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Full text of "Journal asiatique"

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JOURNAL  ASIATIQUE. 

QUATRIÈME    SÉRIE. 
TOME  VIII. 


JOURNAL  ASTATTQriE 

RECUEIL  DE  MÉMOIRES, 

^         D'EXTRAITS  ET  DE   NOTICES 

RELATIFS  X  L'HISTOIRE,  X  LA  PHILOSOPHIE,  AUX  LANGUES  " 

ET  X  LA  UTTÉRATURE  DES  PEUPLES  orientaux; 

BiDloi  PAR  MM. 

BIANCBI,  io.  BIOT,  BOTTA,  BDBNODF,  CADSSIN   DE   PBBCEVAL,  D'ECKSTEIR, 

DOBBDI,    FBESNEL,    GAHCIK   DE   TASST,    GBANGERET   DE   LAGBAN6Ë , 

DE   HAHHEB-PDBGSTALL,  A.   JAUBEBT,  STAN.   JCLIEN, 

DE    SLABE,    J.    MOHL,    S.    MCNK,     BEIRACD ,   SÉDILLOT  , 

ET  AIITBES  SAVANTS  FBANÇAIS  ET  ÉTBAMGEBS, 

ET  PUBLIÉ.  PAR   LA   SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


QUATRIEME  SERIE. 
TOME   VIII. 


PARIS. 

IMPRIMÉ  PAR>UTOWSATION  DU  ROI 

A   L'IMPRIMERIE   ROYALE. 

M  DCCC  XLVI. 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

JUILLET  1846. 


PROCÈS-VERBAL 

DE  LA.  SÉANCE  GÉNÉRALE  DE  LA  SOCIÉTÉ  ASIATIQUE 
DU  33  jciN  1.846. 

La  séance  est  ouverte  sous  la  présidence  de 
M.  le  chevalier  Amédée  Jaubert,  Pair  de  France, 
président  de  la  Société. 

Le  procès-verbal  de  la  séance  générale  du  1 7  juin 
i8/i5  est  tu;  la  rédaction  en  est  adoptée. 

Les  personnes  dont  les  noms  suivent  sont  pré- 
sentées et  admîmes  comme  membres  de  la  Société  : 

MM.  PoDJADE ,  consul  de-France  à  Tarsous  (Tiu'quie)  ; 
Hoffmann,   conseiller    ecclésiastique   à    léna 

(Prusse); 
Pynappkl  ,  docteur  ès-lettres  et  lectem»  à  TA- 

cadémie  royale  de  Delft  (Hollande); 
Isidore  Hedde,  délégué  auprès  de  la  mission 

en  Qiine; 
Rondot  ,    délégué  auprès  de  la   mission   en 

Chine. 


6  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Les  ouvrages  suivants  sont  ofierts  à  la  Société  : 

Par  le  prince  Michel  Baratayeff  :  Documents  numis- 
matùlues  du  Royaume' de  Géorgie.  Pëtersbourg,  1 344 , 
in-4'. 

Dictionnaire  dç$  noms  des  vitffments  chez  les  Arabes , 
ouvrage  couronné  et  publié  par  la  troisième  classe 
de  rinstitut  royal  des  Pays-Bas,  par  R.  P.  A.  Dozy. 
Amsterdam,  i845,  in-8**. 

Beidawii  Covfimjentarijxs  in  Coranam,  edidit  H.  V. 
Fleisher.  Fascicide  IV.  Lipsiae,  i846,  in-4°. 

Catalogus  codicum  manascriptoram  oriéntalium  qui 
in  museo  Britannico  œsservantar.  Studio  et  labore  Gui- 
lielmi  Cureton.  Pars  secunda  codices  arabicos  com- 
plectens.  Londini,  i846,  in-fol. 

Mémoires  de  la  Société  de  Batavia*  Batavia,  19*  et 
2  o*  partie.  •  ' 

Vindiciœ  Jgnatianig^;  or  thç  genuine  writings  of  5*. 
Igmtius,  as  exhibited  in^Ûie  ancient  syriaç  version, 
vindicated  from  the  charge  of  heredy,  fcy  the  Rev. 
William  Cureton.  London,  i846. 

Die  Bildang  und  Bedeutang  des  Plural  in  den  Semi- 
tischen  und  Indo-germaniscken  Sprachen,  von  Ernst 
Meier,  in- 8*. 

^  Definitiones  viri  msritissimi  Sejjid  Scherif  Dsehords- 
châni,  edidit  Gustav.  Fluoel.  In-8**. 

Mosis  vitœ  LuzzatH  Patavini,  drama  qaadripartitum 
monumentum  linguœ  neo-hebraicœprœstantissimum  nunc 

primum  ex  codice  italico  editum  cum  commentariis 

Lipsiae ,  Sam.  Davidis  Luzzatti  et  Mairi  Letteris. 


JUILLET  1846.  7 

'Abda-r-razzâq's  Dictionary  of  thé  technical  terms 
ofihe  Sujies,  edited  in  the  arable  original,  by  D^  Aloys 
Sprenger.  Calcutta,  i845,  iii-8*; 

Histoire  de  l'Egypte,  depuis  la  conquête  des  Arabes 
jasqu^à  l'expédition  française,  par  M.  J.  J.  Marcel. 
Paris,  Firmin  Didot,  i846. 

A  vocabalary  of  thé  Soahili  language ,  from  the  me- 
moirs  of  the  American  Academy.  Cafnbridge,  i845'. 

Memoir  on  the  language  and  inhabitants  of  Lord 
North's  Islande  by  John  Pigkering,  président  on  the 
Academy.  Cambridge,  i845. 

Valère  André,  professeur  Jthébreu,  par  M.  le  ppo- 
fessem*  NèvE.  Louvain,  i846,  in-12. 

Observations  sur  les  chants  du  Sama-Véda  (par 
M.  F.  NèvB). 

Voyage  en  Sicile  de  Mohammed-Ebn-Djohdir  de  Va- 
lence, sous  le  règne  de  Guillaume  le  Bon,  par  M.  Amari. 
(Extrait  du  Journal  Asiatique.) 

Histoire  des  khalifes  Abbassides  AUAmin  et  Al-Ma- 
moun....,  par  M.  Ciherbonneau.  (Extrait  du  Journai 
Asiatique.) 

Études  sur  Pascal,  par  l'abbé  Flottes.  Montpellier, 
i846,in-8". 

Les  vœux  de  la  France  à  l'occasion  de  l'attentat  du 
16  avril,  par  M.  Marcel.  Paris,  i"'  mai  i846. 

Plusieurs  prospectus  du  Cercle  oriental. 

Quelques  numéros  de  ÏÉcho  de  l'Orient  et  du 
Journal  de  Constantinople. 

Bulletin  de  la  Société  de  géographie,  tome  V,  n~  2  7 
28,  mars-avriL 


8  JOURNAL  AÇIATIQUE. 

M.  Marcel  dépose  sur  le  bureau  les  trente-six 
pretnières  pages  de  son  Dictionnaire  arabe -français 
des  dialectes  vulgaires  africains. 

M.  BuRNouF  dépose  sur  le  bureau  les  vingt  et  une 
premières  feuilles  in-folio  de  son  édition  et  traduc- 
tion du  Bhâgavaia  Parâna-, 

On  donne  lecture  d  une  lettre  du  prince  Michel 
Barutayepf,  conseiller  d'Etat  russe,  par  laquelle  il 
adresse  à  la  Société  un  exemplaire  de  louvrage  de 
numismatique  géorgienne  quil  vient  de  publier.  Les 
remercîments  de  la  Société  seront  adressés  au  prince 
Barutayeff. 

On  entend  la  lecture  du  rapport  de  M.  Mohl, 
secrétaire-adjoint  de  la  Société,  sur  les  travaux  du 
conseil  pendant  Tannée  qui  vient  de  s  écouler. 

M.  Reinaud  fait,  au  nom  de  la  Conunission  des 
fonds,  un  rapport  siu*  les  comptes.de  Tannée  der- 
nière. L'assemblée  adopte  les  conclusions  de  jce  rap- 
port, approuve  les  comptes  et  vote  des  remercîments 
au  trésorier  et  à  la  Commission  des  fonds. 

On  procède,  conformément  au  règlem€nt,  au 
renouvellement  des  membres  sortants  du  Conseil , 
et  le  scrutin  donne  les  nominations  suivante»  : 

Président  :  M.  Amédée  Jaubert. 
Vice-présidents  :  MM.  le  comte  de  Lasteyrie  et 

Caussin  de  Perceval. 
Secrétaire  :  M.  Eug.  Burnouf. 
Secrétaire-adjoint  :  M.  Mohl. 
Trésorier  :  M.  Lajard. 


JUILLET  1846.  9 

Membres  composant  la  Commission  des  fonds  : 

MM.  Landresse,  Mohl,  Gârgji^  de  Tassy. 
Membres  du  Conseil  :  MM.  Grangeret  de  La- 
grange,  baron  de  Slane,  Marcel,  Bazin,  De- 

FRÉMERY,  RlÉGNIER,  ElCHHOFF,  TrOYER. 

Bibliothécaire  :  M.  Razimirski  de  Birerstein. 
Censeurs  :  MM.  Reinaud  et  Bianchi. 

La  séance  est  levée  à  deux  heures. 

Pour 'fcopie  conforme  : 

ËUG.  BURNOUF, 
Secrétaire. 


TABLEAU 

DU  CONSEIL  D'ADMINISTRATION, 

CONFORMIÊMENT   AUX    NOMINATICmS   FAITES    DANS   L*ASSEMBLfiK 
GÉNÉRALE  OU  23  JUIN   i8A6. 


PROTECTEUR. 

S.  M.  LOUIS-PHILIPPE, 

ROI  DES  FRANÇAIS. 

PRÉSIDENT. 

M.  le  chevalier  Amédée  Jaubert. 

yiCE-PRÉSlDENTS. 

MM.  le  comte  de  Lasteyrie. 
Caussin  de  Perceval. 


10     .  JOURNAL  ASIATIQUE. 

SECniTAIRS. 

M.  Eugène  BuRNOuF. 

SECRàTAXR£-ADJOIIIT . 
M.  MOHL. 

TRÉ^BIER. 

M.  F.  Lajaïvd. 

COMMISSION  DES  FONDS. 

MM.  Garcto  de  Tassy. 

MoHL. 

Landresse. 

MEMBRES  DU  CONSEIL. 

MM.  Troyer. 

Noël  Desveiigers. 

BlOT. 

Longp^rier. 

Ddlaurier. 

ampère. 

DE  SaULCY. 

Ddbeux. 

Stanislas  Julien; 
Reinaud. 

BlANCHI. 

Hase. 

Langlois. 

Pavib. 

Grangeret  de  Lagrange.' 


JUILLET  1846.  Il 

MM.  Le  baron  de  Slâne. 
Marcel. 
Bazin. 

L  abbé  BARcès. 
Defr^mery. 

REGNIER. 
ElCHHOFF. 

CENSEURS. 

MM.  Reinaud. 

BlANCHI. 

BIBLIOTHÀGAIIUE. 

M.  Kazimirski  de  Bibebstèin.  ^ 

AOfiNT  DE  LA  SOGléTé. 

M.  Bernard,   au  local  de  la  Société,  rue  Ta- 
ranne,  n°  12. 


N,  B.  Les  lances  de  la  Société  ont  lieu  le  second  vendredi  de  chaque 
mois ,  à  sept  heures  et  demie  du  soir,  rue  Taranne ,  n*  i  a. 


•V 


12  JOURNAL  ASIATIQUE. 


RAPPORT 

Sur  les  travaux  du  Conseil  pendant  Tannée  1 845- 1 846,  fait 
à  la  séance  générale  de  la  Société ,  le  1 6  juin  1 846 ,  par 
M.  Jules  MoHL. 


Messieurs, 

Les  affaires  de  la  Société  asiatique,  depuis  la 
dernière  séance  générale,  n offrent  matière  qu'à 
peu  aobservations.  La  cessation  de  la  librairie  de 
M"*  Dondey-Dupré,  dont  la  maison  a  été  déposi- 
taire de  vos  publications  depuis  la  fondation  de  la 
Société,  a  obligé  le  Conseil  de  chercher  un  autre  li- 
braire, et  il  a  arrêté  son  choix,  poxu*  la  vente  de  vos 
ouvrages  et  de  votre  journal,  sur  M.  Duprat,  qui, 
par  son  zèle  et  Tétendue  de  ses  relations,  est,  plus 
que  personne,  en  mesxu*e  de  faciliter  vos  rapports 
avec  ïOrient.  Le  nombre  des  "membres  de  la  So- 
ciété s  est  augmenté  depuis  l'année  dernière,  et 
votre  joiu'nal  est  de  plus  en  plus  recherché  par  les 
bibliothèques  et  les  savants  de  tous  les  pays.  Les 
deux  derniers  volumes  contiennent  les  inscriptions 
himyarites  de  M.  Arnaud,  les  commentaires  dont 
M.  Fresnel  les  a  accompagnées ,  des  lettres  de 
M.  Rouet  sm*  ses  découvertes  en  Assyrie ,  des  études 
de  M.  Burnouf  sur  les  textes  zends,  des  trayaux  de 


JUILLET  1846.  13 

MM.  Biot  et  Bazin  sur  la  Chine,  de  MM.  Garcin  de 
Tas8y ,  de  Saulcy,  Defrémery,  Aroari,  Cherbonneau, 
Do^on  sur  les  littératures  des  peuples  musulmans, 
de  M.  de  Slane ,  sur  la  grammaire  maltaise ,  et  beau- 
coup d  autres  que  je  ne  puis  énumérer. 

L année  dernière,  votre  bureau  avait  annoncé 
qu  il  espérait  pouvoir  vous  soumettre  quelques  me- 
sures destinées  à  donner  à  vos  publications  une 
étendue  plus  considérable  et  plus  en  rapport  avec  le 
mouvement  toujours  croissant  des  études  orientales. 
Malheureusement,  Jaide  du  Gouvernement,  sm*  le- 
quel il  avait  cru  devoir  compter,  lui  a  manqué,  et 
même  l'allocation  modeste  que  la  Société  Teçevait 
presque  régulièrement,  na  pas  pu  être  accordée 
cette  année  par  M.  le  Ministre  de  l'instruction  pu- 
blique ,  malgré  la  bonne  volonté  qu'il  témoigne  pour 
nos  études.  Cette  interruption  des  faveurs  de  l'ad- 
ministration ne  petit  être  que  momentanée  ;  mais  il 
est  incontestable  que  le  Gouvernement  fait  trop  peu 
pour  la  Société,  qui  peut  dire,  avec  on  légitime 
orgueil,  qu'elle  a  beaucoup  fait  poiu*  les  lettres 
orientales  en  France ,  et  qu'elle .  est  en  mesure  de 
faire  beaucoup  plus  si  on  veut  lui  venir  en  aide. 
Ce  n'est  ni  le  zèle,  ni  le  savoir,  ni  les  matériaux 
qui  lui  manquent;  mais  elle  s'adresse  à  lui  public 
nécessairement  restreint,  et  c'est  au  Gouvernement 
â  la  mettre  en  état  de  maintenir  le  rang  qu'elle  a 
su  acquérir  au  milieu  des  Sociétés  asiatiques  qui 
existent  oii  naissent  dans  tous  les  pays. 

La  Société  vient  d'éprouver  une  perte  sensible  par 


14  JOURNAL  ASIATIQUE. 

la  mort  de  M.  Eyriès,  membre  du  conseil,  et  l'un 
des  fondateurs  de  la  Société.  D  s  était  dévoué  entiè- 
rement à  la  géographie,  et  je  laisse  à  la  Société  qui 
s'occupe  spécialement  de  cette  branche  ée^  scieni^es, 
le  soin  d  apprécier  ses  ouvrages.  Mais  il  sintéreâ^t 
aussi  vivement  au]t  progrès  des  scienties  historiques 
et  philosophiques,  et  il  avait  pris  part  ôux  travaux  de 
la  Société  asiatique  depuis  sa  fondation^  Après  àvèir 
été,  pendant  longtemps,  membre  de  la  côtnmis- 
sion  des  censeurs,  il  â^ait  remplacé  M.  Feiullet 
dans  la  comncnssion  des  fondai  eft  la  Société  lui  dèit 
une  vive  reconnaissahoe  pour  là  manièt^è  affsidiie 
et  consciencieuse  dont  il  à  rempli  Aeé  fonëtïoris  tjpiî 
n  ont  rien  d  agréable  en  elles-mêmes  et  qui  exigeât 
un  sacrifice  do  temps  pénible  pour  uifî  hdmmé  àti^i 
occupé  que  rétaît  M.  Eyriês; 

Nos  râppôits  atrèc  les  àiitres  Sociétés  asiâtiqrié^ 
ont  continué  à  être  parfaitement  amidaUi,  et  Âfôus 
avons  reçu,  de  la  plupart  d'entre  elles,  de^'pi*feuVès 
de  leur  activité  pendant  lannéé  passée.  La  Sodëté 
asiatique  de  Calcutta  a  èbrltihué  à  publièl*  régëïïfr- 
rement  soti  jouînal^  et  nous  a  envoyé  Un  t>\zftti^ 
qu'elle  vient  de  faire  pâraîfrë  et  dont^j'ditfàl  à  dîi^ 
pltfô  tard  quelques  mWs.  Lai  Soeiété  àe  Bdmbay-^ 
a  (M'ganisé  son  journàï  de  manière  à  le  faire  JjS- 
raître  par  tritùééifre.  Elle  a  annoncé  le  projet  de 

^  Jonrndàf^  Aàatk  SùéUtf  tjf  Bittjtâ.  ÙaimiiA'^iïi^,  h^ 
nier  numéro  qui  est  nrrivéà  Paris  est  ie  numéro  .7  6  (  nouvelle  s^e). 

*  JourRol  oj  the  Botnhay  hranch  of  the  royol  Asiatic  Socie^.Bom- 
bày,  ilT-à^.  Le  deirnïér  ntiniërô  artîvé  à  Paris  es!  le  nuhiéro  9. 


JUILLET  1846.  .15 

réimprimer  en.  trois  volumes  in- 8*  les  Transactions 
qu  elle  avait  autrefois  publiées  en  trois  volumes  ih-4'. 
C  est  une  excellente  collection ,  qtië  probablement 
beaucoup  de  bibliothèques  en  Europe  désireront  pos- 
séder. La  Société  des  attà  et  des  sciences  de  Bata- 
via ^  a  fait  paraître  le  volume  XX  de  ses  Mémoires. 
J*aurai  occasion  de  revenir,  dans  le  cours  de  ce  rap- 
port, sm*  le  contenu  de  ôe  volume.  Là  Société  asia- 
tique de  Londres^  a  publié  le  volume  XVI  de  son 
jouibaal,  et  le  motide  savant  attend,  avec  une  vive 
impatience,  la  publication;  plx)niise  pour  le  volume 
suivant,  de  Tinscription  bouddhique  de  Kàpùi*  di 
Girii  rapportée  pêa*  M.  Masson,  ainsi  que  celle  de  la 
grande  inscription  de  BisitoUn ,  copiée  et  expliquée 
par  M.  Rawlinfi(ôn.  Lé  comité  des  ti^âductions  orién^ 
tides  annonce  là  publication  prochaine  du  qua- 
trième volume  de  Hadscl^i  Klhàlfa,  par  M.  Fiûgël, 
du  deuxième  volumje  d'ËwUà  Effendi,  par  M.  de 
Hammer,  et  celle  d  un  ouvrage  posthume  de  Sir 
Gore  Ousèley,  àUr  la  vie  et  les  ouvragés  de  quelques 
poëtespersans*  La  Société  |)ôur  la  publicatiori  de  textes 
t)rieaitaux  annoncé  qu'elle  Va  feirei  j)arÂitre  lé  Dâ^a 
Kumara  Châritra ,  par  M.  Wflson ,  le  second  voluiiie 
de  rifistôif'e  dés  Religions  dé  Schàri^taill ,  par  M.  6il^ 
reton,  et  dlë  à  accepté  lès  offres  de  publication  d'tifi 
nombre  considérable  d'ouvrages  arabes  et  persans. 

^  Verhandelingen  van  ket  BcUaviaasck  Genootschap  van  Kansten  en 
fVetBHMfhàffpen,  Vol.  *X.  BataVia;  i344;  îri-8'  (98,  XXXlîl-  176, 
i79»«t98p*gea). 

*  The  Jonrnd  ef  iht  rcwal  Aiiatic  Scfcîéfy  of  Great-BnMh  ûnû  Ire- 
îand.  Londres,  id46 ,  l/x\h  (En  deux  parties.) 


16  JOURNAL  ASIATIQUE. 

La  Société  orientale  allemande  s  est  organfsée  dé- 
finitivement  Tannée  dernière  au  congrès  des  phi- 
lologues de  Dannstadt,  et  elle  a  fixé  son  siège  à 
Leipzig  et  à  Halle;  elle  se  propose  de  publier  im' 
journal,  ainsi  que  les  actes  de  ses  séances  générales.. 
Il  a  paru  un  cahier  de  ces  derniers  ^  contenant  les 
actes  du  congrès  de  Leipzig  en  1 844.  La  Société 
syro- égyptienne  de  Londres  a  publié  le  premier 
fascicule  de  ses  Mémoires^ -/elle  parait  comprendre, 
dans  son  ressort ,  TAbyssinie  ,  l'Egypte ,  l*Arabie , 
la  Syrie  et  la  Mésopotamie,  qui  lui  foiu'niront  cer- 
tainement des  matériaux  abondants  poiu*  ses  re- 
cherches. Enfin,  il  s'est  formé  deux  nouvelles  So- 
ciétés asiatiques,  Time  à  Colombo,  pour  Tîle  de 
Ceylan,  lautre  à  Km'atchi,  pour  le  Sind  et  les  pays 
environnants.  Puissent-elles  nous  faire  jouir  bientôt 
des  résultats  de  leur  zèle  ! 

J'arrive  à  Ténumération  des  ouvrages  orientaux 
qui  ont  paru  pendant  Tannée;  et,  quoique  je  n es- 
père pas  pouvoir  la  donner  complète,  elle  prou- 
vera la  rapidité  des  progrès  que  font  nos  études, 
malgré  les  difficultés  de  tout  genre  et  les  sacrifices 
de  toute  espèce  qu'elles  exigent  de  ceux  qui  s'y 
livrent.  Je  comnaenic:^  par  la  littérature. arabe,  qui 
est  et  sera  toujours  celle  que  l'on  cultivera  le  plus 
en  Europe. 

*  Verhandlan^en  der  ênUn  Versammlung  deuUcher  nnd  àaslmndi- 
scker  OrientalisUn  in  Dresden.  18 45,  Leipzig,  in-4.  (1^»  78  pages.) 

'  Original  papers  read  hefore.the  Syro-Egyptian  Society  of  London , 
vol.  I,  partie  1;  Londres,  i84S,  in-SV  (iSg  pages.) 


JUILLET  1846.  17 

Uhistoire  et  la  géographie  des  Arabes  ont  été, 
pendant  Tannée  dernière,  Tobjet  de  travaux  consi- 
dérables ;  des  ouvragés  nouveaux*  et  importants  ont 
été  entrepris,  des  publications  commencées  ont  été 
continuées,  et  des  livres  déjà  connus  ont  été  publiés 
d'une  maiiière  plus  complète. 

M.  Weil,  professeur  à  Heïdelberg,  a  fait  paraître 
le  premier  volume  dune  Histoire  des  Khalifes \ 
qui  formé  la  continuation  de  sa  Vie  de  Mahomet. 
Ce  sujet  est  lun  des  plus  importants  que  puisse 
choisir  un  historien;  la  grandeiu»  de  fempire  des 
Arabes,  la  destruction  des  anciennes  civilisations  et 
le  changement  de  Tétat  social  de  la  moitié  la  plus 
cultivée  du  n^o^ide,  font;  dé  la  formation  du  kha- 
lifat,  un -des  plus  grands  événements  de  Thistoire. 
Le  khalifat  lui-même  a  c^é  depuis  six  siècles ,  niais 
la  j)uissance  civilisatrice  qui!  y  avait  en  lui  était 
telle ,  que  les  suites  du  mouvement  qu'il  a  imprimé 
à  rOrient  subsistent  encore.  Aussi,  l'a  tâche  qufe 
s'impose  l'historien  du  khalifat  estr  elle  difficile  en 
proportion  même  dé  la  grandeur  du  son  sujet,  car 
il  ne  s'agit  pas  pour  lui  seulement  de  faire  la  des- 
cription des  conquêtes  des  Arabes  et  de  raconter 
l'histoire  de  leurs  princes  pendant  six  siècles;  il  fa^it 
qu'il  traite  encore  de  l'origine  et  du  développement 
df^toûte  une  civilisation  ;  des  changements  que  cettp 
civilisation  a  produits  chez  des  nations  nombreuses , 
différentes  de  race  et  de  caractère,  lesquelles  ont,  à 

^  Gesckichte  der  Chalifen,  von  D' Gustav  Weil.  Mannheim ,  i846, 
vol.  I,m-8".  (yo2  pages.) 

VIII.  2 


18  JOURN*AL  ASIATIQUE. 

leur  tour,  réagi  diversement  sur  leurs  conquérants  ; 
de  Imfluence  que  les, principes  et  les  formes  de  la 
nouvelle  administration  ont  exercée  sur  la  condi- 
tion des  provinces ,  sur  la  constitution,  de  la  pro- 
priété, sur  le  gouvernement  .municipal ,  sur  la  lé- 
gislation, sur  tous  les  intérêts  des  peuples.  Le  khalifat 
est  un  fait  unique  dans  Thistoire.  du  inonde  et  quon 
ne  saurait  comparer,  sous  le  rapport  temporel,  quà 
Tempire  romain ,  et  sous  le  rapport  de  lat  puissance 
spirituelle,  qu'à  la  papauté. 

On  ne  manque  cei'tainement  pas  de  matériaux 
pour  en  faire  l'histoire  ;  les.  chroniques  générales  et 
celles  des  provinces  et  des  villes,  les  biographies  des 
hônmiea  illustres,  les  œuvres  des  poètes  et  de  leiu's 
commentateurs,  les  collections  des  lois  et  décisions 
légales ,  les  ouvrages  de.  théologie  et  de  science ,  enfin , 
toutes  les  parties  de  la  littérature  arabe  et  persane 
abondent  en  faits,  dont  chacun  contribue  à  com- 
pléter le  tableau  qu'on  peut  tracer  du  khalifat.  Tous 
les  travaux  dont  ces  littératures  ont  été  l'objet  ap- 
portent directement  ou  indirectement  leur  tribut 
à  cette. histoire.  Déjà  un  certain  nombre  des  points 
les  plus  importants  ont  été  traités  en  détail,  et  il 
ne  se  passe  peut-être  pas  un  mois  sans  qu'il  paraisse 
en  Exu*ope,  un  ouvrage  qui  ajoute  quelque  chose 
aux  matériaux  dont  on  peut  disposer;  mais,  malgj^ 
tous  ces  efforts ,  on  n'a  encore  mis  aujour  qu'une  petite 
partie  des  sources  de  l'histoire  du  khalifat;  le  reste  se 
trouve  dispersé  dans  les  bibliothèques  de  l'Europe  et 
de  l'Orient.  C'est  dans  cet  état  que  M.  Weil  a  trouvé 


JUILLET  1846.  19 

son  sujet  et  quil  a  eu  le  courage  de  l'aborder,  avec 
laide  principalement  des  manuscrits  des  biblio- 
thèques de  Paris  et  dé  Gotha.  Le  premier  volume 
de  son  ouvrage  contient  rhistoire  dukhalifat  depuis 
la  mort  de  Mahomet  jusqua  la  fin  de  la  dynastie 
des  Ommeïad,es.  Ce  volume  n  embrasse  que  rhistoire 
politique  proprement  dite  de  cette  époque,  et  lau- 
teur  réserve  pour  plus  tard  les  éclaircissements  de 
toute  espèce  qui  se  rapportent  à  Tétat  social  du  pays. 
Son  récit  est  simple,  il  conserve  avec  soin  les  ex- 
pressions.  mêmes  des  personnages  dont  il.  raconte 
les  actions,  et  il  rejette  dans  des  notes  au  bas  des 
pages,  les  discussions  critiquas  que  font  naître  des 
points  douteux.  La  suite  montrera  si ,  dans  son 
état  actuel,  la  science  est  assez  avancée  pour  per- 
mettre déjà  la  composition  du»e  histoire  du  khalifat 
telle  qu'on  doit  la  désirer;  dans  tous  les  cas ,  on  peut 
voir,  par  ce  qui  en  a  paru,  que  l'ouvrage  de  M.  Weil 
est  un»  livre  d  une  valeur  incontestable. 

M.  Quatremère  a  publié  la  seconde  moitié. du 
deuxième  volume  de  sa  traduction  de  l'Histoire  des 
Sultans  mamlouks  de  l'Egypte,  qui  s'imprime  aux 
frais  du  coHMté  des  traductions  orientales  de  Londres^ . 
Cette  partie  compirend  les  années  479  à  706  dé  l'hé- 
gire. M^  Quatremère  a,  selon  son  habitude,  accom-- 
pagné  son  travail  de  pièces  justificatives  et  de  notes 
historiques  et  philologiques,  qui  forment  autant  de 

'•  Histoire  des.  Sultans  marnlouks  de  l'Egypte ,  par  Taki-eddin-Ma 
krizi,  traduite  par  M.  Quatremère,  tom.  Il,  p.  11.  Paris,  18/1. 5, 
in-4'.  (324  pages.) 


20  JOURNAL  ASIATIQUE, 

spécimens  de  son  grand  Thésaurus  dont  le  monde 
savant  attend  la  publication  avec  une  si  vive  et  si 
juste  impatience. 

Le  grand  ouvrage  de  Makrizi  a  encore  fourni  le 
texte  de  l'histoire  des  Coptes  sous  le  gouvernement 
musulman  de  TÉgypte,  qtie  M.  Wustejifeld  vient  de 
publier  en  arabe  et  en  allemand  ^  M.  Wetzer,  à 
Fribourg,  avait  déjà  fait,  paraître >  î^  y  ^  quelques 
années,  une  gj:ande  pjartie  des  chapitres  de  Makrizi, 
qui  se  rapportent  aux  Coptes.  M.  Wustenfeld  y  a  ajouté 
quelques  nouveaux  extraits,  qui  complètent  le  sujet, 
et  a  publié  le  tout^  à  laide  des  manuscrits  de  Gotha 
et  de*  Vienne:  C  est  une  histoire  fort  naïve  des  per- 
sécutions des  chrétiens  en  Egypte,  de  la  destruction 
de Jeurs  églises  et  de  leurs  monastères,  et  de  la  con- 
version violente  de^la  grande  masse  des*  Coptes  à 
Fislamisme.  .. 

n  a  paru,  outre  ces  ouvrages  sur  des  parties  de 
l'histoire  de  l'Egypte  sous  les  Arabes,  un  abrégé  gé- 
néral de  cette  histoire,  par  M.  Marcel \  L'auteur 
a  tiré  son  récit  des  historiens  arabes,  en  partie  iné- 
dits, et^a  ajouté  au  texte  les  monnaies  et  quelques 
sceaux  des  princes  arabes  d'Egypte,  de  manière  à 
faire  en  même  temps  de  son  livre  un  manuel  de 
numismatique  égyptienne.    .    '   .  •     .  • 

M.  Dozy,  à  Leyde,  s'occupe  d'une  Histoire  de  la 

^  Macrizis  Geschichie  der  Copten  mit  Ueherseizang  and  Anmerkun- 
gen,  von  Wustenfeld.  Goettingep ,  i845 ,  in-4°.  (  ida ,  et  70  pages.) 

*  Histoire  de  VÉgypte  depuis  la  conquête  des  Arabes  jusqu'à  Texpè-. 
ditiom. française^  par  M.  Marcel.  Paris,  i846,  in-8°.  (aôS  pages.) 
•Cet  ouvrage  fait.partie  de Ttlnivers  pittoresque,  publié  parM.  Didot. 


JUILLET  1846.  21 

dynastie  des  Abbadides  de  Séville  ^  Papmi  les 
familles  qui  profitèrent  de  la  chute  des  Otnmeïàdes 
d'Espagne' pour  fonder  des  principautés  indépen- 
dantes, et  qui  furent  écrasées  plus  tard  dans  la  lutte 
entre  les  Almoravides  et  les  rois  chrétiens,  les  Abba- 
dides  se  distinguent  par  1  éclat  de  leur  règne  et  par 
le  talent  de  quelques-uns  d'entre  eux.  M.  Dozy  com- 
mence par  publier  toutes  les  pièces  originales,  qui  se 
rapportent  à  Thistoire  de  cette  famille ,  en  les  com- 
mentant et  en  accompagnant  d'une  traduction  latine 
celles  qui  offrent  des  difficultés.  Il  s'excuse  de  com- 
prendre parmi  ces* pièces  des  poèmes  et*  des  mor- 
ceaux de  rhétorique,  mais  certainement  personne  ne 
sera  tenté  de  lui  en  faire  un  reproche,  car  la  science 
historique  est  aujoxu*d'hui  assez  éclairée  pour  recher- 
cher avec  avidité  tout  ce  qui  peut  contribuer  à  donner 
une  idée  plus  claire  de  l'état  social  d'une  époque.  Il 
n'a  paru,  jusqu'à  présent,  que  le  premier  volume 
de  cette  belle  çt  importante  publication. 

M.  W^nrich,  de  Vienne,  a  entrepris  d'écrire  l'His- 
toire des  conquêtes  des  Arabes  en  Sicile  *  en,  Italie 
et  en  Sardaigne  ^.  Il  a  combiné  les  renseignements 
que  fournissent  les  histQriens  arabes  aujourd'hui 
cpnnus ,  avec  ceux  que  nous  donnent  les  chroniqueurs 
occidentaux,  et  en  a  tiré  ime  histoire  assez. détaillée 

*  Historia  Abbadidaram  prœmissis  scriptoram  arahum  de  ea  dynastia 
locts  nunc  primum  editis;  autorè  R^  P.  A.  Dozy;  vol.  I.  Leyde,  i846, 
in-4*.  (43i  pagfes.) 

*  Reram  ab  Arahibus  in  Italia  insulisque  adjacentihus  Sicilia 
maxime ,  Sdrdinia  atque  Corsica  gestaram  Commentarii  ,  scripsit 
S.  G.  Wenrich,  Lipsiae,  i845,.in-8".  (346  pages,} 


22  JOURNAL  ASIATIQUE. 

de  cette  partie  de  la  grande  lutte  des  peuples  chré- 
tiens contre  les  musulmans.  Son  ouvrage  se  termine 
par  cjuélques  chapitres  dans  lesquels  il  apprécie 
brièvement  les  effets  que  la  domination  arabe  a  pro- 
duits sm»  la  langue,  les  lettres,  Tagpriculture,  les  mœurs 
et  l'état  général  de  Tltalie.  Ces  questions  paraissent 
devenir,  *  de  la  part  des  savants  italiens,  lobjet  de 
recherches  nouvelles^  e  est  ainsi  que  M.  Amari ,  qui 
a  déjà  publié  dans  votre  journal  quelques  fragments 
curieux  d auteurs  arabes  concernant  la  Sicile,  an- 
nonce une  histoire  de  ce  pays  sous  la  domination 
des  Arabes,  et  une  Bibliothèque  arabo- sicilienne. 
Le  prince  Domeriico  Spinelii  et  M.  Michel  Taftu'i 
ont  étudié  un  côté  ou  plutôt  un  incident  de  cette 
histoire,  et  leur  description  des  médailles  cufiques, 
frappées  en  Sicile  entré  le  x*  et  le  xn®  siècle,  par 
les  princes  normands  et  ceux  de  la  maison  de 
Souabe  ^.,  fournit  une  preuve  éclatante  de  l'éten- 
due et  de  la  durée  de  l'influence  ar.abe.  On  y  voit 
un  grand  nombre  de  pièces  d'or  frappées  par  ces 
princes  chrétiens,  au  nom  du  khalife  Moëz-Lidin., 
portant,  d'un  côté ,  le  symbole  de  la  foi  musulmane , 
et  de  l'autre  une  croix.  .Quelquefois ,  l'inscription 
arabe  est  si  mal  imitée  qu'elle  ne  forme  plus  qu'un 
arabesque  ;  quelquefois ,  le-  nom  des  princes  chré- 
tiens est  écrit  en  cai'actères  cufiques;  souvent  le  latin 

*  Monete  enfiche  battute  da  principi  Longohardi,  Normanni  e  Saevi 
nel  regno  délie  Due  Sicilie,  interpretate  e  illustrate  dai  Principe  di 
S.  Giorgio  Domenico  Spiirelli ,  e  publicate  per  cura  di  'Michèle  Ta- 
furi.  NapoH,  ii844,  in-A".  "(xxvi,  3o2  pages  et  3o  planclies.) 


.     JUILLET  184!&.  23 

et  farabe  sont  mêlés  jusque  dans  ie  même  mot. 
C'est  1  effet  de  ^influence  qu'exerce  une  civilisation 
vaincue  sur  des  vainqueurs  comparativement  bar- 
bares, et  les  médailles  des  premiers  khalifes,,  celles 
des  -rois  indo-scythes  et  des  rois  Goths  d'Espagne 
nous  ofïrent  des  cas  tout  à  fait  analogues.  La  J)lupart 
des  médailles  reproduites  dans  cet  ouvrage  sont  ti- 
rées des  collections  des  deux  auteurs,  qui  les  ont 
rangées  chronologiquement  et  ont. expliqué  les  lé- 
gendes arabes  autant  que  le  permet  la  manière  bar- 
bare dont  elles  sont  gravées. 

L'Histoire  des  Arabes  d'Afiique,  à  laquelle  les 
circonstances  ont  donné  une  importance  qu'elle 
n'avait  pas  eue  depuis  l'expulsion  des  Maïu'es  d'Es- 
pagne, a  été  de  nouveau  l'objet  de  plusieurs  travaux. 
M.  Tornberg,  professem»  à  Upsal,  vient  de  faire 
paraître  la  traduction  latine  de  l'Histoire  duroyaiune 
de  Fèz^  connue  sous  lé  nom  des  Kartas,  dont  il  avait 
publié  le  texte  il  y  a  deux  ans.  L'auteiu»  arabe,  qui 
commience  son  récit  par  l'histoire  romanesque  de  la 
fuite  d'Idris,  descendant  d'Ali,  et  son  ■établis3ement 
en  Afrique,  pQiu'suit  jusqu'à  l'an  ■7.26  de  l'hégire 
l'histoire  de  Fez  et  celle  des  pays  voisins.  C'est  un 
ouvrage  original  et  important  pour  l'Histoire  de 
l'Afiîque.  L'auteiu*  paraît  avoir  recueilli  des  traditions 
orales  qui  ont  besoin  d'être  contrôlées  par  la  cri- 

•^  Annales  regum  Maaritaniœ  ab  Ahù-l  Hasan-ben'Abd'Allak'ibn'Ahi- 
Zer  Fesano ,  vel  ut  cdii  malunt  Abu  Muhammed  Sallh  ibn  Abd  el-Halim 
Granatensi  conscriptos;  edidit  C.  I.  Tornberg.  Upsalœ,  18 45,  in-4*, 
tom.  II.  (36o  pages.) 


24  JOURNAL  ASIATIQUE. 

tique  européenne,,  mais  qui  donnent  à  son  livre  une 
vie  que  n'ont  paç  la  plupart  des  chroniques. 

MM.  Peliissier  et  Rémusat,  membres  de  la  com- 
mission scientifique  d'Algérie ,  se  sont  occupés  d  une 
autre  partie  de  l'Afrique  septentrionale,  et  nous 
donnent  la  traduction  de  l'histoire  de  Tunis  par 
Mohammed-el-Kaïrowani  ^  Cet  auteur  procède  avec 
beaucoup  de  régularité  dans  son  ouvrage;  il  donne 
d'abord  la  description  de  Timis  et  de  l'Afrique  en 
général ,  ensuite  l'histoire  ^des  différentes  dynasties 
qui  ont  régné  sur  Tunis  jusqu'à  l'an  1681  de  notre 
ère ,  et  termine  piar  une  description  des  curiosités 
de  la  ville  et  des  usages  particuliers  de  ses  habitants. 
C'est  une  chronique  écrite  d'après  le  modèle  gé- 
néral des  chroniques  arabes,  et  elle  participe  de 
leurs  défauts  et  de  leurs  qualités  ordinaires.  La  des- 
cription de  l'Afrique  avant  l'invasion  des  musul- 
mans est  remplie  de  fables  et  d'incertitudes;  l'histoire 
des  premiers  siècles  de  lem*  domination  forme 
une  compilation  bien  ordonnée ,  mais  un  peu  sèche  ; 
à  partir  du  xin*  siècle ,  le  récit  prend  un  peu  plus  de 
vie;  on  y  trouve  des  renseignements  originaux,  et 
tirés  de  la  tradition  orale ,  surtout  aans  la  dernière 
partie,  qui  traite  de  la  conquête  de  Tunis  par  les 
Tiircs. 

Le  gi*and  défaut  de  ce  livre,  et  de  presque  tous 

*  Histoire  de  l'AJriqae  par  Mohammed-ben-Abi-el-ftaïni-el-lCaî- 
rouani ,  traduite  de  l'arabe  par  MM.  E.  PelHssier  et  Rrëmusat.  Paris, 
1845,  iH-4*.  (5i7  pages.)  Cet  ouvrage  forme  le  tome  Vlldè  l'Eyplo- 
ration  scienti/îque  de  TAlgérie,  publiée  par  ordre  d\i  Gouvernement 
français. 


JUILLET  1846.         *  25 

ceux  de  la  même  classe,  est  le. point  de  vue  étroit 
qui  caractérise  les  historiens  musulmans  ;  ils  se  con- 
tentent d  enregistrer  les  faits  matériels  les  plus  frap- 
pants; hors  de  là,  ils  ne  s  occupent  que  de  ce  qui 
touche  directement  les  intérêts  de  leur  religion  ; 
mais  ils  ne  parlent  qu  accidentellement  des  change- 
ments que  le  temps  çi  produits  dans  la  société  ciAÔle , 
des  mœurs  des  peuples  soumis  ou  ennemis ,  de  la 
marche  du  commerce  et  des  causes  de  la  prospérité 
ou  de  la  décadence  du  pays  dont  ils  traitent,  enfin, 
de  tout  ce  qu'on  appelle  .aujoiu*d'hui  les  faits  sociAbL. 
C'est  la  tâche  de  l'historien  européen  de  briser  l'en- 
veloppe aride  des  chroniques  orientales,  et  d'en  tirer 
ce  qui  y  reste  d'indications  relatives,  à  la  vie  réelle 
des  peuples.  Cependant,  quelquefois  un  hasard  heu- 
reux met  à  notre  disposition  des  ouvrages  dont  les 
auteurs  ont  été  forcés  par  les  circonstances  de  sortir 
de  la  voie  ordinaire,  et  de  nous  raconter  ce  qu'ils 
ont  observé.  Telles  sont  les  relations  déis  voyageurs 
arabes,  que  l'on  connaissait  déjà  par  la  traduction 
de  Renaucjot ,  et  dont  M.  Reinaud  vient  de  faire 
paraître  le  texte  accompagné  d'une  nouvelle  traduc- 
tion ^  Ce  sont  des  récits  de  marchands  et  de  voya- 
geurs arabes  du  ix®  siècle  de  notre  ère ,  cfùi  avaient 
fi'équenté  les  côtes  de  l'Inde  et  de  la  Chine,  et  les  îles 

*  Relation  des  voyages  faits  par  les  Arabes  et.les  Persans  dans  l'Inde 
et  à  la  Ckmej  dans  le  /x*  sikcle  de^  l'hre  chrétienne,  texte  arabe  imprimé 
en  1811  par  les  soins  de  feu  Langlès ,  publié  avec  des  correction^ 
et  additions,  et  accompagné  d'une  traiJuction  française  et  d'éclair- 
cissements,  par  M.  Reinaud.  Paris ,  1845,  2  vol.  in-18.  (CLXXX,  1 W, 
io5,  et  202  pages.) 


26  JOURNAL  ASIATIQUE. 

dé  1  archipel  indien ,  et  qui  nous  donnent  des  détails 
pleins  d'intérêt  sur  les  mœurs  et  l'aspect  des  pays 
qu'ils  visitent,  sur  le  commerce  qu'on  y  faisait  et 
sur  les  produits  naturels  qu'ils  foiu'nissaient.  On  ac- 
cusa, pendant-  quelque  temps,  Renaudot  d'avoir 
inventé  ces  relations;  plus  tard  quelques  critiques 
les  attribuèrent  àMasoudi.  Maintenant  M.  Reinaud 
prouvé  que  le  fond  du  livre  est  formé  par  le  récit 
du  marchand  Sol eiman,* commenté  et  complété  un 
peu  plus  tard  par  Abou-Zeid  de  Basra,  et  commu- 
niqué par  ce  dernier  à  Masoudi,  qui  en  a  inséré  une 
grande  partie  dans  ses  Prairies  d'or.  Feu  M.  Lan- 
glès  avait  fait  imprimer,  en  i8i  i,  le  texte  arabe  de 
ce  livre  ;  mais  l'édition  étant  restée  inachevée  dans 
leà  magasins  de  rimprimerie  royale,  M.  Reinaud 
s'e3t  chargé  de  la  tern>iner,  et  il  y  a  ajouté  un  appeur 
dice  tiré  de  Masoudi,  des  corrections  du  texte,  une 
traduction  nouvelle,' un  commentaire  détaillé,- et 
une  introduction  dans  laquelle  il  discute  l'origiae  de 
l'ouvrage  et  les  nombreuses  questions  géographiques 
qui  se  rattachen^t  aux  récits  des  auteurs.  C'est  un 
livre  infiniment  cxu*ieux  sous  plusieurs  rapports ,  et 
dont  la  publication  plus  complète  est  un  service 
rendu  à  la  littérature  orientale. 

Un  traité  de  géographie  du  x®  siècle ,  plus  métho- 
dique et  presque  aussi  original  que  les  relations  de 
ces  voyageurs,  est  le  Livre  des  climats,  par  Abou- 
Jshak  dlstakhr,  dont  M.  Mordtmann,  à  Hambourg, 
vient  de  faire  paraître  une  traduction  ^  Le  but  de 

*   Dos  Buch  der  Laendervon  Scheck  Jbn-Ishah  el-Farsi  el-Isztachri 


JUILLET  1846.  27 

lautéur  était  de  donner  une  description  de  tous  les 
pays,  musulmans.  La  géographie  était  alors  une 
science  toute  nouvelle  chez  les  Arabes,  et  Abou-Is-hak 
parait  avoir  été  presque  entièi'ement  réduit  aux  ob- 
servations quil  avait  faites  lui-même  dans  ses  nom- 
breux voyages,  ce  qui  rend  son  livre  très-inégal  dans 
ses  différentes*  parties,  mais  d autant  plus  précieux 
pour  nous.  Plus  tard  les  géographes  arabes  ont  suivi 
l'habitude  de  leurs  historiens,  et  se  sont  copiés  les 
uns  les  autres  d  une  manière  effrontée ,  et  générale- 
ment sans  aucune  critique  et  sans  s'apercevoir  que 
l'état  des  pays  dont  ils  parlaient  avait  changé  dans 
l'intervalle.  Ahou-Ishak  a  ajouté  à  son  livre  des 
cartes  très-imparfaites ,  mais  extrêmement  curieuses 
comme  étant  les  plus  anciennes  qui  existent,*  à  l'ex- 
ception de  la  Table  de  Peutinger  et  de  quelques 
caïtes  chinoises;  Sir  W.  Ouseley  a  publié,  âa  commen- 
cement de  ce  siècle ,  la  traduction  anglaise  d'un  abrégé 
persan  de  l'ouvrage  d'Abou-Ishak ,  qu'il  attribuait 
à  Ibn-Haukal;  mais  il  est  heureux  qu'on  ait  décou- 
vert l'original  arabe,  qui  est  beaucoup  plus  détaillé. 
Malheureusement,  on  n'en  connaît  jusqu'à  présent 
qu'un  seul  manuscrit ,  que  Seetzen  a  envoyé  à  la  biblio- 
thèque de  Gôtha.  M.  Moeller  en  a  lait  paraître,  il  y  a 
quelquies  années,  une  édition lithographiée ,  qui  offre 
un  calque  exact  de  l'original;  et  c'est  ce  qui  pouvait  se 
faire  de  mieux,  car  lès  imperfections  nombreuses  du 
manusmt,  et  surtout  l'absence  des  points  diacritiques 

aasdemAmbiscken  nbersetzt,  von  Mordtmann.  Hambiirg,  i845,in-4°. 
(2o4  pages,  avec  six  cartes.) 


28  JOURNAL  ASIATIQUE.  . 

sur  les.  noms  propres ,  exigeront  des  travaux  de  cri- 
tique longs  et  répétés  ^vant  que  l'on  puisse  en  donner 
une  édition  par  la  voie  de'  rimprimerie.  M.  Mordt- 
mann  a  lutté  .avec  beaucoup, de  bonheiu*  et  de  savoir 
contre  ces  difficidtés.,  quoique,  en  maint  endroit,  il 
se  voie  obligé  de  renoncer  à  fixer  la  lectiu'e  des  noms 
de  lieux.' Il  faut,  espérer  que  lattentionque  ce  tra- 
vail remai^quable  doit  exciter  conduira  à  la  décou- 
verte d'autres  manuscrits  du  même  ouvrage,  qui 
permettront  de  fixer,  avec  certitude  la  lectiu^e  de  ce 
livré  important. 

M.  Rurd  de  Schlœzer  a  fait,  des  fi^agments  dun 
voyageiu»  ^  arabe  du  x®  siècle  de  notre  ère ,  le  thème 
d  une  dissertation  inaugiu^ale.  Abou-Dolef-Mis  ar  avait 
entrepris ,  vers  le  milieu  de  ce  siècle ,  un  voyage  en 
Tartarie ,  dans  le  Tibet  et  dans  Tlnde ,  dont  il  paraît 
avoir  consigné  les  résidtats  dans  un  traité  aujourd'hui 
perdu.  Les  géographes  postérieurs  en  ont  incorporé 
des  parties  ou  des*  extraits  dans  leiu's  ouvrages ,  et  le 
fragment  que  M.  de  Schlœzer  nous  fait  connaître 
est  tiré  du  Ajaïb-el-Makhloukat  de.  Razwini.  Il  est 
publié  avec  une  traduction  et  uii  commentaire.      ; 

M.  Wustenfeld ,  à  Gœttingue ,  a  commencé  la  pu- 
blication du  Moschtarik  de  Iakouti  ^.  C'est  un  dic- 
tionnaire d'homonymes  géographiques  ,  -tiré  ,  par 
l'auteur  lui-même,  de  son  grand  dictionnaire  de 

'  Abu  Dolefr  Misaris  ben-Mokcdhal ,  de  itinere  asiadùo  Càmmen- 
tarius,  edidit'Kurd  de  Schlœzer.  Berlin,  i8A5,.in-/i*.  {4i  pages.) 

*  Jacuù  Moschtarik  y  dos  ist  Lexicon  geograpjiischer  Homonyme, 
herausgegeben  von  Wustenfeld.  Cahier  ï.  Gôttingen,  i8/i.5,  in-A". 
(xvi,  8,  el  160  pages.) 


JUILLET  1846.  29 

géographie.  Quiconque  s'est  occupé  de  l'histoire  de 
l'Orient  a  dû  être  jsduvent  embarrassé  par  la  fré- 
quence de  cette  homonymie,  et  l'on  comprendra' 
facilement  l'intérêt  d'un  livre  destiné  à  lever  les  dif- 
fictdtés  qui  en  résultent.  M.  Wustenfeld  a  trouvé 
deux  rédactions  du  Moschtarik,  dont  la  seconde  con^ 
tient  des  changements  et  des  additions  très-considé- 
rables faites  par  lakouti  lui-même;  mais,  comme 
elle  offre  en  même  temps  des  omissions ,  l'éditeur  a 
trouvé  nécessaire  de  combiner  les  deux  rédactions, 
de  manière  à  réintégrer  dans  la  seconde,  qui  forme 
la  base  de  son.  texte,  les  parties  omises.  Il  a  obvié 
aux  inconvéniens.  de  ce  procédé  par  un  système  as- 
sez compliqpié  de  signes  typographiques  qui  per- 
mettent au  lecteur  de  distinguer  la  nature  et  l'origine 
des  additions.  lakouti  est  un  auteiu*  du  xiii*  siècle , 
qui  a  beaucoup  voyagé  et  beaucoup  écrit,  et  il  serait 
très  à  désirer  (ju'on  entreprît  une  édition  de  son 
grand  dictionnaire  géographique. 

La  dernière  addition  à  nos  connaissances  géo- 
graphiques que  nous  devons  àùx  Arabes ,  est  le 
Voyage  au  Darfour,  par*  le  scheikh  Mohammed, 
de  Tunis, 'traduit  par  M.  Perroii,  directeur  de  l'é- 
cole de  médecine  au  Caire,  et  publié  par  M.  Jo- 
mard  ^  Il  est  rare  que  nous  ayons  à  citer  l'ouvrage 
d'uti  auteur  oriental  vivant,  et  il  a  fallu  un  concours 
de  circonstances  singulières  poiu*  faire  composer  ce- 

^  Voyoj^e  au  Ùarfour,  par  h  Gheykh  Mohammed  ebn-Omar  el 
Tounày;  traduit  de  l'arabe  par  le  D'  Perron,  et  publiée  par'les  soins 
^e  M.  Jobard.  Paris,  18 45,  in-8°. 


30  JOURNAL  ASIATIQUE 

lui  dont  il  s  agit  ici.  Lorsque  M.  Perron  arriva  au 
Caire,  il  prit  le  scheikh  Mohammed  pour  maître  da- 
.  rate,*  et,  s  étant  aperçu  qu'il  avait  fait  des  voyages 
considérables  dans  les  parties  les  plus  inconnues  du 
Soudan,  il  le  pria  de  lui  en  rédiger  la  relation,  pour 
lui  servir  de  thème..  C*est  ainsi  que  fut  composé  et 
traduit  à  niesure  un  ouvrage?  extrêmeniejit  curieux, 
d^ns  lequel  on  sent  parfaitement  Imfluence  de  Im- 
telligence  eiu^opéenne  quf  a  foi*cé  le  scheikh  à 
reporter  ses  souvenirs  sur  une  quantité  de  points 
qu'un  voyagem*  musulman*,  écrivant  pom*  ses  com- 
patriotes, aiirait  certainement  négligés.  Le  voiimie 
qui  vient  de  paraître  traite  du  Darfour,  et  donne 
la  première  description  détaillée  que  nous  ayons 
de  ce  pays  ;  le  second  traitera  du  Borgou.  et  nous 
fera  connaître,  une  partie  de  TAfrique  qui  nous 
est  aujourd'hui  entièrement  inconnue  et  que  jamais 
le  pied  d'un  Européen  n'a  foulée.  Il  est  probable  que 
la  nouvelle  preuve  que  M.  Perron  a  donnée  de  ce 
qu'on  peut  tirer  des  voyageiu*s  musulmans  dans  l'in- 
térieur de  l'Afrique,  et;  de  la  facilité. avec  laquelle 
ils  visitent  des  pays. qui  nous  sont  fermés,  portera 
d'autres  fruits;  je  pourrais  même  annoncer  dès  au- 
jourd'hui des  tentatives  semblables,  si  je  ne  crai- 
gnais de  nuire  à  leiu*  réussite  par. une  publicité  pré- 
maturée. 

Les  ouvrages  qui  se  rapportent  à  l'étude  philolo- 
gique de  l'arabe  ont  été  nombreux  et  en  partie  im- 
portants. M.  Fleischer  a  fait  paraître  1b  4*  livraison 
de  sQn  excellente  édition  du  Commentaire  sur  le 


JUILLET  1846.  31 

Koran  parBeidha'wi\  et  vous  apprendrez  sans  doute 
-avec  plaisir  que  ce  livre  a  déjà  acquis  une  grande 
popularité  parmi  les  mollahs  des  provinces  musul- 
manes de  la  Russie.  M.  Flûgel ,  à  Meissén ,  a  publié 
une  édition  des  Définitions  de  Djordjani  ^.  Le  schérif 
Zeïn-eddin,  de  Djordjan^  était  un  des  savants  que 
Timour  amena  à  Samarkand  pour  en  orner  sa  nou- 
velle cour.  Djordjani  y  composa  des  ouvrages  sur  • 
presque  toutes  les  parties  des  sciences  connues  dans 
les  écoles  musulmanes,  sur  des  mathématiques,  la  , 
théologie,  la  philosophie,  telle  quelle  était  enseignée 
alors,^  et  la  grammaire.  C'était  un  temps  de  décadence 
où  1  érudition  se  contentait,  engendrai,  de  compila- 
tions et  de  commentaires.  Le  seul  ouvrage  de  Djor- 
djani qui  ait  conservé  de  la  popularité  paraît  être  le 
Tarifât  y  cest-à  dire  les  définitions.  M.*de  Sacy  adonné 
une  notice  et  des  extraits  de  •  ce  livre  et  en  a  dé- 
montré rimportance  pour  la  lexicographie  et  la  gram- 
maire arabes.  Depuis  ce  temps,  il  a  paru  à  Constan- 
tinopleime  édition  de  louvrage;  mais,  comme  elle 
est  assez  incorrecte  et  qu'elle  est  deventiè  rare,  vous 
avez  accordé,  il  y  a  deux  ans,  à  M.  Dernbiu*g,  ime 
souscription  pour  une  nouvelle  édition  qui  doit  être 
accompagnée  d'ime  traduction  fi:*ançaiBe  et  d'un  com- 

•  Beidhawil  Commeniarius  in  Coranum  ex  codicibus  Paris.  Dresd.et 
Lipsiensihus ,  edidit,  indiçibùsque  inâtruxit  H.  O.  Fleischer.  Leipzig  ^ 
in-4".  . 

*  Dejinitiones  viri  meritissimi  Sejjid  ScherifDschordschani,  accédant 
dejinitiones  theosopki  Mohammed  vulgo  Ibn  Arabi  dicti.  Primum  edidit  ' 
et  adootatione  critica  instruxit  G.  Flûgel.  Lipsiae,  i845,  ip-8*. 
(xxxviii,  et  336  pages.) 


32  JOURNAL  ASIATIQUE 

mentaire.  M.  Fiùgei,  qui,  de  son  côté,  s'occupait  de 
cet  ouvrage ,  vient  de  faire  paraître ,  à  I  aide  des  ma- 
nuscrits de  Paris  et  de  Vienne,  unfe  édition  très- 
supérieure  à  celle deCohstantiriople, Djordjani , mai- 
gré  tout  son  mérité ,  n  était  quun  compilateur  et 
avait  emprunté  la  plupart  de  ses  définitions  à  des 
ouvrages  plus  anciens,  qu'il  ne  paraît  pas  toujoiirs 
avoir  co|)iés  exactement,  et  que  nous  avons,  par  con- 
séquent, intérêt  à  retrouver.  M.  Flûgel  en^  décou- 
vert un  et  la  ajouté  à  son  édition.  C'est  un  petit  livre , 
dans  lequel  Ibn-Arabi,  mystique  du  xni®  siècle,  a 
donné  deux  cents  définitions  de  termes  dont  se 
servent  les  Soufis^  C  est  la  première  fois  que  ce  petit 
livre  est  imprimé ,  malheureusement  d'après  un  seul 
manuscrit,  qui  a  dû  souvent  laisser  au  savant  édi- 
teur des  doutes  sur  le  sens  de  lautem*.  Un  autre  des 
ouvrages  dont  s'est  servi  Djprdjani,  et  dont  on  peut 
faire  usage  pour  contrôler  le  Tarifât  y  vient  d'être 
publié  -à  Calcutta ,  aux  fixais  de  la  société  du  Bengafe , 
par  M.  Sprenger,  directem*  du  collège  de  Dehli;  c'est 
le  Dictionnaire  des  termes  techniques  des  Soufis 
par  Âbdoiu*rezak  \  auteur  qui  paraît  avoir  vécu  au 
commencement  du  xiv*  siècle.  Ce  livre  doit  avoir 
joui  d'une  certaine  réputation  parmi  les  Soufis,  car 
il  a  été  ,  un  peu  plus  tard,  remanié  par  d'autres 
auteur^ 

te^TDibtionnaire  arabe-français  de  M.  Razimirski 

*  Abda-r-razzaq's  Dictionaiy  of  the  technical  terms  oj  the  Sujiess 
edited  in  the  arabic  original  by  D'  A.  Sprenger.  Calcutta,  i8/i5, 
in-8".  {167  pages.) 


JUILLET  1846,  .  ,33 

est  àrtîvé  à  §a  treizième  livraison  ^ ,  et  le  même  savapt 
vient  de  publier  un.contetiré  des  Mille  et  une N^its^, 
dans  le  but  dç  fournir. a\ix  commençants  un.  texte 
d'arabe  vulgaire.  Enfin,  au  moment-  où  je  termine 

*ia  liste  des  ouvrages  arabes,  je  reçois  le  Dictionnaire 
détaillé  des  noms  des  vêtçments.  chez  Içs.  Ar£0be5, 
par  M.  Dozy,  à  Leyde^.C'çst  un  ouvrage  considérable 
qui  a  été  couronné  par  ilnstitut  royal  des  Pays-Bas, 

"et  dans  lequel  M.  Dôzy -recherche  le  sens  exact  de . 
chaque  terrne  dont  les  Arabes  se  servent  pour  une 
partie  quelconque  de  leurs  vêtements.  On  sait  com- 
bien, les:  dictionnaires  sont  incomplets  pour  tout  ce 
qui  se  rapporte  à  la  vie  réelle,  et  çombieh.il  e^t 
rare  quon  y  trouve  la-  définition  exacte  d  un  objet 
d'usage  habitujel.  M.  Dozy  a  conibiné  gartdut  Jes 
passages  des  auteurs  arabes  qui  parlent  d'un  vête-. 
ment,  av.eo  les?  descripti^tis,  qu en  dopnént  lès  voya- 
geurs européens;  et  il' est.  parvenu  dg  cette,  manière 
à  indiquer,  dans  la  plupart  des  cas  ^  Tétymologie  du 
mot,  la.  forme  exacte  du  vêtement,  le  pays  et  le 
tenips  où  il  étAit  en  usage.  Je  Tie  dois  cas  quitter . 
M.  Dozy,  sans,  avoir  rappelé:  llntention  quii.a  aiiT 
noncée*de  publier,; par  voie df  souscription, le  Çomr 
mentaire  historique  dlbn-Badroun  sur  Jeppëm^/ 
dlbn-Abdourî,  les  voyages  dlbn-Djobâîr,   et  une 
histoire  de  TAfriqùe  et  de  rÉspagne,  d'un  auteur 

*  Dictionnaire  àraberfrànçais ,  par  M.  Kaziiairaki:  P|iris ,  in-8". 

?  La  belle:  Persane,  conté  tiré  déa  Miil^  «t  une  Nuits,  ptiblié  et 
traduit  par  M.Kazimirski.  Paris,  1 846,  in-8*.  .,  •      .^ 

^  Dictionnaire  dètaidè  des  npnis  des  vêtements  chez  lès  Arabes  y  par 
M.  Dozy.  Amsterdam ,  i845,  in-S".  (446  pages.) 

VUT.   '  •    .  3 


34  JOURNAL  ASIATipUE. 

inconnu.  Vous  ayez  trouvé.  dan§  le  Journal  asia- 
tique^ ieà  détails  de  cette  entreprise ,  et  le  concours 
de  tous  ceux,  qui  s'intéressent  à  Thistoire  dès  Arabes 
ne  inàriquera  pas  à  M.  Dozy .  . 

La  plupart  des  autres  dialectes  sémitiques  ont' 
aU5si  Qccupé.les  savahts , .  sans  parler  des  nombreux 
tt'àvaux  que  provoque  tous  les  4ns  Tétude  de  Thé- 
brëu  ancien  et  moderne,  et  qui  appartiennent  au 
moins  autant  à  la  théologie 'qu'à  la  littérature  orien- 
tiaJe.  M.  Ewàld  a -publié  dans  le  Jom^nai  de  M.  Las- 
sen  une  dissertation  sur  les' textes  puniques  de 
Pjfaute;  et  M.-Movers  çn  a  fait  l'objet  d'un:ouvrage 
particulier  K  C'ekt  lé  .texte,  phétticien  le  plus  consi- 
dérable que  "nous  possédions,  crt  il'  mérite,  sous  ce 
rapport ,  certainement  toute  la  peine  qu'on  s'est  don- 
née pour  l'expliquer.  Mais  c'est  une  base  bien  étroite 
et  niçR  incertaine  poiir  T^ailyse  d'une  langue;  ce 
qu'il  faudrait  ^vaht  tout,  ce  serait  la  découverte 
d*înscriptiorts  plus  considérables  que  celle  que  nous 
possédons.  Il  en  est  a  peu  prèà  de  même  des  ins- 
criptions hânlyarites,  quisorit  la  derfûère  et  une  des 
plus  précieuses  conijuêtes  de  la  philologie.  Je  ne 
dterai  pas  l'interprétation  que  M. "Bird  à  •donnée 
i  Bombai  de  qiiflques-unes  de  ces'  inscriptions, 
parce  que  i'çuteur  tie  foimiit  la  clef  ni  de  sa 
iectxu^e  ni  de  sa  traduction  ;  mais  on  a  pu  lire  sur 

ce  sujet,  dajis  le  Journal  ^siati^e,  un  travail  rai- 

•  ^ .'       '  • 

•    *  Voyez  Joamal  asiatûiue,  février  i846 ,  pàg.  197  et  suiv. 

^  Die  punischèn  Texte  im  Poewdas  des  piautus^hritisch  jjew^rdigt 
und  erhlaerl  von  Dr.  Mûvérs.  Breslau ,  \n-S\  1 8i5.  { i h'j  pages.)    • 


JUILLET  1846.  3.5 

sonné  (}e  M-Fresncd,  dans  lequd  il  discute  avec  la 
sagacité  et  lardeiœ  passionné^qu'on  remarque  dans 
tou^  Sje^  travaux,  les  baises  de  Tinterpr^tation  dé  ces 
inscriptions.  Néapmpips,  uQus  avons  j^esôin  dune 
plus  grande  masse  de  mpnuments,  *et  Ion  ne  peut 
penser,  sans  un  mouven^ept  d'impatîençe,  que  ces 
monumènfj»'  e^stent ,  et  que  le  seulllof^ipa  qui  pè^t. 
les  visiter  et  qui,  pour  le  faire,  est  prêt  à  risquer ^a 
vie,  attend. depuis  deu?^  ans ,  sm*  le  bord  de  la  mejr 
Rouge,  les  moyens  de  partir  de  nouveau pom^Saba. 
Depuis  que  M.  Arhaud  a  copié  lés  inscriptions^  qu^ 
vous  connaissez,. des  fouilles  ont  é^  faites  par  t^ 
Arabe;s,  idlatis  ïidée  que  ce  -n^est  que  poyr  enlever 
les.  tré^jrs  eufouis- de  la  reine  de  3àba,  qu est  venu* 
che^^eux  ce  mystérieux  étraaigêr.  Le  basarc}  a  voulu 
qu'ils  aient  tr«ijvé  «n.coffire  antique,  cpuv^t  de 
scuJpturejs  çjt  rempli  de  pièces  d'or.  Était^e  de  for 
pérs^?  étajjt-ce  de  l'or  de  Saba?  ^rsohne  nejsaù- 
rait  le  dire,  car  ils  ont  fondu  ces  pièces  et  -bmèle; 
coffre,  doAt  ils  ont  vendales  morceaux  sur  le  marché 
die  Saj^ia.  Jl  reste  encore ,  à  l'heure  qu'il  est ,  uiî  grand 
cofire  en  métal.,  couvert  de  sculptures;  que  le  kadi 
de  Sâl^^  a  découvert  dans  ces  fouilles ,  et  dont  il  a 
jusqu'ici  émpecbé  la  destructio;a,  Nou&  pouvons  es- 
pérer que  oe  nçLQnunftrit,  peut-être,  le  dernier  reste 
de  l'art  sabéen,  sera  un  jour  aji  Louvre,  car  M.  le 
Ministre  de  l'instruction  publique*,  a  promis  d  aider 
M.  Arnaud  à  retourner  à  Saba.  . 

La  littérature  syriaque  vient  de  se  voir  ouvrir 
une  source.  4^  richesses  et  un  avenir  inespérés.  On 

.3. 


36  JOURNAL  ASIATIQUE. 

savait,  depuis  dés  siècles,  quç  les  monastères  coptes 
de  rÉgypteppssédaierit  des  bibliothèques  fort  an- 
ciénh^s ,  composées  surtout  d  ouvragés  syriaques  et 
coptes.  Les  deux  Assémanî:  avaient  trouvé  moyen 
dachetèr  des  m'oines  un  certain  n^pûbre  d«  ces  ma- 
nuscrits, qui  furent  déposés  ou  plutôt  enterrés  dans 
la  bibliothèque  ^u  Vatican,  le  plus  riche  dépôt 
Kttéraire  qui  se  spit  jamais  fermé  devant  la  curiosité 
des  savants.  Dautr^s  voyageurs ,  principaleinent  des 
Anglais,  ont. réussi  à  acheter^  de  temps  en  temps, 
un  petit  nombre  de  manuscrits  qui  faisaient  litière 
dans  de  vieux  caveaux,  tout  en  étant  regardés,  par 
les  maîtres  illettrés  de' ççs  trésors,  avec  un  respect 
superstitieux,*  qui  les  empêchait  de  les  mettre  dans 
de  meilleure  mains.  '  Dans  ces  derniers  temps, 
M.  Tattami  connu  pai'  ses  travaux  srir  la  littérature 
copte,  se  rendit  deux* fois  en  Egypte,  dans  l'espoir 
de  se  procurer  «des  manuscrits;  la -reconnaissance 
du  patriarche  jacobîte  pour  le  don  dune  édition 
copte  et  arabe  du  Nouveau  Testamenf,  que  la  So- 
ciété biblique . venait  de  faire  imprimer  pour  lui, 
le  disposa  en  faveur  de  *M.  Tattam,  et  celui-ci  finit 
par  acquérir  des  moines,  avec  beaucoup  âe  diffi- 
cultés', trois  cent  soixante -six  manuscrits  syriaques 
dune  haute  antiquité,  qui  sont  aujom^d'hui  la  pro- 
priété du  Musée  britannique.  C'est  un  gi'and  trésor 
pour  la  littérature  patristique,  et  d'autres  parties 
des  sciences  historiques  en  retireront  certainement 
des  résultats  considérables..  M.  Ciffeton  vient  de 
faire  paraître  un  de  ces  ouvrages,  contenant  trois 


JUILLET  .1846.  57 

lettres  de  saint  Ignace  ^  dans  uiiq  traduction  $yriaque 
plus  ancienne  que  les  «lanuscrits  grec^  existants^, 
et  exempte  des  interpolations  qui  ont*éta  lobjet  de 
tant  de  discussions  parmi  les  savants;  ^ 

M.Tattam  s'est  procuré,  en  même  temps  (jue  ces 
manuscrits  syriaques ,  un  certain  nombre  de  nianus- 
crits  coptes  qui  le  mettront  en  ëtat  de  publier  les 
parties  de  la  Bible  que  l'on  rie  possédait  pas  jusqu'à 
présent  dans  cette  langue.,,  et  il* annonce  l'impression 
prochaine  d'un  voliune  qui  4oit  contenir  le  livi:e  de 
Job.  Les  débris  dje  la  iittératiu'e  copte  qui  nou#sont 
jusqu'à  présent  parvenus  n'ont  en,  ^ux-mêmes  quurie 
mince  îinportance  littéraire;  maiS  ils  nou^*enseîgnent 
la  langue  qui  fonne  la  ^lef  de  l'mtejcprétaiîon  des 
hiéroglyphes  égyptiens,  et  chaque  nouveau  livre 
copte  qu'on  publiera  servira  à  perfectionner  le  dic- 
tionnaire de  la  langue,  et  contribuera  ainsi  à.  une 
sùlutiçh  phil  complète  d'uA  grand  problème  que 
les  temps  anciens  nous  avaient  légué ,  et  que  le  nôtre 
a  eu  l'honneur  de  résoudre»    •  *  *    * 

C'est  peut^êta'e  ici  que  je  puis  le  râpeux  placer  la 
mention  d'un  livre  élémentaire  berbère^  que  M.  Dc- 
li^orte  a  fait  lithographîer.  Il  contierit  des  conver- 
sations en  berbère ,  écrites  en.  caractères  mogrebins* 
transcrites  «n  caractères  latins,  et  accompagnées 
d'une  traduction  iriterlinéaire  française.  Ce  recueil 

.  *  The  aabient  Syriac  version  oftke  episllesyf  saint  Jynaiins  yediieà 
with  an  english'  translation  and  notes  by  W,  Guretop.-  London  , 
i8/i.5,  ih-8°.  (xL  et  108  pages.)  .   , 

*  Spécimen  de  la  langue. berbkre,, par 'J.D.  D.  Paris,  in-fcd.  {,67 
pages  de  lithographie.)  ,  • 


38         •  JOURNAL  ASIATIQUE, 

est  terminé  par  une  lëgende  en  vers  intitulée  Saby; 
cette  légende  est  rfiistoire  d'un  fils  qui ,. par  sa  piété , 
délivre  ses  parents  de  ferifer  ■  et  elle  se  distingue  par 
une  certaine  beauté  sauvage  qtd  expli(jue  la  pppijla- 
rité  de  Ce  récit  chez  lès  Kabyles  du  Maroc. 

Eh  nous  tournant  verS  la  Mésopotamie,  €(m  est 
dfepuiis  quelques,  àïiiïées. le  théâtre  de  isi  grandes  dé- 
couvertes archéologiques,  nous  ne  trouvons  quun 
setà  essai  de  déchiflfrement  des  inscriptions  assy- 
rîfennés,  par  M.  Isidore  Loèwenstern  ^  Il  est  pro- 
l>abft  qu  on  n'arrivera  à.  un  résultat  certain  que 
lorSC[u'on  pos^édeïia  des  inscriptions  trilingues  cTUne 
étendue  cônsidéràMe  ;  et  dans  lesquelles  il  se  trouvera 
^s^  4e  .ndmis  jm)pres  pouï  tfae.  la  comparaison  de 
liaxblonne  prersépolitàine  avec  la  colonne  assyrienne 
iidtis  doïinë  uîi  alphabet^syrien  A  peu  près  Côniplet. 
Il  existe  une  pareille  inscription  âûr  le  tombeau  de 
Darius  ;•  malheureusement,  ,MM.  Flàndin  et  Coste , 
qui,  pourtarit,  oiit  été  siir  les  lieux  et  ont  dessiné 
le' monument,  ne  l'ont  pas  copiée.  Maiis  M.  Wes- 
tferg^ard  en  éptis  copie;  et  il  gérait  à  désirer  qu'il 
se  décidât  à  la  livrer  au  monde  savant,  poiu*  donner 
une  base  solide  jatU3^  études  stir  l'écriture  àssyrienhe; 
études  qui  sont  devenues =d*une"imJ)ort8(hce  extrême 
pcttir  l'histoire  depuis  que  nous  possédons  ûiie  si 
j^Hhde  masse  d'inscriptions.  .Schulz  en  âVait  rap- 
porté quarante-deux  de  Wan;  M.  Botta  eh  a  copié 

*  Essai  de  déchiffrement'  de  l'écriture  dssytteiiné'.p6ùr  semir  à  V-éx- 
pUcation  du  monument  de  Kkorsahad,  par  S.  Loewenst'erB.  Paria, 
184^,  in  8*.  (35  pages  et  3  planches.) 


JUILLET  1846.  39' 

plus  dé  deux  cetxts  à  miorsabad;  M.  Roiie,t  ea  ^ 
trouvé  depuis  à  Arbèie,  et  M-  Layàrd  est,  dans,  ce 
^laInent,.'ocecupé  à  déblayer,  à/Nùxu'Oud;  un  grand 
monument  qui  estcouveÈt  dlnscriptions  comme  celui 
de  Khorsabad.  Pendant  que'  ces  feuilles  .étaîent'sous 
presse,  les. deux  Cbanoibfes  ont  rendu  une  loi  pour 
la  publication  des  .  découvertes  de  M  Boitjta ,  et  le 
pubiic  savant  aura  bientôt  ^qus  les  i^èux  lé  texte  de 
M.  Botta, 'la  coUectioii  entière  des  insoriptious  qu'il 
a  copiées  et  les  dessins  des  bas-reliefe  par  M.  JFlan- 
din.  Puisse  M.'  1-e  ministre  da^f  intérieur  .trouver  i^a 
moyen  de  faire  publier  ce  grand  ouvr^igë  àuuprix 
qui  ne  le  rende  pas  inaccessibde  aux  personnes  la^u^- 
qiielles  il  est  réellement ^  destiné,. et  qui,  seules,  • 
peuvent- en  faire  usage.  Cala  .devrait  être  pQ^^jsJhle 
puisque  le  Gouvernement  fait  -lés  freïs  entiers^  de 
\gi  publication.   • 

E.n-est  V«nû  à  ma  connaissance  aucjiui  iUpu^eau 
tiavail'  sur  le^  inscriptions  pérsépolitaines ,  .si  jcë^nlest 
un  traité  anonjme  imprimé  à:Oédenboutg,.£njyQn- 
grie,  sous  le  titre*  de  Vestiges  dé  l'Orient  conservés 
dans  Iq.  langue  magyare  K5.e  ne  puis  qu'indiquer  le 
titre  de  cet  opuscule ,'  clar  il  est  écrit  en  hongrois, 
et  c  est  pour  moi  lettre  doie,  Au'tresté ,  -la  Saciéte 
asiatique  de  Londres  va  publier  enfin  l^SitraVaiù 
de  M.  Rawlinson  sucla grande  inscription daDàriiis 
à  Bisitoun  ^  là  plus  considérable  de.  foutes  et  celle, 
dont  rintérêt  historique  est  Le  plus  grand ,  à- en  jù- ' 

^  A   Ma^ar  •  tiyely    keleti  etidéftei.  v^opron   (  Oedosliurg  );  v  iI>-8^ 
1844.  (71  pages.) 


ko  JOURNAL  ASIATIQUE. 

gêr'par.les  fragments  que  M.  Rawljiison  a,  de  temps 
en. temps,  communiqués  à  ses  amis.  M.  Rawlinson 
accompagne  $a  traduction  dun  travail  sur  la  gram- 
maire et  lé  dictionnaire  de  la  langue,  persane  au 
temps  dé  Darius,  ;. 

*  La  littérature  persane  proprement  dite  s'est  enri- 
chiede  quelques  nouvelles  publications.  Un  membre 
dfe  voti'e  Conseil. a  fait  paraître  le  troisième  volume 
de.ïédîtiôn  dé  Firdpusi  \  qui  failt  partie  de  la  Cbt 
lection.orierïtale.  Ce  vojame  contient  la  continua- 
tion de  rkistoire.  de  K«ï-Khosrou>  niais  sans  mener 
à  sa -fin  ce; règne,  qui  remplit  pre$que-le  quart  jdu 
•Livre  des  Rois'.  M.  Bland ,  à  Londres ,  annonce  une 
éditiçn  des.  œuvres  de  Nizami  et  a  débuté  par  la 
publication  ànMahteU'aUAsrar^  (  Le  dépôt  de»  secrets  )  ; 
p  est  une  série  d*ânecdotes  qui  servent  de  texte  à 
•des-  applications  morales  et  philosophiques.  Cet  ou- 
vrage para^  aux  frais  de  la  Société  anglaise  pour  la 
publication  des. textes  orientaux.  On  ne  possédait, 
jusqu'à  présent ,  des  oeuvres  de  Nizami ,  que  quelque 
extraits  et  des  éditions  *du  Sekander^ameh,  Ce  grand 
ppëte  -mérite  poiirtant  detre  mieux  tîonnu..  On*  a 
beaucoup  parlé  de  la  poésie  persane,  mais  c'est 
seulement  lorsque  nouS.  aiu^pns  des  éditions  et  des 
traductiofis  de*  Dj^lal-eddîrt  Roùmi,  de  Nizami, 
4è  Djami , .  d'Anweri,  que  nous  pourrons  suivre  , 
'.     '  .       .".'■■.•  ■  ■  ■ 

**  Le  livre  des  Rois,  par  Al^u']kasim  FVdonsi,  publié,  traduit  et 
commenté  par  M.  J.  Mohl.  Pans,  i846,  in-fol.  (vu,* et  629  pàg.) 

^  Mahzan  ni  àsrârùf  Nizami,  published  by  Bland.  London ,.  1 845, 
in-4*.  ^5  et  1 18  pages.)  . 


JUILLET  1846.  '41 

dans  ses  phases  principales  et-  dans  les  œuvres  des 
grands  maîtres,  ce  magnifique  djéveloppement  poé- 
tique, qui  marque,  avant  ^ût,  la  place  de  la  Perse, 
moderne  dan*  Thistoire  littéraire. 

M.  Brockhaus,  à  Leipzig,  a  fait  imprimer,  à  1  oc- 
casion dune  fête* de  famille,  quelques  exemplaires 
dune  rédaction  du  Livre  du  perroquet  \- plus  an- 
cienne que  celle  qui  s  été  30uvent  reproduite  isous  lé 
titre  de  Touti-nanieh,  G  est  un  de  ces  livres  de- fables 
indiennes  qui  ont  fait  le  tour  du  haonde  sOus  des 
noms  très-variés  et  avec  des  additions  .et  des  change- 
ments très-considérables.. Celui  dont  il  s  agit  dans  ce 
moment  a  été  traduit  du  sanscrit  en  .pehiewi,  souç 
les  Sasanides ,  ensuite  ep  arabe  sous  le  nom  de  Livre 
des  sept  vizirs,  et  reproduit  dans  toutes  les  langues  de 
l'Europe,  sous  les  titres  de  Dolopatos,  de  SyntipàSy  de 
Roman  des-  sept  sages^,  et  autres.  La  rédaction  que 
M.  Brokhaus  a  fait  imprimer  est  celle  de  Nakschebi  ; 
-elle  est  dun  style  très-simple  et. paraît  avoir  été 
faite  elle-même  sur  la  rédaction  que  fauteur  du 
Fîfem^  appelle  le  petit  livre  de  Sindihai,  .    :    •      . 

M.  Spiegel  a  publié  à  Leippg  une  Ghrestomathie 
persane  ?,  coniposée  de  morceaux  «n  prose  et  en 
vers,  tirés  du  Beharistan,  deVAnweri'Soheîli,  de 
Firdousi,  de  Sadi,  du.^cander-Naméh  de  Nizami, 
de  Khakani  et  de  Feïzi.  Ces  derniers  morceaux  sont 

*  Die  sieben  weisen  Meister  von  Nachschebi,  In-4*.*  (  1 2  et  i5  pag.) 
Ce  petit  livre  ne  porte  aucune  date;  il  a  été  imprimé  à  Leipzig  êfl 
1845,  et  n'a  été  tiré  qu  à  douze  exemplaires.  • 

'  ChrèstonùUhia  persica /eâiàii  et  glossario  explanavit Fr.  Spiegel. 
Lipsiae,  1 846,  iiï-8".  (34  i, pages:)  ,       • 


42  JOtJRNAL  ASIATiQUE. 

inédits;  les  autres  ont  été  jinés,  en,  général;  d'édi- 
tions publiées  en  Orient,  et  corrigés  à  l-aide  de  ma- 
nus.Grits.  M.  Spiegel  y  ^joiité  un  vocabulaire  et  le 
tput  forme  un  manuçlT)icn  calculé*  pour  les. com- 
maicements/de  l'étude  du  persan.  . 

La  grammaire  persane  ^  été  fobjet  de  deux  pu- 
blicatiops.  M-.Sp^^th,  a  Leipzig,  a  autogtaphié  sur 
pierre  la  grammaire  (jui.sert  dïntrodùction  au  dic- 
tionhaô^  connu  sous  le  nom  de  Fei^herigui-Raschidi  ^ 
Gé  petit  livre  est  un. fac-similé  du  manuscrit  dotft 
il  a  conservé  toute  la  disposition ,  jusqu'à  la  forme  et 
J|3  position  des  gloses  marginales.  C'est  une  ma- 
nière très-convenable  de  publier  des  textes  orien- 
taux, qui,,  par  fe  nature  du  sujet,  ne  sadre^ent 
qu à  un- petit  nombre  de ïedteurs.  Enfin,  M.  Garcjn 
de  Tassy  à  donné  une  nouvelle  édition  de  la  gram- 
maire péirsane ,  <jue  Sir  William  Jones  avait  fait  im- 
primer en  français  en  1 772  ^.j  Le  nouvel-  éditeur  y 
ai  fait  quelque  corrections  de  style  et  de  fonds,  ainsi 
que  quelques  additions  nécessaires  pour  réndre^ce 
traité  élémentaÉÎrc  propre  à  servît  à  ceux  qui  com-' 
Tnencent  lîétude  <iu  persan.  M.  Garcin  de  Tassy 
iparlé , .  dans  sa  préface ,  de  l'intention  qu'il  avait  eue 
de  rédiger  un  traité  entièrement  neuf  sur  la  gram- 
maire pepsane ,  et  il  serait  à  désirer  qu'il  donnât 

^  GrammaiîceEi  persicœ  prœçepta  et  reyàlœ ,  quas  lexico  persico  Fer- 
lèmgiResckidi 'préfixas  scripsit  et  eàidk  D*  Splieth.  Haile,  ]846, 
in-B".  (61  pages.)  '.     • 

\  Grammaite  persane  de  Sir  W.  Jones ,  seconde  édition  française, 
revve,  corrigée  et  augmentée. par  MtGArcio  de  Tassy.  Paris,  i845, 
in-i3.  (rv  et  lag  pages.) 


,  JUILIET  184*6.  iti 

suite  à  cette  idée  -,  c^t  ij  n*existe  pas  diouvrage  sur 
ce  sujet  qui  soit  au.  niveau  de  Tétat' actuel  de  ki 
sdçnce/ 

il  nest  venu  à  ma  connaissance  qu'un  seul  ou- 
vrage relatif  à  la  langue  ttirque ,  c'est  la  grammaire  de 
M.  Redhousé  ^ ,  employé:  au  bureau  des.  intéi^ppètes 
du 'divan  de  Constantihople.  Le  travail  de  M.  Re(t 
îtousè  paraît  fait  àv^êc  autant  de  soin  que  de  connais- 
sance de  son  suj.et,  et  se  distingue  des  granfmaires 
antérieures  surtout  dans  la  théorie  du  verbe.  L  au- 
teur termine  son  livre  pai»  Tanalyse  gramïilaticale . 
détaîiiée  dun  morceau  turc,  destinlé  à  Ceux  qui  vou- 
dront apprendre  la  langue  sans  inaîtré.  M.  Red- 
house.  annonce  un  dictionnaire  turc  qui  est  sous 
presse  dans  ce  momerit  •  à  l'imprimerie .  impérirfe 
ottomane.  Je  rfte  puis*  regrette^  î'impossibilit.é  où  je 
me  trouvé  dWnoncer  les'  autres  ouvrages  tUrcs  qui 
ont  paru  ou  vont  paraître  à  Constantinbpjeç  earnous  . 
pouvons  espérer  qtie  M.  de  Hàmmer  voudra;  bi^n 
continuer  la  bibliographie  raisoritiée  qu'il  nous  à  fait 
Thonhem'  d'adresser  au  Joiumal  asiatique  dépuis  une 
sérié  d'années.  •  .  .  • 

Je  rie  dois  pas  quitter  l'Asie  occiçlentafe  sans  laire 
mention 'de  deux  ouvrages  nuiiiismatiques  qui  s'y 
ràf)portérit,  et'doiit  le  premier  est  un  msthuél  géni^ 
rail  de  numismatique  orientale  %  Le  grand  duc  de 

*  Grammaire raisonnée  de  ïa  tangue  ottomane,  par  J.  W.  Redhouse. 
PiMis,  i«46,  in-8^  (343  pages.) 

*  Hanâbuch  zur  morgenlàndischen  Munzhande  von  *Dr.  Stickel  ; 
cah.  I.  Leipzig,  i8A5,  ih-/i°.  [loS  pages.)' 


44  JOUPfNAL  ASIATIQUE. 

Saxe-Weymar  a  fondé  récemment,  à  Tmiiversité  de 
Jëna,  un.  musée  de  mëdaijijes,  dans  lequel  ij  a  fait 
entrer  là  belle  collection  de  médailles  Orientales 
qu'avait  formée  M.  Zwick ,  à  Saint-Pétersbourg. 
M.  Stickel,  directeur  du  musée,  publie  la  descrip- 
tion de  cette  collectign  et  vient  d'en  faire  paraître 
le  premieï*  cahier,  qui -fraite  des  monnaies  des  Om- 
n>eïades  et  de3  Abbasides.  L  auteur  ne  s«n  tient  pas 
à  la  descriptipn  des  pièces  nouvelles  que  contient 
le  cabinet  de  Jéna,.il  donne  de$  spécimens  des  moni- 
naies  principales,  même  quand  elles  sont  déjà  con- 
nues; pour  fournir  un  manuel  général  .de  numis- 
matique arabe.  Il  ^  accompagné;  ce  cahier  d*unè 
planche  lithographiée^  dans  "laquelle  on  s'est  appli- 
qué, à  imiter  Téclat  métallique  des  pièces,  mais  où 
la  gravure  des  légendes  laisse  beaucoup  à  désirer. . 
JLe  second  i  ouvrage  porte  le  titre  de  documenta 
numismatiquesi  de  Géorgie  \  et  contient  la  descrip- 
tion qiie  donne  le  prince  Barutayeff  de  sa- riche  ccd- 
lection  dé  médailles  géprgiennçs.  Il  les  diyise.  en 
sept  classes  :  géorgiennes  sasanides ,  géorgiennes  by- 
zantines, géorgiennes #arabes,  géorgiennes  pures, 
géorgiennes  de  princes  étrangers ,  géorgiennes  per- 
sanes et  géorgiennes  russes.  L'auteur  discute  en  dé- 
tail, et  avec  autant  de  modestie  que  de  connais- 
sance du.sujet,  les  Jégendes,  de  chacune  de  ces  mé- 
dailles et  les  points  historiques  qui  s'y  rattachent,  et 

^  Documents  numismatiques  du  royaume  de  Géorgie,  par  le  prince 
Michel  Barutayeff,  conseiller  d'état  Saint-Pétersbourg,  i^kà,  în-h''- 
(671  pages  et  de  nombreuses  planches.)  .• 


JUILLET  1846.  ^5 

son  ouvrage  se  termine  par  un  supplément  d  un 
raffinement  très -ingénieux;  c'est  une  tablette  dé 
midailler  dans  laquelle  sont  incrustéesJes  empreintes  * 
métalliq[ues  dune  vingtaine  de  médailles  en  argent 
et  en  cuivre,  obtenues  par  un  procédé  galvanique 
de  l'inventiaii  de  l'auteur.  Llouvrage  est  écrit  en 
russe;  mais  lés  chapitres  principaux  sont  accompa- 
gnés d'une  traduction  français. 

Si  maintenant  nous  passons  ^Inde ,  nous  .tyou-  * 
vous  d'aboyd  un  travail  sur  les  Védas,  par  M.  Roth\ 
à  Tubingen ,  travail  qui  comprend  trois  dissartatioris  • 
l'une  sur  rbistoire  littéraire  des  Védas,  l'autre 5ur  la 
plus  ancienne  gi'ammaire  védique,  la  troisième,  siu* 
la  nature  des  dt^nnées  historiques  que  l'on  péUt  tirer 
de  ces  livres.  L'auteur  suit;  dans  ce  petit  ouvrage, 
les  traces  de  Côiebrooke;  il  précise  les  observations 
de  ce  grand  indianiste  sur  l'origine  et  le  caj*actère  des 
collections  des  hymnes  védiques^  et  indique  une  série  , 
de,  travaux  qu'il  sera  indispensable  d'entreprendre 
pour  nous  rendre  intelligibles  ces  monuments  dé  la 
phis  haute  antiquité;  il  pose  plutôt  les  questions*  qu'il 
ne  les  résout,  niais,  dans  une  matière  si  neuve 
et  si  difficile,  c'est  beaucoup  de  bien  poser  les  ques- 
tions. Héureuser^ent,  l'attention  des  indianistes  se 
porte  partout  sur  la  littérature  védique,  et  l'on  peut 
espérer  que  l'on  possédera  bientôt  des  matériàuît 
abondants  pour  Tétude  de  cette,  pai^tie  capitale  des 
lettres  indiennes.  Les  autres  branches  de  la  littéra- 

'  *  Zar  Liitèratur  und  Gèschichte  der  Weda,  drei  Abhandlungeh  Von 
Roth,  Stuttgart;  i846,în-8'.  (làft'pages.) 


46  JOURNAL  ASIATIQUE. 

tuTQ  sanscrite,  les  épopées,  les  poèmes  lyriques  et 
dramatiques,,  les  *Pourâiias,  les  ouvrages  de 'science 
et  de  législation  su£Braient  pour  assigner  aux  EQndous 
une  place  éminente  dans  l'histoire  des  littératures 
anciennes;  mais.  ce. qui  leur  d'orine,  dans  l'histoire 
de. la  civilisation,  un  rôle. tout  a  fait  à  {èart ,  ce  aont 
les  Védas  et  içs  systèmes  philosophiques  qui  s'y  rat^ 
tachent;  cest  par  eur-qUé  Onde  a  agi  sur  le  genre 
*  humain  et  a  si  piAsamment  •  contribué  à  la  fôi^ma- 
ûon  des  idées  qui  ont  fait  la  gloire  des  peuples  les 
pius  civilisés; 

M.  GoiTesio,  en  publiant W  troisième  voluqaè  de 
son  édition  du  Ramaya:na\  est  entré  daiis  la  par- 
tie inédite  du  poème:  L'impression  du  premier  vo- 
lume de  la  traduction  italienne  est  très-avancée,  de 
sorte  quQn  verra  achever  cette  grande  entreprise 
dans  un  .temps  beaucoup,  plus  court  quon  n  était 
en  droit  de  T.espérer.  On  sait  que  M.  Gorre^io  suit  ri- 
goureuseiqent  la.  rédaction  dite  bengali  dd  poëna^ç 
épique ,  pendant  gué  M.  Schlegel  av^t  préféré  la 
rédaction  des  commentateurs.  Qn  assm'e  que  M.  Gjll- 
deiïieister,  à»  Bonn,  se  propose  d achever  l'édition 
commencée  par  M..  Schlegel,  et  qu'il  a- Imt^ntiOp 
de  s'en  tenir,  encore  plus  exacte^ijent  que  n'avait 
fait  son  prédécessem*,  à  la  rédaction  des  cômmenta- 
teiu's.  On  ne  peut  <pi'applaudir  à  ce  plan,  qui  met- 
trait entre  nos  mains,  des  éditions  des  deux  rédac- 
tions et.  permettrait  ainsi  de  décider  beaucoup  de 

'  ^(mc^ana,  .poema- indianq  di  Vcdmicis  per  Gaspare  Gorresio, 
■  V.  m  ;  Paris  »  1 8  A  5 ,  in-8''.  (  xxxvi.  et  4  78  pages .  ) 


JUILLET  1846.  47 

questions  critiques,  dont.  I9  solution  peut  nous 
éclairer  sur  l'histoire  de  ce  grand  n^ionument  poé- 
tique. .       ,  ^ 

La  simplicité .  du  Ramayana  et  du  Mahabharat 
finit  par  déplaire  aux  lettrés  indiens,  lorsque- Tâge 
d'or  de  leiu*  littérature  fut  passé,  et  ils  tombèrent  dans 
1  admiration  d^s  raffinements  grammaticaux ,  dans  le 
mépris  du  naturel  et  le  cuite  du  langage  sgtvant.  Ils 
s'appliquèrent  à  refaire  en  détail  et  par  fragments 
leurs  anciennes  ppésies  et  donnèrent  aux  produc- 
tions de  cette -nouvelle  manière  le  nom  de  grands 
.poèmes ,  qui  nous  paraît  presque  ime  dérision. 
M.  Schùtz  vient*  de  publier  la  traduction  allemande 
des  deux  premiers  <^Jiants  du  Kiratârjunyam  ^  , 
poëâie  de  cette  classe  qui  est  l'ampmication  d'un 
épisode  du  Mahabharat.  .Ce.  livre  passe  dans  l'Jrtde 
pour  une  merveille  dç  style,  et,  sous  ce  rapport,  on 
est  toujours  obligé,  d'accepter  les  jugements  de  la 
"naftion  à  qui  appartient  l'ouvrage;  mais,  sous  le  rap- 
port du  goût,  il  est  permis  de  décliner  l'autorité 
de  l'opinion  locale,  et  de  trouver  que  l'art. de  la  dic- 
tion et  la  perfection  mécanique , des  vers  ne  couvreat 
pas  la  pauvreté  du  fond. 

La  Grèce  a  fbumï  à  la  littérature  sanscrite,- dans 
le  premier  volume  des  QEayres  posthumes  de  M.  Ga- 
lanos ,  un  contingent  inattendu^;  M,  :Galanos  était  un 

.  ^  BliaraxiS'  Kiraùarjanyam,  Gesang  I  un4  I^f  aus  dem  SanscHt 
ubersétzt  von  Dr.  Schùtz,  Bielefeld,  i845,  "in-i4°.  (17  pages.) 

*  AriftiiToiou  .Toikdvov  kdnvaïùv  tvètxcèv  fisrdU^oafçœv.  vf^S^Ofios > 
Athènes,  1845,  in-8^  {48  «ti 55- pages.) 


48  JOURNAL  ASIATIQUE, 

négociant  grec  établi  à  Calcutta,  qui  abandonna,  vers 
la  fin  du  dernier  siècle,  son  commerce  potir  §e  retirer 
à  Bétiares,  où  il  adopta  Je  costume  et  la  manière  de 
vivre  des  bramanes ,  et  passa  tjuaj^ante  ani^  dans  l^ur 
société  et  dans  iéiu's  écoles.  Il  mourut  en  i833  et 
laissa  des  traductions  d*un  grand  nombre  d  ouvrage»: 
sanscrits.  M.  Jean  Douma,  à  Athènes,*  vient  de  faire 
imprimer  sa  vie  et  la  traduction  de  quelques  livres 
des  moralistes  indiens ,  déjà  coûnus  pom*la  plupart 
en  Europe.  Galanos  paraît  avoir  cherché  à  Bénares , 
plutôt  H  sagesse  comme  Ja  cherchaient  les  anciens, 
que  le  savoir  comme  Tenténdent  le^  modernes,  et* 
ses  manuscrits  sont  probablement  plutôt  une  cm'io- 
site  littéraire  qu'un  secours  pour  Tértidition. 

Le  Rajah  Radhakant  Deb ,  de  Calcutta ,  a  fait  pa- 
raître le  cinquième  volume  de  son  Dictionnaire  en- 
cyclopédique sanscrite  Dans. cet  ouvrage,  chaque 
mot  est  suivi  de  rinterprétatioh  du  sens,  des  syno- 
nymes avec  Tindication  du.  dictionnaire  dont  ils  sont* 
tirés,  de  la  description  de  l'objet  auquel  il  s'applique*, 
et  de  citations  empruntées- aux  livres  classiques  .qui  en 
oht  fait  usage.  ]Li  utilité  de  cet  ouvrage  pour  les  études 
en  Eiurope  est  màlheusenient.  resti*einte  par  son  ex- 
cessive rareté;  car  lauteui'  Timprime  à  ses  frais  et 
ne  le  met  pas  en  Vente*  Le  système  de  distribuer  les 
ouvrages  au  lieu  de  les  vendre  fait  honneur  à.  la  ma- 
gnificence des  auteurs  ou  d*es  gouvernements ,  mais , 
quelque  soiii  qu'on  mette  à  lés  faire  parvenir  dans 

>  SàbdaKalpa  DrUma,  par  Radbakant  Deb,  vol.  V;  Calcutta,  1766 
de  Tère  de  Saka,  in-4°.  [page&38i3- 5ôiA.)  -  • 


JUILLET  1846.  49 

les  inçins  de  ceux  qui  §p  feraient  usage ,  on  n  y  réus- 
sit jamais  compléteiii|É,  et  il  vaudrait  mieux,  je 
dirais  même ,  il  serai^fRis  généreux  de  les  mettre  en 
vente  à  un  prix* asse:&  bas  pour  que  tous  ceux  qui  en 
ont  besoin  pussent  se  les  procurer. 

L  entreprise  de  RadhakantDeb  est,  au  reste,  d au- 
tant plus  méritoire  que  l'étude  du  sanscrit,  comme, 
en  général,  celle  des  langues  savantes  de  TOriént, 
n»  jamais  été  aussi  peu  encouragée  dans  llnde  qu'elle 
l'est  actuellemAit.  Gela  tient  .à  des  raisons  particu- 
lières,  très-graves  et  très-louables  en  elles-mêmes,  si 
ou  n'en  poussait  pas  trop  loin  les  conséquences.  Il  s'est 
opéré,  dans  l'administration  anglaise  de  l'Inde,  un 
grand  mouvement  de  rapprochement  vers  le  peuple; 
d'un  côté  le  gouvernement  se  sert  officiellement  des 
dialectes  locaux  et  exige  de  plus  eu  plus,  de  ses  em- 
ployés eiu'opéens ,  une  connaissance  parfaite  deslan-  . 
gués  usuelles  ;  de  Fautre  côté ,  n  a  élargi  le  cercle  des 
emplois  accessibles  aux  Indiens ,  et,  pour  les  y  rendre 
aptes,  il  toidtiplie  ses  écoles  et  y  introduit  un  sys- 
tème d'examens  qui  tourne  les  études  de  la  jeunesse 
indienne  vers  les  connaissances  pratiques  qu'ils  ne 
peuvent  acquérir  que  dans  des  ouvrages  em'opéens 
ou  dans  des  traductions  que  le  gouvernement  fait 
imprimer  dans  les  dialectes  provinciaux  de  l'Inde. 
Ces  mesures  sont  pleines  de  sagesse  et  d'humanité, 
mais  on  n'atirait  pas  dû  abandonner  l'encourage- 
ment que  njéritent  les  études  savantes.  Le  résidtat 
de  cette  direction  donnée  à  l'éducation  a  produit 
une  quantité  très-consjdf^able  de  livres  en  hindi, 
vni.  .,  ,., i/  4 


50  JOURNAL  ASIATIQUE, 

hindoustani ,  mahratti  et  autres  dialectes,  que  iad- 
ihinistràtion  ou  les  sociét^|jj|^ncôuragem6nt  pour 
les  écoles,  ont  fait  imprim^|BI  lithographier  à  Gal^ 
çutta,  à  DeMi,  à  Agra,  à  Bomtai,  à  Pounah,  etc, 
Ce  nest  que  par  accident,  et  d'une  manière  incom- 
plète, que  nous  parviennent  les  titres  de  ces  ou- 
vrages, et  pourtant  je  pourrais  en  remplir  des  pages 
entières  ;  mais  ces  livres ,  quoique  écrits  dans  des  lan- 
gues orientales,  n'ont  pas  d'intérêt  pour  nous>  "    • 

Il  a  néannatoins  paru  à  Agrajiln  ouvrage  que  je  ne 
puis  me  dispenser  de  mentionner.  La  Compagnie  des 
Indes  a  fait  publier,  il  y  a  quelques  années,  un  Glos- 
saire d^e  tous  leis  termes  techniques  qui  s'emploient 
dans  l'administration  d^s  différentes  provinces  de 
l'Inde  ;,  elle  a  envoyé  ce  livre  à  tous  ses  employés  eu- 
ropéens, avec  l'invitation  de  fournir  des  détails  sur 
l'origine  et  l'emploi  de  chacun  de  ces  termes,  et 
toutes  les  réponses  sont  destinées  à  être  placées  entre 
les  mains  de  M.  Wilson ,  pour  foiu'nir  à  ce  grand 
indianiste  les  matériaux  d'un  ouvragç  complet  sur 
ce  sujet.  Un  des  employés  les  plus  distingués  de  la 
compagnie,  M.  Elliot ,  secrétaire  de  la  cour  centrale 
des  provinces  supériem*es  de  l'Inde,  a  fourni,  en  ré- 
ponse à  cette. invitation,  un  travail  si  considérable 
que  le  gouverneur  4' Agra  s'est  décidé  à  le  faire  im^- 
primer  pour  servir  de  modèle,  et  votre  Société 
vient  d'en  recevoir  le  premier  volume  *.  C'est  un 
glossaire  arrangé  selon  l'alphabet  européen;  cha- 

^  SuppUmeni  to  the  Glossary  of  Indian  ierms  by  H.  M.  Elliot.  Agra , 
i8à5,  in-8".  (447  P®g®*-) 


JUILLET  1846.     .  -  61 

que  mot  est  écrit  en  caractères  latins ,  arabes  et  dé- 
vanagarisy  et  suivi  de  sa  définition ,  de  son  étymolox 
gi|B,  de  remarques  siu*  ia  nuance  du  sens  dans  lequel* 
il  est  employé  dans  les  provinces  supérieiœes,  et  de 
notices  souvent  très -étendues  sur  Tobjet  qu'il  ex- 
prime. H  serait  difficile  de  donner  une  idée  exacte 
de  la  multitude  de  faits  que  contiennent  çès  notices 

.'SiurThistoire  des  diverses  tribus  mentionnées,  sm*  la 
culture  des  plantes  énuméréès  dans  le  glossaire,  sur 
ia  géographie,  la  géné^ogie  des  fanâilles,  sur  les  pu- 
nitions, sûr  les  impôts,  les  mœurs,  les  dialectes^ lo- 
caux et  mille  autres  sujets.  Il  y  a  bien  peu  d'ouvrages 
sur  rinde  qui  contiennent  autant  défaits  neufs;, et 
si  tous  les  suppléments  au  Glossaire  qui  se  préparent 
ressemblaient  à  celui  de  M.  Elliot,  Tlnde  serait  bien- 

i»  tôt  un  des  pays  les  mieux  connus  du  monde. 

Notre  confirière  M.  Pavie  a  publié  la  traduction 
de  la  relation  çle  Texpédition  faite  par  ordre  d'Au- 
rengzib  contre  le  pays  d'Assam  ^  Mir  Djoumlah, 
viçe-roi  du  Bengale,  chargé  de  cette  entreprise  en 
1661,  s  empara  de  1^  plus  grande  partie  du  pays; 
mais  les  fièvres  le  firent  périr,  lui  et  presque  toute  son 
armée,  et  Aurengzib. fut  obligé  de  renoncer  à  cette 
conquête.  Ahmed  Schehab-eddin  Talisch,  un  des  se- 
crétaires de  Mir  Djoumlah ,  qui  avait  fait  la  campagne 
avec  lui  i  composa  en  langue  persane ,  après  la  mort 
de  son  patron,  le  récit  de  Texpédition.  Son  ouvrage 
fut  traduit,  en  i8o5 ,  en  hindoustani,  par  Mir  Ho- 

^  Tarikh'i-Asham,  récit  de  l'expédition  de  Mir-Djun^h  an  pays 
d^Âsham,  par  Théodore  Pavie.  Paris,  i845,  in-8".  (xxxi  et  3i6  pag.) 

à. 


52  JOURNAL  ASIATIQUE. 

sein ,  et  M.  Psme  s'est  servi  de  cette  version  pour  sa 
traduction  française.  On  remarque ,  dans  le  récit  de 
Taiiscli  et  dans  sa  manière  d  observer  les  feits,  les  dé- 
fauts ordinaires  des  auteurs  musulmans,  mais  à  un 
moindre  degré  qua  l'ordinaire .  C'était  évidemment 
nn  homnîe  intelligent;  il  pçirle  d'un  pays  peu  connu 
et  raconte  des  événements  dramatiques  dont  îi  a 
été  témoin  oculaire;  en  un  mot,  son  ouvrage  mé-* 
ritait,  à  beaucoup  d'égards ,  d'être  traduit  dans  une 
langue  européenne.  ^  . 

M.  l'abbé  Bertrand  nous  a  donné,  sous  le  titre  dé 
Séances  d^  Haîdari^,  une  traduction  française  d'un 
ouvrage  hin<Jj>ustani ,  intitulé  La  Rose  du  Pardon, 
Chacun. sait  avec  quelle  pompe  et  quel  fanatisme  les 
Schiites  de  Perse  et  de  lïnde  célèbrent  l'anniversaire 
de  la  mort  des  fils  d'Ali.  On  représente  ce  memtre  ' 
tôusles  ans,  sous  fornie  dramatique,  et  on  lit  en  public, 
pendant  les  joiu*s  qui  précèdent  la  représentation ,  les 
récits  légendaires  des  événements  qiii  se  rattachent 
à  la  destruction  de  la  famille  d'Ali.  C'est  un  recueil 
de  ces  récits ,  divisés  en  joimiées ,  xjomposé  en  1811 
par  Mohammed-JIaider  Baksch ,  professeur  de  per- 
san à  Madras ,  que  M.  Bertrand  vient  de  traduire. 
Il  paraît  que  fouvrage  hindoustani  lui-même  est  une 
traduction  d'un  livre  persan  intitulé  Le  Jardin  des 
Martyrs;  mais  M.  Bertrand  remarque  avec  raison 
que  le  tï^aducteur  hihdoustani  y  a  probablement  fait 

*  Les  séances  de  Haîdari,  ouvrage  traduit  de  i'hindoustani  par 
M.  l'abbé  Bertrand,  suivi  de  l'élégie  de  Miskin,  traduite  par  M.  Gar-= 
cin  de  Tàssy.  Paris,  i8à6,  ia  8^  (SAa  pages.) 


JUILLET  1846.  53 

des  changements  considérables,  c^  son  ouvrage 
porte  toutes  les  marqués  du  goût  des  musulmans 
daujôm'd*hui,  et  le  ton  ampoidé  de  rautem*  devient 
presque  choquant  qu^nd;  il  fait  parler  des  persouf 
nages  historiques  dont  on  possède,  dans  les  auteurs 
arabes,  tant  de  discours  empreints  d*une  simplicité 
admirable.  M.  Bertrand  a  effacé  une  partie  de  ces 
défauts  dans  le  but  de  rendre  pôpidi^e  en  Europe 
la  littérature  orientale ,'  mais  c'est  une  entreprise 
bien  difficile  et  poiu*  laquelle  les  auteurs  orientaux 
modernes  n  oflErent  que  de  faibles  ressources.  M.  Gar- 
ein  de  Tassy  a  joint  aux  Séances  de  Heddari  la  traHuc- 
tion  de  Télégie  de  Miskin,  qui  a  pour  sujet  un  des 
nombreux  épisodes  de  la  destruction  de  la  famille 
d'Ali,  et  dont  le  ton  a  quelque  chose  de  réhergie  et 
de  la  simplicité  des  chants  populaires.  • 

Enfin,  iî  a  paru  un  ouvrage  qui  se  rapporte  à 
rinde,  sinon  par  la  langue,  au  moins  par  le  5ujet. 
C'est  le  poème  javanais  fViwoho,  dont  M.  Gerike,  à 
Batavia,  a  publié  le  texte  accompagné  d'une  traduc- 
tion hollandaise^.  Le  Wiwoho  est  un  poème,  an- 
ciennement composé  en  kawi,  qui  a  été  traduit  en 
vers  javanais  Tan  l'jok  de  Fère  javanaise,  c'est-à- 
dire  en  1 779  de  notre  ère.  Si  je  ne  me  trompe  dans 
le  calcid  de  cette  date,  c'est  un  fait  singi^er  de 
voir,  dans  un  temps  aussi  récent,  traduire  par  un 
musulman  Un  livre  de  mythologie  indienne;  car  le 

*  Wiwoho  of  Mintorogo  ,  een  javaansch  Gedicht  uitgegeven,  door 
J.  F.  C.  Gericke  (dans  le  vol.  XX  des  mémoires  de  la  Société  de 
Batavia,  i8/»4,  in -8°.  xxxiii,  176  et  179  pages). 


54  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Wiwoho  est  imité  dun  épisode  du  Mahabharat,  et 
son  auteur,  Hempo  Ranno,  na  fait  subir  au  conte 
indien,  que  les  changements  qu'exigeait  là  transplan- 
tation de  la  scène  sur  le  sol  malais.  G*est,  je  crois, 
ié  texte  javanais  le  plus  considérable  quoh  ait  pu* 
blié  jusqu'ici^  et  il  sera  probablement  suivi  bientôt 
par  d'autres.  La  Société  de  Batavia  paraît,  depuis 
quelques  années,  animée  d'une  nouvelle  vie,  et 
décidéiff  à  nous  initier  à  tout  ce  qii'il  peut  y  avoir 
d'inlportant  dans  les  littératures  kawi,  javanabe  et 
màlaîe.  ,  . 

JLa  littérature  chinoise  s'est  enrichie  d*uu  ouvrage 
qui  sera  lu  avec  la  plus  vive  ciirrosité  par  tous  ceux 
qui  s'intéressent  à  i'histoîre  de  cette  grande  nation  ; 
c'est  le  premier  volume  de  l'Essai  sur  rhistoire  de 
l'instruction  publique ,  et  de  la  corporation  des 
lettrés  en  Chine,  par  notre  confrère  M.  Biot^  De 
tous,  les  phénomènes  que.  présente  l'histoire  de  la 
Chine,  de  toutes  les  preuves  d'une  aptitude  singu- 
lière à  la  civilisation  qu'a  données  ce  pays,  il  n'y  eii  a 
pas  de  plus  remarquable  que  l'importance  qu'il  a 
toujours  accordée  au  savoir.  Chez  presque  tous  les 
peuples,  les  armes  ont  été  l'origine  du  pouvoir;  chez 
quélques-ims ,  f intelligence  sest  servie  de  l'élément 
mystique  qui  existe  dans  l'esprit  humain  pour  fonder 
sa  puissance  sous  la  forme  théocratique  ;  les  Chinois 
seuls  ont  posé ,  dès  l'origine  de  leiu*  monarchie ,  le 

*  Essai  sar  Vhistoire  de  l'instruction  publique  en  Chine  et  de  la  cor- 
poration des  lettrés,  par  Edouard  Biot,  impartie.  Paris,  i845,  in-8*. 
(3o3  pages.} 


JUILLET  1846.  55 

f  ■  ■ 

principe  que  le  pouvoir  était  <}û.au  mérite  civil  et 
au  savoir.  . 

Une  pareille  théorie  na  pu  s'introduire  dans  la 
vie  réelle  sans  avoir  ?i  iiitter  contre  la  puissance 
du  pouvoir  militaire  et  les  institutions  aristocra- 
tiques qu'il  tend  partout  à  fonder,  contre  le  prijti- 
cipe  de  la  faveur  que  la  cour  désirait  faire  prédo- 
miner, et  souvent  contre  l 'influence  des  richesses. 
Mais ,  le  principe  une  fois  posé ,  la  partie  la  plus  intel- 
ligente de  la  nation  s  y  est  toujours,  rattachée,  elle 
a  travaillé  sans  relâche,  et  malgré  des  persécutiops 
sanglantes  et  des  obstacles  de  toute  espèce  à  la  con- 
solider, à  lui  donner  par  les  écoles  ;  par  les  examens 
et  par  la  constitution  d'une  classe,  de  lej;trés ,  une 
organisation  assez  forte  pour  résister  à  toute  in- 
fluence ,  et  pour  conserver  l'administraftion  même  J50US 
des  conquérants  étrangers  et  barbares.  Le  système 
a  réussi^  il  a  établi  en  principe  que  le  pouvoir  n'ap- 
partient qu  à  rintelligerice.  et  au  savoir,  il  a  com- 
hattu  avec  succès  toute  influence  héréditaire,  l'aris- 
tocratie, les  castes,  la  prépondérance  de  l'épée  et 
celle  des  richesses.;  Notfs  marchons  en  Eiirope  dans 
la  même  voie,  et  le  mérite  civil  a  dertainement  fait 
de  grandes  conquêtes  sur  les  armes  et  la  naissance; 
mais  il  n'y  a  néanmoins  encore  que  là  Ghîne  où  un 
pauvre  étudiafrit  puisse  se  présenter  au  concours 
impérial  et  en  sortir  grand  personnage.  C'est  le  côté 
brillant  de  l'organisation  sociale  des  Chinois ,  et  leur 
théorie^t  incontestablement  la  meilleure  de  toutes; 
malheureusement,  l'application  est  loin  d'être  par- 


56  JOtfRNAL  ASIATIQUE.  ^ 

faite.  Je  ne  parie  pas  ici  des  erreurs  de  jugement 
et  de  la  corruption  des  examinateurs,  ni  même  de 
•  la  vente  des  titres  littéraires,  expédient  auquel  le 
gouvernement  a  quelquefois  recours  çn  temps  wde 
détresse  financière,  mais  de  ïimperfectîôn  des  ins- 
titutions que  les  lettrés  ont  fondées ,  et  sur  lesquelles 
repose  lapplicàtion  du  principe  abstrait.  Ils  ont.basé 
l'instruction  presque  exclusivement  sur  l'étude  ^eh 
lettres,  et  la  conséquence  a  été  qu'ils  ont  stéréo- 
typé, pour  ainsi  dire,  la  civilisation.  La  littérature  ' 
d'un  peuple  isolé  s'épuise  bientôt,  et  l'on  est  alors 
réduit  à  répéter  et  à  ):etp*umer  en  tout  sens  les 
mêmes  idées.  On  a  ajouté^  il  est  vrai,  à  l'étude  des 
livres  classiques  celle  des  annales  ^^  et  la  grandeur, 
ainsi  que  la  longue  durée  de  l'empire,  en  rendent 
l'histoire  très-propre  à  form^  l'esprit  de  ceux  qui 
sont  destinés  aux  -affaires.  Mais,  là  encore,  l'incon- 
vénient d'une  position  isolée  s'est  fait  sentir.  Les 
Chinois  n'ont  pas  pu  comparer  Thistoire  de  leiir  pays 
avec  celle  des  autres  nations,  de  sorte  que.,  maigrie 
l^urs  grands  travatix.histOTiques,  et  le  soin  avec  le- 
quel ils  oiit  enregistré  des  faits  innombrables,^  ils 
n'ont  jamais  pu  s'élever  à  un  point  de  vue  philoso- 
phique, qui  ne  peut  naître  que  de  l'histoire  com- 
parée. Peut-être,  s'ils  avaient  compris  les  sciences 
physiques  dans  le  nonibre  des  études  prescrites,  au- 
raient-ils échappé  à  l'étreinte  de  ce  cercle  qui  s'op- 
pose à  leur  développement  intellectuel.  Quoi  qu'il 
en  soit,  il  est  certain  que  les  lettrés  ont  fait  la  Chine 
telle  qu'elle  est,  quils^nt  rendu  la  cidture  de  l'es- 


-       JUILLET  1846.  57 

prit,  telle  qu'ils  Tentendent,  le  grand  objet  de  lam- 
bition ,  et  qu'ils  dominent  et  dirigent  entièrement 
Imteiligencè  du  tiers  de  l'espèce  humaine.  L'étude 
attentit  de .  ce  fait  est  indispensable  pour  com- 
prendre l'histoire  et  l'état  de  la  Chine,  et  M.  Biot 
a  entrepris  de  Jious  en  fournir  les  moyens.  Les 
CJiinois  eux-mêmes  se  sont  occupés  de  cette  branche 
de  leur  histoire  avec  leur  esprit  méthodique  ôrdî* 
naire,  et  ont  soigneusement  consigné  dans  ieurs 
grandes  encyclopédies  tous  les  documents  relatifs  à 
ce  sujet.  M.  Biot  les  y  a  recherchés,'  les  a  traduits, 
coordonnés  et  encadrés  dans  une  exposition  histo- 
rique, dans  laquelle  il  a  fait  entrer  la  traduction 
littérale  des  pièces  les  plus  importantes.  Le  premier 
volume  s'étend  depuis  le  comméncértient  dé  la 
monarchie  jusqu'au  in®  siècle  de  notre  ère;  le  se- 
cond (Conduira  l'histoire  des  lettrés  jusqu'à  nos 
jours.  La  méthode  de  M.  Biot  est  très-sévère  ;  il  se 
renferme  entièrement  dans  son  sujet,  qui  est  la  re- 
cherche, la  critique  et  l'exposition  des  faits  qui  se 
rapportent  à  l'organisation  de  l'instruction  publique , 
aux  méthodes  qu'elle  emploie  et  aux  changements 
qu'elle  a  subis.  Mais  toute  histoire  de  la  Chine,  et 
surtout  toute  biographie  d'un  homme  célèbre  en 
Chine ,  formera  un  éloquent  commentaire  à  ces 
docmnents,  et  montrera  à  quel  degré  cçs  règle- 
ments pénètrent  dans  la  vie  de  la  nation,  et  dans 
celle  de  chaque  individu. 

M.  Piper,  à  Berlin,  a  publié  un  mémoire  sous  le 
titre  de  Symboles  des  commencements  da  Monde  et  de 


58  JOURNAL  ASIATIQUE. 

la  vie,  conservés}  dans  récriture  figurative  des  Chinois  K 
Cest  une  espèce  de  métaphysique  tirée  de  la  forme 
et.de  i^  composition  des  caractères  chinois.  L'auteur 
croit  que  lanaiyse  de  i'écpture  de  ce  peuplé  donne 
le  moyen  de  remonter  à  ses  notions  primitives ,  et  il  a 
appliqué  âon  système  à  certaines  classes  de  caractères 
pour  t'etrouVer  les  idées  métaphysicjues  des  ancienii» 
Chinois.  Mais  il  y  a  mille  chances  d  erreur 'dans  un 
pareil  procédé ,  car  l'écriture  chinoise  n*est  symbo- 
lique que  très-^artiellemerit,  et  l'élément  phonétique 
prédomine  de  beaucoup.  Où  donc  s'arrêter,  et  par 
quelle  méthode  distinguer  ce  qui  est  symbolique 
de  ce  qui  n'est  que  le  signe  d un  son?  On  a  fait 
plusieurs  fois  des  essais  semblables  et  dépensé  beau- 
coup d'esprit  sans  produire  un  résultat  que  la 
science  puisse  avouer.  Il  n'y  qu'un  bon  inoyen  de 
>  connaître  les  idées  des  Chinois ,  c'est  d'étudier  leiu's 
livres. 

M.  Schott  a  fait  paraître  à  Berlin  un  Mémoire  ^ 
le  Bouddhisme  de  la  haute  Asie  et  de  la  Chine  ^. 
L'auteur  commence  par  une  exposition  abrégée  de 
la  doctrine  bouddhique  et  de  son  introduction  en 
Chine  et  dans  le  Thibet;  ensuite  il  discute  en  détail 
et  d'une  manière  ingénieuse  les  modifications  que 
les  Chinois  ont  fait- éprouver  à  plusieurs  des  dogmes 
lés  plus  importants,  et  il  termine  son  mémoire  par 

' .  Bezeichnungen  des  Welt  und  Lehensanfcmges  in  der  chinesischen 
BHderschrift,\onJ>T.G.  0.  Piper.  Berlin,  1 846,  in-S",  (167  page».) 

*  ÏJeher  den  Buddhaisnms  in  Hochasien  und  in  China  von  W.  Schott. 
Berlin,  i846,  in- A'.  (126  pages.) 


JUILLET  1846.  59 

de  nombreux  extraits  tirés  du  Tsing-tou-wen,  ou- 
vrage populaire,  qui  jouit  dun  grand  crédit  en 
Chine. 

Ce  traité  n'épuise  point  le  gl*and  sujet  du  boud- 
dhisme chinois,  mais  c*est  un  travail  fait  dans  la 
direction  que  l'état  actuel  de  la  science  indique.  De- 
puis que  l'ouvrage  de  M.  Bumouf  a  commencé  à 
porter  la. lumière  dans  le  chaos  des  sectes  et  écoles 
bouddhiques,  et  à  donner  lès  moyens  de  les  classer 
et  de  les  rattacher  à  desV branchés  principales,  on 
doit  s'attacher  à  des  recherches  spéciales  sur  la 
forme  que  la  doctrine  générale  a  prise  chez  chaque 
pûupie,  et  déterminer  les  nuances  tju'y  a  introduites 
le  génie  particulier  des  différentes*  races. 

M.  Neumann,  à  Munich,  a  publié,  sous  le  ti#e 
de  Mexique  au  v*  siècle,  d'après  les  sources  chinoises  ^ 
un  mémoire  dans  lequel  il  identifie  ce  pays  avec  le 
Po.a-^a/ijf,  dont  parlent  les  voyageurs  bouddhistes 
chinois ,  comme  situé  à  deux  mille  lieues  à  l'Est  de 
la  Chine.  Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  cette 
conjecture  a  été  émise,  et  depuis  la  publication  du 
mémoire  de  M.  Nemnann ,  notre  confrère ,  M.  d'Eich- 
thaï,  a  lu,  dans  une  dé  Vos  séances  mensuelles, 
une  partie  d'un  travail  considérable ,  dans  lequel  il 
développe  une  théorie  semblable,  mais  pas  identi- 
quement la  même.,  en  attribuant  aux  bouddhistes 
l'introduction  de  la  civilisation  en  Amérique.  Il 
s'appuie  surtout  sur  les  ,  ressemblances  dés  mônu- 

'  Mexico  im  fmften  JahrkandeH,  nack  chinesischen  {^neUen  von 
C.  F.  Neumann.  Munich;  i845,  in-8^  (3o pages,  tiré  du  Auslànd,) 


60  JOURNAL  ASIATIQUE. 

ments  américains  récemment  découverts  avec  les 

monuments  de  f  Asie  orientale. 

Dans  la  grammaire  et  ia  lexicographie  chinoises, 
nous  avons  à  signaler  plusieurs  ouvrages  nouveaux. 
M.  Ehdlicher,  à  Vienne,  a  terminé  sa  grammaire  *, 
dont  ia  fin  est  peut-êt^e  un  peu  trop  brève  si  oïi  là 
compare  aux  développements  qu'avaient  reçus  fes 
premiers  chapitres  ;  néanmoins  >  l'auteur  a  su  y  in- 
corporer les  résultats  des  travaux  grammaticaux  les 
plus  récents  sur  Ja  langue  chinoise. 

M.  Callery  a  publié,  à  Macao,  le, premier  vo- 
lume de  son  grand  Dictionnaire  chinois  ^  qui  est 
la  traduction  du  célèbre  dictionnaire  Pei-wen-yun- 
fou;  seulement  M.  Gallery  a  transposé  l'ordre  des 
ïiSots  pour  les  arranger  d'après  un  système  iqui  lui 
est  propre.  C'est  un  inconvénient  dans  un  diction- 
naire dont  l'usage  commode  dépend  de  la  facilité 
presque  mécanique  ^vec  laquelle  on  trouve  la  place 
que  doit  occuper  le  mot  qu  on  cherche  ;  mais  c'est 
un  obstacle  qui,  àjprès  tout,  n'empêchera  personne 
de  se  servir  d'un  dictionnaire  réellement  bon.  Ce- 
lui-ci paraît,  en  effet,  au  premier  aspect,  remplir  le 
grsLiià desideratum  des  dictionnaires  chinois,  en  pré- 
sentant un  nombre  tîonsidérable  d'expressions  com- 
posée?; mais,  en  l'examinant  de  près,  on  s'aperçoit 
bientôt  que  cette  richesse  est  un  peu  trompeuse, 

^  Anfangsgrùnde  der  chinesisckeri  Grammatik,  von  Stephan  Elnd- 
Hçher,  ii'  partie,  Vienne,  i8A5,  in-8°.  (pages  281-376.) 

*  Dictionnaire  encyclopédique  de  la  langue  chinoise,  par  M.  Callery, 
tome  I,  i'*  partie ,  Macao ,  i845,  in-4*.  (212  pages.)  ^ 


JUILLET  1846.  61 

ce  qui  s'explique  paj*  la  natitfe  du  guide  que 
M.  Caiïery  a  choisi.  Le  Pei-wen-yan-fou  est  un  dic- 
tionnaire dont  le  but  n  est  pas  d'expliquer  les  ex- 
pressions difficiles,  mais  de  donner  des  exemple  de 
phrases  élégantes  et  admises  dans  le  beau  style  ;  il 
est  dun  grand  secours  poiu»  un  Chinois  qui  veut 
s'assurer  si  telle  ou  telle  locution  est  bonne,  mais 
il  ne  répond  pas  aussi  complètement  au  besoin  d'un 
Européen  qui  cherche  le  sens  d'une  phrase  embar- 
rassante. Néanmoins ,  il  «'y  Jrouve  une  qfuantité  con- 
sidérable d'expressions  figurées,  de  phrases  compo- 
sées, dont  le  sens  ne  pourrait  pas  se  deviner  à  l'aide 
de  leurs  éléments  composants.  En  un  mot,  ce  livre 
a  une  valem*  réelle,  et  il  cist  à  désirer  qu'il  soit 
achevé.  Mais  ce  qui  est  incompréhensible,  c'est 
l'annonce  faite  par  M.  Cailery,  dans  sa  préface,  qu'il 
se  bornera,  dans  les  volumes  suivants,  à  un  tirage 
de  cinquante-  exemplaires ,  ce  qui  détruirait  toute 
l'utilité  de  l'ouvrage.  Chez  un  auteur  qui  publie  un 
livre  à  ses  frais ,  on  ne  pourrait  que  regretter  cette 
manière  de  ^procéder;  mais  il  me  semble  que,  lors- 
qu'un gouvernement  encourage  la  publication  d'un 
ouvrage  <  on^  n'a  pas  le  droit  de  frapper  d'avance 
cet  ouvrage  de  stérilité ,  en  le  rendant  introuvable 
avant  que  la  dixième  partie  en  ait  paru. 

Enfin  M.  Louis  Rochet  a  fait  paraître.un  Manuel 
de  la  langue  chinoise  vulgaire  ^  qui  contient  une 
petite  grammaire  fort  élémentaire ,  un  texte  composé 

^  Manuel  pradqae  de  lalanyue  chinoise  vulgaire,  par  Louis  Rochet. 
Paris,  18 46,  in-8*.  <^xiv  et  216  pages.) 


62  JOURNAL  ASIATIQUE. 

de  dialogues,  de  fables  d^sope,  d anecdotes  et  de 
proverbes  tirés  principalement  des  ouvrages  ^e  Mor- 
rison,  Gonçalyez  et  Thom^  et  un  vocabulaire  qui 
doiim^  tous  les  mots  qui  se  trouvant  dans  ces  textes. 
Ce  manuel  est  destine  à  faciliter  les  premières  no- 
tions de  la  langue  et  à  préparer  les  commençants 
à  l'usage  de  grammaires  et  de  dictionnaires  plus 
complets. 

Cet  ouvrage  et  celui  de  M.  Callery  sont  imprimés 
avec  les  types  que  M.  Marcellin  Legrand  a  gravé» 
d'après  le  système  et  sous,  la  direction  de  M.  Pàu- 
thier.  Le  probièîme  d'analyser  les  caractères  chinois 
et  de  réduire  ;par  là  le  nombre  des  poinçons  néeesT 
saire  pour  former  une  collection  complète  de  carac- 
tères, a  été  résolu  par  M.  Pauthier  d'une  manière 
très-satisfaisante ,  et  la  preiive  en  est  que  les  Euro- 
péens eii  Chine ,  qui  opt  le  droit  d'être  difficiles  sur 
le  choix  des  caractères»,  se  servent  de  ceux-ci.  La 
mission  américaine  de  Canton  a  acheté,  chez  M.  - 
Marcellin  Legrand,  une  frappe  complète  de  ses 
types  et  elle  a  $u  en  faire  un  usage  excellent;  car 
plusieurs  des  ouvrages  qu'elle  a  imprimés,  siu'tout 
une  traduction  de  saint  Luc ,  sont  d'ime  exécution 
parfaite  et  donnent  de  ces  caractères  une  bien  meil- 
leure idée  que  le  livre  de  M.  Rochet,  quoique  l'im- 
pression en  ait  été  dirigée  par  le  graveur  lui-même. 
Mais  ce  qui  .est  singulier,  c'est  que  les  missionnaires 
se  soient  attribué,  dans  leurs  prospectus^,  la  direc- 
tion de  la  gravure ,  dont  l'honneiu»  revient  entière- 

*  Spécimen  of  the  chinese  type  belonging  to  tke^hinese  mission  ofthe 


V   JUILLET  1846.  63 

ment  à  M.  Pauthier,  comme  celui  de  rexëcution  à 
M.  Marcellin. 

Il  ne  me  reste  plus  que  quelques  rnots  à  dire 
sur  une  classe  d  ouvrages  qui ,  par  leur  nonibre  crois- 
sant, témoiglient  dé  l'existence  d*un  besoin  vivement 
senti  et  que  Ion  ^applique  de  tous  côtés  à  satisfaire, ^ 
je  veux  parler  de  la  publication  des  catalogues  de 
manuscrits  et  de  livres  imprimés  relatifs  à  TOrient. 
M.  Zenker  a  fait  paraître  à  Leipzig  k  première  partie 
d'un  Manuel  de  bibliographie  orientale  ^  Il  com- 
mence par  l'exposition  et  i'énumération  des  sciences 
des  musulmans  selon  Hadji  Khalfa,  et  donne,  ensuite 
les  titres  des  ouvrages,  arabes,  persans  et  turcs  qui 
ont  paru  en  Eiut)pé  et  en  Orient  depuis  la  découverte 
de  l'imprimerie  jusqu'à  nos  jours,  classes  d'après  les 
divisions  <le  Hadji  Khalfa,  autant  au  moins  que  cela 
se  pouvait.  La  liste  comprend  i855  ouvrages,  mais 
elle  est  loin  d'être  complète,  et  quiconque  connaît 
un  peu  le  sujet  a  dû  s'attendre  à  trouver  de  nom- 
breuses lacunes  dans  un  premier  essai  de  bibliogra- 
phie orientale  ;  personne  n'a  moins  le  dl'oit  de  s'en 
étonner  que  votre  rapporteur,  qui  n'a  jamais  réussi 
à  vous  soumettre  tin  tableau  complet  dès  ouvrages 
qui  ont  paru  dans  une  seule  année.  M.  Zerikêr  à 

board  offoreign  missions  ofthe  preshyterian  churck  in  the  U.  S.  Macao," 
1 844,  în-S'.  (4i  pages.) 

^  Bihliotheca  orientalis.  Manuel; de  bibliographie  orientale,  I ,  con- 
.  teiliint  les  livres  arabes,  persans  et  turcs  imprimés  depuis  Tinvention 
de  rimprimerie  jusqu'à  nos  jours,  une  table  des  auteurs,  des  titres- 
orientaux  et  des  éditeurs,  et  un  aperçu  de  la  littérature  orientale; 
par  J.  Th.  Zenker.  Leipzig,  i8/i6,  in-8°.  (xhvi  et  264  pages.) 


64  JOURNAL  ASIATIQUE, 

dressé  un  cadre  que  les  contrîbutibns  de  tous  ceu5^ 
qui  s  intéressent  à  la  littérature  orientale  devraierit 
aider  à  compléter  peu  à  peu. 

La  Compagnie  des  Indes  a  fait  publier  le  catalogue 
des  livres  imprimés  de  sa  belle  bibliothèque  de  Lon- 
dres, qui  est  surtout  très-riche  en  ouvrages  indiens  : 
aussi  ce  catalogue  nous  fait-il  connaître  un  nombre 
considérable  d'ouvrages  imprimés  dans  les  dialectes 
provinciaux  de  Tlnde,  en  deçà  et  au  delà  du  Gange, 
et  dont  Texistence  était  à  peu  près  inconnue  en  Çu- 
rope.  Il  faut  espérer  que  la  Compagnie  ne  s  arrêtera 
pas  en  si  beau  chemii^  et  quelle  nous  donnera  encore 
le  catalogue  des  manuscrits  de  sa  bibliothèque. 

Le  musée  britannique  vient  de  faire  paraître  le 
premier  volume  du  catalogue  de  ses  manu^rits 
arabes.^  ;  ce  travail  a. été  fait  par  M.  Cureton  avec 
beaucoup  de-  soin.  Le  présent  volume  contient  la 
description  de  /ni  manuscrits  relatifs  à  la  Bible, 
au  Koran,  à  la  théologie,  la^  jmûsprudence,  Thistoire 
et  la  biographie.  M.  Cm'eton  indique  le  titra, 'le 
contenu,  le  commencement  et  la  lin  de  chaque 
manuscrit,  et  ajoute  quelque  fois  des  passage  sremar- 
quables  tirés  de  1  ouvrage.  Il  donne  de  cette  manière^ 
au  lecteur  tous  les  moyens  de  jugersi un  manuscrit 
J|k)eut  contenir  les  renseignements  quil  cherche.  Me 

*  A  catalogue  of  the  lïbrary  of  the  Hon,  East-Indid  company,  Lon- 
don,  1845,  in-8°.  (324  pages.) 

^  Catalogus  codicuni  manuscriptorum  orienialium.  qm  in  Maseo  bii- 
tannico  asservantur;  pars  11,  codices, ar abicos  coritinens.. ladres, 
1846,  foi.  (179  pages.)  Le  premier  volume  de  ce  catalogue,  qui 
doit  contenir  les  manuscrits  syriaques,  n'a  pas  encore  paru. 


JUILLET  1846.  65 

serait-:il  permis  d^exprimér  le  regret  qu  un  livre  aussi 
utile  soit  imprimé^  dans  ce  format  colossal  que  les 
gouvernements  et  les  corps  officiels  croient  de  leur 
dignité  d'adopter  et  qui  fait  le  désespoir  des  lecteurs  ? 

M.  de  Siebold  a  publié  le  catalogue  des  livres  et 
manuscrits  japonais  de  la  bibliothèque  de  Leyde*, 
en  commençant  par  Ténumération  des  livres  ja- 
ponais quon  avait  apportés  avant  lui  en  Europe; 
il  donnai  ensuite,  par  ordre  de  matières,  la  trans- 
cription ^t  la  traduction  des  titres  de  ciiiq  cent 
quatre-vingt-quatorze  ouvrages  que  possède  la  bi- 
bliothèque de  Leydé ,  et  qu  elle  lui  doit  en  grande 
partie/ il  ^outeà  la  .fin  du  livre  les  titres  de  ces 
ouvrages  en  catractèresjapot^.  En  voyant  ces  ri- 
chesses ^^hi  font  partie  dunPIîttérature  encore  à 
peu  près  inconnue  en  Europe ,  on  ne  .peut  s  empê- 
cher de  se  plaindre  du  manque  d  activité  des  mem- 
bres du  bureau  hollandais  à  Nangasaki,  qui  auraient 
dû,  depuis  longtemps ,  employer  leurs  nombreux ~ 
loisirs  à  nous  fake  connaître ,  par  des  traductions 
exactes ,  les  productions  les  plus  importantes  d'un 
peuple  aussi  intéressant  et  chez  lequel  eux  seuls  ont 
accès.  . 

M.  Reinaud ,  enfin ,  vient  de  terminer  le  catalogue 
du  sup'^lément  des  manuscrits  arabes  de  la  Biblio- 
thèque royale  de  Paris,  et  il  serait  extrêmement  à 
désirer  que  ce  grand  travail  fût  livré  au  publicje  plus 

^  Catalogns  lihrorum  et  manttsoriptonun  japonicoram  a  Pk,  de  Sie- 
bold coUectorum,  annexa  enameratione   illorum  qui  in  museo-  regio 
Ha^ano  servaniur,  auctore  Siebold,  libres  descripsit  J.  Hoffmapn. 
liugdini,  i845,  in.-fol.  (35  pages  et  i6  pi.  litbogr.  de  titres.) 
inii.  5 


66  JOURNAL  ASIATIQUE, 

tôt  possible  et  dans  une  form^  qui  le  rendît  acces- 
sible à  tous  ceux,  qui  s'occupent  de  la  littérature 
arabe.  Les  catalogues  des  manuscrits  orientaux  des 
grandes  bibliothèques  de  l'Eiu^ope  devraient  être 
publiés  dans  un  format  qui  permît  de  les  mettre 
entre  les  mains,  non -seulement  des  savants,  mais 
des  consuls  et  des  voyageiu's  instruits,  pom*  qu'ils 
pussent  rechercher,  en  connaissance  de  cause,  les 
manuscrits  qui  nous  manquent,  et  les  soustnaire ainsi 
aux  mille  chances^de  destruction  que  Tignorance  et 
1  mcurié  toujours  croissante  des  Orientaux  leur  pré- 
parent. Quelques  gouvernements  européens  com- 
mencent à  s'occuper  du  soin  de  sauver  ces  débris  du 
savoir  oriental;  le  gouvernement  français  a  envoyé 
M.  de  Slane  en  Algérie  et  à  Co]istantino|Pb'pour  y 
visiter  les  bibliothèques  et  acheter  des  ouvrages  qui 
nianquent  à  Paris.  Son  rapport  sur  les  bibliothèques 
de TAlgérie  a  paru,  et  Ton  sait  qu'il  a  fait  à  Constan- 
tinople  des  acquisitions  exti^èmement  précieuses  de 
manuscrits  d'historiens  arabes.  La  Russie  a  adopté  le 
même  piaii  et  l'exécute  d'une  manière  encpre  plus 
systématique.  M.  de  Fraehn  a  rédigé  depuis*  long- 
temps un  catalogue  de  desiderata^  et  le  gouverne- 
ment- fait  rechercher,  dans  toutes  les  parties  de  l'O- 
rient où  il  à  des  agents,  les  ouvrages  que  ré<1.ame  le 
savant  académicien..  Il  est  encore  temps  de  prévenir 
des  pertes  irréparables,  et,  dans  quelques  siècles, 
les  Orientaux  viendront  peut-être  ^n  Eiu^ope  pour 
y  étudier  leurs  anciennes  littératures. 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


I. 

LISTE  DES  MEMBRES  SOUSCRIPTEURS, 

PAR  ORDRE  ALPHABÉTIQUE. 


S,  M.  LOUIS-PHILIPPE, 

PROTECTEUR. 
L*AcAD^MIE     ROYALJE     DES     INSCRIPTIONS     feT     BeLLES- 

Lettres. 

.MM.  Abbadie  (Antoine  d),  à  Ap^um. 

Ampâm V  membre  de  Tlnçtitut,  professeur  de 

littérature  française    au   ÇoUége  royal   de 

France. 
Amyot,  avocate  la  cour  royale. 
André  (labbé),  à  Montrouge. 
Antoine  (rabbé  Joseph) ,  à  Po^tarlier. 
Argonati  (le  Dftarquis). 
Artigues  (d  ). 
Ayogadko  de  Vai-dengo  (Th.  D.),  aumônier  de 

S.  M.  le  roi  de  Sardaigne ,  à  Turin. 
Ayrtoij,  avocç^t,  à  Londres. 

'     5. 


68  JOURNAL  ASIATIQUE 

MM.  Bach  (Julien). 

Badiche  (l'abbé),  trésorier  de  la  métropole. 
Bailleul  fils. 

Baroès  (l'abbé) ,  professeur  à  la  faculté  de  théo- 
logie de  Paris. 
Barthélémy  de  Saint-Hilaîre  ,  professeur  au 
,     Collège  royal  de  France. 
Barucchi,  directeiu*  du  musée,  à  Turin. 
Baxter  (H,  J.)^  Middle-Tempie,  à  Londres. 
Bazin  ,  professeur  de  chinois  à  l'École  spéciale 

des  langues  orientales. 
Belgiojoso  (M"'  la  princesse). 
&LIN  (Frânçoifi-Alphonsè). 
Benarv  (le  docteur  Ferdinand),  à  Beriin. 
Bertrand  (l'abbé),  curé  à  Hèrblay  (Seine-et- 

Oise). 
BiANCHi,  secrétaire  interprète  du  Roi  poiur  les 

langues  orientales. 
BiOT  (Edouard).  - 

^  Bland  ,  membre  de  là  société  royale  asiatique 

de  Londres.  ^ 

BoiLLY  (Jules).  ' 
BoissoNNEt  DE  LA  ToucHE  (Estèvc),  Capitaine 

d'artillerie,  à  Gonstantine. 
BoNAR  (Henry). 
BoNNETY,  directeur  des  Annales  de  philosophie 

chrétienne.. 
BoRiÈ  (Eugène),  correspondant  de  l'Institut. 
^  .      Botta  (Paul),  consul  de  France  à  Mossoul. 
BouTROs,  ancien  principal  du  collège  de  Delhi. 


JUILLET  1846.  69 

Bresnier,  professeur  d  arabe,  à  Alger. 
Brière  (de)  ,  hommes  de  lettres. 
Brogkhaus  (le  docteur  Herman).  , 
Brosselârd,  attaché  à  Tadministration  civile. 

de  l'Algérie. 
BuRGRAFF,  à  Liège. 
BuRNOUF  (Eugène),  membre  defliistitut,  pro- 

fessem*  de  sanscrit  au  CoUégeroyal  de  France. 
Brown  (John),  interprète  des  États-Unis,  à 

Constantinople. 

Carlin  (Louis-Adolphe). 

Gaspari,  professem*  à  Leipzig. 

Cassel  (Ph.  D.)  à  Paderbom. 

Caussin  de  Perceval  ,  professeur  d*arabe  à  TÉ- 

côle  des  langues  orientales  vivantes ,  et  au 

Collège  royal^  àe  France. 
Charmoy,  conseiller  d*Etat,  ancien  professeiu* 

à  Tuniversité  de  Saint-Pétersbourg. 
Chaslin  (EdoUard)i 

Chastenay  (M"'  la  comtesse  Victorine  de). 
Cherronneau  ,  élève  de  TÉcole  spéciale  des  lan- 
gues orientales  vivantes. 
CiccoNi  (l'abbé  Tite),  bibliothécaire  d#  palais 

Albani,  à  Rome. 
Clément-Mtjllet  (Jean-Jacques). 
Clermont-Tonnerre  (le  marquis  de)  colonel 

d'état-major. 
CoHN  (Albert),  docteur  en  philosophie  à  Près- 

bourg. 


70  JOURNAL  ASIAtiQUE. 

Mm,  Colli,  docteur  eh  tbëôlogîe  de  là  cathë^le 
de  Novàrfe. 

COLLOT. 

GOMBARÉL.      ;  • 

CoNGi!^ET  (i'abbé),  chanoine  de  la  Xîathëdrdie  de 

Soissojis- (Aisne.) 
floNON  DE  Gabélentz  ,  coiiseiiler  d^État  à  Al- 

tenb6iii*g. 
CôOK,  ifainîstre  protestant,  à  Lausanne. 
Coquebert  de  Montbret  (Eugètte). 
Cor  ,  premier   drogman   de   ^ambassade   de 

France  à  Constantinople. 
•  CoTELLE(Heiiri)^3ntérprè'te  de!  armée  d'Afrique. 

'  DfeFRiéMERY  (Charies),  élève  de  TEcôle  spéciale 
des  langues  orietitalës  Vivantes. 

Delessert  (le  baron  Benjamin),  membre  de 
là  Chambre  des  déj^utés. 

Delitzsch  ,  professeur  à  Leipzig. 

Dernburg (Joseph),  docté\ir. 

De5Vesgêrs  (Adoljjhë-Nôël). 

Desaux  (Jules). 

DozoN  (August(B^).' 

CmACH  (P.  L.  D.) ,  bibliothécaii'e  de  la  Propa- 
gande.   ' 

DuBEUx  (J.  L.),  coiiservateur  adjoint  à  la  Bi- 
bliothèque du  Roi. 

DucAURROY,  secrétaire-interprète  du  Roi. 

DuLAtJRiER  (Edouard) ,  professeiir  de  malai  à 
rÉcole  des  LL.^ÔO. 


JUILLET   1846.  71 

MM.  DuMpRET  (J.),  à  Bagnères(  Hautes -Pyrénées). 
DuNCAN   FoRBES ,  professcuF  de  LL.  (K).  au 
Kings-CoHege ,  à  Londres, 

EcKSTEiN  (le  baron  D'). 

EiCHHOFF,  bibliothécaire  de  S.  M.  la  Reine  des 

Français. 
EicHTHAL  (Gustave  d»). 
Elliot  (Chiarfes-Boiléau),  membre  de  i^Aca- 

démie  royale  de  Londres. 
Ellis  ,   ancien   ambassadeur  -  d'Angleterre   en 

Perse  et  en  Chine. 
Etheridge  {\c  R.  J.  William),  pasteur  anglais. 

Falconner  FoRBES,  professeuT  de  LL.  00.  à 
J'University-College  de  Londres. 

Fallet,  docteur  en  théologie,  à  Courtelary. 

Ferraô  de  Castelbranco  (le  chevalier). 

Fleischer,  professeur,  à  Leipzig. 

Florent,  examinateur  dramatique  au  Minis- 
tère de  Tintérieiu*. 

Flottes  ,  professeur  de  philosophie ,  à  ^Mont- 
pellier. 

Flour  de  Saint-Genis,  inspecteur  des  do- 
maines, à  Alger. 

jFlûgel,  professeur,  à  Meissen  (Saxe). 

FoucÀux  (Ph.  Edouard). 

Fresnel,  consul  de  France,  à  Djedda. 

Gargin  de  Tassy,  membre  de  l'Institut,  pro- 
fesseur d'hindoustani  à  TEcolc  spéciale  dos 
langues  orientales  vivantes. 


72  JOURNAL  ASIATIQUE. 

MM.  Gayangoz,  professeur  d*arabe,  à  Madrid. 

GiLDEMEisTER ,  docteuT  en  philosophie,  à  Bonn. 
GoLDENTHAL  (Ph.  D.) ,  à  Leipzig. 
GoLD3TÛcKER  (Ph.  doçteur),  à  Kônigsberg. 
GoRRESio  (Gaspard),  membre  de  l'Académie 

de  Tm^n. 
Graf,  licencié  en  théologie. 
Grangeret  de  Lagrange  ,  conservateur  de  la 
bibliothèque    de    TArsenal,   rédacteur    du 
Journal  asiatique.  . 

Guerrier  de  Dumast  (Auguste-Françôis-Pros- 
,  ,   per),  secrétaire  de  T Académie,  à  I^ancy. 
GuiGNiAUT,  membre  de  Tlnstitut. 
^   .  GuiLLARD  d'Arcy,  doctcur  en  médecine. 

Haight,  à  New-York. 

Hamelin,  avocat,  élève  de  TEcole  spéciale  des 
LL.  00.  vivantes. 

Hase  ,  membre  de  Tlnstitut. 

Hassler  (Conrad-Thierry),  professeiu*  à  Ulm. 

Hedde,  d^égué  du  commerce  en  Chine. 

Hoffmann  ,  conseiller  ecclésiastique ,  à  Jéna. 

Holmroe,  cohservatem*  de  lia  bibliothèque  de 
Christiania. 

Humbert  (Jean),  professeur  d'arabe  a  l'Univer- 
sité de  Genève. 

Jabba,   vice -consul,    chanceher   du    consulat 

d'Autriche  à  Smyrne. 
James  (Aimé-François). 


JUILLET  [1846.  73 

MM.  Jadbert  (le  chevalier  Am.),  pair  de  France, 
membre  de  llnstitut,  professeur  de  turc  à 
rÉcole  spéciale  des  langues  orientales  vi- 
vantes. 

JoMÂRD,  membre  de  l'Institut,  conservateur- 
administrateur  de  la  Bibliothèque  du  Roi. 

JosT  (Simon)  docteur  en  philosophie. 

Joyau  (Firmin) ,  conseiller  à  la  cour  royale  de 
Pondichéry. 

Judas,  secrétaire  du  conseil  de  santé  des  ar- 
mées, au  Ministère  de  la  guerre. 

JuuEN  (Stan.),  membre  de  rin$tit;ut,  profes- 
seur de  chinois  au  Collée  royal  de  France, 
Fun  des  conservateurs-adjoints  à  la  Biblio- 
thèque du  Roi. 

Kazimirski  de  Bibërstein  ,  bibhothécaire  de  la 

Société  asiatique. 
Krafft  (Albert) ,  secrétaire  de  la  Bibliothèque 

impériale,  à  Vienne. 

Laas  d'Aguen. 

La  Ferté  de  SENECTisRE  (le  marquis),  à  Azay- 

le-Rideau  (Indre-et-Loire). 
Lagrénée  (de),  envoyé  de  France  en  Chine: 
Lajard  (F.),  membre  de  llnstitut. 
Lancereau  ,  maître  de  conférences  au  collège 

royal  Saint-Louis. 
Lan  dresse  ,  bibliothécaire  de  l'Institut. 


74  JOURNAL  ASIATIQUE. 

MM.  LÀNGLors /membre  de  Tlnstitut,  inspecteur  de 
rUmversité. 

Lanjuinais  (le  comte),  pair  de  France. 

Laroche  (le  marquis  de),   à  Saint-  Amand- 
Montrônd. 

Larsow,  à  Beriin. 

Lasteyrie  (le  comte  de).  _ 
,  '     Latoùche  (JEmmanuel)^  élève  de^  TEcole  spé- 
ciale, des  LL.  00.  vivantes. 

Le  Bas  \  nieiiibre  de  Tlnstitut. 

Leduc  (Leombn). 

Leducq,  membre  de  l'Université. 

LënôrMant  (Ch.),  membre  de  Hnstitut,  admi- 
nistrateur de  la  Bibliothèque  du  Roi. 

Letteris  ,  directeur  de  Tlitiprimeriè  impériale 
orientale ,  à  Prague. 

LnjRi,  membre  de  Tlristitut,  professeur  à  la  fa- 
culté des  sciences  et  au  Collège  âe  France. 

LiTTRi ,  membre  de  l'Institut. 

LoEWE    (Louis)  ^  docteiu*    en    philiDsopbie ,    à 
Londres. 

LoNGARD  (le  docteur). 

LoNGPÉRiEîi  (Adrien  de)  ,  membre  de  la  Société 
réyale  des  Antiquaires.  •  -  i 

Mac  GuciLiN  de  Slane  (le  baron). 
Mandel  (le  D'),  à  Kremsir,  en  Moravie. 
Maïiakji  GuRSETJi,  à  Bombai. 
Marcel  (J.  J.),  ancien  directeur  de  rimprime- 
rie  royale. 


JUILLET  1846/     •     V  '\M. 

MM.  Marcéllin  de  Fresne.  -;  -   ::">^* 

Margossi AN ,  â  Londres^. 
Malry  (A.),  sous-bibHothécaire  de  Tlnstitut. 
Meier,  agrégé  à  Tubingen. 
Merfeld  ,  docteur  en  philosophie. 
Merlin,  soUs- bibliothécaire  au  Ministère  de 

Imtérieiu*. 
MiÉTHiviER  (Joseph),  propriétaire,  à  Bellegarde 

(Lôii^èt). 
MiGNET ,  membre  de  Tlnstitut ,  conseiller  d'État. 
MiLO«,  sénateur,  à  Nice. 
MoHL  (Jules) ,  membre  de  Tlnstitut. 
MoôN  (Christiaii). 
MoNRAD  (D.  G.),  à  Copenhague.  ; 
MôNTircci  (Henry). 
MooYER ,  bibliothécaire ,  à  Minden. 

MORDAUNT  RiCKETTS. 

MoRLEY,  trésorier  du  Comité  pour  la  publica- 
tion des  textes  orientaux ,  à  Londres. 

MosBLECH  (labbé). 

MoT+ELLET  (lîïibért  de),  secrétaire  de  la  So- 
ciété ethnolic^ique. 

MouRîÊR ,  attaché  au  cabinet  du  ministre  de 
l'instruction  {)ublique. 

Mdller  (Ph.  D.  Maximiiien). 

MuNR  (Si),  employé  aux  matiuscrits  de  la  Bi- 
bliothèque royale.  .   ■  '' 

Nkvè  ,  professeur  à  l'univessité  de  Louvain. 


76  •  JOURNAL  ASIATIQUE. 

MM.  OcAMPO  (Melchior).        ^      r      -, 

Orianne  ,  Conseiller  à  la  cour  royale  jde  Pondi- 
chéry. 

Pages  (Léon). 

Paravey  (le  chevalier  de),  membre  du  corps 

royal  du  génie. 
PARtEY(Ph.D.),  à  Berlin. 
Pasquier    (le    duc),    pair    et   chancelier  de 

France. 
Pastoret  (le  comte  Amédëe  de),  membre  de 

rinstitut. 
Pavie  (Théodore),  élève  de  l'École  spéciale 

des  langues  orientales. 
Perron,  directeur  de  TÉcoie  de  médecine  du 

Kaire. 
PiCTBT  (Adolphe),  à  Genève. 
PiQi^ÉRé,  professeur  à  l'Académie  orientale,  à 

Vienne. 
Platt  (William). 

PopoviTZ  (Demètre)  à  Jassy,  en  Moldavie. 
PoRTAL ,  maître  des  requêtes. 
PoRTALis  (le  comté),  pair  de  France,  premier 

président  de  la  cour  de  cassation,  membre 

de  rinstitut. 
PoujADE,  consul  de  France  à  Tarsous. 
Prisse. 
Pynappel  ,  D' et  lecteur  à  l'Académie  de  Delft. 

#       '    ■       _ 
QuiNSONAs  (vicomte  de). 


•JUILLET  1846.  77 

MM.  Rawlinson  ,  consul  général  d'Angleterre  à  Bag- 
dad. 

Râuzân  (le  duc  de). 

Régnier  ,  instituteurde  S.  A.  R.  le  comte  de  Paris. 

Reinaud  ,  melnbre  de  l'Institut ,  professeur 
d'arabe  à  l'École  spéciale  des  LL.  00. 

Reuss,  docteiur  en  théologie,  à  Strasbourg. 

RicARDO  (Frédéric). 

RiED  (Charles),  Pk  D. 

RiTTER  (Charles),  professeiu*  à  Berlin. 

RocHET ,'  statuaire. 

RoEDiGER,  professeiur  à  l'université  de  Halle.* 

RoEHRic  (Otto),  docteur  en  philosophie. 

RoHRBACHER  (l'abbé)  supérieur  du  séminaire  de 

.  Nancy. 

RoNDOT,  délégué  du  commerce  en  Chine. 

RôsiN  (de),  chef  d'institution ,  à  Nyon,  canton 
de  Vaud. 

RoTH,  doctevr  en  philosophie^ 

Roujet  (le  vicomte  Emmanuel). 

Rousseau  ,  secrétaire-interprète  attaché  au  par- 
quet de  M.  le  procureur  général ,  à  Alger. 

RoYER,  orientaliste,  à  Versailles. 

Salle  (le  commandeur  Eusèbe  de)  ,  professeur 
d'arabe  à  l'École  des  LL.  00.  succursale  de 
Marseille. 

Santarem  (le  vicomte  de),  membre  de  l'Aca- 
démie des  sciences  de  Lisbonne.,  correspon- 
dant de  l'Institut  de  France. 


r\ 


78  JOUR^AJ;^  ˤi^QtI^. 

MM.  Saulcy  (de)>  -mëmfcre/dé  Tlristitu^  conserva- 
teur du  Musée  d*artU|erie,    -,   * 

Sawelieff  (Paul),  attacJl^iàrAcadépaie  impé- 
riale des  sciences ,  à  Saint-Pétersl?oiirg. 

ScHULZ  (le  doctcîur) ,  à  Jérusalem. 

Scott  (D""  John) ,  à  Londres. 

Sédillot  (L.  Am.),  professeur  d'histoire  au 
Collège  royal  Saint-Louis, 

Sernin,  docteur-médecip  de  Thôpital,  à  Nar- 
bonne.  ' 

SKLOWER(Sigismond),  professeur  au  collège 
royal  d'Amiens. 

Smith  ,  attaché  au  cabinet  de  M.  le  ministre 
de  Imstruction  publique. 

Solvet,  substitut  du  proctœeiu*  général  à  Alger. 

SoNTHEiMER  (de),  chcf  d'état-major  médical  à 
Stuttgardt. 

STiEH^LiN  (J.  J.),  docteur  et  professeur  en 
théologie,  à  Baie. 

Staunton  (sir  Georges-Thomas),  membre  du 
Parlement. 

Stecher  (Jean),  professeur  à  luniversité  de 
Gand. 

Steiner  (Louis) ,  à  Genève. 

SuMNER  (Georges),  de  Boston. 

Therollçe. 

Thomas,  élève  de  TÉcole  spéciale  des  LL.  ÔO. 
TflEÏMOURAz  (S.  A.  R.  le  Tsarewitch) ,  à  Saint- 
.  Pétersboiu^g. 


JUILLET.  1846.  79 

MM.  Tolstoï  (le  colonel  Jacques). 
Troyer  (le  capitaine). 

ToLLBERG,  doctexir  en  philosophie  à  luniver- 
sité  d'Upsal. 

Umbret,  D'  et  conseiller  eeplésiastique ,  à  Hei- 
delberg. 

Vaïsse  (Léon),  proifôsseurà  l'Institut  royal  des 
sourds-muets/     .-^. .  ' 

Van  der  Maelen  ,*  directeur  de  Rétablissement 
géographique ,  à  Bruxelles, 

Vaucel  (Louis),  à  Champremont  (Mayenne). 

ViLLÈMAiN,  pair  de' France,  membre  de  l'Ins- 
titut. 

Vincent,  orientaliste. 

Vivien  ,  géographe. 

Weil  ,  bibliothécaire  de  lunivérsi^té ,  à  Heidel- 
berg,  • 

Wessely  (Th.  D. ) ,  à  Prague. 

Wetzer  (Henri Joseph),  professeur  de  littéra- 
ture orientale,  à  Fribom*g, 

Wetzstein  (Ph.  D.)  à  Leipzig. 

Wilhelm  de  Wurtemberg  (S.  A.  le  comte). 

WoRMS  (M.  D.),  àTécole  de  Saint-Cyr. 

Wustenpeld,  prof,  à  Guttingen. 

Yermoloff  (de),  général  au  service  de  Russie. 

Zenker  (Jules-Théodore),  docteur  en  philo- 
sophie. 


80  JOURNAL  ASIATIQUE. 

II. 

LISTE  DES  MEMBRES  ASSOCIÉS  ÉTRANGERS. 

SUIVANT  L'ORDRE  DES  NOMINATIONS. 

MM.  Le  baron  de  Hammer-Purgstall  (Joseph),  con- 

^    seiiler  aulique  actuel  à  Vienne. 

Ideler,  membre  de  l'Académie  de  Berlin. 

Le  docteur  Lee  ,  à  Cambridge. 

Le  docteur  Macbride  ,  professeur  à  Oxford. 

WiLSON  (H.  H.),  professeur  de  langue  sans- 
crite ,  à  Oxford. 

FRiEHN  (le  docteur  Charles-Martin),  membre 
de  l'Académie  des  sciences,  à  Saint-Péters- 
boiu*g. 

OuwAROFF,  ministre  de  Tinstruction  publique 
de  Russie,  président  de  f Académie  impé- 
riale à  Saint-Pétersbom^. 

Le  comte  de  Castiglioni  ^C.  0.),  à  Milan. 

Rickets  ,  à  Londres. 

Peyron  (Amédée) ,  professeur  de  langues  orien- 
tales, à  Tmîn. 
.    Freytag,  professeiu*  de   tangues  orientales  à 
l'université  de  Bonn. 

Kosegarten  (JeaurGodefroi-Louis),  professeiu* 
à  l'université  de  Greiswalde. 

Bopp  (F.),  membre  de  l'Académie  de  Berlin. 


JUILLET   1846.  81 

MM.  D'Ohsson  ,  ambassadeur  de  Suède  à  la  cour  de 
Berlin. 

Sir  Graves  Ghamney  Haughton  ,  associé  étran- 
ger derinstitut  de  France. 

Wyndham  Knatchbull,  à  Oxford. 

ScHMiDT  (L.  J.),  de  TAcadémie  impériale  de 
Saint-Pétersbourg. 

Haughton  (R.)  ,  professeur  d'hindoustani  au  sé- 
minaire militaire  d'Addiscombe ,  a  Croydon. 

MooR  (Ed.)  de  la  société  royale  de  Londres  et 
de  celle  de  Calcutta. 

Jackson  (J.  Grey),  ancien  agent  diplomatique 
de  S.  M.  Britannique ,  à  Maroc. 

Shakespear  ,  à  Londres. 
.   LiPOvzoFF ,  interprète  pour  les  langues  tartares, 
à  Saint-Pétersbourg. 

Le  général  Briggs. 

Grant-Duff,  ancien  résident  à  la  cour  de  Satara. 

HoGDSON  (B.  H.),  ancien  résident  à  la  cour  de 
Népal. 

Radja  Radhacant  Deb,  à  Galcutta.  . 

Radja  Kali-Krighna  Bahadour,  à  Galcutta. 

Manakji-Gursetji,  membre  de  la  Société  asia- 
tique de  Londres,  à  Bombai. 

Le  général  Gourtj  à  Lahore. 

Le  général  Ventura,  à  Lahore. 

Lassen  (Ghr.),  professeur,  à  Bqnn. 

Rawlinson  ,  consul  général  d'Angleterre  à  Bagr 
dad. 

viiï.  6 


82  JOURNAL  ASIATIQUE. 

MM.  VoLLERs,  professeur  de  langues  orientales,  à 
Giessen. 
KowAL^wsKi   (Joseph -Etienne),  professeur  à 

Kasan  •• 

FlûCel,  professeur  à  Meissen. 


JUILLET  1846.  83 

III. 
LISTE  DES  OUVRAGES 

PUBLIES  PAR  LA  SOCIETE  ASIATIQUE. 

