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JOURNAL ASIATIQUE.
QUATRIÈME SÉRIE.
TOME VIII.
JOURNAL ASTATTQriE
RECUEIL DE MÉMOIRES,
^ D'EXTRAITS ET DE NOTICES
RELATIFS X L'HISTOIRE, X LA PHILOSOPHIE, AUX LANGUES "
ET X LA UTTÉRATURE DES PEUPLES orientaux;
BiDloi PAR MM.
BIANCBI, io. BIOT, BOTTA, BDBNODF, CADSSIN DE PBBCEVAL, D'ECKSTEIR,
DOBBDI, FBESNEL, GAHCIK DE TASST, GBANGERET DE LAGBAN6Ë ,
DE HAHHEB-PDBGSTALL, A. JAUBEBT, STAN. JCLIEN,
DE SLABE, J. MOHL, S. MCNK, BEIRACD , SÉDILLOT ,
ET AIITBES SAVANTS FBANÇAIS ET ÉTBAMGEBS,
ET PUBLIÉ. PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
QUATRIEME SERIE.
TOME VIII.
PARIS.
IMPRIMÉ PAR>UTOWSATION DU ROI
A L'IMPRIMERIE ROYALE.
M DCCC XLVI.
JOURNAL ASIATIQUE.
JUILLET 1846.
PROCÈS-VERBAL
DE LA. SÉANCE GÉNÉRALE DE LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE
DU 33 jciN 1.846.
La séance est ouverte sous la présidence de
M. le chevalier Amédée Jaubert, Pair de France,
président de la Société.
Le procès-verbal de la séance générale du 1 7 juin
i8/i5 est tu; la rédaction en est adoptée.
Les personnes dont les noms suivent sont pré-
sentées et admîmes comme membres de la Société :
MM. PoDJADE , consul de-France à Tarsous (Tiu'quie) ;
Hoffmann, conseiller ecclésiastique à léna
(Prusse);
Pynappkl , docteur ès-lettres et lectem» à TA-
cadémie royale de Delft (Hollande);
Isidore Hedde, délégué auprès de la mission
en Qiine;
Rondot , délégué auprès de la mission en
Chine.
6 JOURNAL ASIATIQUE.
Les ouvrages suivants sont ofierts à la Société :
Par le prince Michel Baratayeff : Documents numis-
matùlues du Royaume' de Géorgie. Pëtersbourg, 1 344 ,
in-4'.
Dictionnaire dç$ noms des vitffments chez les Arabes ,
ouvrage couronné et publié par la troisième classe
de rinstitut royal des Pays-Bas, par R. P. A. Dozy.
Amsterdam, i845, in-8**.
Beidawii Covfimjentarijxs in Coranam, edidit H. V.
Fleisher. Fascicide IV. Lipsiae, i846, in-4°.
Catalogus codicum manascriptoram oriéntalium qui
in museo Britannico œsservantar. Studio et labore Gui-
lielmi Cureton. Pars secunda codices arabicos com-
plectens. Londini, i846, in-fol.
Mémoires de la Société de Batavia* Batavia, 19* et
2 o* partie. • '
Vindiciœ Jgnatianig^; or thç genuine writings of 5*.
Igmtius, as exhibited in^Ûie ancient syriaç version,
vindicated from the charge of heredy, fcy the Rev.
William Cureton. London, i846.
Die Bildang und Bedeutang des Plural in den Semi-
tischen und Indo-germaniscken Sprachen, von Ernst
Meier, in- 8*.
^ Definitiones viri msritissimi Sejjid Scherif Dsehords-
châni, edidit Gustav. Fluoel. In-8**.
Mosis vitœ LuzzatH Patavini, drama qaadripartitum
monumentum linguœ neo-hebraicœprœstantissimum nunc
primum ex codice italico editum cum commentariis
Lipsiae , Sam. Davidis Luzzatti et Mairi Letteris.
JUILLET 1846. 7
'Abda-r-razzâq's Dictionary of thé technical terms
ofihe Sujies, edited in the arable original, by D^ Aloys
Sprenger. Calcutta, i845, iii-8*;
Histoire de l'Egypte, depuis la conquête des Arabes
jasqu^à l'expédition française, par M. J. J. Marcel.
Paris, Firmin Didot, i846.
A vocabalary of thé Soahili language , from the me-
moirs of the American Academy. Cafnbridge, i845'.
Memoir on the language and inhabitants of Lord
North's Islande by John Pigkering, président on the
Academy. Cambridge, i845.
Valère André, professeur Jthébreu, par M. le ppo-
fessem* NèvE. Louvain, i846, in-12.
Observations sur les chants du Sama-Véda (par
M. F. NèvB).
Voyage en Sicile de Mohammed-Ebn-Djohdir de Va-
lence, sous le règne de Guillaume le Bon, par M. Amari.
(Extrait du Journal Asiatique.)
Histoire des khalifes Abbassides AUAmin et Al-Ma-
moun...., par M. Ciherbonneau. (Extrait du Journai
Asiatique.)
Études sur Pascal, par l'abbé Flottes. Montpellier,
i846,in-8".
Les vœux de la France à l'occasion de l'attentat du
16 avril, par M. Marcel. Paris, i"' mai i846.
Plusieurs prospectus du Cercle oriental.
Quelques numéros de ÏÉcho de l'Orient et du
Journal de Constantinople.
Bulletin de la Société de géographie, tome V, n~ 2 7
28, mars-avriL
8 JOURNAL AÇIATIQUE.
M. Marcel dépose sur le bureau les trente-six
pretnières pages de son Dictionnaire arabe -français
des dialectes vulgaires africains.
M. BuRNouF dépose sur le bureau les vingt et une
premières feuilles in-folio de son édition et traduc-
tion du Bhâgavaia Parâna-,
On donne lecture d une lettre du prince Michel
Barutayepf, conseiller d'Etat russe, par laquelle il
adresse à la Société un exemplaire de louvrage de
numismatique géorgienne quil vient de publier. Les
remercîments de la Société seront adressés au prince
Barutayeff.
On entend la lecture du rapport de M. Mohl,
secrétaire-adjoint de la Société, sur les travaux du
conseil pendant Tannée qui vient de s écouler.
M. Reinaud fait, au nom de la Conunission des
fonds, un rapport siu* les comptes.de Tannée der-
nière. L'assemblée adopte les conclusions de jce rap-
port, approuve les comptes et vote des remercîments
au trésorier et à la Commission des fonds.
On procède, conformément au règlem€nt, au
renouvellement des membres sortants du Conseil ,
et le scrutin donne les nominations suivante» :
Président : M. Amédée Jaubert.
Vice-présidents : MM. le comte de Lasteyrie et
Caussin de Perceval.
Secrétaire : M. Eug. Burnouf.
Secrétaire-adjoint : M. Mohl.
Trésorier : M. Lajard.
JUILLET 1846. 9
Membres composant la Commission des fonds :
MM. Landresse, Mohl, Gârgji^ de Tassy.
Membres du Conseil : MM. Grangeret de La-
grange, baron de Slane, Marcel, Bazin, De-
FRÉMERY, RlÉGNIER, ElCHHOFF, TrOYER.
Bibliothécaire : M. Razimirski de Birerstein.
Censeurs : MM. Reinaud et Bianchi.
La séance est levée à deux heures.
Pour 'fcopie conforme :
ËUG. BURNOUF,
Secrétaire.
TABLEAU
DU CONSEIL D'ADMINISTRATION,
CONFORMIÊMENT AUX NOMINATICmS FAITES DANS L*ASSEMBLfiK
GÉNÉRALE OU 23 JUIN i8A6.
PROTECTEUR.
S. M. LOUIS-PHILIPPE,
ROI DES FRANÇAIS.
PRÉSIDENT.
M. le chevalier Amédée Jaubert.
yiCE-PRÉSlDENTS.
MM. le comte de Lasteyrie.
Caussin de Perceval.
10 . JOURNAL ASIATIQUE.
SECniTAIRS.
M. Eugène BuRNOuF.
SECRàTAXR£-ADJOIIIT .
M. MOHL.
TRÉ^BIER.
M. F. Lajaïvd.
COMMISSION DES FONDS.
MM. Garcto de Tassy.
MoHL.
Landresse.
MEMBRES DU CONSEIL.
MM. Troyer.
Noël Desveiigers.
BlOT.
Longp^rier.
Ddlaurier.
ampère.
DE SaULCY.
Ddbeux.
Stanislas Julien;
Reinaud.
BlANCHI.
Hase.
Langlois.
Pavib.
Grangeret de Lagrange.'
JUILLET 1846. Il
MM. Le baron de Slâne.
Marcel.
Bazin.
L abbé BARcès.
Defr^mery.
REGNIER.
ElCHHOFF.
CENSEURS.
MM. Reinaud.
BlANCHI.
BIBLIOTHÀGAIIUE.
M. Kazimirski de Bibebstèin. ^
AOfiNT DE LA SOGléTé.
M. Bernard, au local de la Société, rue Ta-
ranne, n° 12.
N, B. Les lances de la Société ont lieu le second vendredi de chaque
mois , à sept heures et demie du soir, rue Taranne , n* i a.
•V
12 JOURNAL ASIATIQUE.
RAPPORT
Sur les travaux du Conseil pendant Tannée 1 845- 1 846, fait
à la séance générale de la Société , le 1 6 juin 1 846 , par
M. Jules MoHL.
Messieurs,
Les affaires de la Société asiatique, depuis la
dernière séance générale, n offrent matière qu'à
peu aobservations. La cessation de la librairie de
M"* Dondey-Dupré, dont la maison a été déposi-
taire de vos publications depuis la fondation de la
Société, a obligé le Conseil de chercher un autre li-
braire, et il a arrêté son choix, poxu* la vente de vos
ouvrages et de votre journal, sur M. Duprat, qui,
par son zèle et Tétendue de ses relations, est, plus
que personne, en mesxu*e de faciliter vos rapports
avec ïOrient. Le nombre des "membres de la So-
ciété s est augmenté depuis l'année dernière, et
votre joiu'nal est de plus en plus recherché par les
bibliothèques et les savants de tous les pays. Les
deux derniers volumes contiennent les inscriptions
himyarites de M. Arnaud, les commentaires dont
M. Fresnel les a accompagnées , des lettres de
M. Rouet sm* ses découvertes en Assyrie , des études
de M. Burnouf sur les textes zends, des trayaux de
JUILLET 1846. 13
MM. Biot et Bazin sur la Chine, de MM. Garcin de
Tas8y , de Saulcy, Defrémery, Aroari, Cherbonneau,
Do^on sur les littératures des peuples musulmans,
de M. de Slane , sur la grammaire maltaise , et beau-
coup d autres que je ne puis énumérer.
L année dernière, votre bureau avait annoncé
qu il espérait pouvoir vous soumettre quelques me-
sures destinées à donner à vos publications une
étendue plus considérable et plus en rapport avec le
mouvement toujours croissant des études orientales.
Malheureusement, Jaide du Gouvernement, sm* le-
quel il avait cru devoir compter, lui a manqué, et
même l'allocation modeste que la Société Teçevait
presque régulièrement, na pas pu être accordée
cette année par M. le Ministre de l'instruction pu-
blique , malgré la bonne volonté qu'il témoigne pour
nos études. Cette interruption des faveurs de l'ad-
ministration ne petit être que momentanée ; mais il
est incontestable que le Gouvernement fait trop peu
pour la Société, qui peut dire, avec on légitime
orgueil, qu'elle a beaucoup fait poiu* les lettres
orientales en France , et qu'elle . est en mesure de
faire beaucoup plus si on veut lui venir en aide.
Ce n'est ni le zèle, ni le savoir, ni les matériaux
qui lui manquent; mais elle s'adresse à lui public
nécessairement restreint, et c'est au Gouvernement
â la mettre en état de maintenir le rang qu'elle a
su acquérir au milieu des Sociétés asiatiques qui
existent oii naissent dans tous les pays.
La Société vient d'éprouver une perte sensible par
14 JOURNAL ASIATIQUE.
la mort de M. Eyriès, membre du conseil, et l'un
des fondateurs de la Société. D s était dévoué entiè-
rement à la géographie, et je laisse à la Société qui
s'occupe spécialement de cette branche ée^ scieni^es,
le soin d apprécier ses ouvrages. Mais il sintéreâ^t
aussi vivement au]t progrès des scienties historiques
et philosophiques, et il avait pris part ôux travaux de
la Société asiatique depuis sa fondation^ Après àvèir
été, pendant longtemps, membre de la côtnmis-
sion des censeurs, il â^ait remplacé M. Feiullet
dans la comncnssion des fondai eft la Société lui dèit
une vive reconnaissahoe pour là manièt^è affsidiie
et consciencieuse dont il à rempli Aeé fonëtïoris tjpiî
n ont rien d agréable en elles-mêmes et qui exigeât
un sacrifice do temps pénible pour uifî hdmmé àti^i
occupé que rétaît M. Eyriês;
Nos râppôits atrèc les àiitres Sociétés asiâtiqrié^
ont continué à être parfaitement amidaUi, et Âfôus
avons reçu, de la plupart d'entre elles, de^'pi*feuVès
de leur activité pendant lannéé passée. La Sodëté
asiatique de Calcutta a èbrltihué à publièl* régëïïfr-
rement soti jouînal^ et nous a envoyé Un t>\zftti^
qu'elle vient de faire pâraîfrë et dont^j'ditfàl à dîi^
pltfô tard quelques mWs. Lai Soeiété àe Bdmbay-^
a (M'ganisé son journàï de manière à le faire JjS-
raître par tritùééifre. Elle a annoncé le projet de
^ Jonrndàf^ Aàatk SùéUtf tjf Bittjtâ. ÙaimiiA'^iïi^, h^
nier numéro qui est nrrivéà Paris est ie numéro .7 6 ( nouvelle s^e).
* JourRol oj the Botnhay hranch of the royol Asiatic Socie^.Bom-
bày, ilT-à^. Le deirnïér ntiniërô artîvé à Paris es! le nuhiéro 9.
JUILLET 1846. .15
réimprimer en. trois volumes in- 8* les Transactions
qu elle avait autrefois publiées en trois volumes ih-4'.
C est une excellente collection , qtië probablement
beaucoup de bibliothèques en Europe désireront pos-
séder. La Société des attà et des sciences de Bata-
via ^ a fait paraître le volume XX de ses Mémoires.
J*aurai occasion de revenir, dans le cours de ce rap-
port, sm* le contenu de ôe volume. Là Société asia-
tique de Londres^ a publié le volume XVI de son
jouibaal, et le motide savant attend, avec une vive
impatience, la publication; plx)niise pour le volume
suivant, de Tinscription bouddhique de Kàpùi* di
Girii rapportée pêa* M. Masson, ainsi que celle de la
grande inscription de BisitoUn , copiée et expliquée
par M. Rawlinfi(ôn. Lé comité des ti^âductions orién^
tides annonce là publication prochaine du qua-
trième volume de Hadscl^i Klhàlfa, par M. Fiûgël,
du deuxième volumje d'ËwUà Effendi, par M. de
Hammer, et celle d un ouvrage posthume de Sir
Gore Ousèley, àUr la vie et les ouvragés de quelques
poëtespersans* La Société |)ôur la publicatiori de textes
t)rieaitaux annoncé qu'elle Va feirei j)arÂitre lé Dâ^a
Kumara Châritra , par M. Wflson , le second voluiiie
de rifistôif'e dés Religions dé Schàri^taill , par M. 6il^
reton, et dlë à accepté lès offres de publication d'tifi
nombre considérable d'ouvrages arabes et persans.
^ Verhandelingen van ket BcUaviaasck Genootschap van Kansten en
fVetBHMfhàffpen, Vol. *X. BataVia; i344; îri-8' (98, XXXlîl- 176,
i79»«t98p*gea).
* The Jonrnd ef iht rcwal Aiiatic Scfcîéfy of Great-BnMh ûnû Ire-
îand. Londres, id46 , l/x\h (En deux parties.)
16 JOURNAL ASIATIQUE.
La Société orientale allemande s est organfsée dé-
finitivement Tannée dernière au congrès des phi-
lologues de Dannstadt, et elle a fixé son siège à
Leipzig et à Halle; elle se propose de publier im'
journal, ainsi que les actes de ses séances générales..
Il a paru un cahier de ces derniers ^ contenant les
actes du congrès de Leipzig en 1 844. La Société
syro- égyptienne de Londres a publié le premier
fascicule de ses Mémoires^ -/elle parait comprendre,
dans son ressort , TAbyssinie , l'Egypte , l*Arabie ,
la Syrie et la Mésopotamie, qui lui foiu'niront cer-
tainement des matériaux abondants poiu* ses re-
cherches. Enfin, il s'est formé deux nouvelles So-
ciétés asiatiques, Time à Colombo, pour Tîle de
Ceylan, lautre à Km'atchi, pour le Sind et les pays
environnants. Puissent-elles nous faire jouir bientôt
des résultats de leur zèle !
J'arrive à Ténumération des ouvrages orientaux
qui ont paru pendant Tannée; et, quoique je n es-
père pas pouvoir la donner complète, elle prou-
vera la rapidité des progrès que font nos études,
malgré les difficultés de tout genre et les sacrifices
de toute espèce qu'elles exigent de ceux qui s'y
livrent. Je comnaenic:^ par la littérature. arabe, qui
est et sera toujours celle que l'on cultivera le plus
en Europe.
* Verhandlan^en der ênUn Versammlung deuUcher nnd àaslmndi-
scker OrientalisUn in Dresden. 18 45, Leipzig, in-4. (1^» 78 pages.)
' Original papers read hefore.the Syro-Egyptian Society of London ,
vol. I, partie 1; Londres, i84S, in-SV (iSg pages.)
JUILLET 1846. 17
Uhistoire et la géographie des Arabes ont été,
pendant Tannée dernière, Tobjet de travaux consi-
dérables ; des ouvragés nouveaux* et importants ont
été entrepris, des publications commencées ont été
continuées, et des livres déjà connus ont été publiés
d'une maiiière plus complète.
M. Weil, professeur à Heïdelberg, a fait paraître
le premier volume dune Histoire des Khalifes \
qui formé la continuation de sa Vie de Mahomet.
Ce sujet est lun des plus importants que puisse
choisir un historien; la grandeiu» de fempire des
Arabes, la destruction des anciennes civilisations et
le changement de Tétat social de la moitié la plus
cultivée du n^o^ide, font; dé la formation du kha-
lifat, un -des plus grands événements de Thistoire.
Le khalifat lui-même a c^é depuis six siècles , niais
la j)uissance civilisatrice qui! y avait en lui était
telle , que les suites du mouvement qu'il a imprimé
à rOrient subsistent encore. Aussi, l'a tâche qufe
s'impose l'historien du khalifat estr elle difficile en
proportion même dé la grandeur du son sujet, car
il ne s'agit pas pour lui seulement de faire la des-
cription des conquêtes des Arabes et de raconter
l'histoire de leurs princes pendant six siècles; il fa^it
qu'il traite encore de l'origine et du développement
df^toûte une civilisation ; des changements que cettp
civilisation a produits chez des nations nombreuses ,
différentes de race et de caractère, lesquelles ont, à
^ Gesckichte der Chalifen, von D' Gustav Weil. Mannheim , i846,
vol. I,m-8". (yo2 pages.)
VIII. 2
18 JOURN*AL ASIATIQUE.
leur tour, réagi diversement sur leurs conquérants ;
de Imfluence que les, principes et les formes de la
nouvelle administration ont exercée sur la condi-
tion des provinces , sur la constitution, de la pro-
priété, sur le gouvernement .municipal , sur la lé-
gislation, sur tous les intérêts des peuples. Le khalifat
est un fait unique dans Thistoire. du inonde et quon
ne saurait comparer, sous le rapport temporel, quà
Tempire romain , et sous le rapport de lat puissance
spirituelle, qu'à la papauté.
On ne manque cei'tainement pas de matériaux
pour en faire l'histoire ; les. chroniques générales et
celles des provinces et des villes, les biographies des
hônmiea illustres, les œuvres des poètes et de leiu's
commentateurs, les collections des lois et décisions
légales , les ouvrages de. théologie et de science , enfin ,
toutes les parties de la littérature arabe et persane
abondent en faits, dont chacun contribue à com-
pléter le tableau qu'on peut tracer du khalifat. Tous
les travaux dont ces littératures ont été l'objet ap-
portent directement ou indirectement leur tribut
à cette. histoire. Déjà un certain nombre des points
les plus importants ont été traités en détail, et il
ne se passe peut-être pas un mois sans qu'il paraisse
en Exu*ope, un ouvrage qui ajoute quelque chose
aux matériaux dont on peut disposer; mais, malgj^
tous ces efforts , on n'a encore mis aujour qu'une petite
partie des sources de l'histoire du khalifat; le reste se
trouve dispersé dans les bibliothèques de l'Europe et
de l'Orient. C'est dans cet état que M. Weil a trouvé
JUILLET 1846. 19
son sujet et quil a eu le courage de l'aborder, avec
laide principalement des manuscrits des biblio-
thèques de Paris et dé Gotha. Le premier volume
de son ouvrage contient rhistoire dukhalifat depuis
la mort de Mahomet jusqua la fin de la dynastie
des Ommeïad,es. Ce volume n embrasse que rhistoire
politique proprement dite de cette époque, et lau-
teur réserve pour plus tard les éclaircissements de
toute espèce qui se rapportent à Tétat social du pays.
Son récit est simple, il conserve avec soin les ex-
pressions. mêmes des personnages dont il. raconte
les actions, et il rejette dans des notes au bas des
pages, les discussions critiquas que font naître des
points douteux. La suite montrera si , dans son
état actuel, la science est assez avancée pour per-
mettre déjà la composition du»e histoire du khalifat
telle qu'on doit la désirer; dans tous les cas , on peut
voir, par ce qui en a paru, que l'ouvrage de M. Weil
est un» livre d une valeur incontestable.
M. Quatremère a publié la seconde moitié. du
deuxième volume de sa traduction de l'Histoire des
Sultans mamlouks de l'Egypte, qui s'imprime aux
frais du coHMté des traductions orientales de Londres^ .
Cette partie compirend les années 479 à 706 dé l'hé-
gire. M^ Quatremère a, selon son habitude, accom--
pagné son travail de pièces justificatives et de notes
historiques et philologiques, qui forment autant de
'• Histoire des. Sultans marnlouks de l'Egypte , par Taki-eddin-Ma
krizi, traduite par M. Quatremère, tom. Il, p. 11. Paris, 18/1. 5,
in-4'. (324 pages.)
20 JOURNAL ASIATIQUE,
spécimens de son grand Thésaurus dont le monde
savant attend la publication avec une si vive et si
juste impatience.
Le grand ouvrage de Makrizi a encore fourni le
texte de l'histoire des Coptes sous le gouvernement
musulman de TÉgypte, qtie M. Wustejifeld vient de
publier en arabe et en allemand ^ M. Wetzer, à
Fribourg, avait déjà fait, paraître > î^ y ^ quelques
années, une gj:ande pjartie des chapitres de Makrizi,
qui se rapportent aux Coptes. M. Wustenfeld y a ajouté
quelques nouveaux extraits, qui complètent le sujet,
et a publié le tout^ à laide des manuscrits de Gotha
et de* Vienne: C est une histoire fort naïve des per-
sécutions des chrétiens en Egypte, de la destruction
de Jeurs églises et de leurs monastères, et de la con-
version violente de^la grande masse des* Coptes à
Fislamisme. ..
n a paru, outre ces ouvrages sur des parties de
l'histoire de l'Egypte sous les Arabes, un abrégé gé-
néral de cette histoire, par M. Marcel \ L'auteur
a tiré son récit des historiens arabes, en partie iné-
dits, et^a ajouté au texte les monnaies et quelques
sceaux des princes arabes d'Egypte, de manière à
faire en même temps de son livre un manuel de
numismatique égyptienne. . ' . • . •
M. Dozy, à Leyde, s'occupe d'une Histoire de la
^ Macrizis Geschichie der Copten mit Ueherseizang and Anmerkun-
gen, von Wustenfeld. Goettingep , i845 , in-4°. ( ida , et 70 pages.)
* Histoire de VÉgypte depuis la conquête des Arabes jusqu'à Texpè-.
ditiom. française^ par M. Marcel. Paris, i846, in-8°. (aôS pages.)
•Cet ouvrage fait.partie de Ttlnivers pittoresque, publié parM. Didot.
JUILLET 1846. 21
dynastie des Abbadides de Séville ^ Papmi les
familles qui profitèrent de la chute des Otnmeïàdes
d'Espagne' pour fonder des principautés indépen-
dantes, et qui furent écrasées plus tard dans la lutte
entre les Almoravides et les rois chrétiens, les Abba-
dides se distinguent par 1 éclat de leur règne et par
le talent de quelques-uns d'entre eux. M. Dozy com-
mence par publier toutes les pièces originales, qui se
rapportent à Thistoire de cette famille , en les com-
mentant et en accompagnant d'une traduction latine
celles qui offrent des difficultés. Il s'excuse de com-
prendre parmi ces* pièces des poèmes et* des mor-
ceaux de rhétorique, mais certainement personne ne
sera tenté de lui en faire un reproche, car la science
historique est aujoxu*d'hui assez éclairée pour recher-
cher avec avidité tout ce qui peut contribuer à donner
une idée plus claire de l'état social d'une époque. Il
n'a paru, jusqu'à présent, que le premier volume
de cette belle çt importante publication.
M. W^nrich, de Vienne, a entrepris d'écrire l'His-
toire des conquêtes des Arabes en Sicile * en, Italie
et en Sardaigne ^. Il a combiné les renseignements
que fournissent les histQriens arabes aujourd'hui
cpnnus , avec ceux que nous donnent les chroniqueurs
occidentaux, et en a tiré ime histoire assez. détaillée
* Historia Abbadidaram prœmissis scriptoram arahum de ea dynastia
locts nunc primum editis; autorè R^ P. A. Dozy; vol. I. Leyde, i846,
in-4*. (43i pagfes.)
* Reram ab Arahibus in Italia insulisque adjacentihus Sicilia
maxime , Sdrdinia atque Corsica gestaram Commentarii , scripsit
S. G. Wenrich, Lipsiae, i845,.in-8". (346 pages,}
22 JOURNAL ASIATIQUE.
de cette partie de la grande lutte des peuples chré-
tiens contre les musulmans. Son ouvrage se termine
par cjuélques chapitres dans lesquels il apprécie
brièvement les effets que la domination arabe a pro-
duits sm» la langue, les lettres, Tagpriculture, les mœurs
et l'état général de Tltalie. Ces questions paraissent
devenir, * de la part des savants italiens, lobjet de
recherches nouvelles^ e est ainsi que M. Amari , qui
a déjà publié dans votre journal quelques fragments
curieux d auteurs arabes concernant la Sicile, an-
nonce une histoire de ce pays sous la domination
des Arabes, et une Bibliothèque arabo- sicilienne.
Le prince Domeriico Spinelii et M. Michel Taftu'i
ont étudié un côté ou plutôt un incident de cette
histoire, et leur description des médailles cufiques,
frappées en Sicile entré le x* et le xn® siècle, par
les princes normands et ceux de la maison de
Souabe ^., fournit une preuve éclatante de l'éten-
due et de la durée de l'influence ar.abe. On y voit
un grand nombre de pièces d'or frappées par ces
princes chrétiens, au nom du khalife Moëz-Lidin.,
portant, d'un côté , le symbole de la foi musulmane ,
et de l'autre une croix. .Quelquefois , l'inscription
arabe est si mal imitée qu'elle ne forme plus qu'un
arabesque ; quelquefois , le- nom des princes chré-
tiens est écrit en cai'actères cufiques; souvent le latin
* Monete enfiche battute da principi Longohardi, Normanni e Saevi
nel regno délie Due Sicilie, interpretate e illustrate dai Principe di
S. Giorgio Domenico Spiirelli , e publicate per cura di 'Michèle Ta-
furi. NapoH, ii844, in-A". "(xxvi, 3o2 pages et 3o planclies.)
. JUILLET 184!&. 23
et farabe sont mêlés jusque dans ie même mot.
C'est 1 effet de ^influence qu'exerce une civilisation
vaincue sur des vainqueurs comparativement bar-
bares, et les médailles des premiers khalifes,, celles
des -rois indo-scythes et des rois Goths d'Espagne
nous ofïrent des cas tout à fait analogues. La J)lupart
des médailles reproduites dans cet ouvrage sont ti-
rées des collections des deux auteurs, qui les ont
rangées chronologiquement et ont. expliqué les lé-
gendes arabes autant que le permet la manière bar-
bare dont elles sont gravées.
L'Histoire des Arabes d'Afiique, à laquelle les
circonstances ont donné une importance qu'elle
n'avait pas eue depuis l'expulsion des Maïu'es d'Es-
pagne, a été de nouveau l'objet de plusieurs travaux.
M. Tornberg, professem» à Upsal, vient de faire
paraître la traduction latine de l'Histoire duroyaiune
de Fèz^ connue sous lé nom des Kartas, dont il avait
publié le texte il y a deux ans. L'auteiu» arabe, qui
commience son récit par l'histoire romanesque de la
fuite d'Idris, descendant d'Ali, et son ■établis3ement
en Afrique, pQiu'suit jusqu'à l'an ■7.26 de l'hégire
l'histoire de Fez et celle des pays voisins. C'est un
ouvrage original et important pour l'Histoire de
l'Afiîque. L'auteiu* paraît avoir recueilli des traditions
orales qui ont besoin d'être contrôlées par la cri-
•^ Annales regum Maaritaniœ ab Ahù-l Hasan-ben'Abd'Allak'ibn'Ahi-
Zer Fesano , vel ut cdii malunt Abu Muhammed Sallh ibn Abd el-Halim
Granatensi conscriptos; edidit C. I. Tornberg. Upsalœ, 18 45, in-4*,
tom. II. (36o pages.)
24 JOURNAL ASIATIQUE.
tique européenne,, mais qui donnent à son livre une
vie que n'ont paç la plupart des chroniques.
MM. Peliissier et Rémusat, membres de la com-
mission scientifique d'Algérie , se sont occupés d une
autre partie de l'Afrique septentrionale, et nous
donnent la traduction de l'histoire de Tunis par
Mohammed-el-Kaïrowani ^ Cet auteur procède avec
beaucoup de régularité dans son ouvrage; il donne
d'abord la description de Timis et de l'Afrique en
général , ensuite l'histoire ^des différentes dynasties
qui ont régné sur Tunis jusqu'à l'an 1681 de notre
ère , et termine piar une description des curiosités
de la ville et des usages particuliers de ses habitants.
C'est une chronique écrite d'après le modèle gé-
néral des chroniques arabes, et elle participe de
leurs défauts et de leurs qualités ordinaires. La des-
cription de l'Afrique avant l'invasion des musul-
mans est remplie de fables et d'incertitudes; l'histoire
des premiers siècles de lem* domination forme
une compilation bien ordonnée , mais un peu sèche ;
à partir du xin* siècle , le récit prend un peu plus de
vie; on y trouve des renseignements originaux, et
tirés de la tradition orale , surtout aans la dernière
partie, qui traite de la conquête de Tunis par les
Tiircs.
Le gi*and défaut de ce livre, et de presque tous
* Histoire de l'AJriqae par Mohammed-ben-Abi-el-ftaïni-el-lCaî-
rouani , traduite de l'arabe par MM. E. PelHssier et Rrëmusat. Paris,
1845, iH-4*. (5i7 pages.) Cet ouvrage forme le tome Vlldè l'Eyplo-
ration scienti/îque de TAlgérie, publiée par ordre d\i Gouvernement
français.
JUILLET 1846. * 25
ceux de la même classe, est le. point de vue étroit
qui caractérise les historiens musulmans ; ils se con-
tentent d enregistrer les faits matériels les plus frap-
pants; hors de là, ils ne s occupent que de ce qui
touche directement les intérêts de leur religion ;
mais ils ne parlent qu accidentellement des change-
ments que le temps çi produits dans la société ciAÔle ,
des mœurs des peuples soumis ou ennemis , de la
marche du commerce et des causes de la prospérité
ou de la décadence du pays dont ils traitent, enfin,
de tout ce qu'on appelle .aujoiu*d'hui les faits sociAbL.
C'est la tâche de l'historien européen de briser l'en-
veloppe aride des chroniques orientales, et d'en tirer
ce qui y reste d'indications relatives, à la vie réelle
des peuples. Cependant, quelquefois un hasard heu-
reux met à notre disposition des ouvrages dont les
auteurs ont été forcés par les circonstances de sortir
de la voie ordinaire, et de nous raconter ce qu'ils
ont observé. Telles sont les relations déis voyageurs
arabes, que l'on connaissait déjà par la traduction
de Renaucjot , et dont M. Reinaud vient de faire
paraître le texte accompagné d'une nouvelle traduc-
tion ^ Ce sont des récits de marchands et de voya-
geurs arabes du ix® siècle de notre ère , cfùi avaient
fi'équenté les côtes de l'Inde et de la Chine, et les îles
* Relation des voyages faits par les Arabes et.les Persans dans l'Inde
et à la Ckmej dans le /x* sikcle de^ l'hre chrétienne, texte arabe imprimé
en 1811 par les soins de feu Langlès , publié avec des correction^
et additions, et accompagné d'une traiJuction française et d'éclair-
cissements, par M. Reinaud. Paris , 1845, 2 vol. in-18. (CLXXX, 1 W,
io5, et 202 pages.)
26 JOURNAL ASIATIQUE.
dé 1 archipel indien , et qui nous donnent des détails
pleins d'intérêt sur les mœurs et l'aspect des pays
qu'ils visitent, sur le commerce qu'on y faisait et
sur les produits naturels qu'ils foiu'nissaient. On ac-
cusa, pendant- quelque temps, Renaudot d'avoir
inventé ces relations; plus tard quelques critiques
les attribuèrent àMasoudi. Maintenant M. Reinaud
prouvé que le fond du livre est formé par le récit
du marchand Sol eiman,* commenté et complété un
peu plus tard par Abou-Zeid de Basra, et commu-
niqué par ce dernier à Masoudi, qui en a inséré une
grande partie dans ses Prairies d'or. Feu M. Lan-
glès avait fait imprimer, en i8i i, le texte arabe de
ce livre ; mais l'édition étant restée inachevée dans
leà magasins de rimprimerie royale, M. Reinaud
s'e3t chargé de la tern>iner, et il y a ajouté un appeur
dice tiré de Masoudi, des corrections du texte, une
traduction nouvelle,' un commentaire détaillé,- et
une introduction dans laquelle il discute l'origiae de
l'ouvrage et les nombreuses questions géographiques
qui se rattachen^t aux récits des auteurs. C'est un
livre infiniment cxu*ieux sous plusieurs rapports , et
dont la publication plus complète est un service
rendu à la littérature orientale.
Un traité de géographie du x® siècle , plus métho-
dique et presque aussi original que les relations de
ces voyageurs, est le Livre des climats, par Abou-
Jshak dlstakhr, dont M. Mordtmann, à Hambourg,
vient de faire paraître une traduction ^ Le but de
* Dos Buch der Laendervon Scheck Jbn-Ishah el-Farsi el-Isztachri
JUILLET 1846. 27
lautéur était de donner une description de tous les
pays, musulmans. La géographie était alors une
science toute nouvelle chez les Arabes, et Abou-Is-hak
parait avoir été presque entièi'ement réduit aux ob-
servations quil avait faites lui-même dans ses nom-
breux voyages, ce qui rend son livre très-inégal dans
ses différentes* parties, mais d autant plus précieux
pour nous. Plus tard les géographes arabes ont suivi
l'habitude de leurs historiens, et se sont copiés les
uns les autres d une manière effrontée , et générale-
ment sans aucune critique et sans s'apercevoir que
l'état des pays dont ils parlaient avait changé dans
l'intervalle. Ahou-Ishak a ajouté à son livre des
cartes très-imparfaites , mais extrêmement curieuses
comme étant les plus anciennes qui existent,* à l'ex-
ception de la Table de Peutinger et de quelques
caïtes chinoises; Sir W. Ouseley a publié, âa commen-
cement de ce siècle , la traduction anglaise d'un abrégé
persan de l'ouvrage d'Abou-Ishak , qu'il attribuait
à Ibn-Haukal; mais il est heureux qu'on ait décou-
vert l'original arabe, qui est beaucoup plus détaillé.
Malheureusement, on n'en connaît jusqu'à présent
qu'un seul manuscrit , que Seetzen a envoyé à la biblio-
thèque de Gôtha. M. Moeller en a lait paraître, il y a
quelquies années, une édition lithographiée , qui offre
un calque exact de l'original; et c'est ce qui pouvait se
faire de mieux, car lès imperfections nombreuses du
manusmt, et surtout l'absence des points diacritiques
aasdemAmbiscken nbersetzt, von Mordtmann. Hambiirg, i845,in-4°.
(2o4 pages, avec six cartes.)
28 JOURNAL ASIATIQUE. .
sur les. noms propres , exigeront des travaux de cri-
tique longs et répétés ^vant que l'on puisse en donner
une édition par la voie de' rimprimerie. M. Mordt-
mann a lutté .avec beaucoup, de bonheiu* et de savoir
contre ces difficidtés., quoique, en maint endroit, il
se voie obligé de renoncer à fixer la lectiu'e des noms
de lieux.' Il faut, espérer que lattentionque ce tra-
vail remai^quable doit exciter conduira à la décou-
verte d'autres manuscrits du même ouvrage, qui
permettront de fixer, avec certitude la lectiu^e de ce
livré important.
M. Rurd de Schlœzer a fait, des fi^agments dun
voyageiu» ^ arabe du x® siècle de notre ère , le thème
d une dissertation inaugiu^ale. Abou-Dolef-Mis ar avait
entrepris , vers le milieu de ce siècle , un voyage en
Tartarie , dans le Tibet et dans Tlnde , dont il paraît
avoir consigné les résidtats dans un traité aujourd'hui
perdu. Les géographes postérieurs en ont incorporé
des parties ou des* extraits dans leiu's ouvrages , et le
fragment que M. de Schlœzer nous fait connaître
est tiré du Ajaïb-el-Makhloukat de. Razwini. Il est
publié avec une traduction et uii commentaire. ;
M. Wustenfeld , à Gœttingue , a commencé la pu-
blication du Moschtarik de Iakouti ^. C'est un dic-
tionnaire d'homonymes géographiques , -tiré , par
l'auteur lui-même, de son grand dictionnaire de
' Abu Dolefr Misaris ben-Mokcdhal , de itinere asiadùo Càmmen-
tarius, edidit'Kurd de Schlœzer. Berlin, i8A5,.in-/i*. {4i pages.)
* Jacuù Moschtarik y dos ist Lexicon geograpjiischer Homonyme,
herausgegeben von Wustenfeld. Cahier ï. Gôttingen, i8/i.5, in-A".
(xvi, 8, el 160 pages.)
JUILLET 1846. 29
géographie. Quiconque s'est occupé de l'histoire de
l'Orient a dû être jsduvent embarrassé par la fré-
quence de cette homonymie, et l'on comprendra'
facilement l'intérêt d'un livre destiné à lever les dif-
fictdtés qui en résultent. M. Wustenfeld a trouvé
deux rédactions du Moschtarik, dont la seconde con^
tient des changements et des additions très-considé-
rables faites par lakouti lui-même; mais, comme
elle offre en même temps des omissions , l'éditeur a
trouvé nécessaire de combiner les deux rédactions,
de manière à réintégrer dans la seconde, qui forme
la base de son. texte, les parties omises. Il a obvié
aux inconvéniens. de ce procédé par un système as-
sez compliqpié de signes typographiques qui per-
mettent au lecteur de distinguer la nature et l'origine
des additions. lakouti est un auteiu* du xiii* siècle ,
qui a beaucoup voyagé et beaucoup écrit, et il serait
très à désirer (ju'on entreprît une édition de son
grand dictionnaire géographique.
La dernière addition à nos connaissances géo-
graphiques que nous devons àùx Arabes , est le
Voyage au Darfour, par* le scheikh Mohammed,
de Tunis, 'traduit par M. Perroii, directeur de l'é-
cole de médecine au Caire, et publié par M. Jo-
mard ^ Il est rare que nous ayons à citer l'ouvrage
d'uti auteur oriental vivant, et il a fallu un concours
de circonstances singulières poiu* faire composer ce-
^ Voyoj^e au Ùarfour, par h Gheykh Mohammed ebn-Omar el
Tounày; traduit de l'arabe par le D' Perron, et publiée par'les soins
^e M. Jobard. Paris, 18 45, in-8°.
30 JOURNAL ASIATIQUE
lui dont il s agit ici. Lorsque M. Perron arriva au
Caire, il prit le scheikh Mohammed pour maître da-
. rate,* et, s étant aperçu qu'il avait fait des voyages
considérables dans les parties les plus inconnues du
Soudan, il le pria de lui en rédiger la relation, pour
lui servir de thème.. C*est ainsi que fut composé et
traduit à niesure un ouvrage? extrêmeniejit curieux,
d^ns lequel on sent parfaitement Imfluence de Im-
telligence eiu^opéenne quf a foi*cé le scheikh à
reporter ses souvenirs sur une quantité de points
qu'un voyagem* musulman*, écrivant pom* ses com-
patriotes, aiirait certainement négligés. Le voiimie
qui vient de paraître traite du Darfour, et donne
la première description détaillée que nous ayons
de ce pays ; le second traitera du Borgou. et nous
fera connaître, une partie de TAfrique qui nous
est aujourd'hui entièrement inconnue et que jamais
le pied d'un Européen n'a foulée. Il est probable que
la nouvelle preuve que M. Perron a donnée de ce
qu'on peut tirer des voyageiu*s musulmans dans l'in-
térieur de l'Afrique, et; de la facilité. avec laquelle
ils visitent des pays. qui nous sont fermés, portera
d'autres fruits; je pourrais même annoncer dès au-
jourd'hui des tentatives semblables, si je ne crai-
gnais de nuire à leiu* réussite par. une publicité pré-
maturée.
Les ouvrages qui se rapportent à l'étude philolo-
gique de l'arabe ont été nombreux et en partie im-
portants. M. Fleischer a fait paraître 1b 4* livraison
de sQn excellente édition du Commentaire sur le
JUILLET 1846. 31
Koran parBeidha'wi\ et vous apprendrez sans doute
-avec plaisir que ce livre a déjà acquis une grande
popularité parmi les mollahs des provinces musul-
manes de la Russie. M. Flûgel , à Meissén , a publié
une édition des Définitions de Djordjani ^. Le schérif
Zeïn-eddin, de Djordjan^ était un des savants que
Timour amena à Samarkand pour en orner sa nou-
velle cour. Djordjani y composa des ouvrages sur •
presque toutes les parties des sciences connues dans
les écoles musulmanes, sur des mathématiques, la ,
théologie, la philosophie, telle quelle était enseignée
alors,^ et la grammaire. C'était un temps de décadence
où 1 érudition se contentait, engendrai, de compila-
tions et de commentaires. Le seul ouvrage de Djor-
djani qui ait conservé de la popularité paraît être le
Tarifât y cest-à dire les définitions. M.*de Sacy adonné
une notice et des extraits de • ce livre et en a dé-
montré rimportance pour la lexicographie et la gram-
maire arabes. Depuis ce temps, il a paru à Constan-
tinopleime édition de louvrage; mais, comme elle
est assez incorrecte et qu'elle est deventiè rare, vous
avez accordé, il y a deux ans, à M. Dernbiu*g, ime
souscription pour une nouvelle édition qui doit être
accompagnée d'ime traduction fi:*ançaiBe et d'un com-
• Beidhawil Commeniarius in Coranum ex codicibus Paris. Dresd.et
Lipsiensihus , edidit, indiçibùsque inâtruxit H. O. Fleischer. Leipzig ^
in-4". .
* Dejinitiones viri meritissimi Sejjid ScherifDschordschani, accédant
dejinitiones theosopki Mohammed vulgo Ibn Arabi dicti. Primum edidit '
et adootatione critica instruxit G. Flûgel. Lipsiae, i845, ip-8*.
(xxxviii, et 336 pages.)
32 JOURNAL ASIATIQUE
mentaire. M. Fiùgei, qui, de son côté, s'occupait de
cet ouvrage , vient de faire paraître , à I aide des ma-
nuscrits de Paris et de Vienne, unfe édition très-
supérieure à celle deCohstantiriople, Djordjani , mai-
gré tout son mérité , n était quun compilateur et
avait emprunté la plupart de ses définitions à des
ouvrages plus anciens, qu'il ne paraît pas toujoiirs
avoir co|)iés exactement, et que nous avons, par con-
séquent, intérêt à retrouver. M. Flûgel en^ décou-
vert un et la ajouté à son édition. C'est un petit livre ,
dans lequel Ibn-Arabi, mystique du xni® siècle, a
donné deux cents définitions de termes dont se
servent les Soufis^ C est la première fois que ce petit
livre est imprimé , malheureusement d'après un seul
manuscrit, qui a dû souvent laisser au savant édi-
teur des doutes sur le sens de lautem*. Un autre des
ouvrages dont s'est servi Djprdjani, et dont on peut
faire usage pour contrôler le Tarifât y vient d'être
publié -à Calcutta , aux fixais de la société du Bengafe ,
par M. Sprenger, directem* du collège de Dehli; c'est
le Dictionnaire des termes techniques des Soufis
par Âbdoiu*rezak \ auteur qui paraît avoir vécu au
commencement du xiv* siècle. Ce livre doit avoir
joui d'une certaine réputation parmi les Soufis, car
il a été , un peu plus tard, remanié par d'autres
auteur^
te^TDibtionnaire arabe-français de M. Razimirski
* Abda-r-razzaq's Dictionaiy of the technical terms oj the Sujiess
edited in the arabic original by D' A. Sprenger. Calcutta, i8/i5,
in-8". {167 pages.)
JUILLET 1846, . ,33
est àrtîvé à §a treizième livraison ^ , et le même savapt
vient de publier un.contetiré des Mille et une N^its^,
dans le but dç fournir. a\ix commençants un. texte
d'arabe vulgaire. Enfin, au moment- où je termine
*ia liste des ouvrages arabes, je reçois le Dictionnaire
détaillé des noms des vêtçments. chez Içs. Ar£0be5,
par M. Dozy, à Leyde^.C'çst un ouvrage considérable
qui a été couronné par ilnstitut royal des Pays-Bas,
"et dans lequel M. Dôzy -recherche le sens exact de .
chaque terrne dont les Arabes se servent pour une
partie quelconque de leurs vêtements. On sait com-
bien, les: dictionnaires sont incomplets pour tout ce
qui se rapporte à la vie réelle, et çombieh.il e^t
rare quon y trouve la- définition exacte d un objet
d'usage habitujel. M. Dozy a conibiné gartdut Jes
passages des auteurs arabes qui parlent d'un vête-.
ment, av.eo les? descripti^tis, qu en dopnént lès voya-
geurs européens; et il' est. parvenu dg cette, manière
à indiquer, dans la plupart des cas ^ Tétymologie du
mot, la. forme exacte du vêtement, le pays et le
tenips où il étAit en usage. Je Tie dois cas quitter .
M. Dozy, sans, avoir rappelé: llntention quii.a aiiT
noncée*de publier,; par voie df souscription, le Çomr
mentaire historique dlbn-Badroun sur Jeppëm^/
dlbn-Abdourî, les voyages dlbn-Djobâîr, et une
histoire de TAfriqùe et de rÉspagne, d'un auteur
* Dictionnaire àraberfrànçais , par M. Kaziiairaki: P|iris , in-8".
? La belle: Persane, conté tiré déa Miil^ «t une Nuits, ptiblié et
traduit par M.Kazimirski. Paris, 1 846, in-8*. ., • .^
^ Dictionnaire dètaidè des npnis des vêtements chez lès Arabes y par
M. Dozy. Amsterdam , i845, in-S". (446 pages.)
VUT. ' • . 3
34 JOURNAL ASIATipUE.
inconnu. Vous ayez trouvé. dan§ le Journal asia-
tique^ ieà détails de cette entreprise , et le concours
de tous ceux, qui s'intéressent à Thistoire dès Arabes
ne inàriquera pas à M. Dozy . .
La plupart des autres dialectes sémitiques ont'
aU5si Qccupé.les savahts , . sans parler des nombreux
tt'àvaux que provoque tous les 4ns Tétude de Thé-
brëu ancien et moderne, et qui appartiennent au
moins autant à la théologie 'qu'à la littérature orien-
tiaJe. M. Ewàld a -publié dans le Jom^nai de M. Las-
sen une dissertation sur les' textes puniques de
Pjfaute; et M.-Movers çn a fait l'objet d'un:ouvrage
particulier K C'ekt lé .texte, phétticien le plus consi-
dérable que "nous possédions, crt il' mérite, sous ce
rapport , certainement toute la peine qu'on s'est don-
née pour l'expliquer. Mais c'est une base bien étroite
et niçR incertaine poiir T^ailyse d'une langue; ce
qu'il faudrait ^vaht tout, ce serait la découverte
d*înscriptiorts plus considérables que celle que nous
possédons. Il en est a peu prèà de même des ins-
criptions hânlyarites, quisorit la derfûère et une des
plus précieuses conijuêtes de la philologie. Je ne
dterai pas l'interprétation que M. "Bird à •donnée
i Bombai de qiiflques-unes de ces' inscriptions,
parce que i'çuteur tie foimiit la clef ni de sa
iectxu^e ni de sa traduction ; mais on a pu lire sur
ce sujet, dajis le Journal ^siati^e, un travail rai-
• ^ .' ' •
• * Voyez Joamal asiatûiue, février i846 , pàg. 197 et suiv.
^ Die punischèn Texte im Poewdas des piautus^hritisch jjew^rdigt
und erhlaerl von Dr. Mûvérs. Breslau , \n-S\ 1 8i5. { i h'j pages.) •
JUILLET 1846. 3.5
sonné (}e M-Fresncd, dans lequd il discute avec la
sagacité et lardeiœ passionné^qu'on remarque dans
tou^ Sje^ travaux, les baises de Tinterpr^tation dé ces
inscriptions. Néapmpips, uQus avons j^esôin dune
plus grande masse de mpnuments, *et Ion ne peut
penser, sans un mouven^ept d'impatîençe, que ces
monumènfj»' e^stent , et que le seulllof^ipa qui pè^t.
les visiter et qui, pour le faire, est prêt à risquer ^a
vie, attend. depuis deu?^ ans , sm* le bord de la mejr
Rouge, les moyens de partir de nouveau pom^Saba.
Depuis que M. Arhaud a copié lés inscriptions^ qu^
vous connaissez,. des fouilles ont é^ faites par t^
Arabe;s, idlatis ïidée que ce -n^est que poyr enlever
les. tré^jrs eufouis- de la reine de 3àba, qu est venu*
che^^eux ce mystérieux étraaigêr. Le basarc} a voulu
qu'ils aient tr«ijvé «n.coffire antique, cpuv^t de
scuJpturejs çjt rempli de pièces d'or. Était^e de for
pérs^? étajjt-ce de l'or de Saba? ^rsohne nejsaù-
rait le dire, car ils ont fondu ces pièces et -bmèle;
coffre, doAt ils ont vendales morceaux sur le marché
die Saj^ia. Jl reste encore , à l'heure qu'il est , uiî grand
cofire en métal., couvert de sculptures; que le kadi
de Sâl^^ a découvert dans ces fouilles , et dont il a
jusqu'ici émpecbé la destructio;a, Nou& pouvons es-
pérer que oe nçLQnunftrit, peut-être, le dernier reste
de l'art sabéen, sera un jour aji Louvre, car M. le
Ministre de l'instruction publique*, a promis d aider
M. Arnaud à retourner à Saba. .
La littérature syriaque vient de se voir ouvrir
une source. 4^ richesses et un avenir inespérés. On
.3.
36 JOURNAL ASIATIQUE.
savait, depuis dés siècles, quç les monastères coptes
de rÉgypteppssédaierit des bibliothèques fort an-
ciénh^s , composées surtout d ouvragés syriaques et
coptes. Les deux Assémanî: avaient trouvé moyen
dachetèr des m'oines un certain n^pûbre d« ces ma-
nuscrits, qui furent déposés ou plutôt enterrés dans
la bibliothèque ^u Vatican, le plus riche dépôt
Kttéraire qui se spit jamais fermé devant la curiosité
des savants. Dautr^s voyageurs , principaleinent des
Anglais, ont. réussi à acheter^ de temps en temps,
un petit nombre de manuscrits qui faisaient litière
dans de vieux caveaux, tout en étant regardés, par
les maîtres illettrés de' ççs trésors, avec un respect
superstitieux,* qui les empêchait de les mettre dans
de meilleure mains. ' Dans ces derniers temps,
M. Tattami connu pai' ses travaux srir la littérature
copte, se rendit deux* fois en Egypte, dans l'espoir
de se procurer «des manuscrits; la -reconnaissance
du patriarche jacobîte pour le don dune édition
copte et arabe du Nouveau Testamenf, que la So-
ciété biblique . venait de faire imprimer pour lui,
le disposa en faveur de *M. Tattam, et celui-ci finit
par acquérir des moines, avec beaucoup âe diffi-
cultés', trois cent soixante -six manuscrits syriaques
dune haute antiquité, qui sont aujom^d'hui la pro-
priété du Musée britannique. C'est un gi'and trésor
pour la littérature patristique, et d'autres parties
des sciences historiques en retireront certainement
des résultats considérables.. M. Ciffeton vient de
faire paraître un de ces ouvrages, contenant trois
JUILLET .1846. 57
lettres de saint Ignace ^ dans uiiq traduction $yriaque
plus ancienne que les «lanuscrits grec^ existants^,
et exempte des interpolations qui ont*éta lobjet de
tant de discussions parmi les savants; ^
M.Tattam s'est procuré, en même temps (jue ces
manuscrits syriaques , un certain nombre de nianus-
crits coptes qui le mettront en ëtat de publier les
parties de la Bible que l'on rie possédait pas jusqu'à
présent dans cette langue.,, et il* annonce l'impression
prochaine d'un voliune qui 4oit contenir le livi:e de
Job. Les débris dje la iittératiu'e copte qui nou#sont
jusqu'à présent parvenus n'ont en, ^ux-mêmes quurie
mince îinportance littéraire; maiS ils nou^*enseîgnent
la langue qui fonne la ^lef de l'mtejcprétaiîon des
hiéroglyphes égyptiens, et chaque nouveau livre
copte qu'on publiera servira à perfectionner le dic-
tionnaire de la langue, et contribuera ainsi à. une
sùlutiçh phil complète d'uA grand problème que
les temps anciens nous avaient légué , et que le nôtre
a eu l'honneur de résoudre» • * * *
C'est peut^êta'e ici que je puis le râpeux placer la
mention d'un livre élémentaire berbère^ que M. Dc-
li^orte a fait lithographîer. Il contierit des conver-
sations en berbère , écrites en. caractères mogrebins*
transcrites «n caractères latins, et accompagnées
d'une traduction iriterlinéaire française. Ce recueil
. * The aabient Syriac version oftke episllesyf saint Jynaiins yediieà
with an english' translation and notes by W, Guretop.- London ,
i8/i.5, ih-8°. (xL et 108 pages.) . ,
* Spécimen de la langue. berbkre,, par 'J.D. D. Paris, in-fcd. {,67
pages de lithographie.) , •
38 • JOURNAL ASIATIQUE,
est terminé par une lëgende en vers intitulée Saby;
cette légende est rfiistoire d'un fils qui ,. par sa piété ,
délivre ses parents de ferifer ■ et elle se distingue par
une certaine beauté sauvage qtd expli(jue la pppijla-
rité de Ce récit chez lès Kabyles du Maroc.
Eh nous tournant verS la Mésopotamie, €(m est
dfepuiis quelques, àïiiïées. le théâtre de isi grandes dé-
couvertes archéologiques, nous ne trouvons quun
setà essai de déchiflfrement des inscriptions assy-
rîfennés, par M. Isidore Loèwenstern ^ Il est pro-
l>abft qu on n'arrivera à. un résultat certain que
lorSC[u'on pos^édeïia des inscriptions trilingues cTUne
étendue cônsidéràMe ; et dans lesquelles il se trouvera
^s^ 4e .ndmis jm)pres pouï tfae. la comparaison de
liaxblonne prersépolitàine avec la colonne assyrienne
iidtis doïinë uîi alphabet^syrien A peu près Côniplet.
Il existe une pareille inscription âûr le tombeau de
Darius ;• malheureusement, ,MM. Flàndin et Coste ,
qui, pourtarit, oiit été siir les lieux et ont dessiné
le' monument, ne l'ont pas copiée. Maiis M. Wes-
tferg^ard en éptis copie; et il gérait à désirer qu'il
se décidât à la livrer au monde savant, poiu* donner
une base solide jatU3^ études stir l'écriture àssyrienhe;
études qui sont devenues =d*une"imJ)ort8(hce extrême
pcttir l'histoire depuis que nous possédons ûiie si
j^Hhde masse d'inscriptions. .Schulz en âVait rap-
porté quarante-deux de Wan; M. Botta eh a copié
* Essai de déchiffrement' de l'écriture dssytteiiné'.p6ùr semir à V-éx-
pUcation du monument de Kkorsahad, par S. Loewenst'erB. Paria,
184^, in 8*. (35 pages et 3 planches.)
JUILLET 1846. 39'
plus dé deux cetxts à miorsabad; M. Roiie,t ea ^
trouvé depuis à Arbèie, et M- Layàrd est, dans, ce
^laInent,.'ocecupé à déblayer, à/Nùxu'Oud; un grand
monument qui estcouveÈt dlnscriptions comme celui
de Khorsabad. Pendant que' ces feuilles .étaîent'sous
presse, les. deux Cbanoibfes ont rendu une loi pour
la publication des . découvertes de M Boitjta , et le
pubiic savant aura bientôt ^qus les i^èux lé texte de
M. Botta, 'la coUectioii entière des insoriptious qu'il
a copiées et les dessins des bas-reliefe par M. JFlan-
din. Puisse M.' 1-e ministre da^f intérieur .trouver i^a
moyen de faire publier ce grand ouvr^igë àuuprix
qui ne le rende pas inaccessibde aux personnes la^u^-
qiielles il est réellement ^ destiné,. et qui, seules, •
peuvent- en faire usage. Cala .devrait être pQ^^jsJhle
puisque le Gouvernement fait -lés freïs entiers^ de
\gi publication. •
E.n-est V«nû à ma connaissance aucjiui iUpu^eau
tiavail' sur le^ inscriptions pérsépolitaines , .si jcë^nlest
un traité anonjme imprimé à:Oédenboutg,.£njyQn-
grie, sous le titre* de Vestiges dé l'Orient conservés
dans Iq. langue magyare K5.e ne puis qu'indiquer le
titre de cet opuscule ,' clar il est écrit en hongrois,
et c est pour moi lettre doie, Au'tresté , -la Saciéte
asiatique de Londres va publier enfin l^SitraVaiù
de M. Rawlinson sucla grande inscription daDàriiis
à Bisitoun ^ là plus considérable de. foutes et celle,
dont rintérêt historique est Le plus grand , à- en jù- '
^ A Ma^ar • tiyely keleti etidéftei. v^opron ( Oedosliurg ); v iI>-8^
1844. (71 pages.)
ko JOURNAL ASIATIQUE.
gêr'par.les fragments que M. Rawljiison a, de temps
en. temps, communiqués à ses amis. M. Rawlinson
accompagne $a traduction dun travail sur la gram-
maire et lé dictionnaire de la langue, persane au
temps dé Darius, ;.
* La littérature persane proprement dite s'est enri-
chiede quelques nouvelles publications. Un membre
dfe voti'e Conseil. a fait paraître le troisième volume
de.ïédîtiôn dé Firdpusi \ qui failt partie de la Cbt
lection.orierïtale. Ce vojame contient la continua-
tion de rkistoire. de K«ï-Khosrou> niais sans mener
à sa -fin ce; règne, qui remplit pre$que-le quart jdu
•Livre des Rois'. M. Bland , à Londres , annonce une
éditiçn des. œuvres de Nizami et a débuté par la
publication ànMahteU'aUAsrar^ ( Le dépôt de» secrets ) ;
p est une série d*ânecdotes qui servent de texte à
•des- applications morales et philosophiques. Cet ou-
vrage para^ aux frais de la Société anglaise pour la
publication des. textes orientaux. On ne possédait,
jusqu'à présent , des oeuvres de Nizami , que quelque
extraits et des éditions *du Sekander^ameh, Ce grand
ppëte -mérite poiirtant detre mieux tîonnu.. On* a
beaucoup parlé de la poésie persane, mais c'est
seulement lorsque nouS. aiu^pns des éditions et des
traductiofis de* Dj^lal-eddîrt Roùmi, de Nizami,
4è Djami , . d'Anweri, que nous pourrons suivre ,
'. ' . .".'■■.• ■ ■ ■
** Le livre des Rois, par Al^u']kasim FVdonsi, publié, traduit et
commenté par M. J. Mohl. Pans, i846, in-fol. (vu,* et 629 pàg.)
^ Mahzan ni àsrârùf Nizami, published by Bland. London ,. 1 845,
in-4*. ^5 et 1 18 pages.) .
JUILLET 1846. '41
dans ses phases principales et- dans les œuvres des
grands maîtres, ce magnifique djéveloppement poé-
tique, qui marque, avant ^ût, la place de la Perse,
moderne dan* Thistoire littéraire.
M. Brockhaus, à Leipzig, a fait imprimer, à 1 oc-
casion dune fête* de famille, quelques exemplaires
dune rédaction du Livre du perroquet \- plus an-
cienne que celle qui s été 30uvent reproduite isous lé
titre de Touti-nanieh, G est un de ces livres de- fables
indiennes qui ont fait le tour du haonde sOus des
noms très-variés et avec des additions .et des change-
ments très-considérables.. Celui dont il s agit dans ce
moment a été traduit du sanscrit en .pehiewi, souç
les Sasanides , ensuite ep arabe sous le nom de Livre
des sept vizirs, et reproduit dans toutes les langues de
l'Europe, sous les titres de Dolopatos, de SyntipàSy de
Roman des- sept sages^, et autres. La rédaction que
M. Brokhaus a fait imprimer est celle de Nakschebi ;
-elle est dun style très-simple et. paraît avoir été
faite elle-même sur la rédaction que fauteur du
Fîfem^ appelle le petit livre de Sindihai, . : • .
M. Spiegel a publié à Leippg une Ghrestomathie
persane ?, coniposée de morceaux «n prose et en
vers, tirés du Beharistan, deVAnweri'Soheîli, de
Firdousi, de Sadi, du.^cander-Naméh de Nizami,
de Khakani et de Feïzi. Ces derniers morceaux sont
* Die sieben weisen Meister von Nachschebi, In-4*.* ( 1 2 et i5 pag.)
Ce petit livre ne porte aucune date; il a été imprimé à Leipzig êfl
1845, et n'a été tiré qu à douze exemplaires. •
' ChrèstonùUhia persica /eâiàii et glossario explanavit Fr. Spiegel.
Lipsiae, 1 846, iiï-8". (34 i, pages:) , •
42 JOtJRNAL ASIATiQUE.
inédits; les autres ont été jinés, en, général; d'édi-
tions publiées en Orient, et corrigés à l-aide de ma-
nus.Grits. M. Spiegel y ^joiité un vocabulaire et le
tput forme un manuçlT)icn calculé* pour les. com-
maicements/de l'étude du persan. .
La grammaire persane ^ été fobjet de deux pu-
blicatiops. M-.Sp^^th, a Leipzig, a autogtaphié sur
pierre la grammaire (jui.sert dïntrodùction au dic-
tionhaô^ connu sous le nom de Fei^herigui-Raschidi ^
Gé petit livre est un. fac-similé du manuscrit dotft
il a conservé toute la disposition , jusqu'à la forme et
J|3 position des gloses marginales. C'est une ma-
nière très-convenable de publier des textes orien-
taux, qui,, par fe nature du sujet, ne sadre^ent
qu à un- petit nombre de ïedteurs. Enfin, M. Garcjn
de Tassy à donné une nouvelle édition de la gram-
maire péirsane , <jue Sir William Jones avait fait im-
primer en français en 1 772 ^.j Le nouvel- éditeur y
ai fait quelque corrections de style et de fonds, ainsi
que quelques additions nécessaires pour réndre^ce
traité élémentaÉÎrc propre à servît à ceux qui com-'
Tnencent lîétude <iu persan. M. Garcin de Tassy
iparlé , . dans sa préface , de l'intention qu'il avait eue
de rédiger un traité entièrement neuf sur la gram-
maire pepsane , et il serait à désirer qu'il donnât
^ GrammaiîceEi persicœ prœçepta et reyàlœ , quas lexico persico Fer-
lèmgiResckidi 'préfixas scripsit et eàidk D* Splieth. Haile, ]846,
in-B". (61 pages.) '. •
\ Grammaite persane de Sir W. Jones , seconde édition française,
revve, corrigée et augmentée. par MtGArcio de Tassy. Paris, i845,
in-i3. (rv et lag pages.)
, JUILIET 184*6. iti
suite à cette idée -, c^t ij n*existe pas diouvrage sur
ce sujet qui soit au. niveau de Tétat' actuel de ki
sdçnce/
il nest venu à ma connaissance qu'un seul ou-
vrage relatif à la langue ttirque , c'est la grammaire de
M. Redhousé ^ , employé: au bureau des. intéi^ppètes
du 'divan de Constantihople. Le travail de M. Re(t
îtousè paraît fait àv^êc autant de soin que de connais-
sance de son suj.et, et se distingue des granfmaires
antérieures surtout dans la théorie du verbe. L au-
teur termine son livre pai» Tanalyse gramïilaticale .
détaîiiée dun morceau turc, destinlé à Ceux qui vou-
dront apprendre la langue sans inaîtré. M. Red-
house. annonce un dictionnaire turc qui est sous
presse dans ce momerit • à l'imprimerie . impérirfe
ottomane. Je rfte puis* regrette^ î'impossibilit.é où je
me trouvé dWnoncer les' autres ouvrages tUrcs qui
ont paru ou vont paraître à Constantinbpjeç earnous .
pouvons espérer qtie M. de Hàmmer voudra; bi^n
continuer la bibliographie raisoritiée qu'il nous à fait
Thonhem' d'adresser au Joiumal asiatique dépuis une
sérié d'années. • . . •
Je rie dois pas quitter l'Asie occiçlentafe sans laire
mention 'de deux ouvrages nuiiiismatiques qui s'y
ràf)portérit, et'doiit le premier est un msthuél géni^
rail de numismatique orientale % Le grand duc de
* Grammaire raisonnée de ïa tangue ottomane, par J. W. Redhouse.
PiMis, i«46, in-8^ (343 pages.)
* Hanâbuch zur morgenlàndischen Munzhande von *Dr. Stickel ;
cah. I. Leipzig, i8A5, ih-/i°. [loS pages.)'
44 JOUPfNAL ASIATIQUE.
Saxe-Weymar a fondé récemment, à Tmiiversité de
Jëna, un. musée de mëdaijijes, dans lequel ij a fait
entrer là belle collection de médailles Orientales
qu'avait formée M. Zwick , à Saint-Pétersbourg.
M. Stickel, directeur du musée, publie la descrip-
tion de cette collectign et vient d'en faire paraître
le premieï* cahier, qui -fraite des monnaies des Om-
n>eïades et de3 Abbasides. L auteur ne s«n tient pas
à la descriptipn des pièces nouvelles que contient
le cabinet de Jéna,.il donne de$ spécimens des moni-
naies principales, même quand elles sont déjà con-
nues; pour fournir un manuel général .de numis-
matique arabe. Il ^ accompagné; ce cahier d*unè
planche lithographiée^ dans "laquelle on s'est appli-
qué, à imiter Téclat métallique des pièces, mais où
la gravure des légendes laisse beaucoup à désirer. .
JLe second i ouvrage porte le titre de documenta
numismatiquesi de Géorgie \ et contient la descrip-
tion qiie donne le prince Barutayeff de sa- riche ccd-
lection dé médailles géprgiennçs. Il les diyise. en
sept classes : géorgiennes sasanides , géorgiennes by-
zantines, géorgiennes #arabes, géorgiennes pures,
géorgiennes de princes étrangers , géorgiennes per-
sanes et géorgiennes russes. L'auteur discute en dé-
tail, et avec autant de modestie que de connais-
sance du.sujet, les Jégendes, de chacune de ces mé-
dailles et les points historiques qui s'y rattachent, et
^ Documents numismatiques du royaume de Géorgie, par le prince
Michel Barutayeff, conseiller d'état Saint-Pétersbourg, i^kà, în-h''-
(671 pages et de nombreuses planches.) .•
JUILLET 1846. ^5
son ouvrage se termine par un supplément d un
raffinement très -ingénieux; c'est une tablette dé
midailler dans laquelle sont incrustéesJes empreintes *
métalliq[ues dune vingtaine de médailles en argent
et en cuivre, obtenues par un procédé galvanique
de l'inventiaii de l'auteur. Llouvrage est écrit en
russe; mais lés chapitres principaux sont accompa-
gnés d'une traduction français.
Si maintenant nous passons ^Inde , nous .tyou- *
vous d'aboyd un travail sur les Védas, par M. Roth\
à Tubingen , travail qui comprend trois dissartatioris •
l'une sur rbistoire littéraire des Védas, l'autre 5ur la
plus ancienne gi'ammaire védique, la troisième, siu*
la nature des dt^nnées historiques que l'on péUt tirer
de ces livres. L'auteur suit; dans ce petit ouvrage,
les traces de Côiebrooke; il précise les observations
de ce grand indianiste sur l'origine et le caj*actère des
collections des hymnes védiques^ et indique une série ,
de, travaux qu'il sera indispensable d'entreprendre
pour nous rendre intelligibles ces monuments dé la
phis haute antiquité; il pose plutôt les questions* qu'il
ne les résout, niais, dans une matière si neuve
et si difficile, c'est beaucoup de bien poser les ques-
tions. Héureuser^ent, l'attention des indianistes se
porte partout sur la littérature védique, et l'on peut
espérer que l'on possédera bientôt des matériàuît
abondants pour Tétude de cette, pai^tie capitale des
lettres indiennes. Les autres branches de la littéra-
' * Zar Liitèratur und Gèschichte der Weda, drei Abhandlungeh Von
Roth, Stuttgart; i846,în-8'. (làft'pages.)
46 JOURNAL ASIATIQUE.
tuTQ sanscrite, les épopées, les poèmes lyriques et
dramatiques,, les *Pourâiias, les ouvrages de 'science
et de législation su£Braient pour assigner aux EQndous
une place éminente dans l'histoire des littératures
anciennes; mais. ce. qui leur d'orine, dans l'histoire
de. la civilisation, un rôle. tout a fait à {èart , ce aont
les Védas et içs systèmes philosophiques qui s'y rat^
tachent; cest par eur-qUé Onde a agi sur le genre
* humain et a si piAsamment • contribué à la fôi^ma-
ûon des idées qui ont fait la gloire des peuples les
pius civilisés;
M. GoiTesio, en publiant W troisième voluqaè de
son édition du Ramaya:na\ est entré daiis la par-
tie inédite du poème: L'impression du premier vo-
lume de la traduction italienne est très-avancée, de
sorte quQn verra achever cette grande entreprise
dans un .temps beaucoup, plus court quon n était
en droit de T.espérer. On sait que M. Gorre^io suit ri-
goureuseiqent la. rédaction dite bengali dd poëna^ç
épique , pendant gué M. Schlegel av^t préféré la
rédaction des commentateurs. Qn assm'e que M. Gjll-
deiïieister, à» Bonn, se propose d achever l'édition
commencée par M.. Schlegel, et qu'il a- Imt^ntiOp
de s'en tenir, encore plus exacte^ijent que n'avait
fait son prédécessem*, à la rédaction des cômmenta-
teiu's. On ne peut <pi'applaudir à ce plan, qui met-
trait entre nos mains, des éditions des deux rédac-
tions et. permettrait ainsi de décider beaucoup de
' ^(mc^ana, .poema- indianq di Vcdmicis per Gaspare Gorresio,
■ V. m ; Paris » 1 8 A 5 , in-8''. ( xxxvi. et 4 78 pages . )
JUILLET 1846. 47
questions critiques, dont. I9 solution peut nous
éclairer sur l'histoire de ce grand n^ionument poé-
tique. . , ^
La simplicité . du Ramayana et du Mahabharat
finit par déplaire aux lettrés indiens, lorsque- Tâge
d'or de leiu* littérature fut passé, et ils tombèrent dans
1 admiration d^s raffinements grammaticaux , dans le
mépris du naturel et le cuite du langage sgtvant. Ils
s'appliquèrent à refaire en détail et par fragments
leurs anciennes ppésies et donnèrent aux produc-
tions de cette -nouvelle manière le nom de grands
.poèmes , qui nous paraît presque ime dérision.
M. Schùtz vient* de publier la traduction allemande
des deux premiers <^Jiants du Kiratârjunyam ^ ,
poëâie de cette classe qui est l'ampmication d'un
épisode du Mahabharat. .Ce. livre passe dans l'Jrtde
pour une merveille dç style, et, sous ce rapport, on
est toujours obligé, d'accepter les jugements de la
"naftion à qui appartient l'ouvrage; mais, sous le rap-
port du goût, il est permis de décliner l'autorité
de l'opinion locale, et de trouver que l'art. de la dic-
tion et la perfection mécanique , des vers ne couvreat
pas la pauvreté du fond.
La Grèce a fbumï à la littérature sanscrite,- dans
le premier volume des QEayres posthumes de M. Ga-
lanos , un contingent inattendu^; M, :Galanos était un
. ^ BliaraxiS' Kiraùarjanyam, Gesang I un4 I^f aus dem SanscHt
ubersétzt von Dr. Schùtz, Bielefeld, i845, "in-i4°. (17 pages.)
* AriftiiToiou .Toikdvov kdnvaïùv tvètxcèv fisrdU^oafçœv. vf^S^Ofios >
Athènes, 1845, in-8^ {48 «ti 55- pages.)
48 JOURNAL ASIATIQUE,
négociant grec établi à Calcutta, qui abandonna, vers
la fin du dernier siècle, son commerce potir §e retirer
à Bétiares, où il adopta Je costume et la manière de
vivre des bramanes , et passa tjuaj^ante ani^ dans l^ur
société et dans iéiu's écoles. Il mourut en i833 et
laissa des traductions d*un grand nombre d ouvrage»:
sanscrits. M. Jean Douma, à Athènes,* vient de faire
imprimer sa vie et la traduction de quelques livres
des moralistes indiens , déjà coûnus pom*la plupart
en Europe. Galanos paraît avoir cherché à Bénares ,
plutôt H sagesse comme Ja cherchaient les anciens,
que le savoir comme Tenténdent le^ modernes, et*
ses manuscrits sont probablement plutôt une cm'io-
site littéraire qu'un secours pour Tértidition.
Le Rajah Radhakant Deb , de Calcutta , a fait pa-
raître le cinquième volume de son Dictionnaire en-
cyclopédique sanscrite Dans. cet ouvrage, chaque
mot est suivi de rinterprétatioh du sens, des syno-
nymes avec Tindication du. dictionnaire dont ils sont*
tirés, de la description de l'objet auquel il s'applique*,
et de citations empruntées- aux livres classiques .qui en
oht fait usage. ]Li utilité de cet ouvrage pour les études
en Eiurope est màlheusenient. resti*einte par son ex-
cessive rareté; car lauteui' Timprime à ses frais et
ne le met pas en Vente* Le système de distribuer les
ouvrages au lieu de les vendre fait honneur à. la ma-
gnificence des auteurs ou d*es gouvernements , mais ,
quelque soiii qu'on mette à lés faire parvenir dans
> SàbdaKalpa DrUma, par Radbakant Deb, vol. V; Calcutta, 1766
de Tère de Saka, in-4°. [page&38i3- 5ôiA.) - •
JUILLET 1846. 49
les inçins de ceux qui §p feraient usage , on n y réus-
sit jamais compléteiii|É, et il vaudrait mieux, je
dirais même , il serai^fRis généreux de les mettre en
vente à un prix* asse:& bas pour que tous ceux qui en
ont besoin pussent se les procurer.
L entreprise de RadhakantDeb est, au reste, d au-
tant plus méritoire que l'étude du sanscrit, comme,
en général, celle des langues savantes de TOriént,
n» jamais été aussi peu encouragée dans llnde qu'elle
l'est actuellemAit. Gela tient .à des raisons particu-
lières, très-graves et très-louables en elles-mêmes, si
ou n'en poussait pas trop loin les conséquences. Il s'est
opéré, dans l'administration anglaise de l'Inde, un
grand mouvement de rapprochement vers le peuple;
d'un côté le gouvernement se sert officiellement des
dialectes locaux et exige de plus eu plus, de ses em-
ployés eiu'opéens , une connaissance parfaite deslan- .
gués usuelles ; de Fautre côté , n a élargi le cercle des
emplois accessibles aux Indiens , et, pour les y rendre
aptes, il toidtiplie ses écoles et y introduit un sys-
tème d'examens qui tourne les études de la jeunesse
indienne vers les connaissances pratiques qu'ils ne
peuvent acquérir que dans des ouvrages em'opéens
ou dans des traductions que le gouvernement fait
imprimer dans les dialectes provinciaux de l'Inde.
Ces mesures sont pleines de sagesse et d'humanité,
mais on n'atirait pas dû abandonner l'encourage-
ment que njéritent les études savantes. Le résidtat
de cette direction donnée à l'éducation a produit
une quantité très-consjdf^able de livres en hindi,
vni. ., ,., i/ 4
50 JOURNAL ASIATIQUE,
hindoustani , mahratti et autres dialectes, que iad-
ihinistràtion ou les sociét^|jj|^ncôuragem6nt pour
les écoles, ont fait imprim^|BI lithographier à Gal^
çutta, à DeMi, à Agra, à Bomtai, à Pounah, etc,
Ce nest que par accident, et d'une manière incom-
plète, que nous parviennent les titres de ces ou-
vrages, et pourtant je pourrais en remplir des pages
entières ; mais ces livres , quoique écrits dans des lan-
gues orientales, n'ont pas d'intérêt pour nous> " •
Il a néannatoins paru à Agrajiln ouvrage que je ne
puis me dispenser de mentionner. La Compagnie des
Indes a fait publier, il y a quelques années, un Glos-
saire d^e tous leis termes techniques qui s'emploient
dans l'administration d^s différentes provinces de
l'Inde ;, elle a envoyé ce livre à tous ses employés eu-
ropéens, avec l'invitation de fournir des détails sur
l'origine et l'emploi de chacun de ces termes, et
toutes les réponses sont destinées à être placées entre
les mains de M. Wilson , pour foiu'nir à ce grand
indianiste les matériaux d'un ouvragç complet sur
ce sujet. Un des employés les plus distingués de la
compagnie, M. Elliot , secrétaire de la cour centrale
des provinces supériem*es de l'Inde, a fourni, en ré-
ponse à cette. invitation, un travail si considérable
que le gouverneur 4' Agra s'est décidé à le faire im^-
primer pour servir de modèle, et votre Société
vient d'en recevoir le premier volume *. C'est un
glossaire arrangé selon l'alphabet européen; cha-
^ SuppUmeni to the Glossary of Indian ierms by H. M. Elliot. Agra ,
i8à5, in-8". (447 P®g®*-)
JUILLET 1846. . - 61
que mot est écrit en caractères latins , arabes et dé-
vanagarisy et suivi de sa définition , de son étymolox
gi|B, de remarques siu* ia nuance du sens dans lequel*
il est employé dans les provinces supérieiœes, et de
notices souvent très -étendues sur Tobjet qu'il ex-
prime. H serait difficile de donner une idée exacte
de la multitude de faits que contiennent çès notices
.'SiurThistoire des diverses tribus mentionnées, sm* la
culture des plantes énuméréès dans le glossaire, sur
ia géographie, la géné^ogie des fanâilles, sur les pu-
nitions, sûr les impôts, les mœurs, les dialectes^ lo-
caux et mille autres sujets. Il y a bien peu d'ouvrages
sur rinde qui contiennent autant défaits neufs;, et
si tous les suppléments au Glossaire qui se préparent
ressemblaient à celui de M. Elliot, Tlnde serait bien-
i» tôt un des pays les mieux connus du monde.
Notre confirière M. Pavie a publié la traduction
de la relation çle Texpédition faite par ordre d'Au-
rengzib contre le pays d'Assam ^ Mir Djoumlah,
viçe-roi du Bengale, chargé de cette entreprise en
1661, s empara de 1^ plus grande partie du pays;
mais les fièvres le firent périr, lui et presque toute son
armée, et Aurengzib. fut obligé de renoncer à cette
conquête. Ahmed Schehab-eddin Talisch, un des se-
crétaires de Mir Djoumlah , qui avait fait la campagne
avec lui i composa en langue persane , après la mort
de son patron, le récit de Texpédition. Son ouvrage
fut traduit, en i8o5 , en hindoustani, par Mir Ho-
^ Tarikh'i-Asham, récit de l'expédition de Mir-Djun^h an pays
d^Âsham, par Théodore Pavie. Paris, i845, in-8". (xxxi et 3i6 pag.)
à.
52 JOURNAL ASIATIQUE.
sein , et M. Psme s'est servi de cette version pour sa
traduction française. On remarque , dans le récit de
Taiiscli et dans sa manière d observer les feits, les dé-
fauts ordinaires des auteurs musulmans, mais à un
moindre degré qua l'ordinaire . C'était évidemment
nn homnîe intelligent; il pçirle d'un pays peu connu
et raconte des événements dramatiques dont îi a
été témoin oculaire; en un mot, son ouvrage mé-*
ritait, à beaucoup d'égards , d'être traduit dans une
langue européenne. ^ .
M. l'abbé Bertrand nous a donné, sous le titre dé
Séances d^ Haîdari^, une traduction française d'un
ouvrage hin<Jj>ustani , intitulé La Rose du Pardon,
Chacun. sait avec quelle pompe et quel fanatisme les
Schiites de Perse et de lïnde célèbrent l'anniversaire
de la mort des fils d'Ali. On représente ce memtre '
tôusles ans, sous fornie dramatique, et on lit en public,
pendant les joiu*s qui précèdent la représentation , les
récits légendaires des événements qiii se rattachent
à la destruction de la famille d'Ali. C'est un recueil
de ces récits , divisés en joimiées , xjomposé en 1811
par Mohammed-JIaider Baksch , professeur de per-
san à Madras , que M. Bertrand vient de traduire.
Il paraît que fouvrage hindoustani lui-même est une
traduction d'un livre persan intitulé Le Jardin des
Martyrs; mais M. Bertrand remarque avec raison
que le tï^aducteur hihdoustani y a probablement fait
* Les séances de Haîdari, ouvrage traduit de i'hindoustani par
M. l'abbé Bertrand, suivi de l'élégie de Miskin, traduite par M. Gar-=
cin de Tàssy. Paris, i8à6, ia 8^ (SAa pages.)
JUILLET 1846. 53
des changements considérables, c^ son ouvrage
porte toutes les marqués du goût des musulmans
daujôm'd*hui, et le ton ampoidé de rautem* devient
presque choquant qu^nd; il fait parler des persouf
nages historiques dont on possède, dans les auteurs
arabes, tant de discours empreints d*une simplicité
admirable. M. Bertrand a effacé une partie de ces
défauts dans le but de rendre pôpidi^e en Europe
la littérature orientale ,' mais c'est une entreprise
bien difficile et poiu* laquelle les auteurs orientaux
modernes n oflErent que de faibles ressources. M. Gar-
ein de Tassy a joint aux Séances de Heddari la traHuc-
tion de Télégie de Miskin, qui a pour sujet un des
nombreux épisodes de la destruction de la famille
d'Ali, et dont le ton a quelque chose de réhergie et
de la simplicité des chants populaires. •
Enfin, iî a paru un ouvrage qui se rapporte à
rinde, sinon par la langue, au moins par le 5ujet.
C'est le poème javanais fViwoho, dont M. Gerike, à
Batavia, a publié le texte accompagné d'une traduc-
tion hollandaise^. Le Wiwoho est un poème, an-
ciennement composé en kawi, qui a été traduit en
vers javanais Tan l'jok de Fère javanaise, c'est-à-
dire en 1 779 de notre ère. Si je ne me trompe dans
le calcid de cette date, c'est un fait singi^er de
voir, dans un temps aussi récent, traduire par un
musulman Un livre de mythologie indienne; car le
* Wiwoho of Mintorogo , een javaansch Gedicht uitgegeven, door
J. F. C. Gericke (dans le vol. XX des mémoires de la Société de
Batavia, i8/»4, in -8°. xxxiii, 176 et 179 pages).
54 JOURNAL ASIATIQUE.
Wiwoho est imité dun épisode du Mahabharat, et
son auteur, Hempo Ranno, na fait subir au conte
indien, que les changements qu'exigeait là transplan-
tation de la scène sur le sol malais. G*est, je crois,
ié texte javanais le plus considérable quoh ait pu*
blié jusqu'ici^ et il sera probablement suivi bientôt
par d'autres. La Société de Batavia paraît, depuis
quelques années, animée d'une nouvelle vie, et
décidéiff à nous initier à tout ce qii'il peut y avoir
d'inlportant dans les littératures kawi, javanabe et
màlaîe. , .
JLa littérature chinoise s'est enrichie d*uu ouvrage
qui sera lu avec la plus vive ciirrosité par tous ceux
qui s'intéressent à i'histoîre de cette grande nation ;
c'est le premier volume de l'Essai sur rhistoire de
l'instruction publique , et de la corporation des
lettrés en Chine, par notre confrère M. Biot^ De
tous, les phénomènes que. présente l'histoire de la
Chine, de toutes les preuves d'une aptitude singu-
lière à la civilisation qu'a données ce pays, il n'y eii a
pas de plus remarquable que l'importance qu'il a
toujours accordée au savoir. Chez presque tous les
peuples, les armes ont été l'origine du pouvoir; chez
quélques-ims , f intelligence sest servie de l'élément
mystique qui existe dans l'esprit humain pour fonder
sa puissance sous la forme théocratique ; les Chinois
seuls ont posé , dès l'origine de leiu* monarchie , le
* Essai sar Vhistoire de l'instruction publique en Chine et de la cor-
poration des lettrés, par Edouard Biot, impartie. Paris, i845, in-8*.
(3o3 pages.}
JUILLET 1846. 55
f ■ ■
principe que le pouvoir était <}û.au mérite civil et
au savoir. .
Une pareille théorie na pu s'introduire dans la
vie réelle sans avoir ?i iiitter contre la puissance
du pouvoir militaire et les institutions aristocra-
tiques qu'il tend partout à fonder, contre le prijti-
cipe de la faveur que la cour désirait faire prédo-
miner, et souvent contre l 'influence des richesses.
Mais , le principe une fois posé , la partie la plus intel-
ligente de la nation s y est toujours, rattachée, elle
a travaillé sans relâche, et malgré des persécutiops
sanglantes et des obstacles de toute espèce à la con-
solider, à lui donner par les écoles ; par les examens
et par la constitution d'une classe, de lej;trés , une
organisation assez forte pour résister à toute in-
fluence , et pour conserver l'administraftion même J50US
des conquérants étrangers et barbares. Le système
a réussi^ il a établi en principe que le pouvoir n'ap-
partient qu à rintelligerice. et au savoir, il a com-
hattu avec succès toute influence héréditaire, l'aris-
tocratie, les castes, la prépondérance de l'épée et
celle des richesses.; Notfs marchons en Eiirope dans
la même voie, et le mérite civil a dertainement fait
de grandes conquêtes sur les armes et la naissance;
mais il n'y a néanmoins encore que là Ghîne où un
pauvre étudiafrit puisse se présenter au concours
impérial et en sortir grand personnage. C'est le côté
brillant de l'organisation sociale des Chinois , et leur
théorie^t incontestablement la meilleure de toutes;
malheureusement, l'application est loin d'être par-
56 JOtfRNAL ASIATIQUE. ^
faite. Je ne parie pas ici des erreurs de jugement
et de la corruption des examinateurs, ni même de
• la vente des titres littéraires, expédient auquel le
gouvernement a quelquefois recours çn temps wde
détresse financière, mais de ïimperfectîôn des ins-
titutions que les lettrés ont fondées , et sur lesquelles
repose lapplicàtion du principe abstrait. Ils ont.basé
l'instruction presque exclusivement sur l'étude ^eh
lettres, et la conséquence a été qu'ils ont stéréo-
typé, pour ainsi dire, la civilisation. La littérature '
d'un peuple isolé s'épuise bientôt, et l'on est alors
réduit à répéter et à ):etp*umer en tout sens les
mêmes idées. On a ajouté^ il est vrai, à l'étude des
livres classiques celle des annales ^^ et la grandeur,
ainsi que la longue durée de l'empire, en rendent
l'histoire très-propre à form^ l'esprit de ceux qui
sont destinés aux -affaires. Mais, là encore, l'incon-
vénient d'une position isolée s'est fait sentir. Les
Chinois n'ont pas pu comparer Thistoire de leiir pays
avec celle des autres nations, de sorte que., maigrie
l^urs grands travatix.histOTiques, et le soin avec le-
quel ils oiit enregistré des faits innombrables,^ ils
n'ont jamais pu s'élever à un point de vue philoso-
phique, qui ne peut naître que de l'histoire com-
parée. Peut-être, s'ils avaient compris les sciences
physiques dans le nonibre des études prescrites, au-
raient-ils échappé à l'étreinte de ce cercle qui s'op-
pose à leur développement intellectuel. Quoi qu'il
en soit, il est certain que les lettrés ont fait la Chine
telle qu'elle est, quils^nt rendu la cidture de l'es-
- JUILLET 1846. 57
prit, telle qu'ils Tentendent, le grand objet de lam-
bition , et qu'ils dominent et dirigent entièrement
Imteiligencè du tiers de l'espèce humaine. L'étude
attentit de . ce fait est indispensable pour com-
prendre l'histoire et l'état de la Chine, et M. Biot
a entrepris de Jious en fournir les moyens. Les
CJiinois eux-mêmes se sont occupés de cette branche
de leur histoire avec leur esprit méthodique ôrdî*
naire, et ont soigneusement consigné dans ieurs
grandes encyclopédies tous les documents relatifs à
ce sujet. M. Biot les y a recherchés,' les a traduits,
coordonnés et encadrés dans une exposition histo-
rique, dans laquelle il a fait entrer la traduction
littérale des pièces les plus importantes. Le premier
volume s'étend depuis le comméncértient dé la
monarchie jusqu'au in® siècle de notre ère; le se-
cond (Conduira l'histoire des lettrés jusqu'à nos
jours. La méthode de M. Biot est très-sévère ; il se
renferme entièrement dans son sujet, qui est la re-
cherche, la critique et l'exposition des faits qui se
rapportent à l'organisation de l'instruction publique ,
aux méthodes qu'elle emploie et aux changements
qu'elle a subis. Mais toute histoire de la Chine, et
surtout toute biographie d'un homme célèbre en
Chine , formera un éloquent commentaire à ces
docmnents, et montrera à quel degré cçs règle-
ments pénètrent dans la vie de la nation, et dans
celle de chaque individu.
M. Piper, à Berlin, a publié un mémoire sous le
titre de Symboles des commencements da Monde et de
58 JOURNAL ASIATIQUE.
la vie, conservés} dans récriture figurative des Chinois K
Cest une espèce de métaphysique tirée de la forme
et.de i^ composition des caractères chinois. L'auteur
croit que lanaiyse de i'écpture de ce peuplé donne
le moyen de remonter à ses notions primitives , et il a
appliqué âon système à certaines classes de caractères
pour t'etrouVer les idées métaphysicjues des ancienii»
Chinois. Mais il y a mille chances d erreur 'dans un
pareil procédé , car l'écriture chinoise n*est symbo-
lique que très-^artiellemerit, et l'élément phonétique
prédomine de beaucoup. Où donc s'arrêter, et par
quelle méthode distinguer ce qui est symbolique
de ce qui n'est que le signe d un son? On a fait
plusieurs fois des essais semblables et dépensé beau-
coup d'esprit sans produire un résultat que la
science puisse avouer. Il n'y qu'un bon inoyen de
> connaître les idées des Chinois , c'est d'étudier leiu's
livres.
M. Schott a fait paraître à Berlin un Mémoire ^
le Bouddhisme de la haute Asie et de la Chine ^.
L'auteur commence par une exposition abrégée de
la doctrine bouddhique et de son introduction en
Chine et dans le Thibet; ensuite il discute en détail
et d'une manière ingénieuse les modifications que
les Chinois ont fait- éprouver à plusieurs des dogmes
lés plus importants, et il termine son mémoire par
' . Bezeichnungen des Welt und Lehensanfcmges in der chinesischen
BHderschrift,\onJ>T.G. 0. Piper. Berlin, 1 846, in-S", (167 page».)
* ÏJeher den Buddhaisnms in Hochasien und in China von W. Schott.
Berlin, i846, in- A'. (126 pages.)
JUILLET 1846. 59
de nombreux extraits tirés du Tsing-tou-wen, ou-
vrage populaire, qui jouit dun grand crédit en
Chine.
Ce traité n'épuise point le gl*and sujet du boud-
dhisme chinois, mais c*est un travail fait dans la
direction que l'état actuel de la science indique. De-
puis que l'ouvrage de M. Bumouf a commencé à
porter la. lumière dans le chaos des sectes et écoles
bouddhiques, et à donner lès moyens de les classer
et de les rattacher à desV branchés principales, on
doit s'attacher à des recherches spéciales sur la
forme que la doctrine générale a prise chez chaque
pûupie, et déterminer les nuances tju'y a introduites
le génie particulier des différentes* races.
M. Neumann, à Munich, a publié, sous le ti#e
de Mexique au v* siècle, d'après les sources chinoises ^
un mémoire dans lequel il identifie ce pays avec le
Po.a-^a/ijf, dont parlent les voyageurs bouddhistes
chinois , comme situé à deux mille lieues à l'Est de
la Chine. Ce n'est pas la première fois que cette
conjecture a été émise, et depuis la publication du
mémoire de M. Nemnann , notre confrère , M. d'Eich-
thaï, a lu, dans une dé Vos séances mensuelles,
une partie d'un travail considérable , dans lequel il
développe une théorie semblable, mais pas identi-
quement la même., en attribuant aux bouddhistes
l'introduction de la civilisation en Amérique. Il
s'appuie surtout sur les , ressemblances dés mônu-
' Mexico im fmften JahrkandeH, nack chinesischen {^neUen von
C. F. Neumann. Munich; i845, in-8^ (3o pages, tiré du Auslànd,)
60 JOURNAL ASIATIQUE.
ments américains récemment découverts avec les
monuments de f Asie orientale.
Dans la grammaire et ia lexicographie chinoises,
nous avons à signaler plusieurs ouvrages nouveaux.
M. Ehdlicher, à Vienne, a terminé sa grammaire *,
dont ia fin est peut-êt^e un peu trop brève si oïi là
compare aux développements qu'avaient reçus fes
premiers chapitres ; néanmoins > l'auteur a su y in-
corporer les résultats des travaux grammaticaux les
plus récents sur Ja langue chinoise.
M. Callery a publié, à Macao, le, premier vo-
lume de son grand Dictionnaire chinois ^ qui est
la traduction du célèbre dictionnaire Pei-wen-yun-
fou; seulement M. Gallery a transposé l'ordre des
ïiSots pour les arranger d'après un système iqui lui
est propre. C'est un inconvénient dans un diction-
naire dont l'usage commode dépend de la facilité
presque mécanique ^vec laquelle on trouve la place
que doit occuper le mot qu on cherche ; mais c'est
un obstacle qui, àjprès tout, n'empêchera personne
de se servir d'un dictionnaire réellement bon. Ce-
lui-ci paraît, en effet, au premier aspect, remplir le
grsLiià desideratum des dictionnaires chinois, en pré-
sentant un nombre tîonsidérable d'expressions com-
posée?; mais, en l'examinant de près, on s'aperçoit
bientôt que cette richesse est un peu trompeuse,
^ Anfangsgrùnde der chinesisckeri Grammatik, von Stephan Elnd-
Hçher, ii' partie, Vienne, i8A5, in-8°. (pages 281-376.)
* Dictionnaire encyclopédique de la langue chinoise, par M. Callery,
tome I, i'* partie , Macao , i845, in-4*. (212 pages.) ^
JUILLET 1846. 61
ce qui s'explique paj* la natitfe du guide que
M. Caiïery a choisi. Le Pei-wen-yan-fou est un dic-
tionnaire dont le but n est pas d'expliquer les ex-
pressions difficiles, mais de donner des exemple de
phrases élégantes et admises dans le beau style ; il
est dun grand secours poiu» un Chinois qui veut
s'assurer si telle ou telle locution est bonne, mais
il ne répond pas aussi complètement au besoin d'un
Européen qui cherche le sens d'une phrase embar-
rassante. Néanmoins , il «'y Jrouve une qfuantité con-
sidérable d'expressions figurées, de phrases compo-
sées, dont le sens ne pourrait pas se deviner à l'aide
de leurs éléments composants. En un mot, ce livre
a une valem* réelle, et il cist à désirer qu'il soit
achevé. Mais ce qui est incompréhensible, c'est
l'annonce faite par M. Cailery, dans sa préface, qu'il
se bornera, dans les volumes suivants, à un tirage
de cinquante- exemplaires , ce qui détruirait toute
l'utilité de l'ouvrage. Chez un auteur qui publie un
livre à ses frais , on ne pourrait que regretter cette
manière de ^procéder; mais il me semble que, lors-
qu'un gouvernement encourage la publication d'un
ouvrage < on^ n'a pas le droit de frapper d'avance
cet ouvrage de stérilité , en le rendant introuvable
avant que la dixième partie en ait paru.
Enfin M. Louis Rochet a fait paraître.un Manuel
de la langue chinoise vulgaire ^ qui contient une
petite grammaire fort élémentaire , un texte composé
^ Manuel pradqae de lalanyue chinoise vulgaire, par Louis Rochet.
Paris, 18 46, in-8*. <^xiv et 216 pages.)
62 JOURNAL ASIATIQUE.
de dialogues, de fables d^sope, d anecdotes et de
proverbes tirés principalement des ouvrages ^e Mor-
rison, Gonçalyez et Thom^ et un vocabulaire qui
doiim^ tous les mots qui se trouvant dans ces textes.
Ce manuel est destine à faciliter les premières no-
tions de la langue et à préparer les commençants
à l'usage de grammaires et de dictionnaires plus
complets.
Cet ouvrage et celui de M. Callery sont imprimés
avec les types que M. Marcellin Legrand a gravé»
d'après le système et sous, la direction de M. Pàu-
thier. Le probièîme d'analyser les caractères chinois
et de réduire ;par là le nombre des poinçons néeesT
saire pour former une collection complète de carac-
tères, a été résolu par M. Pauthier d'une manière
très-satisfaisante , et la preiive en est que les Euro-
péens eii Chine , qui opt le droit d'être difficiles sur
le choix des caractères», se servent de ceux-ci. La
mission américaine de Canton a acheté, chez M. -
Marcellin Legrand, une frappe complète de ses
types et elle a $u en faire un usage excellent; car
plusieurs des ouvrages qu'elle a imprimés, siu'tout
une traduction de saint Luc , sont d'ime exécution
parfaite et donnent de ces caractères une bien meil-
leure idée que le livre de M. Rochet, quoique l'im-
pression en ait été dirigée par le graveur lui-même.
Mais ce qui .est singulier, c'est que les missionnaires
se soient attribué, dans leurs prospectus^, la direc-
tion de la gravure , dont l'honneiu» revient entière-
* Spécimen of the chinese type belonging to tke^hinese mission ofthe
V JUILLET 1846. 63
ment à M. Pauthier, comme celui de rexëcution à
M. Marcellin.
Il ne me reste plus que quelques rnots à dire
sur une classe d ouvrages qui , par leur nonibre crois-
sant, témoiglient dé l'existence d*un besoin vivement
senti et que Ion ^applique de tous côtés à satisfaire, ^
je veux parler de la publication des catalogues de
manuscrits et de livres imprimés relatifs à TOrient.
M. Zenker a fait paraître à Leipzig k première partie
d'un Manuel de bibliographie orientale ^ Il com-
mence par l'exposition et i'énumération des sciences
des musulmans selon Hadji Khalfa, et donne, ensuite
les titres des ouvrages, arabes, persans et turcs qui
ont paru en Eiut)pé et en Orient depuis la découverte
de l'imprimerie jusqu'à nos jours, classes d'après les
divisions <le Hadji Khalfa, autant au moins que cela
se pouvait. La liste comprend i855 ouvrages, mais
elle est loin d'être complète, et quiconque connaît
un peu le sujet a dû s'attendre à trouver de nom-
breuses lacunes dans un premier essai de bibliogra-
phie orientale ; personne n'a moins le dl'oit de s'en
étonner que votre rapporteur, qui n'a jamais réussi
à vous soumettre tin tableau complet dès ouvrages
qui ont paru dans une seule année. M. Zerikêr à
board offoreign missions ofthe preshyterian churck in the U. S. Macao,"
1 844, în-S'. (4i pages.)
^ Bihliotheca orientalis. Manuel; de bibliographie orientale, I , con-
. teiliint les livres arabes, persans et turcs imprimés depuis Tinvention
de rimprimerie jusqu'à nos jours, une table des auteurs, des titres-
orientaux et des éditeurs, et un aperçu de la littérature orientale;
par J. Th. Zenker. Leipzig, i8/i6, in-8°. (xhvi et 264 pages.)
64 JOURNAL ASIATIQUE,
dressé un cadre que les contrîbutibns de tous ceu5^
qui s intéressent à la littérature orientale devraierit
aider à compléter peu à peu.
La Compagnie des Indes a fait publier le catalogue
des livres imprimés de sa belle bibliothèque de Lon-
dres, qui est surtout très-riche en ouvrages indiens :
aussi ce catalogue nous fait-il connaître un nombre
considérable d'ouvrages imprimés dans les dialectes
provinciaux de Tlnde, en deçà et au delà du Gange,
et dont Texistence était à peu près inconnue en Çu-
rope. Il faut espérer que la Compagnie ne s arrêtera
pas en si beau chemii^ et quelle nous donnera encore
le catalogue des manuscrits de sa bibliothèque.
Le musée britannique vient de faire paraître le
premier volume du catalogue de ses manu^rits
arabes.^ ; ce travail a. été fait par M. Cureton avec
beaucoup de- soin. Le présent volume contient la
description de /ni manuscrits relatifs à la Bible,
au Koran, à la théologie, la^ jmûsprudence, Thistoire
et la biographie. M. Cm'eton indique le titra, 'le
contenu, le commencement et la lin de chaque
manuscrit, et ajoute quelque fois des passage sremar-
quables tirés de 1 ouvrage. Il donne de cette manière^
au lecteur tous les moyens de jugersi un manuscrit
J|k)eut contenir les renseignements quil cherche. Me
* A catalogue of the lïbrary of the Hon, East-Indid company, Lon-
don, 1845, in-8°. (324 pages.)
^ Catalogus codicuni manuscriptorum orienialium. qm in Maseo bii-
tannico asservantur; pars 11, codices, ar abicos coritinens.. ladres,
1846, foi. (179 pages.) Le premier volume de ce catalogue, qui
doit contenir les manuscrits syriaques, n'a pas encore paru.
JUILLET 1846. 65
serait-:il permis d^exprimér le regret qu un livre aussi
utile soit imprimé^ dans ce format colossal que les
gouvernements et les corps officiels croient de leur
dignité d'adopter et qui fait le désespoir des lecteurs ?
M. de Siebold a publié le catalogue des livres et
manuscrits japonais de la bibliothèque de Leyde*,
en commençant par Ténumération des livres ja-
ponais quon avait apportés avant lui en Europe;
il donnai ensuite, par ordre de matières, la trans-
cription ^t la traduction des titres de ciiiq cent
quatre-vingt-quatorze ouvrages que possède la bi-
bliothèque de Leydé , et qu elle lui doit en grande
partie/ il ^outeà la .fin du livre les titres de ces
ouvrages en catractèresjapot^. En voyant ces ri-
chesses ^^hi font partie dunPIîttérature encore à
peu près inconnue en Europe , on ne .peut s empê-
cher de se plaindre du manque d activité des mem-
bres du bureau hollandais à Nangasaki, qui auraient
dû, depuis longtemps , employer leurs nombreux ~
loisirs à nous fake connaître , par des traductions
exactes , les productions les plus importantes d'un
peuple aussi intéressant et chez lequel eux seuls ont
accès. .
M. Reinaud , enfin , vient de terminer le catalogue
du sup'^lément des manuscrits arabes de la Biblio-
thèque royale de Paris, et il serait extrêmement à
désirer que ce grand travail fût livré au publicje plus
^ Catalogns lihrorum et manttsoriptonun japonicoram a Pk, de Sie-
bold coUectorum, annexa enameratione illorum qui in museo- regio
Ha^ano servaniur, auctore Siebold, libres descripsit J. Hoffmapn.
liugdini, i845, in.-fol. (35 pages et i6 pi. litbogr. de titres.)
inii. 5
66 JOURNAL ASIATIQUE,
tôt possible et dans une form^ qui le rendît acces-
sible à tous ceux, qui s'occupent de la littérature
arabe. Les catalogues des manuscrits orientaux des
grandes bibliothèques de l'Eiu^ope devraient être
publiés dans un format qui permît de les mettre
entre les mains, non -seulement des savants, mais
des consuls et des voyageiu's instruits, pom* qu'ils
pussent rechercher, en connaissance de cause, les
manuscrits qui nous manquent, et les soustnaire ainsi
aux mille chances^de destruction que Tignorance et
1 mcurié toujours croissante des Orientaux leur pré-
parent. Quelques gouvernements européens com-
mencent à s'occuper du soin de sauver ces débris du
savoir oriental; le gouvernement français a envoyé
M. de Slane en Algérie et à Co]istantino|Pb'pour y
visiter les bibliothèques et acheter des ouvrages qui
nianquent à Paris. Son rapport sur les bibliothèques
de TAlgérie a paru, et Ton sait qu'il a fait à Constan-
tinople des acquisitions exti^èmement précieuses de
manuscrits d'historiens arabes. La Russie a adopté le
même piaii et l'exécute d'une manière encpre plus
systématique. M. de Fraehn a rédigé depuis* long-
temps un catalogue de desiderata^ et le gouverne-
ment- fait rechercher, dans toutes les parties de l'O-
rient où il à des agents, les ouvrages que ré<1.ame le
savant académicien.. Il est encore temps de prévenir
des pertes irréparables, et, dans quelques siècles,
les Orientaux viendront peut-être ^n Eiu^ope pour
y étudier leurs anciennes littératures.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
I.
LISTE DES MEMBRES SOUSCRIPTEURS,
PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
S, M. LOUIS-PHILIPPE,
PROTECTEUR.
L*AcAD^MIE ROYALJE DES INSCRIPTIONS feT BeLLES-
Lettres.
.MM. Abbadie (Antoine d), à Ap^um.
Ampâm V membre de Tlnçtitut, professeur de
littérature française au ÇoUége royal de
France.
Amyot, avocate la cour royale.
André (labbé), à Montrouge.
Antoine (rabbé Joseph) , à Po^tarlier.
Argonati (le Dftarquis).
Artigues (d ).
Ayogadko de Vai-dengo (Th. D.), aumônier de
S. M. le roi de Sardaigne , à Turin.
Ayrtoij, avocç^t, à Londres.
' 5.
68 JOURNAL ASIATIQUE
MM. Bach (Julien).
Badiche (l'abbé), trésorier de la métropole.
Bailleul fils.
Baroès (l'abbé) , professeur à la faculté de théo-
logie de Paris.
Barthélémy de Saint-Hilaîre , professeur au
, Collège royal de France.
Barucchi, directeiu* du musée, à Turin.
Baxter (H, J.)^ Middle-Tempie, à Londres.
Bazin , professeur de chinois à l'École spéciale
des langues orientales.
Belgiojoso (M"' la princesse).
&LIN (Frânçoifi-Alphonsè).
Benarv (le docteur Ferdinand), à Beriin.
Bertrand (l'abbé), curé à Hèrblay (Seine-et-
Oise).
BiANCHi, secrétaire interprète du Roi poiur les
langues orientales.
BiOT (Edouard). -
^ Bland , membre de là société royale asiatique
de Londres. ^
BoiLLY (Jules). '
BoissoNNEt DE LA ToucHE (Estèvc), Capitaine
d'artillerie, à Gonstantine.
BoNAR (Henry).
BoNNETY, directeur des Annales de philosophie
chrétienne..
BoRiÈ (Eugène), correspondant de l'Institut.
^ . Botta (Paul), consul de France à Mossoul.
BouTROs, ancien principal du collège de Delhi.
JUILLET 1846. 69
Bresnier, professeur d arabe, à Alger.
Brière (de) , hommes de lettres.
Brogkhaus (le docteur Herman). ,
Brosselârd, attaché à Tadministration civile.
de l'Algérie.
BuRGRAFF, à Liège.
BuRNOUF (Eugène), membre defliistitut, pro-
fessem* de sanscrit au CoUégeroyal de France.
Brown (John), interprète des États-Unis, à
Constantinople.
Carlin (Louis-Adolphe).
Gaspari, professem* à Leipzig.
Cassel (Ph. D.) à Paderbom.
Caussin de Perceval , professeur d*arabe à TÉ-
côle des langues orientales vivantes , et au
Collège royal^ àe France.
Charmoy, conseiller d*Etat, ancien professeiu*
à Tuniversité de Saint-Pétersbourg.
Chaslin (EdoUard)i
Chastenay (M"' la comtesse Victorine de).
Cherronneau , élève de TÉcole spéciale des lan-
gues orientales vivantes.
CiccoNi (l'abbé Tite), bibliothécaire d# palais
Albani, à Rome.
Clément-Mtjllet (Jean-Jacques).
Clermont-Tonnerre (le marquis de) colonel
d'état-major.
CoHN (Albert), docteur en philosophie à Près-
bourg.
70 JOURNAL ASIAtiQUE.
Mm, Colli, docteur eh tbëôlogîe de là cathë^le
de Novàrfe.
COLLOT.
GOMBARÉL. ; •
CoNGi!^ET (i'abbé), chanoine de la Xîathëdrdie de
Soissojis- (Aisne.)
floNON DE Gabélentz , coiiseiiler d^État à Al-
tenb6iii*g.
CôOK, ifainîstre protestant, à Lausanne.
Coquebert de Montbret (Eugètte).
Cor , premier drogman de ^ambassade de
France à Constantinople.
• CoTELLE(Heiiri)^3ntérprè'te de! armée d'Afrique.
' DfeFRiéMERY (Charies), élève de TEcôle spéciale
des langues orietitalës Vivantes.
Delessert (le baron Benjamin), membre de
là Chambre des déj^utés.
Delitzsch , professeur à Leipzig.
Dernburg (Joseph), docté\ir.
De5Vesgêrs (Adoljjhë-Nôël).
Desaux (Jules).
DozoN (August(B^).'
CmACH (P. L. D.) , bibliothécaii'e de la Propa-
gande. '
DuBEUx (J. L.), coiiservateur adjoint à la Bi-
bliothèque du Roi.
DucAURROY, secrétaire-interprète du Roi.
DuLAtJRiER (Edouard) , professeiir de malai à
rÉcole des LL.^ÔO.
JUILLET 1846. 71
MM. DuMpRET (J.), à Bagnères( Hautes -Pyrénées).
DuNCAN FoRBES , professcuF de LL. (K). au
Kings-CoHege , à Londres,
EcKSTEiN (le baron D').
EiCHHOFF, bibliothécaire de S. M. la Reine des
Français.
EicHTHAL (Gustave d»).
Elliot (Chiarfes-Boiléau), membre de i^Aca-
démie royale de Londres.
Ellis , ancien ambassadeur - d'Angleterre en
Perse et en Chine.
Etheridge {\c R. J. William), pasteur anglais.
Falconner FoRBES, professeuT de LL. 00. à
J'University-College de Londres.
Fallet, docteur en théologie, à Courtelary.
Ferraô de Castelbranco (le chevalier).
Fleischer, professeur, à Leipzig.
Florent, examinateur dramatique au Minis-
tère de Tintérieiu*.
Flottes , professeur de philosophie , à ^Mont-
pellier.
Flour de Saint-Genis, inspecteur des do-
maines, à Alger.
jFlûgel, professeur, à Meissen (Saxe).
FoucÀux (Ph. Edouard).
Fresnel, consul de France, à Djedda.
Gargin de Tassy, membre de l'Institut, pro-
fesseur d'hindoustani à TEcolc spéciale dos
langues orientales vivantes.
72 JOURNAL ASIATIQUE.
MM. Gayangoz, professeur d*arabe, à Madrid.
GiLDEMEisTER , docteuT en philosophie, à Bonn.
GoLDENTHAL (Ph. D.) , à Leipzig.
GoLD3TÛcKER (Ph. doçteur), à Kônigsberg.
GoRRESio (Gaspard), membre de l'Académie
de Tm^n.
Graf, licencié en théologie.
Grangeret de Lagrange , conservateur de la
bibliothèque de TArsenal, rédacteur du
Journal asiatique. .
Guerrier de Dumast (Auguste-Françôis-Pros-
, , per), secrétaire de T Académie, à I^ancy.
GuiGNiAUT, membre de Tlnstitut.
^ . GuiLLARD d'Arcy, doctcur en médecine.
Haight, à New-York.
Hamelin, avocat, élève de TEcole spéciale des
LL. 00. vivantes.
Hase , membre de Tlnstitut.
Hassler (Conrad-Thierry), professeiu* à Ulm.
Hedde, d^égué du commerce en Chine.
Hoffmann , conseiller ecclésiastique , à Jéna.
Holmroe, cohservatem* de lia bibliothèque de
Christiania.
Humbert (Jean), professeur d'arabe a l'Univer-
sité de Genève.
Jabba, vice -consul, chanceher du consulat
d'Autriche à Smyrne.
James (Aimé-François).
JUILLET [1846. 73
MM. Jadbert (le chevalier Am.), pair de France,
membre de llnstitut, professeur de turc à
rÉcole spéciale des langues orientales vi-
vantes.
JoMÂRD, membre de l'Institut, conservateur-
administrateur de la Bibliothèque du Roi.
JosT (Simon) docteur en philosophie.
Joyau (Firmin) , conseiller à la cour royale de
Pondichéry.
Judas, secrétaire du conseil de santé des ar-
mées, au Ministère de la guerre.
JuuEN (Stan.), membre de rin$tit;ut, profes-
seur de chinois au Collée royal de France,
Fun des conservateurs-adjoints à la Biblio-
thèque du Roi.
Kazimirski de Bibërstein , bibhothécaire de la
Société asiatique.
Krafft (Albert) , secrétaire de la Bibliothèque
impériale, à Vienne.
Laas d'Aguen.
La Ferté de SENECTisRE (le marquis), à Azay-
le-Rideau (Indre-et-Loire).
Lagrénée (de), envoyé de France en Chine:
Lajard (F.), membre de llnstitut.
Lancereau , maître de conférences au collège
royal Saint-Louis.
Lan dresse , bibliothécaire de l'Institut.
74 JOURNAL ASIATIQUE.
MM. LÀNGLors /membre de Tlnstitut, inspecteur de
rUmversité.
Lanjuinais (le comte), pair de France.
Laroche (le marquis de), à Saint- Amand-
Montrônd.
Larsow, à Beriin.
Lasteyrie (le comte de). _
, ' Latoùche (JEmmanuel)^ élève de^ TEcole spé-
ciale, des LL. 00. vivantes.
Le Bas \ nieiiibre de Tlnstitut.
Leduc (Leombn).
Leducq, membre de l'Université.
LënôrMant (Ch.), membre de Hnstitut, admi-
nistrateur de la Bibliothèque du Roi.
Letteris , directeur de Tlitiprimeriè impériale
orientale , à Prague.
LnjRi, membre de Tlristitut, professeur à la fa-
culté des sciences et au Collège âe France.
LiTTRi , membre de l'Institut.
LoEWE (Louis) ^ docteiu* en philiDsopbie , à
Londres.
LoNGARD (le docteur).
LoNGPÉRiEîi (Adrien de) , membre de la Société
réyale des Antiquaires. • - i
Mac GuciLiN de Slane (le baron).
Mandel (le D'), à Kremsir, en Moravie.
Maïiakji GuRSETJi, à Bombai.
Marcel (J. J.), ancien directeur de rimprime-
rie royale.
JUILLET 1846/ • V '\M.
MM. Marcéllin de Fresne. -; - ::">^*
Margossi AN , â Londres^.
Malry (A.), sous-bibHothécaire de Tlnstitut.
Meier, agrégé à Tubingen.
Merfeld , docteur en philosophie.
Merlin, soUs- bibliothécaire au Ministère de
Imtérieiu*.
MiÉTHiviER (Joseph), propriétaire, à Bellegarde
(Lôii^èt).
MiGNET , membre de Tlnstitut , conseiller d'État.
MiLO«, sénateur, à Nice.
MoHL (Jules) , membre de Tlnstitut.
MoôN (Christiaii).
MoNRAD (D. G.), à Copenhague. ;
MôNTircci (Henry).
MooYER , bibliothécaire , à Minden.
MORDAUNT RiCKETTS.
MoRLEY, trésorier du Comité pour la publica-
tion des textes orientaux , à Londres.
MosBLECH (labbé).
MoT+ELLET (lîïibért de), secrétaire de la So-
ciété ethnolic^ique.
MouRîÊR , attaché au cabinet du ministre de
l'instruction {)ublique.
Mdller (Ph. D. Maximiiien).
MuNR (Si), employé aux matiuscrits de la Bi-
bliothèque royale. . ■ ''
Nkvè , professeur à l'univessité de Louvain.
76 • JOURNAL ASIATIQUE.
MM. OcAMPO (Melchior). ^ r -,
Orianne , Conseiller à la cour royale jde Pondi-
chéry.
Pages (Léon).
Paravey (le chevalier de), membre du corps
royal du génie.
PARtEY(Ph.D.), à Berlin.
Pasquier (le duc), pair et chancelier de
France.
Pastoret (le comte Amédëe de), membre de
rinstitut.
Pavie (Théodore), élève de l'École spéciale
des langues orientales.
Perron, directeur de TÉcoie de médecine du
Kaire.
PiCTBT (Adolphe), à Genève.
PiQi^ÉRé, professeur à l'Académie orientale, à
Vienne.
Platt (William).
PopoviTZ (Demètre) à Jassy, en Moldavie.
PoRTAL , maître des requêtes.
PoRTALis (le comté), pair de France, premier
président de la cour de cassation, membre
de rinstitut.
PoujADE, consul de France à Tarsous.
Prisse.
Pynappel , D' et lecteur à l'Académie de Delft.
# ' ■ _
QuiNSONAs (vicomte de).
•JUILLET 1846. 77
MM. Rawlinson , consul général d'Angleterre à Bag-
dad.
Râuzân (le duc de).
Régnier , instituteurde S. A. R. le comte de Paris.
Reinaud , melnbre de l'Institut , professeur
d'arabe à l'École spéciale des LL. 00.
Reuss, docteiur en théologie, à Strasbourg.
RicARDO (Frédéric).
RiED (Charles), Pk D.
RiTTER (Charles), professeiu* à Berlin.
RocHET ,' statuaire.
RoEDiGER, professeiur à l'université de Halle.*
RoEHRic (Otto), docteur en philosophie.
RoHRBACHER (l'abbé) supérieur du séminaire de
. Nancy.
RoNDOT, délégué du commerce en Chine.
RôsiN (de), chef d'institution , à Nyon, canton
de Vaud.
RoTH, doctevr en philosophie^
Roujet (le vicomte Emmanuel).
Rousseau , secrétaire-interprète attaché au par-
quet de M. le procureur général , à Alger.
RoYER, orientaliste, à Versailles.
Salle (le commandeur Eusèbe de) , professeur
d'arabe à l'École des LL. 00. succursale de
Marseille.
Santarem (le vicomte de), membre de l'Aca-
démie des sciences de Lisbonne., correspon-
dant de l'Institut de France.
r\
78 JOUR^AJ;^ ˤi^QtI^.
MM. Saulcy (de)> -mëmfcre/dé Tlristitu^ conserva-
teur du Musée d*artU|erie, -, *
Sawelieff (Paul), attacJl^iàrAcadépaie impé-
riale des sciences , à Saint-Pétersl?oiirg.
ScHULZ (le doctcîur) , à Jérusalem.
Scott (D"" John) , à Londres.
Sédillot (L. Am.), professeur d'histoire au
Collège royal Saint-Louis,
Sernin, docteur-médecip de Thôpital, à Nar-
bonne. '
SKLOWER(Sigismond), professeur au collège
royal d'Amiens.
Smith , attaché au cabinet de M. le ministre
de Imstruction publique.
Solvet, substitut du proctœeiu* général à Alger.
SoNTHEiMER (de), chcf d'état-major médical à
Stuttgardt.
STiEH^LiN (J. J.), docteur et professeur en
théologie, à Baie.
Staunton (sir Georges-Thomas), membre du
Parlement.
Stecher (Jean), professeur à luniversité de
Gand.
Steiner (Louis) , à Genève.
SuMNER (Georges), de Boston.
Therollçe.
Thomas, élève de TÉcole spéciale des LL. ÔO.
TflEÏMOURAz (S. A. R. le Tsarewitch) , à Saint-
. Pétersboiu^g.
JUILLET. 1846. 79
MM. Tolstoï (le colonel Jacques).
Troyer (le capitaine).
ToLLBERG, doctexir en philosophie à luniver-
sité d'Upsal.
Umbret, D' et conseiller eeplésiastique , à Hei-
delberg.
Vaïsse (Léon), proifôsseurà l'Institut royal des
sourds-muets/ .-^. . '
Van der Maelen ,* directeur de Rétablissement
géographique , à Bruxelles,
Vaucel (Louis), à Champremont (Mayenne).
ViLLÈMAiN, pair de' France, membre de l'Ins-
titut.
Vincent, orientaliste.
Vivien , géographe.
Weil , bibliothécaire de lunivérsi^té , à Heidel-
berg, •
Wessely (Th. D. ) , à Prague.
Wetzer (Henri Joseph), professeur de littéra-
ture orientale, à Fribom*g,
Wetzstein (Ph. D.) à Leipzig.
Wilhelm de Wurtemberg (S. A. le comte).
WoRMS (M. D.), àTécole de Saint-Cyr.
Wustenpeld, prof, à Guttingen.
Yermoloff (de), général au service de Russie.
Zenker (Jules-Théodore), docteur en philo-
sophie.
80 JOURNAL ASIATIQUE.
II.
LISTE DES MEMBRES ASSOCIÉS ÉTRANGERS.
SUIVANT L'ORDRE DES NOMINATIONS.
MM. Le baron de Hammer-Purgstall (Joseph), con-
^ seiiler aulique actuel à Vienne.
Ideler, membre de l'Académie de Berlin.
Le docteur Lee , à Cambridge.
Le docteur Macbride , professeur à Oxford.
WiLSON (H. H.), professeur de langue sans-
crite , à Oxford.
FRiEHN (le docteur Charles-Martin), membre
de l'Académie des sciences, à Saint-Péters-
boiu*g.
OuwAROFF, ministre de Tinstruction publique
de Russie, président de f Académie impé-
riale à Saint-Pétersbom^.
Le comte de Castiglioni ^C. 0.), à Milan.
Rickets , à Londres.
Peyron (Amédée) , professeur de langues orien-
tales, à Tmîn.
. Freytag, professeiu* de tangues orientales à
l'université de Bonn.
Kosegarten (JeaurGodefroi-Louis), professeiu*
à l'université de Greiswalde.
Bopp (F.), membre de l'Académie de Berlin.
JUILLET 1846. 81
MM. D'Ohsson , ambassadeur de Suède à la cour de
Berlin.
Sir Graves Ghamney Haughton , associé étran-
ger derinstitut de France.
Wyndham Knatchbull, à Oxford.
ScHMiDT (L. J.), de TAcadémie impériale de
Saint-Pétersbourg.
Haughton (R.) , professeur d'hindoustani au sé-
minaire militaire d'Addiscombe , a Croydon.
MooR (Ed.) de la société royale de Londres et
de celle de Calcutta.
Jackson (J. Grey), ancien agent diplomatique
de S. M. Britannique , à Maroc.
Shakespear , à Londres.
. LiPOvzoFF , interprète pour les langues tartares,
à Saint-Pétersbourg.
Le général Briggs.
Grant-Duff, ancien résident à la cour de Satara.
HoGDSON (B. H.), ancien résident à la cour de
Népal.
Radja Radhacant Deb, à Galcutta. .
Radja Kali-Krighna Bahadour, à Galcutta.
