendre.  Elle  ne  compte  que  sur  Dieu  :  «  Je  m'en  attends 
à  Noire-Seigneur.    »    «   Je    m'en    remets   à   mon    créateur J'en   appelle  à 


JFHANNF.TTE 


8 


JEANNE   D'ARC    RACONTÉE    V \l\    L  IMAGE. 


Dieu  (les  loris  cl  in^f;i\  ances  qu'on  nie  l'ail  soiiH'iii' !...  » '\'oilà  ses  suppliralioiis 
et  SCS  (lolcaïK'i'S.  «  .Tcsus  !  »  voilà  son  dernier  eii  an  milieu  des  flanuiies. 

De  la  |)ail  d'inic  âme  aussi  Icndre  cl  i;cnei-cuse  ([ue  celle  de  Jeanne  d'  \i-c, 
un  Ici  silence  a  l'cndroil  des  siens  est  dii^ne  de  i'cinai(]ue.  Il  esl  lro|)  clair 
((•l'cllc  compta  peu  sur  eux  et  que  la  lendressc  (|u'ellc  leur  portail  ([('passail,  de 


■y                ,.  •     -  .■•'^■■;.S'r*>v; 

1 

DOMBF.MY    KT    I.V    VVLLIiK    l>i:    I.V    MHrSE 
l)*aj)rrs   niiL'   jtiiologrjiphif. 


lieaueonp  celle  cpiils  avaient  pour  celle  curant,  si  dii;iie  eej)en(lanl  a  tani  de 
tilrcs   d'être  aimée. 

Ne  nous  en  plaignons  ])as.  (  hiand  un  lionuac  cl  a  plus  f'orle  raison  une 
jeune  fille  sont  appeli's  par  Dieu  a  une  mission  comme  celle  de  Jeanne,  il  est 
bon  peut-être  (jue  les  liens  du  sang  ne  les  enserrent  pas  trop  fortement.  11  ne 
faut  j)as  (pie  l'amour  de  la  famille  entrave  celui  que  nous  devons  à  la  patrie. 

Jeanne  aimée  des  siens,  chérie  comme  elle  méritait  de  l'être,  se  lùt-elle 
arrachée  aux  bras  eaiessants  d'une  mère  cpii,  par  sa  tendresse  et  sa  l)onté,  eût 
été  digne  d'une  telle  fille?...  Si  les  menaces  de  son  père  ne  purent  l'arrêter, 
en  eùt-il  été  de  même  de  son  amoin-  à  la  fois  tendre  et  fort? 

Quant   aux    frères    de   Jeanne,  si  on    les  \oit  près  d'elle  aux   heures  du 


DOMREMY. 


succès  et  (le  la  gloire,  ils 
font  trop  souvent  défaut 
quand  vient  l'heure  de  la 
lutte,  lis  nous  apparaissent 
tels  dans  l'histoire  de  leur 
héroïque  sienr,  (jn'on  a  pu, 
non  sans  vraisemblance, 
assurer  qu'après  la  mort  de 
Jeanne  on  les  revit  à  Orléans 
faisant  escorte  à  l'aventu- 
rière   Jeanne  des    Armoises. 

11  est,  en  tous  cas,  trop 
Maiscmhlahle  (pi'on  les  trou- 
vait toujours  où  il  \  a\ail  à 
iccueillir  écns  et  titres  de 
noblesse,  et  (ju'ils  étaient 
moins  empressés  quand  il 
s'agissait  tle  combattre  aux 
cotés  de  Jeanne  ou  de  la 
défeiulre. 

Souhaitons  vivement 
pour  leui'  mémoire  (ju'ici  le  vraisemblable  ne  se  confonde  pas  avec  le  vrai. 

Pendant  les  quatre  années  (jui  preccdèrcnl  le  dcpait  de  Jeanne  pour 
Chinon,  elle  n'initia  personne  au  dessein  qu'elle  nouiiissail  d'aller  en 
l'iance. 

<(   Votre  père  siil-il  \()tre  (h'-parl?  »   lui   demande   un   de  ses  juges. 

((  Il  n'en  sut  rien  »,  répond  Jeanne. 

Elle  garda  la  même  réserve  à  l'égard  de  sa  mère,  à  l'égartl  de  tous. 

Force  étrange  que  celle  de  cette  enfant  (jni  si  longtemps  porta  seule  le 
fardeau  d'un  tel  avenir,  les  angcjisses  qui  s'attachent  à  un  dessein  si  extraor- 


JEANNE    ENFVNT 
U'npri's  le  tableau  do  .1.   Henneu. 


iinaire 


Mais  combien  l'on  aimerait  xoir  sa  mère,  confidente  et  conseillère  d'une 
(elle  lillc,  porter  sa  part  de  ce  l'ardcan,  lui  rendre  moins  cruelles  ces  angoisses! 
Il  n'en  fui  rien. 

La  religion  cl  la  saine  philosophie  sont  grandement  sages,  quand  elles 
inspirent  aux  parents  inie  sollicitude  sans  mesure  pour  l'enfance  et  l'adoles- 
cence de  ceux  qui  tiennent  d'eux  la  vie. 


lo 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


Quand  on  songe  à  ce  que  sont  pour  les  choses  leurs  eommencemeiils,  les 
sources  pour  les  fleuves,  le  germe  et  la  tige  naissante  poui-  la  piaule  ou 
rarl)risseau  qui  demain  grandiront,  l'enfance,  en  un  mol,  pour  la  \'w  enlièic, 
le  premier  âge  prend  aux  regards  du  sage  je  ne  sais  quelle  graxile  ausièic, 
quelle  grandeur  mystérieuse. 

Combien  sont  dignes  d'être  attentivement  eonsidt'rées  toutes  les  choses 
du  jeune  âge,  rires  ou  larmes,  jeux  bruyants  ou  pensées  solitaiies!  Combien 
sacrées  ces  mélancolies  jusqu'alors  inconiuies  dans  lesquelles  la  \  ie  se  r(''\èle, 
avec  ses  devoirs  nouveaux,  en  une  clarté  naissante  ou  l'ombre  a  place  encore! 
Combien  dignes  de  compassion,  eombii'u  aussi  de  respect,  ces  soupirs  a  demi 
contenus,  ces  regards  incertains  et  iiujuicis  \eis  un  a\enir  (pic  le  \oile  de 
l'inconnu  rccou\  l'c  ! 

Il  es!  loucliaiU  (\r  considérer  Jeanne  (V  \\i'  au  milieu  de  ces   solliciludes. 


'ip' 


(hiel  peintre  e\0(piera  lomme  il  conxicnl  celle  ligure  d'enrant,  a  la  lois 
sinq)ic  coinuic  l'âme  dont  elle  porte  le  rellet  cl  complexe  pourtant  comme  la 
ren<'onli('  des  pcnsi-es  di\erses  (|ui  se  prcsscnl  en  son  esprit,  connue  les  sen- 
timenls  opposi's  (|ui  se  lieurlcnl  en  son  c(eur? 

(  )ui  nous  dira  ce  Iront  ingénu  cl  gra\c,  ce  regard  serein  cl  pensif,  de 
temps  à  autre  interrogeant  l'espace  inlini  connue  le  lonl  les  âmes  «pie  lra\aille 
(piel(|nc  noble  in(jnieludc  cl  (pii  soudcnl  (piehpie  m\sl<'re? 

Oui  la  sui\ra  j)ar  les  eliemins  creux,  sous  les  lièti'cs  du  liois-Clicnu,  |)rès 
de  la  Fontaine  des  Groseilliers,  ou  longeant  la  Meuse? 

l*our(|uoi  l'imagination  de  l'Iiomnie  est-elle  ainsi  eouric  cl  bornée?  Pour- 
quoi, niènie  conduit  par  le  génie,  l'art  arraelie-l-il  si  peu  de  Iclus  secrets  aux 
âmes  choisies?  Pourquoi  statuaires  cl  peintres  soiil-ils,  après  tant  d'cU'orts 
généreux,  teiuis  comme  en  échec  devant  celle  lillelle  de  douze  ans  agitée  de 
si  hautes  pi'usécs  et  de  si  étranges  desseins?... 

Jeanne  se  taisait. 

(Ju'on  ne  eommcllc  point  louteCois  l'er^rcur  de  croire  que,  étrangère  à  son 
sexe  cl  à  son  âge,  ce  silence  était  en  elle  le  l'ail  d'une  singularité  hautaine  (|ui 
lui  rendait  celle  taeilin'uité  l'acile  cl  pres(|uc  douce.  C'était  chez  elle  ellèl  de 
volonU'  l'ortc  cl  de  haute  vertu. 

11  est  visible  (ju'il  eût  été  doux  à  cette  nature  ou\ei(e  et  spontanée 
d'annoncer  d'avance  à  ceux  c|ui  gémissaient  autour  d'elle  les  grandes  choses 


DOMREMY. 


auxquelles  ses  voix  la  conviaient   et  le  salut  qui  com 
meneait  de  poindre  pour  la  Franee. 

On  le  devine  aux  rares  confidences  qui  lui  éeha| 
peut,    et  dans  lesquelles  se  révèlent  et  ce  sexe  et  cet 
âge  qui  étaient  les  siens  et  auxquels,  dit-on,  la  discré- 
tion demande  efl'ort.  —  <<  Si  tu  n'étais  Bourguignon,  dit- 
elle  à  l'un  de  ses  compatriotes,  je  te  dirais  bien  quelque 

chose ).  —    À  un  autre  :   «  Avant  six  mois,  il  y  aura 

entre   Greux   et   Domremy   une  jeune  fille  qui  fera 
sacrer  le  Dauphin.  » 

On  aime,  n'est-il  pas  vrai,  ces  propos  tenus 
à  demi-voix,  (''cha|)j)és  à  renCanl,  à  la  jeune    lille, 
et  ([ui  lui  sont  si  natiu'cls. 

Toujours,   d'ailleui's,   et  dans  les  évc'nements 
les  plus  graves  tle  sa  vie,  Jeanne  restera  ce  qu'elle 
doit   être  :  elle  sera    toujours    femme.    Et  voilà 
pounjuoi  si,  par  le  dehors,  sa    mission   semble 
la  faire  sortir  des  choses  et  des  coutumes  de  son 
sexe,   elle  y   rentre    loujoiu's  et   elle   \    demeure 
par  le  fond  de  son  être,  par  la  délicatesse  de  ses 
pensées,  la  houtcde  son  c<cur,  sa  grâce  ingénue, 
par  la  facilite  touchante  de  ses  laimes  comme  |)ai 
le  charme  alerte  et   jo\cuv  de  ses   propos. 

Aussi  restcra-t-elle  le  l\pe  parfait  de 
la  femme  et  de  la  jeune  lllle  françaises. 

Sur  le  cai'aclère  de  Jeanni'  d'Arc  <l 
la  bonne  renommée  dont  elle  jouissait 
à  I)()mrem\  ,  nous  aAons  des  témoi- 
gnages   aussi     touchants    ([ue    certains. 

Vingt-cinfj  ans  environ  après  sa  moi't,  dans  le  pi-ocès  de  réhabilitation 
([ui  rendit  à  sa  memoiic  une  tardi\e  mais  |)leiiu'  justice,  on  entendit  plu- 
sieurs habitants  de  Domremy  f|ui  jadis  l'avaient  connue.  Nulle  peinture  ou 
descri|ition  n'égalerait  en  ing(-nue  sincérité  le  langage  de  ces  pavsans. 

Il  faut  citer  leurs  |>aroles,  elles  forment  auloiu-  du  front  de  Jeanne 
comme  une  couronne  de  fleurs  des  champs,  et  il  est  doux  de  les  rap|)ro- 
cher  de  l'odieuse  sentence  en  laquelle  les  juges  méprisables  de  Rouen  se 
plaisent  à  entasser  les  outrages  (jue  la  haine  leur  dictait  contre  l'infortunée. 


JKANNE    KNFANT    ENTEND     SES    VOIX 

D'après  1;»  statue   d'Ai.tiERT  I.efeuvre. 


12 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


.Icaiiiic,  ou  plutôt  Jcanuotte,  comme  tout  lo  monde  l'appelait  à  Domremy, 
avait  trois  amies  <le  e(eui'  :  Ilau^ietle,  Meui^ette  et  Isaliellelte.  Voiei  leurs 
témoignages. 

Celui    (le  TTauvielte  d'aboid  :  «    Tout    enfants.    Jeannette    et   moi,   nous 
restions  volonlier's  dans  la  maison  de  son  |)ère.   ('.'('■tait  |)laisir  poiu'  nous  de 
eouelier  dans  le  m(''me  lit. 

((  Jeanne  était  bonne,  simple  et  douée,  l'allé  aimait 
à  allei'  à  l'ei^lise,  et  comme  les  £;ens  lui  reprocliaient  de 
la  lré(|uenlei-  trop  (le\ oteinenl,  elle  a\ait  honte. 

«  A  rc'pofjue  où  elle  (|uitla  deruuti\('ment  le  \illage, 
.leanuelle  ne  m'avisa  point  de  sou  départ,  je  ne  le  sus 
(lu'apres    cl    je    pleurai    Corl.    Elle    était    si    bonne   et   Je 

l'aimais     tant  !      C'c'-lait 
mon  amie  !   » 

"     C'était        mon 


amie 


..   Il 


est- 


pas  vrai,  dans  ee  simple 
mot  de  |)a\samie,  tout 
un  pau(''i>vrique  plein 
d('l()(juenee  iuj^cuue  et 
loucliante. 

Voiei  maintenant 
le  témoignage  de  Men- 
gette,  une  autre  amie  de 
Jeanne  :  «  C]'était  ime 
lllle  bonne,  simple  el 
pieuse,  si  pieuse  que  ses 
camarades  et  moi  nous 
disions  ([u'elle  r('tait  trop.  Elle  se  conl'essait  volontiers  au  curé  du  village.  » 
Jeanne  n'('tait  pas  seulement  pieuse,  elle  était  laborieuse,  «  vaillante 
au  travail  et  occupée  à  maintes  besognes.  Jeanne  fdait,  faisait  le  ménage, 
allait  à  la  moisson  et,  la  saison  venue,  quand  c'était  son  tour,  gardait  quel- 
quefois les  bêles,  sa  quenouille  à  la  main.  En  quittant  Domremy  elle  me  tlil  : 
«  Adieu,  Mengette  :  je  te  recommande  à  Dieu.  » 

Isabellette  survient  à  son  tour  ;  comme  ses  compagnes,  elle  parlera 
de  la  douce  bonté  de  Jeanne,  et  de  sa  dévotion.  Elle  y  ajoutera  son  amour 
pour  les  pauvres,  la  façon   touchante  dont  elle  les  secourait,  et   le   tout  se 


K    \.\.    riLLi-:  Dii.  uiEi;,    va  I    » 
D';iin'i-s  iiu  dessin  de  Philippoteau.\. 


«     LAUCHVTVGE    SAINT    MICHEL    I,  I.MIU.TINT    1>E    LA     GHVMJE    PITIE    DU    ItnyAU.ME    DE    FIIANCE    » 

D'après  le  tableiiu  de  Ij.-F.   Cabanes. 


DOMREMY. 


résumera  dans  ce  mot  simple  et  primesautier  :  c'était  «  une  hiave  fille  ». 
«  Jeannette,  dit-elle,  était  une  brave  fille,  bonne,  chaste,  pieuse,  crai- 
gnant Dieu,  pratiquant  l'aumône  et  faisant  le  bien.  Elle  recueillait  les  pau- 
vres :  elle  voulait  coucher  au  coin  du  fover  et  qu'ils  couchassent  dans 
son  lil.    >i 

C'est  bien   la  douce  guerrière  qui  plus  tard   ne  |)ouria  voir  sans  larmes 
un  soldat  blessé,  fùt-il  Anglais,  et  «  le  sang 
de  France  couler,  sans  que  les  cheveux  lui 
dressassent  ensur   ». 

La  veuve  Thicsselin,  marraine  de 
Jeanne,  vivait  encore.  Elle  vint  rendre  té- 
moignage à  sa  fillcidc  :  «  C'était,  dit-elle  en 
parlant  de  Jeanne,  une  bonne  enfant,  \i\aiil 
honnêtement  et  religieusement,  comme  il 
sied  à  une  fille  sage. 

«  Elle  ne  jurait  jamais,  et  pour  adirmei- 
elle   se  contentait  de  dire  «  sans  mancjue  ». 

«  Jeannette  était  bonne  travailleuse, 
filant,  faisant  le  ménage  et,  quand  le  cas  se 
présentait,  gardant  à  son  tour  les  animaux 
pour  son  |ière.    » 

On  fait  M'nir  la  femme  Tlic\cniu,  une 
voisine  des  parciUs  de  Jeanne.  Elle  vc\\i\  un 
témoignage  semblable,  ajoutant  toutefois  ce  di'tail  ([u'cllc  '  ctail  suifisammenl 
instruite  dans  la  foi  par  rapport  à  ses  pareilles  et  si'Ion  son  état   ». 

Puis  Noici  le  pariain  de  Jeanne,  ,lcan  Morel.  l^e  brave  homme  n'en  dit 
pas  long,  mais  il  \  met  une  coidialilc  (|ui  émeut  :  <>  l'allé  était  si  excellente 
fille,   dit-il,    (|nc   dans   le  \illage  tout    le  monde  l'aimait.    •• 

Jeanne  faisait  mentir  le  dit'ton,  elle  avait  réussi  à  être  prophète  dans 
son  propre  pa\s. 

Jeainie  a\ait  elc  mai'rainc  à  Domi'cmx  ;  elle  avait  eu  pour  k  compère  » 
Gérardin.  Celui-ci  vint  à  son  tour  témoigner  en  faveur  de  Jeanne  :  "-  A\i\nl 
habité  le  \illagc  de  Domremv  depuis  l'âge  de  dix-huit  ans,  j'v  ai  vu  et 
fréquenté  Jeannette,  dit-il.  Elle  était  modeste,  simple  et  pieuse.  Fréquenter 
l'église  et  les  lieux  de  dévotion  était  son  plaisir.  » 

Michel  Eebuin,  un  camarade  d'enfance  de  Jeanne,  loue  l'activité  de 
la    l'ucelle  et  sa  dextérité  :    «   Elle  était,  dit-il,  diligente   à   la    besogne,   elle 


VISION   m:  jv.vNM'.   i>  auc 

IVillUl'S     un     lll■^^lll     lll'     LeCURIEUX. 


l(i 


JEANNE   D'AIIC    RACONTÉE    PAR    L'L^IAGE. 


s'acquilhiit  de  façon  cnnve- 
nal)lf  et  adroite  de  Ions  les 
lra\aii\  ([iii  soiil  du  ressort 
des  l'emmes  vl  des  jeunes 
lilles.    » 

Jean  Wallei-in,  aiilre 
camarade  de  Jeanne,  snecède 
à  ^lieliel  l>el)nin  :  «  J'elais 
eid'anl  (|nand  Jeannelle  l'elait 
aussi,  dil-il,  el  je  la  \o\ais 
souNciil.  Soiixenl,  landis  (|ne 
nous  elions  a  jouer,  Jean- 
nelle se  relirail  a  part  el 
parlail  a  Dieu.    " 

(hw    diles-\(>us    de     ee 
laui-ai^e    siu'    les    lèvres  d'un 
|)a\san    :    «    lille     pailait     à 
I  )ieii    )i.    Un    \()il    hien    (ju'il 
avail    plus   d'inie  fois  consi- 
dère   Ji'anne     en    sa    prière. 
Celle-ei  ne  la  l'aisait  j)as  du 
bout  des  lèvres.  L'enfant  en 
avait  été  frappé  :  «  Elle  par- 
lai! a   Dieu    -.  (Micllc  scène  simple  el  i^rande,  faite  |)our  inspirer  un   peintre! 
c<    Jeannelle    clail    une    lionne    1 1  a\  ailleuse.    Elle    pour\o\ail   à   la    nourri- 
ture des    hesliauv   cl   s'occupail   \oionlicrs  du    i;()u\ei'nemenl  des  animaux  de 
la  maison  de  son   pcre —   Elle  allait  a   la  cliarrue,  i)ècliail  et,  son   lonr   \enu, 
L;ai(lait    les  hèles.    » 

(lesl  eneoi'c  un  eamaïade  de  Jcaïuiclle,  Jean  (lolin,  (jui  parle  ainsi 
d'.'lle. 

•  A  mon  avis,  reprend  un  autre  ami  d'eid'anee,  il  n'\  avait  |)as  meilleure 
<|u'elle   dans   le   villaijc.    .. 

Simonin  Musnier,  encore  un  eaniaratle  île  Jeannette,  appoite  aussi 
son  trihut  :  «  (hie  savez-vous?  lui  dcmaude-t-on.  —  Je  sais,  dit-il,  que 
Jeainicllc  était  l)onne,  simple  el  pieuse,  eraii;nanl  Dieu  et  ses  saints.  Quand 
les  cloelies  sonnaient.  Jeannette  se   siynait  et  s'agenouillait.    » 

«   Jamais  je    n'ai    entendu    mal    parler    d'elle,    reprend  Jean   Jacquard. 


LUS     \UIX    Ui:    JUS  Mi 

l)  ii]iii!.  uiK-  1  Mii-fiiitc  ili'  ISiDA  pour  ri-ilitioil  illustri-c  de  Jcmuiu-  J'Aie 

liai-  JlicIlL'k-t.    [Uachctlc,   cditciir.) 


DOMREMY. 


17 


Elle  était  rc|nit(''('  pour  sa  bonté  et  sa  piété.  C'était  une  fille  admirable- 
ment  douée.    » 

Nicolas  Bailh,  tabellion,  confirme  tous  ces  témoi»nagnes  :  «  Jeanne 
fut  toujoms  une  brave  fille...,  dit-il;  elle  aimait  à  aller  en  pèlerinage  à  la 
chapelle   de  Bermont.    » 

Le  drapier  l'errin,  ancien  sonneui-  de  Domremv,  a\ait  ('té  convoqué. 
C'est  à  lui  (ju'auti'cfois  Jeanne  pi'omcttail  des  «  lunes  »,  sorte  de  petits  pàlés 


L  ANGELUS    UE    JEANNE 

D'api-és  le  tnlilciii.  <!.■  H.-,I.  Lucas.  {Mum  d'.JIgcr.) 


renommes  dans   li'  na\s,  à  la   condition  (lu'il  IVil  exact  à  sonner    \'t///<>/'/us. 

«  Jeannette,  dit  Perrin,  ne  cessa  d'être  une  fillette  bonne,  chaste, 
simple  et  réservée....  Je  sais  bien  ce  que  je  dis,  ajouta-t-il  en  homme 
conscient  de  son  importance,  car  j'étais  en  ce  temps-là  marguillier  de  l'église 
de  Domremv  et  souvent  je  voyais  .leaunette  venir  à  la  messe  ou  auv 
compiles.    » 

Henri  \rnolin,  un  bon  prêtre  qui  avait  aussi  eoniui  Jeanne,  dit 
d'elle  :  «  Jeanne,  depuis  l'âge  de  six  ans  juscpi'à  son  départ  de  la  maison 
paternelle,  fut  une  brave  fille,  imbue  d'excellentes  mdL'urs.  Elle  était  d'iumieur 
laborieuse,  filait,  allait  quelquefois  avec  son  père  et  ses  frères  à  la  charrue. 

3 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


«  A  l'église,  on  la  ^()^ail  la ii lot  prosternée  devant  le  erueifix,  tantôt  les 
mains  jointes  et  les  veux  levés  vers  le  Christ  ou  la  Sainte  Vierge.   » 

Etienne  de  Sionne,  curé  de  Domremv,  clôt  la  série  par  cette  louange  : 
«  Jeannette  était  une  bonne  et  simple  fille,  bien  éduquée,  craignant  Dieu, 
telle  enfin  qu'il  n'y  avait  pas  sa  pareille  dans  le  village  '.    » 

C'est  donc  sous  ces  traits  que  nous  apparaît  Jeanne  d'Arc  enfant,  a  travers 
les  dires  de  ceux  qui  l'ont  connue.  La  naïveté  de  ces  paysans  nous  assure  de 
leur  sincérité,  et  leur  témoignage  emprunte  une  force  nouvelle  à  cette 
consiilération  que,  coni|)atrioles  et  familiers  de  celle  tlonl  ils  ])arlcnt,  ils 
n'ont  point  subi  de  sa  part  le  prestige  qu'imposent  ceux  qui'  l'on  \()il  de  lt)in 

et  f|uc    l'on    n'a   j)as   fiH'quentés   dans   un    commerce 
journalier. 

Nulle    cmpliasc   d'ailliius   dans  leurs    discours. 
|i       Les   exploits    passés    de    riicroïnc,    la    notoriété    de 
son  nom  dcsonnais  célèbre,  la  gravité  de  la  démarche 
publifpie  à   hujuellc   on    les    a   conviés,   l'importance 
des    pci'sonnages   devant   lesquels  ils  déposent,    rien 
ne   les  (h'toiniie    du    clicniin    simple    et    dioil    de    la 
vérité,  le  seul  qu'ils  veulent  suivre.  Ils  disent  tout  naï- 
vement ce  qu'ils  ont  au  et  parlent  d'elle  avec  le  calme 
de  gens   qui   s'entretiendraient   d'une   personne   de 
leur  ordinaire  société  et  ue  soupçonneraient  pas  l'importance  du  propos  qu'ils 
tiennent.  C'est  ce  qui  rend  leur  témoignage  si  saisissant  dans  sa  simplicité. 

Jeanne  était  donc  «  bonne  »;  elle  était  «  simple  ».  «  Laborieuse  », 
clic  n'était  ni  indolente  ni  rêveuse.  Ses  voix  et  ses  visions  ne  modifiaient 
en  rien  ses  dehors.  Elle  ne  s'en  autorisait  ni  pour  s'élever  au-dessus  de  ses 
compagnes,  ni  pour  s'éloigner  des  tra\au\  vulgaires  des  personnes  de  sa 
condition  :  elle  «  lilail,  faisait  le  ménage,  allait  à  la  moisson  »  et  «  son 
tour  xcnn,  gardait  les  troupeaux  »,  comme  toute  autre  fille  de  son  village. 
Elle  n'était  pas  seulement  «  bonne  travailleuse  »,  mais  robuste  et 
«  vaillante  au  travail  »;  elle  «  allait  à  la  charrue  »  et  «  bêchait  »,  quoiqu'elle 
n'eût  pas  dix-sept  ans  encore,  puisque  c'est  à  cet  âge  C|u'elle  quitta  Domremy. 
On  aime  à  se  l'imaginer  ainsi,  répondant  cinq  siècles  d'avance  à  ceux 
qui  nous  la  dé})eindront  chétive,  anémique  et  rêveuse. 

Son  humeur  ^aut  sa  santé  :  elle  est   «    luie  brave  fille   ».  Elle  a  le  cœur 


JEANNE    D  AllC    ET    SES    SAINTS 

Médaille  de  DnopsY, 
d'nprès  le  yi-oujie  d'ALLAR. 


1.    Josepli  Faille,  Procès  de  vchabiitlation.  t.  II,  ]).  ^u  tt  suiv. 


DOMREMY. 


'9 


Ijon  pour  tous;  elle  l'a  meilleur  eneoie  |:)our  les  pauvres;  elle  «  fait  fréquem- 
ment l'aumône  par  amour  de  Dieu  ».  Quand  quelque  indii^ent,  fuyant 
peut-lire  devant  une  horde  bouri^ui^nonne,  frappe  à  la  porle  de  son  prre, 
e'est  ell<'  «|ni,  empressée,  va  lui  ouvi'ir  el  lui  offre  à  manger.  Es(-il  sans  asile, 
elle  i>lai(le  sa  eausi'  et  im|)lore  de  son  pri'c  la  fa\cui"  de  lui  donner  son  lit. 
Et  Jeanne,  où  reposera- 
t-elle?  —  «  Au  coin  du 
fover  »,  répond-elle  allé- 
o  rement. 

E^o(Juons  cette  suave 
imai^e  de  Jeanne  endormie, 
sur  un  escabeau  dm'  et  nu, 
«  au  coin  »  de  l'clle  vaste 
cheminée  qu'on  \oit  encore 
à  Domremv.  hi  encore 
quelle  scène  dii^nc  d'inspi- 
rer nos  peintres  ! 

Robuste  et  «  vaillante 
au  travail  »,  la  charinc  ne 
l'effraie  pas,  et  les  bœufs 
tranquilles  creusaient  le 
sillon  non  sons  la  toncbc 
de  l'aii^uillon,  dont  elle 
usait  à  peine  sans  douli', 
douce  aux  bêtes  ainsi 
qu'auv  hommes,  mais  do- 
ciles à    cette  voix  qui  plus 

tard  devait  si  fortement  animer   les  i^cns  d'armes   à  la  lutte  et,    comme  un 
clairon  pur  et  sonore,  ramener  l'armée  de  France  au  chemin  de  la  victoire. 

Heureux  bétail  que  celui  que  Jeanne  a  conduit  ! 

Rentrée  au  logis,  elle  reprenait  la  quenouille,  «  vaquait  aux  soins  du 
ménage  »  et  se  montrait  <-  adioitc  en  tous  les  travaux  qui  sont  du  ressort 
d'une  femme  » . 

Ainsi  douée  par  la  nature,  elle  ne  négligeait  pas  de  s'assurer  la  grâce 
de  Dieu.  Elle  était  «  pieuse  »,  aimait  <.  à  aller  à  l'église  ».  Ses  compagnes 
l'en  raillaient  parfois.  Mais  elle,  au  souvenir  de  ce  qu'elle  puisait  au  pied 
de  l'aulcl,   laissait  tlire,   «   rougissait   »  seulement,   «  avait  honte  »,  comme 


0    j'wMS    TUiaZE    ANS    QU\NI)    j'euS     UNE     V(1I\     M.N  \N1'    UE    DIEU.    » 

D'après  le  tablciiu  de  Lejutte. 


20 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


(lisait  Iliunicllc,  et  ne  rt^clail  licii  des 
mvslôros  donl  son  âme  clail  le  llicàlic 
cl    le  It'nioin. 

IMroise  en  ses  propos  aiilanl  (|nc 
sincère,  clic  dcciarail  nettement  cc(|u'il 
(allail  (lire,  cl  le  (lisait  simplcnicnl  cl 
avec  mcsiMc.  »  Sans  manqne  »,  telle 
('lait  son  afliimalion  favorite,  sa  locu- 
tion (le  choix.  Devant  ses  juives,  à  Rouen, 
c'était  aussi  son  dernier  recours,  eu 
nii'Miic  IcMips  (|ue  son  dernier  mol  : 
.f  Sans  inan(|uc  ",  allii  iiiail-cllc  (|uaud 
ou   doutait    de  sa    parole. 

De  ses  extases  et  des  voix  ([u'cllc 
entciidail,  Jeanne  ne  disait  rien.  Seule- 
nicul,  (|uand  elle  priait,  sa  prière  n'était 

pas   pure  ("oi-ninle,  et,  selon    le  mot   de  sou   camarade  Jean   Wallcriu,   .■    elle 

parlait   à    Dieu  >•. 

Les   jeux    lui    plaisaient    peu.    Des    pensées    plus    i;ra\cs    occupaient    son 

esprit.  Mais  elle  ne  se  singularisait  pas,  et,  |)ar  simplicil(''  et  condescendauce, 

faisait  connue  ses  conipaii^nes. 

Ce   porirail,    l'ail    de   la    rude   main   d'Iionnncs  des   diamps,    restera    sans 

doute  toujours  le   plus  lidcle  comme  le  plus   (Mnouvaul  (|uc  nous  a\ous  de  la 

personne   de  Jeanne   d'\rc   adolescente. 


JK\SNE  111. INT  A  CDTK  DE  SON  PEHE 

D'iipri's   nnr   j;r;iviiiT  îles  Vif^iles  (It*   Cliarlcs  V'II 

(!r    l/,<)'i.  [Mastic  Cantavatct.) 


^^ 


Dans  le  premier  interrogatoire  que  Jeanne  subit  à  Rouen,  elle  échangea 
avec  Cauehon  le  colloque  suivant  : 
«  Votre  nom'? 

—  Dans  mon  pavs  on  m'appelait  Jeannette.  Depuis  ma  venue  en  France 
on   m'appelle   Jeanne. 

—  Votre  surnom? 

—  Du  surnom  je  ne  sais  rien. 

—  Votre  lieu  d'origine'? 

—  Je  suis    née  à  Domremv,  qui  fait   un    avec    le   village   de   Greu.x,   et 
c'est  à  Greux  qu'est  la  principale  église. 


"è 

^n'" 

1 

^ 

^ 

-s. 

A. 

^^ 

V 

-> 

N 

1 


DOMREMY.  2  1 

—  T>es  noms  de  votre  père  el   de  votre  mère? 

—  Mon  père  s'iippelle  Jacques  d" Ai'c  et  ma  mère  Isabelle. 

—  Où  avez-vons  été  baptisée? 

—  \  I)omrem\  '.  » 

En  ees  quelques  lignes  Domremy  lient  ses  lettres  de  noblesse. 

Ce  village  a  subi  quelfjues   transformations  de|)Mis  le  temps   de  Jeanne 


CmMUlir.    DU    JIUSNE    DAKC     \    DOMIIEMY    (ihvT    ACTITEl) 
D'itprfs   une   ])liotof;r;ij)hie. 

d'Are  el  ce  lut  l'occasion  de  dissertations  nombreuses  île  la  part  des  érudits. 
On  y  trouve  encore  toutefois  deux  lieux  qui  furent  témoins  de  l'enfance  de 
notre  vénérable  héroïne  :  la  maison  où  elle  est  née  le  6  janvier  1409,  et 
l'église  où  elle  fut  baptisée. 

On  a  ^u  parmi  les  illuslralions  du  présent  ouvrage  la  i-epr(''sentation  de 
la  maison  de  Jeanne  d'Arc  en  son  étal  actuel.  Elle  a  mallieureusemenl  subi 
depuis  le  xv''  siècle  des  transformations  assez  considérables. 

I.   Joseph  Fabi-c,  Procès  de  condamnation. 


22 


JEANNE  D'ARC  RACONTEE  PAR  L'IMAGE. 


Montaignt'  niconlc  qu'on  l'cvenanl  d'Italie  il  passa  par  Domroiny.  (le 
(ju'il  dit  de  la  faeade  de  la  maison  de  Jeanne  d'Are  eoneorde  bien  peu 
avec  ee  que  nous  v  voxons  maiiilenant.  Les  seul|)luies  qui  en  orneni  la  poile 
el  ([ui  lurent,  dil-on,  exo'cutées  sur  les  ordres  de  Louis  Xi,  l'urenl  plus  lard 
transportées  aulie  pai'l,  et  ee  n'est  rpi'à  une  époque  heaucoup  plus  rapprodiee 


CHAMliHl;    IJAN-.    L\     MMblIN     1)1;    Jl   »N>t    UAUC    (lilAT    ACHEl) 
n'apres   une   ])Iiot<»graphic. 


(le  nous,  et,  selon  quelques  auteurs,  vers  le  eommeneenieni  de  noire  sieele, 
qu'on  les  remit  eu  place. 

Des  travaux  récents  ont  transformé  les  combles  en  musée.  L'opj)ortunité 
de  ce  traAail  semble  discutable. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  ne  peut  pénétrer  dans  cette  demeure  sans  une 
émotion  profonde.  On  se  recueille  en  cette  pièce  vaste  et  pauvre  où  les 
parents  de  Jeanne  d'Arc  avaient  sans  doute  leur  cuisine.  On  v  voit  la 
A'aste  cbeminée  où  la  famill(>  se  réunissait  pendant  les  soirées  d'hiver. 
Cl'est  là,  à  ee  «  coin  tle  feu  »  où  Jeanne  voulait  dormir  quand  elle  offrait 
son  lit  pour  les  pauvres,  que  petite  enfant  elle  écoutait  allenti\e  et  troublée 


DOMREMY. 


le  récit  des  maux  que  subissait  la  France.  C'est 
là,  avant  même  que  saint  Michel  l'en  entretînt, 
qu'elle  apprit  «  la  grande  pitié  du  royaume  de 
France  ». 

Vers   le  fond  de  cette  pièce,  une  porte 
s'ouvre  sur  une  autre  pièce  plus  sombre  et 
plus  étroite,  où,  assure  la  tradition,  Jeanne 
prenait  son  repos.  On  y  voit  la  place  de  sa 
couchette,   un    creux   dans  le    mur   où  sans 
doute  elle  plaçait  ses  pauvres  bardes,  et 
la   fenêtre   étroite,   donnant  sur   l'église, 
par  laquelle  elle  eut  sa  première  vision. 
«  J'avais  treize  ans,  dit-elle,  quand  j'eus 
une  voix  venant  de  fJieu  pour  m'aider  à 
me  bien  conduire....  Cette  voix  vint  vers 
l'heure  de    midi.    C'était   l'été,    dans    le 
jardin  de  mon  père —  J'entendis  la  voix 
vers  la  droite,   du  côté  de  l'église.  » 

Une  pièce  voisine  était,  pense-t-on, 
occupée    par    les    frères    de    Jeanne. 

Il  est  peu  d'endroits  au  monde 
consacrés  par  des  souvenirs  plus  émou- 
vants. 

A  quelques  pas,  se  trouve  l'église 
de  Domremv,  où  Jeanne  fut  baplisc-e.  Elle  aussi  a  subi  rjuchiucs  cliangcmciils. 
L'orieiilalion    n'en    est   plus  la    même,   en  ee  sens  que  le   eiid-ur   occupe   la 
place  où  se  trouvait  le  poilail  au  lcnq)s  de  Jeanne  d'Arc.  Ee  poilail  ()((ii[)c 
donc  lui-même  l'aneicM ne  place  du  clucur. 

Ee  respectable  et  distingué  cure  de  Domrcmy  n'a  rien  nc'-gligé,  dans  la 
mesure  de  ses  ressources,  hélas!  bien  peu  considéral)les,  pour  marquer  en  ce 
sanctuaire  les  traces  que  Jeanne  d'Arc  y  a  laissées. 

Des  inscriptions  pieuses  et  sans  faste  rappellent  la  place  où  elle  (\ul 
être  baptisée,  un  bénitier  où  sa  main  d'enfant  prenait  l'eau  l)énile,  une  slalue 
ancienne  devant  laquelle  elle  a  souvent  prié. 

Ees  chrétiens  ne  pénètrent  qu'avec  vénération  dans  cette  humble  église 
de  campagne.  Tout  bon  Français,  quelles  que  soient  ses  convictions 
intimes,  y  entre  avec  émotion  et  respect.  Ne  partageât-il  pas  la  foi  de  Jeanne, 


LES    SVIÏTS    IJE    JEVNSE    I.III    OBDONSENT    DE    SECOLIUU    L\    FKASCE 

Groupe  d'Ai.LAn,  h  Doniremy 


24         JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

il  se  souvient  de  ce  que  la  foi  a  fait  en  elle,  il  évoque  le  souvenir  des  visites 
fréquentes  que  la  pieuse  enfant  faisait  sous  ces  voûtes,  foulant  de  son  pied  ces 
dalles.  C'est  là  que,  selon  le  mot  touchant  d'un  de  ses  camarades,  (jiie  nous 
avons  cité,  «  elle  parlait  à  Dieu  «,  là,  comme  disait  ce  bon  a  ieux  j)rèlre,  l'ahhé 
Arnolin,  (ju'on  .<  la  voyait  prosternée  devanl  le  eriieiliv,  tantôt  les  mains 
jointes,  le  visage  et  les  veux  levés  vers  le  Christ  ou  la  sainte  A'ierge  ». 

Nul  temple,  si  magnifique  soit-il,  ne  peut  valoir  plus  (jue  eelui-là;  nulle 
|iai'l  le  ('(cur  ne  se  sent  plus  fortement  saisi.  On  ne  le  (juille  (ju  a\ee  i-egret,  on 
y  voudrait  demeurer  toujours. 

Jj'extérieur  de  l'église  a  dû  |)eii  changer.  C'est  toujours  cette  même  vieille 
tour;  c'est  par  ces  haies  (jue  la  cloclie  ciivo\ait  à  Jeanne,  qui  les  aimait  tant, 
les  volées  joyeuses  de  l'A//ge/as^  quand  le  sonneur  IVrrin  n'ouhliait  pas  la 
consigne. 

Jeanne  d'Aie  a  maintes  l'ois  considère  ces  murailles  vieillies,  ces  pierres 
soiU  comme  imprégnées  de  son  regard.  Ce  icgard  lésa  consacrées  pour  nous. 

C'est  une  loi  du  ((cui',  en  elfel,  cpie  d'étendre  aux  ohjels  (pTont  consi- 
dérés ceux  <pic  nous  iiimons,  (pielcpie  chose  du  culte  (|uc  nous  axons  poin- 
eux-mêmes. 

A  peu  (le  distance  de  Domremv,  se  trouvait,  :ni  temps  de  Jeanne 
d'Arc,  une  cliapi'lle  th'diéc  à  la  sainte  Yierge.  On  l'appehiit  Noti'c-Dame  de 
Bermont. 

C'était  une  sorte  d'ermitage,  situe  sur  le  penchaiU  de  l'une  des  collines 
(|ui  ])ordent  le  chemin  de  Domremv  à  Vaucouleurs  et  descendent  vers  la  Meuse. 

Selon  le  témoignage  du  tabellion  Nicolas  Baillv,  «  Jeanne  aimait  à  s'y 
icndi'c  en  ])èlerinage  ».  En  compagnie  de  jeunes  fdies  de  son  âge,  elle  v 
allait  chaque  samedi  pour  v  ])rier  la  Yierge,  y  apportait  des  fleurs  et  y 
brûlait  des  cierges. 

Cette  chapelle  existe,  quelques  personnes  la  vont  visiter;  on  s'étonne 
toutefois  que  le  noml)re  des  pèlerins  ne  soit  pas  plus  considérable.  On  v 
eonseive  la  statue  de  Notre-Dame,  en  pierre  assez  bien  sculptée,  devant 
laquelle  Jeanne  d'Arc  a  prié. 


4^ 


Nulle  histoire  de  Jeanne  d'Arc,  quelque  plume  qui  l'écrive,  n'aura  le 
charme  pénétrant,  la  saisissante  élo(|uencc  île  celle  (ju'ellc  a  laconté'c  elle- 
même  dans  les  réponses  qu'elle  fit  à  ses  juges  de  Rouen. 


(I     I-A    VU1\    Alli    DIS  Ml     :     n     VA    F.N     F1\\M:K.     »     ET    JE    SE    POE  VAIS    l>ErS    DEUER    OU    JETAIS.     » 
D'apri-s   l;i    in-intiirc   iimralf   Jii    Piintlit'on    par   E.    Lenepveu. 

4 


DOMREMY. 


^•7 


C'est   là  ([ircllc  se  (Icpcinl    Icllc  qii'flk'  est, 

;ne(*  ce  naturel  qui  marque  ses  (lisef)urs  eomme 

sa  conduite,  en  ces  vives  saillies  qui  mettent  eu 

déroute,  par   un  seul  mot,   les  ari^uties  des   doc- 

leuis  et   jaillissent   raj)i(lcs  c(  [)rccises  eomme  ces 

lettres  (ju ClIe   lancail    au   houl    d'une    (Icclie    aux 

Anglais,    (juand    elle    les  soiinnait   de    se    rendre. 
Dans  son  proet's,  il  l'ut  longuement  question 

des  «  voix  »  qu'elle  attestait  avoir  entendues  et 

|)ar  le  conseil  desquelles  elle  faisait  toutes  choses. 

C'est  un  des  points  sur  lesquels  se  porta  l'elFort  le 

plus  soutenu  de  ses  misérables  juges.  Ils  en  firenl 

le    fondement   de    leur  |)rincipale    accusation.     \ 

chaque  S(''ancc    ils  \     rc\enaicnl,  et,   la    \cilic    de 

son    supplice,  ils    rinlcirogeaicnl    encore   siu-  ccl 

oh  jet. 

C'est  sur  ce  point  enfin  (juc  porte  le  preniicr 

article    de    leurs    conclusions   finales  cl    t\^•   l'acte 

tlaecusation   :    «   Sui-  le  premier  ailicle  (l'oncer- 

nant  les  révélations),  ladite  Faculté  dt'clare  doc- 

trinalement,  après  avoir  pesé  fa  iin,  le  mode,  la 

matière  des  révélations,  la  qualité  de  la  personne, 

le  lieu  et  les  autres  cii-conslanees,  (|u'il  n'v   a    la   (|uc  mensonges  imaginés  à 

plaisii-,  sc'ductcurs  cl  pernicieux,  procédant   des  esprits  malins  et  diaboliques 

Bélial,  Satan  et  J5éhémoth.  » 

Pourquoi  le  dissimuler'?  c'est  sur  ce  même  objet  (|uc  portent  nos 
f|ucrcllcs  (le  pensées  dans  le  temps  présent  touclianl  Jcaïuie  d'Are.  Les 
croyants  atlrihucnl  aux  \oi\  ([ir'ellc  entendit  une  origine  cl  une  rc'alitt'  surna- 
turelles. Ceux  (pii  ne  croicnl  pas  se  refusent  à  admettre  celte  origine  et  cette 
réalité.  Parmi  ceux-ci,  dès  lors,  les  uns  s'abstiennent  de  juger,  les  autres  ne 
voient  dans  l'elal  d'espril  de  Jeanne  d'Ai'C  (ju'une  pure  hallucination  tout  en 
respeclani  la  bonne  loi  de  la  Puccllc,  lacpielle  leur  paraît  indiscutable. 

On  ne  nous  pardonnerait  |i()inl,  et  ce  serait  légitime,  de  laisser  de  côté 
cette  grave  question.  Nous  avons,  d'aulrc  pari,  dcclarc'  au  dcbul  de  cet 
ouvrage  (|u"il  ne  serait  (cuvrc  ni  de  polémique,  ni  même  de  discussion.  Nous 
serons  fulèle  à  cette  promesse. 

Nous  nous   contenterons  donc  de    laisser  la   parole  à  Jeanne.  Elle   nous 


JIÎANSF.     A    DO.MBI.MY 

l)'.ij)ri-s   iiiH-    sliiluettc  tic   I'rémiet. 


JEANNE    D'ARC    IIVCONTÉE    PAR   L'IMAGE. 


dira,  dans  ses  réponses  an\  juives,  ce  qu'elle  pense  et  ee  ([u'elle  eroil.  [,e 
lecteni'  l^^eoulera,  non  eomine  les  juives  de  Rouen,  avec  le  seeret  dc'sii-  de  la 
surprendre  en  ses  discours,  mais  a\cc  droilure.  Nous  aussi,  dans  un  anire 
esprit,  étudierons,  en  ces  discours  de  Jeanne,  »  la  lin,  le  mode,  la  nialiere  des 
révélations,    la  qualité  de  la  personne,  le  lieu  cl   les  autres  eireonslances  ... 

Celle  Icclure  laile,  nous  ne 
conclurons  pas  senlemcnl  à 
la  parfaite  sincerilc  de  l'Iic- 
ronie,  el  à  l'adinirahlc  ler- 
incle  de  son  l)on  sens,  ce 
doni  (In  rcsie  pcrsoinic  ne 
saurail  doulci-,  mais  nous 
reconnaîtrons  (|ue  ses  r(''- 
ponses  nous  |)lacenl  en  lace 
de  l'un  des  prohlèmes  les  plus 
(lii;iics  d'inicrci  (|ne  puisse 
nous  ollru'  rinsloirc,  I CUide 
de  riioumic  cl    la    loi. 

\ssislons  donc  à  C(>s 
liisles  séances  Av  iioucn  : 
a\ons  le  pcnihic  conrai;!' 
d'cnlcndre,  (jucique  dci^oùl 
(jue  nous  puissent  causer  le 
cynisme  et  l'hypocrisie  des 
juges. 

Aussi  bien,  les  i('|)onses 
de    Jeanne    nous    donncroni 
consolation      et      réconl'orl. 
Nul  mieux   qu'elle    ne    nous 
tlira,     sans    passion    comme 
sans  crainte,  les  détails  de  ce  m\ stère  étrange  dont  son  âme  l'ut  le   théâtre  et 
le  témoin.  Sa  voix,  ingénue  el  vaillante,  nous  touchera  plus  (juc  les  disserta- 
tions les  plus  longues  et  les  mieux  nourries. 

«  Messire  Dieu,  disait-elle,  a  un  li\  l'c  où  nul  clerc  n'a  jamais  lu,  si 
fort  soit-il  eu  eléricature.  u  Laissons  les  livres  des  clercs,  ceux  des  sa\ants  et 
des  discuteurs,  lisons,  loyalement,  dans  ce  livre  écrit  de  la  main  même  de 
Jeanne. 


L_JE.ANNE     PARC     EXTENiPANT    LES    VOIX. 


JEANNE    ENTEND.VST    SES    VOIX 

Ucssiu  lii'   Prouvé  et  Cahot  pour  le  missel  île  Jeanne  iPArc. 
(Leiaige,    éditeur.   Cotlcctimi   de  l'ahhc  Lcmerlc.) 


DOMREMY. 


jilvnm;    vu   buis   CIlliNU 
D'aiH-rs  lin  ilessiii  île  VlTAL-DuimAY.  [Muscc  Jeanne  il\-lrt\  à  Orléans.) 


Dès  le  (lcl)ul  (lu  (Iciiviùiuc  iiilciiogaloiic,  les  juges  en  \iemieiil  à  eelle 
question  : 

«  Qunnd  avez-Nons  entendu  nos  \()i\  pour  la  première  (ois?  demande 
mail re  Jean   lleanpère. 

—  J'avais  treize  ans,  repond  Jeanne,  quand  /'rus  une  Aoiv  xcnanl  de 
Dieu  pour  l)ien  me  eonduire.  lit  la  première  l'ois  j'eus  grand'pein'.  (lelle  \n\\ 
vint  vers  l'iieuic  de  midi.  (J'i'tail   l'ele,  dans  le  jardin  de  mon   pèic. 

—  AAiez-\ous  mange? 

—  J'étais  à  jeini. 

—  Aviez-vous  jeûné  la  veille? 

—  Non. 

—  De  quel  eôle  enlendites-\ous  la  \(ii.v? 

—  A.  droite  el  (\i\  (■à[v  de  l'église. 

—  La  voi\  était-elle  accompagnée  d'une  clarté? 

—  Rarement  je  l'entends  sans  clarté.  Cette  clarté  se  manifeste  du  côté 
où  me  ^ient  la  ^oi\. 

—  Que  NOUS  semblail-il  de  cette  voix? 

—  C'était,  à  ce  qu'il  me  paraissait, une  voix  l)ien  nol)le,elje  crois  iju'elle 
m'était  envoyée  de  Dieu.  Lorsque  je  l'entendis  pour  la  troisième  fois,  je 
reconnus  que  c'était  la  voix  d'un  ange. 

—  Avez-vous  bien  |)u  la  l'omprendre? 

—  Elle  m'a  toujours  protégée,  je  l'ai  toujours  bien  comprise. 


3o         JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

—  Oiicl  cnsoioncmciil  vous  donnait-elle? 

—  Elle  m'a  enseii;nc  à  me  l)ien  conduire  et  à  (re(|nenlei'  r<''i;lise. 

—  ...    A'oli'e  |)ère  siil-il  \()lre  (l(''pai"t  ? 

—  Il  n'en  sut  rien.  La  voix  me  disait  :  u  ^a  en  Fcanee  »,  et  je  ne  [)on\ais 
pins  (inrei'  on  j  étais. 

—  Que  vous  tlisail-elle  eneore? 

—  La  \n\\  me  disait  qne  je  lèverais  le  sièye  mis  par  les  Ani^lais  devant 
Orléans. 

—  Entendez- vous  souvent  cette  voix? 

—  Il  n'est  jour  (|ue  je  ne  l'entende  :  j'iMi  ai  du  reste  Lien  Lesoin.    « 
Dans  la  ti'oisième  s(''anee,  l'interroi^ateur  revient  bienl(">l  sur  la  (pieslion 

des  réxclations  : 

«    I)ei)uis  ([ueile  lieinc  a\e/.-\()MS  enlendu  la  \i)i\? 

—  Je  l'entendis  Lier,  je  l'ai  entendue  aujourd'lini. 

—  A  quelle  lieuic,  liier,  ra\e/.-\()US  entendue? 

■ —  Je  lai  liier  eiilendue  trois  (ois,  le  malin,  a  llieure  des  vêpres  et  (|uand 
sonnail  Wivc  M(t//f/  i\u  soir.  Il  m'arriM'  même  de  renlendre  plus  sou\cnl  ([ue 
je  ne  le  dis. 

—  Hier  malin,  (|ue  raisie/,-\ons  (piand  la  \()i\  \inl? 

—  Je  tlormais,  et  elle  m'a  e\eillee. 

—  Vous  a-t-elle  éveillée  en  nous  loueliani  les  hras? 

—  Elle  m'a  éveillée  sans  mi'  louelier. 

—  La  voix  était-elle  dans  la  chambre? 

—  Elle  était  dans  le  château. 

—  Lui  avez-vous  rendu  i^ràcc?  \nus  êtes- vous  mise  à  i,^enoux? 

—  Je  l'ai  rcmcreit'c  en  me  lc^anl  cl  m'asse\ant  sur  mon  Ml,  les  mains 
jointes. 

—  Que  vous  dit-elle? 

—  De  répondre  hardiment Je  lui  demandai  sur  les  réponses  que  je 

devais  faire,  la  priant   de  dcmaniler  là-dessus  conseil   à   Noti-e-Seii^ncnr.   La 

voix  me  dit   :  <-<    Ré|)onds  hardiment.    Dieu   te  sera  en   aide »  (Icttc   nuit 

même  je  l'ai  entendue. 

—  A'ous  a-t-cllc  dit  (juelqnes  paroles  avant  que  \ous  lui  adressiez  (juel«|ue 
re(juêle? 

—  La  voix  m'a  dil  (juclqucs  paroles,  mais  je  n'ai  pas  tout  compris.  Ce 
f|ue  je  sais  bien,  c'est  qu'après  mon  réveil  elle  me  dit  de  répondre  hardiment. 
Vous,   évèque,   vous   dites  que  aous  êtes  mon  juge;  prenez  garde  à  ce  que 


DOMllEMY. 


3i 


vous  faites,  car,  eu  vérité,  je  suis  euvoyée  de  la  pari  de  Dieu,  et  vous  vous 
nulle/,  en  grand  danger. 

—  Cette  voix  a-t-elle  quelquefois  varié  dans  ses  conseils? 

• —  Non.  Oneques  je  ne  l'ai  trouvée  en  deux  langages  eoiilraires. 

—  Mais  cette  voix  vient-elle  île  Dieu? 

—  Je  le  crois  fermement,  comme  je  crois  la  foi  ehrélienue. 


LKS    VOIX 

D'aprrs  le  l;>blrau  tl* Adrien  Bonnefoy. 

—  N'en  savez-vous  rien  de  plus? 

—  Je  crois  que  je  ne  vous  dis  pas  à  plein  tout  ce  que  je  sais;  mais 
j'ai  pins  grande  c  lainle  de  Jaillir  en  disanl  (jnelque  chose  f[ui  d(''|)laise  a  ces 
voix  (|uc  je  n'en  ai  Ar  \ous  repondre  a  nous.  (^)uant  à  %otrc  ([ueslion  sur  ma 
voix,  je  ^ous  prie  de  me  donner  délai. 

—  Croyez-vous  qu'il  «léplaise  à  Dieu  ([u'on  dise  la  \erile? 

—  Les  'voix  m'oni  dit  de  dire  certaines  choses  au  roi,  v\  non  a  xous. 
Celle  nuit  même,  la  \oix  m'a  dil  licaucoup  de  choses  pour  le  l)i<n  du  roi  que 
je  Nondrais  être  des  mainlenant  sues  de  lui,  dnssé-je  ne  pas  l)oirc  de  \in  d'ici 
à  l'à(|ues.  Il  en  serait  plus  aise  à  diner. 


32         JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

—  Ne  |)ouvt■z-^olls  l;inl  faiie  aiipirs  de  c'clle  voix  qu'cllf  conseille  à 
poiler  la  nouvelle  à  voire  roi? 

—  Je  ne  sais  si  la  ^oix  voudrait  y  consentir.  Elle  ne  le  ferait  que  si  Dieu 
le  voulait  et  y  donuail  son  assentiment.  Mais,  si  c'est  le  plaisir  de  Dieu,  il 
pouna  bien  se  i'aire  (|ue  la  ré\élalioii  soit  t'aile  au  roi,  et  j'en  serais  hien 
eontenle. 

—  Pourfpioi  celle  ^()i\  ne  parle-l-elle  j)lus  niainleiianl  à  Notie  roi  eonmie 
elle  le  l'aisail  (piand  aous  ('lie/,  en  sa  j)résence? 

—  Je  ne  sais,  si  c'est  la  volonté  de  Dieu.  N'étail  la  i;ràce  de  Dieu,  je  ne 
saurais  rien  faire.  » 

Le  (jualriènie  inleirogaloire  est  à  peine  eulauK'  f|ue  Jean  Beaupère 
reprend  la  ([ueslion  des  ^oiv    : 

«    Depuis  sanu'di  a\  e/.-\()US  enleiidu  les  voix? 

—  Oui,  et  plusieurs  l'ois. 

—  Y  a-l-il  loni;leni|)s  ([u'illcs  \()us  parlenl? 
■ —  Voilà  hien  se|)l  ans  (|u'cllcs  lue  i^ardenl. 

—  C.i'S  sainles  soiil-elles  \clues  de  la  niènic  eloilc''' 

—  Je  ne  aous  en  dirai  pas  niainlenanl  da\anlat;e.  Je  n  ai  j)as  congé  de 
le  ré\eler. 

—  A  ous  ne  devez  rien  nous  laire. 

—  îl  y  a  des  ic\elalions  (|ui  \oiil  au  roi  de  l'rance,  cl  non  à  Aousfjui 
m'inlerrogc/,. 

—  Les  deux  sainles  parlenl-ellis  à  la  l'ois  ou  l'une  après  l'aulre? 

—  Je  n'ai  point  à  \ous  le  dnv.  CependanI  j'ai  loujoius  eu  conseil  de 
toutes  les  deux. 

—  La(pullc  des  deux  nous  l'sl  appaiiii'  la  picniiere? 

—  Je  l'ai  su  jadis,  mais  je  l'ai  oïdilié. 

■ —   ^  iles-vous  saini  Alicliel  cl  K'S  anges  en  corps  cl  en  réaliU'? 

—  Je  les  xis  des  \eux  de  mon  corps  aussi  hien  (jue  je  nous  xois.  El 
f|uaud  ils  s'éloignaienl  de  moi,  je  |)lcurais  cl  j'aurais  hien  xoulu  (ju'ils  m'eus- 
sent emporlée  aNcc  eux. 

—  lui  quelle  liguic  élail  saint  Michel  ? 

—  Il  n'y  a  pas  de  réponse  possihle;  je  n'ai  |)as  congé  de  vous  le 
dire'.    .. 

I.  \ous  empiinuons  la  plupart  de  ces  léponsis  à  la  liadiiclion  qu'a  donnée  du  procès  de 
RmuM  M.  Joseph  l<"abre,  dans  son  leuiarijualde  et  eonseientieuv  ouvrage  :  Procl'S  de  coiiduiiiimlioii  de 
Jcuinic  d'.-lii-,    I    \ol.;  J'roics  dv  ic-liii/iililclwii  de  Jeanne  d'Jrc.   2  vol. 


DOMREMY. 


33 


Un  homme  attentif  cl  impartial   ne  pouria  lire  ces  réponses  de  Jeanne 
d'Arc  sans  fiiire  les  remarques  suivantes  : 

Il  n'y  a  trace  de  rêverie  dans  ses  paroles  :  les  détails  de  lieu  et  de 
temps  qu'elle 
donne  à  l'en- 
droit des  appa- 
ritions qu'elle  a 
eues  sont  d'une 
précision  abso- 
lue. C'est  à  telle 
heure,  c'était 
hier,  c'est  main- 
tenant ,  en  til 
endroit,  de  tel 
côté. 

Point  (le  pa- 
roles superflues, 
rien  de  celle 
1  o  (\  u  a  c  i  t  é  (\  u  i 
marcjue  ordi- 
nairement les 
fantaisies  de 
l'imagination  ou 
les  illusions  tl'un 
esprit  illumine. 
Lui  demande- 
t-on  des  détails 
sur  le  vêlement, 
la  taille,  la  voix 
ou  l'alluic  des 
sainles  (|ui  lui 
pai'Ient,  elle  se 
refuse  à  les  don- 
ner. A  ses  yeux,  ce  sont  de  pures  inulililc-s.  «  Passez  outre  »,  répond-elle. 
En  retour,  elle  alfirme  avec  une  énergie  extrême  ce  qui  importe  :  «  .Te 
crois  aussi  fermement  les  dits  cl  les  laits  de  saint  Michel,  comme  je  crois 
que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  a  souffert  mort,  en  passion  pour  nous.    »  — 

5 


Il  I„\    FHANUl.   l'LHIH  11   V\K    (Mi   FI.MMl;   SF.ll  V    IUCGAGNÉK   I>AH    UNE   VII.liGr.   I.OnUAlMi.   » 

D'ajni-s  le  tableau  de  H. -P.  Uelanoy. 


M 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


<v  Yraimenl,  ajoute-t-elle,  si  vous  me  (leviez  arraclier  les  ineinl)r(s  e[  faiie 
pailii-  l'âme  hors  du  eorps,  eneore  ne  \  oiis  (lirais-jc  autre  eliose;  et  si  je  nous 
disais  autre  ehose,  après  je  vous  dirais  loujouis  (|ue  nous  uie  l'aNcz  lait  dire 
par  forée.    » 

(hiel([u<'s  jours  après,  elle  y  re\ienl  et  dit  :  '■  Si  j'c'tais  eu  jui^cinent, 
que  je  visse  le  fi'U  allumé  et  les  bourrées  prepai'ces  et  le  hoiureau  prèl  à  bou- 
ler le  l'eu  et  «pie  je  fusse  dans 
le  feu,  encoi'c  je  n'en  dirais 
autre  chose  et  je  soutien- 
drais ee  (pie  j  ai  dit  au 
procès  jus(pi'à   la   morl.    » 

()u  dirait  (pi'cllc  se 
complaît  a  ciuuncrer  les  pr((- 
Urès  de  ce  su|)plicc  du  feu 
dont  elle  a  tant  horrciu-,  et 
a  les  analsser  un  à  un,  pour 
donner  à  son  assinanee  une 
(■nergie  su|)rème. 

Enfin,  à  rencontre  des 
illuminées,  elle  est  la  saii;esse 
même,  elle  excelle  dans  l'es- 
prit de  eonduite.  Ses  visions 
n'ont  pas  été  vaines,  mais 
tendent  toujours;!  son  amen- 
dement et  au  succès  de 
r(euvi'e  (|iii  lui  a  été  con- 
liec.  C'est  «  poui'  1  aider  à  se 
bien  eonduii'e  >>  (pie  cette 
\<ù\  lui  \ienl  de  Dieu. 
«   Sois  bonne   enfant  »,    lui   dit    saint    Alichel. 

A  ses  saintes  elle  n'a  demande  (pie  trois  choses  :  «  Le  succès  de  mon 
expédition;  (pie  Dieu  aide  aux  français,  et  i^arde  bien  leurs  villes;  enfin  le 
salut  de  mon  âme  ».  Elle  dit  encore  :  <■'  Ouekpie  chose  cpie  je  fisse  jamais, 
mes  voix  m'ont  toujours  seeonrue;  c'est  le  signe  qu'elles  sont  de  bons  esprits.  » 
Enlin  pour  conclure,  ajoutons  :  .Icanne  était  \ii^oureuse  cl  fort  bien 
portanle;  toute  jeune  elle  tra^ aillait  aux  champs,  vaquait  aux  soins  du 
ménage,  «  allait  à  la  charrue  et  b('ehait  ».  Pendant  la  guerre,  on  la  vit  supé'- 


I,  ISSPIKATIOS 

D'iipi'és  le  t.iblc:m  de  Ducis  (182.Ï). 


DOMREMY. 


rieni-e  aux  plus  graudes  fatigues.  On  ne  peut  donc  supposer 
en  elle  un  être  maladif  et  propre  à  certaines  afFeetions  dont 
la  science  s'est,  avec  gi-and  fruit  du  reste,  tant  occupée  de 
nos  jours. 

J'^ile  est  d'autre  part  le  bon  sens  même  et  le  plus  fer- 
me; on  ne  saurait  supposer  en  elle  iliuminisme  ou  folie. 

Enfin  sa  lovante  est  supérieure  à  tout  et,  incapable 
de  s'égarer,  elle  ne  l'est  pas  moins  de  tromper  autrui. 

Telle  est  Jeanne  d'après  les  témoignages  de  tous 
ceux  (|ui   l'ont  connue. 

Devant  ces  faits,  les  ci'oyanls  estiment  qu'elle  a 
réellement  entendu  ces  voix,  et  de  cette  pi-emière 
conclusion  ils  passent  naturellement  à  cette  autre  : 
qu'elle  a  été  réellement  inspirée  de  Dieu. 

Ceux  qui  ne  croient  pas  se  refusent  à  cette  conclu- 
sion. Nous  n'entreprendrons  point  ici  de  les  convertir  à 
notre  jugement.  Il  faudrait  pour  cela  uuc  démonstra- 
tion étendue  f[ue  ne  comporte  poini  uoli'c  trasail  cl 
([ui  ne  rcnlicrail  (\i[  icsic  nullement  dans  ri'S|)rit  (ju'il 
doit  garder. 

<li'  que  nous  souliaitons,  c'est  que  les  savants  qui 
sont  dignes  de  ce  beau  litre  [lar  le  soin  de  leurs  recherches,  l'étendue  de 
leur  savoir  et  la  gra\ile  lo\ale  de  leui-s  conclusions,  s'arrêtent  à  étudier 
ce  phénomène   à  la  l'ois  intellectuel  et  moral. 

Il  est  au  plus  haut  degré  digne  de  leur  attention. 

Leur  demanderons-nous  de  conclure?  Non,  peut-être.  La  science  et  les 
sa^ants  n'ont  pas  à  dogmatiser. 

Nous  attendons  d'eux  simplement  iju'avcc  la  modestie  toujours  aussi 
facile  à  u\\  grand  esprit  (|u'ellc  est  honorable  poiu-  lui,  ils  continuent  les  tradi- 
tions de  respect  intellectuel  et  de  reserve  élevée  qui  jus({u'à  nos  joins,  à 
quelfjues  exceptions  près,  ont  été  de  tradition  pour  l'esprit  français  à  l'é'gaid 
de  ce  fait  considérable  de  la  vie  de  Jeanne. 

Même  en  ces  dernières  années  où  les  recherches  des  maîtres  de  la  science 
française  sont  allées  si  loin,  nid  n'a  touché  d'une  main  profane  le  nom  et  la 
personnalité  de  Jeanne  d'Arc.  La  chose  honore  l'héroïne.  Elle  n'honore  pas 
moins  la  science  française. 

L'Eglise,  du    reste,    nous   le    disons  avec  une   fierté    filiale,    donne  à    la 


JEANNE    D   \RC     ECOUTANT    SES    VOIX 

D'ai>rés  l.T  statue  (l'A.   Ktex 
clans  réglisc  d'Orsay. 


36  JEANNE   D'ARC    RACONTÉE    PAR    LIMAGE. 

science  en  celte  matière  nn  exemple  bien  digne  d'èti-e  suivi.  Dans  le  procès 
de  rèliabililation  de  Jeanne  d'Arc,  elle  s'abstient  de  porter  le  débat  sur  le 
caractère  ou  la  réalité  de  ses  voix,  se  contentant  de  mettre  en  une  lumière  que 
rien  désormais  ne  pourra  ternir  la  baute  et  inattaquable  vertu  de  Jeanne. 

Si,  dans  un  procbain  avenir,  le  procès  ouvert  à  Rome  aboutit  conformé- 
ment à  nos  espérances,  en  assurant  à  Jeanne  d'Arc  l'auréole  des  bienbeureux 
et  des  saints,  il  se  peut  ([w  l'Ei^lisc  i^ardc  la  nicmc  réserve. 

La  science  ne  saurait  mieux  lairc  <|U('  de  ((mliiuici-  a  s'iiis|)ircr  d'une  Icllc 
conduite.  Ce  ne  scia  pas,  eu  nos  joui's  où  tant  de  fjucsiions  nous  (li\iscnl,un 
spectacle  médiocrement  consolant  cl  Ibililianl  que  de  \oii'  Jeanne  d'Vrc,  eu 
cette  manière  comme  en  tant  d'autres,  pacifier  les  lils  de  la  France  réunis  à 
ses  pieds,  en  la  personne  des  maîtres  de  la  Science  et  de  ceux  de  la  Foi,  dans 
un  culte  assez  «^rand  et  im  dc-vouement  assez  génc-reux  pour  imposer  silence 
à  leurs  querelles  de  pensées  cl  s'accoidcr  dans  la  commiuie  admiration  (jii'ils 
professent  pour  la  plus  vaillante  cl  la  [)lus  uoble  de  leurs  sœurs. 


•■>< 


I)OMIir..MV 
D'iiiiri-s   la   médaille   de   O.    Roty. 


w^^ 


I.K    PI  DKI.l.E    CHASSIMI'     I.F.S    ANGLAIS 

D'iiprés  une  f;iMMiri'  île  V.ocms.  {Bil'linlhèiiiic  naliniialc.) 


II 


VAUCOULEURS 

PREMIER    VOYAGE   DE   JEANNE    —  JEANNE   ET   BAUDRICOURT 
SECOND   VOYAGE  —  DURAND   LAXART 

!V-, 

LES  clioses  allaient  de  mal  en  pis  pour  la  Franee. 
Les  suceès  des  Anglais  se  poursnivaient.  Verneuil 
elait    Ion  jours    en    leur    pouvoir,    Orléans    grandement 
menacé.   J^e  bruit   de   ces  deuils   se  répandait   dans  les 
campagnes.  Un  pèlerin,   un   vovageur  ou  quelque  fuyard 
en  apportaient  la  nouvelle.  Dans  les  familles  on  s'en  entre- 
tenait avec  terreur;  le  récit  en  était  répété   le  soir  au  coin 
du  foyer,   et  les  âmes   étaient  comme  en   suspens  dans  l'at- 
tente d'événements   plus  graves   encore  et  de  calashoplies 
suprêmes. 

Jeanne  entendait  tout  cela,  sans  dire  ce  qu'elle  en 
savait  déjà  par  les  révélations  de  ses  saintes;  mais 
l'impression  qu'elle  en  ressentait  s'accroissait  encore  par 
l'émotion  populaire  que  suscitaient  autour  d'elle  ces 
terrifiantes  nouvelles. 

Une  tradition  raconte  qu'un  moine  franciscain  de 
passage  à  Domremy  s'était  arrêté  chez  Jacques  d'Arc.  Il 
avait  raconté  lui  aussi  «  la  grande  pitié  du  royaume  de  France  ». 


,<%-s«':-4 


JEANNE    ENTEND    SES    VOIX 

D'après  la  statue  d'ANDRÉ  Allar. 

[Basilique  de  Domremy.) 


38 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


Jeannette,  loujouis  modeste,  se  tenait  à  l'écart,  à  la  |)lace 
la  plus  humble,  au  milieu  de  ses  frères  et  sceur,  assise  sans 
doute   près   de    cette    vieille   et   Aaste    cheminée   que    l'on 
conserve  encore  dans  la  maison  de  Domremv. 

Son    dessein    dcxiul    plus  formel,  sa   liàlc  de    partir 
plus  impatiente. 

Les  Franciscains  semblent  avoir  eu,  entre  tous  les 
ordres   rclii^ieux ,   rinilucuce  la    plus    considérable    sur 
.Icannc    d'Vrc.    l'idèlcmcut    alla(li('>s   à     la    cause    fran- 
çaise, indcpciidanls  cn\('rs  le  t\iu-  de  iSoui'goiiuc  cl  le 
pai'ti    anglais,    ils   allaient    par    les    \illes   cl    les  cam- 
pai;iics,  clanianl    les  iiiallicurs  de  la  I  raucc,   cxliorlanl 
les  hommes   à    la    liillc  cl    raniniaut    l'espoir   d'une    \i(- 
loirc  liuale. 

Ful-cllc     reellcmcMl      Icr'liairc     fr'anciscainc,     ainsi 
(lu'oii    la    piclciidu?    La   chose   ne   scnd)lc    pas  péremp- 
toirement   établie,   (|uoi(|uc    a    cette    cpo([ue    le   nombi'e 
des  fidèles  aflilies  à  lun  des  i;iands  ticrs-ordi'cs  dit  très 
considérable.    Mais    ce    (|ui    demeure  clabli,   c'csl    la 
mission    (juc    les    i'ranciscains    ont    remplie  près  de 
Jeanne    pendant    son    action    publicpic   cl    I  inalté- 
rable   dcvoucmcnl    (|u'ils    lui    oui    moulic.     Il    est 
juste    (\^^    le  l'cconnailrc  cl    de  rendre   à    leur   oi'drc 
ce  lem(»iij;nage  si  honorable  pour  lui. 
Les  «  voix  «,  du  reste,  pressaient  .Jeanne  toujoins  davantai^e.  «  T>a  voix, 
me  disait  deux  ou  trois  fois  par  semaine  :   Il  faut  que  tu  quittes  Ion  villaoe  et 
que  tu  ailles  en  France  ". 

"  La  \oix  me  ilisait  :  \a  en  France,  et  je  ne  [jouxais  plus  duicr  où 
j'étais   ». 

«   La  voix  me  disait  encore  que  je  lèxcrais  le  siège  mis  devant  Orléans. 

—  Ne  xous  disait-elle  pas  autre  chose"? 

—  Oui,  elle  me  dit  d'aller  à  A  aucouleurs,  vers  Robert  de  Baudrieourt, 
capitaine  dudit  lieu,  et  qu'il  me  donnerait  des  gens  jtour  faire  route  avec  moi. 
Et  alors,  moi,  je  ré[)ondais  à  la  voix  que  j'étais  une  pauvre  fdle  ne  sachant  ni 
chevaucher  ni  guerroyer.  » 

Jeanne  passa  quelques  mois  dans  ces  alternatives  d'espérance  et  de 
crainte.  Tantôt  l'àpreté  de  l'entreprise  la  rejetait  en  arrière;  elle  se  disait  alors 


<I    IL  PlUr   OUF.  J    VIl.LF.,    F.T  J   IlUI    » 

D'après  hi  siatiiftlc  irANnftÉ  Massoui-le, 


VAUCOULEURS. 


39 


(ju'il  c[ail  j)kis  s;ii;f   de  rt'sU'i-  aux   cliamps,   ou  du  moins  de  sui'scoir  à  loute 
résolution. 

Mais  bientôt  l'inspiialion  icvciiail;  Irs  voix  ro-jK-onaii-nl  :  «  Va,  va,  lille 
de  Dieu,  va  !  »  Son  cœur,  du  itsIc,  ('lail  ()u\eit,  prêt  à  les  enleiidre,  et  le  grand 
amour  (ju'elie  axait  de  la 
France  s'unissant  aux    in- 


stances de  l'ange  et  des 
saintes  :  «  Il  faut  que 
j'aille,  disait-elle  résolu- 
menl,  et  j'irai.   » 

Mais  la  réalisation 
des  plus  grands  desseins 
dépend  souvent  au  delinl 
de  ({uel([ues  détails  de 
conduite,  qui  ne  sont  rien 
en  a|)parence  et  même  en 
soi,  mais  (ju'il  n'est  pas 
toutefois  aisé  de  mener  à 
bonne  fin.  Le  point  im- 
portant pour  Jeanne  élail 
de  se  rendre  à  Vaueou- 
leurs,  et  pour  cela  il  lui 
fallait  quitter  Domrenn. 
(4-  n'était  pas  cliose  facile. 

lui  silence,  elle  réllé- 
cliil  sur  cet  ol)jet. 

On  ne  s'attardera  ja- 
mais assez  à  considérer  celte  enl'anl  de  Irci/.e  ans,  menant  seule  un  tel  labeur, 
n'en   parlant  à  personne,  saeliani  (|n'aii   moindre  mot  (ju'elle  en   dirait   tous 
seraient  contre  elle. 

Une  telle  force  d'âme  est  vi'aiment  surprenante  clie/  une  enfant  de  cet  âge. 

Il  est  à  croire  toutefois  qu'en  dcpil  de  ses  ell'orts  elle  ne  dissinudail  pas 
complètement  les  pensées  qui  roccupaient  et  (juc  sa  famille  cul  (pielcpie  \ent 
de  la  cliose. 


I.\   VOIX   MV.    DISAIT    «    V\     IN    lUANCM    » 

D'après    le    tableau    do    Jacques    Waghez. 


4o  JEANNE   DARC    RACONTÉE   PAR    L'IMAGE. 

Nos  songes  sont  souvent  faits  de  nos  craintes  ou  de  nos  désirs.  Le  père 
de  Jeanne  eut  des  songes  à  ce  sujet. 

«  Votre  pèie  ne  fit-il  pas  des  menaces  contre  aous,  pour  le  cas  où 
vous  partiriez?  demanda  un  tles  juges. 

—  J'entendis  répéter  par  ma  mère,  répondit  Jeanne,  que  mon  père 
disait  à  mes  frères  :  Vrai,  si  je  crovais  qu'advint  celte  chose  de  ma  fdie, 
je  voudrais  qu'elle  fût  no\(''e  par  vous;  et  si  vous  ne  le  faisiez,  je  la  noierais 
moi-même  ». 

Elle  ajoutait  :  «  Mon  père  et  ma  mère  perdirent  presijue  le  sens  quand 
je  partis  pour  Vaucouleurs  ». 

Jeanne  von  ait  tout  cela,  et  nul  ne  pourra  s'imaginer  les  lortiucs  qu'elle 
ressentit  quand,  placée  entre  l'amour  (|u'clle  avait  poui'  les  siens  et  celui 
qu'elle  portait  à  la  l'ranee,  elle   «   voulait  et  ne  voulait  pas   ». 

Ces  sollicitudes  la  chargeaient  déjà  l)eaucoup  :  luie  autre  s'\  adjoignit. 
Sa  famille,  sans  doute  poui'  la  détourner  de  son  dessein,  essaya  de  la  marier. 
Lin  jeune  homme  île  Toul  demanila  sa  main,  mais  Jeanne  se  refusa  à  ce  projet. 
I^e  jeune  homme  la  fil  alors  citer  en  justice  à  Toul,  comme  lui  ayant  promis 
de  l'épouser;  mais  gain  tic  cause  fut  donné  à  Jeanne. 

Ses  juges  de  lîoueii  rinlcrrogèreul  à  ci'  sujet,  étaxant  sin-  ce  i'ontl  une 
de  leurs  accusations  contre  elle  : 

«  Qui  est-ce  qui  yous  poussa  à  faii-c  citei-  un  honune  à  Toul  en  cause  île 
mariase  ? 

—  Je  ne  le  fis  pas  citer,  répondit  Jeanne;  mais  ce  fut  lui  (]iii  me  fil  citer 
en  cette  ville,  et  j'v  jurai  devant  le  juge  de  dire  la  vérité  :  je  n'avais  fait  à  cet 
homme  aucune  promesse.   » 

Au  milieu  de  ces  angoisses  iliverses,  Jeanne  eût  peut-ètie  encore  retardé' 
son  dépari,  si  une  occasion  fayorable  ne  lui  eût  été  offerte  de  tenter  un 
voyage  du  côté  de  Vaucouleurs. 

Elle  avait  à  Burev,  village  situé  aux  environs  de  cette  ville,  un  cousin 
germain  de  sa  mère,  nommé  Durand  Lavait'.  Jeanne  obtint  de  ses  parents 
la  peimission  iKallcr  passer  qiu'lfpies  jours  chez  ce  pai'cnt. 

Aussitôt  arrivée  à  linrev,  elle  demanda  à  Lavait  de  la  conduire  à  Vau- 
couleurs. 

Lui  confia-l-elle  l'objet  de  l'ouverture  qu'elle  voulait  fiiire  au  gouverneur 
de  cette  ville?    Nous   ne  savons.    Durand  Laxarl   était   bon.    J^'accent    avec 

I     Ou  Durand  Liissois. 


VAUCOULEURS. 


4i 


LIÎ    Dia'Mll'    Dr.    VAUCOULEURS 

I)'.i[H'('s   lit   peinttii'i*  imir.iU'  «lu    P.iiitlu'-on,   j)iir   Lenepvku. 


It'fjui'l  la  jc'iuiL'  lillc  lui  (Icinaiitla  ce  st'r\icc  le  remua  saus  iloulc,  l'I  il  se  décida 
à  l'accompagner. 

Jeanne  a  raconté  cet  incideni  de\an(  ses  juges  de  Rouen,  a\{'e  sa  netteté 
cl  sa  concision  habituelles  :  «  J'allai  clicz  mon  oncle  cl  lui  dis  (|uc  je  xoulais 
rester  près  de  lui  pendant  quclf[ue  peu  de  temps,  et  j'\  icslai  huil  jours. 
Pour  lors,  je  dis  à  mou  oncle  fju'il  me  fallait  aller  à  Aaucouleurs,  cl  mon 
oncle  m'y  conduisit.  Quand  je  fus  mmuic  à  Vaucouleurs,  je  reconnus 
Robert  de  Baudriconrt,  qnoicjne  je  ne  l'eusse  oncques  vu  aupara\ant. 

—  Comment  le  reeonnùtes-vous? 

—  Je  le  reconnus  grâce  à  ma  voix.  C'est  elle  qui  me  dit  :  «  Le  voilà  «. 
Je  dis  à  Robert  :  «  Il  faut  que  j'aille  en  France  !  »  Deux  fois  Robert  refusa 
de  m'entendre  et  me  repoussa.  T^a  troisième  fois,  il  me  reçut  et  me  donna 
des  hommes.  Aussi  bii'u   la  xoix  m'avait  ilit  (pi'il  eu  serait  ainsi.    » 


^^ 


42 


JEANNE  D'ARC  RACONTEE  PAR  L'IMAGE. 


C'est,  pense-t-on,  vers  la  fêle  de 
l'Ascension  que  Jeanne  se  rendit  pour 
la  première  fois  à  Vaucouleurs. 

Il  est  facile  de  s'imaginer  l'anxiéu- 
de  ses  pensées  en  ce  premier  vovasjfc. 
L'imporlanee  de  la  ville  ('(ait  assez 
considérable,  et  Jeanne  sans  doiile  y 
entrait  pour  la  pi-emière  fois. 

Les  villes  ont  pour  les  gens  des 
cliamps  une  sorte  de  prestige  donl  ils  ne 
se  (Icicndcnl  (ju'a  la  longue  et  après 
plusieurs  voyages.  Les  maisons  v  sont 
plus  alignées  qu'à  la  eampagne,  où  clia- 
ciMi  l)àlil  (i  oriente  sa  deuK  itic  selon  sa 
l'aulaisic,  sans  compter  a\cc  les  soisins 
ni  prendre  souci  de  la  \()irie.  Les  de- 
nieui'cs  V  oui  un  plus  liclic  aspect  cl  jcr, 
toits  s"\  élcxcnt  beaucoup  plus  liaul  (|uc 
celui  des  cbauuùères.  Ou  \  parle  un 
langage  |)lus  correct,  (pii  [met  mal  à 
l'aise  f{'\i\  (|ui  n'ont  gnèi'c  use  (juc  du  patois  campagnard.  Les  gens  enfin 
y  ont  des  manières  plus  soignées,  inic  mise  plus  elegaiilc  et  des  allures  cpù 
déroutent  le  paxsan.  [)c  tout  cela  nail  eu  lui  une  sorte  de  crainte  (jiie  sou 
embarras  extérieur  tralùl  et  (pii  le  rend  sou\eut  gauclie  et  parfois  balourd. 

Jeanne  s'élevait  évidemment  au-dessus  des  sentiments  du  granil  nombre 
des  hommes  et,  dc^à  mûre  longtemps  avant  l'âge,  elle  savait  juger  à  leur-  poids 
les  choses  et  les  gens. 

Aussi  prompt  que  elairvovaut,  son  regard  allait  plus  loin  ([ue  les  appa- 
rences et  le  dehors  :  il  atteignait  le  fond  même. 

11  n'en  demeure  pas  moins  que  son  ame,  éminemment  propre  à  recevoii- 
les  impressions  du  dehors  et  fidèle  surtout  à  se  pénétrer  de  la  gravité  des 
entreprises  avant  d'v  mettre  la  main,  dut  s'émouvoir  grandement  devant 
cette  porte  du  château  où,  plus  que  son  propre  sort,  allait,  selon  l'accueil 
du  gouverneur,  se  décider  le  sort  de  la  France.  J^e  pont-levis  s'abaissa 
lentement  et  Jeanne  entra,  suivie,  à  distance  sans  doute,  par  l'onde  Durand 
I^axart. 

Cette   porte  est  conservée  à  Vaucoidcurs.   Le  visiteur  se  recueille  avant 


i)-.,p. 


JF.VNNl'.    I>  AUC 

la    sr;ituf    tir    V.    lîoGlNO. 


VAUCOULEURS. 


43 


d'i'ii  fiaïuhir  le  seuil,  (l'est  qu'il  n'est  pas  moins  saeré  (jue  eclui  de  la  maison 
(le  Jeanne  à  Domremv.  Celui-ei  fut  le  premier  que  Jeanne  petite  enfant  foula 
en  entrant  dans  la  vie.  lei,  e'esl  dans  la  vie  publique  que  Jeanne  va  entrer; 
e'esl  la  première  manifestation  de  son  action  étonnante,  c'est  le  premier  mot 
de  son  épopée. 

Il  n'est  pas  permis  à  un  bon  Français  de  considérer  ces  pierres  sans  une 
émotion  profonde.  Elles  ont 
pour  le  visiteur  je  ne  sais 
quoi  qui  le  fascine  et,  comme 
i\n  parfum  sacré,  s'en  dc'-- 
uaee  le  souvenir  des  choses 
étrangement  grandes  qui  se 
sont  passées  en  ces  lieux 
dans  l'àmc  de  Jeanne  d'Arc. 

Baudricourt  fil  à  la 
jeune  fille  un  accueil  peu 
encouraseant. 

I^a  Pucelle  lui  dit,  sans 
autre  préambule,  qu'elle 
«  venait  île  la  part  de  sou 
Seigneur,  afin  qu'il  mandât 
au  Dauphin  de  se  bien  lenii- 
et  de  ne  point  assigner  ba- 
taille aux  ennemis,  parce 
qu'il  aurait  secours  avant  le 
milieu  du  carême  ».  —  «  Le 
royaume,  disait-elle,  n'ap- 
partient pas  au  Dauphin, 
mais  à  mon  Seigneur;  mais 
mon   Seigneur   veut   ([uc    le 

Dauphin  devienne  roi  et  (ju'il  ait  ce  royaume  en  commande.  En  dépit  de  ses 
ennemis,  il  sera  roi,  et  moi-même  le  conduirai  au  sacre.  Il  faut  f|uc  j'aille 
en  France,  et  j'ii'ai.  Qu'on  me  donne  une  escorte  et  un  che\al.  V\ant  la  mi- 
carême,  il  faut  que  je  sois  par  devers  le  roi.    • 

Ces  propos  n'étaient  pas  pour  étonner  médiocrement  baudricomt.  Ces 
mots  de  «  mon  Seigneur  »  lui  parurent  étranges,  et  il  demanda  à  Jeanne  : 
«  Et  quel  est  donc  ton  Seigneur?  »  —  «  Le  roi  du  ciel  «,  répondit  Jeanne. 


«     V.V     vu    SECOUBS    DU    KOI    DE    FRANCE,     lU    LUI    IIENDUAS 
SON    ROYAUME     )) 

B'aprês  le  tabicnii  d'EuGÈNK    rmuioN. 


44         JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

Le  capitaine  la  jugea  folle  et,  sans  aller  plus  loin,  a|)pela  Durand  l,a\arl 
el  lui  tlit  de  la  «  reconduire  à  son  père  après  lui  avoir  donne''  deux  soulïlels  ». 

On  a  fort  attaqué  la  mémoire  de  Baudricourt  pour  le  peu  de  confiance  (pi'il 
montra  d'abord  à  Jeanne  d'Arc  et  pour  la  créance  (ju'il  icfusa  à  ses  dires. 

C'est  juger  ])ien  à  la  légère  que  tle  juger  ainsi.  Il  faudrait  en  effet  mieux 
entendre  les  conditions  dans  lesquelles  le  capitaine  de  A'aucoulcurs  recul  les 
ouvertures  de  Jeanne. 

Qu'on  s'imagine  une  jeune  fille  de  dix-sept  ans,  presque  une  cnCanl, 
arti\aut  de  son  village  à  l'insu  de  ses  parents,  n'avani  pour  guide  cl  ponr 
garant  qu'un  simple  pavsau.  (>u'on  l'écoute  ensuite  pai'Iant  an  gonverncni'  de 
son  dessein  d'aller  faire  sacrer  le  Dauphin,  après  avoir  déli\  ré  Orléans,  qnand 
les  plus  fameux  capitaines  du  temps  n'y  pouvaieni  réussir.  (^)n'on  la  suppose 
enfin  se  donnant  comme  une  envoyée  de  Dieu,  el  l'on  c<miprendra  que  Bandri- 
eourl  ail  lout  d'ahord  vu  en  elle  une  folle  plutôt  qu'une  inspirée. 

De  telles  pensées  n'entreraient  qu'avec  peine  en  l'esprit  de  tout  homme 
sage;  elles  ne  pouvaient  surtout  agréer  à  un  soldat  double  d'un  |)olili(jne  avisé, 
peu  fait  pour  admettre  en  son  conseil  de  défense  les  interventions  surnatu- 
relles et  les  considérations  mystiques. 

A  nous  qui,  après  einfj  siècles  écoulés,  savons  ce  qu'il  en  fut  de  Jeanne  et 
de  sa  mission,  il  est  facile  d'accorder  à  celle-ci  toute  créance.  Mais  en  ce  temps- 
là  c'était  autre  chose.  On  n'a  pas  le  droit  de  blâmer  Baudricourt  plus  que  les 
docteurs  de  Poitiers  qui  pendant  trois  semaines  tinrent  Jeanne  d'Arc  dans 
l'attente,  ni  plus  que  le  Dauphin  et  sa  cour  qui  commencèrent  par  douter  de  sa 
mission. 

Les  propos  de  Jeanne  il'Arc  eussent-ils  (-te  tout  autres,  eussent-ils  été 
inspirés  par  une  connaissance  approfondie  des  choses  de  la  guerre,  que 
15audriconrt  eût  dû  encore  prendre  temps  et  conseil  avani  d'\  adhérer.  Yaucou- 
Icuis  élail,  à  l'est,  la  clef  de  la  France.  Quaiul  on  ou\  ic  el  (jiuuul  on  ferme 
à  discrétion  la  «  Porte  de  France  »,  il  ne  le  faut  faire  qu'à  bon  escient  et  après 
a\()ir  exigé  papiers  en  règle  de  ceux  qui  veulent  en  franchir  le  seuil. 

C'est  ce  que  fit  Baudricourt,  et  il  faut  l'en  loner.  Il  a  fait  ce  qu'il  dexait 
faire,  il  a  ('lé  ce  (jn'ii  devait  être  :  le  fidèle  et  prudent  gardien  des  intérêts 
de  la  France. 

Il  est  facile  de  jeter  sur  lui  le  blâme;  il  serait  moins  aisé  pour  ses  accusa- 
teurs de  justifier  les  reproches  dont  ils  l'accablent. 

Quel  accueil  eût-il  rencontré  à  la  cour  si,  sur  les  premières  ouvertures  de 
Jeanne,  il  l'avait  envoyée  au  Dauphin  avec  lettres  de  garantie? 


VAUCOULEURS. 


45 


Qu'eussent  pensé  de  lui  les  La  Hire  et  les  Dunois  en  le  voyant,  sans  exa- 
men plus  prolongé,  annoncer  comme  chef  de  guerre  aux  armées  françaises 
et  comme  iïilur  libérateur  du  territoire  une  enfant  de  cet  âge,  hier  encore 
paysanne,  faisant  le  ménage  chez  son  père  et  fdant  la  quenouille  en  gardant 
des  troupeaux? 

Le  blâme  ici  ne  doil  pas  aller  à  Baudricom-t  pour  avoir  agi  comme  il  l'a 


CH.VTEAU     I>K     VAUCOIILI'.MIS     (iLTAT    ACTIIKI. 
La   Porte  (!c   ville  et  la  Pm-lr  «le   l'rallec  (iTaprés  une  |iliiitiii^'i-a[iliie). 


l'ail,  mais  à  ceux  (jiii  hii  loril  un  crinir  de  sa  prudence  et  de  ses  sages  Icnlcuis. 

On  iiisisie  cl  on  lui  (ait  reproche  (l'a\oir  conseillé  à  Durand  Laxarl  de 
soulllelcr  Icaniie. 

Il  est  clair  qu'en  noire  Icinps,  ou  Tcaïuic  d'Vi'c  esl  l'objcl  d'iiii  Ici  cullc, 
on  s'indigne  volontiers  à  la  seule  pensée  du  moinilrc  outrage  lail  a  sa 
personne.  Mais  Baudricourl  vivait  en  son  temps  et  non  dans  le  nùirc.  Il  serait 
plus  sage  de  comprendre  que  Jeanne  d'Arc  ne  pouvait  avant  sa  mission  clic 
pour  lui  ce  qu'elle  est  pour  nous. 

Il  serait  juste  aussi  ilc  se  reporter  aux  mieurs  de  ce  même  temps.  Elles 
avaient,  en  toutes  choses,  une  rudesse  dont  nous  n'avons  plus  l'idée  aujour- 


46 


JEANNE   D'AIU:    R  VCONTÉE   PAR   L'IMAGE. 


(l'iuii,  cl  (le  même  qu'à  cette  époque  Ijiùler  \  if  (|uel(|u'un  n'iniiil  piis  aux 
yeux  (les  foules  l'odieux  (|u'uu  (el  supplice  aurait  maiuteuaut,  de  même, 
dans  l'éducaliou   des   eufauls,  ou   usail   de  uioyeus  que   uos  mceurs  actuelles 

l'cpiouNcul,  et  a\ee  raison, 
mais  (jui,  il  a  a  à  peu  près 
un  demi-siècle,  étaient  loin 
d'èli-e  lomb("s  en  (l(''suélude. 
La  pau\ie  Jeanne  eût 
de  beaucoup  préféré  nombie 
(le  soufflets,  même  \ii;()U- 
l'cux,  aux  <•  torts  el  iui^ia- 
\auccs  »  que  les  couilisaus 
lui  inipos('i-cnt  des  le  pi'c- 
miei-  jour  sans  relàelie,  que 
tant  d'autres  avec  eux  ne  lui 
mcuiii;er('nt  pas,  el  (jui  jus- 
(|u  a  la  mort  l'enlia^èrcnt  à 
tout  instant. 

Il     con\icul      enlin     de 

disciMpcr  Laudi'icoui'l  d  une 

accusation    plus    i>rossièi"e   à 

la  fois  et  plus  odieuse,  d'api'ès 

huiuellc    il    ainail    insull(''    à    la    pudeur   de  Jeanne   cl    lui   aurait,    devant   ses 

soldats,  tenu  des  piopos  révoltants. 

Jeanne  le  nia  a  Uouen,  et  ecu\  (|ui  aujourd'liui  ci'oient  faire  (cu\re 
oratoire  en  nicme  Icnqjs  (jue  patiioti(jue  en  eta\ant  sur  ces  hideux  racontars 
r(''pilhèlc  d'iufàmc  qu'ils  jeltenl  gratuitement  à  baudrieourt,  devraient  se 
souvenir  en  (juclle  compagnie  ils  se  placent  en  parlant  de  cette  manière.  Les 
lauriers  des  juges  de  Rouen  ne  sont  vraiment  pas  de  ceux  qui  devraient  les 
empêcher  de  doiniir,  el  Icui-  ardeur  peut  s'animer  comme  il  convient  pour 
riionneur  de  la  Pucellc  el  la  grandeur  de  la  l'rancc,  sans  emprunter  à  une 
émulation  de  ce  caractère  des  sentiments  ([ui  ne  sauraient  être  efficaces  en 
leurs  fruits  quand  ils  naissent  d'une  telle  source. 

Aussi  bien,  qui  veut-on  insulter  ici?  Un  moraliste  a  dit  fort  judicieuse- 
ment cette  grave  parole  :  «  On  ne  fait  généralement  entendre  à  une  femme 
que  les  propos  qu'elle  a  fait  compiendre  qu'elle  écouterait  volontiers  ».  — 
Veut-on   faire  à  Jeanne   d'Arc   application  de  cette  règle?  Non,    sans  doute. 


D';ipn's  une  iniiii;iturf  d'un    niiilul^ci-it   latin  du  xvi*^  sii'clc 


VAUCOULEURS. 


47 


t.t:   songe 
D'iiinc's   une;    lilliiji;i  ;iiiliii'   de   CllASSEl.AT   (1S20). 

Comnicnl  (1rs  lors  ne  coinpicnd-oii  |);is  ([u'cn  xoiihinl  iMl):iiss(i-  Ikmdiicoiiil 
|):ir  le  |)ro|)os  qu'on  incl  suc  ses  Icxics,  on  rahaissc  du  même  t'on|)  cl  dans 
la  même  mesure  Jeanne  (jiii  \  auiail  sans  protestation  \>\v[v  roieilley 

Il  faul  laisser  à  d'aulres  causes  des  plaidoyci's  de  celle  nature,  cl  si  l'on  a 
le  faible  des  lieux  communs,  en  elierelier  de  moins  hiessanis  |)our  la 
mémoire  de  .Teannc  cl  mieu\  (ails  pour  honorer  ceux  qui  veuleni  en  ceci 
se  faire  ses  avocats. 


fw»!™» 


Cet  échec  ne  découragea  pas  Jeanne  d'Are,  et  sa  résolution  n'en  fut  pas 
ébranlée.  Elle  dut  toutefois  rentrer  sans  retard  à  Domremy. 

Le  temps  qui  s'écoula  cuire  ce  premier  voyage  à  Vaucouleurs  et  le 
second  qu'elle  y  fil  en  février  raniiée  suivante  dut  être  fécond  en  épreuves 
|)our  elle. 

Il  est  clair  qu'à  celte  époque  la  distance  de  quatre  lieues  qui  sépare 
Domremy  de  Vaucouleurs  était  réputée  beaucoup  plus  considérable  qu'elle  ne 


48         JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

l'est  aujouril'luii.  Il  semble  difficile  toutefois  que  la  faniiiic  de  .leaiine  n'ait 
pas  eu  quelque  bruit  du  voyage  de  la  Pueelle  et  de  sa  démaielie  près  de 
Baudiieourt. 

S'il  en  fut  ainsi, l'inilation  de  son  père  dut  s'accroître  encore,  les  craintes 
de  sa  mère  grandir  aussi,  cl  plus  que  jamais  l'un  et  l'autre,  selon  la  forte 
expression  de  Jeanne,  durent  ••  en  perdre  le  sens  ». 

Plus  d'une  scène  |)énible,  Aiolenlc  |)cul-clre,  eut  lieu  au  foNcr,  et  ces 
vieux  murs  de  la  maison  de  Jeanne  l'urenl  témoins  de  ses  larmes.  Son  âme 
était  forte  des  dons  fjuc  Dieu  lui  avait  fails  el  des  gràc(>s  qu'il  lui  accordail 
ebaquc  jour. 

TjCs  voix  de  ses  saintes  el  celle  de  saint  Alicbel  la  xenaient  consoler. 
Mais  la  lutte  n'en  était  pas  moins  formidable  pour  le  Cd'ur  de  cette  enfant 
seule  contre  tous  et  rencontrant  les  forces  les  plus  redoutables  qui  fussent 
pour  elle  au  monde,  puiscjue  pour  elle  elles  étaient  les  plus  sacrées,  à  saxoir  : 
les  ordres  de  son  père  et  les  larmes  de  sa  mère. 

«  Et  pourtant,  disait-elle  plus  lard  à  ses  juges  de  Rouen,  puisque  Dieu  le 
commandait,  il  fallait  le  l'aire.  Puiscjue  Dieu  le  commandail,  même  si  j'eusse 
eu  cent  pères  cl  ccnl  mèics,  cl  (|uc  j'eusse  elc  lillc  de  roi,  encore  scrais-je 
partie.  » 

Jeanne  louclie  ici  à  l'inic  des  lois  les  plus  graves  parmi  celles  qui  régissent 
l'Iiumanitc  :  elle  le  fait  avec  une  sagesse  <jue  la  foi  éclaire  cl  qui  étonne  en  un 
âge  si  tendre. 

T/autorité  paternelle  est  sacrée.  Comme  elle  est  le  fondement  tic  la 
famille,  ainsi  est-elle  aussi  l'un  des  fondements  de  la  société  même,  lacjuclle 
se  compose  des  familles. 

Il  importe  donc  grandemcnl  de  la  fortifier,  afin  de  la  maintenir.  Il  n'est 
nulle  religion,  comme  il  n'est  nulle  pliilosopbie  dignes  de  leur  nom,  qui  ne  s'v 
soient  ap|)liquées.  Mais  s'il  faut  soutenir  et  par  conséquent  mettre  en  lion- 
neur  l'autorité  paternelle,  il  n'est  pas  moins  nécessaire  d'éclairer'  sur  leurs 
dex'oirs  ceux  qui  l'exercent. 

L'enfant,  l'adolescent  et  le  jeune  homme  même  ont  rarement  assez  de 
sagesse  pour  considérer  l'axenir  comme  il  convient  et  établir  leur  vie  selon 
leur  intérêt  propre  et  celui  de  la  société  à  laquelle  ils  sont  redevables  de  leurs 
efforts. 

C'est  alors  que  le  père  et  la  mère  doivent  intervenir,  l'un  a\ec  sa  force 
morale  et  sa  sagesse,  l'autre  avec  sa  tendresse  et  son  dévouement.  J/en- 
fant  doit  s'incliner  devant  la  volonté  paternelle  et  maternelle,   il  doit  axec 


lC<nœ^ 


VAUCOULEURS. 


49 


respect,  amour  et  soumission  suivre  la  ligne  qu'ils  indiquent,  et  c'est  cet 
ensemble  de  devoirs  que  le  Décalogue  et  la  religion  ont  rc'sumé  dans  ce  mot 
si  profond  :  «  Tes  père  et  mère  honoreras  ». 

Si  ce  devoir  est  grave  pour  l'enfant,  combien  pour  les  parents  n'est  pas 
pressant  aussi  et  sacré  celui  de  l'abnégation,  de  la  sagesse  et  de  la  calme 
autorité  sans  lesquelles  le  ministère  paternel  ne  saurait  être  accompli  ! 

Il  semble  étrange  de  parler  d'abnégation  à  un  père,  à  une  mère,  car  nous 
estimons  que  leur  cœur  en  est  rempli  et  que  nul  amour  n'est  plus  oublieux 
de  lui-même   que    l'amour 
des  parents  pour  leurs  fils. 

On  ne  doit  toucher  à 
ces  choses  qu'avec  véné- 
ration, tant  est  grave  la 
moindre  erreur  en  telles 
matières. 

C'est  donc  avec  une 
infinie  douceur  cl  une  me- 
sure parfaite  qu'il  faut  rap- 
peler aux  parents  que  le 
cœur  peut  se  tromper  en 
ses  tendresses,  se  faire  à 
lui-même  illusion,  et  qu'un 
père,  une  mère,  peuvent 
se    rechercher    eux-mêmes 

alors      qu'ils     croient      ne  D\,|n-.s  un  i.Ms-reiici  de  roYATir.n.  {M:,séc  ,rorica„s.) 

songer  qu'à    leurs  enfants. 

«  L'amour-j)ropre  se  fourre  partout  »,  écrivait  familièrement  Bossuet  à 
l'une  de  ses  filles  spirituelles.  Il  n'est  que  troj)  vrai,  et  l'amour  maternel  lui- 
même  n'est  pas  à  l'abri  de  cette  atteinte. 

Ainsi  se  fait-il  que  des  parents,  (jiiaïul  il  s'agit  de  diriger  l'enfant  vers 
l'avenir  et  de  l'y  préparer  par  le  choix  dune  carrière  ou  d'un  [)arti,  courent 
risque  plus  qu'ils  ne  le  pensent  de  mettre  leurs  caprices  à  la  place  d'une 
volonté  éclairée,  et  de  chercher  leiu-  bien-être  et  leur  plaisir  au  lieu  du  bien 
véritable  de  l'enfant.  C'est  par  ce  mal  et  parce  qu'ils  auront  suivi  cette  pente 
trop  naturelle  du  cœur  de  l'homme,  que  dans  un  sentiment  de  gloire  ils 
dirigeront  un  fils  vers  telle  carrière  pour  laquelle  il  n'a  nulle  aptitude,  au  lieu 
de  lui  faire  eml)rasser  celle  qui  lui  eût  con\enu. 


01) 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


Gi;i\c  i(\s|)onsaI)ilik''   (lu'iiii  i^iaiid  nombre  d'hommes  oiiUliciil,  pressant 

(le\()ii'   (|u'ils    n('iilii(ent.    C'est    eel    oiihli    cependant   et   cette   n('i;lii^cnce   qui 

loni  le  malheur  de  tant    de  jeinies    hommes  et  (jui   eoneouicnt    au    mal   des 

sociétés  elles-mêmes  en  compromettant  la   paix  et  le  hien- 

èlre  (les  familles. 

l'()ui(jU()i    tant     de    paicnts    réduisent-ils    à    l'hoiizou 
elioil    ou    du     moins   modeste    de    leur    présente    famille, 
l'avenir  (ju'ils  ne  connaissent  pas   et   (|ui  peut-être  sera   si 
did'erent  de  ce  qu'ils  prévoient? 
^fà^^^^  ^'  ^'^l^  clair  que  Jac(|ues  d'Vie  eut  lien  de  s'etonni'r  des 

/    I  Vvwn  desseins    qu'on    prêtait    à    sa    lille    et    dont    eelle-ii 

'     »  ny    \.  >^  venait  de  tenter    auprès   de  Bandricourt  une  pre- 

mière exécution.  C'était  de  plus  un   devoir  pour  lui 
([ue  {\'vn   contrôler  alteutiM'inenl  le  hien-fondé. 

Alais  il  \  asait  en  Jeanne  des  signes  <le\anl  les- 
i[uels  l'esprit  d'un  père  de\ait  se  sentir  en  sus|)ens. 
La  ii;ravite  précoce  de  cette  enfant,  la  ferNcur  de  sa 
piété,  la  rci^ularité  a(lmiral)le  de  sa  \  ic,  sa  honte'',  sa 
soumission  en  tontes  choses,  fors  en  <•(•  point', 
devaient  lui  olfrii'  des  gai'antics  et  le  convier  à  ne 
(•ond)allre  point  de  paiti  pris  l'entreprise  à  laquelle 
clic  songeait. 

I^a  France  était  à  la  veille  d'une  perte  totale 
cl,  en  bon  Fi-ancais,  il  devait  cti'c  frappé  de  l'assu- 
rance ingénue,  mais  aussi  in\  incible,  avec  laquelle 
l'enfant    déclarait    devoir   la   sauver. 

Sans  doute  il  en  coûtait  au  cœur  de  cet  homme, 

comme  à  celui  de  sa  femme  Isabelle,  de  voir  courir 

à  de  tels  périls   Iciu'  enfant;  mais  c'en  sera  fait  chez  nous  du  patriotisme  le 

jour  où  les  pères  et  les  mères  ne  mettront  pas  l'amour  de  la  France  au-dessus 

de  la  tendresse  paternelle. 

Quant  à  Jeanne,  elle  ne  renonça  pas  un  instant  au   dessein  qu'elle  avait 
arrêté,  et  sans  relâche  elle  reprenait  son  propos  : 

«  Il  faut  que  j'aille,  et  j'irai.  J'irai,  dussé-je  m'user  les  jambes  jusfju'aux 


JEMSNE    ECOUTANT    SES    VOIX 

D'apri's    la     statut'    de    G.     C.T-KnE 
[Miiscc  tic   Châtcamlnn.) 


I.   «  J'ai  bien  obéi  a  mou  père  el  à  ma  mère  pour  toutes  autres  ctioses,  hors  pour  ce  départ   »■, 
disait  Jeanne, 


VAUCOULEURS. 


LV    JiaiNE    PASTOmiE 
D'api-cs   k-   tableau   de   11.    liiLnTE.vux. 


I/iiMc  (le  SCS  plus  j)('iiil)lc's  angoisses  diil  porter  siii-  la  (pieslion  de  savoir 
si  elle  eoiiliiuierait  de  garder  le  silence  on  si  elle  s'onvrirail  de  ses  propres 
pensées  à  ceux  <pn  l'entouraienl. 

Celle  iiuléeision  dut  lui  être  d'aulaiil  plus  cruelle,  cpie  ses  voix,  disait-elle 
plus  tard,  l'avaient  laissc'e  libre  de  le  faire  ou  non. 

«  Vos  \oi\  ne  vous  donnèrent-elles  pas  d'ordre  eonccinaiil  l'annonce 
de  votie  départ  à  votre  père  et  à  voti'c  mère'? 

—  Mes  voix  s'en   rapportaient  à  moi   tic    le  dire   on  de   m'en    taire.    » 


4»p|i 


si  dans  sa  famille  Jeanne  avait  à  suhir  cette  rude  éprenv<',  elle  ne  d(>vait 
pas  la  porter  moins  doulonreuscmcnl  au  dehors. 

De  ([uehjiie  mxstère  qu'elle  eût  entouré  sa  démarche  près  de  Baudricourt 
et  (iuel([ues  efiorts  qu'eussent  faits  ses  parents  pour  tenir  secret  ee  que  jieut- 
ètre,  lielas  !  ils  considéraient  comme  une  équipée  peu  honorable  et  une 
aventure  plutôt  faite  pour  compromettre  Kur  fille,   au  jugement  de  l'opinion 


52         JEANNE  D'ARC  RACONTEE  PAR  L'IMAGE. 

publique,  que  pour  l'honorer,  le  bruit  dut  s'en  répandre  peu  à  peu  jiarmi 
les  gens  de  Domrem\. 

Jeanne  était  sans  doute  aimée  de  ses  compatriotes,  et  les  témoignages  que 
lui  rendirent  plus  tard  ceux  d'entre  eux  qui  vinrent  déposer  au  procès  de 
réhabilitation  le  prouvent  abondamment.  Mais  au  cours  des  siècles  les  hommes 
changent  moins  cju'on  ne  le  pense.  T>a  malvciliant'c  et  les  mesquines  passions 
dont  elle  nail  oui  dans  riuunanilc  un  cours  ferme  et  régulier  (|ui  ne  s'arrête 
guère. 

On  a\ail  plus  d'une  fois,  à  l)omrem^,  raillé  Jeanne  pour  sa  pielc.  Ce 
n'était  pas  que  cette  |)icl('  pi'il  nuiic  à  queUpiun,  mais  elle  doiniail  à  Jeanne 
sur  ses  compagnes  une  supériorité  morale  ([ui  la  plaçait  au-dessus  de  ses  pairs. 
(Test  là  un  de  ces  crimes  (jue  l'on  ne  pardonne  guère. 

Voici  qu'aujourd'hui  Jeanne  i'è\e  d'ime  mission  étrange  :  sau\ei'  la  France 
et  faire  couronner  le  Dauphin.  C'est  au  nom  de  Dieu  "  son  Seigneur  >  ([u'clle 
prétend  accomplir  ces  grandes  choses.  Avouons  que  son  ambition  n'est  pas 
médiocre. 

Jeannette  à  la  cour.  Jeannette  avec  une  escorte,  Jeannette  chef  de  guerre, 
et,  en  attendant  loul  ceci,  Jeannclle  demandant  au  gouxerneur  de  Vaucou- 
leurs  en  personne,  et  l'obtenant,  une  audience  pour  lui  exposer  tout  au  long 
ses  graves  desseins,  en  xcrilc-  cela  ne  s'clail  |)as  \u  et  sans  doute  ne  se 
reverrait  plus. 

Il  est  \rai  que  son  intioducleur  avait  ete  seulement  ce  bra\c  Laxart,  fjue 
l'on  connaissait  bien  cl  dont  |)ersonne  tlans  le  pa\s  n'avait  juscpialors  song('' 
à  faire  un  héraut  d'armes. 

Il  ne  l'est  pas  moins  que  BaudricourI,  \raimenl  |)(u  docile  aux  beaux  dis- 
cours delà  «  lafdlette  »,  comme  on  disait,  l'avait  bel  el  bien  renvovée  à  son 
père  avec  menace  de  correction,  ce  qui  n'était  |)as  ini  succès  très  encourageant. 

Il  était  non  moins  vrai  enfin  que  de  toute  cette  belle  entreprise  Jeannette 
était  revenue  à  Domremy  assez  semblable  à  ce  qu'elle  était  la  veille  et  obligée 
de  reprendre  le  ménage  chez  sa  mère,  d'aller,  «  à  son  tour  »  comme  jadis, 
garder  les  troupeaux.  La  quenouille  devait  longtemps  encore  suppléer  à  l'épée 
entre  ses  mains  vaillantes.  Mais  enfin  Jeannette  n'en  était  pas  moins  une 
illustre  personne,  honorée  de  l'entretien  des  archanges  et  des  saintes,  à  ce 
qu'on  assurait,  et  entendant  des  «  voix  »  que  le  vulgaire  n'entendait  pas. 

Croyez  qu'il  se  trouva  bien  parmi  les  gens  de  Domremy  quelqu'un  pour 
tenir  ces  propos  railleurs.  Qu'on  n'en  soit  pas  surpris  et  qu'on  s'étonne  moins 
encore  de  la  supposition  que  nous  en  faisons. 


VAUCOULEURS. 


53 


Nous  jugeons  mal  les  vies  illustres  et,  par  un  penchant  trop  naturel, 
nous  les  plaçons  absolument  en  dehors  de  la  condition  des  existences  ordi- 
naires, et  ainsi  nous  les  connaissons  mal. 

En  voyant  quel  accueil  Jeanne  d'Arc  reçut  des  grands  qui  formaient  la 
cour  du  Dauphin,  quelles  envies  et  rivalités  mesquines  elle  y  éveilla,  nous 
ne  pouvons  qu'avec  trop  de  vraisemlilance  supposer  que  parmi  ses  com- 
patriotes elle  rencontra  quelque  opposition  semi)la]>lc,  du  jour  où  elle  se 
distingua  des  autres  et  sortit  de  leurs  rangs 
par  les  événements  dont  sa  vie  commen- 
çait d'être  le  théâtre. 

T^orsqu'on  raillait  Jeanne  pour 
sa  dévotion,  «   elle  avait  honte  », 
disaient    ses     compagnes.    Mot 
plein  de  naïf   mystère   et    bien 
frappant.   Jeanne  ne  savait  que 
dire  pour  justifier  sa  piété;  elle 


tenait    a    tarder     eaelices 


CCS 


J.r.S    VAINQUEURS    DES    ANGLAIS    '. 

JIANNK  d'abc,  DUGUAY-THOUIN  ET   TOUUVILLE 

D'après    une  gravure    de    Beuthet 

(xvill"    siècle). 


choses  qui  se  passaient  jjour  clic, 
ces  visions  qu'elle  avait,  ces  voix 
(|ui    lui   parlaient.    De   tout    cela   le 
récit  eût  vite  justifie-  sa   piété,  sa  «  tl 
votion    »,    sa    particulière    assiduité 
l'église;  mais   de  clioses  si  grandes,  si 
sacrées,  on  se  tait.  IjC  cœur  qui  les  res- 
sent a  le  culte  du  silence,  il  les  cache, 
comme  les   sraiules    douleurs    cachent 

leurs  larmes,  comme  le  cœur  cache  quelque  grande  passion  (jui  l'aiiiine, 
comme  le  génie  parfois  lait  au  monde  les  grandes  pensées  dont  il  se  nouriit, 
les  secrets  qu'il  a  arrachés  à  l'inconnu. 

Jeanne  se  taisait  donc. 

Vie  étrangement  grande  que  celle-là,  qui  dès  son  aurore  jette  déjà  de 
si  profondes  clartés.  Épopée  singulière,  qui,  même  dès  les  premiers  pas, 
oblige  à  tout  instant  le  témoin  à  s'arrêter,  à  méditer,  pensif  et  presque 
inquiet,  tant,  en  ce  qu'il  voit,  toutes  clioses  lui  semblent  grandes  et  fécondes 
en  nouveauté. 

Qu'on  ne  nous  fasse  donc  point  un  grief  de  ces  réflexions  auxquelles 
nous  convions   le  lecteur.  Le  sujet  les  impose.  La  vie  si  brève  de   Jeanne 


54 


JEANNE   D'ARC    RACONTÉE    PAR    L'IMAGE. 


d'Arc  lient  on    viiigl  pages  un  peu  compactes,  mais   la    pliilosopliie  qui  s'en 
tlci^age  demanderait  un  long  ouvrage. 

Il  n'csl  lieu  du  reste  de  plus  instructif  et  de  plus  fécond.  T.es  dehors  de 
la  mission  de  .Teanne  d'Arc   imposent    l'admiration.  Mais 
l'estime  qu'on  nous  insjiire  vaut  souAcnt  mieux  pour  nous 
que  l'admiration  même.  En  tous  les  cas,  celle-ci  n'es!  fc'conde 
et  salutaire  qu'autant  qu'elle  naît  de  l'estime  cl  s'iuiil  à  elle. 
l'Ln  honorant  Jeanne  d'Arc,   nous  \()ul()ns  le  hieu  de 
ceux    fjui,    comme    elle,    oui    le   grand     honneur    d'èlrc 
Fi-ançais.   Sa  gloire    doil    nous  rendre   meilleurs  el    nous 
convici'  à  l'imiler. 

Aussi  hien,  (ju'onl  fait  cette  suit<>  glorieuse  d'ai- 
listes  dont  les  ccuvics  font  rornemcul  de  cet  ouvrage, 
sinon  de  se  recueillir  devant  les  traits  aimés  de 
Jeanne,  les  considérant  attentivement  el  longuc- 
mcnl,  pour  évoquer  à  nos  \cu\  l'âme  même  de 
l'héroïne? 

Ils   complelcronl    nolr-c   o'uxrc.    Nous  aurons 
seconde    la    Icui'.    1  .a    peiulur(>   s'ajoute  au    shie 
("i-ril,  l'ommc  la  musi(|ue  à  la  parole,  cl  la  pen- 
sée V  uasne  eu  forée  comme  en  charme. 

Pendant    les  mois   qui  s'('Coulcrenl   cuire   le 

retour    di-     Jeanne     d'Arc     à     DonucniN     el    le 

second  \()\agc  (ju'ellc  fil  à  Vaucouleurs,  sa  (lé\o- 

lion,  toujours  grandi',  dut  s'accroître  encore.   Ses 

saillies    ne   l'ahandoiuiaicMl    pas,   mais   elle  de   sou 

eôle  se  montrai!   d'aulanl    plus   assidue  à    les   eon- 

suller   (lue    son    anxiclc  (l(\cnail   plus  profonde   el 

ses  épreuM's  plus  pénibles. 

La   pii'té,  du  reste,  est  un  des  earaclères  (|ui  dominent   en  Jeanne  d'\re. 

C'est  \\n  Irail  qui  ne  doit  |)as  échapper  à  l'élude  allcnli\c  cl   lo\ale  (|uc  nous 

faisons  de  sa  vie. 

Quelques-uns  se  demanderont  piut-èlre  si  dans  nue  \  ic  de  Jeanne  d'Vic 
s'adressant,  comme  celle-ci,  à  tout  le  monde,  il  eouxieul  de  Irailer  un  objet 
aussi  spécial  que  celui  de  la  piété.  Un  temps  comme  le  iiôlre  \  peul-il  aceorder 
quelque  allcnlion?  Si  tous  les  Français  rci'onnaisseiil  que  la  foi  de  Jeanne 
fui   \ivc  autant    que  son    patriotisme   el    (|u'i'llc   a   été,   selon   le  témoignage 


JF.iNSE    D  AIIC 


n'apri-s  la  statue  en  marbre  île  1-".  RunE 

{^Mtiscc  du  Louvre.) 


V  AUCOULEURS. 


DD 


CUVI'I'K    lui     CUM'MVll     !)l-:    \  ALICnlIl.JiUHii 
U'apri-s  mif  [ilnitiigi'iipliie. 


(ju'cllc  s'en  rcndail  à  elle-même  en  face  de  ses  juges,  «  ime  hoiine  clii-é- 
liemie  »,  esl-il  opportun  de  pousser  plus  loin  la  tlémonstralion  el  de  faire 
valoii'  en  elle  une  (lé\()lion  doni  noire  société  moderne  n'a  peut-être  qu'une 
mé(li(jeic  inlellioenee ? 

Je  le  crois  sincèrement. 

Nous  devons,  en  eflfel,  considiTcr  Jeanne  d'Vre  lelle  (ju'ellc  lui.  H 'n'est 
par'  suite  pei'mis  à  |)ersonne  de  rien  reiraneher  en  elle  de  ce  (|ui  esl  de  son 
essence  même.  La  foi  el  le  palriolisme  sont  ainsi  en  .Teanne  el  nulle  main  ne 
peut  sans  profanation  louclier  à  l'une  de  ces  deux  choses. 

Nous  vei'rons  plus  loin  (|ucl  lui  son  amoui-  de  la  Fi'ance  et  le  hel  exemple 
qu'elle  donne  en  cette  matière  aux  hommes  de  nos  jours,  l/exemple  de  pieté 
(ju'elli>  nous  offre  n'est  pas  moins  instructif.  T^es  esprits  attentifs  et  sages, 
avec  les  âmes  droites  et  sans  paili  pris,  ne  refuseront  pas  de  nous  suivre  en 
cette  voie. 


•Wil» 


56         JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

Jeanne  ne  fut  pas  seulement  chrétienne  dans  le  sens  ordinaire  du  mot, 
elle  fut  une  chrétienne  fervente  et  montra  toujours  une  extrême  fidélité  aux 
praliques  de  piété. 

Au  eouis  des  témoii^nages  à  elle  rendus  au  procès  «le  réhahililalion  par  les 
habitants  de  l)()miem\  (|iii  ^a^ aient  connue,  nous  les  axons  vus  pres<|ue  tous 
attester  sa  pii'té.  Cette  piété  même,  rcconnaissi'ul-ils,  était  si  vi\e,  (|ii'on  l'en 
raillait  parfois  et  que  de  ces  critiques  «  elle  était  confuse  ». 

Elle  était  scrupuleusement  fidèle  à  ses  prières.  Elle  encourageait  le  sacris- 
tain dn  village  à  sonner  régulièrement  VAit^elus  et  pour  l'exciter  lui  disait  : 
«  Si  tu  le  sonnes  bien,  je  te  donnerai  des  lunes  '  ». 

Elle  assistait  fréquemment  à  la  messe,  avait  poni'  la  sainte  \  iergc  une 
particulière  dévotion,  se  plaisait  à  orni'r  de  ll( ms  ses  autels  et  à  \  hnili  r  des 
cierges. 

Jean  Morel,  son  parrain,  rendait  ce  tcinoignage  :  '<  J'ai  elc  témoin 
(|ue  Jeanncilc  allait  xolonliers  cl  soiixcnl  a  la  cliapellc  de  rilcrmitage  de  la 
hienheureuse  Maiie  de  lîermoni,  |)rès  de  J)omrem\.  Tandis  (|ue  ses  parents  la 
croyaient  dans  les  clianips,  clic  clail  la.  (^)nand  elle  entendait  sonner  la  messe 
et  qu'elle  était  aux  champs,  elle  rentrait  an  \illagc  et  gagnait  l'c^glise  pour 
entendre  la  messe;  je  puis  l'attester  pour  l'axoir  \n  ». 

«  Soment,  c|uan<l  nous  étions  à  jouer,  dit  Jean  W  altciin,  l'un  de  ses 
camai"ules  d'enfance,  Jeanni'tte  se  retirait  à  part  et  parlait  à  Dieu.  » 

«  Elle  se  montrait  bonne  calholi(|Mc,  reprend  le  tabellion  liaillv,  fré- 
quentait assidûment  les  églises,  aimait  a  aller  en  pèlerinage  à  la  chapelle  de 
Bermonl  et  se  confessait  j)res(jue  chaque  mois.  » 

A  Vancouleurs,  on  ne  la  \il  |)as  moins  fer\enle.  Cha(|ne  jour  elle  des- 
cendait à  la  chapelle  souterraine  où  l'on  vénérait  la  statue  de  Notie-Dame 
des  Voûtes.  Un  I^orrain,  qui  était  alors  enfant  de  chœur  de  la  chapelle  de 
Vancouleurs,  disait  qu'il  l'y  voyait  souvent.  »  Elle  v  entendait,  dit-il,  les 
messes  du  matin  et  y  demeurait  longtemps  en  prières;  ou  bien  elle  descen- 
dait dans  la  chapelle  souterraine  et  s'agenouillait  devant  l'image  de  la  sainte 
Vierge,  le  visage  humblement  prosterné  ou  levé  vers  le  ciel.  » 

Il  y  avait  près  de  Vancouleurs,  non  loin  de  Burey,  où  habitait  Durand 
Laxart,  une  chapelle  dite  de  Sainte-Ijibaire  et  cjue  l'on  peut  \oir  encore, 
pittoresquement  bâtie  an  |)enchant  d'inie  colline.  T.a  tratlilion  assure  que 
Jeanne  v  allait  sou\  eut  prier. 

1.   Sorle  de  petits  jiàtes  connus  dans  ce  pays. 


VAUCOULEURS. 


Pendant  le  voyage  de  Vaucouleurs  à  Chinon,  sa  piété  ne  se  démentit  pas 
nn  instant.  L'un  de  ses  compagnons,  Jean  de  Metz,  son  guide,  dit  au  procès 
de  réhabilitation  :  «  J'étais  enflammé  par  ses  paroles  et  par  l'amour  divin  qui 
était  en  elle.  En  route,  Jeanne  aurait  été  contente  d'entendre  toujours  la 
messe.  «  Si  nous  pouvions  entendre  la  messe,  nous  ferions  bien  »,  disait- 
elle Elle  faisait  dévotement  le  signe  de  la  croix, 

elle  se  confessail  souxenl  et  elle  était  zélée  à  faire 
l'aumône.  » 

Telle  était  sa  piété.  On  dira,  non  sans  vérité, 
qu'en  cela  Jeanne  se  montrait  fidèle  aux  mœurs  du 
temps,  aux  traditions  de  sa  famille  et  aux  habitudes 
de  son  enfance.  Il  est  vrai;  mais  il  ne  l'est  pas 
moins  c|u'une  fois  entrée  dans  sa  vie  publicjue, 
non  seulement  elle  montra  pour  son  compte  per- 
sonnel la  même  piété,  mais  la  répandit  autour 
d'elle  et,  |)ourrait-on  dire,  l'imposa  à  son  entou- 
rage. Il  fut  visible  alors  qu'elle  faisait  des  exer- 
cices pieux  l'élément  particulièrement  important 
du  l'cnouvellement  de  l'armée. 

Ici,  qu'on  ne  parle  plus  d'habitudes  d'enfance 
et  de  préjugé  respectable  puis('  dans  l'c'ducation. 
Sur  tout  autre  point  Jeanne  modifie  ses  allures 
dans  la  mesure  nécessaire.  Elle  a  changé  son  cos- 
tume, elle  monte  à  cheval,  clic  qui  n'asait  point 
chcvauclK'  jus(|u'alors,  ses  manières  se  trans- 
forment en  quchjucs  jours,  et  un  jeune  seigneur, 
Guy  de  Laxal,  ccii\ait  à  sa  mère  (|ue  telle  était 
sa  grâce,  qu'on  l'aurait  crue  élevée  à  la  cour.  Hier 

"  '  JEANNE   A   NOTBE-DVME   DE  BEHMONT 

encore  timide  et  silencieuse  à   DomreniA,   aujour-    unpns  la  statue  de  Loiseau-bailt.y. 

d'hui,   pour   le   bien    de    son    fait,    elle   parle   aux 

seigneurs,  au  Dauphin  lui-même,  avec  assurance  et,  au  besoin,  avec  audace. 

Quant  aux  exercices  de  sa  piété,  elle  ne  les  change  en  rien  et,  nous 
l'avons  dit,  les  impose  autour  d'elle. 

Voulant  lanimer  dans  le  cieur  des  soldats  la  religion,  soutien  des  grands 
courages  et  de  l'héroïsme,  elle  appela  les  prêtres,  leur  ordonna  de  se  tenir  à  la 
disposition  de  la  foule,  réunit  sous  leur  conduite  les  soldats  dans  les  églises,  fit 
faire  des  prières,  exécuter  des  chants,  multi|)Iier  les  offices  et  les  cérémonies. 

8 


58 


JEANNE   nVRC    RACONTÉE   PAR   L'IMAGE. 


Cliosc  (lii^nc  (le  ffniiircuic  cl  de  l'c'- 
flcxion,  sous  e(>ll('  condiiiU'  les  lioiipcs  se 
Iransfoi-inrri'iil.  La  lliic  ne  hlaspliémail 
plus  (^1,  dans  le  camp,  la  ^(■l■lu  |)ril  la 
place  (le  la  licence. 

Tj'emicini  s'cloiina  (lc\aiil  cel  appa- 
reil, l'imaiife  du  Dieu  ciucilic  l'incpiicla 
jilus  que  les  soldais  ranimes  en  halaille,  et 
Jeanne  vain([uil. 

Il  \  a  là,  nous  n'Iicsilons  pas  à  le 
i(''pelcr,  un  ohjcl  dii;ue  de  l'élude  des 
sa^es  esprils  cl  des  lionmics  (|ui  onl  la 
noble  in([uicludc  de  la  xciilc. 

Nous  avons  nouIu,  lo\alcnienl,  les 
convier  a  l'cludicr  a\ec  nous,  pecsuadé 
(]u'il  leur  iniporlc  de  se  i'aice  luieconxic- 
lion  icrnie  à  cel  cndroil. 

Eu    dcpil    de  (picNpics  appaieuees  cl 

mal^r(''    la    \iolence    de    (|uel([ues-unes   de 

nos    lullcs   sociales,    il   ne  scrail  pas  jusie 

d'accuser    les    jours    presenis   (rirr('lii;ion 

propr-cnienl   dilc.   Il  semble  uu'me  (|u'ils   soni   mar(|ues  d'un    relour  universel 

vers  les  choses  religieuses  cl  sin-nalurcll(>s. 

Qu'on  eludie  le  niou\cmenl  i;cneral  des  ich'cs  en  i'rance  dans  l'ordre  des 
di\crses  manileslalious  de  l'espril  nalional,  on  \crra  sans  peine  (pie,  dans  les 
aris  cl  la  lillératiu'e,  l'iiU-e  religieuse  lend  a  ('Ire  icmise  en  lionucur.  Il  u'esl 
plus  bien  porté  de  se  poser  en  impie. 

I^iCs  grands  auteurs  chrt'tiens  rccoiveul  dans  les  chaires  de  noire 
enseignement  publie  un  hommage  que  le  passé  leur  a  refusé  longtemps. 

Les  arts  de  la  peinhuc,  de  la  sculpture  cl  la  musique  (loi\enl  à  ce 
sentiment  religieux  souveni  les  plus  renommées  de  leurs  œuvres,  cl  la 
scène,  si  longtemps  profane,  ne  se  refuse  pas,  eà  cl  là,  à  brûler  eu  l'iionucui- 
de  nos  mysU'res  l'encens  pur  cl  xi\i(ianl  de  (|ucl(juc  drame  où  l'iugénuilé  de 
la  |)aslorale  le  dispute  à  la  |)iélc  du  sculimcnl. 

Je  ne  sais  j)as  même  si  ce  relour  n'est  point  parfois  enlaelu'  de  (juehjue 
excès  et  si  plusieurs  ne  poussent  pas  jusqu'à  im  m>slicisme  plus  rê\('ur  (|uc 
eoncluanl  cl  plus  illumin(''  qu'éclairé  ce  mouvement  vers  les  choses  de  la  loi. 


LA    LIHIillATKICE    DE    I.\    FH ANCE 

D'upi'fs    une    esquisse    d'AuGUSTE    PnÉAULT. 
[AJuscc  Jeanne  d'.^rc,  a  Orléans.) 


VAUCOULEURS. 


% 


Que  eouvicnt-il  d'ni  coiielurc?  Faut-il  voir  en  eet  élal  de  elioses  la 
uiai(|ue  d'un  triomphe  proeliain  de  nos  croyances  et  de  noire  culte  sur 
l'incrédulité  passée?  Nous  ne  le  croyons  pas,  et,  tout  considéré,  notre  temps 
est  plutôt  marqué  de  religiosité  que  de  religion  véritable  et  efiicace.  Or 
religiosité  et  religion  ne  sont  pas  même  chose. 

Il  y  a  peut-être  là  un  sujet  fait  pour  inspirer  quelques  craintes  plus 
qu'il  n'est  propre  à  justilier  nos  espc-rances.  Nous  ne  sommes  (jue  trop 
exposés,  en  effet,  au  p('ril  de  voir  l'ensemble  des  esprits  s'arièter  en 
chemin  dans  ce  retour  a  des  pensées  plus  sages.  Par  cela  même  (ju'ils 
professent  pour  la  religion  en  général  un  respect  plus  visible,  ils  courent 
risque  de  se  rassurer  à 
leur  propre  endroit  et 
de  se  croire  arrivés  au 
but  (lu  \o\age  ([uand  ils 
ne  font  ([ue  le  com- 
mencer. 

Les  philosophes  de 
nos  jours  ne  sont  [)as 
faits,  malheureusement, 
poiu'  nous  rassurer  à  ce 
sujet,  l't  la  plus  consi- 
tlérable  parmi  leurs  di- 
verses   écoles    ne    nous 

parle  (juc  trop  d'un  Dieu  indilférent  à  l'homme,  vivant  en  lui-même,  ne 
prenant  de  nous  qu'un  souci  médiocre,  le  «  Dieu  île  rentendcment  pur  », 
que  l'homme  ne  doit  point  piier,  qu'il  ne  saurait  aimer  et  (|ui,  par  consé- 
quent, n'a  besoin  d'aucune  religion  oi'ganisée,  d'aucun  cullc,  de  ludlcs  pra- 
tiques et  de  nul  sacerdoce  comme  intermédiaire  entre  lui  et  nous. 

Il  est  gi'aM'  de  faire  ciilendrc  au\  (lisci|)les  une  telle  docli'ine,  non  moins 
grave  de  l'enseigner  au  ix'UpIc  |)ar  le  specladc  de  sa  propre  \ic.  L'homme, 
corps  cl  âme  à  la  fois,  a  ix'soin  de  signes  extérieiu's  poiu'  traduire  ses 
sentiments,  pour  les  rece\oir  aussi,  cl  peul-êlre  plus  encore  pour  les 
cnlrclcnir.  Tous  les  grands  seulimculs  de  l'àme  des  peuples  ou  des  individus 
oui  un  cml)lème  visible  <|ui  les  rcpi'cscnU-,  les  montre  à  eux-mêmes  et  les 
anime.  Le  drapeau  national  excite  et  entrelient  le  courage  mililaire  comme 
le  palriotisme  civil;  la  majesh-  cxleiicure  de  la  puissance  est  uu  soutien 
pour  elle.  L'autel  est  la  source  et  le  garant  du  sentiment  religieux,  le  temple 


JI'ANM;     V     UllMlllùHY 

I)"ii|)i'i's  1111  (l('sï.iii  d' Alphonse  de  Neuville. 
(Exti'iiit   clf   V Histoire  lit:  i''raiH-e,    [lar  GuizoT.   Huirhcttc  et    C",  éditeurs.) 