Journal  ASikTiqjjE ,  seconde  série ,  années  i8a8-i835,  16  vol. 
in-8*,  complet;  i33  fr.  et  pour  les  membres  de  la  Société, 
100  fr.  Chaque  volume  séparé  (à  l'exception  des  vol.  I  et 
n ,  qui  ne  se  vendent  pas  séparément)  coûte  8  fr.  et  pour 
les  membres  6  fr. 

Troisième  série,  années  1 836- 1 84» ,  1 4  vol.  in-8%  1 7  5  fr. 
Quatrième  série,  années  1 843-1 845,  6  vol.  in-8*';  76  fr. 

Choix  de  fables  arméniennes  du  docteur  Vartan,  accom- 
pagné d'une  traduction  littérale  en  Français ,  par  M.  J.  Saint- 
Martin.  Un  vol.  in-8';  3  fr.  5o  c.  et  1  fr.  5o  c.  pour  les 
membres  de  la  Société. 

Eléments  de  la  Grammaire  japonaise  ,  par  le  P.  Rodriguez, 
traduits  du  portugais  par  M.  Landresse;  précédés  d'une 
explication  des  syllabaires  japonais,  et  de  deux  planches 
contenant  lès  signes  de  ces  syllabaires,  par  ^M.  Abel- 
Rémusat.  Paris,  1826,  1  vol.  in-8*;  7  fr.  5o  c.  et  4  fr.  pour 
les  membres  de  la  Société. 

Supplément  À:%.a  Grammaire  japonaise,  par  MM.  G.  de 
Hiunboldt  et  Landresse.  In-8*  br.  a  fr.  et  1  fr.  pour  les 
membres  de  la  Société. 

Essai  sur  le  Pâli  ,  ou  langue  sacrée  de  la  presqu'île  au  delà 
du  Gange ,  par  MM.  £.  Bumouf  et  Lassen.  i  vol.  in-S*", 
grand-raisin,  orné  de  six  planches;  la  fr.  et  6  fr.  pour  les 
membres  de  la  Société. 

Meng-tseu  ou  Mencius,  le  plus  célèbre  philosophe  chinois 
après  Confucius;  traduit  en  latin,   avec  des  notes,  par 


84  JOURNAL  ASIATIQUE. 

M.  Stan.  Julien.  2  vol.  in-8*  (texte  chinois  lithographie  et 
trad.)  ;  24  fr.  et\6  fr.  pour  les  membres  de  la  Société. 

Yadjnadattaèadha  ou  la  Mort  d'Yadjnadatta,  épisode 
extrait  du  Râmâyana ,  poème  épique  sanscrit  ;  donné  avec 
le  texte  gravé,  une  analyse  grammaticale  très-détaillée , 
une  traduction  française  et  des  notes,  par  A.  L.  Chézy,  et 
suivi  d'une  traduction  latine  littérale  par  J,  L.,  Burnouf. 
1  vol.  in-4'*,  orné  dé  i5  planches;  i5  fr.  et  6  fr.  pour  les 
membres  de  la  Société. 

Vocabulaire  géorgien,  rédigé  parM.  Klaproth.  1  vol.  in»-8'; 
1 5  fr.  et  5  fr.  pour  les  membres  de  la  Société. 

PoËME  SUR  LA  PRISE  d'Édesse  ,  lexte  arménien ,  re VU  par 
MM.  Saint-Martin  etZohrab.  iVol.  in-8°;  5  fr.  et  2  fr.  5o  c. 
pour  les  "membres  de  la  Société. 

La  Reconnaissance  de  Sacountala  ,  drame  sanscrit  et  pra- 
crit  de  Kâlidâsa ,  publié  en  sanscrit  et  traduit  en  français 
par  A.  L.  Chézy.  1  fort  volume  in-4*,  avec  une  planche, 
35  fr.  et  i5  fr.  pour  les  membres  delà  Société. 

Chronique  géorgienne,  traduite  par  M.  Brosset;  Impri- 
merie royale.  1  vol.  grand  in-8';  10  fr.  et  6  fr.  pour  les 
membres  de  la  Société. 

Chrestomathie  chinoise,  in-4';  10  fr.  et  6  fr.  pour  les 
membres  de  la  Société. 

éléments  de  la  langue  géorgienne  ,  par  M.  Brosset,  membre 
adjoint  de  TAcadémie  impériale  de  Rus#e,  1'  vol.  grand 
in-8';  Paris,  Imprimerie  royale.  12  fr*  et  7  fr.  pour  les 
membres  de  la  Société. 

GÉOGRAPHIE  d' Abou*lféda ,  texte  arabe,  par  MM.  Réinaud 
et  le  baron  de  Slane.  In-4^;  5o  fr.  et  3o  francs  pour  les 
membres  de  la  Société. 

Histoire  des  rois  du  Kachmîr,  en  sanscrit  et  en  français, 
•   publié  par  M.  le  capitaine  Troyer.  2  vol.  in-8";  36  fr.  et 
24  fr.  pour  les  membres  de  la  Société. 


JUILLET   1846.  85 

OUVRAGES  ENCOURAGÉS 

DONT    It    RESTB   DES    E  XE  MPL  A  I  RES. 

Tarafae  Moallaca,  cum  Zuzenii  scholiis,  edid.  J.  Vullers. 

1  vol.  in-4*;  4  fr.  pour  les  membres  de  la  Société. 

Lois  de  Manou,  publiées  en  sanscrit,  avec  une  traduction 
française  et  des  notes,  par  M.  Auguste  Loiséleur-Deslong- 
champs.  2  vol.  in-8°  ;  2 1  fr.  pour  les  membres  de  la  So- 
ciété. 

Vendidad-Sade  ,  Tun  des  livres  de  Zoroastre,  publié  d'après 
le  manuscrit  zend  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  par  M.  E. 
Burnouf,  en  lo  livraisons  in-fol.  loo  fr.  pour  les  membres 
de  la  Société. 

Y-KiNG,  ex  latina  interpréta tione  P.  Régis,  edidit  J.  Mohl. 

2  vol  in-8°;  i4  fr.  pour  les  membres  delà  Société. 

Contes  arabes  du  cheykh  El-Mohdy,  traduits  par  J.  J.  Mar- 
cel. 3  vol.  in-S",  avec  vignettes  ;  12  fr. 

MÉMOIRES  relatifs  k  LA  GÉORGIE ,  par  M.  Brosset.  1  vol. 
in-8*,  lithographie;  8  fr. 

Dictionnaire  français-tamoul  et  tamoul-français,  par 
M.  A.  Blin.  i  vol.  oblong;  6  fr. 

Nota.  MM.  les  membres  de  la  Société  doivent  retirer  les  ouvrages 
dont  ils  veulent  faire  l'acquisition  à  lagence  de  la  Société ,  rue  Ta- 
ranne,  n**  13.  Le  nom  de  l'acquéreur  sera  porté  sur  un  registre  et 
inscrit  sur  la  première  feuille  de  Texempiaire  qui  lui  aura  été  déli- 
vré en  vertu  du  règlement. 


86  JOURNAL  ASIATIQUE. 

IV. 

LISTE  DES  OUVRAGES 

MIS  EN  DÉPÔT  PAR  LA   SOCIETE   ASIATIQUE    DE  CALCUTTA  , 
POUB   LES  MEMBRES. 

Raja  Tabanjini,  Histoire  de  Kachmîr.  i  vol.  in-4*;  27  fr. 
MooJiz  el-Qanoon.  1  volin-S**;  i3fr. 
BÂSHA  Babichheda.  1  vol.  in-8*;  7  fr. 
LiLAVATi  (en  persan).  1  volume  in-8*;  7  fr. 
Persian  SELECTIONS.  1  vol.  in-8'';  lO  fr.  ' 

KiFAYA.  Vol.  m  et  IV.  a  vol.  in-4';  38  fr.  le  volume. 
Inatah.  Vol.  III  et  IV.  2  vol.  in-A*;  38  fr.  le  volume. 
Anatomy,  description  of  THE  HEART.  (En  pcrsau.)  1  vol. 

in-8';  2fr.  5o  c. 
Raghu-Vansa.  1  vol.  in-8';  18  fr. 
AsHSHDRH  ooL-MooGHNEE.  1  vol  in-4*;  38  fr. 
Thibetan  Dictionary,  by  Csomade  Kôrôs.  i  vol.  in-4'  ;  27  fr. 
Thibetan  Grammar;  by  Csoma  de  Kôrôs.  i^vd.  in-4*;  22  fr. 
MX&ÂBHÂRATA.  4  vol.  in-^*;  chaque  vol.  3o  fr. 
Table  des  matières  du  Mahâbhârata,  quatre  cahiers  in -4**; 

16  fr. 
SusRUTA.  2  vol.  in^';  25  fr. 
Naishada.  1  vol.  in-8';  22  fr. 

AsiATic  Researches.  Tomes  XVI  et  XVII.  2  vol.  in-4*;  34  fr. 
le  volume. 

Tome  XVin,  i"et  2* part.  1  vol.  in-4";  22  francs  chaque 
partie, 

Tome  XIX ,  1"  partie.  1  vol.  in-4';  25  fr. 

Tome XX,  impartie.  1  vol.  in-4*;  22  fr. 

Index,  1  vol.  in-4*;  20  fr. 
Journal  of  the  Asiatic  Society  of  Bengal.  Les  années 

1 836- 1845.  4o  fr.  Tannée. 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

AOUT-SEPTEMRRE  1846. 


LA  RHÉTORIQUE 

DES  NATIONS  (MUSULMANES, 

D'APRÈS  LE  TRAITÉ  PERSAN  INTITULÉ  :  BADÂTIK  etBAlÂGAT ; 

Par  M.  Garcin  de  Tassy. 

*      .  (3*  EXTRAIT  '.  ) 


IV  PARTIE. 

LA  SCIENCB  DES  FIGTOES ,    çiU^lj  «jlt^Jf  ^JU  . 

On  entend  par  là  Tart  d'employer  corivenable- 
^^mentpourrembellissentientj  (:^h«^,  du  discours,  et 

*  Dans  mon  second  extrait,  il  s'est  glissé  quel<}ues  inexactitudes 

^ont  m'a  fait  apercevoir  mon  honorable  ami  M.  lé  chevalier  Alex. 

^hodzko ,  qu'un  longf^éjour  en  Perse  a  familiarisé  avec  les  difBciittés 

^e  la  langue  persane,  et  qui  est  connu,  entre  autres,  dans  le 

inonde  savant,  par  son  intéressant  volume  intitulé  Popuhr  poetry 

cfPersia: 

1^  Dans  le  chapitre  ii,  att  premier  vers  d'Âçadi;  les  niots  ^  ' 
fji^^  doivent  être  tradidts  par  :  •  Son  sucre  est  marchand  de  vin ,  » 
ainsi  que  le  prouve  la  note  qui  explique  cette  expression. 

a**  Au  deuxième  vers  d'Açadi,  il  faut  lire  (jL-a»^;-^  \j  ^jà 
viii.  7 


90  JOURNAL  ASIATIQUE, 

non  par  nécessité,  certains  tours  d'éloquence  nom- 
més figures  de  paroles. ou  de  mots,  lôiJ,  et  figures 
de  sens  ou  de  pensées ,  ^^Jt*  ^^ 

Ces  deux  classes  de  figures  formeront  deux  chapi- 
tres distincts,  et  nous  commencerons  par  les  figures 
de  pensées ,  puisque  la  pensée  précède  lexpression. 

CHAPITRE  P'. 

i 

DES  FIGUJRES  DE  PENSEES. 


SECTION  PREAIIÈRE. 

De  l'antithèse,  /WUb* 

On  nomme  antithèse,  j^Ut  ou  ^Ik.*,  et  con- 
traste ,  :>Uîx3 ,  la  figure  qui  consiste  à  employer  dans 

^si^eXÂJj^  et  traduire  :  c  La  raison  trouve  un  trésbr  dans  ce  corail 

qui  parle.  »  ^ 

y  ï)ans  ia  section  lî  du  même  chapitre,  la  traduction  du  vers 

de  Jahalî  doit  être  ainsi  rétablie  :  «Ton  discours  est  la  preuve  de 

ta  conduite  délicate.  Tes  actions  témoignent  de  ia  noblesse  de  ton 

lignage.  » 
.4°  Dans  le  vers  du  même  Jabalî,  vers  cité  dans  la  section  ly,  le 


second  hémistiche  doit  être  lu 


Ofi- 


a.    cx«^j:>    ty>J  > 


J^  u^.  ^jiy^<^^  traduit:  «La  violette,  au  bord  du  ruisseau,  est 
comme  la  beauté  attrayante  qui  enlève  le  cœur,  t 

5°  Dans  le  vers  de  Sanâyî  cité  chapitre  m.,  les  mots  qI^  K  J3 
doivent  être  traduits  par  «une  mine  d'or  pour  le  cœur.t 

^  Oa  distingue  ces  figures  de  celles  dont  il  a  été  fait  mention 
dans  la  piremière  partie  ou  Exposition,  (^L^.  .c'est-à-dire  de  la 
comparaison ,  du  trope ,  de  la  métaphore  substituée  et  de  la  méto- 
nymie. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  91 

lé  8îscoi|rs  deux  mots  dont  le  premier  a  un  sens 
opposé  ou  contraire  au  second.  Les  deux  mots  dont 
il  s'agit  ici  peuvent  être  lun  et  1  autre  des  noms , 
jAift!,  des  verbes,  Jjw,  des  particules ,  Ojs^,  ou  lun 
un  nom  et  1  autre  un  verbe,  et  ils  peuvent  être  em- 
ployés ou  affirmativement ,  v^'  à^/^  »  ^^  néga- 
tivement, :<-A*m  ^3^Ja^^  •  ^ 

On  trouve  un  exemple  de  rantithèse  d'un  nom 
avec  un  nom  dans,  ce  passage  du  Coran  ^  :  a,^^-»*^* 

^yij  f^^  UôUrfl  «vous  les.  croyez  éveillés  et  ils  sont 
endormis;  »  et  dans  ce  vers  d'Abduhvâcî-Jabalî  à  la 
louange  dun  cheval,  vers  où  se  trouve  réunie  la 
mention  des  quatre  éléments  : 

O  toi  qui  t'élèves  en  haut  comme  le  feu  et  qiïi  descends 
en  bas  comme  Teau!  Toi  qui  as  la  qualité,  de  la  terre  quant 
à  la  solidité  et  celle  du  vent  quant  à  la  vitesse. 

L'antithèse  dun  verbe  avec  uii  verbe  se  trouve 
dans  ces  mots  du  Coran  ^  :  ohv-Tj  (s^  «  il  vivifie  et 
il  fait  mourir;»  et  dans  ce  vers  de  Salmân-Sâwaji : 

ljft>i      :i)^  (-^1  «XJuumJ  (^xjUj  ANAaw  ^yff^  y:>^ 

Lorsque  la  flamçae  de  ton  épée  s*élève  (se  lève),  Teau  se 
place  (s'asseoit)  sur  le  feu.  Lorsque  la  coupe  de  ton  banquet 
soarit,  le  nuage  répand  ses  larmes  dans  la  mei^. 

*  XVIII,  17. 

*  11,260. 


•*•. 


92  JOURNAL  ASIATIQUE. 

.  L antithèse  dune  particide  avec  une  particule  se 
remarque  dans  ce  passage  du  Coran  ^  :  o^-j-y^S^U  l^ 
oi-eyk*jc5"l  U  lfr^3  c(  à  elle  (1  ame) ,  sera  comptéle  bien 
qu'elle  aiura  acquis  et  contre  elle  lé  mal  dont  elle 
se  sera  chargée;  »  et  dans  ce  vers  de  Saudâ  cité  par 
Imâm-Bakhsch  : 

Je  suis  ce  faible  oiseau  qui  de  l'emplacement  du  jardin 
ne  puis  arriver  sans  échelle  jwçu'éà  mon  nid. 

On  trouve  un  exemple  de  lantithèse  négative  ou 
de  spoliation,  (s^  ^i^t»,  dans  ce  vers  de  Nizâmi: 


Qu'y  a-t-il  de  mieux  dans  le  monde  que  d'être  consumé 
d'amour  P  Car  sans  lui  la  rose  ne  sourit  pas  et  le  ntiage  ne 
pleure  pas. 

Selon  rautetu»  du  Talkhis^,  on  doit  distinguer- 
deux  sortes  d'antithèses,  raffirmalive,  jL:^!,  et  la 
négative,  (S^,  et  comme  exemple  de  cette ller- 

■  »  ïi,  286. 

^  Le  Talkkîs  ul-miftah,  par  Jalâl-uddîn  Mahmûd  Cazwiiiî,,est  Ta- 
brégé  du  Miftah  ul-ulûm  de  Sukâkî.  Ce  dernier  traité  a  été  com- 
menté par  Taftazâni  dans  deux  ouvrages  différents,  le  Mukhiapar 
(court)  et  le  Muiawwal  (long),  et  ces  ouvrages  ont  été  commentés 
à  leur  tour  par  d'autres  auteurs.  G*est  au  Matawwal  et  au  Mukhtaçar 
que  fait  allusion  Wali dans  ce  vers  (pag.  a  i ,  lig.  24  de  mon  édition)  : 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  93 

nière  espèce,  il  cite  ce  passage  du  Coran ^  :  ^AJ^  ^ 
^yitctJ^^  (j-UJi  «ne  craignez  pas  les  hommes,  mais 
craignez -moi.))  CetW  opinion  est  soutenue  par 
plusieurs  autres  rhéteurs,  entre  autres  par  Imâm- 
bakhsch ,  dans  le  traité  de  rhétorique  qu'il  a  rédigé 
en  faveur  des  habitants  de  Tlnde^;  mais lautem*  du 
traité  persan  qui  sert  de  base  à  mon  travail ,  n'est 
pas  d'avis  de  distinguer  l'antithèse  en  affirmative  et 
négative.  Il  pense  qu'il  doit  y  avoir  à  la  fois,  dans 
toute  antithèse ,  affirmation  et  négation ,  et  que  l'affir- 
mation ou  la  négation  seide  ne  constitue  pas  véri- 
tablement cette  figure,  mais  que  c'est  la  réunion  de 
ces  deux  choses  qui  la  constitue.  Par  exemple,  dit-il^ 
dans  le  passage  cité  précédemment  :  j-^i^-A-Çj  45^"?  «il 
vivifie  et  il  fait  mourir,  ))  on  n'a  pas  seulement  en 
vue  l'affirmation,  v^'^  Jï^^ds  on  a  aussi  en  vue  la 
négation,  <-*»!*«. 

^ — t^J — ^1— ^  ^  ^^  O^ ^^  (Jji^' 
Chaque  nuit,  on  traitait  de  tes  longs  cheveux  avec  le  Mutawwal  (c^estaà- 
dire  longuement)  ;  mais ,  en  voyant  ta /Oeiite  bouche,  on  pariait  du  Mukhtaçar 
(c'est-à-dire  petitement ,  en  rapport  avec  la  petitesse  de  ta  bouche) . 
»  V,  48.  -       .    ' 

•  Ce  traité,  qui  porte  le  même  titre  que  Touvrage  de  Faquîr, 
ouvrage  qu^Imâm-bakhsch  a  pris  pour  base  de  son  travail,  sans 
s^astreindre  à  le  suivre  servilement,  encore  moins  à  le  traduire,  a 
été  lithographie  dernièrement  à  Dehli  par  les  soins  de  M.  Bou- 
iros^  ancien  principal  du  collège  établi  en  cette  ville  et  secrétaire 
du  Vemacular  Translation  Society.  Une  des  cho&es  qui  donnent  le 
plùa  d*intérét  et  de  nouveauté  au  jtravail  d'Imâm^bakhsch ,  c'est  .qu'il 
a  partout  remplacé  les  vers  arabes  et  persans  des  traités  antérieurs 
par  des  vers  hindouslanijEf ,  qui  souvent  éclaircissent  mieux  que  les 
p^'emiers  l'obscurité  de  la  théorie. 


94  JOURNAL  ASIATIQUE, 

On  appelle  ornement,  ^*>^*,  une  espèce  danti- 
thèse  où  l'on  mentionne  les  couleurs,  ^1^1,  pour 
louer  ou  blânjer  sous  formeStie  métonymie ,  i^\jS^j 
ou  dinsinaation ,  -l^t  [faire  soupçonner)^.  Dans  ce 
cas  il  n'est  pas  nécessaire  d  employer  plusieurs  cou- 
leurs, mais  une  suffit  Le  vers  suivant  de  Açadî-Tûcî 
oflre  un  exemple  de  cette  figure  : 

(:5?! ^>  iSX)  ^jy  c/'  * ^  J— ^!> 

Le  lieu  de  Tembuscade  est  rouge  par  son  épée ,  la  terre 
est  jaune  par  la  pluie  de  sa  main. 

La  première  expression  employée  dans  ce  vers 
est  une  métonymie  pour  indiquer  de  nombreux 
massacres,  et  la  seconde  est  une  autre  métonymie 
pour  signifier  la  générosité  qui  répand  i  or  à  pleines 
mains. 

Une  autre  espèce  d'antithèse  consiste  à  réunir 
deux  choses  dont  lune  dépend  dune  autre  qui  est 
contraire  à  la  première.  Dans  ce  cas,  il  suffit  d'une 
seule  espèce  de  dépendance,  cjJ*3,  quelle  soit  rela- 
tive à  la  cause ,  o-aaa^,  inhérente  au  sujet,  |*j^,  ou 
qu'elle  soit  toute  autre.  On  trouve  un  exeniple  de 

^  Iniâm-bakhsch  nous  apprend  qu'on  entend  par  jXaj]  une  ex- 
pression qui  a  deux  sens  :  un  sens  proche  o\i  coiAmun,  o^j5 ,  et 
un  sens  éloigné  ou  rare,  cXasu,  et  qui  est  employée  dans  le  -cas 
dont  il  s  agit,  non  pas  dans  ie  sens  proche,  mais  dans  le  sens  éloigne. 
Il  cite  comme  exemple  le  moij^Ay  mihr,  qui  signifie  communément 
soleil,  et  rarement  amour. 


AOUT-SEPTEMBBE  1846.  95 

cette  figure  dans  ce  passage  du  Coran  ^  :  Jl^  i^t^x^il 
fo^j^. ^Wj j^^  «ils  (les  croyants)  sont  féroces  en- 
vers les  itîfidèïes  et  compatissants  entre  eux.  n 

.  La  férocité,  c:>o^,  nest  pas  iopposé  de  la  com- 
passion ,'ov^  ,  mais  de  la  douceur,  c^j^J,  et  celle-ci, 
qiy  en  est  iopposé,  est  la  cause  de  la  compassion. 
Le  vers  suivant  JArzaquî  offre  un  autije  exemple 
de  cette  variété  d  antithèse  : 

Mon  œil  a  emprunté  à  ton  rubis  l'usage  de  répandre  des 
perles  * ,  ta  chevelure  a  emprunté  son  désordre  à  celui  de 
mon  état. 

Répandre  des  perles  nest  pas  Topposé  du  -dés. 
ordre  dont  il  s  agit  dans  le  second  hémistiche  de  ce 
vers ,  mais  la  tranquillité  et  le  bonheur,  qui  y  sont 
opposés,  sont  cause  qu'on  jette  des  perles. 

Une  autre  espèce  d  antithèse  est  celll^  qu  on 
nomme  ^Uà^  ^^^j  faire  soupçonner  le  contraste.  F^We 
consiste  à  exprimer  deux  choses  qui  ne  sont  pas 
opposées  Tune  à  fautre,  par  deux  mots  dont  le  sens 
réel  est  en  contraste.  Le  vers  suivant  de  Faquîr 
offre  un  eiemple  dé  cette  figure: 

•  XLVHI,  29.  •  3* 

•  Le  rubis  signifie,  par  m^aphore , . ^5  lèvres,  et  les  perles  indi- 
quent les  larmes.  L'expression  de  répandre  des  perles  signifie  propre- 
ment la  cérémonie  appelée  jUj  ,  et  usitée  dans  le  mariage  5  et,  au 
figuré,  les  perles  du  discours  expriment  Véloquence,  ou  plutôt  ce  que 
nous  nommons  les  fleurs  du  discours. 


96  JOURNAL  ASIATIQUE. 


La  nuit  que  j*aî  passée  en  ta  compagnie  s'est  terminée  ; 
i'aiarore  sourit  et  moi  je  pleure. 

Il  n  y  a  pas  d'opposition  ni  de  contraste  enlfe 
i aurore  etpieurer,  mais  entre  la  métaphore  des- 
criptive dff  aurore  et  pleurer. 

Sukald  distingue  de  Xaniiihèze  ime  figure  nonmiée 
proprement  opposition,  xX^liu,  et  qm  consiste  à  énon- 
cer une  ou  plusiei^s  choses  concordantes  entre  elles 
et  à  exprimer  ensuite,  parallèlement  dans  le  même 
ordre,  des  contrastes  à  ces  choses;  comme,  par 
exemple,   dans  ce  passage  du  Coran ^  :  I^XL^^aU 

]^jSS' \yCAji^  ^KaXj  «qu'ils  rient  peu;  car  ils  pleu- 
reront beaucoup.  >x  Les  mots  rire  et  pea  exprimés 
d'abord,  n'offrent  pas  d'opposition  entre  eux,  mais 
ils  sont  en  contraste  avec  pleurer^et  beaucoup  qui  ont 
été  emj^yés  dans  le  second  membre  de  la  phrase. 
Voici  lin  autre  exemple  de  cette  figure  dans  le 
vers  suivant  d'Amîr-^Mazî  : 

Ses  amis  sont  Tobjet  de  ses  faveurs,  étant  honorés  à  cause 
d^  leur  heureux  horoscope  ;  ses  ennemis  sont  enfermés  dans 
ses  prisons,  étant  avilis  à  cause  de  leur  mauvais  sort. 

Malgré  l'opinion  de  Sukâki ,  les  auteiu^s  du  Talkhîs 

'  IX,  83. 


AOUT-SEPTEMBRE'  1846.  97 

et  dvL  Mutawwal  ont  compté  cette  figure  .parmi  les 
variétë$  de  lantithèse,  ce  qui  paraît  plus  exact,  puis- 
qu'elle exprime,  en  effet,  i opposition  et  le  con- 
traste. 

SECTION   II. 

H  GonveDance,  ^xwUï. 

Cette  figure  nommée  proprement  ^jiAlâjJ!  »Utj^, 
ce  qui  signifie  avoir  égard  aux  analogues ,  et  aussi 
appelée  (j^^  ou  accord,  consiste  à  réunir  dans  le 
discoiu*s  des  choses  qui  ont  entre  elles  un  rapport 
de  convenance  et  non  de  contraste  et  d'opposition. 
Le  vers  suivant  d'Anwarî  en  offre  un  -exemple  : 

0  échaâson,  lève-loi!  car  la  rose  s'est  épanduie  et  a  fait 
honte  à  la  constellation  d'Qrion;  le  jardin  est  le  paradis;  le 
vin,  Teau  de  Kauçar;  et  le  platane,  le  tuba. 

SECTION    lïl. 

Insinuation  de  la  convenance,  o^Iâj  ^^rit* 

Cette  figure  consiste  à  mentionner  deux  choses 
en  se  servant  de  deux  expressions  différentes  dont 
l'une  a  deux  sens,  un  qu'on  a  en  vue,  et  l'autre 
qu'on  n'a  pas  en  vue,  mais  qui  est  en  rapport  avec 
le  sens  de  la  première  expression;  comme  dans  ce 
passage  du  Coran  ^  :  Ai^l^^UuM^^^i^t^  (jm^^I^ 

*  Lv,  4  et  5. 


98  JOURNAL  ASIATIQUE, 

^!  «Xjdâ^  j-j^^^  «  le  soleil  et  la  lune  se  meuvent  d  utie 
manière  calculée ,  les  plantes  elles  arbres  se  courbent 
poiu*  adorer  Diea.  » 

Ici  le  mot  ^^  est  pris  dans  le  sens  de  plante,  ou 
plutôt  d'heite  sans  tige,  par  opposition  kj^,  qui  ex-* 
prime  un  végétal  qui  a  une  tige,  et  on  nànas  en 
vue  sa  signification  plus  ordinaire  d'^oî/^,  signifi- 
cation qui  s  accorde  néanmoins  avec  la  mention  du 
soleil  et  de  la  lune. 

Le  vers  suivant  de  Khacânî  offre  un  autre  exemple 
de  cette  figure  : 

Ton  souffle  embaumé  fait  parvenir  à  l'odorat  de  tous ,  dans 
le  monde  hexagone ,  le  parfum  du  muçallas. 

Ici  le  mot  CaAx*  est  employé  pour  désigner  im 
pârfiun  qui  ressemble  à  lencens ,  et  on  n a  pas  en 
vue  l'autre  sens  plus  ordinaire  de  ce  mot,  à  savoif 
la  figure  de  géométrie  nonmiée  triangle;  mais  ce 

dernier  sens  est  en  rapport  avec  le  mot  ^;*.4X»wwo , 
hexagone, 

SECTION  IV. 

Ressemblance  ou  conformité ,  xJ^LmJ». 

Cette  figure  consiste  à  exprimer  une  chose  par  le 
nom  dWe  autre  chose,  à  cause  que  les  choses  dont 
il  s'agit  sont  mentionnées  ensemble.  Les  passages 
suivants  du  Coran  ^  offrent  des  exemples  de  cette 

'  XLii,  38;  III,  27. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  99 

figure  :  aMI^^^  hj^3  ^^  *^  -^Ij^i  «la  rétribu- 
tion du  mal  est- le  mal;  ils  trompèrent,  et  Dieu  les 

trompa.  » 

fi 
Dans  ces-  deux  versets,  les  mot&  a^u«,  fnal,  et 

j^,  tromperie,  ont  le  sens  de  vlô^  patiition,  k  cause 
que  ces  expressions  ont  été  employées  par  confor- 
mité ,  aJAAi*,  avec  le  mal  et  la  tromperie  qui  ont  eu 
lieu  de  la  part  des  infidèles.  Ainsi  le  sens  du  pre- 
mier verset  est  celui-ci  :  «  La  rétribution  du  mal  est 
la  punition  ;  »  et  celui  du  second  est .:  «  Les  infidèles 
usèrent  de  ruse  (et  Dieu  les  punit.  » 

Le  vers  suivant  de  Saïb  ^  offre  un  troisième 
exemple  de  cette  figure  : 

'^       (j<X       .ij^5  4X 9y       .»,^  2UJg?  Sysm.  »ijJ^  e\^ 

n  vaut  mîewque  les  lèvres  de  là  demande  soient  cousues  ; 
est-ce  en  vain  que  le  derviche  fait  des  reprises  à  son  froc?    ' 

Par  «là  coutiu^e  des  lèvres,  »  le'poëte  a  voulu  ex- 
primer le  siàence ,  et  son  intention  est  de  le  recom- 
mander. 

SEÔTION  V. 

Âcconplement,  Aâ^atj^. 

Cette  figure  consiste  à  exprimer  d'abord  deux 
choses  en  rapport  de  conditiouy  ioj^,  et  de  rétriba- 

^  Mirzâ  Muhammad  Mi  Sâib  (lp^jU^)  Tabrézî,  c'est-à-dire  de 
Tauris ,  est  un  poète  persan  très-distingué ,  et  dont  le  diwân  jouit 
d'une  assez  grande  célébrité.  II  vivait  dans  U  xVii"  siècle  de  notre 
ère.  (Voyez  Hammer  y  Redek.  Pers,  pag.  3  93.)     ,    ^,^    >  ;: 


100  JOURNAL  ASIATIQUE. 

tion,  ^]y>'  (à  la  condition),  puis  à  employer  la  même 
combinaison  pour  deux  autres  choses.  Ljb  vers  sui- 
vant de  Faquîr  en  pfïre  im  exemple  : 

.  Lorsque  tu  me  vois,  ta  douceur  se  change  Qn  colère; 
lorsque  je  te  vois,  ma  patience  se  change  en  agitation. 

Le  but  du  poète,  dans  ce  vers,  c'est  de  mettre  en 
relief  la  diflFérence  de  Tétat  de  la  maîtresse  et  de 
celui  de  lamant,  et  il  a  employé,  à  cet  effet,  la  figure 
de  rhétorique  nommée  to-^t^. 

SECTION  VI. 

Indication,  3L^I. 

Cette  figure,  qu'on  nomme  aussi  ^t^^Mê^,  jeti*nne^ 
flèche  ^ ,  consiste  à  employer  au  col^lnencement 
d'ime  phrase  une  expression  qui  fait  comprendre 
qu'ime  autre  expression  terminera  cette  phrase.  En 
voici  im  exemple  dans  ce  passage  du  Coi^n^j  ^^1^  Uj 
^jyll^  ^.^mJû)  \y^  {J&^  l>a.tiSj  M\  ((  Dieu  n  était  pas 
capable  de  les  traiter  injustement,  mais  ils  se  trai- 
taient injustement  eux-mêmes.  » 

Ici  l'emploi  dans  la  première  partie  de  la  phrase 
de  l'expression  traiter  injustement,  annonce  l'emploi 

^  Cette  expression  a  quelque  analogie  avec  celle  dont  on  se  sert 
quelquefois  en  français  lorsqu^on  dit  :  «  Il  a  jeté  une  pierre  dans  son 
jardin ,  »  pour  signifier  :  c  II  lui  a  adressé  indirectement  un  mot 
piquant.  » 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  101 

de  la  même  expression  dans  la  seconde.  Dans  le 
vers  suivant,  qui  est  tiré  dune  cacîda  d'Amru-ben-* 
Madîkarb\  il  en  est  de  même  pour  le  mot  jla^Uu: 


Lorsque  ta  ne  peux  réussir  dans  une  affaire,  abandonne-ia 
et  passe  à  ce  qui  t'est  possible. 


SECTION  VII. 


Rebours,  /jh^^* 

Cette  figure ,  qu'on  nomme  aussi  cK>Oyj  ou  inver- 
sion, consiste  à  mentionner  une  chose  avant  une 
autre,  puis  à  mettre  la  dernière  avant  la  première 
et  celle-ci  à  la  place  de.  la  dernière,  comme  dans 
ce  passage  du  Coran  ^  :  ^j-^^  ^^^^^  (j^^'cs^  ^J^ 
45^  (^  4;;^ï  «  il  tire  le  vivant  du  mort  et  il  tire  le 
mort  du  vivant  ;  »  et  dans  ce  vers  d'Anwarî  : 

.J:>  ^/^4X  <^  A — >a>  ,   ,>. — $L  ^:>  ^ — i 

J'ai  un  cœur  qui  sympathise  toujours  avec  le  chagrin  ;  j  ai 
un  chagrin  qui  sympathise  toujours  avec  le  cœur.  ' 

SECTION .  VIII. 

Retour  (sur  ce  qui  a  été  dit) ,  S'^s» 

Cette  figure  consiste  à  annider  une  chose  qu'on 

'  Ge  poète  était' fils  du  plus  vaillant  des  Âcabes,  Madikarb,  qui 
vivait  sous  Omar,  le  deuxième  khalife.  Son  ép4e ,'  la  plps  célèbre ,  à 
cette  époque,  de  tout  l'Orient,  se  nommait  samsàm  ^^1^0»-^  i  et 
notre  poète  en  hérita.  ( D'Hèrbelot, "fiiiZ.  or.  etc.) 

>  XXX,  iÇ. 


102  JOURNAL  ASIATIQUE. 

a  d  abord  dite ,  et  à  Tappliqùer  à  un  autre  objet  pour 
•  eh  tirer  un  bon  mot  ou  une  expression  heijfeuse. 
Le  vers  suivant  d'Ansarî^  en  offre  un  exemple: 

3j^  ^^  ^•H  •^  ^3  v^  y^^'^yf  •^  y^ 

Elle  était  conime  une  lune  et  un  cyprès-,  non  ^  «elle  n*était 
ni  une  lune  ni  un  cyprès,  car  le  cyprès  n  a  pas  de  robe  et 
la  lune  ne  se  serre  pas  avec  une  ceinture. 

Le  but  du  poète,  en  revenant  sur  ce  qu'il  a  dît, 
cest  d'exalter  la  femme  qu'il  $ime  au-dessus  de  la 
lune  et  du  cyprès. 

SECTION   IX. 

Dissimulation,  f^.jyi- 

Cette  figm-e ,  qu'on  nomme  aussi  -l^l ,  insinaation , 
c'est-à-dire  insinuer  ce  qu'on  veut  dii^e,  le  faire  con- 
jectm'er ,  consiste  à  employer  une  expression  qui  ait 
deux  significations,  tine  prochaine  (ou  propre),  et 
l'autre  éloignée  (ou  figurée),  et  à  employer  cette 
expression  dans  sa  signification  éloignée,  en  s'ap- 
puyant  sur  une  analogie  cachée,  AAJiài.  aâ^.  Il  y 
en  a  deux  espèces  :  i**  celle  qui  est  dépouillée,  »>^, 
de  ce  qui  pourrait  indiquer  le  sens  qu'on  a  en 
vue;  2®  celle  dont  iè  sens  découle,  »^j>f ,  du  con- 
texte. 

On  trouve  un  exemple  de  la  première  dans  ce 

'  Ansarî  est  un  des  poètes  persans  auxquels  on  donne  ie  titre  de 
Malik  usscfiwarâ  ou  roi  des  poètes.  Il  vivait  dans  la  première  moitié 
du  II*  siècle.  (Voyez  Hàmmer,  Rêdek,  Pers.  pag.  46.) 


AOUT-SEPTÈMBRE  1846.  103 

passage  du  Coran  ^  :  ts^f^\  {^j^^  i^i^j^^  «ie  misé- 
ricordieux s'est  assis  sur  son  trône.  »  Ici  ie  mot  t^yu»î 
est  pris  dans  ie  sens  de  5^*Awt  ,  dominer  y  être  an- 
dessus  de,  etc.  mais  cette  signification  est  éloignée, 
car  i^^yUu]  signifie  proprement  être  égal  ou  pareil,  et 
elle  n'est  indiquée  dans  ie  contexte  par  aucune  ex- 
pression qui  convienne  à  ce  sens. 

On  trouve  im  exemple  de  la  seconde  espèce  dans 
cet  autre  passage  du  Coran  ^  ;  tXjl?  Ul^xv  ^UwJt^ 
«  nous  ayons  bâti  le  ciel  avec  puissance.  »  Ici  le  mot 
4X^,  dont  *>s'  (<^^')  est  le  pluriel,  mot  qui,  au  sens, 
proche  ou  propre ,  signifie  main ,  est  pris  dans  ie  sens 
éloigné  ou  figm-é  de  puissance,  et  l'expression  l^ljUJi^ 
convient  à  cette  dernière  signification. 

SECTION  X. 

Asservissement,  AJjkiéLwi. 

Cette  figm-e  consiste  à  paraître  vouloir  employer 
dans  un  sens  une  expression  qui  a  deux  significations , 
et  à  rappeler  l'autre  sens  par  un  pronom  qui  se- rap- 
porte à  cette  expression  ;  comme  dans  ce  vers  arabe: 

Lorsque  la  pluie  tombe  sur  la  terre  d'une  tribu,  nous  avons 
fait  paître  cela,  quoique  cette  tribu  fût  en  colère  contre  nous. 

Le  mot  >*Uw ,  ciVÎ,  est  pris  ici  dans  un  sens  méta- 

*   XX, 4. 
2   LI,  47. 


104  JOURNAL  ASIATIQUE.; 

phoriqùe  pour  signifier. pïaie;  et  le  pronom  suffixe,, 
qui  dans  l'expression  »Ua^  se  rapporte,  gs>*[),  à  ce 
mot,  est  pris  pour  les  plantes,  c:>lf»i 


SECTION  XI. 


Réunion  et  dispersion,  j^^  ^^; 

Cette  figiu-e  consiste  à  exprimer  d'abord  différentes 

choses  dune  manière  ou  détaillée,  ^KjiiU,  ou  som- 

nâaire,  ^V^,  puis  à  naentionner,  sans  désignatipii 
particidière ,  ce  qui  se  rapporte  .à  chacime  d'elles. 
Dans  le  premier  cas,  elle  est  ou  régulière,  4ç*J^, 
ouirrégtdière,  u-»^^  j^.  Elle  est  régulière,  lorsque 
l'arrangement- de  la  première  partie  de  la  pl^»asç, 
c'est-à-dire  de  la  réunion,  oJ,  est  conforme  à  celui 
de  la  seconde  partie  ou  de  la  dispersion,  j^âJ; 
comme  danjs  ce  vers  de  Mukhtari  : 


1  2  9  4  5 

Le  nuage,  le.  firmament,  les  asires,  rOcéaii,  là  phue 

1  '2  *  s 

ne  sont  pas  comparables  à  sa  bonté,  sa  majesté,  son  habi-. 

4  5. 

leté,  son  esprit,  sa  générosité. 

La  meilleure  variété  de  cette  figure  est*  celle  qui 
consiste  à  réunir  plusieurs  réunions  et  dispersions, 
j-ôJ^.  v-A3  «xâ^,  de  façon  que  chaque  dispersion  ,j^ 
c^pMÛ^,  soit  réimion,  vjJ,  pour  l'autre  dispersion, 
j^.^y^i£^yi*  En  voici  un  exemple  tiré  de  Fir- 
daucî  : 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  105 

^^^^^ **'^^  '^ ^   *— * — A «^  J—^  1;   u^ 

1 

Ce  héros  illustre,  au  jour  du  combat,  avec  son  épée,  son 

2  3  4  1  2  3  4 

poignard,  sa  massue  et  son  arc,  tailla,  déchira,  brisa  et  lia 

1  2  3  4 

aux  braves  la  tète,  la  poitrine,  les  pieds  et  les  mains. 

Et  dans  ce  vers  de  Maçûd-i-Saad  où  il  y  a  quatre 
yw»3  oJ,  qui  se  terminent  par  un  cinquième: 

12,  1  2 

Que  Tesprit  et  le  cœur  de  ton  ami  et  de  ton  ennemi  soient 
12  1  2  1 

jour  et  nuit,  par  ta  promesse  ou  ta  menace,  pleins  de  lu- 
2 

mière  ou  de  feu. 

ha  réunion  et  la  dispersion  est  irrégulière ,  lorsque 
Tairangement  de  la  réunion,  oJ,  est  contraire  à 
celui  de  la  dispersion ,  ^^-âû ,  comme  dans  ce  vers  de 
Figânîi: 

^  vLr— ^3  U^— r^  V^      '^   ■  '^j\^ ,>> 

'  Bâbâ  Figânî  Schirâzî ,  poète  natif  de  Schirâz ,  ainsi  que  l'in- 
dique son  surnom,  vivait  vers  la  fin  du  xv*  siècle  et  au  commen- 
cement du  XVI*.  [Kedek.  Pers,  pag.  Bgi.) 

vin.  8 


106  JOURNAL  ASIATIQUE. 

1  2 

Du  bien-être  au  cœur  et  de  l'éclat  aux  yeux;  c'est  ce  que 
donnent  la  vue  des  belles  pareilles  au  soleil  et  le  vin  du  m^tin. 

Ici  réclat  des  yeux,  «*Nî^  Av^»  ^®  rapporte  à  la 
vue,^J*>s?^,  des  belles,  et  le  bien-être  du  cœur,  ©1^ 
J:>,  au  vin  quon  prend  au  matin,  ^^  v]/*»'- 

Illconvient  actuellement  de  citer  des  exemples  de 
la  réunion  et  dispersion  sommaire,  J^.  En  voici 
d*abord  un  tiré  du  Coran  ^  :  ^t  iu4  J^^^  {^  t>J^5 
<^Uaj  ^1  \^y^\^^  çj^  «ils  ont  dit,  il  n*entrera  en 
paradis  que  ceux  qui  auront  été  juifs  ou  chrétiens;  » 
ce  qui  signifie ^  en  le  développant  :  «Les  juifs  ont 
dit  :  il  n'entrera  en  paradis  que  ceux  qui  aiu'ont  été 
juifs;  et  les  chrétiens  ont  dit  :  il  n entrera  en  para- 
dis que  ceux  qui  auront  été  chrétiens.  » 

En  voici  un  autre  emprunté  à  Mukhtarî  : 


wl  ^v      '^^3  ^J^3  <"^      m\ 


Les  deux  côtés  de  sa  plume  qui  a  été  taillée  sont  le  bien 
et  le  mal,  la  douleur  et  le  remède. 

Le  poëte  veut  dire  par  là  qu  un  côté  de  la  plume 
est  bon  et  Tautre  mauvais. 

Section  xii. 
Association,   «4^. 

Cette  figure  consisté  à  réunir  différentes  choses 
dans  une  même  appréciation ,  comme ,  par  exemple, 

*  II,  io5. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  107 

dans  ce  passage  du  Coran  ^  :  «^^  i^j  ijy^h.  J^' 
UiJJI  (des  richesses  et  les  enfants  sont  rornement 
de  la  vie  du  monde.  »  loi,  en  eflfet,  les  richesses  et 
les  enfants  sont  rangés  dans  la  même  catégorie. 

Il  en  est  de  même  dans  le  vers  suivant  d*Abd- 
ulwâcî  pour  les  six  choses  qui  sont  mentionnées 
dans  le  second. hémistiche: 

De  sa  part,  tout  aujourd'hui  a  été  agréable  à  mon  cœur: 
donner  et  recevoir,  le  bien  et  le  mal,  le  plus  et  le  moins. 

SECTION  XIII. 

Distinction  ou  séparation ,  ^^.JSLJ' 

Cette  figure  consiste  à  distinguer  et  séparer  deux 
choses  qui  sont  dune  même  espèce,  comme  dans 
ce  vers  de  Faquîr  : 

j^ — \r—^j—^^^  ^ — ^  (j — •  ^*-> — — * 

D'ici  il  tombe  de  Teau ,  de  là  il  pleut  du  sang.  Telle  est  la 
différence  entre  mes  cils  et  le  nuage  printanier. 

SECTION  XIV. 

Distribution ,  xu«Ju* . 

Cette  figiu*e  consiste  à  mentionner  d  abord  diffé- 
rentes choses,  portions  de  choses  ou  circonstances 
d'ime  chose,  et  à  leiu*  assigner  ensuite  ce  qui  s  y 
rapporte  respectivement. 

*  xviii.  44. 

8. 


108  JOURNAL  ASIATIQUE. 

La  différence  entre  cette  fignre  et  celle  qu'on 
nomme  réunion  et  dispersion, ^^.-ûJ^  utJ,  cest  qu'ici 
on  mentionne  les  attributions,  i:Jjymj^,  de  chaque 

chpse  par  voie  d'assignation  ou  de  désignation ,  (jv«5, 
ce  qui  n*a  pas  lieu  poiu'/autre  figure,  ainsi  qu'on  la 
vu  auparavant. 

Les  vers  suivants  d'Abd-ulwâci  Jabalî  fournissent 
un  exemple  de  cette  figiure  : 

Ses  doigts  sont  faits  pour  donner,  sa  lance  pour  agir  ;  on 
le  rencontre  dans  les  réunions  joyeuses  et  son  drapeau  se 
voit  dans  le  champ  de  bataille.  A  cause  de  la  première  qua- 
lité, il  répand  ses  bienfaits  ;  à  causé  de  la  seconde,  il  ôte  la 
vie;  par  la  troisième,  il  est  un  capital  de  bonheur;  par  la 
quatrième,  un  gage  de  victoire.  ' 

On  voit  qu'ici  le  pôëte  a  mis  en  rapport,  sous  le 
point  de  vue  de  la  générosité ,  les  doigts  de  la  per- 
sonne dont  il  parle,  avec  la  distribution  des  bien- 
faits v  sa  lance,  à  cause  de  la  manière  dont  elle  s'en 
sert,  avec  l'action-  d'ôter  la  vie,  etc. 

Une  autre  variété  de  cette  figure  consiste  à  énu- 
mérer  complètement  les  différentes  faces  de  la  chose 
dont  il  s'agit,  comme  dans  ce  vers  d'Ansarî: 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  109 

De  toutes  façons,  tes  ennemis  sont  malheureux;  ils  sont, 
en  effet,  ou  tués,  ou  mis  en  fuite,  ou  renfermés  dans  ta  for- 
teresse. ' 

Dans  le  second  hëmisticïie  de  ce  vers,  le  poëte 
énumère,  comme  on  le  voit,  les  différents  genres 
de  malheur  auxquels  peuvent  être  en  pf  oie  les  en- 
nemis du  héros  qu'il  célèbre. 

SECTION  XV» 

Association  et  séparation ,  i^tMÂj*  '•^-^« 

On  réunit  quelquefois  ensemble  deux  des  figures 
nommées  association,  jjy:,  séparation,  (^j^y  et  dis- 
tribution, MVi^JiS;  on  peut  même  les  réunir  toutes 
les  trois.  La  réunion  des  deux  premières  consiste  à 
comprendre  dans  ime  même  appréciation  différentes 
choses ,  puis  à  les  séparer,  en  exposant  leur  point 
de  vue  respectif,  comme  dans  ce  vers  de  Raschîd- 
Watwat^: 

\ -^>^--*ô  ij\     i^.i^  sa — ^ — îîv— » 

Ton  visage  est  pareil  au  feu  par  son  éclata  et  ^on  cœur 
est  pareil  au  feu  par  sa  chaleur. 

^  Khâja  Raschîd  uddîn  Watwat  est  un  poète  persan ,  quoique  le 
vers  cité  ici  de  lui  soit  arabe.  Il  est,  entre  autres,  auteur  d'un  masnawî 
intitulé  MisbaJi,  ^U^â^.  M.  de  Hammer  en  parle  dans  son  Histoire 
de  la  littérature  persane,  pag.  109. 


110  JOURNAL  ASIATIQUE 

Ici  lauteur  réunit,  dans  une  jnême 'comparaison 
avec  le  feu ,  le  visage  de  celle  qu'il  aime  et  son  propre 
cœur,  maïs  il  indique  ensuite  la  différence  du  point 
de  ATue  de  la  comparaisou. 


SECTION  XVI. 


Association  et  distribution,  xyJijA  «i^. 

Cette  figure-ci  consiste  à  associer  d'abord  diverses 
choses  dans  une  même  appréciation,  puis  à  rapporter 
chacune  de  ces  choses  à  un  objet  particulier,  comme 
dans  ce  quità  d'Anwarî  :  . 

p5l^  4X ^ >  0^        *Lâ.   ^^ym   {jUjJ^  jj^ 


Si  le  désir  de  la  louange  etTamour  de  ton  auguste  beauté 
produisent  de  Teffet  sur  les  pouvoirs  de  la  nature,  J a  pre- 
mière chose  procurera  la  faculté  du  langage  à  la  langue 
muette  du  lis  et  la  seconde  donnera  la  vue  aux  yeux  inertes 
du  narcisse. 

Dans  le  premier  vers,  le  poëte  a  associé  le  désir 
de  la  louange  et  1  amour  de  la  beauté  à  ïaction  de 
produire  de  l'effet,  et  dans  le  second,  il  a  rapporté 
chacune  de  ces  deux  choses  à  \m  objet  particulier. 

On  place  quelquefois  la  distribution,  j«îîw»*n*3,  avant 
l'association,  g;r,  comme  dans  ce  yers  de  Nâdim 
Guilàni  : 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  111 

J'ai  fait  un  froc  et  Alexandre]  a  fait  Toreill^r  de  la  fortune 
du  même  drap  que  le  sort  nous  a  donné  à  Fun  et  à  Vautre. 

SECTION  XVII,  .  ' 

Association ,  séparation  et  distributioD ,  £^tM\  iy^.j^\  9^- 

Il  nest  pas  aisé  de  joindre  ensemble  ces  trois  fi- 
gures dans  la  même  phrase,  on  en  trouve  cependant 
des  exemples.  En  voici  un  tiré  de  Khacânî  : 

La  compagnie  m'a  donné  deux  feux  ^oùr  fruits,  un  de 
pierre  \  et  Tautre  végétal*.  Elle  a  mis  lepremier  dans  un 
réchaud,  et  Fautre^  dans  une  coupe. 

Ici  lassociation ,  g;r,  consiste  à  avoir  réuni  deux 
feux  dans  la  même  idée  de  fruits;  la  séparation, 
(Ji^yb,  à  avoir  dit  qu'un  était  de  pierre  et  l'autre  dun 
arbre;  enfin  la  distribution,  f<v**Jij,  se  trouve  au 
second  hémistiche, 

♦  SECTION  XVIII. 

Dépouillement  ou  dépossession ,  tyjjjf. 

Cette  figure  consiste  à  retrancher,  g [>^ï ,  d  une 

'  G'est-à-dire ,  semblable  à  la  pierre  quant  à  la  dureté.  Je  pense 
qu  il  s'agit  d'un  ebarbon  embrasé. 

*  A  la  lettre ,  provenant  d'un  arbre.  11  faut  entendre  par  là  une 
grenade ,  fruit  que  les  Orientaux  comparenf  à  la  flamme.     . 

*  Ou,  plutôt,  son  jus. 


112  JOURNAL  ASIATIQUE. 

chose  qui  a  un  qualificatif ,  une  autre  chose  pareille 

à  la  première  quant  à  la  qualification ,  dans  Imten- 

tion  d'augmenter  la  valeur  de  ce  qualificatif  pour  la 

chose.de  laquelle  on  fait  le  retranchement ,  aJU  g>3Ull . 

L'auteur  que  je  suis  donne  pour  exemple  de  cette 

figure  le  vers  suivant  d'Anwarî  : 
♦ 


Ô  toi  qui  nages  dans  Tocéan  de  Tintelligence  et  qui  es 
instruit  du  bien  et  du  mal  de  ce  monde  ! 

A  cet  exemple,  je  vais  en  joindre  un  autre,  em- 
prunté au  Dictionnaire  des  définitions,  c»Uj^,.  de 
Jorjânî^.  Cet  e;îi:emple,  qui  fait  mieux  comprendre 
que.  le  premier  l'application  de  la  théorie  développée 
ci-dessus,  est  la  phrase  arabe  suivante  :  (j^^  ar^  J 
iic^  ^5^4X^.  {(  J*ai,  dans  im  tel,  un  ami  chaud.  »  On 
Voit  en  effet  qu'on  retranche  ici  d'un  objet,  auquel 
on  attribue  une  qualité ,  à  savoir  d'un  individu  à  qui 
l'amitié  est  attribuée,  un  autre  objet,  c'est-à-dire 
l'ami,  ^jiiîJuâJl,  qui  est  pareil  à  cet  individu,  ^^, 
quant  à. cette  qualité,  et  en  cela  le  but  de  l'écrivaiii 
est  d'exprinjer  l'excès,  ajJUIJ  .,  de  la  perfection  dans 
l'amitié  de  îa  personne ,  ^^ ,  dont  il  parie  en  pre- 
mier lieu.' 

-    SECTION  XIX. 

Hyperbole  acceptée,  Jj^L»  4jJLm«. 

Cette   figiu'e  consiste  à   exprimer   l'exagération 

^  Tarifât,  pag.  5/i  de  l'édition  de  Flûgel. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846,  113 

d'une  qualité  dans  la  force  ou  dans  la  faiblesse.,  ce 
qui  ne  peut  avoir  lieu  que  par  voie  à' éhignemeni, 
^XjMJwMi!,  ou  d'empêchement,  ^^î^t',  c  est-à-dire  en 
plaçant  cette  qualité  dans  les  dernières  limites  de 
la  force  ou  de  la  faiblesse,  au  point  qu'on  n'y  puisse 
trouver  un  degré  de  plus.  - 

On  compte  trois  espèces  d'hyperboles,  a*ÎIx«, 
qu'on  distingue  par  les  noms  de  jaAaS.,  (i)j^\  et^Ai. 

La  première,  c'est  lorsque  l'hyperbole  exprime 
une  chose  possible,  tant  sous  le  point  de  vue  de 
l'esprit,  JJift,  que  d'après  l'expérience,  c;*^U,  comme 
dans  ce  vers  d'Açadî  : 

.  ^ -^i>  jjy  b  jbo — ^'  p'^  u^ — * — ^ 


cj»    J)  <>^-^— t?^^;— ?  j— 3"^^^— ?  ^j^*>"  i*  ^^ 


Je  garde  si  bien  ce  secret,  jour  et  nuit,  qu'il  ne  pourra 
sortir  de  mes  lèvres  qu  avec  ma  vie.  I 

La  secondé,  c'est  lorsque  l'hyperbole  énojice  uÉ« 
chose  possible  quant  à  l'esprit,  mais  impossible 
d'après  l'expérience,  comme  dans  ce  vers  de  Urfî  K 

i"A       r^^  m   y  Jbt^^ji  4S^4>^  çy^^y^  &^  ^J  ^ 

Mon  ennemi  m'a  vu  traité  selon  son  désir,  et  son  cœur  a 
été  brûlé.  Dieu  fasse  quà  son  tour  il  ne  soit  jamais  traité 
comme  je  le  souhaite  !  * 

Il  n'est  pas  ordinaire  que  lorsqu'une  personne 
voit  son  ennemi  dans  l'état  qu'il  désire  son  cœur  en 

*  Trèa-célèbre  poète  persan  natif  de  Schirâz,  et  qui  vivait  dans  le 
x'  siècle. 


114  JOURéîAL  ASIATIQUE. 

soit  affligé.  Toutefois,  Fintention  du  poëtie  est  de 
dire  :  «  J'ai  été  tellement  traité  comme  mon  ennemi 
le  désirait,  que  son  cœur  même  en  a  été  ému.  »  Or, 
ceci  peut  bien  être  c6nçU  par  Tesprit,  mais  nest  pas 
conforme  à  Tusage. 

La  troisième,  enfin,  c'est  Thyperboie  que  l'esprit 
ne  peut  pas  admettre,  et  qui  est  contraire* aussi  à  ce 
qui  a  lieu  ordinairement.  Le  vers  suivant  de  Muta- 
nabbi  en  offre  un  exemple  :    • 

-»                      -»  j 

<>— J i^  ^ !  (^\  v-i b L-JI  JjLsiU 

Tu  as  tellement  rempli  de  terreur  les  polythéistes ,  que 
ceux-mêmes  qui  ne  sont  pas  encore  formés  dans  le  sein  de 
leur  mère  te  craignent. . 

Cependant  f  esprit  peut  quelquefois  adnjiettre  en 
quelque  chose  l'hyperbole  dont  il  s'agit  :  i  "  quand 
on  emploie  uue.expression  qui  rapproche  l'hyperbole 
de  la  vérité,  comnae  dans  ce  rubâî  de  Kamâi-i-Is- 
mail.  .  . 

Celui  qui  a  dessiné  ton  visage  n  a  pas  à  craindre  de  re- 
proche,  puisqu'il  a  fait  le  mieux  possible  l'œuvre  de  ta  beauté* 
Ta  personne,  de  la  tête  aux  pieds,  est  telle  qu'il  convient; 
on  dirait  que  quelqu'un  en  a  ordonné  l'exécution  d'après  son 
désir.  . 


AOTJT-SEPTEMBRE  1846.  115 

H  est  éloigné  de  l'esprit  et  contraii*e  à  ce  qui  arrive 
ordinairement,  que  l^i  création  dune  personne  ait 
lieu  d'après  le  désir  d'un  autre.  Toutefois,  le  mot 
li^,  on  dirait,  qui  est  dans  le  quatrième  hémistiche , 
associe  l'hyperbole  à  la  vérité.  • 

2**  L'hyperbole  nommée^  peut  être  admise  par- 
tiellement par  l'esprit,  lorsqu'elle  exprime  une  idée 
fantastique,  mais  distinguée  par  la  délicatesse  et 
l'élégance,  comme  dans  ce  vers,  de  Mukhtarî  de 
Gazna,  à  la  louange  d'un  cheval  : 

11  est  si  rapide  dans  sa  course,  que,  Jors  même  qu'il  pas- 
serait sur  le  globe  des  yeux  d'un  homme  endormi,  il  ne  le 
réveillerait  pas  par  le  contact  de  son  sabot. 

3**  Enfin ,  l'hyperbole  dont  il  s'agit  peut  être 
agréée  sous  quelque  rapport  par  l'esprit ,  lorsqu'elle 
est  exprimée  sous  forme  dé  plaisanterie ,  J>A ,  comme 
dans  ce  vers  de  Kalîm  pour  critiquer  un  cheval  : 

^|^>— ^  »:>]:>  A S'  (^ m\  \i\ — fi — j\^ — fi^ 

f^-^'^ — '  *— ?  jtj  * — '^ — îr^>^  â!y  ^j 

O  grand  prince,  ce  cheval  que  tu  as  donné  à  ton  serviteur 
n'a  jamais  pii ,  à  cause  de  sa  faiblesse ,  mettre  le  nez  à  fair. 
Quant  à  l'immobilité,  il  a  remporté,  au  jeu  de  Ghauçar*, 

*  Ce  jeu,  qui  ressemble  au  trictrac,  est  décrit  dans  le  Camoun-i 
islam  de  fett  mon  ancien  auditeur  le  docteur  Herklotts. 


116'  JOURNAL  ASIATIQUE. 

le  dez  de  Texcellence.  Tu  dirais  que  Kalîm  est  assis  sur  un 
bois  insensible. 

SECTION  XX. 

Ordre  ou  rèjgle  du  discours,  a^c>^  ju*.  . 

L'auteur  du  Tarifât  nomme  cette  figure  4-*^4>s-« 
s"^,  ce  qui  a  le  même  sens  que  Texp^ession  em- 
ployée au  titre  de  cette  section.  Elle  consiste  à  insér 
rer  dans  le  discoiu*s  la  preuve ,  J^^ ,  et  la  démons- 
tration, {j^j^y  de  ce  quon  veut  affirmer,  confor- 
mément à  Tusage  de  la  scholastique ,  d  après  laquelle 
tout  discours  doit  être  ime  argumentation.  S'il  com- 
prend une  comparaison,  JouUf,  il  rentre  dans  le 
syllogisme ,  (j*»Va5  ,  proprement  dit ,  et  on  le  nomme 
règle  ou  ordre  juridique,  er^^  o^jw»  K 

On  trouve  un  exemple  de  ce  qu'on  appelle  la 
règle  du  discours,  dsius  ce  passage  du  Coran  ^:  (j^^ 
Iï4>mJJ  aM!  )i]  iL^\  lc>pi*.  ((  S'il  y  avait  dans  le  ciel  et 
sur  la  terre  d'autres  dieux  que  Dieu,  certes  le  cîei 
et  la  terre  seraient  en  désordre.  » 

Puisque  le  désordre  du  ciel  et  de  la  terre,  dés- 
ordre qui  aurait  lieu  avec  la  pluralité  des  dieux, 
n'existe  pas ,  ce  dont  ce  désordre  dépendrait  n'existe 
pas  non  plus.  La  marche  de  l'argiunentation  est  ceci  : 

'  A  ce  sujet,  Schams-uddîn  entre  dans  des  développements  qae 
je  ne  crois  pas  devoir  reproduire  ici,  et  il  cite,  Comme  exemple  des 

phrases  dont  il  s  agit,  Targumentation  suivant  :  c>.4«»l  ^L«  ^j^ 

OjsXi  y^Ojt  A^^  ^j*^  Om«»I>:ÎV/«  A^^^  J^L   J^aJê,  «ToUt   CC 

qui  est  liquide  est  propre  à  laver  ;  or,  le  vinaigre  est  liquida  :  donc 
il  est  propre  à  laver.  ». 

*   XXI,  22.  .  *      . 


AOUT-SEPTEMBRE  1M6.  117 

S  il  y  avait  plusieurs  dieux,  le  ciel  etla  terre  seraient 
en  désordre  ;  or,  comme  le  ciel  et  la  terre  ne  sont 
pas  en  désordre,  il  s'ensuit  qui!  ny  a  qnW  dieu. 

Le  vers  suivant  d*Anwarî  offre  un  autre  exemple 
de  cette  même  figiu'e: 

«X_«l  j) ^ti  t)Lfi>«  iS^  ii^Aj^S  (jObj  â^-^ 

On  ne  peut  se  passer  de  toi,  car  tu  es  Famé  dans  le  corps 
du  monde ,  et  il  est  certain  que  Tâme  est  indispensable. 

Dans  cet  exemple ,  la  forme  de  l'argumentation 
est  celle-ci  :  tu  es  une  âme  dans  le  corps  du  monde  ; 
or,  le  corps  ne  peut  se  passer  d'une  âme,  donc,  le 
monde  ne  peut  se  passer  de  toi.  .    . 

SECTION  XXI. 

Éloquente  indication  de  la  cause,  JuJUj  j^)-*-^- 

Cette  figure  consiste  à  énoncer  au  lieu  d'une  qua- 
lité, J-«?3,  une  cause,  (^^,  qui  s  y  rapporte.  Or, 
cela  peut  avoir  lieu  de  deux  manières.  Si  cette  qua- 
lité est  réelle  ou  certaine,  ^^^t»,  le'but  qu'on  se  pro- 
pose par  l'exposition  de  la  cause ,  c'est  de  prouver, 
cyUjt,  que  cette  qualité  a  cette  cause.  Si  la  qualité 
est  incertaine  y  oub'^^,  on  veut,  en  mentionnant 
sa  cause,  prouver  l'existehce  de  la  qualité  dont  il 
s'agit. 

La  qualité  certaine,  *^^^  v.-*-«»3»  dont  on  veut 
énoncer  la  cause,  se  partage  en  deux  espèces.  La 
première,  c'est  lorsque  cette  qualité  a  une  cause 


118  JOURNAL  ASIATIQUE., 

connue  et  usitée  autre  que  celle  que  les  poètes 
peuvent  lui  donner;  la  seconde ,  cest  lorsque,  la 
cause  réelle  nest  pas  évidente. 

La  qualité  incertaine,  cu^bj^,  qu  on  veut  prouver, 
en  exposant  sa  cause,  est  aussi  de  deux  espèces.  Ou 
l'existence  de  cette  qualité  est  possible ,  (J^,  ou  elle 
est  impossible,  ^uJi  ou  Jlaû ,  ce  qui  forme  une  troi- 
sième et  ime  quatriènae  espèce. 

Les  vers  qui  suivent  mettront  alternativement  en 
lumière  la  théorie  précédente.  En  voici  d'abord  un 
de  Kliâcânî  qui  ofïre  un  exemple  de  la  première 
espèce  de  cette  figure  : 

L'aurore  a  répandu  des  larmes  de  sang  eh  se  séparant  de 
la  nuit,  et  c  est  ainsi  que  son  visage  a  eu  la  couleur  du  sang. 

La  cause  de  la  couleur  rouge  de  laurore,  cest  le 
crépuscule  ;  mais  le  poète  Ta  attribuée  au  regret  que 
la  séparation  de  la  nuit  fait  éprouver  à  laurore,  et 
qui  lui  fait  verser  des  .larmes  de  sang. 

Je  citerai  ce  vers  d'Anwarî  comme  exemple  de  la 
seconde  espèce  : 


Comme  ton  œil  a  versé  le  sang  des  amants,  tes  cheveux 
ont  adopté  la  couleur  du  deuil. 

La  noirceur  des  cheveux  est  une  qualité  certaine , 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  119 

mais  sa  cause  n est  pas  connue  dune  manière  évi- 
dente. Ici  ie  poète  lui  en  attribue  une  d'autant  plus 
spirituelle,  qu'il  le  fait  au  moyen  d'une  comparaison 
et  d  un  trope. 

Actuellement ,  voici  un  «exemple  de  la  troisième 
espèce  : 

O  censeur,  toi  dont  la  critique  a  été  avantageuse  pour  moi  ; 
ta  crainte  a  sauvé  de  la  submersion  la  prunelle  de  mon 
œilM  • 

Il  est  bon  de  remarquer,  au  sujet  de  cet  exemple , 
qu'il  est  possible  que  le  mal  que  veut  faire  un  cri- 
tique devienne  un  bien  à  l'égard  de  la  personne  qu'il 
attaque.  Toutefois,  comme  généralement  le  mal  ne 
se  change  pas  en  bien,  le  poëte  a  indiqué,  dans  le 
second  hémistiche  du  vers  qui  vient  d'être  cité, 
la  cause  poiu*  laquelle  le  mal  qu'a  voulu  faire  1^ 
critique  s'est  changé  en  bien.  La  transformation  du 
mal  en  bien  est  une  chose  ou  une  qualité,  vJU?^, 
incertaine,  oub^^jv^,  mais  la  cause  susdite  en  établit 
la  certitude. 

Enfin  ie  vers  suivant  de  Khjisrau  offre  un  exemple 
de  la  quatrième  espèce  ; 


*  C'est-à-dire»  la  orainte  de  ta  censure  ne  m'a  pas  fait  pleurer. 


120'  JOURNAL  ASIATIQUE. 

L'aurore  brillera  fout  le  jour  sur  ta  maison ,  car  le  soleii 
ne  saurait  s'élever  en  cet  endroit, 

C'est  une  chose,  ou^^,  incertaine,  os^b^^>  et 
impossible,  ff^,  que  Taurore  dure  tout  le  jour; 
mais  pour  la  prouver,  c:>U5l,  et  la  rendre  possible , 
^\Ctl ,  le  poëte  y  a  assigne  une  cause  dans  son  se- 
cond hémistiche. 

SECTION  XXII. 

Énergie  de  la  louange  par  le  semblant  du  blâme. 

Cette  figure  est  de  deux  espèces.  La  première, 
c  est ,  lorsque,  d  une  qualité  blâmable  qu  on  nie  dans 
une  personne  ou  une  chose,  on  excepte  une  qualité 
louable  sous  lapparence  du  blâme  et  de  manière  à 
faire  entrer  la  louange  dans  le  blâme,. comme  dans 
ce  vers  de  Nâbiga: 

fa^       .il       y      fil  ^j^  (ai^  J^       ^       »   {ù       \       ' 

n  n'y  a  rien  de  défectueux  parmi  eux ,  si  ce  n'est  que 
leurs  épées  sont  ébréchées,  par  suite  des  combats  oà  elles 
ont  été  employées. 

On  voit  qulci  le  poëte  nie  d  abord  que  lesjiomm^s 
dont  il  s  agit  aient  aucun  défaut;  puis  il  tire,  par  ma- 
nière d'exception,  du  défaut  même  dont  il  a  nié 
lexistehce,  un  motif  de  louange  sous  forme  de 
blâme,  en  rappelant  la  bravoure  de  ces  hommes  dans 
leurs  fi:*équents  combats.  Par  cette  manière  de  s'é- 
noncer, le  poëte  loue  d'abord,  puis  il  blâme,  puis, 


.   AOUT-SEPTEMBRE  1846.  121 

par  Fexception  qu'il  ajoute,. il  exprime  Ténergie  de 
la  louange. 

La  seconde  espèce,  c'est,  lorsqu'on  donne  à  une 
personne  ou  à  une  chose  une  qualité  louable ,  ouL© 
3^y^,  et  qu'on  ajoute  à  cette  première,  sous  forme 
d'exception,  une  autre  qualité  louable ,  laquelle ,  selon 
les  rhéteurs  persans,  doit  avoir  plus  d'énergie  que  la 
première.  On  cite  comme  exemple  lehadîs  suivant: 

{jfriy^  (j-^  à'  "^^  ^j^^  g^'  w'  «je  suis  le  plus  élo- 
quent des.  Arabes,  si  ce  n'est  que  je  suis  de  Coraïsch^.  » 
Les  rhétoriciens  persans  admettent  une  autre  es- 
pèce de  cette  figure  ;  c'est  lorsque ,  au  premier  abord , 
la  phrase  paraît  exprimer  le  blâme,  mais  produit, 
en  effet,  le  superiatif  de  la  louange,  comme  dans 
ce  vers  de  Saadî  : 

Tu  peux  bien  ne  pas  retourner  à  la  porte  de  Saadî  ;  mais 
tu  ne  peux  pas  sortir  de  son  esprit. 

Il  semble  que  l'expressioi^  du  second  hémistiche, 
«tu  ne  peux  pas  sortir,  »  exprime  la  faiblesse;  mais 
le  but  du  poète  est  cependant  de  relever  par  là 
les  charmes  et  l'amabilité  de  la  personne  dont  il 
parle. 

^  On  sait  que  cette^  tribu  était  la  plus  noble  et  la  plus  civilisée 
des  tribus  arabes. 


122  JOURNAL  ASIATIQUE. 

SECTION  XXIII.  '    ^       ■ 

Énergie  du  blâme  par  le  semblant  de  la  louange. 

Cette  figure  est  aussi  de  deux  espèces ,  commQ  la 
précédente.  La  première  consiste  à  nier  dans  une 
personne  ou  une  chose  une  qualité  louable ,  puis  à 
excepter  de  cette  qualité,  dont  on  nie  l'existence , 
une  qualité  blâmable,  comme  lorsqu'on  dit,  par 
exemple  :  xJI  ^^^*é^»^\  (j-*  JI^^^u^j  xil  ^1  »^yis>^  ^  ^^ 
«  il  n'y  a  rien  de  bon  dans  un  tel ,  si  ce  n'est  qu'il  ^ 
fait  di;  mal  à  ceux  qui  lui  font  du  bien.  » 

La  seconde  espèce  consiste  à  attribuer  une  qua- 
lité blâmable  à  une  personne  ou  à  une  chose,  puis 
à  ajouter,  à  la  suite  de  cette  qualité,  un  autre  blâme 
sous  forme  d'exception,  comme  lorsqu'on  dit  :  xj^ 
J^U?-  xi!  ^1  (yéà\3  ((  un  tel  est  un  libertin ,  si  ce  n'est 
qli'il  est  fou.  » 

Pour  ces  deux  qualificatifs,  on  peut  employer,  au 
lieu  d'une  particule  d'exception ,  lJuu*,*«l ,  ime  parti- 
cule de  restriction ,  4iî)t;«>wU«l  ;  ainsi  on  peut  dire ,  par 
exemple  :  (yJ^  »j^ ^\s>^ y^  «il  est  fou,  quoiqîi'il 
soit  libertin.  » 

Les  poètes  persans  emploient  une  autre  variété 
très-éloquente  de  cette  figure.  Elle  consiste  à  attri- 
buer d'abord  une  qualité  louable  à  une  personne 
ou  à  une  chose,  puis  à  joindre  à  cette  qualité  ime 
circonstance  telle  que  cette  louange  se  change  en 
un  blâme  réel ,  comme  dans  ce  vers  de  Kalim  ^  : 
^  Abu  Talib  Kaiîm  Hamdânî ,  c'est-à-dire  natif  de  Hamadan ,  en 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  123 

Mon  obéissance  envers  Diea  ira  même  vers  les  cieux,  au 
jour  du  jugement,  lorsqu'elle  sera,  avec  ma  rébellion  c«ver« 
Diea,  d^ns  les  deux  bassins  cle  la  balance. 

SECTION  XXIV. 

Succession  \  gX^XHa»]^ 

Cette  figure  consiste  à  donner  à  un  individu  ou 
à  une  chose  une  louange  telle  qu'il  en  résuite  une 
autre  louange,  conume  dans  ce  vers  de  Mutanabbî : 

«X ^1     -î-  Ji ^L  L— .lA 3«x Il  o% JiJuJ 

Tu  as  dévasté  une  telle  quantité  de  vies  àes  ennemis,  que, 
si  tu  les  réunissais  ensemble,  le  monde  ne  pourrait  que  dé- 
sirer la  prolongation  indéfinie  de  ton  existence. 

Le  but  du  pôëje  est  ici  de  louer  la  personne  dont 
il  s  agit  quant  à  la  bravoiu'ç ,  car  ce  n'est  qu'im  guer- 
rier et  un  brave  qui  dévaste  les  vies.  Quant  à  la 
seconde  louange ,  elle  consiste  à  dire  que  le  ijionde 
désire  la  prolongation  indéfinie  de  la  vie  de  ce  brave , 
parce  que  son  existence  est  un  gage  d'ordre  et  de 
paix  pour  le  monde. 

Perse,  a  .été  surnommé  «  le  rossignol  du  jardin  de  la  littérature.  »  Il 
étudia  à  Schirâz,  puis  il  vînt  en  Hindoustan  et  fréquenta  la  cour  de 
Schàh  Jahâu.  Il  mourut  en  se  rendant  en  Cachemyr.  Il  est  auteur 
de  différents  ouvrages  en  vers  et  d'un  diwân.  (New.bold,  Brief  Notice 
of  the  Persian  poets.) 

^  Ouj  plutôt,  «faire  succéder,  faire  suivre.» 

9- 


124  JOURNAL  ASIATIQUE. 


SECTION   XXV. 


Eikeloppement,    «rl^^^i* 

Cette  figure  consiste  à  tirer  duiie  expression  deux 
sens  dont  le  dernier  ne  soit  pas  évident.  EHe  dif- 
fère de  la  précédente  en  ce  que  cette  dernière  n  est 
usitée  que  poiu*  louer,  tandis  que  celle  dont  nous 
parlons  actuellement  a  un  emploi  plus  général.  Elle 
diffère  aussi  de  Yinsinuation,  -I^jI  ,  où  on  emploie 
une  expression  qui  a  deux  ou  plusieurs  sens,  tan- 
dis que,  dans  la  figure  dont  il  s*agit  ici,  c'est  de  l'en- 
semble du  discours  que  doivent  résulter  les  àet^ 
sens.  Le  vers  suivant  de  Jamî  offre  un  exemple  du 

•         3 3     ^\< A J    ^ Tj f    Jà  J,|  ^y^ 

\j •   <X ^T ^ C  j ?   Jà  )l   v,^       ,5...    ] 

Je  désire  retirer  de  mon  cœur  tes  dards  ;  riiais  cela  n'a  pas 
lieu, pour  moi  de  la  part  de  mon  cœur. 

«Les  dards  ne  sortent  pas  du  cœiu*))  ou  bien 
((  mon  cœur  ne  veut  pas  que  je  les  en  retire  ;  »  telles 
sont  ies  deux  chqses  qui  résultent  de  f  ensemble  du 
vers. 

SECTION  XXVI. 

Double  face,  <Aa^'- 

Cette  figure,  qu'on  nomme  aussi  (j^JuâJl' J^^^^jû , 
c'est-à-dire,  «  possédant  les.  deux  choses  opposées,» 
consiste  à  ce. que  le  discours  qu'on  emploie  piiisse 
se  prendre  dans  deux  sens  opposés  l'un  à  l'autre, 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  125 

comme ,  par  exemple ,  dans  ce  vers  arabe  où  il  s  agit 
d'un  borgne  nommé  Amfû  : 

Amrû  m'a  couâu  un  manteau.  Plût  à  Dieu  que  ses  deux 
yeux  fussent  pareils  !  w 

C  est-à-dire ,  qu'il  soit  clairvoyant  des  deux  yeux 
ou  aveugle.  Les  deux  sens  peuvent  être  admis. 

SECTION  XXVil. 

Le  plaisant  en  vue  du  sérieux,  jcjt  aj  ^\jj  4jôj\  Jj^F* 

Ainsi  que  son  nom  l'indique ,  cette  figure  consiste 
à  employer  un  discours  plaisant,  quoiqu'on  ait  çn 
vue  une  chose  sérieuse ,  comme  dans  ce  rubâî  :    . 

^ — A L-S'a^JOI  ^l^  U)^^^J3 ^  iS^ 

«.^Pensez  à  la  fm  de  toutes  choses.  Songez,  ô  vous  qui  faites 
tant  de  bruit ,  au  deuil  qui  suivra.  N'ayez  aucun  rapport  avec 
la  prostituée  du  monde  * ,  et  songez  à  la  syphilis  de  Tenfer. 

On  voit  qu'ici  le  poète  donne  des  conseils  très-, 
sérieux  sous  une  forme  légère. 

^  Cest4-dire ,  c  avec  le  monde  aussi  vil  qu'une  prostituée.  »  Dans  - 
le  chapitre  xvii  de  TApocalypse,  on  compare  aussi  Babylone,  ou 
plutôt  Rome  païenne,  à  une  prostituée  assise  sur  une*  bête  à  sept 
têtes ,  lesquelles  représentent  les  sept  collines  de' Rome. 


126  JOURNAL  ASIATIQUE.  S 

SECTION  xxyiii. 
Dissimulation,  (JjlaJI  Ji*Lç  *.  / 

Sukakî  nomme  cette  figure  «^  ^jU-b*  p^ixU  i^y^à , 
c est-à-dire  à  la  lettre  :  «pousser  une  chose  connue 
vers  un  lieu  qui  ne  Ôst  pas,»  parce  que,  dit-il, 
lorsqu  on  la  trouve  dans  la  parole  de  Dieu  (le  Coran), 
il  nest  pas  bien  de  le  nommer  J^\^ ,  attendu  que 
ce  nom  daction  arabe  signifie  proprenaent  paraître 
ignorer,,  et  que  cette  expression  est  inconvenante,  en 
parlant  de  Dieu.  Le  double  nom  de  cette  figure  in- 
dique en  quoi  elle  consiste,  et  il  est  facile  de  voir 
que  par  là  on  veut  mettre  en  relief  un  bon  mot  ou 
une  expression  heureuse.  L  auteur  du  Tarifât  pite 
lexemple  suivant,  qui  est  tiré  du  Coran  ^  :  ^\A  j^\  btj 
(ijvy»  J^^  i  ^ï  \^<^^  J^  «nmis-ou  vouis,  nous 
sommes  dans  une  bonne  voie  ou  dans  un  égare- 
ment manifeste.  >>  En  voici  un  autre  exemple  dans 
ce  vers  de  Schâpûr  *  : 

Que  tu  es  aimable,  toi  qui  as  tué  la  nuit  et  qui  m*amè]ft*s 
le  jour.  Mais  hélas  I  quelle  est  cette  personne  et  comment 
a-t-elle  tué  la  nuit  ? 

Il  est  évident  que,  par  cette  ignorance  feinte,  le 
poëte  veut  parler  ici  de  la  personne  qu*il  affectionne. 

^  A  la  lettre ,  «  paraître  ignorer  ce  qu'on  sait.  * 

*  xxxiv,  23. 

*  Arjasp  Schâpûr.  Ce  poêle ,  dont  les  noms  annoncent  un  secta- 
teur de  Zoroastre,  est,  entre  autres,  auteur  d'un  diwân  dont  la 
Société  asiatique  de  Calcutta  possède  un  exemplaire. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  127 

{  SECTION  XXIX. 

Indication  du  motif,   ooi.jiij  Ja5. 

Cette  figure  consiste  à  se  servir  d'une  expression 
empruntée  au  discours  d  une  personne  et  à  lui 
donner  un  sens  différent  de  celui  dans  lequel  elle 
avait  été  employée,  comme  dans  ce  vers  d*Anwarî: 

Tu  te  plains  que  mon  cœur  n'éprouve  pas  d'amour  pour 
toi.  Tu  dis  vrai ,  car  o'est  mon  âme  qui  est  animée  de  ce  sen- 
timent. 

SECTION  XXX. 

Gradation,  ^t>tt*. 

Ce^te  figure ,  quon  nomme  aussi  A^\ ,  louange 
exagérée ,  consiste  à  mentionner  le  nom  4e  la  per- 
sonne louée  et  ceux  de  ses  pères  dans  l'ordre  généa- 
logique, eri  les  accompagnant  d'épithètes  iauda- 
tives;  comme  si  On  dit,  par  exemple  :  ^j^]  ^jI  MhJjM\ 

j<v^r^t  «Je  généreux,  filsi  du  généreux,  fils  du  gé- 
néreux, fils  du  généreux;  à  savoir  :  Joseph,  fils  de 
Jacob,  fils  d'Isaac,  fils  d'Abraham.» 

Quelquefois  on  observe  l'ordre  inverse,  comme 
dans  ces  vers  de  Cudcî^  à  la  louange  de  Mahomet, 

*■  G  est-à-dire ,«  succession  de  louanges.  » 

^  Hajji  Mubammad  Khân  Gudcî  Maschhadî  est  un  poète  persan 


128  JOURNAL  ASIATIQUE. 

de  Fatime,  d'Ali  et  des  sept  autres  premiers  imâms  : 

L'Arabe  Mahomet,  printemps  du  jardin  de  la  religion  ;  Ali , 
la  splendeur  des  yeux;  la  belle  Fatime  \  la  l^mière  de  la 
vue  ;  Haçan  et  Huçaïn ,  le  printemps  du  contentement  de  l'es- 
prit; l'ornement  des  hommes*  (joie  du  cœur  et  flambeau  de 
la  direction);  Bâquir^  et  Sâdic*  (l'éclat  de  la  bougie  de  la 
chambre  du  monde) ,  le  maUleureux  de  la  terre  de  Khoraçân , 
Ali,  fils  de  Muçâ*. 

qui  vint  habiter  ïl^de  sous  le  règne  de  Schab  Jahân ,  dont  il  reçut 
raccueii  ie  plus  Çatteur.  (Newboid,  A  briefaccount  ofthè  Pers.poeis.) 

*  [jjbj  est  le  féminin  de  Tadjectif  comparatif  et  superlatif  arabe 

^\| ,  beau;  de  là  le  nom  de^jVf  «^l^^»  la  belle, mosquée^  donné 
à  un  temple  célèbre  du  Caire.  Il  ne  faut  pas  confondre,  par  consé- 
quent, fépithète  de  \ji>\  (Zahrâ),  belle ^  donnée  à  Fatime,  fiUe 

dcMajïomet,  avec  le  nom  arabe  de  la  planète  Vénus,  ^j^j  (Zuhra), 
comme  on  Ta  fait  quelquefois. 

*  A  la  lettre,  •  des  serviteurs  de  Dieu^  »  le  poète  veut  parler  d'Ali,  le 
quatrième  imâm,  qu  on  nomme  plus  ordinairement  Zaîn  ul  Abidin^ 
expression  qui  a  le  même  sens  que  celle  que  le  poète  a  employée. 

^  Muhammad  Bàquir,  cinquième  imâm. 

^  Jafar  Sâdic ,  sixième  imâm.  ^ 

^  Muçâ  est  le  septième  imâm  et  Mi  le  huitième.  L'épîtbète  qui  est 
ici  donnée  à  ce  dernier  fait  allusion  ù  la  fin  malheureuse  de  ce 
prince,  qui  mourut  empoisonné  près  de  Tous  en  Khoraçân. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  Ï29 

SECTION  XXXI. 

Admiration,  o^** 

Cette  figure  consiste  à  exprimer  dans  ime  vue  ou 
un  but  particulier  i*étonnement  sur  quelque  chose, 
comme  dans  ce  vers  de  Khâcânî  : 

jt*X — — ^à   (^ k Xé  y. — i  ftU  j\  '^ •!< 

Cette  coupe  et  ce  vin  sont  étonnants.  On  croit  voir  s'élever 
le  crépuscule  de  la  lune  nouvelle. 

Ici  cette  figm*e  est  destinée  à  faire  ressortir  Téloge 
de  la  coupe  comparée  à  la  lune*,  et  du  vin  comparé 
au  crépuscule. 

SECTION  XXXII. 

Incidence,    ^tjXc-l*. 

Cette  figure  consiste  à  employer,  avant  de  ter- 
miner le  discoiu^Sy  un  naot  sans  lequel  le  sens  serait 
complet.  On  nomkie  aussi  cette  figm-e  remplissage, 
y!*.^ ,  et  on  en  distingue  trois  espèces  : 


*  M.  Grangeret  de  Lagrange ,  qui  réunit  deux  qualités  qu  on  aime 
à  trouver  ensemble,  la  science  et  la  modestie,  a  jtublié  un  poème 
remarquable  sur  le  vin  dans  son  intéressante  Anthplogiearabe  (p.  83 
du  texte ,  et  4i  de  la  traduction).  Pans  ce  poème,  la  coupe  est  aussi 
comparée  à  la  lune.  On  y  lit  : 

> ^  O—  aj «  tit  j4>->— .î  A>^  J^ 

One  coupe  pareille  à  la  lune  contient  ce  vin  ,  qui ,  semblable  au  soleil , 
est  porté  à  la  ronde  par  un  jeune  échanson  qu'on  dirait  être  le' croissant  de 
là  uouvelle  lune.  Puis ,  que  d'étoUes  brillantes  paraissent  quand  il  est  mélangé 
avec  de  l'eau  I 

^  Incisant ,  pbrase  incidente. 


130  JOURNAL  ASIATIQUE. 

La  première,  cest  lorsque  le  discours  perd  par 
là  de  la  grâce;  la  seconde,  lorsque,  au  contraire,  il 
en  est  embelli  ;  la  troisième ,  lorsque  ni  l'un  ni  lautre 
de  ces  effets  n  a  lieu.  Dans  le  premier  cas ,  cette 
figure  se  nomme  mauvais  remplissage,  ^yji^^^û^^; 
dans  le  second,  beau  remplissage,  ^X# ySé,^  ;  dans  le 
troisième,  remplissage  moyen.,  la^yu^jùn^.  On  ne 
rencontre  pas  d'exemples  de  la  première  espèce 
chez  les  bons  écrivains  ;  les  exemples  des  deux  autres 
espèces  sont  fi^équents.  En  voici  im  du  beau  remplis- 
sage dans  le  vers  suivant  d  Anwarî  : 

Si  je  ris ,  ce  qui  a  lieu  par  extraordinaire ,  elle  dit  :  ris-tu 
de  dépit?  Si  je  pleure,  ce  qui  a  lieu  journellement,  elle  dit  : 
verses-tu  des  larmes  de  sang  ? 

Ici  les  expressions  <v»y>o»,>y^  3I  ^j^.  et  c;<u»»^j^  j^ 
que  j  ai  rendues  un  peu  librement  par  ce  qui  a  Ucu 
par  extraordinaire  et  ce  qui  d  lieu  journellement ,  sont 
ce  quon  nomn^e  ^Xo^yS».^,  parce  que  le  sens  de  la 
phrase  est  complet  sans  elles  et  que  cependant  elles 
le  développent  avec  art;  car  elles  signifient  que  la 
personne  dont  le  poète  parle  dit  les  paroles  qu'il  lui 
attribue ,  quoiqu'il  rie  très-rarement  et  qu'il  pleure 
beaucoup^  et  il  a  énoncé  cette  particularité  pour 
relever  l'extrême  dureté  du  cœur  de  celle  dont  il  se 
plaint.      '  ^ 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  131 


ETUDES 

SUR    L'OimiAfiB    XIfTITULB  : 

RELATION  DES   VOYAGES 

^-  .  ■  ^^~ 

FAnS  PAB  LES  ARABES  ET  LES  PERSANS 

DANS  L'INDE  ET  À  LA  CHINE , 

DANS   LE  IX*  SI|!GLE    DE    L'ERE   CHRETIENNE , 

y 

Texte  arabe  de  feu  M.  Langlès;  traduction  nouvelle,  introduction 
et  notés  d^  M  Reinadd,  membre  de  l'Institut; 

PAR  M.  ÉD.  DULAURÏER. 


Les  productions  si  variées  et  si  riches  dont  la 
nature  a  doté  les  contrées  que  baigne  la  mer  des 
Indes  ont  été  recherchées  dans  tous  les  temps.  De- 
puis lantiquité  là  plus  reculée,  nous  les  voyons  se 
répandre,  soit  par  la  navigation ,  soit  par  les  routes 
continentales,  chez  tous  les  peuples  au  sein  desquels 
la  civilisation  développa  le  goût  et  les  habitudes  du 
luxe  et  dune  vie  perfectionnée.  Dans  lancien  em- 
pire des  Assyriens,  les  épices  de  Tlnde  et  tout  ce 
que  cette  contrée  fait  naître  avec  une  étonnante 
profusion,  ses  étoQes  élégantes  et  ses  précieux  tissus, 
étaient  des  objets   d'ime  corisomnaation  Usuelle  ^. 

*  Justin  ,1,1;  Hérodote ,  I ,  i  gS  ;  lïl ,  97  ;  Xénophon ,  Cyropédie,  ^-^ 
VII,  3  et  suiv.  Anabase,  I,  2.  Voir  la  Collection  de  lois  maritimes  aii^ 
térieures  au  xviii*  siècle,  par  M.  Pardessus,  t.  I;p.  ix.  C'est  un  devoir 
pour  moi  de  reconnaître  les  obligations  que  j'ai,  pour  une  partie 
de  l'esquisse  que  je  trace  ici  de  l'ancien  commerce  de  l'Orient,  aux 
excelleirtes  dissertations  dont  ce  savant  jurisconsulte  a  cnricl^ii  son 
ouvrage. 


132  JOURNAL  ASIATIQIJE. 

Les  royaupies  de  Babylone  ^  de  Ninive  ^  et  des 
Mèdes  ^,  et  plus  tard  ceiui  des  Perses,  qui  les  réunit 
sous  un  sceptre  commun,  nous  apparaissent,  dans 
rhistoire,  avec  les  mêmes  instincts,  et  une  ardeur 
aussi  empressée  à  les  satisfaire  ^.  A  l'époque  de  la 
dominatioi)  chaldé.enne,  les.  navires  èe  Babylone 
sillonnaient  le  golfe  Persique ,  savant  le  témoignage 
du  prophète  Isaïe ,  et  une  navigation  facile  les  con- 
duisait sur  les  côtes  occidentales  de  la  presqu'île  en 
deçà  du  Gange  ^. 

L'Egypte  avait  fait  des  progrifes  non  moins  rapides 
dans  cette  voie  de  l'industrie  et  du  luxe.  L'étude,  au- 
jourd'hui si  avancée  de  ses  monuments ,  nous  monire 
que  ses  manufactures  employaient  des  matières  pre- 
mières parmi  lesquelles  il  y  en  a  que  l'Inde  seule 
fournit ,  entre  autres  l'indigo ,  avec  lequel  sont  teintes 
plusieurs  pièces  d'étoffes  qui  ont  été  retrouvées  à 
Thèbes  dans  des  tombeaux  creusés  sous  la  dix-'hui- 
tième  dynastie  ^.  Cette  circonstance  doit  donc  faire 
remonter  à  une  époque  bien  ancienne  l'importation 
de  cette  substance,  qu'Arrien,  ou  l'auteur  présumé  du 

*  Isaïe ,  XIII ,  9  ;  Jérémîe ,  li  ,  1 3. 

^  Jonas,  m,  2  et  3,  ly,  1 1  ;  Nahum,  ii  et  m. 
^  Hérodote,  i,  98. 

^  Le  livre  d'Esther  contient  (i,  1-7,  et  viii,  i5)  de  curieuses 
descriptions  de  la  splendeur  de  la  cour  de  Suze. 

*  Isaîe,XLiii,  i4* 

*  Wilkinson,  Manners  and  cnstoms  ofthe  ancient  Egyptians,  séries 
the  1"^  vol.  III,  pag.  1 24 1  1 25.  L'époque  de  la  dix-huitième  dynastie 
est  celle  où,  sous  les  rois  de  Thèbes,  TÉgypte  parvint  à  son  plus 
haut  degré  de  puissance  et  de  grandeur.  Cette  époque  s'étend  depuis 
Tan  1822  jusquen  1476  avant  notre  ère. . 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  133 

Périple  de  la  mer  Erythrée ,  nous  représente  comme 
un  article  de  commerce  qui  de  Bapêapix»/,  sur  lln- 
dus,  aiTivait  dans  la  vallée  du  Nil^  Des  enveloppes 
de  momie  ^  ont  prouvé  que  la  mousseline  de  Tlnde 
était  connue  aussi  en  Egypte;  et  ce  témoignage  coïn- 
cide avec  celui  du  même  auteur,  d  après  lequel  cette 
précieuse  étoffe  était  apportée  des.  bords  du  Gange 
dans  le  golfe  Arabique  ^.  Mais  un  fait  bien  plus 
curieux  encore ,  c  est  la  découverte  faite  dans  plu- 
sieurs tombeaux,  à  Thèbes,  de  vases  en. porcelaine 
de  Chine,  ayant  des  inscriptions  et  des  dessins  chinois. 
Un  de  ces  vases  a  été  retrouvé,  par  M.  Rosellini, 
dans  un  tombeau  encore  intact,  dont  il  fixe  la  date, 
d'après  le  style  des  sculptures  qui  le  décorent, 
à  une  époque  qui  ne  peut  être  de  beaucoup  posté- 
rieure à  la  dix -huitième  dynastie  *. 

Ces  faits  et  les  bas-reliefs  des  monument^  ne 
laissent  aucun  doute  sur  les  expéditions  maritimes 
et  le  commerce  des  anciens  Egyptiens  dans  la  mer 
des  Indes.  Hérodote  atteste  que  Sésostris  fui  le  pre- 
mier qui,  franchissant  Ip  golfe  Arabique  avec  une 
flotte  de  vaisseaux  longs,  rangea  sous  son  autorité 
les  habitants  des  côtes  de  la  mer  Erythrée  ou  mer 
des  Indes  ^.  Dun  autre  cq(té,  plusieurs  souverains 
de  la  dix-huitième  dynastie  portèrent  leiu's  armes 

*  Périple  de  la  mer  Erythrée,  dans  les  Geograpki  minores  d'HucU 
8on,  t.  I,  p.  2  2.  -T-  *  Wilkinson,  ouvrage  précité,  sér.  I,  vol.  III, 
pag.  121,  12  2.  —  V  Périple  précité,  pag.  22. 

*  Wilkinson,  ibid,  ib.  pag.  106,  107,  108. — Rosellini,  Monu- 
menti  delV  Egitto  e  delh,  Nuhia,  part.  II,  vol.  II,  pag.  337. 

^  Hérodote,  II,  102.    Les  prêtres  égyptiens  lui  racontèrent  que 


134  JOURNAL  ASIATIQUE, 

dans  la  haute  Asie,  et  eurent  probablement  des 
communications  avec  les  pays  qu'arrose  ilndus. 
Suivant  rhistorieii  Hécatée,  le  i'oi  Osymandias  fit 
rentrer  sous  le  joug  la  Bactriane,  soumise  par  Së- 
sostris,  Tun  des  prédécesseurs  de  ce  monarque  ^ 
Les  inscriptions  de  Thèbes,  lues  par  lui  prêtre 
égyptien  à  Germanicus,  lorsqu'il  visita  cette  ville, 
déclaraient  que  le  pharaon  Rhamsès,  à  la  tête  d'une 
armée  dé  sept  cent  mille  hommes,  avait  envahi  la 
Libye,  TEthiopie,  la  Médie,  la  Perse,  la  Bactriane, 
la  Scythie,  et  s  était  emparé  des  pays  habités  par 
les  Arméniens  et  les  Cappadociens  leurs  voisins, 
jusqu'à  la  mer  de  Bithynie  d'un  côté ,  et  la  mer  de 
Lycie  de  l'autre  ^.  Au  nombre  des  conquêtes  de  Me- 
nephthah  I*',  les  grands  bas-reliefs  de  Karnac  men- 
tionnent, parmi  les  noms  que  l'on  a  su  lire  jusqu'ici, 
la  Mésopotamie  ou  Naharaïn ,   ""^^^^  ^.^^n^  et 

m      Vl^  V      1   *-■-•,  l'Aram-Naharaïm, 

onn:  Dix  des  Hébreux.  On  lit  aussi  le  nom  d'Aram 
_  ^  I  ®  ^^^  ^^  statue  d'un  prêtre,  au  muéée 
du  Vatican ,  et  Champollion  a  retrouvé  sur  les  mo- 

wvyww  à  à 

numents  les  noms  de  Ninive ,  ''^^^^  1 1  *-■-•  et  de  la 

Perse,  ^^^ 

Ces   expéditions   militaii^es ,   qui   ouvrirent   aux 

Sésostris  fit  voile  encore  plus  loin,  jusqu^à  une  mer  qui  cessait 
d'être  navigable  à  cause  des  bas-fonds.  (Ibid,) 

*  Diodore  de  Sicile ,  I,  47  et  suiv.  —  ^  Tacite,  Âtmales,  II,  60. 
—  *  GbampoUion ,  Grammaire  égyptienne,  pag.  i5o,  169  et  Soi  ; 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  135 

Égyptiens  les  routes  de  la  haute  Asie,  conduisent 
naturellement  à  supposer  qu*ils  s  y  créèrent  des  re- 
lations commerciales. 

Les  livres  hébreux  attestent  pareillement  les  rap- 
ports qui  existèrent  entre  les  peuples  de  TAsie  oc- 
cidentale et  rinde.  Moïse  parle  du  cinnamome  à 
1  odeur  parfumée,  ou  cannelle,  ofe^a  p^p  ^,  et  il  en 
est  question  aussi  dans  le  livre  des  Proverbes^  et 
dans  le  Cantique  des  Cantiques  ^,  ]M2Zp, 

Les  Phéniciens  avaient  appris  à  Hérodote  que  l'Ara- 
bie était  le  seul  pays  où  croissait  cette  précieuse 
écorce^  C'est  là  évidemment  une  fable  misé  en  avant 
par  la  précaution  jalouse  d'un  peuple  marchand  pour 
dissimuler  la  véritable  origine  d'un  produit  dont  il 
craint  que  la  concurrence  étrangère  ne  s'empare. 
Toutefois  il  n'ignora  pas  qu'elle  venait  des  lieux  où 
Bacchus  fut  élevé ,  c'est-à-dire  l'Inde ,  suivant  les  doc- 
trines mythologiques  des  Grecs;  et  il  ajoute,  avec 
cet  esprit  judicieux  qui  le  caractérise,  que  cette  opi- 
nion s'appuyait  sur  des  conjectiu-es  vraisemblables  ^. 
Le  nom  de  cinnamome,  aivvafiov  ou  aivvdficûfiov , 
était,  suivant  cet  historien,  d'origine  phénicienne; 
ce  qui  indique  que  les  Phéniciens,  qui  allaient  cher- 
cher la  cannelle ,  soit  directement  dans  les  contrées 
où  elle  est  indigène,  soit   de  seconde  main  dans 

Dictionnaire  kiérogljphitiue ,  pag.  278, 3o8,  ^35  et  5oi.  Il  faut  remar- 
quer que  le  nom  hiéroglyphique  Naharaîn  reproduit  la  forme  chal- 
déenne  du  duel,  et  non  point  la  forme  héhraîque,  comme  Va  sup- 
posé, d'après  sa  transcription,  fillustre  archéologue. 

*  Exode,  XXX,  aS.— ^*  vu,  17.  —  '  iv,  i4. — *  Hérodote,  m, 
107.  —  '  Le  même,  III,  111. 


136  JOURNAL  ASIATIQUE. 

TArabie  méridionale,  en  avaient,  à  cette  épocj^e, 
le  monopole.  "" 

La  canne  odorante  désignée  par  Moïse  sous  le  nom 
de  Dtra  nip  ^  par  Jérémie,  sous  celui  de  aitarr  n^p^ 
et  par  Ezéchiel,  dans  le  magnifique  tableau  qu'il  nous 
a  tracé  du  commerce  de  Tyr,  sous  celui  de  nap  sim- 
plement ',  me  semble  devoir  être  le  çalamus  odo- 
ratas  de  llnde ,  confondu  par  Pline  avec  le  calamus 
odoratus  de  Syrie  *,  mais  que  Dioscoride  a  très-bien 
décrit  ^,  et  qui ,  pour  les  qualités  aromatiques, 
remportait  de  beaucoup  sur  ce  dernier.  Jérémie,  qui 
paraît  avoir  eu  des  notions  précises  sur  sa  provenance, 
affirme  que  l  encens  était  apporté  de  Saba,  mais  que 
les  cannes  odorantes  venaient  des  pays  éloignés  ^. 

L'énumératïon  des  pierres  précieuses  que  Tyr 
recevait  est  si  abondante  dans  Ézéchiei  '',  que  ion 
est  en  droit  de  supposer  qu'on  les  tirait,  non-seuie- 
ment  de  l'Ethiopie,  mais  encore  du  Dekkan,  qui 
possède  les  mines  les  plus  riches  de  pierres  précieuses 
et  dé  diamants  *. 

Si  les  Phéniciens  furent  pendant  longtemps  les 
principaux  agents  du  commerce  orientale,  nous 
savons ,  par  d'autres  témoignages ,  que  les  peuples 

*  Exode,  XXX,  2 3.  —  *  vi,  20. — '  xxvii,  17. —  *  Histnat, 
XII,  48.  —  ^  Dioscoride,  i,  17. 

•  pnnD  yiKD  aiion  n:pi  Kun  xatfD  ^\l^2h  '•V  nrnD**?. 

VII,  20.  —  '  XXVII,  16,  et  XXVIII,  i3.  —  'Rufi  Festi  Avieni  Des- 
cript  orh,  ierr.  vers.  1 320-1826,  et  Prisciani  Periegesis,  v.  1010  et 
sqq.  e  typogr. Bipont.  Argentor.  in-8*,  1809.  (Cf.  M. Pardessus,  Col- 
lect  de  lois  marit  tom,  VI,  pag.  365,  867.) — •  Isaïe,  xxiii,  et 
Ézéchiei,  xxvii,  passim,  (Cf.  Agatharch.  De  Bubro  mari,  pag.  65, 
dans  les  Geogr.  min,  d'Hudson,  tom.  I.  ) 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  137 

de  l'Arabie  méridionale,  qui^  pôf:  leur  position  géo- 
graphique,  ont  dad  evenir  de  bonne  heure  navigateurs 
et  maix^hands,  y  prirent  une  part  très-active  ^  Aga- 
tharcbide  raconte  que  c  est  chez  les  Arabes  que  les 
Phéniciens  allaient  s-approvisionner  des  marchan- 
dises gui,  pendant  des  siècles,. enrichir èpt  Tyr  et 
Sidon  ^.  Les  premiers  Grecs  qui  pénétrèrent^  dans 
la  mer  Erythrée  trouvèrent  les  Arabes  sabéens  çn^ 
possession  du  commerce  de  l'Inde  '.  Ils  s^  rendaient 
dans  des  barques  couvertes  de  cuir,  et  dans  la 
construction  desquelles  il  n'entrait  pas  im  clou*. 
Ges  voyages  njarijimes,  quoique  réduits  à  l'état 
de  cabotage,  à  cause  de  l'imperfection  de  la  navi- 
gation à  cette  époque,  ne  remontent  pas  moins 
à  \me  très-haute  antit^té.Petra  et.  Maccoraba,  qui 
a  été  plus  tard  la  Mecque,  étaient  deux  marchés 
considérables  où  affluaient  les  productions  du  pays 
des  Sabéens,  et  celles  qui  arrivaient  à  Mariaba, 
principale  ville  'de  ce  pays  ^.  Ces  richesses,  et  le 
nombre  des  villes  que  l'Arabie  renfermait,  avaient 
inspiré  à  Alexandre -le  désir  d'en  faire  la  conquête; 
et  Arrien,  qui  lious  révèje  ce  projet  du  héros  ma- 
cédonien ,  met  au  nombre  des  productions  de  FA- 
rabie  des  denrées  évidenimeiit  originaires  de  Tlnde 

*  Périple  précité ,  pag.  1 5. 
.   '  Agath.  loc.  laud,  pag.  65. 

^.Agath.  ifcirf..—  StraboD,XVI,  lai. 

^  Pline,  Hist,  nat  X(I,  19.  Voir  Maltehrun,  Histoire  de  la  gèo» 
graphie,  liv.  X,  dans  sa  Geogr.  umvers.  revue  par  lyt.  Huot,  tom.  I , 


1^,  109  de  redit  de  Forne;  Paris,  i84ir 
'  Strabon,  XVI,  3>  SS  4  et  6.— Diodore,  H, 


48;lII,/i2. 


138  JOURNAL  ASIATIQUE. 

ou  de  Ceylan ,  comme  la,  cannelle ,  le  laums-cassia 
(sorte  de  cannelle)  et  le  nard^.  Chez  les  Sabéens, 
qu'Auguste  essaya  vainement  de  ranger-  sous  son 
autorité ,  de  simples  particuliers  possédaient ,  au 
dire  de  quelques  historiens,  une  opulence  égaie 
à  celle  des  rois  ^.  Ces  trésors  n'avaient  pu  5  accu- 
mui.er,  ces  villes  devenir  florissantes,  que  par  un- 
commerce  régulier,  et  déjà  ancien  au  temps  d'A- 
lexandre, des  peuples  de  l'Arabie  avec  l'Inde,  et  peut- 
être  avec  des  contrées  plus  reculées  vers  l*Orient,  et 
par  des  relations  longtemps  entretenues  avec  les  na- 
tions qui  venaient  se .  fournir  chez  eux  des  denrées 
que  rinde  produit.*  Sous  les  premiers  empereurs 
romains ,  la  partie  de  la  côte  orientale  d'Afrique  où 
est  situé  le  promontoire  des  Aromates,  était  dans 
la  dépendance  des  Arabes,  maîtres  de  tout  le  com- 
merce, et  un  de  leurs  souverains  s'y  était  attribué 
une  sorte  de  monopole  ^. 

L'Egypte ,  sous  les  Ptolémée  et  sous  la  domination 

*  Tris  je  xj^pas  ^  e^Satftovia  ùitetthet  avrov,  Sti  i\xovev  ex  fièv  tSp 
'ktu.v&v  riiv  xacriav  ylyveaQcu  œitoîsy  dvà  Se  rav  èéwèptùv  Ti)y  afiiipvap 
re  xai  rèv  'Xi^otvanàv ,  èkH  t&v  Q^(JiPù)v  t6  Ktvv(i\ua{iov  jéfiveaBai'  oi 
\eifJL&pes  Se  6>n  vàpSov,  ayj6\uetpi  èxfépown ......  itapàoxefv  Se  xed 

ifàXsts  èvotxtaOrjvou ,  xal  ta.v'vas  yevéadcu  eCSoJitovas.  [Eœpédilion  âA- 
leœandre,  liv.  VII,  pag.  3od ,  '3oi,  éd.  Jacob.  Gronovius,  Leyde, 
in-fol.  1704.) 

'  Agatharcb.  loc,  laad.  pag.  65,  et  Prisciani  Periegesis, 

Nam  populos  pascit  fdiccs  divite  terra  ; 

Floribus  et  variis  miracula  prœbet  odoris.  # 


Vcstibns  auratis  quare  gens  utitur  illa. 

(V.  875-ôlip.) 

Pluie,  HisU  nat  Xfl,  19;  Périple  précité,  pag.  10. 


AODT-SEPTEMBRE  1846.  139 

impériale,  en1|i^  pour  une  large  part  dans  çé  trafic 
lucratif,  et  envoya  de  fréquentes  expéditions  sur  le^ 
côtes  de  iHide  \.  Majs  les  Arabes,  on  ne  saurait  en 
douter,  continuèrent  les  leurs  avec  la  même  acti- 
vité. Ils  durent  profiter  de  la  découverte  des  mous- 
sons ,  si  même  ils  ne  la  connaissaient  pas  auparavant , 
faite  dans  le  milieu  du.f"  siècle  de  notre  "ère ,  par 
un  navigateur  romain  nomfné  Hippalus.  C'est  lui. 
(jui  le  premier,  suivant  Pliiie  ^,  reconnut  la  pé- 
riodicité des  vents  qui,  dans  les  mers  orientales, 
soufflent  pendant  six  mois  alternatifs»  c est- à-dire 
à  partir  du  solstice  d'été  jusqu'au  solstice  d'hiver, 
dans  la  direction  du  nord -est  au  sud-ouest,  et, 
pendant  les  six  autres  mois ,  dans  un  sens  con- 
traire. Cette  découverte ,  'en  permettant  aux  navires 
de  s'éloigner  des  côtes"  pour  s'abandonner  à  l'im- 
pulsion des  moussons,  donna  la  possibilité  de  se 
rendre  immédiatement  du  détroit  de  Bab-el-Mari- 
deb  vers  le  golfe  de  Càmbaye,  et  d'en  revenir  dans 
l'espace  d'une  aqnée.  - 

Que  les  Indiens  se  soient  livrés  de  très-bonne 
heure  à  la  navigation,  c'est  là  un  fait  dont  il' existe 
des  traces  dans  les  antiques  monuments  'de  la  littéra- 
ture sanskrite,  coïnme  le  Ramayana,  le  Sakountala, 
et  surtout  dans  le  Code  de  Manôu,  xjui  contient 
plusieurs  dispositions  de  droit  maritime  ^^  Ils  fré- 

*  iM.  Pardessus,  CoWcc^  tom.  VI,  pag.  366. 

*  Hm.  nflt.VI,26.  . 

^  M.  Par4éssus,  Collect.  tom.  VI,  pag.  368h.  On  trouve  dans  ce 
volume  la  partie  .du  Code  deMaiiou,  traduite'pàr  M.  £ug.  Burnouf, 
qui  règle  le  droit  de  la  mer  (pag^  385-388). 


140  JOURNAL  ASIATIQUE.        . 

quentèreift  ie  golfe  Persi(jue  et  les  ci^es  de  TArabie , 
ainsi  que  Imdique  Agatharchide^  ;  et  dans  des  temps 
postérieurs,  sous  les  khalyfes  de  Bagdad j'iis  faisaient 
des  descentes  armées  et  considérables  jusque  sur 
les  bords  du  Tigre  2,  ce  qui  nous  ^lutorise  à  penser 
qu'ils  en  avaient  appris  le  chemin  deplris  longtemps. 
Quoiqu'un  célèbre  historien  anglais,  Gibbon,  se 
soit  montré  fort  peu  disposé  à  croire  aux  anciennes 
navigations  des  Chinois  dans  la  mer  des  Indes  ^,  il 
nen  est  pas  moins  certain  maintenant,  d après  la 
relation  du  voyage  du  prêtre  bouddhiste  Fâ-hian, 
que  leurs  navires,  au  iv*  siècle  de  notre  ère,  se  ren- 
daient dans  ie  golfe  du  Bengale ,  et  jusqu'à  Ceylan  *  : 
et  l'itinéraire  d'un  autre  voyageur  chinois  liommé 
Hiouan-thsang,  qui  vivait  au  commencement  du  vu* 
siècle ,  nous  conduit  tout  le  long  de  la  côte  occiden- 
tale de  la  presqu'île  de  l'Inde  jusqu'aux  embouchi4res 
de  rindus^.  Nous  savons  qu'ils  fréquentaient  ces  pa- 
rages, ainsi  que  ie  golfe  Persique,  sous  le  règne  de 
la  dynastie  des  Thang^.  Deux  écrivains  arabes  cités 

*  Agâtharch.  loc.  land,  pag.  66. 

*  Cf.  M.  Reinaud,  Relation,  Discours  préliminaire,  p.  xxxvii. 

^  «  I  am  not  qualified  to  examine ,  and  I  àm  not  disposed  to  believe 
their  distant  voyages  to  thé  Persian  Gulf,  or  tbe  cape  of  Good 
Hope.  9  (  The  history  of  décline  and  f  ail  of  the  Roman  empire,  chap.  XL, 
pag.  669.  London,  iSSg,  impérial  8'.) 

*  Foérhoue-ki,  ou  Relation  des  royaumes  bouddhicpes ,  etc.  tra- 
duit du  chinois  et  commenté  par  Abel-Rémusat,  Klaproth  et  M.  Lan- 
dresse.  Paris,  Imp.  roy.  1 836,  in-4*. 

^  Itinéraire  de  Hiouan-tlisang ,  traduit  par  M,  Landresse;  Appen- 
dice au  Foe-kouë-ki,  pag.  892,  SgS. 

^  Klaprotb,  Lettre  û  M.  de  Humboldt  sur  l'origine  de  la  boussole, 
pag.  95.  M.  de  Walckenaêr,  Monde  maritime,  iom.  I,  pag.  221  et 


AOUT-SEPTEMB^pE  1846.  141 

par  M.  Reinaud,  Massoum  et  Hainza  d'Ispahari,  l'un 
du  ix*  siècle  de  notre  ère ,  et  l'autre  du  x*,  s'accordent 
à  dife  que,  dans  la  première  moitié  du  v®  siècle»  la 
ville  de  Hira,  bâtie  au  sud-ouest  de  lantiqùe  Baby- 
lone,  à  quelque  distance  du  lit  actuel  de  TEuphrate , 
et  qui  était  alors  le  chef-lieu  d  une  principauté  vas- 
sale de  la  Perse,  voyait  constamment  amarrés  de- 
vant ses  maisons  des  navires  venus  de  Tlnde  et  de 
la  Chine  ^  Deux  autres  auteurs  arabes,  lé  géo- 
graphe Édrisi,  qui  vivait  au  xii®  siècle,  et  le  célèbre 
voyageur  Ibn^athoutha ,  qui,  dtms  le  xiv',  parcou 
rut  presque  ftitièrement .  le  monde  connu -à  cette 
époque ,  nous  disent  que  les  navire*chinois,  se  ren- 
daient à  Ceylan^  et  sur  la  côte  sud-ouest  de  Tlnde 
citérieure,  à  Koulam,  jCalicut  et  Hyly*. 

Les  habitants.de  Tarchipel  d'Asie  avaient  part, 
eux  aussi,  au  commerce  général  de  la  merdeslndes.^ 

mii//  de  Tédition  in -8",  et  le  même,  Mémoire  sur  la  chronologie 
jcSoanaise  et  sur  l'époque  di^la  fondation  de  MadjapaKit,  dans  les'Mém. 

de  TAcad.  des  inscr.  tom.  XV,  i"  partie,,  pag.  224.  M.  Pardessus, 

Cott^ct.  tom.  VI,  pag.  373. 

*  Relat.  t.  I,  Disc,  prélim.  p.  xxxv. 

*  Édrisi,  dans  sa  géographie  intitulée  ^^tjX^t  ^  ^Lcitî  i*jj 
^Uûf  t  Bécréation  dé  t  Homme  qui  désire  traverser  les  pays.  (Ms.  de  la 
Bibl.  roy.  suppl.  ar.  n*  656,  fol.  19  r.  Trad.  franc,  par  M»  Amédée 
Jaubert,  t.*I,p.  73.)  '    ^.     ■  ^  . 

^  Ibn-Bathoutha jUu-^f  c-mUe^ jUâ^oif t  o^fj*  j jUiiJf  mjC* 
Le  présent  des  gens  qui  observent  les  singularités  des  villes  et  les  mer- 
veilles des  voyages,  (M&.  de  la  Bibl.  roy.  suppl.  ar.n*  667»  II*  partie, 
foi.  60  V.)  Je  doime  ici,  une  fois  pour  toutes,  l'indication  complète 
du  manuscrit  dlbn-Bathoutha  dontje  me  suis  servi  pour  mon  tra- 
vail. Je  ferai  de  même  pour  tous  les  manuscrits  que  j  aurai  Tocca- 
sion  de  citer. 


142  JOURNAL  ASIATIQUE. 

he  caractère  aventureux  des  Malays  et  leur  posi- 
tion insulaire  leur  ont  fait  entreprendre ,  dans  tous 
les  temps,  les  pérégrinations  maritimes  les  plus  har- 
dies ^  Il  paraît  que  leurs  courses  s'étendirent  au 
loin  dans  cette  mer ,  à  une  époque  très-réculée -, 
puisque  les  habitants  de  Madagascar  se  rattachent 
par  le  langage  à  la  même  souche  qu'eux ,  langage 
qualifié,  par  un  géographe  moderne,  de'ia  déno- 
mination aussi  ingénieuse  que  vraie  de  malay  afri- 
cain^, tandis  que,  dun  autre  côté,  à  Test,  des 
peuples  de  même  race  gagnèrent  de  proche  en 
proche  les  dernières  îles  de  loçéàn^^Pacifique. 

Le  code  maritime  de  .Malacca  ,  compilé  vers 
la  fin  du  xiif  siècle  d'après  de  très -vieux  docuT 
ments  ^,  et  où  sont  consignés  des  priiîcipes  qui  rap- 
pellent souvent  ceux  dés  nations^les  plus  civilisées 
de  l'Europe  moderne,  nous  offre  une  législation 

*  Dr.  Lang,  View  of  the  origin  and  migrations  of  the  Poljrnesiian 
nations,  pag.  67,  58.  London,  in-8*,  1807.  Crawfurid,  Historj  oj 
the  indian  Archipelayo,  vol.  II,  chap.  v.  Edinburgh,  1820,  3  vol. 
in-8^ 

*  Domeny  de  Ricnzi,  Ckéanie,  tom.  I, pag.  78,  dans  la  Collection 
de  rUnivers  pittoresque,  publiée  par  MM.  F'irmin  Didot. 

^pUbjwi    «-)  iJ<X»jX\  iiiuUwoLô  jLôJ^  (^LkL,  ^j\j^  c5^^. 

(J^viLo  (j3d.  «  Ces  couturties  ont  été  recueillies  de  la  bouclie  des 
'  vieillards  à  Tépoque  où  le  royaume  de  Malaca  était  florissant,  sous 
le  sceptre  du  sultan  Mohammed:Schah ,  commandeur  des  croyants.  » 
[PréambaU  da  Code  maritime  de  Malaca,  Collection  de  M.  Pardessus, 
tom.  VI,  pag.  390,  Sgi.  Cf.  la  Charte  de  «concession  de  ce  code, 
ibid.  pag.  422.]  Le  sultan  Mohammed-schah ,  le  premier  souverain 
musulman  de  Malaca,  régna  depuis  Tannée  12 76  jusque»  en  1 333. 


AOUT-SEPTEMBRE  1S46.  143 

perfectionnée  par  une  longue  pr^ime  de  la  mer. 
La  mention  de  ces  anciennes  TOvigatiôns  nous 
est  d'ailleurs  fournie  par  les  auteurs  arabes.  Édrisi, 
qui,  malgré  les  graves  reproches  (jue  Ton  peut  lui 
adresser  pour  la  confiisioh  avec  laqueilt  il  décrit  la 
mer  des  Indes  eV^iarchipel  d'Asie ,  n'en  à  pas  moins 
le  mérite  de  s'être  servi,  dans  la  rédaction  de  cette 
partie  de  son  livre,. de  documents  très-exacts  et 
d'une  valeur  réelle  pour  la  plupart,  Edrisi  nous 
apprend,  au  commencement  de  la  vit*  section  du 
I*"  climat,  que  les  habitants  des  îles  du  Zabedj ,  les- 
quelles correspondent  à  l'archipel  d'Asie ,  ainsi  qu'on 
le  verra  plus  loin,  se  rendaient  en  Afrique,  dans 
le  Zanguebar,  avec  de  grands  et  de  petits  navires 
chairgés  de  leurs  marchandises.  Ce  comiilerce  était 
assez  fréquent  et  assez  ancien  pour  que  les  ha- 
bitants des  deux  pays  eussent  appris  à  comprendre 
le  langage  les  uns  dé^  autres.  Dans  la  section  sui- 
vante du  même  climat,  il  raconte  que  les  gens  du 
Zabedj  allaient  chercher  du  fer  4ans  le  Sofala,  en 
Afrique,  pom*  ie  transporter  sur  le  continent  et 
dans  les  îles  de  l'Inde,  et  pour  l'y  vendre.  Un  peu 
plus  loin  (ix®  section  du  même  climat),  il  ajoute 
que  les  marchands  du  pays  du  Mahjgo^adja ,  c'est-à-dire 
des  pays  du  Zabedj ,  étaient  en  relation  de  commerce 
et  d'amitié  avec  les  habitants  de  la  ville  de  Djebesta , 
dans  le  Sofala ^,  Or,  commeEdrisi,  qui  vivait,  ainsi 
que  nous  venons  de  le  dire,  dans  le  xii*  siècle,  a 

•   *  Nozhet-al-moschtak ,  fol..  i5  v.  17  r.  et  20  r.  trad.  fr.  tom.  1, 
pag.  58,  65  et  78. 


144  JOURNAL  ASIATIQUE, 

puise  ses  renqgfenements  dans  des  écrivains  qui 
lavaient  préceoe  de  deux  ou  trois  cents  ans,  et 
qu  il  a  fallu  un  certain  laps  de  temps  pour  que  ces 
renseignements  parvinssent  à  ces  derniers,  il  est 
évident  quih  faut  faire  renfionter  plus  haut  que  le 
IX®  siècle  l'existence  des  relation^  qui,  suivant  ce 
géographe,  avaient  lieu  entre  les  habitants  de  l'ar- 
chipel d'Asie  et  ceux  de  Tln^  et  de  la  côte  orien- 
tale d'Afrique ,  c'est-à-dire  à  l'époque  où  le  com- 
merce des  Arabes  et  des  Persans  dans  la.  mer  de 
Indes  était  le  plus  florissant.  Ibn-Bathoutha  compte 
les  insulaires  de  Java  (Java  la  Menor  de  Marco-Polo, 
ou  Sumatra)  parmi  les  nations  qui  se  rendaient  à 
Calicut,   »^(43  (jv^ï  J^J  U.>o^.  ...LyUb  iU^Js^. 

Le  commerce  des  habitants  de  l'archipel  d*Asie 
avec  les  ports  de  l'Inde  fut  assez  considérable  pour 
donner  lieu  à  des  négociations  diplomatiques,  des- 
tinées sans  doute  à  en  régulariser  et  en  assurer 
l'exercice  entre  les  souverains  de  Sumatra  et  cf  ux 
de  Dehli.  Ces  rapports  devaient  être  assez  fréquents, 
ainsi  que  l'on  peut  en  juger  par  l'ensemble  de  la 
relation  que  nous  a  donnée  Ibn-Bathoutha  ^  de  ia 
visite  qu'il  fit  au  sultan  de^umatra,  dans  ks  états 
duquel  il  aborda.  Ce  célèbre  voyageur  rencontra 
à  la  cour  de  ce  prince  un  de  ses  émirs,  nommé 

Kmi^^ ,  avec  lequel  il  s'était  lié  lorsque  celui-ci  filt 
envoyé  comme  ambassadeur  auprès  de  l'empereur 

*  Ibn-Bathoutha,  11' part.  rpL 61  v. 
/6iU  fol.80  V.81  etSaf! 


AOUT^SEPTEMBRE  1846.  145 

de  Dehli.  Voici  le  passage  où  il  parle  de  cet  ëmir  : 
â^^  »J^^JU9  AJîju^  ^^vA^  ovil^  ^«XJvi^  iL¥*i^:>  jM^i]  J^^ 

Lorsque  les  tribus  de  l'Arabie  se  réunirent,  à  la 
voix  de  Mahomet,  pour  former  une  grande  nation, 
leurs  expéditions  maritimes  et  leur  commerce  prirent 
un  essor  considérable.  Bassora,  fondée  par  Omar 
au-dessous  dii  confluent  de  TEupbrate  et  du  Tigre , 
s'éleva  en  peu  de  temps  comme  la  rivale  de  Séleucie 
et  d'Alexandrie.  Ce  fi^t  alors  que  les  musulmans 
s'élancèrent  dans  l'Inde  avec  une  ardeur  retrem- 
pée dans  cet  esprit  d'enthousiasme  religieux  et  guer- 
rier que  le  Prophète  avait  su  leur  inspirer,  et  que 
leiurs  premiers  succès ,  si  éclatants ,  ne  firent  qu'ac- 
croître. Leurs  armes  ouvrirent  de  nouvelles  voies 
aux  pacifiques  conquêtes  du  négoce  et  de  la  marine 
marchande.  Un  document  d'une  haute  valeur,  re- 
latif aux  premières  expéditions  militaires  des  Arabes 
dans  l'Inde  et  aux  relations  commerciales  qu'ils  s'y 
étaient  créées,  est  celui  que  fournit  Beladori. 

Cet  écrivain ,  dont  le  véritable  nom  était  Ahmed , 
fils  de  Yahya,  <s^  (^  «>^-^' ,  vécut  à  la  cour  du  kha- 
lyfe  de  Bagdad  Motawakkel  vers  le  milieu  du  ix^siècle, 
et  moiunit  l'an  279  de  l'hégire  (892  de  J.  C).  II  a 
retracé  dans  un  ouvrage  dont  un  exemplaire  manus- 
crit est  conservé  dans  la  bibliothèque  de  l'université 
deLeyde,  et  intiljCdé  ytJ^-lJ!  ^^  v^^^>  l^s  con- 
quêtes des  musulmans  en  Syrie  ;  en'  Mésopotamie , 

^  Ibn-Bathoutha,  ibid.  fol.  81  r. 


146  JOURNAL  ASIATIQUE. 

en  Egypte,  en  Perse,  en  Arménie,  dans  la  Tran- 
soxiane ,  en  Afrique  et  en  Espagne .  dans  les  temps  • 
voisins  de  la  naissance  de  J'islamisme.  Le  chapitre 
relatif  aux  premières  Invasions  dés  Arabes  dans  la 
vallée  de  Tlndus,  conununiqiié  par  M.  le  docteur 
Reinhart  Dozy,  orientaliste  très-distingué  de  Hol- 
lande, à  M.  Reinaud,  est  déjà  connu  du  lecteur, 
sous  les  yeux  duquel  il  a  piassé,  traduit  et  enrichi  d'un 
savant  commentaire  par  ce  dernier^.  Ce  récit  de 
Beiadori  enibrasse  les  temps  écoulés  depuis  le  kha- 
lyfat  d'Omar,  sous  lequel  une  expédition,  partie  de 
rOman^,  alla  pilier  les  côtes  de  Tlnde ,  jusqu'après  la 
mort  du  khalyfe  Mo'tassem-billah ,  fils  de  Haroun-al- 
Raschid,  Tan  842  de  J.  C.  Il  éclaire  d'une  nouvelle 
lumière  cette  partie  de  l'histoire  des  Arabes  que  les 
plus  anciens  écrivains  de  cette  nation ,  comme  Tha- 
bari,  Massoudi,  Ibn-Haukal,  n'ont  connue  et  dé- 
crite que  d'une  manière  très-imparfaite. 

Je  dois  faire  ressortir  du  récit  de  Beiadori  les 
circonstances  qui  ont  trait  au  sujet  dont  nous  nous 
occupons.  Les  expéditions  militaires  qui  suivirent 
celle  qui  eut  lieu  sous  Omar,  dirigées  vers  les  fron- 
tières occidentales  des  pays  que  baigne  l'Indus,  ne 
furent  que  des  courses  rapides  dont  le  pillage  était 
l'objet  principal.  Mais,  vers  l'an  696 ,  sous  le  règne 
du  khalyfe  ommyade  Walid,  fils  d'Ahd-al-Malek ,  les 

^  Journal  asiatique,  cahier  de  février^mars  i845.  M.  Reinaud  a 
réutii  dans  un  tir^e  à  part  les  fragments  qu  il  a  publiés  sur  Tlnde, 
dans  les  cahiers  d'août ,  septembre  et  octobre  1 844 ,  et  février-mars 
i845. 

»  Vers  Tan  16  de  Thégyre  (636  de  J.  C). 


AOUT-SEPTEMBRE  184^.  147 

conquêtes  de^  musulmans  prirent  un  ciaractère  de 
stabilité.  Mohammed ,  fils  de  Cassem ,  ayant  été  investi 
par  son  cousin  Hadjadj ,  gouverneur  de  Tlrak,  du 
commandement  des  frontières  de  ilnde ,  c  est-à-dire 
duMekran  etdes  payslimitropnes,^se  prépara  à  porter 
les  armes  dans  le  Sind.  Le  prétexte  de  cette  agression 
fut  que  Daher,  souverain  de  la  ville  de  Daybal,  cKa^:>\ 
avait  refusé,  malgré  les  invitations  d'Hadjadj,  ou  plu- 
tôt avait  été  dans  Timpossibilité  de  rendre  à  la  liberté 
des  femmes  musulmanes  que  le  roi  de  l'île  des  Rubis , 
t^y^lAJt.  '^j^j^  (Ceylan)^  avait  offertes  à  Hadjadj, 

•  # 

^  Vilte  située  sur  les  bords  de  la  mer,  à  roccidenl  des  embouchures 
de  rindus,  et  très-riche  par  son  commerce.  (M.  Reinatid,  préface 
de  ses  Fragments,  pag,  xxi  du  tirage  à  part.) 

*  L'historieaFerischtah,  cité  par  M.  Reinaud,  dit  qu  il  faut  ei% 
tendre  Ceylan  par  Tîle  des.  Rubis.-  Un  passage  de  Cosmas,  où  il 
parle  des  rubis  que  cette  île  fournit,  confirme  ce  rapprochement  : 
Avril  oZv  i\  ^tekeSlSa,  \U(m  'Sfœs  tvyy^dvovaa  rris  tvStxrjs,  éy^piiaet  Se 
xai  ràv  vdxtvdov.  (  Topographie  chrétienne ,  dans  la  Collectiù  nova 
Patrunt  de  Montfaucon»,  tom.  II,  pag^  ^37.)  Les  géographes  et  les 
naturalistes  arabes  mentionnent  souvent  le  rubis  comme  Tune  des 
productions  les  plus  précieuses  de  Ceylan.  (Voir  Aboulféda,  Tak- 
wjrm-al-Boldan,  éd.  Reinaud  et  de  Slane»,  pag.  3"75;  Kazwini,  Ad- 
jayb-al'Boldan,  ms.  de  la  Ribliothèque  royale ,  ancien  fonds  arabe  ; 
n"  899,  fol.  29.) 

Ibn-Bathoutha ,  dans  sa  description  de  Ceylan ,  donne  dé  curieux 
détails  sur  le  rubis,  a  Le  plus  beau  (le  véritable  rubis),  ou  escar- 
houcle ,  ne  se  trouve ,  dit-il ,  que  dans  ce  pays.  Une  partie  est  retirée 
dé  Tembouchure  du  fleuve ,  et  ce  sont  les  rUbis  les  plus  estimés  ;  une 
autre  partie^  est  extraite  dii  sein  de  la  terre.  On  rencontre  le  rubis 
dans  toutes  les  parties  de  Tîle. ...  Il  y  en  a  de  rouges,  de  jaunes  et 
de  bleus,  que  Ton  appelle  neilam  (sansk.  :f^  bleu,  azuré).  La  cou- 
tume est  que  lorsque  cette  pierre  précieuse  vaut  cent  faoams  (sansk. 
qfIJT,  pièce  ae  monnaie  valant  actuellement  vingt  gandas  ou  huit 
cauris)  elle  est  réservée  pour  le  sultan,  qui  en  donne  via  valeur, 


148  JOURNAL  ASIATIQUE. 

et  que  des  pirates  de  race*meyd  des  envirpns  de 
Daybal  avaient  enlevées  sur  le  navire  où  eUes  étaient 
embarquées.  Ces  femmes  étaient  nées  de  parents 
musulmans  fixés  à  Ceylan  pom*  y. faire  le  commerce. , 
Ce  fait  curieux,  rapporté  parBeladori,  nous  intéresse 
particulièrement  au  point  de  vue  où  nous  sommes 
placés  ici  ;  car  il  en  résulte  la  preuve  que  les  Arabes 
fréquentaient  Ceylan  depuis  asse^  longtemps  pour 
y  avoir  fondé  des*  établisisetnents  permanents.  Mo- 
bammed  soumit  rapidement  tous  les  pays  qu*il  tra- 
versa, et  il  s'empara  des  villes  qui  se  trouvaient  sur 
son  passage  depuis  Kyzeboun ,  {jyyfî»  ^  jusqu'à  Meid- 

et  la  prend  pour  lui.  Les  rubis  d'un  prix  infërieur  sont  pour  ses 
courtisans.  Le  change  de  cent  fanaqis  est  de  six  dinars  d'or.  » 

Je  transcris  ici  le  texte  de  ce  passage,  parce  qu'il  contient, 
dans  sa  ^dernière  partie ,  quelques  indications  de  plus  que  l'abrégé 
de  Beylouny ,  dont  s'est  servi  M.  Lee  pour  sa  traduction  anglaise 
d'Ibri-Batboutba,  et  parce  que  ma  version  s*éloigne  assez  sensible- 
ment de  celle  de  ce  savant  orientaliste  : 

(Fol.  73'r.)c> Jtj ff^j-^jAîU^ 

*  Principale  ville  du  Kerman ,  suivant  l'auteur  du  Merased-al' 
Iuhila\  ou  plutôt,  sans  doute,  du  Mekran,  comme  le  fait  observer 
M.  Reinaud.  (Fragm,  pag.  192.) 


AOUT-SEPTEMBRE  1846/  149 

tan,  dans  la  vallée  de  Tlndus:  Cependant,  le  khalyfe 
Walid  étant  mort,  son  successeur,  Soleymato,  pré- 
posa Saleh,  fils  d'Abd-al-Rahman,'  aux  impôts  de 
rirak,  et  nomma  Yezyd,  fils.  d'Abou-Kabscbah  ^  al- 
Saksaky,  JitJi*J\  *-'*H^  j.',  0J  *>^  >  gouyerhem» 
du  Sind.  Saleh  fit  périr  Mohammed  dans  les  tortm*es. 
Après  lui,  les  musulmans  fondèrent,  à  ime  époque 
qui  correspond  au  règne*  des  derniers  Onâïnyades, 
une  ville  à  laquelle  Hakem  imposa  le  nom  d'Al-Mah- 
foudha,  AÎôybsJt  ,  ou  «la  bien  gardée,»  la,quelle 
devint  une  place  de  sûreté  pom*  les  musidmans  et 
leur  capitale,  ainsi  qu'Al-Mansoura ,  ijyajJkS ,  wla 
victorieuse,  ))49Ù,  plus  tard,  résidèrent  les  gouver- 
neurs^.' Lorsque  la  dynastie  des  Abbasides  fiit  montée 
sur  le  trône ,  Mousa ,  devenu  maître  du  Snd ,  répara 
la  ville  d'Al-Mansoura  et  agrandit  sa  mosquée.  Sous 
le  khalyfe  Al-Mansour ,  lés  musmmans  subjuguèrent 
les  parties  méridionales  du  territoire  de  Kaschmyr  et 
toute  la  province  du  Moultan,  et,-  ayant  gagné  par 
mer  Kandahar,  ils  s  en  emparèrent.  Le  règne  de 
Mamoun  les  vit  pénétrer  jusqu  à  Sindan  ^,  qu'ils  oc- 
cupèrent,, et  où  ils  bâtirent  une  mosquée  djami. 
Amran ,  devenu  gouverneur  du  Sind  sous  le  khalyfe 
Mo'tassem-Billah ,  se  porta  dans  le  ICykan  ^  habité 

*  Nom  restitué  par  M.  Reinaud. 

*  Au  nord  de  la  ville  actuelle  d'Hayder-Abad  ^  où  fut  bâtie  plus 
tard  Nassirpour.  (M.  Reinaud,  Fraym,  p.  xxr.)  La  ville  Al-Mahfou- 
dba  paraît  n'avoir  ^as  été  éloignée  d*Al-Mansoura.  (Voir  ibid,  Be- 
ladori,  texte,  pag.  177,  178,  et  trad.  pag.  209,  210.) 

'  Voir  plus  bas,  pag.i 52. 

^  Le  pays  de  Kykan  faisait  partie  du  Sind,  du  côté  du  Khorassan , 


150  JOBRNAL  ASIATIQUE. 

parle&Zatbs,  les  vainquit,  et  fonda,  dans  la  contrée 
de  Noucat  \  une  ville  qu  il  nommaAi-Baydâ ,  «^UàiAifJl, 
uia  blanche»,  où  iKëtablit  une  colonie  mili- 
taire. Ces. conquêtes  durent  profiter  singulièrement 
aux  relations  commerciales .  des  Arabes.  Il  parait 
quils  étaient  répandus 'partout  dans  ces  contrées,, 
puisque  nous,  voyons  dans  Beladori  des  marchands 
convertir,  sous  le  règne  dp  Mo'tassem-Billah ,  le  roi 
dun  pays  qu'il  appelle  Al-'O'sayfaii ,  et  qu'il  place 
entre  le  Kaschmyr,  le  Moultan  et  le  Kaboul  ^.  . 

Le  commerce  des  Arabes  s  était  développé ,  non- 
seulement  dans  les  lieux  voisins  de  Tlndus,  où  ils 
dominaient,  comme  dans  la  ville  de^^Daybal,  mais 
encore  dans  la  plupart  des  villes  importantes  qui 
s'échelonnaient  tout  le  long^de  la  côte  occidentale 
jusqu'au  cap  Comorin  et  Ceylan^. 

L'ouvrage  que  j#me  suis  proposé  d'analyser  ici 
indique  l'existence  dé  ce  commerce  sur  ce  littoral , 
et  Massoudi,  presque  contemporain  de  l'époque 
où  il  fut  rédigé-,  Ibn-Haukal,  qui  vécut  quelques 
années  plus  tard,  et,  comme  eux,  Aboulféda  au 

^JL«fJck  (jj  Ltf  oJuJt  ^^  fjj^  ^^UuiiJf^.  (Beladori,  'Frcufm. 
pag.  162.) 

*  Ce  mot  est  écrit  (^l^yJf  ou  ^UyJf.  M.  Reinaud  fait  remar- 
cper,  d'après  le  Merased-alltihila,  que  la  forme  indigène  était  iVoa^ 
bby .  Ce  pays  était  contigu  avec  le  Kykan. 

'^  J^'G  O^^^^J^^  iJ^  ^liu^f.  (Belad.  Fragm,p.  \Si.) 
^  Cf.  M.  Reinaud,  Extrait  d!un  Mémoire  géographique,  historigue 
et  scientifique  sur  l'Inde  ,  antérieurement  au  milieu  du  xi*  siècle  de 
Tère  chrétienne,  d'après  les  écrivains  arabes,  persans  et  chinois, 
lu  dans  la  séance  publique  annuelle  de  TÂcadémie  des  inscriptions, 
du  21  août  1846,  pag.  28. 


1^ 


AOUT-SEPTEMBRE  1840.  .151 

XTii*  siècle,  et  Ibn-Bathoutba,  qui  visita  ces  parages 
dans  le  xiv*,  sont  unanimes  en  ce  qui  touche  1  état 
prospèrp  de  ces  relations,  qui  se  maintinrent  plus 
ou  moins»  actives  depuis  une  très-haute  antiquité  jus- 
qu'à l'arrivée  des  Portugais  dans  les  mers  de  l'Inde, 
à  .la  fin  du  xv*  siècle. 

Les  Arabes  se  rendaient  à  Souménat,  «^Lu^^*©, 
ville  célèbre  dans  le  ^ud-ouest  dé  la  péninside  du 
Guzerate,  et  où  affluaient  les  navires  d'Aden  ^;  à 
Cambaye,  owjLa^,  qui  était  habijtée  par  un  grand 
nombre  de  musulmans  ^ ,  et  à  Barodj ,  g j>jj  ,  ou 
Barons,  \y>j^,  l^çLpuya^a  èfiirôpiov  de  Ptolémée  ^^ 
et  actuellement  Baroach,  à  l'embouchure  de  la  ri- 

i^jc^  o^JÉ=»f^.  (Aboulf.  Takwym-al-Boldan,  pag.  357.J 

'   (jjJu4/uo  l^j  j Lfj  f  UtVâjuH . . .  0^X»u»  I^U  L:  (  Aboulf. 

ibid,)  Il  en  était  de  même  au  temps  d'Ibn-Bathoutha ,  qui  cite  cette 
ville  comme  une  des  plus  belles»  et  qui  vante  là  magnificence  de 
ses  édifices  et  l'état  florissant  de  ses  mosquées,  ce  qui  provenait  de 
ce  que  la  plus  grande  partie  de  ses  habitants  était  compensée  de  mar- 
chands étrangers.  *uJl  ^Uul  j  (^jal  j^).»*^!  ^j^  ïXïoJil  ùôJ>^ 

^[LijjJ\  jl^t  L^ld  jJLér>r-  (jf  (Ajb>  v->-î^j  4\;>mf  ojl^^ 
(Fol.54r.)  .      ' 

'  Claudii Ptolemaei  Geographia,  éd.  Àug.  Nobbe  ;  Lipsix ,  1 843-45, 
Hb.  vu,  cap.  1 ,  S  62,  et  lib.  Tii,  cap.  i6,S  12.  Les  Arabes  ont 
appelé  Ptolémée,^w«Aikjou  ^2>Ji)l\  /jva^Jii^f.  Le  savant  au- 
teur de  la  traduction  française  d'Édrisi  a'  rendu  ces  mots  par 
«Ptoléniée  de  Glaudias,  ville  de  Tancienne  Gomtigène,  dans  l'Asie 
Mineure,  non  loin  de  l'Euphrate.»  (T.  I,  pag.  xix^)  Mais  Ptolé- 
mée ,  qui  fut  contemporain  des  empereurs  Adrien  et  Antpnin , 
ctay^é  à  Pelure ^Jk  Egypte,  et  passa  sa  vie,  sinon  à  Alexandrie, 
dû  moins  à  CanopeT  dans  le  voisinage  immédiat  de  4;ette  capitale. 
On  pourrait  supposer  que  les  Arabes  ont  voulu  reproduire  le  nom 


152  JOyRNAL  ASIATIQUE,  '     ^^ 

vière  Nçrboûddah,  dans  le  golfe  de  Ca^mbaye,  au 
nord  de  Surate.  Suivant  le  voyageur  chinois  Hio^an* 
thsang^  il  y  avait  là  un  commerce  très -considé- 
rable dans  la  première  moitié  du  vu*  siècle  de  notre 
ère  ^  A  Sofala ,  ville  maritime  très  -  populeuse , 
il  se  faisait  aussi  un  -trafic  important-,  et  dans  ies 
mers  on  péchait  des  perles.  Elle  était  à  huit  jour- 
nées de  marche  de  Tana,  vers  le  nord^  Sur  un 
golfe  de  cette  côte,  était  Sindao,  yl-XJu» ,  ou Sinda- 
bour;  lun  des  meilleurs  ports  de  la  mer  des  Indes, 
au  nord  de  Tana  et  à  trois  journées  de  marche.  Elle 
produisait  le  costus  indiens],  le  cc||ipna^  odorataSy  Ui, 

de  Ptolémée  tel  que  les  Gtecs  l'écrivaient  quelquefois,  en  faisant 
un  surnom  de  son  prénom  KXwéStos^  comme  on  peut  le  voir  au 
mot  UrokefMtos  dans  Suidas,  où  on  lit  TLroXeftaTos  ô  ILkecôètog: 
Silvestre  de  Sacy  a  proposé  une  autre  explication  de  cette 
dénomination.  Il  a  pensé  que  ^j^Jif,  ainsi  qu'il  lit,  est  un  ad- 
jectif patronymique ,  ou  i^y»»XA  a»}  ,  forçié  irrégulièrement 
de  if^.'^J^  t  6t  donné  à  Ptolémée  par  les  Arabes,  qui,  par 
malentendu ,  croyaient  qu  il  descendait  de  »  Tempereur  Claude. 
L'illustre  et  vénérable  orientaliste  s'appuyait  sur  un  passage  du 
cil^VL  «WJcJt  c^Lo  de  Massoudi.  (Notices  et  Extnâts  des  ma- 
nuscrits, tom.  Vin,  pag.  17p.)  Cette  descendance  de  l'empereur 
Claude,  attribuée  à  Ptolémée,  est  une  invention  des  derniers  Grecs., 
ainsi  que  Ta  prouvé  Buttmann  (Muséum  des  Alterthums  WissenscL 
ûber  KL  PtoL) ,  invention  suivie  par  les  Arabes. 

^  Itinéraire  de  Hiouan-tbsang ,  p.  89 a . 

'  Sofara  »j U^o* de  Byrouny  et  d'ÉdrisL  Ce  dernier,  cité  par  Aboal- 
féda,  Takwym-^^'Bold(m,p,3b^yf!^t:  tjJ:^ï^[si^  *^.0^  «j^-^ 

yy  j^l*^^  c>^La-«  L^^  .  (Cf.  Nozhet-al-Moscbtak,  fol.  44  r.  T^ffir. 
tom.  I,  pag.  171.)  • 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  153 

et  le  bambou  ^  Sindabour,  d'après  Ibn-Bathoutha, 
était  une  île  au  centre  de  laquelle  existaient  deux 
villes ,  dont  1  une  avait  été  bâtie  par  les  infidèles ,  et 
l'autre  par  les  musulmans,  lorsqufls  js'emparèrent 
de  cette  île  pour  la  première  fois,  et  où  s'élevait 
une  mosquée  djami  ^. 

Tana ,  iob ,  était  placée  à  une  petite  distance  de  la 
villeactuelle  de  Bombay,  et  sans  doute  là  où  les  cartes 
moderdës  mettent  Tanna,  dans  l'île  Salsette.  Non 
moins  célèbre  que  les  précédentes  pour  son  com- 
merce, elle  renfermait  une  population  composée  d'i- 
dolâtres et  de  musulmans  ^.  Ensuite  venait  Goa ,  »^\f 
ou  ^^^^,  dont  le  nom  se  lit  pour  la  première  fois  dans 
Ibn-Bathoutha  ^  ;  puis  Hinnaur,  j^  ^,  maintenant 
Onor.  Dans  le  pays  de  Malabar,^  l*^,  se  trouvaient 

^Luâift  UHjL.  (^hou\îéda. j.Tawym'al-Boldan,ipaLg,  SSg.) 

j^U  jciîu»  l4^3  Jt^V!  ^î.  (Fol.  57  V.) 
«  j\âj=>  j^jc^  J^Uî  \ôj>  J*f^  jUJf  ,j^f  J^  hj^ 

^^^J^\  Éisu»  QjL^L«ft—  (Aboulf.  Tdkwjm-alBoldan ,  pag.  35g. 
*  Tohfet-al-Nazhzhar,  Notre manusc.  lit  ce  nom,  fjJi£^,  fol.  57  r. 

'  Aboulf.  Takwym-al-Boldan ,  p.  354.  Hinnour  ouHannour,  sui- 
vant Ibn-Bathoutha ,  était  située  sur  un  golfe  très-vaste ,  où  entraient 
de  très-grands  navires.  Ses  habitants  étaieiit  musulmans  schaféytes. 

iUjtsUjjXJfc  (Fol.  58  r.  et V.) 


154  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Basrour,  jj^j^L,  qui  est  T  Aby-Serour,^jy-*M  jt  d'Ibn- 

Bathoutha\  etaujourd'hui  Barceiore  probablement; 

Kacanwar,  jy^>\ô^\  Mandjarour,j3j.^^.*^,  Manga- 

iore  des  modernes;  Hayiy,  JlaA  ^  sur  le  cap  de  ce 
nom,  maintenant  le  mont  Dilla,  mi  peu  au  nord 

de  Cananor;  Djor-fattan,    ^.JLJyy  ^,   Dah-fattan, 

^  Aboulf.  Takwym'al-Boldan,  pag.  35^.  l  ^t  (JiJ^MtM  ^y  ^->. 
dit  Ibn  Bathoutha,fol.  60 r. 

^  Il  y  avait  là,  suivant  ce  dernier  auteur,  un  corps  de  musulmans, 
avec  un  cadi  et  un  khatib,  ainsi  qu'une  mosquée ,  bâtie  par  un  Arabe 
nommé  Hossein,  pour  y  faire  la  prière  du  vendredi  JL-cw^   >-aj« 

U^Jl  iuUJÏ   f cMSi^î  (Fol.  60  r.) 

*  Ville  appelée  Mayyapotîô  par  Cosmas,  Topogr.  chrét  pag.  387 
C'était  le  port  le  plus  considérable  du  Malabar  ;  il  y  venait  les  mar- 
chands les  plus  cAi&idérables  de  la  Perse  et  du  Yémen,  et  on  y 
comptait  environ  quatre  mille  musulmans.  3siUj  »  ft;k  ^/J»  f  ^* 

'^^••••(J^l^  (J*J^  J^  ^JîA^  JjÂj  JÛJtvtl  »j^j  jUJI( 
dlS^^f  jj-«  cjV[  jùujî^^'.  (Ibn-Bathoutha,  fol.6or.) 

*  Aboulf.  Takwym-aUBoldan,  pag.  354.  Hyly  J^»  suivant  Ibn- 
Balhoutba. C'était  un  port  fréquenté  par  de  grands  navires  ;  les  mu- 
sulmans y-  étaient  nombreux,  et  ils  y  avaient  une  mosquée  célèbre, 
(fol.  60  v.) 

*  Le  roi  de  Djor-Fattan  faisait ,  au  dire  de  ce  célèbre  voya- 
geur,  un    grand  commerce  avec  rOman,  la  Perse  et  ITémen. 

L'abrégé  d'Ibn-Bathoutha,  dont  s'est  servi  M.  Lee,  porte  {J^^\y^ 

Djor-Kannan ,  leçon  évidemment  vicieuse,  puisque  le  mot  ^ji3 
est  le  sanskrit  q^qfi  ville,  cité.  C'est  sans  doute  la  ville  appelée 
SaXoirarava  par  Cosmas,  Topogr.  chrét.  pag.  337. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  155 

(jcj«3\  Boud-fattan,  (^*)v2,  Fandaraina,  U^*xâ4  » 
Kalikout,  tyUU^,  ou  Calicut  d aujourd'hui,  et  enfin 

Côulam ,  yJ^.^» ,  qui  porte  encore  le  même  nom.  La 
navigation  entre  Aden  et  Couiam  était  fréquentée, 
et  les  musidmans  habitaient,   dans  cette  dernière 

^  Un  des  rois  de  Dah-Fattan ,  s'étant  converti  à  l'islamisme ,  y  avait 
construit  une  mosquée  ;  mais  celui  qui  occupait  le  trône  à  Tépoque 
du   passage   d^Ibn-Bathoutba,  était  idolâtre.   (Ibid.  fol.   61  r.) 

^JiJ:s}^:^  Dadkannan,  dans  Tabrégé  de  M.  Lee.  Cest,  je  pense, 
Vakovdrava  de  Gosmas,  loc,  laud. 

*  Boud-Fattan  (la  cité  de  Bouddha)  étaittune  grande  cité  située 
sur  un  golfe  considérable.  Hors  de  ses  murailles ,  et  non  loin  de  la 
mer,  s'élevait  une  mosquée,  où  se  rendaient  les  étrangers  musul- 
mans; car  ils  n'habitaient  pas  la  ville,  parce  que  le  plus  grand  nombre 
de  ses  habitants  étaient  des  brahmanes  et  haïssaient  les  musulmans . 

^;)vJLi|  J  Oyà^  '•"l^\js  l^f.  (Ibn-Bathoutha,fol.6iv.) 
C'est  la  ville  Ûovèwisésdva  de  Cosmas ,  hc.  laud, 

^  A  Fandaraïna ,  les  musulmans  occupaient  trois  quartiers  de  la 
ville,  dans  chacun  desquels  était  une  mosquée,  avec  une  djami 
magnifique  sur  les  bords  de  la  mer.  ^^^iU?  (^ùij  j^-JL^jU  L^j  * 

(Ihid.£o\,6iM,)' 

^  Kaiikoutb ,  dit  Ibn-Bathoutha ,  l'incomparable  d'entre  les  plu^s 
grands  ports,  dans  le  pays  de  Malabar,  et  où  se  rendent  les  habitants 
de  la  Chine ,  de  Sumatra ,  de  Ceylan ,  des  Maldives ,  ainsi  que  ceux 
du  Yémen  et  du  Farès ,  le  rendez-vous  des  marchands  de  tous  les 
pays.  Son  port  est  un  des  plus  grands  ports  du  monde.  xajJl.^ 

Jjbf  UtV^  jL»Jlf  ^^  ^LkjJf  ^.iUJt  tiJ^f  JÈj  LjHiis 
LjjJt  fj<^\jjo  Jàe.\  ^  ULj^^  ^^li^lt.  (F0I.62  v.) 


156  JOURNAL  ASIATIQUE. 

ville,  un  quartier  spécial,  où  ils  avaient  une  mos- 
quée djami  ^ 

A  quelle  époque  les  navires  arabes  arrivèrent  pour 
la  première  fois  dans  les  ports  de  1&  Chine ,  c'est  ce 
que  nous  ignorons.  Mais ,  comme  Cosmas  nous  ap- 
prend que,  de  son  temps,  c'est-à-dire  dans  la  pre- 
mière moitié  du  vi*  siècle  de  notre  ère.  Ton  trans- 
portait de  la  Chine  et  de  Tarchipel  d'Asie  divers 
produits,  tels  que  la  soie,  laloès,  le  clou  de  girofle, 
et  le  sandal  2,  il  est  impossible  de  ne  pas  croirfe  que  les 
Arabes  se  livrèrent,  avec  les  négociants  grecs  et  ro- 
mains ,  à  ces  expéditions  lointaines.  Nous  les  verrons 
plus  tard,  au  viii*  siècle,  établis  en  grand  nombre, 
avec  les  Persans,  à  Canton,  et  la  relation  dont^nous 
avons  à  parler  ici  nous  montrei^a  qu'ils  faisaient  avec 
lé  Céleste  empire,  au  itC*  siècle,  un  commerce  ré- 
gulier et  très-actif. 

Cette  relation  est  le  monument  le  plus  ancien 
qui  nous  soit  parvenu  dé  leurs  navigations  dans  les 
mers  orientales.  Ce  qui  en  fait  le  mérite ,  c'est  qu'elle 

(  Aboulf.  Talniym-al'Boldan ,  pag.  35 1,  3 61.)  Le  même  état  de 
cboses  subsistait  au  temps  d'Ibn-Bathouta,  comme  on  peut  le  voir, 

fol.  61  V .  et  62  r.  de  sa  relation.  C'est  Koulam  Malay  ç^  M-^ 
de  notre  relation  et  d'Édrisi. 

Ibn-Bathoutba  nous  représente  les  Arabes  comme  établis  en  très- 
grand  nombre  dans  les  îles  Maldives,  et  l'islamisme  comme  ayant 
fait  des  progrès  parmi  les  indigènes.  Fol.  66  v.  et  67  r. 

La  plupart  des  passages  de  sa  relation  que  j'ai  rapportés,  man- 
quent dans  TAbrégë  traduit  par  M.  Lee. 

'  Cosmas,  Topoyr.  chrét.  pag.  337. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846^.  157 

jette  un  jour  tout  nouveau  sur  les  rapports  qui  exis- 
taient au  ix*  siècle  entre  les  côtes  de  TEgypte,  àe 
l'Arabie ,  les  pays  riverains  du  golfe  Persique ,  et  les 
vastes  provinces  de  ITnde  et  de  la  Chine.  Cet  intérêt 
est  d'autant  plus  grand,  «qu'au  moment  même  de 
la  mettre  par  écrit,  dit  M,  Reinaud,  les  communica- 
tions qui  en  forment  l'objet  s'étaient  interrompues, 
et  qu'elles  ne  reprirent  que  plusieurs  siècles  après? 
lorsque  les  Mongols ,  par  la  conquête  successive  de  la 
Perse,  de  la  Chiné  et  de  la  Mésopotamie,  eurent  de^ 
nouveau  mis  en  rapport  immédiat  les  deux  extré- 
mités de  l'Asie ,  et  que  l'Occident  lui-même  se  trouva 
en  contact  avec  l'Orient  le  pfus  reculé  ^  » 

Ce  récit  avait  fixé,  au  commencement  du  siècle 
dernier,  l'attention  d'un  savant  orientaliste,  l'abbé 
Renaudot,.  qui  le  traduisit  en  français  ^siu*  un  ma- 
nuscrit de  la  bibliothèque  de  M.  le  comte  de  Seigne- 
lay,  passé  depuis  dans  la  Bibliothèque  royale.  Mais 
l'abbé  Renaudot  n'ayant  donné  aucune  indication 
de  ce  manliscrit,  on  était  allé  jusqu'à  supposer  <ju'il 
avait  forgé  la  relation  qu'il  contient ,  d'après  des  té- 
moignages recueillis  çà  et  là  dans  les  auteurs  arabes, 
lorsque  le  célèbre  sinologue  Deguignes  le  retrouva 
parmi  les  manuscrits  du  magnifique  établissement 
où  il  est  conservé  aujourd'hui  ^  11  fit  connaître  sa 
découverte  dans  le  Joiffnal  des  Savants  de  novembre 


^  Relai.  Discours  préliminaire,  pag.  i  et  ii.  * 

*  Anciennes  relations  dés  Indes  et  de  la  Chine,  de  deux  voyageurs 
mahomélans  cjniy  allèrent  dans  le  /x*  siècle.  Paris,  in-8',  1718. 
•^  Ancien  fonds  arabe ,  n**  597. 


158  JOURNAL  ASIATIQUE. 

1764,  et,  plus  tard,  il  publia,  dans  le  tome  I  des 
Notices  et  Extraits  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
royale,  quelques  détails  sur  ce  manuscrit. 

Le  travail  de  Renaudot  porte  des  traces  évidentes 
de  la  précipitation  avec  laquelle  il  a  été  exécuté  et 
du  manque  de  la  dernière  main.  Des  ierreurs  se 
montrent  dans  sa  version ,  et  il  n  y  a  pas  lieu  de  s'en 
étonner,  malgré  Thabileté  bien  connue  du  docte 
traducteur  ;  car  le  texte  de  la  relation  est.  souvent 
obscur  :  et  d'ailleurs  nous  avons  des  exemples  qui 
démontrent  que  la  traduction  d'un  texte  écrit,  soit 
en  arabe,  soit  eh  quelque  langue  de  TOrient  que  ce 
soit,  faite  sur  un  manuscrit  unique,  et  sans  recourir 
à  des  ouvrages  traitant  de  matières  analogues,  peut 
faire  naître  bien  des  méprises.  Mais  ce  qui  rend  sur- 
tout Renaudot  excusable ,  c'est  que  la  géographie  et 
l'histoire  de  l'Orient  étaient  loin  d'avoir  été  étudiées, 
à  l'époque  oii  il  vivait,  autant  que  ces  deux  branches 
de  la  science  l'ont  été  depms  lors.  Ce  sont  ces  p|jp- 
grè^  qui  ont  inspiré  à  M.  Reinaud  la  penjsée  de  sou- 
liiettre  la  relation  dont  il  est  ici  question  àl  un  nouvel 
examen.  Personne  n'était-mieux  préparé  que  lui  à 
s'acquitter  de  cette  tâche  difficile.  Depuis  de  lon- 
gues années,  ce  savant  et  illustre  académicien;  s'est 
consacré  à  l'étude  de  la  géographie  de  l'Orient. 
Chacun  sait  qu'après  avoir  publié,  avec  M.  le  baron 
Mac-Guckin  de  Slane,  dans  leur  belle  édition  du 
^rjJJt  ^yà  d'Aboulféda,  le. premier  travail  cri- 
tique complet  auquel  cet  ouvrage  si  important  ait 
donné  lieu,  il  en  a  entrepris  une  traduction^  qui  sera 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  159 

précédée?  de  rhistoire  des  connaissances  géographi- 
ques des  Arabes  au  moyen  âge  ;  tovail  immense , 
attendu  avec  une  impatience  rendue  plus  vive  par 
les  publications  que  M.  Reidaud  nous  a  déjà  don- 
nées ,  et  par  plusieurs  autres  dont  l' Académie  des  ins- 
criptions a  déjà  entendu  la  lecture.  Les  amis  des  leti 
très  sont  sûrs  que  ce  beau  monument,  élevé  à  fe 
science  géograpbique ,  reflétera  toutes  les  qualités  qui 
distinguent  le  doct.e  professeur,  une  sagacité  parfaite , 
et  une  rare  profondeur  de  savoir,  née  de  cette  la- 
borieuse persévérance,  de  cet  esppt  d'investigation 
consciencieuse  dont  il  est  doué  à  un  si  haut  degré. 
Dans  le  livre  dont  je  viens  rendre  compte ,  M.  Rei- 
naud  a  profité  de  tout  ce  que  l'érudition  orien- 
tale moderne  possède  àe  ressources  pour  résouÉre 
toutes  les  questions  épineuses  qui  tiennent  à  son 
sujet.  Les  recherches  accumulées  par  les  Anglais 
sur  rinde  depuis  la  fin  du  siècle  dernier  lui  ont 
permis  d-éclqircir  la  partie  de  la  relation  où  il 
est  parlé  de  cette  contrée.  Il  a  puisé  dans  les  ma- 
nuscrits acquis  par  la  Bibliothèque  royale  ou. dans 
les  publications  qui  ont  paru  depuis  que  celle 
de  Renaudot  a  vu  le  jour,  des  données  propres  à 
rectifier  et  à  compléter  ce  qui  était  inexact  ou  ce 
qui  manquait  dans  le  travail  de  ce  dernier.  Mais  la 
portion  tout  à  fait  neuve,  et  sans  contredit  la  plus 
remarquable  de  son  ouvi^^age,  c'est  le  discours  préli- 
minaire, où  il  a  tracé,  en  clxxx  pages,  le  tableau 
,  des  connaissances  géographiques  des  Ax^abes  dans  les 
mers  orientales,  à  l'époque  où  la  relation  fut  rédigée; 


160  JOURNAL  ASIATIQUE. 

la  description  des  itinéraires  suivis  par  les  navigateurs 
arabes,  indiens  et  chinois,  et  enfin  celle  des  pays  si 
peu  connus  qui  séparent  TOxus  et  la  Chifte,  trois 
points  capitaux  restés  presque  entièrement  cachés  à 
Renaudot  et  à  Deguignes,  et  qu'il  n'était  possible 
d'éclaircir  que  de  nos  jours.  A  la  nouvelle  traduc- 
tion, sont  jointes  des  notes  renfermant  de.  très- 
curieux  détails  siu*  tout  ce  qui  tient ^ux  mœurs,  aux 
usages  et  aux  institutions  des  pevçies  nommés  dans 
la  relation ,  et  aux  produits  naturels  ou  manufac- 
turés de  lem*s  pays. 

Le  texte  arabe  est  celui  que  M.  Langlès  avait  mis 
sous  presse,  en  1 8 i  i ,  à  Tlmprimerie  impériale,  et 
qui  était  resté*  depuis  lors  dans  les  magasins  de  cet 
établissement.  M.  Reinaud  la  revu  avec  soin  siu*  le 
manuscrit,  a  relevé  dans  un  errata  toutes  les  cor- 
rections qui  avaient  échappé  à  M.  Langlès,  et  y  a 
ajouté  deux  morceaux  inédits  du  Kitab-al-Adjayb  et 
du  Moroudj-al-Zeheb  de  Massoudi,  destinés  à  reni- 
plir  les  lacunes  que  ce  manuscrit  contenait. 