Manakji-Gursetji, membre de la Société asia-
tique de Londres, à Bombai.
Le général Gourtj à Lahore.
Le général Ventura, à Lahore.
Lassen (Ghr.), professeur, à Bqnn.
Rawlinson , consul général d'Angleterre à Bagr
dad.
viiï. 6
82 JOURNAL ASIATIQUE.
MM. VoLLERs, professeur de langues orientales, à
Giessen.
KowAL^wsKi (Joseph -Etienne), professeur à
Kasan ••
FlûCel, professeur à Meissen.
JUILLET 1846. 83
III.
LISTE DES OUVRAGES
PUBLIES PAR LA SOCIETE ASIATIQUE.
Journal ASikTiqjjE , seconde série , années i8a8-i835, 16 vol.
in-8*, complet; i33 fr. et pour les membres de la Société,
100 fr. Chaque volume séparé (à l'exception des vol. I et
n , qui ne se vendent pas séparément) coûte 8 fr. et pour
les membres 6 fr.
Troisième série, années 1 836- 1 84» , 1 4 vol. in-8% 1 7 5 fr.
Quatrième série, années 1 843-1 845, 6 vol. in-8*'; 76 fr.
Choix de fables arméniennes du docteur Vartan, accom-
pagné d'une traduction littérale en Français , par M. J. Saint-
Martin. Un vol. in-8'; 3 fr. 5o c. et 1 fr. 5o c. pour les
membres de la Société.
Eléments de la Grammaire japonaise , par le P. Rodriguez,
traduits du portugais par M. Landresse; précédés d'une
explication des syllabaires japonais, et de deux planches
contenant lès signes de ces syllabaires, par ^M. Abel-
Rémusat. Paris, 1826, 1 vol. in-8*; 7 fr. 5o c. et 4 fr. pour
les membres de la Société.
Supplément À:%.a Grammaire japonaise, par MM. G. de
Hiunboldt et Landresse. In-8* br. a fr. et 1 fr. pour les
membres de la Société.
Essai sur le Pâli , ou langue sacrée de la presqu'île au delà
du Gange , par MM. £. Bumouf et Lassen. i vol. in-S*",
grand-raisin, orné de six planches; la fr. et 6 fr. pour les
membres de la Société.
Meng-tseu ou Mencius, le plus célèbre philosophe chinois
après Confucius; traduit en latin, avec des notes, par
84 JOURNAL ASIATIQUE.
M. Stan. Julien. 2 vol. in-8* (texte chinois lithographie et
trad.) ; 24 fr. et\6 fr. pour les membres de la Société.
Yadjnadattaèadha ou la Mort d'Yadjnadatta, épisode
extrait du Râmâyana , poème épique sanscrit ; donné avec
le texte gravé, une analyse grammaticale très-détaillée ,
une traduction française et des notes, par A. L. Chézy, et
suivi d'une traduction latine littérale par J, L., Burnouf.
1 vol. in-4'*, orné dé i5 planches; i5 fr. et 6 fr. pour les
membres de la Société.
Vocabulaire géorgien, rédigé parM. Klaproth. 1 vol. in»-8';
1 5 fr. et 5 fr. pour les membres de la Société.
PoËME SUR LA PRISE d'Édesse , lexte arménien , re VU par
MM. Saint-Martin etZohrab. iVol. in-8°; 5 fr. et 2 fr. 5o c.
pour les "membres de la Société.
La Reconnaissance de Sacountala , drame sanscrit et pra-
crit de Kâlidâsa , publié en sanscrit et traduit en français
par A. L. Chézy. 1 fort volume in-4*, avec une planche,
35 fr. et i5 fr. pour les membres delà Société.
Chronique géorgienne, traduite par M. Brosset; Impri-
merie royale. 1 vol. grand in-8'; 10 fr. et 6 fr. pour les
membres de la Société.
Chrestomathie chinoise, in-4'; 10 fr. et 6 fr. pour les
membres de la Société.
éléments de la langue géorgienne , par M. Brosset, membre
adjoint de TAcadémie impériale de Rus#e, 1' vol. grand
in-8'; Paris, Imprimerie royale. 12 fr* et 7 fr. pour les
membres de la Société.
GÉOGRAPHIE d' Abou*lféda , texte arabe, par MM. Réinaud
et le baron de Slane. In-4^; 5o fr. et 3o francs pour les
membres de la Société.
Histoire des rois du Kachmîr, en sanscrit et en français,
• publié par M. le capitaine Troyer. 2 vol. in-8"; 36 fr. et
24 fr. pour les membres de la Société.
JUILLET 1846. 85
OUVRAGES ENCOURAGÉS
DONT It RESTB DES E XE MPL A I RES.
Tarafae Moallaca, cum Zuzenii scholiis, edid. J. Vullers.
1 vol. in-4*; 4 fr. pour les membres de la Société.
Lois de Manou, publiées en sanscrit, avec une traduction
française et des notes, par M. Auguste Loiséleur-Deslong-
champs. 2 vol. in-8° ; 2 1 fr. pour les membres de la So-
ciété.
Vendidad-Sade , Tun des livres de Zoroastre, publié d'après
le manuscrit zend de la Bibliothèque du Roi, par M. E.
Burnouf, en lo livraisons in-fol. loo fr. pour les membres
de la Société.
Y-KiNG, ex latina interpréta tione P. Régis, edidit J. Mohl.
2 vol in-8°; i4 fr. pour les membres delà Société.
Contes arabes du cheykh El-Mohdy, traduits par J. J. Mar-
cel. 3 vol. in-S", avec vignettes ; 12 fr.
MÉMOIRES relatifs k LA GÉORGIE , par M. Brosset. 1 vol.
in-8*, lithographie; 8 fr.
Dictionnaire français-tamoul et tamoul-français, par
M. A. Blin. i vol. oblong; 6 fr.
Nota. MM. les membres de la Société doivent retirer les ouvrages
dont ils veulent faire l'acquisition à lagence de la Société , rue Ta-
ranne, n** 13. Le nom de l'acquéreur sera porté sur un registre et
inscrit sur la première feuille de Texempiaire qui lui aura été déli-
vré en vertu du règlement.
86 JOURNAL ASIATIQUE.
IV.
LISTE DES OUVRAGES
MIS EN DÉPÔT PAR LA SOCIETE ASIATIQUE DE CALCUTTA ,
POUB LES MEMBRES.
Raja Tabanjini, Histoire de Kachmîr. i vol. in-4*; 27 fr.
MooJiz el-Qanoon. 1 volin-S**; i3fr.
BÂSHA Babichheda. 1 vol. in-8*; 7 fr.
LiLAVATi (en persan). 1 volume in-8*; 7 fr.
Persian SELECTIONS. 1 vol. in-8''; lO fr. '
KiFAYA. Vol. m et IV. a vol. in-4'; 38 fr. le volume.
Inatah. Vol. III et IV. 2 vol. in-A*; 38 fr. le volume.
Anatomy, description of THE HEART. (En pcrsau.) 1 vol.
in-8'; 2fr. 5o c.
Raghu-Vansa. 1 vol. in-8'; 18 fr.
AsHSHDRH ooL-MooGHNEE. 1 vol in-4*; 38 fr.
Thibetan Dictionary, by Csomade Kôrôs. i vol. in-4' ; 27 fr.
Thibetan Grammar; by Csoma de Kôrôs. i^vd. in-4*; 22 fr.
MX&ÂBHÂRATA. 4 vol. in-^*; chaque vol. 3o fr.
Table des matières du Mahâbhârata, quatre cahiers in -4**;
16 fr.
SusRUTA. 2 vol. in^'; 25 fr.
Naishada. 1 vol. in-8'; 22 fr.
AsiATic Researches. Tomes XVI et XVII. 2 vol. in-4*; 34 fr.
le volume.
Tome XVin, i"et 2* part. 1 vol. in-4"; 22 francs chaque
partie,
Tome XIX , 1" partie. 1 vol. in-4'; 25 fr.
Tome XX, impartie. 1 vol. in-4*; 22 fr.
Index, 1 vol. in-4*; 20 fr.
Journal of the Asiatic Society of Bengal. Les années
1 836- 1845. 4o fr. Tannée.
JOURNAL ASIATIQUE.
AOUT-SEPTEMRRE 1846.
LA RHÉTORIQUE
DES NATIONS (MUSULMANES,
D'APRÈS LE TRAITÉ PERSAN INTITULÉ : BADÂTIK etBAlÂGAT ;
Par M. Garcin de Tassy.
* . (3* EXTRAIT '. )
IV PARTIE.
LA SCIENCB DES FIGTOES , çiU^lj «jlt^Jf ^JU .
On entend par là Tart d'employer corivenable-
^^mentpourrembellissentientj (:^h«^, du discours, et
* Dans mon second extrait, il s'est glissé quel<}ues inexactitudes
^ont m'a fait apercevoir mon honorable ami M. lé chevalier Alex.
^hodzko , qu'un longf^éjour en Perse a familiarisé avec les difBciittés
^e la langue persane, et qui est connu, entre autres, dans le
inonde savant, par son intéressant volume intitulé Popuhr poetry
cfPersia:
1^ Dans le chapitre ii, att premier vers d'Âçadi; les niots ^ '
fji^^ doivent être tradidts par : • Son sucre est marchand de vin , »
ainsi que le prouve la note qui explique cette expression.
a** Au deuxième vers d'Açadi, il faut lire (jL-a»^;-^ \j ^jà
viii. 7
90 JOURNAL ASIATIQUE,
non par nécessité, certains tours d'éloquence nom-
més figures de paroles. ou de mots, lôiJ, et figures
de sens ou de pensées , ^^Jt* ^^
Ces deux classes de figures formeront deux chapi-
tres distincts, et nous commencerons par les figures
de pensées , puisque la pensée précède lexpression.
CHAPITRE P'.
i
DES FIGUJRES DE PENSEES.
SECTION PREAIIÈRE.
De l'antithèse, /WUb*
On nomme antithèse, j^Ut ou ^Ik.*, et con-
traste , :>Uîx3 , la figure qui consiste à employer dans
^si^eXÂJj^ et traduire : c La raison trouve un trésbr dans ce corail
qui parle. » ^
y ï)ans ia section lî du même chapitre, la traduction du vers
de Jahalî doit être ainsi rétablie : «Ton discours est la preuve de
ta conduite délicate. Tes actions témoignent de ia noblesse de ton
lignage. »
.4° Dans le vers du même Jabalî, vers cité dans la section ly, le
second hémistiche doit être lu
Ofi-
a. cx«^j:> ty>J >
J^ u^. ^jiy^<^^ traduit: «La violette, au bord du ruisseau, est
comme la beauté attrayante qui enlève le cœur, t
5° Dans le vers de Sanâyî cité chapitre m., les mots qI^ K J3
doivent être traduits par «une mine d'or pour le cœur.t
^ Oa distingue ces figures de celles dont il a été fait mention
dans la piremière partie ou Exposition, (^L^. .c'est-à-dire de la
comparaison , du trope , de la métaphore substituée et de la méto-
nymie.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 91
lé 8îscoi|rs deux mots dont le premier a un sens
opposé ou contraire au second. Les deux mots dont
il s'agit ici peuvent être lun et 1 autre des noms ,
jAift!, des verbes, Jjw, des particules , Ojs^, ou lun
un nom et 1 autre un verbe, et ils peuvent être em-
ployés ou affirmativement , v^' à^/^ » ^^ néga-
tivement, :<-A*m ^3^Ja^^ • ^
On trouve un exemple de rantithèse d'un nom
avec un nom dans, ce passage du Coran ^ : a,^^-»*^*
^yij f^^ UôUrfl «vous les. croyez éveillés et ils sont
endormis; » et dans ce vers d'Abduhvâcî-Jabalî à la
louange dun cheval, vers où se trouve réunie la
mention des quatre éléments :
O toi qui t'élèves en haut comme le feu et qiïi descends
en bas comme Teau! Toi qui as la qualité, de la terre quant
à la solidité et celle du vent quant à la vitesse.
L'antithèse dun verbe avec uii verbe se trouve
dans ces mots du Coran ^ : ohv-Tj (s^ « il vivifie et
il fait mourir;» et dans ce vers de Salmân-Sâwaji :
ljft>i :i)^ (-^1 «XJuumJ (^xjUj ANAaw ^yff^ y:>^
Lorsque la flamçae de ton épée s*élève (se lève), Teau se
place (s'asseoit) sur le feu. Lorsque la coupe de ton banquet
soarit, le nuage répand ses larmes dans la mei^.
* XVIII, 17.
* 11,260.
•*•.
92 JOURNAL ASIATIQUE.
. L antithèse dune particide avec une particule se
remarque dans ce passage du Coran ^ : o^-j-y^S^U l^
oi-eyk*jc5"l U lfr^3 c( à elle (1 ame) , sera comptéle bien
qu'elle aiura acquis et contre elle lé mal dont elle
se sera chargée; » et dans ce vers de Saudâ cité par
Imâm-Bakhsch :
Je suis ce faible oiseau qui de l'emplacement du jardin
ne puis arriver sans échelle jwçu'éà mon nid.
On trouve un exemple de lantithèse négative ou
de spoliation, (s^ ^i^t», dans ce vers de Nizâmi:
Qu'y a-t-il de mieux dans le monde que d'être consumé
d'amour P Car sans lui la rose ne sourit pas et le ntiage ne
pleure pas.
Selon rautetu» du Talkhis^, on doit distinguer-
deux sortes d'antithèses, raffirmalive, jL:^!, et la
négative, (S^, et comme exemple de cette ller-
■ » ïi, 286.
^ Le Talkkîs ul-miftah, par Jalâl-uddîn Mahmûd Cazwiiiî,,est Ta-
brégé du Miftah ul-ulûm de Sukâkî. Ce dernier traité a été com-
menté par Taftazâni dans deux ouvrages différents, le Mukhiapar
(court) et le Muiawwal (long), et ces ouvrages ont été commentés
à leur tour par d'autres auteurs. G*est au Matawwal et au Mukhtaçar
que fait allusion Wali dans ce vers (pag. a i , lig. 24 de mon édition) :
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 93
nière espèce, il cite ce passage du Coran ^ : ^AJ^ ^
^yitctJ^^ (j-UJi «ne craignez pas les hommes, mais
craignez -moi.)) CetW opinion est soutenue par
plusieurs autres rhéteurs, entre autres par Imâm-
bakhsch , dans le traité de rhétorique qu'il a rédigé
en faveur des habitants de Tlnde^; mais lautem* du
traité persan qui sert de base à mon travail , n'est
pas d'avis de distinguer l'antithèse en affirmative et
négative. Il pense qu'il doit y avoir à la fois, dans
toute antithèse , affirmation et négation , et que l'affir-
mation ou la négation seide ne constitue pas véri-
tablement cette figure, mais que c'est la réunion de
ces deux choses qui la constitue. Par exemple, dit-il^
dans le passage cité précédemment : j-^i^-A-Çj 45^"? «il
vivifie et il fait mourir, )) on n'a pas seulement en
vue l'affirmation, v^'^ Jï^^ds on a aussi en vue la
négation, <-*»!*«.
^ — t^J — ^1— ^ ^ ^^ O^ ^^ (Jji^'
Chaque nuit, on traitait de tes longs cheveux avec le Mutawwal (c^estaà-
dire longuement) ; mais , en voyant ta /Oeiite bouche, on pariait du Mukhtaçar
(c'est-à-dire petitement , en rapport avec la petitesse de ta bouche) .
» V, 48. - . '
• Ce traité, qui porte le même titre que Touvrage de Faquîr,
ouvrage qu^Imâm-bakhsch a pris pour base de son travail, sans
s^astreindre à le suivre servilement, encore moins à le traduire, a
été lithographie dernièrement à Dehli par les soins de M. Bou-
iros^ ancien principal du collège établi en cette ville et secrétaire
du Vemacular Translation Society. Une des cho&es qui donnent le
plùa d*intérét et de nouveauté au jtravail d'Imâm^bakhsch , c'est .qu'il
a partout remplacé les vers arabes et persans des traités antérieurs
par des vers hindouslanijEf , qui souvent éclaircissent mieux que les
p^'emiers l'obscurité de la théorie.
94 JOURNAL ASIATIQUE,
On appelle ornement, ^*>^*, une espèce danti-
thèse où l'on mentionne les couleurs, ^1^1, pour
louer ou blânjer sous formeStie métonymie , i^\jS^j
ou dinsinaation , -l^t [faire soupçonner)^. Dans ce
cas il n'est pas nécessaire d employer plusieurs cou-
leurs, mais une suffit Le vers suivant de Açadî-Tûcî
oflre un exemple de cette figure :
(:5?! ^> iSX) ^jy c/' * ^ J— ^!>
Le lieu de Tembuscade est rouge par son épée , la terre
est jaune par la pluie de sa main.
La première expression employée dans ce vers
est une métonymie pour indiquer de nombreux
massacres, et la seconde est une autre métonymie
pour signifier la générosité qui répand i or à pleines
mains.
Une autre espèce d'antithèse consiste à réunir
deux choses dont lune dépend dune autre qui est
contraire à la première. Dans ce cas, il suffit d'une
seule espèce de dépendance, cjJ*3, quelle soit rela-
tive à la cause , o-aaa^, inhérente au sujet, |*j^, ou
qu'elle soit toute autre. On trouve un exeniple de
^ Iniâm-bakhsch nous apprend qu'on entend par jXaj] une ex-
pression qui a deux sens : un sens proche o\i coiAmun, o^j5 , et
un sens éloigné ou rare, cXasu, et qui est employée dans le -cas
dont il s agit, non pas dans ie sens proche, mais dans le sens éloigne.
Il cite comme exemple le moij^Ay mihr, qui signifie communément
soleil, et rarement amour.
AOUT-SEPTEMBBE 1846. 95
cette figure dans ce passage du Coran ^ : Jl^ i^t^x^il
fo^j^. ^Wj j^^ «ils (les croyants) sont féroces en-
vers les itîfidèïes et compatissants entre eux. n
. La férocité, c:>o^, nest pas iopposé de la com-
passion ,'ov^ , mais de la douceur, c^j^J, et celle-ci,
qiy en est iopposé, est la cause de la compassion.
Le vers suivant JArzaquî offre un autije exemple
de cette variété d antithèse :
Mon œil a emprunté à ton rubis l'usage de répandre des
perles * , ta chevelure a emprunté son désordre à celui de
mon état.
Répandre des perles nest pas Topposé du -dés.
ordre dont il s agit dans le second hémistiche de ce
vers , mais la tranquillité et le bonheur, qui y sont
opposés, sont cause qu'on jette des perles.
Une autre espèce d antithèse est celll^ qu on
nomme ^Uà^ ^^^j faire soupçonner le contraste. F^We
consiste à exprimer deux choses qui ne sont pas
opposées Tune à fautre, par deux mots dont le sens
réel est en contraste. Le vers suivant de Faquîr
offre un eiemple dé cette figure:
• XLVHI, 29. • 3*
• Le rubis signifie, par m^aphore , . ^5 lèvres, et les perles indi-
quent les larmes. L'expression de répandre des perles signifie propre-
ment la cérémonie appelée jUj , et usitée dans le mariage 5 et, au
figuré, les perles du discours expriment Véloquence, ou plutôt ce que
nous nommons les fleurs du discours.
96 JOURNAL ASIATIQUE.
La nuit que j*aî passée en ta compagnie s'est terminée ;
i'aiarore sourit et moi je pleure.
Il n y a pas d'opposition ni de contraste enlfe
i aurore etpieurer, mais entre la métaphore des-
criptive dff aurore et pleurer.
Sukald distingue de Xaniiihèze ime figure nonmiée
proprement opposition, xX^liu, et qm consiste à énon-
cer une ou plusiei^s choses concordantes entre elles
et à exprimer ensuite, parallèlement dans le même
ordre, des contrastes à ces choses; comme, par
exemple, dans ce passage du Coran ^ : I^XL^^aU
]^jSS' \yCAji^ ^KaXj «qu'ils rient peu; car ils pleu-
reront beaucoup. >x Les mots rire et pea exprimés
d'abord, n'offrent pas d'opposition entre eux, mais
ils sont en contraste avec pleurer^et beaucoup qui ont
été emj^yés dans le second membre de la phrase.
Voici lin autre exemple de cette figure dans le
vers suivant d'Amîr-^Mazî :
Ses amis sont Tobjet de ses faveurs, étant honorés à cause
d^ leur heureux horoscope ; ses ennemis sont enfermés dans
ses prisons, étant avilis à cause de leur mauvais sort.
Malgré l'opinion de Sukâki , les auteiu^s du Talkhîs
' IX, 83.
AOUT-SEPTEMBRE' 1846. 97
et dvL Mutawwal ont compté cette figure .parmi les
variétë$ de lantithèse, ce qui paraît plus exact, puis-
qu'elle exprime, en effet, i opposition et le con-
traste.
SECTION II.
H GonveDance, ^xwUï.
Cette figure nommée proprement ^jiAlâjJ! »Utj^,
ce qui signifie avoir égard aux analogues , et aussi
appelée (j^^ ou accord, consiste à réunir dans le
discoiu*s des choses qui ont entre elles un rapport
de convenance et non de contraste et d'opposition.
Le vers suivant d'Anwarî en offre un -exemple :
0 échaâson, lève-loi! car la rose s'est épanduie et a fait
honte à la constellation d'Qrion; le jardin est le paradis; le
vin, Teau de Kauçar; et le platane, le tuba.
SECTION lïl.
Insinuation de la convenance, o^Iâj ^^rit*
Cette figure consiste à mentionner deux choses
en se servant de deux expressions différentes dont
l'une a deux sens, un qu'on a en vue, et l'autre
qu'on n'a pas en vue, mais qui est en rapport avec
le sens de la première expression; comme dans ce
passage du Coran ^ : Ai^l^^UuM^^^i^t^ (jm^^I^
* Lv, 4 et 5.
98 JOURNAL ASIATIQUE,
^! «Xjdâ^ j-j^^^ « le soleil et la lune se meuvent d utie
manière calculée , les plantes elles arbres se courbent
poiu* adorer Diea. »
Ici le mot ^^ est pris dans le sens de plante, ou
plutôt d'heite sans tige, par opposition kj^, qui ex-*
prime un végétal qui a une tige, et on nànas en
vue sa signification plus ordinaire d'^oî/^, signifi-
cation qui s accorde néanmoins avec la mention du
soleil et de la lune.
Le vers suivant de Khacânî offre un autre exemple
de cette figure :
Ton souffle embaumé fait parvenir à l'odorat de tous , dans
le monde hexagone , le parfum du muçallas.
Ici le mot CaAx* est employé pour désigner im
pârfiun qui ressemble à lencens , et on n a pas en
vue l'autre sens plus ordinaire de ce mot, à savoif
la figure de géométrie nonmiée triangle; mais ce
dernier sens est en rapport avec le mot ^;*.4X»wwo ,
hexagone,
SECTION IV.
Ressemblance ou conformité , xJ^LmJ».
Cette figure consiste à exprimer une chose par le
nom dWe autre chose, à cause que les choses dont
il s'agit sont mentionnées ensemble. Les passages
suivants du Coran ^ offrent des exemples de cette
' XLii, 38; III, 27.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 99
figure : aMI^^^ hj^3 ^^ *^ -^Ij^i «la rétribu-
tion du mal est- le mal; ils trompèrent, et Dieu les
trompa. »
fi
Dans ces- deux versets, les mot& a^u«, fnal, et
j^, tromperie, ont le sens de vlô^ patiition, k cause
que ces expressions ont été employées par confor-
mité , aJAAi*, avec le mal et la tromperie qui ont eu
lieu de la part des infidèles. Ainsi le sens du pre-
mier verset est celui-ci : « La rétribution du mal est
la punition ; » et celui du second est .: « Les infidèles
usèrent de ruse (et Dieu les punit. »
Le vers suivant de Saïb ^ offre un troisième
exemple de cette figure :
'^ (j<X .ij^5 4X 9y .»,^ 2UJg? Sysm. »ijJ^ e\^
n vaut mîewque les lèvres de là demande soient cousues ;
est-ce en vain que le derviche fait des reprises à son froc? '
Par «là coutiu^e des lèvres, » le'poëte a voulu ex-
primer le siàence , et son intention est de le recom-
mander.
SEÔTION V.
Âcconplement, Aâ^atj^.
Cette figure consiste à exprimer d'abord deux
choses en rapport de conditiouy ioj^, et de rétriba-
^ Mirzâ Muhammad Mi Sâib (lp^jU^) Tabrézî, c'est-à-dire de
Tauris , est un poète persan très-distingué , et dont le diwân jouit
d'une assez grande célébrité. II vivait dans U xVii" siècle de notre
ère. (Voyez Hammer y Redek. Pers, pag. 3 93.) , ^,^ > ;:
100 JOURNAL ASIATIQUE.
tion, ^]y>' (à la condition), puis à employer la même
combinaison pour deux autres choses. Ljb vers sui-
vant de Faquîr en pfïre im exemple :
. Lorsque tu me vois, ta douceur se change Qn colère;
lorsque je te vois, ma patience se change en agitation.
Le but du poète, dans ce vers, c'est de mettre en
relief la diflFérence de Tétat de la maîtresse et de
celui de lamant, et il a employé, à cet effet, la figure
de rhétorique nommée to-^t^.
SECTION VI.
Indication, 3L^I.
Cette figure, qu'on nomme aussi ^t^^Mê^, jeti*nne^
flèche ^ , consiste à employer au col^lnencement
d'ime phrase une expression qui fait comprendre
qu'ime autre expression terminera cette phrase. En
voici im exemple dans ce passage du Coi^n^j ^^1^ Uj
^jyll^ ^.^mJû) \y^ {J&^ l>a.tiSj M\ (( Dieu n était pas
capable de les traiter injustement, mais ils se trai-
taient injustement eux-mêmes. »
Ici l'emploi dans la première partie de la phrase
de l'expression traiter injustement, annonce l'emploi
^ Cette expression a quelque analogie avec celle dont on se sert
quelquefois en français lorsqu^on dit : « Il a jeté une pierre dans son
jardin , » pour signifier : c II lui a adressé indirectement un mot
piquant. »
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 101
de la même expression dans la seconde. Dans le
vers suivant, qui est tiré dune cacîda d'Amru-ben-*
Madîkarb\ il en est de même pour le mot jla^Uu:
Lorsque ta ne peux réussir dans une affaire, abandonne-ia
et passe à ce qui t'est possible.
SECTION VII.
Rebours, /jh^^*
Cette figure , qu'on nomme aussi cK>Oyj ou inver-
sion, consiste à mentionner une chose avant une
autre, puis à mettre la dernière avant la première
et celle-ci à la place de. la dernière, comme dans
ce passage du Coran ^ : ^j-^^ ^^^^^ (j^^'cs^ ^J^
45^ (^ 4;;^ï « il tire le vivant du mort et il tire le
mort du vivant ; » et dans ce vers d'Anwarî :
.J:> ^/^4X <^ A — >a> , ,>. — $L ^:> ^ — i
J'ai un cœur qui sympathise toujours avec le chagrin ; j ai
un chagrin qui sympathise toujours avec le cœur. '
SECTION . VIII.
Retour (sur ce qui a été dit) , S'^s»
Cette figure consiste à annider une chose qu'on
' Ge poète était' fils du plus vaillant des Âcabes, Madikarb, qui
vivait sous Omar, le deuxième khalife. Son ép4e ,' la plps célèbre , à
cette époque, de tout l'Orient, se nommait samsàm ^^1^0»-^ i et
notre poète en hérita. ( D'Hèrbelot, "fiiiZ. or. etc.)
> XXX, iÇ.
102 JOURNAL ASIATIQUE.
a d abord dite , et à Tappliqùer à un autre objet pour
• eh tirer un bon mot ou une expression heijfeuse.
Le vers suivant d'Ansarî^ en offre un exemple:
3j^ ^^ ^•H •^ ^3 v^ y^^'^yf •^ y^
Elle était conime une lune et un cyprès-, non ^ «elle n*était
ni une lune ni un cyprès, car le cyprès n a pas de robe et
la lune ne se serre pas avec une ceinture.
Le but du poète, en revenant sur ce qu'il a dît,
cest d'exalter la femme qu'il $ime au-dessus de la
lune et du cyprès.
SECTION IX.
Dissimulation, f^.jyi-
Cette figm-e , qu'on nomme aussi -l^l , insinaation ,
c'est-à-dire insinuer ce qu'on veut dii^e, le faire con-
jectm'er , consiste à employer une expression qui ait
deux significations, tine prochaine (ou propre), et
l'autre éloignée (ou figurée), et à employer cette
expression dans sa signification éloignée, en s'ap-
puyant sur une analogie cachée, AAJiài. aâ^. Il y
en a deux espèces : i** celle qui est dépouillée, »>^,
de ce qui pourrait indiquer le sens qu'on a en
vue; 2® celle dont iè sens découle, »^j>f , du con-
texte.
On trouve un exemple de la première dans ce
' Ansarî est un des poètes persans auxquels on donne ie titre de
Malik usscfiwarâ ou roi des poètes. Il vivait dans la première moitié
du II* siècle. (Voyez Hàmmer, Rêdek, Pers. pag. 46.)
AOUT-SEPTÈMBRE 1846. 103
passage du Coran ^ : ts^f^\ {^j^^ i^i^j^^ «ie misé-
ricordieux s'est assis sur son trône. » Ici ie mot t^yu»î
est pris dans ie sens de 5^*Awt , dominer y être an-
dessus de, etc. mais cette signification est éloignée,
car i^^yUu] signifie proprement être égal ou pareil, et
elle n'est indiquée dans ie contexte par aucune ex-
pression qui convienne à ce sens.
On trouve im exemple de la seconde espèce dans
cet autre passage du Coran ^ ; tXjl? Ul^xv ^UwJt^
« nous ayons bâti le ciel avec puissance. » Ici le mot
4X^, dont *>s' (<^^') est le pluriel, mot qui, au sens,
proche ou propre , signifie main , est pris dans ie sens
éloigné ou figm-é de puissance, et l'expression l^ljUJi^
convient à cette dernière signification.
SECTION X.
Asservissement, AJjkiéLwi.
Cette figm-e consiste à paraître vouloir employer
dans un sens une expression qui a deux significations ,
et à rappeler l'autre sens par un pronom qui se- rap-
porte à cette expression ; comme dans ce vers arabe:
Lorsque la pluie tombe sur la terre d'une tribu, nous avons
fait paître cela, quoique cette tribu fût en colère contre nous.
Le mot >*Uw , ciVÎ, est pris ici dans un sens méta-
* XX, 4.
2 LI, 47.
104 JOURNAL ASIATIQUE.;
phoriqùe pour signifier. pïaie; et le pronom suffixe,,
qui dans l'expression »Ua^ se rapporte, gs>*[), à ce
mot, est pris pour les plantes, c:>lf»i
SECTION XI.
Réunion et dispersion, j^^ ^^;
Cette figiu-e consiste à exprimer d'abord différentes
choses dune manière ou détaillée, ^KjiiU, ou som-
nâaire, ^V^, puis à naentionner, sans désignatipii
particidière , ce qui se rapporte .à chacime d'elles.
Dans le premier cas, elle est ou régulière, 4ç*J^,
ouirrégtdière, u-»^^ j^. Elle est régulière, lorsque
l'arrangement- de la première partie de la pl^»asç,
c'est-à-dire de la réunion, oJ, est conforme à celui
de la seconde partie ou de la dispersion, j^âJ;
comme danjs ce vers de Mukhtari :
1 2 9 4 5
Le nuage, le. firmament, les asires, rOcéaii, là phue
1 '2 * s
ne sont pas comparables à sa bonté, sa majesté, son habi-.
4 5.
leté, son esprit, sa générosité.
La meilleure variété de cette figure est* celle qui
consiste à réunir plusieurs réunions et dispersions,
j-ôJ^. v-A3 «xâ^, de façon que chaque dispersion ,j^
c^pMÛ^, soit réimion, vjJ, pour l'autre dispersion,
j^.^y^i£^yi* En voici un exemple tiré de Fir-
daucî :
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 105
^^^^^ **'^^ '^ ^ *— * — A «^ J—^ 1; u^
1
Ce héros illustre, au jour du combat, avec son épée, son
2 3 4 1 2 3 4
poignard, sa massue et son arc, tailla, déchira, brisa et lia
1 2 3 4
aux braves la tète, la poitrine, les pieds et les mains.
Et dans ce vers de Maçûd-i-Saad où il y a quatre
yw»3 oJ, qui se terminent par un cinquième:
12, 1 2
Que Tesprit et le cœur de ton ami et de ton ennemi soient
12 1 2 1
jour et nuit, par ta promesse ou ta menace, pleins de lu-
2
mière ou de feu.
ha réunion et la dispersion est irrégulière , lorsque
Tairangement de la réunion, oJ, est contraire à
celui de la dispersion , ^^-âû , comme dans ce vers de
Figânîi:
^ vLr— ^3 U^— r^ V^ '^ ■ '^j\^ ,>>
' Bâbâ Figânî Schirâzî , poète natif de Schirâz , ainsi que l'in-
dique son surnom, vivait vers la fin du xv* siècle et au commen-
cement du XVI*. [Kedek. Pers, pag. Bgi.)
vin. 8
106 JOURNAL ASIATIQUE.
1 2
Du bien-être au cœur et de l'éclat aux yeux; c'est ce que
donnent la vue des belles pareilles au soleil et le vin du m^tin.
Ici réclat des yeux, «*Nî^ Av^» ^® rapporte à la
vue,^J*>s?^, des belles, et le bien-être du cœur, ©1^
J:>, au vin quon prend au matin, ^^ v]/*»'-
Illconvient actuellement de citer des exemples de
la réunion et dispersion sommaire, J^. En voici
d*abord un tiré du Coran ^ : ^t iu4 J^^^ {^ t>J^5
<^Uaj ^1 \^y^\^^ çj^ «ils ont dit, il n*entrera en
paradis que ceux qui auront été juifs ou chrétiens; »
ce qui signifie ^ en le développant : «Les juifs ont
dit : il n'entrera en paradis que ceux qui aiu'ont été
juifs; et les chrétiens ont dit : il n entrera en para-
dis que ceux qui auront été chrétiens. »
En voici un autre emprunté à Mukhtarî :
wl ^v '^^3 ^J^3 <"^ m\
Les deux côtés de sa plume qui a été taillée sont le bien
et le mal, la douleur et le remède.
Le poëte veut dire par là qu un côté de la plume
est bon et Tautre mauvais.
Section xii.
Association, «4^.
Cette figure consisté à réunir différentes choses
dans une même appréciation , comme , par exemple,
* II, io5.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 107
dans ce passage du Coran ^ : «^^ i^j ijy^h. J^'
UiJJI (des richesses et les enfants sont rornement
de la vie du monde. » loi, en eflfet, les richesses et
les enfants sont rangés dans la même catégorie.
Il en est de même dans le vers suivant d*Abd-
ulwâcî pour les six choses qui sont mentionnées
dans le second. hémistiche:
De sa part, tout aujourd'hui a été agréable à mon cœur:
donner et recevoir, le bien et le mal, le plus et le moins.
SECTION XIII.
Distinction ou séparation , ^^.JSLJ'
Cette figure consiste à distinguer et séparer deux
choses qui sont dune même espèce, comme dans
ce vers de Faquîr :
j^ — \r—^j—^^^ ^ — ^ (j — • ^*-> — — *
D'ici il tombe de Teau , de là il pleut du sang. Telle est la
différence entre mes cils et le nuage printanier.
SECTION XIV.
Distribution , xu«Ju* .
Cette figiu*e consiste à mentionner d abord diffé-
rentes choses, portions de choses ou circonstances
d'ime chose, et à leiu* assigner ensuite ce qui s y
rapporte respectivement.
* xviii. 44.
8.
108 JOURNAL ASIATIQUE.
La différence entre cette fignre et celle qu'on
nomme réunion et dispersion, ^^.-ûJ^ utJ, cest qu'ici
on mentionne les attributions, i:Jjymj^, de chaque
chpse par voie d'assignation ou de désignation , (jv«5,
ce qui n*a pas lieu poiu'/autre figure, ainsi qu'on la
vu auparavant.
Les vers suivants d'Abd-ulwâci Jabalî fournissent
un exemple de cette figiure :
Ses doigts sont faits pour donner, sa lance pour agir ; on
le rencontre dans les réunions joyeuses et son drapeau se
voit dans le champ de bataille. A cause de la première qua-
lité, il répand ses bienfaits ; à causé de la seconde, il ôte la
vie; par la troisième, il est un capital de bonheur; par la
quatrième, un gage de victoire. '
On voit qu'ici le pôëte a mis en rapport, sous le
point de vue de la générosité , les doigts de la per-
sonne dont il parle, avec la distribution des bien-
faits v sa lance, à cause de la manière dont elle s'en
sert, avec l'action- d'ôter la vie, etc.
Une autre variété de cette figure consiste à énu-
mérer complètement les différentes faces de la chose
dont il s'agit, comme dans ce vers d'Ansarî:
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 109
De toutes façons, tes ennemis sont malheureux; ils sont,
en effet, ou tués, ou mis en fuite, ou renfermés dans ta for-
teresse. '
Dans le second hëmisticïie de ce vers, le poëte
énumère, comme on le voit, les différents genres
de malheur auxquels peuvent être en pf oie les en-
nemis du héros qu'il célèbre.
SECTION XV»
Association et séparation , i^tMÂj* '•^-^«
On réunit quelquefois ensemble deux des figures
nommées association, jjy:, séparation, (^j^y et dis-
tribution, MVi^JiS; on peut même les réunir toutes
les trois. La réunion des deux premières consiste à
comprendre dans ime même appréciation différentes
choses , puis à les séparer, en exposant leur point
de vue respectif, comme dans ce vers de Raschîd-
Watwat^:
\ -^>^--*ô ij\ i^.i^ sa — ^ — îîv— »
Ton visage est pareil au feu par son éclata et ^on cœur
est pareil au feu par sa chaleur.
^ Khâja Raschîd uddîn Watwat est un poète persan , quoique le
vers cité ici de lui soit arabe. Il est, entre autres, auteur d'un masnawî
intitulé MisbaJi, ^U^â^. M. de Hammer en parle dans son Histoire
de la littérature persane, pag. 109.
110 JOURNAL ASIATIQUE
Ici lauteur réunit, dans une jnême 'comparaison
avec le feu , le visage de celle qu'il aime et son propre
cœur, maïs il indique ensuite la différence du point
de ATue de la comparaisou.
SECTION XVI.
Association et distribution, xyJijA «i^.
Cette figure-ci consiste à associer d'abord diverses
choses dans une même appréciation, puis à rapporter
chacune de ces choses à un objet particulier, comme
dans ce quità d'Anwarî : .
p5l^ 4X ^ > 0^ *Lâ. ^^ym {jUjJ^ jj^
Si le désir de la louange etTamour de ton auguste beauté
produisent de Teffet sur les pouvoirs de la nature, J a pre-
mière chose procurera la faculté du langage à la langue
muette du lis et la seconde donnera la vue aux yeux inertes
du narcisse.
Dans le premier vers, le poëte a associé le désir
de la louange et 1 amour de la beauté à ïaction de
produire de l'effet, et dans le second, il a rapporté
chacune de ces deux choses à \m objet particulier.
On place quelquefois la distribution, j«îîw»*n*3, avant
l'association, g;r, comme dans ce yers de Nâdim
Guilàni :
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 111
J'ai fait un froc et Alexandre] a fait Toreill^r de la fortune
du même drap que le sort nous a donné à Fun et à Vautre.
SECTION XVII, . '
Association , séparation et distributioD , £^tM\ iy^.j^\ 9^-
Il nest pas aisé de joindre ensemble ces trois fi-
gures dans la même phrase, on en trouve cependant
des exemples. En voici un tiré de Khacânî :
La compagnie m'a donné deux feux ^oùr fruits, un de
pierre \ et Tautre végétal*. Elle a mis lepremier dans un
réchaud, et Fautre^ dans une coupe.
Ici lassociation , g;r, consiste à avoir réuni deux
feux dans la même idée de fruits; la séparation,
(Ji^yb, à avoir dit qu'un était de pierre et l'autre dun
arbre; enfin la distribution, f<v**Jij, se trouve au
second hémistiche,
♦ SECTION XVIII.
Dépouillement ou dépossession , tyjjjf.
Cette figure consiste à retrancher, g [>^ï , d une
' G'est-à-dire , semblable à la pierre quant à la dureté. Je pense
qu il s'agit d'un ebarbon embrasé.
* A la lettre , provenant d'un arbre. 11 faut entendre par là une
grenade , fruit que les Orientaux comparenf à la flamme. .
* Ou, plutôt, son jus.
112 JOURNAL ASIATIQUE.
chose qui a un qualificatif , une autre chose pareille
à la première quant à la qualification , dans Imten-
tion d'augmenter la valeur de ce qualificatif pour la
chose.de laquelle on fait le retranchement , aJU g>3Ull .
L'auteur que je suis donne pour exemple de cette
figure le vers suivant d'Anwarî :
♦
Ô toi qui nages dans Tocéan de Tintelligence et qui es
instruit du bien et du mal de ce monde !
A cet exemple, je vais en joindre un autre, em-
prunté au Dictionnaire des définitions, c»Uj^,. de
Jorjânî^. Cet e;îi:emple, qui fait mieux comprendre
que. le premier l'application de la théorie développée
ci-dessus, est la phrase arabe suivante : (j^^ ar^ J
iic^ ^5^4X^. {( J*ai, dans im tel, un ami chaud. » On
Voit en effet qu'on retranche ici d'un objet, auquel
on attribue une qualité , à savoir d'un individu à qui
l'amitié est attribuée, un autre objet, c'est-à-dire
l'ami, ^jiiîJuâJl, qui est pareil à cet individu, ^^,
quant à. cette qualité, et en cela le but de l'écrivaiii
est d'exprinjer l'excès, ajJUIJ ., de la perfection dans
l'amitié de îa personne , ^^ , dont il parie en pre-
mier lieu.'
- SECTION XIX.
Hyperbole acceptée, Jj^L» 4jJLm«.
Cette figiu'e consiste à exprimer l'exagération
^ Tarifât, pag. 5/i de l'édition de Flûgel.
AOUT-SEPTEMBRE 1846, 113
d'une qualité dans la force ou dans la faiblesse., ce
qui ne peut avoir lieu que par voie à' éhignemeni,
^XjMJwMi!, ou d'empêchement, ^^î^t', c est-à-dire en
plaçant cette qualité dans les dernières limites de
la force ou de la faiblesse, au point qu'on n'y puisse
trouver un degré de plus. -
On compte trois espèces d'hyperboles, a*ÎIx«,
qu'on distingue par les noms de jaAaS., (i)j^\ et^Ai.
La première, c'est lorsque l'hyperbole exprime
une chose possible, tant sous le point de vue de
l'esprit, JJift, que d'après l'expérience, c;*^U, comme
dans ce vers d'Açadî :
. ^ -^i> jjy b jbo — ^' p'^ u^ — * — ^
cj» J) <>^-^— t?^^;— ? j— 3"^^^— ? ^j^*>" i* ^^
Je garde si bien ce secret, jour et nuit, qu'il ne pourra
sortir de mes lèvres qu avec ma vie. I
La secondé, c'est lorsque l'hyperbole énojice uÉ«
chose possible quant à l'esprit, mais impossible
d'après l'expérience, comme dans ce vers de Urfî K
i"A r^^ m y Jbt^^ji 4S^4>^ çy^^y^ &^ ^J ^
Mon ennemi m'a vu traité selon son désir, et son cœur a
été brûlé. Dieu fasse quà son tour il ne soit jamais traité
comme je le souhaite ! *
Il n'est pas ordinaire que lorsqu'une personne
voit son ennemi dans l'état qu'il désire son cœur en
* Trèa-célèbre poète persan natif de Schirâz, et qui vivait dans le
x' siècle.
114 JOURéîAL ASIATIQUE.
soit affligé. Toutefois, Fintention du poëtie est de
dire : « J'ai été tellement traité comme mon ennemi
le désirait, que son cœur même en a été ému. » Or,
ceci peut bien être c6nçU par Tesprit, mais nest pas
conforme à Tusage.
La troisième, enfin, c'est Thyperboie que l'esprit
ne peut pas admettre, et qui est contraire* aussi à ce
qui a lieu ordinairement. Le vers suivant de Muta-
nabbi en offre un exemple : •
-» -» j
<>— J i^ ^ ! (^\ v-i b L-JI JjLsiU
Tu as tellement rempli de terreur les polythéistes , que
ceux-mêmes qui ne sont pas encore formés dans le sein de
leur mère te craignent. .
Cependant f esprit peut quelquefois adnjiettre en
quelque chose l'hyperbole dont il s'agit : i " quand
on emploie uue.expression qui rapproche l'hyperbole
de la vérité, comnae dans ce rubâî de Kamâi-i-Is-
mail. . .
Celui qui a dessiné ton visage n a pas à craindre de re-
proche, puisqu'il a fait le mieux possible l'œuvre de ta beauté*
Ta personne, de la tête aux pieds, est telle qu'il convient;
on dirait que quelqu'un en a ordonné l'exécution d'après son
désir. .
AOTJT-SEPTEMBRE 1846. 115
H est éloigné de l'esprit et contraii*e à ce qui arrive
ordinairement, que l^i création dune personne ait
lieu d'après le désir d'un autre. Toutefois, le mot
li^, on dirait, qui est dans le quatrième hémistiche ,
associe l'hyperbole à la vérité. •
2** L'hyperbole nommée^ peut être admise par-
tiellement par l'esprit, lorsqu'elle exprime une idée
fantastique, mais distinguée par la délicatesse et
l'élégance, comme dans ce vers, de Mukhtarî de
Gazna, à la louange d'un cheval :
11 est si rapide dans sa course, que, Jors même qu'il pas-
serait sur le globe des yeux d'un homme endormi, il ne le
réveillerait pas par le contact de son sabot.
3** Enfin , l'hyperbole dont il s'agit peut être
agréée sous quelque rapport par l'esprit , lorsqu'elle
est exprimée sous forme dé plaisanterie , J>A , comme
dans ce vers de Kalîm pour critiquer un cheval :
^|^>— ^ »:>]:> A S' (^ m\ \i\ — fi — j\^ — fi^
f^-^'^ — ' *— ? jtj * — '^ — îr^>^ â!y ^j
O grand prince, ce cheval que tu as donné à ton serviteur
n'a jamais pii , à cause de sa faiblesse , mettre le nez à fair.
Quant à l'immobilité, il a remporté, au jeu de Ghauçar*,
* Ce jeu, qui ressemble au trictrac, est décrit dans le Camoun-i
islam de fett mon ancien auditeur le docteur Herklotts.
116' JOURNAL ASIATIQUE.
le dez de Texcellence. Tu dirais que Kalîm est assis sur un
bois insensible.
SECTION XX.
Ordre ou rèjgle du discours, a^c>^ ju*. .
L'auteur du Tarifât nomme cette figure 4-*^4>s-«
s"^, ce qui a le même sens que Texp^ession em-
ployée au titre de cette section. Elle consiste à insér
rer dans le discoiu*s la preuve , J^^ , et la démons-
tration, {j^j^y de ce quon veut affirmer, confor-
mément à Tusage de la scholastique , d après laquelle
tout discours doit être ime argumentation. S'il com-
prend une comparaison, JouUf, il rentre dans le
syllogisme , (j*»Va5 , proprement dit , et on le nomme
règle ou ordre juridique, er^^ o^jw» K
On trouve un exemple de ce qu'on appelle la
règle du discours, dsius ce passage du Coran ^: (j^^
Iï4>mJJ aM! )i] iL^\ lc>pi*. (( S'il y avait dans le ciel et
sur la terre d'autres dieux que Dieu, certes le cîei
et la terre seraient en désordre. »
Puisque le désordre du ciel et de la terre, dés-
ordre qui aurait lieu avec la pluralité des dieux,
n'existe pas , ce dont ce désordre dépendrait n'existe
pas non plus. La marche de l'argiunentation est ceci :
' A ce sujet, Schams-uddîn entre dans des développements qae
je ne crois pas devoir reproduire ici, et il cite, Comme exemple des
phrases dont il s agit, Targumentation suivant : c>.4«»l ^L« ^j^
OjsXi y^Ojt A^^ ^j*^ Om«»I>:ÎV/« A^^^ J^L J^aJê, «ToUt CC
qui est liquide est propre à laver ; or, le vinaigre est liquida : donc
il est propre à laver. ».
* XXI, 22. . * .
AOUT-SEPTEMBRE 1M6. 117
S il y avait plusieurs dieux, le ciel etla terre seraient
en désordre ; or, comme le ciel et la terre ne sont
pas en désordre, il s'ensuit qui! ny a qnW dieu.
Le vers suivant d*Anwarî offre un autre exemple
de cette même figiu'e:
«X_«l j) ^ti t)Lfi>« iS^ ii^Aj^S (jObj â^-^
On ne peut se passer de toi, car tu es Famé dans le corps
du monde , et il est certain que Tâme est indispensable.
Dans cet exemple , la forme de l'argumentation
est celle-ci : tu es une âme dans le corps du monde ;
or, le corps ne peut se passer d'une âme, donc, le
monde ne peut se passer de toi. . .
SECTION XXI.
Éloquente indication de la cause, JuJUj j^)-*-^-
Cette figure consiste à énoncer au lieu d'une qua-
lité, J-«?3, une cause, (^^, qui s y rapporte. Or,
cela peut avoir lieu de deux manières. Si cette qua-
lité est réelle ou certaine, ^^^t», le'but qu'on se pro-
pose par l'exposition de la cause , c'est de prouver,
cyUjt, que cette qualité a cette cause. Si la qualité
est incertaine y oub'^^, on veut, en mentionnant
sa cause, prouver l'existehce de la qualité dont il
s'agit.
La qualité certaine, *^^^ v.-*-«»3» dont on veut
énoncer la cause, se partage en deux espèces. La
première, c'est lorsque cette qualité a une cause
118 JOURNAL ASIATIQUE.,
connue et usitée autre que celle que les poètes
peuvent lui donner; la seconde , cest lorsque, la
cause réelle nest pas évidente.
La qualité incertaine, cu^bj^, qu on veut prouver,
en exposant sa cause, est aussi de deux espèces. Ou
l'existence de cette qualité est possible , (J^, ou elle
est impossible, ^uJi ou Jlaû , ce qui forme une troi-
sième et ime quatriènae espèce.
Les vers qui suivent mettront alternativement en
lumière la théorie précédente. En voici d'abord un
de Kliâcânî qui ofïre un exemple de la première
espèce de cette figure :
L'aurore a répandu des larmes de sang eh se séparant de
la nuit, et c est ainsi que son visage a eu la couleur du sang.
La cause de la couleur rouge de laurore, cest le
crépuscule ; mais le poète Ta attribuée au regret que
la séparation de la nuit fait éprouver à laurore, et
qui lui fait verser des .larmes de sang.
Je citerai ce vers d'Anwarî comme exemple de la
seconde espèce :
Comme ton œil a versé le sang des amants, tes cheveux
ont adopté la couleur du deuil.
La noirceur des cheveux est une qualité certaine ,
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 119
mais sa cause n est pas connue dune manière évi-
dente. Ici ie poète lui en attribue une d'autant plus
spirituelle, qu'il le fait au moyen d'une comparaison
et d un trope.
Actuellement , voici un «exemple de la troisième
espèce :
O censeur, toi dont la critique a été avantageuse pour moi ;
ta crainte a sauvé de la submersion la prunelle de mon
œilM •
Il est bon de remarquer, au sujet de cet exemple ,
qu'il est possible que le mal que veut faire un cri-
tique devienne un bien à l'égard de la personne qu'il
attaque. Toutefois, comme généralement le mal ne
se change pas en bien, le poëte a indiqué, dans le
second hémistiche du vers qui vient d'être cité,
la cause poiu* laquelle le mal qu'a voulu faire 1^
critique s'est changé en bien. La transformation du
mal en bien est une chose ou une qualité, vJU?^,
incertaine, oub^^jv^, mais la cause susdite en établit
la certitude.
Enfin ie vers suivant de Khjisrau offre un exemple
de la quatrième espèce ;
* C'est-à-dire» la orainte de ta censure ne m'a pas fait pleurer.
120' JOURNAL ASIATIQUE.
L'aurore brillera fout le jour sur ta maison , car le soleii
ne saurait s'élever en cet endroit,
C'est une chose, ou^^, incertaine, os^b^^> et
impossible, ff^, que Taurore dure tout le jour;
mais pour la prouver, c:>U5l, et la rendre possible ,
^\Ctl , le poëte y a assigne une cause dans son se-
cond hémistiche.
SECTION XXII.
Énergie de la louange par le semblant du blâme.
Cette figure est de deux espèces. La première,
c est , lorsque, d une qualité blâmable qu on nie dans
une personne ou une chose, on excepte une qualité
louable sous lapparence du blâme et de manière à
faire entrer la louange dans le blâme,. comme dans
ce vers de Nâbiga:
fa^ .il y fil ^j^ (ai^ J^ ^ » {ù \ '
n n'y a rien de défectueux parmi eux , si ce n'est que
leurs épées sont ébréchées, par suite des combats oà elles
ont été employées.
On voit qulci le poëte nie d abord que lesjiomm^s
dont il s agit aient aucun défaut; puis il tire, par ma-
nière d'exception, du défaut même dont il a nié
lexistehce, un motif de louange sous forme de
blâme, en rappelant la bravoure de ces hommes dans
leurs fi:*équents combats. Par cette manière de s'é-
noncer, le poëte loue d'abord, puis il blâme, puis,
. AOUT-SEPTEMBRE 1846. 121
par Fexception qu'il ajoute,. il exprime Ténergie de
la louange.
La seconde espèce, c'est, lorsqu'on donne à une
personne ou à une chose une qualité louable , ouL©
3^y^, et qu'on ajoute à cette première, sous forme
d'exception, une autre qualité louable , laquelle , selon
les rhéteurs persans, doit avoir plus d'énergie que la
première. On cite comme exemple lehadîs suivant:
{jfriy^ (j-^ à' "^^ ^j^^ g^' w' «je suis le plus élo-
quent des. Arabes, si ce n'est que je suis de Coraïsch^. »
Les rhétoriciens persans admettent une autre es-
pèce de cette figure ; c'est lorsque , au premier abord ,
la phrase paraît exprimer le blâme, mais produit,
en effet, le superiatif de la louange, comme dans
ce vers de Saadî :
Tu peux bien ne pas retourner à la porte de Saadî ; mais
tu ne peux pas sortir de son esprit.
Il semble que l'expressioi^ du second hémistiche,
«tu ne peux pas sortir, » exprime la faiblesse; mais
le but du poète est cependant de relever par là
les charmes et l'amabilité de la personne dont il
parle.
^ On sait que cette^ tribu était la plus noble et la plus civilisée
des tribus arabes.
122 JOURNAL ASIATIQUE.
SECTION XXIII. ' ^ ■
Énergie du blâme par le semblant de la louange.
Cette figure est aussi de deux espèces , commQ la
précédente. La première consiste à nier dans une
personne ou une chose une qualité louable , puis à
excepter de cette qualité, dont on nie l'existence ,
une qualité blâmable, comme lorsqu'on dit, par
exemple : xJI ^^^*é^»^\ (j-* JI^^^u^j xil ^1 »^yis>^ ^ ^^
« il n'y a rien de bon dans un tel , si ce n'est qu'il ^
fait di; mal à ceux qui lui font du bien. »
La seconde espèce consiste à attribuer une qua-
lité blâmable à une personne ou à une chose, puis
à ajouter, à la suite de cette qualité, un autre blâme
sous forme d'exception, comme lorsqu'on dit : xj^
J^U?- xi! ^1 (yéà\3 (( un tel est un libertin , si ce n'est
qli'il est fou. »
Pour ces deux qualificatifs, on peut employer, au
lieu d'une particule d'exception , lJuu*,*«l , ime parti-
cule de restriction , 4iî)t;«>wU«l ; ainsi on peut dire , par
exemple : (yJ^ »j^ ^\s>^ y^ «il est fou, quoiqîi'il
soit libertin. »
Les poètes persans emploient une autre variété
très-éloquente de cette figure. Elle consiste à attri-
buer d'abord une qualité louable à une personne
ou à une chose, puis à joindre à cette qualité ime
circonstance telle que cette louange se change en
un blâme réel , comme dans ce vers de Kalim ^ :
^ Abu Talib Kaiîm Hamdânî , c'est-à-dire natif de Hamadan , en
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 123
Mon obéissance envers Diea ira même vers les cieux, au
jour du jugement, lorsqu'elle sera, avec ma rébellion c«ver«
Diea, d^ns les deux bassins cle la balance.
SECTION XXIV.
Succession \ gX^XHa»]^
Cette figure consiste à donner à un individu ou
à une chose une louange telle qu'il en résuite une
autre louange, conume dans ce vers de Mutanabbî :
«X ^1 -î- Ji ^L L— .lA 3«x Il o% JiJuJ
Tu as dévasté une telle quantité de vies àes ennemis, que,
si tu les réunissais ensemble, le monde ne pourrait que dé-
sirer la prolongation indéfinie de ton existence.
Le but du pôëje est ici de louer la personne dont
il s agit quant à la bravoiu'ç , car ce n'est qu'im guer-
rier et un brave qui dévaste les vies. Quant à la
seconde louange , elle consiste à dire que le ijionde
désire la prolongation indéfinie de la vie de ce brave ,
parce que son existence est un gage d'ordre et de
paix pour le monde.
Perse, a .été surnommé « le rossignol du jardin de la littérature. » Il
étudia à Schirâz, puis il vînt en Hindoustan et fréquenta la cour de
Schàh Jahâu. Il mourut en se rendant en Cachemyr. Il est auteur
de différents ouvrages en vers et d'un diwân. (New.bold, Brief Notice
of the Persian poets.)
^ Ouj plutôt, «faire succéder, faire suivre.»
9-
124 JOURNAL ASIATIQUE.
SECTION XXV.
Eikeloppement, «rl^^^i*
Cette figure consiste à tirer duiie expression deux
sens dont le dernier ne soit pas évident. EHe dif-
fère de la précédente en ce que cette dernière n est
usitée que poiu* louer, tandis que celle dont nous
parlons actuellement a un emploi plus général. Elle
diffère aussi de Yinsinuation, -I^jI , où on emploie
une expression qui a deux ou plusieurs sens, tan-
dis que, dans la figure dont il s*agit ici, c'est de l'en-
semble du discours que doivent résulter les àet^
sens. Le vers suivant de Jamî offre un exemple du
• 3 3 ^\< A J ^ Tj f Jà J,| ^y^
\j • <X ^T ^ C j ? Jà )l v,^ ,5... ]
Je désire retirer de mon cœur tes dards ; riiais cela n'a pas
lieu, pour moi de la part de mon cœur.
«Les dards ne sortent pas du cœiu*)) ou bien
(( mon cœur ne veut pas que je les en retire ; » telles
sont ies deux chqses qui résultent de f ensemble du
vers.
SECTION XXVI.
Double face, <Aa^'-
Cette figure, qu'on nomme aussi (j^JuâJl' J^^^^jû ,
c'est-à-dire, « possédant les. deux choses opposées,»
consiste à ce. que le discours qu'on emploie piiisse
se prendre dans deux sens opposés l'un à l'autre,
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 125
comme , par exemple , dans ce vers arabe où il s agit
d'un borgne nommé Amfû :
Amrû m'a couâu un manteau. Plût à Dieu que ses deux
yeux fussent pareils ! w
C est-à-dire , qu'il soit clairvoyant des deux yeux
ou aveugle. Les deux sens peuvent être admis.
SECTION XXVil.
Le plaisant en vue du sérieux, jcjt aj ^\jj 4jôj\ Jj^F*
Ainsi que son nom l'indique , cette figure consiste
à employer un discours plaisant, quoiqu'on ait çn
vue une chose sérieuse , comme dans ce rubâî : .
^ — A L-S'a^JOI ^l^ U)^^^J3 ^ iS^
«.^Pensez à la fm de toutes choses. Songez, ô vous qui faites
tant de bruit , au deuil qui suivra. N'ayez aucun rapport avec
la prostituée du monde * , et songez à la syphilis de Tenfer.
On voit qu'ici le poète donne des conseils très-,
sérieux sous une forme légère.
^ Cest4-dire , c avec le monde aussi vil qu'une prostituée. » Dans -
le chapitre xvii de TApocalypse, on compare aussi Babylone, ou
plutôt Rome païenne, à une prostituée assise sur une* bête à sept
têtes , lesquelles représentent les sept collines de' Rome.
126 JOURNAL ASIATIQUE. S
SECTION xxyiii.
Dissimulation, (JjlaJI Ji*Lç *. /
Sukakî nomme cette figure «^ ^jU-b* p^ixU i^y^à ,
c est-à-dire à la lettre : «pousser une chose connue
vers un lieu qui ne Ôst pas,» parce que, dit-il,
lorsqu on la trouve dans la parole de Dieu (le Coran),
il nest pas bien de le nommer J^\^ , attendu que
ce nom daction arabe signifie proprenaent paraître
ignorer,, et que cette expression est inconvenante, en
parlant de Dieu. Le double nom de cette figure in-
dique en quoi elle consiste, et il est facile de voir
que par là on veut mettre en relief un bon mot ou
une expression heureuse. L auteur du Tarifât pite
lexemple suivant, qui est tiré du Coran ^ : ^\A j^\ btj
(ijvy» J^^ i ^ï \^<^^ J^ «nmis-ou vouis, nous
sommes dans une bonne voie ou dans un égare-
ment manifeste. >> En voici un autre exemple dans
ce vers de Schâpûr * :
Que tu es aimable, toi qui as tué la nuit et qui m*amè]ft*s
le jour. Mais hélas I quelle est cette personne et comment
a-t-elle tué la nuit ?
Il est évident que, par cette ignorance feinte, le
poëte veut parler ici de la personne qu*il affectionne.
^ A la lettre , « paraître ignorer ce qu'on sait. *
* xxxiv, 23.
* Arjasp Schâpûr. Ce poêle , dont les noms annoncent un secta-
teur de Zoroastre, est, entre autres, auteur d'un diwân dont la
Société asiatique de Calcutta possède un exemplaire.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 127
{ SECTION XXIX.
Indication du motif, ooi.jiij Ja5.
Cette figure consiste à se servir d'une expression
empruntée au discours d une personne et à lui
donner un sens différent de celui dans lequel elle
avait été employée, comme dans ce vers d*Anwarî:
Tu te plains que mon cœur n'éprouve pas d'amour pour
toi. Tu dis vrai , car o'est mon âme qui est animée de ce sen-
timent.
SECTION XXX.
Gradation, ^t>tt*.
Ce^te figure , quon nomme aussi A^\ , louange
exagérée , consiste à mentionner le nom 4e la per-
sonne louée et ceux de ses pères dans l'ordre généa-
logique, eri les accompagnant d'épithètes iauda-
tives; comme si On dit, par exemple : ^j^] ^jI MhJjM\
j<v^r^t «Je généreux, filsi du généreux, fils du gé-
néreux, fils du généreux; à savoir : Joseph, fils de
Jacob, fils d'Isaac, fils d'Abraham.»
Quelquefois on observe l'ordre inverse, comme
dans ces vers de Cudcî^ à la louange de Mahomet,
*■ G est-à-dire ,« succession de louanges. »
^ Hajji Mubammad Khân Gudcî Maschhadî est un poète persan
128 JOURNAL ASIATIQUE.
de Fatime, d'Ali et des sept autres premiers imâms :
L'Arabe Mahomet, printemps du jardin de la religion ; Ali ,
la splendeur des yeux; la belle Fatime \ la l^mière de la
vue ; Haçan et Huçaïn , le printemps du contentement de l'es-
prit; l'ornement des hommes* (joie du cœur et flambeau de
la direction); Bâquir^ et Sâdic* (l'éclat de la bougie de la
chambre du monde) , le maUleureux de la terre de Khoraçân ,
Ali, fils de Muçâ*.
qui vint habiter ïl^de sous le règne de Schab Jahân , dont il reçut
raccueii ie plus Çatteur. (Newboid, A briefaccount ofthè Pers.poeis.)
* [jjbj est le féminin de Tadjectif comparatif et superlatif arabe
^\| , beau; de là le nom de^jVf «^l^^» la belle, mosquée^ donné
à un temple célèbre du Caire. Il ne faut pas confondre, par consé-
quent, fépithète de \ji>\ (Zahrâ), belle ^ donnée à Fatime, fiUe
dcMajïomet, avec le nom arabe de la planète Vénus, ^j^j (Zuhra),
comme on Ta fait quelquefois.
* A la lettre, • des serviteurs de Dieu^ » le poète veut parler d'Ali, le
quatrième imâm, qu on nomme plus ordinairement Zaîn ul Abidin^
expression qui a le même sens que celle que le poète a employée.
^ Muhammad Bàquir, cinquième imâm.
^ Jafar Sâdic , sixième imâm. ^
^ Muçâ est le septième imâm et Mi le huitième. L'épîtbète qui est
ici donnée à ce dernier fait allusion ù la fin malheureuse de ce
prince, qui mourut empoisonné près de Tous en Khoraçân.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. Ï29
SECTION XXXI.
Admiration, o^**
Cette figure consiste à exprimer dans ime vue ou
un but particulier i*étonnement sur quelque chose,
comme dans ce vers de Khâcânî :
jt*X — — ^à (^ k Xé y. — i ftU j\ '^ •!<
Cette coupe et ce vin sont étonnants. On croit voir s'élever
le crépuscule de la lune nouvelle.
Ici cette figm*e est destinée à faire ressortir Téloge
de la coupe comparée à la lune*, et du vin comparé
au crépuscule.
SECTION XXXII.
Incidence, ^tjXc-l*.
Cette figure consiste à employer, avant de ter-
miner le discoiu^Sy un naot sans lequel le sens serait
complet. On nomkie aussi cette figm-e remplissage,
y!*.^ , et on en distingue trois espèces :
* M. Grangeret de Lagrange , qui réunit deux qualités qu on aime
à trouver ensemble, la science et la modestie, a jtublié un poème
remarquable sur le vin dans son intéressante Anthplogiearabe (p. 83
du texte , et 4i de la traduction). Pans ce poème, la coupe est aussi
comparée à la lune. On y lit :
> ^ O— aj « tit j4>->— .î A>^ J^
One coupe pareille à la lune contient ce vin , qui , semblable au soleil ,
est porté à la ronde par un jeune échanson qu'on dirait être le' croissant de
là uouvelle lune. Puis , que d'étoUes brillantes paraissent quand il est mélangé
avec de l'eau I
^ Incisant , pbrase incidente.
130 JOURNAL ASIATIQUE.
La première, cest lorsque le discours perd par
là de la grâce; la seconde, lorsque, au contraire, il
en est embelli ; la troisième , lorsque ni l'un ni lautre
de ces effets n a lieu. Dans le premier cas , cette
figure se nomme mauvais remplissage, ^yji^^^û^^;
dans le second, beau remplissage, ^X# ySé,^ ; dans le
troisième, remplissage moyen., la^yu^jùn^. On ne
rencontre pas d'exemples de la première espèce
chez les bons écrivains ; les exemples des deux autres
espèces sont fi^équents. En voici im du beau remplis-
sage dans le vers suivant d Anwarî :
Si je ris , ce qui a lieu par extraordinaire , elle dit : ris-tu
de dépit? Si je pleure, ce qui a lieu journellement, elle dit :
verses-tu des larmes de sang ?
Ici les expressions <v»y>o»,>y^ 3I ^j^. et c;<u»»^j^ j^
que j ai rendues un peu librement par ce qui a Ucu
par extraordinaire et ce qui d lieu journellement , sont
ce quon nomn^e ^Xo^yS».^, parce que le sens de la
phrase est complet sans elles et que cependant elles
le développent avec art; car elles signifient que la
personne dont le poète parle dit les paroles qu'il lui
attribue , quoiqu'il rie très-rarement et qu'il pleure
beaucoup^ et il a énoncé cette particularité pour
relever l'extrême dureté du cœur de celle dont il se
plaint. ' ^
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 131
ETUDES
SUR L'OimiAfiB XIfTITULB :
RELATION DES VOYAGES
^- . ■ ^^~
FAnS PAB LES ARABES ET LES PERSANS
DANS L'INDE ET À LA CHINE ,
DANS LE IX* SI|!GLE DE L'ERE CHRETIENNE ,
y
Texte arabe de feu M. Langlès; traduction nouvelle, introduction
et notés d^ M Reinadd, membre de l'Institut;
PAR M. ÉD. DULAURÏER.
Les productions si variées et si riches dont la
nature a doté les contrées que baigne la mer des
Indes ont été recherchées dans tous les temps. De-
puis lantiquité là plus reculée, nous les voyons se
répandre, soit par la navigation , soit par les routes
continentales, chez tous les peuples au sein desquels
la civilisation développa le goût et les habitudes du
luxe et dune vie perfectionnée. Dans lancien em-
pire des Assyriens, les épices de Tlnde et tout ce
que cette contrée fait naître avec une étonnante
profusion, ses étoQes élégantes et ses précieux tissus,
étaient des objets d'ime corisomnaation Usuelle ^.
* Justin ,1,1; Hérodote , I , i gS ; lïl , 97 ; Xénophon , Cyropédie, ^-^
VII, 3 et suiv. Anabase, I, 2. Voir la Collection de lois maritimes aii^
térieures au xviii* siècle, par M. Pardessus, t. I;p. ix. C'est un devoir
pour moi de reconnaître les obligations que j'ai, pour une partie
de l'esquisse que je trace ici de l'ancien commerce de l'Orient, aux
excelleirtes dissertations dont ce savant jurisconsulte a cnricl^ii son
ouvrage.
132 JOURNAL ASIATIQIJE.
Les royaupies de Babylone ^ de Ninive ^ et des
Mèdes ^, et plus tard ceiui des Perses, qui les réunit
sous un sceptre commun, nous apparaissent, dans
rhistoire, avec les mêmes instincts, et une ardeur
aussi empressée à les satisfaire ^. A l'époque de la
dominatioi) chaldé.enne, les. navires èe Babylone
sillonnaient le golfe Persique , savant le témoignage
du prophète Isaïe , et une navigation facile les con-
duisait sur les côtes occidentales de la presqu'île en
deçà du Gange ^.
L'Egypte avait fait des progrifes non moins rapides
dans cette voie de l'industrie et du luxe. L'étude, au-
jourd'hui si avancée de ses monuments , nous monire
que ses manufactures employaient des matières pre-
mières parmi lesquelles il y en a que l'Inde seule
fournit , entre autres l'indigo , avec lequel sont teintes
plusieurs pièces d'étoffes qui ont été retrouvées à
Thèbes dans des tombeaux creusés sous la dix-'hui-
tième dynastie ^. Cette circonstance doit donc faire
remonter à une époque bien ancienne l'importation
de cette substance, qu'Arrien, ou l'auteur présumé du
* Isaïe , XIII , 9 ; Jérémîe , li , 1 3.
^ Jonas, m, 2 et 3, ly, 1 1 ; Nahum, ii et m.
^ Hérodote, i, 98.
^ Le livre d'Esther contient (i, 1-7, et viii, i5) de curieuses
descriptions de la splendeur de la cour de Suze.
* Isaîe,XLiii, i4*
* Wilkinson, Manners and cnstoms ofthe ancient Egyptians, séries
the 1"^ vol. III, pag. 1 24 1 1 25. L'époque de la dix-huitième dynastie
est celle où, sous les rois de Thèbes, TÉgypte parvint à son plus
haut degré de puissance et de grandeur. Cette époque s'étend depuis
Tan 1822 jusquen 1476 avant notre ère. .
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 133
Périple de la mer Erythrée , nous représente comme
un article de commerce qui de Bapêapix»/, sur lln-
dus, aiTivait dans la vallée du Nil^ Des enveloppes
de momie ^ ont prouvé que la mousseline de Tlnde
était connue aussi en Egypte; et ce témoignage coïn-
cide avec celui du même auteur, d après lequel cette
précieuse étoffe était apportée des. bords du Gange
dans le golfe Arabique ^. Mais un fait bien plus
curieux encore , c est la découverte faite dans plu-
sieurs tombeaux, à Thèbes, de vases en. porcelaine
de Chine, ayant des inscriptions et des dessins chinois.
Un de ces vases a été retrouvé, par M. Rosellini,
dans un tombeau encore intact, dont il fixe la date,
d'après le style des sculptures qui le décorent,
à une époque qui ne peut être de beaucoup posté-
rieure à la dix -huitième dynastie *.
Ces faits et les bas-reliefs des monument^ ne
laissent aucun doute sur les expéditions maritimes
et le commerce des anciens Egyptiens dans la mer
des Indes. Hérodote atteste que Sésostris fui le pre-
mier qui, franchissant Ip golfe Arabique avec une
flotte de vaisseaux longs, rangea sous son autorité
les habitants des côtes de la mer Erythrée ou mer
des Indes ^. Dun autre cq(té, plusieurs souverains
de la dix-huitième dynastie portèrent leiu's armes
* Périple de la mer Erythrée, dans les Geograpki minores d'HucU
8on, t. I, p. 2 2. -T- * Wilkinson, ouvrage précité, sér. I, vol. III,
pag. 121, 12 2. — V Périple précité, pag. 22.
* Wilkinson, ibid, ib. pag. 106, 107, 108. — Rosellini, Monu-
menti delV Egitto e delh, Nuhia, part. II, vol. II, pag. 337.
^ Hérodote, II, 102. Les prêtres égyptiens lui racontèrent que
134 JOURNAL ASIATIQUE,
dans la haute Asie, et eurent probablement des
communications avec les pays qu'arrose ilndus.
Suivant rhistorieii Hécatée, le i'oi Osymandias fit
rentrer sous le joug la Bactriane, soumise par Së-
sostris, Tun des prédécesseurs de ce monarque ^
Les inscriptions de Thèbes, lues par lui prêtre
égyptien à Germanicus, lorsqu'il visita cette ville,
déclaraient que le pharaon Rhamsès, à la tête d'une
armée dé sept cent mille hommes, avait envahi la
Libye, TEthiopie, la Médie, la Perse, la Bactriane,
la Scythie, et s était emparé des pays habités par
les Arméniens et les Cappadociens leurs voisins,
jusqu'à la mer de Bithynie d'un côté , et la mer de
Lycie de l'autre ^. Au nombre des conquêtes de Me-
nephthah I*', les grands bas-reliefs de Karnac men-
tionnent, parmi les noms que l'on a su lire jusqu'ici,
la Mésopotamie ou Naharaïn , ""^^^^ ^.^^n^ et
m Vl^ V 1 *-■-•, l'Aram-Naharaïm,
onn: Dix des Hébreux. On lit aussi le nom d'Aram
_ ^ I ® ^^^ ^^ statue d'un prêtre, au muéée
du Vatican , et Champollion a retrouvé sur les mo-
wvyww à à
numents les noms de Ninive , ''^^^^ 1 1 *-■-• et de la
Perse, ^^^
Ces expéditions militaii^es , qui ouvrirent aux
Sésostris fit voile encore plus loin, jusqu^à une mer qui cessait
d'être navigable à cause des bas-fonds. (Ibid,)
* Diodore de Sicile , I, 47 et suiv. — ^ Tacite, Âtmales, II, 60.
— * GbampoUion , Grammaire égyptienne, pag. i5o, 169 et Soi ;
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 135
Égyptiens les routes de la haute Asie, conduisent
naturellement à supposer qu*ils s y créèrent des re-
lations commerciales.
Les livres hébreux attestent pareillement les rap-
ports qui existèrent entre les peuples de TAsie oc-
cidentale et rinde. Moïse parle du cinnamome à
1 odeur parfumée, ou cannelle, ofe^a p^p ^, et il en
est question aussi dans le livre des Proverbes^ et
dans le Cantique des Cantiques ^, ]M2Zp,
Les Phéniciens avaient appris à Hérodote que l'Ara-
bie était le seul pays où croissait cette précieuse
écorce^ C'est là évidemment une fable misé en avant
par la précaution jalouse d'un peuple marchand pour
dissimuler la véritable origine d'un produit dont il
craint que la concurrence étrangère ne s'empare.
Toutefois il n'ignora pas qu'elle venait des lieux où
Bacchus fut élevé , c'est-à-dire l'Inde , suivant les doc-
trines mythologiques des Grecs; et il ajoute, avec
cet esprit judicieux qui le caractérise, que cette opi-
nion s'appuyait sur des conjectiu-es vraisemblables ^.
Le nom de cinnamome, aivvafiov ou aivvdficûfiov ,
était, suivant cet historien, d'origine phénicienne;
ce qui indique que les Phéniciens, qui allaient cher-
cher la cannelle , soit directement dans les contrées
où elle est indigène, soit de seconde main dans
Dictionnaire kiérogljphitiue , pag. 278, 3o8, ^35 et 5oi. Il faut remar-
quer que le nom hiéroglyphique Naharaîn reproduit la forme chal-
déenne du duel, et non point la forme héhraîque, comme Va sup-
posé, d'après sa transcription, fillustre archéologue.
* Exode, XXX, aS.— ^* vu, 17. — ' iv, i4. — * Hérodote, m,
107. — ' Le même, III, 111.
136 JOURNAL ASIATIQUE.
TArabie méridionale, en avaient, à cette épocj^e,
le monopole. ""
La canne odorante désignée par Moïse sous le nom
de Dtra nip ^ par Jérémie, sous celui de aitarr n^p^
et par Ezéchiel, dans le magnifique tableau qu'il nous
a tracé du commerce de Tyr, sous celui de nap sim-
plement ', me semble devoir être le çalamus odo-
ratas de llnde , confondu par Pline avec le calamus
odoratus de Syrie *, mais que Dioscoride a très-bien
décrit ^, et qui , pour les qualités aromatiques,
remportait de beaucoup sur ce dernier. Jérémie, qui
paraît avoir eu des notions précises sur sa provenance,
affirme que l encens était apporté de Saba, mais que
les cannes odorantes venaient des pays éloignés ^.
L'énumératïon des pierres précieuses que Tyr
recevait est si abondante dans Ézéchiei '', que ion
est en droit de supposer qu'on les tirait, non-seuie-
ment de l'Ethiopie, mais encore du Dekkan, qui
possède les mines les plus riches de pierres précieuses
et dé diamants *.
Si les Phéniciens furent pendant longtemps les
principaux agents du commerce orientale, nous
savons , par d'autres témoignages , que les peuples
* Exode, XXX, 2 3. — * vi, 20. — ' xxvii, 17. — * Histnat,
XII, 48. — ^ Dioscoride, i, 17.
• pnnD yiKD aiion n:pi Kun xatfD ^\l^2h '•V nrnD**?.
VII, 20. — ' XXVII, 16, et XXVIII, i3. — 'Rufi Festi Avieni Des-
cript orh, ierr. vers. 1 320-1826, et Prisciani Periegesis, v. 1010 et
sqq. e typogr. Bipont. Argentor. in-8*, 1809. (Cf. M. Pardessus, Col-
lect de lois marit tom, VI, pag. 365, 867.) — • Isaïe, xxiii, et
Ézéchiei, xxvii, passim, (Cf. Agatharch. De Bubro mari, pag. 65,
dans les Geogr. min, d'Hudson, tom. I. )
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 137
de l'Arabie méridionale, qui^ pôf: leur position géo-
graphique, ont dad evenir de bonne heure navigateurs
et maix^hands, y prirent une part très-active ^ Aga-
tharcbide raconte que c est chez les Arabes que les
Phéniciens allaient s-approvisionner des marchan-
dises gui, pendant des siècles,. enrichir èpt Tyr et
Sidon ^. Les premiers Grecs qui pénétrèrent^ dans
la mer Erythrée trouvèrent les Arabes sabéens çn^
possession du commerce de l'Inde '. Ils s^ rendaient
dans des barques couvertes de cuir, et dans la
construction desquelles il n'entrait pas im clou*.
Ges voyages njarijimes, quoique réduits à l'état
de cabotage, à cause de l'imperfection de la navi-
gation à cette époque, ne remontent pas moins
à \me très-haute antit^té.Petra et. Maccoraba, qui
a été plus tard la Mecque, étaient deux marchés
considérables où affluaient les productions du pays
des Sabéens, et celles qui arrivaient à Mariaba,
principale ville 'de ce pays ^. Ces richesses, et le
nombre des villes que l'Arabie renfermait, avaient
inspiré à Alexandre -le désir d'en faire la conquête;
et Arrien, qui lious révèje ce projet du héros ma-
cédonien , met au nombre des productions de FA-
rabie des denrées évidenimeiit originaires de Tlnde
* Périple précité , pag. 1 5.
. ' Agath. loc. laud, pag. 65.
^.Agath. ifcirf..— StraboD,XVI, lai.
^ Pline, Hist, nat X(I, 19. Voir Maltehrun, Histoire de la gèo»
graphie, liv. X, dans sa Geogr. umvers. revue par lyt. Huot, tom. I ,
1^, 109 de redit de Forne; Paris, i84ir
' Strabon, XVI, 3> SS 4 et 6.— Diodore, H,
48;lII,/i2.
138 JOURNAL ASIATIQUE.
ou de Ceylan , comme la, cannelle , le laums-cassia
(sorte de cannelle) et le nard^. Chez les Sabéens,
qu'Auguste essaya vainement de ranger- sous son
autorité , de simples particuliers possédaient , au
dire de quelques historiens, une opulence égaie
à celle des rois ^. Ces trésors n'avaient pu 5 accu-
mui.er, ces villes devenir florissantes, que par un-
commerce régulier, et déjà ancien au temps d'A-
lexandre, des peuples de l'Arabie avec l'Inde, et peut-
être avec des contrées plus reculées vers l*Orient, et
par des relations longtemps entretenues avec les na-
tions qui venaient se . fournir chez eux des denrées
que rinde produit.* Sous les premiers empereurs
romains , la partie de la côte orientale d'Afrique où
est situé le promontoire des Aromates, était dans
la dépendance des Arabes, maîtres de tout le com-
merce, et un de leurs souverains s'y était attribué
une sorte de monopole ^.
L'Egypte , sous les Ptolémée et sous la domination
* Tris je xj^pas ^ e^Satftovia ùitetthet avrov, Sti i\xovev ex fièv tSp
'ktu.v&v riiv xacriav ylyveaQcu œitoîsy dvà Se rav èéwèptùv Ti)y afiiipvap
re xai rèv 'Xi^otvanàv , èkH t&v Q^(JiPù)v t6 Ktvv(i\ua{iov jéfiveaBai' oi
\eifJL&pes Se 6>n vàpSov, ayj6\uetpi èxfépown ...... itapàoxefv Se xed
ifàXsts èvotxtaOrjvou , xal ta.v'vas yevéadcu eCSoJitovas. [Eœpédilion âA-
leœandre, liv. VII, pag. 3od , '3oi, éd. Jacob. Gronovius, Leyde,
in-fol. 1704.)
' Agatharcb. loc, laad. pag. 65, et Prisciani Periegesis,
Nam populos pascit fdiccs divite terra ;
Floribus et variis miracula prœbet odoris. #
Vcstibns auratis quare gens utitur illa.
(V. 875-ôlip.)
Pluie, HisU nat Xfl, 19; Périple précité, pag. 10.
AODT-SEPTEMBRE 1846. 139
impériale, en1|i^ pour une large part dans çé trafic
lucratif, et envoya de fréquentes expéditions sur le^
côtes de iHide \. Majs les Arabes, on ne saurait en
douter, continuèrent les leurs avec la même acti-
vité. Ils durent profiter de la découverte des mous-
sons , si même ils ne la connaissaient pas auparavant ,
faite dans le milieu du.f" siècle de notre "ère , par
un navigateur romain nomfné Hippalus. C'est lui.
(jui le premier, suivant Pliiie ^, reconnut la pé-
riodicité des vents qui, dans les mers orientales,
soufflent pendant six mois alternatifs» c est- à-dire
à partir du solstice d'été jusqu'au solstice d'hiver,
dans la direction du nord -est au sud-ouest, et,
pendant les six autres mois , dans un sens con-
traire. Cette découverte , 'en permettant aux navires
de s'éloigner des côtes" pour s'abandonner à l'im-
pulsion des moussons, donna la possibilité de se
rendre immédiatement du détroit de Bab-el-Mari-
deb vers le golfe de Càmbaye, et d'en revenir dans
l'espace d'une aqnée. -
Que les Indiens se soient livrés de très-bonne
heure à la navigation, c'est là un fait dont il' existe
des traces dans les antiques monuments 'de la littéra-
ture sanskrite, coïnme le Ramayana, le Sakountala,
et surtout dans le Code de Manôu, xjui contient
plusieurs dispositions de droit maritime ^^ Ils fré-
* iM. Pardessus, CoWcc^ tom. VI, pag. 366.
* Hm. nflt.VI,26. .
^ M. Par4éssus, Collect. tom. VI, pag. 368h. On trouve dans ce
volume la partie .du Code deMaiiou, traduite'pàr M. £ug. Burnouf,
qui règle le droit de la mer (pag^ 385-388).
140 JOURNAL ASIATIQUE. .
quentèreift ie golfe Persi(jue et les ci^es de TArabie ,
ainsi que Imdique Agatharchide^ ; et dans des temps
postérieurs, sous les khalyfes de Bagdad j'iis faisaient
des descentes armées et considérables jusque sur
les bords du Tigre 2, ce qui nous ^lutorise à penser
qu'ils en avaient appris le chemin deplris longtemps.
Quoiqu'un célèbre historien anglais, Gibbon, se
soit montré fort peu disposé à croire aux anciennes
navigations des Chinois dans la mer des Indes ^, il
nen est pas moins certain maintenant, d après la
relation du voyage du prêtre bouddhiste Fâ-hian,
que leurs navires, au iv* siècle de notre ère, se ren-
daient dans ie golfe du Bengale , et jusqu'à Ceylan * :
et l'itinéraire d'un autre voyageur chinois liommé
Hiouan-thsang, qui vivait au commencement du vu*
siècle , nous conduit tout le long de la côte occiden-
tale de la presqu'île de l'Inde jusqu'aux embouchi4res
de rindus^. Nous savons qu'ils fréquentaient ces pa-
rages, ainsi que ie golfe Persique, sous le règne de
la dynastie des Thang^. Deux écrivains arabes cités
* Agâtharch. loc. land, pag. 66.
* Cf. M. Reinaud, Relation, Discours préliminaire, p. xxxvii.
^ « I am not qualified to examine , and I àm not disposed to believe
their distant voyages to thé Persian Gulf, or tbe cape of Good
Hope. 9 ( The history of décline and f ail of the Roman empire, chap. XL,
pag. 669. London, iSSg, impérial 8'.)
* Foérhoue-ki, ou Relation des royaumes bouddhicpes , etc. tra-
duit du chinois et commenté par Abel-Rémusat, Klaproth et M. Lan-
dresse. Paris, Imp. roy. 1 836, in-4*.
^ Itinéraire de Hiouan-tlisang , traduit par M, Landresse; Appen-
dice au Foe-kouë-ki, pag. 892, SgS.
^ Klaprotb, Lettre û M. de Humboldt sur l'origine de la boussole,
pag. 95. M. de Walckenaêr, Monde maritime, iom. I, pag. 221 et
AOUT-SEPTEMB^pE 1846. 141
par M. Reinaud, Massoum et Hainza d'Ispahari, l'un
du ix* siècle de notre ère , et l'autre du x*, s'accordent
à dife que, dans la première moitié du v® siècle» la
ville de Hira, bâtie au sud-ouest de lantiqùe Baby-
lone, à quelque distance du lit actuel de TEuphrate ,
et qui était alors le chef-lieu d une principauté vas-
sale de la Perse, voyait constamment amarrés de-
vant ses maisons des navires venus de Tlnde et de
la Chine ^ Deux autres auteurs arabes, lé géo-
graphe Édrisi, qui vivait au xii® siècle, et le célèbre
voyageur Ibn^athoutha , qui, dtms le xiv', parcou
rut presque ftitièrement . le monde connu -à cette
époque , nous disent que les navire*chinois, se ren-
daient à Ceylan^ et sur la côte sud-ouest de Tlnde
citérieure, à Koulam, jCalicut et Hyly*.
Les habitants.de Tarchipel d'Asie avaient part,
eux aussi, au commerce général de la merdeslndes.^
mii// de Tédition in -8", et le même, Mémoire sur la chronologie
jcSoanaise et sur l'époque di^la fondation de MadjapaKit, dans les'Mém.
de TAcad. des inscr. tom. XV, i" partie,, pag. 224. M. Pardessus,
Cott^ct. tom. VI, pag. 373.
* Relat. t. I, Disc, prélim. p. xxxv.
* Édrisi, dans sa géographie intitulée ^^tjX^t ^ ^Lcitî i*jj
^Uûf t Bécréation dé t Homme qui désire traverser les pays. (Ms. de la
Bibl. roy. suppl. ar. n* 656, fol. 19 r. Trad. franc, par M» Amédée
Jaubert, t.*I,p. 73.) ' ^. ■ ^ .
^ Ibn-Bathoutha jUu-^f c-mUe^ jUâ^oif t o^fj* j jUiiJf mjC*
Le présent des gens qui observent les singularités des villes et les mer-
veilles des voyages, (M&. de la Bibl. roy. suppl. ar.n* 667» II* partie,
foi. 60 V.) Je doime ici, une fois pour toutes, l'indication complète
du manuscrit dlbn-Bathoutha dontje me suis servi pour mon tra-
vail. Je ferai de même pour tous les manuscrits que j aurai Tocca-
sion de citer.
142 JOURNAL ASIATIQUE.
he caractère aventureux des Malays et leur posi-
tion insulaire leur ont fait entreprendre , dans tous
les temps, les pérégrinations maritimes les plus har-
dies ^ Il paraît que leurs courses s'étendirent au
loin dans cette mer , à une époque très-réculée -,
puisque les habitants de Madagascar se rattachent
par le langage à la même souche qu'eux , langage
qualifié, par un géographe moderne, de'ia déno-
mination aussi ingénieuse que vraie de malay afri-
cain^, tandis que, dun autre côté, à Test, des
peuples de même race gagnèrent de proche en
proche les dernières îles de loçéàn^^Pacifique.
Le code maritime de .Malacca , compilé vers
la fin du xiif siècle d'après de très -vieux docuT
ments ^, et où sont consignés des priiîcipes qui rap-
pellent souvent ceux dés nations^les plus civilisées
de l'Europe moderne, nous offre une législation
* Dr. Lang, View of the origin and migrations of the Poljrnesiian
nations, pag. 67, 58. London, in-8*, 1807. Crawfurid, Historj oj
the indian Archipelayo, vol. II, chap. v. Edinburgh, 1820, 3 vol.
in-8^
* Domeny de Ricnzi, Ckéanie, tom. I, pag. 78, dans la Collection
de rUnivers pittoresque, publiée par MM. F'irmin Didot.
^pUbjwi «-) iJ<X»jX\ iiiuUwoLô jLôJ^ (^LkL, ^j\j^ c5^^.
(J^viLo (j3d. « Ces couturties ont été recueillies de la bouclie des
' vieillards à Tépoque où le royaume de Malaca était florissant, sous
le sceptre du sultan Mohammed:Schah , commandeur des croyants. »
[PréambaU da Code maritime de Malaca, Collection de M. Pardessus,
tom. VI, pag. 390, Sgi. Cf. la Charte de «concession de ce code,
ibid. pag. 422.] Le sultan Mohammed-schah , le premier souverain
musulman de Malaca, régna depuis Tannée 12 76 jusque» en 1 333.
AOUT-SEPTEMBRE 1S46. 143
perfectionnée par une longue pr^ime de la mer.
La mention de ces anciennes TOvigatiôns nous
est d'ailleurs fournie par les auteurs arabes. Édrisi,
qui, malgré les graves reproches (jue Ton peut lui
adresser pour la confiisioh avec laqueilt il décrit la
mer des Indes eV^iarchipel d'Asie , n'en à pas moins
le mérite de s'être servi, dans la rédaction de cette
partie de son livre,. de documents très-exacts et
d'une valeur réelle pour la plupart, Edrisi nous
apprend, au commencement de la vit* section du
I*" climat, que les habitants des îles du Zabedj , les-
quelles correspondent à l'archipel d'Asie , ainsi qu'on
le verra plus loin, se rendaient en Afrique, dans
le Zanguebar, avec de grands et de petits navires
chairgés de leurs marchandises. Ce comiilerce était
assez fréquent et assez ancien pour que les ha-
bitants des deux pays eussent appris à comprendre
le langage les uns dé^ autres. Dans la section sui-
vante du même climat, il raconte que les gens du
Zabedj allaient chercher du fer 4ans le Sofala, en
Afrique, pom* ie transporter sur le continent et
dans les îles de l'Inde, et pour l'y vendre. Un peu
plus loin (ix® section du même climat), il ajoute
que les marchands du pays du Mahjgo^adja , c'est-à-dire
des pays du Zabedj , étaient en relation de commerce
et d'amitié avec les habitants de la ville de Djebesta ,
dans le Sofala ^, Or, commeEdrisi, qui vivait, ainsi
que nous venons de le dire, dans le xii* siècle, a
• * Nozhet-al-moschtak , fol.. i5 v. 17 r. et 20 r. trad. fr. tom. 1,
pag. 58, 65 et 78.
144 JOURNAL ASIATIQUE,
puise ses renqgfenements dans des écrivains qui
lavaient préceoe de deux ou trois cents ans, et
qu il a fallu un certain laps de temps pour que ces
renseignements parvinssent à ces derniers, il est
évident quih faut faire renfionter plus haut que le
IX® siècle l'existence des relation^ qui, suivant ce
géographe, avaient lieu entre les habitants de l'ar-
chipel d'Asie et ceux de Tln^ et de la côte orien-
tale d'Afrique , c'est-à-dire à l'époque où le com-
merce des Arabes et des Persans dans la. mer de
Indes était le plus florissant. Ibn-Bathoutha compte
les insulaires de Java (Java la Menor de Marco-Polo,
ou Sumatra) parmi les nations qui se rendaient à
Calicut, »^(43 (jv^ï J^J U.>o^. ...LyUb iU^Js^.
Le commerce des habitants de l'archipel d*Asie
avec les ports de l'Inde fut assez considérable pour
donner lieu à des négociations diplomatiques, des-
tinées sans doute à en régulariser et en assurer
l'exercice entre les souverains de Sumatra et cf ux
de Dehli. Ces rapports devaient être assez fréquents,
ainsi que l'on peut en juger par l'ensemble de la
relation que nous a donnée Ibn-Bathoutha ^ de ia
visite qu'il fit au sultan de^umatra, dans ks états
duquel il aborda. Ce célèbre voyageur rencontra
à la cour de ce prince un de ses émirs, nommé
Kmi^^ , avec lequel il s'était lié lorsque celui-ci filt
envoyé comme ambassadeur auprès de l'empereur
* Ibn-Bathoutha, 11' part. rpL 61 v.
/6iU fol.80 V.81 etSaf!
AOUT^SEPTEMBRE 1846. 145
de Dehli. Voici le passage où il parle de cet ëmir :
â^^ »J^^JU9 AJîju^ ^^vA^ ovil^ ^«XJvi^ iL¥*i^:> jM^i] J^^
Lorsque les tribus de l'Arabie se réunirent, à la
voix de Mahomet, pour former une grande nation,
leurs expéditions maritimes et leur commerce prirent
un essor considérable. Bassora, fondée par Omar
au-dessous dii confluent de TEupbrate et du Tigre ,
s'éleva en peu de temps comme la rivale de Séleucie
et d'Alexandrie. Ce fi^t alors que les musulmans
s'élancèrent dans l'Inde avec une ardeur retrem-
pée dans cet esprit d'enthousiasme religieux et guer-
rier que le Prophète avait su leur inspirer, et que
leiurs premiers succès , si éclatants , ne firent qu'ac-
croître. Leurs armes ouvrirent de nouvelles voies
aux pacifiques conquêtes du négoce et de la marine
marchande. Un document d'une haute valeur, re-
latif aux premières expéditions militaires des Arabes
dans l'Inde et aux relations commerciales qu'ils s'y
étaient créées, est celui que fournit Beladori.
Cet écrivain , dont le véritable nom était Ahmed ,
fils de Yahya, <s^ (^ «>^-^' , vécut à la cour du kha-
lyfe de Bagdad Motawakkel vers le milieu du ix^siècle,
et moiunit l'an 279 de l'hégire (892 de J. C). II a
retracé dans un ouvrage dont un exemplaire manus-
crit est conservé dans la bibliothèque de l'université
deLeyde, et intiljCdé ytJ^-lJ! ^^ v^^^> l^s con-
quêtes des musulmans en Syrie ; en' Mésopotamie ,
^ Ibn-Bathoutha, ibid. fol. 81 r.
146 JOURNAL ASIATIQUE.
en Egypte, en Perse, en Arménie, dans la Tran-
soxiane , en Afrique et en Espagne . dans les temps •
voisins de la naissance de J'islamisme. Le chapitre
relatif aux premières Invasions dés Arabes dans la
vallée de Tlndus, conununiqiié par M. le docteur
Reinhart Dozy, orientaliste très-distingué de Hol-
lande, à M. Reinaud, est déjà connu du lecteur,
sous les yeux duquel il a piassé, traduit et enrichi d'un
savant commentaire par ce dernier^. Ce récit de
Beiadori enibrasse les temps écoulés depuis le kha-
lyfat d'Omar, sous lequel une expédition, partie de
rOman^, alla pilier les côtes de Tlnde , jusqu'après la
mort du khalyfe Mo'tassem-billah , fils de Haroun-al-
Raschid, Tan 842 de J. C. Il éclaire d'une nouvelle
lumière cette partie de l'histoire des Arabes que les
plus anciens écrivains de cette nation , comme Tha-
bari, Massoudi, Ibn-Haukal, n'ont connue et dé-
crite que d'une manière très-imparfaite.
Je dois faire ressortir du récit de Beiadori les
circonstances qui ont trait au sujet dont nous nous
occupons. Les expéditions militaires qui suivirent
celle qui eut lieu sous Omar, dirigées vers les fron-
tières occidentales des pays que baigne l'Indus, ne
furent que des courses rapides dont le pillage était
l'objet principal. Mais, vers l'an 696 , sous le règne
du khalyfe ommyade Walid, fils d'Ahd-al-Malek , les
^ Journal asiatique, cahier de février^mars i845. M. Reinaud a
réutii dans un tir^e à part les fragments qu il a publiés sur Tlnde,
dans les cahiers d'août , septembre et octobre 1 844 , et février-mars
i845.
» Vers Tan 16 de Thégyre (636 de J. C).
AOUT-SEPTEMBRE 184^. 147
conquêtes de^ musulmans prirent un ciaractère de
stabilité. Mohammed , fils de Cassem , ayant été investi
par son cousin Hadjadj , gouverneur de Tlrak, du
commandement des frontières de ilnde , c est-à-dire
duMekran etdes payslimitropnes,^se prépara à porter
les armes dans le Sind. Le prétexte de cette agression
fut que Daher, souverain de la ville de Daybal, cKa^:>\
avait refusé, malgré les invitations d'Hadjadj, ou plu-
tôt avait été dans Timpossibilité de rendre à la liberté
des femmes musulmanes que le roi de l'île des Rubis ,
t^y^lAJt. '^j^j^ (Ceylan)^ avait offertes à Hadjadj,
• #
^ Vilte située sur les bords de la mer, à roccidenl des embouchures
de rindus, et très-riche par son commerce. (M. Reinatid, préface
de ses Fragments, pag, xxi du tirage à part.)
* L'historieaFerischtah, cité par M. Reinaud, dit qu il faut ei%
tendre Ceylan par Tîle des. Rubis.- Un passage de Cosmas, où il
parle des rubis que cette île fournit, confirme ce rapprochement :
Avril oZv i\ ^tekeSlSa, \U(m 'Sfœs tvyy^dvovaa rris tvStxrjs, éy^piiaet Se
xai ràv vdxtvdov. ( Topographie chrétienne , dans la Collectiù nova
Patrunt de Montfaucon», tom. II, pag^ ^37.) Les géographes et les
naturalistes arabes mentionnent souvent le rubis comme Tune des
productions les plus précieuses de Ceylan. (Voir Aboulféda, Tak-
wjrm-al-Boldan, éd. Reinaud et de Slane», pag. 3"75; Kazwini, Ad-
jayb-al'Boldan, ms. de la Ribliothèque royale , ancien fonds arabe ;
n" 899, fol. 29.)
Ibn-Bathoutha , dans sa description de Ceylan , donne dé curieux
détails sur le rubis, a Le plus beau (le véritable rubis), ou escar-
houcle , ne se trouve , dit-il , que dans ce pays. Une partie est retirée
dé Tembouchure du fleuve , et ce sont les rUbis les plus estimés ; une
autre partie^ est extraite dii sein de la terre. On rencontre le rubis
dans toutes les parties de Tîle. ... Il y en a de rouges, de jaunes et
de bleus, que Ton appelle neilam (sansk. :f^ bleu, azuré). La cou-
tume est que lorsque cette pierre précieuse vaut cent faoams (sansk.
qfIJT, pièce ae monnaie valant actuellement vingt gandas ou huit
cauris) elle est réservée pour le sultan, qui en donne via valeur,
148 JOURNAL ASIATIQUE.
et que des pirates de race*meyd des envirpns de
Daybal avaient enlevées sur le navire où eUes étaient
embarquées. Ces femmes étaient nées de parents
musulmans fixés à Ceylan pom* y. faire le commerce. ,
Ce fait curieux, rapporté parBeladori, nous intéresse
particulièrement au point de vue où nous sommes
placés ici ; car il en résulte la preuve que les Arabes
fréquentaient Ceylan depuis asse^ longtemps pour
y avoir fondé des* établisisetnents permanents. Mo-
bammed soumit rapidement tous les pays qu*il tra-
versa, et il s'empara des villes qui se trouvaient sur
son passage depuis Kyzeboun , {jyyfî» ^ jusqu'à Meid-
et la prend pour lui. Les rubis d'un prix infërieur sont pour ses
courtisans. Le change de cent fanaqis est de six dinars d'or. »
Je transcris ici le texte de ce passage, parce qu'il contient,
dans sa ^dernière partie , quelques indications de plus que l'abrégé
de Beylouny , dont s'est servi M. Lee pour sa traduction anglaise
d'Ibri-Batboutba, et parce que ma version s*éloigne assez sensible-
ment de celle de ce savant orientaliste :
(Fol. 73'r.)c> Jtj ff^j-^jAîU^
* Principale ville du Kerman , suivant l'auteur du Merased-al'
Iuhila\ ou plutôt, sans doute, du Mekran, comme le fait observer
M. Reinaud. (Fragm, pag. 192.)
AOUT-SEPTEMBRE 1846/ 149
tan, dans la vallée de Tlndus: Cependant, le khalyfe
Walid étant mort, son successeur, Soleymato, pré-
posa Saleh, fils d'Abd-al-Rahman,' aux impôts de
rirak, et nomma Yezyd, fils. d'Abou-Kabscbah ^ al-
Saksaky, JitJi*J\ *-'*H^ j.', 0J *>^ > gouyerhem»
du Sind. Saleh fit périr Mohammed dans les tortm*es.
Après lui, les musulmans fondèrent, à ime époque
qui correspond au règne* des derniers Onâïnyades,
une ville à laquelle Hakem imposa le nom d'Al-Mah-
foudha, AÎôybsJt , ou «la bien gardée,» la,quelle
devint une place de sûreté pom* les musidmans et
leur capitale, ainsi qu'Al-Mansoura , ijyajJkS , wla
victorieuse, ))49Ù, plus tard, résidèrent les gouver-
neurs^.' Lorsque la dynastie des Abbasides fiit montée
sur le trône , Mousa , devenu maître du Snd , répara
la ville d'Al-Mansoura et agrandit sa mosquée. Sous
le khalyfe Al-Mansour , lés musmmans subjuguèrent
les parties méridionales du territoire de Kaschmyr et
toute la province du Moultan, et,- ayant gagné par
mer Kandahar, ils s en emparèrent. Le règne de
Mamoun les vit pénétrer jusqu à Sindan ^, qu'ils oc-
cupèrent,, et où ils bâtirent une mosquée djami.
Amran , devenu gouverneur du Sind sous le khalyfe
Mo'tassem-Billah , se porta dans le ICykan ^ habité
* Nom restitué par M. Reinaud.
* Au nord de la ville actuelle d'Hayder-Abad ^ où fut bâtie plus
tard Nassirpour. (M. Reinaud, Fraym, p. xxr.) La ville Al-Mahfou-
dba paraît n'avoir ^as été éloignée d*Al-Mansoura. (Voir ibid, Be-
ladori, texte, pag. 177, 178, et trad. pag. 209, 210.)
' Voir plus bas, pag.i 52.
^ Le pays de Kykan faisait partie du Sind, du côté du Khorassan ,
150 JOBRNAL ASIATIQUE.
parle&Zatbs, les vainquit, et fonda, dans la contrée
de Noucat \ une ville qu il nommaAi-Baydâ , «^UàiAifJl,
uia blanche», où iKëtablit une colonie mili-
taire. Ces. conquêtes durent profiter singulièrement
aux relations commerciales . des Arabes. Il parait
quils étaient répandus 'partout dans ces contrées,,
puisque nous, voyons dans Beladori des marchands
convertir, sous le règne dp Mo'tassem-Billah , le roi
dun pays qu'il appelle Al-'O'sayfaii , et qu'il place
entre le Kaschmyr, le Moultan et le Kaboul ^. .
Le commerce des Arabes s était développé , non-
seulement dans les lieux voisins de Tlndus, où ils
dominaient, comme dans la ville de^^Daybal, mais
encore dans la plupart des villes importantes qui
s'échelonnaient tout le long^de la côte occidentale
jusqu'au cap Comorin et Ceylan^.
L'ouvrage que j#me suis proposé d'analyser ici
indique l'existence dé ce commerce sur ce littoral ,
et Massoudi, presque contemporain de l'époque
où il fut rédigé-, Ibn-Haukal, qui vécut quelques
années plus tard, et, comme eux, Aboulféda au
^JL«fJck (jj Ltf oJuJt ^^ fjj^ ^^UuiiJf^. (Beladori, 'Frcufm.
pag. 162.)
* Ce mot est écrit (^l^yJf ou ^UyJf. M. Reinaud fait remar-
cper, d'après le Merased-alltihila, que la forme indigène était iVoa^
bby . Ce pays était contigu avec le Kykan.
'^ J^'G O^^^^J^^ iJ^ ^liu^f. (Belad. Fragm,p. \Si.)
^ Cf. M. Reinaud, Extrait d!un Mémoire géographique, historigue
et scientifique sur l'Inde , antérieurement au milieu du xi* siècle de
Tère chrétienne, d'après les écrivains arabes, persans et chinois,
lu dans la séance publique annuelle de TÂcadémie des inscriptions,
du 21 août 1846, pag. 28.
1^
AOUT-SEPTEMBRE 1840. .151
XTii* siècle, et Ibn-Bathoutba, qui visita ces parages
dans le xiv*, sont unanimes en ce qui touche 1 état
prospèrp de ces relations, qui se maintinrent plus
ou moins» actives depuis une très-haute antiquité jus-
qu'à l'arrivée des Portugais dans les mers de l'Inde,
à .la fin du xv* siècle.
Les Arabes se rendaient à Souménat, «^Lu^^*©,
ville célèbre dans le ^ud-ouest dé la péninside du
Guzerate, et où affluaient les navires d'Aden ^; à
Cambaye, owjLa^, qui était habijtée par un grand
nombre de musulmans ^ , et à Barodj , g j>jj , ou
Barons, \y>j^, l^çLpuya^a èfiirôpiov de Ptolémée ^^
et actuellement Baroach, à l'embouchure de la ri-
i^jc^ o^JÉ=»f^. (Aboulf. Takwym-al-Boldan, pag. 357.J
' (jjJu4/uo l^j j Lfj f UtVâjuH . . . 0^X»u» I^U L: ( Aboulf.
ibid,) Il en était de même au temps d'Ibn-Bathoutha , qui cite cette
ville comme une des plus belles» et qui vante là magnificence de
ses édifices et l'état florissant de ses mosquées, ce qui provenait de
ce que la plus grande partie de ses habitants était compensée de mar-
chands étrangers. *uJl ^Uul j (^jal j^).»*^! ^j^ ïXïoJil ùôJ>^
^[LijjJ\ jl^t L^ld jJLér>r- (jf (Ajb> v->-î^j 4\;>mf ojl^^
(Fol.54r.) . '
' Claudii Ptolemaei Geographia, éd. Àug. Nobbe ; Lipsix , 1 843-45,
Hb. vu, cap. 1 , S 62, et lib. Tii, cap. i6,S 12. Les Arabes ont
appelé Ptolémée,^w«Aikjou ^2>Ji)l\ /jva^Jii^f. Le savant au-
teur de la traduction française d'Édrisi a' rendu ces mots par
«Ptoléniée de Glaudias, ville de Tancienne Gomtigène, dans l'Asie
Mineure, non loin de l'Euphrate.» (T. I, pag. xix^) Mais Ptolé-
mée , qui fut contemporain des empereurs Adrien et Antpnin ,
ctay^é à Pelure ^Jk Egypte, et passa sa vie, sinon à Alexandrie,
dû moins à CanopeT dans le voisinage immédiat de 4;ette capitale.
On pourrait supposer que les Arabes ont voulu reproduire le nom
152 JOyRNAL ASIATIQUE, ' ^^
vière Nçrboûddah, dans le golfe de Ca^mbaye, au
nord de Surate. Suivant le voyageur chinois Hio^an*
thsang^ il y avait là un commerce très -considé-
rable dans la première moitié du vu* siècle de notre
ère ^ A Sofala , ville maritime très - populeuse ,
il se faisait aussi un -trafic important-, et dans ies
mers on péchait des perles. Elle était à huit jour-
nées de marche de Tana, vers le nord^ Sur un
golfe de cette côte, était Sindao, yl-XJu» , ou Sinda-
bour; lun des meilleurs ports de la mer des Indes,
au nord de Tana et à trois journées de marche. Elle
produisait le costus indiens], le cc||ipna^ odorataSy Ui,
de Ptolémée tel que les Gtecs l'écrivaient quelquefois, en faisant
un surnom de son prénom KXwéStos^ comme on peut le voir au
mot UrokefMtos dans Suidas, où on lit TLroXeftaTos ô ILkecôètog:
Silvestre de Sacy a proposé une autre explication de cette
dénomination. Il a pensé que ^j^Jif, ainsi qu'il lit, est un ad-
jectif patronymique , ou i^y»»XA a»} , forçié irrégulièrement
de if^.'^J^ t 6t donné à Ptolémée par les Arabes, qui, par
malentendu , croyaient qu il descendait de » Tempereur Claude.
L'illustre et vénérable orientaliste s'appuyait sur un passage du
cil^VL «WJcJt c^Lo de Massoudi. (Notices et Extnâts des ma-
nuscrits, tom. Vin, pag. 17p.) Cette descendance de l'empereur
Claude, attribuée à Ptolémée, est une invention des derniers Grecs.,
ainsi que Ta prouvé Buttmann (Muséum des Alterthums WissenscL
ûber KL PtoL) , invention suivie par les Arabes.
^ Itinéraire de Hiouan-tbsang , p. 89 a .
' Sofara »j U^o* de Byrouny et d'ÉdrisL Ce dernier, cité par Aboal-
féda, Takwym-^^'Bold(m,p,3b^yf!^t: tjJ:^ï^[si^ *^.0^ «j^-^
yy j^l*^^ c>^La-« L^^ . (Cf. Nozhet-al-Moscbtak, fol. 44 r. T^ffir.
tom. I, pag. 171.) •
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 153
et le bambou ^ Sindabour, d'après Ibn-Bathoutha,
était une île au centre de laquelle existaient deux
villes , dont 1 une avait été bâtie par les infidèles , et
l'autre par les musulmans, lorsqufls js'emparèrent
de cette île pour la première fois, et où s'élevait
une mosquée djami ^.
Tana , iob , était placée à une petite distance de la
villeactuelle de Bombay, et sans doute là où les cartes
moderdës mettent Tanna, dans l'île Salsette. Non
moins célèbre que les précédentes pour son com-
merce, elle renfermait une population composée d'i-
dolâtres et de musulmans ^. Ensuite venait Goa , »^\f
ou ^^^^, dont le nom se lit pour la première fois dans
Ibn-Bathoutha ^ ; puis Hinnaur, j^ ^, maintenant
Onor. Dans le pays de Malabar,^ l*^, se trouvaient
^Luâift UHjL. (^hou\îéda. j.Tawym'al-Boldan,ipaLg, SSg.)
j^U jciîu» l4^3 Jt^V! ^î. (Fol. 57 V.)
« j\âj=> j^jc^ J^Uî \ôj> J*f^ jUJf ,j^f J^ hj^
^^^J^\ Éisu» QjL^L«ft— (Aboulf. Tdkwjm-alBoldan , pag. 35g.
* Tohfet-al-Nazhzhar, Notre manusc. lit ce nom, fjJi£^, fol. 57 r.
' Aboulf. Takwym-al-Boldan , p. 354. Hinnour ouHannour, sui-
vant Ibn-Bathoutha , était située sur un golfe très-vaste , où entraient
de très-grands navires. Ses habitants étaieiit musulmans schaféytes.
iUjtsUjjXJfc (Fol. 58 r. et V.)
154 JOURNAL ASIATIQUE.
Basrour, jj^j^L, qui est T Aby-Serour,^jy-*M jt d'Ibn-
Bathoutha\ etaujourd'hui Barceiore probablement;
Kacanwar, jy^>\ô^\ Mandjarour,j3j.^^.*^, Manga-
iore des modernes; Hayiy, JlaA ^ sur le cap de ce
nom, maintenant le mont Dilla, mi peu au nord
de Cananor; Djor-fattan, ^.JLJyy ^, Dah-fattan,
^ Aboulf. Takwym'al-Boldan, pag. 35^. l ^t (JiJ^MtM ^y ^->.
dit Ibn Bathoutha,fol. 60 r.
^ Il y avait là, suivant ce dernier auteur, un corps de musulmans,
avec un cadi et un khatib, ainsi qu'une mosquée , bâtie par un Arabe
nommé Hossein, pour y faire la prière du vendredi JL-cw^ >-aj«
U^Jl iuUJÏ f cMSi^î (Fol. 60 r.)
* Ville appelée Mayyapotîô par Cosmas, Topogr. chrét pag. 387
C'était le port le plus considérable du Malabar ; il y venait les mar-
chands les plus cAi&idérables de la Perse et du Yémen, et on y
comptait environ quatre mille musulmans. 3siUj » ft;k ^/J» f ^*
'^^••••(J^l^ (J*J^ J^ ^JîA^ JjÂj JÛJtvtl »j^j jUJI(
dlS^^f jj-« cjV[ jùujî^^'. (Ibn-Bathoutha, fol.6or.)
* Aboulf. Takwym-aUBoldan, pag. 354. Hyly J^» suivant Ibn-
Balhoutba. C'était un port fréquenté par de grands navires ; les mu-
sulmans y- étaient nombreux, et ils y avaient une mosquée célèbre,
(fol. 60 v.)
* Le roi de Djor-Fattan faisait , au dire de ce célèbre voya-
geur, un grand commerce avec rOman, la Perse et ITémen.
L'abrégé d'Ibn-Bathoutha, dont s'est servi M. Lee, porte {J^^\y^
Djor-Kannan , leçon évidemment vicieuse, puisque le mot ^ji3
est le sanskrit q^qfi ville, cité. C'est sans doute la ville appelée
SaXoirarava par Cosmas, Topogr. chrét. pag. 337.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 155
(jcj«3\ Boud-fattan, (^*)v2, Fandaraina, U^*xâ4 »
Kalikout, tyUU^, ou Calicut d aujourd'hui, et enfin
Côulam , yJ^.^» , qui porte encore le même nom. La
navigation entre Aden et Couiam était fréquentée,
et les musidmans habitaient, dans cette dernière
^ Un des rois de Dah-Fattan , s'étant converti à l'islamisme , y avait
construit une mosquée ; mais celui qui occupait le trône à Tépoque
du passage d^Ibn-Bathoutba, était idolâtre. (Ibid. fol. 61 r.)
^JiJ:s}^:^ Dadkannan, dans Tabrégé de M. Lee. Cest, je pense,
Vakovdrava de Gosmas, loc, laud.
* Boud-Fattan (la cité de Bouddha) étaittune grande cité située
sur un golfe considérable. Hors de ses murailles , et non loin de la
mer, s'élevait une mosquée, où se rendaient les étrangers musul-
mans; car ils n'habitaient pas la ville, parce que le plus grand nombre
de ses habitants étaient des brahmanes et haïssaient les musulmans .
^;)vJLi| J Oyà^ '•"l^\js l^f. (Ibn-Bathoutha,fol.6iv.)
C'est la ville Ûovèwisésdva de Cosmas , hc. laud,
^ A Fandaraïna , les musulmans occupaient trois quartiers de la
ville, dans chacun desquels était une mosquée, avec une djami
magnifique sur les bords de la mer. ^^^iU? (^ùij j^-JL^jU L^j *
(Ihid.£o\,6iM,)'
^ Kaiikoutb , dit Ibn-Bathoutha , l'incomparable d'entre les plu^s
grands ports, dans le pays de Malabar, et où se rendent les habitants
de la Chine , de Sumatra , de Ceylan , des Maldives , ainsi que ceux
du Yémen et du Farès , le rendez-vous des marchands de tous les
pays. Son port est un des plus grands ports du monde. xajJl.^
Jjbf UtV^ jL»Jlf ^^ ^LkjJf ^.iUJt tiJ^f JÈj LjHiis
LjjJt fj<^\jjo Jàe.\ ^ ULj^^ ^^li^lt. (F0I.62 v.)
156 JOURNAL ASIATIQUE.
ville, un quartier spécial, où ils avaient une mos-
quée djami ^
A quelle époque les navires arabes arrivèrent pour
la première fois dans les ports de 1& Chine , c'est ce
que nous ignorons. Mais , comme Cosmas nous ap-
prend que, de son temps, c'est-à-dire dans la pre-
mière moitié du vi* siècle de notre ère. Ton trans-
portait de la Chine et de Tarchipel d'Asie divers
produits, tels que la soie, laloès, le clou de girofle,
et le sandal 2, il est impossible de ne pas croirfe que les
Arabes se livrèrent, avec les négociants grecs et ro-
mains , à ces expéditions lointaines. Nous les verrons
plus tard, au viii* siècle, établis en grand nombre,
avec les Persans, à Canton, et la relation dont^nous
avons à parler ici nous montrei^a qu'ils faisaient avec
lé Céleste empire, au itC* siècle, un commerce ré-
gulier et très-actif.
Cette relation est le monument le plus ancien
qui nous soit parvenu dé leurs navigations dans les
mers orientales. Ce qui en fait le mérite , c'est qu'elle
( Aboulf. Talniym-al'Boldan , pag. 35 1, 3 61.) Le même état de
cboses subsistait au temps d'Ibn-Bathouta, comme on peut le voir,
fol. 61 V . et 62 r. de sa relation. C'est Koulam Malay ç^ M-^
de notre relation et d'Édrisi.
Ibn-Bathoutba nous représente les Arabes comme établis en très-
grand nombre dans les îles Maldives, et l'islamisme comme ayant
fait des progrès parmi les indigènes. Fol. 66 v. et 67 r.
La plupart des passages de sa relation que j'ai rapportés, man-
quent dans TAbrégë traduit par M. Lee.
' Cosmas, Topoyr. chrét. pag. 337.
AOUT-SEPTEMBRE 1846^. 157
jette un jour tout nouveau sur les rapports qui exis-
taient au ix* siècle entre les côtes de TEgypte, àe
l'Arabie , les pays riverains du golfe Persique , et les
vastes provinces de ITnde et de la Chine. Cet intérêt
est d'autant plus grand, «qu'au moment même de
la mettre par écrit, dit M, Reinaud, les communica-
tions qui en forment l'objet s'étaient interrompues,
et qu'elles ne reprirent que plusieurs siècles après?
lorsque les Mongols , par la conquête successive de la
Perse, de la Chiné et de la Mésopotamie, eurent de^
nouveau mis en rapport immédiat les deux extré-
mités de l'Asie , et que l'Occident lui-même se trouva
en contact avec l'Orient le pfus reculé ^ »
Ce récit avait fixé, au commencement du siècle
dernier, l'attention d'un savant orientaliste, l'abbé
Renaudot,. qui le traduisit en français ^siu* un ma-
nuscrit de la bibliothèque de M. le comte de Seigne-
lay, passé depuis dans la Bibliothèque royale. Mais
l'abbé Renaudot n'ayant donné aucune indication
de ce manliscrit, on était allé jusqu'à supposer <ju'il
avait forgé la relation qu'il contient , d'après des té-
moignages recueillis çà et là dans les auteurs arabes,
lorsque le célèbre sinologue Deguignes le retrouva
parmi les manuscrits du magnifique établissement
où il est conservé aujourd'hui ^ 11 fit connaître sa
découverte dans le Joiffnal des Savants de novembre
^ Relai. Discours préliminaire, pag. i et ii. *
* Anciennes relations dés Indes et de la Chine, de deux voyageurs
mahomélans cjniy allèrent dans le /x* siècle. Paris, in-8', 1718.
•^ Ancien fonds arabe , n** 597.
158 JOURNAL ASIATIQUE.
1764, et, plus tard, il publia, dans le tome I des
Notices et Extraits des manuscrits de la Bibliothèque
royale, quelques détails sur ce manuscrit.
Le travail de Renaudot porte des traces évidentes
de la précipitation avec laquelle il a été exécuté et
du manque de la dernière main. Des ierreurs se
montrent dans sa version , et il n y a pas lieu de s'en
étonner, malgré Thabileté bien connue du docte
traducteur ; car le texte de la relation est. souvent
obscur : et d'ailleurs nous avons des exemples qui
démontrent que la traduction d'un texte écrit, soit
en arabe, soit eh quelque langue de TOrient que ce
soit, faite sur un manuscrit unique, et sans recourir
à des ouvrages traitant de matières analogues, peut
faire naître bien des méprises. Mais ce qui rend sur-
tout Renaudot excusable , c'est que la géographie et
l'histoire de l'Orient étaient loin d'avoir été étudiées,
à l'époque oii il vivait, autant que ces deux branches
de la science l'ont été depms lors. Ce sont ces p|jp-
grè^ qui ont inspiré à M. Reinaud la penjsée de sou-
liiettre la relation dont il est ici question àl un nouvel
examen. Personne n'était-mieux préparé que lui à
s'acquitter de cette tâche difficile. Depuis de lon-
gues années, ce savant et illustre académicien; s'est
consacré à l'étude de la géographie de l'Orient.
Chacun sait qu'après avoir publié, avec M. le baron
Mac-Guckin de Slane, dans leur belle édition du
^rjJJt ^yà d'Aboulféda, le. premier travail cri-
tique complet auquel cet ouvrage si important ait
donné lieu, il en a entrepris une traduction^ qui sera
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 159
précédée? de rhistoire des connaissances géographi-
ques des Arabes au moyen âge ; tovail immense ,
attendu avec une impatience rendue plus vive par
les publications que M. Reidaud nous a déjà don-
nées , et par plusieurs autres dont l' Académie des ins-
criptions a déjà entendu la lecture. Les amis des leti
très sont sûrs que ce beau monument, élevé à fe
science géograpbique , reflétera toutes les qualités qui
distinguent le doct.e professeur, une sagacité parfaite ,
et une rare profondeur de savoir, née de cette la-
borieuse persévérance, de cet esppt d'investigation
consciencieuse dont il est doué à un si haut degré.
Dans le livre dont je viens rendre compte , M. Rei-
naud a profité de tout ce que l'érudition orien-
tale moderne possède àe ressources pour résouÉre
toutes les questions épineuses qui tiennent à son
sujet. Les recherches accumulées par les Anglais
sur rinde depuis la fin du siècle dernier lui ont
permis d-éclqircir la partie de la relation où il
est parlé de cette contrée. Il a puisé dans les ma-
nuscrits acquis par la Bibliothèque royale ou. dans
les publications qui ont paru depuis que celle
de Renaudot a vu le jour, des données propres à
rectifier et à compléter ce qui était inexact ou ce
qui manquait dans le travail de ce dernier. Mais la
portion tout à fait neuve, et sans contredit la plus
remarquable de son ouvi^^age, c'est le discours préli-
minaire, où il a tracé, en clxxx pages, le tableau
, des connaissances géographiques des Ax^abes dans les
mers orientales, à l'époque où la relation fut rédigée;
160 JOURNAL ASIATIQUE.
la description des itinéraires suivis par les navigateurs
arabes, indiens et chinois, et enfin celle des pays si
peu connus qui séparent TOxus et la Chifte, trois
points capitaux restés presque entièrement cachés à
Renaudot et à Deguignes, et qu'il n'était possible
d'éclaircir que de nos jours. A la nouvelle traduc-
tion, sont jointes des notes renfermant de. très-
curieux détails siu* tout ce qui tient ^ux mœurs, aux
usages et aux institutions des pevçies nommés dans
la relation , et aux produits naturels ou manufac-
turés de lem*s pays.