6o  JEANNE   D'ARC    RACONTÉE   PAR   L'IMAGE 

poi-(c'  il  lit  prièie,  i-l  pour  tout  divv  eu  un  mot  simple  mais  concluant,  tlonl  on 
nous  pardonnera  la  sincérité,  il  paraît  bien  que  ceux  qui  ne  prient  j)as  avec 
le  prèlre  ne  prient  pas  sans  lui. 

El  pointant  il  faut  prier,  et  l'àme  humaine  perd  toujovns  à  se  priver  des 
pensées  qui  la  portent  vers  Dieu,  qui  l'élèvent,  la  consolent,  lui  rappellent  ses 
oiigines  et  ses  destinées  futures.  Elle  connaît  mieux  ses  misères  quand  elle 
demande  à  Dieu  d'y  subvenir,  et  c'est  déjà  pour  elle  commencer  de  recevoir 
le  secours  d'En-Haut  que  de  l'implorer.  Or  n'est-ce  pas  là  la  prière,  celle 
«  élévation  de  l'àme  vers  Dieu   «? 

Ces  mêmes  sentiments  religieux  ne  se  soutiennent  en  une  société  que 
par  II'  minislèie  d'uni-  hiérarchie  sagement  ordonnée  el  agissante.  Rêver  une 
société  religieuse  sans  sacerdoce  est  un  songe  creux.  On  ne  défend  |)as  un 
pays  sans  armée  permanente,  la  justice  n'est  pas  rendue  sans  magistrature, 
l'ordre  public  maintenu  sans  force  armée  et  sans  police. 

F/ennemi  triomphera  toujours  de  bandes  armées  réunies  par  l'aNcnture, 
alors  même  que  ceux  qui  les  composent  auraient  le  plus  grand  courage. 

Quoique  tout  homme  de  bien  ait  le  sentiment  de  la  justice  el  puisse,  après 
examen,  rendre  une  sentence,  une  société  livrée  à  ces  seuls  juges  d'occasion 
se  di\isera  conlrc  elle-même. 

En  (l(  |)il  (In  sentimeni  de  la  conscLvalion,  si  foil  en  nous,  les  coquins 
oui  besoin,  pour  ne  point  nous  nuire,  de  redoulcr  autre  chose  (|iic  la  police 
iàilr  par  un  diacun. 

Ce  soni  la  de  puis  piinripe's  de  bon  sens,  ([u'il  semble  dilïicile  de  ne 
point  accepter. 

Le  sens  judieiiiix  de  Jeanne  d'Arc  entendait  ainsi  les  choses,  et  de  la 
le  cas  qu'elle  lit  toujours  de  la  piété  et  de  ses  manifestations  sincères,  qu'il 
s'agit  de  son  bien  ou  de  celui  de  la  France. 


^1^ 


C'est  vers  le  commencement  de  l'année  1429  que  Jeanne  pailil  une 
seconde  fois  pour  Vaueouleurs.  Les  voix  la  pressaient  étrangement,  et  les 
nouvelles  qui  parvenaient  de  France  jusqu'à  Domremy  disaient  combien 
les  malheurs  de  notre  pays  s'aggravaient  chaque  jour. 

Jeanne  n'y  tint  plus  et  se  rendit  à  Burey  près  de  son  parent  Durand 
Laxart.  Elle  n'avertit  personne  de  son  départ,  n'eut  pas  le  courage  d'em- 
brasser son  père  et  sa  mère,  salua  en  passant  ses  amies  Mengette  et  Mauviette 


VAUCOULEURS. 


et   dit   adieu   à  quelques  habitants,   mais   à  la  dérobée   et   sans    faire  eonfi- 
dence  du  but  de  son  voyage  ou  de  la  diuée  qu'il  pourrait  avoir. 

Elle  ne  devait  plus  revoir  Domremy. 

Elle  tra\ersa  Greux,  se  retourna  plus  d'une  fois  pour  jeter  un  dernier 
regard  sur  l'église  de  Domre- 
my, le  Bois  Chenu  et  la  rue 
fjui  menait  chez  son  père. 
Bientôt  elle  passa  près  de 
Notre-Dame  de  Bermont  et 
sans  doute  y  entra  pour  y 
prier  encore. 

Elle  arriva  à  Burev,  et, 
sans  délai,  dit  à  Durand 
T^axart  qu'il  la  fallait  conduire 
à  nouveau  près  de  Baudricourt. 

Diuaiid  se  rendit  avec 
elle  chez  le  gouverneur. 

L'accueil  de  celui-ci  ne 
tut  pas,  en  cette  seconde  en- 
trevue, beaLicoup  plus  chaleu- 
reux que  lors  de  la  première. 
Mais  Jeanne  était  décidée  à 
parvenir  à  bonne  issue  et  à 
livrer  au  capilainc  de  \  aucou- 
leurs  un  siège  en  règle. 

Elle  s'installa  donc  chez 
un  brave  homme,  nommé 
Henri  T^e  Hovei',  charron  de 
son  métier,  lecpiel,  avec  sa 
femme,  lui  fit  bon  accueil 
et  lui    donna    asile. 

On  vovait  encore  à  Vaucoulcurs  il  y  a  quelques  annt'cs,  dans  i'élal  où 
elle  était  au  temps  de  Jeaiuie  d'Arc,  la  maison  où  logeait  riicroinc.  Une 
restauration  eu  a  de|)uis  modifié  la  façade.  On  ne  saurait  trop  le  déplorer,  et 
il  est  lamentable  qu'on  n'ait  pu  empêcher  ini  acte  qui  touche  au  vandalisme. 

On  peut  toutefois,  nous  assure-t-on,  voir  encore  à  l'intérieur  de  cet 
immeuble  la  chambre  où  l'on  présume  que  Jeanne  d'Arc  couchait. 


h\    PUCF.LLE  VENANT  AU  SECOURS  DE  LA  FRANCE 

D'jtpri's  la  gravure  d'ABRAHAM  BosSE.  (^Frontispice   du  poème 
de  Chapelain  :  La  Puce/le  ou  la  France  délivrée.) 


62 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


En   jRU  (le  Itnips  on  cul  Inuil  dans  la  ville  ilu  tlcsst'in  (jnc  nounissail 
Jeanne  d'Are,  el  la  foule  s'en  entretenait  non  sans  passion. 

JiaudricoiMl,  loul  en  se  refusant  eneore  à  se  rendre  an\  sollieilations  de 
la  jeniii'  lille,  s'inquiétait  cependant  de  savoir  le  mol  de  eelle  ('iiinme. 

l'cisiiadé  qu'elle  était  possédée  du  démon,  il  pria  le  euié  de  A'aueoulenrs 

lie  l'aller  exorciseï'  el  se 
rendil  a\ee  lui  elle/,  le 
cliarron  Le  Ro\er.  Le 
cui'e,  re\èlu  de  son  elole, 
se  mil  en  de\oii'  de  rem- 
plir son  ministère,  lui  di- 
sant que,  si  le  démon  la 
possédait,  il  eiit  à  se  re- 
lirer,  el  <(ue,  s'il  n'en  elail 
l'ien,   elle  s'approcliàl. 

Jeanne  s'appi'oelia  du 
prèlie  el  se  mil  à  ses  i^c- 
nou\.  VA\v  le  hlàma  toute- 
fois |)his  lai'd  de  eelle  de- 
marelie. 

jîandrirouri  ne  lac- 
eusa  plus  d'être  possédée, 
mais  ne  lui  aeeorda  pas 
eneore  sa  confiance;  du 
moins  ne  lui  en  lit-il  pas 
l'aveu. 

Il  est  à  croire  ee- 
jiendant  que,  frappe  de 
l'énergie  avec  la(|uelle 
Jeanne  persistait  à  lui  de- 
mander de  la  l'aire  conduire  près  du  Dauphin,  non  moins  que  de  la  force 
élrani^c'  de  son  discours,  et,  d'autre  pari,  presse  par  les  événements  (jiii  se 
succédaient  cl  menaient  en  un  péril  toujours  plus  i^rand  les  destinées  de  la 
France,  il  a\ait  envoyé  vers  le  Prince  jiour  sa^()ir  de  lui  s'il  d(\ail  lui 
adresser  la  l'ucellc. 

Quelques  auteurs  ont  même  prétendu  que  BaudricourI,  par  un  parle  tenu 
secret,   avait   pris   l'engagement   de  livrer   Vaucouleurs  aux  ennemis   si   les 


Bl 

>^j^^HH^H||^^H 

^Bp^#^ 

^'"^^^SIm 

^^Bl     rSti  i 

^    ^f^d^^l 

^H*     T^Bjf 

'^'   /||d|^:«^^^H 

^^p7'*      ^  .^T 

^LJ^BH 

^mmh           -  \JV 

'<    wl^^l 

mKjjkjm 

^^^^x^pRi^l' 

^^^Ei 

Jf^k^b^^^^^^  _:^^H 

^Lâ'^'    ^ 

^^^^Hj^^H 

^SiiM-      ^^ 

^g^^^^^^^^^^Ê 

fl^^l^^^^^^^Bl^^^^^^l  ' 

^^^^^K;          ^'^fl^^^.l4^fft    .^tf  "^ 

^^^F^'^^  '^^E^^  i 

{■^^■^^^^^^r    '  ^^      ^^^^B^^^^^^Hlb  ^^^^^1 

LV    LIBERATRICE    DE    LA    FRANCE 

D'après  le  table;m  de  Jean  Benneh.  [Photographie  Uraitn^  Clcmcnt  et  C'*-'.) 


VAUCOULEURS. 


6:3 


afTiiires  de  France  n'étaient  pas 
venues  à  meillem-  état  avant  une 
é|)oque  fixée.  La  chose  a  été  niée, 
mais  le  doute  est  au  moins  per- 
mis'. 

Dans  une  telle  extrémité,  toul 
secours  est  hon  à  accueillir,  d'où 
(\\\"\\  \ieniu'.  (^)uoi  fju'il  en  soit, 
il  fut  hienlôt  visible  fjne  ses 
dispositions  premières  se  modi- 
fiaient cl  (ju'il  commençait  d'écou- 
ler d'une  oreille  plus  favorable 
ce  que  dans  Vaucouleurs  on  di- 
sait de  Jeanne  cl  les  espérances 
([u'elle  faisait  concevoir. 

Quant  à  celle-ci,  elle  conti- 
nuait, a\('c  inie  éncri^ii-  MaimenI 
étonnante,  à  conduii'c  son  dessein 
vers  bonne  issue.  Silencieuse  à 
Domremy,  cachant  avec  un  soin 
jaloux     ses     espoirs    comme    ses 

craintes,  elle  parle  à  Vaucouleurs,  cl,  loin  de  fiire  mysicre  de  la  mission 
qu'elle  a  reçue  de  Dieu,  clic  la  (h'voilc  à  lous,  en  donne  tous  les  détails,  en 
enirclicnl  libicniciil  ses  IkMcs,  leurs  ^oisins  et  la  foule. 

Il  est  \isil)le  (ju'à  son  aAÎs  la  lullc  suprcnn'  se  li\re,  (ju'cllc  ne  doit 
négliger  mil  secours,  mais  fortifier  sa  résolution  par  rasscnlimcnl  du  peuj)lc, 
créer  autour  d'elle  l'enthousiasme,  l'inspirer  par  la  confiance  même  qu'in- 
spire l'assuianic  de  ses  propos,  l'animer  |)ar  sa  pio|)re  émotion,  porter  haut 
les    Cd'urs   par   l'éloquence   ingénue    et    vive    de    ses    discours.   En    présence 


MAISON    OU    JEANNE    LOGEAIT    A    VAUCOULEIIHS 
D'apri-s    iinu  pliiitof^i-apliic. 


I,  «  Que  sV'liiil-il  p;is,s('  cntri'  Aritoirii'  do  VrrLjy  et  Robert  de  li:uu!rieourt  :'  Qiu'lle  l'tait  hi 
t<'iieiii\  (juelles  étaient  les  elauses  de  ce  traité  de  eaj)ituhuiou  iiui[uel  II  est  fait  ailiisioii  lormelleineiit. 
dans  les  articles  de  comptes  dont  nous  venons  de  parler?  L'arrangement  intervenu  entre  le  gouver- 
neur général  de  Champagne  el  le  capitaine  de  Vaucouleurs  stipulait-il,  comme  la  plupart  des  actes 
du  même  genre...,  la  reddition  de  la  forteresse  assiégée  après  un  temps  déterminé,  sauf  le  cas  d'une 
victoire  décisive  remportée  dans  rintervalle  par  Charles  VII  ?  Il  faut  bien  avouer  que  nous  ne  sommes 
pas  en  mesure  de  ii' pondre  à  ces  (pieslions.  Toutes  les  recherches  que  nous  avons  faites  pour  retrouver 
le  texte  de  l'accord  conclu  entre  Antoine  de  Vergy  et  Robert  de  liaudricourtsont  restées  infructueuses... 
Malgré  ces  obscurités,  il  n'en  reste  pas  moins  bien  établi  que  Vaucouleurs  capitula  dans  les  derniers 
jours  de  juillet  I-I9.8,  puisqu'on  lit  dans  les  articles  décomptes  portant  cette  dali'  et  relative  aii\  jiaie- 


64         JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

dos  hcsitations  de  Baudricourt,  elle  entend  l'obliger,  sous  l'impulsion  du  sen- 
timent populaire,  à  prendre  une  décision,  et,  —  ce  sera  le  fond  de  toute  sa 
vie  publique,  —  contre  l'égoïsnie  ou  la  couardise  des  grands,  se  faire  une  force 
de  l'amour  que  la  foule  lui  accorde. 

A  ceux  ([ui  lui  disent  la  prelcnduc  folie  de  son  dessein,  la  grandeur  et  le 
nombre  des  obstacles  qui  s'v  o|)|)oscnl  :  <■  J'irai,  dil-elle,  j'iiai,  diissi'-je 
muser  les  jambes  jus(ju'au\  genoux   ». 

Certes,  elle  a  plus  que  personne  conscience  des  difficullcs  de  ce  rude 
labeur,  mais  elle  ne  manque  ni  d'entrain,  ni  d'audace.  Dieu  du  reste  est  avec 
elle,  et   «  (>lle  ira  ". 

Elle  a,  dans  un  de  ces  mois  éli-anges  et  forts  (|ui  lui  claicnl  familiers, 
rendu  avec  luu'  exlraordinaire  ('uergic*  ce  mélange  de  la  eraiiUc  cl  de  l'impa- 
tience (|ui  la  tenaient.  Veiuic  clic/  Dinand  i,a\ail  sous  le  prétexte  de  donner 
ses  soins  à  la  femme  de  celui-ci,  dont  les  eouclies  approcliaieni,  l'Ile  avait 
sans  doute  enUndu  cette  paxsanue  exprimer  ce  sentimenl,  fait  de  joie  cl  de 
tristesse,  d'espérance  impalieiUc  cl  de  crainte  qui  redoute,  le([iiel  éti'cinl  le 
ent'ur  des  femmes  à  la  veille  du  jour  où,  selon  la  belle  |>aroie  du  (llirisl,  elles 
\ont  donner  <<  un  homme  au  monde   ■. 

ILllc,  sublime  enfant  cl  \ierge  cliaslemcut  féconde,  a  la  \('ille  de  ilonucr  à 
la  France,  en  sa  propre  personne,  une  fdie  en  mesure  de  la  sauver  de  la  luine, 
s'écriait  :   «  J'ai  bâte,  comme  une  femme  ([ui  attend  la  naissance  ilun  fds  ». 

Aussi  bien  n'essayons  pas  de  décrire  ce  (|ui  ne  peut  être  (h'ciil.  Quelques- 
luis  tle  ceux  qui,  en  ces  joui'S,  l'onl  \v\r  a  I'ccumc  et  de  près,  lui  ont  rendu 
témoignage.  T^aissons-les  pailer,  ils  le  feront  mieux  ((ue  tout  autre. 

Les  époux  I^e  Rover,  chez  lesquels  elle  était  descendue,  furent  cités 
comme  témoins  au  |)rocès  de  rc'liabilitation.  \'oici  le  témoignage  d'Henri 
T.e  Rover': 

«   Jeanne,  dit-il,  quand  elle  \ int  à  A  aucoulems,  fut  logée  ilans  ma  maison. 

menls  de  divers  messagers.  qu'Aiiloiiie  de  Vergy  «  avait  fait  traité  et  accord  avec  les  ennemis  sur  la 
reddition  du  chastel  et  ville  de  Vaiiconleurs  »  .  Si  la  capitulation  n'aboutit  pas  à  une  reddition 
efTective,  peut-être  faut-il  attribuer  ce  résultat  à  quelque  entremise  de  Philippe  le  Bon,  qui  s'était 
engagé  à  s'abstenir  de  tout  acte  d'hostilité  contre  la  place  de  Vancouleurs.  »  (Siméon  hiice.  Ji arme 
d\4ic  à  Domrem/,  p.  CLXviii.)  —  «  En  dépit  d'une  défiance  personnelle  qui  persista  même  après  la 
seconde  entrevue,  les  succès  remportés  par  les  Anglais  devant  Orléans,  l'hommage  exigé  par  Bedfort 
pour  le  Barrois  et  peut-être  aussi  tine  clause  resiée  inconnue  de  la  capitulation  conclue,  vers  la  fin  de 
juillet  1428,  avec  Antoine  de  Vergy,  sont  les  trois  points,  diversement  mais  également  mena- 
çants, sous  l'influence  desquels  Baudricourt  prit  la  résolution  de  consulter  son  souverain  sur  la  suite 
qu'il  devait  donner  à  la  demande  de  la  jeune  paysanne  de  Domremy.  u  (Siméon  Luce,  Jeanne  d'j4rc 
à  Duniremy,  p.  cxvi.) 

I.   Ici  encore  nous  empruntons  notre  texte  à  l'ouvrage  de  M.  Joseph  Fabre. 


VAUCOULEURS. 


Gr> 


Cl'ctiiil,  il  me  si'ml)lc,  une  cx- 
celleiitt'  fille.  Je  l'ai  eiileii(liie 
(lire  (les  pai'oles  eomnie  eelli'S- 
ei  :  <f  II  faut  (|iie  j'aille  vers  le 
a  gentil  Daiij)liin.  C'est  la  vo- 
«  lonté  (le  mon  Seigneur,  le  Roi 
«  fin  Ciel,  que  j'aille  à  lui.  C'est 
«  (le  la  part  du  Roi  du  Ciel  (jue 
«  je  me  suis  ainsi  |)résenl('"e. 
«  Dussé-je  aller  sur  mes  genoux, 
«  j'irai   ». 

«  (Hiand  Jeanne  \\u[  à 
notre  maison,  elle  portait  mie 
l'obe  rouge.  On  lui  donna  un 
vêtement  d'iiomme,  des  eliaiis- 
ses,  tout  un  ('(juipemenl,  et, 
monl(''e  sur  un  elieval,  elle  l'ut 
eonduite  au  lieu  où  élail  le 
Daupliiu. 

<'  Au  moment  ou  elle  s'ap- 
prèlail  à  |)arlii',  on  lui  disait  : 
«  Comment  poiuicz-vous  faire 
i'  un  tel  vovage,  (|uand  il  \  a 
«  de  tous  côtes  des  gens  de 
u  guerre?  »  l<]lle  irpondait  : 
«  Je  ne  erains  pas  les  gens  de 
«  guei-re,  ear  j'ai  mon  cliemin 
<(  tout  aplani;  et  s'il  s'\  IrouNc 
«  des  hommes  d'armes,  j'ai  Dieu, 
«  mon  Seigneiu-,  (pii  saura  bien 
i<  me  fi'aver  la  roule  poin-  aller 
«  jusfju'à  messire  le  Daupliin. 
«  Je  suis   iH'e  pour    ee   faire    ". 

Henri  Le  Uo\er  a\ail  cin- 
cjuante-si\  ans  (piaud  il  rendit 
ee    témoignage;    il     a\ait     doue 

trente  ans  à  r(''po(jue  où  Jeanne  était  eluv,  lui.  Sa  femme  était  plus  jeune  que 

9 


LK    Dlil>\RT    DE    VAUCOlILEliKS 

D'.'<i)l't'S    un  carton  do  M.   LonlN. 


66 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


lui  (le  (lcii\  iiiis.  Calliciiiic  Le 
U()\ci-  |);irl:i  ainsi  :  ■■  J'ai  mi 
.Icaimc  |)(>m"  la  picinièic  fois,  a|)i(s 
son  (Icparl  de  la  maison  palcr- 
lu'llc,  (juand  elle  fut  amenéi"  fiiez 
nous  pai-  J)uian(l  Laxarl.  l'.lle 
\i>ulail  aller  au  lieu  où  ('lail  le 
Dauphin. 

«  Je  l'ai  loujoui's  Iroiuce 
simple,  honne  el  douce,  iille  de 
l)i)nne  naluic  el  de  honne  eon- 
duile.  IJIe  allait  Nolonlieis  à  la 
messe  el  à  eonCesse.  Je  puis  le 
dite,  eai'  je  lai  menée  à  rej.;lise  et 
je  l'ai  Mie  se  eonfesser  à  messire 
.lean  l'ouriiier,  qui  ('lail  alors  euri- 
di'  Vaueouleurs. 

«  Jeanne  aimait  à  fder  el  filait 
hi<'ii.  .le  nous  re\()is  encore,  filant 
eiisemhle,  chez  moi.  Jeanne  est 
restée  dans  notre  maison  en\  iroii 
trois  semaines  en  plusieurs  fois.  « 
Ainsi  donc,  au  monK'iil  nièm(>  où  toute  la  ville  de  Vaueouleurs,  émue  de 
rarri\ce  el  du  séjour  de  Jeanne,  s'entretenait  de  ses  desseins  et  déjà  songeait 
à  l'équiper  pour  qn'elle  pût  se  rendre  près  du  Dauphin,  elle,  toujours  simple 
et  modeste,  u  filait  ».  Ni  le  souci  de  son  enlre|)rise,  ni  l'impatience  même  de 
partir  et  l'ineertitude  du  lendemain  ne  la  Irouhlaienl  :  u  elle  lilail,  el  vWv /Hall 
bien  m. 

Entre  temps  elle  laissait  sa  quenouille  et  allait  prier;  ou  hieii,  accueillant 
aimablement  et  ingénument  les  allants  el  venants,  eiirieuv  de  la  \oir  cl  de 
l'entendre,  elle  leur  disait  èlre  venue  de  la  |)art  du  Uoi  du  Ciel,  el  se  pré- 
parait  a  aller  en  guerre  en  tournant  gaiemeiil  le  fuseau. 

«  Jeanne,  continue  Catherine  Le  Rover,  est  restée  dans  notre  maison 
environ  trois  semaines  en  plusieurs  fois.  Elle  fit  parler  au  sire  Rohert 
de  Bandrieourt,  capitaine  de  A'aucouleurs,  |)onr  (piil  la  menât  où  elail 
le  Dauphin. 

«  Un  jour,  j'aperçus  le  capitaine  Uohertqui  vi'iiait  chez  nous  en  compagnie 


i;lHl'l.l.l.li    bAlMK-I.IilVIllK,     l'UIiS    UK    V.VVCOl  I.Kl  US 

(ÉTAT    ACTI'El) 

[Jijannc  Y  vint  pi'ii-'i'  Sf^itvt'iit  pciulant  son  svjoiir  à  /'aitconleiirs.'j 

D'iiprt'S   mu*  jihutuj^riipliic. 


VAUCOULf:uilS. 


Gy 


de  messire  Jeiin  Founiici',  noire  euré.  Ils  virent  Jeanne  à  part.  Ensuite  j'inter- 
rogeai Jeanne,  et  elle  me  raconta  ce  qui  s'était  passé.  T.e  curé  avait  apporté 
son  étole,  et,  en  pi'ésence  du  capitaine,  il  l'avait  adjurée,  disant  :  »  Si  tu  es 
<c   chose   mauvaise,  éloigne-toi  de  nous;    si   lu  es 
«   chose  bonne,    approche    » .  —  Pour    lois, 
Jeanne   se  toiu'na   vers  le  prêtre  et  resta  à  ^ 

ses  genoux.    Toutefois  elle   disait  (jue   le 
curé  n'axait  pas    ])ien    fait,    \u   ([u'il    la         sç--' 


JEANNE    n  MiC 

iiu''(liiillon  J'Hknri  Cii.vpu, 


ic  la  ni(>nait  pas  \ers  le 


connaissait,  l'ayant  ouïe  en  confession. 

K  (lonime  Robert  n'était  pas  dis- 
pos(''  à  la  conduire  au  Roi,  Jeanne  lui 
dit   :    "    Ron  gré,  mal  gré,  il  faut  que 
1'  j'aille  là  où  est  le  Dauphin.  Ne  savez- 
i<    vous  pas  qu'il  a  été  propliclisc'  que  la 
'<   France  serait  perdue  par  une  femme  et 
'<   qu'elle  serait  rele\ce  par  une  Pucelle  des 
Il   marches  de  Loiraine?   »  Je  me   rappelai  en 
elfet  cette  prophétie  et  je  demeurai  stupéfaite. 

c<  I^e  désir  de  Jeannette  était  bien  fort  et       iv.i 
le   temps  lui  pesait  comme  si  elle  eût  été  une 
femme  attendant  la  naissance  d'un  fds,  parce  (ju'on 
Dauphin. 

«  Depuis  lors,  bien  d'autres  cl  moi  nous  eûmes  foi  en  elle,  \insi  arii\a-t-il 
qu'un  certain  Jacques  Alain  et  Durand  l>a\art  voulurent  eux-mêmes  la 
conduire.  Ils  la  conduisirent  jusqu'à  Saint-INicoIrts'.  Mais  ils  revinrent  à 
Vaucoideurs,  Jeanne  leur  a\ant  dit,  à  ce  ([ue  j'appris,  (ju'il  n'était  |)as  honnête 
à  elle  de  jiartir  en  telles  conditions. 

'  Vlors  les  habitants  du  village  lui  firent  une  tunique,  des  chausses,  des 
guêtres,  un  éperon,  inic  épc'c  et  tout  un  équipement.  Un  cheval  lui  fut  acheté 
par  les  gens  de  Vaucouleurs.  Jean  de  Metz,  Bertrand  de  Poulengv,  Colet  de 
Vienne,  avec  trois  autres,  la  conduisirent  au  lieu  où  était  le  Dauphin.  Je  les  vis 
monter'  à  cheval  pour  s'en  allei'.  » 

Jean  de  Nouillempont,  dit  Jean  de  Metz,  vint  aussi  (K'posci'  au  procès 
de  réhabilitation.  Son  témoignage  est  à  citer',  par'cc  (pi'il  lappcllc  a\('c  toute 
leur  nette  énergie  (prelques  paroles  de  Jeanne. 


7 

-P 


r^ 


I.  Saint-Nicolas-du-rort,  près  de  Nancy. 


68  JEANNE   D'ARC    RACONTÉE   PAR    I/IMAGE. 

«  Quand  je  \is  .Icaniic  pour  la  |)i'cuuci'('  lois,  dil-il,  loi-s  de  sou  arriver  à 
Vaueouleurs,  elle  jiorlail  une  roi)c  |)au\  ic  cl  usée,  de  eouleur  rouge.  Je  lui  dis: 
a  Ma  mie,  ([ue  failcs-vous  ici?  Faul-il  que  le  Roi  soil  ciiassé  du  royaume  et  que 
Il    nous  soyons  Anglais?  » 

«  La  jeune  lille  me  r(''|)ondit  :  »  Je  suis  venue  ici,  à  clianihre  de  Roi,  |)arler 
c<  au  sire  de  riaudrieouri,  afin  (|u'il  \'euille  me  conduire  ou  me  faire  conduire 
«  au  Roi.  Mais  il  n'a  nul  souci  de  moi  ni  de  mes  pai'oics.  l'oui'lanl,  a\anl 
«  (|u'arr-ive  la  mi-carème,  il  faut  que  je  sois  de^(■rs  le  Roi,  dussé-je  user  mes 
«  pieds  jusqu'aux  genoux;  car  nul  au  monde,  ni  rois,  ni  ducs,  ni  lille  du  roi 
«  d'Ecosse,  ni  autres  ue  peuNcnl  ri'couvrer  le  royaume  de  France.  Il  n'y  a  de 
«  secours  que  de  moi,  fjuoi(jue  j'aimerais  mieux  fder  ]irès  de  ma  pau\rc  mère  et 
«  fjiu'  ce  n'est  pas  là  mon  clal.  Mais  il  faul  (|ue  j'aille,  et  ji'  ferai  cela  paice 
«  (pic  mon  Seiniicur  seul  (pie  je  le  fasse  ».  Je  lui  demandai  cpiel  elail  son 
Seigneur,  illlc  me  re|)(>ii(lil  :  ((  C'esl  Dieu!  » 

«  Aloi's  je  donnai  a  Jeanne  ma  foi  en  lui  loiicliani  la  main  cl  je  lui  promis 
([lie.  Dieu  aidaiil.  je  la  condiiiiais  yers  le  Roi.  i'.n  in(''ine  Icmps,  je  lui  demandai 
(jiiand  elle  \oiilail  parlir  :  <'  l'Itilol  maiiUeiianl  ipie  demain,  pliih')!  demain 
i<  (pi'apres  ".  Je  lui  demandai  encore  si  elle  Noiilail  faire  cliemin  a\ec  ses 
yètemenls  de  feiiiinc.  iJlc  nie  rcpoiidil  :  •■  Je  prendrai  \()lonlicis  liahil 
«  d'homme  ».  Pour  lors  je  lui  donnai  les  \  (■•U'inenis  cl  la  chaussure  dim  de  mes 
hommes.  Ensiiile  les  gens  de  \  aiicoulenis  lui  lirciil  faire  nu  cosUniic  d'Iioiiimc, 
des  cliausscs,  des  gucMrcs,  loiil  rc(pupciuenl  nécessaire,  cl  lui  donncreni  un 
elic\al  (pli  coula  sei/.e  francs  ou  a  peu  près'.  » 

Nous  avons  cité  ce  témoignage  en  son  inU'griu'',  parce  (pie,  à  Iraycrs  le 
langage  de  ce  hra\e  soldai  %  ou  yoil  Jeanne  ap|)aiailre  avec  sa  résolution,  son 
entrain  et  sa  louchante  impatience. 

Son  enireprise  était  donc  en  (piehjue  {)rogrès;  l'espérance  lui  était 
permise.  Baudricourt  ('lait  encore  indécis,  mais  du  moins  ue  résistait-il  |>lus 
ouvertement  aux  supplications  de  Jeanne.  Autour  d'elle  le  peuple  était  énui, 

1.  Joseph  Fabre,  Procès  fit-  rchahilitation. 

2.  Jciin  (le  Metz  avait  des  senliments  chevaleresques,  qui  parfois  cepeiidanl  toiiri)ai<-iit  à  mie 
excessive  vivacité.  Le  i"'  septemljre  1425,  alors  âgé  d'environ  vingt-<|iiatre  ans.  il  avait  été  condamné 
par  le  prévôt  de  Gondrecourt  à  pa\"er  une  amende  de  cinq  sous  0  pour  avoir  juré  le  vilain  serment» 
et  avoir  jeté  par  terre  une  somme  d'argent  qu'on  lui  présentait.  —  Voici  du  reste  le  texte  di'  la 
sentence,  conservé  aux  Arcliives  de  la  Meuse  ;  «  Jelian  de  Mets,  pour  ce  qu'il  a  juri'  vilain  serement 
en  jugement  et  jette  à  terre  certain  argent  ii  lui  présenté  en  manière  de  retraite,  disant  que  point 
n'en  recevrait,  l'a  amande  pour  ce  v  sols.  »  —  La  vivacité  de  Jean  de  Metz  était  hlànialilc,  et  son 
<(  vilain  serment  u  aussi;  mais  il  l'St  grand,  ce  soldat,  jetant  ainsi  à  terre  «  un  certain  argent  »  qui  ne 
l'honorait  point.  Tant  d'autres  l'eussent  mis  en  leur  poche.  Il  <'lait  hien  digne  d'accompagner  Jeanne 
d'.Vrc  et  de  la  .srr-\ir.  el.  api-,"'s  ce    tr.iit,  l'on  ne  s'élonne  pas  «le  la  nd«-litr  (ju'il  lui  nion(r-a. 


JEANNE    IJ  AlU:    ET    I.E    CAPITAINE    DE    BAÎIDRICOUUT 

D'apn''^   le   tidil-.Mi   «lu   Gaston   MÊu>r.L'i;   iiU'ci-t   un   Mustc  Jeanne  il\lrr   p;ir  r;iiitniir 


VAUCOULEURS. 


l'I  (jiicl(|iics  l)ra\('s  gens  gai^nés  ])ar 
la  vii^ucur  de  ses  paroles  lui  pro- 
metlaienl  dt-  la  conduire  au  Dau- 
phin. Encore  quelques  eflorts  et 
sans  doute  elle  pourrait  partir. 

Ce  fut  à  cette  époque  que 
Jeanne  d'Arc  se  rendit  à  Nancy 
près  du  duc  de  T.orraine.  Celui-ci 
avait  dcsir'c  la  \o'n\  pousse  sans 
doule  pai'  f|uclque  espiit  de  cmio- 
site,  un  peu  comme  Ilcrode  <jui,  au 
joiu'  de  la  Passion,  axait  (U'sii'c 
de  voir  le  Christ,  espérant  <ju'il 
accomplirait  dcxani  lui  (|ucl(|uc 
prodige. 

Jeanne  resta  peu  de  temps 
près  i\u  due.  Elle  essa\a  de  l'inle- 
resser  à  ses  desseins,  lui  demanda 
de  lui  douner  sou  lils,  ou  |)lulôl 
son  gendre,  René  d'Anjou,  duc  de 
Bar,  et  des  hommes  d'armes;  mais 
le  duc  ne  se  rendit  pas  à  ce  désir. 

l'n  témoin    a  déclare  (jue,   le  du( 


I,\     \IKUGK    DF.S    CM'I.F.S 
])"ii|n-i's   ml   bas-rclici"  tU-   S\r.l,If;n. 


ixani  consultée  sur  sa  maladie,  elle 
déchu'a  n'en  rien  connaître  et  l'exhorta  à  reprendre  sa  femme  légitime. 

Le  tout  se  termina  par  le  don  d'un  cheval,  disent  c|uel(|ucs-uns,  ou  tlu 
moins  d'iuic  somme  de  (juali'c  francs,  (juc  .ii'anne,  a\i'c  son  luunilitc  ordinaire, 
ne  refusa  pas,  —  elle  était  sans  ressources  à  cctie  époque,  du  reste,  —  et 
(|u'cllc  montra  ingénument  à  son  cousin  Eaxarl. 

Avant  de  rentrer  à  \  aucouli'urs,  elle  alla,  à  deux  lieues  de  Nancv,  faire  ses 
dcxolions  dans  r('glise  de  Saint-Nicolas-du-Porl,  lieu  (\r  pèlerinage  très 
fréquenté  à  celte  époque. 

Elle  rentra  enfin  à  \  aucouleurs. 

Dans  le  voyage  de  Jeanne  à  Nancv,  Jean  de  Metz  l'accompagna  jusqu'à 
Toid.  Durand  Eaxart  ne  la  quitta  pas  de  tout  le  xoxage. 


f|^ 


JEANNE    D'ARC    RACONTÉE    PAR    I/IMACE. 


i 


jrANM-:   I)  vue 


.Ti'  \()ii(lr;iis  consaci'fi'  (jiicKjucs  pagt's  a  vvl  hoiniiic  de 
hirii,  aussi  l)ia\i'  (|iu'  iiiodcsU'. 

En  toutes  les  c-irconstancfs  (|U('  nous  nciioiis  de  laconlci- cl 
(|ui  lurcnl  si  i^iaNcs  eu  couscciucuccs  jiour  la  niissiou  de  .Icaunc 
et  le  sailli  de  la  Eiaiici',  Durand  La\art  sniihlc  jaloux  de 
resicr  dans  l'onihi'c  ;  mais  rohsci'Nalciu'  \oil  en  lui  un  lioninic 
(\c  l)i('n,   calme,   |)ru(lenl,    fidèle    aniani    (|ue   dévoué. 

Il  oiHUpe  modcsiemeni  cl  \aillaninienl  la  place  dont  le 
|)éi('  de  Jeanne   d'\ic    n'cùl  dû  laisser  l'honneui'  à  personne. 

Il  esl  près  de  noli'e  |)ieuse  lii'roïnc  un  |)eu  comme  Josc|)li 
en  la  Sainle  Kamille,  toujours  dans  r()nd)re,  mais  toujours 
prescnl  cl  dc\oué,  ne  s'imposani  jamais  cpiand  on  ne  l'appelle 
poini,  em|)i'essé   de  icpondrc  quand    on    réclame  son   sccoui'S. 

il  a  prolei;(''  le  hcreeau  où  la  pairie  dexail  icnaiire  |)ar  le 
lalx'Ui'  sacre  de  noire    \  ieri;c  Ci-ancaise,    il    l'a   i;ar(lé,   allcnlil'  cl 

Stntiu'tte  fil  Ixiis  peint       />   i     i  i  i  •  ■  i    t  '  i 

du  xvi- siècle.  lidèle,  dans  la  pauMc  cliaunuère  de  l)Urc\,  le  lîellileeni  de  noire 

(tw/«.a„«  .W,«.)       j(..,„„(..   il   ,    .,   |„,;|,arc  n'ipiplianie  de  \  aucoulcurs. 

Il  lui  l'ami  de  la  première  licure,  cl  (piand  Jeainic  eut 
f|uillc  celle  \ille,  lenons  |)oiu'  cerlain  (|u'il  ne  l'oublia  pas  cl  L;cmil  plus 
d'une  lois  sans  doule  de  ce  <pie  ses  ol)li<;alions  de  raiiiiile  ne  lui  permissent 
pas  de  sui\re  sur  les  champs  de  halaille  celle  (|u'il  a\ail  aceompagni'c  en  ce 
eomhal  secrel,  mais  si  rude,  (prcllc  a\ail  li\re  à  \  auconleni'S  contre  les 
obstacles  multiples  qui   rairctaienl. 

\  rcpo([ne  de  ces  événements,  Durand  f-axar-l  axail  Irente-trois  ans, 
seize  ans  de  plus  (jue  sa  jeune  cousine.  En  i  ')  >(Ji  'if^é  de  soixante  ans,  il 
comparut  au  procès  de  reliahililalion  de  Jeanne  comme  témoin.  Toujours 
modeslc,  il  raconta  ci'  ([ui  suit,  eommi'  s'il  eut  l'ait  en  seeoiulanl  Jeanne  la 
chose  la  plus  simple  du  monde  : 

«  ...  J'allai  prendre  Jeanne  au  loi;is  de  son  père  et  l'emmenai  cliez  moi. 
l'allé  nie  disail  (|u'clle  \()ulait  se  rendre  en  Irance,  xei's  le  Dauphin,  pour  le 
faire  couronner.  ■  N'a-t-il  pas  ele  dit,  ajoulail-clle,  que  la  Fi-ance  serait 
«  désolée  pai-  i\ui'  l'cmme  et  |)uis  dc\ ail  être  retahlie  par  une  pucelle":'  »  l'A 
elle  me  demanda  d'aller  dire  au  sire  Robert  de  Raudricouil  de  la  faire 
eontluirc  là  ou  était  Monseii;ueur  le  Dauphin.  Robert  me  dil  à  plusieiu's 
reprises  :  "  Hamenez-la  au  loi^is  de  son  |)ère  cl  donne/.-lui  des  souKIcIs  ». 
.'  l  ne  fois  (|u'elle  \il  ipie  Koberl  n'clail  pas  dispose  a  la  l'aire  mciU'r 
vers  le  Dauphin,  .leannetle    [)iit  des  habits  à  moi  et  me  dil    (ju'elle    voulait 


VAUCOULEURS.  -i 

|):ulii-.  Elit'  |);ulil  cl  je  l;i  coiuluisis  jiiscju'ù  .Sainl->iiL'olas.  De  là,  ctaiil  immie 
(11111  sauf-c'onduil,  clic  lïil  amenée  auprès  du  seigneur  Clliarles,  duc  de 
Ivorraine.  Le  duc  la  vil,  lui  parla  et  lui  donna  quatre  francs,  qu'elle  me 
montra. 

<t  Jeannetle  ('lanl  revenue  à  'S  aueoulcurs,  les  habitants  de  Vaucouleurs 
lui  aclielèrent  des  vêlements 
d'homme,  des  chaussures 
et  tout  un  écjuipement  de 
guerre.  En  même  temps 
Alain  de  Vaucouleurs  et 
moi,  lui  achetâmes  un  cheval 
coûtant  douze  francs,  dont 
nous  pi'imes  la  dette  à  noire 
charge,  mais  cpie  lit  ensuite 
payer  le  sire  de  Baudricouil. 

«  Clela  fait,  Jean  de 
Metz,  Bertrand  de  Poulengv, 
C'olet  de  Vienne  et  Richard 
l'Archer,  a\ec  deux  sei\i- 
teurs  de  Jean  et  de  Bertrand, 
conduisirent  Jcaiinelte  au 
lieu  où  était  le  Dauphin. 

«  Je  ne  la  revis  qu'à 
Reims  au  sacre  du  Roi. 

((  Tout  ce  que  je  vous 
ai  dit,  je  l'ai  dit  autrefriis  au 
Roi.  Je  ne  sais  rien  autre'.   » 

Durand  Laxart  ne  men- 
tait pas  en   disant  :   «  Je  ne 

sais  rien  autre  »,  mais  il  fais;iil  ()u!)li  :  il  laissait  dans  l'omhrc  une  fonlc  de 
faits  qui  lui  eussent  ('■lé  grandement  honorables  et  cpie  sa  modestie,  ignorant 
son  pro|)rc  nicrile,  taisait. 

Il  faut  I  en  louer  pour  la  vertu  <ju'il  montre,  mais  ce  silence  a  |)our  nous 
qiicl(|uc  dommage.  (  hicl  prix  nous  allachcrions  à  ces  détails  louchant  le  séjour 
de  Jeanne  a  JUncy,  chez  son  paient!  Combien  précieux  j)our  nous  cl  insli'uclif 


roitru    DU    l'RVNCE    A    VAtlCOULEUHS 

D'iipri's  une  i)hotogr;ipluo. 


Jusi'pli  l'al)rc.  Pnucs  de  rclinhililulion. 


74  .IP:A^>E   IVAllC    RACOiNTÉE   PAR   LIMACE. 

serait  l'éeho  nu'inc  allii il )li  (les  cnliclicns  de  rrs  (k'ii\  âmes  si  liicii  i'ailis  pour 
se  compic'iidrc! 

Si'èiif  (ligue  d'elle  iiiliTpicItH'  |);u-  l'iiii  de  nos  pcinlifs  français.  \n  fond 
de  l'alccne  de  ee  lotjis,  paiiM-e  sans  lionle,  on  t\ii  moins  i)ien  modeste,  la  l'emme 
de  Durand  Laxarl  se  remet  de  si-s  eouelies  récentes,  i^iàee  auv  l)ons  soins  de 
Jeannette,  l'rès  du  lit,  le  hereeau  du  nouvean-n(''  repose;  l'Iicioïne  heree  ses 
premiers  sommeils.  T>es  veux  de  l'enfanl  sont  clos,  non  pas  encore  ouverts  aux 
choses  de  la  vie;  ceux  de  .Teanne  à  la  fois  caluu's  et  iiujuiels,  paisibles  et  rêveurs, 
sondent  ra\<'nii',  essaxant  de  soulever  le  voile  <le  eel  inconnu  (|ui  i^ardait 
encore  mxsleiieusement  caclie  le  soLt  (|ui  raltendail,  et  celui  i\u  "  nobli'  pa\s 
de  France  ». 

Les  \()ix  le  soule\crcnt-ils  ipicl(|ucfois  dexant  ses  rci^ards?  Ijitrex  it-elle 
Orléans,  les  clie\aucliees  de  l'alax ,  les  i^loircs  de  UcimsV  Kt  Paris,  et  (lompièi^ne, 
et  Rouen?... 

l>'enfaiit  dormait,  la  jeune  mèi-e  aussi,  Durand  Laxarl  rentrait  des 
l'iiamps,  l't  .Teauni',  constante  cl  ic'soluc,  re|)renait  axcc  lui  rentrctieu  dcinicr 
qu'avait  interrompu  le  lahonr  ou  i'arrixee  de  ([uel(|ue  voisine. 

■Fcanni'tte  <(  disait  (pi'ellc  i'nii/ai/  se  rendre  en  France,  voir  le  Dauphin, 
pour  le  faire  couronner  ».  Durand  sClonnait  d'un  tel  pro|)os.  .Jeannette  le 
re|)ctail,  et  avi-c  tant  de  fort-e  cl  une  telle  résolution,  (pi'à  la  iin  Laxarl  se 
pi'cnail  a  s'émouvoir  à  son  tour,  resislail  moins  cl  tombait  d'accoid  avec  elle. 
L'enfanl  se  l'cvcillail  pcul-ètre,  cl  |)lcurail  connue  le  font  les  autres,  cai' 
l'iiomme,  ce  roi  de  la  nature,  n'a  (juc  des  gc'misscmcnts  pour  premiers  discoin-s. 
Jeanne  le  ramenait  doucement  au  sommeil  avec  nne  caresse  de  sa  main 
douce  et  forte,  puis  soni;eait  à  la  même  licure  à  la  France,  celle  grande  et  clière 
malade  dont  elle  voulait  soutenir  la  Iclc  iliaucelante  et  panser  les  blessures, 
attentive  du  même  cieur  à  la  France  (jui  se  mourait  et  à  l'enfant  qui  commençait 
à  vivi'c. 

jMais  Durand  Laxarl  dcvenail  de  plus  en  plus  resoin,  et  c'est  ce  (|u'clk' 
voulait  par-di'ssus  tout,  car  il  est  visible  que  c'est  siu'  lui  (prclle  comptait  et 
(pie  son  secours,  de  l'av  is  de  Jeanne,  sudirait,  si  RaudricourI  faisait  défaut. 

Ainsi  c'est  de  lui  (pi'elle  em[)rinile  son  |)remicr  babil  d  lionnne. 
«  Jeannette  prit  des  babils  à  moi  »,  dit  Laxarl.  Pauvi'c  Jeanne,  elle  était 
singnlitTcment  (''(juipée  dans  cet  accoutrement,  et  plus  tard,  alors  (ju'elle 
chevauchait  en  l(;'te  de  rarm(''e,  entre  Orh'ans  et  Reims,  sa  joveusc  cl  coidiale 
humeur  dut  j)lus  d'une  fois  raconter,  en  ce  stxie  f|u'elle  avait,  celle  piquante 
histoire.  Cv   n'était    [)as  alois  le  justaucorj)S  tic  xclours  orne  de  brocart  (jue 


VAUCOULEURS. 


lui  envoya  l'iin  des  piinees  du  saut;  de  France.  Non,  mais  c'élail  le  preuiiei- 
vêtement  de  i>uerie.  Quand  on  songe  à  l'inaccoutumé  de  ee  costume,  aux 
aeensalions  qu'on  porta  contre  Jeanne  à  cet  endroit,  on  ne  peut  s'empêcher 
d'admir-er  ee  l)on  paysan,  qui,  avec  une  audace  ingxMuie,  se  rendit  au  désir 
de  la  Pueelle  et  partagea  d'avance  Ions  les  déboires  ([ni  devaient  s'ensuivre 
pour  elle,  en  secondant  son  dessein. 

C'est  lui  aussi  qui  lui  fournil  son  premier  cheval.  "  Main  de  Vaueou- 
leurs  et  moi  nous 
lui  achetâmes  im 
cheval  coûtant 
douze  francs,  dont 
nous  prîmes  la 
dette  à  nolic 
charge.  »  Il  est  à 
supposer  que  Du- 
rand n'était  pas 
rich(\  l'ji  ce  temps, 
la  somme  de  douze 
francs  ('-tait  relati- 
A'ement  eonsidc'ra- 
hle;  il  ne  put  la 
pa^er  comptant, 
mais,  avec  \lain,  il 
«  prit  la  dette  à  sa 
charge  ». 

TjC  sire  de  Bau- 
drieourt      fit     plus 

tard  paver  cette  dette;  mais  T.avart  eut  le  courage  d'agir  sans  lui  et  de  courir 
les  périls  de  l'aventure. 

Ne  fut-ce  pas  aussi  cette  vaillance  et  ce  desintéressement  de  Durand  (jui 
firent  comprendre  à  Baudricourt  son  devoir  et  l'ohligèrent  de  se  montrer 
plus  confiant  et  plus  généreux  dexant  la  leçon  que  lui  donnait  ce  simple 
jiavsan? 

«  Je  ne  la  re\is  qu'au  sacre  du  Roi  à  Reims  »,  dit-il,  l()rs(pril  fit  sa 
déposition  au  procès  de  réhabilitation. 

Ce  fut  sur  le  désir  de  Jeanne  sans  doute  que  le  brave  homme  accom- 
pagna au  sacre  le  père  de  la  Pueelle.  C'(''lait  bien  juste,  et  Jeanne  eût  pu  dire 


MDCCCXCV 


JF.AiNNE    ET    SON    KSCOHTK    OtiITTENT   VVICOULEUItS    (j'i     rÉviUER     I  i"».;)) 

IV.ipfrs  un  dessin  de  Matatesta.  publié  par  la   Bonne  l'rcssc. 


76  JEANNE   D'ARC    RACONTÉE   PAR    LIMAGE. 

de  lui  comme  de  son  éteiulard  :  «  Il  axait  elc  à  la  peine,  il  l'allail  hieii  (ju'il 
fût  à  riionnenf   ». 

Notre  temps,  qui  s'est  tant  honore  par  le  culte  ((u'il  |)i'ofesse  pour 
Jeainic  d'Vrc,  notre  liéroïnc  Iraiicaise,  s'Iionoreiait  encore  en  mettant  plus 
en  lumière  la  respectable  iigure  de  cet  homme  de  bien,  si  simple  et  si  ('levé 
])oui'tant,  iniisque  le  premier  il  a  compris  les  pcnsc'cs  de  Jeanne  et  la  grandeur 
de  son  entrepi'ise. 

Si,  comme  il  faut  l'espérei',  le  monument  national  qu'on  v\r\c  à  Yau- 
eouleurs  s'achève,  l'image  de  cet  homme  y  devra  trouver  place  aux  côtés 
de  la  liln-ralrice  et  nous  conduire  vers  elle;  car  il  la  conduisit,  fidèle,  jus(|u'à 
celte  l'orlc  de  l'r'ance  sous  la(|ucllc  l'Ilc  passa  pour  aller  l'aii'c  sacrer  le  f)aiq)hin 
l'I  rendre  a  notre  patrie  ses  gloires  cl  son  indépendance. 


^^ 


Les  monuments  (jui  rappellent  Jeanne  d'Vit'  à  ^'aucoulcnrs  sont  nom- 
]>rcu\  et  de  grand  prix. 

Nous  axons  déjà  parle  de  la  maison  du  eharion  l.cRoxci-,  dans  lacjuclle 
elle  habita  pendant  son  double  séjour. 

Nous  axons  aussi  nienlioinie  la  l'orlc  de  \  illc  i\{\  château  de  liaudiiconrl, 
modeste  (rapparence,  mais  dcxant  la(|nellc  riieronie  dut  cprouxcr'  une  anxieU- 
si  poignaiilc  au  moment  ^\'v\\  franchir  le  seuil  cl  de  paraître  devant  le  gou- 
verneur. 

A  ([uel([nes  [tas  de  cette  porte  se  trouxc  la  l'orlc  de  France,  laquelle, 
connue  le  dit  son  nom  et  comme  le  prouxe  <lu  reste  son  orientation,  omrail 
sur  le  chemin  île  France.  C'est  sous  celle  porte  (|ue  Jeanne  d'Arc  passa 
éf[ui|)ee  |)ai"  les  habitants,  montée  sui'  le  chexal  que  lui  axait  donné  Raudri- 
court. 

Il  si'iait  superllu  d'établir  quels  sou\enirs  se  rattachent  à  ce  simjile  monu- 
ment, quellt^s  pensées  devaient  remplir  l'àme  de  Jeanne  quand  elle  la  franchit 
pour  aller  faire  coinonner  le  Daiq)hin. 

Plusieurs  pans  de  mur  de  dimensions  considérables  et  d'imposant  aspect 
restent  du  château  de  A  aucouleurs  et  attestent  l'importance  de  e(>tle  place 
forte. 

In  tilleul  de  port  majestiu'ux  couronne  de  ses  deux  puissants  rameaux  et 
de  sa  verdure  l'une  de  ces  ruines.  La  tradition  populaire  atteste  que  c'est  à  cet 
endroit,  devant  la  face  inteiieure  de  la  Porte  de  France,  fjue  Jeanne  monta  à 


l>i:i'\HT    lïE    VAUCOULEUBS,     LE     2i    FÉvKIEK     i  îatj 

D'iijïrès  le   t:ib)r;i(i  ile  ScHP.nnKn. 


VAUCOILEURS.  79 

(•lic\al  au  moiucnl  du  drparl,  là  aussi  par  suilc  (juc  Baudricourl  lui  donua 
congé. 

Mais  de  lous  ces  souvenirs  le  plus  \énéral)le  esl  eeclaiuenieul  la  ei\|)le 
(|ui  se  li()u\ail  au-dessous  de  la  chapelle  du  cliàleau,  cl  dans  laquelle  la  Pucelle, 
selon  plusieurs  témoignages  consignés  au  procès  de  réhabilitation,  descendait 
frécjuemment  [)our  prier  dexant  la  slalue  de  Notre-Dame-des-^'oùles,  statue 
conservée  elle-même  à  Vaucouleurs. 

Dans  son  témoignage,  Jean  T^efumeux,  de  Vaucouleurs,  chanoine  de  la 
chapelle  du  château  et  curé  de  l'église  paroissiale  dTgny,  alors  âgé  de  treule- 
huit  ans,  témoigna  ainsi  :  «  En  ce  temps-là  (au  temps  tlu  S(''jour  de  Jeanne  à 
Vaucouleurs)  j'étais  tout  jeune  cl  attaché  comme  clerc  à  la  chapelle  SaiiUc- 
Marie-de- Vaucouleurs,  dont  je  suis  aujourd'hui  chanoine. 

((  Je  \is  souvent  Jeainu'  \cnir  à  celte  église  axer  grande  dcNotion.  Elle  y 
entendait  les  messes  du  malin  cl  restait  longtemps  en  prière.  Ji'  l'ai  \ue  aussi 
sous  la  voûte  en  berceau,  dans  la  chapelle  soiUerraine  de  Saiule-Marie-tle- 
Vaueouleiu'S,  se  tenir  à  genoux  de\anl  la  ^  ierge,  k'  x  isage  lautùt  baisse, 
tantôt  Icxé  vers  le  ciel'.   )> 

Tx's  dalles  sur  lesquelles  se  «  baissaient  »  les  xeux  de  Jeanne,  sont  encore 
là;  cette  «  voùle  en  berceau  «,  vers  la(|uelle  ses  regards  «  s'ele\ aient  "  en 
cherchant  «  le  ciel  »,  sont  dememces,  elles  sont  inlaeles,  l'ailes  de  ces  pieires 
imprégnées  du  souvenir  de  la  vénérable  héroïne.  Elles  furent  témoins  de  ses 
prières  et  de  ses  larmes. 

Après  la  destruction  du  cliàleau,  cette  er\|)le  fut  eonxerlie  en  étable.  Pour 
qu'on  v  pût  ace(''dei',  une  feiu'lre  fui  eliaugee  en  porte  et,  connue  le  ni\eau  de 
la  crvpte  ne  concortlait  pas  avec  celui  de  la  ruelle  xoisine,  on  combla  de  terre 
la  partie  inférieure  de  ce  souterrain,  alin  (juc  le  bétail  \  pùl  enirer  jtlus  faiile- 
menl.  I^e  fumier  s'y  entassa  avec  cetti'  Ici're  et  ce  sont  ces  innnondices  fjui 
ont  sauvé  de  la  ruine  ces  lieux  consacrés  par  la  pic'scnee  de  Jeanne  d'Are. 
Parmi  les  di\t'rs  monuments  (pii  nous  rappellent  la  libt'rali'ice,  aucun  n'est 
resté  |)lus  intact;  il  en  est  peu  aussi  (pii  méritent  cl  inspirent  une  aussi  lé'gi- 
time  vé'iieralion. 

Quand  on  enlic  dans  cette  eha|)elle,  on  n'ose  a\ancei'.  A  la  pensée  cjue 
les  |)ieds  de  Jeanne  ont  foule  ce  seuil,  à  la  \ue  (k'  ces  dalles  sur  les(|nelles  elle 
s'agenouillail,  près  de  celle  colonne  (|ui  occupe  le  centre  du  sanctuaire, 
soutenant    la   \oùte,    et    sur   laquelle    tant    de    fois    cHe    s'ap|)U\a    sans   doute, 

I.   Jo.srpli   l'';il)i"c.  Proccs  de  rchiihihtalion. 


8o  JKANINK    D  AUC    KA(:(J>TEE    l'Ail    L  LMAGE. 

défiullaiitc  et  désolée,  <mi  Noudrait  n'avanctT  <|u'à  j^t'iioux,  haisor  de  ses 
lèvres  émues,  arroser  de  ses  larmes  reconnaissantes,  ces  pierres  vraiment 
sacrées  pour  tout  cœur  français. 

On  n'est  pas  moins  ému  dexani  la  \  ieille  staliie  de  Nolre-i)ame-des-\  oùtes. 
C'est  devant  elle  que  Jeanne  priail. 

Une  restauration,  peu  inteliii^cnle,  il  faut  l'avouer,  l'a  en  partie  modifiée. 
On  ainieiait  la  xoii-  dépouillée  de  celle  décoration  trop  conforme  au  ijoùl 
(loul(  ii\  de  la  statuaire  religieuse  de  notre  temps,  et  considérei'  en  sa  pierre 
simple  cl  nue  cette  image  si  xénc'-rahle.  Mais,  même  ainsi  modiliée,  l'Ilc  n'en 
est  pas  moins  d'une  absolue  authenlicilé  et  compte,  par  le  souvenir  de  Jeaiuie, 
parmi  les  plus  précieuses  statues  de  la  Vierge  que  l'on  conserve  en  France. 

Un  monument  s'élève  pour  protéger  ces  iiiiiu'S  ])récieiises  et  les  garder 
en  honneur,  devant  les  veux  de  la  France.  Les  pouvoirs  publics,  civils  et 
religieux,  le  |)atriotisme  et  la  foi  se  sont  donné  la  main  pour-  cette  entreprise; 
elle  peut  tarder  à  Acuir  à  plein  succès,  mais  elle  v  viendra  un  joiu',  parce  (ju'en 
notre  xaillant  |)a\s  de  {elles  causes  ne  sont  jamais  perdues'. 

Si  ces  souxcniis  matériels  de  .Jeanne  d'Vrc  conservés  à  \  aucouk'ins  ont 
un  grand  l)rix,  celui  (jui  nous  reste  des  (-vénements  rapides  mais  considérables 
sur\emis  pour  elle  en  ces  lieux  est  peul-ètre  plus  cMiouNaiil  encore,  l'.n  cette 
étude  où  nous  nous  ellort-oiis  de  dégager  des  ineideiils  de  la  \  ie  di'  Iberoine 
l'âme  même  et,  comme  nous  l'axons  dit,  ce  (|ue  l'on  pouirail  appelei-  la 
pliilosopliie  de  cette  \ ie  si  grande,  A  aucoulcius  a  tlroit  à  une  place  éminente. 
Les  hommes  jugent  mal  la  vie  des  grands  hommes.  On  dira  qu'ils  jugent 
mal  de  toutes  choses,  et  l'assertion  n'est  pas  contestable;  mais  leur  erreur  est 
peut-être  surtout  \isibU'  (juand  elle  porte  sur  les  choses  (pii  sont  grandi'S  cl 
qu'il  leur  importerait  davantage  de  bien  enlendre. 

Fa  libeili',  la  puissance,  la  grandeur  et  la  gloii-e  sont  l'objet  de  leui'S 
plus  vifs  désirs,  excitent  en  eux  les  passions  parfois  les  plus  emportées. 
Qu'entendent-ils  cependant  à  la  gloire,  à  la  grandeur,  à  la  puissance  et 
à  la  lilierlé?  Foil  peu  de  chose. 

I.  a  O  Fraiici',  |):\uir  liicn-aimi'e.  lanl  (|iu'  Iciii  cuili'.  ijui  se  confoml.  ;i  vrai  diri-.  avec  celui 
(Ir  riiumaniu-  c-ii  liUle  contre  louli-s  les  cruaulés  île  la  iialure,  coiisei\  era  encore  des  fidèles,  celle 
chapelle  souterraine  de  X.-I).  de  Vaucouleurs.  (jui  vit  les  angoisses  de  la  Pueelle  el  (|ue  viennent  de 
ri'staurer  di's  mains  ])ieuses,  ne  cessera  d'aiiparaitie  eoninie  l<'  plus  sacré  des  sanctuaires.  Tant  (|uc  tes 
enfants,  ou  du  moins  les  meilleurs  d'entre  eux,  l'aimeront,  ô  mère,  comme  tu  mérites  d'ëtic  aimée, 
c'est  là  plus  encore  (j  ne  partout  ailleurs  qu'ils  se  feront  un  devoir  de  v<iiir  en  |)èlerinaye;  et  arrivés  à 
l'endroit  où  la  vierge  de  Domremy  s'est  agenouillée  pour  prier  el  pleurer,  ils  éprouveionl  le  lusoiii 
de  se  prosterner  à  leur  tour  et  de  baiser  cette  terre,  saiicliliée  parce  qu'on  peut  appeler  la  «  V<'ill('e 
des  larmes  de  Je;uiue  il'Arc  ».  Siméon  l.uce.  Jeaiiiu'  d' .ire  à  Donirenn\  i>,    cwi. 


^€^ytn4i  a  Svtt:^ 


^  e//i'tf'<j  '/(•   //t(f 'fr'/f   f/('   c^fe^riA-c  &-/i^ui  /,>4ùiéee  eÂi,  ,.£u4r'e'??t&€^aA^.  / 


^>r^^ScWé^ât^ .  i^W 


VAUCOULEURS. 


ADlliUX    1)E    JKVNNK    1)    Uli;     \ll     CMMTAINE    DE    BAlII>llIi;(>lill  r    A    VAIK.UI  I.EfUS 

J)'aiii(s  II'  t.ihliMii  lie  MiLi.iN  Dupeubeux  (1S17). 


A|)prt'ciii[('iii's  médiocres  des  choses,  ils  ne  le  soiil  pjis  moins  des  liommes 
et  de  leurs  actions,  et  s'ils  en  font  quelque  cas,  leur  estime  porte  moins  sur  le 
bien  que  eeux-ei  ont  accompli  que  sur  le  hi  iiil  cpiils  ont  pu  l'aire. 

Il  arrive  ainsi  que,  de  la  vie  des  grands  hommes,  —  la  remarque  ne 
s'applique  pas  moins  aux  Saints,  —  le  meilleur  leur  ("chappe,  l'éclat  seul  les 
frappe  et  selon  la  juste  |)arole  des  Livres  sacrés  :  «  l'homme  ne  voit  que  ce  qui 
parait  au  dehors'  )>. 

«  On  n'imagine  Platon  et  Aristote,  dit  i\iscal,  qu'avec  de  graniles  rohes 
de  pédants.  C'étaient  des  gens  honnêtes  et  comme  les  autres,  riant  avec  leurs 
amis;  et  quand  ils  se  sont  divertis  à  faire  leurs  Lois  et  leur  Politique^  ils  l'ont 
fait  en  se  jouant.  C'était  la  partie  la  moins  philosophe  et  la  moins  sérieuse  de 
leur  vie.  T.a  plus  j)hilosophe  était  de  vivre  simplement  et   tranquillement".  » 

\jA  \ie  de  Jeanne  d'Arc  ne  pou\ait  écha|)per  à  cette  règle  fâcheuse,  et, 
de  cette  \  ie,  le  plus  grand  nombre  de  ceux  qui  l'ont  étiuliéc,  d'accord  avec  la 
foule,  ne  se  sont  guèic  attaches  (|u'aux   principaux  épisodes  (jui  rillusirent; 

I.  I.  Reg.,  XVI,  7. 

•>..   Pascal,  Pcnxn-s.  liv.  vi,  yt.  5^. 


8u 


JEANNK    1)\U(:    n  VCONTKK    I' U\    I/IM\(.E. 


ils  cil  oui  iK'i^lii^c  le  loiul  inliinc  cl  ciiclic.  (Tcsl  ia  ccpciKhnil,  |)()iif  le  r('(lirc 
iiNcc  l*;isc;il.  "  hi  pMilic  la  [iliis  pliilosoplie  "  de  celle  \  ie  si  éli'iint;('inenl  L;raM(le. 
l'aiiui  ccii\  ({iii  cclchi-ciil  .Icaimc  d' \rc,  par  la  parole  otr  par  la  plimie, 
dans  les  vei's  ou  la  prose,  |)ai'  le  piiiccaii  mèinc  ou  le  eiseau,  eoitd)ieii  en  esl-il 
(|ui  saclient  se  dégainer  du  lieu  couiniun?  (lonihieii  sorU'Ul  de  rine\ital)le 
trilogie,  I^onireni\,  Orléans  el  Uouen,  a\ce  une  allusion  à  lU-iuis,  doni  on  ne 

parle  (|ue  hrièvemeiil  cepen- 
danl,  pour  ne  pas  dc'lruire  la 
louelianle  SMiiélrie  des  Irois 
grands  sujels  trailes  en  ini  dis- 
coures ine\  ilahlcnienl  coni|)os('' 
de  Irois  |»oinls,  conuiic  les 
sermons  l'anicux  railles  par  La 
llruvére?  (lerles  ces  trois  noms 
sont  \  eneiaiiles,  ces  Irois  ohjels 
dignes  de  nolr'c  élude;  mais 
esl-ee  donc  là  loule  la  \ie  de 
Jeanne  d'\re?  l'.nlic  ces  Irois 
"  niNSlères  »,  n'en  esl-il  pas 
d'anlres,  el  nombreux,  où  nous 
la  Irouxons  toul  enlière  el 
plus  elle-même  peul-èlre  à  un 
eeilain  |)oinl  ? 

l'ouri|uoi  ni'gliger  i'oiliers, 
lUois,  Paris,  t'.ompiègne,  Beau- 
l'cxoir,  ]a'  Clrotox  ? 

En  tous  ces  lieux,  nous 
Aoxons  Teanne  aux  prises  axcc 
les  senlimcnts  les  plus  cmouvanis,  les  épreuves  les  plus  intimes  mais  aussi 
les  plus  douloureuses,  et  c'est  là  peul-èlre  que  se  rc'vèlc  en  elle  une  gran- 
deur souxeraine.  (l'est  là  sui'Ioul  (|u'cllc  |)cul  nous  être  utile  en  nous 
donnani  l'exemple,  non  d'acles  d'i'clal,  de  triomphes  militaires  ou  de  xertus 
dramatiques,  mais  celui  de  verlus  intimes,  dignes  d'être  proposées  non 
seulemeni  à  noire  atliniralion  souvent  stérile,  mais  à  noli'c  imitation,  ce  qui 
xaut  beaucoup  mieux. 

J'ai  à  ca-ur,  en  ce  travail,  de  con\  ier  les  sages  esprits  à  l'élude  atlentixe 
de  ces  recoins  caches  de  la  x  ie  de  la  libératrice,   (hi'ils  ne  se  refusent   pas  a 


JKVNNE    I)  ARC 


D'nprès    une    copie  de  la  peinture  attribuée  au  roi  Ucné. 
[Coilci'lion    de  M.   Jacrjucs    tic    Bicz.) 


^  alc(3LJj:uus. 


83 


rU.VG.^IlLNTS    DE    L\    CHAlUiLLK    DU     lîlUS    CHliXU 

FHONTOS     ET     CLEF     DE     VOÛTE 

D'ii[n't's  une  pllotoj^rnpllif. 


cet  ;i|)|)<'l  :  ils  liomcronl  diiiis  ce 
lal)ei!r  des  fruits  aussi  doux  f|U(' 
leconds. 

C/est  à  ce  titic  que  les  é\é- 
nements  de  Vaucouleurs  méritent 
atteulioii  cl  occupent  xiainiciit 
dans  la  \ii'  de  Jeanne  d'Arc  une 
niaci'  notoire. 

Évidemment,  les  combats 
qu'elle  li\ra  plus  lard,  et  qui  sont 
comme  les  étapes  de  sa  rapide  et 
prodii^ieuse  épopée,    ont  un  celai 

plus  \if  et  plus  l'raj)pant;  mais  celui  qu'il  lui  l'allnt  li\rcr  à  A  ancoidenrs  ne 
lut-il  pas  plus  âpre  ou  du  moins  plus  malaise,  qucl(|ue  peu  de  hruit  (|u'il  ait  l'ail? 
Nulle  part,  en  cH'et,  a\('c  plus  de  i'aihlesse  et  dans  un  plus  conqilcl 
isolement,  elle  ne  rcnconlia  d'oppositions  plus  icdoutai>les.  V  (  tricans,  a  l'ala\ , 
le  combat  scia  rude,  le  tiiomplie  éclatant,  mais  du  moins  elle  a  deiiicrc  elle 
cette  armée  Crançaise  ((ui  sait  toujours  xaincre  fjuand  elle  est  conduite  par  des 
chefs  dignes  d'elle. 

A  Vaucouleurs,  Jeanne  est  seule,  et  seule  contre  tous,  (l'est  le  peiq)le  qu'il 
faut  émouvoir,  couAainere  et  conquérir  à  sa  cause.  Ce  sont  les  railleries  de 
ceux-ci,  le  scepticisme  cl  la  défiance  de  ceux-là,  qu'il  faut  sui-monter.  (l'est 
la  pau\rctc  <|iu  l'enliinc,  (jui  l'olili^c,  (piand  il  lui  faut  poui' partir  un  habit 
d'homme,  à  emprimter  celui  de  son  cousin,  pauvre  comme  elle.  fJle  maufjue 
d'une  monture  :  elle  n'en  a  pas,  et  clic  n'en  ama  pas  si  sf>n  parent  n'engage 
])as  sa  parole  |)oin-  en  accc|itcr  la  dette. 

Cherche-t-cllc  soutien  d[i  c(')le  de  Dieu,  le  cure  de  Vaucouleurs  la  prend 
pour  une  ensorcck'c  et  la  vient  exorciser,  cl,  la  chose  faite,  on  doute  l'ucore 
d'elle  cl  on  lui  montre  de  la  défiance. 

Tous  ces  obstacles,  ell(>  les  sm-monte,  et  cela  à  làgi'  dv  tiix-scpt  ans. 
Combattue  au  dehors,  elle  se  Hmc  à  elle-même  un  combat  intérieur  non 
moins  ardu,  lin  dcpil  des  consolations  et  du  réconfort  que  lui  ap|)ortcnt  saint 
Michel  et  les  saintes,  il  serait  puéril  de  croire  que  son  cceur  ne  fut  pas  souvent 
partage  entre  l'espoir  et  la  crainte.  11  ne  se  put  faire  qu'à  eei"lain(>s  heures  son 
dessein  ne  lui  pari'il  chimérique  et  (|u"(llc  ne  songi"àl  à  retourner  à  Domremy. 
Puis  l'espoir  renaissait.  Les  voix  lui  parlaient  à  nouveau.  Comme  im  coup 
de  clairon  belli(pieux,  retenlissail  à  son  oreille  la  parole  de  l'aichange  :  «  \'a, 


84         JEANNE  D'ARC  RACONTEE  PAR  L'IMAGE. 

va,  filli'  de  Dieu,  va!  »  Son  eceiii-,  après  ses  voix,  lui  disait  la  «  grande  pilie  du 
royaume  »,  et  elle  se  ressaisissait  tout  entière.  Alors,  vaillante,  résolue  :  «  Il  faut 
que  j'aille,  et  j  irai,  dussé-je  m'user  les  jaml)es  juscju'aux  genoux  !  »  s'écriait-elle. 
Puis  c'était  Jean  de  Melz  (|ui  venait  l'entretenir  et  (jui,  anime  pai'  ses 
discours,  mellail  ses  mains  dans  les  siennes  et  lui  jurait  de  la  conduire  au 
Dauphin,  liertrand  de  i'oulengv  se  joignait  à  Jean,  Duranil  Laxarl  aclielait  le 
clunal,  les  liabilanls  donnaieni  à  Jeanne  le  justaucorps,  les  chausses  longues, 

la  rohe  comte,  les  guêtres,  le  eha[H'ron,  le  hauhcri  cl  le  reste Et  l'héroïne 

i<  ne  |)Ou\ait  plus  durer  «  ;  elle  voulait   partir  c<  aujourd'hui  même  plutôt  (pic 

demain,  cl  demain  plutôt  (ju'après ■■ 

IMais  tous  ne  jjcnsaicnt  pas  ainsi.  IJaudiicourI  l'cnlraNail,  (|ucl(jucs-ims  lui 
moniraicnl  l'ctrangeté  de  son  é(juipéc,  et  voilà  (|uc  la  |)au\  ic  enfant  se  sentait 
moins  assurée  cl  se  demandait  anxieuse  si  par  hasai'd  clic  ira\ail  pas  tort 
conli'c  tout  le  monde  cl  loul  le  monde  raison  contre  elle. 

Puis  l)omrcm\  n'clail  cpi'a  (jualrc  lieues.  Il  en  M-nait  bien  un  jour  ou 
l'aulic  (piciquc  hahilanl  à  \  aucoulcurs.  Ia'  vo\agcur  sinfoiiiiait  de  Jeanne, 
disait  riiujuiétude  et  les  larmes  de  sa  mèri-,  la  colèie  de  son  père,  il  disait 
comme  la  pauvre  fdie  (juc  l'un  et  l'aulic  «  en  perdaient  le  sens»,  de  la  xoii'  ainsi 
partie.  Ces  ])ropos  se  r(''pandaicnl  dans  la  xillc.  T>es  pères,  xoulant  pour  leur 
prolit  soutenir  l'autorilc  paternelle,  se  prononçaient  contre  Jeanne  cl  plai- 
gnaient Jacques  d'Arc.  Les  mères  n'étaient  |)as  moins  dévouées  pour  Isabelle 
Romée,  et  disaient  qu'une  lillc  sage  cl  aima  nie  ne  fait  pas  ainsi  jileurer  sa 
mère,  ([uc  le  commandement  <le  Dieu  oidonnc  aux  cnfanls  d'obéir  à  leurs 
parenis  cl  (|uc  Jeanne,  (ju'oii  disait  si  dévote,  aurait  bien  dii  au  moins  se  mon- 
trer chrétienne  et  obéir  à  la  loi  de  Dieu  en  obéissant  à  ceux  qui  le  remplacent, 
l'isl-il  bien  assure  (pie  (piel(|ues-uiis  n'allaicnl  pas  jus(ju"à  dire  (pie  la 
conduite  de  Jeanne  clail  i\\\n  pernicieux  exemple  pour  les  enfants  du  lieu, 
qu'on  allait  bicnlôl  noIi-  d'aulres  jeunes  filles  se  mettre  en  tète  des  rêves 
tle  même  nature,  cl  (pi'il  fallait,  selon  le  conseil  sage  et  trop  peu  écoule  de 
BaudricourI,  la  renvoxer  a\ec  correction  à  son  j)èrc  et  à  Domremx ,  (jui,  en 
vérité,  faisait  nu  singulier  prc-sent  aux  braves  gens  de  Vaueouleurs  en  la 
personne  de  celle  fillette,  aventurière  de  dix-sept  ans';' 

Si  ce  n'est  |)as  erreur  (|uc  de  su|)poser  tous  ces  propos,  Jeanne  en 
recevait  l'écho  et  l'on  |)cut  estimer  quelle  epreuxc  elle  en  ressentait. 

Que  ne  peuvent-ils  parler  les  miiis  de  la  ehambrcllc  (|u'cllc  babilail  chez 
Henri  T^e  Roxcr!  Catherine,  femme  de  celui-ci,  était  bonne  |)<)ur  la  pauvre 
désolée.  IMais  (jue  peut  souxcnt  pour  nous  le  déxoucmcnt  (\v  nos  amis,  même 


VAUCOULEURS. 


85 


les  plus  sincères?  Oiiaiid  il  iaiil  eoiisoler  et 
i;uérir,  l'homme  esl  si  impuissant  pour 
l'homme! 

Puis  les  grands  ed-urs  ont  la  ])udeur 
saerée  des  larmes  et,  comme  le  Christ  au 
jardin  de  l'agonie,  ils  ont  hesoin  de  mettre 
au  moins  la  distance  «  d'un  jcl  de  pieri-e  ' 
entre  le  spectacle  de  leur  douleur  cl  le  regard 
des  hommes. 

Jeanne  gravissait  cet  escalier  fjuc  l'on 
voyait  naguère  encore  à  la  façade  de  la  maison 
du  charron,  se  rendait  à  la  chambre  du  se- 
cond étage,  sous  les  combles,  cl  là  phurail 
sans  doute,  comme  plus  tard  elle  le  faisait 
•  juand  les  Anglais  l'ajjpi'laienl  libaude. 

Mais  sa  défaillance  ne  durai!  pas,  et, 
comme  à  Orléans  quanti  sa  blessure  fut 
pansée  avec  de  l'huile  et  du  miel  :  «  Je  me 

sens  consolée  »,  disait-elle,  et  puis  :  «  J'iiai;...  avant  la  nii-carcme,  il  faut 
(juc  je  sois  devant  le  Roi,...  car  lud  au  monde,  ni  rois,  ni  ducs,  ni  lille 
d'Ecosse,  ni  aucun  autre  ne  ])cut  secouiir  le  ro\aunic  de  France....  Il  faut 
que  j'aille  et  que  je  fasse,  pai'ce  (jue  mon  Seigneur  veut  que  je  fasse  ». 


JFVNSE     DAIKJ     liT     VKliCIXCKTOJlIX 

Priije't   (le   moniniient,  t\r(\ic 

nii\    in;irtM-s    de    riii(lé{M'[ii]iUi(-(-    njitiuualc 

[lar   Kmile   r.lUTKoussE   (1H72). 


4^ 


Ces  réflexions  suffiraient  à  faire  cnlendr-c  combien  graves  pour  Teanne, 
combien  dignes  de  souvenir  pour  nous,  furent  les  événcmcnis  (!<■  Yaucou- 
leurs. 

Celle  épotjue  de  la  \\v  de  Jeanne  revêt  toutefois  un  autre  et  peut-être  plus 
touchanl  caractère. 

Qu'on  me  pci-metlc  encore  celle  considération  et  rpi'ou  me  pardonne  de 
ne  (|uiller  ([u'à  regret  cette  terre  de  A  ancouleurs  sanelilit'c  par  les  prières,  les 
larmes  vi  les  aneoisses  de  Jeanne  d'  \re. 

L'homme  porte  mal  le  |)oids  de  l'inconnu.  «  Nous  ne  prenons  ijas  nos 
mesures  bien  juste  »,  ainsi  que  dit  l'.ossuci,  et,  qu'il  s'agisse  des  choses  tristes 
ou  de  celles  (|ui  nous  appoi'lcnl  la  joie,  nous  les  |ir(''vo\ons  gcMK'ralemenl  plus 
grandes  (ju'elles  ne  le  seront  par  leui'  réalité. 


S(i 


JEANNE    D  AUC    RACONTKK    l'Ail    I/IMAGE. 


De  là  les  illusions  f|iu'  nous  ciiliclciioiis,  de  Li  les  l^^(■s  doiil  nous  nous 
berçons  a  l'cndroil  des  joies  (jui  nous  soni  ;nnioncf('S. 

De  la  aussi  raltallcnunl  où  nous  jcllc  la  pccxision  des  cprcuvi's  (|ui  nous 
nicnaccnl. 

En  un  mol,  les  choses,  cl  siirtoul  la  joii'  cl  l'cpi'cuve,  son!  plus  grandes 
en  nos  espérances  cl  en  nos  crainics  (|u'in  Icui'  ohjcl  nicnic. 
T/ineonnu  nous  fascine. 

C'esl   luie  saijc  pliilosopliii'  (jui'  saint   Aui;iislin   a  mise   en   luniicic  cl   ([ue 

liossuel   a   conimenlce.    Ils    nous    cnirclienncnl    l'un    cl   lunlic 

du  nnsicre  de  la  l'rcscnlat ion  de  Jésus  au  'rcni|)le.  El,  (|uand 

rc\c(|ue  d  Ilipponi'a  rappelé  les  paroles  par  lcs(pii'lles  Sinicon 

annonça  à  la  ^  ieri;c  cpiun  glaive  de  soulIVance  percciail    son 

ànie,  il  cvpliiiuc  lorl  jusicnieni  (pi'cn  oulre  du  l'aidi'an  d  une 

Icllc   ainioncc,    Marie    porla    encore    celui    de    I  inconnu; 

«    car,  ajoute  ci'  Docteur,  c'est    porter  toutes    les   don- 

C-—      v^    ^  leuis  (jue  (Vvw  redoutei'  inie  eerlainc,  sans  sa\oir  dOu 

Vt  elle  \iendra,  cl  de  sentir  la    pointe  Av  tous  les  ^lai\cs 

'"^    V  jflJB'       M'"'  d'ii;norei'  celui  (pii  doit    nous  i'ra|)|)er,  (juand   il  est 
assure  d'antre   part   (|ue  nous  serons   happés.   » 

\  un  enl'anl,  dit-on,  cl  j'iniai^inciais  \olonlicrs  (jue 
ce  fut  plut(')l  à  (|ucl(|ne  sai;c,  judicieux  connaisseur  dis 
choses  huinaines,  on  demandait  :  ■  (Hiel  est  le  plus 
heau   jour  de  la  \  ie  ":* 

—  (l'est  la  veille   »,   réj)on(lit-il. 
On  eût  pu  lui  demander  aussi  :    «  ()uel    est    de  la 
vie  le  joui'  le  plus  douloureux?  •■  Il  eùl  fait  la  même  r(''|)onse. 

Clesl  moins  sur  le  champ  de  bataille,  au  milieu  de  renirainemcnl  du 
t'ombal,  que  le  stratège  montre  sa  parfaite  assurance  et  le  soldat  son  vrai 
coiu-age,  qu'à  la  Mille  même  du  combat.  Aussi  l'on  approuve  Bossuet  (juand 
il  admire  le  l'rincc  de  (londé  dormant  quelques  heures  avant  Rocroy  et 
n'a\ant  «  jamais  dormi  plus  paisiblement  ». 

Ainsi  en  est-il  dans  tous  les  ordres  de  racti\ilc  lumîaine.  I>a  foule  estime 
que  pour  l'orateur  le  plus  grand  labeur  et  le  moment  où  son  âme  s'inquiète 
sont  celui  même  ou  il  parle;  ceux  qui  ont  quelque  connaissance  de  cet  art 
savent  bien  an  contraire  (|ue  l'henre  de  l'angoisse  c'est  l'instant  (|ui  précède 
le  discours.  E'oratcui-  n'a  pas  encore  pris  contact  avec  l'audiloire;  ignorant 
la  composition  de  la  foule  et  ses  dispositions,  il  sent  le  poids  de  cet  incoiuui, 


JliVNNU     I)  ABC 
D'.iprès  le   buste   de   PÉcou. 


VAUCOULEUllS. 


cil  uiio  ('■Irciiilc  de  l'àinc  cl 
une  sorte  de  suspension  des 
sens  si  douloureuse,  qu'il  lui 
lar-dc  de  la  rompre  et  de 
gravir  ces  degrés  de  la  trii)unc 
ou  de  la  chaire  au  bas  desquels 
il  souffre  de  telle  façon. 

La  veille,  c'est  le  mot 
dont  il  faut  marquer  le  séjour 
de  Jeanne  à  Vaucoidcurs, 
comme  c'est  celui  (jui  con- 
viendra aux  incidents  de  son 
sejoui'  à  Blois,  trois  jours 
axani  Oilcans,  comme  ce  sera 
enfin  le  mot  juste  pour  les 
tristes  jours  que  Jeanne  pas- 
sera au  Crotoy,  avant  de  sortir 
des  mains  françaises  pour  être 
livrée  à  celles  des  Anglais.  Yau- 
couleurs,  c'est,  dans  l'épopée 
de  Jeanne  d'Are,  l'aïuore  fjui 
va  naître;  Rlois,  le  plein  midi 
qui  va  briller;  J^c  Clrotoj,  c'est 
le  crépuscule  qui  commence, 
avanl-conrcni'  de  la  nuit  «  dé- 
sastreuse »  et  ((  elfroyable  », 
où  la  France  diia  :  Jeanne 
a  se  meurt  »,  Jeanne  u  est 
morte  ». 

C'est  le  premier  mot  de 
ee  singulier  discours  qu'elle 
va  tenir,  la  première  page 
de  l'émouvante  ('popc'c  (|u'cllc 
écrira  ilc  la  pointt'  de  son 
épée,  c'est  l'ébauche  première 

de  ce  ehef-d'auvre  qu'elle  va  peindre  et  devant  lequel  les  siècles  s'étonne- 
lont,   et,   poiM-   cmplover    une  image  plus  douce,   pins  sim|)lc  cl  mieux  faite 


JKVNNIÎ    1)   VHC    SK    RESDINT    AUPRES    DE    CHVKLES    VII 

D'api'rs  le   cartiiii   tle   A.    (inELLET. 


88 


JEANNE   D'ARC    RACONTÉE    PAR    LIMAGE. 


|);ir  c-cllc  dont  on  disait  (lu'elle  «  lut  toujours  moult  simple  cl  peu  j)iiil;uitc'  », 
c'est,  en  Jeanne,  la  ileur  non  encore  éclose,  fermée  encore  à  la  rosée  comme 
au  soleil  et   qui   demain  s'ouvrira. 

Je  ne  sers  ici  nul  inti'rèl  de  clocher.  1)<'S  lieux  où  Jeanne  a  vécu,  tous 
me  sont  chers  et  sacrés;  mais  j'estime  (jue  parmi  les  événements  de  sa  vie 
celui-ci  compte  comme  l'un  des  plus  cmouxanls,  l'un  de  ceux  où,  dans 
l'allcnlion  du  cœur  cl  de  l'esprit,  ceux  (|ui  ont  le  culte  profond  cl  vrai 
de  l'héioine  lr<)u\cnt  les  émotions  les  plus  touchantes  et  l'ohjt't  du  souvenir 
le  plus  durahlc. 


1.  \    PrCF.I.I.F. 

IV.i|iri-s   iiiif   mi'-clailli-.      liihl.    uni.) 


■flvr^^ 


p---v^-"^^-      /^^TK#^  fil. 


■■  '  w^>-' . 


JEANNE    AUX    PIEDS    DU    ROI    A    CHINON 

D'après  le  dessin  de  Vital-Dubr.vy.  (^Muscc  Jeanne  d'.lrcy   à  Orléans.] 


III 


CHINON    ET    POITIERS 

\1UU\ÉK  A   CIIINON  —  LES  ENNEMIS  DE  JEANNE  ET  SES  A:\I1S 
LES  PREMIERS  JUGES  DE  JEANNE 


L 


i;  st'coiid  sijoiir  de  Jt'aiiiic  d' \re  à  ^  mucoiiIcuis  a\;iil  (Uiir 

liielfjues  semaines,  (l'est  peu  quant  à  la  duiée,  mais  dans 

la  vie  les  ehoses  les  plus  grandes  sont  souvent  l'œuvre  d'un 

iiislaiil.   L'imporlanee  des  événements   ne  se  jui;e   [)as  au 

lenips  ([u'ils  onl  demandé. 

Le  mercredi  2')  févi'ier  1 1'-',)  Jeanne  (|ui(ta  Vaueouleurs 
el  prit  le  chemin  de  Ciliinon.  Sa  petite  escorte  l'aecompagnait, 
composée  de  Jean  de  Metz,  Bertrand  de  Poulengv,  Jean  de 
llonecourt  e(  Jidien,  servants  tles  deu\  premiers,  puis  (lolet  de 
Vienne,  messager  du  roi,  et  Richard  EVrchcr. 

Le  sire  de  Baudricourt  avait,  croit-on,  reçu  l'assentiment  du 
Dauphin  au  Aovage  de  Jeanne.  Le  mouvement  de  faveur  qui 
s'était  dessiné  dans  le  peuple  à  l'égard  de  la  Pucelle  l'aNait, 
du  reste,  obligé  de  se  prêter  aux  instances  de  celle-ci.  Il  cessa 
tlonc  de  lui  faire  opposition,  contribua  à  l'éciuiper,  comme 
nous   l'avons    vu,    el   lui   donna    congé   en    lui   disant   :    »   ^  a,   va,    advienne 


JEANNE    1)  ABC 

Biistc  (le   A.  T,E  Veel. 


9" 


JEANNE    DAUC    R  VCONTÉE    PAU    L'IMAGE. 


(jiic  poiiri'ii  ".  Il  \  a  moins  de  sccplicisiiic  ([ii  on  ne  lu  cslnnc  dans  (_'t'S 
paroles. 

(  )n  assui'c  (|uc,  le  jonr  de  la  halaiilc  de  I{on\  ra\ ,  jom  iicc  dite  des  liaicn^s, 
Jeanne  elail  M'iuie  le  li()ii\ei-  cl  Ini  a\ail  dit  :  «  En  nom  Dien,  xons  larde/ 
li'op  à  m'tMnover,  car  anjoni'd'lmi  le  i;cnlil  Dauphin  a  en  près  d'()rleans  nn 
l)ien  i;i-and  domnianc,  el  il  ponrra  l'avoir  encore  pins  i^rand,  si  \ons  ne 
m'en^()^('/  l)ienl(")l  xcrs  Ini    ». 

Ail  momeni  An  (le|)arl  de  Jeanne,  la  popnlalion  de  ^'aneonlenrs  se  rennil 


LA    JOHUSKF.    DKS    HAHKNGS 

D'iilJl-i-s    iin    iii.iiHis<Tlt    liiiiifiiis    <]ii    .w"^    siécli*.    (/y//'/,    liât.) 


dans  la  eonr  dn  eiiàlean,  près  de  la  l'orle  de  \  ille  el  de  la  Porle  de  l'ianee. 
Jeanne  reee\ail  déjà  de  ee  peuple  les  iiiarcpies  de  l'aNcnr  el  de  eiilie  (jue 
pendani  lonle  sa  eanipai^ne  elle  devait  recueillir.  I^es  foules  n'oni  jamais 
manijué  de  lui  monirer  le  plus  \  if  allacliemeiil  ;  sa  seule  vue  evcilail  en  elles 
I  enlliousiasme.  Jeanne,  du  reste,  ri'udail  à  ees  l)ra\es  gens  les  sentiments 
([u'ils  a\aienl  pour  elle,  el  plusieuis  fois,  de\anl  ees  manifeslalions  popu- 
laires, elle  dil,  en  des  lieux  tlivers  :  «  Je  \oudrais  hien  mourii'  ici  el  (jue 
mon  corps  reposât  au  milieu  de  ees  bonnes  gens   ». 

C'est  doue  le  mercredi   ui  février  que  partit  Jeanne.  On  atlendit  que  le 


CHINON    ET    P(MTIERS. 


f)' 


VI  i',   [>i     (:ii\ri,\r   Di.  chimiv 
l)';i|)r'rs   iiiii'  pliMtoj^r;i|(hu'. 


soir  apjiroeliâl,  afin  de  vovager  imc  parlic  de  la  niii(  cl  dWilcr  ainsi  les 
liandcs  anglaises  cl  hourgnignonncs  (|ni  infcsiaicnl  le  |)a\s. 

\u  procès  de  rt'haijililalion,  ses  compagnons  dcposci-enl.  Clilons  leurs 
paroles  :  elles  donnent  mieux  (|ue  loulc  descriplion  lidee  jusie  des  sentimenis 
(le  la  pclile  Ironpc  cl  du  \o\age  de  .Icaunc. 

«  ijC  vo^a^e,  dit  Jean  de  Melz,  se  lil  aux  frais  de  lieiliand  c(  à  mes  frais'. 
Il  nous  a^l■i^a  de  \()\agei'  la  nuil  par  ciainlc  des  \nglais  cl  des  ilourgirignous, 
(|ui  (iaieul  mailr-es  des  chemins.  Nous  r(>slàmes  en  roule  l'espace  de  onze  jours, 
toujoiu'S  elievauciiant. 

«  Pendant  le  chemin,  je  dis  plusieurs  fois  à  Jeanne  :  «  Ferez-vous  bien 
"  ce  que  vous  dites?  »  Et  elle  nous  répétait  :  «  N'ayez  crainte;  ce  (jue  je 
<c  fais,  je  le  fais  par  commandement.  Mes  frères  du  Paradis  me  disent  ce  que 
«  j'ai  à  faire.  Il  y  a  déjà  quatre  ou  cinq  ans  que  mes  frères  du  Paradis  et  mon 

I.  Comme  on  le  voit,  le  dévouement  de  (m\s  deux  hommes  ne  se  hornait  pas  à  aeroinpagner 
Jeanne  il  Are,  ils  inaient  piis  à  leur  charge  les  Irais  du  voyage. 


f)2         JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

«  Seigneur  Dieu  m'ont  dit  qu'il  fallait  que  j'allasse  en  guerre  pour  reeouvrer 
«   le  royaume  de  France  ». 

«  En  route,  Bertrand  et  moi,  nous  reposions  ehaque  nuit  avec  elle. 
.Teanne  dormait  à  eôté  de  moi,  serrée  dans  son  liahit  d'homme. 

«  En  route,  Jeanne  aurait  ('te  eontenle  (rciilciidre  toujours  la  messe. 
«  Si  nous  pouvions  entendre  la  messe,  nous  ferions  bien  >■,  disail-elle.  Mais, 
pai'  crainte  d'être  reconnus,  nous  ne  l'entendimes  (jue  deux  fois  '.    » 

15crtrand  de  l'oulcngv  rend  un  témoignage  à  pvu  près  semhlahlc.  Il  ajoute 
ee  propos  :  «  Jeanne  nous  disait  toujours  :  «  Ne  craigne/,  tien.  Vous  verrez 
«    comme  à  Cliinou  le  gentil  Dauphin  nous  fera  hon  \isage   ».    l'.n  renlendanl 

parler,  j'elais  tout    eiilhunme.    I.llc   ('lail    |)()ur    moi    luic    eM\o\ce   di'  Dieu 

Voilà  commcnl  nous  finies  cheinin  cnsemMc  sans  grand  cmpcchcMienl,  et 
arri\ànies  à  Chinon,  ou  clail  le  Roi,  alors  l)au|)hin.  Une  l'ois  à  Cliinon,  nous 
picscnlâmes  la  l'ucelle  aux  noMes  cl  aux  ^ens  du  Hoi.    » 

Ces  simples  paioles  nous  donneni  une  juste  idée  du  \o\age  de  Jeanne  et 
de  ses  compagnons.  Ils  voyagent  une  partie  de  la  miil,  cjuclquefois  le  jour 
(juand  le  pa\s  est  plus  sûr.  Jeanne  édilie  la  pclilt'  escorte  par  sa  pi(''lé,  sa 
modestie  cl  sa  honlé.  Ses  discours  enflamment  ces  hommes  de  l'amour  divin,  cl 
sans  doute  aussi  de  l'amour  de  la  l'rance.  Ouchpics  jours  sont  à  pt'inc  écoulés 
f[ue  ch'jà  ils  \oicMl  en  elle  ■  une  ciuoxcc  de  Dieu  ■>.  C'est  l'impression  que 
Jeanne  laissera  à  tous  ceux  (|ui  la  rencoMireronI  depuis  ce  joui'  jus(|u'à  sa 
mort.  Celte  impression,  forte  cl  singulici'C,  les  juges  de  Jeanne  eux-mêmes 
s'ctfoiceronl  de  s'\  soustraire,  mais  ils  la  suhironi  plus  (|uc  loul  antre. 

Au  procès  de  Rouen,  interrogée  sur  cet  ohjcl  par  ses  juges,  elle  résuma 
en  ces  termes  le  ^o^age  de  A  aucouleurs  à  C'hinon  : 

<.<  \  mon  depaiM  de  \  aucouleurs,  j'elais  en  hahil  d'homme.  Je  portais 
uni-  épée  que  m'a\ait  donnée  Rohert  de  iiaudricourl,  sans  auti-es  armes, 
cl  j'avais  poui-  société  un  chevalier,  un  écuver  et  quatre  serviteurs.  Avec 
eux  je  gagnai  la  \illc  de  Sainl-l  rhain  et  là  je  passai  la  nuil  dans  une  alil>a\c. 
En  route,  je  traversai  la  ville  d'Auxerie  cl  v  entendis  la  messe  dans  la  principale 
église.  Alors  j'avais  fréquemment  mes  voix  \    » 

Bertrand  de  Poulengv  nous  a  dit  que  le  vovage  dura  onze  jours  et  se  passa 
«  sans  grand  empêchement  «.  Il  ne  fut  pas  cependant  sans  difficultés.  Il  fallait 
traverser  plusieurs  rivières,  la  Marne,  l'Aube,  l'Yoïme.  La  mauvaise  saison 
l'cndait  ces    incidents  plus  laborieux.    De   temps  à   autre,   Jean    de   Metz   ou 

I.   Jfisf'pli  Fahre,  Procès  de  réhabilitation,  t.   I,  !*■    i"^-"* 
'2.   Joseph  Fabre,  Procès  de  condanitiatioti,  p    5t). 


5    -î  ■* 


-  ^ 


CHINON    ET    P0ITIF:US. 


93 


Bertrand  s'ii)(iuu'(aic'nt  di'  l'issue  de  l'ciihcjuisr  cl  iiilrrroi^caiciil  .TeaiiiU'. 
C'.cllc-ci  rcnoiidait  aM'c  ciilrain  (jiic  loiil  irail  l)it'ii,  et  l'on  reprenait  la 
roule. 

Les  voyageurs  passèrent  la  Loire  à  Gien  et  parvinrent  à  Sainte-C'-atherine- 
de-Fierbois,  en  Touraine.  Jeanne  a\ail  une  pi(''t(''  spéeiale  pour  sainte  Catlie- 
liiie,  l'uiu'  des  deux  saintes  dont  les  ■•  \()i\  ■  la  cDnduisaient.  Pour  eelle 
raison  sans  doute  elle  s'ar- 
rêta en  ee  lieu  et  y  en- 
tendit successivement  trois 
messes.  C'est  de  ee  sanc- 
tuaire ([u'elle  fit  venir  plus 
lard  une  (''|)ée  qu'elle  porta 
longtemps. 

Depuis    que    Jeanne    et 

son    escorte    ne   vo\asJeaienl 

n 

plus  dans  les  contrées  infes- 
to'es  })ar  les  bandes  enne- 
mies, ils  a\ançaient  avec  plus 
d'assurance  et  de  ("acilité.  Ils 
cachaient  aussi  avec  un  soin  moins  jaloux  l'objet  de  leur  \o\ai;e  cl  en 
faisaient  confidence  à  (juelques  bons  et  dcNoucs  amis  Au  Daupliin.  Et 
ceux-ci,  comme  il   est  naturel,   ne   négligeaient    pas  à\'\)   parler  à    leiu'  toiu-. 


D'à,,,-. 


I.  V    PUCELLE    ASIENEE    AU    MOI 

1111    in^uuiscrit  françiiis  du  xV  siècle.  {UtOL  itat.) 


^ 


IjC  bruit  de  l'arriNcc  de  la  Puccllc  se  icpandil  donc  assez  ra|)idemcnl,  et 
comme,  dans  les  su|)rèmes  épreu\('S,  on  se  rallaclic  aux  moindi'cs  ()i)jels  (pii 
justifient  l'cspc'rancc,  l'enthousiasme  déjà  la  précédait.  A  blois,  Orléans  et 
autres  lieux  on  parlait  de  i-cllc  l'ucclle  ([ui,  accompagnée  de  quelques  hommes 
d'armes  lorrains,  venait  pour  entretenir-  le  Dauphin  à  Chinon,  (léli\  r(  r  (  )rlcans 
et  l'aire  coui'onner  (Charles  à  Reims. 

Le  peuple  s'animait  à  ces  nouvelles,  et  quand  la  petite  troupe  arrivait  en 
quelque  bourgade  ou  traversait  (juelque  hameau,  on  la  recevait  avec  une  faveur 
(jui  sans  cesse  allait  giandissant  et  déjà  toiunait  à  l'enthousiasme. 

La  bonté  de  Jeanne,  sa  gaieté  aussi,  la  grâce  naïve  de  sa  personne,  les 
vises  saillies  de  son  discours,  la  simplicité  unie  en  elle  à  la  distinction,  lui 
gagnaient  tous  les  cœurs;  elle  s'en  réjouissait  ingénument  et  sans  nul  esprit  de 


96         JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

gloire,  heureuse  de  cet  aeeueil  qui  foitifiiiit  sa  cause  et  lui  devait  |)ré|)arer  les 
voies  près  du  Daupliiu. 

Jeanne  devait  sur  son  elieniin  rene()iilr(  i-  d'autres  dispositions  (jue  eelles- 
ei  :  sans  relard  l'intrigue  devait  se  faire  jour  et  tenlei'  d'entraver  son  entre- 
prise.  V  i'en\i  (le  ee  nou^(■l  obstacle,  les  périls  du  Ao\age  elai(  ni  peu  de  chose. 

Elle  en  aNail  déjà  dû  a\oir  (juelque  inlelMgence  à  \  aucouh'urs  à  la  \ue  des 
froideurs  et  des  défiances  de  BaudricourI;  mais  ici  l'opposiliori  allail  cire 
autrement  redoutable.  Jeanne,  si  prompte  cl  si  (lairxoxanlc,  allait  connaiire 
l'humanité  sous  un  jour  bien  mal  fail  pour  la  charmer.  Il  lui  fallait  compter 
désormais  avec  l'opposition  des  grands  et  celle  des  prétendus  gens  de  bien.  Au 
premier  rang  parmi  les  a(h ersaires  de  la  Pucelle  devaient  biillcr  La  Trémodle, 
le  ministre  le  plus  écouté  du  Dauphin,  et  Regnaull  de  Chartres,  archevècjue  de 
Reims. 

Il  faut  bien  l'avouer,  la  faveur  ne  \a  pas  généralement  au  mérile.  Cela  ne 
tient  |)as  seulement  à  la  puérilité  des  jugements  Immains,  mais  encore  à  la 
malveillance  (pie  le  mérite  rencontre  chez  un  trop  giaiid  M()nd)rc  d'iioinmcs. 

Quand  le  mérite  est  réel,  il  s'unit  toujours  à  la  vérité  morale,  car  il  la 
défend,  et  à  la  vertu,  jiarce  (|u"il  la  prati(pic.  Mais,  par  cela  même,  nosAiccset 
nos  défauts  le  tiennent  en  déliance.  Ceux  (jui  n'aiment  ni  les  enscigncmenis  de 
la  vérité  morale,  ni  les  exemples  de  la  vertu,  ne  sont  ([ue  trop  enclins  à  les 
entraver,  à  les  combattre  et  à  les  opprimci'.  Ils  réserxcnt  le  même  traitement 
au  mérite. 

Mais,  jiar  une  de  ces  conlradictions  cpii  l'oui'millent  en  l'homme,  cet 
«  animal  ondoxant  et  tliM-is  <>.  connue  a  dit  Montaigne,  en  même  temps  <|uc 
nous  combattons  le  meiile  |)ar  haine  de  la  xciilc  morale  et  de  la  justice,  d'autre 
])arl  l'estime  tle  ces  grandes  choses  a  dans  notic  âme  une  racine  si  naturelle  cl 
si  vive,  (juc  nous  sommes  jaloux  de  ccirx  (jui  les  annoncent  ou  les  font  \al()ir 
dans  leurs  actes. 

Il  arrive  de  là  que  le  mt^riti'  d'antrni,  qui  devrait  nous  plaire  cl  nous 
toucher,  souvent  nous  inite,  et  que,  dans  ce  mouxement  d'opposition  que 
l'envie  excite  en  nous,  les  entraves  que  nous  apportons  à  la  vertu  d'un  homme 
se  mesurent  à  l'estime  même  et  à  l'admiration  qu'il  nous  inspire. 

Le  mérite  se  trouve  pris  ainsi  entre  le  double  assaut  des  méchants  qui  le 
détestent  et  des  gens  de  bien  (jui  par  jalousie  lui  en  veulent  de  les  surpasser. 

Cette  dernière  opposition  semble  dex  oir  être  la  plus  rude  et  la  plus  amère, 
car,  outre  le  chagrin  légitime  que  nous  ressentons  de  voir  contre  nous  ceux 
qui  dexraient  être  pour  nous,  nous  sommes  moins  à  l'aise  pour  les  combattre, 


CHINOK    ET    POITIERS. 


iillcndii  <|ii(',  il*'  l'axis 
(lu  |)iil)lii',  ils  soni  des 
nôtres.  Enfin,  |);m'  sni- 
ei'oil  (l'ennui,  il  ne  nous 
est  pas  même  loisible  de 
nous  en  plaindre  sans 
eanser  (juelqne  scandale 
an\  faibles. 

T>e  mal  serait  moins 
grand  si  celle  injnsie 
conduite  en\ers  le  nicrile 
clail  scnlemeni  le  l'ait 
(les  petites  gens  on  de 
ceux  du  moins  dont  la 
noioriele  n'est  pas  grande 
et  dont  le  pouxoir  est 
monlioere.  Malhenreuse- 
ment,  ce  vice  s'étend 
même  aux  grands  et, 
sans  tiop  de  sever'ite 
|)ent-èlre,     on     poui'rail 

même   ajouter   fpie    les  giands   n'cxcelleul    (pie   trop   sonxcnl   à   opposer   des 
entraves  an  bien. 

One  n'entendenl-ils  mieux  combien  le  dommage  est  considérable  pour 
le  monde  et  combien  ils  sortent  du  cliemin  (piils  déviaient  fidèlement  snixre! 
Au  lieu  de  profiter  de  la  gloire  (pii  les  entoure  cl  du  pouxoir  cju'ils  tiennent 
pour  le  bien  des  liommcs,  ils  ne  les  emploient  (pie  pour  l'aire  obstacle  à  la 
vérité  (pii  nourrit  les  âmes  et  à  la  justice  (pii  cicxe  les  individus  comme  les 
nations. 

('.epeiidaiil,  en  inèine  temps  (pi'ils  sont  assidus  à  rompre  l'efTorl  dn  mérite 
et  à  rcinp('clier  tl'agir,  ou  les  \oit  empressc'S  à  honorer  la  médiocrité  et  à  mettre 
en  iioloiiele  la  sottise,  l  n  iiislincl  secrel  leur  dit  ([u'ils  n'ont  rien  à  craindre 
de  la  rivalité  de  telles  gens  et  qu'ils  peuvent  aussi  tout  en  attendre'. 

,loi"nc/,  à  ceci  la  plaie  morale  de  la  flatterie.  I/hommc  de  xaleur  cl  de  bien 


KIIINKS    Dl'    CHATEUI    DE    CHINON    OU    JEANNE    FUT    BEtJUE 
V\K    I,E    DVtJPHIN,     LE    8    MiBS     I  (29 

D'npii's  une  yr.TviiiT  (lu  xvll"  siècle.  Recueil  île  Gaignièrcs  ÇHihl.  nal.) 


t.  «  Qui  ne  suit  cjiK^  \rs  lioiunu'S.  rt  siirt()iu  les  «raiifls,  sont  pk'iiis  d'inti'i'ct  et  fie  passions? 
L'iiijuslp  pi'ul  cnlrcr  dans  tous  les  desseins,  trouver  tous  tes  expédients,  ménager  tons  les  intérêts. 
A  <|uel  usage  peul-on   mettre  eet  liomme  si  droit  qui   ne  parle  que  de  son  devoir?  Il  n'y  a  rien  de  si 

i3 


9» 


JEAjNAE    D'ARC    R ACO.NTKF.    PAR    LIMAGE. 


COMMENT    L.V    PLCEI.I.E    VINT    DEVERS    LE    ROI 

D'après  une  gravure  des  Vigiles 
(le  (".liarlt's  Vil  par  Martial  d' Auvergne.  {Miisrc  Carnavalcf.) 


CiCommcnffgpuctg'eSmtteiictefaor-  ne  se  résoiil    poiiil  à  l'cni- 

])l(i\«'r  près  des  i^i-aiuls, 
mais  les  inli'iganls  s'en  (ont 
une  ai'inc  loiilc-pirissaiilc. 
l'.t  Aoilà  coniint'iU 
niai'c'lic  le  inonde;  xoilà 
aussi  coninienl  il  esl  en 
soudVance,  par  l'inaeliN  iU- 
l'orcee  des  hons;  car  s'il 
est  nra\('  pour  les  hommes 
d'entendre  l'erreur,  il  l'est 
l)ien  da\anla_nc  d'être  pri- 
\('S,  par  l'oppression  des 
puissants  et  la  serxitude 
(ju'elle  impose  au\  bons 
espi'its,  des  vérités  (|u'il  lein-  serait  o|)pnrlun  d'entendre  et  (|ui  pourraient 
les  sauAer. 

Combien  .Teaiuie  i\ul  soui^cr  à  ces  eboses  (|uand.  arrixant  a  la  cour  cl 
a\anl  même  d'\  entrer,  elle  trouva  sur  son  cbcniin  la  soiudc  cl  irrcduclible 
op|)osilion  des  seii^neuis  (|ui  cnlouraieni   le  Daupbin! 

C^ette  opposition   dma    pendant   le  cours  ciilicr  de  son  action  publicpic  et 

ne  désarma  pas  même  dcxani  la  capti\ilc  cl    la  mort  de  i'inforlunce  ^iclimc. 

Certes,    pour  une    âme   moins   i;rande  cl   moins  \aillanle,    il   \    ciil  eu   là 

l'objet   d'une  surprise   douloureuse  et   d'une  désillusion    (jui    eût    pu    devenir 

fatale  à  l'o'uvre  ([u'cllc  cnireprenail. 

<Juoi  !  les  \oi\  t\u  Ciel  lui  oui  parle,  elle  a  (|U  il  le  làmi  Ile  cl  pa\s  pour  leur 
obéir;  ni  les  dures  |)aroles  de  son  père  et  ses  menaces,  ni  les  larmes  de  sa 
mère  ne  l'onl  arrèlee.  illle  a  su  \ainci'e  les  besilations  de  liaudricoini,  i-en- 
verser  les  obstacles  (|ue  lui  cicaient  la  deliance  cl  les  lenteurs  de  ce  ea|)ilaiuc. 
Accueillie  d'abord  avec  suspicion  et  raillerie  par  les  i;cus  de  Vaucouleurs, 
elle  les  a  gagnés  à  sa  cause;  elle  a  vaillamment  cl  patiemment  obicnu  l'ccpii- 
pement  et  la  monture  (jui  lui  manquaient;  ni  les  longueurs  ni  les  dangers 
d'un  Aoyage  à  travers  le  pavs  occupé  par  l'ennemi  ne  l'ont  arrêtée.  La  voici, 

scr.  ni  dv  moins  sonjili-,  ni  <Ir  moins  llrxihlr.  cl  il  \'  ;t  Uuit  dv  cliost'S  qn'il  ne  peut  p;is  faire,  fjii'.'i  i;i 
(In  il  est  legardi'  comme  un  InjMimr  (|iii  n'i'sl  lion  ii  liiri  cl  entièrement  inutile.  Aussi,  élanl  inniili'. 
on  se  résout  facilement  à  le  mépriser,  ensuite  à  le  laisser  périr  sans  en  faire  bi-nit  et  même  à  le 
sacrifier  à  l'intérêt  et  aux  pressantes  sollicitations  de  cet  liomme  de  grand  secours,  qui  ne  ménage 
rien,  ni  le  saint,  ni  le  jn-t^fane.  junir  nous  ser\ir.   »  Bossuet,   V  Scnn.  pour  le   j''  Diinanchv  de  Curêine. 


(:llI^()^  kt  poitikus. 


99 


i;i\ic  cl  i;('Mci'ciis(',  (|iii  viciil  ;iii  I  ):iii])liiii  poiif  iclcxcr  son  coiiiMi^c'  cl  le 
(iiirc  sacrer  loi  de  l'raiicc,  cl  ce  l);mj)liiii  li(''silcra  à  ract-iicillir  ;  auloiir  de 
lui,  (lès  le  premier  jour,  les  iiitrii^ues,  la  liaiiie  même  se  feront  jour  pour 
an(''aiilir  le  dessein  de  Jeanne  cl  réloulTei'  des  le  début;  et  cette  France  qu'elle 
vent  sauver,  conduire  à  la  vicloii'c,  va,  dans  la  personne  des  seigneurs  et  des 
chefs  qui  la  gouverncnl,   refuser  son  dc'voucnicnl  cl  ses  services. 

Rude  o'preuve  pour  un  c(eur  jeune  et  droil.  Combien  d'auli'cs  ainsi 
rcbuU's  se  fussent  retirés   la  mort  dans  l'ànic  et  l'indignation  sur  les  lèvres! 

I/admii'ablc  génie  e't  la  vertu  de  Jeanne  relcAcrcnt  dès  la  |)remièrc  heure 
au-dessus  de  ces  mi- 
sères. Comme  si  dès 
longlem|)s  elle  eût 
connu  les  hommes  cl 
les  mcscpiincs  passions 
(pii  les  agitent,  clic  ne 
laissa  voir  ni  déception 
ni  découragement.  Ses 
foi'ces  s'accruicnl  awc 
l'obstacle  cl  sa  con- 
stance s'airermil  par  les 
cnlra^cs  mêmes  doni 
on  ^olda[l  l'entourer. 
Comme  elle  axait  dit  à 
Vaucouleurs  :  ((  J'irai, 
dusse -je      m'user     les 

jambes  jus(|u'au\  gcnf)ux  d,  ainsi  dil-cllc  sur  le  chemin  de  Cliinon  :  u  J'iiai, 
(|ui  (|uc  ce  soit  (jui   lente  de  m'arrèlcr  ». 

Aussi  bien,  diplomate  consomme  autant  (pic  lillc  \aillanlc,  elle  se  garda 
de  laisser  agir  ses  adxcrsaircs  sans  riposter  a  leurs  coLips.  Voulant,  a\ant 
même  d'aborder  le  Dauphin,  s'emparer  de  son  espril  cl  s'assurer  sa  conliancc, 
elle  lui  écrivit  ou  plutôt  lui  lit  ccriic  de  Saiule-Calherine-(le-l'i(^r])ois  pour  lui 
demander  la   permission  de  se  présenter  à  lui. 

Tjoin  de  s'autoriser  des  premiers  avantages  déjà  obtenus  poiu'  dédaigner 
les  diflicult(''s  nouvelles  et  n(''gliger  de  les  résoudre,  elle  n'en  |)rofitc  que  [)Oin' 
se  montrer  plus  hinnblc,  tout  en  ne  doulani  jamais  ni  île  la  réalité  de  sa 
mission,  ni   du   succès  linal   de  ses  clforts. 

C'est  unv  mar(|ue  particulière  et  bien  digne  d'cludc  en  Jeanne  d'Vrc  fjue 


JK   Ill'.CONNUS   I.E   KOI.    EM  «K   LES   AUTRES,    PAR    LE   COSSEII.   DE   M\    VOIX    " 

D'iiprr^  Mil  (Ii-ssin  (le  Cabasson. 


loo  JEANNE    DAllC    IIACO.NTÉK    PMI    J/l.MAGK. 

ce  iiK'laiigc  «riissiiiaiifc  fciinc  cl  de  priidciilc  modcslic.  Ci'  fui  s:i  i^iandc  loitc, 
cl  c'est  aussi  l'un  des  cotes  pai'  les((ucls  se  rc\elciil  eu  clk'  les  dons  adinirahles 
et   \iainieiil  cxliaordiiiaiics   de  sa    naUire. 

V  loul  iusiaiil  on  la  \ciia  ainsi  al'liiinant  (juc  Dieu  l'cuNoic,  dc't'laianl 
que  c'est  elle,  cl  elle  seule,  f|ui  samcia  la  France,  (juc  nul  n'a  le  dioil  de 
renlr'a\('i',  cl  (juc  (|ui  tente  de  le  l'aiic,  insulle  à  son  Seii;Menr.  le  roi  du 
Ciel. 

Mais  toujours  aussi  elle  dira  ([u'cllc  csl  dans  la  main  de  Dieu  cl  r\uc^ 
loin  de  s'en  |)r(Waloir  avec  orj^ucil,  elle  rceonnail  siniplenicnl  '■  (|u'il  a  {)ln  à 
Dieu  ainsi  faire  par  une  simple  pucclle  .■. 

\A\v  est  ainsi  un  exemple  frappant  cl  fori  inslruclif  de  celle  union 
parfaite  de  la  forci'  cl  de  la  doui'cur  (|ui  fui  toujours  la  mar(|uc  des  i;randcs 
ànies. 

Ne  ni'glii^canl  aucun  des  moxeus  ([ui  pouvaient  lui  concilier  la  fa\cur 
du  Dau|)liin,  .leaunc,  dans  sa  lellrc,  s'cll'orca  d'cNcilcr  en  lui  la  cuiiosile.  iJle 
lui  dit  (|u'a\anl  l'ail  ein(|uanl<'  lieues  pour  senir  a  lui,  elle  savail  plusieurs 
choses  ([ui  rinliMcssaient  i^randcrncnl,  cl,  pour  lui  donner  un  i;ai^e  de  la  iegi- 
limil('-  de  sa  mission,  elle  ajoulail  (|U('lle  sauiail  le  dislin;;ner  parmi  lous  ceux 
de  sa  corn-. 

I,a  lellrc  de  Jeanne  fui  accueillie  diverse  ineul  par  rcnloura^c  t\i\  Daupliiu. 
Celui-ci  loulcfois  ne  la  dcdaii^na  point,  (|Uoi(|U  d  rescr\àl  sou  avis  cl  ne 
s'engai^càl  pas.  1,'clal  de  ses  all'aires  elail  Ici,  du  reste,  (pi'il  n'avait  rien  a 
ris(|ncr  ni  a  perdre  en  accueiliani  .Jeanne  avec  (|nel<|uc  laveur.  Sa  posilion 
devenait  elia(|uc  joiu'  plus  crili(jue  :  ses  armées  erraient  à  l'avcnluic,  sans  hul 
el  sans  direction;  le  Ir-csor  roval  était  épuise  cl  son  trésorier  lui  dcclarail  un 
jour  f|u'il  "  n'avait  pas  (pialre  cens  en  caisse'  -,  lanl  de  l'arucnl  t\y\  prince 
ipic  du  sien. 

Orléans,  de  plus  en  plus  serre  de  pris  par  les  Ani>lais,  allait  succoud)er, 
sans  que  personne  put  arriver  a  di-fendrc  celte  place  imporlanle.  Dans  celle 
détresse,  Ciiarles  "VII  en  vciiail  a  se  demander  en  (juci  pavs  il  iiail  clierelier 
asile;  on  songeait  |)()ur  lui  à  l'Espagne. 

La  reine  île  Sicile  sa  belle-mère  cl  f|uelqiies  serviteurs  dévoués  gémissaient 
amèrement  sur  cet  état  des  choses  de  France  el  se  déclaraieni  prcis  à  loul 
tenter  pour  conjurer  une  catastrophe  dcrniéie.  Mais  le  loul-pnissani  La  Iri'- 
moïlle  entravait  ces  bons  desseins.  La  fortune  de  la  Fiance  lui  importail  peu 
a  l'envi  de  la  sienne  propre.  Maître  incontesté  d'un  faihie  Dauphin  l'i'-gnanl  sur 
un  pavs  démembré,  il  reiloulail  la  restauration  Au  rovaume,  craignant  que  le 


CHINON    ET    POITIERS. 


|)()ii\()ii' tloiil  il  iisail  ne  lui  l'ùl  alors  ciilcxe'.  A  vv  lilrc,  .Tcaïutc  lui  apparaissait 
plutôt  comme  une  cause  de  péril  (|ue  comme  un  instnmienl  de  salul. 

Toutefois,  astucieux  autant  (|uc  superbe,  il  comprit  bien  (ju'il  lui  serait 
malaisé  de  fermer  à  la  Pucelle  tout  accès  auprès  du  Koi.  et  (jue  les  scii^neius 
ne  lui  partlonneraienl  |)as  de  refuser  d'admettre  à  examen  le  secour's  qu'oH'rait 
celle-ci,  quand,  tout    étant  désespén'',  le  moindre   appui   devenait  précieux. 

Il     conseilla     donc     (|u'on     la    laissai 
^('nir,   mais  il   se  promit  d'èlrc  atten- 
tif  aux    moindres   jlemarclies    de 
l'héroïne    et    d'entraNcr    à    ton 
pr'ix      son       action.      Jeanne 
trouva  en  lui   son   plus  res 
(loulal)le    ad\('i-saire.     Ile- 
gnault    tic    (iliartres,   ar- 
chevêque  de    Reims,    ne 

A  erse,    et   le    nom   de  ces 

deux     liommcs    doit    être 

place     près    de     l'cnx    des 

juges    de    Uouen.    Clenx-ci 

firent  mourir  Jeanne    d'\i'c 

les   (]vii\   premiers    ne    nc'gligè- 

rent     rien     poni'     renipcelicr    de 

vivre  eu  l'empêcliant   d'agir. 

Emules    dignes   les    uns   des   autres 
cl     pour     lesquels,     a\ec     l'Iiistoire,     la 
conscience  des    gi'iis  de  lucn    ne  saurait 
ciri'    trop   scxère.   Honorons-nous    nous-mêmes   en    les  jugeant    comme   lis  le 
méritent. 

En  face  de  ces  hommes  indignes  de  leur  rang  comme  du  pouxoir  (|u'ils 
dcti-naient,  il  est  consolant  d'e\o(|uer  le  somenir  de  deux  princes  clie/.  Ies(|ucls 
Jeanne  d'Xrc  li'onva  un  appui  (crinc  et  un  attachement  qui  ne  se  démentit 
pas.  Nous  voulons  parler  de  Jean,  due  d'Alençon,  et  de  Dunois,  dit  le  Bâtard 
d'Orléans. 

Descendant  <le  princes  \aleureux,  Jean,  duc  d'Meneon,  se  montra 
digne  de  son  origine.  Dès  l'âge  de  dix-huit  ans  il  fut  fait  prisonnier  à  la 
bataille    de   Verneuil.    Il     fut     pendant    cin(|    ans    ca[)tif    dans    la    forteresse 


SCKVll     Dli     lUH    i;ilVHM':s    \II 
Coiisci'xi'    iiu\     Vi'cIiÎm-s    ll;;tioiiiiU-s. 


I03  JEANNE   D'ARC    IIVCONTKK    V  \\\    l/IMVCK. 

(lu  CioloN ,  ou  .Iciuiiic  d'Ai-c,  peu  ;i|)i('S,  dcMiil  i^cniir  cllc-nirnu'  |>cn(l;nil 
plusieurs   mois,    ;i\aul     d'elle    dcliniliMMUcul    Mmcc    aux    niaius   des    \iigliiis. 

l'ji  1  '|2i),  il  lui  l'cndu  à  la  lil)cilc.  Il  \  il  Jcaunc  à  (lliiuou  cl  dès  le  premier 
joui'  s'elahlireul  eulr'e  l'herouie  cl  lui  des  lieus  (|ui  ue  de\aienl  plus  se 
rompi'e  f|U  au   joue  de  la  eaplixile  de  la   i'ueelle. 

Il  lui  eih'  eomme  lemoin  au  pioeès  de  ielial)ililalif)u.  Sou  lemoii;iiai;e, 
foi'l  uel  cl  1res  foi'uiel,  ahouile  eu  i'ails  inleressaiils  sui'  le  st'jour  de  .leauue 
à  Cliiuou  el  sui'  plusieurs  de  ses  fails  de  guerre.  Il  ahoude  aussi  eu  reman|ues 
louelianl  le  naturel  de  l'iK-roïne,  sa  i^ràee  simple  el  vive  eL  la  i^iaudeur  de 
son  âme. 

(  )u   eu  lira  avec  lulerèl   (|uel([Ues  exirails. 

«  l  n  jour,  dil  le  i\ui\  (|ue  j Clais  a  la  eliasse  aux  cailles  près  de  Saiul- 
Flor'cul-lcs-Saïunur,  un  de  mes  courriers  \uil  maunouccr  (|u  d  clail  arrive 
près  (\u  Hoi  unv  lille  i|ui  se  declarail  cu\o\cc  de  |)icu  pour  nicllrc  en  luile  les 
Aniiiais  el  faire  lc\er  le  sieyc  d^  )rleaus. 

"    Sur  celle   uouM'Ile,  je  me  reiulis  à  (lliiuou  le   lendemain.  .1'\    Irouxai 

ladile  Jeanne  couNci'sanl  a\('e  le  Hoi ( '.omme  j'approchai,  Jeanne  demanda 

<|ui  j'clais.  —  "  C.'csl  mon  cousin,  le  duc  d'Alencon  jj,  rc'pondil  le  Hoi.  — 
«  A  ous,  so\e/.  le  Ircs-hien  xeiui,  me  dil  Jeanne.  Plus  on  sera  ensend)le  du 
»    saiii;  du  Hoi    <le  l'ranee,   mieux   cela  sera.    » 

((  Le  join- d'après,  Jeanne  \inl  a  la  messe  du  Hoi  l'I .  <|iiand  elle  l'apcrcul , 
elle  lui  lil  la  icNcrence.  Le  Hoi  la  conduisil  dans  une  cliand)re.  l.e  seigneur 
de  la  Iremodle  el  moi  nous  elious  a\c<'  lui.  Il  axail  lail  relirer  Ions  les  aulrcs  cl 
nous  a\ail  rclcnus.  Mors  Jeanne  adressa  au  Hoi  plusieurs  i-e(|ucles.  Idie  lui 
demanda  partieulieremenl  de  faire  don  de  son  loxaunie  au  «  iioi  des 
(lieux  )i,  après  quoi  le  Hoi  des  (lieux  ferait  pour  lui  ce  (|u'il  a\ail  fail  pour  ses 
pr('d(''cesseurs  el  le  replaeerail  en  l'elal  de  ses  pères. 

«  Ce  même  jour,  le  Hoi  elanl  à  la  promenade,  Jeanne  fit  en  sa  présence 
une  course,  lance  eu  main.  V\anl  \u  comme  elle  a\ail  honne  mine  à  courir 
cl  poilci-  la  larU'e,  je  lui  fis  don  d'un  clrc\al. 

«  Le  Hoi  finit  par-  décider'  que  Jearnre  ser-ail  examiru'e  ])ar- les  ijcns  d'I'li'lise. 
V  ce  soin  furent  délégués  re\è(pie  de  Castres',  eonfesseui'  dir  roi;  l'c-xècpie  de 
l'oilier's,  maître  l'ier-r-e  de  \  ersailles,  depuis  e\è(jue  de  Meau.x  ;  maître  Jourdain, 
moine,  el  plusieurs  autres,  dont  les  noms  ne  me  reviennent  jtas. 

>'    Ils   inleri'ogèr'ent    Jeanne    en    ma    prc-senee.   lui    demandarri    p()Ui(proi 

I.   Gcranl  .Macliel. 


rni>0\    KT    POITIERS. 


io3 


H     FAITES    DON     Mr.    VOIUE    HUV.VliME    ,\l'     lUH     l>i:S    LlIiUX,     KT    H,    IT.HA     l'OllK     \  Ul  S 
CE   qu'il  a   fait    POIrU    VOS    ANCÊTRES    » 

l)'a|iirs   I;i   lilhoi^iMiihii-   ilc   (  .1I\SSF,I„VT   (1819]. 


elle  (■■l;iil  \  en  lie  et  qui  l'avail  fail  \(iiii-  au  lioi.  l'.lle  icpoudil  (ju'cllc  ('lail  \cuuc 
(le  la  |)afl  du  Roi  des  (aeuv  l'I  (|u'(He  a\ail  des  \()i\  el  un  conseil  (|ui  lui 
(lielaieul  ce  (jii'il  \  aNail  à  l'air-e.  Alais  là-dessus  les  souM'uiis  nie  uianijuenl. 

<(  Dans  la  suile,  un  jour  (ju'elle  dinail  avec  moi,  Jeanne  nie  déclara 
([u Clic  a\ail  ele  l)eancou|)  examinée,  mais  sa\ail  el  poux  ail  oins  de  choses 
(|uclle  n  a\ail  dil  à  iin\  (|ui  rinlerroi^caienl '.  n 

\a'  duc  s'elend  ensuilc  sur  les  procès  de  Poitiers  el  les  éxencmcnls 
d'()rleans.  Nous  re\iendrons  siu-  ces  teinoii;iiai^('s  el  nous  en  donnerons  le 
lexle,  car  il  en  esl  peu  (|ui  soient  d'un  intérêt  plus  i;ran(l  el  jetteni  sur  la 
\\v  de  .Jeanne  une  plus  \i\e  lumière. 

\  jouions  seulement  ici  le  passaj^c  suixanl,  où  nous  verrons,  en  même  temps 
(|iie  le  di'vouemenl,  —  faut-il  dire  de  mère  ou  de  sœur  aînée? — de  , Jeanne 
pour  le  due,  la  façon  simple,  cordiale  et  dignement  familière  dont  la  Pueelle 
en  allait  a\('c  les  seigneurs,  (juekjues  jours  à  peine  après  sou  arrivée  à  la  cour. 


I.    .losi'pli    Fm1)1c.   /'rijf{\s  (le  icliiiliililalioii .   I,    1,   |).    1^3  et  Slli 


in4 


JEANNE    D  ARC    RACONTÉE    PAR   LIMAGE. 


((  Nous  ('lions  en  conseil,  dit  le  dui'  d'  \lcnron. 
s(|iril  lions  f'nl  lappoi-U'  (|nf  L:i  Mire 
conlV'i-iit  iivcc  Snfloliv.  \  ccKc  nou- 
\cllc.  les  :mli('s  cl  moi,  (|ni  ;i\  ions 
la  clKU'i^c  (le  rc\|)('(lilion,  nous 
fVnnes  iiK'conIcnIs  de  I,ii  Ilire.  J| 
lui  mandé  et  vinl. 

(<  La  Hii-e  venu,  l'assanl  fn! 
i'(''Soln.  Les  Ikm-iuIs  d'aimes  se 
mirent  à  crier'  :  u  \  Lassant  !  )i  là 
Jeanne  me  dil  :  «  Avant,  i^cnlil  duc, 
a  à  lassant!  ..  Il  me  semMa  (|n'eii 
eomniencanl  si  |)roni|)l('menl  l'as- 
sanl lions  allions  Irop  xilc  en  he- 
soijne.  .leaiine  me  dit  :  «  Ne  doutez 
"  pas.  L'heni'c  est  lionne,  (juand 
(I  il  |ilail  à  Dieu.  Il  faut  licsoi^ncr 
"  (juand  Dieu  le  \ri\\.  Iicsogne/, 
1'    et   Dieu  licsoi^nera.   » 

(i  L  n  |ieu  a|ir('S,  elle  me  dil  : 
((  \li!  i,H'nlil  due,  as-lu  peui'?  Ne 
sais-ln  pas  (|ne  j'ai  promis  à  la 
femme  de  le  lamencr  sain  cl 
sauf?  ))  — Lt  en  elLet.  loi'S(|ue  je  (|nillai  ma  femme  pour  \cnir  à  l'armée  iixt-c 
.leanne,  ma  femme  lui  dil  :  ^  .leannclh'.  je  crains  lieanconp  pour  mon  mari. 
(i  II  sori  a  peine  de  prison  cl  il  a  tallu  dépenser  tant  d'ai'i;('nl  pour  sa 
«  rançon  (pie  je  le  prierais  liicii  \olonliers  de  rester  an  loi^is.  )i  —  A  (|noi 
.Teanne  l'cpondit  :  -■  Aladame,  so\ey.  sans  crainte,  je  ^ons  le  rendrai  sain  cl 
Il    en  tel  on  meilleur  état  rpi'il  n'est.   » 

«'  Dnraiil  l'assanl.  comme  j'(''tais  à  une  certaine  place,  .leanne  me  dil  : 
«  Retirez-vous  de  là.  Si  vous  ne  aous  retirez,  celle  machine  vous  tuera  ».  .Te  me 
relirai,  cl  peu  après  la  macliinc  (ine  .leanne  m'a^ail  désignée  tua  le  sire  du 
Lnde.  a  la  jilace  mi'mc  d'on  je  m'étais  relire,  'foui  cela  me  lil  une  i^raiidc 
impression.  J'clais  l'orl  cmci\  cille  des  paroles  de  .leanne  et  de  la  M'rile  d<'  ses 
prédietions.  n 

En  parentlu'se,  faisons  ces  simples  remarques  à  l'occasion  de  ce  l(Mnoi- 
gnage  du   due   :  Quand   .Teanne    parle   aux    chefs  ou   aux    soldats,   elle  fortifie 


ciiMiLF.s  VII  r.vToi'iiii  Dr.  jr.\>Nr-  D  viu;  kt  i>e  sv  cdih 

D'.iprès  une  niiniatiire  des  Vigiles 

de  Jeax  Chaiitier,  xV  siècle.  [Ilihl.  de  l'Arsenal.) 


\ 


CHINON   ET   POITIERS. 


I03 


loujouis  sa  parole  ou  ses  actes,  de  son  esprit  de  foi  et  de  l'intei-vention  divine. 
Le  duc  hésite  à  monter  à  l'assaut.  Jeanne  n'oppose  pas  à  son  avis  son  avis 
personnel,  c'est  Dieu,  son  voidoir  et  son  secours  (ju'elle  allègue.  —  «  Ne 
doutez  pas.  L'heure  est  bonne  quand  il  plait  à  Dieu.  11  faut  besogner  quand 
Dieu  veut.  Besognons  et  Dieu  besognera.    <> 

Le  due  a  bien  lendu  aussi,  tlans  son  témoignage,  les  paroles  mêmes  de 
Jeanne;  il  leur  a  gardé  celte  marque  ncllc,  vive,  primcsautière  et  concise,  si 
digne  de  remarque  cl  (pic  l'on  retrouve  tlans  tons  ses  propos.  On  dirait  autant 
de  sentences,  et,  de  fait,  ce  sont  des  sentences  :  «  T.'heure  est  l)()iine  (juand  il 
plait  à  Dieu  »,  et  la  même  pensée  rendue  |)his  \i\c  et  plus  Ibrle  :  «  Il  l'aul 
besogner  quand  Dieu  veut  >.  —  Lt  ciilin  :  <  Besognons,  Dieu  besognera  » 
(Test  sous  wni-  l'oiinc  uouxelle  et  plus  or-iginalc  le  proverbe  connu  et  (|u'cllc 
aimait  du  reste  à  citer  :   «  Aide-toi,  le  (licl  t'aidera  ». 

La  forme  donnée  par  Jeanne  est  plus  claire  et  plus  pressante. 

Avisée  et  souple,  Jeanne  variait  son  allui'c  snisant  le  caractère  des  person- 
nages  a\ee  lesquels  elle  s'entretenait.  Avec    le  duc,  elle  est  allègre,  presque 
enjouée    et  familière.  C'est  de  bonne  mise  a\ec  les  gens  de  guerre  :   «   Ah! 
gentil  (noble)   duc,  as-tu   |)ciu' ? 
Ne   sais-tu   j)as   (juc  j'ai  promis 
à   ta  femme  de  le  l'amener  sain 
et  sauf?  » 

A  la  duchesse,  au  con- 
traire, elle  répond  en  forme 
grave  et  respectueuse  :  »  Ma- 
dame, sovez  sans  crainte,  je 
vous  le  rendrai  sain  et  en  tel 
ou  meilleur  état  qu'il  n'est  ». 