Avant  de  conduire  le  lecteur  dans  la  discussion 
des  questions  géographiques  que  cet  ouvrage  sou- 
lève, l'introduction  nous  offre  des  considérations 
critiques  siu*  le  texte,  la  forme  et  l'ensemble  de  la 
rédaction  de  notre  relation. 

Le  manuscrit  avait  au  commencement  une  lacune 
qu'une  autre  main  a  remplacée  par  une  addition  tout 
à  fait  étrangère  au  récit  original.  M.  Reinaud  a  dé- 
montré que  le  titre  gj'yJî  'A^J^,  ou  «Chaîne  des 
chroniques,  »  n'est  pas  le  vrai  titre  de  l'ouvrage,  et 


AaUT-SEPTEMBRE  1846.  I6i 

quil  faut  y  substituer  celui  de  ^yj^\^  (jvAûJI,jlAâ.î ,  ' 
«  Observations  sur  la  Chine  et  sur  Tlnde ,  »  qui  se  lit 
au  commencement  de  la  deuxième  partie ,  et  qui 
appartient,  sans  aucun  doute,  au  corps  deTouvrage. 

Une  errem*  de  Renaudot ,  partagée  par  Deguignes , 
lui  avait  fait  supposer  que  l'ouvrage  était  dû  à  deux 
voyageurs^  arabes.  Mais  un  examen  plus  attentif  a 
suggéré  àM.  Reinaud  la  conviction  que  la  première 
partie  ou  livre  1,  dont  la  rédaction  est  de  Tan  287 
de  l'hégyre  (85 1  de  J.  C),  a  été  rédigée  d*après  les 
récits  dun  marchand  nommé  Soleyman,  qui,  des 
côtes  du  golfe  Persique ,  avait  plusieurs  fois  navigué 
vers  rinde  et  la  Chine,  et  que  1^  seconde  partie 
avait  été  compilée  par  Abou-Zeyd,  originaire  de  la 
ville  de  Syraf,  port  de  mer  du  Farsistân  dans  le  golfe 
Persique,  d'après  le  témoignage  de  plusieilfs  per- 
sonnes, et  d'après  ce  qu'il  avait  recueilli  dans  ses 
lectures.  Abou-Zeyd,  qui  se  proposait  en  cela  de 
modifier  le  récit  de  Soleyman  ou  d'y  ajouter,  vivait 
vers  la  fin  du  ix®  siècle,  de  J.  C. 

Un  point  de  critique  littéraire  plus  important  que 
les  précédents  est  celui  qui  se  rattache  à  la  question 
de  savoir  d'où  provient  la  ressemblance  existante 
entre  une  portion  notable  de  la  présente  relation  et 
plusieurs  pages  du  Moroudj-al-Zeheb  de  Massoudi. 
Un  examen  approfondi  de  ces  deux  ouvrages  et  un 
rapprochement  ingénieux  et  vrai  de  diverses  cir- 
constances ont  donné  à  M.  Reinaud  l'explication  de 
cette  similitude 4  Massoudi  nous  apprend  que,  se 
trouvant  à  Bassora  en  3o3  de  l'hégyre  (9 1 6  de  J.  C), 


162  JOURNAL  ASIATIQUE, 

il  eut  occasion  d  y  connaître  un  homme  appelé  Abou- 
Zeyd-Mohammed ,  fils  de  Yézid ,  et  cousin  dugouveiv 
neur  de  Syraf ,  lequel  avait  quitté  cette  dernière  ville, 
sa  patrie ,  poiu*  venir  se  fixer  à  Bassora.  Quoique 
Tauteur  de  la  deuxième  partie  de  notre  relation  porte 
le  nom  de  Hassan,  et  que  Massoudi  lui  donne  celui 
de  Mohammed,  les  principales  circonstances  du  récit 
reproduites  dans  la  relation  et  dans  le  Moroudj-al- 
Zeheb  ont  mis  M.  Reinaud  en  droit  de  conclure 
qu'Abou-Zeyd  et  Massoudi  étaient  contemporains, 
quils  se  sont  vus  et  se  sont  fait  réciproquement  des 
communications,  et  que  le  Mohammed  de  Mas- 
soudi et  Tauteur  du  deuxième  livre  de  notre  relation 
ne  sont  qu  uij  même  personnage:  La  manière  dont 
les  faits  sont  présentés  dans  ce  dernier  ouvrage 
prouv^qu'il  n  a  pas  été  empnmté  à  Massoudi^  et , 
d'im  autre  côté ,  le  savant  auteur  du  Moroudj ,  dont 
la  susceptibilité,  à  rencontre  du  plagiat  littéraire, 
se  trahit  en  maintes  pages  de  sa  composition,  ne 
manque  jamais,  chaque  fois  qu'il  rapporte  un  pas- 
sage recueilli  par  lui  ailleurs,  de  reprendre  la  paorole 
en  ces  termes:  «Massoudi  a  dit....^» 

•L'origine  de  la  rédaction  de  notre  relation ,  dpnt  la 
première  partie  est  antérieiue  de  plus  de  soixante  ans 
à  Massoudi  et  à  Abou-Zeyd ,  rédacteur  de  la  deuxième 
,  partie,  et  le  but  que  ce  dernier  s  était  proposé  en 
publiant  des  remarques  puisées  à  diverses  sources, 
afin  de  comger,  d'expliquer  ou  de  cônfirmet  les 
dires  de  son  prédécessem*  Soleyman ,  rend  très-bien 

^  Relat,  Discours  préliminaire ,  pag.  ii  -  xxvui. 


AOUT-SEPTEMBRE  1840.  163 

raiison  du  manque  d  ordre  et  de  la  confusion  qui 
régnent  dans  i  ensemble  de  Touvragé. 

Malgré  ce  désordre  apparent,  les  notions  diverses 
qu'il  renferme  peuvent  être  facilement  ramenées  à 
trois  points  de  Vue  principaux  ou  divisions  qui  em- 
brassent la  mer  des  Indes,  Tlnde  continentale  et 
la  Chine.  * 


LA  MER  DES  INDES. 

La  mer  qui  sétetià  au  sud  de  T^ie ,  depuis  la 
côte  orientale  d* Afrique ,  à  partir  du  imrdSqs  -arAà- 
yos  et  du  Bapêapixè^  KÔ'k'iros  de  Ptolémée\  ^f^ 
f^j^jj^^  d*Aboulfédà^,  jusqua  lextrémité  orientale 
du  continent  asiatique  v  là  où  le  géographe  Alexan- 
drin plaée  le  prolongement  de  ce  contineilt  vers 
l'ëquateiu',  jusqu'à  Cattigara,  KaVJ/yapa^,  renferme 
deux  parties  bien  distinctes  quant  à  la  configiu*ation 
et  quant  à  la  conhaissance  qu'en  eurent  les  anciens 
et  les  Arabes. 

La  première,  bornée  à  l'occident  par  l'Afrique; 
au  nord ,  par  les  provinces  méridionales  de  la 
Perse,  comme  le  Mekran  et  le  Sedjestah,  et,  à  l'est, 
par  la  côte  occidentale  de  la  péninsule  indienne 

1  Géogr.  IV,  7  ,  S  di,  et  8.  Si. 
*  Tahtoym.'ol-Boldan,  pag.  26. 
'  Géogr.l,  11,  S  1;  VIII,  5,  S  3. 


164  JOURNAL  ASIATIQUE, 

jusquau  cap  Comorîn,  fut  sans  cesse  fréquentée 
depuis  la  plus  haute  antiquité.  La  flotte  d^ Alexandre 
en  parcourut  la  partie  septentrionale,  depuis  les 
embouclïures  de  Flndus  jusqu'à  TEuphrate,  sous 
le  commandement  de  Néarque,  dont  le  joiunal  nous 
a  été  conservé  par  Arrien^;  et  depuis  cette  époque 
jusquau  temps  de  Pline  et  de  Ptolémée,  et  même 
jusqu'à  la  chute  dé  Tempire  romain,  toutes  ces 
côtes  furent  visitées  et  reconnues  par  les  navigateurs 
grecs  et  romains.  Jl  en  fut  de  même  des  Arabes, 
qui,  depuis  un  temps  immémorial,  étaient  répan- 
dus dans  ces  mers,  et  qui  surtout,  depuis  lavéne- 
ment  de  la  dynastie  des  Ahbassides,  y  fondèrent 
des  établissements  et  s  y  livrèrent  à  un  commerce 
très-actif  Mais  les  notions  imparfaites  quavaient  du 
golfe  du  Bengale  les  anciens,  et  smtout  les  Ara- 
bes, furent  l\me  des  causes  de  lidée- erronée  que 
les  uns  et  les  autres  se  formèrent  de  la  configura- 
tion de  lensemble  de  la  mer  des  Indes,  et  produi- 
sirent la  diversité ,  souvent  confuse ,  qu  on  remarque 
dans  les  divisions  et  les  dénominations  que  ceux-ci 
imposèrent  à  cet  ensetùble. 

Nous  voyons  dans  la  relation  du  marchand  So- 
leyman,  complétée  dans  sa  lacune  initiale  par  les 
récits  de  Massoudi  2,  énumérer  successivement  : 

*  Histoire  de  VInde,  à  la  svâte  de  T expédition  d Alexandre,  p.  3ia 
et  suiv.  éd.  Jac.  Gronovius.  Voir  le  Voyagé  de  Néarque ,  par  le  doc- 
teur W.  Vincent,  traduit  de  Tangiais  par  Billecocq.  Paris,  in-4^ 
an  Yiii. 

^  Dans  l'extrait  du  Moroudj-el-Zeheb ,  donné  par  M.  Rèinaud, 
Relat,  tom.  fl ,  pag.  1 78  du  texte  arabe. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  165 

1°  La  mer  de  Farès,  (j*;U  j^,  qui  comprenait  le 
golfe  Persique ,  et  la  mer  de  Mekran  jusqu'à  ITndus. 
^e  pointée  départ  des  navires  carabes  qui  voguaient 
vers  rinde  et  la  Chine  était,  au  teïnps  de  Soleyman, 
la  ville  de  Syraf ,  dans  le  golfe  Persique. 

2**  La  mer  dont  M.  Reinaud  a  prouvé  que  le  nom 
devait  se  lire  ^^jj^^MI ,  Al-Laréwy  ou  Laréwy,  au  milieu 
des  incertitudes  que  la  transcription^  de  ce  nom  a 
occasionnées  de  la  part  des  copistes  arabes,  qui  adop- 
tent tantôt  cette  leçon,  tantôt  celle  de  c^jy^^  ou 
iS^j^j^  ,  ou  même  encore  de  plus  mauvaises  ^  Cette 
dénomination  a  son  origine,  ciomme  noujs  l'apprend 
le  savant  orientaliste,  dans  celle  du  pays  de  Lar,  la 
Larice  des  anciens,  qui  correspond  au  Guzarate. 
La  mer  Laréwy  s'avançait  depuis  les  embouchures 
de  rindus  jusqu'au  territoire  actuel  de  la  ville  dé 
Goa. 

3°  La  mer^de  Herkend,  *>U$3^j-^,  bornée  au  nord 
par  la  mer  Laréwy;  à  l'ouest,  par  lesLaquedives  et  les 
Maldives  ;  à  l'est ,  ainsi  qu'au  sud-est ,  parla  presqu'île 
de  rinde  et  l'île  de  Ceylan,  et  qui  s'étendait  jusqu'à 
la  chaîne  de  rochers  qui  sépare  le  continent  indien 
de  Ceylan ,  et  qu'on  nomme  le  pont  d'Adam.  L'aùieiu' 
du  Merased-al-Itïhila  place  la  mer  de  Herkend  dans 
la  partie  la  plus  éloignée  des  payfe  de  l'Inde  et  de  la 


*  Les  deux  manuscrits  de  la  Géographie  d'Édrisi  conservés  à 
la  Bibliothèque  royale,  l'un  sous  le  n*  656,  et  1  autre  sous  le 
n**  655,  supplément  arabe,  donnent  de  nombreuses  variantes  de  ce 
mot. 


166  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Chine,  (jiJ^\^  iXÂ^t  ô!^  ^^\  ij^  ^ySif  ^SjS^  i. 

Mais,  avant  daller  plus  loin  et  pour  apprécier 
pins  exactement  la  nature  des  divisions  tigcées  dans 
la  mer  des  Indes,  par  Soleyman  et  Massoudi,  il 
est  nécessaire  que  nous  jetions  uïi  coup  d'œii  sur 
celles  qu  avaient  adoptées  les  principaiix  géographes 
arabes. 

Dans  Édrisi,  la  première  des  àept  mers  qui  tra- 
versent les  septs  climats  comprend  l'ensemble  de 
la  mer  des  Indes  sous  les  dénominations  succes- 
sives de  mer  de  la  Chine,  de  lUind,  du  Sind  et  de 
ITémen.  Il  la  fait  remonter  jusqu'à  treize  degrés  de 
latitude  nord,  et  se  prolonger,  avec  la  ligne  équi- 
noxiale ,  depuis  l'orient  jusqu'au  détroit  de  Bab-ei- 
Mandeb  ^,  Cette  mesure  de  treize  degrés  de  latitude 
boréale  est  évidemment  insuffisante ,  puisque  le  golfe 
du  Bengale  s'ouvre  jusqu'au  2  3*  degré  environ  de 
latitude  nord ,  et  la  mer  Erythrée  ou  mer  d'Oman, 
jusqu'unpeu  au-dessus  du  2  5"  degré.  Cette  faute 
d'Edrisi,  et  des  Arabes  en  général,  tient  à  ce  qu'ils 
ont  suivi  Ptolémée ,  qui  supposait  que  les  deux  pé- 
ninsules de  l'Inde ,  au  lieu  d'être  coupées  par  un  golfe 
profond,  courent  presque  en  ligne  droite.  L'erreur 
systématique  de  Ptolémée  est  d'autant  plus  étrange, 
qu'il  a  décrit  le  golfe  du. Bengale  jusqu'au  Gange, 
où  les  Grecs  et  leiS   Romains    allaient  commer- 

i  AÂCJff  ^Uwl  J^  ^N^t^ftou^f^oU^.  Man.de  la  BiW. 

royale,  suppl.  ar.  n**  654,  fol.  698. 

^  Nozhet-al-Moschlak ,  fol  3  v.,  et  tom.  I,  pag.  4 >  de  la  traduc- 
tion française. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  167 

cer  ^,  ainsi  que  la  côte  occidentale  de  la  péninsule 
transgangëtique,  où  il  nomme  Bopp&qypa  è[nr6piOv 
et  B?7pa€ovi;a  éfAirépiov^,  «Mais la  forme. générale  des 
côtes,  a  dit  un  géographe  moderne,  ne  peutxpi'être 
imparfaitement  connue  des  navigateurs  qui  les  rasent 
toujours.  Le  marin,  quand  il  ne  s  éloigne  pas.de  la 
côte ,  observe  peu  le  ciel.  La  multitude  des  courbes 
et  des  sinuosités  qu*il  suit  trouble  ses  calculs.  Il  ne 
juge  du  contoiu*  général  de  la  côte  que  par  la  por 
sition  relative  des  deux  points  qui  marquent  le  com- 
mencement et  la  fin  de  son  voyage.  De  là  cette 
uniformité,  cette  compression  des- côtés  dans  les 
cartes  anciennes,  cette  réduction  sur  la  même  ligne 
de  tous  les  caps  et  de  tous  les  golfes  ^.  »  Cependant, 
les  anciens  connurent  la 'partie  nord  du  golfe  du 
Bengale ,  comme  on  peut  ^n  juger  par  Ptolémée , 
beaucoup  mieux  que  les  Arabes,  qui,  au  nord  de  la 
c^te  de  Cqrômandel,  n  avaient  que  des  idées  très- 
vagues  des  côtes  d'Orissa ,  du  Bengale  et  de  TArakan. 
<(De  la  mer  de  Chine,  ajouté  Edrisi,  dérive  le 
golfe  Vert, jj^xs^^y  ^^^  ou  mer  de  Perse  et  dObol- 
lah,  qui  longe  les  côtes  occidentales  du  Sind  (pro- 
bablement depuis  les  embouchures  dé  l'Indus),  et 
se  termine  à  Obollah,  là  où  est  Abadani  Ensuite, 
son  rivage  s  inclinant  '  vers  le  midi,  elle  baigne  le 
pays  de  Bahreïn ,  llemamé ,  atteint  TOmah ,  les  bords 

*  Strabon  fait  mention  de  ce  commerce,  XV,  i . 

*  Gèogr.  VIT,  2,  S  2  et  S  3. 

^  Desborougli  Cooley,  Hist.  gén.  des  voyages,  tom.  I,  pag.   107. 
de  la  trad.  française. 


1^8  JOURNAL  ASIATIQUE.     , 

de  iTémen ,  et  se  joint  à  la  mer  de  f  Hind^  »  C'est  le 

BûhrfarèSf  iy*j\syi^,  ou  la  mer  de  Perse  de  Massoudi. 

Edrisi  mentionne  aussi  la  mer  Laréwy  dans  Wnu- 
mération  suivante  :  «  la  mer  ^e  Sandjy,  la  mer  de 
Senf,  qui  lui  est  contiguë ,  la  mer  Laréwy ,  la  mer  de 
Herkend  et  la  mer  d'Oman  *.  »  Mais ,  comime  il  place 
sur  la  mer  Laréwy  Tîle  ou  le  pays  des-Moucljah  '> 
que  l'itinéraire  du  marchand  Scdeyman  nous  force 
à  chercher  du  côté  du  cap  Martaban,  dans  la  pénin- 
sule transgangétique ,  il  semble  que,  d'après  le  sys- 
tème d'Edrisi,  il  faille  reculer  la  mer  Laréwy  jusque 
dans  le  golfe  du  Bengale.  Du  reste,  les  notions  que 
possède  cet  auteur  sur  la  m^r  des  Indes  et  lés  pays 
qu'elle  baigne  sont ,  en  général ,  très-confuses,  comme 
je  l'aidéjàfait  obseirer.  Cependant,  il  détermine  exac- 
tement la  position  de  la  mer  de  Herkend,  'qui  est 
•le  nom,  en  langue  indienne,  ainsi  qu'il  nous  l'ap- 
prend, de  la  mer  d'Oman*,  en  nous  disant  que  Ja 
dernière  des  îles  Dybadjât,  c:>lsx>^,  c'est-à-dire  les 
Laquedives  et  les  Maldives ,  touche  par  derrière  à  l'île 
de  Serendyb  ou  Ceylan,  dans  la  mer  de  Herkend*. 

Voici  comment  Aboulféda  décrit  la  mer  qui  s'é- 
tend de  Test  de  l'Asie  jusqu'aux  côtes  orientales 
d'Afrique  : 

*  Nozhet  aUMoscktak  et  trad.  franc,  loc.  htud. 
^  .Ibid,  fol.  23  V.  trad.  fr.  tom.  I,  pag.  94. 
3  Ibid,  fol.  22  r.  trad.  fr.  tom.  I,  pag.  88. 
,    *  Ihid.  fol.  16  V.  trad.  fr.  tom.  I,  pag.  63. 

jO^^jtf»  ^^f  jjîJf .  (/6iV/.  fol.  18  r.  tr.  fr.  tom.  I,  p.  69.) 


\ 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  169 

>  «Description  sommaire  de  la  mer  qui  soil  de 
rOcéan  orientai  [en  s  étendant]  jusqu'à  i  ouest.  -^ 
C'est  la  mer  qui  coule  de  la  mer  Océane,  depuis  U 
partie  la  plus  reculée  de  la  Chine  orientale,  laquelle 
n'a  d'autres  limites  à  l'est  que  la  mer  Océane:  Elle 
se  dirige  à  l'ouest  jusqu'à  Kolzoum  par  56  degrés 
et  demi  de  longitude.  La  longueiur  de  cette  mey, 
depuis  l'extrémité  de  la  Chine  jusqu'à  Kolzoïun,  est 
d'environ  i  24  degrés.  Si  tu  les  multiplies  par  vingt- 
deux  et  deux  neuvièmes,  ce  qui  forme  les  parasaiigeaf 
[  contenues  dans  ]  un  degré ,  suivant  l'opinion  des 
anciens,  il  en  résulte  la  longueur  de  cette  mer,  en 
parasanges ,  au  nombre  de  2748  environ.  Cette  mer 
prend  le  nom  des  pays  qu'elle  baigne.  Son  extrémité 
orientale  se  nomme  mer  de  Chine,  parce  que  cette 
contrée  est  sur  ses  bords.  La  partie  qui  est  à  rôcd- 
dent  de  la  mer  de  Chine  prend  le  nom  de  mer  de 
rinde ,  parce  qu'elle  touche  à  l'Inde.  Puis  vient  la 
mer  de  Farës ,  ensuite  la  mer  de  Berber,  connue  30us 
le  nom  'de  golfe  Berbérien,  et  enfin  la  mer  de 
Kolzoum  ^)) 

L'auteur  du  Merased-al-Itihihi  paraît  comprendre 
cet  ensemble  de  mers  sous  le  nom  de  «  grande  mer 
des  Indes,  dont  la  mer  de  Farès  forme  une  déri- 
vation, A  V\  .g^t  *x^L-jJlj.^  (^  iuAâ  u-jUj^.  La 
mer  des  Indes  elle-même ,  ajoute-t-il ,  est  une  par- 
tie considérable  de  la  mer  orientale.  Elle  renferme 
un  grand  nombre  d'îles,,  et  sur  ses  rivages  sont 
une  multitude  de  villes.  Elle  touche  à- la  Chine.  » 

*   Takwym  al-Boldan,  p.  ai. 

?iii.  12 


I 


170  ÏÏOURNAL  ASIATIQUE. 

D  après  Ibn-Haukal,  «  de  toutes  ies  mers,  il  y  en 
a  deux  qui  sont  le  mieux  connues.  Là  plus  grande  est 
la.  mer  de  Farès,  puis  la  mer  de  Roùm  (la  Médi- 
terranée). Ce  sont  deux  golfes  opposés  Tun  à  l'autre 
et  issus  de  la  mer  Océane.  Le  plus  étendu  en  Ion- 
gueiu*  et  en  largeur  est  la  mer  de  Farès,  dont  les 
limites  se  prolongent  depuis  celles  de  la  Chine 
jusqu'à  Kolzoum.  En  prenant  depuis  Kokoum  jus- 
qu'à la  Chine,  sur  une  ligne,  droite,  l'étendue  de 
cette  mer  est.  de  deux  cents  journées  Bnviron.  » 

lû^\  j^\  (j^  ^j\i^à^\jt  (j^liu^  ^U?J^  l$3  pj^\ 

(a)  é^sit^jjè  ^L«  y^  ùjSùsJLA  ^\^  /«JCûm^  .Vl  -k    Jc 

Ces  descriptions ,  qui  nous  représeotent  l'ensemble 
de  la  mer  des  Indes  comme  se  prolongeant  sur  une 
ligne  à-peu-près  continue,  impliquent  évidemment 
l'opinion  puisée  par  ies  Arabes  dans  Ptolémée  sur 
la  configuration  de  la  presqu'île  du  Dekkan.  Les 
marins  qui  allaient  jusqu'à  Sofala,.  en  Afi'ique,  et 

1  Fol.Sr. 

'  CiUUlî^  GsliLit  qU^. .Map. arabe  de  la  Bibliothèque  de 
Tuniversité  de  Leyde,  n°  3i4,  fol.  5.  (Voir  la  copie  de  ce  manus- 
crit, que  possède  la  Bibl.  royale,  suppl.  ar.  n°  649»  fol.  8.) 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  171 

qui  parcouraient  toutes  les  côtes  de  ilnde  formant 
le  bassin  de  la  mer  d'Omaii ,  jusqu'au  cap  Comorin , 
auraient  pu  acquérir,  par  la  pratique ,  des  idées  plus 
exactes,  s'ils  n  avaient  été  sous  Imfluence  des  erreurs 
inhérentes  à  la  navigation  côtière,  et  que  j'ai  signa- 
lées d'après  M.  Desborough  Cooley. 

Entre  la  mer  de  Herkend  et  la  mer  Laréwy, 
notre  navigateur  Soleyman  rencontre  le  groupe 
des  îles  Dybadjâty  cy.\^^:>.  Ce  nom,  dont  M.  Rei- 
naud  a  fixé  la  lecture,  est  sous-  une  forme  de 
pluriel  persan,  la  reproduction  du  pâli  §q,  dipa, 
ou»  de  l'hindoustani  vsî^r  en  sanskrit  ^,  île.  On 
trouve  aussi  la  leçon  iLi^,^,  qui  rappelle  peut-être 
davantage,  poiu*  le  son,  la  forme  originale  sans- 
krite,  et  qui  est  donnée  comme  le  féminin  de  <-^i 

par  Ibn-Bathoutha ,  <-««^«>Jt  e^^  lôij  Je  Ma^^  ^• 
Ce  sont  les  DiW  d'Ammieo  Marcellin  ^.  Elles  éta- 
blissaient, dit  Massoudi,la  séparation  çntre  la  mer 
de'  Herkend  et  la  mer  Laréwy,  et  comprenaient 
les  LaquediVes  et  les  Maldives,  ainsi  que  Ceyian» 
Byroiiny  les  divisait  en  deux  classes,  suivant  la 
nature  de  leur  principal  produit,  les  unes  nommées 
Diwab-Kouzah,  ùj^  «>?^,  c'est-à-dire  île  des  Cau- 
ris,  parce  que  l'on  y  ramassait  ces  coquillages  sur 
les  branches  des  cocotiers  plantés  dans  la  mer,,  et 
lès  autres  appelées  Diwah-Kanbâr,  jleJLS"o^5,  du 
mot  hanhâr,  qui  désignait  le  fil  tressé  avec  les  fibres 


1  Fol.  U  r. 

*  Ammien  MarceUin,  XXII,  7. 


172  JOURNAL  ASIATIQUE. 

du  cocotier,  et  employé  pour  coudre  les  navires  *. 
Soieyman  en  porte  le  nombre  à  mille  neuf  cents, 
Massoudi  à  deux  mille,  ou,  suivant  le  témoignage 
de  personnes  bien  informées,  i^^\  Jyi  i ,  à  dix-netif 
cents ^.  Edrisi  dit  qu'elles  sont  innombrables';  Ibn- 
Bathoutha  quil  y  en  a  deux  mille;  mais  Aboulféda 
en  compte  dix-sept  cents  ^  chiffre  qiv  se  rapproche 
le  plus  de  celui  de  Ptoiémée,  qui  en  admet  dix-sept 
cent  soixante  et  dix-huit  et  qui  donne  le  nom  de  dix- 
neuf^.  Jl  y  a  tout  lieu  de  croire  que  les  Arabes  nont 
fait  que  reproduire,  avec  des  variantes^  la  donnée, 
qui  avait  cours  parmi  eux ,  du'géographe  égyptien  ,•  et 
il  est  probable  que  celui-ci ,  à  son  tour,  la  tenait  d'une 
source  indienne;  caria  dénomination  deLaquçdives, 
sous  laquelle  est  connu  aujourd'hui  le  groupe  sep- 
tentrional de  ces. îles,  est  d'origine  sanskrite,  et  se 
compose  de  deux  éléments,  dont  l'un,  dive,  nous 
est  connu,  et  dont  l'autre  est.ime  abréviation  vul- 
gaire du  mot  vî^®,  «cent  mille,»  lequel  désigne 
d'une  manière  indéterminée,  mais  très-significative, 
une  multitude  d'îles  agglomérées. 

*  Fragments  sur  l'Inde,  par  M.  Reinaud,  pag.  g 3  et  124. 

^  Dans  l'extrait  du  texte  du.  Moroudj-al-Zeheb ,  donné  par  M.  Rei- 
naud,  Relau  t.  JE,  p.  i85,  et  dans  la  traductioii  anglaise  de  cet 
ouvrage  de  Massoudi,  par  M.  Sprenger,  t.  I  (le  seul  (jui  ait  paru) , 
p.  36o. 

8  Nozhet-al-Moschtak,  fol.  17  v.  Trad.  fr.  p.  6.7. 

*  Takwym-al-Boldan^p,  22. 

*  Géoyr,  VIIU»Sii. 

"  cLF  ^^  hindoustani  et  eu  persan.  Les  Malays  ont  fait  de  ÇFT9 
le  mot  /jmJJ  laksa^  et  les  Javanais  (liU)(K1I1^\  lakso,  avec  la  signi- 
Geation  de  dix  mille. 


AOUT-SEPTETVIBRE  1846.  173 

Quant  à  rétymologie  du  mot  Maldives,  Renaudot 
pense  que  ce  mot,  dans  la  langue  du  Malabar,  si- 
gnifie «  les  mille  îles,  »  et  Ibn-Bathouthale  fait  venir 
du  nom  dé  celle  de  ces  îles  qui  s'appelait  Maihal , 
J<yX\  K  On  pourrait  peut-être  aussi  supposer  que 
cette  dénomination  a  été  empruntée  à  la  contrée 
appelée  MaXé  par  Cosmas,  ou  Malabar,  et  quelle  a 
été  créée  pour  désigner  spécialement  lés  îles  qui 
lavoisinent. 

La  dernière  et  la  principale  des  îles  Dybadjat 
était,  suivant  Soleyman,  Serendyb,  siur  la  mer  de 
Herkend^,  C  est  laTaprobane  des  anciens,  TéTrpoSdvrjs 
vTJcTos  y  nom  dont  ietymologie  est  le  pâli  ^§^on» 
Tamhapaiina,  altération  du  sanskrit  ^|^q^[  Tâmra- 
parnuy  signifiant  «  feuille  cuivrée ,  ou  qui  a  des  feuilles 
couleur  de  cuivre,.»  et  qui  paraît  avoir,  été  attribué 
à  Ceylan  à  caiïse  de  la  grande  quantité  d  arbres  à 
feuilles  couleur  de  cuivre  qu'elle  produit  '. 

Cette  île  fut,  depuis  un  temps  immémorial ,  Te^ibi^e- 
pot  où  le  Phéniciens  ;  les  peuples  de  l'Arabie  méridio- 

»  >WJîj  fJi\  ^  J^\j  •••  ckll  *aj3 >t>  foi.  64  r. 
M.  Lee  a  lu  le  mot  iuJ^  d'une  manière  fautive,  Zabiak  iUi'^t  the 
iraoels  ofIbn-Batuta,  p.  i8i.  Les  noms  propres  qui  £gtirent  dans 
Ibn-Bathoutha  ont  été  transcrits ,  au  moins  un  très-grand  nombre , 
d'une  manière  incorrecte  dans  la  rédaction  abrégée  sur  laquelle 
M.  Lee  a  fait  sa  traduction.  Il  sermt  vivenlent  à  désirer  que  M.  Rei- 
naud  fît  connaître  la  rectiGcation  de  ces  noms,  qu  ils  a  faite  d'après 
les  manuscrits  d'Ibn-Batboutba  que  possède  la  Bibliothèque  royale, 
sur  l'exemplaire  de  la  traduction  anglaise  qui  lui  appartient. 

*  Cf.  Kazwini,  AdjaYb-aIrBoldan,  fol.  28. 

^  M.  £ug.  Burnpuf,  Journal  des  Savants ,  cahier  d'avril  i8à4. 


174-  JOURNAL  ASIATIQUE. 

naie,  les  Grecs,  les  Romains  et  ies  Airabes  devenus 
musulmans  venaient  s  approvisionner  des  denrées.de 
ilnde,  de  l'archipel  d'Asie ,  de  la  Chine,  et  de  celles 
non  moins  riches  que  le  sol  y  fait  naître>*Nous  avons  vu 
que  la  cannelle ,  dont  la  production  lui  appartient 
exclusivement,  est  mentionnée  dans  les  plus  anciens 
livres  hébreux;  et,  depuis  Moïse,  une  suite  non  inter- 
rompue de  témoignages  atteste  que  cette  écorce  pré-, 
cieiise  ne  cessa  d'être  émployée]par  toutes  les  nations 
civilisées  de  l'Asie  et  de  l'Europe  ^  Ce  n'est  cependant 
que  sous  le  règne  d'Alexandre  le  Grand  .que  les 
Grecs  surent  que  Taprobane  formait  ime  île  séparée 
du  continent  indien^.  A  ime  époque  postérieiu^e , 
nous,  retrouvons,  parmi  les  peuples  qui  y  avaient 
fondé  des  établissements,  des  chrétiens  de  la  Perse', 

des  manichéens,  is>^  *,  des  juifs  et  dés  nîusulmans, 
qui  tous  y  professaient  leur  culte  en  liberté  et  jouis- 
saient de  la  protection  du  souverain  ^,  Lors  du  pas- 
sage de  Soleymaii ,  l'île  était  sous  la  domination  de 
deux  rois,  cdmme  au  temps  de  Côsmas,  dans  le  livre 
duquel  nous  lisons  que  l'un  de   ces   princes  était 

*  Cf.  Stral)on,  II,  p.  49  et  81,  éd.  Gasaubon,  în-fol.  1887.  Pline, 
Hist,  nat.  XII,  3o. 

'  aUt  iicpieret  insulam  esse,  Àlexandri  magni  aetas  re8({!ie  prees- 
tltere.»  Mine,  ibid,  VI,  24. 

'  Gosmas,  Topogr,  clùrét  p.  3*37 . 

*  Abouzeyd,  Relat,  texte  arabe,  t.  II,  p.  1 23  ;  trad.  1. 1,  p.  128. 
Lorsque  j*aurai  à  citer  à' la  fois  les  deiU  volumes  de  cet  ouirrage, 
je  mentionnerai  en  premier  lieu  le  tome  II ,  parce  quHl  contient 
le  texte  arabe. 

^  Relat  ihid  et  Édrisi,  fol.  19  r.  Trad.  franc,  p.  72. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  175 

.  maître  de  la  partie  où  le  rubis  est.  indigène ,  et  IVutre , 
de  celle  où  se  trouvait  le  port  fréquenté  par.  les 
marchands  étrangers  ^ 

L  on  sait  que  le  nom  de  Serendyb ,  attribué  par 
les  Ai'abes  à  Ceylan,  est  la  forme,  modifiée  p^  les 
idiomes  vulgaires  deïinde,  du  nom  sanskrit  ftfçrrs^.; 
mais  je  dois  faire  observer  quAbouiféda  a  connu  le 
véritable  nom  indien  de  cette  île,  qu'il  écrit  <i-A^c>(jCu(y 
Singadyb  ^  «Tîle  du  LioTi,  fi?^.  » 

Parmi  les  merveilles  d.e  Serendyb ,  notre  voyageur 
ne  manque  pas  de  parler  du  fameux  pic.  d'Adam , 
ainsi  nommé  par  les.  musulmans,  parce  qu'ils  sup- 
posaient qu'Adam,  ayant  été  chassé,  après  son 
péché,  du  pîïràdis.  terrestre^  qti'ils  placent  dans  le 
ciel ,  et  précipité  sur  une  montagne  de  l'île  appelée 
Al-Rohoun  ,  ^y^l  ,  en  sanskrit  ;^t^  ,  laissa  sur  le 
roc  qui  couronne  cette  montagne  l'empreinte  de 
son  pied  gravée  dans  la  pierre.  Cette  tradition,  qui 
est  d'origine  bouddhique,  puisque. Fâ-hian rapporte, 
dans  son  voyage,  que  cette  empreinte  est^celle  du 
pied  de  Foë,  et  qu'il  rappelle  la  v.énération  dont 
elle  était  l'objet';  cette  tradition  passa  aux  musul- 
mans, qui  l'accommodèrent  à  leurs  idées,  ou  plu- 
tôt qui  la  reçurent  des  gnostiques.  ou  de  quelque 
autre  secte  chrétienne  théosophique.  Elle  est  con- 

*  (jOsmaSy-Tvpogr,  chrét.  p.  337. 

Takuyym-aJrBoldan,  p.  375.  Le  nom  indien  de  Ceylan  est  transcrit 
sous  la  forme  SieXe^/^a  par  Gosmas,  Topo^r.  cfcr^.  p.  336. 
'  Foê'kou€-ki,  chap.  xxxviii,  p.  382. 


176  JOURNAL  ASIATIQUE. 

signée,  en  effet,  dans  le  fameiix  manuscrit  gnos- 
tique  de  la  Fidèle  sagesse,  rapporté  d'Egypte  par  le 
docteur  Askew,  et  déposé  actuellement  au  Musée 
britannique  de'Londres ^  Ce  manuscrit,  qui,  d'après 
la  forme  des  lettres,  paraît  remonter  au  v®,  ou  peul- 
être  même  au  iv®  siècle  de  notre  ère,  est  la  traduc- 
tion copte  dun  ouvrage  gnostique  écrit  en  grec, 
qui  a  péri  comme  toutes  les  compositions  de  te 
genre.  Le  titre  qu'il  porte ,  TttîCTK  C04>X&, 
))  "GTialrj  (To<pia^  ainsi  que  les  doctrines  au  développe- 
ment desquelles  il  est  consacré,  font  penser  qu'il 
est  sinon  le  traité  de  la  Fidèle  sagesse,  attribué  par 
Tertullien^  à  Valentin^,  du  moins  l'œuvre  de  l'iui 
de  ses  disciples  immédiats.*  Voici  ce  qu'on  y  lit, 
fol.  i48,  col.  B,  etc.  • 

6xMAoois^  nw  ETEpE  nro^^EpmE  nxEO^ 
^X!iicwq  •  i>nstL\  irroq  EnfROîT^E  EKMa\w  t^k- 
ponf  JÛ-n  ît^îJULiKpjuLEKK  •  n3>.pjca\ît  et^jwjw.^^ 

WK2K2Kq  EqpOEîC  EîOSWCLTJUle  nÏEO'lî. 

a  Kalapataurôth  est  l'Archon  qui  veille  sur  la  trace 
où  est  *toarqué  le  pied  de  leou  ;  c'est  lui  qui  en- 
toure tous  les  Bons,  ainsi  que  l'Himarméjiè  :  c'est 

• 

^  Mus.  Britann.  Jure  emp'tionisy  n^  5i  i4t  c\\  B. 

* .  Tectullien,  Adoersus  Valentinianois,  Voir  le  traité  du  même  au- 
teur, intitulé  de  Prœscriptione. 

.  ^  Valentin ,  qui  fut  le  chef  de  Tune  des  grandes  éooles  gnostiques 
de  i*£gypte,  vivait  à  Alexandrie  au  commencement  du  second  siècle 
de  notre  ère. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  177 

cet  Arebon  que  j  ai  chargé,  d'avoir  soin  des  livres  de 
leou.  »  -,  - 

Dans  les  doctrines  si  profondément  mystiijues 
de  la  Fidèle  sagesse,  leou,  qui  est  l'inspecteur  de  la 
lumière,  TTETTÏCKOltOC  JW-TIO^ÇOEIU,  le  doyen  du 
premier  ordre  ,  TTETipECÊLE'îî'TRC  JW-nujopTT 
irrcucy,  est  considéré  ^  aussi  comme  le  premier 
homme,  TTOJopTT  ItpaTJW-E  »  c'est-à-dire,  comme 
le  protoplaste  ou  Adam  ^ 

La  filiation  que  suivit  cette  légende  pour  passer 
des  gnostiques  aux  musulmans  est  facile  à  retracer. 
Lorsque  le  clu^istianisme  se  fut  'assis  siu*  le  trône 
des  Césars,  les  gnostiques,  en  butte  aux  rigueurs 
de  la  législation  impériale,  cherchèrent  im  refuge 
dans  l'Arabie ,  asile  ouvert  à  tmites  les  communions 
dissidentes.  On  sait  que  Mahomet  mit  plus  d'une 
fois  à  contribution  ces  doctrines  hétérodoxes  pour  la 
rédaction  de  son  Alcoran.  C'est  siu*  ce  terrain  que 
les  gnostiques  et  les  Arabes  se  rencontrèrent  et  que 
ceux-ci ,  en  embrassant  l'islamisme ,  empruntèrent 
aux  premiers  la  tradition  relative  à  l'empreinte  du 
pied  d'Adam. 

Tous  les  écrivains  musulmans.qui  ont  eu  l'occa- 
sion de  s'occuper  de  Ceylan  n'ont  pas  oublié  de 

*  Fol.  i3,col.  d;  i8,co*i.  a;  78,  col.  c;  1 33,  col.  a;  iSy,  coI.d. 
Il  serait  trop  long  de  rendre  raison  id  de  ces  dénominations  et  de 
celles  que  contient  le  passage  de  la  Fidèle  sagesse  que  j'ai  rapporté  ; 
cette  explication  trouvera  sa  place  dans  un  trayail  que  je  prépare 
depuis  plusieurs  années  sur  ce  manuscrit,  dont  la  traduction  est 
déjà  achevée ,  ainsi  que  le  glossaire  qui  dçit  1  accompagner. 


178  JOURNAL  ASIATIQUE, 

parier  de  ce  vestige  miraculeux  devenu  \in  lieu  saint, 
un  but  de  pèlerinage  poiu*  les  disciples  deMahomet  ^ 
comme  il  Tétait  déjà  pour  les  bouddhistes.  Mais 
ceux-ci  pensaient  que  Foë  avait  gravé  l'un  de*  ses 
pieds  au  nord  de  la  ville  royale^,  et  lautre  sur  une 
montagne,  tandis  que  les  Arabes  s  imaginaient  que 
lun  des  pieds  d*Adam  reposa  sur  le  pic  de  Ceylan, 
pendant  que  lautre  pied  plongeait  dans  la  mer*. 

^  Ibn-Bathoutha  a  donné  des  détails  trèa-cuiieux  sur  ce  pèleri- 
nage, fol.  73  V.  74  r.  et  V.  (Cf.  Traveb  of.  Ibn-Batulà,  chap.  xx, 
p.  188-191.) 

*  Cf.  Foè-kouê-hi»  chap.  xxxviii. 

^  La  légende  musulmane  est  reproduite  complètement  dans 
la  description  suivante  de  Ceyian  <,  que  j'extraits  du  Merasedral- 
Itthila, —  «  Serendyb  est  une  grande  île,  dans  la  mer  de  Herkend, 
aux  extrémités  de  Tlnde  :  gn  dit  qu'elle  a  80  parasanges  dans  tous 
les  sens.  Dans  cette  île  s'élève  la  montagne  sur  laquelle  fut' préci- 
pité Adam,  et  que  l'on  appelle  Alrohoun.  Elle  s'élève  jusqu'aux 
cieax,  et  les  navigateurs  Taperçoivcut  à  une  distance  de  plusieurs 
jours.  Sur  cette  montagne,  est  ia  trace  du  pied  d'Adam  et  son  tom- 
beau. Cette  empreinte  est  celle  d'un  seul  pied ,  qui  est  gravé  dans 
la  pierre,  et  dont  la  longueur  est  de  soixante  et  dix  coudées. On  pré- 
tend qu'il  posa  l'autre  pied  dans  la  mer,  en  le  portant  à  la  distance 
d'un  jour  et  d'une  nuit  de  marche.  On  trouve  à  Ceyian  le  rubis 
rouge  et  le  diamant,  que  les  torrents  entraînent  dans  la  vallée  et 
que  l'on  recueille.  Ceyian  produit  aussi  diverses  sottes  de  parfitmB. 

'ô  J^l^  jkôJi  Jl>j   *J^j  f^\  AùJi  Jj\  «Va9j  'ùjiXê=>  ^Lt  iL5Ufc* 

ùyiaM  Lk-âi,  A^\  Jliu^  U(ji  ,^>aJM^  ^y?  j^^  J  *--y^ 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  178 

C'est  cette  dernière  version  qua  adoptée  Tauteur 
malay  de  l'histoire  de  Srî-Râma  K 

La  légende  dû  pied  d'Adam  est  célèbre  dans  les 
récits  de  tous  nos  anciens  voyageurs  européens  ^, 
parmi  lesquels  figure  le  chantre  inspiré  des  Lu- 
siades  :  ■  .., 

Olha  em  GeilaÔ ,  que  o  moûte  se  alevanta 
Taâtô,  que  as  nuveùs  passa,  ou  a  vista  éngana;        * 
Os  naturaes  o  tem  por  cousa  saota, 
Pela  pedra  onde  esU  a  pegadà  humàna  '. 

Nous,  arrivons  à  la  seconde  des  deux, divisions 
que  j  ai  tracées  dans  la  mer  des  Indes ,  au  golfe  du 
Bengale. 

Si  les  anciens  en  connurent  la  partie  nord  h^eau- 
coup  mieux  que  les  Arabes,  qui  ne  dépassaient  pas 

^]yj\  <w^  ^UJl  otxifc.Uj  (j^\jJ\  cil  Jja^^  ^j^'  (S^^^ 

(Fol.  342.)  oJJl 

*  Creschiedenis  van  Srie-Rcana  .^U.cjlj^  o-îU^»  t®*^  malay 
publié  par  M.  RoorJa  van  Ëysinga;  Bréda*  in-4%  i843,  pag.'  i35. 

*  All^.  Fabricius  a  rassemblé ,  dans  son  Codex  pseudepigraphus  ve- 
teris  Testamenti^  tom.  I,  pag.  3o,  et  tom.  II,  pag.  20  et  suiv.  un 
grand  nombre  de  passages  de  nos  anciens  yoyiigeurs  européens  sur 
l'empreinte  du  pied  d'Adam  à  Ceylan.  —  Tl  existe  d  autres  localités 
dans  les  parties  de  TAsie  occupées  pap  les  bouddhistes  et  même  par 
les  musulmans,  où  Ion  retrouve  de 'ces  sortes- d  empreintes.  (Voir 
un  mémoire  sur  celle  des  pieds  de  Gautama-Swami ,  qui  fut  dis- 
ciple de  Mabavira»  et  élevé,  dans  la  suite,  au  rang  de  Bouddha, 
trouvée  dans  un  temple  de  Djmnas  à  Nakbaur,  daûs  le  Behar  méri- 
dional ,  et  expliquée  par  M.  H.  T.  €olëbrooke,  dans  les  Transactions 
ofthe  royal  asiatic  Society  ofgreatBritain  and  Ireland,  vol.  I,  part  m, 
pag.  530.  Les  chrétiens  de  rinde  ont  fait  de  ceUb  empreinte  cdie 
du  pied  de  saint  Thomas.  ) 

^  Os  Lusiadas,  canto  x,  octav.  i36. 


]80  JOURNAL  ASIATIQUE, 

la  côte  de  Coromandel ,  ceux-ci,  en  retour,  eiu*ent 
des  idées  plus  exactes  siir  1  archipel  d'Asie ,  ainsi  que 
siu-ia  Chine,  qui ,  du  temps  de  Ptolémée ,  étaient 
encore  dans  le  domaine  de  la  géographie  fantastique. 
Néanmoins,  la  position  des  îles  qui  composent  cet 
archipel,  et  de  celles  qui  sont  à  Touest  de  ja  pénin- 
sule transgangétique,  présente  dans  les  relations  de 
ces  derniers,  ainsi  que  dans  leurs  ouvrages  systé- 
matiques, comme  les  traités  d'Edrisi  et  d*Aboxdféda, 
ime  très-grande  confusion  que  j  ai  déjà  signalée,  et 
que  je  crois  devoir  rappeler,  en  avançant  dans  Té- 
tude  de  Titinéraîre  du  marchand  Soleyman. 

Il  ne  pouvait  en  être  autrement,  par  suite  de 
Timperfection  extrême  de  la  science .  nautique  à 
cette  époque.  Ignorant  fart  d'appliquer  fastronomie 
à  la  détermination  des- positions  terrestres  ^,  dépoiu*- 
vus  d'instruments  d  observation ,  et  du  plus  précieux 
de  tous,  la  boussole,  sans  laquelle  il  est  impossible 
de  se  hasarder  ^en  pleine,  mer,  les  navigateurs  sui- 
vaient une  direction  purement  empirique,  ~et  ne 
parvçnaient  à  fixer  la  position  des  lieux  qu'ils  visi- 
taient que  d'une  manière  approximative  et  sauvent 
très-incertaine.  Le  marchand  Soleyman  nous  en 
fournit  un  exemple  fi:'appant,  quand  il  nous  parle 
d'une  certaine  île  qui  recelait  des  mines  abondantes 
d'argent,  et  que  je  montrerai  plus  loin  être  la  plus 

*  Aujourd'hui  même ,  où  là  connaissance  du  globe  terrestre  est  si 
avancée,  il  serait  peut-être  impossible  aux  marins,. en  se  dirigeaat 
dans  leur  route  d'^ès  Testime  seule,  c'est-à-dire  sans  chronomètres, 
de  répondre  d'une  erreur  de  trois  degrés  en  longitude  dans  un  voyage 
de  quelques  mois. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  181 

grande  des  îles  Andaman^  «On  ne  put  jamais  la 
retrouver,  dit  ce  navigateur,  après  y  être  allé  une 
fois,  et  ces  cas,  ajoute-t-il,  sont  fréquents  en  mer,  » 
jjlS'j.jg:i^\  i  !*>v-^  JJU3  2^  H  est  donc  tout  naturel 
que  des  traités  systématiques  de  gécî|raphie,  com- 
posés par  des  hommes  de  science  chez  les  anciens 
et  chez  les  Arabes,  cest-^ndire  par  des  honunes'sé- 
dentairespar  état  poiu*  la  plupart,  d'après  les  rensei- 
gnements qui  ieiu"  étaient  foiu'nis  par  lés  voyageurs , 
laissent  apercevoir  quelquefois  des  traces  de  fin- 
certitude  de  ces  renseignements.  Cest  une  raison 
pour  nous,  non  de  les  rejeter,  mais  de  les  discu- 
ter avec  critique,  et  de  nous  efforcer  d y  démêler  ce 
qui  s'y  trouve  de  vrai.  C'est  ainsi  qu'il  a  été  reco;inu 
que  Ptoiémée,  qui  d'ailleurs  a  commis  de  si  graves 
erreurs,  transcrit  les  noms  indiens  sous  une. forme 
correcte  et  très-rapprochée  de  la  forme  sanskrite'; 

*  Voir  page  joi. 

*  Relat.  t.  II,  p.  1 1  ;  1. 1 ,  p.  9  et  10* — Il  y  a  encore,  de  nos  jours, 
des  exemples  de  recherches  tout  aussi  infructueuses.  Les  itinéraires 
desTortugais  et  des  Espagnols,  qui,  les  premiers  de  tous  les  peuples 
européens,  ont  exécuté.  Vers  la  fin  duxv*  siècle  et  dans  ie  cours 
du  XVI*,  de  grandes  pérégrinatipns  maritimes,  offrent  des  traces 
d^une  science  nautique  plus  avancée,  sans  doute,  que  celles  ..des 
anciens- et  des  Arabes,  mais  encore  bien  imparfaite,  quoique  la 
boussole  et  plusieurs  instruments  d'observation  fussent  en  usagé. 
Un  déa  plus  curieux  monuments  de  ces  primitives  navigations  des 
modernes  est  le  routier  de  Mendana,  que  j'ai  retrouvé  dai^s  les  mss. 
de  la  Bibliothèque  royale,  et  qui  est  prêt  à  être  publié;  il  est  inti- 
tulé :  «Relacion  breue  delo  suscedido  en  el  viage  que  hizo  Aluaro 
de  Mendana  en  la  demanda  de  la  nueua  Guinea-,  laquai  ya  estaua 
descubierta  por  Inigo  Ortiï  de  R^tés  que  fue  con  Villalobps  en  la 
tierra  de  nueua  Ëspana ,  el  ano  de  1  ^4 1 .  » 

•'' Desborough  Cooiey,  Hist.  ijén.  des  Voya(jes,  tr.  fr.  t.  ï,  p.  112.- 


182  JOURNAL  ASIATIQUE, 

et  ia  tradition  sur  laquelle  repose  ia  dénomiaàtion 
qui!  donne  à  la  Péninside  dor,  >)  XP*^^^  x^P^^»^^^^» 
et  à  la  Métropole  d'argent,  >}  àpyvpv  fitirpSiçoTiis,  dans 
Tîle  laêaSlov  ou  Java,  est  évidemment  un  document 
indien^,  ainsi  que  i atteste  Byrouny^.  Edrisi%  de 
son  côté ,  au  milieu  des  déplacements  étranges  que 
Ton  remarque  dans  sa  description  -de  la  mer  des 
Indes,  a  recueilli  siu*  larchipel  d'Asie  des  docu- 
ments dont  la  valeiu*  ressort  pleinement  ^e  l'étude 
de  son  texte ,  éclairci  par  les  récits  des  voyageurs 
modernes. 

'  Géogr,  Vil,  2 ,  S  1  a.  Ptpiémée  a  connu  parfaitement  ia  signifi- 
cation du  nom  sanskrit  de  Java  dJc4^Mi  ^^  javanais  ftn0J1l|g;ON 

puisqu^il  en  donne  la  traduction  :  Za^aèiov  tf  la^aêiov'è  aniuJiftt 
HpiQHs  vrjcfQs,  (Géogr,  Vif,  â,  S  39.)  Je  dois  faire  observer  qo»  la 
leçon  iaSoiSiov  se  rapp;>oche  de  la  forme  sanskrite  du  nom  de  Java, 
et  que  là -leçon  Za€aSiov  est  plus  voisine  de  ia  forme  javanaise  de 
ce  nom. 

*  Dans  les  Fragments  de  M.  Reinaud,  extraitm**  m,  texte  iprabe, 
p.  92;  trad.  p.  123. —  Cette  tradition  des  pays  dW  s'est  perpëtaée 
jusqu'au  ]i^?i*  siècle,  et  même  jusqu'au xvii*.  Elle  existait  dans  toute 
sa  force  lors  des  premiers  voyages  des  Portugais  et  des  Espagnols 
dans  Tarchipei  d'Asie.  Les  Voyages  aduentareux  de  Fernand  Men4ei 
Pinto  (v.  ia  vieille  trad.  franc,  de  Figuier,  Paris,  i645,  in-A")  sont 
l'expression  la  plus  (idèledes récits  légendaires  qui  avaient  cours  aa 
XVI*  siècle  sur  ces  contrées  fantastiques^  A  mesure  que  les  Pèrta,- 
gais  et  les  Espagnols  firent  des  progrès  dans  ia  connaissance  géo- 
graphique de  i'archipei  d'Asie,  ils  cberclièrent  plus  à  l'est,  dans  la 
Nouvelle-Guinée,  à  ia  Nouvelle-Hollande,  les  pays  de  i'or  el  de 
l'argent  En  suivant  ia  cliaine  de  cette  tradition  à  travers  les  âges ,  et 
en  rassemblant  les  faits  qui  s'y  rapportent,  on  ferait  un  travail  très- 
intéressant.  Il  faudrait  y  rattacher  les  recherches  tentées  par  les 
Espagnols  en  Amérique  pour  '  découvrir  *  ie  fameux  Eldorado,  re- 
cherches inspirées  par  la  même  croyance  à  l'existence  de  ces  régions 
merveilleuses. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  183 

Continuons  maintenant  la  route  Suivie  paj»  So- 
leyman,  en  recourant  à  Massovjdi,  et  çn  nous  gui- 
dant d  après  les  indications  ingénieuses  dont  le  sa- 
vant traducteur  Ta  jalonnée. 

Au  delà  de  la  chaîne  des  rochers  qui  s'avance  du 
continent  indien  vers  Ceylan ,  et  qui  forme  le  pont 
de  Rama.,  ^gsw ,  ou  le  pont  d'Adam  des  musulmans, 
commençait  la  quatrième  mer,  appelée  Schelabet, 
la4^^Lâ ,  qui  f  épond  à  ce  que  l'-on  appelle  mainte- 
nant le  golfe  de  Palk.  Cette  mer  est  celle  que  Mas- 
soudi  désigne  .sous  la  dénomination  de  Kalah  bâr, 
jlf  ^,  du  nom  d'ime  contrée  que  M .  Reinaud  croit 
être  la  partie  méridiojiale  de  la  côte  de  Coro- 
mandel.  La  cinquième  .mer  se. nommait  Kedrendj, 
gr)4>5^  ouKerdendj,  ^^J^^  G  est  probablement  celle 
qui  mouille  la  côte  t)riêntale  de  la  presqu'île  de 
l'Inde,  à  partir  de  Tembouchure  de  la  Kistna,  en 
remontant  vers  le  nord.  De  là  oh  passait  dans  la 
mer  de  Senf,  uÂJuo,  qui  était  la  sixième,  et  qui,  sui- 
vant Massoudi ,  renfermait  le  centre  de  l'empire  du 
Zabedj,  dont  il  va  être  question  tout  à  l'heure.  La 
septième  et  dernière  mer  était  celle  de  Sandjy,  ^5^w, 
qui  commençait  à  l'embouchure  du  détroit  de  Ma- 
laça  et  de  celui  de  la  Sonde,  et  qui,  comme  le  fait 
observer  Massoudi,  se  prolongeait  indéfmiment  au 
nord  et  à  l'orient  ^         . 

Au  rapport  de  Soleyman,  on  arrivait  de  Mascate 

**  Relat,  dise.  prél.  t.  I,  p.  Ixxvj  et  Ixxvij,  (Cf.  Moroadj  al-Zeheb 
ms.  de  laBibi.  royale,  supp!.  ar.  n**  5r4>  I"  partie,  fol.  67  r.) 


184  JOURNAL  ASIATIQUE. 

en  un  mois  de  marche,  avec  un  vent  modéré,  à 

Koulam  Malay,  J^  >*!P  t  port  situé  im  peu  au  nord 
du  cap  Comorin,  dans  le  pays  appelé  MaX^  par 
Cosmas  \  et  Malabar  par  Ibn-Bathôutha  ^  et  les 
modernes^.  Delà,  on  se  dirigeait  vers  le  lieu  nommé 
Kalahbar,  jl>  it^,  d'où  la  quatrième  nier  tirait  sa  dé- 
nomination ,  suivant  Fauteur  du  Moroudj ,  et  doiit  la 
position  aété  déterminée  déjà.  Dix  joiurs  dé  navigation 
conduisaient  ensuite  les  navires  à  Bétoumah ,  ^^^. 
Notre  savant  orientaliste  pense,  avec  Renaudot,  que 
Bétoumah  est  la  ville  de  San  Thotné,  Beit  Tourna 
en  syriaque,  autrement  appelée  Meliapour,  ou  mieux 
M ailapour,  ville  où ,  suivant  la  tradition  des  élises 
nestoriemies,  lapôtre  saint  Thomas  reçut  la  palme 
du  martyre  ^.  De  Bétoumah,  ils  atteignaient,  dans 
le-même  espace  de  temps,  ie  l!eu  nommé Kedrendj , 
^^j6^  le  même  qui,  suivant  Massoudi,  donnait  son. 
nom  à  la  cinquième  mer.  Là,  quittant  la. côte  orien- 
tale de  la  presqu'île  de^^  l'Inde,  ils  traversaient  ie 
golfe  du  Bengale ,  en  se  dirigeant  vers  la  pénin*^ 
suie  transgangétique.  Ils  y  parvenaient,  au  bout  de 
dix  jours,  au  lieu  nommé  Sçnf,.vJU4©,' par  lequel 
on  désignait  la  sixième  mer,  et  qui  se  trouvait,  à  ce 
qu'il  paraît,  aux  environs  du  golfe  Martaban.  On  peut 

^  Topojfr.  cWt.  p.  178  et  337. 

*  Fol.  59  r.  et  suiv.  pcw^fm.. 

'  J'omets  les  îles  Lendjebâlous^  placées  ici  par  M.  Reinaud,.daiis 
Titinéraire  de  Soleyman;  Ton  en  verra  la  raison  plus  loin,  pages 
i85  et  200. 

*  Anàenikei  relations  des  Indes  et  de  la  Chine,  pag.  i46,  147, 
228  et  suiv. 


AOUT  SEPTEMBRE  1846.  185 

conjecturer  que  Kedrendj ,  où  leâ  embarcations  arabes 
mettaient  à.  la  voile  pour  la- presqu'île  de  Malaca, 
était  situé  non  loin  de  l'eiiibouchure  du  Meeéolas  de 
Ptolémée ,  la  Kistna ,  suivant  d-Anville.  C  est  là  que 
se. rendaient  les  navires  du  temps  du  géographe 
alexandrin  pour  passer  dans  la  Chersonèse  d'or. 
Rennell  croit  que  le  ppin t.  précis  du  départ  de  ces 
navires  était  le  cap  Gôrdeware  >  \m  peu  au  nord  di^ 
GQdaveri^  • 

En  cheminant  avec  Sôleymàn  dans  les  mers*  où 
s*ouvre  le  golfe  du  Bengale,  nous  rencontrons  main- 
tenant les  îles  Al-Râmny,^p-*!^l,  Al-Néyan,  yWt, 
Lendjebalous,  u-jJls^,  et  Ândâmân,  ^j^UlJsjl.  La 
détermination  de  la  position  des  trois'  premières  a 
donné  lieu  à  de  très-grandes  diffiGultés.  Mais,  si  l'on 
fait  attention  à  Tordre  dans  lequel, (5es  îles  ^e  pré- 
sentent dans  la  relation  de  Soleyman,  on  se  con- 
vaincra qu'il  les  a  décrites  dans  le  sens  de  l'est  à 
l'ouest,  c'est-à-dire  dé  la  route  que  tenaient  les  na- 
vires e»  revenant.des  mers  de  la  Chine  vers  Ceylan , 

t^^i^^^jj^  Jt  (j^^^j  l^t  ^,  et  nullement  dans  un  sens 
inverse.  En  suivant  cette  direction  avec  le  navigateur 
arabe,  et  d'accord  avec  la  position  des  lieux,  fonrèn-' 
contre  d'abord  Al-Râmny  ou  Râmny,  qui  serait  Su- 
matra, puis  lès  îles  Lendjebalous  ou  NiçqbBr,  et  enfin 
les  îles  Andâman;  et  cç  qui  senpibié  justifier  mon 
opinion,  c'est* que  la  partie  du  voyage  où  ces  îles 
sont  mentionnées,  et  qui  forme  la  description  gén.é- 

*  Uelat.  dise.  prél.  p.  Ixxxiij  à  cv.  •      •    . 

»  helat.i.  ÎI,  p.  8. 

vm.  ï3  . 


186  JOURNAL  ASIATIQUE. 

raie  de  la  mer  des  Indes,  constitue  un  fragment  à 
part  peur  ainsi  dire,  une- sQite  de  préambule,  tandis 
que.  Titlnëraire  commence  im/peu  plus  loin  (texte 
arabe,  p.  i5;trad.  pag.  i3|,  et  a  pour  point  de  dé- 
part Syraf ,  sur  les  côtes  du  Fai'sistan.  D'aifieurs , 
en  considérant  J  a  narration  de  Soleynian  dans  son 
ensemble ,  on  s  aperçoit  évidemment  qu'elle  se-comr 
pose  de  divers  .récits  raicontés  par  lui  de  méinoine, 
et  recueillis  après  coup  par  un  rédacteiu*  qui  i«s  à 
rassemblés  sans  beaucoup  d'ordre.  Il  est  donc  permis 
d'en  discuter  les  éléments  et  de  les  rétablir  ^ans  une 
suite  régulière,  telle  que  Imdique  Tétat  actuel  de 
nos  connaissances  géographiques.  Et. d abord,  j'ai  à 
parier.de  Tiie  Rârimy. 

•    Un  savant  orientaliste  allemand ,  M.  Giidemeis^ 
ter,  a  adopté  f  opinion  que  le  nom  de  Râmny,  qu'il 
.  prononce  Ramanâ  ,  devait*  s  appliquer,  ainsi  que  les 
noiïis  de  Comar,  jU,  et  de  iCàlaH,  Aâ>,  à  la  par^ 
tie  de.  l'Inde  continentale  appelée  plus  tard  Ma  bar 
jajCp,  et  qui,  à  Test  du  cap  Comorin,  fait  face  à  Gfey- 
.  lan.  Il  pen^e  que  cette  dénomination,  nëç  sur-  les 
lieux  qui  fiu'ônt  le  principal  théâtre  des  exploits  du 
héros  du  Ramayana,  a  été  empruntée,  à  la  ville  cé- 
lèbre nommée  Ramanatlia ,  aujourd'hui  Ramnad ,  sur 
le  détroit  dé  Ceyian  \  Le  sentiment  de  M.  Reinaud 
est  que  l'île  Râmny  peut  être  identifiée  avec  celle  de 

'  M.  Gi-ldemeister,  Scriptoram  arabnm  de-  rébus  indicis ,  p.  58  ',  69. 
^-  Édrisi  (fol.  19  r.  et  tr.  fr.  tom.  I,  pag.  74)  transcrit  îe  nom  de 
nie  Râmny  sous  la  foràie  j]j  Rânvy.ll  ajoute  qu'il,  y  avait  une 
ville  de  ï'inde  qui  portait  le  même  nom.  Peut-être  est-ce  la  ville  de 
Bamnad  dont  parle  M.  Gildemeister. 


AOUT-SRPTEMBRE  1846.  187 

Manar,  au  nord-ouest  de  Ceyian.  Il  se  fonde  sur 
Tasserlion  du  marchand  Soleyman^  qui  dit  que 
Râmny  était  baignée  à  la  fois,  par  les  deux  mers  Hejr- 
kend  -et  Schelaheth,  et  sur  les  paroles  dé  Byrounyj; 

qui  nous  apprend  que  les  îles  du Zabedj,.gJ>Jl  >*!>=*•» 
étaient  situées  dans  4a  partie  de  l'Jnde  qui  -est  tour- 
née vers  forierit,  et  qui  se  rapproche  <le  la  GBine-; 
que  lès  îles  situées  du  côté  de  foccidefit  sont  îës  îles 

desZendjs,  gj^' ^.b^  ou  Madagascar,  et 'qtie  celles. 

placées  au  centre  sont  les  îles  de  B.am,|*p!.^)y?-,  et 
les  îles  pybadjat.^ 

Mais  il  existe  plusieurs  considérations  qui  portent 
à  chercher  la  position  de  Râniny  dans  Siunatra.  En 
étudiant  lordre  dans  lequel  Soleyman  fait  suivre 
les  îles  Râmny,  Lendjebalous  et  Andamân,..il  est 
impossible  de  ne  pas  admettre  cette  assimilation; 
Kazwinî ,  dans  sa  Cosmographie,  intitulée  4;^^tl^ 
^îiXUîl  ,  atteste  que  l'île  Râmny  est  située  dans  la 
nier  de  Chine  ^,  et  Bakoui  dit  la  même  choSe  jians 
son  livre  intitulé  siLXL*  «-^^tl^^  jb^l  ja-Acio  c-»Ufe 
j^^y^ .  L'auteur  du  Merased-alrltthila  place  Râmny , 
qu'il  écrit  ^^Ij,  sur  la  mer  dé  Schelaheth,  aux  limites 

*  M.  Reinàud,  Fragments.;  texte  ar.  p.  92;  trad.  p.  i2.3. 

-    Fol.  20k  . 

3  Ms.de  laBibl.  royale,  ancien  fonds. ar.  n°  585.  (Voir  ia.tra^. 
franc,  du  traité  de  Bakoui,  par  Deguignes,  dans  les  Notices  et  Extraits 
des  nass.  t.  ïl ,  p.  397.)  Je  sais  que  Kazwini,  le  savant  naturaliste, 
est,  comme  géographe,  ainsi  que  Bakoui,  une  médiocre  autorité  : 
mais  je  ne  les  cite  que  lorsque  leur  témoigtiage  s'accorde  avec  celui 
des  autres  géographes  arabes, 

i3. 


188  JOURNAL  asiatique; 

extrêmes  de  ilnde  ^  en  ajoutant  que  c-'est  une  grande 
île  à  laquelle  on  attribue  une  étendue  dé  huit  cents 
parasknges^.-  Rien  n* empêche  de  supposer  que  cette 
mer,  qui  commençait  au  sud  de  la  péninsule  in- 
dienne! ;  auprès  de  Çeyian,  se  prolongeait,  suivaint 
les  idées  de  ce  dernier  géographe ,  en  droite  ligne 
^u  sud  du  golfe. du  Bengale  Jusqu^À  Sumatra.  Ce  que 
nous  avons  dit  plus  .haut  de  la  manière  diverse,  dont 
*  les  écrivains  arabes  partagent  le  bassin  .de  là  mer  des 
Indes  rend  cette  Hypothèse  nullement  improbable; 
çUè  pourrait  s  apptiyer  d'âilleiu'S  siur  Tétymologie  du 
mot  Scheiaheth  ou  Selaheth  ^,  que  Marsden  croit 
être  une.  altération  dii  mot  mday  cxLm,  selat,  lequel 
signifie  un  détroit  en. général,  et,  en  particulier,  celui 
de  Malaca  ou  Singapore.  D après  MaSsdudi,  une 
distance  de  jnille  parasanges  sépare  Râmny  de  Se-, 
réndyb  ^. Suivant  Edrisi,  il  faut*  trois  jours  pour  se 
rendre  de  Râmny  à  cette  dernière  île  ^.  Quoique 
Vintervalle  donné  par  ïauteur  du  Nozltet-al-Mosch- 
tak  soit  une  erreur  palpable  ,•  si  elle  n  est  pas  une 
faute  de  copiste ,  puisque  sept  à  huit  jours  sont  néces- 
saires niaintenant  pour  faire  la  traversée  de  SuHia- 
tra  à  Çeyian ,  il  n'en  est  pas  rnoins  certain  ique  cette 
doniiée,  qui  tient  à  la  connaissance  très-imparfaite 

1  Fol.  s82. 

s  J^,^(^-  suivant  la  leçon  que  portent  le  texte  du  ms.  précité 
d^Édrisi  que  j'ai  soûs  les  yeux,  fol.  20  V.  et  21  r.  et  Texempiaire 
du  MerascdMil-itthUa  de  la  Bibliothèque  royale. 

^  Voir  .l'extrait  du  Moroiidj-al-Zclieh ,  donné  par  M.  Rein'aud, 
Jleial.  t.  II ,  p.  iSg.  (Cf.  la  traduction  anglaise  de  Massoydi,  ,  par 
M.  le  ly  Sprenger,  tom.  I,  p.  352.) 

*   ^ozhei'al'moschtak ,  fol.  19  v.  et  trad.  franc,  p.  76. 


AOUT-SEPTEMBRE  ia46.  189. 

qu  avait  Edriâi  des  mers  de  Tlnde ,  rectifiée  par  celle 
de  Massoudi,  éloigne  l'idée  de  découvrir  Ramny   . 
dans  une  des  îles  immédiatemeut  voisines  de  Geylaa- 

Mais  il  y  a  en  faveur  de  1  opinion  qui  idéntiÉyf- 
Râmny  avec  Sumatra  d  autres  preuves  qui  nous  sont 
fournies  par  la  relation  même  de  Soleyman^^t  qui 
sont  bien  autrement  concluantes  que  celles  qui 
précèdent.  Il  nous  dépeint  cette  île  comme  par- 
tagée entre  plusieiirs  rois  et  comme  ayant  une  éten- 
due de  huit  à  nçuf  cents  parasanges.  Il  ajoute-  qu'U 
s  y  trouve  des  mines  d'or,  des  plantations"  appelées 
ji^^Aflù* ,  farisour,  d'où  loti  tire  le  camphre  de  première 
qualité ,  qu'elle  produit  dé  nôinhreux  éléphants,  ainsi 
que  le  bois  de  Brésil  et  le  bambou;  et  qu'il  y  a  une 
peuplade  qui  mange  les  hommes  ^. 

Le  fait  que  Râmny  donne  Ip  camphré  dB  première 
qualité  ne  peut  s  appliquer  qu'à  Sumatra,  ou  à  Bor- 
néo ,  les  seuls  pays  où  naît  le  véritable  camphre.  Or,  ' 
il  ne  saïu'ait  être  ici  question  de  l'île  Bornéo,  beau- 
coup plus  reculée  que  Sumatra  dans  IVchipel  d'Asie, 
et  dont  il  est  fort  douteux,  jusqu'à  présent,  que  les 
Arabes  aient  jamais  parlée  niais  bien  de  Sumatra, 
puisque  Soleyman  affirme  qu'à'Râmny  il  y  avait  dés 
plantations  dites /an^Our,  d'où  l'pn  tiraît  le  meilleur 
camphre.  Nous  savons,  en  effet,  par  Marco-Polo,  . 
que  Fansour^  est  le  nom  de  l'un  des  huit  royaumes 

»  lîe/«t.  t.  I,  p.  8el9;-t.H;  p.  6v7  et8.  *. 

*  Fansour  est. la  leçon  gén^ralemetft  adoptée  aujourcThui;  c'est 
celle  de  Tédition  de  Marco-Pola,  donnée  à  Bâle,  et  de  quatre  mss.  • 
d'entre  les  dix  dont  les  variantes  ont  été  transcrites  à  la  suite  do  . 


.190  JOURNAL  ASIATIQUE. 

qui  divisaient  Java  la  Menor  ^  6u  Sumatra.  Dans  son 
^éditîon  du  voyageur  vénitien ,  Màrsdena  lu  ce  nom 
Fànfur,  et  a  supposé  qu'il  devait  réipondre  à.  celui 
'àê  Kâmpar,  district  de  la  côte  orientale  de  Sumatra*. 
Mais,  comme  le  camphre  que  cette  île  produit*  pro- 
vient de  la  partie  nord-ouest,  cest  là  très-cprtaîne- 
meht  qu'il  faut  aller  chercher  le  j^^a^  ou.  jyaji»  des 

rédilion  de  son  voyage^  publiée  par  îa  Société  de  géographie.  (Re- 
cueil de  Voyages  çt  de  Mémoires ,' ïom.  I.)  Cest  celle  qu*a  admise 

récemment  {i844).  M.  Jlugh  Murray  dans  son  édition  de  Marco- 
Polo  y  qui  fait  ^ariié  de  la  collection  designée  sous  le  nom  de  Edin- 
buryh  cahinet  îibrajy.  MM.  Reinaud  et  de  Slahc,  dans  leur  édition 
de  îâ  Géographie  d'Aboulféda,  lisent  jy.âA3  ,  comme  Langlès  dans 

,  le  texte  atabe  de  la  relatidn  deSoleyman  (t.  II,  p.  8),  et  Degoignes 
dans  sa  traduction  dô  hakom:(Not'etExir.  des  man.U  II,  p.  4 1 5). 
On  trouve  ailleurs  jû<,.a^.  Gtjy^yi .  Ce  nom  s'applique  à  la  contrée 
de  Sumatra,  nommée  Pcwourr  (jjy^  par  Tauteur  de  la  Chronique, 
malaye,  intitulée  :  Schedjaret-MalwfoujJ^ùLo  (;jj  (édii.  de  Sin-r 
gapore,  cbap.  vu,  pag.  82").  Si  la  leçon  (C)yâJ,  adoptée  pér 
Le'yden  dans  la  traduction  quil  a  donnée  de  cet  ouvragé,  et  par 
l'éditeur  anonyme  qui  en  a  publié  le  texte  récemment,  est  exacte, 
la  leçon  jyo^ ,  qui  se  trouve  quelquefois  dans  les  écrivains  arabes, 
serait  la  plus  rappirochée'de  la  forme  originale  malaye,  et  par  con- 
séquent la  meilleure.  ■       •' 

*  L'auteur  de  l'atlas  catdian  dé  187 5,  conservé  à  la  Bibliothèque 
royale,  département  des  manuscrits,  n^'.OSiG,  ancien  fonds,  me 
paraît  avoir  désigné  Sumatra  sohs.le  nom  de  Illa  laua  (4*  carte  hy- 
drographique], comme  L'ont  fait  tous  lès  anciens  géographes  et 

■  voyageurs.  Il  place  dans  celte  .île  la  production  du  camphre, 
camphorçL^.  C'est  par  une  erreur  de  copiste  que-  ce  nom  est  écrit  sur 
cette  carjte  lana.  Je  suis  loin  de  partager  l'opinion  de  MM.  Buchon  et 
Tastù,  les  éditeurs  de  ce  document  si  curieux  de  la  géographie  du 
moyen  âge,  qui  pensent  que  laaa  est  Ceylan ,  et  que  l'ii/a  Taprolnma 

.  désigne  Sumatra.  C'est  tout  le  contraire.  (  Soiices  et  Extrcdts  djes 
manuscrits,  toni.  XlV,  11'  partie ,  p.  1 36-1 38.) 

*  'Tke  travels  of  ]\farco-Polù ,  London,  in-4*,  1818,  p.  6i4>  61 5. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  19î1 

écrivains  arabes  et  leFan^our  deMarjcoPolo,  quoique 
cette  dénomination  ancienne  ait  dispai^u  aujourd'hui. 
Aboulféda  me  paraît  avoir  connu  mieux  qu'aucim 
autre  la  position  de  Eansour,  qu*il  détermine  ainsi  : 

L^t  c^aimaJL»  !SLjy^j^  AJUJO*  S^U>'  *^"^>r^  fXy^^  *^3 

vjuAi^  ^,  ((  Au  midi  de  Java  (Sumatra  des  modernes), 
est  la  ville  de  JFansour,  qui  donne  son  nom  au  cam- 
phre appelé  fansourien;  elle  est  par  1 45''  dé  longi-. 
tude  et  un  degré  et  demi  de  lati4:ude.  ». 

Les  mots  »^U>-  ÏK>s?-  <Xy^  i^  doivent  être,  à 
coup  sûr,  entendus  de  la  partie  de  Sumatra  qui  se 
rapproche  le  plus  de  Téquateirr,  c  est-à-dire ,  la  côte 
occidentale  ;  et  la  latitude  d'un  degré  et  demi ,  donnée 
par  le  géographe  arabe,  coïncide  assez  bien  avec  la. 
situation  des  districts  de  Sumatra  d'où  l'on  tire  le 
camphre  le  plus  estimé? 

Un  savant  orientaliste' que. j'ai  eu  déjà  l'occasion 
de.  citer,  et  qui  poissédait.à.fond  la  connaissance 
de  l'histoire  naturelle  des  pays  malays.,  comme  le 
prouve  le- soin  avec  lequel  e;st  traitée  cette  branche 
de  la  science  dans  son  JV/a/oyan  i)iciM)7ia7y  et  dans  son 
Hùtoryof  Sumatra,  Marsden  a  consigné,  dans  ce^-dèr- 
nier  ouvrage,  sur  la  provenance  du  camphre^,  des 
détail^  précieux,  qu'il  est  indispensable  de  connaître 
pour  entendre  ce  qu'ont  dit  de  céttie  substance] es  na- 
turalistes arabes.En  voici  Iç  résumé  :  «L'arbre  d'où  on 

'   Takwjnl-al-Boldan,  pag.  369. 

*  History  of  Sumatra,  3*  édit.-  London,  in-4°,  181 1,  p.  1 49-1, 53. 


192  JOURNAL  ASIATIQUE, 

l'extrait,  Dryobalanops  camphora,  croît  dans  là  région 
nord-ouést  de  Sumatra,  sur  une  zone  comprise  entre 
1  equateiu*'  et  le  troisième  parallèle  nord.  H  pousse 
sans  culture  dans  les  forêts  qui  avoisinent  la  cote,  et 
prend  des  proportions  de  hauteur  et  de  grosseiu*  très- 
considérables  ,  puisque  sa  circonférence  dépasse  sou- 
vent quinze  pieds  (anglais).  Le  camphre  se  forme 'à 
rétat  de  concrétion  dans  Tintérieur,  où  il  est  recelé 
dans  des  fissures  naturelles  ou  crevasses.  Rien,  au 
dehors,  n en  trahit fexistence.  Les  Malays  vont  à  sa 
recherche  assistés  toujours  d  un  sorcier  de  profession. 
Ce.secours  ne  les  empêche  pas  d'être  obligés  d  abattre 
et  de  fendre  un  très-grand  nombre. d'arbres,  parmi 
lesquels  un  à  peine  sur  dix,  ordinairement,  contient 
du  camphre  ou  de  Thuile  die  camphre, jySJ^\5-AAi«, 
minak  kapour.  Cette  dernière  substance,  cependant, 
est  moins  rare  que  Tautré.  La  difficulté  de  se  pro- 
curer le.  véritable  camphre  ou  de  première  qualité , 
celui  que  les  Malays.  appellent  o-^j^  j^*^'  Kaponr 
barous,  du  nom  dune. rivière- qui  à  son  embouchiipe 
sm»  la  côte  nord-ouest  de  Sumatra,  non  loin  de 
Siugkell,  et  qui  donne    son  nom  à  une  localité , 
est  cause  du  prix  élevé  auquel  il  se  vend.  »  Il  en  était 
de.xïiême  du  temps  de  Marco-Polo  :  «  En  qette  roisgine 
(de  Fansour) ,  dit-il,  naist  la  meillor  canfara  fànsuri, 
et  vaut  miel  que  ne.  vaut  le  autre;  car  je  yoz  dis 
que  se  vend  atretans  or  a  pois  V  »  .   . 

Le    camphre   de  Sumatra,    acheté  aujourd'hui 
presque  entièrement  par  les  Chinois  à  raison  de  six 

}  Édition  <lc  la  Société  de  géographie,  chap.  CLxx,  pag.  196. 


AÔUT-SEPTEMBRE  1846.  .193 

piastres^  la.  livre  (anglaise).,  ou  de  huit  piastres  le 
catty^,  e»  vaut,  à  Canton,  dix- ou  douze  la  livre, 
c!est-à-dire  dduze. cents  ou  (juinze  cents  le  pikouP  de 
cent  cattys.  Le  premier  choix  va  jusqu'à  deux  mille 
piastres,  et  même  au  delà.  Cette  valeur  exagérée 
s'explique  aussi  .par  reflBcacité  merveilleuse  et  sur- 
naturelle que  les  Chinois  attribuent  au  camphre  natif. 

Le  marchand  Soleyman  rapporte  que  cette  subs- 
tance était  au  nombre  des  objets  que  fe  souverain 
de  la  Chine  prélevait  sur  les  marchandises  impor- 
tées dans  son  empire,  qu'il  la- payait  à  raison  de 
cinquante  fakkoudj  ^  le  manna  ^,  et  que  ce  qu'il  -en 
laissait  était  mis  dans  la  circulation  générale ,  et 
vendu  pour  la  moitié  de  cette  valem*.. Il  raconte  .aussi 
c[ue  le  camphre,  était  employé,  ainsi  que  l'aloès, 
pqm^  la  sépulture  des  princes^. 

Le  camphre  du  Japon,  obtenu  au  moyen  d'une 
décoction  dubois  et  des  racines  dulauras  camphora,  L, 
est  bien  loin,  pour  seg-  propriétés.,  de  valoir  celui 
de  Sumatra,  Il  s'évapore  facilement  j  tandis  que  ce 
dernier,  étant  gardé,  ne  perd  pas  sensiblement  de 

^  La  piastre  forte  est  de  loo  cents  et  vaut  5  francs  do  centimes 
dé  notre  monnaie. 

^  Le  catty,  vjt4=>>  poids  en  usage  dans  la  Malaisie  et  dans  les 
ports  de da. Chine,  égale  6o5  grammes,  poids  français. 

^  Le  pikoul,'  ASC^  't  vaut  6o  kilogrammes  472  grammes. 
^  Cent  francs  de  notre  monnaie, -suivant  les  calculs  de  M.  Reinaud. 
(fiefet.  t.  II»  not/92.)  ' 

^  Le  manna  est  un  poids  indiien  qui  varie,  suivant  les  provinces , 
depuis  deux  livres  jusquau*dessus  de  quarante.  0i/[,  Reinaud,  ihîd. 
not.99.) 

*"  Relat  tom«  II,  pag.  36  et  87  et  tom.  I,  pag.  35. 


194  JOURNAL  ASIATIQUE. 

son  volume,. quoique  son  extrême  volatilité  doive 
le  rendre  sujet  à  décroître.  Le  camphre  du  JapQn, 
qui  se  vend,  d après  Marsden,  soixante-quatre  à 
soixante-cinq  fois  moius  cher  que  le  camphre  natif , 
est  celui  qui  est  répandu,  en  Europe,  dans  le  corq- 
merce^;  Les  Arabes  paraissent  avoir  Connu  le  cam- 
phre beaucoup  mieux  que  la  plupart  de  nos  natu- 
ralistes modernes^,  et  le  marchand  Soleymanse 
montre  bien  informé  à  cet  égard..        • 

Les  autres,  circonstances  de  son  récit  relatives-,  à 
Râmny  ne  sont  pas  tellement  spéciales  à. Sumatra, 
quelles  s  y  appliquent  nécessairement  comnle  la 
précédente  ;  mars  elles  s'y  rapportent  avec  non  moins 
dlexactitude.  ' 

Suivant  sa  relation ,  comme  suivant  Marco-Polo , 
cette  lie  était  partagée  entre  plusieurs  rois  :  a  Sur  ceste 
ysle,  dit  le  voyageur  vénitien,  ha-  huit  roiames  et 

^  Historj  of  Sumatra,  p.  1 5 3. —Suivant  une  autorité  plus  récente, 
la  production  du  camphre  apporté  sur  la  côte  occidentale  de  Suma^ 
tra  pour  être  vendu,  ne  dépasse  pas  5o  pikouls  par  an.  Le  premier 
choix  vaut  de  8  à  1 2  piastres  Je  catty.  (  Miîburh ,  oriental  Commerce, 
•  London ,  in-4°,  1 8 1 3,  vol.  Il ,  p.  3o8.)  — D  après  le  Manuel  du  négo- 
ciant français  en  Chine ,  par  M.  de  Montigny,  attaché  à  Tambassacle 
de- M.  de'Lagrené  en  Chine,  la  production  du  camphré  malay  ou 
camphré  harous»  s'élève  à  8oO  pikouls  (^Q^opo  kii.)  par  an;  il* .'est 
tout  envoyé  en  Chine.  La  proportion  du  prix  entre  le  camphcemàlay 
et  le  camphre  chinois  est  de  i8  à  i  dollar.  Lexportation  annuelle 
du  camphre  de  Chine  et  du  Japon  ,  en  Europe  et  en  Amérique,  est . 
de.  3  à  4,ooo  pikouls  (  i85,ooo  à  2^6,000  kilogr.}.  Ses  prix  varient 
de  20  à  3o  dollars. par  pikoul  ^e  1  fr.  94. c.  à  2 fr. gj  c.par  kilogr.). 
(Voir  les  Documents  sur  le  commerce  extérieur,  publiés  piar  le  Minis- 
tère du  commerce ,  n**  3 1 9 ,  mars  et  avril  1 846 ,  pag.  228.) 

*  Voir,  à  la  fin  de  mon  mémoire,  la  note  additionnelle  sur  1  origine 
.  et  les  différentes  espèces  de  camphre ,  d'après  les  auteurs  arabes. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  105 

huit  rois  ooronés  en  cette  ysle,  et  sont  tuit  ydres 
(idolâtres)  et  ont  iangaj^  por  elles  ^.w  L'historien 
portugais  Joam  de  BarroS  affirme  pareillement  que 
Smnatra  comprenait  divers  royaumes  :  «Pedir  ca- 
ubeça  do  reino  assy  chamado  do§  muytos  que  ha 
((  nesta  grande  ilha  çamatra^.  »  «  Le  roi  d'Achen;  dit 
Beaulieu,  possède  la  moitié  (de  Sumatra) ,  et  qui 
est  la  meilleure;  lautré  moitié  est  possédée  de  cinq 
ou  six  rois ,  lesqui^s ,  tous  ensemble ,  ne  sont,  à  beau- 
coup près,  si  puissants  que  celui  ïAchen;  encore 
qu'ils  possèdent  de  bonnes  teçres  ^.  »  Valentijn  nous 
rejprésente  l'île  de  Sumatra  comme  partagée  en  un 
grand  nombre  de  souverainetés^,  et  un  orientaliste 
géographe,  M.  Roorda  van  Eysiriga,  noUs  montre, 
dans  une  récente  publication ,  que  le  même  état  de 
choses  continue  encore  de  nos  jours  ^. 

Comme  Sojeyman,  Marco-Polo  atteste  qu'il  s'y 
trouve  des  éléphants.  Dans  le  royaume  de  Basma, 
qui  est  le  second  de  seS  huit  royaumes  deSumatra, 
((il  ont,  dit-il,  léofans  sauvages ^. »  Ibn-Bathoutha , 
dans  sa  Description  de  Sumatra  et  de  Java,  nous 
représente  ces  animaux  comme  se  trouvant  dans 

*  ChaJK  CLXviX,  pag.  191. 

»  Décad.  il,liv.  VI,  chap.  II.  ' 

*  Mémoire  da  voyage  avuc  Indes  orientales  du  général  Biaiiheu  (en 
1620),  dans  la  relation  de  divers  voyages  curieux  de.Thévenot,  II* 
partie.  Mémoire,  p.  97. 

*  Fr.  Valentijn ,  Beschrijving  van  Smnatra,  dans  son  ouvrage  inti- 
tulé Ouden  nieuw  oost  Indien,  iom,  V,  n*  partie,  pag.  .2. 

^  Aardrijksbeschrijving  van. Nedertandsche  Indie,  Breda ,  in-8*,  1 838, 
pag.  33. 

*  Chap.  CLX VI,  pag.  192.  - 


196  JOURNAL  ASIATIQUE, 

ces  deux  îles ,  assez  communément  pom*-  noua  con- 
vaincre qu'ils  y  étaiehtindigènes.  La  même  induc- 
tion se  tire .  des  récits  d'es  écrivains  malarys ,  et , 
entre  autres^  de  lauteur  du  Schedjatet-Malayoa. 
Nous. savons  pa;*  ce  dernier  qu'il  existait  des  élé- 
phants sauvages  dans  plusieurs  contrées*  de  la  Ma- 
laisie ,  entre  autres  le  roy&iune  de  Pahang,  qui  fait 
partie  de  la  péninsule  malaye,  et  qu'un  des  plaisirs 
des  souverains  de  ce  royaume  était  la' chasse  de.  ces 
animaux,  à  laquelle  il  se  reridait  avec  un  corps  de 
gens  employés  à  ce  service  ^.• 

Les  mines  d  or  dont  parle  notre  voyageur  arabe 
rappellent  les  richesses  métalliques  dé  rarchipei 
d-Aisie ,  si  célèbres  de  tout  temps ,  et  vantées  par  Pto-. 
lémée'^  et  Aboulféda  * ,  comme  par  les  autem*s  euro- 
péens modernes.  L'unanimité  de  ces  témoignages  iie 
laisse  aucun  doute  sm»  la  véracité  du  contiuuateur.de 
Soleyman,  Abou-Zeyd*,  ainsi  que  de  Massoudi^  lors- 
qu'ils racontent  que-  les  anciens  rois  du  Zabedj  ou 
Java  avaient  un  palais  bâti  auprès  d'un  petit  étang^ 
dans  lequel  on  jetait;  chaque  joiu»,  un  lingot  d'or 
en  forme  de  brique,  et  qu'à  lem*  mort  ces  briques 
étaient  rétirées  i  puis  fondues  et  réparties ,  suivant 

^  SchetJfafet'Mtdayoïi»  cha^»X%ÏK.ip,  a^^t.^gà' 

«  Géogr,\îl,  2,SS  17-25. 

^  .Takwym-al-Boldan,p&^  ^S^. 

*  Relat.  tom.  H,  pag.  91  -93  et  tom.  I,  pag.  95-97. 

^  Moroudj'ol-Zeheh,  Ms.  de  la  Bibliothè({ue  royale,  supjpléra.  ar. 
n*  5i4,  I"  part.  fol.  34  r.  Trad:  angl.'  de  M-  Spretfger,  tom.  If 
pag.  192.  .       •  •      . 

"  Ces  sortes  de  constructions  sont  appelées  par  les  Malays  ^y^i' 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  197 

une  part  proportionneUè ,  entre  les  princes  de  la 
famille^ royale  et  lés  genis  du  palais,  et  que  le  r«ste^ 
était  distribué  aux  pauvres'  et  aux  malheiu'eux. 

A  Sumatra,  la  chaîne  des  montagnes  qiH  tra- 
versent Tîle  dans  toute  sa  largeiu*  recèle  ,  sur  une 
foule  de.  points,  des  mines  d or  dWe  abondance 
extrême;,  sans  compter  celui  que  Ton  retire  des  ri- 
vières. Mais  c'est  dans  le  district  de  Menangkabaw, 
à  Imtérieiir,  que  ces  mines  donnent  ce.  métal  en 
plus  gjaride  quantité;  Liinoun,  Batang  Asèi  et  Pa^ 
kalang  Dj'ambou  sont  cités .  par  Marsden  comme 
trois  localités  où  le  pommerce  de  for  est  très-con- 
sidérable ^    • 

Dans  leroyàume  de  Lanabri^,  ià  Sunjatra,  «  il  y  a 
berzî,ditMafco-Polo,  en.grant  habondance^;  «  a  L'île 
de  Ràmny  prodiiitle  bois  de  Brésil,  ^^V  [cœsalpi- 
nia  sappan,  L.) ,  »' avait  dit  côtnmé  lui  Sôleymaii  *. 
.  Le  même  accord  se  manifeste  entre  ces  deux 
voyageurs  dans  l'assertion  relative  à  lexistencë  d'une 
peuplade  anthropophage.  Marco-Polo  la  place  dans 
le  l'oyaume  qu'il  nomme  Feflec.  «  Or,  sachiés  qe  en 
ceste  reingne  de  Ferlée,  hachaions  de  mercaant 
saracins,  qe  hi  usent  çontior  nés,  lé  ont  converti 

*  History  of  Sumatra,  ^pag  i-65. — ■  Valentijn  a  donné,  dans  sa 
Description  précitée  de  Sumatra^  pag.  16,  ia  liste  des  mines  d*or 
occupant  le  versant  des  montagnes  de  cette  île,  qui  fait  face  à  la 
côte  occidentale.  "     .    . 

*  C'est  la  contrée  appelée  c^J^  '  ^^  »  9uivant  une  meilleure  le- 
çon y  ^jui,  par  l'auteur  dvL'Sckedjaret-Malayou,  chap.  VIII,  p.  73. 

?  Chap.  CLxix,  pag.  igS.  .         . 

yRelat  t.  II,  pag.  7  et  tom,  I,  p.  9.  La  même  chose  est  répétée 
parÉdrisi,  Nozhet-aUMoschtah ,  h\,  19  v.  trad.  fr.pag,  75. 


198  JOURNAL  ASIATIQUE.  .-. 

à  la  loi  de  Maomet,  e  cesti  sunt  celies  de  la  cité 
solamant;  mes  celés  des  montagnes  sunt  tiej  como 
bestes;  car  je  voz  dis  tout  voirameiit  qu'ils  menuient 
cars  d'oumes  et  toutes  autres  cars  è  bonne  e  mau- 
vase  ^  »  Il  s  agit  ici  des  Battas,  peuple  qui  habite  ies 
districts  montagneux  de  lapartje  nord-est  de  Su- 
matra» Le  royaume  de. Ferlée  occupait,  sans  aucnn 
doutç,  le  territoire  pu  est  aujourd'hui  Tahdjbng 
Perlak,  (^ji  £^^'  ou  Diamond-point,  à  f  extré- 
mité nord  de  la  côte  orientale^;  etles*habita^ts,»que 
les  marchands  sarrasins  avaient  convertis  à  lît  foi  de 
Mahomet,- ne  peuvent  être  que  ceux  de  Pasey  (Pa-. 
cem  des  historiens  espagnols  et  portugais) ,  viUe  si- 
tuée non  loin  de  Tandjong  Perlak,  et  où  l'islamisme 
fut  toujom*s  florissant^.  J'ai  montré;  dans  une  pré- 
cédente publication  *,  qu'elle  fut  le*  centre-  dune 
école  de  théologie  musulmane,  d'après  les  témoi: 
gnages  rémiis  du  rédacteiu?  de  la  Liste  des  pays  qyi 
relevaient  de  l'empire  javanais  de  Madjapahit,  â  l'é- 
,  poque  de  sa  destruction,  en  i  Ay-S  de  notre  ère,  de 
l'autem*  du  Schedjaret-Malayou  et  de  Ibn-Bathoutha. 
Ces  indications  j  en  nous  transportant  dans'  le 
pays  des  Battàs ,  au  sud  de  Pasey  et  de  Tandjong  Per- 
lak^ nous  autorisent  à  y  chercher  les  cannibaie^^  du 

"*  ChapJ  cLxvi,  P..192.  ' 

*  Jl  est  parlé  du  royaume  de  Perlak ,  ^^.J?  »  dan*  Je  Schêdjaret- 
JWia/ayoa,  chap.  VI,  p.  6^.  •  '.        . 

^  Il  y  a  dans  la  Blhlioi-keca  Marsdeniana  de  King's  «collègue,  à 
Londres,  un  manuscrit  qui  contient  plusieurs  traites  de  philoso- 
phie soufique ,  composés  à  Pasey. 

*  Journal  asiatique,  cahier  de  juin  i846. 


AOUT-SEPTEMBRE  18-46.  199 

marchand Soleyman  et  dé  Marco-Polo.  La  notion  d'Un 
peuple  anthropophage  vivant  sur  ce  point  du  globe 
remonte,  à  ce  qu'il  paraît ,  à  une  très-haute  antiquité , 
puisque  Ptolémée  met  dans  le  voisinage  dé  la  pé- 
ninsule malaye  ses  vfiaot  tpeis  àvdpo^o^dyùsv^ ,  Cette 
horrible  co^^tuœe  des  Battas  a  été  décrite  par  tous 
les  voyagem*s  européens  qui  ont  eu  occasion  de- lés 
Connaître.  «ïn.una  parte  delïâ  sojpraditta  isola*  che 
«cHiamano  Batech  ((jjt^'Batta*  en  malay)  gli  àbita- 
A  tori  mangianô  carne  hunfiana ,  »  dit  Nicolo  di  Conti^. 
M^is  il  résulte  des  informations  soigneusement  re- 
cueillies par  Marsdèn ,  que  Tanthropophagie  des  Bat- 
tas  ne  s'exerçait  que  sur  les  prisonniers  de  guerre ,  et 
n'était  pas  habituelle  chez  ce  peuple  ^ 

Quanta  l'étendue  que  Soleyman  assigne  à  Râmny, 
et  qu'il  fixe  à  huit  ou  neuf  cents  parasanges  ^  je 
ferai  observer  que  cette  mesure ,  expritnée  en  nom- 
bres ronds,  et  par  un  chiffre  approximatif ,  ne  signi- 
fie ïi  en  autre  chose,  sinon  que,  dans  les  idées  de 
Soleyman ,  l'île  de  Râmny  était  fort  vaste;  c'est  d'ail- 

/  G^o^ï-.  vn,iî,S.?7.  .  • 

*  Via^i  di  Nicolo  diConti- (i45o),  dans  Ramusio,  t.  J,  fol.  3 3 9. 
.  (Cf.  de Barros,  décad.  III,  fol.  1 14  (édition  de  1828) ,  Beâuîieu,  Mé- 
moire précité.,  p.  97.)  .         •        •  *      • 

'   History  of  Sumatra,  p,  392  et  suiv. 

*  Je  n'ignore  pas  qu'Abouieyd-,  le  continuatmir  de  Soleyman ,  jwré- 
tend   {Relai.  II,  p.  89  et  t.  I^  p.  93)  que  ce . sont  des  parasanges 

•  carrées  ou  de  superficie,  jA*MjCy;maii5  je  préfère  l'autorité  de  Soley- 
man, qui  avait  l'avantage  d'être  ailé  sur  les  lieux.  Valentijn  (loc. 
laud.]  dit  que  Sumatra  a  environ  5oo  milles  (hollandais  de  i5  au 
degré)  de  tour  ou  800  lieUes  environ.  Cette  mesure  ne  s'éloigne  pas 
considérablement  de  celle  que  Soleyman  assigne  à  Râmny. 


200  JOURNAL  ASIATIQUE, 

leurs  ce  quil  dit  expressément  une  ou  deux  lignes 
plus  haut.  Or,  cette  donnée  convient  dfe  tout  point 
à  Sumatra.  .        . 

Je  suis  porté  à  croire  que  Tile  Al-Ncfyan,  placée 
par  Soleyma.n  dans  le  voisinage  de  Râmny,  et  par 
Édrisi  au  sud  ^  ppiurait'bien  être  Poido  Nias,  qui 
a  sur  nos  •  cartes  une  position  analogue  ^. . 

Jai  rattaché  pltis  haut  celle  des  îles  Lendjéhaious. 
d  Tarchipel  Nikgbar,  dajprès  la  direction  de  l'itiné- 
raire de  Soleynian.  La  coùiparaison  de  la  description 
que  fait  Marco-Polo  dés  îles  Necueram  (Nikobar)^  avec 
ce  que  raconte  Soleyman  des  îles  Lendjéhaious  avait 
déjà  porté  Renâudot^  et  Marsden*  à  adopter  la  même 
opinion.  Comme  notre  voystgem*  arahe,  Marco-Pola 
parle  de  l*usage  où  étaient  les  peuples  de  ces  îles 
d'aller  tout  nus;  comme  lui  aussi,  il  nous  peint  l'a- 
hondance  de  cocos  qu'elles  produiraient*,  obser- 
vation justifiée ,  ainsi  que  la  précédente  >  par  les  ré- 


\  Nazliet-al-moschtak,  fol,  20  r.  trad.  fr.  1. 1,  p.  76. 

'  M.  Alfred  Maury,  qui  a  publié  dans  lé  Bulletin  de  U  Société 
de  géographie,  (cahier  d'avril  -1846). un.  «Examen  dé  la  route  que  - 
suivaient,  au  ix*  siècle  de  notre  ère,  les  Arabes  et  les  Persans,  pour 
aller  en  Chine,. d'après  la  relation  arabe  traduiter  successivcftnent 
par  Renaudot  et  M.  Keinaud  »  est  arrivé ,  pour  la  position-  de  iHe 
Ai-Neyan ,  à  la  même  détermination  que  moi.  M.Alfred Maury  ayant 
publié  son  travail  avant  le  mien ,  je  dois  déclarer  qu  au  moment  où 
ce  travail  a  paru,  mon  mémoire  était  terminé  et  remfj^.à  la  com* 
mission  d'impression  du  Jcrurnal -asiatique,, et- que,. par.conséquent^- 
]e  n'ai  pu.  y  puiser  aucun  emprunt. 

^  Anciennes  relations  des  Indes  et  de  la  Chine,  pag.  i3i. 

*  Travelsof  Marco-Polo,  fii  Q  l'y  y  (S  iS» 

*  Chap.  CLXxi,p.  196. 


AOUT  SEPTEMBRE  1846.  201 

cits  des  navigateurs  tiiôdérnes^  SuivaritHEdrisi ,  les 
îles  Lendjebaloùs  étaient  à  dix  journées  de  Seren- 
dyb,  distanice  qui  sépare  à  peu  près  lés  îles  Nikobar 
de  Ceyian  ^.  '      " 

Au  delà  des' îles  Lendjebçilous,  étaient  deux  îles, 
nous  dit  Soleymàn ,  séparées  par  une  mer  nommée 
Andâmân.  Deux  circonstances /Tune  relative  à  la 
laideur  physique  des  habitants,  1  autre  à  leurs  ha- 
bitudes d'anthropophagie,  ont  frappé  le  voyageur 
arabe.  Ces  traits  sont  reproduits  exactement'  par 
Marco-Polo^  et  par  tous  les  voyageurs  européens  qui , 
à  ime  époque  récente,  ont  abordé  aux  îles  Anda- 
man  * ,  et  prouvent  Texactitude  des  renseignements 
que  Soleymàn  nous  a  transmis. 

Les  montagnes  à  mines  d  argent  quil  place  au 
delà ,  qiii  n  étaient  pas  siu*  la  rcfute ,  ajoute-t-il ,  et  vers 
lesquelles  on  était  guidé  par  uji  pic  nommé  Al- 

Khoschnâmy,  ^^Ua!?!,  me  paraissent  être  celles  de 
la  grande  Andaman,  située  au  nord  de  la  petite  île 
du  même  nom,  où  abordaient  sans  doute  alors  les 
navires  arabes.  Et  le  pic  Al-Khoschnâmy  est  très- 
certainement  cette  montagne  de  la  grande  Andaman 
que  Ion  aperçoit,  disent  les  relation^  modernes,  de 
vingt-cinq  lieues,  et  qui  a  deux  mille  quatre  cents 

»  Ritter,    Erdkunde,   V"  Theil,  II"  Bùch,    Aaien,  Band  IV, 
!•' Abtheilung,  p.  848.  . 

*  Nùzhet-al-màséhtak,  fol.  19  v.  trad.  fr.  t.  I,  p.  76. 

'•*  Chap.  CLxxii,  p.  197. 

*'  Ritter,  Erdk.  Vl"  TLeil ,  II"  Buch,  Ost-Asien,  Band  IV,  I"  Abth. 
p.  524,  et  Maltebrun,  Géogr,  univ.  éd.  Huot,  t.  V,  p.  369,  36o. 
VIII,  i4   - 


202  JOURNAL  ASIATIQUE, 

pieds  de  fcaùteur  perpendiculaire.  Ces  relations, 
d  accord  avec  Soleyman,  attestent  Tabondance  des 
métaux  précieux  que  cette  dernière  île  produit  ^. . 

La  contrée  du  Zabedj ,  décrite  par  Soleyman  et 
Abouzeyd ,  réclame  maintenant  notre  attention.  La 
transcription  de  ce  mot  Zabedj,  dans  les  manuscrits 
arabes,  est  une  de  celles  qui ,  jusqu'à  présent,  avaient 
présenté  le  plus  dHncertitudes.  Renaùdot  a  lu  dans 
notre  relation  Zapage^\  d'Herbelot  Ht  ^}j  et  ^\j, 
à  ce  qu'il  paraît,  puisque  sa  Bibliothèque  orientale 
porte  Ranah ,  Raneh  et  Raneg  ^.  M.  Gildemeister  a 
adopté  la  leçon  ^1) ,  en  admettant  que  ce  mot  à  rap- 
port avec  celui  de  g),^qui  désigne  les  Zendjs  ou 
habitants  du  Zanguebar.  «  Les  Arabes,  dit-il,  pensent 
que  les  habitants  des  contrées  et  des  îles  transgan- 
gétiques,  ainsi  que  tous  ceux  de  llnde,  appartien- 
nent à  la  même  race  que  les  Zendjs  africains,  ayant 
en  cela  principalement  en  vue  les  aborigènes  étran- 
gers à  la  race  sanskrite  ^.  »  Cette  opinion  ethnologique 
est  fondée  sm*  la  doctrine  d'Hipparque  et  dé  Ptolé- 
mée,  d'après  laquelle  le  continent  africain  se  pro- 
longeait dans  la  mer  des  Indes,  au  sud  et  jusqu'à 
l'extrémité  orientale  dé  l'Asie,  sur  ime  ligne  paral- 

^  Maltebrun,  i&iV' p.  35g. 

*  Anciennes  relations  des  Indes  et  de  la  Chine ,  p.  76  «t  pasfim, 

'  On  Ht  Baneh,  Èqnah  ^K,  Zaledj  xK  et  Zanedj.2.\\^  dans 

la  traduction  franc.  d'Édrisr,  t.  I,  p.  59,  Sg,  65  et  173. 

^  tt  Nam  tum  terraru'm  et  insularum  transgangeticanun,  ^um  om- 
anes  fndia;  incolas  Arabes  cum  Zingis  Âfricanis  eosdem  faciant, 
a  in  boc  potiâsimum  aborigines  sanskrita;  originis  expertes  spectan- 
«  les.  »  (M. Gildemeister,  Script,  Arab,  de  re6.  Indicis,  p.  i44»  ^45.) 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  203 

lèle,  doctrine  professée,  d après* eux,  par  les  Arabes, 
et  foniiid^e ,  par  Ibn-Haukal ,  dW^  manière  très- 
explicite  ^  Cette  idée  dune  grande  terre  australe 
s  est  conservée  fort  tard,  puisque  cette  terre  se  trouve 
dessinée  dans  les  cartes  des  plus  célèbres  géographes 
du  XVI®  siècle  2,  et  que  même  dans  le  siècle  dernier 
on  la  plaçait  encore  dans  le  grand  Océan ,  d  où  les 
explorations  de  l'immortel  Cook  font  fait  disparaître 
pom*  jamais.  Aboulféda  porte  ^'|>?  en  nous  disant 
que  c'est  la  leçon  le  plus  généralement  reçue  : 

(3)^^!  i  (<N^  /o^  U^^'-J  UtJ^I^  aK^J  >iyt*  \p\jj^\iai\ 

Postériem^ement  à  la  publication  de  son  édition 
du  texte  de  ce  géographe  arabe ,  M.  Reinaud ,  s'étant 
livré  à  ime  étude  approfondie  de  la  relation  de  So- 
leyman  et  d'Abôu-Zeyd,  et  dii  oUyit  ^jb  de  By- 
rouny,  a  pensé  que  les  îles  proprement  dites  du 
Zabedj,  correspondantes ,  d'après  ce  dernier  auteur» 
aux  îles  que  les  Indiens  appelaient  <^,:>  [jjy^  ou 

*  Voir  les  passages  dé  cet' auteur  et  ceux  d'Édrisi  et  d'Ibn-el- 
Wardi,  cités  par  M,  Gildemeister,  dans  3on  Recueil,  p.  1 45- 147. 

L'auteur  du  MernseUt-aUItthila  exprime  {fol.  81)  la  même  doc- 
trine, lorsqu'il  dit  :  «la  mer  des  Zendjs  est  la  mer  de  riiïde:  les 
Zendjs  en  occupent  îe  sud,  et  Tin  de  le  nord.  Les  Zendjs  placés  sous 
Tétoiie  Canope,  habitent  un  continent  et  des  iles  nombreuses  et 
très-vastes.»  .  .     ^ 

'  Voir  la  Mappemonde,  dans  leThedtrum  orhis  tertarum  d'Abr. 
Orteiius  ;  Anvers ,  1 6o3 ,  et  dans  T Atlas  de  Gérard  Mercator  ei  d'Hon- 
dius;  Amsterdam,  1 633. 

^   Takwym-al-Bohldn,  p.  372.  . 


204  JOURNAL.  ASIATIQUE. 

îles  d'or^^  soht  les  mêmes  probablement,  pom*^  le 
nom  et  pour  le  site,  que  celles  désignées,  par  Pto* 
lémée ,  sous  la  dénomination  de  ia€ah(ov ,  par  les 
Chinois  sous  celle  de.  Tclie-po/^,  c  est-à-dire  Java. 
C  est  le  royaume  de  Ye-pho-ti  de  Fa-hian  '. 

Je  partage  de  tout  point  le  sentiment  du  sayant 
académicien,  qui  est  d'aiUeiu's  confirmé  par  tout  ce 
que  les  écrivains  arabes  nous  ont  appris  de  la  po- 
sition des  îles  du  Zabedj. 

Suivant  le  marchand  Soleyman,  la  jsituartion  du 
Zabedj  esta  droite  des  provinces  de  flnde*.  Âbou- 
Zeyd,  beaucoup  plus  précis,  atteste  que  le  Zabedj 
est  dans  la  direction  du  Comar  (le  cap  Comioiin), 
que  la  ville  du  Zabedj  est  en  face  de  la  Chine,  et 
qu'entre  cette  ville  et  la  Chine  il  y  a  la  distance  d  un 
mois  de  marche  par  mer,  et  même  moins  que  cela, 
lorsque  le  vent  est  favorable  ^. 

Massôudi,  qui  avait  parcouru  une  partie  de  la 
mer  des  Indes,  qui  avait  visité  Madagascar,  finde 
continentale  et,  Ceylan,  et  qui  avait  pu,  par  consé- 
quent, recueillir  des  notions  exactes  sur  les  contrées 
que  baigne  cette  mer,. Massôudi  indique  très-çlaire- 
ment  la  position  géographique  de  la  contrée  du 
Zabçdj. 

«  Llnde ,  dit-il ,  s  étend  au  loin  par  terre ,  par  naer, 
et  par*  ses  chaînes  de  montagnes.  Son  empire  con- 

^  Fragments  de  ftl.  Reinaud,  lex*e  ar.  p.  92  ;  trad.  p.  12 3, 

*  Relat.  dise,  prélim.  1. 1,  pag.  joXxv. 
^  ï^oê-koue-ki,  p.  36o  et  364» 

*  Relat.  t.  Il,  p.  i3;t.  I,  p.  17. 

*  Ibid.  t.  II,  p.  8g;  t.  I,  p.  92  et  97. 


AOUTSEPTEMBRE  1846.  205 

fine  au  Zabedj,  qui  est  le  siège  de  la  domination  du 
JVlaharadja,  le  roi  ^es  îles,  et  dont  le  royaume  sé- 
pare rinde  et  la  Chine ,  mais  se  rapporte  à  Tlnde  ^.  » 
.  Kazwini  ^  et  Bakoui  ^  placent  le  Zabedj  ,  qu'ils 
nous  représentent  comme  une  île  considérable ,  sur 
les  limites  de  la -Chine,  en  se  rapprochant  de  Tlnde. 
L'auteur  du  Merased-al-Itthila,  qui  nous  fournit  la 
véritable  lecture  de  ce  mot,  met  le  Zabedj  à  l'extré- 
mité de  rinde,  siu*  les  limites  de  la  Chine. 

.  Ces  données,  qui  nous  reportent  à  la  position 
intermédiaire  où  est  Java,  entre  TÏnde  et  la  Chine, 
sont  corroborées  parles  divers  passages  de,  la  relation 
de  Soleyman  et  d'Abou-Zeyd. 

M.  Reînaud  a  fait  remarquer*  avec  juste  raison, 
que  le  Zabedj  ou  Java,  ainsi  que  les  îles  voisines, 
se  rattachaient,  par  les  traditions  mythologiques, 
plutôt  à  rinde  qu'à  la  Chine.  En  effet,  tous  les  ou- 
vrages des  littératures  malaye  et  javanaise,  et  les 
magnifiques  monuments  dont  les  ruines  couvrent 
le  sol  de  l'île  de  Java,  mettent  ce  fait  en  évidence; 
les  chroniques  javanaises ,  communiquées  à  Raffles 

*  Massoudi,  Moroudj-al-Zeheh ,  1"  part.  fd.  3i  r.  etv.trad.  angl. 
t.  I.  p.  176-177.  Ce  passage  se  trouve  aussi  dans  Textrait  de 
Massoudi,  inséré  par  M.  -Gildemeister,  dans  son  Recueil,  texte  ar. 
pag.  i3  et  trad.  pag.  i^5. 

*  Âdjayh-al'Boldan,  foî.  ao.  (Cf.  M.  Giidmeister,  p.  53  et  igA.) 
^  Notices  et  extraits  des  mss.  t.  II,  p.  398. 

*  Fol.  3o5. 


206  JOURNAL  ASIATIQUE, 

et  traduites  pour  lui,  par  le  Panambahan  de  Soume- 
nap';  les  chroniques  rédigées  eg  maiày,  telles*  que 
la  chaine  des  rois  de  Java,  I^U»-  A»b^f  ^]j  «KmJLm»^, 
le  Schedjàret-Malayou ,  yJt^  ^j^^,  le  r  ^\j  csgtt'^ 
jj^  ou  histoire  des  rois  de  Bàndjar  Masin,  dansTîle 
Bornéo^;  et  cette  masse  de  documents  historiques, 
consultés  sm*  les  lieux  par  Valentijn  ,  sont  unanimes 
pour  nous. montrer  que  les  institutions  religieuses 
et  civiles  qui  se  développèrent  dans  farchipel  d*A- 
sie,  aux  premiers  siècles  de  notre  ère,  et  qui  se 
combinèrent  avec  les  institutions  indigènes,  sont 
originaires  de  Tlnde. 

Ce  fut,  suivant  les  livres  malays  et  javanais-,  du 
pays  de  Kling,  ^J^ou  Kalinga,  contrée  que  les 
écrivains  sanskrits  placent  au  nord  de  la  Kistna,  sur 
la  côte  orientale  du  Dekkan ,  que  vinrent  les  colonies 
indiennes  qui  se  fixèrent  dans  Tarchipel  d'Asie,  vers 
les  temps  voisins  du  commencement  de  notre  ère. 
Elles  y  apportèrent  les  doctrines  brahmaniques  en- 
core aujoiu*d*hui  en  vigueur  à  Bali,  île  voisine  et  à 
ïest  de  Java.  Mais  ime  grande  partie  de  ces  immi- 
grations furent  aussi   composées   de   bouddhistes; 

*  Histoty  ofJava,  2  vol.  in-4%  London  ,1817,  chap.  x,  tom.  II, 
,pag.  65. 

'  Collection  de  mss.  malays  de  RaiHes,  conservée  dans  la  biUio- 
thèque  de  la  Société  royale  asiatique  de  Londres,  n'*  a 4  et  a5, 
grand  in-folio. 

'  Édition  publiée  récemment  à  Singapore,  in.-8**,  sans  date. 

^  Mss.  in-4°  ayaiit  appartenu  à  M.  Roprda  van  Eysinga^  ancien 
professeur  de  langues  malaye  et  javanaise  à  Tacadémie  militaire  de 
Bréda,  et  déposé  aujourd'hui  dans  .la  bibliothèque  de  Tacadémie 
de  Delft. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  207 

car  ce  sont  eux  qui  ont  laissé  les  grâces  les  plus 
nombreuses  de  leur  culte  à  Java  et  dans  les  îles 
qui  Tavoisinent. 

Quoique  les  Chinois  aient  fréquenté  ces  parages 
depuis  un  temps  immémorial ,  jamais  les  indi- 
gènes ne  reçurent  d-eux  aucune  communication 
intellectuelle  ou  religieuse;  et  aujourd'hui  ceux-ci 
manifestent  le  même  éloignement  pour  leur  langage 
etieurs  idées.  Dans  les  idiomes  de  ces  insulaires,  à 
peine  trouverait-on  quelques  mots  qui  pussent  être 
rapportés  à  la  souche  chinoise,  tandis  que  le  sans- 
krit s  implanta  sous  une  forme  spéciale  et  très-pro- 
fondément dans  le  kawi  ou  javanais  ancien,  et  en- 
richit aussi ,  à  des  degrés  divers ,  le§  autres  dialectes 
de  la  même  famille. 

Abouzeyd ,  qui  compte  comme  trois  des  plus 
grands  souverains  ceux  du  Zabedj ,  de  Tlnde  et  de  la 
Chine ,  nous  apprend ,  avec  Massoudi ,  Édrisi ,  Aboul- 
féda  et  Kazwini ,  que  les  premiers  étaient  investis 
du  titre  da  Maharadjsl  :  ce  titre  fiit  effectivement 
celui  des  anciens  monarques  javanaise 

Le  roi  du  Zabedj,  au  rapport  d'Abôu-Zeyd ^  et 
d'Aboulféda^,  régnait  sujp  un  grand  nombre  d'îles 
qui  s  étendaient,  au  dire  du  premier,  sur  une  dis- 
tance de  mille  parasanges  et  même  davantage.  Sui- 
vant Massoudi ,   «  les  richesses   que  renfermait  le 

^  CEI  (UÎHTI  (l^\  Titel  van  sommigen^  der  o.udcn  vorsten  van 
Java,  Keizer.  M.  Roorda  van  Eysinga,  Javaansche  en  Nederdeutsck 
Woordenboeh  y  au  moi 'Mohorodjo.  .  . 

*  Relat  t.  il,  p.  89  et  t.  I,  p.  93. 

^   Takwym-al-Boldan .  p.  87  5. 


208  JOURNAL  ASIATIQUE. 

royaume  de  ce.  prince  étaient  au-dessus  de  toute 
description;  la  multitude  de  ses  troupes,  innom- 
brable ;  et  Ton  n  aurait  pu  »  avec  le  navire  le  plus 
rapide,  atteindre  en  deux  années  i-extrémité  des 
îles  qui!  possédait  K  » 

.  La  chaîne  des  îles  de  la  Sonde ,  depuis  Sumatra 
jusqu'à  Timor,  et  celles  qui  sont  au  nord  de  Java, 
comme  Bornéo,  Célèbes,  les  Mobiques^  les  Philip- 
pines, etc.  forment  en  effet  des  groupes  dlles  dont 
plusieurs  ont  une  très-vaste  étendue.  Que  les  anciens 
souverains  javanais  aient  été  les  maîtres  de  ce  grand 
archipel,  c est  ce  que  Ion  peut  induire  très-légiti- 
mement dun  dociunent  que  j'ai  déjà  cité,  le  Tableau 
des  royaumes  et  provinces  dépendants  de  l'empire 
de  Madjapahit,  document  postériem%  il  est  vrai,  au 
temps  d'Abou-Zeyd  et  de  Massoudi,  puisqu'il  date 
de  la  fin  du  xv®  siècle  ;  mais  qui,  en  nous  montrant 
le  degré  de  puissance  et  de  grandeur  auquel  s'était 
élevé  l'empire  javanais,  implique  l'existence  anté- 
rieure et  déjà  ancienne,  d'un  état  de  choses  ana- 
logue. C'est  d'ailleurs  ce  que  confirment  les  monu- 
ments de  Madjapahit  et  ceux  d^s  autres  capitales 
javanaises,  dont  lés  ruines  immenses,  encore  de- 
bout, indiquent  que  ces  monuments  ne  purent  être 
élevés  qu'à  des  époques  successives,  et  bien  avant 
que  Madjapahit  ne  succombât ,  à  la  fin  du  xv**  siècle, 
sous  les  coups  réitérés  de  ceux  des  Javanais  qui 
avaient  embrassé  l'islamisme. 

Ces  faits  rendent  très -croyable  ce  que  racontent 

^  Moroudj-al-Zeheh,  fol.  66  v.  et  Irad.  angl.  f.  1,  p.  355 ,  fol.  66  v. 


AOUT-SEPTEMBRE  18.46.  209 

Abou-Zeyd^  et  Massoudi^  de  la  puissance  des  sou- 
verains du  Zabedj  et  du  succès  de  leurs  armes  dans 
rinde  continentale.  Le  récit  de  Soleyoïan  nous  a 
fait  entrevoir  déjà-  qu'ils  avaient  établi  leur  domi- 
nation dans  la  partie  méridionale  de  la  presqu'île 
du  Dékkan^.  Les  rois  du  Çomar,  vaincus  par  eux, 
chaque  matin,  à  leur  lever ^  tournaient  la  tête  vers 
les  pays  du  Zabedj  et  se  prosternaient,  adorant  le 
Majiaradja  en  signe  dé  respecta 

Les  rois  du  Zabedj  possédaient  aussi  Kalah,  aK^, 
que  M.  Reinaud  conjecturé,  avec  vérité,  devoir  être 
la  pointe  de  Galles,  sur  la  côte  méridionale  de  Gey- 
lan.  Lqs  géographes  arabes  s'accordent,  en  effet, 
à  mettre  Kalah  à  mi-chemin,  entre  le  pays  des 
Arabes  et  la  Chinée 

Suivant  l'auteur  dix  Merased- al- Itthila  ,  «c'était 

*  RelaU  t.  II,  p.  89  et suiv.  t.  I,  p.  92  et  suiv. 

'  Morondj-al-Zekeh,  fol.  33  et  34  et  v.  traduct.  angl.  tom.  f, 
pag.  187  et  suiv. 

«Be/at.  t.  II,  p.  18;  t.  I,p.  17.  . 

*  Relat,  t.  II,  p.  100  et  101  ;  t.  I,  p.  io4;  Moroudj-al-Zeheh , 
fol.  34  r.  trad.  1. 1,  p.  191.     .  . 

'  Aboulféda,  Takwym-al-Bôldetn,  p.  376;  Kazwini ,  Adjayh-al' 
Boldan,  fol.  33;  Bakoui,  Nat.  et  Extr.  t.  II,  p.  4o5.  Suivant  Abou 
Zeyd  (Relat  t.  II,  p.  90;  1. 1  p.  92) ,  Kalah  était  le  centre  du  com- 
merce de  l'aloès,  du  camphre,  du  sandal,  deTivoire,  du. plomb 
ai-caly ,  de  l'ébène ,  du  bois  de  Brésil,  des  épices  de  tous  les 
genres,  et  dune  foule  d'objets,  dit-il,  qu'il  serait  trop  long  d'énu- 
mérer.  Jai  déjà  fait  voir  (p.  173  et  174)  que  Ceylan  fut,  depuis  une 
haute  antiquité,  Tentrepôt  des  productions  de  L'Inde,  de  r.archipel 
d'Asie  et  de  la  Chine.  Le  témoignage  d'Abou-Zeyd,  rapproché 
d'un  passage  où  Cosmas  nous  dit  la  même  chose  de  Ceylan  (voir 
p.  1 56  ) ,  montre  que  c'est  bien  dans  cette  île  que  nous  devons 
chercher  Kalah.  { Cf.  la  note  3  de  la  page  suivante.) 


210  JOURNAL  ASIATIQUE. 

•  un  port  de  llnde,  à  mi-chemin  de  fOman  et  de 
la  Chine,  souS  la  ligne  équinpxiale.  » 

Kazwini,  dans  son  Adjoylnil-Boldan;  s  exprime  à 
peu  près  dans  les  mêmes  termes  : 

M  Kalah  est  une  ville  de  Tlnde  entre  FOman  et  la 
Chine ,  et  dont  la  position  «st  la  partie  de  la  terre 
habitée  qui  est  au  milieu  de  Téquateur.  A  midi,  les 
corps  n  y  projettent  pas  d'ombre.  Il  y  a  des  planta- 
tions de  bambous,  quon  exporte  dans  les  pays  étran- 
gers. ».  '  . 

(2)  5^^^— aJi  jXii>t 

Ces  passages  déterminent  assez  bien  la  situation 
de. Kalah';  car  il  ne  faut  pas  oublier  que  ïes  Arabes^, 

»  Fol.  564. 

»  Fol.  33.  • 

^  La  position  que  les  géographes  arabes  assignent  à  Kalah  rend 
impossible  Tassimilation  que  M.  Mfred  Maury  a  faite  entre  cette 
contrée  et  le  royaume  de  Kedah ,  sur  la  côte  occidentale  de  la  pres- 
qu'île de  Malaca.  Kalah,  situé  tout  à  (ait  sous  Téquâteur,  c*e8t-À- 
dire  à  un  point  où.  les  corps  ne  projetaient  pas  d'ombre  à  midi, 
ne  saurait  être  Kedah,  qui  est  entre  5°  et  'j'*  20'  de  latitude  nord. 
Sa  position,  déterminée  à  mi-chemin  de  l'Oman  et  de  la  Chine, 
éloigne  d'ailleurs  toute  idée  d'un  pareil  rapprochement  ^  et  con- 
vient au  contraire  fort  bien  à  la  pointe  de  Galle ,  dans  l'île  de  Cey- 


AOUT-SEPTEMBRE  184G.  211 

d  après  Ptolémée ,  s'imaginaient  que  Ceyian  était 
coupée ,  dans  sa  partie  sud ,  par  Téquateur. 

Le  souverain  du  Zabedj  comptait,  dans  le  nombre 
de  ses  domaines,  File  Râmny  et  celle  appelée,  par 
Abou-Zeyd,  Sarbaza,  iiyij^. 

Ses  possessions ,  à  Râmny,  devaient  comprendre , 
sans  doute ,  la  partie  de  Sumatra  la  plus  rapprochée 
de  Java ,  eest-à-dire  la  partie  orientale ,  ou  le  dis- 
trict de  Païembang  et  peut-être  aussi  la  côte  nord, 
comme  au  temps  où  fut  rédigée  la  liste  des  pays  qui 
relevaient  de  l'empire  javanais  de  Madjapahit.  he 
reste  de  l'île  •  obéissait  à  des  chefs  iixdigènes ,  ainsi 
.que  nous  l'apprennent  Soleyman^^  et  Marco-Polo^. 

Le  nom  de  l'île,  «j^^,  est  écrit  ailleurs  ij^.^;-»»», 
comme  le  fait  remarquer  M.  Reinaud*.  Aboulféda  et 

lan.  Âbou-Zeyd,  en  affirmant  que  Kalah  était  le  centre  du  com- 
merce d'une  foule  de  produits  parmi  lesquels  plusieurs,  il  est  vrai, 
sont  propres  à  Tarchipel  d'Asie,  ne  dit  pas  le  nioins  du  monde 
que  ces  produits  étaient  indigènes  à  ICalah,  ainsi  que  Ta  pensé  M.  Al- 
fred Maury.  Au  contraire,  cette  éuumération,  donnée  par  lui  de 
denrées  originaires  de  divers  pays  et  réunies  sur  un  seul  point, 
prouve  qu'il  n'a  voulu  indiquer  autre  chose ,  sinon  qu'elles  étaient 
importées  à  Kalah  comme  dans  un  grand  centre  commercial.  Or, 
cette  donnée,  d'accord  avec  ce  que  nous  dit  Gosmas  de  Ceyian  (voir 
plus  haut,  p.  i56  et  174),  et  avec  les  déterminations  des  géo- 
graphes arabes,  nous  force  à  chercher  Kalah  dans  cette  île.  Ce 
n'est  donc  point  d'après  un  vain  rapprochement  étymologique  entre 
le  nom  de  Kalah  et  celui  de  Galle ,  comme  le  prétend  l'auteur  de 
l'Examen,  que  M..  Reinaud  a  été  conduit,  et  moi  aprës  lui, 'à  placer 
Kalah  à  la  jpointe  de  Galle,  dans  l'île  de  Ceyian ,  mais  d'après  toutes 
les  convenances  géographiques. 

»  Relati/ll,  p.  8;  1. 1,  p.  6. 

"  Chap.  CLxvi,  p.  191. 

3  Rdat  t.  II,  note  169. 


212  JOURNAL.  ASIATIQ^UE. 

lauteur du  Livre  des  longitudes ,  JtjJ^^I  f^\x^, nous 
disent  que  c  était  Tîle  du  Maharadja,  gl^yl'  h^^^ 
ij^jMé  'ij^js?-  g^^.  Je  crois  qu'il  faut  entendre,  par 
là,  non  pas  Tîle  même,  qui  était  la  résidence  du 
maharadja,  celle  qui  renfermait  la  ville  du  Zabedj, 
mais  une  des  îles  voisines  soumises  à  sa  juridiction , 
peut-être  Bangka,  feob ,  près  de  la  côte  sud-est  de  Su- 
matra, île  fameuse  de  tout  temps  par  Tétain  quelle 
produit ,  et  qui ,  d'après  la  liste  des  provinces  et 
royaumes  de  Içmpire  de  Madjapahit,  était  dans  la 
dépendance  des  rois  de  Java.  Située  dans  le.  voisi- 
nage de  Sumatra ,  et  sur  la  route  quQ  tenaient  les 
navires  en  partant  du  détroit  de  Maiaca  pour  se 
rendre  à  Java,  elle  put  être  connue  des  Arabes;  ce 
qui  rend  notre  rapprochement  assez  plausible. 

Suivant  Mohalleby,  auteur  d  un  traité  de  géogra- 
phie intitulée  Azyzy,  c^>^-^,  cité  bien  souvent  par 
Aboulféda,  mais  qui  ne  nous  est  pas  parvenu,  Tîle 
Sarira  était  au  nombre  des  provinces  de  la  Chine*. 
Cette  assertion ,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  littéralement 
exacte,  offre  une  nouvelle  preuve  de  lopinion  que 
se  faisaient  les  géographes  arabes  de. la  proximité 
des  domaines  du  roi  du  Zabedj  et  de  la  Chine. 

L'inépuisable  fertihté  de  Java,  ses  richesses  en 
or  et  en  argent,  furent  célébrées  par  Ptoiémée', 

*  Takurym-al-Boldan,  p.  374. 

•  Takwym'ol-Boldan ,  p.  376. 

?  Ev^opctytdtv  3è  X^yerai  1^  vUcros  ehou  xai  ht  irXeîérroy  xjpxt'aàp 
TCOteTv,  é/etv  rs  [vnt péTf oktv ,  6vo[taL  kpyvpvv,  èvt  roTs  Svayuxoîs 
Tcépaatv,  {Géogr.  VIÏ,  2,  S  29.) 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  213 

et  plus  tard  par  Marcô-Polo ^ ,  comme  elles  lont  été 
par  tous  le^  voyageurs  modernes.  Abou-Zeyd  et 
Massoudi  nous  ont  montré  à  quel  point  lor  y  était 
commun.  «Les  îles  du  Maharadja,  dit  le  géographe 
Ibn-Sayd ,  sont  de  grandes  îles ,  et  leiu*  maître  est  du 
nombre  des  plus  riches  princes  de  Tlnde,  celui  de 
tous  qui  possède  le  plus  d'ôr  et  d'éléphants  2;)) 

((  L'île  dans  laquelle  réside  le  maharadja ,  dît  Abou- 
Zeyd,  est  extrêmement  fertile,  et  les  habitations  s  y 
succèdent  sans  interruption.  Un  homme  dont  la  pa- 
role mérité  toute  croyance  a  affirmé  que  lorsque 
les  coqs ,  dans  les  états  du  Zabedj  comme  dans  nos  * 
contrées,  chantent,  le  matin,  pour  annoncer  l'ap- 
proche du  jour,  ils  se  répondent  les  uns  aux  autres 
sur  une  étendue  de  cent  parasanges  ^  au  delà.  Cela 
tient  à  la  suite  non  interrompue  des  villages  et  à  leur 
succession  régulière.  En  effet,  il  n'y  a  pas  de  terres 
désertes  dans  cette  île  ;  il  n'y  a  pas  d'habitation  en 
ruines.  Celui  qiii  va  dans  ce  pays ,  lorsqu'il  est  en 
voyage  et  qu'il  est  sur  une  monture,  marche  tant 
que  cela  lui  fait  plaisir;  et  s*il  est  ennuyé,  ou  si  la 
monture  a  de  la  peine  à  continuer  la  route,  il  est 
libre  de  s'arrêter  où  il  veut^.  » 

Pour  que  l'on  ne  soupçonne  aucune  exagération 

^  «  En  cette  isle  ha  si  grant  trçzor,  qe  ne  est  home  au  monde  qe 
le  peustcontere  ne  dire.»  (Ghap.  glxiii,  p,  190.) 

jJUàj  Libi  I^A^-^L  oJuw[,  dans  Ahoulféda,  Takwym-al-holdan, 
pag.  175. 

*  Rclat.  t.  II ,  p.  90  et  9 1 ,  t.  I ,  p.  9 A  et  96. 


214  JOURNAL  ASIATIQUE. 

dans  ce  tableau,  il  suffira  de  rapporter  ici  quelques 
traits  de  celui  que  Tauteur  du  Schedjaret-Malayou  a 
tracé  de  la  situation  florissante  du  royaume  de  Ma- 
laca ,  sous  le  règne  du  sultan  Mohammed-Schah ,  vers 
la  fin  du  xuf  siècle;  Les  paroles  de  Thistorien  malay 
rappellent  un  état  de  choses  tout  à  fait  semblable  à 
celui  qui  a  été  décrit  par  le  narrateur  arabe  : 

«  A  cette  époque ,  le  royaume  de  Malaca  avait  une 
très -nombreuse  population.  Les  marchands  étran- 
gers y  affluaient,  et,  depuis  Ayr  Leleh  jusqu'à  la 
baie  [appelée]  Moùâra^,  les  bazars  se  succédaient 
sans  interruption.  Depuis  le  Kampong  Kling^  jus- 
qu'à la  baie  Penadjeh,  les  bazars  s'étendaient  pareil- 
lement sur  une  ligne  continue.  Si  quelqu'un  se  ren- 
dait de  Malacj^  à  Djagr^,  il  n'avait  pas  besoin  d'em- 
porter du  feu  avec  soi,  car  partout  où  il  s'arrêtait,  il 
y  avait  là  une  maison  habitée.  Sur  le  côté  oriental, 
en  se  dirigeant  jusqu'à  Batou-Pahat  ^,  c'était  la  même 
chose  ;  car,  dans  ce  temps ,  les  gens  de  Malaca  étaient 
au  nombre  de  cent  quatre-vingt-dix  mille,  en  y 
comprenant  seulement  les  habitants  de  la  ville*  »  . 

J-i^-»M  ^^  ii^iLm  ^^j3  dJ^Lt  ^^j^  Ôwt   ^U)  {j^^\ 

^  C'est  peut-être  Mora-Moar,  au  sud-est  de  la  ville  de  Malaca. 
(Voir  Berghaus*  Atlas  von  Asia,  n"  8,  Hinterindien. ) 

^  Peut-être  aussi  Tandjoug  kling,  jiM^  c.^.^JS ,  au  nord-ouest 
de  Malaca ,  ihid, 

^  cx^w  y»'lj ,  rocher  sculpté,  en  malay,  dénomination  suggérée, 
sans  doute,  par  la  forme  qu'avait  ce  rocher.  J'ignore  la  position  de 
ce  point. 


^  AOUT-SEPTEMBRE  1846.  215 

(j>.       O3  CAi^U  ji^lju^  ^'lâ  (2JLâ^  i^-f!*^  AkjyM  j3  0^3! 

(jw>      ■«   (JmX  qAa4.«w  (£)^Lt  oys^^  owl  (jmU  1^2;^  (^3^ 

(1)  «S^  ^^jJi^  ^b3  2^  ^L 

En  m'ôccupant,  dans  un  prochain  travail,  de  la 
partie  de  la  relation  de  Soleyman  et  d*Abou-Zeyd 
qui  embrasse  Tlride  continentale  et  la  Chine,  je 
ferai  connaître  les  recherches  neuves  et  ciuîeuses 
dont  la  illustrée  le  savant  professeur  à  qui  nous 
devons  la  traduction  récente  de  ce  précfeux  monu- 
ment des  anciennes  navigations  des  Arabes. 

*  Schedjaret'Malayou,  p.  3 24. 


NOTE  ADDITIONNELLE 

SUR  L'ORIGINE    ET   LES   DIFFERENTES    ESPilCES  DE  CAMPHRE,   D' APRÈS 
LES  AUTEURS  ARABES. 

Voici  ce  que  Mohammed  ben  Zacaryâ,  cité  par  Kazwini,  dans 
son  Adjayb-al-Boldan,  rapporte  sur  Torigine  du  camphre.  M.  Gilde- 
meister,  faute  d'avoir  connu  les  détails  fournis  par  Marsden  dans 
son  Histoire  de  Sumatra,  s'est  mépris  sur  le  sens  d'une  partie  de  ce 
passage  : 


216  JOURNAL  ASIATIQUE.  « 

isj^l  c>^«uu  l^  csU3  i3Â.f 

«  Dans  le  nombre  des  choses  merveilleuses  de  cette  île  est  Tarbre 
du  camphre.,  qui  est  extrêmement  grand,  au  point  de  couvrir  de  son 
ombre  cent  personnes*  et  même  davantage.  On  en  perfore  la  partie 
supérieure,  et  il  en  découle  l'eau  du  camphre  [j^^f^^*^  J®* 
Maiays) ,  de  quoi  remplir  un  grand  nombre  de  cruches.  Puis  on  le 
perfore  au-dessous,  vers  le  milieu,  etpn  en  fait  sortir  des  morceaux  de 
camphre.Cest  la  gomme  de  cet  arbre,  si  ce  n  est  [qu  elle  se  forme]  dans 
son  intérieur.  Lorsque  Ton  a  retiré  ces  produits ,  Tarbre  se  sèche,  t 

L'auteur  veut  dire  par  là  que  le  camphre  se  fomie  en  'con- 
crétions dans  Tintériem*  deTarbre,  à  la  différence  des  gommes. et 
des  résines  ordinaires ,  qui  découlent  liquidés  des  plantes  d'où  elle 
suintent ,  et  qui  se  durcissent  à  fair.  Le  texte  d'Édrisi  ne  laisse  au- 
cun doute  sur  le  sens  de  la  phrase  de  Mohammed-ben-Zakaryft, 
L^JLkO  ^j  AJI  j.^^,  phrase  que  M.  Gildemeister  a  rendue  par 
prœter  id  quod  in  ejus  interioii  est;  car  on  lit'  ces  mots  dans  le 
Nozhet-al-Mosckfak  (fol.  20  v.)  :  j,jê<J\  GsUi  «^  Jb.  *JL5CUf 
L^l^f*^  ci  y^.  ^  '  .J^  ^  campiSre  est  la  gomme  de  cet  arbre,  si  ce 
n'est  qu'il  est  recelé  dans  l'intérieur. 

Kazwini,  dans  son  Âa^b-al-Makhloukat  (ms.  de  la  Bibl.  royale, 
suppl.  ar.  fol.  i63  V.),  a  cité  le  passage  de  Mohammed-ben- 
Zakaryâ,  avec  quelques  variantes,  mais  très-légères,  et  qoi  n'en 
changent  en  rien  le  sens. 

On  lit  dans  Avicenne  :  «Il  y  a  plusieurs  espèces  de 'camphres,  le 
fansoiurien,  le  ryâhy,  puis  Tazâd  et  Tasferek  bleu.  Le  camphre  fait 
corps  avec  le  bois  dont  on  l'extrait  par  sublimation.  Quelques-uns 
disent  que  Tarbre  qui  produit  le  camphre  est  grand  et  peut  couvrir 
de  son  feuillage  un  grand  nombre  de  personnes.  Les  léopards  ont 
l'habitude  de  s'y  réunir  :  aussi  ne  va-t-on  à  sa  recherche  qu'à. une 
époque  déterminée  de  l'année.,  c'est-à-dire  l'époque  des  grandes 
pluies  marines  (les  grandes  pluies  de  la  mousson  d'hiver).  C'est 
ce  que  rapportent  quelques  personnes.  Cet  arbre  croit  dans  les  pays 
de  la  Chine.  Son  bois,  que  nous  avons  vu  un  grand  nombre  de 
fois,  est  blanc,  tendre,  extrêmement  léger,  et  souvent  il  se  trouve 
dans  ses  fissures  quelques  traces  de  camphre.  » 


AOUT-SEPTEMBRE  184(i.  217 

Le  texte  de  ce.  passage  est  très-incorreet  dans' l'édition  d^Avicenne 
(Romae,  iSgS,  fol^etypogr.  Medicea>p.  iSg).  Je  Tai- rectifie  d*après 
deux  mss.  de  cet  auteur  (Bibl.  roy.  n^  ^giijfoi.  i5i  r.  et  n*  ggS, 
foi.  1 29 r.  ancien  fonds )«  et  d'après  le  Dictionnaire  des  médicaments 
et  des  aliments,  d'Ilm-Beithar,  dansleq[uel  ce  passage  d'Ayiéenne  est 
rapporté  (ms.  de  là  'Bibl.  rûy,  suppl.  ar.  n**  7^1^  fol.  ïo6  v.} 

Ibn-Bathoutha  a  parlé  aussi  du  camphte  ;  mais  ies  détails  qu'il 
donne  à  ce  sujet  diff^ént  de  ceux  qui  nous  sont/fournis  par  ies 
autres  écrivaiiis  arabes  et  par  Mar^den  assez  sensibl^nent,  pour 
croire  que  ce  voyageur  a  confondu  Tarbre  qui  domine  le  camplûre 
avec  quelque  antre  plante;  néanmoins»  Oû  trouve,  dans  i(a  descrip- 
tion, une  particularité  curieuse  et  qui  peut  être  vraiç ,  c'est  celle  qui 
est  relative  à  l'immolation  d'un  animal  ou  aux  sacrifices  humains  qiri 
ont  lieu  auprès  de  la  tige  du  dimpjhre.  L'on  sait,  en  efiet,  que  plu- 
si^rs  peuples  de  la  péninsule  transgangétique ,.  et  notamment  Ceux 
duTonquin ,  ne  recueiliebt  les  bois  de  senteur  ou  de  teinture  du^après 
avoir  fait  dé  pareils  sacrifices.  Vorct  le  passage  d'Ibn-Bathoutba  : 

«L'arbre  qui  pro'duit  le  camphre  est  un  arbre  dé  la  famille  dés 
roseaux,  et  semblable  aux  roseauï. dé  nos  pays,  mais  avec  cette 
différence,  qu'il  a  les  nœuds  plus'  Ibngs.et  plus  gç'os.  Le  camphre 
vient  dans  l'intérieur  des  nœuds/ Lorsque  l'on  brisé  le  roseau,, on 
trouve  dans  l'intérieur  le  ciUnphre  qui  a  pris  la  forme  du  ndbud. 
Ce  qu*l  y  a  de  merveilleux ,  c*est  que  cette  substance  ne  se  produit 
pas  dans  ce  roseau,  jusqu'à  ce  que  l'on  ait  sacrifié,  auprès  de  la 

.  *  Le  ms.  d'Âvicenne ,  n**  996 ,  au  lieu  de'oj^^f ,  qui  est  la  leçon  suivie 

généralement ,  porte  ojvyy  I  >  pluriel  arabe  du  mot  persan  jju*  %it.  Oet^e 

leçon  me  parait  préférable,  parce  que  les  tigres  sont  fort  noo^reux  à  Java 

et  à  Sumatra ,  et  très-redoutés  des  habitants.  >       *  . 

VIII.  1 5 


218  JOURNAL  ASIATIQUE. 

dge,  quelque  animal  :  sans  cela^  il  ne  .vient  pas  du  tout  de  eaiopbre. 
Le  meilleur,  celui  qui  possède  au  plus  haut  degré  les  quaiitéa  réfri- 
gérantes^ et  qui,  si  l'on  en  prenait  le  poids  d'un  dirhem^  donnerait 
la  mort,  en  arrêtant  la  respiration,  porte  chez  4îes  peuples  le  nom 
de  hardalek.  C'est  celui  que  l'on  retire  de  Tarbre  à  la  racine  duquel 
on  a  immolé  un  homme  ou  l^ien,  à  sa  place,  de  jeunes  élé[4iaaits«» 

un^xa/î  cslJi  j  yj^  3  'Kj\  M  f^j^l^j^iSZJl  fj^  4JLC0 

*^  'c^*  Uj^.f  ^!^  iù^j!^  o^-^di^  ^j^^  *^^  ^ùsî  ^i^ 
Ja*-^  AoJt  t[b*X*  Jbjb  fj(}J\  ï^^'jiJ}  j  j»»Uîdf  4^>JJ|^ 

De  tous  les  naturalistes  et  médecins  arabes,  et  sans  contredit  de 
tous  ceux  de  l'Europe  moderne ,  Ishak-ben-Âmrâm  est  celui  qui  me. 
paraît  avoir  eu  le.s  renseignements  les  {^us  précis  sur  l'origine  du 
camphre.  Le  passage  où  il  en  parle ,  rapporté  dans  le  Dictionnaire 
d'Ibn-Beithar  (ms.  de  la  Bibl.  roy.  fonds  Saint-Gerinain ,  n**  i53, 
iv'  partie,  fol.  2  et  3),  est  extrêmement  curieux,  parce  qu'il  dé- 
crit des  procédés  qui  ne  sont  plus' pratiqués  aujourd'hui  ou  bien  qui 
nous  étaient  encore  inconnus. 

.€e  passage.se  retrouve  dans  le  Traité  de  la  nature  des  médica* 
ments  simples,  de  Sérapion , médecin  syrien  du  iiC  ou  x*siècie,  dont 
les  ouvrages  furent  traduits  en  arabe,  et  ont  passé,  de  cette  dernii^ 
langue,  en  latin  (SerapionUmediciarahisceUherrimiprncticu^Yeneim 
apud  Juntas,  MDL,  in-fol.)  Il  existe  aussi,  dans  la  traduction 
allemande  d'Ibn-Beithar  de  M.  de  Sontheimer;  mais  la  vefsion 
latine  est  très- imparfaite,  et  la  version  allemande  laisse  aussi^  dé- 
sirer. La  comparaison  du  manuscrit  précité,  n^  iSS,  d'Ibn-Beitîiar 
avec  le  manuscrit  409,  fonds  Saint-Germain,  11"  partie,  fol.  i3  r. 
m'a  permis  d'améliorer  le  texte  de  ce  passage,  d'en  compléter  la 
traduction  et  de  la  rectifier. 

«Le  camphre  s'exporte  du  Sofala,  de  la  contrée  de  Kalah,  du 
Zabedj ,  de  lierendj  ;  mais  le  meilleur  vient  de  Herendj ,  qui  est  la  ' 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  219 

petite  Chinée  Le  camphi'e  est  la  gomme  d'un  ajbre  qui  crdîtdans 
^es  pays.  Sa  couleur  est  d,!iin  rouge  ^clieté^  Le  bois  de  Târbre  est 
blanc,  tendre  et  tire  sur  le  noir.  On  trouve  lé  camphrie  seulement 
dans  rintérieordu  ccpur  du  bois  «  recelé  dansdt^  fissures  qui  s'éten-  , 
dent  dand  ^a  longueur.  Le  campbre  supérieur  ei^  qualité  é»t  le 
ryâky  ;  c  est  un  produit  naturel.  Sa  couleur  est  d'un  rouge  tacbeté; 
mais,  ajMrès  avoir  été  sublimé- dans  le  pays  même,  il  devient  blanc. 
On  le  nommé  ry4fy  parce  que  \t  premier  qui  le  découvrît  fut 
un  roi  appSlé  Ryâk.  Lendm.du  lieu  où  on  le  trouve  est  Feysour, 
d  ou  vient  la  dénoraina|ion  de  feysourien ,  qu'il  porte.  C'est  le  meil- 
leur campbrê»  le  plus  légér^  le  plus  pur,  le  plus  blanc,  et  celui 
qui  À  Iç  plus  d^clat.  Les  plus  gros  morceaux  sont  coiçme  im  dir- 
bem,  ou  envi^n.  Après  cette  espèce  de  ca^ipbre,  vient  celui  qui  est 
connu  sOus  le  nomde^rfeoail.  Il  est  épais,  d'une, couleur  terfte,  et 
n'a  pasHa  pureté  du  ryâfy.  Il  a  moins  d'éclat  et  se  .vend  moins  cber 
que  le  premier.  En  troisième  ligne  est  le  camphre  appelé  koah- 
sab  (?)  *;  il  est  brun  de  couleur,. et,  pour  le  prix,  il  est  ^ussi  au- 
dessous  du  ryâJiyi  puis  vient  le  camphre  nojnmé  hakons^  :.il  est 
mêlé  avec  les  fragments  du  bois  de  Tfitrbrç;  il  e^t  marqué  de  stries  et 
se  produit  sous  la  forme  de  gomme,  de  la  grosseur  d'une  amendé  « 
d'un  pois  cbicbe,  d'une  fève  ou  d'une  lentille.  Ces  diverses  espèces 
de  camphre  sont  clarifiées  par  la  sublimation  et  donnent  un  cam- 
phre blane,  en  lames,  qui  ressemblent ,  pour  la  fonne,'aux  lames 
de  verre  dans  lesquelles  il  subît  cette  opération.  On  l'appelle  alors 
camphre  prépara.  Le  produit  qui  s'obtient  du  camphre  hcdom  et  du 
konksah  est,  pouf  le  poids  fun  mann  (deux  livres  de  douze  onces 
chaque) ,  un  rothl  (une  livre)  de  camphre  std}limé  oii  un  rothl  et 
demi.  Il  vaut  moitié*  moiss  que  les  autres  sortes  de  camphre.  » 

'  Pent-étre  £itit-il  enteodre  par  Herendj ,  ou  \gL  petite  Chine,  l'âe  de 
Boniéo.  '  ^ 

'  L'a  ttaducHon  ^e  Séhipion",  an  Hen  de  v.>.V^Lf7leçt>D,  qor  est  donnée 
par  les  deux  manuscrits  J'Ibn-Beithor  de.  la  Bibliothèque  royale  que  j'ai  con« 
suites,  porte  Karfàb.  M.  de  Sontheimer  a.ia'El-karkàsi,  ^^^.viJ^jÉàJii 


*  On  trouve^  if^J^^'  ®^  M^J^^^'  dans'  letnàùusorit  di^n-Beî- 
thar,  u*  1 53 ,  ej»J^^  dans  le  manuscrit  Â09 ,  et  BalonicK\  dans  la  tra- 
duction de  Séiapiotti  Si  la  ieço^n  ^mj,  ^Lyl  était  plus  certaine,,  on 
pourrait  croire  que  cest  le  motmalay  ^j^ys^wV  lequel  signifie  heaa.  Mais 
ces  noms  propres  ont  été  teilemeût  défigurés  pai^  1^  copistes,  qu  il  est  très- 
difficile  ,  sinon  impossible ,  jusqu'à  présent ,  de  les  restituer. 

i5. 


220  JOURNAL  ASIATIQUE., 

ji=-i  «u^j  dU  o^.^  Jf^y^j  (j>^f  dîï^fy^^  ^j*  yy 
J  JUu  du  Ux.  jj;^  ^  j^(  c:):k  ULi^  ^  i^f^  j^^f 

y^j  iSjy^^  (J^^  jy^  ^  tXa^  ciôJt  ç^î  P«fj  j^lrfj 
(^^  U  jB>tj(0  ^siU.  «Ja^fj  U»Lr  »oua>[j  sUj^  Aij\^  ^^y^\ 

Jft.J^ j-jbj  oyy^f  cf ^  jyl^^tM^'j  »^j  A'^'  J^  *ft^ 
(«)  J^  o^-^  ô*-^  ^yj  c^Wj  'Iâ^  ^  tr^  t)^'  *>^ 

ç^l — ajJt  ^U^  JbCi  j  Aa^  ilÂ^  (ja^f  jyl^**^  Ç>** 

Massoudi  (fol.  66  v.)  prétend  que  le  camphre  vient  des  pays  et 
des  îles  situés  dans  la  cinquième  mer  ou  de  Kcdrendj  :  on  devait 
le  trouver,  en  effet ,  dans  tous  les  ports  principaux  dé  U'inOr  des 
Indes,  où  il  était  transporté  par  les  navires  arabes,  chinois  ou 
malays.  Ce  passage  de  Tauteur  du  Morottdj-al'Zekeb  a  donné  lieu, 
de  la  part  du  traducteur  de  cet  ouvrage,  M.  le  ly  Sprenger  (t.  I', 
p.  354))  au  plus  singulier  contre-sens  qui  se  paisse  imaginer. 

'  Le  Ms.  Aog  porte  ^sjl^  ^^^U*  ce  qui  pourrait  signifier:  e'trt  Ci 
camphre  qui  se  dissout  le  phisfacîUmenU 

'  Ms.  àog,  JiJoI  0^.^,  c'est-à-dire,  [cette  foHeciecainpbv]  ii'Mtpcf 
solttbîe. 


ÀOUT-SEPTEMBREf  1846.  2^1 


LETTRE 

A  M.  LE  RËDACTEUR  EN  CHEF 

DU  JOURNAL  ASIATIQUE. 


Mon  cher  confrère, 

Le  Journal  asiatique  du  mois  de  juin  dernier 
contient  »iuii  extrait  d'un  ouvrage  arabe  relatif  au 
Nil ,  accompagné  dune  traduction  française  et  de 
notes.  Ce  morceau,  publié  par  M.  Tabbé  Barges 5 
renferme  plusieurs  çrreurs  graves ,  et  j'ai  cru  quïi 
était  de  mon-  devoir  de  les  signaler^ 

N'ayant  pas  sous  les  yeux  l'ouvrage  arabe  sur  le^ 
quel  M.  l'abbé  Barges  a  travaillé,,  je  n'ai  pas  la  pré- 
tention d'expliquer  tous  Ijes  passages  qui  peiwenfe 
donnei*  matière  à  difficultés  Mes  obsei*vations  poiv 
teront  uniquement  sur  ides  erreiu^  de  fait,  la  seule 
chQ3e  dont  je  doive .  et  veuille  m'occupér  ici. 

Je  commencerai  par  }e  titre  dé  l'ouvrage  original. 
Ce  titre  est  ti*aduit  par  M;  i*abbë  Barges,  Litres  du 
dm  abondant ,  oa  histoire  du  Nil  bienfaisant  II  me  pa- 
raît signifier  littéralement  (délivre  qui  est  comme 
un  fleuve  largement  débordé,  eu  égard  au>  ren- 
seignements qu'il  fournit  sur  le  Nil  bienfaisant.  »  La 


222  JOURNAL  ASIATIQUE. 

remarque  faite  ici  s  applique  à  deux  £(]utres  endroits 
du  mémoire  de  M.  Tabbé  Barges,  A  ia  page  496 , 
ligne  1 8 ,  M.  Tabbé  Barges  rend  le  titre  d'une  his- 
toire de  la  haute  Egypte ,  lequel  signifie  lit]:érale- 
ment  «le  livre  qui  fait  TefiFet  d'un  astre  propice,  en 
tant  qu'il  traite  de  l'histoire  des  habitants  du  Saîd,  » 
par  Y  Heureux  horoscope  ^  ou  Vhistoire  dés  HahitarUs  da 
Saîd.  De  plus,  à  la  page  5 06,  note,  le  titre  d'un  des 
ouvrages  de  Soyouthi ,  dont  la  signification  est  : 
«  livre  de  la  conversation  agréable  au  sujet  de  l*hig- 
toire  d'Egypte ,  »  est  rendu  ainsi  par  M.  l'abbé  Bai^ès, 
Traité  des  charmes  de  la  conversation,  ou  histoire  de 
l'Egypte, 

Ces  remarques  sembleront  peift*être  minutieuses, 
et  je  me  hâte  d'en  ofiri^quelqiies-unes  qui  offirént 
ufte.idée  plus  saillante. 

L'alinéa  qui  termine  la  page  690  et  qui  com- 
mence la  page  /191,  a  trait  à  une  citatiop  faite  par 
l'auteur  original  d'un  passage  d'un  écrivain  arabe 
nommé  £^ahëdh,*passage  qui  avait  été  rapporte  par* 
•un  autre  écrivain  arabe  bien  connu,  du  oiom  de 
I>omairj.  M.  l'abbé  Barges  s'exprime  ain^  t  «Le 
meilleur  ouvrage  que  Djahedh  nous  a  laissé  est 
son  Traité  des  animaux.  Il  mourut  à  Bagdad,  i'an 
2  55  de  l'hégiré.  Ces  renseignements  se  trouvent 
dans  l'Histoire  de^  grands  animaux  du  cheikh  EK>- 
mairy,  à  Y&rûde  Renard.  Rl^ois,  lecteur,  ces  T&ût 
seignements  biographiques  que  j'ai  recueillis  pôar 
ta  prQpre  instruction.))  Maintenant  voici  ma  tra- 
duction :  ((  Un-  des  meilleurs  ouvrages  de  Djahedh 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  223 

est  son  Traité  des  animaux.  Il  mourut  à  Bassôfa, 
Tan  2  55  de  rhégire.^Ces  reliseignemente  se  trouvent 
dans  la  grande  histoire  des  animaux  du  sicheikh 
Pomairy,  à  l'article  Renard;  tâche  de  profiter  de  eet 
^aticle  instructif.  »  L'ouvrage  original  de  Domairy 
forme  im  volume  in-folio  :  comme  il  était  hors 
de  la  portée  du  plus  grand  nombre  deg  lecteurs, 
lauteûr  eii  fit  un  abrégé.  La  première  rédaction 
porte  le  titre  de  Grartde  histoire ,  et  la  deuxième, 
celuf  de*  Petite  histoire.  Lune  et  l'autre  rédaction 
se  trouvent  à  la  Bibliothèque  royale,  répétées  dans 
un  grand  nombre  d'exemplaires.  M.  labbé' Barges 
suppose ,•  page  5io,  note  2*,  que  la  Bibliothèque 
royale  ne  possède  qu'un  exemplaire  de  la  grande 
rédaction,  et  il  ne  parait  pas  s'être  douté  de  l'exis- 
tence de  la  petite.  11  lui  eût  été  facile  de  s  éclairer 
à  la  Bibliothèque  royale  même,  où,  certes,  il  ne 
dira  pas  qu  on  ait  jamais  manqué  d'obligeance  pour 
qui- que  ce  soit.  * 

La  page  kgi  et  le  commencement  de  la  page  492 
oflfrent  un  contre-sens  presque  pesrpétuel.  Voiéi  la 
version  de  M.  fàbbé  Barges  :  «Quelques  commen- 
tateurs pensent  que  le  mot  yamm,  dans  le  paissage 
du  Goran  précité,  doit  s'entendre  de  la  mer  Veïte 
(cest  ainsi  que  le»  anciens  auteurs  arabes  appellent 
la  branche  orientale  du  Nil ,  giie  nous  connaissons 
sous  le  nom  de  Bùkr-eJ^azrac  ou  Nil  Bleu).  Mais  jefest 
5aDs  aucun  fondement.  '        \ 

«  Massoudy,  dans  ses  Prairies  dorées,  dit  :  «  Il  n'est 
«pas  dans  le  monde  entier  de.  fleuve  qui,  comme  le 


224  JOURNAL  ASIATIQUE. 

«Nil  d'Egypte,  porte  le  nom  de  mer  (bahr).n  On 
l'appelle  ainsi  à  cause  de  la  quantité  de  ses  eaux  et 
delà  vasfe  étendue  de  terre  quelles  occupent  durant 
leur  débordement.  »  . 

Je  me  réserve  d'examiner  plus  bas  cette  cita- 
tion. •  « 

((  On  lit  dans  le  Sïhah  de  Djeuhery  t  «  Le  mot 
«mer  [bahr)  dit  le  contraire  de  continent  (ferr). » 
La  mer  (bahr)  est  ainsi  appelée  à  cause  de  sa  {pro- 
fondeur et  de  l'étendue  de  sa  surface.  Le  j^luriel  se 
prononce  et  s'écrit  abhor,  bihar  ou  ioboon  Tout 
fleuve  considérable  peut  être  désigné  par  la  déno- 
mination de  bahr  ou  mer. 

uLe  même  auteur  ajoute  :  u  J'ai  omis  de  parler 
((des  trésors  précieux  et  des  richesses  abondantes 
((  que  la  mer  recèle  dans  son  sein  et  qui  lui  font 
«  donner  avec  raison  le  nom  de  bahr.  On  donne  în- 
«  difieremment  à  l'Eupbrate  le  nom  de  bahr  ou  cehii 
iide'serir  (lit).  Eh  général,  on  appelle  mer  [bahr) 
((une  grande  masse  d'eau,  soit  douce,  sqit  saléi^.  » 

Ce  long  passage  me  paraît  devoir  être  rendu  ainsi  : 
(('Quelques  commentatem^s  pensent  que  le  mot 
yamm  doit  s'entendre  de  la  mer  Verte  ;  niais  c'est 
sans  aucun  fondement.  Massoudy,  dans  ses  Prairies 
d'or,  dit  que ,  seul  entre  les  fleuves  du  monde ,  le 
Nil  d'Egypte  porte  le' nom  de  mer  (bahr),  et  cela 
à  cause  de  l'abondance  de  ses  eaux  et  de  sa  largeur 
qui  lui  donnent  l'apparence  d'une  mer.  Mais  ce  cjue 
dit  Massoudy  est  sujet  à  contestation.  En  effet, 
Djeuhery  s^exprime  ainsi  dans  son  Sihah:  «Le  mot 


AGIT-SEPTEMBRE  1846.  225 

«  iafer{mer)  iestle  contraire  de  èarr (terre).  On  ditque 
«le  Nil  a  été  nommé  Bahr,  à  cause  de  sa  profon- 
« deur  et deletendue  du  sol  que  ses  eaux  couvreînt. 
«  Ce  mot  fait  au  pluriel  abhor,  JbAar  et  bohour.  Tout 
<(  grand  fleuvre  peut  s'appeler  bahr.  Le  poète  Adyy 
«  s'est  ainsi  exprimé  (en  parlant  d'un  roi  de  Hyrah)  : 

.  Il  se  réjouissait,  à  la  vue  de  ses  richesses,  de  rabondance 
de  ses  biens,  de  la  mer  quil  avait  en  face  et  de  Sedyr. 

«  Dans  ce  vers  le  poète  désignait  l'Euphrate  par 
«le  motTw^r. »  J'ajouterai  (à^ce  que  vient  de  dire 
Djeuhery)  que  le  mot  bahr  s'applique  à  toute  grande 
masse  d'eau,  soit  douce,  soit  salée.  » 

La  mer  Verte,  que  M.  l'abbé  Barges  a  prise  pour 
le  Nil  Weu,  est  la  vastemer  qui  baigne  les  côtes  de 
TAbyssinie,  de  l'Arabie,  de  la  Perse  et  de  l'Inde, 
mer  que  les  Grecs  désignaient  par  le  mot  Erythrée: 
voyez  le  texte  arabe  de  la  Géographie  d'Aboulféda, 
édition  de  la  société  asiatique,  pag.  22. 
•  Le  poète  Àdyy,  dont  il  est  fait  mention  dans  le 
Sihahf  vivait  à  la  coiu*  des  rois  de  Hyrah,  quelque 
temps  avant  l'isiam'isme.  Le  prince  auquel  ce'v^rs 
d'Adyy  se  rapporte,  est  Npman ,  fils  d'Anu^ou-lrCays. 
Ce  vers,  et  d'autres  vers  /appartenant  à  la  même 
pièce,'  ont  été  reproduits  par  Hamzah  d'Jspâhan  et 
Aboulféda.  (Voyez  l'ouvrage  de  Basnàussen ,  intitulé  : 
Historia  prœcipuorùm  Arabum  regnoram;  Copenhague , 
1817,  pag.  9,  et  ï Historia  anteislamica  d'Aboulféda, 
édition  de  M.  Fleischer,  pag.  122  et  2 2> 6.)  - 

Noman ,  fils  d'Amrou-1-Cays ,  construisît  auprès 


226  JOURNAL  ASIATIQUE, 

de  Hyrah,  sur  les  bords  de  rEuph^ate  et  sur  les 
bords  d*iin  canal  appelé  Sedyr,  le  château  nemipé 
Khavamak ,  et  des  maisons  de  plaisance.  On  peut 
lire  à  cet  égard  le  récit  de  Hamzah  et  d'Âboulfëda, 
en  le  comparant  avec  ce  que  j'ai  dit  dan^  le  discours 
placé  en  tête  de  la  Relation  de3  voyages  des  Arabies 
et  des  Persans  dans  l'Inde  et  à  la  Chine,  pag.  xxxv. 
M.  labbé  Barges  s'était  déjà  trempé  sur  le  même 
point  dans  le  Joiu*nal  asiatique  de  janvier,  1 84 1 , 
pag.  i3. 