Le texte arabe est celui que M. Langlès avait mis
sous presse, en 1 8 i i , à Tlmprimerie impériale, et
qui était resté* depuis lors dans les magasins de cet
établissement. M. Reinaud la revu avec soin siu* le
manuscrit, a relevé dans un errata toutes les cor-
rections qui avaient échappé à M. Langlès, et y a
ajouté deux morceaux inédits du Kitab-al-Adjayb et
du Moroudj-al-Zeheb de Massoudi, destinés à reni-
plir les lacunes que ce manuscrit contenait.
Avant de conduire le lecteur dans la discussion
des questions géographiques que cet ouvrage sou-
lève, l'introduction nous offre des considérations
critiques siu* le texte, la forme et l'ensemble de la
rédaction de notre relation.
Le manuscrit avait au commencement une lacune
qu'une autre main a remplacée par une addition tout
à fait étrangère au récit original. M. Reinaud a dé-
montré que le titre gj'yJî 'A^J^, ou «Chaîne des
chroniques, » n'est pas le vrai titre de l'ouvrage, et
AaUT-SEPTEMBRE 1846. I6i
quil faut y substituer celui de ^yj^\^ (jvAûJI,jlAâ.î , '
« Observations sur la Chine et sur Tlnde , » qui se lit
au commencement de la deuxième partie , et qui
appartient, sans aucun doute, au corps deTouvrage.
Une errem* de Renaudot , partagée par Deguignes ,
lui avait fait supposer que l'ouvrage était dû à deux
voyageurs^ arabes. Mais un examen plus attentif a
suggéré àM. Reinaud la conviction que la première
partie ou livre 1, dont la rédaction est de Tan 287
de l'hégyre (85 1 de J. C), a été rédigée d*après les
récits dun marchand nommé Soleyman, qui, des
côtes du golfe Persique , avait plusieurs fois navigué
vers rinde et la Chine, et que 1^ seconde partie
avait été compilée par Abou-Zeyd, originaire de la
ville de Syraf, port de mer du Farsistân dans le golfe
Persique, d'après le témoignage de plusieilfs per-
sonnes, et d'après ce qu'il avait recueilli dans ses
lectures. Abou-Zeyd, qui se proposait en cela de
modifier le récit de Soleyman ou d'y ajouter, vivait
vers la fin du ix® siècle, de J. C.
Un point de critique littéraire plus important que
les précédents est celui qui se rattache à la question
de savoir d'où provient la ressemblance existante
entre une portion notable de la présente relation et
plusieurs pages du Moroudj-al-Zeheb de Massoudi.
Un examen approfondi de ces deux ouvrages et un
rapprochement ingénieux et vrai de diverses cir-
constances ont donné à M. Reinaud l'explication de
cette similitude 4 Massoudi nous apprend que, se
trouvant à Bassora en 3o3 de l'hégyre (9 1 6 de J. C),
162 JOURNAL ASIATIQUE,
il eut occasion d y connaître un homme appelé Abou-
Zeyd-Mohammed , fils de Yézid , et cousin dugouveiv
neur de Syraf , lequel avait quitté cette dernière ville,
sa patrie , poiu* venir se fixer à Bassora. Quoique
Tauteur de la deuxième partie de notre relation porte
le nom de Hassan, et que Massoudi lui donne celui
de Mohammed, les principales circonstances du récit
reproduites dans la relation et dans le Moroudj-al-
Zeheb ont mis M. Reinaud en droit de conclure
qu'Abou-Zeyd et Massoudi étaient contemporains,
quils se sont vus et se sont fait réciproquement des
communications, et que le Mohammed de Mas-
soudi et Tauteur du deuxième livre de notre relation
ne sont qu uij même personnage: La manière dont
les faits sont présentés dans ce dernier ouvrage
prouv^qu'il n a pas été empnmté à Massoudi^ et ,
d'im autre côté , le savant auteur du Moroudj , dont
la susceptibilité, à rencontre du plagiat littéraire,
se trahit en maintes pages de sa composition, ne
manque jamais, chaque fois qu'il rapporte un pas-
sage recueilli par lui ailleurs, de reprendre la paorole
en ces termes: «Massoudi a dit....^»
•L'origine de la rédaction de notre relation , dpnt la
première partie est antérieiue de plus de soixante ans
à Massoudi et à Abou-Zeyd , rédacteur de la deuxième
, partie, et le but que ce dernier s était proposé en
publiant des remarques puisées à diverses sources,
afin de comger, d'expliquer ou de cônfirmet les
dires de son prédécessem* Soleyman , rend très-bien
^ Relat, Discours préliminaire , pag. ii - xxvui.
AOUT-SEPTEMBRE 1840. 163
raiison du manque d ordre et de la confusion qui
régnent dans i ensemble de Touvragé.
Malgré ce désordre apparent, les notions diverses
qu'il renferme peuvent être facilement ramenées à
trois points de Vue principaux ou divisions qui em-
brassent la mer des Indes, Tlnde continentale et
la Chine. *
LA MER DES INDES.
La mer qui sétetià au sud de T^ie , depuis la
côte orientale d* Afrique , à partir du imrdSqs -arAà-
yos et du Bapêapixè^ KÔ'k'iros de Ptolémée\ ^f^
f^j^jj^^ d*Aboulfédà^, jusqua lextrémité orientale
du continent asiatique v là où le géographe Alexan-
drin plaée le prolongement de ce contineilt vers
l'ëquateiu', jusqu'à Cattigara, KaVJ/yapa^, renferme
deux parties bien distinctes quant à la configiu*ation
et quant à la conhaissance qu'en eurent les anciens
et les Arabes.
La première, bornée à l'occident par l'Afrique;
au nord , par les provinces méridionales de la
Perse, comme le Mekran et le Sedjestah, et, à l'est,
par la côte occidentale de la péninsule indienne
1 Géogr. IV, 7 , S di, et 8. Si.
* Tahtoym.'ol-Boldan, pag. 26.
' Géogr.l, 11, S 1; VIII, 5, S 3.
164 JOURNAL ASIATIQUE,
jusquau cap Comorîn, fut sans cesse fréquentée
depuis la plus haute antiquité. La flotte d^ Alexandre
en parcourut la partie septentrionale, depuis les
embouclïures de Flndus jusqu'à TEuphrate, sous
le commandement de Néarque, dont le joiunal nous
a été conservé par Arrien^; et depuis cette époque
jusquau temps de Pline et de Ptolémée, et même
jusqu'à la chute dé Tempire romain, toutes ces
côtes furent visitées et reconnues par les navigateurs
grecs et romains. Jl en fut de même des Arabes,
qui, depuis un temps immémorial, étaient répan-
dus dans ces mers, et qui surtout, depuis lavéne-
ment de la dynastie des Ahbassides, y fondèrent
des établissements et s y livrèrent à un commerce
très-actif Mais les notions imparfaites quavaient du
golfe du Bengale les anciens, et smtout les Ara-
bes, furent l\me des causes de lidée- erronée que
les uns et les autres se formèrent de la configura-
tion de lensemble de la mer des Indes, et produi-
sirent la diversité , souvent confuse , qu on remarque
dans les divisions et les dénominations que ceux-ci
imposèrent à cet ensetùble.
Nous voyons dans la relation du marchand So-
leyman, complétée dans sa lacune initiale par les
récits de Massoudi 2, énumérer successivement :
* Histoire de VInde, à la svâte de T expédition d Alexandre, p. 3ia
et suiv. éd. Jac. Gronovius. Voir le Voyagé de Néarque , par le doc-
teur W. Vincent, traduit de Tangiais par Billecocq. Paris, in-4^
an Yiii.
^ Dans l'extrait du Moroudj-el-Zeheb , donné par M. Rèinaud,
Relat, tom. fl , pag. 1 78 du texte arabe.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 165
1° La mer de Farès, (j*;U j^, qui comprenait le
golfe Persique , et la mer de Mekran jusqu'à ITndus.
^e pointée départ des navires carabes qui voguaient
vers rinde et la Chine était, au teïnps de Soleyman,
la ville de Syraf , dans le golfe Persique.
2** La mer dont M. Reinaud a prouvé que le nom
devait se lire ^^jj^^MI , Al-Laréwy ou Laréwy, au milieu
des incertitudes que la transcription^ de ce nom a
occasionnées de la part des copistes arabes, qui adop-
tent tantôt cette leçon, tantôt celle de c^jy^^ ou
iS^j^j^ , ou même encore de plus mauvaises ^ Cette
dénomination a son origine, ciomme noujs l'apprend
le savant orientaliste, dans celle du pays de Lar, la
Larice des anciens, qui correspond au Guzarate.
La mer Laréwy s'avançait depuis les embouchures
de rindus jusqu'au territoire actuel de la ville dé
Goa.
3° La mer^de Herkend, *>U$3^j-^, bornée au nord
par la mer Laréwy; à l'ouest, par lesLaquedives et les
Maldives ; à l'est , ainsi qu'au sud-est , parla presqu'île
de rinde et l'île de Ceylan, et qui s'étendait jusqu'à
la chaîne de rochers qui sépare le continent indien
de Ceylan , et qu'on nomme le pont d'Adam. L'aùieiu'
du Merased-al-Itïhila place la mer de Herkend dans
la partie la plus éloignée des payfe de l'Inde et de la
* Les deux manuscrits de la Géographie d'Édrisi conservés à
la Bibliothèque royale, l'un sous le n* 656, et 1 autre sous le
n** 655, supplément arabe, donnent de nombreuses variantes de ce
mot.
166 JOURNAL ASIATIQUE.
Chine, (jiJ^\^ iXÂ^t ô!^ ^^\ ij^ ^ySif ^SjS^ i.
Mais, avant daller plus loin et pour apprécier
pins exactement la nature des divisions tigcées dans
la mer des Indes, par Soleyman et Massoudi, il
est nécessaire que nous jetions uïi coup d'œii sur
celles qu avaient adoptées les principaiix géographes
arabes.
Dans Édrisi, la première des àept mers qui tra-
versent les septs climats comprend l'ensemble de
la mer des Indes sous les dénominations succes-
sives de mer de la Chine, de lUind, du Sind et de
ITémen. Il la fait remonter jusqu'à treize degrés de
latitude nord, et se prolonger, avec la ligne équi-
noxiale , depuis l'orient jusqu'au détroit de Bab-ei-
Mandeb ^, Cette mesure de treize degrés de latitude
boréale est évidemment insuffisante , puisque le golfe
du Bengale s'ouvre jusqu'au 2 3* degré environ de
latitude nord , et la mer Erythrée ou mer d'Oman,
jusqu'unpeu au-dessus du 2 5" degré. Cette faute
d'Edrisi, et des Arabes en général, tient à ce qu'ils
ont suivi Ptolémée , qui supposait que les deux pé-
ninsules de l'Inde , au lieu d'être coupées par un golfe
profond, courent presque en ligne droite. L'erreur
systématique de Ptolémée est d'autant plus étrange,
qu'il a décrit le golfe du. Bengale jusqu'au Gange,
où les Grecs et leiS Romains allaient commer-
i AÂCJff ^Uwl J^ ^N^t^ftou^f^oU^. Man.de la BiW.
royale, suppl. ar. n** 654, fol. 698.
^ Nozhet-al-Moschlak , fol 3 v., et tom. I, pag. 4 > de la traduc-
tion française.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 167
cer ^, ainsi que la côte occidentale de la péninsule
transgangëtique, où il nomme Bopp&qypa è[nr6piOv
et B?7pa€ovi;a éfAirépiov^, «Mais la forme. générale des
côtes, a dit un géographe moderne, ne peutxpi'être
imparfaitement connue des navigateurs qui les rasent
toujours. Le marin, quand il ne s éloigne pas.de la
côte , observe peu le ciel. La multitude des courbes
et des sinuosités qu*il suit trouble ses calculs. Il ne
juge du contoiu* général de la côte que par la por
sition relative des deux points qui marquent le com-
mencement et la fin de son voyage. De là cette
uniformité, cette compression des- côtés dans les
cartes anciennes, cette réduction sur la même ligne
de tous les caps et de tous les golfes ^. » Cependant,
les anciens connurent la 'partie nord du golfe du
Bengale , comme on peut ^n juger par Ptolémée ,
beaucoup mieux que les Arabes, qui, au nord de la
c^te de Cqrômandel, n avaient que des idées très-
vagues des côtes d'Orissa , du Bengale et de TArakan.
<(De la mer de Chine, ajouté Edrisi, dérive le
golfe Vert, jj^xs^^y ^^^ ou mer de Perse et dObol-
lah, qui longe les côtes occidentales du Sind (pro-
bablement depuis les embouchures dé l'Indus), et
se termine à Obollah, là où est Abadani Ensuite,
son rivage s inclinant ' vers le midi, elle baigne le
pays de Bahreïn , llemamé , atteint TOmah , les bords
* Strabon fait mention de ce commerce, XV, i .
* Gèogr. VIT, 2, S 2 et S 3.
^ Desborougli Cooley, Hist. gén. des voyages, tom. I, pag. 107.
de la trad. française.
1^8 JOURNAL ASIATIQUE. ,
de iTémen , et se joint à la mer de f Hind^ » C'est le
BûhrfarèSf iy*j\syi^, ou la mer de Perse de Massoudi.
Edrisi mentionne aussi la mer Laréwy dans Wnu-
mération suivante : « la mer ^e Sandjy, la mer de
Senf, qui lui est contiguë , la mer Laréwy , la mer de
Herkend et la mer d'Oman *. » Mais , comime il place
sur la mer Laréwy Tîle ou le pays des-Moucljah '>
que l'itinéraire du marchand Scdeyman nous force
à chercher du côté du cap Martaban, dans la pénin-
sule transgangétique , il semble que, d'après le sys-
tème d'Edrisi, il faille reculer la mer Laréwy jusque
dans le golfe du Bengale. Du reste, les notions que
possède cet auteur sur la m^r des Indes et lés pays
qu'elle baigne sont , en général , très-confuses, comme
je l'aidéjàfait obseirer. Cependant, il détermine exac-
tement la position de la mer de Herkend, 'qui est
•le nom, en langue indienne, ainsi qu'il nous l'ap-
prend, de la mer d'Oman*, en nous disant que Ja
dernière des îles Dybadjât, c:>lsx>^, c'est-à-dire les
Laquedives et les Maldives , touche par derrière à l'île
de Serendyb ou Ceylan, dans la mer de Herkend*.
Voici comment Aboulféda décrit la mer qui s'é-
tend de Test de l'Asie jusqu'aux côtes orientales
d'Afrique :
* Nozhet aUMoscktak et trad. franc, loc. htud.
^ .Ibid, fol. 23 V. trad. fr. tom. I, pag. 94.
3 Ibid, fol. 22 r. trad. fr. tom. I, pag. 88.
, * Ihid. fol. 16 V. trad. fr. tom. I, pag. 63.
jO^^jtf» ^^f jjîJf . (/6iV/. fol. 18 r. tr. fr. tom. I, p. 69.)
\
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 169
> «Description sommaire de la mer qui soil de
rOcéan orientai [en s étendant] jusqu'à i ouest. -^
C'est la mer qui coule de la mer Océane, depuis U
partie la plus reculée de la Chine orientale, laquelle
n'a d'autres limites à l'est que la mer Océane: Elle
se dirige à l'ouest jusqu'à Kolzoum par 56 degrés
et demi de longitude. La longueiur de cette mey,
depuis l'extrémité de la Chine jusqu'à Kolzoïun, est
d'environ i 24 degrés. Si tu les multiplies par vingt-
deux et deux neuvièmes, ce qui forme les parasaiigeaf
[ contenues dans ] un degré , suivant l'opinion des
anciens, il en résulte la longueur de cette mer, en
parasanges , au nombre de 2748 environ. Cette mer
prend le nom des pays qu'elle baigne. Son extrémité
orientale se nomme mer de Chine, parce que cette
contrée est sur ses bords. La partie qui est à rôcd-
dent de la mer de Chine prend le nom de mer de
rinde , parce qu'elle touche à l'Inde. Puis vient la
mer de Farës , ensuite la mer de Berber, connue 30us
le nom 'de golfe Berbérien, et enfin la mer de
Kolzoum ^))
L'auteur du Merased-al-Itihihi paraît comprendre
cet ensemble de mers sous le nom de « grande mer
des Indes, dont la mer de Farès forme une déri-
vation, A V\ .g^t *x^L-jJlj.^ (^ iuAâ u-jUj^. La
mer des Indes elle-même , ajoute-t-il , est une par-
tie considérable de la mer orientale. Elle renferme
un grand nombre d'îles,, et sur ses rivages sont
une multitude de villes. Elle touche à- la Chine. »
* Takwym al-Boldan, p. ai.
?iii. 12
I
170 ÏÏOURNAL ASIATIQUE.
D après Ibn-Haukal, « de toutes ies mers, il y en
a deux qui sont le mieux connues. Là plus grande est
la. mer de Farès, puis la mer de Roùm (la Médi-
terranée). Ce sont deux golfes opposés Tun à l'autre
et issus de la mer Océane. Le plus étendu en Ion-
gueiu* et en largeur est la mer de Farès, dont les
limites se prolongent depuis celles de la Chine
jusqu'à Kolzoum. En prenant depuis Kokoum jus-
qu'à la Chine, sur une ligne, droite, l'étendue de
cette mer est. de deux cents journées Bnviron. »
lû^\ j^\ (j^ ^j\i^à^\jt (j^liu^ ^U?J^ l$3 pj^\
(a) é^sit^jjè ^L« y^ ùjSùsJLA ^\^ /«JCûm^ .Vl -k Jc
Ces descriptions , qui nous représeotent l'ensemble
de la mer des Indes comme se prolongeant sur une
ligne à-peu-près continue, impliquent évidemment
l'opinion puisée par ies Arabes dans Ptolémée sur
la configuration de la presqu'île du Dekkan. Les
marins qui allaient jusqu'à Sofala,. en Afi'ique, et
1 Fol.Sr.
' CiUUlî^ GsliLit qU^. .Map. arabe de la Bibliothèque de
Tuniversité de Leyde, n° 3i4, fol. 5. (Voir la copie de ce manus-
crit, que possède la Bibl. royale, suppl. ar. n° 649» fol. 8.)
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 171
qui parcouraient toutes les côtes de ilnde formant
le bassin de la mer d'Omaii , jusqu'au cap Comorin ,
auraient pu acquérir, par la pratique , des idées plus
exactes, s'ils n avaient été sous Imfluence des erreurs
inhérentes à la navigation côtière, et que j'ai signa-
lées d'après M. Desborough Cooley.
Entre la mer de Herkend et la mer Laréwy,
notre navigateur Soleyman rencontre le groupe
des îles Dybadjâty cy.\^^:>. Ce nom, dont M. Rei-
naud a fixé la lecture, est sous- une forme de
pluriel persan, la reproduction du pâli §q, dipa,
ou» de l'hindoustani vsî^r en sanskrit ^, île. On
trouve aussi la leçon iLi^,^, qui rappelle peut-être
davantage, poiu* le son, la forme originale sans-
krite, et qui est donnée comme le féminin de <-^i
par Ibn-Bathoutha , <-««^«>Jt e^^ lôij Je Ma^^ ^•
Ce sont les DiW d'Ammieo Marcellin ^. Elles éta-
blissaient, dit Massoudi,la séparation çntre la mer
de' Herkend et la mer Laréwy, et comprenaient
les LaquediVes et les Maldives, ainsi que Ceyian»
Byroiiny les divisait en deux classes, suivant la
nature de leur principal produit, les unes nommées
Diwab-Kouzah, ùj^ «>?^, c'est-à-dire île des Cau-
ris, parce que l'on y ramassait ces coquillages sur
les branches des cocotiers plantés dans la mer,, et
lès autres appelées Diwah-Kanbâr, jleJLS"o^5, du
mot hanhâr, qui désignait le fil tressé avec les fibres
1 Fol. U r.
* Ammien MarceUin, XXII, 7.
172 JOURNAL ASIATIQUE.
du cocotier, et employé pour coudre les navires *.
Soieyman en porte le nombre à mille neuf cents,
Massoudi à deux mille, ou, suivant le témoignage
de personnes bien informées, i^^\ Jyi i , à dix-netif
cents ^. Edrisi dit qu'elles sont innombrables'; Ibn-
Bathoutha quil y en a deux mille; mais Aboulféda
en compte dix-sept cents ^ chiffre qiv se rapproche
le plus de celui de Ptoiémée, qui en admet dix-sept
cent soixante et dix-huit et qui donne le nom de dix-
neuf^. Jl y a tout lieu de croire que les Arabes nont
fait que reproduire, avec des variantes^ la donnée,
qui avait cours parmi eux , du'géographe égyptien ,• et
il est probable que celui-ci , à son tour, la tenait d'une
source indienne; caria dénomination deLaquçdives,
sous laquelle est connu aujourd'hui le groupe sep-
tentrional de ces. îles, est d'origine sanskrite, et se
compose de deux éléments, dont l'un, dive, nous
est connu, et dont l'autre est.ime abréviation vul-
gaire du mot vî^®, «cent mille,» lequel désigne
d'une manière indéterminée, mais très-significative,
une multitude d'îles agglomérées.
* Fragments sur l'Inde, par M. Reinaud, pag. g 3 et 124.
^ Dans l'extrait du texte du. Moroudj-al-Zeheb , donné par M. Rei-
naud, Relau t. JE, p. i85, et dans la traductioii anglaise de cet
ouvrage de Massoudi, par M. Sprenger, t. I (le seul (jui ait paru) ,
p. 36o.
8 Nozhet-al-Moschtak, fol. 17 v. Trad. fr. p. 6.7.
* Takwym-al-Boldan^p, 22.
* Géoyr, VIIU»Sii.
" cLF ^^ hindoustani et eu persan. Les Malays ont fait de ÇFT9
le mot /jmJJ laksa^ et les Javanais (liU)(K1I1^\ lakso, avec la signi-
Geation de dix mille.
AOUT-SEPTETVIBRE 1846. 173
Quant à rétymologie du mot Maldives, Renaudot
pense que ce mot, dans la langue du Malabar, si-
gnifie « les mille îles, » et Ibn-Bathouthale fait venir
du nom dé celle de ces îles qui s'appelait Maihal ,
J<yX\ K On pourrait peut-être aussi supposer que
cette dénomination a été empruntée à la contrée
appelée MaXé par Cosmas, ou Malabar, et quelle a
été créée pour désigner spécialement lés îles qui
lavoisinent.
La dernière et la principale des îles Dybadjat
était, suivant Soleyman, Serendyb, siur la mer de
Herkend^, C est laTaprobane des anciens, TéTrpoSdvrjs
vTJcTos y nom dont ietymologie est le pâli ^§^on»
Tamhapaiina, altération du sanskrit ^|^q^[ Tâmra-
parnuy signifiant « feuille cuivrée , ou qui a des feuilles
couleur de cuivre,.» et qui paraît avoir, été attribué
à Ceylan à caiïse de la grande quantité d arbres à
feuilles couleur de cuivre qu'elle produit '.
Cette île fut, depuis un temps immémorial , Te^ibi^e-
pot où le Phéniciens ; les peuples de l'Arabie méridio-
» >WJîj fJi\ ^ J^\j ••• ckll *aj3 >t> foi. 64 r.
M. Lee a lu le mot iuJ^ d'une manière fautive, Zabiak iUi'^t the
iraoels ofIbn-Batuta, p. i8i. Les noms propres qui £gtirent dans
Ibn-Bathoutha ont été transcrits , au moins un très-grand nombre ,
d'une manière incorrecte dans la rédaction abrégée sur laquelle
M. Lee a fait sa traduction. Il sermt vivenlent à désirer que M. Rei-
naud fît connaître la rectiGcation de ces noms, qu ils a faite d'après
les manuscrits d'Ibn-Batboutba que possède la Bibliothèque royale,
sur l'exemplaire de la traduction anglaise qui lui appartient.
* Cf. Kazwini, AdjaYb-aIrBoldan, fol. 28.
^ M. £ug. Burnpuf, Journal des Savants , cahier d'avril i8à4.
174- JOURNAL ASIATIQUE.
naie, les Grecs, les Romains et ies Airabes devenus
musulmans venaient s approvisionner des denrées.de
ilnde, de l'archipel d'Asie , de la Chine, et de celles
non moins riches que le sol y fait naître>*Nous avons vu
que la cannelle , dont la production lui appartient
exclusivement, est mentionnée dans les plus anciens
livres hébreux; et, depuis Moïse, une suite non inter-
rompue de témoignages atteste que cette écorce pré-,
cieiise ne cessa d'être émployée]par toutes les nations
civilisées de l'Asie et de l'Europe ^ Ce n'est cependant
que sous le règne d'Alexandre le Grand .que les
Grecs surent que Taprobane formait ime île séparée
du continent indien^. A ime époque postérieiu^e ,
nous, retrouvons, parmi les peuples qui y avaient
fondé des établissements, des chrétiens de la Perse',
des manichéens, is>^ *, des juifs et dés nîusulmans,
qui tous y professaient leur culte en liberté et jouis-
saient de la protection du souverain ^, Lors du pas-
sage de Soleymaii , l'île était sous la domination de
deux rois, cdmme au temps de Côsmas, dans le livre
duquel nous lisons que l'un de ces princes était
* Cf. Stral)on, II, p. 49 et 81, éd. Gasaubon, în-fol. 1887. Pline,
Hist, nat. XII, 3o.
' aUt iicpieret insulam esse, Àlexandri magni aetas re8({!ie prees-
tltere.» Mine, ibid, VI, 24.
' Gosmas, Topogr, clùrét p. 3*37 .
* Abouzeyd, Relat, texte arabe, t. II, p. 1 23 ; trad. 1. 1, p. 128.
Lorsque j*aurai à citer à' la fois les deiU volumes de cet ouirrage,
je mentionnerai en premier lieu le tome II , parce quHl contient
le texte arabe.
^ Relat ihid et Édrisi, fol. 19 r. Trad. franc, p. 72.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 175
. maître de la partie où le rubis est. indigène , et IVutre ,
de celle où se trouvait le port fréquenté par. les
marchands étrangers ^
L on sait que le nom de Serendyb , attribué par
les Ai'abes à Ceylan, est la forme, modifiée p^ les
idiomes vulgaires deïinde, du nom sanskrit ftfçrrs^.;
mais je dois faire observer quAbouiféda a connu le
véritable nom indien de cette île, qu'il écrit <i-A^c>(jCu(y
Singadyb ^ «Tîle du LioTi, fi?^. »
Parmi les merveilles d.e Serendyb , notre voyageur
ne manque pas de parler du fameux pic. d'Adam ,
ainsi nommé par les. musulmans, parce qu'ils sup-
posaient qu'Adam, ayant été chassé, après son
péché, du pîïràdis. terrestre^ qti'ils placent dans le
ciel , et précipité sur une montagne de l'île appelée
Al-Rohoun , ^y^l , en sanskrit ;^t^ , laissa sur le
roc qui couronne cette montagne l'empreinte de
son pied gravée dans la pierre. Cette tradition, qui
est d'origine bouddhique, puisque. Fâ-hian rapporte,
dans son voyage, que cette empreinte est^celle du
pied de Foë, et qu'il rappelle la v.énération dont
elle était l'objet'; cette tradition passa aux musul-
mans, qui l'accommodèrent à leurs idées, ou plu-
tôt qui la reçurent des gnostiques. ou de quelque
autre secte chrétienne théosophique. Elle est con-
* (jOsmaSy-Tvpogr, chrét. p. 337.
Takuyym-aJrBoldan, p. 375. Le nom indien de Ceylan est transcrit
sous la forme SieXe^/^a par Gosmas, Topo^r. cfcr^. p. 336.
' Foê'kou€-ki, chap. xxxviii, p. 382.
176 JOURNAL ASIATIQUE.
signée, en effet, dans le fameiix manuscrit gnos-
tique de la Fidèle sagesse, rapporté d'Egypte par le
docteur Askew, et déposé actuellement au Musée
britannique de'Londres ^ Ce manuscrit, qui, d'après
la forme des lettres, paraît remonter au v®, ou peul-
être même au iv® siècle de notre ère, est la traduc-
tion copte dun ouvrage gnostique écrit en grec,
qui a péri comme toutes les compositions de te
genre. Le titre qu'il porte , TttîCTK C04>X&,
)) "GTialrj (To<pia^ ainsi que les doctrines au développe-
ment desquelles il est consacré, font penser qu'il
est sinon le traité de la Fidèle sagesse, attribué par
Tertullien^ à Valentin^, du moins l'œuvre de l'iui
de ses disciples immédiats.* Voici ce qu'on y lit,
fol. i48, col. B, etc. •
6xMAoois^ nw ETEpE nro^^EpmE nxEO^
^X!iicwq • i>nstL\ irroq EnfROîT^E EKMa\w t^k-
ponf JÛ-n ît^îJULiKpjuLEKK • n3>.pjca\ît et^jwjw.^^
WK2K2Kq EqpOEîC EîOSWCLTJUle nÏEO'lî.
a Kalapataurôth est l'Archon qui veille sur la trace
où est *toarqué le pied de leou ; c'est lui qui en-
toure tous les Bons, ainsi que l'Himarméjiè : c'est
•
^ Mus. Britann. Jure emp'tionisy n^ 5i i4t c\\ B.
* . Tectullien, Adoersus Valentinianois, Voir le traité du même au-
teur, intitulé de Prœscriptione.
. ^ Valentin , qui fut le chef de Tune des grandes éooles gnostiques
de i*£gypte, vivait à Alexandrie au commencement du second siècle
de notre ère.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 177
cet Arebon que j ai chargé, d'avoir soin des livres de
leou. » -, -
Dans les doctrines si profondément mystiijues
de la Fidèle sagesse, leou, qui est l'inspecteur de la
lumière, TTETTÏCKOltOC JW-TIO^ÇOEIU, le doyen du
premier ordre , TTETipECÊLE'îî'TRC JW-nujopTT
irrcucy, est considéré ^ aussi comme le premier
homme, TTOJopTT ItpaTJW-E » c'est-à-dire, comme
le protoplaste ou Adam ^
La filiation que suivit cette légende pour passer
des gnostiques aux musulmans est facile à retracer.
Lorsque le clu^istianisme se fut 'assis siu* le trône
des Césars, les gnostiques, en butte aux rigueurs
de la législation impériale, cherchèrent im refuge
dans l'Arabie , asile ouvert à tmites les communions
dissidentes. On sait que Mahomet mit plus d'une
fois à contribution ces doctrines hétérodoxes pour la
rédaction de son Alcoran. C'est siu* ce terrain que
les gnostiques et les Arabes se rencontrèrent et que
ceux-ci , en embrassant l'islamisme , empruntèrent
aux premiers la tradition relative à l'empreinte du
pied d'Adam.
Tous les écrivains musulmans.qui ont eu l'occa-
sion de s'occuper de Ceylan n'ont pas oublié de
* Fol. i3,col. d; i8,co*i. a; 78, col. c; 1 33, col. a; iSy, coI.d.
Il serait trop long de rendre raison id de ces dénominations et de
celles que contient le passage de la Fidèle sagesse que j'ai rapporté ;
cette explication trouvera sa place dans un trayail que je prépare
depuis plusieurs années sur ce manuscrit, dont la traduction est
déjà achevée , ainsi que le glossaire qui dçit 1 accompagner.
178 JOURNAL ASIATIQUE,
parier de ce vestige miraculeux devenu \in lieu saint,
un but de pèlerinage poiu* les disciples deMahomet ^
comme il Tétait déjà pour les bouddhistes. Mais
ceux-ci pensaient que Foë avait gravé l'un de* ses
pieds au nord de la ville royale^, et lautre sur une
montagne, tandis que les Arabes s imaginaient que
lun des pieds d*Adam reposa sur le pic de Ceylan,
pendant que lautre pied plongeait dans la mer*.
^ Ibn-Bathoutha a donné des détails trèa-cuiieux sur ce pèleri-
nage, fol. 73 V. 74 r. et V. (Cf. Traveb of. Ibn-Batulà, chap. xx,
p. 188-191.)
* Cf. Foè-kouê-hi» chap. xxxviii.
^ La légende musulmane est reproduite complètement dans
la description suivante de Ceyian <, que j'extraits du Merasedral-
Itthila, — « Serendyb est une grande île, dans la mer de Herkend,
aux extrémités de Tlnde : gn dit qu'elle a 80 parasanges dans tous
les sens. Dans cette île s'élève la montagne sur laquelle fut' préci-
pité Adam, et que l'on appelle Alrohoun. Elle s'élève jusqu'aux
cieax, et les navigateurs Taperçoivcut à une distance de plusieurs
jours. Sur cette montagne, est ia trace du pied d'Adam et son tom-
beau. Cette empreinte est celle d'un seul pied , qui est gravé dans
la pierre, et dont la longueur est de soixante et dix coudées. On pré-
tend qu'il posa l'autre pied dans la mer, en le portant à la distance
d'un jour et d'une nuit de marche. On trouve à Ceyian le rubis
rouge et le diamant, que les torrents entraînent dans la vallée et
que l'on recueille. Ceyian produit aussi diverses sottes de parfitmB.
'ô J^l^ jkôJi Jl>j *J^j f^\ AùJi Jj\ «Va9j 'ùjiXê=> ^Lt iL5Ufc*
ùyiaM Lk-âi, A^\ Jliu^ U(ji ,^>aJM^ ^y? j^^ J *--y^
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 178
C'est cette dernière version qua adoptée Tauteur
malay de l'histoire de Srî-Râma K
La légende dû pied d'Adam est célèbre dans les
récits de tous nos anciens voyageurs européens ^,
parmi lesquels figure le chantre inspiré des Lu-
siades : ■ ..,
Olha em GeilaÔ , que o moûte se alevanta
Taâtô, que as nuveùs passa, ou a vista éngana; *
Os naturaes o tem por cousa saota,
Pela pedra onde esU a pegadà humàna '.
Nous, arrivons à la seconde des deux, divisions
que j ai tracées dans la mer des Indes , au golfe du
Bengale.
Si les anciens en connurent la partie nord h^eau-
coup mieux que les Arabes, qui ne dépassaient pas
^]yj\ <w^ ^UJl otxifc.Uj (j^\jJ\ cil Jja^^ ^j^' (S^^^
(Fol. 342.) oJJl
* Creschiedenis van Srie-Rcana .^U.cjlj^ o-îU^» t®*^ malay
publié par M. RoorJa van Ëysinga; Bréda* in-4% i843, pag.' i35.
* All^. Fabricius a rassemblé , dans son Codex pseudepigraphus ve-
teris Testamenti^ tom. I, pag. 3o, et tom. II, pag. 20 et suiv. un
grand nombre de passages de nos anciens yoyiigeurs européens sur
l'empreinte du pied d'Adam à Ceylan. — Tl existe d autres localités
dans les parties de TAsie occupées pap les bouddhistes et même par
les musulmans, où Ion retrouve de 'ces sortes- d empreintes. (Voir
un mémoire sur celle des pieds de Gautama-Swami , qui fut dis-
ciple de Mabavira» et élevé, dans la suite, au rang de Bouddha,
trouvée dans un temple de Djmnas à Nakbaur, daûs le Behar méri-
dional , et expliquée par M. H. T. €olëbrooke, dans les Transactions
ofthe royal asiatic Society ofgreatBritain and Ireland, vol. I, part m,
pag. 530. Les chrétiens de rinde ont fait de ceUb empreinte cdie
du pied de saint Thomas. )
^ Os Lusiadas, canto x, octav. i36.
]80 JOURNAL ASIATIQUE,
la côte de Coromandel , ceux-ci, en retour, eiu*ent
des idées plus exactes siir 1 archipel d'Asie , ainsi que
siu-ia Chine, qui , du temps de Ptolémée , étaient
encore dans le domaine de la géographie fantastique.
Néanmoins, la position des îles qui composent cet
archipel, et de celles qui sont à Touest de ja pénin-
sule transgangétique, présente dans les relations de
ces derniers, ainsi que dans leurs ouvrages systé-
matiques, comme les traités d'Edrisi et d*Aboxdféda,
ime très-grande confusion que j ai déjà signalée, et
que je crois devoir rappeler, en avançant dans Té-
tude de Titinéraîre du marchand Soleyman.
Il ne pouvait en être autrement, par suite de
Timperfection extrême de la science . nautique à
cette époque. Ignorant fart d'appliquer fastronomie
à la détermination des- positions terrestres ^, dépoiu*-
vus d'instruments d observation , et du plus précieux
de tous, la boussole, sans laquelle il est impossible
de se hasarder ^en pleine, mer, les navigateurs sui-
vaient une direction purement empirique, ~et ne
parvçnaient à fixer la position des lieux qu'ils visi-
taient que d'une manière approximative et sauvent
très-incertaine. Le marchand Soleyman nous en
fournit un exemple fi:'appant, quand il nous parle
d'une certaine île qui recelait des mines abondantes
d'argent, et que je montrerai plus loin être la plus
* Aujourd'hui même , où là connaissance du globe terrestre est si
avancée, il serait peut-être impossible aux marins,. en se dirigeaat
dans leur route d'^ès Testime seule, c'est-à-dire sans chronomètres,
de répondre d'une erreur de trois degrés en longitude dans un voyage
de quelques mois.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 181
grande des îles Andaman^ «On ne put jamais la
retrouver, dit ce navigateur, après y être allé une
fois, et ces cas, ajoute-t-il, sont fréquents en mer, »
jjlS'j.jg:i^\ i !*>v-^ JJU3 2^ H est donc tout naturel
que des traités systématiques de gécî|raphie, com-
posés par des hommes de science chez les anciens
et chez les Arabes, cest-^ndire par des honunes'sé-
dentairespar état poiu* la plupart, d'après les rensei-
gnements qui ieiu" étaient foiu'nis par lés voyageurs ,
laissent apercevoir quelquefois des traces de fin-
certitude de ces renseignements. Cest une raison
pour nous, non de les rejeter, mais de les discu-
ter avec critique, et de nous efforcer d y démêler ce
qui s'y trouve de vrai. C'est ainsi qu'il a été reco;inu
que Ptoiémée, qui d'ailleurs a commis de si graves
erreurs, transcrit les noms indiens sous une. forme
correcte et très-rapprochée de la forme sanskrite';
* Voir page joi.
* Relat. t. II, p. 1 1 ; 1. 1 , p. 9 et 10* — Il y a encore, de nos jours,
des exemples de recherches tout aussi infructueuses. Les itinéraires
desTortugais et des Espagnols, qui, les premiers de tous les peuples
européens, ont exécuté. Vers la fin duxv* siècle et dans ie cours
du XVI*, de grandes pérégrinatipns maritimes, offrent des traces
d^une science nautique plus avancée, sans doute, que celles ..des
anciens- et des Arabes, mais encore bien imparfaite, quoique la
boussole et plusieurs instruments d'observation fussent en usagé.
Un déa plus curieux monuments de ces primitives navigations des
modernes est le routier de Mendana, que j'ai retrouvé dai^s les mss.
de la Bibliothèque royale, et qui est prêt à être publié; il est inti-
tulé : «Relacion breue delo suscedido en el viage que hizo Aluaro
de Mendana en la demanda de la nueua Guinea-, laquai ya estaua
descubierta por Inigo Ortiï de R^tés que fue con Villalobps en la
tierra de nueua Ëspana , el ano de 1 ^4 1 . »
•'' Desborough Cooiey, Hist. ijén. des Voya(jes, tr. fr. t. ï, p. 112.-
182 JOURNAL ASIATIQUE,
et ia tradition sur laquelle repose ia dénomiaàtion
qui! donne à la Péninside dor, >) XP*^^^ x^P^^»^^^^»
et à la Métropole d'argent, >} àpyvpv fitirpSiçoTiis, dans
Tîle laêaSlov ou Java, est évidemment un document
indien^, ainsi que i atteste Byrouny^. Edrisi% de
son côté , au milieu des déplacements étranges que
Ton remarque dans sa description -de la mer des
Indes, a recueilli siu* larchipel d'Asie des docu-
ments dont la valeiu* ressort pleinement ^e l'étude
de son texte , éclairci par les récits des voyageurs
modernes.
' Géogr, Vil, 2 , S 1 a. Ptpiémée a connu parfaitement ia signifi-
cation du nom sanskrit de Java dJc4^Mi ^^ javanais ftn0J1l|g;ON
puisqu^il en donne la traduction : Za^aèiov tf la^aêiov'è aniuJiftt
HpiQHs vrjcfQs, (Géogr, Vif, â, S 39.) Je dois faire observer qo» la
leçon iaSoiSiov se rapp;>oche de la forme sanskrite du nom de Java,
et que là -leçon Za€aSiov est plus voisine de ia forme javanaise de
ce nom.
* Dans les Fragments de M. Reinaud, extraitm** m, texte iprabe,
p. 92; trad. p. 123. — Cette tradition des pays dW s'est perpëtaée
jusqu'au ]i^?i* siècle, et même jusqu'au xvii*. Elle existait dans toute
sa force lors des premiers voyages des Portugais et des Espagnols
dans Tarchipei d'Asie. Les Voyages aduentareux de Fernand Men4ei
Pinto (v. ia vieille trad. franc, de Figuier, Paris, i645, in-A") sont
l'expression la plus (idèledes récits légendaires qui avaient cours aa
XVI* siècle sur ces contrées fantastiques^ A mesure que les Pèrta,-
gais et les Espagnols firent des progrès dans ia connaissance géo-
graphique de i'archipei d'Asie, ils cberclièrent plus à l'est, dans la
Nouvelle-Guinée, à ia Nouvelle-Hollande, les pays de i'or el de
l'argent En suivant ia cliaine de cette tradition à travers les âges , et
en rassemblant les faits qui s'y rapportent, on ferait un travail très-
intéressant. Il faudrait y rattacher les recherches tentées par les
Espagnols en Amérique pour ' découvrir * ie fameux Eldorado, re-
cherches inspirées par la même croyance à l'existence de ces régions
merveilleuses.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 183
Continuons maintenant la route Suivie paj» So-
leyman, en recourant à Massovjdi, et çn nous gui-
dant d après les indications ingénieuses dont le sa-
vant traducteur Ta jalonnée.
Au delà de la chaîne des rochers qui s'avance du
continent indien vers Ceylan , et qui forme le pont
de Rama., ^gsw , ou le pont d'Adam des musulmans,
commençait la quatrième mer, appelée Schelabet,
la4^^Lâ , qui f épond à ce que l'-on appelle mainte-
nant le golfe de Palk. Cette mer est celle que Mas-
soudi désigne .sous la dénomination de Kalah bâr,
jlf ^, du nom d'ime contrée que M . Reinaud croit
être la partie méridiojiale de la côte de Coro-
mandel. La cinquième .mer se. nommait Kedrendj,
gr)4>5^ ouKerdendj, ^^J^^ G est probablement celle
qui mouille la côte t)riêntale de la presqu'île de
l'Inde, à partir de Tembouchure de la Kistna, en
remontant vers le nord. De là oh passait dans la
mer de Senf, uÂJuo, qui était la sixième, et qui, sui-
vant Massoudi , renfermait le centre de l'empire du
Zabedj, dont il va être question tout à l'heure. La
septième et dernière mer était celle de Sandjy, ^5^w,
qui commençait à l'embouchure du détroit de Ma-
laça et de celui de la Sonde, et qui, comme le fait
observer Massoudi, se prolongeait indéfmiment au
nord et à l'orient ^ .
Au rapport de Soleyman, on arrivait de Mascate
** Relat, dise. prél. t. I, p. Ixxvj et Ixxvij, (Cf. Moroadj al-Zeheb
ms. de laBibi. royale, supp!. ar. n** 5r4> I" partie, fol. 67 r.)
184 JOURNAL ASIATIQUE.
en un mois de marche, avec un vent modéré, à
Koulam Malay, J^ >*!P t port situé im peu au nord
du cap Comorin, dans le pays appelé MaX^ par
Cosmas \ et Malabar par Ibn-Bathôutha ^ et les
modernes^. Delà, on se dirigeait vers le lieu nommé
Kalahbar, jl> it^, d'où la quatrième nier tirait sa dé-
nomination , suivant Fauteur du Moroudj , et doiit la
position aété déterminée déjà. Dix joiurs dé navigation
conduisaient ensuite les navires à Bétoumah , ^^^.
Notre savant orientaliste pense, avec Renaudot, que
Bétoumah est la ville de San Thotné, Beit Tourna
en syriaque, autrement appelée Meliapour, ou mieux
M ailapour, ville où , suivant la tradition des élises
nestoriemies, lapôtre saint Thomas reçut la palme
du martyre ^. De Bétoumah, ils atteignaient, dans
le-même espace de temps, ie l!eu nommé Kedrendj ,
^^j6^ le même qui, suivant Massoudi, donnait son.
nom à la cinquième mer. Là, quittant la. côte orien-
tale de la presqu'île de^^ l'Inde, ils traversaient ie
golfe du Bengale , en se dirigeant vers la pénin*^
suie transgangétique. Ils y parvenaient, au bout de
dix jours, au lieu nommé Sçnf,.vJU4©,' par lequel
on désignait la sixième mer, et qui se trouvait, à ce
qu'il paraît, aux environs du golfe Martaban. On peut
^ Topojfr. cWt. p. 178 et 337.
* Fol. 59 r. et suiv. pcw^fm..
' J'omets les îles Lendjebâlous^ placées ici par M. Reinaud,.daiis
Titinéraire de Soleyman; Ton en verra la raison plus loin, pages
i85 et 200.
* Anàenikei relations des Indes et de la Chine, pag. i46, 147,
228 et suiv.
AOUT SEPTEMBRE 1846. 185
conjecturer que Kedrendj , où leâ embarcations arabes
mettaient à. la voile pour la- presqu'île de Malaca,
était situé non loin de l'eiiibouchure du Meeéolas de
Ptolémée , la Kistna , suivant d-Anville. C est là que
se. rendaient les navires du temps du géographe
alexandrin pour passer dans la Chersonèse d'or.
Rennell croit que le ppin t. précis du départ de ces
navires était le cap Gôrdeware > \m peu au nord di^
GQdaveri^ •
En cheminant avec Sôleymàn dans les mers* où
s*ouvre le golfe du Bengale, nous rencontrons main-
tenant les îles Al-Râmny,^p-*!^l, Al-Néyan, yWt,
Lendjebalous, u-jJls^, et Ândâmân, ^j^UlJsjl. La
détermination de la position des trois' premières a
donné lieu à de très-grandes diffiGultés. Mais, si l'on
fait attention à Tordre dans lequel, (5es îles ^e pré-
sentent dans la relation de Soleyman, on se con-
vaincra qu'il les a décrites dans le sens de l'est à
l'ouest, c'est-à-dire dé la route que tenaient les na-
vires e» revenant.des mers de la Chine vers Ceylan ,
t^^i^^^jj^ Jt (j^^^j l^t ^, et nullement dans un sens
inverse. En suivant cette direction avec le navigateur
arabe, et d'accord avec la position des lieux, fonrèn-'
contre d'abord Al-Râmny ou Râmny, qui serait Su-
matra, puis lès îles Lendjebalous ou NiçqbBr, et enfin
les îles Andâman; et cç qui senpibié justifier mon
opinion, c'est* que la partie du voyage où ces îles
sont mentionnées, et qui forme la description gén.é-
* Uelat. dise. prél. p. Ixxxiij à cv. • • .
» helat.i. ÎI, p. 8.
vm. ï3 .
186 JOURNAL ASIATIQUE.
raie de la mer des Indes, constitue un fragment à
part peur ainsi dire, une- sQite de préambule, tandis
que. Titlnëraire commence im/peu plus loin (texte
arabe, p. i5;trad. pag. i3|, et a pour point de dé-
part Syraf , sur les côtes du Fai'sistan. D'aifieurs ,
en considérant J a narration de Soleynian dans son
ensemble , on s aperçoit évidemment qu'elle se-comr
pose de divers .récits raicontés par lui de méinoine,
et recueillis après coup par un rédacteiu* qui i«s à
rassemblés sans beaucoup d'ordre. Il est donc permis
d'en discuter les éléments et de les rétablir ^ans une
suite régulière, telle que Imdique Tétat actuel de
nos connaissances géographiques. Et. d abord, j'ai à
parier.de Tiie Rârimy.
• Un savant orientaliste allemand , M. Giidemeis^
ter, a adopté f opinion que le nom de Râmny, qu'il
. prononce Ramanâ , devait* s appliquer, ainsi que les
noiïis de Comar, jU, et de iCàlaH, Aâ>, à la par^
tie de. l'Inde continentale appelée plus tard Ma bar
jajCp, et qui, à Test du cap Comorin, fait face à Gfey-
. lan. Il pen^e que cette dénomination, nëç sur- les
lieux qui fiu'ônt le principal théâtre des exploits du
héros du Ramayana, a été empruntée, à la ville cé-
lèbre nommée Ramanatlia , aujourd'hui Ramnad , sur
le détroit dé Ceyian \ Le sentiment de M. Reinaud
est que l'île Râmny peut être identifiée avec celle de
' M. Gi-ldemeister, Scriptoram arabnm de- rébus indicis , p. 58 ', 69.
^- Édrisi (fol. 19 r. et tr. fr. tom. I, pag. 74) transcrit îe nom de
nie Râmny sous la foràie j]j Rânvy.ll ajoute qu'il, y avait une
ville de ï'inde qui portait le même nom. Peut-être est-ce la ville de
Bamnad dont parle M. Gildemeister.
AOUT-SRPTEMBRE 1846. 187
Manar, au nord-ouest de Ceyian. Il se fonde sur
Tasserlion du marchand Soleyman^ qui dit que
Râmny était baignée à la fois, par les deux mers Hejr-
kend -et Schelaheth, et sur les paroles dé Byrounyj;
qui nous apprend que les îles du Zabedj,.gJ>Jl >*!>=*•»
étaient situées dans 4a partie de l'Jnde qui -est tour-
née vers forierit, et qui se rapproche <le la GBine-;
que lès îles situées du côté de foccidefit sont îës îles
desZendjs, gj^' ^.b^ ou Madagascar, et 'qtie celles.
placées au centre sont les îles de B.am,|*p!.^)y?-, et
les îles pybadjat.^
Mais il existe plusieurs considérations qui portent
à chercher la position de Râniny dans Siunatra. En
étudiant lordre dans lequel Soleyman fait suivre
les îles Râmny, Lendjebalous et Andamân,..il est
impossible de ne pas admettre cette assimilation;
Kazwinî , dans sa Cosmographie, intitulée 4;^^tl^
^îiXUîl , atteste que l'île Râmny est située dans la
nier de Chine ^, et Bakoui dit la même choSe jians
son livre intitulé siLXL* «-^^tl^^ jb^l ja-Acio c-»Ufe
j^^y^ . L'auteur du Merased-alrltthila place Râmny ,
qu'il écrit ^^Ij, sur la mer dé Schelaheth, aux limites
* M. Reinàud, Fragments.; texte ar. p. 92; trad. p. i2.3.
- Fol. 20k .
3 Ms.de laBibl. royale, ancien fonds. ar. n° 585. (Voir ia.tra^.
franc, du traité de Bakoui, par Deguignes, dans les Notices et Extraits
des nass. t. ïl , p. 397.) Je sais que Kazwini, le savant naturaliste,
est, comme géographe, ainsi que Bakoui, une médiocre autorité :
mais je ne les cite que lorsque leur témoigtiage s'accorde avec celui
des autres géographes arabes,
i3.
188 JOURNAL asiatique;
extrêmes de ilnde ^ en ajoutant que c-'est une grande
île à laquelle on attribue une étendue dé huit cents
parasknges^.- Rien n* empêche de supposer que cette
mer, qui commençait au sud de la péninsule in-
dienne! ; auprès de Çeyian, se prolongeait, suivaint
les idées de ce dernier géographe , en droite ligne
^u sud du golfe. du Bengale Jusqu^À Sumatra. Ce que
nous avons dit plus .haut de la manière diverse, dont
* les écrivains arabes partagent le bassin .de là mer des
Indes rend cette Hypothèse nullement improbable;
çUè pourrait s apptiyer d'âilleiu'S siur Tétymologie du
mot Scheiaheth ou Selaheth ^, que Marsden croit
être une. altération dii mot mday cxLm, selat, lequel
signifie un détroit en. général, et, en particulier, celui
de Malaca ou Singapore. D après MaSsdudi, une
distance de jnille parasanges sépare Râmny de Se-,
réndyb ^. Suivant Edrisi, il faut* trois jours pour se
rendre de Râmny à cette dernière île ^. Quoique
Vintervalle donné par ïauteur du Nozltet-al-Mosch-
tak soit une erreur palpable ,• si elle n est pas une
faute de copiste , puisque sept à huit jours sont néces-
saires niaintenant pour faire la traversée de SuHia-
tra à Çeyian , il n'en est pas rnoins certain ique cette
doniiée, qui tient à la connaissance très-imparfaite
1 Fol. s82.
s J^,^(^- suivant la leçon que portent le texte du ms. précité
d^Édrisi que j'ai soûs les yeux, fol. 20 V. et 21 r. et Texempiaire
du MerascdMil-itthUa de la Bibliothèque royale.
^ Voir .l'extrait du Moroiidj-al-Zclieh , donné par M. Rein'aud,
Jleial. t. II , p. iSg. (Cf. la traduction anglaise de Massoydi, , par
M. le ly Sprenger, tom. I, p. 352.)
* ^ozhei'al'moschtak , fol. 19 v. et trad. franc, p. 76.
AOUT-SEPTEMBRE ia46. 189.
qu avait Edriâi des mers de Tlnde , rectifiée par celle
de Massoudi, éloigne l'idée de découvrir Ramny .
dans une des îles immédiatemeut voisines de Geylaa-
Mais il y a en faveur de 1 opinion qui idéntiÉyf-
Râmny avec Sumatra d autres preuves qui nous sont
fournies par la relation même de Soleyman^^t qui
sont bien autrement concluantes que celles qui
précèdent. Il nous dépeint cette île comme par-
tagée entre plusieiirs rois et comme ayant une éten-
due de huit à nçuf cents parasanges. Il ajoute- qu'U
s y trouve des mines d'or, des plantations" appelées
ji^^Aflù* , farisour, d'où loti tire le camphre de première
qualité , qu'elle produit dé nôinhreux éléphants, ainsi
que le bois de Brésil et le bambou; et qu'il y a une
peuplade qui mange les hommes ^.
Le fait que Râmny donne Ip camphré dB première
qualité ne peut s appliquer qu'à Sumatra, ou à Bor-
néo , les seuls pays où naît le véritable camphre. Or, '
il ne saïu'ait être ici question de l'île Bornéo, beau-
coup plus reculée que Sumatra dans IVchipel d'Asie,
et dont il est fort douteux, jusqu'à présent, que les
Arabes aient jamais parlée niais bien de Sumatra,
puisque Soleyman affirme qu'à'Râmny il y avait dés
plantations dites /an^Our, d'où l'pn tiraît le meilleur
camphre. Nous savons, en effet, par Marco-Polo, .
que Fansour^ est le nom de l'un des huit royaumes
» lîe/«t. t. I, p. 8el9;-t.H; p. 6v7 et8. *.
* Fansour est. la leçon gén^ralemetft adoptée aujourcThui; c'est
celle de Tédition de Marco-Pola, donnée à Bâle, et de quatre mss. •
d'entre les dix dont les variantes ont été transcrites à la suite do .
.190 JOURNAL ASIATIQUE.
qui divisaient Java la Menor ^ 6u Sumatra. Dans son
^éditîon du voyageur vénitien , Màrsdena lu ce nom
Fànfur, et a supposé qu'il devait réipondre à. celui
'àê Kâmpar, district de la côte orientale de Sumatra*.
Mais, comme le camphre que cette île produit* pro-
vient de la partie nord-ouest, cest là très-cprtaîne-
meht qu'il faut aller chercher le j^^a^ ou. jyaji» des
rédilion de son voyage^ publiée par îa Société de géographie. (Re-
cueil de Voyages çt de Mémoires ,' ïom. I.) Cest celle qu*a admise
récemment {i844). M. Jlugh Murray dans son édition de Marco-
Polo y qui fait ^ariié de la collection designée sous le nom de Edin-
buryh cahinet îibrajy. MM. Reinaud et de Slahc, dans leur édition
de îâ Géographie d'Aboulféda, lisent jy.âA3 , comme Langlès dans
, le texte atabe de la relatidn deSoleyman (t. II, p. 8), et Degoignes
dans sa traduction dô hakom:(Not'etExir. des man.U II, p. 4 1 5).
On trouve ailleurs jû<,.a^. Gtjy^yi . Ce nom s'applique à la contrée
de Sumatra, nommée Pcwourr (jjy^ par Tauteur de la Chronique,
malaye, intitulée : Schedjaret-MalwfoujJ^ùLo (;jj (édii. de Sin-r
gapore, cbap. vu, pag. 82"). Si la leçon (C)yâJ, adoptée pér
Le'yden dans la traduction quil a donnée de cet ouvragé, et par
l'éditeur anonyme qui en a publié le texte récemment, est exacte,
la leçon jyo^ , qui se trouve quelquefois dans les écrivains arabes,
serait la plus rappirochée'de la forme originale malaye, et par con-
séquent la meilleure. ■ •'
* L'auteur de l'atlas catdian dé 187 5, conservé à la Bibliothèque
royale, département des manuscrits, n^'.OSiG, ancien fonds, me
paraît avoir désigné Sumatra sohs.le nom de Illa laua (4* carte hy-
drographique], comme L'ont fait tous lès anciens géographes et
■ voyageurs. Il place dans celte .île la production du camphre,
camphorçL^. C'est par une erreur de copiste que- ce nom est écrit sur
cette carjte lana. Je suis loin de partager l'opinion de MM. Buchon et
Tastù, les éditeurs de ce document si curieux de la géographie du
moyen âge, qui pensent que laaa est Ceylan , et que l'ii/a Taprolnma
. désigne Sumatra. C'est tout le contraire. ( Soiices et Extrcdts djes
manuscrits, toni. XlV, 11' partie , p. 1 36-1 38.)
* 'Tke travels of ]\farco-Polù , London, in-4*, 1818, p. 6i4> 61 5.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 19î1
écrivains arabes et leFan^our deMarjcoPolo, quoique
cette dénomination ancienne ait dispai^u aujourd'hui.
Aboulféda me paraît avoir connu mieux qu'aucim
autre la position de Eansour, qu*il détermine ainsi :
L^t c^aimaJL» !SLjy^j^ AJUJO* S^U>' *^"^>r^ fXy^^ *^3
vjuAi^ ^, (( Au midi de Java (Sumatra des modernes),
est la ville de JFansour, qui donne son nom au cam-
phre appelé fansourien; elle est par 1 45'' dé longi-.
tude et un degré et demi de lati4:ude. ».
Les mots »^U>- ÏK>s?- <Xy^ i^ doivent être, à
coup sûr, entendus de la partie de Sumatra qui se
rapproche le plus de Téquateirr, c est-à-dire , la côte
occidentale ; et la latitude d'un degré et demi , donnée
par le géographe arabe, coïncide assez bien avec la.
situation des districts de Sumatra d'où l'on tire le
camphre le plus estimé?
Un savant orientaliste' que. j'ai eu déjà l'occasion
de. citer, et qui poissédait.à.fond la connaissance
de l'histoire naturelle des pays malays., comme le
prouve le- soin avec lequel e;st traitée cette branche
de la science dans son JV/a/oyan i)iciM)7ia7y et dans son
Hùtoryof Sumatra, Marsden a consigné, dans ce^-dèr-
nier ouvrage, sur la provenance du camphre^, des
détail^ précieux, qu'il est indispensable de connaître
pour entendre ce qu'ont dit de céttie substance] es na-
turalistes arabes.En voici Iç résumé : «L'arbre d'où on
' Takwjnl-al-Boldan, pag. 369.
* History of Sumatra, 3* édit.- London, in-4°, 181 1, p. 1 49-1, 53.
192 JOURNAL ASIATIQUE,
l'extrait, Dryobalanops camphora, croît dans là région
nord-ouést de Sumatra, sur une zone comprise entre
1 equateiu*' et le troisième parallèle nord. H pousse
sans culture dans les forêts qui avoisinent la cote, et
prend des proportions de hauteur et de grosseiu* très-
considérables , puisque sa circonférence dépasse sou-
vent quinze pieds (anglais). Le camphre se forme 'à
rétat de concrétion dans Tintérieur, où il est recelé
dans des fissures naturelles ou crevasses. Rien, au
dehors, n en trahit fexistence. Les Malays vont à sa
recherche assistés toujours d un sorcier de profession.
Ce.secours ne les empêche pas d'être obligés d abattre
et de fendre un très-grand nombre. d'arbres, parmi
lesquels un à peine sur dix, ordinairement, contient
du camphre ou de Thuile die camphre, jySJ^\5-AAi«,
minak kapour. Cette dernière substance, cependant,
est moins rare que Tautré. La difficulté de se pro-
curer le. véritable camphre ou de première qualité ,
celui que les Malays. appellent o-^j^ j^*^' Kaponr
barous, du nom dune. rivière- qui à son embouchiipe
sm» la côte nord-ouest de Sumatra, non loin de
Siugkell, et qui donne son nom à une localité ,
est cause du prix élevé auquel il se vend. » Il en était
de.xïiême du temps de Marco-Polo : « En qette roisgine
(de Fansour) , dit-il, naist la meillor canfara fànsuri,
et vaut miel que ne. vaut le autre; car je yoz dis
que se vend atretans or a pois V » . .
Le camphre de Sumatra, acheté aujourd'hui
presque entièrement par les Chinois à raison de six
} Édition <lc la Société de géographie, chap. CLxx, pag. 196.
AÔUT-SEPTEMBRE 1846. .193
piastres^ la. livre (anglaise)., ou de huit piastres le
catty^, e» vaut, à Canton, dix- ou douze la livre,
c!est-à-dire dduze. cents ou (juinze cents le pikouP de
cent cattys. Le premier choix va jusqu'à deux mille
piastres, et même au delà. Cette valeur exagérée
s'explique aussi .par reflBcacité merveilleuse et sur-
naturelle que les Chinois attribuent au camphre natif.
Le marchand Soleyman rapporte que cette subs-
tance était au nombre des objets que fe souverain
de la Chine prélevait sur les marchandises impor-
tées dans son empire, qu'il la- payait à raison de
cinquante fakkoudj ^ le manna ^, et que ce qu'il -en
laissait était mis dans la circulation générale , et
vendu pour la moitié de cette valem*.. Il raconte .aussi
c[ue le camphre, était employé, ainsi que l'aloès,
pqm^ la sépulture des princes^.
Le camphre du Japon, obtenu au moyen d'une
décoction dubois et des racines dulauras camphora, L,
est bien loin, pour seg- propriétés., de valoir celui
de Sumatra, Il s'évapore facilement j tandis que ce
dernier, étant gardé, ne perd pas sensiblement de
^ La piastre forte est de loo cents et vaut 5 francs do centimes
dé notre monnaie.
^ Le catty, vjt4=>> poids en usage dans la Malaisie et dans les
ports de da. Chine, égale 6o5 grammes, poids français.
^ Le pikoul,' ASC^ 't vaut 6o kilogrammes 472 grammes.
^ Cent francs de notre monnaie, -suivant les calculs de M. Reinaud.
(fiefet. t. II» not/92.) '
^ Le manna est un poids indiien qui varie, suivant les provinces ,
depuis deux livres jusquau*dessus de quarante. 0i/[, Reinaud, ihîd.
not.99.)
*" Relat tom« II, pag. 36 et 87 et tom. I, pag. 35.
194 JOURNAL ASIATIQUE.
son volume,. quoique son extrême volatilité doive
le rendre sujet à décroître. Le camphre du JapQn,
qui se vend, d après Marsden, soixante-quatre à
soixante-cinq fois moius cher que le camphre natif ,
est celui qui est répandu, en Europe, dans le corq-
merce^; Les Arabes paraissent avoir Connu le cam-
phre beaucoup mieux que la plupart de nos natu-
ralistes modernes^, et le marchand Soleymanse
montre bien informé à cet égard.. •
Les autres, circonstances de son récit relatives-, à
Râmny ne sont pas tellement spéciales à. Sumatra,
quelles s y appliquent nécessairement comnle la
précédente ; mars elles s'y rapportent avec non moins
dlexactitude. '
Suivant sa relation , comme suivant Marco-Polo ,
cette lie était partagée entre plusieurs rois : a Sur ceste
ysle, dit le voyageur vénitien, ha- huit roiames et
^ Historj of Sumatra, p. 1 5 3. —Suivant une autorité plus récente,
la production du camphre apporté sur la côte occidentale de Suma^
tra pour être vendu, ne dépasse pas 5o pikouls par an. Le premier
choix vaut de 8 à 1 2 piastres Je catty. ( Miîburh , oriental Commerce,
• London , in-4°, 1 8 1 3, vol. Il , p. 3o8.) — D après le Manuel du négo-
ciant français en Chine , par M. de Montigny, attaché à Tambassacle
de- M. de'Lagrené en Chine, la production du camphré malay ou
camphré harous» s'élève à 8oO pikouls (^Q^opo kii.) par an; il* .'est
tout envoyé en Chine. La proportion du prix entre le camphcemàlay
et le camphre chinois est de i8 à i dollar. Lexportation annuelle
du camphre de Chine et du Japon , en Europe et en Amérique, est .
de. 3 à 4,ooo pikouls ( i85,ooo à 2^6,000 kilogr.}. Ses prix varient
de 20 à 3o dollars. par pikoul ^e 1 fr. 94. c. à 2 fr. gj c.par kilogr.).
(Voir les Documents sur le commerce extérieur, publiés piar le Minis-
tère du commerce , n** 3 1 9 , mars et avril 1 846 , pag. 228.)
* Voir, à la fin de mon mémoire, la note additionnelle sur 1 origine
. et les différentes espèces de camphre , d'après les auteurs arabes.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 105
huit rois ooronés en cette ysle, et sont tuit ydres
(idolâtres) et ont iangaj^ por elles ^.w L'historien
portugais Joam de BarroS affirme pareillement que
Smnatra comprenait divers royaumes : «Pedir ca-
ubeça do reino assy chamado do§ muytos que ha
(( nesta grande ilha çamatra^. » « Le roi d'Achen; dit
Beaulieu, possède la moitié (de Sumatra) , et qui
est la meilleure; lautré moitié est possédée de cinq
ou six rois , lesqui^s , tous ensemble , ne sont, à beau-
coup près, si puissants que celui ïAchen; encore
qu'ils possèdent de bonnes teçres ^. » Valentijn nous
rejprésente l'île de Sumatra comme partagée en un
grand nombre de souverainetés^, et un orientaliste
géographe, M. Roorda van Eysiriga, noUs montre,
dans une récente publication , que le même état de
choses continue encore de nos jours ^.
Comme Sojeyman, Marco-Polo atteste qu'il s'y
trouve des éléphants. Dans le royaume de Basma,
qui est le second de seS huit royaumes deSumatra,
((il ont, dit-il, léofans sauvages ^. » Ibn-Bathoutha ,
dans sa Description de Sumatra et de Java, nous
représente ces animaux comme se trouvant dans
* ChaJK CLXviX, pag. 191.
» Décad. il,liv. VI, chap. II. '
* Mémoire da voyage avuc Indes orientales du général Biaiiheu (en
1620), dans la relation de divers voyages curieux de.Thévenot, II*
partie. Mémoire, p. 97.
* Fr. Valentijn , Beschrijving van Smnatra, dans son ouvrage inti-
tulé Ouden nieuw oost Indien, iom, V, n* partie, pag. .2.
^ Aardrijksbeschrijving van. Nedertandsche Indie, Breda , in-8*, 1 838,
pag. 33.
* Chap. CLX VI, pag. 192. -
196 JOURNAL ASIATIQUE,
ces deux îles , assez communément pom*- noua con-
vaincre qu'ils y étaiehtindigènes. La même induc-
tion se tire . des récits d'es écrivains malarys , et ,
entre autres^ de lauteur du Schedjatet-Malayoa.
Nous. savons pa;* ce dernier qu'il existait des élé-
phants sauvages dans plusieurs contrées* de la Ma-
laisie , entre autres le roy&iune de Pahang, qui fait
partie de la péninsule malaye, et qu'un des plaisirs
des souverains de ce royaume était la' chasse de. ces
animaux, à laquelle il se reridait avec un corps de
gens employés à ce service ^.•
Les mines d or dont parle notre voyageur arabe
rappellent les richesses métalliques dé rarchipei
d-Aisie , si célèbres de tout temps , et vantées par Pto-.
lémée'^ et Aboulféda * , comme par les autem*s euro-
péens modernes. L'unanimité de ces témoignages iie
laisse aucun doute sm» la véracité du contiuuateur.de
Soleyman, Abou-Zeyd*, ainsi que de Massoudi^ lors-
qu'ils racontent que- les anciens rois du Zabedj ou
Java avaient un palais bâti auprès d'un petit étang^
dans lequel on jetait; chaque joiu», un lingot d'or
en forme de brique, et qu'à lem* mort ces briques
étaient rétirées i puis fondues et réparties , suivant
^ SchetJfafet'Mtdayoïi» cha^»X%ÏK.ip, a^^t.^gà'
« Géogr,\îl, 2,SS 17-25.
^ .Takwym-al-Boldan,p&^ ^S^.
* Relat. tom. H, pag. 91 -93 et tom. I, pag. 95-97.
^ Moroudj'ol-Zeheh, Ms. de la Bibliothè({ue royale, supjpléra. ar.
n* 5i4, I" part. fol. 34 r. Trad: angl.' de M- Spretfger, tom. If
pag. 192. . • • .
" Ces sortes de constructions sont appelées par les Malays ^y^i'
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 197
une part proportionneUè , entre les princes de la
famille^ royale et lés genis du palais, et que le r«ste^
était distribué aux pauvres' et aux malheiu'eux.
A Sumatra, la chaîne des montagnes qiH tra-
versent Tîle dans toute sa largeiu* recèle , sur une
foule de. points, des mines d or dWe abondance
extrême;, sans compter celui que Ton retire des ri-
vières. Mais c'est dans le district de Menangkabaw,
à Imtérieiir, que ces mines donnent ce. métal en
plus gjaride quantité; Liinoun, Batang Asèi et Pa^
kalang Dj'ambou sont cités . par Marsden comme
trois localités où le pommerce de for est très-con-
sidérable ^ •
Dans leroyàume de Lanabri^, ià Sunjatra, « il y a
berzî,ditMafco-Polo, en.grant habondance^; « a L'île
de Ràmny prodiiitle bois de Brésil, ^^V [cœsalpi-
nia sappan, L.) , »' avait dit côtnmé lui Sôleymaii *.
. Le même accord se manifeste entre ces deux
voyageurs dans l'assertion relative à lexistencë d'une
peuplade anthropophage. Marco-Polo la place dans
le l'oyaume qu'il nomme Feflec. « Or, sachiés qe en
ceste reingne de Ferlée, hachaions de mercaant
saracins, qe hi usent çontior nés, lé ont converti
* History of Sumatra, ^pag i-65. — ■ Valentijn a donné, dans sa
Description précitée de Sumatra^ pag. 16, ia liste des mines d*or
occupant le versant des montagnes de cette île, qui fait face à la
côte occidentale. " . .
* C'est la contrée appelée c^J^ ' ^^ » 9uivant une meilleure le-
çon y ^jui, par l'auteur dvL'Sckedjaret-Malayou, chap. VIII, p. 73.
? Chap. CLxix, pag. igS. . .
yRelat t. II, pag. 7 et tom, I, p. 9. La même chose est répétée
parÉdrisi, Nozhet-aUMoschtah , h\, 19 v. trad. fr.pag, 75.
198 JOURNAL ASIATIQUE. .-.
à la loi de Maomet, e cesti sunt celies de la cité
solamant; mes celés des montagnes sunt tiej como
bestes; car je voz dis tout voirameiit qu'ils menuient
cars d'oumes et toutes autres cars è bonne e mau-
vase ^ » Il s agit ici des Battas, peuple qui habite ies
districts montagneux de lapartje nord-est de Su-
matra» Le royaume de. Ferlée occupait, sans aucnn
doutç, le territoire pu est aujourd'hui Tahdjbng
Perlak, (^ji £^^' ou Diamond-point, à f extré-
mité nord de la côte orientale^; etles*habita^ts,»que
les marchands sarrasins avaient convertis à lît foi de
Mahomet,- ne peuvent être que ceux de Pasey (Pa-.
cem des historiens espagnols et portugais) , viUe si-
tuée non loin de Tandjong Perlak, et où l'islamisme
fut toujom*s florissant^. J'ai montré; dans une pré-
cédente publication *, qu'elle fut le* centre- dune
école de théologie musulmane, d'après les témoi:
gnages rémiis du rédacteiu? de la Liste des pays qyi
relevaient de l'empire javanais de Madjapahit, â l'é-
, poque de sa destruction, en i Ay-S de notre ère, de
l'autem* du Schedjaret-Malayou et de Ibn-Bathoutha.
Ces indications j en nous transportant dans' le
pays des Battàs , au sud de Pasey et de Tandjong Per-
lak^ nous autorisent à y chercher les cannibaie^^ du
"* ChapJ cLxvi, P..192. '
* Jl est parlé du royaume de Perlak , ^^.J? » dan* Je Schêdjaret-
JWia/ayoa, chap. VI, p. 6^. • '. .
^ Il y a dans la Blhlioi-keca Marsdeniana de King's «collègue, à
Londres, un manuscrit qui contient plusieurs traites de philoso-
phie soufique , composés à Pasey.
* Journal asiatique, cahier de juin i846.
AOUT-SEPTEMBRE 18-46. 199
marchand Soleyman et dé Marco-Polo. La notion d'Un
peuple anthropophage vivant sur ce point du globe
remonte, à ce qu'il paraît , à une très-haute antiquité ,
puisque Ptolémée met dans le voisinage dé la pé-
ninsule malaye ses vfiaot tpeis àvdpo^o^dyùsv^ , Cette
horrible co^^tuœe des Battas a été décrite par tous
les voyagem*s européens qui ont eu occasion de- lés
Connaître. «ïn.una parte delïâ sojpraditta isola* che
«cHiamano Batech ((jjt^'Batta* en malay) gli àbita-
A tori mangianô carne hunfiana , » dit Nicolo di Conti^.
M^is il résulte des informations soigneusement re-
cueillies par Marsdèn , que Tanthropophagie des Bat-
tas ne s'exerçait que sur les prisonniers de guerre , et
n'était pas habituelle chez ce peuple ^
Quanta l'étendue que Soleyman assigne à Râmny,
et qu'il fixe à huit ou neuf cents parasanges ^ je
ferai observer que cette mesure , expritnée en nom-
bres ronds, et par un chiffre approximatif , ne signi-
fie ïi en autre chose, sinon que, dans les idées de
Soleyman , l'île de Râmny était fort vaste; c'est d'ail-
/ G^o^ï-. vn,iî,S.?7. . •
* Via^i di Nicolo diConti- (i45o), dans Ramusio, t. J, fol. 3 3 9.
. (Cf. de Barros, décad. III, fol. 1 14 (édition de 1828) , Beâuîieu, Mé-
moire précité., p. 97.) . • • * •
' History of Sumatra, p, 392 et suiv.
* Je n'ignore pas qu'Abouieyd-, le continuatmir de Soleyman , jwré-
tend {Relai. II, p. 89 et t. I^ p. 93) que ce . sont des parasanges
• carrées ou de superficie, jA*MjCy;maii5 je préfère l'autorité de Soley-
man, qui avait l'avantage d'être ailé sur les lieux. Valentijn (loc.
laud.] dit que Sumatra a environ 5oo milles (hollandais de i5 au
degré) de tour ou 800 lieUes environ. Cette mesure ne s'éloigne pas
considérablement de celle que Soleyman assigne à Râmny.
200 JOURNAL ASIATIQUE,
leurs ce quil dit expressément une ou deux lignes
plus haut. Or, cette donnée convient dfe tout point
à Sumatra. . .
Je suis porté à croire que Tile Al-Ncfyan, placée
par Soleyma.n dans le voisinage de Râmny, et par
Édrisi au sud ^ ppiurait'bien être Poido Nias, qui
a sur nos • cartes une position analogue ^. .
Jai rattaché pltis haut celle des îles Lendjéhaious.
d Tarchipel Nikgbar, dajprès la direction de l'itiné-
raire de Soleynian. La coùiparaison de la description
que fait Marco-Polo dés îles Necueram (Nikobar)^ avec
ce que raconte Soleyman des îles Lendjéhaious avait
déjà porté Renâudot^ et Marsden* à adopter la même
opinion. Comme notre voystgem* arahe, Marco-Pola
parle de l*usage où étaient les peuples de ces îles
d'aller tout nus; comme lui aussi, il nous peint l'a-
hondance de cocos qu'elles produiraient*, obser-
vation justifiée , ainsi que la précédente > par les ré-
\ Nazliet-al-moschtak, fol, 20 r. trad. fr. 1. 1, p. 76.
' M. Alfred Maury, qui a publié dans lé Bulletin de U Société
de géographie, (cahier d'avril -1846). un. «Examen dé la route que -
suivaient, au ix* siècle de notre ère, les Arabes et les Persans, pour
aller en Chine,. d'après la relation arabe traduiter successivcftnent
par Renaudot et M. Keinaud » est arrivé , pour la position- de iHe
Ai-Neyan , à la même détermination que moi. M.Alfred Maury ayant
publié son travail avant le mien , je dois déclarer qu au moment où
ce travail a paru, mon mémoire était terminé et remfj^.à la com*
mission d'impression du Jcrurnal -asiatique,, et- que,. par.conséquent^-
]e n'ai pu. y puiser aucun emprunt.
^ Anciennes relations des Indes et de la Chine, pag. i3i.
* Travelsof Marco-Polo, fii Q l'y y (S iS»
* Chap. CLXxi,p. 196.
AOUT SEPTEMBRE 1846. 201
cits des navigateurs tiiôdérnes^ SuivaritHEdrisi , les
îles Lendjebaloùs étaient à dix journées de Seren-
dyb, distanice qui sépare à peu près lés îles Nikobar
de Ceyian ^. ' "
Au delà des' îles Lendjebçilous, étaient deux îles,
nous dit Soleymàn , séparées par une mer nommée
Andâmân. Deux circonstances /Tune relative à la
laideur physique des habitants, 1 autre à leurs ha-
bitudes d'anthropophagie, ont frappé le voyageur
arabe. Ces traits sont reproduits exactement' par
Marco-Polo^ et par tous les voyageurs européens qui ,
à ime époque récente, ont abordé aux îles Anda-
man * , et prouvent Texactitude des renseignements
que Soleymàn nous a transmis.
Les montagnes à mines d argent quil place au
delà , qiii n étaient pas siu* la rcfute , ajoute-t-il , et vers
lesquelles on était guidé par uji pic nommé Al-
Khoschnâmy, ^^Ua!?!, me paraissent être celles de
la grande Andaman, située au nord de la petite île
du même nom, où abordaient sans doute alors les
navires arabes. Et le pic Al-Khoschnâmy est très-
certainement cette montagne de la grande Andaman
que Ion aperçoit, disent les relation^ modernes, de
vingt-cinq lieues, et qui a deux mille quatre cents
» Ritter, Erdkunde, V" Theil, II" Bùch, Aaien, Band IV,
!•' Abtheilung, p. 848. .
* Nùzhet-al-màséhtak, fol. 19 v. trad. fr. t. I, p. 76.
'•* Chap. CLxxii, p. 197.
*' Ritter, Erdk. Vl" TLeil , II" Buch, Ost-Asien, Band IV, I" Abth.
p. 524, et Maltebrun, Géogr, univ. éd. Huot, t. V, p. 369, 36o.
VIII, i4 -
202 JOURNAL ASIATIQUE,
pieds de fcaùteur perpendiculaire. Ces relations,
d accord avec Soleyman, attestent Tabondance des
métaux précieux que cette dernière île produit ^. .
La contrée du Zabedj , décrite par Soleyman et
Abouzeyd , réclame maintenant notre attention. La
transcription de ce mot Zabedj, dans les manuscrits
arabes, est une de celles qui , jusqu'à présent, avaient
présenté le plus dHncertitudes. Renaùdot a lu dans
notre relation Zapage^\ d'Herbelot Ht ^}j et ^\j,
à ce qu'il paraît, puisque sa Bibliothèque orientale
porte Ranah , Raneh et Raneg ^. M. Gildemeister a
adopté la leçon ^1) , en admettant que ce mot à rap-
port avec celui de g),^qui désigne les Zendjs ou
habitants du Zanguebar. « Les Arabes, dit-il, pensent
que les habitants des contrées et des îles transgan-
gétiques, ainsi que tous ceux de llnde, appartien-
nent à la même race que les Zendjs africains, ayant
en cela principalement en vue les aborigènes étran-
gers à la race sanskrite ^. » Cette opinion ethnologique
est fondée sm* la doctrine d'Hipparque et dé Ptolé-
mée, d'après laquelle le continent africain se pro-
longeait dans la mer des Indes, au sud et jusqu'à
l'extrémité orientale dé l'Asie, sur ime ligne paral-
^ Maltebrun, i&iV' p. 35g.
* Anciennes relations des Indes et de la Chine , p. 76 «t pasfim,
' On Ht Baneh, Èqnah ^K, Zaledj xK et Zanedj.2.\\^ dans
la traduction franc. d'Édrisr, t. I, p. 59, Sg, 65 et 173.
^ tt Nam tum terraru'm et insularum transgangeticanun, ^um om-
anes fndia; incolas Arabes cum Zingis Âfricanis eosdem faciant,
a in boc potiâsimum aborigines sanskrita; originis expertes spectan-
« les. » (M. Gildemeister, Script, Arab, de re6. Indicis, p. i44» ^45.)
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 203
lèle, doctrine professée, d après* eux, par les Arabes,
et foniiid^e , par Ibn-Haukal , dW^ manière très-
explicite ^ Cette idée dune grande terre australe
s est conservée fort tard, puisque cette terre se trouve
dessinée dans les cartes des plus célèbres géographes
du XVI® siècle 2, et que même dans le siècle dernier
on la plaçait encore dans le grand Océan , d où les
explorations de l'immortel Cook font fait disparaître
pom* jamais. Aboulféda porte ^'|>? en nous disant
que c'est la leçon le plus généralement reçue :
(3)^^! i (<N^ /o^ U^^'-J UtJ^I^ aK^J >iyt* \p\jj^\iai\
Postériem^ement à la publication de son édition
du texte de ce géographe arabe , M. Reinaud , s'étant
livré à ime étude approfondie de la relation de So-
leyman et d'Abôu-Zeyd, et dii oUyit ^jb de By-
rouny, a pensé que les îles proprement dites du
Zabedj, correspondantes , d'après ce dernier auteur»
aux îles que les Indiens appelaient <^,:> [jjy^ ou
* Voir les passages dé cet' auteur et ceux d'Édrisi et d'Ibn-el-
Wardi, cités par M, Gildemeister, dans 3on Recueil, p. 1 45- 147.
L'auteur du MernseUt-aUItthila exprime {fol. 81) la même doc-
trine, lorsqu'il dit : «la mer des Zendjs est la mer de riiïde: les
Zendjs en occupent îe sud, et Tin de le nord. Les Zendjs placés sous
Tétoiie Canope, habitent un continent et des iles nombreuses et
très-vastes.» . . ^
' Voir la Mappemonde, dans leThedtrum orhis tertarum d'Abr.
Orteiius ; Anvers , 1 6o3 , et dans T Atlas de Gérard Mercator ei d'Hon-
dius; Amsterdam, 1 633.
^ Takwym-al-Bohldn, p. 372. .
204 JOURNAL. ASIATIQUE.
îles d'or^^ soht les mêmes probablement, pom*^ le
nom et pour le site, que celles désignées, par Pto*
lémée , sous la dénomination de ia€ah(ov , par les
Chinois sous celle de. Tclie-po/^, c est-à-dire Java.
C est le royaume de Ye-pho-ti de Fa-hian '.
Je partage de tout point le sentiment du sayant
académicien, qui est d'aiUeiu's confirmé par tout ce
que les écrivains arabes nous ont appris de la po-
sition des îles du Zabedj.
Suivant le marchand Soleyman, la jsituartion du
Zabedj esta droite des provinces de flnde*. Âbou-
Zeyd, beaucoup plus précis, atteste que le Zabedj
est dans la direction du Comar (le cap Comioiin),
que la ville du Zabedj est en face de la Chine, et
qu'entre cette ville et la Chine il y a la distance d un
mois de marche par mer, et même moins que cela,
lorsque le vent est favorable ^.
Massôudi, qui avait parcouru une partie de la
mer des Indes, qui avait visité Madagascar, finde
continentale et, Ceylan, et qui avait pu, par consé-
quent, recueillir des notions exactes sur les contrées
que baigne cette mer,. Massôudi indique très-çlaire-
ment la position géographique de la contrée du
Zabçdj.
« Llnde , dit-il , s étend au loin par terre , par naer,
et par* ses chaînes de montagnes. Son empire con-
^ Fragments de ftl. Reinaud, lex*e ar. p. 92 ; trad. p. 12 3,
* Relat. dise, prélim. 1. 1, pag. joXxv.
^ ï^oê-koue-ki, p. 36o et 364»
* Relat. t. Il, p. i3;t. I, p. 17.
* Ibid. t. II, p. 8g; t. I, p. 92 et 97.
AOUTSEPTEMBRE 1846. 205
fine au Zabedj, qui est le siège de la domination du
JVlaharadja, le roi ^es îles, et dont le royaume sé-
pare rinde et la Chine , mais se rapporte à Tlnde ^. »
. Kazwini ^ et Bakoui ^ placent le Zabedj , qu'ils
nous représentent comme une île considérable , sur
les limites de la -Chine, en se rapprochant de Tlnde.
L'auteur du Merased-al-Itthila, qui nous fournit la
véritable lecture de ce mot, met le Zabedj à l'extré-
mité de rinde, siu* les limites de la Chine.
. Ces données, qui nous reportent à la position
intermédiaire où est Java, entre TÏnde et la Chine,
sont corroborées parles divers passages de, la relation
de Soleyman et d'Abou-Zeyd.
M. Reînaud a fait remarquer* avec juste raison,
que le Zabedj ou Java, ainsi que les îles voisines,
se rattachaient, par les traditions mythologiques,
plutôt à rinde qu'à la Chine. En effet, tous les ou-
vrages des littératures malaye et javanaise, et les
magnifiques monuments dont les ruines couvrent
le sol de l'île de Java, mettent ce fait en évidence;
les chroniques javanaises , communiquées à Raffles
* Massoudi, Moroudj-al-Zeheh , 1" part. fd. 3i r. etv.trad. angl.
t. I. p. 176-177. Ce passage se trouve aussi dans Textrait de
Massoudi, inséré par M. -Gildemeister, dans son Recueil, texte ar.
pag. i3 et trad. pag. i^5.
* Âdjayh-al'Boldan, foî. ao. (Cf. M. Giidmeister, p. 53 et igA.)
^ Notices et extraits des mss. t. II, p. 398.
* Fol. 3o5.
206 JOURNAL ASIATIQUE,
et traduites pour lui, par le Panambahan de Soume-
nap'; les chroniques rédigées eg maiày, telles* que
la chaine des rois de Java, I^U»- A»b^f ^]j «KmJLm»^,
le Schedjàret-Malayou , yJt^ ^j^^, le r ^\j csgtt'^
jj^ ou histoire des rois de Bàndjar Masin, dansTîle
Bornéo^; et cette masse de documents historiques,
consultés sm* les lieux par Valentijn , sont unanimes
pour nous. montrer que les institutions religieuses
et civiles qui se développèrent dans farchipel d*A-
sie, aux premiers siècles de notre ère, et qui se
combinèrent avec les institutions indigènes, sont
originaires de Tlnde.
Ce fut, suivant les livres malays et javanais-, du
pays de Kling, ^J^ou Kalinga, contrée que les
écrivains sanskrits placent au nord de la Kistna, sur
la côte orientale du Dekkan , que vinrent les colonies
indiennes qui se fixèrent dans Tarchipel d'Asie, vers
les temps voisins du commencement de notre ère.
Elles y apportèrent les doctrines brahmaniques en-
core aujoiu*d*hui en vigueur à Bali, île voisine et à
ïest de Java. Mais ime grande partie de ces immi-
grations furent aussi composées de bouddhistes;
* Histoty ofJava, 2 vol. in-4% London ,1817, chap. x, tom. II,
,pag. 65.
' Collection de mss. malays de RaiHes, conservée dans la biUio-
thèque de la Société royale asiatique de Londres, n'* a 4 et a5,
grand in-folio.
' Édition publiée récemment à Singapore, in.-8**, sans date.
^ Mss. in-4° ayaiit appartenu à M. Roprda van Eysinga^ ancien
professeur de langues malaye et javanaise à Tacadémie militaire de
Bréda, et déposé aujourd'hui dans .la bibliothèque de Tacadémie
de Delft.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 207
car ce sont eux qui ont laissé les grâces les plus
nombreuses de leur culte à Java et dans les îles
qui Tavoisinent.
Quoique les Chinois aient fréquenté ces parages
depuis un temps immémorial , jamais les indi-
gènes ne reçurent d-eux aucune communication
intellectuelle ou religieuse; et aujourd'hui ceux-ci
manifestent le même éloignement pour leur langage
etieurs idées. Dans les idiomes de ces insulaires, à
peine trouverait-on quelques mots qui pussent être
rapportés à la souche chinoise, tandis que le sans-
krit s implanta sous une forme spéciale et très-pro-
fondément dans le kawi ou javanais ancien, et en-
richit aussi , à des degrés divers , le§ autres dialectes
de la même famille.
Abouzeyd , qui compte comme trois des plus
grands souverains ceux du Zabedj , de Tlnde et de la
Chine , nous apprend , avec Massoudi , Édrisi , Aboul-
féda et Kazwini , que les premiers étaient investis
du titre da Maharadjsl : ce titre fiit effectivement
celui des anciens monarques javanaise
Le roi du Zabedj, au rapport d'Abôu-Zeyd ^ et
d'Aboulféda^, régnait sujp un grand nombre d'îles
qui s étendaient, au dire du premier, sur une dis-
tance de mille parasanges et même davantage. Sui-
vant Massoudi , « les richesses que renfermait le
^ CEI (UÎHTI (l^\ Titel van sommigen^ der o.udcn vorsten van
Java, Keizer. M. Roorda van Eysinga, Javaansche en Nederdeutsck
Woordenboeh y au moi 'Mohorodjo. . .
* Relat t. il, p. 89 et t. I, p. 93.
^ Takwym-al-Boldan . p. 87 5.
208 JOURNAL ASIATIQUE.
royaume de ce. prince étaient au-dessus de toute
description; la multitude de ses troupes, innom-
brable ; et Ton n aurait pu » avec le navire le plus
rapide, atteindre en deux années i-extrémité des
îles qui! possédait K »
. La chaîne des îles de la Sonde , depuis Sumatra
jusqu'à Timor, et celles qui sont au nord de Java,
comme Bornéo, Célèbes, les Mobiques^ les Philip-
pines, etc. forment en effet des groupes dlles dont
plusieurs ont une très-vaste étendue. Que les anciens
souverains javanais aient été les maîtres de ce grand
archipel, c est ce que Ion peut induire très-légiti-
mement dun dociunent que j'ai déjà cité, le Tableau
des royaumes et provinces dépendants de l'empire
de Madjapahit, document postériem% il est vrai, au
temps d'Abou-Zeyd et de Massoudi, puisqu'il date
de la fin du xv® siècle ; mais qui, en nous montrant
le degré de puissance et de grandeur auquel s'était
élevé l'empire javanais, implique l'existence anté-
rieure et déjà ancienne, d'un état de choses ana-
logue. C'est d'ailleurs ce que confirment les monu-
ments de Madjapahit et ceux d^s autres capitales
javanaises, dont lés ruines immenses, encore de-
bout, indiquent que ces monuments ne purent être
élevés qu'à des époques successives, et bien avant
que Madjapahit ne succombât , à la fin du xv** siècle,
sous les coups réitérés de ceux des Javanais qui
avaient embrassé l'islamisme.
Ces faits rendent très -croyable ce que racontent
^ Moroudj-al-Zeheh, fol. 66 v. et Irad. angl. f. 1, p. 355 , fol. 66 v.
AOUT-SEPTEMBRE 18.46. 209
Abou-Zeyd^ et Massoudi^ de la puissance des sou-
verains du Zabedj et du succès de leurs armes dans
rinde continentale. Le récit de Soleyoïan nous a
fait entrevoir déjà- qu'ils avaient établi leur domi-
nation dans la partie méridionale de la presqu'île
du Dékkan^. Les rois du Çomar, vaincus par eux,
chaque matin, à leur lever ^ tournaient la tête vers
les pays du Zabedj et se prosternaient, adorant le
Majiaradja en signe dé respecta
Les rois du Zabedj possédaient aussi Kalah, aK^,
que M. Reinaud conjecturé, avec vérité, devoir être
la pointe de Galles, sur la côte méridionale de Gey-
lan. Lqs géographes arabes s'accordent, en effet,
à mettre Kalah à mi-chemin, entre le pays des
Arabes et la Chinée
Suivant l'auteur dix Merased- al- Itthila , «c'était
* RelaU t. II, p. 89 et suiv. t. I, p. 92 et suiv.
' Morondj-al-Zekeh, fol. 33 et 34 et v. traduct. angl. tom. f,
pag. 187 et suiv.
«Be/at. t. II, p. 18; t. I,p. 17. .
* Relat, t. II, p. 100 et 101 ; t. I, p. io4; Moroudj-al-Zeheh ,
fol. 34 r. trad. 1. 1, p. 191. . .
' Aboulféda, Takwym-al-Bôldetn, p. 376; Kazwini , Adjayh-al'
Boldan, fol. 33; Bakoui, Nat. et Extr. t. II, p. 4o5. Suivant Abou
Zeyd (Relat t. II, p. 90; 1. 1 p. 92) , Kalah était le centre du com-
merce de l'aloès, du camphre, du sandal, deTivoire, du. plomb
ai-caly , de l'ébène , du bois de Brésil, des épices de tous les
genres, et dune foule d'objets, dit-il, qu'il serait trop long d'énu-
mérer. Jai déjà fait voir (p. 173 et 174) que Ceylan fut, depuis une
haute antiquité, Tentrepôt des productions de L'Inde, de r.archipel
d'Asie et de la Chine. Le témoignage d'Abou-Zeyd, rapproché
d'un passage où Cosmas nous dit la même chose de Ceylan (voir
p. 1 56 ) , montre que c'est bien dans cette île que nous devons
chercher Kalah. { Cf. la note 3 de la page suivante.)
210 JOURNAL ASIATIQUE.
• un port de llnde, à mi-chemin de fOman et de
la Chine, souS la ligne équinpxiale. »
Kazwini, dans son Adjoylnil-Boldan; s exprime à
peu près dans les mêmes termes :
M Kalah est une ville de Tlnde entre FOman et la
Chine , et dont la position «st la partie de la terre
habitée qui est au milieu de Téquateur. A midi, les
corps n y projettent pas d'ombre. Il y a des planta-
tions de bambous, quon exporte dans les pays étran-
gers. ». ' .
(2) 5^^^— aJi jXii>t
Ces passages déterminent assez bien la situation
de. Kalah'; car il ne faut pas oublier que ïes Arabes^,
» Fol. 564.
» Fol. 33. •
^ La position que les géographes arabes assignent à Kalah rend
impossible Tassimilation que M. Mfred Maury a faite entre cette
contrée et le royaume de Kedah , sur la côte occidentale de la pres-
qu'île de Malaca. Kalah, situé tout à (ait sous Téquâteur, c*e8t-À-
dire à un point où. les corps ne projetaient pas d'ombre à midi,
ne saurait être Kedah, qui est entre 5° et 'j'* 20' de latitude nord.
Sa position, déterminée à mi-chemin de l'Oman et de la Chine,
éloigne d'ailleurs toute idée d'un pareil rapprochement ^ et con-
vient au contraire fort bien à la pointe de Galle , dans l'île de Cey-
AOUT-SEPTEMBRE 184G. 211
d après Ptolémée , s'imaginaient que Ceyian était
coupée , dans sa partie sud , par Téquateur.
Le souverain du Zabedj comptait, dans le nombre
de ses domaines, File Râmny et celle appelée, par
Abou-Zeyd, Sarbaza, iiyij^.
Ses possessions , à Râmny, devaient comprendre ,
sans doute , la partie de Sumatra la plus rapprochée
de Java , eest-à-dire la partie orientale , ou le dis-
trict de Païembang et peut-être aussi la côte nord,
comme au temps où fut rédigée la liste des pays qui
relevaient de l'empire javanais de Madjapahit. he
reste de l'île • obéissait à des chefs iixdigènes , ainsi
.que nous l'apprennent Soleyman^^ et Marco-Polo^.
Le nom de l'île, «j^^, est écrit ailleurs ij^.^;-»»»,
comme le fait remarquer M. Reinaud*. Aboulféda et
lan. Âbou-Zeyd, en affirmant que Kalah était le centre du com-
merce d'une foule de produits parmi lesquels plusieurs, il est vrai,
sont propres à Tarchipel d'Asie, ne dit pas le nioins du monde
que ces produits étaient indigènes à ICalah, ainsi que Ta pensé M. Al-
fred Maury. Au contraire, cette éuumération, donnée par lui de
denrées originaires de divers pays et réunies sur un seul point,
prouve qu'il n'a voulu indiquer autre chose , sinon qu'elles étaient
importées à Kalah comme dans un grand centre commercial. Or,
cette donnée, d'accord avec ce que nous dit Gosmas de Ceyian (voir
plus haut, p. i56 et 174), et avec les déterminations des géo-
graphes arabes, nous force à chercher Kalah dans cette île. Ce
n'est donc point d'après un vain rapprochement étymologique entre
le nom de Kalah et celui de Galle , comme le prétend l'auteur de
l'Examen, que M.. Reinaud a été conduit, et moi aprës lui, 'à placer
Kalah à la jpointe de Galle, dans l'île de Ceyian , mais d'après toutes
les convenances géographiques.
» Relati/ll, p. 8; 1. 1, p. 6.
" Chap. CLxvi, p. 191.
3 Rdat t. II, note 169.
212 JOURNAL. ASIATIQ^UE.
lauteur du Livre des longitudes , JtjJ^^I f^\x^, nous
disent que c était Tîle du Maharadja, gl^yl' h^^^
ij^jMé 'ij^js?- g^^. Je crois qu'il faut entendre, par
là, non pas Tîle même, qui était la résidence du
maharadja, celle qui renfermait la ville du Zabedj,
mais une des îles voisines soumises à sa juridiction ,
peut-être Bangka, feob , près de la côte sud-est de Su-
matra, île fameuse de tout temps par Tétain quelle
produit , et qui , d'après la liste des provinces et
royaumes de Içmpire de Madjapahit, était dans la
dépendance des rois de Java. Située dans le. voisi-
nage de Sumatra , et sur la route quQ tenaient les
navires en partant du détroit de Maiaca pour se
rendre à Java, elle put être connue des Arabes; ce
qui rend notre rapprochement assez plausible.
Suivant Mohalleby, auteur d un traité de géogra-
phie intitulée Azyzy, c^>^-^, cité bien souvent par
Aboulféda, mais qui ne nous est pas parvenu, Tîle
Sarira était au nombre des provinces de la Chine*.
Cette assertion , quoiqu'elle ne soit pas littéralement
exacte, offre une nouvelle preuve de lopinion que
se faisaient les géographes arabes de. la proximité
des domaines du roi du Zabedj et de la Chine.
L'inépuisable fertihté de Java, ses richesses en
or et en argent, furent célébrées par Ptoiémée',
* Takurym-al-Boldan, p. 374.
• Takwym'ol-Boldan , p. 376.
? Ev^opctytdtv 3è X^yerai 1^ vUcros ehou xai ht irXeîérroy xjpxt'aàp
TCOteTv, é/etv rs [vnt péTf oktv , 6vo[taL kpyvpvv, èvt roTs Svayuxoîs
Tcépaatv, {Géogr. VIÏ, 2, S 29.)
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 213
et plus tard par Marcô-Polo ^ , comme elles lont été
par tous le^ voyageurs modernes. Abou-Zeyd et
Massoudi nous ont montré à quel point lor y était
commun. «Les îles du Maharadja, dit le géographe
Ibn-Sayd , sont de grandes îles , et leiu* maître est du
nombre des plus riches princes de Tlnde, celui de
tous qui possède le plus d'ôr et d'éléphants 2;))
(( L'île dans laquelle réside le maharadja , dît Abou-
Zeyd, est extrêmement fertile, et les habitations s y
succèdent sans interruption. Un homme dont la pa-
role mérité toute croyance a affirmé que lorsque
les coqs , dans les états du Zabedj comme dans nos *
contrées, chantent, le matin, pour annoncer l'ap-
proche du jour, ils se répondent les uns aux autres
sur une étendue de cent parasanges ^ au delà. Cela
tient à la suite non interrompue des villages et à leur
succession régulière. En effet, il n'y a pas de terres
désertes dans cette île ; il n'y a pas d'habitation en
ruines. Celui qiii va dans ce pays , lorsqu'il est en
voyage et qu'il est sur une monture, marche tant
que cela lui fait plaisir; et s*il est ennuyé, ou si la
monture a de la peine à continuer la route, il est
libre de s'arrêter où il veut^. »
Pour que l'on ne soupçonne aucune exagération
^ « En cette isle ha si grant trçzor, qe ne est home au monde qe
le peustcontere ne dire.» (Ghap. glxiii, p, 190.)
jJUàj Libi I^A^-^L oJuw[, dans Ahoulféda, Takwym-al-holdan,
pag. 175.
* Rclat. t. II , p. 90 et 9 1 , t. I , p. 9 A et 96.
214 JOURNAL ASIATIQUE.
dans ce tableau, il suffira de rapporter ici quelques
traits de celui que Tauteur du Schedjaret-Malayou a
tracé de la situation florissante du royaume de Ma-
laca , sous le règne du sultan Mohammed-Schah , vers
la fin du xuf siècle; Les paroles de Thistorien malay
rappellent un état de choses tout à fait semblable à
celui qui a été décrit par le narrateur arabe :
« A cette époque , le royaume de Malaca avait une
très -nombreuse population. Les marchands étran-
gers y affluaient, et, depuis Ayr Leleh jusqu'à la
baie [appelée] Moùâra^, les bazars se succédaient
sans interruption. Depuis le Kampong Kling^ jus-
qu'à la baie Penadjeh, les bazars s'étendaient pareil-
lement sur une ligne continue. Si quelqu'un se ren-
dait de Malacj^ à Djagr^, il n'avait pas besoin d'em-
porter du feu avec soi, car partout où il s'arrêtait, il
y avait là une maison habitée. Sur le côté oriental,
en se dirigeant jusqu'à Batou-Pahat ^, c'était la même
chose ; car, dans ce temps , les gens de Malaca étaient
au nombre de cent quatre-vingt-dix mille, en y
comprenant seulement les habitants de la ville* » .
J-i^-»M ^^ ii^iLm ^^j3 dJ^Lt ^^j^ Ôwt ^U) {j^^\
^ C'est peut-être Mora-Moar, au sud-est de la ville de Malaca.
(Voir Berghaus* Atlas von Asia, n" 8, Hinterindien. )
^ Peut-être aussi Tandjoug kling, jiM^ c.^.^JS , au nord-ouest
de Malaca , ihid,
^ cx^w y»'lj , rocher sculpté, en malay, dénomination suggérée,
sans doute, par la forme qu'avait ce rocher. J'ignore la position de
ce point.
^ AOUT-SEPTEMBRE 1846. 215
(j>. O3 CAi^U ji^lju^ ^'lâ (2JLâ^ i^-f!*^ AkjyM j3 0^3!
(jw> ■« (JmX qAa4.«w (£)^Lt oys^^ owl (jmU 1^2;^ (^3^
(1) «S^ ^^jJi^ ^b3 2^ ^L
En m'ôccupant, dans un prochain travail, de la
partie de la relation de Soleyman et d*Abou-Zeyd
qui embrasse Tlride continentale et la Chine, je
ferai connaître les recherches neuves et ciuîeuses
dont la illustrée le savant professeur à qui nous
devons la traduction récente de ce précfeux monu-
ment des anciennes navigations des Arabes.
* Schedjaret'Malayou, p. 3 24.
NOTE ADDITIONNELLE
SUR L'ORIGINE ET LES DIFFERENTES ESPilCES DE CAMPHRE, D' APRÈS
LES AUTEURS ARABES.
Voici ce que Mohammed ben Zacaryâ, cité par Kazwini, dans
son Adjayb-al-Boldan, rapporte sur Torigine du camphre. M. Gilde-
meister, faute d'avoir connu les détails fournis par Marsden dans
son Histoire de Sumatra, s'est mépris sur le sens d'une partie de ce
passage :
216 JOURNAL ASIATIQUE. «
isj^l c>^«uu l^ csU3 i3Â.f
« Dans le nombre des choses merveilleuses de cette île est Tarbre
du camphre., qui est extrêmement grand, au point de couvrir de son
ombre cent personnes* et même davantage. On en perfore la partie
supérieure, et il en découle l'eau du camphre [j^^f^^*^ J®*
Maiays) , de quoi remplir un grand nombre de cruches. Puis on le
perfore au-dessous, vers le milieu, etpn en fait sortir des morceaux de
camphre.Cest la gomme de cet arbre, si ce n est [qu elle se forme] dans
son intérieur. Lorsque Ton a retiré ces produits , Tarbre se sèche, t
L'auteur veut dire par là que le camphre se fomie en 'con-
crétions dans Tintériem* deTarbre, à la différence des gommes. et
des résines ordinaires , qui découlent liquidés des plantes d'où elle
suintent , et qui se durcissent à fair. Le texte d'Édrisi ne laisse au-
cun doute sur le sens de la phrase de Mohammed-ben-Zakaryft,
L^JLkO ^j AJI j.^^, phrase que M. Gildemeister a rendue par
prœter id quod in ejus interioii est; car on lit' ces mots dans le
Nozhet-al-Mosckfak (fol. 20 v.) : j,jê<J\ GsUi «^ Jb. *JL5CUf
L^l^f*^ ci y^. ^ ' .J^ ^ campiSre est la gomme de cet arbre, si ce
n'est qu'il est recelé dans l'intérieur.
Kazwini, dans son Âa^b-al-Makhloukat (ms. de la Bibl. royale,
suppl. ar. fol. i63 V.), a cité le passage de Mohammed-ben-
Zakaryâ, avec quelques variantes, mais très-légères, et qoi n'en
changent en rien le sens.
On lit dans Avicenne : «Il y a plusieurs espèces de 'camphres, le
fansoiurien, le ryâhy, puis Tazâd et Tasferek bleu. Le camphre fait
corps avec le bois dont on l'extrait par sublimation. Quelques-uns
disent que Tarbre qui produit le camphre est grand et peut couvrir
de son feuillage un grand nombre de personnes. Les léopards ont
l'habitude de s'y réunir : aussi ne va-t-on à sa recherche qu'à. une
époque déterminée de l'année., c'est-à-dire l'époque des grandes
pluies marines (les grandes pluies de la mousson d'hiver). C'est
ce que rapportent quelques personnes. Cet arbre croit dans les pays
de la Chine. Son bois, que nous avons vu un grand nombre de
fois, est blanc, tendre, extrêmement léger, et souvent il se trouve
dans ses fissures quelques traces de camphre. »
AOUT-SEPTEMBRE 184(i. 217
Le texte de ce. passage est très-incorreet dans' l'édition d^Avicenne
(Romae, iSgS, fol^etypogr. Medicea>p. iSg). Je Tai- rectifie d*après
deux mss. de cet auteur (Bibl. roy. n^ ^giijfoi. i5i r. et n* ggS,
foi. 1 29 r. ancien fonds )« et d'après le Dictionnaire des médicaments
et des aliments, d'Ilm-Beithar, dansleq[uel ce passage d'Ayiéenne est
rapporté (ms. de là 'Bibl. rûy, suppl. ar. n** 7^1^ fol. ïo6 v.}
Ibn-Bathoutha a parlé aussi du camphte ; mais ies détails qu'il
donne à ce sujet diff^ént de ceux qui nous sont/fournis par ies
autres écrivaiiis arabes et par Mar^den assez sensibl^nent, pour
croire que ce voyageur a confondu Tarbre qui domine le camplûre
avec quelque antre plante; néanmoins» Oû trouve, dans i(a descrip-
tion, une particularité curieuse et qui peut être vraiç , c'est celle qui
est relative à l'immolation d'un animal ou aux sacrifices humains qiri
ont lieu auprès de la tige du dimpjhre. L'on sait, en efiet, que plu-
si^rs peuples de la péninsule transgangétique ,. et notamment Ceux
duTonquin , ne recueiliebt les bois de senteur ou de teinture du^après
avoir fait dé pareils sacrifices. Vorct le passage d'Ibn-Bathoutba :
«L'arbre qui pro'duit le camphre est un arbre dé la famille dés
roseaux, et semblable aux roseauï. dé nos pays, mais avec cette
différence, qu'il a les nœuds plus' Ibngs.et plus gç'os. Le camphre
vient dans l'intérieur des nœuds/ Lorsque l'on brisé le roseau,, on
trouve dans l'intérieur le ciUnphre qui a pris la forme du ndbud.
Ce qu*l y a de merveilleux , c*est que cette substance ne se produit
pas dans ce roseau, jusqu'à ce que l'on ait sacrifié, auprès de la
. * Le ms. d'Âvicenne , n** 996 , au lieu de'oj^^f , qui est la leçon suivie
généralement , porte ojvyy I > pluriel arabe du mot persan jju* %it. Oet^e
leçon me parait préférable, parce que les tigres sont fort noo^reux à Java
et à Sumatra , et très-redoutés des habitants. > * .
VIII. 1 5
218 JOURNAL ASIATIQUE.
dge, quelque animal : sans cela^ il ne .vient pas du tout de eaiopbre.
Le meilleur, celui qui possède au plus haut degré les quaiitéa réfri-
gérantes^ et qui, si l'on en prenait le poids d'un dirhem^ donnerait
la mort, en arrêtant la respiration, porte chez 4îes peuples le nom
de hardalek. C'est celui que l'on retire de Tarbre à la racine duquel
on a immolé un homme ou l^ien, à sa place, de jeunes élé[4iaaits«»
un^xa/î cslJi j yj^ 3 'Kj\ M f^j^l^j^iSZJl fj^ 4JLC0
*^ 'c^* Uj^.f ^!^ iù^j!^ o^-^di^ ^j^^ *^^ ^ùsî ^i^
Ja*-^ AoJt t[b*X* Jbjb fj(}J\ ï^^'jiJ} j j»»Uîdf 4^>JJ|^
De tous les naturalistes et médecins arabes, et sans contredit de
tous ceux de l'Europe moderne , Ishak-ben-Âmrâm est celui qui me.
paraît avoir eu le.s renseignements les {^us précis sur l'origine du
camphre. Le passage où il en parle , rapporté dans le Dictionnaire
d'Ibn-Beithar (ms. de la Bibl. roy. fonds Saint-Gerinain , n** i53,
iv' partie, fol. 2 et 3), est extrêmement curieux, parce qu'il dé-
crit des procédés qui ne sont plus' pratiqués aujourd'hui ou bien qui
nous étaient encore inconnus.
.€e passage.se retrouve dans le Traité de la nature des médica*
ments simples, de Sérapion , médecin syrien du iiC ou x*siècie, dont
les ouvrages furent traduits en arabe, et ont passé, de cette dernii^
langue, en latin (SerapionUmediciarahisceUherrimiprncticu^Yeneim
apud Juntas, MDL, in-fol.) Il existe aussi, dans la traduction
allemande d'Ibn-Beithar de M. de Sontheimer; mais la vefsion
latine est très- imparfaite, et la version allemande laisse aussi^ dé-
sirer. La comparaison du manuscrit précité, n^ iSS, d'Ibn-Beitîiar
avec le manuscrit 409, fonds Saint-Germain, 11" partie, fol. i3 r.
m'a permis d'améliorer le texte de ce passage, d'en compléter la
traduction et de la rectifier.
«Le camphre s'exporte du Sofala, de la contrée de Kalah, du
Zabedj , de lierendj ; mais le meilleur vient de Herendj , qui est la '
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 219
petite Chinée Le camphi'e est la gomme d'un ajbre qui crdîtdans
^es pays. Sa couleur est d,!iin rouge ^clieté^ Le bois de Târbre est
blanc, tendre et tire sur le noir. On trouve lé camphrie seulement
dans rintérieordu ccpur du bois « recelé dansdt^ fissures qui s'éten- ,
dent dand ^a longueur. Le campbre supérieur ei^ qualité é»t le
ryâky ; c est un produit naturel. Sa couleur est d'un rouge tacbeté;
mais, ajMrès avoir été sublimé- dans le pays même, il devient blanc.
On le nommé ry4fy parce que \t premier qui le découvrît fut
un roi appSlé Ryâk. Lendm.du lieu où on le trouve est Feysour,
d ou vient la dénoraina|ion de feysourien , qu'il porte. C'est le meil-
leur campbrê» le plus légér^ le plus pur, le plus blanc, et celui
qui À Iç plus d^clat. Les plus gros morceaux sont coiçme im dir-
bem, ou envi^n. Après cette espèce de ca^ipbre, vient celui qui est
connu sOus le nomde^rfeoail. Il est épais, d'une, couleur terfte, et
n'a pasHa pureté du ryâfy. Il a moins d'éclat et se .vend moins cber
que le premier. En troisième ligne est le camphre appelé koah-
sab (?) *; il est brun de couleur,. et, pour le prix, il est ^ussi au-
dessous du ryâJiyi puis vient le camphre nojnmé hakons^ :.il est
mêlé avec les fragments du bois de Tfitrbrç; il e^t marqué de stries et
se produit sous la forme de gomme, de la grosseur d'une amendé «
d'un pois cbicbe, d'une fève ou d'une lentille. Ces diverses espèces
de camphre sont clarifiées par la sublimation et donnent un cam-
phre blane, en lames, qui ressemblent , pour la fonne,'aux lames
de verre dans lesquelles il subît cette opération. On l'appelle alors
camphre prépara. Le produit qui s'obtient du camphre hcdom et du
konksah est, pouf le poids fun mann (deux livres de douze onces
chaque) , un rothl (une livre) de camphre std}limé oii un rothl et
demi. Il vaut moitié* moiss que les autres sortes de camphre. »
' Pent-étre £itit-il enteodre par Herendj , ou \gL petite Chine, l'âe de
Boniéo. ' ^
' L'a ttaducHon ^e Séhipion", an Hen de v.>.V^Lf7leçt>D, qor est donnée
par les deux manuscrits J'Ibn-Beithor de. la Bibliothèque royale que j'ai con«
suites, porte Karfàb. M. de Sontheimer a.ia'El-karkàsi, ^^^.viJ^jÉàJii
* On trouve^ if^J^^' ®^ M^J^^^' dans' letnàùusorit di^n-Beî-
thar, u* 1 53 , ej»J^^ dans le manuscrit Â09 , et BalonicK\ dans la tra-
duction de Séiapiotti Si la ieço^n ^mj, ^Lyl était plus certaine,, on
pourrait croire que cest le motmalay ^j^ys^wV lequel signifie heaa. Mais
ces noms propres ont été teilemeût défigurés pai^ 1^ copistes, qu il est très-
difficile , sinon impossible , jusqu'à présent , de les restituer.
i5.
220 JOURNAL ASIATIQUE.,
ji=-i «u^j dU o^.^ Jf^y^j (j>^f dîï^fy^^ ^j* yy
J JUu du Ux. jj;^ ^ j^( c:):k ULi^ ^ i^f^ j^^f
y^j iSjy^^ (J^^ jy^ ^ tXa^ ciôJt ç^î P«fj j^lrfj
(^^ U jB>tj(0 ^siU. «Ja^fj U»Lr »oua>[j sUj^ Aij\^ ^^y^\
Jft.J^ j-jbj oyy^f cf ^ jyl^^tM^'j »^j A'^' J^ *ft^
(«) J^ o^-^ ô*-^ ^yj c^Wj 'Iâ^ ^ tr^ t)^' *>^
ç^l — ajJt ^U^ JbCi j Aa^ ilÂ^ (ja^f jyl^**^ Ç>**
Massoudi (fol. 66 v.) prétend que le camphre vient des pays et
des îles situés dans la cinquième mer ou de Kcdrendj : on devait
le trouver, en effet , dans tous les ports principaux dé U'inOr des
Indes, où il était transporté par les navires arabes, chinois ou
malays. Ce passage de Tauteur du Morottdj-al'Zekeb a donné lieu,
de la part du traducteur de cet ouvrage, M. le ly Sprenger (t. I',
p. 354)) au plus singulier contre-sens qui se paisse imaginer.
' Le Ms. Aog porte ^sjl^ ^^^U* ce qui pourrait signifier: e'trt Ci
camphre qui se dissout le phisfacîUmenU
' Ms. àog, JiJoI 0^.^, c'est-à-dire, [cette foHeciecainpbv] ii'Mtpcf
solttbîe.
ÀOUT-SEPTEMBREf 1846. 2^1
LETTRE
A M. LE RËDACTEUR EN CHEF
DU JOURNAL ASIATIQUE.
Mon cher confrère,
Le Journal asiatique du mois de juin dernier
contient »iuii extrait d'un ouvrage arabe relatif au
Nil , accompagné dune traduction française et de
notes. Ce morceau, publié par M. Tabbé Barges 5
renferme plusieurs çrreurs graves , et j'ai cru quïi
était de mon- devoir de les signaler^
N'ayant pas sous les yeux l'ouvrage arabe sur le^
quel M. l'abbé Barges a travaillé,, je n'ai pas la pré-
tention d'expliquer tous Ijes passages qui peiwenfe
donnei* matière à difficultés Mes obsei*vations poiv
teront uniquement sur ides erreiu^ de fait, la seule
chQ3e dont je doive . et veuille m'occupér ici.
Je commencerai par }e titre dé l'ouvrage original.
Ce titre est ti*aduit par M; i*abbë Barges, Litres du
dm abondant , oa histoire du Nil bienfaisant II me pa-
raît signifier littéralement (délivre qui est comme
un fleuve largement débordé, eu égard au> ren-
seignements qu'il fournit sur le Nil bienfaisant. » La
222 JOURNAL ASIATIQUE.
remarque faite ici s applique à deux £(]utres endroits
du mémoire de M. Tabbé Barges, A ia page 496 ,
ligne 1 8 , M. Tabbé Barges rend le titre d'une his-
toire de la haute Egypte , lequel signifie lit]:érale-
ment «le livre qui fait TefiFet d'un astre propice, en
tant qu'il traite de l'histoire des habitants du Saîd, »
par Y Heureux horoscope ^ ou Vhistoire dés HahitarUs da
Saîd. De plus, à la page 5 06, note, le titre d'un des
ouvrages de Soyouthi , dont la signification est :
« livre de la conversation agréable au sujet de l*hig-
toire d'Egypte , » est rendu ainsi par M. l'abbé Bai^ès,
Traité des charmes de la conversation, ou histoire de
l'Egypte,
Ces remarques sembleront peift*être minutieuses,
et je me hâte d'en ofiri^quelqiies-unes qui offirént
ufte.idée plus saillante.
L'alinéa qui termine la page 690 et qui com-
mence la page /191, a trait à une citatiop faite par
l'auteur original d'un passage d'un écrivain arabe
nommé £^ahëdh,*passage qui avait été rapporte par*
•un autre écrivain arabe bien connu, du oiom de
I>omairj. M. l'abbé Barges s'exprime ain^ t «Le
meilleur ouvrage que Djahedh nous a laissé est
son Traité des animaux. Il mourut à Bagdad, i'an
2 55 de l'hégiré. Ces renseignements se trouvent
dans l'Histoire de^ grands animaux du cheikh EK>-
mairy, à Y&rûde Renard. Rl^ois, lecteur, ces T&ût
seignements biographiques que j'ai recueillis pôar
ta prQpre instruction.)) Maintenant voici ma tra-
duction : (( Un- des meilleurs ouvrages de Djahedh
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 223
est son Traité des animaux. Il mourut à Bassôfa,
Tan 2 55 de rhégire.^Ces reliseignemente se trouvent
dans la grande histoire des animaux du sicheikh
Pomairy, à l'article Renard; tâche de profiter de eet
^aticle instructif. » L'ouvrage original de Domairy
forme im volume in-folio : comme il était hors
de la portée du plus grand nombre deg lecteurs,
lauteûr eii fit un abrégé. La première rédaction
porte le titre de Grartde histoire , et la deuxième,
celuf de* Petite histoire. Lune et l'autre rédaction
se trouvent à la Bibliothèque royale, répétées dans
un grand nombre d'exemplaires. M. labbé' Barges
suppose ,• page 5io, note 2*, que la Bibliothèque
royale ne possède qu'un exemplaire de la grande
rédaction, et il ne parait pas s'être douté de l'exis-
tence de la petite. 11 lui eût été facile de s éclairer
à la Bibliothèque royale même, où, certes, il ne
dira pas qu on ait jamais manqué d'obligeance pour
qui- que ce soit. *
La page kgi et le commencement de la page 492
oflfrent un contre-sens presque pesrpétuel. Voiéi la
version de M. fàbbé Barges : «Quelques commen-
tateurs pensent que le mot yamm, dans le paissage
du Goran précité, doit s'entendre de la mer Veïte
(cest ainsi que le» anciens auteurs arabes appellent
la branche orientale du Nil , giie nous connaissons
sous le nom de Bùkr-eJ^azrac ou Nil Bleu). Mais jefest
5aDs aucun fondement. ' \
« Massoudy, dans ses Prairies dorées, dit : « Il n'est
«pas dans le monde entier de. fleuve qui, comme le
224 JOURNAL ASIATIQUE.
«Nil d'Egypte, porte le nom de mer (bahr).n On
l'appelle ainsi à cause de la quantité de ses eaux et
delà vasfe étendue de terre quelles occupent durant
leur débordement. » .
Je me réserve d'examiner plus bas cette cita-
tion. • «
(( On lit dans le Sïhah de Djeuhery t « Le mot
«mer [bahr) dit le contraire de continent (ferr). »
La mer (bahr) est ainsi appelée à cause de sa {pro-
fondeur et de l'étendue de sa surface. Le j^luriel se
prononce et s'écrit abhor, bihar ou ioboon Tout
fleuve considérable peut être désigné par la déno-
mination de bahr ou mer.
uLe même auteur ajoute : u J'ai omis de parler
((des trésors précieux et des richesses abondantes
(( que la mer recèle dans son sein et qui lui font
« donner avec raison le nom de bahr. On donne în-
« difieremment à l'Eupbrate le nom de bahr ou cehii
iide'serir (lit). Eh général, on appelle mer [bahr)
((une grande masse d'eau, soit douce, sqit saléi^. »
Ce long passage me paraît devoir être rendu ainsi :
(('Quelques commentatem^s pensent que le mot
yamm doit s'entendre de la mer Verte ; niais c'est
sans aucun fondement. Massoudy, dans ses Prairies
d'or, dit que , seul entre les fleuves du monde , le
Nil d'Egypte porte le' nom de mer (bahr), et cela
à cause de l'abondance de ses eaux et de sa largeur
qui lui donnent l'apparence d'une mer. Mais ce cjue
dit Massoudy est sujet à contestation. En effet,
Djeuhery s^exprime ainsi dans son Sihah: «Le mot
AGIT-SEPTEMBRE 1846. 225
« iafer{mer) iestle contraire de èarr (terre). On ditque
«le Nil a été nommé Bahr, à cause de sa profon-
« deur et deletendue du sol que ses eaux couvreînt.
« Ce mot fait au pluriel abhor, JbAar et bohour. Tout
<( grand fleuvre peut s'appeler bahr. Le poète Adyy
« s'est ainsi exprimé (en parlant d'un roi de Hyrah) :
. Il se réjouissait, à la vue de ses richesses, de rabondance
de ses biens, de la mer quil avait en face et de Sedyr.