Ne  peut-on  remarquer  en- 
core la  grande  diirercncc  des 
sentiments  de  ces  deux  femmes 
en  cette  rencontre?  La  du- 
chesse est  fort  anxieuse,  elle 
«  craint  beaucoup  pour  son 
mari  ».  Toutefois,  de  son  aveu 
un  peu  naïf,  autre  chose  l'in- 
quiète que  les  |)érils  mêmes  que 

JKANNE     DAKC 

le   duc   va   courir  :  «  Il  sort   à  D^iprès  b  gn.vure  (I'André  Thévet  (1534;. 

i4 


io6 


JEANNE   D'ARC    RACONTÉE    PAR    I/IMAGE. 


peine  de  prison  et  il  a  fallu  rlepenser-  lanl  d'argent ,   que  je  le  prierais  bien 
\olonliers  de  rester  au  logis  ». 

Le  souei  de  la  duchesse  n'est  que  médioeremenl  héroïque,  et  Jeanne  eût 
pu  lui  ré[)ondre  f|u"elle-mème  avait  fait  d'autr-es  sacrifiées  plus  grands  et 
loul  quille,  faniilli'  et  amis,  pour  courir  au  salut  (\u  Hoi  et  de  la  l'iani'c. 

Mais  eût-elle  ele  comprise?  T^a  femme  du  duc  u'cnlendail  guère  pcul-eire 
de  tels  propos.  Ici,  i''est  Jeanne  (|ui  jyarlc  en  duclicssc,  et  la  <lucliesse  (|ui  le 
fait  en  paysanne. 

Remar(|uez  encore  <|u'à  la  cour  on  dut,  même  quelque  temps  après 
l'ariiNcc  de   Jeanne,   ra|)pelei',  comme  à  l)omrem\,  »   Jeannette  ».  car  le   duc 

l'appelait    ainsi.   Il   est   |)res(pi(>   rcgrcttahic  ([u'on   ne 
lui    ail     pas    laissé    toujours    ce    nom,    gracieux 
comme   elle. 

Sans    doule    cllc-incme    \     cul     lrou\(' 
y,        v    ^        quelcjue  agrc-mcnl.  C'eût  cic  au    milieu   de 
vp/1Mïi        '^''^     épreuves     comme     une     biisc    d'air 
natal. 

Au   milieu  des  seigneurs  tpii   forincnt 

autour   du    Dauphin    uwr    cour  Iroi)    digue 

de  lui,  uu  aulrc  prince  apparail,  cpii  lui   un 

.uni     <l(''\()uc    i\('  Jeanne    et,   ilès   la    première 

ncnre,    lui    rendit  justice. 

Nous    xdulons    parler-   drr    comlc   de    i.onguc- 
\illc,    Durrois,   dil    le    liàlard  d'(  )ilearrs.  C'est  une 
gloire  pour-   la    \illc   de  Blois   (|uc    d'aNoir    forrrrii    à   Jcarurc   ce  ferme   cl    très 
fidèle  appiri.' 

Dunois  était  le  lils  de  Louis  d'Or'lcans,  comlc  de  Hlois.  Né  d'un  amour- 
coupable,  il  semble  qu'il  ail  voulu  cU'accr'  par'  ses  hairlcs  cl  louchanics  (prairies 
la  tachi'  de  son  origine. 

A  la  mort  de  Louis  d'Orléans,  \  alentinc  de  ^lilan,  épouse  de  celui-ci, 
l'avait  recueilli  et  élevé  comme  s'il  eût  été  son  propre  fils.  Elle  l'avait  aimé 
d'un  amour  égal  à  celui  qu'elle  portait  à  ses  enfants  et  c'est  de  lui  qu'elle  leur 
disait  sur  son  lit  de  mort  celle  parole  étrange,  où  se  révèle  un  mystère  si 
touchant  du  cœur  de  l'épouse  et  de  la  mère  :  «  Voilà  Jean,  qui  est  mon  enfant 
comme  vous;  on  me  ^a^ait  dérobé,  je  l'ai  repris  ». 

Elle  avait  ajouté  :  «  Je  suis  sûie  que  nul  ne  saura  mieux  (pre  lui  faire  du 
mal  à  r\uglais  et  venger  son  père  ». 


SCE\U    I)F.    DUSOIS 


I 


ClIINON    ET    POITIERS. 


Jeune  encore  à  l'épofjue  où 
Jeanne  vint  à  Cliinon,  —  il 
n'asail  qne  a  ingi-qualie  ans,  —  il 
était  déjà  de  tous  les  chefs  de 
l'armée  celui  sur  lequel  repo- 
saient les  espérances  les  plus  fer- 
mes, tlinq  ans  auparavant  il  aAail 
vaillamment  comjjatlu  à  Roua  ray, 
où  il  a\ail  élé  blessé,  et  en  1/127 
il  avait,  avec  seize  cents  hommes, 
taill(-  en  ])ièces,  sous  les  murs 
de  Montargis,  trois  mille  Anglais 
command(''S  par  \N  arwiek,  Sutlolk 
et  Jean  de  la  l'olle. 

Il  venait  de  vietorieusemeni 
défendre  Orléans  assiégé  par 
BedforI  cl  a\ait  élé  de  nouveau 
blessé  à  la  Jomiiée    des  Harengs. 

Elevé  au  cliàleau  de  Hlois,  il 
avait  ele  chargé  de  la  défense  de 
cette  Aille,  en  même  temps  que  de 
celle  d'Orléans. 

Avant  entendu  parler  tlii  pas- 
sage de  Jeanne  d'Arc  à  Gien,  il  envova  sans  délai  à  Chinon  deiiv  de  ses  meil- 
leurs chevaliers,  Villars  et  Jamet  du  Tillay,  l'iui  el  l'aufre  capitaines  du  cliàleau 
de  ISlois.  Ils  avaient  mission  de  s'ciicjucrir  sur  la  l'iieilic. 

Les  renseignements  (jne  lapporlcrenl  les  envo\cs  le  convaiiKiMirtMil,  et 
de  tous  les  chefs  de  l'armi'c  il  lïil,  on  peut  le  diic,  le  premier-  (jui  accueillit 
Jeanne,  le  dernier  (pu  songeai  à  l'oublier.  Il  i'iil  dans  les  combals  le  lidch' 
compagnon  qui  la  suivi!  parloiil.  Nous  le  xcnons  avec  elle  à  Orléans  sous  le 
fort  des  Tournelles.  JNous  le  retrouverons  à  Blois,  |)rès  de  l'héroïne,  après 
la  délivrance  d'Orh'ans;  à  T.oches,  à  l'alay,  il  comballra  |)rcs  d'elle;  à  Reims, 
il  se  réjouira  des  Iriomphes  de  la  INicclle  plus  que  des  siens  mêmes,  et  sa 
iitièle  sym|)atlne  fera  conirasic  a\cc  les  mechanis  propos  de  ceu\  (pu  la 
blàmeroul  d'aNoii-  di'ployé  son  étendard  au  sacic  du  Dauphin.  l»lns  tard,  elle 
sera  capli\e  :  il  ne  cessera  de  songer  à  la  d('Ii\rer;  nul  ne  plenrcia  sa  mort 
avec  des  larmes  plus  émues. 


DUNOIS,    DIT    I.i:    B.UAB1)    U  OBLEANS 

ir.tprt's  uae  inini:ituro  d'un  inamiscrlt  IratK^ais  datant  lie    l^ïo. 
{Ili/iln'l/ir'/iic    ililliiiiin/c.) 


JEANNE    DARC    RACONTÉE   PAR    L'IMAGE. 


I>1  N-OIS,    LE    BATARD    d'obI.KAXS 

l)':i|iri's  une  sl.itui'  i-n  pierre  ]ieiiitc  du  xv'  siècle,  conservée 

ihuis    la    chalicllc   ilu    clljtcau    <Ic-    Cll;'itr;iuilun. 


Ail  ])roc('s  (le  i'(lial)ilil:\- 
lioii,  viiii;l-cin(j  ;ms  apirs  la 
moil  (le  la  Piicclle,  son  dé- 
vouement el  son  eiillc  |)()ui- 
la  pieuse  el  sul)linie  enfanl 
n'auroni  licn  perdu  de  leur 
A  i\aeilé  première,  el  parmi  les 
divers  témoii^nai;es  rendus  à 
la  vielime  des  Anglais  el  de 
leurs  émissaires,  nul,  a^ee  le 
(\i\r  d'AIeneon,  ne  melira  en 
plus  i^rande  limiière  lour  à 
lonr  le  coiu'agc  de  la  i^uer- 
rière,  l'angélique  purelc  de 
la  \ieri;(',  le  seuliuienl  de 
Aeneraliou  ([u'elle  répandait 
auloui'  d'elle  el  le  earaelere 
inspiré  de  sa  mission. 

Nul  langage  n'est  plus 
touehani  fjue  eelui  de  ce  guer- 
rier si  lerrible  sur  les  eliamps 
de  halaille  el  (jui  ^ienl  rendre 
à  Jeanne,  avec  l'ingénuité 
d'un  adoleseent  pieux,  le  le- 
moiaiiaee  de  sou  dévouement 


fidèle  el  de  son  admiration. 
Il  faul  lii-e  ee  témoi- 
gnage; il  esl  élocjuenl  el  d'une  eloijuenee  simple,  de  sens  el  de  e(eur,  bien 
faite  pour  nous  louelier. 

Notre  temps  a  le  goùl  du  diseours  simple  el  droit.  Volonlieis  avec 
Bossuet  il  estimerait  que  «  l'éloquence  n'a  (jue  deux  (jualités  :  l;i  xerile  el  la 
simplicité   ». 

Il  n'enlendra  pas  sans  émotion  le  langage  de  ce  loyal  soldat  el  de  cet 
homme  de  bien,  et  pour  amener  nos  contemporains  à  penser  de  Jeanne 
ce  qu  il  convient,  nul  discours  peut-être  n'est  plus  opportun  que  celui  de 
Dunois  disant,  sans  faiblesse  comme  sans  forfanterie  ni  pédantisme,  ce  qu'il 
pense  de  Jeanne  et  du  caractère  de  sa  mission.  Voici  sou  témoignage  : 


CHINON    ET    POITIERS. 


109 


«  Je  crois,  dil-il,  que  Jeanne  a  été  envoyée  de  Dieu.  Ses  faits  et  gestes 
dans  la  i>uerre  me  paraissent  proeéder  non  d'industrie  humaine,  mais 
d'inspiration  diAine. 

«  Ce  que  je  vais  vous  dire  vous  expliquera  ma  eréanee. 

«  J  étais  à  Orléans,  alors  assiégé,  quand  le  bruit  se  répandit  que  par  la 
ville  de  Gien  venait  de  passer  une  jeune  fille,  vulgairement  dite  la  Pueelle, 
qui  déclarait  se  rendre  auprès  du  noble  Dauj)liin,  avec  mission  de  faire  lever 
le    siège    d'Orléans    et    de    conduire    le    Dauphin    à   Reims    pour   le    sacre. 

«    Ayant  charge  de  garder  la  ville  d'Orléans  el  étant  lieutenant  général 


D-.M 


I.AHIllK    ET    XAINTKVILLF.S 
miiiiiihiic   d'un   mailii-^crit   du    w"'   sircle.    [lîihl.    iiat.) 


du  Roi,  j'envoyai  le  seigneni'  de  Villars,  sénéchal  de  iîeaucair'e,  et  .laniet 
du  Tillay,  depuis  bailli  de  Vermandois,  prendre  des  icnseignenients  sin'  cette 
jeune  fdle. 

«  Ils  me  rapportèrent  en  |irésence  de  toiile  la  population  d'Orléans,  très 
a\ide  de  savoir  la  vérité  sur  l'arrivée  de  cette  l'ucelle,  (ju'ils  avaient  vu  Jeanne 
près  du  Roi  à  Chinon  ;  que  le  Roi,  à  première  vue,  n'avait  pas  voulu  la  recevoir 
et  qu'elle  avait  même  dû  passer  deux  jours  à  attendre  une  audience,  quoi- 
(|u'elle  persistât  à  dire  :  «  Je  suis  venue  pour  faire  lever  le  siège  d'Orléans 
<'  et  conduire  le  Roi  à  Reims.  Il  me  fixut  des  hommes,  des  chevaux  et  des 
«  armes  ». 

Ici  Dunois  parle  du  procès  de  Poitiers  et  de  l'arrivée  de  Jeanne  et 
de  l'armée  sous  Orléans. 


JEANNE  D'AUC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


<(  Ni  iiii\  capitaines,  ni  à  moi-même,  eonlinne  Dunois,  il  ne  nons 
semblait  possible  que  l'armée  (jui  oondnisail  le  convoi  IVil  capable  île  resisler 
et  de  faire  entrer  les  vivres  par  ce  côté.  Force  (iail  donc  de  recourir  à  des 
balcauv.  par  lesquels  le  convoi  piMiétreiail  dans  la  Aille.  Mais  la  chose  n'allait 
pas  sans  difficultés;  car  il  fallait  i-enionler  le  courant,  et  le  -sent  était  lolale- 
ment  contraire. 

«  C'est  alors  que  Jeanne  me  dit  :  «  Étes-vous  le  bâtard  d'Orléans? 
«  — Oui,  répondis-je,  et  je  me  rejouis  de  xolrc  arri\('e. —  Est-ce  aous  (|iii 
«  avez  donné  conseil  que  je  vienne  ici,  de  ce  côts'  de  la  livicrc,  et  (|uc  je 
c<  n'aille  pas  direclement  où  ('taient  Talbot  et  les  \ni;lais:'  ■>  —  Je  lui  dis  : 
«  Moi  cl  de  plus  sai;cs  (|uc  moi  avons  donné  ce  conseil,  cro\ant  l'aire  mieux 

et  plus  sûrement.  —  lui  nom  Dieu,  répli(|ua  Jeanne, 

«  le   conseil   de  Notre  Seignenr  est  plus  sur  et  |)lus 

«    sai^c  (|ue  le   \(')trc.  Vous  ave/  cru  me  tromper', 

"    et  Adus  \()us  tronqx'z  daxantai^c  \()us-mcmes; 

«   car    je    vous    amène    meilleur    secours    (|u  il 

«    n'en   est  jamais  venu  à  chevalier  ni    roi  (|ncl- 

«    con(|Uc.     roulclois,    il    ne  aous  \icnt   pas   par 

"    amour    de    moi;    il     procède    de    Dieu    mcnic 

(jui,    à    la    rc(|nclc    de   saint    Louis    cl   de    saint 

«    Charlemagne,   a    eu    pilic    de   la    ville   d'()rlcans    et 

«    n'a  pas  voulu  (|nc   les  ennemis  eussent  à  la  fois  le 

«    corps  du  duc   et   sa    \illc.    » 

Tout  a  coup  le  veut  chaiii^c  et  le  succès  couronne  le  dessein  de  Jeanne. 

«   D'après  ce  (juc    je   \  icns  de    raconter,    ajoute    le    l)ra\c   Dunois,   il    me 

semble  visible  que  les  dits  cl    faits  de  Jeanne  d'Arc  dans  l'arniee  étaient  chose 

(li\ine  plutôt   (|u'huniainc,...   tout   cela  est   de  Dieu! 

<(  Je  vous  citi'rai  un  autre  fait  ou  je  \ois  ci;alcmenl  le  doii^l  de  Dieu  >i, 
poursui\it   Dunois. 

Il  raconte  alors  la  bataille  li\i('e  le  second  joui'  sous  Ork-ans,  l'impossi- 
bilité où  l'armée  française  était  de  vaincre,  et  les  instances  qu'il  lit  lui-même 
pour  (ju'on  se  retirât. 

«  Sur  ce,  eontinnc-t-il,  la  Pui-cllc  \ient  à  moi  et  me  requiert  d'allcndre 
encore  un  peu.  En  même  temps  elle  monte  à  cheval,  se  retire  dans  une 
>ii;iic,  seide  à  l'écart,  et  là  reste  en  prière  l'espace  d'un  demi-([nart  d'heure; 
puis,  elle  revient,  prend  son  étendard  en  ses  mains,  pressant  l'ennemi.  A  sa 
vue    les    Anglais   frémissent    et    sont    saisis   iri'pouvante;    les   soldats  du    Roi 


sciuu  \iv.  lAiiiiu-: 


CHINON    ET   POITIERS. 


1 1 1 


reprennent  ctrur  et  eou- 
rent  à  l'escalade.  Ee  l)ou- 
levard  est  assailli.  I^as  de 
résistance.  La  bastille  est 
prise  :  les  Anglais  qui  v 
étaient  se  mirent  à  fuir 
et  tous  périrent'.  » 

Nous  devançons  les 
faits  en  donnant  ce  récit 
des  événements  passés 
sons  Oi'Ieans,  mais  il  nous 
a  paru  ([u'il  ('tait  hon  de 
citer  ce  passage  (\u  t('moi- 
gnage  de  Dnnois.  On  \ 
retrouve  Jeanne  loulc 
entière.  Mais  Danois  s'v 
révèle  aussi,  avec  son  àme 
vaillante  et  généreuse, 
plus  jalouv  de  glorifier 
.leanne  en  la  mettant  en 
contiadiclion  axcc  lui- 
même  que  de  sauvegariler 
sa  propre  dignitc'  en  ca- 
chant le  sage  conseil  (pic 
Jeanne    lui    doiuia    (juand 

elle  I  cmpcclia  de  i'nir.  \n  cours  de  son  rccil,  il  sanimc.  Apiès  \ingt-sc|)l  ans 
ecoidcs,  on  le  croit  encore  sur  le  clianip  de  bataille;  les  faits  se  succèdent 
foudroyants,  son  sl\le  est  bref,  rapide,  comme  l'action  de  Jeanne.  «  Les 
Anglais  frémissent,...  les  soldats  du  iioi  reprennent  cieur,...  le  boulc\ard 
est    assailli,    la   bastille    est    prise,    les    Anglais    s'enfuient,    tous    périssent.   » 

Voilà  le  bon  Dnnois  devenu  peintre  de  batailles. 

Quel  sujet,  du  reste,  digue  d'un  peintre  liabile  !  Jeanne  enfant,  —  elle 
n'avait  que  tli\-sept  ans  et  quelques  mois,  —  lutte  tout  le  jour.  La  victoire 
se  refuse,  les  courages  faiblissent,  les  ebefs  veulent  battre  en  retraite.  Dunois, 
Dunois  lui-même  veut  céder. 


I.MIIHE    ET    XAINTKAILLES     A    L.\    TETE    DE    tElKS    GESS    I)  AKMI  S 

D'apri'S   une  mlnialiire  d'un  manuscrit  français,  (iithi.  nal,) 


I.   .Ios<'|)li  I'':il)ie.  Procès  de  réliahililation. 


112        JEANNE  D'ARC  RACONTEE  PAR  L'IMAGE. 

Jeanne  arrive,  demande  un  répit  de  quelques  instants,  se  retiie  dans  une 
vi^ne,  prie,  revient,  reprend  son  étendard,  presse  l'ennenii  ;  on  la  suit  cl 
la  bataille  est  gagnée.  Quelle  épopée  singulière!  Quel  licinl  perpétuel  des 
ehoses  les  plus  opposées!  Quel  eoniraste  de  la  faiblesse  et  de  la  forée,  de 
l'âge  tendi'c  a\ee  rexjierienee  consommée! 

TjC  Ràlai'd  d'Orli'-ans  clôt  sa  d('|)osition  dans  les  termes  suivants  : 
«  Maintenant,  île  la  \  ic  de  Jeanne,  (\v  ses  niceurs  cl  de  sa  tenue  au  milieu 
des  liommes  d'armes,  je  n'ai  (|nc  du  i)icn  à  dii'e.  Jamais  il  n'\  cul  plus  st)l)re 
<|u'cllc.  Le  seigneur  d'Aiiliin,  clicNalii  r,  aujourd'luii  sencclial  de  l'x-aucaire, 
(|ui,  \n  sa  grande  sagesse  cl  lioniu'lclc,  a\ail  cic  mis  par  le  Hoi  à  c()lc  de 
Jeanne  quasi  pour  \cillcr  siu-  clic,  m'a  dil  plusieurs  fois  (|u'il  ne  ci()\ail  pas 
(luancunc  femme   put    être  plus  cliaslc  <|uc  .Icaïuic  lU'  l'clail. 

«  Elle  faisait  sonner  les  eloclies  à  peu  près  une  demi-luure  cl  réunissait 
les  religieux  mendiants  (|ui  elaicnl  a  la  siiilc  (\v  l'armcc  du  Hoi.  Luis  elle 
se  mettait  en  oraison  cl  faisait  cliaulcr  par  les  religieux  mendianls  une 
antienne  en  l'iioiuu'ur  de  la  Lienlieureuse  \  ierge,  mère  de  Dieu'.    » 

Il  est  facile  de  voir,  pai-  la  nalui-e  de  ce  témoignage,  vi)  (|nclli'  \(''n(''ralion 
Dunois  Icnait  Jeanne  il'Arc  cl  (juci  etail  aussi  son  déxoni'mcnl  poiu'  sa 
personne. 

Mais  les  scnliMicnls  (ju'il  professait  pour  la  i'uccllc  cl  donl  il  lui  donna 
laul  (\r  prcuMS  louchantes  nr  sont   pas  le  seul  lien  (|ui  l'iniisse  a  Jeanne. 

I^'on  dirait  (|u'cu  mourant  celle-ci  lui  légua,  connue  un  héritage  sacre,  la 
lâche  de  parfaire  ce  (|u'cllc  laissait  inachexc. 

C'est  Dunois,  en  eifel,  (|ui  iccou{|uil  pour  le  Roi  cette  \  illc  de  Laris  qu'elle 
a\ail  si  fort  souhaih'  de  re|)rendre  aux    \nglais. 

«  Axant  sept  ans,  avait-elle  dil  à  ses  jnges,  les  Anglais  seront  boutés  hors 
de  France.  »  Ils  le  fuient  en  elfet,  et  c'est  Dnnois  qui,  à  Formignv,  l'éalisa  la 
prédiction  de  Jeanne  et  les  boula  hors  de  France  en  les  chassant  de  celle 
vaillante  terre  normande  qu'ils  ne  devaient  plus  fouler  (pi'en  touristes. 

Ce  fut  un  secours  précieux  |)oui'  Jeanne  d'  \rc  (juc  la  svmpathie  de  Dunois. 
L'accueil  fju'il  lui  lit  et  la  considération  (|u'il  lui  marqua  lui  donuèreni 
d'emblée  autorité  cl  |)restige  devant  l'armée  et  ses  chefs. 

I.   Joseph  Fabrc,  Piin-is  tic  rr/ni/nliliilioii.  i.   I,  p.  uj8  cl  suiv. 


4^ 


CHINON    ET    POITIRRS. 


T.;i  Piiccllc  (lc\;ul  loiilclois  lioii\('r  un  iippiii  iioii  moins  fciiiic  cl  pins 
efficMc'c,  nnt'  consccialion  plus  lianic,  (hnis  le  jni^cnK'nl  (\uc  poila  sur  elle 
un  autre  fils  de 
la  ville  (le  JUois. 
Nous  parlons  de 
Géiaril  Matlul, 
confesseur  tlu 
Dauphin. 

(llianoinc  de 
Charti'es  cl  de  Pa- 
ris, niemhif  de 
l'L  n  i\ crsilc  de 
cette  ville,  tlonl  il 
avait  été  recteur 
et  vice-elianeelier, 
il  devint  plus  lard 
évèque  de  Castres. 
Ami  (In  docle , 
prohe  et  pieux 
Gei-son,  il  cul  seul 
avec  lui,  dans  les 
rangs  tie  cette  cor- 
poration fameuse 
alors  inféodée  au 
parti  anglais ,  la 
sagesse  et  le   cou- 


rage 


de  rendre 
témoignage  à  la 
vertu  de  .leaiuic 
d'Arc  et  à  sa  mis- 


JF.ISNK     lîST    PRliSENlKE    AU    KOI 

D';il»rt-s   nue    niiniiitiirf   d'un    iiKinuscrit   IViinçnis  [Dihl.  nat.) 


sion. 

Dès     l'arrivée 
de  la   Pueelle  près 

du  Dauphin,  celui-ci  \oulut  (juCllc   fnl  soumise  à  l'exanun  de  (krard,  dont 
il  avait  fait,  en  même  temps  que  son  confesseur,  son  conseiller  intime. 

Gérard   Machet  intei'i'ogea    longuement   Jeanne  cl   lui    rendit  un    témoi- 
gnage auquel  le  Dauphin  souscrivit. 

i5 


JEANNE    D'ARC    RACONTÉE   PAR    LIMAGE. 


AïoN.wii:   m     imiMiiN   ciimiiis    mi 


On  a  li()|)  iu''glii;(''  de  considérci-  l'iinporlaïKc  de  la  lâche  ooiifiéc  à  ce 
prtii'c  cl  le   poids  de   la    respoiisahililé  (|iii  lui   iiieomha. 

Oue  f'ùl-il  adveiui  tle  Jeanne  et  de  sa  mission  si  (Ic'iai'd  Alaciiel  l'eùl 
repoussée  cl,  par  ses  conseils,  eùl  dissuadé  le  Dauphin  de  lui  accorder 
confiance? 

Dans  le  sonije  où  Dieu  re\cla  à  Mardoehee  les  hautes  destinées  d'iisther, 
elle   ap|)aiail    à   celui-ci,    nous  dit-il,   sous  rimait'   d'une   hunihle  source    (|ui 
dc^icnl  un  lleu\e  lari^c  cl  prol'ond  et  dont  les  cau\  abondantes  rehondissaient. 
Il  est  dit'licilc  d'arrêter  ini  fleuve  (|uand  son  cours  s'est  ctai)li  dans  ut\  lit 
profond    cl  lai^c;   mais  cpiand  il  n'est  encore  (ju'une  soiu'ce,  cond)ien   aisé- 
ment  on  peut  rompre  li'   W]    de  ses  eaux  ! 

Le  \ii'U\  Mardoehee  protcijca  en  sa  nièce 
celle  humble  source  et  li'  llcu\e  lui  (lui  l'clen- 
ilue  de  son  cours. 

Ainsi  (Icrard   Machcl    nous  appaiail  au  ber- 
ceau même  de  la    \  ic  publi(|uc  de  Jeanne  d' \rc, 
cl   parce   (|u'il   eùl    pu  trop  aiscmcnl,   par  ericur 
ou  injustice,    nous   pi'ivcr   du    sccom's  Inespéré    (|uClle  apportait  à   la   l'rance, 
la    Lrance   lui   (•>!    en  (|ucl(pic  sorte   rcilcxable   (\\i   bicnlail    d  a\oir    eu  Jeanne 
connue   libcrahicc. 

(  .c  (|uc  l'ut  pour  la  l'uccllc  Dinand  La\arl  à  \  aucoulcins ,  (icrard  l'est 
pour  elle   a   (  iliinon. 

Il  \  a  donc  lieu  poui'  les  i;cMs  de  bien  <|uc  ICspril  de  scclc  n'ci^arc  pas, 
d  opposer  ce  nom  \cMcrablc  a  celui  du  liisic  c\c(|uc  (ju'on  nous  jcllc  si 
f'rc(|ucnuncnl  a  la  (ace. 

Si  Cauchon  a  fait  mourir  Jeanne,  (Icrard  ALichcl  lui  a  donne  de  \i\re, 
d'agir,   de  combattre  pour  la   l'rance  cl  de  la  sauM'r. 

Gérard  ^lachet  ('lait  lilesois.  (l'i'st  cncoi'c  lui  honneur  |)oui'  la  \ille  de 
Hlois  (ra\()ir  assuré  à  Jeanne  d' \rc  cet  ami  sùi'. 

J  ro|)  longtemps  ses  liabitanis  ont  oublié  celle  gloire  locale.  Ils  s'en  sont 
sonxeiuis  enlin  à   l"a|)pel  de  (|uel([ues   liommes  de  co'in'. 

La  'J'rc'-modlc  a\ait  dû  céder  de\anl  la  force  des  (^ciu'mcnls  cl  permis- 
sion avail  été  accordée  à  la  Pucclli'  de  venir'  vcr's  le  I  )auphin.  Toulefois  les 
hesilalions  de  celui-ci  n  a\aii'nl  point  entièrement  disparu  cl  (juelques 
dcliances    le   lenaicnl   encore  à  l'cndroil  de  Jeanne. 


I.   VI.    I  iil)ln'    Devflle   a    |>iil)li('   sur  Jcimm-   d'_tic    à    /i/nis   et    à   Selles   en    licrr^V"    un    (Hi\rug(^    fort 
iiit("i-css;iiit.  ()rl('aiib.  Hcr!iUM>n.    iSiji. 


CHINON    ET    POITIERS. 


1 1  j 


Elle  iirtiva  à  Chinon  le 
G  niiirs  I  V-if)-  Deux  joiri's  (luraiil 
elle  (lui  aUcndi'c  «lu'on  l'admit  à 
aiidience,  et  pt'ut-ètie  rvil-cllc 
attendu  vainement,  si  Jean  de 
Metz  et  Bertrand  de  Poulengy, 
ses  fidèles  eompaynons,  ne  s'é- 
taient employés  aelivement  en 
sa  faveur. 

Les  onze  jours  passc'-s  en 
voyage  a^■ec  Jeanne  la  leur' 
avaicnl  fait  mieux  eonnailrc 
eneore.  Ils  ont  dit  rux-mèmes, 
en  un  (('moii^na^c  que  nous 
avons  (Mlé,  ([uelle  admiration  en- 
thousiaste exeitaienl  en  eu\  ses 
discouis,  sa  piété  et  sa  veitu. 

Témoins  désintéressés,  ils 
parlèrent  selon  ce  <|u  ils  a\aieMl 
ressenti  et  le  lirent  axée  l'elo- 
(jucnce  des  i^cns  de  guerre,  hrève 
mais  loxale,  émue  et  eoneluanlc.  Ils  en  eulreliureut  |)lusieurs  des  seii;n( 
de  la   cour,  cl   le   Daupliin   sans  doute  en  eut  (|Ueli|ue  eelio. 


jKiNNi;  i)\ni:.   cr.i.i  liiiK  HiiuoiM'.  FiuKr.visE 
D'apri-s   la   gravure   (le   J.    VoYKZ  ([78;). 


urs 


Il  fut  donc  résolu  ijue  la  i'ueelle  serait  admise  à  audience.  Mais,  par 
défiance  eneore  et  aussi  par  une  de  ces  anomalies  (|ui  portent  les  hommes 
à  demander  des  prodii^es  à  ceux  surtout  dont  ils  semhlenl  n'espérer  rien,  le 
Dauphin  résolut  de  se  dissimuler  et  de  faire  présenter  à  Jeanne  un  de  ses 
courtisans  en  sa  place,  fa  I'ueelle  ne  lui  pas  dupe  de  ce  sultleifui^e.  l'.lle  a 
raconté  elle-même  cet  incident  au  procès  de  Rouen. 

«  J'allai,  dit-elle,  sans  empêchement  jusqu'à  mon  Roi.  Arrivée  au  xillai^e 
de  Sainte-Calherinc-de-Fierhois,  je  commençai  par  envovei-  au  cliàleau  de 
Chinon,  où  était  le  Roi.  Vers  midi,  j'arrixai  à  (Junou  el  me  ioi^eai  dans  une 
hôtellerie.  Après  le  diner,   j'allai  Iroincr  le  Hoi,  <|ui  clail   dans    le  chàlcau. 

«    ...  Quand  j'enli-ai  dans   la  cliamlire  du    Uoi,    je   le   rcccniuis    cnlic   les 


1  H 


JEANNE   D'AllC   HACONTÉE    PAU    L  IMAGE. 


îuilr'cs  pai-  le  t'oiiscil  de  ma  \cù\.  (jui  me  le  re\(''la,  el  je  lui  dis  ([lie  je  \oiilais 
aller  faire  la  i^iiene  aii\   \iii^lais'.    ■ 

Le  Daiipliii)  recul  Jeanne  plusieins  fois,  l'eiiliclinl  longuement  el  fut 
séiUiil  par  la  droiture  et  la  sûreté  de  son  jui^cmenl,  pai'  la  netteU'  de  si-s 
déelaralions  el  le  dévouemeni  (lu'elle  montrait  pom-  sa  cause.  11  fut  frap|)(' 
surtout,  dit-on,  de  l'assmance  (|ue  Jeanne  lui  donna  de  la  légitimité  de  sa 
naissance. 

Le  L)auj)liin  toutefois  ne  \oulut  rien  (h'cidcr  sans  avoir  pris  l'avis  de 
quelfliies  personnages  eeclesiasticjues  considérables  et  il  remit  Jeanne  à 
rexamen  d'une  commission  composée  de  re\c(pie  de  (lasti'es,  de  celui  de 
Senlis,  de  celui  de  Magneloiuu'%  de  l'exccpie  de  l'oiliers 
el  de  i'icrrc  de  \  crsailles,  depuis  e\  (''([ue  de  Mcau\. 
Ils  iiilcrrogcrenl  Jcainic  sur  les  causes  de  sa 
\enuc,  la  source  et  la  nature  des  conseils  (|ui 
raxaicul  poussée  a  \euir  et  le  l)ut  ([u'cllc  se 
proposait. 

Jcainie    r'cpondit     nctiemcnl     aux    (|ucstions 

(|ui     lui     fiu'ent     posées.     Toutefois,    dcja     lidclc    à 

cette  union  Irappantc  de  force  et  de  prudence  (|u On 

remar<|ua   toujouis   eu    elle,  elle   se  garda    de   lout    dire 


sc:e\t'   itr.   i  v    rni.Mnir.i.i 


ui\    |)relals    de    ce    (|u'cllc    sa\ait    :    non     (|u'clle    fut 
•apahlc    de     (picl(|ue    mensonge,    mais     | 


)ai-cc     (lu  elle 


n'ignorait  pas  ([ue,  si  la  \erile  est  bonne  en  soi,  encore  ne  faut-il  la  doinici" 
aux  hommes  que  dans  la  mesure  ou  ils  la  pcu\cnt  porter  avec  fruit  pour 
eux-mêmes  el  sans  ([ue  leurs  passions  ou  leur'  ignoi'anee  la  puisseni  inulile- 
ment  compromclti'c. 

En  dépit  (\v  la  graxitc  des  pr(''lals  cliar-gc-s  de  revamincr',  Jeanne  ne  leur- 
confia  donc  (|uc  ce  ([u'ils  |)oir\aicnt  por'Icr'  des  scci'cls  (ju'ellc  cirl  pu  Iciu' 
confier'. 

■(  Lu  jour  qu'elle  drnait  avec  moi,  dit  le  (\ui-  d'Mcncon,  Jeanne  me 
déclara  cju'elle  avait  éle  i)eauc()U|)  evaminee,  mais  savait  et  pou\ail  plus  de 
choses  (ju'ellc  n'axait  dit  à  ceux  (jiri   l'interrogeaient.  » 


1.  Diuiois  l'I  (|iicl(iues  trmoins  assurent  que  Jeanne  allenitil  deux  jours  avani  d'être  admise.  II 
se  peut  que  la  Puci-lie  ait  oublie  ee  délail;  mais  il  n'est  pas  clair  (jue  Jeanne,  en  disant  que  n  aj)rès  le 
dîner  »  elli'  alla  trouver  le  I)au|>liin.   parle  du  jour  même  de  son  arrivée  à  Cliinon. 

2.  Après  les  premières  victoires  de  Jeanne  d'Arc,  un  envoyé  spécial  alla  à  Montpellier  |)orter 
les  ce  lionnes  nouvelles  »  du  succès  des  armes  françaises.  C'est  peut-être  en  souvenir  de  l'évêquc  de 
Maguelonne,  cité  ici,  que  Jeanne  eut  pour  la  ville  de  Montpellier  cette  attention  marquée. 


lijiiil,   ixiui  ]  Ll'ai   naiiiur  liéics 

je\>m;  d'auc   Ksr   imi.hhogkiî  pvii    i.i.s   ijoi:i'i:rns   r.T  siuGNtrus    v   l'oniEKS 

D^ipiH'S    une    ;iiju«iilli'    ili-    I'.    DiMiiNT,    |>iilill,V'    li.iMs    lu    Iliii/iLi's    Maf^iiziiu'    (New-York). 


CHINON    ET    POITIERS.  ,19 

Celle  [)riulence  est  l>ien  fiappaiile  el  1res  admiraljle  en  une  enfanl 
(le  (li\-sej)l  ans. 

La  Commission  des  prélats  s'était,  du  reste,  adjoint  plusieurs  priiîces, 
seigneurs  et  chefs  de  guerre.  Le  due  d'Aleneon  dit  qu'il  assistait  à  cet  examen. 
Au  témoignage  de  Gaucourt,  gouverneur  d'Orléans,  eu  même  temps  qu'il 
faisait  examiner  Jeanne  par  les  évêques  et  les  seigneurs,  le  Dauphin,  «  voulant 
être  plus  amplement  infoimé  de  son  état,  la  fit  donner  en  gaide  à  Guillaume 
Bellier,  son  majordome,  depuis  bailli  de  Troyes,  dont  la  femme  était  personne 
de  grande  dévotion  et  de  réputation  très  reeommanda])le  ».  Il  estimait  sans 
doute  (jue,  femme  elle-même,  l'épouse  de  Guillaume  IJellier  serait  eneore 
plus  avisée  pour  juger  Jeanne  (|ue  les  docteurs  el  les  chefs.  C'était  se 
montrer  avisé  lui-même. 

Le  rappoi't  des  juges  fut  fa\orai)le  à  Jeanne. 

L'avis  de  la  dame  Bellier  fut  assiu-emcnt  eonfoi'me  à  ce  rapport  cl  le 
Dauphin  commença  de  croire  en  Jeanne. 

Lui-même  l'cxaiiiinail  altciUivemcnl,  admirait  son  aptiliidc  à  monlcr  à 
cheval  et  à  manier  la  lance,  i'.ndn  il  chargeait  des  personnages  de  niar(|iic  de 
l'aller  \  isiler  et  cnlrclcnir,  cl  de  le  r'i'nseigner  à  ce  sujet. 

Louis  de  Coules  a  donne  sur  ce  point  d'inlci'cssauls  (K'Iails  dans  le 
témoignage  (ju'il  rendit  au  procès  de  réhahililation.  Il  a\ail  cic  le  page  de 
Jeanne  d'\rc  cl  n'avait  (|uc  qniu/.c  ans  quand  le  Dauphin  lui  conlia  celle 
mission.  Il  était  originaire  de  Normandie,  écuver,  scigiu'ur  de  Nowon  cl  de 
Kugles. 

«  L'année  on  Jeanne  vint  à  Chiiion,  dil-il,  j'avais  (jiialor/c  ou  quinze 
ans  et  j'étais,  comme  page  de  la  suite  du  seigneur  de  Ganeouil,  ca[)ilaiiu' 
dudil   lieu  de  Chinon. 

«  Jeanne  ariiva  à  Chinon,  en  compagnie  de  deux  gentilshommes  (jui 
la  conduisirent  an  Roi.  i'Iusieui's  fois  je  la  vis  allci'  el  venir  chez  le  Roi.  On 
lui  doiHia  logis  dans  une  lour  du  chàlcan  du  Coudra\ ,  pivs  de  Chinon,  et 
je  demeurai  là  avec  elle  tout  le  Icnips  (|u'elle  y  resta.  J't'tais  continuelle- 
ment en  sa  compagnie  |)endanl  le  jour;  mais  la  nuit  elle  avait  des  femmes 
avec  elle. 

«  Je  me  souviens  j)arfaitemenl  (ju'au  temps  oii  elle  liahilail  la  toui'  du 
Coudiay,  des  personnages  de  grand  clat  vinrent  pendant  plusieurs  jours 
s'entretenir  avec  elle.  (  hie  faisaient-ils  ou  disaienl-ils,  je  ne  sais.  Toujours, 
quand  je  les  voyais  arrivci',  je  me  retirais. 

«    A   cette   même    épo([uc    el  dans  cette   même  tour  oii    j'élais   a\cc  elle. 


I9.0 


JEANNE    DAIU:    K\(:()^TKE    V  \\\    LIMVCK. 


je   \is  iiKiiiilcs  lois  .Icaiiiic   a    i;t'ii()ii\.    l'Jlc    paiaissail    en    |)iicic;    mais  je    ne 
compi'cnais  pas  bien   ce  ([u'cllc  disail.    \ssiv.  souncmI  <H('  piciiiail '.    » 

Jean  l'as(|iu'i('l,  iclii^iciiv  du  coinciil  <lcs  l'.iiiiilcs  à  Toiiis,  cl  plus  latd 
allaclic  à  la  |)('i-s()iiiic  de  .Icaiiiic  eu  (|iialilc  d'aunKHiici-,  nous  (loiiiic  (|ii('l(|ii('S 
autres  rcnseignenicnls  louclianl  cctlc  mèinc  cpoijuc  de  la  \ie  de  l'Iieiouie. 
(liions  <|ue]f|ues-unes  de  ses  paroles. 

Nous  l'avons  dit,  il  n'est  liisloiic  de  Jeanne  (|ni  puisse  prc'senlef  l'inleièt 
qu'on  li'ouvo  dans  la  leelure  du  texte  même  des  procès  de  condamnation 
et  de  reliai)ilitation.  J)ans  le  |)i'emier,  c'est  .Jeanne  (|ui  parle  d'elle-même  en 
rc'poudanl  à  ses  juives.  Dans  le  second,  ce  sont  les  i;ciis  (|ui  l'ont  connue  à 
Domremx ,  à  \  aucoulcurs,  à  (  hleans  ou  autre  part   pendant  sa  campagne. 

Voilà  pour(|uoi  nous  a\()ns  j)laisir  a  cilci-  mainls  passai;('s  de  ces  procès- 
verbaux,  en  \   ajoutant   parfois  un  hrel'  connneutaire. 

Les  amis  de  .Jeanne  d'Vrc  doixent   une  \\\v  i^raliludc  à  M.  .losepli  I''al)re, 

(|ui,  eu  publiant  sa  traduc- 
tion des  deu\  procès,  a  mis 
à  la  port('e  de  tous  les  sour- 
ces où  l'on  peu!  puiser  pour 
counaîlre  .îeaiiiic  d'Arc  lelle 
([u'elle  l'ut. 

Voici  (|uel(|ues  extraits 
du  tcmoisuaHc  de  .leau  l'as- 
([uercl  : 

(f  Quand  j'eus  poui'  la 
première  fois  des  nouvelles 
de  .Teanne  d'\rc  et  de  sa 
venue  à  la  cour,  j'étais  dans 
la  \ille  du  i'u\  ,  où  se  trou- 
vaient la  mère  de  Jeanne, 
ainsi  que  (piel(jues-uns  de 
ceux  ([ui  l'avaient  menée  au 
Roi\ 

I.  Joscpli  I''al)ie,  Pnn-i-s  de  ré- 
liiihililation.  t.   I,   p.    207. 

■X.  Tout  eiuièio  à  .sa  mission 
Il  les  vi-u\  (ixi'S  sur  Orli-aiis,  Jeanne 

JE.VNMi    DtVAM     1.1;.    UOCIUUS    A     l'llllll-lt^ 

,,..    .         .  „  ,  ,,  ne  pouvait  songer  alors   a  se   rendre 

D  après  le  dessin  de  Bida  publie  dans  Jeanne  d  Arc,  p.u-  Wiciielet  l  o 

Uacheile  et   C-,  éditeurs.)  -nv   Puy;    mais   nous  savons   quelle  y 


CHINON    ET   POITIERS. 


lai 


«  Étant  entrés  en  -  -«^^=*^' 

connaissance    avec 

moi,    ils   me   dirent    : 

«  Il    faut    venir    avec 

«  nous  près  de Jean ne; 

«  nous  ne  vous  lâehe- 

«  rons  que  quand  nous 

c.  vous  aurons  conduit 

«  près  d'elle  ».  Je  vins 

donc  avec  eux  à  C.lii- 

non,  puis   à   Tours — 

Il    m'a    ('té     dit    que, 

quand     elle     vint     au 

Roi,  Jeanne  fut  visitée 

à     deux    reprises    par 

des    femmes....     Elle 

fui     notamment   visi- 
tée,  parait-il,    par    la 

dame  de  Gancourt  et 

par  la  dame  de  Trêves. 
...  «   (l'est  le  sei- 

eneur  comte  de  Ven- 
dôme  qui  fut  l'intro- 
ducteur de  Jeanne. 
YMv  entra  dans  l'ap- 
partement du  Roi,  et 
le  Roi  l'apercevant  lui  demanda  son  nom.  Elle  répondit  :  «  Gentil  Dauphin, 
«  j'ai  nom  Jeanne  la  Pucelle;  et  vous  mande  le  Roi  des  Gieux  par  moi  que 
c<  vous  serez  sacré  et  couronné  à  Reims  et  fjuc  \()us  serez  le  lieutenant  du 
«    Roi  des  Cieux  qui  est  roi  de  France.   » 

X  \près  beaucoup  de  questions  faites  par  le  Roi,  Jeanne  reprit  :  «  Je 
«  te  dis  de  la  part  de  Messire  que  lu  es  ATai  héritier  de  France  et  fds  du  Roi, 
('  et  il  m'envoie  à  loi  pour  te  conduire  à  Reims,  afin  (jue  tu  \  reçoives  ton 
«   couronnement  et  ton  sacre,  si  tu  en  as  la  Aolonte.    )> 

«   A    la   suite    de   cet    entrelieu,    le   Roi    dil    aux    assistants    (|ue  Jeanne 

envoyi»    en    pèlerinago   c|iielqups-iins  des  liomnics   d'armes   qui    nvairiu    i'ciiii|ios('    son    cscorlc    dans    le 
Irajpt   de   A'aucouleurs  à  Ctiinon.   (Sinieoii    I-iire.  Jriiniie   tl'.-lrc   t'i   Doiiiivmy.    p.    ccciv.) 


n^a  i'ac-.'itc    d'Orléans,    rnciu-e  pai  Ir  Coiutc    de  J)tinoU,SKl 
dclivrc   Drk'.ius  ec  i'.\À  laiTCt  le   Kqi   a  Rhcims;    K.Ue    oll   l'aitc'.l 


i^>rîiôuteiv  ;i   l*onipie«,nc  ,   elbiidc'e   ii  Koticn  i^ar  IcB  An-jloi^ .  I  ,e  Roi 
reprend,  par  l"e>  Grner,\us  ,  Li  Xoiin.tiulie.  L\  Omeuiie  etBordeniix. 


CHARLES    VII    ET    L\    PUCELLE 

D'après  le  dessin  de  C.-N.   CociUN,  gravé  par  Prévost. 


IP.2  JEANNE    D'ARC    RACONTÉE    PAR    LIMAGE. 

lui  iivait  parle''  de  certaines  choses  secrètes  que  mil  ne  savait  ni  ne  ponNail 
savoir,  honnis  Dieu,  et  (|u'ainsi  il  avait  hien  enlièrc  confiance  en  clic. 
Toul  ce  (|uc  je  ^icns  de  dii'c,  je  le  liens  (\r  Jeanne,  car  je  ne  fus  l(''nioin 
(le  rien. 

«  Jeanne  me  disail  qu'elle  n'clail  pas  coniciilc  de  lanl  d'inlcrroi^aloiics; 
fju'on  l'eniprchail  d'acconiphr  la  hesogne  pour  la(jucllc  elle  clail  cn\()\('e; 
((ii'ellc  avait  hàle  d'ai^ir  et  <ju'il  était  temps'.    » 

De  ces  di\t'rs  t(''moignages  l'cssorlent  pour  nous  les  caractères  du 
séjour  de  Jeaniu>  à  (ihinon.  T^e  Roi,  fort  in(|uiet  touchaul  l'clal  du  pa\s  cl 
le  sori  (|ui  l'allcnd  lui-même,  n'axant  pas  le  courage  de  l'aire  (eu\rc  \irilc 
pour  sortir  sou  roxaume  de  l'clal  dcplorahic  ou  l'oul  amené  les  l'anlcs  cl  les 
malhcui's  de  ses  prcch'eesseurs  cl  les  sieimcs  pro|)res,  couscul  à  r'cccxoir 
Jeanne.  Il  se  dissimule  loutefois  et  |)i('senle  à  sa  place  un  des  scigncms  de 
la  corn-.  Si  Jeaiuic  se  fiil  laisse-  |)rcn(lrc  à  ce  piège,  le  Roi  sans  doulc  l'cùl 
sans  merci  cong('-di ('•(■.  La  chose  eùl  pu  se  Caii'c  poui'tanl  sans  (pi'il  IVil  clai)li 
<[uc  Jeanne  n'a\ail  point  reçu  la  mission  dont  elle  se  disait  chargée.  \u  fond, 
le  l)aLq)hin,  en  la  soumettant  à  celte  epreuxc,  a\ouc  inq)licitcmcnl  (|u'il  lui 
croit  qucNpie  pouvoir  surnaturel. 

Dès  la  première  enli-c\ue,  Jeanne  le  Trappe  d'clonncmcnl  cl  prend  (Mnpire 
sur  lui.  I>llc  rcnliclicnl,  disail-il  (pichpics  jours  après,  »  de  choses  (|uc  nul  m- 
savait,  ni  ne  |)()n\ail  sa\oir,   hormis  Dieu   ». 

Toujours  h(''silanl  ccpcndani  cl,  ce  dont  il  ne  le  Tant  pas  hlàmer,  dcsirani 
appUNcr  sa  («'solulion  sur  \':\\\s  de  (prcl(|ucs  gens  d  Tlglise,  le  Dauphin  charge 
plusieurs  e\è(|ues,  (|uclqucs  docteurs  cl  des  seigneurs  de  son  entourage 
d'inlcrroger  la  l'ucelle. 

\i\\  même  Icmps,  d'antres  seigneurs  cl  <  personnages  de  grand  clal  » 
reçoivent  mission  de  se  rendre  |)r-ès  de  Jeanne  au  château  (\[i  ('.oudra\.  Ils 
Tinicrrogcnl  cl  la  relourncnl  eu  tous  sens. 

En  même  temps  f|uel(|ncs  dames,  cl  entre  autres  \olandc  d'\iagon,  la 
dame  de  licanmoul  cl  celle  de  Trèvt'S,  TonI  suhir  à  Jeanne  lui  examen  d'un 
ordre  plus  intime. 

Jeanne  repond  dans  la  mesure  qu'elle  juge  opportum-;  aftirmc  certains 
points,  garde  le  silence  sur  certains  autres  cl  a  bien  vile  Tait  de  conqu(''rir 
tons  ses  juges. 

I.  I-c  Ic'iuoignagp  de  Jeiin  P;isquerel  est  fort  intrressniu  par  la  naïveté  et  la  sincéi-ilé  dont  il  est 
inai'ciiié.  Il  est  elair  toutefois  qu'il  contient  ])lusieuis  ine\aelitiulcs.  I^e  l)on  père,  comme  il  nous  le 
dit,  n'avait  été  «  témoin  de  rien  »,  et  tenait  seulement  de  Jeanne  le  ri'cit  de  ces  «■véncments.  don!  il 
intervertit  l'ordre  plus  d'une  fois. 


CIllXON    ET    l'OITIliRS.  lai} 

L'iiiipMliciicc  (oiik'fois  fmil  |tiu'  la  |)r'cii(lic  cl  elle  ne  pciil  s'eniprclicr  de 
maugrrci'  contre  lous  ces  iiiler  rogaloires  souveiil  i'iililes,  et  quelquefois 
blessants  pour  elle. 

Il  lui  fallait  prendre  patience  encore  et  subira  Poitiers,  plusieurs  semaines 
durant,  l'examen  des  évèques  et  docteurs  qui,  sur  l'ordre  du  Roi,  allaient 
l'examiner. 

Ce  fut  pour  elle  unv  rude  épreuve,  mais  elle  ne  perdit  ni  courage  ni 
patience  et  partit  en  disant  :  »  En  mon  Dieu,  je  sais  (jue  j'\  auiai  ]>ien  à 
faire;  mais  Messirc  m'aidcia.  Or,  allons  de  par  IJieu  !  » 

Les  procès-verbaux  des  séances  de  Poitiers 
ont  élc  dclruils. 

C;'est    cbose    fort    regrettable,   car  par 
les  trop  rares  extraits  fju'on  en  possède  cl 
le    témoignage    rendu    par    ([uelques-uns 
des  examinateurs  de  Jeanne,  il  est  visible 
que    nous   trouxerions    dans    les    diffé- 
rentes r(''|)onses  de  la  Puccllc  une  foule 
t\t-  dclails  intéressant  sa  \ie  et  (jui  sont 
(K'sormais  perdus   pour  nous. 

Il  n'est  |)as  moins  \isible  (juc  Jeanne 
parla   à  Poitiers,  non  seulement  avec  sin- 
cérité, mais  a\ec   tout   l'entrain   de  son  ca- 
l'actèrc  cl  la  xixacilé  cliarmanle  de  son  esprit. 

A  lioucn  nous  en  reliouNcrons  cjuehjue 
cbose  dans  les  réponses  qu'elle  fit  à  ses  juges, 
mais  a  Poitiers  elles  oui  bcaucouj)  plus  d'aban- 
don. Maigre  les  longueurs  (ju'on  lui  imposait, 
elle  scnlail  bien  (pic  sa  cause  allait  à  bonne  issue 
en  plus  elle  gagnait   la  conliancc  de  lous. 

Aussi  ne  se  metlail-elle  point  eu  peine  pour  dire  à  ses  juges  sa  pensc'c, 
rijioster  en  une  x  ivc  cl  jo\('US(>  saillie  à  la  sublililc'  de  leurs  ([ucslioMs  ou  de 
leur  dialectique. 

A  Kouen,  au  conliaiie,  les  circonslances  sont  autrement  graves.  Sa  \  ie 
esl  en  jeu,  et  elle  ne  peul  ignoier  qu'on  lii'cra  parli  contre  elle  de  ses  moin- 
dres j)arolcs.  \ussi,  quand  clic  s'abandoniu',  c'csl  à  rindignalioii,  c'est  pour 
prolcslei'  contre  ((  les  loris  et  ingraxanccs  (pi'on  lui  fait  »,  remcllrc  en  droit 
cbcmin  l'un  de  ses  juges    par  trop  mah cillant,  ou  jcicr  a    la  face  de  Caucbon 


JF.  V>->F.    D  AUC 


l)'iij>ri-s   uti    dessin   de   Raffet, 
j^iMM-  par  I\o^so^E'rïE. 


<|uc  clia(pic  jour  de   |)lus 


ir..4  JEANISK    1)   vue    IIVCONTEK    PAU    1,  IMAGE. 


riiiic  (le  CCS  :i|)()sli()|)lics  xinilciilcs  (|iii  l'clourdissiiicnl  cl  le  l'aisaiciil  cli:m- 
cclcr  un  iiishml,  iiis(|ii';i  ce  (jiic  celle  àine  (Voide  cl  Irop  inaitresse  d'elle- 
mémo  se  lui    reniisc  el  re\iul   ;i  siuiii-l'ioid. 


r^r 


si  les  pièces  t\\\  pioi'ès  Ai'  l'oilicrs  nous  iii;m(|uciil,  mous  mous,   loucliaul 

les    incidenis    de    la    nroee- 


j  ii.iJJJiii^Jiiuiiiiiiii]i.iiL..|4j,j^^^^^Q^,,,,m^;^^,jn  j^ll^|l^^njl|n  iBTiH[UTnpsiTtiu^aljiL;jil'.uil.iiMC»aJwuliluLfaimf.rtmit^  f 


(I    i.v   Gi;Nru.i.i>;   l'rcKi.i.i;    pi 


dure,  plusieurs  h'inoiijnagcs 
loil   iuleressauls. 

L  un  d'eux  nous  \  ieul 
fin  Cici-e  Sci^uiii  ,  domini- 
cain, le(jucl,  a\cc  niailrc 
Jean  L()inl)ail  ,  piol'esseui' 
de  iheoloi^ie  sacrée  à  l'I  ni- 
xci'sile  de  Paris,  lui  appelé 
de  celle  \  illc  pour  inlcrro- 
i;cr  Jeanne. 

Il  \  eul  maille  a  parlir 
enirc  le  frèi'e  Seguin,  "  un 
hicii  aigle  lioinine  »  ,  el 
.Icanne.  Mais  du  moins  ce 
rcligicuv  a  eu  la  sineerile 
de  rendre  lemoiguage  à  la 
i'ueelle  lois  du  procès  de 
reliahilitalion ,  el  de  eiler 
(|uel(|ues  boutades  doni 
.Icanne    lalteignit. 


(liions   (|ucl(|ucs    exirails    de    sou    h'iiioignam'  : 

«    ...  J'ai  \  Il  .Icanne  pour  la   première  l'ois   à   l'oitiers. 

«  Le  Conseil  (\u  Uoi  elail  réuni  en  celle  \  ille,  dans  la  maison  d'une 
dame  l,a  Alaoèe,  el  parmi  les  conseillers  il  \  a\ail  l'archevêque  i\v  Reims, 
alors  cliaiicclier  de  France.  On  m'axail  l'ail  \enir,  ainsi  (|ue  maiire  Jean 
l.omharl,  (iuillaumc  l.eAlaire,  clianoinc  de  l'oilicrs,  hacliclier  en  llièologic, 
(hiillaumc  \imcr\,  professeur  de  llu'ologie  sacrée,  i\c  l'ordre  des  frères  jnè- 
clieurs,  i'vvvv  ricrre  rurclurc,  du  même  ordre,  maiire  Jacques  IMaledon  el 
plusieurs  autres  (pu'  je  ne  me  rappi'lle  |)as. 


CHINON    ET    POITIERS. 


lao 


JI.  \NM".    IJ  A  lu; 


D'-ipifs    mil-    .uni. ■mil-   ^laMiir   lir    (ji\ui.l;s    ni;    <>ltAssAii.i.i;.s 
[lllhlialltr'/in     nul  iimit/r.) 


nous  clions  miindcs  de  la  pari 
(lu  Uoi  pour  inlcrro^cr  .Icaiiiic, 
avec  charge  de  rappoilcr  au 
(louscil  ce  fju  il  nous  scinhicrail 
d'elle.  Ou  MOUS  einoNa,  en  cH'el, 
au  logis  de  niailre  Kal)aleau,  à 
l'oiliers,  pour  iiilerroger  .leanne, 
(|ui  \  denieur'ail.  Nous  nous  \ 
rendîmes  cl  i'imcs  à  Jeanne  |)lu- 
sieurs  (|ueslions. 

c<    lùiti'c    autres     (|uesli()ns, 
maiire   .lean    l.oiiiharl    demanda 

à  Jeanne  :  «  l'()ur'(|uoi  èlcs-xous  venue?  le  lioi  \eul  savoir  (piel  mohile  vous 
«  a  poussée  à  vcnir'le  Irouvcr  ><.  Elle  repondil  de  grande  manière  :  ■  (!oimiic 
c<  je  gardais  les  animaux,  une  xoix  m'appaiul.  (lelle  voix  me  dil  :  ■  Dieu  a 
<<  grande  pilie  du  l'ovaume  de  l'ranee  ».  \\anl  oui  ces  paroles,  je  me  mis  à 
'<  plemer.  Puis  la  voix  me  dil  :  «  Va  à  Vaueoideins.  Tu  liouveias  la  un 
<(  ea|)ilaine  (|ui  le  conduna  siiremenl  en  l'ranee  el  près  du  Koi.  Sois  sans 
«  erainle  ».  .lai  lail  ee  (|ui  m'elail  dil.  l'^l  je  suis  arrivée  au  Uoi  sans  empè- 
('   cliemeni   (|ueleon(|ue  ». 

«    J>à-dessus,    inailre    (iniliainne    \imerv    la    pril   à    partie  : 

«  D'après  \()S  dires,  la  voix  vous  a  dil  (|ue  Dieu  veiil  delivrei-  I,'  peuple 
«  de  France  de  la  ealamile  ou  il  esl.  Mais  si  Dieu  veul  délivrer  le  peuple 
«  de  l'ranee,  il  n'esl  pas  nceessaire  d'avoir  des  gens  d'armes.  »  —  «  l'.n 
«  nom  Dieu,  repondil  .leanne,  les  gens  d'armes  lialailleronl,  el  Dieu  don- 
«    liera   vieloire.    » 

Celle   réponse  pliil  el    mailrc  (liiillaumc   en    fui    eoiileiil. 

«  Moi  (|ui  parle,  je  demandai  à  Jeanne  (|uel  idiome  parlait  sa  voix.  — 
«  Un  meiilcui- <jue  le  voire,  ..  me  rcpondit-elle.  I.l  en  eirel  je  parle  limousin.  — 
L'inlerrogeant  dcieclier,  je  lui  dis  :  «  Ci'ove/.-vous  en  Dieu"/  ->  —  ><  Oui,  mieux 
«   que  vous,  »  me  rcpondil-elle.    .. 

Comme  on  le  voir,  .Teainie  se  mit  a  l'aise;  il  \  avait  l)ien  aussi  (|uel((ue 
im|)alienee  en  son  discours  el,  de  l'ail,  on  ne  saurait  s'en  eloniier.  'l'oiiles  ces 
snhlililes  étaient  peu  laites  pour  captiver  son  àmc,  in(|ui(te,  comme  illc  le 
disait,  de  ne  pouvoir  agir  (piand    le  temps   pressait   ain^i. 

Le  l'rère  Seguin,  sans  garder  rancune  a   .leanne  de  ses  rehuU'adcs,  pour- 


126  JEANNE    D'AUC    RACONTÉE    PAR    I/HIAGE. 

siiil  :  >'  Miiis  ciilin,  lui  dis-jo,  Dieu  ne  \ciil  pas  f|ii'<)ii  \oiis  croie,  s'il  ii'ai)- 
painil  ([ucIfjiK'  sii^iie  <|iril  fau(  (ju'oii  \()iis  l'ioic.  Nous  ne  saurions  conseiller 
au  Ivoi,  sur  une  simple  assertion,  de  nous  conlier  cl  dv  niellrc  en  |)eril  des 
hommes  d'armes;  n'avez-vous  donc  rien  aulre  à  dire?  »  Elle  répondit  :  "  En 
nom  Dieu,  je  ne  suis  pas  M-nue  à  l'oiliers  poin-  (aire  sii^iies;  mais  nuMuv.-moi 
à  Orléans,  el  je  \ous  montrerai  signes  poiu'Cjuoi  je  suis  en\o\ée.  »  i'.lle  ajouta  : 
«  (ju"on  me  donne  des  hommes  en  si  ijiand  nondu'c  (|u'(tn  le  jui;('ra  hou,  el 
j'irai  à  Orléans.    » 

«  lai  même  temps,  elle  nous  dil  ([uali'c  choses,  alors  à  venir,  (jui  sont 
arri\(''es  depuis 

"  Nous  rapportâmes  tout  cela  au  (  lonscil  du  Koi  el  nous  fûmes  d'a\  is  que, 
^u  I  i'\lrème  n(''cessilc  et  le  péril  eu  clail  ()rlcans,  le  Hoi  pou\ail  s'aider  d'elle 
et  l'cuNoxer  en  celle  \  illc. 

<'  Poui'  mf)i,  je  crois  ([ue  Jeanne  a  eh'  cn\o\ee  par  Dieu;  car,  (|uand  clic 
parut,  le  Hoi  et  ses  sujets  n'a\aicnt  plus  d'cspeiance.  Toi^s  cro\aient  (ju'il  n'\ 
axait    plus  (|u'à   se  sau\ei' -> 

Maître  Jean  lîarhier,  doclciu'  es  lois,  a\ocat  du  Hoi,  a\ail  \u  Jeanne  à 
Poilicis:  il  déposa  au  procès  de  icliahililalion.  Son  lenioi!;nai;('  ne  \ai'ie 
i;ucre,  pour  le  lond.  <lc  celui  du  Ircrc  SeL;uin.  C.ilons  seulement  ces  (|ucl- 
(|ues   lignes  : 

<■  J'appris  de  la  houclie  tics  doi-teiu's  le  rc'sidlat  de  leur  examen.  Ils 
axaient  l'ail  à  .Icaiinc  plusieurs  (|ueslions.  l'Jle  r(''poudait  à  toutes  a\cc  grande 
sagesse,  comme  ei'it  l'ait  ui\  hou  clerc,  \ussi  ('laienl-ils  cmer'vcilles  de  ces 
pr'opos  cl  cr"o\  aient-ils  (pr'il  \  a\ail  la  (|ucl(pre  i-liose  de  di\  in,  clairl  doirncs  sa 
\\v  cl  ses  eompor'Icments. 

"  EinalemerrI,  il  l'ut  conclir,  a|)rcs  f'ori'c  cxameirs  cl  (jucslioirs,  (|u'il  ir'\ 
axait  en  cela  airciru  mal  ni  rien  de  conliairc  à  la  loi  callioli<|rrc.  cl  (jirc,  \u 
la  rrccessile  ou  elaicnl  alors  le  Koi  el  le  roxairmc,  |)r-incc  el  sujets  clanl  au 
ilesespoir'  et  sans  aide  sur'  (jui  compter-,  hors  de  la  part  dr  l)icu.  le  Hoi  pori- 
Aait  s'aidei'  de  Jeanne'. 

Gérard  Machet,  confi'sseur  du  Hoi,  (jiri  dexirit  plus  lar'd  l'xèque  de 
(laslres,  avait  expétli('  à  l'oiliers  im  gentilhomme  «  honnête  et  prudent  », 
Gobert  Thibaut,  (ju'il  a\ait  chargi'  d'assister-  a  l'examen  (jui  serait  fait  de 
Jeanne,  avec  charge  de  lui  (-n  rapporter'  la  substance. 

Plus  tar-d  Gobert  Thibaut  firl  a|ipcle  à  lemoigucr'  dans  le  procès  de  r-(-lraIii- 

1.  Jobt'ph  Fabre.  PrUL\^  ilc  rcliabtlttatiun.   t.   l.  p,    l  j  l . 

2.  Ihidi'm. 


CHINON    ET    POITIERS. 


Aquarelle  tic    l'iOUTET   DE   MoNVKl,.    l-lxtl'iiito   (If  Jcuinic   il'Ari-   [Allmin    i/iiistir,   P/uii    et    C'^',   à/ilcnrs). 


lil;ili(>ii  ;  il  le  fil  en  Iciincs  pleins  (r;i(liiiiiali()ii  potii-  la  l'iiccllc.  Il  rappoilc  ([irc 
(l('\anl  lui,  à  l'oilicis,  .Icaniu'  cliaigca  l'un  de  ses  secrélaires  d'éci-irc  au\  chefs 
anglais  en  son  nom  une  lellic  donl  il  eile  les  pi-emiers  mois  et  (pie  nous 
possédons  encore. 

Un  autre  témoin,  François  Garivel,  conseiller  gcMiéral  du  Roi,  nous  donne 
ce  détail  :  <'  Il  fut  demandé  à  Jeanne  pourquoi  elle  appelait  le  roi  Dauphin. 
Elle  ri'pondit  :  «  Je  ne  ra|)pellerai  pas  roi  jusqu'à  ce  (ju'il  aura  été  couronné 
«   et  sacré  à  Reims,  (l'est  dans  celte  cite  f[ue  j'entends  le  mener  ». 

Désiri'uv  de  doiuicr  au  leelcur  unv  idée  juste  du  séjour  de  Jeanne 
dans  la  ville  de  Poitiers  et  de  l'evameu  fpi'elle  y  suhil,  nous  avons  mis 
sous   ses  yeux,   selon   noti'c   habitude,   le  texte   des   principaux    témoignages 


ia8  JEANNE   D'ARC   RACONTEE   PAR   L'IMAGE. 

rendus  plus  tai'd  à  la  l'iierlle  par  ceux  qui  l'avaient  vue  et  fi'équentée  pendant 
le  |)  roc 'es. 

[>es  procès-verbaux,  comm(>  nous  ^a^ons  dit,  soni  depuis  longtemps 
disparus.  Ces!  un  dommage  réel,  car  à  voir  eomhien  frecjuenmieul,  pendant  le 
jiroeès  de  Rouen,  Jeanne  v  renvoie  sfs  juges,  on  compi'end  <ju'il  s'\  lrou\ait 
nombre  de  doeumenis  im|)ortants. 

En  (U'pit  de  eetle  lacune,  on  peut  se  faire  une  idc'-e  de  ces  divers  inei- 
(lents.  Pendant  plus  île  trois  semaines  Jeanne  est  interrogée,  examinée  par 
quelques  evèques,  des  docteurs,  des  hommes  graves,  seigneurs,  écuyers  et 
conseillers  du  Roi.  T>'examen  porte  surtout  sur  la  ^  ie  et  les  nKxnu'S  de  la 
Pucelle.  Sur  ce  point  tout  le  monde  tombe  d'accord  pour  lui  rendre  le  témoi- 
gnage le  plus  favorable. 

En  ce  (jui  est  de  sa  mission  et  de  ses  voix,  il  est  visible  queles  examinateurs 
éprou\èreiil  (|uel(|ue  embai'ras  à  se  prononcer.  (  )n  \o'\[  que  les  nettes  et  fermes 
déclarations  de  Jeanne  les  surprennent  el  les  troublent,  mais  s'imposent  à  eux. 
Son  attitude  ne  les  elouuc  pas  moins,  l/.i  \i\acite  et  le  naturel  de  ses  repli(|ues 
les  déroutent. 

Tout  pesé,  on  la  d(''clare  bonne  cln-étienne,  très  lionnète  (ille,  et,  "\u  la 
gra\  ile  des  eii'constances  où  se  trouvait  le  Dauphin  «.on  ajoute  (ju'il  n"\  axait 
i'aule  ni  péril  à  laisser  Jeanne  agir,  à  «  s'aider  d'elle  »  et  à  lui  fournil-  les 
nioxens  de  donner  sous  (  )rleans  le  signe  par  le(|uel  elle  promettait  d'établir 
rins|)iration  divine  (\c  sa  mission. 

I^es  juges  terminèrent  ainsi  leui'  dcclaraliou  écrite  :  »  ...T>e  Roi,  attendu 
la  pi'obation  faite  de  ladite  Pucelle,  eu  tant  (jue  lui  est  possible,  el  nul  mal  ne 
trouve  en  elle,  elconsidèi-e  sa  re|)onse,  qui  est  de  démontrer  signe  di\  in  devant 
Orléans;  vu  sa  constance  el  sa  persévérance  en  son  propos  et  ses  requêtes 
instantes  d'aller  à  Orléans,  jiour  y  montrer  le  signe  de  divin  secours,  ne  la  doit 
point  empêcher  d'alh'i'  à  Orh'ans  avec  ses  gens  d'armes.  Mais  la  doit  faire 
eontluire  honnêtement,  en  espérant  en  Dieu.  Car  la  mettre  en  suspicion  ou 
délaisser  sans  apparence  de  mal,  serait  répugner  au  Saint-Esprit  et  se  rendic 
indigne  de  l'aidi'  de  Dieu,  comme  dit  Gamaliel  en  un  conseil  des  Juifs  en 
regard  des  apôtres  ». 

Comme  on  le  voit,  les  juges  ne  s'engagent  guère,  et  si  Jeanne  avait  compté 
siu"  leur  ferme  appui  pour  s'imposer  an  Dauphin  et  à  l'ainK-e,  la  pauvre  enfant 
eût  été  singulièrement  déçue. 

Mais  il  en  allait  tout  autrement.  Jeanne,  avisée  autant  que  xaillante, 
subissait  ces  retards  (ju'elle  ne  pouvait  empêcher,  se  prétait  à  cette  procédure 


CHINON    KT    POITIKI'.S.  129 

à  l;i(|iicllc  il   lie  lui   cUiil   pas  possible   de   se   soiisliaiii' ;  mais  s(tii    iiiij)alicnce 
fut  i;i'aii(lc  |)cM<laiil  ces  six  semaines  (|ir(iii  lui  Caisail  peidi-e. 

A  diverses  icpi'ises  elle  laissa  \nir  sa  liàle  el    ne  dissimula  pas  son  ennui. 


JI'.WVI:    1>  AIIC     DU    I-IS,     l'ICl'.LLI':    IJ  OHLl-VNS 
D'api'è's   U'    taltlrau   de   Caumont   (lu   XVI''   siècle.    iJîotcî  de   Ftllc   r/i-   Hoiitit.) 


Enfin  les  dehals  ('laienl  (ei'minés;  on  n'a\ail  lroii\(''  «  nul  mal  en  elle  >',on 
n'osail  pas  "  l'empèclier  d'ailei-  à  Oi'lc'ans  poui'  \  monlrei'  k-  sii^ne  »  {|ireile 
|)i'omeHail.  iai  ini  mol.  on  la  laissail  l'aire.  T'esl  loiil  ce  (|u'elle  desiiail.  Uissi, 
sans  perdre  plus  de  lemps,  se  mil-elle  a  Iceini'e  sans  auli't'  délai. 

I^e  Uoi  n'iiesilail  plus,  ou  du  moins  passa  outre  à  ses  lusitalioiis;  pousse 

17 


i3o  JEANNE   D'ARC    RACONTEE   PAR    LIMAGE. 

du  reste  par  les  (■Nriicinciits,  il  l'csoliil  de  faifc  essai  du  rcconfbil  cl  secours 
que  lui  prouicllail  la  Pueelle  et  l'envoya  à  Tours,  d'elail,  cioil-on,  vers  le 
20  a^ril.  Il  \  axail  deux  mois  hi(>iilôl  que  Jeanne  a\ail  (|uiltc  Vaucou- 
leurs. 

(les  jours  avaieni  el(''  hien  laUorieuv  pour  la  i'ncclle.  \i\\v  a\ail  du, 
presque  encore  enfani,  suhir  l'assaul  de  la  euriosilé  fulile  ([u'excilait'iil  son 
arriv('e,  la  siuiifularile  de  son  o'um'C  cl  le  caraelère  de  sa  personne;  suhir 
aussi  l'elïorl  de  ceux  (jui  (h'siraient  sa\<)ir  (pielle  elle  elail,  d'où  elle  vcnail, 
où  elle  \()ulail  en  xcnir.  Dans  le  conseil,  nous  dirions  aujourd'liui  la  conniiis- 
sion  d'cnquèle,  composée  par  le  Dauphin  pour  l'examiner,  se  renconiraieni 
les  honnnes  les  plus  dÎNcrs.  On  v  vovait  des  évèques  hahiUu's  à  |)i'endrc  place 
et  parole  dans  le  (ionscil  du  Iloi,  des  moines  apportant  en  leiu'  examen  les 
eoutmnes  cl  l'espi'il  du  cloître  avec  la  rij^iu'iu'  de  la  seolasiique.  T-es  i^cns  de 
guerre  les  coudo\aient,  eonsidéraul  les  choses  en  hommes  de  leur  métier, 
de  grands  seigneurs  assez  peu  disposc-s  à  aecordei'  Icttics  de  nohiesse  à  Jeanne 
en  rc(>()nnaissant  le  l)icn-fondé  de  son  entreprise,  la  force  tic  son  génie  cl  le 
caractère  suiuiaturel  de  s<'S  voix. 

(l'est  plaisir  de  voir  .Feanne  repondre  à  tous,  cniploxcr  avec  chacun,  par 
une  dextérité  native,  l'argument  (jui  lui  convenait  personnelleinent.  Elle 
ictlrcssc  alerlemcnt  la  théologie  lui  peu  âpre  <\i\  fière  Seguin,  remet  Jean 
Lomharl  dans  le  chemin  du  hon  sens  et  de  la  foi  (juand  il  s'i'u  ('loigue  par 
subtilité  d'arguments.  Vxce  les  dames,  princesses  el  duchesses,  elle  est  digne, 
comtoise,  presfjue  giandc  dame,  et  cela  les  ehai'me.  Elle  traite  d'égal  à  égal, 
comme  un  soldat  \ieilli  dans  les  camps,  avec  d'Aleneon  et  Dunois.  Gohert 
Thibaut,  (  ino\e  par  (icrar'd  Maehet,  eonfesseiu'  du  Hoi,  sui\icul  a  son  tour. 
Il  est  homme  judicieux  aulanl  (|ue  lo\al  et  brave.  D'un  mot  .1  eau  ne  le  cou(|uierl. 
Elle  lui  frappe  sin-  l'épaule  et  dit  :  «  .le  xondrais  bien  avoii-  plusicuis  hommes 
d'aussi  bonne  \(ilont('  »,  el  voici  (loljcit  (|ui  lui  appaiticnt  mainlenani,  sans 
comptt'i'  (ierard  INIachet,  (jui  aura  demain  des  sympathies  encore  plus  vives 
poiu'  Jeanne  par  le  fait  de  la  satisfaction  (juc  son  homme  de  conliance  icssent 
lui-même  de  l'accueil  de  la  Pueelk'. 

C'est  un  jour  sous  le(|uel  la  Pueelle  se  révèle  admirable  t'I  l'un  des  cotes  de 
sa  personne  hien  digne  d'être  étudié.  (Jue  de  souplesse,  que  d'apropos,  (juelle 
familiarité  toujours  digne,  quelle  fierté  de  bon  aloi,  sans  raideur!  Elle  suffit  à 
tout  et  excelle  dans  les  labeurs  les  plus  variés. 

Enfant  vraiment  extraordinaire,  elle  reste  toujours  l'une  de  nous,  par 
sa   simplicité,   sa   rondeur,  son  naturel,   mais  domine  l'hinnanite  dans   cette 


CHINON    ET   POITIERS. 


iJi 


simpliciti',  l;inl  cllt'  a  de  grandciii-  ou  plutôt  do  majcsir,  lanl   cllo  est   l)Oiino 
dans  la  forée  et  forte  dans  la  honte. 

Il  n'est  vraiment  pas  étrane^e  que  l'art  hésite,  halhulie,  s'avoue  vaincu, 
dexanl  celle  iii^ure  à  la  fois  si  élraiiije  et  si  nette.   1/art  est  <f  simpliste  »,  il 
tâche  de  hien  dire  une  chose,  mais   n'vn  dit  (ju'une  à  la  fois  :  or   il    \    a  des 
choses  si    diverses  et   tant    de  choses   à  la   fois 
à  dire  de  Jeanne  ! 

Saluons  l'effort  généreux  de  l'art  français 
devant  cet  idéal  à  la  fois  irrésislihiement  at- 
Iravant  et  perpéluellcmenl  (K'-cevanl. 

Aussi  hien,  si  nos  meilleius  artistes  nous 
peinieltent  d'estimer  qu'aucun  d'eux  ne  nous 
a  encoi'C  donnt'  la  Jeanne  d'  \rc  de  nos  pensées, 
de  notre  amour'  et  de  nos  r'èxcs,  il  v  a  dans 
leur  aveu  ceci  de  consolanl,  <|uc  l'arl  conli- 
nuera  de  s'efl'oi'cer,  (|ue  longlemps  durera  celle 
Mohie  émulation  des  hcllcs  intelligences  sei'vies 
par  un  hahile  pinceau  ou  un  ciseau  puissant. 

Notre  peuple  continuera  ainsi  de  consi- 
dérer les  (t'uvres  dont  l'hommage  va  à  notre 
héroïne.  ' 

l/allcnle  enfante  le  désir;  le  désir  main- 
tient l'âme  en  éveil;  ainsi  l'àme  inème  de  notre 
peuple  ne  se  détouiiieia  point  du  culte  de  ceik' 
de  ses  enfants  qui  lui  fait  tant   honneur. 

S'il  faut  louer  Jeanne  d'\rc  ou  plutôt 
l'admirer   jioui'  le   calme   et    la    stratégie  a\iséc 

dont  elle  fait  preuve  devant  ce  trihunal  composé  il'eléments  si  (li\cis,  peut- 
être  ne  serait-il  (juc  de  justice  de  louer  le  Dauphin  —  l'occasion  de  le  faire 
est  si  rare  —  pour  la  manière  dont  il  axait  composé  le  trihunal  de\anl  le(|iicl 
dexait  comparaître  Jeanne  d'  \vc  avant  d'être  admise  à  conduii'c  l'arinc-c. 

La  vérité  est  une  en  elle-même.  Je  xeux  dire  ([u'un  principe  est  un. 
Mais  la  véritc-,  si  elle  ne  se  modifie  pas  selon  les  espi'its  qui  la  considèrent, 
a  cependant  divers  aspects  et  ne  l'ra|)pc  |)oint  tous  les  hommes  de  la  même 
manière  ni  dans  la  même  mesure. 

T-a  diversité  des  espi'its  lait  la  diversité  même  de  l'élude  des  principes 
cl   de  Iciu's  applications. 


^«ijSSL^lE^^S 

^^^■/           \'  'm 

1 

mi.J^ 

1 

1 

f 

■ 

WÊ  JIBSl 

1 

1, 

w^i  ^^^^H^ 

i 

wÊÊ 

Ifx 

j 
\        ; 

■m.    J 

■■F     ^ 

I^MBb  ''  -^  '^. .    'M 

H|| 

mÊÊÊUi 

■ 

D'iipri's  un  émail  ihi  xvi'    sirclr. 
[Co/fcction    de    M.    Jnrry    ir(  hl.Mtis.  J 


i:',.  .IRANNE    D'ARC    RACONTÉE   PAR    LIMAGE. 

JjCS  |)('ii|)li's  Silices  l'oiil  loiijoiirs  ciiIcikIu  ninsi  :  cl  \()il;i  |)()iii(|ii()i  les 
;iss('ml)lc'('s  (jn'ils  oui  cliari^c'cs  de  faire  el  de  eli;mL;cr  les  lois,  soiil  composées 
(riiomines  doiil  la  siliialioii.  riiiimcui-  el  les  lacidlcs  soiil  dix  ciscs. 

En  celle  i;ra\t'  (|iiesli()n  de  saxoir  (|ticl  cicdil  il  l'allail  accorder  a  la  l'nccllc 
et  jus(|ii"a  (|ucl  poiiil  on  poiixail  fonder  snr  son  a<'lioM  |)iil)li(|ne  res|)<'rance 
de  samcr  la  l'rance  el  de  la  dcli\  rer  de  l'elrani^cr,  (  iliarles  ^'ll  linl  à  s'cnlonrer 
des  hiuiièrcs  de  Ions.  Il  fani  ICn  louer. 


\. 


Ç^'^^SP^  .  / 


.îi;\NM':  1)  AUt; 

l)';i|iirs    le    iiU'dailtoil   de    A.    I,E    \  KFI.. 


(JHAHLiiS    VII     KEMi-nTANT     \    JEANNE    D  AHC    I,  EPEE    POIll    COMBATTUE 

D'aj)rès  le  bas-rt-Iief  de  Gois  {1S02). 


ly 


TOURS    irr  BLOIS 

TOI  us  l,\    M  VISON    MlLlTVlliK    DK    JKANNK    DVIU: 

lil.OlS    —    RÉFORME    DE    L'ARMÉE 


ENi'iti;   les  (li\ciscs   \llli's   où  Jciiiiiic  s'ari'iH;!, 
celle  (le    l'ours   du 


Il    lui   hùsser  uu    souxcuir 
|):ulieuiièreineul     ;ii;re;il)le.      Mlle      u'\      eul     iiueuue 
e|)i'en\e.   elle    \    i;()ùl;i   de  \  iJiies   joies. 

Le  |)i-oees  de  l'oilieis  eliiil  ler-niiue.  L'e\;niieii  dout 
.leauue  axiiil  ele  l'ohjet  ;i\:iil  ele  loui;  el  plein  d'ennuis 
pour  elle,  mais  les  elioses  a\aienl  lour'ue  à  ra\anlai;e  el  à 
riionneur  de  la  l'uceile.  Le  lioi,  eulin  eon\  aineu,  a\  ail 
donne  ordre  de  lui  eoniposer  une  maison  mililaii'e  el  de 
lui   laire  eonleclioiuier  unelendard. 

Pour    ces     di\erses    choses    el     sur    l'ordre    du    lioi, 

.Icaune    sClail    rendue   a     Tours.    Elle    \    airi\a    un     peu 

après   la    nn-a\rii    ii'|2()l.    Les    deux    plus    jeunes  de    ses 

Iréri'S,   Jean   el    Lierre,   elaienl    \enus    la     re|oin(li'e.    Jean 

(le  Melz  el    IScrlrand  de   Loulcni;\.   (pii    l'aNaicnt    accoin- 

pai;nee    de    \  aucouleurs    a    (iliinon,    elaienl     r'csh'S    ])!"(''S 

d'elle  el,   a\cc  l'aulorisalion  du  lioi.  (!e\  aient  laire  partie 

de    sa    suite.     I^lle     eut     pour     cliel    de     sa     maison     militaire    Jean    d'Vulon, 

ecUNcr;  pour    paLjc,    Louis  de  (  ionles,   ([ni    nous  est   déjà   connu  el    dont    nous 

avons  reproduit   le   témoignage.  Vn  autre  page,   i\i\   nom   de   liaimond,  lui    lui 


i.A   viiiuai  .vmiii.K 
l)';ipri*s  HP''  gt'iivuri'  siii-  I 
(lu  cli'hiit   (lu    sirrlr. 


.V, 


1KA>M':    I)   \IU:    15  \(;ONTÉK    l'\K    f/IM\(;E. 


encore    (Ioimk'.    On    Icim'  iidjoiiinil   (|n(l(|n(s    xailcls   cl    des    1ici;hiIs   (l";ir'mcs. 
Ijilin   ini   i'clii;icn\  de  l'ordre  de  S;iiiil- Xnyusiin,  nonnne  .lean   l':is(|ni'rel, 

fui  presenle  a  .le;innc  cl  dexinl  son  ;unn(')nicr. 

(lelni-ci   ;i    r:iconle,   dmis   le    lenioii;n:ii;('   (|n'il    rcndil    lors   dn    procès    de 

reliMi)ilil:ili(in,  c(nnnienl   il  lui   ;i|)|)ele  :i   ce  ministère  :  <•  (>n;nid   j'eus  noui'  la 

première   lois  des    noii- 

\  elles  de  Jeanne,  dil-il, 
cl  de  sa  \enuc  à  la 
•  ■oni',  j'clais  dans  la  \  ille 
dn  l'n\ ,  où  se  Ironxail 
la  merc  de  .leanne,  ainsi 
i|nc  (|ncl(|u<s-uns  de 
ci'iiN  ijui  l'axaienl  iiic- 
nec  an  i!oi  >>. 

\  ce  snjel,  il  esl 
l>on  de  l'appeler  (|nc 
plusieurs  aulenrs  oui 
pense  (pi'il  ne  saisissait 
poiul  ici  de  la  \  ille  dn 
l'u\  .  Il  semlile  ccpcii- 
danl  (|ne  c'esl  liien 
dans  celle  \  ille  (|ne  se 
rendit  la  merc  de 
Jeanne,  lui  i  'i-'^,  It' 
A'cndredi  Saint  coiiici- 
dail     a\ec     le     jour    de 

l'.vm;,.:  „k  ^H^^u.  1' \  Il  l.oncia  1  ioil .     V    cette 

D'iiliri's   uni/    Liiiiii;iliin'   piiiiti'  sur  p^irclii'iniri   :   iiiitliilr  il  un   iintiplninnii'c  Ot'CaSlOll      llll      nllllle      (ut 

du  XV'  sicrlc.   {C<t//iilioii   de   M.   (;.    SjkIZ.) 

accorde  an  pèierina£;e 
fameux  de  Notre-Dame  Ai\  Vu\ .  De  nomhreux  pèlerins  s'\  rendirent,  la  mère 
dv  Jeanne  d' \\r  fut  du  nombre. 

In  jul)il<'  a\ait  eu  lieu  à  |{oc- \madour,  autre  pèlerinage  non  moins 
fameux,  en  i  '|:',S'.  On  s'\  rendit  en  :;rand  nomhrc  de  toutes  les  parties  de  la 
France,  et  avec  grande  di'votion.  Quand,  (|uel(|ues  mois  après,  —  cl  dans  la 
même  aniH'e  liturgique,  —  J<'anne  d'  \rc  \  iiit  à  (lliinon,  les  habitants  de  Oaliors 


1.    I.cs  prands  pincions   on  jnl)il<'.s  avaient   lion   à   Roc-Aniad 
cidail  avec  la  frie  Saint-Marc  (a5  aM'it).  Ce  fail  se  |)iodnisil  rn  iJ-jS. 


onr  lui'MMH 


la    l/'lr    de    rànni 


èf^'S^  UrJ.i^^'^Ul) 


rtvw 


TOURS    ET   15LOIS.  i35 


î<* 


f  f    c- 

'  ok  "»*vJu"t   pH^«-.v«-'  vvp».»-*^.  ^^t  vwfji^.s^  ^y,  flv*tVBJ»vi^^^/ vv-  i.K>»*-^ 


C^^Tr^t^  f '^  b^-T-'--^  .^t; 


TAC-siMiiii  i)i:   1,  i.vnuii    di     itn.io  ci.xm    di     k   limu:  tannk  »    ui:  cahohs 

>(ilis  (lollliolis  ci-dessous  l;i  copie  cll  «'•critlll-i-  lIMlcIh-  <lll  trvlr  i^nlluillK.'.  avec  l.i  Iradiic- 
lioii  liili  raie  l'ii  regard.  Nous  a\(nis  iii(li(|iit''  en  ire  pareil  llirscs  le  ^eIlS  des  ahriA  ia  lions 
usitées  à  celle  ('pofjue. 


/.o  {lis.uihdc  (i  trts  (itthmil  Itut  ni.  Un.  c.  J.mj. 
<liic  cra  h(  vcsnrn  tic  im.utis  niintiisft  /o  ptTf/o  ijnc 
nie  itio-\/rc)  si-iiln>r  In  ntiint  <i\-i<i  tiiilni^nt  rf  ibiiuil 
ti  ne  nu  et  iiiliui  tu  lu  canitc/Iti  et  iiitituri  de  h  ru 
{ lias l ru  1  iUnui  <lc  Riuiudmador  cl  hi  tiin-nm  ttuilti\ 
de  ^c/is  de  tottis  Jils  iiKirts)  /'rtuiics  et  iin^/cs  cl  ti/t/rcs 
ïjUliic)  niidlti.s  rci;(td(is  iicni  t  r  cl  .i.i.r  nii/in  psuntis 
IncrM m (!.•>)  .slrtim^icrus  u  HoiiuiiiiiKtltir. 

/i/ircl  lu  dic/i  ncrdo  tt  Hoijiioiiiador  cnlro  (o  tcr/i 
juin  upji  {unies)  pttiilueosla  m  hume  nu  fii  près  tlcs- 
liirlu  m  tlfunnnuli^c. 

F.nciru  niiecli  cuicnie  luit  t!c\.siis  ccnl  u!  h'c]  de 
l'rttn.su  Tire  iiui'.lre]  slir  [.scn/iur)  iiiiu  imisc/ti  T/i^iiiic) 
se  dizla  vstrc  lrunie.su  «//  ley  /'(/"'')  '^"'  '/''/  <<'^ 
fiper)  '(ilar  lus  (m'aies  del  Realnic  de  fruusu. 


\.v  samedi  an  li'nis  d'aM'il  lari  mil  i|iiati'i-  crut 
\  in^^l  lui  il  ']  ni  ('lait  la  \r|H)'  ries  rinjnc^  cDinmcnra 
le  |>.iii1mii  (jiir  iiulrr  sfi_i;iic M r  le  [lapc-  avaÎL 
nrli'uyé  el  duniie  à  peine  el  conlpi-  en  la  rliaptlle 
el  oraloire  de  iiolir  dame  de  Hoeainador  <'l  y 
allrif-nl  tant  de  i;t'n^  di-  Inns  parlis  iVancais  cl 
ani;lais  c-l  aïKn -^  (|n<-  phisirnis  ian^r<-s  a\aiciil  -^o 
c-i     Ml  nnllr    |>rt'M  iiiiii's    (-1  ra  Misères  a   Itueaniadtn'. 

Dura  If  dil  pardi  m  à  lîoeamiidor-  juscpi'au 
Iroisirmi-  jour  apr«">  Tiiil  i-i-i»|r.  Nid  homme  ne 
\    prit   4-mprtdiriiirrii    ni  dnmma^r . 

I'.ii\iriin  mi-earriiii-  laii  snsrlii  \\i\\  an  lîui  de 
l'ianrc  niilrt-  M'i^niur  une  l^in-llc  <pii  s<- disait 
rhf  invoy<e  (lianMiiisr)  au  Koi  par  Dirn  du 
eici  pour  faire  horlir  N*s  anglais  du  Uo\  aume  de 
l'ianee. 


se  plurent  à  [tenseï'  i\\\v  e'eliiil  ;i  la  (ri\rur  de  leurs  prières  ((lie  la  l'ianee  elail 
re<le\al)le  <lii  "  i;ran(l  secours  m  (|u'a\ail  apjxnle  Jeanne  a  la  Ira  née  en  laisaiil 
sae  rer  le  ].)aLi|)hiii  el  chassa  ni  les  \ni;lais  de  |>lusieiirs  \  illes  (|u*ils  orriipaicnl. 
Vussi  les  ronsuls  eadurcieiis  (irenl-ds  r()nsii;iier  la  chose  dans  les  annales  de 
leur  \ille.  ()n  relrou\e  leur  décision  noiiliee  au  ^'  l.i\i'e  Tanne  », 


i36  JEAA^iE    D'AUC    IIACO.NTEK    l'AK    1/IAlAGK. 

Jji  soiuciiir  (le  celle  eireonshiiiee,  des  fcMcs  oui  eu  lieu  jieu(l;iul  liuil  jours 
à  Roo-Amadoui- sui'  rinili;iti\c  de  Algr  l'évè(|ue  de  Cidiois,  el  (ou!  liiil  picNoii' 
qu'elles  se  renouvelleroul  eliiH|ue  annc'c'. 

Revenons  :ui  iccil  i\\\  hou  Piis(|uei-el.  •  iJanl  eu  ht 'S  en  connaissance  ince 
moi,  ils  (een\  (jui  a\aien!  amené  .leaniu'  à  (lliinonl  me  direnl  :  "  Il  (au!  ^enil• 
«  avec  nous  près  de  Jeanne.  Nous  ne  vous  làclicions  (|ue  (|uau(l  nous  xous 
1'  aurons  conduil  près  d'elli'  ".  Je  \ius  donc  a\ec  eux  d'abord  à  (iliinou,  puis 
à  Tours. 

"  J'elais  pri'cisi'nienl  lecleui'  dans  un  councuI  de  celle  \ille.  \  Tours, 
Jeanne  deuieurail  pour-  lois  dans  la  maison  de  Jean  l)upu\,  l)ouri;cois  de  la 
Aille,  (i'esl  eu  ce  loyis  (jue  nous  la  lrou\ànies. 

<'  IMes  eompai^nons  lui  direnl  :  ■  Jeanne,  nous  nous  avons  amciK'  ce  hou 
«  pèi'c.  (Hiand  nous  le  connaiire/.  hicn.  nous  sonnues  cerlains  (p:e  \ous 
«  l'aimei'c/,  l)ien  >>.  Jeanne  leur  re|iondil  aussil(')l  :  »  Le  l)on  pèic  me  rend 
<'  bien  eonlenle.  J'ai  déjà  enleudu  pailer  de  lui  plusieurs  l'ois,  el  des  demain 
"  ji'  \eu\  me  coid'esser  à  lui  )>. 

<i  1-e  lendemain,  je  l'oius  en  cord'essiou  el  je  cliaulai  la  mosc  dc\aul  elle. 
Depuis  celle  liciuc,  j'ai  loujours  suivi  Jeanne  cl  je  n'ai  cesse  d'circ  sou 
cliapelain  jus(|u'à  (  lompiès^ne'.  » 

Le  Koi  (il  l'aire  à  la  Pucclle  wuv  aiimnc  complèlc.  On  lui  donna  des 
elievaux  pour  elle  cl  les  i;cus  de  sa  suilc. 

Teanue  lould'ois.  a  l'cpcc  (|ui  rai>ail  parlie  de  son  arnun-c,  en  pr(''f'(''ra  une 
aulre  (|u'elle  lil  \cnii-  de  Saiule-(  lallierine-de-l'icihois.  l']|lc  a  raconle  dc\aul 
ses  juges  de  Rouen  comuunl  la  chose  se  passa. 

<<  \\ie/.-\ous  une  cpec?  lui  dcmandc-l-on.  —  J'avais  une  epee  (pie 
j  a\ais  pi'ise  à  Vaucouleurs.  —  N'a\e/.-\ous  |)as  eu  une  aulre  cpec?  —  Ktant 
a  i'roves  ou  a  (  iliinon,  j'cn\o\ai  (picrir  une  cpcc  dans  l'ci^lise  Saiulc-(  iallicrine- 
(lc-l"ieil)ois,  tierrière  l'aulel.  \:\\v  \  lui  Irouvcc  aussilol  loulc  rouillcc.  — 
Comment  saviez-vous  (pu' celle  epèe  elail  la?-  -  Je  sus  (pTclIc  clail  la  par  m(>s 
voix.  ()nc(pies  je  n'aNais  vu  l'Iiounne  (pii  l'alla  chercher.  J'écrivis  aux  ijens 
d'église  du  lieu   (|u'ils  m'euvo\assenl   celle  epee,    el   ils  me    renxovcrcnl.  Elle 

1.  I.cs  consuls  lie  Ciiliors  n(-l:iiciil  pus  li's  seuls  i'i  csliiiici-  qui-  l<'s  pricics  de  leurs  c()ui|);ilrioles 
enss<'ul  \alu  ii  \;\  Kiauee  le  l)ienlail  île  Li  mission  de  .leiiiine  d'Arc.  Un  avocat  fameux  du  lenips. 
Nicole  de  Sa\ii;ny,  avait  dit  :  o  ■linues  les  foisijue  le  \  endredi  Saint  tombe  le  jour  de  r.Vnunucialion. 
il  arrive  des  choses  mer\  eilleuses  el  exiraordinaires  ».  Un  annotateur  de  ses  miimis  ajoutait  ;  n  II  en 
lut  ainsi  en  j^iij.  où,  jiresijue  aussilùl  a|)ri's  Pâques,  la  rueelle  prit  les  aiuies.  lexa  lianniires  ciinlrc 
les  Anglais,  les  chassa  d'Orléans,  etc.  » 

2.  Josejili  Kabre,  Procès  df  icinilnlitatioit,  t.  I,  p.  -217  et  suiv. 


,^t:>u^&.*-'ë^ 


WPummmum'mmmmmiF 


'(11:18 


,-  dJ 


^~7t*^,,rK^» 


TOURS   ET    BLOIS. 


.37 


(■lail  sous  [cnc,  pas  fort  avant  et  derrière  l'aulel,  comme  il  semble.  Au  fait, 
je  ne  sais  pas  au  juste  si  elle  était  devant  l'autel  ou  derrière.  Je  crois  bien  avoir 
alors  écrit  qu'elle  était  derrière. 

«  Dès  qu'elle  fut  i-ctrouvée,  les  gens  d'éi^lisc  du  lieu  la  frottèrent.  La 
rouille  tomba  aussitôt  sans  efllbrls.  (le  fut  un  marcliand  d'armes  de  Tours  qui 
l'alla  chercher.  Les  gens  d'église  de  i'icrbois  me  l'ornèrent  d'un  fourreau; 
ceux  de  Tours  égalemenl.  T>es  deux  l'ouricauv  f|u'iis  me  firent  étaient,  l'un  de 


ri.\>    DE    I.\    VII.I.F,    DK    BI.OIS    I)  APBT.S    IN  F,    GR  VVl'RE    DU    XVl"    SIECLE 

[Collcilioi,   ,1,-   M.    Vnbbc   Dci'ilh:) 

velours  vcrmi'il,   lauhc  de  dia|)  noir.  J'en  ai  fait  faire  ini  troisième  île  cuir 
bien  fort. 

—  Aviez-\()us  l'cpcc  de  Ficrbois  quand  \()us  fûtes  pi'ise?  —  ()uand  je 
fus  |)rise,je  ne  i'a\ais  point.  Je  la  poilai  conslammeni  depuis  (pie  je  l'eus, 
jusqu'à  mon  départ  de  Sainl-Oenis,  ajirès  l'assaut  de  Paris.  —  (hielie  liéné- 
diction  fitcs-vous  ou  fi tes-vous  faire  sur  elle? —  Je  ne  l'ai  ni  bénite,  ni  fait 
b(''nir.  Je  ne  l'eusse  su  faire.  —  ^'ous  teniez  beaucoup  à  cette  épée'?  —  Je 
l'aimais  l)ien,  parce  qu'elle  avait  ('té  trouvée  ilans  l'église  de  Sainte-Catherine, 

que  j'aimais  bien — N'avez-vous  pas  quelquefois  posé   votre  épée  sur  un 

autel  pour  ([u'elle  fût  plus  fortunée?  —  Non,  que  je  sache.  —  N'avez-vous 

18 


i:58 


.lEANNK    DMIC    Jl  A  CONTRE    PAR    1/ IMAGE. 


jamais  (ail  des  piirrcs  pour  ((u'cllc  IVil  |)liis  lorliiiK'c?  —  Il  est  hoii  à  sa\()ir 
fine    j'eusse    nouIu    (|uc    uion    liaïuois    iVil   iiicu    lorluuc.  \\i('/,-vous    xoli'c 

('■|k''i'  (|uau(i   vous    fuies   prise":'  —  Non,   j"eii    axais  uiu'  (|ui   a\ail  vlv  prise  sur 

uu    r>oiiL;uii^uou V   Saiul-Denis,   j'ai    olFerl    une    l'pee    el    des   aiiues;    uiais 

ee  u'élail  |)as  celle  v\)cv  '.     > 

()uan(l  la  pau\re  eul'anl  recul  à  Tours  sou  arnuu'c  c(  sou  epee  axce  les 
lourrcaux  uiai;uili(|ues  (|ui  l'accompagnaicul,  elle  ne  soupconuail  pas  (|u'uu 
jour  ou  l'ouderail  sur  cel  ineideni  des  accusalions  aussi  p<'r(ides  el  aussi 
Icuai'cs. 

d'esl  aussi  à  Tours  (|u'(  Ile  lll  faire  son  (iendard.  Elle  le  dc'eril  ainsi'  : 
«  J'avais  une  hannière  doul  le  cliauip  elail  seine  de  lis.  l,e  monde  v  elail  lii^ur*', 
el  deux  aui;cs,  uu  de  ciia<|ue  ciMe.  Illlc  <  lail  de  couleur  hianche,  île  celle  loile 
(lu'ou   a])pelli'  Uoucas'iu.  Il   x    avail  eeril    dessus,  .llu'SUS-lMar'ia,   eoniuie    il   me 

semble.  Elle  élail  fran^(''e  de  soie 

—  Qu'aimiez-vous  mieux,  voire  bannière 
ou  \()lre  e|>ee? 

—  .l'aiuiais    beaucouj)    plus,    \oire    (jua- 

raule  fois  plus,  ma  bannière  (|ue  mon  epee 

('.'elail  moi-même  (|ui  portais  ladite  bannière 
(|uand  je  cliai'iicais  les  euueuiis.  Je  n'ai  jamais 
lue  personne.  » 

Tel  ('lait,  en  ed'et,  l'eteudard  de  Jeanne; 
clic  \)v  le  décrit  (jue  sommairement;  il  faut 
aux  détails  qu'elle  donne  en  ajouter  quel(|ues 
autres.  <  )n  \o\ait  sur  cet  etendai'd  l'inserip- 
lion  .Ibcsus-Maria,  l'imaj^c  de  Dieu  assis  sur 
les  nuées,  porlani  le  Monde  dans  sa  maiu,  el 
de  clia(|ue  e('»te  uu  aui;c  lui  pi'esentaut  uiu' 
(leur  de  lis  (|u'ii  bénissait.  Sur  le  re\ers,  I'i'h'U 
de  1  lancc  Icuu  par  deux  anges. 

.Icaunc  s'ciait  fait  faii'e  une  autre  ban- 
nière plus  petite,  un  pennon;  on  y  x oyait 
peint  le  mvstère  de  l'Annoneiation  ;  la  Vierge 
cl   l'Anae  tenaient  uu   lis  à  la  main. 

Teaiiiu'  |)i'('si(l<i  cllc-inènic  à  la  eoiifeciion 


«     J  AVAIS    UNE    IIANMEHK 

DONT     lE     CHAMP     ETAIT     SEME     DE    IJS.     " 

D'après   U-   liihltMii   tle   A.    Grkixf.t. 


1.  Joseph   Fabrc,  Prons  de  coiidanmaln 

2.  ihiiU-ni. 


TOURS    ET    BLOIS. 


[39 


(le  son  ctciKhu'd.  Si  les  rcprcscnlatioiis  fjiroii 
nous  en  ii  i^;n'(l(''('s  soni  (idclcs,  l;i  composilion 
(le  (('lit'  bannière,  la  noblesse  du  sujet,  l'har- 
moiiie  des  eouleuis  f|ni  s'\  \()ient,  dénotent 
elle/  riicroïne  lui  i(oi"il  loi!  |)ni'  cl  un  sens 
eslli('(i(|uc  reniar(|uable. 

.leanne,  du  reste,  rt^clail  eelle  dislinclion 
du  goût  dans  les  moindres  détails  de  sa  per- 
sonne et  de  sa  mise. 

I^es  eourtisans  en  étaient  dans  i'admii-a- 
lion,  et  les  dames  elles-mêmes  l'eussent  prise 
^()lonliers  pour  une  des  leurs,  lanl  elle  a\ail 
de  gi'àee  et   de  grandeui'. 

In  jeinie  seigneur,  Guy  de  T>aval,  expri- 
mait eelte  impression  à  sa  mère  dans  une  lettic 
beureusement  eonservée. 

H  faut  en  lire  le  passage  sui\ant  : 
«  Et  lit  ladite  Pucelle  très  boinie  elière 
(aecueil)  à  mon  frère  et  à  moi,  armée  de  toutes 
pièces,  sauf  la  tète,  et  la  lance  en  main.  Et, 
après  que  nous  fûmes  descendus  de  selle, 
j'allai  à  son   logis   la  \o\r  et  lit  \cnir  le  xin,  el 

me  dit  (ju'elle  m'en  ferait  bientôt  boire  à  Paris;  et  semble  toute  eliose  di\in(' 
de  son  l'ail,  el  de  la  \()ir,  et  de  l'ouir.  VA  la  \  is  monter  à  clicNal  arnicc  loul 
en  l)lane,  sauf  la  lèle,  une  petite  baelie  en  sa  main,  sur  un  grand  eomsic  r 
noii-  (pii  à  l'buis  (la  porte)  de  son  logis  se  démenait  lies  l'orl  el  ne  soulfrail 
qu'elle  montât.  \A  lors  elle  dil  :  ■'  Mene/.-le  à  la  croix  ■  <|ui  clail  des  an!  l'église, 
auprès,  au  chemin.  \.[  lors,  elle  moula,  sans  (|u'il  se  mul,  counne  s'il  fût  lie. 
l'^l  lors  se  tourna  \  ei'S  l'Iuiis  de  l'église,  ([ui  elail  bien  procbain  el  dit  en  assez 
douce  xoix  de  femme  : 

«   A  ous  les  prêtres  el  gens  d'église,  failes  processions  el  |)r'ières  à  Dieu.  » 
«  Et  lors  se  retourna  à  son  chemin  en  disant  :  "  Tirez  axant,  tirez  axant  », 
son  elendard   plox(''  ([ue  |)oi'lait  un  gracieux  ]iage,  el   axait  sa  hache  pelilc  en 
la  main. 

«   Un  de  SCS  frèi'cs,  (jni  est  xcnu  depuis  huit  jours,    parlait  aussi  axcc  elle, 
tout  ai'm(>  en  blanc. 

...    "    La  Pucelle  m'a  dit  en  son  logis,  (juand  je  la  suis  aile  xoir,  (jue  trois 


Jl'.VNM",     l>    vue 

I)'ii|iirs    le    t;iliK'.iii    (II-    rixr\. 
{Cil/citinii   <lc   M.    Prieur.) 


i4o 


JEANNE   D'ARC    RACONTÉE   PAR    L  IMAGE. 


J 


I  >♦!    /m/itJ  H*rf 


CONCESSION    DABMOIBIES    FUIE    l'Ail     I.E    UOl    CII.Mtl.ES    VII    A    JEXNNE    U  ABC    I.E    2    JlIN     li2<) 
D'<i|H*ès  II-  iiiiuiii^rrit  d'un  registre  friinçiils   iljité    tif    ij.Vj.   {Dihl.   liât.,   n"  5j24.) 

Ndiis  ddiiiioTis  ri-clossoiis  la  Irailuclidii  lilliTalc  du  lr\lc  f^ntlilqiir. 

I. 


Le  prvmicr  jour  de   iiiiiy   nul   tiijt-    eiii<^t-iifuf\ 
marc    d'ariiitii   ufij  .vc. 

De  i,a   Pucei.le  .Iiiunne 

/.(■  ij""  jour  de  juiiff  m.  iiije  xxix  le  dit  Sei^-iieiir 
Jioy  ayant  con/fneii  les  i>n)eiie.s  de  Jelianne  la  Pacelle 
et  victoires  du  don  de  Dieu  et  son  conseil  intervenues 
donna  estant  en  la  ville  de  Cliinon  arnioyries  a  la 
dite  Jelianne  pour  son  estandart  et  soy  décorer  du 
patron  </ui  sensuict  donnant  charge  au  duc  Diillcn.\on 
et  a  icellc  Jelianne  du  siège  de  Jargtieau, 


jirciuiri'    joui'   (le    mai    1429, 
le    marc   <rai-yriii    à   (Iiv-scpl   sous. 

I)l.    I.\     PtCELLE  JevSNE 

Le  dcuvirmr  juiii'  di-  juin  1429.  h'dil  seifjiii'ur 
roy.  ayant  coium  1rs  prouesses  de  Jeanne  la 
Purelle  ei  les  \icloires  reniporl('es  pai-  le  ilnn 
de  Dieu  <'l  son  conseil,  donna,  étant  en  la  \ille 
lie  Chinon.  (.les  armoiries  à  ladite  l*iieelle,  pinie 
décorei"  son  t'tendtird  et  «'lle-nième.  tloiil  le 
modèle  s'ensuit,  donnant  au  duc  d'Alençoii  et 
à    la  dite  .leanne  la  cliaf:4<*  tlu  sié"e  de  .lafijean. 


joins  ;n;iiil  mon  ;iiii\éL' elle  ;i\;iil  ciixom'c  a  vous,  mon  aiculi',  nn  hii-n  |)('tit 
annt'an  d'or,  mais  que  c'était  liicn  petite  cliose,  et  (|n'elie  vous  eût  volontiers 
enAO\é  mieux,  attendu  l'estime  (|u'e!le  a  |)oui'  vous'.  » 


I.    L'aïeule  de  Guy  l't  Henri  de  La\al  dont  il  est  parle  ici,  était  la  veuve  de  Du  Gucsclin,  et  c'était 
sans  doute  en  souvenii-  du  giand  liomme  de  guerre  que  Jeanne  avait  eu  pour  sa  femme  celte  attention. 


Copyright.  18Ï1S.1 


[Par  Haipei-  Irères. 
jE\NNr.   i>"\iu:   i:sT    \HMi':r.  chewlieh,    a   blois 
D'apri's   le   tlesslu   de   !■'.    Du.mont   piiliUë   dans   le    IIiirj>cr\s   Ma^nizinc. 


TOURS    ET    RLOIS.  i43 

En  lisMiil  l'cs  lii^iu's,  on  subit  le  iiu-inc  charme  qui"  Giiv  de  Laval.  En  ceci 
cnrorc,  «lu  l't'slc,  ou  peut  voir  conihicu  Jt'auuc  est  toujours  restée  de  son  sexe. 
Nous  Taxons  vue  douce  el  lendic  pleurer  à  la  vue  des  blessés,  comme  nous 
la  \ errons  pleurer  encore  à  la  ^ue  de  ses  |)i()])res  blessiu'es,  ayant,  ainsi 
que  toute  femme,  hoi'reiu'  du  saui;  ;  nous  la  Aoyons  ici  avec  une  grâce  qui 
eût  fait  croire,  ainsi  qu'on  le  disait  anioui'  d'elle,  Cju'elle  a\ail  ('lé  élevée  à  la 
cour. 

Aussi  bien  il  en  est  de  .li'anne  comme  de  tous  les  liommes  tie  véritable 
génie  :  ils  ont  une  aptitude  universelle  cl  excellent  en  tout  ce  qui  est  digne 
d'iux. 

Un  autre  Irait  (|ui  monli'c  bien  encore  la  fennne,  la  jeune  (ille  toujours 
pi'esenle  en  .Jeanne,  se  lapporle  à  son  séjour  à  Toui's.  Elle  s'était  prise  tle  la 
plus  \i\e  aU'ecliou  pour  la  (ille  du  peinire  (|ui  lui  (il  son  «'■lendai'd.  IMus  tard, 
([uaiid  celle-ci  dul  se  marier,  elle  s'in(|uiela  de  lui  Caire  consliluer'  une  dot 
et  lui  envo^a  un  pour|)oiul  de  xclours  <|u'elle  leuail  du  don  «le  l'un  des 
princes  du  sang. 

Jeanne  quitta  Tours,  (le  ne  dul  |)as  être  sans  regret,  car  elle  y  avait  goûté 
des  joies  très  douces. 

Avec  Orléans  el  Reims,  celle  vill«'  forme  une  sorl«'  i\v  trilf)gie  sereine 
dans  la  \\v  d«'  .l«'aini«'.  \  ()rleans  t«)ule(ois  elle  ■■  «'Ul  ("«)rl  à  p«iu«'r  >■  «'I  à 
combatlr«'.  A  lU'ims  l'envie  lui  (il  s«'nlii'  si's  l)ass«'s  all«'iules.  V  Toins,  au 
«•oulrairc,  loul  «'sl  j«)ie  poiu'  «'Ile.  (  )n  dirail  s«'s  liaucailU's  Ih'uries  a\«'c  la 
France  doul  «Ile  allait  pr«'udi'e  la  maiu  daus  la  sienne,  pour  la  conduire  a  la 
X  icl«)ir«'. 

\  r«)urs  «loue  rcxicul  l'Iiouiu'Ui'  cousolaul  (l«'  resU'r  par  e\«'ellencc  la 
xill««l«'s  s«)U\  cuirs 'joyeux  ili'  Jeanne.  l'Ius  «l'iuie  l'ois,  aux  jours  «lésolés  delà 
eaplivilé,  lorsf|ue,  abandonnée  de  tous,  persécutée  par  ses  juges,  elle  vit 
«|u'«'ll«'  n'axail  plus  rieu  à  all«'ndr«'  (l«'  la  justice  buuiaiue,  l«' c«eur  «■!  la  pensée 
«!«■  la  l'uceile  dur«'ul  s«'  r«'porler  vers  ces  miU'S.  Les  j«)ies  «lu  pass«'  n'cmpèclu'ut 
pas  l«'S  «'pr«'uv«'s  |)r'es«'nles  «l'être  douloureuses,  mais  «-IN'S  m«'tl«'nl  c«)nnne  un 
baume  sur  la  bb'sstuc  «loul  «>n  s«m(]re,  baume  souvcnl  plus  «'nicaee  <|u«'  c«'lui 
même  des   r«''\cs  «l'a\cuir  meilleur,  aux«|u«'ls  n«)us  eouxi«'  l'espt'iance. 


4^ 


i4i  JEANNE   DARC    RACONTÉE    PAR   L'IMAGE. 

Je  (lirai  do  Blois,  comme  de  Yaiiooiileurs,  qu'on  a  mal  compris  l'impor- 
lancc  et  la  i^i'andciii'  des  (^(''ncmcnls  (|iii  s"\  sont  accom|)lis  poni-  Jeanne 
d'Arc. 

Sa  mission  a\ail  reçu  lapprohalion  des  évèques  cl  des  doeleurs.  T>e  Roi 
aAail  souscrit  a  celte  décision;  cCtait  l)i<'n.  Mais  (pie  de  choses  restaient  à 
faire  à  la  l'ucellc,  cl  combien  ces  choses  ('■laicnl  lahoiieuses  ! 

Il  i'aul  d'ahoi'd  et  sans  délai  prendre  autorité  sur  rarinec  et  ses  chefs. 
Elle  est  depuis  ini  temps  lrt>s  long  en  (lcl)an(la(le.  Sans  doute  ou  vient  de  reunir 
quelques  compagnies,  cl  Jeanne  pou\ait  plus  tard  estimer  à  dix  ou  douze  mille 
hommes  le  nombre  de  ceux  qui  la  composaient. 

Mais  (jue  sont  les  soldats  sans  la  discipline  cl  la  confiance? 

Ea  discipline  ('lait  rompue.  TJvrés  à  eux-mêmes,  les  soldats  erraient  à 
l'avcntin-e  et  tout  oi'dre  a\ait  disparu. 

Xvec  la  discipline  il  fallait  rétablir  ce  (pii  eu  est  le  soutien.  î^e  vice  s'('tail 
fait  luie  large  place  parmi  cette  soldales(|nc.  Le  pillage  et  le  \ol  étaient  dcxciuis 
comme  de  droit  commun;  axcc  l'absence  de  discipline  était  Ncnue  la  licence 
des  nKcui'S. 

Enfin,  depuis  l()nglem|)s  hahilnee  à  la  defaile.  l'aruK'c  a\ail  perdu,  a\ec 
l'espoii'  i\ii  triomphe,  le  com-age  de  combat  Ire. 

Il  fallait  en  (juel((ues  jours  remédier  à  tout  cela  :  ramener  l'ordre  dans 
les  rangs,  en  bannir  la  licence  cl  ranimer  la  conliance  tlans  les  armes 
franç-aises. 

(hi'on  n'aill(>  |)as  imaginer  (juc  Jeanne  d'Vrc  demcuiàl  étrangère  à  ces 
sollicitudes  :  ce  serait  mal  la  connaiire. 

Le  triomphe  rcm|)orte  sur  ses  cxaminalcurs  de  Poitiers  ne  lui  a\ail  inspiré 
ni  orgueil,  ni  oiihli  des  charges  (|ui  rattcndaicnl  pour  le  lendemain.  .Fudicieuse 
et  gi\n(',  elle  a\ait  pre\u  tous  les  obstacles;  mais,  a\('c  la  promptitude  de  son 
admirable  génie  et  le  secours  continuel  que  Dieu  lui  accordait  par  le  ministère 
de  ses  voix,  elle  snOit  et  en  quelques  jours  avisa  à  toutes  les  nécessites. 

Elle  rele^a  d'abord  l'autorité  du  Dauphin,  alors  si  compromise.  Il  est 
frappant  i\v  voir  a^('e  (jnel  resjiecl  elle  eu  parle  devant  les  chefs  et  les  soldats, 
quelles  images  iugéni(>uses  et  saisissantes  elle  emploie  pour  faire  entendre  à  ces 
hommes  la  vraie  mission  t\\i  Roi  parmi  eux,  la  délégation  (|u"il  a  reçue  de 
Dieu,  auquel  la  Erance  ajipartieul  en  propre,  mais  (juc  le  prince  possède  "  eu 
commande  ». 

Ou  n'entend  |)as  d'elle  une  parole  qui  fasse  quelque  allusion  aux  faiblesses 
de  Charles,  aux  lenteurs  prolongées  et  fatigantes  cju'il  lui  a  imposées.  Non,  il 


TOURS    ET    I3LOIS. 


',.) 


n'est  que  le  «  gentil  '  Dauphin  », 
et  comme  Jean  ne  n'est  venue  que 
pour  le  faire  sacrer  à  Reims, 
ainsi  l'arnK'e  entière  ne  doit 
avoir  (ju'inie  pensée,  ne  recher- 
cher (ju'un  hut  :  rendre  par  ses 
hitles  victorieuses  ce  sacre  pos- 
sii)le. 

Judicieuse  olîservatricc  (hi 
cœur  humain  cl  hahilc  à  mettre 
en  jeu  les  moindres  de  ses  sen- 
timents, elle  appelle  Charles  VII 
"  le  Dauphin  >^.  On  s'en  étonne, 
on  s'en  plaint  même  :  "  Je  l'ap- 
pellerai ainsi  jus([u'au  jour  où  il 
sera  sacré  ".  Il  semhlc  qu'elle 
\cuillc,  eu  lui  doiinanl  seule- 
ment ce  litre,  exciter  clie/,  le 
|)rincc  le  désir  de  la  ro\auté 
même,    aiguiser  malicieusement 

l'ardeur    des   soldats    par    cette   esp('rancc    de    le    l'aire   roi    et    l'ennui    (piils 
d<iivent  ('[irouvcr   de    n'a\oir  à  leur   tclc  (piun   prince    non   couronne. 

(hiant  an\  seigneurs  <|ni  cnlourenl  celui-ei,  .leainic  les  a  dès  longlenq)s 
jug'(''S.  i'Jlc  sait  leur  cgoïsme  à  l'endroit  de  lenis  propres  intc'rèts,  rindifrerence 
(|n  ds  cul  rel  ienneni  poni'  ceux  du  prnice. 

Elle  n'ignore  pas  les  embûches  (|ue  depuis  six  semaines  ils  sèment  sur 
son  chemin  à  toute  occasion,  l'ein  ie  dont  ils  la  poiusnixcnt  seerètemcnl,  la 
défiance  (ju'ils  lâchent  d'entretenir  à  son  sujet  et  l'ennui  (juils  ('prouM'iil 
du  preslige  qu'elle  s'est  déjà  attiré. 

Regnault  de  (".hartres  l'accompagne  à  Blois,  mais  c'est  moins  pour  la 
soutenir  que  pour  l'entraver.  La  Trémoïlle,  au  contraiie,  est  resté  près  du 
Dauphin  :  ce  n'est  pour  autre  chose  sans  doute  que  pour  atténuer  dans 
l'esprit  du  prince  l'espoir  qu'il  commence  de  mettre  en  Jeanne,  la  confiance 
qu'il  accorde  à  son  courage,  à  sa  vertu  et  à  ce  qui  semhlc  di\in  dans  son 
entreprise. 

I.   Noble  Daupliin. 


I-  ^.^\c.)^  i.i,  av.   mwa: 
D'apri's   un    mi-ilaillnri   d'I-!.   DuopsY. 


'9 


i46 


JEANNE    D'ARC    RACONTÉE   PAR    I/IMAGE. 


'^'^i;^-^>;'5:L''^ 


n;: 


■  ^^: 


Mais  .Icaniie  garde  vn  elle  silencieux  ces  sentimenis,  taiil  elle  a  une 
haute  idée  de  l'auloi-iU',  unv  |)ersuasion  foi'le  el  |)i-()(nnde  (|ii'il  n'esl  poini  de 
société  possil)le. si  les  sujets  ne  gardent  le  respect  envers  ceu\  (|ui  lieiuienl  le 
pou\()ir'  ! 

Elle  (K'fcnd  la  renommée  des  courtisans,  pour  fortifier  celle  du  |)rince 
même. 

A  son  exemple,  chacun  |)armi  les  chefs  de  l'aiiiKc  icprcnd  le  lang  ipii 
lui   coinient,  et  l'ordre  renaît   |)armi  les   soldats. 

Edic  n'excelle  pas  moins  à  bannir  du  i-amp  la  licenr(>.  EJIc  inter^■ient 
(le  sa  pcrsoniu'  pour  en  chasser  les  filles  de  joie,  interdit  le  hlasphènie  el 
conxcrtit    à   cet    endroit    La    Ilire    lui-même,    qni    ne  jurera   pins  fjuc  pai-  son 

"  Alartin  Bâton  >i,  erimme  le  lui  a  conseille  Jeanne. 
Mais  elle  \a  plus  loin  dans  cette  reforme,  el 
c'est  ici  (pi'clle  rcNclc  pent-ctre  une  sagesse  cucoïc 
plus  haute,  en  uk'iuc  tcm|)s  (pi'uuc  foi  aussi  ferme 
([u'cclaircc. 

i'.llc    n'ignorait    pas.    eu    effet,    (|uc    le    courage 
militaire    doit    axoir   dans    l'àme  du  soldai    un    fon- 
dement    solide     poui'    demeurer     ferme    et     ne     se 
réduire  pas    seulement    a    l'élan    passager    ijui    vient 
Revers  d-im  mcdiiillim  d'K.  Ubopsv.        ^\^,  l'ivressc  (lu   couihat. 

Elle  savait  bien  (|u'unc  âme  n'est  v. aiment 
supérieure  aux  périls  cl  a  la  mort  (|u'autanl  ([uClle  a  pris  sur  l'Ile-uK'mc  un 
empire  l'orl  cl  diuahlc. 

Elle  s'inspirait  en  cela  de  cet  esprit  (\u  chiistianismc  dont  elle  clail  si 
profoiulémeut  ind>uc  et  i|ui  fait  de  l'empire  sur  sf>i-mèine,  sur  ses  passions  cl 
ses  désirs  le  premier  fondement  de  la  vertu. 

Les  hommes  n'entendent  pas  volontiers  cette  maxime,  et  la  plupart 
d'entre  eux  estiment  que  la  meilleure  manière  de  vivre  consiste  à  repousser 
la  contrainte,  attendu  qu'à  leur  avis  la  licence  n'est  autre  chose  que  la  pleine 
liberté. 

Il  faut  qu'ils  sachent  (ju'il  en  xa  tout  auti-e-mcnl.  Ce  n'est  pas  seulement 
la  i-eligion,  comme  on  serait  tente  de  le  croire,  (jui  condamne  une  telle 
maxime  et  en  déplore  les  conséquences;  la  viaic  ])hiloso|)hic  et  le  ferme  bon 
sens  s'accordent  avec  la  religion  jiour  juger  cette  gi'axc  cricur  cl  l'estimer 
|)ropre  à  engendrer  une  foule  de  maux. 

!•    \bsti(>ns-toi  cl  supporte,  "  tel  (''lait    le   conseil  |iréf('M-(''    de    l'un  des  |)lus 


LES    AIOIES    DE    JEVSXE    U  AllC 


TOURS    ET    BLOIS. 


i47 


graxcs  parmi  les  phi- 
losophes (le  l'anli- 
qiiilé.  Les  hommes  qui 
parmi  nous  demeurent 
fidèles  au\  traditions 
des  maîties  anciens 
ne  renieront  ni  cette 
maxime  ni  le  |)réceple 
de  la  morale  chré- 
tienne. 


4^ 


C'est  (jue  l'homme 
est  tel,  en  ellct,  (|u'il 
ne  se  domine  pas  aisé- 
ment cl  <jue,  s'il  se 
laisse  aller  sans  con- 
Irainlc  à  la  pente  di' 
sa  nature,  il  Iranchil 
iné\ilal)lemcnt  les  li- 
milcs  du  (le\()ir. 

l'aulin  de  Noie, 
citt'  par  Hossui'l,  l'ail 
à  cet  endroit  une  fine 
et  bien  judicieuse  ic- 
marcjuc  :  ■  J'ai  com- 
mis,   dil-il,    cr    (piii 

n'était  pas  bon  de  l'aire  (|uand  je   ne  me  suis   pas  modère  dans   ce  ([ui  m'était 
pcimis'  )'. 

(hicl    homme  de   bien    dira  le  contraire  cl  ipii   n'a    maintes  fois  dans  son 
existence  de  chaque  joui'  rccdiniu  la  grande  sagesse  de  celle  maxime? 

Qui  n'amasse  pas  disperse,  (pii  n'économise  point  pi-odigue  son  liien. 

(hii  ne  tend  |)as  au  cainu'  eu  \icnt  a  la  colère  et  ([ui  donne  à  son  cœur 
toute  libelle  arrive  à  la  licence. 


JKANNIi    I>  ARC     ri.l:i    tl     l)V:     IA    <.Hl',\  AMvRIE 

n".i|trf>   lin   dessin  ;i   lit   siiiii^iiine   de  Vui.NON.  (xvir"  siècle,   Bih/.   iiat.) 


I.    Quod  non  crnedic/nU  tidiimi  diini  uou  tt'/iint'nt  uuod  licc/mf. 


.48 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


Propres   ;i  toutes  les  situations,  ees  maximes  ont  une  spéciale  op|)or- 

tiMiiU'  et  une  gravité  pailieulièi'e  pour  ceux  qui  mènent  la  \  ii'  des  camps. 

I.e   désordre   et    l'extrême    liherté    des   mcein-s   ne   s'\    i'onl    en     ell'el 

liriiiie  place  trop  large  et  Irop  facile,  et  le  soldat,  peut-être  pai'  ci'la  même 

(ju'il  est  esclave  de  la  iliseipline  que  les  hommes  lui   imposent, 

est    plus   empresse''  de  se    melli'c  a   l'aise  avec   la   loi   île    Dieu   cl 

les  préceptes  de  la  conscience. 

C'est  au  sein  de  celle  licence  cepcndani  <pu',  avec  les 
mo'urs  (jui  se  ilissolvcnt,  s'allic'dil  cl  disparail  l)icMl(')l  la  \alcui-. 
Les  caractères  s'abaissent,  l'image  de  la  pairie  perd  son 
prestige  et  sa  beauté,  an  milieu  de  lanl  d'objcis  oll'cils  en 
pâture  aux  passions. 

Lue  armée  vicieuse   oH'rc   loujours   une    l'oile   |)rise  à 
I  innemi  qui  raltacjue. 

Ainsi   pensait   .Icanni'.    \nssi  son  cU'orl  se   porla-l-il    de 
ce   côté   a\cc  une  vigueur  (|ui    loucliail   a   l'audace  cl   cpii 
ne    laissa   pas  de   siuprcudrt'  grandement  ceux  (jui    l'en- 
louraienl. 

Dès  le  pi'cmicr  joiu'  qu'elle  passa  à  lUois,  elle  s'eU'orça 
de  faire  ciilciidre  aux  soldats  des  jxn-olcs  tie  convei'sioii 
cl  de  |)énilcnce.  Sachant  cond)icn  l'homme  respecle  dif- 
iicilcmcnl  la  limite  ([ui  sépari'  le  licite  du  défendu,  ainsi  (|ue  nous  \v  remar- 
(juions  tout  à  l'hciuc,  elle  conseilla,  avec  la  confession,  le  jeune  cl  l'abstinence. 
Je  sais  cjuc  nous  sommes  loin  de  telles  pensées  et  je  l'eiai  soiuire  qnel(|iies 
hommes  sans  doule  eu  disant  ces  idioses  aussi  simplemcnl.  Les  lieurs  scronl- 
ils  assures  d'axoir  le  bon  sens  de  leur  cole"!'  (Ui'ils  \  songeni  cl  (|u'ils 
repondent. 

Aussi  bien  iu)us  a\()ns  Jeanne  d'Vrc  de  notre  bord,  et  ce  u'csl  pas  peu 
(le  chose.  Je  ne  sci'ais  |)as  étonné  (jue  de  nolic  bord  aussi  se  rangeassent, 
—  en  secri't  peut-être,  mais  a\ee  con\iclion.  —  (|ucl(|ues-iuis  de  nos  chefs 
d'armée  les  plus  autorisés. 

]'ji  tous  les  cas,  l'issue  de  l'enlrcprisc  de  Jeanne  cl  l'hcurcuv  succès  de 
son  dessein  montieni  c()nd)ieu  l'Ile  a\ail  ('té  sagement  inspirée.  L'exemple 
(in'cllc  donne  en  cette  conjoncture  à  ceux  (|ui  conduisent  les  peiq)les  et  les 
armées  suflit  à  établii'  l'heureuse  cl  féconde  influence  de  la  \crtu  siu'  le 
courage  militaire. 

Ainsi  fit  donc  Jeanne  d'Are,  et  l'on  ne  peut  ne  pas  s'étonner  quand  on 


JKANNE    D  AKC 

D'nprt'S    lit    statue 

lit-  yi""    la   durlicssc   d'L'zês 


TOURS    ET    BLOIS. 


'49 


songe  qii't'llt'  n'avait  pas  encore  tli\-liiiit  ans  à  eelte  épofjLie.  Je  ne  sais  rii'ii  de 
grand,  rien  d'étrange  aussi  comme  cette  simple  et  ferme  assurance,  et  je 
radniirc  encore  da\aiilage  quand  je  songe  à  ceux  <pn  l'cnlourenl  cl  dont  la 
présence  et  l'éclat  devaient,  semble-t-il,  tant  aHaihlir  le  picstigc  dont  elle  a\ait 
besoin  aux  \cu\  de  i'ai'mée. 

La  reine  de  Sicile,  en  effet,  iieile-mère  du  Dauphin,  arrivait  à  Blois  en 
même  temps  que  Jeanne  d'Arc.  Le  due  d'Alençon  l'accompagnait,  avec 
Amhroise  de  Loré  et  l'amiral  Louis  de  (lulan.  L'archevêque  de  Reims,  Regnault 
de  Chartres,  les  suivait  aussitôt  avec  le  sire  de  Gaucourt.  Le  maréchal  de 
Boussac  et  le  sire  de 
Rais,  chargés  du  eom- 
mandemcnl  de  l'armée, 
ainsi  (|nc  La  Ilire  cl 
Poton  lie  Xaintrailles, 
vinrent  aLissi. 

Quelle  place  se  faire 
au  milieu  de  tout  ce 
monde  de  la  coin?  lit 
cependant  (|ui'llc  action 
pourrait  avoir  Jeanne  si 
de  piiine  ahord  elle 
ne  s'imposait  pai-  une 
notoriété       personnelle  ? 

La  reine  de  Sicile, 
Yolande      d'Vragon,      si 

fortement  attachée  au  parti  national,  ('tait  cxidcnnucnl  l)icn\  cillanlc  pour 
Jeanne,  et  celte  l)icn\cillance  pouxail  cire  de  grand  appui  pour  la  l'uccllc. 
Mais,  d'aiilre  pari,  la  prt'sence  de  celle  princesse  à  Blois,  par  cela  même  qu'elle 
attirail  raltenlion  de  la  foule  cl  de  rarnice  en  nicnic  lcnij)s  (prcllc  laniniail 
l'espoii'  de  la  cite,  dc\ail  détourner  plus  ou  moins  les  regards  (jui  se  seraient 
portés  vers  Jeanne. 

La  présence  du  duc  d' Meiiçon,  quoiipic  d('siicc  par  riicroïnc,  a\ail  pour 
clic  aussi   les  mêmes  périls. 

(  hiani  à  Regnault  de  Chartres,  Jeanne  ne  pouvait  se  dissimuler  sa  soin-de 
opposition. 

Enfin    le  maréchal  de  Boussac  et  le   sire   tic  Rais  a\anl  reçu  du  l)an|)lnn 
le  commandement  de  l'armée,  Jeanne  devait  encore  dans  leur  présence  ren- 


JliANNIi    AUMEE    CHEVALIKU     1>\U     l.E    KOI 
Gravure   tiri-u   des   Vigiles   Je   Cliiules   VII.  [nihl.  nul.) 


ijo  JEANNE    D'ARC    IIACONTÉE   PAR    L'IMAGE. 

contrer  un  olislacle,  car  il  falliiit  que  le  commandement  lui  revint,  au  risque 
d'échouer   dans   son   entreprise. 

\Aee  lui  art  plus  admirable  ((ue  celui  (|u'elle  allail  deploxer  dans  la 
ynerre,  la  \aillante  et  [irudente  enfant  sut  tout  mener  à  hien  mali;re  les 
mille  obstacles  qui  j)ou\aient  l'arièter  au  dehut  même  de  sa  mission.  Sa  per- 
sonne, sa  coniluite,  ses  tliscours,  lui  lirent  en  (piel(|ues  heures  uni'  place  (|ui 
n'était  cl  ne  pou\ail  être  celle  de  personne.  (  ie  lurent  les  princes  cl  la  icine 
([ui  tiincnt  le  second  rani;  :  elle  occupa  le  premier  sans  l'aNoir  and)ilioune, 
sans  inlrii^ues  comme  sans  esprit  de  hautiur  par  le  seul  ascendant  (ju'ellc 
prit  sui'  tous  les  es|)rits.  J.e  peuple  ne  vit  ([u'ellc,  elle  seule  fut  la  lihéi-atrice 
de  demain  et  le  \crilal)le  chef  de  l'armei' parmi  tant  d'autres  reputc'S  fameuN. 