Page  4^92,  ligne  26,  au  lieu  de  cite  à  toppui  de 
son  assertion,  lisez  fait  allusion  à. 

A  la  page  kgliy  note,  M.  labbé  Barges  parie  ^ 
d'un  fleuve  nommé  Arax  ou  Oxas,  (jvd,  prenant  sa 
soarce  dans  le  mont  Caucase,  va  se  jeter  dans  la  mer 
Caspienne.  L'Oxus,  dont  il  s'agit  daps  cet  endroit, 
n'est  pas  TAraxe  :  il  ne  prend  pas  sa  source  <ians  1« 
mont  Caucase,  et  il  ne  se  jette  pas  dans  la  mer 
Caspienne.         • 

Page  497,  note  1  :  M.  l'abbé  Bai^  confond  fe 
Kitalnil'MàmàUk y  cité  par  l'auteur  original,  avec  le 
Traifé  géographique  d'Edrisi.  Tout  port^  à  croire 
qu'il  s'agit  ici  du  traité  d'Ibn-Haucal,  traité  ^où  sq 
trouve  en  effet  le  passage  cité,  pag.  y 3  de  la  copie 
de  Paris,  et  pàg.  5i  de  l'exemplaire  de  la  Biblio- 
thèque de  Leyde.  . 

Page  498,  lig;ne  5  et  suiv.  M.  l'abbé  Êargès  fait 
émettre  à  im  auteur  nommé  Ibn-Émad  l'opinion 
diamétralement  opposée  à  celle  qu'exprime  le  texte 
arabe. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  227 

'  Page  5oi,  ligne  3  :.rauteur  original  cite  un  écri- 
vain nommé  Dhia-eddin  Aboul-fath  Ibn-al-Atyr  Al- 
Djezery.  Cet  écrivain  joua  un  rôle  considérable  sous 
Saladin  et  ses  enfant^  Son  véritable  nom  était  Nasr- 
allah,  et  c'est  sous  ce  nom  qu'D^nL-KhallekaÀ  a  ra- 
conté sa  vie,  dans  son  JDictionaire  biographique.  Feu 
Jourdain  a  inséré  un  abrégé  de  la  notice  de  ce  per- 
sonnage dans  la  Biographie  universelle,  tom.  XXI, 
pag.  1 43.  On  la  surnomme  Al-Djezery,  parce  qu ainsi 
que  ses  frères  il  était  originaire  de  la  ville  (Je  Dje- 
zyré-ibn-Omar,  située  au  milieu  du  Tigre.  (Voyez,  à 
ce  sujet,  le  texte  arabe  de  la  Géo^aphie  d'Aboul- 
féda,  pag.  i'73.)  M.  Jabbé  Barges,  qui  n a  pas  su 
ce  qu  était  ce  personnage,  le  fait  venir  d'une  centrée 
située  aux  énvii^ons  d'Alep..  ^     ^ 

Veuillez  bien,  etc.  .  . 

Reinâud. 


228  JOURNAL  ASIATIQUE. 


NOTICES 

Sur  les  pays  et  les  peuples  étrangers,  tirées  des  géographes 
et  des  historiens  chinois  ;  par  M.  Stanislas  Julien.    . 


I.  • 

DESCRITTriON  DE  LA  PROVINCE  D'ILI,  EXTRAITE  DU  TBAi-TBBinG- 
l'TONG-TCHJ  ,  OU  GÉOGRAPHIE  UNIVERSELLE  DE  LA  CHINE. 

Cet  ouvrage,  dont  il  existe  aigourd'hui  trois  édi- 
tions en  354,  Ix^k  et  5oo  livres,  a  ét^  publié  pour 
la  première  fois  en  lyAS,  en  vertu  d'un  ordre  de 
lempereur  Khien-hriq,  par  une  commission  de  sa- 
vants que  présidait  Hông-tcheoa,  l'un  des  princes'  du 
sang.  Il  offre  la  4escriptîon  la  plus  complète  de  la 
Chine  proprement  dite  et  des  pays  conquis  par  les 
empereurs  mandchous.  Chacune  des  dix-neuf  pro- 
vinces entre  lesquelles  la  Chine  est  partagée,  a  son 
histoire  et  sa  description  particulières,  précédées 
dHme  carte  générale  et  de  cartes  spéciales  pour  les 
départements  qu'elle  renferme.  La  description  de 
chaque  province  est  divisée,  comme  il  suit,  en  22 
sections  : 

1,  Position  et  frontières.  2,  Position  sous  le  rap- 
port du  climat  et  de  l'astronomie.  3,  Noms  des  pays* 
avec  l'indication  des  changements  qu'ils  ont  subis 
sous  les  différentes  dynasties,  k ,  Constitution  phy- 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  229 

sique.  5,  Moeurs  et  caractère  des  habitants.  6,  Mu- 
jrailies  et  fosses,  y,  Écoles,  8,  Population.  9,  Terres 
et  impôts.  1  o,  Montagnes  et  rivières.  1 1 ,  Antiquités. 
12,  Barrières  et  passages.  i3.  Ponts  et  gtiës.  ï4, 
Digues  et  levées.  i5,  Tombeaux.  16,  Temples  de 
bouddhistes  et  de  Tao-sse.  ly,  Magistrats  célèbres. 

1 8,  Hommes  remarquables,  i  9, Hommes  venus d*un 
autre  pays.  20,  Femmes  vertueuses.  2  1 ,  Personnages 
renommés  de  la  secte  des  Tâo-ssé'  et  de  celle  des 
bouddhistes:  22  ,  productipr^Mu  pays. 

On  ne  possède  en  Europe  que  les  deux  premières 
éditions  de  la  Géographie  universelle.  Les  additions 
de  la  seconde  édition ,  qui  a  soixante  et  dixiivresde 
plus  que  la  première ,  se  rapportent  principalement 
auxpays  conquis  en  Tannée  lySS  et  suiv.  par  1  em- 
pereur Khien-long,  et  qù*on  appelle  &*n-fcfeia7ijf,«la 
nouvelle  frontière  ,»•  et  ^  plusieiirs  cpntrées  qui 
payent  seulemeirt  im  tribut  à  la  Chine,  san5  feire 
partie  de  son  territoire.  Voici  les  titres  des  diffé- 
rentes sections  de  cette  partie  neuve  et  importante 
de  f  ouvrage  :  1,  Province  dllL  2,  Kourkhara  ousou. 
3,  Tarbagataï.  4,  Hami.  5,  Pidjan,  6,  Kharachar. 
7,  Koutché.  8,  Sairam.  9,  Aksou.  10,  Oachi.  ii, 
Kachgar,  1 2  i  Yerkiang,  1 3,.  Khotan.  1  k  »  les  Khasaks 
de  la  gauche.  1 5,  les  Khasaks  de  la  droite.  16,  les 
Bourouts  de  TEst.  17,  les  Bourouts  de  TOuest.  18, 

19,  HaO'han  et  Andziyen  (parties  <fe  l'ancien  pays 
de  Fergana).  20,  Tachgan.  21,  Bàdakchan.  22, 
Bolor.  23,  Boukhara.  2/1,  Aîoukhan  (ancien  pays  des 
Youeî'tchi).  2  5,  Indoustan.     . 


230  JOURNAL  'ASIATIQUE. 

Je  m  étais  proposé  de  traduire  la  des^ption 
complète  des  pays  ci-dessus;  mais,  par  malheur^ 
cette  partie  de  louvrage,  soit  par  suite  d'un  tirage 
multiplié,  soit , par  toute  autre  cause,  offre  un  nom- 
bre considérable  de  pages  dont  les  caractères  soot 
tellement  usés  ou  empâtés  d'encre,  qu'il  est  impos- 
sible de  les  lire.  Comme  le  texte  de  la  description 
de  la  province  d'ZZi  se  trouvait  sufl&samment  tisible , 
je  lai  traduit  d'un  boift  à  l'autre,  et  j'ose  le  présenter 
au  public  comme  iu0ragmeht  et  im  spécimÊen  de  ce 
travail,  que  je  publierai  en  entier  aussitôt,  que  la* 
Bibliothèque  royale  de  Paris  aura  reçu  de  Chine  la 
troisième  édition,  qui  a  été  revue  et  augmentée  de 
soixante  et  seize  livres'.  (Elle  a  cinq  cents  livres.). «Tai 
ajouté  l'étymologie  des  noms  de  lieux,  montagnes  et 
rivières,  d'après  le  Dictionnaire  géographique,  enm 
écritures,  SUya'thong-werfîchiy  publié  par  ordre  de 
l'empereur  Khien-long.  ^ 

Avant  de  commencer  la  description  de  la  pro- 
vince d'/Zi,  je  crois  devoir  la  faire  précéder  d'un 
morceau  important  qui  lui  servira  d'introduction, 

\  Cet  ouvrage,  qui  se  compose  de  vingt-quatre  livres,  offire  les 
noms  des  pays,  fleuves  et  montagnes  de  ia  Nouvelle  frontière,  dil  Kob- 
kenor  et  du  Thibet,  i**  en  mandchou;  2"  en  chinois ^  a^ec  une  glose 
où  Ton  donne  rétymologie  du  mot  placé  en  tête  de  chaque  artide, 
et  les  détails  géographiques  et  historiques  que  peuvent  fournir  les 
ouvrages  chinois;  3**  Tanalyse  syllabique  du  mot  cité,  d'après  les 
principes  du  syllabaire  harmonique  de  Temperenr  Khièn-long,  poar 
la  transcription  des  noms  étrangers  (  Kin-tin^thsing-han-toui-inriseà- 
ché) ,  principes  que  nous  avons  suivis  dans  ce  morceau  et  dans  celai 
qui  Taccoàipagne;  4°  la  transcription  du  même  mot  en  n^ongot,  en 
thihétain ,  en  kalmouh  et  en  toTC  oriental. 


AOUT-^EPTEMBRÈ  Ï846.  231 

et  qui  est  intitulé  :  Limites  de  la  noavelk frontière.  H 
est  tiré. de  Voixvtaige  Sin-hiang-tchi-lio  (Statistique 
abrégée  de  la  nouvelle  frontière),  que  l'Académie 
impériale  de  Saint-Pétersbourg  m  avait  envoyé,  il 
y  a  quelques  années  ^  pour  M.-  de  Humboldt ,  qui 
avait  besoin  àen  faire  faire  de  nombreux  extraits. 
J'avais  traduit  aussi,  dans  le  même  ouvrage ,  la  des- 
cription hydrographique  des  fleuves  et  laies  de.  la 
Noaveile  frontière;  ïï^bxs  ce  travail,-  dune  étendue 
considérable,  où  Tpn  indique  minutieusement  les 
noms,  la  source,  le  cours  et  les  affluents  de  plu- 
sieurs centaines  de  rivières,  sera  peut-être  pèus  i  sa 
place  dans  un  recueil  géographique  que  <kns  le 
Journal  asiatique  K 

Après  la  descsription  d7iî,  je  donnerai  des  notices 
historiques  sur  divers  peuplés  de.  TA^e  qui  ont  joué 
un  rôle  important  dans  cette  psutiê  du  monde,  et 
pptu*  la  connaissance  desquels  les  auteurs  chinois 
nous  offrent  seuk  dès  renseignements  solides  et  éten- 
dus. Je  nie  contenterai  de  citer,  pour  le  moment, 
les  Ta-hia  ou  Bactri€ns,  les'-A^î  ou  Parthes,  lès  ha- 
bitants du  ^/uiMSf-fcAitt  ou  Sogdiens ,  les  Yen-^tsaî  (ap- 
pelés aussi  A^/a-na)  pu  Alàios,  le  Y^ihcL  ou  Gètes, 
le^  Ybueî-ichi,  d^e  race  indo-scythe,  qui  ont  occupé 
successivement  fe  Transoxiàne ,  la  Bactriane  et  le 
Caboul;  les  Oa-sun,  race  blonde  atix  yeux  bleus,  ap- 
pelée par  quelques  auteurs,  indo-germanique,  etc. 

On  lira  ^ans  doute  aussi  avec  intérêt  ce  que  les 

^  Ce  fragment  paraîtra  prochainement  dàBs  la  7*  livraison  jd es 
Annales  des  Voyages. 


232  JOURNAL  ASUfïQUE. 

Chinois  ont  écrit  sur  des  nations  parfaitement  con- 
nues, telles  que  les  Ta-chi  ou  Tazi  (Arabes),  les 
Po'Sse  (Persans) ,  et  les  peuples  du  Ta-thsin  [vnlgù 
Empire  romain) ,  qui  a  été  pris  par  les  Chinois  tantôt 
pour  la  Perse  [Po-sse),  tantôt  pour  TEgypte  (Afîsr), 
qui,  à  certaines  époques ,  ont  fait  partie  de  f empiré 
romain.  '  . 

La  Bibliothèque  royale  possédant  aujourcThui, 
dans  des  recueils  littéraires  uniques  ou  peu  répandus 
en  Europe,  des  relations  de  voyages  entrepris  par 
les  Chinois  dans  des  pays  étrangers  ou  tributaires, 
je  donnerai  de  préférence  celles  qui  se  recôsEunan- 
dent  par  leur  rareté  bibliographique  ou  fintérêt  des 
détails  qu'elles  renferment.  La  première  seta  lin 
voyage  dans  le  pays  ^de  Kao-ichang  Ou  dies  Oï- 
gours,  en  984,  par  Wang-yen-te,  dont  la  Biogra- 
phie imiverselle  de  la  Chine  {Sing-chi-tsa-pou)  nous 
fait  connaître  ]a  vie  et  les  ouvrages.  Ensuite  vien- 
dront diverses  notices  sur  la  peuplade  sauvage  des 
Miao4se,  siu*  Siam,  la  Corée,  la  Cochinchine,  etc. 

D  autres  relations,  trop  étendues  pour  entrer  dans 
le  Jourhal  asiatique,  telle  que  celle  (en  U  vol.) 
dune  ambassade  en  Corée,  au  commencement  du 
xn*  siècle  (1 126),  seront  publiées  à  part,  ou  insérées 
dans  des  recueils  spéciaux;  uniquement  consacrés 
aux  sciences  géographiques. 


AOUT^SEPTEMBRE  1846.  233 

11. 

APERÇU  GÉNEBAL   DES   LIMITES  DE  LA  NOUVELLE  FRONTIÈRE  ^ 
TRADUIT  DU  KIN-TING-SIN-KIANGTCHI-LIO  (lIV.  I,  FOL.  6), 

Le  pays  appelé  aujourdliui  la  Nouvelle  frontière 
répond  au  Si-yu  des  anciens.  Voici  ce  que  rapportent, 
à  ce  sujet,  les  annales  des  Han  :  a  Au  sud  et  au  nord 
du  Si-yu  (c  est-à-dire  des  contrées  situées  à  Toccident 
de  la  Chine),  il  y  a  de  grandes  montagnes.  A  lest, 
il  est  borné  par  les  barrières  appelées  Yu^men-kouan 
et  Yang-kouan ,  et  à  Ipuest  par  les  monts  Tsong-Ung. 
Or,  les  Tsang-ling  sont  le  tronc  d'où  partent  les 
grandes  montagnes  qui  régnent  au  sud  et  au  nord, 
et  ces  mêmes  montagnes  du  sud  et  du  nord  (les 
monts  Célestes)' forment  la  séparation  des  contrées 
appelées  Nân-lou  (province  méridionale)  et  Pë-lou 
(province  septentrionale).» 

Les  plus  grandes  montagnes  naissent  toutes  (mot 
à  mot,  leurs  crêtes  partent)  du  mont  Kangdiscliân, 
situé  à  5,690  lis  au  sud-ouest  de  Si-ning. 

Ce  mont  a  quatre  troncs  prinçipaiix.  La  partie 
qui  court  au  nord-ouest  forme  le  mont  Senguékaba- 
bou-chân^,  (Il  est  situé  juste  au  sud  de  Khotijen  ou 
Khotan,) 


'^  La  Nouvelle  frontière  comprend  les  pays  situés  au  nord  et  au 

sud  des  monts  Célestes  {Thien-ch€Ln}y  ou  ia  Dzongarie  et  le  Tur- 

kestan  oriental ,  qui  répondent,  en  grande  partie,  au  iSi-^a  (régions 

situées  à  Touest  de  ia  Chine  )  des  anciens  historiens  chinois. 

*  Dans  ce  mot,  la  terminaison  chan  (montagne)  est  chinoise;  on 

vui.  16 


234  JOURNAL  ASIATIQUE.. 

Le  SengguékababoU'chdn  embrasse ,  au  nord-ouest , 
une  étendue  d'environ  1,800  lis  (180  lieues).  Il 
forme  le  Tsi-tsi-ke-li-ke-ling  et  le  Kachita-Ung  ;  à 
louest,  il  forme  le  Khosroak-ling  :  il  se  partage  au 
nord,  et" forme  le  Guiptchap-chân;  il  se  partage  de 
nouveau  à  Test  pour  former  YAragou-chân  et  plus  loin , 
à  Test,  le  Kakchan-chàn,  Ces  montagnes. embrassent 
ainsi  ensemble  un  espace  d'environ  i,8.oo  lis.  On 
leur  donne  le  nom  général  de  Tsong-Ung.  La  partie 
qui  forme  un  rameau  distinct,  au  sud  de  Yerkiang^ 
et  s'étend  à  l'est,  forme  le  mont  Nân-chân  ou  mont 
du  Midi. 

Nous  lisons  dans  les  annales  des  Hàn  :  «  Le  mont 
Nân-chân  sort  de  la  ville  de  Kin-tching ,  du  côté  de 
l'est;  il  appartient  au  Hàn-nân-chân.  n  On  a  voulu 
dire  qu'il  appartenait  au  Tchông^nân-chân, 

La  partie  qui,  étant  arrivée  au  nord  d'Oachi  et 
d'AksoUy  se  sépare  comme  un  rameau,  distinct,  et 
s'étend  à  l'est,  est  le  Pê-chân  ou  mont  du  Nord.  Mais, 
suivant  les  annales  des  Hàn ,  «  le  pays  qui  avoisine 
le  nord  du  Nân-chân  s'appelle  Nân-tào,  ou  province 
du  sud;  le  pays  qui  avoisine  le  Pé-chân  (ou  mont 
du  Nord)  s'appelle  Pé-tào,  ou  province  du  Nopd.  Ces 
deux-provinces  sont  situées  au  sud  de  Pë-chàn.  ». 

Maintenant,  la  province  du  Midi  [Nân-lou)  se 


la  retrouvera  à  ia  fin  de  beaucoup  d'autres  noms  du  même  morceau. 
Voici  le  sens  des  autres  terminaisons  les  plus  fréquentes  :  ho,  fleuve; 
ckouîj  rivière;  hou,  lac;  hien,  district;  tching,  ville;  thaï,  tour; 
tchouen,  torrent;  Ung ,  sommet  uni  dune 'montagne ,  qui  sert  de 
passage. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  235 

trouve  au  sud  du  Pê-chàn,  et  la  province  du  Nord 
[Pê'loa)  est  située  au  nord  du  Pë-chân, 

Voici  les  limites  complètes  de  la  Nouvelle  frontière 
(Dzongarie  et  petite  Boukhàrie)  :  à  lest,  elle  est  bor- 
née par  'An'Si'tcheoa;  au  nord-est,  par  le  toont  Ara- 
chân  et  la  tribu  des  Mongols  du  p9ys  des  Kalkas. 
Au  nord,  elle  est  bornée  par  Kobdo;  au  nord-ouest, 
par  la  tribu  des  Khasaks;  au  sud-ouest,  pai'  les  tri- 
bus des  Bourouts ,  le  Kachmir  et  le  Toubet  (Thibet)  ; 
au  sud,  elle  est  bornée  parle  Si-thang  (la  partie  occi- 
dentale du  Thibet);  ^u  sud-est,  par  le  pays  des  Mon- 
gols du  Koukenor, 

De  Test  à  louest,  elle  a  environ  7,000  lis  (700 
Keues),  et  3, 000  lis  (3oo  lieues)  du  sud  au  nord. 

On  lit  dans  les  annales  des  Hàn  :.«  Le  Si-yu  a  en- 
viron 6,000  lis  de  lest  à  Touest,  et  environ  1 ,000  lis 
du  sud  au  nord.  »  Or,  à  cette  époque,  les  barrières 
Yu-men-kouan  et  Yang-koaan  se  trouvaient  à  louest 
du  pays  actuel  de  Tan-hoang,  et  lès  pays  situés  au 
nord  des  monts  Célestes  [Thien-chân)  n'étaient  point 
compris  dans  les  limites  du  Si-yu,  C'est  pourquoi  il 
paraît  plus  étroit  que  ce  qu'on-  appelle  aujourd'hui 
la  Nouvelle  frontière.  Elle  embrasse  un.e  circonférence 
(ou  un  espace)  d'environ  20,000  lis  (2,000  lieues). 
C'est  ce  que  nous  allons  montrer  par  le  calcul  des 
distances  itinéraires.  A  partir  du  nord-est  d7K,  au- 
trement appelé  Hoeî-youen-tching ,  jusqu'à  la  viile.de 
Tarbagataï,  on  fait  i,g5o  lis. 

C'est  le  chemin  que  l'on  compte  en  suivant  les 
toiu*s  militaires.  Mais  (ainsi  qu'on  va  le  voir  ci-après) 

16. 


236  •  JOURNAL  ASIATIQUE, 

il  est  pliis  court  de  52 o  lis,  si  Ton  suit  la  ligne  des 
postes  fortifiés.  En  partant  de  Hoeî-youen-tching  (/&'), 
on  fait  2  5o  lis  jusqu'à  Gandchoukhan. 

n  lio  lis  plus  loin,  on  arrive  à  Oalanboûra. 
•    u    80  lis  plus  loin ,  oii  arrive  à  Tsindalan. 

((  i/io  lis  pfus  loin,  on  arrive  à  Àroutsindalan. 

«  1 00  lis  plus  loin ,  on  -arrive  à  Modo  barïouk. 

((    90  lis  plus  loin,  on  arrive  à  Barlouk. 

«    90  lis  plus  loin,  on  arrive  à  Erguetou. 

«    80  lis  plus  loin,  on  arrive  à  Tchagan  tokhaî. 

u  1-2  0  lis  plus  loin,  on  arrive  à  Manitou. 

((  i3o  lis  plus  loin,  on  arrive  à  Tarbagataî. 

«  Cet  itinéraire  comprend  en  tout  1 ,43o  ^  lis.  » 

Du  temps  des  Hàn,  ce  pays  était  occupé  par  les 
Hiong-nou.  La  partie  nord-est,  ainsi  que  Kobdo,  est 
bornée  par  le  fleuve  Ertsis  (flrtyche). 

Les  pays  situés  au  nord  et  à  Touest  d*iiï  jet  au 
nord-est  de  Tarbagataî  sont  occupés  par  les  Kha- 
sàks. 

Après  avoir  fait  05 o  lis  à  lest  d^  Hoei-youenricking 
(//i),  on  traverse  les  pâturages  des  Toargoats,  et  Ton 
arrive  à  la  ville  de  Thsing-Tlo;  /i  1  o  lis  plus  loin ,  dans 
la  direction  de  Test,  on  traverse  encore  les  pâturages 
des  Tourgouts,  et  Ion  arrive  à  la  ville  de  Koarkhara- 
ousou.  Au  sud-ouest  de  cette  vUle,  est  im  pays  ap- 
pelé Oroî-dchalatoa.  Plus  loin,  à  lest,  oii  traverse  les 
î 

^  i43o  lis  et  520  lis  donnent  l)ien  igSo  lis,  mais  Tadditioii  de 
ces  dii,  distances  ne  fait  que  1 200  lis  au  lieu  de  i43o.  Il  y  a  évidem- 
ment ici  une  omission  ou  une  erreur  cpe  Tabsence  du  texte  origiiud 
ne  nie  permet  pas  réparer. — (St.  Juuen.) 


AOUT-SEPTEM&RE  1846.  237 

^  districts  de  Soaî-lai-hien  et  de  Tchaiigguî'hien  ;  7 1  o  lis 
plus  loin ,  on  arrive  à  la  ville  de  Kong-ning ,  qui  dé- 
pend d'OuroumtsL  Ce  pays  s'appelait  jadis  Tche-sse- 
ihsien-wang-ting ,  c  est-à-dire,  la  résidence  du  premier 
royaume  de  Tche-sse.  (II  était  situé  au  midi.  Le  Heou- 
wang-koue,  oU  second  royaume,  était  situé  au  nord 
du  premier)  ^ 

[  Observation,  a  Suivant  les  annales  des  Hàn  (Des- 
cription du  Si-ya),  la  capitale  du  royaume  appelé 
Tche'Sse'heow-wang-koue  (ou  du  second  royaume  de 
Tche-sse)  se  nommait  fVou-ihoU'koa.  Aujourd'hui,  à 
2  5o  lis  à  l'ouest  de  Barkoul,  on  voit  l'étang  de  PTou- 
thoa-kou.  Quelques  auteurs  pensent  que ,  près  de  là, 
était  située  jadis  la  cour  du  second  royaume  de  Tche- 
sse.  Mais,  du  temps  des  Hàn,  la  résidence  du  gou- 
verneur était  située  dans  le  pays  appelé  aujourd'hui 
Tchertchoà.  Ce  pays  est  près  de  Tourfan  et  loin  de 
Barkoul,  Or-,  cônune  les  annales  des  Hân  disent  qu'il 
y  avait  1,807  lis  du  sud-ouest  de  la  ville  de  Kiao-ho 
jusqu'à  la  résidence  du  gouverneur,  et  287  lis  du 
•  sud-ouest  de  PTou-tou-koa  jusqu'à  la  résidence  du 
gouverneur,  il  est  évident  que  ce  fFou-thoa-kou  était 
près  de  la  ville  de  Kiao-ho,  et  que  ce  ne  pouvait  être 
la  rivière  actuelle  de  IVou-thou-kou  ou  IVou-thou- 
koU'chouî].  )) 

La  cour  du  premier  royaume  de  Tche-sse  répon-  ' 
dait  à  la  ville  actuelle  de  Tourfan.  En  partant  du 
sud-est  d'OHroam<5i,  on  franchit  le  passage  de  mon- 

*  \ OIT  ï)egmgnes,  Hisi,  des  Huns,  11,  XTXi. 


238  JOURNAL  ASIATIQUE. 

tagne  appelé  Tsike-dabakhan ,  et,  après  avoir  fait  53 o 

lis,  on  arrive  à  Tourfan, 

Observation.  On  lit  dans  la  partie  géographique 
des  annales  des  Thang  :  u  Après  avoir  fait  80  lis  au 
nord  de  Kiao-ho-Jiien,  on  arrive  à  Long-tsiouen-koùan 
(rhôtellerie  de  la  source  du  Dragon).  Plus  loin,  au 
nord,  on  entre  dans  une  vallée.  Après  avoir  fait 
1 3o  lis,  on  passe  la  vallée  des  Saules  (Lieoa-koa),  on 
franchit  le  passage  appelé  Kin-ling  ,  on  traverse  Ten- 
droit  appelé  C/iî-/iod  (famas  de  pierres) ,  où  était  jadis 
une  garnison  des  Hàn,  et  Ton  arrive  au  chef-lieu  du 
gouvernement  de  Pë-ihing. 

((On  lit  dans  les  annales  des  Song,  histoire  de 
KaO'tchang  (pays  des  Oïgours)  :  Wang^en-te  ayant 
été  envoyé  çn  ambassade  dans  le  pays  de  Kao-tchang, 
le  roi,  nommé  Sse-tsen ,  Tinvita  à  venir  à  sa  cour  du 
nord  (Pë-thing).  H  traversa  Tarrondissement  de  Kiao- 
ho.  )) 

Observation  des  éditeurs»  ((La  ville  appelée  Kiao- 
ho-hién,  était  le  Tourfan  d  aujourd'hui  ;  P^-ffcûijf,  ou  la 
cour  du  Nord,  était  Ouroumtsi.  Les  mots  ((il  traversa 
Isi  vallée  des  Saules  [Lieou-kou)  et  franchit  le  passage 
appelé  Kin-ling  »  doivent  se  rapporter  au  passage  de 
montagne  appelé  Tsikhe-dabakhan  et  aux  montagnes 
du  voisinage.  » 

En  s  éloignant  d'Ouroiuntsi,  dans  la  direction  de 
Test,  on  traverse  Feou-kang-hien,  et,  après  avoir  par- 
comii  /i 90  lis,  on  arrive  à  Kou-tcJiing,  pu  à  l'ancienne 
ville. 

Plus  loin ,  à  Test,  on  traverse  Guitaï-hién,  et,  après 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  239 

avoir  fait  83  o  lis,  on  arrive  au  chef  lieu  de  I-ho-Jiieriy 
dépendant  de  Barkoui  (en  chinois  Tchin-si-fou). 

Au  sud  s'élèvent  les  monts  Thien-chdn  (oumonts 
célestes),  jadis  appelés  Ki-Uan-chàn. 

Au  nord  est  situé  le  Barkoul-nor  (le  lac  Barkbul), 
anciennement  appelé  Pou-louî-haî. 

En  obliquant  un  peu  au  nord,  on  arrive  aux 
frontières  des  Kalkas. 

\^ici  les  limites  exactes  de  la  province  septen- 
trionale, ou  proyince  au  nord  des  Monts  célestes 
[Thien-chan-pe-lou,) 

En  sortant  de  Barkoul,  on  franchît  les  monts 
Thien-chàn  (dans  là  direction  du  sud),  et,  après 
avoir  fait  33o  lis,  on  arrive  à  la  ville  de  Hami, 
anciennement  nommée  I-oa-liu.  La  route  de  'ces 
montagnes  est  remplie  de  précipices;  elle  est  roide, 
tortueuse  et  coupée  dans  un  grand  nombre  d'en- 
droits. On  Ta  garnie  de  chaque  côté  de  garde-fous 
en  bois. 

Cette .  route  a  été  ouverte  et  construite  dans  la 
onzième  année  de  ien^pereur  Yong-tching  (lySi), 
par  les  soins  d'Apingan,-  attaché  au  département 
de  la  guerre,  et  sous  la  direction  du  général  en 
chef  Tchalancja. 

Observations.  «  On  lit  dans  l'ouvrage  intitulé  Thang- 
youen-ho-kian-hien-tchi  {cest-à-dire  Description  dés 
arrondissements  et  des  districts,  publiée  sous  les 
Thang,  dans  la  période  Yonen-ho)  :  I-ow-hien,  siège 
du  gouvernement  de  I-tcheou ,  commande  aux  deux 
villes  appelées  Jeou^oueri-hien  et  Na-tchi-hien.  » 


/ 


240  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Âuj  ourd'hui ,  on  ne  voit  plus  aucunes  ruines  de  ces 
trois  villes.  Cependant,  il  est  possible  de  retrouver 
leur  place  d'après  les  montagnes  et  les  rivières 
(dont  elles  étaient  voisines).  On  lil  dans  Touvrs^ 
intitulé  Youen-ho-tchi  :  «  Les  monts  Thienrchàn,  ap- 
pelés aussi  Tche-h-man-chân ,  sont  situés  à  i3o  lis 
(i 3  lieues)  au  nord  de  I-ou-hien.  » 

Aujoiu'd'hui,  à  120  lis  au  nord  de  la  ville  de 
Hami,  on  trouve  les  monts  Thienrchàn  (ou  idbnts 
célestes);  d'où  il  résidte  que  le  gouvernement  de 
I-oU'hien  était  situé  au  sud  de  la.  ville  actuelle  de 
Hami. 

On  lit  encore  dans  l'ouvrage  intitidé  Youen-ho- 
tchi:  ((Le  mont  Kiu-mi'chân  est  situé  k  ilio  lis  au 
nord  de  Lou-hien.  Après  avoir  fait. encore  20  lis  au 
nord,  on  arrive  directement  à  la  mer  de  PoaAom 
(c'est  le  lac  Barkoul-nor). 

Même  ouvrage.  ((Dans  la  ville  appelée  Jeou-yoaen- 
Uen,  la  rivière  Lieûn-kon-chonî  (rivière  de  la  vallée 
des  saules)  a  deux  sources;  Tune  vient  de  l'est  et 
l'autre  de  l'ouest.  Elles  sortent  au  nord-est  de  cette 
ville,  et  coulent  au  sud  des  monts  Thienrchàn.  Au 
bout  de  1 5  lis  (1  lieue  et  demie) ,  elles  se  réunissent 
et  coulent  dans  le  même  lit.  » 

On  voit  par  là  que  le  chef-lieu  de  Na-tchi-hien, 
était  situé  près  du  canal  actuel  de  Tseng-tsao,  qui 
se  dirige  du  sud  au  nord,  et  que  le  chef-lieu  de 
JeoU'yQaen'hien,  était  situé  tout  près  (littéralement  à 
droite  et  à  gauche)  de  la  ville  actuelle  de  Talna- 
tsin.)) 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  241 

Au  sud  de  Hami,  la  route  se  trouve  interrompue. 
On  se  dirige  alors  au  nord ,  et  l'on  franchit  le  pas- 
sage de  montagne  appeié  Oukeke-ling.  Où  marche 
entre  deux  montagnes  pour  échapper  aux  dangers 
du  Fong-pbi,  c  est-à-dire  du  désert  battu  par  le 
vent 

Observation.  «  Au  sud  de  cette  montagne,  on  trouve 
le  Fong-gobi  (ou  gobi  venteux).  Il  occupe  luie  éten- 
due de  plusieurs  milliers  de  lis.  C'est  ce  qu*on  ap- 
pelle Gachoun-cha-tsi  [cha-tsi  signifie  sables  et  pierres  ; 
en  mongol  gachoun  veut  dire  amer),  le  nom  ancien 
était  Pe-hung-toai  (littéralement ,  les  monceaux  du 
dragon  blanc).  » 

En  sortant  d'entre  ces  montagnes,  on  arrivé  au 
lac  Salé  [Yen-tchi,  c'est  le  lac  Tourkoul  suivant  le  5i- 
yu-thong-wen-tchi,  My. V ,(ol.  i),  on  traverse  la  ville  de 
Pidjan,  et  Ton  arrive  à  Tonrfan.Uon  fait  en  tout 
760  lis  (ou  76  lieues).  C'est  dans  ce  pays  qu'était  la 
ville  de/il/i-fo,  sous  les  Thang. 

Observation.  «  Sous  les  Thang,  la  ville  de  'Kiao-ho- 
hien  commandait  k  la  ville  de  Yaï-eal.  A  20  lis  à  lest 
de  cette  ville,  se  trouvait  la  ville  de  'ila-fo;  c'était 
une  ville  dépendante  de  Kioû-ho-hien.  Le  lac  nommé 
aujoiutl'hui  Yar-hou  est  situé  à  20  lis  à  l'ouest  de 
Tourfan.  Yar  est  la  corruption  de  Yaî-enl  (le  signe  eul 
représente  souvent  la  lettré  r  danjs  les  noms  jétran- 
gers).» 

A  70  lis  à  Test  de  cet  endroit,  se  trouve  Kara- 
khodcho,  qui  était,  sous  les  Ming,  le  chef-lieu  de 
Ho-tchedu. 


242  JOURNAL  ASIATIQUE 

5o  lis  plus  loin,  à  Test,  se  trouve  Louktsin^-^  sous 
les  Hàuy  c  était  le  pays  de  Lieou-tchong ,  que  gouver- 
nait un  officier  du  titre  de  Meon-sse-ldajO'Wéi  (suivant 
les  commentateiu*s  chinois,  l'expression  jMeoa-55e 
indiqiïait  qu'il  n'était  nommé  que  poiu»  im  temps). 

Après  avoir  fait  190  lis  au  sud-ouest  de  Towrfan, 
on  arrive  à  Toksoun,  Après  avoir  fait  encore  70  lis 
vers  le  sud,  on  entre  dans  une  gorge  du  mont  Sou- 
bachi-chân.  On  fait  environ  180  lis  ati  milieu  de  la 
montagne ,  par  des  sentiers  tortueux  et  souvent  in- 
terrompus; après  quoi  on  sort  de  la  montagne.  On 
fait  encore  5o  lis,  et  l'on  arrive  à  la  tour  appelée 
Koumchi-yakhama-taî. 

Observation,  a  A  2lxo  lis,  juste  au  sud  de  la  tour, 
on  trouve  un  lac  rempli  d'herbes.  C'e^t  dans  ce  pays 
que  sont  les  pâlm-ages  des  chevaux  du  gouverne- 
ment. En  allant  de  Tourfan  au  lac  Lob-nor,  on  côtoie 
l'est  du  lac  marécageux,  et  l'on  marche  pendant 
quatre  à  cinq  jours  dans  la  direction  du  sud.» 

On  fait  ensuite  3 06  lieues  à  l'ouest,  et  fon  arrive 
à  la  tour  militaire  à'Oachatar,  au  sud  de  laquelle  se 
trouve  le  lac  Bosteng-nor. 

Après  avoir  fait  60  Jis  à  l'ouest  d'Oachatar,  on 
arrive  à  Kio-hoeï  (jadis  le  royaume  de  PTeî-siu). 

On  fait  ensuite  160  lis  au  sud-ouest,  et  Foii  ar- 
rive à  la  ville  de  Kharachar,  qui  est  éloignée  de 
1,200  lis  de  Toarfan.  Ce  pays  dépendait  jadis  du 
territoire  de  Yen-ki. 

^  Louktsin  est  la  même  chose  que  Louktchak.  Les  annales  des 
Mongols  (  Yoaen-sse)  ofïrent  lorthographe  tA)ukoutchin, 


AOUT-SEPTEMBRE  18^6.  243 

A-  5  lis  au  sud-ouest  de  Kharachar,  on  traverse  la 
rivière  Kaidou-ho,  et,  loo  lis  plus  loin,  on  entre 
dans  les  gorges  d'une  montagne.  On  passe  à  ko  lis 
de  la  tour  militaire  de  Khara-aman ,  et  Ion  sort  de 
la  montagne.  Après  avoir  fait  encore  20  lis  au  sud, 
on  arrive  à  Kourlé. 

1 70  lis  plus  loin,  à  louiest,  on  arrive  à  Tchertchou, 
Sous. les  Hàn ,  ce  pays  était  sous  le  commandement 
du  gouverneur  de  la  ville  de  Oû-louî. 

36 o  lis  plus  loin,  à  louest,  on  arrive  à  Bougoury 
pays  appelé  Lun-taî  sous  les  Hàn. 

*ilxo  lis  plus  loin,  au  sud-ouest,  on  arrive  à  la 
tour  militaire  de  Tokhonaî. 

80  lis  plus  loin,  à  louest,  on  arrive  è  la  ville  de 
Koatché, 

Cétait  jadis  (sous  les  Hàn)  le  territoire  de  Kieou- 
tse,  et  sous  les  Thang,  le  siège  du  gouvernement 
militaire  de  'An-siy  c  est-à-dire  de  la  pacification  de 
Tofuest  ÇAn-si'tou-hoU'fou-tchi).  Il  est  éloigné  de 
1618  lis  de  Kharachar. 

Après  avoir  fait  60  lis  au  nord  de  Koutché,  on 
entre  dans  les  gorges  d'une  montagne.  On  y  fait 
environ  100  lis,  et,  dès  qu'on  en  est  sorti,  on  tra- 
verse la  rivière  Khoser-ho,  on  passe  par  les  villes  de 
Saïrim  et  de  Baî;  Slio  lis  plus  loin,  on  arrive  à  Khara- 
yourgoun,  pays  qui,  sous  les  Hàn,  dépendait  du 
royaume  de  Jî^ou-m^. 

Observations.  On  lit  dans  les  Annales  des  Hàn, 
description  du  Si-yu  :  a  Le  royamne  de  jKifeoa-foe  (au- 


244  JOURNAL  ASIATIQUE. 

jourd'hui  Koutché)  est  éloigné  de  600  lis  à  Touest  de 

Koa-mé.  » 

On  lit  dans  les  Annales  des  Thang  /  description 
du  Si-y  a  :  a  Après  avoir  quitté  Kieoa-tse,  on  fraiptchit 
une  petite  plaine  de  sables  et  de  pierres,  et  l'on 
trouve  le  petit  royaume  de  Pa-hnAda.  »  Cétait  le 
royaume  appelé  Kon-mé,  sous  les  Hàn,  ainsi  qu'on, 
peut  s'en  convaincre  par  les  distances  itinéraires.  H 
était  situé  à  lest  de  la  tour  actuelle  de  Kharà-yoar' 
goan,  et  à  Touest  de  la  berge  joù  le  rpcher  pleure 
{Tse''cJi9aï-yaî) ,  et  de  latelier  des  monnaies  de 
plomb. 

Ce  que  Ton  appelle  (dans  les  Annales  des  Thang) 
la  petite  plaine  de  sahles  et  de  pierres,  n  est  autre  chose 
que  la  levée  de  sables  de  Tchatsik. 

160  lis  plus  loin,  on  arrive  à  AksoU^  autrefois  le 
royaume  de  J^en-sou,  sous  la  dynastie  des  Hàa. 

En  s  éloignant  d'Akson,  au  nord-ouest,  on  tra- 
verse la  rivière  To-chi-gan  [Tochigan-daria),  et  au 
bout  de  2I10  lis,  on  arrive  à  Oa-chi,  qui  était,  sous 
les  IJàn,  le  royaume  de  Weî-te(m.  Tout  le  nord- 
ouest  de  ce  pays  est  habité  par  les  Bourouts. 

Après  s'être  éloigné  d'Alisou,  dans  la  direction  du 
sud,  on  traverse  la  rivière  Tchoukdar-ho  (qu'on  ap- 
pelle aussi  Khoambachi-ho). 

3 00  lis  plus  loin ,  on  arrive  à  la  tour  militaire  de 
Doutsit;  on  passe  la  rivière  Oalan^usourho ,  on  côtoie 
les  rivages  sud  de  cette  rivière,  on  marche  ensuite 
au  sud-ouest  et,  au  bout  de  35o  lis,  on  arrive  à 
Bartchouh 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  245 

De  là,  le  chemin  se  divise  en  deux  branches.  Par 
lune  ;  on  suit  les  cours  de  la  rivière  Oulan-ousou-ho , 
et,  en  marchant  à  louest,  on  arrive  directement  à 
Kachigar  (Kachgar).  Cette  route  s  appelle  Choa-ono- 
tseu'taù.  ^ 

Par  lautre,  on  marche  au  sud-ouest  et  Ion  ar- 
rive à  Yerkianq,  Dans  i  antiquité ,  c  était  le  royaume 
de  So-kia.  Yerkiang  est  éloigné  À*Ak$ou  de  i,/iio  lis 
(i/n  lieues).      ^ 

En  s  éloignant  d' Yerkiang  dans  la  direction  du 
sud,  on  traverse  la  rivière  Ting-tsa-pou^ho  (appelée 
vulgairement  Yu-Zio^  ou  rivière  du  jade),  et,  au  bout 
de  810  lis  (81  lieues),  on  arrive  à  Khotien  (Khotan). 

Observation,  a  On  lit  dans  la  partie  géographique 
des  Annales  des  fliin  :  à  5o  lis  à  louest  de  Yu-thien 
[Khotan),  on  trouve  Wei-kouan  (ou  la  barrière  des 
roseaux);  plus  loin,  au  nord-ouest,  on  traverse  la 
la  rivière  Hi-koimn-ho ;  620  lis  plus  loin,  on  arrive 
à  la  ville  de  Tchi-man,  On  voit  par  là  que  Ya-thien 
[Khotan)  était  éloigné  de  670  Us  de  la  rivière  Hi- 
kouan-ho.  .  . 

((  On  lit  encore,  dans  les  Annales  des  Bdn,  descrip- 
tion du  Si-y  a  :  de  louest  d'Yu-thien  [Khotan)  au  mont 
Pi-chan^  il  y  a  38o  lis;  du  nord-ouest  du  mont  Pi- 
chan  au  royamne  de  So-kiu,  il  y  a  890  lis. 

«  On  voit  par  là  que  d'Yu-ihien  à  So-kia,  il  y  avait 
770  lis  (77  lieues).  Aujourd'hui,  à  environ  60  lis 
de  Khotien  [Khotan) ,  on  passe  la  rivière  de  Ting-tsa- 
poa;  après  avoir  fait  encore  environ  îoo  lis,  on  ar- 
rive à  Yerkiang;  d'où  il  résidte  que  la  rivière  appelée 


246  JOURNAL  ASIATIQUE. 

i^Siàis  .Hi'kouan-ho  y  devait  répondre  à  la  rivière  ac- 
tuelle de  Ting-tsa-pou.  )> 

Au  sud  de  Khotan,  on  ne  trouve  que  de  grandes 
montagnes,  et  des  plaines  de  sablés  et  de  pierres;  la 
route  cesse  d^être  praticable.  Si,  en  partant  du  poste 
militaire  de  Koukonyar,  dans  le  territoire  dTerkiàng, 
on  marche  au  sud-ouest  de  Khotan,  on  peut  arriver 
auSi-ihsang  (Thibet  occidental)  en  un  mois  de  marche. 
Mais  la  route  qu  on  suit  à  travers  Tes  montagnes  est 
étroite  et  dangereuse ,  et  l'on  est  exposé  à  des  vapeurs 
contagieuses.  Cest  poiu^qnoi,  il  n'y  a  personne  qui 
suive  cette  route.  Nous  avons  demandé  des  renseigne- 
ments à  des  marchands  de  Kachmir,  à'Andzian  et  de 
Katsi;  ils  ont  répondu  qu'il  y  avait  des  gens  qui,  pour 
aller  trafiquer  à  Yerkiang,  passaient  par  Ladak,  au 
nord-ouest  du  Si-thsang  (Thibet  occidental).  Ancien- 
nement, Ta -^5^-^3-^071^06 ,  prince  des  Dzongars, 
passa  par  cette  route. 

Après  avoir  marché  -quelque  temps  à  l'ouest  d'Yer- 
kiang,  on  tourné  au  nord,  et,  au  bout  de-36o  lis, 
on  arrive  à  la  ville  dinggichar  (Inggasar)i  Sous  Jes 
Hàn,  ce  pays  faisait  partie  du  royaume  d'I-naî. 

210  lis  plus  loin  au  nord ,  on  arrive  à  Kachgar 
(le  royaume  de  Sou-lé,  sous  les  Hàn), 

Depuis  les:  Hàn  et  les  Thang ,  ces  deux  villes  ont 
é*é  des  capitales ,  nlot  rendu  dans  les  Aniïales  des 
Hàn,  par  Ponan-kao-tching'  ou  Tching-tchong-tching ; 
dans  celles  des  Thang,  par  Kia-sse-tching ,  et  dans 
l'Histoire  de  la  Chine  septentrionale',  par  Tou-tching^ 
Il  y  avait  douze  grandes  villes  de  5  lis,  et  plusieurs 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  247 

dizaines  de  petites  villes  qui  doivent  avoir  été  danô 
la  dépendance  de  ces  deux  royaumes. 

Au  nord-ouest ,  ces  deux  contrées  sont  limitrophes 
du  pays  des  Bourouts.  Telles  sont  les  liniites  de  la 
province  du  midi  ou  Nân-loa  (c  est-à-dire  qui  est 
au  midi  des  monts  Thien-chân), 

Hami  est  la  porte  des  deux  provinces  du  sud(iVan- 
fott)  et  du  nord  [Nân-loa),    . 

A  1,460  lis  à  Test  de  Hami,  et  à  environ  100  lis 
au  sud  de  la  barrière  appelée  Kia-kou-kouan,  s  élève 
le  mont  Kouke-tologaï.  [«  Cest-à-dire  lé  mont  à  tête 
bleue,  en  chinois  Tsinq-theoa-kdi,  situé  à  i3o  lis  au 
sud-est  de  lancienne' garnison  de  Tchi-kin,  ou  Tchi- 
kin-weî].)) 

C'est  la  route  pour  arriver  au  pay&  de  Koakenor 
ou  Thsing-haî,   v 

Les  Mongols  la  suivent  pour  aller  à  Dsong-ao- 
tcha,  en» dehors  des  barrière?  de  l'empire  [konan). 

Là  route  qui  sert  de  commimication  entre  le  sud 
et  te  nord  paSse  par  Ouroumtsi,  traverse  le  Tsikeda- 
bakhan  et  arrive  à  Tourfan;  c'est  la  route  principale, 
praticable  aux  voitures.  Si ,  en  partant  de  ce  point, 
on  tourne  à  l'ouest,  on  passe  alors  au  sud-est  d'//i; 
on  franchit  le  passage  Narat-dabakhàn ,  les  monts 
Tchouldofis-chàa  elTchagan'tounggue-chdn,  et  l'on  ar- 
rive à  la  ville  de  Kliarachar.  On  peut  parcourir  cette 
route  à  cheval  ;  il  n'y  a  point  de  postes  militaires. 

Observation.  (cSous  le  règnp  de  l'empereur  Yong- 
tching  (1 728-1 785) ,  on  envoya  un.  député  aux  pâtu- 
rages "de  Tsewang-arabdan.  Dans  la  22*  année  dp 


248  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Khien-long  (i  ySy),  le  général  Tchinggôndchab,  et  Chou- 
hède,  du  titre  de  San-tsan-ta-tcMn,  se  mirent  à  la  tête 
dun  corps  d'armée  .et  entrèrent  une  seconde  fob 
dans  m.  Tous  trois  survirent  cette  dernière  route.  » 
Plus  loin  à  1  ouest,  en  partant  au  sud  d7fi,  on 
passe  la  rivière  dUli  (Ili-ho),  on  franchit  le  passage 
de  montagne  appelé  Sôgor-dahakhan,  et  on  passe  la 
rivière  Tekes-ho;  65 o  lis  plus  loin,  on  fi'anchit  le 
Monsoar-dahàkhan,  et,  après  avoir  fait  en  tout  i  ,aao 
if 5,  on  ari'ive  à  Aksoa.  On  rencontre  des  postes  mi- 
litaires etla  route  peut  être  parcourue  à  cheyai.  L'ex- 
pression MoTJLsour-dohakhan  se  traduit  par  A'n^-2mj, 
ou  passage  de  montagne  couvert  de  glace. 

A  partir  du  fort  de  Gakcha-kharkhaî,  on  fait  ao  lis 
et  Ton  arrive»  à  Ping-ling ,  c  est-à-dire  au  passage  de 
montagne  couvert  de  ^ace.  Ce  passage  a  i  oo  lu 
de  longueiu",  il  est  formé  de  blocs  de  glace  entre- 
mêlés de  larges  rocher^  ;  quelquefois  la  glace  se  fend 
et  s'entr'ouvre,  et  Ton  n'aperçoit  plus  qu'uâ  abîme 
sans  îond.  Alors,  poiu*  gravir  la  montagne,  on  est 
obligé  d'appliquer  des  échelles  sur  la  glace  et  de  les 
transporter  continuellement  d'un  endrQJt  à  l'autre.  . 
Leiu*  hauteur  varie  suivant  les  localités.  Eln  hiver  et 
en  été,  on  ne  voit  que  des  monceaux  de  neige,  et 
l'on  ne  rencontre  ni  oiseaux,  ni  quadrupèdes,  ni 
plantes,  ni  arbres.  .  • 

Chaque  année ,  les  musulmans  qui  trasportent  des 
pièces  d'étoffes  passent  par  ce  chemin  qui,  en  mille 
endroits ,  est  glissant  et  rempli  de  précipices.  Cette 
montagne  offre  partout  des  ossements  de  chevaux. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  249 

Observation,  «Ce  passage  couvert  de  glace  nest 
point  cité  dans*  les  annales  des.  Hàn,  Seidement,  on 
lit  dans  les  annales  des  Thang,  description  du  Si-yu: 
A  3 00  lis  à  louest  du  royaume  de  Kou-mé,  on  tra- 
verse des  monceaux  de  pierres^  et  Ion  arrive  à  la 
montagne  de  glace  [Ling-chân)  qui  forme  le  plateau 
septentrional  des  monts  Tsong4ing.)) 

On  lit  encore  dans  les  annales  des  Thang  :  «  La 
montagne  de  glace  (Ling-chàn)  est  couverte  de  nei- 
ges en  été  comme  en  hiver.  Au  printemps  et  en 
automne  elle  offre  des  masses  de  glaces  qui  se 
fondent  de  temps  en  temps  et  ne  tardent  pas  à  se 
congeler  de  nouveau.  » 

Même  ouvrage,  a  La  montagne  de  glace  qui  forme 
le  plateau  septentrional  des  monts  Tsong-Ung,  tsVle 
sommet  dun  rameau  des  monts  Kakchan-chan.  Or 
ces  monts  ne  sont  autre  chose  que  les  Tsong-ling.  » 

On  lit  dans  les  annales  des  Hàn  :  «La  troisième 
année  de  la  période  Kien-tchao,  sous  lempereur 
Youen-ti  [ÏMi  4o  av.  J.  C),  Tçhing-tang,  du  titre 
de  Foa-fciao-u;eï,  fabriqua  un  ordre  impérial  pour 
expédier  un  corps  d'armée  dont  il  confia  le  com- 
mandement à  six  officiers  qu'il  envoya  par  deux 
routes  différentes.  Trois  suivirent  la  route  méridio- 
nale, franchirent  les  monts  Tsong-ling,  et  passèrent 
par  Ta-wan  (Fergana);  les  trois  autres  officiers  par- 
tirent du  royaume  de  Ouen-sieou  (aujourd'hui  Aksoa)^ 
suivirent  la  route  du  nord,  entrèrent  dans  la  vallée 
rouge  {Tchi-koa),  traversèrent  le  pays  des  Oa-sutn  et 
passèrent  par  le  Khangkhiu.  » 

A  cette  époque,  on  prenait  souvent  cette  route 

VIIJ.  17 


250  JOURNAL  ASIATIQUE.        . 

pour  aller  de  Oaen-sieou  chez  les  Oasun,  ce  qui 

équivalait  à  aller  aujourd'hui  d'Aksou  à  Ilù 

Plus  loin,  à  1  ouest,  on  part  du  sud-ouest-dT/î, 
on  passe  à  i3o  lis  la.  station  militaire  dOrgotchoult 
et  Ion  traverse  le  passage  de  montagne  appelé  Chan- 
tas-ling. 

55o  lis  plus  loin ,  on  franchit  le  passage  de  mon- 
tagne appelé  Barkhôn-ling. 

1 80  lis  plus  loin,  on  passe  la  rivière  Narin-ho. 

[\5o  lis  plus  loin,  on  arrive  à  la  rivière  OaUm- 
ousùa. 

Après  avoir  fait  en  tout  a^So  lis  (226  lieues),  on 
arrive  à  Kachgar.  Toute  la  route  peut  être  parcou- 
rue à  cheval;  elle  passe  entièrement  au  milieu  du 
territoire  des  Bouroats.  On  n  y  rencontre  aucun  poste 
militaire. 

Les  passages  appelés  Chantas-ling  et  Barkhôn-Ung , 
font  partie  des  monts  Tsong-ling. 

Voici  maintenant  les  montagnes  formées  des  ra- 
meaux des  Tsong-ling ,  et  que  nous  avons  citées  dans 
la  notice  de  chaque  ville. 

Au  nord-ouest  de  Kachgar:  1**  Letsin-oubachi-chân; 
2°  ReïmoU'chàn;  3°  Ke-tse-tou-chàn;  4°  Kong-chân; 
5°  Tiélié'Jié-chân;  6"  I-ke-tse-ke-chân  [Ikisek-chân); 
7°  Eeirat-chân, 

Au  nord -ouest  :  1°  Agaïk-chàn;  2^  Reik-chân; 
yDchaî'ckàn;  li""  Begos-chân;  S^Soukon-chân;  6*  Bar 
tchang-chàn  ;  7**  IHyori-chàn. 

Au  sud-ouest  :  1**  Margan-chân;  2°  Kharat-chân; 
3*^  Hetserat-chân;  iC'  Oaroutuat-chân;  5"  Weïtak-chàn. 

Au  sud-ouest  de  Yerkiang  :  1°  Mirim-chm  (il  est 


AOUT  SEPTEMBRE  1846.  251 

à  environ  200  lis  de  la  ville);  2°  Markoarouk-châii 
(il  est  situé  à  environ  /ioo  lis  de  la  ville,  au  sud  de 
Mirdai'chân).  Toutes  ces  montagnes  sont  des  ra- 
meaux des  Tson^-liîig  et  dii  Nân-chân  (mont  méri- 
dional). 

Dans  le  territoire  d'Ouchi,  on  rencontre'  i*"  le 
Kouroukiakha-chân  ;  2°  le  Tondchousou-^hâa  (tous  deux 
sont  situés  à  environ  200  lis  de  la  ville);  ^  le  Ba- 
cM-yakhama-cMn  (à  1 00  lis  au  sud-ouest  de  la  ville); 
4"*  le  Konggoaroak'chân. 

«A  200  lis  au  nord  de  la  ville,  les  montagnes 
forment  une  chaîne  continue  de  Test  à  Touest  Voiéi 
les  noms  de  leurs  gorges  :  1°  Oarou-khoaya-ïrak- 
chân;  2®  Ouyoa-houlak;  ^  Moutseronk;  4°  Ourgcà- 
Uék;  5°  Tsindan;  6°  Idïk;  f  Kokbachi;  S'^'MongkoÉou; 
9**  Inggarat;  10**  Kichigan-boulak;  1  ***  Selektachi; 
1 2**  Khdi'ki. 

«  Ces  gorçes  occupent  une  étendue  de  plusieurs 
centaines  de  ZÎ5.  » 

Dans  le  territoire  à^Aksoa,  on  rencontre  :  1°  le 
Mousour-dabakhan  (il  est  situé  au  nord  de  la  ville )^ 
2®  (au  nord-est  de  la  ville)  le  Yen- tchi-kheou- chân 
(c est-à-drre  la  montagne  du  canal  salé).  ' 

Dans  le  territoire  de  Koutché,  on  rencontre  le 
Ting-koU'chàn  (au  sud  de  la  ville). 

Dans  le  territoire  de  Kharachar  :  1°  Bortoa-chàn 
2**  Tchagan-tonggae-chân;   ^  Tchouldous-chàn.  (Ces 
trois  montagnes  sont  au  nord  de  ta  vîUe.) 

Toutes  ces  montagnes  sont  des  rameaux  des  Tsong- 
ling  et  du  Pë-chan  (mont  septentrional). 

Le  rameau  qui  part  de  ce  point,  vers  Test,  et  tia- 

17- 


252  JOURNAL  ASIATIQUE. 

verse  ie  pays  à' Ourohmtsi,  forme  le  Bagda-chân  (au 
sud  de  Feou-kang-hieti),  et  ie  Song-cïiàn  (ou  mont  des 
Pins)  au  sud  de  la  ville  de  Kou-tching.  Celui  qui  s'é- 
tend jusqu'à  Barlioul  forn^e  le  Ki-lien-chân.  Plus  loin, 
à  Test,  il  passe  au  nord  de  la  ville  de  Hami  et  arrive 
à  Talhatsin.  Là  finit  le  mont  Pé-chûn  (ou  mont  sep- 
tentrional). 

Observation.  «Toutes  les  montagnes  desfirontières 
sud  d72î  sont  aussi  des  portions  et  des  rameaux  des 
Tsong-ling  et  du  Pë-chan  (mont  septentrional). 

((A  environ  loo  lis  au  nord  de  la  ville  de  Tar- 
bagataî,  on  rencontre  le  mont  Tchoukhoutchoa-chânf 
à  70  lis  à  l'ouest  de  la  ville  de  Bakiou-chân;  à  en- 
viron 200  lis,  au  nord-est  de  la  ville,  le  mont 
Tchoarkiioatchou-chàn ;  à  environ  600  lis,  à  l'est  de 
la  ville,  le  Sari-chân;  à  environ  5 00  lis,  au  sud-est 
de  la  ville,  le  Dardamtoa-chân;  à  environ  200  lis, 
au  sud  de  la  ville,  le  Barlovik-chân;  à  environ  3 00 
lis,  au  sud-ouest  de  la  ville,  le  Gaédesou-chdn;  en 
obliquant  à  l'est  du  Gaédesou^-chàn  ^  on  trouve  ie 
TcJwnokoutoul'chdn. 

«A  environ  20a  lis,  au  nord-est  de  ia  ville,  ie 
Max)kaîlw'ling'chân  (mont  glacé  de  Max)kaîko)\  à  en- 
viron 2  00  lis,  à  Test  de  la  ville,  ¥Olkhotchoar<ihân. 

«A  3  80  lis,  au  sud  de  la  ville,  le  Tsindalan-chàn; 
à  70  lis,  au  nord  de  la  ville,  le  Ouliyasoatou-chàn. 
Toutes  ces  montagnes  n'appartiennent  point  au 
groupe  des  monts  Tsong-ling.  » 

(  La  suite  à  un  prochain  nwnéro.  ) 


AOUT-SEPTEMBRE.  1846.  253 


BIBLIOGRAPHIE. 


LISTE 

Des  ouvrages  imprimés  à  Gonstaniinople  dans  le  cours  des  années 
i843  et  18^4  (continuation  du  tome  III,  pag.  2 26), par  M.  de 
Hammer  Purgstall. 

207.    t>   I.  ■»   y  ><    ùjJi  (^AxâU.  (25v«t  ùs^ 

Gloses  de  Mohammeà-Emin,  sur  le  traité  de  Khalil-ben-Hassan , 
nommé  Kara-Khalil,  imprimé  au  milieu  de  ziUhidjé  1258, 
c'est-à-dire,  au  commencement  de  janvier  18^3  > 

Nous  apprenons,,  par  la  première  page,  que  ces  gloses 
ont  été  composées  en  iioS  (iGgS),  ^t  intitulées  :  iJL^f 
*jjoJaJf  ix^Ul  ^Lâ-»[  j  iljyJI,  c'est-à-dire,  «Trfiité 
pour  aider  à  Féclaircissement  des  gloses  sadryé;  »  et  la  der- 
nière page  nous  apprend  le  titre  du  traité  de  Mohammed- 
£min,  savoir  :  sj^â^î  j^a^,  «la  Plage  de  Tunité.  ». 

208.J  *n  X  ^t^  jAAcsiodt    c:>luî   ^j-Û 
Commentaires  des  distiques  du  Telkhîs  et  du  Mokhtasser. 

Ces  deux  ouvrages  sont  un  abrégé  de  l'encyclopédie  rhé- 
torique de  Sekaki  :  le  premier,  de  Djelal-eddin-Mahmoud- 
Kazwini,  mort  en  789  (1 338) vie  second,  de  5eaad-eddin-et- 
Teflazani,  mort  en  792  (1389).  L'auteur  du  commentaire 
des  vers  arabes  contenus  dans  ces  deux  ouvrages  est  Ossam- 
eddin-Moustafa ,  célèbre  par  plusieurs  œuvres  philologiques 
et  dogmatiques ,  dont  quelquesrunes  ont  été  imprimées  à 
Gonstaniinople.   Ce  volume,   grand   in-8'*   de  273   pages, 


254  JOURNAL-  ASIATIQUE. 

imprimé  à  la  fm  de  moharrem  1269  (février  i843),  con- 
tient la  traduction  et  l'analyse  grammaticale  de  trois  cents 
distiques  arabes ,  dont  quelques-uns  sont  d*une  véritable  va- 
leur poétique,  comme,  par.  exemple,  le  suivant,  pag.  lai  : 

Loué  soit  \g  Seigneur  dans  le  choc  des  orages,     • 
Quand  du  livre  du  ciel  ils  feuillettent  les  pages! 

209.  ^\ulmj.j^ij!^ 

L'abrégé  du  Maani ,  partie  de  la  rhétorique  de  Mfisowirei-Tef- 
tazctrà,  nommé  ci-dessus.  1  volume  in-S*"  de  262  pages, 
imprimé  au  milieu  de  ssafer  1269  (mars  i843). 

C'est  le  même  ouvrage  qui  a  été^  publié,  il  y  a  une  tren- 
taine d'années ,  à  Calcutta.  Un  grand  in-fi**  de  706  pages. 

210.  (s^  UI^I  c:>UcîiU^ 

Extraits  '  choisis   d'Ewlia-Tchelehi ,   imprimé    au  milieu    de 
djemazi-oul-oula  1269  (à  la  mi-juin  i8/l3). 

C'est  un  extrait  fort  niaigre  de  la  partie  con8tantinop<£- 
taine  des  voyages  d'Ewlia,  dont  le  premier  volume  a  été 
publié  dans  une  traduction  angicdse  par  le  comité  des  tra- 
ductions à  Londres. 

211.  sj^  ^ji^jù  ^p\: 

Le  commentaire  des  cinqacuite-  quatre  articles  d'obligation  di- 
vine (Fars).  Un  petit  in-8"  imprimé  au  mois  de  djemazioul- 
akhir  1269,  c'cst-à-^lire ,  à  la  fin  de  juillet  i843.  En  turc. 

Ces  cinquante-quatre  articles  d'obligation  divine,  ou  de 
devoirs  parfaits  du  moslim,  datent  de  l'un  des  premier 
docteurs  de  l'islam,  Hasan  de  Bassra,  110  (728).  L*auteur 
du  commentaire  est  le  cheikh  Ssalahi- Abdallah -Efendî, 
1096  =1=  (1781),  auteur  fort  moderne,  dont  la  biographie, 
accompagnée  de  l'éiiumération  de  ses  ouvrages ,  précède  les 
feuilles  paginées Les  pages  sont  au  nombre  de  56. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  255 

212.  L^\j^^MULi\  f^  çi^S^ 

Gloses  avux)  Tassawwourat ,  qui  3ont ,.  d'après  la  déûnitioii  don- 
née par  Djordjani  dans  le  Taarifat,  les  conceptions  d'une 
chose  dans  T entendement. 

-  Ce  litre  est  celui  d'un  chapitre  de  la  Chemsyet,  c'est-à- 
dire  de  la  logique  de  Nedjm-eddin-Aîi-el-Kazwini.  L'auteur 
de  ces  gloses  est  Sielcouti  ;  imprimées  àù  milieu  de  djema- 
zi-oul-ewwel  1269  (juin  i843),  284  pages  in-S". 

213.  <^\j^^J^ 

Cet  ouvrage  porte  en  Itête  le  simple  titre  Tassawwourat; 
mais/  à  la  seconde  page,  on  trouve  le  titre  complet  : 

Exposé  des  règles'  logiques,  pour  servir  de  commentaire  à  la 
Chemsyet. 
A 'la  dernière  page,  on  lit  :  «C'est  ici  que  finit  l'impres- 
sion du  livre  des  Tassawtvourat-^t-Tasdikat,  au  commence- 
ment de  djemazioul-akhir,  l'an  laôg  (juillet  i843).  » 

Le  commentaire  de  Sielcouti  sur  les  Tassdikat, 
Les  Tassdikat,  c'est-à-dire  les  affirmations,  sont  un  autre 
chapitre  de  la  Chemsyet.  Le  commentateur  est  déjà  connu 
par  plusieurs  autres  ouvrages  rhétoriques  et  dogmatiqueis 
qui  ont  paru  à*  Constantinople.  Comme  les  gloses  du  Mo- 
thawwal  et  l'appendice  aux  gloses  des  Khiali  ' ,  ce  volume 
in-S",  de  179  pages,  a  été  imprimé  à  Constantinople  à  la  fin 
de  chewal,  c'est-à-dire  au  mois  de  novembre  i843. 

215.  '  ;^<XJLJl   vJL.â»W  ^\  c:>UûJU 

*   HistoiigiB  de  l'empire  ottomah,  iom.  III,  pag.  690  et  692  (texte 
aliemaDd). 


256  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Les  modèles  de  lettres  d' Aakif-Efeiidi ,  et  ses  vers.  Les  deux 
parties  forment  un  seul  volume ,  de  199  et  39  pages  ; 
Touvrage  a  été  imprimé  au  mois  de  ramadan  1 269  (octobre 
i843). 

216. 


Notes  du  cheik  Khalid  de  Bagdad,  'résidant  à  Damas,  aux 
gloses  de  Sielcouti,  faites  par  celui-ci  sur  le  commentaire 
de  Khiali. 

Cest  un  pendant  aux  notes  supplémentaires  que  Sielcouti 
a  composées  lui-même  sur  les  ^oses  de  Khiali,  ouvrage  im- 
primé en  1  a 35  (  1820].  Celui-ci  est  un  volume  in-S*"  imprimé 
au  milieu  de  nlkadé  1269  (décembre  i843),  1&7  pages, 
dont  les  quatorze  dernières  contiennent  un  second  ouvrage, 
du  même  cheikli  Khalid,  intitulé  :  if^^î  i^-^a^*  j  ii^j 
iuj  ,  a  Traité  sur  la  vérification  de  la  volonté  jpartièlle.  » 

217.  iiX^T  ^i  i^l^j 

Traité  sur  V  emploi  de  la  formule:  Au  nom  de  Dieu.  In-8*, 
56  pages;  imprimé  au  mois  de  zilhidjé  1359  (déc.  i8il3). 

L'auteur  est  Ibrahim-Efendi,  un  des  ouléma  de.  Kais- 
saryé,  connu  sous  le  nom  de  Geuâ-Bouyouczadé ,  c'est-à- 
dire  le  fils  de  l'homme  aux  grands  yeux,  né  en  1 160  (1747)1 
mort  en  i253  (1837),  qui  est  aussi  l'auteur  d'une  traduction 
turque  de  Touvràge  d'Ossameddin  sur  les  allégories.  Ce  livre 
est  divisé  en  vingt-huit  sections  sur  la  formule  connue  «  Au 
nom  de  Dieu.  » 

218.  xJvJIls  c:>^lJU 

Discours  de  médecine,  par  Khairoullah ,  fils  de  Tinspecleur 
de  l'école  de  médecine  è  Constantinople.  In-8',  1^9  pages; 
imprimé  à  la  fin  de  zilhidjé  1259,  c'est-^-dire  au  com- 
mencement de  janvier  1 844i  avec  des  tables  pathologiques 
et  anatcniiques. 

liCs  trois  dernières  fouilles  conlionnenl  vingt-qualre  ad- 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  257 

monitions  (wassyet),  c  est-à-dire ,  règles  de  conduite  pour  le 
médecin. 

Gloses  d'Ossam  sur  les  Tossdikat. 

C'est  Ossam-eddin ,  auteur  de  plusieurs  ouvrages  philolo- 
giques ,  nommément  du  Traité  sur  Tallégorie.  Volume  in-S" 
de  209  pages,  imprimé  Tan  1269  (1 84 3),  sans  que  le  mois 
y  soit  ajouté,  comme  c'est  la  coutume.  Il  en  est  de  mêine 
dans  Touvrage  qui  suit  et  qui  n  a  point  de  titre  en  tête ,  éga- 
lement imprimé  en  1269. 

220.  (^^     L^   ^jJm 

Commentaire  sur  le  glossaire  arabe-turc  Nokkbéî  Wehbi,  qui 
est  le  pendant  du  Tohfet,  glossaire  turc  et  persan  de  Wehbi, 
imprimé  à  Constantinople«  avec  le  commentaire  d'Ahmed- 
.  Hayati-Efendi ,  en  i2i5  (1800]. 

Le  tnême  service  qu'Ahmed-Hayati  a  rendu  au  Tohfet, 
a  été  rendu  au  Nokkbé  par  Fauteur  de  ce  volume ,  de  446 
pages  in-folio.  H  sfe  nomme  le  cheikh  Ahmed ,  domicilié  au 
village  de  Yaya,  dans  le  voisinage  de  Magnésie ,  mais  pré- 
sentement Tun  des  mouderris  de  la  capitade.  On  trouve  au 
commencement  du  volume  quatre  éloges  de  Touvrage  :  le 
premier  par  Cheikh-zadé-es-Seid-Mohammed-Esaad,  l'histo- 
riographe de  l'empire  ottoman  et  gra'nd  juge  de  la  Rôumélie; 
le  second  par  Mohammed -Djemal-eddm,  connu  parmi  les 
ouléma  sous  le  nom  de  Karssi-zadé ,  le  correcteur  du  Moni- 
teur ottoman;  le  troisième  par  le  seid  Ahmed -Esaad,  le 
moufti  de  la  ville  de  Magnésie ,  présentement  mouderris  à 
Constantinople,  et  le  quatrième  par  AbdouUah-el-Ferdi-el- 
Khalidi ,  le  derviche  naklischbendi.  Ces  éloges ,  écrits  en 
arabe,  partie  en  prose  et  partie  en  vers,  s'appellent  tàkriz, 
c'est-à-dire  a  de  la  tannerie ,»  pu  plutôt  «du  tanné,  i»  non 
pas  dans  le  sens  que  l'objet  des  éloges  en  soit  fatigant  et 
ennuyeux ,  mais  parce  qu'il  en  devient  lisse  et  poli  comme 
du  cuir  tanné. 


258  .JOURNAL  ASIATIQUE. 

La  traduction  de  Vhistoire  universelle  de  Thaberi.  5  tomes  in-fol. 
reliés  en  un  'seul  volume  :  le  premier  tome  de  167  pages, 
le  second  de  147  pages,  le  troisième  de  i38  pages,  le  qua- 
trième de  164  pages,  le  cinquième  de  aoi  pages; impri- 
més à  la  fin  de  moharrem  1260  (février  i8A4)* 

C'est  non-seulement  un  des  ouvrages  les  plus  volumineux, 
mais  aussi  des  plus  utiles  qui  soient  sortis  des  presses  otto- 
manes. La  traduction  paraît  être  celle  que  cite  Hadji-Khalfa, 
qui  n'en  nomme  pas  l'auteur.  Le  premier  volume  contient 
l'histoire  des  prophètes  jusqu'à  Moïse  et  inclusivement;  le 
second,  l'histoire  des  trois  anciennes  dynasties  persanes;  le 
troisième,  l'histoire  de  Marie,  Jésus,  Jean,  Jonas,  et  des 
rois  de  la  quatrième  dynastie  persane ,  et  celle  du  prophète 
jusqu'à  son  émigration  de  la  Mecque;  le  quatrième,  rhi.s- 
toire  du  prophète  Mohammed  depuis  son  émigration  jus- 
qu'à la  fin  du  califat  d'Osman  ;  le  cinquième  commence  au 
califat  d'Osman  et  continue  jusqu'à  celui  du  calife  Mokta- 
der-Billah  en  289  (901  de  l'hégire). 

Les  vers  arabes  sont  pour  la  plupart  sans  traduction;  et, 
si  la  traduction  est  donnée,  elle  est  fort  inexacte  et  tronquée; 
on  en  peut  juger  par  l'échantillon  suivant,  pag.  i58  du  tome 
V,  où  se  trouvent  les  quatre  distiques  suivants  du  grand  poète 
Ebou-Nouwas  sur  la  mort  de  flaroun-Rechid  et  Favénement 
de  son  fils  Mohammed-Emin  au  trône  : 


^L MO    ^j,      m t]j  (J^    A-J    o>     A /g  If 


^VL— j  aI >»Vt  c:>l Jj  l , ,  »     ^    \    A    \^ 


/ 

AOUT-SEPTEMBRE  1846.  259 


Quelques  jours  sont  heureux ,  qt^elqnes-uns  sont  atroces , 
Les  uns  passés  en  deuil,  et  les  autres  en  noces. 
Sur  les  lëfvres  les  ri»,  les  larmes  dans  les  cœurs; 
Quel^efois  rassurés,  quelquefois  pleins  de  pleurs. 
Hier  nous  avons  pleuré  d'Aaron  les  funérailles; 
Aujourd'hui  nous  chantons  d'Émin  les  fiançailles. 
Deux  lunes  à  Bagdad  se  lèvent  en  riant; 
Une  autre  a  disparu  à  Tous  en  se  couchant. 

Le  traducteur  turc  rend  le  sens  comme  il  suit  : 

L*état  du  monde  varie  tous  les  jours.  Quelques-uns  sont  joyeux , 
d'autres  malheureux.  Le  monde  met  son  fils  sur  le  trône  et  sur  la 
bière;  et  Ton  voit  dans  le  même  endroit  le  deuil  et  la  noce. 

222. 

Sans  titre  mis  en  tête.  Ce  sont  les  gloses  âe  MoUa-Rhiah 
au  commentaire  de  Seaad-eddin-et-Teftazani  jsur  les  dogmes 
de  Nesefi.  i  volume  in-8°  de*  191  pages ,  imprimé  au  mois 
de  moharrem  1260  (février  i844). 

223.  p(CA-:iirjj_^  ^j^  i  ^^JJ^ 

Les  perles  des  juges,  servant  dé  commentaire  au  Ghoitrer-el- 
Ahkam. 

C'est  le  ccmmientaire  du  grand  jurisco/isulte  Molla-Khos- 
rew,  mort  en  865  (i48o),  sur  son  propre  ouvrage  intitulé  : 
Les  laeurs  des  préceptes  dans  les  branches  de  la  jurisprudence 

hanéfite,  €)o  ç.jjS  j  ^\S^S\  jjà.  Grand  in-4*  de  83o 

pages,  imprimé  à  la  fin  de  ssafer  ia6o  (mars  i844). 

224.  JW  jb^  ^j-Û 
Commentaire  de  la  science  religieuse. 
C'est  ainsi  qu'il  faut  entendre  VIlmi-Hal,  <jui  ne  se  trouve 


260  JOURNAL  ASIATIQUE. 

point  parmi  les  trois  cent  sept  sciences  de  l^encyclopédîe 
arabe,  mais  qui  n  est  autre  chose  que  la  connaissance  des 
obligations  indispensables  de  la  religion  et  du  culte  du  mos- 
lim.  Ilmi-Ahmed-Efendi  donna  ce  titre  à  un  extrait  du  caté-  • 
chisme  musulman  de  Birgueli,  et  Fauteur  du  commentaire 
en  question,  Khouloussi-el-Hadj-Moustafa-ben-Mohamimed, 
le  commença ,  comme  la  première  page  nous  Tapprend,  à  la 
fin  de  Tan  1189  (mars  177G).  11  Tintitula  :  ^jjjjûJf  ^aa», 
c'est-à-dire  «le  débordement  des  deux  mers,  »,  et  se  réfère  a 
son  autre  ouvrage  Hakikol-Hakaik,  composé  sur  celui  de 
Birgueli.  In-S**,  g 6  pages;  imprimé  au  mois  de  ssafer  laGo 
(mars  i844).  ' 

225.  iU<KjLAé&Jb   ibJyu.^  îI^IUm; 
Traité  du  serviteur  de  Dieu,  Naksckhendi, 

L'auteur  en  est  Ali-Behdjet-Efendi,  le  cheikh  Naksch- 
bendi,  lequel,  appartenant  tant  à  Tordre  des  derviches 
nakschbendi  quà  celui  des  derviches  mewlewis,  a  soin  de 
publier  ici  les  deux  arbres  généalogiques  de  sa  doctrine 
mystique,  soit  comme  nakschbendi,  soit  comme  mewlewi. 
Ces  documents  généalogiques  de  la  doctrine  se  nonmient 
Silsilénamé,  c'est-à-dire  «  livre  de  la  chaîne.  »  C'est  la  chaîne 
pythagoricienne  des  mystiques  de  l'Orient,  qui  font  tous  re- 
monter leurs  doctrine  et  traditions,  soit  à  Eboubekr,  le  pre- 
mier, soit  à  Ali,  le  quatrième  des  khalifes,  et,  par  l'un  ou 
l'autre,  immédiatement  au  prophète.  La  première  chaîne, 
celle  des  nakschbendi ,  ne  compte  que  vingt-huit ,  la  seconde, 
celle  des  mewlewi ,  trente  et  un  chaînons  ou  générations  dans 
le  même  espace  des  1260  années  de  l'hégire.  La  première 
remonte  à  Eboubekr,  et  la  seconde  à  Ali,  suivant  les  règles 
principales  de  la  vie  mystique,  dont  la  base  ne  saurait  être 
autre  que  la  loi  divine  et  le  dogme  de  l'islam.  Le  sofi  bon 
musulman  est  à  peu  près  au  sofi  panthéiste  ce  que  le  gUos- 
tiquc  chrétien  de  saint  Qément  d'Alexandrie  est  aux  gnos> 
tiques  hérétiques  des  premiers  siècles  du  christianisme.  Le 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  261 

tout  ne  forme  qu'un  petit  volume  in- 8*  de  2 1  pages ,  imprimé 
au  mois  de  rebi-oul-ewwel  1260  (avril  i844)- 

Gloses  de  Seid-Ali   aux    Tassawwourat.    1    volume  in-8"  de/ 
147  pages,  imprimé  au  commencement  de  rebioul-ewvrel 
1260  (avril  1844). 

Kauteur  de  ces  gloses  est  le  grand  savant  Seid-AK-Djor- 
djani,  mort  en  791  (1389).  Ce  6ont  des  gloses  sur  la  même 
partie  de  là  logique  de  Kazwini,  dont  il  a  déjà  été  question 
sous  les  numéros  212  et  21 3. 

227. 

Cette  petite  brochure,  de  12  pages,  imprimée  au  même 
mois  que  Touvrage  précédent,  sans  titre,  renferme  le  petit 
catéchisme  du  grand  mystique  Missri ,  en  quatorze  questions 
et  réponses.  Missri ,  qui  mourut  en  1111  (1699) ,  est  connu 
par  les  extraits  de  son  diwan ,  donnés  par  Pétis  de  la  Croix 
dans  son  Histoire  de  l'empire  ottoman",  et  par  ceux  donnés 
dans  l'Histoire  de  la  poésie  ottomane.  L'impression  de  son 
diwan  a  suivi  celle  de  celte  brochure  dans  l'intervalle  d'un 
mois. 

•    228.  ^jUi  yt^3 

Le  Diwan  de  NiazL 

C'est  le  recueil  des  poésies  mystiques  du  cheikh  Missri, 
lequel,  comme  poète,  a  pris  le  nom  de  Niazi,  et  qui  a  joué 
un  rôle  politique  sous  le  règne  de  Mohammed  IV.  Niaâ  mou- 
rut en  1 1 1 1  (1 699).. Sa  biographie  est  donnée  dans  celles  des 
poètes  ottomans  (tom.  UI*,  pag.  687).  Pétis  de  la  Croix  en  a 
parlé  dans  son  Histoire  de  l'empire  ottoman,  et  a  donné  un 
échantillon  de  ses  poésies ,  lequel  ne  se  retrouve  pas  dans  ce 
diwan ,  imprimé ,  aux  premiers  jours  du  mois  rebi-oul-akhir 
1260  (à  la  fin  d'avril  1 844),  en  caractères  neskhtaalik. 
84  pages  in^". 


262  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Missri  a  été  accusé  plus  d*une  fois  d*inâdélité  à  cause  des 
éloges  donnés,  dans  ses  ouvrages,  à  Jésus.  Ces  éloges  se 
retrouvent  dans  quatre  gazels  de  ce  diwan ,  qui  en  comprend 
cent  quatre -'vingt -cinq,  et  se  termine  par  un  mesnewi  dé 
vingt-quatre  distiques.  Quoique  le  diwan  soit  tout  mystique, 
il  y  a  un  gazel  (c'est  le  cent  soixante  et  quatorzième)  qui  est 
tout  à  la  louange  du  beau  vallon  d'Aspouzi,  aux  environs  de 
Malatia,  ville  natale  du  poète.  Parmi  ces  cent  quatre-vingt- 
cinq  gazels ,  il  y  en  quatorze  en  arabe  ;  les  autres  sont  en 
turc,  et  plusieurs  mériteraient  d'être  traduits.  On  peut  juger  ' 
de  leur  esprit  et  de  la  manière  du  poète  par  le  premier,  qui 
Tsuit  ici  en  texte  et  en  traduction. 


l — * — ôi  l — ^t  ex — IL-fr  4 A ù\  JuUl^ 

il=>\  Ùi — JL-ifiLc  ^3^Lt  <^jjJj\  eXJLLa.  gSLJ 

Mon  cœur,  renonce  à  tout  et  ne  tient  qu'à  i'amoiir: 
Les  mystiques  exacts  ne  suivent  que  1  amour. 


AOUT'SEPTEMBRE  1846.  263 

Parce  qu  il  devança  tous  les  êtres  au  monde. 

Le  principe  de  tout,  Torigine,  est  l'amour. 

Quant  tout  sera  fini ,  lui  seul  fera  la  ronde. 

C'est  pourquoi  Ton  a  dît  que  sans  fin  est  Tamour. 

Je  te  demande,  ô  Dieu  !  que  tu  me  sois  le  guide , 

Et  que  pas  un  moment  ne  me  quitte  l'amour  ^ 

Fais  qu'à  jamais  mon  cœur  de  passions  soit  vide, 

Qu'ici-bas  et  là-haut  soit. mon  ami  l'amour. 

L'amour,  au  paradis,  est  la  béatitude. 

Des  amants  bienheureux  leur  Eden ,  c'est  Tamour. 

Qui  me  dirigera  dans  cette  Solitude? 

Des  prophètes,  des  saints,  le  seul  guide  est  l'amour. 

Trois  passages,  dans  lesquels 'il  est  question  de  Jésus, 
sont  les  suivants ,  dans  le  cinquante-neuvième  gazel  : 

Missri  est  animé  du  même  souflle  que  ÏÏésus. 
Dans  le  cent  vingtième  gazel  : 

^  <ji — i- — ;w-e  j — -^  \ — il  |>3j    fj,b  ^ 
J'ai  mis  aussi  au  monde  sans  mère  Jésus. 
Dans  le  cent  '  trente-huitième  gazel ,  le  dernier  distique  : 

Je  ne  suis  ni  Misri,  ni  Mehdi,  ni  Jésus,  ni  un  homme; 
Mais  je  suis  le  papillon  de  cette  bougie  toujours  ardente. 

Dans  le  sens  de  la  doctrine  véritable  des  soufis,  il  dit, 
dans  le  dernier  distique  du  cent  onzième  gazel  : 

A  présent,  dans  le  monde  de  la  pluralité,  on  parle  de   Niaz 
comme  d'un  hoinme. 

Dans  le  monde  de  l'unité ,  je  suis  identifié  avec  Dieu. 

^  Son  amour,  l^amour  de  Dieu ,  auquel  se  rapporte  tout  le  gazél. 


264  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Le  cent  soixante  et  dix-neuvième  gazel  est  remarquable, 
non -seulement  par  la  tournure  singulière  répétée  dans  tous 
les  distiques,  qui  finissent  tous  comme  le  premier,  que  voici  : 

3jt  ^J — J  L-1   viv — J  jlL — J  fi^j->  e^^f  -^^ 

Dans  ia  main  du  boucher,  je  suis  le  mouton;  c^est  lui  qui  me 
(tue),  ou  moi,  lui. 

Devant  le  bourreau,  je  suis  le  cou;  c'est  lui  qui  me  (abat),  ou 
moi,  lui. 

Mais  il  est  encore  remarquable  par  Tannée  de  l'ère  chré- 
tienne qui  s'y  retrouve  (1691),  et  par  la  mention  de  Jésus. 

229  h,  ^^jjMàj  (j\yj^ 

Le  diwan  de  Nesimi. 

Grand  in-4*,  de  i33  pages,  imprimé  à  la  fin  de  rebi-oul- 
akhir  1260  (mai  iS^li).  C'est  le  recueil  des  poèmes  mystiques 
de  Scidi  Nesimi,  dont  j'ai  parlé  dans  l'histoire  de  la  poésie 
ottomane.  Un  vol.  de  126  pages. 

230.  ôàîj  rf^JÙjJi  iSJ^^  ^b-î'  ZJ^ 
Commentaires  des  litanies  de  Kadiri,  par  Moustakim-zadé. 

La  traduction  du  mot  ewrad,  comme  litanie,  est  justifiée 
par  le  contenu  de  cette  petite  brochure  de  34  pages  in-8% 
imprimée  au  mois  de  djemazi-oul-oula  (juin  i844).  On  y 
trouve  une  définition  exacte  du  sens  différent  du  mot  ïS^ 
au  singulier,  et  du  même  mot  (^LJLo  au  pluriel.  Dans  le 
singulier,  c'est  la  prière  régulière;  dans  le  pluriel,  ce  sont 
des  grâces  implorées  sur  le  prophète;  les  c:^l^L«iJ  sont  des 

saints,  les  (^LçJâju  des  magnificats,  les  c:>C^*  des  vœux, 
les  ^tjjt  des  litanies,  les  (^\^^  des  oraisons,  les  c;>yû  des 
hymnes,  et  les  cy^^—j^j^l  des  psaumes.  L'auteur  du  com- 
mentaire est  le  grand  jurisconsulte  Soleiman  -  Moustakim- 
zadé,  qui  vécut  dans  la  moitié  du  siècle  passé,  el  fut  l'auteur 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  265 

de  plusietflrs  ouvrages  cités  en  note  dans  tnâ  biographie  des    j^.. 
perlés  ottomans  (t:  IV,.p.3oi).  L'auteur  des  litanies  est  le       ■■? 
grand  cheikh  mystique  Ahdalkaàir-Guilani,  mdrt  en  56i 
(  1 165) ,  fmidateur  de  l'ordre  des  derviches ' kadris ,  dont  le 
tombeau  se  trouve  à  Bagdad  et  est  «  visité  par  de.  nombreux 
pèlerins.  Ces  litàiiies  s'adressent  ;àu  prophète  v  chajcfiiéi  article 

commençant  par  les.  mots  (jLJ^  fk2lMiijïjLai\  «Grâces  et 

salut  sur  toi  f  »  Âiàsi , ,  on  lui  adresse  successivement  les 
différents  noms  de  :«  amant  de  Dieu,  «mî  de  Dieu^  .pro- 
phète de  Dieu,  le  pur  de  Dieu,  ta  ineilleUre  des  créature 
de; Dieu,  là  lumière  du  trône  de  CKeu,  l'intendant  de  1%  ré- 
vélation de  Dieu,  l'ornement  de  Djieu»  »  f  ABuite }  r Grâces  et 
salut  sur  toii  qui  as  été  ennobli  par  Dieu;  sur  toi,  qm  aa  été 
honoré  par  Dieu,  qui  as.  été  magnilKé  par.Die>u«  qui  as  été 
instruit  par  Dieu;  sur  toi,  le  seigneur  des  apàti«»,  l'imam 
de  ceux  qui  craignent  Dieu,  le  sceau  des  prophètes, -la. mi* 
séricorde  des  mondes,  l'intercesseur. pour  les  pécheuF«^'.  le 
prophète  du  Seigneur  des  mondes,  sois  gvacievnc'JU^,;  pF*opi- 
tius  esto,  o  mon  Dieu,  pour  Mohtunméd '^e  bon  p*ttJ>hèlQ;  le 
maître  du  posté  le  plus  élevé!  pour^ui  qui  est  la  langue 
féconde,  lapins  noble  des  créatures  hiomaines,  Tassemblage 
des  vérités  de  la  foi,  lé  Sinaî  des;  ti^iinsfîguratîotis  l)iètifaî- 
scmtes,  le  lieu  de  la  descente  des  mystères  de  Tamiséricorde, 
la  noce  du  royaume  célesteV  1^  Hen  ifiiédiateur  dès  prophè- 
tes ,  l'avant-garde  de  la  troupe  des  apdtres ,  lé  coiomiàifi'dant 
de  Tescadron  des  prophèteéi/là  pltis'exc^énte  de'^ûtes  lèk 
créatures,  l^e  porte-étendard  des:  |>luis  gràA'ds' honneurs,  le 
possesseur  de  là  plus  haute ^oite,  le  lémbîn  âes.sépretç  de: 
l'Étemel,  celui  qui  rév^e  les  preïôqdères  kuiiîèrësî  Tintcr- 
prète  de  Ja  langue  étemeïïe  (du  G)raii),' la  source. de *1à  ' 
science,  de  la  douceur  et  de  la  sagesse;  celui  qurmanifêsfeef  la  ^ 
générosité  .universelle  et  particulière,  qui  est  la  prunêDe'd'e 
l'existence  du  monde  supérieur  et  du  mondé  inférieur;  l'es- 
prit' qui  anime  le  corps  des  deux  mondes ,  la  Source  dé  la 
vie  céleste  et  terrestre  ;  celui  cjui  confirme  la  soumission  par 
VIII.  i8 


^66  JOURNAL  ASIATIQUE. 

les  degrés,  les  plus  sublimes ,  qui  est  dotié  des  qualités  des 
élus,  Tami  le  plus  grand,  Tamaat  le  plus  honpré ,  notre  ^i- 
gneur  Mohammed ,  ]e  lils  d'Abdallah ,  fils  d*Abd-ol-Mottidib.  » 

.231 .  Mj^\  xajUIJ)  (jJ\^  •  /  , 

Les  grandes  assemblées  sinaniennes ,  volume  in*4^  de  5 1 4  p&ges , 

*  imprimé  au  mois  de  djemazi-oul-oula  (juin  1 844  )  ;  ouvrage 

de  Hassan,  fds  d'Ummi-Sinan ,  c  est-à-dire,  du  fondateur 

de  Tc^re   des  derviches  sinan>ummis,  mort  en  1679 

(1668).  '  ... 

Quoique  Hasan  soit  qualifié,  à  la  fin  de  cet  puYrage,  fils 
d*Ummi  Sinan,  il  n'est  que  son  petit-fils,  comme  il  est  dit 
expressément  dans  la  biographie  de  Cheikhi,  continuateur 
des  Biographies  des  ouléma,  par  Athayi  II  mourut  Tan  1088 
(1 677) ,  comme  prédicateur  et  interprète  du  Coran  k  la  mos- 
quée du  sultan  Mohammed  II.  Le  titre  de  roiivrage  se  rap- 
porte au  nom  de  son  grand-père  (du  côté  de  la  mère]  Unun- 
Sinan.  Ce  sont  cent  soixante  et  dix  chapitres  exégétiques-du 
Coran  intitulés  .i|fec(/a/is«  c'est-à-dire  assemblées...  Elles  n'em- 
brassent que  les  quarante-sept  premiers  chapitres  du  Coran, 
à  Texception  des  sourates  xii,  xxvi,  xxxvn  et  xxxviii.  Ce 
commentaire  n'explique  pas -tous  les  textes  de  ces  sourates, 
mais  s'attache  seulement  aux  vers,  principaux  .et  les  plus  célè- 
bres de  chacune,  en  les  éclaircissant  diacun  par  une  <H>uple 
des  traditions  du  prophète, 'dont  ce  volume  contient  au  delà 
de  cinq  cents.  Ainsi  il  esta  la  fois  un  trésor  d'exégèse  et  de 
traditions;  A  la.  fin  de  chaque  assemblée,  se  trouvent  inter- 
calés des  vers  du  Mesnewi^de  Djelàl-eddin-Roumi^-.et  il  est 
fort  probable  que  ee  sont  ces  additions  aux  assemj^ées  si- 
naniennes qui  ont  fait  attribuer  à  Moustakim-^adé  ùii  Ouvrage 
portant  le  même  titre.  Dans  les  quarante  chapitres  du  Co- 
ran, l'auteur  a  choisi  les  versets  les  plus  célèbres,  te)s  que 
le  verset  du»  trône  ^  celui  de  Y  empire  de  la  lamière,  de  la  sa- 
gesse,  ctç:  Pour  donner  un  exemple  de  l'exégèse  intdligente 
et  concise  de  Tauteur,  nous  citerons  seulement  celle  du  ver- 


AOUTSEPTEMBRE  1846.  267 

set  de  la  sagesse  :  «  Il  donne  la  sagesse  à  qui  il  veut,  et  qui- 
conque a  obtenu  la  sagesse  a  obtenu  un  bien  immense.  » 
L'auteur  définit  la  sagesse  comme  savoir  utile  et  action  qui 
plaît  à  Dieu.  D  y  ajoute  le  mot  de  la  tradition  :  «  Le  com- 
mencement de  la  sagesse  est  la  crainte  de  Dieu ,  »  et  puis  la 
fin  du  28*  verset  de  la  sourate  xxxv  ;  «Les  savants  d*entre 
les  serviteurs  de  Dieu  le  craignent.  »  Le  demi-millier  de  tra- 
ditions rassemblées  "dans  cet  ouvrage  aurait  plus  de  prix, 
encore,  si  la  moitié  ne  se  rapportait  uniquement  aux 'prières 
et  litanies  en  l'honneur  du  prophète.  Immédiatement  après 
chaque  texte  choisi  du  Coran ,  suit  une  couple  dé  pareilles 
traditions,  qui  souvent  né  diflFèrent  que  d'un  seul  mot,  et  ce 
n'est  que  dans  la  suite  de  l'exégèse  que  deux  ou  trois  aufres 
traditions  sont  rapportées.  Chacune  est  appuyée  de  ses 
sources  et  |]|torités ,  et  une  centaine  des  noms  des  tradi- 
tionnistes  les  plus  célèbres  se  trouvent  cités  à  plusieurs  re- 
prises. Outre  cette  centaine  de  piliersde  la  tradition  maho- 
métane,  se  trouvent  cités  aussi,  dans  cet  ouvrage,  une  cen^ 
taine  des  ouvrages  les  plus  importants  de  tradition  et  de 
jurisprudence  musulmanes,  dont  au  moins  la  moitié  est» 
connue  par  le  nom  et  la  date  du  décès  de  leurs  aiiteuts  ; 
tels  sont  : 

1**  AA*iLci  o^ji  j  iWJoJt,  L'admonition,  ...  du  Chirazi, 
mort  en  452  ; 

2*  jLJlil  L'ornement,  d'Ebou-Naaim ,  mort  en  43o; 

3"  i^JjiilL^,  La  lumière  des  cœurs,  d'Ibn-Ejoub-er- 
Razi ,  mort  en  447  ; 

4*  (jL-rf^yf  o«-ô  I  La  vallée  de  Içifoi,  de  Beihaki,  mort  en 
458;  *       '       . 

5*  «jxxff  JbV^,  Les  preuves  de  la  prophétie,  du  même; 

6*  ^^IjJl  «rU^»  ^^.  ^^^^i^^  des  dévots,  de  Ghazali, 
mort'en  5o8; 

7'  csULUf,  Les  routes,  du  Baghewi,  mort  en  5 16; 
8*  cjj^JfcJt  ^J^^'  L'abreuvoir  doux,  du  même; 
vni.  18. 


268  JOURNAL  ASIATIQUE. 

.9"  J^J^t  IIâ^,  Les  marqaes  de  la  descente  de  la  pdrole 
«îtvme,  du  Baghewi; 

10**  ^Lo-tl,  Les  lampes  de  la  Soanna^  du  même; 

11**  ^Lâif  ôjSCij»  »  Le  foyer  des  lampes,  commentaire  de 
l'ouvrage  précédent ,  par  Mahmoud-el-Ebheri  ^  achevé  en  563  ; 

12*  v->AJ^>Jtj  o^>J(»  L* encouragement  et  lintinddation, 
dlsmaîl  et  dlsfahani.,  en  535  ; 

13"  jA.u»i.in  t^  jty*«^^  L'epcégèse  facilitée,  par  Nesefi, 
mort  en  535; 

>4*  jïJ LiJ  f  »  L* excellent  dans  la  tradition ,  de Zamakhscheri , 
mort  eh  538  ;     - 

i5*  ^Ja^f^jA:^  ^  UuîJf,  I/fl  guérison  dél^  l'enseigne- 
ment des  droits  da  prophète,  par  Ayadh,  mort  en  544; 

16"  o-vsJl  f^y^.  Les  mystères  ouverts,  par  le  cheikh  Gui- 
lani; 

17°  /^jUil  JûaJLk,  Le  résumé  des  vérités',  par  Rahmed- 
*Farabi,  mort  en  607; 

1 8*"  AâJt  F  fj  cjj»t t ,  L'étrange  sens  dans  la  langue,  par  JUo- 
tharrezi,  mort  en  610; 

19"  bU,^tt  cJ >c&,  La  noblesse  de  l'élu,  c*cst-à-dire  da 
prophète, 

20°  ^tj-^Vf  «JL.,  La  consolation  des  tristesses,  par  Ibnol- 
Djewzi,  mort  en  654; 

21°  j  L.^tf  JijLÂiJf  j  L^Vt»  ^^  9**'  ^^^  ^  excel- 
lentes qualités  du  prophète,  par  le  même; 

22**  /3L)>yf»  La  théridque,  du  même; 

23"  ^siUJt  '^Uibo,  La  clef  du  salut,  du  même; 

24"  ow^b^L  o^^li  L'encouragement  et  Vintîmidation, 
du  cheikh  Monziri,  mort  en  656; 

2  5"  ôjijjJI',  Le5  mémoires,  de  Korthobi,  mort  en-  671; 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  269 

a6°  ^owfiiLaJf  if^J^'  Les  jardins  des  pieux,  par  Newewi, 
mort  en  676  ; 

27°.  t^V  f  *;J^  »  L'ornement,  des  justes ,  par  le  même  ; 

28°  JjjUif  ^^1^^  ck>^l  c^jîcX-»,  I.ei  degrés  de  la 
descente  de  la  parole  divine,  par  N«sefi,  mort  en  701;*  * 

29°  ^fj-ilf  ^>^«^*  ci  O^^  <::>U?^j»  Les  jardins  du  pa- 
radis dans  Vexé0se  du  Koran,  par  Abderrahim  de  Slama, 
mort  en  728; 

3o*  ij^jJ\  Ju^-X-«,  L'abreuvoir  de  la  tradition,  par  Ibn- 
Djemaat ,  mort  en  782  4 

3 1  "  ^îs-jLiI  t  ^Ue  »  i^  vérificateur  des  lampes ,  pfgr  Sobkhî , 
mort  en  756; 

32**  ^j^^lj^ft  *^3J*  Le  jardin  des  herhes  odoriférantes,  par 
Yafii,  mort  en  767; 

33"  j.^^^uJoJ\  j  (»r^f  >^»  ^^  ''*^''  ^^  sciences  de  V exé- 
gèse, par  Ala-eddin  de  Samarkand,  mort  en  860 ; 

34*  5î.t>i.-Jt  JjLff».  iâ  paroZ«  ^w-rare.rfa/M  7a  prière,  par 
Sakhàwi,  mort  en  891; 

35**  Zj^^\  jyol^  ôjiLJI  jjjuJt,  Lc5  pleines  lunes  voya- 
geuses pour  les  affaires  de  Vautre  monde,  par  Sôyouthi,  mort 
en  911; 

36*  Uuil  (AiL»^,  Les  routes  des  orthodoxes,  par  te  même; 

37*  j.A^JuIt  j  jyjil]  yûJ]\  Les  perles  éparses  de  l'exégèse, 
par  le  même  ; 

38*  Uuil  c^Lwo,  Le5  rottte5  des  Hanéjites,  par  Kastelani, 
mort  en  928; 

39"  c%Â^[,  L'appui,  par  Bezar,  mort  en  928; 

4o*  jLjVt^jLi^o,  Les  orienU  des  lumières  prophétiques, 
par  Ssaghani ,  mort  en  960  ;  :w 

4i°  w^^»JuJt  c?  J^^^f  »*L^»^^  collecteur  des  lumières  ué 
V exégèse,  par  Ibn-Hamza  d* Andrinople ,  mort  en  970; 

18.. 


270  JOURNAL  ASIATIQlJE. 

4 2** .  0^  LiJf  A^  »  ^^  recueil  des  profits,  par  Menawi,  mort 
en  1019; 

43°  jMixà\,  Les  moyens  de  faciliter,  par  le  même; 

44*  >j  jcaJI  ja^iJI,  I»^  débordement  des  faveurs  da  Tout" 
Puissant,  par  le  même; 

45°  jjji^\  «-«Ia  ^j^yLe  commentaire  dk  petit  Djanùi, 
par  le  même; 

46°  ^l^il  Jyi^  -Le^  trésors  des  vérités,  par  le  même; 

47"*  et  48''  Deoo;  commentaires  du  Masdlbih,  ïun  d'Ibn- 
Melik,  l'autre  le  Dhia-el-Mokhtar; 

Enfin ,  49*  et  5o"  Le  grand  et  le  petit  recueil  de  traditions. 

Outre  cette  cinquantaine  d'ouvrages,  dont  les  auteurs 
sont  connus,  il  y  en  a  une  vingtaine  dont  les  auteurs  sont 
inconnus,  ou  dont  Hadji-Khalfa  ne  donne  point  les  datés; 
tels  sont  : 

1*  ^jJUîJt  «Âif,  La  plus  utile  des  assemblées  ; 

2"*  ^jJl^l  iJL^\  Le  don  des  assemblées: 

3*  A^jjj:i\,L* admonition, d'Ebou-Leis; 

à"  jfdi^\  \  L'accomplissement,  de  Bescheri  :  c*est  un  com- 
mentaire des  noms  de  Dieu; 

^°  (J:^^^  jAy^'^  L'illumination  de  ceux  qui  voyagent 
dans  le  sentier  des  sojîs. 

Lés  cinq  ouvrages  précédents  ne  se  trouvent  point  dans 
Hadji-Khalfa,  mais  il  indique  les  quatre  suivants  : 

6*  (jtjiiJi  olyJt»  Le  mérite  daJCoran,  par  Ebou-bekr-ben- 
Ebi-Scheibé; 

7"  ^^UJI  ^ftx^,  Les  jardins  des  vérités,  par  Moham- 
med-ben-el-Mortehal ,  de  Hamadan  ; 

8*"  ^«JiUF  j3,  Les  perles  bien  enfilées,  sur  la  naissance  du 
prophète,  par  Eboul-Kasim-Mobammed-ben-Osman ; 

9*  .jJl^l  (H-Jjj»  La  splendeur  des  assemblées,  d*Eboo- 
Haffs-Omer-ben-Abdallah,  de  Saniarkand  ; 

10**  .«.tiPyll   j  J^Lij^t  ^J^j^  ^^  fi^^  ^  jardins  de.  lu 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  271 

prédication,  par  le  cheikh  ïadjol-Islam-Souleiman-beiï-Daud. 

ï  1°  OS*^f  *-^jj»  Le  jardin  de  ceux  qui  craignent  Dieu, 
inconnu  à  Hadji-Kalfa; 

1 2°  v5^5  c^J  j  *^5  j  »  ■'^^  jardin  de  Zendosti  ; 

i3*  j^\  j^\t  L'aurore  brillante,  du  Fakihani; 

14°  t>j[jJf,  Les  profits,  d'Ebi-Nassr-Abdol-Kerini,  de 
Chiraz; 

i5'  J^\jC]\,  Le  parfait,  d'Iki-Aada; 

i6°  UiJf  U^ç$C  La  chimie  du  contentement; 

^7*  j-y-Lftxlf  vM»  ^^  moelle  des  exégèses,-  par  le  cheikh  , 
Burhan-eddin-Tadjol-Korra,  c'est-à-dire,  la  couronne  des  lec- , 
teurs; 

1 8*  tXrî  LâJf  jt6J^ ,  Le  recueil  des  profits  et  le  guide  à  la  véri- 
fication des  points  litigieux,  par  Moustafa-ben-Iousouf-Saati; 

19°  ^fjjVf  ^Lye^j  ^.iliJf  ^Uiu,  La  clef  du  salut  et  la 
lampe  des  esprits;  ... 

20**  ^j3jJJ[  cv-î^*«.^î  L* accoudoir  du  pa^radis ,  pAT  JDilemi. 

Enrichi  d*extraits  de  tous  ces  ouvrages,  celui  d'Oumm- 
Sinanzadé  contient  des  anecdotes,  non-seulement  sur  le  pro- 
phète, mais  aussi  sur  Jésus,  et  sur  des  saints  musulmans, 
tels  que  Ibrahim-ben  Edhem-Obeis-Karni^  Zoulnoun-Mi^ri- 
Djoneid,  Schibli,  etc. 

.  ^      y 

Les_  cihquante-qttatre  fardh  (devoirs  d'obligations  divines) 
commentés  par  Ssalahi  Efendi,  imprimé  en  djemazi-oul- 
akhir  1260  (juillet  i844). 

C'est  la  seconde  édition  de  l'ouvrage  mentionné  sous  le 
n*  2 1 1 . 

233.  jUûJ^I    ^jU^I 

L'intensité  des  r£gards ,  nommée  aussi  l'esprit  des  commen- 


272  JOURNAL  ASIATIQUE. 

taires,  imprimé  au  mois  de  djemazioul-akhir  ia6o  (juillet 
i844);  i33  pages  in.8^ 

C*est  le  commentaire  du  molla  M ohammed-ben-Pir-Ali , 
connu  sous  le  nom  de  Birgueîi,  mort  en  980  (1672).  Le 
premier  des  commentaires  de  Touvrage  grammatical  mab- 
soud,  mentionné  .par  Hadji-Khalfa. 

'    234.  (joA^I  ^^  J^kM 

Le  long  commentaire  du  Telkhiss  par  Teftajiani,  imprimé  au 
mois  de  redjeb  1260  (août  i844);  M2  pages  in-4^ 

235.  g-UalJl  «Jyj 

La  crème  des  conseils ,  traduction  turque,  d'un  ouvrage  très- 
célèbre  de  Fun  des  plus  grands  mystiques ,  générûement 
connu  sous  le  nom  du  moufti  de  Herat. 

C'est  sous  ce  nom  que  Djami  le  cite  souvent  dans  sa 
Biographie  des  soufis.  Il  se  nbnmiait  Elbou-Ismaîl  Abd- Allah 
ben«-Ëbi-Manssour  Mohammed  el-Anssari,  mort  Tan  3g6 
(ioo5).  Djami  lui  a  consacré  un  article  assez  long  (c'est  la 
trois  cent  quatre-vingt-quatorzième  biographie).  Ce  sont  trois 
cent  trente-six  règles  de  conduite  et  de  morale  «  qui  ne  sont 
que  des  lieux  communs  ;  mais ,  ce  qui  est  plus  curieux  que 
oes  maximes  du  moufti  de  Herat,  c'est  la  centaine  de  règles 
de  conduite  de  Burhan-eddin  d-Badji,  extraites  de  spn  ou- 
vrage TahiroUakhwan  (la  conscription,  des  frères),  que 
Hadji-Khalfa  ne  connaît  point.  Elle  remplit  les  trois  dernières 
pages  des  vingt  dont  se  compose  cette  i)rochure,  iniprimée 
au  mois  de  redjeb  1260  (juillet  i844)-  Elles  nous  ont  paru 
mériter  d'être  traduites  ici  parce  que  plusieurs  tQucheot  à 
des  usages  et  coutumes  peu  connus. 

Le  vrai  moslim  doit  :  1  "  ne  point  maudire  ses  enfants  ni  sa 
famille;  2°  les  bénir;  3*  se  souvenir  en  bien  des  défunts; 
4*  ne  point  dormir  après  la  prière  du  matin  ;  5'  se  garder  de 
jouer  avec  des  pigeons  ;  6*  ne  point  se  mettre  en  contradic- 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  273 

tion  avec  Topinion  générale;  7°  n&  point  flatter  le  vice; 
8°  ne  point  se  curer  les  dents  avec  un  morceau  de  bois  ;  9"  ne 
point  balayer  la  cbambre  avec  un  morceau  de  toile  ou  av.éc 
des  babits;  lo*  ne  point  balayer  pendant  la  nuit;  1 1"  ne  point 
laisser  d* ordures  dans  la  maison  ;  1 2"  ne  point  se  découvrir  au 
bain  au-dessous  du  nombril  ;  1 3"  il  doit  se  garder  de  dormir 
nu  et  de  manger  en  état  d*impureté  ;  i4"  de  jeter  au  feu  la 
pelure  d'ail  ou  d'oignon;  15"  de  se  laver  les  mains  aivec  de  la 
boue  ou  de  la  terre.;  1 6*  d'être  assis  sur  des  ordures;  1  7"  de 
rester  debout  à  la  porte  en  s'appuyant  sur  l'un  deç  côtés  ; 
18°  de  faire  ses  besoins  dans  l'endroit  de  l'ablution  légale; 
1 9^  d'y  étaler  ses  babits  ;  20®  d'essuyer  son  visage  av^clfe  bord 
de  l'babit  ;  2 1*  il  doit  nettoyer  la  maison  des  toiles  d'araignée  ; 
22"  il  ne  doit  point  se  hâter  de  sortir  de  la  mosquée,  particu- 
lièrement après  la  prière  du  matin;  23°  ne  point  aller  d£)ns  la 
rue  de  grand  matin;  24*  n'y  point  rester  fort  avant  dans  la 
nuit;  2  5"- ne  point  acheter  du  petit  pain;' 2  6°  n'en  point»  deman- 
der; 27°  ne  point  éteindre  la  chandelle  en  soufflant;  28°  ne 
point  écrire  avec» une  plume  tachée  de  graisse;  29°  ne  point 
écrire  qu'après  l'ablution  faite  ;  3o°  ne  point  marcher  sur  de  la 
raclure  de  plumes;  3i°  il  doit  tenir  .en  honneur  les  ustensiles 
d'écriture;  32**  ne  point  se  servir  d'un  peigne  cassé;  33*  ne 
point  baiser  quelqu'un  sur  les  yeux:  34**  il  est  de  bon  usage 
(sounna)  d'avoir  toujours  avec  soi  un  peigne,  des  ciseaux,  un' 
cure-dent,  une  aiguille  et  une*boîte  de  surmé  (cosmétique  des 
sourcils);  35°  il  pe  doit  point  mettre  ses  culgttes  étant  de- 
bout ;  36"  il  ne  doit  pas  avoir  moins  de  crainte  étant  sur  terre 
qu'étant  sur  mer;  37°  il  ne  doit  point  prendre  le  pas  sur  les 
vieillards  ;  38°  ne  point  lire  l'inscription  des  pierres  funé- 
raires; 39°  ne  point  manger  de  coriandre  fraîche,  de  pommes 
aigres  ou  plutôt  des  pommes  du  tout;  4o°  il  ne  doit  pas  man- 
ger en  grande  quantité  des  oignons ,  de  l'ail  ni  des  {èves  ; 
4i°  qu'il  se  garde  de  manger  chauds  des  plats  cuits  au  mar- 
ché ;  42°  qu'il  ne  traverse  pas  le  milieu  du  chemin;  43°  qu'il 
ne  passe  pas  par  le  milieu  d'une  troupe  de  brebis;  44"  s'il  y 
a  absolument  nécessité,  il  doit  réciter  la   sourate  li  Jlaf; 


274  JOURNAL  ASIATIQUE. 

45*  il  ne  doit  point  passer  entre /leirx  chameaux  ;  46*  ne  point 
jurer  dans  la  conversation;  47** ne  point  laisser  devenir  ses 
ongles  trop  longs  ;  48*  il  doit  observer  Tordre  établi  des 
jours  du  marché;  49*  il  ne  doit  point  niordre  ses  ongles; 
5o*  il  doit,  si  c'est  possible ,  faire  la  prière  du  vendredi 
après  avoir  fait  Tablution  partielle  et  générale  [ahdest  et 
ghosl) ,  et  se  faire  raser  après  la  prière  du  vendredi;  5 1*  il  ne 
doit  point  regarder  Teau  stagnante  ;  Ba'  et  n'y  point  uriner; 
53*  n'en  point  prendre  pour  faire  ses  ablutions;  54*  ne 
point  regarder  un  pendu  ;  55*  ne  point  laisser  des  poux  aux 
parties  honteuses  ;  56*  il  ne  doit  point,  sahs  nécessité,  mettre 
des  babouches  noircies;  57*  ne  point  manger  de  la  viande 
grasse;  58*  être  sobre  dans  l'acte  du  coït;  59*  ne  point  se 
priver  du  sommeil  lorsqu'il  se  sent  fatigué  ;  60*  ne  point  re- 
garder aux  parties  honteuses;  61*  ne  point  manger  du  pain 
chaud;  62*  ne  point  raccourcir  la  barbe  aveoles  dents  ;  63*  ne 
point  manger  avec  la  main  gauche  ;  64"  ne  point  marcher  sur 
de  la  coque  d'oeuf;  65*  ne  point  se  nettoyer  aux  lieux  secrets 
avec  la  main  droite;  66"*  ne  point  rire  au  cimetière;  67®  ne 
pas  trop  regarder  des  fèves  en  fleurs  ;  68*  ne  point  s'endormir 
avant  que  le  goût  du  souper  soit  passé  de  la  bouche  ;  69*  ne 
point  se  servir  d'eau  chauffée  au  soleil;  70*  ne  point  dormir 
après  midi;  7 1*  ne  point  se  découvrir,  quand  même  il  est  seul , 
'  pendant  l'ablution  générale;  72°  ne  point  coucher  seul  dans 
une  maison;  ne  point  dormir *dans  la  niche  d'une  mosquée 
ou  sur  le  séu^  de  la  porte;  73*  ne  point  inanger  des  oranges 
pendant  la  nuit;  74"  ne  point  manger  du  rognon  ;  75  ne  point 
se  regarder  dans  un  miroir  pendant  la  nuit;  76*  ne  point 
manger  de  choses  salées  après  une  saignée;  77*  ne  point  cou- 
cher 'avec  une  femme  après  une  pollution  nocturne  avant  de 
s'être  lavé;  78*  dire  au  nom  de  Dieu  avant  le  (Commencement 
de  toute  affairé;  79*  et  ne  point  entreprendre  une  ajŒure 
où  il  serait  impossible  de  dire  en  la  commençant,  au  nom 
de  Dieu;  80*  converser  avec  des  gens  de  bien;  81*  ne  point 
se  mêler  aux  vicieux;  82*  ne  point  les  aider;  83*  qu'il  soit 
reconnaissant  dans  le  bonheur,  patient  dans  le  malheur; 


AOUÏ-SEPTEMBRE  1846.  275 

84°  comme  on  souffre  l'opération  du  chirurgien  pour  préve- 
nir une  longue  maladie ,  on  doit  supporter  les  malheurs  de 
ce  monde  pour  se  garantir  de  ceux  de  Tautre;  85*  il  ne  doit 
envier  personne,  mais  au  contraire;  86*  souhaiter  au  musul- 
man toutes  les  prospérités  ;  87*  ne  point  fureter  dans  les  défauts 
des  autres;  88"  ne  point  redemander  ce  qu*il  a  donné;  89"  à 
chaque  chose  merveilleuse  il  doit  dire  machallah  (ce  que  Dieu 
veut),  et  à  chaque  promesse  inchallah  (s'il  plaît  à  Dieu); 
90"  à  la  fin  de  chaque  chose  bonne,  il  doit  dire  el-hamdlillah 
(louange  à  Dieu);  91'*  il  doit  penser  souvent.à  la  mort,  au 
tombeau ,  à  l'autre  monde ,  au  jour  du  jugement  et  aux  tour- 
ments de  l'enfer;  92"  pendant  les  éclipses  de  soleil  fet  de  lune, 
il  doit,  autant  qu'il  est  possible,  s'abstenir  de  regarder  au  ciel  ; 
gS**  il  doit  être  éveillé  au  dernier  tiers  de  }a  nuit;  qI\°  et  ne 
point  passer  ce  temps  en  choses  futiles;  9 5°  il  doit  s'abstenir, 
autant  que  c'est  possible,  de  toutes  les  choses  honteuses  dé- 
fendues par  la  loi  et  par  la  nature  ;  96°  il  doit  tâcher  de  se 
faire  comprendre  par  ceux  à  qui  il  parle;  97*  dans  les  assem- 
blées ,  il  doit  adresser  la  parqle  même  aux  personnes  du  der- 
nier rang;  98"  et  ouvrir  le  discours  d'une  tnanière  convenable 
à  l'endroit;  99"  d  ne  doit  point  disputer  sur  des  choses  que 
les  gens  n'entendent  pas  ;  1 00*  il  doit  avoir,  autant  qu'il  est 
possible,  de  bonnes  intentions  et  ne  point  intriguer;  101"  il 
doit  recommander  toutes  ses  affaires  à  Dieu;  10a**  dans  les 
choses  qui  regardent  la  dévotion ,  il  ne  doit  point  se  servir 
d' autrui;  loS"  ne  point  imposer  aux  autres  des  obligations  de 
reconnaissance;  io4'  ne  point  parler  du  bien  qu'il  a  fait; 
a 06**  s'il  ne  craint  point  l'envie  et  l'effet  du  mauvais  œil,  il 
doit  proclamer  les  bienfaits  de  Dieu;  106*  il"  ne  doit  point, 
pour  se  vanter,  dépréciei'  les  actions  et  les  bienfaits  des  autres; 
107"  ne  rien  entreprendre  qui  soit  contraire  à  la  loi;  108*  ne 
donner  des  conseils  qu'à  ceux  qui  les  reçoivent  ;  1 09*  h  ceux 
qui  ne  les  écoutent  pas ,  il  doit  faire  comprendre,  par  d'autres, 
la  turpitude  de  leurs  actions;  1 10"  il  doit  demander  à  Dieu 
la  grâce  de  l'effet  de  ses  conseils;  111*  après,  chaque  acte  de 
dévotion,  il  doit  demander  à  Dieu  pardon  de  .ses  péchés; 


276  JOURNAL  ASIATIQUE. 

1 1 2*  et  dire  ensuite  «  O  Seigneur,  agréez  cette  action  en  Thon- 
neur  de  votre  bien -aimé  prophète,  sa  famille,  ses  compa- 
gnons ,  des  martyrs  de  Bedr  et  des  autres  justes  et  honomes 
de  bien.  » 

Ce  qu'il  y  a  d'étrange  dans  ces  préceptes  n'a  pas  besoin  de 
commentaire. 

236.   ^UiJLI  joAâ^ 

Le  texte  du  Telkkiss-ol-Miftah ,  de  Mohammed -ben-Abder- 
Rahman-el-Kazwini ,  mort  en  709  (iSog). 

C'est  le  texte  de  l'ouvrage  de  rhétoriquç  dont  le  commen- 
taire est  placé  sous  le  n**  a 34- 

237 .  viL?  cij)^  U)^^.^ 

Le  diwan  d'Izzet-Beg,  99  pages  in-4*<  imprimé  au  mois  de 

ssafer  12 58  (mars  i843). 

Il  paraît  que  ce  volume ,  imprimé  il  y  a  déjà  deux  ans , 
n'a  été  distribué  que  dans  le  courant  de  l'année  passée,  puis- 
qu'il ne  nous  est  parvenu  qu'avec  les  ouvrages  imprimés  de 
l'année  passée.  Il  serait  à  souhaiter  que  tous  les  éditeurs  des 
ouvrages  imprimés  à  Constantinople  voulussent  mettre  à  la 
tête  des  ouvrages  une  notice  biographique  de  l'auteur,  comime 
on  en  a  mis  une  dans  ce  volume  et  dans  quelques  autres. 
Izzet-Beg,  fils  d'Aarif-Beg,  fut,  en  iai8  (i8o3),  nommé  se- 
crétaire du  grand  vizir;  ensuite  ameddji  et  be^iikdji  en  laaS 
(1808),  troisième  plénipotentiaire  aux  négociations  russes, 
n  mourut  Tannée  suivante.  Son  diwan  est  tout  à  fait  du  genre 
mystique,  divisé  en  deux  parties,  dont  1^  première  contient 
des  gloses  et  des  mesnewis,  la  seconde  partie,  cent  quatre- 
vingts  gazées  et  quelques  chronogrammies.  Pour  donner  une 
idée  du  contenu,  nous  donnons  ici  la  traduction  du  troi- 
sième gazel  de  la  lettre  ta. 

Mon  cœur  est  un  vaisseau  dans  une  mer  de  feu  ; 
Cliaque- planche  est  un  dais  du  Salomon  du  feu. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  ♦      277 

De  flammes  entouré ,  tout  couvert  de  brûlures , 

Salamandre  je  suis ,  qui  s'étonne  du»feu. 

£n  un  brasier  de  feu  chaque  larme  se  change. 

O  Noé ,  de  mon  cœur  quel  déluge  de  feu  î 

Le  printemps  ralluma  de  mon  cœur  Tincendie. 

Les  lambeaux  de  mon,  cœur  sont  tulipes  de'  feu. 

Tes  paroles  >  Izzet,  sont  empreintes  de  flammes  ;  ^ 

Ta  plum«  wt  un  ro^au  d'une  plage  de  feu. 

c> m — «l:_jÎ  qI — 5>j — ii^  j3^ji^  l^  'ry 

o  M>  .4i> J  1     ^l       ^.,      j    t, Jjf     OjL)'    i«>^Ô  j^ 

^J—-^  (J  js--^ — '-^  *'— ^— tl'j — ^  o^  ^^ 

238,  s/^  AjJJjj  v^P'  "^^^ 

Commentaire  du  traité  d'Abdol-Wehhah,  imprimé  au  mois  de 
ssafer  1260  (mars  i844),  in-8%  i'55  pages. 

C'est  le  commentaire  arabe  du  traité  du  Seid  Abdol-Weh- 
bab  ben  Hosdih  hen  Welieddindl-Amedi,  sur  les  manières 
de  la  critique  (iJ^lXlf  oT^I).  L'auteur  du  commentaire  est 
Mohammed ,  surnommé  SatchakUzedé ,  célèbre  par  son  traité 
encyclopédique,  qui  sert  de  livre  d'enseignemëht  dans  les 
écoles  turques. 


278      -  JOURNAL  ASIATIQUE. 

239.  -K — JiX-^  i^jUL^jJo 

Le  sentier  mahométan ,  imprimé  au  mois  de  zilkadé  ia6a 
(décembre  1 844 ) ,  2 6o  pages ,  in-8". 

Il  a  été  déjà  plus  d*une  fois  question  dauB  les  listes  des 
ouvrages  imprimés,  soit  à  Constantinople ,  soit  au  Caire,  du 
grand  cheïkh  Mohammed  ben  Pir  Ali  el  Birguewi  ou  Bii^eli , 
le  Canisius  des  ottomans ,  et  la  traduction  turque  de  cet  ou- 
.vrage  a  été  imprimée  Tan ;  ouvrage  de  morale  très-pré- 
cieux pour  les  traditions  qu'il  renferme,  et  dont  le  nombre 
se  monte  à  cinq  cent  cinquante,  extraites  d'une  cinquantaine 
d'ouvrages  de  traditions.  Leis  abréviations  des  quarante  les 
plus  célèbres  sont  données  sur  la  première  page  avec  les 
expressions  techniques  des  docteurs  traditionnistes. 

La  splendeur  du  jardin,  imprimé  au  mois  de  zilhîdjé  1260 
(décembre  *844),  63  pages,  petit in-8". 

Traité  de  jardinage,  dont  l'auteur  ne  se  nonrnie  pas,  mais 
il  apprend  aux  lecteurs  qu'il  est  propriétaire  d'un  jardin  qu'il 
cultive  dans  le  voisinage  d' Andrinople ,  où  il  est  allé  s'établir 
par  amour  de  la  patrie.  Il  a  divisé  son  ouvrage  en  quatre 
sections,  un  complément  (iUu")  et  une  conclusion  (  i*l^).  La 
première  section  traite  du  terroir;  la  seconde,  de  la  plantation 
des  arbres;  la  troisième,  des  différentes  espèces  de  greffe; 
la  quatrième,  des  différentes  maladies  des  arbres  et  de  la  ma- 
nière de  les  guérir;  le  complément;  des  -fleurs  et  herbes 
odoriférantes;  la  conclusion,  des  différentes  espèces  de  fruits 
et  de  la  manière  de  les  conserver. 


AOUT-SEPTEMBRE  1846.  279 

Les  ouvrages  suivants  ne  nous  ont  été  envoyés  que  dans 
le  courant  de  cette  année ,  bien  que  le  premier  ait  été  publié 
il  y  a  vingt-trois  ans ,  tant  est  grande  la  difficulté  d'obtenir  des 
libraires,  à  Constantinople,  la  suite  régulière  des  ouvrages 
publiés  daùs  les  différentes  imprimeries.  Cet  ouvrage,  si  ar- 
riéré dans  îe  compte  rendu  des  livres  imprimés  à  Constan- 
tinople ,  ne  porte  aucun  titre  ;  c'est  : 

241.  iwuUàJl  Jvt^-iJl 

Les  profits  de  Dhia,  c'est-à-dire  de  Yousouf  Dhia-eddin,  fds  du 
grand  poète  persan  Djami,  lequel  a  composé  ce  comment 
taire  de  la  kafiyet  pour  l'enseignement  de  son  fds  chéri. 
Imprimé  l'an  laSy  (1821),  3o8  pages ,  grand  in-8*. 

242.  ^jU^jwaJt  iL^v^-*y  ^^  j,  t^l^*-^'    a,       ,>*>s  ,      ^ 

Présents  des  frères,  consistant  en  un  commentaire  du  Rosaire 
deis  garçons. 

C'est  le  commentaire  turc  du  glossaire  arabe-turc  imprimé 

en  l'an . ,  à  Constantinople.  L'impression  de  cet  ouvrage  a 

été  achevée  au  mois  de  rebi-oulfewwel,  l'an  1 266  (mai  i84o) , 
265  pages  in-S".  L'auteur  ne  se  nomme  ni  au  commencement 
ni  à  la  lin  de  l'ouvrage;  mais,  à  la  page  90,  à  propos  d'un 
chronogramme  qu'il  a  composé  à  l'occasion  d'un  kiosque 
bâti  près  de  la  mosquée  de  ^sultan  Dayeâd  par  le  sultan 
Mahmoud,  dans  le  dernier  vers  de  ce  tarikh,  H  se  nomme 
Nedjib(o^). 

243.  \ %Â  X^j^ 

Celui  qui  écarte  le  voile.  Commentaire  du  ^ossaire  persan 
et  turc  de  Chahidi,  qui  a  été  longtemps  mis  de  côté  par 
l'amplification  qu'en  a  donnée  Wehbi  dans  son  Tohjei  Wehbi. 
Le<^ossaire  primitif  de  Chahidi  parait  donc  ici  pour  la  pre- 
mière fois  comme  texte  du  commentaire  ;  l'auteur  de  celui-ci 
est  le  cheïkh  actuel  du  couvent  des  derviches  nakshbendi , 
fondé  parle  fils  d'un  gendre  du  sultan  Damad^adè  Mohammed 


280  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Mourad,  près  de  la  mosquée  de  sultan  S^lim.  L*auteur  s*appelle 
Es-Seid  el-Hadji  Mohammed  Mourad  en-Nakshbendi,  fils  du 
cheikh  El-Hadji  Abdol  Halim  en-Nakshbendi,  auteur  de 
différents  ouvrages  composés  pour  faciliter  Tétude  du  persan, 
conmie  le  aj  «jJf  ^'LLo  et  le  a^^jsJ\  o^\Ji  du oommentaire 
^  du  Pend-nameh.  iTdonne  ces  renseignements  lui-anéme  dans 
une  notice  biographique  de  Chahidi,  mise  entête  deTouvrage 
imprimé  au  mois  de  djemazi-oul-akhir  1269  (août  i84o). 

Outre  les  ouvrages  qui  ont  été  imprimés  dans  le  courant 
de  Tannée  passée,  à  Constantinople ,  il  a  paru  cinq  ouvrages 
lithographies ,  tous  les  cinq  d*un  contenu  plus  ou  moins  sin- 
gulier, qui  doit  faire  supposer  qu*ils  sont  destinés  plntôt.i 
circuler,  en  guise  de  manuscrit,  dans  un  cercle  plus  étroit  de 
lecteurs  que  dans  le  public  en  général,  pour  lequel  les  livres 
imprimés  sont  mis  en  vente.  Le  premier  de  ces  ouvrages  ne 
contient  cependant  rien  qui  pourrait  blesser  les  mœurs,  et, 
à  moins  que  la  bonne  chère  ne  soit  regardée  conune  un  luxe 
fort  superflu  dans  l'état  actuel  des  affaires  de  Tempire,  on 
ne  trouvera  point  à  y  redire.  C*est  un  livre  de  cuisine ,  de 
iSa  pages  in-4*,  qui  est  très-curieux,  non-seulement  pour  les 
gastronomes  de  profession ,  mais  aussi  pour  les  lexicograplies , 
à  cause  de  différents  noms  de  plats  qui  ne  se  trouvent  dans 

aucun  dictionnaire.  Il  porte  pour  titre:  ^^)Sf:^lAi2i[  ^LaLt' 
c* est-à-dire  le  refuge  des  cuisiniers,  et  traite  en  douze  sections  : 
1'  des  soupes;  2"  des  rôtis;  3*  des  étuvées  (v^^);  4*  des 
viandes  et  du  poisson  à  la  daube  (le  mot  turc  [^  ne  paraît 
être  autre  chose  que  le  français  daube)  ;  5*  des  pâtés  ;  6*  des 
plats  de  farine  et  des  douceurs  ;  7*  des  entremets  sucrés  firoids; 
8*  des  légumes  ;  9*  des  courges  farcies;  lo*"  du  pilaw;  11"  des 
marmelades;  12"  des  douceurs  et  confitures.  Chacune  de  ces 
sections  contient  à  peu  près  une  douzaine  de  plats.  Nous  nous 
contentons  d'énumérer  ici  les  différentes  sortes  de  pilaw  : 
1  °  le  pUaw  ordinaire  ;  2*  le  pilaw  persan  ;  3*  keusé  pilaw  (piiaw 
pour  les  hommes  qui  ont  la  barbç  clairsemée);  4'  du  pilaw 
sans  eau  ;  5"*  du  pilaw  sans  beurre  ;  6^  pilaw  aux  tomates  ; 


AOtfT-SEPTEMBRE  1846.  261 

7°  pilaw  aux  têtes  de  brebis  ou  de  moutons;  8*  pilaw  au 
poisson  nilaiifere;  9®  pilaw  aux  amandes;  lo"*  salmis  aux 
moules  (le  mot  a^L»  paraît  être  le  français  salmU);  11"  pilaw 
aux  coquilles  {^J^J^)^  1 3"  pilaw  à  Touzbec. 

Le  second  des  cinq  ouvrages  lithographies  ^  un  petit  iri-8°, 
de  77  pages,  devrait  paraître  aussi  peu  sujet  à  caution  que 
le  précédent.  Il  contient  deux  traités  ;  Tun  <Ajjfj<Mj ,  c'est- 
à-dire  linre  pour  Vinterpr^tation  des  songes;  et  le  8econd^>CM 
«*-«u ,  c'est-à-dire  livre  de  divination  par  les  tiraillements  des  nerfs 
et  les  tremblements  des  lobes  de  l'oreiUe. 

Les  deux  suivants ,  des  cinq  ouvrages  lithographies ,  sont 
deux  livres  de  contes,  ha- 8"  ;  tous  les  deux  enrichis  de  figures 
lithographiées.  Le  premier,  le.  conte  de  Chabour  Tchelebi, 
avec  vingt  lithographies  enluminées.,  est  un  conte  ordi- 
naire des  conteurs  des  cafés  de  Constantinople ,  qm  n'a  rien 
de  piquant  et  trouverait  peu  de  lecteurs  s'il  était  traduit; 
69  pages  in-8*.  Le  second,  intitulé'«*-oUifclo,  91  pages  in-8% 
est  un  livre  contenant  les  plus  grossières  obscénités  i  et  dont 
les  vingt-cinq  lithographies  ont  été  évidemment  exécutées 
par  une  main  fi'anque.  Les  contes  sont  aussi  impurs  que 
les  lithographies,  et  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  que  la 
vente  publique  de  ce  livre  licencieux  soit  défendue  à  Cons- 
tantinople. 

'  Le  plus  curieux,  sans  contredit,  de  ces  cinq  ouvrages 
lithographies ,  est  le  cinquième ,  de  43  pages  in-8°.  C'est  un 
livf  e  de  médecine  contre  le  refroidissement  des  reins ,  c'est- 
à-dire  la  gonorrhée ,  dont  l'auteur,  qui  est  le  médecin  en  chef 
de  la  Sublime  Porte ,  va  à  la  recherche  des  causes  qui  produi- 
sent cette  maladie  et  des  remèdes  qui  la  guérissent.  Dans  le 
troisième  chapitre ,  qui  traite  de  la  gonorrhée  causée  par  la 
pédérastie,  il  y  a  un  raisonnement  si  singulier  sur  l'origine  de 
ce  vice  si  commun  en  Orient ,  qu'il  vaut  bien  la  peine  de  tra- 
duire ici  ce  paragraphe ,  comme  une  preuve  de  la  logique  du 
premier  médecin  de  l'empire  ottoman. 

«  La  pédérastie  est  un  vice  contraire  à  la  nature,  qui  em- 


282  30URNAL  ASIATIQUE. 

pêche  ]a  propagation  du  genre  humain.  Je  blâme  les  anciens 
philosophes  qui  ont  les  premiers  .enseigné  un  vice  si  honteux. 
Probablement,  ils  ont  senti  et  prévu  que  les  sciences  et  les 
connaissances  qu  ils  avaient  acquises  avec  tant  de  travaux  et 
de  peines  seraient  surpassées  par  les  modernes,  en. compa- 
raison desquels  ils  né  paraîtraient  être  que  des  écoliers  qui 
apprennent  à  épeler.  Pour  y  obvier,  ils  ont  inventé  (  ofjji^f)  la 
sodomie,  dans  Tin  tention  d'extirper  le  genre  humain  fisiutede 
propagation  ;  ou  peut-être  ont-ils  inventé  la  sodomie  comme 
tant  d'autres  choses,  soit  générales,  soit  partielles,  uniquement 
pour  inventer  quelque  chose.  » 

Ce  savant  docteur  s'appelle  KhàirouUahEfendi,  déjà  connu 
par  son  ouvrage  sur  les  sciences  médicales ,  ouvrage  écrit  pour 
les  examens  de  médecine.  Cette  brochure  a  été  lithographiée 
à  l'académie  de  médecine,  en  djemazi-oul-ewwddel'an  ia6o 
(juin  i844). 


AOUT-SEPTEMBRE  1&46.  283 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES; 

SOCIÉTÉ  ASIAtlQUE. 

^  Séance  du,  14  aoèt,i840,. 

Le  procès^verbal  de  ta  prééédente  séance  est  tu  et  adof^té. 

On  Ut  ime  lejttrp  de  M.  Meriiti,  par.  lajtjudle  il  réclame 
contre  Tindicadon  donnée  dans  le  numéro  d^^vril  du  Jour- 
nal asiatique,  de  laquelle  il  résulte  que  le  tome  II  du  Cata- 
logue de  M.  de.Saey  aurait  été  présenté  par  M.  Duprat.  Il 
résulte  de  la  lettre  de  M.  Merlin  que. c^est  en  son  nom,  et 
.seulement  par  rintecmédiaire  de  M.> Duprat,  que  le  1^. vo- 
lume du  Catalogue  de  M.  deSacy  a  été  offert  à  la  Société.  ~ 

M.  Deodor,  cpmmissaire-jHnseii}',  annonce  à  la  Société 
qu*  en  procédant  i  Tinventaîre  dés  ïiyres  '  existant  chei 
M.  d'Ocboa ,  il  a  recoiinu  plàsieorà  oiivràlgës  appartenant  k 
la  Société  asiatique.  On  ains^te  que  dés  înçsiires  ^bnt  prises 
pour  que  ces  ouvrages  ^ient  réintégrés  daiîs  ià  biblio- 
thèque. 

Les  personnes  dont  les  noms  suivent  Bont  présentées  et 
admises  comme  membres  de  la  Société  : 

MM.  le  comte!  Miif iscat^hi  ,  chambellan  de  S.*M.  rempe- 
reur  d'Autriche,  à  Vérone; 
lé  docteur  Dillmavm  ,  à  Tùlftngen^ 


OUVRAGES    OFFERTS    À    LA    SOCIETE    ASIATIQUE  , 

DAM    LA    MÈUB    siAHGE. 

Par  le  traducteur  :  Die  siehen  Weiseri  Meistêr  von  Naschebi 
(les  Sept  Sages  de  Naschebi) ,  ouvrage  traduit  du  persan  en 
allemand  par  M.  Érockhaus.  Leipsick,  i846,  in-4'. 


284  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Par  le  tradubleur  :  Fables  de  Lokman,  expliquées  d-âprès 
une  métliode  nouvelle,  par  M.  Gherbonneau.  Paris,  Impri- 
merie royale^  1846,  in-ia. 

Parle  traducteur,  :  Khelassdt  alHisah,  où  Essence  du  calcul 
de  Beha  «ddin  Mohammed  al  Amouli,  traduit,  d*après  la 
version  allemande ,  par  M.  Aristide  Marbe. 

Par  Tautcùr  :  Proposilions  pour  Vachèvement  des  Tuileries  et 
du  Louvre,  par  M.  Maudïjis.  Paris,  i846,  în-8'. 

Par  Fauteur  :  Symbobe  ad  r^m  nummariam  Mahammêda- 
norum  ex  mûseo  regio  Holmiensi,  Edidil  Ç.  J. .  Tobuberg. 
Upsal.  i846,  în-4'. 


M.  J.  Humbert,  associé  étranger  de  la  Société  et  correspondant 
(le  rïnstitut,  a  écrit'4  un  membre  du  Conseil  pour  ^  plaindre  de 
ce  que  son  nom  avait  cessé  de  paraître  sur  la 'liste  des  membres . 
associés  étrangers,  dont  il  fait  cependant  partie  depni|~  Tannée 
1839;  cette  réclamation  est  trop  fondée  pour,  que  le  bureau  ne 
s'«mpresse  pas  d'y  faire  droit.  En  attendant  que  le  nom  de  M.  J. 
tinmbert  soit  .rétabli,  dans  le  tableau,  à  la  place  qu*il  occupait 
d'après  la  date  de  sa  nomination  (7  septembre  1839) ,  le  bbreau  de 
la  Société  croit  de  son  devoir  de  déclarer  t{iie  c'est  par  une  omission 
involontaire  que  le  nom  de  M.  J.  Ilumbert  a  cessé,  depuis  quelques 
années,  de  faire  partie  de  la  liste  des  associés  étrangers  de  la  So- 
ciété asiatique. 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

OCTOBRE  1846. 


EXTRAIT  D'UN  MEMOIRE 

G£OGRAPHIQ|&,  HISTORIQUE  ET   SCIENTIFIQUE 

SUR  L'INDE, 

Antérieurement  au  milieu  du  xi"  siècle  de  Tère  chrétienne, 
d'après  les  écrivains  arabes ,  persans  et  chinois ,  par 
M.  Reinaud; 

Lu  dans  la  séance  publique  annuelle  de  l'Académie  royafe 
des  inscriptions  et  belles-lettiyBS ,  du  ai.  août  i846  ^ 


La  diffusion  actuelle  des  lumières  en  Europe  et 
dans  toutes  les  contrées  du  globe  où  l'activité  euro- 
péenne trouve  à  s'exercer,  rend  à  peine  croyable 
l'ignorance  absoli^e  où  la  société  indienne  a  été  main- 
tenue de  touttemps  par  rapport  aux  événements  qui 
s'étaient  passés  dans  son  propre  sein.  Rien  djBce  que 

^  Le  mémoire,  dont  ceci  n  est  qu'un  léger  aperçu,  paraîtra  dans 
le  tome  XVII  du  recueil  des  Mémoires  de  TAcadémie  des  inscrip- 
tions. 

VIII.  19 


286  JOURNAL  ASIATIQUE. 

nous  savons  n  approche,  à  cet  égard,  de  ce  qui  a  eu 
lieu  chez  les  Indiens.  Les  Grecs  et  les  Romains  ont 
depuis  longtemps  perdu  le  sceptre  de  la  puissance 
et  de  la  civilisation,  et  cependant  il  n'est  personne, 
panni  les  hommes  lettrés,  qui  ne  soit  au  courant 
des  pays  quils  occupèrent/ des  événements  aux- 
quels ils  prirent  part,  et  de  la  place  qu'ils  tinrent 
dans  les  annales  de  l'humanité.  On  a  longtemps 
accusé  les  Egyptiens  d'avoir,  à  l'époque  la  plus  bril- 
lante de  leur  histoire ,  négligé  de  recueillir  les  sou- 
venirs de  leurs  hauts  faits  ;  mais  1^  découvertes  de 
la  science  moderne  sont  venues  leifldisculper  sur  ce 
point.  Non  !  les  Sésostris  et  les  Osymandias  ne  dé- 
daignèrent pas  de  transmettre  leurs  noms  à  la  .der- 
nière postérité.  Bien  au  contraire,  ils  prirent  la 
peine  de  faire  percer  les  montagnes  et  de  répandre 
siïr  le  sol  égyptien  des  débris  de  rochers  couverts 
de  figures  et  de  légendes..  Si  les  caractères  dans  les- 
quels on  marquait  ces  iégendes  étaient  à  la  portée 
d'un  petit  nombre  de  personnes;  si  même,  à  la^uite 
des  changements  que  le  temps  amène  toujours  avec 
lui  ,•  on  en  perdit  tout  à  fait  l'intelligence ,  cela  prouve 
une  erreiu*  dans  l'emploi  du  moyen ,  mais  note  rien 
aux  intentions.  Partout  où  il  a  existé  une  société 
régulière  et  une  écriture,  il  y  a  eu  des  livres  et  des 
personnes  qui  y  cherchaient  l'instruction.  Le  moyen 
âge  lui-même ,  que  nous  flétrissons  de  l'épithète  de 
barbare,  ne  nous  a-t-il  pas  laissé  au  moins  l'indica- 
tion et  la*  date  de  ce  qu'il  vit  s'opérer  de  plus  im- 
portant ?  L'Inde  seule ,  qui  pourtant  donna  naissance 


1 

OCTOBRE   1846.  ^      287 

à  une  civilisation  aussi  originale  qu'ancienne,  et  où 
les  sciences  spéculatives  furent  toujours  cidtivées 
avecardeiu',  est  privée  de  géographie,  d'histoire  et 
des  documents  qui*  constituent  Tordre  des  faits. 

Ce  n  est  pas  que  dans  f  Inde  la. société  soit  restée 
immobile,  et  que  la  crainte  de  la  monotonie,  ait  ar- 
rêté les  écrivains.  Là,  comme  ailleurs ,  les  doctrines 
religieuses,  après  avoir  dominé  un  certain  temps, 
firent  place  à  d  autres  doctrines  ;  la  soif  du  pouvoir 
mit  les  armes  aux  mains  des  ambitieux;  les  secties 
se  combattii'ent  entre  elles  ;  les  trônes  furent  oppo- 
sés aux  trônes  ;  les  dynasties  supplantèrent  les  dy- 
nasties. A  mesure  qu*on  entrevoit  un  peu  de  jour 
dans  rhistoire  delà  presqu'île,,  on  reconnaît  que  nul 
pays  ne  fut  exposé  à  plus  de  déchirements  et  de 
révolutions.  » 

Pythagore  alla,  dit-on,  jusque  dans  l'Inde  pour 
étudier  la  sagesse  à  lecole  des  gymnosophistes. 
Alexandre  le  Grand  fit  mieux  ;  il  franchît  avec  une 
armée  formidabk  le  Caucase  indien,  appelé  aujour- 
d'hui Hindoukousch,  et  s'avança  au  delà  de  l'Indus. 
Or,  Alexandre  et  plusieurs  de  ses  compagnons 
étaient  doués  d'un  esprit  éclairé  et  capable  de  saisir 
ce  que  le  pays  offrait  de  particulier.  Mais,  à  cette 
époqpe,  les  doctrines  des  brahmanes  dominaient 
dans  cette  partie  de  l'Inde ,  et  l'on  sait  que  ces  doc- 
trines ne  sont  pas  favorables  aux  étrangers.  La  so- 
ciété, chea  les  brahmanistes,  est  partagée  en.  castes: 
celle  des  brahmes ,  qui  forme  la  caste  sacerdotale,  est 
chargée  du  dépôt  des  livres  sacrés  et  de  la  célébration 


288  JOURNAL  ASIATIQUE» 

des  cérémonies  du  culte.  La  caste  qui  vient  ensuite 
est  celle  des  kchatrias,  ou  des  guerriers  :  celle-ci  a 
pour  mission  de  défendre  |e  pays  quand  il  est  atta- 
qué. Les  deux  autres  castes  fournissent  à  la  société 
dés  laboureurs,  des  artisans  et  des  gens  de  service. 
Mais  nul  ne  peut  passer  d  une  caste  dans  une  autre, 
et  ceux  qui  sont  chassés  de  la  leur  sont,  jpoiu:  ainsi 
dire,  repoussés  de  la  société.  C'est  dans  la  dernière 
catégorie  que  sont  classés  les  étrangers.  Comme  ib 
n'ont  pas  été,  en  naissant,  piu-ifiés  d  après  cer- 
tains rites,  et  qu'en  général  ils  ne  montrent  pas  de 
respect  pour  les  institutions  locales,  ils  sont  rangés 
parmi  les  êtres  impurs,  et  Ton  évite  tout  contact 
avec  eux.  Combien  n  etait-il  donc  pas  difficile  pour 
les  Grecs  d'acquérir. une  connaissance  intime  d'une 
contrée  dont^ils  possédèrent  une  partie ,  et  dont  ils 
étaient  en  état  d'apprécier  les  divers  avantages  ! 
Les  Grecs  et  les  Romains ,  à  l'exemple  des  Phéni- 
ciens et  des  Egyptiens ,  vinrent  pendant  longtemps 
commercer  sur  les  côtes  maritimes  ;  mais  l'intérieur 
de  la  presqu'île  leur  était  fermé,  ou,  s'ils  y  péné- 
trèrent, ils  ne  trouvèrent  personne  poiœ  répondre 
à  leurs  questions. 

Dans  l'opinion  des  brahmanistes ,  qui  ont  fini  par 
exterminer  les  sectes  rivales,  et  qui  depuis  environ 
mille  ans  dominent  sans  partage  sur  la  presqu'île , 
le  monde  que  nous  habitons  a  son  temps  de. vie 
marqué;  mais  ce  temps*,  qui  se  monté  à  des  mil- 
lions d'années,  est  divisé  en  quatre  âges.  Dans  lé 
premier  âge,  l'homme  vécut  plujs  longtemps  qu'à  pré- 


OCTOBRE  1846.  289 

sept;  il  fut  plus  vertueux,  et  par  conséquent  plus 
heureux.  Dans  le  second  âge,  la  vertu  commença  à 
chanceler  et  le  vice  montra  la  tête  ;  dans  ie  troisième 
âge,  le  vice  prit  un  aspect  redoutable,  et  ies  gens 
de  bien  conçurent  de  la  crainte;  dans  le  quatrième 
âge,  qui  est  celui  dans  lequel  nous  ^yons  le  malheur 
de  vivrç,  le  vice  est  devenu  tout-puissant,  et  la 
vertu  na  pas  eu  d'autre  partf  à  prendre  que  de  se 
cacher.  Le  dernier  âge  a  commencé  l'an  3 102 
avant  notre  ère,  et  peut  par  conséquent  être  mis 
en  rapport  avec  la  chronologie  de  la  Bible.-  Quant 
aux  premiers  âges,  ils  sont  l'ouvrage  de  l'imagina- 
tion des  indigènes ,  et.  ils  ont  été  inventé?  unique- 
ment povu*  consoler  des  misères  de  la  vie  présente. 
Les  pouranas  et  les  autres  livres  brahmaniques  ne 
tarissent  pas  sur  les  événements  des  trois  premiers- 
âges;  ils  s'étendent  également  sur  la  première 
moitié  de  l'âge  présent,  période  sur  laquelle  atou- 
joiu-s  régné  la  plus  grande  incertitude  ;  mais  ils  ne 
disent  rien  sur  l'époque  la  plus  récente,  ou,  s'ils  en 
parlent,  c'est  au  hasard  et  hors  des  conditions  im- 
posées par  l'amour  de  la  vérité.  A  quoi  bon,  disent 
les  brahmanistes,  arrêter  ses  regards  sur  des  siècles 
de  perversité  et  de  honte  ?  Ne  vaut -il  pas  mieux  se 
reporter  par  la  pensée  à  un*  temps  où  chaque  chose 
étmt  à  sa  place,  et  où  le  bien  avait  son  empire 
assiu^é  ? 

Les  bouddhistes  qui,  dans  les  premiers  siècles  db 
notre  ère,  dominaient  sur  une  grande  pai'tie  de 
l'Inde,  et  qui,  encore  aujourd'hui,  sont  répandus 


290  JOURNAL  ASIATIQUE, 

dans  plusieurs  régions  de  l'Asie  orientale,  profes- 
sent des  opinions  moins  exclusives  que  les  brahma- 
nistes;  ils  i/admettent  pas  la  division  des  castes,  et 
c'est  ce  ^q[ui  leur  a  permis  de  se  propager  hors  de  la 
presqu'île.  S'ils  rejettent  la  mythologie  des  brahma- 
nistes,  ils  en  oqjt  imaginé  Une  autre  qui  n'est  guère 
plus  raisonnable.  Mais  ils  n'ont  pas  la  même  hor- 
reur que  leurs  adversaires  poiœ  les  choses  de  la  vie 
réelle.  On  trouve  dans  leurs  légendes,  même  dans 
celles  qui  sont  le  plus  absurdes ,  lès  hom$  des  prin* 
ces  qui  ont  contribué  au  succès  de  leur  religion, 
des  docteiu^s  qui,  par  leurs  écrits  et  la  pureté  de 
leur  vie ,  en  ont  rehaussé  l'éclat,  quelquefois  même 
des  personnages  qui  en  ont  combattu  le  triomphe: 
Les  livres  bouddhiques  peuvent  dolic  fournir  des 
renseignements  à  l'histoire,  et  ils  forment  une  source 
qui  ne  doit  pas  être  négligée. 

Mais  que  de  iacimes  dans  le  tableau  que  l'Euro- 
péen éclairé  se  fait  en  idée ,  et  qu'il  voudrait  voir  se 
réaliser!  Une -seule  remarque  suffira  pour  montrer 
,  l'insuffisance  des  documents  des  Indiens  pour  leur 
propre  histoire.  Le  nom  d'Alexandre  le  Grand  n  est 
pas  cité  mie  seule  fois  dans  les  traités  sanscrits  boud- 
dhiques ou  brahmaniques;  oxi  n'a  pas  pu  signaler 
jusqu'ici  im  seul  mot  qui  se  rapportât  àU  héros  ma- 
cédonien. Le  même  silence  existe  dans  les  annalfts 
chinoises,  qui  poiu^taiit  remontent  à  plusieurs  siè- 
cles avant  Alexandre.  En  d'autres  termes,  le  nom 
du  conquérant  n'a  pas  été  jugé  digne  de  trouver 
place    dans  les  témoignages  écrits  des  peuples  de 


OCTOBRE   1846.  291 

TAsie  orientale.  Que  dirait  le  fih  de  Philippe,  s'il  se 
voyait  ainsi  condamné  à  Toubli,  lui  que  les  exploits 
fabuleux  de  Bacchus  et  d'Hei'cuIe  empêchaient  de 
dormir,  et  qui,  plusieurs  fois,  s*exposà  à  la  mort 
poiu"  mieux  assurer  l'immortalité  de  sa  gloire  ! 

Un  point  sur  lequel  les  brahmanistes  et  les  boud- 
dhistes s  accordent,  c'est  le  dogme  de  iamétempsî- 
cose.  On  sait  que,  de  tous  temps,  les  Indiens,  frappés 
du  désordre  moral  qui  existé  sur  la  terre,  et  de  la 
nécessité  d^une  expiation  avant  d'arriver  à  une  vie 
meilleiu'e ,  ont  cru  à  la  transmigration  des  âmes  d'un 
corps  dans  un  autre  ;  quelquefois  même  du  corps 
d'un  homme  dans  celui  d'un  animal,  ou  du  corps 
d'un  animal  dans  celui  d'uij  homme.  C'est  en  vue 
dune  situation  plus  favorable  que,  à  toutes  les  épo- 
ques de  l'histoire ,  des  Indiens  se  sont  infligé  les  plus 
cruels  tourments ,  et  la  mort  même ,  pour  que  leur 
âme  entrât  dans  une  autre  demeure  ;  c'est  par  une 
suite  du  même  dogme  que  l'Indien  qui  s'expose  aux 
douieiu?s  les  plus  vives,  se  fait  scrupide  de  tourmen- 
ter un  animal  quelconque.  Cette  conduite,  qui  nous 
paraît  bizarre,  provient  d'ime  grande  honnêteté  de 
caractère.  L'Indien  se  croit  libre  de  faire  de  son 
corps  ce  qu'il  juge  convenable;  mais  il  n'ose  pas  dis- 
poser du  sort  de  son  semblable ,  gui  peut-être  est  en- 
fermé dans  le  corps  d'une  mouche  et  du  plus  vil  des 
insectes.  Le  croira-t-on  !  le  dogme  de  la  métempsy- 
cose a  contribué  à  jeter  le  trouble  dans  les  écrits 
des  indigènes.  Certains  personnages  réela  y  sont  re- 
présentés comme   ayant  vécu,  à  plusieiu-s  époques 


292  JOURNAL  ASIATIQUE. 

diffërentes.  Si  le  personnage  n  est  pas  connu  d'ail- 
leurs  ;  comment 'éclaircir  les  doutes  ? 

L'horreur  des  brahmanistes  pour  tout,  ce  qui 
entre  dans  la  classe  des  choses  ;réeiles  les  a  empêchés 
de  s'occuper  de  la  description  de  leur  propre  pays. 
Ils  se  sont  fait  ime  cosmogonie  qui  leur  est  propre; 
ils  ont  multiplié  le  nombre  des  cieux^  des  terres  et 
des  mers;  ils  ont  déterminé  la  nature  de  chaque 
terre  et  de  chaque  mer,  avec  les  êtres  qui  les  habi- 
tent. Leur  imagination ,  se  donnant  carrière,  semble 
n'avoir  rien-  oublié  de  ce  qui  peut  entrer  dans  une 
conception  humaine.  Mais  il  ne  leur  est  jamais  venu 
en  pensée  de  tracer ,  pour  une  époque  quelconque , 
une  liste  exacte  et  complète  des  provinces  et  des 
principales  villes  de  leur  empire.  J'ai  cherché  de 
tout  côté  pour  savoir  s'ils  avaient  créé  une  dénomi- 
nation poiu*  distinguer  le  golfe  du  Bengale  de  la  mer 
qui  baigne  la  côte  occidentale  de  la  presqu'île,  el  je 
n'ai  rien  trouvé.  L'île  de  Ceylan,  qui  est  le  siège 
d'ime  partie  des  traditions  nationales,  est  désignée 
par  un  nom  fabideux,  et  la  description  que  les  indi- 
gènes en  font  est  si  peu  exacte,  quon  se  prend  quel- 
quefois à  douter  de  son  identité. 

Qu'on  ne  dise  pas  qu'il  a  peut-être  existé  jadis 
une  description  géographique  du  pays,  et  que  jus- 
qu'ici cette  description  ne  nous  est  point  parvenue. 
Au  commencement  de  ce  siècle,  un  membre  de  la 
Société  asiatique  de  Calcutta  entreprit  de  recueillir- 
tout  ce  que  les  traités  sanscrits  renferment  de  relatif 
à  la  géographie.  Non-seulement  il  parcoiunit  pour 


OCTOBRE  1846.  293 

cet  objet  tous  les  livres  ^(m  étaient  à  sa  portée,  mais 
il  fit  un  appel  aux  savants  indigènes.  Les  résultats  de 
son  travail  ont  été  consignés  dans  le  huitième  vo- 
liunç  des  Recherches  asiatiques.  Comme  un  écrivain 
arabe  fort  instruit,  qui  visita  Tlnde  dans  là  première 
moitié  du  xi®  siècle,  et  qui  s'imposa  la  même  tâche , 
recueillit  à  peu  près  les  mêmes  docmnents,  on  est 
autorisé  à  croire  que  les  Indiens  n'en  ont  jamais 
possédé  d'avantage.  Or,  ces  documents  se  bornent 
à  des  listes  de  noms  en  partie  fabuleux,  et  qui  sont 
disposés  dans  un  ordre  astrologique. 

Les  bouddhistes  de  l'Inde ,  occupés  de  leurs  con- 
troverses religieuses  et  absorbés  dans  les  abstractions 
qui  constituent  leur  propre  cosmogonie,  ne  parais- 
sent pas  avoir  donné  beaucoup  plus  d'attention  au 
pays  qui  les  vit  naître.  Mais  on  peut  suppléer  à  leur 
silence  par  des  renseignements  puisés  ailleurs.  Dès 
avant  notre  ère,  le  bouddhisme  franchit  l'Himalaïa 
etJ'Hindoukousch,  et  se  répandit  en  Tartarie,  d'où 
il  pénétra  en  Chine.  Avec  les  doctrines,  s'étaient  in- 
troduits les  livres  où  elles  étaient  exposées,  et  les 
hommes  chargés  de  les  développer.  Mais,  avec  le 
temps, les  livres  s'usèrent;  il  se  présenta  des  difficul- 
tés que  personne  n'était  en  état  de  lever.-  Alors  on 
vit  à  plusieurs  reprises  des  Chinois ,  dévorés  du  ^èle 
de  la  foi ,  s'élancer  au  milieu  des  sables  et  des  pâtu; 
rages  de  la  Tartarie ,  franchir  les  montagnes  et  les 
rivières,  et  venir  çhercl^er  des  renseignements  et 
des  exemples  sur  les  bords  du  Gange,  aux  lieux 
mêmes  où  le  bouddhisme  avait  pris^  naissance. 


294  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Parmi  les  relations  des  bouddhistes  chinois  qui 
nous  sont  parvenues,  les  deux  principales  sont  celles 
qui  ont  pour  auteurs  Fa-hian  et  Hiuen-thsang.  Le 
premier  visita  llnde  au  commencement -du  v*  siècle, 
et  ié  second  dans  la  première  moitié  du  vn',  deux 
époques  fort  intéressantes  et  pour  lesquelles  nous 
manquions  de  témoignages  authentiques.  L'un  et 
Tautre  voyageur  étaient  conduits  par  le  zèle  reli- 
gieux; ce  qui  les  touche  principalement,  ce  sont 
les  traditions  relatives  à  la  personne  du  fondateur  de 
leur  secte,  et  à  la  secte  elle-même.  Ils  racontent  du 
ton  de  la  conviction  la  plus  profonde  lés  exemples 
de  dévouement  par  lesquels  Bouddhah  signala  sa, 
carrière,  et  les  prétendus  miracles  qu'il  opéra.  Ils 
décrivent  les  temples  et  les  tours  qui  fin^ent  élevés 
en  son  honneur ,  et  les  couvents  où  Ton  cherchait 
à  s'inspirer  de  son  esprit.  Mais  dans  rintervalle  de 
ces  pieuses- recherches,  ils  retracent,  avec  plus  ou 
moins  de  précision ,  la  route  qu'ils  suivirent  et-  les 
villes  qu'ils  traversèrent;  ils  font  mention  de  certains 
personnages  dont  le  souvenir  était  resté  présent -dans, 
le  pays. 

Notre  siècle  qui,  au  milieu  de  l'importance  tou- 
jours plus  grande  qu'acquièrent  les  intérêts  matérids, 
n'oublie  pas  les  purs  travaux  de  l'esprit,  aborde  de 
temps  eh  temps  les  sujets  qui  semblaient  épuisés  ou 
voués  à  une  éternelle  stérilité.  Est-il  besoin  de  rap- 
peler le  brillant  essor  qu'ont  pris  dans  ces  derniers 
temps  les  études  égyptiennes,  et  n'y  a-t-il*p8s  lieu 
d'espérer  que ,  grâce  à  des  découvertes  récentes , 


OCTOBRE  1846.  295 

l'antique  civilisation  assyrienne  lèvera  un  coin  du 
voile  qui  là  cachait  à  lios  yeux?  Llnde  n a  pas  été 
négligée ,  et  plusieurs  savants  essayent  en  ce  moment 
de  fixer  les  principaux  points  de  son  histoire.  JTai 
formé  la  même  entreprise;  et  ce  qui  ma  encouragé, 
c'est  que  j'avais  la  facilité  d'aborder  le  sujet  par  un 
côté  qui  n'avait  pas  encore  été  examiné  d'une  ma- 
nière convenable.  La  disette  des  documents  indi- 
gènes met  dans  la  nécessité  de  se  pourvoir  ailleurs. 
L'Inde  est  bornée  à  l'ouest  parla  Perse  et  par  l'em- 
pire que  les  Arabes  fondèrent  au  vn*  siècle.  La  lit- 
tératiu'e  arabe  et  la  littératiu'e  persane,  telle  qu'elle 
nous  est  parvenue,  ne  remontent  pas  au  delà  de 
cette  époque;  elles  ne  commencent  guère  qu'avec 
Mahomet  et  la  religion  qu'il  prêcha.  Mais,  dès  le  mi- 
lieu du  VII*  siècle ,  les  musulmans  ayaient  envahi  la 
Perse  et  s'étaient  approchés  de  IXJxus  et  de  l'Indus. 
Au  commencement  du  viii®  siècle,  la  vallée  de  l'In- 
dus fut  subjuguée ,  et  les  musulmans  se  trouvèrent 
mêlés  aux  populations  brahmanistes  et  bouddhistes 
qui  alors  se  pàrtagaient  le  pays.  Rien  ne  les  empê- 
chait de  recueillir  des  notions  exactes  sur  une  société 
si  nouvelle  pour  eux,  et  chez  laquelle  les  traditions 
nationales  n'étaient  pas  encore  altérées. 