« Dans ce vers le poète désignait l'Euphrate par
«le motTw^r. » J'ajouterai (à^ce que vient de dire
Djeuhery) que le mot bahr s'applique à toute grande
masse d'eau, soit douce, soit salée. »
La mer Verte, que M. l'abbé Barges a prise pour
le Nil Weu, est la vastemer qui baigne les côtes de
TAbyssinie, de l'Arabie, de la Perse et de l'Inde,
mer que les Grecs désignaient par le mot Erythrée:
voyez le texte arabe de la Géographie d'Aboulféda,
édition de la société asiatique, pag. 22.
• Le poète Àdyy, dont il est fait mention dans le
Sihahf vivait à la coiu* des rois de Hyrah, quelque
temps avant l'isiam'isme. Le prince auquel ce'v^rs
d'Adyy se rapporte, est Npman , fils d'Anu^ou-lrCays.
Ce vers, et d'autres vers /appartenant à la même
pièce,' ont été reproduits par Hamzah d'Jspâhan et
Aboulféda. (Voyez l'ouvrage de Basnàussen , intitulé :
Historia prœcipuorùm Arabum regnoram; Copenhague ,
1817, pag. 9, et ï Historia anteislamica d'Aboulféda,
édition de M. Fleischer, pag. 122 et 2 2> 6.) -
Noman , fils d'Amrou-1-Cays , construisît auprès
226 JOURNAL ASIATIQUE,
de Hyrah, sur les bords de rEuph^ate et sur les
bords d*iin canal appelé Sedyr, le château nemipé
Khavamak , et des maisons de plaisance. On peut
lire à cet égard le récit de Hamzah et d'Âboulfëda,
en le comparant avec ce que j'ai dit dan^ le discours
placé en tête de la Relation de3 voyages des Arabies
et des Persans dans l'Inde et à la Chine, pag. xxxv.
M. labbé Barges s'était déjà trempé sur le même
point dans le Joiu*nal asiatique de janvier, 1 84 1 ,
pag. i3.
Page 4^92, ligne 26, au lieu de cite à toppui de
son assertion, lisez fait allusion à.
A la page kgliy note, M. labbé Barges parie ^
d'un fleuve nommé Arax ou Oxas, (jvd, prenant sa
soarce dans le mont Caucase, va se jeter dans la mer
Caspienne. L'Oxus, dont il s'agit daps cet endroit,
n'est pas TAraxe : il ne prend pas sa source <ians 1«
mont Caucase, et il ne se jette pas dans la mer
Caspienne. •
Page 497, note 1 : M. l'abbé Bai^ confond fe
Kitalnil'MàmàUk y cité par l'auteur original, avec le
Traifé géographique d'Edrisi. Tout port^ à croire
qu'il s'agit ici du traité d'Ibn-Haucal, traité ^où sq
trouve en effet le passage cité, pag. y 3 de la copie
de Paris, et pàg. 5i de l'exemplaire de la Biblio-
thèque de Leyde. .
Page 498, lig;ne 5 et suiv. M. l'abbé Êargès fait
émettre à im auteur nommé Ibn-Émad l'opinion
diamétralement opposée à celle qu'exprime le texte
arabe.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 227
' Page 5oi, ligne 3 :.rauteur original cite un écri-
vain nommé Dhia-eddin Aboul-fath Ibn-al-Atyr Al-
Djezery. Cet écrivain joua un rôle considérable sous
Saladin et ses enfant^ Son véritable nom était Nasr-
allah, et c'est sous ce nom qu'D^nL-KhallekaÀ a ra-
conté sa vie, dans son JDictionaire biographique. Feu
Jourdain a inséré un abrégé de la notice de ce per-
sonnage dans la Biographie universelle, tom. XXI,
pag. 1 43. On la surnomme Al-Djezery, parce qu ainsi
que ses frères il était originaire de la ville (Je Dje-
zyré-ibn-Omar, située au milieu du Tigre. (Voyez, à
ce sujet, le texte arabe de la Géo^aphie d'Aboul-
féda, pag. i'73.) M. Jabbé Barges, qui n a pas su
ce qu était ce personnage, le fait venir d'une centrée
située aux énvii^ons d'Alep.. ^ ^
Veuillez bien, etc. . .
Reinâud.
228 JOURNAL ASIATIQUE.
NOTICES
Sur les pays et les peuples étrangers, tirées des géographes
et des historiens chinois ; par M. Stanislas Julien. .
I. •
DESCRITTriON DE LA PROVINCE D'ILI, EXTRAITE DU TBAi-TBBinG-
l'TONG-TCHJ , OU GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE DE LA CHINE.
Cet ouvrage, dont il existe aigourd'hui trois édi-
tions en 354, Ix^k et 5oo livres, a ét^ publié pour
la première fois en lyAS, en vertu d'un ordre de
lempereur Khien-hriq, par une commission de sa-
vants que présidait Hông-tcheoa, l'un des princes' du
sang. Il offre la 4escriptîon la plus complète de la
Chine proprement dite et des pays conquis par les
empereurs mandchous. Chacune des dix-neuf pro-
vinces entre lesquelles la Chine est partagée, a son
histoire et sa description particulières, précédées
dHme carte générale et de cartes spéciales pour les
départements qu'elle renferme. La description de
chaque province est divisée, comme il suit, en 22
sections :
1, Position et frontières. 2, Position sous le rap-
port du climat et de l'astronomie. 3, Noms des pays*
avec l'indication des changements qu'ils ont subis
sous les différentes dynasties, k , Constitution phy-
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 229
sique. 5, Moeurs et caractère des habitants. 6, Mu-
jrailies et fosses, y, Écoles, 8, Population. 9, Terres
et impôts. 1 o, Montagnes et rivières. 1 1 , Antiquités.
12, Barrières et passages. i3. Ponts et gtiës. ï4,
Digues et levées. i5, Tombeaux. 16, Temples de
bouddhistes et de Tao-sse. ly, Magistrats célèbres.
1 8, Hommes remarquables, i 9, Hommes venus d*un
autre pays. 20, Femmes vertueuses. 2 1 , Personnages
renommés de la secte des Tâo-ssé' et de celle des
bouddhistes: 22 , productipr^Mu pays.
On ne possède en Europe que les deux premières
éditions de la Géographie universelle. Les additions
de la seconde édition , qui a soixante et dixiivresde
plus que la première , se rapportent principalement
auxpays conquis en Tannée lySS et suiv. par 1 em-
pereur Khien-long, et qù*on appelle &*n-fcfeia7ijf,«la
nouvelle frontière ,»• et ^ plusieiirs cpntrées qui
payent seulemeirt im tribut à la Chine, san5 feire
partie de son territoire. Voici les titres des diffé-
rentes sections de cette partie neuve et importante
de f ouvrage : 1, Province dllL 2, Kourkhara ousou.
3, Tarbagataï. 4, Hami. 5, Pidjan, 6, Kharachar.
7, Koutché. 8, Sairam. 9, Aksou. 10, Oachi. ii,
Kachgar, 1 2 i Yerkiang, 1 3,. Khotan. 1 k » les Khasaks
de la gauche. 1 5, les Khasaks de la droite. 16, les
Bourouts de TEst. 17, les Bourouts de TOuest. 18,
19, HaO'han et Andziyen (parties <fe l'ancien pays
de Fergana). 20, Tachgan. 21, Bàdakchan. 22,
Bolor. 23, Boukhara. 2/1, Aîoukhan (ancien pays des
Youeî'tchi). 2 5, Indoustan. .
230 JOURNAL 'ASIATIQUE.
Je m étais proposé de traduire la des^ption
complète des pays ci-dessus; mais, par malheur^
cette partie de louvrage, soit par suite d'un tirage
multiplié, soit , par toute autre cause, offre un nom-
bre considérable de pages dont les caractères soot
tellement usés ou empâtés d'encre, qu'il est impos-
sible de les lire. Comme le texte de la description
de la province d'ZZi se trouvait sufl&samment tisible ,
je lai traduit d'un boift à l'autre, et j'ose le présenter
au public comme iu0ragmeht et im spécimÊen de ce
travail, que je publierai en entier aussitôt, que la*
Bibliothèque royale de Paris aura reçu de Chine la
troisième édition, qui a été revue et augmentée de
soixante et seize livres'. (Elle a cinq cents livres.). «Tai
ajouté l'étymologie des noms de lieux, montagnes et
rivières, d'après le Dictionnaire géographique, enm
écritures, SUya'thong-werfîchiy publié par ordre de
l'empereur Khien-long. ^
Avant de commencer la description de la pro-
vince d'/Zi, je crois devoir la faire précéder d'un
morceau important qui lui servira d'introduction,
\ Cet ouvrage, qui se compose de vingt-quatre livres, offire les
noms des pays, fleuves et montagnes de ia Nouvelle frontière, dil Kob-
kenor et du Thibet, i** en mandchou; 2" en chinois ^ a^ec une glose
où Ton donne rétymologie du mot placé en tête de chaque artide,
et les détails géographiques et historiques que peuvent fournir les
ouvrages chinois; 3** Tanalyse syllabique du mot cité, d'après les
principes du syllabaire harmonique de Temperenr Khièn-long, poar
la transcription des noms étrangers ( Kin-tin^thsing-han-toui-inriseà-
ché) , principes que nous avons suivis dans ce morceau et dans celai
qui Taccoàipagne; 4° la transcription du même mot en n^ongot, en
thihétain , en kalmouh et en toTC oriental.
AOUT-^EPTEMBRÈ Ï846. 231
et qui est intitulé : Limites de la noavelk frontière. H
est tiré. de Voixvtaige Sin-hiang-tchi-lio (Statistique
abrégée de la nouvelle frontière), que l'Académie
impériale de Saint-Pétersbourg m avait envoyé, il
y a quelques années ^ pour M.- de Humboldt , qui
avait besoin àen faire faire de nombreux extraits.
J'avais traduit aussi, dans le même ouvrage , la des-
cription hydrographique des fleuves et laies de. la
Noaveile frontière; ïï^bxs ce travail,- dune étendue
considérable, où Tpn indique minutieusement les
noms, la source, le cours et les affluents de plu-
sieurs centaines de rivières, sera peut-être pèus i sa
place dans un recueil géographique que <kns le
Journal asiatique K
Après la descsription d7iî, je donnerai des notices
historiques sur divers peuplés de. TA^e qui ont joué
un rôle important dans cette psutiê du monde, et
pptu* la connaissance desquels les auteurs chinois
nous offrent seuk dès renseignements solides et éten-
dus. Je nie contenterai de citer, pour le moment,
les Ta-hia ou Bactri€ns, les'-A^î ou Parthes, lès ha-
bitants du ^/uiMSf-fcAitt ou Sogdiens , les Yen-^tsaî (ap-
pelés aussi A^/a-na) pu Alàios, le Y^ihcL ou Gètes,
le^ Ybueî-ichi, d^e race indo-scythe, qui ont occupé
successivement fe Transoxiàne , la Bactriane et le
Caboul; les Oa-sun, race blonde atix yeux bleus, ap-
pelée par quelques auteurs, indo-germanique, etc.
On lira ^ans doute aussi avec intérêt ce que les
^ Ce fragment paraîtra prochainement dàBs la 7* livraison jd es
Annales des Voyages.
232 JOURNAL ASUfïQUE.
Chinois ont écrit sur des nations parfaitement con-
nues, telles que les Ta-chi ou Tazi (Arabes), les
Po'Sse (Persans) , et les peuples du Ta-thsin [vnlgù
Empire romain) , qui a été pris par les Chinois tantôt
pour la Perse [Po-sse), tantôt pour TEgypte (Afîsr),
qui, à certaines époques , ont fait partie de f empiré
romain. ' .
La Bibliothèque royale possédant aujourcThui,
dans des recueils littéraires uniques ou peu répandus
en Europe, des relations de voyages entrepris par
les Chinois dans des pays étrangers ou tributaires,
je donnerai de préférence celles qui se recôsEunan-
dent par leur rareté bibliographique ou fintérêt des
détails qu'elles renferment. La première seta lin
voyage dans le pays ^de Kao-ichang Ou dies Oï-
gours, en 984, par Wang-yen-te, dont la Biogra-
phie imiverselle de la Chine {Sing-chi-tsa-pou) nous
fait connaître ]a vie et les ouvrages. Ensuite vien-
dront diverses notices sur la peuplade sauvage des
Miao4se, siu* Siam, la Corée, la Cochinchine, etc.
D autres relations, trop étendues pour entrer dans
le Jourhal asiatique, telle que celle (en U vol.)
dune ambassade en Corée, au commencement du
xn* siècle (1 126), seront publiées à part, ou insérées
dans des recueils spéciaux; uniquement consacrés
aux sciences géographiques.
AOUT^SEPTEMBRE 1846. 233
11.
APERÇU GÉNEBAL DES LIMITES DE LA NOUVELLE FRONTIÈRE ^
TRADUIT DU KIN-TING-SIN-KIANGTCHI-LIO (lIV. I, FOL. 6),
Le pays appelé aujourdliui la Nouvelle frontière
répond au Si-yu des anciens. Voici ce que rapportent,
à ce sujet, les annales des Han : a Au sud et au nord
du Si-yu (c est-à-dire des contrées situées à Toccident
de la Chine), il y a de grandes montagnes. A lest,
il est borné par les barrières appelées Yu^men-kouan
et Yang-kouan , et à Ipuest par les monts Tsong-Ung.
Or, les Tsang-ling sont le tronc d'où partent les
grandes montagnes qui régnent au sud et au nord,
et ces mêmes montagnes du sud et du nord (les
monts Célestes)' forment la séparation des contrées
appelées Nân-lou (province méridionale) et Pë-lou
(province septentrionale).»
Les plus grandes montagnes naissent toutes (mot
à mot, leurs crêtes partent) du mont Kangdiscliân,
situé à 5,690 lis au sud-ouest de Si-ning.
Ce mont a quatre troncs prinçipaiix. La partie
qui court au nord-ouest forme le mont Senguékaba-
bou-chân^, (Il est situé juste au sud de Khotijen ou
Khotan,)
'^ La Nouvelle frontière comprend les pays situés au nord et au
sud des monts Célestes {Thien-ch€Ln}y ou ia Dzongarie et le Tur-
kestan oriental , qui répondent, en grande partie, au iSi-^a (régions
situées à Touest de ia Chine ) des anciens historiens chinois.
* Dans ce mot, la terminaison chan (montagne) est chinoise; on
vui. 16
234 JOURNAL ASIATIQUE..
Le SengguékababoU'chdn embrasse , au nord-ouest ,
une étendue d'environ 1,800 lis (180 lieues). Il
forme le Tsi-tsi-ke-li-ke-ling et le Kachita-Ung ; à
louest, il forme le Khosroak-ling : il se partage au
nord, et" forme le Guiptchap-chân; il se partage de
nouveau à Test pour former YAragou-chân et plus loin ,
à Test, le Kakchan-chàn, Ces montagnes. embrassent
ainsi ensemble un espace d'environ i,8.oo lis. On
leur donne le nom général de Tsong-Ung. La partie
qui forme un rameau distinct, au sud de Yerkiang^
et s'étend à l'est, forme le mont Nân-chân ou mont
du Midi.
Nous lisons dans les annales des Hàn : « Le mont
Nân-chân sort de la ville de Kin-tching , du côté de
l'est; il appartient au Hàn-nân-chân. n On a voulu
dire qu'il appartenait au Tchông^nân-chân,
La partie qui, étant arrivée au nord d'Oachi et
d'AksoUy se sépare comme un rameau, distinct, et
s'étend à l'est, est le Pê-chân ou mont du Nord. Mais,
suivant les annales des Hàn , « le pays qui avoisine
le nord du Nân-chân s'appelle Nân-tào, ou province
du sud; le pays qui avoisine le Pé-chân (ou mont
du Nord) s'appelle Pé-tào, ou province du Nopd. Ces
deux-provinces sont situées au sud de Pë-chàn. ».
Maintenant, la province du Midi [Nân-lou) se
la retrouvera à ia fin de beaucoup d'autres noms du même morceau.
Voici le sens des autres terminaisons les plus fréquentes : ho, fleuve;
ckouîj rivière; hou, lac; hien, district; tching, ville; thaï, tour;
tchouen, torrent; Ung , sommet uni dune 'montagne , qui sert de
passage.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 235
trouve au sud du Pê-chàn, et la province du Nord
[Pê'loa) est située au nord du Pë-chân,
Voici les limites complètes de la Nouvelle frontière
(Dzongarie et petite Boukhàrie) : à lest, elle est bor-
née par 'An'Si'tcheoa; au nord-est, par le toont Ara-
chân et la tribu des Mongols du p9ys des Kalkas.
Au nord, elle est bornée par Kobdo; au nord-ouest,
par la tribu des Khasaks; au sud-ouest, pai' les tri-
bus des Bourouts , le Kachmir et le Toubet (Thibet) ;
au sud, elle est bornée parle Si-thang (la partie occi-
dentale du Thibet); ^u sud-est, par le pays des Mon-
gols du Koukenor,
De Test à louest, elle a environ 7,000 lis (700
Keues), et 3, 000 lis (3oo lieues) du sud au nord.
On lit dans les annales des Hàn :.« Le Si-yu a en-
viron 6,000 lis de lest à Touest, et environ 1 ,000 lis
du sud au nord. » Or, à cette époque, les barrières
Yu-men-kouan et Yang-koaan se trouvaient à louest
du pays actuel de Tan-hoang, et lès pays situés au
nord des monts Célestes [Thien-chân) n'étaient point
compris dans les limites du Si-yu, C'est pourquoi il
paraît plus étroit que ce qu'on- appelle aujourd'hui
la Nouvelle frontière. Elle embrasse un.e circonférence
(ou un espace) d'environ 20,000 lis (2,000 lieues).
C'est ce que nous allons montrer par le calcul des
distances itinéraires. A partir du nord-est d7K, au-
trement appelé Hoeî-youen-tching , jusqu'à la viile.de
Tarbagataï, on fait i,g5o lis.
C'est le chemin que l'on compte en suivant les
toiu*s militaires. Mais (ainsi qu'on va le voir ci-après)
16.
236 • JOURNAL ASIATIQUE,
il est pliis court de 52 o lis, si Ton suit la ligne des
postes fortifiés. En partant de Hoeî-youen-tching (/&'),
on fait 2 5o lis jusqu'à Gandchoukhan.
n lio lis plus loin, on arrive à Oalanboûra.
• u 80 lis plus loin , oii arrive à Tsindalan.
(( i/io lis pfus loin, on arrive à Àroutsindalan.
« 1 00 lis plus loin , on -arrive à Modo barïouk.
(( 90 lis plus loin, on arrive à Barlouk.
« 90 lis plus loin, on arrive à Erguetou.
« 80 lis plus loin, on arrive à Tchagan tokhaî.
u 1-2 0 lis plus loin, on arrive à Manitou.
(( i3o lis plus loin, on arrive à Tarbagataî.
« Cet itinéraire comprend en tout 1 ,43o ^ lis. »
Du temps des Hàn, ce pays était occupé par les
Hiong-nou. La partie nord-est, ainsi que Kobdo, est
bornée par le fleuve Ertsis (flrtyche).
Les pays situés au nord et à Touest d*iiï jet au
nord-est de Tarbagataî sont occupés par les Kha-
sàks.
Après avoir fait 05 o lis à lest d^ Hoei-youenricking
(//i), on traverse les pâturages des Toargoats, et Ton
arrive à la ville de Thsing-Tlo; /i 1 o lis plus loin , dans
la direction de Test, on traverse encore les pâturages
des Tourgouts, et Ion arrive à la ville de Koarkhara-
ousou. Au sud-ouest de cette vUle, est im pays ap-
pelé Oroî-dchalatoa. Plus loin, à lest, oii traverse les
î
^ i43o lis et 520 lis donnent l)ien igSo lis, mais Tadditioii de
ces dii, distances ne fait que 1 200 lis au lieu de i43o. Il y a évidem-
ment ici une omission ou une erreur cpe Tabsence du texte origiiud
ne nie permet pas réparer. — (St. Juuen.)
AOUT-SEPTEM&RE 1846. 237
^ districts de Soaî-lai-hien et de Tchaiigguî'hien ; 7 1 o lis
plus loin , on arrive à la ville de Kong-ning , qui dé-
pend d'OuroumtsL Ce pays s'appelait jadis Tche-sse-
ihsien-wang-ting , c est-à-dire, la résidence du premier
royaume de Tche-sse. (II était situé au midi. Le Heou-
wang-koue, oU second royaume, était situé au nord
du premier) ^
[ Observation, a Suivant les annales des Hàn (Des-
cription du Si-ya), la capitale du royaume appelé
Tche'Sse'heow-wang-koue (ou du second royaume de
Tche-sse) se nommait fVou-ihoU'koa. Aujourd'hui, à
2 5o lis à l'ouest de Barkoul, on voit l'étang de PTou-
thoa-kou. Quelques auteurs pensent que , près de là,
était située jadis la cour du second royaume de Tche-
sse. Mais, du temps des Hàn, la résidence du gou-
verneur était située dans le pays appelé aujourd'hui
Tchertchoà. Ce pays est près de Tourfan et loin de
Barkoul, Or-, cônune les annales des Hân disent qu'il
y avait 1,807 lis du sud-ouest de la ville de Kiao-ho
jusqu'à la résidence du gouverneur, et 287 lis du
• sud-ouest de PTou-tou-koa jusqu'à la résidence du
gouverneur, il est évident que ce fFou-thoa-kou était
près de la ville de Kiao-ho, et que ce ne pouvait être
la rivière actuelle de IVou-thou-kou ou IVou-thou-
koU'chouî]. ))
La cour du premier royaume de Tche-sse répon- '
dait à la ville actuelle de Tourfan. En partant du
sud-est d'OHroam<5i, on franchit le passage de mon-
* \ OIT ï)egmgnes, Hisi, des Huns, 11, XTXi.
238 JOURNAL ASIATIQUE.
tagne appelé Tsike-dabakhan , et, après avoir fait 53 o
lis, on arrive à Tourfan,
Observation. On lit dans la partie géographique
des annales des Thang : u Après avoir fait 80 lis au
nord de Kiao-ho-Jiien, on arrive à Long-tsiouen-koùan
(rhôtellerie de la source du Dragon). Plus loin, au
nord, on entre dans une vallée. Après avoir fait
1 3o lis, on passe la vallée des Saules (Lieoa-koa), on
franchit le passage appelé Kin-ling , on traverse Ten-
droit appelé C/iî-/iod (famas de pierres) , où était jadis
une garnison des Hàn, et Ton arrive au chef-lieu du
gouvernement de Pë-ihing.
((On lit dans les annales des Song, histoire de
KaO'tchang (pays des Oïgours) : Wang^en-te ayant
été envoyé çn ambassade dans le pays de Kao-tchang,
le roi, nommé Sse-tsen , Tinvita à venir à sa cour du
nord (Pë-thing). H traversa Tarrondissement de Kiao-
ho. ))
Observation des éditeurs» ((La ville appelée Kiao-
ho-hién, était le Tourfan d aujourd'hui ; P^-ffcûijf, ou la
cour du Nord, était Ouroumtsi. Les mots ((il traversa
Isi vallée des Saules [Lieou-kou) et franchit le passage
appelé Kin-ling » doivent se rapporter au passage de
montagne appelé Tsikhe-dabakhan et aux montagnes
du voisinage. »
En s éloignant d'Ouroiuntsi, dans la direction de
Test, on traverse Feou-kang-hien, et, après avoir par-
comii /i 90 lis, on arrive à Kou-tcJiing, pu à l'ancienne
ville.
Plus loin , à Test, on traverse Guitaï-hién, et, après
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 239
avoir fait 83 o lis, on arrive au chef lieu de I-ho-Jiieriy
dépendant de Barkoui (en chinois Tchin-si-fou).
Au sud s'élèvent les monts Thien-chdn (oumonts
célestes), jadis appelés Ki-Uan-chàn.
Au nord est situé le Barkoul-nor (le lac Barkbul),
anciennement appelé Pou-louî-haî.
En obliquant un peu au nord, on arrive aux
frontières des Kalkas.
\^ici les limites exactes de la province septen-
trionale, ou proyince au nord des Monts célestes
[Thien-chan-pe-lou,)
En sortant de Barkoul, on franchît les monts
Thien-chàn (dans là direction du sud), et, après
avoir fait 33o lis, on arrive à la ville de Hami,
anciennement nommée I-oa-liu. La route de 'ces
montagnes est remplie de précipices; elle est roide,
tortueuse et coupée dans un grand nombre d'en-
droits. On Ta garnie de chaque côté de garde-fous
en bois.
Cette . route a été ouverte et construite dans la
onzième année de ien^pereur Yong-tching (lySi),
par les soins d'Apingan,- attaché au département
de la guerre, et sous la direction du général en
chef Tchalancja.
Observations. « On lit dans l'ouvrage intitulé Thang-
youen-ho-kian-hien-tchi {cest-à-dire Description dés
arrondissements et des districts, publiée sous les
Thang, dans la période Yonen-ho) : I-ow-hien, siège
du gouvernement de I-tcheou , commande aux deux
villes appelées Jeou^oueri-hien et Na-tchi-hien. »
/
240 JOURNAL ASIATIQUE.
Âuj ourd'hui , on ne voit plus aucunes ruines de ces
trois villes. Cependant, il est possible de retrouver
leur place d'après les montagnes et les rivières
(dont elles étaient voisines). On lil dans Touvrs^
intitulé Youen-ho-tchi : « Les monts Thienrchàn, ap-
pelés aussi Tche-h-man-chân , sont situés à i3o lis
(i 3 lieues) au nord de I-ou-hien. »
Aujoiu'd'hui, à 120 lis au nord de la ville de
Hami, on trouve les monts Thienrchàn (ou idbnts
célestes); d'où il résidte que le gouvernement de
I-oU'hien était situé au sud de la. ville actuelle de
Hami.
On lit encore dans l'ouvrage intitidé Youen-ho-
tchi: ((Le mont Kiu-mi'chân est situé k ilio lis au
nord de Lou-hien. Après avoir fait. encore 20 lis au
nord, on arrive directement à la mer de PoaAom
(c'est le lac Barkoul-nor).
Même ouvrage. ((Dans la ville appelée Jeou-yoaen-
Uen, la rivière Lieûn-kon-chonî (rivière de la vallée
des saules) a deux sources; Tune vient de l'est et
l'autre de l'ouest. Elles sortent au nord-est de cette
ville, et coulent au sud des monts Thienrchàn. Au
bout de 1 5 lis (1 lieue et demie) , elles se réunissent
et coulent dans le même lit. »
On voit par là que le chef-lieu de Na-tchi-hien,
était situé près du canal actuel de Tseng-tsao, qui
se dirige du sud au nord, et que le chef-lieu de
JeoU'yQaen'hien, était situé tout près (littéralement à
droite et à gauche) de la ville actuelle de Talna-
tsin.))
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 241
Au sud de Hami, la route se trouve interrompue.
On se dirige alors au nord , et l'on franchit le pas-
sage de montagne appeié Oukeke-ling. Où marche
entre deux montagnes pour échapper aux dangers
du Fong-pbi, c est-à-dire du désert battu par le
vent
Observation. « Au sud de cette montagne, on trouve
le Fong-gobi (ou gobi venteux). Il occupe luie éten-
due de plusieurs milliers de lis. C'est ce qu*on ap-
pelle Gachoun-cha-tsi [cha-tsi signifie sables et pierres ;
en mongol gachoun veut dire amer), le nom ancien
était Pe-hung-toai (littéralement , les monceaux du
dragon blanc). »
En sortant d'entre ces montagnes, on arrivé au
lac Salé [Yen-tchi, c'est le lac Tourkoul suivant le 5i-
yu-thong-wen-tchi, My. V ,(ol. i), on traverse la ville de
Pidjan, et Ton arrive à Tonrfan.Uon fait en tout
760 lis (ou 76 lieues). C'est dans ce pays qu'était la
ville de/il/i-fo, sous les Thang.
Observation. « Sous les Thang, la ville de 'Kiao-ho-
hien commandait k la ville de Yaï-eal. A 20 lis à lest
de cette ville, se trouvait la ville de 'ila-fo; c'était
une ville dépendante de Kioû-ho-hien. Le lac nommé
aujoiutl'hui Yar-hou est situé à 20 lis à l'ouest de
Tourfan. Yar est la corruption de Yaî-enl (le signe eul
représente souvent la lettré r danjs les noms jétran-
gers).»
A 70 lis à Test de cet endroit, se trouve Kara-
khodcho, qui était, sous les Ming, le chef-lieu de
Ho-tchedu.
242 JOURNAL ASIATIQUE
5o lis plus loin, à Test, se trouve Louktsin^-^ sous
les Hàuy c était le pays de Lieou-tchong , que gouver-
nait un officier du titre de Meon-sse-ldajO'Wéi (suivant
les commentateiu*s chinois, l'expression jMeoa-55e
indiqiïait qu'il n'était nommé que poiu» im temps).
Après avoir fait 190 lis au sud-ouest de Towrfan,
on arrive à Toksoun, Après avoir fait encore 70 lis
vers le sud, on entre dans une gorge du mont Sou-
bachi-chân. On fait environ 180 lis ati milieu de la
montagne , par des sentiers tortueux et souvent in-
terrompus; après quoi on sort de la montagne. On
fait encore 5o lis, et l'on arrive à la tour appelée
Koumchi-yakhama-taî.
Observation, a A 2lxo lis, juste au sud de la tour,
on trouve un lac rempli d'herbes. C'e^t dans ce pays
que sont les pâlm-ages des chevaux du gouverne-
ment. En allant de Tourfan au lac Lob-nor, on côtoie
l'est du lac marécageux, et l'on marche pendant
quatre à cinq jours dans la direction du sud.»
On fait ensuite 3 06 lieues à l'ouest, et fon arrive
à la tour militaire à'Oachatar, au sud de laquelle se
trouve le lac Bosteng-nor.
Après avoir fait 60 Jis à l'ouest d'Oachatar, on
arrive à Kio-hoeï (jadis le royaume de PTeî-siu).
On fait ensuite 160 lis au sud-ouest, et Foii ar-
rive à la ville de Kharachar, qui est éloignée de
1,200 lis de Toarfan. Ce pays dépendait jadis du
territoire de Yen-ki.
^ Louktsin est la même chose que Louktchak. Les annales des
Mongols ( Yoaen-sse) ofïrent lorthographe tA)ukoutchin,
AOUT-SEPTEMBRE 18^6. 243
A- 5 lis au sud-ouest de Kharachar, on traverse la
rivière Kaidou-ho, et, loo lis plus loin, on entre
dans les gorges d'une montagne. On passe à ko lis
de la tour militaire de Khara-aman , et Ion sort de
la montagne. Après avoir fait encore 20 lis au sud,
on arrive à Kourlé.
1 70 lis plus loin, à louiest, on arrive à Tchertchou,
Sous. les Hàn , ce pays était sous le commandement
du gouverneur de la ville de Oû-louî.
36 o lis plus loin, à louest, on arrive à Bougoury
pays appelé Lun-taî sous les Hàn.
*ilxo lis plus loin, au sud-ouest, on arrive à la
tour militaire de Tokhonaî.
80 lis plus loin, à louest, on arrive è la ville de
Koatché,
Cétait jadis (sous les Hàn) le territoire de Kieou-
tse, et sous les Thang, le siège du gouvernement
militaire de 'An-siy c est-à-dire de la pacification de
Tofuest ÇAn-si'tou-hoU'fou-tchi). Il est éloigné de
1618 lis de Kharachar.
Après avoir fait 60 lis au nord de Koutché, on
entre dans les gorges d'une montagne. On y fait
environ 100 lis, et, dès qu'on en est sorti, on tra-
verse la rivière Khoser-ho, on passe par les villes de
Saïrim et de Baî; Slio lis plus loin, on arrive à Khara-
yourgoun, pays qui, sous les Hàn, dépendait du
royaume de Jî^ou-m^.
Observations. On lit dans les Annales des Hàn,
description du Si-yu : a Le royamne de jKifeoa-foe (au-
244 JOURNAL ASIATIQUE.
jourd'hui Koutché) est éloigné de 600 lis à Touest de
Koa-mé. »
On lit dans les Annales des Thang / description
du Si-y a : a Après avoir quitté Kieoa-tse, on fraiptchit
une petite plaine de sables et de pierres, et l'on
trouve le petit royaume de Pa-hnAda. » Cétait le
royaume appelé Kon-mé, sous les Hàn, ainsi qu'on,
peut s'en convaincre par les distances itinéraires. H
était situé à lest de la tour actuelle de Kharà-yoar'
goan, et à Touest de la berge joù le rpcher pleure
{Tse''cJi9aï-yaî) , et de latelier des monnaies de
plomb.
Ce que Ton appelle (dans les Annales des Thang)
la petite plaine de sahles et de pierres, n est autre chose
que la levée de sables de Tchatsik.
160 lis plus loin, on arrive à AksoU^ autrefois le
royaume de J^en-sou, sous la dynastie des Hàa.
En s éloignant d'Akson, au nord-ouest, on tra-
verse la rivière To-chi-gan [Tochigan-daria), et au
bout de 2I10 lis, on arrive à Oa-chi, qui était, sous
les IJàn, le royaume de Weî-te(m. Tout le nord-
ouest de ce pays est habité par les Bourouts.
Après s'être éloigné d'Alisou, dans la direction du
sud, on traverse la rivière Tchoukdar-ho (qu'on ap-
pelle aussi Khoambachi-ho).
3 00 lis plus loin , on arrive à la tour militaire de
Doutsit; on passe la rivière Oalan^usourho , on côtoie
les rivages sud de cette rivière, on marche ensuite
au sud-ouest et, au bout de 35o lis, on arrive à
Bartchouh
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 245
De là, le chemin se divise en deux branches. Par
lune ; on suit les cours de la rivière Oulan-ousou-ho ,
et, en marchant à louest, on arrive directement à
Kachigar (Kachgar). Cette route s appelle Choa-ono-
tseu'taù. ^
Par lautre, on marche au sud-ouest et Ion ar-
rive à Yerkianq, Dans i antiquité , c était le royaume
de So-kia. Yerkiang est éloigné À*Ak$ou de i,/iio lis
(i/n lieues). ^
En s éloignant d' Yerkiang dans la direction du
sud, on traverse la rivière Ting-tsa-pou^ho (appelée
vulgairement Yu-Zio^ ou rivière du jade), et, au bout
de 810 lis (81 lieues), on arrive à Khotien (Khotan).
Observation, a On lit dans la partie géographique
des Annales des fliin : à 5o lis à louest de Yu-thien
[Khotan), on trouve Wei-kouan (ou la barrière des
roseaux); plus loin, au nord-ouest, on traverse la
la rivière Hi-koimn-ho ; 620 lis plus loin, on arrive
à la ville de Tchi-man, On voit par là que Ya-thien
[Khotan) était éloigné de 670 Us de la rivière Hi-
kouan-ho. . .
(( On lit encore, dans les Annales des Bdn, descrip-
tion du Si-y a : de louest d'Yu-thien [Khotan) au mont
Pi-chan^ il y a 38o lis; du nord-ouest du mont Pi-
chan au royamne de So-kiu, il y a 890 lis.
« On voit par là que d'Yu-ihien à So-kia, il y avait
770 lis (77 lieues). Aujourd'hui, à environ 60 lis
de Khotien [Khotan) , on passe la rivière de Ting-tsa-
poa; après avoir fait encore environ îoo lis, on ar-
rive à Yerkiang; d'où il résidte que la rivière appelée
246 JOURNAL ASIATIQUE.
i^Siàis .Hi'kouan-ho y devait répondre à la rivière ac-
tuelle de Ting-tsa-pou. )>
Au sud de Khotan, on ne trouve que de grandes
montagnes, et des plaines de sablés et de pierres; la
route cesse d^être praticable. Si, en partant du poste
militaire de Koukonyar, dans le territoire dTerkiàng,
on marche au sud-ouest de Khotan, on peut arriver
auSi-ihsang (Thibet occidental) en un mois de marche.
Mais la route qu on suit à travers Tes montagnes est
étroite et dangereuse , et l'on est exposé à des vapeurs
contagieuses. Cest poiu^qnoi, il n'y a personne qui
suive cette route. Nous avons demandé des renseigne-
ments à des marchands de Kachmir, à'Andzian et de
Katsi; ils ont répondu qu'il y avait des gens qui, pour
aller trafiquer à Yerkiang, passaient par Ladak, au
nord-ouest du Si-thsang (Thibet occidental). Ancien-
nement, Ta -^5^-^3-^071^06 , prince des Dzongars,
passa par cette route.
Après avoir marché -quelque temps à l'ouest d'Yer-
kiang, on tourné au nord, et, au bout de-36o lis,
on arrive à la ville dinggichar (Inggasar)i Sous Jes
Hàn, ce pays faisait partie du royaume d'I-naî.
210 lis plus loin au nord , on arrive à Kachgar
(le royaume de Sou-lé, sous les Hàn),
Depuis les: Hàn et les Thang , ces deux villes ont
é*é des capitales , nlot rendu dans les Aniïales des
Hàn, par Ponan-kao-tching' ou Tching-tchong-tching ;
dans celles des Thang, par Kia-sse-tching , et dans
l'Histoire de la Chine septentrionale', par Tou-tching^
Il y avait douze grandes villes de 5 lis, et plusieurs
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 247
dizaines de petites villes qui doivent avoir été danô
la dépendance de ces deux royaumes.
Au nord-ouest , ces deux contrées sont limitrophes
du pays des Bourouts. Telles sont les liniites de la
province du midi ou Nân-loa (c est-à-dire qui est
au midi des monts Thien-chân),
Hami est la porte des deux provinces du sud(iVan-
fott) et du nord [Nân-loa), .
A 1,460 lis à Test de Hami, et à environ 100 lis
au sud de la barrière appelée Kia-kou-kouan, s élève
le mont Kouke-tologaï. [« Cest-à-dire lé mont à tête
bleue, en chinois Tsinq-theoa-kdi, situé à i3o lis au
sud-est de lancienne' garnison de Tchi-kin, ou Tchi-
kin-weî].))
C'est la route pour arriver au pay& de Koakenor
ou Thsing-haî, v
Les Mongols la suivent pour aller à Dsong-ao-
tcha, en» dehors des barrière? de l'empire [konan).
Là route qui sert de commimication entre le sud
et te nord paSse par Ouroumtsi, traverse le Tsikeda-
bakhan et arrive à Tourfan; c'est la route principale,
praticable aux voitures. Si , en partant de ce point,
on tourne à l'ouest, on passe alors au sud-est d'//i;
on franchit le passage Narat-dabakhàn , les monts
Tchouldofis-chàa elTchagan'tounggue-chdn, et l'on ar-
rive à la ville de Kliarachar. On peut parcourir cette
route à cheval ; il n'y a point de postes militaires.
Observation. (cSous le règnp de l'empereur Yong-
tching (1 728-1 785) , on envoya un. député aux pâtu-
rages "de Tsewang-arabdan. Dans la 22* année dp
248 JOURNAL ASIATIQUE.
Khien-long (i ySy), le général Tchinggôndchab, et Chou-
hède, du titre de San-tsan-ta-tcMn, se mirent à la tête
dun corps d'armée .et entrèrent une seconde fob
dans m. Tous trois survirent cette dernière route. »
Plus loin à 1 ouest, en partant au sud d7fi, on
passe la rivière dUli (Ili-ho), on franchit le passage
de montagne appelé Sôgor-dahakhan, et on passe la
rivière Tekes-ho; 65 o lis plus loin, on fi'anchit le
Monsoar-dahàkhan, et, après avoir fait en tout i ,aao
if 5, on ari'ive à Aksoa. On rencontre des postes mi-
litaires etla route peut être parcourue à cheyai. L'ex-
pression MoTJLsour-dohakhan se traduit par A'n^-2mj,
ou passage de montagne couvert de glace.
A partir du fort de Gakcha-kharkhaî, on fait ao lis
et Ton arrive» à Ping-ling , c est-à-dire au passage de
montagne couvert de ^ace. Ce passage a i oo lu
de longueiu", il est formé de blocs de glace entre-
mêlés de larges rocher^ ; quelquefois la glace se fend
et s'entr'ouvre, et Ton n'aperçoit plus qu'uâ abîme
sans îond. Alors, poiu* gravir la montagne, on est
obligé d'appliquer des échelles sur la glace et de les
transporter continuellement d'un endrQJt à l'autre. .
Leiu* hauteur varie suivant les localités. Eln hiver et
en été, on ne voit que des monceaux de neige, et
l'on ne rencontre ni oiseaux, ni quadrupèdes, ni
plantes, ni arbres. . •
Chaque année , les musulmans qui trasportent des
pièces d'étoffes passent par ce chemin qui, en mille
endroits , est glissant et rempli de précipices. Cette
montagne offre partout des ossements de chevaux.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 249
Observation, «Ce passage couvert de glace nest
point cité dans* les annales des. Hàn, Seidement, on
lit dans les annales des Thang, description du Si-yu:
A 3 00 lis à louest du royaume de Kou-mé, on tra-
verse des monceaux de pierres^ et Ion arrive à la
montagne de glace [Ling-chân) qui forme le plateau
septentrional des monts Tsong4ing.))
On lit encore dans les annales des Thang : « La
montagne de glace (Ling-chàn) est couverte de nei-
ges en été comme en hiver. Au printemps et en
automne elle offre des masses de glaces qui se
fondent de temps en temps et ne tardent pas à se
congeler de nouveau. »
Même ouvrage, a La montagne de glace qui forme
le plateau septentrional des monts Tsong-Ung, tsVle
sommet dun rameau des monts Kakchan-chan. Or
ces monts ne sont autre chose que les Tsong-ling. »
On lit dans les annales des Hàn : «La troisième
année de la période Kien-tchao, sous lempereur
Youen-ti [ÏMi 4o av. J. C), Tçhing-tang, du titre
de Foa-fciao-u;eï, fabriqua un ordre impérial pour
expédier un corps d'armée dont il confia le com-
mandement à six officiers qu'il envoya par deux
routes différentes. Trois suivirent la route méridio-
nale, franchirent les monts Tsong-ling, et passèrent
par Ta-wan (Fergana); les trois autres officiers par-
tirent du royaume de Ouen-sieou (aujourd'hui Aksoa)^
suivirent la route du nord, entrèrent dans la vallée
rouge {Tchi-koa), traversèrent le pays des Oa-sutn et
passèrent par le Khangkhiu. »
A cette époque, on prenait souvent cette route
VIIJ. 17
250 JOURNAL ASIATIQUE. .
pour aller de Oaen-sieou chez les Oasun, ce qui
équivalait à aller aujourd'hui d'Aksou à Ilù
Plus loin, à 1 ouest, on part du sud-ouest-dT/î,
on passe à i3o lis la. station militaire dOrgotchoult
et Ion traverse le passage de montagne appelé Chan-
tas-ling.
55o lis plus loin , on franchit le passage de mon-
tagne appelé Barkhôn-ling.
1 80 lis plus loin, on passe la rivière Narin-ho.
[\5o lis plus loin, on arrive à la rivière OaUm-
ousùa.
Après avoir fait en tout a^So lis (226 lieues), on
arrive à Kachgar. Toute la route peut être parcou-
rue à cheval; elle passe entièrement au milieu du
territoire des Bouroats. On n y rencontre aucun poste
militaire.
Les passages appelés Chantas-ling et Barkhôn-Ung ,
font partie des monts Tsong-ling.
Voici maintenant les montagnes formées des ra-
meaux des Tsong-ling , et que nous avons citées dans
la notice de chaque ville.
Au nord-ouest de Kachgar: 1** Letsin-oubachi-chân;
2° ReïmoU'chàn; 3° Ke-tse-tou-chàn; 4° Kong-chân;
5° Tiélié'Jié-chân; 6" I-ke-tse-ke-chân [Ikisek-chân);
7° Eeirat-chân,
Au nord -ouest : 1° Agaïk-chàn; 2^ Reik-chân;
yDchaî'ckàn; li"" Begos-chân; S^Soukon-chân; 6* Bar
tchang-chàn ; 7** IHyori-chàn.
Au sud-ouest : 1** Margan-chân; 2° Kharat-chân;
3*^ Hetserat-chân; iC' Oaroutuat-chân; 5" Weïtak-chàn.
Au sud-ouest de Yerkiang : 1° Mirim-chm (il est
AOUT SEPTEMBRE 1846. 251
à environ 200 lis de la ville); 2° Markoarouk-châii
(il est situé à environ /ioo lis de la ville, au sud de
Mirdai'chân). Toutes ces montagnes sont des ra-
meaux des Tson^-liîig et dii Nân-chân (mont méri-
dional).
Dans le territoire d'Ouchi, on rencontre' i*" le
Kouroukiakha-chân ; 2° le Tondchousou-^hâa (tous deux
sont situés à environ 200 lis de la ville); ^ le Ba-
cM-yakhama-cMn (à 1 00 lis au sud-ouest de la ville);
4"* le Konggoaroak'chân.
«A 200 lis au nord de la ville, les montagnes
forment une chaîne continue de Test à Touest Voiéi
les noms de leurs gorges : 1° Oarou-khoaya-ïrak-
chân; 2® Ouyoa-houlak; ^ Moutseronk; 4° Ourgcà-
Uék; 5° Tsindan; 6° Idïk; f Kokbachi; S'^'MongkoÉou;
9** Inggarat; 10** Kichigan-boulak; 1 *** Selektachi;
1 2** Khdi'ki.
« Ces gorçes occupent une étendue de plusieurs
centaines de ZÎ5. »
Dans le territoire à^Aksoa, on rencontre : 1° le
Mousour-dabakhan (il est situé au nord de la ville )^
2® (au nord-est de la ville) le Yen- tchi-kheou- chân
(c est-à-drre la montagne du canal salé). '
Dans le territoire de Koutché, on rencontre le
Ting-koU'chàn (au sud de la ville).
Dans le territoire de Kharachar : 1° Bortoa-chàn
2** Tchagan-tonggae-chân; ^ Tchouldous-chàn. (Ces
trois montagnes sont au nord de ta vîUe.)
Toutes ces montagnes sont des rameaux des Tsong-
ling et du Pë-chan (mont septentrional).
Le rameau qui part de ce point, vers Test, et tia-
17-
252 JOURNAL ASIATIQUE.
verse ie pays à' Ourohmtsi, forme le Bagda-chân (au
sud de Feou-kang-hieti), et ie Song-cïiàn (ou mont des
Pins) au sud de la ville de Kou-tching. Celui qui s'é-
tend jusqu'à Barlioul forn^e le Ki-lien-chân. Plus loin,
à Test, il passe au nord de la ville de Hami et arrive
à Talhatsin. Là finit le mont Pé-chûn (ou mont sep-
tentrional).
Observation. «Toutes les montagnes desfirontières
sud d72î sont aussi des portions et des rameaux des
Tsong-ling et du Pë-chan (mont septentrional).
((A environ loo lis au nord de la ville de Tar-
bagataî, on rencontre le mont Tchoukhoutchoa-chânf
à 70 lis à l'ouest de la ville de Bakiou-chân; à en-
viron 200 lis, au nord-est de la ville, le mont
Tchoarkiioatchou-chàn ; à environ 600 lis, à l'est de
la ville, le Sari-chân; à environ 5 00 lis, au sud-est
de la ville, le Dardamtoa-chân; à environ 200 lis,
au sud de la ville, le Barlovik-chân; à environ 3 00
lis, au sud-ouest de la ville, le Gaédesou-chdn; en
obliquant à l'est du Gaédesou^-chàn ^ on trouve ie
TcJwnokoutoul'chdn.
«A environ 20a lis, au nord-est de ia ville, ie
Max)kaîlw'ling'chân (mont glacé de Max)kaîko)\ à en-
viron 2 00 lis, à Test de la ville, ¥Olkhotchoar<ihân.
«A 3 80 lis, au sud de la ville, le Tsindalan-chàn;
à 70 lis, au nord de la ville, le Ouliyasoatou-chàn.
Toutes ces montagnes n'appartiennent point au
groupe des monts Tsong-ling. »
( La suite à un prochain nwnéro. )
AOUT-SEPTEMBRE. 1846. 253
BIBLIOGRAPHIE.
LISTE
Des ouvrages imprimés à Gonstaniinople dans le cours des années
i843 et 18^4 (continuation du tome III, pag. 2 26), par M. de
Hammer Purgstall.
207. t> I. ■» y >< ùjJi (^AxâU. (25v«t ùs^
Gloses de Mohammeà-Emin, sur le traité de Khalil-ben-Hassan ,
nommé Kara-Khalil, imprimé au milieu de ziUhidjé 1258,
c'est-à-dire, au commencement de janvier 18^3 >
Nous apprenons,, par la première page, que ces gloses
ont été composées en iioS (iGgS), ^t intitulées : iJL^f
*jjoJaJf ix^Ul ^Lâ-»[ j iljyJI, c'est-à-dire, «Trfiité
pour aider à Féclaircissement des gloses sadryé; » et la der-
nière page nous apprend le titre du traité de Mohammed-
£min, savoir : sj^â^î j^a^, «la Plage de Tunité. ».
208.J *n X ^t^ jAAcsiodt c:>luî ^j-Û
Commentaires des distiques du Telkhîs et du Mokhtasser.
Ces deux ouvrages sont un abrégé de l'encyclopédie rhé-
torique de Sekaki : le premier, de Djelal-eddin-Mahmoud-
Kazwini, mort en 789 (1 338) vie second, de 5eaad-eddin-et-
Teflazani, mort en 792 (1389). L'auteur du commentaire
des vers arabes contenus dans ces deux ouvrages est Ossam-
eddin-Moustafa , célèbre par plusieurs œuvres philologiques
et dogmatiques , dont quelquesrunes ont été imprimées à
Gonstaniinople. Ce volume, grand in-8'* de 273 pages,
254 JOURNAL- ASIATIQUE.
imprimé à la fm de moharrem 1269 (février i843), con-
tient la traduction et l'analyse grammaticale de trois cents
distiques arabes , dont quelques-uns sont d*une véritable va-
leur poétique, comme, par. exemple, le suivant, pag. lai :
Loué soit \g Seigneur dans le choc des orages, •
Quand du livre du ciel ils feuillettent les pages!
209. ^\ulmj.j^ij!^
L'abrégé du Maani , partie de la rhétorique de Mfisowirei-Tef-
tazctrà, nommé ci-dessus. 1 volume in-S*" de 262 pages,
imprimé au milieu de ssafer 1269 (mars i843).
C'est le même ouvrage qui a été^ publié, il y a une tren-
taine d'années , à Calcutta. Un grand in-fi** de 706 pages.
210. (s^ UI^I c:>UcîiU^
Extraits ' choisis d'Ewlia-Tchelehi , imprimé au milieu de
djemazi-oul-oula 1269 (à la mi-juin i8/l3).
C'est un extrait fort niaigre de la partie con8tantinop<£-
taine des voyages d'Ewlia, dont le premier volume a été
publié dans une traduction angicdse par le comité des tra-
ductions à Londres.
211. sj^ ^ji^jù ^p\:
Le commentaire des cinqacuite- quatre articles d'obligation di-
vine (Fars). Un petit in-8" imprimé au mois de djemazioul-
akhir 1269, c'cst-à-^lire , à la fin de juillet i843. En turc.
Ces cinquante-quatre articles d'obligation divine, ou de
devoirs parfaits du moslim, datent de l'un des premier
docteurs de l'islam, Hasan de Bassra, 110 (728). L*auteur
du commentaire est le cheikh Ssalahi- Abdallah -Efendî,
1096 =1= (1781), auteur fort moderne, dont la biographie,
accompagnée de l'éiiumération de ses ouvrages , précède les
feuilles paginées Les pages sont au nombre de 56.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 255
212. L^\j^^MULi\ f^ çi^S^
Gloses avux) Tassawwourat , qui 3ont ,. d'après la déûnitioii don-
née par Djordjani dans le Taarifat, les conceptions d'une
chose dans T entendement.
- Ce litre est celui d'un chapitre de la Chemsyet, c'est-à-
dire de la logique de Nedjm-eddin-Aîi-el-Kazwini. L'auteur
de ces gloses est Sielcouti ; imprimées àù milieu de djema-
zi-oul-ewwel 1269 (juin i843), 284 pages in-S".
213. <^\j^^J^
Cet ouvrage porte en Itête le simple titre Tassawwourat;
mais/ à la seconde page, on trouve le titre complet :
Exposé des règles' logiques, pour servir de commentaire à la
Chemsyet.
A 'la dernière page, on lit : «C'est ici que finit l'impres-
sion du livre des Tassawtvourat-^t-Tasdikat, au commence-
ment de djemazioul-akhir, l'an laôg (juillet i843). »
Le commentaire de Sielcouti sur les Tassdikat,
Les Tassdikat, c'est-à-dire les affirmations, sont un autre
chapitre de la Chemsyet. Le commentateur est déjà connu
par plusieurs autres ouvrages rhétoriques et dogmatiqueis
qui ont paru à* Constantinople. Comme les gloses du Mo-
thawwal et l'appendice aux gloses des Khiali ' , ce volume
in-S", de 179 pages, a été imprimé à Constantinople à la fin
de chewal, c'est-à-dire au mois de novembre i843.
215. ' ;^<XJLJl vJL.â»W ^\ c:>UûJU
* HistoiigiB de l'empire ottomah, iom. III, pag. 690 et 692 (texte
aliemaDd).
256 JOURNAL ASIATIQUE.
Les modèles de lettres d' Aakif-Efeiidi , et ses vers. Les deux
parties forment un seul volume , de 199 et 39 pages ;
Touvrage a été imprimé au mois de ramadan 1 269 (octobre
i843).
216.
Notes du cheik Khalid de Bagdad, 'résidant à Damas, aux
gloses de Sielcouti, faites par celui-ci sur le commentaire
de Khiali.
Cest un pendant aux notes supplémentaires que Sielcouti
a composées lui-même sur les ^oses de Khiali, ouvrage im-
primé en 1 a 35 ( 1820]. Celui-ci est un volume in-S*" imprimé
au milieu de nlkadé 1269 (décembre i843), 1&7 pages,
dont les quatorze dernières contiennent un second ouvrage,
du même cheikli Khalid, intitulé : if^^î i^-^a^* j ii^j
iuj , a Traité sur la vérification de la volonté jpartièlle. »
217. iiX^T ^i i^l^j
Traité sur V emploi de la formule: Au nom de Dieu. In-8*,
56 pages; imprimé au mois de zilhidjé 1359 (déc. i8il3).
L'auteur est Ibrahim-Efendi, un des ouléma de. Kais-
saryé, connu sous le nom de Geuâ-Bouyouczadé , c'est-à-
dire le fils de l'homme aux grands yeux, né en 1 160 (1747)1
mort en i253 (1837), qui est aussi l'auteur d'une traduction
turque de Touvràge d'Ossameddin sur les allégories. Ce livre
est divisé en vingt-huit sections sur la formule connue « Au
nom de Dieu. »
218. xJvJIls c:>^lJU
Discours de médecine, par Khairoullah , fils de Tinspecleur
de l'école de médecine è Constantinople. In-8', 1^9 pages;
imprimé à la fin de zilhidjé 1259, c'est-^-dire au com-
mencement de janvier 1 844i avec des tables pathologiques
et anatcniiques.
liCs trois dernières fouilles conlionnenl vingt-qualre ad-
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 257
monitions (wassyet), c est-à-dire , règles de conduite pour le
médecin.
Gloses d'Ossam sur les Tossdikat.
C'est Ossam-eddin , auteur de plusieurs ouvrages philolo-
giques , nommément du Traité sur Tallégorie. Volume in-S"
de 209 pages, imprimé Tan 1269 (1 84 3), sans que le mois
y soit ajouté, comme c'est la coutume. Il en est de mêine
dans Touvrage qui suit et qui n a point de titre en tête , éga-
lement imprimé en 1269.
220. (^^ L^ ^jJm
Commentaire sur le glossaire arabe-turc Nokkbéî Wehbi, qui
est le pendant du Tohfet, glossaire turc et persan de Wehbi,
imprimé à Constantinople« avec le commentaire d'Ahmed-
. Hayati-Efendi , en i2i5 (1800].
Le tnême service qu'Ahmed-Hayati a rendu au Tohfet,
a été rendu au Nokkbé par Fauteur de ce volume , de 446
pages in-folio. H sfe nomme le cheikh Ahmed , domicilié au
village de Yaya, dans le voisinage de Magnésie , mais pré-
sentement Tun des mouderris de la capitade. On trouve au
commencement du volume quatre éloges de Touvrage : le
premier par Cheikh-zadé-es-Seid-Mohammed-Esaad, l'histo-
riographe de l'empire ottoman et gra'nd juge de la Rôumélie;
le second par Mohammed -Djemal-eddm, connu parmi les
ouléma sous le nom de Karssi-zadé , le correcteur du Moni-
teur ottoman; le troisième par le seid Ahmed -Esaad, le
moufti de la ville de Magnésie , présentement mouderris à
Constantinople, et le quatrième par AbdouUah-el-Ferdi-el-
Khalidi , le derviche naklischbendi. Ces éloges , écrits en
arabe, partie en prose et partie en vers, s'appellent tàkriz,
c'est-à-dire a de la tannerie ,» pu plutôt «du tanné, i» non
pas dans le sens que l'objet des éloges en soit fatigant et
ennuyeux , mais parce qu'il en devient lisse et poli comme
du cuir tanné.
258 .JOURNAL ASIATIQUE.
La traduction de Vhistoire universelle de Thaberi. 5 tomes in-fol.
reliés en un 'seul volume : le premier tome de 167 pages,
le second de 147 pages, le troisième de i38 pages, le qua-
trième de 164 pages, le cinquième de aoi pages; impri-
més à la fin de moharrem 1260 (février i8A4)*
C'est non-seulement un des ouvrages les plus volumineux,
mais aussi des plus utiles qui soient sortis des presses otto-
manes. La traduction paraît être celle que cite Hadji-Khalfa,
qui n'en nomme pas l'auteur. Le premier volume contient
l'histoire des prophètes jusqu'à Moïse et inclusivement; le
second, l'histoire des trois anciennes dynasties persanes; le
troisième, l'histoire de Marie, Jésus, Jean, Jonas, et des
rois de la quatrième dynastie persane , et celle du prophète
jusqu'à son émigration de la Mecque; le quatrième, rhi.s-
toire du prophète Mohammed depuis son émigration jus-
qu'à la fin du califat d'Osman ; le cinquième commence au
califat d'Osman et continue jusqu'à celui du calife Mokta-
der-Billah en 289 (901 de l'hégire).
Les vers arabes sont pour la plupart sans traduction; et,
si la traduction est donnée, elle est fort inexacte et tronquée;
on en peut juger par l'échantillon suivant, pag. i58 du tome
V, où se trouvent les quatre distiques suivants du grand poète
Ebou-Nouwas sur la mort de flaroun-Rechid et Favénement
de son fils Mohammed-Emin au trône :
^L MO ^j, m t]j (J^ A-J o> A /g If
^VL— j aI >»Vt c:>l Jj l , , » ^ \ A \^
/
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 259
Quelques jours sont heureux , qt^elqnes-uns sont atroces ,
Les uns passés en deuil, et les autres en noces.
Sur les lëfvres les ri», les larmes dans les cœurs;
Quel^efois rassurés, quelquefois pleins de pleurs.
Hier nous avons pleuré d'Aaron les funérailles;
Aujourd'hui nous chantons d'Émin les fiançailles.
Deux lunes à Bagdad se lèvent en riant;
Une autre a disparu à Tous en se couchant.
Le traducteur turc rend le sens comme il suit :
L*état du monde varie tous les jours. Quelques-uns sont joyeux ,
d'autres malheureux. Le monde met son fils sur le trône et sur la
bière; et Ton voit dans le même endroit le deuil et la noce.
222.
Sans titre mis en tête. Ce sont les gloses âe MoUa-Rhiah
au commentaire de Seaad-eddin-et-Teftazani jsur les dogmes
de Nesefi. i volume in-8° de* 191 pages , imprimé au mois
de moharrem 1260 (février i844).
223. p(CA-:iirjj_^ ^j^ i ^^JJ^
Les perles des juges, servant dé commentaire au Ghoitrer-el-
Ahkam.
C'est le ccmmientaire du grand jurisco/isulte Molla-Khos-
rew, mort en 865 (i48o), sur son propre ouvrage intitulé :
Les laeurs des préceptes dans les branches de la jurisprudence
hanéfite, €)o ç.jjS j ^\S^S\ jjà. Grand in-4* de 83o
pages, imprimé à la fin de ssafer ia6o (mars i844).
224. JW jb^ ^j-Û
Commentaire de la science religieuse.
C'est ainsi qu'il faut entendre VIlmi-Hal, <jui ne se trouve
260 JOURNAL ASIATIQUE.
point parmi les trois cent sept sciences de l^encyclopédîe
arabe, mais qui n est autre chose que la connaissance des
obligations indispensables de la religion et du culte du mos-
lim. Ilmi-Ahmed-Efendi donna ce titre à un extrait du caté- •
chisme musulman de Birgueli, et Fauteur du commentaire
en question, Khouloussi-el-Hadj-Moustafa-ben-Mohamimed,
le commença , comme la première page nous Tapprend, à la
fin de Tan 1189 (mars 177G). 11 Tintitula : ^jjjjûJf ^aa»,
c'est-à-dire «le débordement des deux mers, », et se réfère a
son autre ouvrage Hakikol-Hakaik, composé sur celui de
Birgueli. In-S**, g 6 pages; imprimé au mois de ssafer laGo
(mars i844). '
225. iU<KjLAé&Jb ibJyu.^ îI^IUm;
Traité du serviteur de Dieu, Naksckhendi,
L'auteur en est Ali-Behdjet-Efendi, le cheikh Naksch-
bendi, lequel, appartenant tant à Tordre des derviches
nakschbendi quà celui des derviches mewlewis, a soin de
publier ici les deux arbres généalogiques de sa doctrine
mystique, soit comme nakschbendi, soit comme mewlewi.
Ces documents généalogiques de la doctrine se nonmient
Silsilénamé, c'est-à-dire « livre de la chaîne. » C'est la chaîne
pythagoricienne des mystiques de l'Orient, qui font tous re-
monter leurs doctrine et traditions, soit à Eboubekr, le pre-
mier, soit à Ali, le quatrième des khalifes, et, par l'un ou
l'autre, immédiatement au prophète. La première chaîne,
celle des nakschbendi , ne compte que vingt-huit , la seconde,
celle des mewlewi , trente et un chaînons ou générations dans
le même espace des 1260 années de l'hégire. La première
remonte à Eboubekr, et la seconde à Ali, suivant les règles
principales de la vie mystique, dont la base ne saurait être
autre que la loi divine et le dogme de l'islam. Le sofi bon
musulman est à peu près au sofi panthéiste ce que le gUos-
tiquc chrétien de saint Qément d'Alexandrie est aux gnos>
tiques hérétiques des premiers siècles du christianisme. Le
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 261
tout ne forme qu'un petit volume in- 8* de 2 1 pages , imprimé
au mois de rebi-oul-ewwel 1260 (avril i844)-
Gloses de Seid-Ali aux Tassawwourat. 1 volume in-8" de/
147 pages, imprimé au commencement de rebioul-ewvrel
1260 (avril 1844).
Kauteur de ces gloses est le grand savant Seid-AK-Djor-
djani, mort en 791 (1389). Ce 6ont des gloses sur la même
partie de là logique de Kazwini, dont il a déjà été question
sous les numéros 212 et 21 3.
227.
Cette petite brochure, de 12 pages, imprimée au même
mois que Touvrage précédent, sans titre, renferme le petit
catéchisme du grand mystique Missri , en quatorze questions
et réponses. Missri , qui mourut en 1111 (1699) , est connu
par les extraits de son diwan , donnés par Pétis de la Croix
dans son Histoire de l'empire ottoman", et par ceux donnés
dans l'Histoire de la poésie ottomane. L'impression de son
diwan a suivi celle de celte brochure dans l'intervalle d'un
mois.
• 228. ^jUi yt^3
Le Diwan de NiazL
C'est le recueil des poésies mystiques du cheikh Missri,
lequel, comme poète, a pris le nom de Niazi, et qui a joué
un rôle politique sous le règne de Mohammed IV. Niaâ mou-
rut en 1 1 1 1 (1 699).. Sa biographie est donnée dans celles des
poètes ottomans (tom. UI*, pag. 687). Pétis de la Croix en a
parlé dans son Histoire de l'empire ottoman, et a donné un
échantillon de ses poésies , lequel ne se retrouve pas dans ce
diwan , imprimé , aux premiers jours du mois rebi-oul-akhir
1260 (à la fin d'avril 1 844), en caractères neskhtaalik.
84 pages in^".
262 JOURNAL ASIATIQUE.
Missri a été accusé plus d*une fois d*inâdélité à cause des
éloges donnés, dans ses ouvrages, à Jésus. Ces éloges se
retrouvent dans quatre gazels de ce diwan , qui en comprend
cent quatre -'vingt -cinq, et se termine par un mesnewi dé
vingt-quatre distiques. Quoique le diwan soit tout mystique,
il y a un gazel (c'est le cent soixante et quatorzième) qui est
tout à la louange du beau vallon d'Aspouzi, aux environs de
Malatia, ville natale du poète. Parmi ces cent quatre-vingt-
cinq gazels , il y en quatorze en arabe ; les autres sont en
turc, et plusieurs mériteraient d'être traduits. On peut juger '
de leur esprit et de la manière du poète par le premier, qui
Tsuit ici en texte et en traduction.
l — * — ôi l — ^t ex — IL-fr 4 A ù\ JuUl^
il=>\ Ùi — JL-ifiLc ^3^Lt <^jjJj\ eXJLLa. gSLJ
Mon cœur, renonce à tout et ne tient qu'à i'amoiir:
Les mystiques exacts ne suivent que 1 amour.
AOUT'SEPTEMBRE 1846. 263
Parce qu il devança tous les êtres au monde.
Le principe de tout, Torigine, est l'amour.
Quant tout sera fini , lui seul fera la ronde.
C'est pourquoi Ton a dît que sans fin est Tamour.
Je te demande, ô Dieu ! que tu me sois le guide ,
Et que pas un moment ne me quitte l'amour ^
Fais qu'à jamais mon cœur de passions soit vide,
Qu'ici-bas et là-haut soit. mon ami l'amour.
L'amour, au paradis, est la béatitude.
Des amants bienheureux leur Eden , c'est Tamour.
Qui me dirigera dans cette Solitude?
Des prophètes, des saints, le seul guide est l'amour.
Trois passages, dans lesquels 'il est question de Jésus,
sont les suivants , dans le cinquante-neuvième gazel :
Missri est animé du même souflle que ÏÏésus.
Dans le cent vingtième gazel :
^ <ji — i- — ;w-e j — -^ \ — il |>3j fj,b ^
J'ai mis aussi au monde sans mère Jésus.
Dans le cent ' trente-huitième gazel , le dernier distique :
Je ne suis ni Misri, ni Mehdi, ni Jésus, ni un homme;
Mais je suis le papillon de cette bougie toujours ardente.
Dans le sens de la doctrine véritable des soufis, il dit,
dans le dernier distique du cent onzième gazel :
A présent, dans le monde de la pluralité, on parle de Niaz
comme d'un hoinme.
Dans le monde de l'unité , je suis identifié avec Dieu.
^ Son amour, l^amour de Dieu , auquel se rapporte tout le gazél.
264 JOURNAL ASIATIQUE.
Le cent soixante et dix-neuvième gazel est remarquable,
non -seulement par la tournure singulière répétée dans tous
les distiques, qui finissent tous comme le premier, que voici :
3jt ^J — J L-1 viv — J jlL — J fi^j-> e^^f -^^
Dans ia main du boucher, je suis le mouton; c^est lui qui me
(tue), ou moi, lui.
Devant le bourreau, je suis le cou; c'est lui qui me (abat), ou
moi, lui.
Mais il est encore remarquable par Tannée de l'ère chré-
tienne qui s'y retrouve (1691), et par la mention de Jésus.
229 h, ^^jjMàj (j\yj^
Le diwan de Nesimi.
Grand in-4*, de i33 pages, imprimé à la fin de rebi-oul-
akhir 1260 (mai iS^li). C'est le recueil des poèmes mystiques
de Scidi Nesimi, dont j'ai parlé dans l'histoire de la poésie
ottomane. Un vol. de 126 pages.
230. ôàîj rf^JÙjJi iSJ^^ ^b-î' ZJ^
Commentaires des litanies de Kadiri, par Moustakim-zadé.
La traduction du mot ewrad, comme litanie, est justifiée
par le contenu de cette petite brochure de 34 pages in-8%
imprimée au mois de djemazi-oul-oula (juin i844). On y
trouve une définition exacte du sens différent du mot ïS^
au singulier, et du même mot (^LJLo au pluriel. Dans le
singulier, c'est la prière régulière; dans le pluriel, ce sont
des grâces implorées sur le prophète; les c:^l^L«iJ sont des
saints, les (^LçJâju des magnificats, les c:>C^* des vœux,
les ^tjjt des litanies, les (^\^^ des oraisons, les c;>yû des
hymnes, et les cy^^—j^j^l des psaumes. L'auteur du com-
mentaire est le grand jurisconsulte Soleiman - Moustakim-
zadé, qui vécut dans la moitié du siècle passé, el fut l'auteur
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 265
de plusietflrs ouvrages cités en note dans tnâ biographie des j^..
perlés ottomans (t: IV,.p.3oi). L'auteur des litanies est le ■■?
grand cheikh mystique Ahdalkaàir-Guilani, mdrt en 56i
( 1 165) , fmidateur de l'ordre des derviches ' kadris , dont le
tombeau se trouve à Bagdad et est « visité par de. nombreux
pèlerins. Ces litàiiies s'adressent ;àu prophète v chajcfiiéi article
commençant par les. mots (jLJ^ fk2lMiijïjLai\ «Grâces et
salut sur toi f » Âiàsi , , on lui adresse successivement les
différents noms de :« amant de Dieu, «mî de Dieu^ .pro-
phète de Dieu, le pur de Dieu, ta ineilleUre des créature
de; Dieu, là lumière du trône de CKeu, l'intendant de 1% ré-
vélation de Dieu, l'ornement de Djieu» » f ABuite } r Grâces et
salut sur toii qui as été ennobli par Dieu; sur toi, qm aa été
honoré par Dieu, qui as. été magnilKé par.Die>u« qui as été
instruit par Dieu; sur toi, le seigneur des apàti«», l'imam
de ceux qui craignent Dieu, le sceau des prophètes, -la. mi*
séricorde des mondes, l'intercesseur. pour les pécheuF«^'. le
prophète du Seigneur des mondes, sois gvacievnc'JU^,; pF*opi-
tius esto, o mon Dieu, pour Mohtunméd '^e bon p*ttJ>hèlQ; le
maître du posté le plus élevé! pour^ui qui est la langue
féconde, lapins noble des créatures hiomaines, Tassemblage
des vérités de la foi, lé Sinaî des; ti^iinsfîguratîotis l)iètifaî-
scmtes, le lieu de la descente des mystères de Tamiséricorde,
la noce du royaume célesteV 1^ Hen ifiiédiateur dès prophè-
tes , l'avant-garde de la troupe des apdtres , lé coiomiàifi'dant
de Tescadron des prophèteéi/là pltis'exc^énte de'^ûtes lèk
créatures, l^e porte-étendard des: |>luis gràA'ds' honneurs, le
possesseur de là plus haute ^oite, le lémbîn âes.sépretç de:
l'Étemel, celui qui rév^e les preïôqdères kuiiîèrësî Tintcr-
prète de Ja langue étemeïïe (du G)raii),' la source. de *1à '
science, de la douceur et de la sagesse; celui qurmanifêsfeef la ^
générosité .universelle et particulière, qui est la prunêDe'd'e
l'existence du monde supérieur et du mondé inférieur; l'es-
prit' qui anime le corps des deux mondes , la Source dé la
vie céleste et terrestre ; celui cjui confirme la soumission par
VIII. i8
^66 JOURNAL ASIATIQUE.
les degrés, les plus sublimes , qui est dotié des qualités des
élus, Tami le plus grand, Tamaat le plus honpré , notre ^i-
gneur Mohammed , ]e lils d'Abdallah , fils d*Abd-ol-Mottidib. »
.231 . Mj^\ xajUIJ) (jJ\^ • / ,
Les grandes assemblées sinaniennes , volume in*4^ de 5 1 4 p&ges ,
* imprimé au mois de djemazi-oul-oula (juin 1 844 ) ; ouvrage
de Hassan, fds d'Ummi-Sinan , c est-à-dire, du fondateur
de Tc^re des derviches sinan>ummis, mort en 1679
(1668). ' ...
Quoique Hasan soit qualifié, à la fin de cet puYrage, fils
d*Ummi Sinan, il n'est que son petit-fils, comme il est dit
expressément dans la biographie de Cheikhi, continuateur
des Biographies des ouléma, par Athayi II mourut Tan 1088
(1 677) , comme prédicateur et interprète du Coran k la mos-
quée du sultan Mohammed II. Le titre de roiivrage se rap-
porte au nom de son grand-père (du côté de la mère] Unun-
Sinan. Ce sont cent soixante et dix chapitres exégétiques-du
Coran intitulés .i|fec(/a/is« c'est-à-dire assemblées... Elles n'em-
brassent que les quarante-sept premiers chapitres du Coran,
à Texception des sourates xii, xxvi, xxxvn et xxxviii. Ce
commentaire n'explique pas -tous les textes de ces sourates,
mais s'attache seulement aux vers, principaux .et les plus célè-
bres de chacune, en les éclaircissant diacun par une <H>uple
des traditions du prophète, 'dont ce volume contient au delà
de cinq cents. Ainsi il esta la fois un trésor d'exégèse et de
traditions; A la. fin de chaque assemblée, se trouvent inter-
calés des vers du Mesnewi^de Djelàl-eddin-Roumi^-.et il est
fort probable que ee sont ces additions aux assemj^ées si-
naniennes qui ont fait attribuer à Moustakim-^adé ùii Ouvrage
portant le même titre. Dans les quarante chapitres du Co-
ran, l'auteur a choisi les versets les plus célèbres, te)s que
le verset du» trône ^ celui de Y empire de la lamière, de la sa-
gesse, ctç: Pour donner un exemple de l'exégèse intdligente
et concise de Tauteur, nous citerons seulement celle du ver-
AOUTSEPTEMBRE 1846. 267
set de la sagesse : « Il donne la sagesse à qui il veut, et qui-
conque a obtenu la sagesse a obtenu un bien immense. »
L'auteur définit la sagesse comme savoir utile et action qui
plaît à Dieu. D y ajoute le mot de la tradition : « Le com-
mencement de la sagesse est la crainte de Dieu , » et puis la
fin du 28* verset de la sourate xxxv ; «Les savants d*entre
les serviteurs de Dieu le craignent. » Le demi-millier de tra-
ditions rassemblées "dans cet ouvrage aurait plus de prix,
encore, si la moitié ne se rapportait uniquement aux 'prières
et litanies en l'honneur du prophète. Immédiatement après
chaque texte choisi du Coran , suit une couple dé pareilles
traditions, qui souvent né diflFèrent que d'un seul mot, et ce
n'est que dans la suite de l'exégèse que deux ou trois aufres
traditions sont rapportées. Chacune est appuyée de ses
sources et |]|torités , et une centaine des noms des tradi-
tionnistes les plus célèbres se trouvent cités à plusieurs re-
prises. Outre cette centaine de piliersde la tradition maho-
métane, se trouvent cités aussi, dans cet ouvrage, une cen^
taine des ouvrages les plus importants de tradition et de
jurisprudence musulmanes, dont au moins la moitié est»
connue par le nom et la date du décès de leurs aiiteuts ;
tels sont :
1** AA*iLci o^ji j iWJoJt, L'admonition, ... du Chirazi,
mort en 452 ;
2* jLJlil L'ornement, d'Ebou-Naaim , mort en 43o;
3" i^JjiilL^, La lumière des cœurs, d'Ibn-Ejoub-er-
Razi , mort en 447 ;
4* (jL-rf^yf o«-ô I La vallée de Içifoi, de Beihaki, mort en
458; * ' .
5* «jxxff JbV^, Les preuves de la prophétie, du même;
6* ^^IjJl «rU^» ^^. ^^^^i^^ des dévots, de Ghazali,
mort'en 5o8;
7' csULUf, Les routes, du Baghewi, mort en 5 16;
8* cjj^JfcJt ^J^^' L'abreuvoir doux, du même;
vni. 18.
268 JOURNAL ASIATIQUE.
.9" J^J^t IIâ^, Les marqaes de la descente de la pdrole
«îtvme, du Baghewi;
10** ^Lo-tl, Les lampes de la Soanna^ du même;
11** ^Lâif ôjSCij» » Le foyer des lampes, commentaire de
l'ouvrage précédent , par Mahmoud-el-Ebheri ^ achevé en 563 ;
12* v->AJ^>Jtj o^>J(» L* encouragement et lintinddation,
dlsmaîl et dlsfahani., en 535 ;
13" jA.u»i.in t^ jty*«^^ L'epcégèse facilitée, par Nesefi,
mort en 535;
>4* jïJ LiJ f » L* excellent dans la tradition , de Zamakhscheri ,
mort eh 538 ; -
i5* ^Ja^f^jA:^ ^ UuîJf, I/fl guérison dél^ l'enseigne-
ment des droits da prophète, par Ayadh, mort en 544;
16" o-vsJl f^y^. Les mystères ouverts, par le cheikh Gui-
lani;
17° /^jUil JûaJLk, Le résumé des vérités', par Rahmed-
*Farabi, mort en 607;
1 8*" AâJt F fj cjj»t t , L'étrange sens dans la langue, par JUo-
tharrezi, mort en 610;
19" bU,^tt cJ >c&, La noblesse de l'élu, c*cst-à-dire da
prophète,
20° ^tj-^Vf «JL., La consolation des tristesses, par Ibnol-
Djewzi, mort en 654;
21° j L.^tf JijLÂiJf j L^Vt» ^^ 9**' ^^^ ^ excel-
lentes qualités du prophète, par le même;
22** /3L)>yf» La théridque, du même;
23" ^siUJt '^Uibo, La clef du salut, du même;
24" ow^b^L o^^li L'encouragement et Vintîmidation,
du cheikh Monziri, mort en 656;
2 5" ôjijjJI', Le5 mémoires, de Korthobi, mort en- 671;
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 269
a6° ^owfiiLaJf if^J^' Les jardins des pieux, par Newewi,
mort en 676 ;
27°. t^V f *;J^ » L'ornement, des justes , par le même ;
28° JjjUif ^^1^^ ck>^l c^jîcX-», I.ei degrés de la
descente de la parole divine, par N«sefi, mort en 701;* *
29° ^fj-ilf ^>^«^* ci O^^ <::>U?^j» Les jardins du pa-
radis dans Vexé0se du Koran, par Abderrahim de Slama,
mort en 728;
3o* ij^jJ\ Ju^-X-«, L'abreuvoir de la tradition, par Ibn-
Djemaat , mort en 782 4
3 1 " ^îs-jLiI t ^Ue » i^ vérificateur des lampes , pfgr Sobkhî ,
mort en 756;
32** ^j^^lj^ft *^3J* Le jardin des herhes odoriférantes, par
Yafii, mort en 767;
33" j.^^^uJoJ\ j (»r^f >^» ^^ ''*^'' ^^ sciences de V exé-
gèse, par Ala-eddin de Samarkand, mort en 860 ;
34* 5î.t>i.-Jt JjLff». iâ paroZ« ^w-rare.rfa/M 7a prière, par
Sakhàwi, mort en 891;
35** Zj^^\ jyol^ ôjiLJI jjjuJt, Lc5 pleines lunes voya-
geuses pour les affaires de Vautre monde, par Sôyouthi, mort
en 911;
36* Uuil (AiL»^, Les routes des orthodoxes, par te même;
37* j.A^JuIt j jyjil] yûJ]\ Les perles éparses de l'exégèse,
par le même ;
38* Uuil c^Lwo, Le5 rottte5 des Hanéjites, par Kastelani,
mort en 928;
39" c%Â^[, L'appui, par Bezar, mort en 928;
4o* jLjVt^jLi^o, Les orienU des lumières prophétiques,
par Ssaghani , mort en 960 ; :w
4i° w^^»JuJt c? J^^^f »*L^»^^ collecteur des lumières ué
V exégèse, par Ibn-Hamza d* Andrinople , mort en 970;
18..
270 JOURNAL ASIATIQlJE.
4 2** . 0^ LiJf A^ » ^^ recueil des profits, par Menawi, mort
en 1019;
43° jMixà\, Les moyens de faciliter, par le même;
44* >j jcaJI ja^iJI, I»^ débordement des faveurs da Tout"
Puissant, par le même;
45° jjji^\ «-«Ia ^j^yLe commentaire dk petit Djanùi,
par le même;
46° ^l^il Jyi^ -Le^ trésors des vérités, par le même;
47"* et 48'' Deoo; commentaires du Masdlbih, ïun d'Ibn-
Melik, l'autre le Dhia-el-Mokhtar;
Enfin , 49* et 5o" Le grand et le petit recueil de traditions.
Outre cette cinquantaine d'ouvrages, dont les auteurs
sont connus, il y en a une vingtaine dont les auteurs sont
inconnus, ou dont Hadji-Khalfa ne donne point les datés;
tels sont :
1* ^jJUîJt «Âif, La plus utile des assemblées ;
2"* ^jJl^l iJL^\ Le don des assemblées:
3* A^jjj:i\,L* admonition, d'Ebou-Leis;
à" jfdi^\ \ L'accomplissement, de Bescheri : c*est un com-
mentaire des noms de Dieu;
^° (J:^^^ jAy^'^ L'illumination de ceux qui voyagent
dans le sentier des sojîs.
Lés cinq ouvrages précédents ne se trouvent point dans
Hadji-Khalfa, mais il indique les quatre suivants :
6* (jtjiiJi olyJt» Le mérite daJCoran, par Ebou-bekr-ben-
Ebi-Scheibé;
7" ^^UJI ^ftx^, Les jardins des vérités, par Moham-
med-ben-el-Mortehal , de Hamadan ;
8*" ^«JiUF j3, Les perles bien enfilées, sur la naissance du
prophète, par Eboul-Kasim-Mobammed-ben-Osman ;
9* .jJl^l (H-Jjj» La splendeur des assemblées, d*Eboo-
Haffs-Omer-ben-Abdallah, de Saniarkand ;
10** .«.tiPyll j J^Lij^t ^J^j^ ^^ fi^^ ^ jardins de. lu
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 271
prédication, par le cheikh ïadjol-Islam-Souleiman-beiï-Daud.
ï 1° OS*^f *-^jj» Le jardin de ceux qui craignent Dieu,
inconnu à Hadji-Kalfa;
1 2° v5^5 c^J j *^5 j » ■'^^ jardin de Zendosti ;
i3* j^\ j^\t L'aurore brillante, du Fakihani;
14° t>j[jJf, Les profits, d'Ebi-Nassr-Abdol-Kerini, de
Chiraz;
i5' J^\jC]\, Le parfait, d'Iki-Aada;
i6° UiJf U^ç$C La chimie du contentement;
^7* j-y-Lftxlf vM» ^^ moelle des exégèses,- par le cheikh ,
Burhan-eddin-Tadjol-Korra, c'est-à-dire, la couronne des lec- ,
teurs;
1 8* tXrî LâJf jt6J^ , Le recueil des profits et le guide à la véri-
fication des points litigieux, par Moustafa-ben-Iousouf-Saati;
19° ^fjjVf ^Lye^j ^.iliJf ^Uiu, La clef du salut et la
lampe des esprits; ...
20** ^j3jJJ[ cv-î^*«.^î L* accoudoir du pa^radis , pAT JDilemi.
Enrichi d*extraits de tous ces ouvrages, celui d'Oumm-
Sinanzadé contient des anecdotes, non-seulement sur le pro-
phète, mais aussi sur Jésus, et sur des saints musulmans,
tels que Ibrahim-ben Edhem-Obeis-Karni^ Zoulnoun-Mi^ri-
Djoneid, Schibli, etc.
. ^ y
Les_ cihquante-qttatre fardh (devoirs d'obligations divines)
commentés par Ssalahi Efendi, imprimé en djemazi-oul-
akhir 1260 (juillet i844).
C'est la seconde édition de l'ouvrage mentionné sous le
n* 2 1 1 .
233. jUûJ^I ^jU^I
L'intensité des r£gards , nommée aussi l'esprit des commen-
272 JOURNAL ASIATIQUE.
taires, imprimé au mois de djemazioul-akhir ia6o (juillet
i844); i33 pages in.8^
C*est le commentaire du molla M ohammed-ben-Pir-Ali ,
connu sous le nom de Birgueîi, mort en 980 (1672). Le
premier des commentaires de Touvrage grammatical mab-
soud, mentionné .par Hadji-Khalfa.
' 234. (joA^I ^^ J^kM
Le long commentaire du Telkhiss par Teftajiani, imprimé au
mois de redjeb 1260 (août i844); M2 pages in-4^
235. g-UalJl «Jyj
La crème des conseils , traduction turque, d'un ouvrage très-
célèbre de Fun des plus grands mystiques , générûement
connu sous le nom du moufti de Herat.
C'est sous ce nom que Djami le cite souvent dans sa
Biographie des soufis. Il se nbnmiait Elbou-Ismaîl Abd- Allah
ben«-Ëbi-Manssour Mohammed el-Anssari, mort Tan 3g6
(ioo5). Djami lui a consacré un article assez long (c'est la
trois cent quatre-vingt-quatorzième biographie). Ce sont trois
cent trente-six règles de conduite et de morale « qui ne sont
que des lieux communs ; mais , ce qui est plus curieux que
oes maximes du moufti de Herat, c'est la centaine de règles
de conduite de Burhan-eddin d-Badji, extraites de spn ou-
vrage TahiroUakhwan (la conscription, des frères), que
Hadji-Khalfa ne connaît point. Elle remplit les trois dernières
pages des vingt dont se compose cette i)rochure, iniprimée
au mois de redjeb 1260 (juillet i844)- Elles nous ont paru
mériter d'être traduites ici parce que plusieurs tQucheot à
des usages et coutumes peu connus.
Le vrai moslim doit : 1 " ne point maudire ses enfants ni sa
famille; 2° les bénir; 3* se souvenir en bien des défunts;
4* ne point dormir après la prière du matin ; 5' se garder de
jouer avec des pigeons ; 6* ne point se mettre en contradic-
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 273
tion avec Topinion générale; 7° n& point flatter le vice;
8° ne point se curer les dents avec un morceau de bois ; 9" ne
point balayer la cbambre avec un morceau de toile ou av.éc
des babits; lo* ne point balayer pendant la nuit; 1 1" ne point
laisser d* ordures dans la maison ; 1 2" ne point se découvrir au
bain au-dessous du nombril ; 1 3" il doit se garder de dormir
nu et de manger en état d*impureté ; i4" de jeter au feu la
pelure d'ail ou d'oignon; 15" de se laver les mains aivec de la
boue ou de la terre.; 1 6* d'être assis sur des ordures; 1 7" de
rester debout à la porte en s'appuyant sur l'un deç côtés ;
18° de faire ses besoins dans l'endroit de l'ablution légale;
1 9^ d'y étaler ses babits ; 20® d'essuyer son visage av^clfe bord
de l'babit ; 2 1* il doit nettoyer la maison des toiles d'araignée ;
22" il ne doit point se hâter de sortir de la mosquée, particu-
lièrement après la prière du matin; 23° ne point aller d£)ns la
rue de grand matin; 24* n'y point rester fort avant dans la
nuit; 2 5"- ne point acheter du petit pain;' 2 6° n'en point» deman-
der; 27° ne point éteindre la chandelle en soufflant; 28° ne
point écrire avec» une plume tachée de graisse; 29° ne point
écrire qu'après l'ablution faite ; 3o° ne point marcher sur de la
raclure de plumes; 3i° il doit tenir .en honneur les ustensiles
d'écriture; 32** ne point se servir d'un peigne cassé; 33* ne
point baiser quelqu'un sur les yeux: 34** il est de bon usage
(sounna) d'avoir toujours avec soi un peigne, des ciseaux, un'
cure-dent, une aiguille et une*boîte de surmé (cosmétique des
sourcils); 35° il pe doit point mettre ses culgttes étant de-
bout ; 36" il ne doit pas avoir moins de crainte étant sur terre
qu'étant sur mer; 37° il ne doit point prendre le pas sur les
vieillards ; 38° ne point lire l'inscription des pierres funé-
raires; 39° ne point manger de coriandre fraîche, de pommes
aigres ou plutôt des pommes du tout; 4o° il ne doit pas man-
ger en grande quantité des oignons , de l'ail ni des {èves ;
4i° qu'il se garde de manger chauds des plats cuits au mar-
ché ; 42° qu'il ne traverse pas le milieu du chemin; 43° qu'il
ne passe pas par le milieu d'une troupe de brebis; 44" s'il y
a absolument nécessité, il doit réciter la sourate li Jlaf;
274 JOURNAL ASIATIQUE.
45* il ne doit point passer entre /leirx chameaux ; 46* ne point
jurer dans la conversation; 47** ne point laisser devenir ses
ongles trop longs ; 48* il doit observer Tordre établi des
jours du marché; 49* il ne doit point niordre ses ongles;
5o* il doit, si c'est possible , faire la prière du vendredi
après avoir fait Tablution partielle et générale [ahdest et
ghosl) , et se faire raser après la prière du vendredi; 5 1* il ne
doit point regarder Teau stagnante ; Ba' et n'y point uriner;
53* n'en point prendre pour faire ses ablutions; 54* ne
point regarder un pendu ; 55* ne point laisser des poux aux
parties honteuses ; 56* il ne doit point, sahs nécessité, mettre
des babouches noircies; 57* ne point manger de la viande
grasse; 58* être sobre dans l'acte du coït; 59* ne point se
priver du sommeil lorsqu'il se sent fatigué ; 60* ne point re-
garder aux parties honteuses; 61* ne point manger du pain
chaud; 62* ne point raccourcir la barbe aveoles dents ; 63* ne
point manger avec la main gauche ; 64" ne point marcher sur
de la coque d'oeuf; 65* ne point se nettoyer aux lieux secrets
avec la main droite; 66"* ne point rire au cimetière; 67® ne
pas trop regarder des fèves en fleurs ; 68* ne point s'endormir
avant que le goût du souper soit passé de la bouche ; 69* ne
point se servir d'eau chauffée au soleil; 70* ne point dormir
après midi; 7 1* ne point se découvrir, quand même il est seul ,
' pendant l'ablution générale; 72° ne point coucher seul dans
une maison; ne point dormir *dans la niche d'une mosquée
ou sur le séu^ de la porte; 73* ne point inanger des oranges
pendant la nuit; 74" ne point manger du rognon ; 75 ne point
se regarder dans un miroir pendant la nuit; 76* ne point
manger de choses salées après une saignée; 77* ne point cou-
cher 'avec une femme après une pollution nocturne avant de
s'être lavé; 78* dire au nom de Dieu avant le (Commencement
de toute affairé; 79* et ne point entreprendre une ajŒure
où il serait impossible de dire en la commençant, au nom
de Dieu; 80* converser avec des gens de bien; 81* ne point
se mêler aux vicieux; 82* ne point les aider; 83* qu'il soit
reconnaissant dans le bonheur, patient dans le malheur;
AOUÏ-SEPTEMBRE 1846. 275
84° comme on souffre l'opération du chirurgien pour préve-
nir une longue maladie , on doit supporter les malheurs de
ce monde pour se garantir de ceux de Tautre; 85* il ne doit
envier personne, mais au contraire; 86* souhaiter au musul-
man toutes les prospérités ; 87* ne point fureter dans les défauts
des autres; 88" ne point redemander ce qu*il a donné; 89" à
chaque chose merveilleuse il doit dire machallah (ce que Dieu
veut), et à chaque promesse inchallah (s'il plaît à Dieu);
90" à la fin de chaque chose bonne, il doit dire el-hamdlillah
(louange à Dieu); 91'* il doit penser souvent.à la mort, au
tombeau , à l'autre monde , au jour du jugement et aux tour-
ments de l'enfer; 92" pendant les éclipses de soleil fet de lune,
il doit, autant qu'il est possible, s'abstenir de regarder au ciel ;
gS** il doit être éveillé au dernier tiers de }a nuit; qI\° et ne
point passer ce temps en choses futiles; 9 5° il doit s'abstenir,
autant que c'est possible, de toutes les choses honteuses dé-
fendues par la loi et par la nature ; 96° il doit tâcher de se
faire comprendre par ceux à qui il parle; 97* dans les assem-
blées , il doit adresser la parqle même aux personnes du der-
nier rang; 98" et ouvrir le discours d'une tnanière convenable
à l'endroit; 99" d ne doit point disputer sur des choses que
les gens n'entendent pas ; 1 00* il doit avoir, autant qu'il est
possible, de bonnes intentions et ne point intriguer; 101" il
doit recommander toutes ses affaires à Dieu; 10a** dans les
choses qui regardent la dévotion , il ne doit point se servir
d' autrui; loS" ne point imposer aux autres des obligations de
reconnaissance; io4' ne point parler du bien qu'il a fait;
a 06** s'il ne craint point l'envie et l'effet du mauvais œil, il
doit proclamer les bienfaits de Dieu; 106* il" ne doit point,
pour se vanter, dépréciei' les actions et les bienfaits des autres;
107" ne rien entreprendre qui soit contraire à la loi; 108* ne
donner des conseils qu'à ceux qui les reçoivent ; 1 09* h ceux
qui ne les écoutent pas , il doit faire comprendre, par d'autres,
la turpitude de leurs actions; 1 10" il doit demander à Dieu
la grâce de l'effet de ses conseils; 111* après, chaque acte de
dévotion, il doit demander à Dieu pardon de .ses péchés;
276 JOURNAL ASIATIQUE.
1 1 2* et dire ensuite « O Seigneur, agréez cette action en Thon-
neur de votre bien -aimé prophète, sa famille, ses compa-
gnons , des martyrs de Bedr et des autres justes et honomes
de bien. »
Ce qu'il y a d'étrange dans ces préceptes n'a pas besoin de
commentaire.
236. ^UiJLI joAâ^
Le texte du Telkkiss-ol-Miftah , de Mohammed -ben-Abder-
Rahman-el-Kazwini , mort en 709 (iSog).
C'est le texte de l'ouvrage de rhétoriquç dont le commen-
taire est placé sous le n** a 34-
237 . viL? cij)^ U)^^.^
Le diwan d'Izzet-Beg, 99 pages in-4*< imprimé au mois de
ssafer 12 58 (mars i843).
Il paraît que ce volume , imprimé il y a déjà deux ans ,
n'a été distribué que dans le courant de l'année passée, puis-
qu'il ne nous est parvenu qu'avec les ouvrages imprimés de
l'année passée. Il serait à souhaiter que tous les éditeurs des
ouvrages imprimés à Constantinople voulussent mettre à la
tête des ouvrages une notice biographique de l'auteur, comime
on en a mis une dans ce volume et dans quelques autres.
Izzet-Beg, fils d'Aarif-Beg, fut, en iai8 (i8o3), nommé se-
crétaire du grand vizir; ensuite ameddji et be^iikdji en laaS
(1808), troisième plénipotentiaire aux négociations russes,
n mourut Tannée suivante. Son diwan est tout à fait du genre
mystique, divisé en deux parties, dont 1^ première contient
des gloses et des mesnewis, la seconde partie, cent quatre-
vingts gazées et quelques chronogrammies. Pour donner une
idée du contenu, nous donnons ici la traduction du troi-
sième gazel de la lettre ta.
Mon cœur est un vaisseau dans une mer de feu ;
Cliaque- planche est un dais du Salomon du feu.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. ♦ 277
De flammes entouré , tout couvert de brûlures ,
Salamandre je suis , qui s'étonne du»feu.
£n un brasier de feu chaque larme se change.
O Noé , de mon cœur quel déluge de feu î
Le printemps ralluma de mon cœur Tincendie.
Les lambeaux de mon, cœur sont tulipes de' feu.
Tes paroles > Izzet, sont empreintes de flammes ; ^
Ta plum« wt un ro^au d'une plage de feu.
c> m — «l:_jÎ qI — 5>j — ii^ j3^ji^ l^ 'ry
o M> .4i> J 1 ^l ^., j t, Jjf OjL)' i«>^Ô j^
^J—-^ (J js--^ — '-^ *'— ^— tl'j — ^ o^ ^^
238, s/^ AjJJjj v^P' "^^^
Commentaire du traité d'Abdol-Wehhah, imprimé au mois de
ssafer 1260 (mars i844), in-8% i'55 pages.
C'est le commentaire arabe du traité du Seid Abdol-Weh-
bab ben Hosdih hen Welieddindl-Amedi, sur les manières
de la critique (iJ^lXlf oT^I). L'auteur du commentaire est
Mohammed , surnommé SatchakUzedé , célèbre par son traité
encyclopédique, qui sert de livre d'enseignemëht dans les
écoles turques.
278 - JOURNAL ASIATIQUE.
239. -K — JiX-^ i^jUL^jJo
Le sentier mahométan , imprimé au mois de zilkadé ia6a
(décembre 1 844 ) , 2 6o pages , in-8".
Il a été déjà plus d*une fois question dauB les listes des
ouvrages imprimés, soit à Constantinople , soit au Caire, du
grand cheïkh Mohammed ben Pir Ali el Birguewi ou Bii^eli ,
le Canisius des ottomans , et la traduction turque de cet ou-
.vrage a été imprimée Tan ; ouvrage de morale très-pré-
cieux pour les traditions qu'il renferme, et dont le nombre
se monte à cinq cent cinquante, extraites d'une cinquantaine
d'ouvrages de traditions. Leis abréviations des quarante les
plus célèbres sont données sur la première page avec les
expressions techniques des docteurs traditionnistes.
La splendeur du jardin, imprimé au mois de zilhîdjé 1260
(décembre *844), 63 pages, petit in-8".
Traité de jardinage, dont l'auteur ne se nonrnie pas, mais
il apprend aux lecteurs qu'il est propriétaire d'un jardin qu'il
cultive dans le voisinage d' Andrinople , où il est allé s'établir
par amour de la patrie. Il a divisé son ouvrage en quatre
sections, un complément (iUu") et une conclusion ( i*l^). La
première section traite du terroir; la seconde, de la plantation
des arbres; la troisième, des différentes espèces de greffe;
la quatrième, des différentes maladies des arbres et de la ma-
nière de les guérir; le complément; des -fleurs et herbes
odoriférantes; la conclusion, des différentes espèces de fruits
et de la manière de les conserver.
AOUT-SEPTEMBRE 1846. 279
Les ouvrages suivants ne nous ont été envoyés que dans
le courant de cette année , bien que le premier ait été publié
il y a vingt-trois ans , tant est grande la difficulté d'obtenir des
libraires, à Constantinople, la suite régulière des ouvrages
publiés daùs les différentes imprimeries. Cet ouvrage, si ar-
riéré dans îe compte rendu des livres imprimés à Constan-
tinople , ne porte aucun titre ; c'est :
241. iwuUàJl Jvt^-iJl
Les profits de Dhia, c'est-à-dire de Yousouf Dhia-eddin, fds du
grand poète persan Djami, lequel a composé ce comment
taire de la kafiyet pour l'enseignement de son fds chéri.
Imprimé l'an laSy (1821), 3o8 pages , grand in-8*.
242. ^jU^jwaJt iL^v^-*y ^^ j, t^l^*-^' a, ,>*>s , ^
Présents des frères, consistant en un commentaire du Rosaire
deis garçons.
C'est le commentaire turc du glossaire arabe-turc imprimé
en l'an . , à Constantinople. L'impression de cet ouvrage a
été achevée au mois de rebi-oulfewwel, l'an 1 266 (mai i84o) ,
265 pages in-S". L'auteur ne se nomme ni au commencement
ni à la lin de l'ouvrage; mais, à la page 90, à propos d'un
chronogramme qu'il a composé à l'occasion d'un kiosque
bâti près de la mosquée de ^sultan Dayeâd par le sultan
Mahmoud, dans le dernier vers de ce tarikh, H se nomme
Nedjib(o^).
243. \ %Â X^j^
Celui qui écarte le voile. Commentaire du ^ossaire persan
et turc de Chahidi, qui a été longtemps mis de côté par
l'amplification qu'en a donnée Wehbi dans son Tohjei Wehbi.
Le<^ossaire primitif de Chahidi parait donc ici pour la pre-
mière fois comme texte du commentaire ; l'auteur de celui-ci
est le cheïkh actuel du couvent des derviches nakshbendi ,
fondé parle fils d'un gendre du sultan Damad^adè Mohammed
280 JOURNAL ASIATIQUE.
Mourad, près de la mosquée de sultan S^lim. L*auteur s*appelle
Es-Seid el-Hadji Mohammed Mourad en-Nakshbendi, fils du
cheikh El-Hadji Abdol Halim en-Nakshbendi, auteur de
différents ouvrages composés pour faciliter Tétude du persan,
conmie le aj «jJf ^'LLo et le a^^jsJ\ o^\Ji du oommentaire
^ du Pend-nameh. iTdonne ces renseignements lui-anéme dans
une notice biographique de Chahidi, mise entête deTouvrage
imprimé au mois de djemazi-oul-akhir 1269 (août i84o).
Outre les ouvrages qui ont été imprimés dans le courant
de Tannée passée, à Constantinople , il a paru cinq ouvrages
lithographies , tous les cinq d*un contenu plus ou moins sin-
gulier, qui doit faire supposer qu*ils sont destinés plntôt.i
circuler, en guise de manuscrit, dans un cercle plus étroit de
lecteurs que dans le public en général, pour lequel les livres
imprimés sont mis en vente. Le premier de ces ouvrages ne
contient cependant rien qui pourrait blesser les mœurs, et,
à moins que la bonne chère ne soit regardée conune un luxe
fort superflu dans l'état actuel des affaires de Tempire, on
ne trouvera point à y redire. C*est un livre de cuisine , de
iSa pages in-4*, qui est très-curieux, non-seulement pour les
gastronomes de profession , mais aussi pour les lexicograplies ,
à cause de différents noms de plats qui ne se trouvent dans
aucun dictionnaire. Il porte pour titre: ^^)Sf:^lAi2i[ ^LaLt'
c* est-à-dire le refuge des cuisiniers, et traite en douze sections :
1' des soupes; 2" des rôtis; 3* des étuvées (v^^); 4* des
viandes et du poisson à la daube (le mot turc [^ ne paraît
être autre chose que le français daube) ; 5* des pâtés ; 6* des
plats de farine et des douceurs ; 7* des entremets sucrés firoids;
8* des légumes ; 9* des courges farcies; lo*" du pilaw; 11" des
marmelades; 12" des douceurs et confitures. Chacune de ces
sections contient à peu près une douzaine de plats. Nous nous
contentons d'énumérer ici les différentes sortes de pilaw :
1 ° le pUaw ordinaire ; 2* le pilaw persan ; 3* keusé pilaw (piiaw
pour les hommes qui ont la barbç clairsemée); 4' du pilaw
sans eau ; 5"* du pilaw sans beurre ; 6^ pilaw aux tomates ;
AOtfT-SEPTEMBRE 1846. 261
7° pilaw aux têtes de brebis ou de moutons; 8* pilaw au
poisson nilaiifere; 9® pilaw aux amandes; lo"* salmis aux
moules (le mot a^L» paraît être le français salmU); 11" pilaw
aux coquilles {^J^J^)^ 1 3" pilaw à Touzbec.
Le second des cinq ouvrages lithographies ^ un petit iri-8°,
de 77 pages, devrait paraître aussi peu sujet à caution que
le précédent. Il contient deux traités ; Tun <Ajjfj<Mj , c'est-
à-dire linre pour Vinterpr^tation des songes; et le 8econd^>CM
«*-«u , c'est-à-dire livre de divination par les tiraillements des nerfs
et les tremblements des lobes de l'oreiUe.
Les deux suivants , des cinq ouvrages lithographies , sont
deux livres de contes, ha- 8" ; tous les deux enrichis de figures
lithographiées. Le premier, le. conte de Chabour Tchelebi,
avec vingt lithographies enluminées., est un conte ordi-
naire des conteurs des cafés de Constantinople , qm n'a rien
de piquant et trouverait peu de lecteurs s'il était traduit;
69 pages in-8*. Le second, intitulé'«*-oUifclo, 91 pages in-8%
est un livre contenant les plus grossières obscénités i et dont
les vingt-cinq lithographies ont été évidemment exécutées
par une main fi'anque. Les contes sont aussi impurs que
les lithographies, et il n'y a pas lieu de s'étonner que la
vente publique de ce livre licencieux soit défendue à Cons-
tantinople.
' Le plus curieux, sans contredit, de ces cinq ouvrages
lithographies , est le cinquième , de 43 pages in-8°. C'est un
livf e de médecine contre le refroidissement des reins , c'est-
à-dire la gonorrhée , dont l'auteur, qui est le médecin en chef
de la Sublime Porte , va à la recherche des causes qui produi-
sent cette maladie et des remèdes qui la guérissent. Dans le
troisième chapitre , qui traite de la gonorrhée causée par la
pédérastie, il y a un raisonnement si singulier sur l'origine de
ce vice si commun en Orient , qu'il vaut bien la peine de tra-
duire ici ce paragraphe , comme une preuve de la logique du
premier médecin de l'empire ottoman.
« La pédérastie est un vice contraire à la nature, qui em-
282 30URNAL ASIATIQUE.
pêche ]a propagation du genre humain. Je blâme les anciens
philosophes qui ont les premiers .enseigné un vice si honteux.
Probablement, ils ont senti et prévu que les sciences et les
connaissances qu ils avaient acquises avec tant de travaux et
de peines seraient surpassées par les modernes, en. compa-
raison desquels ils né paraîtraient être que des écoliers qui
apprennent à épeler. Pour y obvier, ils ont inventé ( ofjji^f) la
sodomie, dans Tin tention d'extirper le genre humain fisiutede
propagation ; ou peut-être ont-ils inventé la sodomie comme
tant d'autres choses, soit générales, soit partielles, uniquement
pour inventer quelque chose. »
Ce savant docteur s'appelle KhàirouUahEfendi, déjà connu
par son ouvrage sur les sciences médicales , ouvrage écrit pour
les examens de médecine. Cette brochure a été lithographiée
à l'académie de médecine, en djemazi-oul-ewwddel'an ia6o
(juin i844).
AOUT-SEPTEMBRE 1&46. 283
NOUVELLES ET MÉLANGES;
SOCIÉTÉ ASIAtlQUE.
^ Séance du, 14 aoèt,i840,.
Le procès^verbal de ta prééédente séance est tu et adof^té.
On Ut ime lejttrp de M. Meriiti, par. lajtjudle il réclame
contre Tindicadon donnée dans le numéro d^^vril du Jour-
nal asiatique, de laquelle il résulte que le tome II du Cata-
logue de M. de.Saey aurait été présenté par M. Duprat. Il
résulte de la lettre de M. Merlin que. c^est en son nom, et
.seulement par rintecmédiaire de M.> Duprat, que le 1^. vo-
lume du Catalogue de M. deSacy a été offert à la Société. ~
M. Deodor, cpmmissaire-jHnseii}', annonce à la Société
qu* en procédant i Tinventaîre dés ïiyres ' existant chei
M. d'Ocboa , il a recoiinu plàsieorà oiivràlgës appartenant k
la Société asiatique. On ains^te que dés înçsiires ^bnt prises
pour que ces ouvrages ^ient réintégrés daiîs ià biblio-
thèque.
Les personnes dont les noms suivent Bont présentées et
admises comme membres de la Société :
MM. le comte! Miif iscat^hi , chambellan de S.*M. rempe-
reur d'Autriche, à Vérone;
lé docteur Dillmavm , à Tùlftngen^
OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIETE ASIATIQUE ,
DAM LA MÈUB siAHGE.
Par le traducteur : Die siehen Weiseri Meistêr von Naschebi
(les Sept Sages de Naschebi) , ouvrage traduit du persan en
allemand par M. Érockhaus. Leipsick, i846, in-4'.
284 JOURNAL ASIATIQUE.
Par le tradubleur : Fables de Lokman, expliquées d-âprès
une métliode nouvelle, par M. Gherbonneau. Paris, Impri-
merie royale^ 1846, in-ia.
Parle traducteur, : Khelassdt alHisah, où Essence du calcul
de Beha «ddin Mohammed al Amouli, traduit, d*après la
version allemande , par M. Aristide Marbe.
Par Tautcùr : Proposilions pour Vachèvement des Tuileries et
du Louvre, par M. Maudïjis. Paris, i846, în-8'.
Par Fauteur : Symbobe ad r^m nummariam Mahammêda-
norum ex mûseo regio Holmiensi, Edidil Ç. J. . Tobuberg.
Upsal. i846, în-4'.
M. J. Humbert, associé étranger de la Société et correspondant
(le rïnstitut, a écrit'4 un membre du Conseil pour ^ plaindre de
ce que son nom avait cessé de paraître sur la 'liste des membres .
associés étrangers, dont il fait cependant partie depni|~ Tannée
1839; cette réclamation est trop fondée pour, que le bureau ne
s'«mpresse pas d'y faire droit. En attendant que le nom de M. J.
tinmbert soit .rétabli, dans le tableau, à la place qu*il occupait
d'après la date de sa nomination (7 septembre 1839) , le bbreau de
la Société croit de son devoir de déclarer t{iie c'est par une omission
involontaire que le nom de M. J. Ilumbert a cessé, depuis quelques
années, de faire partie de la liste des associés étrangers de la So-
ciété asiatique.
JOURNAL ASIATIQUE.
OCTOBRE 1846.
EXTRAIT D'UN MEMOIRE
G£OGRAPHIQ|&, HISTORIQUE ET SCIENTIFIQUE
SUR L'INDE,
Antérieurement au milieu du xi" siècle de Tère chrétienne,
d'après les écrivains arabes , persans et chinois , par
M. Reinaud;
Lu dans la séance publique annuelle de l'Académie royafe
des inscriptions et belles-lettiyBS , du ai. août i846 ^
La diffusion actuelle des lumières en Europe et
dans toutes les contrées du globe où l'activité euro-
péenne trouve à s'exercer, rend à peine croyable
l'ignorance absoli^e où la société indienne a été main-
tenue de touttemps par rapport aux événements qui
s'étaient passés dans son propre sein. Rien djBce que
^ Le mémoire, dont ceci n est qu'un léger aperçu, paraîtra dans
le tome XVII du recueil des Mémoires de TAcadémie des inscrip-
tions.
VIII. 19
286 JOURNAL ASIATIQUE.
nous savons n approche, à cet égard, de ce qui a eu
lieu chez les Indiens. Les Grecs et les Romains ont
depuis longtemps perdu le sceptre de la puissance
et de la civilisation, et cependant il n'est personne,
panni les hommes lettrés, qui ne soit au courant
des pays quils occupèrent/ des événements aux-
quels ils prirent part, et de la place qu'ils tinrent
dans les annales de l'humanité. On a longtemps
accusé les Egyptiens d'avoir, à l'époque la plus bril-
lante de leur histoire , négligé de recueillir les sou-
venirs de leurs hauts faits ; mais 1^ découvertes de
la science moderne sont venues leifldisculper sur ce
point. Non ! les Sésostris et les Osymandias ne dé-
daignèrent pas de transmettre leurs noms à la .der-
nière postérité. Bien au contraire, ils prirent la
peine de faire percer les montagnes et de répandre
siïr le sol égyptien des débris de rochers couverts
de figures et de légendes.. Si les caractères dans les-
quels on marquait ces iégendes étaient à la portée
d'un petit nombre de personnes; si même, à la^uite
des changements que le temps amène toujours avec
lui ,• on en perdit tout à fait l'intelligence , cela prouve
une erreiu* dans l'emploi du moyen , mais note rien
aux intentions. Partout où il a existé une société
régulière et une écriture, il y a eu des livres et des
personnes qui y cherchaient l'instruction. Le moyen
âge lui-même , que nous flétrissons de l'épithète de
barbare, ne nous a-t-il pas laissé au moins l'indica-
tion et la* date de ce qu'il vit s'opérer de plus im-
portant ? L'Inde seule , qui pourtant donna naissance
1
OCTOBRE 1846. ^ 287
à une civilisation aussi originale qu'ancienne, et où
les sciences spéculatives furent toujours cidtivées
avecardeiu', est privée de géographie, d'histoire et
des documents qui* constituent Tordre des faits.
Ce n est pas que dans f Inde la. société soit restée
immobile, et que la crainte de la monotonie, ait ar-
rêté les écrivains. Là, comme ailleurs , les doctrines
religieuses, après avoir dominé un certain temps,
firent place à d autres doctrines ; la soif du pouvoir
mit les armes aux mains des ambitieux; les secties
se combattii'ent entre elles ; les trônes furent oppo-
sés aux trônes ; les dynasties supplantèrent les dy-
nasties. A mesure qu*on entrevoit un peu de jour
dans rhistoire delà presqu'île,, on reconnaît que nul
pays ne fut exposé à plus de déchirements et de
révolutions. »
Pythagore alla, dit-on, jusque dans l'Inde pour
étudier la sagesse à lecole des gymnosophistes.
Alexandre le Grand fit mieux ; il franchît avec une
armée formidabk le Caucase indien, appelé aujour-
d'hui Hindoukousch, et s'avança au delà de l'Indus.
Or, Alexandre et plusieurs de ses compagnons
étaient doués d'un esprit éclairé et capable de saisir
ce que le pays offrait de particulier. Mais, à cette
époqpe, les doctrines des brahmanes dominaient
dans cette partie de l'Inde , et l'on sait que ces doc-
trines ne sont pas favorables aux étrangers. La so-
ciété, chea les brahmanistes, est partagée en. castes:
celle des brahmes , qui forme la caste sacerdotale, est
chargée du dépôt des livres sacrés et de la célébration
288 JOURNAL ASIATIQUE»
des cérémonies du culte. La caste qui vient ensuite
est celle des kchatrias, ou des guerriers : celle-ci a
pour mission de défendre |e pays quand il est atta-
qué. Les deux autres castes fournissent à la société
dés laboureurs, des artisans et des gens de service.
Mais nul ne peut passer d une caste dans une autre,
et ceux qui sont chassés de la leur sont, jpoiu: ainsi
dire, repoussés de la société. C'est dans la dernière
catégorie que sont classés les étrangers. Comme ib
n'ont pas été, en naissant, piu-ifiés d après cer-
tains rites, et qu'en général ils ne montrent pas de
respect pour les institutions locales, ils sont rangés
parmi les êtres impurs, et Ton évite tout contact
avec eux. Combien n etait-il donc pas difficile pour
les Grecs d'acquérir. une connaissance intime d'une
contrée dont^ils possédèrent une partie , et dont ils
étaient en état d'apprécier les divers avantages !
Les Grecs et les Romains , à l'exemple des Phéni-
ciens et des Egyptiens , vinrent pendant longtemps
commercer sur les côtes maritimes ; mais l'intérieur
de la presqu'île leur était fermé, ou, s'ils y péné-
trèrent, ils ne trouvèrent personne poiœ répondre
à leurs questions.
Dans l'opinion des brahmanistes , qui ont fini par
exterminer les sectes rivales, et qui depuis environ
mille ans dominent sans partage sur la presqu'île ,
le monde que nous habitons a son temps de. vie
marqué; mais ce temps*, qui se monté à des mil-
lions d'années, est divisé en quatre âges. Dans lé
premier âge, l'homme vécut plujs longtemps qu'à pré-
OCTOBRE 1846. 289
sept; il fut plus vertueux, et par conséquent plus
heureux. Dans le second âge, la vertu commença à
chanceler et le vice montra la tête ; dans ie troisième
âge, le vice prit un aspect redoutable, et ies gens
de bien conçurent de la crainte; dans le quatrième
âge, qui est celui dans lequel nous ^yons le malheur
de vivrç, le vice est devenu tout-puissant, et la
vertu na pas eu d'autre partf à prendre que de se
cacher. Le dernier âge a commencé l'an 3 102
avant notre ère, et peut par conséquent être mis
en rapport avec la chronologie de la Bible.- Quant
aux premiers âges, ils sont l'ouvrage de l'imagina-
tion des indigènes , et. ils ont été inventé? unique-
ment povu* consoler des misères de la vie présente.
Les pouranas et les autres livres brahmaniques ne
tarissent pas sur les événements des trois premiers-
âges; ils s'étendent également sur la première
moitié de l'âge présent, période sur laquelle atou-
joiu-s régné la plus grande incertitude ; mais ils ne
disent rien sur l'époque la plus récente, ou, s'ils en
parlent, c'est au hasard et hors des conditions im-
posées par l'amour de la vérité. A quoi bon, disent
les brahmanistes, arrêter ses regards sur des siècles
de perversité et de honte ? Ne vaut -il pas mieux se
reporter par la pensée à un* temps où chaque chose
étmt à sa place, et où le bien avait son empire
assiu^é ?
Les bouddhistes qui, dans les premiers siècles db
notre ère, dominaient sur une grande pai'tie de
l'Inde, et qui, encore aujourd'hui, sont répandus
290 JOURNAL ASIATIQUE,
dans plusieurs régions de l'Asie orientale, profes-
sent des opinions moins exclusives que les brahma-
nistes; ils i/admettent pas la division des castes, et
c'est ce ^q[ui leur a permis de se propager hors de la
presqu'île. S'ils rejettent la mythologie des brahma-
nistes, ils en oqjt imaginé Une autre qui n'est guère
plus raisonnable. Mais ils n'ont pas la même hor-
reur que leurs adversaires poiœ les choses de la vie
réelle. On trouve dans leurs légendes, même dans
celles qui sont le plus absurdes , lès hom$ des prin*
ces qui ont contribué au succès de leur religion,
des docteiu^s qui, par leurs écrits et la pureté de
leur vie , en ont rehaussé l'éclat, quelquefois même
des personnages qui en ont combattu le triomphe:
Les livres bouddhiques peuvent dolic fournir des
renseignements à l'histoire, et ils forment une source
qui ne doit pas être négligée.
Mais que de iacimes dans le tableau que l'Euro-
péen éclairé se fait en idée , et qu'il voudrait voir se
réaliser! Une -seule remarque suffira pour montrer
, l'insuffisance des documents des Indiens pour leur
propre histoire. Le nom d'Alexandre le Grand n est
pas cité mie seule fois dans les traités sanscrits boud-
dhiques ou brahmaniques; oxi n'a pas pu signaler
jusqu'ici im seul mot qui se rapportât àU héros ma-
cédonien. Le même silence existe dans les annalfts
chinoises, qui poiu^taiit remontent à plusieurs siè-
cles avant Alexandre. En d'autres termes, le nom
du conquérant n'a pas été jugé digne de trouver
place dans les témoignages écrits des peuples de
OCTOBRE 1846. 291
TAsie orientale. Que dirait le fih de Philippe, s'il se
voyait ainsi condamné à Toubli, lui que les exploits
fabuleux de Bacchus et d'Hei'cuIe empêchaient de
dormir, et qui, plusieurs fois, s*exposà à la mort
poiu" mieux assurer l'immortalité de sa gloire !
Un point sur lequel les brahmanistes et les boud-
dhistes s accordent, c'est le dogme de iamétempsî-
cose. On sait que, de tous temps, les Indiens, frappés
du désordre moral qui existé sur la terre, et de la
nécessité d^une expiation avant d'arriver à une vie
meilleiu'e , ont cru à la transmigration des âmes d'un
corps dans un autre ; quelquefois même du corps
d'un homme dans celui d'un animal, ou du corps
d'un animal dans celui d'uij homme. C'est en vue
dune situation plus favorable que, à toutes les épo-
ques de l'histoire , des Indiens se sont infligé les plus
cruels tourments , et la mort même , pour que leur
âme entrât dans une autre demeure ; c'est par une
suite du même dogme que l'Indien qui s'expose aux
douieiu?s les plus vives, se fait scrupide de tourmen-
ter un animal quelconque. Cette conduite, qui nous
paraît bizarre, provient d'ime grande honnêteté de
caractère. L'Indien se croit libre de faire de son
corps ce qu'il juge convenable; mais il n'ose pas dis-
poser du sort de son semblable , gui peut-être est en-
fermé dans le corps d'une mouche et du plus vil des
insectes. Le croira-t-on ! le dogme de la métempsy-
cose a contribué à jeter le trouble dans les écrits
des indigènes. Certains personnages réela y sont re-
présentés comme ayant vécu, à plusieiu-s époques
292 JOURNAL ASIATIQUE.
diffërentes. Si le personnage n est pas connu d'ail-
leurs ; comment 'éclaircir les doutes ?
L'horreur des brahmanistes pour tout, ce qui
entre dans la classe des choses ;réeiles les a empêchés
de s'occuper de la description de leur propre pays.
Ils se sont fait ime cosmogonie qui leur est propre;
ils ont multiplié le nombre des cieux^ des terres et
des mers; ils ont déterminé la nature de chaque
terre et de chaque mer, avec les êtres qui les habi-
tent. Leur imagination , se donnant carrière, semble
n'avoir rien- oublié de ce qui peut entrer dans une
conception humaine. Mais il ne leur est jamais venu
en pensée de tracer , pour une époque quelconque ,
une liste exacte et complète des provinces et des
principales villes de leur empire. J'ai cherché de
tout côté pour savoir s'ils avaient créé une dénomi-
nation poiu* distinguer le golfe du Bengale de la mer
qui baigne la côte occidentale de la presqu'île, el je
n'ai rien trouvé. L'île de Ceylan, qui est le siège
d'ime partie des traditions nationales, est désignée
par un nom fabideux, et la description que les indi-
gènes en font est si peu exacte, quon se prend quel-
quefois à douter de son identité.
Qu'on ne dise pas qu'il a peut-être existé jadis
une description géographique du pays, et que jus-
qu'ici cette description ne nous est point parvenue.
Au commencement de ce siècle, un membre de la
Société asiatique de Calcutta entreprit de recueillir-
tout ce que les traités sanscrits renferment de relatif
à la géographie. Non-seulement il parcoiunit pour
OCTOBRE 1846. 293
cet objet tous les livres ^(m étaient à sa portée, mais
il fit un appel aux savants indigènes. Les résultats de
son travail ont été consignés dans le huitième vo-
liunç des Recherches asiatiques. Comme un écrivain
arabe fort instruit, qui visita Tlnde dans là première
moitié du xi® siècle, et qui s'imposa la même tâche ,
recueillit à peu près les mêmes docmnents, on est
autorisé à croire que les Indiens n'en ont jamais
possédé d'avantage. Or, ces documents se bornent
à des listes de noms en partie fabuleux, et qui sont
disposés dans un ordre astrologique.
Les bouddhistes de l'Inde , occupés de leurs con-
troverses religieuses et absorbés dans les abstractions
qui constituent leur propre cosmogonie, ne parais-
sent pas avoir donné beaucoup plus d'attention au
pays qui les vit naître. Mais on peut suppléer à leur
silence par des renseignements puisés ailleurs. Dès
avant notre ère, le bouddhisme franchit l'Himalaïa
etJ'Hindoukousch, et se répandit en Tartarie, d'où
il pénétra en Chine. Avec les doctrines, s'étaient in-
troduits les livres où elles étaient exposées, et les
hommes chargés de les développer. Mais, avec le
temps, les livres s'usèrent; il se présenta des difficul-
tés que personne n'était en état de lever.- Alors on
vit à plusieurs reprises des Chinois , dévorés du ^èle
de la foi , s'élancer au milieu des sables et des pâtu;
rages de la Tartarie , franchir les montagnes et les
rivières, et venir çhercl^er des renseignements et
des exemples sur les bords du Gange, aux lieux
mêmes où le bouddhisme avait pris^ naissance.
294 JOURNAL ASIATIQUE.
Parmi les relations des bouddhistes chinois qui
nous sont parvenues, les deux principales sont celles
qui ont pour auteurs Fa-hian et Hiuen-thsang. Le
premier visita llnde au commencement -du v* siècle,
et ié second dans la première moitié du vn', deux
époques fort intéressantes et pour lesquelles nous
manquions de témoignages authentiques. L'un et
Tautre voyageur étaient conduits par le zèle reli-
gieux; ce qui les touche principalement, ce sont
les traditions relatives à la personne du fondateur de
leur secte, et à la secte elle-même. Ils racontent du
ton de la conviction la plus profonde lés exemples
de dévouement par lesquels Bouddhah signala sa,
carrière, et les prétendus miracles qu'il opéra. Ils
décrivent les temples et les tours qui fin^ent élevés
en son honneur , et les couvents où Ton cherchait
à s'inspirer de son esprit. Mais dans rintervalle de
ces pieuses- recherches, ils retracent, avec plus ou
moins de précision , la route qu'ils suivirent et- les
villes qu'ils traversèrent; ils font mention de certains
personnages dont le souvenir était resté présent -dans,
le pays.