(^Hi'on  ne  dise  point  (|u'uru'  âme  i^iandc  connue  celle  de  .Jeanne  d'Arc 
trou\e  naturi'llement  ce  qui  échappe  au\  âmes  ordinaires  cl  (|uc,  sans 
longues  icclieiches,  notre  hcioine  comprit  ce  (|u'il  comenail  de  l'aire  poin- 
s'élcNcr  au-dessus  des  foules,    au-dessus  lucmc  des  princes   cl    des   princesses. 

Il  n'en  \a  point  ainsi,  cl  si,  selon  le  juste  mol  de  Pascal,  «  dans  une 
i;rande  àmc  tout  est  L;rand  >■,  c'est  (|uc  la  résolution  cl  l'cdorl  sont  à  la 
hauteiu'  des  actes  (ju'il  faut  produire.  I  .c  labeur  est  la  règle  des  honnnes  île 
génie  connue  celle  des  honnnes  ilr  facultés  modestes,  car,  |)our  "  a\oir  la 
Icle  dans  les  cieu\,  ils  ont  cependaul  les  pieds  par  terre  j',  et  sont  sujets  à 
nos  faiblesses.  —  ■■  1  ,e  génie,  a-l-on  dit,  cl  cond)icn  cette  pensée  est  forte, 
n'est  ([u'inie  plus  grande  a|)lituile  à  la  patience.   » 

(Quelle  délicatesse  n'ajoulail  pas  du  reste  à  l'action  pul)li(|ui'  de  .(canne 
en  cette  cireonstance  sa  condilion  de  jeune  lillc  si  dillicile  et  d'où  dcxail 
dépendre  le  succès  de  l'(eu\rc  de  regcncralion  (pi Clic  r(''\ail.  Mais,  dautic 
pari,  (|uel  tact  |)aiTail  ne  lui  fallul-il  pas  jiour  n'excéder  en  rien  de  l'un  ou 
de  l'autre  c(')tc  ! 

(hiel  xisage  conxcnait-il  de  faiic  dexant  l'armi'c?  De  (|ucllc  allure 
s'axancerait-elle  quand,  pai'aissant  poui'  la  première  fois  di'xant  les  soldats, 
elle  si'rait  l'objet  île  la  i-uriosité  unixcrscllc":' 

Modeste  et  timiile,  ainsi  ipi'il  conxient  à  une  jeune  lillc,  ne  passerait-elle 
pas  poiu-  prude":'  Sa  rescixi'  ne  serait-elle  pas  estimée  crainte'?  El  alors  quel 
chef  aurait-on   là  "?... 

Au  contraire,  xaillante,  assuri'C,  le  front  haut  et  noble,  lenlerail-clle  de 
conquérir  de  prime  saut  et  de  lulle  bicxe  l'autorité,  par  ce  quelque  chosi'  (|ui 
impose  le  respect  aux  hommes  quand  on  parait  devant  eux  sans  crainte'?  Soit  ; 
mais  alors   ne   blesserait-elle   pas   a    la    fois  cl   la   modestie   de   maintien   qui 


TOURS  i:t  p.  lof  s. 


JEVNXK    1>  MIC    Eï    I.r.S    SVINTS    CH  VMl'ETllp.S 


D'npi-i's   la   |iiinliin'   ik-   Josil'il    AriiEirr   dans   l'.ilisiili-   rlo   l'K^llsc   Nntiv-Damr-iIrs-C.lliimps   à    Paris. 


convient  ;'i  un  iidolcseent,  plus  cncoi'C  à  une  iKlolcscciilc,  cl  celle  .■mire 
modestie,  celle  de  resjX'il,  s;ins  l;u|iielle  l'Iionime  |);isse  pour  c(''der  ;"i  roiLiucii 
cl  éloigne  de  iui-niènic  la  juste  admiialion  (|u'on  lui  eût  accorde  s'il  eût  ele 
plus  luuiihie  ? 

Platon  a  dit  (jui'  c'est  l'ànie  (|ui  l'ait  le  corps  cl  sintout  la  pli\siononiic  : 
.Icaruic  lui  ellc-nième,  et  sur  son  l'ronl  l'on  \il  le  rellet  des  dons  si  rares  de 
son  âme. 

La  conquête  fui  du  reste  rapide,  et  le  jour  même  de  son  arri\ee  à  lUois 
elle  V  rt'ona  sou^(■rainenu'nt  sur  Ions. 

Admirons  eeltr  àmc  maitiesse  (rcllc-mènic  dans  la  i^Ioirc  comme  dans 
rc'prcuvc. 

l'.lle  l'était  {\\\  resic  aussi  dans  la  i;uerre,  cl,  ni:di;ré  son  iuipalicnce 
d"ai;ir,  elle  voulul  écrire  au\  Vnylais,  a\ant  de  les  atlaquci',  poui'  les  exhorter 
à  se  retirer  sans  coup  icrii'. 


JEANNE    D'ARC    RACONTÉE    PAR    I>'1MAGE 


Elle  leur  cinoxii  dciie  <•(■  mcssii^c  (|iic  nous  icjiiodiiisdiis  (Milicicmciil  ici  : 

<(    lioi   (F  Viii^U'terre,  et  vous  duc   de  HclliforI,  (|ui  vous  dilcs  rci-cul    (\y\ 

roxMUMic  de  l'iMiu-e;  Guillaume  de  l;i   l'oidc,  comte  de  SidTort,  .Telian  siic  de 

riiidel)ol,  cl   \ous,  Thomas,  sire  (ri!sc;dlcs,  (jui   vous  dites  lieutenants  dudil 

de    liclldoil,    l'ailcs    raison    au    lioi    du   Ciel    de   son    sang  royal.   Rende/   a    la 

l'ucille  ey  eiixoye'e  de  par  Dieu,  Roi  du  Ciel, 
les  clefs  de  toutes  les  bonnes  ailles  (|ue  nous 
a\  c/.  prises  cl  \  iolces  en   l'rancc. 

«  {■.lie  csl  \cnMc  i\v  pai-  Dieu,  le  Roi  i\{\ 
(licl,  pour  reclanicr  le  sani;  r()\al;clle  esl  loulc 
preste  de  l'aire  paix,  si  nous  lui  xouic/.  (aire 
raison,  par  ainsi  ([uc  l'rancc  nous  mcllc/.  sur 
endez)  et  payiez  de  ce  (jue  l'avez  tenue. 
"  Et  entr(>  vous,  arehers,  eompasjnons  de  i^iieri'c 
g;entils  et  autres  <|ui  êtes  devant  la  bonne  xille  d'Or- 
léans, allez-Nous-en,  de  par  Dieu,  en  vos  pays,  et  si 
insi  ne  le  laites,  je  suis  elief  de  i;ncrre  et,  en  quelque  lieu 
(|uc  j'atteindrai  Nosi^cns  en  i'rancc,  je  les  en  ferai  aller, 
Acuillenl  ou  non  Ncuillcnl;  cl  s'ils  ne  ncuIcuI  obéir,  je  les 
'crai  tous  mourir:  et  s'ils  Nculcnt  obéir,  je  les  prendrai  a 
merci.  Je  suNS  cN  ncumc  de  par  Dieu,  le  Roi  du  Ciel,  corps 
pour  corps,  pourNous  bouler  bors  de  toute  Eranee  cnconire 
tous  ceux  (|ui  Noudroicul  porter  Iraliison,  malengin 
ni  donnnage  au  RoNaume  de  France.  Et  n'aNez  |)oinl 
en  votre  opinion  que  vous  ne  tiendrez  mie  le 
rovaume  de  l'iauce  de  Dieu,  le  Roi  (\u  Ciel,  lils  de 
Sainte-Marie;  mais  le  tiendra  le  l'oi  Cliarles,  Nrai 
héritier;  car  Di(  u  le  Roi  du  Ciel  le  veut  ainsi  et  lui 
est  révèle  par  la  l'ucclle;  lafjuellc  entrera  à  i'aiis  à 
bonni-  eompaignie. 
«  Si  vous  ne  voulez  croire  les  nouvelles  de  par  Dieu  de  la  I\icelle,  en 
quelque  lieu  que  nous  vous  trouverons,  nous  frapperons  dedans,  et  ferons  un 
si  grand  carnage  que  encore  y  a-t-il  mille  ans  que  en  France  ne  fut  si  grand,  si 
vous  ne  faites  raison.  Et  croyez  fermement  que  le  Roi  du  Ciel  enverra  |)lus 
de  force  à  la  l'ucclle  que  nous  ne  lui  sauriez  mener  de  tous  aseauK  à  elle 
et  à  ses  bonnes  gens  d'armes;  et  aux  horions  verra-t-on  qui  aura  meilleur 
droit  du  Dieu  du  Ciel. 


ACTIONS    DE    ClUI.rS  : 

St.-ilne  en  marbre  j)olyeliromo  (i'Ar.i.olAnn 


^&ljSÂé^  <*  c 


TouKs  ET  nr.ois. 


JliANNF.    ENVOIE    AIX    ANGLAIS    UN     MESSAGE    I.EIU    ENJOIGNASÏ    DE    SOKriU    DE    rlilNCE 

D'après  la  {gravure  en  coiilcurii  de  RoGicn,  (raprt-s  Sergent. 
Tirée   (le    la    Col/cctiuit    des  portraits   lU-s  f^raiitls   hniniiH-s^    Paris,    17X8-1797,.    [Bibliotlwijiu-    jiatioiialc.) 


«  Vous,  (lue  (le  l'xlliforl,  la  I'iktIIc  miiis  prie  cl  xoiis  i(M|iii(il  i|iic  nous 
ne  \()iis  failcs  pas  (Icliiiiic.  Si  xoiis  l'ailcs  raison,  ciicoïc  poiiiic/.  Nciiir  cm  sa 
com|)aii;iiic,  où  (|iic  les  Français  l'croril  le  plus  licau  l'ail  <|n'onc([ues  lui  lail 
par  la  clirelienle. 

«  El  faites  i'(''ponse  en  la  cil(''  d'OrK'ans,  si  \omIcz  faire  paix,  cl  si  ainsi 
lie  le  failcs,   de  aos  l)icn  grands  domniai^cs  \oiis  sonxienne   hrièxcmcMl. 

('    Escril  le  mardi  de  la  semaine  sainl<'. 

«    I  )e  par  la  l'iicelle.  » 


Au  procès  (le  Rouen  on  inlerroi;ea  loni;uemeiU  l'Iiéronie  sur  c;'lle  Icllre. 
«    Voici,   lui  dil   l'un  des  jui^cs,  en  (|uels  lermes  vous  ave/  ('cril  au  Roi, 
noire  sire,  au  i\ue  de  Bedlorl,  e(  à  d'aulres.  I  ,a  icconnaisse/.-vous  ? 

• —   Oui,   sauf  Irois  mois.     \u    lieu   de   "    rende/    à    la    l'ucclle      ,    il    liiul  : 


à 


JEANNE    n'ARC   RACONTÉE   PAR   L'IMAGE. 


i<    rendez  au  Roi   ».  Les  mots  "  chefs  de  guerre  »  et  «  corps  pour  corps  » 
n'étaient  pas  dans  la  lettre  que  j'ai  envoyée. 

—  N'est-ce  pas  un  seigneur  qui  vous  a  dicté  cette  lettre? 

—  Aucun  seigneur  ne  m'a  oncques  dicté  cette  lettre;  c'est  moi- 
même  qui  I  ai  (liclce  a\anl  de  l'envoyer;  il  est  \rai  que  ji'  la  mon- 
trai à  ({UcIqucs-UMS  de  mou  parti. 

—  l'.st-ce  <pie  NOUS  |)cnsez,  contiinu^  i'inici  loi^alcur,    (pi'il 
i>«K^.      arri^cra  mal  au\   \uglais? 

—  \\aul  (ju'il  soit  sept  ans,  les  \nglais  laisseront  encore 
un  l)icu  plus  grand  gage  qu'ils  n'ont  fait  devant  Orléans, 
ils  perdront  tout  en  France. 

—  Que  voulez-vous  dire? 

—  TiCS  Anglais  é|)i()n\('ront  en   France  |)Ius  grande 
perle  (|u"ils  aient  eue  oncques  et  ce  sera  par  grande 

xicloii'c  (juc  Dieu  cu\crra  au\   Français Je   sais 

cela  par  révélation  aussi  sûrement  que  je  vous  vois  là 
dc\anl  moi.  » 

Selon  la  lemarquc  de  plusieurs  auteurs,  cette  lettre, 
datée  du  mardi  saint  (22  mars),  ne  fut  adressée  (jiu-  près 
de  deux  mois  plus  tard  aux  Anglais.  Outre  (jue  ce  délai 
de  l'envoi  ne  réjiond   guère  à   la   prestesse  ordinaire  de 
^^^gj^tt^"^^^        Jeanne,    il    donne    à    penser    (|ue    les   chefs    la   gardèrent 
ifl^^^K^  -'--■  comme  un  message  à   eifel,   dont    ils   tireraient    paili, 

HHBL  l'occasion  faxorahle  se  j)rescntaut. 

Quoi    (|u'il    en    soil,    cette    lettre    de    Jeanne    aux 
Anglais  ne  ressemble  point  aux  autres  conservées  d'elle, 
et  l'on  s'explique  qu'à  l'époque  de  son  jugement  elle 
n'ait    ])as   reconnu  comme  authenti(|ues  ])lusieurs   des   passages   (jn'clle  con- 
tient. 

Les  Anglais  la  reçurent  avec  fureur;  ils  insultèrent  grossièrement  Jeanne, 
et  retinrent  prisonnier  son  envoyé,  avec  le  dessein  de  le  mettre  à  mort. 

Pendant  qu'on  achetait  les  derniers  préparatifs  matériels,  Jeanne  pour- 
suivait avec  une  activité  non  moins  grande  la  réforme  morale  de  l'armée. 
Elle  avait  fait  venir  un  granil  nombre  de  prêtres  et  de  religieux,  et  sans 
discontinuer  ils  entendaient  la  confession  des  gens  d'armes. 

Elle-même  se  tenait  fri'quemment  et  longuement  en  prière  dans  l'église 
du  Saint-Sauveur. 


«In^I 


JEANNE    PACIIMCATRICE 

D'après  la  statue  de  Ciiampigneulle 
poiii"  le  niouuiiient  t\v  Bennont. 


TOURS   ET   BLOIS. 


i55 


ClVst  à  Blois  aussi  (iircllc  iil   fairi'  un  nouvel  étendard,  un  [icu  (lifluienl 
(le  son  étendai'd  de  sruerre. 

Elle  y  fit  l'eprésenter  l'image  de  Jésus  crucifié. 

Elle  avait  toujours  eu  mie  grande  dévotion  pour  le  crucifix,  cl  l'on  sait 
que  c'est  le  seul  sou- 
tien qu'elle  réclama 
sur  le  bûcher.  D'autre 
part,  le  vocable  de 
l'église  du  Saint-Sau- 
veur où  elle  réunissait 
les  soldais,  à  Blf)is,  lui 
ins|)ii'a  pcut-clii'  aussi 
cette  décoration  de 
son   ('■Icndard. 

(l'est  un  sou\cnir 
honorable  de  plus 
poin-   la   cité  blésoise. 

Enfin  c'est  dans 
celle  même  éelise 
qu'elle  fut  faite  cheva- 
lier cl  iccut  l'armure 
de  guerre.  On  sait 
combien  étaient  "ra\  es 
cl  louchants  les  détails 
de  celte  cérémonie, 
à   la  fois  religieuse  et 


L  lil'lili    UE    I..V    rilASCE 

D'itpi-i's  la  gravure  de  Le  Blond,  (xvir  siècle,  Bihl.  iiat/ 


gucnieic. 

Celle    où    Jeanne 
d'Arc  reçut  celle  sorle 
de  conséiralion  mili- 
laire  dut  être  fort  émouvanle,  cl  il  csl  à  regretter  qu'aucun  sou\(  iiir  ne  nous 
en  ail   été  gardé  par  les  chronicpicurs. 

Ouelques  restes  demeur<'nl  Au  clHcur  di-  l'c'glise  du  Saint-Sauveur  dans 
laquelle  cette  cérémonie  eut  lieu,  a  iilois.  IMusieurs  immeubles  enserrenl  ces 
ruines  vénérables.  On  assure  (juc  (|ucl(jues  hommes  de  cœur  et  île  foi  songenl 
à  en  faire  l'aequisilion.  Nous  souhaitons  vivement  que  ce  louable  dessein 
reçoive  exécution. 


:j6 


JEANNE    D'ARC    RACONTÉE    PMÎ    l/IM\GE. 


Toul  ('liiit  prêt.  L'armée  quitta  Blois  le  28  aMil  pour  aller  à  Oilrans.  Elle 
elait  piéeedée  de  prêtres  et  de  religieux  portant  des  eroix  et  des  l)aiiiiières  et 
eliaiilanl  des  psaumes  au\(|uels  répondaient  les  gens  d'ai'mes.  Aux  psaumes 
on  ajonlail  un  verset  du  ]'ein'  Creator. 

L'Iienic  lanl  désirée  de  la  i'ucelle  elail  enfin  \enue.  Sa  longue  épreuve 
prenait  fin;  elle  allait  pouNoir  déplo\er  librement  son  étendanl,  voler  à 
Orléans,  donner  au  Dauphin,  à  la  eour  et  aux  doeleurs  le  «  signe  »  (|u'on  lui 
a\ait  tant  de  fois  demandé  en  |)reuve  de  sa  mission  et  <|u'elle-même  avail 
promis  avec  une  sérénité  si  grande,  une  espérance  si  fière  et  si  ferme. 

A  la  soilie  de  Blois,  le  front  de  la  l'ueelle  devait  être  radieux,  son  allure 
inspirée  et  nohie.  Sa  liaquenée,  eomme  intelligente  des  sentiments  de  lliéroïne 
([n'elle  porlail,  devait  mareliei-  d'un  pas  alerte  et  déjà  vain(|ueur.  Les  yeux 
(le  Jeanne  de  temps  à  autre  s'élevaient  au  eiel  en  prière  d'actions  de  grâces 
pour  le  passé,  en  silencieuses  supplications  pour  l'avenir. 


I.E    DEPAKT    DE    JEANNE 

D"ai)rfs  la  statue  d'ÀRMANu  Le  Véel. 


L\    vn.Lli    u'dUl.KANS    DE     l4-î8     A     l4'-!i) 
D'après   une    rfi-onstitutioil   l;iiti-   p.ir  M.    Llsill,    arcliitii-tc   du   GouvL-nicmcnt. 


OKLEANS  ET   REIMS 

DKI.IVRANCF,    n'OlU.ÉAAS    —    SUR    LA    ROUTE    DM    REIMS 
EE    SACRE    DU    ROI    CHARLES    VII 


ï;:î:|l|i|i!||j|lljpi,|.;i!iii 


"|"F,  \>^F,  voulait  se  icikIic  (iiii-L'U'int'iil  a  ()i- 
*'  k'aiis  en  siii\anl  la  ii\i'  droite  delà  Loire. 
Elle  n'ignorait  pas  (jiie  ce  |)avs  élail  oeeupc  par 
l'arniee  anj^laisi',  et  (in'on  aurait,  en  prenant 
celte  Aoie,  à  passer  sous  le  feu  de  ses  bas- 
tilles. Mais  elle  assurait  <jue  Talhot  et  Sufl'olk 
céderaient  à  l'ellort  de  notre  armée  el  (ju'on 
arri\('rail  <|uaMd  nK'ine. 

Les  chefs  ne  se  laissèrent  point  aller  à 
cet  enthousiasme  el  se  dirigèrent  par  la  rive 
gauche.  Ils  évilaienl  ainsi  les  Anglais,  dont  le 
lleuve  les  séparerait,  et  comptaient  de  cette 
manière  arriver  plus  sûrement. 

Aussi  bien  les  secrètes  pensées  de  plusieurs 

d'entre  eux    se  laissaient  voir  en  cela,  el  l'on 

put    comprendre   (juanlant     il    leur    semblait    opportiui    de    faire    usage    de 

rinler\  eiilion    de   .leanue   el    du    prestige    (ju'elle    exerçait    sui'    l'arniee    poiu' 

seconder    leur    pL'0|)re    action,   autant    ils    étaient    résolus  à  ne   lui   accorder 


LA    VIIillGE    LORRAINE 

D'ii|)rfs  une  gravure  de  Chadowicki. 


i58        JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

poinl  le  commandement  en   chef  et   la  suprême  tlirection    des   opérations. 

C'est  pour  cette  cause  qu'ils  la  laissaient  libre  de  réformer  les  mœurs  de 
l'armée  et  de  donner  carrière  à  son  zèle  pieux.  Cela  leur  était  à  secours.  Mais 
dès  le  premier  jour  nous  les  voyons  tenter  de  tenir  conseil  en  dehors  d'elle 
et  de  prendre  leurs  résolutions  sans  la  consulter. 

Dans  la  conjoncture  présente,  Jeanne,  qui  ignorait  la  idéographie  du  |)a\s, 
se  laissa  induire  en  erreur  et  suivit  la  rive  gauche  de  la  Loire.  On  lra\ersa 
ilonc  ce  fleuve  par  le  pont  de  lilois,  on  passa  de\ant  Beaugency  et  Meung,  sans 
que  l'ennemi,  qui  ne  se  sentait  |)as  eu  force  de  ce  côté,  essa\àl  d'arrèU  r 
l'armée,  et  l'on  arrixa  à  ()li\et,  sous  Orléans,  derrière  le  camp  des  Anglais, 
élahli  sur  la  rive  gauche. 

En  chemin,  on  passa  la  nuit,  et  Jeanne,  pour  la  première  fois,  coucha  en 
rase  campagne  et  sans  (|uiller  son  armure.  Elle  en  éprouva  ([uehpic  soullranee; 
mais  au  lever  elle  reprit  \aillammenl  la  route,  comme  si  la  nuit  eût  été  bonne 
et  de  ])lein  sommeil. 

En  arrivant  sous  Orléans,  Jeanne  s'apcrcul  de  l'i  irein-  en  la(|uelle  on 
l'aNail  induite,  et  s'i'ii  plaignit  a\('c  (juchpie  aiiicrUnne.  C.r  lui  hunois  (|iii 
poila  le  poids  de  son  dt'plaisir.  Il  a  raconte  la  chose  an  procès  Ar  rehahilila- 
lion;  nous  avons  cité  ce  passage  de  son  témoignage. 

Ji'anne,  après  avoir  gourmande  Dunois,  ne  songea  plus  ([u'à  rc'parer  la 
faute  (pi'on  avait  commise  eu  agissant  contrairement  à  son  dessein.  Comme  il 
fallait  donc  faire  par\enir  an\  (  )rl('anais,  au  travers  du  nemc,  les  ^i^rcs  (|u'on 
avait  apportés,  on  pensa  à  fairi'  \cnir  tics  bateau.v  d'Orléans  \ers  la  ri\fou  se 
trouvait  l'armée. 

Malheureusement  le  \ent  ('tait  coiilraiic.  Mais  Jeanne  assurait  (|u'il  n'en 
fallait  avoir  cure,  et  que  tout  à  l'heure  le  vent  ehangeiait  de  direction  :  ce  (|iii 
arriva. 

Écoulons  Danois  raconter  cela  :  «  Tout  aussilôl,  dit-il,  et  comme 
instantanément,  le  vent  qui  était  contraire,  et  (pii  rendait  fori  difficile  (|ue  les 
bateaux  oîi  étaient  les  \ ivres  |)ussent  remontei'  le  (Icuve  dans  la  direction 
tl'Orléans,  tourna  et  devint  favorable. 

«  En  conséquence,  les  voiles  furent  tendues  immeiliatement.  J'entrai 
dans  les  bateaux  et  avec  moi  y  entra  Nicolas  de  Giresme,  aujouid'hui  grand 
prieur  de  France.  Nous  longeâmes  l'église  Sainl-f^oup,  et  nous  passâmes  outre 
malgré  les  Anglais.  Dès  ce  moment  j'eus  bonne  espérance  de  Jeanne,  plus  que 
je  n'avais  fait  jusque-là —   » 

Voilà  donc  le  cou^oi  de  vivres  en  sûreté;  mais  il  fallait  aussi  faire  |)asser 


ORLÉANS   ET   REIMS. 


iSg 


l'armée,  et  comment  l'aurait-on    pu   aux    regards  et  sous  le  coup  de  feu  des 
Anglais? 

Les  chefs  proposaient  de  retourner  jusqu'.à  Blois,  d'y  repasser  le  pont  et 
de  revenir  par  la  rive  droite  de  la  Loire  jusqu'à  Orléans,  (l'était  reconnaître  à 
nouveau  la  sagesse  de  l'avis  premier  de  Jeanne.  Mais  il  était  trop  tard,  et  il  en 
coulait  à  celle-ci  de  sembler  l'cculer  devant  l'ennemi  en  reprenant  le  che- 
min de  Blois,  d'où  l'on  menait. 

Cependant  Dunois  pressait  Teanne  de  Acnir  avec  lui  à  Orléans.  Depuis 
le  joiu"  où  il 
leuravail  parle 
d'elle  et  de  son 
arrivée  à  Chi- 
non,  les  Orléa- 
nais s'<'"taient 
pris  d'enthoM- 
siasme  |)our  la 
Pucellc.  On 
commentait  les 
prophéties  (|iù 
semhiaien  I 
l'an  noncer , 
on  se  répétait 
les  propos  de 
l'héroïne,     et,  "''"' 

comme  le  font 

les  hommes  après  a^()ir  longtemps  desespéré,  on  reprenait  csjjom'  a\('c  acIk'- 
menee  et    l'ardeui'  du   peuple   lournail   au  délire. 

Sans  doute,  Jeanne  xciiait  déjà  de  répondre  à  leur  attente  en  leur  faisant 
parM'uii'  des  vivres;  mais  ce  hienfait  n'elail  rien  aupi'ès  de  sa  j)résence. 
C'était  Jeanne  qu'on  voulait  voir,  sa  voix  qu'on  \()idait  ententlre. 

Dunois  insista  donc  j)our  emmener  Jeanne  jusqu'à  la  ville.  La  Pucelle 
résistait;  elle  ne  voulait  à  aucun  prix,  disait-elle,  laisser  seuls  des  gens  si  bien 
préparés  et  qui,  en  son  absence,  se  croyant  peut-être  délaissés,  pourraient 
modifier  leurs  bonnes  dispositions. 

Dunois  s'adressa  alors  aux  autres  chefs;  il  les  supplia  de  n'emmener  point 
Jeanne  avec  eux,  mais  de  la  laisser,  de  regagner  Blois  et  de  venir  la  rejoindre  à 
l'autre  rive.  Ils  y  consentirent  et  Jeanne  se  décida  alors  à  suivre  Dunois  jusqu'à 


SIEGI-:     IJ  OKLli.VNS 

muiiitliirc  il'iiii  ninniiscrit  iranç.-iis  "   I^es  Vigiles  ilf  ('.liiu-lL's  \  Il   n. 


(iiité  lie    1-(S',.   [Hîhtintlit-ffuc   ruitionaU.) 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

Oi-h'iins.  INIiiis,  ol)Iii;('c  (ral);ni(I<iniicr  niomcnhimmciil  les  siens,  elle 

leur  l;iiss;i  l;i   lumninc  aiiloiif  de  liUjiielle  ils  iivaicnt  eoiilume  de 

)ricr:   {'Ile    It-iir    laissa  aussi  son   aitmôiiicc  Jcim   Pasqiierel  avec 

les  prêtres  qui  l'avaienl  aecompa^née  depuis  lilois,  el  Iraversa 

la  Loire  en  haleau,  avee  Dunois,  T.a  Ilire  et  (\cu\  eents  lances. 

Ils  alleii^nii'ent  la  rive  droite. 

Sur  cette  live  les  Ani;]ais  n'avaient  qu'une 
seule  bastille,   dite  de  Saint-T.oup.  Pour  leur 
ùter  toute  idée  d'essayer  d'empcciicr  Jeanne 
et    sa    petite  troupe  de   |iasser,   les  Orléanais 
sorlirenl    en    masse    et    assail- 
lirent la  hasiille.  Ils  en  rappor- 
tèrent même  luie  hanniêre. 
Cependant     le    eomoi    de 
vivres  pouvait  être  déchargé. 
Quant  à  Jeanne,   elle   se  tenait 
dans   la  campai- ne  avec  Dunois,  La 
Ilire  et    les  (\vu\   cents  hommes.  On 
avait,  en   enel,  ic'soln  de   ne  la  faire 
(iilrci'  dans   la  ville  (|ue  le  soir:  on 
cùl   icdoulc  pendant  le  joui'  (|ncl<|ue 
mêlée   InnudUicnsc   de    la    part   de   la 
foide,    tant     celle-ci    l'allendail    avec 
un  eutliousiasme  impatient. 
Elle  V  entra  le  soir  i\u  2(1  avril,  vers  hnil  hcnres.  Elle  ('lait  armée  de  toutes 
pièces   v\    monicc    sur    son    cheval    Manc    Sa    bannière    la    précédait.   Dunois 
l'accompa^iiail    en    coslume  de  i;ala,  cl   un  eerlain  nombre  de  seigneurs,  des 
gens  d'armes  et  (|ucl(|ues  boin-geois  d'Orléans  lui  ioiinaicnl  cortège. 

La  foule  si-  précipita  à  sa  rencontre.  Chacun  voulait  lui  baiser  les  mains  cl 
la  toucher-,  cl  (piand  on  ne  le  pou\ail,  on  làchail  de  loucher  sa  monture.  Ce 
n'étaient  (pic  cris  de  joie,  exclamations  d'espoir  et  de  triomphe,  beaucoup 
d'entre  cu\  portaient  des  torches,  et  l'un  des  assistants  faillit  avec  la  sienne 
mettre  le  feu  à  la  bannière  de  Jeanne. 

Ils  (lovaient,  disaient-ils,  voir  Dieu  en  la  personne  de  Jeanne.  Ils  se 
sentaieni  tout  réconfortes  et  "  comme  ilésassicgcs  >■  par  la  vertu  divine  (|u'on 
leur  avait  dit  être  dans  cette  simple  pucelle. 

Quant  à  Jeanne,  elle  recevait  tous  ces  hommages  à  la  fois  avec  modestie 


«     EN     AVVM 


(HT    KST    NOTRF..     » 


Statue    rqufstpo   de  MM.    M.   MonEAu  et   1*.    I.k  ^TonDKz 
{^Appartient  à  la  Société  tics  Foniicries  du  l'ai  d'Osne.) 


s 


(:i»|)yn^;hl,  18».",]  [l'ar  llnr|i.r,  iVèrc^. 

sors   i.r,   FOUT  des   kh  unki.i.f.s 
D'itpivs    \o  l^^'^^ill    (II'    I'.    DuMONT,    ])iililir    iliiiis    \c    lltir/H/'s   Maîjaziiic. 


ORLÉANS   ET   REIMS. 


i63 


(■(  t'iiiolioii  ;  clic  lie  cacliail  pas  la  joie  douée  qu'elle  en  ressenlail,  mais  n'eu 
liiail  aueune  i^loire  pei'soniielle.  Celle  altitude  ne  faisait  qu'aeeioilic  l'eiilhoii- 
siasme  et  elle  eut  graiid'peine  à  i^agner  la  maison  de  .Taeques  Boueher,  trésorier 
du  due  d'Orléans,  près  de  la  |)orte  Bannier.  Elle  y  fui  reeue  avec  ses  deux 
frères,  qui  poiu-  eelte  fois  ne  songeaient  j)as  à  la  ncner;  Jean  de  Metz  et  Ber- 
trand de  Poulengy,  ses  deu.v  eompagnons  de  loute  enlre  Vaucouleuis  et 
Cliinon,  lesquels  toujours  fidèles  a\aienl  leur  plaee  mar(piee  en  ee  picmier 
triomphe  de  Jeanne,  se  tenaieni  aussi  près  d'elle. 

Les  tristes  juges  de  Rouen   de\aienl   lui   faire  grief  de  ces  iiicidcnls,  lous 


LES    I.NCEIMKS    DE     t.\    VII. Il;    DOKLUVNS 
D'.nprrs   un   ancit'ii    ]>I;iii. 


les  |)relc\les  leur  étant  hons  poui'  arriver  a  perdre  celle  dont  ils  a\ aient  a 
l'axanee  résolu  la  condamnation.  —  «  Ne  eonnaissiez-vous  pas  les  sentiments 
de  ceu\  de  votie  parti  (juand  ils  vous  baisaient  les  pieds,  les  mains  et  les 
vêtements?  —  Beaucoup  d'eux  me  \o\aicnt  volontiers,  repond  .Icaniie;  cepen- 
dant ils  me  haisaicnl  les  mains  le  moins  (pie  je  pouvais.  Mais  venaient  les 
pauvres  gens  volontiers  à  moi,  parce  ipic  je  ne  leur  faisais  point  de  déplaisir 
l'I   plutôt  les  supportais  à  mon   pouvoir.    » 

A  partir  de  ce  jour,  Jeanne  d'Vrc  était  dcveinie  le  chef  réel  de  l'arnK'c. 
Ses  adversaires  cependant  n'avaiciil  pas  renoncé  eom])lètement  à  leurs  senti- 
ments de  basse  jalousie  et  devaient  plus  d'une  fois  encore  tenter  de  l'éloigner 
des  conseils  du  Dauiiliin  cl  d'agir  sans  elle;  mais  le  peuple  l'avait  consacrée 
par  ce  triom[)lie  et  la  première  place  lui  appartenait  désormais  sans  conteste 
possible. 

Ici,  devons-nous  entreprendre  de  raconter  avec  détails  les  ('■vcnements 
de  la  délivrance  d'Orléans?  La  trame  en  est  assez  compliquée,  et  s'il  est   labo- 


i64 


.ii:a?snk  j)'AH(:   iiu;()>tkk  v\i\   i.imvck. 


l'it'UN    pour   riiisloi'icii  de    Li   iuclli<'  en   pleine  liiinièic,  il  ne  ICsl  i^uèi'c  moins 
|)Oiii'  le  Icciciii'  (le  le  siii\  ic  en  ce  dédale. 

Aussi  bien,  (jue  \oulons-n()iis  voii?  Jeanne,  el  elle  sniloul.  Son  fail  cl  sa 
personne  disparail raient  faeilemenl  au  milieu  i\i\  Inniulle  des  ('vénements  el 
(.In  yi'and  nond)re  de  eenx  qui  \    pretnieni  pari. 

Il  nous  a  donc  paru  plus  opporUni  de  demander  a  (|uel(|nes-nns  de  eeux 
f|ui  la  sni\ireul  pendani  ces  (|uel(|ues  jours,  de  nous  eommuni(|uer  leurs 
souNcniis. 

\\vc  eux  nous  sui\  rons  la  l'ueelle  comme  pas  à  pas;   nous  ^(■rrons  mieux 

ce    (|u'elle    lui    a    Orléans,    el 

dans    (|uels     seulimenls     elle 

^'f'        eonduisil   ee   lail    d'armes,  le 

lus   UrillanI   de   sa   l)re\c    el 

I) 

I  )  aulre  pari ,  le  calme  el 

ii^-       f!         la    uaiNcle   du   recil   (lucnons 

oui     ces       lemonis      prou\e 

|,j         d'une    manière    louclianic   la 

ç*-i'  sincérité  de  leur  lemoii;nai;e. 


^"^■.         adunrahie  cari'iere. 


D'.ijircs   iii    niiiiiiitiin-   (l'un    inaïuisci-it    llMliriûs  ttii   .w"   sit'clc. 

(^/îiOtiiil/u'f/in'  natiiifififf.  , 


(  .es  i;randes  choses  i;ai;uent  a 
être  dites  simplement,  sans 
empliase  cl  m(''me  sans  son- 
i;t'r  a  la  louaui^c  rormelle.  Trop  souvent  le  pauci^v  r'iste  se  i^ninde,  ou  du 
moins  se  hausse  el  s'eidle,  a\ec  sincérité  i\[[  reste,  par  le  lait  de  l'admiration 
(|u'il  ressent  et  plus  encore  peut-être  par  le  l'ail  de  celle  (pi'il  \eul  inspirer- au 
lecteur.    \u  fond  le  sujet  \   perd  en  L;randeur  et  en  \('rite. 

Laissons  doue,  louchani  ces  i;ra\es  e\euenients  d'(  )rleans,  la  parole  aux 
amis  de  .leanue  d'Arc,  a  ceux  (|ui  l'oul  \  ne  ai;ir,  entendue  parler,  el  (|ue  de 
leur  discours  lo\al  et  autorise  la  lii^nre  de  l'IuM'oïne  appar-aisse  à  uosncllx  en 
sa  elarté   pure  et  en  sa  sereine  i^randeur. 

J'A'Oulons  d'abord  le  pai^c  de  Jeanne,  Louis  de  (  .ontes. 

"  A  Oi'leans,  Jeanne  fut  loijce  dans  la  maison  du  trésorier  de  la  \ille,  eu 
face  la  porte  liannier.  Il  me  semble  mémi'  (jne  dans  celle  maison  elle  recul  le 
sacrement  de  l'Eneharistie. 

"  T.e  lendemain  de  notre  entrée  dans  la  ville,  Jeanne  alla  trouver  le  sei- 
gneur Bâtard  d'Orléans  et  |)arla  a\ec  lui.  Au  retour,  elle  était  fort  courroucée, 
parce  que,  disait-elle,  on  a\ail  décide'  fpi'il  n'y  aurait   pas  d'atta([uc  ce  jour-là. 


ORLÉANS   ET   REIMS. 


«  Néanmoins  elle  ;illa  a 
un  houU'xartI  des  Anglais 
cl,  pailant  au\  Ani^lais  fjui 
claicnl  dans  le  l)()nl('\ai(l  en 
l'ace  d'elle,  clic  Icuf  dit  : 
«  En  nom  Dieu,  relirez-vous, 
'  sinon  je  vous  chasserai  ». 
L'un  d'eux,  appelé  le  Bàlard 
de  Granville,  lui  dit  plusieurs 
injures  :  "  ^  eu\-lu  donc,  lui 
('  criail-il,  que  nous  nous 
"  rendions  à  une  feinmi-?  » 
Va  il  hai(ail  de  mescréans 
les      Français      (lui      claicnl 


Wi:/.    UON    t;(>LLK.    \Ul.s    AlKl.Z    I.V    UVMlLI.l:   MHS    ItUl.r   IJI.I.Al. 
lias-relief"  de   roYATlEn.    [Mtiscc  Jeanne   d'Arc,   à   Urléiiiis.) 


a\('c    elle. 

"    Sur  ce,  JeaiHie  rc\ lui 
à  son  loi;is  cl  monta  dans  sa  cliauduc.  .le  cro\ais  ([ircilc  allait  dormir,  lors(|nc 


I 


il; 


pres(|uc  aussitôt  elle  descendit  cl  nie  dit  :  "  Ha:  sanijtanl  i;arçou,  \ons  ne 
i'  me  disiez  pas  (|uc  le  saiii;  de  l'rance  l'iil  répandu  •■ .  lin  même  temps,  elle 
m  Ordonna    d'aller   (jucrir   sou   cliexal. 

"  l'endanl  (|uc  j'\  allais,  elle  se  lit  armer  par  la  dame  Av  la  maison  cl 
sa  fdie.  A  mon  retour,  je  la  trouvai  déjà  armée.  I^llc  me  connnanda  d'aller 
clicrclicr  aussil(')t  son  étendard  (jui  clail  reste-  dans  sa  clKunhre;  et  je  le 
lui  passai  par  la  l'euèlre.  L'eleiidaid  une  l'ois  dans  sa  main,  elle  partit 
au  i;alop  \crs  la  porte  de  llourgoijne.  "  Coins  après  elle  ■,  me  dit  l'hôtesse. 
Ainsi   lîs-je. 

"  Il  \  avait  eu  ce  moment  une  esearmouclie  \eis  la  bastille  Saint-Loup, 
cl  dans  celte  cscaranouclic  le  houlevard  l'ut   piis. 

1'  lui  route,  .leainie  reucoiilia  (|nel(|ues  Français  Messes,  ce  qui  la  làclia 
beaucoup.  Pourtant  les  \ui;lais  se  prcpaiaicnt  à  une  bonne  défense.  .Icauuc 
s'axanca  contre  eu\  en  liàlc.  Vnssit(')t  (pr'ils  l'aper-curenl.  les  Français  se  mirent 
à  pousser  de  grands  cris,  cl  fut  prise  la  bastille  Saint-Loup. 

■ Le  soir,  Jeanne  \int   souper    dans  sou    h(')tcl.    iJlc  était    1res  sobre. 

Bien  des  fois,  eu  toute  nue  journée,  elle  n'a  mangé  (|u'un  morceau  de  pain. 
J'admirais  qu'elle  mangeât  si  peu.  Lorsqu'elle  restait  chez  elle,  elle  mangeait 
seulement  deux  fois  par  jour. 

('  Le  li'ndemaiu,  \ers  ti'ois  licurcs,  les  hommes  d'armes  du  Uoi  passèrcnl  li' 


iG6 


JKVNNE    D'VUC    U  VCONTKK    JVVR    l/IMA(iK. 


llciiNC   pour  miU'cluM'  coiilrc  la   hasiillc  de  Saiiil-.lcaii-lc-lUaiic,  ([u'ils  piiiciil, 
ainsi   ([iic  la  hasiillc  des  Aiiguslins.  .Icamic   passa  la    Loire  a\cc  eux.  .['(Mais  là, 

lui       iiai'Ianl.      (  )n 


iculra  a  ()il<'aus, 
cl  .Icauuc  coucha 
ilans  sou  IkMcI 
a  \  ce  (|uc  1  (|ucs 
Icniuics,  selon  son 
lial)ilu(le.  (:lia([ue 
nuiu  aulanl  (jue 
possible,  elle  a\ail 
inu'  i'ennne  pour 
eonipai^ne  de  lit. 
(Miaud  elle  n'eu 
pouxail  Irouvcr, 
en  i^uenc  et  en 
eanipai;ne,  (Ile 
eoueliail  loul  lia- 
hillee. 

"  l,e  jouf  sui- 
'i  \anl,  niali;i-e  l'op- 
position de  plu- 
sieurs seit;iieurs 
(|  u  i  I  l'ou  \  aient 
(|  u  (d  le  \  ou  la  i  I 
mettre  les  «jcns  du 
l'ioi  eu  i^i'and  pc'- 
ril,  .Icamu'  fil  ou- 
M'ir  la  porte  ào 
r>our<^()i;iie,  ainsi 
(pi'uue  pelile  porte 
sise  près  de  la 
grosse    toui-,    et 

passa  l'eau  avec  les  liommcs  d'armes  pour  aller  allaquer  la  hastille  du  pont, 

que  les  Anglais  IcnaienI  encore. 

"   T>à  les  gens  du  Hoi  restèi-ent  en  aelion  depuis  la  première  heure  jusqu'à 

la  nuit.  Jeanne  fut  blessée  cl  l'on  dut  lui  ùUr  son  armiue  pf)ur  la  [lanseï'. 


I.  AKAllili    UU     ROI    ASSlliiit    L\     \II,LE    I)  ORLEANS 

D'aprt'S  la  iniDiature  d'un  manuscrit  français  du  xv"  siêclu. 


ORLEANS   ET   REIMS. 


167 


JIUSNF.    AU    COAIBVT 
D'ajU'i'S    iitl   l>as-rclifi    cvi-ciitr    par  (lois    en    180/,:   actiicllenn'iit    à   Ol-lcails. 


«  Aussitôt  pansée,  elle  s':iiiii:i  de  n()u\c;iii  et  ;ill;i  ;ncc  les  jiiilics  ;'i  rnllaquc 
cl  il  l'assiuil. 

"  \\c/.  I)<)ii  ('(rue,  Iciii'  (lisail-cllc  :  ne  \(iiis  l'clircz  pas;  nous  aiirc,'  la 
l)aslillc  sous  l)i('l'(lclai.  '• 

l^llc  ajoiitail,  à  ce  (|iril  inc  scmlilc  :  ■  (hiaiid  yous  \cric/.  (|iic  le  ncmI 
pousse   les   haiinièros   \eis   la    hasiille.    elle   sera   à   \()iis  ». 

«  Tanl  V  a  fju'oii  elail  siii'  le  soii'  cl  <|ue  les  ijcns  du  Uoi,  \()\aii(  ((u'oii 
n'a\aueail  |)as  el  (|ue  la  uiiil  elail  pioche,  coinnuMicalciil  à  descspcicr  de  la 
prise  de  celle  hasiille.  Jeanne  |icisislail  (|uaiid  incine  cl  piomcllail  (pie  sans 
l'aule  011  aiiiail  la  hasiillc  ce  joiii-la. 

"  Sui-  son  assurance,  on  se  disposa  à  un  dernier  assaiil.  ('elle  fois,  les 
\ni;lais  eessèrenl  U)ule  l'csislaiicc.  i.'cpoin  aille  les  saisit  el  prcs(pie  Ions  f'iircnl 
iioves.  I)e\aiil  celle  snpi-ènic  alhupie,  ils  n'a\aienl  pas  mèiiie  elierclic  à  se 
défentlre. 

»  \a'  leiideniain,  lous  les  \nglais  (jui  elaienl  à  Orléans  se  relircrenl  a 
]>eauL;eney  et  à  Nevers. 

c<  ...T.e  jour  du  eonilial  \eiiu,  les  Anglais  déeampèreiil  de  licaiii^ciicx . 
Les  gens  du  Roi  de  se  nicllic  a  leurs  Irousses  en  compagnie  de  .leaiine. 
I^a  Ilire  eonduisail  ra\aiil-gai(lc  :  di-  (pioi  Teanne  fui  fori  coniraricc,  car 
elle  désirail  lieaucouj)  avoir  la  charge  de  l'avant-garde.  l>a  Ilire  loinha 
sur  les  anglais.  On  se  hallil  el  la  Aicloirc  fui  à  nos  lionimes.  I*res(pic  lous 
les  ennemis  furent  lues. 

«  Jeanne,  qui  était  1res  eoinpalissanle,  eut  grandi'  pilic  crune  lelle  hou- 
elierie.  Voici  un  Irail  ipii  le  prouve.  Un  Français  qui  eonduisail  (pielques 
Anglais  eaplifs  venail  de  frapper  l'iin  d'iux  à  la  lète  si  forlenieni,  (pie  riionniie 


[68 


.IKANAF.    D'MU:    lîVCOXTKi;    I' V  II    LTMVr.R. 


loiiilia  i-omiiic  iiiorl.  \  celle 
MIC  .leimne  (lescendil  de 
<'li<'\al  cl  lil  eonfesser  l'Vii- 
i;lais  en  lui  soiilcnaiil  la  lèle 
cl  en  le  eoiisolani  selon  son 
|ion\oii'.    M 

.Ican  l'as(|nerel,  l'ainiio- 
niei-  (le  Jeanne,  (|iii  l'aceoni- 
|iai;nail  pailonl,  nons  doiuie 
en  sa  deposilion  <(iiel(jncs 
delails  (jui  eoni|ilelenl  le  i'('- 
eil  (In  |>ai;c  Lf)nis  de  (  '.onles. 
I.n  lui,  l'obseiNaleiu-,  ou  le 
\oil,  s'esl  place  à  nw  anire 
|)oiul  (le  Mie  el  eonsidiTe 
pailieuliei-enieni  en  .leaiiue 
le    e(')le    surnalnicl. 

Son  reeil,  l'or!  simple, 
eouune  celui  du  pai;c.  nous 
nionli'c  CM  Jeanne  la  \  ier^c 
pieuse.  Il  nous  dil  aussi  à 
(pielle  source  loujoiirs  l'c- 
nouxclec  par  les  prali(|ues 
ehrelienncs  elle    puisail    le    eouiai;e    de    hiller    el    la    l'ofcc    i\v    \aincre. 

•   Le  lioisienie  jour,  dil-il,  on  aiiixa  a  (  )ileans (  hiani  a  moi,  sur  l'ordre 

de  Jeanne,  je  relouruai  a  lUois  a\ec  les  pr("'lres  el  la  hannicic.  l'eu  de  jours 
après,  a  la  suilc  d'une  ([uanlile  d'Iionunes  d'armes,  je  re\ins  a  (  )rleans,  par  la 
lieauce,  a\ec  la  hanniere  cl  les  pr(''lres,  sans  aucun  emp('cliemenl.  \\anl  \u 
noire  arri\ee,  Jeanne  se  icndil  an-de\anl  de  nous,  el  nous  enhànies  tous 
eiisendile  dans  la  \ille.  Il  n'\  cul  aucune  résistance;  nous  iniroduisimes  des 
\  i\  res  sous  les  \  eux  m(''mes  des  \ni;lais.  (  i'elail  là  cliose  mer\  ci  lieuse.  Les  \ni;lais 
claicnl  en  i^rande  puissance  el  en  grande  mulliludc,  evcelicmmeiil  arm('S  el 
|)rt"'ls  au  comhal  ;  el  ils  s'apercex  aieni  Lien  (|ue  les  j^ens  du  Roi  f'aisaicnl  maiijrc 
lii;ure  \is-a-\is  d'eux.  Ils  nous  xoxaieni;  ils  enleudaieni  clianler  nos  prèlres 
au  milieu    clescjucls   j'clais,  porlani    la    i)aiinière.   l-li    Lien,  ils   restèrcnl    tous 


jk.vnm:  1)  abc  au  sik(;i;  u  dbi.i-ans 
CiiiviMC  il'Alui  urAM  l'.dssE,  «l'.ipivs  \  icxux,  peur  In  Piutllc  ik-  Ciiai'Elai 


1.   Josepli  Fal)if.  Pnici-s  dv  i-tliuhiHtatiuii.  l.  I.  p.  221   i-t  suiv 


&'nÂe-e--  't-'U(?///A//a/<'     /-/y^-  ,_.^a,nf 


Z/-*nft .  lS(-  ff^Mmarî^.' 


ORLEANS   ET   REIMS. 


169 


iinpassihU's,  t>l  ni  pi-èli-cs  ni  liommcs  d'armes  n'eurcnl  a  snhir  an<  une  alla(|ue. 

«  A  peine  elions-nons  à  Orlc'-ans,  que,  pressés  par  Jo-anne,  les  hommes 
d'armes  sorlirenl  de  la  \ille  pour  aller  allaquer  les  Anglais  e(  l'aire  l'assanl  de 
la  bastille  de  Sainl-Loup.  Ce  jonr-là,  d'anlres  pr-èlics  el  moi  nous  nous 
rendîmes,  l'après-midi,  an  logis  de  Jeanne.  Au  momenl  ou  nous  ai-rivions 
nous  l'entendîmes  qui  eriail  :  <<  Où  sont  eeux  qui  me  doi\enl  armer?  Le  san"- 
«   de  nos  gens  coule  par  (errey  » 

«   Avant  été  armée,  elle  sortit  préeipilammenl  et  eomiil  a  la  hasiille  de 


«     UN    NOM    DIEU,     m; TIllK/.-VOlS,     OU    JE    VOUS    CHASSEHAI  !     » 
D'ajn-fi   (II)   dessin   de   Vai.entini. 


Sainl-Lou|),  ou  a\ail  lieu  ralla(|ne.  l'.n  roule,  Jeanne  renconira  plusieins 
l)less(''s.  Elle  eut  une  1res  giande  douleur....  Il  y  eut  la  beaucoup  d'  \nglais  mis 
à  morl.  Jeanne  s'en  afdigcail  beaucoup,  parce  que,  disail-cllc,  ces  pau\res 
gens  a\  aient  été   tu('S  sans  confession,   el   elle  les   plaignait   i'oil.    - 

A  la  ^ue  de  eclle  morl  iMO|)inee,  Jeanne  s'cHraxail,  cl  sa  délicate 
conscience  s'inquic'Iail  poin-  son  propre  salut.  «  On  ne  peut  jamais  trop 
nettoyer  sa  conscience  ■■,  disail-cllc  sans  doute  comme  à  lUnien.  cl  «  sur 
place,  eonlinue  Jean  Pas((uerel,  elle  se  confessa  à  moi.  En  même  Uinps,  elle 
me  prescii\il  d'a\crlir  |)nbliqucmcnt  tous  les  hommes  d'armes  de  confesser 
leurs  pèches   cl    de    rendre  grâces   à   Dieu    pour    la    \ic(()irc    obicnuc,    sinon 


170 


JEANNE    D'AllC   RACONTEE   PAU    I/IMAGE. 


elle   ne    les    ;ii(lcr:iil    plus    cl     ne    l'ostciMil    plus   nièuic    en    leur   fompagnic. 

«  Le  soir  du  même  jour,  fiant  en  mon  logis,  Jeanne  me  dit  que  le 
lendemain,  «jui  elait  le  joiu-  tle  l'Ascension  de  Notre-Seigneui',  elle  s'abstien- 
drait de  guerroM'r  et  de  s'armer  par  icNerenee  de  cette  fête  solennelle,  et  que, 
ce  joiu'-là,  elle  voulait  se  confesser  et  eommuniei'.  Elle  le  fit  ainsi.  Elle 
ordonna  même  (|ue  nul  ne  pensât  à  sortir  le  lendemain  t\i'  la  \illc,  cl  à  allci- 
alta(|ucr  ni  faire  assaut,  qu'il  iic  se  fui  prcalahlcmenl  confessé.  I*>ilc  ajouta 
(ju'on  j)ril  garde  cpie  des  femmes  dissolues  ne  lissent  |)artie  de  sa  suite,  car, 
à  cause  de  leurs  ])ccli(''s.  Dieu  pcruiclhail   <|u'ou  ail    le  dessous. 

«   C'est  en  ce  jour  de  1' Vscensiou  tjuc  Jeanne  ccii\it  aux    \nglais  i-etran- 

eliés  dans   leurs    hastilles T. a    Ictirc    une   fois   cci'itc,   elle   prit    luu'    llèdie, 

allaclia  au  bout  sa  missixc  avec  un  lil,  et  oi'donua  à  un  ai'clicr  de  la  lancer  au\ 
Anglais,  en  criant  :  «   l,isc/.,  ce  sont  nouvelles    ". 

Les  \nglais  lisent  la  Icllrc,  puis  se  melteni  à  l'rier  cl  a  insulter  grossière- 
ment Jeanine.  "  \  ces  mots,  poiu-suil  Jean  l*as(|ucrcl,  Jeanne  se  lucl  à  soupirer 
et  à  pleurer  al)oudannncul ,  iM\o(|uant  le  Uoi  des  Cicu\  à  son  aide.  r>icut(')t  elle 
fut  consolée,   parce  que,   disait-elle,  elle  a\ail   des  nouvelles  de  son  Seigneur. 

«  TjC  soir,  après  souper,  Jcaïuic  me  dit  (|u'il  nie  faudrait  le  Icndciiiain 
maliii  me  lc\cr  plus  tôt  (|ue  le  jour  (\v  1"  Vscensiou,  et  que  je  la  confesserais  de 
très  grand  m;ilin. 

«  En  consé(juence,  le  lendemain  vendredi,  je  me  levai  dès  la  pointe  du 
jour;  je  confessai  Jeainie  cl  je  clianlai  la  messe  dcAanl  elle  et  ses  gens,  fuis  elle 
et  les  hommes  d'armes  allèrent  à  l'attacjui',  qui  dura  du  malin  jusqu'au  soii-. 
Ce  jour-là,  la  bastille  des  Augustins   fui   prise  après   i\])   gi-and  assaut. 

'<  Jeanne,  (|ui  a\ait  Ibabiludc  de  jeûner  tous  les  \endrcdis,  ne  le  pul  celle 
fois,  parce  (pi'clle  avait  eu  trop  à  faire,  \insi  elle  soupa.  Elle  \  euail  d  achcv  ci' 
son  repas,  lorscpic  \inl  à  clic  un  noble  et  vaillant  capitaine  dont  je  ne  me 
rappelle  plus  le  nom.  Il  dit  à  Jeanne  :  «  Ees  capitaines  sont  rassembles  en 
<t  conseil.  Ils  ont  reconnu  (ju'on  elait  bien  peu  de  Elançais  eu  égard  au 
et   nombri'  des  Anglais,  l't  que  c'était  par  grande  gi'àce  de  Dieu  ([u'ils  avaii'Ut 

"   obtenu  (juclques  avantages Dès  lors,  le  conseil  ne  ti-ouve  pas  expédient 

«  que  les  hommes  d'armes  fassent  demain  ime  sortie   ». 

«  .Teanne  répondit  :  «  A'^ous  avez  été  à  votre  conseil  et  j'ai  cle  au  mien. 
('  Or,  erovez  que  le  conseil  de  mon  Seigneur  s'accomplira  cl  tiendra  et  (juc 
«  le  vôtre  périra  ».  Et,  s'adressani  à  moi  qui  clais  près  d'elle  :  "  Levez-xous 
<(  demain  de  ti'ès  grand  matin,  encore  plus  (juc  vous  ne  l'avez  fait  aujom-- 
«   d'hui,  et  agissez  le  mieux  que  vous  pourrez.  Il  faudra  vous  tenir  toujours 


(I     Ol    VM)     I.K     VENT     IMUSSKKV     r.l.S     llVNNiFKES     VEUS     l.\     ItVSflLLK,     Kl, LE     Si;U  V      V     VOUS.      » 

L)"a[)i'cs   une   jiriiiiuir    iiuirale   cxri-ntL'c   {mv   1.ese.v\eu   au    Paiithi-mi. 


ORLÉANS   ET   REIMS. 


.73 


«   |)i't's  (le  moi,  car  demain   j'aurai  fort  à  faii'c  vi  plus  ample  besogne  (jue  je 
«    n'aie  jamais  eue.  l'^t  il  sor-lira  An  sang  de  mon  corps  au-dessus  ilu  sein   ». 

Le  lendemain  le  combat  a  lieu,  el  .leanne,  l'apiès-diner,  lui  fiappc'c  d'une 
(lèclie  au-dessus  du  sein.  Ouand 
elle     se    sentit    blessée,  elle  eut 
peui-,    elle   [ileura    el    puis    dit  : 
«   Je  suis  eonsolee    >• . 

«  On  applitjua  siu'  sa  bles- 
sure de  l'buile  d'olive  avec  du 
lard,  poursuit  l'as(juerel,  el,  ce 
|)ansement  fait,  Jeanne  se  con- 
fessa à  moi  en  pleurant  et  se 
lamentant.  Ensuile  elle  relourna 
dereelief    à    l'assaut    en    criant   : 


OHLKANS    DliLIVHK    PAR     I.  V    PI  CKI.Lli    UOUl.liVNS 

(8   M\I    I  iïy) 

(m'IUUITS    l'Xtl'.llll'S   (lu    lOCIIl'il    (le  JcilTl    (Ic    Bic    (|(jj(i).    (/)//■/.   IIOl.) 


«  (llasdas,  (ilasdas,  renli,  renti  au  Koi  des  ('.ieu\.  Tu  m'as  insultée,  j'ai  grande 
((    pitié  de  Ion  âme  et  de  celles  des  tiens    >>. 

"     \  ce  moment,  tilasdas,   arnu'  de  la  tèle  au\  pietls,  tomba  dans  la  l>oire 
el  fut  no\(''.  Jeanne,  émue  de  pilié,  se  mit  à  pleurer  forlement  poin-  l'àme  de 
Clasdas  et  des  autres,  no\és  en  grand  nombre.    » 
l'as(|uei(l  ajoute  a  son  récit  celle  remar(pie  : 

«  J'ai  son\enl  entendu  Jeanne  rc|)eler  qu'il   n'\    avait  dans  son  fail  (|u'un 

pni'    ministère;     el 
^rVliUs.,.-^^  (juand  on  lui  disait  : 

«  Mais  rien  de  Ici 
ne  s'est  \u  comme 
ce  (|ui  se  \oit  en 
\()lre  Tait;  en  au- 
cun li\  re  on  ne  lit 
telles  clioses  »;  elle 
r(''pondait  :  "  jMon 
((  seigneur  a  un 
u  livre  dans  lequel 
«  oncques  nul  clerc 
«  n'a  lu,  si  fort  soit-il  en  eléricature  ».  Citons  encore  ces  lignes  du  témoi- 
gnage de  l'aumùnier  de  Jeanne  :  «  Souvent,  la  nuit,  je  l'ai  vue  se  mettre  a 
genoux  en  priant  Dieu  pour  la  |)rospérité  du  Roi  el  pour  l'aclièvement  de  la 
mission  (ju'elle  tenait  de  Dieu. 


IHF.DMLLFS    FRAPPEES    EN    I.  HONNEUR    DE    JEANNE    D   VKC 

Evtiailis  (1(1   recueil   de  Jc^iin  de  Ilie.   [Bih!.   nal.) 


r74 


JEANNE    DARC    RACONTÉE    PAR    LIMAGE. 


JEVNNF.    t:OMIÎVTI  \NT 
(ira\  iii'i'   di'   Dri'l.Kssls-IiERT.vrx   il".ipri-s   I,  v   Tite. 


"  ...  (hiand  on  ('lail 
cil  cainijai^iu',  les  vivres 
inanf|iiaieiil  ()iielquefois  ; 
mais  jamais  .leaniie  n'aii- 
rail  Noiilii  maiii^ci'  des  ali- 
ments re(|uis  par  pillage, 
i'.lle  a^ail  une 
i^rande  pilie  des  soldats, 
même  de  ceux  (jui  étaient 
(lu  parti  des  Aiii^lais.    ■■ 

l*nis<|ne  nous  a%ons 
\oulu  recueillir  des  lèviTS 


mêmes  de  ceux  i|ui  en 
lurent  les  témoins  les  laits  de  .Jeanne  d'\reau  sieL;e  d'()rleans.  il  \  aurait  lieu 
de  ciler  loui^uemenl  encore  le  tcnioii;naj;e  de  l'intendant  de  la  i'uccllc,  le 
clicxalier  nicssirc  .Ican  dVnlon.  Le  rapport  <|u'il  rediijca  pour  le  procès  de 
l'cliaUililation  ahondc  en  détails  l'oit  intéressants.  Mais  déjà  les  tcmoii;nae;es 
elles  ont  en  i|ucl(|uc  étendue  et  nous  pomrions  l'atii^ucr  le  lecteur  en  \  ajou- 
tant eelni-ci. 

]\()us  Noidons  toulelois  ciler  ces  (|ucl(|u<s  lii^ncs.  La  déposition  de  .lean 
d'\ulon  ne  l'ut  pas  traduite  en  latin;  nous  a\ons  la  Lonne  fortune,  —  trop 
rai'c  en  ce  procès,  —  i\c  la   posséder  en    langue   Irancaise. 

«  Dit  (Jean  d'Vuioni  (|ui'  incontinent,  il  (lui^  (pii  parle  su\\it  ladidc 
Piirelle;   mais    silosl    ne    scciil    aller    ([u'cllc    ne    Icnsl    ja    a    icellc    porte. 

«Dit  (pic,  ainsi  ipiils  arri\aicnl  a  icellc  |)orle,  \ircnl  (pic  l'on  apportai! 
l'un  (les  gi'iis  d'iccllc  (•il('' (<  )rleausi,  lequel  clail  Ires  fort  Mecie.  l'.t  adonc  la- 
dicte  Lncellc  demanda  a  ceux  (pii  le  portaient  (pii  estail  cestiix  lioiume; 
les(|iiels  lui  lespondirent  (|ue  c  Clait  uiig  Irancais.  Ll  lors  elle  disi  (pic  jamais 
n'a\ail  \eii  sang  de  Fran<_'ois  (juc  les  clicxeulx  ne  iu\  lésassent  ensiu'  '<  isur 
la  tète). 

I^a  déposition  de  Simon  r>eaucroix,  éeuver,  eontieni  aussi  de  fort  inté- 
ressants détails.  Mous  lui  cmprunlons  sculemcnl  ce  passage  :  "  I^e  lendemain, 
les  gens  du  I>oi  sorlircnl  pour  cond)allre  les  \iiglais.  (Icux-ci  à  la  mic  des 
nôtres  s'enfuirent.  \  ()\ant  les  Anglais  fuir  et  les  Français  se  mettre  à  leur 
poursuite,  .leanne  dit  aux  FiJUK-ais  :  «  Laissez-les  aller,  ne  les  tuez  pas;  (ju'ils 
«   se  retirent,  leur  retraite  me  suffit  ». 

^  oilà  donc  Jeanne    telle  (jue    nous  la   montrent  les  gens  de  sa  suite  ou 


ORLÉANS    ET    REIMS. 


philot  (le  son   iiiliniilr,  son    iuimoiiii'i',  son   page,  son    inlcndanl,  en  ci's  jours 
fameux  de  la  dclix  raiicc  d'Oilcans. 

Nous  la  i-clrouvons  telle  que  nous  ^a^()ns  \ur  jiis([u'iei  à  Domi-emy, 
à  Vaucouleurs  et  à  C.liinon.  l'Iiisicuis  auli'cs,  à  sa  place,  auraient  pris  à 
Orléans  une  attitude  qu'ils  n'avaient  pas  la  \cille.  Ea  gloire  est  venue  avec 
le  succès  et  avec  la  gloire  l'autorité  ou  plutùt  la  puissance.  Ees  seigneurs 
pâlissent  près  d'elle,  et  la  majesté  même  de  la  personne  royale  subit  ([uelcpic 
ombre. 

Jeanne  reste  simple,  douce  et  vaillante.  Nature  \raiuicnt  granile,  ou  li'S 
dons  les  plus  di\crs  et 
parfois  les  plus  opposés 
se  rencoutreni  cl  se  fou- 
dent  en  nue  liarnionie 
parfaite,  eu  lui  é'(juilii)re 
qui  ne  se  rompt  jamais, 
a\('c  lui  cliai'uie  indeli- 
nissable. 

Aussi  en  un  jour 
Con([uierl-elle  la  place 
éminente  (|ue  jusfju'alors 
on  lui  a  refusée  ou  du 
moins  disputée.  ■•  Dès  ee 
moment,  dit  lovalement 
J)unois,  j'eus  bonne  esp(' 
ranee  de  Jeanne  |)lus  (|ue  je  n'axais  fait  jus(|ue-là.  "  Eui  seul  |)eul-èlre,  parmi 
les  chefs,  l'avoua  avec  celle  sincérité;  mais  Ions,  (|uoi  (pi'ils  fissent,  subirent 
ce  pi-cslige  étrange  el  fort  (|Uc  .Icanne  imposait  autour  d'elle. 

Elle  est  à  la  fois  velienieule  et  sage.  Dès  le  lendemain  de  son  arrivée  a 
OrU'ans,  elle  \eul  cou  d)a  lire.  Ee  conseil  s'\  oppose  cl,  nous  dit  Eouis  dc(  Ion  les, 
«  elle  fui  courroucée  (|u'il  n'\  eût  pas  d'alta(pie  >>. 

Bienir)l  loulefois,  toujours  souple  et  mailresse  d'elle-même,  elle  se  i-eprend, 
et  la  voilà  (|ui  \a  droil  à  la  bastille  oii  sont  les  Vnglais,  parlemeulc  elle-même 
avec  eux  el  les  exliorle  à  se  retirer.  Ees  \uglais  l'insullenl,  elle  renli'c  au  logis 
et  se  met  au  lil. 

A  peine  elle  a  commenet'  de  dormir  (pi'iui  grand  bruit  la  réveille  :  c'est 
ime  escai'mouclie  (|ui  s'ouvi'c  avec  l'Anglais.  Jeanne  se  lève  en  hâte,  et  il  faut 
enleudre  les  propos  <|u'elle  lient  el   (jue  nous   rapportent   les  divers    témoins. 


i.i;  siiii;r.  i>  uisi.i-.ans 
l)\i|iiis   II-   l;ililiMU   cl..'    DollEL,   grivvr   par   MïucinMi    (1781)). 


-6  JEANNE   D'ARC    IWCONTKK    PAR    l/IMVGE. 


Eli  qiii'ls  mots  singulifrcim-iil  ptMirliaiils  elle  liadiiil  son  iiiipaliciicc  cl  sa 
douleur  :  «  Où  sont  ceux  qui  me  doivent  armer  ?...  I>e  saii^;  de  nos  i^cns  coule 
parterre!...  »  Son  [)ai;c  arri\c  toul  ellarc  :  "  Vli!  saiii;laiil  i^arçon,  lui  cric- 
t-olle,  lu  lie  me  disais  pas  que  le  saiii;  de  l'raiicc  fui  répandu!  ■  —  •  Le  san^ 
de  Franee!  >■  Avail-ou  dil  le  mol  avant  elle?  1^1  toul  a  l'Iieure  elle  dira  eneore  : 
«  ,U'  n'ai  jamais  vu  eouler  sani(  de  Eraueais  (|ue  les  eiie\eu\  ne  me  dressent 
ensur  ». 

Mais  voiei  qu'on  l'arme;  tout  le  monde  y  aide  :  son  hôtesse,  iiohie  daine, 
('pouse  du  tr(''Sorier  du  dire  d'Orléans,  (pii  se  mel  a  la  l)esoL;ue  pour  ceci 
comme  une  simple  suivanic;  puis  dliarlotti',  sa  lillc,  (pii  tout  a  l'Iieure  doriiiail 
aux  côtés  de  Jeanne;  puis  Jean  d'Aulon,  rinleiidanl  de  la  l'ucelle,  (|ui  lui 
boucle  tant  hieii  (pie  mal  un  coin  de  rarnuire.  l'endanl  cela,  le  pai;c  est  aile 
(luerir  l'iMeiidard  dans  la  cliainlirc;  il  le  passe  par  la  l'enèlrc  a  l'Iicroiiie, 
(|ui  part  au  trijile  ijalop.  >'  l>e  ïvn  en  jaillit  des  pierres  du  pa\e,  ■  dil  un 
leinoiu.  <•  Cours  après  elle,  ■  crie  l'Iiôtesse  à  Eouis  de  Contes.  Jean  d' Viiloii 
\('Ul  la  siiix  rc  aussi,  mais  ><  silol  ne  sut  aller  (prcllc  ne  fVil  déjà  a  la  porte  de 
IJouriiOi'iie  » . 

Et  Jeanne  va,  va   toujours,  au  i;alop  de  son  elieval. 

Quelle  scène! 

Et  cette  autre?  Au  |)lus  lôrl  de  sa  course  elle  reiiconlre  un  soldai  lilcssè 
(lu'on  lrans|)orte.  La  ijucrriere  l'ail  place  à  la  douce  \icr>;c,  cl  la  \oiia  qui 
s'arrête  court,  descend  de  sa  inouture,  panse  le  moriliond.  comme  si  elle  eût 
\()ulu  remplacer  |)rcs  de  lui,  à  "  ce  [las  de  la  mort  »,  comme  elle  disait  a 
Uoucii,  sa  mère  absente,  et,  gémissant,  dit  ce  beau  mot  (|uc  nous  citions  tout 
à  riieurc  :  <  Je  n'ai  jamais  mi  de  saiiy  français  que  lesclie\cu\  ne  me  dressent 
ensur   )) . 

^Nlais  la  voici  remontée  à  elie\ah  les  l'rancais  l'apercoivenl.  Dès  lors  ce 
sont  des  cris  de  joie,  c'est  la  lutte  héroïque,  il  eu  un  instant  c'est  la  \ictoire. 

Jeanne,  après  ce  haut  fait,  rentre  en  son  loi^is;  il  est  tard.  Elle  mange  un 
peu  de  pain,  se  met  au  lit  l't  dort  de  son  bon  sommeil  di'  jeune  iillc  ou  plutôt 
d'enfant. 

Le  lendemain  elle  retourne  au  combat,  (jaucouri  tient  fermc'c  la  porte  de 
Boureroone  et  refuse  de  l'ouvrir.  «  Vous  êtes  un  mecliant  homme  »,  lui  dit 
Jeanne.  Elle  insiste,  la  foule  la  seconde  cl  Gaucourl  les  laisse  passer. 

Ee  combat  s'engage.  Jeanne  est  blessée,  ainsi  qu'elle  l'avait  annoncé  la 
veille  à  Jean  Pasqucrel.  V  la  \  ne  de  son  sang,  elle  gémit,  se  lamente,  pleure  : 
elle  est  femme.  Alais  on  la  panse  avec  de  l'huile  cl  du  lard.  Elle  «   se  sent 


ORLEANS    ET    REIMS. 


'77, 


consolée  ",  soiuil,  ir\iciil 
au  L'oml)at,  raiiiiiK'  l'ardeur 
des  gens  d'armes,  et  les 
Anglais  sont  battus. 

^"oiei  qu'iui  jour  f.a 
Hire  a  pris  le  commande- 
ment de  l'avant-garde. 
Jeanne  en  maus^rée  inaénu- 
ment,  comme  une  enfant 
déçue,  et  sur  l'heure  et  sur 
place  dit  son  fait  à  La  Hire. 
C'est  que,  nous  dit  son 
page,  «  Jeanne  en  était  foil 
contrariée,  car  elle  désirail 
beaucoup  avoir  la  cliaige 
de  l'avant-garde  » . 

Mais,  véhémente  et  im- 
patiente du  repos,  elle  ne 
perd  rien  de  sa  douceur;  elle 
va  dans  quelques  instants 
rencontrer  un  soldat  anglais 
que  l'on  malmène,  i^llc  des- 
cend de  che^al,  reprend 
vertement  celui  qui  a  fra|)|)e 
cet  homme,  prend  dans  ses  mains  la  tète  du  blessé,  la  pose  sur  ses  genoux, 
le  console  et  le  fait  confessci'. 

Ne  faisant  rien  comme  aiilrui  cl  toujours  heureuse  en  ses  idées,  elle  xeut 
('■crire  aux  Anglais.  Comment  cm  on  ci'  le  messager?  Ils  hii  gardciil  ses  hérauts 
et  les  menacent  de  moil.  Illle  appelle  un  archei-,  attache  la  lettre  par  un  lil 
à  une  flèche  et  la  l'ait  lancei'  dans  la  bastille  anglaise,  en  disant  :  •.<  Lisez,  ce 
sont  noux  elles  »  . 

Là-dessus  les  Anglais  l'iusultcnt.  Kn  entendant  leurs  injures,  elle  pleure, 
mais  se  recueille,  en  prend  son  paiti  et  dit  :  «  Je  suis  consolée,  mon  Seigneur 
m'a  donné  de  ses  nouxelles   ». 

Elle,  si  douce  aux  blessés,  si  sensible  à  l'injure,  n'est  pas  moins  \ aillante 
dans  la  conduite  de  ses  desseins  (|u'intrcpiile  sur  le  champ  de  bataille. 

Dunois  lui  annonce,  non  sans  enibarias,  que  le  conseil  a  decitlc  (pic  l'on 

aï 


JEANNE    BLESSEE    SOUS    OKI.EANS 


l)'.i|n-<s  un  dessin  d'A.  de  ?»euville  jiublié  djiiis  i'IIistoirc  de  France 
de  GuizOT.  {Hachette  et  6'"",  èilitcitrs.) 


.IEANM:    I)  arc    nVCONTKK    PAU    LIMAGE. 

ne    i-()ml>alli;i   plus  a\iml    (juclfjiit-s    jours.    «    N'ous  avez   clé    à 

\()li('  cousril,   j'ai  de  au   mien;    le    conseil    de  mon  Scii>neur 

liciidia  cl   s'accomplira,  cl  le  vôlrc  périra.    »  Là-dessus  elle 

dcçi(k'    (juou    se    hallia    Iv    lendemain;    elle    annonce   à    son 

aumùnier   (pTclie   sna  hie-isee  au-dessus  du    sein,  cl    (jn'il   ne  la 

faudra  pas  laisser  scuk'. 

Le  combat  a  lieu  cl   la   \ictoii'e  le  couronne. 

En    vérile.  (|uelle   lii;ure   placer   prés  de   celle  de  .Teanue?   V 
a-l-il    rien  au   monde  qui   rappelle   son  l'ail,   personne  (|ni    lui 
rcssenil)le  nuMUe  de    loin? 

(Juel      inipelticuN     i;énic!    (|uelK'     \oloule     \elie- 

ineiile,   pi-oniple   cl  loujours  eflicacc!    l'rés  de  cela, 

conihien    de    douceur,    de    honte,    de    compassion, 

d'ini-x'-iuiilc,    de    limidile    reniinine!   (hie   de    cliarnu' 

elraui^i'    dans    les    larmes    i|u'elle    \erse   et    les  i^cmissc- 

nenls    (|ni    lui   ecliappcnl  !    I.l    (oui   aussili'jl    (|u<llc  licrlc 

sonvciainc  (|nand   elk'  impose  scsnoIouIcs   aux  ^;rands! 

C;lier-d'(i'U\i'e  de   la  main   de  Dieu,  (leur  loiiclianle 

cl    sua\e   en    même    lenips    <|ue    lielle    de    noire   lerre  de 

l'ranci'.    Iionneiu'    du    se\e    (|ui    csl    le    sien,   cl  modèle 

parlait   du   courage   \iiil    le   plus  assure! 

Et  avec  tous  ces  dons,  cl  au  milieu  des  succès 
(ju'ohlicnl  son  action.  (|uelle  con>lanle  modeslie.  (piclle 
luimilité  l)ien  comprise!  (  )n  lui  dil,  cl  bien  juslemenl 
du  reste  :  «  Rien  de  tel  iw  s'est  \i\  comme  ce  (|ui  se 
\oit  en  \otre  fait:  en  aucun  livre  on  ne  lit  de  telles 
choses.  —  (l'est  u\\  cerlain  minislere  (juc  j'ai  reçai, 
répond-elle,  cl  voilà  toul.  Il  a  plu  à  Dieu  ainsi  faire  pour 
une  simpli-  pucelle   >< . 

(  !'est  là  sans  doule  sa  plus  b:'lle  \  icioire,  car  elle  la 
remporte  sur  elle-même.  De  cette  humilité  on  ne  la  ^  il  jamais  se  dé|)aitii' un 
in.->lanl  cl,  contiasie  bien  frappant,  celle  humilité-  n'a  d'cijile  en  elle  (|ue  la 
dignité'  haute  cl  forte  avec  lafjuelle  celle  enfant  de  di\-liuil  ans  im|)Osc  sa 
volonté  (juaiid   il  le  faut. 

Après  Orléans  comme  après  Reims,  et  |>endant  toute  son  épopée  glo- 
rieuse, même  et  surtout  en  ses  malheurs,  .Teanne  est  restée  humble  et  forte 
devant  la  s!)ull'rance,  devant  les  grands  comme  devant  le  pc-ril.  Elle  l'a  él(''  aussi 


JEAS.NE    D  ARC 

D'après  iint'  statue 

de    1»EYL,\RD. 


ORLÉANS   ET   RE  BIS. 


179 


(l(\;iiil  la  i;l()ii'c,  doiU  i<  la  fasciiialion  »  ccpemlant,  an  dire  (le  Bossiict,  «  i  si 
plus  loilc  «nie  ((Ile  (le  la  licaulc  même  ». 

Elle  i'iil  loiijtuiis  humble  dans  le  Irioniplic,  (.omiuc  dit'  fui  jusqu'à  la  fin 
douce  dans   la    lui  le. 

Cliose  (Iraui'c  et  pénible,  Michelel,  qui  de  Jeanne  d'Are  a  si  bien  écrit, 
el  qui  l'a  si  noblcincnl  laconlée,  en  ce  bref  ouvrage  qu'il  lui  a  consacré  et  qui 
est  un  Innuie  j)lnl(')l   (|u'inie  bisloire,  Miebelet  a  accusé  Jeanne   d'oi'gueil  et 


JEINNU    IILESSKF.     V    OIII.UANS 

])';i[in>   une  lilho^iMpliir   de   C.iiAsSELAT  (1819). 

de  crnaulc.  Sini;uli(  rc  abcrralion  d'une  grande  inlelligence  plus  l'apide  ([iw 
ferme  en  sa  marche,  IVappanI  exemple  des  ineoherences  parfois  sublimes 
en  leiu'  forme,  mais  réelles  ee|)endaul,  doni  ce  fort  el  elaii-  génie  ne  se 
défendait  pas  assez. 

Il  f'aul  le  laisser  parlei*  lui-même  el  l'on  jugera  ce  que  ses  paroles  ont 
d'incompréhensible  et  de  bizaiic  :  <■  Il  fallail  (jue  Jeanne  souffril.  Si  elle  n'eût 
pas  eu  l'épreuve  de  la  purification  suj)rème,  il  serait  resté  siu'  cette  sainte  figure 
des  ombres  douteuses  parmi  les  ravons  ;  elle  n'eût  pas  été  dans  la  mémoire  des 
hommes  la  l'ueelle  d'Orléans. 

»   Ellea\ail    dil,  en    narlani   de    la    delisranee    d'Orléans   il    du    sacre   de 


i8o 


JEANNE   D'ARC    RACONTÉE    PAU    LIMAGE. 


Reims  :  «  (l'est  pour  ecl;!  que  je  suis  ik'c  ».  Ces  deux  elioses  aecomplies,  sn 
sainteté  était  en  péiil. 

«  Guerre,  sainlt'le,  dvu\  mots  eonlrailieloires;  il  semble  que  la  sainteté 
soit  tout  l'opposé  de  la  guerre,  qu'elle  soit  plutôt 
lamoui'  (le  la  paix.  (  hicl  jeune  eourage  se  mêlera  aux 
batailles  sans  pai-tagei'  l'isresse  sanguinaii'c  de  la  lutte 
et  de  la  \  ittoire?...  lille  disait  à  son  de|)arl  (|u'elle  ne 
\()ulail  se  scr\  il' de  son  ('|)ee  poui'  tuer  |)ersoune.  Plus 
i  A       M^  lard   elle    parle    axcc    plaisir    de    l'epee    (ju'elle    portait 

^fifc    gWr  à    (iompiègne,    «     exeellente,    dit-elle,    pour    frapper 

^3  rm  ï?  d'estoe   et  de   taille     ■ .   N'\    a-t-il    pas  là  l'indice  d'un 

eliangemeni  y  La  sainte  dcNcnait  un  eapitaine.  T-e  due 
d'Vieneon  dit  (|n'elle  avait  une  singidière  a|)litude 
pour    l'arme    mo<lerne,    l'arme     meurtrière,    celle    de 

l'arlillerie. 

«  Chef  de  soldats 
iiidisciplinables,  sans 
cesse  affligée,  blessée 
de  leurs  désordres,  elle 
devenait  rude  et  colé- 
rique au  moins  povn- 
les  réprimer.  Elle  était 
surtout  impitoyable 

pour  les  femmes  de 
mauvaise  vie  qu'ils  traî- 
naient après  eux.  Un 
jour  elle  frappa  de  l'épée 
de  sainte  Catherine,  du 
plat  de  l'épée  seide- 
ment,  luie  de  ces  mal- 

EXTBÉE    TBIOMPHASTE    DE    h  ARMEE    ROYALE    A    OBLEASS 


D'après    un  dessin  de  Phiuppoteaux,  tiré  de  VHi^itoire  de    France 
éditée  par  Lahure. 


heureuses.  ^Liis   la  \ii- 
ginale  épée  ne   soutint 
pas  le  contact  :   elle  se   brisa  et  ne  se  laissa   reforger  jamais  ». 
Continuons  la  citation,  si  pénible  soit-elle. 

«  Peu  de  temps  avant  d'être  prise,  elle  avait  pris  elle-même  un  |)artisan 
bourguignon,  Franquet,  d'Arras,  un  brigand  exécré  dans  tout  le  Nord.  I>e 
bailli   roval    le   réclama   pour    le    pendre.    Elle    le    refusa    il'abord,    pensant 


ORLÉANS   ET   REIMS. 


Al'HES    L\    VICTOIRE.     JEAXSE    KEMIVST     GRACES    A    DIEU 

D'iiprês  le  b.-is-rolief  de  I-'oyatier.  [Musée   Jeanne  it\4rc,  i\  Orléans.) 


r(''('lian£(er,  puis  elle  se  (!(■- 
cida  à  le  livrer  à  la  justice. 
Il  méritait  eeni  fois  la 
corde;  néanmoins,  d'avoir 
livré  iMi  jirisonnier,  con- 
senti à  la  mort  d'un 
homme,  cela  tlul  altérer, 
même  aux  veux  des  siens, 
son  caractère  de  sainteté. 

«  Malheureuse  condi- 
tion d'une  telle  âme  tom- 
bée dans  les  réalités  de  ce 
monde,  elle  devait  chaque 
jour  perdre  quelf[ue  chose 
de  soi.  (le  n'est  pas  impu- 
nément qu'on  devient  tout 
à  coup  riche,  nohie,  honoré, 

l'égal  des  seigneurs  et  des  princes.  O  heau  costume,  ces  lettres  tle  noblesse, 
ces  grâces  du  Roi,  tout  cela  aurait  sans  doute  altéré  sa  simplicité  héroïque. 

«   Mais  le  plus  grand  pe'ril   pour  la  sainte,  c'était  sa  sainteté  même Et 

pourtant  ce  n'était  pas  orgueil » 

Après  cette  lecture,  je  m'informe  près  des  bons  esprits  et  je  leur  demande 
si  l'on  peut  mettre  un  verbiage  plus  sonore  au  service  d'une  thèse  plus  creuse. 

Aux  dévots  de  notre  Jeanne,  je  demande  si  l'on  j)ent  insulter,  de  bonne 
foi  peut-être,  mais  plus  cruellement  à  notre  héroïne. 

Jeanne  cruelle  !  Jeanne  orgueilleuse  !  Où  donc  l'avez-vous  vu,  et  se  peut-il, 
|)f)ur  la  doideur  de  ceux  qui  vous  lisent  ici,  ([ne  ce  soit  \()tre  plume,  chantre 
inspiré  de  Jeanne,  (jui  écrive  ces  deux  mots?  Se  peut-il  encore  que  vous,  qui, 
d'une  main  si  vigoureuse  et  d'ailleurs  si  légitimement  vengeresse,  avez 
fustigx'  les  juges  misérables  de  Jeanne,  aujourd'hui,  inconscicnl,  dans  l'cntrai- 
nement  tl'une  imagination  plus  riche  que  votre  jugement  n'est  ferme,  vous 
donniez,  hélas!  la  main  à  ces  hommes  par  l'accuser  de  cette  manière!  tlar  eux 
aussi  ont  accusé  Jeanne  d'orgueil  et  de  cruauté,  et  puisque  la  victime  a  répon- 
du, permettez  qu'elle  réponde  encore  et  qu'elle  se  lave  d'une  accusation  que 
vous  n'eussiez  jamais  dû  lancer  contre  elle  et  qui  ternit,  d'une  ombre  qui 
demeurera,  les  pages  du  livre  que  vous  lui  avez  consacré. 

En  ce  cjui  est   de  l'épée,  d'al)or{l,  Jeanne  a  déclaré  ne  s'en  être  jamais 


i82  JEANNE    DARC    H  VCONTÉE   PAR    L"IM\(;i:. 

servie.  "  (  uriiimit'z-voiis  mieux,  lui  clemiiiKlc-l-oii,  de  \()li'e  l);iiiiiièfe  ou  de 
votre  epée?  —  .l';iimais  I)e;tueou|)  plus,  répond-elle,  \oir  (juaranle  lois  plus  ma 
haunière  (|ui' mon  é|)ee. — (Jui  portail  \olre  hanniére? —  (l'était  moi-même 
(jui  la  portais,  (|uand  je  eliars^eais  les  ennemis,  pour  cNiler  de  \uv\-  personne  : 
je    n'ai    jamais    lui'    persoiuie.    ■> 

Il  est  \rai  (|ui'  lorsqu'on  demanda  à  Jeanne  si  elle  a\ail  eu  d'aulre  epi'e 
(jue  eelle  de  sainle  Callierine-de-Fierhois,  elle  repoudil  :  ■  l)ei-ai;u\  à  (  lom- 
piègne  j'ai  porte  i'ept'i'  du  liouri^uigiion  (jue  je  nous  ai  dit,  parce  (pie  e'élail 
une  Jjonni'  e|)(''e  de  guerre  et  bonne  à  donnei-  de  bonnes  huiles  et  de  lions 
lorchons  ».  Mais  que  signiliiiil  d'abord  au  juste  ees  expressions  de  <■  bulles  » 
et  de  «  toi'elions  »?  Ce  ne  sont  pas  les  mois  (|ue  Jeanne  eût  emjilovés  si  elle  eut 
voulu  dire  (jue  eelle  épée  luail  sûrement  u\\  ennemi.  Y.Wv  déclare  d'ailleurs 
ne  ra\oir  «  poi-lee  »  —  et  non  pas  s'en  cire  ser\  ie  —  que  de  T,agn\  a  Com- 
piègne.  I.i\  ra-l-elle  en  ee  laps  de  lemps  beaucoup  de  combals?  l'ourcpioi  dès 
lors  s'a|)|)uver  sui-  ce  pilo\able  argumcnl  poui'  elablir  (pi'elle  lui  cruelle  depuis 
Orléans  el  Reims? 

Autre  argument,  peul-èlre  plus  pitoyable  eneore  :  c'est  parée  f|ue  Jeanne 
«  excellait  dans  l'artillerie  »,  selon  le  témoignage  de  Dunois,  el  (|ue  cette  aime 
est  '  menririèrc  »,  qu'elle  meiile  d'èli'c  tax(-e  de  cruauté.  T^'artillcrie  esl 
meurtrière,  mais  elle  esl  moins  >'  cruelle  »  que  la  lance  el  l'épée;  car  il  v  a 
moins  de  cruauté  à  tuer  de  loin  un  lionnne  (ju'on  voit  à  peine,  qu'à  le 
l^ereer  sur  |)lace  el  à  lui  pas  de  soi,  el  c'est  pour  celte  raison  (jue  la  guerre  avec 
les  armes  à  longue  portée,  telle  que  nous  la  faisons  aujourd'hui,  est  moins 
sanguinaire  que  les  mêlées  des  siècles  passés.  Au  moins  ceux  (pii  se  lueut,  ne 
se  connaissent  |)as  el  ne  se  a  oient  |)oinl. 

Aficlicicl  pai'le,  |)oin'  le  bi'soiii  de  sa  iheorie,  des  «  soldais  indiscipli- 
nahles  »  que  contluisail  Jeanne,  «  sans  cesse  aftlige-e,  blessée  de  liins 
désordres  ».  Où  donc  a-l-on  \\\  ces  soldats?  el  ne  sait-on  pas  au  cfinlraiie  le 
prestige  que  Jeanne  exerçait  sur  l'armée  el  les  vertus  qu'elle  sut  développer 
dans  ses  rangs?  Et  c'est  pour  eelle  cause  cependant  que  !Michelel  l'accuse 
tl'êlre  devenue  «  rude  et  colérique  ». 

«  Elle  était,  dites-vous,  impitoyable  pour  les  femmes  de  mauvaise  vie.  » 
L'en  hlàmez-vous  et  les  justifiez- vous  contre  elle? 

Un  jour,  il  est  très  vrai,  elle  frappa  l'une  d'elles  «  du  plat  de  son  épée  »  . 
Est-ce  un  crime?  Le  même  écrivain  ajoute  :  «  Mais  la  virginale  épée  ne  soutint 
pas  le  contact,  elle  se  brisa  et  ne  se  laissa  reforger  jamais  >.  —  Qu'est-ce  que 
ce  pathos  et  pour  qui,  de  Jeanne  ou  de  la  prosliluee,  r(''|)t''C  se  |irononcait-elle. 


C\THi:i>R\LE    I>  OIU.IvVNS 

D'apriîS   nue    i)hotographIe. 


01\LEANS   ET   REIMS. 


18: 


'Vl!i"B?""  '  '^"   I' i!!iii|ij'i<i"i     ^i^i  w 


t''-- 


s'il  \oiis  pliiit,  à  supposer 
avec  vous  ([u'cllc  se  pro- 
nonçât jiour  ([uckjii'iiii , 
qu'elle  se  fil  "  briser  )>, 
par  niiuivaise  lumieur,  à 
l'endroit  de  la  besogne 
qu'on  lui  faisait  faire,  (t 
poussât  l'enlèlemcul,  l'eùl- 
on  cru?  jusqu'à  <(  ne  se 
laisser  plus  reforger  ja- 
mais )) . 

Pitoyables  arguments, 
indignes  d'un  tel  esprit  cl 
par  troj)  injujiciix  pour 
Jeanne. 

l'.l  le  brigand  Eran- 
quet,  d'Alias,  doni  Mielie- 
let  nous  dit  lui-même  qu'il 
«  méritait  cent  fois  la 
mort  »,  voici  (jue  .Tcaniic 
est  jugx'c  cruelle,  non  pour 
l'aNoir  fait  hier,  mais  |)our 
a\()ir  lini,  —  a\aiil  d'abord 
<c  refusé  de  le  liMcr  »,  —  par 
l'abandonner   à    la   justice. 

Les  juges  de  Houen  essaxcrent  de  fonder  une  accusalion  contre  .Icannc 
sur  cet  incident,  (le  seiail  peul-clrc  une  raison  siinisaule  au\  u'u.v  d'un 
admirateur  de  Jeanne  d'Arc  pour  n'en  tirer  point  un  grief  contre  elle.  Mais 
laissons-la   se  défendre. 

«  N'est-ce  pas  un  |)eebc  nioilcl,  lui  deinandail-oii,  (juc  de  prendre  un 
homme  à  rançon  cl  de  le  faire  niouiir  prisoniuci? 

—  Ji'  n'ai  pas  fait  eela. 

—  Ne  vous  sou\cnc/.-\ons  pas  de  Eranquet,  d'Vi'ras,  qu'on  fil  mourir  à 
I.agnv  ? 

—  Je  consentis  qu'on  le  fil  moiu'ir,  s'il  l'axait  mcrilc'.  |iour  ce  f|u'il  con- 
fessa être  meurtrier,  larron  et  traître. 

—  Donnez-nous  des  détails  sur  celle  affaire. 

24 


.;^  -^-2Jz^ 


^^^ 


__ËVTKFJL_DE  JEANINE   D'ARC   A    ORLEANS  [C 


ENTKF.E    DE    JEANNE    11    U»;     V    OUI.EVNS 

D'iipri's  le  (Ifssiii  (U*  MM.  Trouvé  et  Carot  pour  le  missel  de  Jr;itlnf  d'Ai-e, 

édité   ]);ir  Lehirge.  à   Paris. 

{Collcclion   tic    y.    l'dhhé   Lemcrlc.) 


i8r> 


TRANNE    DVKC    UVCONTÉK    P\R    L'fMVGR. 


lîMiii  r.  DU  jkvnm:  d  vue    v   uiu.iii\s 
Bas-ri-lief  tii*  I'ov\tier. 


—  I>('  |)i'oc('s  tic  FraïKiiicl  diira  c[iiin/.c  jours,  cl  en  fui  jiiijc  le  hailli  tle 
Scnlis,  a^(■(■  les  i;('ns  de  juslice  dt-  Lii_i;ii\.  .le  rtMiiuriiis  (jii'on  me  domiàl  ce 
Fi"U)(jii(l  pour  l'cclian^fr  oonli'c  un  hoininc  de  l'aris,  inailrc  d'Iiolcl  A  l'Ours. 
()r  je  sus  (lue  ccl  lioininc  clail  iiiori,  cl  ce  hailli  me  dit  (|uc  je  Noidais  l'aire 
ti;rand  lorl  à  la  juslicc  en  (k'li\raiil  ce  l'raM(|U(l.  Mors  je  dis  au  hailli  : 
«  Puisque  mon  lioninie  esl  nior'l,  (|ue  je  M)ulais  a\oir,  failes  de  ce  l'r.in(|uel 
vv  (|ue   NOUS  (le\e/  faire    |)ar    jusiiee   », 

A  oilà  done  sur-  (|uoi  se  fonde  Midielcl. 

Et  «  l'ori^ueil  «  prétendu  de  Jeanne,  (|ui  •'  i'lia(|ue  jour  yvvA  (|uelque 
eliose  de  soi  «  ?  i'.l  cet  eni;(>uenienl  ou  la  jellenl  la  richesse,  li'S  honneurs  et 
les  tilr'cs  ?  l'LsI-ee    ■•    loul  cela    ■■   (|rri  "    allerc  sa  simplicité   lrer()r([ue    •■  ? 

Bien  peu  «  lier'or(|ire    '.  err  \erité,  une  "  simplicité  >■  (jui  se  laisse  ^  allcr'cr  n 


a  ce  ])ri\ 


Si  Jeanne  eût  ete  femme  à  céder-  a  de  lelles  lenlalioirs,  rrorrs  dc\  rions 
r'cfusci' à  sa  mémoir-c  le  cirlle  (|ire  rrorrs  liri  rcirdorrs.  Car'  c'est  peu  Cjue  d'a\oir 
-saincu  les  autres,  fùl-ce  les  Anijlais,  (juarrd  on  rre  peirl  se  Nairrcic  soi-même 
cl  (|ir'rrir  pcir  d'or  cl  ([irchjircs  titres  font  somhrer  rrolie  \ertu,  si  iicr'c  soil-elle 
sur-   les  champs  de   halaillc. 

Ce  (jui  est  vrai,  c'est  (|uc  c'est  sur'Iout  apr-ès  Or-I(''ans  cl  Reims  fjue  Jeanne 
a  été  granile,  et  l'épreuve  f|u"elle  a  portée  jusques  au  hrrchci-,  avec  un  si  ferme 
courage,  la  place  iiifinimcnl  plus  haut  que  la  d(''Ii\  ranec  d'Orléans,  ou  le  sacre 
du  Daupliin. 

Si  nous  avons  insisté  sur-  celte  deplorahle  err-eur-  de  ^liclielet,  c'est  que 
il'unc  |)ar-t  nous  avons  cru  (|u"il  eût  été  le  pr-emier-  a  la  r-cconnarlr-c  et  a  la  renier 
après  l'éflexion  |)liis  mûre,  et  que  de  l'autr-c  le  slvle  de  cet  écrivain  r-e\cl  un 
tel  preslioe  aux  acux  d'irn  gi-and  nomhi-e,  qu'il  imporlail  de  r-cicver  l'accusa- 
tion dont  Jeanne  d'Ar-c  était  l'ohjet  de  sa  pari  cl  de  ne  laisser-  point  planer 
sirr  sa  chér-e  et  sainte  mémoir(>  une  omhre  pro|)re  à  rallcindre. 


ORLÉANS   ET   REIMS. 


187 


Nous  iK'  servons  iiiiL-mu'  passion;  la  vérité  cl  la  justice  sont  ici,  a\ec 
Jeanne,  nos  seules  clienles.  Nous  défendons  aussi  le  trésoi-  (riioiincur  de  la 
Fiance,  puisque  Jeanne  est  la  perle  la  plus  pure  de  son  diadème  et  qu'il 
y  aurait  crime  à  permettre  fju'on  en  ternît   l'éclat. 

Il  se  faisait  tard  quand,  le  «S  mai,  le  fort  des  Touinelles  fut  pris  par  Jeanne 
d'Ai'C  et  son   armée.  J^es  Anj^lais  s'enfuirent,   un   i^rand    nomi)rc  périrent   siu" 


DliCAl'IIAl  ION     Div    l-UVN(JL  i-.l     l>AhH\s 

D'apri-s  (lu  dt'ssla  à  la  jiliiine  tiré  des  Chroniques  de  3foiistrclct,  luauiiscrit  l'xl-cuIl'  à  Gênes  eu  ijio.  {^Bihl.  iiat.\ 


place.  T.a  Pucelle  refusa  de  r(Mitrer  dans  la  \illc  aussit(')t  après  la  \i<t()irc.  I']|le 
passa  dans  le  l'orl  un<'  parlic  de  la  nuit  ;  clic  redoutait  en  cH'cl  de  la  pari  îles 
Anglais  un  retour  oflensif.  Une  fois  rassurée,  elle  rentra  dans  Orléans; 
les  habitants  a\aicnt  à  la  liàlc  restaure  le  pou!  ([ui  conduisait  des  Tournelles 
à  la  cité;  Jeanne  prit  w  clicniin  pour  rentrer  cl  tint  ainsi  la  promesse  (|u'clle 
avait  faite  le  malin  même. 

La  population  entière  vint  au-devant  d'elle.  Jeanne  se  dirigea,  suivie  de  la 
foule,  vers  les  diverses  églises,  et  donna  ainsi  la  première  idée  de  la  procession 
solennelle  que  chaque  année   célèbre  Orléans  en  souvenir  de  sa  délivrance. 


i88 


JEANNE    D  AlU:    IIACONTÉE   PAU   LIÏMAGE. 


Quelques  années  après  la  nioil  de  .Te  aune,  en  etl'et,  l'cM^'Cjue  d'Oileans  eut  la 
généreuse  idée  de  l'insliliier,  de  eoneeit  avec  les  éehevins,  el  celle  toiielianle 
tradition  a  ("té  reprise  au  début  de  noire  sièele.  Tous  les  ans,  le  H  mai,  le 
panégvri(|ue  de  .leanne  d'Are  est  pioiioneé  à  la  «alliedrale,  de\ant  le  elergé 
et  les  représenlanis  des  |)ouYoirs  eixiisfel  uiililaires.  l  lU'  j)roeession  esl  faite 
ensuite  jusfjue  sur  l'emplaeenienl  (piOecupail  jadis  le  fort  des  Toiu-nelles.  T>a 


L  lis TBIili    A    OHLliASS 

D'après  la  peinture  murale  du  Panthéon,  par  LENEl'VEt;. 


veille,  la    rnunieipalilé    remet    l'elendard    de   Jeanne   à    l'évècjnc',   ({ui  en    a   la 
garde  jusqu'au  lendemain  soir. 

l.a  \ille  d'Orléans  s'est  fail  honneur  |)ar  la  fidelile  de  son  souvenir  el  de  sa 
reconnaissance.  Pendant  les  siècles  trop  longs  ou  la  France  a  semblé  oublier 
.leanne,  Orléans  s'en  est  souvenu.  Si  un  jour  le  pa\s  entier  consacre  au  culte  de 
l'héroïne  une  fête  nationale,  celles  d'Orléans  n'en  souffriront  pas.  l.a  Erance 
se  plaira  à  reconnaître  qu'en  célébrant  la  fête  de  Jeanne  d'Are  elle  n'a  fait  (jue 
s'inspirer  de  l'exemple  île  la  cité  oiléanaise  et  (jue  c'est  à  la  flanune  de  son  eceur 
noble  el  fidèle  qu'elle  a  rallumé  le  flambeau  trop  longtemps  éteint  tie  son  admi- 
lalioM,  de  son  amour  et  de  son  culte  enthousiaste  pour  la  \  aillante  enfant  qui 
lui  rendit  la  vie  avec  l'indépendance. 


^ 


i 


> 


N. 


n; 


S|  ^ 


V 


■?s 


^ 


ORLEAJNS   ET   REIMS. 


.89 


I.c  f)  mai  clail  un  diinaïu'lif.  Talhot,  ne  \ou- 

laiil  |)()iiil  paraih'f  fuir  (lc\aiit  les  Français,  ranm'a 

SCS    troupes    en    l)ataille    devaiil     la    \iile.     Les 

Orléanais  sortirent   aussitôt    en    masse  avec   la 

garnison.  Mais  Jeanne  étant  survenue  ne 

permit    |)as    de    combattre,   parce    que 

c'était  un  jour  de  prière.  Elle  ne  vou- 
lait |)as  non  plus  qu'on  fit  des  Anglais 

un  massacre  qu'elle  jugeait  inutile. 

Elle  oidonna  donc  de  drcssi'c  deux 

autels  et  l'on  y  dit  la  messe.  1/office 
terminé,  elle  tlit  à  ceux  (jui  persistaient  à  vou- 
loir  combattre  :    «  Regardez  si  les  Anglais   ont 

le   visaae   ou   le    dos   touiiu'   ^crs  vous.  —  Ils 

regardent  vers  Meung,  lui  répondit-on.  —  lui 

mon  Dieu,  reprit  Jeanne,  ils  s'en  vont,  laissez- 
les  aller.  Vous  les  aurez  une  autre  fois  ». 

IjCs  Anglais  se  retirèrent  en  efiet,  laissant 
dans  les  bastilles  un  matériel  considérable, 
dont    les   soldats   français  s'emparèrent. 

Jeanne  toutefois  ne  s'endormit  pas  dans  la  victoire,  et  dès  le  Icndemani 
elle  quitta  Orléans,  afin  de  se  rendre  piès  du  Daupliin.  T-à,  des  luttes  d'un 
autre  génie  rallendaicnl  cl  allaient  soumettre  sa  liante  vertu  à  une  rude 
épreuve. 

La  délivrance  d'Orléans  fut  un  fait  d'une  particulière  importance.  La 
nouvelle  eut  en  l'rance  un  retentissement  considérable.  La  situation  stra- 
tégique de  cette  place,  l'imprévu  et  la  rapidité  de  la  défaite  des  Anglais 
depuis  longtemps  habitués  à  \aincrc,  l'élrangeté  merveilleuse  de  I  action  de 
Jeanne  d'Arc,  l'enthousiasme  (ju'elli'  avait  è'\ cille  dans  le  peuple  et  l'armée, 
tout  donnait  à  cet  événement  une  marcpic  de  prodige  qui  frapj)a  tout  le 
monde. 

J^a  condition  des  Anglais  en  France  était  grandement  changée  et,  d'agres- 
seurs qu'ils  étaient,  ils  devenaient  l'objel  d'un  retour  agressif  formidable,  dont 
.Jeanne  était  l'àme  et  le  chef  incontesté. 

Le  prestige  de  la  l'ucclle  était  en  effet  à  son  apogée,  et  tous,  parmi  les  chefs, 
comptaient  nécessairement  avec  elle. 

S'ensuivait-il  qu'aucun  d'eux  ne  dut  songer  désormais  à  l'entraver  secrè- 


JEASNE    VICTOllIEUSE 
D'apli'S  la  statue  tic  Le  Véel. 


IQO 


JEANM-:    D  ARC    RACONTEE    1>AU    L'IMAGE. 


jr.VNM;    ACi:HMEU    l'VK     I.KS    HVIIITIMS    lli;    CIIMKVI  DUN 

n".t]ii-r>   II'   liildtMii   lie   l.i;r:iii:vAT.i.lEi\-t  Jii;\  1(;n  MU).    [Mtiscc  de   C/utlftni(iiiti,j 


tt'int'iil?  I  ,()iii  (le  la.  !>('  sucl'cs  aii^iiisc  l'cinic  cl  l'iiiilc.  Il  en  lui  ainsi  j)()m" 
Jeanne,  cl  La  ric'nioïUc,  avec  lU\nnaiill  de  Cliailics  et  noiiihic  (l'aiili-cs,  s'ils 
firent  sciiihiaiil  de  s'iiicliiicr  devant  la  IHieelle,  n'en  lïn-eiit  (|iie  plus  lortenunt 
résolus  à  elierelier  sa  peile. 

.Teanue,  (\i[  reste,  loujouis  avisée,  veillait,  et  ee  fut,  dans  les  jours  <jui 
siii\ii-(>nt  la  vietoiie  d'Orléans,  un  speetaele  l)ien  diii^ne  d'étude  qui'  eelte  lutte 
entre  elle  et  les  i^rands.  Ils  \  mirent  toute  leiu"  astuce  :  elle  \  o|)|)osa  tonte  la 
vaillance  de  sa  nature,  forliliée  d'une  linesse  clairvoyante  (ju'il  était  dilïicile 
de  mettre  en  échec  et  d'iuie  prompliluile  de  parole  et  d'actes  qui  dérou- 
taient les  plus  liaUiles,  lenversaient  en  un  instant  les  plans  les  plus  longue- 
ment médites. 

En  retour,  (|nel([ues  bons  et  gi'aves  es|)i'ils  lui  rendaient  lenioignanc 
Gérard  Macliet,  confesseur  du  l{oi,  lui  demeurait  fidèle;  Jac(jues  Gelu, 
arehe\c([ue  d'Embrun,  la  défendait,  et  Gerson,  chancelier  de  Irnixcrsité,  cet 
homme  de  bien  double  d'un  savant,  consacra  à  sa  louange  (juel(jues  pages 
aussi  éloquentes  tjue  courageuses. 


ORLÉANS    ET   REIMS. 


■9' 


(le  li';i\;iil  f'iil  l:iil  en  fiirinc  de  intMiioirc ,  ([ii{l(|ucs  joiii's  ;i|)its  la  (U'Ii- 
vranoc  d'OiU-ans,  i '|  mai  i  V-()-  Ocrsoii  (lc'\ail  mourir  i\cu\  mois  après;  ce 
fut  sans  (joule  le  (icrnicr-  éciil  (le  ccl  homme,  si  jusleiuinl  renommé  comme 
l'une  (les  plus  grandes  lumi('res  du  \v°  siècle. 

(hi'on    veuille    hien    lire    de    son   traxail    mai^islral    les   quelques   extraits 
sui\anls'.    Après   a\oir    loue   Jeanne   d'Vrc  de  sa   foi,   sa 
piété,  son  amoin-  de  Dieu  et  du  procliain  et  son  de\()uc- 
ment   |)our'  la  Fi'ancc,  il  poursuit  en  ces  termes  : 

■   On   ne  doit    pas   se   liàler  de  traitei'  comme 
faux  les  faits  f[ui    sauloiiscnl   de  sérieuses  proha- 
l)ilités;    et   parmi    les    faits    prohahles,    on    doit 
incliner  à  juger  vrais  ceux  (|ui  sont  sonleiuis  pai' 
les  plus  solides  raisons. 

1'  (l'est  le  cas  pour  la  mission  de  Jeanne. 
(Hi'on  eonsid('r('  les  heaux  eirets  de  l'apparition  de 
la  Pucelle  et  la  justice  de  la  cause  qu'elle  défend  ; 
qu'on  envisage  les  xcr'tus  de  cette  li('roïne  (jui 
lriom[)lic  des  Anglais  |)ar  son  instinct  de  gncriicrc, 
comme  sainte  C.atlierine  triomj)liait  des  doclems 
par  sa  science  de  pliilosoplie;  (pii  au  sein  de  la  \  ic- 
toire  dcmcni'c  inaccessible  à  la  ^anilc  cl  à  la  liaine; 
(|ni  au  milieu  de  l'cnllionsiasme  jiopulairc  \il  dans 
riiuniilitc  cl  la  prière;  (jui  dans  le  elioc  uni\erscl 
des  and)ilions  ne  eon\oilc  ni  prolits,  ni  honneurs; 
(|n'on  songe  au  hon  témoignage  (|ue  lui  rendent 
tant  de  grands  lioinmes  de  guerre  (jui  se  font  petits 
devant  elle,  tout  en  s'accoidanl  le  plus  possible 
avec  elle  à  rester  dans  les  sentiments  de  cette 
humaine  prudence  doni  on  ne  |)cut  s'eear-|(M'  sans 
tenter  I  )icu  ;  (|n'on  rcniar(|uc  cnlin  reflet  jjroduit 
par  Jeanne  sur  les  ennemis  de  la  France,  (|ui  à  son  a|)proche,  eircinis 
|)ar  l'cpouNantc,  fuient  en  criant  comme  des  fennnes  en  couche;  et  l'on 
verra  qu'il  n'est  ni  impie  ni  déraisonnable  de  penser  que  celte  jeune  fille, 
émule  des  Maehabées,  est  une  envoxée  de  Dieu.  T^a  main  du  Seigneur  est  là. 

«   (^uant    à    blâmer  la   Pucelle   de   porter  un    habit    d'homme,   c'est   être 


ClillSON  .     Ullll-NSIl  K     DE     l.\     l'LCF.LI.E 

I^alliiraii    en   lias-rnlicf  tlii  xV  siècle. 

(Co//ecliml    de   .V    le   Nordcz.) 


I.    Cilé  par  M.  .I(isc|ili   Falir<'  au  Piocis  de  rékiilnlidilinii.  Iciiiu'  II,  p.    i-'j. 


192 


JEANNE    D'ARC    RACONTÉE    PAR    l/ni\GE. 


resc'lavc  des  Icxics  de  l'AiicicuMc  cl  de  la  Nouvelle  Loi.  sans  coinijrciulre 
l'espi'il  (lui  k'S  a  inspiics.  Sau\cj;ai(lci'  la  pudeur  csl  le  hul  de  loulcs  les 
défenses  faites.  Or  ({ue  i'em;u'(|iioiis-uous  ici?  C'est  que  .leaune  s'Iiahilie  en 
liomme  pour  |)resei'ver  plus  sùrenieul  sa  verlu  cl  pour  niieu\  eoiid)allre  les 
ennemis  de  sa  |)alrie  et  de  sou  Uoi.  (iardons-uous  donc  de  cliicauer 
riuM'oïne  à  |)ropos  d'une  niiscrahlc  ([ucsliou  de  xèlenicnls  cl  liouorous  en 
elle  la  honte  de  Dieu,  (jui,  faisant  d'une  \ieri;c  la  libératrice  de  ce  roxaunie, 
a  rcvèMi  sa  iaililesse  de  la  force  d'où  nous  \ient  le  salut. 

«  (Kie  si  (le  ciel  nous  en  >;arde  !)  il  arrixail  (jue  les  (■vcMiements 
tournassent  à  l'eneontre  de  ses  espérances  et  de-,  noires,  il  ne  faudrait  pas 
s'en  autoriser   pour  conclure  (jue  Jeanne   sert  d'instrumeni  à   l'esprit   malin. 

Il  faudrait  plulùl 
se  demander  si  nos 
(I  cccp  I  io  n  s  n  au- 
laicnt  pas  pour  cause 
nos  fautes,  nos  blas- 
phèmes, nos  ini^rati- 
Indes,  qui,  iriilant  la 
colère  de  Dieu,  fe- 
raient de  nous  les 
victimes  des  secrètes 
décisions  de  sa  jus- 
tice. 

...  «  T>e  secoiu's 
de  Dieu  nous  est 
apparu.  Faute  de 
vertu,  de  foi  et  de 
l'cconnaissanci',  ne 
rendons  pas  le  mi- 
racle inutile.    » 

En  (juittant  ()r- 
li'ans,  Jeanne  alla  à 
Hlois.  On  fui  gran- 
dement heureux  de 
la     revoir.     l'ille    s'y 

SOLVESIK   UE    Ll    lÉTE    CWLMlblOBATIVE   DOSNÉE   ES    LHONNELB    UE  JEVNSE    IjMiC  •((■l'ètl       ;(       neluC     Ct      SC 

À    OBLÉANS 

Copie  de  la  b:innii-ie  exécutée  an  xvi«  siècle.  rCntllt    a     lOlU'S,     pUlS 


ORLÉANS   ET   REIMS. 


193 


\ 


s 


f 


-s-^IUiIft©, 


'JËi..uJt»^ 


-£fc 


à  Loches,  où  était  le 
Dauphin.  Le  dessein 
arrêté  de  Jeanne  était 
de      conduire     sans 
délai     le     prince     à 
Reims,    afin     de    l'y 
faire  sacrer.  Elle  en- 
tendait   bien    c|uelle 
force    apporterait    à 
sa   cause  et     à     son 
parti  cet   événement 
considérable  et  s'in- 
quiétait,    non     sans 
raison,   que   les   An- 
glais ne  prissent  les 
devants     en     faisant 
sacrer  roi  de  France 
leur  jeune  monarque. 
Le  roi  fit  grand 
accueil   à  Jeanne    et 
convoqua     sans    re- 
tard   les  chefs  prin- 
cipaux de  l'armée  et 
les     seigneurs.      J^es 
projets      de     Jeanne 
essuyèrent    de     leur 

part  une  assez  forte  opposition.  On  alléguait  l'importance  des  armées  anglaises 
la  nécessité  d'augmenter  l'eirectif  des  troupes  françaises  avant  d<-  liscjucr  une 
nouvelle  bataille.  Les  gens  d'armes  dont  on  pouvait  disposer  étaieiil,  disail-on, 
trop  peu  nombreux  pour  assurer  au  Dauphin  une  escorte  suffisante. 

Enfin,  convenait-il  d'abandonner  aux  Anglais  les  villes  qu'ils  tenaient 
encore  sur  les  bords  de  la  Loire?  N'était-ce  pas  leur  faciliter  l'occupation  du 
Midi  de  la  France,  qu'ils  pourraient  envahir  pendant  que  les  troupes  du  Roi 
iraient  vers  le  Nord  pour  gagner  Reims  ? 

Jeanne  répondait  qu'elle  n'avait  pas  besoin  de  tant  de  soldats  qu'on  le 
pensait  pour  assurer  la  sécurité  du  Dauphin  ;  que  les  villes  se  rendraient 
spontanément  îi  lui  sur  son  passage.  Elle  ajoutait  qu'elle  avait  peu  de  temps 


s^'Aïf* 


SOUVENIR        DE    LV    FETE    COMMEMOllATIVE    DONKÉE    EN    l'hONNEUK 
DE    JEANNE    d'aRC    À     ORLEANS 

Copie  de  la  bauuirrc  exécutée  uu  xvi"  siècle  (revers). 


'9i 


JEANNE    D  ARC    RACONTÉE   PAR    L'IMAGE. 


(levaiil  elle,  qu'elle 
ne  K  ilLiieiait  (jii'im 
an  »,  qu'il  fallail 
profiter  avee  usure 
(lu  temps  qui  lui  res- 
tait et  agir  sans  len- 
leiu's. 

I.es  seigneurs 
insistaient.  Dunois 
s'entremit  et  la  Pu- 
celle  consentit  à  re- 
prendre, avant  toute 
autre  expédition,  les 
quelques  villes  qui 
bordaient  la  Loire  et 
(ju'oeeupaient  les 
Anglais. 

A    Loches,    elle 
avait    retrouvé     Gé- 
rard Machet,  évêque 
de  Castres.   Un  jour 
que  celui-ci  était  au 
conseil    du    Roi,    de 
compagnie       avec 
Christophe       d'Har- 
court   et   Ro])ert    Le 
Maçon,   seigneur   de 
Trêves,  Jeanne  sur\int  avec  Dunois  et  fra|)pa  à  la  porte.  «   Presque  aussitôt, 
raconte  Dunois,  elle  fianchit  le  seuil,  se  mit  à  genoux  et,   tenant  embrassées 
les  jamhes  du  Roi,  elle  lui  dit  ces  paroles  ou  d'autres  seml)lables  :    «   Gentil 
«  Dauphin,    ne  tenez   pas   davantage   tant  et   de    si    interminables   conseils; 
«   mais   venez   au  plus  vite  à  Reims  pour  prenilrc  votre  digne   couronne.  — 
«   Est-ce  votre  conseil  qui  xous  dit  cela?  lui  demanda  le  seignein- d'ilarcourl. 
"   —  Oui,  répondit-elle,  et  je  suis  très  fort  aiguillonnée  là-dessus!    »  D'Har- 
court  reprit  :  «  Ne  voudriez-vous  pas  dire  ici,  en  présence  du  Roi,  la  manière 
«  de  votre  conseil  quand  il  aous  {)arle?  «  Jeanne  lui  répondit  en  rougissant: 
«   Je  crois  comprendre  ce  que  vous  voulez  savoir  et  je  vous  le  diiai  xolon- 


U'ajnis   ^1   stiiliie  cli-   Toyatieb  i-riyi-i-  jihicc   ilu  M^iilldl,   à   OrliMiis. 


ORLÉANS   ET   REIMS. 


195 


'c   tiers.  »  Alors  le  Roi  :  «  Jeanne,  vous  |)laît-il  bien  de  déelarer  ce  qu'on  aous 

«  demande  en  présence  des  personnes  ici  présentes?  —  Oui  »,  répondit-elle, 

et   elle  ajouta    les   paroles   suivantes   ou  d'autres   semblables   :   «    Quand  je 

«   suis   contrariée   en    quelque  manière  parce  qu'on    fait    difficullé    d'ajouter 

«   foi  à  ce  que  je  dis  de  la  part  de  Dieu,  je  me  retire  à  l'ecarl  et  je  prie  Dieu, 

«  me   plaignant   à   lui  de  ce 

«  que  ceux  à  qui  je  parle  ne 

«  me  croient  pas  facilement. 

«  Ma  prière  à  Dieu  achevée, 

«  j'entends  une  voix  qui  me 

«  dit   :   «  Fille   Dé    (fdle   de 

«  Dieu),  va,  va,  va,  je  serai 

«  à  ton  aide,  va  !  »  Et  quand 

«  j'entends    cette   voix,  j'ai 

«  grande     joie;      même     je 

«  voudrais     toujours      l'en- 

«  tendre   «. 

«  Et,  chose  frappante, 
en  répétant  le  langage  de  ses 
voix,  elle  était  dans  un  ravis- 
sement merveilleux,  les  re- 
gards levés  vers  le  ciel. 

«  J'ai  encore  souvenir, 
poursuit  Dunois,  qu'après  les 
victoires  que  j'ai  rappelées, 
les  seigneurs  du  sang  royal 
et  les  capitaines  voulaient 
que  le  Roi  allât  en  Norman- 
die et  non  à  Reims.  Mais  la 
Pucelle  fut  toujours  d'avis 
qu'il  fallait  aller  à  Reims  pour  y  faire  sacrer  le  Roi.  Comme  raison  de  son 
opinion,  elle  disait  que,  le  Roi  une  fois  sacré  et  couronné,  la  puissance 
de  ses  adversaires  irait  toujours  en  diminuant,  et  que,  finalement,  ils  ne 
pourraient  nuire  ni  au  royaume  ni  à  lui.  Tout  le  monde  se  rangea  à 
l'avis  de  Jeanne.   » 

Le  Roi  s'en  vint  à  Saint-Aignan,  dans  le  Berry,  pendant  que  Jeanne  se 
rendait  à  Selles,  à  quelques  lieues  de  là.  On  avait  résolu  d'y  réunir  les  troupes. 


MVISON     DU     COMMENCEMENT    DU    XVl"     SIECLE,     RUE    DU    TVBUUllG, 
A    ORLÉANS 

[C'est  dans   cette  maison   qu'est    installe    actuellement 
le   musée  Jeanne   d'Arc.) 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

C'est  en  ce  temps  que  Giiv  de  Laval  la  rencontra.  Il  était  venu 

vers  le  Dauphin  et  celui-ci,  voulant  qu'il  connût  Jeanne,  pria 

celle-ci  (le  venir  à  son  (levant.  Le  jeune  seigneur  fut  charmé 

(le  l'accueil  de  la  Pucelle,  et  c'est  sous  l'empire  de  ce  sen- 

limciil  (|ii"il  écrivit  à  sa    mère   la   lettre   dont  nous  avons 

(If)iine  un  extrait. 

Après  cette  entrevue,  Jeanne  se  rendit  à  Romoraiitin. 
Les  chefs  de  l'armée  l'y  rejoignirent;  le  duc 
d'Alencon,  chargé  du  commandement  en  chef  de  l'ex- 
pédition, était  là;  Duiiois  et  Gaucourl  vinrent  aussi. 
Les  événements  allaient  se  précipiter  et  grandir  la 
gloire  de  Jeanne  avec  sa  renommée  de  grand  capi- 
taine. 

I^e  9  juin,  la  petite  armée  rentrait  dans  Orléans, 
où  clic  était  accueillie  avec  joie.  Jeanne,   particulière- 
ment,   V    reccxait     les    martiues     d'un     cntiiousiasme 
toujours  grandissant.   »  Ils  ne  poM\aicnl  se  saouler 
de  la  voir    ",  dit  le  .Iduriiiil  du  siège. 

Deux  joins  après,  l'armée  quittait  Orléans; 
clic  comprenait  en\iron  huit  mille  hommes.  On 
s'a\anca  vers  Jargean,  (jue  le  comte  de  Sufïblk 
défendait  avec  sept  cents  hommes  choisis  et 
pourvus  de  canons;  ils  se  promettaient  de  dis- 
puter chaudement  la  xictoire. 
Malgré  les  hauts  faits  accomplis  à  Orléans  [lar  la  Pucelle,  tous  ne  lui 
accordaient  pas  encore  leur  confiance. 

On  se  demandait  si  la  dcli\rance  de  celte  ville  n'avait  pas  été  l'amvre 
d'un  favorable  hasard,  d'un  entraincmcnl  heureux  mais  irréfléchi,  et  d'une 
sorte  de  panique  dont  les  Anglais,  sur|)iis  de  la  nouveauté  de  l'événement, 
n"a\aicnt  pu  se  défendre. 

Lu  certain  nombre  de  chefs  et  de  soldats  songèrent  donc  à  se  retirer. 
Quelques-uns  même  partirent,  et  l'énergie  de  Jeanne  ne  suffit  qu'à  peine  à 
retenir  les  autres. 

«  Il  y  eut  discussion,  dit  le  duc  d'Alencon,  entre  les  capitaines.  Les 
uns  étaient  d'avis  qu'on  donnât  assaut  contre  Jargean;  les  antres  étaient 
d'avis  contraire,  alléguant  la  grande  puissance  des  Anglais  et  leur  grande 
multitude. 


JEVNNK    1)  AHC 

St;itiie   de  Oois  tTigt-e  en   1S02,  à  Orlèun: 


ORLÉANS   ET   REIMS. 


'97 


«  Voyant  ces  difficultés  entre  nous,  Jeanne  nous  dit  :  «  Ne  craignez 
«  multitude  que  ce  soil;  n'hésitez  pas  à  donner  l'assaut  aux  Anglais.  Dieu 
«  conduit  notre  œuvre.  Si  je  n'avais  l'assurance  que  Dieu  conduit  notre 
«  œuvre,  j'aimerais  mieux  garder  les  brchis  que  de  m'exposer  à  si  grands 
«   périls   ». 

D'Alençon  ne  donne  évidemment  ici  que  quelques-unes  des  paroles  de 
Jeanne;  mais  on  comprend  par  cette  simple  citation  quel  fut  le  fond  et  quelle 
fut  aussi  la  force  de  son  discours.  C'est  toujours  par  l'annonce  ferme  de  la 
victoire  qu'elle  remet  en  bonne  place  les  volontés.  C'est  en  affirmant  avec  cet 
accent  que  la 
foi  et  la  croyan- 
ce à  ses  voix 
lui  donnaient, 
qu'elle  fortifia 
les  courages 
ébranlés.  Quel- 
ques-uns sem- 
blaient peut- 
être  estimer 
queJean ne son- 
geait à  soi  plus 
qu'aux  autres, 
et  que  l'amour 
de     la      gloire 

ATTAQUE    DE    JARCEAU 

I    entraînait.  Miniature  d'un  niamisciit  français  «   Les  Vigiles  do  Cllailos  VU   »  filS4)- 

D'un  mot  bref 

et  simple,  mais  concluant,  elle  rétablissait  la  vérité  et,  comparant  les  ennuis 
journaliers  cju'on  lui  causait,  le  rude  labeur  qu'il  lui  fallait  conduire,  à  la 
paix  qu'elle  eût  goûtée  au  milieu  des  siens  :  «  Si  je  n'avais  pas  l'assurance  que 
Dieu  conduit  notre  œuvre,  disait-elle,  j'aimerais  mieux  garder  les  brebis  que 
de  m'exposer  à  de  si  grands  périls  ». 

«  Sur  ces  paroles  de  Jeanne,  poursuit  le  duc  d'Mençon,  nous  poussâmes 
vers  Jargeau,  croyant  gagner  le  faubourg  et  y  passer  la  nuit.  Mais,  sachant 
notre  approche,  les  Anglais  \inrent  au-devant  de  nous  et,  tout  d'abord,  ils 
nous  repoussèrent. 

«  Voyant  cela,  Jeanne  prit  son  étendard  et  se  mit  à  attaquer,  en  invitant 
les  hommes  d'armes  à  avoir  bon  caHn\ 


198  JEAN-NE    D'ARC    IIACONTÉE   PAR   L'IMAGE. 

«  Nous  fîmes  si  liien,  que  les  gens  du  Roi  purent  se  loger  eettc  nuil-I;'i 
dans  les  fouhourgs  de  Jargeau'.   « 

C'est  ce  que  Jeanne  avait  souhaité  dès  le  commencement  de  la  jouinée. 
L'attaque  devait  être  reprise  le  lendemain  :  toutefois  Jeanne,  selon  sa 
coutume  de  tout  faire  pour  éviter  l'effusion  du  sang,  tint  à  adresser  som- 
mation aux  \nglais.  Elle  leur  conseilla  de  partir  :  ils  ainaienl  la  ^ic  sau\e; 
sinon  on  les  prendrait  d'assaut. 

Suffolk  désirait  traîner  en  longueur,  dans  l'espoir  cjue  quelcjues  renforts 
lui  arriveraient;  mais  on  ne  tomba  point  dans  le  piège.  On  lui  répondit  (juil 
pouvait  encore  partir,  emmenant  même  les  chevaux,  mais  que  si  la  chose  ne 
se  faisait  sur  l'heure,  on  n'accorderait  aucun  autre  sursis. 

Toujours  rusé,  Suffolk  entreprit  de  parlementer  secrètement  avec  l^a  Ilire, 
plus  vaillant  soldat  qu'habile  diplomate,  et  qui  commandait  l'avant-garde. 
Heureusement  on  eut  bruit  de  la  chose  et  l'on  rappela  La  Hire. 

D'Aleneon  fait  ce  récit  dans  son  témoignage  :  «  Nous  étions  en  conseil, 
lorsqu'il  nous  fut  raconté  que  La  Hire  conférait  avec  le  duc  de  Suffolk.  \  cette 
nouvelle,  les  autres  et  moi,  qui  avions  la  charge  de  l'expédition,  nous  fûmes 
mécontents  de  La  Hire.  Il  fut  mandé  et  vint"  ». 

L'assaut  fut  donc  résolu. 

Ici  se  place  l'incident  que  nous  avons  raconté  et  dans  lequel  Jeanne,  avec 
enjouement,  prend  à  partie  le  duc  d'Alençon,  qui  estimait  sage  de  retarder' 
le  combat,  et  lui  demande  s'il  a  peur.  Puis  la  Pucelle,  pendant  le  combat, 
avertit  le  duc  de  quitter  la  place  qu'il  occupe;  le  sire  du  Lude  l'y  remplace  et 
est  tué  raide  par  un  boulet. 

L'assaut  fut  rude  :  les  Anglais  se  défendaient  vigoureusement.  Il  durait 
depuis  quatre  heures  et  la  victoire  était  toujours  incertaine.  Les  chefs,  d'Alen- 
çon lui-même  quoique  général  en  chef,  durent  prendre  part  à  l'action,  cl  le 
due  descendit  dans  le  fossé. 

Jeanne  était  au  premier  rang,  animant  les  hommes,  du  geste,  de  la 
parole  et  de  l'exemple.  Elle  montait  à  l'échelle,  son  étendard  en  main, 
quand  une  grosse  pierre  atteignit  sa  bannière  et  se  brisa  lourdement  sur  son 
casque.  Elle  fut  renversée  et  tomba  de  l'échelle.  On  s'empressait  autour 
d'elle,  mais  déjà  elle  était  relevée  et  criait  aux  gens  d'armes  :  «  Amis,  amis, 
sus,  sus,  notre  Sire  a  condamné  les  Anglais!  Ils  sont  nôtres  à  cette  heure, 
ayez  bon  courage  !   » 

I.  Joseph  Fabre,  Procès  de  rilltaHlitatioi:,   t.  I.  ]).   176. 
a.   Iliidem.  l.  I.  p.   178. 


ORLÉANS   ET   REIMS. 


'99 


Excités  par  ces  paroles,  les  Français  redoulilent  d'efTorts  et  les  Anglais  se 
retirent  vers  les  fossés.  «  Nos  soldats  les  y  poursuivirent,  dit  d'Aleneon,et  leurs 
tuèrent  plus  de  onze  cents  hommes.  )■ 

L'un  des  frères  du  duc  de  Suffolk  fut  tué  dans  cette  mêlée,  cl  SufFolk  lui- 


jkinm:  u  vkc  a  loches 
D'apii-s  une  aqiinrillc  de  Boutet  de  Mon\el,  extraite  de  l'album  Jeanne  d'Arc.   [l'Ion  et  C",  éilitcurs.) 


même  fut  fait  prisonnier.  Un  écuver  d'Auvergne  le  pressait  :  «'  Es-tu  gentil- 
homme? lui  (lit  le  due.  —  Oui,  ré|)ondit  l'autre.  —  Es-tu  chevalier?  reprit 
le  duc.  —  Non,   «  répondit  l'étranger. 

Le  duc  alors  le  fait   clie\alier  sur  place  et  se  rend   à   lui. 


200  JEANNE   D  AllC    RACONTÉE   PAR   L'IMAGE. 

L'aulrc  frère  de  Suttolk  fui  pris  aussi.  I^es  soldats  pillèrenl  la  ville,  l'église 
et  tout  ce  qu'ils  reneonlrèreul. 

Ainsi  doue  Jeanne  était  loujoius  el  en  toutes  choses  l'àme  de  l'expédition 
et  l'auteur  de  la  victoire.  C'est  à  ses  plans  qu'on  (levait  linalement  se  ranger, 
c'est  elle  qui  conduisait  le  comhal,  (|ui  rclevail  les  couiagis  (juand  ils  faihlis- 
saient,  et  par  quelque  geste  inqjrévu  ou  quelque  vif  propos  décidait  du 
triomphe. 

Le  lendemain  de  la  prise  de  Jargeau,  la  gai-dc  de  la  ville  a\ant  été  assurée, 
Jeanne  avec  d'Alençon  rentra  à  Orléans. 

Nouveau  triomphe  pour  elle  et  accueil  plus  que  clialciucux  de  la  pari  des 


BATAILLE    DE    PATAY 

lias-relief  tic  l'oYATiER.  (^yfitscc  Jeanne  d'Arc^   à  Orléans.) 

habitants.  Elle  y  passa  deux  jours,  expédia  au  Roi  des  nouvelles  de  la  prise  de 
Jargeau  el  recul  (juciques  nouveaux  seigneurs  el  capitaines  qui  n'avaient  pas 
encore  rejoint  l'armée  :  tels  les  seigneurs  de  Laval  et  de  Lohéac,  Chavignv  et 
la  Tour  d'Auverone. 

Le  mardi  la  Pucelle  dit  à  d'Alençon  :  «  Je  veux  demain,  après-midi,  aller 
voir  ceux  de  Meung;  faites  que  la  compagnie  soit  prête  à  partir  à  cette  heure  ». 
Les  choses  se  passèrent  selon  son  désir,  et  l'on  alla  à  Meung.  Les  Anglais 
s'étaient  fortifiés  à  l'entrée  du  pont.  11  fut  occupé,  cl,  maîtres  de  ce  passage,  les 
Français  évacuèrent  la  ville  et  se  hâtèrent  de  se  rendre  à  Beaugency. 

Chemin  faisant  on  rallia  encore  quelques  soldats,  et  sans  retard  on  lit  une 
attaque  contre  les  Anglais.  Ceux-ci  cédèrenl,  ahandonnèrent  la  ville  et  se 
retirèrent  dans  le  château.  Les  Français  s'établirent  alors  en  face  et  prirent 
position,  afin  d'empêcher  l'ennemi  d'en  sortir. 

C'est  sur  ces  entrefaites  qu'on  apprit  fjue  le  connétable  de  Richemont 
s'avançait  avec  un  corps  d'armée  pour  s'unir  aux  Fiançais.  Le  connétable  était 
depuis  quelque  temps  en  disgrâce  auprès  du  Dauphin,  moins  du  reste  par  le 
fait  des  sentiments  personnels  du  prince  que  par  le  mauvais  vouloir   et  les 


ORT>KA\S   ET   REIMS. 