J'ai  cherché  à  tirer  parti  du  récit  dès  deux  voya- 
geurs bouddhistes  chinois.  Leurs  témoignages  m'ont 
fourni  l'explication  de  certains  passages  arabes  et 
persans,  qui,  sans  leur  secours,  auraient  été  inin- 
telligibles; à  leiu"  tour,  les  témoignages,  arabes  et 
persans  m'ont  permis  de  faire  usage  dé  certaine  pas- 


296  JOURNAL  ASIATIQUE. 

sages  chinois  qui  par  eiix-mêmes  ne  présentaient 
pas  pour  nous  de  sens  plausible.  J  ai  dit  que  les  deux 
relations  chinoises  avaient  été  rédigées,  Tùne  au 
commencerhent  du  v®  siècle,  et  l'autre  vers  le  milieu 
du  v^^  Ce  fut  quelques  années  seulement  après  la 
rédaction  Je  la  deuxième  relation ,  que  les  Arabes 
envahirent  les  contrées  dont  il  s'agit  dans  mon  mé- 
moire. Or,  à  cet  époque,  les  dénominations  géogra- 
phiques, qui  ont  beaucoup  changé  depuis,  étaient 
restées  en  général  les  mêmes.  i 

Je  vais  essayer  d'indiquer  quelques-uns  des  résul- 
tats de  mon  triavail.  Je  ne  me  dissimule  'pas  Imcon- 
vénient  du  sujet  que  je  traite  en  ce  moment.  Cet 
inconvénient  est  si  manifeste ,  que  jaiœais  pu-mé  dis- 
penser d'en  parler^  et  qu'on  s'en  est  saiis  doute  déjà 
ressenti  par  ce  qui  précède.  L'homme  ne  s'intéresse 
qu'aux  choses  qui  affectent  ses  sympathiesjou  qui  se 
rattachent  à  ses  souvenirs.  Qu'on  lui  parle  dçs  grands 
hommes  avec  lesquels  il  a  déjà  fait  connaissance, 
ou  bien  qu'on  l'entretienne  de  ce  qui  touche  à  ses 
opinions,  sa  curiosité  est  éveillée,  et  il  saisit  la 
moindre  allusion;  mais  s'il  s'agit  de  matières  dont  il 
ne  s'est  pas  occupé,  ou  qui  n'entrent  pas  dans  les  in- 
térêts du  moment,  il  reste  indifférent  ^et  froid. 

Les  livres  sanscrits  intitulés  Vêdasy  qui  paraissent 
remonter  aux  temps  les  plus  anciens  de  la  société 
indienne,  enseignent  le  culte  des  éléihents,  des  astres 
et  desprincipalesforees  de  la  natiu^e.  Les  hommages 
des  indigènes ,  à  cette  époque  reculée  ,  s'adres- 
saient au  soleil,  au  feu,  et  à  ce  qui  ordinairement 


OCTOBRE  1846.  2d7 

frappe  le  plus  vivement  les  sens  et  l'imagination. 
Tel  est  le  cuite  qui  paraît  avoir  dominé  jadis,  non- 
seulement  dans  rinde ,  mais  dans  la  Pei*se.  Dans 
rinde ,  les  forces  de  la  nature  se  personnifièrent  peu 
à  peu,  et  Ton  en  vint  à  reconnaître  trois  divinités 
principales,  à  savoir  :  Brahma,  Siva  et  Vichnon. 
Èrahma  était  la  puissance  créatrice ,  Siva  la  puissance 
qui  détruit,  et  Vichnou  la  puissance  qui  conserve. 
Ces  trois  divinités  avaient  d'ailleurs  leurs  intérêts  et 
leurs  passions,  leurs  affections  et  leurs  antipathies; 
elles  agissaient  chacime  dans  une  sphère  particulière , 
à  peu  près  comme  lès  dieux  cKantés  par  Homère. 
Vers  le  milieu  du  vi*" siècle  avant  notre  ère,  Zo- 
roastre  opéra  une  réforme  en  Perse,  et  Bouddhah  une 
autre  réforme  sur  les  bords  du  Gange.  Zoroastre  fut 
surtout  frappé  de  l'espèce  d^aotagonisme  qui  existe 
entre  nos  bons  et  nos  mauvais  penchants;  et,  tout  en  « 
maintenarrt  le  cidte'du  feu,  il  établit  le  dogme  des 
deux  principes ,  dont  l'un  était,  par  sa  nature,  l'ami 
du  bien ,  et  l'autre  l'ami  du  mal.  Quant  à  Bouddliah , 
aux  yeux  dç  qui  l'acte  le  plus  simple  de  la  vie  était 
une  charge  pesante  pour  la  faiblesse  humaine,  il 
plaça  le  bonheur  suprême  dans  le  repos  et  dans  le 
détachement  de  toutes  les  choses  sensibles.  Suivant 
lui,  tous  nos  efforts  doivent  tendre  à  briser  notre  vo- 
lonté, et  à  mériter  que  dans  un  autre  monde  notre 
âme  soit  dispensée  d'exercer  aucune  de  ses  facultés. 
Chose  singulière  !  l'Indien,  faible  et  endurant,  finit 
par  se  révolter  cohtre  une  doctririe  qui  le  gênait 
dans  le  développement  de  ses  passions.  Le  botid- 


298  JOURNAL  ASIATIQUE, 

dhisme,  qui  pendant  les  premiers  siècles  de  notre 
ère  luttait  avec  avantage  contre  le  bralunanisme, 
fut  chassé  de  la  presqu'île ,  et  n  y  a  plus  reparu  de- 
puis. Le  brahmanisme,  triompha  également  dans  les 
îles  de  Java  et  de  Siunatra,  ainsi  que  dans  la  pres- 
qu'île de  Malaka.  Mais,  chose  non  moins  remar- 
quable, le  bouddhisme  se  maintint  et  se  maintient 
encore  dans  la  Chine  et  dans  Tîle  de  Geyian ,  ainsi 
que  parmi  les  populations  énergiques  de  la  Tartane, 
de  la  presqu'île  au  delà  du  Gange  et  du  Japon. 
Le  bouddhisme  est  aujourd'hui  ime  des  religions 
qui  comptent  le  plus  de  sectateurs. 

Mais  les  réformes  de  Brahma,  de  Zoroastre  et 
de  Bouddhah  ne.  furent  pas  tellement  absolues  qu'il 
ne  restât  plus  de  vestiges  du  culte  primitif.  Gest  ici 
que  commence  la  partie  nouvelle  de  mon  travail. 
Hérodote,  quoique  venu  un  peu  après  Zoroastre, 
représente  le  culte  des  Perses  comme  étantresté,  sous 
quelques  rapports ,  le  même  que  par  le  passé,  D'un 
autre  côté ,  le  brahmanisme,  qui  n'avait  pas  oublié  le 
point  d'où  il  était  parti,  laissa  subsister  à  côté  de  lui  les 
anciennes  pratiques,  là  où  elles  avaient  conservé  les 
sympathies  populaires.  Le  cidte  du  soleil  se  main- 
tint principalement  à  Moultan  et  dans  les  provinces 
voisines.  Quand  Hiuen-thsang  visita  Moultan,  vers 
l'an  6/io,  il  y  trouva  im  temple  du  soleil  avec  une 
statue  érigée  à  ce  grand  luminaire;  au  temple  étaient 
annexées  des  maisons  poiu*  le  logement  des  pèlerins 
qui  affluaient  de  toutes  les  provinces  de  la  presqu'île, 
et  des  étangs  poiu*  la  purification  des  personnes  qui 


OCTOBRE  1%46.  299 

avaient  contracté  quelque  souillure.  Le  temple ,  la  sta- 
.tue  et  les  étangs  existaient  encore  quand  les  Arabes 
arrivèrent  pour  la  premièr^fois  dans  là  vallée  de  Tln- 
dus.  Les  musulmans  n  osèrent  pas  détruire  un  sanc- 
tuaire qui  faisait  la  gloire  et  la  richesse  de  la  con- 
trée ;  mais ,  afin  de  montrer  leur  horreur  pour  la  su- 
perstition indienne ,  ils  attachèrent  au  cou  de  la  statue 
un  morceau  de  viande  de  vache ,  animal  sacré  pour 
les  indigènes.  Plusieurs  fois,  les  princes  du  pays  pri- 
rent les  armes  pour  arracher  c.e  sanctuaire  des  mains 
d*hommes  qu'ils  regardaient  comme  impurs.  Mais  à 
leur  approche,  Témir musulman  menaçait  de  mettre 
Tidole  en  pièces  ou  de  livrer  le  temple  aux  flammes , 
et  aussitôt  des  armées  innombrables  rebroussaient 
chemin.  Les  brahmanistes  regardent  \e  territoire  de 
Moultan  comme  gacré ,  et  pour  rendre  hommage  à 
lancienneté  du  culte  qui  y  était  célébré,  ils  ratta- 
chent le  nom.de  cette  ville  à  deux  mots  sanscrits 
qui  signifient  lieu  de  t origine  des  choses. 

Je  passe  à  une  autre  question.  Le  brahmanisme 
étant  devenu  triomphant  dans  la  presqu'île ,  la  caste 
des  brahmes  essaya  d'attirer  tout  à  elle.  On  lit  ces 
mots  dans  le  code  de  Manou  :  «  Le  brahmane  en  ve- 
nant au  monde  est  placé  au  premier  rang  sur  cette 
terre;  souverain  seigneur  de  tous  les  êtres,  il  doit 
veiller  à  la  conservation  du  trésor  des  lois.  Tout  ce 
que  ce  monde  renferme  est  la  propriété  du  brah- 
mane ;  par  sa  naissance,  jl  adroit  atout  ce  qui  existe.  » 
Ce  n'est  pas  que  de  tout  temps  on  n'ait  vu  dans  la 
presqu'île  des  hommes  des  dernières  classes  s'élever 


300  JOURNAL  ASIATIQUE, 

au  faîte  de  ia  puissance.  Mais ,  afin*  de  faire  croire 
que  toute  entreprise  de  ce  genre  était  une  usurpa- 
tion sacrilège,  les  brahmanes  représentèrent  leur 
caste  comme  étant ,  à  lorigine  -de  ia  société  in- 
dienne, investie  de  tous  les  pouvoirs.  '  D  après  les 
pouranas  et  les  livres  de  légendes,  les  kchatrias ,  qui 
en  leur  qualité  de  guerriers  disposaient  de  la  force 
publique ,  furent  d'abord  mis  en  possession  de  la 
royauté;  mais  à  peine  ils  eurent  commencé  à  exer- 
cer 1  autorité,  que,  se  livrant  à  tous  les  excès,  ils 
s  attirèrent  lanimadversion  générale ,  ce  qui  obligea 
de  remettre  les  rênes  dû  gouvernement  aux  npiinis- 
tres  de  la  religion.  Voilà  le  fait  sur  lequel  les  brahr 
mânes  fondent  leurs  prétentions.  Mais  une  relation 
persane ,  rédigée  d  après  un  ancien  traité  sanscrit 
qui  ne  nous  est  point  parvenu ,  rapproche  le  fait  de 
plusiem^s  siècles,  et  le  place  à  une  époque  où  de- 
puis longtemps  la  société  indienne  était  constituée. 
Dès  lors ,  ce  fait  n*est  plus  qu  un  de  ces  mille  incidents 
qui  varient  sans  cesse  la  face  mouvante  des  temps. 

Voici  une  troisième  question.  Peu  de  temps  après  ' 
la  mort  d'Alexandre  le  Grand ,  quelques  aventuriers 
grecs  profitèrent  de  1- ébranlement  général  qu'avaient  - 
occasionné  les  conquêtes  de.  cet  homme  extraordi- 
naire, pour  se  créer  des  principautés  danslaBactriane, 
au  midi  de  THindoukousch  et  dans  la  vallée  de  Wn- 
dus.  Ces  aventuriers  furent  ensuite  supplantés  par 
d  autres  aventuriers  nés  sm;  les  lieux,  ou  venus  du. 
.Thibet  et  des  régions  de  la Tartarie.* Plusieurs  de  ces 
princes  paraissent  avoir  exercé  une  grande  puis- 


OCTOBRE  1846.  301 

sance.  Mais  tel  fut  le  peu  de  retentissement  que 
leur  domination  eut  dans  TAsie  occidentale  et  en  Eu- 
rope, que  les  écrivains  grecs  et  romains  nous  ont  à 
peine  transmis  le  nom  de  quelques-uns  d  entre  eux. 
Ces  princes  avaient,  comme  tous  les  monarques  de 
leur  temps,  fait  battre  monnaie,  et  la  monnaie  jpor- 
tait  des  légendes  grecques.  Leurs  barbares  succes- 
seiu:s  les  conservèrent  d'abord;  ensuite,  ils  joigni- 
rent à  ces  légendes  grecques  des  légendes  indigènes; 
enfin ,  Tinfluence  grecque  s  étant  éteinte  *  on  ne 
fit  pliis  usage  que  de  légendes  barbares.  Au  com- 
mencement de  ce  siècle ,  on  ne  connaissait  que 
deux  ou  trois  pièces  de  cette  classe  de  médailles  ; 
maintenant,  grâce  aux  eiFôrts  de  quelques  officiers 
français  que  les  chances  de  la  guerre  conduisirent 
dans  la  vallée  de  Tlndus,  et  grâce  aux  recherches 
des  agents  anglais ,  qui  trouvent  de  grandes  facilités 
dans  ces  régions  éloignées,  le  nombre  des  typés  con- 
'niis  s*élève  à  plus  de  cent.  Or,  par  une  sorte,  de 
fatalité  attachée  à  toutes  leschoseé  de  ilnde,  tandis 
que  les  médailles  grecques  frappées  en  Egypte ,  en 
Syrie  et  en  Perse ,  portent  ordinairement,  outre 
une  tête  et  un  attribut,  une  date  et  ^indication  de 
la  ville  où  la  pièce  a  été  battue ,  les  médailles  grec- 
ques frappées  aux  environs  de  fin  dus  n  offrent  que 
la  tête  et  fattribut.  Jusqu'ici,  bien  qu'en  général 
ces  médailles  présentent  un  aspect  très -facile  à  re- 
connaître, il  a  été  impossible  de  fixer  la  succession 
des  personnages  et  de  déterminer  lequel  d'entre  eux 
est  le  père  ou  le  fils.  On  n'a  pas  pu  non  pluss'as- 
VIII.  20 


302  JOURNAL  ASIATIQUE. 

surer  du  lieu  précis  où  chacun  de   ces  princes  a 

régné. 

.  Parmi  les  têtes  de  rois  barbares  qu'on  rencontre 
le  plus  souvent  sur  ces  médailles,  il  y  a  celle  d'un 
prince  nommé  en  grec  Kanerkès.  Je  suis  parvenu 
à  rapprocher  ce  nom  de  celui  d  un  personnage  qui 
est  appelé  par  un  écrivain  arabe  Kanika ,  par  les 
deux  voyageiu*s  bouddhistes  chinois  Kanika  et  Ko- 
niska^  et  par  les  écrivains  sanscrits  Kanischka.  Eln 
combinant  ces  diverses  données,,  je  suis  arrivé^au 
résultat  suivant  :  Kanerkès  était  un  prince  de  race 
scythe ,  ou,  comme  disent  les  écrivains  arabes  etper^ 
sans ,  de  race  tuj^que ,  et  il  tirait  son  origine  des 
pays  situés  au  nord  du  Thibet.  Il  vivait  dans  le 
siècle  qui  a  précédé  notre  ère,  et  sa  faniille,  après 
la  chute  des  aventuriers  grecs ,  se  rendit  maîtresse  de 
la  vallée  de  Kaboul.  Pour  lui,  il  étendit  ses  conquê- 
tes à.lorient  de  l'Indus,  dans  le  Pendjab  et  le  Ca- 
chemire ,  ainsi  qu  au  nord  de  THindoukousch ,  dans 
le  Tokharestan.  Kanerkès  resta  longtemps  fidèle  à 
T-espritde  ses  ancêtres,  qui,  contents  de  reconnaître 
intérieurement  quelques  dogmes  bien  simples ,  se  sou- 
mettaient dans  la  pratique  au  culte  qu  ils  trouvaient 
établi.  Mais  à  Ja  fin  il  embrassa  le  bouddhisme , 
et  il  devint  Tun  de  ses  plus  zélés  propagateurs.  Hu- 
sieurs  édifices  magnifiques,  notaniment  des  cou- 
yent3  et  des  toiu's,  furent  élevés  par  ses  ordres  à 
Peichaver  et  dans  d  autres  villes  de  ses  Etats.  Quand 
les  Arabes  firent  la  conquête  de  Peichaver,.  au  com- 
naencemenl  du  xi-  siècle ,  on  admirait  encore  les 


OCTOBRE  18^6.  305 

restes  d  un  monastère  fondé  par  Kanerkès,  el  qui  pas- 
sait pour  un  chef-d  œuvre  de  Tart..  Ce  fut  sous  le 
même  règne  que  cinq  cents,  docteurs  bouddhiste 
s'assemblèrent  dans  ia  vallée  de  Cachemire ,  pour 
régler  certains  points  de  dogme  et  .de  discipline. 

Les  livres  sanscrits  rédigée  par  les  brahmanisteSi 
célèbrent  en  toute  occasion  un  prince  de  leur  secte 
qui  régnait  à  Odjein,  dans  la  province  du  Malva, 
vers  le  milieu  du  siècle  qui  précéda  notre  ère.  Ce 
personnage,  appelé  Vikramaditya,a  donné  çoh  nom 
à  une  ère  encore  usitée  dans  la  presqu'île.  On  vante 
beaucoup  son  zèle  éclairé  pour  les  sciences  et  les 
lettres,  et  1  éclat  qui  so  faisait  remarquer  à  sa  cour. 
Mais  le  mot  Vikramaditya  est  une  dénomination  com- 
posée ^  qui  signifie  en  sanscrit  soleil  de  la  force  ou 
fort  comme  le  soleil,  et  il  a  servi  à  désigner  d'autres 
.  souverains.  Un  auteur  arabe  et  le  voyageur  chinois 
Hiuen-thsang  font  mention  d'un  Vikramaditya  qui, 
vers  le  milieu  du  1*"^ siècle  de  l'ère  chrétienne,  ré- 
gnait à  l'orient  du  Gange ,  dans  la  ville  deSravasti, 
et  qui  donna  aussi  naissance  à  une  ère  particulière. 
C'est  ce  Vikramaditya,  et  non  pas  comme  on  l'avait 
cru,  le  premier,  qui  ébranla  la  puissance  de  la  fa- 
mille de  Kanerkès, 

Dans  rjnde ,  comme  dans  nos  contrées  ocçiden: 
taies,  les  peuples  du  nord  de  l'Asie  et  de  l'Europe 
ont  été  longtemps  en  possession  d'empjéter  siu*  les 
peuples  du  midi.  Un  savant  illustre,  M.  Abel-Biému- 
sat,  a  cru  que  les  armées  chinoises  avaient  aussi 
franchi  l'Hindoukousçh  et  l'Himalaïa,  et  avaient  dé- 


304  JOURNAL  ASIATIQUE, 

ployé  letendard  du  céleste  empire  dans  TÂfghanis- 
tan  actuel  et  dans  d  autres  provinces  de  l'Inde.  D  est 
certain  que,  vers  fe  commencement  de  notre  ère, 
les  armées  chinoises  s'avancèrent  jusqu'aux  environs 
de  la  mer  Caspi^ane,  et  que  d'ailleurs  de  tout  temps 
les'  populations  sauvages  de  la  Tartarie  ne  purent 
manquer  de  rendre  hommage  à  une  civilisation  déjà 
ancienne.  Mais  rien  ne  prouve  qtie  les  guerriers  de 
la  Chine  aient  jamais  dépassé  les  montagnes  escarpées 
qui  séparent  l'Inde  de  la  Tartarie.  Ce  qui  a  trompé 
M.  AJ)el-Rémusat,  c'-est  l'erreur  où  il  était  par  rap- 
port à  certaines  dénominations  géographiques.  Les 
écrivains  arabes,  chinois  et  sanscrits  font  mention 
d'une  contrée  qu'ils  nomment  Gandhara ,  et  il  résulte 
de  leurs  récits  que  cette  contrée  était  située  au  nord 
de  la  province  de  Peichavér,  sur  la  rive  occidentale 
du  haut  Indus.  Plus  d'une  fois  les  armées  du  Jlls  da 
ciel  s'avancèrent  jusque  sur  le  territoire  du  Gandhara. 
M.  Aheï-Rémusat  a. pris  le  Gandhara  pour  la  pro- 
vince actuelle-  de  -Candahar,  et  une  fois  les  Chinois 
introduits  dans  l'intérieur  de  l'Afghanistan ,  il  n'en 
coûtait  pas  d'avantage  de  les  fah'e  promener  ailleurs. 
J'ai  dit  que  le  voyageur  bouddhiste  Fa^hian,  vers 
la  fin  du  IV®  siècle,  quitta  sa  patrie  pour  se  rendre 
sur  les  bords  du  Gange.  C'était  l'époque  la  plus  bril- 
lante du  bouddhisme  dans  la  presqu'île.  Dans  TAf- 
ganistan  actuel,  les  couvents  bouddhistes  se  prolon- 
geaient jusqu'au  milieu  des  gorges  sauvages  de 
l'Hindoukousch.  A  Canoge,  et  dans  toute  la  vallée 
du  Gange ,  le  bouddhisme  était  la  religion  dominante 


^  OCTOBRE  1846.  305 

Fa-hian  retrouva  aux  environs  de  ilndùs  quelques- 
unes  des  villes,  nQtainmetit  Taxila,  dont  il  est  parlé 
dans  le  récit  des  guerres  d'Alexandre.  M.  Abel-Ré- 
musat,  qui  a  publié  une  traduction  de  la  relation  de 
Fa-hian ,  accompagnée  dun  savant  commentaire ,  a 
pris  la  ville  de  Peichaver.pour  la  capitale  du  pays 
des  Baloutches,  et  il  s  est  égaré  dans  cette  partie  de 
Titinéraire. 

Un  écrivain  indien  nommé  Varaha-Mihira ,  lequel 
florissait  vers  la  fin  du  v®  siècle,  a,  dans  un  de  ses 
ouvrages,  présenté  le  tableau  du  culte  indigène ,  tel 
quïl  était  pratiqué  de  son  temps.  Le  traité  original 
d'où  ce  tableau  est  tiré  ne  nous  est  point  parvenu; 
mais  le  passage  en  question  nous  a  été  conservé  par 
un  écrivain  arabe.  Il  résulté  dé  ce  tableau,  que  le 
culte  brahmanique  était  à  peu  près  ce  qu'il  est  au- 
jourd'hui. La  seule  chose  à  remarquer,  c'est  qu'il 
n'y  est  pas  iPait  mention  de  Crichna,  qui  est  aujour- 
d'hui regardé  comme  ime  Incarnation  de  Vichnou, 
et  qui  tient  une  très-grande  place  dans  le  culte  na- 
tional. Le  nom  de  Crichna  n'est  pas  non  plus  indiqué, 
dans  les  livres  sanscrits  qui  portent  le  cachet  d'urie 
certaine  antiquité,  et  d^à  l'illustre  Colebrooke  avait 
émis  l'opinion  que  le  culte  rendu  à  ce  personnage 
était  postérieur  au  développement  du  brahmanisme. 
Quelques  indianistes  ont  persisté  à  croire  que  déjà , 
au  temps  de  l'inVasion  d'Alexandre ,  Crichna  jouait 
un  rôle  divin.  Le  silence  de  Varaha-Mihîra  me  porte 
à  penser  qu'il  faut  reculer  lé  culte  de  Crichna  après 
le  IV®  siècle  de  notre  ère.  Crichna,  avec  lés  cirçons- 


306  jF  JOURNAL  ASIATIQUE, 

tances  qui ,  dans  lopinion  de  ses  partisans ,  accom- 
pagnèrent sa  naissance ,  avec  les  aventures  de  sa  jeu- 
nesse, les  exploits  de  son  âgé  mûr,  et  le  caractère 
dramatique  qui  s  attache  à  ses  principales  actions, 
est  devenu  la  divinité  la  plus  populaire  de  la  pres- 
qu'île. Le  Y®  et  le  vi^  siècle  furent  un  moment  de 
crise  pour  le  bouddhisme  et  le  brahmanisme;  si 
c  est  réellement  dans  ce  moment  que  le  caractère 
de  Crichna  s  est  fixé ,  il  y  alieu  de  periser  que  les  brah- 
manistes  se  servirent  de  ce  personnage  romanesque 
pour  émouvoir  Tesprit  des  masses  et  renverser  le 
parti  de  leurs  adversaires. 

Cosmas,.  écrivain  grec  d'Egypte,  de  la  première 
moitié  du  vi'  siècle ,  rapporte  que ,. dé  son  temps ,  l'é- 
clat du  nom  romain ,  qui  pendant  longtemps  avait 
tenu  la  première  place  dans  les  mers  orientales,  coin- 
mençait  à  pâlir,*  et  que  les  Persans  avaient  acquis  la 
prééminence.  A  Ceylan  et  sur  les  côtes  de  Malabar, 
le  sceptre  du  commerce^  était  entre  les  mains  des 
Persans.  On  sait  que  c'est  par  l'Egypte  que  l'empire 
romain  communiquait  avec  les  pays  du  poivre  et 
des  autres  épiceries  ;  or ,  à  mesuré  que  la  partie  oc- 
cidentade  de  l'empire  devint  la  proie  des  barbares, 
le  goût  du  luxe  et  la  consommation-  des  produits 
de  rinde  diminuèrent  à  proportion.  Les  écrivains 
arabes  et  persans  s'accordent  à  dire  qu'à  la  même 
époque  le  golfe  Persique  était  sillonné  parles  navires 
arabes,  persans,  indiens  et  même  chinois,  et  que 
les  rives  du  Tigre  et  de  l'Euphrate  étaient  le  centre 
d'un  vaste-commerce.  Ces  écrivains  nous  apptt*ennent 


OCTOBRE  1846.  307. 

de  plus  que,  vers  le  milieu  du  vi''  siècle,  le  roi 
Cosrôès-Nouschîrevan  fit  une  invasion  dans  la  partie 
inférieure  de  la  vallée  de  l'Indus,  qui,  au  temps  de 
Darius,  fils  d'Histaspe,  formait  une  province  perse, 
et  que  même  il  envoya  une  flotte  siir  les  côtes  de 
Ceylan,  où  apparemment  les  marchands  persans 
avaient  été  victinies  de  quelque  injustice. 

J'ai  déjà  parlé  du  bouddhiste  chinois  Hiuen- 
tlisang,  qui,  dails  la  première  moitié  du  vn*  siècle, 
parcoiutït  diverses  provinces  de  rinde.Hiuen-thsang, 
à  l'exemple  de  Fa-hian ,  traversa  la  Tartârie'^  mai^.il 
suivit  une  autre  route  et  il  arriva  dans  la  vallée  de 
Kaboul  par  les  gorges  de  Bamian.'  Dans,  la  vallée  dé 
Baniian,  il  aperçut  les  figures  colossales  sculptées 
sui'  le  roc,  lesquelles  ont  été  décrites  pour  la  pre- 
mière fois ,  il  y  a  quelques  années ,  par  le  voyageur 
anglais  Alexandre  Burnes»  11  nous 'apprend  que  ces 
représentations  étaient  bouddhiques,  et  comme  le 
bouddhisme  ne  s'est  montré  dans  ces  régions  qu'a- 
près l'invasion  d'Alexandre ,  on  peut  afiirmer  qu'elles 
ne  remontent  pas  à  une  haute  antiquité. 

Hiuen-th^ang  fut  douloureusement  affecté  de 
l'état  de  décadence  où  il  trouva  le  bouddhisme!  Les 
couvents  étaient  délaissés,  lès  temples  tombaient  en 
ruine.  Dans  plusieurs  provinces,  le  gouvernement 
était  resté  bouddhiste  ;  niais  partout  le  brahmanisme 
prenait  un  aspect  menaçant. 

A  l'occident  et  à  ïorient  de  lïndus,  le  voyageur 
trouva  encore  debout  plusieurs  des  villes  qui  figu- 
rent dans  le  récit  de  finvasion  d'Alexandre.  Mais 


308  JOURNAL  ASIATIQUE, 

ces  villes  étaient  déchues,  et  elles  ne  tardèrent  pas 
à  disparaître  de  la  scène  du  monde.  Sur  les  bords 
du  Gange,  aux  environs  de  la  ville  actuelle  dç  Patna, 
on  voyait  quelques  restes  de  Tantique  Palibothra, 
qui,  quelques  années  après  la  retraite  d'Alexandre, 
fiit  la  capitale  des  Etats  du  roi  Sandracotus,  et  où 
les  ambassadeurs  de  Séleucus  Nicator  firent  quel- 
que séjour.  Ces  débris  existaient  encore  au  commen- 
cement du  xf  siècle,  quand  les  musulmans  déployè- 
rent pour  la  première  fois  leur  étendard  sur  les  bords 
du  Gange;  maintenant,  ils  sont  tellement  effacés, 
que  Tilî^tre  d'Anville  en  avait  fixé  la  place  à  près 
de  cent  lieues  à  l'ouest.  Ces  sortes  de  vicissitudes, 
qui  sont  de  tous  les  tenips  et  de  tous  les  lieux,  sont 
plus  fréquentes  dans  Tlnde  que  partout  ailleurs. 
Dans  rinde ,  si  on  excepte  la  demeure  royale  et  les 
édifices  publics,  on  bâtit  en  terre  et  en  jonc.  B  n'en 
coûte  donc  pas  autant  que  chez  nous  ,  pour  cons- 
truire ime  vaste  cité  :  ajoutez  à  cela  que,  par  un 
sentiment  d orgueil  qui  na  rien  d élevé,  les  princes 
orientaux  se  font  quelques  fois;  im  jeu  de  déplacer 
une  ville,  uniquement  pour  faire  passer  plus  sû- 
rement leur,  nom  à  la  postérité.  Néron  niit  le  feu  à 
la  ville  éternelle  pour  avoir  Iç  plaish»  de  la  rebâ- 
tir; les  monarques  indiens  vouent  leur  capitale  à  la 
destruction  et  en  bâtissent  une  nouvelle,  afin  qu'elle 
porte  leur  nom. 

Au  moment  où  Hiuen-thsang  remontait  la  vallée 
de  rindus  poiu:  retourner  dans  sa  patrie,  les  Ara- 
bes, enflammés  par  les  prédications  de  Mahomet, 


.   OCTOBRE  1846.  309 

étaient  sortis  de  leurs  déserts  et  s  étaient  précipités 
sur  ia  Syrie,  TEgypte,  la  Mésopotamie  et  la  Perse. 
Déjà  ils  approchaient  de  Tlndus  et  dé  rOxtis ,  .et  les 
tribus  turques,  établies  sur  les  bords  de  l'Oxus  et 
du  Yaxarte,  se  refoulant  les  unes  sur  les  autres, 
avaient  imploré  le  Secours  de  f  empeteiu*  de  la  Chine. 
Hiuen-thsang  aperçut  nécessairement  sur  sa  route 
Tefifroi  qui  s*était  emparé  des  populations  ;  mais 
riiivasion  des  Arabes  semblait  être,  du  moins  dans 
le  motnent,  im  événement  indififérent  pour  le  boud- 
dhisme ^  et  le  voyageur,  na  pas  jugé  à  propos  den 
parler. 

Les  Arabes  ne  tardèrent  pas  è  envahir  la  vallée 
de  rindus,  depuis  la  mer  jusquaurdessus  de  Moul- 
tan,  et  le  cidte  de  Mahomet  se  célébra  à  côté  de 
ceux  de  Brahma  et  de  Bouddhah.  Quel  sujet  d  or- 
gueil pour  les  musulmans  !  Il  faut  avouer  que  les 
conquêtes  des  Arabes  étaient  sans,  exemple  dans 
l'histoire.  On  les  vit,  en  moins  dun  siècle,  étendre 
leiu*  domination  et  leur  religion  depuis  llndus  jus- 
qu'à locéan  Atlantique,  depuis  le  Yaxarte  jusqu'à  la 
mer  de  Perse.  Certains  musulmans .  voulant  repaître 
leurs  yeux  du  spectacle  de  succès  si  prodigieux ,  pre- 
naient à  tâche  de  se  rendre  d  une  frontière  de  lem- 
pire  à  l'autre ,  et  de  montrer  leur  turban  victorieux 
aux  nations  subjuguées.  Ce  goût  des  voyages  fut  sm*- 
tout  commun  dans  le  x®  siècle,  et  on  lui  fut  redevable 
de  plusieurs  écrits  intéressants.  Trois  relations  de 
voyages  faits  à  cette  époque- nous  sont  parvenues;  ce 
sont  les  relations  arahes  de  Massoudy ,  Al-Estakhry  et 


310  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Ibn-Haucal.  Massoudy  visita  successivement;  et.quel- 
quefois  à  plusieurs  réprises,  les  bords  de  la  mer  Cas- 
pienne et  les  îles  de  la  côte  orientale  de  TAftique, 
les  provinces  de  TEspaghe,  et  ceUes  de  la  vallée 
de  rindus;  Il  fut  témoin  du  commerce  florissant 
qui  se  faisait  sur  les  côtes  du  Guzarate,  dans  le  golfe 
de  Cambaye  et  dans  le  Malabar,  et  il  débarqua  dans 
Tîle  de  Ceylan.  Massoudy  s'appliquait  ces  'paroles 
d  un  poète  arabe  :  «  Je  me  suis  tellement  éio^né 
vers  le  couchant,  que  j*ai  perdu  jusqu'au  souvenir 
du  levant,  et  mes  courses  se  sont  portées  si  loin  vers 
le  levant  que  j'.ii  oublié  jusqu'au  nom  du  couchant.  » 
Evidemment  Ton  voyagait  alors  plu3  facilement  dans 
les  pays  musulmans  que  dans  les  pays  chrétiens.  Les 
haines  religieuses  étaient  plus  vives  chez  ies  musul- 
mans que  dans  ce  qu  on  appelait  alors  en  Europe 
la  répnblixjue  chrétienne  ;  mais  les  États  étaient  moins 
morcelés,  et  la  féodalité  ny  avait  pas  élevé  ses  in- 
nombrables barrières. 

Massoudy  et  ses  coreligionnaires  eiirent  occasion, 
dans  le  cours  de  leurs  voyages,  de  faire  des  remar- 
ques fort  curieuses.  Par  exemple ,  Massoudy  trouva 
les  moulins  à  vent  établis  dans  les  sables  du  Sedjes- 
tan,  sur  les  frontières  occidentales  de  llnde.  Les 
moulins  à  vent  paraissent  n  avoir  été  connus  en- Eu- 
rope qu  après  la  première  croisade,  et  le  témoignage 
de  Massoudy  est  probablement  le  plus  ancien  qui 
existe  à  cet  égard. 

Les  Arabes,  au  moment  de  leurs  premières  con- 
quêtes,  firent  plusieurs  fois  des  descentes  sur  les 


OCTOBRE  1  846.  311 

côtes  occidentales  de  la  presqu'île ,  où  lactivité  du 
comitierce leur  présentait  Tappât  d*un  riche. butin; 
Ils  trouvèrent  ensuite  plus  avantageux  de  traiter 
avec  les  souverains  du  pays  et  de  se  faire  accorder  le 
droit  d'entretenir  des  comptoirs  et  des  mosquées. 
Le  prince  qui  à  cette  époque  exerçait  le  plus  d'in- 
fluence dans  cette  partie  dé  la  presqu'île,  ^tait  le 
roi  du Malva;  ses  sujets  le  désignaientpar  le  titre  de  ^ 
Malva-Ray  "ou  radja  du  Malva,  dénomination  que 
les  Arabes  changèrent  en  Balhara.  Un  grand  nombre 
d'Arabes  et  de  Persans  s'établirent  dans  les  villes 
maritimes  pour  faire  le  négoce;  L'islamisme  s'y  mon- 
trait à  découvert,  et  l'on  y  célébrait  publiquement 
les  cin'q  prières  du  jour.  /.  Seymour ,  en  particulier, 
ville  qui  n'était  pas  éloignée  de  la  ville  actuelle,  de 
Bombay ,  l'on  comptait  environ  dix  mille  musulmans 
établis  à  demeure  avec  leurs  familles.  Les  musul- 
mans faisaient  juger  leurs  différends  par  un  homme 
tiré  de  leur  sein,  et  qui  avait  reçu  l'investiture  du 
Balhara.  Telle  était,  six  cents  ans  après ,  la  situation 
des  Arabes  et  des  niusulmans  en  général,  i  Calicut 
et  à  Cochin,  lorsque  les  Portugais,  faisant  le  tôiir 
de  l'Afrique,  ouvrirent  de  nouvelles  voies  au*  com- 
merce du  monde.  Telle  avait  dû  être  la  situation  des 
Grecs  et  des  Romains,  lorsqu'ils  fréquentèrent  les 
mêmes  parages.  Les  étrangers,  de  quelque  pays 
qu'ils  vinssent,  étaient  flétris  par  les  personnes  ri- 
gides d'entre  les  indigènes  du  titre  de  mletcha  ou 
impur;  mais  les  masses ,  et  les  gouvernenrents  avec 
elles,  étaient  intéressés  au  maintien  du  commerce,  et 


312  JOURNAL  ASIATI-QUE. 

Tesprit  d'intérêt  fit  passer  par-dessus  les  anathètnes 

prononcés  contre  ce  genre  de  relations. 

Néanmoins,  il  n était  pas  permis  aux  musulmans 
de  pénétrer  dans  l'intérieur  des  terres ,  notanunent 
dans,  rindostan  proprement  dit,  siège  principal  des 
traditions  nationales.  Le  grand  rôle  joué  jadis  par 
les  empires  placés  près  du  confluent  du  Gange  et 
de  la  Djomna,.  avait  retenti  jusqu'à  eux;  m^s  ils 
n'avaient,  qu'ime  idée  vague  du  pays;  et  ces  vastes  et 
belles  contrées ,  qui  enrichissent  niaintenant  le  com- 
merce de  l'Angleterre  >  étaient  regardées  comme  des 
régions  sauvages  et  impraticables.  Telle  était  la  po- 
litique ombrageuse  des  radjas  et  des  brahmanes, 
que  y  jusqu'au  commencement  duxi*  siècle,  lors  des 
invasions  de  Mahmoud  le  Gaznevide,  aucun  musul- 
man ne  put  s'introduire  dans  la  vallée  du  Gange. 
Ibn-Haucal ,  après  avoir  fait  mention  des  villes  prin- 
cipales de  la  côte  occidentale  de  la  presqu'île ,  s'ex- 
prime ainsi  :  a  Voilà  les  villes  que  je  connais.  Au 
delà  il  y  a  des  cités  entoiurées  de  déserts,  et  placées 
à  de  grandes  distances.  Ce  sont  des  contrées  déso- 
lées, où  les  marchands  indigènes  peuvent  seuls 
pénétrer,  tant  elles  sont  éloignées  et  environnées  de 
périls.  » 

Mahmoud  le  Gaznevide  franchit  l'Indus  Tan  i  oo5, 
et  alors  commencèrent  ses  sanglantes  expéditions,  qui, 
considérées  sous  un  point  de  vue  général,  n'avaient 
rien  d'analogue  dans  l'histoire.  Mahmoud  s'annonçait 
comme  voulant  forcer  les  Indiens  à  abandonner  leurs 
superstitions  et  à  embrasser  l'islamisme.  Toute  popu- 


OCTOBRE  1846.  313 

lation  qui  ne  se  donnait  pas  aux  vainqueurs  était  ex- 
terminée; les  hommes  en  état  de  porter  les  armes, 
étaient  massacrés ,  les  fenmies  et  les  enfants  étaient 
faits  esclaves;  on  démolissait  les  temples,  et  les 
idoles  les  plus  vénérées  étaient  transportées  ailleurs 
comme  trophées.  Mahmoud  mourut  lan  ib3o,  et 
les  troubles  qui  suivirent  sa  mort,  ainsi  que  Imcapa- 
cité  de  ses  successeiurs ,  ne  permirent  pas ,  du  moins 
pendant  quelque  temps,  à  Tislainisme  de  faire  de 
nouveaux  progrès  dans  la  presqu'île.  Mais  la  porte 
était  ouverte  aux  envahisseiurs  et  elle  ne  se  ferma 
plus. 

J'ai  dit  que  de  tout  temps,  si  on  excepte  les  villes  . 
maritimes,  les  Indiens  ont  eu  de  la  répugnance  à 
établir  des  rapports  avec  les  étrangers.  La  division 
des  castes ,  la  crainte  de  rien  manger  de  ce  qui  a  eu 
vie ,  Tindolence  naturelle  de  la  nation ,  un  sentiment 
d orgueil  qui  rapporte  tout  au  pays,  et  qui  a  pom* 
première  soiu'ce  ime  ignorance  native  du  véritable 
état  des  choses,  voilà  bien  des  causes  de  gêne  pour 
les  Indiens  qiii  auraient  voulu  voyager  au  dehors,  et 
pour  les  étrangers  qui  cherchaient  à  avoir  accès 
auprès  des  indigènes.  Ainsi ,  Ton  ne  doit  pas  mettre 
sur  le  compte  des  invasions  de  Mahmoud  ce  qui  était 
i effet  du  cïiractère  national;  mais  le  fanatisme  dés 
musulmans  et  les  barbaries  qui  souillèrent  leurs  vic- 
toires, modifièrent  laspect  du  pays,  et  ces  change- 
ments n  ont  commencé  à  s  effacer  qu'à  mesiu'e  que 
l'esprit  libéral  des  Européens  a  permis  aux  indi- 
gènes de  revenir  à  leurs  dispositions  naturelles. 


314  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Le  premier  effet  des  cruautés  de  Mahmoud  fut  de 
.  changer  la  réserve  des  Indiens  à  Tégard  des  étrangers, 
en  un  sentiment  d'horreui*  qui  n'admettait  de  ména- 
gement d  aucun  genre.  Écoutons  Albyrouny,  qui 
était  entré  dans  Tlnde  à  la  suite  de  Tannée  miisid- 
mane,  et  qui  fut  en  position  de  bien  connaître  la 
vérité.  Albyrouny  rapporte  que  les  sciences  indiennes 
s  étaient  réfugiées  dans  la  vallée  de  Cachemire  et  la 
ville  de  Bénarès ,  lieux  restés  inaccessibles  aux.  aimes 
de  Mahmoud,  et  que  les  habitants,  ayant  pris  le  parti 
de  s  isoler  de  plus  en  plus,  leurs  idées  s  étaient  sen- 
siblement rétrécies.  Les  Indiens,  àjoute-t-il,  ont  tou- 
joiurs  professé  une  opinion  exagérée  deux  et  de. ce 
qui  les  touche,  de  leur  origine,  de  la  puissance  de 
leiu's  rois,  de  la  prééminence  de  leur  religion  et  de 
la  supériorité  de  leurs  lumières.  Ils  font  mystère  de 
leur  savoir  entre  eux;  à  plus  forte  raison ,  ils  en  font 
mystère  pour  les  étrangers.  A  leurs  yeux,  il  n  y  a  pas 
d  autre  terre  que  flnde;  il  ny  a  pas  d  autre  nation 
que  les  Indiens. 

Suivant  Albyrouny ,  ies  princes  du  Cachemire  qui, 
pour  leur  défense,  se  fiaient  principalement  .aux 
montagnes  rangées  autour  de  leur  vallée,  s  étaient, 
toujoiu's  montrés  défiants  à  Tégard  des  honunes  du 
dehors,  et  encore  ils  n'avaient  pas  pu  se  préserver 
entièrement  de  l'invasion  des  tribus  turques  qui 
occupaient  le  Thibet  et  les  contrées  voisines.  lis  ne 
se  fiaient  qu'aux  juifs  qui,  à  ce  qu'il  parsdt,  étaient 
alors  nombreux  dans  le  pays ,  et  dont  quelques  voya- 
geurs modernes  ont  cru  reconnaître  ies  traits' dans 


OCTOBRE  1846.  315 

la  population  actuelle.  A  partir  des  guerres  de  Mah- 
moud, les  rois  du  Cachemire  se  montrèrent  plus 
sévères  que  jamais,  et  on  ne  laissa  plus  entrer  dans 
la  vallée  que  les  Indiens  qui  avaient  quelque  répon- 
dant parmi  les  habitants. 

On  sait  que  les  Indieps  possèdent  un  théâtre  na- 
tional, et  plusieiu's  pièces  de  ce  théâtre,  qui  ont  été 
traduites  dans  nos  langues  d'Europe ,  montrent  que 
la  société  réunissait  anciennement  les  personnes  des 
deux  sexes.  Un  auteur  arabe  du  x^  siècle ,  que  cet 
usage  avait  frappé  d'étonnement,  s  exprime  ainsi  : 
((La  plupart  des  princes  indiens,  les  jours  de  récep- 
tion publique ,  laissent  voir  leurs  femmes  aux  hom- 
mes qui  font  partie  de  la  réunion ,  qu  ils  soient  du 
pays  même  ou  qu'ils  viennent  du  dehors.  Aucun 
voile  ne  les  dérobe  aux  regards  des  assistants.  »  A  me- 
sure que  l'influence  musulmane  se  fit  sentir  dans  la 
presqu'île ,  les  femmes  des  indigènes  furent  reléguées 
dans  le  fond  de  lem^s  appartements ,  et  les  mœurs 
publiques  se  ressentirent  nécessairement  de  cette 
absence. 


316  JOURNAL  ASIATIQUE. 


HISTOIRE 


DU  KHALIFE  ABBASIDE  AL-MO'TASSEM, 

Extraite  de  J'ouvrage  intitulé  :  Traité  de  la  conduite  des 
rois  et  histoire  des  dynasties  musulmanes,  par  Moham- 
med-ben-Ali-ben-Thabathéba ,  connu  sotft  le  nom  d*Ibn- 
Tbafthafa;  traduite  en  français  par  M.  Gherbonneau. 


INTRODUCTION. 

Un  écrivain  qui  s'attache  à  saisir  le  côté  anecdotique  de 
rhistoire  des  khalifes ,  quelque  imposante  que  soit  son  auto- 
rité, quelque  finesse  que  renferment  ses  aperçus,  ne  peut 
ètté  consulté  avec  fruit  que  par  le  petit  nombre  de  personnes 
qui  ont  étudié  cette  époque;  car  le  désir  de  mettre  en.lu- 
miièrc  un  trait  piquant,  un  mot  heureux,  une  action  singu- 
lière ,  Ta  sollicité  plus  d'une  fois  à  effleurer  le  récit  des  grands 
faits  politiques  et  à  ne  les  mentionner  que  conune  un  moyen 
de  faire  valoir  les  anecdotes.  Cependant,  il  y  a  peu  d'ouvrages, 
dans  la  littérature  orientale ,  qui  offrent  en  miême  temps  plus 
d'utilité  et  plus  d'agrément  que  celui  d'Ibn-Thafthafa.  Quand 
on  songe  à  la  sécheresse  des  historiens  arabes,  qui,  pour  la 
plupart,  se  sont  contentés  de  disposer  par  ordre  chronolo- 
gique les  règnes  et  les  événements ,  sans  se  donner  la  peine 
d'employer  d'autres  considérations  critiques  que  des  épi- 
thètes  flétrissantes  ou  honorifiques  ajoutées  au  nom  de  tel  ou 
tel  souverain ,  on  éprouve  le  besoin  de  compléter  la  connais- 


OCTOBRE  1846.  317 

sance  de  l'histoire  par  la  lecture  de  ces  narrations  intéres- 
santes. C'est  là  qu'on  voit,  pour  ainsi  dire,  en  action,  les. 
khalifes,  leurs  -vizirs  et  leur^  sujets.  L'histoire  y  est  pi:ise  sur 
le  fait  et  comme  en  négligé. 

Contempler  les  rois  sur  le  théâtre  du  monde;  suivre  les 
héros  à  travers  les  champs  de  bataille  ;  assister  aux  grands 
événements  politiques  i  ce  n'est  qu'une  partie  importante  de 
la  science  historique.  Il  faut  encore  s'arrêter  ^ùx  détails  de 
la  cour  et  de  la  place  publique;  car  on  ne  connaît  que  bien 
imparfaitement  un  personnage,  tant  qu'on  ne  l'a  pas  vu  au 
naturel,  dans  sa  vie  de  tous  les  jours,  loin  du  faste  et  de  la 
représentation,  tant  qu'on  n'a  pas  reçu  en  quelque  sorte  la 
confidence  de  ses  passions  ou  de  ses  vertus,  de  son  humeur 
ou  de  ses  habitudes.  Nous  avons  dit  précédemment  (Joum. 
asiat.  avril  i8i6),  et  nous  le  répéterons  ici,  l'auteur  des 
Dynasties  musulmanes  a  rassemblé  dans  son  livre  ces  anec- 
dotes familières  qui  montrent  l'homme  sous  le  héros  et  qui 
sont  le  témoignage  vivant  de  l'histoire  ;  et  quand  il  a  rap- 
porté ces  témoignages,  il  ne  manque  pas  non  plus  de  faire 
intervenir  l'autorité  des  poètes,  des  autres  témoinjs  qui  sont 
des  juges  en  même  temps.  On  vl>it  qu'il  a  tout  consulté  pour 
écrire  sa  chronique,  la  tradition,  les  récits,  les  souvenirs 
laissés  dans  la' foule,  les  souvenir»  conservés  à  la  cour,  sans 
oublier  les  lettres  et  la  poésie. 

Le  fragment  que  nous  offrons' à  nos  lecteurs  est  l'histoire 
du  khalife  Al-M o'tassem ,  un  des  fils  de  Haroun-er-Rachid. 
El-Makin ,  qui  f^it  toujours  le  portrait  du  prince  dont  il  dé- 
crit la  vie,  dit  que  celu^-ci  avait  le  teint  fort.blanc,  le  visage 
.beau,  les  cheveux  blonds,  la  barbe  longue,  et  la  taille  mé- 
diocre. 

Nota.  Dans  mou  premier  extrait  il  s  est  ^Sssé  deux  inexactitudes,  dont 
la  première  peut  être  rectifiée  à  Taide  d'une  note  de  M.  Qviatremère,  que 
M.  Defrémery  s'est  empressé  de  me  mettre  sous  les  yeux  ;  i*  à  la  page  33 9, 
L'gne  i3  {Journal  dsiaticfue,  avril  1 846],  il  faut  lire  :  «l'élu  d'entre  la  famifle 
de  Mahomet;»  2°  à  la  page  34a,  note,  lisez  :  Harthéma  au  lieu  de  Hazima. 


318  JOURNAL  ASIATIQUE. 

TEXTE   ARÂBÉ. 

(Fol.  2i4  r.  lig.  3.) 
(5-^1  ^ijI  AJ^uXxm    ô^l  ««Xju  JlLo  ^ 

yioj  vJLJI  Jl^  iclll  4>s;43^  <^|pt    Os!«>^  VMâicxIlt 

Ml  J 

kJlJ\  a-ajU  v-jûi.^  c:>lj^  jU*  \yé'^  v^jUj  â^jf^jj^i 
^  éLJ^j^'^  Z3^  r^'  AJwaûCxm  1*1^1  ca3\<^  ^(^^  vJlJI 


OCTOBRE    18/16.     •    -  319 

^'  o^tj  La»  i^AA^3  Js>4X,>l  tSJSé^  ^lU  AJtU^  ia^w^ 

e-^ ii^  ^^  ^  ^  ^^'  *^>'^'  <i^  *i!^*'-j  *^^' 

Jlj»!  (jifc.ir  s>jJdâijU  lâ  aJI^X  cJis;^  À^^bl^  »jj^ 

i^jov^  Uy^)^  i^-jû^t^  ^«>^  (j>Aâ>i  (^  iidiiMb*  p^yt 

J...^.^^  L^^Kj  ^'  Ub^li^^  W^  ô^âtUib^  g7<^  \4jJt 

•        '*-  «•  ^         J 

\4Ijil   ^1   iUjlJl  A3«XjuâJb  A^4Xi  <^UlIt  «Ce 

r,^     .y'    Ht  (^  ^LJL^t  |j^«x..Ml.vJLAAMJt 

».,>»i       tr       Mt^  Js       >  (^^vj    «X.^^  04Xj>i>  <^ 


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320  JOURNAL  ASIATIQUE. 

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OCTOBRE    1846.  321 

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A.^.X.tr,.,^  JUi  ^Ji  J^j  XaaAj  U^  lUkOXxJll  <-:^j^  ^  iC^l?^ 

f-*ô3-*  ci]  ^^3   *X-AjJt  (j*»U!u  Juio3  ^-iSjà  *y^\  viUà 

^{J^rf^3  (J-?J^*^3  iS^*"^  *^^^   i    ^^  uK^   ^LUÎ   t^Lw 
iuUÂAw  (i  J^  L^  cjU  (^\  ifJJèfj^  AJkâJùt-JLt  (jo^  lX^ 

'  Je  n'hésite  pas  à  lire  c>4Ml9. 


322  JQURNAL  ASIATIQUE. 

-Kj'  P^bjJ  Jyirf^  »^j  Jol&j  iUAsW^ 

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OCTOBRE  1846.  323 

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i  J^ijus;  iSwt  JaÎ  XMÙb   (^  cI-S^^  2^t^t  ^AiTT  «XÂ.I3 

^{^^ji.Mi  (jiftju  Jyi^  ^gû>^  tf^lj^t  c^t^l^  ^k^U>>  ^1^  IT^j^^xamU 


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324  JOURNAL  ASIATIQUE. 

^t   *nXtr  U'  JUi  (jduU&Jl  .^  vJl>3 ,  (}M^  tsU  ^Ufl  ^Y^ 
/  5^^  Lr^  jU^  ^J  (3;-tf3  »2)y^\^y^  «^Ajdit 

é  f  ^  ^  ^  ^  . 

L^^:>t^  Lh^-^^  iCjUâ»^  lâ>^3  ^^^3  ^^^  ^^3  h^^ 
^/«L.^1  ovil<'  ^^w».  d^t  «x^ty^^  iU^Lyt  vblf  ifj;4^ 

^jJLâ  J^  Làili  4-^Ul  ^^^ô^  4JLÏJI  IfiuU  Ûâi  lpJ3û* 

OlX^3  LU5  AkifS*  <^UXi  JJS  ^  ^tpi  A^j^l  ^1^  If^ 


OCTOBRE  1846.  325 

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^      -. .    ..  ^^ 


326  JOURNAL.  ASIATIQUE. 

•  X  «M  ^^  w      ^ 

y    f  w  ,  ,    J     ^  f»  j 


TRADUCTION, 


REGNE    D*AL-MO'TASSEM  -  ABOU  -  ISHAK  -  MOHAMMED  ,  SUGGESSEDR 
D'AL-MÂMOUN. 

Mohammed  fut  reconnu  khalife  le  jour  où  mou- 
rut Al-Mâmoun.  (Nous  avons  cité  plus  haut  la  date 
de  cet  événement.)  Ce  prince  avait  du  caractère 
et  était  dune  force  remarquable.  Il  levait  de  terre 
un  poids  de  mille  livres  pesant  et  le  portait  à  plu- 
sieurs pas.  Sa  valem*  militaire  égalait  sa  force/On  lui 

a  donné  le  siu'nom  de  huitainier,  {^£^  ,  à  cause  de 
onze  particularités.  Ainsi  il  était  le  huitième  des  • 
enfants  d'Abbas  ;  il  fut  le  huitième  khalife  de  sa  race 
et  monta  sur  le  trône  à  l'âge  de  trente-huit  ans.  Il  ré- 
gna huit  ans  et  huit  mois.  Né  en  chaabân,  qui  est 
le  huitième  mois  de  Tannée ,  il  mourut  à  l'âge  de 
quarante-huit  ans,  laissant  huit  enfants  mâles  et  huit 


OCTOBRE    1846.  327 

fiUes.  H  commanda  en  personne  huit  expéditions  et 
laissa  dans  le  trésor  huit  millions  de  dragmes. 

Le  règne  d*Al-Mo*tasseni  fut  illustré  par  des 
guerres  et  des  conquêtes.  Ce  fut  .lui  qui  s'empara 
d*Amom*yya  (  Amoriam  )  ^  et  voici  pour  quel  motif. 
L empereur  des  Grecs  (Théophile)  ayant  fait  une 
irruption  sur  les  terres  des  musulmans,  s  était  em- 
paré dune  de  leurs  placés  fortes  appelée  Zibatrah^, 
avait  fait  prisonniers  les  femmes  et  les  enfants,  et 
passé  au  fil  de  Tépée  tous  les  hommes  en  état  de 
porter  les  armes.  On  dit  que,  parmi  les  captives, 
se  trouvait  une  femme  de  la  famille  de  Hâchem^, 
et  qu  on  fentendit  s'écrier  :  «  Au  secoiu's ,  -6  Mo'- 
tassem  !  »  •  • 

La  nouvelle  des  cruautés  exercées  par  Tempe- 
reur  des  Grecs  sur  les  musulmans  .fit  fif'émir  d'hor- 
reiu*  le  khalife,  et,  lorsqu'on  lui  rapporta  la  plainte 
de  la  dame  Hâchemite,  il  s'écria  au  milieu  du  con- 
seil, 0**^:  «Je  vais  à  ton  secours!  je  vais  à  ton 
secours  !  »  En  même, temps  il  s^  leva  et  cria  dans 
son  palais  :  «Partons!  partons  1  »  Puis  il  monta  à 
cheval  après  avoir  fait  attacher,  derrière,  la  selle  une 
entrave,  un  pieu  de  fer  et  un.  sac  ^  qui. renfermait 

V  Voir  la  Géographie  d'Aboulféda,  édition  de  MM.  Reinâud  et 
Mac-Guckin  de  Siane,  pag.  235.  Âmouryya  était  la  pflrie  de  Théo- 
phile. 

'  Voir  le  même  ouvrage ,.  pag.  sSil,  1..3.  Zibatrah  {Sozopetra) 
était  la  patrie  d'Al-Mo'tassem. 

^  Hâchem  était  le  bisaïeul  de  Mahomet. 

^  Le  mot  jÛAJia.,  employé  par  Hariri,  a*  séance,  pag.  25,  est 
expliqué,  dians  le  commentaire,  en  ces  termes  :  aJU^.  oÀs^  ^  #Lcj 


328  JOURNAL  ASIATIQUE. 

ses  proAâsions.  A  sa  voix ,  les  troupes  prirent  les  armes 
et  se  mirent  en  mouvement.  Jamais ,  sous  les  khalifes 
précédents,  on  n  avait  vu  des  préparatifs  de  guerre 
aussi'  formidables.  Lorsque  Al-Mo*tassem  vit  son  ar- 
mée disposée  à  partir  et  que  les  préparatifs  furent 
terminés,  il  convoqua  les  kadis  et  des  témoins,  devant 
lesquels  il  jura  qu'il  constituait  ses  biens  et  ses  tré- 
sors en  legs  ^  de  trois  tiers;  un  tiers  pour  Dieu 
Très-Haut ,  un  tiers  pour  son  fils  et  poiu*  ses  proches , 
et  le  dernier  tiers  pour  ses  affranchis. 

Ensuite  il  se  mit  en  campagne.  Un  Grec  était 
tombé  en  son  pouvoir;  il  lui  demanda  quelle  était 
la  Adlle  la  mieux  fortifiée,  la  plus  considérable  et 
la  plus  importante  aux  yeux  des  chrétiens.  Le  Grec 
répondit  qu'Amouryya  était  la  place  la  plus  Impor- 
tante de  leur  empire.  Al-Mo'tassem ,  sans  perdre  de 
temps,  dirige  son  armée  entière  sur  ce  point,  as- 
siège la  ville  et  l'emporte  d'assaut.  Poiu*  se  venger 
des  cruautés  de  Théophile,  il  porte  le  fer  et  la 
flamme  dans  Amcyoryya  et  la  contrée  environante, 
après  avoir  réduit  à  la  captivité  une  multitude 
d'habitants.. La  fureur  dont  il  était  animé  le  porta 
même  à  détruire  Amouryya  de  fond  en  comble  et 

<ûJUb  t^^-^M^-  On  lit  dans  Schultens  (Haririi  très  priores  cons. 
pag.  97  ;  Franequerae,  1 781  ]  :  a  Est  à  rad.  o^Jî^  sub  ventre  côns- 
«trictus  fuit  camelus;  in  4  cjj^î  constrinxit  sub  ventre,  fane,  seu 

«  cingulo  posteriore ,  cjUil&  dicto.  »  Au  figuré,  on  dit  ; j  a-^  J-^'j 
Jbi.^f  iUJLafc,  «La  piété  est  la  meilleure  valise  de  lliomme.» 

^  Sur  le  wakf ,  consulter  le  Tableau  de  Tempire  othoman  par 
Mouradjea  d'Ohsson ,  tom.  Il,  pag.  SsS  etsuiv. 


OCTOBRE   1846  329 

à  effacer  jusqua  la  trace  de  cette  cité  florisssante  ^ 
11  enleva  une  de  ses  portes  qui*  était  tout  en  fer  et 
dun  voliune  prodigieux;  puis  il  la  fit  transporter 
à  Bagdarf,  où  on  la  voit  encore  de  nos  jours  à 
lune  des  entrées  du  palais.  C'est  fa  por^e  da  peuple, 

Lors  de  cette  expédition,  Ai-Mo'tassem  avait  parmi 
sa  suite  Abou-Temmâm-et-Tayy ,  qui  a  composé  à 
sa  louange  un  poëme  nommé  El-Bayya  (  dont  tous 
les  vers  se  terminent  par  un  v»)  ^t  qui  commence 


Le  glaive  est  plus  fidèle  dans  ses  récits  que  les  livres  ;  c*est 
à  son  tranchant  qu'est  attaché  le  succès ,  soit  qu'il  agisse  sé- 
rieusement ou  qu'il  badiné. 

On.  lit  encore  dans  ce  poëme  les  vers  suivants 
adressés  à  Al-Mo*tassem. 

Vicaire  de  Dieu ,  que  Dieu  récompense  le  zèle  que  tu  as 
déployé  pour  faire  respecter  la.  religion ,  Tislam  etfhonneur 
du  pays  ! 

Tu  as  compris  le  bonheur  suprême  et  tu  as  vu  qu'on  ne 
peut  l'obtenir  qu'à  force  de  fatigues. 

Parmi  les  vers  qui  ont  trait  à  lacharnement  avec 
lequel  Al-Mo'tassem  combattit  et  extermina  les  dé- 
fenseurs d'Amouryya,  je  citerai  le  suivant  : 

Ce  jour  là,  le  soleil,  depuis  çon  lever  jusqu'au  soir,  n'é- 
claira pas  un  seul  père  de  famille,  ni  un  seul  jeune  homme. 

^  AbouUéda ,  Annal.  Moslem.  tom.  II,pag.  171. 

*  M.  de  Sacy  cite  ce  vers  dans  sa  Chrest.  ar.  tom.  I,  pag.  88. — 
[  Voy.  rÉloge  d'Abou  Temmâm  et-Tayy  dans  le  Dictionn.  biograph. 
d'Ibn-Khallicân ,  trad.  de  M.  Guckin  de  Slane,  tom.  I,  pag.  348.) 


330  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Dans  le  passage  où  le  poète  décrit  ranimosité 
des  musulmans  contre  léis  Grecs,  on  lit  encore 
ceux-ci  : 

La  demeure  de  Myya,  autour  de  laquelle  circule  Gaylân^, 
toute  vivante  qu'elle  est,  n'est  pas  si  pittoresque  que  ta  de- 
meure dévastée. 

Et  les  joues  animées  par  Tincamat  de  la  pudeur  ne  sont 
pas  plus  attrayantes  à  mes  yeux  que  ta  joue  ternie  par  la 
poussière  (de  tes  ruines). 

La  ruine  d'Amoiuyya  eut  lieu  dan3  Tannée  2  a 3. 


Bagdad  avait  été  le  siège  de  la  royauté  et  la  ré- 
sidence du  khalife  depuis  Ai-Mansour.  Hai^oun-er- 
Rachid,  préférant  Rakka^  en  Syrie,  y  fixa  son  sé- 
jour. Cependant,  cette  ville  n  était  pour  lui  qu'un 
lieu  de  plaisance,  puisqu'il  avait  ses  trésors,  ses 
femmes  et  ses  enfants  à  Bagdad,  dans  le  Kasr-el- 
Khould  (palais  de  réterneile  demeure)*.  Les  succes- 

^  On  lit  dans  Hariri,  p.  280, Comment.  1.  2à.i  jc[mJ\ ^  O^^^ 

ÎM  ïj^^  Wv«  ïjA  ^^wGuo  (^JSl  ^jAâ,  aGayiân  est  le  poète  géné- 
ralement connu  sous  le  nom  de  Zoul  Bonmia,  et  Myy  est  son 
amante*  Dans  les  vers  où  il  chante  sa  {>assion  pour  elle,  il  1  appdie 
tantôt  Myy,  tantôt  Myya.  »  —  Il  est  encore  question  de  ce  poète  dans 
la  Ghrest.  ar.  de  M.  de  Sacy,  tom.  III,  pag.  a  a 3. 

*  Voy.  la  Géographie  d'Aboulféda,  éd.  de  MM.  Reinaud  et  Guckin 
de  Siane,  pag.  54  et  3oo  ;  et  la  Ghrest.  ar.  de  M.  de  Sacy,  tom.  II, 
pag.  102. 

^  Voy.  la  Géogr.  d'Ahoulféda  (loc,  laud.)^  pag.  3o4. 

^  Chrest.  ar.  de  M.  de  Sacy,  tom.  I,  pag.  a 5  et  53. 


OCTOBRE  1846.  331 

seurs  de  ce  khalife  se.  fixèrent  à  Bagdad.  En  mon- 
tant sur  le  trône  Al-Mo'tassem  se  méfia  de  la  milice 
tm^bulente  qui  en  formait  la  garnison.  Il  conçut 
même  des  craintes  sérieuses  et  ordonna  quon  lui 
choisît  un  emplacement  pour  y  bâtir  une  ville  et 
s'y  mettre  à  Tabri  des  désordres  suscités  par  la  sol- 
datesque de  Bagdad.  Son  but  était  de  la  maintenir 
en  se  réservant  le  pouvoir  de  lattaquer  par  terre 
et  par  eau.  Dans  le  lieu  qu'on  choisit,  Al-Mo'tassem 
fit  bâtir  Sâmarra  et  s  y  transporta. 

On  dit  que  ce  prince  avait  un  si  grand  nombre 
de  mamlouks,  que  Bagdad  ne  pouvait  plus  les  con- 
tenir. Bientôt  les  habitants  eiu*ent  à  souflrir  de 
leur  insolence.  Ils  fiu*ent  refoulés  dans  leurs  tnai- 
sons  et  leurs  femmes  livrées  au  dernier  des  outragçs. 
Chaque  jour  était  signalé  par  une  multitude  de 
massacres. 

Un  joiu*  qu'Al'Mô'tassem  se  promenait  à  cheval, 
un  vieillard  vint  au  devant  de  lui,  en  criant  :  «0 
Abou-Ishak !  »  Les  .gardes  voulurent  le  repousser; 
mais  le  khalife  lés  arrêta,  en  disant  :  «  Vieillard, 
que  veux-tu?  —  Que  Dieu  ne  te  récompense  pas, 
répondit  l'homme,  du  voisinage  que  tu  nous  as 
donné  depuis  quelque  temps  !  car  nous  n'avons  ja- 
mais eu  de  plus  mauvais  voisinage.  En  installant  au 
milieu  de  nous  cette  tourbe  effrénée  d'esclaves  turcs, 
tu  as  rendu,  par  leurs  mains,  nos  femmes  veuves 
et  nos  enfants  orphelins.  Au  nom  de  Dieu!  nous  te 
combattrons  avec  la   flèche  du  point  du  jour  ^  » 

^  Suivant  les  idées  superstitieuses  des  musuîmans,  lorsqu'on  prie 


332  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Par  ces  mots  le  vieiliard  voulait  dire  timprécation. 
.  Après  avoir  entendu  ce  discours,  Ai-Mo'tassem 
rentra  dans  son  palais ,  et  l'on  ne  le  vit  plus  sortir  à 
cheval ,  sans  qu'il  lui  arrivât  une  scène  de  ce  genre. 
Il  fit  la  prière  en  pi^blic  et  célébra  la  fête  (le  second 
Beïram)  ;  puis  il  se  rendit  à  l'endroit  dont  nous  avons 
parlé,  et  jeta  les  fondements  de  Sâmarra,  l'an  a  a  i 
de  l'hégire. 

Lorsqu'Al-Mo'tassem  fut  attaqué  de  la  maladie 
qui  l'emporta  au  tombeau,  il  monta  siu*  une  barque, 
iCJuuuM ,  avec  Zounâm  \  le  joueur  de  flûte, ^j>3l ,  qui 
était  le  plus  habile  musicien  de  son  temps.  En  pas- 
sant devant  ses  palais  et  ses  jardins,  situés  sur  les 
deux  rives  du  Tigre ,  il  dit  à  Zounâm  :  «  Accompagne- 
moi  avec  ta  flûte.  »  Puis  il  improvisa  les  vers  suivants-: 

0  demeure  dont  les  sites  ne  furent  Jamaîs  troublés  par 
le  malheur.  Dieu  préserve  tes'  sites  des  coups  de  la  foctune! 

Ce  ne  sont  pas  tes  sites  que  je  pleure  !  mais  je  pleure  la 
vie  que  j'y  passais  au  moment  où  elle  me  quitte. 

Car  la  vie  est  le  bien  le  plus  doux  que  Thomme  puisse 
regretter! .  ...  Il  faut  que  Taffligé  chercha  à  oublier  son  mal. 

En  rendant  le  dernier  soupir,  Al-Mo'tassem  se 
prit  à  dire  :  «  La  puissance  a  disparu ,  il  n'y  a  plus 
de  ressoiu*ce  !  »   Puis  il  lut  rappelé  vers  Dieu.  Sa 
mort  arriva  l'an  2  2  7  de  l'hégire. 
•  "  .... 

à  la  pointe  du  jour,  j^ ,  pour  obtenir  justice  contre  un  çnnemi 
dont  on  ne  peut  se  défaire,  Dieu  lance  sur  lui  sa  vengeance  avec 
la  rapidité  de  la  flèche.  C'est  cette  croyance  qui  a  donné  lieu  à  la 
métapïiore  :  «  la  flèche  de  la  pointe  du  jour.  » 

^  Voy.  le  Dictionn.  biogr.  d'Ibn-Khallicân ,  trad.  de  M.  Gnckin 
de  Slane,  tom.  T,pag.  320. 


OCTOBRE  ia46.  333 

RÉGIT    DU    VIZIRAT    SOUS    LE    RÈGNE    D'AL-MO'TASSEM. 

Le  premier  qui  fut  vizir  de  ce*  prince  lui  avait 
servi  de  secrétaire,  <-^l5^  avant  son  avènement  au 
trône;  c'était  Fadhi-ben-Merouân ,  natif  de  Ber- 
dân  ^  Il  joignait  au  manque  d'instruction  et  à  une 
profonde  ignorance  des  mœurs  dépravées,  et  ne 
connaissait  rien  au  maniement  des  affaires.  Un  poète 
du  temps  a  dit  à  son  sujet  : 

Tu  fais  le  Pharaon,  ô  Fadhl,  fils  de  Merouân!  McS's  prends 
exemple  sur  le  passé.  Car  avant  toi  l'on  a  vu  passer  au  vizirat 
Fadhl,  Fadhl,  et  Fadhl  1 

Ces  trois  grands  personnages  ont  disparu;  le  fer,  la  pri- 
son et  le  meurtre  ont  mis  fin  à  leur  puissance. 

Les  trois  vizirs  auxquels  le  poëte  fait  allusion 
sont  Fadhl-ben-Yahya-ben-Khâled ,  Fadhl-ben-Sahl 
et  Fadhl-ben-er-Rebie.  Quant  à  Fadhl-ben-Me- 
rouân ,  comme  ii  jouissait  d'un  grand  crédit  à  la 
cour  d' Al-Mo'tassem ,  il  ne  put  échapper  aux  traits 
de  l'envie.  Le  khalife  le  destitua,  confisqua  ses 
biens  et  l'éloigna  de  sa  personne.  Réduit  pendant 
longtemps  à  exercer  successivement  différentes  fonc- 
tions publiques ,  il  motunt  sous  le  règne  d'Al- 
Mousta'yn. 

VIZIRAT    D'AUMED-BEN-A'MMÂR-BEN-SÂDY. 

L'homme  auquel  Al-Mo'tassem  conféra  la  charge 
de  vizir  après  Fadhl -ben- Merouân  s'appelait  Ah- 

^  Voy.  la  Géographie  d'Aboulféda,  éd.  de  MM.  Reinaud  et  Guckin 
de  Slane,  pag.  96. 

VIII.  3  a 


33^  JOURNAL  ASIATIQUE. 

med-ben-A*mmâr-ben-Sâdy.  C'était  un  homme  riche 
de  la  petite  ville  de  Madar^  Il  avait  quitté  sa  patrie 
pour  s'établir  à  Bassora,  où  Tacquisition  de  plusieurs 
propriétés  lavait  conduit  à  amasser  une  fortune  con- 
sidérable. A  cette  époque ,  il  exerçait  la  profession 
de  meunier.  Plus  tard,  il  vint  à  Bagdad  et  y  vécut 
dans  lopulence.  On  dit  qu'il  dépensait,  chaque 
jour,  en  aumônes,  cent  dinars.  Fadhl-ben-Merouân 
avait  si  chaudement  vanté  sa  bonne  foi  au  khalife, 
que  celui-ci,  après  avoir  destitué  Fadhl,  ne  trouva 
personne  plus  digne  du  vizirat  qu  Ahmed-ben-A'm- 
mâr.  Cependant,  c'était  un  homme  tout  à  fait  dé- 
pom-vu  des  qualités  que  doit  posséder  un  ministre. 
Un  poëte  de  son  temps  a  dit  à  son  sujet  : 

Louange  à  Dieu,  le  créateur,  Tauteur  de  TuniTersI  Tu  e» 
devenu  vizir,  ô  fils  d'A  mmâr,  toi  qui  étais  meunier,  sans 
boutique  ui  maison,  obligé  de  pousser  devant  toi  une 
mule. 

Je  nierais  le  destin,  si  tu  n*avais  pas  dépassé  (déjoué)  en 
cela  les  mesures  du  destin. 

Ahmed-ben-A'mmar  resta  quelque  temps  au  vizi- 
rat ,  jusqu'au  jour  où  le  khalife,  ayant  reçu  d'un  gou- 
vemeiu*  une  lettre  dans  laquelle  celui-ci  parlait  de 
la  fertilité  de  la  province  et  de  l'abondance  du  kela^, 
lui  demanda  ce  que  ce  mot  signifiait.  Le  vizir  ne 
sut   que  répondre.    Alors  Al-Mo'tassem  Jit  venir 

^  Géogr.  d'Ahoulféda,  édit.  de  MM.  Reinaud  et  Guckin  de  Slane, 
pag.  321. 

'  Cette  anecdote  a  été  rapportée  par  Reiske  dans  ses  AdnoL  hisL 
sur  Aboulféda,  Annal,  moslem,  tenu.  Il,  pag.  684,  et  par  M.  de  Saey, 
d  après  Ibn-Kballicân,  dans  son  AnthoL  grammat.  pag.  i38. 


OCTOBRE   1846.  335 

Mohammed-ben-Abd-ei-Melic-ez-Zeyyât,  un  de  ses 
familiers.  Interrogé  à  son  tour  siu*  la  signification 
du  mot  kela ,  Mohammed  répondit  :  «  La  première 
pousse  de  la  plante  sappelle  baql;  on  la  nomme 
kela  quand  elle  commence  à  grandir,  et  hachych 
lorsqu'elle  perd  sa  sève  et  devient  sèdie.  »  Satisfait 
de  cette  réponse,  le  prince  dit  à  Ahmed-ben-Am- 
mar  :  «Toi,  tu  surveilleras  les  bureaux,  et  lui  me 
présentera  les  lettres.  »  Puis  il  conféra  à  Ibn-ez- 
Zeyyât  ^  la  charge  de  vizir  et  indemnisa  Ibn  A  m- 
mâr  en  lui  donnant  un  position  honorable. 

VIZIRAT  DE  MOHAMMED-BEN-A'BD  EL-MEUC-EZ-ZEYYÂT. 

Son  père  était  un  riche  négociant  sous  le  règne 
d'Al-Mâmoun.  A  cette  époque ,  il  passa  sa  jeunesse 
à  lire  et  à  expliquer  les  ouvrages  importants.  Son 
éducation  fut  brillante;  et  la  vivacité  de  son  esprit  le 
rendit  si  habile  en  toutes  choses ,  qu'il  fut  regardé 
comme  la  merveille  du  temps  pour  la  conception, 
Tintelligence  et  la  pénétration.  Il  excellait  dans  le 
style  épistolaire,  comme  dans  la  poésie,  et  connais- 
sait parfaitement  la  littérature.  En  outre,  il  avait 
approfondi  les  sciences  politiques  et  les  devoirs^des 
rois  jusqu'au  règne  d'Al-Mo'tassem ,  qui  It^i  conféra 
la  charge  de  vizir,  comme  nous  lavons  expliqué 
plus  haut.  Chargé  de  tout  le  fardeau  du  gouverne- 
ment, Ibn-ez-Zeyyât  apporta,  dans  Texercice  de  son 
ministère,  plus  d'habileté  qu'aucun  homme  d'état 

^  Voy.  le  Dict.  biograph.  d'Ibn-Khallicân ,  trad.  de  M.  Guckin 
de  Slane,  tom.  II,  pag.  3  4o. 


33G  JOURNAL  ASIATIQUE. 

avant  lui.  C  était  un  personnage  hautain,  orgueilleux, 
dur,  dun  accès  difficile,  intraitable  et  d'un  carac- 
tère odieux. 

A  la  mort  d'Al-Mo*tassem ,  il  remplissait  encore 
les  fonctions  de  vizir.  Le  khalife  avait  accorde  à  son 
fils  Al-Ouâciq  une  somme  dont  le  payement  était 
assigné  sur  la  cassette  dlbn-ez-Zeyyât  ;  celui-ci  sut 
dissuader  le  prince ,  qui  revint  sur  les  ordres  qu'il 
avait  donnés  en  faveur  d'Al-Ouâciq.  Mais  le  fils  du 
khalife  écrivit  de  sa  propre  main  un  acte  dans  le- 
(piel  il  jurait  par  le  pèlerinage ,  lafiranchissement  et 
laïunône,  que,  s'il  montait  sur  le  trône,  il  ferait 
sidîir  à  Ibn-ez-Zeyyât  le  plus  cmel  supplice.  Or  Al- 
Mo'tassem  mourut  et  Al-Ouâciq  fiit  reconnu  kha- 
life. Se  rappelant  la  conduite  dlbn-ez-Zeyyât  à  son 
égard ,  il  voulut  le  faire  mourir  siu*-le-champ  ;  mais 
il  fut  arrêté  par  la  crainte  de  ne  pas  trouver  un 
homme  de  son  mérite.  En  conséquence,  il  dit  au 
chambellan  :  «  Fais  venir  en  ma  présence  dix  em- 
ployés du  diwân.  »  Les  employés  parurent  devant 
le  khalife,  qui  examina  leurs  capacités.  Comme  au- 
cun d'entre  eux  ne  remplissait  ses  vues,  il  dit  au 
chambellan  :  «  Fais  entrer  celui  dont  le  royaume  ne 
peut  se  passer,  Mohammed- ben-ez-Zeyyât.»  Le 
chambellan  obéit.  Mohammed  entra  et  resta  cons- 
terné devant  le  prince.  Alors ,  s'adressant  à  un 
esclave  ,  Al-Ouâciq  lui  dit  :  «  Va  me  chercher  tel 
écrit.  »  L  esclave  apporta  la  lettre  dans  laquelle  le 

'  Consultez  le  Tableau  de  Tempire  othoman ,  par  Moimdjet 
«rOhsson,  lom.  IV,  pag.  288. 


OCTOBRE   1846.  337 

khalife  avait  écrit  de  sa  main  :  Je  jure  de  faire  mou- 
rir Ibn-ez-Zeyyât  Ai-Ouâciq  la  prit  et  la  présenta  à 
ibn-ez-Zeyyât,  en  lui  (gisant  :  «Lis  cette  lettre.» 
Après  lavoir  parcourue,  le  malheureux  prononça 
ces  paroles  :  «Commandeur  des  croyants,  je  suis 
ton  humble  serviteur;  si  tu  veux  me  punir,  tu  en  es 
le  maître  ;  si  tu  manques  à  ton  serment  et  que  tu 
m*accordes  la  vie,  ce  sera  ime  action  plus  digne  de 
toi. — Par  Dieu!  reprit  Al-Ouâciq^je  ne  te  fais  grâce 
que  parce  que  jp  crains  de  priver  Tempire  d*un 
homme  tel  que  toi.  Oui,  je  violerai  mon  serment; 
car  je  puis  réparer  la  perte  de  mes  trésors,  mais 
jamais  je  ne  compenserais  la  perte  d*un  homme  tel 
que  toi.  »  En  conséquence ,  il  le  nomma  vizir,  au 
mépris  de  sa  parole,. et  le  mit  à  la  tête  des  affaires. 
Ibn-ez-Zeyyât  était  un  poète  distingué.  Dans  une 
composition  où  il  regrette  Al-Mo'tassem  et  fait 
reloge  d*Al-Ouâciq,  on  lit  ce  passage  : 

J'ai  dit,  lorsqu'ils  t'ont  perdu  et  qu'ils  se  désolaient  en 
frappant  leurs  mains  trempées  dans  l'eau  et  dans  la  boue  , 

Adieu  !  oh  !  le  bon  protecteur  que  le  monde  trouvait  en 
la  personne  !  oh  !  le  bon  protecteur  pour  la  religion  ! 

Dieu  ne  guérit  un  peuple  de  la  perte  d'un  homme  comme 
toi  qu'en  lui  donnant  un  homme  comme  Haroun. 

Mohammed,  fds  d'Abd-el-Malik-ez-Zeyyât ,  con- 
serva la,  place  de  vizir  pendant  la  durée  du  khjalifat 
d*Al-Ouâciq ,  qui ,  jusqu  a  sa  mort ,  n  appela  aucun 
autre  personnage  au  vizirat.  Mais  Al -Monta  wakkil , 
son  frère,  étant  monté  sur  le  trône,  le  fit  mourir. 

On  raconte  qu  Ibn-ez-Zeyyât  avait  fait  construire 


338  JOURNAL  ASIATIQUE. 

un  four  garni  de  fer  et  de  clous  à  Imtérieurj  pour 
y  faire  souffrir  les  condamnés ,  et  qu'il  y  fut  lui- 
même  enfermé  le  premier,  en  même  temps  qu'on 
lui  disait  :  «  Goûte  ce  que  tu  voulais  faire  goûter 
aux  autres.  » 

Ici  finit  rhistoire  d'Âl-Mo'tassem  et  de  ses  vizirs. 


DER  FRUHLINGSGARTEN, 

ou  LE  BEHARISTAN  DE  DJAMI. 

Texte  persan  et  traduction  allemande,  par  M.  le  baron 
DE  ScHLEGHTA-WssEHRD.  Vienne,  1846,  in-8*. 


Ce  volume  est  exécuté  avec  le  plus  grand  soin ,  et  fait  honneur 
à  rimprimerie  impériale  de  Vienne.  Quant  à  la  traduction,  noua 
allons  reproduire,  comme  échantillon,  le  troisième  jardin  ou  livre, 
correspondant  à  la  page  26  du  texte.  Cet  extrait  a  été  mis  en  firan- 
çais  par  M.  de  Schlechta  lui-même. 


JARDIN  111. 

DES  FLEURS  DE  LA  PUISSANCE  ET  DES  FRUITS 
DE  LA  JUSTICE. 

Ce  n  est  pas  la  pompe  ni  la  magnificence  du 
cortège,  mais  la  justice  et  l'impartialité  qui  font  la 
sagesse  des  rois.  Noushirvan  ^,  quoique  infidèle,  était 
d'une  justice  tellement  éclatante ,  que  Mohammed , 
la  gloire  de  l'univers,  dit  lui-même  avec  oi^eil, 

^  Koi  persan  de  la  dynastie  des  Sassanides. 


OCTOBRE   18^6.  339 

parlant  de  ce  roi  :  a  Je  naquis  dan&.ie  siècle  du  roi 

juste.  » 

Le  prophète,  (pii  A^aquit  da^  le  Mèd|e  de  Nousl^rvan,  et 
qui  pai:^t  pour  éclairer.  Vcçil  de  Tu^verç,  dit  de  ce  roi. lui- 
même  :  t  Je  naqui»  saiiâi^çjbe^  parce  que  Nôushiryan  ridait 
heureux  le  monde  par.  sa  justice.»  ; 

Ecoute  de  quelle  façon  un  homme  de  bien  harangua,  un 
jour,  un  roî  cràél-:  «Daijpie  considéi^r  iommetit  Ha.  cruauté 
afiligts,  et' essaye  uoe  Idts  comme  il  est  doux  d'être  dément  : 
et  alors ,  si  la  justice  ne  te  convient  pas-,  rejette-la,  et.r^rends 
ta  cruauté.  » .  • 

L'histoire  nbus  raconte  :  Pendant  cinq  mille  ans^^ 
l'univers  a  été  gouverné  par  les  mages  et  lés  adoî^- 
teiu*s  du  feu;  eux  seuls  étaient  dignes  détonner  deii 
rois  à  là  monarchie  persane.  C'est  parce  qu'ils  ont 
considéré  la  justice  comme  le  plus  saint  des^idevdîrs, 
et  ont  détesté  toutes  sortes  de  cruauté  connue  un 
vice  affreux.  Dans  la  tradition,  on  lit  :  Dieu  a  dit 
au  prophète  Dçivid  :  «  Défends  à  ton  peuple  de  ca- 
ioimnier  les  rois  persans  et  de  souiller  leur  mémoire 
par  des  insultes;  car  ce  sont  eux  qui  ont  civilisé  la 
terre  par  leur  gouvernement  paternel ,  de  ^açon  que 
mon  peuple  y  trouve  facilement  tout  ce  qu'il  lui 
faut  pour  sa  subsistance*  » 

La  justice  vaut  plus  que  la  religion;  elle'  est  le  salut  du 
peuple  et  Tappui  du  trône.  Un  faux  croyant,  ifér  le  #ébe, 
qui  est  fidèle  au  droit ,  vaut  mieux  qu  un  oroyant  injuste; 

Ce  n'est  pas  au  léger  courtisan,  mais  au'isage 
méditatif  qu'appartient  la  place  de  favori  chez  un 
prince;  car  le  sage  pousse  son  maître  au  sonuuet  de 


340  JOURNAL  ASIATIQUE. 

la  perfection ,  tandis  que  le  courtisan  le  fait  tomber 

dansi  le  précipice  de  la  misère. 

Chaque  parole  d*un  sage  est  un  bijou.  Heureux  cdui  qui 
la  renferme  dans  la  cassette  de  son  cœur!  Le  sage  lui-même 
est  une  cassette  remplie  de  ces  peries  précieuses.  Ne  le  re- 
jette donc  pas ,  et  sache  Tattirer  prudemment  vers  toi. 

Un  mage  se  promenait  un  jour,  à  cheval ,  avec  le 
roi  Kobad  ^  Le  hasard  voulut  que  son  cheval,  pressé 
par  un  besoin  ïiaturel,  se  souillât  du  haut  en  bas,  et 
fît  ainsi  rougir  son  cavalier.  Le  roi ,  s'en  étant  aperçu, 
demanda  au  sage  quelle  conduite  devait  observer 
lliomme  qui  avait  rhonneiu*  de  se  trouver  avec  un 
grand  prince.  Le  mage  répondit  :  a  La  r^e  princi- 
pale, cest  que  le  roi  ne  fasse  pas  donner  au  cheval 
de  son  compagnon  autant  d avoine,  afin  que  la  bète, 
par  son  indécence ,  ne  fasse  pas  rougir  son  cavalier 
de  confusion.  » 

Le  fou,  qui  ne  sait  agir  que  poussé  par  Tinstinct,  ne  sera 
jamais  capable  de  se  comporter  dignement;  mab  le  sage,  qui 
agit  selon  les  principes  de  la  raison,  gouverne  à  son  gré 
les  bêtes  féroces  elles-mêmes. 

Le  favori  d'im  prince  est  semblable  à  un  homme 
obligé  de  monter  une  montagne  escarpée;  il  marche 
dans  des  angoisses  mortelles,  craignant  toujours  un 
tremblement  de  terre  et  les  atteintes  d'un  orage.  En 
effet,  celui  qui  se  trouve  dans  un  lieu  élevé  tombe 
de  plus  haut  que  celui  qui  poursuit  paisiblement 
son  chemin  dans  la  plaine. 

'  Autre  r(M  persan  de  la  dynastie  des  Sassanides. 


OCTOBRE  1846.  341 

La  faveur  des  prince»  est  une  murtiiUe  escarpée;  prends 
donc  garde  de  monter  trop  haut;. car  je  pense,  en  trem- 
blant, que ,  si  tu  viens  à  tomber,  la  chute  te  sçra  plus  funeste 
qu  à  celui  qui  se  tient  dans  la  plidne. 

H  convient  au  souverain  de  choisir  pour  favori 
des  gens  fidèles  et  sinc^es ,  qui  lui  font  connaître 
la  vérité  sur  le  pays  tt  ceux  qui  le  servent.  On  ra- 
conte d'Ardeschir  Babecan  *,  qu'il  était  si  vigilant  et 
si  bien  instruit,  qu'il  pouvait  dire,  chaque  matin, 
à  ses  coiutisans,  ce  qu'ils  avaient  mangé  la  veille, 
ou  avec  quelle  femme  ou  quelle  fille  ils  avaient 
passé  la  nuit,  enfin,  tout  ce  que  chacun  d'eux  avait 
fait  ou  tenté  t  de  façon  que  le  peuple  croyait  qu'un 
ange  descendait  du  ciel  chaque  jour  pour  lui  ap- 
porter des  nouvelles  de  tout  ce  qtti  se  passait. 

Aristote  a  dit  :  «  Le  meilieui^  souverain  est  celui 
qui  ressemble  à  l'aigle  entouré  de  cadavres  auxquels 
il  ne  touche  pas,  et  non  pas  celui  qui  ressemble  au 
cadavre  que  les  aigles  entourent.  »  Cela  veut  dire  : 
u  Le  meilleur  souverain  est  celui  qui  s'occupe  de  son 
propre  pays  et  ne  s'embarrasse  guère  des  pays  vx)i- 
sins ,  et  non  pas  celui  qui  néglige  ses  propres  affaires , 
et  abandonne  son  royaume  à  la  merci  des  princes 
étrangers  qui  l'entourent. 

Nousbirvan  eut  un  jour  grande  société  à  l'occasion 
du  nouvel  an.  L'un  des  assistants,  avec  lequel  il  ne 
sympathisait  point,  mit  dans  sa  poche,  à  la  dérobée, 
ime  coupe  d'or.  Le  roi,  l'ayant  remarqué,  feignit 
de  ne  pas  s'en  être  aperçu.  Cependant ,  la  société 

^  Fondateur  de  la  dynastie  des  Sassanides. 


342  JOURNAL  ASIATIQUE. 

allait  se  séparer,  lorsque  l^échanson  s  avança  et  s* é- 
cria  :  «  Que  personne  ne  sorte  de  la  saHe  avant  que 
j'aie  fait  mes  recherches;  car  il  liae  manque  une 
coupe  d  or.  »  Mais  Noushirvan  lui  fit  signe  de  s'ar- 
rêter, en  disant  :  u  Và-t'-en  ;  car  caiuî  qui  a  pris  la 
coupe  ne  voudra  pas  la  rendre,  et  celui  qui  connaît 
le  voleur  ne  veut  pas  le  trahir.  »  IHusieurs  jours 
après,  le  même  personnage  qui  avait  emporté  la 
coupe ,  se  présenta  devant  le  roi  avec  des  habits  neufs 
et  une  chaussure  fort  élégante.  Lorsque  le  roi  l'a- 
perçut, il  lui  fit  un  signe  comme  s'il  voulait  dire  : 
M  Est-ce  la  coupe  qui  ta  prociu'é  ces  habits^»  Le 
personnage  répondit  en  entr  ouvrant  son  habit  de  des- 
sous et  montrant  ses  nouveaiix  souliers,  conune  s'il 
voulait  dire  :  «et  aussi  ma  belle  chaussure. »  Alors 
Noushirvan  sourit;  car  il  reconnut  que  le  vol  de  la 
coupe  avait  été  le  résultat  de  la  détresse  et  du  be- 
soin. Il  commanda  de  donner  à  ce  personnage  mille 
pièces  d  or. 

Ne  crains  pas  d'avouer  une  faute  à  un  prince  clément  qui 
connaît  ton  crime;  car  nier  le  crime  serait  un  second  péché 
qui  serait  j)lus  lionteux  que  ie  premier. 

Le  khalife  Manioùn  ^  avait  un  esclave  qui  ne  fai- 
sait pas  d'autre  service  que  de  lui  présenter  l'eau  de 
l'ablution.  Mamoun  s'aperçut  bientôt  que  chaque 
joiu*  il  manquait  ime  coupe  ou  une  aiguik*e.  Un 
jour,  il  dit  au  garçon  :  u  J'espère  que  tu  seras  assez 
complaisant  pour  me  revendre  les  aiguières  et  les 

'  Pour  apprécier  la  morale  Je  cette  historicité ,  il  faut  se  reporter 
aux  mœurs  orientales  et  à  la  condition  des  esclaves. 


OCTOBRE  1846.  543 

coupes  que  tu  me  voles.»  L'esclave  répondit  :  «Ce 
sera  comme  tu  lordonnes;  tu  peux  racheter  à  1ms- 
tant  celle-ci,  que  je  tiens  à  la  main.  —  Combien 
coûte-t-elle?  répliqua  le  khalife.  —  Deux  pièces  d'or, 
seigneur.  »  Mamoun  commanda  de  lui  donner  deux 
pièces  d  or,  et  lui  dit  :  u  Et  maintenant  cesseras-tu  de 
me  la  voler?  Le  serviteur  répondit  :  w  Oui ,  seigneur.  » 

N'épargne  pas  ton  argent  avec  ceux  i^ue  tu  as  achetés  avec 
de  Tor;  laisse  toujours  leurs  cœurs  s'en  réjouir.  Mets  leurs 
corps  à  Tabri  du  besoin,  et  fais  ton  possible  pour  que  le 
désespoir  ne  pousse  point  leurs  âmes  à  ia  perdition. 

Akil  ben  Abu  Thalib  ^  et  Moavia  furent  liés  long- 
temps par  une  amitié  sincère,  jusqu*à  ce  qu'un  jour 
un  buisson  se  montrât  sur  le  sentier  de  leur  amour, 
et  que  la  face  de  leur  inclination  fût  rembrunie  par  la 
poussière  de  la  discorde.  Akil  se  retira  entièrement, 
et  cessa  de  visiter  son  ami,  qu*il  avait  fréqufïi^té 
pendant  si  longtemps.  Mais  Moavia  lui  adressa  uîie 
lettre  d'excuses  de  la  manière  suivante  :  «0,  toi, 
le  petit- fils  de  Motthalib,  que  je  désire  !  ô.toi ,  le 
rejeton  de  la  famille  du  prophète  bien-aimé,  cerf 
qui  exhale  les  parfums  du  musc,  source  de  la  grâce, 
descendant  de  Menaf  et  de  Hischam,  c'est  toi.  eu 
faveur  duquel  le  prophète  a  prêché ,  et  c'est  à  ta  race 
qu'appartient  le  ministre  de  Dieu.  Où  est  la  géné- 
rosité de  ton  noble  cœur?  où  sont  ta  bonté  et  ta  con- 
descendance ordinaires?  Reviens  donc  à  moi;  car  je 
m'afflige  de  me  voir  séparé  de  toi ,  et  notre  discorde 
me  cause  un  mal  douloureux.  » 
'  Akil  était  frère  du  khalife  Âli. 


344  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Jusque^  à  quand  serai-je  le  but  des  javelots  de  ta  colère  ? 
Jusques  à  quand,  plongé  dans  la  douleur,  m*éloigneras-tu  de 
toiP  Je  me  jette  devant  toi  sur  la  terre,  et  sous  la  terre  encore 
je  me  vouerai  à  toi  comme  esdave. 

Akil  répliqua  par  une  lettre  en  harmonie  avec  la 
circonstance,  et  qui  contenait  ces  paroles: 

Tu  as  dit  vrai,  mais  moi  aussi  je  dis  vrai,  et  c*est  pour 
cela  que  je  dis  :  «  Nous  resterons  séparés.  »  Je  n  aime  pas  a 
offenser  un  ancien  ami  ;  mais ,  lorsque  c*est  lui  qui  m^offense, 
je  le  quitte  entièrement. 

Car  il  vaut  mieux  quitter  Fami  qui  nous  a  offensé, 
et  se  retirer  dans  le  coin  de  la  solitude ,  que  de  se 
ceindre  du  cordon  de  Tinimitic  et  de  combattre 
avec  la  langue  de  Tinsidte. 

Tiens-toi  tranquille  et  éloigne-toi  lorsque  ton  ami  fof- 
fensc  et  agit  contre  toi.  Prends  garde  de  le  chagriner  ou  de 
lui  faire  du  mal ,  et  sois  toujours  prêt  à  amener  la  réconci- 
liation. 

Malgré  cette  lettre ,  Moavia  ne  cessait  pas  de  tenir 
les  portes  de  l'excuse  ouvertes,  en  redoublant  d'ins- 
tances* et  de  sollicitations.  Il  envoya  enfin  à  Akil 
dix  mille  pièces  d'or  comme  gage  de  la  réconcilia- 
tion, et  posa  ainsi  de  nouveau  le  fondement  du 
bonheur  amical. 

Il  convient  à  Tliomme  d'éti*e  conciliant  et  de  demander 
pardon.  Lorsque  tu  es  séparé  d*un  ancien  ami  par  une  dis- 
corde malheureuse ,  et  lorsque  les  instances  et  les  scdlicita- 
tions  ne  te  mènent  pas  au  but,  prends  de  Tor,  et  tu  accom- 
moderas l'affaire  plus  promptement. 

Iledjadj ,  s  étant  égaré  un  jour  à  la  chasse ,  re- 
marqua un  Arabe  assis  sur  une  colline ,  entom*é  de 


OCTOBRE  1846.  345 

ses  chameaux  i  et  occupé  à  nettoyer  son  habit  de  ia 
vermine.  Lorsque  les  chameaux ,  effirayés  à  ^aspect 
de  1  étranger,  se  mirent  à  fuir,  TArabe  leva  la  tête, 
et  dit  dédaigneusement  :  «  Qui  est-ce  qui  marche 
dans  le  désert,  habillé  aussi  fastueusement?  Que  la 
malédiction  de  Dieu  soit  sur  lui!»  Hedjadj,  sans 
vouloir  remarquer  cet  accueil  brutal,  s'avança  et 
s  écria  :  «  Salut  à  toi ,  Arabe  !  »  Mais  celui-ci  répliqua  : 
((A  toi  ni  paix,  ni  salut,  ni  bénédiction.»  Hedjadj, 
sans  répondre  à  cette  insidte,  lui  demanda  de  l'eau; 
mais  l'Arabe ,  loin  de  se  déranger,  dit  :  «  Si  tu  veux 
boire ,  descends  humblement  de  ton  cheval  et  bois. 
Je  ne  suis  pas  ton  compagnon,  et  je  n'ai  pas  d'ordre 
à  recevoir  de  toi.  »  Alors  Hedjadj  descendit,  et,  après 
avoir  bu,  il  demanda  à  l'Arabe  :  «Dis-moi  donc, 
Arabe,  qui  est  le  meilleiur  des  hommes?»  Gelui-ci 
répondit  :  «Le  prophète  de  Dieu  :  sur  lui  la  paix, 
naais  sur  toi  le  malheur!»  Hedjadj  continua  :  «Et 
que  penses-tu  d'Ali ,  fds  d'Abou  Thalib  ?  »  Le  Bédouin 
répliqua  :  «  Son  nom  est  trop  sublime  pour  que  ma 
bouche  puisse  le  prononcer.  »  Hedjadj  demanda  de 
nouveau  :  «Que  penses-tu  du  khalife  régnant,  Abd- 
Almalik,  fds  de  Mervan?»  Le  Bédouin  ne  répondit 
rien;  et  seulement,  lorsque  Hedjadj  répéta  la  de- 
mande, il  dit  :  «Le  khalife  est  un  misérable.  — 
Poiu'quoi  cela? — -Parce  qu'il  a  commis  un  crime 
qui  fait  trembler  l'Orient  et  l'Occident.  —  Et  en 
quoi  consiste  ce  crime?»  insista  Hedjadj.,  L'Arabe 
répondit  :  «C'est  qu'il  fait  gouverner  les  croyants 
par  un  homme  infâme,  l'exécrable  Hedjadj.»  He- 


346  JOURNAL  ASIATIQUE. 

djadj  se  tut.  Tout  à  coup  un  oiseau  s  envola  en  pous- 
sant un  cri  aigu.  A  ce  bruit,  TArabe  se  tourna  vers 
Hedjadj  et  lui  demanda  :  a  Qui  es-tu?  homme?» 
Celui-ci  répliqua  :  «A  quoi  bon  cette  demande?» 
Et  TArabe  dit  :  «  Le  cri  de  loiseau  ma  indiqué  l'ar- 
rivée d'une  troupe  de  guerriers,  et  cest  toi  qui  es 
leur  chef.  »  Pendant  ces  dernières,  paroles ,  le  cor- 
tège d'Hedjadj,  ayant  trouvé  la  trace  de  son  nudtre, 
parut  et  le  salua.  L*Arabe  changea  de  couleur,  et 
Hedjadj  commanda  de  Temmener.  Le  lendemain 
matin ,  lorsque  le  repas  fut  préparé  et  que  le  cort^e 
fut  rassemblé,  Hedjadj  appela  ]e  Bédouin  et  1  invita 
au  dîner.  Celui-ci ,  apercevant  Hedjadj ,  s'écria  : 
«Salut  à  toi,  mon  prince.  »  Hedjadj  répliqua  :  «Je 
ne  dis  pas  comme  tu  disais  hier,  mais  je  te  rends 
ton  salut.  Salut  à  toi.  Veux-tu  dîner?  »  L'Arabe  ré- 
pondit :  ((Le  dîner  est  à  toi,  mon  prince;  je  man- 
gerai quand  tu  le  permettras.  »  Celui-ci  lui  ayant 
accordé  la  permission,  le  Bédouin  s'empara  de  ce 
qu'il  trouvait  et  dit  :  ((  J'espère  que  le  dîner  aura  une 
bonne  suite,  n  Hedjadj  se  mit  à  rire  et  demanda  à 
l'Arabe  :  u  Te  souviens-tu  de  ce  qui  s'est  passe  hier 
entre  nous?  »  Celui-ci ,  lui  coupant  la  parole ,  s'écria  : 
((  Mon  prince ,  il  ne  faut  pas  révéler  un  secret  qui  n'a 
d'autre  confident  que  nous  deux.  »  Alors  Hedjadj  lui 
dit  sérieusement  :  ((Lcoute ,  Arabe ,  je  te  fais  deux 
propositions;  choisis  :  ou  tu  resteras  près  de  moi  en 
qualité  de  serviteur,  ou  je  te  livrerai  au  khalife, 
auquel  je  ferai  part  de  ton  discours  d'hier.  H  n'y  a 
que  ces  deux  partis;  voyons  lequel  tu  préfères.  »  Le 


OCTORRE  1846.  347 

Bédouin  répliqua  tranquiliement  :  «  Outre  ces  deux 
partis,  il  y  en  a  encore  un  troisième.  — Lequel?» 
demanda  Hedjadj.  L* Arabe  répondit:  «Cest  de  me 
permettre  de  retourner  tranquillement  dans  ma  pa- 
trie ,  afin  que  ni  toi  ni  moi  ne  puissions  nous  voir 
lun  lautre. »  Hedjadj ,  égayé  par  ces  paroles  du 
Bédouin ,  se  mit  à  rire ,  et  commanda  de  lui  donner 
mille  pièces  d  or,  et  de  ne  s  opposer  nullement  à  son 
retoiur  dans  son  pays. 

L'homme  prudent  tâche  d'émouvoir  Thomme  cruel,  ou 
par  des  sollicitations  ou  par  de  sages  pensées.  Mais ,  lorsque 
celui-ci  ne  veut  pas  écouter  la  voix  de  la  justice ,  on  emploie 
la  ruse  pour  réussir  plus  vite. 

lesdedjerd  ^  rencontra  un  jour  son  fils  Behram 
dans  son  harem ,  lieu  dont  Tentrée  lui  était  défendue. 
A  Imstant,  il  lui  ordonna  de  sortir,  de  faire  donner 
trente  coups  de  fouet  au  portier  et  de  le  chasser  de 
sa  place.  Behram  fit  ce  que  son  père  lui  avait  com- 
mandé; mais,  n ayant  pas  alors  plus  de  treize  ans, 
il  ne  comprit  pas  pourquoi  son  père  lavait  grondé , 
et  par  quelle  raison  on  tourmentait  si  cruellement 
le  portier  du  harem.  Au  bout  de  quelques  jours, 
Behram  s  approcha  derechef  de  lendroit  prohibé 
pour  y  entrer;  mais  le  nouveau  portier  le  saisit  à  la 
gorge  et  lui  dit  :  «  Si  je  t  attrape  encore  une  fois  en 
cet  endroit,  je  te  donnerai  trente  coups  de  fouet 
poiu*  ce  que  tu  as  fait  à  mon  prédécesseur,  et  trente 
coups  pour  la  trahison  que  tu  veux  me  faire  com- 
mettre moi-même.  » 

^  Roi  sassanîde. 


348  JOURNAL  ASIATIQUE. 

La  maison  du  roi  est  un  lieu  si  sacré,  que  ni  rhomme  libre 
ni  Tcsclave  n'osent  y  entrer.  Le  harem  est  le  secret  du  sei- 
gneur :  l'oiseau  n'y  vole  pas ,  et  le  zéphyr  n^ose  y  passer. 

Le  roi  Hormuz  ^  reçut  un  jour  de  son  vixir  une 
lettre  qui  contenait  lofire  suivante  :  u  Des  marcbands 
sont  arrivés  et  ont  déposé  une  quantité  de  pierres 
précieuses.  JTai  résolu  de  les  acheter  pour  toi, 
pour  le  prix  de  cent  mille  pièces  d  or,  si  toutefois 
tu  y  consens.  Si  tu  refuses  la  permission  de  Tachât, 
d'autres  les  prendront,  et  y  gagneront  encore  une 
somme  de  cent  mille  pièces  d  or.  »  Le  roi  lui  écrivit 
la  réponse  suivante  :  u  Un  profit  de  cent  ou  deux 
cent  mille  pièces  d*or  ne  me  tente  pas;  et  si  le 
roi  fait  le  commerce,  qui  gouvernera,  et  à  quoi 
serviront  les  marchands?» 

Omar,  prince  des  croyants,  se  trouva  un  jour  à 
Médine,  et  examina  une  muraille  d*argile  quon 
venait  d  élever.  Un  juif  se  présenta  et  se  plaignit 
au  khalife,  disant  que  le  juge  de  Bassra  avait  acheté 
de  lui  des  marchandises  de  la  valeur  de  cent  mille 
direms ,  cpi'il  refusait  de  payer.  Le  khalife ,  après  avoir 
écouté  le  juif,  lui  demanda  s'il  avait  sur  lui  un  mor 
ceau  de  papier.  Celui-ci  n'en  ayant  pas,  le  prince 
prit  un  morceau  d'argile  et  écrivit  dessus  :-<Tu  af- 
fliges ceux  qui  te  demandent  justice,  et  personne  ne 
te  garde  un  souvenir  reconnaissant.  Evite  tout  ce 
qui  pourrait  devenir  le  motif  d'une  plainte,  ou  sois 
prêt  à  renoncer  à  ta  dignité  de  juge.  »  Après  cela,  il 
signa  et  transmit  le  morceau  d'argile  au  juif,  sans 

'  Autre  roi  sassanidc. 


OCTOBRE  laaa.  349 

y  mettre  de  sceau  ou  le  chiffi*e  royal  ;  car  il  savait 
bien  que  isa  puissance,  comme  sa  justice,  était  re- 
connue partout.  En  effet,  le  juge  de  Bassra,  qui  se 
trouvait  à  cheval  au  moment  où  le  billet  du  Jurince 
lui  parvint,  descendit  à  Imst^^t,  baisa  la  terre  et 
paya  le  juif,  avant  que  celui-ci  eût  eu  le  tençips  de 
mettre  pied  à  terre  lui-même. 

SI  le  nom  royal  n'est  pas  entouré  de  respect  et  de  crainte , 
chacun  s* empressera  de  le  mépriser  et  de  s* en  moquer.  Lors- 
que le  lion  manque  de  dents  et  de  griffes ,  un  renard ,  même 
estropié,  ne  tarde  pas  à  Tinsuller. 


INSCRIPTIONS  TRILINGUES 

Trouvées,  en  mai  i846  \  à  Lebdah  (Lepiis  Magna) ,  dans  la 
régence  de  Tripoli ,  sur  deux  pierres  calcaires  de  mêmes 
dimensions,  gisant  lune  à  cô^  de  Tautre  dans  la  partie 
orientale  des  ruines. 


PARTIE  PUNIQUE ,  AVEC  LA  TRANSCRIPTION  ARABE  ^. 

N"  1. 

^  Il  paraît  cpie  M.  Eîdw.  Dickson  avait  copié  ces  inscriptions  avant 
moi ,  et  il  serait  à  désirer  qu*il  publiât  sa  copie.  La  mienne  est  une 
moyenne  entre  deaxfa^-simile. . 

*  Les  transcriptions  arabes  sont  de  M.  Fresnel. 


350  JOURNAL  ASIATIQUE 

N"  2. 


PARTIE  LATINE  ET  GRECQUE. 

N"   1. 
BONCARMECRASI  CLODIUS  MEDICUS. 
BaNKAPMERPAi:!  KAÛAI02  lATPOi:. 

N»  2. 

BYRYCTH  BALSILECHIS  F.  MATER  CLODII  MEDIGI. 
BTPTXe  BAAÏIAAHX  eTTATHP  MHTHP  KAÛAIOT  lATPOT. 

Dans  chacune  de  ces  deux  inscriptions  tumulai- 
res,  le  latin  précède  le  grec,  et  le  grec  le  punique; 
on  peut  donc  admettre  qu  elles  sont  de  Tépoque  ro- 
maine. La  permutation  du  Hm  avec  le  noân  est  chose 
très-conmiune  dans  les  langues  sémitiques.  On  dit 
plus  généralement  aujourd'hui  Ismaln  que  IsmaU 
(  Ismaël),  et  Armai  aussi  souvent  que  Arman  (Armé- 
niens). Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  de  trouver  dans 
Tinscription  n"*  i  Boa  al  transcrit  en  grec  par  Bow. 

Boual  de  la  première  inscription  et  Ba'l  de  la  se- 
conde signifient  «  maître  »  (peut-être  avec  une  nuance 


OCTOBRE  1846.  361 

de  distinction  en  faveur  dujpremier),  et  correspon- 
dent aux  motssidi  et  ^i  deFarabe  barbaresque.Lenom 
indigène  de  notre  docteur  serait  donc  KapfieKpouri^ 
ou  Karath-morharsi,  et  son  nom  romain  çlodivs.  Ce 
dernier,  ainsi  écrit  par  im  o  (au  lieu  de  av),  appar- 
tenait à  un  sénateur  romain  du  dernier  siècle  avant 
J.  C.  ce  qui  peut  servir  à  fixer  la  date  de  l'inscription. 
Il  est  transcrit  en  punique  par  Kladi  ou  Klo'di  dans 
la  première  inscription ,  et  par  KIo'd'i  dans  la  seconde, 
avec  un  'ayn  pénultième,  sans  doute  pour  rendre 
ïhiatas  de  la  double  voyelle  lï,  indicatif  du  génitif 
latin  dans  l'inscription  n**  a.  — Le  mot  qui  signifie 
«  médecin,  »  et  qui  termine  les  deux  inscriptions»  est, 
en  pimique,  mourabbed  ou  mourabbid,  dont  le  sens 
original  paraît  être  «  coucheur,  celui  qui  fiadt  un  lit,  » 
ou  ((  qui  vous  met  au  lit  »  Râbài  { 12l)  signifie  en 
hébreu  «  sternere  lectum.  »  Son  synonyme  et  quasi- 
homophone,  râphâd  (  1D1  )  ,.fait,  à  la  forme  piel 
(correspondant  à  la  deuxième  forme  des  verbes 
arabes),  npp^(2  ("^^*^)*  ^  signifie  aussi  «faire  un 
lit,  »  et,  par  suite ,  «  réconforter,  ranimer  un  homme 
épuisé  psg:  la  fatigue ,  »  —  «  einen  Ermatteten  erqui- 
ken.  »  (Gesen.  Hebr.  and  Chai  Handwôrterbach ,  sub 
voce  iDi).  De  là  le  sens  de  «medicus.  » 

La  seconde  inscription  tumidaire  porte  le  nom  de 
la  mère  de  notre  docteur,  Byrycth  (en  arabe,  bara- 
ket),  qui,  comme  nom  appellatif,  signifie  «bénédic- 
tion ,  »  ou  «  Benoite ,  »  et  celui  du  père  de  cette 
femme,  Bal-SchiHéK,  ou  bien  Bal-SchiUeKH  (car  il 
paraît  que  les  Phéniciens ,  ainsi  que  les  Hébreux , 

23. 


352  JOURNAL  ASIATIQUE. 

donnaient  au  kâf  (  cl))  le  son  du  khâ  (^  )  dans  quel- 
f[ues  circonstances).  Ces  deux  noms  sont  séparés  par 
celui  de  bath  (fille),  contracté  de  beneth  (selon  le 
génie  de  la  langue  hébraïque),  ce  qui  nous  donne  : 
«  Byrycih,  fille  de  Bal-SchilleTch,  »  Le  mot  suivant  est 
DA,  et,  d*après  les  traductions  latine  et  grecque  de 
cette  inscription ,  ne  peut  signifier  que  a  m^e.  »  II 

est  peut-être  apocope  de  wâlidah  (  6 jJI^  ) ,  en  hé- 
breu Yôledeth  (genitrix);^  mais,  dans  cette  hypothèse, 
il  faudrait  admettre,  i°  que  la  forme  punique  pri- 

mitive  est  wâlidd  {^^^^)  par  un  aleph,et/ï''  qu*eile 

ne  change  pas  à  l'état  construit. 

On  voit,  par  ma  transcription  arabe,  que  je  re- 
garde le  signe  ^  comme  composé  de  o  ,  qui  est 
Vayn  (^  ) ,  et  de  ^ ,  qui  est  le  làm  (  J  ). 

Mon  alphabet,  auquel  il  manque  huit  lettres  (re- 
lativement à  Talphabet  hébreu),  est  évidemment 
particulier  à  cette  portion  de  la  côte  carthaginoise 
où  les  inscriptions  se  trouvent,  et  peut  se  déduire 
de  ma  transcription  arabe. 

La  pierre  gravée  dont  j*ai  envoyé  des  empreintes 
à  M.  Botta  n'est  pas  écrite  en  phénicien ,  comme  je 
lavais  cru,  mais  en  hébreu  antique  ou  samaritain  an- 
tique. Elle  vient  de  Cyrène ,  et  parait  avoir  appartenu 
h  un  juif.  Je  persiste  néanmoins  dans  la  lecture  que 
j'en  ai  faite ,  si  ce  n'est  que  j'ajoute  un  waw  au  nom 
du  possesseur. 

En  voici  une  copie ,  qu'il  faut  rajjprocher  des  em- 
preintes : 


OCTOBRE   1846.  353 


Et  voici  ma  traduction  :  A  Abd-Yâhoâ-ben-Yaschouf. 
Yâhoâ  est  le  véritable  nom  du  dieu  national  des 
juifs  (avec  ou  sans  /i^  final).  C  est  le  véritable  nom  de 
Dieu  chez  les  jui&.  C'est  par  erreur  que  Ton  a  pro- 
noncé Jehovah ,  puisque  les  vojelles  du  mot  appar- 
tenaient à  Adonaï  (le  Seigneur) ,  le  seul  mot  qu'on 
se  permît  de  prononcer  chez  les  juifs.  L'autre  était 
ineffable. 

L'inscription  signifie  donc  :  «  A  l'esclave  de  Yâ- 
hoâ, fils  de  Yâschoâb,))  ou  plutôt  «fils  de  Yôschebo 
(at^-»).  Yâschoâb  est  le  nom  d'un  fils  d'Issachar;  (L. 
M.  XXVI,  ilx\  Esr.  n,  ikg.)  Yâschéb  {con  nna  gianta) 
est  le  nom  d'un  aide  de  camp  du  roi  Ifevid;-  •  • 

Toutes  les  lettres  de  cette  pierre;  qui  est  de  jade 
oriental  et  très-diure,  me  sont  données  par  un.  alpha- 
bet placé  à  la ^  fin  de  la  Grammaire  syriaque  d'Hof- 
mann.  Il  n'y  a  pas  à  hésiter  sur  une  «euie  lettre  de 
la  pierre  de  M.  Louis  Robert,  si  ce  n'est,  peut-être, 
sur  la  dernière  de  la  première  ligne;  et  encore  est- 
il  évident  que  cette  dernière  lettre  est  un  waw.  Ici 
les  pierres  avec  figures  sont  très-commimes ,  et  il  y 
en  a  pour  contenter  «  tous  les  goûts  de  sa  hautesse.  » 
Il  y  en  a  dont  Tibère  serait  jaloux.  Croyez  bien  qu'il 
n'y  a  pas  d^hésitation  dans  ma  lecture. 

J'ai  déjà  envoyé  une  copie  (telle  quelle)  de  Tins- 
cription  punique  qui  était  naguère  sm»  la  terrasse  du 
couvent  à  Tripoli  de  Barbarie,  et  que  M.  Morelli 


354  JOURNAL  ASIATIQUE. 

(  consul  général  de  Naples  à  Tripoli)  vient  d*expédier 
à  Naples.  Voici  une  autre  copie  de  la  même  inscrip- 
tion, qu*il  a  bien  voulu  me  communiquer.  Ce  qui 
suit  est  une  moyenne  entre  sa  copie  et  la  mienne  ^. 


V 


r-îN 


Cette  inscription  est  au-dessous  d'une  figure  géor 
métrique  :  viz.  trois  arcs  concentriques  coupés  par 
onze  lignes  convergentes  vers  leur  centre,  qui  est 
le  centre  des  arcs. 

Pour  remplir  le  papier,  je  vous  dirai  que  je  suis 
de  retour  de  Sabrathat  ou  Sabarta,  ici  TripoU-Vec- 
chio,  où  j*ai  trouvé,  sur  le  bord  de  la  mer,  de  belles 
statues  sans  tête,  que  personne  ne  se  donne  la 
peine  d'enlever.  L  mcmîe  eurc^éenne  passe  toute 
intelligence.  D'après  M.  de  Saulcyi  le  nom  phéni- 
cien de  la  ville  que  je  viens  de  visiter  serait  Sabrihan 
ou  Sa,  ou  Schabartan.  Aujourd'hui  elle  s  appelle 
Zouwâghah  (  a^I^^  )  chez  les  Arabes,  et  TripoUrVec- 
chio  chez  les  Européens. 

Je  reviens  à  l'inscription  de  la  pierre  que  les 

*  Le  coin  de  la  pierre  a  été  ca58é  par  ceux  qui  Tout  tmisporl^ 
rie  Lebdali  au  couvent  de  TripolL 


OCTOBRE  1846.  355 

moines  du  couvent  de  Tripoli  appelaient  a  un  ca- 
dran solaire ,  »  sans  doute  à  cause  de  la  figure  géo- 
métrique tracée  dans  sa  partie  supérieure.  Voici 
comment  je  la  transcris;  mais  je  déclare  n'y  rien 
comprendre  : 

Ce  13  juin. 
Je  vais  prendre  mon  passage  pour  Benghaâ ,  où 
règne  en  ce  nofofflent  le  typboi.  jTaî  prévenu  mes 
gens ,  qui  n  ont  pas  plu!s  de  peur  que  moi. 

F.  pRfeN^t. 

•        .  ■         -   "  -^^ 

Nota.  ]^a  lettre  dont  on  vient  dé  lire  un  extrait  est  datée  dé  Tri- 
poli; j'ai  reçu  depuis  des  nouvelles  de  S!.'  Fres^el,  qui  est  i«v)Btlu 
de  Benghazi ,  san^voir  éf^  atteint  du  typlius.  (  J.  Mohl.)    "         '  ' 


356  JOURNAL  ASIATIQUE. 


BIBLIOGRAPHIE. 


RAPPORT 

Sur  un  Manuel  pratique  de  la  langue  chinoise  vulgaire,  par  M.  Looia 
RocHET ,  membre  de  la  Société  asiatique.  Paria,  Benjamin  Daprat; 
1  vol.  in-8*. 

La  petite  chrestomathie  que  M.  Louis  Rochet,  membre 
de  la  Société  asiatique,  yient  d'imprimer  sous  ce  titre,  avec 
les  beaux  caractères  de  M.  Marcellin  Legrand,  a  est  pas  la 
première  chrestomathie  chinoise  publiée  à  Paris  ;  mais  M.  Ro- 
chet est  le  premier  qui  ait  montré  aux  étudiants  tout  le  parti 
qu*on  pourrait  tirer^  pour  la  connaissance  de  la  langue,  d*un 
texte  chinois  correctement  imprimé,  correctement  ponctué, 
et  suivi  d'un  vocabulaire  spécial  de  tous  les  mots  renfermés 
dans  le  texte.  Des  travaux  de  ce  genre ,  entrepris  dans  Tin- 
térêt  des  premières  études ,  se  recommandent  toujburs  à  la 
bienveillance  des  philologues.  Il  faut  aux  conunènçants  des 
manuels  élémentaires ,  comme  le  Manuel  de  M.  Rochet  : 
toute  autre  méthode  paraît  moins  sûre,  moins  rapide;  c*est 
par  ce  procédé,  dont  l'expérience  a  été  faite,  que  nous  par- 
viendrons à  faciliter  la  lecture  du  kouân-hoa. 

Mais  les  méthodes  et  les  procédés  varient  et  doivent  varier 
dans  le  cours  même  des  études.  Quand  on  sait  le  kouân-hoa, 
d'autres  instruments  que  les  vocabulaires  deviennent  indis- 
pensables. Les  meilleurs  vocabulaires,  les  vocabulaires  ori- 
ginaux, ne  procurent  pas  l'intelligence  du  koù-vên.  S'il 
faut  aux  commençants  des  textes  avec  des  lexiques ,  il  faut 
aux  élèves  plus  avancés  des  textes  avec  les  commentaires 
originaux. 

Rien  de  plus  net,  de  plus  précis,  de  plus  déterminé,  de 


OCTOBRE   1846.  357 

plus  arrêté  qu'un  commentaire  chinois  Siur  un  texte  devenu 
classique.  La  raison  en  est  toute  simple;  c^est  quil  y  a  des 
siècles  que  les  Chinois  étudient,  comme  nous  étudions  nous- 
mêmes,  la  langue  savante  et  les  monuments  de  Tantiquité. 
Les  difficultés  que  nous  éprouvons,  ils  les  éprouvent;  les 
obstacles  que  nous  rencontrons,  ils  les  rencontrent,  et  ce 
qui  est  obscur  pour  nous  est  lojh  d'être  clair  pour  eux;  mais 
les  Chinois  ont  obtenu ,  par  une  long^e  persévérance  dans 
ces  exercices ,  des  résultats  généraux  et  décisif.  La  vérité 
est  que  les  secours  ne  leur  manquent  pas ,  et  que  les  com- 
mentaires originaux  remplacent  avantageusement,  ou  plutôt 
renferment  ces  vocabulaires,  que  nous  appelons  en  Europe 
les  lexiques  des  sauteurs.  Je  citerai  un  exemple.  Il  existe  à  la 

Chine  une  chreàtomathie  intitulée  "fy  jjjr  "^3^  3-^  Koà- 
vên-p'ing-tchà.  C*est  un  recueil  fort  estimé,  un  recueU  de 
morceaux  choisis  et  tirés  des  plus  célèbres  écrivains.  Certes , 
si  quelque  chose  doit  embarrasser  Tétudiàni,  c*est  la  multi- 
plicité des  acceptions  de  chaque  radical  monosyllabique  dans 
un  idiome  conventionnel,  artificiel  et  qui  ne  se  parle  pas.  Il 
semble  donc  que  l'intelligence  des  morceaux  recueillis  exige 
un  lexique  particulier  ;  mais  ce  lexique  n^est  pas  à  faire ,  il 
est  tout  fait;  il  se  trouve  dans  le  commentaire,  où  chaque 
moi  pourvu  d'une  acception  particulière  est  clairement  ex- 
pliqué. 

'  Pour  l'étude  du  kouân-hoà  proprement  dit,  pour  la  lec- 
ture des  ouvragés  d'imagination,  on  regarderait  à  la  Chine 
un  commentaire  comme  une  superfluité,  ptusque,  dans  les 
ouvrages  de  cette  nature,  l'auteur  écrit  à  peu  près  comme 
on  parle.  Les  romans,  à  l'exception  d'un  ^ès-petit  nombre, 
sont  des  monuments  du  kouân-hoà  ou  de  la  langue  com- 
mune ;  aussi ,  les  notes  qui  accompagnent  ou  suivent  les 
phrases  ne  servent-elles  jamais  à  l'explication  des  mots,  dont 

le  sens  est  compris  de  tout  le  monde.  Dans  le  ^|i^  ^m*  /S 
Choni-hou-fchouen,  roman  célèbre  où  figurent  cent  deux 
personnages  principaux,  sans  compter  les  agents  subalternes. 


358  JOURNAL  ASIATIQUE 

roman  d'une  volumineuse  proIiAÎté.  car  il  na  pas  moina 
de  soixante  et  dix  chapitres ,  les  notes  ne  renferment  qae  des 
observations  critiques. 

La  distinction  que  je  viens  d*étaMir  et  sur  laqadUe  j*ci 
insisté  dans  un  long  mémoire  ,  conduit  naturdlement  à  la 
distinction  des  métliodes ,  quand  il  s*agit  d'étudier  le  koà- 
vén,  le  kouân-hoà  ou  un  dialecte  particulier.  On  apprend  le 
koii-vên  Comme  les  Chinois  l'apprennent,  avec  les  commeo- 
taires  ;  c'est  l'opinion  de  M.  Stanislas  JuUen«  On  doit  étudier 
la  langue  et  les  dialectes  de  la  Chine  oomme  on  étudie  les 
langues  étrangères,  avec  des  manuels,  des  vocabalaôres  et 
des  textes  traduit»  interlinéaircment.  Et  qu'on  ne  parle  pas 
ici  de  la  prononciation,  là  difficulté  n'est  pas  là;  la  |^rande 
difficulté ,  c'est  d'apprendre  à  écrire  une  langue  qui  ne  s'écrit 
pas  alphabétiquement.  M.  Rochet,  en  publiant  un  Manuel 
de  la  langue  chinoise  à  l'usage  des  élèyes;.de  VÉqple  des 
langues  orientales,  des  missionnaires,. des  conymerçants  et 
des  voyageurs ,  a  donc  fait  une  œuvre  utile. 

L'ouvrage  se  compose  de  vingt  dialotgues  familiers,  de 
dix  historiettes,  de  cinq  fables  d'Ésope  mises  en  firançais 
par  un  sièn-seng  de  Canton  appelé  Mun-mouy,  de  Toraison 
dominicale,  du  symbole  des  apôtres  et  d'un  recueil  de  pro- 
verbes. Les  dialogues  ne  sont  pas  nouveaux;  l'auteur  les  a 
tirés  de  VArte  china  du  P.  Gonçalvez  et  des  Dialogues  ani 
detached  Sentences  in  the  Chinese  language,  imprimés  à  Macao 
en  1816.  Ceux  que  l'on  trouve  dans  les  ouvrages  originaux, 

tels  que  le   |p|  '^C.  ^3^  ^t   ^*^-w^«-*'*-»»w^  et  le 
Ih  ^3   JOT  ^^   Tching-yn-t'soh'yào ,  me  semblent  pré- 
férables ;  néanmoins ,  les  dialogues  du  Manuel  sont  très-oor- 
rects  ;  on  peut  les  étudier  avec  fruit. 

Dans  une  introduction  placée  à  la  tête  de  l'oaYrage, 
M.  Rochet  expose  très-succinctement  les  règles  de  la  gram- 
maire chinoise ,  d'après  la  Notitia  linguœ  sinicœ  da  P.  Pré- 
mare ,  et  les  Éléments  de  M.  Abel-Rémusat.  Appliq[iiée8  aux 


OCTOBRE  1846.  359 

caractères  ou  à  la  phrase  écrite,  c^  i^ègle^  soat  excellentes; 
étendues  au  langage,  eHes  ne  si^^eM  iîeh.  U  y  a  pour  )e 
chinois  deux  systèmes  d*analyse  f  l'àrtialyée'fMur  caractères  et 
Tanalyse  par  mots.  On  appem,'  to  Ou<1ft6i-ji)i  \'le9  mots  mo- 

nosyllahiques  Ig  -^  àn-tszé,  cibles  mot^  polysyllabiques 
Wrp  !^^  liênrtszé.  Dans  les  livides ,  il  y  a  de»  caractères  qui 
expriment  à  eux  seuls  plusieurs  mota,  ^O   — «-*  -jP*  IS 

'êZ  ^ë^  ^î^  "M^  ^Sf  y^^'J^^'^^'^^'T^'^^^^'^^-y^^- 
tchèg  comme  dans  le  Szé-ki  (Ménioires  historiques  de  Sze- 
mâ-t*sièn)  et  dans  une  foule  d'ouvrages    Cp  ^J*  J^  ^^m 

-^b  >PhL  Szè-ki'tchê'loui'ché'yè ;  mais  dans  la  langue  pariée, 
les  mots,;monosyllabîqnes  qu*onempl(ne  sont  extrèmemeat 

tcbé-yû-ckoh-houàf  jting-yànq-'tân'tszé^hin'SièrL.  Ëii^ore  Wèn 
que  chaque  caractère  chinois  représente  une  idée  mg  H  H 

JS%  ÏM  ^oui-tsek-t'ckinf-y,  tous  les  caractère»  ne  sont  pas 
des  mots;  c'est  pourquoi,  quand  on  écrit  c<Hnme  On  parie 

^M  fS^  ^^  kàa-yâ^vén-tah^tchê-kièn,  on 
est  obligé  d'unir  deux  ou  plusieurs  caractères  pour  hvBopt 
des  mots  ^  i^  IS  |f§  JSK  W  r«k-P*KAïfo*''<^Wnf7 
jtfR.  Ces  agrégations  sont  fort  ing^euses  /h  In  ^Sf  ^R 
nài-oui-tsin-chuén.  yt  Je  reproduis  avec  plaisir  cette  opinion, 
parce  qu'elle  me  paraît  concluante,  et  fortifie  lès^  principes 
que  j'ai  établis  dans  mon  Mémoire  sur  les  principes  géné- 
raux du  chinois  vulgaire.  U  est  évident  que  l'analyse  d'une 
phrase  écrite  varie  suivant  qu'on  agrège  les  caractères  ou 
qu'on  les  sépare. 

'  C'est  le  nom  d'an  sièn-seng  fort  habile ,  amené  en  Angleterre  par  k 
Rév.  M.  Mibe. 


:^60  JOURNAL  ASIATIQUE. 

M.  Hochet  pense,  que  la  publication  d*un  livre  élémentaire? 
sur  la  langue  chinoise  pourra  paraître  opportun^,  après  les 
derniers  événemeut^  qui  viennent  de  s^accomplir,  le  réta- 
blissement de  1^  paix,  les  traités  av^c  la  France,  1* Angle- 
terre, les  États-Unis  :  c'est  aussi  mon  sentiment.  Il  convient, 
toutefois ,  d'avertir  les  élèves  que ,  dans  lès  cinq  ports  ouverts 
au  commerce  européen,  on  ne  parle  pas  le  kouân-hoa,  ou 
la  langue  commune,  dont  le  Manuel  expose  les  principes. 
Une  singularité  encore  plus  remarquable ,  c'est  que  les  dia- 
lectes parlés  dans  les  ports ,  dialectes  qui  diffèrent  les  uns 
des  autres,  ne  s'écrivent  pas  et  ne  peuvent  pas  s*écrire, 
comme  je  l'ai  démontré  ailleurs ,  à  l'exception  du  dialecte 
de  Canton ,  qu'on  écrit  tant  bien  que  mal.  Ainsi ,  quoique 
dans  les  cinq  ports  tous  les  naturels  qui  savent  écrire 
écrivent  le  chinois,  la  connaissance  d'un  dialecte  au  moins 
est  indispensable  à  quiconque  veut:çûmmuniqaer  orplement 
avec  les  indigènes. 

De  petits  vocabulaires  alphabétiques  des  idiomes  parlés 
dans  les  ports  et  sur  les  cotes  de  la  Chine,  recueillis,  par. un 
interprète  ou  un  voyageur,  de  la  bouche  des  naturels,  ser- 
viraient à  établir  les  caractères  principaux  qui  distinguent 
ces  idiomes;  car,  s'il  m'est  permis  d'en  juger  par  les  échan- 
tillons que  j'ai  reçus  de  la  Chine,  j'oserai  dire  qu'ils  ne  se 
ressemblent  guère.  J'avouerai  aussi  que,  pendant  mon  séjour 
à  Liverpool ,  il  m'a  été  impossible  de  tirer  quelques  lunoières 
de  l'habile  sièn-seng,  que  j'y  ai  rencontré,  au- sujet  des  dia- 
lectes parlés  sur  les  côtes;  mais,  en  revanche,  j'ai  obtenu, 
sur  la  nature  du  kouàn-hoà  ou  de  la  langue  parlée,  une 
petite  dissertation  pleine  d'intérêt,  et  que  je  dois  mettre 
sous  les  yeux  du  lecteur  : 

«  Depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours ,  la  langue  parlée  a 

toujours  été  la  même    ^  '^  ^  "n^^Wl^  ^ 
|pj   Isé-kou-hih-kÎTi' ,  choh-hoà-kiâi-t'ông.  La  langue  des  an- 
ciens ne  différait  pas  de  la  langue  dos  modernes  "f^  J^l 


OCTOBRE   1846.  361 

fî  ^  ^  ,J2.  ^  -ta  i^-K'kê-hoâ-yeôu-ktn-tchê. 
hoà-yè.  Les  variations  et  les  modifications  que  1  on  aperçoit 
dans  la  langue  des  livres  n*bnt  jamais  existé  dans  la  langue 

parlée.  Les  hommes  de  la  haute  antiquité  |  "jt^  J/\  K^ 
châng-koà-tchê'jin  parlaient  comme  nous  la  langue  vulgaire 
^  ^  Ft9  ^  ^i  ^yéh.yéon.yin.tah-ichê-h'oà; 
mais  les  livres  qui  la  renfermaient  4r  toR  J/\  ^&1  tân- 
isài'tchê'châ  n  ont  pu  être  transmis  à  la  postérité  yK  ct& 

^S  ^f^pohnêngt'choâen-héou(UAs  qu'ils  avaient  été -pri- 
mitivement écrits).  La  langue  que  Ton  parle  n'est  pas  la 
langue  des  livres.  On  a  remarqué  que  Tes  écrits  en  langue 
vulgaire  disparaissaient  au  bout  de  quelques  centaines  d'an- 

nées  ^  ^  î^  W  #•.  ^S  ^  y  k6.héoa^>6a. 
peh-nièn,  moh-yeoà-liào.  Quand  un  ouvrage  de  ce  genre 
mérite  d'être  conservé,  on  substitue  le  littéral  au  vulgaire 

"i*  lu  uXk  JJÎL  ^'i^'^oh-t^ching-vên ,  c'est-à-dire  on  subs- 
lilue  l'idiome  savant,  tel  qu'il  est  dans  les  auteurs,  à  l'idiome 
vulgaire ,  qui  se  trouve  dans  l'ouvrage. 

«  Le$  lettrés  de  la  dynastie  des  Han  connaissaient  les  ca- 
ractères; ils  ne  connaissaient  pas  le  système  des  sons  radicaux 

-a  H  ^  3t  ^  M  :^  p  ^  #  '^-j^- 

cheh'vên-tszé'eâl-poh-cheh'tszé-moà;  mais,  après  l'introduction 
de  l'alphabet  indien  dans  l'empire  chinois ,  on  distingua  les 
sons  initiaux  (les  consonnes)  et  les  sons  finaux  (les  voyelles 
et  les  diphthongues);  on  trouva  le  moyen  d'indiquer ^a  pro- 
nonciation des  mots  dans  les  dictionnaires.  Sous  la  dynastie 

des  T'ang,  on  publia  pour  la  preiiiière  fois  le  H?  bM 
Kouàng-ydin  (  dictionnaire  dans  lequel  les  caractères  sont 
arrangés  suivant  l'ordre  des  tons^);  sous  la  dynastie  des 


362  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Song,  on  imprima  le  "Bg.  'S^  T^iie^-yiun  (autre  diction- 
naire tonique);  sous  ]es  Kin  et  les  Youèn,  on  marqua  les 
cinq  tons  ;  enfin ,  sous  le  règne  de  Taî-tsou  des  Ming,  durant 
la  période  hong-wou  (i368  à  i384  de  notre  ère),  parut  le 

célèbre  dictionnaire  tonique  intitulé;  ^£  jjÇ   Tp  ^B 

Hâng-wèa-tching-ydin.  Avant  Tintroduction  de  Talphabet 
indien,  et  tant  que  Tart  de  distinguer  les  sons  est  resté  in- 
connu des  lettrés ,  là  langue  u^avait  pas  une  prpnondatîon 
imiversellement  arrêtée. 

«  Généralement,  tout  honune  qui  écrit,  écrit  la  langue  des 

livres  Jl  ;j^  if^  J^]  ^  ^  fân.ni.Uzi-yi»g-iM- 
hoà;  on  n  écrit  le  kouân-hoà  que  pour  apprendre  aux  Chi- 
nois à  palier  correctement  J^  agj/  ^l  "g&  gjy  cW- 
kiào'jîn'choh'hoà.  Il  y.  a  du  kouân-hoà  dans  les  romans  et  les 
pièces  de  théâtre  j$  ^  ^  $i  ^  1^  fj 
t'chouêti'kih-isàh-kih,  yedu-kouân-hoà;  il  y  a  aussi  du  hiang- 
t'ân  (patois);  mais  la  langue  du  théâtre  diffère  un  peu  de 

la  langue  que  Ton  parle  dans  la  société  WE  BU  pm  g& 

is  *  ^  ^,  w  m  is  "6/S  :?;  ,3 

Udh-kihMh-choh-hoà4à'kià(ht'àn-tihchoh-hoâ-îwh'yèou-poh't'éK^ 
Aujourd'hui,  les  personnages  appelés  tcking-seng  et  iiaxhêeng 
(expressions  par  lesquelles  on  indique  certains  r^esi  comme 
chez  nous  les  phres  nobles  et  les  premiers  comiques  )  parlent 

généralement  le  kouân-hoâ     tr  >4»  >jN  >4»    ^    ^^ 

"g*   gXT  tching-sêng-siad-sêng-tâ-chohrkoaân-hoà,  tandis  que 

les  tseng*et  les  tchéoa  (personnages,  vulgaires)  mèleot  au 
kouân-hoà  le  dialecte  ou  Fidiome  du  pays  (dans  lequel  la 

pièce  est  représentée)  T^  -ft  ^  ^J  jt  "^  tséng- 
tchèoa'isah-yong-t'où't'ân.  Quant  aux  auteurs  dramatiques,  ils 


OCTOBÏIE  lg46,     .  363 

se  servant,  pour  écrire,  du  dialecte  de  Nankin  ou  de  Sou- 
tcheou-fou ,  selon  qu*ils  lisent  habituellement  Jas  romans  de 
Nankin  ou  de  Sou-tcheou-fou.  I)an9  les  pays  où  Ton  parle 
un  dialecte  particulier,  Tacteur  ne  répète  jamais  son  rôle 
tel  q^'il  est  écrit  dans  la  pièce. 

•  Ce  n*est  pas,  comma  vous  le  croyez,  sous  la  dynastie 

des  Vouèn  qu*on  a  commencé  à  écrire  le  kouân-hoâ  3Ë  ^ 
yC  ^M  ^fè  ^  fî'Ué'yoïkên-tcMo'chUyè;  on  Ta  écrit 

pendant  toute  l'antiquité   ^^    |1~|    /fcl    !^  lykou-yfiou- 

(che.  » 

Les  sujets  que  les  livres  n  éclaircissent  p^s  sont,  en  gé- 
néral et  fort  heureusement,  très  -  circonscrits ,  très -limités; 
ils  se  réduisent  pour  nous  à  un  petit  nombre  de  questions 
controversées,  parmi  lesquelles  je  nhésit^  pas  à  placer  Tod- 
gine  du  kouân-hoa.  Cette  question ,  insoluble  par  les  livres , 
insoluble  par  Thistoire  et  les  monuments  de  l'antiquité  chi- 
noise, ne  reçoit  aucune  lumière  de  la  petite  dissertation  qui 
précède.  Quoiqu'elle  émane  d'un  sièn-seng  fort  estimable, 
ce  n'est  pas  sur  un  pareil  fondement  que  l'on  peut  établir 
un  système  quelconque  ;  mais  la  modification  profonde  que 
subit  l'art  de  prononcer  les  mots,  au  premier  contact  de 
l'écriture  chinoise  avec  une  écriture  alphabétique,  est  un 
fait  de  la  plus  grande  importance;  signalé  moins  explicite- 
ment dans  la  préface  du  Dictionnaire  de  R'ang-hi ,  il  mérite 
de  fixer  l'attention  des  philologues. 

De  telles  digressions ,  je  n'ai  pas  besoin  de  le  dire,  seraient 
en  quelque  sorte  déplacées  dans  un  ouvrage  élémentaire , 
comme  le  Manuel  pratique  de  la  langue  chinoise.  En  rédui- 
sant à  une  étendue  assez  peu  considérable  et  sous  la  forme 
d'une  introduction ,  la  partie  consacrée  aux  règles ,  M.  Rochet 
n'en  présente  pas  moins  tout  ce  qu'il  y  a  de  vraiment  usuel 
dans  la  Grammaire  de  M.  Âbel-Rémusat.  Les  textes,  quoique 
reproduits  d'après  les  imprimés  du  P.  Gonçalveî'et  de  Mor- 
rison,  exigeraient,  dans  plusieurs  endroits,  quelques  recti- 


364  JOURNAL  ASIATIQUE. 

iicalions ,  et  les  phrases  oe  sont  pas  toujours  coupées  là  où 
eWes  devraient  Tétre. 

Du  reste,  en  signalant  à  M.  Louis  Rochet  de  légères 
inexactitudes  que  Ton  rencontre  dans  son  Manuel,  je  partage 
avec  lui  Topinion  que  les  ouvrages  élémentaires  destinés  aux 
étudiants  laissent  beaucoup  à  désirer.  Le  Manuel  qa*ll  vient 
de  publier  est  d*un  usage  plus  commode  et  vaut  mieux  sous 
beaucoup  de  rapports.  On  doit  savoir  gré  à  Tauteor  de  lai 
peine  qu*il  a  prise;  assurément,  c*est  un  grand  avantage  que 
de  pouvoir  étudier  le  kouân-hoà  comme  on  étudie  les  langues 
étrangères,  par  une  méthode  courte  et  abrégée. 

Bazin. 


Dictionnaire  détaillé  des  noms  des  vâtements  ghbs  les  Arabes, 
ouvrage  couronné  et  publié  par  la  troisième  classe  de  rinstitut 
royal  des  Pays-Bas,  par  R.  P.  A.  DozT,  i  vol.  gr.  in-8%  de  tiii  et 
446  pages.  Amsterdam,  Jean  MuUer,  i845. 

Malgré  les  immenses  progrès  que  la  littérature  arabe  a 
faits  depuis  quarante  ans,  il  est  certain  que  la  lexicographie 
ne  s'est  pas  enrichie  dans  la  même  proportion  que  les 
sciences  historiques  et  géographiques.  Nous  ne  possédons 
pas  encore  un  bon  dictionnaire  arabe;  et  cela  n*a  rien  qui 
doive  surprendre ,  si  Ton  considère  Texiguité  des  matériaui 
que  les  arabisants  ont  à  leur  disposition.  Des  milliers  de 
manuscrits  arabes  restent  enfouis  dans  les  bibliothèques  de 
TEurope,  de  l'Asie  et  de  l'Afrique,  et  ce  n'est  pas  avec  les 
éditions  d'une  quarantaine  d'ouvrages,  généralement  plus 
importants  par  leur  sujet  que  par  leur  étendue,  que  l'on 
peut  se  flatter  de  donner  un  trésor  de  la  langue  arabe;  c'est- 
à-dire  un  dictionnaire  qui,  non  content  de  déterminer  le 
sens  exact  de  chaque  mot,  dans  l'origine,  nous  fisisse  con- 
naître les  diverses  acceptions  qu'il  a  reçues  en  AraUe,  en 
Perse,  en  Afrique,  en  Espagne,  et  qui,  par  des  exemples 


OCTOBRE  1846.  365 

empruntés  aux  monuments  littéraires  des  divers  siècles, 
nous  trace  l'histoire  de  chaque  terme,  en  distinguant ^  d'une 
manière  précise ,  les  sens  propres  à  ce  ternie ,  dans  tel  pays 
de  langue  arahe,  de  ceux  qu'il  avait  dans  tel  autre. 

Mais,  s'il  paraît  prudent  4^  renoncer  pour  le  moinent  à 
composer  un  tel  dictionnaire,  on  peut  du  moins  faire  avan- 
cer la  lexicographie  de  trois  manières.  La  preiçière  consiste 
à  donner  des  notes  philologiques,  en  forme  de  commentaire, 
sur- un  ou  plusieurs  auteurs.  Les  modèles  en  ce  genre  ont 
été  donnés  par  Silvestre  de  Sacy ,  dans  sa  traduction  d'Abd- 
Allatif ,  et  par  M.  Quatremère ,  dan*  sa  version  de  l'Histoire 
des  Mamlouks,  de  Makrîzi  ;  la  seconde  méthode  consiste  à 
rassembler  les  mots  relatifs  à  telle  ou  telle  branche  de  con- 
naissances ;4a  troisième,  à  se  borner  au  langage  d'un  seul 
siècle  ou  d'un  seul  pays.  Ces  deux  dernières  n'avaient  point 
encore  été  suivies;  mais  nous  possédons  enfin',  grâce  à 
M.  Dozy,  un  spécimen  accompli  de  la  seconde,  et  il  nous  est 
permis  d'attendre  de  ce  même  savant  un  niodèle  de  la 
troisième,  daas  un  <lictionnaire  de  la  langue  des  Arabes 
d'Espagne  et  de  Mauritanie ,  pour  lequel  il  a  déjà  amassé'de 
nombreux  matériaux. 

L'ouvrage  dont  nous  nous  occupons  suppose  les  lectures 
les  plus  variées  ^t  les  plus  étendues!  L'auteur  ne  s'avance 
qu'en  s' appuyant,  à  chaque  pas,  suf  un  nojnbreux  cortège 
d'autorités  :  poètes,  historiens,  vpyageurs,  lexicographes, 
scoliastes;  jurisconsultes,  il  a  tout  compulsé ,*  tout  mis  à 
contribution.  Parmi  les  auteurs  arabes  dont  il  invoque  le 
plus  fréquenmient  le  témoignage,  nous  citerons  seulement, 
outre  les  lexicographes ,  Djeuhari,  Firouzabadi  et  Ibn  Paris  ; 
les  historiens  Ibn  Khaldoun,  Ibn  lyas;  Novaïri,  Maccari, 
Makrizi,  Soyouthi;  les  voyageurs  Ibn  Batoutah  et  Ibn  Djo- 
baîr;  les  commenlateiirs  Ibn  Djinni,  Vçihidi  et  Tébrizi.  Mais 
l'ouvrage  auquel  il  a  fait  les  plus  nombreux  emprunts  est 
le  texte  arabe  des  Mille  et  une  Nuits.  Quant  aux  voyageurs 
européens  dont  il  cite  l'autorité ,  le  chiffre  en  est  encore  plus 
considérable.  On  distingue ,  entre  autres,  Marmol,  Cotovic, 
vin.  24 


366  JOURNAL  ASIATIQUE. 

HelUnch,  Kœmpfer,  Van  Ghistele, Mantegazza,  Wild,  Dî^ 
de  Haedo.  Le  Romancero  de  romances  moriscos  lui  a  fourni 
plus  d'une  remarque  intéressante;  enfin,  il  reproduii  sou- 
.vent  les  définitions  des  dictionnaires  espagnols  de  Pedro  de 
Alcala,  de  Cobarruyias,  de  Hierosme  Victor  et  de  César 
Oudin. 

Toutes  les  fois  que  les  sources  auxquelles  il  a  puisé  lui 
en  ont  ofiert  le  moyen,  M.  Dozy  a  £iit  connaître  les  direrses 
modifications  que  telle  ou  telle  pièce  du  costume  arabe  a 
subies  dans  les  diverses  contrées  musulmanes  :  en  Espagne, 
au  Maroc,  à  Alger,  à  Tunis,  en  Egypte,  en  Syrie,  en  Andne, 
en  Perse,  etc.  H  a  déterminé,  autant  que  possible,  chei  qud 
sexe  tel  ou  tel  vêtement  était  particulièrement  en  usage, 
quelles  en  étaient  la  forme  et  la  matière.  On  cqpprend  tout 
ce  qu'une  pareille  méthode  a  dû  lui  fournir  de  détails  cu- 
rieux et  piquants  sut  Thistoire,  Tesprit  et  les  coutumes  des 
populations  musulmanes.  C'est  ainsi  qu*un  passage  de  No- 
vaïri,  cité  et  traduit  à  la  page  8,  nous  fait  connaître  les  ha- 
bitudes de  simplicité  d'un  cadhi  des  cadhis  de»  Hanbalites,  à 
Dacmas;  qu'un  extrait  d'Ibn  Batoutah  retrace  les  cérémonies 
avec  lesquelles  les  grands  de  la  cour  du  roi  d'Aïdedj ,  ville 
du  Louristan,  portaient  le  deuil  du  fils  de  leur  prince  ^  ;  que 
quelques  lignes  de  Makrizi*  nous  apprennent  que,  du  temps 
de  cet*historien,  le  sultan  d'Egypte  s'était  arrogé  le  mono- 
pole des  khilats  ou  habits  d'honneur  et  d'autres  objets  '. 

Ailleurs  (pag.  270-276),'  on  lit  un  long  et  intéressant 
morceau  d'Ibn  lyas ,  relatif  à  la  fête  qui  se  câébrait  en 
Egypte,  parmi  les  gens  du  conunun,  le  jour  du  Neurouz, 

»  Pag.  U-hS. 

*  Pag^.  aao,  aoa. 

'  M.  Dozy  fait  sur  ce  passage  la  remarque  suivante  :  «On  voit,  par  œ 
passage,  que  le  sultan  s*était  arrogé  le  monopole  des  scherbousdbs.»  Ma»  je 
ne  puis  croire  que  teUe  soit  la  condusion  à  tbcr  des  paroles  de  BUriiL  En 

cfiPct,  cet  auteur  dit  plus  haut  :  « LoJl  j  ^j»»Jj.JSljF  JlIi^  Jl3* 

i/sM.^=9jÀ]  ;  «mais  (l'usage  du)  chcrboQch  a  été  aboli  sona  la  c 
cassiennc.  « 


OCTOBRE  1846,  367 

c'est-à-dire  le  premier  jour  de  Tannée  solaire  des  copies,  et 
qui  offrait  plus  d*un  trait  de  ressemblance  avec  la  fête  des 
fous  du  moyen  âge  et  avec  le  carnaval.  • 

Le  livre  de  M.  Dozy  échappe <  par  sa  formé  même,  à  toute 
analyse.  Tout.c^  que  l'on  peut  attendre  de  nous,  c'est  d'en 
signaler  les  articles  qui  nous  auront  paru  4îgn6s  d'une  men- 
tion particulière.  Nous  citerons  donc,  parmi  les  plus  inté- 
ressants, les  articles  jl^=j\  ^  ^j  ^^,  J>k>^^  *^>^*» 
*jOb>9\  ïjMjSâ^,  if^J'-  Dans  ces  chapitt*es,  ou  dans  d'au- 
tres®, M.  Dozy  a  rectifié  diverses  assertions  peu  exactes  de 
Silvestre  de  Sacy  et  de  M1V(.  Freytag  et  Quatremère. 

Je  n'autais  donné  qu'une  idée  fort  incomplète  de  l'im- 
portance de  cet  ouvrage ,  sous  ^e  rapport  lexicographique ,  si 
je  ne  mentionnais  pas  les  notes  nombreuses  dans  lesquelles 
sont  expliqués  des  termes  de  la  langue  arabe.  Grâce  à  ces 
notes,  nous  apprenons  que  les  mots  oUUtjl^  désignaient 
«  le  palais  du  Naîh,  a  Damas  *  ;  »  que  le  mot  <ljJ>  ne  signifie 
pas  seulement  «  un  vêtement ,  »  mais  encore  «  line  pièce 
d'étoffe  ^^;  »  que  le  .verbe  j4^,  suivi  de  la  préposition  cj, 
signifie  a  dire  à  haute  voix  une  chose  ^'  ;  »  que  JalL  exprime 
l'opération  de  «coudre  le  cadaVre  dans  un  linceul  **..»  Ail- 
leurs, on  voit  que  le  mot  jLiu,  dans  le  langage  aVabe  du 
Magreb,  désigne«i°  «une  salle  d'un  palais  destinée  aux  au- 

'  Pag.  95-99. 

■^  Pag.  26^-262.  .  : 

^  Pag.  262-278. 

'  Pag.  3 19-323.  ■ 

'  Pag.  327-33/1. 
^  Pag.  365-371.. 

'  Dans  le  sens  de  caleçon  ,  pag.  395-399. 

*  Pag.   3oi,  note,  aux  mots  ïjy^x-  ou  iuLâX -  352,  au  mol  Va5  ; 
32^,  aumot  jLjÂfi. 
^  Pag.  8,.note  2. 
'°  Pag.  20,  note  1. 
"  Pa^.  27,  note  /i. 
'■''■  Pag.  29,  note  10.  . 

vin.  24. 


568  JOURNAL  ASJATIQUE. 

diences  ;  s""  une  partie  d'un  palais  séparée  du  reste  de  Tédi- 
fice;  3**  Taudience  publique;  4"  une  forteresse';»  que 
iS^j  signifie  «une  couverture  qu'on  met  sur  le  dos  du 
cheval  ou  du  mulet*;  »  que  le  terme  ^I  veut  dire  :  «  une 
sorte  d'étoffe  précieuse  ou  un  vêtement  de  couleur';»  que 
la  cinquième  fôrnfe  du  verbe  ^^  signifie  :  «  se  déguifcr,  se 
travestir  *;  »  ct^^  «  clouer  un  criminel  sur  une  croix,  cruci- 
^£?r  quelqu'un \  »  Plus  loin,  nous  lisons  que  l'adjectif  J^ 
désigne  «le  camelot**,»  et  le  mot  ^J*»fi^t  pluriel  ^jwaJJIj», 
«  un  tapis  grossier  de  diverses  couleurs'.  »  De  même  que  les. 
articles  auxquels  elles  se  rapportent,  toutes  ces  n^tes  se  re- 
commandent par  une  érudition  bien  nourrie  et  une  critique 
judicieuse. 

Jusqu'ici  nous  n'avons  eu  qu'à  louer.  11  nous  reste  à  signa- 
ler, avec  la  même  franchise,  quelques  imperfections  de  dé- 
tail, inévitables  dans  un  si  vaste  sujet,  et  dont  aucun  lecteur 
équitable  ne  s'étonnera;  Le  moyen,  en  effet,  de  ne  pas  com- 
mettre quelques  inadvertances,  quelques  erreurs  de  lecture 
ou  de  traduction ,  dans  un  livre  où  sont  rapportés  plusieurs 
milliers  dé  passages  arabes,  empruntés,  pour  la  plupart,  à 
des  ouvrages  manuscrits. 

Dans  un  curieux  extrait  de  Novaïri,  qui  raconte  coniment 
le  sultan  Aïoubide  Almélic  Almoaddham  se  défit  d'un  cadhi, 
au  moyen  de  vêtements  empoisonnés,  il  faut  lire  (page  19)  : 
ibU  c:>^a  zjAc  «^'  iuuw,  l'année  619,  au  lieu  de  .  »  .m  j 
jùU  «XM»^  jfyic,  l'année  719.  Dans  un  passage  du  même 
historien,  cité  page  29,  noie  10,  le  mot  jU^  est  traduit 
par  prince;  ne  serait-ce  pas  plutôt  majordome  qu'il  faudrait 

'  Pag.  42  y  note  9. 

^  Pag.  1 29 ,  note  3# 

'  Pag.  i33,  note  1,  et  pag.  ai"]. 

*  Pag.  168,  note  1. 
^  Pag.  269,  noté  7. 

•  Pag.  828,  note  1. 
.''  Pag.  369-370. 


OCTOBRE  1846.  369 

dire?  Ce  qui  peut  le  faire  croire,  cest  que  le  personnage 
.revêtu  dé  ce  titre  s'appelait  jaâa  anher,  nom  qui  se  donnait 
quelquefois  k  des  esclaves  noirs  \  Page  169,  dans  un  pas- 
sage d'Ibn  Batoutah ,  il  est  question xle  kheffs,  ou  bottines  de 
Borkhali  ^Jv^jj.  c'est-à-dire  de  peau  de  cheval,  portées  par 
lé  voyageur.  Au  lieu  de  Borkhali ,  je  pencherais  à  lire  (^jUlL 
Bolghari.  Ce  qui  me  confirme  dans  cette  opinion,  o'est  que, 
d'après  Makrizi  (cité  pag.  1 56),  les  émirs,  les  soldats  et  le 
sultan  lui-même,  portaient,  sous  la  dynastie  turque  (circaii- 
sienne),  des  khoffs  de  cuir  bolghari  noir*.  On  lit  dans  un 
passage  d'Ibn  lyas»  rapporté  page  289,  que  les  femmes  in- 
ventèrent une  nouvelle  coiffure  qui  ressemblait  à  la  bosse 
d'un  chameau.  «  Sa  longueur  était  d'environ  une  coudée  et  sa 
hauteur  d'un  quart  de  coudée  ;  on  l'ornait  d'or  et  de  perles , 
et  on  dépensait  pour  cet  objet  des  sommes  considérables 
iAj'^  j  F^L.  »  M.  Dozy,  trompé  par  le  masculin  [yJtj, 
employé  abusivement  au  lieu  du  féminin  ^j^jLjLj',  a  lu 
^[yJLj  en  un  seul  noot,  et,  ce  terme  ne  lui  offrant  aucun 
sens,  il  a  proposé  d'y  substituer  jt^f,  qu'il  traduit  par 
«les  ornements  du  derrière  de  la  tête*. 

'  Voy.  M.  Qualremère,  HisL  des  Mongob  delà  Perse,  t.  I ,  p.  896 ,  note. 

'  Deux  de  nos  manuscrits  d*lbn  Batoutah  (Ms.  arabe  n*  668  du  supp. 
f*  179  v°,  et  671,  f*  77  V*)  portent  jlt^  au  lieu  de  ^Iâjj. 

'  i>«Ju  se  trouve'  employé ,  dans  le  même  sens ,  dans  un  passage  de 
Makrizi,  cité  pag.  283. 

^  Dans  un  passage  de  Makrizi,  transcrit  pag.  a  Sa  ,  on  lit,  en  paijant  de 

la  * ^'U?  :  iU_5'LkJt  ^Jf^u>^  (J^j^^  V'^  Ji^O^  U^^L 

jojJLj.  m.  Dozy  a  ainsi  rendu  ce  passage  :  «La  partie  don  haut  était 
ronde  et  le  sommet  était  fait  en  guise  de  voûte.  La  takiyah  était  doublée  de 
morceaux  de  papier  ;  n  et  il  a  ajouté ,  sur  cet  endroit ,  la  note  suivante  :  «En 
m*appuyant  sur  l'étymologie,  j'ai  traduit  le  pluriel  ^L— À— Jl  par  le 
sommet.  »  Je  pencherais  à  lire  encore  ici  (  ^j^i?A.Y  )  j  U*^V  »  *"  'i®"  de 
j  LiJvj.  En  effet,  en  supposant  même  que  le  mot  (J  IaÂJvj  pût  avoir 
le  sens  que  lui  prête  M.  Dozy,  il  resterait  à  en  justifier  Temploi ,  qui  serait 
tout  à  fait  inutile  après  le  comparatif  IjtvjLcI.  D'ailleurs,  un  de  nos  ma- 
nuscrits des    khilat  (Ms.  io5  de  Saint-Germain)  porte  très-distinctement 

24.. 


370  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Page  281 ,  on  iit  une  plirase  du  Habib  assiar,  de  Khon- 
démir,  relative  au  sultan  Alp-Apslan':  «  Il  portait  sur  sa 
tête,  dit  riiistorien  persan,  une  tiare  Mih  .tellement  haute, 
que  quiconque  voyait  le  sultan  évaluait  o-ôljJu  ^  à  deux 
aunes  l'espace  compris  entre  le  sommet  de  sa  tiare  et  le 
bout  de  sa  barbe.  •  Au  lieu  de  c>-^i4V^J  4^ ,  imparfait  du 
verbe  ,j-iXutl<>Âj  (littéralement  c^w/imar^,  p«/are,  arbitrari), 
M.  Dozy  a  lu  cx-^it>Âjo^,  qu'il  traduit  par  «  apercefôir,  » 
en  disant  dans  une  note  :  «  Ajoutez  lé  verbe  ^^y-Xiï  IjJ^  aux 
dictionnaires  persans.  »  De  plus  ,  M.  Dozy  rend  le  mot 
«uJ*Lf  pai*  «  une  sorte  de  ruban  qu'on  portait  sur  la  lêle.  ■ 
J'oserai  ne  pas  adopter  cette  traduolion,  et  je  croirais  plutôt 
que  tdkieh  désigne  ici  0  une  sorte  de  tiare,  de  bonnet  haut, 
en  forme  de  pain  de  sucre,  »  et,  par  conséquent,  semblable 
au  jJ:>^  des  derviches.  A  la  page  38 1,  le  surnom  du  cé- 
lèbre Al  Ghazzali  est  écrit  deux  fois  Abou  Hamil  jULx  ^f, 
au  lieu  d'Abou  Hamid. 

Nous  pourrions  aussi  relever  quelques  fautes  de  style,  que 
M.  Dozy  a,  pour  ainsi  dire,  avouées  d'avance,  dans  sa  pré- 
face \;  mais,  la  seule  chose  qui  nous  étonne ^  c'est  que  ces 
fautes  ne  soient  pas  infiniment  plus  nombreuses.  Elles  ne  peu- 
vent d'ailleurs  affaiblir  la  reconnaissance  que  nous  devons,  eo 
qualité  de.  Français ,  à  un  savant  étranger  qui  a  bien  voulu 
faire  choix  de .  notre  langue  pour  écrire  un  ouvrage  -capital 
et  destiné  à  servir  de  supplément  à  tous  les  dictionnaires 
arabes ,  persans  et  turcs  publiés  jusqu'à  ce  jour. 

^  C'est  ainsi  quon  lit,  pag.  171  :  après  s'en  avoir  couvert  ;  pag.  373, 
note  10  :  on  2e  jeta  avec  des  pierres;  pag.  37/i ,  lig.  1  :  et  on  Is  jetait  ovee 

des  œufs;  cl,  jmg.  iià  :  des  calottes qu'on  aurait  pris  poor  des 

housses  de  chevaux. 

C.  Defrémery. 


OCTOBRE  1846..  371 


EXTRAIT 


IVUNE    LETTRE   ADRESSÉE   PAR    M.    BLAND    À   M.    TROYER ,   AU    SUJET 
DU   VÉRITABLE  AUTEUR  DU  DABISTAN  ^ 

Monsieur, 

Il  paraît  qu'il  existe  en  ce  moment  deux  opinions  relatives 
à  la  composition  dii  Dabistàn,  à  savoir  :  i°  que  Mohsan  Fâni 
de  Kachmir  en  est  l'auteur;  ce  qui  éla(t  la  première  suppo- 
sition de  Sir  William  Jones ,  suivie  par  Gladwin ,  mais  affaiblie 
par  l'absence  de  toute  mention  de  ce  fait  dans  les  mémoires 
orientaux  fournis  par  Erskine  et  par  Sir  Gore  Ouseley; 

3°  Que  Mohsan  Fâni  n'est  qu'un  poêle  cité  dans  le  Dabis- 
lan ,  et  que  Zul  Fikdr  Ali  al  Huçaini  a  composé  cei  ouvrage  » 
ce  qui  est  une  supposition  du  molla  Firoz,  appuyée  par  la 
citation_de  Sir  William  Ouseley,  citation  qui  est  tirée  d'i/n 
manuscrit  en  la  possession  du  professeur  Haugliton ,  et  par  un 
passage  positif  qui  se  trouve  dansT^lr^tt  Tazkirah,  et  que  la 
lettre  de  Sir  Gore  Ouseley  a  fait  récenunent  connaître. 