Notre siècle qui, au milieu de l'importance tou-
jours plus grande qu'acquièrent les intérêts matérids,
n'oublie pas les purs travaux de l'esprit, aborde de
temps eh temps les sujets qui semblaient épuisés ou
voués à une éternelle stérilité. Est-il besoin de rap-
peler le brillant essor qu'ont pris dans ces derniers
temps les études égyptiennes, et n'y a-t-il*p8s lieu
d'espérer que , grâce à des découvertes récentes ,
OCTOBRE 1846. 295
l'antique civilisation assyrienne lèvera un coin du
voile qui là cachait à lios yeux? Llnde n a pas été
négligée , et plusieurs savants essayent en ce moment
de fixer les principaux points de son histoire. JTai
formé la même entreprise; et ce qui ma encouragé,
c'est que j'avais la facilité d'aborder le sujet par un
côté qui n'avait pas encore été examiné d'une ma-
nière convenable. La disette des documents indi-
gènes met dans la nécessité de se pourvoir ailleurs.
L'Inde est bornée à l'ouest parla Perse et par l'em-
pire que les Arabes fondèrent au vn* siècle. La lit-
tératiu'e arabe et la littératiu'e persane, telle qu'elle
nous est parvenue, ne remontent pas au delà de
cette époque; elles ne commencent guère qu'avec
Mahomet et la religion qu'il prêcha. Mais, dès le mi-
lieu du VII* siècle , les musulmans ayaient envahi la
Perse et s'étaient approchés de IXJxus et de l'Indus.
Au commencement du viii® siècle, la vallée de l'In-
dus fut subjuguée , et les musulmans se trouvèrent
mêlés aux populations brahmanistes et bouddhistes
qui alors se pàrtagaient le pays. Rien ne les empê-
chait de recueillir des notions exactes sur une société
si nouvelle pour eux, et chez laquelle les traditions
nationales n'étaient pas encore altérées.
J'ai cherché à tirer parti du récit dès deux voya-
geurs bouddhistes chinois. Leurs témoignages m'ont
fourni l'explication de certains passages arabes et
persans, qui, sans leur secours, auraient été inin-
telligibles; à leiu" tour, les témoignages, arabes et
persans m'ont permis de faire usage dé certaine pas-
296 JOURNAL ASIATIQUE.
sages chinois qui par eiix-mêmes ne présentaient
pas pour nous de sens plausible. J ai dit que les deux
relations chinoises avaient été rédigées, Tùne au
commencerhent du v® siècle, et l'autre vers le milieu
du v^^ Ce fut quelques années seulement après la
rédaction Je la deuxième relation , que les Arabes
envahirent les contrées dont il s'agit dans mon mé-
moire. Or, à cet époque, les dénominations géogra-
phiques, qui ont beaucoup changé depuis, étaient
restées en général les mêmes. i
Je vais essayer d'indiquer quelques-uns des résul-
tats de mon triavail. Je ne me dissimule 'pas Imcon-
vénient du sujet que je traite en ce moment. Cet
inconvénient est si manifeste , que jaiœais pu-mé dis-
penser d'en parler^ et qu'on s'en est saiis doute déjà
ressenti par ce qui précède. L'homme ne s'intéresse
qu'aux choses qui affectent ses sympathiesjou qui se
rattachent à ses souvenirs. Qu'on lui parle dçs grands
hommes avec lesquels il a déjà fait connaissance,
ou bien qu'on l'entretienne de ce qui touche à ses
opinions, sa curiosité est éveillée, et il saisit la
moindre allusion; mais s'il s'agit de matières dont il
ne s'est pas occupé, ou qui n'entrent pas dans les in-
térêts du moment, il reste indifférent ^et froid.
Les livres sanscrits intitulés Vêdasy qui paraissent
remonter aux temps les plus anciens de la société
indienne, enseignent le culte des éléihents, des astres
et desprincipalesforees de la natiu^e. Les hommages
des indigènes , à cette époque reculée , s'adres-
saient au soleil, au feu, et à ce qui ordinairement
OCTOBRE 1846. 2d7
frappe le plus vivement les sens et l'imagination.
Tel est le cuite qui paraît avoir dominé jadis, non-
seulement dans rinde , mais dans la Pei*se. Dans
rinde , les forces de la nature se personnifièrent peu
à peu, et Ton en vint à reconnaître trois divinités
principales, à savoir : Brahma, Siva et Vichnon.
Èrahma était la puissance créatrice , Siva la puissance
qui détruit, et Vichnou la puissance qui conserve.
Ces trois divinités avaient d'ailleurs leurs intérêts et
leurs passions, leurs affections et leurs antipathies;
elles agissaient chacime dans une sphère particulière ,
à peu près comme lès dieux cKantés par Homère.
Vers le milieu du vi*" siècle avant notre ère, Zo-
roastre opéra une réforme en Perse, et Bouddhah une
autre réforme sur les bords du Gange. Zoroastre fut
surtout frappé de l'espèce d^aotagonisme qui existe
entre nos bons et nos mauvais penchants; et, tout en «
maintenarrt le cidte'du feu, il établit le dogme des
deux principes , dont l'un était, par sa nature, l'ami
du bien , et l'autre l'ami du mal. Quant à Bouddliah ,
aux yeux dç qui l'acte le plus simple de la vie était
une charge pesante pour la faiblesse humaine, il
plaça le bonheur suprême dans le repos et dans le
détachement de toutes les choses sensibles. Suivant
lui, tous nos efforts doivent tendre à briser notre vo-
lonté, et à mériter que dans un autre monde notre
âme soit dispensée d'exercer aucune de ses facultés.
Chose singulière ! l'Indien, faible et endurant, finit
par se révolter cohtre une doctririe qui le gênait
dans le développement de ses passions. Le botid-
298 JOURNAL ASIATIQUE,
dhisme, qui pendant les premiers siècles de notre
ère luttait avec avantage contre le bralunanisme,
fut chassé de la presqu'île , et n y a plus reparu de-
puis. Le brahmanisme, triompha également dans les
îles de Java et de Siunatra, ainsi que dans la pres-
qu'île de Malaka. Mais, chose non moins remar-
quable, le bouddhisme se maintint et se maintient
encore dans la Chine et dans Tîle de Geyian , ainsi
que parmi les populations énergiques de la Tartane,
de la presqu'île au delà du Gange et du Japon.
Le bouddhisme est aujourd'hui ime des religions
qui comptent le plus de sectateurs.
Mais les réformes de Brahma, de Zoroastre et
de Bouddhah ne. furent pas tellement absolues qu'il
ne restât plus de vestiges du culte primitif. Gest ici
que commence la partie nouvelle de mon travail.
Hérodote, quoique venu un peu après Zoroastre,
représente le culte des Perses comme étantresté, sous
quelques rapports , le même que par le passé, D'un
autre côté , le brahmanisme, qui n'avait pas oublié le
point d'où il était parti, laissa subsister à côté de lui les
anciennes pratiques, là où elles avaient conservé les
sympathies populaires. Le cidte du soleil se main-
tint principalement à Moultan et dans les provinces
voisines. Quand Hiuen-thsang visita Moultan, vers
l'an 6/io, il y trouva im temple du soleil avec une
statue érigée à ce grand luminaire; au temple étaient
annexées des maisons poiu* le logement des pèlerins
qui affluaient de toutes les provinces de la presqu'île,
et des étangs poiu* la purification des personnes qui
OCTOBRE 1%46. 299
avaient contracté quelque souillure. Le temple , la sta-
.tue et les étangs existaient encore quand les Arabes
arrivèrent pour la premièr^fois dans là vallée de Tln-
dus. Les musulmans n osèrent pas détruire un sanc-
tuaire qui faisait la gloire et la richesse de la con-
trée ; mais , afin de montrer leur horreur pour la su-
perstition indienne , ils attachèrent au cou de la statue
un morceau de viande de vache , animal sacré pour
les indigènes. Plusieurs fois, les princes du pays pri-
rent les armes pour arracher c.e sanctuaire des mains
d*hommes qu'ils regardaient comme impurs. Mais à
leur approche, Témir musulman menaçait de mettre
Tidole en pièces ou de livrer le temple aux flammes ,
et aussitôt des armées innombrables rebroussaient
chemin. Les brahmanistes regardent \e territoire de
Moultan comme gacré , et pour rendre hommage à
lancienneté du culte qui y était célébré, ils ratta-
chent le nom.de cette ville à deux mots sanscrits
qui signifient lieu de t origine des choses.
Je passe à une autre question. Le brahmanisme
étant devenu triomphant dans la presqu'île , la caste
des brahmes essaya d'attirer tout à elle. On lit ces
mots dans le code de Manou : « Le brahmane en ve-
nant au monde est placé au premier rang sur cette
terre; souverain seigneur de tous les êtres, il doit
veiller à la conservation du trésor des lois. Tout ce
que ce monde renferme est la propriété du brah-
mane ; par sa naissance, jl adroit atout ce qui existe. »
Ce n'est pas que de tout temps on n'ait vu dans la
presqu'île des hommes des dernières classes s'élever
300 JOURNAL ASIATIQUE,
au faîte de ia puissance. Mais , afin* de faire croire
que toute entreprise de ce genre était une usurpa-
tion sacrilège, les brahmanes représentèrent leur
caste comme étant , à lorigine -de ia société in-
dienne, investie de tous les pouvoirs. ' D après les
pouranas et les livres de légendes, les kchatrias , qui
en leur qualité de guerriers disposaient de la force
publique , furent d'abord mis en possession de la
royauté; mais à peine ils eurent commencé à exer-
cer 1 autorité, que, se livrant à tous les excès, ils
s attirèrent lanimadversion générale , ce qui obligea
de remettre les rênes dû gouvernement aux npiinis-
tres de la religion. Voilà le fait sur lequel les brahr
mânes fondent leurs prétentions. Mais une relation
persane , rédigée d après un ancien traité sanscrit
qui ne nous est point parvenu , rapproche le fait de
plusiem^s siècles, et le place à une époque où de-
puis longtemps la société indienne était constituée.
Dès lors , ce fait n*est plus qu un de ces mille incidents
qui varient sans cesse la face mouvante des temps.
Voici une troisième question. Peu de temps après '
la mort d'Alexandre le Grand , quelques aventuriers
grecs profitèrent de 1- ébranlement général qu'avaient -
occasionné les conquêtes de. cet homme extraordi-
naire, pour se créer des principautés danslaBactriane,
au midi de THindoukousch et dans la vallée de Wn-
dus. Ces aventuriers furent ensuite supplantés par
d autres aventuriers nés sm; les lieux, ou venus du.
.Thibet et des régions de la Tartarie.* Plusieurs de ces
princes paraissent avoir exercé une grande puis-
OCTOBRE 1846. 301
sance. Mais tel fut le peu de retentissement que
leur domination eut dans TAsie occidentale et en Eu-
rope, que les écrivains grecs et romains nous ont à
peine transmis le nom de quelques-uns d entre eux.
Ces princes avaient, comme tous les monarques de
leur temps, fait battre monnaie, et la monnaie jpor-
tait des légendes grecques. Leurs barbares succes-
seiu:s les conservèrent d'abord; ensuite, ils joigni-
rent à ces légendes grecques des légendes indigènes;
enfin , Tinfluence grecque s étant éteinte * on ne
fit pliis usage que de légendes barbares. Au com-
mencement de ce siècle , on ne connaissait que
deux ou trois pièces de cette classe de médailles ;
maintenant, grâce aux eiFôrts de quelques officiers
français que les chances de la guerre conduisirent
dans la vallée de Tlndus, et grâce aux recherches
des agents anglais , qui trouvent de grandes facilités
dans ces régions éloignées, le nombre des typés con-
'niis s*élève à plus de cent. Or, par une sorte, de
fatalité attachée à toutes leschoseé de ilnde, tandis
que les médailles grecques frappées en Egypte , en
Syrie et en Perse , portent ordinairement, outre
une tête et un attribut, une date et ^indication de
la ville où la pièce a été battue , les médailles grec-
ques frappées aux environs de fin dus n offrent que
la tête et fattribut. Jusqu'ici, bien qu'en général
ces médailles présentent un aspect très -facile à re-
connaître, il a été impossible de fixer la succession
des personnages et de déterminer lequel d'entre eux
est le père ou le fils. On n'a pas pu non pluss'as-
VIII. 20
302 JOURNAL ASIATIQUE.
surer du lieu précis où chacun de ces princes a
régné.
. Parmi les têtes de rois barbares qu'on rencontre
le plus souvent sur ces médailles, il y a celle d'un
prince nommé en grec Kanerkès. Je suis parvenu
à rapprocher ce nom de celui d un personnage qui
est appelé par un écrivain arabe Kanika , par les
deux voyageiu*s bouddhistes chinois Kanika et Ko-
niska^ et par les écrivains sanscrits Kanischka. Eln
combinant ces diverses données,, je suis arrivé^au
résultat suivant : Kanerkès était un prince de race
scythe , ou, comme disent les écrivains arabes etper^
sans , de race tuj^que , et il tirait son origine des
pays situés au nord du Thibet. Il vivait dans le
siècle qui a précédé notre ère, et sa faniille, après
la chute des aventuriers grecs , se rendit maîtresse de
la vallée de Kaboul. Pour lui, il étendit ses conquê-
tes à.lorient de l'Indus, dans le Pendjab et le Ca-
chemire , ainsi qu au nord de THindoukousch , dans
le Tokharestan. Kanerkès resta longtemps fidèle à
T-espritde ses ancêtres, qui, contents de reconnaître
intérieurement quelques dogmes bien simples , se sou-
mettaient dans la pratique au culte qu ils trouvaient
établi. Mais à Ja fin il embrassa le bouddhisme ,
et il devint Tun de ses plus zélés propagateurs. Hu-
sieurs édifices magnifiques, notaniment des cou-
yent3 et des toiu's, furent élevés par ses ordres à
Peichaver et dans d autres villes de ses Etats. Quand
les Arabes firent la conquête de Peichaver,. au com-
naencemenl du xi- siècle , on admirait encore les
OCTOBRE 18^6. 305
restes d un monastère fondé par Kanerkès, el qui pas-
sait pour un chef-d œuvre de Tart.. Ce fut sous le
même règne que cinq cents, docteurs bouddhiste
s'assemblèrent dans ia vallée de Cachemire , pour
régler certains points de dogme et .de discipline.
Les livres sanscrits rédigée par les brahmanisteSi
célèbrent en toute occasion un prince de leur secte
qui régnait à Odjein, dans la province du Malva,
vers le milieu du siècle qui précéda notre ère. Ce
personnage, appelé Vikramaditya,a donné çoh nom
à une ère encore usitée dans la presqu'île. On vante
beaucoup son zèle éclairé pour les sciences et les
lettres, et 1 éclat qui so faisait remarquer à sa cour.
Mais le mot Vikramaditya est une dénomination com-
posée ^ qui signifie en sanscrit soleil de la force ou
fort comme le soleil, et il a servi à désigner d'autres
. souverains. Un auteur arabe et le voyageur chinois
Hiuen-thsang font mention d'un Vikramaditya qui,
vers le milieu du 1*"^ siècle de l'ère chrétienne, ré-
gnait à l'orient du Gange , dans la ville deSravasti,
et qui donna aussi naissance à une ère particulière.
C'est ce Vikramaditya, et non pas comme on l'avait
cru, le premier, qui ébranla la puissance de la fa-
mille de Kanerkès,
Dans rjnde , comme dans nos contrées ocçiden:
taies, les peuples du nord de l'Asie et de l'Europe
ont été longtemps en possession d'empjéter siu* les
peuples du midi. Un savant illustre, M. Abel-Biému-
sat, a cru que les armées chinoises avaient aussi
franchi l'Hindoukousçh et l'Himalaïa, et avaient dé-
304 JOURNAL ASIATIQUE,
ployé letendard du céleste empire dans TÂfghanis-
tan actuel et dans d autres provinces de l'Inde. D est
certain que, vers fe commencement de notre ère,
les armées chinoises s'avancèrent jusqu'aux environs
de la mer Caspi^ane, et que d'ailleurs de tout temps
les' populations sauvages de la Tartarie ne purent
manquer de rendre hommage à une civilisation déjà
ancienne. Mais rien ne prouve qtie les guerriers de
la Chine aient jamais dépassé les montagnes escarpées
qui séparent l'Inde de la Tartarie. Ce qui a trompé
M. AJ)el-Rémusat, c'-est l'erreur où il était par rap-
port à certaines dénominations géographiques. Les
écrivains arabes, chinois et sanscrits font mention
d'une contrée qu'ils nomment Gandhara , et il résulte
de leurs récits que cette contrée était située au nord
de la province de Peichavér, sur la rive occidentale
du haut Indus. Plus d'une fois les armées du Jlls da
ciel s'avancèrent jusque sur le territoire du Gandhara.
M. Aheï-Rémusat a. pris le Gandhara pour la pro-
vince actuelle- de -Candahar, et une fois les Chinois
introduits dans l'intérieur de l'Afghanistan , il n'en
coûtait pas d'avantage de les fah'e promener ailleurs.
J'ai dit que le voyageur bouddhiste Fa^hian, vers
la fin du IV® siècle, quitta sa patrie pour se rendre
sur les bords du Gange. C'était l'époque la plus bril-
lante du bouddhisme dans la presqu'île. Dans TAf-
ganistan actuel, les couvents bouddhistes se prolon-
geaient jusqu'au milieu des gorges sauvages de
l'Hindoukousch. A Canoge, et dans toute la vallée
du Gange , le bouddhisme était la religion dominante
^ OCTOBRE 1846. 305
Fa-hian retrouva aux environs de ilndùs quelques-
unes des villes, nQtainmetit Taxila, dont il est parlé
dans le récit des guerres d'Alexandre. M. Abel-Ré-
musat, qui a publié une traduction de la relation de
Fa-hian , accompagnée dun savant commentaire , a
pris la ville de Peichaver.pour la capitale du pays
des Baloutches, et il s est égaré dans cette partie de
Titinéraire.
Un écrivain indien nommé Varaha-Mihira , lequel
florissait vers la fin du v® siècle, a, dans un de ses
ouvrages, présenté le tableau du culte indigène , tel
quïl était pratiqué de son temps. Le traité original
d'où ce tableau est tiré ne nous est point parvenu;
mais le passage en question nous a été conservé par
un écrivain arabe. Il résulté dé ce tableau, que le
culte brahmanique était à peu près ce qu'il est au-
jourd'hui. La seule chose à remarquer, c'est qu'il
n'y est pas iPait mention de Crichna, qui est aujour-
d'hui regardé comme ime Incarnation de Vichnou,
et qui tient une très-grande place dans le culte na-
tional. Le nom de Crichna n'est pas non plus indiqué,
dans les livres sanscrits qui portent le cachet d'urie
certaine antiquité, et d^à l'illustre Colebrooke avait
émis l'opinion que le culte rendu à ce personnage
était postérieur au développement du brahmanisme.
Quelques indianistes ont persisté à croire que déjà ,
au temps de l'inVasion d'Alexandre , Crichna jouait
un rôle divin. Le silence de Varaha-Mihîra me porte
à penser qu'il faut reculer lé culte de Crichna après
le IV® siècle de notre ère. Crichna, avec lés cirçons-
306 jF JOURNAL ASIATIQUE,
tances qui , dans lopinion de ses partisans , accom-
pagnèrent sa naissance , avec les aventures de sa jeu-
nesse, les exploits de son âgé mûr, et le caractère
dramatique qui s attache à ses principales actions,
est devenu la divinité la plus populaire de la pres-
qu'île. Le Y® et le vi^ siècle furent un moment de
crise pour le bouddhisme et le brahmanisme; si
c est réellement dans ce moment que le caractère
de Crichna s est fixé , il y alieu de periser que les brah-
manistes se servirent de ce personnage romanesque
pour émouvoir Tesprit des masses et renverser le
parti de leurs adversaires.
Cosmas,. écrivain grec d'Egypte, de la première
moitié du vi' siècle , rapporte que ,. dé son temps , l'é-
clat du nom romain , qui pendant longtemps avait
tenu la première place dans les mers orientales, coin-
mençait à pâlir,* et que les Persans avaient acquis la
prééminence. A Ceylan et sur les côtes de Malabar,
le sceptre du commerce^ était entre les mains des
Persans. On sait que c'est par l'Egypte que l'empire
romain communiquait avec les pays du poivre et
des autres épiceries ; or , à mesuré que la partie oc-
cidentade de l'empire devint la proie des barbares,
le goût du luxe et la consommation- des produits
de rinde diminuèrent à proportion. Les écrivains
arabes et persans s'accordent à dire qu'à la même
époque le golfe Persique était sillonné parles navires
arabes, persans, indiens et même chinois, et que
les rives du Tigre et de l'Euphrate étaient le centre
d'un vaste-commerce. Ces écrivains nous apptt*ennent
OCTOBRE 1846. 307.
de plus que, vers le milieu du vi'' siècle, le roi
Cosrôès-Nouschîrevan fit une invasion dans la partie
inférieure de la vallée de l'Indus, qui, au temps de
Darius, fils d'Histaspe, formait une province perse,
et que même il envoya une flotte siir les côtes de
Ceylan, où apparemment les marchands persans
avaient été victinies de quelque injustice.
J'ai déjà parlé du bouddhiste chinois Hiuen-
tlisang, qui, dails la première moitié du vn* siècle,
parcoiutït diverses provinces de rinde.Hiuen-thsang,
à l'exemple de Fa-hian , traversa la Tartârie'^ mai^.il
suivit une autre route et il arriva dans la vallée de
Kaboul par les gorges de Bamian.' Dans, la vallée dé
Baniian, il aperçut les figures colossales sculptées
sui' le roc, lesquelles ont été décrites pour la pre-
mière fois , il y a quelques années , par le voyageur
anglais Alexandre Burnes» 11 nous 'apprend que ces
représentations étaient bouddhiques, et comme le
bouddhisme ne s'est montré dans ces régions qu'a-
près l'invasion d'Alexandre , on peut afiirmer qu'elles
ne remontent pas à une haute antiquité.
Hiuen-th^ang fut douloureusement affecté de
l'état de décadence où il trouva le bouddhisme! Les
couvents étaient délaissés, lès temples tombaient en
ruine. Dans plusieurs provinces, le gouvernement
était resté bouddhiste ; niais partout le brahmanisme
prenait un aspect menaçant.
A l'occident et à ïorient de lïndus, le voyageur
trouva encore debout plusieurs des villes qui figu-
rent dans le récit de finvasion d'Alexandre. Mais
308 JOURNAL ASIATIQUE,
ces villes étaient déchues, et elles ne tardèrent pas
à disparaître de la scène du monde. Sur les bords
du Gange, aux environs de la ville actuelle dç Patna,
on voyait quelques restes de Tantique Palibothra,
qui, quelques années après la retraite d'Alexandre,
fiit la capitale des Etats du roi Sandracotus, et où
les ambassadeurs de Séleucus Nicator firent quel-
que séjour. Ces débris existaient encore au commen-
cement du xf siècle, quand les musulmans déployè-
rent pour la première fois leur étendard sur les bords
du Gange; maintenant, ils sont tellement effacés,
que Tilî^tre d'Anville en avait fixé la place à près
de cent lieues à l'ouest. Ces sortes de vicissitudes,
qui sont de tous les tenips et de tous les lieux, sont
plus fréquentes dans Tlnde que partout ailleurs.
Dans rinde , si on excepte la demeure royale et les
édifices publics, on bâtit en terre et en jonc. B n'en
coûte donc pas autant que chez nous , pour cons-
truire ime vaste cité : ajoutez à cela que, par un
sentiment d orgueil qui na rien d élevé, les princes
orientaux se font quelques fois; im jeu de déplacer
une ville, uniquement pour faire passer plus sû-
rement leur, nom à la postérité. Néron niit le feu à
la ville éternelle pour avoir Iç plaish» de la rebâ-
tir; les monarques indiens vouent leur capitale à la
destruction et en bâtissent une nouvelle, afin qu'elle
porte leur nom.
Au moment où Hiuen-thsang remontait la vallée
de rindus poiu: retourner dans sa patrie, les Ara-
bes, enflammés par les prédications de Mahomet,
. OCTOBRE 1846. 309
étaient sortis de leurs déserts et s étaient précipités
sur ia Syrie, TEgypte, la Mésopotamie et la Perse.
Déjà ils approchaient de Tlndus et dé rOxtis , .et les
tribus turques, établies sur les bords de l'Oxus et
du Yaxarte, se refoulant les unes sur les autres,
avaient imploré le Secours de f empeteiu* de la Chine.
Hiuen-thsang aperçut nécessairement sur sa route
Tefifroi qui s*était emparé des populations ; mais
riiivasion des Arabes semblait être, du moins dans
le motnent, im événement indififérent pour le boud-
dhisme ^ et le voyageur, na pas jugé à propos den
parler.
Les Arabes ne tardèrent pas è envahir la vallée
de rindus, depuis la mer jusquaurdessus de Moul-
tan, et le cidte de Mahomet se célébra à côté de
ceux de Brahma et de Bouddhah. Quel sujet d or-
gueil pour les musulmans ! Il faut avouer que les
conquêtes des Arabes étaient sans, exemple dans
l'histoire. On les vit, en moins dun siècle, étendre
leiu* domination et leur religion depuis llndus jus-
qu'à locéan Atlantique, depuis le Yaxarte jusqu'à la
mer de Perse. Certains musulmans . voulant repaître
leurs yeux du spectacle de succès si prodigieux , pre-
naient à tâche de se rendre d une frontière de lem-
pire à l'autre , et de montrer leur turban victorieux
aux nations subjuguées. Ce goût des voyages fut sm*-
tout commun dans le x® siècle, et on lui fut redevable
de plusieurs écrits intéressants. Trois relations de
voyages faits à cette époque- nous sont parvenues; ce
sont les relations arahes de Massoudy , Al-Estakhry et
310 JOURNAL ASIATIQUE.
Ibn-Haucal. Massoudy visita successivement; et.quel-
quefois à plusieurs réprises, les bords de la mer Cas-
pienne et les îles de la côte orientale de TAftique,
les provinces de TEspaghe, et ceUes de la vallée
de rindus; Il fut témoin du commerce florissant
qui se faisait sur les côtes du Guzarate, dans le golfe
de Cambaye et dans le Malabar, et il débarqua dans
Tîle de Ceylan. Massoudy s'appliquait ces 'paroles
d un poète arabe : « Je me suis tellement éio^né
vers le couchant, que j*ai perdu jusqu'au souvenir
du levant, et mes courses se sont portées si loin vers
le levant que j'.ii oublié jusqu'au nom du couchant. »
Evidemment Ton voyagait alors plu3 facilement dans
les pays musulmans que dans les pays chrétiens. Les
haines religieuses étaient plus vives chez ies musul-
mans que dans ce qu on appelait alors en Europe
la répnblixjue chrétienne ; mais les États étaient moins
morcelés, et la féodalité ny avait pas élevé ses in-
nombrables barrières.
Massoudy et ses coreligionnaires eiirent occasion,
dans le cours de leurs voyages, de faire des remar-
ques fort curieuses. Par exemple , Massoudy trouva
les moulins à vent établis dans les sables du Sedjes-
tan, sur les frontières occidentales de llnde. Les
moulins à vent paraissent n avoir été connus en- Eu-
rope qu après la première croisade, et le témoignage
de Massoudy est probablement le plus ancien qui
existe à cet égard.
Les Arabes, au moment de leurs premières con-
quêtes, firent plusieurs fois des descentes sur les
OCTOBRE 1 846. 311
côtes occidentales de la presqu'île , où lactivité du
comitierce leur présentait Tappât d*un riche. butin;
Ils trouvèrent ensuite plus avantageux de traiter
avec les souverains du pays et de se faire accorder le
droit d'entretenir des comptoirs et des mosquées.
Le prince qui à cette époque exerçait le plus d'in-
fluence dans cette partie dé la presqu'île, ^tait le
roi du Malva; ses sujets le désignaientpar le titre de ^
Malva-Ray "ou radja du Malva, dénomination que
les Arabes changèrent en Balhara. Un grand nombre
d'Arabes et de Persans s'établirent dans les villes
maritimes pour faire le négoce; L'islamisme s'y mon-
trait à découvert, et l'on y célébrait publiquement
les cin'q prières du jour. /. Seymour , en particulier,
ville qui n'était pas éloignée de la ville actuelle, de
Bombay , l'on comptait environ dix mille musulmans
établis à demeure avec leurs familles. Les musul-
mans faisaient juger leurs différends par un homme
tiré de leur sein, et qui avait reçu l'investiture du
Balhara. Telle était, six cents ans après , la situation
des Arabes et des niusulmans en général, i Calicut
et à Cochin, lorsque les Portugais, faisant le tôiir
de l'Afrique, ouvrirent de nouvelles voies au* com-
merce du monde. Telle avait dû être la situation des
Grecs et des Romains, lorsqu'ils fréquentèrent les
mêmes parages. Les étrangers, de quelque pays
qu'ils vinssent, étaient flétris par les personnes ri-
gides d'entre les indigènes du titre de mletcha ou
impur; mais les masses , et les gouvernenrents avec
elles, étaient intéressés au maintien du commerce, et
312 JOURNAL ASIATI-QUE.
Tesprit d'intérêt fit passer par-dessus les anathètnes
prononcés contre ce genre de relations.
Néanmoins, il n était pas permis aux musulmans
de pénétrer dans l'intérieur des terres , notanunent
dans, rindostan proprement dit, siège principal des
traditions nationales. Le grand rôle joué jadis par
les empires placés près du confluent du Gange et
de la Djomna,. avait retenti jusqu'à eux; m^s ils
n'avaient, qu'ime idée vague du pays; et ces vastes et
belles contrées , qui enrichissent niaintenant le com-
merce de l'Angleterre > étaient regardées comme des
régions sauvages et impraticables. Telle était la po-
litique ombrageuse des radjas et des brahmanes,
que y jusqu'au commencement duxi* siècle, lors des
invasions de Mahmoud le Gaznevide, aucun musul-
man ne put s'introduire dans la vallée du Gange.
Ibn-Haucal , après avoir fait mention des villes prin-
cipales de la côte occidentale de la presqu'île , s'ex-
prime ainsi : a Voilà les villes que je connais. Au
delà il y a des cités entoiurées de déserts, et placées
à de grandes distances. Ce sont des contrées déso-
lées, où les marchands indigènes peuvent seuls
pénétrer, tant elles sont éloignées et environnées de
périls. »
Mahmoud le Gaznevide franchit l'Indus Tan i oo5,
et alors commencèrent ses sanglantes expéditions, qui,
considérées sous un point de vue général, n'avaient
rien d'analogue dans l'histoire. Mahmoud s'annonçait
comme voulant forcer les Indiens à abandonner leurs
superstitions et à embrasser l'islamisme. Toute popu-
OCTOBRE 1846. 313
lation qui ne se donnait pas aux vainqueurs était ex-
terminée; les hommes en état de porter les armes,
étaient massacrés , les fenmies et les enfants étaient
faits esclaves; on démolissait les temples, et les
idoles les plus vénérées étaient transportées ailleurs
comme trophées. Mahmoud mourut lan ib3o, et
les troubles qui suivirent sa mort, ainsi que Imcapa-
cité de ses successeiurs , ne permirent pas , du moins
pendant quelque temps, à Tislainisme de faire de
nouveaux progrès dans la presqu'île. Mais la porte
était ouverte aux envahisseiurs et elle ne se ferma
plus.
J'ai dit que de tout temps, si on excepte les villes .
maritimes, les Indiens ont eu de la répugnance à
établir des rapports avec les étrangers. La division
des castes , la crainte de rien manger de ce qui a eu
vie , Tindolence naturelle de la nation , un sentiment
d orgueil qui rapporte tout au pays, et qui a pom*
première soiu'ce ime ignorance native du véritable
état des choses, voilà bien des causes de gêne pour
les Indiens qiii auraient voulu voyager au dehors, et
pour les étrangers qui cherchaient à avoir accès
auprès des indigènes. Ainsi , Ton ne doit pas mettre
sur le compte des invasions de Mahmoud ce qui était
i effet du cïiractère national; mais le fanatisme dés
musulmans et les barbaries qui souillèrent leurs vic-
toires, modifièrent laspect du pays, et ces change-
ments n ont commencé à s effacer qu'à mesiu'e que
l'esprit libéral des Européens a permis aux indi-
gènes de revenir à leurs dispositions naturelles.
314 JOURNAL ASIATIQUE.
Le premier effet des cruautés de Mahmoud fut de
. changer la réserve des Indiens à Tégard des étrangers,
en un sentiment d'horreui* qui n'admettait de ména-
gement d aucun genre. Écoutons Albyrouny, qui
était entré dans Tlnde à la suite de Tannée miisid-
mane, et qui fut en position de bien connaître la
vérité. Albyrouny rapporte que les sciences indiennes
s étaient réfugiées dans la vallée de Cachemire et la
ville de Bénarès , lieux restés inaccessibles aux. aimes
de Mahmoud, et que les habitants, ayant pris le parti
de s isoler de plus en plus, leurs idées s étaient sen-
siblement rétrécies. Les Indiens, àjoute-t-il, ont tou-
joiurs professé une opinion exagérée deux et de. ce
qui les touche, de leur origine, de la puissance de
leiu's rois, de la prééminence de leur religion et de
la supériorité de leurs lumières. Ils font mystère de
leur savoir entre eux; à plus forte raison , ils en font
mystère pour les étrangers. A leurs yeux, il n y a pas
d autre terre que flnde; il ny a pas d autre nation
que les Indiens.
Suivant Albyrouny , ies princes du Cachemire qui,
pour leur défense, se fiaient principalement .aux
montagnes rangées autour de leur vallée, s étaient,
toujoiu's montrés défiants à Tégard des honunes du
dehors, et encore ils n'avaient pas pu se préserver
entièrement de l'invasion des tribus turques qui
occupaient le Thibet et les contrées voisines. lis ne
se fiaient qu'aux juifs qui, à ce qu'il parsdt, étaient
alors nombreux dans le pays , et dont quelques voya-
geurs modernes ont cru reconnaître ies traits' dans
OCTOBRE 1846. 315
la population actuelle. A partir des guerres de Mah-
moud, les rois du Cachemire se montrèrent plus
sévères que jamais, et on ne laissa plus entrer dans
la vallée que les Indiens qui avaient quelque répon-
dant parmi les habitants.
On sait que les Indieps possèdent un théâtre na-
tional, et plusieiu's pièces de ce théâtre, qui ont été
traduites dans nos langues d'Europe , montrent que
la société réunissait anciennement les personnes des
deux sexes. Un auteur arabe du x^ siècle , que cet
usage avait frappé d'étonnement, s exprime ainsi :
((La plupart des princes indiens, les jours de récep-
tion publique , laissent voir leurs femmes aux hom-
mes qui font partie de la réunion , qu ils soient du
pays même ou qu'ils viennent du dehors. Aucun
voile ne les dérobe aux regards des assistants. » A me-
sure que l'influence musulmane se fit sentir dans la
presqu'île , les femmes des indigènes furent reléguées
dans le fond de lem^s appartements , et les mœurs
publiques se ressentirent nécessairement de cette
absence.
316 JOURNAL ASIATIQUE.
HISTOIRE
DU KHALIFE ABBASIDE AL-MO'TASSEM,
Extraite de J'ouvrage intitulé : Traité de la conduite des
rois et histoire des dynasties musulmanes, par Moham-
med-ben-Ali-ben-Thabathéba , connu sotft le nom d*Ibn-
Tbafthafa; traduite en français par M. Gherbonneau.
INTRODUCTION.
Un écrivain qui s'attache à saisir le côté anecdotique de
rhistoire des khalifes , quelque imposante que soit son auto-
rité, quelque finesse que renferment ses aperçus, ne peut
ètté consulté avec fruit que par le petit nombre de personnes
qui ont étudié cette époque; car le désir de mettre en.lu-
miièrc un trait piquant, un mot heureux, une action singu-
lière , Ta sollicité plus d'une fois à effleurer le récit des grands
faits politiques et à ne les mentionner que conune un moyen
de faire valoir les anecdotes. Cependant, il y a peu d'ouvrages,
dans la littérature orientale , qui offrent en miême temps plus
d'utilité et plus d'agrément que celui d'Ibn-Thafthafa. Quand
on songe à la sécheresse des historiens arabes, qui, pour la
plupart, se sont contentés de disposer par ordre chronolo-
gique les règnes et les événements , sans se donner la peine
d'employer d'autres considérations critiques que des épi-
thètes flétrissantes ou honorifiques ajoutées au nom de tel ou
tel souverain , on éprouve le besoin de compléter la connais-
OCTOBRE 1846. 317
sance de l'histoire par la lecture de ces narrations intéres-
santes. C'est là qu'on voit, pour ainsi dire, en action, les.
khalifes, leurs -vizirs et leur^ sujets. L'histoire y est pi:ise sur
le fait et comme en négligé.
Contempler les rois sur le théâtre du monde; suivre les
héros à travers les champs de bataille ; assister aux grands
événements politiques i ce n'est qu'une partie importante de
la science historique. Il faut encore s'arrêter ^ùx détails de
la cour et de la place publique; car on ne connaît que bien
imparfaitement un personnage, tant qu'on ne l'a pas vu au
naturel, dans sa vie de tous les jours, loin du faste et de la
représentation, tant qu'on n'a pas reçu en quelque sorte la
confidence de ses passions ou de ses vertus, de son humeur
ou de ses habitudes. Nous avons dit précédemment (Joum.
asiat. avril i8i6), et nous le répéterons ici, l'auteur des
Dynasties musulmanes a rassemblé dans son livre ces anec-
dotes familières qui montrent l'homme sous le héros et qui
sont le témoignage vivant de l'histoire ; et quand il a rap-
porté ces témoignages, il ne manque pas non plus de faire
intervenir l'autorité des poètes, des autres témoinjs qui sont
des juges en même temps. On vl>it qu'il a tout consulté pour
écrire sa chronique, la tradition, les récits, les souvenirs
laissés dans la' foule, les souvenir» conservés à la cour, sans
oublier les lettres et la poésie.
Le fragment que nous offrons' à nos lecteurs est l'histoire
du khalife Al-M o'tassem , un des fils de Haroun-er-Rachid.
El-Makin , qui f^it toujours le portrait du prince dont il dé-
crit la vie, dit que celu^-ci avait le teint fort.blanc, le visage
.beau, les cheveux blonds, la barbe longue, et la taille mé-
diocre.
Nota. Dans mou premier extrait il s est ^Sssé deux inexactitudes, dont
la première peut être rectifiée à Taide d'une note de M. Qviatremère, que
M. Defrémery s'est empressé de me mettre sous les yeux ; i* à la page 33 9,
L'gne i3 {Journal dsiaticfue, avril 1 846], il faut lire : «l'élu d'entre la famifle
de Mahomet;» 2° à la page 34a, note, lisez : Harthéma au lieu de Hazima.
318 JOURNAL ASIATIQUE.
TEXTE ARÂBÉ.
(Fol. 2i4 r. lig. 3.)
(5-^1 ^ijI AJ^uXxm ô^l ««Xju JlLo ^
yioj vJLJI Jl^ iclll 4>s;43^ <^|pt Os!«>^ VMâicxIlt
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kJlJ\ a-ajU v-jûi.^ c:>lj^ jU* \yé'^ v^jUj â^jf^jj^i
^ éLJ^j^'^ Z3^ r^' AJwaûCxm 1*1^1 ca3\<^ ^(^^ vJlJI
OCTOBRE 18/16. • - 319
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e-^ ii^ ^^ ^ ^ ^^' *^>'^' <i^ *i!^*'-j *^^'
Jlj»! (jifc.ir s>jJdâijU lâ aJI^X cJis;^ À^^bl^ »jj^
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J...^.^^ L^^Kj ^' Ub^li^^ W^ ô^âtUib^ g7<^ \4jJt
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\4Ijil ^1 iUjlJl A3«XjuâJb A^4Xi <^UlIt «Ce
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320 JOURNAL ASIATIQUE.
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OCTOBRE 1846. 321
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Ca^JoS^ iy^S<^ fiid i^âlft» i|t«XjUji.â»UA^ (j^ ^1;
(j^ jJJLxJL^m]. ^. *n Air U ^1 J^^ ^^4>AJt ^j^^ I^Ua*
^►^ Jjjj L{, c^ JS^i -ytô ^'UJlj I^-ôJjc^ i^^:) i
A.^.X.tr,.,^ JUi ^Ji J^j XaaAj U^ lUkOXxJll <-:^j^ ^ iC^l?^
f-*ô3-* ci] ^^3 *X-AjJt (j*»U!u Juio3 ^-iSjà *y^\ viUà
^{J^rf^3 (J-?J^*^3 iS^*"^ *^^^ i ^^ uK^ ^LUÎ t^Lw
iuUÂAw (i J^ L^ cjU (^\ ifJJèfj^ AJkâJùt-JLt (jo^ lX^
' Je n'hésite pas à lire c>4Ml9.
322 JQURNAL ASIATIQUE.
-Kj' P^bjJ Jyirf^ »^j Jol&j iUAsW^
• ■ « • j « j /•
X t» <»
yt y,>^ Ow 5( tfU«
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OCTOBRE 1846. 323
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i J^ijus; iSwt JaÎ XMÙb (^ cI-S^^ 2^t^t ^AiTT «XÂ.I3
^{^^ji.Mi (jiftju Jyi^ ^gû>^ tf^lj^t c^t^l^ ^k^U>> ^1^ IT^j^^xamU
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324 JOURNAL ASIATIQUE.
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OlX^3 LU5 AkifS* <^UXi JJS ^ ^tpi A^j^l ^1^ If^
OCTOBRE 1846. 325
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^ -. . .. ^^
326 JOURNAL. ASIATIQUE.
• X «M ^^ w ^
y f w , , J ^ f» j
TRADUCTION,
REGNE D*AL-MO'TASSEM - ABOU - ISHAK - MOHAMMED , SUGGESSEDR
D'AL-MÂMOUN.
Mohammed fut reconnu khalife le jour où mou-
rut Al-Mâmoun. (Nous avons cité plus haut la date
de cet événement.) Ce prince avait du caractère
et était dune force remarquable. Il levait de terre
un poids de mille livres pesant et le portait à plu-
sieurs pas. Sa valem* militaire égalait sa force/On lui
a donné le siu'nom de huitainier, {^£^ , à cause de
onze particularités. Ainsi il était le huitième des •
enfants d'Abbas ; il fut le huitième khalife de sa race
et monta sur le trône à l'âge de trente-huit ans. Il ré-
gna huit ans et huit mois. Né en chaabân, qui est
le huitième mois de Tannée , il mourut à l'âge de
quarante-huit ans, laissant huit enfants mâles et huit
OCTOBRE 1846. 327
fiUes. H commanda en personne huit expéditions et
laissa dans le trésor huit millions de dragmes.
Le règne d*Al-Mo*tasseni fut illustré par des
guerres et des conquêtes. Ce fut .lui qui s'empara
d*Amom*yya ( Amoriam ) ^ et voici pour quel motif.
L empereur des Grecs (Théophile) ayant fait une
irruption sur les terres des musulmans, s était em-
paré dune de leurs placés fortes appelée Zibatrah^,
avait fait prisonniers les femmes et les enfants, et
passé au fil de Tépée tous les hommes en état de
porter les armes. On dit que, parmi les captives,
se trouvait une femme de la famille de Hâchem^,
et qu on fentendit s'écrier : « Au secoiu's , -6 Mo'-
tassem ! » • •
La nouvelle des cruautés exercées par Tempe-
reur des Grecs sur les musulmans .fit fif'émir d'hor-
reiu* le khalife, et, lorsqu'on lui rapporta la plainte
de la dame Hâchemite, il s'écria au milieu du con-
seil, 0**^: «Je vais à ton secours! je vais à ton
secours ! » En même, temps il s^ leva et cria dans
son palais : «Partons! partons 1 » Puis il monta à
cheval après avoir fait attacher, derrière, la selle une
entrave, un pieu de fer et un. sac ^ qui. renfermait
V Voir la Géographie d'Aboulféda, édition de MM. Reinâud et
Mac-Guckin de Siane, pag. 235. Âmouryya était la pflrie de Théo-
phile.
' Voir le même ouvrage ,. pag. sSil, 1..3. Zibatrah {Sozopetra)
était la patrie d'Al-Mo'tassem.
^ Hâchem était le bisaïeul de Mahomet.
^ Le mot jÛAJia., employé par Hariri, a* séance, pag. 25, est
expliqué, dians le commentaire, en ces termes : aJU^. oÀs^ ^ #Lcj
328 JOURNAL ASIATIQUE.
ses proAâsions. A sa voix , les troupes prirent les armes
et se mirent en mouvement. Jamais , sous les khalifes
précédents, on n avait vu des préparatifs de guerre
aussi' formidables. Lorsque Al-Mo*tassem vit son ar-
mée disposée à partir et que les préparatifs furent
terminés, il convoqua les kadis et des témoins, devant
lesquels il jura qu'il constituait ses biens et ses tré-
sors en legs ^ de trois tiers; un tiers pour Dieu
Très-Haut , un tiers pour son fils et poiu* ses proches ,
et le dernier tiers pour ses affranchis.
Ensuite il se mit en campagne. Un Grec était
tombé en son pouvoir; il lui demanda quelle était
la Adlle la mieux fortifiée, la plus considérable et
la plus importante aux yeux des chrétiens. Le Grec
répondit qu'Amouryya était la place la plus Impor-
tante de leur empire. Al-Mo'tassem , sans perdre de
temps, dirige son armée entière sur ce point, as-
siège la ville et l'emporte d'assaut. Poiu* se venger
des cruautés de Théophile, il porte le fer et la
flamme dans Amcyoryya et la contrée environante,
après avoir réduit à la captivité une multitude
d'habitants.. La fureur dont il était animé le porta
même à détruire Amouryya de fond en comble et
<ûJUb t^^-^M^- On lit dans Schultens (Haririi très priores cons.
pag. 97 ; Franequerae, 1 781 ] : a Est à rad. o^Jî^ sub ventre côns-
«trictus fuit camelus; in 4 cjj^î constrinxit sub ventre, fane, seu
« cingulo posteriore , cjUil& dicto. » Au figuré, on dit ; j a-^ J-^'j
Jbi.^f iUJLafc, «La piété est la meilleure valise de lliomme.»
^ Sur le wakf , consulter le Tableau de Tempire othoman par
Mouradjea d'Ohsson , tom. Il, pag. SsS etsuiv.
OCTOBRE 1846 329
à effacer jusqua la trace de cette cité florisssante ^
11 enleva une de ses portes qui* était tout en fer et
dun voliune prodigieux; puis il la fit transporter
à Bagdarf, où on la voit encore de nos jours à
lune des entrées du palais. C'est fa por^e da peuple,
Lors de cette expédition, Ai-Mo'tassem avait parmi
sa suite Abou-Temmâm-et-Tayy , qui a composé à
sa louange un poëme nommé El-Bayya ( dont tous
les vers se terminent par un v») ^t qui commence
Le glaive est plus fidèle dans ses récits que les livres ; c*est
à son tranchant qu'est attaché le succès , soit qu'il agisse sé-
rieusement ou qu'il badiné.
On. lit encore dans ce poëme les vers suivants
adressés à Al-Mo*tassem.
Vicaire de Dieu , que Dieu récompense le zèle que tu as
déployé pour faire respecter la. religion , Tislam etfhonneur
du pays !
Tu as compris le bonheur suprême et tu as vu qu'on ne
peut l'obtenir qu'à force de fatigues.
Parmi les vers qui ont trait à lacharnement avec
lequel Al-Mo'tassem combattit et extermina les dé-
fenseurs d'Amouryya, je citerai le suivant :
Ce jour là, le soleil, depuis çon lever jusqu'au soir, n'é-
claira pas un seul père de famille, ni un seul jeune homme.
^ AbouUéda , Annal. Moslem. tom. II,pag. 171.
* M. de Sacy cite ce vers dans sa Chrest. ar. tom. I, pag. 88. —
[ Voy. rÉloge d'Abou Temmâm et-Tayy dans le Dictionn. biograph.
d'Ibn-Khallicân , trad. de M. Guckin de Slane, tom. I, pag. 348.)
330 JOURNAL ASIATIQUE.
Dans le passage où le poète décrit ranimosité
des musulmans contre léis Grecs, on lit encore
ceux-ci :
La demeure de Myya, autour de laquelle circule Gaylân^,
toute vivante qu'elle est, n'est pas si pittoresque que ta de-
meure dévastée.
Et les joues animées par Tincamat de la pudeur ne sont
pas plus attrayantes à mes yeux que ta joue ternie par la
poussière (de tes ruines).
La ruine d'Amoiuyya eut lieu dan3 Tannée 2 a 3.
Bagdad avait été le siège de la royauté et la ré-
sidence du khalife depuis Ai-Mansour. Hai^oun-er-
Rachid, préférant Rakka^ en Syrie, y fixa son sé-
jour. Cependant, cette ville n était pour lui qu'un
lieu de plaisance, puisqu'il avait ses trésors, ses
femmes et ses enfants à Bagdad, dans le Kasr-el-
Khould (palais de réterneile demeure)*. Les succes-
^ On lit dans Hariri, p. 280, Comment. 1. 2à.i jc[mJ\ ^ O^^^
ÎM ïj^^ Wv« ïjA ^^wGuo (^JSl ^jAâ, aGayiân est le poète géné-
ralement connu sous le nom de Zoul Bonmia, et Myy est son
amante* Dans les vers où il chante sa {>assion pour elle, il 1 appdie
tantôt Myy, tantôt Myya. » — Il est encore question de ce poète dans
la Ghrest. ar. de M. de Sacy, tom. III, pag. a a 3.
* Voy. la Géographie d'Aboulféda, éd. de MM. Reinaud et Guckin
de Siane, pag. 54 et 3oo ; et la Ghrest. ar. de M. de Sacy, tom. II,
pag. 102.
^ Voy. la Géogr. d'Ahoulféda (loc, laud.)^ pag. 3o4.
^ Chrest. ar. de M. de Sacy, tom. I, pag. a 5 et 53.
OCTOBRE 1846. 331
seurs de ce khalife se. fixèrent à Bagdad. En mon-
tant sur le trône Al-Mo'tassem se méfia de la milice
tm^bulente qui en formait la garnison. Il conçut
même des craintes sérieuses et ordonna quon lui
choisît un emplacement pour y bâtir une ville et
s'y mettre à Tabri des désordres suscités par la sol-
datesque de Bagdad. Son but était de la maintenir
en se réservant le pouvoir de lattaquer par terre
et par eau. Dans le lieu qu'on choisit, Al-Mo'tassem
fit bâtir Sâmarra et s y transporta.
On dit que ce prince avait un si grand nombre
de mamlouks, que Bagdad ne pouvait plus les con-
tenir. Bientôt les habitants eiu*ent à souflrir de
leur insolence. Ils fiu*ent refoulés dans leurs tnai-
sons et leurs femmes livrées au dernier des outragçs.
Chaque jour était signalé par une multitude de
massacres.
Un joiu* qu'Al'Mô'tassem se promenait à cheval,
un vieillard vint au devant de lui, en criant : «0
Abou-Ishak ! » Les .gardes voulurent le repousser;
mais le khalife lés arrêta, en disant : « Vieillard,
que veux-tu? — Que Dieu ne te récompense pas,
répondit l'homme, du voisinage que tu nous as
donné depuis quelque temps ! car nous n'avons ja-
mais eu de plus mauvais voisinage. En installant au
milieu de nous cette tourbe effrénée d'esclaves turcs,
tu as rendu, par leurs mains, nos femmes veuves
et nos enfants orphelins. Au nom de Dieu! nous te
combattrons avec la flèche du point du jour ^ »
^ Suivant les idées superstitieuses des musuîmans, lorsqu'on prie
332 JOURNAL ASIATIQUE.
Par ces mots le vieiliard voulait dire timprécation.
. Après avoir entendu ce discours, Ai-Mo'tassem
rentra dans son palais , et l'on ne le vit plus sortir à
cheval , sans qu'il lui arrivât une scène de ce genre.
Il fit la prière en pi^blic et célébra la fête (le second
Beïram) ; puis il se rendit à l'endroit dont nous avons
parlé, et jeta les fondements de Sâmarra, l'an a a i
de l'hégire.
Lorsqu'Al-Mo'tassem fut attaqué de la maladie
qui l'emporta au tombeau, il monta siu* une barque,
iCJuuuM , avec Zounâm \ le joueur de flûte, ^j>3l , qui
était le plus habile musicien de son temps. En pas-
sant devant ses palais et ses jardins, situés sur les
deux rives du Tigre , il dit à Zounâm : « Accompagne-
moi avec ta flûte. » Puis il improvisa les vers suivants-:
0 demeure dont les sites ne furent Jamaîs troublés par
le malheur. Dieu préserve tes' sites des coups de la foctune!
Ce ne sont pas tes sites que je pleure ! mais je pleure la
vie que j'y passais au moment où elle me quitte.
Car la vie est le bien le plus doux que Thomme puisse
regretter! . ... Il faut que Taffligé chercha à oublier son mal.
En rendant le dernier soupir, Al-Mo'tassem se
prit à dire : « La puissance a disparu , il n'y a plus
de ressoiu*ce ! » Puis il lut rappelé vers Dieu. Sa
mort arriva l'an 2 2 7 de l'hégire.
• " ....
à la pointe du jour, j^ , pour obtenir justice contre un çnnemi
dont on ne peut se défaire, Dieu lance sur lui sa vengeance avec
la rapidité de la flèche. C'est cette croyance qui a donné lieu à la
métapïiore : « la flèche de la pointe du jour. »
^ Voy. le Dictionn. biogr. d'Ibn-Khallicân , trad. de M. Gnckin
de Slane, tom. T,pag. 320.
OCTOBRE ia46. 333
RÉGIT DU VIZIRAT SOUS LE RÈGNE D'AL-MO'TASSEM.
Le premier qui fut vizir de ce* prince lui avait
servi de secrétaire, <-^l5^ avant son avènement au
trône; c'était Fadhi-ben-Merouân , natif de Ber-
dân ^ Il joignait au manque d'instruction et à une
profonde ignorance des mœurs dépravées, et ne
connaissait rien au maniement des affaires. Un poète
du temps a dit à son sujet :
Tu fais le Pharaon, ô Fadhl, fils de Merouân! McS's prends
exemple sur le passé. Car avant toi l'on a vu passer au vizirat
Fadhl, Fadhl, et Fadhl 1
Ces trois grands personnages ont disparu; le fer, la pri-
son et le meurtre ont mis fin à leur puissance.
Les trois vizirs auxquels le poëte fait allusion
sont Fadhl-ben-Yahya-ben-Khâled , Fadhl-ben-Sahl
et Fadhl-ben-er-Rebie. Quant à Fadhl-ben-Me-
rouân , comme ii jouissait d'un grand crédit à la
cour d' Al-Mo'tassem , il ne put échapper aux traits
de l'envie. Le khalife le destitua, confisqua ses
biens et l'éloigna de sa personne. Réduit pendant
longtemps à exercer successivement différentes fonc-
tions publiques , il motunt sous le règne d'Al-
Mousta'yn.
VIZIRAT D'AUMED-BEN-A'MMÂR-BEN-SÂDY.
L'homme auquel Al-Mo'tassem conféra la charge
de vizir après Fadhl -ben- Merouân s'appelait Ah-
^ Voy. la Géographie d'Aboulféda, éd. de MM. Reinaud et Guckin
de Slane, pag. 96.
VIII. 3 a
33^ JOURNAL ASIATIQUE.
med-ben-A*mmâr-ben-Sâdy. C'était un homme riche
de la petite ville de Madar^ Il avait quitté sa patrie
pour s'établir à Bassora, où Tacquisition de plusieurs
propriétés lavait conduit à amasser une fortune con-
sidérable. A cette époque , il exerçait la profession
de meunier. Plus tard, il vint à Bagdad et y vécut
dans lopulence. On dit qu'il dépensait, chaque
jour, en aumônes, cent dinars. Fadhl-ben-Merouân
avait si chaudement vanté sa bonne foi au khalife,
que celui-ci, après avoir destitué Fadhl, ne trouva
personne plus digne du vizirat qu Ahmed-ben-A'm-
mâr. Cependant, c'était un homme tout à fait dé-
pom-vu des qualités que doit posséder un ministre.
Un poëte de son temps a dit à son sujet :
Louange à Dieu, le créateur, Tauteur de TuniTersI Tu e»
devenu vizir, ô fils d'A mmâr, toi qui étais meunier, sans
boutique ui maison, obligé de pousser devant toi une
mule.
Je nierais le destin, si tu n*avais pas dépassé (déjoué) en
cela les mesures du destin.
Ahmed-ben-A'mmar resta quelque temps au vizi-
rat , jusqu'au jour où le khalife, ayant reçu d'un gou-
vemeiu* une lettre dans laquelle celui-ci parlait de
la fertilité de la province et de l'abondance du kela^,
lui demanda ce que ce mot signifiait. Le vizir ne
sut que répondre. Alors Al-Mo'tassem Jit venir
^ Géogr. d'Ahoulféda, édit. de MM. Reinaud et Guckin de Slane,
pag. 321.
' Cette anecdote a été rapportée par Reiske dans ses AdnoL hisL
sur Aboulféda, Annal, moslem, tenu. Il, pag. 684, et par M. de Saey,
d après Ibn-Kballicân, dans son AnthoL grammat. pag. i38.
OCTOBRE 1846. 335
Mohammed-ben-Abd-ei-Melic-ez-Zeyyât, un de ses
familiers. Interrogé à son tour siu* la signification
du mot kela , Mohammed répondit : « La première
pousse de la plante sappelle baql; on la nomme
kela quand elle commence à grandir, et hachych
lorsqu'elle perd sa sève et devient sèdie. » Satisfait
de cette réponse, le prince dit à Ahmed-ben-Am-
mar : «Toi, tu surveilleras les bureaux, et lui me
présentera les lettres. » Puis il conféra à Ibn-ez-
Zeyyât ^ la charge de vizir et indemnisa Ibn A m-
mâr en lui donnant un position honorable.
VIZIRAT DE MOHAMMED-BEN-A'BD EL-MEUC-EZ-ZEYYÂT.
Son père était un riche négociant sous le règne
d'Al-Mâmoun. A cette époque , il passa sa jeunesse
à lire et à expliquer les ouvrages importants. Son
éducation fut brillante; et la vivacité de son esprit le
rendit si habile en toutes choses , qu'il fut regardé
comme la merveille du temps pour la conception,
Tintelligence et la pénétration. Il excellait dans le
style épistolaire, comme dans la poésie, et connais-
sait parfaitement la littérature. En outre, il avait
approfondi les sciences politiques et les devoirs^des
rois jusqu'au règne d'Al-Mo'tassem , qui It^i conféra
la charge de vizir, comme nous lavons expliqué
plus haut. Chargé de tout le fardeau du gouverne-
ment, Ibn-ez-Zeyyât apporta, dans Texercice de son
ministère, plus d'habileté qu'aucun homme d'état
^ Voy. le Dict. biograph. d'Ibn-Khallicân , trad. de M. Guckin
de Slane, tom. II, pag. 3 4o.
33G JOURNAL ASIATIQUE.
avant lui. C était un personnage hautain, orgueilleux,
dur, dun accès difficile, intraitable et d'un carac-
tère odieux.
A la mort d'Al-Mo*tassem , il remplissait encore
les fonctions de vizir. Le khalife avait accorde à son
fils Al-Ouâciq une somme dont le payement était
assigné sur la cassette dlbn-ez-Zeyyât ; celui-ci sut
dissuader le prince , qui revint sur les ordres qu'il
avait donnés en faveur d'Al-Ouâciq. Mais le fils du
khalife écrivit de sa propre main un acte dans le-
(piel il jurait par le pèlerinage , lafiranchissement et
laïunône, que, s'il montait sur le trône, il ferait
sidîir à Ibn-ez-Zeyyât le plus cmel supplice. Or Al-
Mo'tassem mourut et Al-Ouâciq fiit reconnu kha-
life. Se rappelant la conduite dlbn-ez-Zeyyât à son
égard , il voulut le faire mourir siu*-le-champ ; mais
il fut arrêté par la crainte de ne pas trouver un
homme de son mérite. En conséquence, il dit au
chambellan : « Fais venir en ma présence dix em-
ployés du diwân. » Les employés parurent devant
le khalife, qui examina leurs capacités. Comme au-
cun d'entre eux ne remplissait ses vues, il dit au
chambellan : « Fais entrer celui dont le royaume ne
peut se passer, Mohammed- ben-ez-Zeyyât.» Le
chambellan obéit. Mohammed entra et resta cons-
terné devant le prince. Alors , s'adressant à un
esclave , Al-Ouâciq lui dit : « Va me chercher tel
écrit. » L esclave apporta la lettre dans laquelle le
' Consultez le Tableau de Tempire othoman , par Moimdjet
«rOhsson, lom. IV, pag. 288.
OCTOBRE 1846. 337
khalife avait écrit de sa main : Je jure de faire mou-
rir Ibn-ez-Zeyyât Ai-Ouâciq la prit et la présenta à
ibn-ez-Zeyyât, en lui (gisant : «Lis cette lettre.»
Après lavoir parcourue, le malheureux prononça
ces paroles : «Commandeur des croyants, je suis
ton humble serviteur; si tu veux me punir, tu en es
le maître ; si tu manques à ton serment et que tu
m*accordes la vie, ce sera ime action plus digne de
toi. — Par Dieu! reprit Al-Ouâciq^je ne te fais grâce
que parce que jp crains de priver Tempire d*un
homme tel que toi. Oui, je violerai mon serment;
car je puis réparer la perte de mes trésors, mais
jamais je ne compenserais la perte d*un homme tel
que toi. » En conséquence , il le nomma vizir, au
mépris de sa parole,. et le mit à la tête des affaires.
Ibn-ez-Zeyyât était un poète distingué. Dans une
composition où il regrette Al-Mo'tassem et fait
reloge d*Al-Ouâciq, on lit ce passage :
J'ai dit, lorsqu'ils t'ont perdu et qu'ils se désolaient en
frappant leurs mains trempées dans l'eau et dans la boue ,
Adieu ! oh ! le bon protecteur que le monde trouvait en
la personne ! oh ! le bon protecteur pour la religion !
Dieu ne guérit un peuple de la perte d'un homme comme
toi qu'en lui donnant un homme comme Haroun.
Mohammed, fds d'Abd-el-Malik-ez-Zeyyât , con-
serva la, place de vizir pendant la durée du khjalifat
d*Al-Ouâciq , qui , jusqu a sa mort , n appela aucun
autre personnage au vizirat. Mais Al -Monta wakkil ,
son frère, étant monté sur le trône, le fit mourir.
On raconte qu Ibn-ez-Zeyyât avait fait construire
338 JOURNAL ASIATIQUE.
un four garni de fer et de clous à Imtérieurj pour
y faire souffrir les condamnés , et qu'il y fut lui-
même enfermé le premier, en même temps qu'on
lui disait : « Goûte ce que tu voulais faire goûter
aux autres. »
Ici finit rhistoire d'Âl-Mo'tassem et de ses vizirs.
DER FRUHLINGSGARTEN,
ou LE BEHARISTAN DE DJAMI.
Texte persan et traduction allemande, par M. le baron
DE ScHLEGHTA-WssEHRD. Vienne, 1846, in-8*.
Ce volume est exécuté avec le plus grand soin , et fait honneur
à rimprimerie impériale de Vienne. Quant à la traduction, noua
allons reproduire, comme échantillon, le troisième jardin ou livre,
correspondant à la page 26 du texte. Cet extrait a été mis en firan-
çais par M. de Schlechta lui-même.
JARDIN 111.
DES FLEURS DE LA PUISSANCE ET DES FRUITS
DE LA JUSTICE.
Ce n est pas la pompe ni la magnificence du
cortège, mais la justice et l'impartialité qui font la
sagesse des rois. Noushirvan ^, quoique infidèle, était
d'une justice tellement éclatante , que Mohammed ,
la gloire de l'univers, dit lui-même avec oi^eil,
^ Koi persan de la dynastie des Sassanides.
OCTOBRE 18^6. 339
parlant de ce roi : a Je naquis dan&.ie siècle du roi
juste. »
Le prophète, (pii A^aquit da^ le Mèd|e de Nousl^rvan, et
qui pai:^t pour éclairer. Vcçil de Tu^verç, dit de ce roi. lui-
même : t Je naqui» saiiâi^çjbe^ parce que Nôushiryan ridait
heureux le monde par. sa justice.» ;
Ecoute de quelle façon un homme de bien harangua, un
jour, un roî cràél-: «Daijpie considéi^r iommetit Ha. cruauté
afiligts, et' essaye uoe Idts comme il est doux d'être dément :
et alors , si la justice ne te convient pas-, rejette-la, et.r^rends
ta cruauté. » . •
L'histoire nbus raconte : Pendant cinq mille ans^^
l'univers a été gouverné par les mages et lés adoî^-
teiu*s du feu; eux seuls étaient dignes détonner deii
rois à là monarchie persane. C'est parce qu'ils ont
considéré la justice comme le plus saint des^idevdîrs,
et ont détesté toutes sortes de cruauté connue un
vice affreux. Dans la tradition, on lit : Dieu a dit
au prophète Dçivid : « Défends à ton peuple de ca-
ioimnier les rois persans et de souiller leur mémoire
par des insultes; car ce sont eux qui ont civilisé la
terre par leur gouvernement paternel , de ^açon que
mon peuple y trouve facilement tout ce qu'il lui
faut pour sa subsistance* »
La justice vaut plus que la religion; elle' est le salut du
peuple et Tappui du trône. Un faux croyant, ifér le #ébe,
qui est fidèle au droit , vaut mieux qu un oroyant injuste;
Ce n'est pas au léger courtisan, mais au'isage
méditatif qu'appartient la place de favori chez un
prince; car le sage pousse son maître au sonuuet de
340 JOURNAL ASIATIQUE.
la perfection , tandis que le courtisan le fait tomber
dansi le précipice de la misère.
Chaque parole d*un sage est un bijou. Heureux cdui qui
la renferme dans la cassette de son cœur! Le sage lui-même
est une cassette remplie de ces peries précieuses. Ne le re-
jette donc pas , et sache Tattirer prudemment vers toi.
Un mage se promenait un jour, à cheval , avec le
roi Kobad ^ Le hasard voulut que son cheval, pressé
par un besoin ïiaturel, se souillât du haut en bas, et
fît ainsi rougir son cavalier. Le roi , s'en étant aperçu,
demanda au sage quelle conduite devait observer
lliomme qui avait rhonneiu* de se trouver avec un
grand prince. Le mage répondit : a La r^e princi-
pale, cest que le roi ne fasse pas donner au cheval
de son compagnon autant d avoine, afin que la bète,
par son indécence , ne fasse pas rougir son cavalier
de confusion. »
Le fou, qui ne sait agir que poussé par Tinstinct, ne sera
jamais capable de se comporter dignement; mab le sage, qui
agit selon les principes de la raison, gouverne à son gré
les bêtes féroces elles-mêmes.
Le favori d'im prince est semblable à un homme
obligé de monter une montagne escarpée; il marche
dans des angoisses mortelles, craignant toujours un
tremblement de terre et les atteintes d'un orage. En
effet, celui qui se trouve dans un lieu élevé tombe
de plus haut que celui qui poursuit paisiblement
son chemin dans la plaine.
' Autre r(M persan de la dynastie des Sassanides.
OCTOBRE 1846. 341
La faveur des prince» est une murtiiUe escarpée; prends
donc garde de monter trop haut;. car je pense, en trem-
blant, que , si tu viens à tomber, la chute te sçra plus funeste
qu à celui qui se tient dans la plidne.
H convient au souverain de choisir pour favori
des gens fidèles et sinc^es , qui lui font connaître
la vérité sur le pays tt ceux qui le servent. On ra-
conte d'Ardeschir Babecan *, qu'il était si vigilant et
si bien instruit, qu'il pouvait dire, chaque matin,
à ses coiutisans, ce qu'ils avaient mangé la veille,
ou avec quelle femme ou quelle fille ils avaient
passé la nuit, enfin, tout ce que chacun d'eux avait
fait ou tenté t de façon que le peuple croyait qu'un
ange descendait du ciel chaque jour pour lui ap-
porter des nouvelles de tout ce qtti se passait.
Aristote a dit : « Le meilieui^ souverain est celui
qui ressemble à l'aigle entouré de cadavres auxquels
il ne touche pas, et non pas celui qui ressemble au
cadavre que les aigles entourent. » Cela veut dire :
u Le meilleur souverain est celui qui s'occupe de son
propre pays et ne s'embarrasse guère des pays vx)i-
sins , et non pas celui qui néglige ses propres affaires ,
et abandonne son royaume à la merci des princes
étrangers qui l'entourent.
Nousbirvan eut un jour grande société à l'occasion
du nouvel an. L'un des assistants, avec lequel il ne
sympathisait point, mit dans sa poche, à la dérobée,
ime coupe d'or. Le roi, l'ayant remarqué, feignit
de ne pas s'en être aperçu. Cependant , la société
^ Fondateur de la dynastie des Sassanides.
342 JOURNAL ASIATIQUE.
allait se séparer, lorsque l^échanson s avança et s* é-
cria : « Que personne ne sorte de la saHe avant que
j'aie fait mes recherches; car il liae manque une
coupe d or. » Mais Noushirvan lui fit signe de s'ar-
rêter, en disant : u Và-t'-en ; car caiuî qui a pris la
coupe ne voudra pas la rendre, et celui qui connaît
le voleur ne veut pas le trahir. » IHusieurs jours
après, le même personnage qui avait emporté la
coupe , se présenta devant le roi avec des habits neufs
et une chaussure fort élégante. Lorsque le roi l'a-
perçut, il lui fit un signe comme s'il voulait dire :
M Est-ce la coupe qui ta prociu'é ces habits^» Le
personnage répondit en entr ouvrant son habit de des-
sous et montrant ses nouveaiix souliers, conune s'il
voulait dire : «et aussi ma belle chaussure. » Alors
Noushirvan sourit; car il reconnut que le vol de la
coupe avait été le résultat de la détresse et du be-
soin. Il commanda de donner à ce personnage mille
pièces d or.
Ne crains pas d'avouer une faute à un prince clément qui
connaît ton crime; car nier le crime serait un second péché
qui serait j)lus lionteux que ie premier.
Le khalife Manioùn ^ avait un esclave qui ne fai-
sait pas d'autre service que de lui présenter l'eau de
l'ablution. Mamoun s'aperçut bientôt que chaque
joiu* il manquait ime coupe ou une aiguik*e. Un
jour, il dit au garçon : u J'espère que tu seras assez
complaisant pour me revendre les aiguières et les
' Pour apprécier la morale Je cette historicité , il faut se reporter
aux mœurs orientales et à la condition des esclaves.
OCTOBRE 1846. 543
coupes que tu me voles.» L'esclave répondit : «Ce
sera comme tu lordonnes; tu peux racheter à 1ms-
tant celle-ci, que je tiens à la main. — Combien
coûte-t-elle? répliqua le khalife. — Deux pièces d'or,
seigneur. » Mamoun commanda de lui donner deux
pièces d or, et lui dit : u Et maintenant cesseras-tu de
me la voler? Le serviteur répondit : w Oui , seigneur. »
N'épargne pas ton argent avec ceux i^ue tu as achetés avec
de Tor; laisse toujours leurs cœurs s'en réjouir. Mets leurs
corps à Tabri du besoin, et fais ton possible pour que le
désespoir ne pousse point leurs âmes à ia perdition.
Akil ben Abu Thalib ^ et Moavia furent liés long-
temps par une amitié sincère, jusqu*à ce qu'un jour
un buisson se montrât sur le sentier de leur amour,
et que la face de leur inclination fût rembrunie par la
poussière de la discorde. Akil se retira entièrement,
et cessa de visiter son ami, qu*il avait fréqufïi^té
pendant si longtemps. Mais Moavia lui adressa uîie
lettre d'excuses de la manière suivante : «0, toi,
le petit- fils de Motthalib, que je désire ! ô.toi , le
rejeton de la famille du prophète bien-aimé, cerf
qui exhale les parfums du musc, source de la grâce,
descendant de Menaf et de Hischam, c'est toi. eu
faveur duquel le prophète a prêché , et c'est à ta race
qu'appartient le ministre de Dieu. Où est la géné-
rosité de ton noble cœur? où sont ta bonté et ta con-
descendance ordinaires? Reviens donc à moi; car je
m'afflige de me voir séparé de toi , et notre discorde
me cause un mal douloureux. »
' Akil était frère du khalife Âli.
344 JOURNAL ASIATIQUE.
Jusque^ à quand serai-je le but des javelots de ta colère ?
Jusques à quand, plongé dans la douleur, m*éloigneras-tu de
toiP Je me jette devant toi sur la terre, et sous la terre encore
je me vouerai à toi comme esdave.
Akil répliqua par une lettre en harmonie avec la
circonstance, et qui contenait ces paroles:
Tu as dit vrai, mais moi aussi je dis vrai, et c*est pour
cela que je dis : « Nous resterons séparés. » Je n aime pas a
offenser un ancien ami ; mais , lorsque c*est lui qui m^offense,
je le quitte entièrement.
Car il vaut mieux quitter Fami qui nous a offensé,
et se retirer dans le coin de la solitude , que de se
ceindre du cordon de Tinimitic et de combattre
avec la langue de Tinsidte.
Tiens-toi tranquille et éloigne-toi lorsque ton ami fof-
fensc et agit contre toi. Prends garde de le chagriner ou de
lui faire du mal , et sois toujours prêt à amener la réconci-
liation.
Malgré cette lettre , Moavia ne cessait pas de tenir
les portes de l'excuse ouvertes, en redoublant d'ins-
tances* et de sollicitations. Il envoya enfin à Akil
dix mille pièces d'or comme gage de la réconcilia-
tion, et posa ainsi de nouveau le fondement du
bonheur amical.
Il convient à Tliomme d'éti*e conciliant et de demander
pardon. Lorsque tu es séparé d*un ancien ami par une dis-
corde malheureuse , et lorsque les instances et les scdlicita-
tions ne te mènent pas au but, prends de Tor, et tu accom-
moderas l'affaire plus promptement.
Iledjadj , s étant égaré un jour à la chasse , re-
marqua un Arabe assis sur une colline , entom*é de
OCTOBRE 1846. 345
ses chameaux i et occupé à nettoyer son habit de ia
vermine. Lorsque les chameaux , effirayés à ^aspect
de 1 étranger, se mirent à fuir, TArabe leva la tête,
et dit dédaigneusement : « Qui est-ce qui marche
dans le désert, habillé aussi fastueusement? Que la
malédiction de Dieu soit sur lui!» Hedjadj, sans
vouloir remarquer cet accueil brutal, s'avança et
s écria : « Salut à toi , Arabe ! » Mais celui-ci répliqua :
((A toi ni paix, ni salut, ni bénédiction.» Hedjadj,
sans répondre à cette insidte, lui demanda de l'eau;
mais l'Arabe , loin de se déranger, dit : « Si tu veux
boire , descends humblement de ton cheval et bois.
Je ne suis pas ton compagnon, et je n'ai pas d'ordre
à recevoir de toi. » Alors Hedjadj descendit, et, après
avoir bu, il demanda à l'Arabe : «Dis-moi donc,
Arabe, qui est le meilleiur des hommes?» Gelui-ci
répondit : «Le prophète de Dieu : sur lui la paix,
naais sur toi le malheur!» Hedjadj continua : «Et
que penses-tu d'Ali , fds d'Abou Thalib ? » Le Bédouin
répliqua : « Son nom est trop sublime pour que ma
bouche puisse le prononcer. » Hedjadj demanda de
nouveau : «Que penses-tu du khalife régnant, Abd-
Almalik, fds de Mervan?» Le Bédouin ne répondit
rien; et seulement, lorsque Hedjadj répéta la de-
mande, il dit : «Le khalife est un misérable. —
Poiu'quoi cela? — -Parce qu'il a commis un crime
qui fait trembler l'Orient et l'Occident. — Et en
quoi consiste ce crime?» insista Hedjadj., L'Arabe
répondit : «C'est qu'il fait gouverner les croyants
par un homme infâme, l'exécrable Hedjadj.» He-
346 JOURNAL ASIATIQUE.
djadj se tut. Tout à coup un oiseau s envola en pous-
sant un cri aigu. A ce bruit, TArabe se tourna vers
Hedjadj et lui demanda : a Qui es-tu? homme?»
Celui-ci répliqua : «A quoi bon cette demande?»
Et TArabe dit : « Le cri de loiseau ma indiqué l'ar-
rivée d'une troupe de guerriers, et cest toi qui es
leur chef. » Pendant ces dernières, paroles , le cor-
tège d'Hedjadj, ayant trouvé la trace de son nudtre,
parut et le salua. L*Arabe changea de couleur, et
Hedjadj commanda de Temmener. Le lendemain
matin , lorsque le repas fut préparé et que le cort^e
fut rassemblé, Hedjadj appela ]e Bédouin et 1 invita
au dîner. Celui-ci , apercevant Hedjadj , s'écria :
«Salut à toi, mon prince. » Hedjadj répliqua : «Je
ne dis pas comme tu disais hier, mais je te rends
ton salut. Salut à toi. Veux-tu dîner? » L'Arabe ré-
pondit : ((Le dîner est à toi, mon prince; je man-
gerai quand tu le permettras. » Celui-ci lui ayant
accordé la permission, le Bédouin s'empara de ce
qu'il trouvait et dit : (( J'espère que le dîner aura une
bonne suite, n Hedjadj se mit à rire et demanda à
l'Arabe : u Te souviens-tu de ce qui s'est passe hier
entre nous? » Celui-ci , lui coupant la parole , s'écria :
(( Mon prince , il ne faut pas révéler un secret qui n'a
d'autre confident que nous deux. » Alors Hedjadj lui
dit sérieusement : ((Lcoute , Arabe , je te fais deux
propositions; choisis : ou tu resteras près de moi en
qualité de serviteur, ou je te livrerai au khalife,
auquel je ferai part de ton discours d'hier. H n'y a
que ces deux partis; voyons lequel tu préfères. » Le
OCTORRE 1846. 347
Bédouin répliqua tranquiliement : « Outre ces deux
partis, il y en a encore un troisième. — Lequel?»
demanda Hedjadj. L* Arabe répondit: «Cest de me
permettre de retourner tranquillement dans ma pa-
trie , afin que ni toi ni moi ne puissions nous voir
lun lautre. » Hedjadj , égayé par ces paroles du
Bédouin , se mit à rire , et commanda de lui donner
mille pièces d or, et de ne s opposer nullement à son
retoiur dans son pays.
L'homme prudent tâche d'émouvoir Thomme cruel, ou
par des sollicitations ou par de sages pensées. Mais , lorsque
celui-ci ne veut pas écouter la voix de la justice , on emploie
la ruse pour réussir plus vite.
lesdedjerd ^ rencontra un jour son fils Behram
dans son harem , lieu dont Tentrée lui était défendue.
A Imstant, il lui ordonna de sortir, de faire donner
trente coups de fouet au portier et de le chasser de
sa place. Behram fit ce que son père lui avait com-
mandé; mais, n ayant pas alors plus de treize ans,
il ne comprit pas pourquoi son père lavait grondé ,
et par quelle raison on tourmentait si cruellement
le portier du harem. Au bout de quelques jours,
Behram s approcha derechef de lendroit prohibé
pour y entrer; mais le nouveau portier le saisit à la
gorge et lui dit : « Si je t attrape encore une fois en
cet endroit, je te donnerai trente coups de fouet
poiu* ce que tu as fait à mon prédécesseur, et trente
coups pour la trahison que tu veux me faire com-
mettre moi-même. »
^ Roi sassanîde.
348 JOURNAL ASIATIQUE.
La maison du roi est un lieu si sacré, que ni rhomme libre
ni Tcsclave n'osent y entrer. Le harem est le secret du sei-
gneur : l'oiseau n'y vole pas , et le zéphyr n^ose y passer.
Le roi Hormuz ^ reçut un jour de son vixir une
lettre qui contenait lofire suivante : u Des marcbands
sont arrivés et ont déposé une quantité de pierres
précieuses. JTai résolu de les acheter pour toi,
pour le prix de cent mille pièces d or, si toutefois
tu y consens. Si tu refuses la permission de Tachât,
d'autres les prendront, et y gagneront encore une
somme de cent mille pièces d or. » Le roi lui écrivit
la réponse suivante : u Un profit de cent ou deux
cent mille pièces d*or ne me tente pas; et si le
roi fait le commerce, qui gouvernera, et à quoi
serviront les marchands?»
Omar, prince des croyants, se trouva un jour à
Médine, et examina une muraille d*argile quon
venait d élever. Un juif se présenta et se plaignit
au khalife, disant que le juge de Bassra avait acheté
de lui des marchandises de la valeur de cent mille
direms , cpi'il refusait de payer. Le khalife , après avoir
écouté le juif, lui demanda s'il avait sur lui un mor
ceau de papier. Celui-ci n'en ayant pas, le prince
prit un morceau d'argile et écrivit dessus :-<Tu af-
fliges ceux qui te demandent justice, et personne ne
te garde un souvenir reconnaissant. Evite tout ce
qui pourrait devenir le motif d'une plainte, ou sois
prêt à renoncer à ta dignité de juge. » Après cela, il
signa et transmit le morceau d'argile au juif, sans
' Autre roi sassanidc.
OCTOBRE laaa. 349
y mettre de sceau ou le chiffi*e royal ; car il savait
bien que isa puissance, comme sa justice, était re-
connue partout. En effet, le juge de Bassra, qui se
trouvait à cheval au moment où le billet du Jurince
lui parvint, descendit à Imst^^t, baisa la terre et
paya le juif, avant que celui-ci eût eu le tençips de
mettre pied à terre lui-même.
SI le nom royal n'est pas entouré de respect et de crainte ,
chacun s* empressera de le mépriser et de s* en moquer. Lors-
que le lion manque de dents et de griffes , un renard , même
estropié, ne tarde pas à Tinsuller.
INSCRIPTIONS TRILINGUES
Trouvées, en mai i846 \ à Lebdah (Lepiis Magna) , dans la
régence de Tripoli , sur deux pierres calcaires de mêmes
dimensions, gisant lune à cô^ de Tautre dans la partie
orientale des ruines.
PARTIE PUNIQUE , AVEC LA TRANSCRIPTION ARABE ^.
N" 1.
^ Il paraît cpie M. Eîdw. Dickson avait copié ces inscriptions avant
moi , et il serait à désirer qu*il publiât sa copie. La mienne est une
moyenne entre deaxfa^-simile. .
* Les transcriptions arabes sont de M. Fresnel.
350 JOURNAL ASIATIQUE
N" 2.
PARTIE LATINE ET GRECQUE.
N" 1.
BONCARMECRASI CLODIUS MEDICUS.
BaNKAPMERPAi:! KAÛAI02 lATPOi:.
N» 2.
BYRYCTH BALSILECHIS F. MATER CLODII MEDIGI.
BTPTXe BAAÏIAAHX eTTATHP MHTHP KAÛAIOT lATPOT.
Dans chacune de ces deux inscriptions tumulai-
res, le latin précède le grec, et le grec le punique;
on peut donc admettre qu elles sont de Tépoque ro-
maine. La permutation du Hm avec le noân est chose
très-conmiune dans les langues sémitiques. On dit
plus généralement aujourd'hui Ismaln que IsmaU
( Ismaël), et Armai aussi souvent que Arman (Armé-
niens). Il ne faut donc pas s'étonner de trouver dans
Tinscription n"* i Boa al transcrit en grec par Bow.
Boual de la première inscription et Ba'l de la se-
conde signifient « maître » (peut-être avec une nuance
OCTOBRE 1846. 361
de distinction en faveur dujpremier), et correspon-
dent aux motssidi et ^i deFarabe barbaresque.Lenom
indigène de notre docteur serait donc KapfieKpouri^
ou Karath-morharsi, et son nom romain çlodivs. Ce
dernier, ainsi écrit par im o (au lieu de av), appar-
tenait à un sénateur romain du dernier siècle avant
J. C. ce qui peut servir à fixer la date de l'inscription.
Il est transcrit en punique par Kladi ou Klo'di dans
la première inscription , et par KIo'd'i dans la seconde,
avec un 'ayn pénultième, sans doute pour rendre
ïhiatas de la double voyelle lï, indicatif du génitif
latin dans l'inscription n** a. — Le mot qui signifie
« médecin, » et qui termine les deux inscriptions» est,
en pimique, mourabbed ou mourabbid, dont le sens
original paraît être « coucheur, celui qui fiadt un lit, »
ou (( qui vous met au lit » Râbài { 12l) signifie en
hébreu « sternere lectum. » Son synonyme et quasi-
homophone, râphâd ( 1D1 ) ,.fait, à la forme piel
(correspondant à la deuxième forme des verbes
arabes), npp^(2 ("^^*^)* ^ signifie aussi «faire un
lit, » et, par suite , « réconforter, ranimer un homme
épuisé psg: la fatigue , » — « einen Ermatteten erqui-
ken. » (Gesen. Hebr. and Chai Handwôrterbach , sub
voce iDi). De là le sens de «medicus. »
La seconde inscription tumidaire porte le nom de
la mère de notre docteur, Byrycth (en arabe, bara-
ket), qui, comme nom appellatif, signifie «bénédic-
tion , » ou « Benoite , » et celui du père de cette
femme, Bal-SchiHéK, ou bien Bal-SchiUeKH (car il
paraît que les Phéniciens , ainsi que les Hébreux ,
23.
352 JOURNAL ASIATIQUE.
donnaient au kâf ( cl)) le son du khâ (^ ) dans quel-
f[ues circonstances). Ces deux noms sont séparés par
celui de bath (fille), contracté de beneth (selon le
génie de la langue hébraïque), ce qui nous donne :
« Byrycih, fille de Bal-SchilleTch, » Le mot suivant est
DA, et, d*après les traductions latine et grecque de
cette inscription , ne peut signifier que a m^e. » II
est peut-être apocope de wâlidah ( 6 jJI^ ) , en hé-
breu Yôledeth (genitrix);^ mais, dans cette hypothèse,
il faudrait admettre, i° que la forme punique pri-
mitive est wâlidd {^^^^) par un aleph,et/ï'' qu*eile
ne change pas à l'état construit.
On voit, par ma transcription arabe, que je re-
garde le signe ^ comme composé de o , qui est
Vayn (^ ) , et de ^ , qui est le làm ( J ).
Mon alphabet, auquel il manque huit lettres (re-
lativement à Talphabet hébreu), est évidemment
particulier à cette portion de la côte carthaginoise
où les inscriptions se trouvent, et peut se déduire
de ma transcription arabe.
La pierre gravée dont j*ai envoyé des empreintes
à M. Botta n'est pas écrite en phénicien , comme je
lavais cru, mais en hébreu antique ou samaritain an-
tique. Elle vient de Cyrène , et parait avoir appartenu
h un juif. Je persiste néanmoins dans la lecture que
j'en ai faite , si ce n'est que j'ajoute un waw au nom
du possesseur.
En voici une copie , qu'il faut rajjprocher des em-
preintes :
OCTOBRE 1846. 353
Et voici ma traduction : A Abd-Yâhoâ-ben-Yaschouf.
Yâhoâ est le véritable nom du dieu national des
juifs (avec ou sans /i^ final). C est le véritable nom de
Dieu chez les jui&. C'est par erreur que Ton a pro-
noncé Jehovah , puisque les vojelles du mot appar-
tenaient à Adonaï (le Seigneur) , le seul mot qu'on
se permît de prononcer chez les juifs. L'autre était
ineffable.
L'inscription signifie donc : « A l'esclave de Yâ-
hoâ, fils de Yâschoâb,)) ou plutôt «fils de Yôschebo
(at^-»). Yâschoâb est le nom d'un fils d'Issachar; (L.
M. XXVI, ilx\ Esr. n, ikg.) Yâschéb {con nna gianta)
est le nom d'un aide de camp du roi Ifevid;- • •
Toutes les lettres de cette pierre; qui est de jade
oriental et très-diure, me sont données par un. alpha-
bet placé à la ^ fin de la Grammaire syriaque d'Hof-
mann. Il n'y a pas à hésiter sur une «euie lettre de
la pierre de M. Louis Robert, si ce n'est, peut-être,
sur la dernière de la première ligne; et encore est-
il évident que cette dernière lettre est un waw. Ici
les pierres avec figures sont très-commimes , et il y
en a pour contenter « tous les goûts de sa hautesse. »
Il y en a dont Tibère serait jaloux. Croyez bien qu'il
n'y a pas d^hésitation dans ma lecture.
J'ai déjà envoyé une copie (telle quelle) de Tins-
cription punique qui était naguère sm» la terrasse du
couvent à Tripoli de Barbarie, et que M. Morelli
354 JOURNAL ASIATIQUE.
( consul général de Naples à Tripoli) vient d*expédier
à Naples. Voici une autre copie de la même inscrip-
tion, qu*il a bien voulu me communiquer. Ce qui
suit est une moyenne entre sa copie et la mienne ^.
V
r-îN
Cette inscription est au-dessous d'une figure géor
métrique : viz. trois arcs concentriques coupés par
onze lignes convergentes vers leur centre, qui est
le centre des arcs.
Pour remplir le papier, je vous dirai que je suis
de retour de Sabrathat ou Sabarta, ici TripoU-Vec-
chio, où j*ai trouvé, sur le bord de la mer, de belles
statues sans tête, que personne ne se donne la
peine d'enlever. L mcmîe eurc^éenne passe toute
intelligence. D'après M. de Saulcyi le nom phéni-
cien de la ville que je viens de visiter serait Sabrihan
ou Sa, ou Schabartan. Aujourd'hui elle s appelle
Zouwâghah ( a^I^^ ) chez les Arabes, et TripoUrVec-
chio chez les Européens.
Je reviens à l'inscription de la pierre que les
* Le coin de la pierre a été ca58é par ceux qui Tout tmisporl^
rie Lebdali au couvent de TripolL
OCTOBRE 1846. 355
moines du couvent de Tripoli appelaient a un ca-
dran solaire , » sans doute à cause de la figure géo-
métrique tracée dans sa partie supérieure. Voici
comment je la transcris; mais je déclare n'y rien
comprendre :
Ce 13 juin.
Je vais prendre mon passage pour Benghaâ , où
règne en ce nofofflent le typboi. jTaî prévenu mes
gens , qui n ont pas plu!s de peur que moi.
F. pRfeN^t.
• . ■ - " -^^
Nota. ]^a lettre dont on vient dé lire un extrait est datée dé Tri-
poli; j'ai reçu depuis des nouvelles de S!.' Fres^el, qui est i«v)Btlu
de Benghazi , san^voir éf^ atteint du typlius. ( J. Mohl.) " ' '
356 JOURNAL ASIATIQUE.
BIBLIOGRAPHIE.
RAPPORT
Sur un Manuel pratique de la langue chinoise vulgaire, par M. Looia
RocHET , membre de la Société asiatique. Paria, Benjamin Daprat;
1 vol. in-8*.
La petite chrestomathie que M. Louis Rochet, membre
de la Société asiatique, yient d'imprimer sous ce titre, avec
les beaux caractères de M. Marcellin Legrand, a est pas la
première chrestomathie chinoise publiée à Paris ; mais M. Ro-
chet est le premier qui ait montré aux étudiants tout le parti
qu*on pourrait tirer^ pour la connaissance de la langue, d*un
texte chinois correctement imprimé, correctement ponctué,
et suivi d'un vocabulaire spécial de tous les mots renfermés
dans le texte. Des travaux de ce genre , entrepris dans Tin-
térêt des premières études , se recommandent toujburs à la
bienveillance des philologues. Il faut aux conunènçants des
manuels élémentaires , comme le Manuel de M. Rochet :
toute autre méthode paraît moins sûre, moins rapide; c*est
par ce procédé, dont l'expérience a été faite, que nous par-
viendrons à faciliter la lecture du kouân-hoa.
Mais les méthodes et les procédés varient et doivent varier
dans le cours même des études. Quand on sait le kouân-hoa,
d'autres instruments que les vocabulaires deviennent indis-
pensables. Les meilleurs vocabulaires, les vocabulaires ori-
ginaux, ne procurent pas l'intelligence du koù-vên. S'il
faut aux commençants des textes avec des lexiques , il faut
aux élèves plus avancés des textes avec les commentaires
originaux.
Rien de plus net, de plus précis, de plus déterminé, de
OCTOBRE 1846. 357
plus arrêté qu'un commentaire chinois Siur un texte devenu
classique. La raison en est toute simple; c^est quil y a des
siècles que les Chinois étudient, comme nous étudions nous-
mêmes, la langue savante et les monuments de Tantiquité.
Les difficultés que nous éprouvons, ils les éprouvent; les
obstacles que nous rencontrons, ils les rencontrent, et ce
qui est obscur pour nous est lojh d'être clair pour eux; mais
les Chinois ont obtenu , par une long^e persévérance dans
ces exercices , des résultats généraux et décisif. La vérité
est que les secours ne leur manquent pas , et que les com-
mentaires originaux remplacent avantageusement, ou plutôt
renferment ces vocabulaires, que nous appelons en Europe
les lexiques des sauteurs. Je citerai un exemple. Il existe à la
Chine une chreàtomathie intitulée "fy jjjr "^3^ 3-^ Koà-
vên-p'ing-tchà. C*est un recueil fort estimé, un recueU de
morceaux choisis et tirés des plus célèbres écrivains. Certes ,
si quelque chose doit embarrasser Tétudiàni, c*est la multi-
plicité des acceptions de chaque radical monosyllabique dans
un idiome conventionnel, artificiel et qui ne se parle pas. Il
semble donc que l'intelligence des morceaux recueillis exige
un lexique particulier ; mais ce lexique n^est pas à faire , il
est tout fait; il se trouve dans le commentaire, où chaque
moi pourvu d'une acception particulière est clairement ex-
pliqué.
' Pour l'étude du kouân-hoà proprement dit, pour la lec-
ture des ouvragés d'imagination, on regarderait à la Chine
un commentaire comme une superfluité, ptusque, dans les
ouvrages de cette nature, l'auteur écrit à peu près comme
on parle. Les romans, à l'exception d'un ^ès-petit nombre,
sont des monuments du kouân-hoà ou de la langue com-
mune ; aussi , les notes qui accompagnent ou suivent les
phrases ne servent-elles jamais à l'explication des mots, dont
le sens est compris de tout le monde. Dans le ^|i^ ^m* /S
Choni-hou-fchouen, roman célèbre où figurent cent deux
personnages principaux, sans compter les agents subalternes.
358 JOURNAL ASIATIQUE
roman d'une volumineuse proIiAÎté. car il na pas moina
de soixante et dix chapitres , les notes ne renferment qae des
observations critiques.
La distinction que je viens d*étaMir et sur laqadUe j*ci
insisté dans un long mémoire , conduit naturdlement à la
distinction des métliodes , quand il s*agit d'étudier le koà-
vén, le kouân-hoà ou un dialecte particulier. On apprend le
koii-vên Comme les Chinois l'apprennent, avec les commeo-
taires ; c'est l'opinion de M. Stanislas JuUen« On doit étudier
la langue et les dialectes de la Chine oomme on étudie les
langues étrangères, avec des manuels, des vocabalaôres et
des textes traduit» interlinéaircment. Et qu'on ne parle pas
ici de la prononciation, là difficulté n'est pas là; la |^rande
difficulté , c'est d'apprendre à écrire une langue qui ne s'écrit
pas alphabétiquement. M. Rochet, en publiant un Manuel
de la langue chinoise à l'usage des élèyes;.de VÉqple des
langues orientales, des missionnaires,. des conymerçants et
des voyageurs , a donc fait une œuvre utile.
L'ouvrage se compose de vingt dialotgues familiers, de
dix historiettes, de cinq fables d'Ésope mises en firançais
par un sièn-seng de Canton appelé Mun-mouy, de Toraison
dominicale, du symbole des apôtres et d'un recueil de pro-
verbes. Les dialogues ne sont pas nouveaux; l'auteur les a
tirés de VArte china du P. Gonçalvez et des Dialogues ani
detached Sentences in the Chinese language, imprimés à Macao
en 1816. Ceux que l'on trouve dans les ouvrages originaux,
tels que le |p| '^C. ^3^ ^t ^*^-w^«-*'*-»»w^ et le
Ih ^3 JOT ^^ Tching-yn-t'soh'yào , me semblent pré-
férables ; néanmoins , les dialogues du Manuel sont très-oor-
rects ; on peut les étudier avec fruit.
Dans une introduction placée à la tête de l'oaYrage,
M. Rochet expose très-succinctement les règles de la gram-
maire chinoise , d'après la Notitia linguœ sinicœ da P. Pré-
mare , et les Éléments de M. Abel-Rémusat. Appliq[iiée8 aux
OCTOBRE 1846. 359
caractères ou à la phrase écrite, c^ i^ègle^ soat excellentes;
étendues au langage, eHes ne si^^eM iîeh. U y a pour )e
chinois deux systèmes d*analyse f l'àrtialyée'fMur caractères et
Tanalyse par mots. On appem,' to Ou<1ft6i-ji)i \'le9 mots mo-
nosyllahiques Ig -^ àn-tszé, cibles mot^ polysyllabiques
Wrp !^^ liênrtszé. Dans les livides , il y a de» caractères qui
expriment à eux seuls plusieurs mota, ^O — «-* -jP* IS
'êZ ^ë^ ^î^ "M^ ^Sf y^^'J^^'^^'^^'T^'^^^^'^^-y^^-
tchèg comme dans le Szé-ki (Ménioires historiques de Sze-
mâ-t*sièn) et dans une foule d'ouvrages Cp ^J* J^ ^^m
-^b >PhL Szè-ki'tchê'loui'ché'yè ; mais dans la langue pariée,
les mots,;monosyllabîqnes qu*onempl(ne sont extrèmemeat
tcbé-yû-ckoh-houàf jting-yànq-'tân'tszé^hin'SièrL. Ëii^ore Wèn
que chaque caractère chinois représente une idée mg H H
JS% ÏM ^oui-tsek-t'ckinf-y, tous les caractère» ne sont pas
des mots; c'est pourquoi, quand on écrit c<Hnme On parie
^M fS^ ^^ kàa-yâ^vén-tah^tchê-kièn, on
est obligé d'unir deux ou plusieurs caractères pour hvBopt
des mots ^ i^ IS |f§ JSK W r«k-P*KAïfo*''<^Wnf7
jtfR. Ces agrégations sont fort ing^euses /h In ^Sf ^R
nài-oui-tsin-chuén. yt Je reproduis avec plaisir cette opinion,
parce qu'elle me paraît concluante, et fortifie lès^ principes
que j'ai établis dans mon Mémoire sur les principes géné-
raux du chinois vulgaire. U est évident que l'analyse d'une
phrase écrite varie suivant qu'on agrège les caractères ou
qu'on les sépare.
' C'est le nom d'an sièn-seng fort habile , amené en Angleterre par k
Rév. M. Mibe.
:^60 JOURNAL ASIATIQUE.
M. Hochet pense, que la publication d*un livre élémentaire?
sur la langue chinoise pourra paraître opportun^, après les
derniers événemeut^ qui viennent de s^accomplir, le réta-
blissement de 1^ paix, les traités av^c la France, 1* Angle-
terre, les États-Unis : c'est aussi mon sentiment. Il convient,
toutefois , d'avertir les élèves que , dans lès cinq ports ouverts
au commerce européen, on ne parle pas le kouân-hoa, ou
la langue commune, dont le Manuel expose les principes.
Une singularité encore plus remarquable , c'est que les dia-
lectes parlés dans les ports , dialectes qui diffèrent les uns
des autres, ne s'écrivent pas et ne peuvent pas s*écrire,
comme je l'ai démontré ailleurs , à l'exception du dialecte
de Canton , qu'on écrit tant bien que mal. Ainsi , quoique
dans les cinq ports tous les naturels qui savent écrire
écrivent le chinois, la connaissance d'un dialecte au moins
est indispensable à quiconque veut:çûmmuniqaer orplement
avec les indigènes.
De petits vocabulaires alphabétiques des idiomes parlés
dans les ports et sur les cotes de la Chine, recueillis, par. un
interprète ou un voyageur, de la bouche des naturels, ser-
viraient à établir les caractères principaux qui distinguent
ces idiomes; car, s'il m'est permis d'en juger par les échan-
tillons que j'ai reçus de la Chine, j'oserai dire qu'ils ne se
ressemblent guère. J'avouerai aussi que, pendant mon séjour
à Liverpool , il m'a été impossible de tirer quelques lunoières
de l'habile sièn-seng, que j'y ai rencontré, au- sujet des dia-
lectes parlés sur les côtes; mais, en revanche, j'ai obtenu,
sur la nature du kouàn-hoà ou de la langue parlée, une
petite dissertation pleine d'intérêt, et que je dois mettre
sous les yeux du lecteur :
« Depuis l'antiquité jusqu'à nos jours , la langue parlée a
toujours été la même ^ '^ ^ "n^^Wl^ ^
|pj Isé-kou-hih-kÎTi' , choh-hoà-kiâi-t'ông. La langue des an-
ciens ne différait pas de la langue dos modernes "f^ J^l
OCTOBRE 1846. 361
fî ^ ^ ,J2. ^ -ta i^-K'kê-hoâ-yeôu-ktn-tchê.
hoà-yè. Les variations et les modifications que 1 on aperçoit
dans la langue des livres n*bnt jamais existé dans la langue
parlée. Les hommes de la haute antiquité | "jt^ J/\ K^
châng-koà-tchê'jin parlaient comme nous la langue vulgaire
^ ^ Ft9 ^ ^i ^yéh.yéon.yin.tah-ichê-h'oà;
mais les livres qui la renfermaient 4r toR J/\ ^&1 tân-
isài'tchê'châ n ont pu être transmis à la postérité yK ct&
^S ^f^pohnêngt'choâen-héou(UAs qu'ils avaient été -pri-
mitivement écrits). La langue que Ton parle n'est pas la
langue des livres. On a remarqué que Tes écrits en langue
vulgaire disparaissaient au bout de quelques centaines d'an-
nées ^ ^ î^ W #•. ^S ^ y k6.héoa^>6a.
peh-nièn, moh-yeoà-liào. Quand un ouvrage de ce genre
mérite d'être conservé, on substitue le littéral au vulgaire
"i* lu uXk JJÎL ^'i^'^oh-t^ching-vên , c'est-à-dire on subs-
lilue l'idiome savant, tel qu'il est dans les auteurs, à l'idiome
vulgaire , qui se trouve dans l'ouvrage.
« Le$ lettrés de la dynastie des Han connaissaient les ca-
ractères; ils ne connaissaient pas le système des sons radicaux
-a H ^ 3t ^ M :^ p ^ # '^-j^-
cheh'vên-tszé'eâl-poh-cheh'tszé-moà; mais, après l'introduction
de l'alphabet indien dans l'empire chinois , on distingua les
sons initiaux (les consonnes) et les sons finaux (les voyelles
et les diphthongues); on trouva le moyen d'indiquer ^a pro-
nonciation des mots dans les dictionnaires. Sous la dynastie
des T'ang, on publia pour la preiiiière fois le H? bM
Kouàng-ydin ( dictionnaire dans lequel les caractères sont
arrangés suivant l'ordre des tons^); sous la dynastie des
362 JOURNAL ASIATIQUE.
Song, on imprima le "Bg. 'S^ T^iie^-yiun (autre diction-
naire tonique); sous ]es Kin et les Youèn, on marqua les
cinq tons ; enfin , sous le règne de Taî-tsou des Ming, durant
la période hong-wou (i368 à i384 de notre ère), parut le
célèbre dictionnaire tonique intitulé; ^£ jjÇ Tp ^B
Hâng-wèa-tching-ydin. Avant Tintroduction de Talphabet
indien, et tant que Tart de distinguer les sons est resté in-
connu des lettrés , là langue u^avait pas une prpnondatîon
imiversellement arrêtée.
« Généralement, tout honune qui écrit, écrit la langue des
livres Jl ;j^ if^ J^] ^ ^ fân.ni.Uzi-yi»g-iM-
hoà; on n écrit le kouân-hoà que pour apprendre aux Chi-
nois à palier correctement J^ agj/ ^l "g& gjy cW-
kiào'jîn'choh'hoà. Il y. a du kouân-hoà dans les romans et les
pièces de théâtre j$ ^ ^ $i ^ 1^ fj
t'chouêti'kih-isàh-kih, yedu-kouân-hoà; il y a aussi du hiang-
t'ân (patois); mais la langue du théâtre diffère un peu de
la langue que Ton parle dans la société WE BU pm g&
is * ^ ^, w m is "6/S :?; ,3
Udh-kihMh-choh-hoà4à'kià(ht'àn-tihchoh-hoâ-îwh'yèou-poh't'éK^
Aujourd'hui, les personnages appelés tcking-seng et iiaxhêeng
(expressions par lesquelles on indique certains r^esi comme
chez nous les phres nobles et les premiers comiques ) parlent
généralement le kouân-hoâ tr >4» >jN >4» ^ ^^
"g* gXT tching-sêng-siad-sêng-tâ-chohrkoaân-hoà, tandis que
les tseng*et les tchéoa (personnages, vulgaires) mèleot au
kouân-hoà le dialecte ou Fidiome du pays (dans lequel la
pièce est représentée) T^ -ft ^ ^J jt "^ tséng-
tchèoa'isah-yong-t'où't'ân. Quant aux auteurs dramatiques, ils
OCTOBÏIE lg46, . 363
se servant, pour écrire, du dialecte de Nankin ou de Sou-
tcheou-fou , selon qu*ils lisent habituellement Jas romans de
Nankin ou de Sou-tcheou-fou. I)an9 les pays où Ton parle
un dialecte particulier, Tacteur ne répète jamais son rôle
tel q^'il est écrit dans la pièce.
• Ce n*est pas, comma vous le croyez, sous la dynastie
des Vouèn qu*on a commencé à écrire le kouân-hoâ 3Ë ^
yC ^M ^fè ^ fî'Ué'yoïkên-tcMo'chUyè; on Ta écrit
pendant toute l'antiquité ^^ |1~| /fcl !^ lykou-yfiou-
(che. »
Les sujets que les livres n éclaircissent p^s sont, en gé-
néral et fort heureusement, très - circonscrits , très -limités;
ils se réduisent pour nous à un petit nombre de questions
controversées, parmi lesquelles je nhésit^ pas à placer Tod-
gine du kouân-hoa. Cette question , insoluble par les livres ,
insoluble par Thistoire et les monuments de l'antiquité chi-
noise, ne reçoit aucune lumière de la petite dissertation qui
précède. Quoiqu'elle émane d'un sièn-seng fort estimable,
ce n'est pas sur un pareil fondement que l'on peut établir
un système quelconque ; mais la modification profonde que
subit l'art de prononcer les mots, au premier contact de
l'écriture chinoise avec une écriture alphabétique, est un
fait de la plus grande importance; signalé moins explicite-
ment dans la préface du Dictionnaire de R'ang-hi , il mérite
de fixer l'attention des philologues.
De telles digressions , je n'ai pas besoin de le dire, seraient
en quelque sorte déplacées dans un ouvrage élémentaire ,
comme le Manuel pratique de la langue chinoise. En rédui-
sant à une étendue assez peu considérable et sous la forme
d'une introduction , la partie consacrée aux règles , M. Rochet
n'en présente pas moins tout ce qu'il y a de vraiment usuel
dans la Grammaire de M. Âbel-Rémusat. Les textes, quoique
reproduits d'après les imprimés du P. Gonçalveî'et de Mor-
rison, exigeraient, dans plusieurs endroits, quelques recti-
364 JOURNAL ASIATIQUE.
iicalions , et les phrases oe sont pas toujours coupées là où
eWes devraient Tétre.
Du reste, en signalant à M. Louis Rochet de légères
inexactitudes que Ton rencontre dans son Manuel, je partage
avec lui Topinion que les ouvrages élémentaires destinés aux
étudiants laissent beaucoup à désirer. Le Manuel qa*ll vient
de publier est d*un usage plus commode et vaut mieux sous
beaucoup de rapports. On doit savoir gré à Tauteor de lai
peine qu*il a prise; assurément, c*est un grand avantage que
de pouvoir étudier le kouân-hoà comme on étudie les langues
étrangères, par une méthode courte et abrégée.
Bazin.
Dictionnaire détaillé des noms des vâtements ghbs les Arabes,
ouvrage couronné et publié par la troisième classe de rinstitut
royal des Pays-Bas, par R. P. A. DozT, i vol. gr. in-8% de tiii et
446 pages. Amsterdam, Jean MuUer, i845.
Malgré les immenses progrès que la littérature arabe a
faits depuis quarante ans, il est certain que la lexicographie
ne s'est pas enrichie dans la même proportion que les
sciences historiques et géographiques. Nous ne possédons
pas encore un bon dictionnaire arabe; et cela n*a rien qui
doive surprendre , si Ton considère Texiguité des matériaui
que les arabisants ont à leur disposition. Des milliers de
manuscrits arabes restent enfouis dans les bibliothèques de
TEurope, de l'Asie et de l'Afrique, et ce n'est pas avec les
éditions d'une quarantaine d'ouvrages, généralement plus
importants par leur sujet que par leur étendue, que l'on
peut se flatter de donner un trésor de la langue arabe; c'est-
à-dire un dictionnaire qui, non content de déterminer le
sens exact de chaque mot, dans l'origine, nous fisisse con-
naître les diverses acceptions qu'il a reçues en AraUe, en
Perse, en Afrique, en Espagne, et qui, par des exemples
OCTOBRE 1846. 365
empruntés aux monuments littéraires des divers siècles,
nous trace l'histoire de chaque terme, en distinguant ^ d'une
manière précise , les sens propres à ce ternie , dans tel pays
de langue arahe, de ceux qu'il avait dans tel autre.
Mais, s'il paraît prudent 4^ renoncer pour le moinent à
composer un tel dictionnaire, on peut du moins faire avan-
cer la lexicographie de trois manières. La preiçière consiste
à donner des notes philologiques, en forme de commentaire,
sur- un ou plusieurs auteurs. Les modèles en ce genre ont
été donnés par Silvestre de Sacy , dans sa traduction d'Abd-
Allatif , et par M. Quatremère , dan* sa version de l'Histoire
des Mamlouks, de Makrîzi ; la seconde méthode consiste à
rassembler les mots relatifs à telle ou telle branche de con-
naissances ;4a troisième, à se borner au langage d'un seul
siècle ou d'un seul pays. Ces deux dernières n'avaient point
encore été suivies; mais nous possédons enfin', grâce à
M. Dozy, un spécimen accompli de la seconde, et il nous est
permis d'attendre de ce même savant un niodèle de la
troisième, daas un <lictionnaire de la langue des Arabes
d'Espagne et de Mauritanie , pour lequel il a déjà amassé'de
nombreux matériaux.
L'ouvrage dont nous nous occupons suppose les lectures
les plus variées ^t les plus étendues! L'auteur ne s'avance
qu'en s' appuyant, à chaque pas, suf un nojnbreux cortège
d'autorités : poètes, historiens, vpyageurs, lexicographes,
scoliastes; jurisconsultes, il a tout compulsé ,* tout mis à
contribution. Parmi les auteurs arabes dont il invoque le
plus fréquenmient le témoignage, nous citerons seulement,
outre les lexicographes , Djeuhari, Firouzabadi et Ibn Paris ;
les historiens Ibn Khaldoun, Ibn lyas; Novaïri, Maccari,
Makrizi, Soyouthi; les voyageurs Ibn Batoutah et Ibn Djo-
baîr; les commenlateiirs Ibn Djinni, Vçihidi et Tébrizi. Mais
l'ouvrage auquel il a fait les plus nombreux emprunts est
le texte arabe des Mille et une Nuits. Quant aux voyageurs
européens dont il cite l'autorité , le chiffre en est encore plus
considérable. On distingue , entre autres, Marmol, Cotovic,
vin. 24
366 JOURNAL ASIATIQUE.
HelUnch, Kœmpfer, Van Ghistele, Mantegazza, Wild, Dî^
de Haedo. Le Romancero de romances moriscos lui a fourni
plus d'une remarque intéressante; enfin, il reproduii sou-
.vent les définitions des dictionnaires espagnols de Pedro de
Alcala, de Cobarruyias, de Hierosme Victor et de César
Oudin.
Toutes les fois que les sources auxquelles il a puisé lui
en ont ofiert le moyen, M. Dozy a £iit connaître les direrses
modifications que telle ou telle pièce du costume arabe a
subies dans les diverses contrées musulmanes : en Espagne,
au Maroc, à Alger, à Tunis, en Egypte, en Syrie, en Andne,
en Perse, etc. H a déterminé, autant que possible, chei qud
sexe tel ou tel vêtement était particulièrement en usage,
quelles en étaient la forme et la matière. On cqpprend tout
ce qu'une pareille méthode a dû lui fournir de détails cu-
rieux et piquants sut Thistoire, Tesprit et les coutumes des
populations musulmanes. C'est ainsi qu*un passage de No-
vaïri, cité et traduit à la page 8, nous fait connaître les ha-
bitudes de simplicité d'un cadhi des cadhis de» Hanbalites, à
Dacmas; qu'un extrait d'Ibn Batoutah retrace les cérémonies
avec lesquelles les grands de la cour du roi d'Aïdedj , ville
du Louristan, portaient le deuil du fils de leur prince ^ ; que
quelques lignes de Makrizi* nous apprennent que, du temps
de cet*historien, le sultan d'Egypte s'était arrogé le mono-
pole des khilats ou habits d'honneur et d'autres objets '.
Ailleurs (pag. 270-276),' on lit un long et intéressant
morceau d'Ibn lyas , relatif à la fête qui se câébrait en
Egypte, parmi les gens du conunun, le jour du Neurouz,
» Pag. U-hS.
* Pag^. aao, aoa.
' M. Dozy fait sur ce passage la remarque suivante : «On voit, par œ
passage, que le sultan s*était arrogé le monopole des scherbousdbs.» Ma» je
ne puis croire que teUe soit la condusion à tbcr des paroles de BUriiL En
cfiPct, cet auteur dit plus haut : « LoJl j ^j»»Jj.JSljF JlIi^ Jl3*
i/sM.^=9jÀ] ; «mais (l'usage du) chcrboQch a été aboli sona la c
cassiennc. «
OCTOBRE 1846, 367
c'est-à-dire le premier jour de Tannée solaire des copies, et
qui offrait plus d*un trait de ressemblance avec la fête des
fous du moyen âge et avec le carnaval. •
Le livre de M. Dozy échappe < par sa formé même, à toute
analyse. Tout.c^ que l'on peut attendre de nous, c'est d'en
signaler les articles qui nous auront paru 4îgn6s d'une men-
tion particulière. Nous citerons donc, parmi les plus inté-
ressants, les articles jl^=j\ ^ ^j ^^, J>k>^^ *^>^*»
*jOb>9\ ïjMjSâ^, if^J'- Dans ces chapitt*es, ou dans d'au-
tres®, M. Dozy a rectifié diverses assertions peu exactes de
Silvestre de Sacy et de M1V(. Freytag et Quatremère.
Je n'autais donné qu'une idée fort incomplète de l'im-
portance de cet ouvrage , sous ^e rapport lexicographique , si
je ne mentionnais pas les notes nombreuses dans lesquelles
sont expliqués des termes de la langue arabe. Grâce à ces
notes, nous apprenons que les mots oUUtjl^ désignaient
« le palais du Naîh, a Damas * ; » que le mot <ljJ> ne signifie
pas seulement « un vêtement , » mais encore « line pièce
d'étoffe ^^; » que le .verbe j4^, suivi de la préposition cj,
signifie a dire à haute voix une chose ^' ; » que JalL exprime
l'opération de «coudre le cadaVre dans un linceul **..» Ail-
leurs, on voit que le mot jLiu, dans le langage aVabe du
Magreb, désigne«i° «une salle d'un palais destinée aux au-
' Pag. 95-99.
■^ Pag. 26^-262. . :
^ Pag. 262-278.
' Pag. 3 19-323. ■
' Pag. 327-33/1.
^ Pag. 365-371..
' Dans le sens de caleçon , pag. 395-399.
* Pag. 3oi, note, aux mots ïjy^x- ou iuLâX - 352, au mol Va5 ;
32^, aumot jLjÂfi.
^ Pag. 8,.note 2.
'° Pag. 20, note 1.
" Pa^. 27, note /i.
'■''■ Pag. 29, note 10. .
vin. 24.
568 JOURNAL ASJATIQUE.
diences ; s"" une partie d'un palais séparée du reste de Tédi-
fice; 3** Taudience publique; 4" une forteresse';» que
iS^j signifie «une couverture qu'on met sur le dos du
cheval ou du mulet*; » que le terme ^I veut dire : « une
sorte d'étoffe précieuse ou un vêtement de couleur';» que
la cinquième fôrnfe du verbe ^^ signifie : « se déguifcr, se
travestir *; » ct^^ « clouer un criminel sur une croix, cruci-
^£?r quelqu'un \ » Plus loin, nous lisons que l'adjectif J^
désigne «le camelot**,» et le mot ^J*»fi^t pluriel ^jwaJJIj»,
« un tapis grossier de diverses couleurs'. » De même que les.
articles auxquels elles se rapportent, toutes ces n^tes se re-
commandent par une érudition bien nourrie et une critique
judicieuse.
Jusqu'ici nous n'avons eu qu'à louer. 11 nous reste à signa-
ler, avec la même franchise, quelques imperfections de dé-
tail, inévitables dans un si vaste sujet, et dont aucun lecteur
équitable ne s'étonnera; Le moyen, en effet, de ne pas com-
mettre quelques inadvertances, quelques erreurs de lecture
ou de traduction , dans un livre où sont rapportés plusieurs
milliers dé passages arabes, empruntés, pour la plupart, à
des ouvrages manuscrits.
Dans un curieux extrait de Novaïri, qui raconte coniment
le sultan Aïoubide Almélic Almoaddham se défit d'un cadhi,
au moyen de vêtements empoisonnés, il faut lire (page 19) :
ibU c:>^a zjAc «^' iuuw, l'année 619, au lieu de . » .m j
jùU «XM»^ jfyic, l'année 719. Dans un passage du même
historien, cité page 29, noie 10, le mot jU^ est traduit
par prince; ne serait-ce pas plutôt majordome qu'il faudrait
' Pag. 42 y note 9.
^ Pag. 1 29 , note 3#
' Pag. i33, note 1, et pag. ai"].
* Pag. 168, note 1.
^ Pag. 269, noté 7.
• Pag. 828, note 1.
.'' Pag. 369-370.
OCTOBRE 1846. 369
dire? Ce qui peut le faire croire, cest que le personnage
.revêtu dé ce titre s'appelait jaâa anher, nom qui se donnait
quelquefois k des esclaves noirs \ Page 169, dans un pas-
sage d'Ibn Batoutah , il est question xle kheffs, ou bottines de
Borkhali ^Jv^jj. c'est-à-dire de peau de cheval, portées par
lé voyageur. Au lieu de Borkhali , je pencherais à lire (^jUlL
Bolghari. Ce qui me confirme dans cette opinion, o'est que,
d'après Makrizi (cité pag. 1 56), les émirs, les soldats et le
sultan lui-même, portaient, sous la dynastie turque (circaii-
sienne), des khoffs de cuir bolghari noir*. On lit dans un
passage d'Ibn lyas» rapporté page 289, que les femmes in-
ventèrent une nouvelle coiffure qui ressemblait à la bosse
d'un chameau. « Sa longueur était d'environ une coudée et sa
hauteur d'un quart de coudée ; on l'ornait d'or et de perles ,
et on dépensait pour cet objet des sommes considérables
iAj'^ j F^L. » M. Dozy, trompé par le masculin [yJtj,
employé abusivement au lieu du féminin ^j^jLjLj', a lu
^[yJLj en un seul noot, et, ce terme ne lui offrant aucun
sens, il a proposé d'y substituer jt^f, qu'il traduit par
«les ornements du derrière de la tête*.
' Voy. M. Qualremère, HisL des Mongob delà Perse, t. I , p. 896 , note.
' Deux de nos manuscrits d*lbn Batoutah (Ms. arabe n* 668 du supp.
f* 179 v°, et 671, f* 77 V*) portent jlt^ au lieu de ^Iâjj.
' i>«Ju se trouve' employé , dans le même sens , dans un passage de
Makrizi, cité pag. 283.
^ Dans un passage de Makrizi, transcrit pag. a Sa , on lit, en paijant de
la * ^'U? : iU_5'LkJt ^Jf^u>^ (J^j^^ V'^ Ji^O^ U^^L
jojJLj. m. Dozy a ainsi rendu ce passage : «La partie don haut était
ronde et le sommet était fait en guise de voûte. La takiyah était doublée de
morceaux de papier ; n et il a ajouté , sur cet endroit , la note suivante : «En
m*appuyant sur l'étymologie, j'ai traduit le pluriel ^L— À— Jl par le
sommet. » Je pencherais à lire encore ici ( ^j^i?A.Y ) j U*^V » *" 'i®" de
j LiJvj. En effet, en supposant même que le mot (J IaÂJvj pût avoir
le sens que lui prête M. Dozy, il resterait à en justifier Temploi , qui serait
tout à fait inutile après le comparatif IjtvjLcI. D'ailleurs, un de nos ma-
nuscrits des khilat (Ms. io5 de Saint-Germain) porte très-distinctement
24..
370 JOURNAL ASIATIQUE.
Page 281 , on iit une plirase du Habib assiar, de Khon-
démir, relative au sultan Alp-Apslan': « Il portait sur sa
tête, dit riiistorien persan, une tiare Mih .tellement haute,
que quiconque voyait le sultan évaluait o-ôljJu ^ à deux
aunes l'espace compris entre le sommet de sa tiare et le
bout de sa barbe. • Au lieu de c>-^i4V^J 4^ , imparfait du
verbe ,j-iXutl<>Âj (littéralement c^w/imar^, p«/are, arbitrari),
M. Dozy a lu cx-^it>Âjo^, qu'il traduit par « apercefôir, »
en disant dans une note : « Ajoutez lé verbe ^^y-Xiï IjJ^ aux
dictionnaires persans. » De plus , M. Dozy rend le mot
«uJ*Lf pai* « une sorte de ruban qu'on portait sur la lêle. ■
J'oserai ne pas adopter cette traduolion, et je croirais plutôt
que tdkieh désigne ici 0 une sorte de tiare, de bonnet haut,
en forme de pain de sucre, » et, par conséquent, semblable
au jJ:>^ des derviches. A la page 38 1, le surnom du cé-
lèbre Al Ghazzali est écrit deux fois Abou Hamil jULx ^f,
au lieu d'Abou Hamid.
Nous pourrions aussi relever quelques fautes de style, que
M. Dozy a, pour ainsi dire, avouées d'avance, dans sa pré-
face \; mais, la seule chose qui nous étonne ^ c'est que ces
fautes ne soient pas infiniment plus nombreuses. Elles ne peu-
vent d'ailleurs affaiblir la reconnaissance que nous devons, eo
qualité de. Français , à un savant étranger qui a bien voulu
faire choix de . notre langue pour écrire un ouvrage -capital
et destiné à servir de supplément à tous les dictionnaires
arabes , persans et turcs publiés jusqu'à ce jour.
^ C'est ainsi quon lit, pag. 171 : après s'en avoir couvert ; pag. 373,
note 10 : on 2e jeta avec des pierres; pag. 37/i , lig. 1 : et on Is jetait ovee
des œufs; cl, jmg. iià : des calottes qu'on aurait pris poor des
housses de chevaux.
C. Defrémery.
OCTOBRE 1846.. 371
EXTRAIT
IVUNE LETTRE ADRESSÉE PAR M. BLAND À M. TROYER , AU SUJET
DU VÉRITABLE AUTEUR DU DABISTAN ^
Monsieur,
Il paraît qu'il existe en ce moment deux opinions relatives
à la composition dii Dabistàn, à savoir : i° que Mohsan Fâni
de Kachmir en est l'auteur; ce qui éla(t la première suppo-
sition de Sir William Jones , suivie par Gladwin , mais affaiblie
par l'absence de toute mention de ce fait dans les mémoires
orientaux fournis par Erskine et par Sir Gore Ouseley;
3° Que Mohsan Fâni n'est qu'un poêle cité dans le Dabis-
lan , et que Zul Fikdr Ali al Huçaini a composé cei ouvrage »
ce qui est une supposition du molla Firoz, appuyée par la
citation_de Sir William Ouseley, citation qui est tirée d'i/n
manuscrit en la possession du professeur Haugliton , et par un
passage positif qui se trouve dansT^lr^tt Tazkirah, et que la
lettre de Sir Gore Ouseley a fait récenunent connaître.