201 


iiilii^iics  (le  î>:i  Trrnioïllc.  l'oiif  conserver  plus 
inlacl  raseeiidaiU  (|iril  avail  pris  sur  le  faible 
Clliarles  VII,  La  Trémoïlle  éloignait  de  son  mieux 
(le  la  personne  du  Roi  tous  les  seigneurs  qui 
pouvaient  aef|n('"rir  près  de  lui  quekjue  crédit. 

Le  Dauphin,  li-op  docile  à  cette  néfaste 
influence,  avait  banni  Richemont  de  la  cour  cl 
lui  a\ail  inlcrdildc  |)ren(b'c  pai'l  aux  opc-ralions. 

RiehemonI  souHVail  de  celle  inacliou.  \ussi, 
\()\anl  les  succès  de  la  l'ucciic  cl  espérani  pou- 
voir em|)lo\ci'  au  profil  de  sou  rapprocbcnicul 
avec  le  Dauphin  l'autorité  de  .Teanne,  songca-t-il 
à  re\|)édienl  fju'il  employait  mainlenanl. 

(  hioi((nc  vaincus,  les  Anglais  étaient  encore 
à  craindre;  les  Français  n'étaient  pas  en  nombre 
suflisani;  il  arrixcrail  ilonc  a\cc  i\]\  rcnfori 
dont  il  serai!  dii'licilc  a  d"\lcni;')n  di'  l'cfuscr  le 
secoiu'S. 

Le  monieni,  (\i\  rcsic,  clail  paiiicnlicrc- 
mcnl  propice  cl  les  circonslanccs  sei'\aicnl  ses 
desseins  mieux  ([u'il  n'ciil  pu  l'cspcrer. 

La  volf)nle  du  Dauphin  clail  si  formelle, 
que  les  chefs,  d'Alencon  v[  Jeanne  elle-même, 
ne  purcnl  apprcndi'c  sans  dc-plaisir  la  uouncIIc 
tic  son  ari'i\('c.  Leduc  d'Alencon  monirail  pai- 
liculièremcnl  sa  nian\  aise  humeur,  cl  il  eu  viul 
à  dire  à  Jeanne,  chc/.  Ia(|(icllc  il  \(i\ail  sans 
doulc  luie  louable  Icndancc  à  la  concilialion  : 
«  Si  le  eonnclabic  \ieul,  moi  je  m'en  irai  ». 

Les  coujonclui'cs  claient graves;  l'armée, dis- 
loquée par  le  dcparl  du  i]u(\  u'eûl  pu  conliimcr 
sa  campagne.  Les  Anglais  reprcndraicul  conliancc 
et  la  division  des  Français  ferait  leur  force. 

Jeanne,  conscienle  de  ce  péril,  employa  à 
le  conjurer  loules  les  admirables  i-essources  de 
son  esprit. 

Le  lendemain,   avani    rarri\ée   du    conné- 


AirAyiiE  uu  l'osr  de  jabgkmi 

ET     JEANNE 

A   l'Église  de  sothe-dasie  de  cléhy 

])'n])ris    le    vitrail   de   Léon   Ottin 
n  réglise  ?<olre-Dame-de-Clérj. 

26 


JEANNE    n  ARC    RACONTÉE    PAU    LIMAGE. 


l;il>lc,  on  aiinonop  que  les  Anglais 
s'axanciiicnt  en  giaïul  iionilii'c.  On 
Clic  '■  \u\  ai'incs!  n.  D'Vicncon  dc- 
clarc  (le  ii(ni\cau  (|ii'il  \a  se  relii'cr; 
mais  le  danger  est  ininiinenl,  l'en- 
nemi aj)|)i()elie  el  Jeanne  (ail  a|»|)el  an 
e<enr  dn  dnc  ponc  le  décider  a  rester  : 
-    il    i'anl  s'ailler   j>,  lui  dil-clle. 

RemellanI  alors  à  pins  lard  à 
vider  le  dehal  relalil'  à  liicliemoni, 
d'Viencon  \()le  an  coniUal,  cl  les 
\nglais.  après  nne  conrie  Inlle,  sont 
forces  de  rendre  le  eliàlean.  Ils  se 
rclircnl  a\ec  nn  sani'-condnil,  (nie 
d AlciKoii  lenr  accorde  en  (jiialile  de 
liciilcnanl  dn   ISoi. 

I  .e  sncccs  \ti](\  (lcl)onnaire. 
|)  Vieiicon,  ^  icioricnx  ,  >(■  monira 
pins  concilianl.  Jeanne  se  cliaigea  tic 
(aire  acccpicf  an  Danpliin  la  soninis- 
sion  dn  connelalilc  cl  dil  a  ccini-ci  : 
«  \|il  l)ean  coniiclalilc.  sons  [/(''les 
pas  \enn  de  par  moi;  mais,  pnis(jiie 
A<nis   ("'les    M'ini,    aoiis   sei'c/.    le    hicinenn    ». 

Le  eonnelalili-  jnra  (l(  \aiil  elle  el  li's  cliels  de  ser\ii-  loxaicmciil  le  lioi,  cl 
on  ladinil. 

J^es  événemenls  s'élaienl  préeipilcs  par  ce  fait  (pinn  homme  d'armes  élait 
Aenn  assnrani  (jn'nn  corps  d'armée  considérable,  compose  d'\nglais,  s'avan- 
çait en  hâte.  La  chose  élail  Maie  :  c'elail  Talhol,  ([ni  s'clail  dirig('  vers  Jargeau 
pour  secouiir  les  siens.  De  |)assage  à  Janville,  il  axail  appris  les  dernières 
victoires  du  |)arti  fran(:'ais,  la  prise  de  Jargeau,  l'occupalion  dn  pont  de  Meung 
et  le  sort  (pii  menaçait  Beaugenev. 

\  ces  nouvelles,  Falslolf  iiil  d'avis  ((u'on  laissât  Beaugenev  se  défendre, 
(pi'on  allcndil  des  rcnforls  on  (|n'(m  laissai  du  moins  an\  soldais  anglais, 
ell'ravés  des  succès  foudroxants  de  Jeanne,   le   leni|)s  de  se  reprendre. 

Alais  riiilr(''pi(le  Talhol  se  refusa  a  ces  Icmpoii^alions  cl  déclara  (jiie,  fnl-il 
seid.  il  irait  an  comi)at. 


Ji:\NM':  i>  \iu:  (:<iMi;\ir\Ni' 

U'a|nvs    un    croquis    d'Aur.LSïE    l'nr.AULT. 

{Muscc  Jeanne  tCAri-), 


()ULK\NS    RT    REIMS 


203 


Il  falliil  hicii  ccilcr,  cl  l'iilslolC  ;i\  ce  Tiillx)!  pardicnl.  r>c;nii;ciic\  clail  déjà 
pris  (|iiaii(l  ils  en  a|)|)i()(lu'r(nl .  La  l'uccllc  n^nail  eu  ([tia  paiailic,  cl  les 
Ani;lais,  doiil  la  plupart  a\aiciil  ('le  l)alliis  à  Orlcans,  a\aiciil  cslimc  la  liillc 
impossible. 

(icii\  (|iii  a\aiciil  pu  s'('cliappci' de  licauijencv  piiicul  le  cliemiii  de  Paris, 


ISAl.VU.LK    IIK    l'ATAY     (|8    JlIN      l -\-J.H) 

U'aiin's  imo  ginviin-  tlri'i-  des  Mémnmhlcs  jiiurnvcs  tk  Fraiiie;   Paris,    iG;;.  {/Jil>lii,t/ii:/uc  naùaiiulc.) 


et,  rciicoiihanl  l'aneicnnc  i^arnisoii  i\v  Meuui;,  rcnlraiiièrciil  a\ce  eux  daus  la 
même  direelion. 

Lorsipie  r>caui;eiie\  l'ul  pris,  les  l'raitcais  cuicnl  liàlc  de  proliler  de  Icui' 
premier  a\anlai;e,  el  api-ès  avoir  rejoinl  les  Viii^lais  de  leur  proposer  le  e()nd)al. 
Talhol,  (pii  a\ail  pris  les  dexaiils  a\ee  l'aN  aiil-i;ai'de  des  Iroupes  anglaises, 
s'arrèla  en  lui  lieu  appelé  Pala\.  On  lui  aniiouea  l'aiiixee  des  l'raneais;  il  se 
résolut  xaillamnienl  a  la  lulle  el  s'adossa  solideiiienl  à  lui  liois,  alin  de  soutenir 
plus  aisément  ralla(|ue  eu  alleudanl  l'arrivée  du  i;ros  de  l'arniee,  que  eou- 
duisait  Falsloll'. 

Cepeudaul  les  i'raiieais  arrixaieul  sans  trop  sa\oir  ou  se  |)ou\ail  tionvei- 
l'ennemi,  (piand  lui  eerf(ju'ils  avaient  ellrayé,  s'élançant  du  eôlt'  des  Anglais, 


204 


JEANNE   D'AIU;    RACONTÉE   l'AR    LIMAGE. 


y  lomhii  à  rim|)i()\  isic.  Ecs  Anglais,  :i  sa  \ih\  |)oiiss<'Cciil  des  cris;  on  siil  ainsi 
«ju'ils  claiciil  la. 

Jl   lailul    |)iL'n(lic    lapidcmcnl    conseil.    D'Mcneon    licsilail    à   (■ni.;ai^ci'    la 


Jl.VNMC    A     I.V    UATHM.K    DF.    JVKGI'.AII 

Biis-relli'f  de  Fovatieh.  (^Miiscc  Jeanne  d'Arc,  à  OrltMiis. 

halaillc  cl  dcinanda  à  .Fcainic  ce  (|iril  Callail   faire.  (hi('i(|n('s  rlicl's  ciai^naicnl 
cl    disaicnl    nn  il    sciail    lion    de   s  assnrer  des    clic\aii\.     •     \\e/,-\ous  de   lions 


l'msi)>Mj:KS     AMl.M'.S      V     JIAXXI'-     l>  AIIC     APKKS     L\     BVTAILI.E     131'-     l»M\V 
B;(s-relifi   de   KoYATlEn.    [Musée  Jeanne   iVArc,   à   OrIé;uis.) 


éperons?  »  dil  alertenicnl  la  l'ueclle.  (  hioi  1  fallail-il  donc,  à  son  axis, 
soni^ci'  a  (nii-?  «  Nenni,  reprend  Jeanne,  ce  sont  les  Vni^lais  (|iii  fnironi,  cl 
il  fandra  de  hons  é|)crons  ponr  les  snixrc.  »  Ou  lii'silc  eepeiidani  cncoi-c. 
«  l'^n  nom  Dicn.  reprend  plus  \i\cnienl  Jeanne,  ipiand  ils  seraienl  |)iiidns 
an\  nni'S,  nons  les  anrons,  parce  (ine  I  )ieu  nons  les  cinoic  pour  (|uc  nous 
les  ehàliions.    " 

«  Elle   aflirniail,  dit  (r\lcneon.  qu'elle  était  sure  de   la  vicloire   :   «   Le 


ORLÉANS    ET    REIMS. 


20D 


mivii.M.   1)1    l'Mvv   (iH  jiix    i-i'iHj 
Ecsssin  il  l;i  iiliinic  tir.'  des  Lluuiiujius  ,1c  MonsdiUl,   manuscrit   exécuté  à    Gcncs  eu    Ijiu. 


«  of-niil  Rov,  disail-clK',  aiiiii  aiijoiiidluii  la  plus  grande  \  icloiir  (jii'il  ail  eue 
.'  (Ic|)iiis  longtemps.  El,  ni"a  dll  mon  conseil,  ([u'ils  seioni  des  nôtres  ».  De 
l'ail,  l'ennend   fui   liallii  el   mis  en   pièces  sans  dit'Iieullé. 

«  Enlfc  auU-es,  Talhol  lui  ])iis.  Il  y  eut  grande  lueiie  (EViiglais,  el  l'on 
s'en  vint  au  ^illage  de  l>ala\,  en  Heauce.  C'est  là  que  Talhol  fut  amené  tlevanl 
moi  el  le  seigneur  eonnelahle.  Jeanne  était  présente.  Je  dis  à  Talhot  :  «  Vous 
«  ne  croyiez  pas  ee  malin  (|u'il  vous  adviendrait  ainsi  «'?  Talhot  re|)ondil  : 
.'  C'est  la  fortune  de  la  guerre  <> .  Nous  retournâmes  ensuite  vers  le  Koi,  et  il 
fut  décidé  qu'on  irait  sur  Ueims  pour  le  sacre'.    » 

Ainsi  donc,  en  quelques  jours,  par  la  conduite  de  Jeanne,  cette  campagne 


I.  Jusepli  Fabre,  Proccs  tic  rclialidilatiuii. 


JEA>NK    D'AllC    U  VCONTKK    V \\\    I.MMVGE. 

(le    la    Loiic    ■,i\:ù\    o-lc    mciU'c   n    honnc   fin.    Le    ()    juin,    .Icininc   clail 

à    Selles,  Jo    Icndiinain    à    IJonioranlin  ;    le    (),    elle    icvicnl 

à   Orléans;    le    ii,    clic    prend   .lari;(an  ;   le    i3,    elle  esl    de 

reloni'   à   Orlc'ans;    le    mercredi,    <'lli'    eliasse    dn    ponl   de 

Meinii-    les    \ni;lais;    le    jendi,   elle  esl  sons  JSean^eney 

et   hienlol   en    prend   le  eliàlean;  le  iS,  elle  rcniporle 

la  \  ieloire  de   l*ala\ . 

l'onr    celle    lois   son    presli^c    ('lail    irresislihie. 
Elle    se    rendil    près    dn    Danpliin   a\cc  d'Mencon, 
el  l'on  soni^ca   à   parlir   poni-  licinis. 

Ce    ne   l'nl   pas  sans  peine  dailleurs  ([ne  la    l'ncelle 

\    dc'cida    le    Danpliin.    I  ,a    'Ifeniodle   ne  cessait    pas  de 

lra\aillei'    sonrdeincnl     contre    Jeanne.     Ee    rapproclie- 

nient    du    connetalilc    de    liiclieniont    lui    était    parlicn- 

lièrenienl   desai;r('alilc.  et    il   en  Aoidait  à  .Jeanne  de 

cet  e\encnicnt  dans  la  mesure  même  on  elle  s  était 

emplovee  a   le   mener  a   lin. 

Ilahile    tontelois    autant    ijne    haineux,    il    se 

i;ardail  de  comi)attre  en   l'ace  rinlluciice  de  .leaniii'. 

Seul  ml      cdiiihicii     celle-ci     était     puissante     pour 

l'Iienre   prc^enlc,    il    se    contenlail  d'alteiiner    dans 

l'esprit    dn    Daupliin    la    satislaetion   (|ue   le   prince 

ressentait    des    succès    de    la    l'iicclle    el     les    espe- 

ranees   ([u'il    eu    poinait    coiice\oir. 

T. es    iniriijnes    de    Ea   Trémoillc    ne    réussirent    (|n'à    demi.    Ec    Danpliin 

ne    repoussa     pas    liiclieinonl  ;     il    ne    consenlit    pas    loulefois    à    et'    (|u'il    le 

suixil   à   Reims,    ce   (|ni    l'ut    très   penihie   à    la    l'ncelle. 

Il  fui  (h'cidi'  (|ne  les  troupes  ([ui  \cnaieul  (\i-  mener  la  campagne  de  la 
jjoire  <|uitteraieiit  OrU'ans  où  on  les  axait  coiidnilcs  et  se  r(''uniraieiit  a 
Gien,  où  le  Danpliin  les  rejoindrait.  .Icauiic  rc\int  donc  à  Orléans.  I>lle 
veilla  aux  derniers  préparatifs  du  depail  cl  le  i]  [)artit  a\ec  l'armée  par  (iieii, 
où  l'on  arrixa   le  soir. 

LeDaupliin  ne  s'\  trou\a  pas  comme  il  axait  ete  conxcnn.  De  nonxclles 
intrigues  s'elaient  nouées.  Les  uns  disaieiil  ijuil  l'allait,  au  lieu  d'aller  à  Picims, 
aller  à  Rouen  el  purger  la  Normandie  des  liordes  anglaises.  I^es  autres  ne  se 
refusaient  pas  au  xoxage  de  Reims,  mais,  jionr  <lix erses  raisr^ns,  eslimaieiit 
qu'il  fallait  x   surseoir  el  attendre  îles  jouis  pins  faxoi'ahles. 


Al'UKS    I.V    VlCIllIlli; 

Statue  de  Pati.  .Xliikut. 


ORLEANS    ET    REIMS. 


207 


i.\   pici.iir,  (:o\.s[:n.i,K  au   hiii   dk   iMUiSKvr.iinu 

A     FAIUE    LE    SIÈGE    DE    TllOYHS 

IMIiiliitiiii'  <lu  maunsiTlt  dos  Vlgll|.s  di-  C.hiiHcs  Vit    (14S5). 


Jeanne  protesta  contre 
ces  lenteurs;  puis,  \ovanl 
(|trcll('  ne  gai;nait  rien,  elle 
se  relira  aux  clianips,  comme 
(léeitlée  à  ne  prendre  plus 
aucune  paît  aux  allaires  de 
la  i^uerre. 

])e\aul  celle  alliludc, 
le  Dauphin  pril  peur  cl  ccda. 
i-e  2()  juin,  on  parlil  pour 
Reims. 

(l'était  un  succès  consi- 
dc'iahlc  poui- Jeainie,  mais  ce  n'élail  pas  la  fin  de  ses  épreuves.  Le  Dauphin, 
en  edcl,  emmenait  avec  lui  la  plupart  des  seii;;neurs;  parmi  eux  Icanne  comptait 
des  adversaires  doni  elle  n  ;uail  pu  désarmer  le  mauvais  \ouloir  cl  la  jalousie 
toujours  en  éxcil.  La  Trémoïlle  elail  (\n  reste  de  re\|)('dilion  cl  l'on  dcxait 
s'allcndrc  à  plus  d'une  niaehinalion  de  sa  pari.  Ileurcusemcnl  loulclbis  le  duc 
d'  \leneon,  I  )uuois  ;l  La  il  ire  sui\aienl  aussi  le  Dauphin. 

V|)res  a\oir'  loul  d'ahord  pris  la  diicclion  de  Sens,  f)n  se  diri^t'a  sur 
Auxcrie  cl  l'on  \  arrixa.  \u\erre  ne  se  dcelarail  ni  pour  ni  eonire  le  Dauphin, 
ilésirant  ne  se  l)rouiller  ni  a\ce  lui  ni  a\ce  les  Vui^lais.  La  Trémoillc,  fini 
était  gouverneur  de  celle  ville,  ne  iil  rien  pour  amenci'  les  liahilanls  à  se 
soumettre  au  Roi.  Jl  send)le  même  clai)li  (|ue,  moxennani  (\rii\  mille  (■eus  d'oi', 
il  eneourai^ea  les  hahilanls  à   lenii'  leurs  portes  fermées.  Ceux-ci  linirenl  par 

demander'  une  lièxc,  (|u'on 
leur  accorda  mali;ré  Jeanne 
d'Arc. 

Ils  s'cngai^caicnl  d'iiil- 
ieuis  à  Caire  ce  (|ue  Ceraient 
(piehpies  autres  \  illes  qu'ils 
désignaient,  cl  entre  autres 
Troves.  Tout  ce  qu'on  put 
ohtenii-  sur'  i'heur'c,  c'est  f|ue, 
mo\eruianl  paicmcnl,  ils 
loirrriiraieirl     des     ^  i\  r'cs     à 

COMMENT    CEUX    IJE    TllOYES    SE    HENDIIIENT     M      luil  I '.,..■,,,'.,.  .       ,,.,,    ,,..  r  C  ■     N 

lar'uicc;    encor-c   le   Irr'cnl-rls 

Miniature  du  mnnuscnt  des  Vif;ili-s  de  criiii-les  VU,  chité    de    l/|,S-'|. 

{isihii„tiw>/iic  iiulimniie.)  (Ic  uiauNaisc  gr'àcc. 


208 


JEANNE    D'ARC   RACONTÉE   PAR    T/IMAGE. 


Au    i;riiii(l    i-niuii    de    Jcamic,   on    ii'soliil    tic   hiissi'r    inouicntam'iiKMil 
Aiixciic  cl   l'on  se  diii^ca  mts  'l'roys. 

I.a    \ill('   clail   occupée    par   une    foric   i;aiiiis(>n    d' Vnt^lais,  au\<|ucls  se 
joii^iiaicnl  (|ucl(|ucs  ISouii^uli^noiis.  l.cs   poilcs   n'eu  Ancnl   donc  |)as  ou\crlcs 
au   Roi.    Le    'i    juillcl,  Jeanne  ccii\il   celle   lellie   aux    lialiilanls  de  la   \ille  : 
c<   Aux  seii^neui's  el  hour'i^cois  de  la  cilc  de  'l'ioxes. 

«   Jliésus,   Maria. 
"   Très  cliers  el    bons  amis,  s'il  ne  lienl   à  ^ous,  seigneurs,  hourj^eois  et 
liahilanls  de  la  \illc  de  Tro\es,  .Iclianiie  la  i'nccllc  vous  mamle  el  fait  savoir  de 

|)ar  le  Uoi  du 
Ciel,  son  dr-oi- 
linier  el  sou^(•- 
rain  seiijneur, 
dn(|nel  elle  est 
clia(|uc  jour  en 
so  n  ser\ i  ce 
roN  al,  (|ne  \ous 
l'assic/.  olx'is- 
sance  el  recon- 
naissance au 
L;cnlil  H(>\  de 
l'ranc(^  (|ui  sera 
bientôt  à  Reims 
el  à  Paris,  (|ui 
(|ui  vienne 
conlic,  el  ses 
bonnes  ailles  du  saini  roNaunic,  a\cc  l'aide  (\[i  roi  .llicsus.  l,o^ald\  Français, 
venez  au-devant  du  roi  Cliarles  el  (|n'il  n'\  ail  poinl  de  fautes  el  ne  vous 
douiez  pas  de  \os  corps  el  de  \ns  l)iens,  si  ainsi  le  faites.  El  si  ainsi  ne  le 
faites,  je  aous  piomels  cl  ccrlifie  sur  nos  ^  ies  (pic  nous  cnirerons,  avec  l'aide 
de  Dieu,  en  lonles  les  villes  (pii  doivenl  ('Ire  du  sainI  ro\aume,  el  \  ferons 
l)onue  |)ai\,  ([ui  (|ui  \icnuc  conirc. 

«   A    Dieu    Aous    recommande.   Dieu    soil    i;arde    de    \ons,   s'il  lui    plail. 
Réponse  bien  loi. 

«  Devant   la  cilc    de  Troyes,  éeiil  a  Sainl-Ealc,    le    mardi   (pialricnic  de 
juillet.    » 

Le  Daupliin  joignit  le  lendemain  ses  instances  à  celles  de  Jeanne.  Mais  les 


111.1)1)11  ION    I)F    CHAl.ON.S-SUll-MMIMi 

Miniiiturc-  lin  niaiiiisorit   tics  A'iijilfs  liu  e.iiiirlcs  A  II. 


ORLEANS    ET    REIMS. 


aof) 


'WRTKAir   inojF.    lAl-U'^ERIE    FAITE  "i  AOtV'X    CENS   ANJ    UV  EST  HEFREyF-NFE    1-E  ■I^OV  t  liM^LEi"   Vil.    AIX^VT     FAIRE, 
ÏOV      £^TFF£EN    L/^    VII.LE     nc     Rh  F.IM5  Ixn'R  V  l_?TRE    *ACBE   A  LA  CQNDVIX  PC   LA     l'Mfilf-     DOniEANi      .^17"^'- 

_J<Tr  \'»rr  If  f mifhf  îf  i(ï>ini>r  In  nurr'.if.    C  hirlrt  Ui'rr  i|1ii"<  fniin  fiil  "km' 
œi^Hi,  '*"'''"'*''  "'"S  rt>>fl'llf  nf  ffil        Qiw.t  f  t  *Ii  Hfu  11  nf  fui  rou'  Miiir      \l 


Î\ 


Aiiiuvi;!-;  A   iiicins 


(.ii'avure  Je   Puinssart,  datrc  rlr    i(ii(i,   ir.nirrs  une  tapissci'ic  de  haute  lisse,  perdiit-   atijoiii-iriMii  i-t   exécutée 
vei>   la   lin    ilu    XV'    siècle.    (Jîi/i/iot/tt'//nc   iiatioita/v.) 


Ii;il)ilanls  (le  'l"i()\('S  ne  se  iciidiiciil  pus.  In  piiili  piiissiinl  \  (loiiiiiKiil  (|iii  se 
niononcail  en  fax  ciir  des  \iii;lais.  ('.ciiv-ci  du  icsic  coniposaiciil  la  liiiniisoii, 
liiquellc  coinpiait  ciiKi  à  six  cciils  lioinincs.  Ils  cciiN  iiciil  d'aiilic  piiil  aux 
lial)il;iiils  de  liciins,  leur  déclarant  (|ii'ils  licndiaicnl  lion.  Ils  \  paihiiciil  a\cc 
injure  de  .le;miie,  la  Irailiiienl  de  |i()ssedee  du  denion,  cl  ridienlis;iienl  hi  lellre 
qu'ils  ii\iiient  reçue  d'elle. 

Ce|)en(hint  il  se  tinuvail  à  Trn\es  mi  moine  eordelier,  prediealeiii' 
populaire  alors  fort  en  renom,  qu'on  appelait  frère  Rieliard.  Ses  eoneitoyens 
le  ehargèrent  sans  doute  d'aller  examiner  .Jeanne,  ou  bien  un  sentiment  de 
euriosilé  le  |)orla  à  le  faire  de  lui-même.  Toujours  est-il  ([u'il  \inl  au  camp 
(les  Français.  Mais,  persuade'  que  la  l'ucelle  était,  selon  les  dires  des  liahitants 
de  Troves,  plus  ou  moins  de  (•onni\enee  axée  les  mau\ais  esprits,  il  s'a\an('a 
timidement  avec  mille  précautions,  faisant  des  signes  de  croix  et  aspergeant 
.Teanne  d'eiui  bénite.  »  Approchez  liindimciit,  lui  dit  l'Iiéroine,  je  ne  m'envo- 
lerai pas.    » 

Frère  Richard  finit  par  se  rassurer,  et  la  l'ucelle  le  chargea  d'une 
nouvelle   missive  pour   les   liahitants   tie  Troves.   Malheureusement,   ceux-ci 


2IO 


JEANNE    DAIU:    l^VCONTÉE    PMI    LIMAGE. 


ne  se  reiuliieiil  |)iis  |)liis  à  eelte  nouvelle  iléinarelie  qu'il  la  première. 
Le  temps  s'éeoulail,  le  sièiife  durait  depuis  eiu([  jours  et  Ton  ne  prévoyait 
pas  (juaud  les  ehoses  pourraient  tourner  à  niieuv.  La  falii^ue  et  le  décourage- 
ment s'empai'aient  des  eliefs,  les  soldats  manipiaienl  de  \i\res,  car  on  était 
parti  sans  proxisions.        ^^ 

Regnault  de  (lliaihcs,  dii>ne  ('mule  de  i-a  Trc-moïlle  dans  son  opposition 
sourde  en\('rs  .leannc,  s'attacha  à  demonlrer  (|u'il  était  sage  d'aUandonnei' 
Troves  et  de  rclonrner  en  ai'i'iére. 

.leanne  eut  hiiiil  de  ces  intrigues  el  de  ces  conseils.  Llle\inl  inopinément 
f'iapper  à  la  porte  du  l)au|)liin.  Il  fallut  hien  la  laisser  enirer.  (  )n  s'cU'orca  de 
lui  faire  eompi'cndre  (pie  le  si('ge  ne  dexail  |)as  être  poursui\i. 

.leanne  alors  se  tourna  vers  le  Daupliin  et  demanda  la  permission  de 
parler.  ■  l'arle/,  dit  le  lioi,  cl  si  nous  dites  clioses  prolilai)les  el  raisonnahles, 
on  \()us  eroii'a.  —   Nous  me  eioiic/ ?  dil  .leanne.  ()ui,   selon  ce  (|ue  \(ius 

dire/.  —  (lentil  Koi  de 
l'rance,  rcpril  la  l'ucelle, 
si  ^olllc/.  demeurer  ici 
de\anl  \oIrc  \ille  de  1  i()\es, 
elle  sera  en  \olre  obéis- 
sance avant  trois  joiu's,  soit 
de  l)on  gre  et  par  amoui', 
soil  par  force  et  courage  : 
cl  glande  sera  la  slup(''fae- 
lion  de  la  fausse  l'xiurgogne. 
—  Jeanne,  reprit  l'arelie- 
\èf[ue,  (|ui  sci'ail  certain  de 
l'avoir  dans  six  jours,  on 
l'attendrait  bien.  Mais  dites- 
vous  vrai?  »  —  Elle  en  donna 
de  nouveau  l'assurance  el  il 
lut  décidé  qu'on  surseoirait 
à  la  retraite. 

Au  sortir  même  du  con- 
seil, Jeanne  se  lil  armer, 
moula    a    cheval    cl    prit  son 

JEANNE    \V    SACRE    DE    CHAKLES    VII     A     KEIAIS  élCudard. 

D'apiis  une  cau-lorte  de  Bm*  extraite  ilc  Jeanne  d'Arc,  par  Michelet.  \         l'C     •  . 

[Hachcnc  c,  o-,  éditeurs.)  A  SOU  appel,  oifieiers  et 


ORLÉANS    ET   REIMS.  an 

soldats  sf  miiH'iit   au  ti'a\ail  et  cii  devoir  de  prcpari'i'  l'attaque,   (l'était  mer- 
veille  (jiie   de   \oii'  Jeaui'.e    aviser   à    tout  et   donner    l'exeinpie   de    l'acliNilé. 


LA  I  lu  lIliAM.     lu.     f.lAMS 


IVapn's    une    pliotograpliii'. 

Ia"  lendemain  dès  le  malin   lout  elail  pièl  pour  l'assaut,  (jiiand  l'eNèque 
de  Troyes  et  les  prineipauv  de  la   \ille,   \inrenl   faire  lein'  soumission. 

Ils  fuient  hien  aeeueillis.  Le  Uoi  a\ail  intérêt  à  le  faire  et  à  attirer  à  lui  les 


212 


JEANNE  D'ARC  RACONTEE  PAR  1/lMVGi:. 


niiti'e's  villt's  par  la  Ixmlc  avec  la(|iicll('  il  liailail  celle-ci.  I  ,a  iiarnisoii  ehaiiijèi'e 
lui  aiiloiisee  à  se  relirer  cl  lOii  doiiiia  aii\  liahilaiils  les  meilleiiies  i;aiaiilies 
pour  la  seeiirile  de  leurs  personnes  cl  rinlei;rile  de  h'iirs  l)iens. 

J)èsle  leiideinaiii.,  lo  jiiillel,  le  lioi  eiilra  dans  'rro\es.   La   Pncelle  elail   a 


L  AK.Mlvt    KUYALE    IJEVAN  l'    ItKlAlS 

Gi-;ivurf   en  coulcm-s  de  MoUET  (rn]>rt's  Desfontaines  (Collection    des  jMirlraits  tics  Grailih   llo. 
jiiihliru  i);ii-  lilin  il   Paris,   1788-171)2.)  (Bihlioltict/nc  iiirli<,iia/c.) 


côté  (lu  prince,  porlanl  son  elciulard  ;  les  seignems  cl  les  chefs  (\v  l'arnite 
venaieni  a  la  suile. 

Selon  les  c()n\ cnlions,  la  i^ar'nison  sorlil.  Mais,  coninie  on  a\ail  i^aranli 
leurs  biens  aux  i;cns  d'armes  ainsi  (|u'au\  aulres,  ils  soni;('renl  à  ennnener 
leurs  prisonniers,  .leanne  s'\  o|)posa  l'ornielleinenl  ;  resolunienlclle  se  linl  à  la 
porte  de  la  ville  et  d(''eiara  (|ii'ellc'  ne  les  laisserait  pas  sortir.  Il  l'allnl  hieii  (aire 
selon  sa  Nolonté.  Seulement  le  Dauj)liin,  voulant  rester  fidèle  an  texte  même 
des  conventions,  racheta  les  prisonnieis  a  ceux  (jui  les  détenaient. 

Au  lendemain  de  la  prise  de  Troyes,  l'armée  se  dirigea  sur  Chàlons.  Le 


ORLÉANS    ET    REIMS. 


2l3 


SACIIK    DU    HOI    A    KEIMS 
IVIiiii.itur.'   (lu   ni;iinisci-it   les  Vi"ilcs  iK*  Cliarli-s   VIL 


l)riiit  (le  la  prise 
de  cette  pre- 
mière ville  y 
('■tait  déjà  par- 
venu. L'évèqiie 
et  les  bourgeois 
vinrent  au-de- 
>an(  du  Dau- 
phin pour  lui 
l'aire  leur  sou- 
mission, sans 
qu'il  eùl  fallu 
coup  ferir. 

Ainsi  la  re- 
nommée     de 

Jeanne  suffisait  mainicuani  à  gai^ner  di'S  halailles,  ou  du  moins  a  faire  ouvrir 
les  poi'les  des  \illes. 

Une  joie  1res  scnsijjle  allendait  Jeanne  d'Vre  à  (Ihàlons.  Plusieurs  liahi- 
lants  de  Domiem\  s'v  Irouvaienl,  allires  sans  doule  par  le  désir  de  rt'xoir 
«  Jeannette  >■. 

Elle  V  vil  d'ai)ord  Jean  Morel,  l'un  de  ses  parrains,  qui  ('lail  de  (Ireux. 
tl'est  lui  (jui  le  raconte  tians  la  dé[)osition  qu'il  fit  au  procès  de  réhabilitation. 
«  Je  n'ai  plus  rien  à  déclarer,  dit-il,  sinon  qu'au  mois  de  juillet  je  fus  à  Chà- 
lons,  au  moment  où  il  se  disait  (juc  le  Roi  allaita  Reims  se  faire  sacrer.  "  l'>lle 
V  vit  encore  Gérardin  d'Epinal,  son  compère,  leciuel  devait  aussi  plus  lard 
déposer  au  procès  de  reliabililalion. 

A  Domremv  les  hauts  faits  de  Je;uuie  étaient  parvenus;  on  s'en  était  beau- 
coup enirelenu  au  \illage,  et  Jean  jMorel  et  Gérardin,  sans  doute  un  peu  plus 
fortunés,  avaient  résolu  il'allcr  voir  Jeanne  en  son  triomphe.  Il  fut  doux  pour 
la  l'ucclle  de  les  rencontrer,  et  elle  donna  à  Morel  lui  habit  rouge  (|n'elle  a\ail 
porté.  La  caillante  enfani,  aussi  tendre  (pie  courageuse,  avail  le  eulle  du  sou- 
venir; elle  eu  dornia  des  |)reuves  en  plusieurs  occasions.  Son  parrain  dul 
remporter  [)reeieiiscmenl  le  vêlement  (|ue  Jeanne  lui  a\ail  odcrl. 

Etait-ce  celui  doni  clic  usail  en  arrivant  à  \  aucoulcius  cl  doni  il  est  paile 
dans  les  lemoignages  tie  Le  Rover,  de  Jean  de  Metz  el  de  llcrlraiid  de  l'ou- 
leng\  ?  Il  se  peut;  toutefois  il  sembli'  |)eu  probable  (jue  Jeanne,  après  avoir 
à  Vaucouleurs  pris  l'habit  d'homme,  n'ait  pas  remis  son   vèlemenl  orilinairc  à 


ai4 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


Duraïul  Laxarl  ou  à  quelque  autre.  Au  milieu  de  ses  eampai;nes,  l'eùt-elle 
facilement  conservé? et  dans  fjuel  hul  d'ailleurs?  Comme  souvenii-  du  temps 
où  elle  vivait  en  |)a\sanne?  Il  esl  à  su|)|)()sei'  (|ue  le  vêlement  dont  il  est  ici 
(juestion  était  l'un  de  eeuv  (|ui  lui  l'urenl  oU'eils  api'ès  son  arrivée  à  la  cour, 
el  qu'elle  pril   ini   plaisir  ingénu.  I)ien  en  lapporl   a\ce   sonate  et   son   se\c,  à 

en\o\i'i'  à  Domremy  ce 
riche  \ élément  (|ui  dc\ait 
laii'c  l'admiration  de  ses 
compatriotes. 

l.e  Uoi  di'meura  peu 
de  lenips  à  Cliàlons,  et  dés 
le  lendemain  l'armée  le  sui- 
\  il  sui'  le  clicniin  de  Keims. 
Sans  allendre  l'ari-i- 
\  ce  dn  Hoi  sous  leurs 
murs,  les  liahilanls  \in- 
ren(  au-dc\anl  de  lui  jus- 
([ii'à  Sainl-Sanl\,  à  (|ucl- 
(|ues  lieues  de  Keims;  la 
deputalion  se  composait 
de  l)oiu'i>('ois,  à  la  télc  des- 
(|uels  se  Irouxait  l'ar- 
(■lic\(''(|ue  Hegnaidt  de 
Cliarires. 

Le    l^oi    les   accueillit 
a\cc  l)onnegrâccel,  par  let- 
tre, accorda  pleine  amnis- 
tie au\  liahitants.  Le  même 
joiu',   i()   juillet,    il     entra 
solciniclicmeut     à    Reims. 
Le  peuple  nionlra  beaucoup  d'enlliousiasme    poui-    le    Hoi.    Mais   .Teanne 
était  par-dessus  tout  l'objet  des  rcf;ai-ds  :  (ui  se  répétait  ses  "landcs  actions,  et 
l'on   admirai!    la   boule  simple  cl    modesie  dont    elle    doiuiait    si    souvent    des 
preuNcsa  tons  les  mallicureuv  <pii  rapprocbaienl. 

Elle  logea  dans  une  maison  Noisini'  de    la   cathédrale,  (juc    l'on   montre 
encore  aujourd'hui. 

On  voulait  sans  retard  procéder  au  sacre.  T.a  nuil  fut  donc  consacrée  à  en 


Ji:\N.\K    1)  AHC    AL     SAUUIi    Ul     KUÏ     A    HKI.MS 

D'apiis  If  ilissin  (lo  MM.   PnoLVÉ  et  Cabot  pour  le  missel  ile  Jeajine  il' Ajv. 
é.lité   11^11-  I,ehii-i;e   à    Pnris.    i  (Win  lion    ,1c  M.    Vahhi  I.cmcric.) 


2  -^ 

K       5 

.=  S; 


-     a 
a    J2 


3 

2"     H 


a    — 


„    P 


ORLÉANS   ET   REIMS. 

oriloiHicr     les    préparatifs,    et     le    lendemain,     dimanche 
17  juillet,  la  eérémonie  eut  lieu. 

Le  matin,  les  maréchaux  de  Boussac  et  de  Rais,   le 
sire   de   Gi'aville   et    le   sire    de    Cnlaii,    allricnl   à   cheval 
solennellement  ehei'cher  la  sainte    ampoule  en   l'église 
Saint-Rémv.    L'abbé  de  cette  abi)aye,  revêtu   de  ses 
ornements  sacerdotaux,   l'apporta   à    l'église    Saint- 
Denis,  où  l'archevêque  la  reçut  de  ses  mains  pour 
la  déposer  sui"  l'autel. 

Le  Roi  se  tenait  au  pied  de  l'autel.  Douze  sei- 
gneurs et  évêques  suppléèrent  aux    douze  pairs    du 
rovaiuBc,    (jui,    sui\anl    le    cérémonial,    eussent    tlù 
entourer  le  piincc.  Ce  furent,  pour  les  laùjucs,  le 
duc  d'Alençon,  les  comtes  de  Clermont   et  de 
Vendôme,    les    sires   de    La\al,    de    T^a    Tré- 
moille  et  de  Beaumanoir.    Parmi  les  évêcjues, 
on  vil   paraître  ^archc^'êque  de  Reims,  l'évê- 
(|ue  de   Laon,   ceux  de   Clhàlons,   de   Séez   et 
d'Orléans. 

L'archevêque  de  Reims  officiait,  le  sire 
d'Alm  se  tenait,  l'épée  à  la  main,  devant  le 
Roi. 

Jeanne  assista  h  la  cérémonie,  son  éten- 
dard à  la  main;  on  le  lui  reprocha  plus  tard 
à  Rouen.  On  sait  quelle  fut  sa  réponse  : 
son    étentlard    a\ait    été    à    la    peine,    il    était  juste    (pi'il    fût    à    l'honneiM'. 

Le  prince  fut  fait  chevalier  par  le  duc  d'Alençon;  il  reçut  des  mains 
de  l'aichevêque  l'onction  sacrée  et  la  couronne.  Alors  se  passa  une  scène 
qui  arracha  des  larmes  à  lui  grand  nombre  d'assistants.  .Teanne  s'avança, 
se  jeta  aux  pieds  du  Roi,  lui  embrassa  les  genoux  à  plusiems  icpiiscs  et,  pleu- 
rant abontlamment,  lui  dit  : 

«  Gentil  loi,  ores  est  exécuté  le  plaisir  de  Dieu,  (jui  \oulail  (jue  vous 
vinssiez  à  Reims  recevoir  voire  digne  sacre,  en  montiant  (|ue  xous  êtes  Mai 
Roi,  et  celui  aufjuel  le  rovaume  doit  appartenir  )> . 

Ce  même  jour,  Jeanne  cul  le  bonheur  de  voir  son  père.  Celui-ci,  \eiui 
aussi  a  Reims  pour  assister  au  sacre  et  revoir  sa  lille,  fut  logé  et  nourri  aux 
Irais  de  la  ville.  Un  des  anciens  comptes  de  la  ville  de  Reims  porte  que,  des 

•J.S 


JEANNE    D  ABC    AU    SACHE 
P'iipri'S   la   statue   (TKmile   LafONX. 


2l8 


JEANNE   D'ARC   RACONTÉE   PAR   LIMAGE. 


deniers  communs  do  la  ville,  ont  été  pavés  24  livres  parisis  à  la  femme  Alis, 
veuve  de  feu  Raulin  Moiian,  maîtresse  de  l'hôtel  de  VAs/ic  Hnyi\  |)oiii-  les 
dépenses  faites  en  son  hôtel  pour  le  père  de  la  l'ueelle,  laquelle  était  111  com- 
pagnie du  Roi  quand  il  fut  sacré. 

Dans  un  autre  compte,  il  est  dit  ([ue  le  Hoi  Ht  <•  à  Ucinis  l)ailler  et  (lélixrei' 
60  livres  données  à  Jehannc  pour  l)ailler  à  son  père  >^. 

Jeanne,  (|ni  n'onhliail  pas  son  pa\s  de  l)omr(Mn\ ,  obtint  en  fin cnr  de  ses 
compati'iotes  cl  des  liai)itants  de  Creux   rexeniplion  du  paieuieni  des  imp(')ts. 


JI.A.NM;    i;U.M)l  ISANT    LE    KOI    A    «EIMS 
D'aprrs  res(jnisse   il'AnY   ScHEFFEn.   [CoUection   de  M^"  Marjnlîn    Schefjer.) 


Le  texte  de  l'edil  ro\ai  est  conserxc  aux  \rclii\es  nationales  cl  a  ele  publié 
comme  il  suit  par  M.  \  allet  de  \  iriville,  dans  la  l'ihlidl/ii'qiic  de  l' licolc  des 
Chartes  : 

'(  Charles,  par  la  grâce  de  Dieu,  Rov  de  France,  au  liailli  de  Cliaumont, 
aux  esleus  et  commissaires  commis  et  à  commettre,  à  mettre  sur,  asseoir  et 
imposer  les  aides,  tailles,  subsides  et  subventions  audit  bailliage,  et  à  tous  nos 
autres  officiers  et  justiciers  ou  à  leurs  lieutenants,  salut  et  dilection. 

i<  Sçavoir  nous  faisons  <[ue,  en  faxeur  et  à  la  requête  de  notre  bien  aimée 
Jehanne  la  Pucelle,  et  pour  les  grands,  hauts,  notables  et  proiilaljies  serxices 
qu'elle  nous  a  faits  et  fait  ehaijue  jour  au  recoux  ri-ment  de  notre  seigneurie  : 
nous  axons  octroyé  et  octroyons,  de  grâce  spéciale,  par  ces  présentes,  aux 
manans  et  habitants  des  villes  et  villaiees  de  Greux  et  Domremv,  audit  bail- 
liage  de  Baumont  en  Bassigny,  dont  ladite  Jehanne   est    native,  qu'ils  soient 


SACHE    DE    CHAKLES    VU.     ]-    JIILI.ET     l^MJ 

D'après  la  peinture  murale  du    l'.ititliéou,   pjir  Lekepveu. 


ORLEANS    ET    REIAfS. 


p.  ai 


d'ores  en  avant 
francs,  qnilles, 
exempts  de  toutes 
tailles,  aides,  sub- 
sides et  suliventions 
mises  et  à  mettre 
audit  l)ailiiai^e 

«  Donné  à 
Cliinon  le  deire- 
nier  jour  de  juillet, 
l'an  de  gràee  mil 
quatre  cent  vingt- 
neuf  et  de  nostre 
règne   le   septième. 

«  Par  le  Rov, 
en  son  conseil. 

«  Badé  ». 

L  e  p  è  r  e  d  e 
Jeanne  d'Are,  Jean 
Morel,  parrain  de 
la  F^icelle,  et  Gé- 
ra riiin,  son  ami 
d'enfance,  eurent  la 
douce  joie  de  pou- 
xoiiremportei' celte 
bonne  nouAclle  aux 
amis  que  Jeanne 
avait  laissés  à 
Greux  et  Domremv. 


:çv/^tfm 


COURONNEMENT    DU    EOI    A    IIKIMS 

D'aprrs   \:\   iniiiiatiire   d'un   manuscrit   Tranchais  tlu   x\'^  sii-cle. 

ijiihlifithèque  iialionalc,\ 


Le  soir  du  sacre,  Jt>anne  dut  ax^oir  un  long  entretien  avec  son  père. 
Après  le  triompbe  des  Rameaux,  le  Cbrisl  se  icndil  à  lîcMlianie  cliez  Lazare 
et  ses  sœurs,  qui  étaient  ses  amis.  La  \\v  intime  cl  cadu'c  csl  douce 
après  les  joies  bruyantes  et  publiques;  c'est  le  recueillement  du  c(j'ur.  On 
rcti-ouvc  dans  la  solitude  du  lo\cr  (l()nicsli(|ue  ou  ami  la  (leur  même  îles 
joies  qu'on  vicnl  de  goùlci'  si  elles  oui  eu  (|ucl([ue  cliosc  de  substanliel  et 
de  durable,  on  en  recueille  |)our  le  respirer  à  nouveau  et  plus  libre- 
ment   le    parCum    mcnn'    :    laissant    de   côte    le    bruit    du    dcliors,    rcclal    (|uc 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

oi'ilcnl    seules  les  Ames    futiles,   on    garde    l'àme   des    joies    (jiroii 

\ieiil    de   eoiin;u'lr'e   ou    des    lionueur-s  c^wo   les   liomuies    nous  ont 

eiulus. 

C'est    luie    joie    douce   au    e(eui',    connue  l'est    pour    l'esprit    le 

souvenir  d'une  hcllc  pai^c  <|u'on   \ient    de  lire,  d'un   discours 

elotjuent  (|u'on   ^ient  d'entendre.    \)u   livre   ou  du    discours 

la   lellre  est   déjà   loin,   mais    la  pensée    l'cste,   la 

vérité    demeure    hienfaisaulc    <\c    lumière    cl    de 

forée. 

Que  ne  nous  a-t-on  gardi-  le  l'ccil  de  l'eulre- 

tien  de  .leauiu'  avec  sou  père,  au  soir  de  Keims  ! 

Alais    ces    choses    ne    son!    pas    de    celles    (|ue    les 

secrétaires  mettent   eu    noie,  et   (pic   l'on    rcirouxc 

consignées   au     livre    de    compics   d'une    ville    ou    d'uu 

bourgeois.  <  )u   v    inscrit   seulement    la   sounne  des   livres 

louruois  dépensées. 

.leauue  s'iid'orma  sans  doulc  de  sa  mère,  de  ceux    de 
ses  frères  qui  elaieul  restes  au  logis  cl  de  sa  S(rur. 

(^)ue  devenail-ou  à  Donu'cmv  depuis  les  six  grands 

mois  (|ue  .Icannclle  eu  était   partie  ":*  (^)u'av  ait-on  dit 

d'elle  au  v  illage  et  <|ue  pensait-on  de  sou  e(|uipec"::' 

Va  .lae([ues  d'Vre,   avait-il  enlin    pardoinu'  à 

.leaiuietle   (r(''lre   parlie   malgi'c   sa  défense?  Se 

rejouissail-il    aLijoiM-d  liui  <|ue,  ccoulaut  la  voix 

des    saiiUes  plul(')l   (|uc  celle   de    son   père,    elle 

liïl     venue    a    \aucouleurs    d'aliord,    a    (.liiuon 

ensuite,    puis  a   ()rleans  et   a   Mcims   pour   taire 

ces  grandes  choses? 

.Teaune  était  trop  douce  et  trop  dc-licate  poui' 
parler  ainsi;  elle  n'eut  |)as  voulu  même  efdeiu'er  ces  propos  et  réveiller'  ces 
souvenirs  propres  à  coid'ondre  le  pauvre  .Taeques  d"  \rc. 

Mais  lui,  sinon  pendant  que  sa  fdle  était  à  ses  côtés  seule  avec  lui,  dan:, 
quekjue  ehamhrctic  de  I'IkMcI  de  ■<  ÏAs/ic  lUn/c  ",  du  moins,  au  moment  du 
sacre,"  de  quelles  pi'iist'-es  son  l'spril  n'avail-il  pas  été  hanté  ! 

S'il  avait  persisté  jadis  dans  sa  défense,  si  ses  fils  l'i'ussent  écoute  (juand  il 
leur  disait  de  jeter  Jeanne  dans  la  Ali-use,  si,  etfravée  de  ces  menaces,  Jeanne  lut 
i"estée  à  Domremv,  (pu'l  autre  ctal  |)our  les  choses  de  France!  —  Ce  Roi,  <|ui. 


JEANNE  1)  \!tc    \i;    s\i:hi-; 
après   la   statue   tU-   S,\int-M,\i\(;kaux 


,.//r, 


■'"'/'  ^^■■'y 


Ji/it^  u^u 


OllLKANS    ET    REIMS. 


223 


hois  Jeanne,  l'eùl  fait  sacrcf?  I.e  pays  envahi,  qui  en  eùl  eliasse  l'Vn^lais? 
(  hii  nous  eùl  rendu  la  i^loire  des  armes  et  assuré  l'indépendance? 

Oli!  la  mission  des  pères  esl  \raiment  sacrée,  mais  elle  esl  hien  i;rave 
aussi  et  parfois  redoulahlc.  Conihien  recueillis  et  sages  ne  doivent-il.v  pas 
l'exercer!  Combien  aisé  ne  leur  est-il  pas  d'entraver  à  son  deparl  unr  \w  (\u\ 
peut  être  féconde,  peut  êlrc  mèine  gi'ande  et  illustre! 

Un  père,  une  mère,  devraient  par  la  sagesse  de  leurs  |)ensées,  la  gra\ile  et 


I.K    SACHE 

D'anrrs  tut  ciii-toii  de  Lionel  Royer. 


la  mesure  de  leiu's  ri'soiulions,  s'épargner  pour  l'aNcnii'  la  peine  de  \oir  leurs 
(ils,  de\enus  hommes,  uliles  à  leiu'S  frères,  honores  par  le  l'ail  (|tril  oui  eu  le 
rare  el  didieile  courage  d'opposer  aux  desseins  de  leurs  parenis  un  dessein 
plus  sage,  à  leui'  noIouIc  (|ui  se  Irompait  d'ohjet  une  volonle  plus  éclairée  el 
plus  ferme.  .<  Quel  malheur  pour  l'homme  que  d'être  heureux  sans  Dieu  "! 
dil  Pascal.  (  i'i'sl  un  malheur  poiu' ini  père  que  le  spectacle  du  honlieur' de  sou 
iils  heureux  sans  lui,  cl  non  par  le  i'ruil  de  sa  prudente  dirccliou  el  de  la  lidelile 
de  son  dcxouemenl. 

Jacques  d'Arc  avait  pardonnt'  à  sa  fille  ((uand  elle  partit  de  \  aucouleins; 
.leanne  n'a\ait  pas  eu   même  à  pardonner,  tant  son  àme  douce  et   indulgente 


224  JEANINE   D'AllC    RACONTÉE    PAR    L'IMAGE. 

était  incapal)le  de  s'arrêter  même  un  instant  à  quelque  ressentinicnl  envers 
eeu\  <[u'el]e  aimait. 

Il  l'ant  (loue  penser  (jue  leur  entrelien  l'ut  tout  au  honlieni'  de  se  rexoii', 
et  (|ui'  Jeanne,  si  rarement   jo^ellse,  le  int   pendant   ees  instants,  sans  iesei'\e. 

(l'étaient,  lielas!  les  derniers  (|u'elle  passerait  a\ee  son  père;  elle  ne 
de\ait  [)lus  le  revoir  ! 


MEDAILLON    UN    VILH.MI.II,    lu      \\1      SltCLE 

{Mitscc  Jeanne  d'.lri-,   ;i  Orléans.) 


LE    SIEGE    DE    PARIS 

T;il)Ii'iiii  (le  CAnRiER-BEi.T.EUSE  pnMir  djnis  lii  Mission  patrintii/nc  île  Jeanne  d'Arc.  (Jmpr'tmciies  Rt'anîfs.) 


VI 


DEVANT   PARIS 

GÉNIE  ET  PATRIOTIS^IE  EN  JEANNE  D'ARC 
A  SAINT-DENIS  SOUS  PARIS 

\RMi  les  causes  diverses  de  l'élrange  et  adminihle 
aelion  piil)lique  de  Jeanne  d'Arc,  avec  sa  foi  vive, 
sa  [)!('!('  fervente  et  le  secours  d'En-Haul  que  lui 
appoilent  conslamment  ses  «  voix  »,  il  faut  compter 
le  i;(iii('  f[uc  Dieu  lui  avait  donné  et  le  grand  amour 
qu'elle  eut  pour  la  France. 

Je  voudrais,  avec  mes  lecteurs,  m'arrêter 
quelque  temps  à  cette  considération,  persuadé 
qu'elle  importe  grandement  tant  à  la  juste 
intelligence  de  ce  que  fut  Jeanne  et  de  ce 
qu'elle  fit,  qu'au  bénéfice  que  cliacun  de 
nous  doit  l'ctirei-  poiu"  son  propre  bien  de 
l'élude  même  de  ses  actes  et  tic  son  caractère. 

^9 


JKANNF,    PI.El'RANT    A    LA    VUE    lllis    BLKbSl.S 

Statue  tie  la  princesse  Marie  d'Orléans. 


226  JEANAE   D'ARC    RACONTÉE   PAR    LIMAGE. 

Admiii  r  une  grande  âme  est  bien,  mais  non  pas  assez  :  il  faut  que  noire 
admiration,  en  même  temps  qu'elle  honore  eeux  qui  en  sont  l'objet,  soit 
féconde  pour  nous,  que  les  exemples  qu'ils  nous  donnent  nous  portent 
à  les  imiter,  et  que  l'esprit  qui  les  anime  prenne  en  nous  une  ])lare  plus 
large,  plus  durable. 

Un  écrivain  de  notre  siècle  a  dit  de  Bossuet  cette  très  juste  parole  :  «  Le 
caractère  propre  et  distinctif  de  Bossuet,  c'est  le  bon  sens'  «  . 

«  La  découverte  n'est  pas  bien  grande  -,  ajoute  l'auteur.  C'est  une  erreur  : 
la  découverte  est  grande,  parce  que  d'une  part  elle  est  fort  juste,  que  de 
l'autre  elle  est  nouveauté  pour  nombre  d'hommes  qui  ne  connaissent  (juc 
médiocrement  ré\è(jne  de  Aleaux  et  qu'elle  est  par  conséquent  instructive. 

Je  crois  que  quiconque  aura  étudié  la  vie  de  Jeanne  d'Arc  comme  il 
convient  de  le  faire  dira  aussi  :  «  T>e  caractère  propre  et  distinctif  de  Jeanne, 
c'est  le  bon  sens  »  . 

En  Bossuet  le  bon  sens  a  été  singulièrement  fortilié  par  la  fermeté  de  ses 
croyances,  par  sa  foi.  Il  en  est  de  même  de  Jeanne  d'Arc,  mais  le  bon  sens  n'en 
demeure  pas  moins  sa  marcjue  particidière. 

Le  bon  sens!  On  a  généralement  trop  réduit  son  domaine  cl  l'amcnc  à  une 
trop  modeste  mesme  le  mctitc  ([ui  est  le  sien. 

«  Rien  n'est  estimable  <|ue  le  bon  sens  et  la  mm-Iu  )•,  a  dit  justement 
Fénelon;  mais  combien  ces  deux  grandes  choses  sont  peu  popidaires!  La 
vogue  n'est  pas  j)our  elles. 

C(^|iendant  le  bon  sens  est  ici-bas  le  Fontien  de  la  vc'rité,  sans  hupielle  ni 
indi%  itlus  ni  sociétés  ne  pcuncut  \  i\  rc.  Mais  on  le  traite  comme  ces  arbres  dont 
on  recueille  les  fruits  et  dont  on  dédaigne  le  Ironc  et  la  ramure,  on  encore 
ainsi  que  ces  hommes  plus  sages  dans  le  conseil  ([u'cntrcprcnants  dans  Faction, 
([ui  ne  s'cxpiinient  jamais  biuuammenl  cl  qui  rendent  si  modestement  service, 
qu'on  oublie  le  bienfaiteur  d'aboid,  le  bon  ser\  ice  ensuite  et  le  prix  <{u'il  a 
pour  nous. 

C'est  |)ar  la  force  du  bon  sens  qu'un  homme  vaut,  c'est  par  la  faiblesse  du 
sens  qu'il  est  médiocre.  Sans  le  bon  sens,  rien  n'est  ferme  en  nous  ni  eflicace. 
C'est  par  lui  que  les  résolutions  sont  sages  et  aboutissent;  c'est  lui,  en  effet,  qui 
donne  à  la  volonté  la  vigueur  et  la  constance,  par  la  clarté,  la  pi'écision  et  la 
sagesse  des  desseins  qu'il  inspire. 

Sans  lui  le  goût  n'est  pas  sûr  dans  les  arts  et  dans  les  lettres,  la  poésie  est 

I.   Dt'sirt"  \is;irtl.  Uîstoirc  de  la  J.Uti'ratnrf.  l.  III.  p.  'i?.i. 


DEVANT   PARIS. 


227 


vaine  et  les  l)e;m\  moinements  de  la  |)arole  liumaine  ne  peiivenl  èlii'  (ju'une 
creuse  et  sonore  harmonie  de  mois  (jui  se  succèdent. 

Le  génie  enfin  n'est  pas  aulre  chose  que  le  ])on  sens  (''Ie\é  jusqu'au 
suhHme  par  l'imaginalion.  Le  génie  est  la  raison  émue,  la  vérité  ladieuse  et 
splendide!  Splcndoi-  vert^ 
comme  l'a  dit  l'ialon  du 
heau. 

Mieux  encore  que  la 
science,  c'est  du  bon  sens 
que  nous  pouNous  dire  avec 
Bossuet  :  «  Il  esl  la  lumière 
de  l'entendement,  le  guide 
de  la  volonté,  la  nourrice  de 
la  vertu,  eu  lui  mot  l'âme 
de  l'esprit  et  le  maitre  de 
la  vie  humaine'    > . 

Comme  l'espiit  de  foi, 
le  bon  sens  est  en  nous  cet 
«  œil  «  dont  parle  le  Christ 
et  qui,  (juand  il  s'applique 
avec  clarté  et  précision  à  son 
objet,  jette  sur  tout  ce  qui  est 
en  nous  et  devant  nous  la 
kimière\ 

Peu    d'hommes   ont  été 

aussi    fortement  marnués  nue         D'IIH''*  '<;  ilcssiu  de  ISida.  (extrait  de  Jcamic  d'Arc,  par  MiCHELET 
'Il  Hachette   et   C'',   cilitcurs.) 

Jeanne  de  cette  universalité 

du  bon  sens.  C'est  en  lui  qu'elle  puisa  celte  aptitude  aux  rôles  les  plus  di\ers. 
Par  lui  elle  est  à  l'aise  en  toutes  choses  et  partout  elle  se  trouve  en  sou  nalurel. 
Ni  le  spectacle  nouveau  tles  cours,  ni  les  finesses  de  la  (liploiiialic  ne  la 
déroutent,  ni  les  arguties  de  la  scolastique  ne  la  mettent  en  échec,  ni  la  guerre 
avec  ses  surprises  et  son  tumulte,  ni  la  gloire  même  ne  la  font  sortir  tic  sou 
«  assiette  stable  et  tranquille»,  comme  dit  Pascal. 

Elle  est  |)artoul  fidèle  à  elle-même,  parce  que  partout  son  admirable  sens 
lui  donne  lumière  pour  sagement  concevoir  et  fortement  exécuter. 


Jl.VNM-.    IJICIANT    UNIi    LliTTllK    A    SON     AIIMONIiai 


1.  Bossuet,  Pancgyriiltte  de  sainte  Cathcnne. 

2.  Si  oculus  tuuj  l'uciit  siinpUx  cl  parus,  totum  corous  tauin  lacidum  cru,  (.Malli.  \i,  22.) 


■ii8 


JEANNE   D'ARC   IIACONTÉE    PAR   L'IiMAGE. 


SOSNIilTIi    AVliU    MANCHli 

KUl'BÉsiiS TANT    UNE    STATUE 

UK    JIÎANNK    d'aHC 

[AIuscc  Jeanne  d'An-,    ;i   Orléans. ) 


C'est  du  bon  sens,  source   et  fondement  de  l'espiil,  que 

jaillissent  ces  saillies  Aives  et  pénétrantes  qui  donnent   à  son 

discours  l'originalité   puissante  —  et   charmante  aussi  —  qui 

laisse  sans  réplique  courtisans,  chefs  de  guerre,  docteurs  et  juges. 

C'est  par  le  bon  sens,  uni  au  bon  cœur,  qu'elle  plait  tant 

aux  foules,  qu'elle  leur  dit  ces  mots  que  les  gens  du  peuple 

se  répètent  et  qui  font  fortune  parmi  les  petits,  tant  ils 

rendent  en  termes  justes,  forts  et  prompts  ce  que  chacun 

pense  tous  les  jours. 

Sous  Jargeau,  les  siens  perdent  courage.  Elle  leur 
promet  la  victoiie  :  Dieu  ne  manquera  pas.  —  «  En  êtes- 
vous  sûre?  —  Eh!  si  je  n'en  étais  sûre,  j'aimerais  mieux, 
croyez-le,  garder  les  brebis  que  de  m'exposer  à  de  tels 
périls.  »  Que  ré|)ondre  à  cet  argument  ? 

A  Poitiers,  les  docteurs  chargés  par  le  Daiiphiii  de 
1  examiner  la  rcloiirnciit  en  tons  sens  :  li's  ()l)i('cti()iis  se 
croisent,  les  questions  se  succèdent.  A  cliainn  Jeanne  répond  par  le  mot  juste. 
«  Vous  dites  que  Dieu  vous  a  promis  la  victoire,  hasarde  Guillaume  Aymeri, 
et  d'autre  part  vous  demandez  des  soldats.  A  (juoi  bon  des  soldats,  si  la 
victoire  est  assni-ée?  —  En  nom  Dieu,  réjtond  Jeanne  d'Arc,  les  soldats 
batailleront  et  Dieu  donnera  la  victoire.  » 

Elle  est  à  Rouen.  On  essaye  de  la  surprendre  en  ses  paroles  :  «  Ne  savez- 
vous  |K)int  (jue  sainte  Catherine  et  sainte  Marguerite  haïssent  les  Anglais?  — 
Elles  aiment  ce  que  Notre-Seigneur  aime  et  haïssent  ce  ([iie  Dieu  liait.  — 
Saint  Michel  avait-il  les  cheveux  longs  ou  courts?  —  Pensez-vous  qu'il  en 
coûte  à  Dieu  de  les  lui  couper?  —  Etait-il  \ctu? —  En  eoùtait-il  à  Dieu  de 
le  vêtir? 

«  Quel  langage  parlait  saint  Michel?  lui  demande  un  des  docteurs  de 
Poitiers,  Limousin  d'origine.  —  L  n  meilleur  (|ue  le  vôtre  »,  réj)ond  Jeanne. 

A  Rouen  encore  :  i<  Savez-vous  être  en  état  de  grâce?  "  lui  demande-t-on. 
Si  elle  dit  oui,  on  l'accusera  d'orgueil;  si  elle  dit  non,  elle  se  reconnaîtra 
coupable. 

«  Si  je  u'a  suis.  Dieu  m'v  mette,  répond  Jeanne;  si  j'v  suis,  Dieu  m'y 
garde.  Je  serais  la  plus  dolente  du  monde,  si  je  ne  savais  pas  être  en  la  grâce 

de  Dieu Au  surplus,  je  crois  qu'on  ne  peut  trop  nellover  sa  conscience.  » 

Le  bon  sens  en  elle  s'éleva  jusqu'au  génie. 

Qu'on  ne  nous  accuse  |)as  d'atténuer  en  son  action  comme  en  ses  discours 


DEVANT   PARIS. 


229 


la  pari  de  l'inspiration.  Nous  la  laissons  entière.  Mais  quand  Dieu  dispose  une 
âme  à  queUjue  mission  extraordinaire,  il  l'y  prépare  et  commence  toujours  par 
lui  assurer  les  dons  qui  conviennent  à  la  charge  qu'il  lui  réserve.  «  C'est 
Dieu  qui  fait  les  guerriers  et  les  concjuérants...,  dit  Bossuet.  II  inspire  le 
courage,  il  ne  donne  pas  moins  les  autres  grandes  qualités  naturelles  et 
surnaturelles  et  du  cœur  et  de  l'esprit.    Tout  part  de  sa  puissante   main'.   » 

«  Tout  »  nous  vient 
donc  de  lui,  l'intelligence  et 
le  génie  même,  comme  la  foi. 

C'est  chose  plus  éton- 
nante encore  et  |)Ius  admi- 
rahle  que  de  voir  de  tels 
dons,  et  en  un  progrès  si 
achevé  dans  une  enfant  ou 
du  moins  une  simple  jeune 
fdle. 

Aussi  rien  n'est-il  |)lus 
aisé,  quand  on  lit  la  vie  di' 
Jeanne  d'Arc,  et  de  plus 
fréquent  ipie  d'ou])lier  l'âge 
encore  tendre  qu'elle  avait, 
puisqu'elle  est  morte  à  dix- 
neuf  ans  moins  quelques 
jours. 

Nous  ne  rencontrons 
nulle  part,  semble-l-il,  une 
nature  aussi  exceptionnelle- 
ment mûre,  et  l'on  eompniul 
qu'Etienne  Pasquier  ail  dit  de  sa  personne,  de  sa  vie  et  île  son  action  :  «  C'est 
un  vrai  miracle  de  Dieu*  ». 

Mais  il  est  un  autre  objet  sur  lequel  il  me  larde  d'appliiiuer  notre  élude  : 
c'est  le  grand  amour  que  Jeanne  eut  pour  la  France.  Le  génie  n'est  le  partage 
que  d'un  petit  nombre  d'hommes,  mais  tous  ont  le  devoir  d'aimer  et  de  servir 
leur  patrie.  C'est  un  devoir  que  Jeaiuie  nous  enseigne  de  l)ieu  belle  et  bien 
louchante  manière. 


Al'KES    AVOIR    TEHKASSE    LE    LEOPARU    U  ANGLETERilE, 
JEANNE    REMET    A    DIEU    SON    ETENDARD 

Groiij)c>  yn  lu-onze  lie  M.  le  ctiinte  G.  nu  Passage. 


I.   Bossuet,  Oraison  funcbre  du  prince  de  Condè. 

■i.   Elieiuie  Pasquier,  la  Recltcrches  de  la  France,  livre  VI,  cli.  v. 


23o        JDANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'LMAGE. 

Il  y  a  dans  node  tempérament  national  une  telle  généiosilc  ikiIInc, 
(|ne  ceilains  senlimenls  nous  semblent  devoir  naîlie  en  nous  d'inslincl  cl  s'y 
développer  sans  eObrl.  Il  en  est  ainsi  du  patriotisme. 

Demandez  à  un  Fiançais  s'il  ainu'  son  |)a\s,  s'il  a  le  culte  passion lu-  de  la 
France,  si  dans  ses  paroles  et  dans  ses  acies  il  Iraduil,  sans  cesse  ni  défaillance, 
ce  seulimenl  :  il  n'hésitera  pas  à  répondre  (ju'il  en  est  ainsi  et  (jue  son  patrio- 
tisme esl  aussi  profond  (ju'eHt'ctif.  Montrez  quelcpie  léger  doulc  à  cel  cndroil, 
NOUS  lui  canst'icz  aulanl  d'ctonnement  (|uc  de  dc|)laisir.  Insisicz,  priez-le  de  se 
l'ccucillir,  de  s'inleirogcr  lui-même  a\anl  de  répondre  une  fois  encore  :  il  ne 
sera  |)as  éloigné  de  vous  en  voidoir  cl  ne  \ous  cacliera  pas  (|uc  \()lre  doulc  le 
])lesse. 

Et  eepeudani  ('ludiez  vous-même  ses  actes,  son  allilude  liahiluelle,  écou- 
tez ses  piopos,  cl  NOUS  devrez  en  conclure  que  son  palriolisme  est  médiocre, 
que  ses  paroles  sont  fré([ncmment  amères  à  l'endroit  de  son  peuple,  cl  ([ue,  si 
devani  l'cnneini  cl  sLir  le  champ  de  bataille  il  est  homme  à  coml)allre  vaillam- 
ment, au  coniraire,  dans  la  [)ai\,  dans  sa  vie  de  chaque  jour,  il  est  nombre  de 
sacrifices,  non  pas  liéi'oi(jues  ccpendanl,  au\<|nels  il  ne  consenlirail  pas. 

Vous  verrez  surloul  (pic  si,  par  une  ihcorie  facile,  il  aime  cl  admire  la 
France  du  passé,  ou  celle  (pi'il  prc\oil  dans  l'avenir,  pour  la  France  de  son 
temps  il  n'a  (ju'éloignemcnl,  maussaderie  et,  dans  l'action,  indifférence  et 
inertie. 

C;'est  que,  quoi  qu'on  en  pense,  le  patriotisme  est  une  vertu.  Et  si,  comme 
il  est  vrai,  ce  noble  sentiment  a  dans  toute  âme  généreuse  une  racine  naUnelle, 
encore  ne  peut-il  vivre,  croître  et  devenir  fécond  que  par  l'etl'ort  et  l'abné- 
gation. Il  faut  souNcnt  s'oublier  soi-même  pour  aimer  son  pa\s,  et  de  même 
que,  poiu'  alli'r  défcndic  le  diapcau  conli-e  rcnncnii,  il  faut  quitter  sa  demeure 
et  sa  famille,  ainsi  pour  ser\  ii-  son  pa\s  dans  le  patriotisme  civil  et  pacifique 
faut-il  se  renoncer  soi-même  et  imposer  silence  aux  sentiments  personnels 
parfois  les  plus  vivaces. 

Nul  ne  nous  offre  plus  que  Jeanne  d'Are  un  modèle  parfait  de  cette  vertu. 
S|)ectacle  aussi  touchant  qu'il  étonne  en  une  enfant,  Jeanne  s'était  fait  de 
la  France  une  sorte  de  personne  vivante.  Son  grand  cœur  et  son  vif  génie 
avaient  évoqué  devani  ses  veux  comme  une  image  visible  tle  la  Patrie  ! 

En  un  temps  où  l'idée  de  la  Patiie  française  se  dessinait  à  peine,  Jeanne 
la  vit  ni'ttemcnt,  et  la  France  était  poui'  elle  comme  luie  âme  vivante.  Elle  avait 
eu  l'intuition  du  génie  de  la  France. 

Née  en  cette  vaillante  terre  de  Lorraine  f|u'on  ue  peut  nommer  sans  lui 


f 


Copyriplil     isy:;.] 


APRES    r.A     iJATAlM.E    —    JE/WNE    P,\NS\NT    UN    BLESSE 
D'aprt's   une    ;iqiiiiroIli'   tic    I)uMO^T   piiMiéc   dans   le    Uarpcr's   Mai^azinc 


I 


DEVANT   PARIS. 


233 


oiiNOxcr  un  saliil  du  crrur,  liclas!  moiiilk'  de  lai'incs,  plari'c  sur  ics  coiilins  dr 
r  Vllcuiai^nc  cl  de  la  l'iaiicc,  il  scmhic  (|u'cllc  ail  jui^c-  le  lempcrauicnl  de  ces 
d('U\  races,  si  dixcrscscu  loulcs  clioscs.  Son  (-(l'ur,  sa  pcnscc,  loulc  son  âme, 
a\aicnl    -   oplc    ..    pour  la  l'rancc.  Aussi,   (|uaud   clic  en  parle,    il    \    a   dans  ses 


VENAIENT    A    MOI    TRES    roI.ONTIEBS    LES    PAUVRES    GENS,     TOUR     CE    QUE 
JE    NE    LEUR    FAISAIS    POINT    DEPLAISIR 

D'itprés  iiiic  afiii.ircllc  de   ISdutkt  te  Mo^vE^,  extraitt*  de  ralbiini  Jt-aiiiiv  d'.lrc.   [Pion  tt  C"",  éditeurs.) 

aecenis  je  ne  sais  ipioi  de  lendrc  cl  de  earessant.  Elle  la  clioie.  clic  a  pour 
elle  quelque  chose  (|ui  rappelle  les  caresses  de  l'cnfanl  (|ui  \oil  pleurer  sa 
mère  cl  lenle  d'apaiser  ses  larmes. 

<  hi'on  ne  dise  pas  (|ue  les  malheurs  de  la  l'r-ancc  elaicul  Icis  en  ee  lcm|»s, 
(juc  nul  l'rancais  ne  [)()u^ail  n(''ij|ii;er  iraimer  son  pa\s  cl  de  le  sei'vir  de  loul 


234 


JEANNE    D'AIU:    UVCONTKE    P  \  H    l.[M\(,E. 


(•(riir,  cl  (|ii('  .Icimiu-   a    ("ail    simpicmcnl    ce   (|iic   cliacim  faisail  cl  (lc\ail  faire 
cil  pai'cillc  circonstance. 

.l'ani'ais  d'ahoril  le  deuil  de  rc|)()ii(lrc  (|n'en  ce  nicnic  Icinps  cl  an  si'in 
des  nicnies  inallicnrs,  n()nd)rc  des  lils  de  l'rancc  l'onhiierenl,  accncillircMl 
I  ciranijfi'  on  se  consolèrcnl  des  dcnils  nalionaux,  ponrlanl  si  ^rascs  cl  si 
cruels. 

Mais  ce  n'csl  poinl  d"a\()ir  aime  la  j'iance  niallicnrcnsc  (|ue  je  loue 
Jeanne:  c'esl  alors,  eu  eUel,  (|ue  le  |ialriolisinc  csl  le  plus  l'acilc.  Elle  a  mieux 
l;ii'   :  <'ll<'   I  :•   ainiec   nicruc   eu   dcliors  de  ses  nialliciu's,    je   \cu\  dire  pour  ce 

([u'cllc  csl  d'cllc-nicuie,  pour 
sa  heaule,  sa  uoi)lesse,  sa 
L;raudeur. 

\ussi,  dans  l'expression 
de  cel  amour,  mel-ellc  je  ne 
sais  ([nelle  fierU'  sereine,  (|ucl 
ori;ucil  noMcen  même  lemps 
(|u°in!;('uu,  cl,  puis(|ue  nous 
a\ons  parl('  de  mère  cl  d'en- 
l'anl,  il  seml)le  (|Uc  Jeanne 
d'Vre  \euillc  faire  cnleudrc 
au  monde  qn  à  ses  veux  nulle 
nalion  ne  vaut  la  l'rancc. 

(  i'csl  liien  ainsi,  n'csi-il 
pas  \  rai,  (|ue  l'enlaul  pense 
cl  parle  de  sa  mère  ;  de  loules 
les  femmes,  de  loules  les 
mères,  sa  mère  est  la  meilleure,  la  plus  noMc,  la  plus  hcllc  même  et  la  plus 
aimée,  (lei'tcs,  j'aime  cnleudrc  Jeanne  i;('mir  connue  elle  l'a  fait  sur  "  la  ijraude 
pilic  (In  roxaume  de  l'rancc  ■ .  J'aime  (]u'à  ^'ancoulcnrs  elle  compare  sou 
allcutc  douloureuse  à  celle  de  la  mèri'  ([ui  attend   le  lils  ([ui  xa   lui   naître. 

J'aime   la   \oir  i|uitlcr   loni,  allrouler    tous    les    pc'-rils,   (h'joucr  toutes    les 


ji:inm;  m.i.vnt  al   r.ojiiivT 

Ilas-ri'lii'l  lie  Kovatier.  [Mtigt-c  Jcatinc   tt.irCj   Orléans  ) 


inis   nalicnlc  (luc  ne  sou 


I   lonus  les  délais  (|n'ou  I 


UI 


inliii^ues,  cl  se  montrer  pi 
impose;  j'aime  la  \oir  \  i\  re,  comhaltrc,  cire  eaptixe  pour  sauver  la  France  cl 
mellreun  lerme  à  son  mallieur.  J'aime  enlin  la  xoii',  a  sa  dernière  licure. 
douce,  sereine  cl  resii^nce  par  le  seul  fail  de  celle  assurance  (|n'cllc  a  (|ne 
c<  axant  sept  ans  les   \ni;lais  seront  houles  liors  de  l'rancc  ". 

^Nlais  ce  (jui  ne  me  louelic  pas  moins  ou   plul(")l  ee  (|ui  m'cmcul  da\aulai;e. 


1  i   Vl,l)>     \\\.i:    1,  lAMOt 
1)1.     lA     l'IJCKI.LK 


DEVANT  r\i;is. 

e'csl  le  ciillc  passionne  (radniiialion  (|ircllc  a  ponr  son  paxs 
quand  elle  parle  (In  "  liean  paxs  de  lianee  ■,  de  ce  •'  noble 
i()\aume  >>  el  de  ee  "  saini  l'oxaume  ".  lA\v  ajonleiail  xolonliers. 
a\ee  nu  de  nos  \ien\  eln()ni(|neurs,  (|ne  si  l)ieii  a\ail  en  deux 
lils,  a\anl  donne  le  (  liel  an  preiniei',  il  eùl  an  second  donne 
la    lianee   |)onr  a|)anai;('. 

N'a-l-eile  pas  l'ail,  dn  l'csle,  de  la  l'ianee  nne  louani^c 
meillenre  encore  (|nc  cclle-la  (jnand  elle  a  dil  :  ■•  Tons  cen\ 
([ni  i;nerroienl  contre  ce  sainI  l'oxanme  de  l'rance,  j^iierroienl 
eonire  le   roi    .lesns,   roi   dn   (liel    cl    de   loni    le   Monde  ". 

De  l'avis  de  la  i'iiccllc,  c'csl  enire  la  l''rancc  cl  l)icn  connne 
nne  alliance  od'ensiNc  cl  dcrensixe  :  (jiii  lonclic  a  I  nn  Messe 
l'anlrc. 

Voila  (|nel  en  Ile  Jeanne  a\ail  poin'  son  pa\  s.  (  )n  dira  :  (  i'csl 
iniicnii.  Soil;  mais  c'csl  nohie,  c'csl  loncliani  cl  c'csl  cClicacc. 

l'.n   Ions   les  cas,  c'csl  ainsi  ((ne  .Jeanne  a  coinni'is  j'ainoui'   (i'''""-'''""    moiLinc' 
(le    la    l'rance   cl    j'ajonic   (|nc    (|nicon(|ne   ne   l'aime   pas  ainsi,    ne    l'aime   pas 
comme  il  con\  ienl. 

(  )n  nons  acense  de  je  ne  sais  (jnellc  \anlardisc  a  l'endroil  de  la  valeur 
de   noire   peuple. 

.le  ne  sais  pas  si  nons  a\ons  liors  de  clic/,  nons  le  Iravers  de  \anlcr  la 
l'rance  a  re\c(''s;  mais  s'il  en  esl  ainsi,  i;ran(l  Dieu!  (jucl  iclour  nous  j)rcnons 
nue  fois   renircs  dans   nos  nmrs! 

Nous  excellons  à  dire  t\i\  mal  de  nous-m(''nies  el,  à  enlendrc  nombre 
d'enli'c  nous,  il  n'esl  nalion  pire  (|ue  la  n('>lre.  i'ji  ini  mol,  si  \i\e  (luc  puisse 
('■Ire  la  jalousie  des  aulres  peuples  a  l'endroil  du  n(')lre,  il  esl  \rai  poinlanl 
(juc  nul   ne  dil    plus  de  mal   de   la   l'rance  (|uc  les   l'raneais. 

La  l'rance  mcrile  mieux  (|ne  ces  railleries,  cl  nons  serons  dans  la  \crile 
cl  dans  la  jusiice  en  imilanl  Jeanne  d'Vrc.  en  cslimanl  la  l'ianec  comme  elle 
l'aeslimc'c,  en  l 'ad  m  ira  ni  connue  elle  l 'ad  m  ira  il.  Nous  aurons  à  i^a^ncr  beau  coup 
à  ce!  cnlliousiasnic,  je  ne  \ois  pas  ce  (|ue  nous  pourrons  \  perdre;  car  il  en 
esl  d'un  peuple  connue  d'ini  liouniie,  il  esl  meilleur  de  l'cIcNcr  à  ses  \eu\ 
a\cc  mesmc  (|ue  de   l'ahaisser. 

Jeanne  loulcfois,  en  sou  palriolismc,  nons  doinic  nn  aulrc  exemple 
Cju'il  imporic  de  ne  pas  oublier,  car  il  esl  d'une  iinilalion  plus  lahoi'icusc. 

SouvenI,  aimer  sa  raniillc  esl  plus  facile  (|u'ainier  ses  frères,  (l'est  (|ne  les 
inlerèls  el  l'iionneui'  de  la    famille    nous  soûl    un    bien    commun    a\ee    noire 


236 


JEANJNE    DAllC    RVCONTKK    1' V  II    LIMVCK 


|);iiciik',  lundis  (|ii('  l'inlcirl  de  iiolic  |)ai('Ml  n'csl  pas  loiijoiirs  coiiCormc  an 
nùli'c. 

UiU'  passion  coininniic  nons  fail  aiinci'  noli-c  faiiiillc;  des  passions 
0|»|)os('cs  ne  pcnxcnl  (jnc  Irop  racilcnicnl  nous  <li^is(•|•  a\cc  nos  IVcics  on 
nos  pi'oclus.  \insi  nons  csl-il  pins  aise  d'aimer  noire  pallie  (pie  nos  eonipa- 
li'iolcs,  cl  noire  pa\s  ualal  ([lie  nos  eoneilo\ens;  en  nn  mol,  pins  aisé  d'aimei' 
la  l'ranec  (jne  les   l'raneais. 

.Icaniie,   en   elia(jne   l'ianeais,   aimail    la    l'ranee. 

Elle    a    aime    son    Hoi,    elle    l'a    honore,    ser\  i    el    deCendii    eoiilre    een\ 

(|ni  l'aeensaienl. 


pis(|nes  an  hii- 
i-iier.  J'.l  (piel 
Itoi  ponriani  ! 
Mais  le  Dan- 
pliin,  |)onr  elle, 
e't'Iail  lal'ranee. 
i'.mers  les 
lonseillers  du 
prince  el  les  sei- 
gneurs, son  rcs- 
pccl  ne  s'est  pas 
lin  inslanl  de- 
mcnli.  ()n(ds 
conseillers  ee- 
pcndanl  !  ils 
soiil  dix  iscs  l'nn 
eonirc  lanlrc  cl  pins  Halles  du  ponxoir  (pi'ils  cverccnl  snr  leur  pa\s  dc- 
memi)re,  (piils  ne  scraieni  lienrcn\  de  \oir  la  pairie  rele\ee,  leur  prcsli^c 
elanl  exanoni.  .Icannc  n'eiiireprcnd  rien  conirc  en\.  Son  aciion  se  l'cdiiil  à 
eonihallrc  li'nr  opinion  dans  l'inlimilc  d'nn  (  lonscil  ro\al  ;  maisdcvani  le  penpic 
cl  l'armée,  jamais  clic  ne  les  hlànu'.  (  l'csl  (|ii'clle  ciilend  bien  (pi'on  n'alhupic 
jamais  les  représentants  de  l'autorilc  <lans  nn  paxs  sans  chranlcr  le  principi' 
même  de  l'autorité  et  sans  nuire  à  la  nation.  (Test  qu'en  eux  elle  vo\ait  la  France. 
Elle  la  ^o\ail  encore  dans  ces  chefs  de  l'armée,  dont  (inel(pics-nns 
en\iaient  sa  i^loire  el  làcliaiinl  de  faire  éclicc  à  son  indnence.  Encore  liieii 
(ju'cllc  ent  a  pâlir  de  leurs  sourdes  menées,  elle  les  ménagea  toujours  :  ils 
étaient   la  France. 


(IMIUJ.S     \II.     Jlul     1>1,    nul  1U,L^ 


D'iilili'»    hi    ruiiilalniv    (l'un    ins.    IV.   ilcs  Viglli'S   (le   Cluirlus    VU   d.ili-   ilc    l'i'U- 
{^lîihliotlièt/it€  nationale.) 


DEVANT    PMirS. 


a3- 


Il  ricLi.i.i.  riiHM 
D'iiprès  une  griivure  iuioiiynie  du  xvil'"  sli'i-Ie.   [/Jihlittt/.tyitc  naiionalc 


VMv  ;i\;iil  pour  rendre  ee  seiiliinenl  un  mol  brel'  cl  d'une  elranye 
énerj^ie    : 

Le  soir  du  second  jonr,  ;i  ()rleans,  ;dors  (|n'elle  eonnnencinl  de 
s'endormir,  elle  entend  dn  lirnil  (i;insl;i  vw.  I. Ile  se  lè\e  el  \  oil  (jn'on  eoinl 
a  l'ennemi.  {•.Ile  a|i|ielle  iiiissih')!  son  |iat;('.  >  \li!  s:mi;l;nil  i;areon,  lui  dil- 
elle  courroucée,  \ous  ne  me  disiez  pas  (|ue  le  saui^de  l'rance  lui  répandu!  » 
i'.l  peu  après,  a\  isani  un  sohial  l)less('  :  ■■  Jamais,  dil-elle.  je  n'ai  \u  couler 
le  sani;  de  l'rance  <|ue  les  clie\cu\   ne  me  lexassenl   ensur    ". 

Le  sani;  de  l'rance!...  l'arole  sini;uliere  el  nonxcllc.  Nid  aulre,  f(U('  je 
saclie,  ne  l'axail  dil  a\anl  elle.  I)ans  l'ardeur  de  son  palriolisme,  .Jeanne  s'esl 
lail  comme  une  France  de  loules  pièces,  prt'senle,  \isil)le  el  \i\anle.  \  ses 
M'U\,  la  Irani-e  a  son  c(eur,  ses  \eines,  son  sang.  (llia(|ue  l'raneais,  poiu' elle, 
se  coni'ond  a\ec  la  l'rance  m(''me.  i)\\\  hiesse  ini  des  Mis,  lilesse  la  mère;  un 
des  membres,  le  corps;  el  le  sang  (|ui  coule  n'esl  le  sani^  ni  de  celui-ci,  ni  de 
celui-là;  c'esl   .f    le  sang  de  France    ». 

Il  esl  clair  «[ue  lanl  <|ue  les  hommes  seroni  les  liomnies,  les  lulles 
d'opinions  el  de  senlimeiils  seroiil  ine\  ilaUIes.  La  \erile,  du  reste,  el  la  jusiiee 
oui  (l(^s  tlroils  impreseriplihies,  que  cliacun  de  nous  a  le  de\oir  de  défendre 
ilans  la  mesure  di'  son  aelion. 


2:58 


JKAx>>.E    D'AIU:    11AC(JNTKK    l'VlV    J/1MAC;K 


Mais  il  faiil  ne  dcliiiirc  (juc  le  mal,  n'allaciiicr  (|iic  rcntiir  on  riiijuslicc, 
cl  iiiL'inc  (|iian(l  nous  conihalloiis  nos  fftM'cs,  les  aiincc  cik'oi-c.  Ils  soni  les  (ils 
(le  la  pairie;  ils  son!  ■'  le  sani^dc  Fiance  >>.  jN'\  louchons  (|ii^nc't' niisciicoide 
el  respecl. 

l'uis-jc,  loul  en  nie  liàlani,  niclire  en  lumière  un  dernier  Irail  de  l'amour 
de  Jeanne  pour  la  l'ranee?  Elle  l'a  aimée  dans  laNcnir. 

Nous  nous  rccliei'clions  nous-mêmes  en  loules  choses.  Il  arrixe  de  la  ijue 
l'égoïsme  se  (ail  place  même  dans  les  seulimeuls  (|ui  scmhicnl  le  moins  pro- 
pres à  se  concilier  a\ec  lui. 

Le  palriolisme  n'echap|ic  poini  a  celle  rci;le,  el  il  n'csl  (|ue  lropsou\enl 
iufesie  du  \  ice  de  lamour-propr'e.  ^ous  nous  aimons  nous-nK'mcs  (juand  nous 
ci'OAOïis  aimer  noire  pairie,  cl  nous  ne  soui^cons  (pic  Irop  à  nous  loul  eu 
semhiani  soni^cr  a  nos  <'oncilo\eus  el  à  noire  peuple. 

('.'esl  pour  cela  (|ue  riionneur  cl  siuloiil 
le  l)icn-èlrc  de  noire  nalion  ne  nous  imporleiil 
i;ucre  (|u'aulanl  (|u'ils  soûl  de  noire  Icmps; 
nous  a\ons  pour  ces  mêmes  ohjcls  une  heau- 
cou|)  moindre  sollicilude  (juand  il  s'ai^il  du 
pass('  ou  lie  ra\cnir  de  la  Irancc.  I  )c  ses 
maux  anciens  nous  prenons  facilcmeul  noire 
parli,  el  nous  ne  nous  mêlions  ipic  peu  en  peine  de  ceux  (|ui  peuNcnl  l'allendre 
dans  les  siècles  sui\anls;  (|uanl  a  ceux  (|u'elle  epi'ouve  dans  le  prcscnl  el  donl 
le  conire-coup  nous  alleini  plus  ou  moins,  ils  sonI  l'ohjel  de  nos  peipeluclles  et 
qiielf|uefois  amères  doléances. 

1,'hisloire  (|ue  nous  lisons  nous  importe  peu;  (juaul  a  celle  ipic  nous 
Aivons,  c'esl  loul  aulre  chose. 

S'il  en  est  ainsi  des  epicu\cs  de  la  pallie,  il  n'en  \a  i;uere  aulremenl  de 
ses  gloires  el  de  sa  prosperile. 

Celles  (In  |)assé  nous  donneni  (pielque  oi'i^ueil,  celli^s  du  prcscnl  nous 
exalleni;  mais  (|ui  donc  s"iu(|uiele  de  <-elles  de  raxenir?(hii  donc  surloul  esl 
])rèl  a  pâlir  xolonliers  (le  son  lemps,  pourxu  (|ue  la  l'rance  recueille  plus  lard  le 
fruit  de  nos  |)i'ésenls  lalteurs":* 

Nous  ne  disons  poiiil  a\ec  le  sage  el  désinleresse  \ieillard  de  la  lahie  : 

ISIi.'s  ;ii'rir'ri'-iii'viMi\  iiir  devroiil  rel  niiihraiji'. 


MONXAIl.    1)1      CHVIUKS    VII 


Nous  sommes  de  l'école  des  jouvenceaux  : 

Passe  cncur  tli'  liùlir.  mais  piauler  à  cet  âge! 


DEVANT    PVIUS. 


a3r) 


El  que  sci'ions-iioiis  |)oiiil;inl  nous-inèines  si  nous  n"a\i()ns  ix'ciicilli 
(lu  passé  ce  qu'il  nous  a  léi^iié,  si  nous  ne  bénéficiions  pas  des  laideurs  de 
nos  pères,   de  leurs   lulles  |)our  l'indépendance    de  la   pairie?  Quelle  France 


"'^V-'^  '■^. -^y^^.  ^^4.-  ^-':^-'C  'CT 


POIITRUT    ET    liKI'HI.SEÎiTmoN    lU      VRAI    SIMLI.iCRE    QUI    PUT    É.LEVÉ    SUR    LE    PONT    n'ORI.ÉlNS    (l  iJ8) 

D'aprt's  la  gravure  de  Léonaiid  Gaultier  (iGi3}. 

aurions-nous    s'ils    ne    l'avaient    sauvée    par   leur  héroïsme   (pi'ils   ont    pa\é 
souvent  de  leur  sang? 

iN'ouhlions  tlonc  |)as  le  p;issé  de  la  Fr-ance  :  le  préseni  l'Sl  ]'(cu^  re  de  ce 
passé;  mais  saluons  aussi  l'avenir  :  il  sera  la  notre. 


24o  J  E  A  iS  N  E   i:)  ■  \  U  C    \\\C n  A  T  E  E    V  \  1\    L  "  I M  \  G E. 

Ainsi  |)(Mis:iil  .[camu'  (iVrc.  \\anl  loiil  sacrifie  |)()iir  son  paxs,  il  ne  lui 
imnorlail  pas  (|iic  son  ctlorl  ahoulit  de  son  \i\anl  à  \t\\  |)lcin  rcsullal.  iJlc  ne 
soHi^rail  (|ii'a  l^ncnii'  :  ■<  .le  ne  dînerai  (|n'uii  an,  disail-elle  fréqueninienl,  pas 
l)eane()n|)  plus;  il  faul  pensera  hien  hesogner  pendant  celle  année  -■. 

(  tn  insiste  criiellenicnl  à  Rouen  pour  lui  faire  constater  (|u'elle  est  caplivc, 
(luc  sa  mission  n"a  pas  ahouti.  Elle  relève  fièrement  la  tèle  et  se  console  en 
disant  :  "  \\anl  (|u"il  soil  sept  ans,  les  Vui^lais  laisseront  un  plus  i^rand  gai^e 
(lu'ils  n'ont   fait   dc\anl   Orléans.    Ils  perdroni    tout   en    l'rancc  )>. 

(lellc  assurance  lui  sudit  cl  les  souli'rances  lui  sont  peu  de  chose  au  pri\ 
de  cet  espoir.  Dès  lors  (|u'i'lle  demeure  capli\c,  (|u'imporle  même  (|u'clle 
meure  :  "  les  Vn^lais  seront  houles  hors  de  l'rancc  avant  sepi  ans.  \u  Ko! 
ser'a  rendu  son  ro\aume  »,   ><  cl   tout    le  ro\aume   ",   ajoulc-l-cllc. 

.Jeanne  a  su  >ivre  dans  l'aNciiir  cl,  dans  celle  pensée,  lou(  accepicr 
pour  son  |)a\s.  C'est  une  \crlu  forl  hclle  cl  Irop  rare  pour  ne  pas  la  ciler  en 
exemple  aux  lils  de  la  l'rancc. 

Le  dcNoir  i\u  palriolismc  n'est  poini  sans  cela  rempli  comme  il  le  doil 
être.  Nous  nous  dc\ons  à  la  l'rani-c,  non  sculemcul  en  loulc  noire  \ie,  mais 
encore,   dirai-je,  en   loulc  la   si<nne. 

(  tuand  la  femme  (|ui  es!  noire  mère  clail  encore  enfani .  atlolcsccnlc  ou 
jeune  lillc,  elle  n'clail  poinI  encore  notre  mère,  mais  elle  de\ail  r(''lrc  un  jour. 
\  oila  |)ouri|Uoi  ces  jeunes  années  de  sa  x  ic  soni  sacrées  pour  nous  à  l'eLjal  de 
ses  années  i)rcscnlcs,  et  si  (|uel(|u'un  insullail  en  elle  ce  passe  déjà  lointain, 
celle  injure  nous  loucherait  aussi  donionrcnscmcnl  (|uc  si  l'on  insullail  à  son 
âge  pi'cseul. 

Nous  pomons  mourir  axant  elle  ;  mais  cet  ax  cuir  ([ui  lui  reste  a  xi\rc  est 
également  sacre  pour  nous,  et  nous  ne  permcltrions  pas  (ju'on  \  insullàl  j)lus 
(lu'à  son  pass(''. 

C.'esl  (|u'en  ces  âges  divers  elle  csl  cl  doit  rester  noire  mère. 
Vimons  ainsi  la    l'rancc,  cl    scr\ons-la    conform(''mcnl   a  ce!    amour.  (Mii 
n'aime  pas  ainsi  sa  paliic  ne  l'aime  pas  xerilahlcmenl. 

Ces  réflexions  s'im|)osaient  à  nous,  l'.lles  nous  doiuient  l'inlelligenee  de  la 
grande  œuvre  de  Jeanne  d' \rc,  en  nous  rappelani  les  forces  admirahles  de  foi, 
de  génie  et  de  patriotisme  ([ui  l'animaienl. 

l'.lles  nous  feront  mieux  comprendre  la  suite  de  sa  \  ic,  la  longue  cl  noble 
palicnic  de  ses  malheurs  et  de  sa  ca|)li viu-,  l'héroïsme  de  sa  morl. 

Le  jour  même  (]i\  saei'e,  .Teanne,  au  lieu  de  s'alanguir  dans  le  Iriomphe, 
sans  (h'Iai  songeail  au  lendemain  cl  se  pri'parail  a  poursuix  rc  son  aciion. 


DEVANT   PARIS. 


241 


Pour  le  dire  en  passant, 
cv  serait  peut-être  une  suf- 
ilsanlc  réponse  à  faire  à 
ceux  qui  prétcndcnl  fjuc  la 
Pucelle,  après  le  sacre  du 
Roi  à  Reims,  estimait  sa  mis- 
sion terminée. 

Elle  écrivit  donc  au  due 
de  Boiu'gogne  la  lettre  sui- 
vante  : 

«   Au  Duc  de  Bourgogne. 

«  •|",Thésus,  Maria-}-. 

«  Haut  et  redouté  sei- 
gneur duc  de  Rourgogue, 
Jehanne  la  Pucelle  vous  re- 
quiert de  par  le  Roi  du  Ciel, 
son  droiturier  et  souverain 
Seigneur,  que  le  roi  de  France 
et  vous  fassiez  bonne  paix  et 
ferme,  qui  dure  longuement. 

(t  Pardonnez  l'un  à  l'au- 
ti'c    (le    l)on    c(«'ui',    eutièrc- 
mcnt,  ainsi  (|uc  (l()i^(■n(  faire  Nnaux  chrétiens,  et  s'il  vous  plaît  à  guerrover, 
si  allez  sur  les  Sarrasins. 

«  Prince  de  Bourgogne,  je  vous  prie,  supplie  et  requiers  tant  humble- 
ment f|ue  requérir  vous  puis,  que  ne  guerrovez  plus  au  saint  rovaume  et 
faites  retrairc  incontinent  et  brièvement  vos  gens  qui  sont  en  aucunes  places 
et  forteresses  dudit  saint  royaume  et  de  la  part  du  gentil  Roi  de  France;  il  est 
prêt  de  faire  paix  avec  vous,  sauve  son  honneur. 

«  Et  vous  fasse  à  savoir  de  par  le  Roi  ilu  Ciel,  mon  droiturier  et  souverain 
Seigneur,  pour  votre  bien  et  pour  votre  honneur  cl  sur  votre  vie,  que  vous  n'y 
gagnerez  point  l)ataille  à  l'encontre  de  loyaux  Français  et  que  tous  ceux  qui 
guerroient  audit  saint  royaume,  guerroient  contre  le  Roi  Jhésus,  Roi  du  Ciel  et 
de  tout  le  Monde,  mon  droiturier  et  souverain  Seigneur. 

«  Et  vous  prie  et  requiers  à  jointes  mains  que  ne  faites  nulle  bataille  ni  ne 
guerroyez  contre  nous,  vous  ni  ^os  gens  et  sujets;  et  croyez  sûrement  que, 


JEVNNE    I)  ARC 

D'apri-s  la  gravure  de  J.  Le  Clère  le  Jeune,  xvu"  siècle. 


245 


JEANNE  D'XRC  RACONTÉE  PAR  L'IMACxE. 


quelque  uoml)ie  de  geus  qu'amèuerez  couti-e  nous,  ce  sera  t>rande  |)itié  de  la 
grande  bataille  el  du  sang  qui  y  sera  répandu  de  eeux  (jui  vieiidront  conlre  nous. 

«  El  il  \  a  trois  semaines  que  je  aous  avais  écrit  et  cn\ose 
bonnes  lettres  par  un  liéraul  (|ue  vous  fussiez  au  sacre  du  Roi 
qui,  aujourd'bui  dimanelie  xvu''  jour  du  présent  mois  de  juillet, 
se  fait  eu  la  cité  de  Reims;  dont  je  n'ai  eu  point  de  réponse,  ni 
n'ouïs  oneques  nouvelles  dudit  liéraut. 

«  A  Dieu  vous  recommande  et  soit  garde  de  vous,  s'il  lui 
plaît;  et  prie  Dieu  qu'il  y  mette  bonne  paix. 

ic   Écrit  audit  lieu  de  Reims,  ledit  wu' jour  de  juillet'. 

«  Jehakke.   » 

Cette  lettre  est  bien   de  Jeanne  :   on  l'y    retrouve   avec  sa 
finesse  de  bon  aloi,  la  générosité  de  son  eo-ur,  la  douceur  de  sa 
nature  et  sa  piété  nalixc.  ('c   n'est  |)lns  aux    an- 
glais qu'elle  parle,  c'est  à  un  prince  ilc  la  famille 
l'ovale,  c'est  «  au  sang  de  Erance  ».  Aussi  insislc- 
t-elle   avec    inic   liunihlc  douceur,    i'.llc   le 
"    prie,  supplie   ";  elle  le   fait     ■   à  joinics 
mains  ".  Celle  bumilile  ne  lui  coûte  pas  : 
c'est  poiu'  la  l'rancc  (|u'ellc  l'acccplc.   Mais  près 

(le  celle  linmilile  f[uellc  jnslicc  sereine  cl  indcpendanlc! 
Il    \    a    loils    réciproques   cnire    le    Roi    el    le   duc; 


liOnKILI.l. 

vvix   l'ima(;i. 

1)10    JE\?iSF.    I>  AlU: 

l'iiIiriiMtioii  nKiili'i-uf.j 


-— c::f;'^::r:£^^^^*^"^\-^^-x:.  *'"''  '''^  con\ic  l'un  cl  l'aulre  à  l'indulgence  :  "  l'ar- 

^^      (loiuu'Z  1  un  a   I  autre  de  l)on  e(cur,  entièrement, 
ainsi  (pie  (loi\eul  faire  lo\aux  cbrétiens  )>. 

Ce  n'est  pas  à  combattre  enti-e  Français  (pi'il 
faul  dcpensci'  sa  bL'axonre  cl  \erser  son  sang;  si  donc 
l'ardeur  guerrière  le  dévore,  cpi'il  aille  sui'  les  Sarrasins. 
Aussi  bien,  s'il  u'ccoulc  les  conseils  et  les  prières  de 
Jeanne,  ><  mal  lui  en  |)i'cn(lra  au  corps  cl  à  l'àine  », 
comme  elle  disait  aux  juges  de  Rouen.  Si  on  le  cou\ic  à 
la  paix,  ce  n'est  pas  (ju'on  redoute  la  guerre  avec  lui. 
«  A'^ous  n'v  gagnerez  point  liataille,  el  ([uchpie  noml)re  de  gens  qu'amènerez 
contre  nous,  ils  n'y  gagneront  rien.  » 


BOITi;      lis      CUIVKE      BHOSZU 

SUEMOSTÉE  d'une   STATIE 

DE    JEANNE    d'aBC 

[Muste  Jt-anne  d'Arc^ à  Orléans.) 


I.   Josepli  Fabrc,  Procùs  du  n'ItuliiliUiliuii,  1.  U.  p.  21)7. 


DEVANT    PARIS. 


243 


■  '  iElle  lui  a  jadis  cnTové  Ictti't's  cl  Ikm-uiI  |)(iiir  le  çom  it-r  an  sacre;  d'une 
louche  délicate  elle  fait  senlir  au  duc  sa  discouiloisie,  comme  l'eût  fait  une 
i^i-andc  dame,  |)i-iiiccssc  du  sang  :  "  Il  y  a  trois  semaines  j'envovai  bonnes 
IcKi'cscl  liciaut...,  dont  je  n"ai  eu  point  de  réponse,  ni  n'ouïs  oneques  depuis 
n()U\('llcs  du  dil  licraul    >>  . 

(Icllc  Icdi'c  csl   ini  modèle  de  diplomatie   noble  cl  a\isée. 

Toutefois,  si  Jeanne  acceplail  (ju'on  nt'fjociàl,  elle  irisislail  aussi  pourqu'on 
agît.  Le  Roi  avait  passé  quatre  jours  à  Reims;  il  avait  accom|)li  à  l'abbaye 
de  Saint-Marcoul  les  cérémonies  doul  axaient  la  coutume  les  rois  nouvellement 
couronnés;  il  vint  à 


M 


%^km 


JKANNK    lil.ESSir.    AU    SIKOlî    UE    l'AItlS 


Vaill\-sur-  \isnc. 

I  ,à  les  \  illcs  de 
Soissous  cl  de  i.aon 
lui  cn\()\crc;il  une 
délégation  cliargcc 
de  lui  remettre  les 
clefs  de  leurs  villes. 

II  se  rcndil  a 
SoissoMS  le  2),  cl 
recul  l'obéissance 
des  \  illcs  de  (  !lià- 
Icau- rliicrr\  ,  i'ro- 
\  ins,  (  loulonnnicrs 
et     (  Irccx  -cn-lSric. 

(les  soumissions  successives  a\ aient  une  réelle  importance  cl  montraient 
clairement  combien  .leannc  a\ail  cl('  sagement  ins|)ir(''c  d'insisicr  |)our  que  le 
Danpbin  fi'il   sacre  sans  iclard. 

Mais  une  aulic  |)ciiscc  l'occupait  |)lus  \i\cment  :cllc\oulail  arracher  Paris 
au  joug  de  l'c-tranger. 

Dès  le  dcbul,  clic  a\ail  sui\i  ce  ilcsscin,  cl  le  i>2  mars,  dans  sa  lettre  aux 
Anglais,  clic  ccri\ail  :  •  .le  suis  cv  venue  de  paiDicu  le  Roi  du  (iici,  corps 
poiu'  corps,  poiu'  NOUS   bouler  hors  de  loulc   Irance  ». 

(^)uan(l,  le/|juillcl,  elle  écrit  au\  liabilants  de  Troyes,  elle  leur  dit  :  <(  Jehanne 
la  Pncelle...  \ous  mande  et  i'ail  savoir  de  par  le  Roi  du  Ciel  que  vous  fassiez 
\  raie  obéissance  au  gentil  Roi  de  France,  qui  sera  bientôt  à  Reims  cl  à  Paris...  » 

C'était  du  reste  chose  bien  naturelle,  et  le  royaume  ne  pouxait  être  réputé 
rcnthi  au  Roi  par  le  seul  fait  du  sacre  :  avec  la  couronne,  il  fallait  la  cai^itale. 


244        JEANNE  D'ARC  UACONTÉK  PAR  L'IMAGE. 

Malheureusement,  iei  encore  les  eourtisans  se  meltiiienl  seeirlement  en 
travers  îles  desseins  de  Jeanne.  Eux  aussi  avaient  éeril  au  due  de  liourgogne. 
Celui-ci  les  Icunail  par  (juelques  vagues  espérances  et  Iju-liait,  |Knu'  mieux 
vaincre,  de  traîner  en  longueur. 

Au  lieu  donc  de  se  diriger  xigoureusement  vers  Paris,  on  semhiait  Nouloir 
regagner  la  J^oire.  Le  2()  juillet  on  vint  à  Chàteau-Tliieri'v,  qui  fut  pris  en  moins 
d'un  jour.  Le  i"'  août  on  gagna  Montmirail,  et  le  2  on  fut  à  Provins. 

A  ce  moment,  les  nouvelles  ({non  a\ail  du  duc  de  Bedford  f'aillirciil  opérer 
une  diversion  conforme  au  xicu  de  Jeanne  d'Arc.  En  ell'et,  le  25  juillet, 
le  (lue  a\ail  amené  à  Paris  5ooo  hommes  :  c'étaient  des  gens  d'armes  que  le 
cardinal  de  Winchester  axait  recrutés  pour  la  croisade  et  aux(|uels  on 
promettait  des  indidgences  égales  |)our  li'ur  cam|)agne  contre  la  l'uecllc. 

Les  Anglais,  qui  excellent,  comme  on  le  sait,  dans  la  plaisanlerie  légère, 
avaient  à  cette  occasion  fabri(|ué  un  étenilaid  (|uc  l'on  portait  au  milieu  des 
rangs,  où  l'on  voyait  une  quenouille  a\ec  ces  mots  :  ()/■  ^'iciiiu-  la  belle!  C'elail 
promettre  à  Jeanne  le  plaisir,  qu'elle  avait  désii'é  plus  d'une  fois,  de  rclournei' 
«  filer   »  chez  son   père. 

Dans  les  premiers  jours  d'août,  le  duc  axait  dirige  celle  Iroupc,  encore 
fortifiée  d'autres  conlingenls,  \eis  Melun,  en   passant  par  Corheil. 

Le  Dauphin,  axcrti  de  ce  mouxcmeiil,  (il  sortir  son  armée  de  Proxins,  cl 
la  conduisit  jusqu'à  La  AIotte-de-Nangis.  Mais  là  on  cul  hcaii  chercher  les 
halaillons  anglais,  on  ne  les  put  trouver.  On  supposa  (juc  Bedford  axait  repris 
le  chemin  de  Paris,  et  le  Dauphin,  fidèle  aux  conseils  de  la  cour,  s'empressa 
de  reprendre  le  chemin  de  la  Ivoire. 

Un  nouvel  incident  vint  toutefois  contrarier  encore  une  fois  ce  plan  de 
campagne. 

Les  habitants  de  Brav  avant  j)roinis  oi)(''issaiice  à  Charles  \  II,  il  (juitta 
I^a  Motte-de-Nangis  pour  se  diriger  vers  cette  x  ille  et  y  passer  la  Seine. 

Mais,  sur  ces  entrefaites,  une  troupe  anglaise  était  xenue  pcndani  la  juiil 
s'établir  à  Bray;  comme  on  comptait  n'y  trouxer  que  des  amis,  les  Anglais 
purent  surprendre  l'avant-garde  rovale  et  lui  iiilliger  un  échec.  Il  fallut 
renoncer  à  passer  la  Seine. 

Ce  dernier  parti  était,  du  reste,  appuyé  par  plusieurs  seigneurs  de  grande 
importance,  tels  cjue  le  duc  de  Bar,  René  d'Anjou,  le  duc  d'Alencon,  les 
comtes  de  Vendôme  et  de  Laval.  Jeanne  d'Arc  applaudit  à  leurs  dispositions 
et  put  de  nouveau  mettre  en  axant  le  plan  fju'clle  poursuivait. 

Les  choses  tournant  ainsi  vers  un  meilleur  état,  elle  s'empressa  d'en  écrire 


DEVANT    PARIS. 


245 


LliS    EPISODES    DE    LA    VIE    DE    JEANNE    D  AKG 

Triptyque  en  émail  du  xvi"  siècle.  [Collection  de  M.  Lancrj  d'Arc.) 

;ui\  hahilaiils  de  Reims,  lesquels  n'elaieiil   pas  sans  quel([iie  iiH[iiielu(le  |)Oiir 
avoir   appris  (jiie   le  Daiipliiii    iici^oeiail   a\ec   le  duc  de   iîouri^ogne. 

A'oiei  la  lellre  de  .leauue;  on  \   l'eeoiuiailra  sou  sl\le  aleile  el   personnel  : 

«   Aux  lo\aiil\   l'iaueais  lial>i(aul   la   \ille  de  Heinis. 

«  Mes  eliers  el  bons  amvs  les  bons  el  lo\anl\  Français  de  la  eilé  de 
Reims,  Jehanne  la  l'ueelle  vous  fait  savoir  de  ses  nouvelles,  el  \ous  prie  el 
vous  requiert  que  vous  ne  fassiez,  nul  doute  en  la  bonne  querelle  (ju'elle  mène 
pour  le  sang  royal;  et  je  vous  promets  et  vous  certifie  f(ue  je  ne  vous  abandon- 
nerai point  tant  que  je  vivrai. 

«  Et  est  A  rai  ([ue  le  Roi  a  fait  IrèNC  au  duc  de  liourgogne  quinze  jours 
durant,  pour,  ainsi  (|u'il  doit,  lui  rendre  la  cité  de  l'aris,  paisiblement  au 
eliief  '  de  quinze  jours. 

«  Cependant,  ne  mxis  donnez  nulle  merxeille  si  je  u'\  entre  si  briexe- 
ment,  eombien  que  des  trêves  (|ui  ainsi  sont  faites  je  ne  sois  point  contente 
et  ne  sais  si  je  les  tiendrai;  mais  si  je  les  tiens,  ce  sera  seulement  pour  garder 


I.   Au  buiil. 


9.46 


JEAJNJNK    D'ARC    UACOATEE    PAJl    LIMAGE. 


rii<iiiiu'ur  (lu  lîoi.  (  l()inl)i('ii 
aussi  ils  ne  icl'iisfroiil  poiiil  le 
saiii;  l'en  al,  rar  je  ticiidi'ai  cl 
inaiiiliciuliai  cnscinhlc  l'afincc 
(In  i{()i  pour  ('■lie  loiMc  pirlc  au 
cliicf  (Icsdils  (|uiit/,('  jours,  s'ils 
uc   ionl    la    |iai\. 

«  l'our  ce.  mes  Ires  clicrs 
cl  parfaits  amis,  je  \ous  prie 
(|uc  NOUS  ne  ^()us  eu  donnic/. 
pas  malaise  tau!  (|ue  je  \i\rai; 
mais  NOUS  recpiiers  (|ue  nous 
l'assie/  hon  i;uel  el  i^ardiez  la 
i)OMue  eili' du  Hoi  ;  el  me  l'ailes 
saNoir  s'il  un  a  nuls  Irileui's  ' 
(|ui  NOUS  Nculeul  i;re\er  el,  au 
plus  hriei'  (pie  je  pourrai,  je  les 
eu  eilerai  el  me  l'ailes  saN  oir  de 
NOS  noiiN  elles. 

"  \  hieu  NOUS  eommani' 
(jui  soit  i^arde  de  nous.  Eail  ee  \endi'edi,  eiiujuième  joui-  d'aoul,  emprès  uu 
loi;is  sur  eliamp  au  eliemiu  de  l'ai'is'.     —   "    .li.ii  nwi;.    ■ 

(  )n  était  loiu  d'aNoir,  au  camp  de  (liarles  \  II.  la  garantie  ipie  le  due  de 
15ourii()i;ui'  satisl'it  aux  espc-iauees  (|u'il  aNait  lail  un  moment  eonecNoir;  mais, 
à  toute  oeeurrenee,  il  importait  de  se  rapproeliei'  de  Paris  pour  le  eas  où  il 
le  rendrait. 

On  se  diriijca  doue  de  nouveau  Ners  l'roNins.  (  )n  fut  a  (  loulommiei's  le 
"  août,   le    lo  à  la  Ferte-AIilon,  et   le   ii   à  (  irespv-en-N  alois. 

i(  (hiand  le  Hoi  vint  à  C.i'espN,  dit  Diinois,  le  peuple  accourait  au-dcNanl 
de  lui,  transjiorle  de  joie  el  criant  :  «  Noël!  »  T-a  Pucelle  elievaueliait  alors 
entre  rarehevèqne  de  Reims  et  moi.  Elle  se  prit  à  dire  :  ■  A'oici  lui  l>on 
«  peuple.  Je  n'en  ai  pas  au  nulle  part  ailleurs  qui  monlràl  tant  de  joie  de 
«  l'arrivée  d'un  si  nol)le  Roi.  Et  pliit  à  Dieu  que  je  fusse  assez  heureuse,  quand 
«  je  iiniiai  mes  jours,  pour  èlre  inhumée  sur  celle  terre!    » 


JLANM'.  i.v  PicLi.i.i-;  Kr-srAïKAiHici-:  i>i-;  j,\  <;,vi"i.i 
D'iiprrs  mit*  [^riivurr  du  drlmt   du  xviT  siecif. 


1.  PiTssiirt'Lirs. 

2.  Rccommanili". 

3.  Citre  ;ui  Proi-cs  de  rc/ialii/itation,  Joseph  l'"al)ro.  t.   II.  |i.  29S. 


DEVANT   PARIS. 


ï47 


«   A  ces  mois,  l'iiivlicvnjiu'  lui  dit   :  «   O  Jt'anno>,  eu  ([uel  lieu  avez-vous 
«    espoir  de  mourir?   » 

—  «   Où  il  plaira  à  Dieu,  répoudil-elle.  Je  ne  suis  sûre,  ni  du   temps,  ni 
«   (\[i  lieu;  et  je  n'eu  sais  pas  |)lus  ([ue  ^<)us.  Mais  je  voudrais  Ijien   (|u'il    pli'il 
«  à  Dieu,  mon  créalcur,  (jue  mainleuanl  je  me  retirasse,  laissant  là  les  armes, 
«   et  que  j'allasse  ser\ir  mon 
«   père  et  ma  mère,  en  gardan  t 
«   leurs  brebis  avec  ma  sœiu' 
«   et  mes  frères,  qui  seraient 
"    bien  aises  de  me  voir-.   » 

\  oici  donc  cette  .Icauuc 
d'Arc  (ju'on  a  \oulu  nous 
montrer  éblouie  par  les  iion- 
ueurs  et  la  «gloire  après  ()r- 
leans  et  Heims. 


i^"':;-^ 


1^ 


.^«^ 


•mira* 


jF^EROKe  noe>ilissim:-e 
Iq.4Nîm:Darc  Lotilv 

RING/E  VIHLGC  AvUELLî 
MEf/SlS  PVELL.€.^  HISTCRIA . 

Exvariis^auiffimx  atciuc" 
incorrupti/îirna*  fi'dei_y 
fcriptonbiis  cxcerpta 

n's-jfrinacentU.  à.  ca,- 

lumrù'is  •'.niuCUala, 

Audicri  loûnna  Hordtd  Scrmi^mt 

Duiis  Lotharmjùi  ConsiUario 

Et I-Y-Dcûore  ttc prcfêljôrxj 

publkc  m  aima  'vniuerfir 

tati    Pcnti-Mufsttna . 


^â 


■'CNTI-An'SSi 

I  Rernordum  EiusJem 
Scr.DuàsTypoiimjihun. 
M.  B  c  Yn. 


'  /  wn^\initiU'fii  RSfff. 


r '«"W  ÙMllur  ICiiîli. 


(  ;'esl  à  (!res|)\  (|ue  le  l{oi 
recul  du  duc  de  liedl'ord  une 
lellre  injurieuse,  ou  «clui-ci 
lu!  proposait  de  terminer  le 
dillèrend  cul  re  son  maiire  cl 
(iliarles  \  II  par  une  conCe- 
rence  où  xicndrail  aussi 
Jeanne,  (ju'il  insultait,  la 
traitant  de  «  femme  désoi'- 
doMiK'e  et  diffamée  ".  Il  s'en 
prenait  aussi  au  frèi'c  \V\- 
cliard,  (|u'il  appelait  ■•  aposlal 
et  séditieux  )>.  l'our  le  cas  ou 

la  eonf(''rence  n'ai;réerail,  il  demandait  (|ue  le  Hoi  acceptât  la  bataille,  afin 
d'epai'i;ner  au  panxre  peuple  les  mallienrs  de  la  guerre  et  lui  rendre  la  pai\ 
i<  (|ue  tons  rois  et   princes  cbrclicns  doi\eut  (|uerir  et  demander  ». 

Il  n'\  axait  (|u'uue  leponsc  à  faire,  c'était  île  eomliatlre.  Déjà  le  duc  de 
Hedford  s'était  approclié  et  se  lrou\ait  a  \iti\,  à  peu  de  distance.  Il  mettait 
toutefois  uni'  condition  a  la  bataille  :  c'est  (ju'on  viendrait  l'attaquer  dans  ses 


A    I.A     MEMOIKli    DE    JEASNK    1,  V    l'UCEl.l.K 

InmiUjiico  i'ravi-  par  Léonard  Gaultier  ni    i(li2,  tii-r  «In  rriMn-il 
tle  Cliiirlrs  de  I.is,   Paris,    l()v»8. 


248  JEANNE    DVRC    RACONTÉE   PAR    L'IMAGE. 

lignes,   d't'sl  une  cxii^x-iicc  à  1;i(|ik'IIc  les  clicfs  français  ne  crnrcnl   |)as  dcnoir 
se  rendre. 

Jk'dforcI  se  relira  donc  dn  cùU-  tie  Paris,  mais  ce  Ail  [lonr  l)ienlol  re\eiiir. 
11  prit  ses  positions  près  de  Senlis,  non  loin  de  l'ahUaxe  de  Nolre-Danie- 
(le-la-\  icioire. 

Les  l'rancais  s'elaMirent  à  Monlepiilox ,  car  i!  se  l'aisail  lard. 

IvC  lendemain,  ils  se  preparcreni  an  comhal,  pnis  on  marcha  l)ra\cmenl  snr 
les  \nglais.  Mais  een\-ei,  enfeL'ines  dans  lenr  eamp  forlifie,  el  pr'ok'gès  par  une 
rivière  el  des  haies  épaisses,  allendii'enl  (pTon  les  \  forçai. 

La  Pucelle  ^inl  pliisienis  fois  les  pro\(>(|ner,  v[  frappa  même  de  son 
élendard  lenL-  l'cliancliemenl  ;  mais  ils  ne  repondireni  (\u':\  peine.  On  les 
|)rovo(pia  de  non\  eaii.  lonjours  en  \ain;  ce  ne  fnl  «pie  lard  cpi'ils  se  déei- 
dèrenl  à  sorlii-  ponr  rcponsser  les  assaillants,  el  il  \  enl  une  mèlee  on  les 
soldais  de  camps  di\ers  se  (lislini;naienl  a\ee  |)eine. 

i'ris  d'nn  hean  conrai;(',  La  Lrémodle  se  mcla  a  la  liillc  cl  s'clanca  snr  son 
cheval  la  lance  an  poini;.  Sa  moninre  lond)a.  cl  pcn  s'en  fallnl  (|ne  le  premier 
minisire  n'\  snccondjàl. 

Le  soii',  le  lioi  rci;ai;na  (  acspx  ;  d'Mcncon  cl  Jeanne  d'Vrc  conclièrenl 
sur  le  champ  de  halaille,  el  le  lendemain,  pour  essayer  d'allirer  l'ennemi,  se 
i-eplièrcnl  snr  Monlepiilo\ .  Mais  les  \nj;lais,  au  lieu  de  les  poursuix  re,  hallirenl 
en  retraile.  Jeanne  rcAinl  à  (  acspx  près  tin  Hoi. 

(lependanl  le  nutnxenuiil  Av  soumission  se  ponrsuixail.  V  (lompieyue  el  à 
Reauvais  ou  a\ail  accueilli  a\ec  enlhonsiasme  cen\  ([u'il  \  a\ail  envoyés.  A 
BeauAais,  un  7V  IJcii/ii  a\ail  clé  elianté. 

En  celle  ^  ille,  ré\èque  Pieric  (lauchon  se  dcclarail  déjà  eonire  les  l'^'an- 
çais  el  voxail  a^(•c  ijraLid  déplaisir  les  manifcsialions  en  fa\cin'  du  roi  de 
France.  11  lui  fallut  quiller  lieanvais. 

D'autres  villes  se  soumettaient  à  leur  four;  telles  f'.lioisv,  Pont-Sainte- 
Maxenee,  C.reil,  Goin'na\  et  (IhautilK.  lieancoup  d'autres  étaient  |)rètes  à  le 
faire. 

I>e  duc  de  Bonri^ogne  n'avait  pas  renilu  l'aiis;  il  essa\ail  de  nouer  de 
nouvelles  négociations  et,  entre  autres,  de  convenir  d'une  trêve  à  laquelle 
les  Anglais  auraient  pris  part. 

Au  milieu  de  toutes  ces  longueurs,  Jeanne  était  loin  d'être  satisfaite.  Sans 
doute  elle  se  réjouissait  de  la  soumission  de  ces  villes,  mais  elle  eùl  de  heaueoup 
préféré  la  seule  soumission  de  Paris. 

L'inertie  du  Dauphin  entravait  sou  vouloir.  Elle  eut  alors  recours  à  un 


^ià.Â^i,  s-'-e^ 


'?St^^.^....^"iSi-..^>^^.^w 


^^nft'yfAjtm/t'nM^.Sa^ 


DEVANT   PARIS. 


249 


moyen  qui  déjà  lui  avait  l'cussi  pour  amener  le  voyage  de  Reims,  et  résolut  de 
partir  poiu-  les  environs  de  Paris  avec  une  armée. 

Elle  fit  venir  inopinément  li-  due  d'Aleneon  et  lui  dit  :  a  Mon  beau  duo, 
faites  appareiller  vos  gens  et  eeu\  îles  autres;  je  veux  aller  voir  Paris  de  plus 
près  (|ue  je  ne  l'ai  mi  ><.   C'est  à    t:om|)iègne  qu'elle   (enait  ee  propos  au   duc 


'd\  ki>J,  rrvrà]  r^^rn}  V:Xr^  ;  m.i?^.k\r'^^  r~LrÀ  '  r;vrA 


V/\LEI1 


CCXXVllI 


ùim 


ji\\NM':  i>  Aiu: 
U'iipi'i-s   «lie   esquisse   île   M.    L.VMfcimE  Jiour  une   peiiiliire    iiiiiiMie  (lS55). 


d'Alençon.  C'est  de  celle  \illc  ([u'cllc  parlil  a\cc  lui  le  2')  aoi'il.  Ils  emmenaient 
avec  eux  une  pelilc  armée.  Ils  passèreni  |)ai'  Seulis  el  recueillirent  au 
passage  quelques  conlingenls.  Le  26,  c'était  un  xcndredi,  ils  s'arrêtèrent  à 
Saint-Denis. 

Le  Roi  ne  les  avait  pas  suivis.  11  n'avait  pas  osé  s'opjioseï'  au  départ  de 
Jeanne,  mais  il  est  \isil)le  que  la  nouvelle  entreprise  était  loin  de  lui  plaire. 

Jeanne,  qui  de  son  regard  alleulif  cl  perspicace  avait  liien  étudié  le  prince 


9..JO 


JEANNE    D'AIU:    RACONTEE    PAR    L'IMAGE. 
4- 


Oi^lUC 


D'après    tiiie    miniature    tirée 

tlii  C/.afiipn-n   i/<s   Dames,   iiiaiiiiscrit 

exécuté  à    Arras  eu    l 'i  ji). 


depuis  cinq  mois  hientcM,  eom|)iil  ([u'il 
fallait  lui  forcer  la  main.  Elle  le  fil; 
mais  (iliarles  \\\  dut  voir  cela  d'un  œil 
maussade. 

Il  lui  ctail  malaise  cependant  de 
dcnicin'cr  à  (lompici^nc  inaclif  et  simple 
témoin,  pendant  (|uc  la  l'ucclli',  (|ui  hier 
lui  rendait  la  coinonne,  cnireprcnait 
aujourd'hui  de  lui  rc(()u\fer  la  capitale 
de  son  roxaume. 

Il   se    l'csii^na   donc    à    |)artir,   mais 

"  à  i^rand  rci^ret  '>,  nous  dit  un  historien 

bien  renseigne.  Son  premier  edoilne  le 

conduisit   (juc   jus(|u"à    Senlis.    Là,   sans 

doulc,  i\v  nouNclles  hcsilations   le  tirent 

demeurer.  -  Il  scmhlail,  dit  le  même  historien,  (|u  il  (ut  conseille  au  contraire 

i\\\   \ouloirde  la  l'ucellc,   du  duc  d' \leiicon  et  de  ceux  de  leur  compagnie,    n 

i'.v  n'était  (|uc  tro|)\rai,  et  (jucl(|ucs  seii>iieuis,  non  des  moins  iniluents, 

s'efforça ic ni  de  l'cloi^iicr  de  Jeanne. 

I.e  moment  ee|)cndant  était  des  |)lus  propices  :  licdl'ord,  e(I"ra\c  des 
proiji'ès  (11-  l'armée  Aw  Roi,  et  ii;iioi;uit  les  (li\isions  dont  la  cour  et  le  haut 
commandement  de  larmet'  ('talent  le  théâtre,  s'était  pris  à  craindre.  H 
redoutait  le  soulèvement  de  la  Normandie,  et  comme  cette  pr<)\ince  était 
pour  r\ni;lelcrrc  la  clef  ou  plut(")t  la  porti'  de  la  l'rancc,  il  se  dcniandait 
s  il  n'était  pas  plus  urinent  de  s'assurer  de  ei'ttc  porte  (pic  de  rester  à  Paris, 
dont  la  possession  ne  sciait  ([ue  de  peu  d'a\antai;c  d\.\  jour  où  la  Normandie 
aurait  secoue  le  joui;  ani;lais. 

11  laissa  donc  la  garde  de  Paris  à   Louis  de  Luvcinhouri^,  e\è(|uc  de  Thé- 
rouanne,    et  à   iiadlcN,    ehcNidicr  anghiis.   l  n   nombre  assL'z  considérable  de 
gens  d'armes  bourguignons  s'\   trouxaient,  sons  la  conduite  de  l'Isle-Adam'. 
Ce  fut  d'abord  un  touiMioi  de  diplomatie  populaii'c  entre  k'  duc  d'Alencon 


I.  Est-il  (-'\act  tjiie  -^tooo  Anglais  dt-lriiflii-eiit  Paris  avec  rii\  .'  l'Iusiciirs  aïKciirs  t'ont  ciisfieiu', 
mais  le  point  est  au  moins  discutaille.  «  C'est  d'apiés  le  seul  témoignage  original  du  cardinal  de  lion- 
treuil,  si  mal  informé  pour  tout  ce  qui  regarde  le  parti  liom-guignou.  dit  M.  (>eriiiain  Lerè\re-ron- 
talis.  que  l'on  lait  g('iu'ralenient  iîgtiri-r  à  la  d<'feiis<'  de  Paris  deux  mille  Anglais.  Jean  Cliartier  n'a 
fait  que  le  copier.  T.e  Jourtttil  d'un  Iloiir^iuiis  de  Paris  dit  qu'il  ne  s'en  troii\ail  ])as  plus  de  40  à  5o. 
D'après  Parce\al  de  Lagny  et  siirt(jul  les  Chrimiijiit's  des  Cordeliers,  Paris  n'aurait  v{v  gardi'  (jiie  ]iar  des 
liciiirgnignons.  ([ue  le  Ji>i:rmil  ('\  allie  à  "00.  Fn  tout  cas.  depuis  le   i '■>  a^ril.  l'antoritt-  à    l^aris    n'appar- 


DEVANT    PARIS.  aSi 

cl  les  inaiulalaircs  du  (lue  do  Ik'dl'ord.  Le  [jimiier  a\ait  dans  l'aiis  (|ucl(jucs 
iiilelligences,  les  seconds  y  dominaient  par  la  force  cl  par  le  (ail  acquis. 
Évidemmenl  le  peuple  parisien,  en  i^rande  majorilc,  enirelenail  de  vi^es 
sympathies  poui'  le  Hoi  cl  son  parti.  Mais  il  en  est  toujoiu's  ainsi  en  pareilles 
conjonctures  :  la  foule  nourrit  secrètement  des  senlinienls  gc'uc'reuv  et  «nii 
pourraient  de\eiur  ellleaees;  l'occasion  cl  les  ino\ens  de  les  li-aduirc  au  dehors 
lui  foui  défaut,  (l'est  une  loi  des  soeic'Ies  ipie  les  hommes  notoires  et  élevés 
en  situation  ont  hesoin  du  nomhre  pour  mettre  en  œuvre  leurs  desseins;  mais 
le  peuple  de  son  côté,  si  vives  et  si  violentes  même  que  soient  les  passions 
qui  l'animent  et  le  poussent,  a  hesoin  de  chefs  pour  (ju'elles  ahoulissent  à 
quelque  effet  autre  que  le  désordir. 


iAT»4» 


On  a  laissé  en  trop  i;rand  oiilili,  diuis  \\ 
épisode  du  siège  de  l'ai'is.  Il  Cul  peul-clic,  ( 
le     plus    palpitant    |)our     elle. 

Il  a\ait  impf)rlc  e\  idem- 
ment  de  deli\rcr  Orh'ans  cl  de 
faii'c  sa<'rer  le  Roi,  mais  (piclle 
urgence  n\  a\ail-il  pas  de 
rendre  à  ce  Koi  la  capilale 
de  son  roxaume  occupée  par 
l'élrangei'.  Le  pa\s  ne  poux  ail, 
sans  cela,  repicndi-c  (juekjue 
apparence  d'unité. 

Ce  sont  ces  considérations 
qui  avaient  inspiré  à  Jeanne  le 
désir  ilcntrer  à  Paris,  et  (jui 
l'avaient  amenée,  en  présence 
des  lenleuis  et  tles  ineerliludes 
de  Charles,  à  preiulic  sur  elle- 


ttnait  qu'au  duc  de  Bourgogiu-,  qui  eu 
avait  été  fait  gouverneur  par  liiircs  de 
Henri  VI,  datées  de  ce  jour.  (G.  Lefi^re- 
Ponlalis,  Un  détail  du  siè^'e  de  Paris  par 
Jeanne  d\4rc.  Extrait  de  la  Biù/iot/ièi/in-  de 
l'École  des  Chartes,  t.  XLVI,    i885.) 


popce 
e    tous 


i\r   .I( 

ses 


aune    d' 
l'ails    de 


\v(\   cel 
guer're, 


l'I.AQUK    1:N     faïence    avec    I.E     l'OKlUAIT    DE    JEANNE    1-)  AKC 
rabric;iti()ii  modorue.   [Mfistic  Jeanne  d'Arc,  à  Ol-!i'iuls.) 


aSa 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


même  la  rcsponsaliililé  de  l'iiiliiprisc  ri  à  commencer  la  campasfnc  en  dcliors 
mèinc  (le  rasscnliiiiciil  de  ce  |)rincc  (jiii  ne  sa\ail  ni  aijii' par  lui  ni  laissci' aux 
aiilres  loiile  liUcile  de  le  sauver. 

Ce  lui  pendaul  (|uel(jues  jours,  enire  les  deux  parlis,  coninie  un  duel 
ouverl,  sans  ineici,  un  eorps-à-eor'ps  éniouxaul.  doni  Paris  et,  a\ee  Paris,  la 
Fi'anee  ('■laieiit    l'enjeu. 

C'esl  du  resie  depuis  de  l()ni;s  siècles  le  soil  de  celle  cile,  lèle  cl  e(eui' de 
la   nalion,  (jue  de  décider  des  deslinées   Au    pa\s  par  les  siennes  propres. 