Comme  la  citation  de  Sir  William  Ouseley  ne  contient  pas 
le  nom  entier,  mais  seulement  Mobed  Shah,  je  crois  devoir 
dpnner  le  texte  de  ce  passage  en  entier  avec  quelques  remar- 
ques ,  le  manuscrit  dont  il  s'agit  étant  tombé  dequis  quelque 
temps  en  ma  possession.  Ce  manuscrit  est  un. in-folio  de  458 
pages,  bien  écrit  en  nestalic  et  richement  illustré-  par  des 
dessins  coloriés,  représentant  les  personnifications  des  sept 
planètes  du  système  sipasien.  Ce  môme  manuscrit  avait  au- 
paravant appartenu  au  gouverneur  Duncan  de  Bombay.  Sur 
la  feuille  blanche  il  est  écrit  :  «  Dabistan ,.  exemplaire  correct,  «^ 
et  à  la  fin  du  livre  : 

'   Voyez  Journal  asiatique,  n"  17  de  laninîc  i8/i5. 


372  JOURNAL  ASIATIQUE. 

^  iV^  ^silfc  ^^y-**^  ^UjJt  eijt-bl  oM-^  jl  c:>j^j^  ^jr^ 

u  Ce  livre,  digne  d*approbatiôn,  nommé  Dabistan»  est  une 
revue  des  sectes  et  un  mémorial  des  religions  ;  il  est  de  la 
composition  du  précepteur  des  individus  qui  s'occupent  des 
choses  sérieuses  et  des  subtilités ,  Mîr  Zulfikar  Ali  el  Hasaint, 
surnommé  Mohed  Shah,  A  la  date  du  a8  du  mois  de  ramazan, 
le  béni,  de  Tan  iai5  (A.  D.  1800) ,  dans  le  port  fortuné  de 
Suràt,  et  la  transcription  a  été  terminée  par  la  main  du  plus 
petit  des  -  serviteurs  de  Dieu,  savoir:  le  mounchi  Ghoïam 
Mohammed  hen  Mohammed  DJamal,  habitant  du  pays  de  Tatta.  > 

Ce  manuscrit  contient  la  note  marginale  à  laquelle 
M.  Erskine  fait  allusion.  C*est  donc,  sans  doute,  le  même 
que  Téditeur  du  Desâlir  vit  à  Bombay ,  et  les  deux  autorités 
sont'donc  identiques. 

Je  possède  un  autre  exemplaire  du  même  ouvrage  qui  a 
aussi  appartenu  à  la  bibliothèque  du  gouverneur  Duncan, 
mais  le  nom  de  Fauteur  n'y  est  pas  donné  \' 

J'ai  un  troisième  Dabistan  dans  ma  collection  ;  ç  esf  un 
in-folio  très-grand  et  splendidement  écrit,  qui  finit  par  les 
mots  suivants  :        . 

^L^*[  c;m^  (^  jUâjI^^  iaJ&MàO^  y„AB>  c>^V  *^P^  J^ 

c> 1)     ^t>    4 

a  Ceci  a  été  terminé  par  la  faveur  du  maître  généreux,  à 

*  11  y  est  dit  seulement  :  Cette  copie  du  Dabistan-i  Mazaheb  a  été  tenû- 
née  par  KâchehtNâth,  brahmane,  le  quinzième  jour  du  ramazan,  A.  H.  isoi 
(A.  D.  1786),  dans  la  ville  de  Sialkut  dans  le  Pendjab.  On  y  Ut  de  fkaê 
une  note  en  anglais  conçue  en  ces  termes:'  a  très-incorrectement  écrit,»  à 
quoi  le  dernier  propriétaûre  du  livre',  qui  était  un  bon  orientidistc,  a  B^oiilé  : 
«  principalement  dans  les  citations,  arabes  ;  ■  ce  qui  est  naturel  dans  la  1 
cription  faite  par  un  Hindou.  (Note  de  M.  Bland.) 


OCTOBRE  1846.  373 

Ja  claie  du  2 a  du  mois  de  safar,  le  victorieux,  le  mercredi  au 
soir  par  Técrilure  de  Zul  Fikar  Ali.-rt  Puis,  après  une  des 
Ibrmes  accoutumées  d'apologie  pour  Técrivain ,  on  trouve  : 
M  La  copie  du  Dabistan  des  sectes  est  ïe  produit  de  la  composi- 
tion de  MoUa  Mohammed  Amin.  » 

Voilà  donc  un  nouveau  compétiteur  *qui  s'élèVe  dans  la 
personne  de  MoUa  Mohammed  Amin,  à  moins  que  (ce  que 
l'exactitude  générale  de  la  copie  et  le  précision  observée  dans 
les  termes  ne  nous  permettent  pas  de  faire  ) ,  nous  ne  renver- 
sions la  thèse,  prenant  pour  copiste- ce  dernier,  et -le  pre- 
mier pour  Fauteur,  et  qu  ainsi  nous  fournissions  une  nouvelle 
preuve  que  Zulticar  Ali  est  Fauteur  de  Touvrage. 

Outre  les  articles  qu'on  lit  dans  lé  Guli  Ranaet  le  Madjma 
an  nefais  on  trouve  une  biographie  de  Mirza  Mohammed 
Mohsan,  surnommé  Fâni^  dans  le  Sakafl  Ibrahim ^  ouvrage 
estimable,  dont  un  exemplaire,  probablement  unique  «  m'a 
été  obligeamment  confié  par  M-.  Ëlliot  de  Calcutta.  Elle  n'a- 
joute que  peu  de  particularités  à  celles  qui  sont  déjà  pubhées , 
et  sa  tendance  générale  est  à  l'appui  de  ce  qui  résulte  deis 
deux  autres  biograpl^ies. 

On  aurait  pu  s'attendre  à  ce  que  les  notices  du  précepteur 
de  Molisan,  précepteur  appelé  ici  Yakub  Sirafi,  ou  celles  de 
ses  élèves  Taher  Gdari  et  HadjiAslem,  lesquelles  se  trouvent 
toutes  aussi  dans  le  Stihaf,  fissent  mention  de  Mohsan  comme 
l'auteur  du  Dabistan,  mais  aucune  allusion  à  ce  fait  n'est 
associée  à  sor^  nom. 

Activement  occupé ,  dans  ce  -moment  »  des  J}iographies  per- 
sanes, voici  ce  que  j'ai  pu  (recueillir  dans  différents  ouvrarges 
entre  mes  mains  sur  ce  sujet.         ' . 

Plusieurs  Fâni  se  "  présentent  dans  différents  tazkirahs , 
mais  ils  sont,  pour  la  plupart,  inadmissibles  à  cause  de  la 
[)ériode  à  laquelle  ils  ont  vécu ,  et  pour  d'autres  raisons. 

'  Silvcstrc  de  Sacy ,  dans  l'article  Molisati  Fâni  de  la  Biographie  utiiver- 
scllc,  l.  XXIV,  considère  le  liom  de  Mohammed  comme  ne  lui  appartenant  . 
I>as.  Il  lui  esl  cependant  justement  attribué,  conforméjiient  à  plus  d^iin  auteur 
oriental.  (Note  de  M.  Bland.) 


374  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Un  molla  Mohanimecl^,  de  Kaclimir,  s* accorde,  à  plusieurs 
égards,  avec  le  caractère  que  nous  cherchons ,  mais,  comme 
le  Suliuf  dit  que  le  même  article  se  trouve  dans  l'ouvrage" 
de  Siradjuddin,  Tidentité,  si  elle  eût  existé,  aurait  été  men- 
tionnée 

Aucun  des  poètes  nombreux  qui  portent  le  nom  poétique 
iVAmin  ne  semble  remplir  les  conditions  requises  ;  on  ne 
trouve  de  Mobed  ou  de  Mohed  Schah  dans  aucune  dés  biogra- 
phies que  j'ai  consultées,  et  le  seul  ZuJ^/rar  Ali  est  le  poêle 
bien  connu  de  Shirvân,  qui  est  de  quelques,  siècles  antérieur 
à  la  période  dont  il  s'agit. 

Quant  aux  mots  cXj  J^^U  i>«^  ♦  «  Mohsan  Fâni  dit,  »  qui 
sont  omis  dans  Tédition  de  Calcutta ,  on  peut  faire  observer 
que  le  manuscrit  de  Haugliton  conserve  distinctement  ces 
mots  à  leur  propre  place  précédant  le  rubâi  cité;  que  dans 
le  manuscrit  n°  2  de  Duncan,  ils.  sont  mis  sur  la  marge, 
mais ,  selon  toul^  apparence ,  par  la  même  main  qui  a  écrit  le 
texte  ;  enûn  que ,  dans  le  troisième  exemplaire,  ils  manquent. 
.  Je  puis  ajouter  que  je  possède  un  exemplaire  des  gliazals 
de  Fâni ,  dont  le  litre ,  écrit  de  la  main  du  major  Macan , 
porte:  Collection  estimable  d'odes, far  Mohsan,  surnommé  Fâni, 
ou  périssable,  natif  de  Kachmîr,  auteur  du  Dabistan  ou  Muza- 
heb.  Cette  assertion,  qui  n'est  ici  appuyée  par.  aucune 
preuve,  ti'a  naturellement  d'autre  poids  que  l'opinion  de  cet 
excellent  orientaliste,  qui  ne  peut  l'avoir  adoptée  que  par  des 
raisons  ordinaires,  et  qui  a  ainsi  caractérisé. l'auteur  qu'il 
désignait.  Comme  mon  manuscrit  ne  contient  pas  le  divan 
entier,  il  ne  sert  pas  à  établir  si  la  citation  dans  le  Dabistan 
appartient  réellement  à.Fàni.  J'ai  *  rencontré  un  distique, 
qui  semblerait  être  pris  de  ces  odes,  quoique  je  ne.  puisse 
pas  le  trouver  dans  mon  exemplaire  ;  le  voici  ; 

Le  nom  de  Fâni  parcourt  les  climats  de  la  réputation ,  quoique 
lui-mcmc  ne  soit  pas  allé  du  coin  de  Kaclimir  \  Kâbul. 


OCTOBRE   1846.  375 

Ceci  restreindrait  les  voyages  de  Fâni  à  une  étendue  beau- 
coup moins  considérable  que  celle  que  Fauteur  du  Dabislan , 
quel  qu'il  soit,  indicjue  dans  sa  narration  personnelle,  à  moins 
qu'on  ne  veuille  appliquer  littéralement  cette  expression  à 
Kâbul  tout  seul.  Mon  honorable  ami  Sir  Gore  Ouseley ,  dont 
je  déplore  la  perte»  me  montra  un  jour  le  passage  qu'il  con- 
sidérait comme  décisif  pour  la  question.  Je  me  souviens 
qu'un  strict  examen  des  caractères  du  manuscrit,  nous 
convainquit,  tous  les  deux,  que  le  mot*  était  o^yo  môhed, 
et  non  jo^  mouyad.  Dans  ses  notices,  qui  sont  à  présent 
sous  presse  pour  le  Comité  de  traduction  de  Londres,  on 
verra  qu'il  a,  plus  tard,  adopté  la  dernière  leçon*.  Celle-ci, 
considérée  comme  donnant  le  nom  de  l'auteur  que  nous 
chei'chons ,  ne  reçoit  aucun  appui  des  biographies  orientales 
quoiqu'elles  offrent  plusieurs  écrivains  appelés  Mouayyad  ou 
Mouyad.  J'oserais  donc  avancer,  comme  une  raison  de  préférer 
la  leçon  j^y.  au  lieu  de  ooy»  »  que  si  cette  dernière  était  adop- 
tée ,  le  mol  schah  semblerait  se  rapporter  plutôt  au  rang  de 
souveraineté  qu'au  titre  que  les  derviches  adoptent  souvent  ; 
mais  alors,  je  pense,  ils  le  placent  rarement  devant  le  nom: 
cette  distinction  est  aussi  observée  dans  l'usage  du- titre  de 
mirza.  Nous  avons,  il  est  vrai,  Doulet  schah.  Baba  schah, 
MoUa  schah-;  mais,  de  ces  trois  expressions,  la  première  doit 
être  considérée  plutôt  comme  un  mot  composé,  et  dans  les 
autres,  schah  est  probablement  le  nom  et  non  le  titre. 
MoÛa  schah,  au  moins,  le  même  avec  lequel  notre  auteur  a 
conversé^»  paraît  sous  la  lettre  chîn  dans  le  Suhaf,  ainsi  'que 
dans  le  Riazat  ul  chouâra,  «jardin  des  poëtesi  »  où  il  est  dit 
que  schah  est  son  takhallu^  (surnom). 

Me  sera-t-il  permis  de  faire  une  supposition  fondée  sur  là 
comparaison  ultérieure  des  trois  manuscrits  qui  ont  donné 
lieu  à  ces  remarques?  à  savoir,  que,  dans  la  dernière  des 

'  \  oyez  Journal  asiatique,  novembre  i8^5,  p.  i^ii. 
^  Ainsi  que  Fefimus,  au  lieu  de  Femoch.  Mes  trois  manuscrits  donnent 
ifi^j^  Ferhôck,  avec  l'édition  de  Calcutta.  (Note  de  M.  Bland.) 
'  Voyez  Dabislan,  trad.  angl.  vol.  III ,  p.  296. 


376  JOURNAL  ASIATIQUE. 

lignes  qui  commencent  par  les  mots  ^  O  toi  dont  le  nom,  et 
qui  finissent  par  ceux-ci  :  Le  niohed  est  le  précepteur  de  la 
vérité  et  le  monde  une  école,  le  mot  mobed  pourrait  peat^tre 
se  prendre  comme  indiquant  Tauteur,  sinon  de  FouTrage 
entier,  au  moins  des  vers  cités.  Cela  s*accorderait  à  la  fois  ayec 
la  règle  ordinaire  de  composition  dans  les  gbazals  ou  easidafas, 
et  avec  la  supposition  que  il/oW  ou  Mobed  scltâh  a  écrit  le 
Dabistan.  H  est  probable  cpie  Fauteur  a  voulu  commencer 
avec  sa  propre  poésie  plutôt  quavec  une  citation;  et  cet 
argument  a  au  moins  autant  de  force  que  celui  qui  est  tiré 
des  mots  «  Mohsan  Fâni  dit,  •  sur  lesquels  Tancienne  hypo- 
thèse était  fondée.  Il  y  a,  dans  d'autres  parties  <iu  livre,  des 
vers  de  Mobed  où  le  mot  Mobed  se  trouve;  mais,  je  croîs, 
qu'aucun  n'appartient  à  Mohsan  Fânî.  Dans  le  manuscrit  de 
Uaugliton,  la  ligne  en  question  se  lisait  auparavant  conune 
il  .suit: 

Il  est  lé  mobed  de  la  vérité,  ton  précepteur,  et  le  monde  est 
l'école. 

Mais  le  premier  mot  a  été  effacé,  sans  doute  à 'cause 
du  mètre,  qui  aurait  pu  être  également  bien  ajusté  par  Tomis- 
sion  de  o^t ,  comme  dans  l'eKemplairc  imprimé.  Le  seins 
pourrait  alors  être,  si  je  ne  me  trompe,  «0  mobed,  EMéu 
(ou  la  vérité)  est  ton  précepteur,  et  le  monde  une  école  (ou 
Ion  école.)  »  Dans  les  deux  autres  exemplaires,  la  l^g;ne 
commence  par  ces  mots  :  o^^f  o^î  f«^  «  «Dieu  est  Um 
précepteur,  »  ce  qui  ne  peut  pas  être  autrem^ent  traduit  que 
comme  je  le  propose,  à  l'exception  du  mot  mobed,  qui  parait 
avoir  été  omis  là  à  cause  d'une  difficulté  apparente  de  pro- 
sodie ,  si  on  conservait  ce  mot  ainsi  que  l'annexe.  Le  chan- 
gement en  discours  direct 'serait,  sans  doute,  un  peu  brusque, 
mais  il  est  appuyé  par  un  grahd  nombre  d'exemples,  et  je 
pense  qu'on  éviterait  une  petite  rudesse  d'expression  qui  se 
trouve  en  o^l'  ^a,  pris  comme  un  n)ot  composé. 

'  Voyez  Dabistan ,  Irad.  angl.  vol.  1,  p.  i-a. 


OCTOBRE  1846.  377 

Un  examen  plus  rigoureux  des  manuscrits  pourrait  peut- 
être  conduire  à  la  découverte  de  Tobjet  de  nos  recherches, 
principalement  dans  les  endroits  où  le  mobed  est  cité,  et  dans 
ceux  où  Fauteur  parle  de  lui-même,  et  une  comparaison  mi- 
nutieuse avec  le  texte  imprimé  pourrait  Iburnir  des  variantes 
pour  expliquer  quelques  passages  auxquels  vous  avez  consacré 
des  notes  dans  votre  traduction.  Si  le  résultat  de  mes  recher- 
ches pouvait  avoir  quelque  intérêt  pour  vous ,  je  serais  charmé 
de  vous  le  communiquer,  etc. 

N.  Bland. 


A  Grammar  of  THE  HindiIstAnî  LAN6DA6B,  io  the  oriental  and  ro- 
man character,  with  numerous  copper-plate  iilustrations  of  the 
pcrsian  and  devanâgarî  Systems  of  alpbabetic  writing  ;  to  which 
is  added  a  copious  sélection  of  easy  extracts  for  reading ,  in  the 
persi-arabic  and  devanâgarî  cbaracters ,  together  with  a  vocabu- 
lary  and  explanatory  notes  ;  by  Dgnçan  Forbes,  A.  M.  London , 
i846»,in-8^ 

J'ai  lu  quelque  part  que  le  docteur  Gilchrist  n  était  rien 
moins  que  l'inventeur  de  la  langue  hindoustani.  S'il  en  était 
ainsi ,  il  faudrait  avouer  que  les  linguistes  sont  doués  d'une 
puissance  refusée  jusqu'à  ce  jour  aux  potentats  les  plus  cé- 
lèbres ;  et  ce  serait  un  phénomène  éminenunent  remarquable, 
qu'un  individu  privé  eût  pu,  dans  les  limites  de  sa  carrière, 
accomplir  ce  qui  est  toujours  l'œuvre  pénible  d'une  longue 
suite  de  siècles.  Ajoutons  toutefois ,  pour  demeurer  ^ans  les 
limites  du  vrai,  que  l'écrivain  auquel  nous' faisons  allusion 
voulait  bien  convenir  que  le  docteur  Gilchrist  était  parvenu 
à  former  une  langue  assez  belle  d'un  jargon  barbare  qu'il 
avait  trouvé  dans  l'Inde.  Malheureusement  pour  ce  système , 
une  multitude  d'auteurs  distingués  ont  écrit  danà  l'hindous- 
latii  le  plus  pur,  fort  antérieurement  au  docteur  Gilchrist  : 
on  n'a,  pour  s'en  convaincre,  qu'à  ouvrir  l'Histoire  de  la 
littérature  hindoui  et  hindoustani^  de  M.  Garoin  de  Tassy. 


378  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Le  fait  est  que  le  docteur  Gilchrist  peut  être  regardé  comme 
Vun  des  principaux  propagateurs  de  la  connaissance  de  Thin- 
douslani  parmi  les  Européens,  qu^^il  a  encouragé  parmi  les 
natifs  la  culture  de  cette  langue,  qu  il  a  provoqué  des  tra- 
ductions,, qu'il  a  dirigé  les  premières  productions  typogra- 
phiques, etc:  en  sorte  que  cet  idiome  lui  doit  réellement 
beaucoup,  non  point  sous  le  rapport  de  sa  création,  mais 
bien  sous  celui  de  réludç.  L'œuvre  àe  ce  docteur  a  été  coil- 
tinuée  par  un  grand  nombre  d^indianistes  anglais,  qui  ont 
travaillé  à  perfectionner  cette  élude  *,  devenue  nécessaire  pour 
tous  ceux  de  leur;»  compatriotes,  que  la  Compagnie  appelle 
dans  les  Indes ,  et  rendue  même  obligatoire  pour  quiconque 
aspire  à  un  poste  dans  Tarmée.  Mais  la  plupart  des  ouvrages 
élémentaires  se  sont  maintenus  j'usqu  à  présent  à  un  prix  fort 
élevé,  à  Texception  delà  grammaire  d*Arnot,. actuellement 
épuisée.  C'est  donc  pour  mettre  Tétude  de  cette  langue  à  la 
portée  de  toutes  les  bourses ,  que  M.  Forbes  vient  de  publier 
sa  grammaire  liindoustani,  qui,  en  moins  de  âoo  pages, 
comprend  les  cléments  et  la  syntaxe  raisonnée  de  celte  lan- 
gue en  caractères  liindo- persans  et  latins,  une  méthode  de 
lecture  dans  le  système  dévanâgarî ,  80  pages  de  morceaux 
choisis  dans  les  deux  systèmes  d'écriture,  suivis  d'un  voca- 
bulaire et  de  notes  explicatives ,  enfin  deux  planches  pour  les 
caractères  dévanâgarî.,  et  quatorze  pour  exercer  les  étudiants 
il  lire  et  à  écrire  les  caractères  ta'lic. 

■  Il  n'en  faudrait  pas  conclure,  cependant,  que,  dans  les 
1 3o  pages  laissées  à  la  grammaire  proprement  difci,  M.  Forbes 
se  soit  contenté  d£  donner  de  simples  notions  élémentaires; 
son  but  a  été  d'initior  les  étudiants  à  Ja  connaissance  com- 
plète et  approfondie  de  la  langue,  cl  de  les  meltre  en  état, 
non-seulement  d'entendre  les  livres ,  mais  même  de  soutenir 
des  conversations  avec  les  natifs;  ce  qui  lui  a  im|K)sé  robli- 
gation  d'enfrer  dans  des  détails  qu'on  ne  soupçonnerait  |)as, 

^  On  doit'  citer  en  première  ligne  M.  Shakospear,  uuteiir  d*uii  diction- 
naire dont  la  quatrième  édition  est  sous  presse ,  et  d'une  grammaire  dont  b 
cuufuième  édition  vient  de  paraître.  On  ne  vit  jamais  |)areil  succès. 


OCTOBRE    1846.  379 

au  premier  aperçu ,  dans  un  cadre  aussi  circonscrit  ;  car  il  a 
eu  à  cœur,  comme  il  le  dit  lui-même  dans  sa  préface ,  de  tirer 
parli  de  l'expérience  que  lui  ont  fournie  vingt  années  de 
professorat.  C'est  ainsi  qu'il  n'oublie  jamais  de  faire  ressortir 
les  analogies  qui  existent  entre  l'hindoustani  et  les  langues 
angkiise,  latine,  française,  <îtc. 

La  syntaxe  surtout  nous  a  paru  traitée  avec  beaucoup  de 
soin  ;  M.  Forbes  a  évité  de  Ta^tnalgamer  avec  la  partie  éty- 
mologique, parce  que,  dit-il  avec  raison,  il  est  tout  à  fait 
absurde  d'embarrasser  l'étudiant  avec  une  règle  de  syntaxe 
lorsqu'il  connaît  à  peine  encore  une  douzaine  de  motS;  Avant 
tout,  il  veut  qu'on  entre  dans  l'essence  de  l'idiome  que  l'on 
étudie  :  ainsi,  il  observe  que  dans  Farrangeinent  des  trois 
parties  d'une  proposition  (le  sujet ,  le  verbe  et  le  prédicat) , 
chaque  langue  a  sa  méthode  propre  et  particulière.  Dans 
cette  phrase,  par  exemple:  «l'éléphant  a  tué  le  tigre,»  le 
sanscrit,  le  grec,  le  latin  ont  le  choix  de  la  position  des  mots; 
l'arabe  et  le  gaélic  mettent  d'abord  le  verbe,  puis  le  sujet, 
ensuite  le  complément;  l'anglais  et  le  français  suivent  Tordre 
logique;  mais  l'hindoustani,  comme  le  persan,  commence 
par  énoncer  le  sujet;  vient  ensuite  le  complément,  él  le 
verbe  termine  la  proposition  :  ^  ^IS^Lo^^jjUi  ^  ^^^sUft, 
elephas  tigrini  occidit.  Cette  règle  souffre,  bien  entendu,  des 
exceptions  que  l'auteur  ne  laisse  *pas  ignorer. 

Nous  regrettons  qu'au  chapitre  de  l'accord  de  l'adjectif 
avec  son  substantif,  M.  Forbes  n'ait  pas  parlé  d'une  partî- 
cularilé  que  présentent,  en  ce  cas,  les  adjectifs  composés, 
et  qui  peut  offrir  des  -difficultés  surtout  aux  commençants. 
Cette  particularité  a  été  signalée  par  M.  Garcin  de  Tas'sy,. 
dans  son  Analyse  de  deux  grammaires  hindoustani  originales 
(Joam.  asiat.  janvier  i838).  Lorsqu'un  mot  est  composé 
d'un  substantif  et  d'un  adjectif,  ce  dernier  dA  s'accorder 
avçc  le  substantif  auquel  le  composé  se  rapporte*;  ainsi,  dans 
cet  exemple  :  1^  13^  iSj^^  "  ""  enfant  dont  la  jambe  est 
cas^e,  »  criire  fracto  puer,  L5^ ,  cassé  est  au  inasculin,  en 


380  JOURNAL  ASIATIQUE. 

concordance  avec  l^ ,  enfant^  et  non  avec  (^jXJi  «  jambe, 
qui  est  féminin;  c*est  à  peu  près  le  nuda  genu  venatrix  de 

Virgile.  Llexemple  suivant  est  plus  singulier  :  S^  (^^  V^ 

«une  jeune  fille  dont  le  père  est  mort;>  j;*^,  mort  est  au 

féminin  en  concordance  avec  Sj^^fi^»  ^^  non  avec  ^If, 
j)hre. 

Il  y  a  plusieurs  points  sur  lesquels  M.  Forbes  n*a  pas  craint 
de  s'écarter  du  système  de  ses  devanciers ,  en  présentant  les 
règles  sous  un  nouveau  jour.  Nous  avons  remarqué  surtout 
son  article  sur  la  particule  ^%ne,  petit  mot  qui  parait  avoir 
embarrassé  de  savants  grammairiens;  plusieurs  d*entre  eux 
Vont  appelé  particule  explétive,  le  considérant  comme  destiné 
à  corroborer  le  mode  actif  aux  temps  passés  des  verbes. 
Mais  M.  Forbes  démontre  que  ^,  ne,  est  une  véritable  post- 
position qui,  jointe  à  un  substantif  ou  à  un  pronom,  forme 
ce  qu*il  appelle  le  cas  de  l'agent.  Son  emploi  est  borné  aux 
temps  passés  des  verbes  actifs  par  une  raison  bien  simple, 
c'est  que  ces  temps  sont  tous  formés  par  le  participe  passé 
qui,  ainsi  qu  en  latin  et  en  français,  a  toujours  la  signification 
passive.  Ainsi  celte  proposition  :  j>  l^SCj.^  \jS^iÀj\  ^  ^\ 
€  il  a  vu  un  chien  »  doit  se  traduire  littéralement  par  ab  eo 
anus  canis  visas  Juit;  voUà  pourquoi  le  verbe  prend  le  genre 
et  le  nombre  du  substantif  que  nous  appelons  complément; 
comme  ^<|.^o  ^^J-*^  wli^t  j  ^j*#l  «il  a  vu  un  renard •, 
ah  eo  una  vulpes  visa  fuit.  (j^^X)^  {j^^^^  <-à(|i  ^  ^1  «  il  a 
vu  beaucoup  de  renards»,  ab  eo  multœ  vulpes  visœ fuerunt. 
Toutefois,  ce  qui  s'oppose  à  ce  qu'on  mette  ces  temps  passés 
aa  rang  des  verbes  passifs ,  c'est  qu'ils  n  en  conservent  pas 
moins  la  faculté  de  régir  leur  complément  à  l'accusatif  dé- 
cliné, aussi  .bien  que  les  autres  temps  du  verbe  actif,  auquel 
cas  le  verbqk, demeure  invariablement  au  masculin  singulier. 
Ainsi  on  peut,  et,  en  certaines  circonstances,  on  doit  dire: 
l^5s>3  yfj^^si  A^  «nous  avons  vu  le  chiens,  ^  ^ja  ^\ 
fjU  yi^i^j^  «  cet  homme  a  battu  la  femme  ,  »  ^j^^  ^  ^ 


OCTOBRE   1846.  381 

"^^^j^^Uyij^^  «  vous  avez  tué  trois  renards.  »  Ici  le  lîitin 
se  refuse  à  la  traduction  littérale  qui  serait  :  à  nobis  canem 
visas  est;  ah  isto  viro  fœminam  cwsus  est;  à  vobis  très  vulpecu- 
las  occisus  est,  A  part  le  cas  de  l'agent ,  le  français  et  les  lan- 
gues modernes  de  l'Europe  auraient  plus  d'analogie  avec 
riiindoustani,  puisque  lé  participe  passé  quitte  sa  significa- 
tion passive  pour  prendre  en  conjugaison  le  sens  et  la  puis- 
sance active.  La  postposition  3,  ne,  ne  s'emploie  jamais  avec 
les  temps  présents  ou  futurs ,  parce  que  ceux-ci  sont  simples 
ou*  formés  du  participe  présent,  qui  a  toujours  le  sens  aclif  : 

^  U^^^  J^Jv/^»j  «  il  voit  le  chien ,  »  hic  canem  videYis  est\ 
^^LjuJ\ij\^^^j^l^^  J^  «  nous  tuerons  des  renards.  » 

Quant  à  la  voix  passive  en  hindoustani,  elle  diffère  de  la 
noire  en  ce  qu'elle  «n'a.  pas  de  régime  et  exprime  purement 
l'étal  d'être.  C'est  sans  doute  la  raison  pour  laquelle  Muham- 
mad-Ibrahîm  Munschî,  auteur  d'une  excelHhle  grammaire 
hindoustani  imprimée  à  Bombay,  soutient  qiie  cette  langue 
est  privée  totalement  de  passif,  et  incrimine  le  docteur  Gil- 
christ  et  M.  Shakespear  d'avoir  avancé  que  cette  voix  se  forme 
en  hindoustani  par  l'addition  du  verbe  uv::^,j^/i4  «aller » 
avec  le  participe  passé;  comme  «il  s'en  alla  battu»  pour  «il 
fut  battu.  »  Or  le  sens  du  verbe  aller  semble  au  bon  Indien  in- 
conciliable avec  l'idée  d'être.  Mais  M.  Forbes  fait  observer  que 
cette  forme  n'est  pas  si  insolite  qu'on  n'en  retrouve  dés  traces , 
même  en  latin.  Ainsi  cette  proposition  :  «je  sais  que  des  let- 
tres seront  écrites  »  se  rend  fort  bien  par  scio  litteras  scriptum 
iri,  où  l'oin  voit  que  le  verbe  ire  entre  comme  auxiliaire. 
Toutefois ,  il  est  juste  de  convenir  que  les  Hindous  se  servent 
assez  rarement  du  passif;  ils  y  suppléent,  soit  par  les  verbes 
in  transitifs,  si  nombreux  en  leur  langue,  soit  par  les  verbes 
afctifs,  quand  on  peut  les  mettre  à  un  temps  passé. 

Nous  voudrions  pouvoir  suivre  M.  Forbes  dans  les  nom- 
breuses et  savantes  observations  dont  il  a  enrichi  sa  ^am- 
maire  ;  mais  il  faudrait ,  pour  cela ,  la  reproduire  presque  en 
entier.  Nous  l'engagerons  seulement  à  corriger  sévèrement 


382  JOURNAL  ASIATIQUE. 

les  épreuves  dans  une  autre  édition  ;  car  il  s'est  g^sé,  dans 
les  caractères  exotiques,  un  certain  nombre  de  fautes  qui 
ne  sont  pas  consignées  dans  l'errala;  et  M.  Forbes  sait  mieux 
que  tout  autre  combien  il  importe  aux  commençants  de 
n'être  pas  induits  en  erreur. 

Bertrand. 


Mâcrizt's  Geschichte  der  Copten  (  Histoire  des  Coptes ,  par  Makrizi  ) , 
texte  arabe,  publié  d'après  les  manuscrits  de  Gotha  et  de  Vienne, 
avec  une  traduction  et  des  notes,  par  M.  Ferdinand  Wûsteufeld; 
extrait  des  Mémoires  de  la  Société  de  Goêttingue.  Goêttingue, 

i8^5î  in-4^  .      • 

Cette  histoire  des  chrétiens  coptes  fait  partie  du  grand  ouvrage 
de  Makrizi  consacré  à  la  description  géographique  et  historique  de 
rÉgyptc;  elle  offre  le  tahleau  d'une  population  intéressante,  sous 
la  domination  romaine  et  sous  celle  des  musulmans,  jusqu^au 
XV*  siècle,  époque  où  vivait  fauteur.  Une  partie  du  texte  avait  été 
publiée  en  1828,  par  M.  Wetzcr,  avec  une  version  latine.  Le  texte 
reparaît  ici  plus  étendu  et  plus  correct;  la  version  allemande  est 
exacte  ;  les  notes  renferment  quelquefois  des  extraits  d^autres  ou- 
vrages, et  sont  intéressantes. 


(rRÂMMAlRE  RAISONNER  DE  LA  LANGUE  OTTOMANE,  Suivio  d'un  ap- 
pendice contenant  f  analyse  d'un  morceau  de  composition  otto- 
mane ,  où  sont  démontrées  les  différentes  règles  auxquelles  les 
mots  sont  assujettis  ;  par  James  W.  Rediiocse  ,  employé  au  bureau 
des  interprètes  du  divan  impérial  ottoman.  Paris,  chez  Gide  et 
c",  libraires  éditeurs,  5,  rue  des  Petits-Augustins.  Prix  :  32  fr. 


Nous  croyons  faire  plaisir  aux  lecteurs  du  Journal  asiatique  en 
leur  annonçant  que  M.  Freytag  est  -sur  le  point  de  mettre  sous 
presse  une  traduction  latine  du  Ilamasa,  accompagnée  d*un  com- 
mentaire. M.  Freytag  avail  annoncé  déjà,  dans  la  préface  de  son 
cditiojbdu  texte  arabe  de  cette  collection,  quil  s'occupait  de  ce  tra- 
vail, JKqucl  il  a  consacré  un  grand  nombre  d'années,  et  qui  fop 
mora  deux  forts  volumes. 


OCTOBRE  1846.  383 

Ramblbs  and  regollections  of  an  iRdiAN  OFFiciAL,  by  lieutenant- 
colonel  Sleeman.  Londres,  i844;  2  vol.  in-8. 

C'est  un  des  meilleurs  livres  qui  aient  été  écrits  sur  Tlnde.  L'au- 
teur est  un  des  hommes  qui  connaissent  le  mieu^  ce  pays  et  qui  ont 
le  pfcs  de  sympathie  pour  ses  habitants.  Il  a  servi  dans  Tarmée  pen- 
dant \ai^  guerre  contre  les  Mahrates,  ensuite  il  a  été  administrateur 
civil  d'une  partie  du  Bundelkund  ;  plus  tard ,  il  fut  placé  à  la  tête  de 
la  police  et  des  tribunaux  spéciaux  fondés  pour  juger  les  Thugs ,  ^t 
c'est  à  lui  principalement  que  revient  la  gloire  d'avoir  détruit  cette 
association  monstrueuse.  Son  ouvrage  est  à  peine  un  voyage ,  mais 
il  est  infiniment  plus  instructif  que  la  plupart  des  récits  des  voya- 
geurs, qui  ne  voient  guère  que  les  curiosités  et  ce  qui  frappe  les 
sens  dans  les  pays  quils  parcourent  et  qu'ils  n'ont  pas  le  temps 
d'étudier.  M.  Sleeman  nous  fait  assister  à  ses  conversations  avec  des 
hommes  de  tout  rang  et  de  toute  caste,  et  nous  développe  leur  ma- 
nière de  penser  et  de  sentir,  leurs  intérêts,  leurs  superstitions ,  enfin 
tout  ce  qui  distingue  une  race  d'hommes  de  toutes  les  autres  ;  il  est  de 
l'école  qui  a  produit  Wilks ,  Malcolm ,  Elphinstone,  Briggs,  Shore , 
Prinsep,  Elliot,  des  hommes  qui  ont  profondément  étudié  l'Inde, 
et  qui  ont  appris  à  aimer  et  àr  respecter  un  peuple  que  des  observa- 
teurs superficiels  sont  toujours  portés  à  mépriser.  Le  grand  défau 
de  son  ouvrage  est  d'être  publié  avec  un  luxe  qui  l'empêche  d'arri- 
ver dans  les  mains  de  la  plupart  de  ceux  qui  auraient  intérêt  à  le 
lire.  Quand  donc  cessera-t-on  d'étoufifer  les  idées  sous  le  papier  glacé 
et  sous  les  illustrations  ? 


La  suite  de  l'article  publié  par  M.  Dulaurier  sous  le  titre  à^Étades 
sur  la  relation  des  voyages  faits  par.  les  Arabes  et  les  Persans  dans  ïlnde 
et  à  la  Chine,  dans  le  1%'  siècle  de  l'ère  chrétienne,  suite  qui  embrasse 
l'Inde  continentale  et  la  Chine ,  et  qui  a  été  annoncée  comme  de- 
vant paraître  prochainement,  ay^nt  été  publiée  dans  le  Moniteur 
universel,  n"  des  3  et  ^  oclobre  dernier,  le  lecteur  peut  recourir  à 
ce  journal  s'il  désire  connaître  la  fin  de  ce  travail. 


384  JOURNAL  ASIATIQUE. 


SOCIÉTÉ   ASIATIQUE. 


SÉANCE  DU   1  1  SEPTEMBRE  l846. 

.  Le  procès-verbal  de  la  précédente  séance  est  \n  ;  la  rédac- 
tion en  est  adoptée. 

On  lit  une  lettre  de  M.  Etheridge,  qui  adresse  un  exem- 
plaire de  Touvrage  qu'il  vient  de  publier,  sous  le  titre  de 
The  Syrian  churches,  their  early  kistory,  etc. 

M.  le  docteur  Kurd  de  Sghloezer  est  présenté  et  admis 
comme  membre  de  la  Société. 

OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ. 

Der  Fràhlingsgarten  von  Mewlana  Abdurahman  Dschami, 
traduit  en  allemand.  Vienne,  i846,  in-8'. 

Par  M.  ËTHEBiDGE  :  The  Syrian  ckarches,  their  early  hisiory 
and  literature.  London ,  1 846 ,  i  vol.  in-8'*. 

Par  M.  DozY  :  Historia  Ahhadidarum,  Lugduni-Batavorum, 
1846.  in-4'.  (i"  volume.) 

Par  l'Académie  der  Wissenschaften,  in  S*-Pékersbourg  : 
Dos  asiatische  Muséum,  parDorn.  i  vol.  in-8*,  i846. 

Par  Tabbé  Bahges  :  Le  Livre  abondant,  ou  Histoire  du  Nil 
bienfaisant,  du  cheikh  E2-MenoUÛ.  Paris,  i846.  (Extrait  du 
Journal  asiatique.) 

Par  M.  Dulaurier  :  Liste  des  pays  qui  relevaient  de  Vempire 
javanais  du  Madjàpahit.  Paris,  i846,  in-S**.  (idem.) 

Par  M.  Dulaurier  :  Lettre  adressée  au  rédacteur da  Journal 
asiatique.  Paris,  i846,  in-S"*. '(idem.) 

Par  M.  Sedillot  :  Notice  sur  un  ouvrage  intitulé  :  Voyage 
au  Darfour,  Paris,  i846,  in-8'.  (idem.) 

Par  M.  Graf  :  Moslicheddin  Sadis  Rosengarten^  traduit  en 
allemand.  Leipzig,  i  vol.  in-ia. 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846. 


NOTICES 

Sur  les  pays  tt  les  peuples  étrangers,  tirées  des  géographies 
et  des  annales  chinoises;  par  M:  Stanislas  Julien.  . 

(Suite.)  • 


JEÎL— /L/. 

CIRCONSCRIPTION    GEOGRAPHIQUE.. 

m  est  situé  à  igSo  ils  (iqB  lieues)  à  Touest  de 
Ti-hoa-tcheou  [Oaroumtsi).  A  Test,  il  s  étend  jusqu'à 
Boro  bourgasou  et  touche  les  frontières  de  Koar  kfira 
ousou. 

Al  ouest,  il  s  étend  jusqu'à  ia  rivière  Tatas  {Ta- 
lus gaol)  et  touche  les  frontières  des  Khàsaks  de  la 
droite,  qui  sont  soumis  à  la  Chiné.' 

Au  sud ,  il  s  étend  jusqu'aux  monts  Célestes  {Thien- 
chan),  franchit  ces  mêmes  montagnes^  et  touche 
les  frontières  de  Kou-tchë,  deSairam  et  d'Akspa. 

Au  nord,  il  s  étend  jusqu'au  lac  Bal/cac/ii  {Bdlka- 

vin.  25  . 


386  JOURNAL  ASIATIQUE. 

chi-naor)  et  touche  les  frontières  des  Khas(Jis  de  la 

gauche. 

Au  sud-est,  il  passe  le  mont  Borotoa  [Borotoa  tàk) 
et  arrive  aux  frontières  de  Pidchan. 

Au  nord-est,  il  s'éteind  jusqu'à  Borotala  et  touche 
les  frontières  de  Kout  kara  oasoa. 

Au  sud-ouest,  il  s  étend  jusqu'à  Inggar  et  touche 
les  frontières  des  Bouroats.  ** 

Au  nord-ouest,  il  s'étend  jusqu'à  la  rivière  ^houî 
(  Tchoaî-gaol)  et  touche  les  frontières  des  Khasàks  de 
la  droite. 

.La  distance  d'ili  à  Péking  est  de  i8to  lis  (i8a 
lieues). 

MÊME  SUJET. 

EXTRAIT    DU    SIN-KIANG-TCHI-LIO,  LIVRE  IV,  FOL.   1. 

Sous  les  dynasties  des  Hanjdi  des  fVeî,  le  terri- 
toire d'//î  appartenait  aux  Oa-sean;  sous  les  Thahg, 
aux  Turcs  occidentaux;  sous  les  Ming,  aux  Qua-la 
orthographe  altérée  du  motoïrat).  Les  Oaorla  [Oirats) 
formaient  quati^e  tribus  dont  la  principale  était  celle 
des  Tchohs;  ce  sont  eux'  qu'on  appelle  aujourd'hui 
les  Dcfwngars. 

Dans  la  vingt-deuxième  année  de  Khien-long 
(1754),  les  Chinois  soumirent  les  Dchongars  et  pa- 
cifièrent le  pays  d'/K.  Ce  territoire  commande  à 
toute  la  nouvelle  frontière;  c'est  le  plus  grand  des 
centres  de  population  qui  sont  au  sud  et  au  nord 
des  monts  Célestes  [Thien-chan). 

Du  nord  à  l'ouest,  il  est  limitrophe  du  pays  des 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  387 

Khasaks;.  de  Touest  au  sud,  il  est  limitrophe  du 
pays  des  Ehut  [Eleuihs). 

A  Test ,  il  est  limitrophe  de  Tsing-Jijo  qui  dépend 
dtOaronmtsi;  au  nom-est,  il  est  limitrophe  de  la 
station  militaire  d'Aroutsin  dalan ,  qui  dépefid  de 
Tarbagataî  (en  chinois  Soaï-ising'tçJiîng). 

Au  sud,  il  est  limitrophe  de  là  tour  militaire  de 
Gdktcha  kharkkaïy  qui  dépend  êtAksoa.  "^  ■    ' 

De  f  est  à  Touest ,  il  a  environ  i  5od  lis  (  1 5o  lieues), 
et  environ  1 1  oo  lis  du  sud  au  nord.  Le  mont  Mùasowr 
s*élève  au  sud  d7fe';  le  mcHit  Taîfcî  le  protège  au 
nord,  A  gauche,  ïe  mOnt  Erm  kkabirgan  fotme  sa 
porte  [sic)  ;  à  droite ,  le  mont  Chantas  lui  sert  de  bar- 
rière (ou  de  rempart).  La  rivière  d7K  coule  entre 
ces  deux  montagnes.. 

Au  nord  de  cette  rivière ,  on  a  construit  nquf 
villes  où  résident  des  garnisons  de  troupes  impé-^ 
rialés  avec  leiu^  commandants.  Il  y  a  de  vastes  pâ- 
turages. .     -^ 

Au  sud  de  la  rivière  d'Ili,  se  trouvent  la  résidence 
et  les  pâturages  des  Ehat  [EkuihsJ  de  Sibé. 

■  <  •      « 

VICISSITUDES    DU    TERRITOIRE    D*IL)[j    DÉPtJïiS    l»AKTIQUIT)É 
JUSQU'À    NOS    JOURS. 

(THAÏ'THSfNG'I-TONG-TCHI,) 

Sous  les  dynasties  des  Han  antérieurs  et  posté- 
rieurs, jusqu'à  celle  des  Tsin  inclusivement,  JK.  fai- 
sait partie  du  royaume  des  Ou-seun. 

25. 


388  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Sous  les  fVeï  du  nord,  iJ  fit  partie  des  royaumes 
do  Youen-pan  et  de  Kao-tché  (des  Oïgours). 

Sous  les  Tcheoa,  il  appartint  aux  Toa-kioue. 

Du  temps  des  Souï,  il  apj^rtint  aux  Toa-kioue 
(Turcs)  orientaux 'et  au  royaume  de  Chi  {Chi-koaé 
—  Thaclikend), 

Sous  les  Thang,  il  appartint  aux  Toa-kioue  de 
Touest  et  aux  Hoeîhou  (Oïgoiu's.) 

Il  forma  pltisieiu^s  départements.  Quand  les  hordes 
de  Toa-chi-ki ,  de  Soko  et  de  Mo-kia  se  furent  sou- 
mises aux  Thang,  leur  territoire  devint  le  département 
du  gouverneur  général  de  Oaa-la  [Oaa'lartoU'tO'fou). 

Quand  les  hordes  tiu'ques  de  Choa-ni-chi  et  de 
Tchoa-p^n  se  furent  soumises  aux  Thang,  leur. terri- 
toire devint  le  département  appelé  Ing-cha-tou-to- 
fou  (  ou  département  du  gouverneur  général  de 
Ing-cha), 

Le  territoire  de  Ki-pi-ia,  tribu  Oïgoure,  devint, 
après  sa  soumission  aux  Thang,  Tarrondissement  de 
Yn-khi  [Ya-khi'tcheoa). 

Quand  la  tribif  turque  Chi-a-li-chi  se  fut  soumise 
aux  Thang,  son  territoire  devint;  le  département  ap- 
pelé Kie-chan-tou-to-fou  (ou  département  du  gouver- 
neur général  de  Kie-chan).  -      ' 

Tous  ces  départements  dépendaient  de  Pé-thing- 
toa-hoa-foa  (  c*est-à-dire  du  département  du.  gouver- 
neur général  de  Pé-thing), 

La  partie  occidentale  était  hahitée  par  les  hordes 
de  ToU'ki'chi  et  d' 0a4chi-le ;  elle  appartenait  aux 
Toihkione  occidentaux,  au  royaume  de  Nou-tchi-kien 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  389 

(en  arabe  Nouchidjan)  et  au  royaume  de  Chi  [Ghi^koue 
—  Thachkend). 

Sous  les  Yoaen  (empereurs  motïgois) ,  les  rcMs 
d'Armour  (anciennement,  on  écrivait  A-li-ma-li)  y 
avaient  établi  leur  résidence. 

Sous  les  Ming  ,  il  faisait  partie  du  pays  des  Oïrats. 

Sous  îa  dynastie  actuelle,  il  correspond  à  lan- 
cienne  i'ésidence  des  Dchongars. 

Dans  la  vingt-deuxième  année  de  Kien-loiig  (176  7), 
les  troupes  impériales  s  étant  mises  en  marche  pour 
châtier  les  rebelles,  toutes  les  hordes  (en  dchongar 
otok)  vinrent  à  Tenvî  au  devant  d'elles  pour  faire 
leur  soumission. 

A  la  cinquième  lune  de  la  même  année,  Daoa- 
atsi,  leur  chef,  passa  le  fleuve  avec  environ  dix 
mille  hommes.  On  le  poursuivit  et  on  réussit  à  Fat- 
teindre.  • 

Un  musulman,  nommé  KHodsis,  du  titre  de  Bek, 
le  prit  et  lofïrit  (le  remit)  au  général  chinois.  Ili 
fut  alors  pacifié. 

A  la  sixième  lune,  Amoursaha  se  révolta.  Le  gé- 
néral Tsereng  se  mit  à  la  tête  d  un  corps  de  ti'oupes 
et  le  poursuivit  jusqu'au  mont  Talki{Talki'dahd). 
Amoarsana  s  enfuit  chez  les  Khasaks. 

A  la  onzième  lune,  plusieurs  Tàïdsi  (princes) des 
Dchongars,  Ni-ma-khasa-ke-chora  avec  Bayar  mah- 
(jrïk,etc,  excitèrent  des  désordres;  «Le  général  Tao- 
hoeï  arriva  de  J'est  au  secours  de  ses  collègues,  livra 
plusieurs  fois  bataille  aux  rebelles  et  les  tailla  en 
pièces. 


390  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Dans  la   vingt- deuxième  année,  les  généraux 

Foudé  et (il  y  a  trois  mots  effacés)  divisèrent  leurs 

troupes  et  marchèrent,  Tun  par  la  route  du  sud  et 
l'autre  par  celle  du  nord.  Alors  Amoarsana  quitta  le 
pays  des  Khasaks.  Fou-dé  layant  poursuivi,  les£ha- 
sacs  se  soumirent. 

Amonrsana  s'enfuit  chez  les  Oros  (les  Russes).  Le 
reste  de  ses  partisants  fut  successivement  pris  et  mis 
à  mort.  Alors  Ili  fut  pacifié  de  nouveau. 

Dans  la  vingt-neuvième  année  (i  764),  on  bâtit  la 
ville  de  Hoeî-youan  [lU)  au  nord  de  la  rivière  d'iï, 
et  dans  la  trentième  année,  celle  de  Hoel-ning, 

Avant  cette  époque ,  savoir  dans  la  vingt-septième 
année,  on  avait  bâti  la  ville  de  Ning-youan. 

Sur  une  montagne  située  à  lest  de  la  ville,  on 
grava,  par  ordre  de  l'empereur,  en  quatre  écri- 
tures différentes ,  deux  inscriptions  relatives  à  la  dé- 
faite des  Dchongars  et  à  la  pacification  d'iZi. 


POSITION,    CLIMAT    ET    SOL. 


A  l'ouest ,  la  mer  (le  lac)  de  Loaî-tch4>a  (Temour- 
lou)  ;  au  sud ,  Soa-le  {Ehachgar)  ;  au  nord,  le  désert  de 
Han-haî.  (Extrait  des  Annales  des  Thang,  Histoire 
des  Tou-kioué). 

Ce  pays  est  situé  au  nord  des  monts  Célestes 
{Thien-chan)\  par  sa  position  avantageuse,  il  l'em- 
porte sur  les  contrées  voisines.  Le  climat  est  doux 
et  tempéré ,  la  j)()pulation  est  nombreuse.  Ses  pro- 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  **       391 

duits  sont  aussi  variés  qu  abbndafits.  C'est  Un  des 
plus  grands  centres  au  delà  des  frontières  de  Touest. 
[Extrait  An  Hoâng-tchà(hsi-yu-ihoartcki.) 


MOEURS. 


Les  Ou'Sean  ne  cultivent  point  lés  terres  ;  ils  ne 
sèment  ni  ne  plantent.  Ils  suivent  leurs  troupeaux 
dans  les  lieux  qui  offrent  de  Teau  et  des  pâturs^es. 
Leurs  mœurs  sont  les  mêmes  que  celles  de  Hiong- 
nou.  (Annales  des  Thang,  Histoire  du  Si-ju ,  ou  des 
contrées  de  Touest). 

Les  habitants  sont  nomades  et  cherchent  les  lieux 
où  Ion  trouve  de  l'eau  et  des  pâturages;  Ils  nont  ni 
villes  ni  enceintes  de  murs.  Seidement,  les  musul- 
mans (hoeï-jin)  qui  leur  sont  soumis  (et  habitent 
leur  territoire)  se  bâtissent  des  villes ^^ùivant  leur 
coutume,  et  y  festent  à  demeure.  [Hoatiq'tcliao-si'yur 
thoa-tchû) 


Hoeï-youan-tch'ingj  ou  la  ville  de  Hoeï-youan. 

Elle  est  située  au  nord  de  la  rivière  d'iZi  (lU  gaol). 
Elle  fut  bâtie  dans  la  vingt -neuvième  anhée  de 
Khien-long  (176 4).  Sa  circonférence  est  de  mille  lis 
(1  Gô  lieues).  Elle  a  quatre  portes.  Celle  de  Test  s'ap- 
pelle King-jin;  celle  de  louest,  Youe-tse;  celle  du  sud, 
Sioaen-khaî;  celle  du  nord,  Khiem-nqan. 

HOEi'NING'TGH'IWG. 

Cette  ville  est  située  au  nord  de  la  rivière  d'iii. 


392  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Elle  fut  bâtie  dans  la  trentième  année  de  Khienriony 
(i  y65).  Sa  circonférence  est  de  6  lis.  Elle  a  quatre 
portes.  Celle  de  Test  sappelle  Tchang-^eî;  celle  de 
1  ouest,  Tao-fong;  celle  du  sud,  Thsun  kouéi;  celle 
du  nord,  Tching-tclioa. 

V 

NING'YOVEN'TCH'ING. 

Cette  ville  est  située  à  20  lis  de  la  rivière  d7C 
(/{(  gaol).  Elle  a  été  bâtie  dans  la  vii^-^eptième 
année  de  Khien-long  (lySa).  Sa  circonférence  est  de 
4  lis.  Elle  à  quatre  portes.  Celle  de  lest  sappelle 
King-hio;  celle  de  louest,  Hoan-ing\  celle  du  sud, 
Kia-hoeï-,  celle  du  nord,  Koaeï-ki, 

SOUÏ'T'ING'TCH*ING. 

Cette  ville  est  située  à  MakharUk.  Ellle  Ait  bâtie 
dans  la  vingt-septième  année  de  Khien-long\i'j5!Â). 
Sa  circonférence  est  de  4  lis.  Elle  a  quatre  portes. 
Celle  de  Test  s'appelle  Jin-hi;  celle  de  Touest,  Lsi; 
celle  du  sud,  Li-kia;  celle  du  nord,  Ning-mo. 

PAYS    DÉPENDANTS    D'IL/. 

Bayan-taï  ^  Au  nord  d'ili;  il  y  a  une  colonie  mi- 
litaire. 

OuKHARLiR^.  Au  uord  d7Iz.  Il  y  a  une  ville  au  nord 

*  Boy  an  est  un  mot  dchongar  signifiant  riche,  abondant:  Ou  est 
chinois,  et  veut  dire  tour  (turris). 

*  Oakharlik  est  un  mot  hoeî  (turc  oriental).  Oukhar  veut  âin 
cormoran;  la  terniioaisou  /(7c  signifie  beaucoup.  Ookhatiik  signifie 
(lieu)  abondant  en  cormorans. 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  395 

de  laquelle  sont  situés  deux  canaux  appelés  Loa-tsao- 
kiang  (le  canal  des  roseaux  et  des  herbes) ,  et  La-ma- 
sse-Mang  (le  canal  de  la  pagode  des  lamas).  Près  de 
chacun  de  ces  canaux ^  il  y  a  une  colonie  militaire. 
.  Talki  ^  Au  nord  d7K.  Il  y_  a  une  petite  ville  et 
une  colonie  militaire. 

Chabour  tokhaï^.  a  i4o  lis  (  i4  lieues)  au  sud- 
ouest  d'Ili.  Ce  pays  offre  une  suite  de  montagnes  et 
de  vallées  où  Ton  a  établi  des  stations  militaires. 

BoRO  tala'.  a  3oo  lis  (3o  lieues)  au  nord-est 
d7/î.  Ce  pays  est  entouré  de  montagnes  et  de  rivières. 
Leau  des  sources  est  douce  et  la  terre  est  fertile.  Sa 
situation  est  on  ne  peut  plus  avantageuse.  Dans  la 
vingtième  année  de  Khîen4ong  (  1 7  3  5) ,  le  général  Bandi 
arriva  jusqu'en  cet  endroit  lorsqu'il  marchait  pour 
châtier  les  Z)c/ionjar5.  heurs  tsaïr sang  (administra- 
teurs des  oÈêks  ou  pâtiu'ages)  se  mirent  à  la  tête  de 
leurs  subordonnés  et  vinrent  faire  leur  soumission. 
Après  la  pacification  d7K,  Amoarsana  s  empara  de 
ce  pays  et  y  leva  l'étendard  de  la  révolte.  Les  géné- 
raux 7  ser^njf,  etc.  marchèrent  contre  lui.  Amoarsana 
s'enfuit  au  nord  chez  les  Khasaks.  Dès  ce  moment 
Boro  tala  devint  une  possession  chinoise. 

^  Talki  est  un  mot  dchongar  signifiant  an  instrument  de  hois' 
pour  corroyer  les  cuirs.  Suivant,  le  Dictionnaire  Si-yu-thon^-wenftchi, 
iiv.  IV,  fol.  19,  )e  sommet  du  moni  TcXki  ddba  a  la  forme  de  cet 
instrument.  "  v  ' 

'  Tohhaî  est  un  mot  hoeï  (turc)  signifiant  une  anse  (angastus 
aquae  sinus).  J*ignore  le  sens  de  chabour.  . 

^  Boro  tala  se  compose  de  deux  mots  dchongars:  horo,  vetd,  et 
tala,  champs,  comme  si  l'on  disait  champs  verdoyants. 


394  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Gândchoukhân.  au  sud-ouest  de  JBorotab.  En  8*ëloi- 
gnant  de  cet  endroit  dans  la  direction  de  l'ouest^  on 
rencontre  Chobotou;  dans  la  direction  du  nord- 
ouest,  Kouke-tom  (fcoafe,  mot  mongol,- fr2<?u;  toi», 
item,  petit  pîc);  dans  la  direction  de  Test,  Cha-Ung 
(  c'est  -h-  dire  le  sommet  sablonneux) ,  Dalanpi  et 
Dabtsigaî. 

Dans  les  vallées  profondes,  on  a  placé  partout 
des  postes  militaires. 

ÂLiMATOu^  Â  loo  lis  (lo  licues )  au  nord  dlli. 

OuRTOt}  GOURBI^.  Â  1 /lo  lis  (  1  &  lîeues)  au  ncvd 
d'JRc. 

BoRo  BOURGASou*.  A  2  00  lis  (qo  lieues)  au  nord- 
est  d'/fi.  Anciennement  c  était  là  qu'étaient  les  pâtu- 
rages de  Tangouté,  Taïdsi  (prince)  des  Khoaît  La 
vingtième  année  de  Khien-long ,  ce  pays  se  soumit  à 
la  Chine.  C'est  la  porte  des  firontièret  orientales 
d'/K. 

DODRBELDSIN  *.    A    120   lis  (  1  2  licUCs)  d7K. 

KouNGGHËS^  A  àlio  lis  (kk  lieues)  au  sud -est 

*  Alima,  mot  dchongar  signifiant /lomm^;  toa,  temûnaison  adjee- 
tive  indiquant  la  possession  :  aîimtUottj  qui  a,  cest^à-dire  qai  pro- 
duit des  pommes. 

^  Ce  nom  se  compose  de  deux  mots  dchongars:  ourtoa,  long,  et 
(fourbi,  courbé,  tortu,  sinueux.  Ces  deux  épithëtes  s^appliquent  au 
routes  de  ce  pays. 

^  Mots  dchongars:  boro,  verd,  et  ^ii^(uon>  peuplier. 

^  Ce  mot  est  dchongar  ■  et  signifie  carré.  Suivant  le  EKct.  Si^jm- 
ihong-wen-tchi ,  liv.-I,  fol.  7,  ce  pays  a  une  forme  quadnngiil^VB. 

'  Khoungghes  est  un  mot  hoeï  (turc)  signifiant  tetre  qui  rUoiœ 
sous  les  pas.  La  terre  du  rivage  du  fleuve  Koangghss  (Koungges  gooL] 
répond  au  bruit  des  pas;  c^est  pourquoi  ce  pays  a  été  aipai  1 
{Si-ja-thong-wcn-tchi,  liv.  1,  fol.  2 A.) 


NOVEMBRE-DÉCEMiBRE*1846.  395 

d'Ili.  Le  territoire  est  large  et  uni  ;  il  est  propre 
à  ragriculture  et  offre  de  bons  pâturages.  C'est  le 
pays  le  plus  important  au  sud-est  à'IlL  C'était  là 
qu'anciennement  les  Dchongars,  les  Oaloat  {Eleaihs), 
et  les  Khorbos  faisaient  paître  leurs  troupeaux. 

Khachi  ^,  Ce  pays  est  au  nord  de  Koangghes  au- , 
quel  il  est  contigu^il  y  a,  en  chinois,  dont  il  est 
rapproché  comme  ks  thres  le  sont  des  dents).  Sa  po- 
sition est  tout  à  fait  piM)resque. 

Narat  ^.  Au  sud  d'IlL  Dans  le  défilé  qui  est  au 
sud-est  d7Zi,  il  y  a  une  station  militaire. 

YouLDOUS  ^.  Au  sud-est  de  Koangghes.  On  y  ar- 
rive en  franchissant  des  naontagnes.  De  tous  côtés  i 
ce  pays  est  entouré  de  montagnes. 

Il  est  abondamment  arrosé  et  ofire  d'excellents 
pâturages.  Anciennement ,  c'était  là  que  les  hordes 
des  Dchongars  et  des  Keliyet  faisaient  paître  leurs 
troupeaux. 

Khabtsigaï^.  a  iSoHis  à  Test  àe.Yoaldoqs.  Il  y 
a  trois  rivières  de  Khabtsigaï  qui  traversent  et  ar- 

^  khachi  est  un  mot  hoeî  (turc  oriental]  signifiant  JourcîZ. Dans 
ce  pays,  il  y  a  deux  montagnes  qai  se  correspondent  comme  les 
deux  sourcils  ;  voilà  pourquoi  on  Ta  ainsi  nommé.  Nous  ferons  ob- 
server qu  en  turc  oriental,  le  mot  khachi  signifie  aussi  jai2e.  (5r-^u- 
thoug-wen-tchij  liv.  I,  fol.  24.) 

^  Narat  est  un  mot  dchongar  signifiant  ïéclat*d\i  soleiL 

'  Yoaldous  est  un  mot  |||oeî  signifiant  étoile.  Dans  ce  pays,  il  y 
a  beaucoup  de  trous  de  sources  (en  chinois  dyeax  de. sources)  qui 
brillent  de  loin  comme  des  étoiles.  (Si-yu-thongrwen'tchi,  liv.  I, 
fol.  24.) 

*  Khahlsigaî  est  un  mot  (]chongar  signifiant  un  chemin  étroit  entre 
les  m6iila(fncs. 


396  JOURNAL  ASIATIQUE. 

rosent  ce  pays.  Elles  sont  près  des  frontières  de 
Kharachar. 

Dengnoultaî  ^  A  Test  de  Khabtsigaï.  Les  pays 
précités  forment  les  frontières  orientales  d'ili. 

Khorgos^.  â  i3o  lis  (i3  lieues)  à  l'ouest  d7fi. 
11  y  a  une  colonie  militaire.  En  s*éloignant  de  ce 
pays  dans  la  direction  de  Touest,  on  trouve  Kit- 
sik,  et  Koaïtoun^;  dans  la  direction  du  sud,  on 
trouve  Dsiy an-fan  (?-  la  preilfière  syllabe  est  presque 
effacée);  dans  la  direction  du  nord -ouest,  Boro 
khoudsir'^y  et  Khonggor  oloang  ^.  Tous  ces  pays  forment 
les  frontières  nord  d7{i;  chacun  d'eux  a  une  station 
militaire. 

Khatao^'.  Au  nord  d'/îi.  En  s  éloignant  de  cet 
endroit  dans  la  direction  du  nord-est»  on  trouve 
Mogaîtou  "^  et  Dchekde  ^  \  dans  la  direction  du  nord 

^  Dengnoul  est  un  mot  dchongar  signifiant  un  tertre  verdoyant  (sur 
le  bord  d'un  fleuve]  ;  toi  est  une  terminaison  adjective  indiquant 
ia  possession. 

'  Khorgos  est  un  mot  dcbongar  signifiant  .5ttfrcit5  relictum  in  pus- 
cuis.  Anciennement ,  on  écrivait  kholokhos. 

^  Kouîtoun  est  un  mot  mongol  signifiant/roi(2  (firigidus). 

^  Boro,  mot  dchongar  signifiant  vert  (viridis)\Kkottdsir,  sel,  en 
mongol. 

^  Klionggor,  jaune,  en  dchongar  ;  oloang,  herbe  tendre ,  en  mongol. 

^  Khatao,  dur,  en  dcbongar.  Ce  pays  est  rempli  de  pierres;  In 
chevaux  et  les  chameaux  y  marchent. difljcilement. 

^  MogaXtou,  mot  dchongar:  Jlfo^arj^^ serpent^  tou,  terminaison 
adjective  indiquant  la  possession  ou  rexistcnee  [Serpenter  hahens^ 
ou  bien  (regio)  nhi  sunt  serpentes.) 

^  Dchchde,  mol  hoeï  :  jujubier,  do  i'espbci*  appelée  eu  chinois 
r7ta-/5ao  (m.  t\  m.  jujubier  dc3  sables). 


NOVEMBRE  DÉCEèlBRE  1846.  397 

ouest ,  on  trouve  Yamlek^j  Tchatcken  kharà^,  Khara 
tala  (lisez  Khara  taP),  Dahn  khoadouk^,  e\  Toboro, 
Anciennement,  c étaient  les  pâturages  dies  hqrdes 
des  Dchongars  et  des  Erketen-    - 

Au  nord,  on  trouve  Kouke^tchel^  et  Tougoarik^. 
Ces  deux  pays  o£Brent  des  plisdnes  unies  où  Ton  peut 
faire  halte  et  laisser  paître  lés  troupeaux. 

KouRTOu''.  Au  sud  de  la  rivière  d7/i;  ancienne- 
ment, c  était  en  cet  endroit  (jue  les  hordes  des 
Dchoxigars  et  des  Boukous  6aisaient  paître  leurs 
troupeaux. 

GouRBAN  ALiMATOu  *.  A  Vest  de  Kowrtou. 

Anciennement,  cétait  la  résidence  des  chefs  (des 
hordes)  des  Éleuth  et  des  Noyais:      . 

*  Yamlék,  mot  hoeî  signifiant  cùlUr  une  chose  çLvec  de  la  colle. 
Dans  ce  pays,  il  y  a  deux  frontières  qui  se  touchent.  {Si'jru^thong- 
u?e/i-tc/ii,  liv.  I,  fol.  2  4.) 

*  Tchatcken  khara.  En  hoeï  (turc  oriental ),  (fcafc^^/i  signifie  c&p- 
vea-,  et  khara,  noir. 

^  Khara  tal,  inot*hoeï  :  khara ,  noir,  et  tal,  saule.  {Si-jru-thong- 
î£>en-/cfci,  liv.  I,  fol.  26.) 

^  Dalan  khoudouk,  mot  dclv>ngar  :  Dalan  si^ïûe  soixante  et  dinc , 
khoudouk  vent  dire  puiti.  Il  y  a  beaucoup  de  puits  entre  les  mon- 
tagnes. *     . , 

*  Kouke  tchel,  mot  mongoW  Koukt ,  bleu,  ichel»  terre  nue, 
sans  herbe.  Les  sables  sont  bleuâtres  et  ne  produisent  ni  herbes,  ni 
arbres.  ^  . 

*  Tougourik,  mot  mongol  signifiant  rond.  Ce.  pays  a  une  forme 
arrondie.  (5(-j'u-f/ion^-w^w-teài,  liv.  I,  fol.  I.) 

^  Koartou^  mot  dchongar  signifiant  neige  accumulée, 

^  Gourhan,en  dchongar,   signifie  trois;  alimalou  yéut  aire  qui 

aJ.es  pommiers  [alima,  pomme).  Pans  ce  pays,  il  y  a  trois  vergers 

de  pommiers. 


398  JOURNAL  ASIATIQUE.. 

Talagar ^  A  lest  à'Alùnatoa.  A  Test*  on  troure 
encore  Tourguen^,  Gourbantchabidar^^  Gaarbmdnadr 
sigai",  Talasïk^  et  Chatoa^. 

A  Touest,  on  trouve  Koarmetou'^,  Gowrhan  kousM- 
tàt^  et  Gourban  sari  ^. 

Tghoundsi^^  a  3 00  lis  (3o  lieues)  au  sud-ouest 
d7/i. 

Au  sud-ouest,   on  trouve  encore  Tanikha,   Te- 

>  Talagar  est  en  mot  dchongar  signifiant  larges  steppes  [ak  Ton 
peut  faire  halte  et  laisser  paître  les  troupeaux). 

'  Tourguen,  mot  dchongar  signifiant  rapide.  Ce  pays  est  litii^ 
entre  deux  bras  de  Ylli  gaol  inférieur,  dont  le  cours  est  trè*-ra|Hde. 

^  Gourion  ichabidar,  expression  dchongare:  gourban,  trois,  tdta- 
hidar,  cheval  à  crinière  argentée  (blanche).  Dans  ce  pays,  il  y  a 
trois  pics  dont  la  forme  et  la  couleur  ressemblent  à  une  crinâre 
blanche.  (Si-ya-thong-wen-tchi ,  liv.  I,  fol.  38.)' 

^  Gourhan  chadsigaXi  expression  dchongare  ;  de  6oar&ait«  trais, 
et  chadsigaî,  une  pie.  Paus  ce  pays,  il' y  a  trois  pies  dont  la  oonlenr 
est  entremêlée  de  noir  et  de  blanc,  comme  celle  d*une  pie.  (Dict 
Si-yu-thong-wen-tchi,  liv.  I,  fol.  28.) 

^  Talasik,  expression  dchongare;  de  taîa,  champ  uni ,  et  de  ni. 
terminaison  diminutive ,  comme  si  Ton  disait  le  'plus  petit  de  foit 
les  champs. 

^  Chatou,  mot  dchongar  signifiant  une  échêUe,  Alioaùm  aoi 
chemins  taillés  en  escaliers  pour  gravir  les  montagnes  (de  ce  pays). 

^  Kourmetou,  expression  mongole;  de  kourme,  petites {HerreSi  et 
iou,  terminaison  adjectîve  indiquant  la  .jpossession  ou  reziatence 
(pierreux). 

^  Gourhan  khousoutaî,  où  il  y  a  trois  bouleaux;  expression  dchon- 
gare; de  gourban,  trois,  khoason,  bouleau,  et  taî,  terminaison  ad- 
jective. 

^  Gourban  sari,  expression  dchongare;  de  Gourban  »  trois,  et  sari, 
cuisse  de  cheval.  Dans  ce  pays,  il  ya  trois  montagnes  qni  ont  cette 
forme.  (Si'yU'ihong'U>en'tcki,  liv.  I ,  fol.  29.) 

^®   Tchoundsi  est  un  mot  mongol  signifiantiin^  tour. 


NOVEMBRE-DÉGEMBRE  1846.  399 
inourlik^y  Gaégen,  Khoutookhaî^y  Ofkltodchou^r  et 
Kharkira.  Les  montagnes  et  les  collines  se  •succèdent 
alternativement;  çn  y  a  établi  une  ligne  de  postes 
militaires.  • 

Telles  sont  les  frontières  sud-ouest  Sïlu  Après 
avoir  franchi  les  montagne^  du  côté  du  sud,  on 
arrive  aux  frontières  de  Saïram,  habitées  par  des 
hordes  de  Hbeï.' 

KouNASAR^  A  200  lis  au  sud  d7K.  Plus  loin,  à 
l'ouest,  on  trouvp  Oulan  khàlga\  Dsirgalang  ^  Tour- 
guen  atcha  ^,  Gourban  dchergués'^.  Sur  les  frontières 

^  Temourliks  abondant  en  fer;  mot  dchongar;  dé  temoar,  fèr,  et 
lik,  beaucoup. 

Lïk  est  aussi  une  terminaison  adjectiye»  koeî,  ayant  la  valeur 
de  tcû  ou  de  tou  en  mongol.  Dans  ce  cas  ,•  temourlik  signifierait 
qui  a,  c'est-à-dire  qui  produit  du  fer,  oh  il  y  a  dufér.  H  n'est  pas 
rare  de  rencontrer  des  noms  de  pays  dont  les  éi<^ment8  appar- 
tiennent à  deux  langues  diSérenieB.  (Si'yu'ihong''weii-tchi,\iY,  I, 
fol.  1 4;  et  IV,  fol.  17.) 

'  Kkoutoukhaî,  mot  dcbongar  sigeifiant  beureux,  de  bon  au- 
gure. 

^  Kounasar  epi  un  mot  boeî  composé  de  houna ,  ancien ,  et  de  sur, 
ville. 

*  Oulan  hhalg a  \ieni  de  deux  mots  dcbongars  :  oulan,  rouge,  et 
khalga,  route.  La  terre  de  ce  pays  est  presque  rouge.  [Si-yu-thong- 
tufw-tc/ii,  îiv.  I,  fol.  3o.) 

^  Dsirgalang,  mot  dcbongar  :  bien-être,  contentement  Ce  pays 
offre  des  eaux  et  des  berbes  abondantes  ;  on  est  beureux  d*y  de- 
meurer. (5i-j/'u-t^oii^-u>fli-tc/«,  liv.  I,  fol.  5o.) 

^  Tourghen  atcha,  expression  dcbongare;  de  tonrguen,  rapide* 
impétueux,  et  de  atcha,  bifurqué.  Les  eaux  du  fleuve  (d'/Zi)  sont 
très-rapides;  arrivées,  à  cet  endroit,  elles  se  divisent  en  deux  bran- 
cbes,  (Si-yu^tliong-wen-tchi »  liv.  I,  foi.  3o.) 

'  Gourban  dchergaés;  de  deux  mots  dcbongars  :  gourban,  trois, 


#. 


400  JOURNAL  ASIATIQUE.  , 

de  Test,  s  élève  ]e  Moasour  aoîa^,  qui  fait  partie  des 

monts  Célestes  {Thien-chan), 

Archatou  ^.  Sur  le  bord  sud-est  du  lad  Toaskml  '. 
A  lest  de  ce  pays,  on  trouve  Tebke^  et  Yethous  *; 
Au  sud,  Dchojokha^  IlqatsV  et  Ba^oan^;  à  Touest, 
Tamara  ^,    Tosar  ^®,  Tonnq  ^\    Ak$ai  ^*,    Khonggor 

Qt  dchergués,  réunis  ensemble.  Il  y  a  trois  ôvièreiqai  se  rëanîsieiit 
et  coulent  ensemble. 

^  Monsonr  aola.  Le  premier  mot  est  hoeî  et  signifie  glace;,  le 
second  est  mongol  (montagne). 

'  Archatou  s  mot  dchongar  signifiant  qai  a,  oà  ii  jr  a  une  5oarcf 
chaude:  de  archa,  Source  chaude,  et  tou,  terminaison  indiquant  la 
possession  ou  Teiustence. 

3  Tottskonl;  de  tous  (mot  bourout) ,  sel,  et  koul  (mot  hoeî),  lac. 
On  recueille  du  sel  sur  les  bords  de  ce  lac. 

^  Tehhe,  mot  dchongar;  pièces  en  os  ou  en  corne  placées  aux 
extrémités  de  Tare  pour  y  attacher  la  corde. 

^  Yetkous,  mot  hoef  signifiant  donner,  offrir  (quelque  chose). 

^  Dchaohha ,  mot  dchongar  :  excavation  en  terre  pour  établir  un 
ibycr;  en  chinois,  isao-khan,  foci  fossa;  en  mongol , 'JcAoo  signifie 
un  four  à  tuiles  ou  à  poterie. 

^  Ilgatsi,  mot  hoeî,  un  pasteur.  Si-yn-thong-wen-tcki,  liv.  I,  fol. 
32.  Au  liv.  III,  fol.  3,  le  même  ouvrage  explique  ainsi  ce  mot 
hoeî  :  ilga,  hangar  où  s'abritent  ceux  qui  font  paître  les  chevanx, 
et  tsi,  particule  qui  indique  un  homme  (comme  si  Ton  disait  les 
hommes  des  ilga,  qui  se  retirent  sous  les  ilga,  et  par  conséquent 
ceux  qui  font  paître  les  chevaux). 

"  Balfjouny  mot  hoeî;  saule  rouge  (à  fleurs  rouges?)  qui  croit  sa 
milieu  des  montagnes. 

^  Tamaga,  mot  dchongar;  empreinte  ou  cachet  qu*on  applique, 
avec  un  fer  chaud ,  sur  la  peau  d'un  cheval  ou  d*un  chameau. 

'^  Tosar,  mot  hoeî;  sorte  de  petite  garnison  (pour  empêcher 
d^cntrer  dans  un  lieu  ou  d'en  sortir).  Jadis,  il  y  en  avait.une  dans 
ce  pays. 

"   Tonng ,  mot  hoeî;  terre  dont  la  surface  est  dure  et  solide. 

*^  Ahsaîy  mot  hoeî,  composé  de  ah,  blanc,  et  de  soi,  pierres  sa- 
blonneuses. 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  401 

oloung^,  Kochigar^y  Youl  arik  ^\  Chibartou^  et  Kho- 

Ces  pays  sont  situés  près  des  deux*  rives  du  lac 
Touskoal. 

TcHOuï^.  Au  nord-ouest  d'Ili.  Ce  nom  est  celui 
du  pays  au  nord-ouest  du  lac  Touskoul ,  sur  une 
largeur  de  5oo  lis  (5o lieues). 

Il  est  abondamment  arrosé  et  offre  dé  belles  prai- 
ries. Il  convient  à  la  pâture  des  troupeaux. 

Au  nord-est ,  s  élève  le  mont  Argaïtou  aola. 

Plus  loin ,  au  nord ,  il  s  étend  au  delà  des  mon- 
tagnes et  touche  les  frontières  des  Khasaks  de  la 
gauche. 

Salkitou'^.  Sur  le  rivage  sud  de  la  rivière  Tchouî. 

A  louest,  on  trouve  Chamchpj  Guegetoaboalana^, 

'  ^  Khonggar  oloung,  expression  composée  de  khonggar,  jaune  (en 
dchongar)f  et  de  oloung,  herbe  tendre  (en  mongol).  La  terre  est 
jaunâtre. 

*  Kochigar,  mot  hoeï  :  un  bélier. 

'  Yoal  arik ,  expression  hoeï ,  composée  de  youl ,  arracher  un 
arbre,  et  de'  arik,  un  canal.  Peut-être  quen  cet  endroit  on  a  ar- 
raché des  arbres  pour  ouvrir  un  èanal. 

*  Chihartou,  mot  dchongar  signifiant  boueux,  limoneux;  dechi- 
har,  boue,  et  de  tou,  terminaison  qui  signifie  ayant  (kahens), 

^  Khocho,  mot  dchongar  :  museau  d'un  animal. 

^  Le  mot  tcliouî  est  dchongar;  il  signifie  eau  trouble  et  jaune, 

^  SaUâtou,  mot  dchongar;  de  salki,  vent,  et  de  iou,  finale  signi- 
fiant qui  a,  ou  il  y  a.  Ce  pays  est  situé  entre  des  montagnes;  il  est 
trëa-exposé  aux  vents. 

^  Chamchi,  mot  hoeï  :  ivraie  (qui  pousse  dans  les  champs  de  riz). 

*  Guegetou  boulana,  expression  dchongare;  de  guegetou,  éclairé, 
exposé  au  jour,  à  la  lumière,  et  de  boulana,  silo  pour  conserver 
du  riz. 

VIIT.  26 


402  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Achitoa^,  Dabousoutou^,  ArtcTiaktou^,  Han  bachi^, 
Kounouksar^,  Sogolouk^^  Khara  halton'',  Gonrban  Idia- 
natou^,  Achi  bouri^ et  Khorcjon^^.  Anciennement,  ce- 
tait  la  résidence  de  plusieurs  chefs  de  la  tribu  des 
Dchongars,  nommés  Nome  khoudsirgar  Batonr  onba- 
chi,  et  Khotoang  mécjaen. 

Inger^^  (lisez /njfjfar).  a  environ  qoo  lis  (20  lieues) 
au  sud-ouest  du  lac  Tonskoul.  Plus  loin,  à  l'ouest, 
on  trouve  Bedelik  et  Édemek,  En  franchissant  les 


^  AchUou,  mot  bourqut,  signifiant  sommet  Ce  pays  est  sitaé  dans 
une  Tallée,  entre  des  sommets  élevés. 

^  Dahousoutou,  mot  dchongar;  de  dabousou,  sel,  et  de  itm, 
signifiant  qui  a,  oh  il  y  a.  On  recueille  du  sel  dans  ce  pays. 

^  Artchahtott,  mot  dchongar;  de  artchak,  pin,  et  de  foa,  finale 
signifiant  qui  a,  oà  il  y  a. 

*  Ihm  bachi,  expression  hoeî;  de  ilan,  serpent,  et  de  bacld,  tèie. 
Dans  ce  pays,  il  y  a  une  montagne  dont  le  sonmiet  ressemble  k  la 
tête  d'un  serpent. 

}  Kounouk  sar,  expression  khasake ,  formée  de  kounovk,  tube  de 
cuir  qui  sert  à  boire  du  lait,  et  de  sar,  poser,  placer  (une  chose). 

*  Sogolovik,  mot  hoeî;  de  sogo,  seau  taillé  avec  un  seul  bloc  de 
bob,  et  de  huk  (synon.  de  lik)^  finale  signifiant  qui  a  (habens).  Ce 
pays  produit  de  gros  arbres  avec  lesquels  on  peut  faire  de  ces  sort» 
de  seaux. 

^  Khara  haltou;  de  khara,  noir  (en  mongol),  et  de  haltou  (en 
khasak),  hache. 

^  Gourhan  khanatou,  expression  dchongare;  de  gourhan,  trois,  et 
de  khanatou,  piquets  qui  servent  à  soutenir  les  quatre  coins  d*iine 
tente.  Dans  ce  pays ,  il  y  a  trois  endroits  où  Ton  peot  établir  des 
tentes  (camper). 

^  Achi  houri,  expression  hoeî  signifiant'un  loup  affamé, 

^<*  Khorgon,  mot  hoeî  :  une* tour  (turris).  Anciennement ,  U  y  en 
avait  une  dans  ce  pays. 

^^  Inggar  est  un  mot  bourout  signifiant  vaincre.  Jadis  les babituti 
remportèrent  une  victoire  signalée  sur  leurs  ennemis. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  403 

monts,  au  sud  dUnggar,  on  arrive  à  la  ville  d'Oacftî, 
qui  appartient  aux  tribus  Hoeî. 

Talas^  (81)  à  l'ouest  d'J/i.  Anciennement,  c'était 
là  que  les  hordes  des  Dchongars  et  des  Doarbets 
faisaient  paître  leiu^s  troupeaux. 

A  louest  de  ce  lieu ,  on  trouve  Oalem  moanar^,  et 
plus  à  louest,  Sarbagachi  ^. 

Au  sud,  après  avoir  iranchi  les  montagnes,  on 
pénètre  jusqu'aux  frontières  des  Bouraats,  qui  sont 
soumis  à  la  Chine. 


POPULATION. 


La  garnison  se  compose  de  6,384  soldats  Man- 
dchous et  Mongols;  de  i,ooo  soldats  de  Sibé;  de 
1,000  soldats  Solons  et  Dakhours;de  i,8oo  soldats 
Tchakars,  et  de  3,ooo  hommes  de  la  bannière  verte. 
On  compte  3,i  i5  Éleaths,  dépendants  des  Kocliots, 
et  25,595  ÉleuihSf  dépendants  des  Tourgouts,  qui 
élèvent  des  troupeaux  et  cultivent  les  terres;  6,4o6 
familles  musidmanes  forniant  ensemble  2o,356  in- 
dividus, 71  familles  duT peuple  (209  individus),  et 

^   Talas,  mot  dchongar  signifiant  vastes  steppes. 

'  Oulem  mounar  est  composé  de  deux  mots  hoeî:  oalem >  haut, 
élevé,  et  mounar,  tour  (turris).  Sous  la  dynastie  des  Thang,  c'était 
là  qu'était  située  ia  viilç  de  Ta-lo-sse  (  Talas)^  qui  était  le  rendez-vous 
des  marchands  étrangers  du  royaume  de  Pi.  (Si-yakhong-wen-tcKi, 
liv.I.fol.  38.) 

^  Sarbagachi j  mot  bourout,  composé  de  sar,  battre,  percer  (ou 
tuer),  et  de  bachi,  poignet.  On  rapporte  quen  cet  endroit  les  Hoeî 
repoussèrent  les  Bourouts,  Les  ennemis  furent  battus  et  couverts  de 
blessures. 

26. 


a04  JOURNAL  ASIATIQUE. 

a  44  condamnés  qui  sont  exilés  dans  la  province 
d7/î.  Total  69,109. 

MÊME   SUJET. 

EXTRAIT    DU    SIN'KIANG-TCHI-LÎO,    LIVRE    IV ,  FOL.   2. 

Le  camp  tartare  de  la  ville  de  Hoeî-yoaen  (Ili)  ren- 
ferme 22,600  soldats;  celui  de  la  ville  de  Hoêî-ning, 
i3,34o;  le  camp  (des  Mongols)  de  Sibé,  19,200; 
celui  des  Solons,  i/i,5oo;  le  camp  des  Tchakars, 
11,70©;  celui  des  Éleuths,  26, i 00;  le  camp  des 
Chabinars,  9,800;  celui  de  la  bannière  verte,  1 0,700. 
Il  y  a,  en  outre,  34,ooo  hoeî-tsen  (musulmans), 
sans  parler  des  gens  qui  vont  et  viennent,  et  dont 
le  nombre  varie  constamment.  Totd,  iGi,6/iO. 
C€tte  population  est  plus  de  cinq  fois  supérieure  à 
celle  qui  habitait  le  pays  à  Tépoque  de  la  pacifica- 
tion dlli. 

TERRES    ET    IMPOTS. 
THAÎ-THSING-l-TONG-TCBl, 

Il  y  a  5,58o  arpents  de  terre  cultivés  par  2,5oo 
colons  militaires  et  49  condamnés.  Les  terres  ap- 
partenant au  peuple  forment  6,821  arpents,  dont 
l'impôt  en  grains  s'élève  à  35 1  chi  2  teoa  et  8  ching 
(le  cki  pèse  1 20  livres  chinoise^  et  renferme  1  o  teou; 
le  ching  est  la  dixième  partie  du  teou  ou  boisseau). 

Les  (6,Ao6)  familles  musulmanes  (composées  de 
20,356  individus)  payent,  en  grains,  un  impôt  de 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  405 

9,600  chi  (9,600  boisseaux,  ou  1,132,000  livres 
chinoises) /et  en  argent  160  Ucaiget  6  mas  (1 20A  fr. 
5o  cent.). 

FORTS. 

Il  y  a  huit  forts  sur  les  frontières  sud  d7K,  sa- 
voir :  i"" Ilidi-taï;  2** Batou  monghe-taï;  yKliaïnouk-taî; 
k'' SogoMcii  ;  b'^Bor-taî;  6""  Khonakaî-taï ;  ^^Téke$'taî; 
8°  Chaton  aman4aï. 

Il  y  a  quatre  forts  sur  les  frontières  du  nord,  sa- 
voir :  1°  Talki  uman-taï;  2°  Bortsir-taî;  3°  Bordchoî- 
toa  bom  taï;  4°  Khousoa  boalàk-taî,  [Tal  est  un  mot 
chinois  signifiant  <oar.)  - 

Sur  les  frontières  d7/i,  il  y  a  26  stations  mili- 
taires. 

,  MONTAGNES. 

AboaraU  aola.  Cette  montagne  est  située  à  Test 
d'Ili.  Elle  se  sépBveà^Ebtoadaba^,  tronc  principal 
des  monts  Célestes  [Thîen-chan), ,et  s'étend  oblique- 
ment au  nord-ouest.  Elle  est  entourée  (en  partie) 
parles  rivières  KhachigaoP  et  Koungghés'^  gaol:  c  est 
la  barrière  ouest  de  la  ville  d7Zi. 

^  Mot  dchongar  qui  signifie  aimer.  Cette  montagne  est  unie;  on 
la  parcourt  avec  autant  de  facilité  que  de  plaisir. 

^  Mots  dchongars;  daha,  sommet,  et  «6tou,  commode.  Lea  sen- 
tiers de  cette  montagne  sont  unis  et  commodes  pour  les  voyageurs. 

^  Mots  hoeï  (turcs)  :  gaol,  rivière,  et  khachi,  sourcil.  Il  y  a  deux 
montagnes  qui  se  correspondent  comme  les  deux  sourcils.  Cette 
rivière  sort  du  milieu  de  ces  deux  montagnes* 

*  Mot  turc:  koangghés,  terre,  sol  qui  résonàe  sou3  les  pieds. 
Les  deux  rives  de  cette  rivière  résonnent  sous  les  pieds  lorsqu*OD  y 
marche. 


406  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Dans  la  viiigt-huitième  année  de  Khien-long  (en 
i€63),  elle  fut  mise  au  nombre  dés  mont£^es  aux- 
quelles on  doit  offrir  des  sacrifices  annuels ,  et  l'on 
rédigea  le  texte  officiel  des  prières  que  Ton  récite 
en  cette  occasion. 

Observations.  Les  montagnes  qui  s'élèvent  sur  les 
frontières  orientales  de  la  ville  Hli  (comme  Bokia 
aola^,  Dcherges^  aola,  Kliatoun^  bokàa^aola,  Erin 
khabirga^  aoh),  touchent  toutes  les  frontières  de  7ï- 
Jtoa-tcheou  [Oaronmtsi). 

Les  monts  Khara  gow)^an  aola  ^  et  Boro  *  bourgasou 
daba,  touchent  les  frontières  de  Kour  khura  oasou''. 
Les  montagnes  qui  s'élèvent  sur  les  frontières  sud- 
est  d7/î,  comme  ïe  Narin  kira  tak  *,   le   Khaîdou 

^  Aola,  montagne,  en  mongol.  Bokàa^  mot  dchongar  signifiant 
divin,  saint;  montagne  sainte,  montagne  divine. 

*  Mot  dchongar  :  rangé,  placé  Tun  près  de  Tautre.  Les  pics  de 
cette  montagne,  depuis  les  plus  élevé?  jusqu'aux  pins  bas,  sont 
rangés  sur  la  même  ligne.    . 

^  Mot  dchongar  signifiant  la  femme  d'un  homme  iUastre,  Le  Bokda 
aola  est  un  pic  extrêmement  élevé ,  et  le  Khatoun  hokda  aola  semble 
être  sa  compagne.  , 

^  Mots  dchongars  :  erin,  couleur  mélangée;  hiUAirga,  côtes.  Cette 
montagne  se  compose  de  pics  qui  sont  des  rameaux  du  Bohda  aoLu 
Ils  sont  disposés  à  droite  et  à  gauche  comme  les  côtes  du  eoips 
humain. 

^  Goayan,  mot  dchongar  signifiant  cuisse.  Depuis  la  ceinture  de 
la  montagne  (aola)  jusqu'au  bas,  les  pierres  sont  d'nn  noir  foncé 
[khara). 

^  Mots  dchongars:  hor9,  vert;  hoargasou,  saules;  daba, montagne. 
Il  y  a  beaucoup  de  saules  sur  cette  montagne. 

^  Kour,  mot  dehongar,  neige  accumulée;  hhara,  mot  i 
noir;  ousou,  mot  mongol,  rivière. 

^  En  dchongar,  narin  signifie  .petit,  et  hira,  arête  d'une 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE   1846.        407 

tafc^  le  Dalan  daba^,  le  Bdilak  tak^,  et  le  Khan  teng- 
gueri  aola^,  touchent  les  frontières  de  Khara  char^  et 
de  Koutche  ^,  qui  sont  habitées  par  des  tribus  hoeî 
ou  musulmanes.  Comme  elles  sont  décrites  chacune 
à  leur  place  respective ,  nous  ne  nous  en  occuperons 
pas  ici  afin  d éviter  les  répétitions.  Il  nous  suffit, 
pour  le  moment,  de  les  citer  sommairement. 

TouRAÏ  AÏCouN  aola'^.  A  loucst  de  la  tille  d'fli, 
sur  le  rivage  méridional  de  la  rivière  d'Ili  (Rigaol). 

BouKHA  AOLA  ^.  A  1  oucst  de  la  ville  d7/i,  sm^  le 
rivage  méridional  de  la  rivière  dlli  [Ili  gaol). 

On  lit  dans  les  Annales  des' Thang  :  a  A  Touest 
de  la  rivière  I-lie,  le  khan  de  Toa-loa  a  établi  sa 

tagnc;  tak,  mot  turc,  montagne.  Gomme  si  Yen  disait:  la  montagne 
à  petite  arête. 

^  Khaîdou,  mot  turc  signifiant  couM,  sinueux»  La  rivière  qui 
sort  du  pied  de  cette  montagne  fait  beaucoup  de  détours.  ^ 

^  En  dchongar  dalan  signifie  soixante  et  dix.  Cette  montagne  offre 
une  multitude  de  pics  groupés  ensemble  :  cette  expression  indique 
sommairement  leur  nombre. 

^  Baîlak,  mot  hoeï  signifiant  homme  riche;  tak,  mot  hoeï  si- 
gnifie montagne.  Les  vallées  de  cette  montagne  sont  abondamment 
arrosées  et  couvertes  d^herbes  verdoyantes. 

^  Mots  dchongars  :  hhan,  prince;  tenggueriy  ciel,  et  aola,  mon- 
tagne. Cette  expression  désigne  le  pic  principal  des  monts  Célestes 
[thien-chan,].  . 

^  Char  est  un  mot  boe!,  ville;  khara,  mot  ipongol,  noir.  Cette 
ville  est  très-ancienne;  ses  maisons  sont  noircies  par  le  temps. 

®  Koutche  se  compose  de  deux  mots  persans;  hou,  pronom  dé- 
monstratif (hic,  hœc»  Koc):,  et  tche^  puits  sans  eau. 

^  Les  deux  premiers  mots  sont  boeï  :  iouraï,  couleur  baie  (rouge 
brun  );  aîgùun,  poulain.  Cette  montagne  (ao2a)  a*  la  forme  et  la 
couleur  d'un  poblain  bai.  [Si-yth-thong-wen-tchi,  liv.IV,  foL  23). 

^  Boukhuy  mot  dcbongar  :  un  canal.  Il  y  en  a  un  au  bas  de  cette 
montagne.  > 


408  JOURNAL  ASIATIQUE. 

résidence  à  i  ouest  du  mont  Tso-ko-chan.  »  Cet  en- 
droit est  exactement  celui  dont  nous  parlons. 

TALKi  DABA  ^  Aù  nord  à' m  Cette  montagne  a 
deux  vallées.  La  gorge  de  la  vallée  est  est  située  à 
Touest  de  la  ville  de  Tchagan  baîsing  ^;  la  gorge  de  la 
vallée  ouest  se  trouve  dçins.le  territoire  d'Alimatoa\ 

Après  avoir  traversé  cette  montagne,  dans  la  di- 
rection du  sud,  on  arrive  aux  territoires  de  Kha- 
chi  \  et  de  Koungghés  ^. 

Dans  la  vingt-huitième  année  de  Khien-long , 
cette  montagne  fut  mise  au  nombre  de  celles  aux- 
quelles on  doit  offrir  des  sacrifices  annuels.  Il  y  a 
des  prières  officielles  que  Ton  récite  en  cette  occa- 
sion. 

.  BoRO  KHORO  AOLA  ^.  Au  uord  d*//i,  à  loo  lis 
(i  o  lieues)  au  nord-ouest  de  la  gorge  méridionale  de 
Talki  aola. 

Khonggor  obo  '^.  Au  nord  àlli.  Les  crêtes  de  cette 
montagne  partent  du  rameau  d'Ebton'daba^  (en  chi- 

^  Talki  j  mot  dcbongar  signifiant  un  instrament  de  hoii  ftour  cor- 
royer les  cuirs,  La  montagne  [daha)  a  la  forme  de  cet  instmmeaL 
Anciennement  on  prononçait  tarki  daba. 

^  Mots  mongols  :  dchagan,  blanc,  et  haîsing,  maison,  habitation. 

^  Mot  dcbongar  :  a/ima^. pomme,  et  tou,  terminaison  aignifiaiit 
qui  a  (c'est-à-dire  qui  produit  des  pommes,  où  il  y  n  des  pommiers). 

'^  Mot  boeî  signifiant  sourcil  eijade,,  (Si-ya-thong-wen-tchi,  liv.  IV, 
fol.  2i.) 

^  Mot  boeï  signifiant  terre  qui  résonne  sous  les  pas, 

^  En  deliongar,  horo  signifie  veirt ,  et  khoro,  mur.  Les  pics  de  cette 
montagne  sont  verdoyants  et  forment  une  sorte  d'enceinte. 

^  Mots  dcbongars  :  khonggor,  jaune  ;  obo ,  pierres  accumiiléet  en 
forme  de  montagne. 

^  L'étymologie  à'ebtou  daba  sera  donnée  plus  bas ,  p.  à  1 4« note  i. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  409 

nois  Ebtou-ling),  courent  à  Touest,  et  arrivent  jus- 
quici.  Son  sommet  isolé  s'élève  à  une  grande  hauteur. 

Dans  la  vingt-huitième  année  de  Kien4ong  (i  768), 
elle  fut  mise  au  nombl*e  des  montagnes  auxquelles 
on  doit  sacrifier  chaque  année.  Il  y  èi  des 'prières 
officielles  que  l'on  récite  en  cette  occasion;  on  les 
appelle  Tsi  konggor  obo  wen. 

Khan  khartchakhaï  aola^  Au  nord  d*/ïi,  à  200 
lis  (20  lieues)  au  nord  de  Bôro  khoro  aola. 

Alt  AN  TEBCHi^  AOLA.  Au  uord  à' m,  à  200  lis  à 
Test  de  Khan  khartchakhaï  aola. 

Anciennement,  c était  là  que  les  tribus  des  Dchon- 
gars  et  des  Tarbagatsin  faisaient  paître  leurs  trou- 
peaux. 

Dans  la  vingtième  année  de  Khien-hng  (lySS), 
les  troupes  impériales  s  avancèrent  de  ce  côté  pour 
châtier  les  rebelles,  et  les  soumirent  sur  ime  éten- 
due de  5oo  lis  (5o  lieues),  dont  saccrut  le  terri- 
toire chinois. 

Barlouk  ^  AOLA.  Au  nord-est  d7Zi.  A  Test,  il  touche 
les  frontières  de  Tarbagataî;  au  nord-ouest,  on  fran- 
chit la  montagne ,  et  l'on  arrive  aux  frontières  des 
Khasaks  soumis  à  la  Chine.  ^ 

Dans  la  trente  et  unième  année  de  Khien-long 

^  Les  deux  premiers  mots  sont  dchongars;  hhartchakaî,  faucon, 
et  khan,  prince.  Expression  figurée  pour  dire  que  les  faucons, 
qu  on  trouve  en  grand  nombre  sur  cette  montagne,  sont  d'une  taille 
extraordinaire. 

^  Mots  dchongars  :  àltan,  or^  et  tehchi,  cuve  de  bois.  La  montagne 
a  la  forme  et  la  coufeur  d'une  cuve  d'or.'         ! 

^  Mot  dchongar  :  arbres  qui  croissent  en  toufifes  serrées. 


410  JOURNAL  ASIATIQUE. 

(1766),  cette  montagne  fut  mise  au  nombre  de  œlles 
aux  quelles  on  doit  sacrifier  annuellement.  Il  y  a 
des  prières  officielles  que  Ion  récite  en  cette  occa- 
sion et  qui  portent  le  titre  de  Tsi  barloak  aola  wen. 

Orkîiotchodk^  aola.  Au  nord-est  d'/K.  La  rivière 
Khiroung-ho  prend  sa  source  au  pied  nord  de  cette 
montagne. 

Sari^  aola.  Au  nord-est  d*Ili.  A  f ouest,  cette 
montagne  est  voisine  d'une  plaine  de  sables  et  de 
pierres. 

Sebesoutaï^  aola.  Au  nord-est  d7/i.  Les  crêtes  de 
cette  montagne  partent  d'OrUJiotchoiik  aola^  et  for- 
ment un  rameau  qui  court  au  sud-est  jusqu  ici. 

KnouTCHÀs^  ARGALiTOu  AOLA.  Au  uord-cst  d'iC, 
sur  les  bords  du  lac  Balkachi. 

Mergden  sili^  aola.  Au  sud-ouest  d'iïi,  à  3oo  lis 
(3o  lieues)  de  la  rivière  d!Ili  (lU-ho  ou  Ili  gaol).  Les 
crêtes  de  cette  montagne  partent  du  nord-ouest  de 
Tabarsoun^  daba.  Elles  côtoient  le  bord  septentnonai 

'  Mot  dçhongar  signiGant  un  piç  élevé. 

'  Mot  dçhongar  signifiant  cuisse  de  cheval.  La' montagne  a  < 
forme. 

^  Sehesou  est  un  mot  dçhongar  signifiant  pecadmn  stercas  (e 
goi  sebousou).  On  en  trouve  beaucoup  sur  cette  montagne,  dans 
des  endroits  où  l'on  a  tué  des  bestiaux.  TaZ  est  une  terminaison  cpii 
veut  dire  habens,  ayant,  qui  a,  où  il  y  a. 

^  Khoutchasj  mot  dçhongar  :  chèvre  sauvage,  argati,  argdli  femelle; 
tou,  terminaison  signifiant  qui  a,  oà  il  y  a. 

^  Merguen,  mot  dçhongar:  sentiers  obscurs  d'une  montagne.  SS&, 
mot  dçhongar  :  champs  unis  entre  les  montagnes. 

*  Mot  hoeî  signifiant  jai  obtenu.  Les  voya^urs  8*estînient  heu- 
reux quand  ils  arrivent  à  ce  passage  de  montagne  (daba) ,  après  1 
marché  au  milieu  des  précipices. 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  411 

du  lac  Tous  koul,  se  divisent  et  courent  au  nord- 
ouest  jusqu'ici. 

Agouï  ^  AOLA.  Au  sud-ouest  d7K,  à  4o  lis  (4  lieues) 
au  nord  de  Merguen  sili  aola. 

Irgaïtou^  aola.  Au  sud-oiiest  d'Ili.  Les  crêtes 
de  cette  montagne  partent  de  Merguen  sili  aoh  et 
courent  à  Touest;  elles  s'approchent  des  deux  côtés 
ouest  et  sud  de  la  rivière  Ili  [lli-ho  on  lli  gaol).  Les 
rameaux  de  la  montagne  se  tiennent  et  se  suivent; 
ils  arrivent  ici  après  avoir  fait  plusieurs  détours.     ' 

KouMoucHi^  AOLA.  Au  sud-ouest  d7/î.  La  rivière 
Koumechi  [sic)  prend  sa  source  au  pied  est  de  cette 
montagne. 

TcHAGAN  BODGOUTOu  *  AOLA.  Àu  nord-ouest  d'iZf. 
Les  veines  (premières  crêtes)  dé  cette  montagne 
partent  de  Boro  khoro  aola  et  forment  un  rameau 
qui  arrive  jusqu'ici. 

KoDRouNGKODÏ^  AOLA.  Au  nord-ouest-dTZî;  ancien- 
nement ,  on  prononçait  Kourounggoaï. 

Dans  la  vingt-troisième  année  de  Khien-long 
{1758),  le  général  Tchao-hoeî  battit  en  cet  endroit 
une  multitude  de  rebelles. 

'  Mot  dchongar  :  caverne  de  pierre  entre  les  montagnes. 

^  Mot  dchongar.  C'est  le  nom  d'un  arbre  qu'on  trouve,  en  grand 
nombre,  sur  cette  montagne. 

^  Mot  hoeî  :  argent.  Anciennement  on  tirait  de  Targent  de  cette 
montagne, 

^  Tchagan,  mot  dchongar  :  blanc;  hongoat,  cerf  (en  dchongar]  ; 
tou,  terminaison  qui  signifie  ayant,  oh  il  y  a.  Sur  cette  montagne, 
il  y  a  beaucoup  de  cerfs  blancs.  > 

^  Mot  dchongar  signifiant  froid.  On  éprouve  un  froid  très-vif 
dans  les  sentiers  de  cette  montagne. 


412  JOURNAL  ASIATIQUE. 

GuiÉDENG^  AOLA.  Au  nord-oucst  d'/K,  à  180  lis 
(18  iieues)  au  nord  de  Koaroangkouî  aola. 

Dans  la  vingtième  année  de  Khien-long  (lySS), 
les  généraux  Bandi,  etc.  pacifièrent  /K,  et  battirent 
en  cet  endroit  le  rebeUe  Daouatsù  D  y  a,  sur  la 
montagne  Guédeng  aola,  une  table  de  pierre  sur 
laquelle  est  gravée  une  inscription  relative  à  la  pa- 
cification du  pays  des  Dchongars, 

Alt  AN  EiMEL^  AOLA.  Au  nord-ouest  d*ili\  au  sud- 
ouest  de  Guédeng  aola;  elle  touche  le  So  daba  {daha 
veut  dire  sommet). 

Dans  la  vingt -huitième  année  de  Khien-limj 
(1763),  cette  montagne  fut  mise  au  nombre  de 
celles  auxquelles  on  doit  sacrifier.  Il  y' a  des  prières 
officielles  qu'on  récite  en  cette  occasion  et  qui  po^ 
tent  le  titre  de  Tsi  altan  emek  aolà  wen. 

KnoNDouLAÏ^  AOLA  ct  KouGouLiK  (liscz  KoukeHk) 
AOLA.^.  Ces  deux  montagnes  sont  au  nord-ouest  d'iK; 
elles  s'élèvent  sur  le  rivage  méridional  du.Tc&ouî. 

Khoubakuaï^  aola.  Au  nord-ouest  d7/i. 

Baga  bodroul^  AOLA.  Au  nord-ouest  d'iK,  à  Touest 
du  cours  inférieiu'  du  Talas  gaql. 

^  Mot  dchongar  signifiant  la  saiUie  ossease  qui  se  tromt  à  iMpmrik 
inférieure  de  l'occipat, 

^  Mots  dcLongars:  alian,  or,  et  emel,  seile  d*an  cheval.  Cette 
montagne  ressemble ,  par  sa  forme ,  à  la  selle  d'un  chevid. 

^  Khofuloulaî  est  un  mot  dchongar  signifiant  élevé  et  ffûtaiU  tm 
saillie  en  haut.  Cette  expression  se  rapporte  à  la  fonne  de. cette 
montagne.  En  mongol ,  ce  mot  signifie  les  reins, 

'^  Koukelik  y  mot  dchongar  :  une  perdrix.  On  y  en  voit  beanooepb 

^  Mot  dchongar  :  montagne  nue ,  où  il  n'y  a  ni  plantes  ni  1 

'^  Mots  dchongars  :  haga,  petit,  bouroul,  gris. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  413 

Ike  bouroul  ^  AOLA,  Au  nord-oucst  d7K,  a  louest 
(le  la  rivière  Orcha,  Il  est  éloigné  d'environ  200  lis 
(20  lieues),  de  lest  à  l'ouest,  de  Baga  bouroul  aola. 
En  partant  de  cet  endroit,  dans  la  direction  du 
nord-ouest,  on  décou-vre  de  vastes  plaines  de  sable 
et  de  pierres,  et  Ion  voit  constamment  surgir  des 
pics  innombrables. 

KoucHETOu^  DABÂ.  A  Tcst  d7/i.  Lcs  crêtes  de  cette 
montagne  partent  d'Enn  khabirga  aola,  et  forment 
un  rameau  qui  se  dirige  au  sud ,  sur  une  étendue , 
de  5o  lis  (5  lieues),  et  arrive  jusqu'ici. 

Mendou  dchao^  daba.  a  l'est  d'/Zi  et  de  la  rivière 
YouUous  gaoL  Cette  rnontagne  est  développée  de 
manière  que  le  côté  sud  et  le  côté  nord  se  trouvent 
en  face  l'un  de  l'autre. 

Olan^  daba.  a  l'est  d'//i,  au  sud-ouest  de  Mendou 
dchao  daba. 

Elbek  ^  DABA.  A  l'est  à\ni;  à  partir  de  Kouche- 
tou  daba,  lès  montagnes  font  un  coude  et  courent 
jusqu'ici   dans  la  direction   du   sud-ouest.    Toutes 

*  Ike,  mot  dchongar,  grand;  hoaroul,  gris. 

*  Kouche,  en  mongol,  une  table  de  pierre  avec  une  inscription; 
tou,  terminaison  signifiant  qui  a,  où  il  y  a.  Sur  le  haut  de  ee  pas- 
sage, il  y  a  une  table  de  pierre  portant  une  inscription.  Elle  y  fut 
placée,  sous  ]a  dynastie  des  Thang,  par  le  général  Kiang-hing-pen, 
qui  commandait  la  garnison  de  gaucbe. 

^  Mots  dchongars:  mendou,  sain,  en  bonne  santé;  dchao,  temple. 
Au  haut  de  ce  sommet,  il  y  avait  aiiciennement  un  templg  où  Ton 
priait  les  dieux  pour  obtenir  un  passage,  un  voyage  heureux. 

*  Mot  dchongar  signifiant  nombreux  (en  chinois^o). 

^  Mot  dchongar:  riche , abondant.  Cette  montagne  ofiEre  une  riche 
végétation. 


lilk  JOURNAL  ASIATIQUE. 

ces  moûtagnes  côtoient  la  rive  ouest  du  Youliom 
gaol  et  forment  un  demi-cercle  au  sud  de  la  même 
rivière.  Ce  sont  des  rameaux  du  tronc  principal  des 
monts  Thien-chan  (monts  Célestes). 

Ebtou^  dâbà.  â  Test  d7{î,  au  nord  A^Yoaliim 
gaol. 

Les  crêtes  de  cette  montagne  partent  du  Khan 
tenggaeri  aola,  sur  les  frontières  d'iïi,  courent  à 
lest  jusqu'ici  sur  une  étendue  de  600  lis  (60  lieues), 
se  prolongent  transversalement  de  Test  à  rouest  et 
se  partagent  en  deux  branches.  La  branche  sud- 
est  forme  la  frontière  méridionale  de  Ti-hoa4cheou, 
{Ouroamtsi);  la  branche  nord-ouest  s'étend  latéra- 
lement et  forme  les  différentes  montagnes  qid  s'é- 
lèvent sur  la  frontièi^e  nord  d7Iii  VEbtou  daba  est 
le  point  de  partage  des  deux  branches  (il  y  a  en 
chinois  :  est  fendroit  où  les  montagnes  partagent 
leurs  veines). 

OUDEYEN  ^    DABA    et  NarAT    DABA.    CcS   deUX  mOD- 

tagnes  sont  à  lest  à'Ili;  elles  touchent  ÏEbtoa  daha. 
Salbatou  ^  ODLAN  DABA.  Au  nord  d'iZî,  à  100  lis 
(10  lieues)  au  nord  de  Boro  khoro  aola. 

^  Motdchongar  signifiant  qui  plaU,  agréable.  Les  sentiers  de  cette 
mon^gne  sont  unis  et  faciles  à  parcourir. 

^  Lisez  Oadeyen  gàol  daha  (Si'yu-thong'V>en-tchi,  liv.  IV,  fol.  9)1 
mots  dchongars;  oude,  porte;  yen ^  particule  finale;  gaol,  rinère. 
La  gorge  de  cette  montagne  ressemble  à  une  porte  ;  elle  est  voiâiw 
d'une  rivière, 

^  Lisez  Salbatou  oulan  boura  daba,  mots  dchongars  :  salba,  ca- 
nal dont  Teau  est  limoneuse;  tou,  terminaison  signifiant  quia,ok 
il  y  a;  oïdan,  rouge;  houra»  saule. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  415 

KouKE  TOM^  DABA.  Au  nord  dTZî,  au  nord-est  de 
Khan  hliartchakhaï  aoh. 

So^  DABA.  Au  sud-ouest  d'Ili.  Les  crêtes  de  cette 
montagne  partent  de  Kouroangkoaî  aola  et  arrivent 
jusqu'ici*  EUe  est  entourée  (en  partie)  ^par  ïlligaol. 

Tabarsodn  ^  DABA.  Au  sud-oucst  d'/ii.  Les  crêtes 
de  cette  montagne  partent  de  Khan  tenggaeri  chan, 
se  dirigent  à  Touest  et  arrivent  jusqu'ici. 

TciiATCHATOu^  DABA.  Au  sud-oucst  d'Ili^  à  80  lis 
(8  lieues)  de  Tabarsoan  daba. 

AsKHA^  DABA.  Au  nord-ouest  d'Ili,  à  5o  ïis  au 
nord-ouest. 

OuKEK  ^  DABA.  Au  uord-oucst  d'IU. 

Edemek'  DABA.  Au  norc[-ouest  d7/î.  Après  avoir 
décrit  plusieurs  courbes,  cette  montagne  va  se  joindre 
à*  celles  qui  s'élèvent  sur  la  frontière  au  sud  du  lac 
Touskaul  (ou  Temonrtou,  ou  Issïkoul).  Du  nord  de 
cette  montagne  sortent  im  grand  nombre  de  sources 
qui  donnent  naissance  à  la  rivière  Talas  {Talas  gaol). 

^  Mots  dchongars  :  honke^  bleu;  tom,  un  petit  pic. 

^  So,  mot  dchongar  signifiant  le  creux  de  T aisselle;  en  mongol,, 
soko.  Telle  est  la  forme  de  ce  passage  de  montagne. 

^  Ce  mot  a  été  expliqué  plus  haut,  p.  4iOt  note  6. 

^  Tchatchay  mot  dchongar  signifiant  un  petit  temple  bouddique  ; - 
tou,  terminaison  qui  a  le  sens  de  qui  a,  ou  il  y  a, 

•^  Mot  dchongar  signifiant  un  ajnas  de  sables  et  de  pierres  entre  les 
passages  des  montagnes. 

^  Ouhek,  mot  dchongar  signifiant  armoire,  coffre.  En  descen- 
dant de  ce  passage  élevé,  on  s'enfi^nce  entré  deux  murs  de  roches 
escarpées  qui  vous  serrent  à  droite  et  à  gauche ,  et  où  Ton  est  comme 
enfermé. 

'  Mot  bourofit ,  signifiant  un  gâteau.  • 


416  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Khâra  boula  (k)  daba^  Au  nord-ouest  d7ii.  C'est 
de  là  que  sort  la  rivière  Khara  boulak  (ou  de  la 
Source  noire). 

MÊME  SUJET. 

EXTRAIT    DU    SIN-KIÂNG-TCEI-LIO ,  LIVRE    IV,  FOL.    17-37. 
(ÉDITION    DE   18a  1.) 

Erin  khabirgan  AOf.A  [Wwhirga ,  suivant  le  dict.  iS- 
YU-thong-wen-tcltiy  liv.  IV,  f.  8).  A  environ  4oo  lis, 
au  nord-est  de  la  ville  Hoeï-youen-tcKing  (Ili).  Dans 
la  vingt-deuxième  année,  de  Khien-hiig  (lySy),  les 
troupes  impériales  pacifièrent  une  seconde  fob  Ili 

C'est  de  ce  point  que  le  général  Tchao-hoeî  mar- 
cha à  la  tête  de  ses  troupes. 

Aboural  aola.  a  environ  220  lis,  à  lest  de  la 
ville  Hoeï-youen-tcliing  [Ili) y  on  lappelle  vulgaire- 
ment To-chan-tsea  ou  la  petite  montagne  isolée.  Ce 
fut  là  que  le  général  Bandi,  et  Oyongant  qui  avait  le 
titre  de  san-tlisan-ta-tchin ,  moururent  glorieusement 
à  leur  poste. 

BORO  BOURGASOU  DABA.  A  2  1  o  lis  dUli.  Dùiis  la 
vingt-troisième  année  de  Kliien-long  (lySS),  le  gé- 
néral en  chef  Tcha'o-hoeï  partit  de  Boro  hourgasou^ 
et  le  général  en  second  Foudé,  du  lac  Saîrim  naor 
(l'orthographe  moderne  est  Saîram  naor)  ;  ils  divi- 
sèrent les  deux  ailes  dé  leiu*  armée  et  vinrent  cerner 

^  Mots  dchongars  :  khara,  noir;  boulak,  source.  Du  haut  de  ce 
passage  de  montagne,  sort  une  source  dont  Teau  est^resqne  noire. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  417 

ensemble  la  ville  à'Ili  pour  chercher  et  prendre 
ceux  des  Eleuihs  qui  s  y  étaient  cachés.  Tchaa-hôeî 
passa  par  cette  montagne  et  côtoya  la  rivière  de  Boro 
bourgasoa. 

Khachi  aola.  a  environ  3oo  lis  d7/i. 

En  obliquant  à  Test,  à  partir  de  cette  montagne , 
on  arrive  au  lieu  où  les  troupes  impériales  s  éten- 
dirent et  enveloppèrent  les  rebelles. 

La  rivière  Khachi  ^aol  prend  sa  sowce  dans  cette 
montagne. 

Observations.  «A  cinquante  lis  de  la  ville  dTK, 
on  trouve  Chara  tokhaî;  62  lis  plus  loin,  Dsiryalari 
[Dsirgalang,  suivant  le  dict.  Si-yu-thong-wèn-tohi, 
liv.  I,  fol.  3o);  5o  lis  plus  loin,  Tachi  oûstan  [Tachi 
ousteng ,  suivant  le  Si-ya-thong-wen-tchi,  1.  III,f.  21); 
5  o  lis  plus  loin,  Boro  bourgasoa;  60  lis  plus  loin,  Soa- 
houtdi;  60  lis  plus  loin,  Erinmodo;  90  lis  plus  loin, 
GuiVmafaï;  60  lis  plus  loin,  Tsitsir  khana  tokhal ;  20  lis 
plus  loin ,  Barkiatou  :  c'est,  là  qu'est  la  première  en- 
ceinte (camp);  .20  lis  plus  loin,  on  trouve  la. rivière 
Khàra  gaol  (cest  là  qifest  la  deuxième  enceinte); 
5  lis  plus  loin,  Oulyasoutoa  (troisième  enceinte); 
10  lis  plus  loin,  Khapoutsik  fcoafoayigf  (quatrième  en- 
ceinte) ;  1 G  lis  plus  loin ,  ï)chekou  boatbang  (cinquième 
enceinte);  5o  lis  plus  loin,  Arshngtoa  boutoang 
(sixième  enceinte)  ;  5  lis  plus  loin,  Dcheri  mdefo- (sep- 
tième enceinte);  5  lis  plus  loin,  Amoar  modo  (hui- 
tième enceinte);  10  lis  plus  loin,  Tourguen  tchagan 
oii5ou  (neuvième  enceinte);. 6  lis  plus  loin,  Archatou 
tchagan  ousou  (dixième  enceinte). 

VIII.  27 


418  JOURNAL  ASIATIQUE. 

((  Le  nord  de  la  montagne  [Khachi  aola)  dépend 
de  Koar  khata  oassou.  » 

KouNGGOR  OBO.  Cette  montagne  est  située  à  3o  lis 
au  nord  d'Ili.  Elle  renferme  de  la  houille. 

Talki  daba.  a  90  lis  au  nord  d7K.  Dans  la 
vingtième  année  de  Khien-long,  le  général  de  la 
province  du  nord  (des  monts  Thien-chan)  partit 
de  Boro  tala  et  franchit  le  passage  de  cette  mon- 
tagne poiu*  aller  châtier  les  rebelles. , 

Ce  passage  est  escarpé  et  semé  de  précipices;  il 
forme  une  sorte  de  barrière.  Le  centre  de  la  vallée 
est  om*bragé  d'arbres  toufïus.  On  lappelle  vulgaire- 
ment le  passage  de  Ko-tsen-kiang.  Ehi  bas  de  ce  pas- 
sage, sortent  plusieurs  sources  dont  la  réunion  forme 
une  grande  rivière  qui  coule  en  ligne  droite  au  mi- 
lieu de  la  vallée.  Les  voyageurs  «ôtoient  la  rivière, 
siu*  l'un  ou  iautre  bord,  dans  la  direction  de 
lest  à  J'ouest.  On  rencontre  quarante-deu^^  ponts 
depuis  le  boaquet.de  pins  jusqu'à  la  gorge  de  la  mon- 
tagne. 

KoDKOu  TOM  OABAKAN  (liscz  kouké ,  suivant  le  Si 
yU'thong-wen-tchiy  liv.  IV,  fol.  20).  Ce  passage  de 
montagne  est  situé  à  3o  lis  au  nord-ouest  SlIU. 

DouLAN  KHARA  AOLA.  A  3  00  lis  au  nordK)ue6t  d'/K, 
au  nord  du  poste  militaire  de  Kouifa. 

Yârgatou  àola.  a  3oo  lis  au  nord-ouest  d7/i\  i 
l'ouest  de  l'ancien  poste  militaire,  de  TaJoirùï. 

Hengguertou  aola.  a  environ  3oo  lis  au  nord- 
ouest  d'iït,  au  nord-est  de  l'ancien  poste  militaire 
de  Taordi. 


NOVEMBRE  DÉCEMBRE  1846.  410 

Khartoo  khara-chan.  à  environ  3o  lis  au  nord- 
ouest  de  la  ville  d7iî,  au  sud  de  la  station  militaire 
de  Kounggorgo. 

Khourock-chan.  a  environ.  5oo  lis  à  1  ouest  de  la 
ville  d'//i,  à  1  ouest  de  la  station  militaire  de  Koutoal, 
à  Test  de  Dchalatoa.  '.    .      . 

Alt  AN  EMERDOUTOc-CHAK.  A  euviroii  4  00  lis  au 
nord-ouest  de  la  ville  à'IlL  A  Test  de  cette  montagne, 
se  trouve  un  pays  appelé  Kouroangkouî. 

.  Observation.  Il  est  situé  à  go  lis  au  nord-ouest 
en  dehors  de  la  station  militaire  de  Koanggorgo. 

Dans  la  vingt-trôîsième  année  de  Khien-long 
(1759),  le  général  Tohao-hoeï  battit  en  cet  en- 
droit quatre  Tsaï-sang  (administrateurs  de  tribus)  qui 
avaient  embrassé  la  cause  des  rebelles ,  savoir  : 
Angketou,  Tarba,  ete, 

Sartagan-chan.  a  environ  4 00  lis  au  nord-ouést 
de  la  ville  d7/i,  au  sud  du  mont  Altan  emerdon-^ 
chan. 

ToÏBOOKHOTOU-CHAN.  A  cnviron  5 00  lis  au  nord- 
ouest  de  la  vijie  dlli,  sur  laberge  ouest  de  la  rivière 
Tcharin-ho  ,  et  sur  la  berge  sud  de  17/i-Ao  [Ili-gaol). 

Khac^eng  dabakhan.  a  200  lis  au  sud-ouest  de  là 
ville  d'ili.  La  rivière  Khacheng-chonîiprehd  sa  source 
au  midi  de  cette  montagne  et  coule  vers  le  sud. 

Chara  nôrhai  dabakhan.  a  envicpn  100  lis  aii 
sud-ouest  de  la  ville  d7/î,  à  lest  de  Khachengrdaba- 
khaa, 

GuftDENG  AOL  A.  A  cuvirou  5oo  lis  au  sud -ouest 
d7/f. 

27- 


420  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Dans  la  vingtième  année  de  Khien-long  (lySS), 
les  troupes  impériales  taillèrent  en  pièces  les  Dchon- 
gars.  Daouatsi  avait  établi  son  camp  sur  cette  mon- 
tagne. Ayoasi,  du  titre  de  Batoarouchi-weî ,  Batoutsir 
et  Gartchakachi i  se  mirent  à  la  tête  de  22  soldats, 
l'attaquèrent  pendant  la  nuit-,  forcèrent  Tentrëe  de 
son  camp,  et  obtinrent  la  soumission  de  6,5oo  ca- 
valiers. Daoaa(5Î  prit  la  fuite. 

Sur  le'  sommet  de  cette  montagne ,  on  voit  une 
inscription,  composée  par  Tempereiu*  Khieh-hng^  sur 
la  pacification  de  la  Dchongarie. 

IcHiGARTi-cHAN.  A  cuvirou  3 00  lis  au  sud-ouest  de 
la  ville  d'iZi. 

BiRBACHi-CHAN.  A  ^ox)  lis  au  sud-oucst  de  la  ville 
dT/i,  au  nord-ouest  du  mont  Ichigard-chan. 

Bayan  dsiukoun-chan.  a  4 00  lis  au  sud-ouest  de  la 
ville  âilli ,  à  louest  du  mont  Birbachi. 

Chantas  dabariian.  A  800  lis  au  sud-ouest  de  la 
ville  d'//i.  Sa  partie  sud-ouest  est  limitrophe  du  lac 
Temertou  naor  [Temoartoa  naor). 

Observations;  Yen-sse-koa,  annotateur  des  Annales 
des  Han ,  s'exprime  ainsi  au  sujet  des  monts  Tsong- 
ling  :  «Il  y  croît  beaucoup  d'oignons  {tsong)\  de  là 
vient  le  nom  de  r50wj-tm()f.'»:Maintenant,  disent  les 
rédacteurs  du  Sin-kiang-tchi-Uo.  «  Sur  le  Chantas  daba- 
khan,  il  croît  beaucoup  d'oignons  sauvages.  »• 

Les  monts  Tsong-ltng,  depuis  le  mont  Gniboutchak, 
dans  la  direction  de  l'est,  forment  le  mont  Aragaii; 
plus  loin,  à  l'est,  le  mont  Kakchan-chan ;  plu%  loin, 
à  l'est,  ils  s'étendent  jusqu'au  nord  à'Aksou.  Là,  les 


NOVEMBRE. DÉCEMBRE  1846.  421 

monts  Chantas tai  et  Kakchan  forment  deux  rameaux 
qui  appartiennent  réellement  aux  monts  Tsong- 
ling, 

SoGOR  DABAKHAN.  A  îx  1 5  lis  au  sud-est  de  ia  ville 
d7K,  à  20  lis  au  sud  de  la  tour  militaire  de  Sagor, 
Cette  montagne  renferme  du  mineïai  de  fer  qui  est 
recueilli  par  le^  hoeî-tseu  (musulmans). 

Altaï-chan.  a  environ  200  lis  au  sud-est  de  la 
ville  d'Ili,  sur  le  bord  septentrional  de  la  riviè;re 
Tekés  [Tekés^  gaol),.  , 

Les  eaux  du  Siouertou  entourent  le  nord  de  cette 
montagne.  •      •    ' 

Narat  dabakhan.  a  environ  660  lis  à  Test  de 
la  ville  d7/i.  La  rivière  Tchang-mdn-ho  y  prend  ;sa 
soiu'ce. 

A  louest  de  cette  montagne  s  étendent  les  pâtur 
rages  des  Eloat  [EleutJis], 

RIVIÈRES,    FLEUVES    ET.  LACS. 

Koungghés  gaoL  A  Test  d7/î.  Cette  rivière  prend 
sa  source  à  lest  de  koungghés  y  au  pied  occidental  de 
ÏEtounggoarik  daba,  coule  au  nord-ouest  sur  une 
étendue  de  3 00  lis  (3 o  lieues),  arrive  au  sud-ouest 
de  Doarjtieldsin,  se  joint  aux  rivières  Tekés  gaol  et 
Khachigaol,  et  se  jette  avec  elles  dans  la  rivière  d7/i. 
Koungghés  est  un  mot  hoeï  signifiant  ^aî  résonne  soa$ 
les  pas;  il  s  applique  au  rivage  de  cette  rivière. 

THAÏ-THSlNG'l'TONG'TCHI, 

Dans  la  vingt-huitième  année  de  Khien-long,  elle 


422  JOURNAL  ASIATIQUE. 

fut  mise  au  nombre  des  rivières  auxquelles  on  sa- 
crifie chaque  année.  II  y  a  des  prières  officielles 
qu'on  récite  dans  cette  circonstance  et  qui  portent 
le  titre  de  Tsi-koangghés-gaoUwen. 

Khachi^  gaol.  a  l'est  d*/Zî.  Cette  rivière  prend 
sa  source  au  pied  méridional  du  mont  KkaragtHtfon 
aola;  elle  coule  au  sud-ôuest  sur  une  étendue  de 
2^0  lis  (ai  lieues),  et,  arrivée  à  Donrbeldsin,  se  joint 
à  la  rivière  de  Kôangghés  [Koûngghés  gaél). 

Dans  la  vingt-huitième  année  deKhienrhng[i'j6i), 
elle  fut'mise  au  nombre  de  celles  auxquelles  on  sa- 
crifie chaque  année.  Il  y  a  des  prières  officielles 
qu  on  récite  en  cette  occasion  et  qui  portent  le  titre 
de  Tsi-hhachi-gaol'Wen. 

AçKHA  2  GAOL.  A  Touest  dilli.  Cette  rivière  sort 
de  YAshha  daba.  Après  avqjir  coulé  à  Test  sur  une 
étendue  de  1 5p  lis  (i  5  lieues),  elle  se  jette  dans  la 
rivière  d7Zî  [Ilî  gàoi), 

Talasik.'  gaol.  à  Touest  d7Zi.  Cette  rivière  prend 
sa  source  dans  lé  mont  Mergaen  sili  aola,- et ^  après 
avoir  coulé  à  Test  sur  ime  étendue  de  i6o  lieues, 
elle  va  se  jeter  dans  la  rivière  d7K  [Ili  gaol). 

GouRBAN  sAÎRi  GAOL  *.  A  l'oucst  d'//i.  Cette  rivière 

^  Khacki,  mot  hoeï  :  sourcil.  Cette  rivière  sort  du  mîliea  de 
deux  montagnes  qui  se  correspondent  comme  les  sourcils. 

^  Askha,  mot  dehongar,  amas  de  pierres  et  de  sabliss  entre  les 
montagnes. 

3  Talasik  est  formé  de  deux  mots  dchongars  :  sïk,  à  peine,  et 
tala,  steppe.  Talasik  signifie  petite  steppe;  talasili  gaol  veut  donc 
dire  lejleave  qui  coule  près  d'une  petite  steppe, 

^  C'est -à -dire  la  rivière  des  trois  bouleaui.  Khofuoa  signifie 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  423 

prend  sa  source  dans  la  montagne  da  sad  (Nan-chan), 

A  Test,  coule  le  Goarban.kousoatougaoP;  iteih, 
à  Test,  le  Gourmoutou  gaol;  item,  à  Test,  la  rivière 
Oasou-choaî;  item^,  k  ï est,  Chadatou  bouîak  (bo^lak, 
source),  Otaî  gaol  et  Narin  gaol.  Toutes  ces  eaux 
se  réunissent,  coulent  au  nord-est  et  se  jettent  dans 
la  rivière  dlli. 

Tekés^  gaol.  Au  s^d  d7/î.  Cette  rivière  prend 
sa  source  au  pied  nord  du  mont  Khan  tengueri  aola. 
Après  avoir  coulé  sur  une  étendue  de  ilio  lis 
(2k  lieues),  elle  reçoit  les  rivièrçs  Koang'ghés  gaol 
et  Khachi  gaol,  et  va  se  jeter  dans  la  rivière  d'Ili 
[Ili  gaol).  ,  • 

A  partir  de  sa  source,  le  Tekés  gaol  se  dirige  à 
Test,  et,  dans  sa  .course,  il  reçoit  les  sources  des 
monts  Nan-chan  (mont  du  Midi)  et  Pe-cïCan  (mont 
du  Nord). 

Voici  les  noms  de  celles  qui  sortent  du  Nanr 
chan:  1°  Chalasidsi  houlak;  2**  Goarban  khabakha  bou- 
îak; 3**  Khargoan  boalak;  4"*  Gourban  mousour  bouhk; 
5°  Tchagan  ousoa;  6®  Agouyas  boalak;  7°  Goarban 
môlitdi  boalak;  8°  Tetik  boalak;' of"  Kouke  oasou  boa- 
lak; 10°  Korddi;  1 1*"  Gourban  dsirgalang  bouhk. 

Noms  des  sources  et  rivières  qui  sortent  du  Pe- 

bouleau ,  en  dchongar  ;  tou ,  terminaison  qui  veut  dire  qui  a  »  oà 

ily  a, 

^  Cest-à-dire  ia  rivière  à  trois  bras.  Mets  ddiongars  :  ^o.arèon  » 

trois ,  et  saîri,  branche.     , 

'  En  dchongar,  ousou  veut  dire  rivière,  / 

*  Teke,  mot  dchongar  :  chèvre  sauvage  ;  Xi  indiqueriez  pluriel. 

Il  y  en  a  beaucoup  qui  paissent  sur  les  bords  de  cette  rivière. 


424  JOURNAL  ASIATIQUE. 

chan  (mont  du  Nord)  :  i**  Arban  bojilakr  a*  KhoFga- 
langtou  boulak;  3**  Seletoa  ou  SeUou  boulak. 

Toutes  ces  sources  descendent  avec  bruit,  et, 
1  une  après  lautre ,  se  jettent  dans  le  Tekés  gaoL 

Ili  gaol\  ou  le  fleuve  d7/i.  Au  nord  d'iZi.  D 
coule  du  sud  au  nord  et  au  iiord-ouest;  son  cours 
est  de  i4oo  lis;  cest  le  plus  grand  fleuve  de  la 
Dchongarie, 

A  Test,  il  reçoit  les  rivières  Koangghés  gaolet  Kkor 
chi  gaol;  au  sud ,  il  reçoit  le  Tekés  gaol  et  se  dirige 
avec  lui  vers  Touest.  Au  sud  et  au  nord,  ses  bras 
sont  très-nombreux. 

Dans  son  cours  septentrional,  il  forme  les  ri- 
vières GovMja  gaol,  Gourban  dchagan  onsou^  AU- 
matoa  gaol  et  Tsetsi  gaol.  ^ 

Dans  son  cours  méridional,  il  forme  le  Khouna- 
khaï  bora  gaol,  le  Gourban  harkira  gaol;  en  outre, 
au  sud,  il  reçoit  le  Tchi  gaol,  et  va  se  jeter  dans  le 
Balkachi  naor. 

Dans  la  vingt- cinquième  année  de  Khien-bng 
(  1 7  6  o) ,  le  Si-y  a  (le  pays  situé  à  l'occident)  étant  pacifié , 
lempereiu*  envoya  im  magistrat  poiu*  annoncer. qu à 
1  avenir  on  of&irait  des  sacrifice»  annuels  au  fleuve 
d7/î.  Il  y  a  des  prières  ofiScielles  qu'on  récitç  en 
cette  occasion  ;  elles  portent  le  titre  de  Souî4d'iU' 
gaol-wen. 

Talk:!^  gaol.  Au  nord  d'ili  Cette  rivière  prend 


^  lU,  pour  le,  mot  dch'ongar  signifiant  hriUant^fai 

*  Taiki,  en  dchongar,  signifi:e  «n  instrument  pour  eorreyv  Ut 


NOVEMBRE-DÉCËMBRE  1846.  425 

sa  source  en  dehors  de  la- gorge  de  la  vallée  qui  est 
au  sud  de  Talki  aoh.  Après  un  cours  de  120  Us 
(  1 2  lieues)  elle  se  jette  dans  le  fleuve  âUli  [Ili  gaol). 

TcHAGAN  ousou^  (Tchagan-ho),  au  nord  d^Ili.  A 
l'ouest  de  Talki  gaol,  il  y  a  trois  fîvières  qu'on  ap- 
pelle aussi  Gourban  tchagan  choaï  (dé  gourban,  trois; 
tchagan,  blanc,  et  du  mot  chinois  choaî,  eau,  rivière). 

Dans  la  vingt -huitième,  année  de  Khien-Iong 
(1763),  cette  rivière  fut  mise  au  nombre  de  celles 
auxquelles  on  doit  sacrifier  chaque  année..  Il  y  a 
dès  prières  officielles  qu'on  récite  à  cette  occa- 
sion. 

Alimatou^  gaol.  Au  nord- ouest  d'Iîi.  Cette  ri- 
vière coule  au  sud  et  se  jette  dans  le  fleuve  d'/iî 
[Ili  gaol).  .    . 

Dans  la  vingt-huitième  année  de  Khien-long  y  elle 
fut  mise  au  nombre  des  rivières  auxquelles  on  doit 
sacrifier  chaque  année.  Il  y  a  des  prières  officielles 
qu'on  récite  en  cette  occasion.  Elles  portent  le  titre 
de  Souï'tsi-alimatoa-gaol'wen, 

TcHETsi^  GAOL.  Au  uord  d'//i,  à  5o  lis  (5  lieues) 


cuirs.  On  a  dodné  à  cette  rivière  le  nom  de  la  montagne  où  elle 
prend  sa  source  (Talki  daha), 

^  Mots  dchongars  :  tc^a^an^  blanc,  et  oùsea,  rivière. 

^  Alimatou,  où  il  y  a  des  arbres  à  fruits,  des  pommiers  (ailleurs 
alima  est  expliqué  par  pomme.  Voyez  le  Dict.  mông.  de  Scbmidt). 
Il  y  a  des  arbres  à  fruits  le  long  de  ses  rives.  (Si-jU'tkoHg-wen- 
fcAi,  liv.  IV,  fol.  23.) 

^  Mot  dchongar,  poitrine;  en  mongol,  tchektsL  Cette  rivière  est 
enclavée  entre  deux  montagnes  qui  Tentourent  et  Tenveloppent  (en 
grande  partie).  •  • 


426  JOURNAL  ASIATIQUE. 

du  Boro  khoro  aola.  Cette  rivière  coiile  à  l'est  et  se 
jette  dans  le  fleuve  à'Ili  [Ili  gojol).   • 

Dans  la  vingt-huitième  année  de  Khien-ïong 
(1763),  elle  fut  mise  au  nombre  des  rivières  aux- 
quelles on  doit  sacrifier  chaque  année. 

Samal^  gaol.  Au  nord  dT/î.  Cette  rivière  oonle 
au  sud  et  se  jette  dans  YIligaoL  Elle  fournit  d'abon- 
dantes irrigations  â  tous  les  champs  situés  sur  sa 
rive  septentrionale.  Elle  est  au  nombre  de  celles 
auxquelles  TÉtat  ofire  des  sacrifices  annuds. 

Ko'uÏTOUN^  (GAOL.  Au  uord  d'IlL  Cette  rivière  coule 
au  sud-ouest  et  se  jette  dans  le  coinçant  inférieur  de 
Yïli  gaol.  Elle  est  au  nombre  des  rivières  auxquelles 
l'État  oflfre  des  sacrifices  annuels. 

Talagar^  GAOL.  Au  nord  àllL  Cette  rivière  se  jette 
dans  le  coiu'ant  inférieur  de  17/î  gaoL  A  ao  lis  à 
l'ouest  de  cette  rivière,  il  y  a  trois  sources  appelées 
Gourban  alimatoà  boalak  (c'est-à-dire  les  trois  sources 
auprès  desquelles  il  y  a  des  arbres  à  finit),  qui  sortent 
du  pied  nord  de  YAgouî  aoh.  Elles  coulent  au  nord- 
est  et  ne  se  jettent  point  dans  ÏIU  gaoL 

EcHiTOu  *  GAOL.  Au  nord  d'jRi.  Après  avoir  coulé 
au  nord-est  sur  une  étendue  de  8u  lis  (8  lieues), 

^  Mot  hoeî-  signifiant  da  lait  de  jument.  On  a  ainsi  appelé,  cette 
rivière  à  cause  de  la  douceur  de  ses  eaux, 

^  Mot  dchongar  signifiant /rot(2>  gla4:i(d. 

'  Mot  dchongar  signifiant  (comme  takuik)  une  petite  êtÊff. 
Il  semble  que  ^rar  soit  (ainsi  que  sik  dans  icHank)  une  terminaiaon 
diminutive. 

^  Mot  dchongar  signifiant  une  chose  qui  a  un  matidtê,  Gttle  ri- 
vière a  un  bras  qui  aboutit  à  une  petite  île. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  427 

elle  se  jette  dans  le  courant  inférieur  de  i7/i  gaol. 

KouRTOu  ^  gaol:  Au  nord  d7/i.  Cette  rivière  coule, 
au  nord-est  siu»  une  étendue  d'environ  i  oo  lis  (  i  o 
lieues),  et  va  se  jeter  dans  le  courant  inférieur  de 
Ylli  gaoL 

KouKE  ousou  GAOL  ^.  Au  nord  à'IlL  Ce  fleuve  prend 
sa  source  au  pied  nord  du  Tcheroungkouï  [iiset  Kou- 
roungkouï  )  aola  ;  il  coule  au  nord  sur  une  étendue 
de  3 00  lis  (3o  lieues),  et  se  jette  dans  le  Balkachi 
naor,  - 

Khara  tal  gaol^.  Au  nord  d7fc\  à  Test  du  Tcha- 
gan  boukhoutou  (lisez  bougoatou)  aola.  Cette  rivière 
coule  au  nord  et  se  jette  dans  le  Tchalin  gaol. 

TcHALiN^  GAOL.  Au  uord  àlli.  Ce  fleuve  prend 
sa  source  au  pied  ouest  du  Khan  tcharchakhaï  (lisez 
kartchakaï)  aola;  il  coule  au  iiord  sur  une  étendue 
de  1 8o  lis,  et  se  jette  dans  le  Balkachi  naor. 

DcHEKDE^  GAOL.  Au  nord  d7/î.  Ce  fleuve  coule 
au  nord,  sur  une  étendue  d'environ  loo  lis,  et  se 
jette  dans  le  BaZA:acAi naor. 

^  Mot  dchongar,  lieu  où  il  y  a  des  mooceaux  de  neige.  On 
voit  beaucoup  de  neige  accumulée  sur  les  deux  rives  dç  cette  ri- 
vière. 

'  Ces  trois  mots  sont  mongols;  iroit^^^  bleu;  ousou,  eau;  gaoly 
rivière. 

^  En  boeï ,  tala  signifie  saule.  Sur  les  bords  de  cette  rivière ,  il 
y  a  des  saules  qui  projettent  une  ombre  épaisse  et  pour  ainsi  dire 
noire  (khara).  Dans  le  te.\te  du  Thaî-thsing-i-tong-tcki,  il  y  a  taia  au 
lieu  de  tat.  C'est  une  faute,  ainsi  que  l'indique  Tétymologié  pré- 
citée. • 

*  Mot  boeï  :  eau  rapide. 

^  Mot  dcbongar  signifiant  une  espèce  de  jujube  appelé  en  cbî- 
nois  cha-tsao  (littéral,  arenarum  ziziphus). 


^28  JOURNAL  ASIATIQUE. 

BiTSiGÂN  ^  GAOL.  Âu  Hord  dlU  et  du  Dchekde  gad. 
Cette  rivière  se  jette  dans  le  Bak  beltsir  gaol. 

Bak  beltsir^.  gaol.  Au  nord  d*iïi.  Après  avoir 
coulé  au  nord-ouest,  sur  ime  étendue  de  i5o  lis, 
ce  fleuve  se  jette  dans  le  Balkachi  naor. 

Baroun  youldous^  gaol.  Au  sud-est  d'/C.  II.  prend 
sa  soiu'ce  au  pied  ouest  de  ÏEchik  bachi^  aola,  et 
coule  à  lest  sur  une  étendue  d environ  4po  lis  (âo 
lieues). 

Parmi  lès  cours  deau  qu'il  reçoit  au  sud,  on 
compte  1*  Terme  khada  boulak^y^''  Boulait  boulak^\ 
3°  Kliarganatoa  "^  boukJi. 

Au  nord ,  il  reçoit  le  Dchoun  yoaldoas   gaol  •, 

'  Mot  dchoDgar  signifiant  petit,  mince, 

*  Bah,  mot  hoeî  :  arbres  qui  croissent  en  touffes;  beltsir,  mot 
dchongar  :  lieu  oii  les.  eaux  se  réunissent.  Un  grand  nombre  de  rois- 
seaux  se  jettent  dans  cette  rivière,  dont  les  bords  sont  ombragés 
d'arbres  touffus. 

'  Baroan,  mot  dcbongar,  occident;  yonldoas,  mot  boeî,  étoile. 
Les  trous  d'où  jaillit  sa  source  brillent  (de  loin)  conune  des  étoiles. 

^  Mots  boeî  :  eckik,  petite  chèvre  sauvage;  bachi,  tète.  Cette  ex- 
pression fait  allusion  à  la  forme  de  cette.monlagne. 

^  Terme,  mot  dchongar  :  la  cloison  en  bois  autour  de  ieqnelle 
s'appuie  une  tente;  khada  (en  dchongar),  on  pic.  Cette  source  sort 
du  milieu  d'une  montagne  dont  les  pics  l'entourent  comme  la  doi- 
son  d'une  tente. 

"  Boulan»  mot  dcbongar  signifiant  source  chaude. 

^  Khargojia,  mot  dcbongar  signifiant  une  espèce  de  pêcher  dont 
on  emploie  l'écorce  pour  orner  les  arcs  et  les  flèches  (en  chinoîs 
Mn-tao,  littéral,  pêcher  doré)-,  toa,  terminaison possessiye ,  9Wflj 
oà  il  y  a.  Sur  les  bords  de  cette  source,  il  y  a  un  grand  nombre 
de  ces  pêchers. 

^  De  dchoun  (mot  dchongar),  orient;  j^ouldoiu  (mot  boeî) , étoile; 
et  gaol  (mongol) ,  rivière. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  429 

coule  au  sud-est  sur  une  étendue  de  5o  lis  (5  lieues), 
et  se  partage  en  deux  bras  qui  courent,  Vun  au  sijtd, 
et  lautre  au  nord,  sur  une  étendue  de  200  lis. 

Le  bras  du  nord  reçoit  1**  Chibartaî  boulak  ^  \ 
2**  Saîram  boalak^  \  3"  Yamatou  khabtsigaî  (lisez 
kliabtsil)  boalak^j  4"  Gourban  noakour'^  boalak;  5^ 
Goun  khabtsigaï  (lisez,  khabtsil)  boulàk^\  et  6"  Tùha- 
gan  ousou^.  Ensuite  il  se  joint  au  bras  du  sud;  puis, 
au  nord ,  il  reçoit  les  trois  Khabtsigaï  (lisez  khabtsil) 
gaoL  De  là,  il  fait  un  coude,  coule  à  Test,  et  se  jette 
dans  le  Khaïdou  gaoh 

Les  eaux  des  rivières  des  fipontières  d7/î  coulent 
toutes  vers  le  nord.  Elles  prennent  leur  source  au 
pied  nord  des  monts  Célestes,  seulement  le  Yoal- 
dous  Gaol  coide  au  nord-est.  Il  sort  au  pied  sud  des 
monts  Célestes,  et  va  se  rendre  dans  le  lac  Lob 
(  Lobnor) ,  dans  le  pays  des  Hoeï.  C'est  ce  qu'on  ap- 
pelait autftfois  la  rivière  de  Tunmeng ,  cpixi  sort  d'une 
montagne  du  même  nom. 


^  Chibartaî,' mol  dchongar'  signifiant  limoneux  (chihar,  vase,  li- 
mon \  taï»  qui  a,  oà  il  ^. a)»  ' 

^  Saîram,  mot  hoeï  :  liçu  agréable,  où  ron  se  plaît.  Cette  épi- 
thète  est  empruntée  au  pays  où  coule  cette  source. 

3  Yamatou,  mot  dcbongar,  de ^ama,  chèvre  sauvage,  et  ton,  ter- 
minaison possessive  (quia,  oà  il  y  a)  ;  khahsil,  mot  dchongar  :  dé- 
filé entre  deux  montagne». 

*  Mots  dchongars  :  gourban  ^  trois,  et  nouhour,  amis.  Cette  expres- 
sion désigne  trois  sources  (hhulak)  qui  coulent  ensemble. 

^  Goun,  mot  dchongar  :  profond  ;  hhabtsil,  défilé  entre  deux  mon- 
tagnes. Cette  source  sort  d'un  défilé  profond  et  dangereux.' 

^  Ce  nom  a  été  expliqué  plus  haut,  il  signifie  rivihre  blanche, 
c'esl-iV  dire  claire  ,  pure. 


430  JOURNAL  ASIATIQUE 

Les  anciennes  frontières  des  Dchongan  se  trou- 
vaient, en  grande  partie,  au  nord  des  monts  (Cé- 
lestes); seulement,  Tan^e  sud-est  s'étendait  au  delà 
des  monts,  et  touchait,  au  sud ,  les  limites  de  Khor 
rachar,  habitées  par  des  tribus  Hod  (ou  musul- 
manes). G  est  pourquoi  les  eaux  qui  sortent  au 
sud-est  forment  le  cours  supérieur  de  la  rivière  de 
Kharachar, 

Dghoun  youldous  ^  GAOL.  Au  sud-est  d'/K.  Cette 
rivière  prend  sa  source  dans  la  montagne  qui  est 
au  nord  de  Youddous  gaol  et  coule  vers  l'ouesL  Elle 
reçoit,  i"" Bouratou^  boulak;  2"* Dchagasoataî^  boulak; 
3**  Guénat"  honlak;  4^  Oulyasouiou^  boulak;  5**  Ourtoa^ 
boulak  ;  6**  Mokhaî  chara  "^  boulak. 

Toutes  ces  sources  sortent  du  mont  Ebtou  daba, 

^  Dchoutt,  mot  dçhongar,  orient;  yoaldpus ,  étoile.  Le  moiywd- 
dons  désigne,  au  figuré,  les  points  doù  sort  la  source  de  cette  ri- 
vière ,  et  qui ,  de  loin ,  brillent  comme  des  étoiles.  * 

*  Bouratou,  mot  dchongar  :  qui  a,  où  il  y  a  des  peupliers;  de 
boura,  peuplier.  Je  crois  qu'il  faut  lire  borotou  bpnlak  (Si-ya-^ng' 
wen-tchi,  liv.  V,  fol.  28) ,  la  source  verte. 

^  Dchagasoutaî,  mot  dchongar  :  qui  a  des  poissons  :  où  il  y  a  des 
poissons  ;  de  dchagasou  \  poisson ,  et  de  taX,  terminaison  possesave. 

*  Lisez  Gneneté  boulak  (5i-j'u- f fcoh^-wen-tefci,  liv.  V,  foL  39). 
Guenetë  est  un  mot  dchongar  signifiant  arriver  rapidement.  Les  emz 
de  cette  source  coulent  avec  impétuosité. 

'  C'est-à-dire  la  source  (sur  les  bords  de  laquelle)  U  y  a  des  peu- 
pliers. Oulyason,  mot  dchongar  signifiant  peuplier:  ton,'  terminai- 
son possessive. 

^  Owrtou,  mot  dchongar  signifiant  ùmg. 

''  Mots  dchongars  :  mokhaî,  n  être  pas  propre  à,  boa  à,  •!  dkoni, 
jaune.  L'eau  de  cette  source  est  trouble  et  jaune?  on  ne  pont  la  ftàn 
boire  aux  troupeaux.  En  mongol,  makokaî,  synonyme  de 
veut  dire  détestable. 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  431 

qui  fait  partie  des  monts  Célestes  (77iîen-cAa/i);  elles 
coulent  au  sud  du  pied  de  ÏÈlbek  aokiy  et  viennent 
se  jeter  dans  le  Dchoun  yoaldoas  gaol.  Après  avoir 
reçu  les  eaux  de  ces  (six)  sources,  cette  rivière  sort 
par  la  gorge  de  la  vallée  de  ÏElbek  aola,  se  joint  au 
Baroun  youldous  gaol ,  et  coule  dans  la  direction  du 
sud-est. 

Baroun  khabtsigaï  ^  gaol.  Au  sud-est  d'Ili  Cette 
rivière  prend  sa  soiu^ce  au  pied  sud  de  VErin  kha- 
birga  aola;  elle  coule  au  sud-est  sur  une  étendue 
d'environ  loo  lis  (lo  lieues),  etse  jette  dans  le  cou- 
rant inférieur  de  ïYouldous  gaol. 

DOMDADOU^    KHABTSIGAÏ     GAOL.     Au    Sud-CSt    âHU. 

Cette  rivière  prend  sa  source  au  pied  aud  du  Kho- 
toan  (lisez  khatoan)  bokda  uola^  coule  au  sud-ouest, 
passç  par  la  gorge  du  Borotou^,  et  se  jette  dans  le 
courant  inférieur  de  ÏYouldous  gaoL 

DoMOUN  KHABTSIGAÏ  *  GAOL.  Au  sud-cst  à'Ilu  Cette 
rivière  coule  à  fouest  sur  une  étendue  d'environ 
lOo  lis  (lo  lieues)  et  se  jette  dans  lé  courant  in- 
férieur de  ÏYouldous  gaoL 


*  Mots  /Icliongars  :  haroun,  ouest;  khabtsigaï,  défilé  entre  deux 
montagnes. 

'  Domdadou,  mot  dehongar  signifiant  route  du  milieu.  Il  y  à  en 
cet  endroit  une  rivière  qui  forme  trois  courants  parallèles;  celle-ci 
coule  au  milieu  des  deux  autres. 

*  Boro,  mot  dehongar  signifiant  jDZuie;  tou,  terminaison  posses- 
sive, qui  a;  tak,  mot  boel,  montagne.  Cette  expression  signifie  la 
montagne  ou  il  pleut.  Cette  montagne  est  arrosée  par  des  pluies  con- 
linneÛes.  (Si-ya-thong-wen-tchi,  liv.  IV,  fol.  28.) 

^  Mots  mongols;  dchoun,  orient;   hhabtsigaî,  déàlé  entre  deux 


432  JOURNAL  ASIATIQUE.  • 

Otok  sàïri  ^  GAOL.  Au  nord-est  d'IU.  Elle  prend 
sa  source  dans  le  Boro  kho[ro)  aola,  coule  au  nord- 
est  sur  une  étendue  de  loo  lis,  et  reçoit,  au  nord- 
ouest,  une  rivière  qui  sort  du  Khan  khartchakhai 
aola.  Ensuite,  au  nord,  elle  se  joint  à  trois  rivières 
avec  lesquelles  elle  coule  à  Test,  et  se  jette  dans 
le  Boro  tala  gaol. 

BoRO  TALA  2  GAOL.  Au  nord-est  d7K.  A  Touest, 
ce  fleuve  reçoit  YOtok  saîri  gaol  et  une  rivière  du 
nord-ouest.  Il  coule  avec  ces  deux  rivières  sur  une 
étendue  de  3o  lis  (3  lieues),  et  se  partage  en  deui 
rivières  appelées  Nan-ho  (rivière  du  sud)  et  Pé-ho 
(rivière  du  nord).  Chacune  d'elles  coule  à  Test  sur 
une  étendue  de  70  lis  (7  lieues);  ensuite,  elles  se 
réunissent  et  coulent  ensemble  à  Test.  Puis,  après 
avoir  reçu  le  Kousemsouk^  gaol,  elles  se  jettent  dans 
le  Boulkhatsi  naor. 

TcHouï  ^  GAOL.  Au  nord-ouest  d7K.  Cette' rivière- 
sort  de  la  partie  nord-ouest  du  lac  Toas-kouL  Après 
avoir  coulé  sur  une  étendue  de  200  lis  (  20  lieaes), 
elle  traversé  le  Khondàulaï  aola;  puis,  au  nord- 
ouest,  elle  se  partage,  et  forme  un  bras  qui  coule 

montagnes.  Cette  rivière  sort  du  milieu  d'un  défilé  et  se  détourne 
pour  couler  à  TOuest. 

^  Mots  dchongars  :  otok,  tribu,  horde  ;  saîri,  posterior  pars  eoxen- 
dicum.  Cette  rivière  se  divise  en  deux  branches  qui  ont  lappurenee 
des  cuisses  écartées. 

'  Mots  dchongars  :  fcoro,   vert,  et  tala,  plaine  unie,  st^pe. 

^  Mot  dchongar  :  désirer,  souhaiter.  Les  bords  de  cette  rivièn 
sont  couverts  d'herbes  verdoyantes  qui  font  la  joie  des  habitants. 

*  Mot  dchongar  :  trouble.  Les  eaux  de  cette  rivière  sont  presque 
troubles. 


NOVEMBHB-DÉGEMB'RE  1846.  433 

à  Test  et  donne  naAiJQCé  au  lac  Nokkournaor.  En- 
suite, elle  coule  au  nord-ouest  sur  ime  étendue*  de 
10 GO  lis  (loo  lieues).  C est  k  plus  grande  rivière 
des  frontières  nord-ouesj;  d?iK.  û  serait  impossible 
de  compter  tous  les  courants  d*eau  i^sNf  jetteiit 
en  venant  de  1  West.  Toys  prennent  leur  «ourcé 
dans  le  Khoubakaî^  aohd  et  côtoient,  danis  leurs  dé- 
tours, les  montagnes  de  Touest.  Chacun  d*eûx  €%)ule 
sur  une  étendue  de  loo  bu  de  apo  lis  et  va '^e 
jeter  ensuite  dans  le  Tchouî  gaol,  qaji  se  jette  à  son 
tour,  au  nord-ouest,  dans  le  jtocW-ibaï. 

Salatou  2  GAOL.  Au  nord-ouest  dUti.  Cette  rivière  '^ 
prend  sa  soiu'ce  dans  le  Khx)uhakhm  aola,  et;  s^prè» 
avoir, coulé  sur  une  étendue  de6o  lis  (6  lieues)^  se 
jette  dans  le  !Wlwai  jfool 

GuiéoETOu  ^  GAOL.  Au  uord  -  ouest  d'/K ,  à  rouest 
de  la  rivière  0a/on-oii5oaXette  rivièrç  a  deux  sources 
qui  coulent  au  nord  sur  une  étendue  de  4o  lis  et 
se  réunissent;  puis  elles,  coulent  enseml^le  au  nord 
sur  une  étendue  de  lao  lis  et  se  jettent  dans  le 
TcJioai  gapL 

AcHiTou*  GAOL.  Au  nord-^ouc^t  dUli.  Après  avoir 
coulé  sur  une  étendue  de  i4o  lis-(i4  lieues),  cette 
rivière  se  jette  dans  le  Tcftouï  ^ooî. 

^  Mot  tchongar  :  qui  n'a  ni  plantes  ni  arbres.. 

^  Sala,  mot  dchongar  signifiant  (branche)  (ras  (faite  rivière 
qui  se  bijurtme,  Saiatoa  gaol  veut  dire  rivière  hifart/aét. 

'  Mot  dcbongar:  brillant. 

*  AchUou,  mot  bourout  signifiiint  passage  au  hàat  dune  mon." 
tagne.  Cette  rivière  prend  sa  s<^urce  au  bas  d*uo  passage  de  ce|tè 
espèce. 

VIII.  a8 


434  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Dâbodsoctou  ^  GÂOL;  Au  îA^uest  d*J2î.  Après 
avoir  coulé  au  nord  sur  une  étendue  de  100  lis, 
cette  rivière  va  se  jeter  dans  ïAckUoa  gaal. 

Artchatod*  GAOL.  Âu.nord-oucst  d*JZi.  Cette  ri- 
vière a  deux  sources,  l'une  à  1  est  et  1  autre  au  nord. 
Chacune  d  elles  coule  au  nord  sur  une  étendue  de 
70  lis  (7  lieues],  après  quoi  elles  se  réunissent,  ^es 
coulent  encore  au  nord  sur  une  étendue  de  5o  lis 
et  se  jettent  dans  le  Tchom  gaol. 

IlÂn  bachi'  GAOL.  Au  nord-oucst  à*IU,  au  sud- 
ouest  de  ïArtehatoa  gaol.  Cette  rivière  coule  spon- 
tanément et  s'arrête  de  même  ;  elle  ne  se  jette  point 
dans  le  Tchoui  gaol. 

KouuÉ  sAR  *  GAojL.  Au  nord-ouest  d7K.  Après 
avoir  coulé  à  lest  sur  une  étendue^le  i5o  lis  <(i5 
lieues) ,  cette  rivière  se  jette  dans  le  Tcjioaï  gaoL 

SoGOLOUK  ^  GAOL.  Au  uord-ouest  d7fi.  Après  avoir 
cotdé  à  lest  sur  une  étendue  de  i5o  lis,  cette  ri- 
vière se  jette  dans  le  Tchoui  gaoL 

TcHAGAN  oDsou  ^  GAOL.  Au  nord-oucst  dT/î.  Après 
avoir  coulé  à  l'ouest  su^  une  étendue  de  1  &o  lis  (1 A 

^  Dabottsott,  mot  dchongar,  te  même  qac  dahtoan,  sel.  Du»  les 
pcys  où  coule  cette  rivière,  on  recueille  du  seL 

*  Artcha,  mot  dchongar  :  -pins  .plantés  en  tigaes.  On  toit  beaveoap 
de  pins  sur  les  bords  de  cette  rivière. 

^  Mots  hoeï  :  ilon,  serpent,  et  hachi,  tête. 

^  Motfthoeî:  kouke,  bleu,  et  sar,  nom  d'un  oiaetiu  On  Toklieni- 
coup  de  ces  oiseaux  sur  les  bords  de  cette  rivière. 

^  Mots  boeî  :  sogo,  signifiant  seau  d*une  seule  |^fcce  de  boU^  Uk, 
avoir.  Sur  les  bords  de  cette  rivière,  0  croit  de  grands  wbres  dont 
on  peut  faire  de  ces  sortes  de  seanx. 

'  Tchagan,  blanc;  ousott,  eau  (mots  dchongars). 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  4S5 

lieues  )^  cette  rivière  «e  jette  dan»  le  Tchoni  gaoL 
Khara  baLtou^  gaôl.  au  tiord-ouèst  d'iK.  Cette 
rivière  croule  au  nord  sur  une  étendue  de  4o  lis, 
s*arrête  et  forme  un  lac  qui  a  3o  lis  (3  lieues) 
de  circonférence.  Ensuite  elle  coule  au  nord  sur 
une  étendue  de  5o  lis  et  se  jette  dans  le  TçhoBÎ 
gaoL 

GODRBAN    WANATOO^    GAOL.    Au   nOfd-OUeSt   d'J/î. 

Cette  rivière  se  partage  en  trois  bras  :  i**  Celui  de 
lest  et  celui  du  centre,  qui  se  réunissent  après 
avoir  coulé  au  nord  sur  une  étendue  Àe  70  lis 
(7  lieues),  et  coulent  ensuite  au  nord  (dans  je'mêitie 
lit)  sur  une  étendue  de  60  lis;  5"  le  bras  du  sud; 
qui  coule  sur  une  étendue  de  1 5o  lis ,  se  réunit  aux 
deux  autres,  et  se  jette  avec  eux  dans  le  Merqnett' 
gaoL  '   '     : 

Acrii  BOUROUR^  GAOL.  Au  nord-oùcst  d'Ili:  Après 
avoir  CQulé  sur  une  étenclue  de  70  lis  (y  lieues), 
cette  rivière  se  jette  dans  le  Mergaen  gaoL 

Mbrguen^  GAOL.  Au  nord-ouest  d7K,  à  Touèst  de 

^  Khara,  noir  (en  mongol);  àaieoii>  mot  kbasak,  hache.  Cette 
rivière,  dont  les  eaux  sont  presque  noires,  a  la  forme  d'une  haiphe. 

'  Màk  dchongars  :  gowrban,  trois;  khana,,  cloison  de  bois  qui 
sert  à  soutenir  une  tente.  Cette  riviëre  Tonné  trois  hras.  ÂncîeÀne^ 
ment  (les  tribus  ncmiades)  dressaient  leurs  tentes  sur  les  bords  dt 
ces  trois  bras  de  rivière. 

^*Mot8  hoeï  ;  achi,  riz  cuit;  boarowr,  donner.  On  peutlaboure?  et 
ensemencer  les  rives  de  cetterivière,  et  on  y  obtient ^'dbotidântes 
récoltes. 

^  Mot  dchongar  signifiant  doué  d'um  gnuide  infelUgékcê.  CeHcr 
épithète  est  appliquée,  par  emphase,  à  cette  irivièfe,  comme  jpMr^ 
louer  le  bien  qu  elle  fait  partout  où  elle  otmle. 

a8. 


436  JOURNAL  ASIATIQUE. 

ïAchi  bouronr  gaoL  Après  avoir  coulé  au  ilbrd-est 
sur  une  étendue  de  i3o  lis,  cette  rivière  se  jette 
dans  le  Tcltouî  gaoL 

Tâlas  ^  GAOL.  Au  nord -ouest  d7Iî,  à  3o  lis  (3 
lieues)  au  sud  -  ouest  du  Tçhoui'  gaoL  Gettu  rivière 
prend  sa  source  dans  ÏEdémek  daba,  au  nord  des 
monts  Célestes  {Thien  chan),  et  là  elle  commence 
par  se  diviser  en  quatre  branches,  qui»  après  un 
cours  de  3o  lis  (3  lieues),  se  réunissent  et  vont  se 
décharger  au  nord.  Il  y  a  dix  rivières  qui  sy  jet- 
tent par  la  rive  de  Test  et  par  celle  de  Touest.  La 
partie  où  ces  différentes  branches  se  réunissent  de- 
vient le  centre  d'un  large  courant  qui  a  une  étendue 
de  200  lis  (20  lieues),  et  forme  le  Talas  gaoL  Le 
cours  supériem*  (du  Talas  gaoï)  s*appelle  Oamo  malar 
gaol  Après  qu'il  a  coidé  à  Touest  sur  une  étendue  de 
3 00  lis,  on  rappelle  encore  Tchalakhœf a  gaoL  En- 
suite, il  fait  un  coude,  coule  à  l'ouest  sur  ime  éten- 
due de  200  lis  (20  lieues),  et  forme  une  petite  mer 
qui  a  3 00  lis  .(3o  lieues  de  circonférence).  On  lui 
donne  le  nom  collectif  de  Talas  gaoU 

Edémek  ^  GAOL.  Au.  nord-ouest  à'ili.  Elle  prend 
sa  source  dons  VOakek^  daba\  elle  forme^deux 
branches  qui  viennent  se  réunir,  et,  après  un  cottn 
de  3 00  lis,  elle  se  jette  dans  le  Talas  gaol. 