Comme la citation de Sir William Ouseley ne contient pas
le nom entier, mais seulement Mobed Shah, je crois devoir
dpnner le texte de ce passage en entier avec quelques remar-
ques , le manuscrit dont il s'agit étant tombé dequis quelque
temps en ma possession. Ce manuscrit est un. in-folio de 458
pages, bien écrit en nestalic et richement illustré- par des
dessins coloriés, représentant les personnifications des sept
planètes du système sipasien. Ce môme manuscrit avait au-
paravant appartenu au gouverneur Duncan de Bombay. Sur
la feuille blanche il est écrit : « Dabistan ,. exemplaire correct, «^
et à la fin du livre :
' Voyez Journal asiatique, n" 17 de laninîc i8/i5.
372 JOURNAL ASIATIQUE.
^ iV^ ^silfc ^^y-**^ ^UjJt eijt-bl oM-^ jl c:>j^j^ ^jr^
u Ce livre, digne d*approbatiôn, nommé Dabistan» est une
revue des sectes et un mémorial des religions ; il est de la
composition du précepteur des individus qui s'occupent des
choses sérieuses et des subtilités , Mîr Zulfikar Ali el Hasaint,
surnommé Mohed Shah, A la date du a8 du mois de ramazan,
le béni, de Tan iai5 (A. D. 1800) , dans le port fortuné de
Suràt, et la transcription a été terminée par la main du plus
petit des - serviteurs de Dieu, savoir: le mounchi Ghoïam
Mohammed hen Mohammed DJamal, habitant du pays de Tatta. >
Ce manuscrit contient la note marginale à laquelle
M. Erskine fait allusion. C*est donc, sans doute, le même
que Téditeur du Desâlir vit à Bombay , et les deux autorités
sont'donc identiques.
Je possède un autre exemplaire du même ouvrage qui a
aussi appartenu à la bibliothèque du gouverneur Duncan,
mais le nom de Fauteur n'y est pas donné \'
J'ai un troisième Dabistan dans ma collection ; ç esf un
in-folio très-grand et splendidement écrit, qui finit par les
mots suivants : .
^L^*[ c;m^ (^ jUâjI^^ iaJ&MàO^ y„AB> c>^V *^P^ J^
c> 1) ^t> 4
a Ceci a été terminé par la faveur du maître généreux, à
* 11 y est dit seulement : Cette copie du Dabistan-i Mazaheb a été tenû-
née par KâchehtNâth, brahmane, le quinzième jour du ramazan, A. H. isoi
(A. D. 1786), dans la ville de Sialkut dans le Pendjab. On y Ut de fkaê
une note en anglais conçue en ces termes:' a très-incorrectement écrit,» à
quoi le dernier propriétaûre du livre', qui était un bon orientidistc, a B^oiilé :
« principalement dans les citations, arabes ; ■ ce qui est naturel dans la 1
cription faite par un Hindou. (Note de M. Bland.)
OCTOBRE 1846. 373
Ja claie du 2 a du mois de safar, le victorieux, le mercredi au
soir par Técrilure de Zul Fikar Ali.-rt Puis, après une des
Ibrmes accoutumées d'apologie pour Técrivain , on trouve :
M La copie du Dabistan des sectes est ïe produit de la composi-
tion de MoUa Mohammed Amin. »
Voilà donc un nouveau compétiteur *qui s'élèVe dans la
personne de MoUa Mohammed Amin, à moins que (ce que
l'exactitude générale de la copie et le précision observée dans
les termes ne nous permettent pas de faire ) , nous ne renver-
sions la thèse, prenant pour copiste- ce dernier, et -le pre-
mier pour Fauteur, et qu ainsi nous fournissions une nouvelle
preuve que Zulticar Ali est Fauteur de Touvrage.
Outre les articles qu'on lit dans lé Guli Ranaet le Madjma
an nefais on trouve une biographie de Mirza Mohammed
Mohsan, surnommé Fâni^ dans le Sakafl Ibrahim ^ ouvrage
estimable, dont un exemplaire, probablement unique « m'a
été obligeamment confié par M-. Ëlliot de Calcutta. Elle n'a-
joute que peu de particularités à celles qui sont déjà pubhées ,
et sa tendance générale est à l'appui de ce qui résulte deis
deux autres biograpl^ies.
On aurait pu s'attendre à ce que les notices du précepteur
de Molisan, précepteur appelé ici Yakub Sirafi, ou celles de
ses élèves Taher Gdari et HadjiAslem, lesquelles se trouvent
toutes aussi dans le Stihaf, fissent mention de Mohsan comme
l'auteur du Dabistan, mais aucune allusion à ce fait n'est
associée à sor^ nom.
Activement occupé , dans ce -moment » des J}iographies per-
sanes, voici ce que j'ai pu (recueillir dans différents ouvrarges
entre mes mains sur ce sujet. ' .
Plusieurs Fâni se " présentent dans différents tazkirahs ,
mais ils sont, pour la plupart, inadmissibles à cause de la
[)ériode à laquelle ils ont vécu , et pour d'autres raisons.
' Silvcstrc de Sacy , dans l'article Molisati Fâni de la Biographie utiiver-
scllc, l. XXIV, considère le liom de Mohammed comme ne lui appartenant .
I>as. Il lui esl cependant justement attribué, conforméjiient à plus d^iin auteur
oriental. (Note de M. Bland.)
374 JOURNAL ASIATIQUE.
Un molla Mohanimecl^, de Kaclimir, s* accorde, à plusieurs
égards, avec le caractère que nous cherchons , mais, comme
le Suliuf dit que le même article se trouve dans l'ouvrage"
de Siradjuddin, Tidentité, si elle eût existé, aurait été men-
tionnée
Aucun des poètes nombreux qui portent le nom poétique
iVAmin ne semble remplir les conditions requises ; on ne
trouve de Mobed ou de Mohed Schah dans aucune dés biogra-
phies que j'ai consultées, et le seul ZuJ^/rar Ali est le poêle
bien connu de Shirvân, qui est de quelques, siècles antérieur
à la période dont il s'agit.
Quant aux mots cXj J^^U i>«^ ♦ « Mohsan Fâni dit, » qui
sont omis dans Tédition de Calcutta , on peut faire observer
que le manuscrit de Haugliton conserve distinctement ces
mots à leur propre place précédant le rubâi cité; que dans
le manuscrit n° 2 de Duncan, ils. sont mis sur la marge,
mais , selon toul^ apparence , par la même main qui a écrit le
texte ; enûn que , dans le troisième exemplaire, ils manquent.
. Je puis ajouter que je possède un exemplaire des gliazals
de Fâni , dont le litre , écrit de la main du major Macan ,
porte: Collection estimable d'odes, far Mohsan, surnommé Fâni,
ou périssable, natif de Kachmîr, auteur du Dabistan ou Muza-
heb. Cette assertion, qui n'est ici appuyée par. aucune
preuve, ti'a naturellement d'autre poids que l'opinion de cet
excellent orientaliste, qui ne peut l'avoir adoptée que par des
raisons ordinaires, et qui a ainsi caractérisé. l'auteur qu'il
désignait. Comme mon manuscrit ne contient pas le divan
entier, il ne sert pas à établir si la citation dans le Dabistan
appartient réellement à.Fàni. J'ai * rencontré un distique,
qui semblerait être pris de ces odes, quoique je ne. puisse
pas le trouver dans mon exemplaire ; le voici ;
Le nom de Fâni parcourt les climats de la réputation , quoique
lui-mcmc ne soit pas allé du coin de Kaclimir \ Kâbul.
OCTOBRE 1846. 375
Ceci restreindrait les voyages de Fâni à une étendue beau-
coup moins considérable que celle que Fauteur du Dabislan ,
quel qu'il soit, indicjue dans sa narration personnelle, à moins
qu'on ne veuille appliquer littéralement cette expression à
Kâbul tout seul. Mon honorable ami Sir Gore Ouseley , dont
je déplore la perte» me montra un jour le passage qu'il con-
sidérait comme décisif pour la question. Je me souviens
qu'un strict examen des caractères du manuscrit, nous
convainquit, tous les deux, que le mot* était o^yo môhed,
et non jo^ mouyad. Dans ses notices, qui sont à présent
sous presse pour le Comité de traduction de Londres, on
verra qu'il a, plus tard, adopté la dernière leçon*. Celle-ci,
considérée comme donnant le nom de l'auteur que nous
chei'chons , ne reçoit aucun appui des biographies orientales
quoiqu'elles offrent plusieurs écrivains appelés Mouayyad ou
Mouyad. J'oserais donc avancer, comme une raison de préférer
la leçon j^y. au lieu de ooy» » que si cette dernière était adop-
tée , le mol schah semblerait se rapporter plutôt au rang de
souveraineté qu'au titre que les derviches adoptent souvent ;
mais alors, je pense, ils le placent rarement devant le nom:
cette distinction est aussi observée dans l'usage du- titre de
mirza. Nous avons, il est vrai, Doulet schah. Baba schah,
MoUa schah-; mais, de ces trois expressions, la première doit
être considérée plutôt comme un mot composé, et dans les
autres, schah est probablement le nom et non le titre.
MoÛa schah, au moins, le même avec lequel notre auteur a
conversé^» paraît sous la lettre chîn dans le Suhaf, ainsi 'que
dans le Riazat ul chouâra, «jardin des poëtesi » où il est dit
que schah est son takhallu^ (surnom).
Me sera-t-il permis de faire une supposition fondée sur là
comparaison ultérieure des trois manuscrits qui ont donné
lieu à ces remarques? à savoir, que, dans la dernière des
' \ oyez Journal asiatique, novembre i8^5, p. i^ii.
^ Ainsi que Fefimus, au lieu de Femoch. Mes trois manuscrits donnent
ifi^j^ Ferhôck, avec l'édition de Calcutta. (Note de M. Bland.)
' Voyez Dabislan, trad. angl. vol. III , p. 296.
376 JOURNAL ASIATIQUE.
lignes qui commencent par les mots ^ O toi dont le nom, et
qui finissent par ceux-ci : Le niohed est le précepteur de la
vérité et le monde une école, le mot mobed pourrait peat^tre
se prendre comme indiquant Tauteur, sinon de FouTrage
entier, au moins des vers cités. Cela s*accorderait à la fois ayec
la règle ordinaire de composition dans les gbazals ou easidafas,
et avec la supposition que il/oW ou Mobed scltâh a écrit le
Dabistan. H est probable cpie Fauteur a voulu commencer
avec sa propre poésie plutôt quavec une citation; et cet
argument a au moins autant de force que celui qui est tiré
des mots « Mohsan Fâni dit, • sur lesquels Tancienne hypo-
thèse était fondée. Il y a, dans d'autres parties <iu livre, des
vers de Mobed où le mot Mobed se trouve; mais, je croîs,
qu'aucun n'appartient à Mohsan Fânî. Dans le manuscrit de
Uaugliton, la ligne en question se lisait auparavant conune
il .suit:
Il est lé mobed de la vérité, ton précepteur, et le monde est
l'école.
Mais le premier mot a été effacé, sans doute à 'cause
du mètre, qui aurait pu être également bien ajusté par Tomis-
sion de o^t , comme dans l'eKemplairc imprimé. Le seins
pourrait alors être, si je ne me trompe, «0 mobed, EMéu
(ou la vérité) est ton précepteur, et le monde une école (ou
Ion école.) » Dans les deux autres exemplaires, la l^g;ne
commence par ces mots : o^^f o^î f«^ « «Dieu est Um
précepteur, » ce qui ne peut pas être autrem^ent traduit que
comme je le propose, à l'exception du mot mobed, qui parait
avoir été omis là à cause d'une difficulté apparente de pro-
sodie , si on conservait ce mot ainsi que l'annexe. Le chan-
gement en discours direct 'serait, sans doute, un peu brusque,
mais il est appuyé par un grahd nombre d'exemples, et je
pense qu'on éviterait une petite rudesse d'expression qui se
trouve en o^l' ^a, pris comme un n)ot composé.
' Voyez Dabistan , Irad. angl. vol. 1, p. i-a.
OCTOBRE 1846. 377
Un examen plus rigoureux des manuscrits pourrait peut-
être conduire à la découverte de Tobjet de nos recherches,
principalement dans les endroits où le mobed est cité, et dans
ceux où Fauteur parle de lui-même, et une comparaison mi-
nutieuse avec le texte imprimé pourrait Iburnir des variantes
pour expliquer quelques passages auxquels vous avez consacré
des notes dans votre traduction. Si le résultat de mes recher-
ches pouvait avoir quelque intérêt pour vous , je serais charmé
de vous le communiquer, etc.
N. Bland.
A Grammar of THE HindiIstAnî LAN6DA6B, io the oriental and ro-
man character, with numerous copper-plate iilustrations of the
pcrsian and devanâgarî Systems of alpbabetic writing ; to which
is added a copious sélection of easy extracts for reading , in the
persi-arabic and devanâgarî cbaracters , together with a vocabu-
lary and explanatory notes ; by Dgnçan Forbes, A. M. London ,
i846»,in-8^
J'ai lu quelque part que le docteur Gilchrist n était rien
moins que l'inventeur de la langue hindoustani. S'il en était
ainsi , il faudrait avouer que les linguistes sont doués d'une
puissance refusée jusqu'à ce jour aux potentats les plus cé-
lèbres ; et ce serait un phénomène éminenunent remarquable,
qu'un individu privé eût pu, dans les limites de sa carrière,
accomplir ce qui est toujours l'œuvre pénible d'une longue
suite de siècles. Ajoutons toutefois , pour demeurer ^ans les
limites du vrai, que l'écrivain auquel nous' faisons allusion
voulait bien convenir que le docteur Gilchrist était parvenu
à former une langue assez belle d'un jargon barbare qu'il
avait trouvé dans l'Inde. Malheureusement pour ce système ,
une multitude d'auteurs distingués ont écrit danà l'hindous-
latii le plus pur, fort antérieurement au docteur Gilchrist :
on n'a, pour s'en convaincre, qu'à ouvrir l'Histoire de la
littérature hindoui et hindoustani^ de M. Garoin de Tassy.
378 JOURNAL ASIATIQUE.
Le fait est que le docteur Gilchrist peut être regardé comme
Vun des principaux propagateurs de la connaissance de Thin-
douslani parmi les Européens, qu^^il a encouragé parmi les
natifs la culture de cette langue, qu il a provoqué des tra-
ductions,, qu'il a dirigé les premières productions typogra-
phiques, etc: en sorte que cet idiome lui doit réellement
beaucoup, non point sous le rapport de sa création, mais
bien sous celui de réludç. L'œuvre àe ce docteur a été coil-
tinuée par un grand nombre d^indianistes anglais, qui ont
travaillé à perfectionner cette élude *, devenue nécessaire pour
tous ceux de leur;» compatriotes, que la Compagnie appelle
dans les Indes , et rendue même obligatoire pour quiconque
aspire à un poste dans Tarmée. Mais la plupart des ouvrages
élémentaires se sont maintenus j'usqu à présent à un prix fort
élevé, à Texception delà grammaire d*Arnot,. actuellement
épuisée. C'est donc pour mettre Tétude de cette langue à la
portée de toutes les bourses , que M. Forbes vient de publier
sa grammaire liindoustani, qui, en moins de âoo pages,
comprend les cléments et la syntaxe raisonnée de celte lan-
gue en caractères liindo- persans et latins, une méthode de
lecture dans le système dévanâgarî , 80 pages de morceaux
choisis dans les deux systèmes d'écriture, suivis d'un voca-
bulaire et de notes explicatives , enfin deux planches pour les
caractères dévanâgarî., et quatorze pour exercer les étudiants
il lire et à écrire les caractères ta'lic.
■ Il n'en faudrait pas conclure, cependant, que, dans les
1 3o pages laissées à la grammaire proprement difci, M. Forbes
se soit contenté d£ donner de simples notions élémentaires;
son but a été d'initior les étudiants à Ja connaissance com-
plète et approfondie de la langue, cl de les meltre en état,
non-seulement d'entendre les livres , mais même de soutenir
des conversations avec les natifs; ce qui lui a im|K)sé robli-
gation d'enfrer dans des détails qu'on ne soupçonnerait |)as,
^ On doit' citer en première ligne M. Shakospear, uuteiir d*uii diction-
naire dont la quatrième édition est sous presse , et d'une grammaire dont b
cuufuième édition vient de paraître. On ne vit jamais |)areil succès.
OCTOBRE 1846. 379
au premier aperçu , dans un cadre aussi circonscrit ; car il a
eu à cœur, comme il le dit lui-même dans sa préface , de tirer
parli de l'expérience que lui ont fournie vingt années de
professorat. C'est ainsi qu'il n'oublie jamais de faire ressortir
les analogies qui existent entre l'hindoustani et les langues
angkiise, latine, française, <îtc.
La syntaxe surtout nous a paru traitée avec beaucoup de
soin ; M. Forbes a évité de Ta^tnalgamer avec la partie éty-
mologique, parce que, dit-il avec raison, il est tout à fait
absurde d'embarrasser l'étudiant avec une règle de syntaxe
lorsqu'il connaît à peine encore une douzaine de motS; Avant
tout, il veut qu'on entre dans l'essence de l'idiome que l'on
étudie : ainsi, il observe que dans Farrangeinent des trois
parties d'une proposition (le sujet , le verbe et le prédicat) ,
chaque langue a sa méthode propre et particulière. Dans
cette phrase, par exemple: «l'éléphant a tué le tigre,» le
sanscrit, le grec, le latin ont le choix de la position des mots;
l'arabe et le gaélic mettent d'abord le verbe, puis le sujet,
ensuite le complément; l'anglais et le français suivent Tordre
logique; mais l'hindoustani, comme le persan, commence
par énoncer le sujet; vient ensuite le complément, él le
verbe termine la proposition : ^ ^IS^Lo^^jjUi ^ ^^^sUft,
elephas tigrini occidit. Cette règle souffre, bien entendu, des
exceptions que l'auteur ne laisse *pas ignorer.
Nous regrettons qu'au chapitre de l'accord de l'adjectif
avec son substantif, M. Forbes n'ait pas parlé d'une partî-
cularilé que présentent, en ce cas, les adjectifs composés,
et qui peut offrir des -difficultés surtout aux commençants.
Cette particularité a été signalée par M. Garcin de Tas'sy,.
dans son Analyse de deux grammaires hindoustani originales
(Joam. asiat. janvier i838). Lorsqu'un mot est composé
d'un substantif et d'un adjectif, ce dernier dA s'accorder
avçc le substantif auquel le composé se rapporte*; ainsi, dans
cet exemple : 1^ 13^ iSj^^ " "" enfant dont la jambe est
cas^e, » criire fracto puer, L5^ , cassé est au inasculin, en
380 JOURNAL ASIATIQUE.
concordance avec l^ , enfant^ et non avec (^jXJi « jambe,
qui est féminin; c*est à peu près le nuda genu venatrix de
Virgile. Llexemple suivant est plus singulier : S^ (^^ V^
«une jeune fille dont le père est mort;> j;*^, mort est au
féminin en concordance avec Sj^^fi^» ^^ non avec ^If,
j)hre.
Il y a plusieurs points sur lesquels M. Forbes n*a pas craint
de s'écarter du système de ses devanciers , en présentant les
règles sous un nouveau jour. Nous avons remarqué surtout
son article sur la particule ^%ne, petit mot qui parait avoir
embarrassé de savants grammairiens; plusieurs d*entre eux
Vont appelé particule explétive, le considérant comme destiné
à corroborer le mode actif aux temps passés des verbes.
Mais M. Forbes démontre que ^, ne, est une véritable post-
position qui, jointe à un substantif ou à un pronom, forme
ce qu*il appelle le cas de l'agent. Son emploi est borné aux
temps passés des verbes actifs par une raison bien simple,
c'est que ces temps sont tous formés par le participe passé
qui, ainsi qu en latin et en français, a toujours la signification
passive. Ainsi celte proposition : j> l^SCj.^ \jS^iÀj\ ^ ^\
€ il a vu un chien » doit se traduire littéralement par ab eo
anus canis visas Juit; voUà pourquoi le verbe prend le genre
et le nombre du substantif que nous appelons complément;
comme ^<|.^o ^^J-*^ wli^t j ^j*#l «il a vu un renard •,
ah eo una vulpes visa fuit. (j^^X)^ {j^^^^ <-à(|i ^ ^1 « il a
vu beaucoup de renards», ab eo multœ vulpes visœ fuerunt.
Toutefois, ce qui s'oppose à ce qu'on mette ces temps passés
aa rang des verbes passifs , c'est qu'ils n en conservent pas
moins la faculté de régir leur complément à l'accusatif dé-
cliné, aussi .bien que les autres temps du verbe actif, auquel
cas le verbqk, demeure invariablement au masculin singulier.
Ainsi on peut, et, en certaines circonstances, on doit dire:
l^5s>3 yfj^^si A^ «nous avons vu le chiens, ^ ^ja ^\
fjU yi^i^j^ « cet homme a battu la femme , » ^j^^ ^ ^
OCTOBRE 1846. 381
"^^^j^^Uyij^^ « vous avez tué trois renards. » Ici le lîitin
se refuse à la traduction littérale qui serait : à nobis canem
visas est; ah isto viro fœminam cwsus est; à vobis très vulpecu-
las occisus est, A part le cas de l'agent , le français et les lan-
gues modernes de l'Europe auraient plus d'analogie avec
riiindoustani, puisque lé participe passé quitte sa significa-
tion passive pour prendre en conjugaison le sens et la puis-
sance active. La postposition 3, ne, ne s'emploie jamais avec
les temps présents ou futurs , parce que ceux-ci sont simples
ou* formés du participe présent, qui a toujours le sens aclif :
^ U^^^ J^Jv/^»j « il voit le chien , » hic canem videYis est\
^^LjuJ\ij\^^^j^l^^ J^ « nous tuerons des renards. »
Quant à la voix passive en hindoustani, elle diffère de la
noire en ce qu'elle «n'a. pas de régime et exprime purement
l'étal d'être. C'est sans doute la raison pour laquelle Muham-
mad-Ibrahîm Munschî, auteur d'une excelHhle grammaire
hindoustani imprimée à Bombay, soutient qiie cette langue
est privée totalement de passif, et incrimine le docteur Gil-
christ et M. Shakespear d'avoir avancé que cette voix se forme
en hindoustani par l'addition du verbe uv::^,j^/i4 «aller »
avec le participe passé; comme «il s'en alla battu» pour «il
fut battu. » Or le sens du verbe aller semble au bon Indien in-
conciliable avec l'idée d'être. Mais M. Forbes fait observer que
cette forme n'est pas si insolite qu'on n'en retrouve dés traces ,
même en latin. Ainsi cette proposition : «je sais que des let-
tres seront écrites » se rend fort bien par scio litteras scriptum
iri, où l'oin voit que le verbe ire entre comme auxiliaire.
Toutefois , il est juste de convenir que les Hindous se servent
assez rarement du passif; ils y suppléent, soit par les verbes
in transitifs, si nombreux en leur langue, soit par les verbes
afctifs, quand on peut les mettre à un temps passé.
Nous voudrions pouvoir suivre M. Forbes dans les nom-
breuses et savantes observations dont il a enrichi sa ^am-
maire ; mais il faudrait , pour cela , la reproduire presque en
entier. Nous l'engagerons seulement à corriger sévèrement
382 JOURNAL ASIATIQUE.
les épreuves dans une autre édition ; car il s'est g^sé, dans
les caractères exotiques, un certain nombre de fautes qui
ne sont pas consignées dans l'errala; et M. Forbes sait mieux
que tout autre combien il importe aux commençants de
n'être pas induits en erreur.
Bertrand.
Mâcrizt's Geschichte der Copten ( Histoire des Coptes , par Makrizi ) ,
texte arabe, publié d'après les manuscrits de Gotha et de Vienne,
avec une traduction et des notes, par M. Ferdinand Wûsteufeld;
extrait des Mémoires de la Société de Goêttingue. Goêttingue,
i8^5î in-4^ . •
Cette histoire des chrétiens coptes fait partie du grand ouvrage
de Makrizi consacré à la description géographique et historique de
rÉgyptc; elle offre le tahleau d'une population intéressante, sous
la domination romaine et sous celle des musulmans, jusqu^au
XV* siècle, époque où vivait fauteur. Une partie du texte avait été
publiée en 1828, par M. Wetzcr, avec une version latine. Le texte
reparaît ici plus étendu et plus correct; la version allemande est
exacte ; les notes renferment quelquefois des extraits d^autres ou-
vrages, et sont intéressantes.
(rRÂMMAlRE RAISONNER DE LA LANGUE OTTOMANE, Suivio d'un ap-
pendice contenant f analyse d'un morceau de composition otto-
mane , où sont démontrées les différentes règles auxquelles les
mots sont assujettis ; par James W. Rediiocse , employé au bureau
des interprètes du divan impérial ottoman. Paris, chez Gide et
c", libraires éditeurs, 5, rue des Petits-Augustins. Prix : 32 fr.
Nous croyons faire plaisir aux lecteurs du Journal asiatique en
leur annonçant que M. Freytag est -sur le point de mettre sous
presse une traduction latine du Ilamasa, accompagnée d*un com-
mentaire. M. Freytag avail annoncé déjà, dans la préface de son
cditiojbdu texte arabe de cette collection, quil s'occupait de ce tra-
vail, JKqucl il a consacré un grand nombre d'années, et qui fop
mora deux forts volumes.
OCTOBRE 1846. 383
Ramblbs and regollections of an iRdiAN OFFiciAL, by lieutenant-
colonel Sleeman. Londres, i844; 2 vol. in-8.
C'est un des meilleurs livres qui aient été écrits sur Tlnde. L'au-
teur est un des hommes qui connaissent le mieu^ ce pays et qui ont
le pfcs de sympathie pour ses habitants. Il a servi dans Tarmée pen-
dant \ai^ guerre contre les Mahrates, ensuite il a été administrateur
civil d'une partie du Bundelkund ; plus tard , il fut placé à la tête de
la police et des tribunaux spéciaux fondés pour juger les Thugs , ^t
c'est à lui principalement que revient la gloire d'avoir détruit cette
association monstrueuse. Son ouvrage est à peine un voyage , mais
il est infiniment plus instructif que la plupart des récits des voya-
geurs, qui ne voient guère que les curiosités et ce qui frappe les
sens dans les pays quils parcourent et qu'ils n'ont pas le temps
d'étudier. M. Sleeman nous fait assister à ses conversations avec des
hommes de tout rang et de toute caste, et nous développe leur ma-
nière de penser et de sentir, leurs intérêts, leurs superstitions , enfin
tout ce qui distingue une race d'hommes de toutes les autres ; il est de
l'école qui a produit Wilks , Malcolm , Elphinstone, Briggs, Shore ,
Prinsep, Elliot, des hommes qui ont profondément étudié l'Inde,
et qui ont appris à aimer et àr respecter un peuple que des observa-
teurs superficiels sont toujours portés à mépriser. Le grand défau
de son ouvrage est d'être publié avec un luxe qui l'empêche d'arri-
ver dans les mains de la plupart de ceux qui auraient intérêt à le
lire. Quand donc cessera-t-on d'étoufifer les idées sous le papier glacé
et sous les illustrations ?
La suite de l'article publié par M. Dulaurier sous le titre à^Étades
sur la relation des voyages faits par. les Arabes et les Persans dans ïlnde
et à la Chine, dans le 1%' siècle de l'ère chrétienne, suite qui embrasse
l'Inde continentale et la Chine , et qui a été annoncée comme de-
vant paraître prochainement, ay^nt été publiée dans le Moniteur
universel, n" des 3 et ^ oclobre dernier, le lecteur peut recourir à
ce journal s'il désire connaître la fin de ce travail.
384 JOURNAL ASIATIQUE.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
SÉANCE DU 1 1 SEPTEMBRE l846.
. Le procès-verbal de la précédente séance est \n ; la rédac-
tion en est adoptée.
On lit une lettre de M. Etheridge, qui adresse un exem-
plaire de Touvrage qu'il vient de publier, sous le titre de
The Syrian churches, their early kistory, etc.
M. le docteur Kurd de Sghloezer est présenté et admis
comme membre de la Société.
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ.
Der Fràhlingsgarten von Mewlana Abdurahman Dschami,
traduit en allemand. Vienne, i846, in-8'.
Par M. ËTHEBiDGE : The Syrian ckarches, their early hisiory
and literature. London , 1 846 , i vol. in-8'*.
Par M. DozY : Historia Ahhadidarum, Lugduni-Batavorum,
1846. in-4'. (i" volume.)
Par l'Académie der Wissenschaften, in S*-Pékersbourg :
Dos asiatische Muséum, parDorn. i vol. in-8*, i846.
Par Tabbé Bahges : Le Livre abondant, ou Histoire du Nil
bienfaisant, du cheikh E2-MenoUÛ. Paris, i846. (Extrait du
Journal asiatique.)
Par M. Dulaurier : Liste des pays qui relevaient de Vempire
javanais du Madjàpahit. Paris, i846, in-S**. (idem.)
Par M. Dulaurier : Lettre adressée au rédacteur da Journal
asiatique. Paris, i846, in-S"*. '(idem.)
Par M. Sedillot : Notice sur un ouvrage intitulé : Voyage
au Darfour, Paris, i846, in-8'. (idem.)
Par M. Graf : Moslicheddin Sadis Rosengarten^ traduit en
allemand. Leipzig, i vol. in-ia.
JOURNAL ASIATIQUE.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846.
NOTICES
Sur les pays tt les peuples étrangers, tirées des géographies
et des annales chinoises; par M: Stanislas Julien. .
(Suite.) •
JEÎL— /L/.
CIRCONSCRIPTION GEOGRAPHIQUE..
m est situé à igSo ils (iqB lieues) à Touest de
Ti-hoa-tcheou [Oaroumtsi). A Test, il s étend jusqu'à
Boro bourgasou et touche les frontières de Koar kfira
ousou.
Al ouest, il s étend jusqu'à ia rivière Tatas {Ta-
lus gaol) et touche les frontières des Khàsaks de la
droite, qui sont soumis à la Chiné.'
Au sud , il s étend jusqu'aux monts Célestes {Thien-
chan), franchit ces mêmes montagnes^ et touche
les frontières de Kou-tchë, deSairam et d'Akspa.
Au nord, il s étend jusqu'au lac Bal/cac/ii {Bdlka-
vin. 25 .
386 JOURNAL ASIATIQUE.
chi-naor) et touche les frontières des Khas(Jis de la
gauche.
Au sud-est, il passe le mont Borotoa [Borotoa tàk)
et arrive aux frontières de Pidchan.
Au nord-est, il s'éteind jusqu'à Borotala et touche
les frontières de Kout kara oasoa.
Au sud-ouest, il s étend jusqu'à Inggar et touche
les frontières des Bouroats. **
Au nord-ouest, il s'étend jusqu'à la rivière ^houî
( Tchoaî-gaol) et touche les frontières des Khasàks de
la droite.
.La distance d'ili à Péking est de i8to lis (i8a
lieues).
MÊME SUJET.
EXTRAIT DU SIN-KIANG-TCHI-LIO, LIVRE IV, FOL. 1.
Sous les dynasties des Hanjdi des fVeî, le terri-
toire d'//î appartenait aux Oa-sean; sous les Thahg,
aux Turcs occidentaux; sous les Ming, aux Qua-la
orthographe altérée du motoïrat). Les Oaorla [Oirats)
formaient quati^e tribus dont la principale était celle
des Tchohs; ce sont eux' qu'on appelle aujourd'hui
les Dcfwngars.
Dans la vingt-deuxième année de Khien-long
(1754), les Chinois soumirent les Dchongars et pa-
cifièrent le pays d'/K. Ce territoire commande à
toute la nouvelle frontière; c'est le plus grand des
centres de population qui sont au sud et au nord
des monts Célestes [Thien-chan).
Du nord à l'ouest, il est limitrophe du pays des
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 387
Khasaks;. de Touest au sud, il est limitrophe du
pays des Ehut [Eleuihs).
A Test , il est limitrophe de Tsing-Jijo qui dépend
dtOaronmtsi; au nom-est, il est limitrophe de la
station militaire d'Aroutsin dalan , qui dépefid de
Tarbagataî (en chinois Soaï-ising'tçJiîng).
Au sud, il est limitrophe de là tour militaire de
Gdktcha kharkkaïy qui dépend êtAksoa. "^ ■ '
De f est à Touest , il a environ i 5od lis ( 1 5o lieues),
et environ 1 1 oo lis du sud au nord. Le mont Mùasowr
s*élève au sud d7fe'; le mcHit Taîfcî le protège au
nord, A gauche, ïe mOnt Erm kkabirgan fotme sa
porte [sic) ; à droite , le mont Chantas lui sert de bar-
rière (ou de rempart). La rivière d7K coule entre
ces deux montagnes..
Au nord de cette rivière , on a construit nquf
villes où résident des garnisons de troupes impé-^
rialés avec leiu^ commandants. Il y a de vastes pâ-
turages. . -^
Au sud de la rivière d'Ili, se trouvent la résidence
et les pâturages des Ehat [EkuihsJ de Sibé.
■ < • «
VICISSITUDES DU TERRITOIRE D*IL)[j DÉPtJïiS l»AKTIQUIT)É
JUSQU'À NOS JOURS.
(THAÏ'THSfNG'I-TONG-TCHI,)
Sous les dynasties des Han antérieurs et posté-
rieurs, jusqu'à celle des Tsin inclusivement, JK. fai-
sait partie du royaume des Ou-seun.
25.
388 JOURNAL ASIATIQUE.
Sous les fVeï du nord, iJ fit partie des royaumes
do Youen-pan et de Kao-tché (des Oïgours).
Sous les Tcheoa, il appartint aux Toa-kioue.
Du temps des Souï, il apj^rtint aux Toa-kioue
(Turcs) orientaux 'et au royaume de Chi {Chi-koaé
— Thaclikend),
Sous les Thang, il appartint aux Toa-kioue de
Touest et aux Hoeîhou (Oïgoiu's.)
Il forma pltisieiu^s départements. Quand les hordes
de Toa-chi-ki , de Soko et de Mo-kia se furent sou-
mises aux Thang, leur territoire devint le département
du gouverneur général de Oaa-la [Oaa'lartoU'tO'fou).
Quand les hordes tiu'ques de Choa-ni-chi et de
Tchoa-p^n se furent soumises aux Thang, leur. terri-
toire devint le département appelé Ing-cha-tou-to-
fou ( ou département du gouverneur général de
Ing-cha),
Le territoire de Ki-pi-ia, tribu Oïgoure, devint,
après sa soumission aux Thang, Tarrondissement de
Yn-khi [Ya-khi'tcheoa).
Quand la tribif turque Chi-a-li-chi se fut soumise
aux Thang, son territoire devint; le département ap-
pelé Kie-chan-tou-to-fou (ou département du gouver-
neur général de Kie-chan). - '
Tous ces départements dépendaient de Pé-thing-
toa-hoa-foa ( c*est-à-dire du département du. gouver-
neur général de Pé-thing),
La partie occidentale était hahitée par les hordes
de ToU'ki'chi et d' 0a4chi-le ; elle appartenait aux
Toihkione occidentaux, au royaume de Nou-tchi-kien
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 389
(en arabe Nouchidjan) et au royaume de Chi [Ghi^koue
— Thachkend).
Sous les Yoaen (empereurs motïgois) , les rcMs
d'Armour (anciennement, on écrivait A-li-ma-li) y
avaient établi leur résidence.
Sous les Ming , il faisait partie du pays des Oïrats.
Sous îa dynastie actuelle, il correspond à lan-
cienne i'ésidence des Dchongars.
Dans la vingt-deuxième année de Kien-loiig (176 7),
les troupes impériales s étant mises en marche pour
châtier les rebelles, toutes les hordes (en dchongar
otok) vinrent à Tenvî au devant d'elles pour faire
leur soumission.
A la cinquième lune de la même année, Daoa-
atsi, leur chef, passa le fleuve avec environ dix
mille hommes. On le poursuivit et on réussit à Fat-
teindre. •
Un musulman, nommé KHodsis, du titre de Bek,
le prit et lofïrit (le remit) au général chinois. Ili
fut alors pacifié.
A la sixième lune, Amoursaha se révolta. Le gé-
néral Tsereng se mit à la tête d un corps de ti'oupes
et le poursuivit jusqu'au mont Talki{Talki'dahd).
Amoarsana s enfuit chez les Khasaks.
A la onzième lune, plusieurs Tàïdsi (princes) des
Dchongars, Ni-ma-khasa-ke-chora avec Bayar mah-
(jrïk,etc, excitèrent des désordres; «Le général Tao-
hoeï arriva de J'est au secours de ses collègues, livra
plusieurs fois bataille aux rebelles et les tailla en
pièces.
390 JOURNAL ASIATIQUE.
Dans la vingt- deuxième année, les généraux
Foudé et (il y a trois mots effacés) divisèrent leurs
troupes et marchèrent, Tun par la route du sud et
l'autre par celle du nord. Alors Amoarsana quitta le
pays des Khasaks. Fou-dé layant poursuivi, les£ha-
sacs se soumirent.
Amonrsana s'enfuit chez les Oros (les Russes). Le
reste de ses partisants fut successivement pris et mis
à mort. Alors Ili fut pacifié de nouveau.
Dans la vingt-neuvième année (i 764), on bâtit la
ville de Hoeî-youan [lU) au nord de la rivière d'iï,
et dans la trentième année, celle de Hoel-ning,
Avant cette époque , savoir dans la vingt-septième
année, on avait bâti la ville de Ning-youan.
Sur une montagne située à lest de la ville, on
grava, par ordre de l'empereur, en quatre écri-
tures différentes , deux inscriptions relatives à la dé-
faite des Dchongars et à la pacification d'iZi.
POSITION, CLIMAT ET SOL.
A l'ouest , la mer (le lac) de Loaî-tch4>a (Temour-
lou) ; au sud , Soa-le {Ehachgar) ; au nord, le désert de
Han-haî. (Extrait des Annales des Thang, Histoire
des Tou-kioué).
Ce pays est situé au nord des monts Célestes
{Thien-chan)\ par sa position avantageuse, il l'em-
porte sur les contrées voisines. Le climat est doux
et tempéré , la j)()pulation est nombreuse. Ses pro-
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. ** 391
duits sont aussi variés qu abbndafits. C'est Un des
plus grands centres au delà des frontières de Touest.
[Extrait An Hoâng-tchà(hsi-yu-ihoartcki.)
MOEURS.
Les Ou'Sean ne cultivent point lés terres ; ils ne
sèment ni ne plantent. Ils suivent leurs troupeaux
dans les lieux qui offrent de Teau et des pâturs^es.
Leurs mœurs sont les mêmes que celles de Hiong-
nou. (Annales des Thang, Histoire du Si-ju , ou des
contrées de Touest).
Les habitants sont nomades et cherchent les lieux
où Ion trouve de l'eau et des pâturages; Ils nont ni
villes ni enceintes de murs. Seidement, les musul-
mans (hoeï-jin) qui leur sont soumis (et habitent
leur territoire) se bâtissent des villes ^^ùivant leur
coutume, et y festent à demeure. [Hoatiq'tcliao-si'yur
thoa-tchû)
Hoeï-youan-tch'ingj ou la ville de Hoeï-youan.
Elle est située au nord de la rivière d'iZi (lU gaol).
Elle fut bâtie dans la vingt -neuvième anhée de
Khien-long (176 4). Sa circonférence est de mille lis
(1 Gô lieues). Elle a quatre portes. Celle de Test s'ap-
pelle King-jin; celle de louest, Youe-tse; celle du sud,
Sioaen-khaî; celle du nord, Khiem-nqan.
HOEi'NING'TGH'IWG.
Cette ville est située au nord de la rivière d'iii.
392 JOURNAL ASIATIQUE.
Elle fut bâtie dans la trentième année de Khienriony
(i y65). Sa circonférence est de 6 lis. Elle a quatre
portes. Celle de Test sappelle Tchang-^eî; celle de
1 ouest, Tao-fong; celle du sud, Thsun kouéi; celle
du nord, Tching-tclioa.
V
NING'YOVEN'TCH'ING.
Cette ville est située à 20 lis de la rivière d7C
(/{( gaol). Elle a été bâtie dans la vii^-^eptième
année de Khien-long (lySa). Sa circonférence est de
4 lis. Elle à quatre portes. Celle de lest sappelle
King-hio; celle de louest, Hoan-ing\ celle du sud,
Kia-hoeï-, celle du nord, Koaeï-ki,
SOUÏ'T'ING'TCH*ING.
Cette ville est située à MakharUk. Ellle Ait bâtie
dans la vingt-septième année de Khien-long\i'j5!Â).
Sa circonférence est de 4 lis. Elle a quatre portes.
Celle de Test s'appelle Jin-hi; celle de Touest, Lsi;
celle du sud, Li-kia; celle du nord, Ning-mo.
PAYS DÉPENDANTS D'IL/.
Bayan-taï ^ Au nord d'ili; il y a une colonie mi-
litaire.
OuKHARLiR^. Au uord d7Iz. Il y a une ville au nord
* Boy an est un mot dchongar signifiant riche, abondant: Ou est
chinois, et veut dire tour (turris).
* Oakharlik est un mot hoeî (turc oriental). Oukhar veut âin
cormoran; la terniioaisou /(7c signifie beaucoup. Ookhatiik signifie
(lieu) abondant en cormorans.
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 395
de laquelle sont situés deux canaux appelés Loa-tsao-
kiang (le canal des roseaux et des herbes) , et La-ma-
sse-Mang (le canal de la pagode des lamas). Près de
chacun de ces canaux ^ il y a une colonie militaire.
. Talki ^ Au nord d7K. Il y_ a une petite ville et
une colonie militaire.
Chabour tokhaï^. a i4o lis ( i4 lieues) au sud-
ouest d'Ili. Ce pays offre une suite de montagnes et
de vallées où Ton a établi des stations militaires.
BoRO tala'. a 3oo lis (3o lieues) au nord-est
d7/î. Ce pays est entouré de montagnes et de rivières.
Leau des sources est douce et la terre est fertile. Sa
situation est on ne peut plus avantageuse. Dans la
vingtième année de Khîen4ong ( 1 7 3 5) , le général Bandi
arriva jusqu'en cet endroit lorsqu'il marchait pour
châtier les Z)c/ionjar5. heurs tsaïr sang (administra-
teurs des oÈêks ou pâtiu'ages) se mirent à la tête de
leurs subordonnés et vinrent faire leur soumission.
Après la pacification d7K, Amoarsana s empara de
ce pays et y leva l'étendard de la révolte. Les géné-
raux 7 ser^njf, etc. marchèrent contre lui. Amoarsana
s'enfuit au nord chez les Khasaks. Dès ce moment
Boro tala devint une possession chinoise.
^ Talki est un mot dchongar signifiant an instrument de hois'
pour corroyer les cuirs. Suivant, le Dictionnaire Si-yu-thon^-wenftchi,
iiv. IV, fol. 19, )e sommet du moni TcXki ddba a la forme de cet
instrument. " v '
' Tohhaî est un mot hoeï (turc) signifiant une anse (angastus
aquae sinus). J*ignore le sens de chabour. .
^ Boro tala se compose de deux mots dchongars: horo, vetd, et
tala, champs, comme si l'on disait champs verdoyants.
394 JOURNAL ASIATIQUE.
Gândchoukhân. au sud-ouest de JBorotab. En 8*ëloi-
gnant de cet endroit dans la direction de l'ouest^ on
rencontre Chobotou; dans la direction du nord-
ouest, Kouke-tom (fcoafe, mot mongol,- fr2<?u; toi»,
item, petit pîc); dans la direction de Test, Cha-Ung
( c'est -h- dire le sommet sablonneux) , Dalanpi et
Dabtsigaî.
Dans les vallées profondes, on a placé partout
des postes militaires.
ÂLiMATOu^ Â loo lis (lo licues ) au nord dlli.
OuRTOt} GOURBI^. Â 1 /lo lis ( 1 & lîeues) au ncvd
d'JRc.
BoRo BOURGASou*. A 2 00 lis (qo lieues) au nord-
est d'/fi. Anciennement c était là qu'étaient les pâtu-
rages de Tangouté, Taïdsi (prince) des Khoaît La
vingtième année de Khien-long , ce pays se soumit à
la Chine. C'est la porte des firontièret orientales
d'/K.
DODRBELDSIN *. A 120 lis ( 1 2 licUCs) d7K.
KouNGGHËS^ A àlio lis (kk lieues) au sud -est
* Alima, mot dchongar signifiant /lomm^; toa, temûnaison adjee-
tive indiquant la possession : aîimtUottj qui a, cest^à-dire qai pro-
duit des pommes.
^ Ce nom se compose de deux mots dchongars: ourtoa, long, et
(fourbi, courbé, tortu, sinueux. Ces deux épithëtes s^appliquent au
routes de ce pays.
^ Mots dchongars: boro, verd, et ^ii^(uon> peuplier.
^ Ce mot est dchongar ■ et signifie carré. Suivant le EKct. Si^jm-
ihong-wen-tchi , liv.-I, fol. 7, ce pays a une forme quadnngiil^VB.
' Khoungghes est un mot hoeï (turc) signifiant tetre qui rUoiœ
sous les pas. La terre du rivage du fleuve Koangghss (Koungges gooL]
répond au bruit des pas; c^est pourquoi ce pays a été aipai 1
{Si-ja-thong-wcn-tchi, liv. 1, fol. 2 A.)
NOVEMBRE-DÉCEMiBRE*1846. 395
d'Ili. Le territoire est large et uni ; il est propre
à ragriculture et offre de bons pâturages. C'est le
pays le plus important au sud-est à'IlL C'était là
qu'anciennement les Dchongars, les Oaloat {Eleaihs),
et les Khorbos faisaient paître leurs troupeaux.
Khachi ^, Ce pays est au nord de Koangghes au- ,
quel il est contigu^il y a, en chinois, dont il est
rapproché comme ks thres le sont des dents). Sa po-
sition est tout à fait piM)resque.
Narat ^. Au sud d'IlL Dans le défilé qui est au
sud-est d7Zi, il y a une station militaire.
YouLDOUS ^. Au sud-est de Koangghes. On y ar-
rive en franchissant des naontagnes. De tous côtés i
ce pays est entouré de montagnes.
Il est abondamment arrosé et ofire d'excellents
pâturages. Anciennement , c'était là que les hordes
des Dchongars et des Keliyet faisaient paître leurs
troupeaux.
Khabtsigaï^. a iSoHis à Test àe.Yoaldoqs. Il y
a trois rivières de Khabtsigaï qui traversent et ar-
^ khachi est un mot hoeî (turc oriental] signifiant JourcîZ. Dans
ce pays, il y a deux montagnes qai se correspondent comme les
deux sourcils ; voilà pourquoi on Ta ainsi nommé. Nous ferons ob-
server qu en turc oriental, le mot khachi signifie aussi jai2e. (5r-^u-
thoug-wen-tchij liv. I, fol. 24.)
^ Narat est un mot dchongar signifiant ïéclat*d\i soleiL
' Yoaldous est un mot |||oeî signifiant étoile. Dans ce pays, il y
a beaucoup de trous de sources (en chinois dyeax de. sources) qui
brillent de loin comme des étoiles. (Si-yu-thongrwen'tchi, liv. I,
fol. 24.)
* Khahlsigaî est un mot (]chongar signifiant un chemin étroit entre
les m6iila(fncs.
396 JOURNAL ASIATIQUE.
rosent ce pays. Elles sont près des frontières de
Kharachar.
Dengnoultaî ^ A Test de Khabtsigaï. Les pays
précités forment les frontières orientales d'ili.
Khorgos^. â i3o lis (i3 lieues) à l'ouest d7fi.
11 y a une colonie militaire. En s*éloignant de ce
pays dans la direction de Touest, on trouve Kit-
sik, et Koaïtoun^; dans la direction du sud, on
trouve Dsiy an-fan (?- la preilfière syllabe est presque
effacée); dans la direction du nord -ouest, Boro
khoudsir'^y et Khonggor oloang ^. Tous ces pays forment
les frontières nord d7{i; chacun d'eux a une station
militaire.
Khatao^'. Au nord d'/îi. En s éloignant de cet
endroit dans la direction du nord-est» on trouve
Mogaîtou "^ et Dchekde ^ \ dans la direction du nord
^ Dengnoul est un mot dchongar signifiant un tertre verdoyant (sur
le bord d'un fleuve] ; toi est une terminaison adjective indiquant
ia possession.
' Khorgos est un mot dcbongar signifiant .5ttfrcit5 relictum in pus-
cuis. Anciennement , on écrivait kholokhos.
^ Kouîtoun est un mot mongol signifiant/roi(2 (firigidus).
^ Boro, mot dchongar signifiant vert (viridis)\Kkottdsir, sel, en
mongol.
^ Klionggor, jaune, en dchongar ; oloang, herbe tendre , en mongol.
^ Khatao, dur, en dcbongar. Ce pays est rempli de pierres; In
chevaux et les chameaux y marchent. difljcilement.
^ MogaXtou, mot dchongar: Jlfo^arj^^ serpent^ tou, terminaison
adjective indiquant la possession ou rexistcnee [Serpenter hahens^
ou bien (regio) nhi sunt serpentes.)
^ Dchchde, mol hoeï : jujubier, do i'espbci* appelée eu chinois
r7ta-/5ao (m. t\ m. jujubier dc3 sables).
NOVEMBRE DÉCEèlBRE 1846. 397
ouest , on trouve Yamlek^j Tchatcken kharà^, Khara
tala (lisez Khara taP), Dahn khoadouk^, e\ Toboro,
Anciennement, c étaient les pâturages dies hqrdes
des Dchongars et des Erketen- -
Au nord, on trouve Kouke^tchel^ et Tougoarik^.
Ces deux pays o£Brent des plisdnes unies où Ton peut
faire halte et laisser paître lés troupeaux.
KouRTOu''. Au sud de la rivière d7/i; ancienne-
ment, c était en cet endroit (jue les hordes des
Dchoxigars et des Boukous 6aisaient paître leurs
troupeaux.
GouRBAN ALiMATOu *. A Vest de Kowrtou.
Anciennement, cétait la résidence des chefs (des
hordes) des Éleuth et des Noyais: .
* Yamlék, mot hoeî signifiant cùlUr une chose çLvec de la colle.
Dans ce pays, il y a deux frontières qui se touchent. {Si'jru^thong-
u?e/i-tc/ii, liv. I, fol. 2 4.)
* Tchatcken khara. En hoeï (turc oriental ), (fcafc^^/i signifie c&p-
vea-, et khara, noir.
^ Khara tal, inot*hoeï : khara , noir, et tal, saule. {Si-jru-thong-
î£>en-/cfci, liv. I, fol. 26.)
^ Dalan khoudouk, mot dclv>ngar : Dalan si^ïûe soixante et dinc ,
khoudouk vent dire puiti. Il y a beaucoup de puits entre les mon-
tagnes. * . ,
* Kouke tchel, mot mongoW Koukt , bleu, ichel» terre nue,
sans herbe. Les sables sont bleuâtres et ne produisent ni herbes, ni
arbres. ^ .
* Tougourik, mot mongol signifiant rond. Ce. pays a une forme
arrondie. (5(-j'u-f/ion^-w^w-teài, liv. I, fol. I.)
^ Koartou^ mot dchongar signifiant neige accumulée,
^ Gourhan,en dchongar, signifie trois; alimalou yéut aire qui
aJ.es pommiers [alima, pomme). Pans ce pays, il y a trois vergers
de pommiers.
398 JOURNAL ASIATIQUE..
Talagar ^ A lest à'Alùnatoa. A Test* on troure
encore Tourguen^, Gourbantchabidar^^ Gaarbmdnadr
sigai", Talasïk^ et Chatoa^.
A Touest, on trouve Koarmetou'^, Gowrhan kousM-
tàt^ et Gourban sari ^.
Tghoundsi^^ a 3 00 lis (3o lieues) au sud-ouest
d7/i.
Au sud-ouest, on trouve encore Tanikha, Te-
> Talagar est en mot dchongar signifiant larges steppes [ak Ton
peut faire halte et laisser paître les troupeaux).
' Tourguen, mot dchongar signifiant rapide. Ce pays est litii^
entre deux bras de Ylli gaol inférieur, dont le cours est trè*-ra|Hde.
^ Gourion ichabidar, expression dchongare: gourban, trois, tdta-
hidar, cheval à crinière argentée (blanche). Dans ce pays, il y a
trois pics dont la forme et la couleur ressemblent à une crinâre
blanche. (Si-ya-thong-wen-tchi , liv. I, fol. 38.)'
^ Gourhan chadsigaXi expression dchongare ; de 6oar&ait« trais,
et chadsigaî, une pie. Paus ce pays, il' y a trois pies dont la oonlenr
est entremêlée de noir et de blanc, comme celle d*une pie. (Dict
Si-yu-thong-wen-tchi, liv. I, fol. 28.)
^ Talasik, expression dchongare; de taîa, champ uni , et de ni.
terminaison diminutive , comme si Ton disait le 'plus petit de foit
les champs.
^ Chatou, mot dchongar signifiant une échêUe, Alioaùm aoi
chemins taillés en escaliers pour gravir les montagnes (de ce pays).
^ Kourmetou, expression mongole; de kourme, petites {HerreSi et
iou, terminaison adjectîve indiquant la .jpossession ou reziatence
(pierreux).
^ Gourhan khousoutaî, où il y a trois bouleaux; expression dchon-
gare; de gourban, trois, khoason, bouleau, et taî, terminaison ad-
jective.
^ Gourban sari, expression dchongare; de Gourban » trois, et sari,
cuisse de cheval. Dans ce pays, il ya trois montagnes qni ont cette
forme. (Si'yU'ihong'U>en'tcki, liv. I , fol. 29.)
^® Tchoundsi est un mot mongol signifiantiin^ tour.
NOVEMBRE-DÉGEMBRE 1846. 399
inourlik^y Gaégen, Khoutookhaî^y Ofkltodchou^r et
Kharkira. Les montagnes et les collines se •succèdent
alternativement; çn y a établi une ligne de postes
militaires. •
Telles sont les frontières sud-ouest Sïlu Après
avoir franchi les montagne^ du côté du sud, on
arrive aux frontières de Saïram, habitées par des
hordes de Hbeï.'
KouNASAR^ A 200 lis au sud d7K. Plus loin, à
l'ouest, on trouvp Oulan khàlga\ Dsirgalang ^ Tour-
guen atcha ^, Gourban dchergués'^. Sur les frontières
^ Temourliks abondant en fer; mot dchongar; dé temoar, fèr, et
lik, beaucoup.
Lïk est aussi une terminaison adjectiye» koeî, ayant la valeur
de tcû ou de tou en mongol. Dans ce cas ,• temourlik signifierait
qui a, c'est-à-dire qui produit du fer, oh il y a dufér. H n'est pas
rare de rencontrer des noms de pays dont les éi<^ment8 appar-
tiennent à deux langues diSérenieB. (Si'yu'ihong''weii-tchi,\iY, I,
fol. 1 4; et IV, fol. 17.)
' Kkoutoukhaî, mot dcbongar sigeifiant beureux, de bon au-
gure.
^ Kounasar epi un mot boeî composé de houna , ancien , et de sur,
ville.
* Oulan hhalg a \ieni de deux mots dcbongars : oulan, rouge, et
khalga, route. La terre de ce pays est presque rouge. [Si-yu-thong-
tufw-tc/ii, îiv. I, fol. 3o.)
^ Dsirgalang, mot dcbongar : bien-être, contentement Ce pays
offre des eaux et des berbes abondantes ; on est beureux d*y de-
meurer. (5i-j/'u-t^oii^-u>fli-tc/«, liv. I, fol. 5o.)
^ Tourghen atcha, expression dcbongare; de tonrguen, rapide*
impétueux, et de atcha, bifurqué. Les eaux du fleuve (d'/Zi) sont
très-rapides; arrivées, à cet endroit, elles se divisent en deux bran-
cbes, (Si-yu^tliong-wen-tchi » liv. I, foi. 3o.)
' Gourban dchergaés; de deux mots dcbongars : gourban, trois,
#.
400 JOURNAL ASIATIQUE. ,
de Test, s élève ]e Moasour aoîa^, qui fait partie des
monts Célestes {Thien-chan),
Archatou ^. Sur le bord sud-est du lad Toaskml '.
A lest de ce pays, on trouve Tebke^ et Yethous *;
Au sud, Dchojokha^ IlqatsV et Ba^oan^; à Touest,
Tamara ^, Tosar ^®, Tonnq ^\ Ak$ai ^*, Khonggor
Qt dchergués, réunis ensemble. Il y a trois ôvièreiqai se rëanîsieiit
et coulent ensemble.
^ Monsonr aola. Le premier mot est hoeî et signifie glace;, le
second est mongol (montagne).
' Archatou s mot dchongar signifiant qai a, oà ii jr a une 5oarcf
chaude: de archa, Source chaude, et tou, terminaison indiquant la
possession ou Teiustence.
3 Tottskonl; de tous (mot bourout) , sel, et koul (mot hoeî), lac.
On recueille du sel sur les bords de ce lac.
^ Tehhe, mot dchongar; pièces en os ou en corne placées aux
extrémités de Tare pour y attacher la corde.
^ Yetkous, mot hoef signifiant donner, offrir (quelque chose).
^ Dchaohha , mot dchongar : excavation en terre pour établir un
ibycr; en chinois, isao-khan, foci fossa; en mongol , 'JcAoo signifie
un four à tuiles ou à poterie.
^ Ilgatsi, mot hoeî, un pasteur. Si-yn-thong-wen-tcki, liv. I, fol.
32. Au liv. III, fol. 3, le même ouvrage explique ainsi ce mot
hoeî : ilga, hangar où s'abritent ceux qui font paître les chevanx,
et tsi, particule qui indique un homme (comme si Ton disait les
hommes des ilga, qui se retirent sous les ilga, et par conséquent
ceux qui font paître les chevaux).
" Balfjouny mot hoeî; saule rouge (à fleurs rouges?) qui croit sa
milieu des montagnes.
^ Tamaga, mot dchongar; empreinte ou cachet qu*on applique,
avec un fer chaud , sur la peau d'un cheval ou d*un chameau.
'^ Tosar, mot hoeî; sorte de petite garnison (pour empêcher
d^cntrer dans un lieu ou d'en sortir). Jadis, il y en avait.une dans
ce pays.
" Tonng , mot hoeî; terre dont la surface est dure et solide.
*^ Ahsaîy mot hoeî, composé de ah, blanc, et de soi, pierres sa-
blonneuses.
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 401
oloung^, Kochigar^y Youl arik ^\ Chibartou^ et Kho-
Ces pays sont situés près des deux* rives du lac
Touskoal.
TcHOuï^. Au nord-ouest d'Ili. Ce nom est celui
du pays au nord-ouest du lac Touskoul , sur une
largeur de 5oo lis (5o lieues).
Il est abondamment arrosé et offre dé belles prai-
ries. Il convient à la pâture des troupeaux.
Au nord-est , s élève le mont Argaïtou aola.
Plus loin , au nord , il s étend au delà des mon-
tagnes et touche les frontières des Khasaks de la
gauche.
Salkitou'^. Sur le rivage sud de la rivière Tchouî.
A louest, on trouve Chamchpj Guegetoaboalana^,
' ^ Khonggar oloung, expression composée de khonggar, jaune (en
dchongar)f et de oloung, herbe tendre (en mongol). La terre est
jaunâtre.
* Kochigar, mot hoeï : un bélier.
' Yoal arik , expression hoeï , composée de youl , arracher un
arbre, et de' arik, un canal. Peut-être quen cet endroit on a ar-
raché des arbres pour ouvrir un èanal.
* Chihartou, mot dchongar signifiant boueux, limoneux; dechi-
har, boue, et de tou, terminaison qui signifie ayant (kahens),
^ Khocho, mot dchongar : museau d'un animal.
^ Le mot tcliouî est dchongar; il signifie eau trouble et jaune,
^ SaUâtou, mot dchongar; de salki, vent, et de iou, finale signi-
fiant qui a, ou il y a. Ce pays est situé entre des montagnes; il est
trëa-exposé aux vents.
^ Chamchi, mot hoeï : ivraie (qui pousse dans les champs de riz).
* Guegetou boulana, expression dchongare; de guegetou, éclairé,
exposé au jour, à la lumière, et de boulana, silo pour conserver
du riz.
VIIT. 26
402 JOURNAL ASIATIQUE.
Achitoa^, Dabousoutou^, ArtcTiaktou^, Han bachi^,
Kounouksar^, Sogolouk^^ Khara halton'', Gonrban Idia-
natou^, Achi bouri^ et Khorcjon^^. Anciennement, ce-
tait la résidence de plusieurs chefs de la tribu des
Dchongars, nommés Nome khoudsirgar Batonr onba-
chi, et Khotoang mécjaen.
Inger^^ (lisez /njfjfar). a environ qoo lis (20 lieues)
au sud-ouest du lac Tonskoul. Plus loin, à l'ouest,
on trouve Bedelik et Édemek, En franchissant les
^ AchUou, mot bourqut, signifiant sommet Ce pays est sitaé dans
une Tallée, entre des sommets élevés.
^ Dahousoutou, mot dchongar; de dabousou, sel, et de itm,
signifiant qui a, oh il y a. On recueille du sel dans ce pays.
^ Artchahtott, mot dchongar; de artchak, pin, et de foa, finale
signifiant qui a, oà il y a.
* Ihm bachi, expression hoeî; de ilan, serpent, et de bacld, tèie.
Dans ce pays, il y a une montagne dont le sonmiet ressemble k la
tête d'un serpent.
} Kounouk sar, expression khasake , formée de kounovk, tube de
cuir qui sert à boire du lait, et de sar, poser, placer (une chose).
* Sogolovik, mot hoeî; de sogo, seau taillé avec un seul bloc de
bob, et de huk (synon. de lik)^ finale signifiant qui a (habens). Ce
pays produit de gros arbres avec lesquels on peut faire de ces sort»
de seaux.
^ Khara haltou; de khara, noir (en mongol), et de haltou (en
khasak), hache.
^ Gourhan khanatou, expression dchongare; de gourhan, trois, et
de khanatou, piquets qui servent à soutenir les quatre coins d*iine
tente. Dans ce pays , il y a trois endroits où Ton peot établir des
tentes (camper).
^ Achi houri, expression hoeî signifiant'un loup affamé,
^<* Khorgon, mot hoeî : une* tour (turris). Anciennement , U y en
avait une dans ce pays.
^^ Inggar est un mot bourout signifiant vaincre. Jadis les babituti
remportèrent une victoire signalée sur leurs ennemis.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 403
monts, au sud dUnggar, on arrive à la ville d'Oacftî,
qui appartient aux tribus Hoeî.
Talas^ (81) à l'ouest d'J/i. Anciennement, c'était
là que les hordes des Dchongars et des Doarbets
faisaient paître leiu^s troupeaux.
A louest de ce lieu , on trouve Oalem moanar^, et
plus à louest, Sarbagachi ^.
Au sud, après avoir iranchi les montagnes, on
pénètre jusqu'aux frontières des Bouraats, qui sont
soumis à la Chine.
POPULATION.
La garnison se compose de 6,384 soldats Man-
dchous et Mongols; de i,ooo soldats de Sibé; de
1,000 soldats Solons et Dakhours;de i,8oo soldats
Tchakars, et de 3,ooo hommes de la bannière verte.
On compte 3,i i5 Éleaths, dépendants des Kocliots,
et 25,595 ÉleuihSf dépendants des Tourgouts, qui
élèvent des troupeaux et cultivent les terres; 6,4o6
familles musidmanes forniant ensemble 2o,356 in-
dividus, 71 familles duT peuple (209 individus), et
^ Talas, mot dchongar signifiant vastes steppes.
' Oulem mounar est composé de deux mots hoeî: oalem > haut,
élevé, et mounar, tour (turris). Sous la dynastie des Thang, c'était
là qu'était située ia viilç de Ta-lo-sse ( Talas)^ qui était le rendez-vous
des marchands étrangers du royaume de Pi. (Si-yakhong-wen-tcKi,
liv.I.fol. 38.)
^ Sarbagachi j mot bourout, composé de sar, battre, percer (ou
tuer), et de bachi, poignet. On rapporte quen cet endroit les Hoeî
repoussèrent les Bourouts, Les ennemis furent battus et couverts de
blessures.
26.
a04 JOURNAL ASIATIQUE.
a 44 condamnés qui sont exilés dans la province
d7/î. Total 69,109.
MÊME SUJET.
EXTRAIT DU SIN'KIANG-TCHI-LÎO, LIVRE IV , FOL. 2.
Le camp tartare de la ville de Hoeî-yoaen (Ili) ren-
ferme 22,600 soldats; celui de la ville de Hoêî-ning,
i3,34o; le camp (des Mongols) de Sibé, 19,200;
celui des Solons, i/i,5oo; le camp des Tchakars,
11,70©; celui des Éleuths, 26, i 00; le camp des
Chabinars, 9,800; celui de la bannière verte, 1 0,700.
Il y a, en outre, 34,ooo hoeî-tsen (musulmans),
sans parler des gens qui vont et viennent, et dont
le nombre varie constamment. Totd, iGi,6/iO.
C€tte population est plus de cinq fois supérieure à
celle qui habitait le pays à Tépoque de la pacifica-
tion dlli.
TERRES ET IMPOTS.
THAÎ-THSING-l-TONG-TCBl,
Il y a 5,58o arpents de terre cultivés par 2,5oo
colons militaires et 49 condamnés. Les terres ap-
partenant au peuple forment 6,821 arpents, dont
l'impôt en grains s'élève à 35 1 chi 2 teoa et 8 ching
(le cki pèse 1 20 livres chinoise^ et renferme 1 o teou;
le ching est la dixième partie du teou ou boisseau).
Les (6,Ao6) familles musulmanes (composées de
20,356 individus) payent, en grains, un impôt de
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 405
9,600 chi (9,600 boisseaux, ou 1,132,000 livres
chinoises) /et en argent 160 Ucaiget 6 mas (1 20A fr.
5o cent.).
FORTS.
Il y a huit forts sur les frontières sud d7K, sa-
voir : i"" Ilidi-taï; 2** Batou monghe-taï; yKliaïnouk-taî;
k'' SogoMcii ; b'^Bor-taî; 6"" Khonakaî-taï ; ^^Téke$'taî;
8° Chaton aman4aï.
Il y a quatre forts sur les frontières du nord, sa-
voir : 1° Talki uman-taï; 2° Bortsir-taî; 3° Bordchoî-
toa bom taï; 4° Khousoa boalàk-taî, [Tal est un mot
chinois signifiant <oar.) -
Sur les frontières d7/i, il y a 26 stations mili-
taires.
, MONTAGNES.
AboaraU aola. Cette montagne est située à Test
d'Ili. Elle se sépBveà^Ebtoadaba^, tronc principal
des monts Célestes [Thîen-chan), ,et s'étend oblique-
ment au nord-ouest. Elle est entourée (en partie)
parles rivières KhachigaoP et Koungghés'^ gaol: c est
la barrière ouest de la ville d7Zi.
^ Mot dchongar qui signifie aimer. Cette montagne est unie; on
la parcourt avec autant de facilité que de plaisir.
^ Mots dchongars; daha, sommet, et «6tou, commode. Lea sen-
tiers de cette montagne sont unis et commodes pour les voyageurs.
^ Mots hoeï (turcs) : gaol, rivière, et khachi, sourcil. Il y a deux
montagnes qui se correspondent comme les deux sourcils. Cette
rivière sort du milieu de ces deux montagnes*
* Mot turc: koangghés, terre, sol qui résonàe sou3 les pieds.
Les deux rives de cette rivière résonnent sous les pieds lorsqu*OD y
marche.
406 JOURNAL ASIATIQUE.
Dans la viiigt-huitième année de Khien-long (en
i€63), elle fut mise au nombre dés mont£^es aux-
quelles on doit offrir des sacrifices annuels , et l'on
rédigea le texte officiel des prières que Ton récite
en cette occasion.
Observations. Les montagnes qui s'élèvent sur les
frontières orientales de la ville Hli (comme Bokia
aola^, Dcherges^ aola, Kliatoun^ bokàa^aola, Erin
khabirga^ aoh), touchent toutes les frontières de 7ï-
Jtoa-tcheou [Oaronmtsi).
Les monts Khara gow)^an aola ^ et Boro * bourgasou
daba, touchent les frontières de Kour khura oasou''.
Les montagnes qui s'élèvent sur les frontières sud-
est d7/î, comme ïe Narin kira tak *, le Khaîdou
^ Aola, montagne, en mongol. Bokàa^ mot dchongar signifiant
divin, saint; montagne sainte, montagne divine.
* Mot dchongar : rangé, placé Tun près de Tautre. Les pics de
cette montagne, depuis les plus élevé? jusqu'aux pins bas, sont
rangés sur la même ligne. .
^ Mot dchongar signifiant la femme d'un homme iUastre, Le Bokda
aola est un pic extrêmement élevé , et le Khatoun hokda aola semble
être sa compagne. ,
^ Mots dchongars : erin, couleur mélangée; hiUAirga, côtes. Cette
montagne se compose de pics qui sont des rameaux du Bohda aoLu
Ils sont disposés à droite et à gauche comme les côtes du eoips
humain.
^ Goayan, mot dchongar signifiant cuisse. Depuis la ceinture de
la montagne (aola) jusqu'au bas, les pierres sont d'nn noir foncé
[khara).
^ Mots dchongars: hor9, vert; hoargasou, saules; daba, montagne.
Il y a beaucoup de saules sur cette montagne.
^ Kour, mot dehongar, neige accumulée; hhara, mot i
noir; ousou, mot mongol, rivière.
^ En dchongar, narin signifie .petit, et hira, arête d'une
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 407
tafc^ le Dalan daba^, le Bdilak tak^, et le Khan teng-
gueri aola^, touchent les frontières de Khara char^ et
de Koutche ^, qui sont habitées par des tribus hoeî
ou musulmanes. Comme elles sont décrites chacune
à leur place respective , nous ne nous en occuperons
pas ici afin d éviter les répétitions. Il nous suffit,
pour le moment, de les citer sommairement.
TouRAÏ AÏCouN aola'^. A loucst de la tille d'fli,
sur le rivage méridional de la rivière d'Ili (Rigaol).
BouKHA AOLA ^. A 1 oucst de la ville d7/i, sm^ le
rivage méridional de la rivière dlli [Ili gaol).
On lit dans les Annales des' Thang : a A Touest
de la rivière I-lie, le khan de Toa-loa a établi sa
tagnc; tak, mot turc, montagne. Gomme si Yen disait: la montagne
à petite arête.
^ Khaîdou, mot turc signifiant couM, sinueux» La rivière qui
sort du pied de cette montagne fait beaucoup de détours. ^
^ En dchongar dalan signifie soixante et dix. Cette montagne offre
une multitude de pics groupés ensemble : cette expression indique
sommairement leur nombre.
^ Baîlak, mot hoeï signifiant homme riche; tak, mot hoeï si-
gnifie montagne. Les vallées de cette montagne sont abondamment
arrosées et couvertes d^herbes verdoyantes.
^ Mots dchongars : hhan, prince; tenggueriy ciel, et aola, mon-
tagne. Cette expression désigne le pic principal des monts Célestes
[thien-chan,]. .
^ Char est un mot boe!, ville; khara, mot ipongol, noir. Cette
ville est très-ancienne; ses maisons sont noircies par le temps.
® Koutche se compose de deux mots persans; hou, pronom dé-
monstratif (hic, hœc» Koc):, et tche^ puits sans eau.
^ Les deux premiers mots sont boeï : iouraï, couleur baie (rouge
brun ); aîgùun, poulain. Cette montagne (ao2a) a* la forme et la
couleur d'un poblain bai. [Si-yth-thong-wen-tchi, liv.IV, foL 23).
^ Boukhuy mot dcbongar : un canal. Il y en a un au bas de cette
montagne. >
408 JOURNAL ASIATIQUE.
résidence à i ouest du mont Tso-ko-chan. » Cet en-
droit est exactement celui dont nous parlons.
TALKi DABA ^ Aù nord à' m Cette montagne a
deux vallées. La gorge de la vallée est est située à
Touest de la ville de Tchagan baîsing ^; la gorge de la
vallée ouest se trouve dçins.le territoire d'Alimatoa\
Après avoir traversé cette montagne, dans la di-
rection du sud, on arrive aux territoires de Kha-
chi \ et de Koungghés ^.
Dans la vingt-huitième année de Khien-long ,
cette montagne fut mise au nombre de celles aux-
quelles on doit offrir des sacrifices annuels. Il y a
des prières officielles que Ton récite en cette occa-
sion.
. BoRO KHORO AOLA ^. Au uord d*//i, à loo lis
(i o lieues) au nord-ouest de la gorge méridionale de
Talki aola.
Khonggor obo '^. Au nord àlli. Les crêtes de cette
montagne partent du rameau d'Ebton'daba^ (en chi-
^ Talki j mot dcbongar signifiant un instrament de hoii ftour cor-
royer les cuirs, La montagne [daha) a la forme de cet instmmeaL
Anciennement on prononçait tarki daba.
^ Mots mongols : dchagan, blanc, et haîsing, maison, habitation.
^ Mot dcbongar : a/ima^. pomme, et tou, terminaison aignifiaiit
qui a (c'est-à-dire qui produit des pommes, où il y n des pommiers).
'^ Mot boeî signifiant sourcil eijade,, (Si-ya-thong-wen-tchi, liv. IV,
fol. 2i.)
^ Mot boeï signifiant terre qui résonne sous les pas,
^ En deliongar, horo signifie veirt , et khoro, mur. Les pics de cette
montagne sont verdoyants et forment une sorte d'enceinte.
^ Mots dcbongars : khonggor, jaune ; obo , pierres accumiiléet en
forme de montagne.
^ L'étymologie à'ebtou daba sera donnée plus bas , p. à 1 4« note i.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 409
nois Ebtou-ling), courent à Touest, et arrivent jus-
quici. Son sommet isolé s'élève à une grande hauteur.
Dans la vingt-huitième année de Kien4ong (i 768),
elle fut mise au nombl*e des montagnes auxquelles
on doit sacrifier chaque année. Il y èi des 'prières
officielles que l'on récite en cette occasion; on les
appelle Tsi konggor obo wen.
Khan khartchakhaï aola^ Au nord d*/ïi, à 200
lis (20 lieues) au nord de Bôro khoro aola.
Alt AN TEBCHi^ AOLA. Au uord à' m, à 200 lis à
Test de Khan khartchakhaï aola.
Anciennement, c était là que les tribus des Dchon-
gars et des Tarbagatsin faisaient paître leurs trou-
peaux.
Dans la vingtième année de Khien-hng (lySS),
les troupes impériales s avancèrent de ce côté pour
châtier les rebelles, et les soumirent sur ime éten-
due de 5oo lis (5o lieues), dont saccrut le terri-
toire chinois.
Barlouk ^ AOLA. Au nord-est d7Zi. A Test, il touche
les frontières de Tarbagataî; au nord-ouest, on fran-
chit la montagne , et l'on arrive aux frontières des
Khasaks soumis à la Chine. ^
Dans la trente et unième année de Khien-long
^ Les deux premiers mots sont dchongars; hhartchakaî, faucon,
et khan, prince. Expression figurée pour dire que les faucons,
qu on trouve en grand nombre sur cette montagne, sont d'une taille
extraordinaire.
^ Mots dchongars : àltan, or^ et tehchi, cuve de bois. La montagne
a la forme et la coufeur d'une cuve d'or.' !
^ Mot dchongar : arbres qui croissent en toufifes serrées.
410 JOURNAL ASIATIQUE.
(1766), cette montagne fut mise au nombre de œlles
aux quelles on doit sacrifier annuellement. Il y a
des prières officielles que Ion récite en cette occa-
sion et qui portent le titre de Tsi barloak aola wen.
Orkîiotchodk^ aola. Au nord-est d'/K. La rivière
Khiroung-ho prend sa source au pied nord de cette
montagne.
Sari^ aola. Au nord-est d*Ili. A f ouest, cette
montagne est voisine d'une plaine de sables et de
pierres.
Sebesoutaï^ aola. Au nord-est d7/i. Les crêtes de
cette montagne partent d'OrUJiotchoiik aola^ et for-
ment un rameau qui court au sud-est jusqu ici.
KnouTCHÀs^ ARGALiTOu AOLA. Au uord-cst d'iC,
sur les bords du lac Balkachi.
Mergden sili^ aola. Au sud-ouest d'iïi, à 3oo lis
(3o lieues) de la rivière d!Ili (lU-ho ou Ili gaol). Les
crêtes de cette montagne partent du nord-ouest de
Tabarsoun^ daba. Elles côtoient le bord septentnonai
' Mot dçhongar signiGant un piç élevé.
' Mot dçhongar signifiant cuisse de cheval. La' montagne a <
forme.
^ Sehesou est un mot dçhongar signifiant pecadmn stercas (e
goi sebousou). On en trouve beaucoup sur cette montagne, dans
des endroits où l'on a tué des bestiaux. TaZ est une terminaison cpii
veut dire habens, ayant, qui a, où il y a.
^ Khoutchasj mot dçhongar : chèvre sauvage, argati, argdli femelle;
tou, terminaison signifiant qui a, oà il y a.
^ Merguen, mot dçhongar: sentiers obscurs d'une montagne. SS&,
mot dçhongar : champs unis entre les montagnes.
* Mot hoeî signifiant jai obtenu. Les voya^urs 8*estînient heu-
reux quand ils arrivent à ce passage de montagne (daba) , après 1
marché au milieu des précipices.
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 411
du lac Tous koul, se divisent et courent au nord-
ouest jusqu'ici.
Agouï ^ AOLA. Au sud-ouest d7K, à 4o lis (4 lieues)
au nord de Merguen sili aola.
Irgaïtou^ aola. Au sud-oiiest d'Ili. Les crêtes
de cette montagne partent de Merguen sili aoh et
courent à Touest; elles s'approchent des deux côtés
ouest et sud de la rivière Ili [lli-ho on lli gaol). Les
rameaux de la montagne se tiennent et se suivent;
ils arrivent ici après avoir fait plusieurs détours. '
KouMoucHi^ AOLA. Au sud-ouest d7/î. La rivière
Koumechi [sic) prend sa source au pied est de cette
montagne.
TcHAGAN BODGOUTOu * AOLA. Àu nord-ouest d'iZf.
Les veines (premières crêtes) dé cette montagne
partent de Boro khoro aola et forment un rameau
qui arrive jusqu'ici.
KoDRouNGKODÏ^ AOLA. Au nord-ouest-dTZî; ancien-
nement , on prononçait Kourounggoaï.
Dans la vingt-troisième année de Khien-long
{1758), le général Tchao-hoeî battit en cet endroit
une multitude de rebelles.
' Mot dchongar : caverne de pierre entre les montagnes.
^ Mot dchongar. C'est le nom d'un arbre qu'on trouve, en grand
nombre, sur cette montagne.
^ Mot hoeî : argent. Anciennement on tirait de Targent de cette
montagne,
^ Tchagan, mot dchongar : blanc; hongoat, cerf (en dchongar] ;
tou, terminaison qui signifie ayant, oh il y a. Sur cette montagne,
il y a beaucoup de cerfs blancs. >
^ Mot dchongar signifiant froid. On éprouve un froid très-vif
dans les sentiers de cette montagne.
412 JOURNAL ASIATIQUE.
GuiÉDENG^ AOLA. Au nord-oucst d'/K, à 180 lis
(18 iieues) au nord de Koaroangkouî aola.
Dans la vingtième année de Khien-long (lySS),
les généraux Bandi, etc. pacifièrent /K, et battirent
en cet endroit le rebeUe Daouatsù D y a, sur la
montagne Guédeng aola, une table de pierre sur
laquelle est gravée une inscription relative à la pa-
cification du pays des Dchongars,
Alt AN EiMEL^ AOLA. Au nord-ouest d*ili\ au sud-
ouest de Guédeng aola; elle touche le So daba {daha
veut dire sommet).
Dans la vingt -huitième année de Khien-limj
(1763), cette montagne fut mise au nombre de
celles auxquelles on doit sacrifier. Il y' a des prières
officielles qu'on récite en cette occasion et qui po^
tent le titre de Tsi altan emek aolà wen.
KnoNDouLAÏ^ AOLA ct KouGouLiK (liscz KoukeHk)
AOLA.^. Ces deux montagnes sont au nord-ouest d'iK;
elles s'élèvent sur le rivage méridional du.Tc&ouî.
Khoubakuaï^ aola. Au nord-ouest d7/i.
Baga bodroul^ AOLA. Au nord-ouest d'iK, à Touest
du cours inférieiu' du Talas gaql.
^ Mot dchongar signifiant la saiUie ossease qui se tromt à iMpmrik
inférieure de l'occipat,
^ Mots dcLongars: alian, or, et emel, seile d*an cheval. Cette
montagne ressemble , par sa forme , à la selle d'un chevid.
^ Khofuloulaî est un mot dchongar signifiant élevé et ffûtaiU tm
saillie en haut. Cette expression se rapporte à la fonne de. cette
montagne. En mongol , ce mot signifie les reins,
'^ Koukelik y mot dchongar : une perdrix. On y en voit beanooepb
^ Mot dchongar : montagne nue , où il n'y a ni plantes ni 1
'^ Mots dchongars : haga, petit, bouroul, gris.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 413
Ike bouroul ^ AOLA, Au nord-oucst d7K, a louest
(le la rivière Orcha, Il est éloigné d'environ 200 lis
(20 lieues), de lest à l'ouest, de Baga bouroul aola.
En partant de cet endroit, dans la direction du
nord-ouest, on décou-vre de vastes plaines de sable
et de pierres, et Ion voit constamment surgir des
pics innombrables.
KoucHETOu^ DABÂ. A Tcst d7/i. Lcs crêtes de cette
montagne partent d'Enn khabirga aola, et forment
un rameau qui se dirige au sud , sur une étendue ,
de 5o lis (5 lieues), et arrive jusqu'ici.
Mendou dchao^ daba. a l'est d'/Zi et de la rivière
YouUous gaoL Cette rnontagne est développée de
manière que le côté sud et le côté nord se trouvent
en face l'un de l'autre.
Olan^ daba. a l'est d'//i, au sud-ouest de Mendou
dchao daba.
Elbek ^ DABA. A l'est à\ni; à partir de Kouche-
tou daba, lès montagnes font un coude et courent
jusqu'ici dans la direction du sud-ouest. Toutes
* Ike, mot dchongar, grand; hoaroul, gris.
* Kouche, en mongol, une table de pierre avec une inscription;
tou, terminaison signifiant qui a, où il y a. Sur le haut de ee pas-
sage, il y a une table de pierre portant une inscription. Elle y fut
placée, sous ]a dynastie des Thang, par le général Kiang-hing-pen,
qui commandait la garnison de gaucbe.
^ Mots dchongars: mendou, sain, en bonne santé; dchao, temple.
Au haut de ce sommet, il y avait aiiciennement un templg où Ton
priait les dieux pour obtenir un passage, un voyage heureux.
* Mot dchongar signifiant nombreux (en chinois^o).
^ Mot dchongar: riche , abondant. Cette montagne ofiEre une riche
végétation.
lilk JOURNAL ASIATIQUE.
ces moûtagnes côtoient la rive ouest du Youliom
gaol et forment un demi-cercle au sud de la même
rivière. Ce sont des rameaux du tronc principal des
monts Thien-chan (monts Célestes).
Ebtou^ dâbà. â Test d7{î, au nord A^Yoaliim
gaol.
Les crêtes de cette montagne partent du Khan
tenggaeri aola, sur les frontières d'iïi, courent à
lest jusqu'ici sur une étendue de 600 lis (60 lieues),
se prolongent transversalement de Test à rouest et
se partagent en deux branches. La branche sud-
est forme la frontière méridionale de Ti-hoa4cheou,
{Ouroamtsi); la branche nord-ouest s'étend latéra-
lement et forme les différentes montagnes qid s'é-
lèvent sur la frontièi^e nord d7Iii VEbtou daba est
le point de partage des deux branches (il y a en
chinois : est fendroit où les montagnes partagent
leurs veines).
OUDEYEN ^ DABA et NarAT DABA. CcS deUX mOD-
tagnes sont à lest à'Ili; elles touchent ÏEbtoa daha.
Salbatou ^ ODLAN DABA. Au nord d'iZî, à 100 lis
(10 lieues) au nord de Boro khoro aola.
^ Motdchongar signifiant qui plaU, agréable. Les sentiers de cette
mon^gne sont unis et faciles à parcourir.
^ Lisez Oadeyen gàol daha (Si'yu-thong'V>en-tchi, liv. IV, fol. 9)1
mots dchongars; oude, porte; yen ^ particule finale; gaol, rinère.
La gorge de cette montagne ressemble à une porte ; elle est voiâiw
d'une rivière,
^ Lisez Salbatou oulan boura daba, mots dchongars : salba, ca-
nal dont Teau est limoneuse; tou, terminaison signifiant quia,ok
il y a; oïdan, rouge; houra» saule.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 415
KouKE TOM^ DABA. Au nord dTZî, au nord-est de
Khan hliartchakhaï aoh.
So^ DABA. Au sud-ouest d'Ili. Les crêtes de cette
montagne partent de Kouroangkoaî aola et arrivent
jusqu'ici* EUe est entourée (en partie) ^par ïlligaol.
Tabarsodn ^ DABA. Au sud-oucst d'/ii. Les crêtes
de cette montagne partent de Khan tenggaeri chan,
se dirigent à Touest et arrivent jusqu'ici.
TciiATCHATOu^ DABA. Au sud-oucst d'Ili^ à 80 lis
(8 lieues) de Tabarsoan daba.
AsKHA^ DABA. Au nord-ouest d'Ili, à 5o ïis au
nord-ouest.
OuKEK ^ DABA. Au uord-oucst d'IU.
Edemek' DABA. Au norc[-ouest d7/î. Après avoir
décrit plusieurs courbes, cette montagne va se joindre
à* celles qui s'élèvent sur la frontière au sud du lac
Touskaul (ou Temonrtou, ou Issïkoul). Du nord de
cette montagne sortent im grand nombre de sources
qui donnent naissance à la rivière Talas {Talas gaol).
^ Mots dchongars : honke^ bleu; tom, un petit pic.
^ So, mot dchongar signifiant le creux de T aisselle; en mongol,,
soko. Telle est la forme de ce passage de montagne.
^ Ce mot a été expliqué plus haut, p. 4iOt note 6.
^ Tchatchay mot dchongar signifiant un petit temple bouddique ; -
tou, terminaison qui a le sens de qui a, ou il y a,
•^ Mot dchongar signifiant un ajnas de sables et de pierres entre les
passages des montagnes.
^ Ouhek, mot dchongar signifiant armoire, coffre. En descen-
dant de ce passage élevé, on s'enfi^nce entré deux murs de roches
escarpées qui vous serrent à droite et à gauche , et où Ton est comme
enfermé.
' Mot bourofit , signifiant un gâteau. •
416 JOURNAL ASIATIQUE.
Khâra boula (k) daba^ Au nord-ouest d7ii. C'est
de là que sort la rivière Khara boulak (ou de la
Source noire).
MÊME SUJET.
EXTRAIT DU SIN-KIÂNG-TCEI-LIO , LIVRE IV, FOL. 17-37.
(ÉDITION DE 18a 1.)
Erin khabirgan AOf.A [Wwhirga , suivant le dict. iS-
YU-thong-wen-tcltiy liv. IV, f. 8). A environ 4oo lis,
au nord-est de la ville Hoeï-youen-tcKing (Ili). Dans
la vingt-deuxième année, de Khien-hiig (lySy), les
troupes impériales pacifièrent une seconde fob Ili
C'est de ce point que le général Tchao-hoeî mar-
cha à la tête de ses troupes.
Aboural aola. a environ 220 lis, à lest de la
ville Hoeï-youen-tcliing [Ili) y on lappelle vulgaire-
ment To-chan-tsea ou la petite montagne isolée. Ce
fut là que le général Bandi, et Oyongant qui avait le
titre de san-tlisan-ta-tchin , moururent glorieusement
à leur poste.
BORO BOURGASOU DABA. A 2 1 o lis dUli. Dùiis la
vingt-troisième année de Kliien-long (lySS), le gé-
néral en chef Tcha'o-hoeï partit de Boro hourgasou^
et le général en second Foudé, du lac Saîrim naor
(l'orthographe moderne est Saîram naor) ; ils divi-
sèrent les deux ailes dé leiu* armée et vinrent cerner
^ Mots dchongars : khara, noir; boulak, source. Du haut de ce
passage de montagne, sort une source dont Teau est^resqne noire.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 417
ensemble la ville à'Ili pour chercher et prendre
ceux des Eleuihs qui s y étaient cachés. Tchaa-hôeî
passa par cette montagne et côtoya la rivière de Boro
bourgasoa.
Khachi aola. a environ 3oo lis d7/i.
En obliquant à Test, à partir de cette montagne ,
on arrive au lieu où les troupes impériales s éten-
dirent et enveloppèrent les rebelles.
La rivière Khachi ^aol prend sa sowce dans cette
montagne.
Observations. «A cinquante lis de la ville dTK,
on trouve Chara tokhaî; 62 lis plus loin, Dsiryalari
[Dsirgalang, suivant le dict. Si-yu-thong-wèn-tohi,
liv. I, fol. 3o); 5o lis plus loin, Tachi oûstan [Tachi
ousteng , suivant le Si-ya-thong-wen-tchi, 1. III,f. 21);
5 o lis plus loin, Boro bourgasoa; 60 lis plus loin, Soa-
houtdi; 60 lis plus loin, Erinmodo; 90 lis plus loin,
GuiVmafaï; 60 lis plus loin, Tsitsir khana tokhal ; 20 lis
plus loin , Barkiatou : c'est, là qu'est la première en-
ceinte (camp); .20 lis plus loin, on trouve la. rivière
Khàra gaol (cest là qifest la deuxième enceinte);
5 lis plus loin, Oulyasoutoa (troisième enceinte);
10 lis plus loin, Khapoutsik fcoafoayigf (quatrième en-
ceinte) ; 1 G lis plus loin , ï)chekou boatbang (cinquième
enceinte); 5o lis plus loin, Arshngtoa boutoang
(sixième enceinte) ; 5 lis plus loin, Dcheri mdefo- (sep-
tième enceinte); 5 lis plus loin, Amoar modo (hui-
tième enceinte); 10 lis plus loin, Tourguen tchagan
oii5ou (neuvième enceinte);. 6 lis plus loin, Archatou
tchagan ousou (dixième enceinte).
VIII. 27
418 JOURNAL ASIATIQUE.
(( Le nord de la montagne [Khachi aola) dépend
de Koar khata oassou. »
KouNGGOR OBO. Cette montagne est située à 3o lis
au nord d'Ili. Elle renferme de la houille.
Talki daba. a 90 lis au nord d7K. Dans la
vingtième année de Khien-long, le général de la
province du nord (des monts Thien-chan) partit
de Boro tala et franchit le passage de cette mon-
tagne poiu* aller châtier les rebelles. ,
Ce passage est escarpé et semé de précipices; il
forme une sorte de barrière. Le centre de la vallée
est om*bragé d'arbres toufïus. On lappelle vulgaire-
ment le passage de Ko-tsen-kiang. Ehi bas de ce pas-
sage, sortent plusieurs sources dont la réunion forme
une grande rivière qui coule en ligne droite au mi-
lieu de la vallée. Les voyageurs «ôtoient la rivière,
siu* l'un ou iautre bord, dans la direction de
lest à J'ouest. On rencontre quarante-deu^^ ponts
depuis le boaquet.de pins jusqu'à la gorge de la mon-
tagne.
KoDKOu TOM OABAKAN (liscz kouké , suivant le Si
yU'thong-wen-tchiy liv. IV, fol. 20). Ce passage de
montagne est situé à 3o lis au nord-ouest SlIU.
DouLAN KHARA AOLA. A 3 00 lis au nordK)ue6t d'/K,
au nord du poste militaire de Kouifa.
Yârgatou àola. a 3oo lis au nord-ouest d7/i\ i
l'ouest de l'ancien poste militaire, de TaJoirùï.
Hengguertou aola. a environ 3oo lis au nord-
ouest d'iït, au nord-est de l'ancien poste militaire
de Taordi.
NOVEMBRE DÉCEMBRE 1846. 410
Khartoo khara-chan. à environ 3o lis au nord-
ouest de la ville d7iî, au sud de la station militaire
de Kounggorgo.
Khourock-chan. a environ. 5oo lis à 1 ouest de la
ville d'//i, à 1 ouest de la station militaire de Koutoal,
à Test de Dchalatoa. '. . .
Alt AN EMERDOUTOc-CHAK. A euviroii 4 00 lis au
nord-ouest de la ville à'IlL A Test de cette montagne,
se trouve un pays appelé Kouroangkouî.
. Observation. Il est situé à go lis au nord-ouest
en dehors de la station militaire de Koanggorgo.
Dans la vingt-trôîsième année de Khien-long
(1759), le général Tohao-hoeï battit en cet en-
droit quatre Tsaï-sang (administrateurs de tribus) qui
avaient embrassé la cause des rebelles , savoir :
Angketou, Tarba, ete,
Sartagan-chan. a environ 4 00 lis au nord-ouést
de la ville d7/i, au sud du mont Altan emerdon-^
chan.
ToÏBOOKHOTOU-CHAN. A cnviron 5 00 lis au nord-
ouest de la vijie dlli, sur laberge ouest de la rivière
Tcharin-ho , et sur la berge sud de 17/i-Ao [Ili-gaol).
Khac^eng dabakhan. a 200 lis au sud-ouest de là
ville d'ili. La rivière Khacheng-chonîiprehd sa source
au midi de cette montagne et coule vers le sud.
Chara nôrhai dabakhan. a envicpn 100 lis aii
sud-ouest de la ville d7/î, à lest de Khachengrdaba-
khaa,
GuftDENG AOL A. A cuvirou 5oo lis au sud -ouest
d7/f.
27-
420 JOURNAL ASIATIQUE.
Dans la vingtième année de Khien-long (lySS),
les troupes impériales taillèrent en pièces les Dchon-
gars. Daouatsi avait établi son camp sur cette mon-
tagne. Ayoasi, du titre de Batoarouchi-weî , Batoutsir
et Gartchakachi i se mirent à la tête de 22 soldats,
l'attaquèrent pendant la nuit-, forcèrent Tentrëe de
son camp, et obtinrent la soumission de 6,5oo ca-
valiers. Daoaa(5Î prit la fuite.
Sur le' sommet de cette montagne , on voit une
inscription, composée par Tempereiu* Khieh-hng^ sur
la pacification de la Dchongarie.
IcHiGARTi-cHAN. A cuvirou 3 00 lis au sud-ouest de
la ville d'iZi.
BiRBACHi-CHAN. A ^ox) lis au sud-oucst de la ville
dT/i, au nord-ouest du mont Ichigard-chan.
Bayan dsiukoun-chan. a 4 00 lis au sud-ouest de la
ville âilli , à louest du mont Birbachi.
Chantas dabariian. A 800 lis au sud-ouest de la
ville d'//i. Sa partie sud-ouest est limitrophe du lac
Temertou naor [Temoartoa naor).
Observations; Yen-sse-koa, annotateur des Annales
des Han , s'exprime ainsi au sujet des monts Tsong-
ling : «Il y croît beaucoup d'oignons {tsong)\ de là
vient le nom de r50wj-tm()f.'»:Maintenant, disent les
rédacteurs du Sin-kiang-tchi-Uo. « Sur le Chantas daba-
khan, il croît beaucoup d'oignons sauvages. »•
Les monts Tsong-ltng, depuis le mont Gniboutchak,
dans la direction de l'est, forment le mont Aragaii;
plus loin, à l'est, le mont Kakchan-chan ; plu% loin,
à l'est, ils s'étendent jusqu'au nord à'Aksou. Là, les
NOVEMBRE. DÉCEMBRE 1846. 421
monts Chantas tai et Kakchan forment deux rameaux
qui appartiennent réellement aux monts Tsong-
ling,
SoGOR DABAKHAN. A îx 1 5 lis au sud-est de ia ville
d7K, à 20 lis au sud de la tour militaire de Sagor,
Cette montagne renferme du mineïai de fer qui est
recueilli par le^ hoeî-tseu (musulmans).
Altaï-chan. a environ 200 lis au sud-est de la
ville d'Ili, sur le bord septentrional de la riviè;re
Tekés [Tekés^ gaol),. ,
Les eaux du Siouertou entourent le nord de cette
montagne. • • '
Narat dabakhan. a environ 660 lis à Test de
la ville d7/i. La rivière Tchang-mdn-ho y prend ;sa
soiu'ce.
A louest de cette montagne s étendent les pâtur
rages des Eloat [EleutJis],
RIVIÈRES, FLEUVES ET. LACS.
Koungghés gaoL A Test d7/î. Cette rivière prend
sa source à lest de koungghés y au pied occidental de
ÏEtounggoarik daba, coule au nord-ouest sur une
étendue de 3 00 lis (3 o lieues), arrive au sud-ouest
de Doarjtieldsin, se joint aux rivières Tekés gaol et
Khachigaol, et se jette avec elles dans la rivière d7/i.
Koungghés est un mot hoeï signifiant ^aî résonne soa$
les pas; il s applique au rivage de cette rivière.
THAÏ-THSlNG'l'TONG'TCHI,
Dans la vingt-huitième année de Khien-long, elle
422 JOURNAL ASIATIQUE.
fut mise au nombre des rivières auxquelles on sa-
crifie chaque année. II y a des prières officielles
qu'on récite dans cette circonstance et qui portent
le titre de Tsi-koangghés-gaoUwen.
Khachi^ gaol. a l'est d*/Zî. Cette rivière prend
sa source au pied méridional du mont KkaragtHtfon
aola; elle coule au sud-ôuest sur une étendue de
2^0 lis (ai lieues), et, arrivée à Donrbeldsin, se joint
à la rivière de Kôangghés [Koûngghés gaél).
Dans la vingt-huitième année deKhienrhng[i'j6i),
elle fut'mise au nombre de celles auxquelles on sa-
crifie chaque année. Il y a des prières officielles
qu on récite en cette occasion et qui portent le titre
de Tsi-hhachi-gaol'Wen.
AçKHA 2 GAOL. A Touest dilli. Cette rivière sort
de YAshha daba. Après avqjir coulé à Test sur une
étendue de 1 5p lis (i 5 lieues), elle se jette dans la
rivière d7Zî [Ilî gàoi),
Talasik.' gaol. à Touest d7Zi. Cette rivière prend
sa source dans lé mont Mergaen sili aola,- et ^ après
avoir coulé à Test sur ime étendue de i6o lieues,
elle va se jeter dans la rivière d7K [Ili gaol).
GouRBAN sAÎRi GAOL *. A l'oucst d'//i. Cette rivière
^ Khacki, mot hoeï : sourcil. Cette rivière sort du mîliea de
deux montagnes qui se correspondent comme les sourcils.
^ Askha, mot dehongar, amas de pierres et de sabliss entre les
montagnes.
3 Talasik est formé de deux mots dchongars : sïk, à peine, et
tala, steppe. Talasik signifie petite steppe; talasili gaol veut donc
dire lejleave qui coule près d'une petite steppe,
^ C'est -à -dire la rivière des trois bouleaui. Khofuoa signifie
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 423
prend sa source dans la montagne da sad (Nan-chan),
A Test, coule le Goarban.kousoatougaoP; iteih,
à Test, le Gourmoutou gaol; item, à Test, la rivière
Oasou-choaî; item^, k ï est, Chadatou bouîak (bo^lak,
source), Otaî gaol et Narin gaol. Toutes ces eaux
se réunissent, coulent au nord-est et se jettent dans
la rivière dlli.
Tekés^ gaol. Au s^d d7/î. Cette rivière prend
sa source au pied nord du mont Khan tengueri aola.
Après avoir coulé sur une étendue de ilio lis
(2k lieues), elle reçoit les rivièrçs Koang'ghés gaol
et Khachi gaol, et va se jeter dans la rivière d'Ili
[Ili gaol). , •
A partir de sa source, le Tekés gaol se dirige à
Test, et, dans sa .course, il reçoit les sources des
monts Nan-chan (mont du Midi) et Pe-cïCan (mont
du Nord).
Voici les noms de celles qui sortent du Nanr
chan: 1° Chalasidsi houlak; 2** Goarban khabakha bou-
îak; 3** Khargoan boalak; 4"* Gourban mousour bouhk;
5° Tchagan ousoa; 6® Agouyas boalak; 7° Goarban
môlitdi boalak; 8° Tetik boalak;' of" Kouke oasou boa-
lak; 10° Korddi; 1 1*" Gourban dsirgalang bouhk.
Noms des sources et rivières qui sortent du Pe-
bouleau , en dchongar ; tou , terminaison qui veut dire qui a » oà
ily a,
^ Cest-à-dire ia rivière à trois bras. Mets ddiongars : ^o.arèon »
trois , et saîri, branche. ,
' En dchongar, ousou veut dire rivière, /
* Teke, mot dchongar : chèvre sauvage ; Xi indiqueriez pluriel.
Il y en a beaucoup qui paissent sur les bords de cette rivière.
424 JOURNAL ASIATIQUE.
chan (mont du Nord) : i** Arban bojilakr a* KhoFga-
langtou boulak; 3** Seletoa ou SeUou boulak.
Toutes ces sources descendent avec bruit, et,
1 une après lautre , se jettent dans le Tekés gaoL
Ili gaol\ ou le fleuve d7/i. Au nord d'iZi. D
coule du sud au nord et au iiord-ouest; son cours
est de i4oo lis; cest le plus grand fleuve de la
Dchongarie,
A Test, il reçoit les rivières Koangghés gaolet Kkor
chi gaol; au sud , il reçoit le Tekés gaol et se dirige
avec lui vers Touest. Au sud et au nord, ses bras
sont très-nombreux.
Dans son cours septentrional, il forme les ri-
vières GovMja gaol, Gourban dchagan onsou^ AU-
matoa gaol et Tsetsi gaol. ^
Dans son cours méridional, il forme le Khouna-
khaï bora gaol, le Gourban harkira gaol; en outre,
au sud, il reçoit le Tchi gaol, et va se jeter dans le
Balkachi naor.
Dans la vingt- cinquième année de Khien-bng
( 1 7 6 o) , le Si-y a (le pays situé à l'occident) étant pacifié ,
lempereiu* envoya im magistrat poiu* annoncer. qu à
1 avenir on of&irait des sacrifice» annuels au fleuve
d7/î. Il y a des prières ofiScielles qu'on récitç en
cette occasion ; elles portent le titre de Souî4d'iU'
gaol-wen.
Talk:!^ gaol. Au nord d'ili Cette rivière prend
^ lU, pour le, mot dch'ongar signifiant hriUant^fai
* Taiki, en dchongar, signifi:e «n instrument pour eorreyv Ut
NOVEMBRE-DÉCËMBRE 1846. 425
sa source en dehors de la- gorge de la vallée qui est
au sud de Talki aoh. Après un cours de 120 Us
( 1 2 lieues) elle se jette dans le fleuve âUli [Ili gaol).
TcHAGAN ousou^ (Tchagan-ho), au nord d^Ili. A
l'ouest de Talki gaol, il y a trois fîvières qu'on ap-
pelle aussi Gourban tchagan choaï (dé gourban, trois;
tchagan, blanc, et du mot chinois choaî, eau, rivière).
Dans la vingt -huitième, année de Khien-Iong
(1763), cette rivière fut mise au nombre de celles
auxquelles on doit sacrifier chaque année.. Il y a
dès prières officielles qu'on récite à cette occa-
sion.
Alimatou^ gaol. Au nord- ouest d'Iîi. Cette ri-
vière coule au sud et se jette dans le fleuve d'/iî
[Ili gaol). . .
Dans la vingt-huitième année de Khien-long y elle
fut mise au nombre des rivières auxquelles on doit
sacrifier chaque année. Il y a des prières officielles
qu'on récite en cette occasion. Elles portent le titre
de Souï'tsi-alimatoa-gaol'wen,
TcHETsi^ GAOL. Au uord d'//i, à 5o lis (5 lieues)
cuirs. On a dodné à cette rivière le nom de la montagne où elle
prend sa source (Talki daha),
^ Mots dchongars : tc^a^an^ blanc, et oùsea, rivière.
^ Alimatou, où il y a des arbres à fruits, des pommiers (ailleurs
alima est expliqué par pomme. Voyez le Dict. mông. de Scbmidt).
Il y a des arbres à fruits le long de ses rives. (Si-jU'tkoHg-wen-
fcAi, liv. IV, fol. 23.)
^ Mot dchongar, poitrine; en mongol, tchektsL Cette rivière est
enclavée entre deux montagnes qui Tentourent et Tenveloppent (en
grande partie). • •
426 JOURNAL ASIATIQUE.
du Boro khoro aola. Cette rivière coiile à l'est et se
jette dans le fleuve à'Ili [Ili gojol). •
Dans la vingt-huitième année de Khien-ïong
(1763), elle fut mise au nombre des rivières aux-
quelles on doit sacrifier chaque année.
Samal^ gaol. Au nord dT/î. Cette rivière oonle
au sud et se jette dans YIligaoL Elle fournit d'abon-
dantes irrigations â tous les champs situés sur sa
rive septentrionale. Elle est au nombre de celles
auxquelles TÉtat ofire des sacrifices annuds.
Ko'uÏTOUN^ (GAOL. Au uord d'IlL Cette rivière coule
au sud-ouest et se jette dans le coinçant inférieur de
Yïli gaol. Elle est au nombre des rivières auxquelles
l'État oflfre des sacrifices annuels.
Talagar^ GAOL. Au nord àllL Cette rivière se jette
dans le coiu'ant inférieur de 17/î gaoL A ao lis à
l'ouest de cette rivière, il y a trois sources appelées
Gourban alimatoà boalak (c'est-à-dire les trois sources
auprès desquelles il y a des arbres à finit), qui sortent
du pied nord de YAgouî aoh. Elles coulent au nord-
est et ne se jettent point dans ÏIU gaoL
EcHiTOu * GAOL. Au nord d'jRi. Après avoir coulé
au nord-est sur une étendue de 8u lis (8 lieues),
^ Mot hoeî- signifiant da lait de jument. On a ainsi appelé, cette
rivière à cause de la douceur de ses eaux,
^ Mot dchongar signifiant /rot(2> gla4:i(d.
' Mot dchongar signifiant (comme takuik) une petite êtÊff.
Il semble que ^rar soit (ainsi que sik dans icHank) une terminaiaon
diminutive.
^ Mot dchongar signifiant une chose qui a un matidtê, Gttle ri-
vière a un bras qui aboutit à une petite île.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 427
elle se jette dans le courant inférieur de i7/i gaol.
KouRTOu ^ gaol: Au nord d7/i. Cette rivière coule,
au nord-est siu» une étendue d'environ i oo lis ( i o
lieues), et va se jeter dans le courant inférieur de
Ylli gaoL
KouKE ousou GAOL ^. Au nord à'IlL Ce fleuve prend
sa source au pied nord du Tcheroungkouï [iiset Kou-
roungkouï ) aola ; il coule au nord sur une étendue
de 3 00 lis (3o lieues), et se jette dans le Balkachi
naor, -
Khara tal gaol^. Au nord d7fc\ à Test du Tcha-
gan boukhoutou (lisez bougoatou) aola. Cette rivière
coule au nord et se jette dans le Tchalin gaol.
TcHALiN^ GAOL. Au uord àlli. Ce fleuve prend
sa source au pied ouest du Khan tcharchakhaï (lisez
kartchakaï) aola; il coule au iiord sur une étendue
de 1 8o lis, et se jette dans le Balkachi naor.
DcHEKDE^ GAOL. Au nord d7/î. Ce fleuve coule
au nord, sur une étendue d'environ loo lis, et se
jette dans le BaZA:acAi naor.
^ Mot dchongar, lieu où il y a des mooceaux de neige. On
voit beaucoup de neige accumulée sur les deux rives dç cette ri-
vière.
' Ces trois mots sont mongols; iroit^^^ bleu; ousou, eau; gaoly
rivière.
^ En boeï , tala signifie saule. Sur les bords de cette rivière , il
y a des saules qui projettent une ombre épaisse et pour ainsi dire
noire (khara). Dans le te.\te du Thaî-thsing-i-tong-tcki, il y a taia au
lieu de tat. C'est une faute, ainsi que l'indique Tétymologié pré-
citée. •
* Mot boeï : eau rapide.
^ Mot dcbongar signifiant une espèce de jujube appelé en cbî-
nois cha-tsao (littéral, arenarum ziziphus).
^28 JOURNAL ASIATIQUE.
BiTSiGÂN ^ GAOL. Âu Hord dlU et du Dchekde gad.
Cette rivière se jette dans le Bak beltsir gaol.
Bak beltsir^. gaol. Au nord d*iïi. Après avoir
coulé au nord-ouest, sur ime étendue de i5o lis,
ce fleuve se jette dans le Balkachi naor.
Baroun youldous^ gaol. Au sud-est d'/C. II. prend
sa soiu'ce au pied ouest de ÏEchik bachi^ aola, et
coule à lest sur une étendue d environ 4po lis (âo
lieues).
Parmi lès cours deau qu'il reçoit au sud, on
compte 1* Terme khada boulak^y^'' Boulait boulak^\
3° Kliarganatoa "^ boukJi.
Au nord , il reçoit le Dchoun yoaldoas gaol •,
' Mot dchoDgar signifiant petit, mince,
* Bah, mot hoeî : arbres qui croissent en touffes; beltsir, mot
dchongar : lieu oii les. eaux se réunissent. Un grand nombre de rois-
seaux se jettent dans cette rivière, dont les bords sont ombragés
d'arbres touffus.
' Baroan, mot dcbongar, occident; yonldoas, mot boeî, étoile.
Les trous d'où jaillit sa source brillent (de loin) conune des étoiles.
^ Mots boeî : eckik, petite chèvre sauvage; bachi, tète. Cette ex-
pression fait allusion à la forme de cette.monlagne.
^ Terme, mot dchongar : la cloison en bois autour de ieqnelle
s'appuie une tente; khada (en dchongar), on pic. Cette source sort
du milieu d'une montagne dont les pics l'entourent comme la doi-
son d'une tente.
" Boulan» mot dcbongar signifiant source chaude.
^ Khargojia, mot dcbongar signifiant une espèce de pêcher dont
on emploie l'écorce pour orner les arcs et les flèches (en chinoîs
Mn-tao, littéral, pêcher doré)-, toa, terminaison possessiye , 9Wflj
oà il y a. Sur les bords de cette source, il y a un grand nombre
de ces pêchers.
^ De dchoun (mot dchongar), orient; j^ouldoiu (mot boeî) , étoile;
et gaol (mongol) , rivière.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 429
coule au sud-est sur une étendue de 5o lis (5 lieues),
et se partage en deux bras qui courent, Vun au sijtd,
et lautre au nord, sur une étendue de 200 lis.
Le bras du nord reçoit 1** Chibartaî boulak ^ \
2** Saîram boalak^ \ 3" Yamatou khabtsigaî (lisez
kliabtsil) boalak^j 4" Gourban noakour'^ boalak; 5^
Goun khabtsigaï (lisez, khabtsil) boulàk^\ et 6" Tùha-
gan ousou^. Ensuite il se joint au bras du sud; puis,
au nord , il reçoit les trois Khabtsigaï (lisez khabtsil)
gaoL De là, il fait un coude, coule à Test, et se jette
dans le Khaïdou gaoh
Les eaux des rivières des fipontières d7/î coulent
toutes vers le nord. Elles prennent leur source au
pied nord des monts Célestes, seulement le Yoal-
dous Gaol coide au nord-est. Il sort au pied sud des
monts Célestes, et va se rendre dans le lac Lob
( Lobnor) , dans le pays des Hoeï. C'est ce qu'on ap-
pelait autftfois la rivière de Tunmeng , cpixi sort d'une
montagne du même nom.
^ Chibartaî,' mol dchongar' signifiant limoneux (chihar, vase, li-
mon \ taï» qui a, oà il ^. a)» '
^ Saîram, mot hoeï : liçu agréable, où ron se plaît. Cette épi-
thète est empruntée au pays où coule cette source.
3 Yamatou, mot dcbongar, de ^ama, chèvre sauvage, et ton, ter-
minaison possessive (quia, oà il y a) ; khahsil, mot dchongar : dé-
filé entre deux montagne».
* Mots dchongars : gourban ^ trois, et nouhour, amis. Cette expres-
sion désigne trois sources (hhulak) qui coulent ensemble.
^ Goun, mot dchongar : profond ; hhabtsil, défilé entre deux mon-
tagnes. Cette source sort d'un défilé profond et dangereux.'
^ Ce nom a été expliqué plus haut, il signifie rivihre blanche,
c'esl-iV dire claire , pure.
430 JOURNAL ASIATIQUE
Les anciennes frontières des Dchongan se trou-
vaient, en grande partie, au nord des monts (Cé-
lestes); seulement, Tan^e sud-est s'étendait au delà
des monts, et touchait, au sud , les limites de Khor
rachar, habitées par des tribus Hod (ou musul-
manes). G est pourquoi les eaux qui sortent au
sud-est forment le cours supérieur de la rivière de
Kharachar,
Dghoun youldous ^ GAOL. Au sud-est d'/K. Cette
rivière prend sa source dans la montagne qui est
au nord de Youddous gaol et coule vers l'ouesL Elle
reçoit, i"" Bouratou^ boulak; 2"* Dchagasoataî^ boulak;
3** Guénat" honlak; 4^ Oulyasouiou^ boulak; 5** Ourtoa^
boulak ; 6** Mokhaî chara "^ boulak.
Toutes ces sources sortent du mont Ebtou daba,
^ Dchoutt, mot dçhongar, orient; yoaldpus , étoile. Le moiywd-
dons désigne, au figuré, les points doù sort la source de cette ri-
vière , et qui , de loin , brillent comme des étoiles. *
* Bouratou, mot dchongar : qui a, où il y a des peupliers; de
boura, peuplier. Je crois qu'il faut lire borotou bpnlak (Si-ya-^ng'
wen-tchi, liv. V, fol. 28) , la source verte.
^ Dchagasoutaî, mot dchongar : qui a des poissons : où il y a des
poissons ; de dchagasou \ poisson , et de taX, terminaison possesave.
* Lisez Gneneté boulak (5i-j'u- f fcoh^-wen-tefci, liv. V, foL 39).
Guenetë est un mot dchongar signifiant arriver rapidement. Les emz
de cette source coulent avec impétuosité.
' C'est-à-dire la source (sur les bords de laquelle) U y a des peu-
pliers. Oulyason, mot dchongar signifiant peuplier: ton,' terminai-
son possessive.
^ Owrtou, mot dchongar signifiant ùmg.
'' Mots dchongars : mokhaî, n être pas propre à, boa à, •! dkoni,
jaune. L'eau de cette source est trouble et jaune? on ne pont la ftàn
boire aux troupeaux. En mongol, makokaî, synonyme de
veut dire détestable.
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 431
qui fait partie des monts Célestes (77iîen-cAa/i); elles
coulent au sud du pied de ÏÈlbek aokiy et viennent
se jeter dans le Dchoun yoaldoas gaol. Après avoir
reçu les eaux de ces (six) sources, cette rivière sort
par la gorge de la vallée de ÏElbek aola, se joint au
Baroun youldous gaol , et coule dans la direction du
sud-est.
Baroun khabtsigaï ^ gaol. Au sud-est d'Ili Cette
rivière prend sa soiu^ce au pied sud de VErin kha-
birga aola; elle coule au sud-est sur une étendue
d'environ loo lis (lo lieues), etse jette dans le cou-
rant inférieur de ïYouldous gaol.
DOMDADOU^ KHABTSIGAÏ GAOL. Au Sud-CSt âHU.
Cette rivière prend sa source au pied aud du Kho-
toan (lisez khatoan) bokda uola^ coule au sud-ouest,
passç par la gorge du Borotou^, et se jette dans le
courant inférieur de ÏYouldous gaoL
DoMOUN KHABTSIGAÏ * GAOL. Au sud-cst à'Ilu Cette
rivière coule à fouest sur une étendue d'environ
lOo lis (lo lieues) et se jette dans lé courant in-
férieur de ÏYouldous gaoL
* Mots /Icliongars : haroun, ouest; khabtsigaï, défilé entre deux
montagnes.
' Domdadou, mot dehongar signifiant route du milieu. Il y à en
cet endroit une rivière qui forme trois courants parallèles; celle-ci
coule au milieu des deux autres.
* Boro, mot dehongar signifiant jDZuie; tou, terminaison posses-
sive, qui a; tak, mot boel, montagne. Cette expression signifie la
montagne ou il pleut. Cette montagne est arrosée par des pluies con-
linneÛes. (Si-ya-thong-wen-tchi, liv. IV, fol. 28.)
^ Mots mongols; dchoun, orient; hhabtsigaî, déàlé entre deux
432 JOURNAL ASIATIQUE. •
Otok sàïri ^ GAOL. Au nord-est d'IU. Elle prend
sa source dans le Boro kho[ro) aola, coule au nord-
est sur une étendue de loo lis, et reçoit, au nord-
ouest, une rivière qui sort du Khan khartchakhai
aola. Ensuite, au nord, elle se joint à trois rivières
avec lesquelles elle coule à Test, et se jette dans
le Boro tala gaol.
BoRO TALA 2 GAOL. Au nord-est d7K. A Touest,
ce fleuve reçoit YOtok saîri gaol et une rivière du
nord-ouest. Il coule avec ces deux rivières sur une
étendue de 3o lis (3 lieues), et se partage en deui
rivières appelées Nan-ho (rivière du sud) et Pé-ho
(rivière du nord). Chacune d'elles coule à Test sur
une étendue de 70 lis (7 lieues); ensuite, elles se
réunissent et coulent ensemble à Test. Puis, après
avoir reçu le Kousemsouk^ gaol, elles se jettent dans
le Boulkhatsi naor.
TcHouï ^ GAOL. Au nord-ouest d7K. Cette' rivière-
sort de la partie nord-ouest du lac Toas-kouL Après
avoir coulé sur une étendue de 200 lis ( 20 lieaes),
elle traversé le Khondàulaï aola; puis, au nord-
ouest, elle se partage, et forme un bras qui coule
montagnes. Cette rivière sort du milieu d'un défilé et se détourne
pour couler à TOuest.
^ Mots dchongars : otok, tribu, horde ; saîri, posterior pars eoxen-
dicum. Cette rivière se divise en deux branches qui ont lappurenee
des cuisses écartées.
' Mots dchongars : fcoro, vert, et tala, plaine unie, st^pe.
^ Mot dchongar : désirer, souhaiter. Les bords de cette rivièn
sont couverts d'herbes verdoyantes qui font la joie des habitants.
* Mot dchongar : trouble. Les eaux de cette rivière sont presque
troubles.
NOVEMBHB-DÉGEMB'RE 1846. 433
à Test et donne naAiJQCé au lac Nokkournaor. En-
suite, elle coule au nord-ouest sur ime étendue* de
10 GO lis (loo lieues). C est k plus grande rivière
des frontières nord-ouesj; d?iK. û serait impossible
de compter tous les courants d*eau i^sNf jetteiit
en venant de 1 West. Toys prennent leur «ourcé
dans le Khoubakaî^ aohd et côtoient, danis leurs dé-
tours, les montagnes de Touest. Chacun d*eûx €%)ule
sur une étendue de loo bu de apo lis et va '^e
jeter ensuite dans le Tchouî gaol, qaji se jette à son
tour, au nord-ouest, dans le jtocW-ibaï.
Salatou 2 GAOL. Au nord-ouest dUti. Cette rivière '^
prend sa soiu'ce dans le Khx)uhakhm aola, et; s^prè»
avoir, coulé sur une étendue de6o lis (6 lieues)^ se
jette dans le !Wlwai jfool
GuiéoETOu ^ GAOL. Au uord - ouest d'/K , à rouest
de la rivière 0a/on-oii5oaXette rivièrç a deux sources
qui coulent au nord sur une étendue de 4o lis et
se réunissent; puis elles, coulent enseml^le au nord
sur une étendue de lao lis et se jettent dans le
TcJioai gapL
AcHiTou* GAOL. Au nord-^ouc^t dUli. Après avoir
coulé sur une étendue de i4o lis-(i4 lieues), cette
rivière se jette dans le Tcftouï ^ooî.
^ Mot tchongar : qui n'a ni plantes ni arbres..
^ Sala, mot dchongar signifiant (branche) (ras (faite rivière
qui se bijurtme, Saiatoa gaol veut dire rivière hifart/aét.
' Mot dcbongar: brillant.
* AchUou, mot bourout signifiiint passage au hàat dune mon."
tagne. Cette rivière prend sa s<^urce au bas d*uo passage de ce|tè
espèce.
VIII. a8
434 JOURNAL ASIATIQUE.
Dâbodsoctou ^ GÂOL; Au îA^uest d*J2î. Après
avoir coulé au nord sur une étendue de 100 lis,
cette rivière va se jeter dans ïAckUoa gaal.
Artchatod* GAOL. Âu.nord-oucst d*JZi. Cette ri-
vière a deux sources, l'une à 1 est et 1 autre au nord.
Chacune d elles coule au nord sur une étendue de
70 lis (7 lieues], après quoi elles se réunissent, ^es
coulent encore au nord sur une étendue de 5o lis
et se jettent dans le Tchom gaol.
IlÂn bachi' GAOL. Au nord-oucst à*IU, au sud-
ouest de ïArtehatoa gaol. Cette rivière coule spon-
tanément et s'arrête de même ; elle ne se jette point
dans le Tchoui gaol.
KouuÉ sAR * GAojL. Au nord-ouest d7K. Après
avoir coulé à lest sur une étendue^le i5o lis <(i5
lieues) , cette rivière se jette dans le Tcjioaï gaoL
SoGOLOUK ^ GAOL. Au uord-ouest d7fi. Après avoir
cotdé à lest sur une étendue de i5o lis, cette ri-
vière se jette dans le Tchoui gaoL
TcHAGAN oDsou ^ GAOL. Au nord-oucst dT/î. Après
avoir coulé à l'ouest su^ une étendue de 1 &o lis (1 A
^ Dabottsott, mot dchongar, te même qac dahtoan, sel. Du» les
pcys où coule cette rivière, on recueille du seL
* Artcha, mot dchongar : -pins .plantés en tigaes. On toit beaveoap
de pins sur les bords de cette rivière.
^ Mots hoeï : ilon, serpent, et hachi, tête.
^ Motfthoeî: kouke, bleu, et sar, nom d'un oiaetiu On Toklieni-
coup de ces oiseaux sur les bords de cette rivière.
^ Mots boeî : sogo, signifiant seau d*une seule |^fcce de boU^ Uk,
avoir. Sur les bords de cette rivière, 0 croit de grands wbres dont
on peut faire de ces sortes de seanx.
' Tchagan, blanc; ousott, eau (mots dchongars).
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 4S5
lieues )^ cette rivière «e jette dan» le Tchoni gaoL
Khara baLtou^ gaôl. au tiord-ouèst d'iK. Cette
rivière croule au nord sur une étendue de 4o lis,
s*arrête et forme un lac qui a 3o lis (3 lieues)
de circonférence. Ensuite elle coule au nord sur
une étendue de 5o lis et se jette dans le TçhoBÎ
gaoL
GODRBAN WANATOO^ GAOL. Au nOfd-OUeSt d'J/î.
Cette rivière se partage en trois bras : i** Celui de
lest et celui du centre, qui se réunissent après
avoir coulé au nord sur une étendue Àe 70 lis
(7 lieues), et coulent ensuite au nord (dans je'mêitie
lit) sur une étendue de 60 lis; 5" le bras du sud;
qui coule sur une étendue de 1 5o lis , se réunit aux
deux autres, et se jette avec eux dans le Merqnett'
gaoL ' ' :
Acrii BOUROUR^ GAOL. Au nord-oùcst d'Ili: Après
avoir CQulé sur une étenclue de 70 lis (y lieues),
cette rivière se jette dans le Mergaen gaoL
Mbrguen^ GAOL. Au nord-ouest d7K, à Touèst de
^ Khara, noir (en mongol); àaieoii> mot kbasak, hache. Cette
rivière, dont les eaux sont presque noires, a la forme d'une haiphe.
' Màk dchongars : gowrban, trois; khana,, cloison de bois qui
sert à soutenir une tente. Cette riviëre Tonné trois hras. ÂncîeÀne^
ment (les tribus ncmiades) dressaient leurs tentes sur les bords dt
ces trois bras de rivière.