Le  (\i\r  d'Meucon 
eomniiMica  par  répandre  à 
profusion  dans  Paris  des 
pi'oclaïualions  deslinccs  à 
i^auncr  le  peupk'  à  la  cause 
du  Roi.  Il  in\  ila  en  même 
Icinps  les  cclic\ins  à  ou- 
\rir  au  prince  les  portes 
de  la  \illi'.  La  mesure 
n'était  pas  d'tuie  liahilelé 
consommée.  Ces  mai^is- 
trals,  (\[\  niomeni  (|u'ils 
claicnl  v\\  loiiclions,  accor- 
daicnl  e\idcmnicnl  Icm'S 
sxmpatliics  au  paili  des 
Vni^Iais.  Ceux-ci,  autre- 
menl,  ue  les  eusseni  pas 
laissés   en    cliari;e. 

Il  cul  l'allu  se  conlcn- 
ter  de  lia\aillei'  l'esprit 
(lu  peuple  a\ec  aulanl  de  scci'ct  (pi  il  clail  |)()ssil>lc,  réveiller  la  iihrc  du 
palriolismc  cl  de  la  liainc  de  rclran_i;cr,  toujours  si  vive  cl  si  puissanle  eu 
l'rancc,  et,  le  tcriain  étant  ainsi  prépare,  alla(pici'  les  remparts  dans  lui  assaut 
vigoureux,  .leanue  l'eût  conduit  cl  sa  vue  seule  ei'il  gai^ne  les  Parisiens. 

On  ne  lit  point  ainsi.  L'éveil  était  donne  |)ai-  l'arrivée  de  l'armée  roxale 
à  Sailli-Denis;  l'appel  adresse  par  d'Alencon  aux  cclicNius,  alors  même  (ju'ils 
eusseni  eu  (picl(|uc  pente  à  favoriser  son  entrée  dans  Paris,  les  ohligeail  à  se 
prononcer  elialeureusemenl  poiu'  le  parti  contraire,  sous  peine  de  tomber  en 
suspicion.  Ur  les  passions  étaient  telles  à  cette  heure,  (ju'il  en  eût  ete  pour 


sujKT  l'itiMii'H.  i)i;  I.  ax(:ii;n  .iiom.muxt  ki.kvi;  srii  i.e  pont  d  ohluns 
D";»i>res  la  gravure  de  .\li,ais,   dessin  de  DlOï. 


DEVANT   PARIS. 


i53 


eux  non  pas  soiilemt'iil  du  [joiixoir 
ou  (le  la  lihnlc,  mais  fiicorc  de 
la  X  ic. 

Pour  ol)lisc'r  davantage  tous 
ceux  qui  à  fjuelcjue  degré  avaient 
autorité  et  exerçaient  quelque  fonc- 
tion, on  fit  renouveler  le  serment 
de  fidélité  au  régent. 

En  même  temps,  dans  les 
divers  quartiers  de  la  ville  on  for- 
tifiait les  remparts  et  les  portes.  Des 
pièces  d'artillerie  furent  portées 
sur  ces  houlevartls,  et  l'on  prit, 
en  lui  mot,  toutes  les  mesures  (|ni 
eon\c'naient    à     la    défense    d'une 


JIC.VNNE   I)   vue   CHEF   VICTOJUF.IX   DIÎ    L  All.MEE   ni.iNÇ.VISE 

D'après  une  gravure  anglaise  de  Marsciiall. 


ville    a    celte    époque. 

(Connue    on    ciaignail     encore 
touIcCois  (|uel(|uc    l'ctoiu'  jiopulairc 

en  faveur  de  (lliarics  Miel  des  assiégeants,  on  r('pandil  le  hriiil  que  les 
gens  d'aiincs  français  avaient  reçu  de  leiu's  chefs  l'axis  (|uc  Paris  leur  serait 
abandonne  en  pillage  et  (juils  auraicnl  lilirc  droil  de  \ic  ou  de  iiioil  sur  tous 
les  lial)ilanls. 

C'était  faux,  il  est  clair,  et  insensé^  mais  quelles  cireurs  n'cnlrcnt  pas 
dans  l'esprit  d'un  peuple  affolé  ! 

l/ouverture  des  hostilités  ne  pouvait  larder,  et  ne  tarda  pas  en  effet. 

Des  escarmouches  eurent  lieu  [xiidant  plusieurs  jours,  de  divers  cotés, 
sous  les  remparts  et  dans  les  cn\  irons  de  l'aris. 

On  sait  que  cette  ville  était  en  ce  temps  infinimcrd  moins  ('tendue  (ju'elle 
ne  l'est  maintenant.  L'emplacement  occupe  aujourd'hui  par-  l'église  Saint-Hoch 
était  en  di'hois  des  murs,  cl  celui  cpr'occupc  la  Madeleine  conliriarl  à  la  maison 
de  campagne  des  évêques  tic  Paris;  d'où  le  nom  de  rue  de  la  ^  ilie-l'l^èque 
resté  à  l'une  des  rues  voisines. 

Les  premières  escarmouches  eurent  lieu  surtout  entre  la  por-te  Saint- 
Denis  d'alors  et  le  quartier  de  la  Chapelle.  De  temps  immémorial,  un  chemin 
conduisait  directement  de  Saint-Denis  à  Paris:  les  troupes  françaises  le  sui- 
virent nalurcllement  pour  venir  sous  cette  dernière  ville. 

Jeanne  assistait  à  ces  escarmouches,  étudiant  hommes  et  choses,  cherchant 


JEANNE    ])'A1U:    RACONTEE    PAR    E'IMAGE. 


I- 

■ic 


a  se  i:iirc  une  jiisic  idée  (\n  Iciiaiii  ri  des  iciiipails,  aliii  de  \()ii'  de  (jiicl  <'ol(''   il 
C'oinic'iidiail  le  niitiiv  de  diii<;cr  l'assaiil. 

Ellr  lie  lU'i^lii^vail  pas  non  pins  d'cUidici-,  dans  la  mcsnic  où   clic   le   poi 
vail  l'aiic,  l'clat  (Tcspril  des  i'arisiens.  Il  Ini  inipoilail  de  les  eonnailre   poni 
eas  on  le  siè!;c  aniail  nne  lieincnse  issne,  el  celle  connaissance  pon\ail   Ini  èlic 
d  nne  non  moins  jurande  niilile  ponr  la  condnile  dn  sièi^c  nièinc. 

(hic  n'axons-nons  pins  de  dclails  lonclianl  celte 
cii'conslancc  t\c  la  ^  ie  de  .leanni'!  (Jiic  de  pensées, 
qnc  de  scnlimcnls  dc\aicnl  se  prcssci-  en  clli' !  Des 
liauleuis  de  la  (iliapcllc  elle  ponNail  an-dcssns  di'S 
ninrs  apcicexoir  les  piincipanv  nionnincnls  de  l'aiis. 
jVoIic-I  )anic  doniinail  an  loin,  leniple  \  enciahlc, 
sancinaiic  des  l()ni;leinps  consacic  par  la  loi  cl  le 
|>ali'i()lisnie  parisiens,  el  près  (hupicl,  —  IVil-cc  le 
Temple  élevé  par  nn  de  nos  rois  à  l'Iioinicnr  de 
Sainlc-Geneviè\i'  on  la  coupole  des  Invalides,  —  loni 
anh'e  sanetnaiif,  à  l'aiis,  doil  sans  conteste  jirendre 
cl  garder  la  seconde  plat-c. 

.leanni'  en  ponsail  conlcniplcr  les  den\  lonrs, 
sicnrs  nnies  en  Notre-Dame,  comme  l'amonr  de  la 
l'rancc  el  ccini  de  Dieu  l'elaicnl  dans  l'àmi'  tic  l'Iic- 
roine. 

(l'csl  là  (|ne  la  Erance  élail  \enne  maintes  l'ois 
iniploi-er  Dien  dans  ses  niallienrs,  on  le  remercier 
de  ses  ^icloires.  cretait  |)ar  l'xecllcnce  le  temple  des 
Je   ui'iiiii    nationanv,    et    eomhien    devait    être    heaii 

B'itpivs  uni*  iiniche  de  liE  FEUnnE. 

{Appartenant  à  MM.  Asirc  et  Omx.)   saiis    (loiitc   ccUii    (|ue   la    IHiccllc    clianlail   déjà   dans 

son  C(cnr  et  (|ni'  di'inain  l'aris,  «  s'il  de\  ait  plaiic  à 
Dien  »,  chanterait  [>oiir  sa  déllM'anec  et  son  relonr  an  Uoi. 

C'est  là  (|uc,  \iiii;l-sept  ans  plus  tard,  sons  les  \oùtes  de  la  vieille  basilique, 
Jeanne  devait  être,  par  les  juges  dn  procès  de  réhabilitation,  vengée  du  juge- 
ment de  Rouen,  comme  c'est  là  encore,  espérons-le,  qu'un  jour,  toute  la 
France,  leprésentée  par  tous  les  pouvoirs  et  par  les  plus  nobles  de  ses 
fils,  viendra  inaugurer  cette  fête  nationale  de  Jeanne  d'Are  en  laquelle, 
pour  nn  jour  au  moins  chaque  année,  les  partis  feront  trêve  et  les  passions 
silence. 

Je  me  suis  souvent  arrêté  devant  le  panorama  que  Jeanne  avait  considéré, 


JEVNNK     D  All(J     A    LA      CHAI'EI.I.K.    SOUS    l'AKIS 
D'iijiics   le  ciiiton  (Je  l,iuM.i,   lloviiR.    Vitrail  (-M'-ruté    par   {'.hampigneui.le,  à    Paris, 


DEVANT    PARIS. 


i5y 


demandant  ingénument  à  ces  pierres  de  nos  monuments  religieux  et  civils  ce 
qu'elle  leur  avait  dit. 

J'imagine  (|u'ellc  considériiil  la  grande  cité  comme  une  sorte  de  terre 
promise  où  il  lui  tenail  au  cœur  d'entrer  et  surtout  de  conduire  le  Roi.  Dès  ce 
temps  Paris  avait  eu  France  ce  prestige  singulier  qui  attire  et  séduit.  Cette  ville 
était  loin  d'être  ce  qu'elle  est  aujourd'hui.  La  France,  surtout  en  ces  temps 
de  guerre  civile,  n'avait  pas  la  cohésion  (ju'elle  a  maintenant  et  i*aris  était 
par  suite  lui  centre  moins  marqué. 

Mais  depuis  plusieurs  siècles  déjà  il  clail  le  point  culminant  du  pavs,  la 


ji:a>M'.  BLiiSSiiii  sous  i-ahis 
D'api'1-s  II'   h:i<-rilii-f  île  Vital  I)unR,\ï.  {Miisce  Jeanne  d'.hc,  i\  Orlraiis.) 


tète  et  le  cœur  de  la  ualion.  La  herlt-  française  de\ait  souffrir  élrangement 
de  le  voir  aux  mains  des  Anglais;  et  si  comme  point  stratégique  Orléans  avait 
une  importance  considérable,  encore  celle-ci  était-elle  peu  de  chose  auprès 
de  celle  de  Paris. 

Les  vrais  Français  a^ aient  donc  du  souNcnt  gémir  en  le  vovant  aux 
mains  des  \uglais;  ces  doléances  s'étaient  étendues  dans  toutes  les  pi'cninccs, 
et  il  est  à  supposeï'  <[ue  le  soir  à  Domremy,  au  coin  du  foyei-  paternel,  Jeanne 
fiilaiil  a\ait  cnti'ndu  de  hieu  tristes  |)aroles  touchant  Paris,  la  graiule  cité. 
Entre  antres  deuils,  celui-là  avait  dû  compter  pour  une  grande  part  dans  la 
(c   pitié  du  lovaume  de  France   »  dont  elle  s'attristait  si  douloiuensement. 

Elle  eût  aussi  trouvé  dans  ce  peuple  parisien  un  accueil  si  chaleureux!  Les 
grandes  causes  l'émeuvent  si  forlement;  il  excelle  tant  à  les  mettre  en  honneur, 
à  les  grandir  par  son  accueil!  C'est  là  mieux  encore  qu'à  Reims  et  à  Crespy 

33 


258        JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

que  Jeanne  eût  pu  diie  :  "  Aoici  un  hou  peuple.  Je  n'en  ai  vu  nulle  part 
ailleurs  qui  montrai  tant  de  joie.  Et  plût  à  Dieu  (jueje  fusse  assez  heureuse, 
quand  je  finirai  mes  jours,  pour  être  inhumée  en  cette  terre!  » 

Paris  n'a  pas  l'iionneur  de  garder  cette  chère  et  sainte  dépouille.  Et 
pourtant  sa  «  terre  »  garde  quelque  chose  de  Jeanne  d'Aic.  L'héroïne  fut 
blessée,  comme  nous  le  verrons  bientôt,  au  bord  du  fossé,  près  de  la  porte 
Saint-Honoré.  Rien  ne  se  perd  dans  le  monde,  et  là  encore  où  le  sang  de  Jeanne 
a  coulé,  non  loin  du  lieu  où  s'élève  sa  statue,  œuvre  du  sculpteur  Frémiet, 
quelque  chose  peut-être  de  ce  sang  demeure. 

Je  ne  passe  jamais  en  cet  endroit  sans  saluer,  avec  l'image  de  la  guerrière, 
le  sang  (ju'elle  a  versé  pour  notre  patrie.  Ce  sang-là,  c'est  bien  «  le  sang  de 
France  »,  le  plus  noble  et  le  plus  pur. 

Paris  se  doit  à  lui-même  de  s'en   souvenir. 


fj^ 


Charles  Vil  se  tenait  loujouis  à  Scidis,  et  si  oppoi'lun  qu'il  pùl  paraître 
à  Jeanne  el  àd'Viencon  de  li\  rcr  assaul,  la  ciiose  ne  se  poux  ail  accomplir  sans 
l'auloi-isalion   du   Itoi. 

On  nuillipliait  les  messages,  mais  il  un  répondait  pas. 

Le  duc  d'Aleneon  résolut  alors  de  se  rendre  piès  de  lui  et  partit  poui' 
Senlis.  (l'etail  à  la  date  du  i"  se  |it(inltrc.  Sa  déniarclie  n'aboutit  pas  a  bien,  i-e 
Hoi  rc'coula  sans  protester,  mais  demanda  le  temps  de  plus  longues  rcllexions. 
Il  fallut    bien   le   lui   accorder. 

D'Aleneon  rexint  à  Saint-Denis,  où  Jeanne  l'attendait,  non  sans  au\i('té. 
Leur  entretien  dut  être  singulièrement  pénible.  Egalement  vaillants,  ces  deux 
cceurs  si  profondément  dévoués  au  bien  de  la  France  gémissaient  sur  l'inaction 
d'un  prince  qui  les  arrêtait  sur  le  chemin  de  la  lutte  et  de  la  ^ieloil•e,  au\ 
portes  d'une  ville  telle  que  l'aris.  Leurs  pensées  erraient  tristement  entre  les 
deux  cités,  et,  dans  une  révolte  aussi  légitime  que  généreuse,  ils  se  deman- 
daient à  qui  leur  rancœur  dexait  allci'  plus  fortement,  ou  de  l'ciiangci'  (pii 
tenait  Paris  sous  l'oppression,  ou  du  Roi  (jui,  à  (pielques  lieues  de  la, 
demeurait  oisif  el  leiu'  défendait  d'agir  pour  en  chasser  l'oppresseur. 

On  ne  s'est  pas  assez  arrêté  à  ce  fait  de  la  a  ie  <lc  Ji-annc,  nous  l'aNcnis  d(-jà 
dit,  et  à  la  rude  épreuve  qu'elle  en  dut  ressentir. 

Paris  s'honorerait  en  réveillant  ce  souvenir.  Jeanne  n'a  pas  seulement 
teint  le  sol  parisien  du  sang  de  ses  veines;  les  larmes  sont  comme  le  sang  de 


1 


DEVANT    PARIS. 


ajf) 


c--^   (.{tanna   iSorx.    Jï5iX,-fc  f«oo 


l'âme,  surtout  ces  larmes  cachées 
qui  ne  tombent  pas  des  veux,  et 
(loni  le  cteur  seul  est  le  témoin. 
Jeanne  devant  l'aris,  entravée  par 
le  Roi  et  impuissante  de  par  lui, 
a  dû  pleurer  ainsi.  —  Que  Paris 
se  souvienne  des  larmes  de  la 
Pueelle  ! 

Le  5  septembre,  sans  doute  sur 
les  instances  de  Jeanne,  d'Alençon 
retourna  auprès  du  Roi  :  pour  cette 
fois,  il  insista  de  telle  façon  que 
Charles  VII  consentit  à  venir  '  di- 
ner  à  Saint-Denis  »  le  7  sep- 
tembre. 

L'enthousiasme  populaire  salua 
son  arrivée.  Tl  semblait  que  ce  triste 
prince  fut  à  son  armée  le  seul  en- 
nemi qu'on  redoutât  de  ne  pouvoir 
vaincre.  Les  autres  coniplcraicnl 
pour  rien,  i\y\  moment  où  l'on 
li-iompherail  de  sa  résistance. 
«  Jeanne  mettra  le  Roi  dans  Paris,  disail-on  dans  les  rangs  de  l'armée, 
si  à   lui  ne  tient.  » 

Malheiu'eusement  il  en  devait  «  tenir  à  lui  »  . 

De  la  part  d'hommes  tels  que  Charles  VII,  les  retours  sont  fréquents.  Les 
lésolutions  qu'ils  prennent  sont  moins  le  fait  d'une  volonté  formelle  que  celui 
d'une  impression  passagère.  Le  retour  est  aussi  prompt  que  le  fut  la  concession 
qu'ils  ont  faite  et  parfois  même  ils  mettent  quekjue  gloire  ou  du  moins  cjuelque 
vanité  à  répudier  le  lendemain  l'autorité  qu'ils  ont  subie  la  veille.  Il  importait 
donc  de  profiter  tlu  moment  fa^oiable  et  d'engager  l'action  sans  retard. 

Le  duc  d'Alençon  |)récéda  le  Roi  à  Saint-Denis.  Comme  il  rapportait 
l'assurance  de  l'arrivée  de  celui-ci,  la  troupe  qui  s'y  trouvait  gagna  la  (Chapelle 
le  6  septembre.  Le  cjuartier  de  la  Chapelle  est  aujourd'hui  compris  dans  Paris 
et  l'un  des  plus  po|>uleu\  de  la  capitale.  \  cette  époque,  il  n'y  avait  là  (|u'un 
village,  situé  à  peu  près  à  mi-chemin  entre  Saint-Denis  et  Paris;  il  était  fortifié. 
Une  église  y  avait  été  érigée. 


JEANNE    DEVANT    OHI.EANS 


(Irinurn   originale  publiée  dans  l'Histoire  du  siège  d'Orléans 
lie  Tripaiilt  (1621).  [Cvlieftion  de  M.  Lanérjr  d'Arc.) 


a6o        JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

En  voici  l'origine.  Sainte  Geneviève,  qui  avait  une  grande  dévotion  pour 
saint  Denis,  faisait  de  fr(kjuents  pèlerinages  à  son  lomi)eau.  Comme  elle  habi- 
tait la  Cité,  dans  une  des  rues  eom|)rises  entre  Notre-Dame  et  le  bras  septen- 
trional de  la  Seine,  elle  s'airêtait,  à  l'aller  et  au  retour,  au  sommet  de  la  côte 
assez  longue  qui  conduit  au  quartier  dont  nous  parlons.  \u  retour  elle  en 
faisait  autant. 

I^es  voyageurs  s'y  arrêtaient  aussi  généralcnicnl  |)our  v  prendre  repos 
ou  accorder  (juelque  répit  à  leur  moulure.  Cicnc\iève  y  priait  ;  c'clail 
son  repos. 

Existait-il  déjà  à  cette  place  un  oratoire  cle\c  |>ar  la  dévotion  des  pèlerins, 
ou  Geneviève  elle-même  le  fit-elle  conslinire  pour  les  besoins  c\v  sa  piclc?... 
Nous  ne  savons.  Toujours  csl-il  que  cet  oialoire  demeura  après  la  mort  de  la 
sainte  et  qu'une  chapelle  v  lïil  bâtie  plus  tard. 

On  l'appela  la  chapelle  Saiulc-Cicnex  iè\t',  cl  plus  lard  Sainl-Dcuis-dc-la- 
Cliapelle-Sainte-Geneviè\e.  l  ne  paroisse  s'\  l'ornia  au  cours  du  temps,  et 
aujoiu'd'hui  clic  csl,  par  le  iiondx-e  des  paroissiens,  l'une  des  plus  considé- 
rables de  la  ville. 

C'est  là  que  Jeanne  d'Arc  viiU  prier  |)cndanl  ces  jours  dw  siège  de  Paris 
et  surtout  pendant  la  nnil  du  S  an  <)  sepleinbre;  elle  \  communia  sans  donle, 
selon  sa  coutume. 

T>e  curé  de  cette  paroisse  a  eu,  depuis  (|ncl(jucs  annc'cs,  la  religieuse  et 
|)alrioli(jue  pensée  d'y  réveiller  la  mémoire  de  .Teanne  d'Vrc.  et  une  fête 
annuelle  y  a  lieu,  le  jour  (le  la  Nativité  de  la  \  ici'gc,  au  milieu  d'un  concours 
considérable. 

De  toutes  nos  églises  parisiennes,  celle  de  Sainl-l)cnis-la-Chapelle  est 
la  seule  qui  ait  été  honorée  de  la  présence  de  Jeanne  d'Arc. 

I>e  souvenir  de  sainte  Geneviève  s'y  rattachant  aussi,  on  peut,  par  cette 
double  considération,  voir  en  ce  modeste  temple  un  des  sanctuaires  les  plus 
vénérables  pour  ceux  qui  ont  le  culte  des  grands  souvenii-s  français  et 
chrétiens. 

C'est  là  que  sainte  Geneviève,  la  libératrice  de  Paris  devant  Attila,  cl  l'une 
des  fondatrices  de  l'unité  française,  venait  dans  la  solitude  et  la  prière  puiser 
vui  courage  au-dessus  de  son  sexe. 

C'est  en  ces  mêmes  lieux  (|ue  .leaiuie  d'\rc  \int  |)rier  à  son  loui-,  inq)a- 
liente  de  porter  à  l'Anglais  un  dernier  cou|>  (jui  mil  lin  à  l'invasion  étiangère, 
en  rendant  l'aris  à  la  France.  Ces  deux  femmes  héroïques  se  donnent  la  main 
sous  ces  voûtes. 


DEVANT    PARIS. 


261 


Aussi  bien,  puisque  à  celle  occasion  nous  aAons  i'a|)[)i-o(li('  l'un  de  laulie 
ces  deux  noms  si  purs  et  si  vénéraliles,  ajoutons  que  ce  rapprocliement 
n'est  pas  le  seul  qu'on  puisse  établir  entre  Geneviève  et  Jeanne,  soit  par  simi- 
litude, soit  par  aniitbèse.   11   peut   être  opportun  de  le   ra])pclcr  biic\  cnicnl. 

Sainte  Geneviève  est 
née  en  4o4-  Mille  ans 
après ,  presque  année 
pour  année,  Jeanne  nais- 
sait, en  i4i2. 

C'est  le  3  janvier 
que  Geneviève  mourut; 
c'est  le  6  janvier  que  na- 
quit Jeanne. 

L'une  et  l'autre  ont 
i;randement  servi  la 
France.  I/une  a  protège 
le  berceau  national  :  c'est 
Geneviève;  l'autre  a  ra- 
inciu'  notre  nation  des 
portes  de  la  ruine  dei- 
nier<-,  et  l'a  lait  se  relever 
de  la  couclie  funèbre  oii 
elle  se  mourait. 

Jeanne  d'Are  a 
<'  l)out('  liois  tic  France  •> 
l'euA  aliisseur  ;  Gene\  ic\  c 
asau\('  Paris  cl  la  Fi'aiicc 
naissante  de  la  perte 
dont  Attila  les  menaçait. 

J/une    a  été  la    eons( 
Charles  VII. 


JE\NNE    DEVANT    I.  AUTEL 

D'nprès  une  gravure  du  xvii"  siècle.  [lli/'L   iial.] 


ère   du     loi     Clovis,    l'autre    le    soutien    d  1     roi 

L'une  et  l'autre  ont  fortifié  leur  action  et  noui-ri  leur  patriotisme 
par  une  foi  ^i\c,  une  pi('t('  ferme  autant  qu'ini;('nue  et  une  haute 
vertu. 

L'une  et  l'aulrc  ont  établi,  par  leur  exemple,  (pn'llc  action  considérable 
une  sim|)lc  femme  peut  exercer  sur  les  destinées  de  sou  pa\s,  quels  services 
signales  clic  peut   rendre  à  ses  concilovcns. 


26a 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


Geneviève  n'a  point  |)arn  sur  les  champs  de  bataille,  mais  elle  a  dans  sa 
demeure,  au  baptistère  de  Notre-Dame  et  dans  la  Cité,  montic  un  courage 
supérieur  à  celui  i\c  noinbic  de  capil;;iiics.  Quand  Us  hommes  voulaient 
abandonner  Paris  et  fuir,  elle  a  exhorté  les  femmes  à  tenir  ferme  et  à  se 
montrer  couraoeuses  à  la  place  des  hommes,  dont  r(''ncri;;ie  avait  défailli. 
Ceux-ci,  furieux  de  sa  icsistance,  voulurent  la  jeter  à  la  Seine,  comme  on 
voulait  jeter  Jeanne  d'Xrc  dans  la  Meuse,  parce  qu'elle  se  proposait  de  sauver 
son  j)a\s. 

Jeanne,  du  reste,  même  sous  l'armure  et  dans  le  tumulte  de  la  i(uerre, 

n'a     pas     été     moins     douce     que     Gene- 
viève. Ni  l'une  ni  I  autre,  malijré  l'im- 
^-   <^  '-=.^^  ^x  ^\      portanee  et   l'cclal    de    Ictu'    action 

'§fi/„M    ^ /'^^^^^iÙ         ^^/K\\^       sorties  des  nireui-s  de  leur  sexe 


%\ 


-.Tl^^aii. 


Elles   sont   le    parfait    modèle 
des  femmes  françaises. 

Jeanne     a     ct('     l'objet     de 

l'cnv  ic  cl  (le  la  haine;  (  icnc- 

X  lève  a  é'tc  calomniée,  et  elle 

eût   succombe  sous   les  coups 

de  ses  adversaires  si  un  c\c(juc, 

saint     Germain     d'\uxerre,     ne 

eût  justifiée    et    sauvée.  Hélas!    il 

\\v\\    fui    plus    ainsi   pour  Jeanne,   et 

tandis     (juc      GenevièNc      recoruiaissante 

avait    baisé  les  mains   de    saint    Gciniain 

O'apivs  un.-  ginvure  1,1-  -       /•  1 

rcpiodi.isanlumm.-dnillo  en  bronze        «I   AU  XCrrC,    Jca  U  UC     «lut     (lire     a     CaUcllOli: 
(lu  xvM"  sifcle.  -J^      , 

«   Eveque,  je  meurs  par  vous  », 
L'antithèse  rapiMoche,  et  celle-ci  n'est  pas  la  seule  (|u'on  puisse  établir 
entre  ces  deux  filles  de  la  1-rancc. 

Jeanne  d'Arc  est  moite  à  dix-neuf  ans  et  quatre  mois;  Geneviève  a  vécu 
soixante-dix  ans  de  plus  :  elle  est  morte  à  l'àj^e  de  qnatre-\  ini^t-neuf  ans.  E'une 
et  l'autre  toutefois  étaient  nées  aux  champs,  l'une  à  Nantei-rc,  l'autre  à 
Domremv.  Le  peuple  s'est  pressé  autour  de  l'une  et  de  l'autre  au  moment 
de  leur  mort  :  la  Coule  entoura  d'hommages  et  d  honneurs  la  couche  de 
Geneviève  mourante  cl  lui  fit  des  funérailles  rovalcs;  au  conliairc,  ce  même 
peuple,  autour  (In  bûcher  de  Rouen,   l'ut  le  témoin  incric  de  l'ini(jnité  qui   se 


\.\   1  iiii.nMiiicF,  i>r   i,v   rn\M:E 


DEVANT    PARIS. 


263 


consommai (  :  pas  une  voix  ne  s'éleva  de  celte 
multitude,  où  pouilant  l)a(tail  plus  d'un  bon 
cœur,  et  Jeanne,  qui  nous  a\ail  tous  sauvés, 
mourut  abandonnée  de  tous,  comme  meurent 
les  criminels. 

Sainte  Geneviève  eut  un  tombeau  glorieux  ; 
on   l'inhuma  dans  l'église  Saint-Piei-re  et  Saint- 
Paul.  Plus  tard,  Clovis  et  la  reine  Clotilde  récla- 
mèrent l'honneur  d'être  inhumés  à  ses  côtés.  Et, 
comme  si  c'eût  été  trop  peu  c|ue  la  majesté  rovale 
s'inclinât    et    voulût    s'efTacer    dans    l'ombre    de 
cette    fille    du    peuple    devenue    si    grande, 
on   changea   le  vocable   de  cette  mênie 
église,  et  la  foule,  qui  s'entend  souvent 
à  décerner    les  titres   durables,   l'appela 
l'église  Sainte-Geneviève.   On    en    con- 
serve les  restes  dans  l'cnccinlc  (\i\  hcéc 
Henri  IV. 

Jeanne,  elle,  n'eut  poui-  lonihcau 
([uc  les  flols  (le  la  Seine,  où  ses  cciHlres 
iureiil    jetées    le    soir    i\u    3o     mai. 

Mais  remarquons  cette  singularité  des  choses  humaines,  ("jenevièxc  a\ail 
été  glorieusement  inhumée  en  493.  Treize  cents  ans  plus  lard,  an  pour  an  cl 
|)iesque  jour  pour  jour,  sa  dépouille  était,  en  pleine  Terreur,  ra\ie  à  son 
lonibeau  séculaire,  publiquement  brûlée,  et  ses  cendres  jetées  par  une  louibe 
en  délire  dans  les  eaux  tic  ce  même  fleuve  (jui  dtjà  a\ait  reçu  les  cendres  de 
Jeanne  d'Arc. 

Comme  si  ces  deiiv  grandes  l'cmmes,  âmes  sœurs  dans  le  double  cullc  de 
la  religion  et  de  la  pairie  cl  déjà  unies  dans  le  sein  de  Dieu,  avaient  Aouhi  fjue 
leiu's  cendres  eusseni  un  même  sépulcre,  et  (jue  le  même  lleuve  les  recneillil 
poui"  les  porter  ensiùte  à  l'Océan,  ce  lonibeau  singidier,  seul  assez  \asle 
jioiu'  de  telles  dépouilles. 

Elles  ont  dû  frémir  et  comme  se  ranimer  en  se  rencontrant,  ces  cendres 
héroïques  et  virginales! 

Et,  dernier  rapprochement,  (juand,  il  a  a  un  siècle,  des  lils  ilc  la  Fiance 
égarés  ont,  [lar  cet  outrage  fait  à  la  dépouille  de  la  Patronne  tic  Paris,  rapproché 
ilaiis  répreu\e  Geneviève  de  Jeanne  d'Arc,  aujouid'hui  voici  que  les  fils  de 


JKASMi    D  AHC 
la    statuette    tl'P^M.    FnÉMIET. 


264 


JEANNE   DARC    RACONTÉE   PAR    L'IMAGE. 


CO.M.MI.M'    L.V   l'LCELLi:  l-.T    hl.S   IKAXÇAIS   MNKKNT   AL    Sllitili   DI-:   l'AltlS 

n'ii|n'i'S  In  minintiiro 
(lu    nKiniiM-lll    <li-s  ^  ifjil.-s  lie   ClliiHi-s   \l[   ;l'|S4l 


(l'ite  même  Franco,  par 
l'c-clat  qu'ils  rcpandcnl  siii- 
la  iiK'inoii'c  de  la  \  icPi^c  de 
\  aiicoiik'iiis  cl  le  cullc 
passionne  (pi'iis  lui  \()ucnl, 
lappcllcnl,  en  celle  icnais- 
sance  de  I  lieroine  Irop 
loni^tenips  oubliée,  les 
i^loires  dont  le  peuple  d'où 
nous  sommes  issus  en- 
loura  la  nioil  cl  les  l'une- 
railles  de  la  \  ierge  de  Nan- 

ICITC. 

(  )n  ne  me  hlàmera  poinl.  jCspcic.  (!<■  celte  diijrcssion.  Iji  cel  ou\  iaj;e 
dcsiine  a  lous  les  hons  l'iancais,  il  m'aura  cle  permis  de  rappi"0(?liei'  l'une  de 
l'aulre  ces  deux  fennnes  (|ui  lionorenl  ei;alement  noire  nalion  cl  (|ui  l'onl 
ei;alemenl  ser\  ie. 

Il  y  avail  |)arlieulièrc  opportunilé  à  le  faire  en  nos  jour's,  où  peut-être  le 
nom  cl  le  cullc  de  Ciene\iè\e  semhleni  loml)cr  en  un  ouhli  relatif  aucpiel 
la  fidcliU-  de  noire  Iradilioii  clirélieune  ne  les  as  ail  pas  accoutumés.  Le 
peuple  s'en  sou\icnl   eiu-ore,    mais  lous  ne  fout  pas  comme  lui. 

(l'est  ser\ir  sonpa\S(|uc  de  lui  iap|)eler  ses  gloires;  c'est  fortifier  le  seu- 
limenl  relii^ieux  d'une  nalion  (|ue  de  ne  laisser  point  depi'iir  au  milieu 
d'elle  ses  déxotious  sccidaires. 

Le  jour  même  de  l'arriNt'c  du  Roi  à  Saint-Denis,  7  septembre,  un  engage- 
ment sérieux  eut  lieu  entre  les  gens  d'armes  français  et  la  garnison  parisienne. 
L'assaut  toutefois  ne  fut  poinl  donné,  et  les  Parisiens,  qui  le  cro\aieut  immi- 
nent, se  firent  un  succès  de  ce  qu'il  n'eut  pas  lieu. 

La  terreur  qu'ils  avaient  de  la  l'ucelle  était  tlu  reste  fort  grande.  La  gar- 
nison anglaise  n'en  a\ait  pas  une  moindre,  et  il  suffit  pour  s'en  faire  une  idée  de 
lire  les  ordonnances  et  déerels  par  lesquels  le  gouvernement  anglais  s'effor- 
çait, mais  souM'Ul  en  xain,  d'amener  les  i'e<'rues  à  passer  le  dciroil  pour-  aller 
eomballrc  <ii  l'rancc. 

jM.  (Icrmain  Lci'c\  rc-Pontalis  a  public  sur  ccl  objcl  des  pages  fort  inléres- 
sanles  et  d'iuic  sûre  érutlilion'.  .'  L'armée  de  secours,  dit-il,  refusait  de  prendre 


I.    La  punUjuf  anglaise  en  1429.  l'aris.  K.  Bouillon,  6-.  rue  de  Riclielieu,  in-8,  20  pages. 


DEVANT    PARIS.  a6a 

la  mer  cl  se  Iroiuait  vn  pU'iiU'  dissolution.  Officiers  cl  soldais,  cmus  à  la  pensée 
(\u  pci'il  suriunnain  fjii'ils  allaicnl  coiiiii'  sur  la  Icire  française,  s'étaient 
dispersés  tlans  les  dcpcndanoes  de  Londres  et  dans  les  faubourgs  des  ports 
échelonnes  sur  les  bords  de  la  Tamise. 

«  Ordre  est  expédie  aux  vicomtes  de  Londres  et  aux  autorités  de  Rochester 
de  faire  proclamer  à  cri  public  que  lous  les  retardataires,  sous  peine  d'empri- 
sonnement, sans  distinction  de  grade  ou  de  condition,  aient  à  se  rendre  sur 
l'heure     dans     les     ports    de 
Sandwich  et  de  Douvres. 

«  Une  terreur  inex- 
plicable pèse  malgré  tout  sui- 
ces  troupes  endurcies  à  tous 
les  risques,  fortes  contre  toutes 
surprises » 

Une  pièce,  récemment 
découverte  par  M.  Siniéon 
Luce  nous  montre  qu'au  milieu 
d'août  1429,  entre  le  sacre  de 
Reims  et  l'attaque  de  Paris, 
des  bandes  di'  déserteurs  pai- 
coinaient  le  (lotcnlin,  cher- 
chant, entre  auti'cs  ports,  à 
gagner  Cherbourg,  pour  s'y 
embarquer  et  fuir  la  tcirc  de 
France.  «  T^e  18  août,  —  Irois 
semaines  a\anl  le  siège  de 
l'aris,  —  le  lieutenant  général 
du  bailliage  reçoit  deux  man- 
dements   du  conseil  i()\al  de  Normandie T^e  second    ordonne   d'empêcher 

tous  Anglais,  Gallois  on  autres  gens  d'armes  de  s'embarcjuer  [)our  repasser  la 
Manche.    » 

Tel  était  assurément  l'état  d'esprit  dv  nombre  des  soldats  composant  la 
garnison  de  l'aris.  Il  est  facile  dès  lors  de  comprendre  combien  aisément 
Jeanne  en  eût  eu  raison,  si  on  l'eût  laissée  agir  librement. 

Il  en  fut,  hélas  !  comme  on  le  \  cira,  tout  autrement,  et  la  l'ucelle,  ici  comme 
partout  ailleurs,  vit  ses  meilleurs  desseins  et  ses  |)lus  sages  résolutions  mis  en 
échec  par  l'indolence  du  Roi  et  les  sourdes  machinations  des  conseillers  tro{) 

34 


JEANNE    EN     l'IUKIlE 

D'après  11'  tal)liMii  cI'Amax  Jean.  [Music  d'Orlcaiis.' 


5.66 


.TEANJNK    D'AIIC    l\  VCONTKK    l'VIl    I/IMVCK. 


(lii^iU'S  (le  lui  (jiii  rciitoiiriiicnl.  .Iciimic  (li'\ail  t'ii  |)à(ir,  mais  la  l'rancc  cMK'orc 
plus  qu'elle  peul-ètre. 


4^ 


L'assaut  [toutefois  fut  leulé  le  lendemain.  (:'('lail  la  fêle  de  la  Nativité.  A 

Rouen,  les  juges  de  Jeanne 
lui  firent  i^rief  d'avoir  eom- 
balln  pendant  ee  jour;  mais 
Jeanne  ne  s'en  defendil  point, 
estimanl  -.xm-v  son  Maiire  que 
si  l'on  peut  sauver  son  âme  le 
jour  (In  SaMial,  il  esl  l)ien 
permis  de  san\cr  l'aris  un 
jour  de  fêle. 

Les  clieCs,  comme  elle 
le  dit  plus  lard,  ne  soni;('aient 
(|u'à  «  l'aire  une  esearmouche 
ou  une  \aillanee  d'ai'mes»; 
elle  \  i<  alla  à  leui'  i'e(|uèle  », 
mais,  ajoule-l-elle,  '<  e'(''lait 
bien  mon  inlenlion  d'aller 
oulre  e(  de  passer  les  fossés  ». 
\insi  donc,  même  avee 
d  \leneon,  GaucourI  et  les 
aulres,  Jeanne  elail  obligée 
de  dissimuler  son  dessein  et 
n'osai I  avouer  son  désir  d'en- 
gager une  aelion  dc-cisixc. 

On  partit  de  la  Ciliapelle  à 
huit  heures  du  matin.  T^'armée 
se  di\  isa  en  deux  corps.  Hais, 
Gaueourt  et  la  Pueelle  commandaient  le  eorps  (ralla([ue;  ils  se  dirigèrent 
vers  la  porle  Sainl-Honoré'.  T.e  due  d'Alençon  et  le  comte  de  Clermont, 
comme   eorps   de    iéser\e,  s'établirent  près  d'une  sorte   de   mamelon,  appelé 


Ji:v>"NE    D  ARC    DASS    L  AFFICHE 

U'iiliiis  r^ifCchf  (le  Grasset  pour  le  théâtre  de  la  Rruaissance. 
(Mulhcihc  cl  t'"',  CiJilciirs  ù  Pnris.) 


I.    Ct'ttf  i)orU-  ('-lait  siliirc  [iii-i,  de  l'ciiUi'c  cU'  rincnuc  de  rOj)i"ia,  non  loin  du  Tliràlri'-Fraiiçais. 


Copyright,  1S93.]  [Par  llarpei-  frères. 

JEANNE    d'arc    DITE    LA    PUCELLE    d'oBlÉaNS 

D'après  la  composition  de  Uumont,  extraite  du  Harpcr's  Magazine. 


DEVANT   PARIS. 


269 


ii9'- 


depuis  lîiittc  (les  Moulins 
ou  Initte  Sainl-Roeh.  Ils 
pouvaient  de  là  surveiller 
la  porle  Saint-Denis. 

Dès  leur  arrivée, 
Jeanne  et  ses  eompagnons 
s'emparèrent  du  boule- 
vard qui  protégeait  la 
porte  Saint-IIonoré.  Mal- 
lievu'eusement,  le  second 
fossé  était  reni])li  d'eau; 
il  fallul  euhcpr-endre  de 
le  combler  de  fasots  et 
d'aulres  matériaux.  Jeanne 
conduisait  les  li  :n  aux  aM'c 
lUie  inirepidc  a(li\  il(''. 

Vers  le  soir,  comme 
de  la  hampe  de  son  elen- 
dard  elle  soudait  le  fond 
du  fossé  et  donnait  l'ordre 

de  le  combler,  un  trail  d'arbalèle  l'allcii^nil  à  la  cuisse.  Malgn-  sa  blessure, 
Jeanne  continua  de  diriger  l'aclion,  cl  le  succès  semblait  dcNoir  couionnci- 
ses  efforts. 

En  elfet,  une  panique  (■onsi<l(  lablc  rcgnail  dans  Pai'is.  Xonibrc  d'Iiabilanls, 
venus  d'abord  au  sommet  des  remparis  |)our  assister  à  lassanl,  regagnaient 
précipitamment  leurs  dcmeui-es  el  s'y  enferniaicnl.  La  \uc  de  Jcainie  les 
avait  terrifiés. 

Mais  l'assaut  durait  depuis  midi  ;  il  se  faisait  lard,  et  des  chefs,  jugeant  que 
les  troupes  étaient  lasses  et  vo\aut  du  reste  Jeanne  blessée,  ordonnèreni 
d'arrêter  le  combat. 

Jeanne  prolcsla  avec  x('licniencc  conire  celle  rcirailc,  insisia  |»oui- (ju'on 
conlinuàl  l'assaul,  assurani  que  la  victoire  le  couionnc  rail  ;  on  ne  l'c-couta  pas. 
Elle  resia  avec  f[nel(jues  hommes;  il  fallul  que  d'Mencon  el  Gaucoui-t  vinssent 
l'entraîner  de  force;  ils  la  lircnl  mouler  à  chcNal  el  regagnèreni  la  (Ihajielle. 
Tout  le  long  du  chemin,  elle  ne  cessa  de  protester  contre  ce  qu'on  l'obligeait 
de  faire,  déclarant  (jue  la  place  cul  rlc  prise  si  on  l'cnl  laissc'c  libre  d'agir. 

(^)uoique  blessc'c,  .leannc    passa    une   partie  de    la   luiil   en   prière  dans    la 


JEHANNE    LA    PUCELI.E 

('.i-iiMii'i'   sur  Itnis  tirro  (lu  In  Mer  de.";  hysfoir 
(  lîihltotlù-fpic  nationale.) 


a"o 


JEAINNE    D'\RC    1\  \C:oNTP:F    PAU    L'IMAGE. 


potile  éoliso  (le  la  (lluipe-llc.  Heures  l)icii  (loiiloiiieuses  poiii' elle  et  qui  durcul 
laisser  eu  sou  ;une  uue  iuiière  impressiou  !  Paris  lui  écliappail  pai'  la  icsoluliou 
irn'déeliie  des  eapitaiues  et  le  l'ail  de  la  mollesse  du  Roi,  à  (|ui  eeu\-ei  saus 
doule  a\  aient  \()ulu  èlre  a^ieahles. 

(l'est  pai'lieulièreuieut  le  s()u\eMir  de  cette  \eille  (|ue  Jeanne  passa  dans  la 
prièie  el  l'augoisse,  (pii  a  coinnie  consacre  ce  sanctuaire  poni'  tous  ccn\  cpii  ont 
le  culte  de  la  nieinoire  de  la  \cneral)le  licroïne. 

Là,  connue  dans  la  cr\  pie  de  A  aucouleurs.  elle  eut  sa  ^('ill('■(^  de  larmes. 

Quoi  (lu'il  en  soit,  le  lendemain  dès  le  matin  elle  était  prèle  à  reconuneneer 
le  comliat  et  à  l'cparcr  la  l'aute  conimise  la  \ cille  par  ses  compai^nons  d'armes. 
Elle  pria  le  duc  d'Mencou  de  (aire  sonner  la  cliari^c  et  monta  à  clie\al,  décla- 
rant ([ue  l'aris  serait  pris  a^ant  (pi'ellc  icntràt  à  la  Cliapclle. 

D'Mencou  et  les  principaux  cliel's  par-lai^caicnt  ses  espérances:  ils  ue 
pou\aient  douter  d'ailleurs  (pic  nond)rc  de  Parisiens  ne  supportassent  a\ec 
peine  le  joui;  ant;lais  et  ne  se  declaïasseni  |)our  le  Hoi  de  i'raucc  des  le  pi'cmier 
succès  des  l'rancais.  (  )u  le  \  it  l)ien  (piaud,  au  moment  ou  l'on  s'a\aneail  sur  la 
\ille.  le  liaron  de  M()ntmorcnc\  en  sortit  a\cc  nomhre  de  ^cutilsliommes  et 
d'hommes  d'armes. 

Ou  partit  donc  alléi^rement.  Mais,  au  moment  même  où  l'on  approchait 
des  murs,  le  duc  Uené  d'Vnjon  el  le  comte  de  C.lermont  sur\ini'enl,  el  au  nom 
du  loi  in\  itèrent  la  Pucelle  a  se  rendre  à  Saint-Denis;  en  même  temps,  le  due 
(rUeuçon  et  les  autres  ehcCs  reee\aieul  ordi'i-  de  ichrousser  chemin  a\ee 
.leanne. 

Ils  se  retirèrent  la  mori  dans  l'àmc,  et  il  ne  l'allut  rien  moins  à  .leanne  (|ue 
le  ^rand  respccl  (pTclIc  portail  a  l'aulorile  ro\ale,  el  dont  elle  lenail  a  donner 
toujours  re\cniplc,  |)our  (prcllc  ne  se  rcNoIlàl  pas  contre  l'ordre  reçu. 

(lomhicu  trislemeni  elle  dut  <licminer  sur  la  route  de  la  (Ihapelle,  sous  les 
regards  des  assiégés  qui  raillaient  les  Français  comme  des  fuvartis,  suivie  de 
l'armée,  honteuse  de  ce  fpi'on  lui  faisait  accomplir  et  peut-être  en  voulant  à 
.Teanne  des  espérances  maintenant  déçues  (ju'elle  leur  a\ait  t'ait  conee\oir.  Les 
malheureux  sont  facilement  injustes. 

(lependant  le  duc  conser\ail  encore  (picNpie  espoir  el  sans  doule 
s'elToreait  de  le  conunui!i((Ucr  a  la  Pucelle.  Peut-être  fallait-il  altiihucr  la  déci- 
sion i\u  l{oi  à  la  crainle  (pi'il  a\ail  de  xoir  une  défaite  complète  suci'édcr  à 
l'échec  de  la  \cille.  i\'Ul-êlre,  uue  fois  (piel(pics  renforts  amenés,  il  autorise- 
lail  un  nouNcl  assaut. 

D'Mencou  avait  aussi  les  jours  précédents  fait  jeter  un  pont  sur  la  Seine 


DEVANT    PARIS. 


à  Saint-Denis.  Il  se  liallait  de  poiivoii',  grâce  à  ce  l^a^ail,  l'aire  l'assaut  de  Paris 
p;ir  lin  auti'e  t'ôte  et  siirpreiidic  a\ee  siieeès  les  Parisiens,  (jiii  ne  eoniptaienl 
pas  sur  eetle  allacjne'. 

On  arriva  à  Saint-Denis  en  tenant  ces  propos.  D'Aleneon  communiqua 
son  plan  au  Roi.  Clelui-ci  ne  dit  point  sa  pensée  et  garda  le  silence. 

Peut-être  cette  réserve  permettait-elle  encore  quelque  espoir.  Celte  illusion 
dura  peu,  car  dans  la  nuit,  —  c'était  celle  du  vendredi  au  samedi,  —  le  pont 
construit  par  d'Alençon  fut  détruit  sur  les 
ordres  du  Roi. 

Pour  celle  fois,  le  doute  n'était  plus 
possible. 

Charles  resta  quelques  jours  en- 
core   à    Saint-Denis.    Il    \    tint    (|uel- 
ques  conseils,   dans  lesquels  assuré- 
ment   plusieurs     des     courtisans    le 
louèrent  de  sa  n-solutiou.  Il    conlia 
au  comte  de  Cleiinont  le  gouverne- 
ment  des    \illes  et  pavs    soumis  de- 
puis le  sacie  cl  laissa  celui  de  Saint- 
Denis    au    comte    de    Vendôme    et     à 
l'amiral  de  Culan.  (^cux-ci  devaicnl  sur- 
veiller   l'aris,   mais  n'étaient    pas  en    foi'ce 
poui-  le  menacer. 

Le  1 3  septembre,  il  vint  à  Saint-Denis. 
Ouaud  Jeanne  sut  que  toutes  sollicitations 
étaient  iiuililes  et  que  la  décevante  i-ésolution 
de  se  retirer  du  côté  de  la  Loire  était  irrc-vocable  clu/  le  Roi,  elle  se  icudit  à 
l'abbavc  de  Saint-Denis  et  dans  l'abbatiale  déposa  son  arniiirc  sur  Taiitcl  de 
la  Vierge,  non  loin  des  reliques  du  saint  patron.  On  l'iiiteifogea  à  Rouen  sur 
les  motifs  <jiii  l'avaient  l'ait  agii'. 

«  Quelles  armes  oH'ntes-vous  en  l'église  de  Saint-Denis  en  France?  — ■ 
LTn  mien  blanc  harnois  entier,  tel  (pi'il  eonvienl  à  un  homme  d'armes,  avec 
ime  épée  que  je  gagnai  devant  Paris.  —  \  quelle  fin  oflrîtes-vous  ces  armes? 
• —  Par  dévotion,  comme  c'est  accoutumé  |)armi  les  hommes  d'armes,  fpiand 
ils  sont  blessés.  Avant  été  blessée  devant  Paris,  j'oliris  ces  armes  à  saint  Denis 

I.  n<'  i(-f<-iil<"s  recliircliis  ont  ('labli  que  l'i'spoir  do  d'Alençon  élait  fondé.  V^oir  Un  détail  du 
aiî'gf  de  Pans  pur  Jeunne  d'Arc.  G.  Lcfévre-Pontalis,  Bihliulli.  de  l'école  des  Ctiurires,  2,  XL VI,   l885. 


l.\     VIF.ItGIÎ     DUS     GMILES 

l>'iipi'(''s  un   ini'-flaillon  en  pierre  dure. 
{Collcrtinn    lliihlut    ,lii    lys.) 


272  JEANNE   DVVIU:    RACONTÉE   PAU    L'IAIAGE. 

paicc  que  c'fsl  le  cri  de  Fraiiee.  —  Ne  l'a\ez-voiis  pas  lait  pour  (jue  ces 
armes  fussent  adorées?  —  Non.  » 

Il  fallait  l'astuee  et  la  niaheillanee  des  jui;is  de  Jeanne  pour  sn|)|)osei' 
en  elle  ee  motif  inspiic  par  roii^neil.  Mais  aM'c  plus  de  justice  on  peu!  cslimci' 
qu'elle  ai^it  pai'  d'aulri's  taisons  (pic  celle  de  d('\otion  cl  de  lidclite  a  "  la 
eoiilimie  des  lionnncs   d'armes  <juand   ils  ont  etc  blessés   ». 

Jeanne  n'a\ait  (|uc  trop  lien  i\v  pcrdic  courai^e.  Depuis  le  sacr'c,  le  Roi 
l'enlravait  sans  cesse  eu  ses  meilleurs  desseins.  Ce  n'i'tait  (ju'à  force  de  constance 
qu'elle  l'amenait  de  temps  à  antic  a  se  rani;cr  à  son  propre  avis.  A  enu  à 
Saint-Denis  à  contre-C<cur-,  il  ra\ait  airètee  au  moment  ou  les  espérances 
de  succès  paraissaient  fondées,  et  aujourd'hui,  tacituiiic.  inerte  et  presque 
maussade,  il  se  dirii^cait  Acrs  la  Loire,  pour  l'cclicrclicr  un  repos  indigne  d'ini 
piincc   pour  lc(|iicl    Dieu   cl    son    cnsoNce  a\aienl   tant   fait. 

]ùi  \critc,  (|ui  n'ciil  perdu  à  la  lois  patience  cl  courage,  i|ui  n'eût  pas 
ahandoinic  ini  Uoi  aussi  indigne  de  la  couroinic  ipi'on  lui  a\ail  rendue  cl  du 
dcxoucmcnl  (|u'on  lu!  monirait  ! 

Ces  pensées  se  pressent  dans  l'àmc  (piand  on  enirc  dans  la  l)asili(pie 
(le  Saint-Denis  a\ec  le  souxenir  de  Jcainic  d  \rc.  Ces  \oiitcs,  elle  les  a 
A  ucs  ;  CCS  pie'i'rcs,  elle  les  a  toucliccs;  ces  dalles,  peut-être  son  pied  les 
a    foulées  I 

C'est  a  celle  place  (|u'ellc  se  piosicrna  a\anl  de  déposer  son  ■<  liarnois  tout 
blanc  ",  c'est  la  (piCllc  se  tint  à  genoux,  longui'meiU  sans  doute  et  en  larmes, 
après  le  satiifu-c  t'onsoinmé. 


^p. 


Ouel  drame  étrange  et  précipité  que  celui  de  celle  vie  de  Jeanne  d  Are  !  En 
se|)l  mois  à  peine,  que  de  choses  diverses,  (jue  de  contrastes,  que  de  heurts! 
Domremv  ()u'elle  al)andonne,  A  aucoidein-s  où  elle  lutte,  cl  puis  Chinon  ou  elle 
salue  le  I^auphin,  Poitiers  où  elle  triomphe  des  docteurs.  Tours  ou  on  larme, 
Blois  oii  elli-  \()it  l'armic  pour  la  première  fois,  Aoilà  le  prélude.  Puis  Oi'léans, 
et  Jargeau,  et  l'atav,  et  Reims.  C'est  la  Iriomphantc  épopée.  Le  ciel  commence 
de  s'assombrir,  les  \  icloii-es  sont  moins  ra|)idcs;  la  lutte  languit,  le  I{()i  écoute 
moins  docilement  la  Pucelle,  et  Paris  survient,  puis  Saint-Denis,  et  le  cahaire 
commence  pour  finir  au  bûcher  de  Rouen  ! 

On  a  pensé  que  Charles  VIT  n'axait  arrêté  les  opérations  de  .Jeanne  d'Are 
sous  Paris  que  dans  l'espoir  que  le  diLc  de  Bourgogiu'  lui  li\  rerail  cette  ville,  à 


DEVANT   PARIS. 


la  suite  des  négociations 
alors  entamées  avec  lui. 
Celui-ci  lui  eut  bientôt  fait 
comprendre  quel  fond  il 
fallait  faire  sur  ses  pro- 
messes. 

Muni  du  sauf-condiiil 
que  le  Roi  lui  aAait  accordé, 
il  \\ni  à  l'aris.  t^liemin  fai- 
sant, il  ne  put  cacher  qu'il 
lra^ aillait  conli'e  les  intérêts 
du  faible  mouarcpie.  lîedfoi'd 
le  nomma  lieutenant  général 
du  roxaumc  pour  le  compte 
dii  roi  d' Vngleterrc",  ne  gar- 
dant pour  lui-même  que 
le  gou\erncmcnt  t\v  la  Nor- 
mandie. 

Cela  n'avait  pas  em|)ê- 
clié  ].a  Trémoïllc  et  le 
comte  de  Clermonl  d'aller 
au  pasage  lui  i-cndrc  lliom- 
mage    de    leurs    sentiments. 

Ainsi  les  choses  (lc\e- 
naient  tle  plus  en  |)lns  claires  : 


4^? 


'^.,  %F>^" 


ji  \\\r.    \v   .siici,  Dr.   l'Miis 


Cniviirc  il'AnuAiiAM  llossE,  d'après  ViGSoN,  pour  la   l'ia-clU 
>>ii   lu   l'raiH'c  dclii'irc^  pornic  clo  Chapelain. 


les  ad\crsaircs  de  Jeanne  à  la  cour  se  réxélaicut 
neltenicut  connue  ccu\  du  Roi  et  de  la  l'rance  même. 

Il  en  est  gencraleiucul  ainsi.  Ceux  (jui  cond)altent  l'homme  de  liicn  ne 
le  comhattent  pas  pour  lui-même;  ils  ne  s'en  prennent,  an  fond,  (pi'aux 
principes  de  justice   et  de  Ncrité  dont   il  est  le  scr\iteur  lidêlc. 

Leur  haine  dès  lors  ne  s'arrêlc  bienlê)t  plus  à  la  seule  personne  de  celui 
(pi'ils  ont  attaqué,  et  tous  ceux  cpii  alentour  défendent  le  même  principe, 
essuient  de  leur  part  la  même  inimitié.  C'est  le  bien  qui  est  en  cause, 
beaucoup   plus  cpic   l'homme   de    hicn. 

Il  est  bon  «pic  les  choses  soient  ainsi;  tôt  ou  tard,  le  méchant  est 
reconnu  pour  ce  (pi'il  est,  et  l'honnête  homme  rccui'illi'  l'i'stime  tlont  il 
était  digne. 

La  foule  l'aNail   IduI   d'abord  méconnu,  et  c'est  son  ennemi  qui  passait 


2-4 


JEANNE    D'ARC    R  VCOXTÉE    PAR    L'IMAGE. 


pour  èlrc  le  défenseur  de  la  vertu.  Les  rôles  se  modifient;  la  justice  trouve 
enfin  son  heure,  et  les  ehoses  sont  remises  en  leui'  ])laee. 

IVLilheureusement,  un  long  temps  parfois  s'écoule  avant  ([u'il  en  advienne 
ainsi.  Jeanne  d' \i'c  r('prou\  a  el  justice  ne  lui  fut  pas  rendue  sur  l'iieure. 

Ne  nous  en  piaii^nons  |)as  trop.  La  ^raie  i;loirc  est  dural)le  comme 
les  cliènes  ;  c'esl  pour  cela  <pie,  connue  eux.  elle  cioil  lenleinenl.  De  nos 
jours,  on  xoil  clic/  lous  je  ne  sais  (piclle  soif  de  i^loiic  cl  (picllc  inipalicncc 
d'immorlalil('.  l'.n  celle  liàlc,  cl  pour  la  coulculer,  les  uns  emploient  le 
hron/e  el  les  autres  le  li\rc  :  un  liomme  notoire  ne  peut  plus  mourir  sans 
(|ue,  dans  l'auncc  (|ui  suit  sa  mort,  on  ne  lui  consacre  nue  l)ioi;rapliic,  si  même 
on  ne  lui  clc\  c  un  monunicnl.  Parfois  on  llionore  de  l'une  el  de  l'autre. 

Bossui'l  mourui  en  170'!;  près  de  cin(|uaulc  ans  s'econicrcnl  a\aul  (ju'on 
cùl  ecril  sa  premièL'c  \  ie.  I.ncorc  clail-ellc   l)rc\e.  (hie  dire  de  Jeanne  d'Arc? 

Tout  pes(',  c'est  là  une  honne  école  de  iiicsuic  cl  de  sai;('ssc.  (  )n  dira  (pic 
si  nous  alleiidons  cin(|iiaiile  ans  pour  écrire  la  \  ic  de  nos  "  i;rands  liomines  >> 
ou  leur  cle\('r  un  iiioiiimicnl,  il  est  iiomhre  dCiiIre  cu\  (pii  u'auronl  pas  celle 
lionne  forlune. 

('.'est  pcul-cire,  au  lond,  ce  (pi'il  laiil  dcsirei'.  La  posicrile  sait  rccoiiiiailrc 
l(')l  ou  lard  ccu\  (pii  soiil  (lii;iies  de  son  souxciiir;  mais,  de  i;iàce,  laissons 
à  celle  noble  jusiicicrc  cpii  s'appelle  l'ilisloirc,  le  délai  (rciilciidrc  la  cause 
el    de  méditer  sa   seiileiicc  a\aiil    de  l'cdictcr. 


JE\NNi;    EN    AKMl  KE    I)F.    COMliVT 

St.Ttiictto  en  Iji'ûiize.  (J/wAc't  Jftiiinc  tl'Arf^  à  Oi-lè.i 


I 


JEANNK    r.MTIi    l'IUbONNIEBE    A    COMPIEGNE 
D'a|)rcs   la   peinture   muriile   exécutée   par  Lenepveu  au    Pantliciiu. 


VII 


SAINT-DENIS   ET   COMPIEGNE 


DÉCOmiA(ii:MK>T   J)K   niKl.nLKS  CHEFS 
LES   ARMES   DE  JEANNE    D'ARC 


A  pjirlii'  (le  Hfiiiis,  l'iislic  de  .Icamic  sciuMc  pâlir;  depuis 
-^-^     Sainl-Deiiis,  romhic  (le\ieiil   plus  ('paisse. 

Il  semble  (pi'une  peule  incsislihle  conduise  .leauiie  d'  Vie 
\eis  la  (•alasli()|)lic  (leiui('i'e  où  se  de\aieul  ahiiiier,  non  sa 
gloire,  mais  sa  jeunesse  el  sa  \ie  uK'me. 

Serail-ee,  eomme  on  l'a  dil  lanl  de  l'ois,  (pie  la  mission 
(le  Jeanne  se  hoi-nàl  a  l'aire  saerer  le  Dauplùn  après  a\oir 
d(''li\r(>  OrK'ans? 

On  a  Irop  développé  ee  lieu  eommuii,  aussi  hanal  (pi'il 
esl  injurieux  pour  Jeanne  d'Arc. 

Chose  ('•Irange,  ee  sont  presque  loujours  des  admirateurs 
de  la  Pucelle  (pii  lenleni  de  mettre  en  honneur  cette  llièse. 
C'est    entendre   l)ien    misérahlemenl    la    \'w   de   Jeanne,    bien    mal    entendre 


JEVXXE    1)  AUC 
Snituette   du   xvill'  sit'cle. 

{0<l/.   llalilat  ,1,1  /.,•.(.) 


2-6 


JEANNE    n'ARC    IWCONÏÉE    PAR    L'IMAGE. 


iiiissi    l;i    loi    siipirmc   (|iii    domiiii'    la    ^  ic   de    l'Iioinnic,  I  mal    ciiU'ihIic    enfin 
l'aclioii    (le    Dieu    dans    le    monde. 

Depuis  qnand  une  \  ie  esl-elle  i^nnide  sans  lahenrs,  sans  épreuves,  et  depnis 
quand  aussi  la  souHVanee  n'assurr-l-elle  pas  à  ce  fjue  nous  sommes  u  ee  je  ne 

sais  quoi  traelievé 
(' jÊÊtJÊÊÊÊÊMÊ^  mmar''  ^j^  jfa,,.  ,        qu(>  les  malheurs 

Depuis  (piand 
ciiliii  l'epi-euve 
esl-elli',  (lie/,  un 
homme,  la  mar- 
<|ue  de  l'ahandon 
de  Dieu,  el  de 
(|nel  principe 
pari -on  pour 
étahlir  (|ue  Dieu 
s'elail  relire  de 
Jeanne  el  (pTclle 
n'élail  plus  son 
einoM'c,  pai'  ee 
seul  l'ail  (|ue  ses 
triomphes  soni 
de\enus  d'ahord 
inoins  rapides  el 
moins  surpre- 
nanls,  el  (jue  la 
d  é  Fa  i  I  e  a  (  h  i  n  I 
enfin  pour  elle, 
ainsi  (pic  la  cap- 
tivité":' 
N'éeriva!t-on  pas  naguère  que  Jeanne  avait  été  vaillante  el  viclorieuse  tant 

qu'elle    avail    ('-lé    un    oulil   dans    la    main    de    Dieu;  qu'elle   s'adailtlil    el   se 

condamne  à  la  delaile,  du  jour  où  elle  devieni  un  ageni  ? 

Quoi!    voila    loule    noire    héroïne!    Clest    eel    oulil    (juc   \ous   eélehrez 

en  vos  Inmiies,  cel  èlre  passif  el  ineonscienl,  que  vous  voulez  ofl'rir  en  modèle 

à  noire  race  si  «  agissante  »  el  si  fière! 


JILANNE    CHEVAUCHANT     VT    MILIlif    DIIS    HOAlMliS    U  ARMES 

D'aprt's  une  lithogi-npliie  <i'E.  Grasset,  [fcrncini^  éditeur  à  Paris.) 


:-fc.%^ju^ri  j-s^ 


SAINT-DENIS    ET   COMPIÈGNE. 

i 


*77 


CO.MMENl     l.l.S    IKWÇVIS    LEVKHENT    LE    SIEGE    UE    ^;OAIl'lEU^E 

B'iiprt'S  uiif  mininlure  des  Vigiles  de  Charles  VII  (l^-S/iJ» 


Que  At'ul-on  ser\ir  ici, 
la  raison  on  la  foi?  CîommenI 
n'c"iik'ii(l-on  pas  f|ii'()i)  les 
lilessc  riiiic  cl  l'aulic!  Car 
si  la  raison  a  parfois  i^randi 
l'homme  jns([ii"à  le  porlei'  à 
croire  qu'il  peut  vivre  et  ai^ir 
sans  Dieu,  il  faut  fju'on  saelie 
que  la  foi  ne  nous  permet 
pas  (le  penser  que  la  vie  de 
l'homme  se  fasse  sans  lui. 
Le  génie,  (pii  cerles  a  ienl  de 

Dieu,  cependant  ne  peul  l)rillci'  sans  le  travail  de  l'Iionune  qui  le  possède. 
Un  homme  n'est  pas  ini  héros  sans  son  propre  ed'ort  et  sa  propre  vaillance^ 
la  grâce  même  «  ne  l'ail  pas  (oui  en  nous  sans  nous  »  . 

Et  c'est  à  notre  temps  si  jaloux  de  la  grandeur  de  l'homme,  et  qui  n'entend 
qu'à  peine  même  les  dogmes  les  plus  adoucis  louchant  le  hesoin  (jue  nous 
avons  de  Dieu,  qu'on  croit  |)ouAoir  oppor^tunc-ment  proposer  de  telles  doc- 
trines, c'est  à  son  culte  qu'on  oll're  unc.leannc  tl'Arc  ainsi  faile! 

En  vérité,  la  patience  devient  une  rude  vertu  devant  de  tels  enseigne- 
ments, quand  on  a  dans  les  veines  un  sang  clirelien,  jalouv  de  la  grandeur 
de  nos  dogmes,  et  ini  «  sang  de  Erance  ■■  jaloux  de  la  grandeur  de  .Icanne. 

Icudail    loni    aulrement    les   choses  et,   si   elle   disait   nellc- 


Ea  V 


'Il 


uccllc   en 


ment  :  «-  M'elail  la  grâce  de  Dieu,  je  ne  pourais  rien  faire  »,  et  «  Je  n'ai 
rien  fait  cpie  i\u  coinmaudemenl  de  Dieu  »,  elle  ajoutait  avec  non  moins  de 
netteté  :  «  Aide-loi,  Dieu  t'aidera  ».  «  Besognons,  Dieu  hesognera  ».  «  Les 
soldais  hatailleronl.  Dieu  leur  donnera  la  victoire  ». 

Qu'est-ce  donc  que  »  s'aider  »,  qu'est-ce  que  «  hesoguer  »  et  «  halailler  », 
sinon  agir  ? 

(hic  le  Dauphin,  a|)rès  le  sacre,  ail  cslimc''  (ju'il  axail  recueilli  île  l'aclion 
de  Jeanne  ce  (|u'il  en  poii\ail  rccevoii'  de  meilleur,  on  se  rcxpli(jiie,  f[uand 
on  songe  à  sa  mollesse  cl  à  son  incapacité.  ^lais  Jeanne  n'est  |)as  venue  seule- 
menl  pour  le  Dauphin  :  à  nous  aussi  Dieu  la  donnée. 

Pour  noire  hicn  elle  a  fait  autre  chose  que  "  hoiiter  l'étranger  hoi's  de 
France  »  :  elle  nous  a  ofl'crt  à  nous  Elançais  l'exemple  d'une  vie  vraiment 
grande. 

Que  sérail  Jeanne  [lour  nous  aujourd'hui  si  sou  épopée  se  fût  terminée  ù 


JEANNK    D'M'.C    U  UiONTKK    IV\  K    l/[MU;i;. 


Hciuis?  I,;i  |)()iii'- 
lioiis-iiniis  |)r()|)()scr 
eu  niodrlc  ;ill.\ 
l'ommcs  (VjiiicaiscsV 
Scrjiilcllc  |>()iii'  nous- 
mêmes  une  iuKii^t' 
\i\aMlc  (lo  foi,  de 
|>ali'i()l  ismc ,  d'iiié- 
1)1  anl;d)lc  coiislaneo, 
de  noMc  (li^nil(''  dc- 
xaiit  riiiiiislicc  cl  de 
licilc  sc'i'C'iiic  di'\aiil 
la   liaiiie? 

(  Hii  nous  pioCilc 
le  |iliis  aiijoiii'd'liui^ 
<|iii  l'Iioiioi'c  cl  la 
ttiandil  da\aiilai>(' 
dc\aiil  noire  i;cnt'- 
lalioii,  (!'(  )il('ans  ou 
i\v  lioiicM,  de  SCS 
\  ieloiii's  ou  de  ses 
doulcinsV... 

Non.  C'esl  a 
|>ailir  de  lieiiiis  cl  de 
l'aiis  (|u'cllc  de\icul 
admualtle,  c'est  de- 
puis lors  (|u'clle  est 
\  laiiuciil  noire sccui', 
parce  (|u'au  lieu  <lc  Corcer  scnlenieul  noire  adniiralion  par  des  lulles  cpKpics 
et  des  Irioniplics  L;ucrriers  au\(|ucls  nous  ne  pouxons  soui;er  pour  nous, 
elle  soudre  connue  nous  souCIVons,  rcncoulrc  riioninic  niccliant  comme  nous 
le    renconirons,   i;cniil   cl   pleure  comme  nous  i;cinissons  cl   pleurons. 

I  .a  mission  de  Jeanne  ne  s'csl  pas  plus  Icirnince  au  sacre  (|uc  celle  t\u 
Clirisl  au  joiU'  de  Kanicaux.  C'csl  du  CaKaire  ipic  nous  csl  \cnu  le  salul.  non 
t\[i   I  liahor. 

J)ésinleress()ns  donc  la  i^loirc  de  l'iK'roïnc  d'une  llieoric  peu  honorable 
|M)ur  elle,  puisqu'elle  l'ail   de  .leaunc  d'Vrc,  a    |)arlii-  des  l'èU's  de   Ucinis,   une 


t'     J   lUAI     MlIU    Mi:S    IIUNS    AMIS    1)1.    COMI'IKGM.     » 

Si. Uni'  (l'I!.    I.i:uuux,   ('l'i^i'C   sur  la  iilace  de   rUntel   »Ii'   \'illc  dv  (^om|Hi-yiu'. 


S\I>'T-nEMS   ET   COMPIEGNE. 


279 


soilp  de  (léflassée,  sortie  de  sii  voie  providentielle  et  persistant  à  continuer 
d'agir  sous  l'empire  de  je  ne  sais  quel  sentiment  personnel,  dont  il  faudrait 
au  moins  nous  dire  la  nature  cl  le  mobile. 

Désinlc'ressons  aussi  la  religion  d'une  inlei  prelalion  de  la  \\v  de  Jeanne 
d'Vre  où  sa  dodrine  na  poini  de  pari,  cl  dune  soric  de  compromission  on 
il  ne  coin  ieni  |)as  (|uc  rcngagcnl  ccu\  de  nos  oralciU'S  sacres  (pii  onl  soutenu 
eelle  llicse. 

]>es  lionunes  sont  séxèrcs  pour  l'insueeès.  Si  les  ^icloil•es  de  .Teauiie 
eussent,  après  Heims,  conliuue  d'èlre  aussi  rapides  el  aussi  eclalaules.  pcisonne 


r^- 


^' 


T.. 


TOiiK   i)i'.  ji'.vNM';   i>  \i((:    \   (:(iMr'ii'(;M- 
Dessin  (i'iipri's  ti;(tiir<'  ili-   ll(uir>ii:u. 


n'eût  song(''  à  prc'tendre  (jue  sa  missif)n  se  leimiuail  au  sacre.  "Mais  le  succès 
d'une  entreprise  n'en  clahlit  pas  phis  la  legiliruilc  que  l'cclicc  auquel  elle 
aboutit  n'en  est  la  négation. 

J'ji  maintes  occasions,  .leainie  d' \rc  a  déclare  (|n ClIe  clail  en\()\(''e,  non 
seulement  pour  délivrer  Orléans  et  l'aire  sacrer  le  Dauplùn,  mais  encore  pour 
lui  rendre  Paris  et  '<    purger  tout  le  royaume    "   de  la   présence  des    \ni;lais. 

C'est  le  biU  (pTclle  se  ero\ail  Irace  cl  (|u'clle  a  du  resie,  même  apiès  sa 
mori,  lanl  contribue'  a  alleindre. 

(".'est  pour  cela  qu'en  dcpil  de  ses  goûts  el  de  ses  (h'sirs  |)crs()nnels,  el 
quoiqu'elle  dc-claràl  le  bordieui-  ([u'elle  aurait  à  •<  reloLuner  près  de  son  père 
el  de  sa  mère,  pour  l'aire  le  nu'nage  et  garder  les  moulons  a%ee  ses  frères  »,  elle 
est    restée,    (l'est    (pi'elle    clail    cou\aiucue    (ju'il   lui    fallait    continuer  la  Inlle. 


28o        JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

Elit'  l'a  continuée,  même  après  que  ses  voix  lui  eui-cnl  irvélé  à  "Meluu 
(t   qu'elle  serait   prise  avant  la  Saint-Jean   ». 

Si  Jeanne  eût  estimé  (jue  sa  mission  se  teiminàl  à  Reims,  tenons  pour 
eeitain  fju'en  cela,  comme  en  toutes  circonstances,  elle  eùl  agi  conformément 
à  sa  con\icli()n  et  (juc  nulk'  loi'ci'  an  monde  ne  l'eût  arrêtée. 

Elle  est  restée  à  l'armée,  |)aice  (|n'elle  cro\ait  (le\oir  le  l'aire  cl   le  voulait. 

Qui  du  reste  songeait  à  \'\  coniraindre?  [.a  plupart  de  cvu\  ([ui  l'enlou- 
raient  n'eusserU-ils  pas  favorisé'  son  dessein  de  partir  plnl(")l  (|ue  de  renti'a\er? 

J£st-ce  le  Roi,  ou  La  Trémoïlle,  est-ce  Regnault  de  (liarlres  ou  Clermont, 
qui  l'eussent  retenue? 

Aussi  hien,  à  supposer  f[ue  Jeanne  se  liit  retire("  après  1e  sacre,  les  clioses 
A'  eussent-elles  gagne  ou  perdu? 

(hiand  on  xoit  commcnl  elles  lourneni  nialgic  sa  prcsence  et  le  succès 
partiel  de  ses  ar'Uies,  on  peut  se  demander  ce  (|u"il  lut  a(l\cnu  de  son  dcparl. 

TiOi'S([ue  les  \illcs  des  hords  de  IC  )isc  se  rendaienl  sans  coup  Icrir,  ne 
fallait-il  |)as  l'allrihucr  au  prcNligc  de  Jeanne?  ()uand  Paris  elail  sur  le  poiiU 
de  se  rendre,  (juand  les  recrues  anglaises  refusaient  de  passer  le  deiroil, 
n'elait-ee  pas  encore  par  le   lait   de  sa  personne? 

Sur  (piel  dessein  judicieux  de  l'Iieromc  cl,  à  plus  forte  l'aison,  de  la 
ProNidcnce,  peut-on  des  lors  fonder  celle  opinion  (|uc  la  nussion  de  .leanne 
dexail  se  Icrminei-  a  Uciuis,  cl  (pie  la  Pucelle  dcvail,  a  celle  date,  (piiller 
l'armée? 


«wTw 


Les  faits  se  réduisent  à  ceci  :  le  sacre  accompli,  on  comprit  si  Lien 
rimporlance  (piun  tel  e\enement  de\ail  a\oireii  l'raiicc,  (|u'on  perdit  (piel(|ue 
chose  de  l'aclixile  preinierc.  L'Iionnnc  est  ainsi  (ail  (pie  l'obstacle  l'excite  et 
(JUC  le  succès  l'endort. 

Jeanne  seule  ne  subit  point  cette  loi  du  Cd'ur  de  l'homme.  Et  nous  l'avons 
vue  le  jour  même  du  sacre  poursuivre  l'anivre  commencc-e  et  écrire  au  duc 
de  Bourgogne. 

Quant  au  Roi,  à  la  plupart  des  courtisans  et  à  |)lusieurs  chefs,  il  en  elait 
d'eux  tout  autrement.  I^e  Roi  axait  recou\  re  la  t'ouronne;  à  leur  axis,  il  n'y 
axait  [)as  lieu  de  se  presser  ])oin'  recoux  rcr  le  royaume. 

Qu'on  n'oublie  pas  en  outre  Iciixie  des  seigneurs  à  l'endroit  de  Jeanne 
d'\rc,  celle  qu'ils   nourrissaicnl   tout  bas  contre   d'Mcncon.    La  crainte  (pi'ils 


SAINT-DENIS    ET   COMPIÈGNE. 


281 


JFVNM'.    VIOTOIIIF.ISE 

D'api'i's   tiUL-   stiihir  de   RoULLKAU,   érigée  à  Cbinon. 


avaiciil  que  Jeanne  el  le  due,  coiiliiiuanl  d'imir  leur  aelion,  n'en  \insseiil  à 
prendre  dans  le  nnannu'  el  aii\  \eii\  ^\^\  lioi  nne  iMi|i()il:iiiee  ea|)al)le  de 
rniner  la   leur. 

(^)n'()n  ajoute  l'iilin  à  eela  la  seeuiilé  qu'ils  eoncevaient  en  voyant  d'une 
part  nombre  de  villes  françaises  apporter  d'elles-mêmes  au  Roi  le  témoignage 
de  leur  soumission,  et  de  l'autre  les  Anglais  trahir  la  terreur  dont  Jeanne  les 
pénétrait. 

On  aura  ainsi  la  elef  d'un  mystère,  beaucoup  plus  simple  d'ailleurs  qu'il 
ne  le  semble,  et  dont  l'obscurité  est  bien  moins  le  fait  des  choses  elles-mêmes 
que  celui  d'écrivains  qui  cèdent  trop  facilement  au  penchant  de  modifier  de 
bonne  foi  les  événements  pour  étaver  leurs  théories,  au  lieu  de  suivre  les 
événements  mêmes  pour  les  raconter  tels  qu'ils  sont,  et  les  commenter 
tout  uniment. 

36 


282        JEANNE  D'ARC  RACONTEE  PAR  L'IMAGE. 

I/astic  (le.Toanne  seml)lait  pàlii-.  ('ependiml  il  devait  encore  en  plusieurs 
fails  (le  i^uet-re  jeter  im  éclal  (jui  rap|ielait  celui  des  premiei-s  jours. 

Il  était  facile  de  prévoir  que  la  retraite  du  Roi  à  Gien  entraînerait  le 
découragement  des  chefs  de  l'année  et  la  défeelion  d'un  certain  nombre  des 
villes  qui  s'étaient  ralliées  à  la  cause  de  (Charles  MI. 

Le  duc  <rAleneon,  dégoûté,  se  i-i'tii'a  en  sa  >icomle  de  Heaumont,  jircs  de 
sa  femme  dont  le  \^vu  ('tail  ainsi  accompli;  la  plupart  des  autres  chefs  rega- 
gnèrent leur  seigneurie. 

T^'ahscncc  de  d'Vicncon  ne  lïil  ccpciidanl  pas  de  longue  dui'ee.  .Tcanne 
était  rest(''i'  à  peu  |)rcs  seule  |)rès  du  Roi,  cl  comhicii  Irisie!  Le  duc,  stimule 
sans  doute  par  la  constance  de  la  Pucelle,  rcxinl  a  la  cour  cl  proposa  d'aller  à 
la  h'Ic  des  hommes  d'armes  (|n  il  a\ail  rciuiis,  rccon(|uei'ir'  la  NOr-mandic  en 
|)assanl  par  le  Maine  cl  les  bords  de  la  llrclagne.  Il  \  mcllail  une  clause 
toutetois  :  c'est  <jue  la  l'ueelle  l'accompagnerail  ;  il  |)cnsMil  sagement  <|n'à  celle 
condition  était  attache  le  succès  de  l'expédition. 

C'était  précisément  la  seule  <|u'on  lu-  voulut  pas  accepicr.  Le  Roi  eut  laiss('' 
faire,  mais  larchevèqne  de  Reims  et  La  TiH'modIe,  toujoins  assidus  (juand  il 
fallait  comballrc  .Icaïuie  cl  le  duc,  ne  voulurent  à  aucun  prix  consenlii'  à  ce 
(juils  unissent  leur  action.  Ces  deux  rnauxais  g(''nics  de  la  l'rance  n'avaient  ([ne 
ti'op  d'inihicnce  sur  l'cspril  de  Charles  \  Il  cl  ils  l'amcncrcnl  facilement  à  leur 
a\  is. 


^^ 


Pendant  ce  temps,  les  gens  d'armes  laissés  par  le  Roi  à  Saint-Denis  venaient 
d'en  être  chassés  par  les  Anglais,  qui  s'étaient  aussitôt  emparés  de  la  ville.  Ils  la 
livrèri'nl  au  pillage  et  l'ulevèrent  de  l'abbatiale  l'aiinure,  le  «  blanc  harnois  » 
(juc  Jeanne  y  avait  dépose. 

Le  pillage  s'étendit  a  loiUc  la  contré'c,  (ju'il  s  agit  des  \illes  ou  des 
campagnes,  et  les  habitants  se  eon\ainquircnt,  hclas!  trop  justement,  du  pciil 
<[u'il  y  avait  à  (piiltcr  les  Anglais  pour  s'attacher  à  (ihai'lcs  ^  IL  On  devine  (|ucl 
fut  l'cllet  de  ces  incidents  sur  les  villes  (jui  pouvaient  songer  encore  à  se  ral- 
lier au  Roi  de  France. 

Quelques  chefs,  tels  que  le  comte  de  Vendôme  et  le  maréchal  de  Roussae, 
«  tentaient  bien  çà  et  là  ({uelque  vaillance  ->  ;  mais  ces  actions  isolées,  outre 
qu'elles  iriilaient  l'ennemi  plus  fju'clles  ne  rin(|uiétaient  réellement,  faisaient 
perdre  beaucoup  de  monde  aux  français. 


n  'T\'\m' 


JEANNE    SAPPKÉTANr   POUK    LE    COMBAT 

D'après  le   tableau  de  G.   W.   JoY.   {Appartenanl  à  Mgr  J.  Kenyou.) 


SAINT-DENIS   ET   COMPIEGNE. 


285 


De  là  à  la   dt'l)anila(le  il  n'y  avait  qu'un  pas;  aussi  nombre  de  ^ens  de 
guerre  désertaient-ils. 

Quoique  le  Roi  fût  du  côté  de  la  Loire,  le  pays  était  loin  d'être  tout  à  lui. 
Quelques  villes  demeuraient  fidèles  au  parti  anglais. 

On  fînil  [)ar  s'en  inquiéter  et,  comme  Jeanne  ne  cessait  de  réclamer  la  per- 
mission d'aller  combattre,  on  crut  bon  (\c  donner  pàliii-c  à  son  impatience  en 
l'envoyant  faire  le  siège 
de  Saint- Pierre- le - 
Moustier  et  de  la  Cba- 
rilé. 

Jeanne  eût  mieux 
aiint'  anire  cliosc;  Paris 
lui  Icnail  loujours  au 
cteur.  dépendant  elle 
préférait  encore  celte 
campagne  à  l'inaction. 
Elle    partit    donc    pom- 

Bourges  afin  d'y  grouper  l'armée,  et,  la  chose  laite, 
elle  se  rendit  sous  les  murs  <k-  Sainl-l'ierrc-le- 
Mouslier  en  compagnie  du  sire  d'Albret.  (ielui-ci 
était  le  frère  de  la  Trémoïlle  et  Jeanne  ne  pouNail 
faire  (|uc  bien  peu  de  fond  sur  son  dé\()uemenl. 

Selon  son  habitude,  Jeanne  attacpia  la  |)lace  a\cc 
véhémence,  combattant  au  premier  rang,  sans  s'in- 
quiéter tle  savoir  si  on  la  suivait  ou  non. 

Son  éeuyer,  d'Aulon,  s'en  aperçut  et,  malgré 
une  blessure  cjui  le  retenait,  se  rendit  près  d  elle 
au  pied  des  murailles.  Il  arriva  au  galop  de  son 
cheval  et  lui  demanda  ce  qu'elle  faisait.  Jeanne  ùta 

son  casque  et  lui  rc'pondit.  Mais  citons  plutôt  le  texte  de  la  déposition  écrite 
faite  par  d' Vulon  au  procès  de  réhabilitation. 

«  Dit  (Jean  d'Aulon)  (jue  certain  temps  après  le  retour  du  sacre  du  Roi, 
fut  advisé  par  son  conseil  qu'il  ('tait  très  nécessaire  de  recon\  rcr  la  \\\\c  de  la 
Chéfité  (la  Charité),  que  tenaient  lesdits  ennemis,  mais  qu'il  fallait  avant 
prendre  la  ville  de  Saint-Pierre-lc-AIoustier,  que  pareillement  tenaient  iceulx 
ennemis. 

«  Dit  c|ue,  pour  ce  faire  et  assembler  gens,  alla  ladicte  Pucelle  en  la  ville 


JEANNE  D  AKC  FAITE  PlUSONNIEHE 

A    COMPIÈCNE 
D'après  le  dessin  de  Piiilippoteaux. 


286 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


(le  Bourges,  en  laquelle  elle  fist  son  assemblée;  et  de  là  aAec  certaine  quantité  de 

gens  d'armes,  desquieulx  ]\Ionseigneur  d'Elhret  estait  le  elief,  allèrent  assiéger 

ladiete  ville  de  Saint-J'ierre-le-Moustier. 

CI   Et  ilit  que,  après  ce  que  ladiete  l'ucelle  et  ses  dictes  gens  eurent  tenu  le 

sièiic   (le\ant  ladiete  \ille,   il   lui  ordonne  alors  de  donner  l'assaut  à  ('i'tle\ille. 

l'^t  ainsi  (ut  (ait.    l'j  de  la  prendr'c  lircnt   (ont    leur  de\oii'  ceux  (jui  là  étaient; 

mais   ohsiant   le   grand    nondire    de    gens   d'armes   estant    en    ladiete    \ille,    la 

grande    loree    d'icelle,    cl    aussi    la    giandc    roiNlancc    ([ue    ceux    (\ii   dedans 

làisaient.    furent   coiUrainls  et    Corées  lesdicls    ("rancois  de  hallre   en    retraite, 

pour  les  causes  dessus  dictes. 
"  El  à  celle  liciu'c,  il 
(jui  parle,  lc(|ucl  clail  blesse 
d'un  Iraict  paiini  le  talion, 
Icllcnient  (juc  sans  poleuces 
(  l)é(|uilles)  ne  se  pou\ail  sou- 
tenir ni  aller,  \  il  <|uc  ladiete 
l'ncelle  était  dcnieurce  ti'ès 
pclilemcnl  acconipagucc  de 
ses  gens  d'armes,  ni  d'autres; 
cl  douhtant  il,  (jui  parle,  que 
uiconxénient  ne  s'en  ensui- 
vit, monta  sur  un  cheval  et 
ineoutineiit  tira  vers  elle,  lui 

demanda  ce  (|u'<'llc  Caisail  là  ainsi  seule  cl  poiucpioi  l'Ilc  ne  se  retrailiail  comme 

les  aulrcs  a^aienl  (ail. 

H   Eacjuelle,  après  ce  qu'elle  ot  (eut)  osté  sa  salade  (son  casque)  de  dessus  sa 

teste,  lui  respondit  qu'elle  n'était  pas  seule  cl  que  encore  axait  elle  en  sa  com- 

paignie  cinquante  mille  de  ses  gens  cl  tpie  d'ilec  ne  se  paitirail  jusques  à  ce 

qu'elle  lait  prinsc  ladicle  ville. 

«  El  dit  il,  (jui  parle,  (juc  à  cette  heure,  quchjuc  chose  qu'elle  dit,  u'aAait 

jias  a\ee  elle  plus  de  quatre  ou  cinq  mille  hommes. 

«  Et  ce  seait  il  certainement  et  plusieurs  antres  qui  pai'cillement  la  Airenl. 
«   Pour  laquelle  cause  lui  dict  derechief  qu'elle  s'en  allât  d'ilec  et  se  retirât 

comme  les  aultres  Ausaient.  Et  adonc  luy  dist  qu'il  lui  (ict  apporter  des  fagots 

et  claies  pour  faire  un  pont  sni'  les  fossés  de  ladiete  Aille,  afin  qu'ils  y  peussent 

mieux  approchier. 

«  Et  en  luy  disant  ces  paroles,  s'écria  à  haute  voix  et  dict  :  «  Aux  fagots  et 


CO.^IMl.M     LA     l'LCl-XLi-:    FliT    l'ItlSK    Dli\AST    CUMI'llCONE 

Miniature  tics  Vigiles  de  Charles  VII.   (/»//»/.  nal.) 


SAINT-DENIS   ET   COMPIÈGNE. 


28': 


JE\NSF.    D  ABC    FAITE    l'UISDNNIKUE 

Rcproilurtioii  (fime  j^ravurt'  sur  Itoîs  d'iipr»-s  un  devsiii 
de  Paul  Deï.aroche. 
(Ilisl.  i/fs  itiiis  de  Doiirgnf^iie,  par  M.  IiE  IlAnANTE, 
Didier  cl  C'',  éditeurs.) 


iiii\  claies  tout  le  monde,  afin  de  faire  le 
j)oiil.  [^equel  incontinent  après  fut  faict 
et  dressé. 

«  De  quelle  chose  iceluv  desposant 
fut  tout  esmerveillé  ;  car  incontinent 
ladicte  ^illc  fut  prinse  d'assaull  sans  y 
trouver  pour  lors  trop  grant  résistance  ' .  » 

Le  siège  de  la  Charité  fut  sans  délai 
commencé  ;  mais  la  place  était  fort  im- 
portante, et  il  fallait  pour  menci-  la  chose 
à  honne  fin  un  matériel  considc'rahie  et 
beaucoup  d'argenl. 

Jeanne  adi'cssa  un  a|)|)cl  à  pUisicurs 
villes  :  Bourges  lui  répondit,  ()ricans 
aussi;  mais  la  cour  ne  fit  rien,  et  il  fallut 
lever  le  siège.  Ce  fut  pour  la  i'uccllc 
le  sujet  d'un  grave  déplaisir. 

Ces  choses  se  passaient  à  la  fin  de 
no^emhre  1 4-9-  I^p  Roi  eut  sans  doute  (juchpic  conlusion  du  peu  de  sccoiu's 
([u'il  pr-êtait  à  Jeanne,  quand  elle,  au  contraire,  n'hésitait  à  rien  sacrifier  pour 
lui.  Il  la  combla  donc  d'honneurs,  l'.llc  lui  annoblie,  ainsi  (pie  sa  famille. 

l'ai-  un  privilège  assez  rare,  il  lut  statué  (pic  cette  noblesse  serait  hérédi- 
taire pour  les  descendants  de  la  famille  de  Jeanne,  non  sculcmcnl  par  les 
hommes,  mais  par  les  femmes. 

On  composa  à  Jeanne  cl  à  sa  famille  uu  blason.  Il  elail  à  fond  d'azur  a^ec 
une  épée  surmontée  de  la  couronne  de  France  et  llancpiéc  de  deux  llcurs  de 
lys.  De  ce  détail,  les  frères  de  Jeanne  d'Arc  prirent  le  nom  de  ■•  du  L\s   .. 

Mais  Jeanne  pn'féra  gariler  son  nom  a\ec  sa  bannièLC  et  ne  lit  pas  usage 
de  ce  blason. 

De  ce  (pTclIc  w'vn  usa  pas,  jjlusieiu's  ecri^ains  ont  inféiu'  fpi'il  n'est 
point  juste  de  considérer  ce  blason  comme  celui  dv  Jeanne  d'Arc.  Ils  fortifient 
celte  remanpic  de  la  i-cponsc  que  fit  Jeanne  à  ses  jnges,  à  saAoir  ■  (pi'i'llc 
n'axait  pas  eu  de  i)lason    )> . 

Elle  disait  \rai,  puis(pic  par  modestie  elle  n'avait  pas  accepté  de  faire 
usage  p(>rsonnel  de  celui  <pie   le  Uoi    lui  axait  constitue,   tout  en  racccplant 


I.   Cilc  jïar  M.  Joscjtli  l'aljrc,  Procc.'i  de  réhidnhttition.  l.  1,  p.  'jt^d. 


288 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


pour   sa    famille.    Sachant  fort  bien,   du   reste,   que   l'on 

songeait,  au   procès  <le  Rouen,  à   liier   parti,    pour  l'ac- 

nser,  de  ce  titre  de  noblesse  et  de  ces  armes,  elle  ai^issait 

)rudemment  en  affirmant  qu'elle  n'a^ait  pas  eu  l'orgueil 

(ju'on  lui  prêtait  en  cette  conjoncture. 

Mais  ces  armes  en  dcmeurciit-cllcs  moins  les  siennes? 
l'Jles  sont  les  armes  de  Jeanne  d'  \r<-,  parce  (pic  c'est 
a  clic  a^  ani  loul  autre  qu'elles  ont  cic  oclro\ecs  |)ar  le  Roi. 
lA    à    (jui    l'eusseiU-clles  donc  été,  si  ce  n'eût  cIc  à 
elle?    Les    d(''tails  mêmes  de   ce   blason    ne    sonl-ils   pas 
coimnc  le  rc'sumc  de  la  mission  de  Jeanne  d'  \ic,  cl  n'est- 
<■('  pas  son  epec  (jui  a  cl(''  le  soutien  île  la  couronne  de 
France  et  de  la  royauté  dont  les  Ivs  sont  l'em- 
blème?  l'^sl-ce    à    ses    frèi'es    (pi'on    eût 
donne    ces     aimes?   à    fjuci    lilic    les 
eussent-ils   nu>ritées? 

Il  ne  l'aul    |)as  vouloir  subtiliser 
en  semblables  matières. 

Il  est  |ieul-être  ino|)portun  aussi 

quand,    aujourd'hui,    les    armes    de 

Jeanne     d'Arc,     ainsi    conçues,     ont 

depuis   longtemps    reçu    droit    de    cite  partout   en    France,   de  venir  dérouter 

l'opinion  populaire,  qui,  si  elle  renonçait  à  ce  l)lason  de  Jeanne,  n'en  prendrait 

probablement  pas  un  autre. 

Ces  armes  plaisent  |)ar  leur  composition,  leurs  détails  et  leurs  nuances 
mêmes.  Croil-on  (pi'on  fera  faciicmcnl  accepter  à  tous  la  colombe  a\cc  la 
devise  :  De  par  le  Roy  du  C  ici. 

Jeanne  d'Arc  a  apporté  à  la  France  la  source  de  la  paix  qu'elle  goùla  plus 
tard;  de  nos  jours,  elle  réapparaît  au  milieu  de  nous  comme  une  pacificatrice. 
Rien  n'est  plus  vrai,  mais  il  n'en  demeure  pas  moins  que  le  peuple  aime  à  voir 
en  elle  surtout  la  guerrière  qui  a  sauvé  la  France  :  et  voilà  pourquoi  cette  épée 
soutenant  la  couronne  lui  plaît. 

Ces  raisons  suffiraient  pour  conserver  le  blason  connu  de  Jeanne  d'Are, 
lors  même  que  la  critique  historique  aurait  pour  cela  quelque  léger  sacrifice 
à  fiiire.  Mais  il  n'v  en  a  aucun  à  lui  demander  ici,  et  le  blason  en  question 
est  bien  celui  de  Jeanne,  parce  que  c'est  à  Jeanne  a\anl  tout  autre  qu'il  a  été 
donné  par  Charles  VII,  parce  que,  d'autre  part,  il  est  le  résumé  de  sa  sublime 


JEVSNK    U  AUC 

D'après  une  statue  en  pierre  restaurée 
et  conscr\ée  à  Donireun. 


fi::^''^^£^^ 


V 

O 

i*/ 

"        3 

uT^ 

■■^       ^ 

y- 

1^ 

C     '^' 

Nf^ 

-      : 

>^, 

~    -r 

r      ~ 

ib^>- 

'ï     " 

Bl 

-    J^ 

f^- 

■A   .'C 

l'JÊr 

î^r   .' 

P     ^ 

r 

1    Q 

3? 


SAINT-DENIS    ET   COMPIÈGNE. 


291 


mission,  parce  ([irciirm  sa  Cainillc  ne  l'a  possi'dc' (jiie  par  .leamie  cl  comme  un 
lu'iilai;c  de  la  l'iicelle. 

Ces  honncin-s  fui'cnt  faits  à  Jeanne  «  en  considéralion  des  loiiaMes  et 
utiles  services  qu'elle  avait  rendus  an  ro\anme  et  lui   de\ail  icndrc  encore  ». 

La    Pucellc  en!    prcfi-rc'  à    tout    cela    une    l)()nne    arni(''c,   des   subsides   et 


AI'IIKS    LA    JdUUMiE    DK    COMPII.GNE,    JKANNK    PIUSONMÈIU' 

IJ'apri-s  le   taliliNiLi   de  Patiuiis. 


([UcNinc  lahorieuse  cam|)ai;ne  à  mener  contre  i'aris  ou  la  Normandie.  Son 
ennni   n'en    lui   donc   pas  amoindri. 

A\anl  de  ponrsnixre  le  récit  des  aciions  de  .Icannc,  on  peul  cilcr  oppoi'- 
luncmcnl  ici  une  partie  (\i[  témois^nage  ((ne  ÎNlari^uerilc  la  rlioiu'ouldc  rcndil 
au  procès  de  réhabilitation.  Il  contient  plusieurs  détails  sni'  le  séjour  de  .Jeanne 
à  Bourges  avant  le  siège  de  Saiiit-Pierre-le-]Moustier,  sur  sa  ^erlu,  sa  pietc  et 
divers  de  ses  goûts. 

Mai'guerile  la  Tliourouidc,  vcu\e  de  l'eu  inailrc  Henc  de  Jiouligin,  de  son 
vivant  conseiller  du  fioi  dans  le  gouvernement  des  finances,  avait  connu 
Jeanne  à  Bourges.  C'est  chez  elle  que  la  i'ucclle  demema  pendant  trois 
semaines. 


292  JEANNE    D'VUC    R  VCONTÉE    P \\\    I/HIAGE. 

«  ^',\'\  \ii,  (lil-cllc,  .Tcaiim'  sculcinciil  à  r(''|)0(nic  où  le  Hol  |■(■^illl  de  l^cims 
ii|)i'('s  son  sacre.  Il  sf  l'ciidil  à  Hoiifijv.s  où  tiail  la  Heine,  el  moi  axce  elle.  Le  Roi 
approchanl  de  la  \ille,  la  lieiiie  alla  aii-(le\aiil  de  lui  jiis(jii'à  Selles-en-Bt'i'i'\ , 
et  je  W  aeeoiu|)ai;iiai. 

"  l'eiidaiil  (|iie  la  Heine  allait  à  la  i'(Mieonti'e  (]u  Hoi,  .leainic  prit  les 
(le\ants  et  \int  saliiei-  la  Heine'.  (  )n  la  conduisit  à  J)onii;cs  el,  par  ofdre  de 
Moiiseigneiii'  d' Ubret,  elle  fui  lo^ce  chez  moi,  mali^rc  le  dire  de  mon  mari,  (jui 
m'avait  annoneé  quelques  jours  avant  (ju'elle  devait  loger  cliez  un  eeilaiu 
Jean   Ducliesne. 

«  Jeanne  resta  dans  notre  logis  l'espace  de  trois  semaines;  elle  \  concliait, 
hnxail  et  mangeait.  I'res(pie  tontes  les  nuits,  je  couchais  a\ee  elle.  .Jamais  je  ne 
'sis,  ni  ne  pus  soupçonner  en  elle  rien  de  mauvais.  Elle  se  gouvernait  eu 
liouncte  leunne  et  honne  calholi(|ue.  IJIe  se  coni'essait  très  souvent,  aimait  à 
assistera  la  messe  el  maintes  l'ois  me  demanda  de  l'ai'eompagner  à  matines,  où 
j'allai  el  la  conduisis  à  plusieurs  re|)rises  siu'  ses  instances.    ■> 

Marguerite  el  Jeanne  aimaient  à  deviser  eusenihle,  et  .Jeanne  hù  racontai! 
nond)re  de  circonstances  de  sa  vie. 

«  Il  nous  arrivait  rrc(|ncnnucnt  de  causer  ensemhle,  poursuit  Margue- 
l'ite.  .le  lui  disais  :  "  Si  vous  ne  craigne/,  point  d  aller  an\  assauts,  c'est 
«  <[ue  vous  savez  hien  (|ue  vous  ne  serez  pas  tuée.  —  .le  ne  suis  pas  plus 
(c    sùrc  (pie  les  autres  gens  de  guerre    )■,  me   répoudail-elle. 

«  (JueKpiel'ois  Jeanne  me  racontait  comme  elle  avait  ete  examinée  parles 
clercs  el  (ju'ellc  leur  avait  l'ait  cette  réponse  :  .'  Il  v  a  es  liv  res  di'  Notrc-.Seigneur 
<'    plus  (|ne  es  vôtres  ■•. 

...  "  .Jeanne  avait  iori  en  hoiacnr  le  jin  de  dc's.  l.Wv  était  hien  simple  et 
ignoraule.  \  mon  regaid,  clic  ne  savait  absolument  rien  hors  le  lail  de  guerre'. 

«  J'ai  souvenance  (pii'  maintes  fcnuiics  v  enaient  a  mon  logis  cpiand  .Icaïuie 
A  demeurait.  Elles  lui  apportaient  des  patenôtres  (chapelets)  el  autres  objets  (le 
|)iete  poni'  K's  l'aire  loucher.  .Icauue  riait  el  disait  :  ■<  'rouehez-les  vous-mêmes. 
«    Ils  sei'onl  aussi  bons  par  votre  loucher  ipic  |)ar  le  mii'U  ». 

«  Jeanne  était  très  large  eu  amnônes  et  bien  volontiers  elle  subvenait  aux 
pauvres  et  aux  indigents.  <>  J'ai  ele  envovée,  disait-elle,  pour  la  consolation  des 
<<   pauvres  et  des  indigenis  ». 

1.  Nous  avons  drjà  lail  nssortir  l;i  li:iiilc  couiloisie  <li'  Jcaiiiic  rmcis  les  jjiiiicossrs  et  li'S 
dames. 

2.  Dame  tic  t|iialH(''.  la  Irmiiic  de  R<'n('  di'  Bouligiiy  avait  pris  i)Our  ignoraiici'  ci'  (|iii  clirz 
Jeanne  n'était  que  défaut  d'instruction.  Tous  les  actes  de  Jeanne  et  ses  paroles  dénotent  en  elle  une 
connaissance  naturelle  des  objets  les  plus  diveis. 


saint-dp:nis  et  compiegne. 


293 


...  «  D'ai)rès  ce  (|iic  je  siiis  d'clk',  (mil  était  innocence  dans  son  fait, 
hormis  le  fait  d'armes.  Elle  montait  à  cheval  et  maniait  hi  lance  comme  eût  fait 
le  meilleur  chevalier.  L'armée  en  était  dans  l'admiration'.  " 

Jeanne  allait  maintenant  connaître  d'autres  loisirs.  Il  lui  fallait  sui\  re  le 
roi    à   Bourges,    puis  à   Sully-sur-Loirc.    Celle  inaction     la      fati- 

guait,   et    quand    elle    songeait    à    l'emploi  ^£  (ju'elle     eùl     pu 


ennui  s  aiii;ra\ait 

OC 


faii'c  de  son  temps  à  la  tète  de  rarince,  son 
encore.  (^)ueIquefois 
elle  se  l'cndait  à  Or- 
léans, dette  ^  ille  lui 
(tait  toujoiu's  chère; 
elle  \  rctrou\ail  de 
hnns  et  fidèles  amis 
et  i\\\  peuple  dont  l'ac- 
cueil la  consolait  en 
quelque  mesure  de  ses 
c|)rcu^es. 

(l'est  à  cette  même 
epo(|uc  (pi'une  femme, 
nommée  Catherine  de 
la  iîochelle  et  se  disant 
inspirée  par  des  \]- 
sions,  \inl  la  tromer. 
Laissons  Jeanne  nous 
raconter  cet  incident 
a\ec  sa  verve  accoutu- 
mée. Elle  est  à  Rouen. 

«    ^f'avez-^()us    point      \ii     ou     connu    Catherine    de     la     Uoclicllc  ?    lui 
deinandc-t-on. 

—  Oui,  à  Jari^cau  et  à  Montfaucon  en  lîeri'v. 

—  Ne  NOUS  a-l-elle   pas  montre  mie  dame  \ctuc  de   hianc    (|u'clle  disait 
lui  apparaître  de  temps  en  temps? 

—  Non. 

—  (Hic  \()us  a  dit  celte  (  lalliciiiie? 

—  iJlc  me  dit  (pi'uiie  dame  blanche  Nètue  de  dr.ip  d'or  \cMail  à  clic,  lui 


a     Jl.llANNK    I.A    i'IlCIiLLE    »,    ïliU'TYQLrii    JIOUKHNE    EN    METAL 

[Mhscc  Jeanne  tVArc,  à  Orléans.) 


I.   Josppli  F;ibre,  Procis  de  réluihililalioii.  t.  I,  p.   291   et  sui 


294 


JEANNE    D'ARC    RACONTÉE    PAU    L  IMAGE. 


(lisaiil  (l'iillci-  \y.[v  les  honiifs  \ill('s  cl  (|iic  k-  Roi  aiiiail  à  lui  doimci' des 
licraiils  ou  (les  Irompcltes  pour-  l'aiii'  crier  :  ■■  (hii  a  or,  ai'i^eiil  ou  Irt'soi- 
«    caclic,    (|u'il   l'apporte    iininédiateiiietil  !   ••  lHle  ajoulail   (|ue  (|ui  eu 

aurait  de  cache  cl  (pii  ne  l'apporlerail  pas   seiail    l)ien   reconnu  par  clic 
cl    qu'elle   saurait    liicn   rc[rou\er  lesdils    trésors,   a\ec    lcs(picls  seraient 
paves  ses  lionimes  trarmes. 
P^jT  «    A   (pioi  je    rc|)oudis  :    «    Hetonrne/    |)res  de  votre 

VJf^  ■/  A  '    '"'"'-  '■''''*'  ^"'i<' '"<i''ii;t'  <'    nourrir  vos  enfants    ». 

"    Poiu'  plus  de    certitude,    je    parlai    de   cela  à    mes 
saintes.   Jolies    nie  direul  :   ..    Dans  le  lail    de  cette  Catlie- 
"    rine,  il  n'\   a  (pic  jolie,  cl  c'est  tout  neaut  ... 

«   .1  écrivis    a    mon    Wo]    |:(inr  (juil  sut  à  ijuoi 

s'en    Icuir,   et  <piand  je  Ainsà  lui.   je  lui  dis  : 

"    Dans  le  l'ail  de  celle  Callicrinc,  il   u'\    a  (pie 

"    lolic   et    c'esl    tout    néant    >.     Toulciois   Irere 

lîicliard    voulait    (pic  (iallicriuc    l'ut    mise    en 

iciivrc.   I  )c  tout   cela  il    s'ensuivit    (pic    ledit 

Irere  Hicliard   cl    ladite  Catlicriiie   riircnt 

mal  contents  de  moi. 

—  Parlàles-v oiis  av  ce  ('.atlicriue  de 
la  Roclicllc  du  lait  d'aller  a  la  Cliaritc'- 
siir-l  ,()ire? 

—  Elle    me    disait    :    "    .le    ne    vous 
^^       -r-   -i^w'^^^^M^-  <                            "    eonseilie    pas    dv     aller,    il    lait    trop 

JHL  ^M^^^^^^  ^^  «    froid   ».  Et  elle  ajoutait  «pTi^lIc  u'iiait 

'^^^H^K'-  -^^-^HH^^-  point,    f.lic   voulait   aussi    se    rendre  vers 

^^^  le  duc  de   l'>ouri;()i;nc  pour  faire  paix,   i'^t 

moi  je  lui  dis  :  "  Il  me  semble  (pi'on 
«  u'v  trouvera  point  de  pai\.  sinon  par 
«    le  hoiit  de  la  lance  ». 

—  Ne  Aous  ètes-AOUS  point  eiupiise 
(le   celle   dame   blanche   dont    parlait  Callierine? 

—  Je  demandais  à  ('.atlici-iue  si  cette  dame  hianchc  (pii  lui  apparaissait 
venait  toutes  les  nuits,  et,  pour  ce  xerifier,  je  voulus  coucher  avec  elle  dans  le 
même  lit.  J'y  couchai  et  veillai  jusfprà  minuit  et  ne  vis  rien,  puis  m'endormis, 
(^uand  \\n\  le  matin,  je  demandai  à  ('.athcrine  si  cette  dame  i)lanche  était 
venue.  "  Oui,  me  repoiulit-eile,  mais  vous  dormiez,  et  je  ne  pus  vous  éveiller». 


JIÎANNE    U  ARC 


D'après    la    statue    (I'Emile     ('hatrousse, 
érigéf  boulevard  Saiut-^Iarcel,  Paris. 


SAINT-DENIS    ET    COMPIEGNE. 


ÎQD 


LF.    SriOlEMT    DIS    AMAZOSES    niANÇAISES    ATI    l'Ii:I)    III-,    I.  V    STATl  F.    Dli    JFANMi    d'aUC 
D'apri's   une  gravure   .nnonvmr   eti    cciiilnii's   de    iSlî). 


—  La   (laine    hlaiiolic   ne   a  iciulra-t-clle   pas   (Icinain?    lui    dcinandai-jo. 

—  lille  i'('\  icLulfa  «,  inc  it'poiulil  ClallicM-ine. 

"    Pour  ei',  je  ilormis  de  joui',  afin  de  pomoir  veiller  la   iiuil  sui\aiile.  Et 

celle    luiil-là   je   eouchai  avec  Callierine,  et    toute   la    nuil    je   restai    les   \eu\ 

oinei'ls.Mais  je  ne  ^  is  rien,  encore  (|ik'  de  inoineiit  en  nioinenl   je  dcinandasse 

à  Callierine  :    «   Ne  a  ieiidra-t-elle   point?   »  A  (jiioi   elle   répondait    :  "    (  )ui, 

-    Iaul(')l'    .1. 

On  a  ^u  (pi'uiie  trcHe  avait  éto'  eonelue  avec  le  duc  de  Bourgogne;  elle 
devait  expirer  à  Noël,  elle  l'ut  prolongée  jusqu'à  Pâques. 

Charles  VII  lui  avait  cédt'  Compiègne  en  garantie,  mais  les  habitants  de 
celle  cité,  —  si  chère  à  Jeanne  d'Arc, —  refusèrent  de  ratiller  celte  conven- 
tion. Pont-Sainle-Maxenee  remplaça  Compiègne  en  ce  marche. 

Par  malheur  les  Anglais  n'étaient  pas  liés  par  celle  trêve,  et  les  Bourgui- 
gnons n'étaient  (|ue  lrt)p  lial)iles  à  se  glisser  dans  leurs  rangs  pour  combattre 
avec  eux. 


Joseph  P'ahrc,  Procès  de  i-ontlanmittion ,   p,    121. 


296        JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

Piii'ini    loiilcs  les   ;uili-('s.   I;i   \ill('  de   Reims   scinl)I;iil    plus  inMiiircsIciiiciit 

nn'iKR't'f.  Les  \nnliiis  cl  les  lioiiii^iiii^iions  ne  lui  piii'domuiiciil  pas  le  sacre  du 

Roi  cl   raccucil   (iiiellc   lui  a^ail   l'ail   à   celle  occasion.  1-a   Pui'clle  ccrixit  aux 

hahilants  de  celle'  \illc  une  nou\clle  lellre  à  la  dalc  du  iGmars  dcl'anno'c  i/|3o. 

.leanue   l'aisail    de   sou    mieux    houne   fii>nre   eu    ccrixaul    ainsi.   Mais  son 

(h'plaisir  elail  i;iaud  cl  l'elal  des  allaircs  de 
Iraucc  elail  loin  de  lui  ai^fccr.  1,'iuacliou  à 
la(|ucllc  elle  elail  rcduile  la  (alii^uail;  aussi  se 
l'csolul-cllc  à  se  l'cudic  près  de  ceu\  (|ui  com- 
liallaiciil.  (  )n  le  l'aisail  l'U  Noi-mandic,  mais  la 
cam|)ai;uc  de  Picai<lie  cl  de  rilc-de-l"raucc  (  laiL 
plus  acli\c. 

i.cs  mccoulculs  claieul  nombreux  à  Paris; 
llcdlord  et  le  (\\\i'  de  r>our£;oonc  x  ('laicnt  peu 
popidaircs.  ,lcaini<'  le  saxail  cl  ne  désespérait 
pas  de  leur  reprendre  un  jour  la  i^rande  \illc. 
I.ii  loulc  occurrence,  elle  cnicndail  ne  rcsier  pas 
plus  loni;lcmj)s  inaclix  c. 

l'.llc  ne  parla  a  personne  de  sa  rcsolnlion, 
cl   parlil    sans  prendre  confie  du  Roi. 

l'Ile  se  rcudil  a  I  .at;n\ -sur-Marne,  à  (|ue!- 
(pics  lieues  de  Paris.  Les  dcrcnscin's  de  cclli' 
place  i;uciro\aienl  conire  les  Anglais  de  la  j^ar- 
nison  |)ar'isicnnc. 

(  ,'cst  \crs  celle  même  cpocpie  <|uc,  relour- 
iicc  a  Mclun,  elle  appril  de  ses  \oix  (ju'elle 
scrail  prise  a\anl  la  Sainl-.lean  ;  elles  le  lui  repc- 
laienl    souxcnl.    dil-cllc    plus   lard. 

.Jeanne    crut-elle     ipic     celle    ca|)lixitc    ne 
stMail    (pic    passagère?...   (  )n    ne   sail.    Toujours 
esl-il  qu'elle  ne  cliani;ca   rien   à    son  dessein  de 
comhallre  cl   ne   s'en   montra   ludlcmenl    atrecU-c. 

C^'esl  à  Lai;n\  (juc  se  passa  l'aU'aire  rclalivc  au  i)r'ii;and  l"ran(|uct  d'Vr'ras. 
Les  Ani>lais  étaient  xeiuis  en  |)illai;i'  sous  la  conduite  de  ccl  liomme.  .leanne, 
inforiiK-e  de  la  chose,  partit  a\cc  ([ucl(|ucs  liommes  daiincs  et  Icui-  lit  de  noni- 
hieux  piisonniers,  paimi  lesquels  se  Irouxait  l"ran(|uet.  Comme  on  l'a  vu  plus 
haut  par  le  Icmoiyuas^i'  de  .ieannc  cllc-mènic,  la  Pucelle  axait  d'ahoid  songé  à 


((     IIFSOGNONS,     DIF.U     lîI>OGM:HA    » 

D';i)>r<'s  la  statuette  en  hroiizp  de  KnÉMiET 
(More   cditvnr^    Paris/; 


SAINT-DENIS    KT    COMPIhXINE.  ag; 


M_Ui^'jti«'»..~' t.-^jtc.^.  tUt,<jii_„;  ,.^  fur^S^-Ç^.  y^iv  ,.„,.(, 


:A.    ^J^  t>.\*-*C*..;^  /,-.W^k>*C%'    v*««-»'»^x  j*  t-^ji-*     j\'~i    (VAr  /Z.«  ^  ,_  _      

-fy-^.  j^;-,-«i.«r >. —  ^.îif  pr.,^,s,  Ab«-.  -*•«.■?•<  .i.-J-j  n i-^i^-^ji^ a ^. 


;u\\>t-v 


■V— ■ai— — w— m— IW 


LETTKE    DE    JEAXSE    UAHC    AUX    H.VHITASTS    DE    IIIOJI    (ij    SOVEMISRE     I.'l-i;))' 

((.".onservée  à  ja  Bibliotlu-quc  de  Rioin.) 

en  f;iii('  rccliiinge  conli'c  un  Parisien  auquel  elle  porlait  inlécèt.  Mais,  eehii-ei 
élant  mort,  elle  eonsenlil,  sur  les  inslanees  du  !)ailli  de  Senlis,  à  le  li\i'ei'  à  la 
justice. 

Jeanne  allait  ])ientot  porter  son  ell'ort  sur  un  autre  |)oinl.  Nous  a\ous  \u 
(jue  (lliarles  VII  a\ail  i\\\  instant  soni^é  à  remettre  C'.ompiègne  en  i;arantie  au 
tlue  de  lîouri^oi^ne  et  (jue  les  lia])itants  de  cette  ^ille  s'étaient  opposés  (Micri;!- 
quemenl  à  racconiplissemenl  de  ce  contrat.  Le  duc,  tout  i-n  aeee|)lant  une 
autre  ville,  tlésirait  \i\emenl  C'ompiègne.  Il  songea  donc  à  la  prcndi-c. 

Il  se  mit  en  eampai;iie  le  17  avril  i/i3o,  cl  détruisit,  eliemin  l'aisanl, 
Gournay.   Il  assiégea  ensuite   Clhoisy-sin-Aisne. 

Jeanne  d' Vrc,  arrivée  le  i3  mai  à  (lompiègne,  v  tint  conseil.  Il  fut 
convenu  qu'avec  Xaintrailles  et  plusieurs  autres  capitaines  elle  essayerait  de 
dégager  Choisy.    Ils  y  eussent  réussi,   mais  une  trahison  tlu  gouverneur  tle 

I.  «     A    MES    CHERS    ET     BONS    AMIS    LES    GENS    d'ÉGLISE,     BOURGEOIS    ET     HABITANTS 

DE    LA    VILLE    DE    RIOM. 

«  CIhts  cl  Ijoris  amis,  vous  savez  l)ien  comment  la  ville  de  Saiiit-Pierre-le-Mouslier  a  éle  prise 
d'assaut;  et,  avec  l'aide  de  Dieu,  ai  intention  de  faire  vider  les  autres  places  qui  sont  contraires  au 
roi;  mais  pour  ce  que  grande  dépense  de  poudres,  traits  et  autres  habillements  de  guerre  a  été  faite 
devant  ladite  ville,  et  que  pctileuienl  les  seigneurs  qui  sont  en  cette  ville  et  mui  en  sommes  pourvus 
pour  aller  meure  le  siège  devant  la  Charité  où  nous  allons  présentement,  je  vous  prie,  sur  tant  que 
vous  aimez  le  hien  et  riioniieur  du  roi.  et  aussi  de  tous  les  autres  de  par  deçà,  que  veuilliez  inconti- 
nent envoyer  et  aider  pour  ledit  siège,  de  poudres,  salpêtre,  souffre,  traits,  arbalètes  fortes  et  auti'es 
liahillements  de  gueiTe  ;  la  chose  ne  soit  longue  et  qu'on  ne  vous  puisse  dire  en  ce  être  négligents  ou 
relnsans.  —  Chers  et  bons  amis,  noire  Sire  soit  garde  de  vous.  Kcrit  à  Moulins,  le  ix"  jour  de 
novembre.  » 

38 


298  JEANNE    D'ARC    RACONTÉE   TAR    LIMAGE. 

Soissons,  cependant  au  service  du  comte  de  Clermont,  dérouta  leurs  plans; 
Choisv  fut   pris  et  rasé. 

Cet  exploit  termine,  le  dui-  de  P>oiu'gog;ne  de\  ait  naturellement  se  |)orler 
sur  Compiègne;  il  le  fil  sans  letard;  sans  retard  aussi  Jeanne  d'Xre  ^    re^inl. 

Le  •l'i  mai,  le  due,  a\ee  le  comte  (r\ruii(lel,  s'etahlil  (le\anl  celte  place 
forte.  Jeanne,  (|ui  allait  en  di\ers  endroits  |)our  rccliaullcr  le  /.èle  di'S  delén- 
seurs  du  Roi,  se  trouvait  alors  à  Crespx . 

Aussil(')l  (|u'elle  Cul  axcriie  (jue  <  lompiègne  était  investi,  ell<>  s'\  l'cndil. 
Au  milieu  de  la  nuil,  elle  a\ait  ri'uni  (:|uel(jues  centaines  d'hommes  d'armes 
et,  sans  s'inquiéter  des  remarques  tju'on  lui  faisait  sur  le  petit  nombre  de 
ses  compagnons  :  «  Nous  sommes  assez,  dil-elle,  j  irai  \oir  mes  bons  amis 
de  Compicgne  ».  Et  de  lail.  elle  ('lail  enlicc  dans  la  place  le  2]  mai,  au 
malin. 

«  Ea  xille  de  Compiègne,  dil  Al.  \^'allon.  placée  sur  la  ri\e  gauche  de 
l'Oise,  domine  la  rivière  cl  la  vallée  (pii  s'clciid  de  laulrc  côlc  en  une  piaiiie 
basse  et  humide,  large  d'un  (piail  de  lieue,  a\anl  d'alleindic  à  rescarpement 
du  bord  de  l'icardie.  Ea  ville  v  conniunii(|uc  par  un  poiil  cl  une  chaussée 
(|ui  se  prolonge  au-dessus  de  la  prairie.  jus(ju'au  versant  de  la  colline.  1  ,a 
place  était  donc  Ibile  par  elle-même,  cl  son  boulevai'd  faisant  tète  de  pont 
lui  assurait  le  libre  accès  de  l'autre  bord.  Ees  ennemis  (pii  l'assic'gcaicnt 
et  aient  bien  loin  de  l'avoir  investie.  Ils  ne  leiiaient  (pie  la  rive  de  l'Oise  o|)|)osec 
a  la  ville;  le  duc  de  boin'gogne  ('tait  à  Couduii-sur-l' Vronde,  au  nord,  à  une 
lieue  (le  (lompiègiie;  Jean  de  Euveiiibonig.  un  peu  plus  j)ics.  à  (ilairoix,  au 
coiiilucnt  de  l'Aronde  et  de  r()ise,  an  nord-est;  et  iiaudon  de  NOvcilc,  avec 
un  corps  délaelié,  à  Margnv,  à  l'issue  de  la  chaussc-e  devant  la  place;  à 
l'ouest,  ^longommerv  cl   les    \nglais  s'étaient    logés  à  ^"enctle'.    " 

A  peine  arrivée  depuis  (jucNpics  heures,  .k'amie  rcsohit  de  commencer 
l'action.  Son  plan  consistait  à  atta(jucr  les  bourguignons  à  Ahu-gnv,  à  les 
surprendre  par  la  rapidité  de  l'attaque,  à  les  rejeter  sur  Clairoix,  pour  se 
jioricr  ensuite  avec  la  même  ra])i(lil('  siu'  ^  enclte,  ou  se  tenaient  les  Anglais. 
Ce  dessein  n't'tait   |)as  sans  [x-rils,  mais  il  axait  aussi  de  réels  avantages. 

Ees  choses  allèrent  au  début  selon  les  désirs  tie  la  inicelle;  mais 
bient(')t  elles  s'embrouillèrent.  Par  suil(>  d'un  mouvement  des  Anglais,  l'ar- 
rière des  troupes  de  Jeanne  craignit  de  se  troux  er  cei'ué  ;  une  débandade 
s'ensuixit;   il  fallut,  bon  gre  mal  gré,  reculer  après  eux;  Jeanne  s'x   refusait, 


I.    \\'allon,  Jeanne  d' .4rc.  édit.  in-ir; 


p.  220. 


SAINT-DENIS   ET   COMPIÈGNE. 


299 


mais  rcimemi,  eiiL-ouragé  par  cette  apparence  de  défaile,  finit  par  la 
presser. 

Guillaume  de  l'Iavy,  (jui  défendait  Compiègne,  fut  pris  d'affolement, 
craignit  que  les  Anglais  n'entrassent  dans  la  ville,  et  comme  Jeanne  approchait 
du   rempart,  il  ordonna  de  lever  la  herse. 

.leanne,  entourée  de  quelques  hommes  fidèles,  se  défendit  avec  intré- 
pidité  :    ('   Rendez-vous   à  moi   et    baillez   la  foi   »,    lui   dit  un   soldat.    «  J'ai 


«     liNTOUBIiE    IJE    QUELQUES    HOMMES    FIDELES,    JEVNNE    SE    DEFENDIT    AVEC    ISTUEt'IlH  I  F.     » 

'J';iM(Mti  (le  (lAnuitn-iÎEl.LKUSE  extrait  (le  hi  M issinii  j)filrii>/if/iic  de  Jeanne  d'Arc.   [Inipi-iiiieries  remues.) 

jiu'(''  l't  baillé  ma  foi  à  autre  (pi'à  nous,  ilit-elli',  et  je  lui  eu  tiendrai  mou 
seruu'Ut.    » 

jMais  bieutol  clic  lut  saisie  par  ses  vctcmi'Uls,  j\'lce  à  bas  de  son  clie\al,  cl 
faite  prisonnière  par  un  arclicr  du  bâtard  di'  Wandonni',  un  des  chevaliers  de 
Jean  de  I Aixembouig.  Pierre  d  \rc,  son  IVcrc,  son  ccuxcr  d' Vnlou  et  Poton  de 
Xaintraillcs  furent  pris  avec  elle. 

Clomme  les  \oi\  le  lui  avaient  prédit,  Jeanne  était  prisonnière. 

Y  eut-il  traliisony  (  )n  Ta  pense,  et  plusieurs  ccrixainsse  sont  efforcés  de 
l'établir.  11  est  eerlaiii  (juc  le  rôle  de  Guillaume  de  l'iavv,  gouverneur  de 
Compiègne,  est  difficile  à  justifier.  Il  y  a  lieu  de  se  demander  comment, 
sachant  (jue  Jeaime  combattait,  ignorant  du  moins  si  elle  était  rentrée  dans  la 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


place,  et  peut-être  la  AcnaiU  lutter  au  Jxnd  du  fossé,  il  a  pu  orclouuci'  de  lever 
la  lierse  et  de  fei'iner  les  porUs  de  la  ville. 

Cepeudanl  rien  ne  pouxail  faire  redouler  une  Iraliison  de  sa  pari;  il 
conlinua  de  delendre  \aillaninienl  la  place  dont  il  a\ail  la  eliari^c.  Jeanne  ne 
l'aecusa  jamais  pendant  sa  eapli\  il('  ou  son  jui^enienl,  el  le  i^iand  amour  ipi'elle 
i;arda  |»()in'  eeu\  de  Clonipiègne,  la  lenlalixe  (r(-vasion  (ju'elle  fil  pour  aller  les 
secourir,  se  concilieraieul  difficilemeni  eu  elle  a\ee  la  [)eusée  (|u'elle  aurait  clt'' 
Iraliie  par  (".uillanme  de  l'la\  \ ,  car  il  i^ouNcrnait  encore  Compiègne  à  l'époque 
ou  elle  \oulail   aller  sauNcr  (eux  de  celle  ^ille. 

Assez  de  Iraliisous  evidenles  sim- 
poseul   à  nous  dans   le  cours  de  la    vie 
jJF'        de  Jeamie;   laissons  de  cole  celles  donl 
nous    u'a\ons    jias    les    pri'uves,    pour 
i'Iionneur  de   noire  pa\s  el   poiu'    noire 
cousolaliou. 

On    lil,    il   esl    ^rai,    dans    le    Mi/oir 
(l(-s  /'riiinics    1,'ciiuciiscs ^   ou\  la^e    pniilie 
an     commcncenicnl    du    wi'     siècle,    (pi  ini 
jiiur   Jeanne,    axant    assiste    à    la    messe    en 
Ci^lise  de   Sainl-Jac(pies  de   (  !ouipiei;ue,    se 
)■(  lira   |)res   d'un    pilici-   de    celte    église    et 
(pie,  ^o\anl  la  (piehpics  hraxes  gens  el   une 
Iroupe    d'enfants,    elle    leur    dit   :    "    Mes 
les    clicrs    amis,    je  \ous    si- 
gnifie  (pie    l'on    m'a    \en(lne    cl    Iraliie    et 
que  de  hrief  serai  li\reeà  la  mort.  Si  \ous 
supplie  (pie  \ous  priiez.   Dieu  pour  moi,  car   jamais    je   n'aurai   plus   de   puis- 
sani'c  de    faire  ser\ice   an   lioi    ni   au    ro\aumc  de   fraiice    ». 

\a'  propos  est  touclianl  cl  hien  digne  de  Jeanne  d'Are.  IMais  (|uan(l 
l'a-l-elle  teiur:*  E\i(lennnenl  ce  ne  pcnl-('lrc  au  matin  du  jour  oii  elle  fut  |)rise, 
puisque,  arri\ée  à  l'aurore,  elle  eoinhaltit  pres(pie  aussilt)t;  ee  n'était  pas  le 
lendemain,  puis([u'i'lle  ne  renti'a  pas  à  Compiègne.  Sans  doute  c'clail  lors  de 
l'un  de  ses  autres  vo^ages  à  Compic-gne.  ^lais  à  (pielles  gens  cl  a  (picl  lait 
Jeanne  reportait-elle  sa  |)eusée  en  j)arlanl  ainsi  ":*...  Nous  ne  sa\ous.  'faut  de 
trahisons,  nous  l'avons  dit,  l'entravaient,  (pi'il  n'\  axait  embarras  poiu'  elle  cpie 
dans  le  choix  à  fairi'. 

A  supposer  toutefois  fpi'il  n'v  ait  pas  eu  trahison  formelle  de  la  part  de 


entants    el    nu 

1)K    JEA^^E    U  ABC 


[Miiscc  Jeanne  d'Jrc,  h  Orlrinis^. 


SAINT-DENIS   ET   COMPIÈGNE. 


3oi 


COM.IIUNT    I,liS    ANGLAIS    ET    BOURGUIGNONS    EMMENEBENT    CAPTIVE 

r.A    PUCELLE    A    MAllGNY 

Griiviirc  sur  bois  des  Viciles  de  Ciiitrles  \ll. 


Flii\  \ ,  homme  du  reste 
à  ([iii  plus  il  un  crime 
il  élé  imputé,  il  n'en 
demeure  pas  moins 
que  sa  conduite  fut  au 
moins  fort  équivoque. 
La  vie  et  la  liberté  de 
la  Pucelle  avaient  une 
telle  importance,  que 
même  la  prise  de  Com- 
piègne  n'était  paseom- 
parahle  au  désastre  qui 
devait  s'ensuivre  de  sa 
captivité. 

Quelle  soirée  dut 
être  pour  Jeanne  celle 
du  24  mai  !  (  )u  rem- 
mena au  camp  de  Margn\,  doni  nous  a\()ns  parle.  (Icllc  place  éîail  a  1res  |)eu 
(le  dislauce  de  Compiègne.  .Icannc  pon\ail  de  là  M)ir  les  ri'uiparls  de  la  \ille. 
Pendant  qu'on  l'cnlrainail,  rccul-cllc  au  moins  des  hommes  d'armes  (jui  se 
tenaient  au  haut  di's  murs  quchjucs  mar(|ucs  de  icgrct,  queUjues  signes 
d'adieu?... 

Nous  n'avons  sur  toute  cette  fin  de  jouriu'e,  comme  sur  celles  qui  sui- 
virent, aucun  détail.  Du  moins  avons-nous  cette  ressource  de  nous  recueillir, 
d'évoquer  cette  scène  où  Jeanne  est  emmenée  par  ceux  qui  l'ont  pi'ise,  traver- 
sant les  rangs  ennemis  au  milieu  des  hourras  des  Anglais  et  des  Boiu'guignons, 
soulagés  enfin  de  la  leneiu-  qu'elle  leur  inspirait. 

N'en  douions  |)as,  elle  fut  sei-cine  et  fière,  elle  passa  au  milieu  d'eiiv 
comme  il  convenail  à  la  IHicelle  (|ui  les  axait  si  l'orl  l'ail  lreml)ler,  et  il  v  eut 
ilans  sou  regard  comme  en  toute  sa  pcrsoime  quelque  chose  (jui  leur  inspira 
non  seulement  le  respect,  mais  la  crainte. 

Dès  qu'il  eut  appris  la  prise  de  Jeanne,  le  duc  de  liourgogue,  donI  la 
conduite  fut  en  loules  ces  conjont'lurcs  si  miscrai)lc,  aiiixa  t'u  hàlc. 

Sa  place  n'était  pas  là. 

Jeanne  l'avait  toujours  Iraile  avec  égards;  les  lettres  qu'elle  lui  a\ail 
adressées  resj)iraient  le  respeci,  parce  qu'il  élail  prince  du  sang. 

Et  le   voici   qui   vient,   sans   pudeur,   consommer   sa    trahison   envers   la 


302 


JEANNK   D'ARC    RACONTÉE    PAR   L'IMAGE. 


Fraiici'  L'I  coiUcinpIcr,  vaineuf  et  eaplivc,  celle  tiiii  a  lout  i'ail  pour  la  saiixcr. 
Il  était  liomme,  elle  était  femme,  celte  condition  seule  eût  dû  suffire  poui' 
le  rappeler  à  la  générosité  et  au  respect.  INlais  Jeanne  était  aussi  Française,  ou 
plutôt  elle  était  comme  l'inearnation  vivaiile  <le  la  France;  lui,  a\anl  d'èlre  duc 
de  Bourgogne,  était  fds  de  la  France,  prince  du  sang  français.  (Jue  \cnail-il 
l'aiic  et,  déjà  coupalilc  d'avoir  combattu  contre  son  pays  et  donne  la  main  a 
l'étranger,  que  n'avail-il  du  moins  la  ])udeur  de  se  tenir  au  loin  et  de  n'insuller 
point  par  sa  présence  à  l'infortune  de  l'héroïne,  qui  aujourd'hui  gémissait 
enchaînée  et  demain  devait  mourir  pour  celle  France  que  lui  trahissait? 

Il  fallait  donc  (ju'il  fût  dit  qu'eu  ce  drame  du  martyre  de  Jeanne,  ainsi 
que  dans  la  passion  du  Christ,  tout  ce  que  les  hommes  répulenl  grand  \iendiail 
se  confoiulre  en  une  commune  honte. 

C'est  comme  i\n  iMii\(isel  dechainemcnl  de  toutes  les  passions  hasses  et 
haineuses;  mais  c'est  aussi  une  prei'ipitalion  \('rs  un  même  ahinie  de  toutes 
les  grandeurs  et  de  toutes  les  puissances  (jui  se  melIcMl  au  scr\  ice  de  ces 
mêmes  passions,  contre  cette  enfant  de  (li\-neur  ans.  l'.ii  cet  ahùiie  toutes 
choses  se  mêlent,  couronnes  de  rois  cl  de  ducs,  iniircs  de  piclals  cl  cas(|ucs  de 
guerriers,  honncis  de  docteurs  et  capuccs  de  uioiiies;  seigneurs,  manants, 
gens  de  robe  cl  gens  d'epee,  tous  \iennenL  a  celle  curée  d  injustice,  de  haine 
l't  <r()pprcssion. 