^  Mot  dchongar  signifiant  large,  grand. 

'  Mot  bourout  signifiant  gâteaa,  tarleleiU,  Ce  nom  vient  de  ce 
<]ue  les  gens  qui  habitent  sor  les  bords  de  cette  rivière  1*0 
pent  à  &ire  de  ces  sortes  de  p&tisseries. 

'  Ce  mot  a  été  expliqué  plus  haut,  pag.  4i5,  note  6« 


NOVEMJBRE-DÉCEMBl^R  1846.         m 

GouRBAN  DCHÈRGui  ^  GAOL.  Au  nord  d7K.  Gefté 
rivière  pfend  sa  source  au  pied  ouest  du  Écherjoé 
aola.  Elle  se  divise  en  trois  bras  qui  coulent  à  l'ouest 
siu*  une  étendue  de  3 60  lis,  se  réunissent  et  fbnnent 
une  rivière  qui  se  jette  dans  le  Talas  gaoL 

Khara  gaol^.  Au  nord -ouest  d'J7«.  Cette  rivière 
prend  sa  soiu*ce  au  pied  ouest  du  Khoalakhaî  aoh. 
Elle  reçoit  quatre  petites  rivières,  coulé  sur  une 
étendue  d'environ  3 00  lis  (3o  lieues}  et  se  jette, 
à  l'ouest,  dans  le  Talas  gaoL 

KouMoucHi^  GAOL.  Au  uord-ouest  d'Iïi.  Jpette 
rivière  prend  sa  source  au  nord-est  du  KôumotuM 
aola,  coule  sur  une  étendue  dé  100  ih  (ao  lieues) 
et  se  jette  dans  le  Talas  gaoL 

Khara  boura^  gaol.  Au  nord-est  d'i/î.  Cette  ri- 
vière prend  S2|  source  au  nord-ouest  du  Kharaboura 
daba,  coule  sur  une  étendue  de  4oo  lis  {4o  lieues) 
et  se  jette  dans  le  Talas  gaoL 

Archa'*  gaql.  Au  nord-ouest  d'/Iî,  à  300  lis  (ab 
lieues)  à  l'ouest  de  -  Tahs  gaJoh  Cette  rivière  prend 

'  Mots  dchongars  :  gourhan,  troit,  et  dchergué,  rangé  sdr  la  même 
ligne.  Cette  expression  désigne  trois  rivières  qui  coolent  pandl&le- 
ment. 

'  Ces  deux  mots  signifient  rcvièr»  noire,  [Khara,  noir,  en  mong<d 
et  en  dchongar.} 

^  Koumouchi,  mot  hoeî  signifiant  argent.  Gomme  si  l'on  disait  la 
rivih'e  d'argent,  blanche  comme  Targenf, 

*  Mots  dcboiigars  :  khara,  noir ,  et  hoara,  petit  peuplier.  Le  mot 
khara»  noir,  fait  allusion  à  Tombre  épaisse  des  pçupHers  qui 
croissent  sur  les  bords  de  cette  rivière.  • 

^  Mot  dchongar  :  eau  cbaude.  Les  gens  du  pays  font  chauffer  de 
1  eau  en  cet  endroit  pour  se  baigner. 


4S8  JOURNAL  ASIATIQUE, 

sa  source  au  milieu  du  mont  Nan-chan  (mont  du 
wdi),  elle  commence  par  couler  à  Test;  ensuite 
elle  fait  un  coude,  coule  au  nord  et  passe  à  l'ouest 
du  Baga  boaroal  aola.  De  là,  elle  coule  au  nord-ouest 
sm*  une  étendue  d'environ  3oo  lis  (3o  lieues)  et 
entre  dans  une  plaine  de  sable  et  de  pierres.  Au  sud 
de  ce  point ,  se  trouvent  les  Ming-boulak  (ou  les.  mille 
sources)  qui  sortent  au  nord  du  Khara  boara  dabàf 
coulent  à  Touest  sur  une  étendue  de  ko  lis  (&  lieues), 
se  réunissent  et  forment  un  petit  lac  qui  a  environ 
1  o  lis  (l' lieue)  de  circonférence.  Si,  en  partant  de 
cet  endroit^  on  firanchit  les  montagnes  dans  la  di- 
rection du  sud,  on  entre  dans  les  frontières  des 
Bouroats. 


LACS. 


Alaktoijgoul  ^  NAOR.  ATest  d7ti,  à  5o  lis  à  Touest 
du  Boalkhatsi  ^  rmor.  Sa  circonférence  est  d*enviroB 
âoo  lis  (do  lieues).  La  trente  et  unième  année  de 
Khien-long  (1766),  il  fut  décidé  qu*pQ  lui  offirirait 
des  sacrifices  annuels.  Il  y  à  des  prières  ofiScielles 
qu'on  récite  en  cette  occasion. 

Balkachi  '  NAOR.  Au  uord  à'iti.  Sa  circonférence , 
y  comprisses  détours,  est  d'environ  800  lis  (80 
lieues).  Tout  le  fleuve  d*IU,  qui,  arrose  une  éten* 

^  Alak,  mot  mongol  signifiant  tacheté,  et  totigoul,  un  vemf  4 
lac 

^  Mot  dchongar.  signifiant  enu  sooterrainB^  Ge  lao  ait  donaé  dTai 
souterraines  qui  sortent  en  tournoyant  à  la  surface  de  U^  tem, 

.  '  Mot  dchongar  signifiant  large,  Ge  iac  reçoit  uo  grand  nomlire  de 
rivières. 


NOVEMBREDÉGEUBRE  1846.  480 

due  de  looo  lift,  vient  6*y  jQter  aprè»  une  ouikitude 
de  détours;  cest  un  bassin  oh  se  rémiisaent  un 
ncHnbre  considérable  de  mières;  ondie  regaide 
comme  le  plus  grand  lac  du  nord-ouest  de  laDdioUr 
garie.  Dans  le  voisinage,  on^pcNKipte  qpq  rivières 
dont  leau  est  fort  basse  et qu il  est  aisé  de  traver* 
ser;  ce  sont  :  i''  ÏEsoasdé;  %"*  le  Kharata  gaol;  S^  h 
Khouïmaratoa;  4°  ïOntorgué;  5^  le  TarkhùuJUa.  On 
leur  donne  le  nom  général  de  dohkont  mot  num^ 
gol  qui  signifie  an  gaé. 

On  lit  dans  les  Annales  des  Thaug,  biographie 
de  Fang-i  :  nFang-i  amena  son  armée  et  livra  ba- 
taille sûr  les  bords  du  fleuve /ifi-fto  {ïHi-^ael  d'au-. 
jourd*hui.  )  Ibidem  :  Fang-i  fit  hafte  sur  les  bords  de 
la  mer  chaude  (en  chinois  Je'-Aai),c^4-direj»U' les 
bords  du  BaZtociS^i  naor  (sic).  » 

TousKOUL^  A  3oo  lis  (3o  lieues)  à  Touèst  d*iïr. 
Il  a  4oo  lis  de  Test,  à  Toueist  et  aoo  lis  du  nord 
au  sud.  Il  reçoit  de  toufi  côtés  ^  une  multitude  de 
rivières  et  de  ruisseaux. 

Voici  les  noms  des  cours  d'eau  qui  s  y  jettent  ^n 
venant  du  nord  :  i""  K(or(i  nokhai  hoalah;  ^''Chakitûu 
boalak;  y  Kourmetou  boalak;  k^  Yatoam^  boaUk; 
5"*  Dchaka  bakatoa  bovMi;  &"  ^hfftchakm  W$ou; 
'f  Goarban  Sari  boulak;  8**  GoarboB  ke  hoajak. 

Noms  des  coiu's  deau  qui  s  y  jettent  en  ytmsmi 
de  rest  :  i"*  Chibartal  kkoraï  b&oM;  d""  T^b^uk  hou- 
lak;  S""  Dsirgalang  botUak. 

'  TottSj  en  boarout,  signifie  sel' On  recneilie  dti  scî  sur  les 
bords  de  celac  (ilr9it2). 


440  JOURNAL  ASIATIQUE. 

'  Iiya,*en  outre,  le  Tonrgaentcha  boidak  et  le 
Goùrban  tchakis  boulak,  qui  se  joignent  au  nord- 
ouest,  à  IMrgalang  bonlak,  et  se  jettent  ensemble 
dans  le  lac  Toukonl  (lisez  Touskoul)^ 

Noms  de^  couranti^*éau  qui  s  y  jettent  en  Tenant 
du  sud-:  1**  Archatoa  boulak;  2^  Khara  gaol;  3*  le- 
toakoas  {sic)  boalak  (je  crois  qu'il  faut  lire  Yetgoas); 
IC"  Ike  oulan  boulak;  S""  Dchaokha  houlak;  &*  Gourban 
yorkhatsin  boulak;  y"*  Barkhon-  tamklia  boalak;  8'  To- 
sor  boulak;  g""  Toung  boulak;  lo**  Ak  boulak;  ii^  Se 
boulak;  is""  Konggor  elong  (lisez  ohung)  boalak; 
1  y  Oabouchi  boulak;  i  Ix""  Aoh,  boulak. 
•  Noms  des  cours  d*eau  qui  s*y  jettent  au  nord- 
ouest  :  1*"  Khochokhar  boulak;  2*"  Youl  arik  houlak; 
y  TcliatcJian  khanaî  boulak. 

Tous  les  courants  d'eau  qui  partent  de  tous  les 
points  de  sa  circonférence  et  s  y  réunissent  sont  au 
nombre  dau  moins  cent.  Ce  lac,  large  et  profond, 
qui  reçoit  le  tribut  de  tant  de  rivières,  ne  grossit 
ni  ne  diminue  pendant  toute  Tannée.  A  l'angle  nord- 
ouest,  il  déborde  et  laisse  échapper  un  courant  qui 
se  décharge  dans  le  fleuve  d'iZî.  C'est  le  plus  grand 
lac  des  frontières  de  l'ouest. 

Parmi  les  rivières  qu'il  reçoit,  la  rivière  Dsirga- 
langy  qui  coule  à  l'est,  est  sans  contredit  la  plus 
grande. 

Nous  n'accumulerons  pas  ici  les  noms  de  toutes 
les  autres  rivières,  dont  le  cours  n'excède  pas  3o, 
Ixo,  6o  ou  70  lis  (3,  Â,  6,  7  lieues);  il  nous  suffit 
d  avoir  présenté  ici  le  résumé  des  plus  importantes. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  18(i6.  441 

On  lit  dans  les  Annales  des  Thang,  biographie 
de  fVang-fang-i  :  «  Dans  le  septième  mois,  il  fit  halte 
sur  le  Ye-feo  (littéralement  fleuve  de  Ye);  il  nWait 
pas  de  bateaux ,  mais  Tèau  était  gelée.  » 

Même  ouvrage,  histoire  des  Toa-Moue  (Turcs): 
li  Sùn-ting-fang  poiu'suivit  Kia-hu  jusqu'à  la  rivière 
Souî-ye-chouî ,  et  lui  prit  toute  son  armée.  »  ' 

Si  Ton  examine  le  Souî-ye-chouî  (littéralement  la 
rivière  de  Souî-ye)  des  Annales  des  Thang,  on  voit 
qu*il  était  à  Touest  de  la  rivière  I-li-ho.  Or,  le  plus 
grand  cours  d'eau  à  Touest  de  la  rivière  I-li-ho  (ri- 
vière d7/i,  ou  Ili-gool) ,  est  sans  contredit  le  lac  Toos- 
koul;  et  c'est  certainement  là  qu'il  faut  chercher  les 
vestiges  de  Soai-^e. 

Wanq-fang-i  battit  d'abord  les  troupes  àelnrkhio 
sur  les  bords  de  ïlli-ho,  et,  en  les  poursuivant,  il 
arriva  au  nord  jusqu'au  Ye-ho  (rivière  de  Ye).  Or, 
Ye-ho  était  synonyme  de  Souî-ye-chouî;  c  était ,  sans 
aucxm  doute,  le  lac  TcuskouL  T>an&  la  langue  des 
Dchongars,  le  mot  koul  a  la  même  signification  que 
nor  (lac)  dans  celle  des  Mongols. 

Sengguer^  naor.  Au  nord-ouest  d'/Zî,  au  pied 
sud  de  YEdemek  daha.  Il  a  5o  lis  dëtîirconférence 
et  ne  communique  avec  aucun  cours  d'eau. 

Ak  kouL  NAOR^.  C'est  un  petit  lac  qui  se  trouve 
au  nord-ouest  d'J/i,  au  milieu  d'une  plaine  de  sa- 

^  Seng^uer,  mot  hoeî ,  signifiant  eau  qui  s  infiltre  en  terre. 

^  Lisez  ak  houl  naor  {Si-yu-thong-wen-tchif  iiv.  Y,  fol.  ZS)>  Ak, 
en  hoeî,  signifie  hlanc;  houl  et  naor  ont  le  sens  de.  lac.  Il  y  a  ici  un 
pléonasme,  comme  lorsque  nous  disons  le  lac  Ton^ul  (selrlac)^ 
le  lac  Barkoul  {houl  veut  dire  lac). 


442  .    JOURNAL  ASIATIQUE. 

blés  et  de  pierres.  11  a  5o  lis  (5  lieues)  de  drcon- 
fërence. 

BiKODL^  NÂOR.  Au  nord-ouest  d7(î,  à  aoo  lis 
(20  lieues)  de  ïAkkoachi  (lisek  Ak  koal)  naar;  il  est 
de  même  largeur  et  également  circulaire.  Deii,  en 
se  dirigeant  à  louest,  on  entre  dans  les  firontières 
des  Khasaks^ 

MÊME  SUJET. 

EXTRAIT   DE    SIN'KIANG-TCHi'LIOj  LIV.  IV,  FOL.  ao  8QQ. 

Tekés-ho  ou  Tekès-gaoL  Cette  rivière  prend  sa 
source  au  milieu  d'une  montagne ,  à  environ  5  00  lis 
au  sud-ouest  de  la  ville  d7/i ,  et  coiule  au  nord-est 
sur  une  étendue  d  environ  800  lis.  A  ïest  de  la  mon- 
tagne Nomoakhônsouny ,  elle  se  jette  à  fest  dans  4a 
rivière  Koungghés-ho ,  ou  Koangghés-gaoL 

KouNG6Hés-HO  OU  Koungghés-gooL  Cette  rivière 
prend  sa  source  au  milieu  dune  montagne,  à  envi- 
ron 700  lis  à  lest  de  la  ville  à'IU.  Elle  .coule  à 
l'ouest  et  reçoit  la  rivière  Tekés-gaoL 

Khâghi-ho  ou  Khachi-gaoL  Cette  rivière  prend  sa 
source  au  nofd  de  la  source  du  Koungghés  gaol;  elle 
passe  au  nord  du  mont  Aboural  et  se  divise  en  deux 
bras  qui  se  jettent  dans  ïlli  gaol. 

BoRo  BODRGAso.q-HO.  Cette  rivière  est  sitoée  à  en- 
viron aoo  lis  à  l'est  de  la  ville  d'//î. 

^  Bikoal,  mot  bourout  signifiant  riche,  opidmL  Les  bords  de 
ce  lac  sont  propres  à  l'agriculture  et  à  Télève  des  iroapenu.  Os 
donnent  d'abondantes  récoltes. 


NOVEMBRE-DÉCEMB&E  1846.  443 

D$iR6ÂLANG-HO,  011  DsirgotoTtg  gaol  Cette  rivière 
sort  dune  gorge  du  mont  Khdchi,  et  traverse  les 
villages  des  rousulmans  dé  Bsirgalahg* 
'  Dans  la  vingt-deuxiènae  année  de  KMen-tong 
(1754),  Amoursam  ameuta  les  barbares  qui  avaient 
fait  leur  soumission,  et  excita  des  désordres,  he  gé- 
néral Tchao-haeî  alla  s*étab}ir  à  Dsirgalàng  avec  un 
seul  corps  d*armée,  leur  livra  bataille  etles  liiit  en 
fiiite. 

PiRiTSiN-HO.  A  environ  loo  lis  au  nord-est- de  la 
ville  d7K.  Cette  rivière  coule  au  sud;  elle  arrose  les 
champs  des  colons  attachés  aux  deux  i;àmf)s  man- 
dchous et  ceux  des  colons  attachés  a^  camp  vert  de 
Bayan-taî, 

La  som*ce  du  mont  Tong-^limatoa  chxin  (c  est-à- 
dire  mont  Alinîatou  de  Test)  est  au  nord  d.e  la  ville 
de  Hoeî-ning.  Elle  sort  du  mont  Pe-chan  [on  nçiont 
du  nord).  Anciennement,  elle  formait  une  rivière  ; 
mais ,  dans  la  suite ,  on  a  détourné^  ses  eaux  pour  ar- 
roser les  champs  et  on  les  a  amenées  dans  un  canal. 

OuKHARLiK-«o.  La  rivière  d'OakharUk  est  sitnée  à 
environ  i  oo  lis  au  nord  de  la  ville  d7K;  elle  sort 
dç  la  partie  du  mont  Talki  qui  oblique  à  Test. 

TcHAGAN-ousou-CHOUh  La  rivièrc  Tchagun-ousoa  est 
située  à  environ  lOo  lis  au  nord  de  la  ville  d'/Zî. 

Si-ALiMAToc-GHOuï ,  cest-à-dire  la  rivière  du  mont 
AUmatou  oc^denfal.  Elle  est  située  h  environ  1-20  lis 
au  nord-ouest  de  la  ville  dUlL 

GouN-BA-KEou-cHODÏ ,  ccst-à-dirc  la  rivière  du  canal 
de  Goim-ba.  A  environ  i3o  lis  à  Touest  d*Jlt. 


kkk  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Khorgos-ho.  La  rivière  de  Khorgas,  à  i  Aq  lis  au 
nord-ouest  de  la  ville  d'i7î, 

Tghetsi-ho.  La  rivière  de  Tchetsi,  à  eiiviron  aoo 
lis  au  nord-ouest  de  la  ville  d7/ï. 

Samâr-ho.  La  rivière  de  Samar,  à  environ  aoo  Jû 
au  nord-ouest  de  la  ville  d*iîi.    • 

TouRGUEN-Ho.  La  rivière  de  Tourgueiit  à  environ 
200  lis  de  la  ville  d7/î. 

Ko(]ÏTOuN-Ho.  La  rivière  de  KoaUoun,  k  environ 
3 00  lis  au  nord-ouest  de  la  ville  d'iZi. 

TcHALïN-Ho.  La  rivière  de  TchaUn,  à  environ.  &oo 
lis  de  la  ville  d7K. 

Temourlik-ho.  La  rivière  de  TemonrUk,  à  envinm 
4oo  lis  de  la  ville  d'iïi. 

GuEGGEN-HO.  La  rivière  de  Guegnen^  à  5oo  lis  au 
sud-ouest  de  la  ville  d*/Zi. 

Khârkira-£[o.  La  rivière  de  Kharldra,  à  environ 
5oo  lis  au  sud-ouest  de  la  viJle  d'iZî. 

Gharayâs-ho.  La  rivière  de  Charaytu^  à  enviitm 
tioo  lis  au  sud-ouest  de  la  ville  dUlL    • 

Dabousoun-naor.  Le  isic  Dabsoun  ou  Salé,  à  3oo 
lis  au  sud-ouest  de  la  ville  d'iïî. 

TcHABOUTCHÀR-HO.  La  rivièrc  de  Tchaboatchar,  i 
environ  200  lis  au  sud-est  de  la  ville  d*/2î.  On  em- 
ploie ses  eaux,  divisées  en  canaux,  à  arroser  les 
villages  des  musulmans  de  Yangsar,  et  ceux  qui  avoi- 
sinent  lateîier  des  monnaies  de  cuîvrcf 

La  rivière  d'/K  passe  à  environ  un  demi-li  an 
sudd7K. 

On  lit  dans  les  Annales  des  Thang  :  «Les  Turcs 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1840.  445 

occidentaux  se  divisèrent  en  deux  hordes  dont  le. 
territoire  était  borné  par  la  rivière  I4i£  (la*  même 
qalli'gaol  d  aujourdliui).  ». 

On  lit  encore  dans  les  Annales  dès  Thang  :  ((Dans 
la  deuxième  année  de  la  période  Hien-khing  [65^  de 
J.  C),  Tempereiu'  nomma  Son-ting-fang  comman- 
dant général  des  troupes  de  la  province  d^Jf/i.  » 

Saïrim-naor.  Le  lac  Saîrim,  à  environ  200  lis  au 
nord-est  de  la  ville  d7b',  au  nord  du  passage  du 
mont  Talki.  Sa  circonférence  est  d'environ  3  00  lis; 
il  est  entouré  de  hautes  montagi^es.  Derrière  la  mon- 
tagne située  au  nord  de  ce  lac,  il  y  â  Un  pays  nonmié 
Borotala;  il  est  abondamment  arrosé  et  ofire  de 
riches  pâturages.  Cette  contrée  est  plate  et  déserte. 

Dans  la  vingt-deuxième  année  de  Khienrtong{  1 7  5  A), 
Amoarsana  quitta  le  pays  des  Khasdks,  entra  secrè- 
tement dans  m,  et  rassembla  les  révoltés  en  cet 
endroit,  dans  le  but  de  se  faire  nommer  khan. 

C'était  dans  cette  contrée  que  les  Dcftonjow  fai- 
saient jadis  paître  leurs  troupeaux.  Maintenant,  ce 
sont  les  Tchakars  qui  y  font  paître  les  leurs.  ' 


.oJ-'S^-^^^'-fo" 


4A6  JOURNAL  ASIATIQUE. 


RECHERCHES 


Sur  Irois  princes  de  Nicha)pour,  548-595^6  l'hégire  (il  53- 
1 199  de  J.  C.) ,  par  M.  Defaémbrt. 


On  lil  dans  le  Tezkiret  ech-choéra,  ou  Hémorial  des  poèlei, 
de  Daulet-chali ,  Un  passage  ainsi  conçu  :  «  Zéhir  (c  estrà-diie 
Zéhir-eddin-Fariabi}  vint  d*abord  de  Fariab  à  Nichabour. 
A  cette  époque ,  le  sultan  Thoughan-chah  était  souverain  de 
cette  ville.  Il  y  a  eu  deux  princes  de  ce  nom  dans  la  iaittOIe 
des  Seldjoukides.  Celui  dont  il  est  ici  question  mQnta  sur  le 
trône  après  la  mort  de  Sandjar,  et  faisait  jouer  cinq  fins  M 
musique  militaire  (nevhèt  )  à  la  porte  de  son  palais;  mais  les 
Kharezm-chah  ne  le  laissèrent  pas  jouir  paisiblement  de  IW 
torité  souveraine  '.  » 

Ce  passage  nécessite  plusieurs  observations.  Il  n  est  pas 
exact  de  dire  que  le  Thoughan-chah,  loué  par  Zéhir;  appar 
tenait  à  la  famille  des  Seldjoukides.  Ce  souverain  avait  *  0  est 
vrai,  succédé  à  la  puissance  des  Seldjoukides  sur  une  partie 
du  Khoraçan;  mais  il  était  tout  à  fait  étranger  à  cette  illustre 
dynastie.  C'était  le  second  de  trois  princes  qui  régnèrent  sur 
Nicliabour  depuis  Tan  de  Thégire  55o,  jusqu'à  Tan  583  de 
la  même  ère.  Il  succéda,  en  568  ou  569,  à  son  père  Mou- 
veiyed-Âîbèli,  et  fut  remplacé,  en  58 1  ou  Ô8a,  par  son  fib 
Sindjar-chah,  qui,  bientôt  après,  fut  détrôné  par  Tacach, 
sultan  du  Kharezm.  L  existence  de  cette  dynastie  a  été  tout  à 
fait  inconnue  à  nos  savants  orientalistes ,  hormis  à  de  Guignes , 
qui,  lui-même,  tout  de  Guignes  qu'il  était,  n'en,  a  eu  qu'une 

'  Charmoy,  Expédition  iV Alexandre  le  Grand  contre  Um  Rasm, 
pac.  4.1. 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  447 

connaissance  vague,  fautive  etiiicom{dète\  et  i|*€p9  a  parlé 
qi|i*incidemment.  Je  crois  donc  ne  pas  déplaire  ai^x  amis  de 
l'histoire  musulmane,  en  essayant  de  jeter  quelque  jour 
sur  rhistoire  de  Tlioughàn-cfaah,  de  son  père  et  de  son  fils. 


Une  seuie  défaite  ven^t^de  renverser  une  puis- 
sance signalée  par  cinquante  ans  d'entreprises  heu- 
reuses, et  de  faire  du  monarque  le  .plus  puissant 
de  TAsie  occidentale ,  1»  misérable  captif,  et ,  pour 
ainsi  dire,  le  jouet  d'une  horde  de  barbares.  Les 
Gouzzs,  vainqueurs^  du  sultan  ^indjajr^  ravageaient 
le  Khpraçan,  et,,  animés  de  cet  aveugle  esprit  de 
destraction ,  dont  les  Mongols  devaient  si  cruelie> 
ment  renouveler  Texemple ,  moins  d'un  siècle  après, 
ils  signalaient  en  tous  lieux  l6ur  passage  par  le 
meurtre  et  Tincendie^.  Un  Turc  ^  esclave  du  sultan 
Sindjar,  profita  de  ces  troubles  sanglants  pour  se 
rendre  indépendant  et  fonder  une  principauté  qui 

*  T.  Il,  livre  x,  p.  267,  aÇS,  et  livre  xiv,p.  a&g,  260,  262. 

'  Un  fait  suffira  pour  caractériser  le$  impitoyables  dévastations 
commises  par  les  Gouzzs.  Â  Nichabour,  où  ils  entrèrent  au  mois  de 
cbevval  5^9,  lis  tuèrent  tant  de  monde,  que  les  cadavres s^monce- 
lèrent  en  collines.  Plusieurs  savants  et  religieux  se  fortifièrent  dans 
la  principale  mosc[uée;  ils  furent  tués  jusqu'au  demiw^  et  la  plu- 
part des  bibliotbëques  de  Nicbabour  devinrent  la  proie  des  flammes. 
Les  mêmes  excès  furent  commis  àDjouveîn  et  à  Isféraîn.  (Ibn-Matbir, 
CandUettèvarikh ,  ms.  arabe  de  ia  Bibl.  royale,  n**  SSy  supp.  t.  V, 
p.  119;  Ibn-Kbaldoun ,  Hist.des  Seîdjoukides,  tus.  fr.  suppl.  n**  ^; 
Aboulféda^t.  m.p.  53o.) 

^.  Tahacaii'Naciri ,  ms.  persan  de  la  Bibliotbèque  royale,  n*  i3 
Gentil,  fol.  201  r. 


448  JOURNAL  ASIATIQUE, 

devait  exister  plus  de  trente  ans.  On  Fappelait  Âibéh, 
^  fS^y  ou  Aï-Âbéh,  x}\  f^\,  et  il  était  sumomné 
Al-Mouveiyed  (celui  qui  est  aidé  de  Dieu).  Il  Êûsait 
partie  de  Tavant-gàrde  de  Sindjar,  lorsque  celuird 
marcha  contre  les  Gouzzï^  et  c'est  sans  doute  le 
même  personnage  que  nous  voyons,  dans  Mir- 
khond  ^,  sous  le  ndm  d^  Témir  Mouveiyed  Burarg, 
forcer  le  sultan,  par  ses  représentations,  à  livrer 
aux  Gouzzs  la  funeste  «^bataiUe  dans  laqpieUe  ce 
prince  fiit  fait  prisonnier.  Après  la  défaite  de  Sînd- 
jar,  Mouveiyed  rassembla  autour  de  lui  les  débris 
de  Tarmée  vaincue ,  «'empara  de  Nichabour',  Tous, 
Niça,  Abiverd ,  Ghehristan  et  Dam^han ,  et  sut  éloi- 
gner les  Gouzzs  de  ces  villes,  en  tuant'  un  grand 
nombre  d'entre  eux^. 

Maître  de  ces  places ,  Mouveiyed  chercha  à  asr 

^  Ibn-Âlathir,  p.  117;  Ibn-Khaldoan ,  f.  s68  r. 

*  Historia  Seldschukidarum.,  p.  187^  Cf.  Khondémir,  Habib  euusr, 
ms.  de  la  bibliothèque  de  TU  Diversité  de  Leyde,  n*  S96  è»  foi.  s  i5  r. 

Khondémir  ajoute  que  la  plupart  des  chefs  de  Tarmée  du  Kfaoraçan 
combattirent  mollement,  à  cause  de.rinimitié  qu^ils  reasentaîeot 
contre  Mouveiyed  et  Barnakach  :  qLw[^  ùL^,^  qL^Î.  JU9L 
v5ÛiM«  <Axa.jÙ  (>*ÂJiLâD  ^JSJLjj^^  0*rij^  V  ^^  <^LH  S^^^ 

^  Quoique  Ibn-Alathir,  Ihn-Khaldoun  et  Aboulféda  ne  fixent  pis 
la  date  de  la  prise  de  Nichahour  par  Mouveiyed,  il  ime  pardt  eer' 
tain  que  cet  événement  ne  put  pas  avoir  lien  avant  Tannée  55o 
(1  i5B  de  J.  G.].  En  effet,  les  Gouzzs  n drivèrent  à  Nichabonr  qn*aii 
mois  de  chewal  54g  (fin  de  décembre  1 1 54). 

*  Ibn-Âlathir,  p.  1  ao  ;  Abou  Iféda ,  t.  III ,  p.  53o ;  Iba-Khddomi, 
fol.  268  V. 


NOVEMBRE. DÉCEMBRE  1846.  449 

surer  son  autorité  par  la  justice  et  Téquité  qu*ii 
déploya  envers  leurs  habitants.  Sa  puissance  ne  tarda 
pas  à  inspirer  de  lombrage  au  khacan  Mahjnôud- 
ben-Mohammed ,  neveu,  par  sa  mère,  du  sultan 
Sindjar,  et  qui  gouvernait  le  Khoraçan  pendant  la 
captivité  de  son  onWe  ^.  Ce  prince  envoya  sommer 
Mouveiyed  de  venir  le  trouver,  et  de  lui  livrer  les 
villes  et  les  forteresses  qu'il  occupait.  Mouveiyed 
refusa  d'aboxd ;  mais ,  après  une  négociation,  il  con- 
sentit à  payer  à  Mahmoud  une  somme,  moyennant 
laquelle  celui-ci  devait  le  laisser  tranquille  posses- 
seur des  places  dont  il  3*était  rendu  maître  ^. 

Cet  état  de  choses  dut  se  prolonger  durant  tout  le 
temps  de  la  captivité  de  Sindjar  et  jusqu'à  la  mort  de 
ce  sultan ,  qui  arriva  en  552  (i  1 67).  Sindjar,  se  voyant 
sur  le  point  de  mourir,  nomma  pour  successeur  son 
neveu  Mahmoud,  qui  fixa  sa  résidence  à  Djordjan. 
Les  Gouzzs  s'emparèrent  de  Merve  et  du  Khôraçan , 
et  lanarchie  dura  jusqu'à  l'année  554.  Mouveiyed 
parvint  à  s'emparer  de  l'autorité  sous  le  nom  de 

^  Mahmoud  descendait,  par  son  père,  de  Boghra,  khan  des 
Turcs.  Cest  sans  doute  à  cette  illustre  origine  qu'il  devait .  le  sur- 
nom de  Khacan,  qui  lui  est  donné  par  Ihn-Al.athir  et  Mirkhond, 
(  Hist.  des  saUans  da  Kharezm,  p.  1 1).  Cest  donc  à  tort  que-,  dans 
ce  dernier  ouvrage  (loc.  laud.  note*  2),  j'ai  proposé  de  lire  qUia^v 
au  lieu  de  ^UIâ,  que  portent  les  mss.  Je  ferai  d'ailleurs  observer 
qu'Ibn-Alathir  appelle  indifféremment  ce  prince  Khacan  et  llkban 
/jU»^.  Ce  dernier  titre  est  celui  qu'lbn-Kbaldoun  donne  à  Mahmoud 
(fol.  268  r.  et  V.  269  r.  et  v.  270  v.  271  v.).  Puisque  roccasion  s'en 
présente,  je  corrigerai  une  autre  faute  que  j'ai  commise  dans  l'ou- 
vrage déjà  cité,  sur  la  foi  de  deux  mss.  Au  lieu  de  qL^I^ 
(pag.  i3,  lig.  1  ri  2),  il  faut  lire  (jUU^  «Carîouks,»  avec  le  Ta^ 
rikhi  GuziJ.ek  (ms.  9  Brueix,  fol.  i64  v.  i65  2"). 

^  Thn-Alathir,  p.  131.      . 

VIII.  29 


460  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Mahmoud,  et  à  jouer,  près  de*ce  faible  prince,  le 
même  rôle  que  Tatabeg  Udéguiz  et  ses  fils  près  des 
derniers  Seldjoulcides  de  Tlrac. 

Cependant,  lelévation  de   Mouveiyed   excita  la 
jalousie  de  plusieurs  des  émirs  de  Sindjar,  qui  ne 
purent  voir  sans  envie  leur  andfen  compagnon  de- 
venir leur  maître.  On  distinguait  parmi  eux  Témir 
Inac  ^  et  Témir  Soncor.  Tantôt  le  premier  se  joignait 
à  Mouveiyed,  tantôt  il  se  retirait  auprès  du  Kha- 
rezm-chah;  enfin ,  d'autres  fois  il  passait  dans  le  Ma- 
zendéran.  Dans  Tannée  55q  ,  il  quitta  Cette  dernière 
province  et  se  dirigea  vers  le  Khoraçan,  à  la  tête 
de  dix  mille  cavaliers ,  que  lamour  du  pillage  et  la 
haine  de  Mouveiyed  avaient  attirés  spus  ses  dra- 
peaux. Lorsqu'il  fut  arrivé  dans  les  cantons  de  N.iça 
et  d'Abiverd ,  il  s  arrêta  et  envoya  à  Mouveiyed  des 
messages,  par  lesquels  il  l'invitait  à  faire  la  paix 
avec  lui  et  à  devenir  son  allié.   Mais  Mouveiyed, 
doutant  de  la  sincérité  de  ces  demandes ,  marcha 
contre  Inac.  Les  troupes  de  celui-ci  fabandonnèrtent 
et  il  dut  fiiir  vers  le  Mazendéran,  laissant  toutes 
ses  richesses  aux  mains  des  ennemis.  Le  prince  du 
Mazendéran,  Roustem,  était  alors  en  contestation, 
au  sujet  de  lautorité  royale ,  avec  un  de  ses  frères 
nommé  Ali.  Lorsque  Inac  amva  dans  le  Mazen- 
déran, Roustem  venait  de  prendre  le  dessus.  L'émir 

^  Auiieu  d'Inac  jaUj  i-,  leçon  qui  nous  est  fournie  par  deux  nui. 
d'Ibn-KhaWoun  (ms.  ^i,  f.  269  v.  ^^,  f.  71  r.J,  Ibn-Alathir 
écrititsac,  ^Ubf,  et  Itac,  ^Uj[.  Je  dois  avouer  que  le  demierdes 
deux  mss.  d'Ibn-Khaldoun  cites  ci-dessus  porte  aussi  quelquefou 
^LjcjÎ.  Le  manuscrit  d'Ibn-Alathir  rapporté  de  Constantinopie  pir 
M.  de  Slane,  donne  la  leçon  Inac  (t.  Y,  f.  188  r.  et  v.  igâ  r.  et  v.). 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  451 

fugitif  crut  faire  sa  cour  au  vainqueur  en  tuant  Ali 
et  en  portant  sa  tête  à  Roustem.  Mais  le  roi  du 
Mazendéran  reçut  fort  mal  celui  qui  lavait  prévenu 
en  lui  évitant  im  crime.  «Je  mange  ma  chair,  lui 
dit-il ,  et  ne  la  donne  point  à  qaanger  à  un  autre, 
f^jjfS'  A-tj^ot  ^3  45-^  iK'.  »  Puis  il  féloigna  de  sa 
•présence. 

Cependant  Inac  ne  cessa  point  de  retourner  dans 
le  Khoraçan  pour  piller  cette  province ,  et  particu- 
lièrement la  ville  dlsféraïn ,  qu'il  finit  par  ruiner 
entièrement.  Le  sultan  Mahmoud  et  Mouveiyed  lui 
envoyèrent  une  ambassade  pour  Tinviter  à  faire  la 
paix.  Mais  il  refusa,  et  les  deux  princes  durent  mar- 
cher contre  lui  avec  une  armée  dans  le  mois  de  séfer 
553  (mars  1 15&).  Dès  qu'ils  s'approchèrent  d'Inac, 
une  partie  des  troupes  de  ce  dernier  passa  à  rennémi. 
Inac  se  réfugia  dans  le  Thabaristan ,  poursuivi  par 
Mahmoud  et  Mouveiyed.  Roustem  envoya  auprès 
de  .ces  princes  des  députés  chaires  de  leur  de- 
mander la  paix,  et  de  leur  porter  des  sommes  consi- 
dérables. Un  traité  fut  conclu  et  Inac  livra  son  fils 
comme  otage.  Mahmoud  et  Mouveiyed  s'en  retour- 
nèrent, .et  Inac  resta  paisible  possesseur  de  Djor- 
djan,  de  Déhistan  et  de  leurs  dépendances. 

Mouveiyed  avait  à  peine  déposéjes  armes,  qu'il 
dut  songer  à  les  reprendre  contre  Sdncor-al-Azizi , 
un  autre  des  émir^  de  Sindjar.  5oncor  avait  partagé 
la  jalousie  d'Inac  contre  leur  heureux  compagnon, 
et  tandis  que  Mouveiyed  était  occupe  à  faire  la  guerre 
à  Inac ,  Soncor  avait  abandonné  le  camp  du  sultan 


452  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Mahmoud  et  avait  marché  vers^Hérat.  Il  entra  dans 
cette  ville  et  la  pilla.  Qn4ui  conseillait  de  demander 
du  secours  à  Houceïn ,  roi  du  pays  de  Ghour  ^;  mais 
il  refusa  de  le  faire,  jaloux  de  son  indépendance  et 
comptant  sur  les  dissensions  qui  existaient  entre  le 
sultan  Mahmoud  et  ses  émirs.  Moiiveiyed,  débar- 
rassé de  la  guerre  contre  Inac ,  marcha  vers  Soncor.« 
Lorsqu^il  fut  arrivé  sous  les  murs  d'Hérat,  la  garni- 
son de  la  ville  en  vint  aux  mains  avec  lui.  Mais  bien- 
tôt les  Turcs,  qui  composaient  la  majeure  partie  des 
défenseurs  de  la  place,  se  soumirent  à  Mouveiyed, 
et,  à  partir  de  cette  époque,  on  ignore  entièrement 
ce  que  devint  Soncor.  Les  uns  prétendent  qu'il 
tomba  de  cheval  et  toourut  des  suites  de  cette  chute; 
dauti'es,  que  les  Turcs,  gagnés  par  Mouveiyed,  se 
saisirent  de  Soncor  à  Timproviste  et  le  nfliirent  à 
mort  ^. 

A  la  nouvelle  des  succès  de  Mouveiyed,  Mahmoud 
se  dirigea  vers  Hérat  avec* son  armée.*  Une  partie 
des  soldats  de  Soncor  se  joignirent  à  l'émir  Inac. 
Ils  fondirent  siu*  Tous  et  les  villages  des  environs. 
Les  semences  et  les  moissons  furent  anéanties,  et 
la  dévastation  s  empara  du  pays.  Enfin,  la  disette, 
accompagnée  des  excès  qu'elle  traîne  à  sa  suite,  ne 
tarda  pas  à  se  joindre  à  ce  fléau  ^.  LesGouzzs,  ce- 
pendant, s'étaient  établis  à  Balkh,  renonçant  mo- 

^  Cet  Houceïn  est  ie  même  que  le  fameux  Ala-eddin ,  sumomoi^ 
Djihansoùz .  ou  rinccndiaire  du  monde.  (Voyez  THistoire  des  saltans 
Gbourides,  .par  Mirkbond,  p.  8-1 5  et  26-34  de  mon  édition.) 

*  Ibn-Alathir,  V,  i5o;  Ibn-Khaldoun ,  269  V. 

"^  Ibn-Alathir,  i5i;  Ibn-Kbaldoun ,  dicfo  loco. 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  kbS 

mentanément  à  pilier  et  à  dévaster  le  Khoraçan. 
Ils  offraient  même  de  reconnaître  lautorité  du  sul- 
tan Mahmoud.  Dans  le  mois  de  chaban  de  cette 
année  (  553) ,  ils  se  dirigèrent  de  Balkh  vers  Merve. 
Le  sultan  Mahmoud  était- alors  à  Sarakhs  avec  ses 
troupes.  Mouveiyed  marcha  contre  les  Gîouzzs ,  ac- 
compagné d'une  partie  de  l'armée  du  sultan.  Il  en 
vint  aux  mains  avec  un  détachement  des  ennemis , 
les  mit  en  fuite  et  ne  cessa  point  de.  les  poursuivre, 
jusqu'à  ce  quils  fussent  entrés  dans  Merve.  Puis  il 
retourna  à  Sarakhs,  et  se  réunit  au  sultan  Mahmoud , 
dans  le  dessein  de  marcher  contre  les  Gouzzs  et  de 
les  combattre.  Les  deux  princes  joignirent  leurs 
troupes  et  se  dirigèrent  contre  les  barbares.  Us  en 
vinrent  aux  mains  avec  eux  le  6  de  chevval  (3o  oc- 
tobre 1  1  58).  La  guerre  se  prolongea  durant  plusieurs 
jom's  presque  sans  désemparer.  Dans  ces  actions,  le's 
Gouzzs  furent  trois  fois  m.is  en  fuite.  Us  revinrent  à 
la  charge  et  l'armée  du  Khoraçan  se  débanda.  Le 
nombre  des  morts,  des  blessés  et  des  prisonniers 
s'éleva  à  un  chiffre  considérable.  Mbuveiyed  et  ceux 
qui  échappèrent  avec  lui  au  carnage  revinrent  k 
Tous.  Les  Gouzzs  s'emparèrent  de  Merve  et  en 
traitèrent  les  habitants  avec  douceur,  surtout  les 
savants  et  les  imams ,  auxquels  ils  témoignèrent  ie 
plus  grand  respect;  puis  ils  fondirent  sur  Sarakhs. 
Les  bourgs  furent  ruinés,. les  habitants  émigrèrent 
dans  d'autres  contrées,  et  dix  mille  de  ceux  de  Sa- 
rakhs furent  tués.  Les  Gouzzs  pillèrent  aussi  Tous 
et  mirent  à  mort  les  habitants  de  cette  ville,  à  l'ex- 


454  JOURNAL  ASIATIQUE. 

ception  dun  petit  nombre.  Ces  dévastations  accom- 
plies, ils  revinrent  à  Mervc,  qui  était,  pour  ainsi 
dire,  leur  quartier  général.  La  crainte  qu'inâpiraient 
ces  barbares  était  si  grande ,  que  le  sidtan  Mahmoud 
^n'osa  rester  plus  longtemps  dans  le  Khoraçan,  et  se 
retira  à  Djordjan.  Les  Gouzzs  lui  envoyèrent  une  am- 
bassade au  commencement  de  Tannée  55/i  (i  i5g). 
Ils  Tinvitaient  à  venir'  les  trouver,  lui  promettant, 
en  ce  cas,  de  le  reconnaître  pour  roi.  Mais,  toujours 
dominé  par  la  frayeur,  Mahmoud  refusa  de  croire  i 
ces  propositions.  Les  Gouzzs  lui  députèrent  alors  de 
nouveaux  messagers,  chaînés  de  lui  demander  pour 
chef  son  fils  Djélal-eddin-Mohammed^  Après  plu- 
sieurs ambassades  et  force  promesses,  Mahmoud 
consentit  à  envoyer  son  fils  dans  lé  Khoraçan. 
Lorsque  les  émirs  des  Gouzzs  eurent  reçu  ]a  nour 
velle  de  Tarrivée  du  jeune  prince,  ils  sortirent  de 
Merve,  au-devant  de  lui.  Ils  le  rencontrèrent  à 
Nichàbour  et  le  traitèrent  avec  le  plus  grand  respect. 
Les  troupes  des  Gouzzs  ne  tardèrent  pas  à  se  ras- 
sembler autour  de  lui,  à  Nichabour,  dans  le  mois  de 
rébi  second  55/i.  Mahmoud,  ayant  ap|ans  cette  nou- 
velle, abandonna  le  Djordjan  et  marcha  vers  le 
Khoraçan  /  avec  les  soldats  des  émirs  de  Sindjar. 
Quant  à  Mouveiyed ,  il  resta  en  arrière^. 

^  Au  lieu  de  Mohammed,  deux  manuscrits  d'Ibn-Khiddoon  por- 
tent Omar  (ms.  ^p,  fol.  71  v.  73t.  ms.  ^,  f.  169  v.  970  r);  Budi 
ailleurs  ils  donnent  la  leçon  Mohammed  (~ ,  ÙA.  7$  ▼.  ^t 
fol.  271  r).. 

*  Ibn-Âlathir,  t.  V,  p.  1 47  et  1 53  ;  le  même ,  ms.  de  Gonstanti- 
noplc,  t.  v,  fol.  188  V.  189  r.  Ibn-Kbaldoun ,  169  r. 


A 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  455 

Le  sultan  arriva  sur  les  limites  des  cantons  de 
Niça  et  d'Abiverd,  et  donna  le  premier  en  fief  à  un 
émir  appeléOmar-ben-Hamzah-al-Niçàvi.  Les  Gouzzs, 
cependant,  envoyèrent  des  députés  aux  habitants  de 
Tous,  pour  les  inviter  à  Tobéissance  et  à  la  con- 
corde. Ceux  de  Raïkan ,  t>^b  ^'  pleins  de  coi^ance 
dans  les  murs  de  leiu*  ville,  leur  bravoure  et  leurs 
nombreuxapprovisionnements,  refusèrent  d accéder 
à  ces  propositions.  Une  troupe  de  Gquzzs  se  dirigea 
aussitôt  vers  cet  endroit,  assiégea  la  place,  la  prit 
et  y  mit  tout  à  feu  et  à  sang.  Après  cet  exploit,  les 
barbares  retoiurnèrent  à  Nichabourv  ils  en  répar- 
tirent bientôt,  accompagnés  de  Djéîal-eddin-Mo- 
hammed,  et  allèrent  mettre  le  siège  devant  Sebzé- 
var.  Les  habitants  de  cette  ville  essayèrent  de  leur 
résister,  sous  la  conduite  d*Imad-eddin- Ali-ben-Mo- 
hammed,  chefd.es  Alides.  Lorsque  les  Gouzzs  les 
virent  disposés  à  faire  bonne  contenance ,  ils  leur 
envoyèrent  deinander  léf  paix.  Un  accord  fttt  conclu , 
en  vertu  duquel  les  Gouzzs  jet  Djelal'-eddin  séloi 
gnèrent  de  Sebzévar,  et  retournèrent  à  Niça  et  Abi- 
verd ,  après  dix  jours  de  siège.  A  en  croire îlbjs^Ala- 
thir,  un  seul  des  habitants  de  Sebzévar  péiâl^iians 
cette  attaque ^   Ce  fait,  s'il  est  vrai,  peut  donner 

*  Au  lieu  de  ^lisaJ  L  ,  il  faut  sans  doute  lire  Ratécan  ^LS5*U, 
ou  mieux  qI^^U  ,  qui  est  le  nom  d'uae  ville  du  territoire  de  Tous. 
{ Voy.  le  Lobhel-Lohah,  de  Soyotfti,  éd.  Veth,  p.  I  If.' Voyez ausalÉdrici , 
GéotjrapKie,iTaià.  franc.  U  II,  p.  18 4.)  Les  historiens  persanj» , vantent 
souvent  la  beauté  des  environs  de  Radécan.  (Voyez,  entre  autres, 
Racbid-eddin ,  Histoire  des  Mongols  de  la  Perse,  p.  182.) 

'  Garnie V,i53,  i54-,m5.deC.P.  iSgr.Cf.Ibn-Khaldoun.ioc.&Mic/. 


456  JOURNAL  ASIATIQUE. 

une  idée  du  peu  d'habileté  que  les  Gouzzs ,  en  cela 
comme  en  tout,  dignes  précurseurs  des  Mongols, 
apportaient  dans  le  siège  des  places. 

Mouveiyed,  cependant,  était  resté  à  Djordjan 
après  le  départ  du  sultan  Mahmoud.*  Cette  époque 
arrivée,  il  marcha  vers  le  Khoraçan.  Sur  la  route, 
il  s  arrêta  dans  une  bourgade  du  territoire  de  Kha- 
bouchan,  que  Ion  appelait  Zanek,  i^j),  et  dans 
laquelle  se  trouvait  un  fort.  Les  Gouzzs ,  ayant  ap- 
pris cette  nouvelle,  marchèrent  contre  Mouveiyed 
et  l'assiégèrent' dans  cette  place.  Il  essaya  de  s'é- 
chapper de  la  forteresse  ,  mais  un  des  Gouzzs 
l'aperçut  et  s'empara  de  lui.  Mouveiyed  lui  promit 
une  somme  considérable  s'il  voulait  le  lâcher.  Le 
Gouzz  ayant  demandé  où  se  trouvait  cette  somme , 
Mouveiyed  répondit  qu'elle  était  déposée  dans  un 
endroit  voisin ,  et  fit  semblant  de  le  conduire  vers  ce 
lieu.  Chemin  faisant,  ils  arrivèrent  auprès  de  l'en- 
ceinte d'une  bourgade.  Mouveiyed  dit  au  cavalier: 
((  L'argent  est  ici.  »  Puis  il  monta  le  long  du  mm*  et 
descendit  de  l'autre  côté.  Dès  qu'il  eut  touché  le 
sol ,  il  prit  la  fuite ,  laissant  le  Gouzz  stupéfiât  et  hors 
d'état  de  le  poursuivre.  Mouveiyed  entra  dans,  la 
bourgade  et  y  fut  reconnu  par  un  meunier.  II  fit 
savoir  son  arrivée  au  chef  de  l'endroit ,  en  lui  de- 
mandant un  cheval.  Cet  homme  le  lui  donna  et 
l'aida  à  gagner  Nichabour.  Lorsque  Mouveiyed  lut 
arrivé  dans  cette  ville ,  les  troupes  qui  s'y  trouvaient 
se  rassemblèrent  autour  de  lui,  et  il  put  reprendjre 
son  ancienne  autorité.  Le  premier  usage  qu'U-eq  fit, 


NOVEMBRE-DECEMFBRE  1846.  457 

fut  pour- combler  de^ienfaits  le  meunier  qui  lavait 
aidé  dans  sa  fuite  ^, 

Lorsque  les  Gouzzs;  après  avoir  lové  le  siège  de 
Sebzévar,  s'avancèrent  vers  Niça  et  Abiverd  avec 
Mohammed ,  fils  du  sultan  Mahmoud ,  ce  dernier 
sortit  de  la  ville  à  la  tête  des  troupes  du  Rho- 
raçan.  Il  se  joignit  aux  Gouzzs,  et  les  ameiia  à  re- 
connaître son  autorité.  Mahmoud  était  animé  des 
meilleures  intentions  ;  il  voulait  rétablir  la  tranquil- 
lité  et  faire  revivre  la  prospérité  du  pays.  Mais  un 
pareil  dessein  était  bien  au-dessus  de  son  pouvoir. 
Après  xjue  les  Gouzzs  se  furent  réunis  à  lui ,  ils 
marchèrent  de  concert  vers  Nichabour,  où*se  trou- 
vait en  ce  moment  Mouveiyed.  A  la  nouvelle  de  leur 
approche,  celui-ci  abandonna  lâf  ville  au  milieu 
du  mois  de  chaban,  et  se  retira  à  Khaf,  c>t>^.  Les 
Gouzzs  entrèrent  à  Nichabour  cinq  jours  après  son 
départ.  Ils  ne  tourmentèrent  aucunement  les  habi* 
tants  de  cette  ville;  ils  en  sortirent  même  au  bout 
de  cinq  jours,  et  marchèrent  vers  Saràkhs  et  Merve. 
Mais  leur  départ  fut ,  pour  la  malheureuse  cité  de 
Nichabour,  le  signai  des  plus  grands  désastres^ 

Il  y  avait  alors,  à  Nichabour,  un  personnage  ap- 
pelé le/afei7i  (jurisconsulte)  Moùveiyed-ben-Houceïn- 
el-MouvalTéki ,  reîs  ou  chef  des*  partisans  de  Chafeï. 
Son  origine  et  ses  relations  de  parenté  le  ratta- 
chaient aux  plus  illustres  familles,  et  son  pouvoir 
était  appuyé  sm*  une  nombreuse  clientèle.  Il  arriva, 
vers  ce  temps,  qiiun  de  ses  compagnons  tua,  par 

^   Càmil-€ttévarikh,loc.  laud,  Ihu-Khalàoun^î,  7*] o  T. 


458  JOURNAL  ASIATIQUE, 

inégarde,  ;un  homme,  de  ia^ecte  de  Chafeï.  Le 
mort  était  allié  du  chef  des  Âlides,  Dakhaiveddin- 
Aboul-Cacim-Zeïd.  Celui-ci  envoya  sommer  le 
fakih  Mouveiyed  de  lui  livrer  le  meurtrier»  afin 
qu'il  pût  lui  faire  subir  la  peine  du  talion,  me- 
naçant le  fakïh  de  sa  vengeance ,  en  cas  de  refus. 
Mouveiyed  ne  voulut  pas  consentir  à  reniettre  Je 
coupable,  et  répondit  à  Aboul-Gacim  :  «Tu  nas 
pas  le  droit  de  Vimmiscer  dans  ce  qui  regarde  nos 
compagnons ,  et  tu  n  as  d'ordre  à  donner  qu  à  la 
classe  des  Âlides.  »  Le  nàkib,  furieux  de  ce  refus  et 
des  paroles  qui  raccompagnaient,  rassemjbla  ses 
compagnons  et  ses  adhérents,  et  marcha  contre  les 
Chafeïtes.  Ceux-ci  se  réunirent  également,  et  le 
combattirent.  Beaucoup  d'entre  eux. périrent  dans 
l'action.  Le  nakih  brûla  le  marché  (O^)  des  parfii- 
meurs,  ainsi  que  la  rue  de  Maad,  ]a  rue  du  ji^r- 
din  de  Thahir  et  la  ^maison  de  l'imam  Âbou  1-Maali- 
Djouveini ,  où  se  trouvait  le  fakih  chafeîte,  à  cause 
de  la  parenté  qui  existait  entre  lui  et'  rimam.  Le 
trouble  se  répandit  par  toute  la  ville,  he.fàkik 
Mouveiyed  rassembla  une  troupe  d'habitants  de 
Tous ,  d'Isféraïn  et  de  Djouveïn.  Ceux*ei  tuèrent 
un  des  adhérents  dû  nakib.  Les  Âlides  et  leurs  parti- 
sans marchèrent  contre  eux  et  leur  livrèrent  bataille, 
le  1 8  de  chewal  554  (2  novembre  1 1 59).  La  guerre 
continua  avec  plus  de  fiu'eur  qu  auparavant.  Les  mé- 
drécés,  les  marchés,  les  mosquées  furent  brûlés,  et 
beaucoup  deChafeïtespérirent.  Mouveiyed  se  réfugia, 
avec  une  poignée  de  ses  compagnons ,  dans  le  châ* 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  459 

teau  de  Farkhak,  vilL%^,  et  de  là  dans  une  bour- 
gade du  territoire  de  Tous.  Les  leçons  des  Cha- 
feïtes  cessèrent  entièrement  à  Nichaboiu*;  la  ville 
'  devint  la  proie  de  la  dévastation ,  et  fut  ensanglantée 
par  des  meurtres  nombreux^. 

Sur  ces  entrefaites ,  Moilveiyed-Aïbeh  revint  vers 
Nichabour,  accompagné  de  ses  troupes  et  de  l'imam 
Mouveiyed-Mouvafféki,  qui  était  allé  le  joindre.  Le 
nakib  des  Alides  se  fortifia  dans  Charistan,  (^bu^lô^, 
(ou  Chehristan).  Le  siège  se  prolongea  avec  grande 
effusion  du  sang,  et,  Nichabour  ayant  été  emportée 
de  vive  force,  ce  qui  restait  de  niaisons  dans -cette 
malheureuse  cité  fut  ruine.  Lès  Chafeïtes  et  leurs 
partisans  ne  gardèrent  àucuiie  mesure  dans  lem' 
vengeance.  Ils  dévastèrent  le  médrécé-sandalieh , 
iûJiXÂAaJt  iu«;4Xir,  qui  appartenait  aux  sectateurs 
d'Abou-Hanifah ,  et  se  dirigèrent  contre  le  cuhim- 
diz  (la  citadelle).  Les  troubles  continuèrent  avec 
une  violence  toujoiurs 'nouvelle. 

Lorsque  l'année  555  {i.i6o)  fut  commencée,  et 
que  Mouveiyed  vit  son  pouvoir  établi  fermenient  dans 
Nichabour,  il  s  attacha  à  se  conduira  avec  douceur 
envers  jses  sujets ,  particulièrement  envers  ies  habi- 
tants de  cette  ville.  D'autres  soins  réclamèrent  bien- 
tôt son  attention.  Plusieurs  hommes  s'étaient  ras- 
semblés dans  le  canton  d'Askil ,  cKajum'  ^,  et  y  avaient 
commis  toute  sorte  de  désordres.  Mouveiyed  en- 

^  Ibn-Âlathhr,  Camil.,  t.  V,  p.  i54,  i55;  Idem,  ms."  de  Gons- 
tantinople,  t.  V,  foL  189  r.  et  v. 

'  rbii  -  Khaldoun  (mss.  5|i,  fol.  73  r.  et  4^,  270  v.  )  écrit 
jLjl&[  Acbkii. 


460  JOURNAL  ASIATIQUE, 

voya  d'abord  vers  eux ,  pour  les  inviter  à  renoncer 
au  mal  et  à  rentrer  dans  Tob.éissance  ;  mais  ils  refu- 
sèrent d*y  consentir.  Alors  Mouveiyed  fit  marcher 
contre  eux  une  troupe  nombreuse ,  qui  tua  la  plu- 
part des  rebelles  et  ruina  leur  forteresse  ^  Mou- 
veiyed se  dirigea  de  Nichabour  vers  Beîhac,  où  il 
arriva  le  1 4  de  rébi  second ,  et  de  ce  dernier  en- 
droit vers  le  château  de  Khosraudjird ,  ù^jo^j^^m»^^. 
C était  une  place  très-forte,  dont  on -attribuait  la 
construction  à  Keïkhosrou ,  le  vainqueur  d'Âfra- 
ciab ,  et  où  était  enfermée  une  garnison  composëe 
d'horhmes  déterminés.  Mouveiyed  fit  le  siège  de  ia 
place  et  dressa  contre  elle  des  balistes.  Les  défen- 
seurs de  l'endroit  résistèrent  pendant  quelque  temps; 
mais  ;  à  la  fin ,  Mouveiyed  s  empara  du  château  et  y 
mit  Une  garnison ,  après  en  avoir  fait  sortir  tous 
ceux  qui  s  y  trouvaient. 

Il  retourna  à  Nichabourf  le  20  de  djoiunada  pre- 
mier ,  -puis  il  marcha,  vers  Hérat;  mais  û  ne  put  s  en 
rendre,  maître.  Il  revint  à  Nichabour  et  se  dirigea 
contre  la  ville  de  Cundur,  j*>^,  une  des  dépen- 
dances de  Thouraïtsits ,  cu^U^^^.  Un  homme  nommé 

'  Ibn-Alatliir,  t.  V,  p.  171,  ms.  dé  C.  P.  fol.  191  r.  ibn-Khal- 
doun,  mss.  ^,  fol.  78  r.  et  -4*,  270. 

^  D  après  Soyouthi  {Lobh  eULobab,  édition  Veth,  p.  ^),  Kbot- 
raudjird  était  une  bourgade  auprès  de  Beîhac.  SeloD  le  Mèracii' 
Alittila,  c'était  la  capitale  du  canton  de  Beîhac,  avant  mU  w*L« 
(Édrici  :  Sarawan  (jÏjÎjLm).  Khosraudjird  me  parait  être  l^droit 
dont  le  nom  se  lit  dans  Édrici  (trad..de  M.  A.  Jaubert,  t.  Il,  p.  177 
et  i84)Djeser-Wadjird,:i^^L^^.«,c^,  et  (i6id.p.  18a),  Kha^ukerd 

^  D  après  Soyouthi  (Lohb  cl*Lobah,  p.  IMa),  Thouraïtsits  est  os 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846,  461 

Ahmed,  el  surnommé  Kharbendeh  (lesdave  de 
làne),  parce  qu'il  était  muletier  de  profession ,  s'était 
emparé  de  cette  ville,-  et  une  troupe  de  vagabonds, 
de  voleurs  et  de  malfaiteurs  s'était  jointe  à  lui.  Ces 
misérables  dévastèrent  une  grande  partie  du  pays, 
et  tuèrent  un  certain  nombre  d'habitants.  Mou- 
veiyed  marcha  donc  contre  eux.  Ils  se  fortifièrent 
dans  le  château  qui  leur  appartenait.  Mouveiyed  Jes 
combattit  avec  vigueur,  et  dressa  contre  la  place  les 
balistes  et  les  instruments  de  siège.  Enfin ,  Ahmed 
se  soumit  à  Mouveiyed,  et  consentit  à  être  compté 
au  nombre  de  ses  compagnons  et  de  ses  partisans  ^ 
Le  prince  de  Nichabour  l'accueillit  de  la  manière  la 
plus  affable  et  le  combla  de  bienfaits.  Mais,  dans  la 
suite,  cet  homme  se  révolta  contre  Mouveiyed,  et  se 
fortifia  dans  son  château.  Mouveiyed  le  lui  enleva  de 
vive  force,  et  chargea  de  liens  le  rebelle;  puis  il  le 
mit  à  mort. 

Le  prince  de  Nichabqur  marcha ,  dans  le  mois  de  ra- 
madhan  (septembre  1160),  vers  lé  canton  de  Beïhac , 
pour  combattre  ses  habitants,  qui  s'étaient  révoltés. 
Lorsqu'il  approcha  de  la  ville,  un  religieux  de  l'en- 
droit vint  le  trouver,  et  l'invita  à  pardonner  à  ses 
concitoyens.  Il  y  consentit  et  s'éloign^.  Sur  ces  entre- 
faites ,  le  sultan  Rocn-eddin-Mahmoud  envoya  auprès 

canton  du  territoire  de' Nichabour.  Quant  à  Cundur,  je  crois  que 
c'est  la  même  ville  dont  le  non)  se  lit  Kaîderm  j>  %  jk..AjCet  Kaîder, 
jj^A^Tdans  Édrici  (t.  I,  p.  1 54,  et  t.  II,  p.  182). 

^  Selon  Ibn-Khaldoun  [dictis  locis)^  Mouveiyed  s'*empara  de  la 
place  de  vive  force.  Mais  il  y  a  sans  doute  tine  lacuhe'en  cet  en- 
droit, ou  bien  Îbn-Klialdoun  a  confondu  les  deux  sièges  ensemble.' 


462  JOURNAL  ASIATIQUE. 

de  M ouveiyed ,  pour  le  confirmer  dans  la  possession 

de  Nichabour,  de  Tous  ei  de  leftrs  dépendances. 

Une  tribu  de  Turcs,  noînmée  les  Berzis»  ^i^^'i 
était  établie  près  d'Ouzkend,  et  avait  pour  dief 
laghmaç-Khan,  fils  d'Oudak,  (^^^l  (^  ^l^^^-^sî^. 
Un  détachement  de  Tannée  du  Khareun-clud]  les 
attaqua ,  dans  le  mois  ,de  rébi  premier,  et  en  fit  un 
grand  carnage.  laghmar-Khan  s  enfuit,  avec  une 
poignée  d'hommes,  auprès  du  sultan  Mahmoud  et 
des  Gouzzs,  et  implora  leur  secours.  Il  pensait  que 
Ikhtiar-eddin-Inac  avait  excité  les  Kharèzmiens  à 
lattaquer.  En  conséquence ,  les  Gouzzs  marchèrent 
avec  lui  contre  Inac,  par  le  chemin  de  Niça  et  d'Âbi- 
verd.  Inac, ne  se  sentait  pas  la  force  deieur  résister, 
sollicita  Tappui  de  son  voisin ,  le  roi  du  Mazendéran. 
Ce  prince  marcha  à  son  secours ,  à  la  tête  d'une  ar- 
mée de  Curdes,  de  Deïlémites  et  de  Turcomans, 
qui  habitaient  les  environs  d'Âbeâcoun.  Les  Gouiss 
et  les  Berzis  lui  livrèrent  bataille,  dans  les  environs 
de  Déhistan.  Il  Jes  mit  cinq  fois  en  déroute.  Les 
Gouzzs,  désespérant  de  vaincre  le  corps  de  bataille 
du  roi ,  firent  une  chargé  sur  Taile  droite ,  dont  Inac 
avait  le  conunandement,  et  la  contraignirent  à  fiiilr. 
Le  roi  du  Mazendéran  prit  aussi  la  fuite  ;  il  se  retira  â 
Sarieh.  Inac  gagna  d  abord  Kharezm.  Les  Gouzzs  pil- 
lèrent et  ruinèrent  Déhistan,  ainsi  que  Djordjan,  dans 
Tannée  556  (i  1 6 1).  Cependant,  Inac  marcha  contre 
Boghra-Téguin-Bazgouch-Aldjoucani,  (^Ky4  0^^» 
qui  s  était  emparé  du  district  de  Djouveïn.  Bogfara- 
Téguin  s  enfuit  et  se  retira  auprès  de  Mouveiyed, 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  463 

qui  le  prit  à  son  service.  Inac  s  empara  du  petit  état 
de  Boghra-Téguin ,  et  eh  pilla  les  richesse^^ 

Dans  le  mois  de  rébi  second  556  (avril  i  i6i), 
Mouveiyed  fit  arrêter  les  principaux  personnages  de 
Nîcbabour  et  les  mit  en  prison.  Parmi  eux  «e  trou- 
vait le  nakib  (chef)  des  Aiides,  Aboul-Cacim-Zeïd,  fils 
d*Hacan ,  el-Houceïni.  D  leur  repix)cba  les  violences  et 
les  rapines  dont  quelques  membres  de  la  famille  d*Ali 
s  étaient  rendus  coupables  envers  If  s  habitants  et 
leurs  femmes.  «C'est  vous,  leur  dit-il,  qui  avez  ex- 
cité Tavidité  des  vagabonds  et  des  malfaiteurs.  Si 
vous  aviez  voulu  les  empêcher  de  commettre  ces 
actes,  certes  ils  s  en  seraient  abstenus.  »  Il  fit  mettre 
à  mort  plusieurs  malfaiteurs ,  et  rukia  la  ville.  Parmi 
les  édifices  qui  furent  détruits  était  la  mosquée 
d'Akil ,  qui  servait  de  rendez-vous  aux  savants ,  et 
dans  laquelle  se  trouvait  une  bibliothèque.  Dix-sept 
collèges  appartenant  aux  seuls  Chafeïtes,  et  huit 
autres  appartenant  aux  Hanéfites  subirent  le  même 
sort.  Cinq  bibliothèques  fiu'ent  brûlées,  sept  furent 
pillées  et  les  livres  qui  les  composaient  vendus  à 
vil  prix.  Mouveiyed  se  transporta  ensuite  à  Chadiakh 
^UiLw^,  Il  répara  les  murailles  de  cette  ville,  cons- 
truite par  Abd-AUah ,  fds  de  Thahir,  gouverneur  du 
Khoraçan  au  nom  du  khalife  Mamoun ,  et  rebâtie 

'  Ibn-Alathir, p.  170,  171,  172,  178,  ou  ms.  deC.  P.  foî.igsr. 
et  V.  Ibn-Khaldoun,  27or.  ^  .      , 

,  *  Cest  ainsi  que  je  lis  avec  Soyouthi  (Lobb,  p;  II^a),  le  Méra- 
cid  ,  nos  deux  mss.  d'Ibn -  Alathir ,  et  le  Djihan-Guchaî,  ins. 
persan  69,  fol.  74  r.  au  lieu  de  ^L^LûCkadbakh,' lecture  adop- 
tée dans  la  plupart  des  mss.  persans. 


liàk  JOL^RNAL  ASIATIQUE, 

dans  la  suite  par  le  sultan  Âlp-Ârslan.  Lorsque  ces 
travaux  furent  terminés ,  Mouveiyed  fixa  sa  rësidence 
dans  Chadiakh,  ainsi  que  ses  sujets;  et  la  mine  de 
Nichabour  fut  consommée  ^ 

Au  mois  de  djoumada  second,  le  suitan  Mah- 
moud ,  accompagné  des  Gouzzs ,  vint  assiéger  Mou- 
veiyed dans  Chadiakh.  On  ignore  ia  cause  de  cette 
rupture  entre  le  suzerain  et  son  puissant  vassal; 
quoi  qu'il  en  soit ,  la  guerre  se  prolongea  jusqu'au 
mois  de  chaban  de  la  même  année.  Alors  Mah- 
moud, lassé  probablement  des  exigences  de  ses 
alliés,  feignit  de  vouloir  entrer  dans  les  bains 
chauds.  Il  entra,  en  effet,  à  Chehrista'n,  comme  un 
fugitif,  s  échappant  des  mains  des  Gouzzs.  Ceux-ci 
restèrent  auprès  de  Chadiakh  jusqu'à  la  fin  de  chev- 
val ,  puis  ils  s'en  retournèrent ,  se  répandant  dans  les 
villages  et  les  dévastant.  Ils  pillèrent  Tous,  assiégè- 
rent le  mechhed  (sépulcre)  d'Ali-ben-Mouça-ar^Ri- 
dha ,  tuèrent  et  dépouillèrent  im  grand  nombre  de 
ceux  qui  s'y  trouvaient;  mais  ils  respectèrent  le  dôme 
sous  lequel  était  placé  le  tombeau.  Lorsque  le  sid- 
tan  Mahmoud  fut  entré  dans  Chadiaikh,  Mouyéîyed 
commença  par  le  traiter  avec  égards  ;  mais,  dans  les 
premiers  jours  de  ramadhan  de  Tannée  suivante 
(septembre  i  162),  il  se  rendit  maître  delà  pçrsonne 
de  ce  prince ,  et  le  priva  de  la  vue ,  en' lui  faisant  pas- 
ser devant  les  yeux  un  poinçon  rougi  au.  feu*.  Mou- 

'  Ibn-Alathir,  V,  179,  180;  ou  ms.  de  G.  P.  foi.  igS  v.  194  r. 
AboulTéda,  t.  III,  p.  578;  Ibn-Khaldoun,  271  v. 

^  Fbn-AIatbir,  p.  1 79 ;  Mirkhond ,  Histoire  des  t^Uuu  du  Kktutzm» 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  A65 

veiyed  s*empara  des  ridbesses,  de$  pierreries- et 
autres  objets  de  prix  que  Mahmoud  gardait  auprès 
de  lui,  et  qu'il  avait  jusque-là  cachés  avec  soin, 
craignant  pour  eux  i  avidité  des  Gouzzs*  Puis  il  fit 
disparaître  de  la  }ihotbàh  le  nom.  du  sultan,  dans 
Nichaboiu*  et  les  autres  villes  qui  étaient  .sous  son 
pouvoir,  et  ordonna  d  y  substituer  son  propre  nom 
après  celui  du  khalife  Mostandjid-Billah.  Il  prit  aussi 
le  fils  de  Mahmoud,  Djélal-eddin-Mohanuned,  le 
priva  de  la  vue  et  le  jeta  en  prison,  ainsi  que  son 
père  ;  mais  il  leur  laissa  leiu:s  concubines  et  leurs 
serviteurs.  Ds  restèrent  captifs  ju^pi'à  leur  dernier 
jom\  Au  rapport  dlbn-Alathir,  Mahmoud  mourut  le 
premier  et  fut" suivi  de  près  par  son  fils,  que  le  cha- 
grin de  fisolement.où  lavait  laissé  le  trépas  de  son 
père  ne  tarda  pas  à  conduire  au  tombeau. 

Dans  Tannée  556,  Mouveiyed  était  allé  mettre  le 
siège  devant  la  ville  de  Charistan,,  proche  de  Nicha- 
bour.  Il  avait  avec  lui  Djélal-eddin -Mouveiyed- 
Movafieki,  le  Chafeïte.  Un  jour  que  ce  dernier  était 

p.  i3  et  i4;  idem,  Historid Seldschukidarum;  p.  igS;  Djikan-Cuchqi, 
par  Ata-Mélic-Djoueîni ,  ms.  36  Ducàurroy,  fol.  67  v.  Qamd-AHali- 
Gazobîni,  ms.  persan  de  la  Bibi.  royale,  n"  tS  Gentil,  fol.  so5  y. 
Moadjmeli  Fac^i,  apud  Dom ,  BmUetin  de  la  classe  hisiorico'pkUolo' 
giqae  de  l'académie  impéridledeSaint-Pétershourj,  t.  II,  1 845, col.  3i. 
Dans  ce  dernier  ouvrage ,  Mahmoud  eft  appelé  Mohammed. —  On 
voit,  diaprés  cet  exposé,  si  d'Herbeiot  a  eu  raison  d*avanoer  [Bihlio- 
ikèqae  orientale,  é.dit.  in-4^  II,  SaG]  que  «Thistoire  ne  nomm^uMs 
le  seigneur  qui  se  révolta  contre  Mahmoud.  •  Quant  à  de  Gnignes, 
il  se  contente  de  dire  :  «  Âîbeh  fit  faire  en  son  nom  la  prière  pu- 
blique ,  ce  qui  était  une  révolte  contre  Mahmou4,'  dont  Thistoire  ne 
parle  plus. •  (Hi5toire  de^ffuiu^  II»  362.) 

VIII.  3o 


466  JOURNAL  ASIATIQUE, 

monte  à  cheval,  une  pierre  partie  d*une  baiisfe 
l'atteignit  et  le  tuà,  le  5  de  djoumada-ei-Akhir. 
Le  siëge  se  prolongea  jusqu'au  mois  de  chaban  de 
Tannée  SSy  (août  1 162)^;  alors  la  place  se  rendit 
et  fut  pillée  par  Tarmée  de  MouVfeiyed  ;  seulement, 
la  vie  et  la  liberté  des  femmes  furent  respectées'. 

Le  27  de  séfer  5 87,  Mouveiyed  assiégea  Âbou- 
Becr-Djandar  dans  la  forteresse  de  Vaskéréb-Hous, 
ij»y^  f^ji^^^j  une  des  dépendances  de  Tous.  Cétait 
un  château  extrêmement  fort.  Les  habitants  de  Tous 
prêtèrent  leur  concours  à  Mouveiyed,  à  cause  de  la 
mauvaise  conduire  d'Abou-Becr  envers  eux  et  de  sa 
tyrannie.  Abou-Becr,  se  voyant  serré  de  près,  eut- 
recours  à  la  soumission,  et  sortit  de  la  forteresse, 
par  capitulation ,  le  ao  de  rébi  premi^.  Mouveiyed 
le  mit  en  prison  *. 

Mouveiyed  marcha,  aussitôt  après,  contre  Caris- 
tan  ,  ^Uuw^  château  fort  assis  sur  la  cime  d'une  haute 
montagne.  Le  possesseiu*  de  cette  place,  Abou-Becr . 
Fakhii:,  vint  de  lui-même  trouver  Mouveiyed  et  se 
soiunit  à  lui.  Dans  le  mois  de  djoumada  second, 
Mouveiyed  envoya  ime  armée  contre  Isféraîn.  Le 
reïs  ou  chef  de^ cette  ville,  Abd-eirahman ,  fils  de 
Mohammed,  se  fortifia  dans  la  citadelle.  L*année 

^  Telle  est  la  leçon  qae  présentent  nos  deux  manascritt  dlbn- 
Alathir.  Au  lieu  de  *cw,  sept,  Ibn-Khaldoun  écrit  «muT,  neuf. 

'  Ibn-Aiatbir,  p.  i83,  ou  ms.  de  G.  P.  foi,  igii  v. 

3  Je  suis  ici  le  manuscrit  de  G.  P.  Tautre  eiein|^ire  dlbn- 
Alathir  porte  iry^  *J^J' 

*  Ibn-Alathir,  p.  186;  Ibn-Klialdonn ,  271  v. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  407 

de  Mouveiyed  i  entoura  de  tous  côté»  et  le  fbrça'à  se 
rendre.  Il  fut  conduit ,  chargé  de  chaînes ,  à  Cbadiakh , 
où  on  lemprisonna.  Dans  le  mois  de  rébî  second 
558  (mars  1 163),  il  fut  mis  à  mort.  Enfin,  Mou^^ 
veiyed  s  empara  de  la  citadelle  (3*Kâ^  )  de  Nichabour . 
A  partir  de  ce  moment,  la  princ^MUité  de  Mouveiyed 
comprirïoutes  les  localités  situées  autour  de  Nicha- 
bour. Parmi  ces  endroits,  un  historien  persan ,  i'au^ 
tem' du  Thabacati-Naciri^,  mentionne  Djam,  Dja- 
djerm,  Charistan,  Djordjan  et  Bakharz,^^L.  Les 
habitants  de  Nichabour  s*étant  transportés  à  Cha- 
diakh ,  celle^îi  remplaça  lancienne  Nichabotlt,  qui 
fut  entièrement  ruinée^.  ^ 

Mouveiyed.  envoya  une  armée  vers  Khaf,  c>t^. 
Dans  cette  ville  se  trouvait  un  émir  nommé  Ar*- 
ghich,  0^'-  ^^^  homme  mit  un  détachement'  en 
embuscade  dani^  des  passages  étroits  et  difficiles  ;  pour 
lui,  il  s  avança  à  la  rencontre  de  Tarmée  de  Mou- 
veiyed et  la  combattit.  L'embuscade  étant  sortie  de 
son  poste,  les  soldats  de  Mouveiyed  furent  mi^  eijt 
déroute ,  avec  de  grandes  pertes.  Les  ftiya)rds  jetoui^ 
nèrent  auprès  de  leur  maître,  dans  la  nouvelle  Ni- 
chabour. Mouveiyed  fit  marcher  une  autre  «tmèé 
contre  Bouchendj,  qui  appartenait  à  Mohammed, 
fils  d*Houceïn,  roi  du  Ghour.  La  ville  fut  assiégée  et 

':■'-■     '^ 

*  Ms.  77  Anquetil ,  fol.  1 27  r. 

«  Jl  t^t  L^f  otû»!  J^J'  *#l«  «sib"  U  J^t-o^j 

«iUxjJt  AÂj(xIf  o^jj^  j  ^.L^Ui  Ibn-Aiathir,  dici,  Zoco.  Pour  k 
clarté  du  récit,  je  suivrai  désorinais  Texemple  dlbn-Alathir,  en 
donnant  à  Ghadiakh  le  nom  de  la  VîHe  qu'elle  rem]^a[k. 


468  JOURNAL  ASIATIQUE. 

se  défendit  avec  vigueur.  Mohammed  envoya  un 
corps  de  troupes  à  son  secours.  A  Tapproche  de 
l'ennemi ,  Tarmée  de  M ouveiyed  leva  le  siège  et  se 
retira  ^ 

Dans  Tannée  558  (i  1 63),  Mouveiyed marcha  vers 
le  pays  de  Coumès^^t  s  empara  deBestham  et  de  Da- 
méghan.  Il  plaça  dans,  ces  villes,  en  qualifl  de  mu( 
ou  gouverneur,  son  esclave  Tenkiz,^>^,  qui  fixa  sa 
résidence  à  Bestham.  Bientôt ,  un  désaccord  étant  su^ 
venu  entre  Tenkiz  et  le  roi  du  Mazendéran,  Rous- 
tem ,  fils  d'Ali,  les  deux  partis  se  livrèrent  bataille, 
au  commencement  de  dzoul-hidjdjeh  558  (novem- 
bre 1 1 63).  L'armée  du  Mazendéran  fiit  mise  en  dé- 
route ,  non  sans  une  grande  perte  d'hommes  et  de 
butin. 

Lorsque  Mouveiyed  se  fut  emparé  du  pays  de 
Coumès,  le  sultan  seldjoukide  Arslan,  fils  de  Tho- 
ghril ,  lui  envoya  des  khilab  précieux  et  des  éteq- 
dards,  en  signe  d'investiture,  ïd»^JÛM  iy^t.  Il  lui 
prescrivit,  en  même  temps,  de  faire  prononcer  la 
khotbah  en  son  nom,  dans  les  pays  qu'il  occupait, 
et  de  consacrer  tous  ses  soins  à  reconquérir  les  di- 
verses portions  du  Khoraçan,  afin  de  les  tenir,  à  titre 
de  vice-roi,  sous  sa  suprématie.  Mouveiyed  dut  ces 
présents  et  ce  message  à  l'atabeg  Chems-eddin- 
...illdéguiz ,  qui  exerçait  toute  l'autorité  dans  les  états 
du  Seldjoukide  et  qui  était  lié  avec  lui.  H  revêtit  Içs 
hhilcUs  envoyés  par  Arslan  et  fit  prononcer  la  khotbah 
au  nom  de  ce  sultan ,  dans  les  cantons  de  Coumès, 

^  Ibn-Âlathir,  Ibn-Rhaldoun ,  dictU  locU. 


NOVEMBREDÉCEMBRE  1846.  469 

de  Nichabbur  et  de  Thous,  et  depuis  Niça  jusqu'à 
Thabes  Kileki.  H  faisait-  prononcer  son  propre  nom 
à  la  suite  de  celui  d'Arslan  ^. 

Dans  Tannée  55g  (i  i6&),  le  roi  deMazendéran 
équipa  une  armée  dont  il  donna  le  commandement  à 
un  émir  pommé  Sabic-Eddin  Kazouini.  Ce  général 
marcha  vers  Daméghan,  et  s'en  rendit  maître.  Tenkîz 
réunit  les  troupes  qui  se  trouvaient  auprès  de  lui, 
et  se  dirigea  contre  Sabic-Eddin.  Celui-ci  sortit  Ae 
Daméghan  et  alla  au-devant  de  Tenkiz ,  à  son  insu. 
Le  général  de  Mouveiyed,  attaqué  à  lïmproviste, 
prit  la  faite  et  retourna  auprès  de  son^  maître.  De 
Nichabour,  il  partait  souvent  pour  faire  des  courses 
contre  Bestham  et  ieCoumès^. 

Le  roi  du  Mazendéran,  Rotistem,  mourut  dans 
le  mois  de  rébi  i*  56o  (janvier-février  1 165  ).  Son 
fils,  Ala-Eddin  Haçan,  tint  cette  mort  secrète,  jusqu'à 
ce  qu  il  se  fût  mis  en  possession  de  ses  états.  Après 
quoi,  il  la  publia.  Inak,  prince  die  Djordjan  et  ^e 
Déhistan,  oubliant  les  services  qu*il  avait  reç^  de 
Roustem,  voulut  enlever  à  son  fils  la  souveraineté 
du  Mazendéran;  mais  il  n'obtint  aucun  succès\ 

Molivelyed  avait  fait  marcher  ime  armée  contre 
Néça,  pom*  assiéger  cette  ville.  Au  mois  de  djou^ 
mada  P  56o,  le  Kharezm-chah  Il^-Arslan,  fils.d'Atsiz, 
envoya.ime  armée  au  secours  de  Néça.  A  son  ap- 

1  Ibn-Alathir,  192,  igS,  ou  ms.  de  C.  P.  fol.  196  r.  fim-Khid- 
doun,  fol.  373  r.  Âboufféda,  p.  588. 

^  Ibn-Alathir,  306,  207,  oums.  de  G.  P.  fol.  1^9  r.Ibn-Khaidoun, 
272  r. 

^  Ibn-Alathir,  p.  20 S;  Ibn-Khaldoun,  dictohco. 


470  JOURNAL  ASIATIQUE. 

proche,  les  troupes  de  Mouveiyed  décampèrent  et 
retournèrent  à  Nichabour  ;  mais  1  armée  du  Kharexm 
s  étant  dirigée  vers  Nichabour,  celle  de  Mouveiyed 
se  porta  à  sa  rencontre  et ,  par  ce  mouvement ,  la 
contraignit  à. battre  en  retraite.  Le  prince  de  Néça 
se  soumit  au  Kharezm-chah,  et  fit  prononcer  la  khat- 
bah  en  son  nom.  Les  troupes  du  Kharezm  mar^ 
obèrent  vers  Déhistan.  Le  prince  de  cette  vîfle, 
rémir  Inac ,  se  retira  auprès  de  Mouveiyed ,  son  an- 
cien ennemi;  il  en  fut  accueilli  avec  bonté.  Mouvei- 
yed envDya  à  son  secours  ime  armée  considérable; 
qui  séjoiu*na  auprès  de  lui,  et  Taida  à  repousser  les 
attaques  auxquelles  il  était  exposé  du  côté  du  Hia- 
baristan .  Mais  les  Kharezmiens  parvinrent  à  s*emparer 
de  Déhistan,  où  ils  placèrent  un  gouverneur  (iuL^)^ 
Kémir  Itéguin  ((^jvJa^!)  était  prince  de  Hérat 
Une  trêve  existait  entre  lui  et  les  Gouzzs.  Lorsque 
ceux-ci  eurent  tué  le  roi  du  Ghour,  Mohammed , 


^  Ibn-Alathir,  p.  a 08;  Ibn-Khaldoun ,  fol.  27a  r.  Ce  ne  fut  pu 
ia  seule  circonstance  dans  laquelle  Mouveiyed  eut  affaire  aux  Kha- 
rezmiens. Voici,  en  effet,  ce  qu'oii  lit  dans  MirUMind:.cGomiiie, 
après  la  mort  du  sultan  Sindjar,  quelques-uns  de  ses  esclaves,  qui 
se  distinguaient  par  leur  excessive  bravoure,  et  qui  avaient  pour 
chef  Mélic  Mouveiyed,  avaient  fait  prisonnier,  dans  Nichabour,  le 
sidtan  Rocn-eddin  Mahmoud-Khan ,  neveu  par  sa  mère  et  sncceaieuf 
de  Sindjar,  et  l'avaient  privé  de  la  vue,  Il-Arslan,  ayant  tiré  du 
fourreau  Tépée  de  la  vengeance,  revint  (des  bords  de  la  Soghd)  et 
se  dirigea  vers  Chadbakh  {sic).  Il  assiégea  les  rebelles  dans  cette 
ville;  mais,  des  ambassadeurs  ayant  interposé  leur  médiation,  la  peîz 
fut  conclue.  »  (Histoire  des  sultans  du  Kharezm^  p.  1 3, 1 4.  Cf.  le  Tiuikld 
Guzideh,  ms.  9  Brueix,  fol.  1 65  r.  et  IcDjihan-Cuchaîj  ms.perHUi  69, 
foi.  74  r.)  Ce  dernier  auteur  place  cet  événement  en  Tannée  558. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  471 

fils  de  Houceïn  ^  Itéguîn  convoita  ses  étatà.  H  ras- 
sembla des  troupes,  marcha  vers  ie  Ghour,  dans  le 
mois  de  ramadhan  559,  ^^  s'avança  au  loin  dans 
cette  contrée.  Mais  les  Ghouriens  îe  combattirent , 
le  mirent  en  déroute  et  le  tuèrent.  Après  sa  mort, 
les  émirs  Gouzzs  se  dirigèrent  contre  Hérat  et  IW 
siégèrent.  Un  nommé  Athir-Eddin  exerçait  Tautorité 
dans  la  ville.  Il  avait  de  Tinclination  pour  les  Gouzzs, 
et  leur  envoyait  en.  secret  des  messages,  Le^  habi- 
tants de  Hérat ,  ayant  eu  connaissance  de  sa  trahi- 
son, se  réunirent^  ie  tuèrent  et  mirent  à  sa  place 
Aboul-Fotouh-Ali,  fils  de  Fadhl-Allah  at-Toghm. 
Ils  députèrent  ensuite  à  Mouveiyed  pour  lui  faire 
leur  soumission.  Mouveiyed  envoya  à  leur  secours 
son  esclave  Seif-Eddin- Tenkiz ,  à  la  tête  d'ime  ar- 
mée. Il  fit  partir  une  autre,  armée,  qui  fit  Une  incur- 
sion sur  les  territoires  de  oarakhs  et  de  Merve,  et 
enleva  les  bêtes  de  somme  des  Gouz^.  A  cette  nou- 
velle ,  les  Gouzzs  levèrent  le  siège  de  Hérat  et  re- 
tournèrent à  Merve  ^. 

Dans  la  même  année  56 o ,  Mouveiyed  fit  arrêter 
son  vizir  Dhia- el- Mule -Mohammed,  fils  JAbou- 
Thalib  -  Saad ,  Temprisonna  et  nomma  à  sa  place 
Nacir-Eddin- Abou-BecT'Mohammed,  fils  d'Abou- 
Nasr-Mohammed,  qui,  sous  le  règne  de  Sindjar  avait 
rempli  les  fonctions  d'inspecteiu*  (cil^-ûl  )  du  divan  '. 

^  On  peut  consulter,  sur  cet  événement,  l'Histoire  des  suitatts 
Ghourides,  par  Mirkhond,  p.  36,  5o  et  5i  de  mon  édition. 
^  I))n-Alathir,  p.  206,  208,  209;  Ibn-Kbàhloun ,  27s  r. 
*  Ibn-Aiathir,  p.  2 1 1 .  '  . 


472  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Le  sultan  du  Kharezm,  Il-Arsian,  étant  mort  dans 
le  mois  de  redjeb  867,  son  fds  cadet,  Sultah-Chab- 
Mahmoud,  qu'il  avait  déclaré  son  successeur,  monta 
sur  le  trône,  sous  la  tutelle  de  sa  mère,  Méliké-Tor- 
can.  Mais  le  frère  aîné  de  ce  prince,  Tacach-Khan, 
qui  avait  le  gouvernement  de  Djend ,  se  retira  dans 
les  états  de  Gour-khan ,  souverain  des  Carakhitsâens. 
Il  fut  accueilli  avec  faveur  par  une  princesse  qui 
exerçait  alors  Tautorité  dans  le  royaume  du  Gara- 
khitaï.  Il  s'engagea  à  payer  chaque  année  un  tribut 
considérable,  s  il  pouvait  se  rendre  maître  du.  Kha- 
rezm, avec  Taidedes  Garakhitaïens.  La  régente,  ga- 
gnée par  cette  promesse ,  envoya  son  mari  à  la  tète 
d  une  armée  considérable ,  afin  qu'il  établît  Tacach 
siu*  le  trône  du  Kharezm.  A  i  approche  de  son  fipère 
et  de  ses  auxiliaires,  Sultan-Chah  sortit  de  Kha- 
rezm avec  sa  mère,  et  se  retira  auprès  deMouveiyed, 
après  avoir  eu  soin  de  se  ménager  un  favorable  ac- 
cueil, en  envoyant  à  Nichabour  des  présents  consi- 
dérables. Mouveiyed ,  séduit  par  les  promesses  de 
Turcan,  rassembla  ses  troupes  et  se  mit  en  marche 
vers  Kharezm,  avec  Sultan-Ghah  et  sa  mère.- A  cette 
nouvelle ,  Tacach  se  porta  à  la  rencontre  des  enne- 
jmis,  jet  campa  siu*  la  lisière  des  déserts  qui  s'éten- 
dent en  avant  de  Kharezm  \.  Gomme,  à  cause  de  h  ' 

^  Rachid-eddin  (ms.  persan  68  Â,  fol.  gi  r.)  et  Âla-eddin  Ata- 
Mélic  (ms.  persan  36  Ducaurroy,  fol.  67  r.)  appellent  rendroif  où 
Tacach  se  posta  dj-îy^y  SouherU.  Le  dernier  de  ces  écrivains  ajoute:    . 

«C'est  une  ville  qui  actuellement  possède  de  Teau.»  ^j  g  ^  mU 
CK^»»!  AJiJjf  c^[  j^^jyL^I  <kI^c>m^  On  lit  dans  Ibn-iUAlliîr  : 


NOVEMBRE.DÉCEMBRE*1846.  Ô73 

rareté  de  leau  dans  ce  désert,  Tarmée  de  Mouveîyed 
ne  pouvait  songer  à  le  traverser  en  masse ,  et  que 
d'ailleiu^  elle  ignorait  la  proximité  de  Tennemi, 
elle  se  divisa  en  plusieurs  corps,  qui  partirent  suc- 
cessivement ;  mais  chacun  de  ces  corps,  arrivé  à  la^ 
limite  des  déserts,  jl  trouvait  Tacach,  qui,  l'atta- 
quant à  Improviste,  le  détruisait  sans  peine.  Mou- 
veiyed,  ^i,  selon  Ala-eddin  et  Rachid-eddm ,  se 
trouvait  à  lavant-garde,  fut  fait  prisonnier  et  cour 
duit  devant  Tacach,  qui  lui  fit  fendre  le  corps  en 
deux  devant  sa  tente.  Ce  désastre,  d après'  Ata-Mé- 
lic,  Rachid-eddin  et  Bénâkéti,  arriva  le  g  de  dzoul- 
hidjdjeh  669  (1 1  jiÉlet  1 17À);  mais  Dzéhébi  place 
'  la  date  de  la  mort  de.Mouveiyed  dans  Tannée  568^. 
Lorsque  les  fuyards  de  lamiée  de  Mouveiyed 
furent  de  retour  à  Nichahour,.  ils  placèrent  sur 

f^jj\j-^  {j^  Li^jj  ^jjj^  J^  ÏO^  J[j^<Soubepli,  pe- 
tite ville  à  :2o  parasanges  de  Kharezm.»  Le  Méracid  al-Itiila  écrit 
^jjya»,  Soaberni,  et  ajoute  que  cest  le  nom  d*uii  bourg  dépendant 
de  Kharezm,  à  20  parasanges  du  canton  de  Ghehristan.         ^ 

^  Ibn-Alathir,  p.  25o;  AbouiTéda,  t.  IV,  p.  2;  Ibn-Khddonn, 
373  r.  et  276  r^  Mirkhond,  Histobre  des  sultans  du  Kharezm,  p.  i4» 
17;  Rachid-eddin,  dict,  loc.  Bénak^éti,  ms.  de  la  Biblioth^ue  de 
Leyde ,  n"  626  ;  Khondémir,  Habib-essiier,  ms.  de  Leyde,  fol.  265  r. 
Dzéhébi,  ms.  arabe,  753,  fol.  9  r.  DjOum-Cuchti^j^ms.  persan  6g; 
NQV^ïri  j  ms.  2  i  de  la  bibliothèque  de  Leyde,  çh.  II  de  la  cinquième 
section  du  cinquième  livre.  —  Une  raison  qui  me  paraît  militer 
puissamment  en  faveur  de  Topinion  de  Rachid-eddin  etd*Ata-Mélic, 
cest  quon  lit  dans  Ibn-Alathir  (p.  273),  à  la  date  de  Tannée  Sôg, 
«  Un  grand  combat  eut  lieu  entre  Mouveiyed,  prince  de  Nichabour, 
et  le  roi  du  Mazendéran...  Ce  dernier  fut  mis  en  déroute.  Mouveiyed 
entra  dans  le  pays  des  Deîlémites  ,1e  dévasta ,  et  tua  un  grand  nombre 
de  ses  habitants;  après  quoi ,  il  retourna  à  Nichabour.  i 


474  JOURNAL  ASIATIQUE. 

le  trône  Abou-Becr-Thoghan-Chah,  fils  de  Mou- 
veiyed.  Le  nouveau  roi  vit  bientôt  arriver  à  sa  cour 
Suttan-Chah,  fuyant  une  seconde  fois  devant  son 
frère,  qui  lavait  chassé  de  Déhistan,  avait  pris 
Turcan  et  lavait  fait  mettre  à  mort.  Mais  Sul- 
tan-Chah, ayant  reconnu  que  Thoghan-Chah  était 
hors  d'état  de  le  secourir  dKiommes  ou  d'argent» 
quitta  ce  prince  .et  se  retira  auprès  des  y)uyeraim 
du  Ghour,  Ghaïats-eddin'et  Ghehab-eddin,  qui  le 
reçurent  avec  honneur,  mais  refusèrent  d'embrasser 
sa  querelle.  Bientôt,  une  occasion  favorable  se  pré- 
senta pour  Sultan-Chah.  Tacach-Khan,  une  fois  af- 
fermi sur  le  trône  du  Kharezil^,  par  le  secours  des 
Carakhitaïens,  n  avait  pas  tardé  à  se  lasser  des  exi- 
gences de  ces  puissants  alliés.  Un  parent  du  roi  des 
Carakhitaïens  étant  arrivé  à  Kharezm,  en  qualité 
d ambassadeur,  avec  une  suite  nombreuse,  afin  de 
réclamer  le  tribut  stipulé ,  Tacach  le  logea ,  ainsi  que 
ses  compagnons^  chez  les  principaux  habitants  de 
la  capitale ,  et  ordonna  à  chacun  de  ceux-ci  de  tuer 
son  hôte  pendant  la  nuit.  Ce  commandement  (ut 
ponctuellement  exécuté ,  et  aucun  des  envoyés  n  é- 
chappa^. 

Le  souverain  du  Carakhitai,  irrité  de  ce  massacre, 
envoya  à  la  cour  de  Ghaîats-eddin  des  députés  oiar- 
gés  de  mander  Sultan-Chah.  Ghaîats-eddin  congé- 
dia ce  prince,  en  ]e  comblant  de  présents.  Sultan- 

^  Mirkkond,  Histoire  des  saUans  du  Kharezm,  p,  17,  18;  Un- 
Alathir,  p.  a5o;  Ibn-Kbaldoan ,  fol*  376  r.  Rachid-eddio ,  fol.  gir. 

Djihan-Cnchai. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  184«.  475 

Chah  étant  arrivé  auprès  du  roi  des  Carakhitaïens, . 
la  régente  fit  partir  son  mari,  à  la  tête  d'une  année 
nombreuse,  et  lui  enjoignit  d'aider  Sultan-Chah 
contre  Tacach.  Lorsque  les  ennemis  furent  arrivés 
près  de  Kharezm,  et  qu'ils  eurent  mis  le  siège  devant 
cette  ville,,  Tacach-Khan  ordonna  de  détourner  les 
eaux  au  Djeïhoun  sur  le  terrain  qu'ils  occupaient. 
Peu  s'en  fallut  qu'ils  ne  fussent  tous  submergés.  Ds 
levèrent  le  siège,  non  sans  accabler  de  reproches 
Sultan-Chah ,  qui  leur  aysik  assiu*é  que  les  habitants 
de  Kharezm  penchaient  en  sa  faVem\  et  qu'ils  lui 
livreraient  leur  ville  dès  qu'ils  l'apercevraient. 
Sultan-Chah  dit  au  général  des  Caraklîitaïéns  :  «  Si  tu 
m'envoies  avec  une  armée  vers  Sarakhs  ^  j'enlève- 
rai cette. ville  à  Dinar  le  Gouzz.  »  Ce  chef  s'était 
emparé  de  Sarakhi^,  à  l'époque  de  la  révolte  des 
Gouzzs  contre  Sindjar.  Le  général  des  Carakhitaîens 
donna  à  Sultan-Chah  les  troupes  qu'il  demandait. 
Sultan-Chah  s'étaut  dirigé  vers  Sarakhs,  à  la  tête  de 
ce  détachement,  fondit  à  l'improviste  sur  la  ville  et 
tua  un  grand  nombre  de  Gouzzs.  Dinar,  effrayé  -de 
cette  aMjjue  soudaine,  se  jeta  dans  le  fossé  de  la 
citadelle ,  lequel  était  rempli  d'eâu^.  Les  honUnes  de 

^  Les  rass.  d'Ibn-Alathir  (p.  sSi,  ou  ms.  de  G.  P.  fdl.  268  r.)  et 
d*Ibn-KhaldoiiD  (276  v.)portent  ici  jj^,  Merve,  au  lieu  de  Sarakhs; 
mais  la  suite  du  récit  prouve  éyidemment  qu  il  s'agit  de  la  dernière 
de  ces  villes.  D'ailleurs ,  Mirkhond  dit  positivement  (  Histoire  des 
sultans  du  Kharezm,  p.  19)  :  «  Il  demanda  au  Fouma  (ce  titre ,  qui  si- 
gnifie ,  en  Chinois,  gendre  du  roi,  était  celui  que  portait  le  général 
des  Carakhitaîens) ,  d'envoyer  avec  bj^ufie  troupe  de  sddats  à 
Sarakhs.  1  ^ 

^  Khondémir  ajoute  céff  mots,  qui  ne  sont  pas  inutile»  ponr  Tin- 


476  '     JOURNAL  ASIATIQUE.     ^ 

la  garnison  le  retirèrent  du  fossé  avec  une  cordée 
Dinar  s'étant  fortifié  dans  la  citadelle,  Sultan-Chah 
renonça  à  lassiéger  et  se  rendit  à  Merve,  où  il  con- 
gédia ses  auxiliaires  carakhitaîens.  De  Merve,  Sul- 
tan-Chah faisait  fréquemment  des  courses  contre 
Sarakhs.  La  plupart  des  Gouzzs  qui  vivaient  dans  ce 
canton  se  dispersèrent  pour  échapper  à  la  mort  on 
au  pillage  dont  ils  se  voyaient  à  chaque  instant  me- 
nacés par  un  ennemi  infatigable.  Dinar,  abandonné 
de  ses  compatriotes,  et  ^connaissant  Timpossibilité 
de  résister  à  Sultan-Chah,  envoya  un  député  à  Tho- 
ghan-Chah,  dont  les  Gouzzs  reconnaissaient  la  so- 
prématie  ^,  et  pria  ce  prince  de  lui  donner  Bestham 
en  échange  de  Sarakhs.  Thoghan-Cfaah  fit  partir  pour 
Sarakhs  une  armée  commandée  par  Témir  Qmar-Fi- 
rouzcouhi^.  Dinar  remit  la  citadelle  à  cet  ofiBcier  et 
se  retira  auprès  de  Thoghaii-Chah,  et  de  là  àfiestham. 
Lorque  l'armée  de  Tacach  arriva  k  Djadjenn, 
dans  rintention  d'envahir  Tlrac,  Mélic-Dinar  aban- 
donna sa  principauté  et  se  joignit  à  Tbog^ian- 
• 

telligence  du  récit  :  2>j»  (j^>djt^  C^^  4^^  qui  HF prodie  di 
son  camp  (fol.  265  v.) 

^  Telle  est  la  version  de  Mirkhond  (p.  19).  D'aprtc  JUb-eddin  Ali- 
Méiic  (ms.  persan  36  Ducaurroy,  fol.  67  r.  Ms.  P.  69,  ane.  tamk, 
fol.  75  r.) ,  et  Rachid-eddin  (fol.  9 A  r.) ,  Dinar  fat  tiré  du  ftvéptf 
les  cheveux. 

^  D après  Rachid-eddin  (ms.  persan  68,  fol.  7s  r.  68Af  fl  96r4f 
Méiic  Dinar  était  gendre  de  Thoghan-Chah. 

^  Je  suis  ici  la  version  d^a-eddin ,  de  Rachidreddin  et  de  Béai- 
kéli.  Tbn-Aiatliir  et  Ibn-Kffdoun  nomment  cet  émir  GaraooochiflB 
qui  prouve  qu'ils  lont  confondu  avec  son  succeueur. 


NOVEMBRE-DÉCJEMBRE  1846.  477 

Chah  ^ .  Celui-ci  rappela  Omar  Firouzcouhi  de  Sarâkhs, 
et  envoya  en  sa  place  Témir  Caracoueh,  un  des  es- 
claves de  son  père.  Sultan-Chah  se.  dirigea  vers  Sa- 
râkhs ,  avec  trois  mille  cavaliers,  et  en  assiégea  la  cir 
tadelle.  Thoghan-Chah  marcha  contre  lui  à  la  tête  de 
dix  mille  hommes  ^.  Le  mercredi  16^  de  dzouïhidj- 
dj eh  576  (1 3  mai  1 1 8  i),les  deux  ennemis  en  vinrent 
aux  mains.  Thoghan^hah  fiit  mis  en  déroute  et  son 
camp  livré  au  pillage.  On  y  trouva  trois  cer^  jeux  de 
trictrac  >^^Ai:i^4XAaju«.  A  la  suite  de  cette  défaite, 
Caracoueh  évacua  la  citadelle  de  Sarakhs  et  se  retira 
auprès  de  son  maître.  Sultan-Chah  s*emp^ra,  non-seu- 
lement de  Sarakhs ,  mais  encore  de  Tous  et  de  Zlam  *, 
pj>Jt.  Il  ne  cessa  depuis  lors  d  entreprendre  des  incur- 
sions contre  Thoghan-Chah;  car,  ainsi  que  le  foit  ob- 
server Ibn-Alathir,  Sultan  Chah  était  un  prince  doué 
de  sentiments  élevés,  d'un  caractère  ardent  et  in- 

\  Ce  détail ,  que  j'extrais  du  Djikan  Cachai,  a  été  reproduit  par 
Racbid-eddin  (foi.  94  v.) ,  mais  non  par  Mirkhond.  S*il  est  exact,  il 
faut  en  conclure  que  Tacach  entreprit ,  ou  du  moins  médita  une 
expédition  dans  Tlrac,  avant  Tannée  676  {1180-1),  ç'est-à-dire ,  au 
moins  douze  ans  avant  la  première  de  ^s  expéditions  connues  dans 
cette  contrée.  Le  fait  peut  être  vrai;  mais  il  est  assez  étonnant  qulbn- 
Alatbir,  Ibn-Khaldoun  et  Abourféda  n'en  aient  pas  dit  un  seul  inot. 

^  Je^  me  conforme  ici  au  récit  de  Rachid-eddin  et  de  Benakéti. 
D  après  Ala-eddin  (ms.  36  Ducaurroy,  fol.  67  v.) ,  MirkKond  (p.  ao) 
et  Khondémir  (dict,  loc.)^  Sultan-Chah  aurait  commtmdé  à  1 0,000 
cavaliers.  « 

*  Le  23,  d'après  le  .ms.  Ducaurroy. 

^  Au  lieu  d*Al-Zan^  leçon  qui  n'est  donnée  que  par  ui^  de  nos 
mss.  d'Ihn-Alathîr,  un  ms.  d'Jhn-Khaldoun  porte^Jjf,  Àl-Zemm. 
D'après  Soyouthi  (Lohh,  1^^),  iU-Zam  est  le  nom  d'un  canton 
voisin  de  Nichahour.  .  «. 


478  JOURNAL  ASIATIQUE, 

quiet,  et  désireux  de  se  rendre  maître  de  Tautoritë; 
tandis  gu  au  contraire  son  adversaire  ne  recherchait 
que  le  repos  et  la  boisson.  A  en  croire  Tauteur  da 
Thabacati'lSaciri^^  Thoghan-Chah était  tellement  efiTé- 
miné,  qu*il  portait  une  chemise  dont  les  manches 
avaient  dix^u^zde  longueur,  et,  après  y  avoir  attadié 
des  sonnettes  dor ,  il  dansait  dans  ce  ridicule  attirail. 
Les  principaux  émirs  dû  prince  de  Nichabour,  &ti- 
gués  des^icessantes  attaques  de  Sultan-<]!hah, prirent 
le  parti  de  passer  du  coté  de  ce  prince.  Dans  son  im- 
puissance ,  Thoghan-Chah  eut  recours  à  Tacach  et 
aux  princes  du  Ghour.  D'après  Thistorien  que  nous 
venons  de  citer,  Thoghan-Chah,  dès  son  avène- 
ment, avait  conclu  une  aUiance  avec  ces  puissants 
voisins,  leur  avait  envoyé  des  députés,  et  avait  de- 
mandé pour  son  fils,  Sindjar-Chah,  la  main  de  la 
fdle  du  sidtan  Ghaïats-eddin-Mohammed.  Les  grands 
et  les  ouléma  de  Nichabour  se  rendirent  à  Hërat 
et  conclm^ent  ce  mariage.  Thoghan-Chah,  plein  de 
confiance  dans  cette  alliance ,  se  transporta  à  Hérat; 
mais  ce  voyage  fut  inutile;  il  ne  put  obtenir  aucun 
secours  contre  Sultan-Chah,  et  sa  détresse  ne  finit 
qu'avec  sa  vie.  Il  mourut  la  nuit  du  lundi  la  de 
mouharrcm  58 1  (i5  avril  ii85)*^  . 

'  Ms.  persan.  i3  Gentil,  fol.  aoi  r. 

'  Telle  est  la  date  donnée  par  Ala-oddin  (ms.  69,  fol.  78  v.); 
Rachid-cddin  (fol.  94  v.)  ;  Bénakéti  et  Khondëmir  (Habib  tgner.  m. 
de  Leydc,  fol.  265  v.)  ;  ?4irkhond  [dicta  2oco)  donne  égdement  la 
date  de  moharrem  58 1.  Mais  Ibn-Alathir  (ms.  de  G.  P.  fol.  908  r.) 
et  Dzéhébi  (  ms.  arabe  753,  fol.  9  r.)  disent  que  Thogban-Ghab  bob- 
rut  entnobarrem  58a. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  479 

La  même  nuit,  son  fils  Sindjar-Chah  monta  sur 
le  trône.  Un  esclave  de  son  aïeul ,  nommé  Mén- 
gi^éli-Téguin ,  s  empara  de  toute  lautorité,  sous  le 
nom  de  Sindjar-Chah ,  qu'il  avait  élevé ,  et  signala  son 
pouvoir  par  toutes  Sortes  d'exactions  et  d'injustices. 
Les  émirs  de  Thoghan-Chah  se  dispersèrent  et  se 
joignirent,  pour  la  plupart,  à  Sultan-Chah,  afin 
d'échapper  à  cette  insupportable  tyrannie.  Mélic- 
Dinar  se  retira  dans  le  Kerman ,  et  s  en  empara 
avecl'aide  d'im  grand  nombre  de  Gouzzs,  qui  vinrent 
de  toutes  parts  se  ranger'  sotis  son  commandement. 
Au  commencement  de  l'année  58a,  Tacach  vint 
de  Kharezm  dans  le  Khoraçan.  Au  mois  de  rébi  pre- 
mier, il  mit  le  siège  devant  Nichabôur  et  le  continua 
durant  deux  mois ,  selon  Ibn-Alathir, ,  Ibn  -  Khal- 
doim,  Dzéhébi,  Ala-eddin,  Ràchid-^eddin  ,et  Khoii- 
démir,  ou  durant  trois  mois,  d'après  Mirkhond; 
après  quoi,  il  consentit  à  la  paix  et  retoimia  à  Kha- 
rezm; puis  il  envoya,  auprès  de  Sindjar-Chah,  le 
grand  chambellan  Chéhab-eddin-Maçoud ,  Seïf-ed- 
din-Merdan-Chah  \  le  khovan-salar  .{maître  de  la 
table)  et  le  catib  Béha-eddin-Mohammed^  de  Bag- 
dad, afin  de  terminer  la  conclusion  du  traité  et  de 
recevoir  le  tribut  stipl^é.  Menguéli-Beg,  ayant  fait 
arrêter  ces  trois  hommes,  les  envoya,  chargés  de 
chaînes,  auprès  de  Sultan-Chah,  qui  les  garda  en 
prison  jusqu'à  ce  qu'il  eût  fait  la  paix  avec  Tacach. 

^  Au  lieu  de  Merdan-Ghah,  leçon  qui  notis.ést  foinmie  par  Mir- 
khond (p.  2i),  Radhideddiu  (fol.  gd  r.)  écrit  jA^Lit^^j^»  Âla-eddin 
(ms.  69 ,  fol.  76  r.)  {^\2ij^j^ ,  et  Khondëmir  (366  r.)  oW  o(i>*' 


480  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Vers  le  même  temps,  Timam  Borhan-eddin-Âbou- 
Saîd,  fils  de  ]*iinan  Fakhr-eddin-Abd-el-Âziz-Coufi, 
cadi  et  cheikh  el-islam  du  Khoraçan ,  étant  venu  â 
Nichabour,  Menguëii-Beg  se  saisit  fie  sa  personne 
et  le  mit  à  mort.  Sur  ces  entrefaites,  Suitàn-Chah 
marcha  de  nouveau  contre  Nichabour;  mais  il  se 
retira  après  un  siège  de  quelques  jours  et  alla  pres- 
ser la  ville  de  Sebzévar^.  . 

Le  vendredi,  i  Ix  de  moharrem  583  (26  mars  J 1 87), 
Tacach  vint  mettre  une  seconde  foi^Ie  siège,  devant 
Nichabour,  et,  ayant  employé  des  machines  dleguerre, 
il  réduisit  Sindjar-Chah  et  Menguéli-Beg  aux  der- 
nières extrémités.  Menguéli-Beg  prit  pour  médiateurs 
les  séîds  et  les  oulémas  de  la  ville ,  et  demanda  à  capi- 
tuler. Tacacha  ccueillit  cette  demande  ;  la  ville  lui  fut 
remise,  etilyfitson  entrée  le  mardi  7  de  rébi  premier. 
Il  donna  des  surveillants  à  Menguëli-Beg,  afin  de  lui 
faire  rendre  tout  ce  dont  il  s*était  injustement  em- 
paré ,  et  de  le  restituer  aux  légitimes  possesseurs. 
Après  quoi,  il  le  remit  entre  les  mains  de  Timam 
Fakhr-eddin-Abd-el-Aziz-Coufi,  conformément  à  un 
fetva  (décision  juridique)  des  imams  de  Nichabour. 
Fakhr-eddin  égoi^ea  Menguéli,  en  représailles  du 
meurtre  de  son  fils.  Tacach  donna  le  gouvernement 
de  la  principauté  de  Nichabour  à  son  fils  aine,  Mëli^ 
Chah  2. 


^-Mirkkond,  p.  31',  32;  Khondémir,  266  r.  Rachid-eddin,  ÎA. 
94  V.  Ibn-Alathir,  p.  35%. 

'  Mirkhond ,  p.  3 3  *,  Ibn-Âlathir,  p.  35  x ;  Dzéhébi,  fol.  9  v.  RAchîd- 
eddio ,  95  r.  Khondémir,  àict,  loc,  de  Guignes  a  fautiTement  fait  deni 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  481 

Quant  à  Sindjar-Chah,  Taqach  l'emmena  avec 
•lui  à  Kharezm ,  le  traita  avec  considération,  le  com- 
bla de  bienfaits ,  lui  donna  sa  iille  en  mariage ,  et 
épousa  lui-même  la  mère  de  ce  prince.  La  fdle  de 
Tacach  étant  morte  au  bout  de  quelque  temps, 
Sindjar-Chah  prit  pour  femme,  à  sa  place,  une  sœm* . 
du  sultan. 

Mélic-Chah ,  ayant  laissé  à  Nichabom*,  pour  le 
remplacer,  son  fds  Arslan-Chah,  se.  rendit  à  Kha- 
rezm ,  auprès  de  Tacach.  Pendant  Fabsence  de  Mé- 
lic-Chah, Sindjar-Chah,  à  l'instigation  de  quelques 
hommes  turbulents,  résolut  de  se  révolter  contre 
le  sultan ,  et  envoya  des  affidés  à  Nichabour,  afin 
de  gagner  à  sa  cause  les  habitants  de  cette  ville; 
mais  Tacach,  ayant  appris  ces  menées,  le  manda 
'auprès  de  lui.  , 

Sindjar-Chah.se  rendit,  sans  défiance,  à  la  cQur 
de  son  beau-frère ,  qui  le  priva  de  la  vue  et  le  mit 
en  prison.  On  dit  que  Sindjar-Chah  n  avait  pas  en- 
tièrement perdu  la  vue  ;  mais  il  cachait  si  soigneu- 
sement cette  circonstance,  quil  ne  mit  pas  même 
dans  sa  confidence,  sa  femme,  sœur  du  sidtan,  et 
feignit  d'ignorer  les  déportements  de  cette  prin- 
cesse. Cette  adroite  conduite  lui  réussit;  au  bout  de 
quelque  temps ,  il  recouvra  sa  liberté ,  par  Tinterces- 
sion  de  sa  femme  et  des  grands  de  la  cotir.  Les  fiefs 
qu'il  possédait  avant  sa  captivité  furent  remis  à  ses 
hommes  de  confiance.  Il  passa  tranquillement  le 

villes  de  Chadiakh,  ou,  comme  il  écrit,  Schad-bagh,  et  de  Nicha- 
bour, t.  II,  1.  xiv,  p.  260. 

VIIT.  3i 


482  JOURNAL  ASIATIQUE. 

reste  de   ses  jours,  et  expira  dans  le  courant  de 
Tannée  695  (i  199)  ^: 

Tels  sont  les  détails  que  nous  ont  fournis  les 
écrivains  arabes  et  persans  sur.Mouveiyed  et  ses 
deux  successeurs.  Peut-être  trouvera-t-on  que  nous 
les  avons*  transcrits  trop  fidèlement,  et  que  l'histoire 
d  aussi  petits  princes  ne  méritait  pas  d'être  retrace 
avec  d'aussi  longs  développements  ;  mais  on  ne  sau- 
rait disconvenir  que  ce  travail  ne  tire  quelque  intérêt 
des  renseignements  qu'il  présente  sur  plusieurs  points 
importants  de  Thistoire  orientale.  Il  oflre  des  &its 
nouveaux  relativement  aux  Seldjoukides,  aux  Ghou- 
rides,  aux  rois  du  Mazendéran ,  aux  sultans  du  Kha- 
rezm  et  aux  Gouzzs.  Cette  considération  me  servira 
d  excuse  auprès  des  lecteiu^s  impartiaux  et  disposés 
à  accorder  quoique  sympathie  aux  recherches  qui* 
ont  pour  objet  Thistoire  des  nations  musulmanes. 


ETUDE 

Sur  le  roman  malay  de  Sri  Rama,  par  M.  Aug.  Dozoïf. 


T.ROISIÈME  PARTIE. 
FRAGMENTS    DE    TRADUCTION. 

Les  fragments  qui  suivent  sont  pris  dans  ma  iradiiclîon, 
depuis  longtemps  terminée  en  grande  partie,  du  Sri  Rama. 

^  Mirkliond,  p.  3i,  32;  Iba-Alajthir,  p.  25 1.  Diéhébi,  fol.  9  t. 
Khondémir,  fol.  267  v.  Tarikhi  Guzideh^  ms.  Brueix,  f.  i65  v. 


NOVEMBRE-BÉCEMBRE  1846.  483 

Ils  sont  choisis ,  en  évitant  de  reproduire  aucun  des  passages 
cités  et  traduits  par  Marsden  (Mùlayan  GrammaTj  p.  1 63-i  gS), 
de  manière  à  faire  connaître  à  peu  près  la  marche  du  récit  et 
la  forme  de  la  composition  ;  à  donner  une  idée  des  caractères, 
aussi  bien  que  des  mœurs  et  des  usages ,  et  à  montrer  la 
nature  des  rapports  qui  rattachent  Touvrage  à  la  littérature 
sanscrite.  La  traduction  est  exécutée  avec  une  fidélité  8(?ru- 
puleuse,  et  qui  paraîtra  même  pe^t-étre  exagérée,  dans  le 
dessein  de  reproduire  exactement  le  génie  à  la  fois  du  peuple 
et  de  la  langue  :  c'est  le  seul  mérite  qui  pouvait  être  cherché 
ici.  On  remarquera,  par  ce  moyen,  que,  mise  à  part  quel- 
que prolixité,  la  manière  malaye  est  des  plus  sohres,  et 
ne  souffre  rien  qui  soit  inutile,  pris  en  soi,  rien  qui  trahisse 
Tauteur  savant  et  lettré,  et  surtout  qu  elle  a  le  rare  avantage 
d'ignorer  parfaitement  Tofficiel  et  le  convenu.  Le  style  est 
populaire,  dans  le  meilleur  sens  ;  il  exprime  cet  état  heureux 
d'une  langue  où  la  pensée  et"  le  langage  ne  se  sont  point  en- 
core séparés ,  et  ne  sauraient  être  distingués  l'un  de  l'autre. 
Pour  les  détails  qi^i  auraient  besoin  d'éclaircissexnents,  les 
lecteurs  sont  priés  de  recourir  aux  notes  de  l'analyse  (numéro 
de  mai  i846,  pag.  461  et  suiv.). 


HISTOIRE    DE    SRI  RAMA   EN    MALAY. 

I.    DÉBUT    DE    VODVRAGE. 

Ceci  est  l'histoire  qui  est  racontée  par  les  hommes 
des  anciens  temps.  Celui  donc  à  qui  appartient  ce 
récit  (le  narrateur)  rapporte  que,  dans  le  pays  de 
Kling  • ,  ii  y  avait  un  radja  dont  le  royaume  était 

'  11  faut ,  ou  que  ce  mot  de  Kling  désigqe  Tlnde  entière,  puisque , 
d'une  part,  dans  le  Bamayana',  les  états  des^an^tres  de  Rama  sont 
placés  vers  l'extrémité  septentrionale  d^rc'êtte  cointrée,  et  bien  loin 

'•-"''■'   "■"     ■  *,   3i. 


/m  JOURNAL  AI51AT1QUE. 

fort  étendu ,  et  il  lui  donne  le  nom  de  Maharadja 
Sri  Rama,  fils  de  Maharadja  Dasarata.  Quant  à  Ma- 
haradja Dasarata,  il  était  fils  de  Dasarata  Tchakra- 
vati;  Dasarata  Tchakravati  était  fils  de  Dasarata 
Raman;  Dasarata  Raman  était  fils  de  Dasarata,  et 
Da'sarata  était  fils  dû  prophète  Adam  ^ 

Dasarata  Maharadja  était  doué  d'une  puissance 
surnaturelle,  d'une  force  et  d'un  courage  extraor- 
dinaires; c'était  un  guerrier  sans  égal ,  et  il  avait  une 
belle  figure.  De  son  temps,  aucun  des  rois  de  ce 
monde  n'aïu'ait  pu  lui  être  comparé.  Or,  ce  prince 
résolut  de  faire  chercher  un  lieu  pour  y  bâtir  une 
ville  conforme  à  ses  désirs ,  afin  de  la  laisser  à  ses 
descendants,  et  il  ordonna  à  son  ferdana  mantri'^, 
nommé  Pouspa  Djaya  Karma,  de  partir  pour  faire 
cette  recherche.  Pouspa  Djaya  prit. congé  dejsa  ma- 
jesté, et  se  mit  en  route  avec  les  mantris,  les  hôu- 
loubalangs  et  les  rayats  ,  qui  le  suivirent  au  nombre 
de  quarantg  mille.  Au  bout  de  quelque  temps,  ils 


de  la  côte  de  Coromandcl,  et  que,  d'autre  part,  il  ne  se  trouve 
aucun  autre  terme  qui  marque  également  l'Inde  ou  ^es  liabitants; 
ou  bien  il/aut  que  1  action  ait  été  transportée,  par  l'auteur  maiay. 
sur  la  côte  sud-est  de  la  presqu'île.  (Voir  note  4  de  l'analyse, 
pag.  /162,  mai  18A6.) 

*  .Voir,  à  ce  propos ,  la  note  2  de  l'analyse. 

*  Ferdana  mantri,  (_5jaâ-o  qÎJ^  (^tj^ji,  ar.  «seul,  uniquei. 
C'est  le  premiet  ministre;  il  équivaut  à  ce  que  nous  connaissons, 
par  les  contes  orientaux ,  sous  le  nom  de  grand  vizir.  Il  est  presque 
indififéremment  désigné  par  ce  titre  ou  par  celui  de  mangko  boumi, 
^«j  cfiautf;  Quelquefois  cependant,  comme  on  peut  le  voir  par  le 
onzième  de  ces  fragments,  ces-  deui  titres  marquent'dâs  dignités 
distincte»,  qui  sont  occupées^par  des  personnels  diiféreiitcs. 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.    '       485 

rencontrèrent  un  lieu  tel  que  le  désirait  Dasarata 
Maharadja.  Alors  Pouspa  Djaya  ordonna  aux  qua 
rante  mille  rayats  d'en  arracher  les  arbres  et  d'eii 
ehlever  les  pierroi;  qui  étaient  énormes;  ensuite  il 
dépêcha  un  mantri  pour  informer  le  maharadja 
(de  cette  nouvelle).  Quand  ce  mantri  arriva,  il  fut 
introduit  en  présence  du  maharadja,  et  il  dit  • 
«  Votre  majesté  a  ordonné  de  chercher  un  lieu  con- 
forme à  ses  désirs;  vos  esclaves  ont  trouvé  ce  lieu , 
qui  est  favorable  pour  y  bâtir  une  ville.  Le  terrain 
est  uni,  et,  au  milieu,. il  y  a  une  colline  qui  con- 
vient pom*  y  placer  le  palais  de  votre  majesté.  Le 
prince  fut  ravi  d'entendre  les  paroles  du  mantri, 
et  il  ordonna  à  tous  les  radjas,  mantris,  houlouba- 
langs  et  eunuques ,  aux  bantaras  et  à  tous  les  grands  * 
de  la  ville  d'Isfahaboga  d  aller  nettoyer  ce  lieu.  Tous 
ces  gens  donc  partirent  pour  aller  réjoindre  Pouspa 
Djaya  et  ses  rayats.  Lorsqu'ils  furent  arrivés,  les 

*  Lesmantris,  (<vXÂ^  (sk.  if^) ,  forment  une  classé  de  nobles, 
conseillers  du  souverain.  Les  radjas,  ^  sr^)*  composent  une  autre 
classe  de  nobles  ou  de  princes.  Les  houloubalangs,  xJLJyb,  cons- 
tituent une  sorte  de  gardes  du  corps.  Ils  paraissent  occuper  une 
dignité  assez  élevée  ;  car,  lorsque  Sri  Rama  est  au  moment  de  tuer 
Ravana,  il  dit  à  ce  dernisr  que,. s'il  avait  voulu  se  àoumettre,  il 
l'aurait  fait  son  houloubalaug ,  et  que  sa  gloire  et  ses  honneurs  en 
auraient  été  décuplés.  Les  bantaras,  jUij,  sont  des  hérauts;  ils 
se  tiennent  ordinairenient  aux  deux  côtés  du  trône.  Il  y  a  le 
bantara  de  droite,  ^JojUâj,  et  le  bantara  de  gauche,  *b;Àj 
jTy^.^.  Une  de  leurs  fonctions  consiste  à  lire  publi(|uement  les 
lettres  de  créance  apportées  par  les  ambassadeurs  étrangers.  Rayats, 
A^j ,  est  le  terme  arabe ,  et  marque  le  commun  du  peuple.  Les 
eunuques  sont  désignés  par  le  mot  f  cVyww,  sida-sidas^  dont  je  ne 
connais  pas  Torigine.       .  . 


486  JOURNAL  ASIATIQUE. 

radjas  et  les  mantris  se  mirent  à  travailler,  chacun 
avec  leur  détachement,  de  sorte  qu'au  bout  de  deux 
ou  trois  jours  la  place  fut  éclaircie.  Lorsqu'ils  arri- 
vèrent juste  au  milieu  de  la  collii|e,  il  s'y  trouva  un 
bambou  betoung  couleur  de  l'or  le  plus  pur,  et  dont 
les  feuilles  ressemblaient  à  de  l'argent,  et  tous  les 
arbres  qui  entouraient  ce  bambou  s'inclinaient  vers 
lui,  comme  (pour  lui  servir  de)  parasols  et  l'afariter. 
Les  mantris  et  les  houloubalangs  s'approchèrent  pour 
abattre  ce  bambou;  mais,  lorsqu'ils  le  coupaient  a 
droite,  il  repoussait  à  gauche,  et  lorsqu'ils  ie  cou- 
paient à  gauche,  il  repoussait  à  droite;  et  ainsi  sans 
relâche.  Les  radjas,  les  mantris  et  les  houloubalangs 
s'étonnèrent  de  cette  circonstance,  et  Mantri  Pouspa 
Djaya  s'en  retomna  à  la  hâte  pour  en  infcfrmer 
Maharadja  Dasarata.  Le  prince  lut  très-étonné  d'en- 
tendre le  rapport  de  son  ministre,  et  il  dit  :  ce  S'il  en 
est  ainsi,  il  faut  que  j'aille  demain  vous  voir  abattre 
ce  bambou.^) 

Le  lendemain  donc,  le  prince  monta' sur  son  élé- 
phant blanc,  et  se  mit  en  marche,  suivi  des  radjas, 
des  mantris ,  des  houloubalangs ,  tchetrias  ^,  eunu- 

^  lue  mot  tchetrias,  Lj^a^  ou  ^jxa^  »  a  conservé  une  trace  de 
l*ahcienne  influence  sociale  ou  civile  de  Tlnde.  On  y  reconnaît  le  sk. 
kchatriya  ;  mais  il  faut  entendre  par  \k  simplement  une  classe  de 
nobles,  et  non  point  les  hommes  de  la  caste  militaire  et  royale. 
Cette  division  des  castes  est  inconnue  des  Malays.  Lç  nom  tchetiia 
n'est  jamais  appliqué  à  une  personne  en  particulier,'  nuds  à  tonte 
une  classe  d'individus ,  et  ne  figure  que  dans  les  énumérationi  aem- 
hlables  à  celles  quon  voit  ici.  Au  contraire,  dans  le  poéÎBe  javanais 
intitulé  ïViwoho,  Hardjounno  (Ardjouna)  est  plusieurs  fois  qualifié 

deeairiyo ,  (M  (flSlQ  cm  \  autre  forme  altérée  de  kchatriya. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  487 

ques ,  ban  taras ,  et  du  peuple  et  de  1  armée  en  nombre 
incalculable.  Lorsqu'il  fut  arrivé ,  le  prince  demanda  : 
«Où  est  ce  bambou?»  Et  Pouspa  Djaya  répondit  : 
«  Majesté ,  c  est  celui-là  qui  est  abrité  par  tous  les- 
arbres.»  Le  prince  vit  alors  le  bambou,  qui  était 
de  toute  beauté,  et  qui  avait  une  senteur  délicieuse 
comme  le  nard  et  le  musc,  et  il  dit  :  «  Pouspa  Djaya , 
attaque  ce  bambou,  que  je  voie  !»  Pouspa  Djaya 
tira  aussitôt  son  sabre ,  grand  comme  un  cocotier, 
et  il  attaqua  le  tronc  du  bambou.  A  chaque  coup 
qu'il  donnait,  le  bambou  était  abattu;  mais,  sm*  le 
champ,  il  repoussait  è  gauche,  et  s'il  frappait  à  gau- 
che ,  le  bambou  repoussait  à  droite  ;  ce  que  voyant , 
le  prince  fut  rempli  de  colère.  Il  descendit  de  son 
éléphant  en  tirant  son  sabre,  et  en  frappa  le  bam- 
bou, qui  fut  abattu  d'un  seul  coup.  Alors,  par  le 
décret  de  Dieu,  le  prince  aperçut  dans  Me  bambou 
une  femme  couverte  de  sa  parure,  et  assise  sur  un 
trône.  Son  visage  resplendissait  comme  la  lune  nou- 
velle ,  au  quatorzième  jom*  de  son  cours ,  et  son  corps 
était  couleur  de  l'or  le  plus  pur  ^  Aussitôt  le  prince 
ôta  son  écharpe  et  en  couvrit  la  princesse^;  puis  il  la 

^  Ce  sont  là  des  expressions  sacramentelles  qui  désignent,  pour 
les  Malays,  le  type  le  plus  exquis  de  la  beauté.  Une  autre  compa- 
raison du  môme  genre,  qui  leur  est  encore  trèstfamilièrè ,  est  celle 
qui  a  pour  terme  une  figure  peinte  ou  UDie  statue  (d*or) ,  qui  ^let 
la  nature  vivante  en  regard  de  Touvrage  inanimé  de  l'art. 

*  Les  femmes  de  iiaut  rang  et  les  épouses  légitimes  des  Bouve- 
rains  sont  toujours  désignées  par  te  mot  poutri,  ^j>3 ,  qui^  en  ma- 
lay  comme  en  sanskrit,  signifie  princesse.  Quelquefois,  cependant, 
ces  dernières  sont  appelées  permi-souri,  Jlj».*»»^^»  terme  équiva- 
lent à  reine^ 


488  JOURNAL  ASIATIQUE. 

prit  dans  ses  bras,  la  plaça  sur  Téléphant,  et  Fem- 
mena  au  palais  au  son  de  tous  les  instruments.  Lors- 
qu'ils arrivèrent  dans  la  ville  et  qu'ils  eurent  pénétré 
dans  le  palais,  sa  majesté  prit  la  princesse  dans  ses 
bras,  la  descendit  de  1  éléphant,  et  la  porta  dans 
Imtérieur  du  palais. 

IL 

Gagak  Souara  ^  .vola  vers  la  ville  de  Langkapouri, 
et  se  présenta  devant  Maharadja  Ravana.  Celui-ci 
lui  dit  :  «  A  quoi  ce  riz  est-il  bon  ?  »  Gagak  ^uara 
répondit  :  a  II  est  advenu  que  je  m  amusais  à  planer, 
dans  l'air;  j'arrivai  près  de  la  ville  de  Maharadja 
Dasarata,  et  je  vis,  au  milieu  de  la  plaine  qui  est 
à  côté  de  la  ville ,  une  foule .  de  maharisis  et  de 
brahmanes  occupés  à  célébrer  un  sacrifice  et  à  prier 
les  dieux,  afin  d'en  obtenir  un  fds  pour  Maharadja 
Dasarata.  Si  Maharadja  Dasarata,  pensai-je,  obtient 
un  fils  extrêmement  fort  et  courageux,  et  doué  d*une 
grande  puissance  surnaturelle ,  il  deviendra  le  plus 
grand  souverain  dé  l'univers ,  et  tous  les  radjas  seront 
ses  tributaires  :  et  j'enlevai  ce  riz  consacré  par  les 
maharisis  et  les  brahmanes.  Que  votre  majesté  se 
hâte  donc  de  le  manger,  afin  que  les  dieux  lui 
accordent  un  fils  qui  soit  tel.  »  Aussitôt  que  Radja 
Ravana  eut  entendu  les  paroles  de  Gâgak  Souara,  il 
se  hâta  de  manger  le  riz ,  et  Gagak  Souara  retourna 
dans  sa  demeure  (dans  son  lieu.). 

*  Garak  6ouara  est  l'aïeul  paternel  de  Ravana.  Voir  note  lo  da 

lanalysp. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  489 

III. 

Au  bout  de  quelque  temps,  la  princesse  (femme 
de  Dasarata)  devint  grosse,  et,  son  terme  étant 
arrivé  au  temps  favorable ,  la  princesse  Mandou 
Dari  accoucha  d  un  enfant  mâle  d'une  beauté  ex- 
traordinaire,  dont  le  corps  était  vert  comme  une 
émeraUde,  et  dont  le  visage,  pareil  à  la  lune  nou- 
velle au  quatorzième  jour  de  son  cours,  brillait  d'un 
éclat  incomparable.  Dasarata  Maharadja  eut  le  cœur 
ravi  dune  grande  joie  à  voir  ce  jeune  prince,  et  il 
lui  donna  le  nom  de  Sri  JRama,  et  le  fit  élever 
comme  il  convenait ,  et  suivant  la  coutume  des 
princes. 

Au  bout  de  quelque  temps ,  la  princesse  devint 
de  nouveau  enceinte ,  et  eEe  accoucha  d  un  fils  dWe 
grande  beauté,  et  dont  le  corps  était  couleiu^de  lor 
le  plus  pur.  Sa  majfsté  nomma  ce  prince  Laksaihana. 

Ejisuite  sa  majesté  eut,  de  sa  concubine^  nommée 
Balia  Dari,  deux  fds  ;  elle  nomma  l'un  Bardan  ,  et 
l'autre  Tchatradain. 

Au  bout  de  quelque  temps,  Balia  Dari  devint  de 
nouveau  enceinte,  et  elle  accoucha  dune  fille  d'une 
beauté  extraordinaire,  qui  fut  nommée  KikeviOevi. 

Après  cela,  sa  majesté  commença  à  chérir  extrê- 
mement celui  de  ses  fils  qu'on  nommait  Padouka 
(illustre)  Sri  Rama,  et  ce  jeune  prince  était  le  plus 

*  Au  sujet  du  mot  concubines,  voir  la  note  7  de  l'analyse. 


490      .  JOURNAL  ASIATIQUE, 

beau  de  ses  cinq  enfants  ;  en'  outre ,  il  était  plein  de 
hardiesse,  de  force  et  de  courage,  et  il  se  condui- 
sait avec  une  grande  sagesse,  et  prenait  en  affection 
les  mantris,  les  houloubalangs  e1?le  peuple  en 
général.  Sri  Rama  et  Laksamana  commencèrent  a 
g^andil^  et  Sri  Rama  n  avait  d'autre  occupation  que 
de  se  divertir  à  tirer  de  Tare.  Or,  sa  mère  avait  un 
bossu  bouffon  ^ ,  et  il  advint  que  ce  bossu  sortit  du 
palais  pour  aller  s  amuser.  Sri  Rama  et  Laksamana, 
qui  étaient  à  jouer  devant  la  porte  du  palais,  l'aper- 
çurent et  lui  tirèrent  une  flèche  par  derrière;  le 
bo^su  s'enfuit  en  criant,  et  ils  lui  tirèrent  encore 
des  flèches  par  devant,  à  droite  et  à  gauche.  Le 
bossu  fuyait  de  tous  côtés  en  criant  et  en  pleurant; 
enfin,  il  rentra  dans  le  palais,  et  étant  allé  trouver 
la  princesse,  il'lui  raconta  comment  Sri  Barna  lui 
avait  lancé  des  flèches  ;  sur  quoi  la  princesse  et  ses 
dayangs  ^  rirent  beaucoup  du  boAu,  et  la  princesse 
lui  dit:  «Hé  !  bossu,  tais-toi  et  finis  de  pleurer,  et 
ne  va  plus  dehors ,  parce  que  mon  fils  est  turbu- 
lent et  méchant.  )>  Ensuite  elle  fit  cadeau  d'une  robe 
au  bossu.' 

Le  lendemain,  le  bossu  sortit  du  palais  pour  se 
présenter  chez  les  mantris  (  pour  les  convoquer  à 
un  conseil);  mais  Rama  le  vit,  et  lui  lança  des 
flèches  par  devant  et  par  derrière.  Le  bossu  se  sauva 

*  Voir  note  3 1  de*  l'analyse. 

'Les  dayangs,  »j\^j  sont  des  femmes  qui  remplissent  Toffiee  de 
dames  de  coippagnie  ou  de  servantes  auprès  des  reines  ou  des  prin- 
cesses. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  491 

en  criant,  et  courut  auprès  de  la  princesse.  Pour- 
tant il  reçut  Tordre  d^alier  se  présenter  chez  les 
mantris  ;  il  sortit  en  coinçant  de  toutes  ses  forces  et 
en  pleurant ,  et  il  alla  raconter  son  aventure  au^t 
radjas  et  aux  mantris.  . 

Ceux-ci  se  dirent  :  «  Ge  jeune  prince  est  très-beau; 
mais  sa  conduite  est  très-vicieuse  ^  et  s  il  devient  sour 
verain  de  ce  royaume,  certainement  elle  causera  la 
perte  de  tout  le  peuple,  et  si  au  coiptraire  Bardàri 
et  Tchatradan  montaient  sur  le  trône ,  le  peuple 
suerait  en  séciu^ité. »  La  nuit  étant  venue,  le  bossu 
revint,  et  il  rapporta  à  la  princesse  les  paroles  dès 
radj  as ,  des  mantris ,  des  houloubialailgs  et  des  grands. 

A  ce  moment  même,  sa  majesté,  venant  de  don- 
ner audience  ,  entra  chez  la  princesse ,  qui* lui  raconta 
tous  ces  dires  au  sujet  de  leur  fds  Sri  Rama.  Qu'im- 
porte, répondit  sa  majesté,  ce  que  fait  à  présent 
mon  fils,  puisqu'il  nest  encore  qu'un  enfant. 

•  V.  ._    .  .    ,        , 

A  ce  moment,  Maharadja  RaVana  vint  au  palaAs 
de  la  princesse,  et  il  fit  convoquer  les  radjas ^  lés 
mantris,  houloubalangs,  eimuques  et  bantanas,  pour 
leiu-  donner  l'ordre  de  faire  décorer  les  endroits  où 
il  passerait  en  triomphe  avec  Mandou  Dakei. 

Ensuite  il  commanda  de  construire  les  chars. 
Lorsqu'ils  furent  terminés  et  décorés,  il  ordonna 
aux  bantaras  de  convoquer  ses  troia  fils.  Ce):bt-ci 
étant  venus,  le  maharadja  dit  :  «O  vous  tous,  mes 


492  JOURNAL  ASUTIQIJE. 

frères  et  mes  enfants ,  faites  préparer  les  instL*uiiients 
de  musique,  car  demain  je.  commencerai  la  fête  des 
quarante  jours  et  des  quarante  nuits..  ^ 

Aussitôt  Indra  Djata  ordonna  à  ses  deux  bantaras 
de  montei;  dans  le  ka-indrân;  Patala  Raban  ordonna 
à  ses  deux  bantaras  de  descendre  sous  la  terre;  et 
]\laha  Souara  ordonna  à  ses  deux  bantaras  de  des- 
cendre dans  la  mer,  tous  afin  d'y  faire  préparer  les 
instruments  d^  musique  ^ 

Aussitôt  que  les  insignes  dU  pouvoir  et  les"  musi- 
ciens furent  venus  de  ces  trois  régions ,  tous  les 
radjas  de  iuniyers  arrivèrent  pour  se  présenter 
devant  Maharadja  Ravana,  apportant  chacun  leurs 
présents ,  et  amenant  leurs  femmes  et  leurs  enfants. 
Alors  Maharadja  Ravana  ôuArrit  la  fête  des  quarante 
jours  et  des  quarante  nuits.  On  but  et  on  mangea 
au  bruit  retentissant  des  instruments.  On  tua  des 
centaines  de  buffles ,  de  bœufs ,  de  chèvres ,  de  mou- 
tons, des  centaines  de  poules,  de  canards,  d*oies, 
et  des  centaines  d  animaux  sauvagesde  toute  espèce, 
(tes  rousas ,  des  kidjangs ,  des  palandoks  ^,  pour  la 
nourriture  des  gens  qui  assistaient  à  la  fête ,  et  ils 
eiurent  à  boire  par  centaines  des  jarres  de  boissons 
de  toutes  les  couleurs ,  de  tous  les  goûts  et  de  tous 
les  noms. 

Après  l'expiration  des  iquarante  jours  et  des  qua- 

*  Ces  trois  personnages  semblent  se  partager  entre  eux  les  trou 
mondes  ou  iokas  de  la  cosmogonie  indienne.  Patala  est  le  mot  sans- 
krit qui  désigne  les  régions  inférieures. 

*  Animaux  de  Tespice  du  ceri". 


NOVEMBREDÉCEMBRE  1846.  k95 

vante  nuits  de  la  fête,  Maharadja  Ravariarevêtit  un 
habillement  complet  dune  richesse  extraordinaire, 
et  qui  n  avait  jamais  été  mis;  il  ceignit  ses  dix  têtes 
de  dix  couronnes  et  de  dix  bandeaux  ^e  rubis,  res- 
plendissants comme* le  soleil  et  la  lune;  il  passa  à 
ses  vingt  mains  vingt  bracelets  de  rubis,  et  à  tous 
ses  doigts  des  anneaux,  de  sorte  que  ses  mains  bril- 
laient comme  les  étoiles  au  ciel  ;  à  ses  vingt  oreilles 
il  attacha  des  pendants  de  diamants,  et  des  fleurs  de 
métal  incrustées  de  pierreries  ;  de  son  côté,,  la  prin- 
cesse Martdou  Dakei  fut  habillée  des  plus  ricnes 
panures  par  la  princesse  Sekanda  Maya  ^. 

Quand'MaharadjaRavana  et  la  princesse  Mandou 
Dakei  furent  habillés,  ils  montèrent,  ainsi  que  les 
princes  rakchasas,  sur  les  (quarante  grands)  chars, 
et  les  fils  des  princes  et  des  mantris  se  placèrent  sur 
les  mille  chars  qui  devaient  suivre  les  premiers.  On 
ouvrit  le  parasol  incrusté  de  pierreries ,  on  éleva  le 
tchokan^,  resplendissant  à  droite  et  à  gauche  de  dia- 
mants et  de  perles,  et  les  instruments  jouèrent  des 
airs  solennels  pour  célébrer  la  marche  triomphale 
du  radja  Ravana,  et  ses  noces  avec  la   princesse 

^  La  princesse  Sekandar  Maya  est  la  première  femme  de  Ravana. 
Dans  le  Sri  Rama  et  d'autres  ouvrages  màlays,  on  ne  voit  pas  que  les 
souverains  aient  plus  de  deux  femmes  ou  istris;  lorsqu'il»  en  ont 
deux,  la  première  est  appelée  o^j'  '(jyU,\t  épouse  vieille  ou  an- 
cienne," et  la  seconde -.^^  (JjJ^U  épouse  jeune  ou'nouvelle. 

^  Le  tchokan  ou  tchukan  est  un  instrument  d'origine  persane, 
comme  son  nom'  l'indique  ;  il  consiste  on  un  bâton  recourbé  à  Tune 
de  ses  extrémités,  et  auquel  est  suspendue  une  boule  de  fer  :  c'est 
un  des  insignes  de  la  souveraineté. 


494  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Mandou  Dakei.  Alors  commença  leur  marche  triom- 
phale dans  la  ville  de  Langkapouri,  dont  ils  devaient 
faire  septf  ois  le  tour  à  Imtérieur;  et,  piendant  tout 
le  temps,  Radja  Ravana  fit  jeter  des  centaines  de 
(dix)  mille  de  pièces  dor  et  d*a]^;ent,  et  une  im- 
mense quantité  de  mesures  de  perles,  ruhis,- pier- 
reries, fleurs  artificielles  et  diamants,  et  distriObuer 
à  profusion  des  vêtements ,  si  hien  qu'en  ce  jour, 
tous  les  fakirs  qt  les  pauvres  devinrent  riches  de  la 
quantité  de  pièces  dor  qu'ils  avaient  recueillies. 
Lorsique  les  sept  tours  furent  achevés,  le  cortège 
rentra  au  palais. 

VI. 

Au  bout  de  quçlque  temps,  ils  arrivèrent  sur  les 
confins  du  pays  de  BrentahJndrai  dont  le  souve- 
rain portait  le  nom  de  Maharadja-Pouspa-Rama  \ 
Issu  de  la  race  des  Dêvas-Zinggis,  il  était  descendu 
sur  la  terre  s  incarner  et  se  faire  homme  ;  ii  était 
alors  avancé  en  âge ,  possédait  un  pouvoir  sumaturd 
très-étendu,  et. c  est  lui  qui  gouvernait  les  éclairs,  le 
tonnerre  et -la  tempête.  Son  occupation  constante 
était  d  ailleurs  la  dévotion.  Or  un  jour,  conuhe  il 
siégeait  solennellement  sur  son  trône,  ayant  de- 
vant lui  leis  radjas,  les  mantris ,  'les  houloubalangs, 
eunuques  et  bantaras,  et  tout  le  peuple,  on  vint 
lavertir  que  Sri  Rama,  fils  de  Maharadja-Dasarata, 
arrivait  de  la  ville  de  Derouafi-Feuroua,  menant 

'  Voir  note  20  de  Tanalyse.  Dans  un  passage,  Sri  Runa  est  ipii> 
iifië  de  fJCj^j  jJ  3  JU€*^  >  panghoulou  ou  chef  des  Dèvas-Ziofi^ 


NOVEMBRE-DÉOEIfBRE  1846/        405 

avec  lui  son  ëpousè.  SiiarDeTi  «  fille  de  Mâharnî-Kali , 
et  qu  il  touchait  mamteiiaiit'  aox  portes  de  la  €iqpi- 
taie.  Â  cette  ÎMÛvelle;  Mahaïadja-Pbu^MhRama  fut 
saisi  d'une  vioiente  colère;  aeinblabie  à  un  serpent 
qui  se  tord,  il  ne  se  coîmaissaitjdus;  et  les  radjas, 
mantris  et  houioubalàngs ,  et  toét  le  pèupde,  trem- 
biaient  à  le  voir  ainsi  furieux  d'entendre  ie  nom  de 
Sri  Rama,  qui  était  le  ménie  quelesien.  Il  s'écria  : 
i(  Convient-il  que.DasaratarMaharadjà  ait  apipelé^son 
fds  Sri  Rama?  Depuis  les  temps  les  jAm  anciens 
jusqu'à  ce  jour,  il  n'y  avait  j^e.  moi  de  souvè- 
rain  dans  l'univers,  qiii  portât  le  nom  de  Sri 
Rama.Si  ce  Rama  ne  veut  point  changer  de  nom  et 
refuse  d'obéir  à  ma  volonté,  je  Teffaiserai  de  ce 
monde,  pour  qu'à  .appremse  à'.coiiiiaitre  la  pesan- 
teur (litt.  l'empreinte)  de  nm  main.»  Là^dessus 
il  ordonna  à  un  inantri*  dé  commencer  ies  prépa- 
ratifs d'une  expédition,  de  rassembler  lés  radjas, 
mantris',  houioubalàngs,  etles  rayate  en  nombres 
incalculables,  et  d'apprêter  les  armes,  les  chevaux 
et  les  éléphants.  .  :  . 
>•••••••'•.••-•••'••••••••••••• 

En  même  temps  Sri  Rama  tirait  sa  flèche  nonunée 
Goundi-Vati^  :  cellewsi  s'indinànt  :  a  O  mon  seigneiir, 
dit-elle,  quelle  est  votre  viçdonté  i  l'^^ardde  Mahà- 
radja-Pôuspa?  Vôtre  es^ave  doit-elle  le  faite  mourir, 
ou  le  précipiter  dans  la  nçier,  qu  le  forcer  à  entrer 
dans  la  terre?  —  Goundi-Vati,  répondit  Sri  flama, 
ne  le  fais  point  mourir^.<»r  c'est  .un  vieux  rdi,. mais 

*  Au  sujet  de  cette  flèche,  voir  fai  noté  tS  de  rcÉidyse. 


i:i96  JOURNAL  ASIATIQUE, 

montre  ta  puissance.  »  Et  il  la  décocha.  La  flèche 
prit  la  forme  du  serpent  Pertsda-Sekanda-Deva ,  et 
s  élança  contre  Maharadja-Pouspa.  Ce  dernier,  quand 
il  vit  le  serpent  arriver  sur  lui,  la  gifeule  béante, 
comme  pour  1  avaler,  s'enfuit,  rempli  de  terreur, 
du  côté  de- la  capitale.  Quand  il  eut  passé  la  porte 
de  son  château,  il  vit  que  le  serpent  y  était  arrivé, 
alors  il  monta  au  ciel  (Ka-Indrân),  et  il  vit  que  le 
serpent  était  dans  le  ciel;  alors  il  «descendit  dans  la 
mer,  et  il  vit  que  le  serpent  était  dans  là  mer;  alors 
il  s  enfonça  dans  la  terre,  et  il  vit  que  le  serpent 
était  dans  la  terre.  Il  .s  enfuit  donc  sm*  la  terre,  mais 
le  serpent  l'atteignit,  lentoura  de  ses  replis  et  le 
porta  devant  Sri  Rama.  Ce  dernier  s  empressa  de  le 
dégager,  par  pitié  pom*  sa  vieillesse,  et  Maharadja- 
Pouspa  se  mit  à  genoux ,  en  demandant  grâce. 

.  Quand  il  ^rit  que  Sri  Rama  était  vert  comme  l'eau" 
de  la  mer  et  comme  l'émeraude  polie  qui  étincelle , 
il  reconnut  que  le  prince  était  issu  de  Maha-Bisnou, 
et  comprit  combien  il  était  impossible  de  résister  à 
cette  puissance  siu'natiirelle.  Sri  Rama  prenant  alors 
la  parole  :  u Maharadja-Pouspa,  dit-il,  quelles  sont 
tes  intentions  à  présent? —  C'est  moi  qui  suis  cou- 
pable et  insensé ,  répondit  le  vieux  radja ,  et  j'ai  à 
te  demander  pardon  ;  mais  je  ne  connaissais  pas 
ton  origine ,  et  voilà  commej^t  j  ai  été  assez  fou  pour 
m  attaquer  ^  toi.  -^  O  mon  père ,  reprit  Sri  Rama,  il 
convient  maintenant  que  vous  retourniez  dans  vos 
états  ;  cependant ,  ne  m'oubliez  point.  »  Sur  quoi ,  «Ma- 
liaradja-Pouspa,  ayant  pris  congé  de  Sri  Rama  et  de 


( 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  497 
Laksamana  ,  et  s  étant  incliné  devant  Dasarata-Ma- 
haradja,  repartit  pour  sa  capitale,  suivi  de  son  ar- 
mée  

VIL 

Alors  Souara-Pandakei  et  les  deux  houlouba- 
langs,  étant  montés  sur  un  char,  partirent,  et,  quand 
ils  fiu'ent  arrivés  près  du  lieu  où  Sri  Rama  se  livrait 
à  la  dévotion,  elle  prit  la  forme  d'une  femme  extrê- 
mement belle,  et,  s  avançant  seule  jusqu  en  présence 
de  Sri  Rama,  elle  liii  montra,  par  ses- gestes,  quelle 
le  désirait  :  «  Femme,  lui  dit  ce  prince ,  pourquoi  te 
conduire  ainsi,  puisque  je  suis  marié?  Si  tu  veux 
avoir  im  époux,  va  vers  mon  frère  Laksaniana;  sa 
maison  est  de  l'autre  côté  de  la  montagne.  D  n'est 
pas  encore  marié,  et  peut-être  consentira-t'-il  à  te 
prendre  poiur  sa  femme.  »  A  peine  Souara-Pandakei 
eut-elle  entendu  ces  paroles,  qu'elle  alla  vers  Lak- 
samana, de  l'autre  côté  de  la  montagne,  et  elle  le 
trouva  occupé  aux  austérités  et  à  la  prière.  Elle  s'a- 
vança en  faisant  toutes  sortes  de  gestes,  mais  il  ne  l'ac- 
cueillit point  avec  des  paroles  aimables ,  il  ne  la  vit 
même  pas,  de  quoi  Souara-Pandakei  fut  fort  irritée. 

Elle  retoip:na  vers  Sri  Rama ,  et  s'emporta  vio- 
lemment contre  Sita-Devi.  «  Misérable  femme ,  ditr 
elle,  poiu*quoi  donc  as-tu  suivi  ton  mari  et  habites-tu 
avec  lui  dans  les  bois  pendant  qu'il  fait  ses  austérités, 
au  lieu  de  demeurer  dans  une  ville  et  de  devenir 
l'épouse  de  Maharadja-Ravana  ?  »  Et  en  même  temps 
elle  montra  le  poing  à  Sri  Rama  et  à  Sita-Devi. 

VIII.  32 


498  JOURNAL-ASIATIQUE. 

Comme  Sita  plem>ait  dé  ce  que  Souara-Paiidakei 
lui  avait  montré  le  poing,  le  prince  fiitreni|ili  de 
colère  et  pensa  dans  son  cœur  :  «  Si  je  touchç  cette 
femme ,  elle  subira  une  punition  pour  f  être  ainsi 
conduite.  Je  devrais  la  faire  périr,  pourtant,  son  crime 
ne  mérite  pas  encore  ce  châtiment.  S'il  en  est  ainsi, 
il  faut  que  j  enjoigne  à  Laksamana,  de  faii  coiqper 
le  bras  et  le  nez.  » 

Cette  réflexion  faite ,  Sri  Rama  dit  à  Pandakei  ; 
«O  jeune  femme,  viens  ici,  je  veux  te  parier;  »  et, 
comme  elle  se  fut  approchée ,  il  Continua  :  «  Voici  ce 
que  j'ai  à  te  dire  :  je  ne  puis  prendre  une  seconde 
épouse ,  parce  que  la  mienne  m'est  très-fidèle  et  me 
9ert  de  compagne.  Si  tu  désires  un  mari,  va  trouver 
mion  frère  Laksamana  ;  il  est  de  l'autre  côté  de  -la 
montagne.  »  Et  Souara-Pandakei  répondit  :  uTarrive 
d'auprès  de  Laksamana;  il  n'a  pas  voulu  de  moi.  0 
Sri-Rama!  fais  en  sorte  de  m'épouser,.  car  je  vaux 
bien  mieux  que  ta  femme ,  et  je  suis  bien  plus  jeune 
et  plus  bélier.  »  Sri  Rama  répliqua  :  u  O  jeune  femme, 
ma  mie,  va-t-en  néanmoins  vers  Laksamana  ;  et  je  vais 
te  donner  une  marque  qui  lui  attestera  que  tu  viens 
de  ma  part ,  afin  qu'il  veuille  de  toi. — C'est  bien ,  dit 
Souara-Pandakei,  donne-moi  cette  marque,  pour  que 
je  la  montre  à  Laksamana.  » 

VIII. 

Maharadja^  Sougriya  s'inclina  en  disant:<(0  mon 

seigneur,  c'est  moi  qui  irai  avec  Hanouman  pour  lui 

^  Sottgriva,  Sombouran  et  HanoninaD  ion%  des  singes.  Voir  la 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  499 

tenir  compagnie.  »  Sri  Raiïia,  ayant  entendu  ces  pa- 
roles, ordonna  à  Laksamana  de  rédiger  une  lettre, 
puis  il  se  rendit  dans  le  pavillon  d*or.  Quand  Laksa- 
mana eut  achevé  d  écrire ,  il  présenta  la  lettre  à  Sri 
Rama ,  et  celui-ci  lui  dit  :  «  Lis  cette  lettré ,  j'écoute.  » 
Sur  quoi  Laksamana  lut  ce  qui  suit  :  «  Cette  lettre . 
émanç  du  trône  de  M aharadja  Sri  Ràma ,  et  elle  t'est 
adressée,  ô  Maharaja  Sambouran!  Quand  cette 
lettre  t arrivera,  garde-toi  de  ne  pas  la  mettre  sur 
ta  tête  (de  ne  pas  te  conformer  à  ses  prescriptions) , 
et  hâte-toi  de  partir  avec  tes  enfants,  tes  houlouba- 
langs  et  ton  armée  entière,  et  de  te  rendre  devant 
moi  avec  des  présents,  de  pem*  que  ta  royauté  ne 
s'écroule,  et  je  f^lèverai  et  te  ferai  ârsseoir  au-dessus 
de  tous  les  radjas  des  singes.  Je  suis  le  souverain 
de  lunivers,  et  les  princes  descendants  de  BaHa,  cpii 
étaient  tes  alliés,  sont  devenus  mes  esclaves . et  exé- 
cutent mes  ordres.  C'est  moi  qui  stiis  issu  de  Mâha 
Bisnou  (Vichnou) ,  descendu  sur  la  terre  (littérale- 
ment, dans  le  nàonde)  pour  sincarner,  et  devenu 
Sri  Rama.  Sache  à  présent  mon  ngm ,  dont  la  célë-  * 
brité  s  est  répandue  parmi  tous  les  souverains.  Si  tu 
ne  viens  pas  et  si  tu  ne  veux  point  me*  promettre 
fidélité,  prends  bien  garde  à  toi.  MS  flèche  Goxmdi- 
Vati,  décochée  par  moi,  ira  envelopper  ton  corps 
et  couper  ta  tête,  et  j  exterminerai  tes  descendants, 
tes  houloubalangs  et  ton  peuple  tout  entier,  afin 
que  tu  connaisses  l'attouchement  de  ma  main  et  nia 

note  24  de  i'analyse;  aujourdliui  encore,  dans  les  temples  hindous, 
la  statue  de  Hanouman  est  placée  à  côté  de  celle  de  Rama. 

3?.» 


500  JOURNAL  ASIATIQUE. 

puissance  surnaturelle*  Il  est  donc  bon  que  tu  te 
rendes  devant  moi,  afin  que  tes  états  passent  à  tes 
descendants,  et  que  ton  royaiune  soit  conservé  éter- 
nellement » 

IX. 

Le  lendemain,  au  point  du  jour,  Maharadja  Ra- 
vana  se  rendit  sm*  le  champ  de  bataille,  et,  au  tni- 
lieu,  il  se  trouva  en  présence  de  Sri  Rama,  qui 
lui  dit  :  ((Maharadja  Ravana,  quelles  que  soient  les 
armes  que  tu  portes,  viens  me  les  rendre,  et  sers^ 
moi  à  boire  et  à-manger  en  me  remettant  ta  lance.  » 
Maharadja  répondit  :  ((  Attends  un  peu;  je  ne  ferai  pas 
comme  tes  autres  ennemis.»  Ces  mots  prononcés, 
tous  deux  engagèrent  le  combat.  Maharadja  Ravana 
lança  son  javelot  et  décocha  des  flèches  à  Sri  Rama. 
Ccku-ci  les  évita,  et  décocha,  à  son  tour,  sa  flèche 
Goundi-Vati,  qui  abattit  huit  têtes  à  Maharadja  Ra 
vana;  mais  ces  têtes  repoussèrent  sur-le-champ  par 
l'effet  de  la  puissance  magique  de  Ravana.  Tous 
deux  passèrent  ainsi  le  reste  de  la  journée  à  com- 
battre sans  pouvoir  se  faire  de  mal,  et  ils  finirent 
par  retourner  chacun  chez  soi. 

Dès  que  le  j8ur  suivant  se  leva,  Maharadja  Ra- 
vana revint  au  champ  de  bataille. sur  son  char;  ses 
cent;[nain3  étaient  chargées^  d'armes  de  toute  espèce, 
qu'il  lança  à  Sri  Rama,  mais  sans  l'atteindre,  et 
celui-ci,  ayant  riposté  par  une  flèche,  abattit  neuf 
têtes  à  Maharadja  Ravana.  Hanouman  les  ramassa 
aussitôt  et  les  porta  à  la  princesse  Mandou  Dakei. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846:  SOI 

Qand  elle  vit  ces  neuf  têtes,  qu'elle  reconnut  pour 
celles  de  son  mari,  la  princesse  prit  un  voile'  et  s-ea 
.couvrit  en  pleurant.  .'Pour  Hanouman,  il  s'empara 
de  répée  (de  R'avana)  enchantée  et  consâGrëe,  ef  fl 
l'apporta  à  Sri  Rama. 

En  ce  moment,  et  à  cause  de  cela,  Mabâradja 
Ravana  perdit  sa  force,  et  Sri  Râma,  ifû  ayant  lancé 
une  seconde  flèche,  atteignit  ^sa  dernière  tête  aur 
dessous  de  l'orèUle  droite  et  l'id>atttt^  Màharadja' 
Ravana  tomba  à  la  renverse  et  Une  put  se  relever. 
Alorâ  Sri  Rama  prit  l'^pée  dans  la  main  d'Hanouman; 
et,  s'étant  approché deRavana«illuidit; a ORav^iHi, 
si  tu  m'avais  rendu' mon  épouse /.certainement  je 
t'aurais  fait  mon  houloubalang;  et  si  tu  avais  été 
mon  houloubalang,  ta  ^*âadeur .  et  ta  gloire  en 
eussent  été  dix  fpis  plus  grandes,  et  ks  diwx 
t'auraient  comblé  de  leur  faveur.  Â.  présent,  ta 
me  connais,  et  tu  as  senti  lapesanteur.de  mon 
bras.»  Màharadja  Ravana  lui  répondit  :  «Ekl  Sri 
Rama,  tout  ce  que  tu  débites  là,  iû  peux  le  dire, 
puisque  c'est  la  coutume  de^  guerriers;  seulement, 
s'il  me  restait  la  moindre  force,  tu  ne  parierais  pas 
ainsi.  Maintenant,  tout  ce  que  tu  mé  dis,  je  me  le 
suis  attiré  en  voulant  faire  ma  vdionté.  Biais  ya^t'en 
d'auprès  de  moi  tant  que  j.e  ne  serai  pas  expiré.  »  Là-  ' 
dessus,  Sri  Rama  le  frappa  if un  coup  d'épée  qui 
lui  fendit  le  corps  en  deux,  mais  sans  le  fisdre  <m^ 
core  mourir.        J.  •.  ' 


5.02  JOURNAL  ASIATIQUE. 

X. 