^*Mot8 hoeï ; achi, riz cuit; boarowr, donner. On peutlaboure? et
ensemencer les rives de cetterivière, et on y obtient ^'dbotidântes
récoltes.
^ Mot dchongar signifiant doué d'um gnuide infelUgékcê. CeHcr
épithète est appliquée, par emphase, à cette irivièfe, comme jpMr^
louer le bien qu elle fait partout où elle otmle.
a8.
436 JOURNAL ASIATIQUE.
ïAchi bouronr gaoL Après avoir coulé au ilbrd-est
sur une étendue de i3o lis, cette rivière se jette
dans le Tcltouî gaoL
Tâlas ^ GAOL. Au nord -ouest d7Iî, à 3o lis (3
lieues) au sud - ouest du Tçhoui' gaoL Gettu rivière
prend sa source dans ÏEdémek daba, au nord des
monts Célestes {Thien chan), et là elle commence
par se diviser en quatre branches, qui» après un
cours de 3o lis (3 lieues), se réunissent et vont se
décharger au nord. Il y a dix rivières qui sy jet-
tent par la rive de Test et par celle de Touest. La
partie où ces différentes branches se réunissent de-
vient le centre d'un large courant qui a une étendue
de 200 lis (20 lieues), et forme le Talas gaoL Le
cours supériem* (du Talas gaoï) s*appelle Oamo malar
gaol Après qu'il a coidé à Touest sur une étendue de
3 00 lis, on rappelle encore Tchalakhœf a gaoL En-
suite, il fait un coude, coule à l'ouest sur ime éten-
due de 200 lis (20 lieues), et forme une petite mer
qui a 3 00 lis .(3o lieues de circonférence). On lui
donne le nom collectif de Talas gaoU
Edémek ^ GAOL. Au. nord-ouest à'ili. Elle prend
sa source dons VOakek^ daba\ elle forme^deux
branches qui viennent se réunir, et, après un cottn
de 3 00 lis, elle se jette dans le Talas gaol.
^ Mot dchongar signifiant large, grand.
' Mot bourout signifiant gâteaa, tarleleiU, Ce nom vient de ce
<]ue les gens qui habitent sor les bords de cette rivière 1*0
pent à &ire de ces sortes de p&tisseries.
' Ce mot a été expliqué plus haut, pag. 4i5, note 6«
NOVEMJBRE-DÉCEMBl^R 1846. m
GouRBAN DCHÈRGui ^ GAOL. Au nord d7K. Gefté
rivière pfend sa source au pied ouest du Écherjoé
aola. Elle se divise en trois bras qui coulent à l'ouest
siu* une étendue de 3 60 lis, se réunissent et fbnnent
une rivière qui se jette dans le Talas gaoL
Khara gaol^. Au nord -ouest d'J7«. Cette rivière
prend sa soiu*ce au pied ouest du Khoalakhaî aoh.
Elle reçoit quatre petites rivières, coulé sur une
étendue d'environ 3 00 lis (3o lieues} et se jette,
à l'ouest, dans le Talas gaoL
KouMoucHi^ GAOL. Au uord-ouest d'Iïi. Jpette
rivière prend sa source au nord-est du KôumotuM
aola, coule sur une étendue dé 100 ih (ao lieues)
et se jette dans le Talas gaoL
Khara boura^ gaol. Au nord-est d'i/î. Cette ri-
vière prend S2| source au nord-ouest du Kharaboura
daba, coule sur une étendue de 4oo lis {4o lieues)
et se jette dans le Talas gaoL
Archa'* gaql. Au nord-ouest d'/Iî, à 300 lis (ab
lieues) à l'ouest de - Tahs gaJoh Cette rivière prend
' Mots dchongars : gourhan, troit, et dchergué, rangé sdr la même
ligne. Cette expression désigne trois rivières qui coolent pandl&le-
ment.
' Ces deux mots signifient rcvièr» noire, [Khara, noir, en mong<d
et en dchongar.}
^ Koumouchi, mot hoeî signifiant argent. Gomme si l'on disait la
rivih'e d'argent, blanche comme Targenf,
* Mots dcboiigars : khara, noir , et hoara, petit peuplier. Le mot
khara» noir, fait allusion à Tombre épaisse des pçupHers qui
croissent sur les bords de cette rivière. •
^ Mot dchongar : eau cbaude. Les gens du pays font chauffer de
1 eau en cet endroit pour se baigner.
4S8 JOURNAL ASIATIQUE,
sa source au milieu du mont Nan-chan (mont du
wdi), elle commence par couler à Test; ensuite
elle fait un coude, coule au nord et passe à l'ouest
du Baga boaroal aola. De là, elle coule au nord-ouest
sm* une étendue d'environ 3oo lis (3o lieues) et
entre dans une plaine de sable et de pierres. Au sud
de ce point , se trouvent les Ming-boulak (ou les. mille
sources) qui sortent au nord du Khara boara dabàf
coulent à Touest sur une étendue de ko lis (& lieues),
se réunissent et forment un petit lac qui a environ
1 o lis (l' lieue) de circonférence. Si, en partant de
cet endroit^ on firanchit les montagnes dans la di-
rection du sud, on entre dans les frontières des
Bouroats.
LACS.
Alaktoijgoul ^ NAOR. ATest d7ti, à 5o lis à Touest
du Boalkhatsi ^ rmor. Sa circonférence est d*enviroB
âoo lis (do lieues). La trente et unième année de
Khien-long (1766), il fut décidé qu*pQ lui offirirait
des sacrifices annuels. Il y à des prières ofiScielles
qu'on récite en cette occasion.
Balkachi ' NAOR. Au uord à'iti. Sa circonférence ,
y comprisses détours, est d'environ 800 lis (80
lieues). Tout le fleuve d*IU, qui, arrose une éten*
^ Alak, mot mongol signifiant tacheté, et totigoul, un vemf 4
lac
^ Mot dchongar. signifiant enu sooterrainB^ Ge lao ait donaé dTai
souterraines qui sortent en tournoyant à la surface de U^ tem,
. ' Mot dchongar signifiant large, Ge iac reçoit uo grand nomlire de
rivières.
NOVEMBREDÉGEUBRE 1846. 480
due de looo lift, vient 6*y jQter aprè» une ouikitude
de détours; cest un bassin oh se rémiisaent un
ncHnbre considérable de mières; ondie regaide
comme le plus grand lac du nord-ouest de laDdioUr
garie. Dans le voisinage, on^pcNKipte qpq rivières
dont leau est fort basse et qu il est aisé de traver*
ser; ce sont : i'' ÏEsoasdé; %"* le Kharata gaol; S^ h
Khouïmaratoa; 4° ïOntorgué; 5^ le TarkhùuJUa. On
leur donne le nom général de dohkont mot num^
gol qui signifie an gaé.
On lit dans les Annales des Thaug, biographie
de Fang-i : nFang-i amena son armée et livra ba-
taille sûr les bords du fleuve /ifi-fto {ïHi-^ael d'au-.
jourd*hui. ) Ibidem : Fang-i fit hafte sur les bords de
la mer chaude (en chinois Je'-Aai),c^4-direj»U' les
bords du BaZtociS^i naor (sic). »
TousKOUL^ A 3oo lis (3o lieues) à Touèst d*iïr.
Il a 4oo lis de Test, à Toueist et aoo lis du nord
au sud. Il reçoit de toufi côtés ^ une multitude de
rivières et de ruisseaux.
Voici les noms des cours d'eau qui s y jettent ^n
venant du nord : i"" K(or(i nokhai hoalah; ^''Chakitûu
boalak; y Kourmetou boalak; k^ Yatoam^ boaUk;
5"* Dchaka bakatoa bovMi; &" ^hfftchakm W$ou;
'f Goarban Sari boulak; 8** GoarboB ke hoajak.
Noms des coiu's deau qui s y jettent en ytmsmi
de rest : i"* Chibartal kkoraï b&oM; d"" T^b^uk hou-
lak; S"" Dsirgalang botUak.
' TottSj en boarout, signifie sel' On recneilie dti scî sur les
bords de celac (ilr9it2).
440 JOURNAL ASIATIQUE.
' Iiya,*en outre, le Tonrgaentcha boidak et le
Goùrban tchakis boulak, qui se joignent au nord-
ouest, à IMrgalang bonlak, et se jettent ensemble
dans le lac Toukonl (lisez Touskoul)^
Noms de^ couranti^*éau qui s y jettent en Tenant
du sud-: 1** Archatoa boulak; 2^ Khara gaol; 3* le-
toakoas {sic) boalak (je crois qu'il faut lire Yetgoas);
IC" Ike oulan boulak; S"" Dchaokha houlak; &* Gourban
yorkhatsin boulak; y"* Barkhon- tamklia boalak; 8' To-
sor boulak; g"" Toung boulak; lo** Ak boulak; ii^ Se
boulak; is"" Konggor elong (lisez ohung) boalak;
1 y Oabouchi boulak; i Ix"" Aoh, boulak.
• Noms des cours d*eau qui s*y jettent au nord-
ouest : 1*" Khochokhar boulak; 2*" Youl arik houlak;
y TcliatcJian khanaî boulak.
Tous les courants d'eau qui partent de tous les
points de sa circonférence et s y réunissent sont au
nombre dau moins cent. Ce lac, large et profond,
qui reçoit le tribut de tant de rivières, ne grossit
ni ne diminue pendant toute Tannée. A l'angle nord-
ouest, il déborde et laisse échapper un courant qui
se décharge dans le fleuve d'iZî. C'est le plus grand
lac des frontières de l'ouest.
Parmi les rivières qu'il reçoit, la rivière Dsirga-
langy qui coule à l'est, est sans contredit la plus
grande.
Nous n'accumulerons pas ici les noms de toutes
les autres rivières, dont le cours n'excède pas 3o,
Ixo, 6o ou 70 lis (3, Â, 6, 7 lieues); il nous suffit
d avoir présenté ici le résumé des plus importantes.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 18(i6. 441
On lit dans les Annales des Thang, biographie
de fVang-fang-i : « Dans le septième mois, il fit halte
sur le Ye-feo (littéralement fleuve de Ye); il nWait
pas de bateaux , mais Tèau était gelée. »
Même ouvrage, histoire des Toa-Moue (Turcs):
li Sùn-ting-fang poiu'suivit Kia-hu jusqu'à la rivière
Souî-ye-chouî , et lui prit toute son armée. » '
Si Ton examine le Souî-ye-chouî (littéralement la
rivière de Souî-ye) des Annales des Thang, on voit
qu*il était à Touest de la rivière I-li-ho. Or, le plus
grand cours d'eau à Touest de la rivière I-li-ho (ri-
vière d7/i, ou Ili-gool) , est sans contredit le lac Toos-
koul; et c'est certainement là qu'il faut chercher les
vestiges de Soai-^e.
Wanq-fang-i battit d'abord les troupes àelnrkhio
sur les bords de ïlli-ho, et, en les poursuivant, il
arriva au nord jusqu'au Ye-ho (rivière de Ye). Or,
Ye-ho était synonyme de Souî-ye-chouî; c était , sans
aucxm doute, le lac TcuskouL T>an& la langue des
Dchongars, le mot koul a la même signification que
nor (lac) dans celle des Mongols.
Sengguer^ naor. Au nord-ouest d'/Zî, au pied
sud de YEdemek daha. Il a 5o lis dëtîirconférence
et ne communique avec aucun cours d'eau.
Ak kouL NAOR^. C'est un petit lac qui se trouve
au nord-ouest d'J/i, au milieu d'une plaine de sa-
^ Seng^uer, mot hoeî , signifiant eau qui s infiltre en terre.
^ Lisez ak houl naor {Si-yu-thong-wen-tchif iiv. Y, fol. ZS)> Ak,
en hoeî, signifie hlanc; houl et naor ont le sens de. lac. Il y a ici un
pléonasme, comme lorsque nous disons le lac Ton^ul (selrlac)^
le lac Barkoul {houl veut dire lac).
442 . JOURNAL ASIATIQUE.
blés et de pierres. 11 a 5o lis (5 lieues) de drcon-
fërence.
BiKODL^ NÂOR. Au nord-ouest d7(î, à aoo lis
(20 lieues) de ïAkkoachi (lisek Ak koal) naar; il est
de même largeur et également circulaire. Deii, en
se dirigeant à louest, on entre dans les firontières
des Khasaks^
MÊME SUJET.
EXTRAIT DE SIN'KIANG-TCHi'LIOj LIV. IV, FOL. ao 8QQ.
Tekés-ho ou Tekès-gaoL Cette rivière prend sa
source au milieu d'une montagne , à environ 5 00 lis
au sud-ouest de la ville d7/i , et coiule au nord-est
sur une étendue d environ 800 lis. A ïest de la mon-
tagne Nomoakhônsouny , elle se jette à fest dans 4a
rivière Koungghés-ho , ou Koangghés-gaoL
KouNG6Hés-HO OU Koungghés-gooL Cette rivière
prend sa source au milieu dune montagne, à envi-
ron 700 lis à lest de la ville à'IU. Elle .coule à
l'ouest et reçoit la rivière Tekés-gaoL
Khâghi-ho ou Khachi-gaoL Cette rivière prend sa
source au nofd de la source du Koungghés gaol; elle
passe au nord du mont Aboural et se divise en deux
bras qui se jettent dans ïlli gaol.
BoRo BODRGAso.q-HO. Cette rivière est sitoée à en-
viron aoo lis à l'est de la ville d'//î.
^ Bikoal, mot bourout signifiant riche, opidmL Les bords de
ce lac sont propres à l'agriculture et à Télève des iroapenu. Os
donnent d'abondantes récoltes.
NOVEMBRE-DÉCEMB&E 1846. 443
D$iR6ÂLANG-HO, 011 DsirgotoTtg gaol Cette rivière
sort dune gorge du mont Khdchi, et traverse les
villages des rousulmans dé Bsirgalahg*
' Dans la vingt-deuxiènae année de KMen-tong
(1754), Amoursam ameuta les barbares qui avaient
fait leur soumission, et excita des désordres, he gé-
néral Tchao-haeî alla s*étab}ir à Dsirgalàng avec un
seul corps d*armée, leur livra bataille etles liiit en
fiiite.
PiRiTSiN-HO. A environ loo lis au nord-est- de la
ville d7K. Cette rivière coule au sud; elle arrose les
champs des colons attachés aux deux i;àmf)s man-
dchous et ceux des colons attachés a^ camp vert de
Bayan-taî,
La som*ce du mont Tong-^limatoa chxin (c est-à-
dire mont Alinîatou de Test) est au nord d.e la ville
de Hoeî-ning. Elle sort du mont Pe-chan [on nçiont
du nord). Anciennement, elle formait une rivière ;
mais , dans la suite , on a détourné^ ses eaux pour ar-
roser les champs et on les a amenées dans un canal.
OuKHARLiK-«o. La rivière d'OakharUk est sitnée à
environ i oo lis au nord de la ville d7K; elle sort
dç la partie du mont Talki qui oblique à Test.
TcHAGAN-ousou-CHOUh La rivièrc Tchagun-ousoa est
située à environ lOo lis au nord de la ville d'/Zî.
Si-ALiMAToc-GHOuï , cest-à-dire la rivière du mont
AUmatou oc^denfal. Elle est située h environ 1-20 lis
au nord-ouest de la ville dUlL
GouN-BA-KEou-cHODÏ , ccst-à-dirc la rivière du canal
de Goim-ba. A environ i3o lis à Touest d*Jlt.
kkk JOURNAL ASIATIQUE.
Khorgos-ho. La rivière de Khorgas, à i Aq lis au
nord-ouest de la ville d'i7î,
Tghetsi-ho. La rivière de Tchetsi, à eiiviron aoo
lis au nord-ouest de la ville d7/ï.
Samâr-ho. La rivière de Samar, à environ aoo Jû
au nord-ouest de la ville d*iîi. •
TouRGUEN-Ho. La rivière de Tourgueiit à environ
200 lis de la ville d7/î.
Ko(]ÏTOuN-Ho. La rivière de KoaUoun, k environ
3 00 lis au nord-ouest de la ville d'iZi.
TcHALïN-Ho. La rivière de TchaUn, à environ. &oo
lis de la ville d7K.
Temourlik-ho. La rivière de TemonrUk, à envinm
4oo lis de la ville d'iïi.
GuEGGEN-HO. La rivière de Guegnen^ à 5oo lis au
sud-ouest de la ville d*/Zi.
Khârkira-£[o. La rivière de Kharldra, à environ
5oo lis au sud-ouest de la viJle d'iZî.
Gharayâs-ho. La rivière de Charaytu^ à enviitm
tioo lis au sud-ouest de la ville dUlL •
Dabousoun-naor. Le isic Dabsoun ou Salé, à 3oo
lis au sud-ouest de la ville d'iïî.
TcHABOUTCHÀR-HO. La rivièrc de Tchaboatchar, i
environ 200 lis au sud-est de la ville d*/2î. On em-
ploie ses eaux, divisées en canaux, à arroser les
villages des musulmans de Yangsar, et ceux qui avoi-
sinent lateîier des monnaies de cuîvrcf
La rivière d'/K passe à environ un demi-li an
sudd7K.
On lit dans les Annales des Thang : «Les Turcs
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1840. 445
occidentaux se divisèrent en deux hordes dont le.
territoire était borné par la rivière I4i£ (la* même
qalli'gaol d aujourdliui). ».
On lit encore dans les Annales dès Thang : ((Dans
la deuxième année de la période Hien-khing [65^ de
J. C), Tempereiu' nomma Son-ting-fang comman-
dant général des troupes de la province d^Jf/i. »
Saïrim-naor. Le lac Saîrim, à environ 200 lis au
nord-est de la ville d7b', au nord du passage du
mont Talki. Sa circonférence est d'environ 3 00 lis;
il est entouré de hautes montagi^es. Derrière la mon-
tagne située au nord de ce lac, il y â Un pays nonmié
Borotala; il est abondamment arrosé et ofire de
riches pâturages. Cette contrée est plate et déserte.
Dans la vingt-deuxième année de Khienrtong{ 1 7 5 A),
Amoarsana quitta le pays des Khasdks, entra secrè-
tement dans m, et rassembla les révoltés en cet
endroit, dans le but de se faire nommer khan.
C'était dans cette contrée que les Dcftonjow fai-
saient jadis paître leurs troupeaux. Maintenant, ce
sont les Tchakars qui y font paître les leurs. '
.oJ-'S^-^^^'-fo"
4A6 JOURNAL ASIATIQUE.
RECHERCHES
Sur Irois princes de Nicha)pour, 548-595^6 l'hégire (il 53-
1 199 de J. C.) , par M. Defaémbrt.
On lil dans le Tezkiret ech-choéra, ou Hémorial des poèlei,
de Daulet-chali , Un passage ainsi conçu : « Zéhir (c estrà-diie
Zéhir-eddin-Fariabi} vint d*abord de Fariab à Nichabour.
A cette époque , le sultan Thoughan-chah était souverain de
cette ville. Il y a eu deux princes de ce nom dans la iaittOIe
des Seldjoukides. Celui dont il est ici question mQnta sur le
trône après la mort de Sandjar, et faisait jouer cinq fins M
musique militaire (nevhèt ) à la porte de son palais; mais les
Kharezm-chah ne le laissèrent pas jouir paisiblement de IW
torité souveraine '. »
Ce passage nécessite plusieurs observations. Il n est pas
exact de dire que le Thoughan-chah, loué par Zéhir; appar
tenait à la famille des Seldjoukides. Ce souverain avait * 0 est
vrai, succédé à la puissance des Seldjoukides sur une partie
du Khoraçan; mais il était tout à fait étranger à cette illustre
dynastie. C'était le second de trois princes qui régnèrent sur
Nicliabour depuis Tan de Thégire 55o, jusqu'à Tan 583 de
la même ère. Il succéda, en 568 ou 569, à son père Mou-
veiyed-Âîbèli, et fut remplacé, en 58 1 ou Ô8a, par son fib
Sindjar-chah, qui, bientôt après, fut détrôné par Tacach,
sultan du Kharezm. L existence de cette dynastie a été tout à
fait inconnue à nos savants orientalistes , hormis à de Guignes ,
qui, lui-même, tout de Guignes qu'il était, n'en, a eu qu'une
' Charmoy, Expédition iV Alexandre le Grand contre Um Rasm,
pac. 4.1.
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 447
connaissance vague, fautive etiiicom{dète\ et i|*€p9 a parlé
qi|i*incidemment. Je crois donc ne pas déplaire ai^x amis de
l'histoire musulmane, en essayant de jeter quelque jour
sur rhistoire de Tlioughàn-cfaah, de son père et de son fils.
Une seuie défaite ven^t^de renverser une puis-
sance signalée par cinquante ans d'entreprises heu-
reuses, et de faire du monarque le .plus puissant
de TAsie occidentale , 1» misérable captif, et , pour
ainsi dire, le jouet d'une horde de barbares. Les
Gouzzs, vainqueurs^ du sultan ^indjajr^ ravageaient
le Khpraçan, et,, animés de cet aveugle esprit de
destraction , dont les Mongols devaient si cruelie>
ment renouveler Texemple , moins d'un siècle après,
ils signalaient en tous lieux l6ur passage par le
meurtre et Tincendie^. Un Turc ^ esclave du sultan
Sindjar, profita de ces troubles sanglants pour se
rendre indépendant et fonder une principauté qui
* T. Il, livre x, p. 267, aÇS, et livre xiv,p. a&g, 260, 262.
' Un fait suffira pour caractériser le$ impitoyables dévastations
commises par les Gouzzs. Â Nichabour, où ils entrèrent au mois de
cbevval 5^9, lis tuèrent tant de monde, que les cadavres s^monce-
lèrent en collines. Plusieurs savants et religieux se fortifièrent dans
la principale mosc[uée; ils furent tués jusqu'au demiw^ et la plu-
part des bibliotbëques de Nicbabour devinrent la proie des flammes.
Les mêmes excès furent commis àDjouveîn et à Isféraîn. (Ibn-Matbir,
CandUettèvarikh , ms. arabe de ia Bibl. royale, n** SSy supp. t. V,
p. 119; Ibn-Kbaldoun , Hist.des Seîdjoukides, tus. fr. suppl. n** ^;
Aboulféda^t. m.p. 53o.)
^. Tahacaii'Naciri , ms. persan de la Bibliotbèque royale, n* i3
Gentil, fol. 201 r.
448 JOURNAL ASIATIQUE,
devait exister plus de trente ans. On Fappelait Âibéh,
^ fS^y ou Aï-Âbéh, x}\ f^\, et il était sumomné
Al-Mouveiyed (celui qui est aidé de Dieu). Il Êûsait
partie de Tavant-gàrde de Sindjar, lorsque celuird
marcha contre les Gouzzï^ et c'est sans doute le
même personnage que nous voyons, dans Mir-
khond ^, sous le ndm d^ Témir Mouveiyed Burarg,
forcer le sultan, par ses représentations, à livrer
aux Gouzzs la funeste «^bataiUe dans laqpieUe ce
prince fiit fait prisonnier. Après la défaite de Sînd-
jar, Mouveiyed rassembla autour de lui les débris
de Tarmée vaincue , «'empara de Nichabour', Tous,
Niça, Abiverd , Ghehristan et Dam^han , et sut éloi-
gner les Gouzzs de ces villes, en tuant' un grand
nombre d'entre eux^.
Maître de ces places , Mouveiyed chercha à asr
^ Ibn-Âlathir, p. 117; Ibn-Khaldoan , f. s68 r.
* Historia Seldschukidarum., p. 187^ Cf. Khondémir, Habib euusr,
ms. de la bibliothèque de TU Diversité de Leyde, n* S96 è» foi. s i5 r.
Khondémir ajoute que la plupart des chefs de Tarmée du Kfaoraçan
combattirent mollement, à cause de.rinimitié qu^ils reasentaîeot
contre Mouveiyed et Barnakach : qLw[^ ùL^,^ qL^Î. JU9L
v5ÛiM« <Axa.jÙ (>*ÂJiLâD ^JSJLjj^^ 0*rij^ V ^^ <^LH S^^^
^ Quoique Ibn-Alathir, Ihn-Khaldoun et Aboulféda ne fixent pis
la date de la prise de Nichahour par Mouveiyed, il ime pardt eer'
tain que cet événement ne put pas avoir lien avant Tannée 55o
(1 i5B de J. G.]. En effet, les Gouzzs n drivèrent à Nichabonr qn*aii
mois de chewal 54g (fin de décembre 1 1 54).
* Ibn-Âlathir, p. 1 ao ; Abou Iféda , t. III , p. 53o ; Iba-Khddomi,
fol. 268 V.
NOVEMBRE. DÉCEMBRE 1846. 449
surer son autorité par la justice et Téquité qu*ii
déploya envers leurs habitants. Sa puissance ne tarda
pas à inspirer de lombrage au khacan Mahjnôud-
ben-Mohammed , neveu, par sa mère, du sultan
Sindjar, et qui gouvernait le Khoraçan pendant la
captivité de son onWe ^. Ce prince envoya sommer
Mouveiyed de venir le trouver, et de lui livrer les
villes et les forteresses qu'il occupait. Mouveiyed
refusa d'aboxd ; mais , après une négociation, il con-
sentit à payer à Mahmoud une somme, moyennant
laquelle celui-ci devait le laisser tranquille posses-
seur des places dont il 3*était rendu maître ^.
Cet état de choses dut se prolonger durant tout le
temps de la captivité de Sindjar et jusqu'à la mort de
ce sultan , qui arriva en 552 (i 1 67). Sindjar, se voyant
sur le point de mourir, nomma pour successeur son
neveu Mahmoud, qui fixa sa résidence à Djordjan.
Les Gouzzs s'emparèrent de Merve et du Khôraçan ,
et lanarchie dura jusqu'à l'année 554. Mouveiyed
parvint à s'emparer de l'autorité sous le nom de
^ Mahmoud descendait, par son père, de Boghra, khan des
Turcs. Cest sans doute à cette illustre origine qu'il devait . le sur-
nom de Khacan, qui lui est donné par Ihn-Al.athir et Mirkhond,
( Hist. des saUans da Kharezm, p. 1 1). Cest donc à tort que-, dans
ce dernier ouvrage (loc. laud. note* 2), j'ai proposé de lire qUia^v
au lieu de ^UIâ, que portent les mss. Je ferai d'ailleurs observer
qu'Ibn-Alathir appelle indifféremment ce prince Khacan et llkban
/jU»^. Ce dernier titre est celui qu'lbn-Kbaldoun donne à Mahmoud
(fol. 268 r. et V. 269 r. et v. 270 v. 271 v.). Puisque roccasion s'en
présente, je corrigerai une autre faute que j'ai commise dans l'ou-
vrage déjà cité, sur la foi de deux mss. Au lieu de qL^I^
(pag. i3, lig. 1 ri 2), il faut lire (jUU^ «Carîouks,» avec le Ta^
rikhi GuziJ.ek (ms. 9 Brueix, fol. i64 v. i65 2").
^ Thn-Alathir, p. 131. .
VIII. 29
460 JOURNAL ASIATIQUE.
Mahmoud, et à jouer, près de*ce faible prince, le
même rôle que Tatabeg Udéguiz et ses fils près des
derniers Seldjoulcides de Tlrac.
Cependant, lelévation de Mouveiyed excita la
jalousie de plusieurs des émirs de Sindjar, qui ne
purent voir sans envie leur andfen compagnon de-
venir leur maître. On distinguait parmi eux Témir
Inac ^ et Témir Soncor. Tantôt le premier se joignait
à Mouveiyed, tantôt il se retirait auprès du Kha-
rezm-chah; enfin , d'autres fois il passait dans le Ma-
zendéran. Dans Tannée 55q , il quitta Cette dernière
province et se dirigea vers le Khoraçan, à la tête
de dix mille cavaliers , que lamour du pillage et la
haine de Mouveiyed avaient attirés spus ses dra-
peaux. Lorsqu'il fut arrivé dans les cantons de N.iça
et d'Abiverd , il s arrêta et envoya à Mouveiyed des
messages, par lesquels il l'invitait à faire la paix
avec lui et à devenir son allié. Mais Mouveiyed,
doutant de la sincérité de ces demandes , marcha
contre Inac. Les troupes de celui-ci fabandonnèrtent
et il dut fiiir vers le Mazendéran, laissant toutes
ses richesses aux mains des ennemis. Le prince du
Mazendéran, Roustem, était alors en contestation,
au sujet de lautorité royale , avec un de ses frères
nommé Ali. Lorsque Inac amva dans le Mazen-
déran, Roustem venait de prendre le dessus. L'émir
^ Auiieu d'Inac jaUj i-, leçon qui nous est fournie par deux nui.
d'Ibn-KhaWoun (ms. ^i, f. 269 v. ^^, f. 71 r.J, Ibn-Alathir
écrititsac, ^Ubf, et Itac, ^Uj[. Je dois avouer que le demierdes
deux mss. d'Ibn-Khaldoun cites ci-dessus porte aussi quelquefou
^LjcjÎ. Le manuscrit d'Ibn-Alathir rapporté de Constantinopie pir
M. de Slane, donne la leçon Inac (t. Y, f. 188 r. et v. igâ r. et v.).
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 451
fugitif crut faire sa cour au vainqueur en tuant Ali
et en portant sa tête à Roustem. Mais le roi du
Mazendéran reçut fort mal celui qui lavait prévenu
en lui évitant im crime. «Je mange ma chair, lui
dit-il , et ne la donne point à qaanger à un autre,
f^jjfS' A-tj^ot ^3 45-^ iK'. » Puis il féloigna de sa
•présence.
Cependant Inac ne cessa point de retourner dans
le Khoraçan pour piller cette province , et particu-
lièrement la ville dlsféraïn , qu'il finit par ruiner
entièrement. Le sultan Mahmoud et Mouveiyed lui
envoyèrent une ambassade pour Tinviter à faire la
paix. Mais il refusa, et les deux princes durent mar-
cher contre lui avec une armée dans le mois de séfer
553 (mars 1 15&). Dès qu'ils s'approchèrent d'Inac,
une partie des troupes de ce dernier passa à rennémi.
Inac se réfugia dans le Thabaristan , poursuivi par
Mahmoud et Mouveiyed. Roustem envoya auprès
de .ces princes des députés chaires de leur de-
mander la paix, et de leur porter des sommes consi-
dérables. Un traité fut conclu et Inac livra son fils
comme otage. Mahmoud et Mouveiyed s'en retour-
nèrent, .et Inac resta paisible possesseur de Djor-
djan, de Déhistan et de leurs dépendances.
Mouveiyed avait à peine déposéjes armes, qu'il
dut songer à les reprendre contre Sdncor-al-Azizi ,
un autre des émir^ de Sindjar. 5oncor avait partagé
la jalousie d'Inac contre leur heureux compagnon,
et tandis que Mouveiyed était occupe à faire la guerre
à Inac , Soncor avait abandonné le camp du sultan
452 JOURNAL ASIATIQUE.
Mahmoud et avait marché vers^Hérat. Il entra dans
cette ville et la pilla. Qn4ui conseillait de demander
du secours à Houceïn , roi du pays de Ghour ^; mais
il refusa de le faire, jaloux de son indépendance et
comptant sur les dissensions qui existaient entre le
sultan Mahmoud et ses émirs. Moiiveiyed, débar-
rassé de la guerre contre Inac , marcha vers Soncor.«
Lorsqu^il fut arrivé sous les murs d'Hérat, la garni-
son de la ville en vint aux mains avec lui. Mais bien-
tôt les Turcs, qui composaient la majeure partie des
défenseurs de la place, se soumirent à Mouveiyed,
et, à partir de cette époque, on ignore entièrement
ce que devint Soncor. Les uns prétendent qu'il
tomba de cheval et toourut des suites de cette chute;
dauti'es, que les Turcs, gagnés par Mouveiyed, se
saisirent de Soncor à Timproviste et le nfliirent à
mort ^.
A la nouvelle des succès de Mouveiyed, Mahmoud
se dirigea vers Hérat avec* son armée.* Une partie
des soldats de Soncor se joignirent à l'émir Inac.
Ils fondirent siu* Tous et les villages des environs.
Les semences et les moissons furent anéanties, et
la dévastation s empara du pays. Enfin, la disette,
accompagnée des excès qu'elle traîne à sa suite, ne
tarda pas à se joindre à ce fléau ^. LesGouzzs, ce-
pendant, s'étaient établis à Balkh, renonçant mo-
^ Cet Houceïn est ie même que le fameux Ala-eddin , sumomoi^
Djihansoùz . ou rinccndiaire du monde. (Voyez THistoire des saltans
Gbourides, .par Mirkbond, p. 8-1 5 et 26-34 de mon édition.)
* Ibn-Alathir, V, i5o; Ibn-Khaldoun , 269 V.
"^ Ibn-Alathir, i5i; Ibn-Kbaldoun , dicfo loco.
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. kbS
mentanément à pilier et à dévaster le Khoraçan.
Ils offraient même de reconnaître lautorité du sul-
tan Mahmoud. Dans le mois de chaban de cette
année ( 553) , ils se dirigèrent de Balkh vers Merve.
Le sultan Mahmoud était- alors à Sarakhs avec ses
troupes. Mouveiyed marcha contre les Gîouzzs , ac-
compagné d'une partie de l'armée du sultan. Il en
vint aux mains avec un détachement des ennemis ,
les mit en fuite et ne cessa point de. les poursuivre,
jusqu'à ce quils fussent entrés dans Merve. Puis il
retourna à Sarakhs, et se réunit au sultan Mahmoud ,
dans le dessein de marcher contre les Gouzzs et de
les combattre. Les deux princes joignirent leurs
troupes et se dirigèrent contre les barbares. Us en
vinrent aux mains avec eux le 6 de chevval (3o oc-
tobre 1 1 58). La guerre se prolongea durant plusieurs
jom's presque sans désemparer. Dans ces actions, le's
Gouzzs furent trois fois m.is en fuite. Us revinrent à
la charge et l'armée du Khoraçan se débanda. Le
nombre des morts, des blessés et des prisonniers
s'éleva à un chiffre considérable. Mbuveiyed et ceux
qui échappèrent avec lui au carnage revinrent k
Tous. Les Gouzzs s'emparèrent de Merve et en
traitèrent les habitants avec douceur, surtout les
savants et les imams , auxquels ils témoignèrent ie
plus grand respect; puis ils fondirent sur Sarakhs.
Les bourgs furent ruinés,. les habitants émigrèrent
dans d'autres contrées, et dix mille de ceux de Sa-
rakhs furent tués. Les Gouzzs pillèrent aussi Tous
et mirent à mort les habitants de cette ville, à l'ex-
454 JOURNAL ASIATIQUE.
ception dun petit nombre. Ces dévastations accom-
plies, ils revinrent à Mervc, qui était, pour ainsi
dire, leur quartier général. La crainte qu'inâpiraient
ces barbares était si grande , que le sidtan Mahmoud
^n'osa rester plus longtemps dans le Khoraçan, et se
retira à Djordjan. Les Gouzzs lui envoyèrent une am-
bassade au commencement de Tannée 55/i (i i5g).
Ils Tinvitaient à venir' les trouver, lui promettant,
en ce cas, de le reconnaître pour roi. Mais, toujours
dominé par la frayeur, Mahmoud refusa de croire i
ces propositions. Les Gouzzs lui députèrent alors de
nouveaux messagers, chaînés de lui demander pour
chef son fils Djélal-eddin-Mohammed^ Après plu-
sieurs ambassades et force promesses, Mahmoud
consentit à envoyer son fils dans lé Khoraçan.
Lorsque les émirs des Gouzzs eurent reçu ]a nour
velle de Tarrivée du jeune prince, ils sortirent de
Merve, au-devant de lui. Ils le rencontrèrent à
Nichàbour et le traitèrent avec le plus grand respect.
Les troupes des Gouzzs ne tardèrent pas à se ras-
sembler autour de lui, à Nichabour, dans le mois de
rébi second 55/i. Mahmoud, ayant ap|ans cette nou-
velle, abandonna le Djordjan et marcha vers le
Khoraçan / avec les soldats des émirs de Sindjar.
Quant à Mouveiyed , il resta en arrière^.
^ Au lieu de Mohammed, deux manuscrits d'Ibn-Khiddoon por-
tent Omar (ms. ^p, fol. 71 v. 73t. ms. ^, f. 169 v. 970 r); Budi
ailleurs ils donnent la leçon Mohammed (~ , ÙA. 7$ ▼. ^t
fol. 271 r)..
* Ibn-Âlathir, t. V, p. 1 47 et 1 53 ; le même , ms. de Gonstanti-
noplc, t. v, fol. 188 V. 189 r. Ibn-Kbaldoun , 169 r.
A
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 455
Le sultan arriva sur les limites des cantons de
Niça et d'Abiverd, et donna le premier en fief à un
émir appeléOmar-ben-Hamzah-al-Niçàvi. Les Gouzzs,
cependant, envoyèrent des députés aux habitants de
Tous, pour les inviter à Tobéissance et à la con-
corde. Ceux de Raïkan , t>^b ^' pleins de coi^ance
dans les murs de leiu* ville, leur bravoure et leurs
nombreuxapprovisionnements, refusèrent d accéder
à ces propositions. Une troupe de Gquzzs se dirigea
aussitôt vers cet endroit, assiégea la place, la prit
et y mit tout à feu et à sang. Après cet exploit, les
barbares retoiurnèrent à Nichabourv ils en répar-
tirent bientôt, accompagnés de Djéîal-eddin-Mo-
hammed, et allèrent mettre le siège devant Sebzé-
var. Les habitants de cette ville essayèrent de leur
résister, sous la conduite d*Imad-eddin- Ali-ben-Mo-
hammed, chefd.es Alides. Lorsque les Gouzzs les
virent disposés à faire bonne contenance , ils leur
envoyèrent deinander léf paix. Un accord fttt conclu ,
en vertu duquel les Gouzzs jet Djelal'-eddin séloi
gnèrent de Sebzévar, et retournèrent à Niça et Abi-
verd , après dix jours de siège. A en croire îlbjs^Ala-
thir, un seul des habitants de Sebzévar péiâl^iians
cette attaque ^ Ce fait, s'il est vrai, peut donner
* Au lieu de ^lisaJ L , il faut sans doute lire Ratécan ^LS5*U,
ou mieux qI^^U , qui est le nom d'uae ville du territoire de Tous.
{ Voy. le Lobhel-Lohah, de Soyotfti, éd. Veth, p. I If.' Voyez ausalÉdrici ,
GéotjrapKie,iTaià. franc. U II, p. 18 4.) Les historiens persanj» , vantent
souvent la beauté des environs de Radécan. (Voyez, entre autres,
Racbid-eddin , Histoire des Mongols de la Perse, p. 182.)
' Garnie V,i53, i54-,m5.deC.P. iSgr.Cf.Ibn-Khaldoun.ioc.&Mic/.
456 JOURNAL ASIATIQUE.
une idée du peu d'habileté que les Gouzzs , en cela
comme en tout, dignes précurseurs des Mongols,
apportaient dans le siège des places.
Mouveiyed, cependant, était resté à Djordjan
après le départ du sultan Mahmoud.* Cette époque
arrivée, il marcha vers le Khoraçan. Sur la route,
il s arrêta dans une bourgade du territoire de Kha-
bouchan, que Ion appelait Zanek, i^j), et dans
laquelle se trouvait un fort. Les Gouzzs , ayant ap-
pris cette nouvelle, marchèrent contre Mouveiyed
et l'assiégèrent' dans cette place. Il essaya de s'é-
chapper de la forteresse , mais un des Gouzzs
l'aperçut et s'empara de lui. Mouveiyed lui promit
une somme considérable s'il voulait le lâcher. Le
Gouzz ayant demandé où se trouvait cette somme ,
Mouveiyed répondit qu'elle était déposée dans un
endroit voisin , et fit semblant de le conduire vers ce
lieu. Chemin faisant, ils arrivèrent auprès de l'en-
ceinte d'une bourgade. Mouveiyed dit au cavalier:
(( L'argent est ici. » Puis il monta le long du mm* et
descendit de l'autre côté. Dès qu'il eut touché le
sol , il prit la fuite , laissant le Gouzz stupéfiât et hors
d'état de le poursuivre. Mouveiyed entra dans, la
bourgade et y fut reconnu par un meunier. II fit
savoir son arrivée au chef de l'endroit , en lui de-
mandant un cheval. Cet homme le lui donna et
l'aida à gagner Nichabour. Lorsque Mouveiyed lut
arrivé dans cette ville , les troupes qui s'y trouvaient
se rassemblèrent autour de lui, et il put reprendjre
son ancienne autorité. Le premier usage qu'U-eq fit,
NOVEMBRE-DECEMFBRE 1846. 457
fut pour- combler de^ienfaits le meunier qui lavait
aidé dans sa fuite ^,
Lorsque les Gouzzs; après avoir lové le siège de
Sebzévar, s'avancèrent vers Niça et Abiverd avec
Mohammed , fils du sultan Mahmoud , ce dernier
sortit de la ville à la tête des troupes du Rho-
raçan. Il se joignit aux Gouzzs, et les ameiia à re-
connaître son autorité. Mahmoud était animé des
meilleures intentions ; il voulait rétablir la tranquil-
lité et faire revivre la prospérité du pays. Mais un
pareil dessein était bien au-dessus de son pouvoir.
Après xjue les Gouzzs se furent réunis à lui , ils
marchèrent de concert vers Nichabour, où*se trou-
vait en ce moment Mouveiyed. A la nouvelle de leur
approche, celui-ci abandonna lâf ville au milieu
du mois de chaban, et se retira à Khaf, c>t>^. Les
Gouzzs entrèrent à Nichabour cinq jours après son
départ. Ils ne tourmentèrent aucunement les habi*
tants de cette ville; ils en sortirent même au bout
de cinq jours, et marchèrent vers Saràkhs et Merve.
Mais leur départ fut , pour la malheureuse cité de
Nichabour, le signai des plus grands désastres^
Il y avait alors, à Nichabour, un personnage ap-
pelé le/afei7i (jurisconsulte) Moùveiyed-ben-Houceïn-
el-MouvalTéki , reîs ou chef des* partisans de Chafeï.
Son origine et ses relations de parenté le ratta-
chaient aux plus illustres familles, et son pouvoir
était appuyé sm* une nombreuse clientèle. Il arriva,
vers ce temps, qiiun de ses compagnons tua, par
^ Càmil-€ttévarikh,loc. laud, Ihu-Khalàoun^î, 7*] o T.
458 JOURNAL ASIATIQUE,
inégarde, ;un homme, de ia^ecte de Chafeï. Le
mort était allié du chef des Âlides, Dakhaiveddin-
Aboul-Cacim-Zeïd. Celui-ci envoya sommer le
fakih Mouveiyed de lui livrer le meurtrier» afin
qu'il pût lui faire subir la peine du talion, me-
naçant le fakïh de sa vengeance , en cas de refus.
Mouveiyed ne voulut pas consentir à reniettre Je
coupable, et répondit à Aboul-Gacim : «Tu nas
pas le droit de Vimmiscer dans ce qui regarde nos
compagnons , et tu n as d'ordre à donner qu à la
classe des Âlides. » Le nàkib, furieux de ce refus et
des paroles qui raccompagnaient, rassemjbla ses
compagnons et ses adhérents, et marcha contre les
Chafeïtes. Ceux-ci se réunirent également, et le
combattirent. Beaucoup d'entre eux. périrent dans
l'action. Le nakih brûla le marché (O^) des parfii-
meurs, ainsi que la rue de Maad, ]a rue du ji^r-
din de Thahir et la ^maison de l'imam Âbou 1-Maali-
Djouveini , où se trouvait le fakih chafeîte, à cause
de la parenté qui existait entre lui et' rimam. Le
trouble se répandit par toute la ville, he.fàkik
Mouveiyed rassembla une troupe d'habitants de
Tous , d'Isféraïn et de Djouveïn. Ceux*ei tuèrent
un des adhérents dû nakib. Les Âlides et leurs parti-
sans marchèrent contre eux et leur livrèrent bataille,
le 1 8 de chewal 554 (2 novembre 1 1 59). La guerre
continua avec plus de fiu'eur qu auparavant. Les mé-
drécés, les marchés, les mosquées furent brûlés, et
beaucoup deChafeïtespérirent. Mouveiyed se réfugia,
avec une poignée de ses compagnons , dans le châ*
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 459
teau de Farkhak, vilL%^, et de là dans une bour-
gade du territoire de Tous. Les leçons des Cha-
feïtes cessèrent entièrement à Nichaboiu*; la ville
' devint la proie de la dévastation , et fut ensanglantée
par des meurtres nombreux^.
Sur ces entrefaites , Moilveiyed-Aïbeh revint vers
Nichabour, accompagné de ses troupes et de l'imam
Mouveiyed-Mouvafféki, qui était allé le joindre. Le
nakib des Alides se fortifia dans Charistan, (^bu^lô^,
(ou Chehristan). Le siège se prolongea avec grande
effusion du sang, et, Nichabour ayant été emportée
de vive force, ce qui restait de niaisons dans -cette
malheureuse cité fut ruine. Lès Chafeïtes et leurs
partisans ne gardèrent àucuiie mesure dans lem'
vengeance. Ils dévastèrent le médrécé-sandalieh ,
iûJiXÂAaJt iu«;4Xir, qui appartenait aux sectateurs
d'Abou-Hanifah , et se dirigèrent contre le cuhim-
diz (la citadelle). Les troubles continuèrent avec
une violence toujoiurs 'nouvelle.
Lorsque l'année 555 {i.i6o) fut commencée, et
que Mouveiyed vit son pouvoir établi fermenient dans
Nichabour, il s attacha à se conduira avec douceur
envers jses sujets , particulièrement envers ies habi-
tants de cette ville. D'autres soins réclamèrent bien-
tôt son attention. Plusieurs hommes s'étaient ras-
semblés dans le canton d'Askil , cKajum' ^, et y avaient
commis toute sorte de désordres. Mouveiyed en-
^ Ibn-Âlathhr, Camil., t. V, p. i54, i55; Idem, ms." de Gons-
tantinople, t. V, foL 189 r. et v.
' rbii - Khaldoun (mss. 5|i, fol. 73 r. et 4^, 270 v. ) écrit
jLjl&[ Acbkii.
460 JOURNAL ASIATIQUE,
voya d'abord vers eux , pour les inviter à renoncer
au mal et à rentrer dans Tob.éissance ; mais ils refu-
sèrent d*y consentir. Alors Mouveiyed fit marcher
contre eux une troupe nombreuse , qui tua la plu-
part des rebelles et ruina leur forteresse ^ Mou-
veiyed se dirigea de Nichabour vers Beîhac, où il
arriva le 1 4 de rébi second , et de ce dernier en-
droit vers le château de Khosraudjird , ù^jo^j^^m»^^.
C était une place très-forte, dont on -attribuait la
construction à Keïkhosrou , le vainqueur d'Âfra-
ciab , et où était enfermée une garnison composëe
d'horhmes déterminés. Mouveiyed fit le siège de ia
place et dressa contre elle des balistes. Les défen-
seurs de l'endroit résistèrent pendant quelque temps;
mais ; à la fin , Mouveiyed s empara du château et y
mit Une garnison , après en avoir fait sortir tous
ceux qui s y trouvaient.
Il retourna à Nichabourf le 20 de djoiunada pre-
mier , -puis il marcha, vers Hérat; mais û ne put s en
rendre, maître. Il revint à Nichabour et se dirigea
contre la ville de Cundur, j*>^, une des dépen-
dances de Thouraïtsits , cu^U^^^. Un homme nommé
' Ibn-Alatliir, t. V, p. 171, ms. dé C. P. fol. 191 r. ibn-Khal-
doun, mss. ^, fol. 78 r. et -4*, 270.
^ D après Soyouthi {Lobh eULobab, édition Veth, p. ^), Kbot-
raudjird était une bourgade auprès de Beîhac. SeloD le Mèracii'
Alittila, c'était la capitale du canton de Beîhac, avant mU w*L«
(Édrici : Sarawan (jÏjÎjLm). Khosraudjird me parait être l^droit
dont le nom se lit dans Édrici (trad..de M. A. Jaubert, t. Il, p. 177
et i84)Djeser-Wadjird,:i^^L^^.«,c^, et (i6id.p. 18a), Kha^ukerd
^ D après Soyouthi (Lohb cl*Lobah, p. IMa), Thouraïtsits est os
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846, 461
Ahmed, el surnommé Kharbendeh (lesdave de
làne), parce qu'il était muletier de profession , s'était
emparé de cette ville,- et une troupe de vagabonds,
de voleurs et de malfaiteurs s'était jointe à lui. Ces
misérables dévastèrent une grande partie du pays,
et tuèrent un certain nombre d'habitants. Mou-
veiyed marcha donc contre eux. Ils se fortifièrent
dans le château qui leur appartenait. Mouveiyed Jes
combattit avec vigueur, et dressa contre la place les
balistes et les instruments de siège. Enfin , Ahmed
se soumit à Mouveiyed, et consentit à être compté
au nombre de ses compagnons et de ses partisans ^
Le prince de Nichabour l'accueillit de la manière la
plus affable et le combla de bienfaits. Mais, dans la
suite, cet homme se révolta contre Mouveiyed, et se
fortifia dans son château. Mouveiyed le lui enleva de
vive force, et chargea de liens le rebelle; puis il le
mit à mort.
Le prince de Nichabqur marcha , dans le mois de ra-
madhan (septembre 1160), vers lé canton de Beïhac ,
pour combattre ses habitants, qui s'étaient révoltés.
Lorsqu'il approcha de la ville, un religieux de l'en-
droit vint le trouver, et l'invita à pardonner à ses
concitoyens. Il y consentit et s'éloign^. Sur ces entre-
faites , le sultan Rocn-eddin-Mahmoud envoya auprès
canton du territoire de' Nichabour. Quant à Cundur, je crois que
c'est la même ville dont le non) se lit Kaîderm j> % jk..AjCet Kaîder,
jj^A^Tdans Édrici (t. I, p. 1 54, et t. II, p. 182).
^ Selon Ibn-Khaldoun [dictis locis)^ Mouveiyed s'*empara de la
place de vive force. Mais il y a sans doute tine lacuhe'en cet en-
droit, ou bien Îbn-Klialdoun a confondu les deux sièges ensemble.'
462 JOURNAL ASIATIQUE.
de M ouveiyed , pour le confirmer dans la possession
de Nichabour, de Tous ei de leftrs dépendances.
Une tribu de Turcs, noînmée les Berzis» ^i^^'i
était établie près d'Ouzkend, et avait pour dief
laghmaç-Khan, fils d'Oudak, (^^^l (^ ^l^^^-^sî^.
Un détachement de Tannée du Khareun-clud] les
attaqua , dans le mois ,de rébi premier, et en fit un
grand carnage. laghmar-Khan s enfuit, avec une
poignée d'hommes, auprès du sultan Mahmoud et
des Gouzzs, et implora leur secours. Il pensait que
Ikhtiar-eddin-Inac avait excité les Kharèzmiens à
lattaquer. En conséquence , les Gouzzs marchèrent
avec lui contre Inac, par le chemin de Niça et d'Âbi-
verd. Inac, ne se sentait pas la force deieur résister,
sollicita Tappui de son voisin , le roi du Mazendéran.
Ce prince marcha à son secours , à la tête d'une ar-
mée de Curdes, de Deïlémites et de Turcomans,
qui habitaient les environs d'Âbeâcoun. Les Gouiss
et les Berzis lui livrèrent bataille, dans les environs
de Déhistan. Il Jes mit cinq fois en déroute. Les
Gouzzs, désespérant de vaincre le corps de bataille
du roi , firent une chargé sur Taile droite , dont Inac
avait le conunandement, et la contraignirent à fiiilr.
Le roi du Mazendéran prit aussi la fuite ; il se retira â
Sarieh. Inac gagna d abord Kharezm. Les Gouzzs pil-
lèrent et ruinèrent Déhistan, ainsi que Djordjan, dans
Tannée 556 (i 1 6 1). Cependant, Inac marcha contre
Boghra-Téguin-Bazgouch-Aldjoucani, (^Ky4 0^^»
qui s était emparé du district de Djouveïn. Bogfara-
Téguin s enfuit et se retira auprès de Mouveiyed,
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 463
qui le prit à son service. Inac s empara du petit état
de Boghra-Téguin , et eh pilla les richesse^^
Dans le mois de rébi second 556 (avril i i6i),
Mouveiyed fit arrêter les principaux personnages de
Nîcbabour et les mit en prison. Parmi eux «e trou-
vait le nakib (chef) des Aiides, Aboul-Cacim-Zeïd, fils
d*Hacan , el-Houceïni. D leur repix)cba les violences et
les rapines dont quelques membres de la famille d*Ali
s étaient rendus coupables envers If s habitants et
leurs femmes. «C'est vous, leur dit-il, qui avez ex-
cité Tavidité des vagabonds et des malfaiteurs. Si
vous aviez voulu les empêcher de commettre ces
actes, certes ils s en seraient abstenus. » Il fit mettre
à mort plusieurs malfaiteurs , et rukia la ville. Parmi
les édifices qui furent détruits était la mosquée
d'Akil , qui servait de rendez-vous aux savants , et
dans laquelle se trouvait une bibliothèque. Dix-sept
collèges appartenant aux seuls Chafeïtes, et huit
autres appartenant aux Hanéfites subirent le même
sort. Cinq bibliothèques fiu'ent brûlées, sept furent
pillées et les livres qui les composaient vendus à
vil prix. Mouveiyed se transporta ensuite à Chadiakh
^UiLw^, Il répara les murailles de cette ville, cons-
truite par Abd-AUah , fds de Thahir, gouverneur du
Khoraçan au nom du khalife Mamoun , et rebâtie
' Ibn-Alathir, p. 170, 171, 172, 178, ou ms. deC. P. foî.igsr.
et V. Ibn-Khaldoun, 27or. ^ . ,
, * Cest ainsi que je lis avec Soyouthi (Lobb, p; II^a), le Méra-
cid , nos deux mss. d'Ibn - Alathir , et le Djihan-Guchaî, ins.
persan 69, fol. 74 r. au lieu de ^L^LûCkadbakh,' lecture adop-
tée dans la plupart des mss. persans.
liàk JOL^RNAL ASIATIQUE,
dans la suite par le sultan Âlp-Ârslan. Lorsque ces
travaux furent terminés , Mouveiyed fixa sa rësidence
dans Chadiakh, ainsi que ses sujets; et la mine de
Nichabour fut consommée ^
Au mois de djoumada second, le suitan Mah-
moud , accompagné des Gouzzs , vint assiéger Mou-
veiyed dans Chadiakh. On ignore ia cause de cette
rupture entre le suzerain et son puissant vassal;
quoi qu'il en soit , la guerre se prolongea jusqu'au
mois de chaban de la même année. Alors Mah-
moud, lassé probablement des exigences de ses
alliés, feignit de vouloir entrer dans les bains
chauds. Il entra, en effet, à Chehrista'n, comme un
fugitif, s échappant des mains des Gouzzs. Ceux-ci
restèrent auprès de Chadiakh jusqu'à la fin de chev-
val , puis ils s'en retournèrent , se répandant dans les
villages et les dévastant. Ils pillèrent Tous, assiégè-
rent le mechhed (sépulcre) d'Ali-ben-Mouça-ar^Ri-
dha , tuèrent et dépouillèrent im grand nombre de
ceux qui s'y trouvaient; mais ils respectèrent le dôme
sous lequel était placé le tombeau. Lorsque le sid-
tan Mahmoud fut entré dans Chadiaikh, Mouyéîyed
commença par le traiter avec égards ; mais, dans les
premiers jours de ramadhan de Tannée suivante
(septembre i 162), il se rendit maître delà pçrsonne
de ce prince , et le priva de la vue , en' lui faisant pas-
ser devant les yeux un poinçon rougi au. feu*. Mou-
' Ibn-Alathir, V, 179, 180; ou ms. de G. P. foi. igS v. 194 r.
AboulTéda, t. III, p. 578; Ibn-Khaldoun, 271 v.
^ Fbn-AIatbir, p. 1 79 ; Mirkhond , Histoire des t^Uuu du Kktutzm»
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. A65
veiyed s*empara des ridbesses, de$ pierreries- et
autres objets de prix que Mahmoud gardait auprès
de lui, et qu'il avait jusque-là cachés avec soin,
craignant pour eux i avidité des Gouzzs* Puis il fit
disparaître de la }ihotbàh le nom. du sultan, dans
Nichaboiu* et les autres villes qui étaient .sous son
pouvoir, et ordonna d y substituer son propre nom
après celui du khalife Mostandjid-Billah. Il prit aussi
le fils de Mahmoud, Djélal-eddin-Mohanuned, le
priva de la vue et le jeta en prison, ainsi que son
père ; mais il leur laissa leiu:s concubines et leurs
serviteurs. Ds restèrent captifs ju^pi'à leur dernier
jom\ Au rapport dlbn-Alathir, Mahmoud mourut le
premier et fut" suivi de près par son fils, que le cha-
grin de fisolement.où lavait laissé le trépas de son
père ne tarda pas à conduire au tombeau.
Dans Tannée 556, Mouveiyed était allé mettre le
siège devant la ville de Charistan,, proche de Nicha-
bour. Il avait avec lui Djélal-eddin -Mouveiyed-
Movafieki, le Chafeïte. Un jour que ce dernier était
p. i3 et i4; idem, Historid Seldschukidarum; p. igS; Djikan-Cuchqi,
par Ata-Mélic-Djoueîni , ms. 36 Ducàurroy, fol. 67 v. Qamd-AHali-
Gazobîni, ms. persan de la Bibi. royale, n" tS Gentil, fol. so5 y.
Moadjmeli Fac^i, apud Dom , BmUetin de la classe hisiorico'pkUolo'
giqae de l'académie impéridledeSaint-Pétershourj, t. II, 1 845, col. 3i.
Dans ce dernier ouvrage , Mahmoud eft appelé Mohammed. — On
voit, diaprés cet exposé, si d'Herbeiot a eu raison d*avanoer [Bihlio-
ikèqae orientale, é.dit. in-4^ II, SaG] que «Thistoire ne nomm^uMs
le seigneur qui se révolta contre Mahmoud. • Quant à de Gnignes,
il se contente de dire : « Âîbeh fit faire en son nom la prière pu-
blique , ce qui était une révolte contre Mahmou4,' dont Thistoire ne
parle plus. • (Hi5toire de^ffuiu^ II» 362.)
VIII. 3o
466 JOURNAL ASIATIQUE,
monte à cheval, une pierre partie d*une baiisfe
l'atteignit et le tuà, le 5 de djoumada-ei-Akhir.
Le siëge se prolongea jusqu'au mois de chaban de
Tannée SSy (août 1 162)^; alors la place se rendit
et fut pillée par Tarmée de MouVfeiyed ; seulement,
la vie et la liberté des femmes furent respectées'.
Le 27 de séfer 5 87, Mouveiyed assiégea Âbou-
Becr-Djandar dans la forteresse de Vaskéréb-Hous,
ij»y^ f^ji^^^j une des dépendances de Tous. Cétait
un château extrêmement fort. Les habitants de Tous
prêtèrent leur concours à Mouveiyed, à cause de la
mauvaise conduire d'Abou-Becr envers eux et de sa
tyrannie. Abou-Becr, se voyant serré de près, eut-
recours à la soumission, et sortit de la forteresse,
par capitulation , le ao de rébi premi^. Mouveiyed
le mit en prison *.
Mouveiyed marcha, aussitôt après, contre Caris-
tan , ^Uuw^ château fort assis sur la cime d'une haute
montagne. Le possesseiu* de cette place, Abou-Becr .
Fakhii:, vint de lui-même trouver Mouveiyed et se
soiunit à lui. Dans le mois de djoumada second,
Mouveiyed envoya ime armée contre Isféraîn. Le
reïs ou chef de^ cette ville, Abd-eirahman , fils de
Mohammed, se fortifia dans la citadelle. L*année
^ Telle est la leçon qae présentent nos deux manascritt dlbn-
Alathir. Au lieu de *cw, sept, Ibn-Khaldoun écrit «muT, neuf.
' Ibn-Aiatbir, p. i83, ou ms. de G. P. foi, igii v.
3 Je suis ici le manuscrit de G. P. Tautre eiein|^ire dlbn-
Alathir porte iry^ *J^J'
* Ibn-Alathir, p. 186; Ibn-Klialdonn , 271 v.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 407
de Mouveiyed i entoura de tous côté» et le fbrça'à se
rendre. Il fut conduit , chargé de chaînes , à Cbadiakh ,
où on lemprisonna. Dans le mois de rébî second
558 (mars 1 163), il fut mis à mort. Enfin, Mou^^
veiyed s empara de la citadelle (3*Kâ^ ) de Nichabour .
A partir de ce moment, la princ^MUité de Mouveiyed
comprirïoutes les localités situées autour de Nicha-
bour. Parmi ces endroits, un historien persan , i'au^
tem' du Thabacati-Naciri^, mentionne Djam, Dja-
djerm, Charistan, Djordjan et Bakharz,^^L. Les
habitants de Nichabour s*étant transportés à Cha-
diakh , celle^îi remplaça lancienne Nichabotlt, qui
fut entièrement ruinée^. ^
Mouveiyed. envoya une armée vers Khaf, c>t^.
Dans cette ville se trouvait un émir nommé Ar*-
ghich, 0^'- ^^^ homme mit un détachement' en
embuscade dani^ des passages étroits et difficiles ; pour
lui, il s avança à la rencontre de Tarmée de Mou-
veiyed et la combattit. L'embuscade étant sortie de
son poste, les soldats de Mouveiyed furent mi^ eijt
déroute , avec de grandes pertes. Les ftiya)rds jetoui^
nèrent auprès de leur maître, dans la nouvelle Ni-
chabour. Mouveiyed fit marcher une autre «tmèé
contre Bouchendj, qui appartenait à Mohammed,
fils d*Houceïn, roi du Ghour. La ville fut assiégée et
':■'-■ '^
* Ms. 77 Anquetil , fol. 1 27 r.
« Jl t^t L^f otû»! J^J' *#l« «sib" U J^t-o^j
«iUxjJt AÂj(xIf o^jj^ j ^.L^Ui Ibn-Aiathir, dici, Zoco. Pour k
clarté du récit, je suivrai désorinais Texemple dlbn-Alathir, en
donnant à Ghadiakh le nom de la VîHe qu'elle rem]^a[k.
468 JOURNAL ASIATIQUE.
se défendit avec vigueur. Mohammed envoya un
corps de troupes à son secours. A Tapproche de
l'ennemi , Tarmée de M ouveiyed leva le siège et se
retira ^
Dans Tannée 558 (i 1 63), Mouveiyed marcha vers
le pays de Coumès^^t s empara deBestham et de Da-
méghan. Il plaça dans, ces villes, en qualifl de mu(
ou gouverneur, son esclave Tenkiz,^>^, qui fixa sa
résidence à Bestham. Bientôt , un désaccord étant su^
venu entre Tenkiz et le roi du Mazendéran, Rous-
tem , fils d'Ali, les deux partis se livrèrent bataille,
au commencement de dzoul-hidjdjeh 558 (novem-
bre 1 1 63). L'armée du Mazendéran fiit mise en dé-
route , non sans une grande perte d'hommes et de
butin.
Lorsque Mouveiyed se fut emparé du pays de
Coumès, le sultan seldjoukide Arslan, fils de Tho-
ghril , lui envoya des khilab précieux et des éteq-
dards, en signe d'investiture, ïd»^JÛM iy^t. Il lui
prescrivit, en même temps, de faire prononcer la
khotbah en son nom, dans les pays qu'il occupait,
et de consacrer tous ses soins à reconquérir les di-
verses portions du Khoraçan, afin de les tenir, à titre
de vice-roi, sous sa suprématie. Mouveiyed dut ces
présents et ce message à l'atabeg Chems-eddin-
...illdéguiz , qui exerçait toute l'autorité dans les états
du Seldjoukide et qui était lié avec lui. H revêtit Içs
hhilcUs envoyés par Arslan et fit prononcer la khotbah
au nom de ce sultan , dans les cantons de Coumès,
^ Ibn-Âlathir, Ibn-Rhaldoun , dictU locU.
NOVEMBREDÉCEMBRE 1846. 469
de Nichabbur et de Thous, et depuis Niça jusqu'à
Thabes Kileki. H faisait- prononcer son propre nom
à la suite de celui d'Arslan ^.
Dans Tannée 55g (i i6&), le roi deMazendéran
équipa une armée dont il donna le commandement à
un émir pommé Sabic-Eddin Kazouini. Ce général
marcha vers Daméghan, et s'en rendit maître. Tenkîz
réunit les troupes qui se trouvaient auprès de lui,
et se dirigea contre Sabic-Eddin. Celui-ci sortit Ae
Daméghan et alla au-devant de Tenkiz , à son insu.
Le général de Mouveiyed, attaqué à lïmproviste,
prit la faite et retourna auprès de son^ maître. De
Nichabour, il partait souvent pour faire des courses
contre Bestham et ieCoumès^.
Le roi du Mazendéran, Rotistem, mourut dans
le mois de rébi i* 56o (janvier-février 1 165 ). Son
fils, Ala-Eddin Haçan, tint cette mort secrète, jusqu'à
ce qu il se fût mis en possession de ses états. Après
quoi, il la publia. Inak, prince die Djordjan et ^e
Déhistan, oubliant les services qu*il avait reç^ de
Roustem, voulut enlever à son fils la souveraineté
du Mazendéran; mais il n'obtint aucun succès\
Molivelyed avait fait marcher ime armée contre
Néça, pom* assiéger cette ville. Au mois de djou^
mada P 56o, le Kharezm-chah Il^-Arslan, fils.d'Atsiz,
envoya.ime armée au secours de Néça. A son ap-
1 Ibn-Alathir, 192, igS, ou ms. de C. P. fol. 196 r. fim-Khid-
doun, fol. 373 r. Âboufféda, p. 588.
^ Ibn-Alathir, 306, 207, oums. de G. P. fol. 1^9 r.Ibn-Khaidoun,
272 r.
^ Ibn-Alathir, p. 20 S; Ibn-Khaldoun, dictohco.
470 JOURNAL ASIATIQUE.
proche, les troupes de Mouveiyed décampèrent et
retournèrent à Nichabour ; mais 1 armée du Kharexm
s étant dirigée vers Nichabour, celle de Mouveiyed
se porta à sa rencontre et , par ce mouvement , la
contraignit à. battre en retraite. Le prince de Néça
se soumit au Kharezm-chah, et fit prononcer la khat-
bah en son nom. Les troupes du Kharezm mar^
obèrent vers Déhistan. Le prince de cette vîfle,
rémir Inac , se retira auprès de Mouveiyed , son an-
cien ennemi; il en fut accueilli avec bonté. Mouvei-
yed envDya à son secours ime armée considérable;
qui séjoiu*na auprès de lui, et Taida à repousser les
attaques auxquelles il était exposé du côté du Hia-
baristan . Mais les Kharezmiens parvinrent à s*emparer
de Déhistan, où ils placèrent un gouverneur (iuL^)^
Kémir Itéguin ((^jvJa^!) était prince de Hérat
Une trêve existait entre lui et les Gouzzs. Lorsque
ceux-ci eurent tué le roi du Ghour, Mohammed ,
^ Ibn-Alathir, p. a 08; Ibn-Khaldoun , fol. 27a r. Ce ne fut pu
ia seule circonstance dans laquelle Mouveiyed eut affaire aux Kha-
rezmiens. Voici, en effet, ce qu'oii lit dans MirUMind:.cGomiiie,
après la mort du sultan Sindjar, quelques-uns de ses esclaves, qui
se distinguaient par leur excessive bravoure, et qui avaient pour
chef Mélic Mouveiyed, avaient fait prisonnier, dans Nichabour, le
sidtan Rocn-eddin Mahmoud-Khan , neveu par sa mère et sncceaieuf
de Sindjar, et l'avaient privé de la vue, Il-Arslan, ayant tiré du
fourreau Tépée de la vengeance, revint (des bords de la Soghd) et
se dirigea vers Chadbakh {sic). Il assiégea les rebelles dans cette
ville; mais, des ambassadeurs ayant interposé leur médiation, la peîz
fut conclue. » (Histoire des sultans du Kharezm^ p. 1 3, 1 4. Cf. le Tiuikld
Guzideh, ms. 9 Brueix, fol. 1 65 r. et IcDjihan-Cuchaîj ms.perHUi 69,
foi. 74 r.) Ce dernier auteur place cet événement en Tannée 558.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 471
fils de Houceïn ^ Itéguîn convoita ses étatà. H ras-
sembla des troupes, marcha vers ie Ghour, dans le
mois de ramadhan 559, ^^ s'avança au loin dans
cette contrée. Mais les Ghouriens îe combattirent ,
le mirent en déroute et le tuèrent. Après sa mort,
les émirs Gouzzs se dirigèrent contre Hérat et IW
siégèrent. Un nommé Athir-Eddin exerçait Tautorité
dans la ville. Il avait de Tinclination pour les Gouzzs,
et leur envoyait en. secret des messages, Le^ habi-
tants de Hérat , ayant eu connaissance de sa trahi-
son, se réunirent^ ie tuèrent et mirent à sa place
Aboul-Fotouh-Ali, fils de Fadhl-Allah at-Toghm.
Ils députèrent ensuite à Mouveiyed pour lui faire
leur soumission. Mouveiyed envoya à leur secours
son esclave Seif-Eddin- Tenkiz , à la tête d'ime ar-
mée. Il fit partir une autre, armée, qui fit Une incur-
sion sur les territoires de oarakhs et de Merve, et
enleva les bêtes de somme des Gouz^. A cette nou-
velle , les Gouzzs levèrent le siège de Hérat et re-
tournèrent à Merve ^.
Dans la même année 56 o , Mouveiyed fit arrêter
son vizir Dhia- el- Mule -Mohammed, fils JAbou-
Thalib - Saad , Temprisonna et nomma à sa place
Nacir-Eddin- Abou-BecT'Mohammed, fils d'Abou-
Nasr-Mohammed, qui, sous le règne de Sindjar avait
rempli les fonctions d'inspecteiu* (cil^-ûl ) du divan '.
^ On peut consulter, sur cet événement, l'Histoire des suitatts
Ghourides, par Mirkhond, p. 36, 5o et 5i de mon édition.
^ I))n-Alathir, p. 206, 208, 209; Ibn-Kbàhloun , 27s r.
* Ibn-Aiathir, p. 2 1 1 . ' .
472 JOURNAL ASIATIQUE.
Le sultan du Kharezm, Il-Arsian, étant mort dans
le mois de redjeb 867, son fds cadet, Sultah-Chab-
Mahmoud, qu'il avait déclaré son successeur, monta
sur le trône, sous la tutelle de sa mère, Méliké-Tor-
can. Mais le frère aîné de ce prince, Tacach-Khan,
qui avait le gouvernement de Djend , se retira dans
les états de Gour-khan , souverain des Carakhitsâens.
Il fut accueilli avec faveur par une princesse qui
exerçait alors Tautorité dans le royaume du Gara-
khitaï. Il s'engagea à payer chaque année un tribut
considérable, s il pouvait se rendre maître du. Kha-
rezm, avec Taidedes Garakhitaïens. La régente, ga-
gnée par cette promesse , envoya son mari à la tète
d une armée considérable , afin qu'il établît Tacach
siu* le trône du Kharezm. A i approche de son fipère
et de ses auxiliaires, Sultan-Chah sortit de Kha-
rezm avec sa mère, et se retira auprès deMouveiyed,
après avoir eu soin de se ménager un favorable ac-
cueil, en envoyant à Nichabour des présents consi-
dérables. Mouveiyed , séduit par les promesses de
Turcan, rassembla ses troupes et se mit en marche
vers Kharezm, avec Sultan-Ghah et sa mère.- A cette
nouvelle , Tacach se porta à la rencontre des enne-
jmis, jet campa siu* la lisière des déserts qui s'éten-
dent en avant de Kharezm \. Gomme, à cause de h '
^ Rachid-eddin (ms. persan 68 Â, fol. gi r.) et Âla-eddin Ata-
Mélic (ms. persan 36 Ducaurroy, fol. 67 r.) appellent rendroif où
Tacach se posta dj-îy^y SouherU. Le dernier de ces écrivains ajoute: .
«C'est une ville qui actuellement possède de Teau.» ^j g ^ mU
CK^»»! AJiJjf c^[ j^^jyL^I <kI^c>m^ On lit dans Ibn-iUAlliîr :
NOVEMBRE.DÉCEMBRE*1846. Ô73
rareté de leau dans ce désert, Tarmée de Mouveîyed
ne pouvait songer à le traverser en masse , et que
d'ailleiu^ elle ignorait la proximité de Tennemi,
elle se divisa en plusieurs corps, qui partirent suc-
cessivement ; mais chacun de ces corps, arrivé à la^
limite des déserts, jl trouvait Tacach, qui, l'atta-
quant à Improviste, le détruisait sans peine. Mou-
veiyed, ^i, selon Ala-eddin et Rachid-eddm , se
trouvait à lavant-garde, fut fait prisonnier et cour
duit devant Tacach, qui lui fit fendre le corps en
deux devant sa tente. Ce désastre, d après' Ata-Mé-
lic, Rachid-eddin et Bénâkéti, arriva le g de dzoul-
hidjdjeh 669 (1 1 jiÉlet 1 17À); mais Dzéhébi place
' la date de la mort de.Mouveiyed dans Tannée 568^.
Lorsque les fuyards de lamiée de Mouveiyed
furent de retour à Nichahour,. ils placèrent sur
f^jj\j-^ {j^ Li^jj ^jjj^ J^ ÏO^ J[j^<Soubepli, pe-
tite ville à :2o parasanges de Kharezm.» Le Méracid al-Itiila écrit
^jjya», Soaberni, et ajoute que cest le nom d*uii bourg dépendant
de Kharezm, à 20 parasanges du canton de Ghehristan. ^
^ Ibn-Alathir, p. 25o; AbouiTéda, t. IV, p. 2; Ibn-Khddonn,
373 r. et 276 r^ Mirkhond, Histobre des sultans du Kharezm, p. i4»
17; Rachid-eddin, dict, loc. Bénak^éti, ms. de la Biblioth^ue de
Leyde , n" 626 ; Khondémir, Habib-essiier, ms. de Leyde, fol. 265 r.
Dzéhébi, ms. arabe, 753, fol. 9 r. DjOum-Cuchti^j^ms. persan 6g;
NQV^ïri j ms. 2 i de la bibliothèque de Leyde, çh. II de la cinquième
section du cinquième livre. — Une raison qui me paraît militer
puissamment en faveur de Topinion de Rachid-eddin etd*Ata-Mélic,
cest quon lit dans Ibn-Alathir (p. 273), à la date de Tannée Sôg,
« Un grand combat eut lieu entre Mouveiyed, prince de Nichabour,
et le roi du Mazendéran... Ce dernier fut mis en déroute. Mouveiyed
entra dans le pays des Deîlémites ,1e dévasta , et tua un grand nombre
de ses habitants; après quoi , il retourna à Nichabour. i
474 JOURNAL ASIATIQUE.
le trône Abou-Becr-Thoghan-Chah, fils de Mou-
veiyed. Le nouveau roi vit bientôt arriver à sa cour
Suttan-Chah, fuyant une seconde fois devant son
frère, qui lavait chassé de Déhistan, avait pris
Turcan et lavait fait mettre à mort. Mais Sul-
tan-Chah, ayant reconnu que Thoghan-Chah était
hors d'état de le secourir dKiommes ou d'argent»
quitta ce prince .et se retira auprès des y)uyeraim
du Ghour, Ghaïats-eddin'et Ghehab-eddin, qui le
reçurent avec honneur, mais refusèrent d'embrasser
sa querelle. Bientôt, une occasion favorable se pré-
senta pour Sultan-Chah. Tacach-Khan, une fois af-
fermi sur le trône du Kharezil^, par le secours des
Carakhitaïens, n avait pas tardé à se lasser des exi-
gences de ces puissants alliés. Un parent du roi des
Carakhitaïens étant arrivé à Kharezm, en qualité
d ambassadeur, avec une suite nombreuse, afin de
réclamer le tribut stipulé , Tacach le logea , ainsi que
ses compagnons^ chez les principaux habitants de
la capitale , et ordonna à chacun de ceux-ci de tuer
son hôte pendant la nuit. Ce commandement (ut
ponctuellement exécuté , et aucun des envoyés n é-
chappa^.
Le souverain du Carakhitai, irrité de ce massacre,
envoya à la cour de Ghaîats-eddin des députés oiar-
gés de mander Sultan-Chah. Ghaîats-eddin congé-
dia ce prince, en ]e comblant de présents. Sultan-
^ Mirkkond, Histoire des saUans du Kharezm, p, 17, 18; Un-
Alathir, p. a5o; Ibn-Kbaldoan , fol* 376 r. Rachid-eddio , fol. gir.
Djihan-Cnchai.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 184«. 475
Chah étant arrivé auprès du roi des Carakhitaïens, .
la régente fit partir son mari, à la tête d'une année
nombreuse, et lui enjoignit d'aider Sultan-Chah
contre Tacach. Lorsque les ennemis furent arrivés
près de Kharezm, et qu'ils eurent mis le siège devant
cette ville,, Tacach-Khan ordonna de détourner les
eaux au Djeïhoun sur le terrain qu'ils occupaient.
Peu s'en fallut qu'ils ne fussent tous submergés. Ds
levèrent le siège, non sans accabler de reproches
Sultan-Chah , qui leur aysik assiu*é que les habitants
de Kharezm penchaient en sa faVem\ et qu'ils lui
livreraient leur ville dès qu'ils l'apercevraient.
Sultan-Chah dit au général des Caraklîitaïéns : « Si tu
m'envoies avec une armée vers Sarakhs ^ j'enlève-
rai cette. ville à Dinar le Gouzz. » Ce chef s'était
emparé de Sarakhi^, à l'époque de la révolte des
Gouzzs contre Sindjar. Le général des Carakhitaîens
donna à Sultan-Chah les troupes qu'il demandait.
Sultan-Chah s'étaut dirigé vers Sarakhs, à la tête de
ce détachement, fondit à l'improviste sur la ville et
tua un grand nombre de Gouzzs. Dinar, effrayé -de
cette aMjjue soudaine, se jeta dans le fossé de la
citadelle , lequel était rempli d'eâu^. Les honUnes de
^ Les rass. d'Ibn-Alathir (p. sSi, ou ms. de G. P. fdl. 268 r.) et
d*Ibn-KhaldoiiD (276 v.)portent ici jj^, Merve, au lieu de Sarakhs;
mais la suite du récit prouve éyidemment qu il s'agit de la dernière
de ces villes. D'ailleurs , Mirkhond dit positivement ( Histoire des
sultans du Kharezm, p. 19) : « Il demanda au Fouma (ce titre , qui si-
gnifie , en Chinois, gendre du roi, était celui que portait le général
des Carakhitaîens) , d'envoyer avec bj^ufie troupe de sddats à
Sarakhs. 1 ^
^ Khondémir ajoute céff mots, qui ne sont pas inutile» ponr Tin-
476 ' JOURNAL ASIATIQUE. ^
la garnison le retirèrent du fossé avec une cordée
Dinar s'étant fortifié dans la citadelle, Sultan-Chah
renonça à lassiéger et se rendit à Merve, où il con-
gédia ses auxiliaires carakhitaîens. De Merve, Sul-
tan-Chah faisait fréquemment des courses contre
Sarakhs. La plupart des Gouzzs qui vivaient dans ce
canton se dispersèrent pour échapper à la mort on
au pillage dont ils se voyaient à chaque instant me-
nacés par un ennemi infatigable. Dinar, abandonné
de ses compatriotes, et ^connaissant Timpossibilité
de résister à Sultan-Chah, envoya un député à Tho-
ghan-Chah, dont les Gouzzs reconnaissaient la so-
prématie ^, et pria ce prince de lui donner Bestham
en échange de Sarakhs. Thoghan-Cfaah fit partir pour
Sarakhs une armée commandée par Témir Qmar-Fi-
rouzcouhi^. Dinar remit la citadelle à cet ofiBcier et
se retira auprès de Thoghaii-Chah, et de là àfiestham.
Lorque l'armée de Tacach arriva k Djadjenn,
dans rintention d'envahir Tlrac, Mélic-Dinar aban-
donna sa principauté et se joignit à Tbog^ian-
•
telligence du récit : 2>j» (j^>djt^ C^^ 4^^ qui HF prodie di
son camp (fol. 265 v.)
^ Telle est la version de Mirkhond (p. 19). D'aprtc JUb-eddin Ali-
Méiic (ms. persan 36 Ducaurroy, fol. 67 r. Ms. P. 69, ane. tamk,
fol. 75 r.) , et Rachid-eddin (fol. 9 A r.) , Dinar fat tiré du ftvéptf
les cheveux.
^ D après Rachid-eddin (ms. persan 68, fol. 7s r. 68Af fl 96r4f
Méiic Dinar était gendre de Thoghan-Chah.
^ Je suis ici la version d^a-eddin , de Rachidreddin et de Béai-
kéli. Tbn-Aiatliir et Ibn-Kffdoun nomment cet émir GaraooochiflB
qui prouve qu'ils lont confondu avec son succeueur.
NOVEMBRE-DÉCJEMBRE 1846. 477
Chah ^ . Celui-ci rappela Omar Firouzcouhi de Sarâkhs,
et envoya en sa place Témir Caracoueh, un des es-
claves de son père. Sultan-Chah se. dirigea vers Sa-
râkhs , avec trois mille cavaliers, et en assiégea la cir
tadelle. Thoghan-Chah marcha contre lui à la tête de
dix mille hommes ^. Le mercredi 16^ de dzouïhidj-
dj eh 576 (1 3 mai 1 1 8 i),les deux ennemis en vinrent
aux mains. Thoghan^hah fiit mis en déroute et son
camp livré au pillage. On y trouva trois cer^ jeux de
trictrac >^^Ai:i^4XAaju«. A la suite de cette défaite,
Caracoueh évacua la citadelle de Sarakhs et se retira
auprès de son maître. Sultan-Chah s*emp^ra, non-seu-
lement de Sarakhs , mais encore de Tous et de Zlam *,
pj>Jt. Il ne cessa depuis lors d entreprendre des incur-
sions contre Thoghan-Chah; car, ainsi que le foit ob-
server Ibn-Alathir, Sultan Chah était un prince doué
de sentiments élevés, d'un caractère ardent et in-
\ Ce détail , que j'extrais du Djikan Cachai, a été reproduit par
Racbid-eddin (foi. 94 v.) , mais non par Mirkhond. S*il est exact, il
faut en conclure que Tacach entreprit , ou du moins médita une
expédition dans Tlrac, avant Tannée 676 {1180-1), ç'est-à-dire , au
moins douze ans avant la première de ^s expéditions connues dans
cette contrée. Le fait peut être vrai; mais il est assez étonnant qulbn-
Alatbir, Ibn-Khaldoun et Abourféda n'en aient pas dit un seul inot.
^ Je^ me conforme ici au récit de Rachid-eddin et de Benakéti.
D après Ala-eddin (ms. 36 Ducaurroy, fol. 67 v.) , MirkKond (p. ao)
et Khondémir (dict, loc.)^ Sultan-Chah aurait commtmdé à 1 0,000
cavaliers. «
* Le 23, d'après le .ms. Ducaurroy.
^ Au lieu d*Al-Zan^ leçon qui n'est donnée que par ui^ de nos
mss. d'Ihn-Alathîr, un ms. d'Jhn-Khaldoun porte^Jjf, Àl-Zemm.
D'après Soyouthi (Lohh, 1^^), iU-Zam est le nom d'un canton
voisin de Nichahour. . «.
478 JOURNAL ASIATIQUE,
quiet, et désireux de se rendre maître de Tautoritë;
tandis gu au contraire son adversaire ne recherchait
que le repos et la boisson. A en croire Tauteur da
Thabacati'lSaciri^^ Thoghan-Chah était tellement efiTé-
miné, qu*il portait une chemise dont les manches
avaient dix^u^zde longueur, et, après y avoir attadié
des sonnettes dor , il dansait dans ce ridicule attirail.
Les principaux émirs dû prince de Nichabour, &ti-
gués des^icessantes attaques de Sultan-<]!hah, prirent
le parti de passer du coté de ce prince. Dans son im-
puissance , Thoghan-Chah eut recours à Tacach et
aux princes du Ghour. D'après Thistorien que nous
venons de citer, Thoghan-Chah, dès son avène-
ment, avait conclu une aUiance avec ces puissants
voisins, leur avait envoyé des députés, et avait de-
mandé pour son fils, Sindjar-Chah, la main de la
fdle du sidtan Ghaïats-eddin-Mohammed. Les grands
et les ouléma de Nichabour se rendirent à Hërat
et conclm^ent ce mariage. Thoghan-Chah, plein de
confiance dans cette alliance , se transporta à Hérat;
mais ce voyage fut inutile; il ne put obtenir aucun
secours contre Sultan-Chah, et sa détresse ne finit
qu'avec sa vie. Il mourut la nuit du lundi la de
mouharrcm 58 1 (i5 avril ii85)*^ .
' Ms. persan. i3 Gentil, fol. aoi r.
' Telle est la date donnée par Ala-oddin (ms. 69, fol. 78 v.);
Rachid-cddin (fol. 94 v.) ; Bénakéti et Khondëmir (Habib tgner. m.
de Leydc, fol. 265 v.) ; ?4irkhond [dicta 2oco) donne égdement la
date de moharrem 58 1. Mais Ibn-Alathir (ms. de G. P. fol. 908 r.)
et Dzéhébi ( ms. arabe 753, fol. 9 r.) disent que Thogban-Ghab bob-
rut entnobarrem 58a.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 479
La même nuit, son fils Sindjar-Chah monta sur
le trône. Un esclave de son aïeul , nommé Mén-
gi^éli-Téguin , s empara de toute lautorité, sous le
nom de Sindjar-Chah , qu'il avait élevé , et signala son
pouvoir par toutes Sortes d'exactions et d'injustices.
Les émirs de Thoghan-Chah se dispersèrent et se
joignirent, pour la plupart, à Sultan-Chah, afin
d'échapper à cette insupportable tyrannie. Mélic-
Dinar se retira dans le Kerman , et s en empara
avecl'aide d'im grand nombre de Gouzzs, qui vinrent
de toutes parts se ranger' sotis son commandement.
Au commencement de l'année 58a, Tacach vint
de Kharezm dans le Khoraçan. Au mois de rébi pre-
mier, il mit le siège devant Nichabôur et le continua
durant deux mois , selon Ibn-Alathir, , Ibn - Khal-
doim, Dzéhébi, Ala-eddin, Ràchid-^eddin ,et Khoii-
démir, ou durant trois mois, d'après Mirkhond;
après quoi, il consentit à la paix et retoimia à Kha-
rezm; puis il envoya, auprès de Sindjar-Chah, le
grand chambellan Chéhab-eddin-Maçoud , Seïf-ed-
din-Merdan-Chah \ le khovan-salar .{maître de la
table) et le catib Béha-eddin-Mohammed^ de Bag-
dad, afin de terminer la conclusion du traité et de
recevoir le tribut stipl^é. Menguéli-Beg, ayant fait
arrêter ces trois hommes, les envoya, chargés de
chaînes, auprès de Sultan-Chah, qui les garda en
prison jusqu'à ce qu'il eût fait la paix avec Tacach.
^ Au lieu de Merdan-Ghah, leçon qui notis.ést foinmie par Mir-
khond (p. 2i), Radhideddiu (fol. gd r.) écrit jA^Lit^^j^» Âla-eddin
(ms. 69 , fol. 76 r.) {^\2ij^j^ , et Khondëmir (366 r.) oW o(i>*'
480 JOURNAL ASIATIQUE.
Vers le même temps, Timam Borhan-eddin-Âbou-
Saîd, fils de ]*iinan Fakhr-eddin-Abd-el-Âziz-Coufi,
cadi et cheikh el-islam du Khoraçan , étant venu â
Nichabour, Menguëii-Beg se saisit fie sa personne
et le mit à mort. Sur ces entrefaites, Suitàn-Chah
marcha de nouveau contre Nichabour; mais il se
retira après un siège de quelques jours et alla pres-
ser la ville de Sebzévar^. .
Le vendredi, i Ix de moharrem 583 (26 mars J 1 87),
Tacach vint mettre une seconde foi^Ie siège, devant
Nichabour, et, ayant employé des machines dleguerre,
il réduisit Sindjar-Chah et Menguéli-Beg aux der-
nières extrémités. Menguéli-Beg prit pour médiateurs
les séîds et les oulémas de la ville , et demanda à capi-
tuler. Tacacha ccueillit cette demande ; la ville lui fut
remise, etilyfitson entrée le mardi 7 de rébi premier.
Il donna des surveillants à Menguëli-Beg, afin de lui
faire rendre tout ce dont il s*était injustement em-
paré , et de le restituer aux légitimes possesseurs.
Après quoi, il le remit entre les mains de Timam
Fakhr-eddin-Abd-el-Aziz-Coufi, conformément à un
fetva (décision juridique) des imams de Nichabour.
Fakhr-eddin égoi^ea Menguéli, en représailles du
meurtre de son fils. Tacach donna le gouvernement
de la principauté de Nichabour à son fils aine, Mëli^
Chah 2.
^-Mirkkond, p. 31', 32; Khondémir, 266 r. Rachid-eddin, ÎA.
94 V. Ibn-Alathir, p. 35%.
' Mirkhond , p. 3 3 *, Ibn-Âlathir, p. 35 x ; Dzéhébi, fol. 9 v. RAchîd-
eddio , 95 r. Khondémir, àict, loc, de Guignes a fautiTement fait deni
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 481
Quant à Sindjar-Chah, Taqach l'emmena avec
•lui à Kharezm , le traita avec considération, le com-
bla de bienfaits , lui donna sa iille en mariage , et
épousa lui-même la mère de ce prince. La fdle de
Tacach étant morte au bout de quelque temps,
Sindjar-Chah prit pour femme, à sa place, une sœm* .
du sultan.
Mélic-Chah , ayant laissé à Nichabom*, pour le
remplacer, son fds Arslan-Chah, se. rendit à Kha-
rezm , auprès de Tacach. Pendant Fabsence de Mé-
lic-Chah, Sindjar-Chah, à l'instigation de quelques
hommes turbulents, résolut de se révolter contre
le sultan , et envoya des affidés à Nichabour, afin
de gagner à sa cause les habitants de cette ville;
mais Tacach, ayant appris ces menées, le manda
'auprès de lui. ,
Sindjar-Chah.se rendit, sans défiance, à la cQur
de son beau-frère , qui le priva de la vue et le mit
en prison. On dit que Sindjar-Chah n avait pas en-
tièrement perdu la vue ; mais il cachait si soigneu-
sement cette circonstance, quil ne mit pas même
dans sa confidence, sa femme, sœur du sidtan, et
feignit d'ignorer les déportements de cette prin-
cesse. Cette adroite conduite lui réussit; au bout de
quelque temps , il recouvra sa liberté , par Tinterces-
sion de sa femme et des grands de la cotir. Les fiefs
qu'il possédait avant sa captivité furent remis à ses
hommes de confiance. Il passa tranquillement le
villes de Chadiakh, ou, comme il écrit, Schad-bagh, et de Nicha-
bour, t. II, 1. xiv, p. 260.
VIIT. 3i
482 JOURNAL ASIATIQUE.
reste de ses jours, et expira dans le courant de
Tannée 695 (i 199) ^:
Tels sont les détails que nous ont fournis les
écrivains arabes et persans sur.Mouveiyed et ses
deux successeurs. Peut-être trouvera-t-on que nous
les avons* transcrits trop fidèlement, et que l'histoire
d aussi petits princes ne méritait pas d'être retrace
avec d'aussi longs développements ; mais on ne sau-
rait disconvenir que ce travail ne tire quelque intérêt
des renseignements qu'il présente sur plusieurs points
importants de Thistoire orientale. Il oflre des &its
nouveaux relativement aux Seldjoukides, aux Ghou-
rides, aux rois du Mazendéran , aux sultans du Kha-
rezm et aux Gouzzs. Cette considération me servira
d excuse auprès des lecteiu^s impartiaux et disposés
à accorder quoique sympathie aux recherches qui*
ont pour objet Thistoire des nations musulmanes.
ETUDE
Sur le roman malay de Sri Rama, par M. Aug. Dozoïf.
T.ROISIÈME PARTIE.
FRAGMENTS DE TRADUCTION.
Les fragments qui suivent sont pris dans ma iradiiclîon,
depuis longtemps terminée en grande partie, du Sri Rama.
^ Mirkliond, p. 3i, 32; Iba-Alajthir, p. 25 1. Diéhébi, fol. 9 t.
Khondémir, fol. 267 v. Tarikhi Guzideh^ ms. Brueix, f. i65 v.
NOVEMBRE-BÉCEMBRE 1846. 483
Ils sont choisis , en évitant de reproduire aucun des passages
cités et traduits par Marsden (Mùlayan GrammaTj p. 1 63-i gS),
de manière à faire connaître à peu près la marche du récit et
la forme de la composition ; à donner une idée des caractères,
aussi bien que des mœurs et des usages , et à montrer la
nature des rapports qui rattachent Touvrage à la littérature
sanscrite. La traduction est exécutée avec une fidélité 8(?ru-
puleuse, et qui paraîtra même pe^t-étre exagérée, dans le
dessein de reproduire exactement le génie à la fois du peuple
et de la langue : c'est le seul mérite qui pouvait être cherché
ici. On remarquera, par ce moyen, que, mise à part quel-
que prolixité, la manière malaye est des plus sohres, et
ne souffre rien qui soit inutile, pris en soi, rien qui trahisse
Tauteur savant et lettré, et surtout qu elle a le rare avantage
d'ignorer parfaitement Tofficiel et le convenu. Le style est
populaire, dans le meilleur sens ; il exprime cet état heureux
d'une langue où la pensée et" le langage ne se sont point en-
core séparés , et ne sauraient être distingués l'un de l'autre.
Pour les détails qi^i auraient besoin d'éclaircissexnents, les
lecteurs sont priés de recourir aux notes de l'analyse (numéro
de mai i846, pag. 461 et suiv.).
HISTOIRE DE SRI RAMA EN MALAY.
I. DÉBUT DE VODVRAGE.
Ceci est l'histoire qui est racontée par les hommes
des anciens temps. Celui donc à qui appartient ce
récit (le narrateur) rapporte que, dans le pays de
Kling • , ii y avait un radja dont le royaume était
' 11 faut , ou que ce mot de Kling désigqe Tlnde entière, puisque ,
d'une part, dans le Bamayana', les états des^an^tres de Rama sont
placés vers l'extrémité septentrionale d^rc'êtte cointrée, et bien loin
'•-"''■' "■" ■ *, 3i.
/m JOURNAL AI51AT1QUE.
fort étendu , et il lui donne le nom de Maharadja
Sri Rama, fils de Maharadja Dasarata. Quant à Ma-
haradja Dasarata, il était fils de Dasarata Tchakra-
vati; Dasarata Tchakravati était fils de Dasarata
Raman; Dasarata Raman était fils de Dasarata, et
Da'sarata était fils dû prophète Adam ^
Dasarata Maharadja était doué d'une puissance
surnaturelle, d'une force et d'un courage extraor-
dinaires; c'était un guerrier sans égal , et il avait une
belle figure. De son temps, aucun des rois de ce
monde n'aïu'ait pu lui être comparé. Or, ce prince
résolut de faire chercher un lieu pour y bâtir une
ville conforme à ses désirs , afin de la laisser à ses
descendants, et il ordonna à son ferdana mantri'^,
nommé Pouspa Djaya Karma, de partir pour faire
cette recherche. Pouspa Djaya prit. congé dejsa ma-
jesté, et se mit en route avec les mantris, les hôu-
loubalangs et les rayats , qui le suivirent au nombre
de quarantg mille. Au bout de quelque temps, ils
de la côte de Coromandcl, et que, d'autre part, il ne se trouve
aucun autre terme qui marque également l'Inde ou ^es liabitants;
ou bien il/aut que 1 action ait été transportée, par l'auteur maiay.
sur la côte sud-est de la presqu'île. (Voir note 4 de l'analyse,
pag. /162, mai 18A6.)
* .Voir, à ce propos , la note 2 de l'analyse.
* Ferdana mantri, (_5jaâ-o qÎJ^ (^tj^ji, ar. «seul, uniquei.
C'est le premiet ministre; il équivaut à ce que nous connaissons,
par les contes orientaux , sous le nom de grand vizir. Il est presque
indififéremment désigné par ce titre ou par celui de mangko boumi,
^«j cfiautf; Quelquefois cependant, comme on peut le voir par le
onzième de ces fragments, ces- deui titres marquent'dâs dignités
distincte», qui sont occupées^par des personnels diiféreiitcs.
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. ' 485
rencontrèrent un lieu tel que le désirait Dasarata
Maharadja. Alors Pouspa Djaya ordonna aux qua
rante mille rayats d'en arracher les arbres et d'eii
ehlever les pierroi; qui étaient énormes; ensuite il
dépêcha un mantri pour informer le maharadja
(de cette nouvelle). Quand ce mantri arriva, il fut
introduit en présence du maharadja, et il dit •
« Votre majesté a ordonné de chercher un lieu con-
forme à ses désirs; vos esclaves ont trouvé ce lieu ,
qui est favorable pour y bâtir une ville. Le terrain
est uni, et, au milieu,. il y a une colline qui con-
vient pom* y placer le palais de votre majesté. Le
prince fut ravi d'entendre les paroles du mantri,
et il ordonna à tous les radjas, mantris, houlouba-
langs et eunuques , aux bantaras et à tous les grands *
de la ville d'Isfahaboga d aller nettoyer ce lieu. Tous
ces gens donc partirent pour aller réjoindre Pouspa
Djaya et ses rayats. Lorsqu'ils furent arrivés, les
* Lesmantris, (<vXÂ^ (sk. if^) , forment une classé de nobles,
conseillers du souverain. Les radjas, ^ sr^)* composent une autre
classe de nobles ou de princes. Les houloubalangs, xJLJyb, cons-
tituent une sorte de gardes du corps. Ils paraissent occuper une
dignité assez élevée ; car, lorsque Sri Rama est au moment de tuer
Ravana, il dit à ce dernisr que,. s'il avait voulu se àoumettre, il
l'aurait fait son houloubalaug , et que sa gloire et ses honneurs en
auraient été décuplés. Les bantaras, jUij, sont des hérauts; ils
se tiennent ordinairenient aux deux côtés du trône. Il y a le
bantara de droite, ^JojUâj, et le bantara de gauche, *b;Àj
jTy^.^. Une de leurs fonctions consiste à lire publi(|uement les
lettres de créance apportées par les ambassadeurs étrangers. Rayats,
A^j , est le terme arabe , et marque le commun du peuple. Les
eunuques sont désignés par le mot f cVyww, sida-sidas^ dont je ne
connais pas Torigine. . .
486 JOURNAL ASIATIQUE.
radjas et les mantris se mirent à travailler, chacun
avec leur détachement, de sorte qu'au bout de deux
ou trois jours la place fut éclaircie. Lorsqu'ils arri-
vèrent juste au milieu de la collii|e, il s'y trouva un
bambou betoung couleur de l'or le plus pur, et dont
les feuilles ressemblaient à de l'argent, et tous les
arbres qui entouraient ce bambou s'inclinaient vers
lui, comme (pour lui servir de) parasols et l'afariter.
Les mantris et les houloubalangs s'approchèrent pour
abattre ce bambou; mais, lorsqu'ils le coupaient a
droite, il repoussait à gauche, et lorsqu'ils ie cou-
paient à gauche, il repoussait à droite; et ainsi sans
relâche. Les radjas, les mantris et les houloubalangs
s'étonnèrent de cette circonstance, et Mantri Pouspa
Djaya s'en retomna à la hâte pour en infcfrmer
Maharadja Dasarata. Le prince lut très-étonné d'en-
tendre le rapport de son ministre, et il dit : ce S'il en
est ainsi, il faut que j'aille demain vous voir abattre
ce bambou.^)
Le lendemain donc, le prince monta' sur son élé-
phant blanc, et se mit en marche, suivi des radjas,
des mantris , des houloubalangs , tchetrias ^, eunu-
^ lue mot tchetrias, Lj^a^ ou ^jxa^ » a conservé une trace de
l*ahcienne influence sociale ou civile de Tlnde. On y reconnaît le sk.
kchatriya ; mais il faut entendre par \k simplement une classe de
nobles, et non point les hommes de la caste militaire et royale.
Cette division des castes est inconnue des Malays. Lç nom tchetiia
n'est jamais appliqué à une personne en particulier,' nuds à tonte
une classe d'individus , et ne figure que dans les énumérationi aem-
hlables à celles quon voit ici. Au contraire, dans le poéÎBe javanais
intitulé ïViwoho, Hardjounno (Ardjouna) est plusieurs fois qualifié
deeairiyo , (M (flSlQ cm \ autre forme altérée de kchatriya.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 487
ques , ban taras , et du peuple et de 1 armée en nombre
incalculable. Lorsqu'il fut arrivé , le prince demanda :
«Où est ce bambou?» Et Pouspa Djaya répondit :
« Majesté , c est celui-là qui est abrité par tous les-
arbres.» Le prince vit alors le bambou, qui était
de toute beauté, et qui avait une senteur délicieuse
comme le nard et le musc, et il dit : « Pouspa Djaya ,
attaque ce bambou, que je voie !» Pouspa Djaya
tira aussitôt son sabre , grand comme un cocotier,
et il attaqua le tronc du bambou. A chaque coup
qu'il donnait, le bambou était abattu; mais, sm* le
champ, il repoussait è gauche, et s'il frappait à gau-
che , le bambou repoussait à droite ; ce que voyant ,
le prince fut rempli de colère. Il descendit de son
éléphant en tirant son sabre, et en frappa le bam-
bou, qui fut abattu d'un seul coup. Alors, par le
décret de Dieu, le prince aperçut dans Me bambou
une femme couverte de sa parure, et assise sur un
trône. Son visage resplendissait comme la lune nou-
velle , au quatorzième jom* de son cours , et son corps
était couleur de l'or le plus pur ^ Aussitôt le prince
ôta son écharpe et en couvrit la princesse^; puis il la
^ Ce sont là des expressions sacramentelles qui désignent, pour
les Malays, le type le plus exquis de la beauté. Une autre compa-
raison du môme genre, qui leur est encore trèstfamilièrè , est celle
qui a pour terme une figure peinte ou UDie statue (d*or) , qui ^let
la nature vivante en regard de Touvrage inanimé de l'art.
* Les femmes de iiaut rang et les épouses légitimes des Bouve-
rains sont toujours désignées par te mot poutri, ^j>3 , qui^ en ma-
lay comme en sanskrit, signifie princesse. Quelquefois, cependant,
ces dernières sont appelées permi-souri, Jlj».*»»^^» terme équiva-
lent à reine^
488 JOURNAL ASIATIQUE.
prit dans ses bras, la plaça sur Téléphant, et Fem-
mena au palais au son de tous les instruments. Lors-
qu'ils arrivèrent dans la ville et qu'ils eurent pénétré
dans le palais, sa majesté prit la princesse dans ses
bras, la descendit de 1 éléphant, et la porta dans
Imtérieur du palais.
IL
Gagak Souara ^ .vola vers la ville de Langkapouri,
et se présenta devant Maharadja Ravana. Celui-ci
lui dit : « A quoi ce riz est-il bon ? » Gagak ^uara
répondit : a II est advenu que je m amusais à planer,
dans l'air; j'arrivai près de la ville de Maharadja
Dasarata, et je vis, au milieu de la plaine qui est
à côté de la ville , une foule . de maharisis et de
brahmanes occupés à célébrer un sacrifice et à prier
les dieux, afin d'en obtenir un fds pour Maharadja
Dasarata. Si Maharadja Dasarata, pensai-je, obtient
un fils extrêmement fort et courageux, et doué d*une
grande puissance surnaturelle , il deviendra le plus
grand souverain dé l'univers , et tous les radjas seront
ses tributaires : et j'enlevai ce riz consacré par les
maharisis et les brahmanes. Que votre majesté se
hâte donc de le manger, afin que les dieux lui
accordent un fils qui soit tel. » Aussitôt que Radja
Ravana eut entendu les paroles de Gâgak Souara, il
se hâta de manger le riz , et Gagak Souara retourna
dans sa demeure (dans son lieu.).
* Garak 6ouara est l'aïeul paternel de Ravana. Voir note lo da
lanalysp.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 489
III.
Au bout de quelque temps, la princesse (femme
de Dasarata) devint grosse, et, son terme étant
arrivé au temps favorable , la princesse Mandou
Dari accoucha d un enfant mâle d'une beauté ex-
traordinaire, dont le corps était vert comme une
émeraUde, et dont le visage, pareil à la lune nou-
velle au quatorzième jour de son cours, brillait d'un
éclat incomparable. Dasarata Maharadja eut le cœur
ravi dune grande joie à voir ce jeune prince, et il
lui donna le nom de Sri JRama, et le fit élever
comme il convenait , et suivant la coutume des
princes.
Au bout de quelque temps , la princesse devint
de nouveau enceinte , et eEe accoucha d un fils dWe
grande beauté, et dont le corps était couleiu^de lor
le plus pur. Sa majfsté nomma ce prince Laksaihana.
Ejisuite sa majesté eut, de sa concubine^ nommée
Balia Dari, deux fds ; elle nomma l'un Bardan , et
l'autre Tchatradain.
Au bout de quelque temps, Balia Dari devint de
nouveau enceinte, et elle accoucha dune fille d'une
beauté extraordinaire, qui fut nommée KikeviOevi.
Après cela, sa majesté commença à chérir extrê-
mement celui de ses fils qu'on nommait Padouka
(illustre) Sri Rama, et ce jeune prince était le plus
* Au sujet du mot concubines, voir la note 7 de l'analyse.
490 . JOURNAL ASIATIQUE,
beau de ses cinq enfants ; en' outre , il était plein de
hardiesse, de force et de courage, et il se condui-
sait avec une grande sagesse, et prenait en affection
les mantris, les houloubalangs e1?le peuple en
général. Sri Rama et Laksamana commencèrent a
g^andil^ et Sri Rama n avait d'autre occupation que
de se divertir à tirer de Tare. Or, sa mère avait un
bossu bouffon ^ , et il advint que ce bossu sortit du
palais pour aller s amuser. Sri Rama et Laksamana,
qui étaient à jouer devant la porte du palais, l'aper-
çurent et lui tirèrent une flèche par derrière; le
bo^su s'enfuit en criant, et ils lui tirèrent encore
des flèches par devant, à droite et à gauche. Le
bossu fuyait de tous côtés en criant et en pleurant;
enfin, il rentra dans le palais, et étant allé trouver
la princesse, il'lui raconta comment Sri Barna lui
avait lancé des flèches ; sur quoi la princesse et ses
dayangs ^ rirent beaucoup du boAu, et la princesse
lui dit: «Hé ! bossu, tais-toi et finis de pleurer, et
ne va plus dehors , parce que mon fils est turbu-
lent et méchant. )> Ensuite elle fit cadeau d'une robe
au bossu.'
Le lendemain, le bossu sortit du palais pour se
présenter chez les mantris ( pour les convoquer à
un conseil); mais Rama le vit, et lui lança des
flèches par devant et par derrière. Le bossu se sauva
* Voir note 3 1 de* l'analyse.
'Les dayangs, »j\^j sont des femmes qui remplissent Toffiee de
dames de coippagnie ou de servantes auprès des reines ou des prin-
cesses.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 491
en criant, et courut auprès de la princesse. Pour-
tant il reçut Tordre d^alier se présenter chez les
mantris ; il sortit en coinçant de toutes ses forces et
en pleurant , et il alla raconter son aventure au^t
radjas et aux mantris. .
Ceux-ci se dirent : « Ge jeune prince est très-beau;
mais sa conduite est très-vicieuse ^ et s il devient sour
verain de ce royaume, certainement elle causera la
perte de tout le peuple, et si au coiptraire Bardàri
et Tchatradan montaient sur le trône , le peuple
suerait en séciu^ité. » La nuit étant venue, le bossu
revint, et il rapporta à la princesse les paroles dès
radj as , des mantris , des houloubialailgs et des grands.
A ce moment même, sa majesté, venant de don-
ner audience , entra chez la princesse , qui* lui raconta
tous ces dires au sujet de leur fds Sri Rama. Qu'im-
porte, répondit sa majesté, ce que fait à présent
mon fils, puisqu'il nest encore qu'un enfant.
• V. ._ . . , ,
A ce moment, Maharadja RaVana vint au palaAs
de la princesse, et il fit convoquer les radjas ^ lés
mantris, houloubalangs, eimuques et bantanas, pour
leiu- donner l'ordre de faire décorer les endroits où
il passerait en triomphe avec Mandou Dakei.
Ensuite il commanda de construire les chars.
Lorsqu'ils furent terminés et décorés, il ordonna
aux bantaras de convoquer ses troia fils. Ce):bt-ci
étant venus, le maharadja dit : «O vous tous, mes
492 JOURNAL ASUTIQIJE.
frères et mes enfants , faites préparer les instL*uiiients
de musique, car demain je. commencerai la fête des
quarante jours et des quarante nuits.. ^
Aussitôt Indra Djata ordonna à ses deux bantaras
de montei; dans le ka-indrân; Patala Raban ordonna
à ses deux bantaras de descendre sous la terre; et
]\laha Souara ordonna à ses deux bantaras de des-
cendre dans la mer, tous afin d'y faire préparer les
instruments d^ musique ^
Aussitôt que les insignes dU pouvoir et les" musi-
ciens furent venus de ces trois régions , tous les
radjas de iuniyers arrivèrent pour se présenter
devant Maharadja Ravana, apportant chacun leurs
présents , et amenant leurs femmes et leurs enfants.
Alors Maharadja Ravana ôuArrit la fête des quarante
jours et des quarante nuits. On but et on mangea
au bruit retentissant des instruments. On tua des
centaines de buffles , de bœufs , de chèvres , de mou-
tons, des centaines de poules, de canards, d*oies,
et des centaines d animaux sauvagesde toute espèce,
(tes rousas , des kidjangs , des palandoks ^, pour la
nourriture des gens qui assistaient à la fête , et ils
eiurent à boire par centaines des jarres de boissons
de toutes les couleurs , de tous les goûts et de tous
les noms.
Après l'expiration des iquarante jours et des qua-
* Ces trois personnages semblent se partager entre eux les trou
mondes ou iokas de la cosmogonie indienne. Patala est le mot sans-
krit qui désigne les régions inférieures.
* Animaux de Tespice du ceri".
NOVEMBREDÉCEMBRE 1846. k95
vante nuits de la fête, Maharadja Ravariarevêtit un
habillement complet dune richesse extraordinaire,
et qui n avait jamais été mis; il ceignit ses dix têtes
de dix couronnes et de dix bandeaux ^e rubis, res-
plendissants comme* le soleil et la lune; il passa à
ses vingt mains vingt bracelets de rubis, et à tous
ses doigts des anneaux, de sorte que ses mains bril-
laient comme les étoiles au ciel ; à ses vingt oreilles
il attacha des pendants de diamants, et des fleurs de
métal incrustées de pierreries ; de son côté,, la prin-
cesse Martdou Dakei fut habillée des plus ricnes
panures par la princesse Sekanda Maya ^.
Quand'MaharadjaRavana et la princesse Mandou
Dakei furent habillés, ils montèrent, ainsi que les
princes rakchasas, sur les (quarante grands) chars,
et les fils des princes et des mantris se placèrent sur
les mille chars qui devaient suivre les premiers. On
ouvrit le parasol incrusté de pierreries , on éleva le
tchokan^, resplendissant à droite et à gauche de dia-
mants et de perles, et les instruments jouèrent des
airs solennels pour célébrer la marche triomphale
du radja Ravana, et ses noces avec la princesse
^ La princesse Sekandar Maya est la première femme de Ravana.
Dans le Sri Rama et d'autres ouvrages màlays, on ne voit pas que les
souverains aient plus de deux femmes ou istris; lorsqu'il» en ont
deux, la première est appelée o^j' '(jyU,\t épouse vieille ou an-
cienne," et la seconde -.^^ (JjJ^U épouse jeune ou'nouvelle.
^ Le tchokan ou tchukan est un instrument d'origine persane,
comme son nom' l'indique ; il consiste on un bâton recourbé à Tune
de ses extrémités, et auquel est suspendue une boule de fer : c'est
un des insignes de la souveraineté.
494 JOURNAL ASIATIQUE.
Mandou Dakei. Alors commença leur marche triom-
phale dans la ville de Langkapouri, dont ils devaient
faire septf ois le tour à Imtérieur; et, piendant tout
le temps, Radja Ravana fit jeter des centaines de
(dix) mille de pièces dor et d*a]^;ent, et une im-
mense quantité de mesures de perles, ruhis,- pier-
reries, fleurs artificielles et diamants, et distriObuer
à profusion des vêtements , si hien qu'en ce jour,
tous les fakirs qt les pauvres devinrent riches de la
quantité de pièces dor qu'ils avaient recueillies.
Lorsique les sept tours furent achevés, le cortège
rentra au palais.
VI.
Au bout de quçlque temps, ils arrivèrent sur les
confins du pays de BrentahJndrai dont le souve-
rain portait le nom de Maharadja-Pouspa-Rama \
Issu de la race des Dêvas-Zinggis, il était descendu
sur la terre s incarner et se faire homme ; ii était
alors avancé en âge , possédait un pouvoir sumaturd
très-étendu, et. c est lui qui gouvernait les éclairs, le
tonnerre et -la tempête. Son occupation constante
était d ailleurs la dévotion. Or un jour, conuhe il
siégeait solennellement sur son trône, ayant de-
vant lui leis radjas, les mantris , 'les houloubalangs,
eunuques et bantaras, et tout le peuple, on vint
lavertir que Sri Rama, fils de Maharadja-Dasarata,
arrivait de la ville de Derouafi-Feuroua, menant
' Voir note 20 de Tanalyse. Dans un passage, Sri Runa est ipii>
iifië de fJCj^j jJ 3 JU€*^ > panghoulou ou chef des Dèvas-Ziofi^
NOVEMBRE-DÉOEIfBRE 1846/ 405
avec lui son ëpousè. SiiarDeTi « fille de Mâharnî-Kali ,
et qu il touchait mamteiiaiit' aox portes de la €iqpi-
taie. Â cette ÎMÛvelle; Mahaïadja-Pbu^MhRama fut
saisi d'une vioiente colère; aeinblabie à un serpent
qui se tord, il ne se coîmaissaitjdus; et les radjas,
mantris et houioubalàngs , et toét le pèupde, trem-
biaient à le voir ainsi furieux d'entendre ie nom de
Sri Rama, qui était le ménie quelesien. Il s'écria :
i( Convient-il que.DasaratarMaharadjà ait apipelé^son
fds Sri Rama? Depuis les temps les jAm anciens
jusqu'à ce jour, il n'y avait j^e. moi de souvè-
rain dans l'univers, qiii portât le nom de Sri
Rama.Si ce Rama ne veut point changer de nom et
refuse d'obéir à ma volonté, je Teffaiserai de ce
monde, pour qu'à .appremse à'.coiiiiaitre la pesan-
teur (litt. l'empreinte) de nm main.» Là^dessus
il ordonna à un inantri* dé commencer ies prépa-
ratifs d'une expédition, de rassembler lés radjas,
mantris', houioubalàngs, etles rayate en nombres
incalculables, et d'apprêter les armes, les chevaux
et les éléphants. . : .
>•••••••'•.••-•••'•••••••••••••
En même temps Sri Rama tirait sa flèche nonunée
Goundi-Vati^ : cellewsi s'indinànt : a O mon seigneiir,
dit-elle, quelle est votre viçdonté i l'^^ardde Mahà-
radja-Pôuspa? Vôtre es^ave doit-elle le faite mourir,
ou le précipiter dans la nçier, qu le forcer à entrer
dans la terre? — Goundi-Vati, répondit Sri flama,
ne le fais point mourir^.<»r c'est .un vieux rdi,. mais
* Au sujet de cette flèche, voir fai noté tS de rcÉidyse.
i:i96 JOURNAL ASIATIQUE,
montre ta puissance. » Et il la décocha. La flèche
prit la forme du serpent Pertsda-Sekanda-Deva , et
s élança contre Maharadja-Pouspa. Ce dernier, quand
il vit le serpent arriver sur lui, la gifeule béante,
comme pour 1 avaler, s'enfuit, rempli de terreur,
du côté de- la capitale. Quand il eut passé la porte
de son château, il vit que le serpent y était arrivé,
alors il monta au ciel (Ka-Indrân), et il vit que le
serpent était dans le ciel; alors il «descendit dans la
mer, et il vit que le serpent était dans là mer; alors
il s enfonça dans la terre, et il vit que le serpent
était dans la terre. Il .s enfuit donc sm* la terre, mais
le serpent l'atteignit, lentoura de ses replis et le
porta devant Sri Rama. Ce dernier s empressa de le
dégager, par pitié pom* sa vieillesse, et Maharadja-
Pouspa se mit à genoux , en demandant grâce.
. Quand il ^rit que Sri Rama était vert comme l'eau"
de la mer et comme l'émeraude polie qui étincelle ,
il reconnut que le prince était issu de Maha-Bisnou,
et comprit combien il était impossible de résister à
cette puissance siu'natiirelle. Sri Rama prenant alors
la parole : u Maharadja-Pouspa, dit-il, quelles sont
tes intentions à présent? — C'est moi qui suis cou-
pable et insensé , répondit le vieux radja , et j'ai à
te demander pardon ; mais je ne connaissais pas
ton origine , et voilà commej^t j ai été assez fou pour
m attaquer ^ toi. -^ O mon père , reprit Sri Rama, il
convient maintenant que vous retourniez dans vos
états ; cependant , ne m'oubliez point. » Sur quoi , «Ma-
liaradja-Pouspa, ayant pris congé de Sri Rama et de
(
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 497
Laksamana , et s étant incliné devant Dasarata-Ma-
haradja, repartit pour sa capitale, suivi de son ar-
mée
VIL
Alors Souara-Pandakei et les deux houlouba-
langs, étant montés sur un char, partirent, et, quand
ils fiu'ent arrivés près du lieu où Sri Rama se livrait
à la dévotion, elle prit la forme d'une femme extrê-
mement belle, et, s avançant seule jusqu en présence
de Sri Rama, elle liii montra, par ses- gestes, quelle
le désirait : « Femme, lui dit ce prince , pourquoi te
conduire ainsi, puisque je suis marié? Si tu veux
avoir im époux, va vers mon frère Laksaniana; sa
maison est de l'autre côté de la montagne. D n'est
pas encore marié, et peut-être consentira-t'-il à te
prendre poiur sa femme. » A peine Souara-Pandakei
eut-elle entendu ces paroles, qu'elle alla vers Lak-
samana, de l'autre côté de la montagne, et elle le
trouva occupé aux austérités et à la prière. Elle s'a-
vança en faisant toutes sortes de gestes, mais il ne l'ac-
cueillit point avec des paroles aimables , il ne la vit
même pas, de quoi Souara-Pandakei fut fort irritée.
Elle retoip:na vers Sri Rama , et s'emporta vio-
lemment contre Sita-Devi. « Misérable femme , ditr
elle, poiu*quoi donc as-tu suivi ton mari et habites-tu
avec lui dans les bois pendant qu'il fait ses austérités,
au lieu de demeurer dans une ville et de devenir
l'épouse de Maharadja-Ravana ? » Et en même temps
elle montra le poing à Sri Rama et à Sita-Devi.
VIII. 32
498 JOURNAL-ASIATIQUE.
Comme Sita plem>ait dé ce que Souara-Paiidakei
lui avait montré le poing, le prince fiitreni|ili de
colère et pensa dans son cœur : « Si je touchç cette
femme , elle subira une punition pour f être ainsi
conduite. Je devrais la faire périr, pourtant, son crime
ne mérite pas encore ce châtiment. S'il en est ainsi,
il faut que j enjoigne à Laksamana, de faii coiqper
le bras et le nez. »
Cette réflexion faite , Sri Rama dit à Pandakei ;
«O jeune femme, viens ici, je veux te parier; » et,
comme elle se fut approchée , il Continua : « Voici ce
que j'ai à te dire : je ne puis prendre une seconde
épouse , parce que la mienne m'est très-fidèle et me
9ert de compagne. Si tu désires un mari, va trouver
mion frère Laksamana ; il est de l'autre côté de -la
montagne. » Et Souara-Pandakei répondit : uTarrive
d'auprès de Laksamana; il n'a pas voulu de moi. 0
Sri-Rama! fais en sorte de m'épouser,. car je vaux
bien mieux que ta femme , et je suis bien plus jeune
et plus bélier. » Sri Rama répliqua : u O jeune femme,
ma mie, va-t-en néanmoins vers Laksamana ; et je vais
te donner une marque qui lui attestera que tu viens
de ma part , afin qu'il veuille de toi. — C'est bien , dit
Souara-Pandakei, donne-moi cette marque, pour que
je la montre à Laksamana. »
VIII.
Maharadja^ Sougriya s'inclina en disant:<(0 mon
seigneur, c'est moi qui irai avec Hanouman pour lui
^ Sottgriva, Sombouran et HanoninaD ion% des singes. Voir la
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 499
tenir compagnie. » Sri Raiïia, ayant entendu ces pa-
roles, ordonna à Laksamana de rédiger une lettre,
puis il se rendit dans le pavillon d*or. Quand Laksa-
mana eut achevé d écrire , il présenta la lettre à Sri
Rama , et celui-ci lui dit : « Lis cette lettré , j'écoute. »
Sur quoi Laksamana lut ce qui suit : « Cette lettre .
émanç du trône de M aharadja Sri Ràma , et elle t'est
adressée, ô Maharaja Sambouran! Quand cette
lettre t arrivera, garde-toi de ne pas la mettre sur
ta tête (de ne pas te conformer à ses prescriptions) ,
et hâte-toi de partir avec tes enfants, tes houlouba-
langs et ton armée entière, et de te rendre devant
moi avec des présents, de pem* que ta royauté ne
s'écroule, et je f^lèverai et te ferai ârsseoir au-dessus
de tous les radjas des singes. Je suis le souverain
de lunivers, et les princes descendants de BaHa, cpii
étaient tes alliés, sont devenus mes esclaves . et exé-
cutent mes ordres. C'est moi qui stiis issu de Mâha
Bisnou (Vichnou) , descendu sur la terre (littérale-
ment, dans le nàonde) pour sincarner, et devenu
Sri Rama. Sache à présent mon ngm , dont la célë- *
brité s est répandue parmi tous les souverains. Si tu
ne viens pas et si tu ne veux point me* promettre
fidélité, prends bien garde à toi. MS flèche Goxmdi-
Vati, décochée par moi, ira envelopper ton corps
et couper ta tête, et j exterminerai tes descendants,
tes houloubalangs et ton peuple tout entier, afin
que tu connaisses l'attouchement de ma main et nia
note 24 de i'analyse; aujourdliui encore, dans les temples hindous,
la statue de Hanouman est placée à côté de celle de Rama.
3?.»
500 JOURNAL ASIATIQUE.
puissance surnaturelle* Il est donc bon que tu te
rendes devant moi, afin que tes états passent à tes
descendants, et que ton royaiune soit conservé éter-
nellement »
IX.
Le lendemain, au point du jour, Maharadja Ra-
vana se rendit sm* le champ de bataille, et, au tni-
lieu, il se trouva en présence de Sri Rama, qui
lui dit : ((Maharadja Ravana, quelles que soient les
armes que tu portes, viens me les rendre, et sers^
moi à boire et à-manger en me remettant ta lance. »
Maharadja répondit : (( Attends un peu; je ne ferai pas
comme tes autres ennemis.» Ces mots prononcés,
tous deux engagèrent le combat. Maharadja Ravana
lança son javelot et décocha des flèches à Sri Rama.
Ccku-ci les évita, et décocha, à son tour, sa flèche
Goundi-Vati, qui abattit huit têtes à Maharadja Ra
vana; mais ces têtes repoussèrent sur-le-champ par
l'effet de la puissance magique de Ravana. Tous
deux passèrent ainsi le reste de la journée à com-
battre sans pouvoir se faire de mal, et ils finirent
par retourner chacun chez soi.
Dès que le j8ur suivant se leva, Maharadja Ra-
vana revint au champ de bataille. sur son char; ses
cent;[nain3 étaient chargées^ d'armes de toute espèce,
qu'il lança à Sri Rama, mais sans l'atteindre, et
celui-ci, ayant riposté par une flèche, abattit neuf
têtes à Maharadja Ravana. Hanouman les ramassa
aussitôt et les porta à la princesse Mandou Dakei.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846: SOI
Qand elle vit ces neuf têtes, qu'elle reconnut pour
celles de son mari, la princesse prit un voile' et s-ea
.couvrit en pleurant. .'Pour Hanouman, il s'empara
de répée (de R'avana) enchantée et consâGrëe, ef fl
l'apporta à Sri Rama.