IMais  la  \ci'ite  et  la  justice,  pour  marcliei-  Iculemeut,  n'eu  arri\cul  pas 
moins.  Fa  posleiilc  cl  l'Iiisloirc  ont  lail  leur  (eu\re;  elles  glorilicul  .leauue  cl 
honnissent  ceux  (pii  l'ont  oppiimée. 


niiDMi.ir  I mi'i'i  I    imu  ii    i.  isvrcrinTioN   dk   i.v  statue  i:iu(;ir. 
i:\    i.'ii(»NM-,i  it    IJI-;  ji.anm:   a   uKI,lÎA^s  EN    1802. 


l.A     l'VClLLE    OU    l-.V    lUAKCK    1>KLIV1U.K 
C.rjiviire   d'AnuAiiAM    liossE,   (l'iiprés  Vignon,   extraite  de  /«  Puccllc  nu    la  France  dclivrcc 


Vin 
DE    BEAILIEU    A    DIEPPE 

\A'S    l)()l  I.OUREUSES    ÉTAPES 
l)i:   l,\  CM'TIMTÉ  DE  JEANNE  LA  PUCELLE 


i:    l)i"il;ii(l    (le  W  Miidoimc  (|iii    s'cUiit   ('m|):ii('  de  ,lc;iimi'  dVi'c 
Il  (  !()m|)ii't;ii('    (:iis;iil     piiilic  des    i^cns    d'nrincs    de  Jcim   de 
Lii\('imI)()iii'i;  ;  .Icaimc  appailciuiit  donc  a  (•cliii-ci. 

1 /iiiioi-liiiicc    |)iis()iiiiiri'('    avaiil     passe    (ni('l(|ii('s    joiii's    an 
am|)  (le  iMaii;M\ ,  Jean  de   liii\eml)oiii'i;  la  (il  coiidiiirc  en   son 
cliàlcaii  de  llcaiilicii  ;  cllf  \   soi'ail,  pciisail-il  à  l)()n  dioil, 
-        |)liis  en  siiicN'  (|mc  sons  (lonipièi^nc. 

Il    \    a\ail,  en  cH'cl,    lien   de  (■i'aindi<    (jnc,  dans  nnc 
soiiic   iniprcN  ne    cl    a  ii^ourcnsc,    la   t;ainisoii  de   la 
ville  ne  lil  iiriiplion  dans  le  cami)  où    l'on  i^ardail 
Jeanne  el  ne  lenlàl  de  la  délivrer. 

Or  Jean  de  Lnxeinhonri^  ('lail  ti-op  axisc- 
noui'  ne  pas  appi'eeier  jnslenieni  la  \aleiM'  de  sa 
eaplÎM'. 

(hielle  qne  (Vil  l'ineilie  de  Charles  \  Il  el 
son  iiidillereiiee,  il  etail  à  supposer  (|ii'il  eoiii- 
prendiail  eoinhien  lui  iiiiporlail  la  liUerU''  de  Jeanne.  On  devail  s'allendre 
par  siiile  à  qiiel(|iie  demareiK'  de  sa  |)arl  en  fa\t'ur  de  la  Pueelle,  à  (piel(|iie 
od're  d'argent  eonsideralile  faile  jiar  lui  pour  la  raiieoii  de  la  prisonnière. 


«    <ni    si.uvi-ji\  ci:  SiJiK.    » 
Srittiic   (le    I-'OSSK,   ('-ri^rr   an   Crotoy 


JO'I 


JEANNE   n'\RC    RACONTÉE    P\R    LIAIAGE. 


Miiis  la  caplivilc  de 
.IcaiiMc  (I  Vie  n'impoilail  pas 
moins  au  j)arli  ani;lais.  IjO 
(lue  (II-  l'x'dford  ne  pouvait 
(loue  lai'dci'  à  proposer 
l'aclial    de    la    l'nccllc. 

Des  d('U\  aciielcurs,  le 
plus  olIVanI  ('("rlaincmeiU 
ainail  i;ain  de  cause;  mais 
a\anl  loni  Jean  de  JJixeni- 
houri;  dexail  niellre  en 
sùrele      un      dépôt       d'aussi 

cuHiii.NT   i.rs  am;i.\is  AMiiNÈnENT  L\  piuiii.i.i-:  A  i)i;\ri.ii:u 

(H-.iviiiv  sur  Lois  cxfraiti-  ili-s   Vigll.-s  J.-  Chai-li-s   VII  {Musée  Carnm'alcl.)         i;l'inl(l    pi'iX. 

Telles  étaient  sans  doute 
les  considérations  (jiii  le  |)ortèi'ent  à  faire  sans  relard  conduire  Jeanne  a  son 
chàleau  de  Ik-aulieu. 

Ces  sollicitudes  étaient  \aines.  I,' \ni;lelerre  songeait  à  s'assurer  de  la 
pcrsoniu' de  Jeanne  d' \rc,  et  Ik'ill'ord  avisait  sans  doute  dès  celte  heure  à  s'en 
débarrasser  poin-  jamais,   par  la  ca|)ti\ite  d'ahord  et  par  la  mort  ensuite. 

Mais  Charles  \  Il  ne  montrait  aucune  \  cl  Ici  te  de  d(''li\  rcr  la  pau\  re  l'ucelle. 

Speetaele  profondément  triste,  mais  (pi'il  faut  cependant  a\oir  le  courage 
de  considérer,  ne  fut-ce  (jue  pour  mieu\  coimaitre  toutes  les  misères  qui 
peuvent  trou\cr  place  même  dans  le  c(eiir  de  ceux  (pic  leur  naissance  et 
leur  condition  semhleiaicnl  dcNoir  en   prcscrxcr. 


^^ 


I.a  Tremoille  favorisait  ces  dispositions  du  prince,  mais  ne  laissait  point 
toutefois  éclater  au  dehors  la  secrète  joie  (ju'il  en  ressentait. 

Regnault  de  Chartres  eut  moins  de  retenue,  ou  plutôt  moins  de  pudeur.  11 
ne  put  ijarder  |)Our  lui  l'expression  du  plaisir  que  lui  causait  la  captivité  de 
Jeanne  d'Arc,  et  écrivit  à  ce  sujet  «  à  ses  diocésains  »  une  lettre  qui  suffirait 
pour  ternir  à  jamais  sa  mémoire  et  lui  assurer  près  de  Cauchon  une  place, 
hélas!  trop  peu  discutable. 

Dans  cette  lettre  il  annonce  aux  Rémois  la  prise  de  la  Pucelle,  il  y  voit 
un  châtiment  envoyé  de  Dieu  à  Jeanne  et  bien  mérité,  puisqu'elle  «  ne  voulait 
croire  conseil,  mais  faisait  tout  à  son  plaisir  ».  A  son  avis,  la  France  avait 


DE    BEAULIEU    \    DIEPPE.  3o5 

grandement  soufTerl  de  l'ingérenee  de  la  Pueelle  clans  les  allaires  pn])liqnes, 
mais  nn  réconfort  Ini  venait  «  dans  la  personne  d'un  jeune  berger,  gardeur 
de  hiebis  dans  les  montagnes  de  Gévtudan,  en  révêché  de  Mende,  lequel 
disait  ne  plus  ne  moins  ee  queavail  (ail  la  Pueelle,  et  qu'il  avait  commandement 


I)'.i|iiTs  iiiic  ]iriiitiirc  .lu  xvu"  sit-cle.  [Co/lcilioli  ,1c   M.    Ihtliltil  lin    Lys.) 

d'aller  avec  les  gens  du  Roi  el  que  saus  faule  les  anglais  cl  les  liourguignous 
seraient  déconfits  ". 

Pour  que  rien  ne  manquai  à  son  épître,  il  ajoutait  :  ■  Sur  ce  que  on  lui  dit 
que  les  Anglais  avaient  fait  mourir  Jeanne  la  Pueelle,  le  pasiour  répondit 
que  tant  plus  il  leur  en  mescherrait  cl  cpie  Dieu  avail  souflerl  prendic  Jeanne, 
pour  ce  rpiellc  s'elail  consliluée  eu  orgueil,  el  pour  les  riclies  babils  (juclle 
axail  pi'is  cl  «|u'ellc  uaAail  pas  (ail  ce  (pic  Dieu  lui  a\ail  commandé,  mais 
avail  lait  sa  volonté  '  ». 

Cet  avenlurier  élail  un  berger  visionnaire  né  auv  cua  ii'ons  de  Mende;  il 

I.    ^^'Mlloll,  .Iciiiim-   d\-ln\  cililioii  iji-iv!,  p.    i  îo.  MaclicUc  el  C'",  éditriirs 

39 


)o6 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


prélciulail  représenter  Irait  pour  trait  saint  François  d'Assise  et  montrer  des 
stigmates  à  ses  pieds  et  à  ses  mains. 

Nous  savons  d  im  antre  eôté,  par  l'anlenr  dn  Jouz/ial d'un  Bourgeois  de 
Pdiis^  qn'an  mois  d'août  i  V'i  '^^'S  Anglais  eapinrèreni  devant  Reanvais  >■  un 
méelianl,  nommé  Guillanme  le  ISei'gi'r,  (jni  faisait  les  gens  iilolàtres  de  lui,  et 
ehevaueliail  de  eùlc-  el  montrail,  de  fois  en  autres,  ses  mains  el  ses  pieds  et  son 
eôté.  el  ('■laicnl  laelu's  de  sang  eomme  saint  François'.   » 

Tel  elail   le   Irisie   héros   que   Regnanlt    de 
res  en  était  arri\{''  à  préeoniseï'. 

On   n'en   \  ienl    pas    im    homme 
inand     il     on\re     son     àine     an\ 
hasses  passions  de  l'envie    et  de 
la  haine  à  l'é'gard  dn  juste. 

Jeanne  est  eaptive  depuis 
ipielipies  jouis  à  peine  :  en- 
nemi earhé  mais  sans  merei 
(k-  l'iidorlnnee,  Regnanlt  de 
Charires  ne  peut  retenir  l'ex- 
pression de  la  joie  (jn'il  ressent 
de  son  malheur.  [1  faut  qn'il  la 
nianitrsle  sans  ri'tard  el  dans  im 
rie  pnhiie. 
Et  c'i'sl  à  ses  diocésains  que  lui, 
■vècpie,  adresse  la  triste  missive  en 
acjuelle  son  eœur  s'epanehe.  Il  ne  peut 
nier,  malgré  le  désir  qu'il  en  a,  le  génie 
de  la  Pueelle,  non  plus  cpie  sa  valeur 
militaire  et  ses  beaux  faits  de  guerre;  mais  du  moins  espère-t-il  atteindre  et 
Llàler  tontes  ees  choses  dans  leur  source  même  en  l'accusant  d'orgueil  et  d'esprit 
de  hantenr.  <■  Elle  ne  voulait  croire  conseil,  mais  faisait  tout  à  son  plaisir.  » 
C'est  l'éternel  grief  ties  incapables  et  des  en\ienx  cpi'on  ne  cf)nsnlle  poinl. 
Regnanlt  se  pose  en  défenseur  de  la  vertu  et  couvre  le  vice  de  sa  jalousie  dn 
vêlement  de  l'humilité  dont  il  rcvenditpic  les  droits. 

L'Iùslorien  doit  à  sa  mission  de  flétrir  un  tel  désordre  moral  et  de  mar- 
(uier   de  la  note   qui   convient   quicon([ue   oublie   à  ce  |)oint   les   devoirs    de 


I.  HEBOÏNE     F1HM;\1SE 

Gr;ivure  en  couleurs  de  Sergent  exécutée 
en   1787. 


I.   Joiinud  d'un  Jlourgeois  de  Paris.  Edil.  Trutey,  p.  27a. 


DE   BEAULIEU   A   DIEPPE. 


3o7 


—  / 
i 


t^ 


<è. 


riiommc  privé,  les  oliligations  j)liis  liaulcs  ilc  l'homme 
public,  et  celles  plus  sacrées  encore  que  lui  impose  le  carac- 
tère de  pontife. 

Saint  Jean  (ilu ysostome  fait  celte  remarque  (jue  quand 
la   femme,    cet    être   timide,    douv   cl    dévoué,    vient    à  se 
perdre,  elle  va  dans  la  voie  du  mal  cl  du  crime  beaucoup 
plus  loin  que  l'homme  et  surpasse  en  cruauté  les  animaux 
les  pins  saunages. 

Il  semble  qu'il  en  soit  ainsi  du  prêtre.  Quanil  la  haine 
ou  l'envie  prennent  en  son  âme  la  place  de  la  ciiarité,  qui 
est  le  plus  pressant  de  ses  devoirs,  ces  froitles  passions 
revêtent  en  lui  je  ne  sais  quoi  d'amer,  d'incduclible  cl 
de  profontl  (jue  l'homme  du  monde  ne  comiail  pas. 

Dans  la  passion   du  Clnisl,  (iaiphe   est  le  grand  scc'lé- 
rat.  Dans  le  long  marlvre   de   Jeanne   d'Arc,  Regnaidt  de 
Chartres  et  Cauchon  sont  les  deu\  grands  coupables. 

Qu'on  ne  blâme  pas  la  sincérité  de  cet  a\cu,  douiou- 
reu.\  pour  celui  qui  l'écrit  à  celle  place. 

Il  importe  que,  par  une  sentence  a  la  ibis  sans  ii'li- 
cences  comme  sans  merci,  nous  nous  dégagions,  nous 
évêques  et  prêtres,  de  ce  voisinage  inlamanl  |)onr  nous  cl 
que  nul  au  monde  ne  juge  ces  hommes  plus  jnslemcnl  que 
nous-mêmes. 

Tenter  d'allénuer  leur  crime  ou  de  le  M)il<'r  par  le 
silence,  serait  armer  contre  nous  nos  adversaires  et  semble 
prélats  indignes  et  nous,  quelque  solidarité. 

Au  contraire,  par  la  loyauté  de  noire  jugemciil,  desarmons  ceux  qui 
tentent  de  se  faire  du  crime  de  ces  honnncs  une  force  contre  nous;  lenilons 
d'avance  faible  et  vain  ce  qu'ils  pourraient  dire,  en  disant  nous-mêmes  avec 
une  force  suprême  et  une  droiture  sans  fau\-fu\anls  noire  indigiialion 
comme  notre  méjnis  pour  les  bourreaux  de  Jeanne. 

Évêques  cl  Français,  ils  n'oni  eU'  ni  la  France  ni  l'Eglise;  mais  ils  oui  été 
de  l'une  et  de  l'autre.  A  lilre  de  chr('liens  cl  de  Français,  nous  nous  devons  de 
les  honnir  cl  de  les  i'  bouter  »,  comme  disail  Jeanne,  hors  des  rangs  où 
nous  voulons  servir,  en  un  culle  égal,  la  pairie  et  la  religion. 

Reims  réservait  à  Jeanne  d'Arc  un  juste  et  glorieux  retour  et  naguère  ses 
citoyens,  unis  aux  pouvoirs  civils  et  religieux,  élevaient  à  Jeanne  un  monument, 


«   TOUS  JtES   DITS   TT    IHTS 

SONT     EN     H    iMAIN     lli;     UlliU    » 

D'iipri-s  la  btiilin"  de-  G.  Cl.ÈnE. 


'lablir,  enire  ces 


3o8        JEANNE  D'ARC  RACONTKK  l'AR  L'IMAGE. 

i^agc    (le  leur    cullc    |)ifU\    l'I    l'iiiu'    des    plus    htlk's    fi'uvi'es   coiiSiU'ic'i'S  à    la 
Pucellc  par  la  seiiIpUiic  fi'aiH-aisc'. 


4^ 


Pcndaiil  (|iK'  (  lliailcs  "N'II  ahandonnail  .Tcaiiiic  cl  (jiic  ses  iniiiislri's  la  liai- 
laiciil  (II'  celle  laçou,  les  Vni;lais  s'cinpioNaiciil  acli\ cinciil  a  s'assurer  de  la 
prisouuièic.  Jean  de  T^ii\einl)()iirg  avail  repoussé  leurs  premières  ouverlures, 
sans  doule  dans  respéraiicc  d'()l)lcriir  du  roi  de  Fiance  une  rançon  plus  élevée. 
jVIals  ce  premiei"  écliee  ne  les  avail  |)as  découragés. 

Déjà  l'I  nixersile  de  l'aris  a\ait  pris  poui'  son  coniplc  la  cliose  en  main. 
Dés  le  2")  mai,  on  \  a\ail  l'oimu  la  prise  de  la  Pucelle  ;  el  le  2G,  sans  plus  larder, 
le  vicaire  général  de  rhupiisilioii  ecri\ail  au  duc  dv  ISourgoguc  pour  le  prier 
de  lui  li\  rcr  Jeanne  d'  Vrc,  connue  liereli(|ue.  (Juclcjucs  jours  après,  l'Universilc 
enlièi'c  joignail  sa  rc(piclc  à  celle  de  rin(pnsileur. 

liicnlol  ré\è((ue  de  Meauvais,  Pierre  (iauclion,  enirail  en  scène  el  se  faisait 
l'interprèle  des  A(ru\  de  l'I  nixcrsiU' à  cel  cndroil.  \ncien  rccicur  de  ce  corps 
consitlérable,  il  ctail  (k'\enu  couscrvaleur'  de  ses  piixilcgcs. 

Cillasse  (le  Beauvais  par  les  liahilanls  de  cette  ville  au  momeni  ou  ils 
s'elaicnl  déclares  pour  le  parli  du  Hoi  de  France,  il  a\ail  ahandonne  son  cvcclie 
el  s'elail  relire  a  Itoueu.  Le  siège  arcliiepisc((pal  de  ce  dioc(''se  clail  \acanl; 
L.auclion  I  and)ilionuail,  cl  comme  il  devait  l'ohleuir  du  roi  d' \uglclcrrc,  il  si' 
mil  sans  délai  au  scrv  iec  du  parli  anglais,  dans  l'espoir  d'oUlcnir  ce  siège. 

Vers  la  nii-jiiillel,  après  s'èlri' conecric  avec  11  uiversitéde  Paris,  il  viul 
au  cani[)  élahli  sous  Conipiègne  el  reclama  du  duv  tle  Bourgogne  (ju'il  lui  livrai 
la  Pucelle,  la  cause  de  celle-ei  étant  tlu  ressort  de  sa  juridiction.  Jeanne  avail 
été  prise  en  eH'et  ilans  le  diocèse  de  Beauvais,  el  bien  (ju'avant  quitté  sa  \ille 
épiscopale  et  cessé  d'administrer  cette  église,  Cauclion  entendait  ilans  les 
présentes  conjonctures  se  réclamer  de  son  litre  pour  useï'  du  droit  de  jnger 
la  ])risomneic  de  Jean  de  f^uxembourg. 

Il  fut  facile  de  comprendre  (jue.  loul  en  parlant  en  sou  |)ropre  nom,  (]an- 
chon  n'était  fjue  le  maudalaiic,  non  avoue  mais  i('cl,  de  1' Vngleteiie.  On  le  ^  il 
])ien  (|uand  il  offrit  pour  la  rançon  de  Jeanne  loooo  fi'ancs  d'or.  Selon  la 
eoiilumc  de  France,  le  Roi  aAail  le  droit,  pour  celte  sonmie,  de  se  faire  icmellre 
tout  prisonnier  quel  que  fût  son  rang.  Présentement  le  roi  d'Angleterre,  agissant 
comme  roi  de  France,  réclamait,  |)ar  l'entremise  de  l'cvèfjue  de  Beauvais, 
l'usage  de  ce  privilège. 


•^■ejLifie-  ^  J^n 


C^ir^,  iên-/%i£lhiann^ 


DE   BEAULIEU    A   DIEPPE. 


3o9 


L'oflVc  lïil  allc'cliaiilo  poui'  Joaii  tle  Luxcmljoiiig.  Il  ciail  d'illiislre  souche, 
el  sa  famille  avait  domic  des  rois  à  la  Iloiigi'ie,  des  empereurs  à  l'Allemagne. 
IMais  pauvre,  il  do'pendalL  entièrement  du  duc  de  Bourgogne,  el  devait  être 
lente  par  l'ofFre  de  la  somme  considérable  (jui  lui  était  offerte. 

L'intervention  du  Roi  de  France,  à  supposer  qu'il  eût  offert  une  somme 
égale  ou  supérieure, 
eût  put  le   faire  hé- 
siter. Mais  Charles  VII 
ne  bougea  pas. 

Cauchon  obtint 
donc  gain  de  cause 
et  quitta  radieux  Jean 
de  Luxembourg  pour 
venir  annoncer  à 
ceux  dont  il  était 
l'envoyé  le  succès  de 
sa  misérable  négo- 
ciation. 

Il  a\ait  ete  dé- 
cidé que  la  Norman- 
die serait  imposée 
pour  subvenir  au 
paiement  de  la 
somme  convenue. 
Nous  avons  le  texte 
de  la  réquisition  re- 
lative à  cet  objet. 

Jeanne  dans  sa 
prison  eul-cllc  con- 
naissance de  ces  di- 
vers incidents?  iMit- 

elle  l'amertume  de  lir'c  la  lettre  écrite  par  Regnaull  de  Chartres,  et  d'apprendre 
le  marché  conclu  pour  sa  peilc  par  Cauchon?  Nous  ne  savons.  Elle  demeura 
quelque  temps  dans  la  prison  du  château  de  heaulieu.  Elle  ne  se  résignait  i>as, 
du  reste,  à  la  captivité.  Les  saintes  la  lui  a\ aient  prédite,  mais  elle  ignorait  sans 
doute  qu'elle  dût  èlre  déluiitive.  Aussi  essaya-t-clle  de  s'é\adcr.  Il  s'en  fallut 
de  peu  qu'elle  ne  réussit  et  ne  s'échappât  a  liavers  les  planches  de  clôture  de 


l'OKTE    DE    LlivÉCHÉ    DE    BEVUVAIS    OU    HAUITAIT    CAUCHON 

U";ii>i'i's  uiit'  photogr;ipliU'. 


3io 


JEANNK    ])    vue    RACONTÉE    V\\\    l/[M\(;i;. 


sa  prison.    Dcja   clic  clail    soilic  de    la    loin-   cl    s'a|i|)rclail    a    \    cnlcimci'    ses 
ardiciis,  quand  le  porlicc  l'apcicul  cl  la  icpiit. 

Quelle    lui    au    juste   la    duic'c   du    séjoiu'  de    .Icainic    d'Vic   à    lU'au- 
lieu?    Il    scnihlc  assez  dillicile  de  l'ariitincr.  (hiel(|ues  liisloricns   piclcu- 
denl    ([u  elle  y  dcnicuia  quatre  mois,   d'anlics  r(''diiiseut    à    (\i'u\   mois 
le  temps  (|u'i'lle  passa  dans  ce  eliàtcau. 

I^cs  jircmicrs  s'a|)puicul  sur  un  passaj^c  de  l'crce\al  i\c 

/^,j^        (aguy,  dont  voiei  les  termes  : 

l*^^ft  ('   Messire    Jean    de   Lu\eml)ouri^    la    fil    Acnir   en    son 

""*■  logis  (rois  ou  quatre  jours,   et  après   il   demeura   au 

sicoe  dc\aut  (lompièi;ue,  et  fit  mcnei'  la  i'ucclle  en 

im    eliàtcau  appelé    lîeaulieu    en    Vermandois.    Va 

la   elle  fut   dctcuue  piisonuieic  respaec  de  tpnitic 

mois  oit  i'/tvf /■<)//. 

/j    ]\  \ ^  «   I^a    i'ueclle    elaul    eu   prison  audit    eliàtcau   de 

Jl    1     \^'  licaulieu,  celui  (|ui   était   sou  mailrc   d'Iiolel   a^anl   sa 

|)risc    et    (|iii    la    ser\ait     eu    sa    prison,    lui    dit    : 

(/Il  <<   dette  |)an\ri'  \illc  de  (  .ompièi;ne  (pic  \<n\s  a^(■/. 

\    M  ■  "    tant    aimée,    sera    cette    fois    remise    au\    mains 

<'    (les    ennemis    de    la    i'raiice     ■.    Et    .Icannc    lui 
répondit    :    «    delà    ne    sera    pas,    car    toutes    les 
«    |)laces  (pie  le  Koi  diitlici  a  rcdiiiles  cl  mises 

i^cnlil    Ho\    Cliarles    par 
io\en,    ne     seront    point     reprises  par 
"   ses    ennemis,     eu    tant    (|u'il     l'era    diligeiiee 
«    pour   les  i;ardcr   )■ . 

domme  on  la  fait  judicieusement  ressor- 
tir du  texte  m("'nic  de  ce  passage,  Pereeval  de 
dagnv  a  sans  doute  confondu  les  deux  eliàleaux 
de  Beaulicu  et  de  licaure\oir  où  Jeanne  l'ut  successivement  prisonnière.  En 
effet,  l'incident  relatif  à  dompiègne  s'est  passé  à  Beaurevoir,  tandis  rpie 
Percexal  le  raconte  comme  s'ctant  |)assé  à  Beaulicu'. 

Jeanne  ctail  à  Arras  a\ant  la  lin  de  septembre  i  '|3o.  Prise  le  2/|  mai,  elle 
a  doue  passe  un  peu  plus  de  ipiatrc  mois  à  lîeaulieu.  En  tenanl  donc  com])le 
du  renseignement  donne  par  Pcrec\al  de  dagny,  il  y  aurait   lieu  de  supposer 

I.  Voir  à  CP  snict  riiiUM'cssaiilc  l'iiule  de  M.  l'ai)!)!'  V)chmn,  .h'niiiic  d' .tic  pnsoniiùrc  à  Arras. 
Al'raS,  iiiipriiiici'li'  do  la  SocirU'  du  l'ah-dc-Calals.  in- 12.  \o   pages. 


eu    Idhcissaiice    du 
mou 


«      IL    PUT    A     I.V     PEISr.,     IL    SEltA 
A    l'hONNEUK     U 

D'aiirès    la    statue    de    CAnAVAXIHZ . 

[Darbcdicniic   étUtctir,   à   Paris.) 


DE   BEÂULIEU  A   DIEPPE. 


»ii 


qu'elle   passa    une   sc-ina'mc   ou    deux   à   Bcaulicu    el   eusuilc   (jualre    mois   à 
Beaurevoir. 

Le  château  de  Beaulieu  où  Jeanne  fut  enfermée  par  Jean  de  Luxembourg  a 


L  KI'KE    DE    I.V    FBANCE 

D'iiprès  la  (K-iutiirc  de  l)i:nUEï,  xvn"  sirck-.   [Coltcciitui  i!c  M.  ch-  Hahiat  du  Lys.) 


été  deiruil;  a  peine  en  di'ineure-l-il  (piel(jues  restes  iiilornies,  ini  hout  di'  (ossé 
et  i\e\\\  épaulemenls.  Lue  maison  a  été  construite,  probablement  au  siècle 
dernier,  sur  remplacement  de  la  tour.  Il  reste  encore  nuv  [)artie  des  anciennes 


JEANNE  n\u(;  R  vcoxtEe  i'\r.   i;[\[\ge. 


caves  ou  1  on  voil 
l'oiiverture  con- 
damnée d'un  pas- 
sage souterrain  (|ui 
conduisait,  dil-on, 
aucliàlcaiideNesIe'. 
La  Iradilion  du 
séjour  de  Jeanne 
d'\rc  en  ces  lieuv 
csl  icsicc  Iles  \'\- 
\anlc  dans  la  popu- 
lation. Il  est  à  sou- 
liailer  <|ue  (|ucl(pie 
joui'  un  iiionnnicnU 
IVi(-il  modeste,  s'e- 
lc\c  sur  l'une  de 
CCS  ruines,  cl  rap- 
pelle le  lieu  de  la 
première  capli\ile 
de  la  libératrice. 

Jean  de  l,u\cm- 
liourg  s'i'lail  cnVaxe 
de  la  Icnlalivc  dé- 
\asion  (|u'a\ail  l'aile 
Jeanne.  Il  crnl  donc 
sat;e  de  l'eloiijner 
tlavanlagc  ài\  lliéàtrc  de  la  guerre  cl  l'envoxa  en  son  eliàleau  de  Beaurevoir, 
non  loin  de  (  lamhrai. 

Pendant  que  Jeanne  éprouvait  ces  Iraitements  de  la  pari  des  grands,  (piils 
fussent  du  ])arli  d'Angleterre  ou  de  celui  de  la  Erance,  le  peuple  lui  montrait 
un  dévouement  loucliant  cl  fidèle. 

I>a  nouvelle  de  sa  ca|)li\  ile  a\ail  ele  hienlol  icpandue  dans  les  provinces, 
cl  les  pelilcs  gens,  qui  l'avaient  aimée,  la  picniaicnl  cl  priaient  |)OUr  sa  déli- 
vrance. On  nous  a  conservé  le  texte  des  oraisons  (jui,  en  ccriains  jours,  se 
l'écitaient  à  la  messe. 


«     C  ETAIT   INi;    BONNE   EPKE   UE   GlERBE.    l'ROIMlE     l    DriNM  II    IlE    BONNES    BJIFFES    » 
l)':i|>ri'S  iiii   t.ililc.iu  ancMiMiic.  {Musée  il'Orlcaiis.) 


\oiis  (U'voiis  ces  rnisi'iL'iienii'iils  à    j'obliseanci'  cli>  ]M.  i'abbe   Bnillu'kMnv,  riiié  de  Bi  muIh  i 


DE   BEAULIEU  A   DIEPPE. 


3i3 


T>;i  c'apti\ité  de  Jeanne  n'était  pas  étroite  à  Beaurevoir  comme  elle  le  devait 
('•Ire  plus  tard.  Nous  savons  que  la  femme  et  la  lante  de  Jean  de  Luxembourg 
allaient  visiter  la  prisonnière.  Sans  doute  elles  se  plurent  à  atténuer  pour  elle, 
dans  la  mesure  qui  leur  fut  possible,  les  souffrances  de  la  prison. 

Désireuses  de  la  sauxer,  elles  l'exhoi-tèrent  à  quitter  son  babil  d'bomme; 
mais  Jeanne  ne  put  se  rendre  à  leur  piière. 

Les  visites  des  dame  cl  demoiselle  de  buxcmbouri^  furcnl  pour  Jeanne  un 
adoucissement  à  sa  eaplivilc.  Celle-ci,  du  ri'sic,  espérait  toujours  (pic  la  liberté 
ne  tarderait  pas 
pour  elle,  et  selon 
le  dicton  qui  lui 
c  t  a  i  l  fa  m  i  1  i  e  r  : 
K  Aille -toi.  Dieu 
l'aidera  »,  elle  étu- 
diait allcnti\cmenl 
les  moNcns  dont 
clic  pouvait  (lis[)o- 
ser  pour  éeliapjx'i' 
à  sa  prison. 

Le  si  le  de 
Luxemboiu'g  ne 
l'ignorait  pas  :  aussi 
l'aAail-il  fait  enfer- 
mer dans  une  touL' 
très  élevée.  Jeanne 
n'en  songeait  pas 
moins  à  l'évasion, 
si  périlleuse  fût- 
elle. 

La  seule  pen- 
sée d'être  livrée 
aux  Anglais  lui  fai- 
sait borreur.  Aussi, 
quoique  ses  voix, 
ainsi  qu'elle  le  dé- 
clara lilus  tard  au 

"     J  OlIUrs    Cl.s    AlllIKS     A    SAIST-UENIS,     l'AUCE    QUE    c'esT    LE    CKI    DE     IKANCE     » 

procès, insistassent  i)-.,pr,s  i,-  t.hic.u,  jo  m»-  ue  Chatillon.  (.v,««-  .k  r„«y,,%»c.) 

4o 


;5ii 


.IKAAXE   D'VIU:    RVCONTÉE   PAU    L'IMAGE. 


près  d'c'lli'  poiii-  l;i  «lélouniei-  de  toute  pensée  d'évasion,  y  songeait-elle  sans 
cesse. 

Un  jour  son  eliet'd'liùtel,  Jean  d'Aulon,  (}ui  ra\ail  suivie  dans  sa  eaptivité, 
lui  dit  que  ceux  de  Compiègne  allaient  être  massacrés  et  que  leur  ville  serait 
détruite  :  «  Comment  Dieu,  s'éeria-t-elle,  laisserait-il  mourir  ces  bonnes  gens 
de  Compiègne  fpii  ont  été  et  sont  si  loyaux  à  leur  Seigneur  », 

La  nuit  suixaute.allblée  par  celte  pensée  en  même  temps  (pic  parla  crainte 
d'être  leniisc  aux  Anglais,  elle  se  précipita  de  la  paitic  de  la  tour  ipi'elle  habi- 
tait, eu  passant  par  une  fenêtre  ce[)en(laut   l'ort  éle\ce  au-dessus  du  sol.  Elle 

tomba    et   demeura 

sans  mouvement. 
Un  la  crut  morte; 
elle  avait  perdu  la 
mémoire  et  l'on  eut 
peine  à  lui  la  ire 
comprendre  où  elle 
se  trou\ait. 

l'endanl  plu- 
sieurs jouis  Jeanne 
(ut  malade.  On  la 
soigna  :  il  importait 
de  ne  pas  |icrdie 
u\\  trésor  de  tel 
prix.  Elle  se  réta- 
blit. Sainte  Catherine  la  consola  cl  lui  proniil  (juc  Compiègne  serait  délivré. 
En  effet,  le  siège  fut  levé  le  2(')  octobre. 

Cette  nouvelle  tentative  d'évasion  elTraxa  da\antage  encoie  le  siie  de 
Luxembourg.  Aussi,  malgré  les  instances  de  sa  femme  et  de  sa  iillc,  liMa-l-il 
Jeanne  aux  Anglais. 

Elle  ne  leur  fut  point  toutefois  remise  dès  cette  époque,  mais  contluitc  de 
beaurcNoir  à  Arras.  (lela  dut  se  faire  vers  la  lin  de  scpteml)rc  i/j'io.  Jeanne 
passait  ainsi  des  mains  de  Jean  de  Luxembourg  à  celles  du  duc  de  Bourgogne, 
lequel  ne  devait  la  livrer  aux  Anglais  cjue  plus  taril. 

Mais,  comme  il  donnait  lui-même  désormais  garantie  à  l'endroit  de  la 
prisonnière,  les  Anglais  pouvaient  être  tranquilles.  Il  ne  lui  déplaisait  pas  sans 
doute,  au  lendemain  de  son  échec  sous  Compiègne,  de  prendre  sur  Jeanne  une 
sorte  de  revanche.  Au  moins  estimait-il  ne   pouvoir  négliger  cette  occasion 


VILLAGE   UE   IIEAUBEVOIU   ET  MO^UME^T  ELEVE  EN    L  HO>>ELK   UE  JEVNNE   U   lllC 
D'iq)i-t'S   une   pliotrif^riipliii'. 


DE    BEAULIEU   A   DIEPPE. 


3ij 


i*'- 


^^ 


ff /■  <; /. r_j u  JE u 


G3  I 


mMM. 


JIÎU    DE    L  Kl'OPEE    DE    JEVSNE    D  MU: 

Piihlii-  pni-  !'(  H'.iivi'i"  pnpnliiire  de  Je;innL>  d'Arc  (hSg',).  i^Roppurt,  cililcitr.') 


d'accroître  les  obligations  du  roi  d'Angleterre  envers  lui,  en  mellani  la  main 
dans  une  certaine  mesure  au  marché  qui  livrait  Jeanne  à  ses  ennemis. 

Il  poursuivait  ainsi  le  triste  lôle  auquel  il  clait  depuis  trop  longtemps 
fidèle  et  qui,  aux  yeux  de  l'histoire,  jette  sur  sa  personne  ime  noie  honteuse 
dont  son  souvenir  ne  se  hncra  jamais. 

On  ne  sait  pas  au  juste  où  la  Pucelle  fui  emprisonnée  à  Arras.  Quel(jues 
auteurs  prétendent  qu'elle  hil  jeh'c  dans  la  prison  du  flhàlelain,  où  on  lui  lit 
subir  des  interrogatoires'. 

(Hioique  sa  captivité  fùl  plus  étroite  encore  qu'à  BeaureAoir,cependanl  on 
lui  laissait  quelque  liberté  relative.  Elle  put  ainsi  écrire  aux  habitants  de 
Tournai  et  leur  demander  quelques  subsides.  Ceux-ci  étaient  fort  dévoués  à  la 
cause  du  Roi  et  plusieurs  fois  pendant  sa  campagne  elle  leur  avait  écrit. 

C'est  à  Arras  qu'elle  reçut  la  visite  d'un  gentilhomme,  Jehan  de  Pressy,  qui 
l'exhorta,  dit-elle,  à  quitter  ses  habits  d'homme. 


I.   Voir  sur  ce  sujet,  Jeanne  d\-lrc  à  Jrra.s,   par  INF.  l'iililié  Debout.  Laroclie,  Arras.   i8q4. 


3iG  JEANNE   DARC    RACONTÉE    PAR    L'IMAGE. 

Elk'  \   fui  aussi  \isitt'e  par  un  Ecossais,  qui  lui  lil  voir  son  j)orlrail. 

Il  est  difficile  de  dire  au  juste  de  comliicu  de  temps  fut  le  séjour  de  .Teainu- 
à  Arras.  On  croit  toutefois  qu'elle  ([uilla  celle  \ille  vers  la  nii-novemhrc,  pour 
être  conduili-  au  (!rolo\  en  passant  par  I)ruL;\.  Elle  aurait  donc  séjourne  à 
x\rras  pendant  deu\  mois. 

JjCS  habitants  de  celle  aIIIc  n'ont  |)as  oublie  les  liens  douloureux  (|ui 
unissent  à  leur  cité  le  souvenir  (le  .Icanne.  Des  fêles  commémoratives  \  oui  eu 
lieu  |)lusicin's  fois,  non  sans  éclal.  On  n'\  a  poini  loulclbis  ('■lc^('■  à  l'Iicroïnc  le 
monument  (pii  lui  sei'ait  si  bien  dii. 

Jcaïuie  ne  lit  que  ])asscr  par  l)ru^\.  ■  i^lle  \  passa  la  nuil  •',  dll  le  cluo- 
nicpieur  Jean  de  la  Cliapclle'. 

Nous  n'a^()ns  pas  ])lus  de  rcnscii^ncnicnls  sur  le  séjour  de  Jeanne  d'  Vrc  au 
C.rolox  (|uc  sur  celui  (pi'cllc  (Il  à  ilcaurcNoir  ou  à  Arras.  ('.'es!  cliose  lâcheuse. 
En  lonic  celle  aoIc  douloureuse  (pii  nièuc  noire  \encrablc  hcronic  de  (  loni- 
piègnc  à  Rouen,  il  sérail  bon  de  la  suivre,  d'assister  à  cel  inliiiic  entrelien 
qu'elle  avait  a\cc  ellc-niènic  au  souxenir  (\i-  son  passe. 

i'ounjuoi  les  murs  de  sa  prison  ne  sont-ils  plus,  et  (pic  ne  pou\'ons-nons 
aller  xcnerer  ces  picri'cs  leinonis  de  ses  Ioniques  journées  solilaires  cl  de  ses 
nuits  sans  sommeil  ! 


«mT<|« 


Ee  souNcnir  de  Jeaimc  et  île  ses  ('pieux es  domine  la  plage  coquette  et 
calme  du  (aotox.  Ea  bourgade  s'avance  en  proinoiiloirc  domiiianl  la  mer.  Le 
port  est  situé  à  rcmbonchiirc  de  la  Somme,  l  n  bras  de  mer  d'einiron  une 
lieue  de  largeur  le  sépare  de  laiilre  rixe,  sur  laipiclle  on  découvre,  coquellement 
eam|)é,  Saint-\  alérv-sur-Somme. 

L'horizon  s'étend  avec  une  grâce  infinie  au  nord  jiis(prau\  (ôlcs  de 
Normandie,  au  midi  en  une  chaîne  de  collines  longues  et  adoucies  jus(|ii'au 
fond  de  l'anse,  en  laissant  voir  au  loin  les  hauteurs  (pii  dominent  Abbevillc. 

Sur  la  rive  même,  au  milieu  d'un  bouquet  d'arbres,  la  municipalité  cl 
les  habitants,  avec  le  concours  du  gouvernemeiil  f'iaïK'ais,  ont  élevé  ut)  monu- 
ment à  l'hëroïile  qui  fui  captive  en  leurs  murs. 

Le  piédestal  est  en  pierre  du  pavs;  la  statue,  u\)  peu  plus  grande  (|ue 
nature,  est  en  bronze.   Jeanne  v    est  assise,    enchainée.  Son   regard   triste   cl 

I.  Voir  Quicheral,  t.  V,  p.  36o  à  ^fi5. 


DE   BEAULIEU   A   DIEPPE. 


profond  sonde  l'horizon,  et  semlile  déjà  dire  à  Ronen,  e;iolié  là-lws,  derrière 
les  collines  bleues,  ce  qu'elle  disait  à  la  \eille  do  sa  mort  :  <•  ()  Rouen,  seras-Ui 
ma  dernière  demeure?  » 

Perdue  en  ce  coin  de  pa\s  retiré,  celte  statue  est  peu  coninie  el  par  suite 
peu  renonnnée.  T. es 
images  qui  en  ont  été 
faites  sont  d'ailleurs 
médiocres.  Elle  est 
digne  cependant  de 
ligurer  aux  premiers 
rangs  parmi  les  œu- 
vres il'art  consacrées 
à  Jeanne  d'Arc'. 

L'expression  de 
la  pinsionomie  est 
l'orl  saisissante;  elle 
est  d'une  heauté 
égale,  ^  uc  de  l'ace  ou 
de  côté.  On  ne  sau- 
rai! micu\  rendre  la 
douleur  de  l'infortu- 
u(''e  victime,  retenue 
là  pendant  plusieurs 
mois,  en  une  capli- 
vit('  relativement 
douce  toutefois,  puis- 
que les  dames  d'Ah- 
heville  pui'cnt  sou- 
vent aller  visiter 
Jeanne,      et     qu'on     lui     accordait     la     permission     d'entendre     la     messe. 

Jeanne  dut  bientôt  quitter  ces  lieux  et  ce  ne  fut  pas  sans  angoisse.  Ou  la 
livra  (U'finitivement  aux  Anglais.  A  la  place  même  ou  la  statue  s'élève,  on  la  lit 
monter  dans  ime  barque  avec  les  fers  aux  mains.  Singulier  jeu  de  la  fortune, 
on  la  débarqua  à  Saint-^'alérv,  en  face,   précisément  à  l'endroit  d'où,  fpiatre 

1.  Cette  statue   est  l'œuvre  du  siatiiiiire  Fosse,  originaire  des  environs  d'Amiens. 

2.  Une  tradition  locale  prétend  que  Jeanne  d'Arc  aurait  habité  cette  tour  pejidaul  une  nnil;  à 
i-c  llue  nous  en  donnons  la  vue,  sans  nous  prononcer  sur  sa  valeur. 


TOUR    SAINT-LUCIEN    A    BEAI'VMS^ 


3i8 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


cents  ans  plus  tôt,  était  parti  Guillaume  le  Conquérant  avec  quarante  voiles 
pour  la  conquête  de  cette  terre  anglaise  qui  aujourd'hui  semhiail  |)rendre 
une  cruelle  revanche  en  arrachant  an  sol  français  sa  fleur  la  plus  belle  et  la  plus 
touchante,  déjà  flétrie  par  la  souH'rance  et  la  captivité. 

Quiconque  a  le  culte  de  la  mémoire  de  Jeanne  d'Arc  doit  vénérer  ces 
lieux;  ils  comptent  parmi  ceux  que  la  présence  de  l'héroïne  a  consacrés. 

Un  historien  nous  dit  que  lorsque  les  dames  d' Vbhcville  venaient  au 
Crotov  visiter  Jeanne,  elle  les  «  baisait  amiablcment  »  et  en  les  quittant  leur 
disait  :  «  A  Dieu!  » 

De  Saint-Valéry,  Jeanne  fui  conduite  à  cheval  el  sous  bonne  i^a rde  à  En; 
elle  ne  fit  qu'v  passer  et  fut  diiigéc  sur  Dieppe. 

En  chemin  elle  faillit  périr  et  quel([ues  \nglais  voului-ent  la  noyer.  Ils 
eslimaienl  n'aNoir  nulle  sécurité  tant  (juc  la  l'nccllc  serait  encoie  en  \\v.  Alais 
il  ne  suffisait  pas  pour  leur  \cni;eancc  de  la  tuei',  il  fallait  souiller  sa  incmoii'c 
en  la  mettant  à  mort  comme  une  criminelle. 

Jcaime  quitta  donc  Dieppe  saine  et  sauve  cl  arri\a  à  Rouen.  C'est  là 
qu'elle  devait  mourir. 


JE4?i  NE    D  ARC 

Mcilaillc  de  DoM.vnn  (iSal). 


'^y^' 
f 


■'^^^4:i"  Jifl^ 


Wi  ; 


JEANNE    INSULTEE    DANS    SA    PBISON    A    BOUEN 

D'après  im  dessin  de  Vital-Dubray.  [Musée  Jeanne  d\-lrc^  n  Orléaus.) 


IX 


ROUEN 


JEANNE   EN   PRISON   —   SON    PROCÈS 


L'avoiekai-.ii:?  J'ainu'iais  Ici- 
miner  ici  ccllf  fliiilc  de  la 
(le  Jeanne  d'Arc  et  laisser  dans  l'ombre 
dciiiici'  cl  douloureux    épisode    dans 
ucl  \  icnnent  s'aJM'mer  tant  de  jeunesse, 
1    de   grâce,    tant    de    génie    et  une  si 
lute  vertu. 

Ce  long  et  inique  procès  qu'elle  va 
)ir,  cette  dure  prison  où  on  l'enferme 
l'où  elle  ne  sort  que  pour  aller  devant 
ce  tribunal  indigne  de  la  juger,  celte 
lente  agonie,  les  révoltes  généreuses 
et  fières  de  la  victime,  les  lâches  et 
menteuses  menées  des  bourreaux,  cet 
évêque,  ces  docleins,  prêtres  et  moines,  ces  soixante  hommes  tous  revêtus 
d'un  caractère  sacré  qu'ils  oublient  et,  seule  devant  eux  tous,  cette  enfant  de 
di\-iieur  ans  défendant  pied  à  pied  la  justice  de  sa  cause,  son  honneur  et  sa 


JEANNE    D  AKC    DEVANT    SES    JUtiES 

D'après    la    miniature    d'un   manuscrit    latiu 
di-   la   fin    ilu   XV''   siècle. 


320 


JEANNE   D'ARC    RACONTÉE    PAR    L'IMAGE. 


vie;  ses  fières  paroles  d'une  part,  ses  lamentations  douces  et  tristes  de  l'aulie, 
son  horreur  du  bûcher,  son  effroi  de  la  mort,  son  affolement  tlevanl  la  torture, 
sa  défaillance  passagère,  })uis  son  relèvement,  son  supplice  et  ses  dernières 
paroles,  tout  cela  me   navre. 

J'en  ai  vingt  fois  interrompu  le  i('cil  ([iiaïKl  j'en  faisais  la  lecture,  n'a\anl 
pas  le  courage  d'aller  jus(prau  houl,  laul  mon  (-(l'iu'  defaillail  en  sui\aiil 
l'angélique  et  uohic  \  ietime  en  celle  \()ie  douloureuse. 

Comment  éciirai-je  ce  que  je  n'ai  pas  niciiic  pu  lire  ([uand  d'aulrcs 
l'avaient  écrit?... 

Qu'on  ne  m'accuse  pas  ici  de  feinte  cl  (l'liai)ilclc.  (  hi'on  n'cslinie  pas  que 

je  nie  \()U(lrais  (k-roher  à  la 
rude  cl  Irisic  lâche  de  juger 
comme  ils  le  méritent  les 
liomuics  (jui  oui  si  odii'usc- 
nicul  condanuic  Jcaïuic. 

Ceux  (|ui  oui  lu  les 
p;igi's  (pii  pi'cccdcul  celles- 
ci,  m'accorderont  ce  témoi- 
guag<Mpic  je  n'ai  point  reculé 
(lc\anl  le  (lc\  oir  de  l'Iiislo- 
rieu.  (|uau(l  p(»ur  le  rcui- 
|ilii'  il  ma  l'allu  mar(picr 
d'uni'  jusic  infamie  ccuv 
(lUc   j'eusse  eu  laul  de  joie  à  saUu'r  comme  des   hommes  de  Meii. 

Mais  je  ^()udl■ais,  je  le  confesse,  <pie  l'on  elfacàl  de  l'Iiisloirc  de  iiolic  paxs 
ei'lle  page  de  dcslionncur.  .le  \  oudrais  (lu'eiil  ic  Ions  les  bons  Français  —  W  \  eu 
a  lanl  !  —  il  fût  conv  enu  (pi'im  ^oile  de  silence  et  d'oubli  eou\  rira  ilésormais 
ce  drame,  plus  que  sanglaul  |>uis(pril  est  ignoble. 

Ce  sont  des  gens  d'Église,  —  il  est  vrai  et  je  voudrais  l'ignorer,  —  (jui  ont 
trem|)é  presque  seuls,  sous  la  pression  de  1'  \uglais,  dans  cel  allenlat.  Mais  ces 
gens  d'Église  étaient   aussi  gens   de  France. 

J'aimerais  que  nul  ne  l'oubliât  parmi  nous,  (pion  ne  se  fit  pas  contre 
la  religion  une  force  de  ce  qui  déshonore  la  pairie,  cl  ([uc,  dans  une  trè\e 
durable,  il  fût  entendu  que,  sous  les  yeux  de  cette  mère  qui  est  la  France, 
nous  ne  nous  jetterons  plus  à  la  faee,  par  haine  de  parti,  des  injures  et  des 
sarcasmes  qui  l'atteignent  elle-même  dans  la  mesure  où  elles  atteignent  chacun 
de  ceux  qui  les  subissent. 


COMMENT    I.KS    ANGHIS    riKKM     l'KUIK    J.V    l'I  l,Ll,l.i; 

D'aillés    une    miul;iture    liii'c    (les    Vigiles   <lc    Charles  Vil. 


/ 


ROUEN. 


3^2  i 


Au  moins,  puisque  le 
silence  n'est  pus  possible, 
contentons -nous  de  par- 
courir rapidement  cette 
triste  carrièi'c  et  de  résumer 
les  événements  dans  la  me- 
sure exacte  où  il  le  faut  fiure 
pour  que  riiistf)irc  trouAC 
son  complc. 

Parmi  les  témoins  cités 
au  procès  de  réiiabilitation, 
en  i/ijG,  fii,nu'e  Guillaume 
Manclion,  (pii  aAait  ('t('  le 
greffier  principal  au  |)rocès 
de  Rouen.  INé  en  i  igS,  il 
avait  trente-six  ans  à  l'é- 
poque de  la  mort  de  la 
J'ucelle  ;  il  eu  axait  donc 
soixante- deii\  lors  de  la 
réhahililalioi). 

Sa  d(''|)osition  est  rem- 
plie de  détails  du  plus  liant 
intérêt  et  respire  une  sin- 
cérité qii'atleuue  à  |)eiiie  le 
secret  et  naturel  désir  de  n'accahler  point  sans  iiierci  des  juges  (|u'il  con- 
damne évidemmeni,  mais  dont  il  lut  riMlcrprcle  oblige  cl  le  collaboialcur  plus 
ou  moins  résigne. 

A  Rouen,  du  reste,  (pioi(|iu'  soii\cnt  l'Iliaxe  des  \iolenccs  de  (lauclion,  il 
n'avait  pas  dissiinuli'  les  svmpalliies  (pi'il  éprouvait  pour  la  \ictimc  de 
révè(|uc  de  llcaiixais.  Il  leur  donna  u]}  libii'  cours  (|uand,  \ingl-si\  ans  plus 
tard,  il  l'ut  appelé  à  témoigner  à  l'endroil  de  la  l'uccllc  et  de  ses  juges. 

Nous  citerons  (pielques  passages  importants  de  sa  déposition;  ils  ont  une 
éloquence  simple  et  persuasi\  e. 

«  Je  n'ai  connu,  dit-il,  ni  le  père  ni  la  mère  de  Jeanne,  ni  aucun  de  ses 
parents.  Elle-même,  je  ne  l'ai  couiuie  qu'à  l'époque  où  elle  fut  amenée  à 
Rouen. 

«   On  disait  qu'elle  avait  été  prise   dans  le  diocèse  de  lieauvais.   Pierre 

4i 


i.c  DEiiMEU  jorii   1)1.  jkvnm:   i>  mu: 

D'apr-ès  une  lithogr.iphie  de  Cklestin  Nanteuil  pour  lu  titre 

(rua  niurcfaii  de  imisiipie.   (/  "  liichaud,  tlditcur.^ 


322 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


JEANNE    PHISONNIEllE 


Caut'hon  en  tira  prétcxle  |)()iir  se  la  faire  livrer.  Il  éeriNit  laiil  au 
roi    d'AiigleteiTe  et  au  dur  de  Bourgogne,  (ju'enfln   il  l'ohlint  en 
éehange  d'une  rente  annuelle  de  trois  eents  li^res  et  d'une  somme 
(k-    mille  éeus  donnée   au    nom    i\u    roi    d'  Vngleteire  à    l'homme 
tl'aiines  du  duc  de  liourgogne  ([ui  axait  fait  .Teaniie  prisonnière. 
«  Monseigneur  de  Beaux  ais  et  les  maîtres  (ju'on  lit  M'uir 
de  l'aris,  et  les  Anglais,  à  l'instanee  desquels  fut  mené  tout 
le  procès,  procédèrent  par  haine.  Ils  ne  pardonnaient  pas 
à  Jeanne  d'avoir  combattu  le  parti    anglais    et,   en  la 
frappant,   ils  voulaient  atteindre  le  Hoi  de  France. 
«   Je  ne  veux  pas  iliri'  ([ue  tous  ceux  (|ui  oui  jugé  Jeanne 
aient  ohéi   à    des  sentimeuls    de    haine.    J^à-dessus  je    m'en 

ra|)|)orte  à  leur  conscience 

<'  Si  Jeanne  lui  conduite  à  Houen  cl  non  à  Paiis,  c'est 
(iiic  le  roi  d' ^nglclcnc  el  ses  princi|)aux  conseillers  elaicnl  alors 
à  Rouen. 

«  On  m'obligea  à  |)reudi'e  part  au  procès  comme  greffier. 
Je  le  fis  bien  maigre  moi.  Mais  je  n'aurais  pas  os(''  résister 
à  un  ordre  des  seigneurs  du  conseil  ro\al. 

"   C'(''laienl  les  Anglais  (|ui  |)oursuivaient  le  procès  et 
il  eut  lieu  à  leurs  frais.    Ce  n'est  pas  à  dire  que  l'évèque 


uapiTs  i.T  statue  de  lîAnniAs,     ,|(.  Bcauvais  OU  Ic  promotcur  aient  cédé  à  une  pression  de 

érigée   îi    Uuiierl. 

la  part  des  \nglais.  Ils  s'aecjuillèrcnl  (\r  Icin-  besogne  bien 
volontairement.  Je  n'en  dirai  pas  autant  des  assesseurs  et  des  autres  conseillers. 
Ils  n'auraient  pas  osé  l'aire  de  l'opposition;  et  il  n'\  en  avait  pas  un  qui  ne 
fût  en  crainte.  » 


4^ 


Manchon  ne  récrimine  point  avec  véhémence,  il  ne  met  dans  son  récit 
nulle  amertume;  mais  il  n'en  fait  pas  moins  la  part  d'iui  chacun.  Il  avoue  sa 
propre  crainte,  la  couardise  de  la  plupart  des  assesseurs,  la  pression  exercée 
par  les  Anglais  sur  eux,  et  la  haine  doublée  de  cupidité  et  d'ambition  que 
dès  le  premier  jour  Cauchon  apporte  en  la  cause. 

Laissons-le  parler  encore  ;  il  y  a  profit  à  l'entendre.  «  Au  commence- 
ment tlu  procès,  continue-t-il,  eut  lieu  une  réunion  où  étaient  le  seigneur 
évêque  de  Beauvais,  l'ablié  de  Fécamp,  maître  Nicolas  Lovseleur  et  plusieurs 
autres,  dans  luie  maison  près  du  château.  J'v   fus  mandé  et  l'évèque  me  dit  : 


ROUEN. 


323 


I'  Il  vous  faut  l)ieu  servir  le  roi.  Nous  avons  rinlcnlion  de  Taire  un  l)cau 
«  procès  contre  cette  Jeanne'.  Avisez  un  autre  greffier  qui  vous  assiste  ».  — 
Je  nommai  Boisguillaume  cl  il  nie  (ut  adjoint. 

«  Ayant  été  ainsi  greffier  au  procès,  j'ai  l)ien  connu  Jeanne.  A  ce  qu'il 
me  semblait,  elle  était  tiès  simple,  et  cependant  dans  ses  réponses  il  y 
avait  maintes  fois  beaucoup  de  sagesse  à  côté  de  pas  mal  de  simplicité.  A  mon 
avis,  il  était  impossible  que,  dans  une  cause  si  difficile,  elle  suffit  elle- 
même  à  se  défendre  contre  de  si  grands  docteurs,  si  elle  n'eût  été  inspirée. 


ANCIKN     CHATKAU     UE    ROUEN 
D'.inrcs   ml   m;miiscrit   conservé   à   lii    mairie   de   Rouen. 


«  (lliacun  ci"iignait  de  déplaire  à  l'évcque  et  aux   \nglais.   \iiisi,  après 

le  commeiiccmenl  du  procès,  maître  Jean  Loliicr,  n()lal)l(' clerc  Mormaiid,  vint 
à  Rouen.  L'évè(juc  île  lk'au\ais  le  manda  et  l'invita  à  dire  son  opinion  sur  le 
procès  de  Jeanne.  Quelle  réponse  fit-il  à  l'évêque?  Je  l'ignore,  n'ayant  pas  été 
présent.  Mais  le  lendemain  je  iciicontrai  maître  Lohier  et  je  lui  demandai  : 
«  A\ez-vous  vu  le  procès?  —  ,Ic  l'ai  \u,  me  répondit-il.  Comme  ji'  l'ai  dit  à 
"  ré\èque,  ce  procès  ne  \aiil  rien.  Impossible  de  le  soutenir,  pour  plusieurs 
«  raisons  ».  (Ici  Manclion  développe  longuement  ces  raisons,  d'aj)rès  les  i)aroles 
de  Lohier.  )  Lohier,  reprend-il,  ajouta  :  i<  ^'ous  voyez  comme  ils  procèdent.  Ils 


I.    Centra  istain  Joltannatn, 


32|        JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

«  la  preiuliont,  s'ils  peuvent,  par  ses  paroles.  Ils  tireront  a\aiitai;e  des  asser- 

«  lions  où  elle  dit  :  «  Je  suis  certaine  ",  au  sujet  des  apparitions.  INlais  si  elle 

«  disait  :  «   il  me  semble  »,  m'est  avis  qu'il  n'est   honniie  qui   la   pût   eon- 

«  damner.  Je  m'aperçois  bien  qu'ils  ai;issent  plus  pai-  liaiue  (|ue  pai'  loul  autre 

<<  sentiment.  Ils  ont  l'inlenlioii  de  fair»'  mourir  Jeanne,  \ussi  ne  me  liendrai-je 

«  plus  iei.  Ji'  ni'\cu\  plus  \  èlic.  ( 'e  (jue  je  dis  deplail.  » 

«De  l'ait,  3Iiir  de  P)eau^ais  elail   l'orl    indiijne  conlic  ledil    l.oliicr.  >'(;ui- 


l'Hociis  ur.  JF.A>M-;  i>  Aiu; 
l)"iij>r('5   uni'   Iitli()gr;t|>liic   ilr   Ciias^elat,    1S20. 


moins  il  ra\ail  picsse  de  demeurer  pour  ^oir  la  eoiiduile  du  piocès;  à  (pioi 

Loliier  réponilit  qu'il  ne  demeurerait  [joint «  Voilà  Loliier,  disait  Cauelion, 

«  qui  nous  veut  Ijailler  belles  interloeutions  en  notre  procès.  Il  veut  tout 
«  calomnier  et  dit  que  le  procès  ne  vaut  rien...;  on  voit  bien  de  ([uel  pied  il 
«  cloche.  Par  saint  Jean!  nous  n'en  ferons  rien;  mais  continuerons  notre 
«   procès  comme  il  est  commencé.  » 

«  Ce  jour  même,  Lohier  quitta  Rouen.  Il  n'aurait  plus  osé  rester  en  cette 
ville,  sous  l'autorité  des  Anglais.  « 

Ces  témoignages  rendus  par  Manchon  ilonnent  un  \  i\  ant  tableau  de  ce  qui 
se  passa  à  Rouen  au  début  du  procès. 


ROUEN. 


325 


Clauchon  en  csf 
ràiue,  les  Anglais  soni 
derrière  lui  et  donnent 
il  sa  haine  la  puissance 
d'intimidation  qu'il 
n'eùl  pas  eue  sans  eux. 
Quelques  hommes, 
amis  et  confidents  de 
(lauchon ,  sortis  de 
Beau  vais  avec  lui,  se- 
condent ses  machina- 
tions; les  autres,  pris 
de  peur  à  l'endroit 
de  leur  sécurité  ,  ou 
(nient  loin  de  Rouen, 
ou  se  soumettent  lâ- 
chement à  ce  qu'on 
exige  d'eux. 

I*cr|)etuelle  his- 
toire de  l'humanité,  où 
les  grandes  iniquités 
soLil  toujours  l'œuvre 
tie  quelques  scélérats 
qui  osent  et  des  faihies 
qui  tremblent  et  les 
suixent. 

Chaque   fois  que, 

pendant  le  procès,  l'un  des  juges  essaya  de  défendre  .Teanne  ou  même  de 
réclamei'  en  sa  faxeui'  (juchpie  légitime  moililicalion  à  la  procédure,  (lauchon 
s'emporta. 

Il  alla  parfois  jusqu'à  les  menacer  de  mort  ou  de  prison. 

L'Anglais  Stall'ord  était  là  poiu'  seconiler  l'évèque  île  Hcauxais,  cl  un 
jour,  au  témoignage  de  Manchon,  il  poursuivit,  l'épée  nue,  jusque  dans  la 
chapelle,  un  des  docteurs,  coupable  d'avoir  parlé  de  Jeanne  avec  quelque 
intérêt. 

Assurément  de  tels  incidents  ne  justifient  pas  le  crime  de  ceux  qui  ont 
condamné  Jeanne  d'Arc,  mais  il  est  juste   de  reconnaître  qu'ils  atténuent  b 


lui  11    UL     IL  1     KMiaiMlili    Jli.VNMi    U  ,VUC    A    HOUliN    (lilAT    .VCTLlil.J 

D'après  une  pliotogi-aphic. 


326        JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

loiiitir  it'sjioiisiihililc  (jiii  leur  iiicoinljc  et  cxpliciiR'iil  It-iu'  eoiuliiilc  s'ils  lie 
l'excusent  pas  dans  quelque  mesure. 

Écoulons  encore  Guillaume  Manchon,  son  témoignaijc  nous  iiisliiiil. 
«  Parmi  les  docteurs  les  plus  alTeclés  contre  .leaunc,  dit-il,  j'ai  reinar(jiié 
Beaupère,  Midi  et  Jacques  de  Tourainc.  J'ajouterai  Loiscleur.  Alaitre  Nicolas 
Loiseleur  était  un  familier  de  l'évèijue  de  Beau\ais  et  tenait  extrêmement  le 
parti  des  Anglais.  Il  se  fit  passer  auprès  de  Jeanne  comme  étant  de  son  pays 
et  ainsi  trouva  moyen  d'avoir  familiarité  et  conversation  avec  elle. 

«  Mon  confrère  Boisguillaume  et  moi  nous  fûmes  avisés  de  la  cliose 
par  le  seigneur  de  V\  arwick,  l'évètjne  de  Beau  vais  et  Maître  Loiseleur.  Ils  nous 
disaient  :  «  Cette  Jeanne  dit  merveilles  sur  des  apparitions.  Pour  savoir  plus  à 
plein  la  vérité  de  la  bouche,  nous  nous  sommes  avisés  de  ceci  :  Maître 
Nicolas  feindra  qu'il  est  Lorrain  et  du  parti  de  Jeanne;  il  entrera  dans  la 
prison  en  haiiit  laïque;  les  gardes  se  retireront,  on  les  laissera  seuls.    » 

«  Il  y  avait  dans  la  chamhre  voisiiu'  nue  ouverture  faite  e\|)rès  où  on 
nous  fit  placer,  mon  confrère  et  moi,  pour  ciilcndrc  ce  (|ue  dirait  Jeanne  — 
L'évêque  et  le  comte  nous  dirent  d'enregistrer  les  réponses  faites  par  Jeanne; 
mais  je  ré|)ondis  (|ue  cela  ne  devait  pas  se  faire  cl  qu'il  n'c-tail  |)as  honnête 
d'enregistrer  ainsi  le  procès 

«   Jeanne  avait  graiulc  coiiliance   en  Loiseleur,  si   hieii  (|ue  plusieurs 

fois  il  l'ouït  eu  confession.  Il  n'était  pas  permis  à  Jeanne  de  se  confesser  à 
personne  (ju  à  lui.  » 

Il  semble  ditlicilc  d'imaginer  une  traîne  plus  honteuse  (pic  celle  île  ces 
trois  hommes  conirc  leur  iiiforlnuée  capti\e. 

<'  Bien  des  fois,  en  écrivant  le  |)rocès,  j'eus  à  subir  les  réprimandes  de 
l'évêque  de  Beauvais  et  de  di\ers  maîtres.  Ils  Noulaienl  me  forcer  à  écrire 
selon  leur  imagination  et  contrairement  à  ce  (pie  Jeanne  avait  en  tète  de  dire; 
et  quand  il  y  avait  quelque  chose  (pii  ne  leur  plaisait  point,  ils  défeudaient 
(-II.'  l'écrire,  en  dis;int  que  cela  ne  servait  point  au  procès. 

«  Pendant  les  cinq  ou  six  piemiers  jours  notamment,  comme  je  consignais 
j»ar  écrit  les  réponses  de  Jeanne  sans  rien  omettre  de  ce  (pii  l'excusait,  les 
juges  voulurent  a  plusieurs  reprises  me  coniraindreà  modifier  ma  rédaction. 
Ils  me  disaient  en  latin  d'einplover  d'autres  termes,  de  façon  à  changer  le 
sens  des  paroles  et  à  rédiger  autre  chose  que  ce  (pie  j'entendais.  Mais  je 
n'écrivis  jamais  que  selon  mon  entendement  et  ma  conscience.  » 

Voilà  donc  dans  quelles  conditions  fut  commencé  et  conduit  cet  ini(pie 
procès.  On  voit  par  là  d'avance  ce  que  vaudra  la  sentence. 


ROUEN. 


32' 


Manchon  nous  donne  aussi  quelques  détails  sur  les  conditions  de  lu 
capti\ilé  de  Jeanne  d'Arc.  Ils  sont  douloureux. 

«  Un  jour,  dit-il,  l'évêque  de  Beauvais  et  le  comte  de  Warwick  et  moi, 
nous  entrâmes  dans  la  prison  où  était  Jeanne,  et  nous  la  trouvâmes  les  deux 
pieds  dans   les   fers.   Il  parait,   d'après  ce  que  j'ouïs  dire   alors,  que  la   Tiuit 


CopyiiBhl,  1X95] 


[far  llarj-tr  lifies. 


INTEIUIOGATOIBE    DE    JEANNE 

D'après  le  tableau  de  Dumonï  publié  dans  le  Harpcr's  Magazine 


elle  (Mail  attachée  par  une  chaîne  de  fer  (|ui  lui  ceignait  le  corps;  mais  je 
ne  l'ai  pas  vue  attachée  ainsi.  Il  n'y  avait  dans  la  prison  ni  lit,  ni  ohjel 
de  literie,  mais  cpiatre  ou  cinq  misérahles  individus,  qui  étaient  ses  gar- 
diens. » 

Voici  encore  quelques  détails  sur  la  conduite  du  procès  :  «  On  fatiguait 
Jeanne  par  des  interrogations  multiples  et  diverses.  Presque  chaque  jour 
avaient  lieu  le  matin  des  interrogatoires  qui  se  prolongeaient  trois  ou  quatre 
lieiMcs,  et,  maintes  fois,  de  ce  qu'avait  dit  Jeanne  le  matin,  on  extrayait  la 


328 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


matière   de  questions  difficiles  et  subtiles  qui  servaient  à  l'interroger  encore 
l'après-dinée  pendant  deux  ou  trois  heures. 

'<  On  ne  cessait  de  changer  de  sujet  el  de  passer  d'une  question  à  une 
autre.  En  dépit  de  ces  va-et-vicnl,  Jeanne  repondait  prudemment.  Elle  avait 
une  très  grande  mémoire.  «  Je  vous  ai  déjà  rc'pondu  là-dessus  »,  disait-elle 
bien  souvent;  et  elle  ajoutait,  voulant  parler  de  moi  :  «  Je  m'en  ra|)|)orle  au 
(c   clerc  '   '• . 

Parmi  les  témoins  du  procès  de  rcliabililalion  lii^urc  encore  Jean  Alas- 
sieu  :  son  témoignage  est  plein  (rinlérèl.  Aiicii'U  curé  de  l'une  des  <l(''pen- 
dances  de  l'église  paroissiale  de  Saint-t;ande-le-\  ieu\  à  lioiien,  il  axait  rempli 
les  fonctions  d'huissier  dans  le  procès  de  la  Piiccllc.  il  la  ^it  cl  rciiliclint 
sonxcnl  et  ne  néi;ligea  nulle  occasion  de  lui  montrer  son  dc\ouemcnt  dans  la 
mesure  où  la  chose  lui  (Mail  possible;  il  ne  la  (piitta  sur  le  bûcher  qu'au 
dernier  moment. 

Nous    ne    citerons    pas    loni^ncment    son    t('moignage,    lequel    concortle 

toujours  a\('c  celui  de  (luil- 
laume  Manchon. 

Citons  tonlclois  le  |>as- 
sage  suixani  ou  nous  est 
raconte  l'un  des  incidents  les 
plus  ("mouxants  de  la  capti- 
X  itc  (]('  Jeanne. 

K  Une  fois,  comme 
je  la  conduisais  devant  les 
juives,  Jeanne  me  demanda 
s'il  n'x  axait  |)as  sui'  le  che- 
min (picl(|nc  cL;lisc  ou  cha- 
pelle dans  hupicllc  liit  le 
corpsdcNoIrc-î'cigncurJcsus- 
Christ.  Je  lui  repondis  oui 
et  lui  montrai  ime  cha|)elle 
située  au-dessous  du  château, 
prcs  de  notre  chemin. 

<<  Alors  Jeanne  me  re- 
(piil    très  instamment    de   la 


CAPTIVITE    DE    JEANKE    D  ARC 

D'après  le  tableau  de  Ducis  (1824}. 


I.   J.    F.ibre,    Proccs  de  it'/iahili- 
lalioii,  t.  Il,  piiisim. 


l'.Ol  K\. 


329 


faire  passer  (l('^a^l  la  clia- 
pelle  |)()ur  (jii'clli'  a  pût  sa- 
luer Dieu  el  prier.  .T\  eon- 
senlis  Aolonliers  et  la  laissai 
s'agenouiller  en  faee  de  la 
ehapelle.  Inclinée  à  terre, 
Jeanne  fit  (k-votement  son 
oraison.  Le  fait  étant  arriAc 
aux  oreilles  de  Mgr  de  Beau- 
vais,  il  en  fut  mécontent  el 
m'ordonna  de  ne  plus  tolérer 
à   l'aNcnir  de  telles  oiaisons. 

«  De  son  cote,  le  pro- 
moteur Bénédicte  m'adressa 
maintes  réprimandes  : 

('  Truand,  me  disait-il, 
<f  (jui  le  l'ail  si  hardi  de  lais- 
«  ser  approcher  de  l'église, 
»  sans  permission,  celle  mi- 
«  sérahie  exeommuniee?  Je 
«  le  ferai  melire  en  telle  lour 
«  que  lu  ne  \ erras  ni  lime  ni 
«  soleil  d'ici  à  un  mois,  si  lu 
('  le  fiis  encore.  "  ■■  PourlanI  je  n'ohcis  point  à  celle  menace.  Le  dit  promo- 
teur, s'en  clanl  a|)ercu,  se  mit  pai'  plusieurs  lois  ilevanlla  porte  de  la  chapelle, 
entre  Jeatme  el  moi,  pour  empêcher  cpTclle  ne  fit,  ses  oraisons  dcAanl  la  dite 
chapelle.  » 

Quelle  scène!  Jeanne,  abandonnée  des  hommes,  cherehe  en  Dieu  son 
secours.  Elle  demande  s'il  \  a  «  sur  le  chemin  »  quelque  église  ou  ehapelle. 
On  l'y  conduit  liulivemenl  ;  elle  ne  peut  \  entrer.  Pourtant  elle  xeut  «  saluer 
Dieu  el  le  prier  ».  Elle  tombe  à  genoux  devani  la  porte  fermée  du  temple  et, 
ne  |)ouvanl  aller  jus{|u'au  sanctuaire,  elle  baise  le  seuil;  «  inclinée  à  terre,  elle 
fait  dévotement  son  oraison  ». 

Deux  honnnes  s'en  indignent  :  c'est  l'évèque  de  Beauvais  et  Bénédicte,  le 
promoteur.  Ils  menacent  Massieu  pour  avoir  octroyé  à  l'infortunée  cette  conso- 
lation, et,  cachant  leur  inavouable  haine  sous  le  manteau  de  la  foi  et  du  respect 
pour  le  lieu  saint,  ils  reprennent  el  menacent  de  prison  ce  «  Irnand  cjui,  sans 


INTl'llIlDCMCinn.    I>li    JI,\NM-:    V\H    1.  KMiQlIli    CMICHON 

l/aprrs   imc*    eau-forte    (le   lllDA,  extraite  de  Jeanne  ti'.-lrc, 
par  MlciiELET.  {^Hachette  et  C'"  étiitenrx.) 


33o  JEANNE    D'ARC    RACONTÉE   PVR    L'IMAGE. 

licence,    laisse   approcliei-    de  réglise   celte   femme   perdue,  excommuniée    -> . 

INIiissieu  persiste  courageusemcnl,  et  c'est  le  promoteur  (jui  viendra,  sur  le 
seuil  du  temple,  se  placer  entre  Dieu  et  Jeanne,  entic  celui  (jue  les  Pharisiens 
conduisirent  an  Calvaire  et  celle  que  Cauchon  et  Bénédicte  veulent  mener  au 
bûcher. 

(  Uicl  abîme  est-ce  donc  que  l'homme  et  en  (juels  bas-fonds  ne  faut-il  pas 
descendre  pour  counaiire  sa  misère! 


•H«J» 


C'est  le  mardi  20  fc'vrier  i43i  (|ue  Cauchon  cila  Jeanne  à  comparaître. 
Il  V  avait  dcu\  ans,  presque  à  pareille  date,  que  Jeaime  était  |)artie  de  Van- 
couleurs  pour  aller  vers  le  Dauphin  (23  février  1  V-p)- 

Le  lendemain  21  février,  r(''\è(jue  lui  dil  :  ■  Jcaïuic,  ici  pi-cscnle,  nous 
évêquc,  dcsirani,  en  ce  |)rocès,  l'cuiplir  le  dcxoir  (!<•  uoirc  ollicc  pour  la 
conscrNalion  cl  l'cxallalion  de  la  Coi  catholi(|uc,  a\cc  la  l)cuii;iie  assislaucc 
de  INoIre-Seii^neur  Jésus-Christ  doul  ceci  esl  l'aliairc,  nous^ous  rcqiu'rons 
cliarilahlcmenl  de  vouloir  bien,  jioui'  (jue  ce  procès  marche  vile  cl  pour 
(jue  voire  conscience  soit  décliari^j'c,  dii'c  pleine  cl  enlièi'c  vcrile,  sans 
sublei'l'ui^c's  et  sans  d(''lours,  sur  toutes  les  ([ucsiions  (|ui  voni  vous  cire  adres- 
sées louchant  la  foi  -> . 

Jeanne  lui  rc'pondit  :  «  .le  ne  sais  sur  (juoi  vous  voulez  m'inlcrroi;cr.  Tout 
aussi  bien  pouvc/-vous  me  deinandci'  U'Iles  choses  (|uc  je  ne  vous  dirais  pas  ». 

Sur  les  instances  <jui  lui  sont  faites,  Jeanne  jure  de  diri'  la  vcrile  siu-  les 
choses  (pii  lui  seroul  demandées  cl  (ju'cllc  saïua  «  concernani  les  matières 
de  la  foi  »  . 

Cauchon  l'interroge  alors  sur  son  nom,  son  |)avs,sa  famille  cl  lui  demande 
ce  cpi'elle  sait  :  «  J'ai  ajipris  de  ma  mère  Notre  Père,  répondit  Jeanne,  Je  vous 
sa/uc,  Marie^  et  Je  cniis  cti  Dieu.  Je  n'ai  appris  ma  créance  d'autre  (jue 
de  ma  mère. 

—  Dites  Notre  Père.,  lui  enjoint  Cauchon. 

—  Je  ne  vous  le  dirai  fju'en  confession  »,  repond  Jeanne. 

Cauchon  insiste,  Jeanne  résiste  et  se  refuse.  Dès  ce  joui-,  le  juge  peut 
entendre  à  qui  il  a  affaire. 

En  terminant  cette  première  séance,  Cauchon  enjoint  à  John  Gris,  John 
Berwoit  et  à  William  Talbot  de  garder  Jeanne.  Il  défend  ipic  (|ui  (pic  ce  soit 
communique  avec  elle.  Ils  le  promettent  avec  sermeut. 


ROUEN. 


33i 


Le  jeudi  22  février  eiil  lieu  une  nouvelle  séance.  (  hiaiante-sept  asses- 
seurs entouraient  l'évèque  de  Beauvais.  Le  vicaire  de  l'inquisilein-,  ,Tean 
rjcmaitre,  peu  soucieux  de  prendre  part  à  un  procès  où  il  sou|)connail  une 
Icllc  absence  de  droiture,  avait  cherclié  à  se  dérober,  (laucbon  fit  allusion 
à  ses  scrupuli's,    fondés   sur  ce  fjue  I^emaitrc  n'avait  juiidiction  (|uc  pour  ii- 


Jl    VNNE    INSULTEE    PAR    SES    GEOLIERS 

D'après  une  jn'iiitiiro  anun^iUL-  du  coinineucement  du  siècle.  (^Miiscc  Jcatiiic  tl'Arc,  à  Orléans.) 


diocèse  de  Rouen  et  (juc  lui  C.aucbon  ai^issait  comme  évêque  de  Bcau\ais. 
\ussi  bien  le  xicairc  n'en  jui^cail  pas  moins  op|)orluuc  la  conliuualion  i\\i 
procès;  on   le   continuerai!    donc   sans  désemparer. 

L'évèque  de  Beauvais  dit  alois  :  «  Qu'on  fasse  comparaître  Jeanne  ». 

Les  juges,  désireux  de  surprendi'c  l'accusée  en  ([uelques-unes  de  ses 
paroles,  étendaient  autant  (jue  possible  le  domaine  du  procès.  Ils  soubailaient 
donc  que  Jeanne  s'engageât  par  serment  à  répondre  à  leurs  questions,  quelles 
qu'elles  fussent. 

C'est  ce  à  quoi  Jeanne  ne  voulait  point  s'engager,  il  y  eut,  au  commen- 


332  JEANNE   D'ARC    II  VCONTÉE   PAU    L'IMAGE. 

cemtMil  de  la  scaïu-c,  un  nouNcl  incident  à  ce  siijcl  ciilrc  elle  el  Cauehoii;  mais 
la  i'ueelle  linl  bon. 

Maîtic  Jean  lleaupèie,  "  professeur  insii^ne  de  lliéologie  »,  lïil  diargé 
d'interroger  Jeanne. 

Les  ([uestions  portèreni  d'ai)ord  sui'  les  oeeU|)alions  auxquelles  l'aeeusc-e 
s'(''lail  a|)|)liquée  pendant  son  jeinie  âge.  «  J'ai  appris  à  eoudre  le  linge  el  à 
nier,  repondit-elle;  pour  liler  el  eoudre,  je  ne  erains  l'eninie  de  Houeii.  » 

Elle  ajouta  :  «  (^)uand  j'étais  eliez  mon  péri',  je  \a(|uais  aux  soins  du 
ménage.  —  ^ Ous  eonressie/-\ous'?  —  Oui,  à  noire  curé.  .. 

On  en  xieul  alors  à   la  (|Ui'slioM  des  \oi\;  c'est    là  (|u On  allendail  Jeamie. 

Celle-ei,  sans  hésitation  ni  relicences,  repond  nellenienl. 

C'esl  a  Irei/.e  ans  (|uCllc  cnicndil  la  \oi\  pour  la  |)renii('re  lois;  une  clarl(' 
accompagnait  la  \oix. 

((   (^)uel  enseignement  \ous  donnait  la  \()i\? 

—  Elle  m'a  l'useignc  a  me  bien  conduire,  el  à  frerjuenler  l'c'glise, 
r('pon(!  Jeanne;  c'esl  clic  ({ui  m'a  <lil  (|u'il  clail  nécessaire  (|ue  je  \insse  en 
France.  " 

Puis  \ienl  le  recil  de  son  dcparl  de  l)omrcni\,  de  son  passage  a  llnrcN  el 
de  son  \o\age  à  \  aucoulenrs.  .Jeanne  parle  ensuile  de  son  \clemcnl  d  liomme, 
pris  par  le  seul  oidre  di'  si'S  \oix,  de  son  départ  pour  (lliinon  et  de  son 
arrivée  à  la  cour. 

«  Que  ilemanilie/.-\ons  à  \olic  \oix?  —  .le  ne  lui  ai  jamais  demandé 
auli'e  récompense  linale  (jue  le  salnl  de  mon  âme.  » 

La  séanee  se  tei-mine  pai'  (juel(|ues  mois  sui'  le  siège  de  Paris. 

Le  24  février,  soixante-quatre  assesseurs  enloui'ent  (lauclion.  Dès  le  dchnl 
im  nouvel  incident  s'élève  tonclianl  le  serment,  (lauelion  l'exige,  .icaniu'  le 
l'efuse.  «  Vous  tlevez  la  \crik'  a  \otre  juge,  »  s'écrie-l-il. 

Jeanne  relève  le  front  el  fièrement  lui  répond  :  «  Prenez  hien  garde  à  ce 
que  ^ons  dites,  (|ue  xous  êtes  mon  juge  :  xous  prenez  une  giandc  cliarge.  — 
Vous  voulez  donc  être  condamnée,  riposte  Oauclion,  à  demi  ("crasc  par  celle 
apostrophe,  à  demi  menaçant  aussi  pour  se  donner  de  l'assurance.  —  Tout  le 
clergé  de  Rouen  et  de  Paris,  répliijua  .Teanne,  ne  sanrail  me  condamner  s'il  ne 
l'a  en  droit.  » 

C.auchon  insiste  de  nouveau  pour  obtenir  le  serment  de  Jeanne  :  «  Je  dirai 
volontiers  ce  que  je  sais,  et  encore  |)as  tout  »,  réplicjne  rhéioï<|ue  enfant.  Elle 
promet  enfin  de  dire  k  ce  qu'elle  sait  touchant  le  piocès   >. 

Maître  Beaupère  est  ehargé  d'interroger  Jeanne.  Il  lui  parle  de  ses  xoix. 


a    fe) 


o    5 


ROUEN. 


«  Je  les  ai  entendues 
hier  encore  »,  ix'pontl-elle. 
Suivent  vingt  questions  de 
Beaupère  sur  les  plus  menus 
détails  :  Quel  était  le  vête- 
ment de  saint  Michel?  la  voix 
parlait-elle  dans  la  chambre 
ou  à  côté?  a-t-elle  éveillé 
Jeanne  en  lui  touchant  le 
bras?...  etc. 

Jeanne  dédaigne  de  ré- 
pondre à  ces  questions,  à  la 
fois   puériles    et    soin-noises. 

«  E\pli([uc/-n()us  mieux 
ce  que  la  \<ù\  xous  dit  (juand 
vous  fûtes  e\('illée.  —  I.a 
\n]\  m'a  dit  :  H(''pon<ls  liar- 
iliment;  Dieu  l'aidcia  ■,  ri- 
poste vaillamment  la  l'uccllc. 
Cauchon  fait  sans  doute 
quelc[ue  signe  d'clonMcmcnt 
ou  de  colère  en  rcnlciidaiil. 
«  Vous,  évc(|Mc,  reprend 
Jeanne  en  se  lournanl  de  son 
côté,  vous  dites  cpii'  \ous  clés  mon  juge;  prenez  garde  à  ce  ([uc  \ous  faites; 
car,  en  vérilc',  je  suis  cn\oyée  de  la  pari  de  Dieu,  et  \()us  nous  mcllc/.  en  gi-and 
danser.  » 

On  insislc  pour  l'obliger  de  repondre  :  u  Cro\ez-\()US  (piil  déplaise  à  Dieu 
qu'on  dise  la  Acrilc? 

—  IjCS  A<)i\,  rc|)()nd  fermcmeni  Jeanne,  m'oni  dil  de  diic  certaines 
choses  au  Roi  cl  (\r  \nus  les  lairc.  (.elle  nuit  même,  la  \oi\  m"a  dit  beaucoup 
de  choses  pour  le  bien  du  Roi.  »  El  rc|)rcManl  sa  gaiclc  iialuicllc  :  ■<  Je  voudrais 
({u'elles  fussi-nl  des  mainlenani  sues  de  lui,  dussé-je  ne  [las  boire  (]v  \\n  d'ici 
Pâques.  Il  en  serait  plus  aise  à  dinei'  »,  ajoulc-l-cllc  avec  un  cordial  sourire 
ciui  déroule  l'assemblée. 

«  La  voix  à  la(|uelle  vous  demandez  conseil  a-t-elle  une  voix  et  des  yeux? 
poursuit  le  juge.  —  Vous  n'aurez  pas  encore  cela  de  moi,  riposte  Jeanne;  c'est 


JKANM;    COUCHIiE    U\NS    SA    riusoN 
Dessin  de  Benouville.  {Collection  de  J\l'""  Marjoiiit  Sc/ufJ'cr.'j 


336  JEANNK    D'ARC    RACONTÉE    PAR    LIMAGE. 

un  (licloM  parmi  les  enfants  de  mon  pa\sf[u'(ni  est  parfois  pondu  pour  a\(>ir  dil 
la  xcrilc.    ■ 

On  lui  li'ud  u\\  piège  :  «  Sa\<'/-\()us  èlre  en  la  i;ràce  de  Dieu?  »  — 
Toujours  aleile  el  a\isee,  Jeanne  icpond  :  «  Si  je  n'\  suis.  Dieu  in'\  melle,  el 
si  j'\  suis.  Dieu  in'x  i;arde.  .le  serais  la  pins  dolente  du  monde  si  je  sa\ais  ne 
pas  èti'e  en  la  i;i'àee  de  Dieu.  Mais  si  j Clais  en  p:'elie,  je  crois  (pie  la  \oi\  ne 
\  iendrail  pas  a  moi   << . 

(  >ii  lui  parle  des  r)OUii;uii;nons.  ennemis  de  la  Erance,  qui  se  li'ou\aienl 
sous  Domremx  cpiand  elle  elail  eid'anl .  ■•  .le  nai  <onnu  a  Domrenn  (pi'un  seul 
liouri;nii^noii,  repond-elle  l)ra\emenl.  .lanrais  \  oulu  «pi'il  eût  la  lèle  coupée,  si 
tonlel'ois.  ;ijoula-l-elle  ini;(''numenl ,  Ici  eut    ele  le  |)laisir  de  Dieu.     ■ 

(  )u  rinlerroi;c  ensuite  sur  \\///i/r  (1rs  Frcs  (pii  se  Irouxail  an  llois 
(  lie  un  el  sous  lc(picl  les  enlanls  de  Domrenn  allaieni  danser.  (  >u  complail  liieii 
sur  ce  détail  ionder  une  accnsalion  de  snpersl  il  ion.  "  (l'elail  un  Ixl  ailnc, 
repoiul  .leaime.  nu  li(''lrc;  on  I  appelait  le  licau  mai  \  j  \  allais  nrelialire  a\ee 
les  antres.  j'\  i'aisais  des  i;uirlandes  pour  riinage  de  la  Sainle  \  ieii^c.  .rignore  si 
ou  \    \o\ail  ou  non  des  lees.    » 

Cl  \  ous  mèlie/.-\  oiis  an  \  dix  erlissemenis  de  \os  compaijnes?  —  \  parlir 
du  moment  ou  je  sus  (|ue  je  dc\ais  \euir  en  l'rance,  repond  i;ra\eincnl 
.leaimc.  je  me  donnai  peu  aux  jeux  el  aux  promenades  el  le  moins  (pie  je  pus. 
,li'  ne  sais  iiu'mc  si,  depuis  I  ài;e  de  raison,  j'ai  danse  au  pied  de  l'arbre,  .le  puis 
liien  \  axoir  danse  (|uel(juei'ois  avec  les  enfants;  mais  j'x  ai  plus  eliaiile  ([i:e 
tiansc.    » 

Une  nouvelle  séance  a  lieu  le  mardi  2~  février.  (\s\  encore  .lean 
Heanperc,  \\\\  des  pires  ennemis  de  .leaiine,  (pii  I  intcrroi;('. 

i'  (  .ommeiit  xous  ("'les-xons  portée  depuis  samedi  dernier?»  deniande- 
t  il  à  .Teaime.  Celle-ci.  (pii  n'ignore  pas  les  sentiments  de  lîeaiipcre,  lui  i'(''|)on(l 
non  sans  ironie  :  «  A  ous  voxez  bien  comment  je  me  suis  |)ortee.  Je  me  suis 
portc'-e  le  mieux  que  j'ai  pu     ■. 

Presque  tout  rinterrogatoire  porte  sur  la  (juestion  des  xoi\.  (le  n  était  pas 
sans  dessein  qu'on  le  ramenait  à  cet  objet. 

Apres  nombre  de  demandes  oiseuses  par  l'apparence  et  sonxeiit  per- 
fides par  l'intenlion  :    "    Croxe/.-moi  si  \oiis  xoulc/.   »,  répond  .Icaniie. 

Cl  \\ie/--xous  congé  de  Dieu  pour  \  cuir  en  l'rance?  —  .l'aimerais  mieux 
être  tirée  à  (piatre  clicxaux  (|ue  (r("tre  xeiUK'  en  l'rance  sans  cong('  tic 
Dieu,  repond  Jeanne;  tout  ce  (|ue  j'ai  fait,  c'est  par  le  commandement  de 
I^ieu.    y> 


'anc    i^mcif 


^êieàg^.  ^/m^^.^4uà.^riÂt&l&)^âMMi/ymneù/^  ,%amie.dS¥lC' 


f.a^/cau.    l^ù^'càc  XVf^Âée/,',   /^Jùiàde-^A   'keylauc/Ze,! / 


:%n^.  ^^:fhia'n/n',  ^yiA-W 


ROUEN. 


337 


L'examen  porte  ensuite  sni-  les  diverses  épées  qu"a  portées  Jeanne  : 
celle  de  A  aiieouleurs,  celle  de  sainte  Catherine  et  celle  de  Lagny,  «  bonne, 
tlil-elle,  à  donner  de  bonnes  bulles  et  tic  bons  torchons. 

—  Et  c|u'aimiez-vous  mieux,  de  votre  bannière  ou  de  votre  épée?  — 
J'aimais  beaucoup  plus,  voire  quarante  fois  plus  ma  bannière  que  mon  épée. 
Je  n'ai  jamais  tué  personne.    » 

Dans  le  cinquième   interrogatoire    public,  lequel  eut    lieu  le    i"  mars,  on 


Jr,A>M;    l'IUSUNMlilUL    A    KOlIli.V,     MKMCIIE    PAR    LE    CO.MTIi    «MIWICK 

D'apré's  lo   tahlciiu  de  UiivoiT.  (liSli)).  [Musée  tic  Ittiiicii.) 


interrogea  Jcaniic  sur  la  Icllre  (|m"iIIc  a\ai(  ccrile  an  comte  irArmagnac  lou- 
chaiil  le  \rai  pa|)('.()ii  lui  reproclia  amèrenieni  sa  Icllre  ('erite  au  due  de  Bedf'ord 
et  on  s'en([uit  loudianl  ses  Icllres  adressées  aux  Anglais  et  ses  seiilimeiils 
cn\cis  eux. 

«  Avant  qu'il  soit  sept  ans,  dit-elle,  les  Anglais  laisseront  un  plus  gi-and 
gage  qu'ils  n'ont  fait  devant  Orléans.  Ils  pcrdrout  loul  en  France. 

—  Comment  savez-vous  cela? 

—  Je  le  sais  bien,  j)ar  une  révélation  qui  m'a  élc  faite  cl  (juc  cela  arri- 

4î 


;5:58 


JEANNE  'DARC    RACONTÉE   PAR    L'LMAGE. 


vcra  avanl  sept  ans.  Je  serais 
fort  chagrine  que  cela  lardât 
autant.  Je  le  sais  aussi  sûre- 
ment que  je  vous  sais  là  tie- 
\ant    moi.    » 

Les  interrogateurs  re- 
tombent ensuite  dans  les  |)i- 
l()\al)les  aryiities  dont  ils 
avaient  coutume  :  «  Vos 
\o\\  sont-elles  houimes  ou 
femmes,  ont-elles  des  che- 
veux, sont-ils  longs  et  pen- 
dants, ont-ils  des  hras,  des 
anncauv  an\  oreilles?  l'Ic. 

• —  \  ce  mol  d'aiincaiix, 
.Icannc  se  tourne  ^i^cmcnt 
veis  (iauchon  :  «  Vous,  évê- 
que  de  Bcauvais,  vous  en 
avez  un    à   moi,    lendez-le- 

moi Mon  père  et  ma  mère 

m'eu  ont  donné  un  autre 

Celui    que  vous  avez,    vous 
évêque,  c'est  mon  fi'ère  qui 
me  l'a  donné  ;  je  vous  charge 
de   le   donner  à  l'église  »  . 
Toutes  ces  misérables  questions  tendaient  à  accuser  Jeanne  d'avoir  fait 

louchci'  ses  amicaux  aux   gens  du   peuple  sous    prétexte  de   les  guérir. 

On  la    raille   sur  son   es|)oir  de  délivrance  :   «  Ceux  «jui  veulent  m'ôter 

de  ce  monde  pourront  bien  s'en  aller  avanl  moi  »,  riposte  Jeanne. 

—  «  En  quelle  figure  était  saint  Michel?  continue  le  juge. 

—  De  ses  vêtements  je  ne  sais  rien. 

—  Était-il  nu? 

—  l'ciiscz-vous  ([uc  Dieu  n'ait  pas  de  (juoi  le  vèlir? 

—  \\ait-ii  des  che\eux? 

—  Pourquoi  lui  ainaicnt-ils  été  coupés? 

—  Tenait-il  ime  balance? 

—  Je  n'en  sais  rien.   » 


JEASSE    U  AHC    DEVA>T     I.  EVEQUE    CAUCHUN 

l)':i]»rt'S    1111    dessin    d'Ai.pnoNSK    de    Neuviixe. 

(txtiMÎt  de  VHisloirc    de  France  raiumlcc  à  mes  pctits-enjants, 

Jiin'  (iuizoT.    Ilachtlte  et  C*'\  èilileurs.) 


ROUEN. 


339 


.TcaiiiK'  comprenait  h'ivn  qu'on  tramait  le  dessein  d'ahiiser  eontie 
elle  (les  ro-ponses  qu'elle  aurait  faites  à  ces  questions;  aussi  évitait-elle  d'y 
repoudie,  avec  une  \i\a(ite  et  mie  liherté  d'esprit  qu'on  ne  peut  s'empêcher 
d'admirer. 

On  insiste  :  »  Plutôt  que  de  \ous  dire  tout  ce  que  je  sais,  j'aimerais  mieux 
que  \ous  me  fissiez  l'ouper  le  cou  ». 

C:'est  dans  ce  même  interrogatoire  (|n'on  la  querelle  à  l'endioil  de  l'alta- 


tMTnjire-.dQCtè'i  ^ 

t«j;f,fiïrSiinriiZ>rap|  pi 
niJTniiu^i>tiûiilnu'î»cg  |  f 


rfïu  rnfrûw  nun-rarnu'^ 


\^.-«>  nif  quimmi'uîw 

^V~^i>-  moi  f ûfjr  nf  ppiir 
rûjj;lu3  firinr  Ir  nmc^ 


,  jl  fui!»  fahirrtr»  û  t'^oU' 
rJri^uifllfntiTrf.^ 


oagg^^^^^^^^^fe  4'^îïi^^^^s^5^>>^'^^s^s^îîs  «3e^?fiSiBs?4c«â?w2K)È3?s*»» 


JI'.\NM-:    I>  AllC     MEUGE    I-:T    MAUÏYRE 
C<ni\  citurc  lin   Calendrier  national   de    l8y7,   par  M.    ConiUER 


chemcnt  (pie  lui  montraient   les  i;cns  <\\\  peuple  :   «   Ne  connaissie/.-Noiis  point 
les  sentiments  de   ceux  de  \()tre  parti  (piaiid   ils  vous   liaisaient    les    pieds,   les 


mains  et   les  vêtements? 


—  Beaucoup  me  voyaient  xolonticrs,  répond  Jeanne  avec  humilité  et 
honte,  dépendant  ils  me  haisaicnl  les  mains  le  moins  que  je  pouvais.  Mais 
venaient  les  pauvres  gens  à  moi  parce  (pie  je  ne  leur  faisais  point  de  déplaisir 
et  plul(')t  les  supportais  h.  mon  pouvoir.  » 

On  fondait  un  secret  espoir  de  la  compromettre  au  sujet  de  l'enfant 
pour  lequel  elle  a^ait  prié  à  Lagny  :  le  peuple  estimait  en  eflet  (pi'il  \  avait  eu 
miracle  de  sa  part. 


3io  JEANNE    D'ARC    RACONTÉE    PAR    LIMAGE, 

l'.llo  répondit  sans  iclkencos  :  «  C'('lait  un  enfant  de  trois  jours.  11  fut 
appoile  devant  l'imai^e  de  Notre-Dame  de  J.agnv  et  on  me  dit  que  les  jeunes 
iilles  (le  la  ville  étaient  devant  celle  iniai^e  et  (|ue  j'\  Noidusse  hien  aller'  ])i'iei' 
Dieu  et  la  Sainte  ^  iei'i^e  de  rendre  la  \  ie  à  l'enfanl.  .i'^  allai  et  priai  avee  les 
autres,  et  finalenienl  la  ^iea|)pal■ul  en  cet  enl'aul.  Il  hàilla  trois  fois  et  puis  fut 
haptisi",  et  aussit(')t  il  niouiut  et  on  l'enleria  eu  terre  sainte.  Oi'  il  \  a\ait 
trois  jours,  comme  on  disait,  (pie  la  \\v  n'était  appaiiie  eu  cel  enfant;  et  il 
était  noir  comme  ma  cotte.  IMais  (juaud  il  bâilla,  la  couleur  eommeu(;a  à  lui 
revenir.  Et  moi  j'(''tais  avec  les  jeunes  filles  à  i^cnoux  et  en  prières  dcxani 
Notre-Dame. 

—  Ne  fut-il  |)as  dit  par  la  \illc  (jue  c'(''tait  vous  (jui  a\ie/.  fait  l'aire  celle 
résinrection? 

—  Je  ne  m'en  enquis  point.  » 

—  T>à  se  terminèrent  les  premiers  iulcrro^aloires  publics. 

I.e  lo  mars  cul  lien  ul^  intcrroi^atoirc  secret  ;  il  se  tint  dans  la  |)iison.  (  l'est 
Jean  de  Ea  Fontaine,  \  icaire  de  riu(piisileur,  (pii  posa  les  (piestions  à  Jeanne. 
JjC  second  eut  lieu  le  12  mars  au  matin,  le  troisième  dans  ra|)i'('S-nndi  du 
même  jour. 

On  V  revint  sur  les  objets  (hjà  ti-aitcs  dans  les  inlerroi;atoir-cs  publics.  Il  en 
fut  de  même  pendant  les  jours  suivants,  1  >,  i  '|  et   i  >  mars. 

En  chacun  de  ces  jours  Jeanne  subit  deux  interrogatoires  foit  longs. 

C'est  le  i5  mars  qu'on  lui  parla  de  nouveau  de  ses  tentatives  d'évasion. 
Ses  réponses  sont  admirables  de  sens  et  de  netteté. 

Elle  se  refuse  à  promettre  de  ne  plus  s'échapper. 

«  Jamais  je  ne  fus  en  prison  que  je  ne  m'en  (''cliappasse  très  volontiers, 
dit-elle. 

—  Présentement,  partiriez-vous  si  vous  vov  iez  un  point  de  soilie? 

—  Si  je  voyais  la  porte  ouverte,  répond-elle,  je  m'en  irais,  et  ce  me  serait 
le  congé  de  Notre-Seigneur. 

—  Croyez-vous? 

—  Je  le  crois  fermement.  Si  je  voyais  la  poite  ouverte  et  que  mes  gardes 
et  les  autres  Anglais  n'y  dussent  résister,  je  reconnaîtrais  là  mon  congé  et  que 
Dieu  m'envoie  secours.  ]Mais  sans  congé  je  ne  m'en  irais  pas,  à  moins  (jue  je 
ne  fisse  une  entreprise  pour  savoir  si  Notre-Seigneur  en  serait  content,  selon 
notr'c  proverbe  de  l'rance  :  «  Aide-toi,  Dieu  t'aidera  »'. 

I.   J.  Faljre,  Procès  de  conda/nnation.  p.   it)8. 


ROU'EN. 


34. 


Dans  l'inter- 
roi;al()  ire  suivant, 
samedi  1 7  mars, 
ses  paroles  ne 
sont  ni  moins 
justes,  ni  moins 
sages.  Ce  sont 
comme  des  fleurs 
cueillies  sur  une 
tige  jeune  et  ver- 
doyante à  l'heure 
où  elle  va  tomber 
sous  la  faux.  Il 
semi)le  que  dans 
ces  enti'ilicns  te- 
nus dans  l'ombre 
du  cacbot  avec 
ses  bourreaux 
Jeaiuie,  désarmée 
cl  eondamnc'O 
d'avance,  ait,  par 
une  permission 
de  Dieu,  révélé 
le  fond  derniei- 
de  grandeur,  de 
sainteté  et  de  gé- 
nie que  recelait 
son      àme  ,     afin 

qu  elle  ilominàt  avec  une  liaut<'ur  su|)rème  les  misc-rables  qu'elle  a\ail  devant 
elle  et  qui  devaient  la  conduire  à  la  mort. 

Dans  le  neuvième  interrogatoire  on  traite  de  son  étendard  : 

«   Aidiez-vous  plus  à  l'étendard,  ou  l'iMendard  à  vous? 

—  De  la  victoire  de  l'elendard   ou   de  Jeanne,  c'était  tout  à  Notre-Sei- 


JKANNF.    ISSIT.TI'.F.     DANS    SA     PRISON 

n';i|>ivs  h-  liihlciiii   lie-   l'Arnols  (l86(j).   {Musée  Jeanne  d'Arc,  ,i  Orlùiiiis.  ) 


'iieiir. 


—  Pourquoi  fut-il  plus  porté  au  sacre  du  Roi  que  les  autres  étendards? 

—  Il  avait   été  à  la  peine;  c'était  bien  raison  qu'il  fût   à  l'honneur.   » 
I.L-    18  mars,  Cauchon  reunit    les   plus   dévoués    à    sa   cause    p:i 


larmi    les 


342 


JEANNE    D'ARC    RACONTÉE    PAR   I/I^I  ACE. 


assesseurs  et,  sur  un  Ion  fort  mesuré  qui  enuliaslail  sini^ulièrcnieul  ;i\('c  la 
violence  de  sa  haine  el  de  ses  discours  (ndinaires,  il  les  pria  de  vouloir 
bien  lui  faire  pari  de  leur  avis  sur  la  manière  dont  il  (•()m\  ieudiail  de  procéder 
ultérieurement. 

Toujours  autoritaire  cependant,  dans  la  mesure  même  où  il  se  montrait 
modeste,  il  «  donna  ses  ordres  »  et  déclara  que,  «  en  attendanl,  il  serait 
rédigé,  d'après  les  interrogatoires  de  Jeanne,  certains  articles  qui  (lc\ant  les 
juges  seraient  proposés  contre  elle   ». 

Une  autre  réunion,  plus  nond)rcuse,  eut  lieu  le  22  mars. 
Le  2'i  mars  Cauclion  se  rendit  dans  la  jii'ison  de  Jeaime  a\ee  quel([ues 
assesseurs.    On    lut    eu    l'iamais    les    procès-\erliau\    des    séances    tenues  jus- 
qu'alors et  Jeanne  les  déclara  evacis. 

Le  20  mars,  dans  sa  prison,  Cauclion  el  son  fidèle  assesseur  Jean  d'I'.stixcl 
l'exhortèrent  à  (juiller  son  liahit  dliomme  ;  Jeamic  s'\  refusa  énergiquement 
et  on  en  profita  pour  lui  refuser  d'cnlcndrc  la  messe. 

Jusqu'ici  l'on  s'était  c()iil<iilé  de  pi('parer  le  procès  |\roprement  dit  par 
des  interrogatoires  publics  ou  prives;  on  allai!  maintenant  le  commencer  ofii- 

ciellement. 

Le  2(")  mars  eut  lieu  chez 
Cauclion  une  réunion  eom|)rciianl 
le  vice-inquisiteur  et  les  universi- 
taires. (  )n  leur'  donna  lecture  des 
articles  renfermant  ce  (pic  le  pro- 
moteur a\ait  le  di'ssciii  de  pro- 
duire contre  Jeanne.  On  délibéra 
ensuite  ;  l'évèque  de  15eau\  ais  dé- 
clara clos  le  procès  préparatoire 
cl  ouvert  le  procès  ortlinaire. 

Nous  retrouverons  dans  ce 
second  procès  les  tristes  condi- 
tions du  premier  :  mêmes  passions 
chez  les  juges,  même  noblesse 
chez  l'accusée. 

Le   27    mars,    la    i(''union  fut 

rONTAINK   F.I.F.Vr.E    A    ROUEN 

AU  coMMENCEMEKT  DU  xvi«  SIECLE  SUR  I.A  PLACE  l»'"»  nonibreusc.  NouNcllc  Iccturc 

OU   LES   ANGLVS   0>T   FAIT  MOURIR   LA   PUCF.LLE  J^.^    aiticlcS   ful   doiméc    Ct   ClaUchoU 

(DETRUITE    EN     1754) 

D'après  un."  gravure  d'isRAEL  sïi.vestbe  ( xvii'  siècle).        proposa  :  1°  dc  Ics  faire  connaître 


ROUEN. 


343 


fl   j  EN   api'j-:lli-:   ih".   \fns  hr.vANi"  niEi;,   i,i-:  giivm»  jigf,     m 
D'.ipri's  11'  i.ilili-.ui  lie  (',.   Ai.Aiix. 


à  Jeanni';  2"  d'cxigei'  d'elle  le  sei-meiil  de  dire  IduIc  hi  \er-ile  el  de  repondi'e 
à  toutes  les  questions  (ju'oii  lui  |)()sei;iil  ;  3"  de  rexeoniiiuiiiier  si  elle  s'y 
refusait. 

Chaque  assesseur  dut  donner  son  avis  :  la  pliipail  opinèrent  ({u'on  devait 
d'abord  lire  les  articles  à  Jeanne,  la  contiaintlre  ensuite  de  prêter  serment,  el, 
pour  le  cas  où  elle  s'y  refuserait,  lui  accorder  un  délai  de  trois  jours  avant  de 
l'excommunier. 

On  fit  aloi's  venir  Jeanne.  liC  promoteur  s'offrit  à  jnrei'  el  jura  ijue  «  ni 
faveur,  ni  rancune,  ni  crainte,  ni  haine,  n'inspiraient  sa  poursuite  ».  Il  eût  pu 
jnrei'  loul   le  eoniraire;  on  eùl  alors  été  dans  le  \rai. 

Maître  Thomas  de  Courcelles  lut  à  Je;nine,  en  lani;iie  française,  les 
articles  rédigés  par  le  promoteur  et  constiluanl  l'acte  d'aecnsalion.  Il  faut,  (|uel- 
que  douloureuse  qu'en  soit  la  lecture,  citer  ime  partie  de  cet  acte.  On  xerra 
combien,  en  le  composant,  le  promoteur  avait  vraiment,  selon  sa  déclaration, 
évité  de  servir  «  faxeur,  rancune,  crainte  et  haine  ». 

Dans  ce  factum  Jeanne  est  citée  dans  les  termes  suivants  :  Elle  est  «  une  cer- 


344 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


laliu'  l'fininc,  Mili^nircint'ul  dite  la  PiiecUc,  M'hémentenienl  suspi'ttc,  objcl  de 
seandale  et  déeiiée  aussi  notoirement  que  possible  auprès  de  tous  les  fijens 
gra\es  et  liouuètes  ».  Le  pronioli  ur  dcniande  doue  <|u'elle  «  soit  déclarée,  à 
raison  des  faits  doul  suit  l'énumëration,  soreière,  devineresse,  fausse  prophé- 
tesse,  iu\()(aliiee  el  eoujuialiiee  des  malins  esprits,  superstitieuse,  adonnée  à 

la  pratique  des  arts  magi(|ues,  mal   sage 
!itwWttlP^a^BW5?iiëji^5i&i9i?jSl        en  tout  ee  qui  touelie  à  la  foi  eatliolique, 

schismalique,    doutanl    el    s'écarlani    de 
l'arliele   l'Eglise    une,   sainte    el    de  |)lu- 
sieurs  autres  artieles  de  notre  foi;  saeri- 
lège,    idolâtre,    apostate,   maldisante  et 
malfaisante,  blasphématriee  envers  Dieu 
et    ses    saints,   seandaleuse,    séditieuse, 
perlurhalrice  de    la    paix,    exeilalrict'  de 
la    guerre,     eruellemeul  allcrée    di'    sang 
luimain  et   pr()\()(aliiee  de  son  elfusion, 
absolument  el    impudemment    oublieuse 
de  la  déeenee  el  des  eon\enanees  de  son 
sexe,    prenant    sans   xergogne    l'Iiabil    et 
l'elal     d'Iionnne    de    guerre;    poui'    ces 
causes  cl    aulri's,   abominable  à   Dieu  et 
aux     boiumes,     pré\ariealriee     des    lois 
dixincscl    biunaines   et   île  la    dist-ipliiie 
eeelésiastique,  séductrice  des  princes  et 
des  peuples,  usurpatrice  de  l'IioMncur  et 
du   culte    di\in,    pour    a\oir   permis   et 
consenti   sacrilègement   et   au  mé|)ris  de 
Dieu  (ju'on    la    révérât   et   adoi-àt,  don- 
nanl    ses    mains   et  vêtement    à    baiser; 
liercliquc  du   du    moins    \eliemenlenient 
suspcclc  d'Iicrésie  ». 
Ce  réquisiloirc  était  signé  de   son  aulcui'  Jean   d'i:sli\cl.  Il  ajoulail,  non 
sans  raison,    (|u"il    n'cnlendail    pas    s'asireindre   à   démontrer  certains  points 
superflus,  mais  qu'il   s'en   liendrail  à  l'cssenliel,   c'est-à-dire  à  ee  (jui   pourra 
et  devra  suffire  pour  atteindre   /<■  but  i'ise  par  lui....  Voilà  donc  sous  quels 
traits  ee   prétendu  juge    présente   à    ses  collègues  la   pure   et  admirable  fille 
que  la  Erance  vénère  aujourd'luii,  (jue  l'Iunnanilé  entière  glorifiera  demain. 


l.\    Ml  UGi;    IIIANÇMSF. 

rirt-  lie  l'AIniiinach  uatioiial  de  Je.iniic  d'Arc 
pour  i8<ji,  par  A.  Coudier. 


ROUEN.  345 

Nous  ;i\()iis   voulu    cilii-  crllc    suilc  d'iujurcs  donl  on  l'aeL-ahlc,   lapprlcr 

i--!  A  oit  \b:^9  ,^i*o9  tnCJ  &(*Ô^   y^*-'^  f- iiÛaUf^fij  ^u>«~ 

^►-«ufvt.t    "jr^c^fa.  lUinc  »^iiSi«  ^Hrtmn»   i<^ÛA»Mt  )i^tw  »n<âh/{».,v 

xS\JK.,")f^^ttui  ^idi  tilM--prriM.<  27^<i5<3A^^«t^«4vvi4.5US)' 


F4C-SIMILÉ    d'une    page    DU    PBOCKS    DE    JEANNE    d'aRC 

Extraite  d'un  manuscrit  latin  du  xV  siècle. 


chacun  des  opprolircs  donl   fut  couvert  son  front  de  vierge,  d'héroïne  et  de 
martyre.  C'était  le  plus  bref  et  le  meilleur  moyen  de  la  venger,  car  il  ne  sera 


31(;  JEANISE    J)'AU(:    RXCONTKK    I' V  U    l,'l\iu;i:. 

pc'i'soiiiU',  |);ii-iiii  cciiv  (|iii  liroiil  ces  lignes,  (jiii  ne  l'jissc  icloiiilxT  >,iii-  les 
juges  (le  riii(oi'Unu'i'  l'iifnoiniiiic   doiil  ils  oui   \oiilii  lu  coiixiii'. 

CclU'  Iccliiit'  iiiic  l'ois  Irniiiiicc,  on  <'omimiiii(|ii;i  a  .Icamic  les  doti/c  loiij^s 
ai'liclc's  dans  k'S(jiU'ls  on  a\ail  icsuiiic  li's  piclciidns  ciinics  doni   on   laci-tisail. 

A|)i'('S  oIkujiu' ailiclc,  on   lui  dcniandail  :  ^  .Icannc,  (|ii"a\('/.-\oiis  à  dire?» 

La  (•()nrai;('usc  cnlanl  linl  l(''lc  a  ralla(|U('  axcc  saillancc  cl  noMcssc. 

Il  \  cul  sou\cnl  dans  si's  réponses  inic  liaulcuf  sereine  cl  lorle  (|ui  de\ail 
slui^ulièrcnienl  frapper  ses  juges.  Mais  di'  lels  lioninies  pouxaienl-ils  doue  èlre 
eouvaini'us?  (Juei(|ues-uiis,  il  esl  \rai,  sons  le  coup  des  (■uergi(|ui's  aeeenis  de 
.li'anne  el  à  la  vue  de  sou  iudignalion,  essa\ereul  de  lui  \eiiir  en  aide;  mais 
le  regard  de  (".aueliou  les  faseiuail  hieulol,  el  la  leii'eur  les  raïueuail  au  silence. 

I'res(|ue  à  lous  les  ailielcs,  .Jeanne  repond  soil  l'u  deniaiidaul  à  ce 
(|u'on  se  rcporli'  à  ses  piceedcules  réponses,  soil  eu  niani  cnergi(|ueinenl . 
(UianI  a  se  rciraeler.  jamais  :  •'  .l'aime  plus  elier  mourir  ([ue  de  re\o(|Ui'rcc 
(|ue  j'ai  iail  du  <'ommandemenl  de  l>ieu  ». 

\  propos  de  I  article  [  V ,  ou  lui  demaude  si  elle  conscul  a  ([uillcr  sou  lial)it 
d'Iionune. 

I'  .Te  ne  laisserai  pas  eneoi'c  lliabil  «jue  je  poric,  dil-elle,  cl  il  n'esl  pas 
en  moi  de  dire  dans  eomhieu  de  Icmps  je  pourrai  le  laisNci-. 

—  Mors,  s'eerie  (lauchou,  \ous  \oule/  \ous  pri\er  de  la  messe.  )i 

\  celle  parole,  .Jeanne  se  redresse  el  jelle  l'cllc  licre  aposiroplie  :  "  Si  nous, 
mes  juges,  vous  refuse/  de  me  faire  oiur  la  messe,  il  csl  hieu  au  poLUoir  de 
INoIre-Scigucur  de  me  la  faire  ouu'  (juaud  il  lui  plaira,  sans  \ous  ». 

(  )u  lui  reproelie  il  a\  oir  délaisse  les  lra\au\(les  fenunes  pour  aller  guer- 
ro\  ei-  :  <■  Toul  ce  (jui  esl  (eu\  ic  de  femme  lui  répugne,  dil  I  aeeusalion. 

—  .lai  refuse  el  je  refusi'  encore  de  ([uillcr  l'Iialiil  d'Iionune.  (HianI 
aux  aulrcs  (eu\ri'S  de  femmes,  il  \  a  assez,  il'aulres  femmes  poiu'  les  laire.    ■ 

i'.llca\ail  déclare  (|uc  Dieu  rendrail  au  Roi  de  France  son  roxaumc.  -  I  )c 
f|uellc  parlie  du  pa\  s  parli'/.-\  ous?  ■  lui  demande  rc\c(|ue.  "  .le  parle  de  loul 
le  roxaume,  répond  licremenl  Jeanne.  Si  le  duc  de  llourgogue  l'I  les  aulrcs 
sujets  du  Roi  ne  \icuneul  pas  en  ohcissanei',  le  Roi  les  \  fera  \cnir  pai'  l'oree,  el 
quant  aux  Anglais,  la  paix  (ju'il  x  a.  e'csl  (ju'ils  s'en  ailleiil  en  leur  pa\s,  en 
Anslelerre.    ■ 

Ou  lui  parli'  de  sa  Icllic  aux  Anglais.  >'  Si  les  Vnglais  eusseni  cru  ma  lellre, 
ils  n'eussent  lait  (juc  se  montri'r  s;iges.  AxanI  <|u'il  soil  scpl  ans,  ils  s"a|KM'cevronl 
bien  \ilc  de  la  \critc  de  ee  fjue  je  leur  eeri\ais.   " 

Le  28  mars,  ou  i-eprcnd  riulci'rogaloire,  on   re\icul  a   la   cliaige  loucliaul 


ROUEN. 


347 


son  li;il)il  d'iiommc.  ■<  T^linhil   cl  les  nrmos  que 
j'ai    |)()il(''s,   je   les  ai    portés  par  le   congé   de 
Dieu,  r(''|)()n(l  Jeanne;  je  ne  laisserai  pas  cet 
liahil    sans    le    congé    de    Notre- Seigneur, 
(liil-on  nie  (ranclier  la  tète.  ■> 

A  l'occasion  du  "io"  arlicle  on  l'accuse 
d'in^'oquer  les  marnais   espi'ils.    ■  .l'appel- 
lerai mes  \oi\  à  mon  aide,  lanl  <|uc  je  vi\rai, 
r(''pond  Jeanne. 

—  (lonmienl  les  requére/.-vous  ? 

—  Je  réclame  Notre-Seigneur  et  Notre- 
Dame  (juils  m'cMnoient  conseil  cl  réconfort, 
cl  puis  ils  me  l'enxoicnl . 

—  Par    (|uelles     paroles    les    requérez- 

%()US?   » 

Jeanne   repond   en  cilanl   celle  prière  si 
loncliaiile  cl  si  simple  :  "  .l'adresse  ma  re(|uèU' 
en  celle  manière  :    Très  dou\   Dieu,  en    l'Iion- 
nciM'  de  \olre  sainic  l'assion,    je  \()ns  l'ccjuicrs, 
si  NOUS  m'aimez,  <jue  xous  me  rc\('-licz  ce  que 

je   dois    répondie Pour    ce,   plaise  à    nous   à 

moi  l'enseigner.  ■' 

.<  Vos  voix  vous  [)ailcnl-clles  jamais  de 
NOS  juges?  interrompt  Cauehon  ,  inquiet 
sans    doule  à  cet  endroil,  en   depil    du  scepticisme  qu'il  ariiclic    au    delioi's. 

—  J'ai  souveni,  par  mes  ^o\\^  nouvelles  de  vous,  JMonseigneur  de 
Ueaiivais. 

—  Que  vous  disent-elles  de  moi"?  i-eprend  Cauehon. 

—  .le  vous  le  diiai  à  vous,  à  pari,  »  riposte  Jeanne,  sans  doule  avec  un 
(in  sourire. 

L'iiilerrogaloire  fut  clos,  l'endanl  les  premiers  jours  d'avril  on  lit  un  nou- 
veau r(''sum('',  ;\M'r  autan!  de  bonne  foi  qu'on  en  avait  mis  à  rédiger  le  premier, 
et  on  le  soumit  aux  juges.  Il  sciait  trop  long  de  le  citer  en  entier  :  le  courage 
nous  manquerait  du  reste  pour  reproduire  ces  ignominies,  œuxie  de  la  haine 
cl  du  mensonge. 

Le   12  avril  on  soumit  ce  résumé  aux  assesseurs,  cl  chacun  d'eux  opina. 
Nous   ne  les  suiNrons  poini  dans  celle   Irisle  besogne.  Tous,  sauf  rares  excep- 


JEANNE    VIEBGE    ET    MtnTYRE 

D'.npris   1.1  stiituo  (le    G.   Cr.KnE. 


348  JEANNE   DAllC    RACONTÉE    l' \  U    I,IM\(;E. 

lions,  souscrix  iiriil  ;ui\  aeciisalions,  tout  en  essayml  d'ianoindrir  la  rcspon- 
sal)ilité  (ju'ils  tMit-on raient  ])ar  là.  Ix'  ^i()li'Sf|no  ne  làil  pas  lotijoius  (Idant; 
l'extrèmo  siihlililr  \  anièiic  phisiciiis  des  cxaininalciirs.  i'il  le  Uacliclici'  i{aoul 
Sauvage,  le(jiiel  liil  à  [jiopos  du  12''  ailicle  :  "  Mliiiner  (jue  Dieu  aime  eer- 
taines  personnes,  c'est  l)ien;  mais  dite  ipie  sainle  (iallieiine  el  sainte  !Mar- 
i^\\vv\\v  ne  pdilciit  pas  (iii<:;l(iis^  e'est  là  une  assertion  (|ui  send)le  teuieiaire  el 
blaspliénialoire!  » 

A  la  dale  du    1  !  mai  toutes  les  adhésions  elaieul  paixenues. 

Le  If)  avril,  .lean  ileaupère,  .Iae([nes  de  'l'ouraine  et  Nicolas  Alidi  claieut 
jiarlis  pour  l'aris.  Il  leur  l'allail  souinellic  la  décision  des  juives  de  Houen  an 
contrôle  de  II  ni\ersilc.  La  laculle  de  lliéologie  el  celle  des  dccrels  lurent 
préposées  à  rcxamcn  des  conclusions  cl  l'cndircul  le  1  \  une  deliheialion 
ni()li\(''e. 

Cletic  cousullalion  lui  soinnisc  a  I  approhaliou  de  II  ui\cisitc  cl  celle-ci 
la  ratifia  le  1  \  mai  eu  deux  lellrcs,  adressées  l'une  au  roi  d'Aui;lclcrrc.  l'aulre 
à  l'exètpic  de  licau\ais.  La  dernière  se  lerminail  par  le  soidiail  (|uc  lïil 
accordée  à  (lauclion  "  uni' couiounc  iullclrissahlc  ".  Le  \(eu  des  docicius  esl 
accompli  :  la  ■■  couronne  •■  doul  I  liisloire  a  c()U\crl  le  Iront  Aw  jui;f  el 
bourreau  de  .leauiic  d' \rc  esl  assurée  de  I  innnorlalilc.  l'allé  uCsl  pas  de  celles 
f|ue  l'on  peut    "    llclrii'    o. 

La  volonle  \aillaule  de  Jeanne  cl  sa  \ii;ueur  corporelle  llecliiiciil  à  la  lin 
sous  le  faidean  de  SCS  epreUNcs  cl  des  ralii;ues  ([uc  lui  causaient  les  inlcrroi^a- 
toires  lahoi'ienx  el  multiples.  iJle  tomba  malade. 

Canchon  estima  sans  doute  celle  condition  l'aNorahlc  à  ses  scei'els  des- 
seins. Il  si'  rendit  donc  dans  la  prison  de  Jeanne  et  lui  adressa  une  '  admo- 
nition cliaiilahle  •'  pour  l'cNliorter  à  se  soiunellre  cl  à  rétracter  ses  eri'curs. 
]|  X  joignit  la  mi'uace  des  châtiments  (|ui  ralteindiaicnt  si  elle  ne  \enail  à 
résipiscence. 

«  Je  Aoiis  rends  grâce,  rejxmdil  Jeanne,  de  ce  cpic  \ ous  me  dites  lou- 
chant mon  salut.  11  me  semble,  au  la  maladie  que  j'ai,  <jue  je  suis  en  grand 
danger  de  mort.  S'il  en  est  ainsi,  ([ne  Dieu  veuille  (aire  son  plaisir  de  moi.  Je 
Aous  requiers  seulemenl  que  j  aie  confession  et  mon  Sauveur  aussi  el  (|ue  je 
sois  mise  en  lerre  sainte.  » 

Sur  ce  que  (iauehou  lui  oppose,  à  savoir  (|u'elle  ne  [)eul  alleudre  ni  sacre- 
ments ni  terre  sainte  si  elle  ne  se  soumet,  elle  réj)lique  :  <f  Si  mon  corps 
meurt  en  prison,  je  m'attends  que  vous  le  fassiez  mettre  eu  terre  sainte.  Si 
vous  ne  l'v  faites  pas  mettre,  je  m'en  attends  à  Noire-Seigneur  <>, 


-y' 


tx/fie-'J     f//>f       /f 


■  '?„,. 


ROUEN. 


349 


Aux  reproc'Iies  qu'on  lui   adicssc  ensuite,  elle  répond  simplement  :   c<  Je 

suis  bonne  ehrétienne,  i)ien  baptisée  et  je  mourrai  bonne  eluctieune .l'aime 

Dieu,  je  le  sers,  et  suis  bonne  ebrétienne   ». 

l.e  2  mai   eut   lieu  une  admonition  publique.  Après  une   exliorlalion   de 
(lauelion,   .lean  de 
Ciiàfillon     pril     la 
parole     et    admo- 
nesla  .leanne. 

(lelle-ci  ne 
ec'da  sur  aueun 
point  et  se  defen- 
dil  a\ec  anlanl  de 
nellele  (pu'  de  \  i- 
i^ueur  :  "  Si  je 
Aoxais  le  leu,  dil- 
elle  (la  pensée  île 
ce  supplice  ne  la 
(|uillail  point),  en- 
core (lirais-je  ce 
(pic  je  vous  dis 
et  n'en  ferais  aulre 
eliose   ». 

«  Ne  Youlez- 
\oLis  pas  \<)us  sou- 
mcllre  au  pape? 
lui  dil-on. 

—  Menez  - 
m' \, répond-elle,  et 
je  lui  rt'pondrai.  » 

Ou  la  nu'nace  du  supplice  :  "  ^  ous  ne  ferez  pas  ce  (pie  nous  dilcs  conlie 
moi  (|u'il  ne  nous  en  prenne  mal  an  corps  cl  à  l'âme  ». 

¥A  ainsi  à  loul  inslani  sa  Noi\  claire  et  menaçante  retenlissail  sous  la 
Noiilc  de  la  Nasie  salle  ou  on  la  jii^cail,  IVappaiil  d'epouNaiilc  cl  (k'  sUipeur  la 
Irisie  assemblée  ties  docleurs  ranimes  autour  d'elle. 

Dans  sa  hauteur  sereine  elle  paraissail  clic  le  jui;c,  ils  se  Iciiaicn!  dcNaiil 
elle  comme  îles  accusés. 

bien   ne  poinail    donc  Icrrasscr  l'énergie  suprême  de   celli'   enfani  ;  i-lle 


jr.VNNH    DANS    SA    PRISON 

D'.ipi-rs  l.i  p<  iiitiii-f  (If  IlKNjAiLiN  Constant,  olTerte  à  M'-'^"  I.i  (liichcssc  (FAIerK^on. 


3jo 


JEANNE   D  ARC    IMCONTÉE    PAU    I.IMVGE. 


ne  graiulissail  pas  sciilcmcnl  à  mcsiiic  fjiic  le  procès  se 
poursui\ail,  elle  dcNCMiail  plus  l'oiic  cl  sa  parole  plus  ^en- 
i^eresse. 

Il  i'allut    a\  iseï'  à  d'aulres  moxeiis.    Cauelion   espéra  mieux 
lie    l'apiiareil   de    la    lorluic.    (lelle    l'ois    eneorc    reueri;ie    de 
.leaiuie  tle\ail    inellre  en  ('eliee  son  dessein. 

Le  f)  mai,  dans  la  grande  cour  du  eliàleau  de  Rouen, 
eu    pr('senee    de    div  assesseui's,  Cauelion   lil    \euir    Jeanne 
cl    l'interpella    en   lui    disant    :    ••   Jeaiuie,  si    sur    ee    (|n'ou 
\ienl    de    \ous    lire    nous    u'a\oue/.    poini    la    \ei'ile,    \ons 
aile/    èlre    soumise   à    la    loi'ture.    \o\e/.-\ous    les    inslru- 
nienls  (jui    soiil    là  loul    pre|)ai'es.    lai    l'aee    de    xons    les 
e\eeuleurs    n'allendent    (|ue    noire   ordre   cl    sont    |)rèls    a 
remplir  leur  olïiee.  On   \a  \f)us  loilurer  pour  \ous  rame- 
ner   à    la    \('rile    ([ue    \()us    méconnaisse/,    el     pour    \ous 
ssurer    ainsi    le    douMe    salul    de    \olre    àme   el    de    \olre 
corps,  ([ue  vous  ixposc/  l'un  el  l'anlrc  à  de  si  i;ra\es  périls 
par  \os  in\  entions  mensongères.  » 

Jeanne  repond  l'crmemciU  :  -  \  raimcnl,  si  ^ous  me 
deviez  l'aiic  arracher  les  memhrcs  el  l'aire  partir  l'àme 
hors    Au    cor|)S,    encore    ne    \ous    dirais-je    pas    autre 

chose " 

(lepcndant  il  est  \isil)le  ((u'ellc  a  dû  recuediir 
tonte  sa  \aillauce  et  faire  eU'ort  contre  la  crainte 
pour  parler  ainsi,  viw  elle  semhie  rcdoulei'  dès  inain- 
lenanl  un  mon\enient  de  l'aihlesse  el  |)rend  conlri- 
elle-même  des  garanties  pour  le  cas  où  elle  v  aurait 
un  instant  cédé. 
Elle  ajoute  en  efFel  aussitôt  :  "  El  si  je  Aons  disais  autre  chose,  après,  je 
vous  dirais  toujours  que  vous  me  l'auriez  fait  dire  par  force  ». 

Aussi,  toujours  rusé,  Cauelion  n'insista-t-il  pas  et  la  séance  fut  leve-e. 
Trois  jours  après,  le  12  mai,  une  ri'union  de  Irei/e  conseillers  eut  lieu 
tians  la  demeure  de  Cauelion.  Celui-ci  posa  la  question  de  savoir  s'il  était 
opportun  de  soumettre  Jeanne  à  la  torture.  Quoique  timidement,  la  plupart 
de  ceux  qui  ('taient  présents  furent  d'aAis  (ju'il  n'v  avait  pas  lieu  d'y  recourir. 
Cauchon  se  soumit,  tout  en  ajoutant  :  "  Poui'  ce  (pii  reste  à  faire,  nous  y 
nrocéderons  ultérieurement  ». 


I.V.    BUCHEK 
D'itpri's   le   brou/f   df  L.   CuGNOT 


ROUExN.  3ji 

(l('|)(']i(l:m(  riJiii\t'i-silc  de  l'aris  ;i\ail  (ail  parNciiir  aii\  iiii;cs  k's  dclibi'- 
lalioMS  doiil  MOUS  a\ons  parle  plus  liaiil.  lue  uouxelle  séauee  cul  lieu, 
le  i()  uiai,  daus  laquelle  lecture  en  fut  donnée  aux  conseillers;  tons  \  adlié- 
rèiciil.  Il  fui  eu  nicnie  temps  décide  qu'iuic  <'  admonition  charitable  »  serait 
encore  adrcssc'c  à  .Teainie. 

Maili'c  l'iiiie  Alor-iec  lu!  cliari^c  de  la  lui  faire  euleudrc.  .Icaunc  écoula 
eu  silence  celle  tirade  longue,  larmoNanlc  cl  sans  sincérité. 

L'e\è(pie  lui  demanda  de  se  soumeltrc  :  elle  s'\  rel'usa.  "  T.a  mauiéi-e 
([ue  j'ai   toujours  tenue  an  |)rocès,  dit-elle,  je  la  \  eir\  inainlenir. 

—  Soui^tv.    à  f|ucl    pci'il    \()us   allez    vous  e\|)oser,    rcpril    alors  (iauclion. 


w^m^ 


\^-^  / 


^ 


^ 


V-.  -  .1- 


v^ 

;/j 

SL1'1'I.I(:E    Uli    JliAN.Nli    1>  Alto 

D'i4»ri's  le  bits-i-L-licl'  de  Gois.  {Piétifstal  de  lu  statue  érijjèe  à  Orléans.) 

—  Si  j'clais  en  jui;eincnl,  répond  Jeanne  avec  force,  (|uc  je  \  issc  le  Icu 
allume  t'I  les  Uourrees  prcpart'cs  <'l  le  Uouricau  pièl  a  houler  le  l'eu  v\  que  je 
fusse  dans  le  l'eu,  encore  n'eu  dirais-je  aulrc  cliosc  cl  je  souliciidrais  ^-v  ([ue 
j'ai  dit   au  pro<'cs. 

—  .leanuc,  reprend  l'cx  è(jue  sulfoquc-,  ii'ax  cz-vous  plus  rien  a  dire? 

—  Uien,  ic'pond  scclii'mcnl  Jeanne. 

—  Nous  n'a\()ns  plus  cpi  a  pi'océdcr  a  la  clôture  des  débats,  >  conclut 
(lauclion. 

(jucllc  sccuc  inoubliable  et  (pic  (l'encri;ie  raisonnée  cl  calme  eu  celte 
beroiipic  l'iifaul  ! 

Depuis  (pialoize  jours  on  a  mcua(-c  Jeanne  de  la  lorlurc,  ou  a  placé 
de\ant  ses  veux  la  perspectixc  ilu  bûcher.  Kien  ne  l'a  ébranlée. 

Oui  donc  a  prétendu  que  la  mission  de  Jeanne  se  lenninail  à  Reims  et 
fpi'a  partir  du  sacre  elle  n'est  plus  (jue  l'ombre  d'elle-même?... 

(Uiand    fut-elle  plus  jurande  (pi'clle  n'est    maintenant?  (Hie  sont   près   de 


3j2 


JEANNE    J)'\ll(:    UA(:(3NTÉE    PAU    I,  IMA(;E. 


celle  scriic  les  flicxiiiicliëcs  de  lllois,  l;i  \icloire  (r()i'le;ms,  la  inèlee  de  l'Mla\  cl 
le  liiomphe  de  lieiins? 

Non,  loiil  cela  II Csl  ([lie  |)eii()iiil)re  en  comparaison  de  ce  (|ui  se  passe  à 
celle  heure.  .Jeanne  n'a  jamais  (Me  pins  i;rande,  pins  nol)le  cl  pins  vaillanle  : 
elle  n  a  jamais  ele  plus  elle-même. 