Gomme  Sita  Devi  allait  embrasser  les.  pieds  de. 
Sri  Rama,  celui-ci  lui  dit:  «O  princesse,  ne  me 
touchez  pas,  vous  qui  avez  été  adoptée  (pour  femme 
ou  pour  concubine)  par.Ravana.  — O  mon  sei- 
gneur, giori^ix  maharadja,  répondit  Sita  Devi,  l'es- 
clave de  votre  majesté  n'a  jamais  été  touchée  par 
Maharadja  Ravana,  car  il  est  toujours  resté  k  une 
distance  de  quarante  pas  de  moi.  J'avais  juré  que  . 
jamais  je  ne  serais  touchée  par  un  autre  hônune  que 
votre  majesté,  qui  seul^  avait  le  droit  de  -disposer 
de  moi.  Si  mon  seigneur  ne  croit  pas  à  la  parole  de 
son  esclave,  quel  serment  veut-il  qu'elle  prononce? 
—  0  princesse,  si  ce  que  vous  dites  est  vrai,  entres 
d'abord  dans  le  feu,  et  je  vous  croirai.  »  Alors  Sri 
Rama  appela  Hanoiunan,  qui  seul  était  entré  dans 
le  jardin,  et  il  lui  ordonna  de  preûdre  du  bois  de 
sandal  et  d'aloès ,  d'en  former  un  monceau  devant  le 
pavillon  de  Sita  Devi,  et  d'y  répandre  du  musc,  de 
lambre,  du  safran  et  de  l'huile.  La  princesse  Sita 
Devi  s'assit  sur  un  trône  d'or,  et  on  la  plaça  ainsi  sur 
le  bûcher.  Sri'Rania,  qui  était  assis  sur  un' autre  trône, 
ordonna  de  mettre  le  feu  aux  quatre  coins  du  bûcher. 
Lé  feu  commença  à  s'allumer,  et  Sita  Devi,  s'étant 
levée  de  son  trône ,  tourna  les  yeux  vers  Sri  Rama,  et 
se  prosterna  au  milieu  des  flammes.  Tant  que  le  feu 
brûla ,  elle  ne  prononça  pas^  un  mot.  D  s'éteignit  après 
avoir  consumé  ft  bûcher,  et  sans  avoir  touché  le 
trône.  Quand  Sri  Rama  vit  que  Sita  Devi  n'était  pas 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  503 

consumée,  il  descendit ^ de  son  trône,  courut  près 
délie,  la  prit  dans  ses  bras*,  et  lemporta,  en  la  cou- 
vrant de  baisers  et  de  caresses,  vers  la  maison  d'or. 
Par  son  ordl'e,  les  dayangs  vinrent  avec  de  Teau  de 
rose ,  du  safran  et  du  nard ,  et  Sita  Devî  se  baigna^ 

Lorsqn elle  fut  sortie  du  bain,  Sita  Devi  et  Sri 
Rama  s  assirent  ensemble  sur  un  trône  orné  de  pierred 
précieuses.  A  ce  moment,  les  épouses  et  les  concU-^ 
bines  de  MaharadjaRavana,  les  dayarigs  et  les  gou- 
vernantes, au  nombre  de  plusieurs  milliers,  furent 
amenées  en  présence  de  Maharadja  Sri  Raixia.  Tous 
les  habitants  dé  Langkapouri  décorèrent  leurs  mai- 
sons, et  les  instruments  résonnaient  partout  en  signe. 
de  joie. 

XL 

Sri  Rama  nomma  Hanouman  chef  de  ses  houlou- 
balangs ,  et  Laksamana ,  radja  môuda.  Maharadja 
Bibôu  Sanam  reçut  le  titre  de  mangko  boumi ,  et 
Dargam  Rougi  et  Feri  Rougi  celui  de  ferdanas 
mantris. 

Il  y  avait  déjà  quelque  temps  que  Sri  Rama  était 
réuni  à  Sita  Devi ,  et  il  n'avait  point  d'enfants^  Il 
fit  donc  demander  un  filtre  à^Maharisi  Kdii*  et  ce 
dernier  remit  à  Tenyoyé  deux  morceaux  de  bézoard, 
en  lui  disant:  «Recommandez  que  Sri  Raina  maiîgd 
iun  de  ces  morceaux,  et  que  ma  fille  Sita  Devi 
mange  lautre.  »  L'envoyé  prit  congé  et  partit»  A  b0û 
arrivée,  il  fut  introduit  eti  présence  dé  Sri  Rarna,^ 
et  lui  rapporta  les  parole»  de  Maharisi  Kaii.  Lé 


504  JOURNAL  ASIATIQUE. 

prince,  en  efTet,  mangea  Fim  des  morceaux  de  bë- 
zoard,  et  donna  l'autre  à  son  épouse,  et,  au  bout 
de  peu  de  temps.,  il  fut  comblé  de  joie  en  voyant 
qu'elle  était  enceinte^  Le  cinquième  mois  de  la  gros- 
sesse de  Sita,  Kikevi  vint  chez  elle  un  jour,  pendant 
que  Sri  Rama  tenait  une  audience  solennelle ,  avec 
tous  les  houloubalangs  en  sa  présence,  et  elle  lui 
demanda  :  «0  madame,  quelle  était  l'apparence  de 
Maharadja  Ravana?  On  prétend  qu'il  avait  dix- têtes 
et  vingt  mains  ;  l'avez-vous  vu  tandis  qu'il  était  en 
colère? —  Certainement,  répondit  Sita,  j'^d  vii Ma- 
haradja Ravana  lorsqu'il  ni'a  enlevée.  —  O  prin- 
cesse, reprit  Kikevi,  faites-moi,  je  vous  en  prie,  son 
portrait  siu*  cet  éventail ,  car  je  désire  extrêmement  de 
savoir  comment  il  était. — Je  ne  puis,  dit  Sita,  le  des- 
siner, ce  n'est  pas-  mon  affaire ,  car  il  ne  laissait  pas 
d'être  mon  père,  bien  qu'il  soit  devenu  l'ennemi  de 
mon  mari.  »  Kikevi  Devî  insista  encore  :  «  O  madame, 
dessinez-le,  car  je  voudrais* bien  voir  comment  il 
était.  »  Alors  Sita  Devi  traça  sur  l'éventail  le  portrait 
de  Maharadja  Ravana,  donnant  des  ordres  et  .en  co- 
lère; et  après  l'avoir  achevé,  elle  rendit  l'éventail 
à  Kikevi.  Sita  Devi  monta  ensuite  se  coucher  dans 
son  hamac. 

En  ce  moment  Sri  Rama  arriva  de  la  cour;  en 
le  voyant  venir,  Kikevi  eut  peur,  à  cause  de  ia  faute 
qu'elle  avait  commise  en  demandant  le  poitrait  de 
Maharadja  Ravana;  elle  prit  donc  l'éventail  et  ie 
déposa  sur  la  poitrine  <le  Sita  Devi,  qui  était  pro- 
fondément endormie.  Le  prince  s'approcha  de  son 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  505 

épouse,  et  apercevant  dans  ses  bras  un  éventail, 
avec  rimage'de  Maharkdja  Ravana,  il  denaanda  : 
((  Qui  a  dessiné  ce  portrait  sur  Téventaii?  »  Et  Kikevi  « 
répondit  :  «  0  monseigneur,  c'est  ma  sœiu*  elle-même 
quiia  dessiné,  et  quand  elle  la  eu  achevé,  elle  la 
pris  sur  elle  et  s^est  endormie  en  le  baisant.  »  Aussitôt 
Sri  Rama  secoua  Sita  Devi ,  et  .celle-ci  s  étant  réveillée 
en  sursaut,  il  lui  dit  :  «Pourquoi  as-tu,  Sita,  dessiné 
le  portrait  de  Maharadja  Ravana,. et  Tas-tu, baisé  en 
t'endormant?  Quoiqu'il  soît  ton  père,  cette  manière 
d'agir  à  son  égard  n'est  pais  convenable;  je  vois 
bien  que  tu  l'aimais.  Jl  n'y  a  certes  pas  de  femme 
pire  que  toi,  femme  infidèle  à  ton  marf;  je  connais 
maintenant  ta  conduite,  et  je.  sais  que  tu  aimes 
un  autre  homme  que  moi.  »  Comme  Sita  regardait 
Kikevi  d'un  air  effrayé ,  Sri  Rama  continua  en  colère  : 
«Quand  il  aurait  été  ton  père,  cette  conduite  ne 
convient  pas  ;  ne  sait-on  pas  qu'il  te  convoitait  ?  Il 
est  devenu  mon  ennemi,  et  combien  de  temps  ne 
lui  ai-je  pas  fait  la  guerre^?  Si  tu  désirais  de  l'avoir 
poiu*  époux,  pom*quoi  en  as-tu  pris  un  autre?»  Et 
Sita  répondit  :  «  0  mon  seigneur,  c'est  ma  sœur 
cadette  Kikevi  qui  désirait  extrêmement  de  voir 
comment  était  Maharadja  Ravana,  et  qui  m'^  priée^ 
en  grâce  de  lui  en  faire ie  portrait  sur  cet  éventail, 
qu'elle  m'a  remis  ;  quand  j'ai  eu  fini  de  dessiner,  je 
le  lui  ai  rendu,  et  je  nie  suis  couchée.  Mais  qui  a 
déposé  cet  éventail  sur  ma  poitrine?  je  ne  le  sais 
pas,  car  j'étais  profondément  endormie.  »  Rama 
reprit  :  «  Cela  n'est  pas  vrai ,  tu  aimais  Maharadja 


506  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Ravana;  ixi  en  as  fait  le  portrait,  et  tu  l'as  pris  dans 
tes  bras  pour  dormir;  maiiftenant sors  de  mon  pa- 
lais, puisque  tu  violes  laffectioti  que  tu  me  dois,  en 
songeant  à  cette* image,  et  que  ton  cœur  est  occupé 
d'un  autre  ;  si  tu  tardes  à  t  en  aller,  tu  peux  être 
sûre  que  je  te  coupe  la  tête.  » 

A  ces  paroles,  Sita  Devi,  remplie  de  terreur, 
descendit  à  terre  et  embrassa  les  pieds  de  Sri  Rama, 
en  disant  :  m  Quiconque  m'a  accusée  (littéral,  a  parié 
ainsi),  je  le  voue  aux  dieux  (à. leur  vengeance). 
C'est  bien  moi  qui  ai  dessiné  sur  cet  éventail,  mais 
sur  la  demande  de  Kikevi  Devi.  Quiconque  a  dé- 
posé cet  éventail  sur  ma  poitrine,  et  quiconque  a 
dit  de  moi  des  choses  fausses,  puissent  les  dieux  le 
rendre  muet,  et  puisse  une  seule  parole  ne  plus 
sortir  de  sa  bouche  !  Si  je  suis  coupable,  lorsque  je 
quitterai  cette  ville ,  que  tous  les  êtres  vivants  con- 
servent leur  gaieté,  et  si  je  m'en  vais  innocente,  que 
tous  les  animaux  qui  sont  dans  cette  ville  deviennent 
tristes  à  cause  de  mon  départ.  »  . 

Après  cette  imprécation ,  Sita  Devi  partit  avec 
ses  servantes,  qui  consistaient  en  quarante  dayangs. 

XII.  - 

Or;  aussitôt  après  le  retour  de  Sita  Dei^i ,  ton 
les  aninçiaux  qui  étaient  dans  la  ville  avaient  TéooQ- 
vré  la  voix  et  la  gaieté,  et  Kikevi  vint  se  proster- 
ner devant  Sri  Rama  et  Sita  Devi,  et  solliciter  son 
pardon.  Sitôt  qu'elle  se  fut  prosternée  en  demandant 
grâce,  elle  recommença  à  pouvoir..parier.  Dès  kn 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  507 

Sri  Rama  fut  au  comble  de  la  joie ,  et  le  son  d'ins- 
truments nombreux 'ne  cessa  de  retentir. 

Sa  domination  fut  réglée  par  la  justice;  il  s'occu- 
pait à  tenir  en  bon  état  ses  forteresses  et  les  armes 
de  tout  genre,  et  à  instruire  ses  enfants;  les  dietix 
lui  prodiguèrent  leurs  faveurs ,  en  sorte  que  per- 
sonne dans  ce  monde  ne  le  surpassait  en  puissance,, 
en  justice,*  non  plus  qu en  libéralité,  en  force  et  en 
courage.  '. 

Son  fils  Telavi  fut  marié  par  lui  à  la  princesse 
Indra  Kousouma  Devi,  fille  de  Indra  Djata,  et  il  le 
mit  sur  le  trône  de  Deria  Poura  Nagara.  Il  maria 
son  autre  fils  Kousi  à  la  fille  de  Gângga  Nala  Soùara, 
nommée  Gangga  Sarani  Devi,  en  l'établissant  sur 
le  trône  de  Langkapouri. 

Il  établit  de  même  comme  radjas,  Pata  Djam- 
bouan,  dans  l'a  Adlle  de  Kaloumbouran  Grangsa;  Nila 
Anggada,  à  Onta  Poura  Nagara;  Juila,  à  Indrafasis; 
Nilabouti,  à  Mardou  Vangsa;  Noulou  et  Nila,  à 
Astina;  Angkah  et  Mahabirou,  à  Mandou  Kapoiuc; 
et  Karang  Touvila ,  à  Poura  Nagara  ;  ses  houlouba- 
langs,  qui  étaient  au  nombre  de  trente-trois,  de- 
vinrent aussi  radjas  de  contrées  moins  étendues. 
Sri  Rama  donna  à  qhacun  de  ces  princes  des  épouses 
dune  grande  beauté ,  choisies  parmi  les  filles  des 
radjas  rakchasas  morts  dans  la  guerre. 

Au  bout  de  quelque  temps,  Sri  Rama  fit  bâtir, 
dans  un  lieu  habité  par  des  solitaires,  une  petite 
ville  à  laquelle  il  donna  le  nom  d'Ayôdya;  il  quitta 
Deria  Poura  Nagaï*a  pour  se  transporter  dans  cette 


508  JODRNAL  ASIATIQUE. 

nouvçUe  ville,  et  il  y  demeura  avec  Laksamana  et 
Sang-Hanouman.  Les  deux  époux  vécurent  dans  le 
contentement  et  dans  un  amour  mutuel ,  et  Sri 
Rama  transmit  le  trône  à  ses  descendants,  q[ui  furent 
tofLs,  jusqua  la  postérité  la  plus  reculée,  des  radjas 
puissants. 

Tel  est  le  récit  du  Dalang,  à  qui  appartient  (au- 
teur de)  l'histoire  de  Maharadja  Sri  Rama  et  de  Lak- 
samana ,  dont  les  noms ,  devenus  célèbres  dansiê  pays 
de  Kling  et  le  pays  de  Siam,  se- sont  répandus  dans 
les  contrées  de  Tm*quie  et  de  Hollande,  -et  ont  été 
transmis  jusqua  nos  jours  par  la  bouche  des 
hommes.  Ces  faits  sont  rapportés  d*après  le  rédt 
qui  en  a  été  composé  par  un  homme  savant  et  habile 
à  manier  le  langage,  à  trouver  les  mots  convenables 
et  à  ordonner  les  xliverses  aventures  qu'il  contient 
Ce  récit  est  terminé. 

TIJH   DE   L^HISTOIRE  DE   MAHAHADJA   SRI   RAMA. 


P.  S. — ^^Dans<  la  première  partie  de  ce  travail  «  j*avais  es- 
sayé de  juger  le  caractère  des  Msdays  d'après  leurs  livres.  Je 
suis  heureux  aujourd'hui  d'avoir  à  m*appuyer  d'un  témoi- 
gnage sûr,  venu  seulement  à  ma  connaissance  pendant  que 
je  corrigeais  les  pages  qui  précèdent.  Je  veux  parier  do  J(Nl^ 
nal  singulier  et  plein  d'intérêt  de  J.  Brooke,  radja  de  San- 
wak,  à  Bornéo,  et  maintenant  agent  anglais  dans  cette  Be. 
(The  narrative  of  an  eoupeditiofi  to  Bornéo,  hy  H.  M.  &Ai 
Dido,  with  extraits  Jrom  the  Journal  of  /.  Brooke,  etq.  rajpc 
ofSarawakj  hy  capt.  KeppeL  London,  18&6.)  On  mepaidoB- 
nera  de  rapporter  un  passage  qui  confirme  pleinement  ia 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  18&6.  .       509 

idées  que  j*ai  émises.  «...  .'Pourquoi  les  Malays  ont-ils  une 
aussi  nmuvaise  réputation?  Pourquoi  les  représente-t-on 
comme  un  peuple  de  fourbes  et  d'assassins,  tandis  que.  lés 
rares  voyageurs  dont  il$  èoni  bien'  connus,  les  dépeignent 
sous  des  couleurs  favorables;  yantent  la  simplicité  de  leurs 
mœurs  et  les  aimables  qualités  de  leur  caractère  ?  (La  répofise 
de  M.  Brooke,  à  cette  question,  est  que  les  Européens  à*ont 
^-guère  été  en  relation  qu'avec  d'avides  radjaè,  et  avec  leurs 
officiers  et  courtisans,  race/ ^  n'est  pas  tenue  de  valoir 
mieux  dans  l'Archipel  que  pfurtout  aiHeurs.) Les  Euro- 
péens qui  ont  vécu  dans  l'intérieur  àa  pays,  loin  des  radjàs 
et  de  leur  pernicieuse  influence,  ne  partagent  pas,  je  )e  ré- 
pète, l'opinion  défavorable  que  les  marchands  ont  accréditée 
sur  le  compte  des  Malays.  LiQin  de  se  montrer  traîtres  et  san* 
guinairès  dans,  leurs  habitudes,  les  Malays  sont  gais,  polis; 
hospitaliers  ;  il  se  commet  moins  de  crimes  chez  eux  qve  cfiéz 
la  plupart  des  autres  {>opuiations  du  ^k>be;  ils  expriment 
une  tendresse  passionnée  pouir leurs  enfants,  et  une  aimable 
indulgence  pour  les  fautes  que  ceox-bi  peuvent  commettre. 
Les  liens  de  famille,  et  les  sentiments. qui  en  fiésultent,  se 
perpétuent  chez  eux  pendant  plusieurs  générations.  Quand 
elle  est  développée  par  l'éducation,  leur  intelligence  esl  pé- 
nétrante; leurs  passions  s'exaltent  au  plus  haut  degré  lors- 
qu'ils se  croient  insultés;  une  atteinte  à  leur  honneur  leur 
cause  une  espèce  de  sou£Brance.  »  {Revue  JbnUmniqne,  mai 
1 846.  )  Je  n'ai  eu  que  cet  extrait  à  ma  dispo^tiom  ;.     . 


51b  JOURNAL  ASIATIQUE. 


NOTICE 

D'un  manuscrit  arabe  renfermant  une  continaation  de  l'Hit- 
toire  universelle  d'Aboulféda^  adressée  à  M.  Reinaud, 
membre  de  Tlnstitut. 

'Hadji  KJhalfah,  dans  son  Dictionnaire  bibliogra- 
phique, ne  mentionne  que  deux  auteurs  qui  aient 
abrégé  et  continué  le  voluniineux  ouvrage  d*histoire 
universelle  d'Âbouiféda.  Le  premier,  Ibn  Alvardi, 
pjji ,  avec  son  nom  entier ,  Zein  eddin  Omair  ibn  Âlmo- 
dhaffar  ibn  Alvardi,  auteur  de  la  Perle  des  merveilles, 
a  poussé  son  abrégé  jusqua  Tannée  jUS  de  Thégire 
(1.345  après  J.  G.),  époque  de  samort.  Il  lui  adonné 
le  titre  de-^^j^aXail  kç3  ou  Conchsioh  de  Vahrégé;  mais 
il  paraît  que  cet  ouvrage  est  entièrement  perdu; 
car  on  n'en  trouve  aucun  exemplaire  inscrit  dans 
les  catalogues  des  bibliothèques  connues.  Le  nom 
de  lautre  abréviateur  est  Mohib  eddin  Âbuivalid 
Mohammed,  fils  de  Kemal eddin  Âboulfadhl,  mieux  . 
connu  sous  le  nom  d'ïbn  Schehnah,  qui  conduisit 
sa  narration  jusqu'à  Tannée  8 1 5  de  Thégire  (  1 A 1 1 
de  J:  G.  ) ,  d'après  les  paroles  du  même  bibliographe. 
GetvOuvrage  n'est  pas  rare  :  on  le  rencontre'à  la  Bi- 
bliothèque royale,  à  Paris;  à  celle  de  Bodiey,  à  Ox- 
ford, en  deux  exemplaires;  au  Vatican  aussi  deux 
fois  ;  à  Leyde  et  à  Copenhague  (  la  copie  faite  par 
Reiske  sm*   le  manuscrit    de  Leyde  )  ;  on    trouve 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  511 

même  imprimé  le  sommaire  de  cette  continuation, 
traduit  en  langue  latine  dans  le  livre  :  Arahsiaden 
ex  Jioto  ignoio  Ibn  Schohnah,  supplevitet  emendàvit  Fr. 
Erdmann,  Gasani,  i823.  Il  m'y  a  qu'une  seule  chose 
qui  nous  frappe;  c'est  qtie  le  récit  imprimé . cesse 
en  8o3  de  l'hégire  (i  4 oo  de  J.  C),  douze  ans  plus 
tôt  que  ne  le  dit  Hadji  Khalfah.  Cet  abrégé  a  pour 
titre  spécial  j^I^^I^  JoI^^J  ks,  i^UJU  iUô^ 

La  Bibliothèque  impériale  de  Saint-Pétersbom^ 
possède  un  manuscrit  qui  nous  apprend  que  les 
deux  compilatem*s  susmentionnés^  ne  sont  point  les 
seuls  qui  aient  abrégé  AboidFéda.  En  voici  le  com- 
mencement ,  après  le  bism-illah  et  lexo^de  : 

^*>^t  gj^'  (J^  ^P'  ù}  (:yf  è^  i:^  *^^  C:^  (^V^ï 
^-^màâII   ^^-loJt  aM{   «XAiC  0j  J"^^  (;>^^^  «^^'^■A^  6jjaX^\ 

jy  JuàiJilI  siiiX)-^  Jajw>-I  \^\  a)  (^^\  :»U  Jw^5 
KJiJ^jj  A)ill  |^«X..«J^'  V^l  .(;^  sUjî^^  (:)^  J^  V^^ 

«  Ceci  estun  abrégé,  fait  par  Mohammed  ben  Ibrahim 


512  JOURNAL  ASIATfQUE. 

ben  Mohammed  ben  Ali  ben  ^ou  Bhida ,  tle  lliis- 
toire  que  SeifF  eddin  Bectimour  ben  Âbd^allah,  natif 
d'Alam,  a  compilée  sous  le  titre  de  Moelle  da  précis 
de  VHistoire  da  genre  humain.  L'ouvrage  original  a 
pour  auteur  le  sultan  Elmelic  Ëbnoayiad  Emad  ed- 
din Aboulféda  Ismaël,  fils  d'Elmelic  Elafdhal  Nour 
eddin  Aboulhassan  Âli,  fils  d*Elmelic  Elniodaffia* 
Taki  eddin  Aboulfalh  Mahmoud,  fils  d'Ebndic  El- 
mansour  Nassir  eddin  Aboul  Maali  Mohammed,  fils 
d'Ëlmelic  Elmodhaffar  Taki  eddin  Âboul  Kattab 
Omar  ben  Chahinchah  ben  Ayoub,  que  Dieu  les 
couvre  de  sa  miséricorde  !  JTai  donné  à  cet  ouvrage 
le  titre  de  Moelle  de  la  moelle  da  précis  de  VHistoire 
da  genre  humain.  » 

En  général,  on  peut  admettre  que  les  continua- 
teurs de  chroniques,  en  se  mettant  à  l'ouvrage,  ont 
ridée  de  les  conduire  jusqu'à  leur  propre  temps  ; 
c'est  peut-être  la  même  idée  qui  les  engage  à  passer, 
aussi  rapidement  que  possible ,  sur  les  conunence- 
ments,  pom*  pouvoir  aborder  plus  à  loisir  les  détails 
des  événements  de  lexu»  temps.  Si  donc  ce  n'est  pas 
la  même  année  qui  met  fin  à  leur,  ouvrage  et  i 
leurs  jom*s,  certainement  1 -époque  de  leur  décès 
n'est  pas  très-éloignéé  de  la  dernière  date  rapportée 
dans  leur  chronique^  D'après  ces  prémisses,  nous 
mettrons  la  mort  dé  Mohammed  ben  Ibrahim  en 
7/12  (1342)  ou  bientôt  après;  car  c'est  justement 
dans  cette  année  que  s'interrompt  la  suite  des  an- 
nées dans  son  ouvrage  historique;  Encore  voit-on  i 
la  fin  le  mot  lyAij ,  preuve  que  l'auteur  voulait  con- 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.         513 

tinuer,  mais  qu'il  en  a  été  eifipêché.  Ici  Ton  pour- 
rait m  objecter  que  je.  parie  du  manuscrit  comme 
provenant  de  l'écrivain  même ,  tandis  qu'un  copiste 
aurait  pu  s'arrêter  au  mot  que  je  cite.  Je  conviens 
de  la  justesse  de  cette  objection  :  il  faudra  donc  ap- 
porter des  preuves  plus  ^évidentes ,  et  heureusement, 
cette  fois,  c'est  le  chroniqueur  lui-même  qui  les  four- 
nira dans  le  peu  de  passages  contenant  des  éclair- 
cissements sur  son  individualité ,  et  d'après  lesquels 
nous  pouvons  supposer  que  le  temps  de  sa  mort  a 
suivi  de  près  le  décès  d'Aboulféda. 

Le  premier  passage  se  trouve  à  Tannée  732  ; 
ayant  Yaconté  la  mort  d'Aboulféda-,  il  poursuit  en 
ces  termes  : 

-^ — ^-A-«wl  iJoUl  U  (i)  LjwJoiî 


'   L'original  porte  <>j'î.  .4 

VIII.  33 


514  JOURNAL  ASIATIQUE. 

)i^     w  A>  <•   A-^  i«X.^  «T***-^  Jl.^ 

Jl  \ôUlX\  Jl-aJUI  •*kju.  LJu 

.(M 

"^Lx^L^  (^«x-^l^  LeJ  ^K^-^t  01^1 

'  l^c  manuscrit  iK)rtc  Uac  . 
*  Le  manuscrit  porte  #\j  (51c). 
•^  îiC  manuscrit  porte  e>ÂJ?t, 
'  Cet  liémisticlie  manque. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.         515 

((  L'auteur  de  cet  Abrégé ,  lié  par  la  reconnaissance 
à  Aboulféda,idont  les  bontés  ont  allégé  son  sçrt  et 
dont  le  pouvoir  a  dompté  ses  ennemis ,  a  rédigé  là 
cassidè  suivante ,  dont  voici  le  commencement  : 

Si  nous  avions  trouvé  un  moyen  de  rachat,  certesrnous' 
aurions  Facheté  Aboulféda  Ismaêl. 

Quelle  per^e  pour  les  habitants  de  Tunivers  !  il  est  mort 
celui 'qui  était  ami  de  la  fidélité. 

Ensuite  :  Où  est  celui  qui  était  capable  de  bien  faire  ?  où 
est-il  celui  qui  était  beau  par  ses  belles  actions  ? 

Et  encore  :  De  chaque  œil  coulent  les  larmes;  chaque 
cœur  est  occupé  (  de  sa  perte  }. 

Aucune  perte ,  à  l'exception  de  celle  là ,  n'était  crainte  ; 
chaque  douleur  était  petite  à  l'égard  de  toi. 

S'il  est  parti  sur  le  chemin  de  Dieu,  il  boira  au. paradis 
de  la  source  éternelle. 

Après  lui  il  nous  reste  le  roi,  le  chéri /l'excellent,  le  par- 
fait,  de  race  noble  ; 

Il  nous  reste,  une  dynastie  des  nobles,- et  sur  eux  Dieu 
laisse  reposer  sa  grâce. 

Combien  d'yeux  ont  été  réjouis  par  lui  !  combien  d'âmes 
ont  été  rassurées .  ayant  atteint  leur  but  et  leur  désir  !    . 

...;....'.  tu  en  es  digne ,  et  tu  conduis  le 

mieux .  au  chemin  droit 

Tu  es  la  flamme  de  cette  lumière ,  le  guide  sûr  des  égarés , 
pour  qu'ils  ne 'chancellent  pas. 

Dieu  soit  avec  toi;  tu  as  obtenu  la  gloire  et  la  puissance  ; 
tes  affaires  ont  réussi. 

L'autre  passage  se  trouve  non  loin  de  celui-ci;  c'est 
également  un  échantillon  poétique  en  Thonnem:' 
de  l'investiture  donnée  au  nouveau  roi  de  Hamah , 
le  fils  d' Aboulféda.  Il  débute  ainsi  :  *^  as».«Xa-«{  Uj 

Uri^l   SOsjuâJb  jjuaûCi^t  I «Xift  UiJy  A^^^Xj  «XJLfi:.  ((  Voici 

33. 


516  JOURNAL  ASIATIQUE. 

le  commencement  d  un  éloge  en  vers  que  Fauteur  de 
ce  précis  a  composé  à  son  entrée  (c'est-à-dire  du 
nouveau  roi).  «  Viennent  ensuite  sept  •vers  dont  nous 
nous  dispensons  de  donner  la  traduction,  la'  poésie 
étant  sans  intérêt,  et  triviale,  de  même  que  la  pièce 
précédente. 

Les  recherches  que  j'ai  faites  à  Tégard  de  récri- 
vain  que  notre  auteur  a  suivi  iaimédicitement,  sont 
restées  infructueuses  et  se  hornent  à  trois  données, 
son  nom ,  le  titre  de  son  ouvrage  et  son  époque. 
Les  annales  d'Aboulféda  s'arrêtent  à  Tannée  780  et 
celles  de  Mohammed  ben  Ibrahim  en  •J42;par 
conséquent,  Seifeddin  Bectimour  doit  avoir  rédigé 
les  siennes  dans  Tinteryalle  de.  ces  douze  ans.  Il  est 
bien  vrai,  que,  dans  ce  temps-là,  il  existait  im  Seif 
eddin  Bectimour,  gouverneur  de  Safad,  qui  à,  la 
cour  de  Mohammed,  fils  de  Calaoûn,  exerça  d'abord 
la  charge  de  maître  des  divertissements,  jI^Xj^^j*-,  et 
ensuite  celle  de  maître  des  hautes  œuvres ,  jointe  à 
la  dignité  d'émir,  jl^Xjls?-^.*!,  charges  qu'il  occupa 
jusqu'à  sa  mort  en  782  ;  cependant ,  nous  manquon.<i 
d'autre  renseignement  pour  établir  l'identité  des 
noms  et  des  personnes  ^ 

Le  style  du  Précis  est  on  •  ne  peut  plus  concis  ; 
il  l'est  jusqu'à  l'obscurité  ,  et  s'il  ne  pouvait  servir 
à  la  critique  du  texte  publié  d'Aboulféda,  ce  serait 
une  peine  perdue  que  d'y  vouloir  chercher,  soit 
des  éclaircissements  sur  les  faits  ,  soit  des  faits 
nouveaux.  Vers  là   fin    du  livre  ,   c'est-à-dire ,   là 

'  Cf.  Abulf.  Annales Moslemici,  t.V,  p.  1 55,  217,  «49,  887. 


iNOVEMBREDECEMBRE    1846.    '       517 

où  l'auteur  se  met  à  continuer  l'ouvrage  original  , 
les  circonstances  changent,  et  c'est  à  partir  de  là 
que  l'on  peut  en  tirer  quelque  profit.  Poui'  en 
faire  entrevoir  l'importance,*  je  choisis,  dai>s  cet 
espace  de  douze  ans,  deux  extraits  qui  jettent  de  la 
lumière,  l'un  sur  les  ouvrages  littéraires'd'AbouIfëda, 
jusqu'ici  peu  connus ,  l'autre  sur  la  fin  de  la  dynas- 
tie Ayoubide  siégeant  sur  le  trône  de  Hamah.  Le 
narrateur  est  témoin  oculaire  et  mérite  d»'£mtant  plus 
notre  considération  ^ 

J^-A-frUwl  T*>aJl   (lisez  ^1  )  j^I   (j^jJl^  UijJl  :>U  Js?>Xt 

^^UaJUJi  (j^  (ajoutez  i»^  ^1  j;t  (j^«Xil  JJ)  jimi  ^UJll 
^^   (c'est  a-dire   «X.^   JUJLI    jt    ^j  jJl  ^^b  )  jynjJLI    wiUil 

^  Je  connais  très-bien  l'avant-propos  de  l'édition  du  texte  de  la 
Géographie  d'Aboulféda,  par  MM.  Reinaud  et  de  Slane-,  pourtant, 
Ton  trouvera  dans  ce  qui  suit  quelques  renseignements  nouveaux 
ou  plus  délaillës,  qui  peuvent  servir  de  supplément.  ^ 


518  JOURNAL  ASIATIQUE. 

^5  4>jpi  (j,^  Uà^^^  iU^.  (j:?-*^^  g*»*J  >^  ASU^  *^Âft 
^  |;y^^  (i^i^  i^*'^'^'  "^1  ^^^  cjK^  *^^  Cv^'^  «x».!^ 

iUil^t  v^^  <j^UJl  <^«X^  «s  ^jUL  l^  Uâi»*  ^f^jdfl 
Ô^  iLAiiMb.«aJl  lilUpi^  c^^t  «^  (lisez  ii^^^lj)  Hiy^]^ 
l^Uâxâ.1  ^«XJI  ^^iJl  V^^  (^3^  &^  U^  V«A$^ 
ff «X^  ^  cKcw&s)  c:>t  JJ^  ^t  ^^^  ^lÂfi'lf  ^^i^l  V^l 
^^L^t  v^  u<<>^l   fi^^A:^  V<^  f^i^J^^  i  ilVju 

c 

*  I 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  519 

(i)  C — ^^  :>;  ^.XJ  j^Xil  JM 
^A^^Mi»— w  (3)  («X^  li5)l^  ^^^3 

((  En  70 2  ( 1 33  i  ) ,  le  jeudi  matin ,  1 8  moharrem  ' 
(20  octobre  i33i  de  J.  C),  mourut  Je  sultan 
Moayad  Emad  eddunya  veddin  Abulfédalsmaël,  fils 
d'Elmelic  Elafdhal  Nour  eddin  Abuihassan  Ali,  fils 
du  sultan  Elmelic  Elmodhaffar  Taki  eddin  Abulfath 
Mahmoud ,  (ils  du  sultan  Elmelic  Almansour  (Nas- 
sir  eddin  Abulmaâli  Mohammed),  fils  du  sultan  Elme- 
Kc  Almodhaffar  Taki  eddin  Abuikhaltab  Omar,  fils 
de  Cliahinchah,  fils  d'Ayoub.  Sa  maladie  était  une 
lièvre  continue  et  quotidienne;  sa  tête  finit  par  gon- 
fler et  il  succomba.  Il  est  enterré  dans  un  tombeau 
qu'il  avait  fait  élever,  avant  sa  mort,  au  coin  de  la 

'  Corrigez  cjj^. 

*  Je  préférerais  tX^. 

'  Abul-AIahasscn  donne  pour  claie  k  3  moharrem ,  c  çst-à-dire  le 
5  octobre.  (  Cf,  Géographie  d'Aboalfcda,  dans  Tavant-propos.  )  — 
D'autres  se  irouvent  dans  Gagnier  :  Vita  Mohammedis  ex  Abalfédâ. 
Voir  la  préface. 


520  JOURNAL  ASIATIQUE, 

mosquée  de  son  nom,  bâtie  à  Hamali,  au  delà  de  la 
porte  du  pont.  Le  défimt  était  un  homme  très-savant , 
vertueux,  généreux  et  libéral,  qui  avait  gouverné 
Hamah  comme  naïb ,  conune.  mélic  et  comme  sdi- 
tan,  à  peu  près  vingt  et  un  ans ,  ayant  à' sa  mort  l'âge 
de  cinquante-neuf  ans- environ,  et  laissant  un  seul  fils 
et  quatre  filles.  11  était  dun  extériem*  agréable,  pa- 
tient dans  les  adversités ,  indulgent  pom*  les  fautes  du 
prochain  et  estiipant  les  gens  de  lettres  qui  accouraient 
chez  lui  de  toutes  les  contrées.  Un  grand  nombre 
d  ouvrages  ont  été  rédigés  par  lui,poiu*  être  appris  par 
cœiu:»\  par  exemple  le  Havi  ou  encyclopédie  de  la 
doctrine  chafeïte  ;  Kitab  al  Kafiah  va  Qwjiah  (^le  li- 
vre suffisant  et  absolu)  traitant  de  la  grammaire ,  de 
la  syntaxe  et  de  la  prosodie  de  Mahalli;  Tasviàhou 
aplanissement  (  préparation ,  introduction  )  sur  la 
médecine;  traité  dit  Chcmsiah,  ouvrage  de  logique; 
Solution  de  VAlmageste  et  des.  Préceptes.  Il  laissa 
beaucoup  d'ouvrages,  entre  autres  le  ffavî,  ré- 
digé en  versj  une  histoire  dont  voici  labrégé,  un 
commentaii'e  en  vers  sur  l'introduction  d'Ibn  Âlha- 
djeb  ^.  Il  écrivit  ensuite  un  livre  nommé  El-Cun- 
nâche  (Recueil) ,  en  quatre  volumes ,  traitant  de  dif- 
férentes matières,  comme  du  droit,  de  la  médecine, 
de   la  .  géométrie ,  de  la  logique ,  etc.  un  discours  • 

'  L'auteur  veul  dire  qu  Aboulféda  mit  en  vers  différents  ou- 
vrages qui  avaient  été  rédigés  primitivement  en  prose,  et  cela  pour 
quon  pût  les  retenir  plus  ^ciiement  dans  la  mémoire.  (Note  de 
M.  Reinaud.) 

^  Le  sens  me  parait  être  ;  un  commenlaire  sur  la  partie  de  timtro- 
ducûon  (le  Ibn-al-IIadj^h ,  qui  est  en  vers.  (Note  de  M.  Reinaud.) 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  521 

sur  la  logique  ;  une  géographie  ;  un  livre  sur  la 
morale  et  la  politique,  et  autres.  On  a  aussi  de  lui 
une  pièce  de  poésie,  en  Thonnexu*  de  Birr  el  Iscan- 
deriat  (?),  situé  au  pays  de  Hamâmat  ^  : 

Ne  voyez-vous  pas  que  la  société  dispensée  se  rassemblé 
et  que  vous  êtes  à  Tabri  des  injures  iu.  siècle  ? 

Et  que  nos  anciennes  maisons  et  demeures  se  peuplent  de 
nouveau,, depuis  que  nous  nous  sommes  séparés  à  Nedjd  ? 

J'avais  passé  à  droite  des  bornes,  un  jour  que  toute  la  so- 
ciété était  réunie. 

Alors  je  ne  pouvais  retenir  les  flots  de  mes  larmes;  ce- 
pendant ,  mes  larmes  ne  m'écoutaient  point. 

Mon  cœur  soupirait  après  Khansa;  mais,  jusqu'à  sa  de- 
meure il  y  avait  une  longue  distance. 

J'étais  en  proie  à  mes  désirs,  qiie  je  ne  pouvais  satisfaire, 
tout  le  temps  de  mon  absence. 

Je  ne  m  étendrai  pas  sur  les  différentes  dates  de 
la  mort  d*Aboulféda,  et  j'examinerai  plutôt  la  liste  de 
ses  ouvrages.  Du  premier  coup  dœil  on  est  porté 
à  s  en  méfier  et  non  sans  raison  ;  car  presque  tous 
ces  ouvrages  se  trouvent  mentionnés  deux  foi^.  Il 
me  paraît  que  le  copiste  est  seul  coupable  de  cette' 
répétition  ;  celui-ci ,  voyant  peut-être  ime  note  mar- 
ginale ,  a  cru  qu'il  était  de  son  devoir  de  Tintroduire 
dans  le  texte.  L'auteur,  tout  pauvre  poëtè  qu'il  est, 
ne  peut  être  supposé  tellement  distrait  que,  dans 
l'espace  de  six  à  s.ept  lignes,  il  répète  ce  qu'il  avait 
exposé.  Il  s'agit  de  reconnaître  ici  la  vérité,  et  en 

'  H  s'agit,  ce  me  semble,  ici  d*un  endroit  situé  aux  environs 
d'Alexandrie.  Sur  le  voyage  d'Aboulféda  à  Alexandrie,  voyez  les 
Annales  Moslemici,  t.  V,  p.  324.  (Note  de  M.  Reinaud.) 


522  JOURNAL  ASIATIQUE, 

me  basant  sur  des  données  plus  ou  moins  précises, 
je  suis  porte  à  croire  que  ces  mots,  à  commeqcer 
de  cuxMP  jusqu'à  L^\ji&^\^,  sont  interpoles;  car  le 
Havi  même  n  est  pas  d*Âboulféda ,  mais  seulement  la 
rédaction  en  vers  de  cet  ouvrage;  la  Ccffiah  et  la 
Chcfiah  ne  sont  pas  non  plus  de  lui,  mais  seulement 
un  commentaire  rimé  de  cette  grammaire;  la  Tas- 
viah  n  est  peut-être  rien  autre  chose  qu'une  partie 
du  Cannâche;  le  traité  de  logique  dit  Chemsiah , 
pourrait  bien  nêtre  que  le  discours  de  notre  auteur 
siu*  la  logique  ;  et  il  ne  reste  à  expliquer  que  les 
Solutions  de  i'Almageste  et  les  Préceptes  ^. 

Les  grands  ouvrages  d'histoire  et  de  géographie 
mis  de  côté,  vu  quils  sont  suflisanmient  connus, 
nous  nous  occuperons  de  Texamen  dés  autres  tra- 
vaux ici  énumérés. 

Le  Havi  ou  collecteur  est  un  recueil  de  préceptes 
religieux  et  civils  selon  le  rite  chafeïte,  rédigé  par 
Mohammed  ben  Said  ben  Mohammed  Âbou  Ahmed , 
connu  sous  le  nom  dlbn  Alâss,  (j^U^i  (g^l,  qui  mou- 
rut à  Kharezm  après  l'an  34o  (961  après  J.  C.  ). 
Cet  ouvrage  était  arrangé  à  l'ihstar  du  Grand  Re- 

^  Je  ne  suis  pas  tout  à  fait  de  Tavis  du  savant  M.  Gottwaidt.  II  ne 
me  parait  pas  y  avoir  ici  de  répétition.  L'auteur,  après  avoir  parié 
des  ouvrages  d'autrui  qu  Aboulféda  avait  mis  en  vers,  parie  des  tnitéi 
composés  par  Aboulféda  lui-même.  Les  mots  s  jy»^Jl9  ^IJUll  L^ 
e>xi=J[  (U  oÂÂ^a  .^^^t  ^  #LJUJt,  que  M.  Gottwaidt  a  rendus, 
par  :  et  estimant  les  gens  de  lettres,  qui  accowraient  chez  lui  de  loaM 
les  contrées  ^  signifient  de  plus  et  qui  composh^nt  à  son  intention  éffi- 
rents  écrits.  Le  traité  de  logique,  dit  Chemsiak,  est  bien  connu  cUdi 
sa  rédaction  en  prose  ;  il  se  trouve  ii  la  Bibliothèque  royale.  Il  eit 
du  nombre  de  ceux  qu  Aboulféda  mit  en  vers.  (Note  de  M.  Reinand.) 


-    # 
NOVEMBRE. DÉCEMBRE  1846.  523 

cueil,>AAj3J  j^Mi,  qui  teaite  du  même  sujet,  et  qui 
a  pour  auteur  le  fameux  compagnon  ^  de  Chafeï 
^^UJl  <^.^>.U9,  fondateur  de  la  secte  de  ce  nom, 
Ismaël  ben  Yâhya  ben  Ismaèl  ben  Amr  ben  Ishac 
Abou  Ibrahim  al  Mozeni,  né  en  lyS  (791  après 
J.  C.  )  et  décédé  au  mois  de  chewal^  en  264 
(  878  après  J.  C.  ).  Plus  tard,  le  Havifat  abrégé  et 
disposé  par  Abdul  GhafTar  ben  Abdulkerim  ben 
Abdul  GhafTar,  le  cheikh Nedjm  eddin  de  Cazvin, 
pour  être  appris  par  cœur  par  son  fils  Mohammed- 
Cette  rédaction  reçut  le  nom  de  p^tà  Havi,  x^^^ 
jajuaH ,  tandis  que  lautre  fut  distinguée  par  celui  de 
l'ancien,  ^y^,*sxi]  ^^^Ut.C'estdecet  abrégé  du  HaVi 
qu'Aboulféda a  essayé  défaire  imé  rédaction  en  vers, 
laquelle  fut  ensuite  commentée  par  un^de  ses  con- 
temporains le  cadhi  Cheref  eddin  Hebat  ^Uah  ben 
Abdulrahim  ben  Albarezi  do  Hamah,  qui  mourut  en 
737  (  1 336  après  J.  G.)  '^ 

Le  second  ouvrage  attribué  à  Aboulféda  est 
un  commentaire  de  là  célèbre  grammaire  dlbn 
Alhadjib.  Aboulmahassen  ,•  dans  son  Histoire  de 
rÉgypte,  et  Hadji  Khalfah,  en  parlent  aussi,  et  dans 
le  même  sens.  Au  dernier  nous  devons  de  plus 
amples  informations;  il  dit  :jb*-^  ;^*^i3  M  ^X-^cû  *l^l 

'  Ordinairement  le  mot  o^^^»^!^  pareil  cas,  ne  signifie  pas 
conif)agnon,  mais  élève.  (Note  de  M.  Reinaud.) 
2  Ibn-Khallican  dit  le  24  ramadhan. 


524  JOURNAL  ASIATIQUE. 

\rr  JLÂM»  ^^Ufcû  i  *ju^,  «Cet  ingénieux  commen- 
taire, auquel  il  (Abouiféda)  a  joint  des  notes  de 
Fauteur  même  de  cette  grammaire  et  d  autres  com- 
mentateurs, fut  fini  au  mois  de  chaban,  en  732 
(i3â2  de  J.  C);  il  débute  par  ces  mots  :  uLouange 
«à  Dieu,  qui  nous  a  enseigné  Tart  de  Récriture!  » 

Le  troisième  ouvrage  est  appelé  Cunnâche.  Lor- 
thographe  de  ce  mot  est  double;  on  Técrit  tantôt 
(j-Iâê>,  tantôt  (jpiLLS",  et,  dans  les  formes  d*unité, 
iL^Uâ»  et  A^Uâ».  Les  formes  écrites  par  ^  et 
j&  ne  me  paraissent  être  que  des  différences  de 
dialecte,  et  je  regarde  la  forme  en  ^^  comme  ap- 
partenant exclusivement  à  la  Syrie,  vu  que  le  mot 
est  d*origine  syriaque.  Sous  le  titre  de  CQnnâche 
(collectdnea) .  nous  connaissons,  par  Hadji  Khalfii. 
cinq  ouvrages,  dont  trois,  à  coup  sûrj  traitent  de 
la  médecine  ;  le  quatrième  est  un  recueil  de  plusieurs 
autres  sciences,  It  le  cinquième  est  resté  indéter 
miné  ^.  H  n  est  donc  pas  surprenant  queReiske  ail 
regardé  le  Cunnâche  d' Abouiféda  comme  des  tables 
de  médecine ,  puisque ,  outre  les  ouvrages  mention- 
nés, il  y  en  a  un  autre,  en  langue  syriaque,  du 

même  titre  ,  I^jglO  »  traitant  de  la  même  matière. 
L'historien  Djennabi ''^  attribue  .aussi  à  Abouiféda 
un  (jMLÂâ>  appelé  (^«>s>3^ .  et  ajoute  :  c^UoJl  is>  i 
^UJJ  $\jàj,  (lisez  6-JaiJ),  «qu'il  traite  de  la  méde- 

*  Voir  l'avant-propos  de  la  Géographie  d'Aboûlféda,  éditiou  (k 
MM.  Keinaud  cl  de  Slane. 

-  Voyez  Gagnier  :  Viia  Mohammedis ,  préface. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  525 

(•ine  et  ressemble  an  Canon))  (apparemment  d'Avi- 
cenne).  Cependant,  notre  abréflatem*  nous  fait  con- 
naître le  contenu  du  livre,  et  précise  en  même 
temps  le  nombre  de  volumes,  à  savoir,  quatre,  sur 
quoi  Abulmahâssen  enchérit  encore  en  disant  qu*il 
était  composé  d^  beaucoup  de  volumes.  Nous  lisons 

dans  Hadji  Khalfa .:  ^  ^  JJl  x»  .x^  iJ^I  ^jiUfe 

Jl]^  iL-jL^J  (Usez  »:>yL)  »:>y!Sii  ^^  ibU  (liiez  AJtoJ)  ^ 

u  Can/idc/i^  (recueil)  dont  voici  le  commencement  : 
Louange  à  Dieu  pour  le  savoir  .duquel  il  ny  a  point 
de  bornes,  et  dont  la  bonté  n a  point  de  fin!  )iXi'au- 
teur  dit  :  u  Ce  livre  de  recueil  est  composé  d'une 
quantité  d'autres  livres;  le  premier  traite  de 'la 
grammaire.  »  A  la  fin,  il  ajoute  :  «  J/ai  achevé  de  faire 
et  de  rédiger  cette  compilation  dans  les  dix  premiers 
jours  du  mois  de  chaban,  en  -727  (auinois  de  juillet 
de  1 337).  Cependant,  je  nai  rencontré  nulle  part  le 
nom  de  l'auteur.  »  Cette  date  coïncide  si  bien  avec 
l'âgé  d'Aboulféda ,  que  je  serais  tenté  de  regai^der 
comme  un  seul  et  même  livre  l'ouvrage  mentionné 
par  Hadji  Khalfa  et  le  Cunnâche  Moayadi  dé  Djen- 
nabi. 

En  ce  qui  concerne  le  discours  sur  la  logique,  le 
livre  sur  la  morale  et  la  politique ,  les  Solutions  de 


526  JOURNAL  ASIATIQUE. 

l'Almageste  et  les  Préceptes  \  je  n  ai  pu  rien  trouver, 
au  moins  dans  les  flkres  qui  étaient  i  ma -portée, 
qui  me  donnât  de  plus  amples  informations.  Aboul- 
mahassen  ^  fait  encore  mention  d  un  livre  des  Ba- 
lances (mesures?);  Ibn-Chehna  parle  des  Raretés  de 
la  science,  jki-*Jl  ji»ly  v^^  que  M.  Kôhler'  suppose 
être  un  livre  théologique;  Djennabi  attribue  à  Aboul- 
féda  des  poésies  à  rimes  doublées,  «^L^^.*;  enfin, 
d  après  Gagnier,  il  existe  au  collège  de  Saint-Jean, 
à  Oxford,  un  livre  du  même  auteur  sur  i*usage 
des  tables  astronomiques,  J^«*xil  i  ^yiSX\j>MJ\  c^VjuT 
Jh^^  m^mI]  ^\jÔ\  pU^I    ^L^l  vJUJlï  p^^iêûU  ^^L 

Nqi^s  finirons  cette  notice  par  un  extrait  du  ma- 
manuscrit  contenant  Thistoire  de  la  déposition  cl 
de'  la  mort  dû  fils  d'Aboulféda. 

JlXJî  j-u^  i4Hkâi!  jL^xJI  (j-  ^^jji)  ^^^fi^:^  (ji^\ 

^  Le  livre  des  Préceptes  me  paraît  être  un  traité  de  logii|iie. 
composé  par  Avicenne  et  commenté  par  Nassyr-eddin  de  Tboui 
(  Note  de  M.  Rcinaud).. 

'  Géographie  dAhovdfèda,  éd.  de  M.  Reinaud. 

^  RepertoriumfûrhihLund  morgenlând,  Litterat.  tom.  II. 

*  n  faut  peut-être  lire  ^3lj^  (Noté  du  rédacteur.) 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  527 

jiÂJIci^til  frU^  ùj\:>  J)!f3  iu  U  àbjjl^iH  li^  aaU 

c-A.<jfc  l^t^  siLiâJù  f^  imhX^Ji  iZKjiS^^  «fl4>X  {^ymt^J^  ^t 
V.JUUW  ^Jyo^l  l^^i^dio  i-i'^^  Ja<li>(l  JiXmÔ  Jt  ^^5^1  (^  CiT* 
>1  JULi  Ju:)i>  i  y^LâyU»!^  (iisezjjC)iil0)  J14UI9  (^«>Jt 

^5-ijU   ^j-Xêi^'Àm^,   IxAÂkil    (5MWW03   4«^b   Jt^^-AlkM  «Xi   Uâjl 

jL^MJ  a^l:^  ^fHV^3  ^1   iû^^mL  l^l»^  iy**j^\  ^y*^^ 

>^Jc^;^^  J^^l»^  ^^?^1  {^  ^i  plî'  *^^*  i  \3^i^^  Jî 

cA.i^  ^Â^  (i)  i^tyiil^  l^^t  CA^A^  i(l.^  4^UJly&}. 
*  Lô  manuscrit  porte  ^f^JfL- 


528  JOURNAL  ASIATIQUE. 

j^'i]    ^j  y^  ^Lm»    ^.A  ».4i   1*^  îk^imtQ  1^^»^.^^     ïl^  jI 

b^-^  i\^  Jt  6^iu>».*  <-«^4*«*'  (^^O  ^^y^^^  ^5â.  «^^  (^1^ 

^^UJt  JJdt  iU^U  AJkfi^3  ffU^  jpUJU  j^  bl  Î^IAI  Jb 
5l^  «^^^i^^lo  i  jOAâJill  çij  JJi>  ^  ^1^  l^i^l  J)b  bl^ 
>iL^jl  ^  tyUsU  ^\il\  Jl^t  J^l  ^' j4>iiUt3  JU^L 

iL^L.«jix*M3  &MO  JUm  (i^^^UJl  JJJ)  «X^j^i  iâUXI  JL««Xâ 

^srj^,  (jl*  AAÀf  ^^  ^  |»LâJl  ç^b  4>5^  «i    ç^  Aîb 

I^w^j^mJ!  <-;b  Jl  J^io^yAJdli^cXS^  jUtI  V^^l  1*^ 

^?  ^  (i&  U^'^  Si;  ^^^3  ^^  j-A^  «>^3  ^i  A^  Jl 
'(s^j^  xj  \*ij\Mt^  AkxJin  dUj  i  J^^  I^ââÇ  ({)â5^  ASp»^ 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  529 

vL^Uà  ù\Xi  cs^S  ^\Â  i^\jfi  <>o^l  éSii  xf^\  kjjXf 

^^^Mwojy  cxÂJ^^  ^«Xj^i^  AXi^j^  o«jvi^^  JU3  4^)  ^(i?^ 
uXXâ^^  ULl^  ji^l  AiAtfL^]^  iUiAw  çjjijjSit^^  iiju/*o  iSj^^  ^^1^ 

v±>^vs;^  JjvA^N-J  (;)^*>Jl  -s^U^  lift  (^«^t  jy  viUlt  *>Jyi  (si^ 
Lcy.j«-^.  4;-a5^  UsikJ!  î^^t  JcU  ^^1^  %^f  jl!!*>Jl 

iij4>jLj  Jj^^\  JJJlt  J>^  c.yuM  ^j^^  l^.  c;<w»l:»l3  i^t^^  ,1 
^fe^Uo^l^  A>3^^  (j^  (JmUJ)  Jtj^l  j^^.:^^  Xi^T^*  JUj  A)Jt 

VIII.  .34 


530  JOURNAL  ASIATIQUE. 

<m^À^\  <^û»»  o^l^l  cKè4MM  <^  <^uv  i^Uj^d  J^t  «X^ï 
(^;iXâb«  (^  lyÛA^tj^pUJt  ^tjûp!l(l  «;;AXdtj  ^^Jt^-^t  (JmUII 

>itU]t  Jt^I  ôu^t  ^  J^  d  t^>^5  d)^Vl3  ^U^JI 

M^yi\^  J>jJ!  «jl^  ^1)153  X2^  (S^  *^j3  ^IfU  oJirf  ^ 


«  Cette  année  (c est-à-dire  'jki  ou  1 34a  de  J.C.) 
le  2o  du  mois  de  rebi  premier,  Hussam-eddin  Lad- 
jin  el  Gharlevi  ^  arrivant  de  TÉgypte,  apporta  au 
prince  d'Hamah  Tordre  de  se  rendre  avec  lui  à  Da- 
mas ,  où  il  lui  remettrait  des  dépèches.  Ay'syit  entendu 
cette  nouvelle ,  le  prince  El  Afdhal,  à  peine  rétabli 
d  une  maladie ,  se  prépara  pour  le  voyage  ,  congédia 
sa  maison ,  vendit  ses  meubles  ,  ses  ustensiles  de 
cuisine  et  sa  vaiselle.  Après  un  délai  de  trois  jours 
il  sortit  de  Hamah,  porté  sur  un  brancard.  Arrivé 
à  Restan  ,  il  envoya  son  nfamelouc  à  Haleb  pour 
avertir  de  son  ét^t  Témir  Seif  eddin  Thaschetimour 
Hommaz  Akhdhar  (pois  vert);  celui-ci  lui  fit  ré- 
pondre ,  pendant  qu'il  était  encore  campé  j^pès  de 

*  Le  texte  ofiîne  évidemment  (jJjiu] ,  le  «  portant  une  iBaR|vc 
pour  être  distingué  du  J  ;  sans  cela  il  serait  bien  aisé  fle  lire 
(jJj»j\t  de  Gfiiznah. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  631 

Restan  :  «  Qui  vous  a  ordonné  de  quitter  votre  pays? 
((  Vous  aiunez  pu  attendre;  si  vous  appréhendez^quel- 
((  que  chose ,  ayez  recours  à  moi.  »  Alafdhal  manda 
sonbeau-frère  1  emir  Seif  eddin  Thocoztimour  pour 
lui  demander  avis  ;  celui-ci  répliqua  :  «  La  meilleiure 
«  chose  pour  vous  est  d'aller  à  Damas,  et  de  ne  pas 
«  fournir  un  prétexte  contre  vous.  »  En  même  temps 
il  dépêcha  quelqu'un  chez  Tombogha,  vice-roi  de 
Damas ,  pour  avoir  son  conseil.  Il  arriva  alors  un 
envoyé  qui  lui  manda  de  se,  hâter  et  d'avoir  bon 
coiu'age.  Ainsi  flottant  entre  la  craintfe  et  l'espérance  * 
le  prince  continue  son  voyage  vei^  Damas,  où  il 
entra  le  dimanche  au  soir,  le  a  du  mois  de  rebi 
second  ,  après  un  trajet  de  huit  jours  -,  il  descendit 
à  Cheref  el  Ala,  et  logea  chezBibars  le  silihdar,  chez 
qui  aussi  les  présents  et  les  cadeaux  étaient  déposés. 
Lorsqu'il  fut  arrivé  à  Caboun  supérieur  ^,  avant 
d'entrer  ^dans  la  ville,  Seif  eddin  Thocoztimour  pa- 
rut au  même  endroit;  Alafdhal  voulait. avoir  une  en- 
trevue avec  lui  ;  mais  il  ne  réussit  pas  ;  car  Thocoz- 
timour poursuivît  sa  route  jusqu'à  Ladjin  et  Garah. 
Soudain,  arrive  l'ostadar,  ayant  reçu  un  billet  annon- 
çant que  Thocoztimom»  se  trouvait  à  Carah  et  était 
devenu  vice-roi  de  Hamah.  Les  émirs  et  le  peuple  se 
tenaient  prêts  à  orner  la  ville,  ce  qu'ils  firent  à  son 
enti'ée,  le  jeudi  y  du  mênje  mois,  et  cette  jouriiée 
fut  comme  un  jour  de  fête.  La  raison  de  sa  venue 

^  cx^UJf  ^jl>  j  (>a.fj  J^  {j^-^^  uso  *^  t^y"  oy'^ 

(«j^LmJI  Jslwj  fj  fj\j»i\  4^1  Yacout,  daDs  son  grand  DictÛAinaire 
géographique. 

34. 


532  JOURNAL  ASIATIQUE, 

à  Hamah  était  la  crainte  du  danger  menaçant  sa 
vie;  car  Almansour  avait  épousé  sa  fille,  et  lui 
était  son  lieutenant.  Ayant  été  destitué,  il  dît  aux 
émirs  :  «  J  ai  une  charte  scellée  d*Elmelic-Nassir,  qui 
«m'investit  de  Hamah;  c^est  là  que  je  vais.  »  Malgré 
son  dire,  il  s  éleva  des  plaintes  contre  cet  usiurpateur 
de  Haihtih,  à  cause  de  Tinjustice  et  de  la  ruse  avec 
lesquelles  il  était  allé  saisir  le  bien  d  autrui.  On  con- 
vint de  le  renvoyer;  mais  lui  avait  quitté  la  ville  et 
ce  que  nous  venons.de  raconter  avait  eu  lieu  ^ 
Ce  Thocoztimour  est  le  même  que  le  melic  Moayad 
(  Aboulféda  )  avait  offert  en  cadeau  au  melic  Nassir 
en  Tan  709  (  i3o8  de  J.  C.  ),  ce  que  nous  avons 
rapporté  en  son  lieu.  Le  prince  Alafdhal  accompa- 

^  Ce  passage  offrira  peut-être  quelcpie  chcve  de  louche  au  lecteur; 
je  pense  même  que  la  fin  n'est  pas  rendue  exactement.-  L^auteur 
veut  dire  que  lorsque  la  nouvclfe  de  rapproche  de  Thocoitimoiir,  en 
qualité  de  gouverneur  de  Hamat,  se  fut  répandue  dans  i^ette  ville, 

.les  émirs  et  le  peuple  s'empressèrent  de -faire  des.  préparatifs  ponr 
fêter  son  arrivée.  (Sur  le  mot  aâj  ;  voy.  mes  Extraits  des  historiens 
arabes  des  croisades,  Paris,  1829,  p.  a  a  3.)  Thocoztimour  était  le 
beau-père  et  le  lieutenant  du  sultan  d'Egypte,  Màiek-Mansoor,  fils 
et  successeur  de  M alek-Nasser.  Ayant  été  destitué-et  craignant  pour 
sa  vie,  il  annonça  aux  émirs  l'intention  de  se  retirer  à  Hamat,  dont 
il  disait  avoir  reçu  l'investiture  du  vivant  de  Malek-Nasser,  an 
moyen  d'un  diplôme  revêtu  du  èlamé  ou  paraphe  du  sultan.  Le 
hasard  fit  que,  dans  le  même  moment,  l'on  reçut  en  Egypte  eu 
plaintes  sur  le  gouvernement  tyrannique  du  fils  d*Âboalféda,  etsor 
les  ruses  qu'il  employait. pour  extorquer  le  bien  d'autrui.  Lesénin 
donnèrent  donc  à  Thocoztimour  une  commission  pour  Hamat,  et 

licelui-ci  se  mit  aussitôt  en  route.  On  trouve  une  notice  particnliàre 
sur  Thocoztimour  dans  le  Mankel-alrSafy,  d'Àboul-Mahassen ,  man. 
ar.  de  la  Bibliothèque  royale,  anc.  fonds,  n"  749,  folio  191,  v.  (Noie 
de  M.  'Reinaud.) 


NOVEMBRE. DECEMBRE  1846.  533 

gna  à  cheval  le  vice-roi  de  Damas  lors  de  son  eii- 
trée  solennelle.  On  lui  proposa. de  retourner  sous 
les  voûtes  du  palais ,  sans  faire  partie  de  la  cuite , 
marchant  à  pied,,  le  second  jour  de  la  cérémonie; 
mais  il  alla  achevai,  à  son  ordinaire.  Toutefois,  ar- 
rivé à  la  porte  Sirr ,  on  lui  ordonna  de  mettre  pied 
à  terre;  il  descendit  et  marcha  à  pied  jusqu'à  ITiôtel 
du  vice-roi ,  au  delà  de  la  porte  de  la  Victoire.  S'en- 
tortillant  de  ses  longs  vêtements,  il  hroncha-,  parce 
qu  il  n  avait  pas  coutume  de  marcher  de  la  sorte. 
Cela  le  mortifia,  car  il  voyait  quil  n  était  plus  roi, 
et  il  retoiu'na  à  son  logis,  changé  et  consterné.  La 
maladie  de  sa  femme,  qui  était  des  plus  estimées, 
augmenta;  elle  fut  sur  le  point  de  mourir,  et  d'autres 
malheurs  s'ensuivirent  pour  lui.  Il  fut  atteint  d'épi- 
lepsie  et  d'une  suppression  des  fonctions  cérébrales, 
en  conséquence  desquelles  maladies  il  succomba  le 
soir  du  mercredi,  i3  du  mois  de  rebi  second,  tes 
ai'omes  et  les  linceuls  qui  étaient  destinés  pour  sa 
femme ,  lui  servirent  d'embaumement  et  d'enve- 
loppes; la  même  nuit  on  l'emporta  à  Hamah.  Arrivé 
le  1 5,  le  matin  dmeudi,  il  fut  enterj'e  dans  le  tombeau 
de  son  père  le  melic  Moayad,  à  côté  de  la  principale 
mosquée  bâtie  hors  la  porte  du  Pont.  L'émir  Seif 
eddin  Thocoztimour  assiista  aux  funérailles  et  fit  les 
prières ,  que  Dieu  soit  propice  au  défimt!  Khavan- 
dah,  son  épouse,  mourut  bientôt  après  et  fut  ense- 
velie à  Damas,  dans  le  cimetière  des*  martyrs.  Le 
melic  Al  afdhal  avait  régné  dix  ans  et  quelques  jours, 
et  atteint  l'âge  de  vingt-neuf  ans,  huit  mois  et  quel- 


534  JOURNAL  ASIATIQUE. 

ques  jours.  H  laissa,  outre  le  melic  Nour  eddin  Âli  et 
Emad  eddin  Ismaêi,  trois  filles.  Lorsqu'il  fut  mort  et 
qu'on  le  transporta  à  Hamah,  sa  mère,  avec  ses  deux 
enfants,  s  en  alla  en  Egypte  sur  Tavis  du  plus  puissant 
des  émirs, Tpmbogha,  qui  lui  donna  des  lettres  dere- 
conunandation  en  faveur  des  deux  princes  et  chercha 
à  flécHir  les  cœurs  par  la  vue  de  leur  infortune.  Tout 
près  du  Caire,  le  melic  Nour  eddin  Ali  moifcut  et  fîit 
enseveU.  La  mère  entra  au  Caire,  et  Caussoûn  loi 
expédia  une  charte  qui  assurait  Témii^t  à  Is'maël,  en 
ajoutant  la  promesse  que  son  état  lui  serait  main- 
tenu. La  mère  retourna  à  Damas,  où  elle  resta, 
quoique  les  troupes  fussent  encore  en  mouvement 
La  cause  de  la  déposition  du  melic  Alafdhal  était 
une  marque  de  la  puissance  divine.  Ce  fiit  son  ava- 
rice, qui  le  portait  à  prendre  les  biens  de  ses  sujets, 
sans  raison  ;  ses  mesures  forcées  contre  eux ,  la  con- 
cussion qu'il  se  perpiettait  en  percevant  les  impôts, 
desorte  qu'on  était  même  injuste  contre  cdui  qui  ne 
possédait  rien.  Il  forçait  à  prendre  de  la  soie ,  diffé- 
rentes étoffes  en  toile  et  autres  choses,  même  en  cas 
de  mort  du  possesseur;  ainsi,  lorscru'il  avait  forcé  à 
prendre  l'année  précédente  du  sucre,  il  transférait  cet 
achat  aux  héritiers  et  prenait  sur  l'héritage  la  valeur 
de  la  marchandise.  Il  agissait -avec  ruse  ^vers  les 
riches  pour  leiu*  emprunter  de  l'argent,  cherchait  à 
empiéter  sur  les  biens  des  orphelins ,  moyennant 
des  emprunts,  si  bien  qu'à  la  «fin  chacun  voulait  ca- 
cher son  avoir,  que  les  riches  feignaient  d*étre  pau- 
vres et  n'avaient  garde  d'acheter  des  marchandises 


NOVEMBREDÉCEMBRE   1846.  535 

ou  des  biens-fonds.  Il  mettait  en  pratique  différentes 
ruses  pour  enlever  les  richesses  d'autrui;  aussi,  les 
imprécations  *  contre  lui  allaient  en  augmentant, 
airisi  que  les  prières  au  Ùieu  Très-Haut,  qui  lui 
avait  accordé  un  délai ,  mais  qui  •  ensuite  le  saisit , 
sans  qu'il  pût  échappera  Son  patrimoine  fut  vendu 
devant  ses  yeux;  il  goûta  lamertumè  de  la  déposi- 
tion et  celle  d être  sans  patrie,. privé  de  ceux  qu'il 
aimait.  A  la  fin  il  mourut.  Que  Dieu  lui  soit  propice  ! 
Hamah  sortit  des  mains  des  AyoubideS  pour  la  se- 
conde fois;  ils  y  avaiçnt  été  maintenus,  la  dernière- 
fois ,  pendant  trente-dèUx  ailà.  »  .  • 

J.  GoTTWÀLDT ,  à  Saint-Pétersbourg. 


NOUVELLES  OBSERVATIONS 

Sur  le  véritable  auteur  de  Thistoire  du  pseudo-Haçan  bon 
Ibrahim  \  par  M.  C.  Defremery. 


Parmi  les  manuscrits  arabes  compulsés  par  le 
laborieux  D.  Berthereau,  il  s'en  trouve  un  qui  porte 
le  titre  de  Djand-éttévcurikh,  g^jlyJJ  -Ç^W^  {^^  collec- 
tion des  chroniques) ,  et  dont  railteiu'  est  désigné 
sous  le  nom  de  Haçan  ben  Ibrahim  lafeî ,  dans  une 

'  Allusion  au  passage  du  Goraa  :  <^t  àfijjct^mj  ^'^^LjH  ÉMiké^ 
JiUê  otj^  (surate  xui,  23.) 


536  JOURNAL  ASIATIQUE, 

note  placée  à  la  fin  du  volume.  Cette  note  se'  ter- 
mine ainsi  :  é\jà[  (j^t'^^  A  iUttfj^\yA^  ^^jj^y 
A^UUf^  (:5^j(XM3  ^«mJ  iUiw,  ((  Ce  livre  *a*  été  transcrit 
dans  la  vîUé  de  Misr,  qui  est  sous  la  sauvegarde  'de 
la  religion  sublime,  Tan  679.  »  Les  détails  indiqués 
ci-dessus  paraissent ,  confirmés  par  le  court  avertis- 
sement qui  précède  le  manuscrit,  et  dans  lequel 
l'auteur  nous  apprend  qu'il  a  rédigé  son  travail  pour 
le  sultan  Mélic  M ançour  Seîf-eddin  Kélaoun,  et  qu'il 
l'a  commencé  à  Tannée  62  1  de  l'hégire. 

Malgré  la  vraisemblance,  la  précision  et  l'authenti- 
cité apparente  de  ces  renseignements,  ils  ne  renfer- 
ment pas  un  seul  mot  qui  rie  soit  ime  imposture.  C'est 
ce  qu'a  démontré  M.  Quatremère  dans  l'appencjiee  du 
premier  volume  de  THistoire  des  mamlouks^.  Et  d'a- 
bord, le  savant  professeur  a  reconnu  que  le  premier 
feuillet  du  volume,  renfermant  le  titre  et  la  préface, 
avait  été  ajouté  par  une  main  beaucoup  plus  moderne 
que  celle  qui  avait  transcrit  le  reste  de  l'ouvrage.  Le 
propriétaire  du  manusci^t,  dans  le  but  de  vendre 
.plus  avantageusement, un  volume  dépareillé,  y  a 

^  Histoijre  des  sultans  mamlouks  de  FEgypte,  tome  I,  9*  partie, 
pages  177-179.  —  Je  dois  cependant  faire  observer  qoe  llionneiir 
d'avoir, 'le  premier,  reconnu  la  supposition  d'Haçan-ben-IEnhim 
appartient  à  M.  Reinaud.  Dans  les  observations  préliminaires  de  lef 
Extraits  d'historiens  arabes  relatifs  aux  croisades,  ce  savant  s^exprime 
ainsi  (page  xxv)  :.  «Dans  le  cours  du  volume,  Tauteur  renvoie  à 
des  événements  qu'il  avait  l'acontés  longtemps  avant  le  xni*  aiide 
de  notre  ère  ;  d'un  autre  côté,  il  fait  mention  de  princes  qui  n^ont 
régné  que  dans  le  xv*  siècle.  On  peut  induire'  de  là  que  le  titre  et 
la  préface  n'ont  été  mis  qu'après  coup,  et  que  c^est  ici  un  Yolmne 
dépareillé.  » 


N;0VEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  537 

cousu  un  titre  et  une  préface,  qu'il  a  écrits  lui-même, 
sans  s  inquiéter  «i  les  détails  contenus  dans  cette  ^ 
préface  concordaient  ou  non  avec  le  récit  dé  Tau- 
teiu*.  La  dernière  page-  du  livre  a  été  également 
ajoutée  dans  la  même  intention  mercantile.  Les 
assertions  de  lauteiu*  donnent  le  démenti  le  plus 
formel  à  tous  les  renseignements  compris  dans  la 
préface  et  dans  la  note  finale.  Des  passages  indiqués 
par  M.  Quatremère  prouvent  que  Thistoire  en  ques- 
tion commençait  bien  avant  Tannée  621.  D autres 
passages  démontrent  tout  aussi  clairement  que  cet 
ouvrage  a  été  composé  longtemps  après  Tannée  678 
de  Thégire,  et  qu'il  devait  s  étendre  bien  au  delà  de 
cette  épqque.  Ainsi,  Tauteur  cite  les  trois  historiens 
Novaïri,  Bibars  et  Aboulféda,  qui  tous  ont  écrit  dans 
le  viii^  siècle  de  Thégire.  Parlant  de  Témir  Baïdera , 
qui,  après  avoir  assassiné  le  sultan  Mélic  Achraf 
Khalil,  Tan  GgS  de  Thégire  (de  J.  C.  129/1),  et 
usurpé  le  trône,  ne  le  conserva  que  deux  jours  et 
le  perdit  avec  la  vie,  il  ajoute  :  «C'est  ce  que  je 
raconterai  plus  bas.  »  Ailleurs ,  il  indique  Tannée  832 
cohfime  celle  dans  laquelle  il  écrivait.  De  ces  détails 
et  de  quelques  autres,  M.  Quatremère  concluait  que 
Tauteur  était  né  vers  la  fin  du  viu*  siècle  de  Thégire, 
et  que  ce  fut  dans  le  siècle  suivant  qu'il  composa 
des  travaux  historiques  d'une  grande  importance. 
((  Il  se  trouvait  ainsi ,  ajoute  le  savant  professeur, 
contemporain  de  Makrizi,  Abou'lmahâsen,  Kotb- 
eddin  (lisez  Bedr-eddin)  Aïni,  Ebn-Kadi  Schohbah, 
et  autres  chroniqueiu's  dont  les  productions  volu- 


538  journal;^asiatique. 

mineuses  et  estimables  sont  encore  aujourd'hui  sous 
nos  yeux.  Mais  quel  était  cet  historien?  Quels  lurent 
son  nom  et  son  pays?  C'est  un  problème  que  je  n*aî 
pu  résoudre,  et  sur  lequel  j'e  ne  saurais  même  offiîr 
une  conjecture.  Tout  ce  que  je  puis  assuré,  c'est 
que  le  long  chapitre  historique  sur  lequel  j*ai  aj^elë 
lattention  de  mes  lecteurs,  ne  fait  partie  d'aucune 
des  grandes  collections  que  j'ai  eu  occasion  de  con- 
sulter, et  dont  les  auteurs  nous  sont  connus^,  n 

Depuis,  répoque  où  M.  Quatremère  écrivait  ces 
lignes,  M.  de  Hammer-Piu*gstall  a  examiné,  dans 
une  note  insérée  au  Journal  asiatique  ^  la  question 
soulevée  par  notre  savant  compatriote.  Le  célèbre 
orientaliste  de  Vienne  a  supposé  que  le  véritable  au- 
teur de  ce  fragment  historique  n'était  autre  que  le 
chroniqueiu*  Aïni ,  sur  lequel  M.  Quatremère  a  donné 
une  Aotice  dans  le  même  appendice'.  L'opinion 
de  M.  de  Hammer  me  paraît  tout  à  fait  fondée; 
seulement ,  qjielques-uns  des  développements  dont 
il  l'a  entourée  manquent  d'exactitude.  D'ailleurs, 
une  comparaison  plus  attentive  de  la  vie  d'Ami  avec 
les  passages  extraits,  par  M.  Quatremère,  du  pseuÂo- 
Haçan  ben  Ibrahim ,  m'a  fourni  plusieurs  preuves 
nouvelles  à  l'appui  de  la  conjecture  du  savant  alle- 
mand. En  conséquence,  j'ai  cru  que  les  lecteurs  du 
Journal  asiatique  verraient  avec  plaisir  un  examen 
détaillé  de  cette  question  intéressante. 

'  M.  Quatremère,  loc,  laud,  pag.  180. 
'  III-  série,  t.  XIV,  pages  U8-45o. 
^  Pages '2 19-228. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  5S9 

Le  pseudo-Haçan  ben  Ibrahim ,  après  avoii:  men- 
tionné le  livre  intitulé  Romouz  (dcononz  jy^\  jyAj, 
(les  énigmes  des  trésors),  qui  a  pour  aufem»  Seïf- 
eddin  Amidi ,  ajoute  ces  paroles  :  «  J'ai  hi  ce  livre 
en  présence^  de  Timam  Schems-eddin  Mohammed, 
fils  du  schetkh  Ibrahim  Maraghi  Zahidi,  dans  les 
contrées  du  nord,  iuJUûJl  ^^l  «J,  vers  Tanuée 
783.)) 

D après  cette  expression,  les  contrées  da  nord,  on 
peut  croire,  observe  M.  Quatremère,  que  lautem* 
n  était  originaire  ni  de  TEgypte,  ni  de  la  Syrie,  maïs 
qui!  avait  pris  naissance  dans  TAsie  Mineure^.  Mais 
ne  pourrait-on  pas  supposer,  avec  une  égale  vraisem- 
blance, que  ces  mots,  les  contrées  da  nord,  désignent, 
non  TAsie  Mineiu'e,  comme  le  pense  M.  Quatremère, 
mais  la  partie  septentrioi;iale  de  la  Syrie,  à  l'est  de 
la  Cilicie?  Cette  conjectiu^e  s  accorde  très-bien  avec 
le  lieu  de  la  naissance  de  Bedr-eddin  Mahmoud  Aïni, 
qui ,  ainsi  que  son  surnom  l'indique ,  avait  pour  patrie 
Aîntab,^dans  la  Comagène,  à  trois  journées  de  che- 
min au  nord  d'Alep  ^.  Voilà  donc  un  premier  rapport 
entre  le  pseudo-Haçan  et  Aïni.  Nous  allons  en  trouver 
un  second  dans  im  passage  de  Sékhavi,  négligé  par 
M.  Quatremère,  et  qui  suffirait,  à  lui  seul,  pour 
trancher  la  question.  .      ' 

<(  Il  lut,  dit  cet  historien  dans  la  Vie  d'Aïni,  devant 
Chems-eddin  Mohammed  Arraii  Ibn-Azzahid,  l'ou- 
vrage intitulé  Mirah  alarvah ,  ainsi  que  le  Œafiah , 

'-  Hist  des  ialtans  mamlouks,  loc.  laud.  pag.  179. 

-  Voyez  Saint-Martin,  Mémoires  sur  l'Arménie,  t:  I,  p.  197. 


540  JOURNAL  ASIATIQUE. 

le  commentaire  du  Chemsîàh  et  le  Romoaz  al-Co- 
noaz,  par  Amidi  ^  » 

Il  me  parait  impossible  de  mécomiaitre  Tidentité 
qui  existe  entre  les  détails  contenus  dans  ce  paissage 
de  Sékhavi  et  ceux  que  nous  fournissent  les  lignes 
du  pseudo-Haçan  citées  plus  haut.  En  effet,  Aïni 
naquit,  comme  on  le  sait,  dans  la  ville  d*Aintab,  où 
il  fut  élevé,  et  qu'il  ne  quitta  qu'en  788 ,  pour  aller 

i^iyjèM  Ms.  arabe  n°  600,  fol.  99  r.  Dans  sa  note,  M.  deUammer 
s'exprime' ainsi  :  «11  dit  avoir  lu  le  livre  de  rimam  Schems-eddin 
Mohammed  dans  les  contrées  du  nord,  1  an  788  de  Thëgire,  et  dany 
la  biographie  d'Aîni ,  nous  apprenons  qu'il  avait  fini  ses  études,  cette 
même  année,  à  Ilaleb.  »  Ce  passage  renferme  deux  inexactitudes. 
Par  les  mots ,  dans  les  contrées  du  nord,  Tauteur  ne  peut  avoir  désigné 
Alep,  ainsi  que  je  crois  Tavoir  démontré  plus  haut.  D'ailleurs,  ce  ne 
fut  pas  à  Alep,  mais  bien  dans  sa  ville  natale,  comme  Tatteste 
Sékhavi,  qu  Aïni  prit  les  leçons  de  Chems-eddin  Mohammed.  Aîni 
ne  finit  pas  ses  études,  en  783,  à  Alep;  mais  il  les  y  continua  cette 
môme  année,  selon  Sékhavi,  ou  Tannée  suivante  seulement,  d'âpre 
Abou'i  Méhacin  (ms.  667,  fol.  190  r**).  Nous  le  voyons,  %  des  épo- 
ques postérieures,  suivre  des  leçons  à  Béhesna,  à  Cakhta,  au  Caire 
et  à  Damas.  (Voyez  M.  Quatremëre,  page  230).  Je  dois  faire  observer 
que,  par  une  erreur  de  copiste,  le  nom  d'Alep  est  substitué  à  odui 
d'Aîntab  dans  cette  phrase  de  Sékhavi  :  j-ImLjS  ^jL»  (J  •••••jJ* 
oX^  jû)L^A4w  j  ij^ôCm»  j  ^J^\  AÂ4»  qL^^  «li  Da({uit  le  17  de 
ramadhan  de  Tannée  762,  à  Alep  (lisez  à  Aîntab,  c^Luuau).Deiu 
lignes  plus  haut,  on  lit,  dans  le  même  manuscrit,  que  Aîni  était 
Alépin  d'origine,  Aîntahien  de  naissance  ;^wCâajJ|  A««^(^cjll! 
(xLIi.  On  lit,  dans  la  notice  déjà  citée,  qu  Aîni  prit  des  leçons  de 
Schehab  Ahmed  ben  Khass  Turki,  le  HanéG,-qui  mourut  Tan  789. 
Cette  date  est  fautive ,  car  nous  voyons  par  Sékhavi,  d'où  ce  détail 
est  extrait  (fol.  99  r.),  que  Chéhab-eddin  Ahmed  mourut  dank  Tan- 
née 809. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  541 

continuer  ses  études  à  AJep.  Ainsi ,  tout  s  accorde 
dans  les  deux  passages  :  l'époque  des  deux  écrivains, 
le  théâtre  de  leurs  preniières  études,  lobjet  de  ces 
études,  et  le  maître  qui  y  présidait.  Car  le  Chems- 
eddin  Mohammed  Ibn-Azzahid  de  Sékhavi  ne  paraît 
autre  que  l'imam  Chems-eddin  Mohammed  Ibn- 
Ibrahin;!  Zahidi  du  pseudô-Haçan. 

Ce  dernier,  racontant  Imcendie  qui  consuma 
la  toiu*  de  Damas  1  an  646  de  Thégire ,  ajoute  :  a  On 
événement  semblable  eut  lieu  au  mois  de  schaban 
de  Tannée  794.  Le  feu  commença  à  la  porte  de 
»  l'horloge,  c:>LftLJt  oL;  je  me  trouvais  alors  à  Da- 
mas, où  j'avais  acconipagné  le  naîb  Soudoun  To- 
rontaï ,  qui  succédait  à  Monta  le  dawadar.  »  Dans  la 
vie  d'Aïni*,  nous  voyons  que  cet  écrivain  retourna, 
cette  même  année  794,  à  Damas,  et  y  continua  ses 
études  dans  le  médréceh  (collège)  çippeié  Nouriah, 

Ailleurs,  le  prétendu  Haçan  parle  du  tombeau 
de  Djélal-eddin  Counavi,  situé  dans  la  ville  de  Gou- 
niah;  puis  il  s' exprime,  en  ces  termes  :  «J'y  suis  allé 
en  pèlerinage,  l'an  huit  cent...  iûWljé^  ...aJU»  i  »3jj.  » 
Or,  Aïni  nous  raconte  que,  dans  l'année  S%3,  il  fit 
un  voyage  dans  le  pays  de  Caraman  (j^ij^  ^5W , 
c'est-à-dire  en  Asie  Mineure  ^  Il  est  permis  de  sup- 

^  M.  Quatremère ,  loc.  laud,  pag.  223.  M.  de  Hammer  s'cat 
trompé  en  avançant  que,  dans  le  passage  du  prétendu  Haçan  rap- 
porté ci-dessus,  le  chiffre  'de  Tannée  était  effacé.  Comme  on  Ta  vu, 
il  n  y  a  d'effacé  que  le  chiffre  des  unités  et  celui  des  dizaines;  Cette 
erreur  a  entraîné  le  savant  allemand  dans  une  autre  faute  encore 
plus  grave;  en  effet,  il  a  supposé  que  ce  fut  en  788  qu*Aïni  fît 
son  pèlerinage  à  Çouniah. 


542  JOURNAL  ASIATIQUE, 

poser  que,  dans  le4)assage  cité  plus  haut,  il  £aiut 
suppléer  {j^j^Si^^  ^'^  ajUi  i  u  dans  Taunée  (  huit 
cent)  vingt-trois;  w  et,  dès  lors,  on  doit  reconnaître 
que  ce  détail ,  ainsi  ^e  le  précédent ,  se  rapporte 
à  Aïni. 

A  ces  preuves  de  Tidentité  d*Aïni  et  du  pseudo- 
Haçan-benlbrahim,  nous  poiurions  en  ajouter  une 
quatrième,  d'après  M.  de  Hammer;  mab  ce  smiit 
partager  une -erreur  que  nous  devons,  au  contraire, 
relever,  a  Le  prétendu  Jafii  ouHaçan-))en-Ibrahini, 
dit  M.  de  Hammer,  nous  apprend  qu'il  avait  écrit 
une  continuation  de  Thistoire  composée  par  Chéhab- 
eddin  Abou  Schamé,  et  nous  savons,  par  Hadji- 
Khalfa,  que  Mahmoud  Âïni  a  abrégé  et  continué 
Thistoire  de  Damas,  écrite  par  Abou-Schainé.  Cette 
histoire  d'Abou-Schamé  est  intitulée  :  c:j!H^j{pt  jli^l 

EzhaT  erraudhateîn ,  etc.  et  embrasse  l'histoire  de 
Nour-eddin  et  de  Saladin.  »  M.  de  Hammer  a  com- 
mis ici  deux  erreurs  très-graves ,  qu'il  aurait  évitées 
facilement,  s'il  avait  eu  plus  présent  à  l'esprit  le  texte 
d'Hadji-Khalfali,  dont  voici  *la  traduction  :  a  On  en 
a  également  composé  des  abrégés  (de  l'histoire  de 
Damas,  par  Aboul  Haçan  Aii-ibn-Açaker),  entre 
autres  celui  qui  a  pour  auteur  l'imam  Abou-XIhâ- 
mah  Abderrahman/fds  d'Ismaïl,  de  Damas  (le  lec- 
teur du  Coran),  mort  en  Tannée  665  (iq;66)'.  Il  5 
a  deux  rédactions  de  cet  abrégé  :  une  grande ,  en 
quinze  volumes,  et  une  moins  étendue^ Ibn 

^  Cette  dernière  rédaction  avait  cinq  volumes,  daprës  Abou'l 


NOVEMBRE-DECEMBRE   1846.  543 

Chohbah  dit  ce  qui  suit  :  «  Abou  Chamah  a  mêlé 
dans  la  continuation  qu'il  a  jointe  à  son  abrégé,  le 
récit  des  événements  avec  des  notices*  nécrologiques 
sur  des  personnages  célèbres  ;  il  a  conduit  cette  çonti- 
nuation  jusqu'à  Tannée  de  sa  mort.  L'ouvrage  d'Abou 
Chamah  a  lui-même  été  continué  jusqu'à  la  fin  de 
l'année  7 3 8,  par  Alem-eddin  Cacim ,  fils  de  Moham- 
med al-Birzali.  Ce  dernier  écrivain  mourut  dans 
Tannée  suivante.  Parmi  ceux  qui  résumèrent  l'his- 
toire dlbn-Alaçaker,  on  cite  encore  iecadhi  Djemal- 
eddin  Mobammed-ben-Mocarrem ,  TAnçari,  auteur 
du  Liçan  alarab,  mort  en  Tan  711,  et  qui  la  réduisit 
au  quart  environ  de  son  étendue  primitive  ;  et  le 
cheikh  Bedr-eddin  Mahmoud,  fils  d'Ahmed,  Aïni, 
mort  Tan  855  ^))  Comme  on  le  voit,  dans  ce  pas- 
sage ,  Hadji  Khalfah  ne  dit  nullement  qu'Aïni  ait 
abrégé  et  continué  l'Histoire  tle  Damas,  écrite  par 
Abou  Chamah  ;  il  nous  apprend  seulement  que  notre 
auteur  publia  un  abrégé  de  l'histoire  de  cette  ville, 
par  Ibn-Açaker,  Ouvrage  dont  celui  d'Abou-Chamah 
n'était  de  même  qu'un  résumé.  M.  de  Hammer  est 
tombé  dans  une  autre  erreur,  en  confondant  le  livre 
intitulé  Azhar  erraudhateîn ,  composé  par  Abou- 
Chamah,  et  qui  renferme  les  biographies  de  Noijr- 
eddin  et  de  Sélah-eddin,  avec  l'histoire  de  Damas, 
dont  cet  écrivain  n'est  que  Tabréviateur. 

Faut-il  conclure  de  ce  flui  précède  que  le  pré- 

Méhacin ,  cité  par  M.  Quatremère,  HisL  des  sultans  mamlouhs,  1. 1 , 
2*  partie,  pag.  47,  note. 

^  Lexicon  hihliographicûm t  éd.  Fluegel,  t.  II,  p.  i3o-i3i. 


544  JOURNAL  ASIATIQUE, 

tendu  Haçan-ben-Ibrahim  a  écrit  à  la  fois  une  con- 
tinuation de  rhistoire  d*Abou-Chamah  et  un  abrégé 
de  rhistoire  de  Damas,  d'Ibn-Alacaker ?  où  devons 
•  nous  j)réfcrer  rautorité  d'Hadji  Khalfah  à  celle  du 
passage  cité  par  MM.  Quatremère  et  de  Hammer? 
Avant  de  répondre  à  ces  demandes,  nous  croyons 
devoir  transcrii^e  le  passage  en  question  : 

Ht 

<c  L'illustre  Hafidh  Zéki-eddin  Abou  Abd-Allah 
Mohammed,  fils  de  Youçef,  fils  de  Mohanuned, 
Al-Birzali,  historien  de  Damas,  nîou^ut  aussi  dans 
la  même  année.  Il  avait  continué  la  chronique  du 
cheikh  Chéhab-eddin  Abou-Chamah.  J'ai  ajouté  une 
suite  à  cette  continuation ,  avec  Tassistance  et  par 
la  grâce  de  Dieu.  ^  » 

On  voit  que  ma  version  diffère  de  celle  de 
M.  Quatremère ,  en  ce  que  j*ai  fait  rapporter  le 
pronom  affixe  du  mot  xi^b  à  Touvrage  de  Birsali, 
et  non  à  celui  d' Abou-Chamah.  Elle  nous  apprend, 
de  plus,  quel  est  Técrit  d'Abou-Chamah,  dont  le 
prétendu  Haçan-ben-Ibrahim  fait  mention.  Le  titre 
de  chroniqueiu*  de  Damas  (^  A  ^:>  jy>-«,  donné, 
dans  les  lignes  précédentes,  à  Birzali,  prouve  que 
cet  auteur  continua  l'histoire  de  Damas  d*Abou- 
^  Ms.  arabe,  supplément  n^  547»  ^^^*  7^  ^' 


NOVEMBRE  DÉCEMBKE  1846.  545 

Chamah ,  et  non  tel  autre  ouvrage  du  même  his- 
torien. 

Le  passage  qui  vient  d'être  rapporté  parait  assez 
difficile  à  concilier  avec  celui  d'Hadjî  Khalfah,  tra- 
duit plus  haut.  D'abord,  les  noms  attribués  par  les 
deux  auteurs  aii  continuateiu*  d'Abou-Chaipah  dif- 
fèrent complètement  entre  çux.  D'un  côté,  pe  conti- 
nuateur est  appelé  Zekî-eddin  Abou-Abd- Allât 
Mohammed,  fils.de  loucef,  fils  de  Mohammed,  Al- 
Birzali;  et,  de  Tautre,  il  est  nommé  Aleni-eddin 
Gacim,  fils  dfî-Jifohammed ,  Al-Bjrzali.  Comme  on 
le  voTt,  il  ny  a  de  commun,  dans  les  deux  passages, 
que  le  surnom  al-Birzali.  Ne  faut-il*  pas  conclure  de 
cette  différence  qu'il  s'agit  de  deux  personnages  dis- 
tincts ?  Et,  d'autre  part,  ne  serait-il  pas  bien  extraor- 
dinaire que  l'histoire  de  Damas  d'Abou-Chamah  eût 
été  continuée  par  deux  écrivains  portant  tous  deux 
le  surnom  d'Al- Birzali?  Mlais  ce  n'est  pas  la  seule 
oifficulté  qui  résulte  poiu*  nous  du  rapprochement 
des  textes  traduits  plus  haut.  Le  personnage  men- 
tionné par  Hadji  Khalfah  moiu^ut,  selon  cet  auteiu*, 
en  l'année  ySg;  tandis  que  celui  dont  parle  le- 
pseudo-Haçan  cessa  de  vivre  en  636,  cest-à-diré, 
cent  trois  ans  plus  tôt.  D'ailleurs ,  comment  un  ou- 
vrage d'Abou-Chamah ,  mort  en  665  (i  266),  *à  l'âge 
de  66  ans  seulement,  aurâit-il  pu  être  continué  par 
un  auteur  mort  29  ans  avant  lui?  Tout  s'explique, 
au  conti'aire,  si  l'on  suppose,  dans  le  passage  du 
pseudo-Hâçah  transcrit  ci -dessus  ,  l'omission  de 
quelques  mots,  et  si  l'on  ajoute,  après  le  nom  de 
VIII.  .  35 


546  JOURNAL  ASIATIQUE. 

Birzali,  les  paroles  :  ((C'était  Faïeut  ou  le  bisaïeul 
(de  rhistorien  de  Damas  qui,  etc.);  et  cette  conjec- 
ture n'est  pas  une  pure. supposition.  En  effet,  voici 
ce  que  nous  lisons,  sous  la  date  789,  dans  l'excel- 
lent ouvrage  d'Abou'l  Méhacin,  intitule  En-Nod- 
joum-ez-Zakiret,  ou  Les  Étoiles  brillantes:  «  Le  cheîkh^ 
Yiinam.le  hafidh ,  le  clironiqueur  Alem-eddin Gacim, 
fUs  de  Mohammed,  Al-Birzali,  le  rhafeïte,  iQOurut 
à  Khouiis  (jA^Xi- ^  le  4  de  dzoulhidjdjeh,  âgé  de 
soixante  et  quatorze  ans ,  et  pendant  qu'il  était  revêtu 
de.  l'ihram  ^/%;-^^^^  Son  père,  Chehab-eddin 
Mohammed ,  étaijt  au  nombre  des  principaux  notaires 
J^o^  de  Dama*s.  Quant  à  l'aïeul  de  son  père,  Mo- 
hammed ,  fils  dloucef ,  c'est  le  même  que  l'imam ,  le 
hajidh  Zeki-eddin  er-Rahhal  Jl^^l",  le  traditionniste 
de  la  Syrie ,*un  des  plus  célèbres  hafidh,  lequel  a  été 
mentionné  ci-dessus*^.  Alem-eddin  était  un  tradition- 
niste^ un  hafidh  y  un  homme  distingué Il  a  conè- 

posé  une  chronique^.  » 

Si  le  témoignage  d'Hadji  Khalfah  ne  s'accorde  pas 
avec  la  version  de  MM.  Quatremère  et  de  Hammer, 

*  Voyez,  sur  ce  vétemenl,  M.  Noël  Desvergers,  Vie  de  Mokian- 
mcd,  pag.  1 3o- 1 3 1 . 

'  Voyez  le  Nodjoum,  ms.  arabe  6G1,  fol.  i38r.  c  Dans  cette 
année.  (636) ,. le  Uafidh  Zeki-ecldiii  Abou-Abd -Allah  Mohammed, 
(ils  de  Youcef,  At-Birzali,  le  Sévillun  ^^'^^^\^  mourut  A  Haipat, 
le  24  de  ramadan,  et  fut  enseveli  dans  cette  ville.  C'était  un  imam. 
un  jurisconsulte ,  un  traditionniste,  un  homme  pieux  et  distingué.! 
Puis  Ahôu't  Méhacin  ajoute,  d après  Dïéhébi,  que  ce  Zéki-eddin 
était  âgé  de  soixante  ans. 

^   Ms.  662",  fol.  2i7r. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  547 

d  un  autre  côté ,  il  ne  diffère  pas  moins  de  la  nôtre. 
En  effet,  au  lieu  d*ime  continuation  de  l'histoire 
composée  par  Ghéhab-eddin  Abou-Chamah ,  comme 
traduisent  ces  deux  savants,  ou  duije  suite  de  la 
continuation  jointe  par  Al-Birzali  à  Thistoire. de 
Damas  d'Abou-Chamah,  ainsi  que  je  préfère  tra- 
duire; Hadji  Khalfah  attribue  à  Bedr-eddin  Aïni  un 
abrégé  de  Thistoire  de  Damas ,  par  Ibn-Alaçaker. 
Mais  je  n'hésite  pas  à  donner  la  préférence  à  l'auto- 
rité du  prétendu  Haçan  sur  celle  d'Hadji  Khalfah. 
En  effet,  si  Ton  admet  (.et  je  pense  que  personne 
ne  se  refusera  à  le  faire)  l'identité  du  pseudo-Haçan 
et  de  Bedr-eddin  Aîni»  on  doit  croire ,  en  même 
temps,  que  ce  dernier  n'a  pu  se  tromper  sur  la  na- 
ture dVn  travail  dont  il  est  l'auteur.  D'ailleurs  la 
sécheresse  de  l'article  consacré  par  Hadji  Khalfah  à 
l'ouvrage  d'Aïni ,  permet  de  supposer  que  le  saVant 
bibliographe  arabe  n'avait  pas  sous  les  yeux,  à  l'é- 
poque où  il  rédigea  cet  article  de  son  dictionnaire, 
la  chronique  dont  il  est  question. 

II.  Après  avoir  démontré  que  le  prétendu  Haçan- 
ben-Ibrahim  et  Aïni  ne  sont  qu'un  seul  et  même 
personnage ,  il  me  reste  à  découvrir  auquel  des  ou- 
vrages du  dernier  .appartient  le  volume  insmt  sous 
le  nom  de  Haçan.  C'est  ce  qui  présente  plus  de  diffi- 
cultés. M.  de  Hammer  a  tranché  ia  question  en 
faveur  de  celui  des  écrits  -d'Aïni  qui  porte  le  titre 
de  Tarikh  el-hedr  fi  avçaj  ehliUisr  ij>\j>oy\  Àj«XaII  g^b 
yaL^\S^V  (  ia  pleine  lune ,  ou  ti^aité  touchant  les  qua- 
lités des  contemporains).  Ici  encore ,  je  me  vois  obligé 

35. 


548  JOURNAL  ASIATIQUE. 

(lé  m  écarter  delopinion  adoptée  par  le  savant  orien- 
taliste de  Vienne  ;  mais  avant  de  proposer  ma  con- 
jecture, il  est  nécessaire  d'indiquer  les  f»'incipaux 
travaux  historiques  d'Aïni. 

D'après  Sékhavi ,  a  cet  historien  composa  Les  vies 
des  prophètes  ^\j^^\  j^  ;  une  grande  histoire ,  en 
dix-neuf  volumes,  et  une  moyenne  lk*»»yu,  en  huit; 
il  abrégea  encore  cette  dernière'.)) 

Comme  on  le  voit,  Sékhavi  ne  donne  pas  les 
titres  de  ces  trois  chroniques  composées  par  Aïni; 
mais  son  silence  est  suppléé  par  HadjiTKhaifah ,  dans 
les  lignes  suivantes  :  Tarikh  al- AïnL  II  y  a  deux  ou- 
vrages sous  ce  titre  :  un  grtad,  intitulé  Ikd  al-djou- 
manfi  tarikh  eUizzeman  ^jUjJJJ^I  g-^b  «J  ylil  *xjift 
(le  collier  de  perles,  traitant  de  l'histoire  des  mor- 
tels), en  .vingt  volumes  environ  ;  un  moins  considé- 
rable ,  nommé  Tarikh  eUbedr,  etc,  en  dix  volumes 
environ.  Aïni  a  aussi  composé  une  histoire  abrégée, 
en  trois  volumes ,  mentionnée  par  Sékhavi  \  » 

Maintenant  que  nous  savons  le  titre  des  deux 
principaux  ouvrages  d'Aïni ,  il  nous  importe  d'en 
connaître  le  contenu.  Et  ici  ufte  observation,  bien 
simple  se  présente  à  notre  esprit  :  le  cont€ïnu  de 
lun  nous  donnera  nécessairement  celui  de  Tautre, 
le  Bedr  n'étant  qu'im  abrégé  de  Mkd,  Cela  posé^  je 
recours  encore  à  Hadji-Khaifah,  et  voici  ce  que  je 
lis  dans  cet  auteur,  à  l'article  Bedr:  Tarikh  al-beir, 
ouvrage  en  phisieiu*s  volumes...  C'est  un  livre  con- 

'   Ms.  arabe  690,  loi.  10 1  r. 
»  Uadji-Kkalfah ,  t.  II,  pag.  i38. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  549 

sidërable,  dans  lequel  Fauteur  a  rassemblé,  d'après 
l'ordre  chronologique,  le  récit  des  événements  et 
des  notices  nécrologiques  (sur  des  hommes  célèbres). 
Il  commence  avec  la  création;  puis  il  mentionne  la 
terre,  la  mer  et  ce  qu'elles  renferment  de  villes  et 
d'îles,  d'après  le  Tacoaim  al-boldan.  H  s'en  rapporte-, 
pour  le  récit  des  événements,  au  livre  intitulé  Al- 
Bidaïet  oaalnihaïet,  par.  Ibn-Kétliir j;  de  sorte  qu'il  en 
extrait  la  meilleure   partie,  en  y  ajoutant  divers 

faits,  d'après  des  livres  dont  il  indique  les  titres 

Ibn-IIadjar  dit,  au  commencement  de  son  ouvrage 
intitulé  Inba  aUijhomr  :  Aini  rapporte  qu'Ibri-Kéthir 
est  son  garant  dans  son  histoire,  et  cela  est  vrai; 
mais  depuis  le  moment  où  s'arrêta  fhistoire  d'Ibn- 
Kéthir,  il  s'appuie  siu*  celle  d'Ibn-Docmac,  dont  il 
copie  des  feuilles  entières,  à  la  suite  les  unes  des 
autres;  souvent  même  il  l'imite  jusque  dans  des 
barbarismes  évidents ,  comme  akhla*  alà  foalan  (  au 
lieu  de  hhalaa,  c'est-à-dire,  il  a  revêtu  quelqu'un 
d'un  iiabit  d'honneur).  Mais  voici  quelque  chose  de 
plus  étonnant  que  cela  :  Ibn-Doçmac  rapporte»,  au 
sujet  de  quelques  événements,  des  circonstances  qui 
prouvent  qu'il  a  été  le  témoin  de  ces  faits.  Eh  bien , 
Aini  copie  ses  pai'oles  en  entier,  lors  même  que  ces 
événements  sont  arrivés  à  Misr,  pendant  que  lui- 
même  se  trouvait  à  Aïntab  ^  »  Les  matières  traitées 

*  Hadji  Khalfah,  t.  II,  pag.  117-118.  Peut-être  demandera-l-on 
pourquoi  liadji-Khalfah  a  décrit  plutôt  le  Bedr  que  Foriginai  de  cet 
ouvrage,  Vlkil-al-Djouman.  La  répoure  à  cette  question  me  parait 
bien  facile.  ]jlkd,  par  sa  masse  et  son  volume,  a  dû  effrayer  la  par 
rcssc  des  copistes  et  des  lecteurs.  Les  uns  et  les  autres  auront  pré- 


550  JOURNAL  ASIATIQUE, 

dans  le  Bedr  étant  donc  absolument  les  mêmes  que 
celles  traitées,  dans  Vlkd ,  nous  pourrions  hésiter 
pour  savoir  auquel  de  ces  deux  ouvrages  nous  de- 
vons rapporter  le  volume  en  question.  Mais  un 
raisonnement  des  plus  simples  vient  lever  cette 
difficulté  apparente.  Le  volume  attribué  au  pseuido- 
Haçan  ne  contient  que  Thistoire  de  cinquante-sept 
années.  A  moins  xle  supposer  qu'il  se  trouve  tout  à 
fait  hors  de  proportion  avec  les  autres  volumes  de 
Touvrage  auquel  il  appartient,  on  doit  admettre  qu'il 
faisait  partie  de  Vlkd. 

uL'/fcd,  dit  M.  de  Hammer,  traite  de  l'histoire 
ancienne  jusqu'à  la  mort  du  Prophète;  l'autre  (le 
Bedr) ,  qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  royale ,  renferme 
l'histoire  du- siècle  dans  lequel  Aïni  vécut,. et. pro- 
bablement aussi  celle  des  siècles  écoulés  depuis  la 
mort  du  Prophète.  »  Ce  passage  nécessite  deux  ob- 
servations :  1*  ainsi  que  je  l'ai  exposé  tout  à  fleure, 
il  n'est  pas  exact  d'établir  ime  distinction  entre  le 
contenu  de  ïlkd  et  celui  du  Bedr,  puisque,  d'après 
Sékhavi  et  Hadji-Khalfah,  le  dernier  n'est  quune 
rédaction  abrégée  du  premier;  les  matières  traitées 
dans  l'un  et  dans  l'autre  doivent  être  abs<dument 


fëré  se  rejeter  sur  le  Bedr,  qui,  daas  des  dimensions  moiadrei  de 
plus  de  moitié,  leur  présentait  un  abrégé  détaillé  de  cet  ouvrage. 
Par  siiite  de  ce  dédain ,  Vlkd  n'aura  pas  tardé  à  être  prescpie  totiJe- 
ment  oublié.  Peut-être  même  fladji-Khalfah  n'en  a-t-ilpaseâ  d*ezen- 
plaire  sous  les  yeux.  Ce  qui  pourrait  le  faire  supposer,  c^est  que  le 
savant  bibliographe  n'est  entré  dans  aucun  détail  sur  le  oontenn  de 
ce  vaste  recueil ,  soit  dans  les  lignes  traduites  plus  haut,  loit  à  Tar- 
ticle  (jU4^  jJU. 


NOVEMRRE. DÉCEMBRE  1846.  551 

identiques;  2°  si  M.  de  Hammer  avait  acccwrdé  plus 
d'attention  au  long  passage  d'Hadji-Khalfàh  dont  j  ai 
donné  un  extrait  plus  haut,  il  aurait  vu  qu^le  Bedr, 
et,  par  conséquent,  T/kJ,  s  étendaient  jusqu'au  temps 
où  vivait  lauteur.  En  effet ,  nous  apprenons  d'Hadji- 
Khalfah ,  qu'Aïni'  a  suivi ,  pour  le  récit  des  événe- 
ments ,  deux  écrivains  ,•  tous  deux  ses  contem^po- 
rains,  Ibn-Kéthir  (mort  en  774  de  Thégire^  et  Ibn- 
Docmac  (mort  en  790  ^).  Or,  Ibn-Kéthjr  a  conduit 
sa  chronique. jusqu à  l'année  772.  Ibn-Chohbah* 
dit  qu'il  avait  lu,  dans  le  manuscrit  autographe, 
diverses  portions  de  louvrage  dlbn-Kéthir,  une  eh- 
tr'autres  qui  s  «tendait  jusqu'à  la  fin  de  ranpçe  768. 
Quoique  je  ne  connaisse  pas  le  travail  d'Ibn-Doc- 
mac,  je  crois  pouvoir  supposer  que  cet  autem*  a 
mené  son  histoire  jusqu'à  une  époque  voisine  de  sa 
mort.  La  chose  est  même  certaine,  puisque  nous 
lisons  dans  Hadji-Khalfali  :  «Depuis  le  monpient  où 
s'arrête  l'histoire  d'Ibn-Kéthir,  il  (  Aïni)  s'appuie  sur 

celle  d'Ibn-Docmac .  Ibn*-Docmac  rapporte,  au 

sujet  de  quelques  événements,  des  çircanstarices  qui 
prouvent  qu'il  a  été  témoin  de  ces  faits.  Eh  bien  ! 
Aïni  copie  ses  paroles  textuellement,  lofs  inême  que 
ces  événements  sont  arrivés  à  Misr,  pendant,  que- 
lui-même  se  trouvait  à  Aïntab.  » 

Si  nous  en  croyions  M.  de  Hammer,  ce  savant 
posséderait,  dans  sa  collection  de  manuscrits  orien- 

■i  '■   ■  . 

'  Hadji-Khaljak ,  t.  11,  pag.  24j  io5. 

*  Ibid.  pag.  102. 

•^  Cité  par  Hadji-Khalfali,  î6i(/.  pag.  2  5. 


552  JOURNAL  ASIATIQUE, 

taux,  une  traduction  turque  de  ïlkd  al-djouman) 
faite  sous  le  règne  du  sultan  Ahmed  1,  par* quarante 
ouléma  ^\  Mais  je  crains  bien  que  M.  de  Hammer 
ne  soit  encore  tombé  ici  dans  une  ^ave  erreur.  Le 
contenu  de  cette  version  suffit,  si  je  ne  me  trompe, 
pour  prouver  qu'elle  ne  peut  présenter  la  traduction 
ni  de  YIM,  ni  du  Bedr,  ni  même  de  la  petite  chro- 
nique d'Aïni .  comme  M.  de  Hammer  l'avait  jadis 
supposé.  Le  tome  I  du  manuscrit  turc  renferme 
r histoire  des  prophètes,  depuis  Abraham  jusqu'à 
saiht  Jean -Baptiste;  le  tome  II  va  jusquà  la  hui- 
tième section  de  l'histoire  des  Arabes  (section  dont 
M.  de  Hammer  a  oublié  d'indiquer  le  titre  et  le 
contenu),  et  contient  la  généalogie  du  Prophète; 
le  dernier,  enfin,  renferme  Ja  continuation  jusqu'à 
la  mort  de  Hàldrii  bienu'-illah ,  et  finit  avec. l'année 
Zi3o  (  1  o38  ),  On  lit,  sur  la  dernière  page,  une  note 

qui  nous  apprend  que  l'histoire  d'Aïni confiée, 

par  Ibrahim-Pacha,  à  quarante-cinq  savants,  pour 
être  traduite ,  fut  continuée  jusqu'au  khalifat  de  Ha- 
kim  biemr-iUah ,  au  moyen  d'extraits  de  la  chronique 
d'Ibn-Chohnah.  .        ' 

Si  l'on  cherche  maintenant  sur  quel  ouvrage 
d'Aïni  a  été  exécutée  cette  version  turque,  on  voit 
tout  d'abord  qu'il  ne  faut  songer  ni  à  Ylkd ,  ni  au 
Bedr,  que  leur  étendue  met  hors  de  toute  proportion 

*  M.  de  Hammer  dit  quarante-cinq  dahs  ie  Catalog^ue  de  set 
manuscrits,  n**  172.  Je  dois  ce  renseignement ,  ainsi  que  quelques- 
uns  des  suivants,  à  l'obligeance  de  mon  sav.ant  confrère  et  ami, 
M.  le  baron  de  Siané. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  553 

avec  l'ouvrage  turc.  Mais  ce  dernier  .ne  pourrait-il 
pas  nous  ofTrir  une  traduction  de  la  petite  chronique 
d' Aini ,  en  trois  volumes ,  comme  l'avait  d'abord 
pensé  M.  de  Hammer?  Je  ne  crains  pas  de  me  pro- 
noncer pour  la  négative.  Ce  troisième  ouvrage  d'Aïni 
n'étant  quun  abrégé  de  ïlkd  et  du  Bedr,  devait  s'é- 
tendre aussi  loin  que  ces  deux  histoires.  Si  donc  le 
manuscrit  turc  de  M.  de  Hammer  nous  en  ofiB^ait 
la  traduction ,  il  devrait  paraître  fort  étonnant  quei 
les  ouléma,  choisis  par  le  grand  vizir,  au  lieu  de. 
continuer  leur  version  sur  l'ouvrage  4*Aïni,  eussent 
eu  recom^s  à  celui  dlbn-Chohnah,  pour  la  rédac- 
tion du  tome  III  de  leur  travail»  D'ailleurs  la  petite 
chronique  d'Aïni  ne  renfermait  que  trois  volumes 
qui,  sans  aucun  doute,  embrassaient  l'histoire  uni- 
verselle ,  depuis  la  création  du  monde  jusqu'au  temps 
où  vivait  l'auteur.  On  comprend  donc  que ,  dans  cet 
épitome ,  tout  ce  qui  regardait  les  temps  antérieurs 
à  Mahomet  devait  être  extrêmement  résumé,  et  oc- 
cuper tout  au  plus  un  des  trois  volumes  dont  se 
composait  l'ouvrage  complet.  Or,  la  partie  relative 
à  ce  laps  de  temps  remplissant  deux  volumes  de  la 
traduction  turqua,  il  devient  diflfiçile  de  supposer 
que  cettç  derrière  ait  été  composée  sur  la  petite 
chronique  d'Aïni. 

Mais  il  ne  me  parait  pas  impossible  de  reconnaître, 
parmi  les  ouAn^ages  de  notre  écrivain,  l'original  du 
manuscrit  turc  de  M.  de  Hammer.  Comme  nous  l'a- 
vons vu  plus  haut,  d'après  Sékhavi,  Aïni  est  auteur 
d'une  vie  des  Prophètes,  ^U-a3^I  jxa^.  L'ouvrage  turc 


55li  JOURNAL  ASIATIQUE, 

porte  le  titre  de  luj^l  Jl^>.l  i  l^MjJi^»  Kenz 
al-anhafi  ahvaU'lanbia  (le  trésor  des  nouvelles,  tou- 
chant ce  qui  regarde  les  Prophètes).  La  ressemblance 
des  deux  titres  est  frappante;  le  contenu  des  deux 
ouvrages  est  le  même  :  dès  lors  ne  peut-on  pas  ad- 
mettre que  le  Kenz  al-anba  n  est  qu*une  traduction 
du  Sier  alanbia ,  et  que  les  deux  premiers  volumes 
de  celui-là  représentent  celui-ci  ? 

Je  terminerai  en  exposant  les  conclusions  de  ce 
mémoire,  qui  sont  celles-ci  : 

i''  Le  pré^ndu  Haçan  ben-Ibrahim  et  Aini  ne 
sont  quun  seul  et  même  personnage; 

2**  L'ouvrage  attribué  au  premier  n* est  qu'un 
volume  dépareillé  de  la  grande  histoire  d*Aj|ii,  in- 
titulée Ikd  al'^oaman; 

3**  Les  trois  chroniques  d'Âini,  ïlkd^  le  Bedr  et 
la  petite  chronique,  en  trois  volumes,  .s étendaient 
jusqu'à  1  époque  où  vivait  l'auteur,  et  les  deux  der 
nières  n'étaient  que  des  abrégés  de  là  premijyre  ; 

II''  Le  manuscrit  turc  de  M.  dé  Hanuner,.  intitulé 
Kenz  al-anba,  n'est  autre  qu'une  version,  accompa- 
gnée d'une  continuation ,  de  l'ouvrage  d'Âini,  qui^a 
pour  titre  :  Sier  aUanbia  (vies  de&  Prophètes). 


of<^+'«^-'0< 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  555 


CRITIQUE  LITTÉRAIRE, 


LETTRE 

Adressée  par  M.Pijnappel,  professeur-adjoint  de  langue  javanaise 
àTAcad^mie  de  Delil»  k  M.  Dalaurier,  sur  la  Liste  de&  pays  qui 
relevaient  de  l'empire  de  Madjapahit  àTépoque  de  sa  destruction , 
en  1475.  (Voir  le  Journal  asiatique,  cahier  de  juin  dernier.) 

Monsieur,  comme  toujours  vos  études  me  causent  un  vif 
intérêt,  j*ai  été  charmé  de  lire/ijy  a  c[uelque  temps,  dans^le 
numéro  35  du  Journal  asiatique,  une  Liste  des  pays  qui  rele- 
vaient de  l'empire  javanais  de  Madjapahit  à  l'époque  de  sa  destrac- 
tion, en  lâ7  5 ,  liste  que  vous  avez  trouvée  à  la  suite  d*un  jna- 
nuscrit  qui  contient  les  annales  des  souverains  du  royaume  de 
Pasey.  En  parcourant  les  noms  des  pays  qui ,  selon  Tauteur , 
ont  été  soumis  à  Tétat  de  Madjapahit,  j'ai  été  frappé  de  Texâc- 
titude  avec  laquelle  plusieurs  îles  avaient  été  énumérées 
selon  leur  position  géographicpie,  tandis  que ,  de  l'autre 
côté,  il  semble  y  avoir  un  désordre  singuli^.  Q'est  pour 
cela,  monsieur,  que  je  me  suis  mis  à  relire  et  à  examiner 
mot  pour  mot  la  liste  que  vous  avez  publiée  ;  et  voici  quel 
a  été  le  résultat  démon  investigation,  que  je  prends  la  liberté 
de  soumettre  à  votre  jugement  :  après  quoi«  si  cela  en  vaut 
la  peine,  vous  pourrez  l'insérer  dans  le  Journal  asiatique. 

Les  noms,  numéros  8  à  i4i  et  17  à  24,  avec  qudques 
petites  interruptions,  se  suivent  d'une  manière  totit  à  fait 
exacte  quant  à  la  position  qu'ils  ont  sur  la  carte;  de  2  à  8 
il  y  a  des  obscurités.  L'auteur,  après  avoir  nommé  le 
royaume  de  Pasey,  dont  l'histoire  avait  été  donnée  dans  les 


556  JOURNAL  ASIATIQUE. 

pages  précédentes,  commence  par  un  groupe  d*iles  assez 
éloigné  de  la  côte  de  Sumatra.  Au  numéro  8 ,  il  nooiine  une 
île  plus  près  de  la  côte. nord,  après  quoi  il  passe  au  sud, 
jusqu'à  Billiton.  C'est  6eJ|ie  même  règ^e  qui  vous  a  conduit 
à  trouver  dans  le  nom  suivant  celui  de  File  de  BoMgka, 
de  laquelle  notre  auteur  passe  au  nord,  jusqu^à  ^^JwJLj 
(numéro  i5),  c'esi-à-dire  Bintang.  Pourquoi  Bantam  irait-il 
nous  faire  perdre. notre  cours;  Bantam,  que  vous  aviez  déjà 
vu  au  numéro  5,  sous  le  nom  de  C^TYZii^PDes  îles  Tamhélan 
à  Tioman  il  y  a  encore  quantité  d'îles  assez  bien  situées  pour 
qu'un  état  maritime  ait  pu  s'y  fixer;  d'ailleurs,  de  Tiomam  à 
Bintang  nous  voyons  notre  auteur  suivre  un  ordre  exact: 
pourquoi  ne  l' aurait-il  pas  suivi  aux  numéros  3  à  7  ?  C*est 
pourquoi ,  j'espérais  retrouverle  nom  de  ^w^,  qui  vous  avait 
laissé  dans  l'embarras  en  passant  des  îles  Tamhélan ,  par  le 
nord,  à  Tioman;  et  voilà,  en  effet,  que  je  trouve  que  la  plus 
grande  des  îles  Anambas  ^  porte  le  nom  de  Djimadja ,  comme 
on  peut  le  voir  sur  la  carte  de  M.  le  baron  Hinderstein. 
De  même,  au  numéro  7,  je  retrouve  là  petite  Ppelo-LoMi» 
au  nord  du  groupe  Natuna/  deux  points  qui  me  confirment 
tout  à  fait  dans  l'opinion  que ,  tout  aussi  bien  qu^en  partant 
de  Tioman  nous  avons  uq  chemin  fixe  pour  y  parvenir. 
Mais  que  faire  des  numéros  4  «  3  et  6  i^  J'avoue  ne  pas  le 
savoir.  La  leçon  Bangkawan,  dans  les  lettres  o««^«  me 
paraît  trop  hasardée  et  tout  à  fait  inutile,  comme  le  50J/& 
de  Maloedoe  n.'a  rien  qui  lui  donne  la  préférence  d*ètre  men- 
tionné ici;  et  pourtant  la  raison  devrait  être  bien  forte  pour 
accuser,  sur  une  simple  conjecture,  notre  auteur  d*avoîr 
été  incorrect  en  plaçant  deux  îles  d'un  même  golfe  Tuiie  à 
l'ouest,  l'autre  à  l'est  de  Java  (voir  le  numéro  36).  Je  nesaù 


>  Ceci  mérite  une  observation  :  il  y  trois  groupes  d*iles  Anunlfli'tVe 
groupe  nord,  le  groupe  du  milieu  et  le  groupe  sud.  Cest  côlni  du  sud  (pi 
s  appdle  lamaja  ou  Djimadja ,  et  non  point  la  plus*  grande  des  iles  Anui- 
bas ,  laquelle  appartient  au  groupe  intermédiaire,  et  porte ,  sur  lu  oute  de 
M.  Bergliaus  (  Atlas  von  Asia ,  n^  8  ,  HinterinSèn) y  le  nom  de  Poth^Vomar. 
—  Éd.  D. 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  557 

si  l'auteur  à  voulu  désigner  la  même  île,,  qui  sur  la  carte 
du  baron  de  Hinderstein  a  été  nommée  Baoua ,  encore  une 
des  Anambas.  Le  nom  suivant  nous  rappelle  l'état  de  Ban- 
tam;  cependant ,  je  ne  sais  pas  si  auparavant  on  aurait  omis 
l'état  de  Sérang  plutôt  que  de  désigner  celui  de  Bantam  ;  ou , 
comme  vous  ne  parlez  que  du  chef-lieu,  Sérang,  on  aurait 
eu  deux  états  divers,  l'un  de  Sérang,  l'autre  de  Bantam  pro- 
prement dit.  Mais  pourquoi  notre  auteur  n'aurait-il  pas  nommé 
ceux-ci ,  du  moins  l'un  après  l'autre  ?  Le  sixième  nom ,  Sœra- 
baya,  àonne  encore  lieu  à  des  réflexions.  Le  nom  est  si  exac- 
tement celui  de  cette  résidence,  qu'on  n'oserait  dire  que. c'est 
un  autre  Soerahaya  ;  vu  d'ailleurs  qu'il  n'y  a  pas  d'île ,  dans 
notre  route,  de  ce  nom-là.  El  pourtant  il  ne  peut  être  question 
ici  de  la  résidence  de  ce  nom  ;  la  ville  de  Madjapahit  elle-même 
y  était  située  :  donc  celle-ci  n'a  pu  être  considérée  comme  un 
état  dépendant  de  l' empilée  de  Madjapahit ,  dont  il  aurait  oc- 
cupé l'ouest.  Sans  doute  le  copiste  s'est  laissé  entraîner  par 
la  renommée  de  cette  capitale  de  Soerahaya  au  point  de  subs- 
tituer ce  nom  à  un  autre  moins  connu,  et  à  peu  près  sem- 
blable à  celui-là,  à  moins  que  ce  nesoit  d'une  autre  manière 
que  le  nom  a  pu  entrer  dans  le  catalogue.  Quant  à  des  ixiots 
semblables ,  je  ne  me  hasarde  pas  à  des  conjectures  trop 
peu  fondées  ;  sans  cela  jç  serais  presque  tenté  de  retrouver 
dans  les  mots  y^«j  et  (ji>««,  écrits  l'un,  après  l'autre,  les 
traces  du  nom  de  la  principale  île  du  groupe  Natuna,  l'île 
nomipée  sur  la  carte  Boongooran.  Nous  avons  déjà  fait  observer 
que ,  dans  notre  chemin ,  c'est  probablement  la  petite  île  de 
ce  nom  qui  a  été  désignée  par  Poelo-Laut,  non  celle  de  la 
côte  sud-est  de  Bornéo,  qui  n'a  rien  que  le  nom  qui  puisse  la 
rappeler  à  cet  endroit-ci. 

C'est  ainsi  que  nous  avons  vu  que  l'autçur  donne  pre- 
mièrement, dans  un  ordre  exact,  le  nom  des  îles  situées  à 
l'ouest  de  Madjapahit  ;  mais  encore  n'a-t-il  pas  parlé  des  états 
situés  dans  les  îles  plus  grandes ,  Bornéo  et  autres.  Du  nu- 
méro 17  à  a4  la  plupart  des  noms  sont  bien  connus,  excepté 
les  numéros  21    et  28,   qui  nous   embarrassent.  D'abord, 


558  JOURNAL  ASIATIQUE. 

entre  Bandjar-Masin  et  Pasir  il  n  y  a  pas  de  doute  que ,  pour 
fjiJ^£s9  il  faut  lire  fjiy£=»^  Koéti,  nom  d*un  état  daus  File 
de  Bornéo ,  qui  touche  à  Pasir.  De  Banêjot-Mmm,  Pa$ir  aurûi 
du  précéder Xo«/i^  en  suivant  la  route  directe;  mais  ce  serait 
trop  exiger  que  d'attendre  une  telle  exactitude  de  notre  au- 
teur. Le  nom  ^L^  me  laisse  encore  en  suspens*.  Les  c6tes 
de  BQméo,  où  il  faut  chercher  cet  état,  ne  présentent  pas  de 
nom  tout  à  fait  suffisant ,  à  moins  que  ce  ne  soit  Selaiân,  nom 
'  de  la  pointe  sud-ouest  de  la  province  de  LtuU,  qui  touche  a 
Bundjar-MasifL  Suit  le  mot  csUj^ ,  dont  je  ne  sais  que 
faire.  L*ordre  du  catalogue  ne  nous  conduit  guère  à  VÛe  où 
cet'état  doit  être  situé.  Les  noms  qui  précèdent  nous,  amè- 
nent à  Bornéo,  ceux  qui  suivent  nous  transportent  à  Suma- 
tra ;  et  c'est  plutôt  à  cette  île  qu  il  faudrait  placer  ce  point. 
Les  côtes  de  Bornéo ,  de  Samhas  à  Koeti ,  ne  laissent  [dus  rien 
à  déterminer  de  ce  côté-là;  à  Sumatra,  avant  d'arriver  a 
Djamhi ,  on  a  Siak  et  plusieurs  autres  contrées. 

Il  n  y  a  qu  un  seul  numéro  que  j'aie  passé  en  poursuivant 
la  liste  ;  c'est  le  numéro  1 6 ,  -^jf ,  nom  qui  rappelle  Tétat 
ainsi  nommé  dans  l'île  de  Célèbes.  Cependant ,  je  n'oserais 
point  assurer  que  c'est  justement  cette  contrée-là  que  Tao- 
teur  a  voulu  indiquer.  Comment  en  venir  si  spécialement  à 
Boelang?  De  Moeti,  il  est  beaucoup  plus  probable  que  les 
flottes  de  Madjapahit  arrivaient  à  Macassar ,  ou  qu'elles  s'é- 
taient emparées  de  quelque  autre  lieu  sur  la  côte  occiden- 
tale de  Célèbes,  avant  de  doubler  le  point -le  plus  septen- 
trional de  l'île,  et  d'aller  passer  exactement  à  l'état  deBoelang. 
*Dc  l'autre  côté,  auraient-elles  jamais  franchi  les  Moluques 
pour  n'occuper  que  BoelangP  Mais  nous  allons  revenir 
plus  bas  sur  ce  point-ci,  après  avoir  considéré  ce  que  notre 
auteur  nous  dit  des  états  à  l'est  de  Java ,  dépendants  de 
l'empire  de  Madjapahit.  Des  huit  noms,  quatre  nous  oqH' 

'  Depuis  la  pubiicalion  de  ma  liste  précitée ,  j'ai  trouvé  la  poûtioa  de 
^'L^  C'est  le  groupe  nord  des  îles  Anambas,  nommé,  sur  la  carie  de  la 

P<>niiisule  transgangétique  de  M.  Bei^haus,  Nord  Ànamhat  oderSiamtoM, 

Éd.  D. 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  559 

r 

duisent,  sans  le  moindre  doute,  kBima  ,  Samhawa,  Lomhok 
et  Bali.  Nous  y  joindrons  d*abord  Balamhanaan ,  c^e  ^  ne  • 
saurais  aller  chercher  à  Maloedoe  Baai,  comme  de  Bali  à 
Madjapahit  il  n'y  a  que  justement  cet  état,  qui,  ayant  été 
libre  long-temps  après,  devait  être  compté  nécessairement 
parmi  les  dépendances  de  cet  empire.  Mais  voici  de  suite  les 
noms.  Ae.Banda,  Ceram,  Gorontalo,  qui  viennent  déranger 
d'une  étrange  sorte  la  séiîe  des  îles  qui  font  la  suite  de  cette 
chaîne  dont  Sumatra  et  Java  sont  jes  principales.  Pour  Go- 
ron/«fo  j'ai  les  mêmes  doutes  qui  m*ont  déjà  embarrassé  pour 
Boelatif^;  et,  s'il. le  faut,  ils  sont  encore  plus  grands  pour  ce 
lieu-ci;  car  il  serait  étonnant  que  iiotre  auteur  eût  séparé 
deux  états  voisins  ^  pour  les  placer  l'un  à  l'ouest  ,*  Tautre  à  Fest 
de  Java.  Quant  au  lieu  appelé  (j\j^,  je  le  chercherais  plutôt 
dans  le  voisinage  de  cette  île  çt  dans  son  rang  géographique 
présumé;  mais,  pour  le  trouver,  je  n'ai  pas  encore  réussi. 
^IjJo  ne  me  paraît  autre  que  Tjindanq,  et  avoir  été  écrit 
ainsi  par  la  faute  du  copiste.  Ce  serait  donc  là,  selon  notre 
auteur,  l'île  la  plus  orientale  à. laquelle  l'empire  de  Madja-- 
pahit  se  serait  étendu  ;  on  n'a  (|u'à  suivre  la  carte  pour  se 
persuader  que  dans  la  série  que  nous  donne  notre  auteur  des 
îles  à  l'est,  les  Moluques  n'ont  guère  pu  être  désignées  par 
(jltNÂj  ni  pai'  oLh^*  ^ 

Quoique  je  ne  prétende  pas ,  monsieur,  avoir  énuméré  tout 
ce  qui  peut  être  dit  sur  la  liste  de  la  publication  de  laquelle 
nous  vous  sommes  redevables ,  il  me  semble  du  moins  cons^ 
talé  que ,  loin  de  prendre  çà  et  là  quelques  noms  danin  le 
grand* archipel  Indien,  notre  auteur  a  suivi  un  ordre  exact 
en  nommant  les  points  principaux,  qui,  d'après  ce  qu'il  «en 
savait ,  dépendaient  de  l'empire  javanais.  Il  n'étend  cet  empire 
que  jusqu'à  l'île  de  Djindana  d'tm  côté ,  les  côtes  de  BorAéo, 
et  peut-être  Boelang ,  et  encore  Pasey  de  l'autre.  Que  les  Mo- 
luques aient  été  soumises  à  cet  empire,  c'est  ce  qu'il  ignore. 
Nous  ne  nous  confions  pas  assez  aux  lumières  du  rédacteur 
de  ce  document  pour  nier,  sur  son  autorité,  tout  autre  tra- 
dition qui  porterait  l'empire  de  Madjapahit  bien  au  delà  «:1e 


560  ^     JOURNAL  ASIATIQUE. 

ces  limites,  et  si  le  nom  de  Boelang  est  juste,  nous  avons 
peut  être,  dans  ce  nom-là,  une  trace  de  Tautre  tradition,  à 
moins  que  Ton  ne  veuille  l'expliquer  d'une  manière  diBé- 
rente.  Quant  à  la  liste  elle-même,  elle  ne, nous  permet  de 
rien  décider. 

Je  serai  charmé,  monsieur,  de  savoir  si  mes  remarques 
pourront  mériter  votre  approbation;  sinon,  je  suis  persuadé 
que  vous  allez  me  montrer  en  peu  de  mots  ma  méprise ,  et 
que  vous  pardonnerez  ui^  tentative  qui  ne  doit  son  origine 
-  qu'à  l'intérêt  que  me  causent  ces  recherches.  Dans  tous  les 
cas,  je  crois  pouvoir  laisser  à  votre  sagaoité  le  soin  de 
suppléer  les  lacunes  que  présentent  mes  observations,  et 
je  serai  heureux,  de  voir  éclairci  tout  ce  qui  me  reste  de  té- 
nèbres\ 

J'ai  l'honneur  d'être,  etc.- 

J.    Pi JN APPEL. 


'  Maigre  Testime  qae  m*inspircnt  les  recherches  de  M.  Pîjnapp^ ,  je  doù 
(Icdarer  que  ,  ses  dëtcrminations  ayant  poar  base  Tordre  géc^mphique  soi- 
vant  lequel  il  suppose  qu'a  dû  être  rangé  le  document  qui  Ibrme  l'oJijeC 
de'sa  lettre,  et  cet  ordre  ne  me  paraissant  pas  exister  d'une  manîèie  nine 
et  régulière ,  l'argumentation  quil  en  dédiât  pour  âever  des  dootet  sur  des 
positions  que  j'avais  fixées  ne  me  semble  pas  conduante.  Je  croîs  donc  de- 
voir persister,  jusqu'à  nouvelle  démonstration,  dans  les  opinions  ({ue  fù 
émises  dans  mon  travail  sur  la  liste  des  pa^s  qui  rderaient  de  Tempiie  de 
Madjapahit.  —  Ed.  D. 


NOyEMBRe-DECEMBBS  1846.  5Q1 


.( 


BIBLIOGRAPHIE. 


LES  SÉANCES  DE  HARIRI, 

Publiées  en  arabe,  avec  un  commentaire  chbisi,  par  M.  Silvestre 
deSacy;  deuxième  édition,  revue  avec  soin  sur  les  manuscrits, 
et  augmentée  d'un  choix  de  notes  historiques  et  explicatives  en 
français»  par  M.  Keinaod,  membre  de  Tlnstitut,  et  M.  D^ren- 
BOURG,  membre  de  la  Société  asiatique.  2  vol.  in-4®,  qui  seront 
publiés  chacun  en  deux  parties;  chez  Hachette  et  compagnie, 
libraires  de  l'Université  royale  de  France,  à  Paris,  rue  Pierre- 
Sarrazin,  a"  12;  et  à  Alger.  Première  partie,  prix  :  20  francs. 

Hariri  est,  comme  on  sait,  un  écrivain  arabe,  de  la  fin  du  xi* 
siècle  de  notre  ère  et  du  conuuencement  du  xii*.  Il  habitait  près 
de  Tembouchure  du  Tigre  et  de  TEuphrate ,  dans  la  ville  de  Bai- 
sera ,  où  il  exerçait  l'es  foQctions  de  cadi.  A  l'exemple  de  la  plupart 
de  ses  contemporains,  il  montra  de  bonne  heure  un  goût  très-vif 
pour  la  littérature  de  son  pays.  Grammaire,  poésie,  prose  rimée, 
il  s'Qxerça  dans  un  grand  nombre  de  genres.  On  était  alors  au  nou)- 
ment  où  les  Français,  les  Allemands,  les  Italiens  et  les  autres  na- 
tions chrétiennes  de  rOccident  s'étaient  levés  en  armes  pourmi^cjtier 
à  la  délivrance  des  saints  lieux.  Tout  à  coup  l'on  reçoit  à  Baesôra  la 
nouvelle  que  tes  guerriers  de  l'Occident ,  sous  la  conduite  de  Bau- 
douin ,  frère  de  Godefroy  de  Bouillon ,  s'étaient  emparés  de  la  ville 
de  Saroudj  en  Mésopotamie ,  et  y  avaient  tout  mis  à  feu  et  ^  9|uag. 
Un  homme  de  Saroudj ,  nommé  Abou-Zeyd ,  venait  d'arriver^  ayant 
été  obligé  d'abandonner  ses  foyers  et  ses  biens.  Abou-Zeyd  ét^t  un  ' 
homme  lettré  et  rompu  dans  tous  les  genres  de  style.  Hariri  se  l'as- 
socia pour  la  composition  de  l'ouvrage  que  nous  annonçons,  et  qui 
lui  a  assuré  une  réputation  immortelle. 

Les  séances  de  Hariri  sont  des  espèces  de  drames,  au  nombre  de 
cinquante,  où  le  même  personnage  est  constamment  mis  en  scène, 
mais  où  on  le  fait  passer  par  les  diverses  situations  de  la  vie.  L'ira- 
VIII.  36 


562  JOURNAL  ASIATIQUE. 

teur  a  profité  de  ce  cadre  pour  faire  apparaître  tbnr  à  tour  les  ex- 
pressions les  plus  élégantes  de  la  langue  arabe,  les  tournures  les 
plus  recherchées ,  les  locutions  proverbiales  les  plus,  usitées.  On 
peut  dire  que  cet  ouvrage  est  un  inventaire  de  la  langue  de  Maho- 
met. Les  Arabes  eux-mêmes  le  regardent  conune  le  meilleur  sujet 
d^étude  pour  se  bien  pénétrer  du  génie  de  leur  langue.  Cet  ouvrage 
leur  tient  lieu  de  dictionnaire  des  synonymes,  de  traité  des  tropes, 
etc.  De  plus,  en  bien  des  endroits,  il  est  de  la  lecture  la  plus  atta- 
chante. 

Le  style  habituel  de  Hariri  et  ses  jeux  de  mots  ont  rendu  la  lec- 
ture du  livre  très-pénible ,  et  les  Arabes  eux-mêmes  ont  besoin  de 
s'aider  d'un  commentaire;  à  plus  forte  raison  un  commentaire  était- 
il  nécessaire  pour  les  Européens.  Plusieurs  commentaires  de  ce 
genre  existent  à  la  Bibliothèque  royale*,  c'est  à  Taide  de  ces  écrits 
et  des  traités  analogues  qu'il  était  parvenu  à  se  procurer  d^aillenrs, 
que  M.  de  Sacy  composa  le  sien.  Son  but  était  de  faire  servir  son 
édition  à  la  fois  aux  Orientaux  et  aux  Européens;  voilà  pourquoi  il 
s'abstint  de  toute  remarque  en  français,  et  se  borna  à  extraire  ce 
qu'il  avait  trouvé  de  meilleur  dans  les  ouvrages  nationaux.  Quelque- 
fois, seulement,  les  scoliastes  arabes  ne  répondant  pas  tout  à  fait  à  sa 
pensée,  il  rédigea  lui-même  des  notes  en  arabe;;  mais,  ainsi  qu'il  le 
dit  dans  sa  préface,  ces  cas  sont  fort  rares.  Du  reste,  le  volume  tCMit 
entier  était  exécuté  avec  beaucoup  de  soin ,  et  quelques  exemplaires, 
suivant  leur  destination ,  étant  allés  en  Egypte  et  en  Syrie,  les  hom- 
mes les  plus  instruits  du  pays  se  prosternèrent  devant  le  savoir  de 
l'orientaliste  français. 

L'édition  originale  étant  épuisée,  M.  Hachette,  dont  le  lèle 
éclairé  est  bien  connu ,  s'est  chargé  d'en  publier  une  nouvelle.  Le 
plan  à  suivre  dans  cette  nouvelle  édition  était  tracé  d*avance.  Il  s^agit 
ici  d'un  ouvrage  fait  par  un  savant  éminent  et  dont  Tautorité  est, 
pour  ainsi  dire,  consacrée  ;  le  public  était  en  droit  de  demander  une 
reproduction  de  l'ouvrage,  tel  qu'il  était  sorti  des  mains  du  maître , 
ci  sans  la  moindre  altération. 

Mais  ou  pouvait  se  demander  si,  dans  quelques  détails,  il  ne 
s'était  pas  glissé  quelques  fautes  d'impression,  {fuelques  incorrec- 
tions provenant  des  manuscrits  dont  M.  de  Sacy  avait  fait  uHge.« 
Une  autre  question  plus  importante  se  présentait.  M.  de  Sarcy ,  en  ré- 
digeant son  commentaire,  s'était  basé  sur  les  écrits  des  Orientaux.  On 
trouve,  dans  le  texte,  des  allusions  assez  fréquentes  à  des  croyances, 
;\  des  usages  et  à  des  traits  de  mœurs  habituels  aux  indigènes.  Les 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  563 

commentateurs  du  pays  ont  négligé  le  plus  souvent  de  s'arrêter  sur 
des  points  qu'ils  regardaient  comme  suffisamment  cornnus ,  et  M.  de 
Sacy,  gêné  par  le  plan  !quil  avait  adopta,  a  ordinairement  suivi 
leur  exemple*  Gomme  ces  dlusions  o£Brent,  pour  ies  Européens,  un 
caractère  tout  différent,  ne  convenait-il  pas  de  profiter  de  la  réim- 
pression du  travail  de  M.  de  Sacy,  pour  remplir  cette  espèce  de 
lacune? 

Quand  M.  de  Sacy  nriourut,  le  mercredi  21  février  1 838,  il 
avait  fini,  dans  sa  leçon  du  samedi  précédent,  d'expliquer  le 
recueil  des  poésies  de  Hamasa,  et  il  avait  annoncé,  pour  le  samedi 
suivant,  les  séances  de  Hariri.  M.  Reinau'd,  qui  eut  Thonneur  de 
succéder  à  M.  de  SaCy  dans  la  chaire  d'arabe ,  crut  de  son  devoir  de 
suivre,  autant  qu'il  était  en  lui ,  les  intentions  de  son  illustre  ix\aitre, 
et  il  consacra  la  leçon  du  samedi  aux  séances  de  Haiiri ,  édition  de 
M.  de  Sacy.  Maintenant,  il  est  arrivé  à  la  quarante-quatrième  séance. 
Conformément  à  ce  qu'avait  toujours  pratiqué  M>  de  Sacy,  il  pré- 
pare sa  leçon,  cherchant  à  se  rendre  compte  d'avance  des  difficultés, 
et  tâchant  d'expliquer  les  points  obscurs  à  l'aide  des  relations  de 
voyages  et  d'autres  livres  européens.  M.  Reinaud  a  mis  à  la  oisposi- 
tion  de  M.  Hachette  les  observations  de  tout  genre  qu  il  avait  re- 
cueillies; de  plus,  il  s'est  adjoint  un  de. ses  anciens  élèves,  M.  De- 
renhourg ,  qui  a  acquis  une  connaissance  approfondie  de  la  langue 
et  de  la  littérature  arabes ,  et  qui  a  fait  des  recherches  de  son  c6té. 

Lès  notes  nouvelles  ne  pouvaient  être  rédigées  qu'en  français, 
et  elles  sont  naturellement  renvoyées  à  la  fin  de  l'ouvrage;  ainsi  le 
moment  d'en  parler  n'est  pas  encore  .venu.  Quant  à-la  révision  du 
travail  original,  révision  dont  la . partie  matérielle  a  été  confiée  a 
M.  Derenbourg,  et  qui  ^  été  faite  avec  beaucoup  de  soin,  voici  la 
marche  qui  a  été  suivie.  Oo  a  cherché  à  recueillir  les  ouvrages  d'a- 
près lesquels  M.  de  Sacy  avait  travaillé,  en  se  servant,,  autant  que 
possible,  des  exemplaires  dont  il  avait  fait  usage.  Quelques-uns  de 
ces  ouvrages ,  qui  étaient  sa  propriété  particulière,  furent  achetés 
après  sa  mort  par  M.  le  chevalier  Ferrâo  de  Castelbraûco ,  n^embre 
de  la  Société  asiatique.  M.  de  Castelbranco ,  avec  la  libéralité  qui' le 
distingue ,  js'est  empressé  de  mettre  ces  ouvrages  à  la  disposition 
des  éditeurs.  De  plus,  on  a  puisé  dans  certains  recueils,  tels  que  le 
Kitah-al-aganjr,  le  Yetymet-al-dahr,  que  M.  de  Sacy  n'avait  pas  eu  pro- 
bablement le  temps  de  consulter.  Le  soin  que.  M.  de  Sacy  avait  ap- 
porté dans  son  travail  ne  laissait  pas  la  chance  de  rien  découvrir  de 
bien  important;  d'ailleurs, puisque  MM.  Reinaud  etDerenboilrg  ont 

36. 


564  JOURNAL  ASIATIQUE. 

la  facidté  de  mettre  des  observatioQs  à  ia  suite  du  tnYail  original , 
il  eût  été  pea  convenable  de  toacher  au  texte  établi.  Ausaî  les  chan- 
gements que  présente  cette  première  partie  se  .Itpment  à  quelques 
vers  qui  étaient  altérés  et  que  les  éditeurs  ont  restitués  d  après  des 
leçons^plus  correctes,  à  quelques  noms  propres  qui  étaient  deve- 
nus méconnaissables  ou  confondus  avec  d'autres.  Nous  citerons  * 
comme  exemples;  le  vers  de  la  page  lo,  ligne  6,  où  il  manquait  la 
particule  ^  après  JJlct  ;  page  1 5,  ligne  i3  du  commentaire,  on  a 
imprimé  ^AiSL^,  au  lieu  de  .^"gg-*- ,  qui  rompait  la  mesure; 
page  1 9 ,  ligne  i  o  du  commentaire ,  au  lieu  de  Jj  a5  ^  3  «Jiqui 
ne  donnait  pas  de  sens,  on  a  imprimé  ^^  ,^3  ^^i  lM^*' 
page  6o,  ligne  7,  le  nom  de  ^\y  ^\  a  fait  place  à  fj»\j^  ^f*'  ^^ 


M.  Kazimirski  publie  en  ce  moment  la  vingtième  livraison  de  son 
Dictionnaire  arabe-français.  Cet  ouvrage,  d'une  utilité  reconnue, 
est  destiné  en  même  temps  h  faciliter  et  à  populariser  Tétudc  de  la 
langue  arabe.  Jusqu'à  présent  Ton  ne  pouvait  ouvrir  un  Mexique 
arabe  sans  être  aii  moins  familier  avec  la  langue 'latine,  dont  la 
connaissance  est  peu  répandue  parmi  les  officiers  et  les  colons  de 
l'Algérie. 

Il  nous  appartient  plus  qu'à  tout  autre  de  mentionner  ce  livre 
savant,  et  d'en  signaler  les  qualités  réelles,  parce  que  nous  avons  été 
à  même  d'en  suivre  ia  marcbe  pas  à  pas. 

Le  système  adopté  par  M.  Kazimirski ,  tout  en  reproduisant  les 
meilleures  définitions  données  par  M.  Frcytag,  consiste,  d^un  côté, 
à  rectifier,  à  l'aide  du  Kamous  et  de  la  lecture  d'un  grand  nombre 
d'auteurs  arabes ,  les  significations  vagues  ou  équivoques  ;  de  Taotre, 
à  déduire  de  la  raeine,  sans  jamais  la  perdre  de  vne,  le  sens  des 
différentes  formes. 

La  racine  étant  indiquée ,  l'auteur  groupe  successivement  autdor 
d'elle  les  composés  et  les  dérivés.  Un  sim^Je  coup  d'cril  suffit  alors 
pour  embrasser  dans  son  ensemble  une  liste  de  mots  qui  ont  niie 
même  origine ,  et  qui  nécessiteraient  des  recberches  nombreotti 
s'il  fallait  les  prendre  isolément  pour  trouver  leur  affiliation  nàns 
ou  moins  directe  avec  une  soucbe  conunune.  Cette  méthode  *  qui 

'  Ibn-Kbi^îkan ,  tom.  I ,  pftg.  6o5,  et  Ihn-Ayyaa,- Histoire  de  VÉaypÎÊ, 
lom.  I,fol.36  V. 
'  Y9iymet-<d-dahr,{o\.  iby. 


NOVEMBRE-DECEMBRE  1846.  565 

procède  de  la  synthèse,  en  offre  tous  les  avantages  ;  elle  possède, 
au  plus  haut  degré,  la  clarté,  la  netteté  et  la  logique.  Il  en  résulte 
que  la  tâche  de  Fétudi^nt  est  consldérahlement  simplifiée. 

Félicitons  encore  le  savant  traducteur  du  Koran  d'avoir  si^alé 
les  synonymes  et  les  contraire5,  suivant  la  méthode  des  leiiques 
arabes. 

Que  Tauteur  poursuive  donc  son  travail  avec  le  même  soin  ;  qu'il 
s'attache  à  justifier  le  titre  qu'il  a  choisi,  en  recueillant,  autant  qu'il 
lui  sera  possible ,  un  plus  grand  nombre  de  mots  dés  dialectes  d'Alger, 
de  Tunis  et  de  Maroc.  Nous  lui  garantissons,  alors,  que  son  Dic- 
tionnaire sera  rangé  parmi  Ibs  livres  les  plus  utiles  et  le»  jrfus  re- 
cherchés de  notre  époque. 

A.  Cherbonihsad  , 
Professeur  d'arabe  à  Gonstantine. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 


LETTRE  RELATIVE  AUX  INSCRIPTIONS  PHÉNICIENNES 
D£    M.    FRESNEL.  ^ 

Monsieur  le  rédacteur, 
Le  dernier  cahier  du  Journal  asiaticjue  contient  un  ar- 
ticle de  M.  F.  Fresnel,  sur  plusieturs  moniunents  puniqoes 
If  cuvés  dans  la  Tripolitaine ,  dont  la  publication  doit  attirer 
à  ce  savant  explorateur  la  reconnaissance  des  personnes  qui 
s'occupent  de  l'étude  de  ce  genre  de  nfonuments.  En'efiet, 
deux  des  inscriptions  dont  il  s'agit,  celles  qui  sont triUngues , 
extrêmement  précieuses  par  ce  foit,  qui  fournit  à  Tintcrpré- 
tation  la  base  la  plus  solide  c[uelle  ait  6nc<^e  rencontrée, 
ces  deux  inscriptions^  dis-je,  sont  des  exemples  utuqaea 
dans  le  catalogue  des  découvertes  phéniciennes.  Malkeifireu- 
sèment,  les  spécimens  envoyés  ne  sont  point  exacts.  He«l 
bien<  à  regretter  qu'au  lieu  de  Mre  de  <feux  eopies  diffi^ 


566  JOURIVAL  ASIATIQUE. 

rentes,  une  moyenne,  M.  Fresnel  n  ait  porint  donné  les  deux 
copies  originales;  certaines  lettres,  le  daleth  et  le  reseh,  par 
exemple,  ne  diffèrent  que  par  la  longueur  d'un  jambage; 
une  moyenne,  dans  ce  cas,  ne  peut  évidemment  que  pro- 
duire Tiiidécision. 

Dans  Tétat  des  données  actuellement  acquises ,  diaprés  le 
tracé  de  M.  Fresnel,  la  transcription  serait. 

Pour  le  n°  1  : 

Pour  le  n'  2  : 

On  voit  de  suite  que  les  quatre  premiers  mots  du  n*  a 
rendent  littéralement  cette  partie  du  texte  latin  :  «  Byryctk, 
jilia  Baîsilechis,  mater..,  »  Cette  concordance  absolue  est  déjà 
une  acquisition  très-favorable  au  système  de  lecture  que  les 
efforts  de  M.  de  Saulcy  et  les  miens  tendent  à  fiedre  définiti- 
vement adopter. 

Mais  il  n'est  pas  possible  de  retrouver  cette  concordance 
pour  la  fin  de  la  ligne ,  ni  pour  la  ligne  entière  du  n*  i . 
C'est  sans  doute  cette  difficulté  qui  a  déterminé  M.  Fresnel  à 
suivre ,  pour  plusieurs  lettres ,  une  transcription  di£Férénte. 
Les  divergences,  entre  ses  déterminations  alpbabétiques  et 
les  miennes,  portent  sur  les  2%  8%  g*,  la*,  17*,  19%  2 a*  lettres 
du  n*  1,  et  sur  les  7%  lo",  11",  ilf,  17*  et  20*  du  n*  2. 
Les  valeurs  de  M.  Fresnel,  admises  exclusivement  pour  les 
besoins  du  moment,  n'ont  pas  mené  au  but  qui  les  a  bit 
créer,  car  assurément -on  ne  peut^accepter  les  interprétations 
présentées  pour  reproduire  les  sens  médecin  et  mère^  par 
exemple,  malgré  ce  qu'elles  ont  d'ingénieux. 

n  est*  facile,  au  contraire,  dans  le  système  commuA  de 
lecture,  de  rétablir  la  concordance  complète,  en  apportant  à 
la  figure  de  quelques  caractères  de  légères  rectifications 
qu'autorise  le  procédé  suivi  par  M.  Fresnel  dans  son  tracé. 

Ces  restitutions  consistent  d'abord,  1°  à  ajouter  à  la  16* 
lettre  du  n'  1  et  à  la  1 7*  du  n"  2 ,  une  queue  descendant  ver- . 
ticalement,  peu  allongée,  comme  à  la  2*  lettre  du  n*.i,  pour 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  567 

en  faire  un  daleth;  a*  à  convertir,  dans  Tune  et  Tautre  ins- 
cription, la  troisième  avant-dernière  lettre  en  une  figure 
semblable  à  la  dernière,  c  est-à-dire* en  un  aleph;  3*  à  ne 
point  fermer  en  anneau  Textrémité  supérieure  du  signe  qui 
suit,  savoir  Tavant-demier,  mais  à  le  ramener  à  un  simple 
demi-cercle ,  ou  phé,  comme  on  en  voit  sur  la  dernière  ins- 
cription de  M.  Fresnel,  celle  de  Tripoli.  On  a  ainsi,  pour 
cette  portion  parallèle  de  chaque  inscription ,  au  ri°  i  :  "«Kn^p 
KD")K,  au  n*  a  :  fCD")K  *y*<nVp,  ce  qui  donne,  comme  dans 
les  parties  correspondantes  des  textes  latins  et  grecs,  le  sens: 
«  Clodius  le  médecin.  » 

L'aîn  ajouté  comme  pénultième  dans  le  premier  de  ces 
deux  mots,  sur  la  seconde  inscription,  est  un  nouvel  et  pé- 
remptoire  exemple  de  f  oflBce  de  mater  leotionis  que  nous 
avons ,  M.  de  Saulcy  et  moi',  prouvé  avoir  été  souvent  confié 
à  cette  lettre  dans  les  textes  puniques,  h' aleph  qui  précède 
KSI  est  l'article,  tel  qu  on  le  voit  dans  une  classe  des  mé- 
dailles de  Cadix. 

Ainsi  le  texte  punique  du  n*  a  se  trouve  entièrement  ex- 
pliqué ,  et  il  est  rigoureusement  équivalent  aux  textes  latin 
et  grec. 

Il  reste  la  première  moitié  du  n*"  i.  Impossible  de  rame- 
ner le  punique  à  une  leçon  qui  donne  Boncarmecrasi.  Mais, 
comme  ce  mot  barbare  ne  se  prête  à  aucune  signification ,  il 
est  naturel  de. penser  qu'il  est  altéré;  il  ne  présente  qu'uii 
rapport  de  sons  dans  une  forme  syncopée.  D'un  autre  côté, 
rrip^yiD  n'offre  point,  non  plus,  en  punique,  de  significa- 
tion satisfaisante;  l'analogie  de  plusieurs  autres  textes  appelle 
mp^DID ,  Bodmelqart,  nom  propre  fort  usité.  Or,  cette  nou- 
velle restitution  he  demande  que  la  conversion  de  la  3*  lettre, 
de  la  forme  ronde,  ou  plutôt  demi-circulaire,  qui  lui  a  été 
supposée,  en  celle  d'une  petite  croix,  ou  mem^  semblable  à 
celle  qui  occupe  le  neuvième  rang. 

Reste  ^mpDT;  ce  mot  me  parait  être  incontestablement 
un  surnom  ethnique  formé  de  mpDT,  la  hauteur  de  la  ville 
ou  la  ville  haute.  Il  était  naturel,  dans  ce  cas,'  de  porter  le 


568  JOURNAL  ASIATIQUE. 

iod,  fonnatif  de  Tedinique,  à  la  fin  du  composé.  On  troave 
en  hébreu  plusieurs  exemples  analogues.  Mais  de  quelle  vffle 
s'agil-il?  Je  Tignqre.  Lepiis,  par  la  mutation  du  rtak  eo 
lamed,  serait-il  aussi  une  syncope  de  Remqraiis  ? 

La  véritable  appellation  phénicienne  de  Qodius  était 
donc  :  ^L.Bodmelqart  Remqraii,it  c'est-à-dire  :  ti Bodnœlqart, 
natif  de  Remqrat.  »  La  terminaison  en  crasi  des  textes  latin  et 
grec  provient  de  l'habitude ,  encore  très-firéquente  parmi  les 
indigènes,  d'adoucir  le  T  par  la  mutation  en  sifflante;  i 
M.  Fresnel  a-t-il,  avec  raison,  employé  le  tsé. 

En  résumé,  les  deux  textes  phéniciens  ] 
lysés  me  semblent  devoir  être  restitués,  transcrits  et  traduits 
comme  il  suit,  n»  i  :  KD*1K  ''*<nVp  TnpDI  mpSoia^  Boi- 
melqart,  Remqrasi  Clodi,  le  médecin;  n**  a  :  "j^C^Sya  D^  11313 
ND1*<  •'yxnbp  DN,  ByrycÛi,  fille  de  Balsilec,  mèn  cfa  Cloii, 
le  médecin. 

Quant  à  Tinscription  de  Tripoli,  il  est  plus  à  regretter  en- 
core que  M.  Fresnel  se  soît  abstenu  d'envoyer  les  copies  ori- 
ginales, puisqu'on  n'a  point  ici  de  traduction  pour  aidera  la 
détermination  des  lettres.  Dans  le  doute  où  doit  retenir 
l'exemple  même  fourni  par  l'examen  des  deux  textes  de  Lep- 
tis,  il  serait  téméraire  de  tenter  une  interprétation.  Je  iqe 
bornerai  à  présenter  la  transcription  réelle  qui  ressortirait 
du  tracé  de  M.  Fresnel  : 

?  .Dm 

On  distingue  dans  le  groupe  formé  par  les  à\  5*.  6*  et 
7"  lettres  de  la  première  ligne ,  le  mot  raib,  Dominm,  ^  se 
trouve  aussi,  à  une  place  correspondimte,  sur  Tinscriptioa 
d'Éryx.  Il  s'agit  donc  de  l'épitaphe  d'une  femme  dont  le  nom 
parait  être  constitué  par  les  quatre  caractères  suivants,  219^3 
pour  rh^.  Par  conséquent,  on  est  autorisé  à  penaev^nela 
première  lettre  doi^  avoir  une  forme  semblable  à  celle  dfl  la 


NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1846.  569 

5"  lettre  du  n°  i  de  l'épigraphe  trilingue,  c  est-à-dire  être  un 
qoph,  de  manière  à  donner  "iDp ,  tombeau,  au  lieud*un  groupe 
auquel  on  ne  pourrait  trouver  aucune  signification. 

A  ces  conjectures  se  borne  .tout  ce  qu'il  me  semble  pos- 
sible de  dire  sur  ce  monument. 

En  terminant  cette  note,^  peut-être. trop  longue,  je  dois 
signaler  la  ressemblance  graphique  des  trois  inscriptions 
dont  il  vient  d'être  parlé,  avec  celles  que  Gesenîus  a  repré- 
sentées sqr  sa  table  27,  et  qui  ont  été  découvertes  dansja 
même  région,  Tuné  à  Leptis  Magna  même,  l'autre  dans  les 
environs. 

Comme  la  dernière  ,  le  n"  1  offre  pour  particidarité  la  réu- 
nion de  deux  formes  du  resh.  Dans  ces  deux  cas  insolites. 
Tune  des  formes  me  paraît  être  exclusivement  affectée  à  la. 
condition  d'initiale. 

Veuillez  agréer,  monsieur  le  rédacteur,  l'expression  de 
ma  considération  la  plus  distinguée. 

A.  Judas. 


SOCIÉTÉ   ASIATIQUE. 


SÉANCE  DU  9  OCTOBRE  1846. 

Le  procès-verbal  de  la  dernière  séance  est  lu,  la  rédac 
tion  en  est  adoptée. 

On  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  Buddingh ,  à  Batavia , 
annonçant  l'envoi  de  son  Histoire  de  l'Académie  de  Batavia. 

M.  Amyot  lit  un  Mémoire  sur  l'emploi  des  langues  orien- 
tales à  la  nomenclature  de  l'histoire  naturelle ,  extrait  du  Bul- 
letin de  la  Société  de  géographie  (août  i846). 


670  JOURNAL  ASIATIQUE. 

OUVRAGES  PRÉSENTÉS  A  LA  SOCIÉTÉ. 

AliiBenlsa  monitorii  ocularioramspecimeneâiiit  C.  A.  Hille. 
Dresde  et  Leipzig,  i845,in-8*. 

Bhagavad  Gita,  textum  recensait  Sghlegel.  Editio  altéra^ 
cttraCh.  Lassen.  Bonn,  i846,  in-8*. 

Geschiedkuadig  overzigi ,  etc.  (Histoire  de  TAcadémie  des 
sciences  de  Batavia),  par  Buddingh.  Batavia,  i8ii6,  in-8*. 


SÉANCE  DU  13  NOVEMBRE  1846^ 

Le  procès-verbal  de  la  séance  précédente  est  lu;  la  rédac- 
tion en  est  adoptée. 

On  donne  lecture  d'une  lettre  de  M.  Piddington ,  qui  an- 
nonce qu'il  a  cessé  d'être  secrétaire-adjoint  de  la  Société  de 
Calcutta ,  mais  qu'il  consent  à  rester  agent  de  la  Société  de 
Paris  à  Calcutta.  Le  conseil  lui  fait  adresser  ses  remerci- 
ments. 

On  lit  une  circulaire  de  M.  Shillington,  à  Londres,  qui 
demande  à  être  nommé  agent  de  la  Société,  à  Londres,  pour 
l'envoi  d'ouvrages  el  de  manuscrits. 

M.  Mohl  propose  Téchange  des  publications  de  la  Société 
asiatique  contre  celles  de  la  Société  orientale  allemande.  Le 
conseil  décide  que  le  Journal  asiatique  sera  envoyé  k  cette 
Société ,  à  partir  du  numéro  de  janvier  i8â6. 


ERRATUM  PODR  LE  NUMÉRO  ITOCWBRE. 
Page  320 ,  ligne  8 ,  avant  Jl^Ij  «  lûez:  ^L . 

FIN  DU  TOME  VIII. 


TABLE   DES  MATIÈRES 

CONTENUES    DANS    LE    TOME    VIII. 


MEMOIRES  ET  TRADUCTIONS. 


PagM. 


La  rhétorique  des  nations  musuimanes.  '(  Gârgin  de  Tassy.  ) 

3"  extrait : 89 

Etudes  sur  la  Relation  des  voyages  faits  par  les  Arabes  et  les 
Persans  dans  l'Inde  et  à  la  Chine ,  traduite  par  M.  Rei- 
naud.  (Éd.  Ddlaurier.  ) 131 

Notices  sur  les  pays  et  les  peuples  étrangers,  tirées  des  géo- 
graphes et  des  historiens  chinois.  (  Stân.  Julieft.  J 228 

Suite 385 

Extrait  d'un  Mémoire  géographique,  hisforique  et  scienti- 
fique sur  rinde.  (  Reinâud.  ) 285 

Histoire  du  khalife  abbaside  Al-Mo*tassem ,  extraite  du  Traité 
de  la  conduite  des  rois.  (  Cherbonneâu.  ) 316 

Der  Fruhlingsgarten,  ou  le  Béharistan  de  Djami,  traduit  en 
allemand.  (  De  Sgulechtâ-Wssehrd.) , 338 

Inscriptions  trijiingues  trouvées  à  Lebdah.  (  Fresnel.  ) 34d 

Recherches  sur  trois  princes  de  Nichabour.  (Defrémbry.).  .     446 

Étude  sur  le  roman  malay  de  Sri  Rama.— Suite  (DozON.  ).  .     482 

Notice  d'un  manuscrit  arabe  renfermant  une  continuation  de 
l'histoire  universelle  d'Aboulféda.  (Gottwaldt.) 510 

Nouvelles  observations  sur  le  véritable  auteur  de  l'histoire  du 
pseudo-Haçan  ben  Ibrahim.  (  Defrébiery.  ) 535 

CRITIQUE  LITTÉRAIRE. 

Lettre  à  M.  le  Rédacteur  en  chef  du  Journal  asiatique.  (Rei- 
NADD.) 221 

Notice  sur  le  Dictionnaire  détaillé  des  noms  et  des  vêtements 
chez  les  Arabes,  de  M.  Dozy.  (  Defrémery.  ) 364 

Extrait  d'une  lettre  sur  le  véritable  auteur  du  Dabistan. 
(  Bland.  ) 371 

Notice  sur  la  Grammaire  hindoustani  de  M.  Forbes.  (Ber- 
trand.)       377 

Lettres  à  M.  Dulaurier.  (Pijnappel.) 555 


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