En ce moment, et à cause de cela, Mabâradja
Ravana perdit sa force, et Sri Râma, ifû ayant lancé
une seconde flèche, atteignit ^sa dernière tête aur
dessous de l'orèUle droite et l'id>atttt^ Màharadja'
Ravana tomba à la renverse et Une put se relever.
Alorâ Sri Rama prit l'^pée dans la main d'Hanouman;
et, s'étant approché deRavana«illuidit; a ORav^iHi,
si tu m'avais rendu' mon épouse /.certainement je
t'aurais fait mon houloubalang; et si tu avais été
mon houloubalang, ta ^*âadeur . et ta gloire en
eussent été dix fpis plus grandes, et ks diwx
t'auraient comblé de leur faveur. Â. présent, ta
me connais, et tu as senti lapesanteur.de mon
bras.» Màharadja Ravana lui répondit : «Ekl Sri
Rama, tout ce que tu débites là, iû peux le dire,
puisque c'est la coutume de^ guerriers; seulement,
s'il me restait la moindre force, tu ne parierais pas
ainsi. Maintenant, tout ce que tu mé dis, je me le
suis attiré en voulant faire ma vdionté. Biais ya^t'en
d'auprès de moi tant que j.e ne serai pas expiré. » Là- '
dessus, Sri Rama le frappa if un coup d'épée qui
lui fendit le corps en deux, mais sans le fisdre <m^
core mourir. J. •. '
5.02 JOURNAL ASIATIQUE.
X.
Gomme Sita Devi allait embrasser les. pieds de.
Sri Rama, celui-ci lui dit: «O princesse, ne me
touchez pas, vous qui avez été adoptée (pour femme
ou pour concubine) par.Ravana. — O mon sei-
gneur, giori^ix maharadja, répondit Sita Devi, l'es-
clave de votre majesté n'a jamais été touchée par
Maharadja Ravana, car il est toujours resté k une
distance de quarante pas de moi. J'avais juré que .
jamais je ne serais touchée par un autre hônune que
votre majesté, qui seul^ avait le droit de -disposer
de moi. Si mon seigneur ne croit pas à la parole de
son esclave, quel serment veut-il qu'elle prononce?
— 0 princesse, si ce que vous dites est vrai, entres
d'abord dans le feu, et je vous croirai. » Alors Sri
Rama appela Hanoiunan, qui seul était entré dans
le jardin, et il lui ordonna de preûdre du bois de
sandal et d'aloès , d'en former un monceau devant le
pavillon de Sita Devi, et d'y répandre du musc, de
lambre, du safran et de l'huile. La princesse Sita
Devi s'assit sur un trône d'or, et on la plaça ainsi sur
le bûcher. Sri'Rania, qui était assis sur un' autre trône,
ordonna de mettre le feu aux quatre coins du bûcher.
Lé feu commença à s'allumer, et Sita Devi, s'étant
levée de son trône , tourna les yeux vers Sri Rama, et
se prosterna au milieu des flammes. Tant que le feu
brûla , elle ne prononça pas^ un mot. D s'éteignit après
avoir consumé ft bûcher, et sans avoir touché le
trône. Quand Sri Rama vit que Sita Devi n'était pas
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 503
consumée, il descendit ^ de son trône, courut près
délie, la prit dans ses bras*, et lemporta, en la cou-
vrant de baisers et de caresses, vers la maison d'or.
Par son ordl'e, les dayangs vinrent avec de Teau de
rose , du safran et du nard , et Sita Devî se baigna^
Lorsqn elle fut sortie du bain, Sita Devi et Sri
Rama s assirent ensemble sur un trône orné de pierred
précieuses. A ce moment, les épouses et les concU-^
bines de MaharadjaRavana, les dayarigs et les gou-
vernantes, au nombre de plusieurs milliers, furent
amenées en présence de Maharadja Sri Raixia. Tous
les habitants dé Langkapouri décorèrent leurs mai-
sons, et les instruments résonnaient partout en signe.
de joie.
XL
Sri Rama nomma Hanouman chef de ses houlou-
balangs , et Laksamana , radja môuda. Maharadja
Bibôu Sanam reçut le titre de mangko boumi , et
Dargam Rougi et Feri Rougi celui de ferdanas
mantris.
Il y avait déjà quelque temps que Sri Rama était
réuni à Sita Devi , et il n'avait point d'enfants^ Il
fit donc demander un filtre à^Maharisi Kdii* et ce
dernier remit à Tenyoyé deux morceaux de bézoard,
en lui disant: «Recommandez que Sri Raina maiîgd
iun de ces morceaux, et que ma fille Sita Devi
mange lautre. » L'envoyé prit congé et partit» A b0û
arrivée, il fut introduit eti présence dé Sri Rarna,^
et lui rapporta les parole» de Maharisi Kaii. Lé
504 JOURNAL ASIATIQUE.
prince, en efTet, mangea Fim des morceaux de bë-
zoard, et donna l'autre à son épouse, et, au bout
de peu de temps., il fut comblé de joie en voyant
qu'elle était enceinte^ Le cinquième mois de la gros-
sesse de Sita, Kikevi vint chez elle un jour, pendant
que Sri Rama tenait une audience solennelle , avec
tous les houloubalangs en sa présence, et elle lui
demanda : «0 madame, quelle était l'apparence de
Maharadja Ravana? On prétend qu'il avait dix- têtes
et vingt mains ; l'avez-vous vu tandis qu'il était en
colère? — Certainement, répondit Sita, j'^d vii Ma-
haradja Ravana lorsqu'il ni'a enlevée. — O prin-
cesse, reprit Kikevi, faites-moi, je vous en prie, son
portrait siu* cet éventail , car je désire extrêmement de
savoir comment il était. — Je ne puis, dit Sita, le des-
siner, ce n'est pas- mon affaire , car il ne laissait pas
d'être mon père, bien qu'il soit devenu l'ennemi de
mon mari. » Kikevi Devî insista encore : « O madame,
dessinez-le, car je voudrais* bien voir comment il
était. » Alors Sita Devi traça sur l'éventail le portrait
de Maharadja Ravana, donnant des ordres et .en co-
lère; et après l'avoir achevé, elle rendit l'éventail
à Kikevi. Sita Devi monta ensuite se coucher dans
son hamac.
En ce moment Sri Rama arriva de la cour; en
le voyant venir, Kikevi eut peur, à cause de ia faute
qu'elle avait commise en demandant le poitrait de
Maharadja Ravana; elle prit donc l'éventail et ie
déposa sur la poitrine <le Sita Devi, qui était pro-
fondément endormie. Le prince s'approcha de son
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 505
épouse, et apercevant dans ses bras un éventail,
avec rimage'de Maharkdja Ravana, il denaanda :
(( Qui a dessiné ce portrait sur Téventaii? » Et Kikevi «
répondit : « 0 monseigneur, c'est ma sœiu* elle-même
quiia dessiné, et quand elle la eu achevé, elle la
pris sur elle et s^est endormie en le baisant. » Aussitôt
Sri Rama secoua Sita Devi , et .celle-ci s étant réveillée
en sursaut, il lui dit : «Pourquoi as-tu, Sita, dessiné
le portrait de Maharadja Ravana,. et Tas-tu, baisé en
t'endormant? Quoiqu'il soît ton père, cette manière
d'agir à son égard n'est pais convenable; je vois
bien que tu l'aimais. Jl n'y a certes pas de femme
pire que toi, femme infidèle à ton marf; je connais
maintenant ta conduite, et je. sais que tu aimes
un autre homme que moi. » Comme Sita regardait
Kikevi d'un air effrayé , Sri Rama continua en colère :
«Quand il aurait été ton père, cette conduite ne
convient pas ; ne sait-on pas qu'il te convoitait ? Il
est devenu mon ennemi, et combien de temps ne
lui ai-je pas fait la guerre^? Si tu désirais de l'avoir
poiu* époux, pom*quoi en as-tu pris un autre?» Et
Sita répondit : « 0 mon seigneur, c'est ma sœur
cadette Kikevi qui désirait extrêmement de voir
comment était Maharadja Ravana, et qui m'^ priée^
en grâce de lui en faire ie portrait sur cet éventail,
qu'elle m'a remis ; quand j'ai eu fini de dessiner, je
le lui ai rendu, et je nie suis couchée. Mais qui a
déposé cet éventail sur ma poitrine? je ne le sais
pas, car j'étais profondément endormie. » Rama
reprit : « Cela n'est pas vrai , tu aimais Maharadja
506 JOURNAL ASIATIQUE.
Ravana; ixi en as fait le portrait, et tu l'as pris dans
tes bras pour dormir; maiiftenant sors de mon pa-
lais, puisque tu violes laffectioti que tu me dois, en
songeant à cette* image, et que ton cœur est occupé
d'un autre ; si tu tardes à t en aller, tu peux être
sûre que je te coupe la tête. »
A ces paroles, Sita Devi, remplie de terreur,
descendit à terre et embrassa les pieds de Sri Rama,
en disant : m Quiconque m'a accusée (littéral, a parié
ainsi), je le voue aux dieux (à. leur vengeance).
C'est bien moi qui ai dessiné sur cet éventail, mais
sur la demande de Kikevi Devi. Quiconque a dé-
posé cet éventail sur ma poitrine, et quiconque a
dit de moi des choses fausses, puissent les dieux le
rendre muet, et puisse une seule parole ne plus
sortir de sa bouche ! Si je suis coupable, lorsque je
quitterai cette ville , que tous les êtres vivants con-
servent leur gaieté, et si je m'en vais innocente, que
tous les animaux qui sont dans cette ville deviennent
tristes à cause de mon départ. » .
Après cette imprécation , Sita Devi partit avec
ses servantes, qui consistaient en quarante dayangs.
XII. -
Or; aussitôt après le retour de Sita Dei^i , ton
les aninçiaux qui étaient dans la ville avaient TéooQ-
vré la voix et la gaieté, et Kikevi vint se proster-
ner devant Sri Rama et Sita Devi, et solliciter son
pardon. Sitôt qu'elle se fut prosternée en demandant
grâce, elle recommença à pouvoir..parier. Dès kn
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 507
Sri Rama fut au comble de la joie , et le son d'ins-
truments nombreux 'ne cessa de retentir.
Sa domination fut réglée par la justice; il s'occu-
pait à tenir en bon état ses forteresses et les armes
de tout genre, et à instruire ses enfants; les dietix
lui prodiguèrent leurs faveurs , en sorte que per-
sonne dans ce monde ne le surpassait en puissance,,
en justice,* non plus qu en libéralité, en force et en
courage. '.
Son fils Telavi fut marié par lui à la princesse
Indra Kousouma Devi, fille de Indra Djata, et il le
mit sur le trône de Deria Poura Nagara. Il maria
son autre fils Kousi à la fille de Gângga Nala Soùara,
nommée Gangga Sarani Devi, en l'établissant sur
le trône de Langkapouri.
Il établit de même comme radjas, Pata Djam-
bouan, dans l'a Adlle de Kaloumbouran Grangsa; Nila
Anggada, à Onta Poura Nagara; Juila, à Indrafasis;
Nilabouti, à Mardou Vangsa; Noulou et Nila, à
Astina; Angkah et Mahabirou, à Mandou Kapoiuc;
et Karang Touvila , à Poura Nagara ; ses houlouba-
langs, qui étaient au nombre de trente-trois, de-
vinrent aussi radjas de contrées moins étendues.
Sri Rama donna à qhacun de ces princes des épouses
dune grande beauté , choisies parmi les filles des
radjas rakchasas morts dans la guerre.
Au bout de quelque temps, Sri Rama fit bâtir,
dans un lieu habité par des solitaires, une petite
ville à laquelle il donna le nom d'Ayôdya; il quitta
Deria Poura Nagaï*a pour se transporter dans cette
508 JODRNAL ASIATIQUE.
nouvçUe ville, et il y demeura avec Laksamana et
Sang-Hanouman. Les deux époux vécurent dans le
contentement et dans un amour mutuel , et Sri
Rama transmit le trône à ses descendants, q[ui furent
tofLs, jusqua la postérité la plus reculée, des radjas
puissants.
Tel est le récit du Dalang, à qui appartient (au-
teur de) l'histoire de Maharadja Sri Rama et de Lak-
samana , dont les noms , devenus célèbres dansiê pays
de Kling et le pays de Siam, se- sont répandus dans
les contrées de Tm*quie et de Hollande, -et ont été
transmis jusqua nos jours par la bouche des
hommes. Ces faits sont rapportés d*après le rédt
qui en a été composé par un homme savant et habile
à manier le langage, à trouver les mots convenables
et à ordonner les xliverses aventures qu'il contient
Ce récit est terminé.
TIJH DE L^HISTOIRE DE MAHAHADJA SRI RAMA.
P. S. — ^^Dans< la première partie de ce travail « j*avais es-
sayé de juger le caractère des Msdays d'après leurs livres. Je
suis heureux aujourd'hui d'avoir à m*appuyer d'un témoi-
gnage sûr, venu seulement à ma connaissance pendant que
je corrigeais les pages qui précèdent. Je veux parier do J(Nl^
nal singulier et plein d'intérêt de J. Brooke, radja de San-
wak, à Bornéo, et maintenant agent anglais dans cette Be.
(The narrative of an eoupeditiofi to Bornéo, hy H. M. &Ai
Dido, with extraits Jrom the Journal of /. Brooke, etq. rajpc
ofSarawakj hy capt. KeppeL London, 18&6.) On mepaidoB-
nera de rapporter un passage qui confirme pleinement ia
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 18&6. . 509
idées que j*ai émises. «... .'Pourquoi les Malays ont-ils une
aussi nmuvaise réputation? Pourquoi les représente-t-on
comme un peuple de fourbes et d'assassins, tandis que. lés
rares voyageurs dont il$ èoni bien' connus, les dépeignent
sous des couleurs favorables; yantent la simplicité de leurs
mœurs et les aimables qualités de leur caractère ? (La répofise
de M. Brooke, à cette question, est que les Européens à*ont
^-guère été en relation qu'avec d'avides radjaè, et avec leurs
officiers et courtisans, race/ ^ n'est pas tenue de valoir
mieux dans l'Archipel que pfurtout aiHeurs.) Les Euro-
péens qui ont vécu dans l'intérieur àa pays, loin des radjàs
et de leur pernicieuse influence, ne partagent pas, je )e ré-
pète, l'opinion défavorable que les marchands ont accréditée
sur le compte des Malays. LiQin de se montrer traîtres et san*
guinairès dans, leurs habitudes, les Malays sont gais, polis;
hospitaliers ; il se commet moins de crimes chez eux qve cfiéz
la plupart des autres {>opuiations du ^k>be; ils expriment
une tendresse passionnée pouir leurs enfants, et une aimable
indulgence pour les fautes que ceox-bi peuvent commettre.
Les liens de famille, et les sentiments. qui en fiésultent, se
perpétuent chez eux pendant plusieurs générations. Quand
elle est développée par l'éducation, leur intelligence esl pé-
nétrante; leurs passions s'exaltent au plus haut degré lors-
qu'ils se croient insultés; une atteinte à leur honneur leur
cause une espèce de sou£Brance. » {Revue JbnUmniqne, mai
1 846. ) Je n'ai eu que cet extrait à ma dispo^tiom ;. .
51b JOURNAL ASIATIQUE.
NOTICE
D'un manuscrit arabe renfermant une continaation de l'Hit-
toire universelle d'Aboulféda^ adressée à M. Reinaud,
membre de Tlnstitut.
'Hadji KJhalfah, dans son Dictionnaire bibliogra-
phique, ne mentionne que deux auteurs qui aient
abrégé et continué le voluniineux ouvrage d*histoire
universelle d'Âbouiféda. Le premier, Ibn Alvardi,
pjji , avec son nom entier , Zein eddin Omair ibn Âlmo-
dhaffar ibn Alvardi, auteur de la Perle des merveilles,
a poussé son abrégé jusqua Tannée jUS de Thégire
(1.345 après J. G.), époque de samort. Il lui adonné
le titre de-^^j^aXail kç3 ou Conchsioh de Vahrégé; mais
il paraît que cet ouvrage est entièrement perdu;
car on n'en trouve aucun exemplaire inscrit dans
les catalogues des bibliothèques connues. Le nom
de lautre abréviateur est Mohib eddin Âbuivalid
Mohammed, fils de Kemal eddin Âboulfadhl, mieux .
connu sous le nom d'ïbn Schehnah, qui conduisit
sa narration jusqu'à Tannée 8 1 5 de Thégire ( 1 A 1 1
de J: G. ) , d'après les paroles du même bibliographe.
GetvOuvrage n'est pas rare : on le rencontre'à la Bi-
bliothèque royale, à Paris; à celle de Bodiey, à Ox-
ford, en deux exemplaires; au Vatican aussi deux
fois ; à Leyde et à Copenhague ( la copie faite par
Reiske sm* le manuscrit de Leyde ) ; on trouve
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 511
même imprimé le sommaire de cette continuation,
traduit en langue latine dans le livre : Arahsiaden
ex Jioto ignoio Ibn Schohnah, supplevitet emendàvit Fr.
Erdmann, Gasani, i823. Il m'y a qu'une seule chose
qui nous frappe; c'est qtie le récit imprimé . cesse
en 8o3 de l'hégire (i 4 oo de J. C), douze ans plus
tôt que ne le dit Hadji Khalfah. Cet abrégé a pour
titre spécial j^I^^I^ JoI^^J ks, i^UJU iUô^
La Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbom^
possède un manuscrit qui nous apprend que les
deux compilatem*s susmentionnés^ ne sont point les
seuls qui aient abrégé AboidFéda. En voici le com-
mencement , après le bism-illah et lexo^de :
^*>^t gj^' (J^ ^P' ù} (:yf è^ i:^ *^^ C:^ (^V^ï
^-^màâII ^^-loJt aM{ «XAiC 0j J"^^ (;>^^^ «^^'^■A^ 6jjaX^\
jy JuàiJilI siiiX)-^ Jajw>-I \^\ a) (^^\ :»U Jw^5
KJiJ^jj A)ill |^«X..«J^' V^l .(;^ sUjî^^ (:)^ J^ V^^
« Ceci estun abrégé, fait par Mohammed ben Ibrahim
512 JOURNAL ASIATfQUE.
ben Mohammed ben Ali ben ^ou Bhida , tle lliis-
toire que SeifF eddin Bectimour ben Âbd^allah, natif
d'Alam, a compilée sous le titre de Moelle da précis
de VHistoire da genre humain. L'ouvrage original a
pour auteur le sultan Elmelic Ëbnoayiad Emad ed-
din Aboulféda Ismaël, fils d'Elmelic Elafdhal Nour
eddin Aboulhassan Âli, fils d*Elmelic Elniodaffia*
Taki eddin Aboulfalh Mahmoud, fils d'Ebndic El-
mansour Nassir eddin Aboul Maali Mohammed, fils
d'Ëlmelic Elmodhaffar Taki eddin Âboul Kattab
Omar ben Chahinchah ben Ayoub, que Dieu les
couvre de sa miséricorde ! JTai donné à cet ouvrage
le titre de Moelle de la moelle da précis de VHistoire
da genre humain. »
En général, on peut admettre que les continua-
teurs de chroniques, en se mettant à l'ouvrage, ont
ridée de les conduire jusqu'à leur propre temps ;
c'est peut-être la même idée qui les engage à passer,
aussi rapidement que possible , sur les conunence-
ments, pom* pouvoir aborder plus à loisir les détails
des événements de lexu» temps. Si donc ce n'est pas
la même année qui met fin à leur, ouvrage et i
leurs jom*s, certainement 1 -époque de leur décès
n'est pas très-éloignéé de la dernière date rapportée
dans leur chronique^ D'après ces prémisses, nous
mettrons la mort dé Mohammed ben Ibrahim en
7/12 (1342) ou bientôt après; car c'est justement
dans cette année que s'interrompt la suite des an-
nées dans son ouvrage historique; Encore voit-on i
la fin le mot lyAij , preuve que l'auteur voulait con-
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 513
tinuer, mais qu'il en a été eifipêché. Ici Ton pour-
rait m objecter que je. parie du manuscrit comme
provenant de l'écrivain même , tandis qu'un copiste
aurait pu s'arrêter au mot que je cite. Je conviens
de la justesse de cette objection : il faudra donc ap-
porter des preuves plus ^évidentes , et heureusement,
cette fois, c'est le chroniqueur lui-même qui les four-
nira dans le peu de passages contenant des éclair-
cissements sur son individualité , et d'après lesquels
nous pouvons supposer que le temps de sa mort a
suivi de près le décès d'Aboulféda.
Le premier passage se trouve à Tannée 732 ;
ayant Yaconté la mort d'Aboulféda-, il poursuit en
ces termes :
-^ — ^-A-«wl iJoUl U (i) LjwJoiî
' L'original porte <>j'î. .4
VIII. 33
514 JOURNAL ASIATIQUE.
)i^ w A> <• A-^ i«X.^ «T***-^ Jl.^
Jl \ôUlX\ Jl-aJUI •*kju. LJu
.(M
"^Lx^L^ (^«x-^l^ LeJ ^K^-^t 01^1
' l^c manuscrit iK)rtc Uac .
* Le manuscrit porte #\j (51c).
•^ îiC manuscrit porte e>ÂJ?t,
' Cet liémisticlie manque.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 515
(( L'auteur de cet Abrégé , lié par la reconnaissance
à Aboulféda,idont les bontés ont allégé son sçrt et
dont le pouvoir a dompté ses ennemis , a rédigé là
cassidè suivante , dont voici le commencement :
Si nous avions trouvé un moyen de rachat, certesrnous'
aurions Facheté Aboulféda Ismaêl.
Quelle per^e pour les habitants de Tunivers ! il est mort
celui 'qui était ami de la fidélité.
Ensuite : Où est celui qui était capable de bien faire ? où
est-il celui qui était beau par ses belles actions ?
Et encore : De chaque œil coulent les larmes; chaque
cœur est occupé ( de sa perte }.
Aucune perte , à l'exception de celle là , n'était crainte ;
chaque douleur était petite à l'égard de toi.
S'il est parti sur le chemin de Dieu, il boira au. paradis
de la source éternelle.
Après lui il nous reste le roi, le chéri /l'excellent, le par-
fait, de race noble ;
Il nous reste, une dynastie des nobles,- et sur eux Dieu
laisse reposer sa grâce.
Combien d'yeux ont été réjouis par lui ! combien d'âmes
ont été rassurées . ayant atteint leur but et leur désir ! .
...;....'. tu en es digne , et tu conduis le
mieux . au chemin droit
Tu es la flamme de cette lumière , le guide sûr des égarés ,
pour qu'ils ne 'chancellent pas.
Dieu soit avec toi; tu as obtenu la gloire et la puissance ;
tes affaires ont réussi.
L'autre passage se trouve non loin de celui-ci; c'est
également un échantillon poétique en Thonnem:'
de l'investiture donnée au nouveau roi de Hamah ,
le fils d' Aboulféda. Il débute ainsi : *^ as».«Xa-«{ Uj
Uri^l SOsjuâJb jjuaûCi^t I «Xift UiJy A^^^Xj «XJLfi:. (( Voici
33.
516 JOURNAL ASIATIQUE.
le commencement d un éloge en vers que Fauteur de
ce précis a composé à son entrée (c'est-à-dire du
nouveau roi). « Viennent ensuite sept •vers dont nous
nous dispensons de donner la traduction, la' poésie
étant sans intérêt, et triviale, de même que la pièce
précédente.
Les recherches que j'ai faites à Tégard de récri-
vain que notre auteur a suivi iaimédicitement, sont
restées infructueuses et se hornent à trois données,
son nom , le titre de son ouvrage et son époque.
Les annales d'Aboulféda s'arrêtent à Tannée 780 et
celles de Mohammed ben Ibrahim en •J42;par
conséquent, Seifeddin Bectimour doit avoir rédigé
les siennes dans Tinteryalle de. ces douze ans. Il est
bien vrai, que, dans ce temps-là, il existait im Seif
eddin Bectimour, gouverneur de Safad, qui à, la
cour de Mohammed, fils de Calaoûn, exerça d'abord
la charge de maître des divertissements, jI^Xj^^j*-, et
ensuite celle de maître des hautes œuvres , jointe à
la dignité d'émir, jl^Xjls?-^.*!, charges qu'il occupa
jusqu'à sa mort en 782 ; cependant , nous manquon.<i
d'autre renseignement pour établir l'identité des
noms et des personnes ^
Le style du Précis est on • ne peut plus concis ;
il l'est jusqu'à l'obscurité , et s'il ne pouvait servir
à la critique du texte publié d'Aboulféda, ce serait
une peine perdue que d'y vouloir chercher, soit
des éclaircissements sur les faits , soit des faits
nouveaux. Vers là fin du livre , c'est-à-dire , là
' Cf. Abulf. Annales Moslemici, t.V, p. 1 55, 217, «49, 887.
iNOVEMBREDECEMBRE 1846. ' 517
où l'auteur se met à continuer l'ouvrage original ,
les circonstances changent, et c'est à partir de là
que l'on peut en tirer quelque profit. Poui' en
faire entrevoir l'importance,* je choisis, dai>s cet
espace de douze ans, deux extraits qui jettent de la
lumière, l'un sur les ouvrages littéraires'd'AbouIfëda,
jusqu'ici peu connus , l'autre sur la fin de la dynas-
tie Ayoubide siégeant sur le trône de Hamah. Le
narrateur est témoin oculaire et mérite d»'£mtant plus
notre considération ^
J^-A-frUwl T*>aJl (lisez ^1 ) j^I (j^jJl^ UijJl :>U Js?>Xt
^^UaJUJi (j^ (ajoutez i»^ ^1 j;t (j^«Xil JJ) jimi ^UJll
^^ (c'est a-dire «X.^ JUJLI jt ^j jJl ^^b ) jynjJLI wiUil
^ Je connais très-bien l'avant-propos de l'édition du texte de la
Géographie d'Aboulféda, par MM. Reinaud et de Slane-, pourtant,
Ton trouvera dans ce qui suit quelques renseignements nouveaux
ou plus délaillës, qui peuvent servir de supplément. ^
518 JOURNAL ASIATIQUE.
^5 4>jpi (j,^ Uà^^^ iU^. (j:?-*^^ g*»*J >^ ASU^ *^Âft
^ |;y^^ (i^i^ i^*'^'^' "^1 ^^^ cjK^ *^^ Cv^'^ «x».!^
iUil^t v^^ <j^UJl <^«X^ «s ^jUL l^ Uâi»* ^f^jdfl
Ô^ iLAiiMb.«aJl lilUpi^ c^^t «^ (lisez ii^^^lj) Hiy^]^
l^Uâxâ.1 ^«XJI ^^iJl V^^ (^3^ &^ U^ V«A$^
ff «X^ ^ cKcw&s) c:>t JJ^ ^t ^^^ ^lÂfi'lf ^^i^l V^l
^^L^t v^ u<<>^l fi^^A:^ V<^ f^i^J^^ i ilVju
c
* I
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 519
(i) C — ^^ :>; ^.XJ j^Xil JM
^A^^Mi»— w (3) («X^ li5)l^ ^^^3
(( En 70 2 ( 1 33 i ) , le jeudi matin , 1 8 moharrem '
(20 octobre i33i de J. C), mourut Je sultan
Moayad Emad eddunya veddin Abulfédalsmaël, fils
d'Elmelic Elafdhal Nour eddin Abuihassan Ali, fils
du sultan Elmelic Elmodhaffar Taki eddin Abulfath
Mahmoud , (ils du sultan Elmelic Almansour (Nas-
sir eddin Abulmaâli Mohammed), fils du sultan Elme-
Kc Almodhaffar Taki eddin Abuikhaltab Omar, fils
de Cliahinchah, fils d'Ayoub. Sa maladie était une
lièvre continue et quotidienne; sa tête finit par gon-
fler et il succomba. Il est enterré dans un tombeau
qu'il avait fait élever, avant sa mort, au coin de la
' Corrigez cjj^.
* Je préférerais tX^.
' Abul-AIahasscn donne pour claie k 3 moharrem , c çst-à-dire le
5 octobre. ( Cf, Géographie d'Aboalfcda, dans Tavant-propos. ) —
D'autres se irouvent dans Gagnier : Vita Mohammedis ex Abalfédâ.
Voir la préface.
520 JOURNAL ASIATIQUE,
mosquée de son nom, bâtie à Hamali, au delà de la
porte du pont. Le défimt était un homme très-savant ,
vertueux, généreux et libéral, qui avait gouverné
Hamah comme naïb , conune. mélic et comme sdi-
tan, à peu près vingt et un ans , ayant à' sa mort l'âge
de cinquante-neuf ans- environ, et laissant un seul fils
et quatre filles. 11 était dun extériem* agréable, pa-
tient dans les adversités , indulgent pom* les fautes du
prochain et estiipant les gens de lettres qui accouraient
chez lui de toutes les contrées. Un grand nombre
d ouvrages ont été rédigés par lui,poiu* être appris par
cœiu:»\ par exemple le Havi ou encyclopédie de la
doctrine chafeïte ; Kitab al Kafiah va Qwjiah (^le li-
vre suffisant et absolu) traitant de la grammaire , de
la syntaxe et de la prosodie de Mahalli; Tasviàhou
aplanissement ( préparation , introduction ) sur la
médecine; traité dit Chcmsiah, ouvrage de logique;
Solution de VAlmageste et des. Préceptes. Il laissa
beaucoup d'ouvrages, entre autres le ffavî, ré-
digé en versj une histoire dont voici labrégé, un
commentaii'e en vers sur l'introduction d'Ibn Âlha-
djeb ^. Il écrivit ensuite un livre nommé El-Cun-
nâche (Recueil) , en quatre volumes , traitant de dif-
férentes matières, comme du droit, de la médecine,
de la . géométrie , de la logique , etc. un discours •
' L'auteur veul dire qu Aboulféda mit en vers différents ou-
vrages qui avaient été rédigés primitivement en prose, et cela pour
quon pût les retenir plus ^ciiement dans la mémoire. (Note de
M. Reinaud.)
^ Le sens me parait être ; un commenlaire sur la partie de timtro-
ducûon (le Ibn-al-IIadj^h , qui est en vers. (Note de M. Reinaud.)
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 521
sur la logique ; une géographie ; un livre sur la
morale et la politique, et autres. On a aussi de lui
une pièce de poésie, en Thonnexu* de Birr el Iscan-
deriat (?), situé au pays de Hamâmat ^ :
Ne voyez-vous pas que la société dispensée se rassemblé
et que vous êtes à Tabri des injures iu. siècle ?
Et que nos anciennes maisons et demeures se peuplent de
nouveau,, depuis que nous nous sommes séparés à Nedjd ?
J'avais passé à droite des bornes, un jour que toute la so-
ciété était réunie.
Alors je ne pouvais retenir les flots de mes larmes; ce-
pendant , mes larmes ne m'écoutaient point.
Mon cœur soupirait après Khansa; mais, jusqu'à sa de-
meure il y avait une longue distance.
J'étais en proie à mes désirs, qiie je ne pouvais satisfaire,
tout le temps de mon absence.
Je ne m étendrai pas sur les différentes dates de
la mort d*Aboulféda, et j'examinerai plutôt la liste de
ses ouvrages. Du premier coup dœil on est porté
à s en méfier et non sans raison ; car presque tous
ces ouvrages se trouvent mentionnés deux foi^. Il
me paraît que le copiste est seul coupable de cette'
répétition ; celui-ci , voyant peut-être ime note mar-
ginale , a cru qu'il était de son devoir de Tintroduire
dans le texte. L'auteur, tout pauvre poëtè qu'il est,
ne peut être supposé tellement distrait que, dans
l'espace de six à s.ept lignes, il répète ce qu'il avait
exposé. Il s'agit de reconnaître ici la vérité, et en
' H s'agit, ce me semble, ici d*un endroit situé aux environs
d'Alexandrie. Sur le voyage d'Aboulféda à Alexandrie, voyez les
Annales Moslemici, t. V, p. 324. (Note de M. Reinaud.)
522 JOURNAL ASIATIQUE,
me basant sur des données plus ou moins précises,
je suis porte à croire que ces mots, à commeqcer
de cuxMP jusqu'à L^\ji&^\^, sont interpoles; car le
Havi même n est pas d*Âboulféda , mais seulement la
rédaction en vers de cet ouvrage; la Ccffiah et la
Chcfiah ne sont pas non plus de lui, mais seulement
un commentaire rimé de cette grammaire; la Tas-
viah n est peut-être rien autre chose qu'une partie
du Cannâche; le traité de logique dit Chemsiah ,
pourrait bien nêtre que le discours de notre auteur
siu* la logique ; et il ne reste à expliquer que les
Solutions de i'Almageste et les Préceptes ^.
Les grands ouvrages d'histoire et de géographie
mis de côté, vu quils sont suflisanmient connus,
nous nous occuperons de Texamen dés autres tra-
vaux ici énumérés.
Le Havi ou collecteur est un recueil de préceptes
religieux et civils selon le rite chafeïte, rédigé par
Mohammed ben Said ben Mohammed Âbou Ahmed ,
connu sous le nom dlbn Alâss, (j^U^i (g^l, qui mou-
rut à Kharezm après l'an 34o (961 après J. C. ).
Cet ouvrage était arrangé à l'ihstar du Grand Re-
^ Je ne suis pas tout à fait de Tavis du savant M. Gottwaidt. II ne
me parait pas y avoir ici de répétition. L'auteur, après avoir parié
des ouvrages d'autrui qu Aboulféda avait mis en vers, parie des tnitéi
composés par Aboulféda lui-même. Les mots s jy»^Jl9 ^IJUll L^
e>xi=J[ (U oÂÂ^a .^^^t ^ #LJUJt, que M. Gottwaidt a rendus,
par : et estimant les gens de lettres, qui accowraient chez lui de loaM
les contrées ^ signifient de plus et qui composh^nt à son intention éffi-
rents écrits. Le traité de logique, dit Chemsiak, est bien connu cUdi
sa rédaction en prose ; il se trouve ii la Bibliothèque royale. Il eit
du nombre de ceux qu Aboulféda mit en vers. (Note de M. Reinand.)
- #
NOVEMBRE. DÉCEMBRE 1846. 523
cueil,>AAj3J j^Mi, qui teaite du même sujet, et qui
a pour auteur le fameux compagnon ^ de Chafeï
^^UJl <^.^>.U9, fondateur de la secte de ce nom,
Ismaël ben Yâhya ben Ismaèl ben Amr ben Ishac
Abou Ibrahim al Mozeni, né en lyS (791 après
J. C. ) et décédé au mois de chewal^ en 264
( 878 après J. C. ). Plus tard, le Havifat abrégé et
disposé par Abdul GhafTar ben Abdulkerim ben
Abdul GhafTar, le cheikh Nedjm eddin de Cazvin,
pour être appris par cœur par son fils Mohammed-
Cette rédaction reçut le nom de p^tà Havi, x^^^
jajuaH , tandis que lautre fut distinguée par celui de
l'ancien, ^y^,*sxi] ^^^Ut.C'estdecet abrégé du HaVi
qu'Aboulféda a essayé défaire imé rédaction en vers,
laquelle fut ensuite commentée par un^de ses con-
temporains le cadhi Cheref eddin Hebat ^Uah ben
Abdulrahim ben Albarezi do Hamah, qui mourut en
737 ( 1 336 après J. G.) '^
Le second ouvrage attribué à Aboulféda est
un commentaire de là célèbre grammaire dlbn
Alhadjib. Aboulmahassen ,• dans son Histoire de
rÉgypte, et Hadji Khalfah, en parlent aussi, et dans
le même sens. Au dernier nous devons de plus
amples informations; il dit :jb*-^ ;^*^i3 M ^X-^cû *l^l
' Ordinairement le mot o^^^»^!^ pareil cas, ne signifie pas
conif)agnon, mais élève. (Note de M. Reinaud.)
2 Ibn-Khallican dit le 24 ramadhan.
524 JOURNAL ASIATIQUE.
\rr JLÂM» ^^Ufcû i *ju^, «Cet ingénieux commen-
taire, auquel il (Abouiféda) a joint des notes de
Fauteur même de cette grammaire et d autres com-
mentateurs, fut fini au mois de chaban, en 732
(i3â2 de J. C); il débute par ces mots : uLouange
«à Dieu, qui nous a enseigné Tart de Récriture! »
Le troisième ouvrage est appelé Cunnâche. Lor-
thographe de ce mot est double; on Técrit tantôt
(j-Iâê>, tantôt (jpiLLS", et, dans les formes d*unité,
iL^Uâ» et A^Uâ». Les formes écrites par ^ et
j& ne me paraissent être que des différences de
dialecte, et je regarde la forme en ^^ comme ap-
partenant exclusivement à la Syrie, vu que le mot
est d*origine syriaque. Sous le titre de CQnnâche
(collectdnea) . nous connaissons, par Hadji Khalfii.
cinq ouvrages, dont trois, à coup sûrj traitent de
la médecine ; le quatrième est un recueil de plusieurs
autres sciences, It le cinquième est resté indéter
miné ^. H n est donc pas surprenant queReiske ail
regardé le Cunnâche d' Abouiféda comme des tables
de médecine , puisque , outre les ouvrages mention-
nés, il y en a un autre, en langue syriaque, du
même titre , I^jglO » traitant de la même matière.
L'historien Djennabi ''^ attribue .aussi à Abouiféda
un (jMLÂâ> appelé (^«>s>3^ . et ajoute : c^UoJl is> i
^UJJ $\jàj, (lisez 6-JaiJ), «qu'il traite de la méde-
* Voir l'avant-propos de la Géographie d'Aboûlféda, éditiou (k
MM. Keinaud cl de Slane.
- Voyez Gagnier : Viia Mohammedis , préface.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 525
(•ine et ressemble an Canon)) (apparemment d'Avi-
cenne). Cependant, notre abréflatem* nous fait con-
naître le contenu du livre, et précise en même
temps le nombre de volumes, à savoir, quatre, sur
quoi Abulmahâssen enchérit encore en disant qu*il
était composé d^ beaucoup de volumes. Nous lisons
dans Hadji Khalfa .: ^ ^ JJl x» .x^ iJ^I ^jiUfe
Jl]^ iL-jL^J (Usez »:>yL) »:>y!Sii ^^ ibU (liiez AJtoJ) ^
u Can/idc/i^ (recueil) dont voici le commencement :
Louange à Dieu pour le savoir .duquel il ny a point
de bornes, et dont la bonté n a point de fin! )iXi'au-
teur dit : u Ce livre de recueil est composé d'une
quantité d'autres livres; le premier traite de 'la
grammaire. » A la fin, il ajoute : « J/ai achevé de faire
et de rédiger cette compilation dans les dix premiers
jours du mois de chaban, en -727 (auinois de juillet
de 1 337). Cependant, je nai rencontré nulle part le
nom de l'auteur. » Cette date coïncide si bien avec
l'âgé d'Aboulféda , que je serais tenté de regai^der
comme un seul et même livre l'ouvrage mentionné
par Hadji Khalfa et le Cunnâche Moayadi dé Djen-
nabi.
En ce qui concerne le discours sur la logique, le
livre sur la morale et la politique , les Solutions de
526 JOURNAL ASIATIQUE.
l'Almageste et les Préceptes \ je n ai pu rien trouver,
au moins dans les flkres qui étaient i ma -portée,
qui me donnât de plus amples informations. Aboul-
mahassen ^ fait encore mention d un livre des Ba-
lances (mesures?); Ibn-Chehna parle des Raretés de
la science, jki-*Jl ji»ly v^^ que M. Kôhler' suppose
être un livre théologique; Djennabi attribue à Aboul-
féda des poésies à rimes doublées, «^L^^.*; enfin,
d après Gagnier, il existe au collège de Saint-Jean,
à Oxford, un livre du même auteur sur i*usage
des tables astronomiques, J^«*xil i ^yiSX\j>MJ\ c^VjuT
Jh^^ m^mI] ^\jÔ\ pU^I ^L^l vJUJlï p^^iêûU ^^L
Nqi^s finirons cette notice par un extrait du ma-
manuscrit contenant Thistoire de la déposition cl
de' la mort dû fils d'Aboulféda.
JlXJî j-u^ i4Hkâi! jL^xJI (j- ^^jji) ^^^fi^:^ (ji^\
^ Le livre des Préceptes me paraît être un traité de logii|iie.
composé par Avicenne et commenté par Nassyr-eddin de Tboui
( Note de M. Rcinaud)..
' Géographie dAhovdfèda, éd. de M. Reinaud.
^ RepertoriumfûrhihLund morgenlând, Litterat. tom. II.
* n faut peut-être lire ^3lj^ (Noté du rédacteur.)
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 527
jiÂJIci^til frU^ ùj\:> J)!f3 iu U àbjjl^iH li^ aaU
c-A.<jfc l^t^ siLiâJù f^ imhX^Ji iZKjiS^^ «fl4>X {^ymt^J^ ^t
V.JUUW ^Jyo^l l^^i^dio i-i'^^ Ja<li>(l JiXmÔ Jt ^^5^1 (^ CiT*
>1 JULi Ju:)i> i y^LâyU»!^ (iisezjjC)iil0) J14UI9 (^«>Jt
^5-ijU ^j-Xêi^'Àm^, IxAÂkil (5MWW03 4«^b Jt^^-AlkM «Xi Uâjl
jL^MJ a^l:^ ^fHV^3 ^1 iû^^mL l^l»^ iy**j^\ ^y*^^
>^Jc^;^^ J^^l»^ ^^?^1 {^ ^i plî' *^^* i \3^i^^ Jî
cA.i^ ^Â^ (i) i^tyiil^ l^^t CA^A^ i(l.^ 4^UJly&}.
* Lô manuscrit porte ^f^JfL-
528 JOURNAL ASIATIQUE.
j^'i] ^j y^ ^Lm» ^.A ».4i 1*^ îk^imtQ 1^^»^.^^ ïl^ jI
b^-^ i\^ Jt 6^iu>».* <-«^4*«*' (^^O ^^y^^^ ^5â. «^^ (^1^
^^UJt JJdt iU^U AJkfi^3 ffU^ jpUJU j^ bl Î^IAI Jb
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NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 529
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uXXâ^^ ULl^ ji^l AiAtfL^]^ iUiAw çjjijjSit^^ iiju/*o iSj^^ ^^1^
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VIII. .34
530 JOURNAL ASIATIQUE.
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M^yi\^ J>jJ! «jl^ ^1)153 X2^ (S^ *^j3 ^IfU oJirf ^
« Cette année (c est-à-dire 'jki ou 1 34a de J.C.)
le 2o du mois de rebi premier, Hussam-eddin Lad-
jin el Gharlevi ^ arrivant de TÉgypte, apporta au
prince d'Hamah Tordre de se rendre avec lui à Da-
mas , où il lui remettrait des dépèches. Ay'syit entendu
cette nouvelle , le prince El Afdhal, à peine rétabli
d une maladie , se prépara pour le voyage , congédia
sa maison , vendit ses meubles , ses ustensiles de
cuisine et sa vaiselle. Après un délai de trois jours
il sortit de Hamah, porté sur un brancard. Arrivé
à Restan , il envoya son nfamelouc à Haleb pour
avertir de son ét^t Témir Seif eddin Thaschetimour
Hommaz Akhdhar (pois vert); celui-ci lui fit ré-
pondre , pendant qu'il était encore campé j^pès de
* Le texte ofiîne évidemment (jJjiu] , le « portant une iBaR|vc
pour être distingué du J ; sans cela il serait bien aisé fle lire
(jJj»j\t de Gfiiznah.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 631
Restan : « Qui vous a ordonné de quitter votre pays?
(( Vous aiunez pu attendre; si vous appréhendez^quel-
(( que chose , ayez recours à moi. » Alafdhal manda
sonbeau-frère 1 emir Seif eddin Thocoztimour pour
lui demander avis ; celui-ci répliqua : « La meilleiure
« chose pour vous est d'aller à Damas, et de ne pas
« fournir un prétexte contre vous. » En même temps
il dépêcha quelqu'un chez Tombogha, vice-roi de
Damas , pour avoir son conseil. Il arriva alors un
envoyé qui lui manda de se, hâter et d'avoir bon
coiu'age. Ainsi flottant entre la craintfe et l'espérance *
le prince continue son voyage vei^ Damas, où il
entra le dimanche au soir, le a du mois de rebi
second , après un trajet de huit jours -, il descendit
à Cheref el Ala, et logea chezBibars le silihdar, chez
qui aussi les présents et les cadeaux étaient déposés.
Lorsqu'il fut arrivé à Caboun supérieur ^, avant
d'entrer ^dans la ville, Seif eddin Thocoztimour pa-
rut au même endroit; Alafdhal voulait. avoir une en-
trevue avec lui ; mais il ne réussit pas ; car Thocoz-
timour poursuivît sa route jusqu'à Ladjin et Garah.
Soudain, arrive l'ostadar, ayant reçu un billet annon-
çant que Thocoztimom» se trouvait à Carah et était
devenu vice-roi de Hamah. Les émirs et le peuple se
tenaient prêts à orner la ville, ce qu'ils firent à son
enti'ée, le jeudi y du mênje mois, et cette jouriiée
fut comme un jour de fête. La raison de sa venue
^ cx^UJf ^jl> j (>a.fj J^ {j^-^^ uso *^ t^y" oy'^
(«j^LmJI Jslwj fj fj\j»i\ 4^1 Yacout, daDs son grand DictÛAinaire
géographique.
34.
532 JOURNAL ASIATIQUE,
à Hamah était la crainte du danger menaçant sa
vie; car Almansour avait épousé sa fille, et lui
était son lieutenant. Ayant été destitué, il dît aux
émirs : « J ai une charte scellée d*Elmelic-Nassir, qui
«m'investit de Hamah; c^est là que je vais. » Malgré
son dire, il s éleva des plaintes contre cet usiurpateur
de Haihtih, à cause de Tinjustice et de la ruse avec
lesquelles il était allé saisir le bien d autrui. On con-
vint de le renvoyer; mais lui avait quitté la ville et
ce que nous venons.de raconter avait eu lieu ^
Ce Thocoztimour est le même que le melic Moayad
( Aboulféda ) avait offert en cadeau au melic Nassir
en Tan 709 ( i3o8 de J. C. ), ce que nous avons
rapporté en son lieu. Le prince Alafdhal accompa-
^ Ce passage offrira peut-être quelcpie chcve de louche au lecteur;
je pense même que la fin n'est pas rendue exactement.- L^auteur
veut dire que lorsque la nouvclfe de rapproche de Thocoitimoiir, en
qualité de gouverneur de Hamat, se fut répandue dans i^ette ville,
.les émirs et le peuple s'empressèrent de -faire des. préparatifs ponr
fêter son arrivée. (Sur le mot aâj ; voy. mes Extraits des historiens
arabes des croisades, Paris, 1829, p. a a 3.) Thocoztimour était le
beau-père et le lieutenant du sultan d'Egypte, Màiek-Mansoor, fils
et successeur de M alek-Nasser. Ayant été destitué-et craignant pour
sa vie, il annonça aux émirs l'intention de se retirer à Hamat, dont
il disait avoir reçu l'investiture du vivant de Malek-Nasser, an
moyen d'un diplôme revêtu du èlamé ou paraphe du sultan. Le
hasard fit que, dans le même moment, l'on reçut en Egypte eu
plaintes sur le gouvernement tyrannique du fils d*Âboalféda, etsor
les ruses qu'il employait. pour extorquer le bien d'autrui. Lesénin
donnèrent donc à Thocoztimour une commission pour Hamat, et
licelui-ci se mit aussitôt en route. On trouve une notice particnliàre
sur Thocoztimour dans le Mankel-alrSafy, d'Àboul-Mahassen , man.
ar. de la Bibliothèque royale, anc. fonds, n" 749, folio 191, v. (Noie
de M. 'Reinaud.)
NOVEMBRE. DECEMBRE 1846. 533
gna à cheval le vice-roi de Damas lors de son eii-
trée solennelle. On lui proposa. de retourner sous
les voûtes du palais , sans faire partie de la cuite ,
marchant à pied,, le second jour de la cérémonie;
mais il alla achevai, à son ordinaire. Toutefois, ar-
rivé à la porte Sirr , on lui ordonna de mettre pied
à terre; il descendit et marcha à pied jusqu'à ITiôtel
du vice-roi , au delà de la porte de la Victoire. S'en-
tortillant de ses longs vêtements, il hroncha-, parce
qu il n avait pas coutume de marcher de la sorte.
Cela le mortifia, car il voyait quil n était plus roi,
et il retoiu'na à son logis, changé et consterné. La
maladie de sa femme, qui était des plus estimées,
augmenta; elle fut sur le point de mourir, et d'autres
malheurs s'ensuivirent pour lui. Il fut atteint d'épi-
lepsie et d'une suppression des fonctions cérébrales,
en conséquence desquelles maladies il succomba le
soir du mercredi, i3 du mois de rebi second, tes
ai'omes et les linceuls qui étaient destinés pour sa
femme , lui servirent d'embaumement et d'enve-
loppes; la même nuit on l'emporta à Hamah. Arrivé
le 1 5, le matin dmeudi, il fut enterj'e dans le tombeau
de son père le melic Moayad, à côté de la principale
mosquée bâtie hors la porte du Pont. L'émir Seif
eddin Thocoztimour assiista aux funérailles et fit les
prières , que Dieu soit propice au défimt! Khavan-
dah, son épouse, mourut bientôt après et fut ense-
velie à Damas, dans le cimetière des* martyrs. Le
melic Al afdhal avait régné dix ans et quelques jours,
et atteint l'âge de vingt-neuf ans, huit mois et quel-
534 JOURNAL ASIATIQUE.
ques jours. H laissa, outre le melic Nour eddin Âli et
Emad eddin Ismaêi, trois filles. Lorsqu'il fut mort et
qu'on le transporta à Hamah, sa mère, avec ses deux
enfants, s en alla en Egypte sur Tavis du plus puissant
des émirs, Tpmbogha, qui lui donna des lettres dere-
conunandation en faveur des deux princes et chercha
à flécHir les cœurs par la vue de leur infortune. Tout
près du Caire, le melic Nour eddin Ali moifcut et fîit
enseveU. La mère entra au Caire, et Caussoûn loi
expédia une charte qui assurait Témii^t à Is'maël, en
ajoutant la promesse que son état lui serait main-
tenu. La mère retourna à Damas, où elle resta,
quoique les troupes fussent encore en mouvement
La cause de la déposition du melic Alafdhal était
une marque de la puissance divine. Ce fiit son ava-
rice, qui le portait à prendre les biens de ses sujets,
sans raison ; ses mesures forcées contre eux , la con-
cussion qu'il se perpiettait en percevant les impôts,
desorte qu'on était même injuste contre cdui qui ne
possédait rien. Il forçait à prendre de la soie , diffé-
rentes étoffes en toile et autres choses, même en cas
de mort du possesseur; ainsi, lorscru'il avait forcé à
prendre l'année précédente du sucre, il transférait cet
achat aux héritiers et prenait sur l'héritage la valeur
de la marchandise. Il agissait -avec ruse ^vers les
riches pour leiu* emprunter de l'argent, cherchait à
empiéter sur les biens des orphelins , moyennant
des emprunts, si bien qu'à la «fin chacun voulait ca-
cher son avoir, que les riches feignaient d*étre pau-
vres et n'avaient garde d'acheter des marchandises
NOVEMBREDÉCEMBRE 1846. 535
ou des biens-fonds. Il mettait en pratique différentes
ruses pour enlever les richesses d'autrui; aussi, les
imprécations * contre lui allaient en augmentant,
airisi que les prières au Ùieu Très-Haut, qui lui
avait accordé un délai , mais qui • ensuite le saisit ,
sans qu'il pût échappera Son patrimoine fut vendu
devant ses yeux; il goûta lamertumè de la déposi-
tion et celle d être sans patrie,. privé de ceux qu'il
aimait. A la fin il mourut. Que Dieu lui soit propice !
Hamah sortit des mains des AyoubideS pour la se-
conde fois; ils y avaiçnt été maintenus, la dernière-
fois , pendant trente-dèUx ailà. » . •
J. GoTTWÀLDT , à Saint-Pétersbourg.
NOUVELLES OBSERVATIONS
Sur le véritable auteur de Thistoire du pseudo-Haçan bon
Ibrahim \ par M. C. Defremery.
Parmi les manuscrits arabes compulsés par le
laborieux D. Berthereau, il s'en trouve un qui porte
le titre de Djand-éttévcurikh, g^jlyJJ -Ç^W^ {^^ collec-
tion des chroniques) , et dont railteiu' est désigné
sous le nom de Haçan ben Ibrahim lafeî , dans une
' Allusion au passage du Goraa : <^t àfijjct^mj ^'^^LjH ÉMiké^
JiUê otj^ (surate xui, 23.)
536 JOURNAL ASIATIQUE,
note placée à la fin du volume. Cette note se' ter-
mine ainsi : é\jà[ (j^t'^^ A iUttfj^\yA^ ^^jj^y
A^UUf^ (:5^j(XM3 ^«mJ iUiw, (( Ce livre *a* été transcrit
dans la vîUé de Misr, qui est sous la sauvegarde 'de
la religion sublime, Tan 679. » Les détails indiqués
ci-dessus paraissent , confirmés par le court avertis-
sement qui précède le manuscrit, et dans lequel
l'auteur nous apprend qu'il a rédigé son travail pour
le sultan Mélic M ançour Seîf-eddin Kélaoun, et qu'il
l'a commencé à Tannée 62 1 de l'hégire.
Malgré la vraisemblance, la précision et l'authenti-
cité apparente de ces renseignements, ils ne renfer-
ment pas un seul mot qui rie soit ime imposture. C'est
ce qu'a démontré M. Quatremère dans l'appencjiee du
premier volume de THistoire des mamlouks^. Et d'a-
bord, le savant professeur a reconnu que le premier
feuillet du volume, renfermant le titre et la préface,
avait été ajouté par une main beaucoup plus moderne
que celle qui avait transcrit le reste de l'ouvrage. Le
propriétaire du manusci^t, dans le but de vendre
.plus avantageusement, un volume dépareillé, y a
^ Histoijre des sultans mamlouks de FEgypte, tome I, 9* partie,
pages 177-179. — Je dois cependant faire observer qoe llionneiir
d'avoir, 'le premier, reconnu la supposition d'Haçan-ben-IEnhim
appartient à M. Reinaud. Dans les observations préliminaires de lef
Extraits d'historiens arabes relatifs aux croisades, ce savant s^exprime
ainsi (page xxv) :. «Dans le cours du volume, Tauteur renvoie à
des événements qu'il avait l'acontés longtemps avant le xni* aiide
de notre ère ; d'un autre côté, il fait mention de princes qui n^ont
régné que dans le xv* siècle. On peut induire' de là que le titre et
la préface n'ont été mis qu'après coup, et que c^est ici un Yolmne
dépareillé. »
N;0VEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 537
cousu un titre et une préface, qu'il a écrits lui-même,
sans s inquiéter «i les détails contenus dans cette ^
préface concordaient ou non avec le récit dé Tau-
teiu*. La dernière page- du livre a été également
ajoutée dans la même intention mercantile. Les
assertions de lauteiu* donnent le démenti le plus
formel à tous les renseignements compris dans la
préface et dans la note finale. Des passages indiqués
par M. Quatremère prouvent que Thistoire en ques-
tion commençait bien avant Tannée 621. D autres
passages démontrent tout aussi clairement que cet
ouvrage a été composé longtemps après Tannée 678
de Thégire, et qu'il devait s étendre bien au delà de
cette épqque. Ainsi, Tauteur cite les trois historiens
Novaïri, Bibars et Aboulféda, qui tous ont écrit dans
le viii^ siècle de Thégire. Parlant de Témir Baïdera ,
qui, après avoir assassiné le sultan Mélic Achraf
Khalil, Tan GgS de Thégire (de J. C. 129/1), et
usurpé le trône, ne le conserva que deux jours et
le perdit avec la vie, il ajoute : «C'est ce que je
raconterai plus bas. » Ailleurs , il indique Tannée 832
cohfime celle dans laquelle il écrivait. De ces détails
et de quelques autres, M. Quatremère concluait que
Tauteur était né vers la fin du viu* siècle de Thégire,
et que ce fut dans le siècle suivant qu'il composa
des travaux historiques d'une grande importance.
(( Il se trouvait ainsi , ajoute le savant professeur,
contemporain de Makrizi, Abou'lmahâsen, Kotb-
eddin (lisez Bedr-eddin) Aïni, Ebn-Kadi Schohbah,
et autres chroniqueiu's dont les productions volu-
538 journal;^asiatique.
mineuses et estimables sont encore aujourd'hui sous
nos yeux. Mais quel était cet historien? Quels lurent
son nom et son pays? C'est un problème que je n*aî
pu résoudre, et sur lequel j'e ne saurais même offiîr
une conjecture. Tout ce que je puis assuré, c'est
que le long chapitre historique sur lequel j*ai aj^elë
lattention de mes lecteurs, ne fait partie d'aucune
des grandes collections que j'ai eu occasion de con-
sulter, et dont les auteurs nous sont connus^, n
Depuis, répoque où M. Quatremère écrivait ces
lignes, M. de Hammer-Piu*gstall a examiné, dans
une note insérée au Journal asiatique ^ la question
soulevée par notre savant compatriote. Le célèbre
orientaliste de Vienne a supposé que le véritable au-
teur de ce fragment historique n'était autre que le
chroniqueiu* Aïni , sur lequel M. Quatremère a donné
une Aotice dans le même appendice'. L'opinion
de M. de Hammer me paraît tout à fait fondée;
seulement , qjielques-uns des développements dont
il l'a entourée manquent d'exactitude. D'ailleurs,
une comparaison plus attentive de la vie d'Ami avec
les passages extraits, par M. Quatremère, du pseuÂo-
Haçan ben Ibrahim , m'a fourni plusieurs preuves
nouvelles à l'appui de la conjecture du savant alle-
mand. En conséquence, j'ai cru que les lecteurs du
Journal asiatique verraient avec plaisir un examen
détaillé de cette question intéressante.
' M. Quatremère, loc, laud, pag. 180.
' III- série, t. XIV, pages U8-45o.
^ Pages '2 19-228.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 5S9
Le pseudo-Haçan ben Ibrahim , après avoii: men-
tionné le livre intitulé Romouz (dcononz jy^\ jyAj,
(les énigmes des trésors), qui a pour aufem» Seïf-
eddin Amidi , ajoute ces paroles : « J'ai hi ce livre
en présence^ de Timam Schems-eddin Mohammed,
fils du schetkh Ibrahim Maraghi Zahidi, dans les
contrées du nord, iuJUûJl ^^l «J, vers Tanuée
783.))
D après cette expression, les contrées da nord, on
peut croire, observe M. Quatremère, que lautem*
n était originaire ni de TEgypte, ni de la Syrie, maïs
qui! avait pris naissance dans TAsie Mineure^. Mais
ne pourrait-on pas supposer, avec une égale vraisem-
blance, que ces mots, les contrées da nord, désignent,
non TAsie Mineiu'e, comme le pense M. Quatremère,
mais la partie septentrioi;iale de la Syrie, à l'est de
la Cilicie? Cette conjectiu^e s accorde très-bien avec
le lieu de la naissance de Bedr-eddin Mahmoud Aïni,
qui , ainsi que son surnom l'indique , avait pour patrie
Aîntab,^dans la Comagène, à trois journées de che-
min au nord d'Alep ^. Voilà donc un premier rapport
entre le pseudo-Haçan et Aïni. Nous allons en trouver
un second dans im passage de Sékhavi, négligé par
M. Quatremère, et qui suffirait, à lui seul, pour
trancher la question. . '
<( Il lut, dit cet historien dans la Vie d'Aïni, devant
Chems-eddin Mohammed Arraii Ibn-Azzahid, l'ou-
vrage intitulé Mirah alarvah , ainsi que le Œafiah ,
'- Hist des ialtans mamlouks, loc. laud. pag. 179.
- Voyez Saint-Martin, Mémoires sur l'Arménie, t: I, p. 197.
540 JOURNAL ASIATIQUE.
le commentaire du Chemsîàh et le Romoaz al-Co-
noaz, par Amidi ^ »
Il me parait impossible de mécomiaitre Tidentité
qui existe entre les détails contenus dans ce paissage
de Sékhavi et ceux que nous fournissent les lignes
du pseudo-Haçan citées plus haut. En effet, Aïni
naquit, comme on le sait, dans la ville d*Aintab, où
il fut élevé, et qu'il ne quitta qu'en 788 , pour aller
i^iyjèM Ms. arabe n° 600, fol. 99 r. Dans sa note, M. deUammer
s'exprime' ainsi : «11 dit avoir lu le livre de rimam Schems-eddin
Mohammed dans les contrées du nord, 1 an 788 de Thëgire, et dany
la biographie d'Aîni , nous apprenons qu'il avait fini ses études, cette
même année, à Ilaleb. » Ce passage renferme deux inexactitudes.
Par les mots , dans les contrées du nord, Tauteur ne peut avoir désigné
Alep, ainsi que je crois Tavoir démontré plus haut. D'ailleurs, ce ne
fut pas à Alep, mais bien dans sa ville natale, comme Tatteste
Sékhavi, qu Aïni prit les leçons de Chems-eddin Mohammed. Aîni
ne finit pas ses études, en 783, à Alep; mais il les y continua cette
môme année, selon Sékhavi, ou Tannée suivante seulement, d'âpre
Abou'i Méhacin (ms. 667, fol. 190 r**). Nous le voyons, % des épo-
ques postérieures, suivre des leçons à Béhesna, à Cakhta, au Caire
et à Damas. (Voyez M. Quatremëre, page 230). Je dois faire observer
que, par une erreur de copiste, le nom d'Alep est substitué à odui
d'Aîntab dans cette phrase de Sékhavi : j-ImLjS ^jL» (J •••••jJ*
oX^ jû)L^A4w j ij^ôCm» j ^J^\ AÂ4» qL^^ «li Da({uit le 17 de
ramadhan de Tannée 762, à Alep (lisez à Aîntab, c^Luuau).Deiu
lignes plus haut, on lit, dans le même manuscrit, que Aîni était
Alépin d'origine, Aîntahien de naissance ;^wCâajJ| A««^(^cjll!
(xLIi. On lit, dans la notice déjà citée, qu Aîni prit des leçons de
Schehab Ahmed ben Khass Turki, le HanéG,-qui mourut Tan 789.
Cette date est fautive , car nous voyons par Sékhavi, d'où ce détail
est extrait (fol. 99 r.), que Chéhab-eddin Ahmed mourut dank Tan-
née 809.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 541
continuer ses études à AJep. Ainsi , tout s accorde
dans les deux passages : l'époque des deux écrivains,
le théâtre de leurs preniières études, lobjet de ces
études, et le maître qui y présidait. Car le Chems-
eddin Mohammed Ibn-Azzahid de Sékhavi ne paraît
autre que l'imam Chems-eddin Mohammed Ibn-
Ibrahin;! Zahidi du pseudô-Haçan.
Ce dernier, racontant Imcendie qui consuma
la toiu* de Damas 1 an 646 de Thégire , ajoute : a On
événement semblable eut lieu au mois de schaban
de Tannée 794. Le feu commença à la porte de
» l'horloge, c:>LftLJt oL; je me trouvais alors à Da-
mas, où j'avais acconipagné le naîb Soudoun To-
rontaï , qui succédait à Monta le dawadar. » Dans la
vie d'Aïni*, nous voyons que cet écrivain retourna,
cette même année 794, à Damas, et y continua ses
études dans le médréceh (collège) çippeié Nouriah,
Ailleurs, le prétendu Haçan parle du tombeau
de Djélal-eddin Counavi, situé dans la ville de Gou-
niah; puis il s' exprime, en ces termes : «J'y suis allé
en pèlerinage, l'an huit cent... iûWljé^ ...aJU» i »3jj. »
Or, Aïni nous raconte que, dans l'année S%3, il fit
un voyage dans le pays de Caraman (j^ij^ ^5W ,
c'est-à-dire en Asie Mineure ^ Il est permis de sup-
^ M. Quatremère , loc. laud, pag. 223. M. de Hammer s'cat
trompé en avançant que, dans le passage du prétendu Haçan rap-
porté ci-dessus, le chiffre 'de Tannée était effacé. Comme on Ta vu,
il n y a d'effacé que le chiffre des unités et celui des dizaines; Cette
erreur a entraîné le savant allemand dans une autre faute encore
plus grave; en effet, il a supposé que ce fut en 788 qu*Aïni fît
son pèlerinage à Çouniah.
542 JOURNAL ASIATIQUE,
poser que, dans le4)assage cité plus haut, il £aiut
suppléer {j^j^Si^^ ^'^ ajUi i u dans Taunée ( huit
cent) vingt-trois; w et, dès lors, on doit reconnaître
que ce détail , ainsi ^e le précédent , se rapporte
à Aïni.
A ces preuves de Tidentité d*Aïni et du pseudo-
Haçan-benlbrahim, nous poiurions en ajouter une
quatrième, d'après M. de Hammer; mab ce smiit
partager une -erreur que nous devons, au contraire,
relever, a Le prétendu Jafii ouHaçan-))en-Ibrahini,
dit M. de Hammer, nous apprend qu'il avait écrit
une continuation de Thistoire composée par Chéhab-
eddin Abou Schamé, et nous savons, par Hadji-
Khalfa, que Mahmoud Âïni a abrégé et continué
Thistoire de Damas, écrite par Abou-Schainé. Cette
histoire d'Abou-Schamé est intitulée : c:j!H^j{pt jli^l
EzhaT erraudhateîn , etc. et embrasse l'histoire de
Nour-eddin et de Saladin. » M. de Hammer a com-
mis ici deux erreurs très-graves , qu'il aurait évitées
facilement, s'il avait eu plus présent à l'esprit le texte
d'Hadji-Khalfali, dont voici *la traduction : a On en
a également composé des abrégés (de l'histoire de
Damas, par Aboul Haçan Aii-ibn-Açaker), entre
autres celui qui a pour auteur l'imam Abou-XIhâ-
mah Abderrahman/fds d'Ismaïl, de Damas (le lec-
teur du Coran), mort en Tannée 665 (iq;66)'. Il 5
a deux rédactions de cet abrégé : une grande , en
quinze volumes, et une moins étendue^ Ibn
^ Cette dernière rédaction avait cinq volumes, daprës Abou'l
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 543
Chohbah dit ce qui suit : « Abou Chamah a mêlé
dans la continuation qu'il a jointe à son abrégé, le
récit des événements avec des notices* nécrologiques
sur des personnages célèbres ; il a conduit cette çonti-
nuation jusqu'à Tannée de sa mort. L'ouvrage d'Abou
Chamah a lui-même été continué jusqu'à la fin de
l'année 7 3 8, par Alem-eddin Cacim , fils de Moham-
med al-Birzali. Ce dernier écrivain mourut dans
Tannée suivante. Parmi ceux qui résumèrent l'his-
toire dlbn-Alaçaker, on cite encore iecadhi Djemal-
eddin Mobammed-ben-Mocarrem , TAnçari, auteur
du Liçan alarab, mort en Tan 711, et qui la réduisit
au quart environ de son étendue primitive ; et le
cheikh Bedr-eddin Mahmoud, fils d'Ahmed, Aïni,
mort Tan 855 ^)) Comme on le voit, dans ce pas-
sage , Hadji Khalfah ne dit nullement qu'Aïni ait
abrégé et continué l'Histoire tle Damas, écrite par
Abou Chamah ; il nous apprend seulement que notre
auteur publia un abrégé de l'histoire de cette ville,
par Ibn-Açaker, Ouvrage dont celui d'Abou-Chamah
n'était de même qu'un résumé. M. de Hammer est
tombé dans une autre erreur, en confondant le livre
intitulé Azhar erraudhateîn , composé par Abou-
Chamah, et qui renferme les biographies de Noijr-
eddin et de Sélah-eddin, avec l'histoire de Damas,
dont cet écrivain n'est que Tabréviateur.
Faut-il conclure de ce flui précède que le pré-
Méhacin , cité par M. Quatremère, HisL des sultans mamlouhs, 1. 1 ,
2* partie, pag. 47, note.
^ Lexicon hihliographicûm t éd. Fluegel, t. II, p. i3o-i3i.
544 JOURNAL ASIATIQUE,
tendu Haçan-ben-Ibrahim a écrit à la fois une con-
tinuation de rhistoire d*Abou-Chamah et un abrégé
de rhistoire de Damas, d'Ibn-Alacaker ? où devons
• nous j)réfcrer rautorité d'Hadji Khalfah à celle du
passage cité par MM. Quatremère et de Hammer?
Avant de répondre à ces demandes, nous croyons
devoir transcrii^e le passage en question :
Ht
<c L'illustre Hafidh Zéki-eddin Abou Abd-Allah
Mohammed, fils de Youçef, fils de Mohanuned,
Al-Birzali, historien de Damas, nîou^ut aussi dans
la même année. Il avait continué la chronique du
cheikh Chéhab-eddin Abou-Chamah. J'ai ajouté une
suite à cette continuation , avec Tassistance et par
la grâce de Dieu. ^ »
On voit que ma version diffère de celle de
M. Quatremère , en ce que j*ai fait rapporter le
pronom affixe du mot xi^b à Touvrage de Birsali,
et non à celui d' Abou-Chamah. Elle nous apprend,
de plus, quel est Técrit d'Abou-Chamah, dont le
prétendu Haçan-ben-Ibrahim fait mention. Le titre
de chroniqueiu* de Damas (^ A ^:> jy>-«, donné,
dans les lignes précédentes, à Birzali, prouve que
cet auteur continua l'histoire de Damas d*Abou-
^ Ms. arabe, supplément n^ 547» ^^^* 7^ ^'
NOVEMBRE DÉCEMBKE 1846. 545
Chamah , et non tel autre ouvrage du même his-
torien.
Le passage qui vient d'être rapporté parait assez
difficile à concilier avec celui d'Hadjî Khalfah, tra-
duit plus haut. D'abord, les noms attribués par les
deux auteurs aii continuateiu* d'Abou-Chaipah dif-
fèrent complètement entre çux. D'un côté, pe conti-
nuateur est appelé Zekî-eddin Abou-Abd- Allât
Mohammed, fils.de loucef, fils de Mohammed, Al-
Birzali; et, de Tautre, il est nommé Aleni-eddin
Gacim, fils dfî-Jifohammed , Al-Bjrzali. Comme on
le voTt, il ny a de commun, dans les deux passages,
que le surnom al-Birzali. Ne faut-il* pas conclure de
cette différence qu'il s'agit de deux personnages dis-
tincts ? Et, d'autre part, ne serait-il pas bien extraor-
dinaire que l'histoire de Damas d'Abou-Chamah eût
été continuée par deux écrivains portant tous deux
le surnom d'Al- Birzali? Mlais ce n'est pas la seule
oifficulté qui résulte poiu* nous du rapprochement
des textes traduits plus haut. Le personnage men-
tionné par Hadji Khalfah moiu^ut, selon cet auteiu*,
en l'année ySg; tandis que celui dont parle le-
pseudo-Haçan cessa de vivre en 636, cest-à-diré,
cent trois ans plus tôt. D'ailleurs , comment un ou-
vrage d'Abou-Chamah , mort en 665 (i 266), *à l'âge
de 66 ans seulement, aurâit-il pu être continué par
un auteur mort 29 ans avant lui? Tout s'explique,
au conti'aire, si l'on suppose, dans le passage du
pseudo-Hâçah transcrit ci -dessus , l'omission de
quelques mots, et si l'on ajoute, après le nom de
VIII. . 35
546 JOURNAL ASIATIQUE.
Birzali, les paroles : ((C'était Faïeut ou le bisaïeul
(de rhistorien de Damas qui, etc.); et cette conjec-
ture n'est pas une pure. supposition. En effet, voici
ce que nous lisons, sous la date 789, dans l'excel-
lent ouvrage d'Abou'l Méhacin, intitule En-Nod-
joum-ez-Zakiret, ou Les Étoiles brillantes: « Le cheîkh^
Yiinam.le hafidh , le clironiqueur Alem-eddin Gacim,
fUs de Mohammed, Al-Birzali, le rhafeïte, iQOurut
à Khouiis (jA^Xi- ^ le 4 de dzoulhidjdjeh, âgé de
soixante et quatorze ans , et pendant qu'il était revêtu
de. l'ihram ^/%;-^^^^ Son père, Chehab-eddin
Mohammed , étaijt au nombre des principaux notaires
J^o^ de Dama*s. Quant à l'aïeul de son père, Mo-
hammed , fils dloucef , c'est le même que l'imam , le
hajidh Zeki-eddin er-Rahhal Jl^^l", le traditionniste
de la Syrie ,*un des plus célèbres hafidh, lequel a été
mentionné ci-dessus*^. Alem-eddin était un tradition-
niste^ un hafidh y un homme distingué Il a conè-
posé une chronique^. »
Si le témoignage d'Hadji Khalfah ne s'accorde pas
avec la version de MM. Quatremère et de Hammer,
* Voyez, sur ce vétemenl, M. Noël Desvergers, Vie de Mokian-
mcd, pag. 1 3o- 1 3 1 .
' Voyez le Nodjoum, ms. arabe 6G1, fol. i38r. c Dans cette
année. (636) ,. le Uafidh Zeki-ecldiii Abou-Abd -Allah Mohammed,
(ils de Youcef, At-Birzali, le Sévillun ^^'^^^\^ mourut A Haipat,
le 24 de ramadan, et fut enseveli dans cette ville. C'était un imam.
un jurisconsulte , un traditionniste, un homme pieux et distingué.!
Puis Ahôu't Méhacin ajoute, d après Dïéhébi, que ce Zéki-eddin
était âgé de soixante ans.
^ Ms. 662", fol. 2i7r.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 547
d un autre côté , il ne diffère pas moins de la nôtre.
En effet, au lieu d*ime continuation de l'histoire
composée par Ghéhab-eddin Abou-Chamah , comme
traduisent ces deux savants, ou duije suite de la
continuation jointe par Al-Birzali à Thistoire. de
Damas d'Abou-Chamah, ainsi que je préfère tra-
duire; Hadji Khalfah attribue à Bedr-eddin Aïni un
abrégé de Thistoire de Damas , par Ibn-Alaçaker.
Mais je n'hésite pas à donner la préférence à l'auto-
rité du prétendu Haçan sur celle d'Hadji Khalfah.
En effet, si Ton admet (.et je pense que personne
ne se refusera à le faire) l'identité du pseudo-Haçan
et de Bedr-eddin Aîni» on doit croire , en même
temps, que ce dernier n'a pu se tromper sur la na-
ture dVn travail dont il est l'auteur. D'ailleurs la
sécheresse de l'article consacré par Hadji Khalfah à
l'ouvrage d'Aïni , permet de supposer que le saVant
bibliographe arabe n'avait pas sous les yeux, à l'é-
poque où il rédigea cet article de son dictionnaire,
la chronique dont il est question.
II. Après avoir démontré que le prétendu Haçan-
ben-Ibrahim et Aïni ne sont qu'un seul et même
personnage , il me reste à découvrir auquel des ou-
vrages du dernier .appartient le volume insmt sous
le nom de Haçan. C'est ce qui présente plus de diffi-
cultés. M. de Hammer a tranché ia question en
faveur de celui des écrits -d'Aïni qui porte le titre
de Tarikh el-hedr fi avçaj ehliUisr ij>\j>oy\ Àj«XaII g^b
yaL^\S^V ( ia pleine lune , ou ti^aité touchant les qua-
lités des contemporains). Ici encore , je me vois obligé
35.
548 JOURNAL ASIATIQUE.
(lé m écarter delopinion adoptée par le savant orien-
taliste de Vienne ; mais avant de proposer ma con-
jecture, il est nécessaire d'indiquer les f»'incipaux
travaux historiques d'Aïni.
D'après Sékhavi , a cet historien composa Les vies
des prophètes ^\j^^\ j^ ; une grande histoire , en
dix-neuf volumes, et une moyenne lk*»»yu, en huit;
il abrégea encore cette dernière'.))
Comme on le voit, Sékhavi ne donne pas les
titres de ces trois chroniques composées par Aïni;
mais son silence est suppléé par HadjiTKhaifah , dans
les lignes suivantes : Tarikh al- AïnL II y a deux ou-
vrages sous ce titre : un grtad, intitulé Ikd al-djou-
manfi tarikh eUizzeman ^jUjJJJ^I g-^b «J ylil *xjift
(le collier de perles, traitant de l'histoire des mor-
tels), en .vingt volumes environ ; un moins considé-
rable , nommé Tarikh eUbedr, etc, en dix volumes
environ. Aïni a aussi composé une histoire abrégée,
en trois volumes , mentionnée par Sékhavi \ »
Maintenant que nous savons le titre des deux
principaux ouvrages d'Aïni , il nous importe d'en
connaître le contenu. Et ici ufte observation, bien
simple se présente à notre esprit : le cont€ïnu de
lun nous donnera nécessairement celui de Tautre,
le Bedr n'étant qu'im abrégé de Mkd, Cela posé^ je
recours encore à Hadji-Khaifah, et voici ce que je
lis dans cet auteur, à l'article Bedr: Tarikh al-beir,
ouvrage en phisieiu*s volumes... C'est un livre con-
' Ms. arabe 690, loi. 10 1 r.
» Uadji-Kkalfah , t. II, pag. i38.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 549
sidërable, dans lequel Fauteur a rassemblé, d'après
l'ordre chronologique, le récit des événements et
des notices nécrologiques (sur des hommes célèbres).
Il commence avec la création; puis il mentionne la
terre, la mer et ce qu'elles renferment de villes et
d'îles, d'après le Tacoaim al-boldan. H s'en rapporte-,
pour le récit des événements, au livre intitulé Al-
Bidaïet oaalnihaïet, par. Ibn-Kétliir j; de sorte qu'il en
extrait la meilleure partie, en y ajoutant divers
faits, d'après des livres dont il indique les titres
Ibn-IIadjar dit, au commencement de son ouvrage
intitulé Inba aUijhomr : Aini rapporte qu'Ibri-Kéthir
est son garant dans son histoire, et cela est vrai;
mais depuis le moment où s'arrêta fhistoire d'Ibn-
Kéthir, il s'appuie siu* celle d'Ibn-Docmac, dont il
copie des feuilles entières, à la suite les unes des
autres; souvent même il l'imite jusque dans des
barbarismes évidents , comme akhla* alà foalan ( au
lieu de hhalaa, c'est-à-dire, il a revêtu quelqu'un
d'un iiabit d'honneur). Mais voici quelque chose de
plus étonnant que cela : Ibn-Doçmac rapporte», au
sujet de quelques événements, des circonstances qui
prouvent qu'il a été le témoin de ces faits. Eh bien ,
Aini copie ses pai'oles en entier, lors même que ces
événements sont arrivés à Misr, pendant que lui-
même se trouvait à Aïntab ^ » Les matières traitées
* Hadji Khalfah, t. II, pag. 117-118. Peut-être demandera-l-on
pourquoi liadji-Khalfah a décrit plutôt le Bedr que Foriginai de cet
ouvrage, Vlkil-al-Djouman. La répoure à cette question me parait
bien facile. ]jlkd, par sa masse et son volume, a dû effrayer la par
rcssc des copistes et des lecteurs. Les uns et les autres auront pré-
550 JOURNAL ASIATIQUE,
dans le Bedr étant donc absolument les mêmes que
celles traitées, dans Vlkd , nous pourrions hésiter
pour savoir auquel de ces deux ouvrages nous de-
vons rapporter le volume en question. Mais un
raisonnement des plus simples vient lever cette
difficulté apparente. Le volume attribué au pseuido-
Haçan ne contient que Thistoire de cinquante-sept
années. A moins xle supposer qu'il se trouve tout à
fait hors de proportion avec les autres volumes de
Touvrage auquel il appartient, on doit admettre qu'il
faisait partie de Vlkd.
uL'/fcd, dit M. de Hammer, traite de l'histoire
ancienne jusqu'à la mort du Prophète; l'autre (le
Bedr) , qui se trouve à la Bibliothèque royale , renferme
l'histoire du- siècle dans lequel Aïni vécut,. et. pro-
bablement aussi celle des siècles écoulés depuis la
mort du Prophète. » Ce passage nécessite deux ob-
servations : 1* ainsi que je l'ai exposé tout à fleure,
il n'est pas exact d'établir ime distinction entre le
contenu de ïlkd et celui du Bedr, puisque, d'après
Sékhavi et Hadji-Khalfah, le dernier n'est quune
rédaction abrégée du premier; les matières traitées
dans l'un et dans l'autre doivent être abs<dument
fëré se rejeter sur le Bedr, qui, daas des dimensions moiadrei de
plus de moitié, leur présentait un abrégé détaillé de cet ouvrage.
Par siiite de ce dédain , Vlkd n'aura pas tardé à être prescpie totiJe-
ment oublié. Peut-être même fladji-Khalfah n'en a-t-ilpaseâ d*ezen-
plaire sous les yeux. Ce qui pourrait le faire supposer, c^est que le
savant bibliographe n'est entré dans aucun détail sur le oontenn de
ce vaste recueil , soit dans les lignes traduites plus haut, loit à Tar-
ticle (jU4^ jJU.
NOVEMRRE. DÉCEMBRE 1846. 551
identiques; 2° si M. de Hammer avait acccwrdé plus
d'attention au long passage d'Hadji-Khalfàh dont j ai
donné un extrait plus haut, il aurait vu qu^le Bedr,
et, par conséquent, T/kJ, s étendaient jusqu'au temps
où vivait lauteur. En effet , nous apprenons d'Hadji-
Khalfah , qu'Aïni' a suivi , pour le récit des événe-
ments , deux écrivains ,• tous deux ses contem^po-
rains, Ibn-Kéthir (mort en 774 de Thégire^ et Ibn-
Docmac (mort en 790 ^). Or, Ibn-Kéthjr a conduit
sa chronique. jusqu à l'année 772. Ibn-Chohbah*
dit qu'il avait lu, dans le manuscrit autographe,
diverses portions de louvrage dlbn-Kéthir, une eh-
tr'autres qui s «tendait jusqu'à la fin de ranpçe 768.
Quoique je ne connaisse pas le travail d'Ibn-Doc-
mac, je crois pouvoir supposer que cet autem* a
mené son histoire jusqu'à une époque voisine de sa
mort. La chose est même certaine, puisque nous
lisons dans Hadji-Khalfali : «Depuis le monpient où
s'arrête l'histoire d'Ibn-Kéthir, il ( Aïni) s'appuie sur
celle d'Ibn-Docmac . Ibn*-Docmac rapporte, au
sujet de quelques événements, des çircanstarices qui
prouvent qu'il a été témoin de ces faits. Eh bien !
Aïni copie ses paroles textuellement, lofs inême que
ces événements sont arrivés à Misr, pendant, que-
lui-même se trouvait à Aïntab. »
Si nous en croyions M. de Hammer, ce savant
posséderait, dans sa collection de manuscrits orien-
■i '■ ■ .
' Hadji-Khaljak , t. 11, pag. 24j io5.
* Ibid. pag. 102.
•^ Cité par Hadji-Khalfali, î6i(/. pag. 2 5.
552 JOURNAL ASIATIQUE,
taux, une traduction turque de ïlkd al-djouman)
faite sous le règne du sultan Ahmed 1, par* quarante
ouléma ^\ Mais je crains bien que M. de Hammer
ne soit encore tombé ici dans une ^ave erreur. Le
contenu de cette version suffit, si je ne me trompe,
pour prouver qu'elle ne peut présenter la traduction
ni de YIM, ni du Bedr, ni même de la petite chro-
nique d'Aïni . comme M. de Hammer l'avait jadis
supposé. Le tome I du manuscrit turc renferme
r histoire des prophètes, depuis Abraham jusqu'à
saiht Jean -Baptiste; le tome II va jusquà la hui-
tième section de l'histoire des Arabes (section dont
M. de Hammer a oublié d'indiquer le titre et le
contenu), et contient la généalogie du Prophète;
le dernier, enfin, renferme Ja continuation jusqu'à
la mort de Hàldrii bienu'-illah , et finit avec. l'année
Zi3o ( 1 o38 ), On lit, sur la dernière page, une note
qui nous apprend que l'histoire d'Aïni confiée,
par Ibrahim-Pacha, à quarante-cinq savants, pour
être traduite , fut continuée jusqu'au khalifat de Ha-
kim biemr-iUah , au moyen d'extraits de la chronique
d'Ibn-Chohnah. . '
Si l'on cherche maintenant sur quel ouvrage
d'Aïni a été exécutée cette version turque, on voit
tout d'abord qu'il ne faut songer ni à Ylkd , ni au
Bedr, que leur étendue met hors de toute proportion
* M. de Hammer dit quarante-cinq dahs ie Catalog^ue de set
manuscrits, n** 172. Je dois ce renseignement , ainsi que quelques-
uns des suivants, à l'obligeance de mon sav.ant confrère et ami,
M. le baron de Siané.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 553
avec l'ouvrage turc. Mais ce dernier .ne pourrait-il
pas nous ofTrir une traduction de la petite chronique
d' Aini , en trois volumes , comme l'avait d'abord
pensé M. de Hammer? Je ne crains pas de me pro-
noncer pour la négative. Ce troisième ouvrage d'Aïni
n'étant quun abrégé de ïlkd et du Bedr, devait s'é-
tendre aussi loin que ces deux histoires. Si donc le
manuscrit turc de M. de Hammer nous en ofiB^ait
la traduction , il devrait paraître fort étonnant quei
les ouléma, choisis par le grand vizir, au lieu de.
continuer leur version sur l'ouvrage 4*Aïni, eussent
eu recom^s à celui dlbn-Chohnah, pour la rédac-
tion du tome III de leur travail» D'ailleurs la petite
chronique d'Aïni ne renfermait que trois volumes
qui, sans aucun doute, embrassaient l'histoire uni-
verselle , depuis la création du monde jusqu'au temps
où vivait l'auteur. On comprend donc que , dans cet
épitome , tout ce qui regardait les temps antérieurs
à Mahomet devait être extrêmement résumé, et oc-
cuper tout au plus un des trois volumes dont se
composait l'ouvrage complet. Or, la partie relative
à ce laps de temps remplissant deux volumes de la
traduction turqua, il devient diflfiçile de supposer
que cettç derrière ait été composée sur la petite
chronique d'Aïni.
Mais il ne me parait pas impossible de reconnaître,
parmi les ouAn^ages de notre écrivain, l'original du
manuscrit turc de M. de Hammer. Comme nous l'a-
vons vu plus haut, d'après Sékhavi, Aïni est auteur
d'une vie des Prophètes, ^U-a3^I jxa^. L'ouvrage turc
55li JOURNAL ASIATIQUE,
porte le titre de luj^l Jl^>.l i l^MjJi^» Kenz
al-anhafi ahvaU'lanbia (le trésor des nouvelles, tou-
chant ce qui regarde les Prophètes). La ressemblance
des deux titres est frappante; le contenu des deux
ouvrages est le même : dès lors ne peut-on pas ad-
mettre que le Kenz al-anba n est qu*une traduction
du Sier alanbia , et que les deux premiers volumes
de celui-là représentent celui-ci ?
Je terminerai en exposant les conclusions de ce
mémoire, qui sont celles-ci :
i'' Le pré^ndu Haçan ben-Ibrahim et Aini ne
sont quun seul et même personnage;
2** L'ouvrage attribué au premier n* est qu'un
volume dépareillé de la grande histoire d*Aj|ii, in-
titulée Ikd al'^oaman;
3** Les trois chroniques d'Âini, ïlkd^ le Bedr et
la petite chronique, en trois volumes, .s étendaient
jusqu'à 1 époque où vivait l'auteur, et les deux der
nières n'étaient que des abrégés de là premijyre ;
II'' Le manuscrit turc de M. dé Hanuner,. intitulé
Kenz al-anba, n'est autre qu'une version, accompa-
gnée d'une continuation , de l'ouvrage d'Âini, qui^a
pour titre : Sier aUanbia (vies de& Prophètes).
of<^+'«^-'0<
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 555
CRITIQUE LITTÉRAIRE,
LETTRE
Adressée par M.Pijnappel, professeur-adjoint de langue javanaise
àTAcad^mie de Delil» k M. Dalaurier, sur la Liste de& pays qui
relevaient de l'empire de Madjapahit àTépoque de sa destruction ,
en 1475. (Voir le Journal asiatique, cahier de juin dernier.)
Monsieur, comme toujours vos études me causent un vif
intérêt, j*ai été charmé de lire/ijy a c[uelque temps, dans^le
numéro 35 du Journal asiatique, une Liste des pays qui rele-
vaient de l'empire javanais de Madjapahit à l'époque de sa destrac-
tion, en lâ7 5 , liste que vous avez trouvée à la suite d*un jna-
nuscrit qui contient les annales des souverains du royaume de
Pasey. En parcourant les noms des pays qui , selon Tauteur ,
ont été soumis à Tétat de Madjapahit, j'ai été frappé de Texâc-
titude avec laquelle plusieurs îles avaient été énumérées
selon leur position géographicpie, tandis que , de l'autre
côté, il semble y avoir un désordre singuli^. Q'est pour
cela, monsieur, que je me suis mis à relire et à examiner
mot pour mot la liste que vous avez publiée ; et voici quel
a été le résultat démon investigation, que je prends la liberté
de soumettre à votre jugement : après quoi« si cela en vaut
la peine, vous pourrez l'insérer dans le Journal asiatique.
Les noms, numéros 8 à i4i et 17 à 24, avec qudques
petites interruptions, se suivent d'une manière totit à fait
exacte quant à la position qu'ils ont sur la carte; de 2 à 8
il y a des obscurités. L'auteur, après avoir nommé le
royaume de Pasey, dont l'histoire avait été donnée dans les
556 JOURNAL ASIATIQUE.
pages précédentes, commence par un groupe d*iles assez
éloigné de la côte de Sumatra. Au numéro 8 , il nooiine une
île plus près de la côte. nord, après quoi il passe au sud,
jusqu'à Billiton. C'est 6eJ|ie même règ^e qui vous a conduit
à trouver dans le nom suivant celui de File de BoMgka,
de laquelle notre auteur passe au nord, jusqu^à ^^JwJLj
(numéro i5), c'esi-à-dire Bintang. Pourquoi Bantam irait-il
nous faire perdre. notre cours; Bantam, que vous aviez déjà
vu au numéro 5, sous le nom de C^TYZii^PDes îles Tamhélan
à Tioman il y a encore quantité d'îles assez bien situées pour
qu'un état maritime ait pu s'y fixer; d'ailleurs, de Tiomam à
Bintang nous voyons notre auteur suivre un ordre exact:
pourquoi ne l' aurait-il pas suivi aux numéros 3 à 7 ? C*est
pourquoi , j'espérais retrouverle nom de ^w^, qui vous avait
laissé dans l'embarras en passant des îles Tamhélan , par le
nord, à Tioman; et voilà, en effet, que je trouve que la plus
grande des îles Anambas ^ porte le nom de Djimadja , comme
on peut le voir sur la carte de M. le baron Hinderstein.
De même, au numéro 7, je retrouve là petite Ppelo-LoMi»
au nord du groupe Natuna/ deux points qui me confirment
tout à fait dans l'opinion que , tout aussi bien qu^en partant
de Tioman nous avons uq chemin fixe pour y parvenir.
Mais que faire des numéros 4 « 3 et 6 i^ J'avoue ne pas le
savoir. La leçon Bangkawan, dans les lettres o««^« me
paraît trop hasardée et tout à fait inutile, comme le 50J/&
de Maloedoe n.'a rien qui lui donne la préférence d*ètre men-
tionné ici; et pourtant la raison devrait être bien forte pour
accuser, sur une simple conjecture, notre auteur d*avoîr
été incorrect en plaçant deux îles d'un même golfe Tuiie à
l'ouest, l'autre à l'est de Java (voir le numéro 36). Je nesaù
> Ceci mérite une observation : il y trois groupes d*iles Anunlfli'tVe
groupe nord, le groupe du milieu et le groupe sud. Cest côlni du sud (pi
s appdle lamaja ou Djimadja , et non point la plus* grande des iles Anui-
bas , laquelle appartient au groupe intermédiaire, et porte , sur lu oute de
M. Bergliaus ( Atlas von Asia , n^ 8 , HinterinSèn) y le nom de Poth^Vomar.
— Éd. D.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 557
si l'auteur à voulu désigner la même île,, qui sur la carte
du baron de Hinderstein a été nommée Baoua , encore une
des Anambas. Le nom suivant nous rappelle l'état de Ban-
tam; cependant , je ne sais pas si auparavant on aurait omis
l'état de Sérang plutôt que de désigner celui de Bantam ; ou ,
comme vous ne parlez que du chef-lieu, Sérang, on aurait
eu deux états divers, l'un de Sérang, l'autre de Bantam pro-
prement dit. Mais pourquoi notre auteur n'aurait-il pas nommé
ceux-ci , du moins l'un après l'autre ? Le sixième nom , Sœra-
baya, àonne encore lieu à des réflexions. Le nom est si exac-
tement celui de cette résidence, qu'on n'oserait dire que. c'est
un autre Soerahaya ; vu d'ailleurs qu'il n'y a pas d'île , dans
notre route, de ce nom-là. El pourtant il ne peut être question
ici de la résidence de ce nom ; la ville de Madjapahit elle-même
y était située : donc celle-ci n'a pu être considérée comme un
état dépendant de l' empilée de Madjapahit , dont il aurait oc-
cupé l'ouest. Sans doute le copiste s'est laissé entraîner par
la renommée de cette capitale de Soerahaya au point de subs-
tituer ce nom à un autre moins connu, et à peu près sem-
blable à celui-là, à moins que ce nesoit d'une autre manière
que le nom a pu entrer dans le catalogue. Quant à des ixiots
semblables , je ne me hasarde pas à des conjectures trop
peu fondées ; sans cela jç serais presque tenté de retrouver
dans les mots y^«j et (ji>««, écrits l'un, après l'autre, les
traces du nom de la principale île du groupe Natuna, l'île
nomipée sur la carte Boongooran. Nous avons déjà fait observer
que , dans notre chemin , c'est probablement la petite île de
ce nom qui a été désignée par Poelo-Laut, non celle de la
côte sud-est de Bornéo, qui n'a rien que le nom qui puisse la
rappeler à cet endroit-ci.
C'est ainsi que nous avons vu que l'autçur donne pre-
mièrement, dans un ordre exact, le nom des îles situées à
l'ouest de Madjapahit ; mais encore n'a-t-il pas parlé des états
situés dans les îles plus grandes , Bornéo et autres. Du nu-
méro 17 à a4 la plupart des noms sont bien connus, excepté
les numéros 21 et 28, qui nous embarrassent. D'abord,
558 JOURNAL ASIATIQUE.
entre Bandjar-Masin et Pasir il n y a pas de doute que , pour
fjiJ^£s9 il faut lire fjiy£=»^ Koéti, nom d*un état daus File
de Bornéo , qui touche à Pasir. De Banêjot-Mmm, Pa$ir aurûi
du précéder Xo«/i^ en suivant la route directe; mais ce serait
trop exiger que d'attendre une telle exactitude de notre au-
teur. Le nom ^L^ me laisse encore en suspens*. Les c6tes
de BQméo, où il faut chercher cet état, ne présentent pas de
nom tout à fait suffisant , à moins que ce ne soit Selaiân, nom
' de la pointe sud-ouest de la province de LtuU, qui touche a
Bundjar-MasifL Suit le mot csUj^ , dont je ne sais que
faire. L*ordre du catalogue ne nous conduit guère à VÛe où
cet'état doit être situé. Les noms qui précèdent nous, amè-
nent à Bornéo, ceux qui suivent nous transportent à Suma-
tra ; et c'est plutôt à cette île qu il faudrait placer ce point.
Les côtes de Bornéo , de Samhas à Koeti , ne laissent [dus rien
à déterminer de ce côté-là; à Sumatra, avant d'arriver a
Djamhi , on a Siak et plusieurs autres contrées.
Il n y a qu un seul numéro que j'aie passé en poursuivant
la liste ; c'est le numéro 1 6 , -^jf , nom qui rappelle Tétat
ainsi nommé dans l'île de Célèbes. Cependant , je n'oserais
point assurer que c'est justement cette contrée-là que Tao-
teur a voulu indiquer. Comment en venir si spécialement à
Boelang? De Moeti, il est beaucoup plus probable que les
flottes de Madjapahit arrivaient à Macassar , ou qu'elles s'é-
taient emparées de quelque autre lieu sur la côte occiden-
tale de Célèbes, avant de doubler le point -le plus septen-
trional de l'île, et d'aller passer exactement à l'état deBoelang.
*Dc l'autre côté, auraient-elles jamais franchi les Moluques
pour n'occuper que BoelangP Mais nous allons revenir
plus bas sur ce point-ci, après avoir considéré ce que notre
auteur nous dit des états à l'est de Java , dépendants de
l'empire de Madjapahit. Des huit noms, quatre nous oqH'
' Depuis la pubiicalion de ma liste précitée , j'ai trouvé la poûtioa de
^'L^ C'est le groupe nord des îles Anambas, nommé, sur la carie de la
P<>niiisule transgangétique de M. Bei^haus, Nord Ànamhat oderSiamtoM,
Éd. D.
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 559
r
duisent, sans le moindre doute, kBima , Samhawa, Lomhok
et Bali. Nous y joindrons d*abord Balamhanaan , c^e ^ ne •
saurais aller chercher à Maloedoe Baai, comme de Bali à
Madjapahit il n'y a que justement cet état, qui, ayant été
libre long-temps après, devait être compté nécessairement
parmi les dépendances de cet empire. Mais voici de suite les
noms. Ae.Banda, Ceram, Gorontalo, qui viennent déranger
d'une étrange sorte la séiîe des îles qui font la suite de cette
chaîne dont Sumatra et Java sont jes principales. Pour Go-
ron/«fo j'ai les mêmes doutes qui m*ont déjà embarrassé pour
Boelatif^; et, s'il. le faut, ils sont encore plus grands pour ce
lieu-ci; car il serait étonnant que iiotre auteur eût séparé
deux états voisins ^ pour les placer l'un à l'ouest ,* Tautre à Fest
de Java. Quant au lieu appelé (j\j^, je le chercherais plutôt
dans le voisinage de cette île çt dans son rang géographique
présumé; mais, pour le trouver, je n'ai pas encore réussi.
^IjJo ne me paraît autre que Tjindanq, et avoir été écrit
ainsi par la faute du copiste. Ce serait donc là, selon notre
auteur, l'île la plus orientale à. laquelle l'empire de Madja--
pahit se serait étendu ; on n'a (|u'à suivre la carte pour se
persuader que dans la série que nous donne notre auteur des
îles à l'est, les Moluques n'ont guère pu être désignées par
(jltNÂj ni pai' oLh^* ^
Quoique je ne prétende pas , monsieur, avoir énuméré tout
ce qui peut être dit sur la liste de la publication de laquelle
nous vous sommes redevables , il me semble du moins cons^
talé que , loin de prendre çà et là quelques noms danin le
grand* archipel Indien, notre auteur a suivi un ordre exact
en nommant les points principaux, qui, d'après ce qu'il «en
savait , dépendaient de l'empire javanais. Il n'étend cet empire
que jusqu'à l'île de Djindana d'tm côté , les côtes de BorAéo,
et peut-être Boelang , et encore Pasey de l'autre. Que les Mo-
luques aient été soumises à cet empire, c'est ce qu'il ignore.
Nous ne nous confions pas assez aux lumières du rédacteur
de ce document pour nier, sur son autorité, tout autre tra-
dition qui porterait l'empire de Madjapahit bien au delà «:1e
560 ^ JOURNAL ASIATIQUE.
ces limites, et si le nom de Boelang est juste, nous avons
peut être, dans ce nom-là, une trace de Tautre tradition, à
moins que Ton ne veuille l'expliquer d'une manière diBé-
rente. Quant à la liste elle-même, elle ne, nous permet de
rien décider.
Je serai charmé, monsieur, de savoir si mes remarques
pourront mériter votre approbation; sinon, je suis persuadé
que vous allez me montrer en peu de mots ma méprise , et
que vous pardonnerez ui^ tentative qui ne doit son origine
- qu'à l'intérêt que me causent ces recherches. Dans tous les
cas, je crois pouvoir laisser à votre sagaoité le soin de
suppléer les lacunes que présentent mes observations, et
je serai heureux, de voir éclairci tout ce qui me reste de té-
nèbres\
J'ai l'honneur d'être, etc.-
J. Pi JN APPEL.
' Maigre Testime qae m*inspircnt les recherches de M. Pîjnapp^ , je doù
(Icdarer que , ses dëtcrminations ayant poar base Tordre géc^mphique soi-
vant lequel il suppose qu'a dû être rangé le document qui Ibrme l'oJijeC
de'sa lettre, et cet ordre ne me paraissant pas exister d'une manîèie nine
et régulière , l'argumentation quil en dédiât pour âever des dootet sur des
positions que j'avais fixées ne me semble pas conduante. Je croîs donc de-
voir persister, jusqu'à nouvelle démonstration, dans les opinions ({ue fù
émises dans mon travail sur la liste des pa^s qui rderaient de Tempiie de
Madjapahit. — Ed. D.
NOyEMBRe-DECEMBBS 1846. 5Q1
.(
BIBLIOGRAPHIE.
LES SÉANCES DE HARIRI,
Publiées en arabe, avec un commentaire chbisi, par M. Silvestre
deSacy; deuxième édition, revue avec soin sur les manuscrits,
et augmentée d'un choix de notes historiques et explicatives en
français» par M. Keinaod, membre de Tlnstitut, et M. D^ren-
BOURG, membre de la Société asiatique. 2 vol. in-4®, qui seront
publiés chacun en deux parties; chez Hachette et compagnie,
libraires de l'Université royale de France, à Paris, rue Pierre-
Sarrazin, a" 12; et à Alger. Première partie, prix : 20 francs.
Hariri est, comme on sait, un écrivain arabe, de la fin du xi*
siècle de notre ère et du conuuencement du xii*. Il habitait près
de Tembouchure du Tigre et de TEuphrate , dans la ville de Bai-
sera , où il exerçait l'es foQctions de cadi. A l'exemple de la plupart
de ses contemporains, il montra de bonne heure un goût très-vif
pour la littérature de son pays. Grammaire, poésie, prose rimée,
il s'Qxerça dans un grand nombre de genres. On était alors au nou)-
ment où les Français, les Allemands, les Italiens et les autres na-
tions chrétiennes de rOccident s'étaient levés en armes pourmi^cjtier
à la délivrance des saints lieux. Tout à coup l'on reçoit à Baesôra la
nouvelle que tes guerriers de l'Occident , sous la conduite de Bau-
douin , frère de Godefroy de Bouillon , s'étaient emparés de la ville
de Saroudj en Mésopotamie , et y avaient tout mis à feu et ^ 9|uag.
Un homme de Saroudj , nommé Abou-Zeyd , venait d'arriver^ ayant
été obligé d'abandonner ses foyers et ses biens. Abou-Zeyd ét^t un '
homme lettré et rompu dans tous les genres de style. Hariri se l'as-
socia pour la composition de l'ouvrage que nous annonçons, et qui
lui a assuré une réputation immortelle.
Les séances de Hariri sont des espèces de drames, au nombre de
cinquante, où le même personnage est constamment mis en scène,
mais où on le fait passer par les diverses situations de la vie. L'ira-
VIII. 36
562 JOURNAL ASIATIQUE.
teur a profité de ce cadre pour faire apparaître tbnr à tour les ex-
pressions les plus élégantes de la langue arabe, les tournures les
plus recherchées , les locutions proverbiales les plus, usitées. On
peut dire que cet ouvrage est un inventaire de la langue de Maho-
met. Les Arabes eux-mêmes le regardent conune le meilleur sujet
d^étude pour se bien pénétrer du génie de leur langue. Cet ouvrage
leur tient lieu de dictionnaire des synonymes, de traité des tropes,
etc. De plus, en bien des endroits, il est de la lecture la plus atta-
chante.
Le style habituel de Hariri et ses jeux de mots ont rendu la lec-
ture du livre très-pénible , et les Arabes eux-mêmes ont besoin de
s'aider d'un commentaire; à plus forte raison un commentaire était-
il nécessaire pour les Européens. Plusieurs commentaires de ce
genre existent à la Bibliothèque royale*, c'est à Taide de ces écrits
et des traités analogues qu'il était parvenu à se procurer d^aillenrs,
que M. de Sacy composa le sien. Son but était de faire servir son
édition à la fois aux Orientaux et aux Européens; voilà pourquoi il
s'abstint de toute remarque en français, et se borna à extraire ce
qu'il avait trouvé de meilleur dans les ouvrages nationaux. Quelque-
fois, seulement, les scoliastes arabes ne répondant pas tout à fait à sa
pensée, il rédigea lui-même des notes en arabe;; mais, ainsi qu'il le
dit dans sa préface, ces cas sont fort rares. Du reste, le volume tCMit
entier était exécuté avec beaucoup de soin , et quelques exemplaires,
suivant leur destination , étant allés en Egypte et en Syrie, les hom-
mes les plus instruits du pays se prosternèrent devant le savoir de
l'orientaliste français.
L'édition originale étant épuisée, M. Hachette, dont le lèle
éclairé est bien connu , s'est chargé d'en publier une nouvelle. Le
plan à suivre dans cette nouvelle édition était tracé d*avance. Il s^agit
ici d'un ouvrage fait par un savant éminent et dont Tautorité est,
pour ainsi dire, consacrée ; le public était en droit de demander une
reproduction de l'ouvrage, tel qu'il était sorti des mains du maître ,
ci sans la moindre altération.
Mais ou pouvait se demander si, dans quelques détails, il ne
s'était pas glissé quelques fautes d'impression, {fuelques incorrec-
tions provenant des manuscrits dont M. de Sacy avait fait uHge.«
Une autre question plus importante se présentait. M. de Sarcy , en ré-
digeant son commentaire, s'était basé sur les écrits des Orientaux. On
trouve, dans le texte, des allusions assez fréquentes à des croyances,
;\ des usages et à des traits de mœurs habituels aux indigènes. Les
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 563
commentateurs du pays ont négligé le plus souvent de s'arrêter sur
des points qu'ils regardaient comme suffisamment cornnus , et M. de
Sacy, gêné par le plan !quil avait adopta, a ordinairement suivi
leur exemple* Gomme ces dlusions o£Brent, pour ies Européens, un
caractère tout différent, ne convenait-il pas de profiter de la réim-
pression du travail de M. de Sacy, pour remplir cette espèce de
lacune?
Quand M. de Sacy nriourut, le mercredi 21 février 1 838, il
avait fini, dans sa leçon du samedi précédent, d'expliquer le
recueil des poésies de Hamasa, et il avait annoncé, pour le samedi
suivant, les séances de Hariri. M. Reinau'd, qui eut Thonneur de
succéder à M. de SaCy dans la chaire d'arabe , crut de son devoir de
suivre, autant qu'il était en lui , les intentions de son illustre ix\aitre,
et il consacra la leçon du samedi aux séances de Haiiri , édition de
M. de Sacy. Maintenant, il est arrivé à la quarante-quatrième séance.
Conformément à ce qu'avait toujours pratiqué M> de Sacy, il pré-
pare sa leçon, cherchant à se rendre compte d'avance des difficultés,
et tâchant d'expliquer les points obscurs à l'aide des relations de
voyages et d'autres livres européens. M. Reinaud a mis à la oisposi-
tion de M. Hachette les observations de tout genre qu il avait re-
cueillies; de plus, il s'est adjoint un de. ses anciens élèves, M. De-
renhourg , qui a acquis une connaissance approfondie de la langue
et de la littérature arabes , et qui a fait des recherches de son c6té.
Lès notes nouvelles ne pouvaient être rédigées qu'en français,
et elles sont naturellement renvoyées à la fin de l'ouvrage; ainsi le
moment d'en parler n'est pas encore .venu. Quant à-la révision du
travail original, révision dont la . partie matérielle a été confiée a
M. Derenbourg, et qui ^ été faite avec beaucoup de soin, voici la
marche qui a été suivie. Oo a cherché à recueillir les ouvrages d'a-
près lesquels M. de Sacy avait travaillé, en se servant,, autant que
possible, des exemplaires dont il avait fait usage. Quelques-uns de
ces ouvrages , qui étaient sa propriété particulière, furent achetés
après sa mort par M. le chevalier Ferrâo de Castelbraûco , n^embre
de la Société asiatique. M. de Castelbranco , avec la libéralité qui' le
distingue , js'est empressé de mettre ces ouvrages à la disposition
des éditeurs. De plus, on a puisé dans certains recueils, tels que le
Kitah-al-aganjr, le Yetymet-al-dahr, que M. de Sacy n'avait pas eu pro-
bablement le temps de consulter. Le soin que. M. de Sacy avait ap-
porté dans son travail ne laissait pas la chance de rien découvrir de
bien important; d'ailleurs, puisque MM. Reinaud etDerenboilrg ont
36.
564 JOURNAL ASIATIQUE.
la facidté de mettre des observatioQs à ia suite du tnYail original ,
il eût été pea convenable de toacher au texte établi. Ausaî les chan-
gements que présente cette première partie se .Itpment à quelques
vers qui étaient altérés et que les éditeurs ont restitués d après des
leçons^plus correctes, à quelques noms propres qui étaient deve-
nus méconnaissables ou confondus avec d'autres. Nous citerons *
comme exemples; le vers de la page lo, ligne 6, où il manquait la
particule ^ après JJlct ; page 1 5, ligne i3 du commentaire, on a
imprimé ^AiSL^, au lieu de .^"gg-*- , qui rompait la mesure;
page 1 9 , ligne i o du commentaire , au lieu de Jj a5 ^ 3 «Jiqui
ne donnait pas de sens, on a imprimé ^^ ,^3 ^^i lM^*'
page 6o, ligne 7, le nom de ^\y ^\ a fait place à fj»\j^ ^f*' ^^
M. Kazimirski publie en ce moment la vingtième livraison de son
Dictionnaire arabe-français. Cet ouvrage, d'une utilité reconnue,
est destiné en même temps h faciliter et à populariser Tétudc de la
langue arabe. Jusqu'à présent Ton ne pouvait ouvrir un Mexique
arabe sans être aii moins familier avec la langue 'latine, dont la
connaissance est peu répandue parmi les officiers et les colons de
l'Algérie.
Il nous appartient plus qu'à tout autre de mentionner ce livre
savant, et d'en signaler les qualités réelles, parce que nous avons été
à même d'en suivre ia marcbe pas à pas.
Le système adopté par M. Kazimirski , tout en reproduisant les
meilleures définitions données par M. Frcytag, consiste, d^un côté,
à rectifier, à l'aide du Kamous et de la lecture d'un grand nombre
d'auteurs arabes , les significations vagues ou équivoques ; de Taotre,
à déduire de la raeine, sans jamais la perdre de vne, le sens des
différentes formes.
La racine étant indiquée , l'auteur groupe successivement autdor
d'elle les composés et les dérivés. Un sim^Je coup d'cril suffit alors
pour embrasser dans son ensemble une liste de mots qui ont niie
même origine , et qui nécessiteraient des recberches nombreotti
s'il fallait les prendre isolément pour trouver leur affiliation nàns
ou moins directe avec une soucbe conunune. Cette méthode * qui
' Ibn-Kbi^îkan , tom. I , pftg. 6o5, et Ihn-Ayyaa,- Histoire de VÉaypÎÊ,
lom. I,fol.36 V.
' Y9iymet-<d-dahr,{o\. iby.
NOVEMBRE-DECEMBRE 1846. 565
procède de la synthèse, en offre tous les avantages ; elle possède,
au plus haut degré, la clarté, la netteté et la logique. Il en résulte
que la tâche de Fétudi^nt est consldérahlement simplifiée.
Félicitons encore le savant traducteur du Koran d'avoir si^alé
les synonymes et les contraire5, suivant la méthode des leiiques
arabes.
Que Tauteur poursuive donc son travail avec le même soin ; qu'il
s'attache à justifier le titre qu'il a choisi, en recueillant, autant qu'il
lui sera possible , un plus grand nombre de mots dés dialectes d'Alger,
de Tunis et de Maroc. Nous lui garantissons, alors, que son Dic-
tionnaire sera rangé parmi Ibs livres les plus utiles et le» jrfus re-
cherchés de notre époque.
A. Cherbonihsad ,
Professeur d'arabe à Gonstantine.
NOUVELLES ET MÉLANGES.
LETTRE RELATIVE AUX INSCRIPTIONS PHÉNICIENNES
D£ M. FRESNEL. ^
Monsieur le rédacteur,
Le dernier cahier du Journal asiaticjue contient un ar-
ticle de M. F. Fresnel, sur plusieturs moniunents puniqoes
If cuvés dans la Tripolitaine , dont la publication doit attirer
à ce savant explorateur la reconnaissance des personnes qui
s'occupent de l'étude de ce genre de nfonuments. En'efiet,
deux des inscriptions dont il s'agit, celles qui sont triUngues ,
extrêmement précieuses par ce foit, qui fournit à Tintcrpré-
tation la base la plus solide c[uelle ait 6nc<^e rencontrée,
ces deux inscriptions^ dis-je, sont des exemples utuqaea
dans le catalogue des découvertes phéniciennes. Malkeifireu-
sèment, les spécimens envoyés ne sont point exacts. He«l
bien< à regretter qu'au lieu de Mre de <feux eopies diffi^
566 JOURIVAL ASIATIQUE.
rentes, une moyenne, M. Fresnel n ait porint donné les deux
copies originales; certaines lettres, le daleth et le reseh, par
exemple, ne diffèrent que par la longueur d'un jambage;
une moyenne, dans ce cas, ne peut évidemment que pro-
duire Tiiidécision.
Dans Tétat des données actuellement acquises , diaprés le
tracé de M. Fresnel, la transcription serait.
Pour le n° 1 :
Pour le n' 2 :
On voit de suite que les quatre premiers mots du n* a
rendent littéralement cette partie du texte latin : « Byryctk,
jilia Baîsilechis, mater.., » Cette concordance absolue est déjà
une acquisition très-favorable au système de lecture que les
efforts de M. de Saulcy et les miens tendent à fiedre définiti-
vement adopter.
Mais il n'est pas possible de retrouver cette concordance
pour la fin de la ligne , ni pour la ligne entière du n* i .
C'est sans doute cette difficulté qui a déterminé M. Fresnel à
suivre , pour plusieurs lettres , une transcription di£Férénte.
Les divergences, entre ses déterminations alpbabétiques et
les miennes, portent sur les 2% 8% g*, la*, 17*, 19% 2 a* lettres
du n* 1, et sur les 7% lo", 11", ilf, 17* et 20* du n* 2.
Les valeurs de M. Fresnel, admises exclusivement pour les
besoins du moment, n'ont pas mené au but qui les a bit
créer, car assurément -on ne peut^accepter les interprétations
présentées pour reproduire les sens médecin et mère^ par
exemple, malgré ce qu'elles ont d'ingénieux.
n est* facile, au contraire, dans le système commuA de
lecture, de rétablir la concordance complète, en apportant à
la figure de quelques caractères de légères rectifications
qu'autorise le procédé suivi par M. Fresnel dans son tracé.
Ces restitutions consistent d'abord, 1° à ajouter à la 16*
lettre du n' 1 et à la 1 7* du n" 2 , une queue descendant ver- .
ticalement, peu allongée, comme à la 2* lettre du n*.i, pour
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 567
en faire un daleth; a* à convertir, dans Tune et Tautre ins-
cription, la troisième avant-dernière lettre en une figure
semblable à la dernière, c est-à-dire* en un aleph; 3* à ne
point fermer en anneau Textrémité supérieure du signe qui
suit, savoir Tavant-demier, mais à le ramener à un simple
demi-cercle , ou phé, comme on en voit sur la dernière ins-
cription de M. Fresnel, celle de Tripoli. On a ainsi, pour
cette portion parallèle de chaque inscription , au ri° i : "«Kn^p
KD")K, au n* a : fCD")K *y*<nVp, ce qui donne, comme dans
les parties correspondantes des textes latins et grecs, le sens:
« Clodius le médecin. »
L'aîn ajouté comme pénultième dans le premier de ces
deux mots, sur la seconde inscription, est un nouvel et pé-
remptoire exemple de f oflBce de mater leotionis que nous
avons , M. de Saulcy et moi', prouvé avoir été souvent confié
à cette lettre dans les textes puniques, h' aleph qui précède
KSI est l'article, tel qu on le voit dans une classe des mé-
dailles de Cadix.
Ainsi le texte punique du n* a se trouve entièrement ex-
pliqué , et il est rigoureusement équivalent aux textes latin
et grec.
Il reste la première moitié du n*" i. Impossible de rame-
ner le punique à une leçon qui donne Boncarmecrasi. Mais,
comme ce mot barbare ne se prête à aucune signification , il
est naturel de. penser qu'il est altéré; il ne présente qu'uii
rapport de sons dans une forme syncopée. D'un autre côté,
rrip^yiD n'offre point, non plus, en punique, de significa-
tion satisfaisante; l'analogie de plusieurs autres textes appelle
mp^DID , Bodmelqart, nom propre fort usité. Or, cette nou-
velle restitution he demande que la conversion de la 3* lettre,
de la forme ronde, ou plutôt demi-circulaire, qui lui a été
supposée, en celle d'une petite croix, ou mem^ semblable à
celle qui occupe le neuvième rang.
Reste ^mpDT; ce mot me parait être incontestablement
un surnom ethnique formé de mpDT, la hauteur de la ville
ou la ville haute. Il était naturel, dans ce cas,' de porter le
568 JOURNAL ASIATIQUE.
iod, fonnatif de Tedinique, à la fin du composé. On troave
en hébreu plusieurs exemples analogues. Mais de quelle vffle
s'agil-il? Je Tignqre. Lepiis, par la mutation du rtak eo
lamed, serait-il aussi une syncope de Remqraiis ?
La véritable appellation phénicienne de Qodius était
donc : ^L.Bodmelqart Remqraii,it c'est-à-dire : ti Bodnœlqart,
natif de Remqrat. » La terminaison en crasi des textes latin et
grec provient de l'habitude , encore très-firéquente parmi les
indigènes, d'adoucir le T par la mutation en sifflante; i
M. Fresnel a-t-il, avec raison, employé le tsé.
En résumé, les deux textes phéniciens ]
lysés me semblent devoir être restitués, transcrits et traduits
comme il suit, n» i : KD*1K ''*<nVp TnpDI mpSoia^ Boi-
melqart, Remqrasi Clodi, le médecin; n** a : "j^C^Sya D^ 11313
ND1*< •'yxnbp DN, ByrycÛi, fille de Balsilec, mèn cfa Cloii,
le médecin.
Quant à Tinscription de Tripoli, il est plus à regretter en-
core que M. Fresnel se soît abstenu d'envoyer les copies ori-
ginales, puisqu'on n'a point ici de traduction pour aidera la
détermination des lettres. Dans le doute où doit retenir
l'exemple même fourni par l'examen des deux textes de Lep-
tis, il serait téméraire de tenter une interprétation. Je iqe
bornerai à présenter la transcription réelle qui ressortirait
du tracé de M. Fresnel :
? .Dm
On distingue dans le groupe formé par les à\ 5*. 6* et
7" lettres de la première ligne , le mot raib, Dominm, ^ se
trouve aussi, à une place correspondimte, sur Tinscriptioa
d'Éryx. Il s'agit donc de l'épitaphe d'une femme dont le nom
parait être constitué par les quatre caractères suivants, 219^3
pour rh^. Par conséquent, on est autorisé à penaev^nela
première lettre doi^ avoir une forme semblable à celle dfl la
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1846. 569
5" lettre du n° i de l'épigraphe trilingue, c est-à-dire être un
qoph, de manière à donner "iDp , tombeau, au lieud*un groupe
auquel on ne pourrait trouver aucune signification.
A ces conjectures se borne .tout ce qu'il me semble pos-
sible de dire sur ce monument.
En terminant cette note,^ peut-être. trop longue, je dois
signaler la ressemblance graphique des trois inscriptions
dont il vient d'être parlé, avec celles que Gesenîus a repré-
sentées sqr sa table 27, et qui ont été découvertes dansja
même région, Tuné à Leptis Magna même, l'autre dans les
environs.
Comme la dernière , le n" 1 offre pour particidarité la réu-
nion de deux formes du resh. Dans ces deux cas insolites.
Tune des formes me paraît être exclusivement affectée à la.
condition d'initiale.
Veuillez agréer, monsieur le rédacteur, l'expression de
ma considération la plus distinguée.
A. Judas.
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
SÉANCE DU 9 OCTOBRE 1846.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu, la rédac
tion en est adoptée.
On donne lecture d'une lettre de M. Buddingh , à Batavia ,
annonçant l'envoi de son Histoire de l'Académie de Batavia.
M. Amyot lit un Mémoire sur l'emploi des langues orien-
tales à la nomenclature de l'histoire naturelle , extrait du Bul-
letin de la Société de géographie (août i846).
670 JOURNAL ASIATIQUE.
OUVRAGES PRÉSENTÉS A LA SOCIÉTÉ.
AliiBenlsa monitorii ocularioramspecimeneâiiit C. A. Hille.
Dresde et Leipzig, i845,in-8*.
Bhagavad Gita, textum recensait Sghlegel. Editio altéra^
cttraCh. Lassen. Bonn, i846, in-8*.
Geschiedkuadig overzigi , etc. (Histoire de TAcadémie des
sciences de Batavia), par Buddingh. Batavia, i8ii6, in-8*.
SÉANCE DU 13 NOVEMBRE 1846^
Le procès-verbal de la séance précédente est lu; la rédac-
tion en est adoptée.
On donne lecture d'une lettre de M. Piddington , qui an-
nonce qu'il a cessé d'être secrétaire-adjoint de la Société de
Calcutta , mais qu'il consent à rester agent de la Société de
Paris à Calcutta. Le conseil lui fait adresser ses remerci-
ments.
On lit une circulaire de M. Shillington, à Londres, qui
demande à être nommé agent de la Société, à Londres, pour
l'envoi d'ouvrages el de manuscrits.
M. Mohl propose Téchange des publications de la Société
asiatique contre celles de la Société orientale allemande. Le
conseil décide que le Journal asiatique sera envoyé k cette
Société , à partir du numéro de janvier i8â6.
ERRATUM PODR LE NUMÉRO ITOCWBRE.
Page 320 , ligne 8 , avant Jl^Ij « lûez: ^L .
FIN DU TOME VIII.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE TOME VIII.
MEMOIRES ET TRADUCTIONS.
PagM.
La rhétorique des nations musuimanes. '( Gârgin de Tassy. )
3" extrait : 89
Etudes sur la Relation des voyages faits par les Arabes et les
Persans dans l'Inde et à la Chine , traduite par M. Rei-
naud. (Éd. Ddlaurier. ) 131
Notices sur les pays et les peuples étrangers, tirées des géo-
graphes et des historiens chinois. ( Stân. Julieft. J 228
Suite 385
Extrait d'un Mémoire géographique, hisforique et scienti-
fique sur rinde. ( Reinâud. ) 285
Histoire du khalife abbaside Al-Mo*tassem , extraite du Traité
de la conduite des rois. ( Cherbonneâu. ) 316
Der Fruhlingsgarten, ou le Béharistan de Djami, traduit en
allemand. ( De Sgulechtâ-Wssehrd.) , 338
Inscriptions trijiingues trouvées à Lebdah. ( Fresnel. ) 34d
Recherches sur trois princes de Nichabour. (Defrémbry.). . 446
Étude sur le roman malay de Sri Rama.— Suite (DozON. ). . 482
Notice d'un manuscrit arabe renfermant une continuation de
l'histoire universelle d'Aboulféda. (Gottwaldt.) 510
Nouvelles observations sur le véritable auteur de l'histoire du
pseudo-Haçan ben Ibrahim. ( Defrébiery. ) 535
CRITIQUE LITTÉRAIRE.
Lettre à M. le Rédacteur en chef du Journal asiatique. (Rei-
NADD.) 221
Notice sur le Dictionnaire détaillé des noms et des vêtements
chez les Arabes, de M. Dozy. ( Defrémery. ) 364
Extrait d'une lettre sur le véritable auteur du Dabistan.
( Bland. ) 371
Notice sur la Grammaire hindoustani de M. Forbes. (Ber-
trand.) 377
Lettres à M. Dulaurier. (Pijnappel.) 555
'f I I
é
^