Par  lin  ccMe  des  choses,  .leaime,  en  se  monlranl  aussi  lerme,  secondai! 
les  secrels  désirs  de  ses  ennemis,  (lomme  ils  dcsiraieiil  sa  perle  lolale,  il  leiii' 
en  ei'il  coi'ile  de  xoir  leur  proie  se  dérober  par  (juel(|ne  concession  lailc  a  la 
deiiiière  heure. 

Alais,  d'aulre  pari,  il  leur  imporlail  i^randcmcnl  de  la  rahaisser  au\  \eii\ 
de  la  loiile. 

l'.n  depil  des  precanlions  prises,  ([iichpie  eclio  des  séances  du  cliàlean 
arrixail  au  dehors.  La  \illeeiiliere  s'eiilrelcnail  a\ec  passion  des  iiicidenls  du 
procès.  (>ucl(|ues  iiidiscrelions  elaienl  liieii  commises  par  liin  on  l'anlrc  des 
conseillers,  selon  la  laihlesse  de  riinmaine  naliire.  Il  l'aiil  i'emar(|iier  eiiiiii  (juc, 
opprimes  pcndani  les  S('ances  par  la  dure  aiilorile  de  (iaiiclioii  cl  la  lerreur 
<|U  il  leur  inspiiail.  <|ucl(pics-iiiis  des  assesseurs  (le\aienl  axoir  nue  penle 
nalni-clle  a  prendre  ciinlrc  lui  une  sorle  de  relonr  en  rcpclaiil  les  paroles 
sévères  (|ne  .leanne  lui  disail.  I!c\elcr  la  i;randenr  de  la  \iclime,  c'elail 
l'abaisser  dans  une  ei;ale  mesure  le  lionrrcan  i|ni  la  poursnixail  de  sa  haine. 


LE    BUCHER 


Vignette  iki  titre  <ie  VUistoirc  de  France  d'A^QUETlL 
{Didier,  tjiiitetir^j. 


i.K  sri'iM.icu,  nr.  jhvnnk 

l)';ij)rrs  un  liihleaii  dv  C.ARRitn-liKLi.EUSE.  (l'.xir.  de  riilbiim  f.a  iitission  patriotiffuc  i/c  Jcnniic  i/'In.  Tnipr.  r<"*unics.) 


X 


LE    SUPPLICE   DE   JEANNE 

LE  CIMETIÈRE  SVINT-OLEN  ET  I.\   l'IACE  DU  VIEUX-MARCHÉ 


\ 

& 

4 

1 

■i^ 

Cu  (MON  eonipril  liicn  f|u'()n  ne  pf)iiv;iif  laisser  les 
évcncments  siiixrc  Inir  cours  cl  qu'il  imporlju'l  au 
nrcmici-  clicf  d'oIjUMiir  de  .Icaunc  une  icliaclaliou 
|)ul)li({uc,   a    ({uel({ue   |)ii\   que   ce  fut. 

Les  âmes  basses  et  méchaules  ont  souxcul  uue 
connaissauce  approfondie  de  la  nalurc  liuniaiue.  Les 
i^raiids  cùlés  d'iui  homme  leur  échappent,  mais  ils 
exccllenl  à  decouM-ir  ses  f'aililesses.  Ce  sont,  à  leurs 
Ncux.  les  l)rèclies  (|u'on  peut  élargir  et  par  où  l'assaut 
sera  vicloricusemenl  livré  pour  le  triomphe  de  leurs 
desseins   pervers   et   de   leurs   menées  souterraines. 

l'our   cette    fois,   Cauchon  ne  s'était    pas    trompé    et 


STATUE    Uli    JEANSE    IJ  AHC 

Pai- la  pria."  Marie  d'Orléans.     J^'annC    dcvait    UU    luStaUt    défaillir. 

On  a  souvent  déploré  cette  défaillance;  c'est  un  tort. 


45 


354        JEANNE  n  ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

Quand  le  eliêno  et  lo  roseau  vivent  l'un  près  fie  l'autre,  c'est  |)ai'  leur 
sommet  qu'ils  s'éloii^nenl,  c'est  [)ar  les  pieds  cju'iis  st>  rappi'oclienl. 

La  Fontaine  a  fait  erreur  en  les  mettant  en  guei're  :  il  eût  mieux  fait  de  les 
eoneilier  l'un  avec  l'aulie,  en  rap|)elanl  ce  (ju'il  v  a  de  commun  dans  leui-  sort. 
L'a(|uilon  renxcrse  le  iVonI  allier  i' au  Caucase  pai'cil  ■,  il  epaii;ue  la  lii^c  liumhle 
el  pliante  du  roseau;  mais  (juand  le  sol  s'ehraule,  cliène  el  roseau  eu  pâlissent 
également,  une  commune  misèi-e  les  lapproclie. 

Cette  défaillanee  l'apide  île  .leanne  d'Vrc  me  louche  plus  fjue  lous  ses 
liants  faits;  je  ne  puis  pas  \ainere  conune  elle,  mais  elle  a  défailli  comme 
moi. 

Grâce  à  celle  défaillance,  il  ne  sera  pas  permis  de  dire  tpi'elle  est  sortie  de 
son  sexe  el  ([u'elle  n'a  pas  subi  en  (juehpie  mesure  le  fait  de  celte  timidité 
qui  est  la  mar([ue  pailiculière  de  la  femme,  son  charme  le  plus  louchant  el 
peut-cire,  loul  compté,  sa  plus  i;ran<lc  force. 

Ce  |)hcnomène  mérite  hicn  (|u'on  l'clndic.  La  (loulcur  esl  le  fond  de  la 
xi<',  pour  l'homme  connue  pour  la  fennne.  Ni  l'un  ni  l'aulrc  ne  s'\  peinent 
soustraire,  mais  il  est  \isil)lc  (ju'ils  n'en  poilcnl  point  le  fardeau  de  la  même 
manière. 

J^'homme  est  génc-ralcmenl  vaillant  contre  la  douleur  ph\si(jue;  la  femme, 
en  face  de  cette  même  douleur,  j)erfl  son  assurance.  L'incendie  s'allume,  les 
eaux  déhordent,  le  Ivv  hrille,  le  canon  tomie,  le  hiiiil  des  halailles  se  fait 
entendre,  le  sang  coule  :  l'homme  à  celle  \  ne,  s'il  a  qucNpic  \igucui'  moi-alc, 
se  redresse,  combat,  résiste;  le  danger  tlouhie  ses  forces:  timide  hier  dans  le 
calme,  le  \()ici  l)ra^c  dans  le  lumullc. 

Au  contraire,  dans  les  mêmes  conjoncinrcs,  la  femme  a  peuL',  elle  se 
détourne,  implore,  verse  di'S  larmes  et  cède  à  l'cHroi. 

Lu  retour,  la  douleur  moiale  la  trouve  [)lus  vaillante  que  l'homme.  A 
l'approche  d'une  épreuve  menaçant  la  famille,  le  père  s'inquiète.  Peut-être 
raisonne-t-il  plus  ipi'il  n'est  opportun.  H  anaivse  à  l'excès,  sonde  l'avenir  el 
porte  d'autant  plus  tloidourcuscmcnt  ce  fardeau  de  l'inconnu  qu'il  l'a  pesé  plus 
minulicusement. 

La  femme,  au  contraire,  la  mère  surtout,  se  montre  \ aillante.  Llle  ahorde 
l'épieuve  et  l'aflronle  avec  son  cœur,  et  parce  (juc  ce  cœur  est  comme  inlini 
dans  ses  tendresses  el  son  de\()ucmenl,  il  ne  i-rainl  rien. 

Dès  lors  attendez  tout  de  sa  constance  :  elle  ne  faiblira  j)as  tani  (pic  durera 
l'épreuve. 

L'homme  ne  pleure  guère;  son  angoisse  a  je  ne  sais  (pioi  d'austère,  sinon 


LE   SUPPLICE    DE   JEANNE. 


355 


d'aride.  T^a  femme 
pleure  ahondain- 
meul,  mais  il  semble 
que  ses  larmes  sout 
une  source  mysté- 
rieuse d'où  ses 
forces  renaissent 
sans  cesse. 

Singulier  assem- 
blage de  tristesse  et 
de  sérénité,  de  lar- 
mes flésolées  et  de 
sourires  embellis 
d'espérances.  Les 
semaines  s'écoulc- 
ronl,  les  mois  suc- 
eédcronl  aux  mois, 
les  années  aii\  an- 
nées, vous  la  re- 
trouverez toujours 
chancelante  et  tou- 
jours debout,  tou- 
jours en  pleurs  et 
toujours  sereine, 
veillant  nuit  et  jour 

au  chevet  de  l'enfant  (jui  se  mcurl.  iMS(|ir;i  l'heure  où  le  Ciel  le  Un  aura  pris  ou 
rendu. 

Telle  est  la  femme  devant  l'épreuve. 

Jcaïuie,  |)ar  ce  |»oint  comme  par  lous  les  aulrcs,  est  restée  essenlielicment 
femme. 

Au  cours  de  son  jugement,  nous  ne  l'avons  pas  vue  faiblir  même  lui  instant  ; 
elle  tient  tète  à  ses  juges,  encore  bien  qu'elle  n'ignore  pas  que  sa  vie  dépend  de 
leur  sentence  et  (ju'elle  connaisse  d'autre  part  la  malice  ou  la  coupal)le  faiblesse 
de  leurs  dispositions.  On  admire  la  netteté  avec  laquelle  elle  discute  et  de  quel 
regaril  sûr  et  prompt  elle  découvre  le  faible  de  leur  argumenlalion.  A  certaines 
heures  elle  devient  le  juge,  ils  sont  les  accusés;  ses  paroles  noblement  hau- 
taines  fustigent   Cauclioii,   Bénédicte    d'Estixet    et    Jean   de    La  Fontaine,    et 


VUli    DU    niOSLFMENT    EIIIGK    A    BON-SECOURS,     PUES    DE     HOUEN 

MM.  Liscn,  ai-fliitccte,  et  Cahrias,  sculpteui-. 


356        JEANNE. D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

constamment,  de  la  première  séance  à  la  dernière,  cette  enfant  de  dix-iuiif  ans 
domine  l'assemblée  des  cincjuanle  docteurs  qui  prétendent  la  juger. 

Mais  voici  que  le  2^  mai  un  grand  mouvement  se  lit  dans  Rouen,  l^a  i'oule 
se  portait  en  masse  vers  le  cimetière  Saint-Ouen.  ])eu\  écliafauds  v  venaient 
d'être  dressés  et  l'on  apprenail  (|ui'  Jianne  devait  monter  sur  l'un,  lanilis  (|ue 
révè({ue  de  lUauvais  et  le  cardinal  évèque  de  Winchester,  avec  les  assesseurs, 
occuperaient  l'autre.  Les  évè(|ues  de  rliérouainie,  de  Novon  et  de  Norwicli 
devaient  compléter  la  réimion. 

Maître  Guillaume  Eiaid,  «  homme  de  grande  éloquence  »,  devait  sei- 
monner  Jeanne  et  l'exhorlcr  à   rétracter  ses  laits  et  dires. 

I^es  sentiments  de  rhonnne,  nobles  ou  bons,  s'accroissent  par  le  \o\- 
sinage  de  ses  semblables,  rindi\idu  se  voit  comme  emporté  par  la  foule  la 
où  il  ne  songeait  pas  à  aller,  il  cesse  d'être  lui-même  et  devient  une  part  de  ce 
tout  le  monde  dont  sont  faites  les  nuillitudes  et  dont  l'cgan'uicnl  axeugie  a  si 
fréquemment  été  la  cause  des  (  linies  (|ui  deshonoiciil  les  pcu|)les  cl  tiacint 
dans  Icui' histoire  des  pages  déshonorées  (juc  rien  n'cU'ai-cra  plus  au  cours  des 
sièi-lcs. 

Jeanne,  en  sortant  de  prison,  fut  conduite  au  cimetière  Saint-Ouen.  I^es 
cris  de  la  foule  l'cU'iaNèrcnl.  yjouloiis  à  cela  (pic  les  Anglais,  qui  n'esliinaicnt 
rien  pouvoir  tant  qu'elle  sciait  eu  vie,  demandaient  sa  inoil  à  grands  cris,  dette 
comparution  de  Jeanne  d' Aie  leur  faisait  l'cdouter  de  sa  part  (pieUjue  faiblesse 
qui  la  rendrait  digne  de  pitic,  amènerait  peut-être  un  retour  favorable  de  la 
part  de  la  foule  et  leur  aiiacheiait  des  mains  leur  ^  ictime. 

Dès  (pK'  Jeanne  ap|)arut,  en  cil'el,  ces  seiitiiiienls  ()|)|)Osés  se  fireiil  bien- 
tôt jour.  Les  rpierelles  s'allumèrent  enire  ceuv  fpii  cédaient  à  la  pilii'  et  ceux 
(pii  deiiicuiaieiit  lidèles  à  la  haine. 

(  )n  \\[  mieux  encore  ([uelles  [lassions  opposées  se  partageaient  la  foule 
quand  Jeanne  commença  de  fléchir.  A  ce  moment,  les  cris  devinrent  plus 
furieux.  Un  Anglais  cria  à  Gauchon  :  <'  Tu  nous  trahis.  —  Tu  mens  »,  liposta 
l'évêque  de  Beauvais.  nuehjues  instanls  après,  on  entendit  Gauchon  s'éerier  : 
«  Je  viens  d'être  insulté.  Je  ne  procéderai  pas  plus  axant,  jusqu'à  ce  qu'il  m'ait 
été  fait  amende  honorable  » . 

Bientê)t  des  pierres  xolèrent  de  tous  cê)tés;  les  blessés  gémissaient  el  l'on 
se  demandait  jusqu'où  le  désastre  allait  s'ctcndrc. 

La  fraveur  de  Jeanne  s'accrut  à  celte  vue. 

Ici  ce  n'était  plus  l'ennemi  (ju'il  fallait  braver,  l'Anglais  qu'il  fallait  mettre 
en   déroute.    L'étendard  de  Jeanne  n'était  plus  eu  sa  main,  la   charrette  des 


LE   SUPPLICE   DE   JEANNE. 


toiulamncs  remplaçait  son  coiirsit-r  de  l)alaille  ;  seule  devant  ces  milliers 
d'hommes  et  sans  un  seul  qui  la  défendit,  elle  aussi,  comme  elle  l'avait  dit 
de  ses  parents  au  jour  du  départ  de  Domremy,  elle  aussi  «  perdit  le  sens  ». 

Nicolas  Loiseleur, 
cil  (pii  la  pauvre  enfani 
cro\ait  encore,  malgré 
ses  midliples  trahisons, 
élait  allé  la  prendre  en 
sa  prison.  L'huissier 
Massieu  l'accompagnait, 
essavant  à  la  dérohée 
de  faire  entendre  à 
l'infortunée  quelques 
paiolcs  d'espoir  et  (\v 
réconfort. 

Loiseleur  ne  cessait 
(le  pousser  Jeanne  à 
l'aUjuialion,  lui  disani 
c|u'ellc  dc\ail  se  sou- 
mellre  à  l'Eglise  cl 
([u'i'llc  si'rail  hiùlci'  si 
elle  se  refusait  à  signer 
la  eédulc  de  réiraclalion 
(pi'oii  lui  présenterait 
bientôt. 

Massieu,  de  sou 
pôté,  l'exhortait  dans 
le  même  sens  et  avec 
bonne  foi.  11  le  rapporta 
[)lus  lard  au  procès  de 
réhabilitation. 

«  Jeanne  deman- 
dait eonseil,  dit-il;  Eraril  m'asail  (ht  :  «  Conseillc/.-la  pour  telle  abjuration  ». 
D'aboi'd  je  m'étais  excusé;  puis  je  (Hs  à  Jeanne  :  <(  Cloni[)Lcne/.  bien  ([ue  si 
«   vous  allez  à  l'encoud'c  d'auciuis  dcsdils  articles,   vous  serez  brûlée   », 

A  cette  menace  d'être  bri'ilé'c,  la  |)auvre  enfant  se  iameulail  et  gémissait 
amèrement. 


o     ELLE    CHIA    SIX    FUIS    I)  UNE    VOIX    FOUTE     1     JESUS  !     » 

D'après  un   dessin   de   Philippoteaux. 

(Kxtralt  de  VHtstoirc  de  France,  éditée  par  I.miuue.) 


3:Ï8 


JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 


■-V 


«  Je  Aous  conseille,  reprenait  jMassieii,  de  vous  en  rappoiler  à  l'Eglise 
uni\eiselle   si  vous   devez  ahjurer  ees  articles   ou  non.    » 

Cependant  Guillaume  Érard  aAait  eommeneé  son  discours;  il  fut  très 
<\uv  pour  Jeanne,  ne  lui  ménagea  pas  les  outrages  et  d'une  \oi\  tonnante 
aclie\a  de  teriasser  son  eouiage  déjà  ébranlé. 

Quand  Erai'd    cul    lini   de   parlt'r,   Canclion    se    le\a.    Vn 
grand  silence  se  lit  ;  les  juges  comprenaient  bien  (|ue  la  lullc 
terrihie    ouxcrte  dc|)uis  plusieurs  mois    entre   eux   et    Jeanne 
,'^^         arii\ail  à  la  crise  su|)rème.  I,e  peuple  le  sentait  aussi. 

l/e\c(pic     de     IWauNais    parla      i'roidi'mcnl     à     Jeaime, 

ésuma    les   accusations    poitees  contre   elle,    entassa    lune 

sur  l'autre  les  cpilliètes  d'orgueilleuse,  menteuse,  sc'iluc- 

^^^^^^w»"  triée,   de\  ineiessc,  blasphématrice,   cruelle    cl    apostate. 

Ce  lut    comme  un  torrent   de  honte  et  de  bouc  (|ui  con- 

Nril  la   pan\rc   mart\re. 

Ce    peuple  applaudissait   et  (|ncli|ucs-uns  reprenaient 
:        a  haulc   \oi\,    |)our   les    acccnluei-,    les   outrages   à    elle 
lancés  par  l't'Nècjue. 

En  terminant,  Cauchon,  de  plus  en  plus  Ibudroxant, 
dit  à  Jeanne  : 

«    Nous   t  abandonnons    au    bras    séculier,   priant    ce 

^  même   pou\oir    ipie,    (ont    en    t'imposant   la    mort    cl    la 

l^H^  mutilation    des    meml)res,    il    \cuillc    bien    à    Ion    égard 

j^|^[HH^^H|  modérer  son  jugement  et,  si  de  vrais  signes  de  repentir 

apparaissent  en    toi,  que  te  soit  administré  le  sacrement 

tic  pénitence.   » 

A  ce  moment,  Guillaume  Erard  reprit  avec  force, 
s'adressanl  à  Jeanne  :  «  Signe,  ou  lu  seras  brûlée 
aujourd'hui    même   •■ . 

Cependant  le  bouricau  se  tenait  là  a\ec  sa  chairettc, 
prêt  sur  un  signe   à  s'emparer  de  Jeanne.  Loiseleur  ne 
cessait  de  la    pousser  à  signer.  Massieu,    resté    près    d'elle,    l'y    exhortait    de 
son  côté. 

Jeanne,  afFolée,  eéda  alors  :  «  Je  veux,  dit-elle,  tenir  tout  ce  (jue  l'Eglise 
ordonne  et  tout  ce  que  vous,  juges,  voudrez  dire  et  sentencier.  Du  tout, 
j'obéirai  à  votre  sentence  et  volonté  ». 

On  lui  présenta  sans  retard  la  eédule  de  rétractation  et  elle  la  signa. 


cl 


LE    BUCHER 

Statue  de  Cordonnier. 

yjijiiscc    du    Luxcinhourg 


LE    SUPPLICE   DE   JEANNE. 


Le  greffier  Miuielion,  dans  la 
déposition  qu'il  fit  Aingt-eincj  ans 
plus  tard,  dit  ■  (juà  ee  moment 
Jeanne  somiait  ". 

En  eflet,  un  rire  étrange 
courut  sur  ses  lèvres.  Sans  doute 
ee  fut  comme  un  éclair  de  vertige 
et  de  folie  passagère.  Ses  forces 
avaient  défailli,  et  ni  sa  i-aison  ni 
sou  cœur  ua\re  n'a\aieut  pu  porter 
fermement  cette  dernière  épreuve. 

,Te  ne  sais,  mais  ee  rire  m'est 
plus  douloureux  à  évoquer  que  ne 
le  sera  le  spectacle  de  sa  mori 
même  sur  le  hùclier'. 

Demain  la  foice  lui  sera  re\e- 
nueaAcc  la  possession  d'elle-même. 
Rede\cnue  \aillanle,  elle  mourra 
comme  elle  a  \ecu,  douce  et 
forte;  elle  se  lanieuleia,  mais  elle 
tiendra  ferme  cl,  |)lus  grande  (|uc 
ses  ennemis,  elle  sera  plus  constanic 
(|ue  leiu'  malice  même. 

IMais  aujourd'Imi  sa  pauxre 
âme,  que,  eu  ce  souiirc,  je  \()is 
passer  comme  un  corps  de  vierge 
martyre  à  la  (lcii\c  d'un  neu\c, 
ballotte  et  oiidoxaul,  ci'tlc  ruine 
momentanc'c     de     tout     ce     qu'elle 

a  été,  cette  mort,  eu  un  mol,  de  Jcamie  \i\an(c,  me  na\rc  au  delà  de  touli' 
amertume.  Je  \oudrais  me  détourner,  ne  plus  entendre.  Je  Noudrais  surtout 
me  taire  et    ne  plus  écrire. 

O    fiance,    pa\s   gcnercuv   et    hon,    (|uc   ce   souvenir   ne   sorte    |)as   de   la 
mémoire,  et  n'ouMic  jamais  l'agonie  de  (elle  (jui  a  tant  |)àli   pour  le  sauver! 


«     ET    INCLINANT    I.  V    TKTE,     ELLE    EXPIUV     1) 

D'après  Max  Blondat,  ciTamiuno  de  M.  Lachenal. 


•if^ 


36o        JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

T.c  liouhlc  ([ii"a\;iil  icssrnli  ,lc:iniu'  au  ciiiu-lirrc  Saint-OiUMi  cl  la  (It-fail- 
lanee  passagt-iT  (jiii  s'en  t'tail  suivie,  avaiciU  clc  tout  de  sentiment  el  piesque 
affaire  des  sens. 

J^a  jeune  lille,  à  la  fois  sous  l'empire  de  la  limidilé  el  de  la  pudeur  (pii  sont 
le  propic  de  ee  sexe  el  de  cet  âge,  s'élail  all'olee  de\anl  celle  Coule;  les  cris 
]'a\aienl  elCaree;  seule  en  (ace  de  ce  luinulle  de  passions  (li^el■ses  mais  loules 
dirigées  eontre  elle,  l'Ile  a\ail  perdu  loule  assuraïU'e  el  l'elrange  lire  (pii  a\ail 
passé  sur  ses  Irails  a\ail  Men  re^('le  le  Irouhie  de  son  àme. 

VMc  n'avail  même  pas  lu  le  texte  de  la  réiraetalion  qu'on  lui  avait  l'ail 
signer'  el  l'on  de\ail  eonsommer  l'infamie  dont  elle  était  ^ielime  en  substi- 
tuant à  eetle  eédule  une  autre  pièee  plus  explieite  et  eonlenant  maint  arlielc 
ipii  n'elail  jias  dans  la  première. 

C'elail  tlu  reste  «  à  l'Eglise  »  (prellt'  a\ail  déclare''  «  se  soinnellre  i>  el  la 
terr'eui'  l'axail  amenée  à  celle  si'ule  concession,  (pi'elle  a\ail  sur  l'eehafaud 
eonsenli  à  \(ùr  l'Eglise  dans  ces  é\è(pies  el  leurs  assesseurs  dont  juscpialors 
elle  avait  réeusé  la  compétence. 

Elle  f'-lail  à  peine  descendue  de  l'c'cliafaud  (pTellc  commenea  de  se  ressaisir. 
«  Comme  on  re\enail  du  prêche  de  Saint-(  )ucn  apics  l'abjuration,  dit  C.uillaume 
ISIanelion  dans  son  U'moignage,  Loiseleur  disait  a  la  l'ucelle  :  <>  Jeanne,  xous 
«  a\c/.  fail  inic  bonne  journc'e.  S'il  plaît  à  Dii'U,  nous  a\c'/.  sau\é  \otre  àme. — 
«  Or  cà,  dit-elle,  entre  nous  gens  d'Ilglise,  mene/.-moi  en  ags  |)risons  et  que  je 
«  ne  sois  plus  vw  la  main  des  Anglais.  ■»  Sur  (|uoi.  Monseigneur  de  i'xauNais  : 
«  ]Mene/.-la,  dit-il,  où  \()us  l"a\('/  prise  ».  l'.n  consetpienee,  Jeanne  fut  ramenée 
au  eliàteau  d'où  elle  était  partie.  » 

Massieu  rend  le  même  témoignage.  Déçue  en  son  attente,  Jeaime 
commença  de  voir  combien  on  ^a^ait  indignement  tiompée. 

Elle  voulut  cependant  tenir  la  |)romesse  qu'elle  a\ait  faite  et  dc-posa 
l'habit  d'homme. 

<-<  Ce  même  jom-,  ajirès  diner,  poursuit  Massieu,  devant  le  conseil  de 
l'église,  Jeanne  déposa  l'habit  d'homme  et  piil  celui  de  femme,  ainsi  cju'il  lui 
était  ordonné.  C'était  le  jeudi  ou  le  vendredi  de  la  Pentecê)te.  E'hahit  d'homme 
fut  mis  dans  un  sac,  en  la  même  chambre  où  Jeanne  était  prisonnière.  Elle 
demeura  sous  la  garde  de  l'inq  Anglais.  Ea  nuit,  il  en  restait  trois  dans  la 
chambre  et  deux  dehois  à  la  porte  de  la  chambre.  Jeanne,  couchée,  a\ait  les 
jambes  tenues  par  deux  paires  de  fers  et  le  corps  enserré  par  la  cbainc  (pu, 

I.    «   Elle  fit  une  croix  avec  une  plume  que  je  lui  donnai  »,  dit  Massieu. 


LE   SUPPLICE    DK   JEANNE. 


36i 


li'incrsaiil  les  pieds  de  son  lil,  U'iiail  à  uiu'  i;rosse 
pièce  de  bois  et  fermait  à  clef.  En  cet  état  elle  ne 
pouvait  se  nîouvoir  de  place.  » 

(lomhien  douloiu'eux  dut  èlre  pour  l'inCor- 
tunée   ce    soir    du    :>.]    mai!    eoml)ien   somhre   la 
nuil  ([u'elle  passa   dans  le  eaciiol,  seule   avec  elle- 
même  ! 

Ouels  retours  tiistes  et  navrants  ne  fit-elle 
pas  sur  les  divers  incidents  de  ce  jour!  Quelle 
ruine  non  seulement  de  ses  beaux  espoirs 
passés,  mais   de  sa  grandeur  même! 

l'eu    à    peu    le    calme    de    l'àme    lu 
rcAcnait,  sa  terreur  s'elait  apaisée;  n'en- 
tendant plus  ces  cris,  ce  lumulle,  n'axanl 
plus    aulour   d'elle    celle    foule    hou- 
leuse et  menaçanic,  elle  commençait 
à  redevenir  elle-même. 

l']|le   repassa  alors    en   sa   mé- 
moire  ce   (jui  s'était   fait   ilepuis  le 
matin;  elle  anahsa  avec  amertume 
ce  drame  rapide,  ce  vvw  mal- 
faisant et  eiucl  dc\ant  le(|ucl 
son  regard   s'était   \o\\é   et  sa 
raison   a\ail  y\n   instant    chan- 
celé comme  dans   {i\]  \crlige. 

Ainsi  donc  elle  avait  paiii 
reconnaître  un  instant  (jue  ses 
voix  l'avaient  trompée  et  cpie,  suivant  son  (expression,  «  Jésus-Christ  lui  a\ail 
failli  ... 

Sa  vaillante  et  ferme  résistance  avait  cessé,  cl  soumise  et  crainlivc  devant 
ces  juges  qu'elle  avait  si  longtemps  doinincs,  elle  avait  signé  «  d'une  croix  i. 
le  reniement  de  tout  ce  (|u'elle  avait  dil  cl  l'ait,  de  tout  ce  ([u'elIc  avait  été 
«  de  par  Dieu  ». 

Et  à  mesure  que  l'omlire  du  soir  s'étendait  aulour  d'elle,  que  la  nuit 
s'écoulait  et  (|ue  toutes  choses  se  taisaient,  en  ce  silence  si  doux  pour 
l'homme  en  paix  et  à  celte  heure  effrayant  pour  elle,  tout  lui  apparaissait  en 
une  clarté  de  |)lus  en  plus  vive,  avec  une  austérité  plus  inexorable. 

40 


MUNI  Mil.NT    KI.KVl':    A     UUHKN     KN     1^56 

svi\  i."kmi'l\(:kmi:nt  de  f.'ancif.sne  r()Nf.\iNE  nu  xv"  sif.ci.k 

JJ\ipri-s    II  in*    [iIiotn^iMplile. 


362 


II^ANNE    DARC    RACONTÉE    PAR    L'IMAGE. 


Ses  voix  se  taisait'iil,  sans  iloulc.  Ce  n'c'-lail  plus  l'iicure 
où  c'ik-  >.<  ac'C'olail  sainte  INIargueiile  et  sainte  Cathe- 
rine »,  ni  eelle  où  c<  elles  fleuiaieni   bon  »,  encore 
moins    eelle    «    où    elle    pleuiait    de    les    voir 
partir  et   où  elle  eût  bien  ^<)ulu  s'en  aller  avec 
elles  ». 

T>es  saintes  elles  aussi  l'abandonnaient  et, 

dans  son  anijoisse,  elle  se  ilemandait  :  «  Suis- 

je  <lii;ne  de  leur  amour  ou  de  leur  haine?  » 

i/liorrenrdu  bùcbi'i'  lut  moins  aUVense 

|)onr    la    pau\  re  Jeanne   <|ue    celle   de   cette 

loni-iie  cl  soiubrc  nuil. 

Alors  elle  se  dressait  sur  sa  couche, 
secouait  les  l'ers  (|ui  lui  scrraiciU  les  pieds, 
l'.llc  Aoulait  clamer  à  Ions  (juc  «  c'clail  par 
force  »  <|u'on  l'aNail  fait  ai;ir  comme  elle 
avait  l'ail. 

Mais   les  fers  la   retenaient.   «  El    puis,  se 
'  .  disail-cllc,  (|ui'  sais-je  au  fond  cl  (|uc  faut-il 

penser  de  tout  ce  m\stèr'c?... 

<(  Vraiment,  n"ai-je  pas  ('le  le  jouet  de 
l'illusiou?  mes  \()i\  ne  m'auraienl-cllcs  pas 
Irompc'C  ou  plutôt  ne  me  suis-je  pas  Irompce 
moi-même  en  Iciu-  donnant  cette  rcalilc?  On 
ma\ail  promis  le  salut,  et  je  me  suis  mic  à  dcuv  pas  du  bùehcr.  .I'a\ais  tou- 
jours espc're  la  dclivi'ancc  et  la  iil)cilc,  et  ces  fers  (|iii  m'attacliaicnl  et  que 
je  secoue  vainement  scud)lcnt  en  leur  (■li(|uclis  railler  ma  douleur  cl  mes 
déeej)tions  !...  » 

I^a  Intti'  fut  ali'rcuse  cl  elle  seule  a^(•c  Dieu  a  pu  sa\<)ir  ce  (ju'il  en  était. 
L  imagination  se  perd  à  le  vouloir  entendre  et  il  n'y  a  plus  qu'à  dire  avec 
Bossuet  :   «  C'est  un  grand  abime  dans  lc(picl  on   ne  connaît   rien   ». 

La  lutte  ne  fut  pas  vainc  toutefois,  et  bientôt  Jeanne  en  sortit,  retrouvant 
toute  sa  Aigueur  a\ec  toute  sa  licite. 

Aussi  bien  ses  ennemis  devaient  la  seconder,  en  ce  retour. 
Ils  l'avaient  déshonorée,  pensaient-ils,  en  l'amenant  à  abjui-er.  Elle  mour- 
rait maintenant  sans  "randeur;  il  v  avait    donc  uriicncc  de    la   faire   mourir. 
Pour  y  réussir,  il  suffisait   à    Cauchon  d'obliger  Jeanne  soil   a    rcNcnir  sur  sa 


LE     BUCHKR 
D'iiprés   ]i>   stntue   de   V.    ]loGl>o. 


LE    SUPPLICE    DE    JEANNE. 


363 


ivli-actation,  soit  à  repi-cndre  l'iiiihil  d'iiomme.  Le  second  moyen,  étant 
d'ordre  tout  matériel,  semblait  |iar  suite  le  plus  facile;  on  se  résolut  donc  à 
y  recourir  tout  d'abord. 

«  Le  dimanche  suivant,  ([u'\  ('lail  le  jour  de  la  Trinité,  dit  Jean  Massieu, 
voici  ce  qui  se  passa.  Jeanne  me  l'a  rapporté.  Le  matin  étant  venu,  Jeanne  dit 
aux    Anglais,    ses    gardes    : 


«  [)ef'ei'i'ez-moi  et  je  me 
«  lèverai  «.  Alors  un  de  ces 
Anglais  lui  ùta  ses  halnlli'- 
ments  de  femme  qu'elle 
avait  sur  elle.  On  vida  le  sae 
où  était  l'habit  tl'homme  ; 
on  jeta  cet  habit  sur  son  lit, 
en  lui  disant  :  <i  Lè\t'-toi  -■, 
et  on  serra  dans  le  sae  les 
habits  de  femme. 

«  Jeanne  se  couvrit  de 
l'habit  d'homme  qu'on  lui 
a\ait  (loinK-.  En  même 
temps,  elle  disait  :  "  Rhs- 
«  sieurs,  \ov\s  savez  que 
«  cela  m'est  défendu.  Sans 
«  faute,  je  ne  le  prendrai 
«  point  ».  Mais  ils  ne  vou- 
lurent pas  lui  en  donnei' 
d'autre,  si  bien  que  le  débat 
dura  jusqu'à  midi.  A  la  fin 
Jeanne  fut  contrainte  de 
prendre  cet  habit;  et  ou  ne 
lui  en  voulut  pas  donner 
d'aulr-e....  Après  dîner,  divers  conseillers  furent  mandés  au  ehàleau  pour 
constater  comme  quoi  Jeanne  avait  repris  l'habit  d'homme....  Ils  disaient 
que  les  Anglais,  avec  haches  et  glaives,  les  avaient  furieusement  menacés.... 

«  Après  que  Jeanne  cul  clc  vu<'  avec  l'habit  d'homme,  on  lui  rendit  pour 
le  lendemain  l'habit   de  femme.    » 

Jeanne  n'avait   pas  seulement   obéi  à   la  contrainte  qu'on    venait  de  lui 
imposer  en  reprenant  l'Iiabil  d'Iionnnc.  Les  témoignages  les  plus  auloiis('s,  et 


MOHT    DJi    JtASSE    D  AUC 

Dessin  ilr  MM.   Prouvé  et  Carot,  pour  le  Missel  de  Je^iniie  d'Are. 
Ulttigc   cililiur.   [Collcclion   clc   M.    l'ubhc   I.ciiuilc.) 


364  JEANINE    D'ARC    RACONTÉE    PAR    I.'IMVC.E. 

eiilrc  aiilic's  <cii\  (risaml)ai(l  de  la  l'icirc  ri  de  Alailin  1, advenu,  «[iii  l'assis- 
lèiciil  CM  SCS  dcinit  rs  moniciils,  assiircnl  (lu'cllc  cul  à  souli'iii-  les  violences 
non  sculemcnl  des  niiscrahlcs  (|ui  la  i;ai(laicnl,  mais  encore  d'un  seigneur 
anglais  qui  \inl  dans  sa  |)iison  cl  Icula  de  lui  faire  subir  les  suprêmes  outrages. 

Isamhard  dit  ([u'elanl  enli'c  dans  la  piison  de  Jeanne,  <<  il  la  vil  ('-plorée, 
le  visage  iuondi'  de  larmes,  dcligurce  el  outrag(''e,  en  soric  iju'il  en  eut  grande 
pitié  ». 

Guillaume  Maudion  confirme  celle  version.  Il  avail  entendu,  comme 
greffier,  Jeanne  dire  (jue,  si  elle  avail  l'epris  ses  habits  d'Iiomme,  «  elle  l'avait 
fait   pour   défendre  sa  pudeur  contre  ses  gardiens  qui  voulaient  y  attenter  ». 


4f^ 


Aussi  bien  ces  indignes  trailcniculs  finircnl  de  rendre  à  Jeanne  toute  son 
énergie,  el  Caucbon  pul  le  voir,  (piand,  le  lundi  2iS  mai,  il  xinl  la  trouver  dans 
sa  prison  avec  ses  assesseurs. 

Elle  déplora  en  termes  amers  "  la  trahison  qu'elle  avail  consentie  en 
faisant  rcxocalion  poiu'  .sauver  sa  \ie...  :  c'est  .seulement  par  peur  du  feu  que 
j'ai  dit  ce  <juc  j'ai  dil  cl  que  j'ai  r(''vo(pié  ce  (|ue  j'ai  r(''vo([U(''.  » 

<i  J)u  rcsic,  ajdulail-elle,  je  n'ai  |)oinl  dit  (jue  je  révocasse  mes  appari- 
tions  Tout  ce  (|uc  j'ai   l'ail,  je  l'ai  fait  par  peur  du  feu;  je  n'ai  rien  révoqué 

que  ce  ne  soit  contre  la  vérité J'aime  mieux  mourir  (ju'cudurer  plus  longue- 
ment   la    prison. 

—  Eh  bien,  reprit  ('auchon,  nous  n'a\ons  plus  cpi'à  procéder  ultcricn- 
l'ement  comme  de  droit  et  de  raison.  » 

Là-dessus  les  juges  se  reliicrcnl;  et  ('.auchon,  rencontrant  le  comte  de 
Warvvick  qui  attendait  à  la  poilc  de  la  prison  le  résultat  de  la  visite,  en  com- 
pagnie de  nombre  d' Vnglais,  lui  cria  en  riani  :  <  Earcwcll,  fai-cwell;  faites 
bonne  chère,  c'csl  (ail  !    » 

Ee  lendemain,  l'cAèque  île  Beaux ais  réunit  ses  collègues  dans  la  chapelle 
du  manoir  archié|)iseopal.  Ils  se  trouvèrent  au  nombre  de  quarantc-ilcux.  11 
les  somma  de  donnci'  leur  avis.  Ils  furent  unanimes  à  déclarer  Jeanne  héréli(jue 
et  relapse.  L'abbé  de  Fécamp  exprima  toutefois  l'avis  (pi'une  d(  inièrc  admo- 
nestation fût  donnée  à  Jeanne  :  on  verrait  ensuite  à  la  livrer  au  bias  séculier. 

«  11  nous  reste  à  vous  remercier  el  à  conclure,  dil  C'auchon.  Nous 
concluons  qu'il  devra  être  proci'dé  contre  Jeanne  comme  relapse,  ainsi  que  de 
droit  et  de  raison.    » 


«     QUE    I.V    CHOIX    SOIT    DEVANT    MES    YEUX,    JUSQUES    AU    P\S    DE    LA    RIOKT     » 
D'apri-s   le   carton   d'ALU^RT  Maignan.   (Co/lcction   de   M.    CliainpigiuaUc.) 


LE   SUPPLICE   DE   JEANNE. 


367 


L'iiiiqiiilr  (lait  consommée.  Jeanne  n'avaiL  plus  qu'à  mouiir.  Ce  devait 
être  chose  faite  dès  le  lendemain. 

La  vaillante  enfant  en  avait  pris  son  parti  quand  elle  avait  rétracté  son 
abjuration. 

Mais  la  mort,  et  surtout  une  mort  comme  celle  qui  l'attendait,  ouvre 
devant  l'homme  un  abime  près  duquel  nul  ne  se  tient  ferme.  Le  C.hrist,  en  son 
humanité,  a  connu  cette  suprême  épreuve,  et  son  cœur,  soumis  à  Dieu,  souhai- 
tait cependant  que  le  calice  s'éloionàt  de  lui,  s'il  était  possible. 

Aussi  ce  n'est  pas  sans  raison  (jue  Dieu  a  jeté,  [)our  la  plupart  des 
hommes,  un  ^oile  sur  cet  abîme.  Presque  toujours  l'homme 
(^       ignore  autant  sa  mort  que  sa  naissance.  L'infortunée  ^  ictime 

tft  '\^i  ot]<wi'  \i&  otitvrt  cttpitiimrtvt-  maie  iitimce  htnaw^  l<ifi<fni  <ii 
«fôloijè  ntiti^  ^icv'ili*  lAfhiiÇ,  «itcvucii'iit  Util!  Um'lliyt  p>uu  ciLs- 
.j^^yMY\         '7bnJ)Miri  L»  cmu'uue  tH»». ouoiCiit  vSj  (,!ui' compte)""^  ^'»«î^f>"t>i''<=  p^  ' 

MfQUil      ^  ~ 

l'OIlTlHIT    DE    .IF.VNNK    I>  AHC 

Dcssinî'  il  la  jilunir  par  Ii'  greHifi*  du   rarlcnient  di'  Paris  en  i»nrf;(^  d'un  registre  ^nr  lequel  se  trouve  mentionnée 
la   le\éi'  du  sir^i*  d't.Jrléaus.   (^.Iri'/n'i'cs  int/iofiti/cs.) 


des  Anglais  cl  de  Cauchon  devait  voir  la  sienne  en  face  cl,  plusieurs  heures 
d'axancc,   en    considérer   l'iiorrcur. 

Le  malin  du  jour  ou  elle  moiu'ul,  s'adressani  à  l'un  de  ceux  f[ui  se  trou- 
vaient près  d'elle  :  «  IMaitir  Pierre,  lui  dit-elle  avec  angoisse,  où  serai-je  ee 
soir?  —  N'avez-vous  pas  boinie  espérance  en  Dieu?  répondit  P.  Morice.  — 
Oh   oui!    répondit-elle,   et  par   la  grâce   de  Dieu  je  sciai   au  Paradis   «. 

I'au\  rc  .Jeanne!  à  ce  moment,  son  cœur  se  reporta  siuis  doute  M-rs  son 
passé  si  court  et  si  plein.  Mn  ces  dernières  heures,  clic  \it,  comme  eu  un 
rêve,  passer  (le\aul  ses  a  eux  Domremy  et  le  Bois  Chenu  où  «  elle  a\ait 
chante  «,  cl  l'église  du  \illage,  puis  la  cr\|)le  de  ^aucoideurs  où  clic  iuail 
tant  prié  cl  plcui'c.  IjUc  songea  à  la  Porte  de  fiance  sous  laquelle  elle  était 
passée  radieuse,  lorsijue  quittant  Baudricourt  elle  était  partie  pour  ('.binon, 
aux  jours  glorieux  d'Orléans,  de  Palay  et  de  Reims,  aux  chevauchées  rapides 
où  sa  haquenée  l'emportait  victorieuse,  aux  acclamations  de  la  fouie  et  de 
l'armée  entière. 


368        JEANNE  D'ARC  RACONTÉE  PAR  L'IMAGE. 

Elle  se  rappela  les  heiiiix  lèNcs  fpi'elK'  a\ail  caressés,  les  i^iaiids  desseins 
(jii'elle  a\ail  iioiinis  :  le  Uoi  leiiliaiil  à  l'aiis,  la  ualioii  l'eiidiie  a  elle-inèiiie, 
l'Aiiiilais  ■(  honte  hors  de  Fraiiee  )>. 

El  loul  cela  n'elail  doue  plus  (pi'iiii  soiix  eiiif  ou  une  deeeplioii  !  d'aulaul 
plus  douloureuse  (|ue  son    rè\c  a\ail   ele  |)lus  i;raud.    i'.l    de   celle  draniali(|ue 

é'popée  le  dernier  mot   allait  être  dit    par  elle.    Et    ce   dernier  mot Elle    se 

détournait   alors  el  sans  doute  essa\ait   t'ucore  d'espérer. 

"  Où  serai-je  ec  soir?  où  s'en  ^a  mon  pauvre  corps?  où  s'en  va  ma 
jeunesse  sitôt  flétrie?  » 

L'image  du  hùelier  se  dressait  dexant  elle.  IJIe  se  prenait  alors  à  i^émir-; 
elle  pleurait,  s'arrachait  les  che\eu\,  se  lanienlait  et  disait  à  iMaîtic  Lad\enu: 
«  llelas  !  helas  !  peut-on  me  traiter  si  horrihlcment  et  si  crucllcnicnl,  (pi'il 
faille  que  mon  coips  net  el  entier,  (pii  ne  l'ut  jamais  corrompu,  soit  aujour- 
d'hui consumé'  et  réduit  en  cendres!...  »  l^lle  s'arièlait,  puis  reprenait  avec 
une  douliur  Aiaimcnt  naxrante:  "  Oh!  oh!  j'aimerais  mieux  être  deeapilee 
sept  l'ois  (jue  d'être  ainsi  hrùlee!...  ■»  l'>t  se  redressant  avec  im  geste  vengeur  : 
«  Oh!  j'en  appelle  à  Dieu,  le  grand  iiig<',  dis  torts  el  ingravanees  (ju'on  me 
fait!   » 

\'A\v  parlait  encore,  lors(jue  Cauchon  entra  dans  la  prison,  accompagné 
<lu  viec-in(|uisiteur.  .Jeanne  dehout,  lui  dit  d'une  voix  forte  :  «  Eyèque,  je 
meurs  parxous l'appelle  de  vous  de\ant  Dieu  ». 

i)uv  venait  faire  ici  Cauchon?  Les  choses  etaicnl  réglées,  et  la  condamna- 
lion  dé  Jeanim  irrévocable. 

Voulut-il  par  cet  instinct  ('Irange  (pii  attire  maigre  eux  les  scélérats 
vers  leurs  victimes,  revoir  encore  et  de  plus  près  l'infortunée  «[ui  allait  mourir 
par  son  fait?  l'tait-ce  impudeur  el  venait-il  comme  .Tudas  au  jardin  des  Olives? 
Fut-ce  cruauté? 

Il  semble  bien  ([u'il  vint  surtout  |)our'  essaver  de  ramener'  Jearme  à  une 
nouvelle  rétractation,  laquelle  ne  l'eût  pas  sauvée  tie  la  mort,  mais  l'eût  à 
nouveau   dcshoirorée. 

Il  est  assez  malaisé  de  savoir'  au  jirstc  ce  qui  se  passa  enir'c  sa  x  iclimc  et  lui. 
Le  procès-verbal  (ju'il  produisit  dix  jours  après  la  mort  de  .learnie  n'est  revêtu 
d'aucun  earactèr'c  d'aulhcnticitt'-. 

«  .Te  reconnais  que  mes  voix  m'ont  déçue  »,  aurait  dit  .Teanne.  L'a-t-elle 
dit?  Nous  ne  savons;  mais  si  elle  l'a  dit.  (|u'en  conclure?  Qu'elle  a  nié  la  réalité 
de  ces  voix?  Ce  ne  pouvait  être  .sa  pensée,  puis([ue  avant  el  après  celte  scène 
elle  a  déclaré  à  dix  reprises  celte  réalité. 


'i^i/t   ^t/Una.n'U'.JâA^ 


LE    SUPPLICE    DE   JEANNE. 


369 


Le  fait  csl  que  jusqu'au  dcfiiicr  joui'  Jeaune  d'Arc  a  espéré 
sa  (lélivranoe.  Son  cœur  récLTinait  cet  espoir,  et  Dieu  le  lui 
a\ait  laissé.  (  kiand  ses  voix  lui  disaient  :  »  Ne  le  eliaille  (]v 
ton  niail\re  »,  elle  croyait  qu'elles  lui  parlaieiU  de  sa  prison. 

Placée,  à  la  lin  de  ce  Ioni>-  tourment,  devant  une  morl 
inévitable,  il  lui  fallut  renoncer  à  toute  csp('rancc.  La  lutte 
dut  être  eli'rovable.  Elle  eut  la  sincérité  de  le  reconnaître. 

En  essavanl  de  conclure  de  ses  paroles  <ju'elle  avait  à 
nouveau  renié  ses  voix,  Cauclion  a  train  Jeanne  en  même 
temps  que  la  vérité. 

Il  était  dit  que  cet  homme  couduirail  ius([u'an  bout  la  haine 
et  le  mensonge.  Que  sa  mémoire  dcmenre  sous  ce  fardeau 
(ju'il  a  assumé  ! 

Il  nous  ri'stc  à  donner  le  récit  dn  supphcc  de  .Icanne. 

Nous  demandons  (pi'ou  nous  épargni-  celU'  lâche 
douloureuse,  en  nous  permettant  de  laisser  parler,  dans 
l'émotion  et  la  sinc(''rit(''  de  leurs  sons  cuirs,  ('{'[w  <|ni  onl 
assisté  à  ci-    Irisic  s|)ectacle. 

Aussi  bien  cpie  dirions-nous  qui  pùl  \aloir  ce  (|n'ils 
diront? 

Le    récit    (juc    nous   IrouNons   dans    la    dcposilion    de 
l'huissier  Massieu,    semble    être    le   pins   complel  ;    nous  le  cilci'ous  tionc  eu 
entier. 

Après  ^ini;l-cin([  ans  écoulés,  l'c^molioii  rcssenlic  au  sup|)lice  de  .Icanne 
par  cet  homme  timide,  mais  bon,  persisU'  encore  et  se  manifeste  dans  ses 
paroles  : 

«  Li'  mercredi  eut  lieu  rexéeulion.  Dès  le  matin,  après  avoir  oui  deux 
fois  Jeanne  en  confession,  frère  Martin  J^advenu  m'envova  lrou^(•r  l'évèque 
de  Beauvais  pour  l'informer  qu'elle  avait  confessé  et  demandait  la  commu- 
nion. L'évèque  réunit  à  ce  sujet  quelques  docU'urs.  D'après  leur  délibération 
il  me  répondit  :  «  A  ous  dire/,  à  frère  Martin  de  lui  donner  la  communion  et 
«    tout  ce  qu'elle  demandera  ».  Je  revins  au  château  et  avisai  frère  Martin. 

«  t'.erlaiu  clerc,  messire  Pierre,  apporta  à  Jeanne  le  corps  de  Notre- 
Seigneur  ;  mais  il  le  lui  a|)|)orla  bien  irrévérencieusement,  sur  une  patène 
enveloppée  dans  du  linge  ilont  on  couvre  le  calice,  sans  lumière,  sans  cortège, 
sans   surplis  et  sans  étole. 

te   Clela  mécontenta  frère  iMartin.    Il   renvoAa    quérir  une  étole    cl   de   la 

47 


Il    GR\M>E    .M\KTYKE 

D'après  la  statue  de  Kt.ev. 


Syo 


JEANNE   D'ARC    R  VCONTÉE    PAR    L'IM\GE. 


JEANNF.     TKro>IPH\M  r. 

D'iiprrs  lii  siiiiuc  iKH^nci  i.k 


iiniiric,    puis   il    ;ulmiiiislrii   .Icaniu'.    INloi    pri'SfiU,    clU'    icriil    le    <'()r|>s    i\v 
NoIrc-SiMiiiicur  lirs  (lévolciiicnl  cl  en  \crs;inl   di-s  lainics  al)()M(l;HiU's.    - 

Guillaiiinc  Maiiclioii,    i;rcf(i('r,   ajoiilc   à   ce  icril  les  dc'lails 
sui\anls  : 

<c  l'oinail-oii  (loiincr  la  communion  à  une  personne 
ainsi  cléolarce  cxoommiiiiirt'  et  liérélicjiie  ?  Ne  fallail-il 
|»as  une  absolution  en  forme  de  l'Eglise?  Il  fnl  déMIxTC' 
là-dessus  enlic  les  juges  el  les  conseillers.  On  décida 
(|u'il  V  a\ail  lien  de  lui  donner,  sur  sa  requête,  le 
sacrement  de  l'Eiicliarislic  cl  de  l'absoudic  an  tribunal 
de  la   pcnilcnce.  » 

La  conduilc  lie  l'Iionunc  est  sou\t'nl  faite  de  conlra- 
diclions.  (lelle  niai(|Mc  de  sa  nalurc  apparaît  surtout 
dans  les  grands  cxcuenicnls  de  sa  \ie  el  lors(ju'il  doit 
prendre  en  publie  i\t)v  delcrniinalion  gra\e.  Hc'rodc  csli- 
uiail  ,lean-l)aplislc  el  aimait  à  ne  pas  agir  sans  le  con- 
sulter :  en   même  lemps  il  le  tenait   en  prison. 

Pilalc  confesse  la   parfaite  vertu  de  ,l(''sus-(  hrist,  cl 
du    nicnic    coup   déclare  ([u'il   le  ^a   •■  amender   •>    en    le   faisant    (lagellcr. 

C.auclion  cl  SCS  assesseurs  dcclarcnl  Jeanne  licrclicjuc  cl  relapse  :  ce  (|ni 
ne  les  cmpcclic  pas  de  radmcllre  à  la  conuuunion;  (iauelion  ajoute  nicnie 
que,  avec  l'Eucliarislic,  il  l'aul  lui  accorder  ■  loul  ce  (|u'cllc  demandera  »  . 
(i'csl   le  plus  clair  a\cu  de  l'innocence  de  .b'amie  (r\rc. 

En  Miile,  c'est  à  diie  comme  l'ascal  :  <<  Quelle  eiiimère  est-ce  donc  ([ue 
l'homme  !  Ouelle  nouveauté,  quel  monstre,  quel  chaos,  quel  sujet  de  contra- 
diction!...   Dépositaire  du    vrai,  cloaque   d'incertitude  el   d'erreur,  gloire    el 
rebut   de  l'univers!  qui  démêlera  cet  embrouillement?...'  •< 
Retournons  au  récit  de  Jean  Massieu  : 

«  Jeanne,  dit-il,  fut  menée  au  Vieux-Marclic'.  Eièic  Martin  el  moi,  nous 
la  conduisîmes.  Il  \  avait  un  corlège  de  plus  de  huit  cents  hommes  de  guerre, 
porlaiU  haches  et  glaives. 

«  Sur  le  chemin,  Jeanne  faisait  de  si  pileuses  lamentations,  ([uc  hère 
Mari  in  cl  moi  nous  ue  pouvions  nous  empêcher  de  pleurer. 

«  Au  \  ieuv-Marché,  Jeanne  ouït  le  sermon  de  maître  Nicolas  Midi  bien 
paisiblcnu'Ul.    Ec   scimon  fini,    maître   'Midi    dil    à   Jeanne  :    ■■  Jeanne,  va   eu 


I.    Pascal.  Pfnsees.  I.   1,  |>.   ii-i- 


LE    SUPPLICE    DE   JEAAAE. 


3-. 


"    |»ai\.  L"Eglise  ne  peut  plus  rien  pour  te  défendre  el  le  li\re  au  hias  sc'culier  >■. 

'■  V  ces  mois,  Jeanne,  s'élanl  ai>enouillée,  fil  à  Dieu  les  |)lus  dévoies 
maisons.  Elle  eut  une  merveilleuse  constance,  monlranl  apparences  ('\  idenles 
el  grands  signes  de  contrition,  pc-nitence  et  ferveui'  de  loi,  laiil  par  ses 
piteuses  et  dévotes  lamentalions  (jue  par  ses  invocations  de  la  henoilc  Tri- 
nile,  de  la  l)enoile  glorieuse  Vierge  Mai'ie 
cl  (](■  Ions  les  benoîts  saints  du  Paradis, 
parmi  les([ncls  elle  en  nommail  cxprcs- 
semenl  plusieurs. 

«  Au  milieu  de  ses  lamentations, 
(h'votions  et  attestations  de  vraie  foi,  elle 
demandait  merci  très  liumhlemcnl  a 
toutes  manières  de  gens,  de  (|iiel(|uc 
condilioM  ou  clal  (pi'ils  iïisscMl,  lanl  de 
l'autre  parti  (jue  du  sien,  en  rc(|ucianl 
(|U  ils  \()ulusscnl  bien  prier  pour  elle  et 
en  leur  pai'doiuiaul  le  mal  (pi'ils  lui 
avaient   l'ait. 

c<  Elle  continua  ainsi  un  très  long 
espace  de  temps,  comme  une  dciul- 
lieurc,  et  |)ersévéra  jus([u'à  la  lin. 

ic  (le  que  \o\arU,  les  Juges  assis- 
tants et  même  |)lusienrs  Anglais  l'urcul 
provoques  à  grandes  laiiucs,  cl  de  lail 
1res  amèrement  en  plcurèreul. 

«  Plusieurs  di'S  Anglais  |)rcscnls  rr- 
counaissaicnl  et  confessaient  le  nom  de 
Dieu  au  spectacle  d'uni'  si  notable  lin. 
Ils  ('laient  joveux  d'v  axoir  assiste,  disant 
(pic    c'avait    èle    une    bonne    fennne.    " 

L'emolion  fut  vraiment  universelle. 

Frère  Isambard  de  la  Pierre  l'assure  à  son  tour,  dans  les  lermes  suixanls  : 

«  Elle  disait  des  paroles  si  |)ilcuses,  dcNoles  et  cbrétiennes,  que  tous  ceux 
rpii  la  l'cgardaicnl,  en  grande  multitude,  pleuraient  à  cbaudes  larn\cs.  Le 
cardinal  d'Angleterre  et  plusieurs  antres  Anglais  furent  contraints  de  pleurer 
et  d'avoir  compassion.  Lui-niriiic  r(''\è(|ue  di-  lU'auvais  versa  des  plem's.  » 

Ce   «   lui-même   ->   est  tout  un  monde! 


.(mvnm:  i>  Aiu; 


D'.inrcs  le  tiibleaii  de  Simon  Vouet  (xvu-  sièc-lc), 


[Mus. 


il'Orîcans. 


372  JEANNE   D'AllC    RACONTÉE   PAU    L'IMAGE. 

«  Quand  Jt'aiiiR-  fut  dclaisscf  par  l'Eglise,  j'étais  encore  avec  elle,  dit 
Isamhard  de  I-.a  l'ici-re.  \i\]v  demanda  avec  grande  dévotion  à  avoir  une 
cioix.   Lu    Anglais  en  lit  mie  |)elile  a\ec  le  bout  d\[n  hàlon  et  la  lui  donna. 

('  Jearme  la  recul  déxotement  cl  la  i)aisa  avec  tendresse  en  faisant  piteuses 
lamentations  cl  oraisons  à  Dieu  notre  Rédempteui-  (|ui  axait  souH'crl  en  la 
croix  poiu'  notre  rédemption,  de  laquelle  cioiv  clic  avait  le  signe  cl  la  rcprc- 
scnlalion. 

«  Elle  mit  cette  croix  en  son  sein,  entre  sa  chair  et  ses  xêlemcnls.  En 
ouli'c  clic  me  demanda  liumhicmcnl  de  lui  faire  axoir  la  cioix  de  l'église,  alin 
([u'cllc  la  piil  xoir  l'ontinuellcnicnt  juseju'à  sa  mort.  » 

I  n  aulrc  Icmoin  cite  les  paroles  mêmes  de  .Jeanne  :  «  Je  vous  prie  aller 
me  cliciclicr  la  croix  de  l'cglisc  voisine,  pour  la  tenir  élevée  devant  mes  veux, 
jusf(ues  au  pas  di'  la  morl,  alin  (|uc  la  croix  où  Dieu  pendit  soit  dans  ma 
vie  conliimellcmcnl   devant  mes  veux    ». 

«  Je  lis  lanl.  pouisuil  Massicu,  (|Me  le  clerc  de  la  paroisse  Saint-Sauveur 
la  lui  apporta,  (hiand  on  la  lui  cul  ap|)orlce,  Jeanne  l'embrassa  bien  clroite- 
mcnl  et  longucmcnl  en  pleurant,  cl  elle  la  serra  dans  ses  mains  jusqu'à  ce  (pie 
son  corps  fui    lie  a   lallaclic. 

'<  Pcndanl  (|uc  Jeanne  faisait  ses  dévotions  cl  pileuses  lami'Ulalions,  les 
soldais  anglais  cl  plusiem's  de  leurs  capitaines  nous  barcelaient,  avant  bâte 
(pTclIc  fût  laissée  en  b'urs  mains  pour  |)lulùl  la  faire  moiuir.  » 

Ea  sentence  une  fois  |)rononcee  |)ar  Cauelion,  Jeanne  demeura  "  environ 
uni'  dcmi-licure    >  siu'  l'i'slradc  où  clK'  avait  été  placée. 

II  sembla  ([ne  les  séculiers  n'osassent  pas  s'cnq)ai'cr  d'elle.  Ea  loi  voulait 
<pic  le  liailli  prononcAl  l;i  condannialion.  (Icllc  formalité  ne  fut  pas  reni|)lic; 
dix  des  lemoins  ralleslcnt. 

«  A  la  suite  de  la  sentence  du  juge  ecclésiastique,  qui  l'abandonnait  au 
bras  S(''culier,  atteste  lsami)ard  de  la  Pierre,  .Jeanne  fut  conduite  au  bailli  la 
présent,  et  celui-ci,  sans  autre  dclibciation  ou  sentence,  faisant  signe  de  la 
main,  dit  :  <<  Menez,  menez!  »  Et  c'est  ainsi  (|uc  .Icaimc  fut  menée  au  bûcher 
où  elle  fut  brûlée.  « 

«  Je  réconfortais  Jeanne  sur  l'échafaud  selon  mon  entendement,  dit 
Massieu,  (juand  ils  me  dirent  :  «  Comment,  prêtre,  nous  Icrez-vous  diner 
('  ici?  )3 

«  Et  incontinent,  sans  aucimc  forme  ni  signe  de  jugement,  ils  l'cnvovèrent 
au  feu,  en  disant  au  maître  de  l'œuvre  :  «  Eais  ton  office  ». 

«  Accompagnée  de  frère  Martin,  Jeanne  fut  menée  et  attachée;  et  jusqu'au 


LE   SLPPLICE   DE   JEAN>"E. 


3t3 


LA     FllANCE    CHKETIENÎIK.     JI'.SIIS    ET    I.  V    VIERGE    ENTOURES    DE    L  ANGE    DE    LA    FRANCK, 

DE    SAINTIi    GENEVIÈVE    ET    DE    JEANNE    d'aRC 

Mosaïque  t'\cculi-c  iiii   Paiitli«''uii,  d'après  le  tableau  de  Hébert. 


(Iciiiicr  inomciil,  clk-  ((niliiiiia  ses  liiiiicnlalioMS  dévoies  oiucis  l)ic'ii,  saiiiL 
iNlicliel,  saiiik'  (iallicriiic  cl  Ions  les  saiiils.  n 

«  A  la  Un,  ifprc'iid  (iiiillaiiinc  Alanchoii,  inclinaiil  la  Iric  cl  iciidaiit 
l'cspril,  .loaiiiie  prononça  imicoic  axic  force  le  nom  de  Jésus.  » 

Un  aulie  lénioin,  le  ciné'  Jean  Hiquier,  dil  (jue  .leaiiiic  ne  cessa, 
pendant  son  su[)plice,  de  pionoiicer  d'une  \oi\  1res  forle  le  nom  de  "  .h'sus  ». 

<■  Quand  Jeanne  \il  incllre  le  léii  au  hùelier,  elle  se  mil  à  eiier  d'une 
voix  forle  :  i'  Jésus!  >■  el  loujours,  jus([u'à  ce  qu'elle  trépassa,  elle  cria  : 
('  Jésus  !  » 

(Hiel  ilrame  en  ces  (pielipu's  mois  dits  si  simplement  |)ar  Jean  Ri([uier! 
On  croit  entendre  ce  cri  de  Jeanne,  sa  \t>\\  de  jeune  vierge,  rendue'  plus 
perçante  par  l'eflroi  et  aussi  par  la  ferveur,  appelant  à  son  secours  le  seul 
ami,  l'unique  consolateur  <jui  demeure  à  l'àme  croyante  quand  tous  les 
autres  font  défaut  ! 

i<  Elle  ne  voidut  jamais  révoquer  ses  révélations  et  [persista  jusqu'à  la 
dernière  heure  »,  ajoute  un  aiitie  témoin. 

Combien  de  temps   dura  le    supplice   de  Jeanne  ?  Nous    ne  savons.  Les 


3:4 


JEANiNE   DAUC    nVCONTKK    l'VH    I/IMVGK. 


.\iii;liiis  a\;iiriil  i'\\'j,v  qu'on  l)àlil  lirs  liiiiil  rcclialMud  de  |ilà(ic  (|iii  l'urmail  la 
hasi'  (lu  l)iK-licr,  aliii  que  la  viclime  fùl  \  uc  de  loulc  la  l'ouk'.  Ia'  supplice  de 
rintoiliiuee  eu  lui  plus  cruel  :  elle  fui  moins  \itc  suiro([uée. 

(l'csl  le  hoinrcau  kii-nièmc  <jui,  cpou\anlc  de  ce  (|u'il  \enail  de  l'aire,  a 
rentlu  ce  leinoiunage  quelques  liiHn<'s  après  la  niorl  de  .leanne  d'Are  : 

'<  .laniais,  dil-il,  l'exeeulion  de  nul  ne  m'a  donne  lanl  de  erainle  <pie 
l'iAc-culion  de  celle  puci'lle,  d'ahord  a  cause  de  son  renom  cl  du  i^rand  Uruil 
l'ail  autour  d'elle,  puis  à  cause  de  la  cruelle  manière  doni  elle  a  ele  lice  cl 
allacliée.    >• 

'■  De  l'ail,  ajoute  Isanibard  de  la  l'icrre,  les  Aui^lais  a\aienl  l'ail  l'aire  iwt  haut 
eclialaud  de  plâtre  et,  au  rapport  du  dit  exécuteur,  •■  il  ne  la  |)()u\ail  hoimc- 
<•  mcnl  ni  i'acilenieni  e\p(''dier'  >■.  axant  peine  a  atteindre  ius(|u'a  elle.  De  toul 
cela  il  elail  l'orl  marri  et  il  a\ail  i;raiidi'  compassion  de  la  cruelle  manièri' 
tlout  on   laisail    mourir  .Jeanne.    >' 

Jean  ISinuier  nous  a  dit  (pie  Jeanne  ne  cessa  pas  de  prononcer  d  tnie  \oi\ 

l'orle  le  nom  de  Jésus,  jusfju'à 
1-e  (pi'iHe  evpiràt. 

l  n  aulic  témoin,  l'appa- 
rilcur  Leparmentier,  ajoute  : 
■  Au  milieu  du  feu,  elle  cria 
plus  de  six  fois  :  "  Jésus!  » 
(  ,e  l'ut  sui'toul  en  icndaul  le 
dernier  soupir  (|u'elle  ci'ia 
d  une  \()i\  forte  :  "  Jésus!  •■ 
Si  liieii  ([u'cllc  put  ("'Ire  enten- 
due de  tous  les  assistants. 
I*res(jue  Ions  pleuraient,  |>ris 
de  pitié.  » 

Jeanne  n'aui-ait  tlonc 
poussé  ce  cri  que  six  fois  envi- 
ron. On  xoudrait,  s'appu\anl 
sur  ce  témoignage,  penser  que 
le  supplice  de  l'infortunée  ne 
(hua  (juc  peu  d'instants. 

I.  Il  II  ne  la  pouvait  v.iprilier  », 
c'est  bien  dans  sa  cru(iité  le  mot  d"uu 
bourreau  familiarisé  a\ec  sa  funèbre 
bcsofiiie. 


Ji;\>SE    I.A    PUCELLE 


D'après  la  gravure  Je  Léonard  Gaultier  (1G12  . 


LE    SUPPLICE   DE   JEANNE.  SjS 

Dieu  l'ail  \()iilu  !  l>'ai;oiiir  qui  avail  pivct-dc  celle  du  i)ùelier  a\ail  été  si 
longue  et  si  cruelle  ! 

Frère  Isambard  de  la  Pierre  ajoute  ee  delail  saisissant  :  «  Ce  même 
bourreau  m'affirma  que,  nonobstant  l'iiuile,  le  soufre  et  le  ehaibou  ([u'il  a\ait 
appliqués  contre  les  entrailles  et  le  cœur  de  Jeanne,  il  n'avait  pu  arriver  à 
consumer  et  à  léduire  en  cendre  ni  les  entrailles  ni  le  cieur.  Il  en  était  tout 
étonné,  comme  d'un  miracle  évi- 
dent .'. 

Il  ne  s'agit  donc  point  ici 
d'une  simple  tradition  plus  ou 
moins  entacbée  de  légende,  mais 
d'un  témoignage  rendu  par  le 
bourreau  lui-même. 

Plusieurs  autres  témoins  \ 
font  allusion,  entre  autres  l'buis- 
sier  Massieu  : 

«  J'ai  oirï  dire  par  Jean 
Fleur\ ,  clerc  cl  grellicr  du  bailli, 
qu'an  rapport  du  bourreau,  le 
corps  étant  consume  et  rc'duit  l'ii 
cendres,  le  C(cnr  de  Jeanne  elail 
reste  intact  et  ])lein  de  sang  >>. 

«  A  ce  ([u'il  me  semble,  dil 
rarcbidiaere  Marguerie,  après  la 
mort  tic  Jeanne,  ses  cendres,  par 
ordre  du  cardinal  d'Angleterie,  fu- 
rent réunies  et  jetéesdansia  Seine.  > 

Massieu  lui  l'affirma  : 

«  Le  bourreau  eut  l'ordre  de  recueillir  les  cendres  de  Jeanne  et  tout  ce 
(jui    restait   d'elle  et  de  le  jeter  en  Seine.  C'est  ce  qu'il  lit.    ' 

Terminons  <•(■  douloureux  récit  par  le  tc-moignage  sui\anl   : 

«  Presque  tout  le  peuple  murmurait  (|u'il  ctail  fait  à  Jeanne  grande  injure 
et  grande  injustice.  J'entendis  pailiculièrement  des  paioles  cxpressi\es  de 
Maître  Jean  Tessard,  secrétaire  du  roi  d' \nglelerre.  Il  rc\enait  de  la  place 
où  Jeanne  \enail  d'être  brûlée  ;  je  le  xis  triste,  dolent  cl  gémissant,  il  se 
lamentait  sur  ce  (|ui  avait  ètt'  fait  et  déplorait  le  spectacle  dont  il  avait  <''t('' 
témoin  au   lieu  (\[i  snpplici'.    "  Nous  sommes  tous  perdus,  disait-il.  car  c'est 


I.'kXEMPLE    1)1.     I.l     fl  t.1,1.1.1.    I.MIAIUIII     IIS     MIRIFS    COF.URS 

DE  iii\>c:i; 
Olîuvrc  ilr  Mautis  le  Franc,  (xv    siccIc.; 


376        JEANNE  D'ARC  UACONTÉE  I'\R  L'IMAGE. 

iiiu"  l)oniu'  saillie  personiu'  (jii'oii  a  l)ri'ilc('.  ,1c  crois  son  âme  dans  la 
main  de  Dieu  cl  je  crois  damnés  tous  ceux  qui  onl  ailhéré  à  sa  condamna- 
tion. » 

«  Je  suis  ccilain,  ajonic  le  s^i'cffier  Boisguillainiie,  que  les  jui^cs  cl  leurs 
complices  encoururenl  une  i;iande  noie  d'inraniie  de  la  |)ail  du  peuple. 
Quand  Jeanne  fut  brùice,  le  peuple  monliail  les  auleurs  de  sa  moil  cl  en  a\ail 

llOI'l'CUl-.     » 

Ainsi,  les  flammes  où  périt  Jeanne  d'Arc  n'étaient  pas  encore  éteintes,  que 
déjà  l'histoire  el  la  postérité  commençaient  de  lui  rendre  justice;  elles  pro- 
uonçaient  le  premier  mot  de  l'immortel  plaidoNcr  dont  notre  temps  présent 
écrit  une  si  belle  pai;e  et  (pie  les  siècles  à  ^clnr  achèveront,  tant  au  nom  de 
la  reliijion  qu'au  nom  de  la  pairie. 

Du  même  coup,  les  jui;es  et  les  l)ourrcau\  claicnl  marf[ués  d'un  signe 
(Mii  ne  s'eUacera  plus  :   ■<  le  peuple   li'S  moulrail  cl  en  a\ait  horreur.  » 

Unissons-nous  au  >>  |)ciiple  -■  dans  ce  jusic  jugement  (pi'il  a  porU'  sur 
eux.  Ne  recherchons,  pour  essaxcr  de  les  dci'cndre,  ni  les  distinclions  ingé- 
nieuses, ni  les  \aincs  suhlililés.  Laissons-les  tels  <pie  les  a  faits  la  mort  de 
leur  victime.  "  Je  meurs  par  \ous  •■,  leur  disait-elle.  (Jne  <<  par  clic  ■■  \\\e  et 
demeure  la  lourde  cl  juste  si'iitciicc  dont  le  mol  \cugeur  les  a  fra|)pes.  Nous 
servirons  ainsi  la  foi,  le  patriotisme  cl  celle  justice  immanente  par  hupiclie 
Dieu  habite  au  milieu  de  nous  el  (jui  a  dans  notre  âme  une  naturelle  cl  \ivace 
racine. 

Mais  puis(|u'ils  étaient  Français  et  que  tous  nous  a\(ms,  fils  de  la  France, 
à  rougir  de  leur  mémoire,  je  demande  «piun  jour  prochain  leurs  noms  soient 
raves  de  l'histoire  tle  la  i'alric  cl  (jue  l'oubli  couvre  de  son  \oilc  ce  (pi'ils 
furent    el  ce  (pi'ils  ont  fait. 

Oui,  oublions-les!  Souvenons-nous  de  Jeanne  seulement,  de  sa  vie  el 
lie  sa  mort. 

De  sa  Aie,  pour  bien  entendre  à  quelles  sources  l'Ileroïne  en  a  ptiisé  la 
haute  vertu,  la  nolilesse  et  la  fécondité;  pour  imiter,  chacun  dans  notre  sphère, 
non  pas  tant  l'éclat  (pii  la  marc  pie  et  pour  lequel  la  plupart  d'entre  nous  ne 
sont  pas  faits,  (pie  le  courage,  l'inébranlable  constance  et  la  parfaite  alinéga- 
tion  dont  elle  fut  jalouse  jusques  au  bûcher.  Souvenons-nous  eu,  pour  aimer  la 
Patrie  et  nos  concitoyens  de  la  manière  dont  elle  a  aimé  et  servi  la  France  et  ses 
frères.  Que  son  exemple  soit  l'école  de  notre  palriolisme. 

Souvenons-nous  de  sa  mort,  pour  la  pleurer,  comme  une  des  plus  grandes 
ini(juilés  dont  runi\ers  ait  été  le  témoin.  Que  l'ardeur  de  notre  culte  national 


LE    SUPPLICE    DE    JEANNE. 


377 


et  la  grandeur  de  notre 
amour  pour  eelle  sublime 
enfant  déjjassenl  la  haine  de 
ceux  qui  l'ont  fait  mourir! 

Que  le  souvenir  de  eette 
iniquité  dememe  de^anl  nos 
yeux,  pour  nous  melire  en 
garde  eonire  l'enlrainemenl 
des  passions  mau^aises,  sem- 
blable à  ces  signaux  (|ui  dans 
les  montagnes  mar([uenl  les 
aliîmes  ciu'il  faut  é\iler,  ou 
à  ceux  (jui  dans  l'Océan  in- 
diquent les  éeueils  et  rappel- 
lent les  naufrages  fameux, 
(hie  les  gr-ands  surloul  en- 
lendenl  eelle  leçon  ! 

Sou\en()ns-nous,       non 
seulement  avec  une  immense 
pilié    pour   la    \iclime,    mais 
a\ee    une   sorte  de  remords; 
eai-  Ions  nous  a\ons  eu  (|uel- 
ijue  ancêtre  au  pied  du   bû- 
cher  de  Jeanne.   Hois,   seigneins,   eliel's  d'arme  e,    cAècjues  el   prêtres,    magis- 
ti'ats,  gens  de  lellres  el  de  sciences,  |ieuple  el  bourgeoisie,  tous  nous  a\ons  à 
déplorer   eelle    lâche   nalionale,    car  tous  parmi    nos   pères  oui   laisse    mourii' 
celle    (pii    nous   a    sauvés. 

(lonfondons-nous  en  de  comnums  regrets,  au  lieu  de  nous  jeler  muluelle- 
menl  au  xisage,  comme  une  injure,  le  nom  de  noire  conununc  \iclinie. 

Mais  soyons  fîers  aussi  au  sou\enir  des  grandeius  île  Jeanne,  de  sa 
haute  vertu,  de  sa  piéle,  de  son  grand  courage,  de  son  génie  el  de  sa 
bonté. 

De^anl  son  image  el  à  l'i^oealion  tic  son  souvenir,  so\()ns  luiis  el  faisons 
trêve  aux  querelles  (pii  nous  di\isent. 

()ue,  sous  son  regai'd  doux  el  forl,  nos  luttes  sociales,  religieuses  ou 
polili(pies  s'a|iaisenl  au  moins  pour  un  jour  clnupie  année,  puis  (pie  peu  à  peu 
celle  paix   s'elende  et  (pie   nos  blessures  se   fcrmeni  ,   par  le  fait  de  celle  lille 

48 


i)-.,i 


I.l-    61  l'IM.ICl.    IJK    JI-.VNM".    I>  AlU; 

c:ni-lbrtc  de  BlDA,  extrait»-  lie  Jeanne  t/'.Ir 


|Mi-  Micilti.F.ï.   (llmlicllc  et  C"', 


■,/iU: 


■■) 


a-s 


JEANNE   D'ARC    RACONTÉE    l'VR    L'IMAGE. 


pieuse,  vaillanle  et  douce,  qui  "  ne  ^il  jainais  couler  le  saug  de  France  sans  que 
les  clieveu\  lui  dressassent  sur  la  lèle  ».  Que  cette  sceur  aînée  de  la  grande 
famille  française  réunisse  les  frères  qui  l'aimenl  et  qu'appartenant  à  tous,  elle 
pacifie  tout  le  monde. 

(Uiand  on  hii  demanda  ponrcpioi  clic  a\ail  déposé  son  armiuc  sur  l'autel 
de  saint  Denis  après  le  siège  de  Paris  :  «  Par  dévotion,  dit-elle,  comme  c'est 
accoutumé  parmi  les  hommes  d'armes  quand  ils  sont  blesses,...  parce  (juc 
c'est  le  (  '.v'i  de  France  » . 

<^)uc  son  nom  nous  soit  comme  un  cri  de  ralliement,  si  l'cinicini  icvcnait; 
mais  (ju'il  soil  surtout  poui'  nous  comme  un  appel  de  concorde  et  de  pacili- 
ealion. 

Que  devant  l'élranger  diuis  la  guerre,  (prcnli'c  nous  dans  la  paix,  le  nom 
de  Jeanne  soil  désormais  le  «  Cri  de  France  ». 


«     ET    TOt'JOVlKS,    JlsyU  A    CE    QUELLE    THESIM5S\, 
ELLE   CHU    :   «    JÉSUS  !     » 

I)'.ij>rcs    I.i    médaille   Je   KoTY. 


i 


TABLES 


Des    Matières    et    des    Gravures. 


GRAVURES   HORS    TEXTE 


Jeanne  d'Arc.  (D'après  la  staliie  de  Paul  Diiliois,  érii^éesur  le  parvis  Notre-Dame 

il  Reims) Frontispice 

Jeanne   écoulanl  ses  voix  dans  le  jardin  de   son  père.    (D'après    le    laijleaii    de 

Bastien  Lepag^e.  Musée  de  New  York) 20 

Jeanne    entend    ses   voix.    (D'apiès    le    tableau    de  I>.-F.    Benouville.   Musée   de 

Reims) 48 

Jeanne  îi  Domremy.  (D'après  le  marbre  d'Henri  Cliapu.  Musée  du  Lii.teiii/'ouri;) .        80 

Jeanne  entend  les  voix  du  Ciel.  (D'après  un  carton  d'E.  Grasset.  Cof/rc/iou  île 

M.  Gaudiii) 108 

La  vocation  de  Jeanne.  (D'après  le  j^roupe  en  marbre  d'AïUonin  Mereié)  ....       i  36 

L'attaque    du   château   des   Tournelles.    (D'après   le    carton   d'Albert    IMaii;nan. 

Colleetion  de  M.  Champigneulle) IJ2 

Entrée  triomphale  de  Jeanne  à  Orléans.  (D'après  le  tableau  de  J.-J.  Seherrer. 

Musée  d'Orléans) 168 

La  délivrance  d'Orléans.  (D'après  le  laldcau  d'Vman  Jean.  Musée  (T Orléans) .  .     .       188 

Jeanne  d'Arc  au   sacre    de    Charles   Vil.   (Tableau  de  J.-D.   Ingres.   Musée  du 

Louvre) 223 

Charles  VII,  roi  de  France.  (D'a|)rès  un  tableau  de  l'école  Crançaise.  Musée  du 

Louvre) 248 

La  Cour  de  Justice.    (D'après  la   miniature   de   Jean    Fouquet.    l'>ibHothè<iue   de 

Munich) 276 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  la  statue  de  Frémiet,  érigée  place  des  Pyramides  à  Paris).      3o8 

La  Vierge  et  l'Enfant  Jésus,  entourés  de  saint  Michel  et  de  Jeanne  d'Arc.  (Tableau 

votif  du  xv'^  siècle.  Musée  de  Versailles) 336 

Jeanne  d'Arc.  (D'api'ès  une  miniature  du  xv°  siècle.  Colleetion    de  M.  Geori;es 

Spetz) 348 

Le  supplice  de  Jeanne  il'Arc.  (^l'ar  E.  Lenepveu.  Peinture  murale  du  Panthéon) .  .      368 


GRAVURES   DANS   LE    TEXTE 


AYANT-PKOPOS 

Le  sommeil  de  Jeanne  à  Jai'geau.  fD'après  le  tableau  de  Joy^ 

Jeanni'  la  Piicellc.  (Slatuelle  en  bi-oiizc  du  \v''  siècle) 

Jeanne   la   Puérile.  (Fragmrnl  d'uni'  slalue  du  xV  siècle.  {Miisc-e  du  Trocadéro)   .... 

Jeanne  victorieuse.  (^D'après  la  slalne  de  l''r(''miel,  érigée  à  Nanc}'; 

La    Pucelle.     (D'après    une    |)la([ue    en    émail    du    xvi"    siècle.    Collection    lluldni    du 
Lys) 


I 

DOMREMY 

LES   PARENTS   DE  JEANNE   ET  SA   MAISON  —  SON  ENFANCE   —  SES   VO[X 

Les  voix  de  Jeanne.  (D'après  le  lablcaii  de  Pierre  Lagarde) i 

La  sainte  d(^  la  patrie.  (Buste  d'E.  Clialroussi»! i 

«   Jeanne  parlait  à  Dieu  ».  (D  après  lui  dessin  de  Dubois-Ménant) 2 

La  maison  où  naquit  Jeanne  à  Doniremy,  état  actuel.  (D'ajirès  une  iihotographie^ .     ...  3 

Entrée  de  la  maison  de  Jeanne  d'Arc  à  DonircTriy.  état  actuel.  (D  après  uncpliotograpliiel.  4 

Jeannette  aux  champs.   (D'après  le  tableau  de  M""-'  Demont-liretonl 5 

Eglise  de  Domremy,  état  actuel.  (D'a{)rès  une  pholograpliie) . 6 

Jehannelte.  (D'après  un  médaillon   de  Pérou) 7 

Domremy  et  la  vallée  de  la  Meuse.   (D'après  une  photographie) 8 

Jeanne  enfant.   ^D'après  le  tableau  de  J.  Henner) 9 

Jeanne  enfant  entend  ses  voix.  (D'après  la  statue  d'Albert  Lefeuvre) ■     .  11 

«   Va,  fille  de  Dieu,  va  !  ».  (D'après  un  dessin  de  Philippoteaux' 12 

«   L'archange  saint   Michel   I  entretint    de    la  grande   pitié    du    royaume    de    Franc(!    ». 

(D'après  le  tableau  de  L.-F.  Cabanes) lî 

Vision  de  Jeanne  d'Arc.  (D'après  un  dessin  de  Lecurieux' ij 

Les  voix  de  Jeanne.  (D'après  une  eau-forte  de  Bida.  Extraite   de  l'édition  illustrée  de 

Jeanne  d'Arc  par   Michelet) lO 

L'angelus  de  Jeanne  (D'après  le  tableau  de  U.-J.    Lucas.  Musée  d'Alger] 17 

Jeanne  d'Arc  et  ses  saints.  (Médaille  de  Dropsy,  d'après  le  groupe  d'AlIar) 18 

«  J'avais  treize  ans  quand  j'eus    une  voix  venant  de  Dieu.  »   (D'après  le  tableau   de 

IjCniattel 19 


384  TABT.E   DES   GRAVURES. 

Joanno  lilant   à  côté   de  son  pùro.  (D'aprts  une  graviiro  clos  Vigiles   do   Cliarlos  VII  do 

i4;)5-  Musée  Carnai'(i/cl) 20 

Ciiambre  de  Jeanne  d'Arc  à  Donircmy.  olat   a<Uiol.  (D'après  une  photographie).    ...  ai 

Chambre  dans  hi  maison  de  .loanno  d'  Vro,  étal  aotiiol.  (D'ajirès  inie  photographie!.    .    .  ?.i 

Les  saints  de  Jeanne  lui  ordonnent  de  secourir  la  France.  (Groupe  d'Allar  à  Domrenivl.  l'i 
K   La  voix  me  disait  :  «  \  a  on  France,  »  et  je  ne  pouvais  ))lus  durer  tiii  i'('lais.  >■  (D'après 

la  peinture  itnu'ale  du  Panthéon  par  E.  Lcnepveu) •l'i 

Jeanne  à  Domreiny.  (D'après  une  statuette  de  Fréniieli 27 

Jeanne  entendant  ses  voix.  (Dessin  de  Prouvé  et  Cai'ol  jKinr  le  missel  do  Joaniio  d'Arc.  28 
Jeanne   au  liois   Chenu.    (D'après  un    dessin    de    Vilal-DuliiMV.  Miisrc  Jctiniic  (t  Arc,   à 

Orléans) 29 

Les  voix.  (D  après  lo  tableau   d'Adi-ieu  lîonnefov) '^  i 

et   La  Franco  perdue  |)ai'  une  femuu'  sera  regagnée  par   une   Vierge  lorraine.  »   (D  après 

le   inlileau  do  H. -P.   Delanoy) S'} 

L'inspiraliiin.  (D'après  le  tableau  de  Dueis,  i825) 5f 

Jeanne  d'Arc  écdul.uil  ses  voix.  (D'a|ii'ès  la  statue  d'V.  Elox  dans  Ic^gliso  d  (Jrsay).    .     .  'î  > 

l)iiiiiron]\ .    n'aprèN   la  UMnlaillo  d'O.    Iloty) 30 


II 

Y\l  COI  LEURS 

piîi'.Mii'.iî   V()\  \<;k  i)f.  ji;\nnf  —  jf.vnnf  et  iî ai  diîicoi  is  r 

SECOND    VOYAGE    —    DL  RAXD   FAX A  HT 

La  Pucelle  chassant  les  Anglais.  [D'a|)rès   une   gra\uri'    de   Cochin.   Jj'ib/iol/icqiic  natio- 
nale)   ;i- 

Jeanne  entend  ses  voix.  (D'après  la  statue  d'André   Vilar.  Biisi/ifjiie  <le  Domreiny) .    .    .  'i-j 

«   Il  faut  <pie  j'aille,  et  j'ii-ai.  >>  (D'après  la  statuette  d'André  Massoulle) 38 

J^a  voix  me  disait  :  «  Va  en  France  >>.  (D'après  le  tableau  de  Jacques  Wagrez).    ...  3f) 

Lo  départ  de  Vaucouleui's.  iD  après  la  poinlui'e  nnn'ale  du  Panth(''<in.  ])ai'  Lenepveu)  .    .  lf\ 

Jeanne  d'Ai'c.  (D'ai)rès  la  statue  do  F.  Bogino) ',2 

«    Va  au  secours  du  roi  de  Finance,  tu  lui  rendras  son  royaume.    «   (D'après  lo  tableau 

d'Eugène  Thirion* • /,3 

Château  de  Vaucouleurs.  élal  acinol.  (D'après  une  pliiilograi)hiei ',î 

La  Pucelle.  (D'après  une  miniature  d'un  mamiscril  dn  \vi^'  siècle) .\G 

Le  songe.  (D'après  une  lithographie  do  Chassolat,  1820) /,7 

I^es  voix.  (D'après  un  bas-relief  do  Foyatior.  Musée  d'Orléans] ',9 

Jeanne  écoutant  ses  voix.  (D'après  la  slatno  do  G.  Clère.  A/hscc  (/c  t7/«7cr/(/f/«/().    ...  5o 

J^a  jeune  pastoure.  (D'après    le  tableau  de  Bortoaux) 5i 

Les   vainqueurs   des  Anglais  :  Jeanne   d'Arc,  Dugnay-Trouin  et  Tour\illo.  (D  ajjrès  une 

gravure  de  Berthet,  xvni'=  siècle) 53 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  la  statue  en  marbre  de  V.  Rude.  Musée  du  Louvre) '7', 

Crypte  du  chrueau  de  Vaucouleurs.  (D'après  une  photographie) .5Ï 

Jeanne  à  Notre-Dame  de  Bermont.  (D'après  la  statue  de  Loiseau-Bailly) 5y 

La  libératrice  de   la  î"rance.   (D'après   une   esquisse  d'Auguste  Préault.  Musée  Jeanne 

d'Arc,  à  Orléans) 58 

Jeanne  à  Domrcmy.  (D'après  un  dessin  d'Alphonse  de  iNeu\illo 5y 


TAI5IJ':    DKS   GRAVURES.  385 

La  Pucollf  Ycnanl  au  secours  de  la  France.  (D'après  la  gravure  d'Abraliain  Bosse)   ...  Gi 

La  libératrice  de  la  France.  (D"après  le  tableau  de  Jean  Benner) 62 

Maison  où  Jeanne  logeait  à  Vaucouleurs.  (D'api'ès  une  photographie) 63 

Le  départ  de  Vaucouleurs.  (D'après  un  carlon  de  M.  Lorin) G3 

Chapelle  Sainte-Libaire,  près  de  Vaucouleurs,  état  actuel 66 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  le  médaillon  d'Henri  Cliapuj 67 

Jeanne  d'Arc   et  le   capitaine   de  Baudiicourl.  (D'après  le  tableau  de  Gaston  Mélingue 

offert  au  Musée  Jeanne  d'Arc  par  l'auteur) 69 

La  Vierge  des  Gaules.  (D'après  un  bas-relief  de  Saglier) ^i 

Jeanne  d'Arc.  (Statuette  en  bois  peint  du  xvi<^  siècle.  Collection  Art/ics) ■ja 

Porte  de  France  à  Vaucouleurs.  (D'après  un  [)liotographie) -j'i 

Jeanne  et  son   escorte  quittent  A^ancouicurs,   2'}    lévrier   i  (29.  [D'après  un   dessin    de 

Malatesta) 7J 

Départ  de  Vaucouleurs,  le  23  février  I ',29.  (D'après  le  lalileau  de  Scherreri 77 

Adieux  de  Jeanne  d'Arc  au  capitaine  de  Baudricourt  à  Vaucouleurs.  (D'après  le  tableau 

de  Millin  Duperreux,  18 17) 81 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  une  copie  de  la  peinture  allrif)uée  au  roi  Reni- 82 

Fragments  de  la  chapelle  du  Bois  Clieiui.  fronton  et  clef  de  voûte.  (D'après  une  pliolo- 

graphie) 83 

Jeanne  d'Arc  et  Vercingétoi'ix.  (Prnj<'l    de  inoninnenl.  drdiv  aux  ujarlyrs   de  !  indi'pm- 

dance  nationale  par  Emile  Chatrcjusse,   1872 8j 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  le  Ijusle  de  Pécouj 86 

Jeanne  d'Arc  se  rendant  auprès  de  Chai-les  VIL   (D'après  le  i-arloii  de  A.  Grellcll  ...  87 

La  Pucelle.  (D'après  une  médaille.  /Jibliothr/jiic  nntionalc) 88 


III 

Cil  IN  ON   ET    poil  11:  Il  S 

ARRIVÉE    A    CHINON    —    LES    ENNEMIS    DE   JEANNE    ET    SES    AMIS 
LES    PREMIERS    JUGES    DE    JEANNE 

Jeanne  aux  pieds  du  roi  à   C.liiiKin.     D  après  le  dessin  de  Vital-Dubra\ .  Musée  Jeanne 

d'Arc,  à  Orléans) 89 

Jeanne  d'Arc.  (Buste  d'A.  Le  Véel) 89 

La  Journée  des   Harengs.  (D'après    un   riiaiiusc  ril    fi-aiicais    du   w'^   siècle.    Bibliotlièque 

nationale] 90 

Vue  du  château  de  Chinon.  (D'après  une  photographie) 91 

Arrivée   de   Jeanne  d'Arc    à   Chinun,    le  6   mars   1429.   (Reproduction   d'une    tapisserie 

flamande  du  milieu  du  xv"  siècle,  achetée  à  Lucerne  en  i8ï8  par  le  marcjuis  d'Aze- 

glio,  qui  en  lit  don  à  la  ville  d  Orléans.  Musée  Jeanne  d'Arc) 93 

La  Pucelle  amenée   au    roi.   (D'après  un  manuscril   français  du  xv''  siècle.  Bibliotlièque 

nationale] 95 

Ruines  du   château  de  Chinon  où   Jeanne  lui   reçue  par  le  Dauphin,  le   8   mars    1^29. 

(D'après  une  gravure  du  xvii'^  siècle.  Bibliotlièque  nationale] 97 

Comment  la  Pucelle  vint  devers  le  roi.  (D'après  une  gravure  des  Vigiles  de  Charles  VIF 

par  Martial  d'Auvergne.  Musée  Carnavalet] 98 

«   Je  reconnus  le  roi,  entre  h>s  aulres.  par  le  conseil  de  ma  voix.  »  (D'après  un  dessin 

de  Cabasson) 99 

49 


386  TABLE   DES   GllWlRES. 

Sceau  du  roi  Charles  VII.  (Conservé  aux  Arclihrs  iKiliniialcsl loi 

«   Faites  don  do  votre  royaume  au  Roi  des  Cienv.  cl  il  lira  pour  vous  ce  f(ii'il  a  lail  pour 

vos  ancèlres.  »  (D'après  la  litiiograpliic  de  Cluisselal,  iSiyj io3 

Charles  VII  entouré  de  Jeanne  d'Arc  et  de  sa  cour.  (D'après  une  niinialure  des  \  igiles 

de  Jean  Chartier,  w^  siècle.  Bibliotlicqiic  de  l'Arscntil) loi 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  la  gravure  d'André  Thévct,  i58'() io5 

Sceau  de  Dunois io6 

Dunois,  dit  le  hâlard  d'Orléans.  (D'après  une  nLlnialiii-c  d'un  manuscrit  trançais  datant 

de  14Î0.  Bibliotlicquc  nationale) loj 

Dunois,  le  bâtard  d'Orléans.  D'après  une  slainc  en  pierre  peinte  du  w""  siècle,  conservée 

dans  la  chapelle  du  château  de  t^hàleaudun' 108 

Lahire  et  Xaintrailles.  (D'après  la  miniature  d  nn  njanusci'il  du  xv"  siècle.  Ijibliothrqiir 

nationale'! mij 

Sceau  de  Lahire 110 

Lahire   et   Xaintrailles   à   la  lèle  de   leurs   f^cns  d'armes.    (D'après   une    minialure    d'un 

manuscrit  français.  liihliotlièquc  nationale] 1 1 1 

Jeanne  est  présentée  au  roi.  iD  ajirès  une  niinialnrc  d'un  Miannscril  Irançais.  BIbliotlil-qiic 

nationale i  '3 

MoiMiaie  du  dauphin  Charles  VII ii'i 

Jeanne  d  Arc,  célèbre  héroïne  française.   iD'api'ès  la  gra\ure  de  J.  Voyez.   178^).     ...  ii3 

Sceau  de  La  Trémollle 116 

Jeanne  d  \i'c  est  interrogée  par  les  docteui's  cl  scigiieni-s  à    Poitiers.    D  après  uni'  acpia- 

relle  de  F.  DuTuonl 117 

Jeanne   devant   les    docteurs   à    Poitiers.    iD'ai)rès  le   dessin  de  Bida    extrait    de   Jeanne 

d'Arc,  par  Michelet) lao 

Charles  VII  et  la  Pucelle.  (D'après  le  dessin  de  C.-N.  Cochin,  gravé  par  Prévost).    .     .     .  121 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  un  dessin  de  Raffel,  gravé  par  Uonsonette) la'i 

c<  La  gentille  Pucelle  »  (D'après  la  gravure   de  Gaucher) 12  i 

Jeanne   d'Arc.   (D'après   une   ancienne  gravure    de  Charles  do   Grassailles.  Bibliotlièqne 

nationale) 12^ 

«  C'était  plaisir  do  la   \iiir  répondre.   »  (A(iuarelle   di'   IJonloI  de  Monvel.    Exti-ailo  de 

Jeanne  d'Arc] 127 

Jeanne  d'Arc  du   Lis.  Pucelle   d'Orléans.  (D'après  le  tableau  de   Cauraont,    xvi'^   siècle. 

Hôtel  de  Ville  de  Rouen) 129 

La  Pucelle.  (D'après  un  émail  du  xvi'^  siècle.  Collection  de  M.   Jarri/  d'Orléans; .    ...  l'ii 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  le  médaillon  d'A.  Le  Véel) i32 


IV 

TOURS    ET    BLOIS 

TOURS    —    LA    MAISON    MII^ITAIRE    DE    JEA?s"NE    D'ARC 
BLOIS    —    RÉFORME    DE    L'ARMÉE 

Charles  VII  remettant  à   Jeanne  d'Arc  l'épée  pour   coniliattre.    (D'après  le  bas-relief  de 

Gois  (1802) i'5'i 

La  vierge  armée.  ^D'après  une  gravure  sur  bois  du  début  du  siècle) iTi 

L'ange  de  France.  (D'après  une  miniature  peinte  sur  parchemin  :  initiale  d'un  aiiliplm- 

naire  du  w"  siècle.  Collection  de  M.    G.    Spetz] i34 


TABLE   DES   GRAVURES.  887 

Fac-similé  de  l'extrait  du  folio  ci.xiii  du  «  Livre  tanné  »  de  Cahors i35 

Plan  de  la  ville  de  Blois.  (D'après  une  gravure   du  xvi"^  siècle.   Collection  de  M.  l'abbé 

Develle) iSr 

«   J'avais  une  bannière  dont  le  champ  était  semé  de  lis.  >■  (D'après  le  tableau  d'A.  Grellet).      i38 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  le  tableau  de  Pinta.  Co//ef/wn  rfe  jlf.  /"r/cî^/'l 189 

Concession  d'armoiries    faite    par   le    roi   Charles   VII  à    Jeanne   d'Arc   le  2  juin    i  129. 
(D'après  le  manuscrit  d'un   registre  français  daté  de  i  539.  Bibliothèque  nationale. 

n°   •')Î24l 140 

Jeanne  d'Arc   est   armée  chevalier,   à  Blois.    (D'après  le   dessin    de  F.   Duniont   publié 

dans  le  Ilurper's  May^azdne] l 'i  ' 

L'envoyée  de  Dieu.  (D'a[)rès  un  médaillon  d'E.  Dropsy) i4'> 

Les  armes  de  Jeanne  d'Arc.  (Revers  d'un  médaillon  d'E.  Dropsyj 1 46 

Jeanne   d'Arc    fleur   de   la   chevalerie.    (D'après    un   dessin    à    la   sanguine   de   Vignon, 

xvii"  siècle,  liibliothiujue  nationale] 147 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  la  statue  de  M""^^  la  duchesse  d'LTzèsl 148 

Jeanne  armée  chevalier  par  le  roi.  (Gravure  tirée  des  Vigiles   de   Charles  VIL  Biblio- 
thèque nationale) I  19 

Jeanne  d'Arc   et  les   saints   champêtres.  (D'après   la  peinture   de    Josejih    VuIk  rt   dans 

l'abside  de  l'église  Notre-Damo-des-Chainps  à  Paris) iJi 

Actions  de  grâces!  (Statue  en  marbre  polychrome  d'Allouardj iSa 

Jeanne  envoie  aux  Anglais  un  message  leur  enjoignant  de  sortir  de  France.  (D  après  la 

gravure  en  couleurs  de  Roger  d  après  Sergent.  Bibliothèque  nationale] i53 

Jeanne  pacificatrice.   (D'après  la  statue  de  ('.han]])igiicullr  jioiii'  le   moiuiiurnl   de  Ber- 

mont) i54 

L'épée  de  la  France.  (D'après  la  gra\ure  de  Le  Blond,  xvii=  siècle.  Bibliothèque  natio- 
nale)    i55 

Le  dépari  de  Jeanne.  (D'après  la  statue  d'Armand  Le  Véelj i56 


V 

ORLÉANS    ET    UEIMS 

DÉLIVRANCE    D'OUI, ÉANS    —    SUR    LA    ROUTE    DE    REIMS 
I.E    SACRE    DU    ROI   CHARLES   VII 

La    ville   d'Orléans   de    1428   à    142g.    (D'après   une  reconstitution    faite  par  M.  Lisch, 

architecte  du  Gouvernement) i  îy 

La  Vierge  lorraine.  (D'après  une  gravure  de  Chadowicki ijy 

Siège    d'Orléans.    (D'après    la    minialine    d'un    manuscrit    français    «    Les    Vigiles    de 

Charles  VIT  »,  daté  de   t ',8',.  Bibliothèque  nationale) i  Sg 

«   En  avant!   tout   est  nôtre.   >>  [Statue  é(pieslre  de  MM.  M.  Moreau  et   P.  Le  >'ordez. 

Appartient  à  la  Société  des  Fonderies  du  Val  d  Osne\ lOo 

Sous  le  fort  des  Tournellcs.  [D'après  le  dessin  de  F.  Duuiont.   publié  dans   le  Uarper's 

Magazine] 101 

Les  enceintes  de  la  ville  d'Orléans.  (D'après  un  ancien  plan) ifi'î 

Siège  d'Orléans.  (D'après  la  ujiniature  d'un  nianusi  ril  français  du  w"^  siècle.  Bibliothèque 

nationale) 104 


G) 
G6 

G? 
(i8 


388  TABLE    DES   GUWURES. 

«  Ayez  bon  ((riir,  el   vous  aurez  la  liaslillc  sous  bref  délai.    >>    (Bas-relief  Je   Foyalier. 

Musée  Jeanne  d'Are,  à  Orléans! 

L'armée  du  roi  assiège  la  ville   d'Orli'ans.  (D'ajH'ès  la  iniiiiatui'e  d  un  uiaïuiseril  Ir.uit-ais 

du  w"  sièele) 

Jeanne   au  combat.    (D'après  un  bas-relief  exéeuli'   [)ar   Gois   en    iSo'i;  aeluelleinenl  à 

Oi'léans 

Jeanne  d'Are  au  sièye  d'Orléans,  ^(iravui'e  d  AlH-aliani   liosse,  d  après  \  iynon,   pour  la 

Puccllc  de  Chapelain) 

«  En  nom  Dieu,  relirez-vous,  ou  je  vous  chasserai.  »  (D  après  un  dessin  de  Valentini) .    . 
«  Onand  le  vent  pous.sera  les  bannières  vers  la  bastille,  elle  sera  à  vous.  »  (D'après  une 

pi-inini-e  nuii-ale  exécutée  par  Lenepven  an  l'anllii'dnl 

Orléans  délivré  par  la  Pueelle  d'Orléans,  8  mai   i  V>iJ-  ^Gravures  extraites  du  i-ccueil  (h' 

Jean  de  Vîrie.  i()'5(j.  Bihliollièfjur  iintionale] 

Médailles  Irappées  en  Ihonncnr  de  Jeanm.'  d'Are.  (Kxirailes  du  recueil  de  Jean  de  lîrle. 

lJiblwlli<'<iiir  niilionale^ 

Jeanne  combattant.  (Gravure  de  Duplessis-li<rtaux  dajirès  La  File) 

Le  siège  d'Orléans.  (D'après  le  tal)leau  de  Borel,  gravé  par  Marchand.  1789] 

Jeanne  blessée  sous  Orléans.  (D'après  un  dessin  d'A.  de  Meuvillc  jiublié'  dans  V llistoivr  de 

France  de  Guizot) 

Jeanne  d'Arc.  (D  après  une  statue  de  Beylard) 

Jeanne  blessée  à  Orléans.  (D'après  une  lilhogra})hie  de  (^liasselal,  1819) 

Entrée  triomphante  de  larméc  royale  à  Orléans.  (D'après  un  dessin  de  Philippoteanxj  . 
Après  la  victoire.  Jeanne  rendant  grâces  à  Dieu,  il)  après  le  bas-rclici' de  Ko\atici'.  Musée 

Jeanne  d'Arc,  à  Orléans; 

Cathédrale  d  Orléans.  (D  après  une  pbolograpliie) 

Entrée  de  Jeanne  d'.Vrc  à  Orléans.  iD'a|n'ès  le  dessin  de  Jl.\l.  'l'ronxé  et  Carol  ponr  le 

missel  de  Jeanne  d  Arc.  Collection  de  M.  l'ubbc  Lcmerle] 

Entrée  de  Jeanne  d  Arc  à  Orléans.  (Bas-relief  de  Foyaticr) 

Décapitation  de  Franipiet  d'Arras.  iD'après  un  dessin  à  la  ])lume  tiré  des  Chroniques  de 

Monsirelet,  manuscrit  exécuté  à  Gènes  en   iliio.  liil/lioiliéijnr  nationale] 

L  entrée  à  Orléans.  (D  après  la  peinlure  nnn'ale  du  l'antliéori.  par  !,(  iie|iven 

Jeanne  victorieuse.  (D  après  la  statue  de  Le  Aéell 

Jeanne  acclamée  par  les  habitants  de  (iliàteaudun.    [D  après  le   tableau  de  Lcclievalliei'- 

Clievignard.  Musée  de   Cluileaudiin] 

Gerson,   défenseur   de   la   Pueelle.    (Panneau   en  bas-rclii-f  du  xv''  siècle.    Collection  de 

M»  Le  .\ordez) 

Souvenir   de  la  fête  conimémorali\e  donnée  en    I  hcmueur   tie  Jeanne  d  Arc  à   Orléans. 

^Co})ie  de  la  bannière  exécutée  au  xvr'  siècle] 

Scuvenir  de  la  fête  eomniéraorative  donnée  en   l'iionneur  de   Jeanne  d  Arc  à  Orléans. 

(Copie  de  la  bannière  exécutée  au  xvi''  siècle.  Revers) 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  la  statue  de  Foyatier  érigée  place  du  _^lartroi,  à  Orléans)    .    .    . 

Maison  du  commencement  du  .x\r'  sièele,  rue  du  Tabourg,  à  Orléans 

Jeanne  d'Arc.  (Statue  de  Gois  érigée  en  1802,  à  Orléans) 

Attaque  de  Jargeau.  (Miniature  d'un   manuscrit   français  «  Les  Vigiles  de  Charles  \U  », 

1484) 

Jeanne  d  Are  à  Loches.  (D'après  nue  aquarelle  de  Boutet  de  .Mon\el,  extraite  de  l'album 

Jeanne  d'Arc) 

Bataille  de  Patay.  (Bas-relief  de  Foyatier.  Musée  Jeanne  d  Arc,  à  Orléans) 200 

Attaque  du  pont  de  Jargeau  et  Jeanne  à  l'église  Notre-Dame-de-Cléry.  (D'après  le  vitrail 

de  Léon  Ottin  à  l'église  >'otre-Danie-de-Cléry) 201 


7  I 
"' 

77 
;8 

7'.) 
80 

81 


8Ï 
80 

87 

88 

«D 

y 

9* 

9^ 
91 
9^ 

9(i 
97 
99 


TABLE   DES   GRAVURES.  389 

Jeanne  d'Arc  conil)allant.  (D'après  un  croquis  d'Auguste  Pn'ault.  Mi(src  Jeanne  d'Arc).  202 
Bataille  de  Pata\ ,  18  juin  i  ',28.  (D'après  une  gravure  tirée  des  Mcnioraù/cs  joiirnccs  de 

France:  Paris,  iG',7.  Bbliotlicque  nationale) 2()3 

Jeanne  à  la  bataille  de  Jargeau.  (Bas-relief  de  Foyatier.  Musée  Jeanne  d  Are,  ;i  Orléausj.  20', 
Prisonniers  amenés  à  Jeanne  d'Arc  après  la  bataille  de  Patay.   (Bas-relief  de  Foyatier. 

Musée  Jeanne  d'Arc,  à  Orléans) 204 

Bataille  de  Patay,  18  juin  1428.  (Dessin  à  la  j)lnine  tiré  des  Clironiqucs  de  Monstre/et)    .  2o3 

Après  la  victoire.  (Statue  de  Paul  Aubert) 206 

La  Pucelle  conseille   au   roi  de  persévérer  à   faire  le  siège   de   Troyes.    ^Miuialure   du 

manuscrit  des  Vigiles  de  Charles  VII,  1484) 207 

Comment  ceux   de   ïroyes   se    rendirent   au    roi.   (Miniature    du    inaniiscril    des   \  igiles 

de  Ciiarles  VII,   148  |.  Bib/iol/iè(jue  nationale) 207 

lïi'ddilion  de  Cliàlons-sur-Marne.  (Miniature  du  manuscrit  des  Vigiles  de  Cluu'les  VII).  208 

Arrivée  à  Beinis.  ^Gravure  de  Poinssart.  Bihlioliièquc  nationale^ 201) 

Jeanne  au  sacre  de  Charles  VII  à  Bcims.  ^D'après  une  eau-forle  de  Bidal 210 

(^aliiédrale  de  Reims.  (D'après  une  photographie] 21  r 

L'année   royale   devant  Eeims.  (Gravure  en  couleurs  de   Moret    d'a[)rès    l)r>liiiiiaines, 

Bibliothèque  nationale) 212 

Sacre  du  roi  à  Reims.  (Minialnrc  (In  manuscrit  des  Vigiles  de  Charles  VII) 2i3 

Jeanne  d'Arc  au  sacre  du  roy  à  Reims.  (D'après  le  dessin  de  MM.  Prouvé  et  Carol)  .  .  214 
Charles   VII   reçoit  de    l'archevêque   de   Reims   l'onction   et   la    couronne.    (D'après    le 

tableau  de  Duujonl) • 21  j 

Jeanne  d'Arc  au  sacre.  (D'après  la  slaluc  d'Emile  Lafont) 217 

Jeanne  conduisant  le  roi  à  Reims.  (D'après  l'esquisse  d'Ary  ScheH'en 218 

Sacre  de  Charles   ^11,    17   juillet   i '129.  ^D'après   la   peinlure   murale  <lii  l'aiilli('(iri.  par 

Lenepveu) 21g 

Couronnement    du    roi    à    Reiujs.    (!)  après   la   minialiire    d  nu    manuscril    français    du 

xv' siècle.    Bibliothèque  nationale) 221 

Jeanne  d'Arc  au  sacre.  (D'après  la  statue  de  Saint-,\larceaux) 222 

Le  sacre.  (D'après  le  carton  de  Lionel  Iloyer) 223 

Médaillon  en  vermeil  du  xv°  siècle.  f.V«.scc /(■((/(/((•  (/.l/'c,  à  Orléans) 224 


VI 

DEVANT    PARIS 

GÉNIE    ET    PATRIOTISME    EN    JEANNE    D'ARC 
A    .SAINT-DEM.S    .SOUS    PARIS 

Le  siège  de  Paris.  (Tableau  de  Carrier-Relieuse) 223 

Jeanne  pleurant  à  la  vue  des  blessés.  (Statue  de  la  princesse  Marie  d  Orléansl 223 

Jeanne  dictant  une  lettre  à  son  aumônier.  (D'après  le  dessin  de  Bida) 227 

Sonnette  avec  manche  représentant  une  statue  de  Jeanne  d'Arc.  [Musée  Jeanne  d  Are,  à 

Orléans) 228 

Après    avoir    terrassé   le    léopard    d  Angleterre,    Jeanne    remet   à   Dieu    son   étendard. 

(Groupe  en  bronze  de  M.  le  comte  G.  du  Passage) 229 

Après  la  bataille.  Jeanne  pansant  un  blessé.  (D'après  une  aquarelle  de  Diinuml    publiée 

dans  le  Harpers  Magazine) 2ji 


Sgo  TABLE    DES    GRAVURES. 

«   Venaieiil  ;i  iiini  Irrs   vdioiiliers   les  paiivrrs  gens.  pDiir  i-e  (|iio  je  ne  leur  faisais  puint 
déplaisir.   »  (D'après  une  aquarelle  de  Boulet  de  Monvel.  extraite  de  l'alliuiu  Jeanne 

cl  Arc) 233 

Jeanne  allant  au  condiat.  (Bas-relief  de  Foyatier.  Musée  Jeanne  d'Arc,  à  Orléans)   .    .    .      234 

Flacon  avec  l'image  de  la  Pucelle.  (Fabrication  moderne) 23'» 

Charles  VU,  roi  de  Boui'ges.  (D'après  la  miniature  d'un  manuscrit  français  des  VigiU'i. 

de  Charles  Vil  daté  de  l'iS',.  Bibliol/ièrjne  nationale) 23G 

La  Pucelle  priant.  (D'après  une  gravure  anonxuie  du  xvii'' siècle.  Bîblioi/ùv/iie  naiiona/r  .      l'i-j 

Monnaie  de  Charles  VII 238 

Portrait  et  représentation  du  vrai  simulacre  (pii   fut  l'ievé  sur  le  pont   d'Orléans,  i458. 

(D'après  la  gravure  de  Léonard  Gaultier,  iGrî) 23<) 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  la  gravure  de  J.  I^e  Clère  le  Jeune,  wii''  siècle -i^i 

Bouteille  avec  l'image  de  Jeanne  d'Arc.  (Fabrication  moderne) 2J2 

Boile  en  cuivre  bronzé  surmontée  d'une  statue  de  .leanne  d'Arc.  [Musée  Jeanne  d'Arc, 

à  Orléans) 2^12 

Jeanne  blessée  au  siège  de  Paris.  (D  après  une  gravure  de  Munau  le  Jeune,  1771)    .    .    .      2',3 
Les  épisodes  de  la  vie  de  Jeanne  d'Arc.  (Triptyipie  en  ('mail  du  xvi''  siècle.  Collcriion  de 

M.  Lanenj  d'Are' 2',3 

Jeanne    la    Pucelle    restauratrice    de    la    Gaule.    (D'après    une    gravure    du    ticbul    du 

xvii"  siècle) 2 ',6 

A  la  mémoire  de  Jeanne  la  Pucelle.  (Frontispice  gravé  par  Léonard  Gaultier  en  i()i'>., 

tiré  du  recueil  de  Charles  de  Lis,  Paris,  1628I 247 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  une  esquisse  de  M.  Lameire  pour  une  peinture  murale,  i83î).    .      249 
Jeanne  d'Arc  comparée  à  Judith.  (D'après  une  miniature  tirée  du  Champion  des  Dames, 

manuscrit  exécuté  à  Arras  en  i44<>) 25o 

Plaque    en    faïence   avec   le    portrait   de   Jeanne   d'Arc.   (Fabrication   moderne.    Musée 

Jeanne  d'Arc,  à  Orléans) aîi 

Sujet  principal  de  lancien  monument  élevé  sur  le  jionl  dOrleans.  (D'après  la  gravure 

de  Allais,  dessin  de  Diot) 232 

Jeanne  d'Arc  chef  victorieux  de   l'armée   française.    (D'après   une   gravure  anglaise  de 

Marschall! 253 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  une  afiiclie  de  de  Feurre.  Appartenant  à  MM.  Astre  et  Cou.r)  .    .      234 
Jeanne  d'Arc  à  la  Chapelle,   sous  Paris.   iD'après  le  carton  de  Lionel   Rover,  vitrail 

exécuté  par  Champigneulle,  à  Paris) 2jj 

Jeanne  blessée  sous  Paris.  (D'après  le  bas-relief  de  \  ilal  I)ubra\ .  Musée  Jeanne  dArc,  à 

Orléans^ 2Î7 

Jeanne  devant  Orléans.  (Gravure  originale  publiée  dans  V Histoire  du  siège  d'Orléans,  de 

Tripoult,   1621.  Collection  de  M.  Lanery  d'Arc] 23y 

Jeanne  devant  l'autel.  (D'après  une  gravure  du  xvii'^  siècle,  llibliotlièque  naiionalcj.    .    .      afii 
La  libératrice  de  la  France.  (D'après  une  gravure  reproduisant  une  médaille  en  bronze 

du  xvii'=  siècle) 262 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  la  statuette  d'Ém.  Frémiet) 2G3 

Comment  la   Pucelle  et  les  Français  vinrent  au  siège  de  Paris.   (D'après  la  miniature  du 

manuscrit  des  Vigiles  de  Charles  VII,  1484) 2^', 

Jeanne  en  prière.  (D'après  le  tableau  d'Aman  Jean.  Musée  d'Orléans] 263 

Jeanne  d'Arc  dans  l'affiche.  (D'après  l'affiche  de  Grasset  pour  le  théâtre  de  la  Renais- 
sance)  2f)6 

Jeanne  d'Arc  dite  la  Pucelle  d'Orléans.    D  après  la  composition  de  Duniont) 267 

Jehanne  la  Pucelle.  (Gravure  sur  bois  tirée  de  \a.  Mer  des  /n/sioircs,  1 ',(ji .  Bibliothèque 

nationale) 2(j;) 


tabi.p:  des  gravures.  391 

La  vierge  des  Gaules.  (D'après  un  médaillon  en  pierre  dure.  Collection  Ilaldal  du  Lys).  271 
Jeanne  au  siège  de  Paris.  (Gravure  d'Abraham  Bosse,  d'après  Vignon,  pour  la  Pucclle 

ou  lu  France  délU'réc,  poème  de  Chapelain) 2^3 

Jeanne  en  armure  de  combat.  (Statuette  en  bronze.  Musée  Jeanne  d'Arc,  à  Orléans)  .    .  274 


VII 

SAINT-DENIS    ET    COMPIÈGNE 

DÉCOURAGEMENT    DE    QUELQUES    CHEFS 
LES    ARMES    DE    JEANNE    D'ARC 


Jeanne  faite  prisonnière  à  Corapiègne.  (D'après  la  peinture  murale  exécutée  par  Lenep- 

veu  au  Panthéon^ 275 

Jeanne  d'Arc.  (Statuette  du  xviii''  siècle.   Ci)lleclion  lluldut  du  Lys) 2^5 

Jeanne    chevauchant    au    milieu     des     hommes     d  armes.     (  D'après    une     lithographie 

d'E.  Grasset) 276 

Comment   les    Français   levèrent  le  siège   de   Compiègne.    (D'après   une   miniature   des 

Vigiles  de  Charles  VU,  1484) 277 

«   J'irai  voir  mes  bons  amis  de  Compiègne.  »  (Statue  d'E.  Leroux,  érigée  sur  la  place  de 

l'Hôtel  de  Ville  de  Compiègne) 278 

Tour  de  Jeanne  d'Arc  à  Corapiègne.  (Dessin  d'après  nature  de  Boudier 27g 

Jeanne  victorieuse.  (D'après  une  statue  de  RouUeau,  érigée  à  Chinoni 281 

Jeanne   s'apprètant  pour  le   combat.  (D'après  le  tableau  de  G.  W.  Joy.  Apparlcnunt  à 

Mgr  J.  Kenyan) 283 

Jeanne  d'Arc  faite  prisonnière  à  Compiègne.  (D  après  le  dessin  de  PhilippoleauxJ .  .  .  .  285 
Comment  la  Pucelle  fut  prise  devant  Compiègne.  (Miniature  des  Vigiles  de  Charles  VII. 

Bibliothèque  nationale] a86 

Jeanne  d  Arc  faite  prisonnière.  (Reproduction  d  une  gra\ure  sur  bois  d'après  un  dessin 

de  Paul  Delaroche.  Histoire  des  ducs  de  Bourgogne,  par  M.  de  Barante) 287 

Jeanne  d'Arc.  (D'après  une  statue  en  pierre  restaurée  et  conservée  à  Domreray).  .  .  .  288 
«  J'ai  baillé  ma  foi  à  autre  cpi'à  vous,  répondit  Jeanne,  et  je  lui  en  tiendrai  mon  serment  >-. 

(D'après  le  tableau  de  M.  Dûment) 289 

Après  la  journée  de  Compiègne,  Jeanne  prisonnière.  (D'après  le  tableau  de  Patroisl  .  .  291 
Jeanne  la  Pucelle,  triptyque  moderne  en  métal.  (Musée  Jeanne  d'Arc,  à  Orléans).  .  .  .  293 
Jeanne    d'Arc.   (D'après  la  statue  d'Emile  Chatrousse,  érigée  boulevard  Saint-Marcel, 

Parisl 294 

Le  serment  des  amazones  françaises  au  pied  de  la  statue  de  Jeanne  d'Arc.  (D'après  une 

gravure  anonyme  en  couleurs  de  181  5) 295 

«  Besognons,  Dieu  besognera.  >•    D'après  la  statuette  en  bronze  de  Frémiet) 296 

Lettre   de   Jeanne   d'Arc   aux  habitants   de  Riom,   9  novembre    i'i29.    [Conservée  à  la 

bibliotliÈcjue  de  Riom] 297 

«   Entourée  de  quelques  hommes  lidèles,  Jeanne  se  défendit  avec  intrépidité.  »  (Tableau 

de  Carfier-HeWewie,  e\\VM\  Ae  la.  Mission  patriotique  de  Jcatme  d' Arc) 299 

Timbale   en   émail   décorée   d'un  portrait   de   Jeanne   d'Arc.    [Musée  Jeanne   d'Arc,   à 

Orléans) 3oo 


3^2  TABLE   DES   GRAVURES. 

(^ominenl  les  Anglais  et  I5t)urguJgnons  einmenèrenl  captive  la  Pucelle  à  Margnv.  (Gra- 
vure sur  bois  des  Vigiles  de  Charles  VU) lioi 

JMOdaille   frappée    pour   rinaiii;uralii)n    do   la  >laliie   rrigi'r   m    riidniicur  de   Jeanne   à 

Orléans  en  1802 3„2 


VIII 

DE    BEAULIEU   A   DIEPPE 

LES    DOULOUREUSES    ÉTAPES 
DE    LA    CAPTIVITÉ    DE    JEANNE    LA    PUCELLE 

La  Pucelle  ou  la  France  délivrée.  (Gravure  d'Abraham  Bosse,  d  après  Vignon,  extraite 

de  la  Pucelle  ou  la  France  délivrée) 3o3 

«  Où  scrai-je  ce  soir?  »  (Statue  de  Fossé,  érigée  au  Croto}) 3o3 

Coniinent  les  Anglais  amenèrent  la  Pucelle  à  Bcaulieu.  (Gravure  sur  bois  extraite  des 

Vigiles  de  Charles  VIL  Musée  Carnavalet) 3o4 

Jeanne   d'Arc  et  Dunois  sous  Paris.  (D'après  une  [)einture  du  wii"^  siècle.  Collection  de 

M.  Haldat  du  Lys) 3(>'> 

L'héroïne  française.  (Gravure  en  couleurs  de  Sergent  exécutée  en  178^) 'îofi 

"  Tous  mes  dits  et  faits  sont  en  la  main  de  Dieu.  »  (D'après  la  statue  de  G.  Clèrej.    .    .  ^07 

Porte  de  l'évèché  de  Beauvais  où  habitait  Cauchon.  (D'après  une  photographie^    .    .    .  3oy 

«  Il  fut  à  la  peine,  il  sera  à  l'honneur.   »  (D'après  la  statue  de  Caravaniezi iio 

L'épée  de  la  France.  (D  après  la  peinture  de  Deruet,  xvii''  siècle.  Collection  de  M.  lluldat 

du  Lys) 3 1 1 

«  C  était  une  bonne  épée   de   guerre,  propre  à  donner  de   bonnes  buffes.  (D'après  un 

tableau  anonyme.  Musée  d'Orléans) 3 12 

«  J'offris  ces  armes  à  Saint-Denis,  parce  qui'  c'est  le  cri  de  France.  »  (D'après  le  tableau 

de  M""=  de  Chatillon.  jV»s('e  (/f  Cowpiégnc) 3i3 

Village  de  Beaurcvoir  et  momiment  élevé  en  l'iionneui'   de  Jeanne   d'Arc.   (D'après  une 

photographie) 3 1 4 

Jeu  de  l'épopée  de  Jeanne  d'Arc.  (Publiée  par  rCKii\re  jiopulaire  de  Jeanne  d'Arc,  iSy'i).  3i3 

Tour  Saint-Lucien  à  Beauvais 317 

Jeanne  d'Arc.  (Médaille  de  Domard,  i8a3) 3i8 


IX 

ROUEN 

JEANNE   EN    PRISON    —    SON    PROCÈS 

Jeanne  insultée  dans  sa  prison  à  Rouen.   (D'après  un  dessin  de  Vital-Dubray.  Musée 

Jeanne  d'Arc,  à  Orléans) Sig 

Jeanne  d'Arc  devant  ses  juges.  (D'après  la  miniature  d'un  manuscrit  latin  de  la  fin  du 

xv-'  siècle) 3ig 


TABLE    DES   GRAVURES.  -.Wy] 

Comment  les  Anglais  (ii-enl  prrir  la  Pucclle.  (D'apW'S  une  niininlure  tirée  des  \  i^iles  de 

Charles  VII) 32» 

Le  dernier  jour  de  Jeanne  d' Vrc.  (D'après  une  liliiograpliie  de  Céleslin  Nanteni!   pour  le 

tilrc  d  nn  niiirei'au  de  nnisique) 821 

Jeanne  prisonnière.  (D  après  la  statue  de  Barrias,  érigée  à  Roueni 322 

Ancien  rliàteaa  de  Rouen.  (D'après  un  manuscrit  conservé  à  la  mairie  de  Rouen) .    .    .    .      323 

Procès  de  Jeanne  d'Arc.  (D'après  une  lithographie  de  Chasselat,  1820) 32', 

Tour  oii  fut  enfermée  Jeanne  d'Arc  à  Rouen  (état  actuel).  (D'après  une  photographie).    .      325 

Interrogatoire   de   Jeanne.    (D'après    le    tableau    de    Duniont) 32^ 

Captivité  de  Jeanne  d'Arc.  (D  après  le  tableau  de  Ducis,  i8a4 ^28 

Interrogatoire  de  Jeanne  par  l'évèque  Cauchon.  (D'après  une  eau-forte  de  Bida.  extraite 

i\f  Jcainic  f/  Arc  Y>Ar  Michelet) 329 

Jeanne  insultée  par  ses  geôliers.   (D'après  nue  prinliire   anonsnn'   du  ccinniicncenient  du 

siècle.  [Musée  Jeanne  d'Arc,  à  Orléans) 33 1 

«   J'aime  mieux  mourir  que  de  révoquer  ce  que  Notre-Seigneur  m'a  fail  faire.  »  (D'après 

une  aquarelle   de  F.  Dumont 333 

Jeanne    couchée    dans    sa    pi-ison.    (Dessin    de    Beniiu\ille.    Collection    de  M'""  Marjolin 

Schcifcr) 33T 

Jeanne  prisf)nnière  à   Roiii'n,  menacée   par  le   comie    Warwick.   (D'après  le  lableau   de 

Réviiil.   1819.  Musée  de  Rouen) 337 

.Icaune    d' Vrc   devant  révè((ue    Cauchon.    iD'api-ès    nn    dessin   d'Alphcuise   de  IVeu\ille. 

Exlrall  de  V Histoire  de  France  racontée  à  mes  petits-enfants,  par  Gnizol) 338 

Jeanne    d'Arc    vierge   cl    martyre.    (Couverture    du   calendrier   national    de    1897,    ]>ar 

M.  Coi'dier) 339 

Jeanne  insultée  dans  sa  [)rison.  (D'api'ès  le  lal)lean  de  Pali'ois.  i8G(>.  Mus(''e  Jeanne  d'Are. 

à    Orléans) 3'(i 

Fonlaine  élevée  à  Rouen  an  coniinencenieiit  du  xvi'^  siècle  sur  la  place  où  les  Anglais  ont 

lait  mourir  la  Pucelle   (délruile   en    i^r»']).    (D'après  une  gi'avure  d'Israël    Sylvestre 

XV II'-  siècle) 3  Ja 

«  J'en  appelle  de  vous  devant  Dieu,  le  grand  juge.  »  (D'après  le  lableau  de  G.  Alaux.  .  3',  5 
LaVierge  française.  (Tiré  de  l'Almanach  national  de  Jeanne  d  Arc,  1891.  par  A.  Cordier  .  3|'| 
Fac-similé  d'une  page  du  procès  de  Jeanne  d'Arc.   (Extraite  d'un  manuscrit  latin  du 

xv*"  siècle) '>4' 

Jeanne  vierge  et  martyre.  (D'après  la  statue  de  G.  Clère) '47 

Jeanne  dans  sa  prison.  (D'après  la  peinture  de  Benjamin  Constant) 3 ',9 

Le  bùciier.  (D  après  le  bronze  de  L.  Cugnot) 35o 

Supplice  de  Jeanne  d'Arc.  (D'après  le  bas-relief  de  Gois.   Piédeslal  de  la  statue  érigée 

cà  Orh'ans) 3ji 

Le  bûcher.  (Vignette  du  tilrc  de  Yllistoire  de  France  d'Ancjiielil.    i823i 352 


X 

LE    SUPPLICE    DE    JEANNE 

LE    CIMETIÈRE    SAINT-OUEN    ET    L.\    PL.\CE    DU    VIEUX-MARCHÉ 

Le   supplice   de  Jeanne.    (D'après   un   tableau   de  Carrier-Relieuse.   Extrait   de   l'album 

La  mission  patriotique  de  Jeanne  d'Arc) 353 

Statue  de  Jeanne  d  Arc.  (Par  la  princesse  Marie  d'Orléans) 353 


39 i  TABLE   DES    GRAVUllES. 

Vue   du    monument   érigé   à   Bon-Secours,  près  de  Rouen.   iMM.  Liscli.  anhitecte,   et 

Barrias.  sculpteur) ']~)~t 

Elle  cria  six  fois  d'une  voix  l'orle  :  Jésus!  |L)  après  un  dessin  de  Philippoteaux!  ....      ijr 

Le  bûcher.  (Slalue  de  Cordonnier.  Miiscc  du  Liucmbourg] '^hS 

Et  inclinant  la  tèle,  elle  e.xpira.  (D'après  Max  Blondat,  céramique  de  M.  Lachenalj    .    .      3jy 
Monument  élevé  à  Rouen  en  i^'JG  sur  l'emplacement  de  l'ancienne  fontaine  du  xv"  siècle. 

(D'après  une  photographie! 3(1 1 

Le  bûcher.  (D'après  la  slalue  do  F.  Rogino) 'Mri 

Mort  de  Jeanne  d'Arc.  (Dessin  de  MM.  Prouvé  et  Carol.  pour  le  Missel  de  Jeanne  d'Arc. 

Collection  lie  M.  l'iibbé  Lcmerlv) 3(')'5 

«   Que  la  croix  soit  devant  mes  yeux,  juscjucs   au  pas  de  la  uiorl.  «    il)  après  le  carlon 

d'Albert  Maignan.  Collection  de  M.  Cluiinpignculle) 3(iï 

Porli'ait  de  Jeanne  d'Arc.   (Dessiné  à  la  plume  par  le  grellier  du  Parlement  de  Paris  en 

marge  d  un  registre  sur  lequel  se  trouve  mentionnée   la  levée  du   siège  d  Orléans. 

Arc/iii'es  nationales) 3()7 

La  gi'ande  martvre.    I)  après  la  slalue  de  Rleyi 36<) 

Jeanne  Iriouipliaiite.    I)  après  la  statue  d'Hercule 370 

Jeanne  d   \rc.    D  après  le  lalilcau  di'  Siiiiciii  Vouet.  xvir'  siècle.  Musée  il  Orléans  ....      3^1 
La  France  chrélienne,  Jésus  et  la  \  ierge  enluui'és  de  l'Ange  de  la  France,    de  sainli' 

Geneviève  el   de  Jeanne  d  Arc.  iMosau|ue  exécutée  au  Pantli(''on,  d  ai)rès  le  laliieau 

de  Hébert: 373 

Jeanne  la  Pucelle.  (D  après  la  gravure  de  Léonard  Gaultiei',  iCivc 374 

L'exemple  de   la  Pucelle  enhardit  les   nobles   cœurs  de  France.  (Œuvre  de   Maitin   le 

Franc,  xv""  siècle' 37» 

Le  supplice  de  Jeanne  d   \rc.     D'après  une  eau-forte  de  Rida,  extraite  de  Jeanne  d'Arc 

par  Michelet) 377 

«  Et  toujours,  jusqu  à  ee  quelle  trespassa,  elle  cria  :  «  Jésus!  »  (D'après  la  médaille  de 

Roty'i 378 


TABLE    DES   MATIERES 


Avant-Propos 


I.   —  DoMuF.MY.  Les  parents  Je  Jeanne  et  sa  maison.  Son  enfance.  Ses  voix i 

II.   —  Vaucouleurs.    Premier   voyage    de    .teanne.    .leanne    et    Baudiicourt.    Second 

voyage.  Durand  Laxart Zn 

IIF.   —  Chinon  i;t  Poitiers.  Arrivée  à  Cliinon.  Les  ennemis  de  Jeanne  et  ses  amis.  Les 

premiers  juges  de  Jeanne 8g 

IV.   —  Tours  et  Blois.  Tours.   La   maison  militaire  de  Jeanne  d  Arc.  Blois.   Réforme 

de  l'armée i33 

V.   —  Orléans  et  Reims.  Délivrance  d'Orléans.  Sur  la  route  de  Reims.  Le  sacre  du 

roi  Charles  VU i3j 

VI.   —  Devant   Paris.    Génie   et  patriotisme    en   Jeanne   d'Arc.    A    Saint-Denis    sous 

Paris 22  5 

VII.  —  Saint-Denis  et  Compiègne.   Découragement   de  quelques  chefs.    J^cs   armes   de 

Jeanne  d'Arc 27Î 

VIII.   —  De   Beaulieu  a  Dieppe.  Les  douloureuses  étapes  de  la  captivité  de  Jeanne  la 

Pucellc 3o3 

IX.   —  Rouen.  Jeanne  en  prison.  Son  procès 3iy 

X.   —  Le  supplice  de  Jeanne.  I^e  cimetière  Sainl-Ouen  et  la  place  du  Vieux-Marché.      353 

Gravures  nous  texte 38 1 

Gravures  nAî<s  le  texte 383 


r  MUS 


m l' u iM i: lî i F.  r,i;M''.ii Ai-K  i.Aiirr.i'. 

<J.      m    I.     I)  p.     Kl.  Il    11  L  s,      <) 


\ 


^^^^  '  f 


.•^^J 


\  J 


V''W';i 


y^r^isS' 


'\.mn 


^^Â^^' 


\0''W 


i-^m 


.r^'^ 


^^\.î 


^  -^  —^^^. 


f;^^-^^^ 


^'r  - 


■^ 


ff^^"! 


.^^'ft^ 


in 


'V'7f  rr'^' 


^ifi^i; 


vi'^^'Vi 


^X.^..: 


^/VA